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• Vba. AUGUSTIN n^ziEK
LES DERNIERS JOURS
BLAISE PASCAL
ÉTUDE HISTORIQUE ET CRITIQUE
AVEC DEUX SIMILIGRAVURES
PARIS
LIBRAIRIE A^T.IFA^E TIONORK CIUMPIOX
5, QUAI MALAQUAIS, 5
I 9 I I
LES DERNIERS JOURS
BLAISE PASCAL
// a été tiré de cet ouvrage 25 exemplaires sur
papier vergé de Hollande, numérotés de 1 à 25.
Masque moitnairc de Bi.aisf. Pascal.
AUGUSTIN GAZIER
LES DERNIERS JOURS
BLAISE PASCAL
ÉTUDE HISTORIQUE ET CRITIQUE
AVEC DEUX S[MILIGRAVURES
PARIS
LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION
5, QUAI MALVQUAIS, 5
I 9 I I
3
LES DERNIERS JOURS
BLAISE PASCAL
La gloire de Pascal est au même litre que celle
de Bossuet ce que Sainte-Beuve appelait une des
religions de la France. On l'a bien, vu naguère, quand
il s est agi de le venger des accusations de plagiat
et de faux. Les réjutcdions ne se sont pas fait
attendre, et elles ont été si nombreuses, si précises, si
accablantes, que r accusateur n'est même pas allé
jusqu'au bout de sa démonstration. Or Pascal est
aujourd'hui l'objet de révélations d'un tout autre
genre : on prétend que l'auteur des Provinciales
s'est rétracté secrètement sur son lit de mort ; on
soutient qu'il a abjuré le jansénisme et qu'il a dit
anathème à ses anciens amis, parce qu'il les avait
en horreur. On ajoute enfin que les jansénistes
furieux ont torturé Pascal mourant, et que depuis
sa mort jusqu'à nos jours ils ont entassé mensonges
sur mensonges, Jaux sur faux, pour cacher à l'uni-
b LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
vers ce grand « secret de Port- Royal ». Gros livres
bourrés de documents, articles de revues, entrefilets
dans les Journaux même sérieux, on a tout jnis en
œuvre ; et nous voyons la calomnie s'insinuer par-
tout suivant les procédés révélés jadis par Pascal.
Il est donc nécessaire de répondre au plus tôt, et
ceux qui ont eu l'occasion d'étudier la vie de
Pascal ou même de publier quelques-unes de ses
œuvres sont dans l'obligation de prendre parti en
cette circonstcmce. Telle est la raison d'être de ce
modeste travail, entrepris cq:)rcs bien des hésitations;
car on ne se résigne pas volontiers à conirister, à
irriter, à exaspérer peut-être ses contradicteurs.
Mais il s'agit de Pasccd, l'honneur de Port-Royal est
en cause, et c'est Pascal qui a dit quelque part :
« Comme c'est un crime de troubler la paix oà la
vérité règne, c'est aussi un crime de demeurer en
paix quand on détruit la vérité. »
M. Ernest Jovy, professeur de rhétorique au
collège de Vitry-le-François et publiciste infati-
gable, vient de mettre au jour un nouvel ouvrage
qu'il a intitulé : Pascal inédit ; II, les véritables
derniers sentiments de Pascal. Il ne faudrait pas
s'imaginer d'après le titre de ce livre que son
auteur ait découvert, soit une Provinciale incon-
nue, soit un faisceau de Pensées nouvelles ; on
serait déçu, car de Pascal inédit il n'y en a pas
une ligne dans ce volume de cinq cents pages ; ce
qui est nouveau et vraiment inédit, et même inouï
{ineditum et inaiiditum), ce sont les conclusions
de l'ouvrage. Ces conclusions, les voici :
i" Lorsque Pascal mourut le 19 août 1662, il
était irrémédiablement brouillé avec Port-Royal
depuis environ deux ans.
2" Pascal s'est rétracté sur son lit de mort ; il a
déclaré au curé de Saint-Étienne-du-Mont qu'il
regrettait de s'être laissé embarrasser dans les
disputes sur la Grâce, et qu'il se soumettait abso-
lument aux décisions des papes Innocent X et
Alexandre Y II.
8 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
3" Les Jansénistes, navrés de celte défection,
ont fait les plus grands efforts pour en dérober
la connaissance au public ; leurs manœuvres
déloyales ont réussi jusqu'au jour où la perspi-
cacité de M. Jovy les a enfin déjouées.
Dans cette (( Affaire » du xvn® siècle, il vient
donc, nous dit-on, de se produire un « fait nou-
veau », c'est la découverte des Mémoires inédits
du génovéfain Beurrier, curé de Pascal en 1662.
M. Jovy n'hésite pas à déclarer que ces précieux
Mémoires réduisent à néant toutes les assertions
mensongères des biographes de Pascal, y compris
Madame Périer, sa sœur, et des historiens de
Port-Royal, y compris Racine,
On pourrait croire que c'est un simple jeu
d'esprit, et que M. Jovy fait de l'histoire fan-
taisiste, comme Michelet parfois, comme tel
autre de nos contemporains, homme d'imagina-
tion, qui naguère nous a montré Bossuet lancé
par les Jansénistes à la poursuite de l'infortuné
Fénelon, et qui du reste a tout de suite accepté
les conclusions de M. Jovy. Mais non, M. Jovy
ne plaisante pas, loin de là ; il est même fort
en colère, et le ton de sa polémique est d'une
extrême violence ; il déverse continuellement
sur les gens de Port-Royal les plus grosses
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL Q
injures : on croirait lire du Loriquet, du Varin,
ou du Veuillot des plus mauvais jours. Il ne sau-
rait être question de le suivre dans cette voie, et
de lui opposer, par exemple, le terrible démenti
donné dans la XY" Provinciale ; il serait infiniment
plus agréable de pouvoir lui dire, avec Pascal
encore : « Vous sentirez la force de la vérité, et
vous lui céderez. » D'ailleurs cette réfutation du
livre s'adresse à ses lecteurs éventuels, au public,
notre maître à tous. Je me contenterai donc de
reprendre une à une les assertions nouvelles de
M. Jovy, et je chercherai à rétablir simplement
les faits, en procédant avec méthode, et en
suivant l'ordre des temps.
Le premier chapitre, ou pour mieux dire le
premier recueil de ces « Notes discursives « a pour
titre, mais seulement à la table des matières :
Pourquoi Pascal a-t-il cessé la guerre des Provin-
ciales ? On savait depuis fort longtemps que
Pascal s'est arrêté brusquement, en plein succès,
alors qu'il avait ébauché une XIX" Provinciale
bien sévère, et qu'il en avait annoncé une XX^.
J'ai cru pouvoir affirmer jadis que Pascal s'est
arrêté, sans doute au moment de la communion
lO LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
pascale, Pâques tombait en lôSy le i"' avril,
pour des raisons de conscience qui lui font le plus
grand honneur; probablement parce que Singlin,
et surtout la Mère Angélique, jugeaient que cette
façon de défendre Port-Royal n'était pas conforme
au précepte divin de l'amour des ennemis. Natu-
rellement M. Jovy n'est pas de cet avis. Si
Pascal s'est arrêté, dit-il, c'est parce que ses sen-
timents étaient changés ; il n'avait plus foi en
Port-Royal, il cessait d'être en révolte contre le
pape, et il craignait Louis XIV. Or il est notoire,
ajoute M. Jovy, que les jansénistes n'avaient
aucun respect pour le pape, et qu'en politique
c'étaient des révolutionnaires. Cela doit être, car
le Père Rapin l'a dit, Magisfer dixit, et aux
yeux d'une certaine école, les Mémoires du jésuite
Rapin font autorité. Pour bien établir que ces
raisons diverses ont arrêté Pascal en avril 1657,
l'auteur du nouveau livre énumère complai-
samment (pages 22 et suivantes) les condamna-
tions des années 1667, i658, 1609, 1660 et 1661.
Autant vaudrait soutenir que la mise à l'index
des Provinciales, le 6 septembre 1657, et leur
condamnation par un arrêt du Conseil du roi,
le 28 septembre 1660, ont arrêté Pascal cinq
mois avant la mise à l'index, et plus de trois
LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL I I
ans avant l'aiTct du Conseil. C'est peut-être que
Pascal, en sa qualité d'homme de génie, avait le
don de prophétie ; mais ces difficultés de détail
n'arrêtent pas l'impétuosité de M. Jovy. La chro-
nologie lui importe si peu qu'il attribue aux
Enluminures de Le Maître de Sacy, publiées en
i65/i, bien avant le célèbre Entretien sur Épictète
et Montaigne, une influence probablement décisive
sur la cessation des Provinciales en iGSy.
En somme ce premier chapitre n'est pas bien
méchant ; ce qu'on en peut dire de mieux, c'est
qu'il ne prouve rien du tout, et qu'il laisse les
choses en l'état. >»ous allons voir Pascal prêcher
en 1661 la résistance au pape, et depuis longtemps
on a repoussé victorieusement l'accusation de
révolte articulée contre les jansénistes ; on a
démontré que les confesseurs jansénistes refu-
saient d'absoudre les frondeurs, et que Louis XÏV
n'a jamais eu de sujets plus fidèles que les gens
de Port-Royal. Arnauld lui-même, la bête noire
de M. Jovy, « le vieux Tartuffe, » a toujours
poussé à l'excès, avec une naïveté d'enfant, son
amour pour le monarque trompé qui le persé-
cutait.
T2 LES DERNIERS JOURS DE BL.VISE PASCAL
Venons à la grosse affaii^e de 1661, à ce que
M. Jovy, après Ilermant, Nicole et Racine, appelle
les « Guerres civiles de Port-Royal » . 11 est par-
faitement exact que la question du Formulaire a
jeté le trouble parmi les défenseurs de la Grâce
efficace, et qu'elle les a profondément divisés,
beaucoup plus même que ne le dit M. Jovy; il
n'a pas étudié à fond cette partie de notre histoire
religieuse. Lorsque les grands- vicaires du car-
dinal de Retz publièrent, le 8 juin 1661, leur
premier mandement pour la signature du fameux
formulaire d'Alexandre VII, mandement qui
exigeait « la croyance pour la décision de foi »,
et « le respect entier et sincère à l'égard des
faits, >) les théologiens de Port-Royal furent
loin d'être d'accord sur le parti qu'il fallait
prendre. Arnauld, Nicole, Martin de Barcos et
Singlin étaient pour la signature ; Pascal, Domat,
Guillaume Le Roy, le docteur Perrault, Claude
de Sainte-Marthe, Lancelot, Varet, et beaucoup
d'autres, car leurs noms rempliraient une page
entière, au dire de Varet, étaient d'un avis con-
traire. Le fougueux Varet, grand-vicaire de l'ar-
chevêque de Sens Gondrin, proposait même de
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL l3
publier à ce sujet de nouvelles Lettres provinciales,
au nombre de cinq, et il en dressait le plan. Les
écrits se multipliaient départ et d'autre. Plusieurs
d'entre eux sont demeurés manuscrits ; quelques-
uns ont été imprimés, et M. Jovy aurait pu en
trouver de fort curieux dans un recueil in-12
publié en 1754 « à Avignon, chez Pierre Verax,
à l'enseigne de la Sincérité. » Au lieu de réim-
primer en cent pages un opuscule qu'il croit
dirigé contre Arnauld par un ami de Pascal, et
qui est bel et bien d'Arnauld lui-même contre le
docteur Sainte-Beuve', il aurait mieux fait de
rééditer quelques-unes des lettres de Varet et de
Sainte-Marthe ; elles sont fort belles, et tout à fait
conformes aux senliments de Pascal.
Il ne s'agit pas ici d'entrer dans le vif de la
discussion, et de savoir qui avait tort ou raison ;
mais il ressort des citations mêmes que M. Jovy
emprunte aux Mémoires d'Hermant, que les
esprits étaient singulièrement échauffés et les
têtes bien montées durant les derniers mois de
I. Cet écrit sur la Signature, inséié dans les œuvres com-
plètes d'Arnauld, a été imprimé au moins trois fois, et les
contemporains savaient bien qu'il avait été fait chez
Madame Angran par le célèbre docteur. J'en ai sous les
yeux l'édition originale in-4°.
l4 LES DERNIERS JOURS DE BLAISR PASCAL
1661. Mais conclure de là, comme le fait si allè-
grement notre honoiable contradicteur, que
Pascal rompit avec Port-Royal tout entier en
1661, c'est faire œuvre de romancier. C'est même
risquer de choquer le sens commun ; car on ne
voit pas pourquoi Pascal aurait rompu avec cer-
tains port-royalistes qui étaient absolument de
son avis, et le nombre en était assez grand pour
constituer une imposante majorité. Raisonner
comme le fait M. Jovy, c'est ne rien comprendre
aux sentiments qui animaient les grands chré-
tiens de Port-Royal. L'examen du Recueil de
1754, ou même le récit des querelles intestines
de i663 tel qu'on le trouve dans le sixième et
dernier volume d'Hermant, montrent à quels
€xcès de langage se portaient les Messieurs de
Port-Royal, héritiers des grands batailleurs du
xvi" siècle, sans que pour cela les liens de leur
amitié vraiment chrétienne fussent jamais rom-
pus. L'intransigeance que montrait Pascal quand
il se refusait à des concessions qu'il appelait des
prévarications et des lâchetés, c'est Arnauld qui
en fait preuve à son tour lors des conférences
de i663, et Singlin le pacifique, l'adversaire de
Pascal en 1661, s'en scandalise et s'en irrite, et
il écrit à l'illustre docteur les lettres les plus
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 10
dures. Il va même jusqu'à la brutalité quand il
parle de Sainte-Marthe, qui redisait alors ce
qu'avait dit Pascal en 1661. «J'ai trouvé fort à
redire, écrivait-il, à la conduite de M. de Sainte-
Marthe, qui s'imagine que l'on ne saurait trop
s'opposer à ce que nous avons fait, et qui est
cause en partie du grand vacarme qui est arrivé
entre vous... En cette rencontre, il n'a gardé
aucune mesure. Il est vrai que j'ai peine à le
supporter, et ses semblables, quand je vois ces
excès d'emportement '... » A ces violences, Ar-
nauld répondit avec une grande mansuétude ;
il n'en résulta ni rupture ni brouillerie entre
lui et ses contradicteurs. Les uns et les autres
n'ont jamais cessé de se donner à l'occasion les
témoignages d'une parfaite estime et d'une pro-
fonde affection. Et l'on veut que Pascal, non
moins humble que les autres, ait fait exception !
Pour affirmer qu'il se brouilla définitivement
avec Port-Royal tout entier, qu'il n'eut après le
mois d'octobre 1661 que de ci l'aversion » pour
les misérables qui avaient « abusé, bourrelé,
tué » sa sœur Jacqueline, il faudrait autre chose
I. Hermant, Mémoires, lome VI, p. 468. 11 faut lire cette
longue lettre de Singlin pour bien comprendre ce que
Pascal a dû souffrir en octobre 1G61.
l6 LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL
que des phrases visant à l'éloquence, il faudrait
des faits précis, et jusqu'à cet endroit de son
livre M. Jovy n'en a pas établi un seul.
Dans la suite de ses « Notes discursives », il va
s'efforcer d'en présenter le plus possible ; suivons-
le donc pas à pas, de manière à bien voir ce que
vaut sa démonstration. Mais pour cela il faut
sauter cinquante pages, et négliger les digressions
relatives à la signature du docteur Sainte-Beuve,
de Duhamel et de quelques autres augustiniens.
11 faut omettre également le chapitre consacré
aux Pensées de Pascal, dans lequel se trouve une
singulière bévue ^
C'est avec le récit de la mort de Pascal que com-
mence la série des « faits nouveaux » relatés ou
imaginés par le nouveau pascalisant. Ceux qui
ont lu jusqu'ici la Vie de Pascal par Madame
I. M. Jovy, transcrivant cette admirable pensée : « Il y a
plaisir d'être dans un vaisseau battu de l'orage lorsqu'on
est assuré qu'il ne périra point », la croit inspirée par un
passage de Grotius sur la joie de ceux qui « du port en
considèrent d'autres qui sont cncoi-e dans la tempête ». Les
deux pensées se ressemblent comme le jour et la nuit, et
la seconde ne fait que traduire Lucrèce : Suave mari
magno...
LES DERNIERS JOURS DE BLÂISE PASCAL 17
Périer, et Dieu sait s'ils sont nombreux, étaient,
au dire de M. Jovy, des gens « indifTércnts et
superficiels » ; ils n'ont rien vu de ce qu'il faut
y voir, de ce qu'y découvre M. Jovy. La fin de
Pascal a été tout simplement affreuse, on lui
a fait souffrir le martyre : i° Les jansénistes, ces
ennemis déclarés de l'eucharistie ^ ont tenté
l'impossible pour l'empêcher de communier.
2° Ils ont tâché d'écarter de son chevet le curé de
Saint-Étienne-du-Mont, qui n'était pas janséniste.
En un mot « ils ont environné Pascal de tant de
Gontrariélés et de douleurs qu'il renfermait en
lui, qu'on peut affirmer qu'il allait sans doute
mourir, mais que Port-Royal l'a tué. » (P. 261.)
Voilà qui tourne au tragique, et cependant le
touchant récit de Gilberte, confirmé dans ses
parties essentielles par la lettre de Wallon de
Beaupuis -, est d'une clarté parfaite. Pascal, qui
habitait près de la porte Saint-Michel, est entré
1. Sainl-Cyran, écrivant de Vincennes à l'un de ses péni-
tents, lui permet de communier tous les jours. La Fréquente
Commfmiort d'Arnauld conclut, si la chose est possible, à la
communion quotidienne ; Mathieu Feydeau avait à Saint-
Merry une pénitente qu'il faisait communier tous les
jours, et enfin les religieuses de Port-Royal communiaient
plusieurs fois par semaine. N'importe, ne faut-il pas que
la calomnie poursuive son chemin ?
2. V.les Mémoires d'Hermant^ tome V, p. 5i5.
2
Ib LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL
chez les Périer le 29 juin 1662. Dès qu'il se sentit
gravement atteint, « et avant même d'être alité »,
dit Madame Périer, il envoya quérir le curé de
Saint-Étienne. Voilà un premier fait bien établi ;
Pascal n'est pas allé en personne chercher le
P. Beurrier à Sainte-Geneviève, c'est donc Gil-
berle qui l'a fait venir, et cela dès la première
alerte. Pascal se confessa, et témoigna le désir de
communier, mais la chose fut différée, de l'avis
même du curé. Si M. Jovy connaissait les pres-
criptions de l'ancien Rituel de Paris, il saurait que
la « communion des infirmes » ne se faisait pas
avant la Révolution avec la même facilité qu'au-
jourd'hui. De nos jours, le prêtre prend dans le
tabernacle une hostie consacrée, et il se rend tout
seul, du moins en plein jour, au domicile des
malades. En 1662, le saint sacrement était porté
en procession par un prêtre spécial, le « porte-
Dieu » de la paroisse, accompagné du curé et de
plusieurs clercs, dont l'uti agitait une clochette.
Les fidèles s'agenouillaient sur son passage,
comme le fera un jour, malgré la boue, Louis XV
en personne; d'autres suivaient la procession,
et entraient dans la chambre du malade. Il est
aisé de comprendre que Pascal, sa famille, ses
amis, et le curé même aient été d'avis de différer,
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL IQ
alors que les médecins disaient en propres
termes : « Il n'y a pas la moindre ombre de
danger. > Mêmes difllcultés quand il- s'agit, quel-
ques semaines plus tard, ou de viatique, ressource
suprême dans les cas désespérés, ou de commu-
nion aussitôt après minuit, parce que Pascal
épuisé ne pouvait demeurer quelques heures à
jeun. On était si loin d'opposer au cher malade
une lin de non-recevoir absolue qu'aussitôt après
la grande convulsion finale, en pleine nuit, on
courut chercher le curé; il vint, donna le via-
tique au mourant et lui administra aussitôt
l'extrême-onction. Pascal mourut comme un
saint, dans un transport d'amour divin, dans une
extase comparable à celle du 23 novembre i654 ^
Voilà l'exacte vérité. Il suffit donc, et c'est
chose facile, de réfuter la première assertion du
nouvel historien pour détruire du même coup la
I. Si M. Jovy avait jamais conlcaiplé le masque mor-
iuaire qui est au musée do Port-Royal, il aurait pu remar
quer sur cette face vraiment auguste ce que tout le monde
y remarque, la trace incfTarable d'une parfaite sérénité.
Et ce moulage, c'est Gilberfe qui l'a fait exécuter, en
attendant le portrait que fit plus tard le peintre Quesnel.
La contemplation du masque mortuaire de Pascal a été
l'une des dernières joies do Sully-Pi'udhomme, du grand
peintre Albert Maignan, et de l'illustre philosophe a méri-
•cain William James.
20 LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL
seconde. On voit en effet par ce qui vient d'être
dit que le curé de Saint-Étienne-du-Mont est
venu assez souvent visiter Pascal entre le ^9 juin
et le 19 août 1662. Madame Périer ajoute même
qu'elle est allée spontanément le trouver au sujet
d'un malade que Pascal voulait voir soigner dans
sa propre chambre. Le Rituel exigeait que les
mourants eussent recours « à leur propre pas-
teur», or le Père Beurrier était le curé de la
paroisse où habitaient les Périer ; Pascal, devenu
accidentellement paroissien de Saint-Étienne-du-
Mont, et demandant par testament à être inhumé
dans cette église, ne faisait qu'obéir aux prescrip-
tions du Rituel en appelant à son chevet le curé
de Saint-Étienne. S'il était mort chez lui, sur la
paroisse Saint-Cosmc, il eût appelé le curé de
Saint-Cosme, Noël de Bry, au lieu d'appeler le
P. Beurrier. Épiloguer sur des faits comme ceux-
là, c'est véritablement chercher midi à quatorze
heures.
Ce qui suivit immédiatement la mort de Pascal
est embrouillé comme à plaisir par M. Jovy. 11
dit en effet, sans apporter aucune preuve à l'appui
de celte affirmation : « Le bruit se répandit alors
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 21
(c'est-à-dire vers la fin de l'année 1G62) que
Pascal, dans ses derniers moments, avait abjuré
le jansénisme. » C'était bien le cas de citer ses
auteurs ; au lieu de ressasser en cinquante pages
les inepties et les récits fantaisistes de Rapin ^
M. Jovy aurait rendu un service signalé aux
études historiques s'il avait apporté un fait, —
je dis un seul, — pour étayer sa déclaration. Si
Pascal aAait « abjuré le jansénisme, n comment
expliquer que les jansénistes de marque aient
adressé à Gilberte Périer des lettres si pleines
d'estime, d'admiration, de vénération pour le
frère qu'elle venait de perdre ? Ils auraient tout
au plus considéré Pascal comme un juste auquel
la grâce avait manqué, et voilà que la Mère Agnès
parle de sa mort toute chrétienne et toute sainte,
et que, ne séparant pas Biaise de l'incomparable
Jacqueline, elle ajoute qu'ils étaient l'un et l'autre
« riches des dons de Dieu. » L'austère de Sacy
admire également sa fin si chrétienne ; plusieurs
autres s'expriment en termes analogues, et
I. Les citations de Rapin ont pourtant du bon : il faut
voir de quelle façon ce bon Père traite Beurrier, parce qu'il
n'a pas exigé de Pascal mourant un désaveu des Provin-
ciales. Il n'y a guère que Clément IX, l'auteur de la Paix
de 1669, qui soit aussi malmené par ce jésuite qui avait
fait vœu d'obéissance au pape.
22 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
Arnauld d'Andilly, le chef de la famille Arnauld,
écrit deux lettres qui décernent à Pascal mourant
un brevet de jansénisme en bonne forme,
puisque l'on y parle de o son ardent amour pour
la vérité ^ » .
Je pourrais citer beaucoup de témoignages
semblables; je me contenterai d'ajouter qu'An-
toine Arnauld, d'autant plus soigneusement
caché en 1662 qu'il avait risqué sa liberté, sa vie
peut-être, en allant faire visite à Pascal mourant,
contracta dès lors une liaison très étroite avec les
Périer. Les letlres qu'il adressa en divers temps
aux membres de cette famille sont remplies de
protestations d'estime, d'atîection, et même de
a tendresse. » Arnauld reportait sur les héritiers
de Pascal les sentiments qu'il avait toujours eus
pour Pascal lui-même.
I. M. Jovy a publié ces deux lettres dans son premier
volume, intitulé Pascal inédit (p. 421-422) ; il a fait dans la
seconde une grosse faute de lecture en transcrivant plaisirs
au lieu de déplaisirs. Ces documents étaient connus depuis
plus de 60 ans, car on avait dépouillé, bien avant la nais-
sance de M. Jovy, le ms. de Troyes, n° 2371, de même que
lems. i485 du Supplément français (aujourd'hui 12988).
A la fin de son Biaise Pascal, Victor Cousin en a dressé la
table des matières; les travaux de Cousin, de Faugère et de
M"' Rachel Gillet ne laissaient pas beaucoup de décou-
vertes à faire, on s'en aperçoit.
LES DERMERS JOURS DE BLAISE TASCVE 20
On peut défier le nouvel historien de citer une
seule note discordante, dans ce concert de regrets
et d'éloges sans restriction, avant la fin de
i66/j. Et cependant le public savait dès 1662 que
feu M. Pascal était Louis de Montalte, l'auteur des
Provinciales. Le Blasii Paschalis tumulus, que
Beurrier a transcrit inexactement dans ses Mé-
moires (v. Jovy, page /igg) ^ et dans lequel Pascal
est identifié avec Montalte, était une épitaphe,
non pas manuscrite, mais imprimée; j'en ai sous
les yeux un exemplaire (^ pages in-4°), et il porte
la date de 1662. Enfin, dans un opuscule de
78 pages in-Zi" intitulé Octave, ou Dialogues fami-
liers sur les disputes du temps (iG63), il est fait
mention des Provinciales avec les plus grands
éloges, et les Jésuites par contre y sont assez mal-
menés. Si donc les bons Pères avaient su alors
que leur ennemi le plus redoutable s'était amendé,
déjugé, et finalement rétracté avant de mourir,
ils n'auraient pas manqué de faire grand bruit
de cette palinodie ; il n'est jamais question de
Pascal dans les nombreux écrits que suscita
I. On y lit œterne, au lieu d'œlernum ; la copie supprime
le pentamètre grec de la fin, et elle fait mourir Pascal
dix jours trop tôt ; Beurrier a traduit XIV Kalend. Sept,
par die nona Augusti.
24 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
en i663 et l'année suivante le projet d'accom-
modement de l'évêque de Comminges.
C'est seulement le 7 janvier i665, dix-sept mois
après la mort de Pascal, que le bruit de sa rétrac-
tation in extremis, de ce que M. Jovy appelle son
« abjuration du jansénisme, » put commencer à
se répandre, à la suite d'une entrevue du
P. Beurrier et de l'archevêque de Paris. Le curé
de Saint-Étienne-du-Mont n'était pas janséniste,
pas plus que le propre pasteur de Pascal, Noël de
Bry, curé de Saint-Gosme. Mais ces deux prêtres
avaient signé les fameux Écrits des curés contre
les casuistes, factums dont quelques-uns sont
indubitablement de Pascal ; tous deux avaient
en outre signé, en 1661, une Défense imprimée
du premier Mandement des grands-vicaires,
lequel passe encore aujourd'hui pour avoir été
rédigé par Pascal. Beurrier n'était ni janséniste,
ni moliniste, et cet homme de bien ne chei'chait
querelle à personne. Il fut donc vivement con-
trarié lorsque le nouvel archevêque de Paris,
Hardouin de Péréfîxe, le fit comparaître devant
son tribunal, au mois de décembre i664, et lui
posa à brûle-pourpoint des questions troublantes.
Poussé par des gens dont la haine n'épargnait
pas les vivants et ne respectait pas les morts,
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 2D
l'archevêque dit au curé qu'il voulait enlever de
Saint-Étienne-du-Mont l'épitaphe de Pascal, peut-
être même déterrer son corps, et jeter à la voirie
cet impie qu'on lui disait être mort sans sacre-
ments. Le P. Beurrier rapporte le fait dans ses
Mémoires, et s'il pouvait être établi que les
Mémoires de Beurrier sont absolument dignes de
foi, la chose serait bien curieuse; elle montrerait
à quelles lâchetés, à quelles indignités la peur des
Jésuites pouvait entraîner cet archevêque de
Paris qui n'était pas un méchant homme. Déterrer
Pascal, c'eût été préluder aux exhumations de
Port-Royal et aux enfouissements du cimetière de
Saint-Lambert. Péréfixe croyait que Pascal était
»
mort en libertin ; il ne le savait donc pas converti
au molinisme, et les Jésuites qui en voulaient
même à son cadavre ne le savaient pas davantage
en 1664 ; la conséquence est rigoureuse.
Le curé de Saint-Etienne-du-Mont rendit hom-
mage à la vérité ; il déclara que Pascal était mort
en très bon chrétien, très soumis au Souverain
Pontife et à l'Église ; il ajouta même que plusieurs
semaines avant sa mort il s'était, — non pas
rétracté, ce mot n'est jamais venu sous la plume
de Beurrier, — mais a retiré prudemment, depuis
deux ans, des disputes et contestations » sur les
26 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
matières de la Grâce. A ces mots, l'attention de
Péréfixe fut éveillée ; il exigea que Beurrier attestât
par écrit la vérité de ses affirmations, et de là
sortit le fameux certificat du 7 janvier i665. Le
voici tout entier ; je le transcris sur une copie
manuscrite de 1678, conservée jusqu'en 1709
dans les archives de Port-Royal des Champs * :
Déclarcdion de M. V Archevêque louchant
M. Paschal (sic).
« Aujourd'hui 7* janvier i665, Nous, Hardouin
de Péréfixe, archevêque de Paris, sur ce que nous
aurions appris que M. Pascal, lequel avait la
réputation d'avoir été fort attaché au parti des
Jansénistes, était décédé dans la paroisse de
Saint-Étienne, et qu'il y était mort sans recevoir
les sacrements, avons désiré savoir de M. Paul
Beurrier, religieux de Sainte-Geneviève et curé de
I. C'est une copie qui semble bien avoir été faite par un
clerc de notaire. On l'a insérée en 1704 dans un Recueil de
pièces relié par une religieuse à Port-Royal même. Ce volume
fait partie de la collection des pièces originales que Mademoi-
selle de Joncoux s'est fait donner par d'Argenson lors de la
destruction de Port-Royal.
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 27
Saint-Étienne, si ce qu'on nous en avait rapporté
était véritable, et s'il était vrai qu'il fut mort
attaché au parti des Jansénistes. Sur quoi ayant
ledit sieur curé de Saint-Étienne été sommé* de
dire la vérité, après l'avoir promis, a répondu
qu'il avait connu ledit sieur Pascal six semaines
avant son décès, qu'il l'avait confessé plusieurs
fois, et administré le saint viatique et le sacre-
ment d'extrême- onction, et que dans toutes les
conversations qu'il a eues avec lui pendant sa
maladie, il a remarqué que ses sentiments étaient
toujours fort orthodoxes, et soumis parfaitement
à l'Église et à notre Saint Père le Pape. De plus,
il lui a témoigné dans une conversation fami-
lière qu'on l'avait autrefois embarrassé dans le
parti de ces Messieurs, mais que depuis deux ans
il s'en était retiré, parce qu'il avait remarqué
qu'ils allaient trop avant dans les matières de la
Grâce, et qu'ils paraissaient avoir moins de sou-
mission qu'ils ne devaient pour notre Saint Père
le Pape. Que néanmoins il gémissait aussi de ce
qu'on relâchait si fort la morale chrétienne, et
que depuis deux ans il s'était tout à fait attaché
I. On a corrigé ici de la manière suivante : « Sur quoi
ayant interrogé le dit curé de Saint-Etienne et sommé... »
La première rédaction était bonne.
28 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
aux affaires de son salut, et à un dessein qu'il
avait contre les athées et politiques de ce temps
en matière de religion. Enfin a déclaré qu'il
était mort en fort bon catholique, et après que
lecture lui a été faite de ce que dessus, a signé sa
déclaration contenir vérité. Donné à Paris, le
jour et an que dessus. Ainsi signé avec parafe,
f. P. Beurrier. »
En signant cette déclaration, le curé de Saint-
Etienne demanda qu'elle fût tenue absolument
secrète, et l'archevêque le lui promit ; il le lui
jura même, se réservant seulement de la faire
voir aux religieuses de Port-Royal pour les amener
à composition. On a de nombreuses Relations
écrites par ces religieuses, et l'on y voit quePéré-
fixe ne leur ménageait ni les visites, ni les dis-
cours, ni les injures ; mais il ressort d'un examen
très attentif de ces Relations, manuscrites et par-
fois autographes, ou imprimées, que jamais,
même au plus fort de la persécution, à Port-
Royal ou dans les couvents qui servaient de
prison aux religieuses, Péréfixe ne leur a montré
le certificat du P. Beurrier. Il savait trop bien
ce qu'elles lui auraient répondu.
Mais en revanche il en donna au confesseur du
roi une copie signée de sa main, et le P. Annat,
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 20
qui s'était vu en si mauvaise posture au temps
des dernières Provinciales et depuis, crut qu'il
prendrait une revanche éclatante s'il communi-
quait au public une si belle découverte. 11 le fit
au commencement de 1666. Publieuit alors un
grand écrit en plusieurs chapitres dont j'ai le
texte sous les yeux, il y parla (page 96) des
<( bouffonneries du secrétaire de Port-Royal » et
il ajouta : « Mais pour celui-ci [on lit même
cetui-ci], il faut que je lui rende cette justice de
publier ce qu'il dit. hors de confession 1, à celui
qui l'assista en la maladie dont il mourut :
Que depuis environ deux ans il s'était retiré de ce
parti, pour avoir reconnu que ces théologiens allaient
trop avant dans les matières de la Grâce, et n'avaient
pas assez de soumission et de respect pour le Saint-
Siègeetpour l'Église. Mgr l'Archevêque en a la décla-
ration écrite eî signée de la main de ce directeur,
et j'en ai une copie signée de la main de
Mgr l'Archevêque. » Notons eu passant que le
P. Annat, si sévère pour les citations prétendues
inexactes, incomplètes ou tronquées des Provin-
ciales, citait Beurrier dune manière peu exacte,
I. Voilà un distinguo qui vaut son pesant d'or, le con-
fesseur ayant demandé i^our cette confidence de son péni-
tent le secret le plus absolu.
3o LES DERNIERS JOLllS DE BLAISE PASCAL
et qu'il supprimait ce qui dans la déclaration
était relatif à la morale relâchée des Jésuites.
Mais peu importe pour le moment. Le voilà donc
connu dès 1666, sans qu'on eût alors besoin de
recourir aux Mémoires futurs du curé Beurrier,
ce (i fait nouveau » dont on triomphe aujourd'hui
si bruyamment I
Voyons la suite de ces révélations, si fâcheuses
pour les Jansénistes. On imprima sans tarder
une Réfutation du nouveau livre du P. Annat, et
à la page 78 de cette Réfutation l'on inséra une
Lettre d'un théologien, datée du i5 juillet 1666,
qui mettait les choses tout à fait au point.
M. Jovy a pris la peine d'analyser brièvement
cette lettre fort curieuse, qui pourrait être de
Nicole ou de Lalanne, et j'ai le regret de constater
que son analyse est très infidèle et porte complè-
tement à faux. Il dit (p. [\it\) que l'écrit en
question « contient une critique sanglante des
procédés que Pascal employait > en 1661-1662.
Il dit ensuite en propres termes : « Pascal n'a
écrit sur le jansénisme que des histoires fabu-
leuses. Il avait même composé là-dessus des
dialogues où l'on faisait dire de part et d'autre
aux gens des choses dont il n'avait jamais été
parlé. » Ceci est grave, car les Promnciales sont
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 01
visées directement ; or il n'y a rien de semblable
dans la Lettre du théologien (p. 82 de l'édition
originale). Après avoir dit que Pascal, disputant
contre Arnauld à la fin de 166 1 et au commen-
cement de 1662, « se contenta des mémoires que
lui fournissaient quelques-uns de ses amis, qui
ne regardaient pas d'assez près aux passages dont
ils les composaient », le théologien ajoute :
« Secondement, ils ne savaient presque rien
de la manière dont les choses s'étaient passées à
Rome, le Journal de M. de Saint-Amour n'étant
pas encore imprimé ; ni même de ce qui s'était
fait à Paris où ils n'avaient eu aucune part ; ce
qui leur a donné lieu d'en faire des histoires
toutes fabuleuses qui servent de fondement à ces
prétendues contrariétés, et de composer des dia-
logues oii l'on fait dire aux gens de part et d'autre
des choses dont il n'a jamais été parlé. » A qui donc
en veut ici l'auteur de la lettre ? Évidemment à
Domat et à ceux qui documentaient Pascal, inca-
pable de faire alors les recherches nécessaires. Il
ne s'agit nullement de Pascal dans ce passage, et
la méprise, si méprise il y a, est impardonnable.
Heureusement que M. Jovy, en sa qualité de
compilateur, ou si l'on veut d'éditeur convaincu,
associe constamment les contraires, sauf à fournir
02 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAi
ainsi des armes contre lui. IL suffit pour le con-
fondre de comparer ses assertions de la page 4i4
avec ses transcriptions de la page 422. Qu'on lise
dans son livre le texte de cette Lettre d'un théolo-
gien (elle est copiée assez exactement, et les
fautes de lecture n'y sont pas très nombreuses),
et l'on verra que les Messieurs de Port-Royal ont
montré avec une loyauté parfaite, en juillet 1666,
la nature du désaccord qui s'était produit entre
Pascal et Arnauld en novembre 1661, Voici d'ail-
leurs, à litre de réponse au certificat de Beurrier,
les deux derniers alinéas de la Lettre du théolo-
gien (p. 84) :
« Les soupçons mêmes que [M. Pascal] avait
conçus du relâchement de Messieurs de Port-Royal
se dissipèrent entièrement avant sa mort, et la
fermeté que les religieuses firent paraître en
refusant [de signer ?] le troisième mandement
dressé par les grands- vicaires du Chapitre l'obligea
de reconnaître qu'il n'avait point [c'est-à-dire
qu'il n'aurait point] dû les accuser de faiblesse.
Aussi, quoique cette diversité de sentiments n'ait
jamais interrompu le commerce d'amitié qu'il
avait avec ces Messieurs, leur union parut néan-
moins d'une manière toute particulière durant
sa dernière maladie. M. Arnauld, qui était alors
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL OÔ
à Paris, lui rendit visite, et M. Pascal le reçut
avec toute sorte de témoignages de tendresse et
d'affection. Il se confessa plusieurs fois à M. de
Sainte-Marthe au cours de son mal, et la veille
même de sa mort, n'ayant pas cru, en ce temps
où l'on a moins d'égards que jamais à toutes les
considérations humaines, pouvoir choisir une
personne qui lui pût être plus utile pour le bien
de sa conscience.
« Voilà, Monsieur, un récit abrégé de toute
cette histoire : je ne m'arrête pas à vous en pro-
duire des preuves ; parce que je n'ai qu'à vous
renvoyer pour cela aux amis particuliers de
M. Pascal, qui vous en confirmeront la vérité. Il
est vrai qu'il paraît par là qu'il n'y eut jamais
rien de pris plus à contre-sens que ce que M. le
curé de Saint-Etienne a rapporté de sa disposition ;
mais il parait en même temps qu'il lui a été très
facile de tomber innocemment dans cette sur-
prise. Car ayant ouï dire à M. Pascal qu'il avait
eu depuis deux ans quelque contestation avec ces
Messieurs sur les matières de la Grâce et sur le
respect qui était dû au pape, comme le commun
du monde les accuse plutôt de manquer de sou-
mission que d'en avoir trop, il a pu croire aisé-
ment que c'était ce que M. Pascal reprenait en
3
34 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
eux, au lieu qu'il ne les a jamais blâmés que d'un
excès de condescendance envers le pape et les
évêques, qui sont des défauts dont le reproche
même leur est glorieux, puisqu'étant accuses par
d'autres d'un défaut contraire, c'est une grande
marque qu'ils sont demeurés en ce point là dans
les bornes d'une juste modération. Je suis, etc.
Ce i5 juillet 1G66. »
Une autre Lettre d'un théologien, transcrite en
partie par M. Jovy et datée du 22 décembre i665,
antérieure par conséquent à la précédente, avait
déjà dit la même chose en termes plus concis.
Elle avait victorieusement réfuté le docteur
Chamillard, ce « lâche et cruel persécuteur »,
comme aurait dit l'auteur des Provinciales, que
Péréfîxe avait imposé à titre de supérieur aux
religieuses de Port-Royal. Celle du i5 juillet
produisit un efTet plus grand encore : ni Annat,
ni Péréfîxe n'osèrent rééditer ce conte ridicule
d'une rétractation de Pascal. Toutefois Chamillard
fît exception ; à son libelle de i665 il en joigni*
un second en 1667, et il y glissa (p. 120) le petit
entrefilet que voici :
« Je ne sais pas si le différend que les Jansé-
nistes curent avec M' Pasqual (sic) rompit entiè-
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 35
rement l'union qu'il avait avec eux. Mais je sais
bien que M. le curé de Saint-Étienne a déclaré
juridiquement, dans une déposition qu'il a faite
entre les mains de Mgr l'Archevêque de Paris,
que M. Pasqual, son paroissien, lui avait
déclaré... (suit le texte de Beurrier déjà cité).
J'ai vu l'original de cette déposition, qui est
entre les mains de Mgr l'Archevêque de Paris,
signée Beurrier et datée du 7* de janvier i665. »
L'audace de Chamillard fut aussitôt réprimée, et
par qui ? par Claude de Sainte-Marthe en per-
sonne, dans un écrit très remarquable à tous
égards, intitulé ; Dejfense des religieuses de Port-
Royal et de leurs directeurs sur tous les faits allé-
gués par M. Chamillard, docteur de Sorbonne,
dans ses deux libelles contre ces religieuses,
adressée aa même M. Chamillard, 1667. Je ne
vois pas que cette vigoureuse réplique en 176
pages in-4'' ait été utilisée par M. Jovy, et c'est
grand dommage. Elle méritait les honneurs
d'une réimpression, car elle a beau être anonyme,
elle est pour ainsi dire signée à toutes les pages ;
et voici ce que l'on peut lire à la page 36 :
(( Je ne vous aurais point donné d'autres
exemples sur ce sujet, si vous même ne m'aviex
fourni une nouvelle preuve pour montrer com-
36 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
bien on doit être réservé à parler des morts qui ne
peuvent plus expliquer leurs sentiments. Je vous
dis cela à l'occasion du fait de M. Pasclial (sic),
que vous renouvelez encore comme si on n'y
avait point répondu. Je ne prétends point que
M. le curé de Saint-Étienne, que vous nommez,
ait manqué de sincérité ; il est vrai pourtant
qu'il a pris tout ce que lui a dit M. Paschal à
contre-sens ; puisqu'il était si éloigné de nous
regarder comme un parti, que pour me donner
des marques « de sa {sic, lisez la) parfaite con-
fiance qu'il avait en moi, il m'envoya quérir
plusieurs fois dans sa dernière maladie, et me
communiqua les plus secrets mouvements de sa
conscience. Si je témoignais une chose et M. le
curé de Saint-Etienne une autre, il y aurait de
la peine à discerner lequel de nous deux se trom-
perait ; mais je produis des faits dont on ne peut
douter, puisque les proches et les amis de
M. Paschal sont témoins du désir qu'il eut de me
parler, et ils sont assurés par eux-mêmes et par
des écrits qu'ils ont en main que ses dispositions
étaient toutes contraires à ce qui est rapporté de
lui dans cette déclaration que vous alléguez. »
Chamillard dut capituler cette fois, et la plume
tomba de ses mains ; mais elle fut aussitôt
LES DERNIERS JOURS DE BLA.ISE PASCAL 87
ramassée par le jésuite Bouhours : quand une
calomnie ne pouvait plus être soutenue par per-
sonne, il se trouvait toujours, au xvn'' siècle, un
jésuite pour la reprendre à son compte. « Qui ne
sait présentement, dit Bouhours à la page 12 de
sa fameuse Lettre à un seigneur de la cour...
1668, que M' Paschal (sic) est l'auteur des Pro-
vinciales, et qu'il était engagé dans le parti lors-
qu'il écrivait ? Si quelqu'un doutait d'une vérité
aussi constante que celle-là. il serait aisé de l'en
convaincre par le témoignage de M. Paschal
même, que nous savons de bonne part avoir
abjuré le jansénisme à la mort. Gela est attesté
par un écrit signé de la main de M. le curé de
Saint-Étienne-du-Mont, qui assista M. Paschal à la
mort. Cet écrit est entre les mains de M. l'Arche-
vêque de Paris *. » « On répondit encore, mais en
deux lignes, et Arnauld, auteur de la Réfutation de
la Lettre à un seigneur de la cour, se contenta de
dire (p. ^9) que les réfutations antérieures devraient
« fermer la bouche pour jamais à des personnes
qui auraient quelque pudeur. » Ce rappel à la
pudeur toucha-t-il le jésuite bel esprit auteur des
I. Les deux dernières phrases, depuis « Cela est attesté »
sont en note à la marge dans l'édition originale.
38 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
Enlreiiens d'Ariste et d'Eugène ? Toujours est-il
que Bouhours ne revint pas à la charge, et quand
il réimprima sa Lettre, en i684, il supprima
purement et simplement le passage relatif à la
rétractation de Pascal.
Et l'honnête Beurrier, qui se trouvait ainsi
pris entre deux feux, bien que l'on rendît hom-
mage à sa loyauté, que dit-il, que fit-il durant
ces trois années de luttes dont il était la cause
innocente ? Il ne fit absolument rien ; il se terra
pour ainsi dire dans sa cure de Saint-Étienne-
du-Mont, ou plutôt dans son couvent, et garda
un silence encore plus obstiné que celui de
Conrart. On mettait en doute son intelligence et
sa perspicacité ; on le rendait responsable d'un
faux témoignage et d'une calomnie ; il évita,
volontairement ou non, de se justifier, et nous le
verrons bientôt écrire pour lui seul, en serrant
son papier au fond de son tiroir : Quod scripsi,
scripsi, ce qui revient à dire : Le mal est fait, si mal
il y a, et il est irréparable ; se rétracter quand on
a signé ainsi un acte juridique, ce serait se recon-
naître inintelligent ou fourbe ; le plus sûr est donc
de laisser les choses aller leur train. Et c'est ainsi
que l'affaire n'eut pas de suites avant la mort de
Péréfixe, survenue comme l'on sait à la fin de
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 89
1670, le 3i décembre, quelques mois après celle
du P. Annat.
Nous arrivons ainsi à la paix de Clément IX,
et à la publication des Pensées, qui devait remet-
tre à l'ordre du jour la fameuse rétractation de
Pascal. L'histoire des Pensées est bien connue ;
pourquoi faut-il que M. Jovy vienne encore à ce
propos lancer de nouvelles accusations contre
des gens qu'il veut déshonorer coûte que coûte?
J'ai regret de m'engager ici dans une véritable
digression, mais il le faut, et d'ailleurs ne s'agit-
il pas ici de discuter des u Notes discursives » ?
A la page 436, M. Jovy accuse le libraire Desprez
d'avoir menli en disant à l'archevêque Péréfîxe
qu'il n'y avait pas deux éditions différentes des
Pensées. L'honorable M. Jovy ne ment pas, il se
trompe, et Desprez disait la vérité. Sainte-Beuve
aussi s'est trompé, sans avoir menti, sur cette
question, en disant dans son Port-Royal qu'on a
intitulé deuxième édition celle qui était la pre-
mière, et cela pour déjouer les manœuvres de
Péréfîxe. Voici le vrai : la deuxième édition,
datée de 1670, a été précédée de trois autres. La
première, dont on ne connaît que le précieux
Z|0 LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL
exemplaire de la Bibliothèque nationale, a dû
être tirée à très petit nombre, sans doute à qua-
rante ou cinquante exemplaires. C'étaient, si l'on
peut s'exprimer ainsi, des épreuves à correction,
adressés à ceux dont on sollicitait l'approbation.
Les changements demandés par eux furent insi-
gnifiants, et Desprez, remaniant très légèrement
deux ou trois cahiers, put donner une première
édition qui a 365 pages comme l'exemplaire de
la Bibliothèque nationale. Assailli de demandes,
et craignant de manquer la Aente alors qu'il avait
déjà détruit la composition, il donna tout de suite
une autre première édition en 334 pages. Enfin
il dut encore réimprimer les Pensées en 1670, et
il publia, sous le titre de deuxième édition, un
recueil qui a, non plus 365 ou 33/i pages, mais
3^8. Voilà comment les choses se sont passées, et
il n'y a là ni mensonge ni ruse ; l'observation de
Péréfîxe portait sur de prétendues différences de
texte, et les trois éditions de 1670 sont absolu-
ment identiques, il n'y a pas un mot de changé.
C'est alors que l'archevêque eut l'idée à tout
le moins singulière de faire imprimer en tête des
Pensées, pour assurer à ce chef-d'œuvre un débit
plus considérable, le fameux écrit du P. Beurrier
relatif à la rétractation de Pascal. Les éditeurs
LES DERNIERS JOURS DE BL.VISE PASCAL !\1
étaient trop bien élevés pour lui faire sentir
l'étrangeté, l'inconvenance même d'un pareil
procédé ; ils déclinèrent poliment Toffre de l'ar-
chevêque, et le neveu de Pascal, Etienne Périer,
lui écrivit une lettre fort humble et fort cérémo-
nieuse pour lui opposer une fin de non-recevoir
absolue. Dans cette lettre, u il poussait la platitude
hypocrite jusqu'à ses dernières limites ». dit
M. Jovy; ce sont là ses aménités ordinaires quand
il parle des gens de Port-Royal.
L'affaire en resta là, comme le dit Marguerite
Périer, si bien informée de tous ces détails, et
Péréfixe mourut. Les bruits de rétractation n'en
continuèrent pas moins à se répandre sourde-
ment ; si bien que la famille de Pascal prit enfin
le parti de s'adresser à Beurrier lui-même. 11 ne
répondit plus cette fois : Quod scripsi, scripsi, et
il s'expliqua nettement, d'abord en 1671, puis en
1673. Je ne crois pas nécessaire d'entrer dans le
détail de ces négociations et de celles qui suivi-
rent ; elles sont de même nature, et le Recueil
d'Utrecht, dont les négations de M. Jovy font
ressortir de plus en plus la grande valeur histo-
rique, les fait très bien connaître. Il suffira, pour
montrer ce que valent les allégations du nouveau
biographe de Pascal, de reproduire les deux let-
42 LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL
très de Beurrier; cette fois encore je les transcris
sur la copie bien authentique déposée, probable-
ment en 1673, dans les archives de Port-Royal-
des-Champs :
Copie d'une Lettre de M. le Curé de Saint-Etienne
à Madame la conseillère Périer.
« De Paris, ce r2 juin 1671.
« Madame,
« Ayant appris de M. Périer que vous étiez fort
touchée de l'abus qu'on a fait d'une déclaration
que feu M. l'archevêque avait tirée de moi sur le
sujet de feu M. votre frère, et que vous seriez bien
aise de savoir au vrai ce qu'il m'avait dit dans sa
dernière maladie qui avait donné lieu à l'explica-
tion de sa pensée telle que je lui donnai alors, il
est vrai, Madame, que quand je parlai à M. de Paris
je crus de très bonne foi qu'il m'avait fait enten-
dre ce que j'ai mis dans ma déclaration, ayant
pris en ce sens ce qu'il m'avait dit dans une con-
versation particulière, qu'il avait eu quelque dif-
férend avec ces Messieurs sur le sujet des matières
du temps, et qu'il n'était pas entièrement
dans leurs sentiments. Mais sur ce que j'ai appris
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 43
les {sic) dispositions de M. votre frère par ceux qui
l'ont connu très particulièrement, et par quelques
écrits du sujet de la dispute qu'il avait eue avec
eux quelque temps avant sa mort, j'ai bien re-
connu que ses paroles pouvaient avoir un autre
sens que celui que je leur avais donné, comme
aussi je crois qu'elles l'avaient, puisque le sujet
de leur contestation était tout diCférent de celui
que je m'étais imaginé. Voilà, Madame, tout ce
que je vous dirai de cette déclaration, que je sou-
haiterais de bon cœur n'avoir jamais donnée,
puisqu'elle ne paraît pas conforme à la vérité de
ses sentiments, et qu'on en abuse, contre mon
intention et contre la parole qu'on m'avait don-
née, pour décrier des personnes pour qui j'ai
beaucoup d'estime, aussi bien que de votre chère
famille, de laquelle je serai à jamais, Madame,
Le très humble et très obéissant serviteur,
f. P. Beurrier, curé de Saint-Étienne. »
!\k LES DER-MERS JOURS DE BLAISE PASCAL
Copie d'une lettre de M. le Curé de Saint- Étienn&
à M. Perler le fils.
« De Paris, ce 27 novembre 1C73.
« Monsieur,
u J'ai douleur de la maladie de Madame votre
mère, et prie Dieu qu'il lui rende la santé, et à
Mademoiselle votre sœur, et qu'il conserve votre
sainte famille pour sa gloire. Pour répondre à la
vôtre, tout ce qu'on vous a dit est assurément
contre la vérité ; car 1° je ne connais point ces
ecclésiastiques^ ; i° jamais je n'ai avancé ni dit
que feu M. Pascal se soit rétracté ; 3° jamais il n'est
venu chez moi, mais je l'ai été voir plusieurs fois
durant sa maladie ; 4° je ne l'ai bien connu comme
auteur des Lettres au provincial qu'à sa mort, et ce
fut par le feu P. Lallemant ; 5" tout ce que j'ai
dit, c'est qu'il est mort très bon catholique, après
avoir reçu les sacrements, et qu'il avait une pa-
tience consommée et une très grande soumission
à l'Église et à notre Saint Père le Pape, et que
I. Il s'agit de deux prêtres qui prétendaient à Clermont
que Beurrier leur avait affirmé positivement ce qu'il nie
dans cette lettre.
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 45
depuis deux aus avant sa mort il avait voulu se
retirer pour songer à son salut et à travailler
contre les athées. Tout le détail est e-xpliqué dans
la lettre que j'ai eu l'honneur d'écrire à Madame
votre mère, que vous pouvez faire voir à qui il
vous plaira.
Je suis pour jamais, Monsieur, votre très hum-
ble et très obéissant serviteur,
f. P. Beurrier, curé de Saint-Étienne. »
M. Jovy ne craint pas d'avancer que ces deux
documents, de même que les certificats donnés
en i684 par Roannez, Domat, Arnauld, Nicole et
Sainte-Marthe, pourraient bien avoir été falsifiés
par les jansénistes « ad majorem Portûs Regii
gloriam. o Le procédé est commode, il est renou-
velé du P. Annat. Mais il suffira de répondre que
les gens de Port-Royal, qu'on nous dépeint si
malhonnêtes, sont demeurés près de quarante ans
sans faire usage de ces précieux documents. Les
calomniateurs, devenus plus circonspects, avaient
pris le parti de ne plus parler de Pascal et de sa
prétendue rétractation. Lorsque la Vie de Pascal
par Madame Périer parut en i684, à l'étranger et
sur une mauvaise copie, on ne saisit point cette
occasion d'épiloguer sur les derniers sentiments
/l6 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
de l'auteur des Pensées. Le P. Daniel lui-même,
dont les Entretiens de Cléandre et d'Eadoxe{iQç)^) *
sont une réponse aux Provinciales, garde le plus
profond silence sur la rétractation, qu'il paraît
ignorer absolument ; et ses contradicteurs, dom
Petitdidier et le P. Noël Alexandre, ne sont pas
moins réservés. Sans une insigne maladresse de
Fénelon, les deux lettres du P. Beurrier à la
famille de Pascal n'auraient probablement pas vu
le jour avant le milieu du xix" siècle. Mais l'arche-
vêque de Cambrai, devenu l'allié des Jésuites
depuis la condamnation de ses Maximes des Saints,
s'attaqua aux jansénistes avec une extrême viva-
cité, et dans la première de ses deux Lettres au
P. Quesnel, en 1711, il insinua que Pascal s'était
révolté contre le Saint-Siège ; il osa même décla-
rer que l'auteur des Provinciales, au lieu de pré-
coniser comme Arnauld le silence respectueux
sur le fait de Jansénius, voulait s'insurger et
appeler du Pape au Concile. C'était calomnier
Pascal 2 ; Quesnel répondit aA^ec force, peut-être
1. J'en ai sous les yeux une édition de 1694, l'archevêque
de Paris, Harlay de Charvallon, la fit supprimer; lui mort
on s'empressa de la réimprimer, en 1696.
2. Au xviii' siècle, après la Bulle Unigenitus, Pascal eût
appelé, comme Bossuet d'aiUeurs, du pape au concile ; au
temps du Formulaire, c'était chose inadmissible, puisque
LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL Ixj
avec éloquence, et il montra clans quel abîme
d'absurdités on peut tomber quand c à la faveur
d'une connaissance imparfaite ou d'un bruit
confus, on bâtit sur un même fait, vrai ou faux^
des fables opposées l'une à l'autre. » Il reprit à
nouveau l'histoire de la rétractation de Pascal
mourant, et voici ce qu'on peut lire ù la page 62
de sa réponse à Fénelon :
« On assure, dites-vous, que ce qui est fait
maintenant par le Dénonciateur pour appeler de
la Bulle [Vineam Domini] au concile est précisé-
ment ce que M. Pascal soutint dans la délibéra-
tion des chefs de votre parti qu'il fallait faire de
bonne foi dès qu'il vit la bulle dinnocent X qui
condamnait le système de Jansénius ^ Pensez-y
sérieusement devant Dieu, Monseigneur, et con-
sidérez s'il est de la prudence, de la charité, de la
justice d'un archevêque, d'avancer un fait si
atroce contre un homme de bien... sur la foi
d'un ouï-dire, faute d'en avoir des preuves con-
vaincantes qu'il puisse produire à la lumière du
soleil... Il n'y a que les Jésuites qui vous aient
tout le monde était d'accord sur la question doctrinale, et
que les Conciles eux-mêmes ne sont pas infaillibles sur
les questions de fait.
I. Œuvres de Fénelon, éd. de i85o, tome IV, p. 574.
48 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
pu remplir l'esprit de ces sortes de contes. Celui-
ci est sans doute fondé sur ce qui se passa en
1661 entre M. Arnauld et M. Pascal au sujet de la
signature des constitutions faite par les reli-
gieuses de Port-Royal, ensuite du second mande-
ment des vicaires généraux de M. le cardinal de
Retz, archevêque de Paris... » Quesnel exposait
alors les faits tels qu'ils ont été relatés par tous
les biographes et par tous les historiens antérieurs
à M. Jovy. Il citait quelques lignes de la déclara-
tion du P. Beurrier, et il ajoutait : « Ainsi, sur le
même fondement, on fait M. Pascal d'un zèle si
outré pour la grâce efficace que malgré M. Ar-
nauld il ne veut point qu'on se soumette à la bulle
du pape, mais qu'on appelle de son jugement au
concile général ; et d'un autre côté on le fait si
mou et si ralenti sur cette grâce même qu'il rompt
avec ses meilleurs amis, prétendant qu'ils allaient
trop loin sur cette matière, et qu'ils n'étaient pas
assez soumis au pape. Les Jésuites ont fait tro-
phée de cette méprise, et l'ont vantée comme une
histoire indubitable, et comme une preuve de la
conversion de M . Pascal et des excès de MM. de Port-
Royal sur la grâce et sur la soumission due aux
constitutions. Ils crurent même cette victoire si
glorieuse pour leur parti que trois ans après la
Palf, RruRUiKU
l'iir'iir-(;iirr de Sainl-Élioiiiic-dii-Monl do iii.ïo à iCi-ô
LES DERNIERS JOURS DE BLUSE PASCAL 49
mort de M. Pascal, ils engagèrent M. dePéréfixe,
alors archevêque de Paris, d'en tirer du P. Beur-
rier une déclaration juridique du 7 janvier de
i665. L'année d'après, on éclaircit cette méprise,
dans une lettre du i5 juillet 1666 qui se trouve à
la. un delà Réfutation da livre du P. Annat... et
l'année suivante dans la Défense de la foi des reli-
gieuses de Port-Royal (2" partie^ .
« Le P. Beurrier, homme de piété et de mérite,
qui a été général des chanoines réguliers de la
Congrégation de France, s'étant trompé de très
bonne foi, ouvrit les yeux et reconnut sa méprise
par la lecture de ces écrits, et par le soin qu'il eut
de se faire informer de ce différend par ceux qui
avaient connu plus particulièrement M. Pascal ;
et il rendit un témoignage contraire à sa déclara-
tion par deux lettres qu'il écrivit, l'une à la sœur,
et l'autre à un neveu de M. Pascal. Je prends la
liberté. Monseigneur, de vous en envoyer une
copie, parce que je ne crois pas qu'elles aient été
imprimées, et qu'elles pourront servir de préser-
vatif contre les abus que font encore aujourd'hui
les Jésuites de la déclaration du P. Beurrier. ;> Et
cinquante pages plus loin, tout à la fin de cette
grande lettre du 8 mars i7ii,Quesnel transcrivait
fidèlement la déclaration de Beurrier et ses deux
4
50 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
rétractations successives. C'est de là que ces
documents ont passé dans le Supplément au
Nécrologe, en lySS, et dans les autres écrits du
temps 1 .
Fénelon ne répondit point, et pourtant ce pré-
lat grand seigneur ne dédaignait pas de réfuter
très longuement le P. Quesncl ; son silence en
cette occasion est significatif. De son côté, Quesnel
n'insista pas, et la question de savoir si Pascal
s'était rétracté ou non durant les six dernières
semaines de sa vie ne semble pas avoir préoccupé
outre mesure les contemporains de Voltaire. L'abbé
Bossut, premier éditeur des œuvres complètes
de Pascal, en a parlé, en 1779, pour dire que l'inci-
dent était définitivement clos. Le jésuite Patouillet
lui-même, qui appelait Pascal « un cerveau blessé,
un cœur ulcéré, un hypocondre », s'est contenté
I. Je relève à la page 78 de cette grande Lettre de Quesnel
à B'énelon une profession de foi que Pascal eût certainement
signée. M. Jovy ne manquera pas de la juger profondé-
ment hypocrite : « Je ne suis chef d'aucun parti ; je n'en
connais aucun ; ce seul nom me fait peur ; j'ai en horreur
tout parti, soit dans TÉtat ou dans l'Église. Mon nom est
Chrétien ; mon surnom est Catholique ; mon parti est
l'Église; mon chef est Jésus-Christ; ma loi, c'est l'Évangile ;
les évêques sont mes Pères, et le Souverain Pontife est le
premier de tous. » Tous les jansénistes de tous les temps
auraient signé ou signeraient ce formulaire-là.
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 01
de dire au sujet de ses contestations avec Arnauld
et Nicole : « Quoique Pascal eût sacrifié au parti
tout sentiment de foi, d'honneur et'de probité, il
n'eut pas la consolation de trouver dans ces
Messieurs des cœurs reconnaissants. Il eut même
dans la suite des (sic) plus grands démêlés avec
eux. Il prétendit qu'ils avaient varié dans leurs
sentiments, ou du moins dans l'exposition de
leurs sentiments. Eux de leur côté firent de lui
un portrait peu avantageux... n De la rétractation
de 1662, pas un mot; aussi bien que vaudrait la
rétractation d'un cerveau blessé ?
Sainte-Beuve enfin, Cousin, Faugère, et tous
ceux qui au xix® siècle se sont occupés de Pascal,
ont refusé de croire à la rétractation attestée par
le P. Beurrier ; il leur a suffi de dire que « M. Beur-
rier, de très bonne foi d'ailleurs, avait pris la
pensée de Pascal au rebours... Le curé, convaincu
par les pièces que lui produisit la famille, con-
fessa lui-même sa méprise. » Ainsi parlait Sainte-
Beuve, mais il appartenait sans doute à la caté-
gorie des gens superficiels et indifférents qui ne
savent pas lire entre les lignes, et d'ailleurs les
Mémoires du P. Beurrier (v sommeillaient ' alors à
la Bibliothèque Sainte-Geneviève ; la baguette
magique de M. Jovy ne les avait pas encore tirés
52 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
de cet assoupissement ou plutôt de cette léthargie.
Ils en sont tirés aujourd'hui ; voyons les donc un
peu ces fameux Mémoires, dans lesquels le curé
de Saint-Etienne-du-Mont « a consigné en toute
indépendance et sans haine les souvenirs qu'il
avait conservés de ses rapports avec Pascal »
(p. /i86). Il nous sera facile de les étudier en toute
indépendance et sans la moindre haine.
M. Jovy n'a pas donné, comme il aurait dû le
faire, une description complète du manuscrit du
P. Beurrier. Il fallait dire en premier lieu que ces
Mémoires ne sont pas autographes, que c'est une
simple copie, et même un assemblage de copies
de différentes mains, avec des additions et des cor-
rections qui sont très probablement du P. Beur-
rier. Il fallait en outre se demander à quelle date
le bon génovéfain a composé cet ouvrage. Beur-
rier est mort presque nonagénaire en 1696, et
certaines parties de ses Mémoires datent de 1692,
alors que leur auteur avait 84 ans. Ecrire à cet
âge-là, quand on n'est pas Fontenelle, ou Vol-
taire, ou Chevreul, c'est une imprudence ; est-on
bien sûr de sa mémoire, et peut-on garantir la
rigoureuse exactitude des faits ? Mais Beurrier dit
LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL 53
positivement, dos la seconde page, qu'il appar-
tient à la Congrégation de France depuis cin-
quante-cinq ans, ayant fait profession à i8 ans, le
19 mars 1626 ; il résulte de là qu'il écrivait la
première partie de ses Mémoires en 1681, à Tàge
de 73 ans. Ces détails ont leur importance, et
l'éditeur de Beurrier a manque de sens critique
en les négligeant ; on ne saurait être trop précis
quand on apporte des documents révélateurs des-
tinés à détruire des légendes séculaires et à renou-
veler l'histoire d'un Pascal.
M. Jovy aurait dû dire également que le cha-
pitre de ces Mémoires qui est consacré à Pascal est
le quarantième du livre III, et que ce livre est
intitulé : « Des choses les plus remarquables qui
se sont passées en vingt et deux ans que j'ai été
curé de Saint-Étienne, que j'ai vues ou qui sont
arrivées dans la paroisse, et dont j'ai eu une con-
naissance certaine. » Ce détail est essentiel, car
Beurrier ayant cessé d'être curé de Saint-Etienne
en 1675, treize ans après la mort de Pascal, cette
partie des Mémoires serait postérieure à 1675. Il
fallait ajouter enfin que le chapitre XL est immé-
diatement précédé de plusieurs autres qui sont
relatifs à un voyage de Flandre fait en mai 1681 ,
que le chapitre suivant est sur l'organisation du
54 LES DER^IERS JOURS DE BLAISE PASCAL
culte et sur l'ordre des processions, et que dans la
suite des Mémoires il n'est jamais question de
Pascal et des graves ennuis que l'histoire de sa
rétractation a causés au curé de Saint-Étienne
durant près de vingt ans. Et pourquoi n'avoir
pas résumé d'après la Gallia chrisiiana la biogra-
phie tout unie du P. Beurrier? Né à Chartres le
20 septembre 1608, il fit profession à Sainte-
Geneviève le 19 mars 1626. Il devint curé de
Saint-Étienne du Mont, à titre de génovéfain, en
i653, et dut résigner sa cure quand il fut élu
général de la Congrégation de France en 1675.
Réélu trois ans plus tard, en 1678, élu en 1681
premier assistant de l'ordre, Beurrier demanda
en 1688 à se retirer, pour ne plus songer, disait-
il, qu'à la grande affaire de son salut. Il mourut
à 88 ans, le 25 janvier 1696, et fut enterré dans le
chapitre. On a son portrait gravé ; il a trouvé
place, en 1909, dans la grande Iconographie de
Port-Royal, publiée à l'occasion du second cen-
tenaire de la destruction de ce monastère.
Cela dit, examinons à loisir ce quarantième cha-
pitre, qui va de la page 1609 à la page i55i, c'est-
à-dire de la page 364 à la page 385 du second
tome des OEuvves du P. Beurrier. M. Jovy est
professeur de rhétorique depuis de longues
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL DO
années, et par parenthèse il doit être un excel-
lent maître ; s'il avait analysé en homme du
métier le chapitre en question, il aurait été forcé
de se montrer très sévère pour ce devoir de
mauvais écolier. C'est manifestement l'œuvre
d'un « bonhomme » au sens ordinaire de ce
mot, d'un vieillard à l'esprit baissé qui se répète
d'une manière fâcheuse. En outre l'auteur de ce
quarantième chapitre brouille les faits et confond
les dates, et il en vient même à se contredire
complètement, parce que sa mémoire n'est plus
assez fidèle. Enfin il omet, sciemment ou non,
des choses très essentielles. Examinons sous ces
différents aspects, puisque la chose n'a pas été
faite, le manuscrit 1886 de la Bibliothèque
Sainte-Geneviève.
Il y a d'abord à noter les répétitions et les
redites ; elles auraient dû attirer l'attention de
M. Jovy, puisqu'il les a imprimées en gros carac-
tères, comme s'il se défiait de l'intelligence des
lecteurs. A la page 490 on lit ces mots : « Il me
dit qu'il gémissait avec douleur [Pascal n'a pas
dû parler ainsi, car on ne gémit pas sans dou-
leur] de voir cette division entre les fidèles...;
m'ajoutant qu'on l'avait voulu engager dans ces
disputes, mais que depuis deux ans il s'en était
56 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
retiré prudemment, vu la grande difficulté de
ces questions si difïîciles [Pascal parlant de la
difïîculté de questions difficiles devait être bien
malade] de la grâce et de la prédestination.
Et pour la question de l'autorité du pape, il
l'estimait aussi de conséquence, et très difficile à
vouloir connaître ses bornes [ce français là n'est
toujours pas de Pascal] ; et qu'ainsi, n'ayant pas
étudié la scolastique... il avait jugé qu'il se devait
retirer de ces disputes et contestations, qu'il
croyait préjudiciables et dangereuses, car il aurait
pu errer en disant trop ou trop peu, et ainsi qu'il
se tenait au sentiment de TÉglise touchant ces
grandes questions, et qu'il voulait avoir une
soumission parfaite au vicaire de Jésus-Christ,
qui est le souverain pontife. »
C'était suffisamment clair, il était donc inutile
de redire ce qu'on lit page /J97 : « Il m'avait
témoigné bien de la douleur de voir la division
entre les enfants de l'Église sur ces matières de la
grâce et de la prédestination et de l'autorité du
pape ; qu'on l'avait voulu engager dans ces
parties, et que prudemment il s'en était retiré
pour travailler à son salut et à la conversion des
impies et des hérétiques, s'excusant sur la diffi-
culté de ces matières, et sur ce que n'ayant pas
LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL 07
étudié la scolastique il pourrait en dire trop ou
trop peu ; qu'il se soumettait parfaitement à
l'Église et au souverain pontife, vicaire de Jésus-
Christ... »
Mêmes redites en ce qui concerne la prétendue
retraite spirituelle faite par Pascal deux ans avant
sa mort (pages 489-494). Mais cela n'est rien ; ce
qui est plus grave, c'est que Beurrier brouille
comme à plaisir les faits et les dates. On a vu
plus haut, d'après le récit de Gilberte Périer, que
durant une maladie de six semaines Pascal com-
munia une seule fois, dans la nuit du 18 au
19 août. Gilberte ajoute même que Beurrier
entrant dans la chambre du malade avec le saint
sacrement, lui cria : « Voici Celui que vous avez
tant désiré ! » Or Beurrier, dans son chapitre LX,
prétend que dès le surlendemain de sa première
visite, c'est-à-dire six semaines avant la mort de
Pascal, il lui « apporta le saint sacrement^ qu'il
reçut avec une singulière dévotion » (p. 492). Com-
ment se fait-il que M. Jovy ait considéré comme
négligeable une déclaration de cette importance,
qui renverse comme un simple château de cartes
l'échafaudage qu'il avait si péniblement construit
pour prouver un odieux refus de communion ?
Il est manifeste que c'est ici Beurrier qui se
58 LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL
trompe, et alors quelle confiance méritent ses
autres affirmations ? Enfin le récit du curé de
Saint-Étienne, certainement postérieur à 1667,
puisqu'il fait mention de quelques écrits imprimés
de cette époque-là, présente des lacunes véritable-
ment étranges. Il parle de sa visite à Péréfixe et
des déclarations qu'il fit à son archevêque ; il ne
dit rien de l'indiscrétion coupable du prélat qui
communiqua au docteur Chamillard et aux
Jésuites une attestation qu'un confesseur lui
avait donnée sous le sceau du secret le plus
absolu. Il ne dit rien des écrits de Chamillard, du
P. Annat et du P. Bouhours, et des démentis
imprimés qui les réduisirent au silence. Enfin il
est muet sur les rétractations réitérées qu'il
donna lui-même en 1671 et en 1670 ; ce silence
est bien étrange.
On se plaint aujourd'hui que les historiens
abusent de l'inédit, et qu'ils attribuent parfois
une trop grande importance aux manuscrits qui
leur tombent sous la main. Des hommes très
distingués ont donné contre cet écueil, Michelet
entre autres; et puisqu'il s'agit ici de Pascal, on
peut rappeler la fâcheuse mésaventure de Prosper
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 69
Faugère quand il voulut publier les Provinciales.
Il avait acheté un manuscrit du xvii* siècle inti-
tulé : Les Provinciales du grand Pascal, et il
l'avait, dit-on, payé fort cher. Faugère conclut
de là que c'était une excellente copie, antérieure
à 1660, corrigée sans doute par Louis de Mon-
talte en personne. Il publia donc une édition des
Provinciales qui est à refaire en entier, et que
M. Brunschvicg doit nous donner prochainement.
Je crains que M. Jovy, premier éditeur d'un frag-
ment des Mémoires de Beurrier, ne se soit,
toutes proportions gardées, trouvé dans le même
cas. Il n'a pas acheté un manuscrit qui appartient
à l'Etat, mais il a eu le mérite très réel de le
découvrir, de l'étudier et de le transcrire. Il s'est
dès lors imaginé, comme Prosper Faugère, que
ce manuscrit devait avoir une grande valeur
historique, et c'est ainsi sans doute qu'il y a trouvé
des révélations qui n'y sont pas. Le fragment
des Mémoires de Beurrier publié par M. Jovy n'a
aucune importance, et il ne dit rien qui ne fût
connu depuis i665, il y aura tantôt deux cent
cinquante ans.
M. Jovy aura beau torturer ce texte, il ne fera
jamais dire au curé de Saint-Etienne que Pascal
se soit (( rétracté ». Une rétractation n'a de valeur
6o LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
que si elle reçoit la plus grande publicité possilDle.
Si donc Pascal avait regretté ce qu'il avait fait,
il en aurait demandé pardon à Dieu et aux
hommes, et il aurait chargé son confesseur de
manifester publiquement son repentir. Dans les
Mémoires, comme dans l'attestation de janvier
i665, il est simplement question de divergences,
de désaccord, de séparation, et tout au plus de
demi-rupture. Se retirer prudemment n'est pas
synonyme de partir en guerre. En outre, nous
venons de le voir, l'auteur des Mémoires, s'il
écrivait en 1681, comme on pourrait le croire,
avait le tort grave de passer absolument sous
silence ses deux rétractations à lui Beurrier, celles
de 1671 et de 1673. Etait-ce oubli de sa part? ce
serait vraiment fâcheux. Était-ce calcul, parce
qu'il espérait que ses deux lettres manuscrites ne
verraient jamais le jour ? L'estime que tous les
contemporains ont professée pour le P. Beurrier
ne permet pas d'admettre un seul instant une
pareille hypothèse. De deux choses l'une : ou
Beurrier a écrit ce fragment sur Pascal avant de
s'être rétracté, et dès lors son témoignage n'a
aucune valeur à cause de la rétractation qui a
suivi ; ou bien il l'a écrit en 1681, sept ou huit ans
après sa rétractation, et son silence est inexpli-
LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL 6l
cable. Puisque nous ne possédons pas l'auto
graphe de ces Mémoires, rien n'empêche de
croire que le copiste a rassemblé maladroitement
d'anciennes notes relatives à l'affaire Pascal, notes
qui pourraient fort bien avoir été rédigées en
1667 ou en 1668, lorsque Sainte-Marthe eut réduit
Chamillard au silence. Quelques parties des
Mémoires de Beurrier sont de 1692, d'autres
sont de 1681 ; celle-là pourrait être plus ancienne,
ce qui lèverait bien des difficultés.
Voilà pour la prétendue rétractation de Pascal
en 1662. S'agit-il maintenant de cette date de
deux ans en arrière, qui revient à satiété, et que
nous voyons assignée, tantôt aux dissentiments
qui se sont produits moins d'un an avant la mort
de Pascal, tantôt à sa conversion et à ses projets
de retraite, qui datent de i654, tantôt enfin à la
première idée de l'Apologie, qui est très certaine-
ment de i656 ? Ici la réponse est encore plus facile:
les affirmations de l'honnête Beurrier n'ont pas
la moindre valeur, il ne sait ce qu'il dit. Son
témoignage n'est pas plus recevable quand il parle
des deux communions administrées au malade,
ou quand il représente Pascal vendant en 1660 le
carrosse que sans doute il n'avait jamais possédé,
et ses tapisseries, de haute lisse sans doute, et sa
62 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
bibliothèque. Dans cette partie de ces Mémoires,
Beurrier a copié tout simplement, et fort mal copié,
des pages entières de la Vie de Pascal par Madame
Périer. On sait que cette Vie, composée dès 1667,
n'a été publiée qu'en i684 ; si donc il est démontré
que le chapitre LX est antérieur a. la rétractation
faite par Beurrier en 1671, on en pourrait inférer
que la sœur de Pascal, amenée à parler du curé
de Saint-Etienne dans la vie de son frère, a eu
la délicatesse d'en communiquer une copie au
confesseur de Pascal ; et précisément ce serait un
argument de plus en faveur de la loyauté de Gil-
berte Périer. Ce serait en outre une preuve nouvelle
du peu de créance que méritent les allégations
du P. Beurrier. De quelque côté que l'on se
tourne, il est impossible de trouver au fragment
de Beurrier une valeur historique, si minime
soit-elle. C'est du fatras, c'est la mise en œuvre de
notes éparses, confuses, incomplètes et contra-
dictoires. L'auteur de ce chapitre, ce n'est évidem-
ment pas l'honnête Beurrier, c'est le secrétaire
inintelligent qui fut chargé d'un travail au-dessus
de ses forces.
LES DERNIERS JOURS DE BL.VISE PASCAL 63
Ces Mémoires da P. Beurrier, dont' on pourrait
tirer parti pour certains détails de la vie parois-
siale au xvii'' siècle, sont d'une extrême faiblesse
à tous égards ; il y a des chapitres entiers notam-
ment le chapitre V, oii se trouve une histoire de
lupanar, — Beurrier emploie sans sourciller un
autre mot — qui montrent la naïveté, la niaiserie
même, de l'honnête et candide prieur-curé de
Saint-Étienne, un a bonhomme » dans toute la
force du terme.
Le chapitre XY : v Comment Dieu m'a fait la
grâce de me soutenir au milieu des contestations
entre les deux partis différents des personnes
doctes et pieuses de ma paroisse avec lesquels
j'ai eu plusieurs conférences sur ces matières, »
semblerait devoir nous ramener à Pascal et à son
Entretien avec M. Beurrier, dont on voudrait
aujourd'hui faire le pendant du célèbre Entretien
avec M. de Sacy. La lecture de ce chapitre suffirait
à démontrer que le chapitre sur la rétractation
de Pascal ne mérite aucune confiance. Beurrier y
déplore ces contestations, et il fait allusion aux
écrits du temps, aux « lettres et aux libelles
remplis d'injures, de railleries et de calomnies
64 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PxVSGAL
contre des personnes consacrées à Dieu, contre
des religieux et des prêtres, et môme contre des
prélats, au grand scandale de TEglise catholique. )>
Beurrier semble être ici un homme de juste milieu,
comme Bossuet, auteur de l'oraison funèbre de
Nicolas Cornet ; il a tout l'air de condamner les
Provinciales, et aussi les odieux pamphlets des
jésuites Brisacier, Meynier, Annat, et autres ; il
dit avec raison que ces auteurs u ont péché contre
ce précepte divin qui nous oblige d'aimer notre
prochain comme nous-mêmes. >-, On s'attend
donc à des explications intéressantes ; on se heurte
à des énormités. Beurrier ne comprend rien aux
quei'elles religieuses de son temps ; Jansénius et
Arnauld, VAugustinus et la Lettre à un duc et
pair, les Constitutions des papes et les Censures
de la Sorbonne, tout cela se confond dans sa
pauvre tête ; c'est le brouillamini de M. Jourdain.
Il dit en propres termes que les propositions
d' Arnauld, discutées, comme tout le monde le
sait en i655, paraissaient alors à quelques doc-
teurs de la Sorbonne « contraires à la détermina-
tion (sic) des papes Innocent X et Alexandre VIL »
Or la censure contre Arnauld est de janvier i656,
et la constitution d'Alexandre VII a été faite
trois mois plus tard. Le moyen de prendre pour
LES DERMERS JOURS DE BLAISE PASCAL 65
guide un contemporain qui écrit de pareilles
choses ?
Dans ce même chapitre, Beurrier dit qu'il a
conseillé à quelques docteurs de ses amis de
souscrire à la condamnation d'Ârnauld, quoi-
qu'ils ne le jugeassent pas condamnable, ses pro-
positions étant « soutenables dans un bon sens. »
Les raisons qu'il donnait à l'appui de son senti-
ment n'eussent guère été du goût de Pascal
et d'Arnauld, car il estimait quon ne devait pas
priver la Sorbonne de ses « principaux membres
et suppôts. » Céder momentanément à l'orage,
avec le secret espoir de faire un jour re viser le
procès d'Arnauld, c'était, disait-il, réserver à la
Faculté (( le secours et le soutien de leur zèle, de
leur doctrine et de leurs bons avis, puisqu'ils
étaient des plus doctes et des mieux intentionnés
pour le bien de l'Eglise et pour la bonne morale,
et passaient pour tels dans tout Paris ». Décidé-
ment l'honnête Beurrier était un pauvre homme,
incapable de comprendre et de juger les senti-
ments d'un Pascal. Il ajoutait, toujours dans ce
même chapitre : « Dans le dernier livre de cet
ouvrage, je m'expliquerai plus en détail sur ces
matières importantes. Dieu aidant. » Cette phrase
a été barrée, je ne saurais dire par qui; l'explica-
5
66 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
tion annoncée n'est pas venue, sans doute parce
que Dieu n'a pas aidé ; il n'y a pas lieu de
le regretter, mais comme ces Mémoires de Beur-
rier sont un fondement ruineux I Que peut- on
construire sur de pareilles bases ?
Aux affirmations hardies du nouvel historien
et de ses adeptes on peut donc opposer sans
crainte les contre-affirmations que voici :
i" Lorsque Pascal mourut, le 19 août 1662, il
n'était en aucune manière brouillé avec Port-
Royal. Les dissentiments très réels qu'avait fait
naître en novembre 1661, neuf ou dix mois
seulement avant la mort de Pascal, la signature
du formulaire d'Alexandre VII, n'avaient plus de
raison d'être. Port-Royal tout entier, Pascal et
ses amis étaient d'accord pour opposer à toute
signature sans distinction du fait et du droit un
refus pur et simple. Pleinemeiit réconcilié avec
les Messieurs, si Ion veut admettre qu'une récon-
ciliation, — on dirait plus exactement un rap-
prochement, — fût nécessaire, Pascal malade a
été visité en 1662 par Arnauld, Nicole, et Claude
de Sainte-Marthe, et ce dernier, le plus opposé
de tous aux capitulations, l'a confessé plusieurs
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 67
fois. La mort de Pascal a été pleurée par tous les
jansénistes sans exception, et tous avaient sa
mémoire en vénération.
2" Pascal ne s'est jamais rétracté, et n'a jamais
regretté d'avoir écrit les Provinciales. Il ne s'est
jamais déjugé, et il n'a jamais tergiversé sur la
question doctrinale de la Grâce efficace par elle-
même et de la prédestination gratuiîe : les nou-
veautés impies de Molina lui ont toujours fait
horreur. Il ne sest pas converti une troisième fois
en 1660, c'était chose faite depuis six ans ; et le
curé de Saint-Étienne-du-Mont, très bon prêtre,
mais homme craintif et d'intelligence moyenne,
s'est trompé lourdement sur le sens des confi-
dences que Pascal lui a faites. Lui même l'a
reconnu d'ailleurs avec une loyauté parfaite,
lorsque la famille Pascal l'a mis à même d'in-
terroger des témoins, et de lire des écrits de la
dernière précision. Le chapitre des Mémoires du
P. Beurrier qui traite de la prétendue rétracta-
tion de Pascal, de sa prétendue conversion et
de son prétendu retour à l'orthodoxie en 1660,
n'a aucune valeur historique, c'est un pur roman.
3° Les jansénistes n'ont jamais eu besoin de
recourir aux falsifications et aux mensonges pour
cacher au monde une vérité qui n'en était pas
68 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
une. Très réservés toujours, car les choses de la
vie privée ne doivent pas sans une nécessité
absolue être révélées au public, ils ont répondu
toutes les fois qu'on a voulu propager au sujet de
Pascal des mensonges et des calomnies. Ils l'ont
fait dès i665 ; ils ont continué à le faire quand la
chose a été nécessaire, notamment en 171 1, et la
netteté de leurs déclarations a toujours fermé la
bouche à leurs ennemis. C'est ainsi qu'ils ont
réduit au silence le P. Annat, l'archevêque Péré-
fixe, le docteur Chamillard, le P. Bouhours, et
Fénelon même. Les faits qu'ils ont opposés alors
aux calomnies anciennes, ceux qu'on peut opposer
aujourd'hui à des allégations analogues, sont
acquis à l'histoire, car ils sont l'évidence même.
Il n'est pas nécessaire de faire une nouvelle
Vie de Pascal et une nouvelle Histoire de Port-
Royal; les anciennes sont bonnes, et absolument
conformes à la vérité.
Mais que conclure de toutes ces observations,
sinon que M. Jovy, en prônant comme il l'a fait
ces Mémoires sans valeur, pourrait bien avoir
assumé une lourde responsabilité ? Il s'est
trompé, c'est évident, et comme se tromper est
LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL 69
chose essentiellement humaine, nul ne saurait lui
en faire un crime : Qui sine peccato est... Ce qui est
grave, c'est d'avoir mis cette erreur ' involontaire
au service de passions mauvaises, et même de la
plus mauvaise de toutes les passions, de la haine
implacable. M. Jovy, dont les travaux antérieurs
étaient très souvent estimables, qui a rendu et qui
pourrait rendre encore de très grands services à
la littérature, à l'histoire littéraire et à l'histoire
proprement dite, a eu je ne sais comment le mal-
heur de se laisser circonvenir et entraîner. Quand
il s'agit de Port-Royal et des hommes ou des
choses de Port-Royal, M. Jovy n'est jamais un
historien qui juge avec sérénité ; c'est un inqui-
siteur qui anathématise. Ses modèles et ses émules,
ce sont les Garasse, les René Rapin, les Desmarets
de Saint-Sorlin , les Maraudé, les Jurieu ; et ses
arguments ce sont les injures les plus atroces. Et
voilà pourquoi, au lieu de nous donner un Recueil
de pièces je ne dis pas inédites, mais peu connues,
difficiles à réunir et souvent très intéressantes,
M. Jovy nous inflige un réquisitoire mal fait et
fort ennuyeux, avec d'interminables citations de
quarante, cinquante et cent pages. On pourra le
consulter, on ne le lira pas. etaujourd'hui comme
hier il reste bien établi que Pascal et Port-Royal
70 LES DERNIERS JOURS DE BLAISE PASCAL
sont inséparables ; que l'auteur des Provinciales
et des Pensées e?,i à tout jamais la gloire de Port-
Royal, et que d'autre part les idées, les sentiments,
les témoignages d'affection de Port-Royal ont
fait la consolation et la joie de Pascal agonisant ^.
ï. Il vient de paraître à la librairie Beauchesne un volume
sur la Vie religieuse de Pascal, par le P, Petitot, dominicain
et professeur à l'École biblique de Jérusalem. A la fin de
cet ouvrage se trouve une réfutation méthodique du livre
de M. Jovy ; elle est faite avec beaucoup de douceur et de
charité par un religieux qui serait heureux de croire à ce
qu'il appellerait une conversion de Pascal « au catholi-
cisme », mais qui cherche avant tout la vérité.
Abbeville, — Imprimerie F. Paillart.
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H. CHAMPION, Éditeur
Allier (R.). professeur honoraire à la Faculté de Paris. Une société
secrète au XVir siècle. La Compagnie du Très Saint-Sacre-
ment de l'autel à Marseille. Documents inédits. 1909, in-8 de
XXIX- 69 2 pa.ores. 6 fr.
BÉDiER (J.), professeur au Collège de France. Les légendes épiques-
Recherches sur la formation des chansons de geste. 1907-1909.
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Crouslé (L.), ancien professeur d'éloquence française à la Sorbonne. Fénelon
et Bossuet. Etudes morales et littéraires. 189'! 1896, 3 vol. in-8
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— Bossuet et le protestantisme, étude historique!. 1901, in-8. 6 fr.
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GuT (H.), professeur à l'Université de Toulouse. Histoire de la poésie
française au XVI' siècle, Tome 1" : L'Ecole des Rhétoriqueurs.
1910, in-8 de lioo pages. 10 fr.
Lefranc (Abel), professeur de langue et de littérature françaises modernes
au Collège de France Les lettres et les idées depuis la Renais-
sance. Tome I. Maurice de Guérin, d'après des documents inédits.
1910. Beau volume in-8 écu, orné d'un portrait gravé sur bois par
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Plattard (Jean), agrégé de l'Université, docteur es lettres. L'Œuvre de
Rabelais (Sources, invention et composition). 1910, un vol. gr. in-8
de /400 pages. Prix 8 fr.
Rebeluau (Alfred), bibliothécaire de l'iiislilut, chargé du Cours d'Histoire
des Idées et de la Littérature chrétienne du XVI' au XIX' siècle à la Faculté
des Lettres de l'Université de Paris. La Compagnie secrète du
Saint-Sacrement. Lettres du groupe parisien au groupe marseillais
(1639-1662). 1909. beau volume in-i2. 3 fr. 5o
ScHiFF (Mario), professeur à la Faculté des Lettres de Florence. La Fille
d'alliance de Montaigne. Marie de GournaY» Essai suivi de
« l'Egalité des hommes et des femmes » et du <( Grief des dames ».
avec des variantes, des notes, des appendices et un portrait. 1910,
pet. in-8, 1^7 p. 5 fr.
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B Gazier, Augustin Louis
1903 Les derniers jours de Bla
G35 Pascal
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