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Full text of "Les français en Alger; mélodrame en deux actes, en prose"

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mm 


Dumaniant,  Antoine  Jean 
Bourlin 

Les  français  en  Alger 


LES     FRANÇAIS 

EN    ALGER, 

MÉLODRAME 

EN  DEUX  ACTES,  EN  PROSE, 

Représenté ,  pour  la  première  fois  y  sur  le  théâtre 
de  la  Forte- St. -Martin  y  le  ^Jloréal  an  xii, 

PAR  M.   DU  MANIA  NT. 

Musique  de  M.   Alexandre  P  i  c  c  i  n  i  fils. 
Eallers  de  M.  âvmsr  ,  artiste  de  l'Opéra. 


A    PARIS, 

CUez Barba,  Libraire,  palais  du  Tribunal ,  gallerie  derriàr» 
le  Théâtre  Français  de  la  République  ,  ii"*.  5i. 

AH  X  I  r.     (i8o4-) 


PERSONNAGES.  ACTEURS. 

ALI,  pirate  Algérien.  M.  Dugrand. 

ORAM,  compSJgnon  d'Ali.  M.  Dkerbonville. 
VALCOUR  ,                                i  français  ,  j  M.  PJnLppe. 
FLORVAL,  ami  de  Va'.cour,/ prisonnier  >M.  ^dnet-. 

ÉLISE,  épouse    de  V;ilcour,  (^     d'Ali.  )W^^  Quénay. 

ZULIME  ,  épouse  d'  Ali.  M^e  Pelletier. 

FATMÉ  ,  esclave  de  Zulime.  M'ie  Berville. 

IBRAIM  y  algérien.  M.  Fusil, 

SÉLIM,  esclave  d'Ali.  M.  Lequien^ 
UN  FRAMÇAIS,  esclave  d'Ali.  M.  Odri. 

Prisonniers  français. 
Estlayes  algériens. 
Danseurs. 


La  scène  est  à  Alger. 

Nota.  Les  acteurs  sont  en  tète  de  .chaque  scène  tels  qu'ils 
doivent  être  au  théâtre.  Le  premier  inscrit  tient  la  droite. 
La  droite  est  cellçides  acteurs. 

On  trouvera  la  musique  chez  M.  Frauieii  ,   rue  Vi vienne 
■n°.  63. 


Baa« 


LES    FRANÇAIS 

EN    ALGER. 

fclU  llllli.1l    II       fl      I       Hl»f  ■  .  »  "  ' "•        "  "r      .IM'UMIf 

ACTE     PREMIER. 

Zi<?  théâti'e  représente  une  salle  hasse ,  (leiix 
portes  de  chaque  côté  y  une  dans  1er  fond ,  qui 
est  la  grande  porte  d'entrée.  Au  lever  du  il' 
deauy  des  esclaves  ornent  de  Jleurs  le  pour- 
tour de  la.  salle.  1j' appartement  d'Ali  est  à 
sraiiche  ;  celui  de  Zulime  est  à  droite  des  ac- 
teurs» 

S  C  E  N  E     P  R  E  M  i  E  R  E. 

Z  U  L  I  M  E  ,  sortant  de  son  appartement ,  aux  esclaves. 

J  E  suis  contente  de  votre  zèle;  ces  lieux  sont  disposf^s 
comme  je  le  desirais.  On  a  signalé,  depuis  deux  heures  ,  le 
vaisseau  qui  ramène  mon  époux.  Il  sera  sans  doute   ici   dans 


seule  manquait  pour  endjtllir  la  fête  ,  il  en  sera  témoin. 
Puisse- t-il  enfin  a[»précier  la  tendresse  de  celle  qui  ne  vit 
que  pour  lui  (  M.  ) 


SCENE     II. 
Z  U  L  I  M  E,    S  É  L  I  M,    Esclaves. 

s    É    L    I    M.  ..,.,..,, 

Madame  ,  votre  époux  et  son  arai  Oram  ,  viennent,  de  dé* 
barquer  dans  le  port. 

z    u    I,    I    BI    E. 

Je  vaiô  4t>nc  revoir  mon  époux  î 


(4  ) 

s    i    L    I     M. 

La  fortune  a  secondé  son  courage  j  il  a  fait  une  prise  fort 
riche  y  il  conduit  plusieurs  esclaves. 

z    u    L    r    M    E. 

Je    plains   ces  malheureux.  Y  a-t-il  des  femmes  dans  le 
«ombre  l 

s    i    I,    I    M. 

Une  seille. 

z    u   I,   I    M    E. 

Jeune  ? 

s    É    L    I    M    E. 

Et   fort  belle  ,  à  ce   que  m'a  dit  un    des  compagnons  de 
notre  maître. 

z    u    L    I    M    E. 
Jeune  et  belle  ?  infortunée  !  la  beauté,    ce  présent  si  flat- 
teur de  la  nature  ,  ne  sera  pour  elle  peut-être  qu'un  malheur 
de  plus.  (  on  entend  quelques  mesures  d'une  marche  dans  /V- 
loignement.  ) 

s    É    L    I    M. 
Entendez-vous  la  marche  triomphale  de  votre  époux  ?  son 
succès  va  faire  bien  des  jaloux,  (/a  viarche  continue  tt  s'ap- 
proche. )  " 

S  C  E  N  E     I  I  I, 

VALCOUR,  ÉLISE,  ZULIME,  ALI,ORAM,FL0RVAL, 

Soldats,  Esclaves,  Algériens,  prisonniers  française 
ZULIME,    allant   à    Ali. 
Enfin  je  vous  revois  après  une  absence  si  longue  î 

, .  JilA'^  ALI.  .u,(,:i'i;)!\: 

Je  croyais , -au  Contraire,  que  vous  me  félibiteri^z  de  mon 
prompt  retour.  Il  y  a  à  peine  douze  jours  que  je  suis  sorti  du 
port.  Je  n'ai  pas  perdu  mon  tems  ,  j'ai  fait  une  prise  fort 
riche  \  mais  ce  n'est  pas  sans  peine  ;  jamais  victoire  ne  fut  si 
long-tems  disputée  ;  cela  ne  doit  pas  vous  surprendre,  j'ai  eu 
des  Français  à  combattre  :  heureusemtnt  ils  montaient  un 
vaisseau  bien  moijis  fort  que  le  nôtre  j  mais  ce  succès  me 
flatte  :  nous  nous  sommes  vus  de  près^  et  si  je  rer.ds  justice 
à  leur  valeur,  je  crois  qu'ils  rendront  également  justice  à 
la  mienne. 

F    L    o    R    v    A    L. 

Il  ne  tient  qu'à  vous,  seigneur  ^  que  nous  allions  publier 
TOtre   vaillance   dans  notre  patrie.  Je  ferai  mettra   dans  les 


(5) 

journaux  le  récit  du  combat  et  votre  générosité  ;  cela  vous 
fera  un  honneur  infini. 

A    I.    I. 

Je  ne  me  sépare  pas  ainsi  des  bravos  que  j'estime.  J'ai  par- 
tagé les  fruits  du  combat  avec  mes  conijjaononsj  je  crois  qu'ils 
sont  aussi  contens  de  mon  courage  que  de  ma  loyauté. 

OR    A    M. 

Contens  ?  c'est  une  autre  affaire. 

ALI. 

De  quoi  te  plains-tu  ? 

o    R    A    M. 

Tu  retiens  pour  toi  cette  femme,  ces  deux  hommes  et  tous 
les  Français. 

ALT. 

Je  t'aband(}nne  tous  les  Anglais  que  nous  prîmes  il  y  a  un 
mois,  et  qui  sont  deux  fois  plus  nombreux. 

o    R    A    M. 

Je  ne  les  aime  pas,  tes  Anglais. 

A    JC    I. 

Ils  ont  de  l'apparence  ;  ils  sont  de  défaite.  Enfin,  comme 
chef,  j'ai  le  droit  de  choisir.   I^a  femme  est  belle. 

o    R    A    M. 

C'est  à  cause  de  cela  que  je  la  voulais. 

ALI. 

C'est  à  cause  de  cela  que  j«  la  garde  :  elle  est  intéressante  j 
on  lui  doit  des  égards;  j'en  aurai  pour  elle, 

o  R.  A   1,1  ,    montrant    VaLour. 
Mais  ,  ce  jeune  homme  ? 

ALT. 

Il  est  brave  ;  la  bravoure  me  plaît. 

QRAM. 

Il  est  leste,  YÎgoureux,  intelligent;  j'en  eusse  tiré  cinq 
centfi  sequins. 

ALI. 

Et  moi  je  prétends  l'attacher  à   mon  service.  S'il  adopte 
nos    lois,   s'il  se  conduit  bien ,  j'en  ferai  peut-être  un  jour 
mon  successeur  ou  mon  compagnon  d'armes, 
o   R   A   M ,    montrant    TlorVaL 

Et  cet  autre  qui  prend  son  Jiarti  ji  gaîment  ? 

A    ït  I. 

Ils  sont  amis  ,  je  ne  veux  point  les  séparer  5  il  console  en 


(6  ) 

riant  son  camaracle  d'inforiune  :  son  humeur  me  plaît  ;  j'ai;'' 
quelquefois  des  momeris  de  mélancolie,  il  les  dissipera.        * 

F    L    Ô    R    V    A    !.. 

C'est  bien  assez  des  maux  de  la  nature  et  des  revers  de  la 
fortune,  sans  les  agraver  encore  par  un  chagrin  innlilc.  Le 
sage  doit  prendre  son  parti  sur  tous  les  évènciiieris  qu'il  ne 
peut  empêcher. 

ALI. 

J'aime  ta  morale. 

F   I.    o    R    V    A    r. 
J'ai  fait  tout  ce  que  j'ai  pu  pour  défendre  ma  liberté. 

ALI. 

Vous  vous  êtes  fort  bien  battus  l'un  et  l'autre. 

F    L    O    R    V    A    L. 

Accablés  par  le  nombre,  il  a  fallu  céder  ;  à  quoi  servirait 
la  plainte  ? 

A    X    I. 

A  rien  du  tout  qu'à  m''ennoyer. 

F   L   o  K   y  A   t.. 
Il  ne  nous  reste  donc  qu'à  nous  soumettre  à  notre  destinée, 
et.  ^  mériter  les  bonnes  grâces  de  notre  patron. 

ALI. 

Engage  ton  ami ,  et  surtout  cette  belle  ,  à  t'iniiter  ,  et  vous 
n'aurez  pas  à  vous  plaindre. 

z    u    I,    I    M    E. 
Faites  ôter  les  chaînes  de  ces  infortunés. 

ALI. 

J  y  consens}  elles  sont  inutiles  ici,  ils  ne  peuvent  s'é- 
cliapper, 

F  I,  o  R  V  A  r. 

Je  vous  remercie  pour  mon  ami ,  pour  sa  sœur  et  pour  moi 
de  cette  générosité. 

ALI. 

Tu. m'assures  qu'ils  sont  frère  et  sœur  ? 
F   I,    o    R   v    A    L. 

Oui ,  seigneur  ;  ne  ie  voyez-voua  pas  à  leur  air  de  famille. 

ALI. 

Cela  est  fort  heureux  pour  ton  ami  :  s'il  eut  été  son  époux 
ou  son  amaat ,  je  les  eusse  séparés  j  je  me  serais  défait  de 
lui. 


C  7  ) 
FLORVAt,    d   part. 
O  foituné  mensonge  ! 

ALT. 

Que  dis-tu  ? 

F   I.  o   R  V  A   r. 

Que  nous  renJons  grâces  au  ciel  d'être  tombés  en  la  puis- 
sance d'un  seigneur  si  humain  et  si  bientaihaat. 
A  t.  I. 
Oh  !  moi,  Je  suis  le  meilleur  homme  du  monde  lorsque 
rien  ne  me  contrarie  et  qu'on  fait  toutes  mes  volontés.  Mais, 
avant  d'aller  me  reposer ,  je  voudrais  prendre  quelc^ues  ra- 
fraichisseuieus. 

z    V    L    I    M    E. 

Le  sorbet  est  préparé. 

ALI. 

Eh  !  laissez-là  votre  sorbet  :  insipide  boisson  !  Le  saint 
Prophète  permettra  que  nous  lassions  usage  de  quelques 
flacons  enlevés  aux  vaincus.  Oraiii,  si  tu  as  des  scrupules, 
tu  peux  te  retirer  ;  je  ne  veux  pas.  scandaliser  un  fidèle 
croyant, 

o    R    A     M.  \ 

Ne  fais  pas  trop  d'honneur  à  ma  conscience  j  je  reste  et 
je  bois. 

ALI. 

Esclaves,  servez,  {plusieurs  esclaves  sortent  et  rentrent 
en  portant  des  carreaux  ,  des  pipes  ,  des  flacons  de  vin  ,  etc. 
cju'ils  placent  à  droite  près  de  l' avant- scène.  )  Et  vous, 
jeune  beauté  qui  ,  ainsi  que  votre  frère  ,  chantez  si  bien  ,  à 
ce  que  m'a  dit  votre  ami, 

F    L    o    R    V    A    L. 

Oui  ,  ce  sont  deux  virtuoses.  Ils  étaient  allés  en  Italie 
pour  se  perfectionner  dans  le  goût  du  chant  5  ils  repassaient 
en  France  ;  ils  ont  eu  le  malheur  de  s'embarquer  sur  un  vais- 
seau napolitain. 

ALI. 

Ce  n'est  pas  le  récit  de  leur  histoire  que  je  te  demande  : 
les  esclaves  ont  toujours  u~  roman  tout  |«rèt.  Je  veux  qu'ils 
chantent.  {ZtUtme  ^  Ali  ^  Oram  vont  s'asseoir  sur  les  car- 
reaux.  ) 

F     L    o    R    V    A    L. 

Ils  vont  vous  obéir.  (  bas  àElise.  )  Il  faut  faire  contre  for- 
tune bon  cœur. 


(8) 

A    I.    I. 

Que  la  belle  commence. 

£    I.    I    s    E. 

Air. 

Dans  la  saison  des  amours, 
Une  teiulie  tourterelle  , 
Près  d'un  tourtereau  fidèle  , 
Coulait  ses  heureux  jours. 

Un  oiseleur  inhumain  , 
Dans  ses  filets  los  arrête  ; 
A  son  ami ,  la  pauvrette, 
Dit ,  rendons  grâce  au  destin. 

Tout  fut  commun  entre  nous  , 
Le  même  sort  nous  rassemble  , 
Et  si  nous  souffrons  ensemble 
Le  trépas  nous  sera  doux. 

A  r,   I. 

Sa  voix  enctanteresse  porte  le  trouble  dans  mes  sens  ! 

o  R  A   M ,    d  part. 
Une  esclave  si  belle  me  serait  enlevée  ! 

A    I.    I. 

Que  dis-tu  ? 

O    K    A    M. 

Qu'elle  chante  à  ravir.  • 

ALI. 

Je  suis  content  du  morceau  que  je  viens  d'entendre  ;  mais, 
comme  je  ne  me  pique  pas  d'être  connaisseur  en  musique  , 
je  voudrais  qu'elle  chantât  quelque  chose  dans  un  genre  plus 
réjouissant  ,  plus  facile  ,  où  nous  pussions  faire  chorus 
avec  elle. 

F    I.    O    R    Y    A    L. 

Sur  quel  sujet  ? 

A  I.  r. 
Je  voudrais  une  chanson  de  table. 

F    L    o    R    V   A   I-. 

Je  crois  qu'elle  n'en  sait  point  \  mais  ,  sî  vous  le  permet- 
tez ,  je  vais  en  essayer  une  dont  vous  pouvez  répéter  après 
moi  le  refrain. 

A  z.  I. 

Tu  chantes  donc  aussi  ? 


(  9  ) 

F    I.    O    K    V    A     L. 

Je  fais  tout  ce  qu'on  veut. 

A  L  r. 

Excellent  moyen  pour  plaîre  à  tout  le  monde  et  dans  tous 
les  pays.  Allons,  chante  ;  ta  chanson  viendra  à  propos;  il 
nous  reste  encore  quelques  flacons  a  vuider. 

^^  F    L    o    R    V    A    L. 

Premier  couplet. 
Parcourez  et  la  terre  et  l'onde ,  • 

Voyez  les  petits  et  les  friands, 

Dans  tous  les  coins  du  inonde 
Vous  trouverez  «les  niéronténs  ; 
L'iMi  se  lasse  de  sa  misère  , 

L'autre  de  sa  grandeur; 

Mais  voit-on  sur  la  terre 

S'ennuyer  un  buveur? 
Vive  le  vin ,  c'est  le  remède 

A  qui  tout  chacun  code  , 
Vive  le  vin  Ct<^r.)  et  le  buveur. 

Second,  couplet. 
Si  ma  maîtresse  est  inlidelio, 
Auiieu  de  pousser  des  soupirs 

£t  d'accuser  la  b«dle  , 
Do  causer  tous  mes  déplaisirs  , 
Je  bois  de  la  liqueur  vermeille, 

Eienlôt  plus  de  langueur  ; 

Au  fond  de  la  bouteille 

Est  le  calme  du  cœur. 
Vive  le  vin ,  c'est  le  remède 

A  qui  tout  chagrin  cède  , 
Vive  le  vin  Cter.J  et  le  buveur. 

Troisième  couplet. 
Aucnn  péril  ne  nous  arrête 
Pour  courir  après  le  bonheur, 

L'un  brave  la  tempête, 
B'autre  s'eXpose  au  champ  d'honneur. 
Ah  !  pauvre  gens  courez  moins  vite , 

N'embrassez  plus  l'erreur  j 

R%ste2  dans  votre  gîté 

Et  buvez  du  meilleur. 
Vive  le  vin  ,  c'est  le  remède 

A  qui  tout  chagrin  cède  , 
Vive  le  vin  (ter.J  et  le  buveur. 
Les.  Français  en  Al" ut.  B 


(  lo  ) 

2    U    t    I    M    E. 

Permettez  que  mes  esclaves  exécutent  une  petite  fête  qu'ils 
ont  concertée  entre  elles,  pour  célébrer  votre  retour  et  votre 
anniversaire. 

ALI. 

Qu'elles  dansent ,  j'y  consens  ,  si  cela  les  amuse. 
(  Les  femmes  esclaves  d' Ali  exécutent  un  ballet.  ) 
ALI,    après  le   ballet  se  levant. 
C'est  assez  de  plaisir  pour  aujourd'hui  5  il  est  tems  d'aller 
prendre  du  repos. 

o  R  A  M  ,    à   part. 
Du  repos  I  il  n'en  est  plus  pour  moi  que  cette  femme  ne 
soit  en  ma  puissance.   (  haut,  )  Adieu  ,  je  me  retire.  (^  il  sort 
par  la  porte  du  fond  et  rentre   un  instant  après  et  se  coule 
dans  le  second  appartement  d  droite  des  acteurs.  ) 

S^C  E  N  E    IV. 

Les  précédées,  excepté  O  R  A  M. 
A  L  z. 
Ztilimej  je  vous  recommaude  cette  jeune  personne;  j'en- 
tends que  tout  le  monde  ici  s'empresse  à  lui  plaire  ;  celui  qui 
osera  lui  causer  le  moindre  déplaisir,  j'en  jure  par  le  Saint 
Prophète ,  la  punition  la  plus  terrible  suivra  de  près  l'of- 
fense. Esclaves  ,  retirez -vous  j  fermez  exactement  les  portes. 
(à  V^alcour.')  Suis  moi  ;  tu  dormiras  auprès  de  mon  appar- 
tement. (  Valcour  regarde  Elise  en  levant  les  yeux  au  ciel.  ) 
IVlarche  donc  ;  tant  d'intérêt  pour  elle  commence  à  me  dé- 
plaire. (M.) 

SCENE     V. 
ZULIME,     ÉLISE. 

ÉLISE. 

Quel  contrainte  !  ah  !  malheureuse  Elise  ! 

ZULIME. 

Calmez,  s'il  est  possible,  le  trouble  de  votre  ame;  regar- 
dez-moi sans  frayeur,  jeune  étrangère  5  croyez  que  tous  les 
cœurs  ne  sont  pas  fermés  à  la  pitié  :  votre  situation  me 
touche  et  m'intéresse;  je  ne  vous  promets  point  de  changer 
votre  sort ,  le  ciel  m'en  refuse  les  moyens  ;  mais  je  ferai  tout 
pour  l'adoucir,  et  j'y  réussirai  sans  doute. 

ÉLISE. 

Ah  !  j'avais  besoin  de  trouver  quelqu'un  dans  le  sein  de 
q^ui  je  pusse  répandre  le  chagrin  qui  m'oppresse. 


(  11  ) 

Z    U     L    I    M    E. 

Parlez,  parlez  sans  crainte}  en  confiant  ses  maux  ,  on  les 
soulage. 

ÉLISE. 

Si  je  souffrais  seule  ,  je  ne  me  plaindrais  pas. 

z    u     I.    I    M    £. 

Votre  frère. 

ÉLISE. 

Mon  frère  !  hélas  ! 

z    u    L    I    M    E. 

Vos  yeux  m'ont  appris  votre  secret  :  un  sentiment  plu» 
tendre  vous  parle  en  sa  faveur  j  ce  jeune  français  est  votre 
amant. 

ÉLISE. 

11  est  plus,  madame  ,  il  est  mon  époux.  Dans  les  premiers 
instars  de  l'union  la  plus  fortunée  ,  nous  sommes  arrachés  à 
notre  patrie  et  au  bonheur  ;  les  plus  doux  sentimens  de  la 
nature  nous  sont  interdits  :  cet  amour  c]ui  devait  faire  le 
charme  de  notre  vie,  est  un  crime  aux  yeux  de  nos  barbares 
ravisseurs. 

z  u  L  I  M  E. 
Que  je  vous  plains  !  Mais  ne  vous  laissez  point  abattre 
par  la  douleur  ;  votre  sort  peut  changer.  Jusqu'à  piésent  j'a- 
vais régné  seule  sur  le  cœur  de  mon  époux,  je  puis  recou- 
vrer mon  empire  :  en  vous  voyant  ,  je  ne  m'étonne  point 
des  nouveaux  sentimens  que  vous  pouvez  lui  inspirer.  Nos 
lois  admettent  dans  l'hymen  un  partage  odieux;  mais  la  na- 
ture le  repousse.  Ali  connaît  mon  cœur,  il  ne  m'a  peint 
causé  ce  déplaisir  mortel  ,  j'ose  espérer  encore  qu'il  ne  le 
voudra  point  :  ma  tendresse  ,  votre  amour  pour  un  autre  ,  la 
pitié  qu'on  doit  au  malheur  ,  attendriront  son  ame  ;  craignez 
cependant  d'irriter  son  orgueil  ;  il  est  fier  ,  impétueux  j  son 
cœur,  autrefois  sensible,  s'est  endurci  parmi  ses  compagnons 
féroces  5  mais  nous  le  fléchirons,  nous  le  rendrons  à  lui-mê- 
me: ah  !  si  je  n'avais  point  cette  espérance,  je  cesserais  à  l'ins- 
tant de  vivre,  en  adorant  l'ingrat  qui  causerait  ma  mort  ! 

ÉLISE. 

Votre  bonté  me  rassure. 

z    u    I.   I    M    E 

Rendez  grâces  au  ciel  de  n'être  point  tombée  dans  les 
mains  du  farouche  Oram. 

ÉLISE. 

Son  aspect. seul  me  fait  frémir  ! 

z    XJ    L    I    M  E, 

Venez  goûter  les  douceurs  du  repos» 


,    (    12    ) 

É    t    I    S    E. 

Du  repos  î  en  est- il  encore  pour  moi. 

z  r  r.  I  M  E  ,    indiquant  la    deuxième  porte   à    droite. 

Cet  appartement  que  vous  voyez  sera  le  vôtre  ;  vous  pou- 
vez vous  y  retirer  quand  vous  le  vouf^rez.  Vivez  ici  sans  con- 
trainte 5  j'y  commande  encore  :  c'est  à  moi  que  l'on  vous  con- 
fie ,  et  î,i  j'exige  quelque  chose  de  vous  ,  c'est  de  m'aimer 
comme  votre  meilleur  amie. 

ÉLISE. 

Oh  !  toujours  î  combien  je  suis  touchée  de  vos  bontés  gé- 
néreuses . 

z    u    r   I    M    E. 

Point  de  réraercimens  5  la  félicité  des  âmes  sensibles  est 
d'être  secourable  àl'infortune  :  calmez-vous,  et  croyez  que 
ei  les  soins  de  l'amitié  adoucissent  les  jcines  du  cœur,  vous 
sentirez  les  vôtres  s'atfaiblir  près  de  moi  •,  j'en  juge  par  le 
tendre  sentiment  que  votre  aspect  m'inspire.  (  e//e  sort  par 
la  première  porte  à  droite,  )  {Musique   ) 

SCENE     VI. 

£  L  I  S  £  ,  seule. 
Hélas  !  à  quel  sort  devons  nous  nous  attendre  !  ô  dieu  ! 
ne  nous  abandonne  pas 5  tu  dois  ton  secours  à  l'innocence  qui 
t'implore  !  (M,)  Elise  adresse  ses  prières  au  ciel.  On  voit 
sortir  Qram  de  l'appartement  oîi  il  s'était  caché ^  il  ouvre  la 
porte  du  fond  pour  s'' assurer  si  tout  le  monde  s'est  éloigné  , 
et  vient  à  Elise.  ) 

SCENE     VII.  * 

ÉLISE,    O  R  A  M. 

ÉLISE. 

Grands  dieux  1  que  vois- je  ? 

o    K    A    M. 

Vous  voyez  l'amant  le  plus  passionné  ! 

ÉLISE. 

Osez-vous  .^  perfide  ? 

o    R    A    M. 
J'ose  tout  pour  briser  voire  chaîne. 

ÉLISE. 

Ah!  fuyez,  laissez-moi. 

o  R  A  M  ,    xoulant   l'cnmener. 
Venez. 

4    X.    ISS. 

Jamais. 


(  i3  ) 

o  R  A  M  ,  Tdpidement. 
Avant  Je  m'opposer  une  résistance  iléplacée  et  même  inu- 
tile ,  écoiitez-iuoi  5  réfléchissez  à  votre  position.  L'escla- 
vage le  plus  affreux  vous  attend  dans  la  maison  d'Ali.  Ve- 
nez cliez  moi,  vous  y  commanderez  en  souveraine  :  vous  êtes 
la  première  de  votre  sexe  qui  m'ayez  fait  connaître  l'amour: 
vous  n'aurez  jamais  de  rivale  ;  la  fortune  ,  les  plaisirs  embel- 
liront votre  existance  ;  l'instant  est  favorable  ,  profitez-en  , 
venez. 

ÉLISE. 

Laissez-moi,  laissez-moi  5  éloignez- vous ,  ou  je  remplis 
la  maison  de  mes  cris. 

o  R  A  M  ,    tirant    un    poignard. 

S'il  l'en  pcliappe  un  seul ,  tu  meurs  à  l'instant,  (//  la  prend 
par  la  main.)  Esclave  ,  il  faut  me  suivre. 

ÉLISE. 

Non  5  donne-moi  la  mort  ! 

o    R    A    M. 

Tu  résistes  en  vain. 

ÉLISE. 

Dieux  I  grands  dieux  !  (M.) 

SCENE     VIII. 

ÉLISE,    VALCOUR,ORAM. 

(  Valcour  sort  de  l'appartement  où  il  était  entré  :  Oram  tient 
Elise  de  la  main  gauche  ,  le  bras  droit  élevé;  Valcour 
arrive  rapidement  et  lui  arrache  son  poignard  j  Elise  va 
tomber  évanouie  sur  les  carreaux  qui  sont  à  droite.  ) 

VALCOUR. 

Scélérat  î  armé  contre  une  femme  ! 

DRAM. 

O  rage  !  et  je  ne  puis  te  punir  ! 

VALCOUR. 

Fuis ,  monstre  I  fuis  ;  j'ai  peine  à  retenir  le  courroux  qui 
m'enflamme  I 

OR    A    ^î. 

Oui,  je  sors;  mais  je  me  vengerai  de  cet  excès  d'audace. (M.) 

'  SCENE     IX. 

ÉLISE,     VALCOUR. 

VALCOUR. 

Ma  femme  !  mon  Elise  !  ah  .'  grands  dieux  I  elle  ne  m'en- 
tend plus  !  Serait-elle  la  victime  des  fureurs  de  ce  monstre  I 


(i4) 

(M.)  Elise  !  dieux  puissans  î  quels  secours  pourront  la  rap- 
peller  à  la  vie  !  (M.)  Ah  I  ciel  !  (M.) 

S  C  E  N  E     X. 

ELISE ,  ZULIME  ,  VALCOUR ,  SÉLIM  ,  ALI ,  Esclaves. 

(^Sélim  entre  avec  plusieurs  esclaves^  saute  sur  Valcour  ^  lui 
arrache  le  poignard.  ) 

K   lu    ï. 

Que  signifie  ce  tapage  ? 

s    É    t    I    M. 

Ce  traître  avait  formé  le  projet  de  la  ravir. 

V  A   L   c  o  u    R. 
O  ciel  !  et  c'est  moi  qu'on  accuse  ! 

SÉLIM. 

Les  portes  sont  ouvertes,  son  camarade  a  fui. 

V  A  L  c  o  u  K. 
Je  la  défendais  contre  un  vil  ravisseur. 

SÉLIM. 

L'évasion  de  son  ami  éveillait  mes  soupçons  ;  ce  que   vous 
voyez  les  confirme. 

A    X.    I. 

Tremble  de  ma  fureur  ! 

VA    t    c  o   u  H. 
Dispose  de  ma  vie  5  mais  veille  sur  la  sienne. 

ZULIME,  qui  dès  son  entrée  a  couru   à   Elise* 
Ses  yeux  se  rouvrent  à  la  lumière. 

ÉLISE,    revenant  à    elle. 
Où  donc  est  mon  époux  ? 

ALI. 

Son  époux  î 

ÉLISE. 

Ah  !  malheureuse  I  qu'ai-je  dit  ? 

ZULIME,    allant   à    Ali, 
Seigneur  ,  ayez  pitié... 

ALI. 

Ils  m'ont  trompés  5  qu'on  les  enchaîne  l'un  et  l'autre, 

qu'on  les  enferme  dans  la  tour.  (M.) 

(  Scène  pantomime  analogue  à  la  situation.  Zulime  court  se 
jetter  aux  pieds  d' Âli  qui  la  repousse.  Les  esclaves  ar- 
rachent Valcour  et  Elise  des  bras  l'un  de  l'autre.  Ali  or" 
donne  d  Zulime  de  rentrer  dans  son  appartement  y  et  la 
toile  tombe,  ) 

Fin  du  premier  acte. 


(  i5  ) 

ACTE     II. 

La  scène  esthoi^s  la  ville.  Des  arbres  bordent  les 
coulisses  ;  on  voit  au  fond  une  tour ,  deux  fe- 
nêtres grillée  s  y  au  premier  étage ,  voisine  l'une 
de  l'autre.  A  la  tour  sont  joints  des  murs  ; 
on  peut  faire  le  tour  de  cet  espèce  de  châ- 
teau fort  ^  le  côté  gauche  laisse  un  passage. 
Il  fait  nuit. 

SCENE     PREMIERE. 

ELISE  ,  VALCOUR,  aux  fenêtres  de  la  tour  ,  IBRAHIM  , 
en  faction  au  bas. 

V  A    I.    C    O    U    R. 

\J  MON  Elise  ! 

£    L    I    s    £. 

Infortuné  Valcour  ! 

IBRAHIM. 

Heim  I  n'entends-je  pas  du  bruit  ? 

VALCOUR. 

Ma  voix  n'arrive  point  jusqu'à  ton  oreille. 

IBRAHIM. 

Je  ne  dors  point  ;  on  a  parlé. 

V  A  I.  c  o   u  ». 


i   L   I   s   £. 
IBRAHIM. 
VALCOUR. 


Elise  !  Elise  ! 
Valcour. 
Encore  ? 
Est-ce  toi  ? 

IBRAHIM. 

Oui  ,  vraiment  ,  c'est  moi-même. 

ÉLISE. 

Nous  pouvons  donc  au  moins  nous  entretenir. 

IBRAHIM. 

Non,  cela  m'est  expressément  défendu. 

VALCOUR. 

Sois  sensible  à  notre  malheur. 


(  »6  ) 

I     B    K    A    H    I    M . 

Ail  bien  ,  oui  ^  sensible  ?  est-ce  que  je  suis  le  maître  de 
cela?  cent  coup  de  bâtons  ,  ici  ,  sous  la  plante  des  pieds  ,  au 
subalterne  qui  s'attendrit.  Comme  je  serais  sûr  delà  gratifi- 
cation ;  tous  aurez  pour  agréable  c^ue  je  ne  m'expose  point 
à  la  mériter. 

ÉLISE. 

Quel  sera  notre  destinée? 

IBRAHIM. 

La  belle  au  harem ,  et  l'amant  aux  carrières. 

V  A    I.   c   o    u   R. 
Qu'on  nous  donne  la  mort. 

IBRAHIM. 

Les  Algériens  ne  tuent  point  les  jolies  femmes  et  les  jeu- 
nes liommes  qui  peuvent  travailler,, ,  O  ciel  !  si  quelqu'un 
m'avait  entendu  causer  s.vec  les  prisonniers?...  Qui  vive  ?... 
personne.  Je  me  sens  rassuré. 

ÉLISE. 

O  Valcour  !  ô  mon  époux.. 

V    A     L    c    o    u    R. 

Armons-nous  de  courage. 

I     B     R     A     H     I     M. 

Taisez-vous  donc  ,  maudits  infidèles  ,  taisez-vons  donc  y 
ou  si  vous  ne  voulez  pas  vous  taire  ,  jasez  ensemble  5  mais  y 
j'en  rendrai  compte  ,  je  vous  en  avertis.  Quant  à  moi  je  ne 
vous  réponds  plus,  (  M.  )  (  z7  vient  à  l'avant- scène  y  bat  le 
briquet  y  allume  sa  pipe.  ) 

S  C  E  N  E     I  î. 

FLORVAL,  IBRAHIM,   ÉLLSE  ,   VALCOUR,    aux  fe- 
nêtres de  la  tour. 

TLORVAi.  ,  il  arrive  le  long  du  mur  du  fond  à  droite  ,  il  a  un 
pxtnier  nu-  bras. 
Voilà  donc  la  tour  ou  ils  gémissent  tous  les  deux.  Com- 
ment pouvoir  les  délivrer  ?  je  suis  sans  argent  ,  je  ne  puis 
employer  la  force  5  s'il  m'était  au  moins  possible  dé  leur  faire 
passer  ces  provisions  dont  je  me  suis  saisi  au  moment  de  ma 
fuite. 

IBRAHIM. 

Qui  va  là?. 

Fi,oRVAi.,c  part. 
Payons  d'audace. 

I  E  R  A  H  I   M  j  le  couchant  en  joue. 
Qui  va  là  ,  réponds  ? 


(   >7  ) 

A     L  ,     < 

Un  esclave  ijui  veut  faire  ta  fortune. 

IBRAHIM.. 

Un  esclave  faire  ma  fortune. 

F    L   G   R   V   A   r.. 
J'ai  de  l'or,  tles  pierreries. 

IBRAHIM. 

Un  malheureux  qu'on  a    dépouille  ,    laissé  nud  comme  la 
main  !  j'étais  sur  le  vaisseau  lorsque  l'on  vous  a  [^is  j  jo   le 
re<:onnais  ,  tu  ne  m'en  feras  pas  accroire. 
F    L    o    B    V    A    t. 

Ali  ,  charmé  de  mon  courage. 

IBRAHIM. 

Il  aime  les  braves  gens.  ^'^f^ 

F    L    o    R    V    A    L. 

Ali  m'a  fait  rendre  mes  habits. 

IBRAHIM. 

Tu  vas  vouloir  me  persuader  que   ton  or   et  tes  pierreries 
étaient  cachés  dans  tes  vètemens?  je  les  ai  tournés  et  retour- 
rés,  je  n'ai  rien  laissé  à  prendre  à  ceux  qui  m'ont  succédé  j 
puis  on  t'a  mis  à  fond  de  cale  de  ton  vaisseau. 
F    r.    o    R    V  A    L. 

C'était  là  qu'était  mon  trésor,  je  l'y  avais  déposé  avant  le 
combat.  Tu  sens  qu'il  m'a  été  facile  de  me  saisir  de  mes  ri- 
chesses sans  que  personne  s'en  apperçut. 

IBRAHIM. 

Ah  !  si  je  m'étais  douté  de  ta  friponnerie  y  comme  je  t'au- 
rais fouillé  de  nouveau. 

F    L    o    R    V    A     L. 

Tu  n'en  serais  pas  plus  riche  puisque  je  viens  t'oftrir  tout, 
ce  que  je  possède,   sans  que   tu  sois  obligé  de  partager  avec 
qui  que  ce  soit. 

IBRAHIM. 

Je  te  remercie ,  donne.  Est-ce  que  ta  fortuné  est  là  de- 
dans. 

r    L    o    R    V   A    L. 

■   Non  ,  se  sont  deux  flacons  d'un  excellent  Tin. 
1    B    R    A    H   I    w. 
Du  vin  1  je  le  confisque  ,  il  est  ici  de  contrebande. 

F   I.   o  R    v    A    L. 
Pour  les  imbéciles;  mais,  toi,  tu  n'as  point  de  ces  scrupu- 
les déraisonnables  ;  nous  allons  vuider  ces  deux  flacons  en- 
Ziiis  français  en  Aî^^er.  C 


(  i8  ) 
semble,  et  convenir  de  nos  faits  5   tu   sens  bien  que  je  ne  te 
donnerai  pas  ma  fortune  sans  exiger  de  toi  quelque  petit  ser- 
vice. Jasons  un  instant. 

V  A  I.   c  o  u  a 

Elise  ,  tu  ne  me  parle  plus. 

IBRAHIM. 

Encore  ces   maudits  prisonniers  !  si  tu  as  quelqu'empîre 
sur  eux  ,  prie  les  de  se  taire. 

F    L    O    R    V    A    t. 

Sois  tranquille.  (  M.  )  (  //  va  à  la  tour.  )  Valcour  ?  Elise  ? 

V  A   I,   c  o  u    R. 
C'e-ît  toi  ,  Florval  ? 

ÉLISE. 

O  notre  unique  ami  ! 

r    L   o   R   V   A    t. 
Silence  ,  je  vous   en   conjure  ,   vous  compromettriez  cet 
honnête  homme. 

IBRAHIM. 

Qu^îls  se  tiennent  en  repos  dans  la  tour. 

F   I.   o    R   V    A   t. 
Retirez-vous  l'un  et  l'autre  pour  quelques  instans.  (  M.  ) 
(  il  revient  à  Ibrahim.  )  Veux-tu  boire. 

IBRAHIM 

Il  fait  nuit,  le  prophète  ne  le  verra  pas,  {il  boit.) 

FLORVAL. 

Je  n'ai  point  balancé  à  venir  ici  quand  j'ai  su  que  tu  étais 
de  garde  à  la  tour.  Un  second  coup. 

IBRAHIM. 

Je  le  veux  bien.  (  il  boit.  )  Il  est  bon  ,  très-bon  !  (  il  boit 
encore.  )  Ah  ça  !  est-ce  que  tu  me  connais  ,  toi  ? 

FLORVAL. 

Parbleu  !  qui  ne  te  connaît  pas  ?  tu  te  nommes... 

IBRAHIM. 

Oui,  Ibrahim  Saleski. 

FLORVAL. 

C'est  cela,  Ibrahim  Saleski.  Ton  nom  est  célèbre  ;  je  suis 
fâché  qu'un  homme  tel  que  toi  languisse  dans  les  grades  in- 
férieurs 5  est-ce  que  tu  ne  devrais  pas  commander  au  lieu  d'o- 
béir ?  Ali  ne  te  rend  pas  justice. 

IBRAHIM. 

C'est  un  ingrat.  ^    ,, 


(  19  ) 

0    R    V    . 

Qui  ne  se  connaît  pas  en  mérite.  Je  veux  te  mettre  à  la 
place  qui  te  convient. 

IBRAHIM. 

Es-  tu  fou  ? 

F    L     O    R    V    A    L. 

Comme  on  accueillerait  en  France  un  personnage  de  ton 
caractère,  de  ta  bravoure. 

IBRAHIM. 

Je  me  bats  joliment,  mais  je  bois  encore  mieux.  (//  boit.) 

F    L    O    R    V    A    L. 

Que  dis-tu  de  nos  vins  ? 

IBRAHIM. 

Délicieux  ,  mon  ami  ,  délicieux. 

F    L    o    R    V    A    L. 
Tu  en  auras  à  discrétion. 

IBRAHIM. 

Diable  !  c'est  tentatif  ! 

F   I.    o    R    V    A    L. 

Et  des  femmes  ? 

IBRAHIM. 

Elles  me  plaisent  assez  quand  elles  sont  gentilles 

F    L    o    R    V    A    L. 

Tu  n'auras  qu'à  choisir. 

IBRAHIM. 

Et  sont-elles  fidèles  ? 

F    L    o    R    V    A    L. 

Si  elles  sont  fidelles?  en  France  personne  n'en  doute  ,  pas 
même  les  maris. 

IBRAHIM. 

Des  femmes  belles  et  fidelles  ,  du  bon  vin  ,  et  un  petit 
grade  ,  n'est-ce  pas  ? 

F    L    o    R   V   A    t. 

Une  fortune  immense  ,  des  plaisirs  de  toutes  les  espccesl 
songe  à  ce  que  tu  es  j  et  vois  ce  que  tu  peux  être. 
IBRAHIM,  avec gatté  ^  sans  ivresse. 

Ton  vin  m'a  donné  une  gaité  ,  une  résolution  !...  vous  au- 
tres qui  en  buvez  ,  je  ne  m'étonne  plus  que  vous  soyez  si 
braves.  Dans  ce  moment ,  je  me  sens  un  autre  homme  ,  j'af- 
fronterais une  armée  !  partons  ,  mon  ami  ,  partons  porr  ce 
charmant  pays  où  les  femmes  sont  si  belles,  où  les  vins  ontuu 
parfum  si  doux. 


(  ^o  ) 

T    l    O   K    V    A    t. 

Ouï ,  partons  J  mais  auparavant  il  faudrait  quelques  petits 
préparatifs. 

I    B    R    AH    I    M. 

Quant  à  moi ,  mes  préparatifs  sont  tous  faits  ;  comme  j« 
ne  possède  rien  ,  je  n'ai  rien  à  emporter,  ni  femmes  ,  ni  pa» 
^ens  f  ni  amis  ^  je  ne  dis  adieu  à  personne. 

F    I,    O    R    V    A    L. 

Il  s'agit  d'une  bagatelle  ,  qui  n'aura  rien  d'embarrassan^ 
^i  tu  veux  me  seconder. 

IBRAHIM. 

•^  Je  suis  prêt  à  tout. 

FLORVAL. 

Ilfaut  enmener  mon  ami  et  sa  femme, 

IBRAHIM. 

Qu'avons-nous  besoin  d'eux? 

F    L    O    R    V    A    L. 

Mon  ami  est  un  bomme  puissant,  c'est  lui  qui  te  donnera 
le  poste  auquel  je  veux  t'élever. 

A  IBRAHIM. 

Enmenons  ton  ami. 

F    L    O    R    V    A    L. 

Quant  à  son  épouse  elle  a  une  sœur  plus  belle  qu'elle  en- 
'    '        core  ,  et  je  te  la  destine. 

IBRAHIM. 

]  Oui  ?  eh  bien  enmenons  la  femme. 

F    L    o    R    V    A    t. 

Il  nous  faut  un  vaisseau  pour  la  traversée. 

^  I    î?    R    A    H    r    M. 

Enmenons  le  vaisseau...  Ah  I  que  je  suis  bête  î  je  n'y  pen- 
'  sais  pas. 

~  ■•■  F  I.  p  R  V  A  r. 

Je  pense  à  tout,  moi;  celui  qui  nous  appartenait  esta  l'en- 
cre ,  à  cent  pas  d'ici. 

IBRAHIM. 

Sous  la  garde  de  quatre  hommes. 

F    L    o    R    V    A    L. 

On  s'en  défera. 

~,  IBRAHIM. 

'^  ^   Comment  ,  à  nous  deux  ?  cela  n'est  pas  possible. 

~"  ^  F    L    o    R    V    A    L. 

Si  tu  le  veux  ,  dans  un  quart-d'heure  nous  serons  t  rente 


(    21     ) 

IBRAHIM. 

Comment  cela  ? 

F    L    O    R    V    A     L. 

Mes  compagnons  d'infortune  sont  là  ,  tont  près  ,  enfermée 
dans  ce  pavillon  qui  touche  à  la  tour  ;  il  ne  s'agit  que  de 
m'indiquer  celui  c]ui  a  la  clef  du  pavillon  j  le  connais-tu  ? 

IBRAHIM. 

Oh  !  certainement ,  je  le  connais. 

F    R    O    R    V    A     L. 

Eh  bien  ,  faisons  sauter  la  tète  a  cet  imbécile  là. 

IBRAHIM. 

Ah  !  je  dis  à  cela ,  doucement  ,  car  cet  imbécille-la  ,  c'est 
moi. 

F  r  o   R  V  A   L  ,  lui  sautant  au  cou. 

Ah  !  quel  heureux  hasard  ,  c|ue  je  t'embrasse  ;  le  succès 
de  notre  entreprise  est  assuré  ,  ta  fortune  est  faite.  Tu  £<s 
sans  doute  les  clefs  de  la  tour  ? 

IBRAHIM. 

Non  ,  elles  sont  entre  les  mains  d'Ali. 

F    L    o    R    V    A    I.. 

Quel  contretems  ! 

IBRAHIM. 

Tu  vois  bien  qu'il  faut  renoncer  à  enmener  ton  ami  et  son 
épouse. 

F    L    o    R    V    A    L. 

Et  le  poste  brillant  qui  t'es  promis  )  et  la  belle  femme  que 
tu  dois  avoir  ! 

IBRAHIM. 

Diable  î  c'est  vrai  !...  mais  comment  donc  faire  ! 

F    L   o    R   V   A    r. 
Ali  a  peu  de  monde  chez  lui  ,   ses    esclaves    dorment  ou 
sont  dispersés  }  ne  peut-on  pas  s'introduire  dans  sa  maison. 

IBRAHIM. 

Oui ,  par  le  côté  de  la  mer. 

F    t   o   R   V    A    L. 
On   escalade  ,  on  pénètre  dans  l'intérieur  par  quelque  fe- 
nêtre. 

i    B    R    A    H    I    M 

J'en  connais  une  du  côté  de  l'orient. 

F    L    o    R    V    A     L. 

Ne  perdons  pas  une  minute  \  tu  serviras  de  guide  à  une 
partie  de  mes  camarades  pour  surprendre  Ali  5  on  lui  arra- 
che la  clef. 


(    22   ) 
IBRAHIM. 

On  le  tue  s'il  résiste. 

F    L    O    R    V    A    I. 

A  la  tête  du  reste  de  nos  gens,  je  me  rends  maître  du  vais- 
seau ;  tout  s'exécute  à  la  fois  ;  avant  que  le  jour  ait  paru  , 
nous  sommes  hors  de  tout  danger  et  de  toute  inquiétude. 

IBRAHIM. 

Le  vent  souffle  du  côté  de  terre. 

F    L    o     R    V    A     t. 

Pour  nous  pousser  au  large.  Tu  le  vois ,  le  ciel  se  déclare 
pour  nous  j  courons  délivrer  nos  amis  ,  armons  les. 

IBRAHIM. 

Je  m'en  charge  5  mais  peut-on  laisser   la  tour  sans  garde  ? 

F    I.    o    R    V    A    t. 

■,j  Non  f  sans  doute  ;  si  quelqu'un  des  tiens  venait  à  roder  par 
ici... 

IBRAHIM. 

Il  donnerait  l'alarme. 

F    L    o    R    V    A    r. 

Je  reste  à  la  tour. 

IBRAHIM. 

Prends  mon  fusil;  éloigne  tous  les  indiscrets.  De  la  pa- 
tience et  du  courage  ,  tout  pourra  réussir.  En  délivrant  les 
français  ,  je  vais  enfermer  tous  les  nôtres.  Sans  adieu,  tu  me 
verras  bientôt.  (  M.  ) 

SCENE    III. 

FLORVAL,  ELISE  et  VALCOUR  ,  dans  la  tour. 

F    I.    o    R    V    A    L. 

Cet  homme  a  de  l'intelligence  et  du  zèle  :  c'est  par  son  in- 
térêt que  je  l'ai  séduit  j  je  ne  pourrai  pas  lui  tenir  tout  ce  que 
le  besoin  que  j'ai  de  son  secours  m'a  fait  lui  promettre  j  mais 
si  nous  réussissons  dans  notre  entreprise  ,  Valcour  ,  que  j'ai 
fait  passer  pour  un  simple  artistej  a  de  la  fortune  ,  il  récom- 
pensera Ibrahim  ,  de  manière  qu'il  ne  se  repentira  point  de 
nous  avoir  servis. 

VALCOUR. 

Je  ne  vois  plus  Florval. 

FLORVAL. 

Me  voilà  ,  me  voilà  ,  je  travaille  à  votre  délivrance  ;  mais 
silence  ,  une  indiscrétion  peut  tout  perdre  5  nous  touchons 
sans  doute  au  moment  de  voir  tomber  vos  fers. 


(  ^3  ) 

V    A    I.    C    O    U    R. 

Malheureux,  ton  amitié  t'égare  ,  ne  vas  point  t'exposer  à 
un*  mort  certaine. 

F  L  o  R  V  A   L. 

Ne  parle  point  de  mes  périls  j  il  faut  que  je  vous  sauve  ou 
que  je  meure  5  voilà  ma  destinée.  Rassurez-vous  ,  vous  allez 
être  libre  5  le  besoin  qui  fait  entreprendre  ,  l'audace  qui  fait 
exécuter  sont  pour  moi  les  garants  du  succès  ;  mais  silence  , 
encore  une  fois  ,  silence ,  ne  vous  montrez  plus  ,  restez  pai- 
sibles dans  la  tour  jusqu'au  moment  où  l'on  viendra  vous  en 
tirer.  (//  s'éloigne  de  la  tour  et  vient  à  l'avant-scène.)  N'en- 
tends-je  pas  des  cris?  mon  imagination  allarmée  se  crée  des 
phantomes.  Je  sèche  d'impatience  5  que  les  momens  s'écou- 
lent avec  lenteur  !  ô  nuit  favorable  !  prolonge  ton  obscurité, 
épaissis  les  ténèbres.  Ah  !  si  le  jour  allait  nous  surprendre 
avant  l'exécution  de  nos  projets  !...  Que  cet  Algérien  tarde 
à  revenir  !...  S'il  m'avait  trahi  ?  un  supplice  affreux  me  se- 
rait réservé...  Non,  je  suis  armé,  je  puis  disposer  de  mon 
sort.  J'entends  marcher  ,  je  ne  me  trompe  pas  5  on  s'avance  , 
ce  sont  eux  ,  ce  sont  nos  amis  i  (  M.  ) 

SCENE    IV. 

UN  FRANÇAIS ,  FLORVAL  ,  IBRAHIM  ,  les  Français 

armés. 

IBRAHIM. 

Voilà  tous  tes  compagnons ,  tu  n'as  rien  à  craindre  des  nô- 
tres 5  leurs   armes  sont  entre  les  mains   de  tes  français}  nos 
soldats  reposent  ;  je  les  ai  renfermés. 
F   I,  o  R   v   A   L. 

Etes-vous  disposés  à  servir  mon  projet. 

tEFRANÇAIS. 

Peux-tu  nous  faire  cette  question  ? 
F  r.  o  R  V  A  r. 
Valcour  ,  votre  ami ,  votre  frère  d'armes  ,  gémit  avec  son 
épouse  dans  cette  affreuse  tour. 

tE      FRANÇAIS. 

Il  faut  les  délivrer.  Mais  ,  sans  perdre  le  tems  en  discours 
inutiles,  explique  ton  projet  et  nous  l'exécutons. 

FLORVAL. 

Ah  !  j'étais  sûr  de  vous  ,  partageons  nous  en  deux  partis  , 
toi  ,  Ibrahim,  qui  connais  les  moyens  de  pénétrer  chez  Ali, 
mets-toi  à  la  tète  de  ce    peloton  j  moi,  avec   ceux-ci,    je 


(    24    ) 

cours  au  vaisseau,  je  m'en  empare.  Dans  un  quart-d'Iieure 
le  rendez -vous  ici.  Notre  mot  d'ordre  est  la  victoire.  (M.) 
(  Ceux  qui  sont  guidés  par  Ibrahim  s'en  -vont  par  le  fond 
à  droite  ,  les  autres  par  le  passage  à  gauche  de  la  tour, 
Florval  qui  a  entendu  du  bruit  à  gauche  ,  reste  au  bas  de  la 
tour.)  Allez  toujours,  je  votis  suis.  Il  m'a  semblé  entrevoir 
quelqu'un  qui  s'avançait  vers  ces  lieux.  (M.) 


SCENE     V. 

F  L  O  R  V  A  L  ,    O  R  A  M. 
o  R  A  M ,  //  entre  par  la  seconde  coulisse  de  gauche. 
Restez-là  ,  mes  amis.  (M.) 

FroRVAL,    à  part» 
C'est  Oram.  Ah!  s'il  était  seul. 

OR   A   M ,  c  part. 
Je  vols  quek^u'un  au  pied  de  la  tour, 

FLORVALjû   part. 
Quel  est  son  dessein  I  il  faut  l'éloigner  promptement ,  ou 
l'amuser  ici  jusqu'au  retour  de  mes  compagnons, 
o  R  A   M  ,    à  part. 
Il  faut  corrompre  cet  esclave.  S'il  balance,  il  est  mort. 

FtORVAL,    à  part. 
De  l'intrépidité,  {haut.)  Qui  vive? 

o    R    A     M. 

Moi ,  Oram  ,  l'ami  de  ton  maître ,  ne  crains  rien. 

F    LORVAL,    s'avançant. 
Ali  !  c'est  vous  !  j'en  suis  enchanté. 

ORAM. 

Qui  es-tu  ,  toi  ? 

F    L    o    R    V    A    L. 

Cet  esclave  français  dont  vous  avez  éprouvé  la  valeur ,  et 
qui ,  depuis  sa  défaite  ,  a  quelquefois  eu  l'honneur  de  méri- 
ter vos  bonnes  grâces. 

ORAM, 

C'est  toi  dont  la  gaité ,  dans  le  malheur,  t'a  valu  de« 
traitemens  plus  doux. 

F    L    o    R   V    A    L, 

C'est  moi  5  toujours  le  même. 

ORAM. 

Que  fais-tu  là? 


(  25  ) 

F    L    O    a    V    A    L 

J'ai  obtenu  d'un  esclave  d'Ali  la  permission  d'être  d« 
garde  cette  nuit  au  j)ît;d  de  cette  tour  ,  je  chantais  pour  cal- 
mer la  douleur  de  uiou  ami. 

o    R    A    M. 

Que  je  le  hais  ,  ton  ami.  Il  est  cause  que  la  belle  étran- 
gère n'est  pas  en  mon  pouvoir. 

r  L  o   R  V  A   t. 
Ali  vient  de  l'en  punir. 

o    R    A    M. 

J'ai  tout  vu.  Esclave,  veux-tu  vivre  heureux? 

F    t    o    R    V    A    L. 

N'est-ce  pas  ce  que  chacun  désire. 

QRAM. 

Je  t'en  fournirai  les  moyens. 

F    I.    o    R    V    A'  t. 

Parlez  ;  mais  on  pourrait  nous  surprendre }  point  de  longs 
discours. 

QRAM. 

Je  ne  les  aime  point.  J'adore  cette  Elise  ;  je  ne  puis  sup- 
porter l'idée  de  la  voir  posséder  par  Ali. 

F    L    o    R    V    A     L. 

Vous  voulez  la  lui  ravir. 

o  R  A   M. 
C'est  mon  dessein. 

F    I.    o    R    v    A    L. 

Je  l'approuve.  Avez-vous  quelques  moyens  de  pénétrer 
dans  la  tour  ? 

DRAM. 

Tu  as  de  l'esprit  :  sache  m'en  fournir  un  et  ta  fortune  est 
faite. 

F    I.    o    R   T   A    I,. 

Je  vais  y  rêver.  Çà  part.)  Comment  l'éloigner.  (M.) 


SCENE     VI. 

FATMÉ,  ZULIME,  FLORVAL,ORAM. 

Z    U     L     I     M    E. 

Il  y  a  du  monde,  cache  ta  lumière. 
(Fatmé  tourne  sa  lanterne  ;   elles   vont  se  cacher  l'une  et 

l'autre  â  droite  et  écoutent  la  conversation  de  Florval  et 

Qram.') 
Les  Français  en  Alger,  D 


(  a6  ) 

QRAM. 

Que  (lis-tu  ? 

F     L    O    R    V    A    L. 

Je  songe  à  un  expédient  immanquable. 

QRAM. 

.  J'ai  quatre  hommes  ici  près  ,    résolus  à  tout  j   je    puis  en 
armer  d'autres. 

F    L    o    R    V    A    L. 
Employer  la  force  ?  fi    donc  !    moyen   impraticable    dans 
cette  circonstance  •,    c'est  à  la  ruse  qu'il  faut  avoir  recours. 

o    R    A    M. 

Explique  toi  proinptement. 

F  L,  o  R  -V  A  r,. 

La  clef  de  la  tour  est  dans  l'appartement  d'Ali  ;  je  puis 
y  pénétrer  sans  peine  :  je  la  dérobe.  Ali  couche  seul  dans 
sa  chambre  ;  s'il  veille  ,  je  suis  armé  ,  je  le  mets  hors  d'état 
de  vous  causer  jamais  la  moindre  jalousie.  Cela  serait  déjà 
fait  si  j''eusse  su  ou  conduire  mon  ami  et  me  retirer  moi- 
même. 

ô    R    A    M. 

Je  vous  offre  un  asyle  à  l'un  et  à  l'autre}  mais  Elise... 

F    I,    o    R    V    A    L. 

Est  à  vous  si  mon  ami  et  moi  sommes  rendus  à  la  liberté. 

o    R    A    M. 

Je  vous  la  donne.  Pars  ,  je  t'attends  ici. 

F    L    o    R    V    A    L. 

Non ,  non  ,  on  pourrait  vous  appercevoir  :  tout  serait  per- 
du. Cachez   vous  avec  vos  quatre  hommes   là-bas,  sous  ces 
palmiers  ,  je  vais  bientôt  vous  y  rejoindre, 
o  R  A   M  ,    d  part. 

Je  me  défie  de  cet  esclave.  Sa  chaleur  à  m'éloigner  de  la 
tour  m'est  suspecte. 

F    L    o    R    v    A    L. 

Que  dites  vous? 

o    R    A    Ivl. 

Si  tu  me  trahissais  ! 

F    t    o    R    V    A    t. 

Mon  intérêt  vous  répond  de  ma  fidélité  ;  que  puis-je  sans 
vous?  rien.  Partez  ,  tous  les  momens  sont  précieux  :  si  je 
laisse  échapper  celui-ci,  je  ne  réponds  pas  du  succès. 

o  R  A  M ,   «  part. 
J'observerai  tout. 


(   37   ) 

F    L    O    R    V    A     t. 

Si  VOUS  douiez  de  mon  zèle.,. 

o    R    A    M. 

Kon,  je  n'en  doute  pas  5  je  me  relire.  Ne  me  fais  pas 
trop  attendre. 

F    L    o    R    V    A    !.. 

Eh!  allez,  allez,  je  suis  plus  impatient  que  vous.  (M.). 

■  ' — — '— r» 

S  C  E  N  E     V  I  I. 

FATMÉ  et  ZULIME ,   ioujours  écoutant^  FLORVAL ,  à 
l' avant-scène, 

FLORVAL. 

Comîiie  les  projets  les  miei:x  conçus  peuvent  être  renver- 
sés par  un  événement  qu'on  n'a  pu  prévoir  ,  courons  au 
vaisseau  dont  mes  compagnons  se  sont  déjà  peut-être  empa- 
ré. Ramenons-les  oii  ce  barbare  Oram  va  im'attendre.  Qu'il 
soit  puni  de  ses  cruautés.  O  Dieu  ,  Dieu  puissant  !  ne  nous 
abandonne  pas  ;  prête-nous  ton  secours  dans  cette  périlleuse 
entreprise.  (M.)  {IL  sort  par  le  passage  à  gauche  de  la  tour.) 


S  C  E  N  E     V  I  I  I. 

F  A  ï  M  É ,  Z  U  L  I  M  E.  . 

ZULIME. 

O  !  ma  obère  Fatmé,  cjuand  j'ai  trompé  la  vigilance  d'Ali , 
quand  je  m'expose  à  tout  pour  sauver  ces  français,  quand 
je  leur  ai  ,  à  prix  d'or,  trouvé  un  aayle  impénétrable  jus- 
qu'au moment  où  ils  pourraient  avoir  l'espérance  de  re- 
tourner dans  leur  patrie  j  un  d'eux  conspire  avec  le  barbare 
Oram  5  il  en  veut  aux  jours  de,  mon  épaux.  En  cet  instant 
il  vole  pour  exécuter  son  projet  homicide.  Ah  !  courons  , 
cotirons  sauver  Ali.  Tout  autre,  intéi-ot  cède  à  la  crainte  de 
le  perdre.  Tout  ingrat  qu'il  est,  je  sens  qu'il  m'est  encore 
plus  cher  que  la  vie. 

F    A    T    M    1:. 

Calmez  vos  craintes,  madame  ,  ce  français  n'a  point  pris 
la  route  de  notre  demeure  j  il  s'en  éloigne  au  contraire. 

z    u     LIME. 

Je  me  sens  rassurée;  oui,  ce  français  est  généreiix  ,  il 
aime  son  ami ,  il  ne  peut  point  vouloir  son  malheur  ,  osons 
trahir  Ali   pour  son  propre  intérêt  5  prends    cette   clef,,  tu 


(  s8  ) 

connais  les  détours  de  cette  tour  obscure  5  ras  délivrer  ces 
infortunés.  Deux  escaliers  différens  mènent  aux  apparte- 
m  en  s  où  ils  gémissent  vséparés  l'un  de  l'autre.  Hâte-toi,  les 
momens  sont  chers  5  sauvons  à  mon  époux  le  tardif  remords 
d'un  crime  irréparable.  (M.) 

SCENE     IX. 

(  Le  jour  commence  à  paraître  ,  la  rampe  monte  peu-à-peu.  ) 

Z  U  L  I  M  E,  seule. 
Dieu  de  bonté  ,  daigne  me  prêter  ton  secours  I  c'est  pour 
protéger  l'innocence  que  ma  voix  t'implore  dans  ce  moment. 
Tu  lis  dans  mon  ame  ;  en  délirant  Elise  ,  ce  n'est  point  une 
rivale  que  je  veux  éloigner  de  moi ,  je  veux  arracher  une  in- 
fortunée au  sort  affreux  qui  la  menace;  je  juge  de  son  ame 
par  la  mienne  ,  on  veut  la  ravir  àl'époux  quelle  adore,  et  mon 
«nique  vœu  est  de  les  réunir,  (  M.  ) 

SCENE     X. 
FATiyiÉ,   ÉLISE,    ZULIME. 
iSlise  }  courant  se  jetter  aux  pieds  de  Zulime. 
C'est  vous  ,  généreuse  Zulime  ,  qui  brisez  mes  fers  j  ah  !  je 
dois  tomber  à  vos  pieds,  les  baigner  de  mes  larmes, 
z    u    I,    I    ?1   E. 
Non  f,lion  ,  dans  mes  bras  5  o  Fatmé  ,  ô  ma  digne  amie  y 
cours  à  son  époux  ,  hâtes-toi ,  le  tems  presse  ;  si  nous  étions 
surprises  avant  leur  délitrance  ,   j'en  mourrais  de   dooleut. 
{Fatmé  retourne  à  la  tour.)   (M) 

. ii*::r '■ -. 

*%^  Ê  N  E     XI. 

ELISE,   ZULIME  ,   OR;t*»li.et  les  quatres  Algériens  ,  dans 

le  fond, 
z    u    L    I    ME. 

Votre  époux  va  vous  «'tre  rendu. 

li    L    I    s    E, 

Ce  que  vous  faites  pour  nous... 

z     u    L     I     M     É. 

Serait  bien  peu  de  chose  si  je  n'âssul-àiô^  point  votre   sort 
pour  l'avenir. 


(49) 

ÉLISE* 

Comment  reconnaître  ?... 

z    U    L    I    M    E. 

En  gardant  toujours  le  Souvenir  d'une  amie  qui  ne  vous 
oubliera  jamais. 

o    R    A    M. 

Saisissez-là. 

z    V    L    I    M    E. 

Que  vois-je? 

ÉLISE. 

Ah  !  grands  dieux  ! 

o    R    A    M. 

Enmenez-la  ,  étouffez  ses  cris. 
(  Morceau  de  musique  vif.  Zulime  se  précipite  sur  Elist 
qu'elle  %>eut  arracher  à  ses  ravisseurs  ;  Orarn  la  repousse 
avec  violence.  Elle  tombe  un  genou  en  terre  appuyée  sur 
son  bras  gauche.  Les  Algériens  en  enlevant  Élise  prennent 
le  chemin  qu'à  pris  Florval,  ) 


SCENE     XII. 

FATMÉ  ,  ZULIME  ,  VALCOUR. 

V    A    L    C    o    u    R. 

Quel  bruit  ai- je  entendu  ?  serions-nous  découverts? 

FATMÉ. 

Madame  ^  en  quel  état  ? 

ZULIME. 

A  peine  je  respire^ 

VALCOUR. 

Je  ne  vois  point  mon  épouse. 

ZULIME. 

O  malheureux  étranger  ,  en  voulant  te  servir  ,  je  viens  de 
mettre  le  comble  à  ton  infortune. 

VALCOUR, 

Grands  dieux  !  Elise? 

ZULIME. 

Le  barbare  Oram  vient  de  l'arracher  de  mes  bras  trop  fai- 
bles, hélas  !  pour  la  défendre. 

VALCOUR. 

Quel  chemin  a-t-il  pris  ? 

z    U    L    I    M    Ei 

Malheureux  !  que  peux-tu  seul  et  sans  armes. 


(  3o  ) 

VAL    COUR. 

La  sauver  ou  mourir.  Venez,  guidez  mes  pas  dans  des  lieux 
qui  me  sont  inconnus. 

z   u    L    I    M    E. 

Ah  !  je  forme  un  autre  projet  ;  je  cours  aux  pieds  de  mon 
époux  ,  je  lui  avoue  ce  que  j'avais  osé  entreprendre.  (  M.  ) 

S  C  E  N  E     X  I  I  I. 

VALCOUR  ,  ZULIME  ,  ALI ,  les  Français. 

V    A    L    c    O    u    K. 

Quel  tumulte  effroyable  î 

ZULIME. 

Quelque  nouveau  malheur  nous  menacerait-il  ? 
A  I.  i^  entrant  par  le  fond  ,  à  droite  ,  se  battant  en  retraite* 
Perfides  ,  quoique  seul  j'ose  encore  vous  braver. 

VALCOUR. 

Arrêtez  j  c'est  à  la  bienfaisance  de  Zulime  que  je  dois  ma 
liberté. 

ALI. 

Qu'en  tends- je  ?  * 

V  A    L  c  o  u   R. 

Epargnez  l'époux  de  cette  femme  intéressante  etgénéreuse. 
Elle  voulait  me  conduire  aux  pieds  d'Ali  j  elle  espérait  le 
fléchir  5  elle  l'adore  ,  ne  la  rendez  point  aussi  à  plaindre 
que  moi  en  la  privant  de  celui  qui  seul  peut  faire  son  bon- 
heur. 

UNFRANÇAIS. 

Tu  nous  es  rendu,  tout  dèsîr  de  vengeance  est  éteint 
dans  nos  cœurs  }  mais  hâtons-nous  de  quitter  ce  fnneste  ri- 
Tage. 

V  A    t   c    o    u    R. 

Ah  !  partez,  partez  sans  moi  j  mon  malheur  me  condamne 
à  rester  en  ces  lieux. 

LE      FRANÇAIS. 

Qui  ?  nous  ?  l'abandonner  ? 

z    u    L    I    BI    E. 

Son  épouse  ,  son  amante  vient  de  lui  être  enlevée. 

ALI. 
Quel  est  le  ravisseur. 

z   u    L   I   M    K. 
C'est  le  perfide  Oram  ? 


(  3«  ) 

ALI. 

Oram  !  qui?  ce  lâche?  Braves  français  ,  vous  êtes  armés, 
souffrez  que  je  vous  guide  vers  la  demeure  de  ce  traître  ,  il 
ne  jouira  pas  long-tems  du  fruit  de  sa  trahison.  Suivez-moi 
tous  j  allons  ,  que  notre  cri  de  guerre  soit  Elise. 

TOUS. 

Elise  ,  Elise.  (  M,  )  ^  ils  se  disposent  d  sortir  lorsque  l'on 
l'Oit  arriver  Elise.  ) 

SCENE     XIV      ET     DERNIÈRE. 

FATMÉ,  VALCOUR,  ÉLISE,  ZULIME ,  FLORVAL, 
ALI,  IBRAHIM,   les  Français  ,   Esclaves,  Turcs. 

TOUS. 

La  voilà,  la  voilà. 

V    A    t    C    O    U    R. 

O  mon  Elise  ! 

ÉLISE,   montrant  Florval. 
Voilà  mon  libérateur. 

F    L    o    R   V    A    X. 

Je  revenais  du  port  avec  mes  compagnons  lorsque  les  cris 
d'une  femme  éplorée  ont  frappé  mon  oreille  ;  je  reconnais  la 
voix  d'Eiise  5  j'accours  en  devançant  mes  camaraclos  5  les  sa- 
tellites d'Oram  prennent  la  fuite  ;  il  veut  conserver  sa  proie, 
il  m'attaque  avec  furie  ,  je  me  défends  de  même}  mais  plus 
heureux  ou  plus  adroit  que  lui,  je  lui  porte  un  coup  terrible, 
qui  le  met  hors  d'état  de  pouvoir  désormais  nuire  à  qui  que 
ce  soit. 

ALI. 

Il  n'est  plus? 

'  FLORVAL. 

Mais  quittons  ces  lieux  avant  que  l'on  songe  à  nous  en  Ôter 
le  pouvoir. 

ALI. 

Seul ,  j'en  aurais  le  droit  ,  vous  m'apparteniez  ;  vous  avez 
brisé  vos  fers  ,  je  souscris  à  votre  liberté  ;  mais  avec  elle  je 
veux  vous  rendre  tout  ce  que  vous  possédiez  ;  et  c'est  moi  qui 
prétends  vous  conduire  au  rivage  français. 

FLORVAL. 

Vous  êtres  un  brave  homme  ,  je  l'avais  bien  jugé.  Il  faut 
encore  nous  accorder  une  grâce. 

A    L    X. 

Parle. 


(    32    ) 
F    1    O    R    V    A    t. 

La  liberté  de  cet  esclave.  (  montrant  Ibrahim.  )  Il  nous 
servait  ;  mais  il  vous  a  trahi ,  vous  vous  en  défieriez  et  nous 
lui  devons  de  la  reconnaissance. 

A   I.   t. 

Quoi  !  Ibrahim  ? 

IBRAHIM. 

Il  me  fait  boire  de  bon  vin  ,  il  me  promet  une  jolie  femrac} 
on  ne  résiste  point  à  de  pareilles  offres. 

ALI. 

Qu'il  vous  suive  ,  je  le  veux  bien ,  et  que  cette  journée  6f 
passe  en  réjouissance. 

(  Les  esclaves  exécutent  un  ballet.  ) 


F  I  N. 


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Pi^  Dumaniant,  iintoine  Jea 

1981  Les  français  en  Alg 

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