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Full text of "Les guerres de la révolution"

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LES^ GUEKRES%E LA RÉVOLUTION 
(troisième sérib) 



WISSEMBOURG 



(1793) 



OUVRAGES DU MÊME AUTEUR 



Le général Chanzy. (1883.) 

(Courouné par l'Académie française, prix Montyon.) 



LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION 

PHBlilÈRB 8ÉRIB. 

I. La première Invasion prussienne. (1886.) 

II. Valmy. (1887.) 

III. La Retraite de Brunsiviok. (1887.) 

[Couronnés par l'Académie française el par TAcadémie des 
sciences morales el politiques, prix Gobert et grand prix 
Audiffred.) 

DEUXIÈME SÉRIE. 

ly. Jemappes et la Conquête de la Belgique. (1890.) 

V. La Trahison de Dumouriez. (1891.) 

(Couronnés par l'Académie française, grand prix Gobert.) 

TROISIÈME SÉRIE. 

VI. L'Expédition de Custine. (1892.) 
YII. Mayenoe. (1892.) 



Jeâ.n-Jagques Rousseau (1893J. 



GŒTHE. — Campagne de France, avec introduction el 

commentaire. (1884.) 
GŒTHE. — GôTz DE Berlichingen, id. (1885.) 

GŒTHE. — Hermann et Dorothée, id. (1886.) 

SCHILLER.— Le Camp de Wallenstein, id. (1888.) 



LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION 

(tiiois:6hb sfiitiB) 

WISSEMBOURG 

(1793) 



ARTHUircHUQUET 



Danxlème EdiUon 



PARIS 
LIBRAIRIE LÉOPOLD CERF 

13, RUK DK MtiDlClS, 13 



Tdui draitB rMarvéi 



PREFACE 



Deux volumes précédents ont retracé la pointe de 
Custine en Allemagne et le siège de Mayence. Le 
présent volume, qui s'étend de la première semaine 
d'avril aux derniers jours d'octobre 1793, décrit les 
mouvements des deux armées de la Moselle et du 
Rhin, braves, ardentes, exaltées, mais indisciplinées, 
désorganisées, vouées à la défaite, et, sans les dis- 
sentiments des alliés, à Técrasement. Après mille 
péripéties singulières, ces deux armées, vivement 
attaquées par les Autrichiens, mollement entamées 
par les Prussiens, sont rejetées. Tune derrière la 
Sarre, l'autre sous le canon de Strasbourg. 



CHAPITRE 1 



BR 



RULZHEIM 



I. Custiae rejeté sur Landau. — Ses premières alarmes. -~ Ses mesures 
de défense. — Il reçoit da nouveau le commandement des deux 
armées de la Moselle et du ]^in. — Mission de Berthelmy. — Hou- 
chard remplace d'Àboyille à l'armée de la Moselle. — Custine à Sarre- 
brûck. — Indiscipline. — II. Les représentants du peuple. — Lettre 
du général au duc de Brunswick. — Querelle avec Montaut, Ruamps 
et Soubrany. — Custine à l'armée du Nord. — III. Landremont à 
Herxheim. — Affaire du 17 mai. — Panique,. — Rôle de Ferrier. — 
Ses démêlés avec Custine. — Positions des armées de la Moselle et 
da Rhin. — Le camp de Hornbacb. 



I. Rejeté sur Landau dans les derniers jours de mars 
1793, après les combats de Waldalgesheim et de Bingen, 
coupé de cette ville de Mayence qu'il avait conquise à la 
République française et qu'il abandonnait avec la cer- 
titude qu'elle ne pourrait être secourue et que, dans six 
mois au plus, elle tomberait fatalement aux mains des 
Prussiens, Custine fut un instant éperdu. Après s'être 
vanté de répandre en Allemagne les principes de la 
Révolution et d'ébranler dans ses fondements le saint 
Empire germanique, après avoir caracolé par les rues de 
Francfort en triomphateur, après avoir reçu les clefs de 
Coblenz et envoyé des lettres de sauvegarde à la Chambre 

WISBBMBOURa. 1 



8 WISSBMBOURa 

de Wetzlar et à TUaiversité de Gôttîngae, il se voyait 
réduit à regagner précipilamment TAlsace et à défendre 
la frontière. 

Aussi, plus que jamais, accusait-il tout le monde, 
excepté lui-môme. Pourquoi le laissait-on manquer d'ar- 
tillerie? Pourquoi ne lui donnait-on pas la cavalerie 
qu*il réclamait depuis si longtemps avec les plus vives 
instances ? Son armée n'existait que sur le papier ; elle 
n'avait qu^une apparence d'organisation; et quelle orga- 
nisation ! Pas d'ofSciers-généraux, très, peu de canons, 
huit à dix escadrons de dragons et de chasseurs. Voilà 
où aboutissaient les brillantes mesures de ce Beurnon- 
ville dont Timprévoyance soldatesque avait entassé 
fautes sur fautes ! Et que d'ennemis s*oppos9ient à lui 1 
Plus de quatre-vingt mille, disait-il ; et il les énumérait 
exactement, comme s'il avait eu sous les yeux Tordre 
de bataille des alliés : 39,000 Prussiens, 22,000 Autri- 
chiens, \ 2,000 Hessois. Il calculait le chiflre de leur cava- 
lerie, qui comptait, à n'en pas douter, 50 escadrons de 
hussards et 20 escadrons de dragons; il ignorait tou- 
tefois le nombre des cuirassiers. 

Que faire, s'écriait-il, contre cette irruption? Gom- 
ment arrêter cette « inondation de barbares esclaves i ? 
Ne fallait-il pas céder au torrent, du moins pendant 
quelques jours? Il proposait d'évacuer Lauterbourg, d'é- 
vacuer Wissembourg, d'évacuer les lignes de la Lauter 
qu'il jugeait mauvaises et dégradées*, d'évacuer Dru- 
senhcim et la Basse-Alsace. Il abandonnerait à elles- 

1 Lettre que Laveauz reproduisît le 20 juillet dans le Journal de 
la Montagne pour prouver que Custine voulait c décourager les pa- 
triotes ». Selon Legrani, le général ne pensait pas à celte retraite : il 
avait le plus grand besoin de fourrages et de farines ; il voulait faire 
peur aux administrations et stimuler leur zèle. 



RULZHfilM 3 

mêmes les forteresses, Fort -Louis, la Petite - Pierre , 
Lichtenberg, Strasbourg, Schlestadt ; déjà les adminis- 
trateurs du Bas-Rhin avaient ordre d^amasser dans ces 
cinq places tous les magasins du plat pays; déjà le 
commandant de Schlestadt devait dresser Tétat de ses 
munitions de guerre et de bouche et prescrire aux habi- 
tants de s'approvisionner pour six mois. Gustine sup- 
posait môme qu'il serait rejeté dans la plaine au-delà 
des gorges de Phalsbourg. 

Mais les Âustro-Prussiens ne bougèrent pas. Fré- 
déric-Guillaume n'avait d'autre dessein que de prendre 
Mayence. Wurmser se contentait d'observer Landau, 
tandis que Brunswick établissait son quartier-général à 
Edenkoben. Seul, Hohenlohe-Iogelfingen s'avança jusque 
dans le pays de Deux- Ponts : dans un dîner, qu'il avait 
offert au roi de Prusse, le duc Charles avait sollicité le 
secours du généreux prince qu'il appelait le protecteur 
des peuples germaniques, et Frédéric-Guillaume avait 
ordonné que Hohenlohe occuperait Hombourg et Deux- 
Ponts pour préserver de l'invasion française le magni- 
fique château du Garlsberg *. 

Les frayeurs de Gustine se calmèrent. Il respira, re- 
prit haleine, et devenu plus froid, plus rassis, il fit sans 
hâte fébrile, sans précipitation étourdie, ses préparatifs 
de défense. Il porta son armée en arrière de Landau, 
entre cette place et Billigheim. Il nomma Gilot com- 
mandant de Landau, lui donna une garnison de 7,400 
hommes, et lui enjoignit de ne rendre la ville que lors- 
qu'elle serait un monceau de cendres. Il forma un corps 
de pionniers qui devait faciliter les communications et 

* Massenbach, Jfetnoiren^ 1803, 1, 175-176 ; Remling, Die Shein- 
pfaU inder Revolutionneit^ 1865, I, p. 319-326; Gesch. der Kriege 
in Europa, I, 181-185. 



4 WISSEMBOURQ 

diminuer les obstacles de la marche en un pays difficile 
et monlueux : chaque bataillon de Tarmée enverrait à 
Haguenaa un soldat sur cinquante, et ce soldat serait 
choisi parmi les hommes les plus robustes et les plus 
accoutumés à remuer la terre. Il requît les départements 
du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Haute-Saône, du Jura, 
du Doubs, des Vosges de faire occuper les postes de la 
rive gauche du Rhin par une partie de la garde natio- 
nale sédentaire. Il pria le général d'Abo ville, qui com- 
mandait Tarmée de la Moselle S de rassembler ses troupes 
dans le Deux-Ponts et de dresser un camp sous les 
murs d^ Bitche : les deux armées devaient se coller aux 
Vosges, se prêter mutuellement appui, arrêter Tenva- 
hisseur dans les montagnes, le forcer à des combats 
toujours hasardeux en cette région malaisée, et, autant 
que possible, le prendre à revers. Enfin, il demanda, 
comme lieutenant, au Conseil exécutif, Achille Du Ghas- 
tellet, dont il vantait les talents ', et choisit pour chef 
d'état-major un officier vaillant et passablement instruit, 
Baraguey d'Hilliers, qui venait d'organiser à Villefranche 
la légion des Alpes *. 

» Cf. L'expédition de Custine, 249. 

* Cusline au Conseil exéc, 12 mai (A. G.]. Cf. sur Du Chastellet, 
Trahison de Dumouriez, i4. 

3 Louis Baraguey d'Hilliers, successivement volontaire au 53* rég. 
(i783), sous-lieutenant (1" avril 1784), lieutenant en 2* (23 nov. 1787), 
lieutenant en \" (!•' avril 1791), démissionnaire (l*' mai 1791), capi- 
taine au 11* d'inf. (15 nov. 1791), aide-de-campdeCrilloa (10 févr. 1792) 
et de La Bourdonnaye (27 mai 1792), lieulenant-colouel de légion 
(28 juillet 1792), avait été nommé général de brigade le 4 avril 1793. Il 
fut suspendu le 27 juin suivant, remis en activité le \" prairial an III, 
destitué et arrêté le 19 vendém. an IV, réintégré le 23 brumaire an IV, 
et promu général de division le 20 ventôse an V. Ct*. sur lui les Mém, 
de Lavallette (1831, I, 97-119); Lavallelte, le futur directeur-général 
des postes, servait alors dans la légion des Alpes et suivit Baraguey 
d'Hilliers à l'armée du Rhin comme sous-lieulenant au 93* régiment 



BULZHEIM 5 

Dans le premier moment, il avait offert sa démission^ 
et il informait le Comité de défense générale qu'il atten- 
dait son successeur avec impatience ^ Mais bientôt, 
ressaisi par l*ambition, il écrivit à ses amis de Paris 
qu'on devait lui confier le commandement de toute la 
frontière entre Longwy et Bâle. Le 6 avril, son désir 
était exaucé; il redevenait général en chef des deux 
armées de la Moselle et du Rhin, et il marquait aussitôt 
à d'Aboville : a ce ne sont plus des prières, ce ne sont 
plus des invitations que je vous adresserai désormais : 
ce seront des ordres. » Et les ordres que reçut d'Abo- 
ville furent de former sous Bitche un camp de 6,000 
hommes, de rassembler dans le Deux-Ponts la partie 
disponible de son armée et de pousser avec la plus 
grande célérité son avant- garde jusqu'à Hombourg. 

Pour hâter l'exécution des mesures qu'il avait pres- 
crites, Gustine envoya l'adjoint Berlhelmy à d'Aboville. 
Il se rappelait, sans doute, que Frédéric II avait coutume 
de dépêcher à ses généraux un aide-de-camp qui les 
dirigeait et leur imposait la volonté du maître. Ber- 
lhelmy, que Custine nommait un homme probe et vrai- 
ment civique, devait « anéantir toutes les hésitations, 
lenteurs et retards » ; sa mission durerait jusqu'au jour 
où l'armée de la Moselle aurait couvert les issues de la 
frontière et garni les débouchés de la Petite-Pierre et de 
Bitche •. 



et aide-de-camp. Un des officiers de d'Hilliers ie juge ainsi : c c^est 
un homme rempli de l'amour de sa patrie et de |çéaie qui, je suis sûr 
un jour sera un grand général; il en à tous les moyens t. 

^ Il s^imaginait que ce serait Deprez-Crassier. Cf. sur ce point et 
sur tout ce qui précède sa correspondance dans les premiers jourt 
d'avril (À. G.). 

* Custine a d'Aboville, 9, il, 12 avril ; au Comité de salut publie 
et à Bouchotte, 12 avril (Â. G.). 



6 WISSBMBOUBG 

Le vieux d'Abo ville ne demeura pas longtemps sous 
la tutelle de Berlhelmy. Le 29 avril, Houchard le rem- 
plaçait. Gustine jugea que le ministre Bouchotte faisait 
à Houchard'un funeste présent; l'ancien colonel du 
2«» chasseurs, disait-il, t est excellent pour commander 
une avant-garde; je crains qu'il n*échoue dans le com- 
mandement d'une armée ' s>. Mais il savait que Houchard 
serait docile et suivrait aveuglément son impulsion. Lui- 
même se rendit bientôt à Tarmée de la Moselle pour la 
passer en revue et voir de près les officiers-généraux ; 
if dans cet instant critique on ne pouvait plus connaître 
les hommes ». 

Il trouva l'armée postée selon ses désirs : deux batail- 
lons près de Sarrelouis; Tavant-garde, sous les ordres 
du général Delaage, en avant de Sarrelouis ; dix-huit 
bataillons et le parc d'artillerie à Forbach ; les carabi- 
niers entre Sarrebrùck et Sarreguemineé ; trois régi- 
ments de cavalerie, de Sarrebriick à Sarrelouis; six ba- 
taillons, ainsi que le \^' dragons et cent hussards de la 
légion de la Moselle à Biieskastel ; la réserve com- 
mandée par PuUy, en avant de Bilche, à Hornbach, où 
elle formait un corps dit le corps des Vosges et commu- 
niquait par sa gauche avec Biieskastel et par sa droite 
avec l'armée du Rhin. C'étaient environ 30,000 hommes 
qui gardaient les frontières de la Lorraine, et les recrues 
ne cessaient d'arriver. Mais les troupes ne s'étaient pas 
remises encore de l'expédition de Trêves. Au mois de 
janvier, le commissaire national Simon qui les visitait, 
écrivait que leur indiscipline dépassait tou(e imagina- 
tion, que les détails faisaient horreur. Au mois d'avril, 
elles ne s'étaient pas amendées. Il y avait, sans doute, 

> Cusline à Bouchotte, 15 avril [A. G.). 



BUI.ZHBIM 7 

d'excellents régiments de ligue, comme le 5°, le %î^, et de 
solides bataillons de volontaires : le 4°' de Saône-et-Loire 
assistait l'année précédente à la canonnade de Valmy ; 
le V de la Meurthe semblait animé du meilleur esprit ; 
le 2^ de Seine-et-Marne était tout à fait remarquable par 
la composition de ses officiers. Néanmoins Tarmée res- 
tait désobéissante, insubordonnée, avide de butin. La 
trop fameuse légion de la Moselle, ce ramassis de voleurs 
et de brigands, était toujours la terreur du pays de Sarre- 
brûck. On ne voyait dans les marches que des traînards 
qui s'attardaient aux cabarets. Houchard se plaignait 
que le pillage fût devenu de mode; a les ordres journa- 
liers, disait-il, ne sont pas lus à la troupe; quelquefois 
même personne ne les lit ; les rassemblements des corn* 
pagnies, les appels, la police, tout est oublié. » Les offi- 
ciers n'osaient réprimander et châtier leurs hommes ; 
s'ils voulaient se montrer sévères, le soldat les traitait 
d'aristocrates et menaçait de les dénoncer, a Vite un 
code militaire, s'écriait La Barolière, vite la peine de 
mort, et que les formes soient promptes; une tête de 
moins en sauvera mille ' I » 

L'armée du Rhin ofi'rait un spectacle semblable. Cus- 
tine accusait les officiers d'abandonner leurs compa- 
gnies à elles-mêmes et de « laisser tout périr » ; on 
devait, ajoutait-il, a ranimer la machine » pour empê- 

1 Blaùx à ses collègues, 6 et 7 avril (Rec. Âulard ou Recueil des 
Actes du Comité de salut public avec la correspondance officielle des 
représent afUs en mission et le registre du Consul exécutif provisoire ^ 
m, 130 et 149); d'Aboville au ministre, 26 avril (A. G.); Simon et 
Grégoire à Le Brun, 12 janvier (A. N. Fi* 40-41) ; Schauenburg à 
Houchard, 12 juin; La Barolière aux citoyens..., 19 avril (A. G.); 
Corresp, des jacobins, n* 188, 22 avril, Houchard à lavant-garde; 
cf. Sxpéd, de Custine, 159-172, Tétat de celte môme armée, et Trahison 
de Dumouriez, 52-54, Tétat de Tarmée de la Belgique. 



8 WISSEMBOURa 

cher une complète désorganisation^ et il se promettait 
d'user d'une sévérité terrible et salutaire*. 

Il n'osa faire les exemples qu'il annonçait. Mais il 
s'efforça tant bien que mal de discipliner l'armée, de la 
pourvoir d'artillerie et de cavalerie, de former et de 
dresser les nouveaux venus. Les commissaires le pres- 
saient de marcher sur Mayence et de dégager la ville- 
assiégée : « On ne peut espérer des succès, répondait 
Gustine, qu'avec des troupes exercées. » 

II. Un décret du 30 avril avait nommé quatre repré- 
sentants du peuple près l'armée de la Moselle : Le Vas- 
seur de la Meurthe, Maîgnet, Maribon-Montaut et Sou- 
brany. Dix autres représentants étaient attachés à 
l'armée du Rhin. Ils se partageaient la besogne. Merlin 
de Thionville et Reubell étaient enfermés dans Mayence. 
Ferry, Laurent, Ruamps surveillaient le Doubs et les 
départements du Rhin. Tout ce qui appartenait à la dé- 
fense des places et au développement des forges, fa- 
briques nationales et manufactures d'armes, était du 
ressort de Ferry, ancien professeur à l'Ecole du génie 
de Mézières. Les opérations propres au Comité central 
de correspondance roulaient sur Louis et Pflieger qui 
séjournaient à Strasbourg. Les camps, armées et canton- 
nements étaient dans les attributions de Haussmann, de 
Du Roy et de Ritter '. 

Tant de commissaires qui portaient sur toutes choses 
leurs regards soupçonneux, gênaient et importunaient 
Gustine. Il se plaignit à Bouchotte de leur continuelle 
intervention dans les affaires militaires : les représen- 

> Gustine à Le Brun, 10 avril (A. E.). 
* Recueil Aulaid, IV, 135. 



BÛLZEiBlSf 9 

tants, disait-il, tranchaient les questions sans lui donner 
avis, et se mêlaient des objets dont il était seul respon- 
sable. Il fut bientôt en lutte avec eux ^ 

Il avait prié Brunswick de comprendre le traître Boos 
dans un échange de prisonniers *, et sa lettre prodiguait 
à Tauteur du Manifeste leis compliments et les louanges; 
il le qualifiait d* a Altesse Sérénissime » et vantait sa 
grande âme; il assurait que la sagesse de Guillaume- 
Ferdinand, sa philosophie, son amour pour le peuple de 
son duché rappelaient à être le soutien de l'opprimé et 
le pacificateur du monde *. Cette missive excita Tindi- 
gnation de Maribon-Montaut, de Ruaraps et de Sou- 
brany. Quoi ! un général français rendait hommage aux 
vertus de Brunswick 1 Une pareille lettre ne suffisait- 
elle pas pour lui retirer toute confiance 1 Et cet homme 
osait se dire le sauveur de la patrie ! Il osait rêver la 
dictature, écrire à la Convention qu'il fallait au pays un 
homme à grand caractère * ! Et rassemblée entendait 
avec indifférence cette profession de foi ! Elle ne punis- 
sait pas cet excès d*audace, n^envoyait pas le coupable 
au tribunal révolutionnaire 1 Elle ne se souvenait donc 
ni de Lafayette, ni de Dumouriez! Elle laisserait Cus- 



' Custine à Bouchotte, l*** mai [A.. G.}. 

« Mayence, 178-179. 

' Custine à Brunswick, 5 mai (A. N. d. xlii 4] ; Mon., 14 mai; 
Révolution de Paris, n* 201, p. 346 (c il y a dans cette lettre, dit 
Prudhomme, des expressions qui sentent l^esclaya^çe *] ; Le Batave, 
n* 90 (avec des notes de Custine qui c servent de correctif et d'expli- 
cation • ; il assure, par exemple, qu'il voulait dire que la philosophie 
de Brunswick Rappelait avant la guerre à être le pacificateur du 
inonde). Plus tard, dans une adresse du 30 juin à la Convention, les 
Jacobins de Strasbourg reprochèrent à Custine de prodiguer l'encens 
et les caresses à Brunswick, au lieu de le battre. 

* Cf. Sxpédit. de Custine, 263, la lettre où Custine demandait, à 
mots couverts, de pleins pouvoirs pour sauver la France, 



40 WISSBMBOURO 

tine tenter à lui seul, ce que tous les rois coalisés de 
l'Europe avaient Inutilement tenté I 

Les commissaires interpellèrent Gustine en présence 
de son état-major. Il leur répondit-qu'il ne pouvait écrire 
à Brunswick une lettre injurieuse. « Mais, lui dit Mon- 
tant, il y avait, entre les injures et les flagorneries, un 
style noble et fier qui convient au général d*une armée 
républicaine, et ce style, vous ne Tavez pas pris. » Gus* 
tine s'échauffa, a Je suis républicain, s'écriait-il^ et je 
hais les rois. i> — « Soit, répliquèrent les représentants, 
mais vous devez comprendre Thorreur que le nom seul 
des rois inspire aux républicains. Jamais le peuple fran- 
çais ne reconnaîtra dans Brunswick le pacificateur du 
monde ; jamais il ne louera la vertu, la philosophie des 
despotes qui veulent étouffer le génie de la liberté dans 
son berceau. Si nos armées étaient bien conduites, elles 
dicteraient elles-mêmes les conditions de la paix. » Gus- 
tine offrit sa démission à plusieurs reprises. Les com- 
missaires lui répondirent froidement qu'ils ne pouvaient 
Taccepter, mais que le sort de la France ne dépendait 
pas d'un individu. Enfin, voyant que Gustine parlait 
trop haut, ils lui rappelèrent qu'ils étaient les représen- 
tants de la nation '. 

Le général manda sur-le-champ cet entretien à la Gon- 
vention. Devait-on, disait-il, mépriser tous les rois 
parce qu'ils ont eu le malheur de naître sur le trône ! 
Mais^ puisqu'il avait perdu la confiance des commis* 
saires, puisque Montaut et ses collègues l'accusaient de 
développer dans sa lettre à Brunswick des sentiments 
indignes d'un républicain, il ne pouvait plus comman- 
der les armées françaises, et il attendait un successeur*. 

» Rec. Aulard, IV, 16-17,65. 
> Mon., 14. mai 1793. 



BiJLZHBIM 44 

L'assemblée accueillit par des murmures le tilre 
d' « Altesse Sérénissime s que Gustine donnait à Bruns- 
wick. Toutefois, elle parut blâmer ses commissaires, et 
plusieurs membres demandèrent leur rappel : Gustine 
était Tunique général de la République, et Tarmée du 
Nord le réclamait à grands cris comme le seul qui pût 
remplacer Dampierre, et arrêter la marche victorieuse 
de Gobourg. Le 43 mai, à deux heures du matin, le 
Gomité de salut public conférait à Gustine le comman- 
dement des armées du Nord et des Ardennes, et le môme 
jour, dans la séance de la Gonvenlion, il déclarait par 
la voix de Barëre que la lettre du général au duc de 
Brunswick ne contenait rien de suspect. On ne pouvait, 
disait Barère, désapprouver Montant et ses deux col- 
lègues ; ils avaient agi par excès de zèle ; ils pensaient 
avec raison qu*un général ne doit jamais politiquer avec 
Tennemi ; mais n'avaient-ils pas dépassé les bornes et 
ne s'étaient-ils pas emportés trop passionnément contre 
un homme dont les sentiments républicains ne faisaient 
aucun doute? Gustine, ajoutait-il, avait su résister à la 
manie diplomatique, établir la discipline, assurer la 
comptabilité, imposer les assignats ; il avait envoyé le 
plus exactement les états de revue ; le Gomité cédait au 
désir de l'armée du Nord veuve de son général ; Gus- 
tine irait en Flandre ; Dieltmann commanderait pro- 
visoirement Tarmée du Rhin et serait subordonné à 
Houchard *. 

III. Gustine accepta : il quittait avec regret une armée 
qu'il avait, disait-il, organisée, et un pays où il servait 
depuis le commencement de la guerre ; mais les ordres 

« Mon., 15 mai; Le Batave, n» 90; Rec. Aulard, IV, 129 el 137. 



12 WlSSSlf BOURG 

du Comité étaient précis ; il partait donc pour prouver 
son obéissance ^ 

Par malheur, avant de s'éloigner, il s'avisa de tenter 
une fois encore la fortune des armes. Il avait eu le 6 mai 
un léger avantage. Il voulait introduire dans Landau 
un certain nombre de recrues, et pour faciliter Topéra- 
lion, il avait chargé Landremont, qui commandait son 
avant-garde^ d'occuper l'adversaire sur un autre point. 
Au lieu de faire une simple feinte, Landremont agit 
offensivement afin de montrer aux ennemis c un petit 
essai du courage des républicains i. Le 6 mai, à cinq 
heures du matin, il marcha sur Rheinzabern et refoula 
un avant-poste autrichien. Sa troupe formait deux co- 
lonnes qui devaient tourner Herxheim, Tune par la 
droite, Tautre par la gauche. Mais Seriziat, qui dirigeait 
la colonne de droite, commença l'attaque une heure trop 
tôt : sa cavalerie impatiente se jeta dans Herxheim à 
bride abattue, sans attendre de signal, et il dut la suivre 
en faisant un feu violent d'artillerie et de mousqueterie. 
Les Impériaux purent se sauver dans la forêt voisine et 
gagner Rûlzheim. L'affaire était néanmoins honorable 
pour les Français. L'ennemi laissait plus de deux cents 
morts et blessés sur le terrain, et l'infanterie légère, 
commandée par Delmas et Ferino, avait déployé la plus 
brillante valeur; les chasseurs du Rhin, disait Landre- 
mont, et les volontaires du \^^ bataillon de la Gorrèze 
ont chassé tout ce qui se trouvait devant eux*. 

> Gustine à Houcbard et au Conseil exécutif, 15 mai [A. G.] ; cf. 
Mon.^ 20 mai. 

' Lettres de Gustine {Afon., 14 mai ; Batave^ 15 et 18 mai], de Lan- 
dremont aux représentants et à ses troupes, 7 mai; de Montaut, 
Ruamps et Soubrany à la Gonventioo, 8 mai [A. N. D xlii 4); de 
Chassaigcac [De Seilhac, Les bataillons de volontaires de la Corrète, 



RiJLZHBIU 43 

Ce combat de Herxheim encouragea GustioB. Il réso- 
lut de frapper un grand coup, de faire conlre les lignes 
autrichiennes une éclatante démonstralion, de couron- 
ner la fin de son commandement d^Alsace par un succès 
retentissant. Les deux armées de la Moselle et du Rhin 
eurent ordre de se porter en avant dans la journée du 
17 mai : il fallait, disait Gustine, les aguerrir, augmen- 
ter leur ardeur, leur donner les moyens de tenter de 
plus hardies entreprises; il fallait montrer aux coalisés, 
par une attaque « leste et vigoureuse », qu*ils avaient 
devant eux des républicains qui ne leur laissaient pas 
de repos ; il fallait les étriller et accroître « le dégoût qui 
naissait parmi les troupes prussiennes ». 

Le but du général Moustache était d'enlever un corps 
de trois bataillons et de trois escadrons que les Autri- 
chiens avaient poussé vers Rûlzheim. Mais, pour que 
Topération réussît, il fallait contenir de toutes parts les 
alliés. Gustine mil en braule Tarmée de la Moselle. Hou- 
chard dut, le 17 mai, au matin, avec trois brigades d'in- 

1882, p. 51). Charles Seriziat, d*abord commandant du 1*' bataillon de 
RhÔne-et'Loire, puis adjudant-p^énéral, avait pris part a Texpédilion 
de Trêves (Expéd, de Custinê^ 166) et Beurnon ville le protégeait. « Il 
s^est toujours parfaitement conduit, rapporte Legrand, mais ses enne- 
mis voulaient le perdre. • (Cf. au procès de Cusline la déposition de 
Treutel, Mon,^ 3 sept.]. Il était depuis le l*" février 1793 général de 
brigade. Le 7 mai, il fut suspendu par Haussmann, Montaut, Ruamps 
et Soubrany. C'était Ruamps qui Tattaquait avec le plus de violence : 
t Ce Seiiziat, écrivait-il, disait au commencement de la guerre quMl 
voulait faire la guerre i tous les jacobins ; ami servile de Broglie, il 
protesta conlre la suspension du roi, et au lieu d'être suspendu lui- 
même, fut nommé commandant amovible à Bitche, puis général de 
brigade, et envoyé comme commandant à Strasbourg, d'où il fut 
chassé par le vœu des jacobins ; à Herxheim, il a donné des preuves 
de son ineptie et de sa perfidie en n^exécutant aucun des ordres 
donnés par Landremont ; nous le suspendîmes et, cependant, il a été 
nommé, par un ordre du 11 juin, général de brigade dans Tarmée des 
Alpes. » (Ruamps au Comité, 19 juin, À. N. Dxlii, 4.) 



44 WISSBMBOURa 

fanlerie et sa cavalerie entière, débusquer les Prussiens 
de Limbach en les prenant à revers ; puis se porter vive- 
ment sur le Garlsberg et, « après avoir fait ses efforts 
pour détruire les ennemis, se retirer tranquillement sur 
sa position primitive ». Custine rengageait à faire un 
grand nombre de prisonniers : « ce sont des Prussiens ; 
il ne faut pas tout tuer ; quant aux Autrichiens et aux 
Hessois, je vous les abandonne, faites-en chair à pâté » : 
phrase malheureuse qui fut tournée plus tard contre 
Custine et devint un des griefs principaux de ses adver- 
saires politiques*. 

PuUy seconderait Houchard. Sa division porterait en 
face de Deux-Ponts une tête de colonne ; une autre co- 
lonne attaquerait les ennemis à Plrmasens en tâchant 
de tomber sur leurs derrières ; le mouvement terminé, 
Pully rentrerait dans son camp *. 

Restait Tarmée du Rhin. Falck, avec neuf bataillons 
et quelques cavaliers, se dirigerait sur Annweiler pour 
inquiéter les Prussiens. La garnison de Landau, ap- 
puyée par le colonel O'Meara et le 6* bataillon d'infan- 
terie légère, occuperait Queichheim, jetterait des tirail- 
leurs dans les vignes de Nussdorf et de Dammheim, et 
ferait jusqu*à la nuit close de nombreux simulacres de 
marches pour alarmer les Impériaux. Ghamharlhiac, qui 
commandait Fort-Vauban, ci-devant Fort-Louis, opére- 
rait une semblable démonstration sur la rive droite du 
Rhin : il s'efforcerait de refouler tous les postes autri- 
chiens, mais se bornerait à des menaces *. 



i Cf. le procès de Cusliae, Mon., 19 août 1793. 

» Custine à Pully, 15 mai (A. G.). 

» D'Hilliers i Gilot, à O'Meara, à Cbambarlhiac, 16 mai (A. G.). 
Dominique- André Chambarlhiac avait été successivement cadet au 
Régiment du Roi (janvier 1763), lieutenant en second à TÊcole de 



RÛLZHBIM 45 

Ferrier, qui conduisait la droite de rarmée» avait pour 
iastruction de s'engager lorsquUl entendrait la canon- 
nade tonner à Riilzheim : certain de n'être pas tourné 
sur son flanc droit, il pousserait en avant, placefait ses 
troupes en échelons et chasserait les Autrichiens de la 
forêt de Bienwald, puis de Rheinzabero. Quant à Gus- 
tine, il se proposait d*attaquer Riilzheim et de faire 
main basse sur les Impériaux qui gardaient ce village. 

Ces dispositions furent exécutées sur presque tous les 
points mollement et sans entrain. Pully attaqua plu- 
sieurs postes en avant de Deux-Ponts et à Gontwig sur 
la route de Pirmaseus, et fit quelques prisonniers*. 

Houchard se porta sur Limbach ; il vit de loin les 
Prussiens se replier vers Hombourg ; mais à une lieue et 
demie du Carlsberg, il commanda la retraite. Pourquoi 
se serait-il emparé du château? Custine lui prescrivait 
de lâcher la position sitôt qu'elle serait prise. Dès lors, 
à quoi bon la prendre? Fallait- il sacrifier inutilement 
quelques braves gens pour s'établir sur une montagne 
qu'on abandonnerait ensuite ? Les représentants Mai- 
gnel. Montant, Soubrany accompagnaient l'armée; ils 
refusèrent absolument de se prononcer; ils s'étaient fait 
une loi, disaient-ils, de ne se mêler des opérations mili- 
taires que lorsqu'elles pourraient compromettre le salut 
de la République ; mais ils mandèrent à Paris que les 
Prussiens avaient fui et que les républicains^ fatigués 

Mézières (1773],iDgéDieur (18 janvier 1775), capitaine (30 mars 1786), 
lieutenant-colonel [8 novembre 1792). Le {•' germinal an 111, il était 
nommé chef do brigade-directeur des fortifications ; le 6 frimaire an V, 
général de brigade à l'armée d'Italie. Un agent de Bouchotte, Garne- 
fin, le regardait comme < un des plus chauds et des plus zélés défen- 
seurs de la République par ses principes prononcés et par ses talents 
militaires >. [Garnerin aux jacobins, 20 juin 1793, A. Q.) 
« Mémoire de Pully (A. G.). 



16 WISSRMBOURQ 

de poursuivre des fuyards, et désireux de se battre, 
n'avaient reçu qu'avec douleur Tordre de regagaer leurs 
cantonnements '. 

Falck imita Houchard. Il entra dans Annweiler à dix 
heures du malin et passa la journée à charger sur des 
voitures toute Favoine qu'il trouva ; au soir, il rebrous- 
sait chemin sans avoir tiré un coup de fusil '. 

La garnison de Landau fit tranquillement une prome- 
nade hors des murs. 

Ghambarlhiac voulait traverser le Rhin. Mais les artil- 
leurs autrichiens, postés sur la rive droite, ouvrirent 
leur feu sur les premières barques qui tentaient le pas- 
sage, et malgré les menaces du capitaine et du lieute- 
nant des pontonniers, les bateliers refusèrent de démar- 
rer. Néanmoins, écrivait Ghambarlhiac, « le but de 
Gustine était rempli, puisqu'on avait attiré du monde 
dans cette partie* ». 

Gustine enfin, qui se réservait, comme à Spire, le rôle 
principal, échoua piteusement. Il était parti le 46 mai, 
à huit heures du soir avec Diettmann, vingt-six batail- 
lons d'infanterie, trois régiments de cavalerie, trois 
régiments de dragons et deux régiments de chasseurs 
à cheval. Mais les inévitables lenteurs d'un état-major 
qui entrait en exercice et opérait pour la première fois, 
avaient singulièrement retardé la marche. Les soldats, 
fatigués, accablés par la chaleur du matin, n'avaient ni 
eau dans leurs gourdes, ni rien pour se rafraîchir. Saus 
tenir compte de leur lassitude, le général ordonna de 

* Lettre des représentants, 19 mai {Mon. du 25) et rapport d'Hé- 
douville, 20 mai (A. G.]. 

« Falck à d'Hilliers, 18 mai (A. G.). 

» Ghambarlhiac à d'Hiliiers, 17 mai; Gebler, Oesteir. milit. Zeit- 
ehrift, 1834, IV, p. 13. 



rOlzhbim 17 

marcher plus vile encore. Au sortir d'Iasheim appa- 
rurent les premiers postes autrichiens ; ils se retirèrent 
aussitôt. Gusline remarqua leur honne contenance : 
« Les Autrichiens, dit-il à Baraguey d'Hilliers, sont 
prévenus de notre attaque, nous ne trouverons rien. » 
On était aux abords de Herxheim. Delmas mit en fuite 
un détachement de pandours qui tentait de résister, et 
le 40^ régiment de chasseurs à cheval entra dans le vil» 
lage. A. peine cette troupe débouchait-elle de Herxheim 
qu'elle vit s'avancer à sa rencontre les dragons de TEm- 
pereur et trois escadrons de la légion de Mirabeau. Elle 
chargea sur-le-champ, sans reconnaître l'adversaire, et 
fut ronopue. Gustine envoya le 9^ régiment de chasseurs 
à son secours. Malgré le feu de l'artillerie que les Impé- 
riaux avaient cachée dans les seigles, le 9® chasseurs 
s'élança résolument, culbuta les dragons de l'Empereur 
et les hussards de Mirabeau, s'empara des deux canons 
du bataillon Gyulai, et se laissa, dans l'ardeur de la 
poursuite, entraîner jusqu'à Rûlzheim. Mais, accueilli 
presque à bout portant par une fusillade bien nourrie, 
chargé parla réserve de la cavalerie autrichienne, il dut 
bientôt tourner bride et abandonner les canons qu'il 
avait pris. Gustine le rallia, arrêta les Impériaux et se 
retira sur sa colonne d'infanterie. 

Gette colonne, que commandait Diettmann, s'achemi- 
nait à une lieue derrière Tavant-garde^ dans les bas* 
fonds qui bordent le Klingbach, et après une marche 
pénible, elle sortait du vallon et atteignait la hauteur^ 
Mais le bataillon de tête, le W^ des volontaires du 
Doubs, n'avait pas encore vu la guerre. A l'instant où 
il se déployait sur le plateau, deux pièces de canon 
arrivaient au galop et soulevaient un gros nuage de 
poussière. Dans le même temps accourait le 9*^ régiment 

WISSEMBOURG. 2 



18 WISSBMBOUBa 

de chasseurs en pleine déroute, puis se monlraient le 
40^ chasseurs, ainsi que Custine et son étal-major. Le 
bataillon du Douhs, croyant avoir les Autrichiens sur 
les hras, fait un feu roulant de toutes ses armes et se 
met à fuir. Le 2® bataillon du Haut-Rhin, composé pour 
la moitié de recrues qui n'avaient quitté leurs villages 
que depuis quinze jours, imite l'exemple des volontaires 
francs-comtois. Lui aussi tire sur les chasseurs, puis 
lâche pied. La panique saisit la colonne d'infanterie. 
On n'entend partout qu'une clameur d*elfroi : sauve gui 
peut! nous sommes perdus I Bataillons et pelotons se ren- 
versent les uns sur les autres. En moins d'un quart 
d'heure, six mille hommes se répandent, s'éparpillent 
dans le vallon du Klingbach et se précipitent à toutes 
jambes vers la route de Wissembourg, criant à la trahi- 
son, jetant leurs havresacs, leurs gibernes et leurs 
fusils, pour courir plus vite. 

Un monticule dérobait aux ennemis cette débandade 
inattendue. Le désordre fut promptement réparé. Cus- 
tine, Baraguey d'Hilliers, les principaux officiers, les 
représentants, Haussmann, Du Roy, Ferry, allaient de 
tous côtés rallier les fuyards. < Français, disait Custine, 
ne faites point feu, c'est voire cavalerie! » Baraguey 
d'Hilliers gagnait l'extrémité du vallon et agitait un 
drapeau qu'il avait ramassé. Des officiers et des sous- 
officiers de serre-file de l'infanterie se détachaient de 
leurs bataillons et, le sabre à la main, secondaient les 
efforts du chef d'état-major. Le 3« et le 46« de ligne, le 
l®*" des volontaires de l'Ain, plusieurs autres encore 
restaient fermes au milieu de la dispersion générale et 
gardaient leurs rangs. Le lieutenant-colonel Mengaud 
avait, au bout de cinq minutes, ramené le 2® bataillon 
du Haut-Rhin. Bref, après quelques moments d'affreux 



BÛLZHSIM 49 

désarroi, les brigades, remises de leur frayeur, "fee re- 
formèrent, se rapprochèrent, et la cavalerie, elle aussi 
rassurée, vint s'abriter derrière l'infanterie *. 

Pendant ce temps Landremont repoussait les Autri- 
chiens qui venaient de Germersheim. La retraite qu'il fit 
avec autant d'intelligence que de valeur, sans se laisser 
entamer, lui valut, outre les éloges de Cusline, le grade 
de général de division. Ainsi que lui se signalèrent, 
dans cette journée, le vieux Lafarelle, qui reçut au front 
une grave contusion, le colonel Labarbette et le lieute- 
nant-colonel Neuilly, du 41« dragons, le capitaine Desaix 
et un homme qui fut un des instruments les plus utiles 
de Napoléon, Glarke, alors lieutenant-colonel du 2« cava- 
lerie. Glarke avait eu son cheval tué sous lui ; il prit le 
fusil d'un blessé et se rangea dans le 2^ bataillon du 
Haut-Rhin, qu'il ne quitta qu'à la fin de l'action. Les 
représentants, admirant son sang-froid, le nommèrent 
sur-le-champ générai de brigade, puis le firent chef de 
l'état-major. L'afiaire du 47 mai est la dernière à la- 
quelle ait assisté le futur duc de Feltre '. 

Durant l'échauffourée, qu'avait fait Ferrier qui com- 



> Cf. sur Taffaire de Rûlzheim la lettre de Cusline du 18 mai 
{Mon, du 23), la lettre des représentants Haassmann, Du Roy, 
Ferry et celle de Meojçaud du même jour, la relatioa d'Hilliers, 
20 brum. an IV (A. G.) ; Gouvion Saint-Cyr. I, 56-62 ; Lavallette, 
Mém,, I, 121 ; Gay-Vemon, Custinâ et Bouchard, 158-164 ; D'Ec- 
quevilly, I, 72-75 ; De Vivie, Un cadet en 419^^ Charles de Cornier, 
1886, p. 24-25; Oesch. der Kriege in £uropa,lf 194-195; Gebier, 
Oesi. fnilit, Z., 1834, IV, p. 11. Le lieutenant-colonel du 11* batail- 
lon du Doubs, Pergaud, fut arrêté et c se fit justice en se donnant la 
mort ». Les Français eurent 400 morts et blessés; les Impériaux, 129. 

* Cf. Saint-Cyr et surtout Lavallette, I, 124 < Glarke joignait au 
goût et à rhabitude du travail d'état-major toute la souplesse d'un 
bomme qui veut parvenir et cet esprit de conduite dont on accuse les 
Irlandais. • 



tO WISSBMBOUBa 

mandait la droile ? Il devait s'ébranler dès qu'il enten- 
drait le canon. Mais vainement Ferino l'avertit que le 
signal était donné. Vainement, un aide-de-camp, envoyé 
par Gustine, l'informa que le moment de Tatlaque était 
venu. Ferrier ne bougea pas. L'aide-de-camp lui proposa 
de pousser une reconnaissance, a Votre général, s*écria 
Ferrier, m'a député un trop jeune maître pour me dicter 
ma leçon », et il resta, comme auparavant, inactif) 
inerte. Il ne fît marcher ses bataillons qu'avec une len- 
teur extrême. Il prit les plus minutieuses précautions 
pour assaillir les postes autrichiens épars dans la forêt 
de Bienwald, et s'arrêta sur la rive droite du Klingbach, 
à l'entrée du bois de Herxheim. Baraguey d'Hilliers 
l'accuse d'avoir causé le désastre par son « silence 
inouï », par sa • lâcheté », par sa « trahison » ; Ferrier, 
dit-jl, avait l'ordre précis d'attaquer vigoureusement 
l'ennemi en avant de lui; lise tint sur la défensive, ne 
montra aucune troupe hors des bois, ne lira pas un coup 
de canon *. 

Pourtant, ce Ferrier n'était pas incapable. Très métho- 
dique et tellement circonspect qu'il paraissait timide et 
irrésolu, il réparait son indécision par sa bravoure et sa 
connaissance du métier. « Ni fort aimable, ni fort so- 
ciable, écrit l'indulgent Biron, il est très patriote et très 
militaire, et cela doit faire passer sur le reste. » Il avait 
un beau renom de jacobinisme ; lorsqu'il commandait 
dans le Vaucluse, il acceptait la présidence du club 
d'Orange, et l'on prétendait qu'il avait dansé avec Jour- 
dan Coupe-Tête une farandole que les émigrés ne lui 
pardonneraient pas. Le camp de Huningue le deman- 
dait comme général à l'Assemblée législative. Les jour- 

1 Noie de Legrand et relaliga de Baraguey d'Hilliers (A. G.). 



RULZHEIM 21 

nalistes, et surtout Laveaux, exaltaient son caractère 
civique, assuraient qu*il parlait en républicain dans les 
sociétés populaires, qu'il était digne de conduire des 
sans-culottes, qu'il ne se plaignait jamais de Tindisci- 
pline de ses troupes^ qu'il ne jouait pas au grand sei- 
gneur, qu il traitait ses soldats sans morgue, comme s'il 
eût été leur camarade et leur ami. Mais une ambition 
insatiable dévorait Ferrier ; il frondait ses chefs, ne ces- 
sait de les contredire et de les dénigrer, et, secrètement, 
par tous les moyens, même les plus vils, cherchait à les 
supplanter. On l'accusait de correspondre sous main 
avec Ronsin et Vincent et de faire le délateur. Depuis 
longtemps, il détestait Gustine. Il avait organisé le déta- 
chement qui chassa les Autrichiens des gorges de Por- 
rentruy vers la fin d'avril 1792, et il fut très mortifié 
que Gustine reçût le commandement de l'expédition. Il 
déchaîna contre son rival les clubs de Belfort et de 
Huningue qu*il tenait sous son ascendant et qui repro- 
chèrent à Gustine d'avoir permis aux Impériaux d'échap- 
per. Le général Moustache lui rendit la pareille ; il pro- 
posa de lui confier la défense de Landau, mais il le 
nommait le plus grand brouillon^ le plus grand bavard 
et l'homme le plus incapable du monde, absolument im- 
propre à former un plan de guerre et à l'exécuter * . 

> Biron à Servan, 22 sept. 1792; Gustine à Biron, 8 sept., et à 
Pache, 14 nov. 1792 (Â. G.) ; Bœpéd. de Custine^ 3. Cf. le Journal 
de la Montagne^ n*« 28, 29, 33, 88 ; le jugement que portent sur Ferrier 
le 27 octobre 1792 Guyton, Prieur et Deydier (A. G.) ; Aulard, Soc, 
des Jacobins, 1892, II, 123, et le rapport de Gâteau [2.^ juin, A. G. : 
« on lui reproche d'être tremblant dans Pexécution >]. Ferrier, dit 
Legrand, « attaché de \ieilie date à d'Orléans, était toujours, maigre 
ses efforts, suspect dlntriguer en faveur de ce prince. Avec de Pesprit, 
il B^est constamment trompé sur les moyens ; avec des talents, et tout 
en discutant le plan d^une opération militaire, il n'en a jamais exé~ 
cuté une passable ; brave comme individu, il était irrésolu et indécis 



22 WISSRMBOURQ 

Dès le lendemain du combat de Rûlzheim, Gustine 
appelait Ferrier à Wissembourg et Tapostropliait en 
termes sanglants : « Vous n*avez pas exécuté mes ins- 
tructions et vous avez fait preuve d'ineptie ou de mau- 
vaise volonté. )» Ferrier répondit sans s'émouvoir à ces 
invectives : Diettmann, disait -il, commandait doréna- 
vant l'armée du Rhin, et Gustine n'avait plus aucune 
autorité ; lui, Ferrier, ne devait de compte qu'à Diett- 
mann, et s'il se présentait au quartier-général, c'était 
pour montrer qu'il savait obéir. « On veut, ajoutait-il, 
contrôler ma conduite ; c'est moi qui contrôlerai celle 
des autres ; votre état-major met udc telle négligence 
dans son service qu'il ne m'a pas donné la série des 
mots d'ordre pour la seconde quinzaine du mois de 
mai. » Gustine sortit des gonds, et, dans sa lettre au 
ministre de la guerre^ déclara qu'il n'avait vu paraître 
aucune des troupes de Ferrier à la journée de Rûlzheim. 
Ferrier se vengea ; il dénonça Gustin« et envoya son 
confident, l'adjudant-général Gousso, soutenir à Paris sa 
dénonciation *. Gustine releva le défi : « Si Ferrier, écri- 



comme chef ; il s^est retiré paisible dans ses foyers, bien corrigé de 
l'ambition de paraître sur un grand théâtre. » Joseph Fenier du Chft- 
telet était né, le 25 mai 1739, a Bavilliers, près de Belfort; succes- 
sivement mousquetaire (avril 1754), lieutenant au régiment de Bouil- 
lon {{•' février 1757), capitaine dans la légion de Soubise (1«' juillet 
1766), employé dans Pétat-major (1770), lieutenant-colonel dUnfan- 
terie [17 juin 1770], lieutenant-colonel des grenadiers royaux de U 
Guyenne avec rang de colonel (8 avril 1779], il avait été promu maré- 
chal-de-camp le 21 septembre 1788 et Ueutenant-généralie 7 septembre 
1792. Il fut réformé le 17 octobre 1793 et retraité le 1*' vendémiaire 
an VllI. U ne mourut que le 29 novembre 1828^ à Tfige de quatre- 
vingt-neuf ans. 

* Aussi Ferrier et Cousso étaient-ils exécrés des ofBciers de Parmée 
du Rhin. En 1817, Gousso, devenu très royaliste, se présenta dans 
les salons de Gouvion Saint-Cyr, alors ministre de la guerre ; les offi- 
ciers lui firent un très mauvais accueil, et Rapp le nomma tout haut 



BULZHEIM 23 

vait-il, n'a pas suivi mes ordres, s'il n'a pas tourné le 
flanc gauche des ennemis, s'il s'est arrêté à l'entrée du 
bois d'Herxheim, il doit payer de sa tête. Il a beau m'ac- 
cuser d'impéritie; il n'est que peu d'individus dans 
l'armée qui doutent de la sienne », et il priait la Conven- 
tion de le débarrasser de ce frelon qui bourdonnait sans 
cesse à ses oreilles *. 

Riilzheim fut le dernier acte de Custine en Alsace. Se- 
lon sa coutume, il pallia son échec : il voulait n'entre- 
prendre l'opération que dans les premiers jours de juin, 
lorsque ses troupes seraient plus exercées, et il eût sû- 
rement remporté le plus brillant succès; il avait brus- 
qué l'affaire parce que les ennemis auraient pu profiter 
de son départ pour assaillir inopinément Dietlmann qui 
ne connaissait pas le pays ; enfin, il avait eu pendant la 
marche des coliques affreuses et il éprouvait encore des 
douleurs très vives qui ne le laissaient dormir ni jour ni 
nuit. Mais ce revers du 47 mai fut une des causes de sa 
perte. « Dans quelles mains nous trouvons-nous î » 
mandait un officier à Euloge Schneider*, et trois mois 
plus tard, devant le tribunal révolutionnaire, Gâteau 
accusait Custine d'avoir conçu l'attaque de Rûlzheim 
pour décourager les troupes et précipiter la reddition de 
Mayence. 

Mais les Jacobins exaltés étaient les seuls qui murmu- 
raient contre Custine. Lorsque, le 23 mai, le général 
Moustache dit adieu à l'Alsace, il emporta les regrets 
de l'armée du Rhin. Le soldat aimait ses façons fa- 
milières et gaillardes : il appréciait ses talents ; il le 

le dénonciateur de Custine. Cousso s'éloigna sans avoir parlé au mi- 
nistre. (Gay-Vernon, 167-168.) 

* Custine au président de la Convention, 23 juin, Mon, du 27. 

* Argos, !•' juin 1793, p. 465. 



24 WISSBMBOUBQ 

tenait pour l'unique homme de guerre qu'eût alors la 
République. « Quelques méchants et désorganisateurs, 
écrit un officier, ont cherché à peindre Custine comme 
un traître, et parfois il a été forcé à une grande dureté 
qu'on appelle despotisme; mais sa juste fermeté, la 
bonne tenue de son armée, ses sentiments républicains 
lui ont valu l'estime et Tamour du soldat *. » 

On ne doit pas oublier qu'il avait fixé pour longtemps, 
sur de belles et importantes positions, les emplacements 
des armées. Il avait réparé les anciennes lignes de Wis- 
sembourg en plusieurs points, à Saint-Remy, au mou- 
lin de Bienwald, à Scheibenhard. Loin d'occuper forte- 
ment la rive gauche de la Lauler, et d'y construire trop 
de redoutes, comme firent ses successeurs, il avait mis la 
plus grande partie de l'armée du Rhin sur les hauteurs 
avantageuses de l'autre bord, au camp du Geissberg, en 
arrière de Wlssembourg. Il avait envoyé la gauche dans 
les gorges de Lembach, jusqu'à Fischbach et Dahn, pour 
défendre la route de Bitche et tous les débouchés des 
Vosges. Enfin, il avait créé la division qu'on nomma le 
corps des Vosges, et qui fut commandée d'abord par 
PuUy, ensuite par René Moreaux. Ce corps des Vosges 
avait son quartier-général à Hornbach, entre les deux 
ruisseaux de la Horn et de la Schwalb ; il occupait les 
villages voisins de Hornbach et poussait jusqu'au Eet- 
terich. Il protégeait Bitche contre un ennemi qui vien- 
drait de Deux-Ponts et de Hombourg ; il préservait le 
revers des Vosges, assurait la gauche des lignes de 
"Wissembourg, couvrait la communication entre la Lor- 
raine et l'Alsace, reliait à l'armée du Rhin l'armée de la 
Moselle, dont il formait la droite. La position de Horn- 

> Lavallette, Mim,, 1, 122 ; lettre de Grandjean, 17 juin 1793. 



RÙLZHEIM 23 

bach, inattaquable de front, était donc superbe, selon le 
mot de Pully, et, comme dit un officier prussien, excel- 
lemment cboisie, non seulement à cause de sa propre 
force, mais parce qu*elle répondait à de grands desseins : 
en s'installant à Hornbach et au poste avancé du Ketle- 
ricb, tout en s^appu^^ant au Rhin, les Français étaient 
maîtres de la montagne et pouvaient s'établir avec avan- 
tage partout où il leur plairait, sur la rive droite de la 
Lauter *. 



• Mémoire de Pully (A. G.) ; [Massenbach], Kuri^ Uebersicht des 
Feldiuges im Jàhr 4793 awischen dem Rhein und der Saar^ 1793, 
p. 10 et 30. 



CHAPITRE II 



ARLON 



I. Dieltmann. — Beauharnais, général en chef de l'armée du Rhin. — 
Plan de Kilmaine. — Diversion sur Arlon. — Marche de Delaage. — 
Arrivée de Beauregard. — Bataille sanglante et inutile. — Chasseloup- 
Laubat et Sorbier. — II. Le grand plan de Custine. — Opposition 
de Bouchotte, de Beauharnais, de Houchard, des représentants. — Le 
plan approuvé, puis rejeté par le Comité de salut public. 



I. Diettmaiia* n'avait accepté la succession de Custine 
qu'avec une vive répugnance. C'était un officier de cava- 
lerie d'un âge avancé, d'une extrême médiocrité, et, 
comme on disait dès cette époque, une vieille culotte de 
peau. Il déclara, au sortir du combat de Rùlzheim, qu'il 
ne pouvait garder le commandement : il ne connaissait 
ni les positions, ni les mouvements, ni les cartes, et ne 
savait rien de ce que doit savoir un général en chef. 
Après un long entretien avec Custine, les représentants 

*■ Cf. sur Dominique Dieltmann, Valmy^ 51, et Trahison de Du^ 
mouriez, 228. Il était fils d^un vitrier de Lunéville {Journal de la 
Montagne, n» 67) ; il avait été nommé en 1792 maréchal-de-c^mp 
(22 mai\ et lieutenant-général (12 septembre) ; il mourut Tannée sui' 
vante, laissant une veuve et cinq petits enfants (Du Roy au Comité, 
8 germinal an II, À« N. AF ii 247). 



ABLON 27 

Ruamps^. Ferry , Rilter, Du Roy, Haussmann, résolurent 
de confier provisoirement Tarmée du Rhin à Beauhar- 
nais, et le 29 mai le Comité de salut public ratifiait leur 
choix ". 

Pendant que Tarmée du Rhin passait dans les mains 
de Beauharnais, l*armée de la Moselle livrait la bataille 
inutile d*Arlon. Kilmaine rassemblait alors à Sedan un 
petit corps de 8,300 hommes qu'on nommait pompeuse- 
ment Tarmée des Ardennes. II forma le projet d'opérer 
en Belgique une grande diversion qui forcerait les Impé- 
riaux à lever le siège de Valenciennes et de Condé. 
Prendre Liège, enlever les magasins autrichiens, inter- 
cepter les convois qui partaient d'Aix-la-Chapelle, dé- 
truire rimmense quantité de fourrages et de munitions 
que Cobourg faisait venir par les bateaux de la Meuse, 
tel était le plan conçu par Kilmaine et approuvé par les 
représentants Hentz et De La Porte. Mais il fallait, pour 
assurer la réussite de l'entreprise, que l'armée de la 
Moselle agit de concert avec l'armée des Ardennes. Le 
chef d'état-major de Kilmaine, Gobert, vint proposer à 
Houchard de s'emparer d'Arlon. Tandis que Kilmaine, 
disait Gobert, se porterait de Givet sur Dînant et Cirey, 

1 Custine à Beauharnais, 23 mai ; les représentants Ruamps, 
Ferry, Ritter, Du Roy et Haussmann à Beauharnais, 23 mai; Du 
Roy et Haussmann au Comité, 24 mai (A. G.); Àfon, du 31 mai. 
Houchard désira, plus tard, passer de l'armée de la Moselle à l'armée 
du Rhin ; mais Beauharnais refusa rechange ; il était < connu de 
Tarmée du Rhin et connaissait les localités » (10 juin, Beaubarnais au 
Comité, A. G.). Néanmoins, le 13 juin, lorsque Beauharnais fut 
nommé ministre de la guerre, la Convention, sur la proposition du 
Conseil exécutif, approuvée par le Comité de salut public (Rec. Au- 
lard, IV, 526), le remplaça par Houchard. Le 22 juin, sur le rapport 
du Comité, elle révoquait ce décret et arrêtait que Houchard conser« 
verait le commandement de Tarmée de la Moselle, et Beauharnais, le 
commandement de l'armée du Rhin. 



28 WISSBMBOURQ 

son lieutenant Beauregard pousserait par Neufchâteau 
et Saint-Hubert sur Arlon. Que les troupes de Hou- 
chard, ajoutait Gobert, débouchent en môme temps par 
Longwy; qu'elles fassent leur jonction avec le détache- 
ment de Beauregard, et attaquent Arlon quî renferme 
des entrepôts considérables d'avoine ; puis, qu'une fois 
en marche et dans Tentrainement du succès, elles se 
rabattent sur Bastogne, La Roche, Durbuy pour gagner 
Liège et donner la main à Tarmée des Ardennes. 

Houchârd répondit qu'il marcherait en aveugle, à con- 
dition de faire une simple pointe sur Arlon et de ne pas 
s'écarter trop longtemps; il craignait de compromettre 
la frontière dont il avait la garde et n'avancerait vers 
Liège que sur Tordre du Conseil exécutif ou des repré- 
sentants du peuple. Il chargea de l'expédition le géné- 
ral DelaageS mais Delaage ne dépasserait pas Arlon: il 
devait se saisir de la ville et, durant deux jours, inquié- 
ter l'adversaire et le tenir en haleine; il rentrerait en- 
suite à Longwy, après avoir « figuré des marches » et 
f décampé partiellement ». 

La diversion que rôvait Kilmaine njeut pas lieu. Il 
prenait le chemin de Givet lorsqu'il reçut de Gustine 
l'ordre positif de suspendre son mouvement. Mais l'ex- 
pédition d'Arlon n'était pas contremandée, et Beaure- 
gard put assister à la bataille*. 

< Delaajçe ou De Laage (Amable-Henrj) était général de division 
depuis le 11 février 1793 ; cf. sur lui et sur son rôle dans Texpéditiou 
de Trêves Custine^ p. 166-169, 

« Houchârd à Kilmaine, 24 mai, 1" et 2 juin; à Delaage, 2 juin ; 
Kilmaine à Houchârd, 1*' juin, et à Bouchotte, 18 juin ; Hentz et 
De La Porte au Comité, 2 juin (A. G.) ; Gol»ert, Exposé de la conduite 
du général Qohert^ 11. Pierre-Raphaël Paillot de Beauregard, nommé 
maréchal-de-camp le 1*' mars 1791, était général de division depuis le 
15 mai 1793. 



ARLON 29 

Le 7 juin, Delaage quitta Longwy avec 9,500 hommes 
d'infanterie et 4,000 de cavalerie. L'avant-garde et la ca- 
valerie avaient à leur tête l'intrépide Tolozan. L'infante- 
rie formait trois brigades : Laubadère menait la pre- 
mière ;' Desperrières, la seconde ; Châteauthierry, la 
troisième*. ,Le parc d'artillerie marchait entre la pre- 
mière et la deuxième brigade. 

Delaage était faible, irrésolu, tremblant, et, disent avec 
raison les commissaires, il ne déploya pas l'activité 
qu'ils auraient désirée. Il fallait partir de Longwy dans 
la nuit, et fondre soudain à la pointe du jour sur les 
cantonnements autrichiens. L'armée ne se mit en route 
que vers quatre heures du matin, et il était neuf heures 
lorsque Tolozan rencontra les avant-postes ennemis. Des 
soldats du 53®, ci-devant Alsace, avaient abandonné leur 
drapeau et donné l'alarme au village de Messancy. Tolo- 

* Cf. sur Louis Tolozan, colonel du !«' dragons, et général de bri- 
gade (depuis le 8 mars 1793), Vaîmy^ Î94 ; — Laubadère (Germain- 
Félix) était né à Bassoues d'Ârmagnac, près Mirande, le 20 février 
1749 ; soldat au régiment d'À.uvergne (11 mai 1772), sous-lieuienant 
(25 août 1773], lieutenant en second (26 sept. 1778], et en premier 
(8 janvier 1780), capitaine en second (4 juillet 1784), capitaine de la 
compagnie des grenadiers (1*'' sept. 1784), lieutenant-colonel du 12* ré- 
giment d'infanterie (4 février 1792\ colonel du 30* (26 oct. 1792), il 
était général de brigade depuis le 8 mars 1793 et fut nommé général 
de division le 30 juin 1793; — Gabriel-Adrien-Marie Poissonnier Des 
Perrières, chef de brigade du 49* régiment d'infanleiie, fut promu gé- 
néral de brigade le 30 juin 1793; — Claude- Antoine Cappon Châ- 
teauthierry, natif de Paris, avait alors soixante-douze ans. Il avait 
commandé dans la garde nationale parisienne le bataillon de la sec- 
tion du Mail ; puis, nommé colonel au 102* régiment, il avait pris part 
à Texpédilion, ou, comme on disait, à la course de Trêves ; il était 
général de brigade depuis le 8 mars 1793. Il devait bientôt quitter le 
service et revenir à Paris, le 28 juin de la même année ; mais accusé 
d'avoir fait scier l*arbre de la liberté planté à la porte de la caserne 
des Cordeliers et d'avoir excité son bataillon contre le peuple dans la 
journée du 20 juin, il fut condamné à mort par le tribunal révolution • 
naire le 3 frimaire an II. (A. N. W. 297.) 



30 WlSSBMBOURa 

zan laDça son infanterie légère et deux régiments de ca- 
valerie, le 4<» hussards et le 4<'' chasseurs. Mais il ne traî- 
nait avec lui qu*une pièce de canon, et la cavalerie 
impériale avait la supériorité du nombre. Elle fit une 
charge si vigoureuse qu'elle culbuta Tinfanterie et dis- 
persa chasseurs et hussards. L'ingénieur de Longwy, 
Ghasseloup-Laubat, suivait Tavant-garde. Il vint aussi- 
tôt demander à Delaage du renfort et deux canons. Le 
général envoya trois cents carabiniers, mais il n'osa 
faire davantage. La pluie tombait ; les soldats étaient 
épuisés par une marche forcée; Tavant-garde autri- 
chienne avait gagné la chaussée d'Arlon et jetait une 
grêle de boulets et d'obus sur les troupes de Tolozan qui 
se dérobaient dans un pli de terrain et laissaient les 
projectiles passer par dessus leurs têtes. Delaage donna 
Tordre à Tolozan de se retirer et de prendre position 
à sa droite. Toute l'armée campa sur les hauteurs 
d'Udange. 

Le lendemain, 8 juin, Delaage voulut revenir à 
Longwy. Derechef, il prétextait la fatigue, le mauvais 
temps, les averses de la nuit précédente. En réalité, il 
avait reçu, la veille au soir, une lettre de Houchard qui 
lui prescrivait de faire aussitôt sa retraite, puisque 
Gustine s'opposait à la grande diversion projetée par 
Kilmaine. a Je pressentais, mandait Houchard, ce qui 
vient d'arriver, et il est malheureux que ce mouvement 
ait eu lieu; nos ennemis sauront notre marche pour une 
autre fois ^ » Déjà les équipages de Delaage filaient sur 
Longwy ; déjà les bœufs allaient être répartis entre les 
brigades. Mais, à cet instant, Beauregard arrivait de Se- 

* Voir la lettre de Houchard à Kilmaine, 6 juin 1793 (A. N. w, 
280). 



ARLON 34 

dan par Montmédy avec 2,000 hommes. Etait-ce la peine 
de parcourir tant de chemin pour ne pas se battre? Il 
vole à la baraque où délibèrent les commissaires de la 
Convention; il leur déclare qu'il n'est pas venu de si 
loin pour reculer, et demande qu*on tienne sur-le-champ 
eonseil de guerre. Delaage se résigna. Il consentit à s*em. 
parer d*Ârlon dans la matinée du 9 juin. Mais cette fois 
encore, au lieu d'attaquer à la pointe du jour, on ne se 
mit en marche qu'à neuf heures : les distributions de 
viande s'étaient faites trop tard. Les Autrichiens eurent 
donc le loisir de préparer leur défense. 

Arlon s'élève sur un petit monticule d'où Ton voit le 
terrain descendre et -fuir en pente douce à perte de vue 
vers tous les points de l'horizon. C'était alors le carre- 
four des ôommunications du pays environnant. Quatre 
chaussées principales y aboutissaient : celle de Luxem- 
bourg, celle de Longwy, et les deux routes de Namur, 
l'une plus ancienne où passait la poste, Tautre récente, 
plus longue, mais plus belle et fréquentée par les voi- 
tures lourdement chargées. 

Schrôder, qui commandait les Autrichiens^ ne dispo- 
sait que de sept bataillons et de huit escadrons. Il mit 
entre les deux routes de Namur un détachement qui 
protégeait ses derrières. Lui-môme, avec le gros de ses 
forces, occupait, en avant d' Arlon, un peu en arrière du 
village de Weiler, entre la route de Longwy et celle de 
Luxembourg, une ligne qui tenait une demi-lieue. 

Quatre colonnes assaillirent Schrôder : à droite, Lauba- 
dère secondé par la cavalerie de Tolozan ; au centre^ Des- 
perrières; à gauche, Château thierry et Beauregard. Un 
bols qui se trouvait en avant de la Chapelle-Sainte-Croix, 
était le point où devait se faire le développement géné- 
ral. Desperrières avait ordre de longer ce bois ; Lauba- 



32 WISSBMBOURe 

dère de le tourner par la droite ; Ghâteauthierry de se 
porter sur la gauche, en conservant entre Desperrières 
et lui Tintervalle nécessaire à une brigade. Quant à 
Beauregard, il marcherait à la hauteur des colonnes. 
Tous ces mouvements étaient appuyés par Tartillerie lé- 
gère et par quatre pièces de position ^ 

Il y eut d*abord un instant d^affreuse confusion. Les 
brigades de Laubadère et de Desperrières parvinrent à 
se déployer, non sans obstacles. Mais celles de Ghâteau- 
thierry et de Beauregard ne purent se mettre en bataille 
qu'avec une extrême difficulté; leurs officiers étaient 
encore peu exercés ; elles se rejetèrent trop à droite, et 
les bataillons manquèrent d'espace pour se développer. 

Enfin, toute la ligne s* ébranla. On battit la charge au 
même moment. Uardeur était peinte sur les visages, et 
de toutes parts retentissaient les cris de Vite la Repu- 
aligne. La cavalerie de Beauregard se joignait à celle de 
Tolozan, et Tartillerie volante flanquait la gauche de 
Desperrières. 

Mais Laubadère, entraîné par sa fougue, dépassa la 
ligne. Ses bataillons, exposés soudainement au feu de 
l'infanterie autrichienne, furent saisis d'épouvante et lâ- 
chèrent pied. Les chevau-légersde Kinsky les chargèrent 
aussitôt. Il se produisit une Véritable déroute : des sol- 
dats, des officiers s'enfuirent jusqu'à Longwy, semant 
l'alarme, disant que les ennemis avaient écrasé l'armée 
française sous le nombre. 

Les carabiniers se précipitèrent pour rétablir le com- 
bat. Tous leurs efl'orts furent repoussés. Quatre fois ils 
s'élancèrent sur un carré d'infanterie autrichienne qui 

* Lcgrand remarque justement que Delaage n^avait pas su se mé- 
nager une réserve et quUl dut secourir sa droite avec sa gauche et son 
centre. 



ARLOK 33 

faisait le feu le plus violeat; quatre fois, malgré leur 
héroïsme, ils durent plier sous une grêle de balles ; la 
moitié d*entre eux restèrent sur la place ; quelques-uns 
s'abîmèrent dans le ravin, à gauche de la route de 
Luxembourg; neuf officiers furent tués et sept blessés *. 
Mais l'artillerie volante, commandée par Sorbier, ac- 
courut ventre à terre. Elle mit ses obusiers en batterie à 
quatre-vingts pas des Impériaux et leur tira quatre à cinq 
coups d'obus à mitraille qui portèrent le désordre dans 
leurs rangs. Bientôt arriva la brigade de Desperrières, 
déployée en deux colonnes serrées. Puis, se montra Ghâ* 
leaulhierry qui suivait le mouvement de Desperrières. 
Enfin apparut Beauregard ; il avait marché droit sur 
Arlon, dispersé les Autrichiens qui se trouvaient entre 
les deux chemins de Namur, et, après avoir installé ra-* 
pidement plusieurs postes dans la ville, il venait renfor- 
cer l'armée de là Moselle et prendre en flanc les troupes 
de Schrôder sur la roule de Luxembourg. 

Ces secours achevèrent la débandade des Autrichiens. 
Vainement Schrôder tenta de ressaisir le terrain perdu 
en débouchant de nouveau par la gauche avec de Tin- 
fanterie et tout ce qu'il avait de cavalerie. Desperrières 
se jeta vivement à sa rencontre et lui envoya quelques 
volées de canon. Schrôder craignit d'èlre enveloppé ; il 
gagna les bois et de là Luxembourg, en laissant aux 
mains des Français cinq caissons et trois pièces. 

* Chayanne, Histoire du 44* cuirassiers, 1889, p. 157-159. De cô 
jour grandit la réputation des carabiniers commencée à l'affaire de la 
Lune (Fa/my, 190-191 et 247) ; chaque carabinier, disait-on, est un 
Tancrède (Le Batave^ n» 237) ; Houchard nomma le régiment Véton-^ 
nant régitnent et les représentants Prieur et Jeanbon Saint-Ândré 
l'appelaient ■ le plus beau corps que nous ayons et le plus coura- 
geux ». 

WISSBUBOURO. 3 



34 WISSEMBOURQ 

L'affaire d'Arloa commença la réputation de deux of- 
ficiers appelés à uu brillaut avenir : Ghasseloup-Laubat 
et Sorbier. Les commissaires de la Convention et Delaage 
prodiguaient les éloges à Ghasseloup : non seulement il 
avait relevé, réparé les fortifications de Longwy» mai's, 
par son activité, par ses conseils, il avait décidé la vic- 
toire du 9 juin. On le fit chef de bataillon du génie. De- 
laage voulait se l'attacher et demanda pour lui le grade 
d*adjudant-généra1. Mais Houchard déclara que les offi- 
ciers du génie étaient difficiles à remplacer, quon avait 
tort de les employer dans Tétai-major et d'ôter aux villes 
fortes de la frontière des sujets utiles, que Ghasseloup 
rendait à Longwy les plus grands services et devait y 
restera Sorbier, alors capitaine do Tartillerie légère, 
avait reçu dans Faction au parement de son habit une 
balle qui le contusionna. Delaage obtint pour lui le com- 
mandement de deux compagnies d'artillerie volante et 
le grade de chef d'escadron *. 

A quoi servait néanmoins cette sanglante bataille, tant 
vantée par les journaux du temps ? A quoi servait ce 
combat que les représentants nommaient avec emphase 
un des plus violents de l'histoire, un de ceux qui de- 
vaient faire époque dans les annales des guerres de la 
liberté? Les Autrichiens avaient opéré tranquillement 
leur retraite. Grâce aux lenteurs de Delaage, ils avaient 
eu le temps d'évacuer une partie de leurs magasins, et 

* Houchard à Bouchotte, 16 juin; les représeutanls au Comité, 
21 juin (A. G.). 

* C^est ce Sorbier qui devint inspecteur-général de Tartillerie. Son 
frère Jean-FranQois servait dans le gén e à Parmée du Rhin, et le 
conventionnel Ferry le citait avec éloge : « Sorbier et Catoire, disait-il, 
ont surû seuls aux travaux extraordinaires des trois places de Stras- 
bourg, de Ncuf-Brisach et de Iluningue. » (Ferry au Comité 
12juillet, A. G.) 



ARLON 35 

les Français ne trouvèrent dans Arlon que 1,5C0 quintaux 
de foin, 1,500 quintaux de paille, 4,2100 sacs de farine et 
40,000 sacs d'avoine. Encore la farine était-elle détes- 
table, et, disent les commissaires, bonne pour les bes- 
tiaux; ils la firent distribuer aux habitants \ 

II. Tandis qu*avait lieu la bataille d'Arlon, une lettre 
de Gustine jetait Talarme dans les états-majors des ar- 
mées de la Moselle et du Rhin. Le général Moustache 
avait exposé, le S8 mai, un vaste plan d*opérations au 
Comité de Salut public. Il voulait, disait-il, frapper en 
Flandre un coup vigoureux. Peu importait Mayence, 
du moins pour l'instant. Mayence se défendait héroïque- 
ment ; Mayence détruisait une partie des forces de la 
coalition; Mayence obligeait les Austro-Prussiens à faire 
d*énormes dépenses ; on avait le temps de délivrer cette 
place, et la débloquer sur-le-champ serait rendre un très 
mauvais service à la République. Selon Gustine, il fal- 
lait dégarnir sans crainte les frontières de TEst et gros- 
sir à tout prix l'armée du Nord. Il appelait à lui le 
corps de bataille qui campait à Forbach et toute la cava- 
lerie de Houchard. Il appelait à lui les plus beaux régi- 
ments de Beauharnais : le 42^ bataillon d'infanterie 



1 Cf. sur la bataille d'Arlon, la lettre des représentants et le rap- 
port de Delaage [Mon.^ 14 et 19 juin ; Rec. Âulard, V, 18-20), la 
Relation de ce qu'ont fait les carabiniers à la journée d^Ârlon, signée 
Danglars [Journal de la Montagne^ 9 juillet, n« 38] ; note de Legrand 
(A. G.) ; Vie politigue et militaire du général À.-M,^&, Poisson- 
nier-DesperrièreSf écrite par lui-même, 1824, p. 107-117 (ouvrage 
inexact et jactantieux] ; Gebler, Oesterr, milit, Zeitschrift^ 1834, IV, 
p. 17-18. Les Autricbiens avaient 32 officiers et 519 soldats hors de 
combat ; les Français eurent 194 tués et 632 blessés, mais Legrand 
croit, avec raison, que notre perte a été considérablement diminuée. 
Un aide-de-camp de Delaage et son adjudant-général restèrent sur le 
champ de bataille. 



36 WISSBMBOURe 

légère, le 8« et le 10* régimeat de chasseurs à cheval, le 
44® régiment de dragons et une hatterie d'artillerie vo- 
lante. Il appelait à lui Tadjudant- général de Tarmée du 
Rhin, Tholmé, et les meilleurs officiers de Tarmée de la 
Moselle, le général de division Schauenburg, le chef de 
Tétat-major Hédouville, et l'adjudant-général Berlhelmy. 
Ne suffisait-il pas de confier la garde des frontières, de 
Sarrebrûck à Sarrelouis, au général La Grange et de 
donner à La Grange une brigade d*infanterie, les batail- 
lons qui faisaient le service des troupes légères, le régi* 
ment de dragons et la gendarmerie nationale ? Quant à 
Tarmée nouvelle qui compterait 25,000 hommes bien or- 
ganisés, et que Gustine formait aux dépens de Houchard 
et de Beauharnais, elle se mettrait aussitôt en marche, 
sous le commandement de Pully, pour se porter sur 
Arlon et de là sur Givet. Après avoir détruit les maga- 
sins d'Arlon et refoulé les Autrichiens, Pully reviendrait 
à Forbach ; mais il laisserait à Landremont une très 
grosse avant-garde, qui comprendrait deux brigades 
d*infanterie, trois régiments de cavalerie, deux régi- 
ments de dragons, deux régiments de chasseurs à che- 
val, le 3<> régiment de hussards, ci-devant Esterhazy, 
quatre bataillons d'infanterie légère et la compagnie 
d'artillerie volante, tirée du Bas-Rhin. Landremont con- 
tinuerait sa route par Pbilippeville, par Beaumont, par 
Maubeuge, et ferait sa jonction avec les armées du Nord 
et des Ardennes. On aurait ainsi, dans les premiers 
jours de*juiilet, des forces considérables qui pourraient 
accabler Cobourg. Une fois les Impériaux battus, Tarmée 
du Nord occuperait une position imposante. Alors, au 
mois d'août, l'armée des Ardennes, unie au détachement 
de Landremont, prendrait à revers le pays de Luxem- 
bourg et se dirigerait sur Trêves, pendant que Tarmée de 



ARLON 37 

la Moselle, augmentée d'une division de Tarmée du 
Rhin, longerait les Vosges et entrerait dans le Palatinat. 
Voilà, concluait Gustine, comment 11 faut rétablir nos 
affaires ; voilà comment nous rendrons leur gloire aux 
armes de la République ; ce plan de campagne assure le 
salut de la Flandre et le déblocus de Mayence tout en- 
semble *. 

Le 4 juin, dans une conférence à laquelle assistaient 
Laubadère, Rivas et Du Ghastellet, les ministres approu-* 
vèrent ce plan. Gustine ferait ses dispositions avec la plus 
grande célérité. On lui donnerait les objets de tout genre 
qu'il demandait, dix mille piques de Tarsenal de Paris et 
les fusils qu'on pourrait trouver dans les manufactures 
d'armes. Les généraux des armées de la Moselle et du 
Rhin avaient ordre de concourir à Texécution de ce beau 
dessein sans aucun délai. Houchard enverrait le chef 
d'état-major et les officiers supérieurs que désirait Gus? 
line '. 

Mais Bouchotte avait refusé de signer Tarrèté du Gon-* 
seil exécutif provisoire. Il soutenait, non sans raison, 
qu'on devait secourir Mayence avant le mois d'août ; il 
avait consulté les états d'approvisionnements envoyés 
par Gustine, et il déclarait que la place n'aurait pas 
assez de munitions de guerre et de bouche pour résister 
aussi longtemps. D'ailleurs, ajoutait-il, les frontières du 
département de la Moselle seraient-elles suffisamment 
couvertes pendant que les bataillons et les escadrons 
que commandaient Landremont et PuUy, marcheraient 
sur la Flandre et participeraient aux opérations de l'ar- 
mée du Nord • ? 

1 Custioe au Comité, 28 mai (Â. G.). 

» Rec. Aulard, IV, 492-493. 

' Boucholte au Comité, 6 juin (À, G.), 



38 WlSSSMBOURa 

Beauharnais, Houcliard, les commissaires aux armées 
du Rhin et de la Moselle joignirent leurs protestations 
aux objections de Bouchotte. Les arguments de Beau- 
harnais étaient très vigoureux, et il les développait avec 
une singulière vivacité. On renonçait donc à délivrer 
Mayence sur-le-champ! On désorganisait les deux ar- 
mées du Rhin et de la Moselle qui ne seraient plus que 
des débris d*armées ! On dérangeait les embrigadements 
déjà faits 1 On envoyait en Flandre des troupes qui se- 
raient fatiguées, harassées et qui n'apporteraient qu*un 
secours tardif! On exposait les départements de la 
Moselle et du Bas-Rhin à Tinvasion étrangère 1 II s'éle- 
vait contre c rimagination ardente i de Gustine et le 
représentait au Comité de Salut public comme un ambi- 
tieux qui rêvait la puissance suprême. Un seul bomme 
pouvait-il ainsi disposer des ressources militaires de la 
France et commander aux armées, de Dunkerque à 
Lyon? N'était-ce pas lui donner une influence dictatO' 
rialef « Il est reconnu par tous les républicains, disait 
Beauharnais, que si la liberté peut être menacée, c'est 
par un général. N'y a-t-il pas lieu de s'effrayer de la 
force immense qu'un tel fonctionnaire public a dans les 
mains * ? » 

Houchard n'était pas moins irrité. Il avait sur le cœur 
un mot de Gustine imprudemment publié par les jour- 
naux, c La conduite de deux armées, écrivait Gustine, 
est au-dessus des forces de Houcbard, et la conduite 
d'une armée même serait au-dessus de ses forces, s'il 
n était dirigé. » Toute vérité n'est pas bonne à proclamer. 
Le brave Houchard avait conscience de sa faiblesse et 
priait Bouchotte de ne lui confier d'autre armée que 

* Beauharnais à Bauchotte, 16 juin [A. G.). 



ARLON 39 

celle de la Moselle. Mais il gardait rancune à Custine. 
Le ^7 mai, il se préseD^Bit devant le Directoire du dépar- 
tement de la Moselle et lui demandait justice. Séance 
tenante, le Directoire déclara que Houchard ne méritait 
pas le jugement que Custine avait porté sur son compte : 
Houchard devait tout à la Révolution et n'avait éprouvé 
sous raucien régime que Tinjustice et les dégoûts ; Cus- 
tine désirait, sans doute, conserver le commandement 
des deux armées, ou leur donner des généraux qui lui 
seraient dévoués ; mais nul ne pourrait enlever à Hou- 
chard la confiance qu'inspiraient ses talents ; Taccuser 
d'incapacité, c'était le calomnier, et tout patriote devait 
réprimer celte calomnie *. 

Le reitre lorrain rejeta donc le pian de Custine sans 
égard ni ménagement. Quoi I on lui ôtait ses meilleurs 
officiers, Schauenburg, Hédouville, Berthelmy, qui ren- 
daient à l'armée de la Moselle de si précieux services et 
lui étaient absolument nécessaires l II jura qu'il ne 
pouvait se passer de ces trois hommes. Un grand gé^ 
néral, comme l'était Custine, n'avait que faire d'officiers 
intelligents ; lui, Houchard, devait s'entourer de gens 
habiles et capables de le soulager, et, sur ses pressantes 
instances, les représentants suspendirent le départ de 
Schauenburg, de Hédouville et de Berthelmy *. 

Les commissaires mirent dans leur opposition plus 
d'âpreté, plus de rudesse encore. Seuls, Le Yassear de 
la Meurlhe et Haussmann approuvaient les projets de 
Custine, et Haussmann, son intime ami, se rendit à 
Paris pour les appuyer de toute son inûuence. Mais les 

> Houchard à BouchoUe, 30 juillet (A. G.); extrait du registre deB 
délibérations du Directoire du département de la Moselle, et lettre 
d'envoi au Conseil exécutif, 3 juillet (A. N. AF ii 281), 

* Houchard à Bouchotle, \k juin (A. G.). 



40 WISSKBl BOURG 

autres représentants étaient ennemis personnels du gé- 
néral Moustache. Deux d'entre eux, Maribon-Montaut et 
Du Roy, accompagnés de Berlhelmy, coururent à Paris. 
Ils combattirent avec véhémence le plan de Gusline, ce 
chasse-croisé qui jetait le trouble et la confusion dans les 
armées de l'Est. Montaut ne tarissait pas en invectives 
contre le vaincu de Ruizheim et ses combinaisons per- 
fides; « cet homme, s*écriait-il, aime mieux sa gloire 
personnelle que celle de la République », et il l'accusait 
d*user du mode de contre-révolution qu'avaient employé 
Lafayette et Dumourlez ^ 

Un agent de Bouchotte, Gâteau, s'emportait pareille- 
ment contre Gustine. Le Conseil exécutif et le Comité 
consentiraient à suivre son plan, c'est-à-dire à morceler 
les armées I Ils voulaient faire généralissime un inca- 
pable dont Turenne n'eût pas voulu pour aide-de-camp, 
un traître qui n'avait d'autre dessein que d'égorger la 
République • ! 

De son côté, Ruamps écrivait au Comité de Salut pu- 
blic. Il lui reprochait d'arrêter un plan d'opérations sans 
consulter Beauharnais et les commissaires de la Con- 
vention. Il se moquait de Haussmann qui patronnait 
Gustine : Haussmann ne parlait pas au nom de ses col- 
lègues et n'était pas leur Interprète ; il n'avait qu'une 
mission de comptabilité ; il devait demander à l'Assem- 
blée quelques lois et règlements militaires ; mais il ne 
lui appartenait pas de se prononcer sur la guerre, 
N'était-ce pas Haussmann qui, dans les derniers jours 
de mars, en pleine déroute de Biugen, alfîrmait que 

1 Montaut au Comité, 19 juin, et à Bouchotte, 23 juin, Â. G. [il 
fait allusion au « cbas8é-croisé > du mois de juin 1792 ; cf. Invasion 
prussienne f 49 et Jemappes^ 60). 

> Gâteau à Bouchotte, 29 juin (A. G.). 



ARLON 44 

Gustine ne reculait pas d'une semelle; qui Tautorisait 
à faire la brillante sortie du 47 mai ; qui, même après 
Bûlzheim, souhaitait que le général pût garder son com- 
mandement en Alsace ? Non^ disait Ruamps, nous avons 
organisé les armées du Rhin et de la Moselle ; nous les 
avons « mises sur un pied respectable » ; elles n'ont 
d'autre destination, d'autre but, que de délivrer 
Mayence *. 

Le Comité céda. Le 49 juin, il suspendait Texécution 
du plan proposé par Gustine. c Yous avez, lui mandait 
Ruamps, mérité la reconnaissance publique ! » 



* Ruamps au Gomilé, 19 juin (Â. N. dxlii 4). Cf. sur les rapports 
de Haussmann et de Custine, Cusiine, 264, la déposition du conven- 
iionnel au procès du général [Mon,, 3 sept.], Argos^ !•' juin, p. 465 
(« Dur Haussmann hftlt ihn noch >]. Laveaux dénonça Haussmann 
comme le complice de Custine et son < prônear effronté » [Journal de 
la Montagne^ n^^ 67 et 68). 11 dénonçait également le frère de Hauss- 
mann • espèce d'intrigant germanique >, apparenté à deux feuillants, 
Baob et Schœll, et qui demandait à la Convention, au nom de la 
Tille de Nuremberg, le paiement d^une vieille dette. 



CHAPITRE III 



MAYENCE OU LA MORT 



I. Beaoharnais. — Conférences de Bitche. — Plan d'attaque. — Dispo- 
sitions des alliés. — II. La marche en avant. — Engagements du 19 et 
du 22 juillet. -* Capitulation inattendue de Mayence. — Retraite de 
l'armée du Rhin. — III. L'armée de la Moselle. — Leimen. — Fureur 
de Houchard. — Incendie du Carlsberg. — IV. Houchard, général en 
chef de l'armée du Nord. — Schauenburg lui succède. 



I. Alexandre, vicomte de Beauharnais, était major en 
second du régiment de La Fère-infanterie, plus tard le 
52% lorsqu'il fut envoyé par la noblesse du bailliage de 
Blois aux Elats-Généraux. Il embrassa les idées nou- 
velles avec ardeur, proposa dans la fameuse nuit du 
4 août régalité des peines et Tadmissibilité des citoyens 
à tous les emplois, déclara que le roi ne devait ni jouir 
du droit de paix et de guerre, ni posséder une maison 
militaire, ni mener les troupes en personne. Un des 
premiers, il avait compris que Theure linale de Tancien 
régime avait sonné, s J'éiais, disait-il, républicain dans 
le sein de la Constituante ; c*est moi qui ai fait les mo- 
tions d'autoriser le mariage des prêtres et de leur faire 
quitter le costume, d'approuver le divorce ; je n'ai cessé 



MAYKNCB OU LA MORT 43 

de combattre les rois, les nobles et les modérés de tout 
genre. » Sa chaude recommandation valut à Grégoire le 
siège épiscopal de Blois. Deux fois, il présida TAssem- 
blée, et ses collègues applaudirent au saog-froid et au 
tact qu'il montra dans cette fonction difficile ; il occu- 
pait le fauteuil lorsqu*éut lieu Tévénemeut de Vareuoes. 
Après la session, il reprit du service et devint succes- 
sivement adjudant-général à Tarmée du Nord, chef de 
rétat-major de Biron et de Deprez-Grassier, comman- 
dant de la division du Haut-Rhin. On le vit a Strasbourg 
se prononcer avec éclat pour le parti populaire; il pro- 
posait au club que la sainte ampoule fût portée à Paris 
et rhuile qu'elle renfermait, brûlée solennellement en 
présence de la Gonvention, sur Tautel de la patrie ; il 
signait une adresse qui demandait la mort de Louis XVI; 
il sollicitait la suspension des administrateurs du Bas- 
Rhin qu*il accusait de royalisme; il offrait douze louis 
d'or à Fauteur du meilleur discours sur les moyens de 
susciter Tesprit public en Alsace. 

Il avait alors trente-trois ans. Fait au tour, comme 
dit un de ses contemporains, aussi beau que Hérault de 
Séchelles et que Lauzun, il avait par ses succès de bou- 
doirs excité la jalousie de sa femme Joséphine Tascher 
de la Pagerie. Mais à sa jolie figure, à son air noble, à 
sa tenue élégante, à ses manières douces et aimables, 
il joignait une façon de s'exprimer pleine d'aisance et 
d'esprit, une vive intelligence, un jugement droit, et 
partout où il passa, à l'Assemblée électorale de Blois, à 
la Constituante, dans les clubs et les armées, il séduisit 
à première vue, enleva les suffrages et ne trouva que des 
prôoeurs de son mérite. Luckner faisait son éloge. Gus- 
tine vantait sa sagesse et son zèle. Biron le regardait 
comme le meilleur chef d'état-major qu'on pût avoir. 



ii WISSUMBOURa 

d^aulant, ajoutait-il, qu' « il y a dans sa vie de brillantes 
époques de patriotisme qui sont d'un excellent exemple ». 
Les plus farouches Jacobins Testimaient ; quelques-uns 
blâmaient sa liaison avec une jeune Strasbourgeoise, la 
fille du commissaire des guerres Rivage ; tous recon- 
naissaient qu'il avait la confiance et TafTection du sol- 
dat : c'était le général qui déployait la plus grande acti- 
vité et les talents les plus remarquables, celui qui 
témoignait le plus pur républicanisme, le seul, disait 
Garnerin, qui se soit entouré de francs patriotes et 
n'ait pas la morgue de ses prédécesseurs. Gâteau le féli- 
citait d'avoir rétabli la société patriotique et militaire de 
Wissembourg qui, «. par ses soins, marchait vigoureu- 
sement ». Laveaux lui reprochait de traiter Ferricr 
d'intrigant, mais avouait qu on pouvait tout exiger et 
tout attendre de lui. Lacoste le nommait le premier 
général de la République. Ruamps louait ses vertus 
civiques qui n'étaient pas plus équivoques que ses con- 
naissances en tactique et en stratégie. 

Mais, suivant le mot d'un bon juge, Beauharnais était 
instruit et peu guerrier. Il n'avait pas le coup d'œil, 
l'instinct du champ de bataille. Faible, timide, il man- 
quait, dans le péril pressant, de nerf et de hardiesse. 
Gomme Biron, auquel il ressemble par certains côtés, 
il craignait de se compromettre, et se défiait de lui- 
même. Ce qui lui faisait défaut, rapporte Legrand, c'était 
« une audace de conception et d'exécution qui, jointe à 
un grand fonds d'instruction, constitue l'habile général 
en chef ou le ministre capable de diriger la guerre x>. 
Le Comité de salut public lui proposait la succession de 
Bouchotte; Beauharnais objecta que ses talents ne ré- 
pondraient pas À son zèle et qu'il fuirait toujours les 
postes éminents ; il n'osait se jeter au milieu des 



UATENCEC OU LA MORT 45 

a orages d'une révolutioD, ea un moment où la consti- 
tution n^était pas forte, en un temps où divers partis 
divisaient l'opinion publique et empêchaient les fonc- 
tionnaires d'avoir un guide constant dans leur con- 
duite* ». 

Beauharuais resta donc à la tète de Tarmée du Bhin 
et tenta de débloquer Mayence en concertant ses opé- 
rations avec Houchard. Mayence était le mot de ral- 
liement; Mayence ou la mort! criaient les troupes; 
conventionnels, journalistes, officiers de Tétat- major, 
soldats ne s'entretenaient que de Mayence et des moyens 
qu'il faudrait mettre en œuvre pour délivrer la ville 
assiégée; les armées de la Moselle et du Rhin ne se- 
raient-elles jamais que les « armées de Tarme au 
bras » * ? 

Le 7 juin se tint à Bitclie une conférence à laquelle as- 
sistaient, outre Beauharnais et Houchard, les commis- 
saires Du Roy, Laurent, Ruamps et Montant. Beauhar- 
uais représenta qu'il fallait secourir Mayence dans le 
délai le plus court et profiter de la supériorité du nom- 
bre : les ennemis, afôrmait-il, se sont sûrement dégarnis 

* Mon,^ 17 mars et 10 nov, 1790; Journal de la Montagne^ 
no* 28, 29, 49, 57; Chronique de Paris, 31 oct. 1792; Luckner à 
Servan, !•' juin 1792 [< Beauharnais dont je fais grand cas »); Cus- 
tine à Beauharnais, 23 mai 1793^ et au Comité de défense, 5 avril 
1793; Biron à Servan, 23 août 1792 (Â. G.]; Blanier à Le Brun, 
16 déc. 1792 ; Dupérouet Boyer à Le Brun, 4 mai 1793 ; Duhuisson à 
Le Brun, 18 mai 1793 ; Desfieux à Proli, 27 mai 1793 (A. E.) ; Gar- 
nerin aux Jacobins, 20 juin, et Gâteau à Bouchotte, 29 juin ; Lacoste 
à Barèie, 19 août (A. G.) ; Ruamps au Comité, 19 juin 1793 (A. N. 
DXLii 4) ; Gouvion Saint-Cyr, 1, 62 ; Wafçner, 53 (« es fehlte ihm an 
jener moralischen Kraft, die allein zu Thaten anreizt >] ; note de 
Legrand {A. G.) ; Recueil Aulard, IV, 482 et 526 ; Dufort de Che- 
verny, Mém., II, 77, 80, 111, 247, 302 ; Lavallette, I, 122-123. 

* Beauharnais au Comité, 16 juin 1793 (A. G.) ; Lecomte, Voher^ 
valeur impartial aux armées ^ 1797, p. 4. 



46 WISSEMBOURa 

sur la frontière de TÂlsace, soit qu'ils nous croient pour 
longtemps dans Vétat de stagnation, soit qu'ils aient 
besoin de toutes leurs forces pour attaquer sérieusement 
la place. Mais Houchard, moins impatient que Beauhar- 
nais, jugeait que ses bataillons n'avaient pas une organi- 
sation assez solide. « Si chacun, disait-il, était à sa be- 
sogne et savait ce qu'il doit faire, et si l'on y tenait la 
main, nous gagnerions prodigieusement. » Il déclara 
donc que son armée n'était pas prête. Pouvait-elle 
« manœuvrer en grand i contre lès Prussiens ? N'avait- 
elle pas une quantité considérable de recrues qu'on de- 
vait dresser et former plusieurs semaines encore avant 
de les mener à l'ennemi ? Beauharnais répliqua que les 
circonstances lui semblaient « impératives )», qu'il serait 
plus utilrî de lancer les troupes en pleine expédition que 
de les exercer à de petites manœuvres souvent inexécu- 
tables, qu'un simple mouvement en présence de l'ad- 
versaire valait mieux que toutes les menues prescrip- 
tions du métier. On se sépara sans rien décider *• 

Une seconde conférence eut lieu le 27 juin à Bitche. 
Cette fois, on résolut de marcher en avant et de délivrer 
Mayence sans retard. Généraux et commissaires étaient 
d'accord. Il fallait faire diligence pour sauver la forte- 
resse. Les troupes murmuraient, s'indignaient de leur 
inaction; elles paraissaient suffisamment instruites; 
elles connaissaient leur force ; elles avaient reçu tant de 
recrues que l'armée du Rhin comptait 60,000 combat- 
tants et l'armée de la Moselle 40,000. On pouvait donc, 
en moins de huit jours, jeter une masse de 400,000 
hommes sur les lignes ennemies et, par la puissance du 

1 Baauharnais au Comité, 10 juin; cf. Houchard au Comiié, 3 juin 
(A. G.). 



MATKNGE OU LA MORT 47 

nombre, rompre le cordon d'investissement. D'ailleurs, 
la mpisson allait s^ouvrir et Ton aurait devant soi les 
plaines immenses du. Palatinat couvertes d'une récolte 
abondante ^ 

On convint d'occuper Pirmasens et tous les postes 
intermédiaires, depuis cette ville jusqu'aux débouchés 
des gorges d'Annweiler, afin d'assurer les communica- 
tions entre Beauharnais et Houchard. L'armée du Rhin, 
poussant sa droite à Germersheim et appuyant sa 
gauche à Annweiler, emporterait les lignes de la Queich, 
puis celles de Neustadt et de Spire pour marcher de là 
sur Worms et Falkenstein. L'armée de la Moselle longe* 
rait la Glan, par Waldmohr et Kusel, tournerait ainsi 
Kaiserslautern et gagnerait Kreuznach. Elle laisserait la 
Lorraine à découvert, mais elle avait donné, dans sa ré- 
cente expédition d'Arlon, une rude leçon aux Impériaux. 
Son ûanc gauche serait garanti par un corps qui se diri- 
gerait vers Saint-Wendel,sous les ordres de Delaage, pour 
se rabattre ensuite sur Lauterecken. Son flanc droit se- 
rait protégé par la division des Vosges qui s'avancerait 
sur Landstuhl, sous la conduite de Pully, et attaquerait 
de front la position de Kaiserslautern, tout en se liant à 
Weidenthal avec la gauche de Beauharnais, par un déta- 
chement que commanderait René Moreaux. Les deux 
armées attaqueraient en même temps^ selon les forces 
qu'elles auraient en opposition ; celle de la Moselle ne 
ferait qu'une fausse attaque ; celle du Rhin refoulerait 
vigoureusement Tadversaire. On userait de prudence et 
de circonspection tant qu'on ne serait pas maître du 

' Assistaient à la conférence, outre Beauharnais et Houchard, deux 
représentants près Tarmée de la Moselle ainsi que Laurent, Louis, 
Pflieger et Ruamps (lettre de Montant, Maignet, Soubrany et Gentil, 
7juillel, A. G.). 



48 WISSBMBOURO 

défilé de Neustadt. Mais une fois à Neusladt, on se 
porterait en avaot avec audace pour précipiter la re- 
traite des eonemis, ou pour les enfoncer impétueuse- 
ment s^Jls s'arrêtaient sur les hauteurs en arrière de 
GôUheim ^ 

Mais les alliés étaient sur leurs gardes. lis pré- 
voyaient que les armées de secours se mettraient en 
marche lorsqu'elles pourraient fourrager dans la cam- 
pagne et ils savaient que Beauharnais viendrait néces- 
sairement par Edenkoben, entre la montagne et le Rhin, 
et Houchard, soit par Kaiserslautern, soit par Kreuz- 
nach. Ils prirent leurs mesures en conséquence. Wurm- 
ser s'établit à Edenkoben; Brunswick^ à Kaiserslautern, 
dans une de ses positions favorites; Hohenlohe, tout 
près de lui^ au ramp de Ramstein. Brunswick et Hohea- 
lohe avaient ensemble un corps de 48,000 hommes qui 
suffirait, croyaient-ils, à contenir les 40,000 Français 
commandés par Houchard. Si Tarmée de la Moselle re- 
fusait de livrer une bataille rangée et^ se bornant à ma- 
nœuvrer, tournait Kaiserslautern et poussait sur Kreuz- 
nach par Kusel, Hohenlohe, lâchant Ramstein, se 
jetterait aussitôt, en deux marches, au-devant de Tagres- 
seur à Lauterecken et à Meisenheim pour lui fermer la 

• 

route de la Glan*. 

II. Enfin, Tarmée du Rhin s'ébranla. « Nous allons, 
s'écriait Beauharnais, revoir cette ville célèbre d'où nos 
frères nous tendent les bras », et, le 14 juillet, lorsque 
les troupes acclamaient, au bruit des salves d'artillerie, 
la Constitution de 4793, il exprimait l'espoir que les dé- 

' Projet de marche pour les armées combinées, 13 juillet ; mémoire 
de Puliy ; Schauenborgà Houchard, 12 juin (Â. G.). 
* Massenbacb, I, 181. 



MATBNCB OU LA MORT 49 

feaseurs de Mayence mettraient bientôt leurs noms au 
bas de cette charte immortelle'. Mais Tarmée comptait 
un trop grand nombre de conscrits qui ne s'étaient pas 
encore, suivant le mot de Tépoque, débarrassés de leur 
timidité villageoise : les municipalités avaient envoyé 
des hommes incapables de servir, les uns estropiés, les 
autres tombant d'épilepsie, d'autres couverts de plaies 
incurables*. Même dans sa proclamation, Beauharnais 
ne dissimulait pas les craintes que lui inspirait Tiudis- 
cipline de ses bataillons : il y avait^ disait-il, des traîtres 
et des lâches qui semaient dans les rangs la terreur et le 
désordre ; les soldats se croyant vendus, abandonnaient 
quelquefois leurs positions, et la défection d'un déta* 
chement entraînait celle d'une brigade, d'une division ; 
la déroute devenait générale, a Ouvrez les yeux, con- 
cluait Beauharnais, livrez à la vengeance des lois ceux 
qui jettent répouvante. » 

Mais, au lieu d'enlever son armée et de s'avancer rapi- 
dement avec la ôère assurance qu'il devait prendre en 
sa supériorité numérique, Beauharnais tâtonna ; il usa, 
à la Brunswick, de subtiles et minutieuses précautions; 
il perdit son temps à refouler les avant-postes et les 
petits détachements épars dans les bois. Avec un peu de 
hâte et de hardiesse, il aurait gagné Dûrkheim le 20 juil- 
let et la hauteur de Grtinstadt dès le lendemain ; le 22, 
de Mayence, D'Oyré entendait son canon et rompait 
aussitôt les pourparlers '. 

Ce fut le 19 juillet que Beauharnais commença l'at- 

* Ia Bdtavét^ D« 163, et proclamation de Beauharnais, Mon, du 
12 juillet. 

* Lettre de Wissembourpr, 28 juin (Batave du 8 juillet] ; cf. une 
lettre de RiUer au Comité, 15 juillet (À. N. af 247). 

» Gouvion Sainl-Cyr, I, 67. 

WI88BXB0UR0. 4 



50 WISSBMBOURa 

taque. Pendant que 3,000 hommes de la garnison de 
Landau, commandés par Gilot, tenaient l'adversaire en 
respect à la lisière des forêts, Ferrier, qui cooduisait la 
droite de Tarmée, opérait de vigoureuses démonstra- 
tions sur la ligne de la Queich et notamment contre Ger- 
mersheim. Depuis le 3 juillet, il était en avant de Jock- 
grimet, dès le 6, il occupait les villages de Rûlzheim, de 
Kuhardt et de Hoerdt. Il dispersa les tirailleurs autri- 
chiens et se saisit de trois autres bourgades, Otters- 
heim, Knittelheim et Bellheim ^ 

La gauche de Tarmée du Rhin eut le même succès. 
D'Arlande, avec la brigade du 13® régiment, s'empara 
des gorges d*Annwei1er. Meynier, avec la brigade du 
67<', se rendit maître d'Albersweiler. Landremont, Lou- 
bat et Delmas, à la tète de Tavant-garde, chassèrent de 
Franckweiler, après une fusillade assez vive, les émi- 
grés et le corps franc de Wurmser *. 

Beauharnais établissait aiosi ses communications 
avec Tarmée de la Moselle par le pays de Deux-Ponts. 
Mais 11 négligeait de pousser sa pointe et de profiter 
de Tardeur de ses soldats. Il n'assaillait de nouveau 
les alliés que le 22 juillet. Néanmoins, il eut encore 
l'avantage. La brigade Meynier et les bataillons d'in- 
fanterie légère que commandait Delmas tournèrent les 
hauteurs de la Chapelle Sainte-Anne, où s'élevaient 
plusieurs redoutes. Les Austro-Prussiens conduits par 
Spleny, Hotze et Thadden firent leur retraite le long des 
Vosges, de village en village, de Sainte-Anne à Burr- 
weiler, de Burrwei'er à Weyher, de Weyher à Rhodt et 

» Mon,, 25 juillet ; Gesch, der Kriege^ I, 198. 

* Beauharnais à la Conventiou, 20 juillet [Mon, du 24) ; Batave^ 
n* 165 (lettre du 20 juillet) ; Journal de la Montagne, n» 57 ; Gebler, 
p. 24. 



MAYBNGB OU LA MORT 51 

à ËdenkobeQ. L*acliOQ, entamée vers neuf heures du 
matiu, ne se termina qu'à la nuit close. Si Beauharnais 
avait su ce qui se passait I Pris d*une terreur panique, 
les ennemis se croyaient cernés et se débandaient dans 
Tobscurité ; seul, le bataillon autrichien Terzy ne faiblit 
pas et couvrit la fuite. 

Ferrier avait moins de bonheur à Taile droite. Sa di- 
vision s'était portée en deux colonnes entre les hauteurs 
d'Essingen et les bols de Bornheim, contre un corps 
d'émigrés et les troupes légères du général Meszaros. Elle 
refoula Tadversaire sur toute la ligne et s'avança témé- 
rairement d'Ottersheim jusqu'à Niederhochstadt.Mais les 
Impériaux reçurent des renforts. Malgré leurs assauts 
réitérés, les carmagnoles ne purent enlever les retran- 
chements de Niederhochstadt. Ils durent reculer après 
avoir perdu deux canons. Le 9° régiment de cavalerie, 
vigoureusement chargé par les carabiniers de TEmpe- 
reur, ne se rallia que derrière l'infanterie. Heureuse- 
ment le 3<) et le 46<* de ligne soutinrent le choc avec 
fermeté; le premier rang croisa la baïonnette, le 
deuxième et le troisième rangs firent le feu de file, et la 
cavalerie autrichienne qui s'était lancée dans les chemins 
creux, au milieu des vignes, tourna bride sous une 
grêle de balles. 

Pourtant, la journée était gagnée. Officiers et soldats 
avaient vaillamment combattu. On citait plusieurs traits 
de courage héroïque. Le maréchal-des-logls Guéret, 
porte-drapeau du 9® cavalerie, serré de près par quatre 
impériaux qui le sommaient de se rendre, en avait tué 
deux et blessé le troisième ; renversé par le quatrième, 
il se dégageait de dessous son cheval et revenait au ré« 
giment avec son étendard brisé. D'autres encore s'étaient 
signalés ; Beauharnais louait la valeur distinguée de 



52 WISSBMBOURQ 

Delmas, rintelligence et Tactivité de radjudant-géaéral 
Abbatucci, et les soins infatigables du chirurgien Larrey. 
Le représentant Ruamps exaltait la bravoure des volon- 
taires qui gravissaient des pentes escarpées sous une 
pluie de projectiles et, parvenus au sommet des hau- 
teurs, mettaient leurs chapeaux au bout de leurs baïon- 
nettes pour acclamer la République victorieuse. Toute 
Tarmée, ûère de son triomphe, criait Mapence, Maymce! 
< L*espoir de délivrer la ville, rapporte un contempo- 
rain, enfantait des prodiges; il est certain, à en juger 
par Tenthousiasme que les troupes avalent montré et 
par Tensemble qui présidait aux opérations, qu'une ar- 
mée beaucoup moins forte que la nôtre eût fait lever le 
siège de Mayence, si Mayence eût résisté quelques jours 
de plus *. » 

Déjà Wurmser reculait. Il avait ordre de tenir à Eden- 
koben, ou du moins en arrière d*Edenkoben, pour cou- 
vrir Neustadt. Daus la nuit du 2i au 25 juillet il se 
rabattit sur la route du Rhin : Edenkoben était aban- 
donné ; le chemin de Neustadt ouvert ; la communica- 
tion entre les Prussiens et les Autrichiens interceptée. 
Mais le 23 juillet Mayence capitulait, et cette nouvelle, 
éclatant de même qu'un coup de foudre au milieu de 
Tarmée du Rhin, y répandait Tindignation et le déses- 
poir. Dans le premier moment, les soldats jurèrent de 
regarder les Mayençais comme des traîtres et de ne pas 
fraterniser avec eux. Mais lorsqu'ils virent arriver la 
garnison, lorsquils apprirent les périls qu'elle avait es- 
suyés, leur colère s'apaisa et ils se jetèrent tout émus 
dans les bras de leurs frères d'armes. Quant à Beauhar- 

* D'Ecquevilly, I, 9o ; Gesch, der KHege, I. 199; Gebler, 25-26; 
Beaubarnais à la Convention, 23 juillet {Mon, du 27}; Journal de la 
Montagne f u** 69 ; noie de Legrand [À.. G.). 



MATSNCU OU LA MORT 53 

nais, il était consterné ; il comprenait les conséquences 
de la reddition de Mayence et songeait douloureuse- 
ment que les coalisés, maîtres désormais de leurs mou- 
vements, allaient fondre sur TAlsace avec toutes leurs 
forces. « Cet événement, écrivait-il au Comité, change tous 
les plans de la campagne », et il déclara dans une pro- 
clamation que son armée, dorénavant incapable de jouer 
an rôle offensif, devait « former une barrière » et s'op- 
poser à l'irruption imminente K 

Il voulut un instant faire face derrière les lignes de la 
Queich. Ces lignes, presque ruinées et négligées depuis 
longtemps, n'étaient pas en meilleur état que celles de 
la Lauter, mais elles offraient quelques ressources à la 
défense. Landau donnait à la gauche de Tarmée un appui 
plus solide que la mauvaise position de Wissembourg, 
et si Germersheim, qui formait la droite des lignes de la 
Queich, ne valait pas Lauterbourg, on pouvait, à Taide 
des inondations, mettre cette ville à l'abri d'un coup de 
main. Elle n*eût pas résisté deux heures ; elle n'avait 
que trois petites redoutes détachées, un ouvrage sans 
consistance, et le cimetière dont les terres étaient rele- 
vées par un mur intérieur. Klablio à Germersheim, 
Tarmée française gardait les lignes de la Queich ; elle 
préservait de l'invasion le riche pays qui s'étend entre 
celte rivièie et la Lauter; elle empêchait le blocus de 
Landau ; postée à l'extrême frontière et en territoire 
ennemi, elle reprenait cœur*. 

Mais Beauharnais s'imaginait que Germersheim était 
une place de guerre, et il écouta Ferrier qui lui mon- 

* Wagner, Der Feldzug der Preuisischen Armée am Rhêin im Jahre 
4195, 1831, p. 58-59; Mon, des 14 et 19 août 1793 ; note de Legrand 

(A. G.). 

* Note de Legnind. (.\.. G.) 



54 WISSBMBOUBO 

trait un plan inexact où la ville était présentée sous un 
aspect imposant. Devenu très consultatif, déterminé à 
ne plus rien ordonner de son chef, il convoqua le 26 juil- 
let chez Buamps, le seul des commissaires de la Conven- 
tion qui fût alors à Tarmée, les généraux divisionnaires 
Munnier, Dieltmann, Lauhadère, Gilot, Landremont. Il 
exposa son plan d'attaque contre Germersheim ; mais il 
eut soin d'ajouter qu'on ne devait rien donner au hasard 
et qu'il y aurait des risques à courir, parce que les Au- 
trichiens avaient fait autour de la place des ouvrages 
multipliés. Tous les généraux l'approuvèrent; suivant 
eux, le moment de tenter une pareille entreprise était 
passé ; la cavalerie manquait; un revers causerait l'irré- 
médiable déroute. Mais si la droite de l'armée ne pouvait 
s*appuyer à Germersheim, ne fallait-il pas regagner les 
lignes de la Lauler? C'était l'opinion de Beauharnais ; 
toutefois il n'osa l'exprimer nettement; il craignait de 
déplaire aux représentants et il assura même qu'il ne 
ferait la guerre défensive qu'à la dernière extrémité, 
après avoir assemblé ses généraux de division et re- 
cueilli leurs avis \ 

Une vive et brusque attaque de Wurmser précipita sa 
résolution. Wurmser avait cru que Frédéric-Guillaume 
lui enverrait des renforts; mais, loin de le secourir, le 



1 Compte^rtndu par Ruamps, Boiie, etc., 28 ; Beauharnais a Bou> 
chotte, 25 juillet, et au Comiié, 26 juillet; note de Legrand (A. G.). 
Ferino proposa vainement de tenir la crête du chemin de Landau à 
Spire en avant de la Queich et au delà de la forôt, d'envoyer douze 
a quinze bataillons dans les gorges des montagnes, d'occuper la posi- 
tion entre Hochsletten et Trippstadt, de faire retrancher par l'armée 
de la Moselle le poste de Kaiserslautern où Tennemi n'était pas en- 
core; le projet, dit Legrand, était fort militaire et les alliés n'auraient 
pu s'avancer dans la Basse-Alsace, sans courir le danger d'être cul- 
butés dans le Hhin. 



MATENCE OU LA MORT 55 

roi lui conseillait de refuser sa gauche et de se retirer 
sur Neustadt. Wurmser, indigaé, exaspéré, convaincu 
qu*il aurait facilement raison d'un adversaire démora- 
lisé, aima mieux livrer bataille, et le 27 juillet il assaillait 
à Rûlzheim Taile droite de l'armée française commandée 
par Ferrier. Après une canonnade qui ne lui coûta 
qu*un seul homme, Ferrier, comme saisi de panique, 
abandonna successivement Rûlzheim, Uerxheim, Ins- 
heim, sans informer le général en chef, san3 même 
avertir les brigades de Lafarelle et de Mequillet qu'il 
laissait à découvert et que Beauharnais avait placées en 
échelons pour le soutenir. Tourné par sa droite, voyant 
à son centre Mezsaros s'emparer au bout de cinq heures 
de combat des villages d*Ofïenbach, de Bornheim et de 
Dammheim, redoutant que Wurmser ne vint par la plaine 
et les bois s'établir sur les crêtes de Barbelroth et lui 
fermer rentrée de l'Alsace, Beauharnais ordonna la re- 
traite. Elle eut lieu tristement et dans la plus grande 
confusion. Morne, sombre, rebutée, l'armée sentait son 
courage se glacer : « £lle se croyait trahie, dit un offi- 
cier ; la reculade inouïe de Ferrier lui donnait la crainte 
d'être coupée; la méfiance dans les chefs était extrême; 
Tobéissance, nulle; la désorganisation, complète ^ » 

III. Houchard n'avait pas été plus heureux. Il quitta 
Sarrebrûck le 46 juillet et une semaine plus tard, par 
Waldmohr, J&gersberg, Kiebelberg, il poussait ses avant- 
postes à Eusel, tandis que le corps des Vosges, sous les 



> &e»ch. der Kriege, I, 202; Zeissber^, I, 210; note de Legrand ; 
Beauharnais au Comité, 29 juillet (A. G.); Borle, Milbaud, Ruamps 
an Comité, 2 août (À. N. dxlii 4 et Rec. Aulard, V, 453) ; Argos, 
leUre de Wissembourf^, 28 juillet, n» du 30, p. 102 ; Journal de lu 
Montagne^ n» 69 ; SainlCyr, ï, 65 ; Soult, Jlf/m., I, 33. 



56 WISSEMBOURG 

ordres de Pully, se dirigeait de Deux-Ponts sur Miihlbach 
et Landstuhl, et qu*UQ détachement, commandé par 
René Moreaux, marchait de Pirmasens sur Klausen et 
Leimen. Mais, comme Beauharnais, Houchard, qui se dé- 
fiait de son armée si peu aguerrie et si peu manœuvriëre, 
n'avançait qu'avec lenteur. Les soldats se plaignaient 
d*ôtre exercés eu temps de guerre comme en temps de 
paix. Ils ne parcouraient au plus que deux lieues par 
jour. A tout instant, ils s'arrêtaient, non pour se re- 
poser, mais pour aligner les tentes, pour porter et pré^ 
senter les armes, pour emboîter et cadencer le pas. Il 
semble, disaieut-ils> qu*on marche uniquement pour se 
donner de Tappétit *. 

Brunswick eut donc le temps de faire ses dispositions. 
Hohenlohe vola de Ramstein à Lauterecken. Le colonel 
Sanitz couvrit la route de Pirmasens à Trippstadt. Ce fut 
sur ce chemin, dans la montagne, à Leimen, le 23 juillet, 
que se produisit le choc le plus mémorable. Une com- 
pagnie de chasseurs et 80 grenadiers défendaient une 
hauteur contre 4^500 Français conduits par René Mo- 
reaux. Le colonel Sanitz vint au secours du poste avec 
470 fantassins, un parti de cavalerie et deux canons. 
C'était le même Sanitz qui, quatre mois auparavant, avait 
sauvé le roi de Prusse soudainement attaqué dans le 
village d'Alsheim par les troupes du général de Blou. Il 
réunit tout son monde — quatre cents hommes — et 
simulant des tètes de colonnes, faisant battre la charge, 
il s'avance avec hardiesse à la rencontre des assaillants. 
Après une courte fusillade, les Français reculèrent sur 
Pirmasens. Sanitz s'étonna de son facile succès, et, avec 



1 Journal de la Montagne, d« 82 ; Booneville de Marsaogj, Journal 
d'un volontaire de 4791, 1888, p. 102-103. 



MAYBNCB OU LA MORT 57 

une spirituelle modestie, il assurait que les carmagnoles, 
rapercevant de loin sous ruuiforme du régiment Ho- 
henlohe et au milieu d'une brillante escorte, l'avaient 
pris pour le prince lui-même *. 

Mais le 23 juillet on apprenait au camp prussien la 
capitulation de Mayence. Le prince de Hohenlohe se 
hâta d'envoyer la nouvelle au quartier-général français. 
Houchard refusait de le croire: si Mayence, disait-il 
avait capitulé, les Prussiens viendraient- ils fraternel- 
lement Ten informer? Non, ils faisaient cette ridicule 
balourdise parce qu'ils étaient dans la détresse, et ils 
lui contaient des sornettes pour modérer son ardeur I II 
répondit. donc à Hohenlohe stir un ton de raillerie qu'il 
connaissait depuis quatre jours par un déserteur la 
reddition de la place, que ce transfuge était mieux ins- 
truit que les généraux, et il ajoutait avec une ironie 
soldatesque qu'il continuerait sa marche, non qu'il fût 
entêté, mais il avait à Mayence une maîtresse qu'il 
voulait voir absolument*. Il dut pourtant se rendre à la 
vérité, et, plein de rage, il s'écriait que la garnison de 
Mayence avait fait son devoir, mais que sa patience, 
son courage, son dévouement contrastaient étrangement 
avec la lâcheté de ses chefs. Il osait écrire à Kalkreuth 
que les soldats n'avaient pas été consultés et n'étaient 
nullement liés par l'infamie d*un état- major qui leur 
cachait tout : « Je vous déclare et vous direz à votre 
maître que suis prêt à employer cette même garnison 

« Valentini, 36 (cf. Sxpéd. de Cnstine, 256) ; Pullj à Houchard et 
Houchard à Moreaux, 23 juillet (A. G.) : Pullj croit que rennemi uV 
pas autant de forces que le dit Moreaux ; Houchard reproche à Moreaux 
d'avoir < lait une fausse bravade * en attaquant le poste de Leimea 
avec 1,500 hommes seulement et un canon. 

* Houchard à Hohenlohe, 23 juillet (A. G.) ; il étoit, dit Masses- 
bach, rim politesse même {Mém.j I, 182). 



^8 WISSEMBOURa 

contre vous * I » Mais, quelle que fût sa <5olère, il ne 
pouvait aller plus avant. Son armée recula vers la Sarre. 
Hohenlohe désirait la poursuivre, la presser, no la lâcher 
que sur le glacis de Sarrelouis. Brunswick lui commanda 
de s'arrêter. « Houchard, dit Massenbach, aurait dû 
laisser ses cheveux dans les défilés et les mauvais che - 
mins ; mais nous étions si généreux * I » 

Houchard se vengea de sa déconvenue en livrant à la 
dévastation et au pillage ce malheureux pays de Deux- 
Ponls que les commissaires à grippe avaient près que 
épuisé. Le 28 juillet, il fit brûler le château du Garlsberg. 
Quelques heures suffirent pour réduire en cendres cette 
superbe résidence, gardée naguère comme une sorte de 
jardin des Hespérides par des grenadiers moustachus, 
ce palais que TAUemagne comparait au séjour enchanteur 
d'une fée, et que le duc Charles avait rempli des meubles 
les plus précieux et des plus magnifiques collections. 
On dit que les soldats saccagèrent le cabinet d*hisloire 
naturelle, qu'ils mirent à leurs chapeaux les plumes des 
oiseaux les plus rares et burent sans façon Tesprit de 
vin dans lequel étaient conservés les fœtus. Le château 
de Hombourg subit le môme sort que le Garlsberg. « Je 
ne puis croire, écrivait un volontaire, que de pareils 
ordres émanent de la Convention ; elle est trop juste et 
trop humaine pour ne pas comprendre de quelle horreur 
elle se couvrirait ; mais nos agents nous font détester 
des braves gens qui admirent notre belle Révolution * I • 

i Houchard à Boucbotle et à Kalkreulb, 30 juillet (Â. G.] ; cf. 
Mayence^ 292, 

* Massenbacb, 1, 182 c wir waren so buman >. 

» Remling, I. 350-358 ; Un volontaire de l79i, p. 118-119 ; Breton, 
Voyage dans la cUdevant Belgique it sur la rive gauche du jBAt», 
1802, 11, 119; cf. sur les commissaires à grippe et notamment sur 



IdAYEMCB OU LA UORT 59 

IV. A peine Houchard regagnait-il la Sarre qu*il rece- 
vait Tordre de remplacer Custiiie dans les Flandres. Le 
Conseil exécutif avait d'abord nommé Diettmann *. Mais, 
de môme qu'il avait refusé le commandement de l'armée 
du Rhin^ Diettmann refusa le commandement de Tarmée 
du Nord ; il déclara qu'il élait attaché à sa division, qu'il 
n'avait pas les aptitudes nécessaires pour conduire une 
armée et qu'il resterait à son poste. Après avoir tenté de 
fléchir r « Inaltérable modestie » de Diettmann, les com- 
missaires de la Convention, Louis et Pflieger, proposèrent 
au Comité de salut public Houchard que « ses longs 
services rendaient presque également propre à comman- 
der avec succès l'une ou l'autre des armées de la Répu- 
blique V. N'avait-il pas écrit tout récemment aux fédéra- 
listes de Bordeaux et de Lyon qu'il était le chef des 
soldats sans-culottes de Tarmée de la Moselle et qu'il ne 
pactiserait pas avec les complices de Dumouriez ? Le 
Comité de salut public nomma Houchard : le danger^ 
lui mandait-il, était extrême ; Yalencieunes avait capitulé 
le 28 juillet; la consternation régnait à Paris ; dans cette 
crise terrible, le Comité jetait les yeux sur Houchard ; 
le général méritait la confiance de la patrie; on chéris- 
sait son nom depuis longtemps; « il n'écouterait aucune 
des considérations qui pourraient le retenir à l'armée de 
la Moselle ; le point du plus grand péril était le poste 
d'un républicain ^ » 

Boutay, une lettre iostructive du représentaut Blaux [Rec. Aulard, 
III, 496, et IV, 198). 

* Arrêté du 22 juillet ; Dietlmann à Boucbolte, 26 juillet [A. G.}. 
Déjà, le 12 juillet, Bouchotte avait fait choix de Diettmann pour com- 
mander Tarmée de La Rochelle ; mais Delacroix ayant remarqué que 
Dietlmann avait refusé le commandement de l'armée du Rhin parce 
qu'il • était pour la cavalerie et ne connaissait pas les manœuvres de 
l'infanterie >, la Convention avait nommé Bejsser [Mon., 14 juillet). 

« Paieger et Louis au Comité, 26 juULet ; le Comité à Houchard, 



60 WISSEMBOURa 

Quel serait le successeur de Houchard ? Ferrier avait 
été proposé par Bouchotte et accepté, par le Comité de 
salut public comme par la Convention *. Mais les soldats 
ne voulaient plus de Ferrier. Ils reconnaissaient enfin 
qu*on avait eu raison de lui refuser les qualités d'un 
général, la présence d'esprit, la résolution, le courage 
même. Sa propre division exigeait sa destitution. Les 
Jacobins de Wissembourg et de Strasbourg le traitaient 
de lâche et Taccusaient de devoir son avancement à la 
faction d'Orléans. Les commissaires de la Convention 
assuraient que sa réputation d'ineptie était faite, qu'on 
le regardait partout comme ignorant et poltron, qu'un 
pareil homme ne pouvait ni commander une division ni 
même rester à Tarmée. Ferrier eut peur; il refusa les 
fonctions que Bouchotte lui offrait, et, lorsqu'il se ravisa 
quelques jours après et demanda le commandement en 
jurant qu'il l'acceptait et l'accepterait cent mille fois, il 
était trop tard : le 3 août les représentants avaient nommé 
provisoirement Schauenburg*. 

Alsacien de naissance, Français de cœur et de langue, 
Schauenburg comptait trente-trois années de services ; 
il avait passé par tous les grades et, durant six mois, 
dirigé Tétat-major de l'armée de la Moselle. Il craignait 
la responsabilité du commandement et protestait que les 
talents lui manquaient^ qu'il serait mieux au second 

31 juillet ^A. G.) ; décret de la Convention, du l**^ août (Rec. Âulard, 
V, 443) ; cf. Mon. du 22 juillet. 
' * Mon,, 3 août 1793. 

* Mon , 14 août; Argos^ 30 juillet, p. 103,* Journal de la Mon' 

tagne^ n<** S 8 et 96 (réponse de Laveaux au club de Wissembourg] ; 

les jacobicB de Strasbourg aux jacobins de Paris, 9 août ; Richaud, 

Scubiany, EbiDnann au Ci mité, 5 août ; Lacoste à Barère, 19 août; 

•Ferrier a Boucbolte, 13 acût (Â. G.}; Scbaueuburg a la Conven- 

tioD, 1. 



MAYENCE OU LA. MORT 6t 

rang qu'au premier : écrirây disait-il, est peu mon fait ; 
il préférait obéir, dresser le soldat. Mais les commissaires 
le savaient « brave et manœuvrier ». Le chef de brigade 
Yalory attestait aux Jacobins de Paris qu'il était excel- 
lent tacticien et que l'armée lui devait son instruction. 
Les troupes Testimaient et Faimaient ; il n'avait pas la 
rudesse de Houchard et sa figure rébarbative; « il était 
bel homme et affable, dit un de ses subordonnés, et il 
commandait Tinfanterie avec autant d'amabilité que de 
sagesse ; on avait du plaisir à servir sous lui •. D'ailleurs, 
qui pouvait-on choisir? Delaa^^e? Mais Delaage appar- 
tenait à la môme caste que Schauenburg, et le nombre 
et la valeur de ses soldats, et non sa propre habileté, 
avaient décidé la victoire d'Arlon. Puliy ? Mais Pully, lui 
aussi, était noble, et Bouchotte se disposait à le suspendre. 
Le choix des représentants s'arrêta donc sur Schauen- 
burg ; ils le jugeaient l'homme c nécessaire », le seul 
capable, sinon de mener, du moins de réorganiser l'armée 
delà Moselle; son républicanisme ne semblait pas très 
prononcé ; mais il était simple^ honnête, et « entouré de 
bons patriotes, il irait bien, car il avait Tenvie de bien 
aller * » . 



^ Schauenburg aux représentants, 3 août, et a Bouchotte, 7 sept. ; 
Lacoste et Guyardin au Comité, 4 août ; Kichaud, Ehrmann,' Her- 
mand, Soubrany au Comité, 4 août ; Prieur et Jeanbon Saint^Aodré 
au Comité, 12 août [A. G.) ; Journal de la Montagne^ n* 46 ; Le Comte, 
LOhterv. impartial^ 10. Bahhazar Schauenbur^, né au château de 
Jungholtz, près Soullz f Haut-Rhin], le 31 juillet 1745, entré comme 
volontaire au régiment de Nassau cavalerie (1759), passé en cette 
qualité au 53* rég. d'inf. (1762), sous -lieutenant au même régiment 
(l*'mars 1764) et aux grenadiers (1766), lieutenant de la compagnie 
de Doulach (22 sept. 1767) et des grenadiers (1768), capitaine en 
deuxième (2 juin 1777), capitaine-cojamandant (25 mai 1781), major 
au 96* régiment (24 mars 1785), lieutenant-colonel (l*' janvier 1791), 
colonel (23 nov. 1791), maréchal-de-camp (7 septembre 1792), chef 



62 WISSBMBOURG 

d*élat-major de l'armée du centre, ensaite armée de la Moselle (du 
7 sept. 1792 au 8 mars 1793), géoéral de division (8 mars 1793). Il 
avait fait en Corse les campagnes de 1770 et 1771, et devait com- 
mander Tarmée d'Helvélie en 1798. Il est mort en 1832, à l'âge de 
87 ans. « Sa naissance, a dit un contemporain, un certain air de hau- 
teur et une fermeté inébranlable pour la discipline, qu^il avait puisée 
de bonne heure à Fécole allemande, le faisaient alors suspecter vio- 
lemment d'aristocratie. Ses talents et une loyauté qui no s*est jamais 
démentie, le portèrent au grade de général en chef. Il a, en qualité 
dMnspecteur-général de Tiofanterie, rendu à Tarmée de Rhin et Mo- 
selle les plus grands services. C'est lui, pins que tout autre, qui a 
formé des officiers et créé des soldats. Nul corps ne fut envoyé a 
fermée active sans être exercé par ses soins, peu d^officiers-généraux 
en Europe entendent mieux la manœuvre des troupes et les principes 
de détail que Schauenburg. (Notes de Legrand, A. G.) Cf. Invasion 
prussienne f 212. 



CHAPITRE IV 



LES REPRÉSENTANTS 



Mission de Prieur de la Marne et de Jeanbon Saint- André. — Renforts 
foamis par l'armée de la Moselle à l'armée du Nord. — Conférences de 
Bitche. — Désorganisation. — Remplacement des ofdciers nobles. — 
Bouchotte. — Les commissaires du pouvoir exécutif. — Les représen- 
tants du peuple aux arn^ées du Rhin et de la Moselle. — Leur con- 
duite à regard des ci-devant. — Leurs pouvoirs et leur rôle. — Gentil, 
Cusset, Lacoste, Ruaoips. — Services qu'ils ont rendus. — Sentiments 
de l'armée. — L'habit bleu. — L'amalgame. — L'avancement, 



Schauenburg élait à peine général en chef, qu'il vit 
son armée bouleversée. Le Comité de salut public, effrayé 
par la prise de Gôndé, de Yalenciennes et de Mayence, 
avait envoyé deux de ses membres, Prieur de la ^.'arne 
et Jeanbon Saint-André, aux frontières de TEst et du 
Nord. Les deux commissaires devaient se concerter avec 
les représentants et les généraux sur le meilleur emploi 
des forces de la République et porter en Flandre des 
secours considérables. Le 8 et le 9 août, ils tinrent à 
Bitche une sorte de conseil de guerre. Les représentants 
Milhaud, Soubrany, Richaud, Ehrmann, Guyardin, La* 
coste et les généraux Beauharnais, Schauenburg, Pully, 
Hédouvllle et*Guénand* assistaient à la conférence. 

• 

* Guénand, disait Schauenburg, « joint aux vertus civiques le 



6i WlSSiSUBOURG 

Prieur et Jeanbon posèrent des questions auxquelles les 
généraux répondirent : 4» fallait-il envoyer des renforts 
en Flandre, et les deux armées du Rhin et de la Mo- 
selle qui comptaient, Tune, cinquante mille hommes, 
rautre, quarante mille, avaient-elles assez de monde pour 
rafraîchir Tarmée du Nord? » Les généraux votèrent una- 
nimement raffîrmative. 

2^ Devait-on, avant le départ de ces secours, entre- 
prendre une expédition profitable et décisive ? Une 
armée de républicains ne pouvait-elle tenter la fortune ? 
Les soldats ne se plaignaient-ils pas de leur inaction? 
Ne brûlaient-ils pas de Timpatience du combat? Ne se- 
raient-ils pas vainqueurs? Et une fois Tennemi chassé 
des gorges, ne vivraient-ils pas à ses dépens? Ne feraient- 
ils pas du Palatinat le grenier de la France^ — Les géné- 
raux ne partagèrent pas ravis des représentants. Tous 
déclarèrent qu'ils n'avaient que des forces inférieures, 
qu'ils manquaient de cavalerie, quils seraient infailli- 
blement défaits s'ils se hasardaient à livrer bataille dans 
le Palatinat. Mieux valait, selon eux, approvisionner les 
places de la frontière et demeurer sur une respectable 
défensive. Du reste, ajoutaient-ils, ils étaient nobles et, 
par suite, dépouillés de toute confiance; même victo- 
rieux, ils seraient soupçonnés; pouvaient-ils mener 
leurs troupes à de si grandes entreprises ? 

30 Combien d'hommes les armées de la Moselle et 



zèle, les talents et la judiciaire la plus recommandable, non seulement 
pour instruction, mais pour des opérations plus étendues, et j'ap- 
précie dans cet officier la vraie connaissance de Thomme. > Grou et 
Yalmont demandaient pour lui, le 22 juin, le grade de maréchal- 
de-camp, parce qu^il faisait depuis deux mois le service d'officier- 
générai. Mais le 1" septembre, il annonçait que, noble, il quittait le 
service. 



LES REPRÉSENTANTS 6S 

du Rhia fourniraient-elles ? — Après une longue dis- 
cussion, les généraux répondirent qu'elles ne pourraient 
fournir que 42,000 hommes : celle du Rhin, 7,200 et celle 
de la Moselle, 4,000. Ce n'était pas assez au gré des com- 
missaires. Ils auraient voulu 30,000 hommes qui seraient 
arrivés dans le Nord, tout organisés et tout prêts à com- 
battre. Mais ils n'insistèrent pas. Beauharnais, Schauen- 
burg et les autres annonçaient à Tavance l'invasion du 
Bas-Rhin et de la Moselle, la prise des forteresses, la con- 
quête de TAlsace et de la Lorraine. Si les conventionnels 
avaient exigé davantage, n'aurait-on pas rejeté sur eux 
les futurs échecs? Les généraux n'essayaient -ils pas de 
se décharger de toute responsabilité ? Nous vous donne- 
rons, disaient-ils aux commissaires, tout ce que nous 
avons ; mais signez-nous une réquisition I 

4^ Combien de cavaliers fourniraient les deux armées ? 
— A cette question, les généraux se récrièrent. Naguère, 
Bouchotte désirait tirer de l'armée de la Moselle un peu 
de cavalerie légère pour l'envoyer dans les Alpes, et 
Houchard répondait qu'il ne disposait que de 4,700 che- 
vaux pour garder la frontière entre Bitche et Longwy *. 
El l'on voulait aujourd'hui prendre encore de la cavale- 
rie aux deux armées 1 Non, après mûre réflexion, les 
généraux ne pouvaient donner que 400 cavaliers de l'ar- 
mée du Rhin et les 75 hommes qui formaient à l'armée 
de la Moselle la compagnie d'artillerie légère du capi« 
taine Détrès. 

50 On avait ainsi 4 1 ,375 hommes *. Mais comment les 



1 Houchard a Deforgue, 22 juin (A. G.). 

* L'armée de la Moselle fournit 1,000 hommes de la garnison de 
Longwy, 2,000 de celle de Metz, 1 ,000 de celle de Thionville. et les 
75 canonniers de Détrès ; l'armée du Rhin : 4,000 hommes de Parmée 
active du Bas-Rhin, 2,000 de la division du Haut-Rhin, 1,200 tirés 

WieSBHBOURG. ^ 



14 WISSBMBOURa 

em«rr8it-on promptement dans les Flandres? Fallait-il 
les envoyer en poste ou les réunir à Fontoy et les faire 
marcher le long de la frontière ? — Les généraux objec- 
tèrent que les troupes tirées du Haut-Rhin ne seraient 
à Fontoy que dans trois semaines. On résolut de les di- 
riger sur Metz et de là, en poste, sur Péronne. Quant 
aux troupes extraites de Tarmée de la Moselle et de rar«- 
mée active du Bas-Rhin, elles marcheraient en corps 
d'armée et militairement sur Mézières où elles rece- 
vraient les instructions de Houchard*. 

Prieur et Jeanbon-Saint-Ândré partirent mécontents. 
Ils sentaient que les secours accordés par les généraux 
étaient insuffisants. Mais le 8 août, pendant les confé- 
rences de Bitche, le Comité de salut public, redoutant 
les c progrès rapides » de Gobourg, arrêtait, de concert 
avec les ministres, que 30,000 hommes seraient tirés des 
armées de la Moselle et du Rhin pour être transportés 
en poste dans un camp intermédiaire à Péronne et à 
Saint-Quentin, et il consacrait une somme de cinq mil- 
lions aux frais de Topération. 

Les envoyés du Comité prirent aussitôt de nouvelles 
mesures. Sans hésitation, sans retard, par voie de ré- 
quisition directe, ils tirèrent de Tarmée de la Moselle les 
30,000 hommes qu'exigeait l'arrêté du 8 août et qui 
durent se diriger sur-le-champ vers Cambrai*. 

des {çaroisons et 100 chevaux. Prieur et Jeaobon remplacèreiU les 
troupes de Metz et de Thionville par des troupes de réquisition ; Ils 
envoyèrent à Metz Ja cavalerie de la légion de la Moselle ; l'infanterie 
de cette légion qui comptait 700 déserteurs prussiens et autrichiens, 
fut dirigée sur les Pyrénées. 

' Lettre de Prieur et Jeanbon au Comité, 9 août, et Bapport^ 7-8, 
31-31. 

* Prieur et Jeanbon, Rapport^ 9. Mais il faut ajouter que sur les 
3O,aB0 hommes, 22,000 seulement rejoignirent Taraée du Nord, c Les 



LES REPRÉSENTANTS 6t 

C'est ainsi que rarmée de la Moselle devenait la pépi- 
nière des autres armées, et après tout, disaient Hentz 
et De La Porte, elle ne servait à rien pour Tinstant K Mais 
elle ne comptait plus que 40,000 soldats ; il fallait la réor- 
ganiser, lui rendre au moins les deux tiers du monde 
qu'elle perdait. Prieur et Jeanbon-Saint-André décidèrent 
qu'elle se grossirait dans le plus bref délai des 
44,375 hommes qu'ils avaient obtenus des généraux à la 
conférence de Bitche, et de 7,000 hommes que l'armée 
du Rhin fournirait en sus. 

L'armée de la Moselle se composait donc en très grande 
partie de troupes nouvelles et ses bataillons renfer- 
maient une foule de recrues dont l'instruction n'égalait 
pas la bonne volonté*. Aussi Boucholte se plaignait-il que 
le service des avant-postes ne se fit pas avec soin ; on 
l'avait informé que les officiers s'éloignaient de leur dé- 
tachement et couchaient dans des lits ainsi que les sol- 
dats, qu'on se laissait aisément surprendre, qu'on n'avait 
jamais le temps de se former en bataille. Schauenburg 
protestait faiblement ; i le zèle et la quantité des bons 
officiers, disait>i], nous sauvent du mal qu'on éprouve de 
la négligence et de l'ignorance des mauvais. » Mais il 
avouait qu'il y avait dans son armée des « paresseux », 
des « insouciants »,.et que la plupart des oUiciers étaient 
neufs et inexpérimentés : les uns avaient quitté leurs 
foyers pour commander les bataillons ou les compagnies 
de volontaires, les autres étaient d'anciens capitaines, 

circonstaBces, écrivait BoucboUe au Comité [29 août, Â. G.) déran- 
gent un peu les dispositions que vous avez prises et je crois que les 
forées extraites ne s'élèveront pas à plus de 22,000 hommes; ceci va 
contrarier Houchard qui comptait sur 30,000 hommes. > 

* Rec. Aulard, IV, 581 ; cf. Prieur et Jeanbon à Bouchotte, \\ août 
(A. G.). 

* Uédouville à Boucholte, 44 août [k. G.}. 



68 WISSEMBOURG 

rouilles par rinaction et la vie monotone des garnisons ; 
les sous-officiers, choisis par leurs subordonnés, et « en- 
core pleins de reconnaissance, arrêtaient Faction des 
lois » *. 

La principale cause de la désorganisation était le rem- 
placement soudain, précipité, inévitable des officiers 
nobles. Depuis le 40 août, le soupçon universel planait sur 
les militaires de cette classe ; on se défiait d*ëux ; on les 
accusait de conserver dans le secret de leur âme le culte 
de la royauté ; on assurait qu'ils méditaient la trahison. 
Dès le 6 septembre 4792, le corps du Haut-Rhin sollicitait 
de la Législative un général qui « n*eût pas dans les veines 
un sang corrompu ». Il faut, écrivait Ghépy, remplacer 
par des talents plébéiens tous ceux qui « traînent dans 
les camps des souvenirs de noblesse ». La défection de 
Dumouriez fit déborder la haine qu'inspiraient les ci- 
devant. De toutes parts on proposa de les exclure des 
emplois. Ronsin s*écriait que cette perfide désertion 
devait guérir la France dé sa fatale manie de mettre des 
nobles à la tèle de ses armées. Marat voulait qu'on leur 
défendit de commander les troupes à moins qu'ils 
n'eussent donné des preuves irrésistibles de civisme. 
Delacroix obtenait qu'aucun d'eux ne serait admis dans 
l'armée qui couvrirait la capitale. Prudhomme impu- 
tait toutes les défaites à ces « gens pourris dans le fu- 
mier des cours ». La Commune arrêtait qu'ils ne pour- 
raient être fonctionnaires publics. Yarlet demandait 
qu'un décret de la Convention leur interdit d'occuper 
une seule place. Vinrent les pétitions des sections de 
Paris et des sociétés populaires. « Plus de parjures, 



t Boucholte à Schauenburg, 1*^ septembre; Schauenburg à Bou- 
choiie, 8 sept., et à Houchard, 12 juin (A. G.). 



LES REPRÉSENTANTS 69 

disait Pio ; nous avoas des citoyens, nous avons des 
soldats, donc nous avons des généraux. Thémistocle ne 
possédait que du bon sens et passait sa jeunesse dans 
les clubs. Les antagonistes de Pyrrhus et d'Annibal 
ignoraient jusqu'aux premiers éléments de leur métier. 
Marius était un vrai général sans-culoite. Glodius et 
César ont été plus pernicieux à leur patrie que toute 
Tinexpérience et la brutalité de ceux qui ne faisaient 
pas profession de la conduite de TEtat et des armées. » 
Le 21 juillet^ aux Jacobins, Hébert réclamait le bannis- 
sement de tous les nobles ; le peuple devait se rendre à 
la Convention et demeurer en permanence jusqu'à ce 
qu'il eût arraché Texpulsion des aristocrates ; plus de 
nobles^ ajoutait Hébert aux applaudissements de toute la 
salle, les nobles nous assassinent ; destitution des noUes^ et 
nous aurons triomphé ! Trois jours plus tard, Chasles 
proposait « d*anéantir le règne des nobles » ; à Fentendre, 
il fallait les destituer irrévocablement ; on excepterait 
ceux qui sauraient mériter pendant dix ans Testime 
populaire et par ce « baptême de régénération » recouvrer 
leurs droits de citoyens. Et le 2 août Valcour opinait que 
les vieux soldats, les sans-culottes couverts de blessures 
fussent enfin, après avoir obéi durant trente années, 
appelés aux premières places de Tarmée ^ 

Le ministre de la guerre Bouchotte était entièrement 
jacobin : il recommandait aux clubs d'examiner les choses 
et les personnes, et de dénoncer et de réprimer les abus 
comme ils avaient dénoncé et réprimé l'aristocratie * ; il 

* Prudhomme, Rév, de Paris, n» 195, p. 42 et 76 ; Chépy à 
Le Brun (mars 1793] ; Ronsin au Comité, 5 avril (A. G.) ; Mon.^ 
8 septembre 1792, 4 et 9 avril, 5 et 17 juin, 1«' juillet 1793 ; Journal 
de la Montagne, n«« 53, 55, 64, 68 ; Le Batave, n« 176 (9 août). 

* Circulaire de Bouchotte aux sociétés populaires, 21 septembre, à 



70 ^ISSBMBOURG 

engageait Tarmée à se défier des faux patriotes qui 
voulaient la « subjuguer par une discipline d'automate t 
et lui soustraire les journaux a propres à l*instruire 
sur les mouvements révolutionnaires' ». Il entreprit de 
purçêr les états-majors et de toucher à la graine d'épi- 
nards *. Le premier Comité de salut public ne l'appré- 
ciait pas; il trouvait que Boucbotte « ne tenait pas les 
rênes de son département avec Ténergie qu'appelaient 
les besoins du moment ». Gambon déplorait son inertie 
et son ignorance en matière d'approvisionnements : 
« quand on lui demande combien il a de fusils à sa dis- 
position, quels sont les moyens qu'il prend pour les 
faire réparer et transporter, on est quinze jours sans 
avoir de réponse, et tout languit. » Dès le 27 mai, Bou- 
cbotte offrait sa démission. Mais Beaubarnais, que le 
premier Comité proposait au choix de la Convention^ 
refusa le ministère. Boucbotte resta, et le second Comité 
le garda, le maintint envers et contre tous : Boucbotte 
était son homme. Vainement Haussmann proclamait 
en pleine séance V a ineptie inconcevable » du ministre 
et assurait que ses fautes compromettaient chaque jour 
le sort de la République. Vainement Dartigoeyte le ju- 
geait incapable et indigne de confiance. Boucher et Le- 
quinio prétendirent qu'une cabale s'était formée contre 
lui. Chabot déclara qu'il pouvait, au moins provisoire* 
ment, « gouverner la machine » et qu'on ne devait pas 
remplacer un homme qui commençait à se mettre au 
fait de sa besogne ; Boucbotte, ajoutait-il, « est patriote, 

la suite da décret du 13 septembre par lequel les clubs devaient en- 
voyer au Comité de salut public la liste de tous les agents infidèles 
dont Tincivisme était connu. 

1 Boucbotte à ses concitoyens aux armées, 2 aodt. 
* Mot de Milbaud aux Jacobins, 21 nov. 1793. 



LES REPRÉSENTANTS 71 

et c*en est assez». Le 25 juillet, la Gonvenlion décidait 
de dresser le jour suivant une liste de caudidals au mi- 
nistère de la guerre. Mais les députatloDS des Gordeliers 
et de la Société républicaine du \0 août vinrent plaider 
à la barre de TÂssemblée la cause de Bouchotte et affir- 
mer sou civisme, son intégrité : on employait, pour 
récarter, les manœuvres dont on avait usé contre Pache; 
la Convention ferait bien de conserver Boucbotle, et de 
confier la direction supérieure des administrations à des 
patriotes et non à des scientifiques, Robespierre appuya 
les pétitionnaires. Déjà, aux Jacobins il avait pris la 
défense de Bouchotte qui lui semblait un vrai républi- 
cain, un sincère ami de la patrie, animé d'un zèle pur. 
Il vanta derechef la sévère droiture du ministre; 11 jura 
qu'on imputait aveuglément à Bouchotte les fautes de 
ses agents et de ses eunemis ; Bouchotte, s'écriait-il, 
avait la confiance des montagnards; Bouchotle s'était 
attiré la haine des aristocrates et des généraux perfides ; 
Bouchotte ne serait jamais un Beurconville et il saurait 
s'opposer aux criminelles menées des nouveaux Bumou- 
riez ; si la Convention voulait donner quelque assiette 
au gouvernement et de la suite, de la consistance 
aux opérations de la guerre, elle devait rapporter le 
décret qui prononçait implicitement le renvoi de Bou- 
chotte. L'Assemblée rapporta le décret au milieu des 
applaudissements réitérés du public, et le 28 juillet, elle 
décidait que le ministre pourrait non seulement sus- 
pendre et remplacer les officiers-généraux et les officiers 
des états-majors, mais choisir dans tous les crades^ sans 
être astreint aux dispositions des lois précédentes ^ 

> Rec. Aulard, IV, 482, 526 ; Ls Bat ave ^ 28 mai ; Mon.^ séances 
du 30 mai et des 8 et 13 juin (n** du 31 mai, des 9 et 16 juin); Jour^ 
nal de la Montagne, n* 39 (discours de Ciiabot aux Jacobins, 5 juil- 



72 WISSEMBOURQ 

Cependant, Boucholte fut encore attaqué. Le 42 août, 
Gossuin le traita de mannequin, Taccusa de ne rien faire 
pour repousser les ennemis, et Delacroix, s*unissant à 
Gossuin, obtint que le Comité de salut publia ferait 
séance tenante un rapport sur le ministre. Mais Barère 
protesta sur-le-champ au nom du Comité : Bouchotte était 
très laborieux; il joignait un sûr républicanisme à la 
probité la plus exacte ; il mettait cinq cent mille hommes 
en mouvement, et l'administration de la guerre n'avait 
jamais eu, même sous le règne de Louis XIV, un travail 
aussi considérable K 

Une suprême attaque contre le ministre eut lieu dans 
les derniers jours de 1793. Le 30 novembre, Bourdon de 
l'Oise informa l'Assemblée que les commis de Bouchotte 
allaient aux Cordeliers et ailleurs dénoncer et calomnier 
les députés. Cette fois encore, et avec plus de chaleur 
que jamais, Barère ût le panégyrique de Bouchotte : 
Bouchotte avait la passion de la liberté, Bouchotte 
s'était engagé dans la voie de la Révolution, Bouchotte 
se rendait assidûment au Comité pour recevoir ses 
ordres. Bourdon ne se rebuta pas; le 4 décembre, il 
demandait la suppression des ministères et notamment 
du ministère de la guerre dont les agents, disait-il, 
entravaient les mesures des représentants. Robespierre 
répondit sèchement que le Comité surveillait les minis- 
tres et que le caractère de Bouchotte opposait à tous les 
conspirateurs une barrière insurmontable \ 

Fort de l'appui du Comité, Bouchotte frappa sans 

et) ; Mon,, séances des 25 et 26 juillet .[n^' du 27 et du 28); Journal 
de la Mont., n» 41 (Robespierre aux Jacobins, 10 juillet) ; décret du 
28 juillet. 

« Séance du 12 août [Mon, du 14). 

* Séances du 30 nov. et du 4 déc. (Mon, des 2 et 6 déc). 



LES REPRÉSENTANTS 73 

ménagement, sans pitié les officiers nobles. Il voulait 
patriotiser Tarmée. Puisque les hommes de talent et 
d'expérience n'approuvaient pas la République monta- 
gnarde, il fallait, suivant Boucholte, choisir d'autres 
hommes qui sauraient c faire aller le système popu- 
laire » ; ceux-là n'auraient pas d'abord de grandes facul- 
tés ; mais peu à peu ils se développeraient ; n'avaient- 
ils pas le premier de tous les moyens, la volonté d'aller? 
Oui, disait Boucholte, en ce moment il faut Hrer parti 
du moral, il faut inspirer la confiance, et pour Tinspirer, 
se montrer à la hauteur de la Révolution ; il faut écouter 
son cœur et non son esprit ; le régime actuel est celui 
des sans-culottes, et pour qu'il dure, les sans-culottes 
doivent occuper toutes les places sans exception ^ 

Afin de mieux « républicaniser » et « sans^culottiser » 
le corps des officiers, Bouchotte envoya dans les armées 
des agents ou commissaires dits du pouvoir exécutif, 
mais qui ne dépendaient en réalité que de l'administra- 
tion de la guerre et ne correspondaient qu'avec le 
ministre ou avec son secrétaire-général Vincent et ses 
adjoints Jourdeuil et Sijas. Ces commissaires devaient, 
selon leurs inslructions, « surveiller le matériel et le 
personnel*». Dans toutes ses lettres, Bouchotte leur 

i Bouchotte à Krieg, 9 août (A. G.]. 

* Voir la correspondance de Bouchotte avec les commissaires, 
22 mai, 14 juin, 30 août, etc. L^armée du Rbio eut d'abord deux.com- 
missaires du pouvoir exécutif, Garnerin et Gâteau (cf. sur Garnerin 
le tome IV de Wallon, Les représentants en mission^ 1890, p. 452, et 
sur Gâteau, intime ami de Saint-Just et, comme lui, originaire de 
Blérancourt, V Intermédiaire du 25 août 1891), et celle de la Moselle, 
\ quatre : François Gémond, qui fut bientôt rappelé ; Grammont, qui 

regagna Paris le \^^ mai pour devenir chef au bureau central du mi- 
nistère et qui fut remplacé par Grou [Louis-Guillaume-Jean-Bap- 
tiste), ancien capitaine de dragons ; Valmont qui, l'année précédente, 
parcourait les armées de TÂrgonne et de la Belgique (Retraite de 



74 WiSSE&IBOURa 

recommandait de s'attacher à connaître les officiers, de 
connaître les bons et les mauvais, d'entretenir le patrio- 
tisme des soldats, de répandre les journaux ou, comme 
on disait alors, les papiers nouvelles ou les papiers publies, 
le Pire Duchesne et le Journal de la Montagne '. 

Ils surent s'acquitter de leurs fonctions et garantir le 
soldat des a poisons du fédéralisme ». Ils dénoncèrent les 
officiers nobles et ceux qu'ils soupçonuaieot de roya- 
lisme, ces hommes « indignes du beau nom de répu- 
blicains », ces ce êtres corrompus qui déshonoraient 
f armée » et qu'on devait expulser au plus tôt, sans user 
de « demi-mesures » ni de « partis mitoyens et concilia- 
toires ». 

Ils dénoncèrent le chef de Télat-major de Parmée de 



Brunsioick, 144), et Mourgoin, que les commissaires nommaient « ie 
plus pur et le plus chaud patriote, guidé par la sagesse et la maturité 
des réflexioQS > [Ëhrmann, Richaud et Soubrany àBouchotte,26aotkt). 
Ces commissaires furent rappelés le 23 août lorsqu^on décréta la 
réquisition; mais le 11 septembre, sur la proposition de Barère, le 
Conseil exécutif eut de nouveau la permission d*enToyer des agents 
qui seraient sous la surveillance des commissaires de la Convention 
et qui devaient « répandre partout les lumières et purifier Topinion 
qui, semblable à l'atmosphère, se corrompait de deux en deux mois >. 
Le Conseil exécutif provisoire eut désormais deux agents auprès de 
chaque armée : ce iurent, à Tarmée de la Moselle, Mourgoin et Del- 
teil ; à Tarmée du Rhin, Berger et Renkio. Ce dernier écrivait le 
22 septembre, à Bouchotte, que Dièche (le commandant de Stras- 
bourg) devait être soutenu par c une forte garnison de sans-culottes ; 
des Parisiens surtout, bien prononcés ; et si Ton joint à cela une pro- 
menade patriotique de l'armée révolutionnaire , accompagnée de 
quelques guillotines, le mal se trouvera coupé dans sa source »• 

^ Cf. sur le Père Duchesne aux armées, les discours de Montant et 
de Momoro [Mon, du 29 oct.). Pache, le premier, avait envoyé des 
journaux dans les camps et il faisait distribuer, tous les jours, 6,000 
exemplaires du Bulletin de la Convention (500 aux armées du Nord, 
des Ardennes, de la Moselle, du Rhin, des Vosges, des Pyréaées et 
de l'Intérieur, 400 à celle du Var, 300 à celle des Alpes, etc. A. N., 
DXL 281. 



LES RBPRÂSBNTANTS 75 

la Moselle, Hédouville ; cet Hédouville, écrivaienUils, 
avait été la créature des Lamelh, de Luckner, de Ber- 
thier ; il était mielleux, perfide, plein d'une impudence 
anticivique et de principes dangereux qui révolteraient 
les plus froids patriotes, et s'il travaillait bien, « ce 
n'était pas dans le genre patriotique t> ; tout Fétat-major 
« portait la teinte de son opinion K » 

Ils dénoncèrent Gustine qu'ils qualifiaient de traiôrCj 
dHntriçantf de hourreau-né de la République, de « com- 
plice des royalistes, des feuillants, des rolandistes et des 
aristocrates de toutes couleurs ». Gustine, assuraient-ils, 
avait fait autant de mal que Dumouriez. « Et sa tôte est 
encore sur ses épaules I Que disons-nous ! Il va com- 
mander Tarmée du Nord I » Ils envoyèrent à Paris le 
factum du lieutenant Forel qui se prénommait Misobasile 
ou ennemi des rois, et prétendait que Gustine avait 
engagé le combat du M mai pour e. redonner des fers à 
la nation ». L*un d'eux, Gâteau, mandait à Vincent, six 
jours avant la reddition de Mayence, que Gustine avait 
«i livré la garnison à la férocité des brigands couron- 
nés • ». 

Ils dénoncèrent Houchard^ l'accusèrent de maltraiter 
ses soldats et d'avoir transpercé de son épée un pauvre 
maraudeur qui volait des choux '. 

Ils dénoncèrent Beaubarnais, et lorsque la Gonvention 
l'élut ministre à la place de Boucholte, leur patron et 



^ Cf. leurs lettres du 25 mai et des 4, 12 et 25 juin à Bouehotte 
(A. G.). 

* DéDonciation de Misobasile Forel^ lieutenant de la 1'« compagnie 
du2« bataillon du Puy-de-DÔme, 18 mai; Gâteau à Bouehotte, 29 juin, 
à Vincent, 17 juillet [Â. G.), et discours aux Jacobins, 5 juillet. 

* Cf. la lettre désespérée de Houchard à Bouehotte sur cette ca- 
lomnie de Valmont, 7 août (A. G.]. 



76 ^ISSEMBOURa 

protecteur, ils jetèrent les hauts cris : les Jacobins des 
bureaux voudraient-ils travailler sous un homme qui ne 
partageait pas leurs principes * ? 

La plupart des officiers nobles que les commissaires 
du pouvoir exécutif poursuivaient de leurs dénoncia- 
tions, rendaient cependant à la République de fidèles et 
loyaux services. Ils s'entendaient aux choses de la 
guerre et en savaient plus long sur leur métier que les 
officiers de naissance roturière ; les chasser, c'était 
désorganiser l'armée. 

Aussi les représentants du peuple refusèrent -ils 
d'abord de les renvoyer *. Blaux plaidait leur cause avec 

^ Grou, Mourgoin, Valmont à Duverger, 19 juin [À.. G.). Ils dé- 
nonçaient môme les commissaires de la Convention, leur nombreux 
cortège de secrétaires et d^adjoints, leur luxe: < cinq décharges d'artil- 
lerie annoncent partout leur arrivée ou leur départ, et les superbes 
chevaux de la princesse de Nassau-SarrebrQck, estimés de trois à cinq 
mille livres Tun dans Tautre, ont l'honneur de porter gratis les repré- 
sentants d'un peuple libre ennemi du faste •• (Lettre da 9 juin à 
Bouchotle. A. G.) 

* Le 30 avril [cf. p. 8) quatre représentants avaient été envoyés 
à Parmée de la Moselle : Le Vasseur de la Meurlhe [qui fut remplacé, 
le 22 juin, par Gentil du Mont-Blanc), Maignet, Montant et Soubrany» 
auxquels on adjoignit^ le 29 juin, Cusset, — qui prétendait avoir des 
intelligences dans Luxembourg, — et dix représentants à l'armée du 
Rhin (outre Merlin et Reubell), Ferry, Laurent, Ruamps, Louis, 
Pflieger, Haussmann, Du Roy, Rilter. Le 19 juillet, le Comité renou- 
vela les missions. Jusqu'au 5 novembre, les représentants à l'armée 
de la Moselle furent Richaud, Soubrany, Ëhrmann, Cu^set (Hermand 
ne fit que passer dans les premiers jours d'août), et à Tarmée du 
Rhin : Ruamps, — qui restait seul de l'ancienne mission, — Borie, 
Milhaud, tous trois désignés, le 19 juillet, par le Comité, et Niou qui 
fut adjoint le 29 août. Mallarmé fut nommé, le 23 août, par la Con- 
vention, pour exécuter, de concert avec les représentants, le décret de 
réquisition. Avant lui, le 25 juillet, J.-B. Lacoste et Guyardin 
avaient été pareillement adjoints aux représentants près des deux 
armées, pour ■ faire le remplacement des garnisons >. Ruamps, Borie, 
Milhaud, Niou, Mallarmé, Guyardin ont retracé, dans un rapport con- 
fus, leurs actes auxquels ils associent Lacoste. Ajoutons que Lacoste et 



LES REPRÉSENTANTS 77 

ardeur : puisqu'ils restaient à leur poste, malgré les 
dégoûts qu'ils essuyaient à chaque instant, n'aimaient- 
ils pas sincèrement la patrie, et dès lors ne pouvait-on 
les conserver? B6 blâmait le ministre d'enlever à Tarmée 
ses vrais défenseurs; selon lui, ceux qu'on devait 
destituer, c'étaient les muscadins, et non les officiers 
dont les soldats, les chefs, les représentants attestaient 
le civisme et la vaillance. Jusqu'au dernier moment, les 
commissaires de la Convention gardèrent les généraux 
qu'ils voyaient de près et qu'ils savaient expérimentés et 
instruits. Ils disaient avec Richaud qu'entre les géné- 
raux et leurs délateurs ils n'hésitaient pas : les dénon- 
ciations^ presque toujours vagues ou erronées, venaient 
d'ambitieux qui désiraient de l'avancement, et quant 
aux généraux, s'il était difficile de lire dans leur âme, 
ils montraient de bonnes intentions et de l'activité. Les 
représentants gardèrent donc Schauenburg. Ils gardèrent 
Pully que Moreaux, blessé, n'avait pu remplacer; son 
républicanisme n'était pas très décidé; mais il avait de 
l'intelligence, des talents militaires, la parfaite connais- 
sance du pays, et il leur semblait très propre à diriger le 
courage des troupes du camp de Hornbach. Ils gardè- 
rent d'Aboville, le véritable vainqueur de Valmy ; il 
était c absolument nécessaire ». Ils gardèrent Landre- 
mont et d'Arlandes : « il est malheureux qu'ils soient des 
ci-devant y mais il serait peut-être plus malheureux 
qu'une loi générale les force à la retraite. » Ils gardèrent 
HédouvlUe et affirmèrent la purelé de ses principes: 

Mallarmé partis pour Paris a6n de demander la suspension du général 
Landremont, furent, par un arrôté du Comilé, en date du 6 octobre, 
maintenus aux armées de la Moselle et du Rhin < et investis de tout 
pouvoir pour requérir les armes et les gardes nationales des départe- 
ments environnants, destituer et remplacer les généraux suspects et 
autres agents, sauver Landau et les lignes de Wissembourg * . 



78 WISSSMBOURO 

< pourquoi le destiluer? Ces changements paralysent 
tout. » Ils gardèrent le jeune et valeureux Desaix. Ils 
gardèrent Campagnol qui commandait le h^ bataillon 
de Lot-el-Oaronne avec aulant de courage que de pru-» 
deoee*. 

Mais Bouchotte l'emporta sur les représentants, et 
eux-mêmes finirent par reconnaître qu'il était impos- 
sible de confier a des ci-devant la direction des armées. 
Le cri de trahison retentissait partout et Topinion publi- 
que se prononçait contre les castes privilégiées avec une 
puissance irrésistible. Quelques-uns des officiers nobles 
ne pouvaient renier leur passé monarchique, prendre 
les façons du sans-culottisme et cacher le dépit qu'ils 
éprouvaient de commander à des officiers plébéiens. « Il 
est encore de ces messieurs en petit nombre, écrivait-on 
de Tarmée de la Moselle, qui conservent le ton, Tesprit et 
le faste de Tancien régime; ils aiment Tadulation ; ils ne 
sortent point sans une grande suite ; ils ont le propos 
dur B, et Ton accusait des chefs de brigade ou d'esca- 
dron du corps des Vosges d'avoir servi d'aides-de-camp à 
Narbonne et à Valence *. Enfin, beaucoup de ces <k aristo- 
crates » se savaient guettés, espionnés, et craignaient le 
tribunal révolutionnaire, e La plupart des généraux qui 

1 Blaux à ses collègoes, 7 avril 1793 (A. G. et Rec. Aulard, IXI, 
149); Bô i Bouchotte, 9 nov. ; Richaud, Ehrmanii et Soubrany au 
Comité, 13 août, et à Bouchotte, 26 août ; Lacoste et ses oollè^aes au 
Comité, 19 août ; Richaud à Barère, 2 sept. ; Montant, Maigaet, 
Soubrany, Grentil à Bouchotte, 10 juillet, etc. (A. G.). Cf. Garnerin 
aux Jacobins, 20 juin A. G. : « Les vices ni les vertus ne sont point 
départis sans exception à telle caste; rendons hommage aux prin~ 
cipes, mais n'éloignons pas des hommes qui ne nous ont encore 
rendu que des services ; éloignons les traîtres, quelle que soit leur 
origine. > 

> Lavfeliette, Afém.^ I, 144 ; lettre du 28 juin {Journal de U Mon- 
tagne, n» 40) ; Thuillier à Barère, 10 ocl. (A. N. A. F, II, 30). 



LES RSPBÉSBNTANTS 79 

ont figuré sur notre scène politique, lisaient-ils dans le Ba- 
twœ du 3 août, sont actuellement dans les prisons, occu- 
pés à méditer sur la fragilité des grandeurs humaines ». 
Ils ne pensaient donc qu*à sauver leur tète et se sou- 
ciaient, selon le mot d'un représentant, plus de leur 
propre sûreté que de la chose publique. Ils refusaient 
tout avancement, ou s'ils acceptaient le commandement 
qu*on leur imposait^ ils disaient, comme Schauenburg, 
que leur origine les ferait environner de soupçons. Ils 
s'effrayaient de leur responsabilité; ils n'osaient agir 
hardiment et avec vigueur ; ceux mêmes qui les défen- 
daient, leur reprochaient de se tenir toujours sur une 
extrême réserve et de n'avoir pas cette humeur entre- 
prenante, résolue, qui sied à Thomme de guerre, et des 
lignes de la Lauter on mandait au Journal de la Mon-- 
iagne qu'ils étaient tièdes, qu'ils mettaient dans leurs 
actes je ne sais quel air de mollesse et d'apathie, qu'ils 
*'. laissaient détraquer la machine ty qu'on devait par une 
loi claire, positive, ou les rassurer ou, ce qui valait 
mieux, les frapper. « Gomment voulez-vous, s'écriait 
Génissieu, que, dans leur situation précaire, ils servent 
avec zèle la patrie ^ ? » 



^ Le Batave^ 3 août ; Journal de la Montagne, ii« 104; lettre de Ri< 
chaud; séance du 12 sept. Mon. du 15 ; Gâteau à Bouchotte, 29 juin 
[A. G. il faut « exclure tous ces hommes d'aucien régime dont le cœur ne 
peut aller de front avec leurs devoirs et chez lesquels quelques talents 
d'exercice ne peuvent compenser la répugnance quHls mettent à les 
remplir. >) Cf. Prieur et Jeanbon au Comité, 12 août ; Lacoste à Ba- 
rère, 19 août ; et la]^belle lettre du général d'Âboville aux représen* 
tants à l'armée de la Moselle, 17 août, : ■ On ne peut qu'approuver 
la méfiance générale de la nation contre tous les ci-devant nobles in- 
distinctement. Je cède sans murmure une place où, devenu suspect, 
il ne me serait plus possible de rendre les mêmes services qu'un suc- 
cesseur qui aura la conûance. Je me bornerai, comate Séitsaire, à 
faire des vœux pour la prospérité de ma patrie. • (A.. G») Veir aussi. 



80 WISSBMBOURa 

Toutefois les représentants eurent raison de laisser 
quelque temps les nobles à la tèle des troupes. Certes» 
ils ont commis des fautes ; ils ont fait des choix mal- 
heureux ; ils ont parfois, sans le vouloir, jeté le désordre 
dans les armées; leur impatience impétueuse demandait 
toujours une victoire qui tardait et devait tarder encore 
jusqu'à la fin de Tannée 4793 ; leur fougue imprudente 
causa le désastre de Pirmasens et les passages déplo- 
rables du Rhin. Quelques-uns abusèrent des pouvoirs 
illimiiés dont la Convention les avait investis. La loi du 
9 avril leur permettait d'employer autant d'agents qu'il 
leur plairait ; les dépenses extraordinaires qu'ils auto- 
risaient seraient acquittées par le Trésor public, et tous 
leurs arrêtés mis à exécution, s'ils étaient adressés dans 
les vingt- quatre heures à T Assemblée ou au Comité de 
salut public. Puis un décret du 30 avril leur avait donné 
le droit de requérir les gardes nationales des dépar- 
tements, de nommer sur-le-champ à toutes les fonctions 
vacantes, selon le mode usuel d'avancement, et, en cas 
d'urgence ou si les sujets manquaient, de confier les 
emplois pour quinze jours à ceux qu'ils jugeraient di- 
gnes, de suspendre et de remplacer provisoirement les 
agents militaires, de faire arrêter les généraux et d'en- 
voyer au tribunal révolutionnaire quiconque conspirerail 
contre la République et machinerait la désorganisation 
de l'armée. Eafin^ un décret du 46 mai enjoignit aux 
corps administratifs et municipaux d'exécuter toutes les 
délibérations qu'ils auraient prises. Ils étaient quatre 
auprès de chaque armée et on les renouvelait mensuelle, 
ment par moitié. Mais leur autorité ne cessa de grandir : 



la lettre d'Aagttste, soldat dans l'armée des Vosges. Lettres de soldats 
nst-nSS, p. L. G. PéHsBier, p. 5. 



LES REPRÉSENTANTS 81 

le décret du 30 avril portait qu'ils ne pourraient agir 
qu*au nombre de deux ; par un décret du 29 août, ils 
purent seuls et de leur propre impulsion prendre des 
arrêtés. 

Armés d'une semblable puissance, plusieurs de ces 
hommes éprouvèrent une sorte de vertige et leur âme 
ne sut garder l'équilibre. 

Gentil eut le bon esprit dé demander son rappel et 
d'avouer qu'il n'y voyait goutte/. 

Gusset se rendit méprisable par son outrecuidance et 
ses habitudes de crapule. Il annonçait aux populations 
que la Convention avait mis à son côté une plume de fer 
avec laquelle il devait écrire dans le sang autrichien, 
et il reprochait brutalement à Schauenburg la « stagna- 
tion j> de l'armée de la Moselle. A l'entendre, quarante 
mille Autrichiens se trouvaient au camp d'Arlon ; l'inci- 
visme, la trahison étaient partout; il y avait dans la pe- 
tite ville républicaine de Thionville une « immensité d'a- 
ristocrates de tout genre » et dans les villages patriotes 
de la frontière beaucoup de scélératesse. Mais les jacobins 
de Metz attestaient qu'au lieu de remplir sa mission, il 
s'enivrait à Beauregard et oubliait sa dignité dans les 
fumées du vin de Champagne et du brandevin des Ar- 
dennes '. 

Jean-Baptiste Lacoste était uménergumène, un forcené 
qui dégoûta par ses violences son collègue Guyardin 
a le meilleur des humains » : 11 proposait de décapiter le 
quart des Alsaciens, de ne garder dans les départements 
du Rhin que ceux qui avaient pris une part active à la 

« Genlilà Dumas, 18 et 19 juillet (A. N. af xi, 246). 

* Gusset, Compte rendu ^ 3, 80-83 ; Le Bat ave ^ n» 247 ; cf. ses lettres 
{^Mon., 6 sept.) et VEœpédition de Custine, 160-161. 

WI88E1CB0URG. 6 



8S WISSBMBOURG 

Révolution et de chasser tous les autres, après avoir sé- 
questré leurs biens '. 

Baudot avait de Tesprit, des talents, de Tamabilité ; 
mais il était jeune et sans expérience ; gâté par Lacoste, 
il ne parlait plus que de fusillade, de guillotine, et sans 
cesse il disait : « Il faut fusiller... Je ferai guillotiner*. » 

La probité de Ruamps et son patriotisme étaient à 
toute épreuve ; on loue ses vertus publiques et privées ; 
mais à Tarmée duRhio, en plusieurs circonstances, il 
se conduisit comme un fou. Cet homme qui manquait 
de lumières, se grisait de son autorité souveraine'. 

Les représentants envoyés en Alsace avant Sainl-Just 
et Le Bas, croyaient se rendre populaires ; ils affec- 
tèrent le ton soldatesque et agirent à la hussarde ; ils 
tranchèrent lestement et de la façon la plus irréfléchie 
les affaires les plus épineuses, et un témoin véridique, 
un de leurs propres auxiliaires , nous assure qu'ils 
avaient peu d'ordre dans les idées et peu d'aptitude 
au travail, qu'ils ne se réunissaient que pour pérorer et 
qu'aucun d'eux ne savait écouter. Ils s'imaginèrent 
qu*on vaincrait les alliés en les inondant d'un flot 
d'agricoles ; ils suspendirent les généraux à tort et à Ira. 
vers; ils laissèrent les intrigants et les mauvais sujets 
quitter leur poste et déblatérer au club de Wissembourg 
contre les chefs. L'armée les avait attendus comme des 
f anges libérateurs » ; elle les maudit à leur départ, et 
Ruamps fut maltraité, non par les généraux qu'il avait 
vexés et tourmentés, non par les officiers qu'il avait per- 
sécutés, mais par les soldats qu'il avait flagornés^. 

1 Lacoste au Comité, 4 frimaire an 11 (A. N. àf ii 247]; note de 
Legrand (A. Q.)« 

* » ♦ Noie de Legrand (A. G.). 



LES REPRÉSENTANTS $3 

NéanmoinSy quels que soient leurs torts, les représen- 
tants eurent du courage, de l'application, du patriotiflme. 
Ils payèrent constamment de leur personne avec la 
même valeur que les plus braves grenadiers, et Ton vit 
Soubrany, à la bataille d'Arlon, marcher au premier 
rang et se jeter dans la mêlée sous le feu le plus meur- 
trier. Ils hâtèrent l'arrivée des chevaux que l'entrepre- 
neur Lanchère devait fournir, et ils obtinrent de 
Bouchotte la formation de deux compagnies d'arlillerie 
légère et de quatre nouvelles compagnies de pionniers. 
Ils conseillèrent — et leur conseil fut suivi — de 
dégarnir les places et d'envoyer les garnisons à la 
frontière. Ils requirent les gardes nationales de faire 
le service militaire dans les villes et les camps, et leur 
allouèrent le même traitement qu'aux troupes soldées 
par la République. Ils demandèrent des fusils. Ils déve- 
loppèrent la manufacture d'armes de Klingenthal en 
augmentant à la fois le nombre et le salaire des ouvriers. 
Ils rehaussèrent le crédit des assignats ; ils dénoncèrent 
les fournisseurs qui livraient des marchandises de la 
plus mauvaise qualité ; ils menacèrent de peines rigou- 
reuses tous les fripons, agioteurs, accapareurs qui pous- 
saient à l'excès dans les départements du Rhin l'audace 
de la cupidité. Ils assurèrent le service des subsistances 
et des approvisionnements de toute espèce ; ils firent ame- 
ner les blés dans les dépôts de l'armée ; ils stimulèrent, 
éperonnèrent les administrations. Grâce à leurs soins 
infatigables, les forteresses et les magasins échelonnés 
dans l'intérieur du pays reçurent les grains et les four- 
rages dont l'envahisseur aurait pu s'emparer ; grâce à 
leurs réquisitions incessantes, les soldats ne manquèrent 
jamais de vivres et de munitions ; « sans la présence des 
députés aux armées, a dit justement Soubrany, elles 



84 WISSBMBOURa 

n'auraient jamais été pourvues de ce qui était néces- 
saire *. » 

De môme qu'ils gardaient les généraux suspendus par 
Boucholte, ils réclamaient quelquefois contre les arrê- 
tés qu'ils jugeaient inutiles et funestes. Lorsque le mi- 
nistre, cédant aux instances de Houchard, appelait en 
Flandre les carabiniers, ils retenaient à Tarmée de la Mo- 
'selle ces deux régiments qui comprenaient plus delà moi- 
tié de la cavalerie de ligue *. Le Comité faisait décider le 
5 septembre que tous ceux qui avaient servi dans la 
maison militaire de Louis XVI et de ses frères ou dans 
la garde décrétée par la Législative, devaient se retirer à 
vingt lieues des frontières. Les états-majors se dépeu- 
plèrent incontinent, et des sujets excellents, tout ce qu'il 
y avait de plus intrépide, s'éloignèrent des camps, 
au grand désespoir des généraux. Les représentants 
n'hésitèrent pas à surseoir provisoirement à l'exécu- 
tion du décret ; ils autorisèrent les soldats et officiers 
de toute arme et de tout grade à rejoindre leurs corps : 
n y avait-il pas dans le nombre des hommes de cœur 
et surtout de ces gardes-françaises qui s'étaient si bien 

*■ Note de Legrand; Montaut à Boucholte, 23 juin; Haussmann au 
Comité, 15 avril et 4 mai (Â. N. dxlii, 4] ; Le Vasseur et Maignet 
au Comité, 28 juin; Jeanbon-Saiut- André et Prieur de la Marne au 
Comité, 4 et 12 août; proclamation de Jeanbon, Prieur, Soubrany, 
Ehrmann, Richaud, 10 août (k. G.) ; Mon. 2 oct. [lettre des repré- 
sentants près l'armée de la Moselle) ; Compte rendu par Ruamps, Bo- 
rie, etc., 31, 83, etc.; Doniol, Diœ-neuf lettres de Souhrany, 1867, 
p. 23. 

* Houchard aux représentants, 13 avril; Richaud, Ehrmann, Sou- 
brany à Bouchotte, 26 août; arrêté des mêmes, 27 août; Jourdeuilau 
ministre, 1«' septembre (Â. G.]; le 27 septembre, le Comité de salut 
public ordonnait que les carabiniers seraient envoyés à l'armée du 
Nord et que le ministre de la guerre ne pourrait sous aucun prétexte 
retarder d'un instant l'exécution de cet arrêté ; les représentants gar- 
dèrent les carabiniers à l'armée de la Moselle. 



LfiS REPRÉSENTANTS 85 

battus pour établir la République et affermir la li- 
berté » ? 

Ils rendirent Tarmée entièrement républicaine. A la 
voix des représentants, elle accueillait sans murmurer 
le décret qui défendait la vente du numéraire. Elle rece- 
vait sa solde en criant Vivent les assignais, la République 
eu point de m /Elle attendait la constitution d3 4793, 
comme «t la manne céleste » et Tacclamait avec transport 
comme « le gage assuré de ses triomphes ». Elle saluait^ 
au camp de Hornbach, les commissaires du pouvoir 
exécutif par les cris de Vive la République! Vivent les Pa- 
risiens! et les agents de Boucbotle racontent que les 
soldats s'arrachaient le Journal de la Montagne et le 
Père Duchesne et qu'ils auraient sacrifié gaiement deux 
jours de leur paie pour avoir trois exemplaires de ces 
« papiers » par compagnie. Les volontaires du i®"^ batail- 
lon de TAin s'amusaient à juger en conseil de guerre un 
mannequin de Dumouriez et, après ravoir attaché pen- 
dant quatre heures à un arbre de la route^ le brûlaient 
sur un bûcher. Ceux du 4* bataillon du Jura sommaient, 
du poste de Bundenthal, les administrateurs de leur 
déparlement, de se réunir autour de la sainte Montagne. 
Ceux du 2^ bataillon du Doubs félicitaient la Convention 
de la ce bienfaisante » révolution du 34 mai et applaudis- 
saient à la mesure sage et ferme qui purgeait d'une 
manière si admirable la représentation. « La République 



^ Décret du 5 sept. art. viii; Landremont à Schauenburg, 25 sept. 
(A. G.); arrêté du 29 sept, pris par Guyardin, Niou, Mallarmé, La- 
coste, Ruamps, Borie et Milhaud (A. G.) ; un décret du 6 octobre 
décida que ceux qui avaient servi comme sous-officiers et soldats dans 
les gardes françaises, les grenadiers à cbeval et les gendarmes de Lu- 
néville, ne seraient pas compris dans les dispositions du décret du 
5 septembre. 



86 WISSBMBOURa 

une et iudivisible, écrivait un ofticier à Gasparin, est 
notre seul poiût de ralliement *. » 

Ce fut surtout après l'écrasement de la Gironde que 
^es représentants du peuple acquirent une grande 
influence dans les armées. La journée du 34 mai avait 
produit sur les âmes une impression profonde. Les con- 
ventionnels ne manquèrent pas de porter aux nues 
cette victoire de la Montagne sur le Marais, et presque 
tous les officiers se déclarèrent, comme eux, « bons et 
francs montagnards ». Ceux qui naguère étaient rudes 
et brusques, se radoucirent, traitèrent avec indulgence 
les subordonnés qu'ils avaient dédaignés et rabroués. 
Ceux qui ne parlaient qu'avec regret de Tancienne 
armée royale, devinrent d'enragés démocrates et cor- 
respondirent avec les sociétés populaires de Metz et de 
Strasbourg *. 

Les commissaires répandirent ainsi parmi les troupes 
une fâcheuse exaltation. L'armée, comme la Convention, 
comme la nation môme, fut en proie aux factions. Il y 
eut dans les camps des maraiistes qui, par la hardiesse 
de leurs opinions, par la force de leurs poumons, se 
firent une réputation de beaux parleurs et de révolution- 
naires ardents. Pas une ville de garnison, pas un lieu 
de cantonnement qui n'eût son cjub. Les militaires y 
dominaient, et ils insultaient, opprimaient, chassaient 
les citoyens qu'ils qualifiaient de modérés et de fédéra- 
listes ; ils se disputaient entre eux avec un acharnement 

> Le Batave, n»* 83, 89, 100 (le l*" dragons à Houchard) ; Journal 
de U Montagne, n©" 39, 53, 54, 57; Mon.^ 11 juillet; Grou, Valmont, 
Mourgoin à Bouchotte, 22, 25, 27 juin; lettre du 2* bataillon du 
Doubs à la ConTention, 18 juillet [Â. G.) . 

* Lecomte, L* Observateur impartial aux arm€e$ de Rhin et Moselle^ 
1797, p. 6; cf. Richaud, Ehrmann et Soubrany au Comité, 15 août. 



LES REPRéSBNTA.NTS 87 

frénétique ; ils envoyaient adresse sur adresse et dénon- 
ciation sur dénonciation à TAssemblée, à la Commune, 
au ministre de la guerre, aux Sociétés de Paris et des dé- 
partements. Beaucoup, surtout les jeunes gens et, comme 
dit Alexandre Courtois, les officiers a imberbes et viciés 
de Tesprit d'intrigue », ne cherchaient qu'à monter en 
grade et ne demandaient la destitution de leurs chefs que 
pour se mettre à leur place. Mais tous les dissentiments 
politiques, de môme que toutes les querelles particu- 
lières, étaient oubliés dès que tonnait le canon, et en 
face des Autrichiens, les partis n'existaient plus : il n'y 
avait que des Français, des républicains^ des soldats 
déterminés à vendre chèrement leur vie ; et combien 
d'actions héroïques éclatèrent aux jours de combat dans 
ces orageuses armées de la Moselle et du Rhin que 
déchirait l'anarchie ^ ! 

Enfîn^ les représentants fireot exécuter les décrets de 
la Convention, et notamment celui du 30 avril qui ren- 
voyait des cantonnements et des camps toutes les 
femmes, à l'exception des blanchisseuses et des vivan- 
dières*. Ils effacèrent le désaccord entre les troupes de 
ligne et les volontaires. Les officiers des régiments ne 
renonçaient pas de bon cœur à l'uniforme de la monar- 
chie et ils gardaient sur Thabit bleu les boutons blancs 
et les épaulettes blanches; on les voyait, hors du ser- 
vice, endosser Thabit blanc et se coiffer d'un chapeau au 

* Le Batav^^ n* 239 et note de Legrand (A. G.). 

* Cf. sur les femmes dans les premières armées de la République 
Trahison de Dumouriez, 54. Le décret du 30 avril ne gardait que les 
blADchisseuses et les vivandières. Il y avait quatre blanchisseuses par 
bataillon. Elles devaient, ainsi que les vivandières, porter sur le 
bras gauche une plaque de fer blanc où étaient écrits les mots : c blan- 
chisseuse . ou f vivandière de tel bataillon » (ordre d'Hédouville, 
10 juin (A. G.). 



88 WISSBMBOURa 

panache vert ou noir, surmonté de quelques plumes 
blanches. Les moindres agents singeaient les officiers. 
Les commis de Tadministration portaient Tépaulette et 
le sabre. Chacun, écrit Schauenburg, a se masquait aux 
dépens de Tordre et de la raison ». Les soldats mêmes 
étaient vôlus parfois avec une ridicule coquetterie. Les 
représentants rappelèrent l'armée à la simplicité répu- 
blicaine. Ils prohibèrent les emblèmes de la royauté. Ils 
imposèrent Thabit national à toutes les troupes, et ils 
menacèrent de destituer ceux qui n'adopteraient pas les 
couleurs de la liberté ou qui n'auraient pas sur Tuni- 
forme bleu les boutons à la République et les épaulettes 
jaunes. Ils interdirent aux états-majors les plumets ou 
pompons blancs ^ Ils pressèrent, comme ils disaient, la 
fusion de Tarmée, et commencèrent le mode d'amalgame 
autorisé le 41 juin et décrété le 42 août par la Conven- 
tion ; sous leurs yeux, à l'armée de la Moselle, Hédou- 
Tille formait déjà des demi-brigades ^ 

> Montaut, Maignet, Soubrany, Le Vasseur a Houchard, 26 mai ; 
Schauenburg à Houchard, 12 juin; ordres de Hédouville et de Tétai- 
major, 5 et 10 juin; les commissaires du pouvoir exécutif à Bouchotte, 
20 et 27 juin (A. G.). Le 6 mai, la Convention avait décrété qu'a 
partir du 15 juin les officiers dUnfanterie ne porteraient d'autre uni- 
forme que Tuuiforme aux couleurs nationales, déjà décrété par la loi 
du 23 février. Le 24 août, le Comité de salut public arrêtait que tous les 
officiers des ci-devant troupes de ligne qui n^auraient pas pris Puni— 
forme conformément a la loi, ou qui auraient conservé quelques signes 
de l^ancien uniforme, , seraient, sur-le-champ, destitués. Cet arrêté, 
converti en décret le 29 août, fut envoyé, dans les premiers jours de 
septembre, à tous les généraux, par Prosper Sijas, adjoint de la 4* di- 
vieion du département de la guerre. 

• Cf. Rec. Aulard, IV, 15. Voici peut-être la première tentative 
d'amalga-ne. Elle fut opérée à Tarmée de la Moselle, 4^ demi-bri" 
gode : 4** batail'on : 13* bat. inf. légère, 1/6* de la légion de la Mo- 
selle ; JS* bataillon : comp. franches de Billard, de Saint-Maurice, de 
Millon, 1'* du Louvre, 1/6 d^inf. de la légion de la Moselle; 5* ba^ 
taiîîon : 1" bat. des chasseurs de Reims, 1/6 d'inf. de la légion. — 



LES RBPRéSBKTANTS 89 

Ce furent les représeutanls qui tirèrent de l'obscurité 
la plupart des hommes destinés à s'illustrer sur les 
champs de bataille. La loi portait que le tiers des places 
yacantes serait accordé à l'ancienneté de service à grade 
égal^ Qu'arrivait-il? Si l'on avait besoin de choisir un 
sergent, on nommait le plus ancien caporal, un blan- 
chisseur de la compagnie ou un vieux soliat qui avai t 
grisonné sous le hamois. Le lendemain, il fallait un sous- 
lieutenant, et le blanchisseur devenait sous-lieutenant. 
Huit jours plus tard, il était chef de bataillon ou de bri- 
gade. Mais ordinairement, cet homme ne savait ni lire ni 
écrire ; il n'avait plus la force de faire quoi que ce fût ; 
il ne pouvait commander. « Nous avons, disaient les re- 
présentants^ des officiers et sous-officiers incapables de 
remplir leurs fonctions; le service en souffre, et cela 
provient de leur ineptie, de leur faiblesse et de leur né- 
gligence. » Et le général Krieg s'indignait que des igno- 

^ demi-hrigade : ^*' bataillon : 15* bat. d'inf. légère (employé à 
la Vendée) ; 1/6 de la légion ; — ^ bat. : compagnie franche de 
Guillaume, 3* comp. franche du Louvre, 1'* comp. franche de TOb- 
servatoire, !'• comp. franche des Bons-Tireurs, 1/6 de la légion ; — 
' 3* bat. comp. franche de Metz, 4* comp. franche du Louvre, comp. 
franche des Sans- Culottes, 1/6 de la légion. 

^ D*après la loi du 23 février 1793 (section 11, art. 1-7, du mode 
é? avancement), Pemploi de colonel ou chef de brigade appartenait tou- 
jours au cbef de bataillon le plus ancien, d^abord de service, puis de 
grade, et ainsi alternativement. Les caporaux étaient choisis à la ma- 
jorité absolue, dans tout le bataillon, par la compagnie où la place 
était Tacante. Pour tous les autres grades, Tavancement avait lieu de 
deux manières : le tiers, par ancienneté de service à grade égal, et 
les deux tiers au choix ou à Télection. Lorsque trois capitaines, trois 
lieutenants, trois sous-lieutenants, trois sergents avaient été nommés, 
le premier à Tancienneté, et les deux autres au choix, on reprenait 
le tour de l'ancienneté pour la quatrième nomination et le choix pour 
les deux suivantes, et ainsi de suite. Le chef de bataillon était élu 
par tout le bataillon ; les autres places étaient données par la compa- 
gnie où vaquait l'emploi. 



dO WISSRMBOUBa 

raats, des illettrés eussent sous leurs ordres des compa- 
gnies et des bataillons : ce quelle conâance voulez-vous 
qu*on ait dans des chefs de cette espèce, auxquels de- 
puis trente et quarante ans on n'a pas osé confier seule- 
ment la bourse de Tordinaire d'une chambrée, ni quatre 
hommes de garde, puisqu'ils ont passé tout le temps de 
leur service, soit au cabaret, soit à l'hôpital ou à la 
prison *? » 

Ce système ne dura pas. On l'abandonna pour se jeter 
dans l'autre excès. Sans tenir compte de l'ancienneté de 
service ou de grade, les représentants conférèrent les 
places d'officiers supérieurs dans les bataillons, les régi- 
ments et les états-majors. Ils se trompèrent souvent, car 
beaucoup de gens, et des plus habiles, redoutaient l'a- 
vancement, fuyaient les regards des conventionnels, et 
se faisaient petits et modestes. Ils excitèrent des mécon- 
tentements, a Les avancements arbitraires, disait Beau- 
harnais, sont une grande cause de désorganisation et 
l'esprit républicain n'est pas assez répandu parmi les 
vieux militaires pour qu'ils ne soient pas sensibles à des 
passe-droits. » Un lieutenant-colonel de volontaires de- 
venait général de brigade sans avoir passé par les grades 
inférieurs et enlevait d'emblée par le seul vote de son 
bataillon ce qu'un officier des troupes de ligne ne pou- 
vait obtenir après trente années de services dans les 
emplois subalternes. Des hommes, écrivait Erieg, qui, 
toute leur vie, ne s'étaient appliqués qu'à un art méca- 

*■ Haussmann, Ferry, Du Roy, Louis et Pflieger au Comité, 15 mai 
(A. N. ▲Fii247); Haassmaun et Du Roy au Comité, 24 mai (Rec. 
Aulard, IV, 315); Krieg à Bouchotte, 9 août; cf. Deville et Milhaud 
au Comité, 13 Juin; Gâteau à Bouchotte, 29 Juin [À. G.). « Le mode 
d'avancement, écrivait Gâteau, élève aux premières places une foule 
d'anciens serviteurs qui n^y sont pas propres par le défaut de lu- 
mières. • 



LES REPRÉSENTANTS 9^ 

nique, au commerce ou à la chicane, arrivaient « comme 
des éclairs » du fond de leur boutique ou de leur ate- 
lier à la tète des armées. Mais les représentants surent 
revenir de leurs erreurs ; ils ôtaient les grades qu'ils 
avaient donnés et qui n'étaient que provisoires; ils 
abaissaient celui qu'ils avaient élevé et le rendaient à sa 
brigade ou à son bataillon ; ils suspendaient tous ceux 
qu'ils jugeaient incapables, ce Le remède, reconnaît Saint- 
Cyr, était bien près du mal, et c'est de ce nouveau mode 
d'avancement que sortirent les meilleurs généraux de la 
République. » Quelle belle promotion que celle du 49 mai, 
faite au surlendemain de Rûlzheim, par les représen- 
tants RuampSj Du Roy, Ritter, Laurent, Haussmann et 
Ferry l Landremont, général de division ; Colle, Mé- 
quillet, Me3'nier, Michaud, Loubat, Delmas^ d'Arlandes, 
Clarke, généraux de brigade; Miribel, Desaix, Tholmé, 
Malet, Demont , adjudants-généraux , avec grade de 
lieutenant-colonel ! N'étaient-ce pas les plus dignes et 
les plus méritants de l'armée du Rhin * ? 



*■ Krieg à Bouchotte, 9 aoûl ; Beauharnais aa Comiié, 1*' juia 
(Al. g.) ; nominations provisoires faites par Ruamps, Du Roy, Ritter, 
Laurent, Haussmann et Ferry, 19 mai (A. N. ap ii 247); Saint-Cyr, 
Mém., I, 84-86. 



CHAPITRE V 



LE KETTERICH 



J. Les théoristes prussiens. — Stratégie lente et compassée. — Raisons 
politiques plus puissantes encore. — Dessein du roi de Prusse. — 
Mission de Waldeck. — IJ. Positions de l'armée de la Moselle. — Mou- 
vements des Prussiens. •» Combat du 13 août. — Le ehef de brigade 
Félix. — Le Ketterich enlevé le 17 août. — Fuite de Reubell sur 
Bitcbe. — Le Ketterich repris et perdu le 20 août par Lagoublaje. — 
La Main du Prince, — Inaction de Brunswick. 



L Après la capitulation de Mayence comme après la 
défaite de Biogen, rien n'empêchait les alliés de péné- 
trer en Alsace. Brunswick et Wurmser se réunissaient 
sur le Speierbach en face de Landau ; Hohenlohe était 
à Kaiserslautern ; les troupes légères du roi de Prusse 
fouillaient les bois dans les gorges d'Annweiler et tout 
le pays de Pirmasens à Deux-Ponts. 

Wurmser proposait de pousser sur Bitche et Wissem- 
bourg, et de là sur Strasbourg. L'idée était bonne, dit 
un contemporain, et la plus raisonnable de toute la cam- 
pagne *. En quatre marches, Hohenlohe gagnait Bitche ; 

i ValenUoi, 30. 



LE KETTERICH 93 

Brunswick, Wissembourg ; Wurmser, Laulerbourg. Une 
fois à Bitche, Hohenlohe s'avançait par Reichshoffen sur 
Haguenau et faisait sa joncUon avec Brunswick, pen- 
dant que Wurmser franchissait le cercle magique des 
lignes de Wissembourg. Attaquée de front, pressée sur 
son flanc gauche et ses derrières, Tarmée du Rhin était 
inévitablement défaite, et Strasbourg n'aurait recueilli 
que ses débris. Quant à Tarmée de la Moselle et aux 
places de Bitche et de Landau, il suffisait de laisser 
devant elles de petits corps d'observation. 

Mais les théoristes réprouvaient ce plan d*opérations au 
nom de leur savante et stérile méthode. Vainement on 
leur remontrait qu'il faut, avant de s'emparer des forte- 
resses, balayer l'armée qui les peut débloquer. Vaine- 
ment on leur objectait que les provisions de bouche ne 
manqueraient pas, que la grasse et fertile Alsace saurait 
nourrir les coalisés, que le soldat vivrait sur ,1e paysan 
et trouverait au sortir des Vosges des villes bien situées 
où s'établirait la boulangerie militaire, qu'après tout il 
pouvait manger d'autre pain que le pain de munition. 
Vainement on leur disait que les troupes n'étaient pas 
dans la lune, et que les montagnes, les vallées, les forôts 
de la région rhénane ne différaient pas des forêts, des 
vallées et des montagnes du reste du monde. Vainement 
on leur reprochait d'oublier, à force d'érudition straté- 
gique, que les suites d'une bataille gagnée sont incal- 
culables et qu'une victoire donne^ non pas une parcelle 
du sol, mais vingt, trente, quarante lieues de territoire, 
et des provinces entières. 

On ne pouvait, répondaient Brunswick et ses parti- 
sans, s'enfourner dans un pays sans prendre ses précau- 
tions, et il était très imprudent et très périlleux de 
laisser des places fortes sur ses derrières. L'armée 



94 WISSB3L1B0URO 

devait avoir des vivres pour neaf jours, et, à chaque 
mouvement, traîner avec elle ses fours de campagne. La 
contrée où Ton s'enfonçait était inconnue ; il fallait se 
tenir sur ses gardes, n'avancer que pas à pas et avec 
circonspection. A quoi bon livrer de sanglants et meur- 
triers combats ? L'ennemi, môme battu, se bornerait à 
reculer et trouverait derrière lui de nouveaux plis de 
terrain qui lui fourniraient des positions avantageuses ^ 
Mais les raisons politiques étaient plus puissantes 
encore que la stratégie lente et compassée de Brunswick. 
Les Prussiens disaient hautement que la lutte n avait 
plus d'objet depuis la prise de Mayence, et la guerre 
contre la France leur semblait une horreur, Orâiiel. « Il 
ne faut plus rien faire », wir milssen nichts mehr thun, 
s*écriaitle major PhuU, etraide-de-camp Manstein* sou. 
tenait que Frédéric-Guillaume devait penser aux vrais 
intérêts de FEtat prussien et non aux petits profits de 
rAulriche, qu'il n'avait d'autre rôle que celui d'auxi- 
liaire, qu'il pouvait se chamailler avec les républicains 
jusqu'à la fin de l'année, mais qu'il ferait bien de ne pas 
s'engager trop loin, de ne pas dresser de plans, de ne 
pas entamer d'opérations sérieuses : on atteindrait le 
dernier Jour de décembre, on ne serait lié nulle part, et 
alors, quoi de plus simple que de fermer le livre * ? 

Lucchesini partageait Topinion do Manstein, et ce 
diplomate joignait ses objections insinuantes aux vives 
remontrances des hommes d'épée. Il disait depuis long- 

* Cf. sur cette stratégie du temps, Invaiion pmstienne, 112-113, 
125-126. 

• Cf. sur Manslein, Retraite de Brunswick, 75. 

» Massenbach, I, 183, 202; Hausser, Deutsche Gesch., I, 488; Sorel, 
VBurope et la Révol., III. 491-492; cf. Rivalz à Deforgues, 4 sept. 
(Papiers de Barthélémy, p. Kaulek, III, 17, 30, 59). 



LE KKTTERICH 93 

temps qu'il fallait finir la guerre le plus tôt possible, et 
dès le 3 octobre 1792 il avait écrit à Berlin : a II est im- 
portant que nous n'allions pas de Tavant en tout ceci, et 
je mettrai tous mes soins à Tempôcher. » Aussi prèchait- 
il l'inaction militaire ; il recommandait au roi de ne pas 
faire de trop grands sacrifices ; il lui représentait les 
dangers d'une troisième campagne : obtenir de sûrs 
dédommagements, ne plus « rentrer en lice » et se tirer 
de cette campagne qui n'était qu'un « labyrinthe inex- 
tricable », telle devait être, selon Lucchesini, la conduite 
de la Prusse*. 

Le roi, ardent, fougueux, martial, rongeait son frein 
et maudissait parfois la politique. Il désirait acquérir 
quelque gloire *, et il résolut un instant de marcher vers 
la Sarre, de s'emparer de Sarrelouis, de Thionville, de 
Metz; il s'établissait ainsi sur la Moselle; il faisait la 
conquête de la Lorraine et préparait celle de l'Alsace. 
Gobourg qui guerroyait en Flandre, approuvait le 
dessein royal : si les Prussiens, disait-il, se rendaient 
maîtres de Sarrelouis, il croirait « avoir fait de.vant tout 
le monde une belle campagne » puisqu'on aurait recouvré 
les Pays-Bas, enlevé quelques places et installé de sûrs 
quartiers d'hiver en pays ennemi. Frédéric-Guillaume 
fixait déjà le jour où ses troupes se porteraient sur 
Sarrelouis, lorsqu'un général autrichien, le prince de 
Waldeck, lui apprit sa prochaine arrivée et le pria 
de suspendre tout mouvement sur la droite, parce 
que Sa Majesté impériale voulait diriger les opérations 
vers un autre point. Les Prussiens s'arrêtèrent et at- 

* H&usser, I, 431, 500, 516. 

* « Giorie erwerben' > , c^est le mot de Manstein et de Bischoifswerder 
(Hftusser, I, 488, et Zeissberg, I, 226). 



96 WlSSBMBOURa 

tendirent patiemment les instructions de Waldeck ^ 
Waldeck se présenta le 6 août au quartier général 
d*Ëdenkoben'. Il déclara que la cour de Vienne s'opposait 
absolument à toute entreprise sur Sarrelouis : selon la 
volonté de l'empereur, Wurmser envahirait TAlsace et 
attaquerait de front les lignes de la Lauler; quant au 
roi de Prusse, il devait à la fois bloquer Landau et fran- 
chir les Vosges pour prendre Wissembourg à revers. 
Waldeck ajoutait, de son propre chef, qu'on pourrait 
agir en môme temps dans la Haute-Alsace : quoi de plus 
aisé que de former des troupes du Brisgau et du Tyrol 
un corps de 48,000 Autrichiens qui passerait le Rhin 
entre Huningue et Brisach ' ? 

Les Prussiens se récrièrent. Evidemment Tambitieuse^ 
l'avide, la rapace Autriche désirait se saisir des dépar- 
tements du Rhin ! Lucchesini, Manstein, PhuU et les offi- 
ciers deTétat-majorne cachaient pas leur indignation: la 
Prusse allait-elle s'épuiser pour agrandir sa rivale ? Les 
émigrés éclatèrent en invectives contre l'empereur qui 
profitait des malheurs de leur patrie pour la dépouiller, 
a Quel procédé généreux ! disait le prince de Gondé, on 
veut prendre l'Alsace au lieu de sauver la reine de 
France » et Frédéric-Guillaume, en un accès de franchise, 
assurait à Wurmser que la maison d'Autriche pouvait 
élever des prétentions sur le Sundgau, mais non sur la 

1 Massenbach, I, 187 ; Zeissberg, Quellen gur Geschichte der 
âeuUehen Kaiterpolitih Oesterreichs. 1882, tome I, p. 198, 204, 223; 
Wagner, 71; Hausser, I, 497. 

* Zeissberg, 1, 192-193, 204 ; Vivenot, Herzog Albreeht von Saehsen- 
Tetchen. 1866, 11, 635. Wurmser avait conçu dès le mois d'avril un 
plan semblable : passer le Rhin, s'emparer de Scblestadt, prendre 
au milieu de la province Pexcellente position de Cbfttenois, couper 
ainsi TAlsace en deux parties, attendre dans ce camp sa grosse artille- 
rie pour bombarder Huningue et Neuf-Brisach (Zeissberg, I, 38). 



LK KBTTBRICH 97 

Basse-Alsace qui ferait retour à Tempire germanique. 

Poussé par Manslein, le roi de Prusse refusa donc 
d*entrer en Alsace avec toutes ses forces. Il objecta que 
Waideck n*avait que des instructions verbales et qu'on 
devait attendre un deuxième envoyé du cabinet autri- 
chien, le comte de Lehrbach, qui s'était mis en route 
pour Edenkoben. Pourtant, sur les instances de Waldeck, 
il consentit à bloquer Landau et à jeter dans les 
Vosges un corps qui déboucherait derrière les lignes de 
Wissembourg •. 

Mais ce mouvement était encore trop considérable au 
gré de Manstein et des ennemis de TAutriche. On se 
contenta de donner un coup, un seul coup, et sans trop 
de vigueur. Au lieu de frapper l'adversaire avec rudesse, 
on se borna, pour ainsi dire, à lui faire peur. On pouvait 
débusquer tout le corps des Vosges, tourner et prendre 
son camp de Hornbach ; on attaqua simplement son 
avant-garde. On avait les moyens de disperser l'armée 
de la Moselle ; on ne ât qu'écorner l'extrémité de son 
aile droite, et l'on n'entama même pas l'armée du Rhin. 

II. Schauenburg qui commandait Tarmée de la Moselle, 
avait établi le corps de bataille sur les hauteurs de Sar- 
rebrûck. Son avant-garde occupait Saint-Imbert et tous 
les points qui pouvaient défendre le passage de la Biles 
depuis Neunkirchen jusqu'à Blieskastel. Sa droite, con* 
duite par Pully, tenait le camp de Hornbach. Quatre ba- 
taillons de cette droite , aux ordres du chef de brigade 
Reubell, s'adossaient à la forteresse de Bitche et met« 
taienl l'armée de la Moselle en communication avec celle 
du Rhin; l'un d'eux, le 40î«, avait pris possession de l'im- 
portante hauteur du Ketterich. 

1 Zeissberg, I, 176, 220, 245 ; Wagner, 75. 

W188EMB0UR0. 7 



98 WlSSEMBOURa 

Uarmée de Brunswick, qui s'ébranlait contre Tarmée 
de la Moselle, se composait de trois corps. Le premier 
corps, guidé par Kalkreuth, s'établit à Neunkirchen et 
tint en échec Tavant-garde française à Saint-Imbert et à 
Blieskastel. Le deuxième corps, mené par le prince de 
Hobenlohe, s'installa sur les collines qui dominent le 
terrain entre Hombourg et Deux-Ponts. Le troisième 
corps que le duc de Brunswick dirigeait en personne, 
occupa la Husterbôhe, derrière Pirmasens. 

Tous ces mouvements eurent lieu sans encombre. 
Seul, Hohenlohe en vint aux prises le 43 août, à Lim- 
bach, avec un détachement de Tavant-garde que com- 
mandait le général Ormescheville. L'affaire fut très 
chaude. Les Français perdirent près de cinq cents 
hommes et deux canons, et se replièrent sur Saint-Im- 
bert. Le chef de brigade Félix courut à Sarrebrûck, 
criant que tout était désespéré et que les ennemis 
avaient haché le 44° d'infanterie. Les représentants le 
firent arrêter, après s'être convaincus qu'il avait lâche- 
ment abandonné le champ de bataille et que les soldats 
du 4i® s'étaient bravement défendus pendant que leur 
commandant « montrait, comme Mercure, qu'il avait des 
ailes au talon* ». 

Le Kelterich n'est qu'à deux heures de Pirmasens. Que 
Brunswick s'en saisît, et il coupait la ligne française en 
deux tronçons, séparait violemment Tarmée de la Mo- 
selle et l'armée du Rhin. 



1 Ormescheville à Schauenburg, 13 août ; les représentants au Gû- 
milé, 15 août |Â. G.); Schauenburg à Boucholte, 22 août [Mon, 
du 29) ; Le Batave, n« 203 (lettre de Bitche, 1" sept. ) ; Wagner, 78; 
Geseh. der Kriege^ I, 205 ; Félix fut traduit devant le tribunal révo- 
lutionnaire, et, le 26 nivôse an 11, acquitté. Né à Vézelise, dans la 



LE KETTEBICH 19 

Le 47 août, Ealkreuth et Hohenlohe opéraient des 
démoDstratious contre Tavant-garde des républicains, et 
le général Desperrlères, assailli soudain à Blieskastel, 
craignant d'être tourné par sa gauche, faisait inconti- 
nent sa retraite. Les Prussiens entrèrent dans Blies- 
kaslel ; mais le soir môme, ils évacuaient la ville où 
Desperrières rentrait le lendemain ma tin, sans coup férir. 

Durant celte échauiïourée, le Ketterich tombait au pou- 
voir de Brunswick. Le 102® qui tenait la hauteur, ne se 
gardait pas. Entre deux et trois heures du matin, les 
Prussiens commencèrent Tattaque ; le commandant du 
402® se contenta d'envoyer au hasard trois ou quatre 
boulets, et sur-le-champ^ sans lâcher un seul coup de 
fusil, sans prendre les ordres de son chef de brigade, 
sans le faire prévenir par un des quatre gendarmes que 
Reubell lui avait donnés, il quitta la position. Reubeli 
crut entendre le bruit d'une escarmouche entre des 
patrouilles isolées, et son camp resta dans la plus pro* 
fonde sécurité. Mais bientôt, du Ketterich, les obus 
pleuvent comme grêle sur les tentes. Le trouble se met 
aussitôt dans la brigade. Les soldats éperdus se jettent 
sur la route de Bitche. Les officiers essaient inutilement 
de les arrêter et de les rallier : il faut suivre les fuyards. 
En un instant, l'unique chemin qui menait du Eette* 
rich à Bitche est obstrué par les voilures, par les cais* 
sons, et, pour augmenter la confusion, voici que le 402* 
traverse le village où se trouve le quartier-général, et 
coupe la colonne des équipages. Déjà se montrent les 
hussards ennemis. Un grand nombre de conducteurs, 
serrés de près, tranchent les traits et se sauvent en 

Meorthe, Jean- Joseph Félix servait depuis 1758 et avait été capitaine, 
puis lieutenant- colonel du régiment de la Martinique, plus tard le 
109- {A. N. w. 310). 



-• --- 



4 00 WISSKMBOURQ 

hâte. Deux caissoûs se rompent. L'encombrement de* 
vient affreux, presque inextricable, et un cavalier prus- 
sien profite de ce désarroi pour enlever à lui seul un 
canon à la barbe de toute une compagnie. Pendant que 
des grenadiers débarrassent la route, il s'approche de 
la pièce et lève son sabre sur le charretier qui se laisse 
tomber à terre pour esquiver le coup. Avertis par les 
cris du charretier, les grenadiers tirent sur Taudacieux, 
le manquent, et les chevaux d'uttelage, épouvantés par 
le feu, se retournent et suivent le hussard qui emmène 
la pièce et rejoint ses camarades au milieu des hurrahs. 

La brigade Reubell perdit tous ses effets de campe*^ 
ment, ses équipages, un canon, trois caissons, et rega- 
gna Bitche dans un indicible désordre. Les soldats, 
pleins de mauvaise humeur, imputaient la débâcle au 
bataillon de Nassau qu'ils accusaient de royalisme. Les 
bourgeois de Bitche, partageant leur méfiance contre 
Nassau, refusèrent de lui vendre de la viande ; Nassau, 
disaient-ils, ne comptait dans ses rangs que des aris- 
tocrates, des lâches, nullement faits pour manger de 
la viande et qui ne méritaient que la corde. Nassau 
fut outré, et, dan? un transport de rage, 41 chasseurs 
et 38 fusiliers du bataillon passèrent aux Prussiens. 

Schauenburg ordonna sur-le-champ à Puliy de re- 
"jirendre le Ketterich. Le 20 août, le chef de brigade 
Lagoublaye marchait sur la position avec quatre batail- 
lons d'infanterie, les chasseurs des Bons Tireurs , le 
4^ régiment de cavalerie, trois pièces de 8 et un obusier. 
Brunswick n'avait laissé au Ketlerichque 80 hussards. 
Ils s'enfuirent aux premiers coups de canon. Lagoublaye 
se hâta de placer ses postes et de relever les retranche- 
ments détruits par l'ennemi. Mais tandis qu'il rédigeait 
son rapport dans une maison du village, les Prussiens 



LE KttTTERiCH 401 

reveDaient à la charge. Brunswick avait compris sa faute 
et la réparait aussitôt. Son artillerie légère eut bientôt 
démonté l'obusier de Lagoublaye et une pièce de 8. Ju- 
geant qu'il ne pouvait tenir plus longtemps et craignant 
d'être cerné, Lagoublaye abandonna le Ketterich. Il fut 
très vivement harcelé dans sa retraite et dut laisser sur 
la route les deux canons de campagne du bataillon de la 
Manche. Enfin, à moitié chemin de Bitche, les hussards 
prussiens renoncèrent à la poursuite. Brunswick fit oc- 
cuper le Ketterich par le général de Kleist qui eut sous 
ses ordres quatre bataillons d'infanterie, deux compa«* 
gnies de chasseurs, sept escadrons de dragons et de 
hussards et deux batteries d'artillerie'. 

L'échec était grave. Pourtant, Schauenburg essaya de 
remédier au mal. Il établit une forte avant-garde à la 
Main du Prince ou Herzogshand entre Bitche et StiirzeK 
bfonn ; le nouveau poste, assurait-il aux commissaires 
de la Convention, était meilleur que le Ketterich et liait 
plus étroitement encore Tarmée de la Moselle à la 
gauche de l'armée du Rhin. 

En réalité, si la Prusse l'avait voulu, c'en était fait 
des Français ; un choc brusque et violent suffisait pour 
les rejeter dans la plaine : on n'avait, d'une part, qu'à faire 
une vigoureuse attaque contre le camp de Hornbach et 
bien que ce camp fût, dit Pully, redoutable par sa posi- 
tion et par la liaison des postes qui le couvraient, on 
l'eût enlevé comme avait enlevé Blieskastel ; d'autre 
part, qu'à s'emparer de la Main du Prince qu'on aurait 

1 Lagoublaye et Reubell à Pully, 20 et 22 août ; Schauenburg à 
Bouchotte, 19 août, et aux représeutaots, 20 août (A. G.). Lagou- 
blaye, chef de brigade du 4* régiment de cavalerie, donna bientôt sa 
démission qui fut acceptée le 30 janvier 1794 par le Conseil exécutif» 



402 WISSEMBOURQ 

prise aussi facilement que le Ketterich, puis à descendre 
soit par le vieux château de Philippsbourg et Nieder- 
bronn, soit à travers bois, sur Reichshoffen, et à dé- 
boucher près de Haguenau. Brunswick ne s'y trom- 
pait pas et sentait bien qu'il manquait le moment, 
qu^il laissait échapper une belle occasion qui ne se pré- 
senterait plus. Il exigea des instructions formelles : « je 
puis, en deux marches, disait-il, tomber sur le dos des 
ennemis et leur faire sûrement un grand mal ; c'est 
pourquoi, si des considérations politiques défendent en 
cet instant tout mouvement offensif, je désire, pour me 
justifier et me couvrir aux yeux de Tarmée, un ordre 
ostensible du roi, portant que je ne dois pas franchir la 
frontière ; cela seul peut me dégager de toute responsa- 
bilité ; autrement, je me vois d*avance exposé à la cri- 
tique la plus mordante. » On lui répondit qu'il ne devait 
pas bouger avant l'arrivée du ministre autrichien Lehr- 
bach : le roi ne voulait guerroyer que selon les vœux de 
son allié, et il craignait d'agir contrairement au plan 
d'opérations qu'il attendait ; provisoirement, le mieux 
était donc de mettre TÂllemagne à l'abri des invasions*. 
Le duc s'arrêta ; « oa ne nous permet même pas, man- 
dait-il a Hohenlohe, de profiter des conjonctures avanta- 
geuses qui s'ofi*riraient pour nuire à l'adversaire. » 
Les armée^s républicaines étaient à deux doigts de leur 
perte ; elles furent sauvées par la politique prussienne. 

» Massenbach, M(fm,, 1, 189-191; Wagner, 82-89. 



CHAPITRE VI 



BERGZABERN 



I. Wurmser. — Son armée. — Les émigrés. — II. Combats du 20, du 51, 
du 33 et du 34 août. — Le maire de Bergzabern, Adam Majer. — Re- 
culade des Français. — Doléances de Beaubarnais. — Sa démission. 



I. Pendant que les Prussiens faisaient contre Tarmée 
de la Moselle une démonstration menaçante^ Wurmser 
attaquait Tarmée du Rhin. Cet Alsacien, passé au ser* 
vice de TAutriche en 4762, avait alors soixante-neuf ans, 
et on le nommait déjà un a respectable vieillard >. Hus- 
sard de pied en cap, hussard non seulement par Tunî- 
forme, mais par Thumeur et les façons, il allait de Tavant, 
aveuglément, à bride abattue, et, jusqu'à là fin de sa 
carrière, il conserva cette folle bravoure, cette fougue 
impétueuse. L*armée le tenait pour le plus intrépide de 
ses généraux de cavalerie, et les jeunes officiers regar- 
daient avec admiration ce vaillant reîlre aux cheveux 
blancs, au teint coloré, au saog vif et chaud, qui payait 
si volontiers de sa personne et qui courait tout le jour 
sans que rien trahit en lui la moindre fatigue. Ce qu*oa 
lui reprochait, c'était sa surdité, c'était son entêtement, 



104 WISSËMBOURa 

c'était sa soumission à son fils, grand étourdi qui pré- 
tendait diriger les opérations et qui choquait par son 
arrogance Prussiens et Impériaux *. 

Mais le vieux soudard s*éiait promis de conquérir 
TAlsace, ou mieux, et comme il disait, de Tafïranchir. Il 
ne cessait de penser à sa chère province, et, de loin, la 
couvait des yeux. Fouler de nouveau ce sol maternel, 
reprendre possession des domaines de sa race, reparaître 
en héros et en libérateur, au milieu des cris d'allégresse 
et des transports de ses amis, dans ce pays où les 
Wurmser avaient fait figure, tel était son unique désir. Il 
déplorait, il maudissait de tout son cœur la mollesse et le 
le iaisser-aller des Prussiens ; mais, à force de vigilance, 
d*ardeur inquiète, d'infatigable activité, il comptait maî- 
triser la fortune*. 

Son armée se composait dlmpériaux et d'émigrés. Les 
émigrés formaient plusieurs corps : une avant-garde con- 
duite par Vioménil; le régiment de Hohenlohe, com- 
mandé par M. de Béthisy ; un régiment de deux bataillons 
qui réunissait, sous les ordres de M. de Gelb, toutes les 
compagnies d'infanterie noble ; trois divisions de cava- 
lerie. Mais ils ne dépassaient pas 5.000 combattants, et le 
nombre des officiers était presque aussi considérable que 
celui des soldats. Il y avait un état-major général de 
l'armée, un état-major de Tinfanterie, un état-major de 
la cavalerie et une quantité d'aides-marécbaux-des- 
logis, de sous-aides, de secrétaires, de copistes. On se 
serait cru dans une armée de cent mille hommes. Les 
princes et les officiers généraux s'entouraient chacun de 
huit à dix aides-de-camp. Gondé en avait trente, outre 



» Zeissberpr, I, 197, 208,263; d'Ecquevilly, I, 141. 
• Gebler, Oesterr. milU, Zeitsckrift, 1834, IV, 116. 



BBRGZABBRN 405 

trois aumôniers et six cuisioiers. Bien que le corps reçût 
sa subsistance des Impériaux, les commissaires des 
guerres, les adjoints, les gardes-magasins pullulaient. 
Ecclésiastiques, vieillards, femmes, domestiques, rem- 
plissaient les contrôles. L'Autriche s'irrita, menaça de 
dissoudre les Condéens, Mais les gentilshommes-soldats 
n^étaient pas moins mécontents : ils trouvaient que cette 
nuée d'officiers d'élat-major ne servait qu'à les couvrir 
de poussière et de boue, que la besogne se faisait mal, 
qu'on donnait de fausses directions, qu'on ne savait pas 
reconnaître les approches et les débouchés, déterminer 
les positions. « Nous végétons, écrivait l'émigré Corbière, 
avec onze sols par jour; une livre et demie de pain de 
munition ; nous sommes habillés de toutes pièces et cou- 
leurs, très mal armés; nous avons l'air de la misère 
même; personne ne me (tarait content; tout le monde 
veut commander : bref, je vois ici tous nos anciens vices 
et pas une vertu*. » * 

Aussi Wurmser ne se fiait-il qu'aux Impériaux. La 
plupart avaient senti la poudre. « Quotidiennement, disait 
le major de KÔckeritz, j'ai motif de vénérer le soldat 
autrichien : malgré ses fatigues et son dévouement, trop 
souvent inutiles, il est docile, sobre et brave. » Les capo- 
raux étaient excellents, et lorsqu'ils se promenaient dans 
le camp, une baguette de coudrier à la main, ils avaient 
la mine des centurions antiques : plusieurs obtinrent, 
par leur vaillance et leurs sérieuses qualités, le comman- 
dement d'une compagnie*. 

Les Croates, Szekler, corps francs hongrois, Serviens 
ou manteaux rouges qui formaient les troupes légères, 

> SaÎDt-Cjr, 1, 304-319 [mém. inédit sur le corps de Gondé] ; Zeiss- 
berg, I, 221 ; Corbière à Regnouf, 14 juin 1793 (A. G.). 
* Wagner, 182; Valenlini, 60. 



406 WISSBMBOURGh 

étaient indisciplinés et moins propres à vaincre qu*à 
piller les vaincus. Durant le jour, ils prenaient leurs 
aises et flânaient avec insouciance à travers les tentes ou 
dans les bois d'alentour. Dès que tombait la nuit, ils 
éteignaient leurs feux et couraient de tous côtés se 
mettre aux aguets, soit pour recevoir Tennemi, soit pour 
lui jouer un méchant tour. Un chef habile en aurait pu 
tirer grand parti; mais Laudon n'avait pas fait d'élèves, 
et c'était chez les Prussiens qu'on trouvait les batteurs 
d'estrade les plus actifs, les plus audacieux ^ 

II. Sitôt que Wurmser sut que Brunswick était à Pir* 
masens, il se mit en marche et, le 20 août, à Taube, il 
assaillait l'armée du Rhin en avant de la forêt de Bien- 
wald. Il avait formé ses troupes en cinq colonnes. La 
première, commandée par Hotze, se dirigea sur Erlen- 
bach; la deuxième, que menait Waldeck, sur Barbelroth; 
la troisième, sous les ordres de Meszaros, sur Miofeld. 
La quatrième, que conduisait Kavanagh, attaqua Jock- 
grim. La cinquième, composée en grande partie de 
Condéens, se porta sur Wœrlh. La journée fut san- 
glante, mais les Impériaux demeurèreut maîtres du 
champ de bataille. Hotze s'empara d'Erlenbach. Waldeck, 
dont la coloDue servait de pivot au reste de l'armée» 
s'établit à Barbelroth. Meszaros se logea sur les hauteurs 
de Freckenfeld. Kavanagh enleva le village de Jockgrim, 
s'avança jusqu'au Bieowald, franchit un abalis et poussa 
sur Wœrlh, après avoir capturé cinq pièces de canon. Le 
corps de Gondé prit possession de Pfortz. En vain le 

« V»lenUDi,66; Romain, II, 367-369; D'Ecquevilly, I, 140. Wurm- 
ser avait en outre deux bataillons et trois escadrons de Hesse-Cassel 
(contingent d'Empire) ainsi que plusieurs bataillons et escadrons du 
cercle de Souabe. 



BBRGZABBR!4 107 

général Ihler fondit sur les Hessois de Kavanagh à I9 
tète des dragons du 41» régiment. En vain il reçut deux 
blessures et répondit, par deux fois, à ceux qui le 
priaient de s'éloigner : « Ce n*est rien ! Chargeons ces 
bougres-là et vive la République 1 t En vain, lorsqu'il 
tomba frappé à mort, il animait encore ses cavaliers : 
c courage, mes amis, et ôtez-moi mes épaulettes pour 
qu'on ne me reconnaisse pas M » En vain Tadjudanl- 
général Desaix fut atteint à la figure, et, tout saignant de 
sa plaie, rallia deux bataillons*. « Nous essuyâmes, dit 
un patriote, des pertes considérables; les ennemis enle- 
vèrent notre artillerie volante; notre retraite fut forcée 
et même un peu précipitée '. » 

Mais le lendemain matin, 21 août, les Français resai- 
sirent TofTensive, et, sortant du Bienwald, dirigèrent leur 
principal effort contre les colonnes de Kavanagh et de 
Condé. Ils surprirent Tadversaire. Condé et son fils 
étaient au lit lorsque l'agresseur parut à l'entrée de 
Pfortz. Si Gilot\ qui commandait Tatlaque, eût fait 

1 C*él8it cet Ibler qui menait le vieux maréchal Luckner, et le 
Journal de la Montagne [do' 88 et 89] qui le traite de misérable înlri- 
gant, déclara que la perte n'était pas grande, et qu'au plus, i\ avait 
«réparé Ea conduite avec Luckner *. Dili'urih [Die Hesten in den 
Féldzûgen am Maine nnd JRheine, 1881, p. 328) dit quUhier tua de Ea 
main le lieutenant Winzingerode et tut tué aussitôt par le domestique 
de Winzingerode, un chasseur du nom d'Ëngel. Il y avait deux frères 
Ihler dans Tarmée française, tous deux de Thanr, en Alsace; Pdiné, 
Jean- Alexandre, se trouvait alors à Tarmée du Nord ; le cadet. Louis- 
Théobald, né en 1756, est celui qui périt le 20 août 1793 à Jockgrim ; 
« c*était un brave républicain », écrit le procureur-syndic du district 
de Wissembourg, Lambert, • et qui emporte tous nos regrets» 
(20 août, A. G.); cf. Et. Charavay^ Les généraux morts pour la 
fatrie, 1893,1, p. 9. 

s Milhaud, Borie, Ruamps, au Comité, 25 août (A, G.). 

» Gesck, der Kriege, I, 209; Gebler, 117-119; Zeissberg, I, 207; 
Journal de la Montagne^ n<" 89 et 96. 

* Gilot avait, le 27 juin, quitté le commandement de Landau, que 



408 WlSSBMBOUBa 

donner sa réserve qu'il avait envoyée avec Isambert 
sur la route de Scliaidt, les émigrés étaient culbutés dans 
le Rhin, et déjà Gondé appelait des bateliers au bord 
du fleuve. Mais Tafiaire, commencée avec énergie, ne fut 
que mollement soutenue. Wurmser rétablit le combat. 
Lui aussi s'était laissé surprendre, et on dit qu'il n'eut 
que le temps de se jeter sur le premier cheval qu'il 
trouva. Il se mit à la tête des trois compagnies de 
Gyulai qui bivaquaient dans les pâturages sur le 
chemin de Jockgrim à Woerth ; il reçut des renforts ; il 
assaillit Gilot impétueusement ; il lui prit six canons ; il 
le chassa de Hagenbach et de Bichelberg ; il le refoula 
sur Lauterbourg*. 

L'armée du Rhin, écrivaient les représentants, montre 
un courage opiniâtre. Le 23 août, elle tentait une nou- 
velle attaque contre Taile droite des Impériaux. On lutta 
de part et d'autre avec la plus vive animosité jusqu'à la 
nuit. Mais les Autrichiens ouïrent par triompher. Mes- 
zaros menaça le flanc droit des républicains et poussa 
ses avant-postes à Dierbach et à Schaidt *. 

Le 24 août, les deux armées en vinrent derechef aux 
mains. Holze avait ordre de marcher sur Bergzabern. 
Le village fut pris et repris sept fois dans la même 
journée avec un acharnement dont celte campagne offre 
peu d'exemples. Le maire, Adam Mayer, le futur gé- 
néral, le patriote, dont Tinitiative vigoureuse avait dé- 
cidé l'annexion de Bergzabern % combattait à la tête des 

les représentants avaient confié à Laubadère {Compte rendu^ par 
Ruamps, Borie, etc., 290). 

> Oescà, der Kriege, l, 210 ; Gebler, 119; note de Legrand (A. Q.); 
La Boutetière, L'Armée de Condé, 1881, p. 14. 

• Gebler, 121-122 ; Gesch. der Kriege, I, 210. 

* Cf. Mayencey 43. Jean-Adam Mayer, né le 25 décembre 1748, 



BBRGZABERN 109 

gardes nationaux de Tendroit. Mais, quelle que fût Tin- 
trépidité de Mayer et des carmagnoles, il fallut céder 
aux assauts multipliés des Autrichiens et à leur artil- 
lerie qui remportait par le nombre et le calibre. Les 
Français abandonnèrent Bergzabern, et, par les vignes et 
les sentiers couverts de cadavres, se replièrent sur les 
lignes de Wissembourg. 

Wurmser gagnait ainsi plusieurs lieues de terrain. Il 
s'installait en pleine forêt de Bienwald, entre la droite et 
le centre de Tarmée du Rhin. Aussi, cette droite se sen- 
tait si gravement compromise qu'elle se rejetait aussitôt 
dans Lauterbourg. Ferino, qui commandait Tavant-garde, 
était tellement inquiet qu'il fit placer sur le front des 
troupes vingt-deux pièces d'artillerie volante chargées à 
mitraille. Il n'avait plus d'autre cavalerie que soixante 
dragons; il les envoya battre la campagne en avant de 

était entré comme soldat au régiment des gardes suisses (13 février 
1768) et y avait obtenu le grade de sergent (2 juillet 1769). Le 
17 mai 1771, il recevait un congé absolu et rentrait à Bergzabern. 
Grand, bien fait, doué d'une force prodigieuse, et d'une bravoure 
à touie épreuve, bon chasseur, connaissant le moindre buisson deS 
alentours, il rendit à Tarmée républicaine des services signalés. Par- 
fois, lorsque les Autrichiens occupaient Bergzabern et logeaient 
dans sa propre maison, il disait aux soldats : c J'ai du bon vin 
dan^ ma cave, et ces bougres-là le boivent ; il n'est pas à moi, il 
est à la République ; allons le boire à ma santé I > On se rendait 
à Bergzabern, on chassait Tennemi, on poussait droit à la maison 
de Mayer, on buvait son vin, c et il est de fait, dit un officier, 
que lorsqu'il demandait des gens de bonne volonté, il s'en trou- 
vait un plus grand nombre que s'ils eussent été demandés par le gé- 
néral en chef, et ces parties de plaisir, qui se renouvelèrent souvent 
pendant plus d'un mois, finirent par vider une certaine quantité des 
foudres qui remplissaient les caves de Mayer. i Après la retraite du 
13 octobre, Mayer se fit partisan et l'on conte qu'armé de sa cara- 
bine et posté en tirailleur, il tua, dans une journée, jusqu^a dix-sept 
ennemis. Saint-Just et Le Bas lui donnèrent un brevet d'adjudant- 
général, chef de bataillon (9 brumaire an II] ; il le refusa. « Tu seras 
nommé, lui dit ^aint-Just; si tu refuses, tu seras considéré comme 



410 WISSBMBOURCI 

sa division el leur ordonna de se montrer partout, tant 
pour imposer à l'adversaire que pour rassurer l'infanterie 
et lui persuader qu'elle avait un puissant soutien *. 

Il était impossible, après de semblables revers, de con- 
server Beauharnais. Depuis la chute de Mayence et 
réchec de Germersheim, le jeune général, dégoûté de 
son rôle et comme accablé, ne cessait de se lamenter et 
de gémir. Il voyait l'armée se désaffectionner, lui im- 
puter sa reculade, lui refuser toute confiance. Les atta- 
ques des jacobins contre les nobles achevèrent de le 
pousser au désespoir. Vainement, dans un plaidoyer 
éloquent, encore qu'un peu long, il accusait d'ingratitude 
une nation qui proscrivait indistinctement ses amis et ses 
ennemis. Vainement il rappelait que certains membres 
des classes privilégiées avaient contribué de toutes leurs 
forces à détruire le despotisme et à rendre aux hommes 



démissionnaire, et, d'après la loi, envoyé à vingt lieues des frontières; 
choisis. > Mayer échangea contre un baudrier Técharpe tricolore quHl 
avait conservée. Mais un jour, Saint-Just et Le Bas le mandèrent de 
nouveau pour avoir des renseignements sur les redoutes de Woerth ; 
après quelques minutes d'entretien, Saint-Just écrivit trois lignes sur 
une table et remit le papier plié à Mayer : c Tu liras ceci en sortant 
dUci , nous t'ordonnons au nom de la République, d'attaquer les re- 
doutes ; lu les prendras ou tu seras guillotiné ; sors. * Mayer sort et 
lit le billet : c'était un brevet do général de brigade {\" nivôse an II] . 
Il attaque les redoutes et les prend. Devenu général de division 
(16 lloréal au II), il servit à l'armée du Nord, puis à celle de Sambre- 
et-Meuse. Son fils aîné, Adam, âgé de vingt et un ans, raccompa- 
gnait partout comme aide-de-camp et devint capitaine de cavalerie ; 
on jugeait qu'il < remplissait ses devoirs avec bravoure et exactitude »« 
Un autre de ses ûls, plus jeune, chargea deux fois l'ennemi, le sabre 
à la main. Mayer était modeste et nullement fanfaron. Legrand le vit 
à Bergzabern au mois de vendémiaire an IV; il venait d'être réformé 
après neuf ans et huit jours de services, et ne s'en plaignait pas ; il 
maniait la charrue avec autant de plaisir que son sabre ou sa cara- 
bine. (Note de Legrand, A. G.) 

* Note de Legrand (A. G.j. 



BBRGZABERN 144 

Texercice de leurs droits, que de bons curés combaltaienl 
les rebelles sur les bords de la Loire et se distinguaient 
dans les armées do la Révolution, que des nobles, des 
ecclésiastiques s'honoraient d'appartenir aux sociétés 
populaires. Les clubs assaillirent la « caste nobiliaire » 
avec un redoublement de fureur et celui de Strasbourg 
pria la Convention de décréter que les ci-devant n'occu- 
peraient plus une place quelconque dans toute la Répu- 
blique. Beaubaruais, de plus en plus triste et abattu» 
déclara que, dans de telles conditions, sa tâche était trop 
lourde, qu'il succomberait sous le faix, qu'il aimait 
mieux servir comme volontaire. « Il a de l'esprit, disaient 
les commissaires, et peut-être du patriotisme, mais son 
amour-propre est blessé. » A chaque instant, dans ses 
conversations et ses lettres aux représentants, au 
Comité, au ministre, avec une singulière insistance et 
comme sous l'obsession d'une idée fixe, Beauharnais 
répétait qu'il était noble et entaché d'un péché originel. 
Trois semaines durant, il ofîrit sa démission en affirmant 
qu'il n'avait ni la vigueur physique ni l'énergie morale 
nécessaires au chef d'une armée républicaine. Enfin, il 
devint malade et tomba dans un tel état de faiblesse et 
de langueur que Landremont dut prendre le commande- 
ment provisoire. Vinrent les combats du 20 août et des 
jours suivants. Beauharnais perdit la tramontane ; il fit 
sortir précipitamment de Wissembourg le trésor et la 
poste ; il ordonna d'envoyer sur le Geisberg toutes les 
troupes à l'exception de l'avant-garde, au-delà de Ha- 
guenau tous les équipages, et au parc d'artillerie les 
pièces qui se trouvaient sur des points très élevés. Les 
soldats, énervés par ses doléances perpétuelles, décou- 
ragés, méfiants, crièrent aussitôt qu'ils allaient battre en 
retraite. Cette fois, les commissaires, Borie, Milhaud« 



442 WISSEMBOURa 

Buamps, poussés à bout, n'hésitèrent plus; le 23 août 
ils acceptaient enfin la démission de Beauharnais et le 
sommaient de s'éloigner dans les six heures, à vingt 
lieues de la frontière. Bouchotte proposait de le rem- 
placer par Gllot. Les représentants firent agréer Lan- 
dremout qui avait, disaient-ils, montré dans les récents 
combats le plus grand sang-froid et la plus grande 
activité *. 



*■ Jfoff., 17 juin, 14 juillet, 24 et 27 août; Heitz, Les sœ. polit, dé 
Strasbourg, 1863, p. 272 ; lettres de Beauharnais, 3, 6, 11,18, 19 août; 
lettre du même à Méquillet, 22 août (c demain matin les lignes se- 
ront forcées à la droite ■), à Xaintrailles, Lafarelle et Beaurevoir, 
23 août, 1 heure 1/2 du malin; arrêté de Milbaud, Ruamps et Borie, 
23 août; les mêmes au Comité, 25 août (fV. G.) ; Compte rendu par 
Ruamps, Borie, etc., 6-9, 219-220; Sxposé de la conduite de Landre^ 
mont, 6. On sait que la guillotine attendait Beauharnais; c il est, disait 
Fouquier-Tinville, le complice des trahisons de Custine et sa retraite du 
commandement n*a été qu^une manœuvre pour faciliter la prise de 
Mayence en retardant la marche et les opérations de l'armée 1! * 
(A. N. w. 429.) 



CHAPITRE VU 



LA LEVEE EN MASSE 



I. Landremont. — II. Décrets da 16 et du 33 août. — La réquisition et la 

levée en masse. — Proclamations des représentants «t des généraux. 

*• Illusions de Landremont. — Désertion des agricoles. — Parodie da 

mouvement de 1793. — Témoignage d'un Alsacien. — III. Pandouradei 

de Wurmser et sa colère contre les Prussiens. 



I. Landremont servait depuis trente-cinq ans et 
comptait sept campagnes. Tous ses grades, jusqu'à 
celui de colonel, avaient été gagnés dans le môme régi-* 
ment, le 47^ dragons, ci-devant Schomberg. Noble comme 
Beauharnais et dévoué, comme lui, au système popu- 
laire, il avait obtenu, comme lui, Téclalante et prompte 
récompense de son civisme. Une année lui suffit pour 
devenir successivement colonel, général de brigade, gé« 
néral de division et général d'armée. Peu d'ofQciers ont 
eu, sous la Révolution, un avancement plus rapide. Il 
gardait néanmoins son franc parler et osait critiquer 
Bouchotle, Ses lettres, qu'il termine volontiers parles 
mots c salut et vicioire », respirent Tamour de la Répu- 
blique, l'ardeur de combattre, le désir de sauver l'Alsace 

WIS8BHB0URO. 8 



144 WISSKMBOUBa 

et la confiance dans le succès. « Nous liendroos ferme, 
écrivait-il, et mourroos lé; il faudra que renoemi nous 
passe sur le ventre ; je ne redoublerai ni de zèle ni de 
soins; j*ai toujours joué tout mon jeu. > Il joint à son 
fervent patriotisme un esprit réfléchi qui pressent les 
dangers et calcule toutes les chances: il met Schauen- 
burg en garde contre une surprise ; il ne s'abuse pas 
sur la force réelle de son armée et sur la valeur des 
lignes de Wissembourg ; il propose à Bouchotte de tâter 
Frédéric-Guillaume pour le détacher de la coalition ; 
mais Bouchotte répond que cette politique est « peu 
éclairée, peu nerveuse » et que les desputes ne traiteront 
jamais avec la France que pour la tromper ! Par mal- 
heur, la tâche qu^acceplait Landremont était immense, 
et, comme on Ta dit, il fallait plus que du courage et du 
talent pour commander Tarmée du Rhin dans un pareil 
état de désorganisation et de crise. Si Landremont ne 
manquait ni de bravoure ni d'activité, il n'avait pas 
l'expérience du monde; il ne connaissait pas les hommes; 
il n'avait pas encore dirigé de grandes opérations : aussi 
prit-il quelquefois d'imprudentes mesures et fit-il de 
mauvais choix *. 

^ Cf. Landremont à Bouchotte, 31 août ; Bouchotte au Comité, 
17 sept, et note de Legrand [Â. G.). Charles-Hyacinthe Le Clerc de 
Landremont était né à Fenestrange, le 21 août 1739. Engagé à la fin 
de 1758, au 17* dragons, cornette le 23 août 1760, lieutenant en second 
le 2 mars 1762, lieutenant en ptemier.ie 1" décembre 1763, capitaine, 
le 25 avril 1772, et pourvu d une compagnie le 5 mai suivant, com- 

-mandant le dépôt des recrues à la formation de 1776, capitaine en 
second le 30 janvier 1778, capitaine-commandant, le 5 avril 1780; 
Landremont était chef d'escadron depuis le 1*' mai 1788, lorsqu'éclata 

''laHévo'ulion. Pendant rannée 1790, avec cent dragons, il fut détaché 

: dans le Limousin pour protéger la circulation deô grains, et y organisa 
les volontaires. H rejoignit son régiment, en 1791, et Tannée suivante 
le mena dans l'Argonne. Sa nomination de lieutenant-colonel date du 

^3 novembre 1791, et celle de colonel, du 12 juillet 1792. Général de 



LA LEVÉE EN MASSE 445 

II. Il eut d'abord à surmonter les obstacles qu*il ren* 
contra dans la letée en masse. 

La Convention avait décrété le 46 août que le peuple 
français se lèverait tout entier pour défendre son indé- 
pendance et que les autorités constituées marcberaient à 
sa tè(e. Les généraux, disait Barère, méconnaissaient le 
tempérament national et laissaient leurs troupes mol- 
lir dans Toisiveté des camps. L*irruption soudaine était 
le seul moyen qui convint aux Français. lis devaient at- 
taquer les tyrans et les foudroyer ; au lieu de prolonger 
patiemment le tournoi, de jouer un jeu de calcul et de 
combinaison, d'opposer tactique à tactique, ils devaient, 
comme les Gaulois, n'employer que la rudesse et la bra« 
voure; ils devaient, par leur impétuosité naturelle, 
abattre le colosse de la coalition ; plus de guerres des 
rois ; il fallait faire la guerre de la liberté ! Semblable à 
Tinondation, la liberté c couvrirait des flots bouillon* 
nauts du courage et du patriotisme les hordes ennemies 
et renverserait en un instant les digues du despotisme I » 

Le 23 août paraissait un nouveau décret moins vague 
et emphatique. Tous les Français étaient en réquisition 
permanente; pendant que les hommes mariés forge- 
raient des armes et transporteraient des subsistances, 
que les femmes feraient des tentes et des habits, que les 
enfants mettraient le linge en charpie, que les vieillards 
prêcheraient la haine des rois, pendant que les maisons 

brigade, le 5 octobre 1792, il commanda successivement Pavant-garde 
de l'armée de la Moselle, sous Ligniviile, puis celle de Parmée du 
Rbio, sous Custine et Beaubarnais. Cf. sur lui, Mayence^ p. 85 et 
110, et son Eofposé de la conduite de Landremont, « Nous étions, dit- 
il dans VSxpozé {^. 71), neuf^ à l'armée du Rhin, de la même famille, 
non compris cinq qui servaient à Tarmée du Nord, et deux à Parmée 
de la Moselle ; pas un n'a émigré et ne porte les armes contre sa 
patrie. » 



116 WISSKMBOURa 

Batioaales se changeraient en casernes, les places pu- 
bliques en ateliers et les caves en mines de salpôlre, les 
jeunes gens de dix-huit à vingt-cinq ans iraient au 
combat, et se formeraient en bataillons, sous une 
bannière qui porterait rinscrlption : le peuple français 
debout contre les tyrans. 

Mais les représentants avaient devancé les décrets de 
TAssemblée et proclamé la levée en masse. Le Comité» 
plus sage, ne mettait sur pied que les citoyens dits de la 
première réquisition, les célibataires de dix-huit à vingt - 
cinq ans, qui s*organiseraient à peu près comme les vo« 
lontaires de 4791, en baladions de district^ composés 
chacun de neuf compagnies, commandés par un chef de 
bataillon et payés comme les autres troupes d infante- 
rie'. Les représentants allèrent plus loin. Le 2i août, 
Lacoste et Guyardin appelaient aux armes les départe- 
ments du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Moselle et des 
Vosges : les administrateurs devaient se répandre dans 
les communes; de toutes parts retentiraient les cloches 
et les tambours ; le tocsin sonnerait ; les habitants, munis 
de leurs instruments offensifs, se dirigeraient a grands 
pas vers les centres de rasseiiblement. 

Les généraux se joignaient aux représentants. Schauen- 
burg sommait ses compatriotes de défendre leurs mon- 
tagnes. Les tyrans, disait-il, se vantaient de conqué- 
rir l'Alsace et la Lorraine ; mais a devant la massue du 
peuple disparaîtrait cet échafaudage de ruses ». Il don- 
nait des instructions détaillées : tous les hommes dési* 



. ■ Armée de la Moselle : Moselle, 9 bataillons ; Meurthe, 9 ; Vosges, 
9; Hauie-Marae, 6 ; Côte-d'Or, 7 ; Nièvre, 9. Armée du Khin : Bas- 
Rhin, 4 ; Haui-Rtiin, 3; Doubs, 6 ; Haute-Saôoe, 6; Jura, 6; Ain, 9; 
Saôue-et- Loire, 7 ; Allier, 7 ; Indre, 6 ; Uhdae-et-Loire, 6. (if?»., 
9 septembre.) 



LA LBVâB BN HASSB 417 

gnés par les représentants se réuniraient au chef*lieu 
du district où ils trouveraient un officier d'état- major 
tiui les conduirait à leur poste, et il prescrivait de ti- 
rer de ces attroupements les gens les plus entrepre- 
nants, de mettre à leur tête d'anciens militaires qui se- 
raient en môme temps de chauds républicains et de les 
placer dans les défilés et les bois. 

Landremont agitait des mesures plus hardies. Il 
voulait amalgamer à ses bataillons les « braves » cam- 
pagnards. Il envoyait à la découverte, avec ses tirail- 
leurs, vingt-cinq villageois de Bischwiller, et il projetait 
de faire la guerre de paysans ^ d'attaquer crânement les 
Autrichiens avec huit à neuf mille montagnards qull 
attendait des Vosges. 

Les représentants Borie, Milhaud et Ruamps approu- 
vaient Landremont. Ils s^éiaieut transportés à Wissem-* 
bourg et ils voyaient avec joie les lignes de la Lauter se 
hérisser de piques et de faux manchées; ils passaient en 
revue plus de vingt mille agricoles accourus à leur 
voix; ils croyaient que cet élan soudain allait refouler 
les Austro-Prussieus ; ils se glorifiaient de lever une 
armée révolutionnaire capable, dans une bataille raugée, 
d'enfoncer Tadversaire et de Tanéanlir pour jamais. Leur 
collègue Lacoste, plus éloigné de la frontière, s'imaginait 
déjà que llnvasion était repoussée et osait écrire de 
Nancy à la Convention que plus de cent quarante mille 
hommes armés et formés en bataillons se rendaient sur 
la Lauter, que rien n'égalait leur Intrépidité, que les 
citoyens du district de Wissembourg s'étaient battus 
comme des lions, et avaient fait une boucherie des Impé- 
riaux, qu'un maire avait tué dix-sept ennemis et un 
autre patriote neuf ^ 

^ Borie au Comité ; Huamps et Milhaud à Borie, 22 août ; Schauea- 



448 WISSEMBOURO 

« On D'à pas besoio, disait Rûhl, d'être discipliné pour 
Taincre des brigands enrégimentés ^ » Il fallut bientôt 
eu rabattre. Schauenburg reconnut que la levée du dé- 
partement de la Moselle ne serait pas aussi nombreuse 
qu'on rayait cru ; il vit, en parcourant les postes, les 
deux tiers des bommes armés de fourches ou de longues 
perches surmontées d'un morceau de fer ; il avoua que 
les bandes du pays de Briey inspiraient plus de pitié 
que de peur *. 

Il en fut de môme à Tarmée du Rhin. Non seulement 
quelques communes du district de Barr se révoltèrent, 
et Ton dut dépêcher contre elles un bataillon de la garde 
nationale et les menacer du sort de la Vendée, déclarer 
dans une proclamation que tous les rebelles seraient 
passés au fil de Tépée, leurs maisons rasées et les forêts 
où ils se retranchaient, livrées aux flammes. Mais au 
bout d'un mois, tous ces nouveaux Spartiates qui, selon 
le mot des représentants, juraient de mourir à leur 
poste, avaient décampé ; c'était, non plus la levée en 
masse, mais la désertion en masse. Douze cents tenaient 
la position de Weiler; le jour suivant, ils n'étaient 
plus que cent cinquante ; chaque commune avait laissé 
deux ou trois des siens pour garder les baraques et les 
armes. De Lautcrbourg à Scheibenhard, on n'en trou- 
vait plus un seul, et ceux qu on avait aperçus n^étaient 
que des enfants. A Laulerbourg, sur six mille qu*on 

l)urg, proclam, du 24 août et lettre à Landremont, 28 août, et aux 
administrateurs de la Moselle, 31 août ; Landremont à Boucholtc, 
28 août ; Borie, Milhaud, Ruamps au Comité, 28 août et 19 «oûfc 
{Mon., du 24); Mon., du 8 sept, (lettre des représentauts près Parmée 
de la Moselle) ; Lacoste au Comité, 13 août (Â. G., et Mon,, 6 sept.) ; 
Rousset, Les Volontaires, 241 • 

i 29 août {Mon. du 31). 

* Schauenburg à Bouchotte, 7 septembre (A. G.). 



LA LEVÉE EN MASSE 419 

annonçait, (rois cents seulement se présentaient, et, la 
semaine écoulée, ils se hâtaient de rentrer au logis; 
d'un bataillon du district de Strasbourg, il ne restait 
que trois hommes. Les agricoles des Vosges avaient été 
envoyés à Schleilhal; mais ils partaient les uns après 
les autres; vainement l'adjudant général Wolff les for- 
mait en compagnies et leur faisait nommer des chefs 
provisoires : après avoir refusé de remplir leurs fonc- 
tions, parce qu'ils n'étaient que provisoires et ne tour 
chaient pas la paye de leur grade, les chefs improvisés 
de la levée vosgienne regagnaient leurs montagnes. La 
procession ou la naveile, comme dit le fils de Landre- 
mont, était continuelle ; les agricoles arrivaient un jour 
et détalaient le lendemain sans qu'on pOt les retenir; 
ils atteignirent une fois le nombre de huit à neuf mille, 
mais dans l'après-midi, la moitié disparaissait et vingt- 
quatre heures plus tard ils n'étaient pas deux mille. Ils 
finiront tous par s'évader, s'écriait Dubois *. 

Aussi Landremont fut-il aise de se débarrasser de ces 
auxiliaires qu'il avait exaltés d'abord et qui ne lui don- 
naient plus que du dégoût ; « s'ils étaient restés avec 
nous, disait-il, ils nous auraient peut-être causé une 
déroute. » Plusieurs passèrent à l'ennemi. Des pelotons 
entiers se mêlèrent aux bataillons autrichiens dans la 
forêt de Bienwald. Et pour ceux qui semblaient pa- 
triotes, avaient-ils « la résolution de combattre intrépi- 
dement » ; avaient-ils a une vive ardeur de tomber sur 



A Renkin et Berger à Bouchotte, 28 août {Mon, 3 sept.) ; proclama - 
tion de Ruamps à Milhaad, 24 août (Â. N. af ii> 135). Wolif à Lan- 
dremont, 9 sept.; Offenstein et Gilot à Landremont, 10 sept.; Duboiâ 
à X. . ., 22 sept.; Landremont à Bouchotte, 10 et 22 sept. ; Duvignau 
aux représentants, 15 sept.; mémoire du fils de Landremont, 9 nov* 
(â. g.) ; Rousset, Les Volontairt$, 246-254. 



420 WISSBMBOUBG 

Fadversaire »; montraient-ils une c contenance ferme » ? 
Landremont ne garda que les bataillons de Ghaumont, 
de Mirecourt, de Neufchâteau, de Toul ; encore étaient- 
ils presque incapables d'un seryice régylier^ 

Gouvion-Saint-Gyr raille justement cette parodie du 
mouvement de 4792. « Ces hommes enlevés à leurs 
familles, sans volonté décidée, sans ordre, sans disci- 
pline, presque sans chefs, oublièrent bientôt les grands 
mots avec lesquels on les avait persuadés. La plupart 
n'étaient pas encore hors de leur banlieue qu'ils retour-* 
nèrent dans leurs foyers, entraînés par leurs femmes et 
leurs enfants. Ceux qui joignirent Tarmée étaient mé- 
contents et en si mauvais état qu'il parut impossible 
d'en tirer le moindre service, de sorte que quand les 
plus éloignés arrivèrent, ils avaient déjà croisé en route 
les premiers qui avaient été renvoyés *• » 

Loin d'être utile aux armées, la levée en masse leur 
fit un tort considérable en leur ôtant une partie de leurs 
subsistances. Elle a, disait Euloge Schneider, c causé 
des frais énoimes, amené la disette et rendu la France 
ridicule aux yeux de l'adversaire' ». Les Allemands ne 
faisaient que rire de ces immenses et grotesques rassem- 
blements. « Ne tremblez pas pour les alliés, mandait-on 

^ Cf. les lettres de Landremont, et Gouvion Saint- Cjr, Mém,, I, 
79-SO. Mais voyez la confiance que les Mémoires doivent inspirer. 
D*après Saint-Cyr qui loue volontiers ses compatriotes touiois, le ba- 
taillon de Toul se composait presque entièrement d^anciens militaires 
et n^avail pas perdu le tiers de son effectif pendant la route. Or, 
Carez, commandant du bataillon, écrit qu'il est parti de Toul avec 
525 bommes ; à Blamont, il n'en avait plus que la moitié c et le plus 
grand nombre voulaient reconduire le drapeau a Toul • ; à Climbacby 
il n'a plus que 264 bommes, et, le 13 septembre, il ne commande qu'à 
150 bommes • peu ou point exercés » ! (A. G.) 
• » Saint-Cyr, I, 79-80. 

» Argos, \*' octobre 1793, p. 317. 



LA LBVâB EN MASSE 1^4 

de Sarrebrûck; la levée en masse ne les vaincra pas; 
ce n*est au fond qu'une farce dont les soldats français 
se moquent eux-mêmes, un spectacle nouveau pour 
amuser le peuple et détourner ses regards de la situa- 
tion ; ou bien ces hordes pacifiques fuiront à la vue de 
Tennemi, ou bien le mal qu'elles feront, forcera le gou- 
vernement de les envoyer à leurs troupeaux : le paysan 
mange en un jour la ration de quatre soldats. » Et bien- 
tôt le môme témoin ajoutait : « La farce n'a duré que 
trente jours, et pendant ces trente jours^ les paysans 
ont consommé des vivres pour plus de trois mois et 
demi*. » 

On Alsacien a décrit en traits saisissants cette levée 
d*bommes de (out âge et de toute condition, vêtus de 
blouses noires, blanches ou vertes, suivis de bœufs et 
de moutons^ traînant avec eux des voitures chargées de 
sacs de farine et de blé. Les généraux, dit-il, virent sur- 
le-champ que de pareils guerriers ne pourraient soute- 
nir la moindre attaque et ils les postèrent en seconde 
ligne, sans doute pour augmenter le désordre, si la re- 
traite devenait nécessaire. Cet Alsacien faisait partie 
d'un bataillon qui campait entre Bitche et la Petite- 
Pierre, dans un défilé, bien loin derrière Tarmée, sans 
artillerie et sans autres armes que des fusils de chasse 
ou des instruments de labourage. On se mit d'abord à 
son aise. On avait construit des huttes avec des branches 
d*arbres, comme à la fête des tabernacles ; on couchait 
paresseusement sur la paille; on mangeait le pain de 
la nation, et le dimanche les femmes et les filles du 
village, juchées sur des charrettes, apportaient à leurs 
hommes des jambons, des gâteaux et des fruits. Mais 

* Die Franzosen im Saargau^ 96-97. 



422 WISSEKIBOURQ 

on eut des paniques, de fausses alertes, tantôt parce 
qu'un chien aboyait dans le lointain, tantôt parce qu'une 
sentinelle avait tiré sur un renard qui flairait la soupe 
du bivouac ou sur un charbonnier qui passait. La 
viande, les légumes, le vin, la bière, l'eau-de-vie finirent 
par manquer. On ne touchait pas un sou. Le bruit du 
canon se rapprochai !• Peu à peu tout le bataillon s'es- 
quiva ; il ne resta que les officiers ^ 

Voilà où aboutit la levée en masse, c Nous avions fait 
poser un cordon à Haguenau, disent les représentants, 
pour arrêter les fuyards ; en peu de jours, nous filmes 
réduits à nos premières forces. » Dès le 28 août, ils au- 
torisaient le général en chef à renvoyer dans les com- 
munes les boulangers, les meuniers et leurs premiers 
garçons ainsi que les hommes nécessaires au battage et 
au transport des grains, et le 23 septembre, ils arrê- 
taient que les citoyens de la deuxième et de la troisième 
classe retourneraient dans les campagnes pour faire la 
vendange et ensemencer les terres. Seuls, les jeunes 
gens de la première classe de la réquisition devaient 
s'organiser en bataillons et ne s'absenter deTarmée sous 
aucun prétexte. Mais ceux-là mêmes se laissaient en- 
traîner par le courant de là désertion, et une nuit, mal- 
gré les ordres des représentants, la cavalerie du Bas- 
Bhin, nombreuse, bien montée, bien armée, quitta le 
camp de Wissembourg pour ne plus revenir'. 



' Dis Frankenrepublik^ Briefe uebfr Ft'ankreichs gegenwârtigen Zu- 
stand und ucberden Feldzug von 479S mit bssonderer Rûck$icht a»f 
dos Ehass^ Ton einem Âugenzeugen, 1793, p. 126-156 • 

* Arrêtés des* représentants du peuple, 28 août et 23 septembre 
(A. G.); Compte rendu par Ruamps, Borie, etc., p. 14; cf. Véron-Ré- 
ville, Hist. de la Bévol. franc, dans U d€part, d» Saut-Min, 1865, 
p. 124. 



LA LKYBB BN MASSE 4 23 

III. Ce ne fut donc pas la l6vée en masse qui sauva 
rarmée du Rhin dans les journées du 20, du 24, du 22 
et du 23 août, lorsqu'elle était aux prises avec Wurmser. 
Les soldats luttaient sur un sol accidenté, et animés par 
la présence des représentants Milhaud, Borie et Ruamps, 
qui se portaient au milieu du feu le plus vif de mous- 
queterie, ils disputaient le terrain pouce à pouce avec une 
vaillance obstinée. L'artillerie française qui, selon le mot 
de Saint-Gj^r, était alors ce qu'il y avait de plus instruit, 
ne cessait de riposter à Tartillerie autrichienne et d'en- 
tretenir des canonnades dont plusieurs, ignorées aujour- 
d'hui, égalaient en intensité celle de Valmy. Enfin, et 
surtout, Wurmser agissait seul et ne recevait des Prus- 
siens que plaintes et railleries. Frédéric-Guillaume lui 
reprochait de s'isoler et de s'enfoncer trop loin. Luc* 
cfaesini demandait qu'on a ôlât cette pierre d'achoppe- 
ment 9. Les officiers de Tétat-major se moquaient de ses 
pandourades, le traitaient de spadassin et de ferrail- 
leur^ disaient plaisamment qu'il allait tous les jours à 
la chasi^e aux Français et supputaient avec uoe joie 
maligne les pertes qu'il avait essuyées : er muss sehr 
geschlagen sein. Et, en effet, que pouvait Wurmser avec 
ses 30,000 Impériaux contre toute l'armée du Rhin? Il 
n'avait pas assez de monde, et Waldeck le blâmait jus- 
tement de mettre dans ses mouvements plus de housar- 
derle que de prudence : « On se canonne et se chamaille 
journellement, écrivait Waldeck, et on sacrifie inutile* 
ment des troupes dont le sang est si précieux à l'Etat *. » 

1 Ssinl-Cyr, I, 76 ; Zeissberp^, 1.208, 209, 227; Massenbach, I, 
186; rauftn, Raufer^Rauf^inn^ tels soDt les mois que les Prussiens 
emploient toujours en parlant de Wurmser ; cf. le Brieftoechsel dei 
Herzogs Karl Augtut mit Gœthe, 1863, I, 181 (le duc de Weimar 
parle ainsi de Wurmser: « er that ailes dièses fQr sich, ohne Befehl 



424 WISSEMBOURG 

Aussi Wurmser dut-il s*arrèter. Il n'engagea le 25 août 
que des escarmouches insignifiantes dans les environs 
de Schaidt et se borna, le 26, à faire une grande recon- 
naissance vers Steinfeld et Schweighofen'. 

Il ne renonçait pas toutefois à son dessein de forcer les 
lignes de Wissembourg. Il avouait que les Français 
étaient <k extraordinairement retranchés » et « pourvus 
d'une nombreusd artillerie >; qu'ils occupaient une 
« avantageuse position ». Mais, à diverses reprises, il 
pria Brunswick d'attaquer Wissembourg sur les der- 
rières : le duc, assurai t-jl. ne trouverait pas une vigou- 
reuse résistance, et l'armée du Rhin, prise à dos^ ne 
saurait repousser les assauts que les Impériaux tente- 
raient sur son front en différents points. Frédéric-Guil- 
laume, de plus en plus irrité contre l'Autriche, répondit 
sèchement à Wurmser qu'il attendait un plan d'opé- 
rations ; qu'il ne bougerait pas tant que Lehrbach ne 
serait pas arrivé ; que Brunswick n'avait pas emporté le 
camp de Hornbach et ne pouvait, en conséquence, tour- 
ner les lignes de Wissembourg; que Wurmser devait 
reculer, se poster entre Jockgrim et Offenbach, se lier 
davantage avec le corps d'armée que le roi commandait 
à Edenkoben ; a je ne vous donne pas un ordre exprès, 
disait le monarque, faites ce que bon vous semble, mais 
vous aurez l'entière responsabilité de vos actes. » 
Wurmser répliqua poliment qu'il resterait où il était; 



Tom KCnig dazu zu erhalten, oder von seinem Vorhaben za averti- 
ren ; so stockt die Sache), i 

» Zeifsberg, I, 213; Gesch. der Kriege, I, 211; Gebler, 124; 
Wurmser établit son quartier - général a Freckenteld; Waldeck et 
Gondé campèrent sur les hauteurs de Barbelrolh ; Uotze se trouyait 
au centre, à Bichelberg, dans le Bienwald ; Jellachich, à gauche, 8*t- 
dossait au Rhin, 



LA LBVÉB EN MASSE 4 25 

qu^il avait conquis le Bienwald après d'extrêmes efforts 
et ne désirait pas le reconquérir au môme prix; qu'il 
espérait obtenir encore des succès marqués; qu'en se 
repliant sur Jockgrim, il abandonnait à l'adversaire un 
c avantage inQni ». Mais il exhala son indignation dans 
ses rapports au cabinet de Vienne. Quoi! il regagnerait 
son ancienue position pour se lier au roi, comme si cette 
liaison, cette Verbindunç, servait à quelque chose ! Non, 
il tiendrait ferme ; il ne ferait pas les « démarches si nui* 
sibles » que Frédéric-Guillaume exigeait à cause des 
« affaires politiques »; il ne lâcherait pas, à son regret et 
à sa honte, le terrain qu'il avait arrosé du sang de ses 
braves troupes et si chèrement payél Et il maudissait 
ces Prussiens qui le tracassaient continuellement, ces 
fl perfides alliés » qui se fourraient dans leurs cantonne- 
ments et n'avaient plus envie de tirer un coup de fusiU 
Il était navré de voir comme l'empereur, son bon souve* 
rain, était joué et trompé M 

t Zeissberg, 215-217. 



CHAPITRE VIII 



LES PASSAGES DU RHIN 



Lehrbach au camp prussien. — Négociations inutiles. — Incendie de la 
forêt de Bienwald. — Projet de diversions sur le Rbin. — Combats du 
13 septembre. — Girardot au fort Vauban. — Sparre et Bizy. — In- 
cendie de Kehl. — La division du Haut-Rhin. — Falck, Monter, Yieus* 
seux. — Labruyère. — Passage de Huningue. — Embrasement de 
Vieux-Brisach. — Passage de Niffer. 



Le comte Lehrbach, ce diplomate autrichien que Fré- 
déric-Guillaume attendait, se présenta le 30 août au 
quartier général d'Ëdenkoben. Le roi déclara que Tinac- 
tion nuisait non seulement à la cause commune, mais à 
ses propres finances et à Thonneur ; la saison s'avançait; 
Farmée de Wurmser s*obstinait à forcer les lignes de 
Wissembourg que les plus grands stratégistes n'avaient 
emportées qu'avec beaucoup de temps et de prévoyance. 
Il soumettait donc à l'empereur un plan d'opérations 
qui, selon lui, réunissait tous les avantages: Wurmser 
se contenterait de couvrir les magasins de Frankenlhal 
et de Mosbach, et de garder la défensive entre Edenkoben 
et le Rhin ; l'armée prussienne, grossie de 8,000 Impé- 
riaux, tâcherait de prendre Sarrelouis eu y jetant des 



LES PASSAGBS DU RHIN 427 

bombes; sinon, elle bloquerait cette place et observerait 
Tbionville. 

« On ne veut pas, écrivit Lehrbach à Vienne, pour des 
raisons militaires et peut-être politiques, agir sur TAl- 
sace. » Mais s'il accusait les Prussiens de duper TAu- 
triche, rAulriche ne cherchait-elle pas à duper les Prus- 
siens? Lehrbach n'avait d'autres instructions que 
d' « amuser le tapis », et sa négociation, disait le mi- 
nistre Thugut, ne devait pas aboutir. Aussi ne parlait-il 
que d'équivalents, de dédommagements et du principe 
de la parité. C'était, comme on sait, le jargon diploma- 
tique de l'époque '• 

Durant ces pourparlers, les représentants, toujours 
inquiets, ardents, avides d'action , persuadés qu'une 
attaque générale ferait plier aisément les « satellites des 
despotes », excitaient Landremont à prendre l'offensive 
Ne s'avisèrent-ils pas de mettre le feu à la forêt de Bien- 
wald pour en déloger les Autrichiens ? Par malheur, il 
n'y avait dans le Bienwald que de grands arbres très 
espacés entre eux. A force de fagots goudronnés, un seul 
brûla * ! 

Le 8 septembre, se tint un Conseil de guerre auquel 
assistaient les représentants Milhaud, Ruamps. Borie, 
Mallarmé, Lacoste, Richaud, et les généraux Landre- 
mont, Ravel, Diettmann, Ferino, Munuier, Méquiilet, 
Meynier et Dubois. On décida d'assaillir l'adversaire 
dans la matinée du 42 septembre sur le haut, le moyen 
et lé bas Rhin '. 

* Wajçner, 90 ; Zeissberpj, I, 226-228 ; Hermann, Diplom, Corres' 
pondenztH, 1867, p. 399 ; Sorel, III, 494. 

* Ce fut le 2 septembre; cf. une lettre du 4 danâ le no 104 du Jour» 
nal de la Montagne et une note de Lep;raad [cV. G*)* 

■ Compte reniu par Ruamps, Borie, etc., il et 22o« 



428 WISSSMBOURa 

Mais, disent les commissaires, cette journée du 42 sep- 
tembre, qui devait être célèbre, ne présenta que tra- 
hison. 

Trois colonnes, dirigées par Dubois, Desaix et Mi'* 
chaud, poussèrent vigoureusement les Autrichiens dans 
la forêt de Bienwald. Landremont prétend qu'elles au* 
raient tué 2.000 hommes, emporté deux batteries, en- 
cloué trois canons et un obusier, fait toute une com- 
pagnie d'artillerie prisonnière. En réalité, les Impériaux 
eurent 30 officiers et 4,426 soldats hors de combat. Mais 
ils conservèrent le champ de bataille. Holze et Jellachich 
refoulèrent les patriotes sur Lauterbourg. La colonne 
frapçaise qui marchait contre le prince de Gondé, se re- 
tira lorsque Waldeck menaça son flanc et ses derrières. 
La garnison de Landau qui tentait une sortie, fut re- 
poussée à Imsheim par le général Spleny. « Nous n*avons 
pas perdu de terrain, écrivait Ravel, mais nous n'avons 
pas fait de progrès; nous sommes toujours dans la môme 
position ^ » 

Quant au passage du Rhin, il n'eut lieu nulle part, et 
la grande tentative que prônaient les commissaires de la 
Convention, avorta sur tous les points, à Fort-Louis, à 
Strasbourg, à Huningue et à Niffer. 

Le commandant temporaire de Fort-Louis était Gham- 
barlhiac; mais* pour mieux assurer le succès, Landre* 
mont avait donné mission au général Girardot de diriger 
le passage. Girardot trouva dans Fort-Vauban une gar- 
nison de 4,400 hommes dont 800 de la réquisition de 
Strasbourg; la plupart n'avaient pas encore dix-huit 

» Geseh. der Kriege, J, 213; Gebler, 125-127; Remling, I, 372; 
Mon, du 25 sept.; D*Ecquevilly, 1, 154-158; le général d'arlUlerie 
Ravel à l'adjoiut Pupin, 13 sept. (A. G.). 



i 



LES PASSAaES DU RHIN 429 

ans ; ils ne faisaient que d'arriver ; ils étaient armés de 
piques ou de fusils qu'ils ne savaient pas charger. Gi- 
rardot demanda des pontonniers et des bateliers : les uns 
avaient été requis par la place de Strasbourg; les autres 
se cachaient. On ne put ramasser que hjuit pêcheurs 
nullement exercés et qu'il fallut enlever de force à leurs 
villages. Chambarlhiac conseillait à Girardot de ne tenter 
qu'un simulacre d'attaque. Ëtalt-il sensé de jeter un 
pont sans avoir au préalable débusqué l'adversaire de la 
rive opposée ? Ne voyait-on pas deux batteries qui don- 
naient sur le lieu du passage? Girardot allégua ses ins- 
tructions. Il ordonna de jeter le pont, et toute la nuit fut 
employée au travail. Mais, à six heures du matin, on 
n'avait assemblé que deux bateaux, et lorsque les 
ennemis ouvrirent leur feu, les mariniers s'enfuirent* 
Girardot voulait néanmoins achever la besogne corn** 
mencée et ponter des bateaux jusqu'au parapet des 
batteries autrichiennes. Il finit par comprendre qu'on 
n'opère pas ainsi le passage d'un grand fleuve ^ 

Même échec à Strasbourg. Sparre, qui commandait 
dans la Basse- Alsace, devait assaillir Kehl le 12 sep- 
tembre, à quatre heures et demie du matin. Il répartit 
ses troupes en trois colonnes. La colonne de droite, con* 
duite par le général Bizy, marcherait sur le Neuhof et 
la redoute du polygone ; un détachement formant l'avant* 
garde, traverserait le Rhin sur des bateaux et emporte- 
rait une batterie autrichienne dont le feu rendrait le 
passage difficile ; le reste de la division s'embarquerait 
ensuite. La colonne du centre comprenait 4,500 hommes ; 



> Note de Legrand [A^ G.]; Compte re^di^^^x Raamps, Borie, etc., 
226. 

Wl88BMB0URa. 9 



4aO WISSBMBOUBa 

elle camperait dans llle du Rhin, à rextrémité de la cita- 
delle ; puis elle filerait par le grand pont et pénétrerait 
dans Eehl au même instant que la colonne de droite. La 
colonne de gauche, aux ordres du général Thévenot' et 
de Tadjudant général Jullien, gagnerait la Robertsau et 
la redoute de la Carpe Haute, mais ne ferait qu'une 
fausse attaque. 

Le 1 4 septembre, à six heures du soir, les troupes dont 
se composait la colonne de droite, partirent de Stras- 
bourg par différents points pour cacher leurs mouve- 
ments. Mais on avait oublié de leur donner des guides 
qui connaissaient les routes. Deux heures leur suffi- 
saient pour atteindre le lieu de rassemblement ; elles 
s'égarèrent dans les ténèbres et il fallut leur envoyer 
ordonnance sur ordonnance pour les remettre sur le bon 
chemin. A minuit, elles n'étiaient pas encore à leur 
poste. Enfin, elles arrivèrent toutes et s'apprêtèrent à 
s'embarquer. Mais la plupart des bateliers refusèrent 
leurs services, et Bizy ne disposa que de onze petits 
bateaux, capables de porter chacun une dizaine d'hommes, 
t Le cœur navré de douleur, écrivait-il à Sparre, je vous 
annonce la trahison des fameux bateliers de ce pays. » 
Néanmoins, cent dix volontaires, commandés par le chef 
du 42^ bataillon du Jura, entrèrent dans les bateaux. A 
peine au milieu du fleuve, les mariniers déclarèrent 
qu'ils n'iraient pas plus loin. On usa de prières, de me* 
naces, et ils consentirent à pousser jusqu'à Eehl. Mais 
Tendroil où Ton se proposait d'atterrir n'avait pas été 
reconnu. On rôda longtemps et à l'aveuglette parmi les 
lies Innombrables qui couvraient le Rhin ; on dériva> 
puis on remonta le courant pour dériver de nouveau ; on 

* François Thetenot était général de brigade depuis le 30 juin 1793« 



LBS PASSAGBS DU BHIN 434 

perdit plusieurs heures ; le jour parut, et l'opération fut 
abandonnée. Le 4^'^ bataillon de la légion strasbour- 
geoise s'était si mal comporté que Bizy, indigné de cet 
« égarement funeste », jura d'employer la rigueur si 
« la discipline et la tranquillité ne renaissaient pas »• 

Sparre commandait la colonne du centre. Il détacha 
150 chasseurs du Rhin qa*il chargea de traverser lo 
fleuve et d'examiner les mouvements de l'adversaire au 
dessus du pont, à droite de Kehl. Les chasseurs débar- 
quèrent dans une île séparée de la rive allemande par un 
petit bras qui ne contenait que très peu d'eau. Le capi« 
faine et un officier du génie passèrent facilement ce bras, 
et virent une batterie rasante dont on avait jusqu'alors 
Ignoré rexistence. Ils allèrent plus loin; une sen* 
tinelle fit feu, et à ce coup de fusil, les Autrichiens tiré- 
rent de toutes parts sur rile où étaient les chasseurs. 
On regagna l'autre bord au milieu des boulets. 7 hommes 
furent blessés et un bateau coula, heureusement tout 
près de la rive française . 

Cependant Sparre s'elforçait de rétablir la dernière 
travée du pont qu'on avait coupée après la déclaration 
de guerre. Mais l'ennemi s*aperçut du travail ; il 
comprit que les républicains se préparaient à passer, et, 
sur-le-champ, il mit le feu à Tautre extrémité du pont*. 

c Le coup est manqué, on brûlera Kehl I » s'écria le 
représentant du peuple, lorsqu'il entendit tonner les 

> Legrand prétend qu'on n'aurait pas dû, dès le début de la guerre, 
couper la dernière travée du côté français. Un bras du Rhin ne sépa* 
rait-il pas le pont et la citadelle? Les ennemis pouvaient-ils surprendre 
la garde du pont, et, cette garde surprise, s'établir dans l'ile, à l'ex* 
irémité du pont, sous le feu même de la citadelle ? Bizy avait proposé 
de faire soutenir la travée sur des bateaux attachés à un câble très 
fort : il suffisait de couper le câble au dernier moment, et la rapidité 
du courant entraînait la travée. 



432 WISSBMBOURG 

pièces d*artillerie de la rive droite. Eehl fut brûlé. Le 
43 septembre, à cinq heures du matin, Sparre installait 
sept batteries de douze mortiers et huit canons servis 
à boulels rouges. Le bombardement dura trois jours et 
trois nuits. La maison Oii Beaumarchais avait établi son 
imprimerie, plusieurs maisons du village, toutes les 
maisons du fort furent consumées par les flammes. 
Mais à quoi bon ces incendies ? Kehl n^appartenait pas 
à TAutriche, et les Strasbourgeois y avaient un très 
grand nombre de villas et de propriétés. La citadelle 
était abandonnée depuis longtemps. Ne devait-on pas 
songer que Kehl fournissait une excellente tète de pont, 
soit qu'on voulût franchir le Rhin pour entrer en Alle- 
magne sans obstacle, soit qu'on dût, après des revers^ y 
chercher un abri pour repasser le fleuve et préparer vi- 
vement un retour offensif * ? 

« Il est urgent, disaient les commissaires de la Con- 
vention, de prolonger les attaques dans le Haut-Rbin. « 
Il y avait, en cette partie de TAlsace, une division im- 
proprement qualifiée d'armée. Elle était naguère com- 
mandée par Falck, homme infatigable qui passait le jour 
et la nuit à cheval, veillait sans cesse à toutes choses et 
semblait se multiplier. Mais les volontaires du 4<' ba- 
taillon du Yar arrêtèrent le général Monter dont ils dé- 
testaient la sévérité, sous prétexte qu'il portait un sabre 
fleurdelisé. Falck, indigné, se plaignit aux représentants. 

' ' Note de Legrand ; rapport de Tofficier • placé à Pobservatoire de 
la plateforme de la métropole de Strasbourg • ; Tholmé à Diècbe, 
10 sept.; Dièche à Bouchotte, 14 sept.; Landremont a Schauenburg, 
13 et 15 sept. ; Bizy à Sparre et au commandant de la 1'* lésion stras- 
bourgeoise, 12 sept. (A. G.) ; Compte rendu par Ruamps, Borie, etc., 
p. 229 (lettre de Kaclot à Sparre); StrobeUEngelbardl, Vaterl. Gesch, 
des Slsarses, V, 1849, p. 196. 



LES PASSAGES DU BHIN 433 

Malgré ses plaintes, Ruamps et Borie envoyèrent Monter ^ 
et son aide-de-camp Mathieu dans les prisons de Stras- 
bourg, puis au tribunal révolutionnaire de Paris. Falck 
donna sa démission : pouvait-il rester dans une armée 
qui se mettait en insurrection et qui menaçait de pendre 
ses chefs ou de leur couper la tête? Vieusseux le rem- 
plaça. Plein d'activité, d'intelligence, il aurait été, avec 
le temps et un peu plus d'expérience, un excellent gé- 
néral ; mais son commandement ne dura pas un mois. 

Les représentants Lacoste et Guyardin étaient venus 
à Huningue et ordonnaient de passer le Rhin dans la 
matinée du 4 2 septembre. Vieusseux tint conseil de guerre 
eJt répondit aux commissaires que l'entreprise était im- 
possible : il n'avait pas de cavalerie ; sa division manquait 
de tout et se composai! de nouvelles levées ; pas de ra- 
deaux, pas d'ouvriers pour les construire, pas de pon- 
tonniers : il faudrait, durant plusieurs jours au moins, 
à l'aide des bateliers du pays, dresser des volontaires 
à monter et à démonter un pont. Les membres du Con- 
seil, l'adjudant-général Fontenay, le capitaine d'artille- 
rie Fuchsamberg, l'ofûcier de son arme le plus instruit 
peut-être et le plus actif qui servît la République, le 
général d'Arçon qui visitait alors les frontières du nord- 
est, les chefs de bataillon^ tous partagèrent l'opinion de 
Vieusseux. Mais Lacoste, à demi couché sur la table, 
s'écria que le passage devait s'exécuter. Vainement 
Guyardin essayait de l'apaiser. Lacoste, en proie à un 
accès de colère, ne cessait de répéter que les satellites 
des tyrans avaient passé le Rhin et que les hommes 
libres ne pouvaient être moins hardis que les esclaves, 
c Nous oserons tout, dit un des officiers, et nous pas- 
serons le Rhin sur l'heure, si vous nous fournissez les 
moyens. — Ces moyens, répondit Lacoste, je vous les 



134 WlSSBMBOURa 

promets. — Eh bien, nous passerons », répliquèrent 
unanimement les membres du Conseil. 

Vieusseux demanda des renforts à Landremont. Mais le 
général objecta que les ennemis ne lui donnaient pas de 
relâche, qu*il se battait soir et matin, qu'il réclamait lui- 
même de la cavalerie, qu'il était obligé de renforcer son 
infanterie par les agricoles des districts de Wissembourg 
et de Haguenau. Quelques jours plus tard, Vieusseux fut 
destitué et remplacé par Labruyère '. 

Labruyère semblait tomber des nues; il ne connaissait 
personne dans la division du Haut-Rhin, il n'avait jamais 
vu le terrain et il venait diriger une opération difficile. 
Il s'empressa de déférer à la volonté des représentants* 
Le commandant de Huningue eut ordre de faire cons- 
truire sans délai, pour le 43 septembre, quatre grands 
radeaux, capables de porter chacun une pièce de cam- 
pagne et cent soldats. Ces radeaux ne furent achevés que 
le 46 septembre; mais le 47, sur Tinjonction des com- 
missaires, le passage eut lieu. On avait vaqué, la veille 
au soir et jusque dans la nuit, à tous les préparatifs. On 
entraîna de vive force les bateliers de Village-Neuf. On 
prit, où Ton put, de méchantes cordes qui servirent de 
câbles. On transporta sur la grève les radeaux démontés, 
on les assembla tant bien que mal et, à la pointe du 
jour, on les mit à l'eau. Les bateliers reculèrent d*effroi : 
les poutres, disaient-ils, étaient d'un bois trop vert; elles 
avaient été grossièrement réunies; ils n'oseraient jamais 
diriger vers l'autre bord ce plancher si frôle, si peu so- 
lide, qui s'affaisserait sûrement sous la charge des soldats 

^ Parce qu'il avait alarmé les Suisses en rétablissant la batterie de 
Huniogue qui menaçait Bâle, et n'avait pas su c concilier les mesures 
qu'exigeait la sûreté de nos frontières avec les égards que commandait 
la neutralité helvéUque . (Papiers de Barthélémy, III, 28). 



LES PASSAGES DU BHIN 435 

et du canon. Mais Labruyère menaça de les fusiller, et 
ils ne soufflèrent plus mot. On monta sur trois radeaux; 
le quatrième restait inutile faute d'agrès et de mariniers. 
Les craintes des bateliers se vérifièrent aussitôt : il était 
impossible de mettre sur chaque radeau, comme La- 
bruyère l'exigeait, une centaine d'hommes et une pièce 
d'artillerie. On n'embarqua donc que deux compagnies 
de grenadiers, du 4® et du 40® bataillons du Doubs; en- 
core ces braves gens, au nombre de deux cents, avaient- 
ils de Teau jusqu'aux genoux. Ils dérivèrent cependant 
aux cris de : Vive la République ! qu'une foule de specta- 
teurs répétait avec enthousiasme. 

Les Autiichiens avaient installé des batteries en face 
de Huningue : ils tirèrent sur les radeaux et ne bles- 
sèrent personne; la distance les empêchait de bien 
ajuster. Par malheur, au premier coup de canon, les 
volontaires se baissèrent instinctivement et le radeau 
s'enfonçant sous leur poids, l'eau s'éleva jusqu'au- 
dessus des genoux et mouilla les cartouches dans les 
gibernes. Enfin, on atteignit la rive allemande. Mais on 
ne sut pas arrimer les radeaux ; on manquait de câbles, 
parce qu'on les avait soit coupés, soit oubliés au départ ; 
on craignait que les bateliers n'eussent l'idée de regagner 
Huningue. Quelques soldats demeurèrent avec les mari- 
niers, et les trois radeaux, entraînés par le courant, 
butant de distance en distance contre les épis, criblés de 
balles et de mitraille, ne tardèrent pas à couler. Tous 
ceux qui les montaient furent tués ou pris ; deux bate- 
liers périrent, trois autres se rendirent, le reste put se 
sauver à la nage. Quant aux volontaires débarqués sur 
la rive droite, que pouvaient-ils faire contre les Autri- 
chiens ? Devaient-ils les attaquer dans leurs redoutes ? 
Ils étaient en trop petit nombre ; ils n'avaient que des 



136 WISSEMBOURGh 

cartouches mouillées ; ils n^attendaient pas de secours. 
Ils se jetèrent en pays neutre, au Petit-Huningue, sur le 
territoire de Bâle. Désarmés et ramenés à la limite de 
TEmpire, ils passèrent le Rhin sur des nacelles et ren* 
trèrent dans la place. Les Autrichiens tentèrent le même 
jour de bombarder Huningue, et, de huit heures du matin 
à dix heures et demie, tirèrent cinq cents coups sur la 
Tille ; ils ne tuèrent pas un seul homme et ne ârent que 
dégrader quelques toits. En revanche, les Français dé- 
montèrent un de leurs canons et endommagèrent consi' 
dérablement leurs parapets et leurs redoutes; une seule 
volée leur enleva trois artilleurs '. 

Les représentants répondirent au bombardement de 
Huningue par Tincendie de Vieux-Brisach. Le général 
Gromard ' ne devait d'abord exécuter qu'un simulacre 
d'agression pour détourner Tattention des Autrichiens. 
Mais Lacoste ordonna de détruire Vieux-Brisach. Le 45 
septembre, à cinq heures du soir, quatre mortiers et sept 
canons de 46 et de 24, installés au fort Mortier, jetèrent 
sur la ville une grêle de projectiles. Une petite batterie 

1 Ordre de Borie et de Ruamps, 7 août; Faick à Beauharnais, 
8 août; Landremont à Vieusseuz, 30 août; ordres de Labruyère, 
12 sept., et de Sorbier, 16 sept.; le commandant de Huningue à Bou- 
chotte, 22 sept.; Milhaud, Lacoste et Guyardin au Comité, 18 sept.; 
note de Legrand (À. G.) ; Bacber et Hivalz à Deforgues, 19 et 
20 sept. {Papiers de Barthélémy, III, 62-63 et 65-66); cf. sur Falck 
Sapei, de Custine, 2, et Cbaravay, Corresp. de Carnot, I, 76; sur 
Monter, Cbaravay, Corresp, de Carnot, 1, 416 ; sur Vieusseux, général 
de brigade depuis le !«' septembre 1792, Retraite de Brunswick^ 16 ; 
Eickemeyer, Denkw., 203 ; Papiers de Barthélémy, III, 19; Sedilloi 
disait de lui que f noble genevois et marié en Suisse, il déplaisait à 
l'armée • (aux représentants, 16 août 1793. A. G.). 

* Gromard [Jean-Gaston-Quentin] était général de brigade depuis 
le 7 septembre 1792, et de division depuis le 8 mars 1793. il fut rem- 
placé à Neuf-Brisach le 4 octobre par OfTenstein. 



LBS PASSAGES DU RHIN 437 

de quatre pièces, établie à droite, dans Vile de Reinacb, 
faisait avec la grande batterie du fort un feu croisé. On 
tira jusqu'au 49 septembre et on dépensa quatorze mil- 
liers de poudre. La vieille cité fut réduite en cendres. 
Les flammes qui la dévoraient répandaient une telle 
clarté qu'on pouvait lire un journal en pleine nuit à 
plus d'une lieue. Pas une maison n'était intacte. Trois 
ans après, Vieux-Brisacb n'offrait aux regards que des 
décombres, des pans de mur calcinés, des rues encore 
pavées et couvertes d'berbe ; tous les habitants avaient 
fui ; il ne restait de la population qu'une poignée de 
malheureux qui vivaient sous les voûtes des caves ou 
dans des huttes au pied de la montagne. 

Voilà, écrivaient les représentants, un repaire de moins j 
et l'on mandait de Bâle au Moniteur que la foudre répu- 
blicaine avait anéanti la ville : « effet terrible de la juste 
vengeance d'un peuple libre I » Mais qu'était Vieux-Bri- 
sacb, sinon un grand village ouvert, depuis que les 
Impériaux avaient, en 1744, rasé tous ses remparts? 
Livrer Vieux-Brisach à ce cruel et inutile embrase- 
ment, n'était-ce pas se priver d'une tête de pont qui 
ferait défaut aux républicains lorsqu'ils passeraient pluà 
tard sur l'autre bord ? N'était-ce pas s'aliéner le Brisgau, 
et ne vit-on pas aussitôt les paysans indignés se lever 
en masse et s'attrouper sur la rive pour interdire le pas- 
sage aux carmagnoles ? 

Les Autrichiens essayèrent de prendre leur revanche 
le 6 octobre. Ils bombardèrent le fort Mortier de dix 
heures du matin à huit heures du soir. Mais eux aussi 
perdirent leur temps et leur peine. Le fort n'était qu'une 
demi-lune retranchée à la gorge qui s'ouvre sur le Rhin. 
Yainement les canonniers impériaux tirèrent avec une 
merveilleuse adresse et lancèrent sur le fort plus de dix 



438 WISSBMBOURa 

mille projectiles ; ils ne tuèrent qu*un seul homme et 
tant de fracas n*aboutit qu'à briser des tuiles, des lattes 
et quelques chevrons '. 

L'incendie de Vieux - Brisach et la tentative de 
Huningue n'étaient que des diversions. La véritable 
altaque fut celle de Nlffer. Le 40 septembre, Labruyère 
avait reçu de Landremont l'ordre de traverser le Rhin 
entre Neuf-Brisach et Huningue avec toute sa division 
et de marcher sur Fribourg-en-Brisgau. Le général 
donna sur-le-champ les instructions nécessaires. Mais 
les bateaux destinés au passage étaient restés longtemps 
sur le glacis de Huningue, exposés aux intempéries des 
saisons, et Beauharnais les avait fait récemment trans- 
porter à Golmar, sur la rivière d'IU, pour les réparer. Il 
fallait les raccommoder et les mettre en état de servir ; il 
fallait en outre se procurer douze cents chevaux pour les 
retirer de rill et les conduire au Rhin, à quelques lieues 
de là. Le passage ne pouvait donc s'exécuter le 44 sep- 
tembre, comme le voulaient Landremont et Labruyère. 
En vain les représentants Lacoste, Milhaud, Guyardin 
se rendirent à Golmar et déclarèrent que la division du 
Haut-Rhin devait franchir le fleuve sans nulle remise. 
On leur prouva qu'il était impossible d'entreprendre 
aussitôt l'opération. Ils accordèrent, tout en maugréant, 
un délai de plusieurs jours et fixèrent le passage au 44, 
puis après de nouveaux et inévitables retards, au 46 
septembre. 



1 Milhaud, GuyardiD, Lacoste au Comité, 18 sept., note de Legrand 
(A. G.) ; Aug. Stoeber, Curiosités de voyages en Alsace^ 1874, p. 297 ; 
Sigmuad BilliDg, Kleine Chronik der Stadt Colmar^ p. Waltz, 1891, 
p. 299-301 ; Coste, Not, sur Vieux^Brisach, 1860, p. 285; E. Martin, 
Die Zerstôrung Breisachs durch die Frantosen^ 1874^ p. 1-22. 



LBS PASSAGES DU RHIN 439 

Niffer avait été choisi comme lieu d*embarquemeQt : 
en cet endroit, le Rhin était assez resserré, et Ton pou- 
yait y jeter un pont avec le petit nombre de bateaux 
qu*on avait. Mais les bords opposés offraient, ainsi que 
sur toute la rive droite, un escarpement difficile, et des 
hauteurs de Rheinweiler, l'ennemi découvrait sans peine 
les moindres mouvements des républicains. 

Enfin, parut le 46 septembre, impatiemment souhaité 
par les commissaires de la Convention. Les bateaux 
envoyés de Colmar se trouvaient sur leurs baquets der- 
rière la forêt de la Hart, et devaient être à minuit sur la 
rive et à trois heures sur le fleuve. Mais Tordre du départ 
ne parvint que très tard à Tofficier qui les gardait. Les 
chemins n'étaient pas jalonnés à travers les bois ; les 
ordonnances chargées du message, puis les officiers, 
puis Tadjoint, puis Tadjudant-général Fontenay qui ' 
coururent successivement hâter rarrivée des bateaux, 
s'égarèrent dans la Hart par la nuit obscure et la pluie 
battante. Au lieu de partir à dix heures du soir^ le 
convoi ne s*ébranla qu*au grand jour. 

Les représeatants auraient mieux fait de remettre 
l'entreprise au lendemain. Ils commandèrent de jeter le 
pont incontinent et de lancer les bateaux au fur et à 
mesure qu'ils arriveraient. En attendant, deux batail- 
lons passeraient sur l'autre bord pour se saisir des hau- 
teurs de Rheinv^eiler et douze canons protégeraient leur 
descente. Mais, sur Tordre des représentants, les pièces 
tirèrent aussitôt, avant l'embarquement des troupes, 
comme pour avertir Tadversaire et annoncer Tattaque. 

On accouple les bateaux trois à trois. Un intrépide offi- 
cier, Roumilhac, adjoint à Pétat-major et capitaine au 33* 
régiment, part avec 430 hommes. Mais au milieu du 
fleuve il est assailli par un feu roulant; les bateliers 



140 WISSBMBOURO 

effrayés ne veulent pas accoster, et voilà Roumilhac qui 
dérive au gré des eaux. On vole à son aide; trois autres 
bateaux sont à peine assemblés que le brave Goste, 
commandant du i^ bataillon de la G6te-d'0r, s'élance 
avec une partie de ses volontaires ; il a le môme sort que 
Roumilhac; il essuie une grêle de balles et ses mariniers 
épouvantés refusent d'atterrir. On fait un troisième 
accouplement de bateaux, et dans leur impatience de 
secourir leurs frères d*armes, les républicains n'at- 
tendent môme pas que la troisième barque soit ajoutée. 
Mais eux aussi sont accueillis par une violente mous- 
queterie, et que peut leur feu divergent contre le feu 
convergent de Tennemi qui tire sur eux à coup sûr? 
Vainement un bataillon, posté dans une petite île près 
de NifTer, les soutient de son mieux par une très vive 
fusillade. Les trois détachements, emportés par le cou- 
rant, finirent par prendre terre, et criblés de projec- 
tiles, accablés sous le nombre, incapables de se déployer 
sur un bord escarpé, se rendirent à merci. 

Pendant ce temps Labruyère et les représentants 
s'efforçaient d'attacher et de jeter le pont. Mais les pon- 
tonniers rassemblés à la hâte ne se connaissaient pas les 
uns les autres et n'étaient aucunement exercés à des 
manœuvres qui demandent une longue habitude et une 
parfaite entente. Quelques-uns disparurent à la première 
salve. Des volontaires du 3^ bataillon de la Gironde se 
présentèrent en assurant qu'ils étaient experts dans la 
navigation. Mais ils avaient plus de bon vouloir que 
d'expérience. Bientôt le désordre fut extrême ; chacun 
mettait la main à la besogne et ne prenait conseil que 
de son zèle ; les matériaux s'accumulaient inutilement 
sur la grève. Les murmures succédèrent aux cris d'en- 
thousiasme. On plaignit Roumilhac et ses compagnons. 



LES PASSAGES DU RHIN 444 

Od déclara la partie perdue. Etait-il possible, tant que les 
ennemis ne seraient pas délogés de Rheinweiler, de faire 
un pont jusqu'à la rive droite ? Les représentants per- 
sistaient encore dans leur dessein. Enfin, après un con- 
seil tumultueux, leur obstination fut vaincue. 

Mais Lacoste ne renonçait à Tentreprise qu'en frémis- 
sant de rage. Il se vengea sur les ofâciers : le général 
Labruyère, Tadjudant-général Fontenay, le capitaine 
d'artillerie Fucbsamberg. le chef du 44<» bataillon du Jura 
Yuillerme, le lieutenant des pontonniers Trost furent 
jetés dans les prisons de Huningue K 

Tels ont été les premiers passages que les armées de 
la Révolution tentèrent sur le Rhin. Les représentants 
et les généraux attribuèrent ces échecs répétés à la scélé- 
ratesse des bateliers, a J*ai affaire, écrivait Landremont, 
à des gens qui trouvent tout difficile », et les commis- 
saires mandaient que les pontonniers fuyaient lâche- 
ment à la vue de TAutrichien, qu'il fallait employer 
envers eux les plus terribles moyens de coercition et 
guillotiner au moins la moitié de ces misérables. En 
réalité, tous ces passages témoignent de Timpéritie, de 
l'imprévoyance et du désordre qui régnaient alors 
dans les armées. Pas un seul ne fut sagement conçu, pas 
un seul ne fut exécuté par des hommes qui eussent une 

* Sigmund Billing, Kleine Chronik, p. Waltz, 300 [avec une vue du 
passage) ; Milhaud, Guyardin, Lacoste au Comité, 18 sept.; ordres de 
Labruyère, de Fontenay, etc. Mé^m.de Bach; note de Legrand(Â. G.]; 
Gebler, 131 (les Autrichiens firent prisonniers outre Roumilhac et huit 
officiers, 133 soldats). Etienne Labruyère, Nicolas-François Arnoux 
Fontenay, Thomas-Gabriel Fuchsamberg, JacqueS'Antoine Vuillerme 
(qui escortait les bateaux) et Henri Trost furent absous par le tribunal 
militaire du second arrondissement ; mais, à l'instigation de Lacoste, 
le représentant Hentz fit réincarcérer les officiers et arrêter les juges ; 
.e 9 thermidor les sauva. 



142 WlSSBMBOURa 

connaissance môme superficielle de Topération. On ne 
prévit rien ; on ne prit aucune mesure pour triompher 
des obstacles qui devaient nécessairement se présenter ; 
on lança de vaillants soldats sur Tautre rive pour les 
abandonner à Tennemi. Il eût fallu tenter, non des pas- 
sages partiels, mais un seul passage et lopérer avec 
audace et vigueur, sans tergiversation, sans tâtonne- 
ment ; 11 eût fallu ne faire sur divers points que des 
simulacres ; il eût fallu patienter, user de précautions, 
se préparer à loisir et sans bruit. Mais on voulut passer 
partout sur-le-champ témérairement et à Tétourdle ; 
on*ne passa nulle part. On ne sut môme pas Intimider 
Tadversaire, et les Impériaux ne dégarnirent pas d*un 
seul bataillon leur armée de la Lauter : ils n'avaient en 
face de Nifler que trois compagnies du régiment Terzy I 
Trois ans plus tard, Moreau franchit le fleuve ; lui aussi 
n'avait pas de grandes ressources à sa disposition ; 
mais la bravoure des soldats était alors guidée par Tin- 
telligence des généraux, et non par la funeste précipita- 
tion des représentants. 



CHAPITRE IX 



BUNDENTHAL 



I. Les gorges de la Laater. — Nothweiler. — Bandenthal. — Fuite de 
d'Arlande. — Pejacsevich à Bundentbal. — II. Gouvion Saint-Cyr. — Le 
LindeDschmidt et le Hohenburg. — Malet. — Le canon da Kappen- 
•tein. — Victoire des républicains. — L*éinigré Mauny. 



I. Landremont échouait dans toutes ses tentatives. 
Les efforts opiniâtres de ses batailioDS ne pouvaient 
briser la résistance des Impériaux dans la forêt de Bien- 
-wald. Ses essais de diversion sur la rive droite du Rhin 
avaient avorté; comme disait le commandant de Stras- 
lK>urg, Dièche, on devait passer le fleuve, et on ne l'avait 
pas fait. Eafin, le 41 septembre, à la veille des mouve^ 
ments que ses troupes allaient opérer sur tous les 
points, Landremont apprenait que le camp de Bunden- 
tbal était forcé : au premier pas que feraient les ennemis, 
les communications seraient coupées entre les deux 
armées delà Moselle et du Rhin. 

La gauche de l'armée du Rhin qu*on nommait la dici^ 
non des montagnes^ campait dans les gorges de la Lauter 



U4 WISSEMBOURa 

et s'élendait depuis le Pigeonnier jusqu'aux environs de 
Dahn. Postée à la fois sur la Sauer, à Lembacb, à Schô- 
nau, à Fiscbbach, sur le Steinbacb, affluent de la Sauer, 
à Niedersteinbacb et à Obersteinbacb, sur la Lauter, à 
Bobentbal et à Bundentbal, elle gardait ainsi la cbaussée 
de Bitebe et tous les cbemins et sentiers des Vosges, et 
empècbait les alliés de percer entre les deux armées, de 
tourner les lignes de Wissembourg. 

La position la plus importante, comprise entre les deux 
rivières de la Lauter et de la Sauer qui coulent parallè- 
lement avant de se jeter toutes deux dans le Rbin, était 
celle de Nolbweiler ou, comme les Allemands rappellent 
plus justement, de Buadentbal. Il y avait là plusieurs 
routes : celle de Wissembourg à Bitebe qui remonte 
quelque temps le cours de la Sauer et la francbit à un 
pont dit la Tannenbrûcke, à une lieue au nord de Lem- 
bacb ; celle qui, se détacbant à cet endroit du cbemin de 
Wissembourg, déboucbe à Scbônau et plus loin à Fiscb- 
bacb ; celle qui mène à la ferme du Litscbbof, puis au 
village de Notbweiler, et par un plateau d*une pente 
rapide et continue, à Bundentbal. 

Pour défendre toutes ces routes, on avait mis des dé- 
iacbements à la Tannenbracke, à Nolbweiler, à Bunden- 
tbal qu*on regardait avec raison comme la clef de la po- 
sition, et Ton avait garni d*abatis, d*épaulements et de 
petites redoutes les mamelons qui se dressent entre 
Notbweiler et Bundentbal, TEsslersberg, le Weibbilbl, 
la Dennenbalde, le Màuerle. 

Le pays n'offre d'ailleurs que des sables, d'étroites et 
sombres vallées, des bois touffus, de bauts rocbers 
abrupts sur lesquels s*élèvent de vieux cbâteaux célé- 
brés par la légende et détruits au xvii* siècle par Mont- 
elat et les lieutenants de Louvois. Les pics qui dominent 



BUNDBNTHAL 145 

le "vallon de Nolhweiler sont, du nord au sud : la Wegeln- 
burg, des cimes de laquelle on aperçoit les clochers.de 
Strasbourg ; le Kuhnenkopf ; le Kappenstein ; le Hohen- 
burg où séjourna Franz de Sickingen ; le Lindeaschmidt 
ou LÔwenstein dont le seigneur, dit-on, sort la nuit avec 
fracas et chevauche dans les airs à la tôle de sa bande, 
lorsqu'une guerre est imminente ; le Fleckenstcin qui 
passait autrefois pour imprenable et appartenait à Tune 
des plus puissantes familles de la Basse-Alsace *. 

Wurmser résolut de s'emparer de Bundenthal. On 
croit ordinairement qu'un émigré l'avait encouragé dans 
ce dessein. Le 24 août, le général d'Arlande qui com- 
mandait à Nothweiler, arrivait en déserteur au camp 
prussien. Il donna de grands détails sur la position. 
Mais il ne trahit pas, comme on Ta prétendu, les secrets 
de la défense. Il déclarait au contraire qu'on ne pourrait 
forcer les passages, et Brunswick n'hésitait pas à dire 
que les hauteurs de Bundenthal et de Nothweiler assu- 
raient complètement l'aile gauche des Français, que l'en- 
nemi chassé de ce poste irait se retirer au Pigeonnier, 
que les débouchés de Fischbach à Lembach étaient cou- 
verts d'abatis et garnis de troupes, bref, que les alliés ne 
devaient pas s'engager entre l'armée du Rhin et la for- 
teresse de Bitche, dans une montagae inaccessible, par 
d'étroites vallées et des chemins très difficiles, sans avoir 
fait au moins des préparatifs considérables *. 

Mais Wurmser avait juré qu'il ne se fierait plus qu'à 

* Cf. Aug. Lufft,'Z)tfr Feldzug am Mitte^rhein^ von Mitte Augun bis 
Snde December 419S^ 4881. p. 24-28 [ouvrage très confus qui ne fait 
guère que traduire Saint-Cyr et ne vaut que par les détails topo- 
graphiques). 

« Zeissberg, I, 207, 213 ; Wagner, 79-80. 

-WISSBMBOURG. 10 



146 WISSBMBOURa 

ses propres et seules forces. « Avaat de faire des sièges» 
écrivait-il fièrement, il faut que je batte les ennemis, et 
je les battrai, j'en suis sûr; les braves généraux, les 
braves troupes, Texcellenle artillerie que j*ai Thonneur 
de commander, me donnent cette certitude. » Il chargea 
Pejacsevicb, un de ses lieutenants, de prendre Bunden- 
thaï et mit sous ses ordres 3,500 Autrichiens et Gon- 
déens ^ 

Ferey remplaçait d'Arlande au camp de Nothweiler. Cet 
adjudant-major du 10^ de la Haute-Saône avait fait ré- 
cemment un mémoire sur la défense des lignes de Wis* 
sembourg. Les commissaires de la Convention le crurent 
homme de guerre. Il était vieux et comptait plusieurs 
campagnes : il reçut le grade de général de brigade et le 
commandement de Taiie gauche de Tarmée du Rhin ; 
c'est, disait Landremont, un c très ancien militaire, bon 
républicain et brave soldat * ». 

^ Zeissberg, I, 243. Gebler, 125 (dix compagnies du régiment dUn- 
fanterie de HutF et un escadron de hussards partirent, le 7 septembre, 
en avant-garde ; le lendemain, arrivèrent deux autres compagnies de 
Huff, deux compagnies de Valaques, deux compagnies de Szekier, la 
légion de Mirabeau, et sept canons}. 

* Claude-François Ferey, né le 22 décembre 1723, a Gray, était le 
fils d'un marchand de bœufs. Lieutenant au régiment de Royal- 
Lorraine, capitaine de grenadiers au bataillon de Dôle, il avait obtenu 
la croix de Saint- Louis en 1763 et s*était retiré du service le 23 oc- 
tobre 1783, avec une pension. Capitaine, puis commandant de la 
garde nationale de Gray dans les premières années de la Révolution, 
il fut élu, le 10 août 1791, adjudant-major au 10* bataillon de la 
Haute-Saône, et il le resta jusqu^au 26 août 1793 où les représen- 
tants le nommèrent général de brigade. Il devait être commandant de 
Bitche. Moreaux le jugeait • peu propre, à cause de son âge, à être 
employé à Tarmée ■ (30 Tructidor an II) . Saint-Cyr prétend, à tort, 
qu'il n^avait jamais vu la guerre, et le traite, ce semble, trop dédai- 
gneusement ; c dans la journée du 14 septembre, écrit Landremont. 
à Bouchotte, Ferey s'est porté au milieu du feu et a montré autant 
d'activité que de zèle et de courage^ malgré toute son ancienneté •• 



BUNDBNTHAL U7 

Ferey avait trois bataillons à BuDdenthal. Mais per- 
sonne ne soupçonnait que les troupes de Pejacsevich 
étaient depuis quelques jours à Dahn, à moins de deux 
heures. Le 44 septembre, avant l'aube, trois colonnes 
assaillirent Bundenthal. Des paysans les guidaient. Une 
d'elles, commandée par le lieutenant-colonel Beaumont, 
s'égara dans les bois. Mais les deux autres, menées par 
Pejacsevich et le major Schrôckinger, attaquèrent avec 
vigueur le centre et la droite de la position française. 
Les républicains, bien que surpris, se défendirent vail- 
lamment, mais enfîn le colonel Baader, à la tête de deux 
compagnies d'infanterie de Huff, chargea leur gauche à la 
baïonnette et franchit les abatis. Ils s'enfuirent sur Noth- 
weiler, y trouvèrent trois autres bataillons qui les re- 
cueillirent, et gagnèrent avec eux la Tannenbriicke*. 

IL Landremont, désespéré, maudit d'abord le scélérat 
d'Arlande. Sûrement, si les ennemis avaient pris Bun- 
denthal, c'est que d'Arlande les guidait, d'Arlande qui, 
depuis six mois, commandait dans le pays et avait 
établi tous les postes, d'Arlande qui connaissait le fort 
et le faible de la position : n'avait-on pas entendu les 
émigrés crier, pendant l'attaque, Vite d'Arlande * ? Que 

^ Gebler, 125-126. Les Autrichiens avaient 20 morts et 51 blessés; 
les Français, 33 prisonniers et 250 hommes hors de combat. 

* € C'était alors Pusage, a dit Legrand, de persuader aux soldats ré- 
publicains quHls étaient continuellement trahis ; que sans la trahison, 
ils ne seraient jamais battus par les satellites des despotes ; c^était La 
politique du jour. D^Arlande, à la tôte du 13* régiment d'infanterie, 
avait fait toutes les campagnes, depuis le commencement de la guerre, 
avec la plus grande bravoure, la plus grande intelligence et le zèle le 
plus soutenu pour les intérêts de la République. Ex-noble et proscrit 
à cette époque, il eût dû, comme Beauharnais et tant d^autres, se 
laisser suspendre, enfermer, guillotiner plutôt que d'abandonner son 
pays. Son émigration fut un crime aux yeux de tout républicain pro* 



4 48 WISSBMBOURO 

faire désormais? « De Biindenlhal, disait Landremont, 
dépend la conservation des lignes, le salut de l'armée 1 » 
Il se voyait tourné, forcé d'évacuer Wissembourg et, 
dans le premier émoi, il ordonna de transférer sur-le- 
cbamp à Haguenau l'ambulance, le trésor, la poste, tous 
les gros équipages, tous les prisonniers ^ Mais bientôt il 
reprit cœur. Ne pouvait-on, par un violent et décisif 
effort, ressaisir Bundentbal ? 

Il pria Scbauenburg de lui c donner un coup de main»* 
Lui-même se rendit à Lembacb, pour s'entretenir avec 
Ferey et l'adjudant général Miribel. Mais dans la conver- 
sation, Miribel excusa d'Arlande et assura qu'il n'avait 
pas émigré. Landremont parla d'une route de la mon- 
tagne qu'il savait praticable ; Miribel prétendit qu'elle 
était coupée. Le général en cbef, très alarmé, revint 
aussitôt à Wissembourg et dénonça Miribel. Les repré- 
sentants ne balancèrent pas ; ils mandèrent Miribel, le 
suspendirent comme suspect et le mirent en état d'ar- 
restation*. 

Déjà quatre bataillons avaient ordre de partir pour 
Lembacb. Ils devaient défendre les gorges autant que 
possible, protéger la retraite de Ferey, ralentir la pour- 
suite de l'adversaire, et par leur résistance, laisser le 
temps à l'armée de quitter les lignes de Wissembourg 
s'il fallait eu venir à cette extrémité. Gouvion Saint-Gyr 
les commaqdait. Il remplaçait Miribel, et les représen- 
tants croyaient gagner au change : il était énergique et 



nonce, mais la trahison particulière qu'on lui supposa, ne fut crue 
que par ces gens qui, depuis le premier moment de la Révolution 
jusqu'à nos jours, ont cru tout ce qui s'est dit ou imprimé, » 

* Ordre, non exécuté, du 11 septembre (A. G.}. 

* Landremont à Schauenburg; Duvignau aux représentants, 9 et 
11 septembre (A. G.); Compte rendu^ par Ruamps, Borie, etc., 192, 



BUNDENTHAL 449 

patriote ; il connaissait la montagne ; son civisme, ses 
talents inspiraient la confiance. On lui donna pour se- 
cond Tadjudant-général Malet qui servait sur le Rhin 
depuis le commencement de la guerre et dirigeait la 
partie des reconnaissances ; c'était ce Malet qui devait 
tenter avec une incroyable audace dans la nuit du 23 
octobre 4842 le renversement de TEmpire. Saint -Gyr, et 
Malet, disait Landremont, étaient deux. francs républi- 
cains qui seconderaient activement Ferey K 

Sans attendre ses bataillons, Saint-Gyr court vers 
Notbweiler. Il traverse Lembach; il voit des troupes 
effarées qui se préparent à faire leur retraite ; il leur 
annonce des secours et leur enjoint de rester où elles 
sont. Il conlinue sa route, atteint la Tannenbrûcke et y 
rencontre Ferey. Le vieux général voulait reculer sur 
Lembacb ; mais Saint-Gyr lui déclare que Landremont 
ordonne de reprendre la position perdue ; il l'engage à 
défendre le terrain pied à pied jusqu'à la venue des 
renforts; il garnit d'infanterie les hauteurs boisées qui 
dominent le chemin ; lui-môme se porte en avant pour 
reconnaître l'ennemi. 

Heureusement Pejacsevich n'avait pourchassé Ferey 

1 Duvignau aux représentants, 14 septembre; Landremont à 
Schauenburg et à Bouchotte, 17 et 18 septembre [A. G.) ; Compte 
rendu par Ruamps et Borie, etc., 13; cf. sur Saint-Cyr, Bxpéd, de 
Custine^ 211, et sur Malet, Mayence, 42. Le 18 septembre, par un 
arrêté des représentants, Malet fut chargé de recevoir et de payer 
tous les fusils enlevés sur l'ennemi et de les faire porter à l'arsenal de 
Wissembourg {Compte rendu^ 167). On devait lui donner bientôt les 
notes suivantes : < sert depuis 1789 ; mœurs douces et philanthropiques; 
la manière dont il remplit ses fonctions, comme son ancienneté dans 
le grade d*adjudant-général, le rendent susceptible de celui de chef 
de brigade *. Chose curieuse, le futur complice de Malet, Lahorie, 
servait également à cette époque dans Tarmée du Rhin ; il avait été 
secrétaire de Beauharnais et un de ses officiers d^état-major (Laval- 
lette, I, 127). 



150 WISSBUBOURO 

qu*avec mollesse, et ses éclaireurs n'osaient dépasser la 
ferme du Litschhof. Saint-Gyr retourne au devant de ses 
quatre bataillons qu'il trouve près de Lembach. Landre- 
mont arrivait à cet instant et il écoutait avec mauvaise 
humeur le rapport de Ferey . Il eut un instant l'idée d'as- 
saillir aussitôt Pejacsevich. Mais les troupes étaient, les 
unes, démoralisées, les autres, exténuées par une 
marche forcée. Il remit l'attaque au jour suivant et 
revint à "Wissembourg avec Saint-Cyr. o Ce sera pour 
demain », disait-il aux soldats qu'il rencontrait. Quel- 
ques-uns haussèrent les épaules, comme s'ils doutaient 
de sa parole. « Ce sera, répondit l'un d'eux, comme tant 
d'autres fois où l'on nous a promenés sur divers points 
sans nous faire donner. » Mais Landremont jura qu'ils 
se battraient dans la journée du lendemain et que Saint- 
Cyr serait à leur tète. 

Le soir du 42 septembre, Saint-Cyr, qui n'était qu'ad- 
joint, fut nommé par les représentants du peuple adju- 
dant-général ; il lui fallait ce titre pour ménager l'amour- 
propre des chefs de bataillon et du général de brigade 
qui recevraient ses instructions ou ses avis. Saint-Cyr 
refusa d'abord ; comme beaucoup de ses camarades, il 
redoutait l'avancement, et il proposa d'envoyer aux 
gorges l'adjudant-général Montrichard dont il était l'ad- 
joint. Mais Landremont et les représentants insistèrent ; 
Saint-Cyr reçut à minuit le grade d'adjudant- général 
chef de bataillon. 

Il revole à Lembach. Il réveille Ferey et ses aides-de- 
camp, leur demande où sont les troupes ; ni Ferey ni 
ses officiers ne le savent. Il consulte le livre d'ordres ; ce 
n'est qu'un informe brouillon. Il prend le parti de se 
poster tout près des ennemis avec les quatre batailions 
qui n'avaient pas bougé et d'attendre les autres pour les 



BUKDfiNTHAL 454 

diriger au fur et à mesure quMls se préseDteront. Tous 
les bataillons paraissent en effet dans la journée du 43 
septembre, à de grands intervalles, les premiers à cinq 
beures du matin, les derniers à cinq beures du soir. 
Mais à midi, Saint-Cyr en avait assez pour faire un 
simulacre d*attaque : il désirait s'instruire des forces 
réelles de l'adversaire et par le bruit du feu donner une 
direction certaine aux bataillons qui s'étaient égarés 
dans les bois. 

Pejacsevicb avait très babllement cboisi sa position : 
sa droite, composée d'émigrés, était entre la Wegelnburg 
et le Kubnenkopf ; son centre, entre le Kuhnenkopf et le 
M&uerle ; sa gaucbe sur le Mâuerle, en face du Litschbof. 
* Sur Tordre de Saint-Cyr, deux bataillons de volon- 
taires» le 2"" de Rb6ne-et-Loire et le 4^'' de Lot-et-Garonne 
gravirent la montagne sur laquelle s'élèvent, à peu de 
distance Tun de l'autre, les cbâteaux ruinés .de Linden- 
scbmidt et de Hobenburg. Puis, longeant la lisière de la 
forêt sur les pentes du cône où se trouve la Wegelnburg, 
ils marcbèrent vers le Kubnenkopf. La fusillade s'enga- 
gea des deux parts. Les Gondéens, guidés par Betbisy, 
déployèrent une valeur toute française. Mais les deux 
bataillons républicains n'avaient pas moins d'intrépidité. 
Le cbef de Rbône-et-Loire, Desgranges ', encourageait les 

1 Antoine Grange, dit Desgranges, né a Lyon le 4 janvier 1757, 
était marchand de vin et, suivant ses propres expressions, travaillait 
sur la rivière avant la Révolution. Mais il avait servi durant huit an- 
nées dans le régiment de Custine-dragons (2 mars 1775-2 mars 1783) 
comme aide de manège et brigadier. Il fut élu, le 13 octobre 1791, 
capitaine des grenadiers et, le l'i" juillet 1793, chef du 2* bataillon des 
Tolontaires de Rhône- et-Loire. Le 23 prairial an II, il était nommé gé- 
néral de brigade par le représentant Hentz. Saint-Cyr lui rendait ce 
témoignage : « Il s^est distingué dans les gorges de Lembach où il a. 
été blessé, et, depuis quMl a été fait général, il a toujours donné des 
preuves de bravoure et d^ntelligence. • 



452 WISSBMBOURa 

siens par son exemple et reçut au front une balle amortie 
qui Tétourdit un instant. Le commandant de Lot-et-Ga- 
ronne, le vieux Campagnol \ agitait son chapeau et du 
geste montrait à ses jeunes soldats, tout pleins d'enthou- 
siasme et d'admiration, le sommet qu'ils devaient attein- 
dre : « mes enfants, s'écriait-il, c*est là qu'il faut tirer. » 
Ses longs cheveux blancs, assure un témoin oculaire, 
faisaient Tefiet de ce panache dont on raconte des mer- 
veilles. Un moment, Théroïque vieillard sentit ses forces 
physiques Tabandonner; ses volontaires lui firent un 
brancard et le portèrent au premier rang de la colonne. 

Cependant les Condéens, vivement pressés, s'étaient 
repliés sur la crête du Kuhnenkopf. Saint-Cyr avait 
pensé qu'ils descendraient de leur poste, et, pour les atti- 
rer dans le vallon où il comptait les cerner, il envoya 
dire aux deux bataillons de céder le terrain et de reculer 
par la Wegelnburg sur le Litschhof. La ruse n'eut au- 
cun succès. Les émigrés se contentèrent d'occuper le 
Liudenschmldt et le Hohenburg sans poursuivre les pa- 
triotes. 

Pejacsevich prit cette démonstration pour une attaque 
sérieuse et crut avoir repoussé les Français. Saint-Gyr 
profita de cette imprudence. Il masqua dans les bois^ en 
arrière du Litschhof, ses troupes du centre. Il établit 
à Schônau deux bataillons chargés d'arrêter les renforts 



*■ Campagnol était né le 4 septembre 1734 a Saint-Léger, près de 
Penne en Agenois. 11 avait servi trente-six ans dans Partillerie et, 
quoique noble et peu instruit du détail, il passait pour un bon tacti- 
cien, propre à choisir des positions heureuses, et plein de sang-froid 
dans un combat. Uatry disait plus tard qu'il était sage,, prudent, 
brave et quMl serait bien placé comme général de brigade. On lit dans 
ses notes, a propos de la journée du 14 septembre 1793, qu' c à Lem- 
bach il a disposé Pattaque • et que c le camp retranché a été em- 
porté ». 



BUNDBNTHAL 453 

qui viendraient peut-être à Pejacsevich. Il détacha sur 
la droite, à Bobenthal,le \^^ bataillon de la Haute-Saône, 
le 40* bataillon des Vosges et le V bataillon d'infanterie 
légère qu*il mit sous les ordres de Malet. Enfin, il posta» 
comme en réserve, à Wingen, les bataillons de Toul, de 
Mirecourt et de Neufchâteau qui n'avaient d'autres armes 
que des piques. 

Son plan était d'assaillir les deux ailes de Tadversaire, 
puis de se jeter sur le centre et de l'enfoncer. La gauche 
devait entamer le combat en attaquant de nouveau les 
GoDdéens à Lindenschmidt et [à Hohenburg. La droite, 
commandée par Malet, essaierait d'attirer dans le vallon 
la gauche de Pejacsevich. Le centre, que Saint-Gyr diri- 
geait en personne, frapperait le grand coup. Pour mieux 
ébranler le moral des ennemis, Saint-Cyr fit monter dans 
la nuit une pièce de 4 sur le sommet du Kappenstein qui 
plongeait sur le village de Notbweiler et dominait la po- 
sition des Impériaux. Un habitant de la contrée, Jacques 
Hauswald *, avait indiqué le chemin à travers les taillis. 
Soldats et paysans hissèrent la pièce à force de bras. Les 
femmes de Wingen les suivaient, portant des cartouches 
sur leur tête. Le canon fut placé près d'un rocher, der- 
rière des arbres *. 

^ Cet Hauswald qui rendit de grands services aux Français, était 
de Wingen. < J'ai rencontré, dit Legrand, peu de campagnards plus 
intelligents. * Il allait au loin remplir de difficiles missions. Un jour 
que Ferey l'avait chargé de remettre une lettre à Deux-Ponts et de 
rapporter la réponse, Hauswald fut arrêté par des hussards prussiens» 
Hardiment, il déclare qu'il est sujet du prince de Nassau-SarrebrQck. 
On le conduit au prince ; il dit qu'il est garçon tonnelier, qu'il habite 
Sarrebrûck, mais que contraint de servir dans les rangs des Français, 
il s'échappe et retourne dans son pays. Le prince, satisfait, le relâche 
et lui donne un louis d'or. Hauswald passe la Sarre a la nage« 
retrouve le billet qu'il devait porter à Ferey et qu'il avait jeté dans un 
buisson à la vue des hussards, et regagne ensuite le camp français. 

* Cf. Saint-Cyr, Mém,^ I, 98. Legrand confirme le témoignage de 



464 WISSBMBOURG 

Le 44 septembre, entre sept et huit heures du matin, 
lorsque le brouillard se fut dissipé, Saint-Gyr donna le 
signal du combat. Les républicains, sortant du Flecken- 
stein, s'élancent aussitôt sur les Condéens, et les chassent 
des ruines du Lindenschmidt et du Hohenburg. Mais 
Pejacsevich envoie sa réserve au secours des émigrés, et 
les carmagnoles se débandent à leur tour. Heureusement, 
dans le même instant avait lieu l'attaque de Malet. Le 
général autrichien rappela sa réserve et les Français re- 
prirent possession des ruines du Hohenburg. 

Malet avait ce jour-là une rage de dents et un accès de 
fièvre. Néanmoins, il lutta contre le mal, et ne pensa qu*à 
remplir ses instructions. Il assaillit vigoureusement la 
gauche des Impériaux, et fit semblant de reculer pour 
les attirer vers Bobenthal. Mais Pejacsevich ne donna pas 
dans .le piège, et, refusant toute poursuite, demeura sur la 
hauteur. Malet revint à la charge avec ses trois bataillons 
renforcés d*un des meilleurs régiments de Tarmée, le 43^ 
ci-devant Bourbonnais. Cette fois encore, Pejacsevich ju- 
gea que Malet tentait une fausse attaque et ne lui opposa 
qu'une partie de ses Yalaques et de ses Szekler. Mais 
voici que le 43® régiment gravit avec audace le plateau du 
Mauerle. Voici que ses tirailleurs gagnent rapidement les 
crêtes. En vain le régiment autrichien de HuiT. décon- 
certé, se serre et se forme à peu près en carré; les soldats 
du 43^^, éparpillés sur les pentes et couverts par Tescarpe- 
ment, ne souffrent pas du feu divergent des ennemis et 

Saint-Cyr. « Les citoyennes de Wingen eurent part à ce succès. Mais 
leurs maris et les citoyens de Lembach partagèrent aussi la gloire de 
cette journée. Le maire de Lembach, se battant en tirailleur, tua sept 
des ennemis ; mais cet intrépide républicain, enlevé de sa maison , 
lorsque les alliés prirent les lignes de la Lauter, fut garrotté, transféré 
à Mayeoce et de là daiis les prisons de Wesel où il est mort de 
misère. > 



BUNDBNTHAL 155 

leur font au contraire beaucoup de mal par leur feu con- 
centrique. 

Saint-Cyr croit le moment venu. Soudain, la pièce de 4 
qu'il avait établie sur le Kappenstein commence à tirer : 
moyen bien pauvre, disait-il plus tard, et peu imposant, 
mais elle était à belle portée, elle surprit les Impériaux 
et agit grandement sur leur moral '. En même temps dé- 
boucbent des bois la colonne du centre, et de la ferme 
du Litscbhof, des pièces de canon, des obusiers, un 
escadron de cbasseurs, des gendarmes. Pejacsevich dé- 
moralisé recula sur Dahn ; il croyait avoir sur les bras 
vingt à trente bataillons ; il craignait d*ètre assailli sur 
ses derrières et enveloppé. Déjà , Tartillerie française, 
accourant à la tète des colonnes, se mettait en batterie 
et crachait sa mitraille. Autrichiens et Condéens précipi- 
tèrent leur marche. Yioménil voulait tenir encore avec 
la légion de Mirabeau; il fut culbuté, et les patriotes en* 
tendirent les émigrés crier en fuyant : nous sommes perdus. 

Quelques instants après, la retraite se changeait en dé- 
route. Sans Brunswick, les Autrichiens auraieut laissé 
sur la place toute leur artillerie et leurs bagages. Mais la 
veille, un détachement composé de deux bataillons, de 
deux escadrons et de six canons, avait quitté le camp 
prussien, afin de couvrir la droite de Pejacsevich. Il arriva 
trop tard pour prendre part à Taction ; toutefois, à la vue 
des dragons de Tavant-garde, Saint-Gyr s'arrêta. 

Les Impériaux avaient plus de sept cents hommes hors 
de combat '. Ils ne s'étaient repliés qu'après avoir éner- 

> Les habitants du pays parlent encore du canon du Kappenstein. 

* 6 ofGciers et 76 soldats tués, 24 officiers et 516 soldats blessés, 
89 disparus, telles étaient les pertes des Autrichiens (outre deux ca- 
nons et quinze cents fusils). Les Français n^avaient que dix tués et 
qaatre-yingts blessés. (Landremont à Schauenburg, 15 sept. [Â. G.); 
Gebler, 129.) 



456 WISSBMBOURa 

giquement lutté depuis cinq heures du matin jusqu^à 
midi ; ils avaient épuisé leurs cartouches et ne pouvaient 
tenir dans les mains leurs fusils échauffés ; quelques-uns 
tombaient de fatigue à force de tirer. Tous les officiers de 
Tétat-major étaient blessés et Pejacsevlch fut surnommé le 
lion autrichien, der Ostreichische Lôwe. Mais , en rendant 
hommage à la bravoure des Impériaux^ les Prussiens les 
accusaient d'imprudence et, comme toujours, imputaient 
réchec à Wurmser qui guerroyait pour son propre compte 
et n'en faisait qu'à sa tète. Voilà, disaienUils, voilà en- 
core une wurmseriade et la chose du monde la plus irré- 
fléchie et la plus mal ordonnée 1 Etait-il sage d'envoyer 
ainsi Pejacsevich en pleine montagne au milieu des gorges, 
loin du gros de son armée * ? 

Avaient-ils fait néanmoins ce que doivent faire de bons 
et fidèles alliés ? Pejacsevlch n'était battu que parce qu'ils 
ravalent abandonné. Lorsque l'Autrichien informait 
Brunswick de Taltaque qu'il projetait sur Bundenthal, le 
duc lui répondait qu'il ne pouvait bouger sans Tordre 
exprès de son souverain, et Frédéric-Guillaume recom- 
mandait à son général de secourir Pejacsevich par une 
simple démonstration, sans trop engager ses troupes, et 
en se bornant à couvrir la retraite des Impériaux, s'ils 
étaient refoulés. 

Les troupes françaises^ a dit Saint- Gyr, donnèrent 
« avec l'ensemble et la décision qui assurent les succès, 
et ce combat fit présager tout ce qu'on pouvait attendre 

^ BtHefioeehsel des fferzogs Karl August mit Gœthe, I, 185-1S6. 
Lettre du 13 septembre : c Wurmser thut Ailes was er will und fûhrt 
Krieg fur sich. Die Expédition des Geuerals Pejacsevich ist die unû- 
berlegteste uod sehlechtgeordoetste von der elt, Wund eine wahre 
Wurmseriade; nur gegea eiaen soâusserst schlechten Feind, wieder 
jetzige Republikaner, ist es mdglîch dass dergleichen Dinge nicht 
ftusserst schlimm ausgeheo. • 



BUNDBNTHAL 457 

d'elles dans la suite. » On occupa derechef Nothweiler 
et Bundenthal, on s'y établit solidement, on répara et 
perfectionna les retranchements. Landremont était ravi 
de cette victoire aussi brillante qu'inespérée. « La car- 
magnole a bien été », mandait-il à Schauenburg, et il écri- 
vait à Saint-Gyr : « Vive à jamais la République ! Hon- 
neur à nos braves troupes et à leurs chefs ; haine aux 
tyrans ; ça va, ça ira ! Je suis aux anges, mon cher Saint- 
Gyr; le jour oh je vous donnais à cette division, est un 
de mes beaux jours 1 » Il vint avec les représentants vi- 
siter le champ de bataille. Les commissaires louèrent 
l'adresse et la bravoure de Saint-Gyr ; ils applaudirent 
aux bataillons des Vosges qui avaient quitté leurs pi- 
ques pour s'armer des fusils autrichiens. Desaix, géné- 
ral de brigade depuis le 20 août, reçut le commandement 
du poste de Bobenthal ; il était l'ami de Saint-Gyr, et 
Landremont comptait sur le bon accord de ces deux 
hommes qui dirigeraient les opérations sous le nom de 
Ferey et repousseraient de concert les nouvelles tenta- 
tives des alliés '. 

Un émigré, le comte de Mauny , avait été fait prison- 
nier dans cette journée du 44 septembre. On le fusilla le 
lendemain. Il montra jusqu'au dernier moment le plus 
grand courage. Landremont s'entretint avec lui : Mauny 
lui déclara que Gustine avait fini lâchement et en capucin, 
mais qu'il saurait mieux mourir que le général Mous- 
tache ; il assura que les républicains ne conserveraient 
pas trois jours les lignes de la Lauter et que là France 



» Saint-Cjr, Àfén,,ly 97-106; Soult, Àfém , I, 60 ; Compte rendu 
par Ruamps, Borie, etc., 13; Mon., 25 sept.; Le Batave^ n« 219, 
22 sept.; Landremont à Schauenburg, 15 sept, et à Bouchotte, 18 sept. 
(A, G.); d'Ecquevilly, 145-149 et 166; Wagner, 94-103; Gebler, 
128-129; Remling, I, 376 ; Lufft, 28-54. 



458 WISSBMBOURa 

aurait un roi avant trois mois ; il ajouta que d*Arlande 
était méprisé et regardé comme un traître parce qu'il avait 
trop tard embrassé la bonne cause. Lorsqull tomba sous 
les balles, il criait encore : « Vive le roi et la maison de 
Bourbon » ; les patriotes qui assistaient à l'exécution, ré- 
pondirent Vive la République et, dit Landremont répé« 
tèrent longtemps après lui ce cri si cber à l'armée du 
Rbin. 



CHAPITRE X 



PIRMASENS 



René Moreaux. — Démonstration du 12 septembre. — Conseil de 
gaerre da 13 septembre. — Marche de nuit du corps des Vosges. 
— Dispositions de Brunswiclc. » Ardeur des représentants. — Déploie- 
ment des colonnes. — Charge des dragons et des chasseurs. — Le 
ravin du Blumesthal. — Déroute. — Le général Guillaume. — Diversion 
de Schauenburg. 



L'armée du Rhin avait repris le poste si important de 
Nothweiler. Mais» au même instant, Tarmée de la Mo- 
selle essuyait un cruel revers, et le U septembre était 
pour elle, comme dit un de ses généraux, une journée de 
malheur et de désastre. 

On se rappelle qu*à la nouvelle du succès de Pejacse- 
vich, Landremont avait prié Schauenburg de lui prêter 
main-forte. « Il est essentiel, lui mandait-il, que demain 
matin, avant le jour, le camp de Hornbach se porte du 
côté de Pirmasens ; les ennemis sont ici en pointe ; si 
vous poussez sur Pirmasens, moi sur Nothweiler, ils se 
verront cernés et nous les chasserons à notre tour '. » 

* Landremont à Schauenburg, 11 sept. (Â. G,}. 



460 WISSBMBOUBa 

Schauenburg, docile aux pressanles recommandations 
de Landremont, chargea René Moreaux de tâter Pirma- 
sens. Moreaux remplaçait Pully *. C'était un ancien gre- 
nadier du régiment d'Auxerrois-infanlerie qui avait 
combattu en Amérique et reçu dans Taffaire de Sainte- 
Lucie un coup de feu à la jambe droite. Il était, en 4789, 
entrepreneur de bâtiments à Rocroy, sa ville natale, 
lorsqu'il fut élu lieuienant-colonel du 4^" bataillon des 
volontaires des Ardennes. Gomme Hoche et Sémélé, il 
avait assisté Tannée précédente au siège de Thionville et 
mérité les éloges de Wimpffen. Houchard lui reprochait, 
non sans raison, d'avoir échoué devant Leimen et a fait 
une école en se mettant dans le cas d'être repoussé ' )» ; 
mais on le tenait pour un brave sans-culotte, et on l'avait 
nommé, le 45 mai, général de brigade, puis le 30 juillet, 
général de division. 

Moreaux quitta le camp de Hornbach dans la matinée 
du 42 septembre. Il était accompagné des commissaires 
de l'Assemblée, Ehrmann, Richaud et Soubrany, qui dé- 
siraient voir de près la vaillance de leurs frères d'armes 
et partager leurs dangers. Il n'y eut qu'une insignifiante 
canonnade. Mais les conventionnels trouvèrent que le 
corps des Vosges avait courage et bon vouloir, et lé len- 



^ Le Vasseur, président du tribunal révolutionnaire du district de 
Sarrebourg, avait, après la prise du Kettericb, dénoncé Pully à sou 
frère, le conventionnel Le Vasseur de la Meurthe (Mon., 30 août) : 
Pully, disait-il, voulait livrer Bitcbe et avait émigré. Vainement Pully 
répondit qu'il n'avait pas émip;ré (4 sept., Mon, y du 12). Dénoncé, le 
2 septembre aux Jacobins, par Auger qui demandait son arrestation 
[JourtMl de la Montagne, n» 95), il fut suspendu le 5 septembre et le 
12, les représentants annonçaient qu'il so rendait, sur-le-cbamp, au 
Comité, pour exposer sa conduite. Cf. sur Moreaux le livre de son 
petit-fils, Léon Moreaux, Le Général René Moreaux et V armée de la 
Moselle, 419^-419$. 1886, paseim. 

* Cf. plus baut, p. 56-57. 



PIRMâSBNS 464 

demaîQ, 4 3 septembre, à trois heures de raprès-midî, 
dans une conférence quïls eurent avec les généraux, ils 
déclarèrent qu'on devait profiter de Texcellente disposi- 
tion des troupes et tenter contre l'adversaire une puis- 
sante entreprise où les soldats de la liberté déploieraient 
leur impétuosité naturelle. Freytag proposa d'aller droit 
à Pirmasens et les trois représentants l'approuvèrent. 
Moreaux fit quelques objections. Pendant qu'il aborde- 
rait Pirmasens, les Prussiens ne pouvaient-ils assaillir 
Hornbach ? Mais on lui répondit que le camp de Horn- 
bacb serait renforcé par trois bataillons de Blieskastel, 
et le camp de Blieskastel, par trois bataillons de Saint- 
Imbert. Moreaux céda. 11 fut convenu que les troupes 
de Hornbach partiraient à minuit et qu'elles prendraient 
la route de Deux«Ponts à Pirmasens. On comptait sur 
le succès. Mourgoin, l'agent de Bouchotte, jugeait le 
projet tout ensemble sage et vigoureux. Soubrany et ses 
collègues ne cessaient de dire qu'on attaquait ainsi les 
Prussiens sur leurs derrières, qu'on les étonnerait en 
leur opposant à Timproviste des forces considérables, 
qu'on les délogerait sûrement de Pirmasens et par suite 
du Ketterich désormais intenable. Schauenburg applau- 
dissait à cette résolution et s'empressa d'exécuter les 
ordres des représentants : il envoya trois bataillons à 
Saint-Imbert, trois autres à Blieskastel, trois autres au 
camp de Hornbach ; il promit de se jeter le lendemain, à 
la pointe du jour, sur tous les postes qu'il avait devant 
lui et d'appuyer par ses démonstrations l'attaque de 
Pirmasens qui lui semblait très militaire. « Vive le mois 
de septembre, mandait-il à Landremont, déjà Tannée 
dernière 11 a été l'époque de nos succès 1 » Le dessein 
était en effet grand et hardi ; s'il eût réussi, Brunswick, 
coupé de l'Alsace, subissait un irréparable désastre; 

WI88BMBOURO. 44 



462 WISSEMBOURa 

mais les Allemands étaient encore supérieurs aux Fran- 
çais, et le combat de Pirmasens allait démontrer une fois 
de plus cette supériorité de la tactique prussienne sur 
rindxpérience des républicains ^ 

Dans la nuit du 43 au U septembre, 14,000 hommes 
quittèrent le camp de Hornbach en très bon ordre et 
s'engagèrent au milieu d'un profond silence sur la route 
qui mène de Deux-Ponts à Pirmasens. Mais bientôt 
Moreaux avoua ses inquiétudes : il espérait faire des 
prisonniers, et les ennemis ne paraissaient pas. Avaient- 
ils appris le départ de Tarmée ? Avaient-ils entendu le 
roulement de l'artillerie répété par Técho des mon- 
tagnes ? Evidemment Ils étaient sur leurs gardes, et on 
ne les prendrait pas au dépourvu. Toutefois Tardeur de 
ses troupes et le courage qu'elles annonçaient, firent 
oublier à Moreaux ce qu'il nommait un léger malheur. 
Enfin, à Taube, Tavant-garde aperçut quelques pa- 
trouilles. Elle voulut les chasser sans bruit; elles avaient 
du canon et tirèrent à pleines volées. Brunswick était 
donc averti et il essaierait de se mettre en mesure. Mais 
on pouvait le gagner de vitesse. Le général Guillaume 
qui commandait l'avant-garde, hâta sa marche, et, sui- 
vant la chaussée par Staffelhof et Faehrbach, arriva 
promptement en vue de Pirmasens. 

Le duc de Brunswick allait monter à cheval vers six 
heures et demie lorsqu'un chasseur, arrivant ventre à 
terre, l'informa que la tète des colonnes françaises avait 
atteint la Briqueterie de l'Ours. Brunswick prévoyait une 
attaque; la veille, il disait à Massenbach que l'adver- 
saire tenterait probablement de l'assaillir sur ses der« 

^ Moreaax et les représentants aa Comité, et à Schauenburg ; 
Schauenburg aux représentants et à Landremont ; Mourgoin à Bou- 
chotte, 13 sept. (A. G.) ; Massenbach, Mém,^ 194-195. 



PJR3JÂSBNS 463 

rières, et le major lui répondait qu'un général républi- 
cain était incapable d'une si audacieuse pensée. Le duc 
ne fut donc pas élonné, et toujours calme, froid, plein de 
présence d'esprit au fort du danger, il pourvut sur-le- 
champ aux dispositions les plus urgentes. Le régiment 
des dragons de Tschiersky et le régiment des cuiras- 
siers de Borstell, formant dix escadrons, se jetèrent sur 
la chaussée entre le Steinbach et le Blûmesthal ; ils de- 
vaient arrêter l'agresseur aussi long4emps que possible 
et donner à rinfanlerie prussienne le temps d'accourir 
de toutes parts et de se ranger en arrière, sur la Hus- 
terhôhe. Des batteries d'artillerie volante allèrent au 
galop s'établir en divers endroits, les unes pour faire 
face à l'ennemi, les autres pour le prendre en écharpè. 
La batterie du lieutenant Haho, une des batteries de 
Valmy, s'installa sur la roule en avant de la cavalerie. 
Les deux batteries de Wundersilz et de Pototzky gar- 
nirent la Husterhôhe. Deux canons de la batterie Po- 
totzky, appuyés par un bataillon de grenadiers que le 
duc conduisit en personne, se placèrent au Ruppértswald 
à droite de la chaussée. Plus haut, sur la lisière du bois 
qui longeait le Steinbach, se postèrent un canon et un 
obusier de la batterie de Wundersilz : ces deux pièces 
qui flanquaient la gauche de l'assaillant, lui causèrent 
un grand mal, et, dit un officier, le gênèrent beaucoup 
pour l'arrangement de ses colonnes. 

Il était neuf heures, et Tavant-garde française, com- 
mandée par Guillaume, entrait à Faehrbach. Le général 
avait fait battre la charge à trois kilomètres du camp 
prussien et ses soldats, épuisés, respiraient à peine. Ils 
s'arrêtèrent pendant que le capitaine Debelle mettait en 
batterie ses six pièces d'artillerie légère et engageait 
une vive canonnade. Peu à peu arriva l'artillerie du 



46i WISSRMBOURQ 

parCy composée de viogt-deux pièces de position; le 
générai Mauscourt qui ia commandait, la fit jouer aussitôt, 
et, durant près de deux heures, un feu des plus violents 
régna des deux côtés ; mais, écrit un volontaire, « ce feu 
qui produisait un bruit épouvantable, n'eut d'autre 
effet que d'étourdir, et quelques bommes seuls furent 
atteints. » 

Cependant Moreaux tenait conseil de guerre dans une 
ferme. Guillaume, Freytag, Lequoy, les représentants 
Soubrany, Ricbaud, Ehrmann assistaient à la délibéra- 
tion. Moreaux déclara qu'on devait, comme dans la 
Journée du 42 septembre, opérer une simple reconnais- 
sance ; on comptait surprendre les ennemis, mais ils 
avaient eu le loisir de se préparer et tiraient de toutes 
parts ; il était impossible de les culbuter môme par un 
cboc énergique. Les conventionnels, et surtout le fou- 
gueux Soubrany, se récrièrent. Ils « opposèrent, rap- 
porte un témoin, à ces sages représentations les plus 
fortes et les plus justes, la plus vive résistance et crurent 
qu'il était aussi facile de monter sur les retranchements 
que dans la tribune aux harangues ». Suivant eux, 
l'occasion était belle et il fallait la saisir ; l'armée mon- 
trait une ardente et patriotique impatience ; elle force- 
fait la position à la baïonnette; bref» ils prenaient tout 
sur eux, et, au nom de la patrie, ils ordonnaient l'at- 
taque. Moreaux n'hésita plus. 

Tandis que les Français se disposaient à livrer ba- 
taille, Brunswick, entendant au loin une canonnade, 
s'imaginait qu'ils dirigeaient leur principal efTort sur 
Hohenlohe, à Deux-Ponts, et qu'ils se borneraient à 
faire une démonstration contre Pirmasens. Il avait 
mandé ses généraux sur la Husterhôhe et leur commu- 
niquait ses instructions : il allait, sous la protection de 



PIRMASBNS 465 

son artillerie, assaillir les républicains avec la plus 
grande vigueur ; ou leur attaque était réelle, et il les 
refoulerait, grâce à son canon et à la bravoure prus- 
sienne ; ou elle était fausse et il donnerait de Vair à 
Hohenlohe. Mais, pendant qu*il annonce sa résolution, 
le feu des carmagnoles se tait tout à coup. Brunswick 
s'étonne de ce silence soudain, braque sa lorgnette sur 
la chaussée et voit Tartillerie française se porter vers la 
route et les têtes de colonnes déboucher de Faehrbach à 
pas précipités. Incontinent, il fait avancer les batteries 
de Pototzky et de Wundersilz ; il leur joint les canons 
des bataillons; il appelle la batterie volante de Hahu à 
son aile gauche. Presque toute Tartillerie prussienne est 
ainsi rangée sur une seule ligne et prête à saluer les 
assaillants par une grêle de boulets. La cavalerie s'écarte ; 
les cuirassiers de Borstell, passant dans les intervalles 
de l'infanterie, se postent derrière le régiment Henri ; les 
dragons de Tschiersky se forment^ à gauche, en échi- 
quier. 

Moreaux avait, à Tabri de fermes entourées de ver- 
gers, distribué ses troupes en trois colonnes. Guillaume 
commande la colonne de droite; Freytag, celle du centre; 
Lequoy, celle de gauche. I/artillerie du parc et les 
pièces de 4 attachées aux bataillons remplissent les in- 
tervalles entre les colonnes. Les représentants du peuple 
vont de rangs en rangs; ils enflamment les courages; 
ils disent que l'instant est venu de chasser les esclaves 
des tyrans, et se placent chacun en tète d'une colonne, à 
celé des généraux. La charge bat. Les colonnes s'é- 
branlent aux crix de Vite la Nation! Vive la République! 
A bas la tyrannie! Elles semblent avoir des ailes ; lors- 
que Moreaux ordonne de les déployer et de les mettre 
en bataille, elles ont parcouru la moitié de la distance et 



466 WISSEMBOURQ 

elles marchent sous un feu terrible avec la plus franche 
gaieté. 

Déjà la cavalerie se mesurait avec Jes dragons de 
Tschiersky. Elle appartenait à la colonne de gauche et 
se composait du 9« régiment de chasseurs et du 14* ré- 
giment de dragons. Elle s'élance au galop, devance la 
colonne de droite, qu'elle traverse dans les intervalles 
des pelotons, et par le Blûmeslhal et le Scfaachberg ar- 
rive comme la foudre sur les escadrons de Tschiersky 
qui se portaient sur deux lignes à sa rencontre ; elle les 
enfonce, elles les pousse les uns sur les autres, elle cul^ 
bute un escadron des cuirassiers de Borstell qui tente de 
les dégager, elle les cloue au mur de la ville. 

La colonne de droite suit au pas de course la cavalerie 
victorieuse. Elle comprend la compagnie franche de 
Guillaume, que commande le fils du général, deux com- 
pagnies de grenadiers du 8» dlofanterie, le i^ bataillon 
des volontaires de la Haute-Saône et le 30* régiment de 
ligne. La compagnie franche de Guillaume et les deux 
compagnies de grenadiers s'avancent jusqu'aux palis- 
sades de la ville qui n'est gardée que par deux cents 
hommes ; elles touchent à la porte Neuve ; elles pénè- 
trent dans les jardins ; elles vont s'emparer de Pirma- 
sens. Soudain le jeune Guillaume se retourne : « Général, 
dit-il à son père, Tarmée se retire et votre colonne vous 
abandonne ! » 

Moreaux et ses lieutenants, ne connaissant guère le 
terrain, n'avaient pas prévu que les colonnes manque- 
raient d'espace pour se développera Trois bataillons, 

< « Je devais croire, écrit Schauenburg [A la Convention^ p. 5) que 
Moreaux avait une coonaissance exacte de la position des eoDemis, 
de leurs forces et qu'il ferait toutes les dispositions nécessaires, pour 
attaquer avec succès, » Legrand dit de mênae ; « Ce ne sont pas les 



PIRMASSNS 467 

chargés d'emporter le Sleinbach, reculent sous le feu des 
tirailleurs prussiens et des deux canons que Brunswick 
avait postés à la lisière du bois. Ils se rejettent sur la 
colonne de gauche, celle-ci sur la colonne du centre, 
celle du centre sur celle de droite, et toutes les colonnes 
dans le ravin du Bliimesthal. Aucune ne voulait fuir ; au- 
cune ne croyait faire un faux mouvement ni causer du dé- 
sordre; toutes suivaient la même pente et dans le ravin 
môme les tambours battaient encore la charge. Mais en 
un clin d*œil, en un tour de main, comme dit Moreaux, 
malgré les cris et les ordres réitérés du général en chef, 
malgré les jurons de Freytag^ les bataillons et les com- 
pagniejs se choquèrent, se mêlèrent, se confondirent. Les 
canons, les caissons tombèrent au fond du ravin en 
écrasant les soldats. On entendit les clameurs habi- 
tuelles : Nous sommes trahis! et Sauve qui peut! 

Brunswick profite du désarroi des colonnes françaises 
pour les accabler par le feu de la mousqueterie et de la 
mitraille: il fait venir sur la gauche les deux bataillons 
de son régiment avec leurs canons ainsi que les batte- 
ries de Hahn et de Wundersilz; il établit à la Nouvelle- 
Briqueterie Tarlillerie de la brigade du prince de Bade, 
accourue en toute hâte du Ketterich. Ganonnés de front 
par Brunswick et sur leur flanc droit par le prince de 
Bade, les républicains ne pensent plus qu*à s'échapper ; 
Fennemi, dit l'un d*eux, semblait multiplier son artil- 
lerie ; on en trouvait partout. 

repréâentanis qui ont dirigé la marche et ordonné chaque mouTement. 
Mais a-t-on jamais attaqué un camp considérable d'un seul côté , 
comme on le fit en cette circonstance ? Mais jamais en présence de 
Vennemi a-t-on fait marcher tout un corps d^armée comme en pro« 
cession et entre deux montagnes escarpées ? Mais a-t-on jamais or- 
donné un déplacement d^armée en présence de Tennemi dans un Tal- 
ion resserré où un seul bataillon n^eût pu se mettre en bataille ? > 



468 WlSSBMBOURa 

Bientôt Tarmée entière se disperse et s*éparpille : la 
cavalerie qui touchait de Tépée la muraille de Pirmasens, 
rinfanterie de Guillaume, la colonne de Freytag et celle 
de Lequoy. A une heure de l'après-midi le corps des 
Vosges n'est plus qu'un troupeau de fuyards. On ne 
peut, raconte un des vaincus, « dépeindre la terreur qui 
s'empare de tous : ces mêmes hommes qui, une heure 
auparavant, auraient franchi tous les obstacles et affronté 
mille morts, on les voyait maintenant épouvantés par 
leur ombre, par le vol d'un oiseau ». 

Guillaume couvrit tant bien que mal la retraite. Blessé 
à l'épaule par un éclat d'obus, il ne pouvait s'aider de 
son bras droit, et on dut le hisser sur un cheval. Son 
fils, frappé de trois coups de sabre, s'affaissait sans con- 
naissance au pied d'un arbre et les Prussiens le captu- 
raient. Pourtant, avec quatre compagnies de volontaires 
que commandait le chef de bataillon Guillot et quelque 
cavalerie que le capitaine Geoffroy du 9^ chasseurs et le 
capitaine Perrin du U® dragons parvinrent à rallier, le 
brave Guillaume sauva l'ambulance et Tartillerie lé- 
gère *. 

> Paul Guillaume, fils de paysan, était né le 4 mai 1744, à Cour- 
celles-Cbaussy [Moselle). Après avoir servi dans le corps des mineurs 
de 1761 à 1764, il entra au régiment de Toul-artillerie et y resta huit 
ans. En 1772, il se rendait en Prusse où il obtenait le grade de capi- 
taine et devenait examinateur des élèves de Partillerie et du génie. 
De retour en France (1782), il fut nommé professeur au corps de la 
gendarmerie; il enseignait la tactique et les évolutions. En 1788, on 
rappela à Paris pour la rédaction des nouvelles manœuvres. Après la 
réforme de la gendarmerie^ il se retira dans la Moselle, à Vau- 
doncourt, près de Boula j. Procureur de la commune, comman- 
dant de la garde nationale, électeur du département, commissaire 
chargé d'estimer les biens nationaux et de surveiller les municipalités 
dans leur travail sur les contributions foncières et mobilières, il de- 
manda du service après la déclaration de guerre et fut nommé par 
Li\ckner capitaine-commandant de la première compagnie franche de 



PIRMASBNS 469 

Mais la déroute était complète, et, disent les représen. 
tants, affreuse, désespérante. Malgré les difficultés d'un 
sol coupé de ravins et de fondrières, les dragons de 
Tschjersky, les cuirassiers de Borstell^ les hussards de 
Wolfradt, qui s'étaient mis aux trousses des fugitifs, 
firent près de deux mille prisonniers. Le reste des répu- 
blicains, harassé, mourant de faim et de soif, regagna 
le camp de Hornbach dans la soirée. Le drapeau du 30» 
régiment y arriva sans autre escorte que trois officiers 
et un fourrier. La confusion était si grande qu'on dormit 
pèle-môle, où Ton voulut, et qu*^oa ne chercha son ba- 
taillon que le lendemain. Beaucoup ne rentrèrent que 
trois ou quatre jours après le désastre; ils avaient 
poussé jusqu'à Bitche, à Sarreguemines, à Phalsbourg ■. 



Tarmée de la Moselle. Ce fut lui qui Torma cette compagnie, qui lui 
rournit les galons et le prix de la façon des uniformes. 11 assista au 
siège de Thionville et, sous les ordres de Erieg, détruisit les maga- 
sins des ennemis et enleva leurs bateaux. Employé sans cesse, avec 
sa compagnie, aux avant- postes de l'armée de la Moselle, sous Fré- 
gl^viile et sous Pully, il attira sur lui Tattention des représentants 
Soubrany^ Ehrmann et Richaud, qui le nommèrent chef de brigade 
(16 juillet 1793), lui donnèrent le commandement en second de Tavant- 
garde et, le 5 septembre, relevèrent au grade de général de brigade 
provisoire. 

^ Cf. sur la bataille de Pirmasens, Un Volontaire de 4794, p. 132- 
137; Léon Moreaux, René Mor eaux ^ 47-55; toute la correspondance 
du 13, du 14 et du 15 sept.; le rapport de Duvignau ; la relation de 
Guillaume (reproduite à peu près daDS sa brochure Paul Guillaume 
à la Convention nationale) et sa lettre au Comité, 13 octobre; la 
lettre de Moreaux à Schauenburg, 17 sept.; celle des représentants 
Soubrany, Richaud, Ehrmann au Comité, 15 sept. (A. G.) ; celle de 
Bouchotte à la Convention [Mon, du 23 sept.) ; L'Observateur impar^ 
tialt p. 10; Gesch. der Kriege in Europa, I, 216-220; Grawert, 
Ausfûhrliche Besehreibung der Schlacht von Pirmasent. Les Prussiens 
n'avaient que 7 oHiciers et 161 soldats morts ou blessés. Le corps des 
Vosges avait 226 blessés et perdait 1 ,788 hommes tués ou prisonniers, 
301 chevaux, 19 canons, 29 caissons. Etaient présents à la bataille ; 
30*inf.; 4* Haute-Saôae ; 3* bat. de la République; comp. franche de 



170 WISSBMBOURQ 

Par bonheur, Schauenburg avec fait une efficace dé- 
monstration contre Hohenlohe. Le prince désirait suivre 
les Français sur Pirmasens avec cinq bataillons et quinze 
escadrons. Mais, dès la pointe du jour, tous ses postes 
étaientattaqués. Le colonel Radot,du U« dragons, jeta des 
boulets sur Deux-Ponts. Un détachement, parti de Blies- 
kastel, inquiéta les avant-postes de Birnbach. Un autre 
détachement plus considérable, venu de Rohrbach, assail- 
lit à Limbach le général Eôhler. Deux colonnes du camp 
de Saint-lmbert engagèrent, Tune à Spiesen, une longue 
canonnade, Tautre, à Bidstock, un vif combat de cavale- 
rie contre les troupes de Kalkreuth. Aussi Hohenlohe 
ne put-il troubler ni couper la retraite de Moreaux'. 



Guillaume; 2* de l'Obserratoire ; 3* du Louvre; 9* chasseurs à che- 
val ; 14* dragons; l*' iuf. : l*' Meuse; 24* inf. ; 6* Haute-Saône; 
4* Manche; 2* Moselle; 4* Seine > Inférieure ; détachement du 
1*' Yonne attaché à Tartilierie; 96* inf.; 3* Manche; 9* Meurtbè; 
4* caval.; 102* inf.; chasseurs des Bons-Tireurs (A. G.). 

* Cf. les lettres des généraux à la date (A. G.) et Schauenburg à la 
Convention ^ 5. 



CHAPITRE XI 



HORNBACH 



I. Ferraris au quartier-général prussien. — Plan de Tétat-major. -^ 
Hornbacbf clef de la position française. — Prise de Blieskastel, de 
Saint-Imbert et de Hornbacb. — E^roi et désorganisation de l'armée 
de la Moselle. — Retraite sur la rive gauche de la Sarre. — II. Traité 
de Pétersbourg. — Diète de Grodno. — Le roi de Prusse quitte l'armée, 
— Ascendant de Manstein. — Inaction de firunswick. — Sécurité de 
l'armée de la Moselle. 



I. La coalition ne recueillit aucun fruit de la victoire 
de Pirmasens. Le jour même où le duc livrait ce glorieux 
combat, le troisième envoyé du cabinet de Vienne, le 
comte feldzeugmestre Ferraris, vice-président du Conseil 
aulique de la guerre, se présentait à Edenkoben au roi 
de Prusse. Il apportait le plan d'opérations. Envabir la 
Basse-Âlsace, bloquer Landau, forcer les lignes de Wis- 
sembourg, s'emparer du camp de Hornbach et tourner 
ainsi Tennemi sur son flanc gaucbe, tel était ce plan qui, 
suivant Ferraris, convenait à la situation et assurait aux 
armées de bons quartiers d'biver. Ferraris flatta ses al- 
liés; il « lava la tête » au fils de Wuimser; il exigea du 
vieux général la plus grande déférence pour Frédéric- 



172 WISSBMBOURa 

Guillaume, et Wurroser jura de s'amender, d*avoir l'hu- 
meur plus conciliante, de ne jamais faire le moindre 
mouvement sans l'agrément de Sa Majesté prussienne. 
Déjà Ferraris mandait à Vienne qu'il y aurait désormais 
intelligence et harmonie, que Brunswick tournerait les 
lignes et descendrait dans la plaine derrière Wissem- 
bourg, que le roi bombarderait Landau et même Stras- 
bourg ; sans doute, disait-il, la Prusse ne veut pas aller 
trop vite en Alsace^ mais un « souverain ne peut terminer 
la campagne sans avoir sauvé sa gloire par quelques pro- 
grès ». 

Tout s'animait ; tout respirait la guerre. Un diplomate 
anglais , lord Yarmoulh , arrivait au camp pour exciter 
encore cette ardeur martiale; il signait un traité de sub- 
sides avec le margrave de Bade, le landgrave de Hesse- 
Gassel^ le landgrave de Hesse-Darmstadt. Le roi de 
Prusse, si longtemps inactif, paraissait avoir un réveil 
d'honneur et le vif désir de rentrer en scène, de se si- 
gnaler par de beaux exploits et des prouesses héroïques. 
Il quittait Edenkoben et rejoignait le duc de Brunswick. 
Il écrivait à Ferraris qu'il voulait de tout cœur servir la 
bonne cause et qu'il allait faire une expédition, exécuter 
le dessein de la cour impériale, se jeter entre les deux 
armées du Rhin et de la Moselle, s'emparer du camp de 
Hornbach *. 

Depuis plusieurs jours , on ne s'entretenait que de 
Hornbach au quartier-général prussien. Ce n'est pas sur 
la Lauter, disaient les officiers de l'état- major, ce n'est 
pas sur le front de l'armée du Rhin, ce n'est pas à Bun- 
denthal et à Nothweiler, qu'il faut chercher la clef des 

' Zeissberg, I, 298; cf. Erdmannsdôrffer, Polit. Correspondenz Karl 
Friedrichs von Bad$n, 1892, II, p. 62 (traité du 21 sept., qui met 
754 Badois au service d'Angleterre) ; H&usser, I, 504. 



HORNBACH 473 

lignes de Wissembourg. La proposition, ajoutaient-ils, 
semble paradoxale , mais elle est juste. Môme si Ton 
tient Pirmasens et la hauteur du Ketterich, on ne peut 
entamer de solides opérations dans la montagne entre 
Bitche et Wissembourg qu'après s être saisi de Hornbaoh. 
Voyez Pejacsevicb , disaient encore ces officiers, il avait 
pris Bundenthai, mais 11 aurait dû prendre Lembach, 
prendre le Pigeonnier et par suite s*engager dans un 
pays de chicane ; il tournait l'adversaire et se faisait 
tourner, er war àeim Tourniren tournirt. Non, c'était Horn- 
bacb qu*on devait occuper tout d'abord. Que Hornbach 
tombe, et les postes de la montagne tombent à leur tour, 
et les lignes de Wissembourg tombent Tune après l'autre 
comme un château de cartes. Sans doute Hornbach était 
inattaquable de front. Mais il suffisait, pour s'en rendre 
maître, de tourner l'extrême gauche de Tarmée de la Mo- 
selle établie à Saint-Imbert. Sitôt que les Français auraient 
lâché Saint-Imbert, ils lâcheraient nécessairement Horn- 
bach *. 

Les stratégistes de Tétat-major prussien avaient raison. 
Leur manœuvre réussit. En trois jours, ils s'emparèrent 
de Saint-Imbert, de filieskastel, de Hornbach, et il ne te- 
nait qu'a eux, après ce mouvement décisif, de se rabattre 
sur l'armée du Rhin et de la prendre à revers dans sa 
position de Wissembourg. 

Le 26 septembre, Kalkreuth marchait contre le camp 
de Blieskastel avec deux mille hommes en quatre co- 
lonnes, et les généraux français Prilly^ Ormescheville, 

' Kurw Uebertieht des Feldzuges im Jahr 4795 zwisehen dem Rkein 
und der Saar^ 1793, p. 30 (ouvrage tout prussien dont Massenbach 
est l'auteur et qu'il a reproduit dans Tappendice du premier tome de 
ses Mémoires). Legrand dit de mÔme : « Le camp de Blieskastel 
étant évacué, celui de Hornbach, qui faisait une pointe en avant et 
pouvait être entouré, n'était plus teoable. * 



474 WISSEMBOURa 

Delaunay *, débordés sur leur gauche à Nieder-Wùrzbacli, 
se hâtaient d^opérer leur retraite : les Prussiens avaient 
3 morts et 4 1 blessés ! 

Le lendemain, Hohenlohe tournait le fameux camp de 
Hornbach, et Moreau s'empressait de reculer sur Bitche, 
sans prévenir Schauenburg : il abandonnait les trois ba- 
taillons qui formaient son extrême droite à la Main-du- 
Prince, en leur disant qu'ils seraient désormais aux 
ordres de Landremout, qu'ils devaient s'appuyer sur la 
gauche de l'armée du Rhin, à laquelle ils appartenaient 
dorénavant • ! 

Le surlendemain, Enobelsdorf* s'emparait de Saint- 

*■ Nous retrouverons Delaunay daas le volume suivant. — Marie- 
Pierre-Hippoljte Monnier de Prilly était né le 12 août 1737. Volon- 
taire au 17* dragons en 1757, coruette le 9 avril 1758, lieutenant en 
second le 14 avril 1759, lieutenaut le 3 octobre 1761, capitaine le 

14 du même mois, capitaine-commandant de la compagnie du mestre 
de camp le 28 avril 1765, passé à une autre compagnie le 11 aodt 
1768, major le 3 mars 1774, capitaine-commandant a la formation de 
1776, lieutenant-colonel le 24 juin 1780, et titulaire de ce grade le 

15 avril 1784, colonel le 25 juillet 1791, général de brigade, il com- 
mandait en chef, à Parmée de la Moselle, les deux régiments des 
carabiniers et le camp de Blieskastel. — Joseph de Bexon, baron 
d'Ormescheville, ancien lieutenant-colonel du régiment des chasseurs 
à cheval des Pyrénées^ né à Volmunster, président de la municipalité 
de Sarralbe au début de la Révolution, avait quitté ses fonctions ad- 
ministratives en octobre 1790 pour reprendre du service [Revue d'Al- 
sace, 1892, I, p. 79], et il était général de brigade depuis le 7 sep- 
tembre 1793. 

* Schauenburg à la Convention^ p. 6; Moreaux a Landremont, 
30 septembre; Clarke a Boucholte, 2 oct. (A. G.). Clarke jugeait sé- 
vèrement la conduite de Moreaux : « Il s'est replié, laissant un vide 
de huit lieues entre les deux armées, abandonnant Bitche qui se 
trouve exposé à être cerné, et donnant à Tennemi la facilité de 
rompre la communication entre les deux armées ; il s^est, d'ailleurs, 
borné à prévenir le général en chef de sa retraite, sans en faire con- 
naître le motif, et il a remis trois bataillons à la disposition de 
Ferey \ » 

s 11 venait des Pays-Bas [Trahison de Dumouriez, 123 ; cf. Wa- 
gner, 62). 



HORNBAGH 475 

Imbert et s'unissant à Kalkreuth, refoulait sur Sarrebrùck 
l'avant-garde française. 

Encore un seul coup, et Tarmée de la Moselle était re- 
jetée en Lorraine. « La désorganisation, écrit un contem- 
porain^ était à Tordre du jour, et nul doute que, si les 
Prussiens Tavaient voulu, ils auraient forcé toutes nos 
positions sur la Sarre. » La consternation régnait parmi 
les troupes. On n*entendait de tous côtés que les mots 
nous sommes coupés. Les jacobins, la tête basse et le visage 
allongé, faisaient leurs paquets et se disposaient à gagner 
la France. Les équipages, les ambulances, le trésor pas- 
saient la Sarre. On vidait les magasins ^ 

Les destitutions qui pleuvaient sur l'armée augmen- 
taient encore le désordre. Boucbotte ordonnait à Guil- 
laume de venir à Paris et de rendre compte de sa 



' Note de Legrand (A. G.) ; Horstmann, Die Franzosen im Saar- 
ffaUf 103-104, 138. L'armée de la Moselle était ainsi composée au 
21 septembre. Avant-garde : \" dragons, 3* hussards, i*^ chasseurs à 
cheval; 2* comp. art. légère ; 13* inf. légère; chasseurs de Reims; 
comp. franche de Metz ; 4* comp. du Louvre ; 2* comp. des Saas- 
cuiottes ; 91* et 44« inf.; 4« Meurtbe ; 2* Haute-Marne; détache- 
ments du 89». — Corps détachés de Vavant-garde : légion de la Mo- 
selle ; comp. franches de MiUon, de Saint-Maurice, de Billard ; 
!'• comp. du Louvre; 188 hussards du 7* régiment. — Corps de ba- 
taille : les deux régiments de carabiniers; 5* inf.; 1" Saôae-et -Loire; 
l*' de la République; 58« inf.; 1«' RhÔne-et-Loire ; 6* Vosges; 
7* Meurtbe; 2« Seine-et-Marne ; 103* rég.; 55» rég. ; 1«r Lot ; 4» Mo- 
selle ; 17* rég. ; 10* et 11* caval. ; deux comp. de pionniers. — Corps 
des Vosges (avant-garde) : 9* chasseurs a cheval ; 14* dragons; comp. 
franche de Guillaume ; 3* comp. franche du Louvre ; 1'* comp. franche 
de l'Observatoire; [corps de bataille] i 30* rég.; 4* Haute-Saône; 
3* de la République ; 1*' régiment ; 1'* Meuse ; 1'* Indre ; 24* rég. ; 
2* Moselle ; 4* Manche ; 4* demi-brigade d'inf. ; 1'* comp. de pion- 
niers ; 4* caval. ; 3* Manche ; 102* rég.; comp. des chasseurs Bons- 
Tireurs ; 2* comp. des chasseurs du 96* rég. En tout : avant- garde: 
6,276 hommes ; corps détachés, 2,011 ; corps de bataille, 12,598 ; corps 
des Vosges, 14,255. 22 bouches a fèu à l'avant-garde ; 77 au corps de 
bataille ; 41 au corps des Vosges. 



476 WISSBMBOURa 

conduite. Il suspendait Delaage, Linch, Desperrières, 
Prilly, La Grange et quatre adjudants-généraux. De nou- 
veaux chefs étaient nommés ; Delaunay et Vincent deve- 
naient généraux de division, et les commandants de 
bataillon Olivier, Lombard, Pierre Huet, généraux de 
brigade; Delaunay remplaçait Delaage à Tavant-garde ; 
Olivier succédait à Prilly. Mais tous étaient inexpéri- 
mentés, découragés, rebutés. En vain Schauenburg leur 
prescrivait de prendre l'offensive, d'assaillir Saint-Imbert 
et Blieskastel, de rentrer au camp de Hornbach. En vain 
les représentants du peuple, accourus de Metz à Sarre- 
brûck, décidaient que 1 armée de la Moselle attaquerait 
i*ennemi dans la matinée du 29 septembre, pour recon- 
quérir les positions perdues. Moreaux,tout décontenancé 
depuis son échec de Pirmasens et convaincu que le corps 
des Vosges ne pouvait rien contre Brunswick, refusa de 
quitter Bitche, de marcher sur Hornbach, et, pour se 
mettre à couvert, il convoqua ses généraux : tous opi- 
nèrent que les soldats ne cessaient de bivouaquer, qu'ils 
n'avaient pas mangé la soupe depuis plusieurs jours, 
qu'ils étaient excédés de fatigue, que les chevaux man- 
quaient d'avoine et de foin ; attaquer Hornbach, c'était 
exposer le corps des Vosges à un désastre. Les généraux 
Olivier, Lombard, Lequoy, chargés de reprendre Blies - 
kastel, signèrent une semblable déclaration ; ils se 
trouvaient, disaient-ils, dans la même posture que Mo- 
reauXf et s'ils tentaient quelque entreprise sans être 
appuyés sur leur droite, ils seraient coupés, obligés de 
livrer Sarreguemines ; les chemins, ajoutaient-ils, étaient 
défoncés ou tellement étroits que les pièces ne pour- 
raient faire demi-tour en cas de retraite : l'adversaire 
avait établi des batteries masquées ; bref, ils renonçaient 
unanimement à toute attaque. 



HORNBACH 177 

Schauenburg se résigna. Il tint chez les représentants 
un conseil de guerre. Devait-on réunir les troupes cam- 
pées à Sarrebrûck au corps des Vosges qui s*était replié 
sous les murs de Bitche? Ou bien ce corps se joindrait- 
il au reste de Tarmée ? On convint d'abandonner Bilcbe 
à ses propres forces et de masser tous les bataillons sur 
la rive gauche de la Sarre, de Sarreguemines à Sierck. 
Un détachement envoyé à Rohrbach, entre Bitche et 
Sarreguemines, défendrait la trouée de Phalsbourg. Après 
tour, disaient les représeutants, Tarmée de la Moselle 
couvrirait, comme auparavant, dans des positions avan- 
cées, les frontières de la Lorraine, et sa situation n'était 
changée que sur la droite. 

Si Schauenburg et les conventionnels avaient su ce 
qui se passait au quartier-général prussien, ils auraient 
été rassurés. Le 29 septenibrc, pendant que les Français 
éperdus se préparaient à traverser la Sarre, Frédéric- 
Guillaume regagnait ses états, et Manstein écrivait à 
Ferraris que les républicains se retiraient partout avec 
tant de rapidité qu*on ne pouvait les battre, que, par 
suite, le mouvement tournant des Prussiens n'aurait, 
sans doute^ aucun efTetl Ferraris comprit cette politique 
qui ne cessait d'élever des difficultés factices : « Nos 
alliés, s'écriait-il, se tiendront à des démonstrations, la 
machine n'ira pas, et le temps précieux qui reste de 
cette année sera aussi complètement gaspillé que son 
commencement M » 



1 Bouchotte à Guillaume, 26 sept. : Schauenburg à Boucholte, 25 
et 29 sept., à Mor^aux, 27 sept. ; lettres et délibérations des géné- 
raux, 28 sept. ; les représeatanls au Comité, 30 sept. [A.. G. et Afon, 
du 5 octobre]; Schauenburg à la Convention^ 6-7 ; Léon Moreaux, Mené 
Moreaux, 60-61, 285; Gesch. der Kriege in Buropa, 1, 225-228; Zeiss- 
berg, I, 302-303. 

WISSSMBOURG. 12 



478 WISSBMBOURa 

II. Le traité de Pétersbourg, conclu le 23 janvier, don- 
nait à Frédéric-Guillaume Thorn, Danzig, Posen, avec 
quinze cent millions d*âmes et à la tsarine la Yolhynle, 
la Podolie, Kiev et Yilna avec trois millions d'habitants. 
Mais après avoir ratifié, sous la pression des baïon- 
nettes, les démembrements qu'exigeait la Russie, la 
Diète polonaise de Grodno ne consentit à signer avec la 
Prusse qu*une convention de commerce* A celte nou- 
velle, les faiseurs de Frédéric-Guillaume, ses ministres, 
ses confidents, frémirent d'indignation. Quoi, les Polo- 
nais s'insurgeaient contre le cabinet de Berlin 1 Allait- 
on leur faire la guerre en même temps qu'aux Fran- 
çais? Faudrait-il combattre à la fois sur la Vistule et 
sur le Rhin ? « A celte pensée, disait Schulenbourg, mes 
cheveux se hérissent », et il conseillait d'abandonner la 
frontière d*Alsace et de se tirer d'un « jeu funeste ». 

Les craintes des faiseurs étaient d'autant plus vives 
que la Russie et l'Autriche excitaient la résistance de la 
Diète. L'envoyé de Catherine II, Sievers, déclarait que 
les Polonais avaient droit à la protection de l'impéra- 
trice et ne pouvaient être livrés à la merci du roi de 
Prusse. L'Autriche n'accédait pas encore à la convention 
de Pétersbourg, et, sous main, elle encourageait les 
députés de Grodno. Lorsque les confédérés décrétaient la 
mort contre quiconque émettrait le vœu d'un démem- 
brement au profit de la Prusse, l'agent impérial Caché 
gardait le silence. « Ce qui nous arrive à Grodno, écri- 
vait-on de Berlin, ne saurait être l'efiet du hasard ; le 
coup part de plus loin et la cour de Vienne s'en est 
mêlée. » 

Le ministère prussien jugea que Frédéric-Guillaume 
devait quitter son armée et intervenir personnellement 
dans le débat : le roi montrerait par cet acte éclatant et 



HORNBACH 479 

cette «c mâle démarche » que la Pologne était Tobjet es- 
sentiel de ses préoccupations ; il sauverait la « considé- 
ration politique » de la Prusse ; il imposerait à ses ad- 
versaires secrets et les ferait réfléchir. 

Frédéric-Guillaume hésitait. Ses instincts de guerrier 
et de monarque se révoltaient contre ce brusque départ. 
Il haïssait la Révolution et désirait l'écraser. S'éloigner 
du Rhin, n'était-ce pas compromettre sa réputation mi- 
litaire ? Ne Taccuserait-on pas de déserter la cause des 
souverains? Manstein et Lucchesini l'emportèrent. Dès 
le 49 septembre, Frédéric-Guillaume annonçait sa réso- 
lution à Brunswick; il devait, mandait-il au duc, assu- 
rer ses propres frontières et il courait en Pologne. Dix 
jours plus lard il partait. « Quand votre maison brûle, 
disait-il à l'Autrichien Wartensleben, il faut l'éteindre 
avant toute autre, d II ajoutait qu'il ne pouvait plus 
longtemps sacrifier le principal à l'accessoire. Pourquoi 
l'Autriche ne signait-elle pas la convention de Péters- 
bourg? Pourquoi prescrivait-elle à son envoyé de 
Grodno un rôle passif et silencieux? Pourquoi ne pres- 
sait-elle point la conclusion des affaires de Pologne par 
l'expression puissante de sa volonté ' ? 

Les « affaires de Pologne » ont ainsi préservé d'une 
catastrophe certaine les armées françaises. C'est à cause 
des « affaires de Pologne » que les Prussiens ne don- 
nèrent aux Autrichiens qu'une mince et dérisoire assis- 
tance. L'alliance de3 deux monarchies était rompue ou 
peu s'en fallait. « Tout travaille contre elle, écrivait 
Lehrbach, et l'on met tout en œuvre pour nuire à la 
cour impériale. L'armée prussienne est lasse, elle sou- 

* Zeissberg, I, 293-294, 304, etc. ; Hausser, I, 514 ; Hermann, /)•- 
plom, Corresp, 429; Sybel, II, 380 ; Sorel, VJSurope et la lUvol., III, 
495. Ci. les réflexions curieuses du Mon. du 23 octobre. 



480 WISSBMBOURa 

pire après la paix, el Ton entend dire partout : le roi a 
son dédommagement en Pologne et TAutriche a recou* 
vré ses Pays-Bas; que la France soit République s*il lui 
plaît M » 

Brunswick comprenait ce qu'une telle façon de faire 
la guerre avait de louche et d*embarrassant.Il se plaignit 
au roi et lui remontra les dangers de sa situation ; il 
avait le sentiment de sa dignité et ne voulait pas se 
déshonorer, ni porter tout l'odieux d'un désastre'. Son 
devoir était de donner sa démission; mais faible et in- 
capable de prendre un parti vigoureux, il garda le com- 
mandement et ne fut que l'instrument de Manstein. 

Manstein, dit un contemporain, avait emmené le roi 
loin de ses troupes et renfermait comme dans une cage 
de fer. Ce fut Manstein qui dirigea les opérations prus- 
siennes sur les confins de la Lorraine et de TAlsace. 
Brunswick demandait les instructions, non du roi, mais 
de Manstein, et Manstein lui répondait de Rawa, de 
Gzenslochau et autres lieux sarmales. Vainement le duc 
prolestait qu'on devrait faire davantage en faveur des 
Autrichiens et au moins entreprendre de courtes expé- 
ditions à leur profit. Vainement il insinuait qu'il pour* 
rait agir encore et tenter quelque chose, qu'il saurait 
passer la Sarre et vaincre l'adversaire •. 

La Diète de Grodno capitulait. La Prusse recevait sa 
part de la Pologne. Pourquoi se chamailler encore sur 
la Sarre et le Rhin? Après tout, l'honneur était sauf; 
on avait pris Saint-Imbert, Blieskastel, Hornbach ; on 

> Zeissberg, I, 279. 

* Cf. sa lettre du 6 janvier 1794 au roi (Massenbach, I, 447). 

» Massenbach, I, 202 ; Valentini, 46; Wagner, 151, 153, 154 (. cin 
Mehreres leisten. . . . , kurze Expedilionen .... noch elwas unlernch- 
men.. agiren >). 



HORNBACH 181 

avait chassé les Français du sol de TEmpire et délivré la. 
région rhénane do ses « cruels oppresseurs » qui par- 
tout « signalaient leur férocité incendiaire * ». L'Autriche, 
disaient Lucchesini et Manstein, a veut nous user et faire 
des conquêtes en France; mais nous allons sortir de 
cette guerre, la plus coûteuse que nous ayons jamais 
eue, exploiter nos acquisitions, pourvoir à la défense des 
nouvelles frontières, combler les vides du trésor, conso- 
lider de plus en plus nos bons rapports avec la Russie^ 
et, sans nous soumettre aux caprices de la politique an- 
glaise, surveiller en silence Tambition de TAutriche, 
notre rivale naturelle. » Sur les injonctions de Manstein, 
Brunswick dut rester inactif, immobile : « Si je perds 
un cheval de bât, avouait-il à Wartensleben, Manstein 
criera comme un aigle * 1 » 

L'armée de la Moselle, qui pouvait être écrasée, se for-» 
tifia donc tout tranquillement et à son aise sur la rive 
gauche de la Sarre. On mit une avant-garde à l'autre 
bord, en face de Sarrebrûck, au faubourg Saint-Jean: 
entouré d'un vieux mur, défendu par quelques batte- 
ries et par des redans en terre, le faubourg Saint-Jean 
était une excellente tète de pont ; il assurait le passage 
de la rivière et donnait les moyens de reprendre l'offen- 
sive. Un gros détachement fut placé au gué de Qudin- 
gen, un des meilleurs de la Sarre, et où la pente des 
collines qui bordent Teau est plus douce qu'ailleurs. Le 
centre de l'armée s'établit à Sarrebriîck et la droite à 



> Btieftoechiel des Hertogs Karl Attgust mit Oœthe, I, 188; cf. 
Zeissberg, I, 223. 

« Hausser, I, 516 ; Zeissberg, I, 358 (Wartensleben à Waliis : t der 
Herzog selbst sagte mir, wenn ich nur ein Packpferd vor dem Feind 
Terliere, so wird der Oberst Manstein wie ein Adler Bchreien. >}; cf. 
àîon. des 25 et 28 octobre. 



182 'WISSBHBOURa 

Sarreguemines, un corps assez considérable occupa 
Grossblittersdorf ; les troupes légères étaient à Sarrelouis 
et àBouquenom*. 

Ces mouvements se firent comme en pleine paix, et 
jusqu'à la fin du mois d'octobre, Tannée de la Moselle 
Técut dans la sécurité la plus profonde. On aurait dit 
que Tennemi n'existait pas. 

« Tout dort, et Tarmée, et les vents, et Neptune, 

écrivait-on à Paris, des gardes avancées se fusillent de 
temps à autre, et voilà tout *. » 



1 Note de Legrand [Â. G.]. 

* Journal de la Montagne, n« 137 (Lettre du 10 octobre). 



CHAPITRE XII 



WISSEMBOURG 



I. Combats du 18, du 19 et du 2C septembre. — Acharnement des deuK 
partis. — • Craintes de Landremont. — II. Recrudescence de colère contre 
les otâciers nobles. — Suspension de Landremont. — Delmas et Piche» 
gru. — Message alarmant de Clarke. — L'intérim de Munnier. — Car* 
lenc, général en chef de l'armée du Rhin. — III. Le plan de Carlenc. 

— Ses lieutenants. — Suspensions sur suspensions. — Les lignes de la 
Lauter. — IV. Entrevue . de Pirmasens. — Ferraris et Brunswick. — 
Bataille du 13 octobre. — Waldeck à Seltz. — Jellachich à Lauterbourg. 

— Hotse dans le Bienwald, à Saint-Remy et à Schleithal. — Meszaros à 
Steinfeld. — Prise de la grande redoute. — ^ Meynier et Combez. — 
Victoire de Wurmser. — Eatrée des Autrichiens à Wissembourg. — > 
V. La division des montagnes. — Retraite de Ferey. — Brunswick 
maître, des gorges. 



I. Landremont n*était pas resté dans Tinaction depuis 
qu'il avait si heureusement ressaisi le poste de Bunden- 
thal. Le 18» le 49, le 20 septembre il dirigeait contre les 
Impériaux de Holze et de Jellachich campés dans la 
forêt de Bienwald, des attaques sérieuses *. L'acharne- 
ment était égal des deux parts. Les Autrichiens épui- 

* Gebler, 131-132 t die wûlhenden Angriffe... die Reiben bedeu- 
tend gelichtet. . . die Krâfte erscbdpft. . . > Les Impériaux eurent, dans 
ces trois jours, 17 officiers et 727 soldats hors de combat. 



4 84 WISSKMBOURG 

sèrent toutes leurs muDitions et durent emprunter aux 
Prussiens de la poudre et des balles. Leurs pièces 
s'échauflFaient tellement à force de tirer qu'il fallut, pour 
s'en servir encore, les rafraîchir à de fréquents inter- 
valles. Mais les Français n'étaient pas moins obstinés. 
Le 48, dans les bois de Schaidt, leurs blessés crièrent 
Vite la République et firent le coup de fusil jusqu'à la 
nuit close. Un caporal du \^ bataillon de la Corrèze ne 
cessa de se battre, bien qu'il eût un doigt de la main 
gauche emporté. Des Corréziens pissaient sur le canon 
de leur arme pour le refroidir et le charger sans enflam- 
mer la poudre. D'autres pissaient dans le canon môme, 
pour le laver et le frotter ensuite avec un lambeau de 
leur chemise. Le bataillon finit par manquer de car* 
touches. Il fonça, la baïonnette en avant ; les ennemis 
s'enfuirent en laissant sur la place les marmites avec 
leur soupe, les pots remplis de pommes de terre, les 
écuelles pleines de café au lait et sur un autel, dans une 
baraque de branchages, un pâté tout frais '. 

La lutte s'opiniâtra surtout à la droite de l'armée fran- 
çaise. Le 49 septembre, les républicains, conduits par 
Legrand et Dubois, se portèrent dans le Bienwald ; mais 
l'adversaire, dit Dubois, était fortement retranché dans 
un ravin, et à peine lui voyait-on le nez ; les patriotes 
durent céder. Le 20, ils revinrent à la charge. On fut 
aux prises de quatre heures du matin jusqu'à deux 
heures de l'après-midi avec une rage indescriptible. Le 
soldat, écrit un général, écumait de colère. Cette fois 
encore, il fallut plier sous le nombre : notre droite avait 
plus de trois cents hommes hors de combat, et l'on 

^ Lt Batavét, n»' 220 et 227 ; Rapport de Borie^ RuampSy etc., 14; 
cf. d'Ecquevilly, I, 167-170. 



WISSEMBOURG^ 185 

comptait parmi les blessés une foule d'officiers et la 
plupart des colonels, entre autres le commandant du 
4* bataillon des volontaires du Bas-Rhin, Ortlieb, qui ve- 
nait de recevoir son brevet de général. Dubois avouait 
que, si de semblables « revers • se produisaient souvent, 
les troupes ne pourraient plus tenir les lignes '. 

Gomme toujours, Landremont n'assaillait les Impé- 
riaux que partiellement, et n'osait entreprendre une 
attaque générale. « Personne ne commandait, a dit un 
contemporain, personne n'obéissait ; on dénonçait, on 
destituait, le désordre était extrême ; le courage indivi- 
duel ne faisait pas faute au moment de Faction ; mais 
chacun allait à sa guise et l'ensemble manquait ; deman- 
der pourquoi on ne fit pas telle ou telle chose, c'est 
demander pourquoi le chaos est la confusion '. » 

Il est vrai que Landremont ne disposait que de 31,000 
hommes; 7,000 formaient l'a vant-garde ; 41,000 proté- 
geaient Lauterbourg et la droite de la position ; 7,000 
occupaient les gorges de Nothweiler ; 4,000 composaient 
sa cavalerie. Bouchotle prétendait lui démontrer par les 
états de situation que l'armée du Rhin comprenait plus 
de 450,000 hommes. Le général soutenait que sa force 
réelle, effective, combattante, ne montait qu'à 34,000 
hommes, et encore ne se défendait-ll qu'en jetant sur 
Tendroit menacé les troupes qu'il avait sous la main et 
en ce mettant tous ses œufs dans un même panier d. 
Mais il doutait du succès et assurait qu'il ne pourrait 
garder plus longtemps les lignes de Wissembourg, s'il 
ne recevait des renforts. Que les ennemis, disait-il, 
attaquent tous les points à la fois, et ils feront leur 

1 Dubois a Landremont et auxreprésenlanls, 19 et 20 sept. (A. G.); 
cf. Gebler, 131-132 et Remling, I, 377-378. 
* Noie de Legrand [À. Q.}. 



<86 M^ISSEMBOURa 

trouée d*un côté ou de l'autre. Il n'avait plus d'obus, 
plus de munitions. Son armée vivait au jour le jour, et 
sans l'infatigable Yillemanzy, elle eût déjà manqué de 
pain. Enfin, il se plaignait des représentants qui contrô- 
laient ses moindres actes et le gênaient cruellement 
dans ses opérations. « Tous les pouvoirs, marquait-il à 
Schauenburg dans une lettre confidentielle, se contra- 
rient et semblent vouloir tout désorganiser *. » 

Qu'on juge de son désespoir lorsqu'il apprit que les 
Prussiens avaient rejeté Tarmée delà Moselle sur l'autre 
rive de la Sarre ! Depuis quelques jours il redoutait ce 
fatal événement, et, avec une anxiété croissante, il 
recommandait à Scbauenburg de ressaisir le Eettericb, 
d'où l'adversaire pouvait gagner Niederbronn ; il le 
priait instamment de défendre la Main-du-Prince et de 
mettre René Moreaux sur ses gardes. Aussi, lorsqu'il sut 
la nouvelle, « les Prussiens, s'écriait-il, vont me tourner 
par ma gauche, pendant que les Autrichiens attaqueront 
mes ligoes ! Je n'ai pas assez de monde pour me ûatter 
de conserver ma position! Ah ! si j'avais 45,000 hommes 
de plus, les ennemis ne passeraient pas ! » Néanmoins il 
fit sagement, secrètement, ses préparatifs de retraite. 
Il craignait surtout pour Strasbourg; là place, disait-il, 
était absolument dépourvue de vivres ; elle n'avait pas le 
cinquième de ses munitions de siège, elle ne tiendrait 
même pas trois jours. Il ordonna de pourvoir à sa dé- 
fense, mais silencieusement et sans fracas; «n'ébruitez 

* Landremont à Schauenburg, au Comité, à Boucbotte, 23 et 25 sep- 
tembre ; Duvigoau aux représentants, 15 sept. (27,000 d'infanterie et 
3,000 de cavalerie) ; Laadremont avait d'autant plus raison que les 
représentants priaient en même temps le Comité de rendre a Tarmée 
du Rhin et de renvoyer eu poste les 15,000 hommes qu'on lui avait 
pris au mois d'août et qui se trouvaient alors aux environs de Châ-* 
ions [Rappoi-t de Borie, Ruamps, etc., 15, 302-306). 



WISSBMBOURa 487 

rien, écrivait-il à Dièche^ paraissez occupé du passage 
du Rhin et faisons tout pour sauver Strasbourg ^ *^ 

II. Mais à Tinstant où le vaillant soldat se préparait 
à défendre avec plus d*ardeur que jamais la frontière de 
TAlsace, le Comité de salut public le dépouillait de son 
commandement. Il jugeait que le général exagérait la dé* 
tresse de Tarmée et le dénuement de Strasbourg : la plus 
forte place de l'Alsace ne tiendrait-elle que trois jours et 
pouvait-on compter sur l'homme qui faisait une pareille 
déclaration? D'ailleurs, Landremont était noble, et la fuite 
d'Arlande, son lieutenant, avait accru la haine contre les 
ci-devant. Les représentants Lequinio et Lejeune ordon- 
naient Tarrestation de tous les nobles du département de 
l'Aisne, et Milhaud écrivait des bords du Rhin qu'on ne 

*■ Landremont à Diècbe, 28 sept. (A. G.). Dièche (Antoine- Claude], 
né le 18 juin 1753, au bourg de Rhodes, dans les Basses- Pyrénées, 
avait été successivement gendarme de la garde ordinaire du roi 
[\*' juin 17G8), sous- lieutenant au régiment de Piémont infanterie 
(5 mai 1772], lieutenant en second dans la compagnie de chasseurs 
{7 août 1778), piemier lieutenant [16 oct. 1782], capitaine en second 
[1*' juillet 1785), capitaine de grenadiers (17 mai 1786), lieutenant- 
colonel au 27* régiment [29 oct. 1792). Il avait fait la campagne 
d'Amérique (1782-1783), et reçu la croix de Saint-Louis, le 3 avril 
1791. Général de brigade, le 14 août 1793, et de division, le 23 août 
suivant, il commandait la citadelle de Sirasbourg à la grande joie des 
Jacobins. N*était-ce pas lui qui dénonçait Custine dès l'expédition de 
Spire? (Expédition de Custine, 59, note 1.) N'écrivait-il pas à Bou^ 
chotte, le 29 août, qu'il c était républicain dans son ftme avant qu'on 
songeât en France à une République > ? Berger et Renkin faisaient 
son éloge et craignaient qu'il ne fût éloigné ; c^était, disaient-ils, un 
citoyen bien nécessaire à Strasbourg et le seul homme propre à faire 
rentrer dans Tordre les malveillants et les anti-révolutionnaires, dont 
la ville fourmillait. Bouchotle répondit que Dièche ne quitterait 
pas Strasbourg tant que les bons citoyens et Dièche lui-même « y 
verraient le moindre inconvénient > (lettres des 3, 4 et 7 sept.). 
Dièche passa le 3 thermidor an Vil a l'armée des Alpes, fut mis en 
réforme le 9 nivôse an VIII, obtint une solde de retraite en 1811, et 
mourut à Paris cette même année, le 18 février. 



4S8 WISSBMBOURa 

devait mettre à la tète des Français que des hommes du 
peuple : « il faut détruire CarthagCy il faut détruire )a no- 
blesse. ■ Les commissaires des assemblées primaires 
demandaient qu'aucun noble ne fût admis aux emplois 
civils et militaires avant la fin de la guerre. La citoyenne 
Lacombe, guidant une députation de la Société des Répu- 
blicaines, sommait la Convention de décréter la destitu- 
tion de tous les aristocrates. Les Jacobins de Paris 
exigeaient davantage : « avant tout, disaient-ils à TAssem- 
blée, bannissez cette classe chargée de crimes qui occupe 
encore insolemment les premiers postes de nos armées ; 
les nobles furent toujours les ennemis irréconciliables de 
Tégalité et de Thumanité entière ; qu'on leur ôte tout 
moyen de grossir les hordes de nos adversaires ; qu'ils 
soient mis en prison jusqu*à la paix. • Et la Convention, 
intimidée, décidait que les sociétés populaires dresse- 
raient la liste des suspects qui servaient dans les ar- 
mées '. 

Le 2& septembre, Bouchotte annonçait qu'il destituait 
Houchard, Schauenburg et Landremont : Houchard était 
remplacé par Jourdan; Jourdan qui commandait Tarmée 
des Ardenues, par Jacques Ferrand ; Schauenburg, par 
René Moreaux ; Landremont, par Delmas. Les quatre ar- 
mées qui protégeaient la frontière du nord-est chan- 
geaient donc de général I La Convention s'émut. Du Roy 
prit la défense de Landremont avec une généreuse cha- 
leur : Landremont, disait-il, possédait la confiance de ses 
soldats, il rendait de grands services à la République, il 
se montrait excellent patriote. Quant à Delmas, ajoutait 

> Le Comité aux représentants, 25 sept. [Rapport de Borie, 
Ruamps, etc., 259, 260) ; Journal de la Montagne, n© 68 ; séances de 
la Convention, 20, 26, 27 août et 4 sept. ; décret du 13 sept., Mon. 
du 15. 



WlSSKMBOURa 489 

DU Roy, il avait déployé sa bravoure à la lête du i®"^ ba- 
lailloQ des volontaires de la Gorrèze, mais il était jeuae 
encore et incapable d'arrêter un plan, de diriger de vastes 
mouvements. « Craignez, conclut Du Roy, de nuire aux 
intérêts delà France par des destitutions trop précipitées ; 
il ne suffit pas d'avoir fait la Révolulionà Paris pour être 
général babile ; ne confiez vos armées qu'à des hommes 
instruits et laissez-leur des ofliciers qui, pour avoir le 
malheur d'être nés nobles, n'en sont pas moins sans- 
culottes. » Ce discours excita des murmures. Duhem ré- 
pondit qu'il fallait, pour éviter toute trahison, ne plus 
employer la noblesse ; Rafiron, que les patriotes com- 
mettraient peut-être quelques fautes, mais qu'ils sau- 
raient promptement s'instruire et ne trahiraient jamais ; 
Jeanbon-Saint-André , que le courage et l'impétuosité 
des soldats suppléeraient aux talents des généraux. La 
Convention décréta que le Comité de salut public lui fe- 
rait un rapport sur la lettre de Bouchotte. 

Le lendemain, Barère prit la parole, au nom du Comité. 
Tous les nobles, disait il, étaient des traitres commencés, 
et la voix du peuple s'élevait contre eux. Quoi ! on les 
combattait et ils menaient la guerre! Ne fallait-il 
pas mettre à leur place des sans-culottes d'état et de 
principes ? Le Comité avait donc, de concert avec Bou- 
chotte et les représentants, destitué les nobles et les gens 
suspects. Robespierre appuya Barère, et le même jour, 
à la séance des jacobins, il déclara queLandremont, noble 
et très noble, comblé des faveurs du tyran, n'avait rien 
fait de son armée, et que si le « jeune Delmas le rempla- 
çait, c'est qu'aucun vieillard n'avait donné autant de 
preuves de talent et de patriotisme * ». 

> Séance du 25 S6pt. [Mon, du 27.) La nomination de Delmas fut 
assez défavorablement accueillie. « Les vrais républicains la désap- 



490 WISSKMBOURa 

Mais Delmas était enfermé dans Landau. Le ministre 
nomma Pichegru qui commandait la division du Haut* 
Rtiin. Deux fois de suite, Pichegru refusa, soit par mo- 
destie, soit plutôt, dit un contemporain, parce qu'il con- 
naissait la situation ^ 



prouvent, écrivait Dupérou a Bouchotte, il est noble et étourdi > 
(30 sept. A.G.],ei le l*'août les Jacobins de Strasbourg avaient voué 
son nom à rexécration des amis de rbumanité parce qu'il avait refusé 
disait-on, Tenlrée de I^andau aui blessés de la garnison de Majeace 
[Heitz, Soe, polit, f 273). Mais Delmas s'était signalé depuis le com- 
mencement de la guerre. « C'est un chaud Jacobin, écrivait-on au 
Journal de la Montagne (n» 96), et brave dans toute la force du 
terme. > Boucbotte pensait un instant à le nommer commandant de 
Strasbourg, à la place du général Sparre, suspendu. Le 8 mai 1793, 
Monlaut, Huamps et Soubrany le déclaraient < aussi intrépide qu'in- 
telligent > et assuraient qu'à Bingen, il avait tué de sa main un ca- 
valier prussien qui emportait le drapeau des volontaires de la Corrèze 
(A. N. DXLii, 4). 11 est vrai que le sous-lieutenant Blanchard prétend 
que c le drapeau était tenu par un homme qui avait peine à suivre » 
et que Delmas, qui était bien monté, « se chargea de le porter et ne 
mauqua pas de dire qu'il Tavait arraché des mains de Pennemi • 
{Journal des événements gvi ont eu lieu pendant le hlocvs de Zat^dau 
p. 19). Quoi qu'il en soit, Delmas ne put sortir de Landau assiégé. 
Le 9 octobre Ruamps le pria de quitter la place et d'emmener avec 
lui Treich, qui remplacerait Clarke comme chef d'état-major [Compte 
rendu, par Huamps, Borie, etc., p. 310), et Trenlinian reçut môme, 
le 12 octobre, Tordre précis de se rendre, le lendemain, dans les 
gorges et d'aller aussi avant que possible, pour faciliter la sortie du 
jeune général qui devait, sous un déguisement, arriver à Nothweiler 
[Rapport de Desaix, A. G.). Mais Delmas fit dire aux représentants 
qu'il ne pouvait accepter sa nomination ni mâme 8'écha.pper de Lan- 
dau [Compte rendu par Ruamps, Borie, etc., p. 16). Cf. sur Delmas 
(Antoine-Guillaume), général de brigade depuis le 30 juin 1793, et de 
division depuis le 19 septembre, les Afém, de Lavallette, 1, 126 
[« plein de mérite, mais alors d^une expérience bien faible >) ; Eicke- 
meyer, Lenkto., 281-282, et surtout De Seilhac, Les Volontaires de 
la Corrèze, 11-13. 11 éUit né, le 22 juin 1768, à Argentat, et tenait à 
la noblesse par sa mère et sa famille. 

* Note de Legrand [A. G.]. C'est le 2 octobre que « sur la propo- 
sition de Boucbotte, le Conseil exécutif nomme provisoirement au 
commandement de l'armée du Rhin le citoyen Pichegru en Pabsence 



WISSEMBOURG 194 

Les représentants avaient sollicité la destitution de 
Landremont et dans une conférence secrète à la Petite- 
. Pierre, ils décidaient d'envoyer deux d'entre eux, Lacoste 
et Mallarmé, au Comité de salut public pour demander 
que les nobles fussent expulsés des armées. Landremont, 
écrivaient-ils, ne servait pas de bonne foi ; il avait des 
forces considérables dont il ne faisait aucun usage ; il dé- 
goûtait les agricoles qu'il ne savait pas employer à propos ; 
il exécutait maladroitement l'attaque générale du 4 2 sep- 
tembre Mais, pendant que Lacoste et Mallarmé prenaient 
le cbemin de la capitale^ un courrier extraordinaire ve- 
nait annoncer aux représentants que Landremont était 
destitué et remplacé par Delmas. Ils le firent aussitôt ar- 
rêter et conduire à Paris. Si Tarmée du Rhin se trouvait 
dans une position critique, n'était-ce pas l'effet de combi- 
naisons perfides avec les ennemis, et ne pouvait -on 
soupçonner Landremont d'avoir trempé dans le com- 
plot * ? 

Ils étaient néanmoins fort embarrassés. « Oii prendre 
un général, se disaient>ils, nous n'en connaissons pas. » 
Et, dans le môme moment, ils recevaient de Glarke la 
lettre la plus désespérée, la plus navrante*. Le péril 
n'avait jamais été si grave, et la crise, si violente. Pas de 
chef, pas de plan. Il fallait un général, et un général qui 
eût du patriotisme, qui eût des vues militaires, qui eût 
le plus grand génie ; « envoyez-le, si vous le connaissez, 

de Delmas. > (Reg. du Cons. exéc.), et le 3 octobre, le Comilé de 
Salut public ratifia la nomiualion. 

» Compte rendu par Ruaraps, Boric, etc. 15, 29 , 200, 266 267, 302- 
306. Le 15 octobre, Landremont était enfermé à l'Abbaye (i/o»., 
du 24). Caroot le fit relâcher le 12 fructidor au II. 

* Clarke aux représentants, 30 septembre [Â.. G.); Compte rendu 
par Ruamps, Borie, etc., 266-267. 



192 WISSEMBOURa 

qu'il vole, qu'il ne perde pas un seul instant », et au nom 
de la patrie, Glarke suppliait les commissaires d'arriver 
sur-le-champ pour remonter le moral d'une armée qui 
ne pouvait se passer de leur présence *. 

Munnier, le plus ancien divisionnaire^ n'avait pu re- 
fuser l'intérim. Mais il ne voulait pas se charger de 
la responsabilité qu'entraîne le commandement d'une 
armée. A toute minute il réclamait^ un successeur et, 
pour ne pas se compromettre, il ne donnait aucun ordre. 
Saint-Cyr vint à Wissembourg demander ses instruc- 
tions. Que devait faire la division des montagnes que 
les Prussiens tourneraient sûrement ? Munnier se pro- 
mena longtemps dans la chambre sans ouvrir la bouche. 
Saint-Cyr crut qu'il méditait. Mais le général gardait 

1 L^armée du Htiin était, au 30 octobre, aiusi composée : Arant- 
garde : !• (général Meynier), chasseurs du Uhin, 6" et 12* inf. légère ; 
!«' Corrèze, 1" Jura, !•' et 2» grenadiers, 2" Lot-et-Garonne, 48* rég., 
105« rég.; 2* (général Loubat), 7« hussards, 8* et 10* chasseurs, 8*, 
11 • et 17* dragons. — Aile droite (Dubois), 1® (général Michaud), 
40" rég., 3" Haute-Saône, 5« Ain, 37« rég., 7« Haute-Saône, 3* Cha- 
rente-Inférieure, \\* inf. lég., l"f Pyrénées-Orientales, une compa- 
gnie franche, 79» rég., 3" Rhône-et- Loire ; 2* (général Legrand), 
9* Vosges, 75* rég., 4« Bas-Rhin, 4* Eure, 37« rég., 8" Jura, gendar- 
merie nationale, 2* chasseurs à cheval, 4* dragons. — Centre (Mun- 
nier et Méquillet); 1<* les deux balaillons du 3* rég., 1'^ Doubs, 
1" Ain, 3« Ain ; 2" 3- Doubs, M* Jura, 30» rég., 3« Haut-Rhin; 
Z* (général Isambert), 46" rég., 3* Bas-Rhin, 11* Doubs, 46» rég., 
2* Puy-de-Dôme, 2« Eure-et-Loir ; 4** (général Dauriol), les deux bal. 
du 93« rég., 2« grenadiers Rhône-et-Loire , 1" Lot-et-Garonne, 
5» Seine-et-Oise. — Aile gauche (Ferey), 1» (général Desaix),les deux 
bat. du 13* rég., \** Vosges, 4» Jura, !•' Haut-Rhin, 3" Indre-et- 
Loire, i" Indre, 27« rég. ; 2° 3« Haut-Rhin, !• Rhône-et-Loire, 
4« Saône-et-Loire, !•' Haute-Saône, 7* inf. légère, 10* Vosges, 7* chas- 
seurs à cheval, 92 hommes du 2* cavalerie, 70 gendarmes. — Ré" 
serve, (Diettmann), 1» (général Lafarelle), 2% 12» et 14* cavalerie, 
29* division de gendarmerie ; 2" 9« et 19* cavalerie, l" et/ 3* division 
de gendarmerie ; 3*» [général Ravel), 5* rég. d'artillerie, !•' Bas-Rhin, 
— 22 guides et 1 bal. d'ouvriers pionniers. Force eifective : 57,369 
hommes ; force active : 42,420 hommes. 



WISSEMBOURG 493 

toujours le silence. Enfin, Saint-Cyr le pria de notifier 
sa volonté. « Répétez -moi, répondit Munnier, ce que 
vous m'avez dit. » Saint-Cyr le répéta, en ajoutant qu'il 
était nécessaire de prendre un parti, quel qu'il fût. Mun- 
nier répartit qu'il ne donnerait aucun ordre : « Allez- 
vous-en et faites ce que vous voudrez *. » Les représen- 
tants, persuadés qu'ils ne pourraient vaincre cette obsti- 
nation stupi'le, lui cherchèrent un successeur et ne 
trouvèrent personne. 

Mais Ruamps s'était lié avec Borel, officier du 11« régi- 
ment de dragons et adjoint à l'état-major. Il invita Borel 
à lui désigner quelques sujets et Borel indiqua son cama- 
rade et ami, le chef d'escadron Garlenc qui commandait 
le dépôt du 44® dragons à Benfeld ; s^elon Borel, Garlenc 
était du bois dont on fait un général, il avait du civisme 
et il entendait la guerre. Le 20 septembre, Ruamps et 
Borie nommaient Garlenc général de brigade et l'appe- 
laient de Benfeld à Wissembourg. Le 4««' octobre Ruamps, 
Borie et Mallarmé lui conféraient le grade de général 
de division : il fallait, disaient- ils, donner à l'armée 
des généraux qui par leurs connaissances pussent 
triompher des ennemis qui la cernaient de toutes parts. 
Le 2 octobre, à huit heures du matin, Ruamps, Borie et 
Niou lui offraient le commandement en chef de Parmée 
du Rhin. Garlenc refusa de toutes ses forces cet avance- 
ment qu'il qualifiait de prématuré ; il déclara que le far- 
deau l'écraserait. Mais les représentants le sommèrent 



*■ Tel est le récit de Saint-Cyr ; mais le maréchal oublie d'ajouter 
que Clarke prit sur lui d'envoyer des renforts à la division des mon- 
tagnes ; cf. la lettre de.Ciarke, du 2 octobre, < Munnier a l'ait diriger 
sur ce point quelques rentorls qui lui arrivaient du Moyen-Rhin et 
tous les détachements qu'il a été possible de tirer de l'armée, t 
(A. G.) 

-WIPSBMBOURG. 13 



49i WISSEMBOURa 

d'obéir, d'entrer sur-le-champ en fonctions, et le brave 
Garlenc laissa mettre sa nomination à Tordre K II était 
dragon et n*était que dragon ; il pouvait commander un 
escadron, un régiment, voire une avant-garde ; il ne 
possédait ni Texpérience ni les talents qu*ex)ge la con- 
duite d'une armée ; il ne savait môme pas ce que c'est 
qu'une armée. Mais aux yeux des représentants, qui 
cherchaient des Washington sous la tente *, c'était un 
officier de fortune, méconnu par l'ancien régime, et il 
avait une grande réputation de patriotisme. Depuis 
trente-trois ans Garlenc servait dans un régiment qui le 
considérait comme son conseil et son plus ferme appui. 
Il avait adopté les principes de la Révolution, sans 
craindre les tracasseries et les vexations de ses cama- 
rades de la noblesse. Un instant, pour échapper aux. 
dégoûts dont l'abreuvaient les aristocrates, il avait aban- 
donné sa place de lieutenant et accepté les fonctions 
d'aide-de-camp du général Ferrier. Mais le M° dragons 
Tavait bientôt rappelé comme chef d'escadron, et tout le 
régiment vantait son dévouement à la chose publique, 
sa loyauté parfaite, sa conduite irréprochable et l'austé- 
rité de ses vertus républicaines '. 

' Le récit de Sainl-Cyr est inexact [M^m.^ 1, 106-111). Suivant lui, 
les représentants auraient tenu conseil de guerre pour choisir un gé- 
nérai en chef, et Ferino, que plusieurs proposaient, aurait répondu 
qu'il était étranger et recommandé Garlenc^ que personne ne connais^ 
sait et qui s'appuyait près de la chemiuée. Il y eut peut-être un 
conseil de guerre, mais Ferino qui, selon Saint-Gyr, assistait à cette 
réunion et y joua le rôle principal, avait été, le 1" octobre, arrôté par 
les représentants et envoyé à Nancy. 

' Cf. une de leurs proclamations, Compte rendu^ p. 255. 

' Garlenc (Jean-Paschal-Raymond) , iils de Jean- Baptiste Garlenc et 
de Gabrielle Tridoulat, était né, le 19 septembre 1743, à Alby. Il 
s'engagea, le 24 février 17P0, au régiment de La Rochefoucauld, de- 
venu plus tard Angoulôme, puis 11* régiment de dragons, et 6t les 
campagnes d'Allemagne de 1760, de 1761 et de 1762. Successivement 



WISSBMDOURG 195 

III. Gjrlenc se renfermait volontiers en lui-même et 
aucun de ceux qui rapprochaient ne put d'abord péné- 
trer ses desseins. Il disait seulement qu'il ne voulait pas 
de petits moyens, ni des mesures partielles ou mes- 
quines ; il méditait un vaste plan d'opérations, et sûre- 
ment il terminerait la campagne par un coup décisif. On 

maréchal-des-logis (21 mars 1763), adjudant (24 juin 17*7), lieutenant 
en second (17 septembre- 1782), lieutenant en premier (1®' juillet 1787) 
lieutenant surnuméraire à la formation de 1788, capitaine (3 juin 
1792], chef d'escadron (8 mars 1793), il fut nommé général de brigade 
provisoire, le 20 septembre, et général de division, le 1" octobre 1793. 
Mais le 23 octobre, Bouchotte ordonnait de l'arrêter et de le conduire 
à Paris. Le Comité de Salut public le fit remettre en liberté (2 nivôse 
an II). après une lettre du 11« dragons qui défendait Carlenc f il a été 




prit . 

commandement de Dunkerque et du camp retranché (lettre d'Ernouf 
23 nivôse an II) ; mais, écrit-il, t Saint-Just et Le Bas avaient juré 
ma perte parce que je m'opposai fortement à l'exécution du plan 
sanguinaire qu'ils avaient conçu ; ils m'avaient fait conduire dans une 
maison d'arrêt, à Paris, d'où je sortis peu après, et je servais sous 
les ordres de Pichegru depuis cinq mois lorsque, par une fatalité peu 
commune, ils parurent à l'armée du Nord ; deux jours après leur ar- 
rivée, je fus destitué, mais non arrêté, et me retirai dans ma famille. » 
Il fut, en effet, suspendu le 19 ventôse an II, par le Comité de Salut 
public et, le 15 pluviôse an III, autorisé à prendre sa retraite. Le 
25 octobre 1795, il obtenait une pension qui fut convertie en solde de 
retraite le 23 septembre 1799. Il vécut longtemps encore. Le 30 jan- 
vier 1822, de Saint-Pons, dans l'Hérault, il écrivait au ministre, duc 
de Bellune, qu' t âgé de quatre vingts ans, couvert d'honorables cica- 
trices et chargé d'infirmités », il sollicitait l'augmentation de sa solde 
ou une indemnité ; le ministre lui répondit le 3 mars suivant que les 
lois étaient contraires à sa demande. Cf. les arrêtés de Ruamps et 
Borie, 20 septembre; de Borie, Ruamps et Mallarmé, 1" octobre ; de 
Borie, Ruamps et Niou, 2 octobre ; la lettre du 11» dragons au Co- 
mité, datée du bivouac devant Hoerdt, 8 frimaiie an II, et celle de 
Carlenc au ministre, 24 vendémiaire an IX. Citons encore sur Car- 
lenc un témoignage, évidemment trop favorable, de Delmas qui, le 
11 octobre 1793, écrivait a ses amis Borie et Ruamps: « Carlenc est 
un bien brave homme, dont les talents me sont connus, ayant le 
grand sang-froid qui n'est accordé qu'aux hommes braves » (A. G.) . 



496 WlSSBMBOURa 

coDcevait déjà la plus haute idée de son mérite et nul 
n'osait troubler le sublime projet qui germait et grandis- 
sait dans son cerveau. Quelle fat la surprise de Tétat- 
major lorsqu il donna ses premiers ordres I II fallait 
placer tous les troupes de Tarmée du Rhin à leur rang 
de bataille et les échelonner selon les numéros des régi- 
ments : le 1«f régiment irait occuper Huningue à l'ex- 
trême droite et le 400* régiment Lauterbourg à Texlrème- 
gauche. Voilà où aboutissaient les longues réflexions de 
Garlenc * I 

Conduite par un pareil homme, l'armée était certaine 
de la défaite. Mais la plupart des lieutenants ne valaient 
pas mieux que le général. Le commandant de Tartillerie 
Ravel et le chef du génie Glémencet n'étaient jamais con- 
sultés •. Ferino, indigné de la destitution de Landre- 
moDt, partait le l^*" octobre après s'être pourvu d'un cer- 
tificat de maladie ; les représeotants le firent aussitôt 
arrêter et conduire à Nancy ; « n'était-ce pas la maladie 
de Beaubarnais, lorsqu'il voulut quitter les lignes ' ? d 
L'intrépide Meynier, le glorieux défenseur de Kônigstein, 
tout récemment échangé, remplaçait Ferino à l'avant- 
garde ; mais il n'avait pas encore un état de situation 
exact et il ignorait le nombre de ses bataillons ^. Mun- 

*■ Saint-Cyr, Mém.^ I, 116; mais faut-il le croire absolument? 

* Note de Legrand (A. G.U 

* Ferino, réprimandé, le 3 septembre, par Kuamps, déclarait à 
LandremoDt, qu'il ne voulait plus servir, puisqu^ f on lui mettait des 
entraves > ; Landremont le pria de rester à son poste : • Ma confiance 
en vous, lui disait- il, est telle que je donnerai ma démission de gé- 
néral, si vous abandonnez le commandement de Pavant-garde > [Ren- 
kin à Boucbotle, 4 sept. A. G.). Cf. Ruamps et Borie au Comité, 
!•' octobre, et Compte rendu par Ruamps, Borie, etc., 201. On retrou- 
vera Ferino dans le volume suivant. 

^ Cf. sur Meynier, Expédition de Custine, 229. Jean-Baptiste Mey- 
nier, né le 22 avril 1749, i Avignon, était entré au service, en 1765, 



•*,j 

<•!• 



WISSEMBOURQ 197 

nier, le vieil el imbécile Munnier, ce Munnier dont la 
nullilé épouvanlait Gustine, ce Munnier dont le soldat ne 
connaissait que les lésineries el les ladreries, comman- 
dait le centre de Farmée *. La droite avait été confiée 
provisoirement à un protégé du représentant Niou, un 
cousin de Jean De Bry, le général de brigade Alexis 
Dubois ; mais Dubois se déclarait franchement incapable 
de diriger un corps de dix mille hommes : il servait 
depuis son enfance dans les troupes à cheval et ne dési- 
rait qu*une brigade de cavalerie... à moins qu*il ne fût 
nommé définitivement général de division *, 

Et chaque jour les représentants prononçaient des sus- 
pensions. Borie et Ruamps, a dit Desaix, a ne savaient 
que désorganiser Tarmée ; Ils lui ôtaient ses meilleurs 

daos le régiment de Saintonge et avait fait la guerre d'Amérique. 
Successivement sous- lieutenant (1*'' août 1788), lieutenant (15 sep- 
tembre 1791), capitaine [29 avril 1792), il avait été fait prisonnier à 
Eônigstein. Il fut échangé et nommé per saîtum général de brigade 
(20 mars 1793). Il venait d'être promu général de division le 27 sep- 
tembre. Il fit la campagne d'Italie (1795), et devint commandant 
d^armes à Mayence [20 août 1803); cVst dans cette ville qu'il mou- 
rut (3 décembre 1813). 

> Custine à Beurnonville, 26 mars 1793 (A. G.}; ^Expédition de 
Cuaine, 10, 53. 96 et surtout 235. 

s Dubois à Carlenc, 6 octobre 1793 [A. G.), Paul- Alexis Dubois, 
qui fut promu général de division, le 30 mars 1794, devait mourir à 
Roveredo (4 septembre 1796). Il était chef d'escadron au 17* dragons 
lorsque Milhaud et Borie le nommèrent, le 24 août, général de bri- 
gade, parce qu'il leur amenait un renfort à^ agricoles y mille hommes 
à pied et un escadron de c cavalerie nationale de campagne > que 
Dubois avait, à force de belles paroles et de menaces, fait partir de 
Bischwiller et de Soufflenheim. Il succédait à G ilôt dans le comman- 
dement de la droite et, dit une note du cabinet topograph que, < la 
suspension de Gilet fut, de Paveu de tous les officiers, Touvrage de 
son successeur qui sut profiler de sa disgrâce ; tel était alors Tesprit 
dominant que les intrigants, pour obtenir des places, commençaient 
par faire chasser ceux qui les occupaient. > Cf. sur ce général que ses 
camarades ont peut-être jugé trop sévèrement, l'étude de M. Hennet 
[1893). 



498 WJSSBMBOURa 

officiers et cro^aienl par là s'assurer la victoire ï> *. Ils 
ne faisaient ea réalité qu*exécuter les ordres réitérés du 
Comité de salut public. « Ne cessez pas un seul instant, 
leur écrivait-on, de veiller sur les généraux, ne leur par- 
donnez rien, c'est presque toujours par leur trahison que 
Tarmée est compromise et dès qu'elle n'aura plus à sa 
tète que des francs républicains, elle pourra tomber sur 
les cohortes des tyrans. » Mais les représentants 
oublièrent que le Comité leur enjoignait de toucher aux 
états-majors sans secousse et sans danger pour les 
troupes •. Ils suspendaient le 23 août le général Xain- 
trailles *. Ils suspendaient le 27 août le général Beau- 
revoir*. Us suspendaient le 42 septembre le général 
Gilot qui leur semblait manquer de décision". Ils sus- 

« Mémoire de Desaix, 12-20 oct. (A. G.). 

* Compte rendu par Ruamps, Borie, etc., 260 et 267-268. 

^ Compta rendu par Ruamps, Borie, etc.; Xaintrailles était suspendu 
pour < ses intrigues inciviques » ; cf. sur lui Charavay , Corr. de 
Carnotj I, 416. 

* Compte rendu par Ruamps, Borie, etc., 194; cf. sur Louis-Fer- 
dinand Baillart de Beaurevoir, nommé général de brigade le 8 mars 
1793, Expédition de Custine, 11 et 244, il commandait la 2^ brigade 
de cavalerie. 

B Compte rendu par Ruamps, Borie, etc. 187, 233. Ils accusent 
Gilot d'avoir • donijé des preuves d^impéritie militaire, de n'oser 
prendre aucune mesure sans y être autorisé par écrit du général en 
chef, de témoigner dans toutes les circonstances une incertitude dan- 
gereuse aux armées. > Joseph Gilot, né en 1734, soldat en 1750, 
grenadier en 1755, sous-lieutenant en 1776, à quarante-deux ans, lieu- 
tenantrcolonel du 7' bataillon d'infanterie légère, puis colonel du 
93* régiment d'infanterie, maréchal de camp (6 déc. 1792), général de 
division (27 mai 1793], était, dit un observateur, < connu par le pa- 
triotisme le plus éclairé > et < jouissait de toute la confiance que lui 
méritait son infatigable activité >. (Lettre du 18 août 1792.) Custine 
le regardait comme < un officier précieux par son expérience, par sa 
fermeté qui le faisait respecter du soldat, et par son civisme t (à Pache, 
31 octobre 1792). Gilot, écrit Legrand, a toujours montré, d£ns la 
campagne de 1793, < les sentiments d'un homme de bien, les vertus 



WISSEMBOURG 199 

pendaient le 10 octobre le général Loubat, un ex-noble, 
qu'ils accusaient de tenir des propos inciviques et de 
garder un reste d'affection pour les privilèges de l'aris- 
tocratie *. Ils suspendaient le 8 octobre le vieux Colle qui 
commandait à Haguenau : Colle, disaient-ils, avait un 
fils émigré; il n'avait pas mis le fort de Lichtenberg en 
état de défense ; il confiait les postes du Rhin à des 
blancs-becs, à des gens inexpérimentés et équivoques*. 
Et quel successeur les représentants lui donnaient- ils? 
Desaix 1 Le jeune, le brave, l'actif Desaix avait été en- 
voyé à Bobenthal ; il connaissait les gorges de la Lauter 
et il était mieux fait pour conduire une avant-garde 



d'un républicain et le courage d'un soldat fraLçais, mais il n'avait 
pas des talents assez émioents pour être général en chef. > Il avait 
pris part à l'assaut de Port-Mahon (1756), et il mourut, en 1812, à 
Nancy, où il commandait, à soixante-dix- huit ans, la 4* division mi- 
litaire. 

* Compte rendu par Ruamps, Borie, etc., 53, 191. Cf. sur Loubat 
de Bohan, Thoumas, Les grands cavaliers du premier Empire, 1892, 
II, p. 6-7, et Martimprey, Historique du 9« cuirassiers^ 1888, p. 288. 

* Lettre du 11 octobre 1793 (A.. N. afii, 427), et Compte rendu par 
Ruamps, Borie, etc., 188. Théodore Colle élait né le 17 mai 1734, à 
Lorquin, dans la Meurlhe. Successivement soldat au régiment de la 
Dauphine (!•' avril 1753), lieutenant à la suite (14 mai 17:8), lieute- 
nant en second (28 janvier 1759), lieutenant en premier (20 avril 1768), 
capitaine (12 novembre 1770), pensionné en août 1768, rentré au ser- 
vice et nommé lieutenant-colonel du 77» régiment (6 ^novembre 1791), 
puis premier lieutenant- colonel du 30*, puis colonel du 31* (20 jan- 
vier 1793), il avait reçu le brevet de général de brigade, le 19 mai 
1793, et commandait, depuis le 1'"' juin, la division territoriale du 
Bas-Rhin à Haguenau. Il avait fait les campagnes de la guerre de 
Sept-Âns, et le 16 juillet 1760, à Ensdorf, il avait été blessé et pris. 
Le conventionnel Blaux était son beau-père et plaida chaudement sa 
cause. Colle, écrit Beauharnais à Pache (10 nov. 1792, f s'est occupé, 
avec beaucoup de zèle, malgré son âge avancé, de remplacement des 
postes sur le Rhin ; il est travailleur infatigable et m'est extrêmement 
utile au bureau de Tétat-major >. Desaix le nomme < Testimable et 
excellent Colle t. 



SOO wissBMBOuaa 

dans les montagnes que pour diriger le dépôt de Hague- 
nau. Mais vainement ses officiers le prièrent de différer 
son dépari ; vainement ses soldats témoignèrent leur 
douleur en le voyant s^éloigoer; Desaix était noble et 
craignait de devenir suspect. Il part donc en laissant ses 
pouvoirs au colonel du 7^ bataillon dlnfanterie légère, 
Trentinian^ et, le 42, à onze heures du soir, il entre dans 
Haguenau. A deux heures du matin, il reçoit Tordre de 
retourner à son poste . il se remet en roule à cinq heures 
et regagne Bobenthal à midi, après une course inutile, 
pendant que le canon tonne de toutes parts * 1 

L'incurie était si grande qu'on laissait les Autrichiens 
préparer ouvertement leur attaque, sans môme les in- 
quiéter. Une nuit, ils palissadèrent un chemin creux et 
très éiroit aux abords de Schaidt. Feiino s'aperçut que 
ces palissades éiaient de grosses poutres qui devaient 
faire bascule et en s'appuyani sur les deux bords de la 
route, servir de pont à Tartillerle. Mais on ne tint aucun 
compte de l'observaiion, et personne n'eut l'idée d'in- 
terrompre ou de détruire le travail des Impériaux*. 

Tout était pôle-môle. Des bataillons campaient au mi- 
lieu d'une division à laquelle ils n'appartenaient pas, et 
durant l'acliou, reçurent de différents côtés des ordres 
contiadicloires. Clarke, chef de l'état- major, tâcha de 
mieux disposer les troupes et de les remettre à leur 
place dans la ligne de bataille ; mais il n'eut pas le 
temps de régler et de diriger les mouvements ; il fut, 
lui aussi, suspendu le 10 octobre : il avait eu, disaient 
les représenlants, des liaisons avec la maison d'Orléans, 
il n'aimait pas la Révolution, et it était de cette caste 

* Rapport de Desaix, 12-20 cet. (A, G.), et Saint-Cyr, Mém,^ I, 
106, 118, 128. 
' Note de Legrand ;A. G.). 



WISSEMBOURG 204 

que tous les sincères républicains suspectaient ^ Enfin, 
Tarmée, aguerrie par ]es combats qu*eile avait livrés 
quotidiennement sous la conduite de Beaubaruais et de 
Landremont, commençait à se lasser et n'allait plus au 
feu avec le même entrain. 

Il est vrai que les lignes de la Lauter passaient pour 
inattaquables. Toutes les gazettes vantaient la puissance 
de ce boulevard de TAlsace. Le Moniteur les proclamait 
inexpugnables et assurait que Wurmser ne les empor- 
terait pas tant que Brunswick n'essaierait pas de les 
prendre à revers ; suivant ce journal, il fallait, pour les 
assaillir de front, sacrifier une prodigieuse quantité 
d'bommes sans certitude de succès, et.il ajoutait que les 
forces de la République, depuis Landau jusqu'à Hu- 
ningue, présentaient un tableau dont Tbistolre ne four- 
nissait pas d'exemple, et une barrière si formidable que 
l'imagination la plus ardente pouvait à peine s'en faire 
une Idée'. 

Ces lignes fameuses ont aujourd'hui disparu presque 
entièrement. Le fer de la charrue les a nivelées, et les 
sapins couvrent et cachent sous leur verdure les re- 
doutes qui subsistent encore. Ébauchées en 4705 par le 
margrave Louis de Bade, renversées la môme année par 
les Français, reconstruites aussitôt et considérablement 
accrues sur l'ordre de Villars par Tingénieur Regemorte, 
franchies aisément pendant la guerre de la succession 
d'Autriche par les pandours de Nadasty, négligées plus 



1 Compta rendu j par Huamps, Borie, etc. 33, 190, 311. Clarke fut 
remplacé provisoirement par l'adjudaDt-général Demont, puis ('22 oc- 
tobre) par le général de brigade Bourcier. 

* Mon.^ du 30 septembre et des 3 et 24 octobre 1793 (Parlicle du 
3 octobre est emprunté à udo dépêche de Bâcher) (Papiers de Barthé- 
lémy, lli, 64). 



S02 WISSBMfiOURa 

tard, elles avaient été rétablies tant bien que mal et 
sans beaucoup de discernement par Gustine et les géné- 
raux de Tarmée du RhiD. 

Wissembourg et Lauterbourg, sur la rive droite de 
la Lauter, formaient, comme aulrefois, les deux ex- 
trémités de la ligne. Wissembourg n'était, selon le mot 
de Yan Heldeu, qu'un simple contour, dominé de tous 
côlés ^ Mais, si Ton n*avait pas relevé les épaulemenls 
qui couronnaient la montagne du Pigeonnier, les hau- 
teurs du Geisberg, en arrière de Wissembourg, étaient 
garnies de troupes, et Ton avait retranché le village 
d'Altenstadt et réparé le petit fortin dit de Saint-Remy. 
A Tautre bout, Laulerbourg, protégée par un marais, 
entourée d'une muraille et d*un fossé, n'avait plus sa 
force principale qui consistait dans TinoDdation : une 
crue d'eau extraordinaire avait récemment emporté ses 
digues faites d'un sable mobile. Toutefois on avait mis 
en état de défense, aux environs de la ville, quelques 
parties des lignes, et une redoute s'élevait au moulin de 
Bienwald. 

La position française dite de Wissembourg ou de la 
Lauter avait donc une longueur considérable, et les déta- 
chements chargés de la garder, étaient trop éloignés les 
uns des autres. Elle offrait en outre un grave inconvé- 
nient : en face d'elle et tout près des retranchements, sur 
la rive gauche, s'étendait la forêt de Bienwald. Les Au- 
trichiens occupaient la plus grande moitié de cette forêt 
qui se liait à celle de Germersheim. Il fallait les observer, 
les tenir en respect, et pour mieux découvrir le revers 
du Bienwald, on avait dû poster une grosse avant-garde 
au village de Steinfeld. Mais celte avant-garde s'était re- 

> Van Helden i Gustine, 6 octobre \19% (A. G.). 



WISSBMBOUBG 203 

tranchée à son lour ; on Tavait nécessairement renfor- 
cée, et la position française, appuyant sa droite à Kaps- 
weyer, son centre au château de Ha f tel et sa gauche à 
Oberotlerbach, s'allongeait démesurément sur Tautre 
bord de la Lauler. Au lieu de se placer, comme il était 
naturel, derrière la rivière, Tarmëe du Rhin presque 
entière se trouvait en avant des lignes de Wissembourg 
et avait un défilé à dos. 

Et quel singulier et confus assemblage de retranche- 
ments ! Jamais on n'entassa sur un terrain étroit autant 
de fortifications. On transformait en batteries à barbette, 
puis en redoutes, tous les emplacements des bouches à 
feu. Chaque chef, chaque commandantdeposte, ~et ces 
chefs et commandants se succédaient avec une prodi- 
gieuse rapidité — commençait un ouvrage et ne Tache- 
vait pas. Il y avait doue un nombre infini de redoutes, 
incomplètes d'ailleurs, imparfaites et sans rapport entre 
elles. Les chemins qui menaient aux batteries n*étaient 
pas praticables ; le temps avait manqué pour les cons- 
truire, et les représentants faisaient un crime aux géné- 
raux de préparer à l'avance une route qui servirait à la 
retraite. Retraite 1 Un pareil mot ne devait pas être pro- 
noncé. On ne voulait pas l'entendre ; on le proscrivait 
comme indigne des Français, des républicains, des sans- 
culottes, et, au lieu d'une retraite, on eut une déroute 
où presque toute l'artillerie tomba dans les mains de 
l'adversaire I 

On a dressé la liste des principaux ouvrages qui for- 
maient sur la rive gauche de la Lauter les lignes de 
Wissembourg. C'était d'abord, à la lisière du Bienwald 
et jusqu'à la hauteur de Steinfeld, une longue suite 
d'abatis couverte au sud de Schaidt par deux lunettes et 
près du moulin de Bienwald par une redoute. 



204 WlSSBMBOURa 

Puis venaient une flèche, sur la pente qui descend de 
Schweigen au Windhof ; 

Une deuxième flèche sur Téminence qui domine 
Altenstadt; 

Une grosse redoute dite de Schweigen et une troisième 
flèche sur le Woifsberg ; 

Une autre redoute, moins considérable^ entre Kaps- 
weyer et le château de Hdfiel. 

Devant ces fortifications se développait le véritable 
front de défense. On y trouvait, outre les deux lunettes 
qui couvraient les abalis du Bienwald, la grande redoute 
établie entre Gross Steinfeld et Klein Steinfeid, à Tex- 
trème droite de Tavant-garde et sur la ligne des vedettes. 
Elle passait pour un chef-d'œuvre et les soldats la nom- 
maient la Bastille, Mais, dit un officier, elle valait comme 
ouvrage de campagne ce que la Bastille valait comme 
forteresse ; ce n'était qu'un simple épaulement qui cou- 
vrait canons et canonniers contre une attaqué de front. 
Glémencety ajouta quelques flancs qui protégeaient les 
approches, et, sur l'ordre de Ferino, il fit combler une 
tranchée qu'on avait étourdiment pratiquée à gauche et 
qui, dépourvue de saillant, de rentrant et d'intervalle, 
offrait aux ennemis une sorte de chemin couvert. Mais 
la redoute était ouverte par derrière, et pour la soutenir 
ou empêcher qu'elle ne fût tournée, il fallut mettre au bi- 
vouac un corps de cavalerie qui restait sur le qui- vive 
et avait ses chevaux toujours bridés. Enfin, les repré- 
sentants eurent l'imprudence d'y installer deux pièces 
de 24 venues de Strasbourg, sans comprendre que ces 
lourdes machines qui ne pouvaient avancer ni reculer à 
temps, seraient absolument inutiles. 

A. l'ouest de la Bastille et au nord de Niederotterbach 
une lunette défendait la route ; 



WISSEMBOURG 205 

La hauteur qui s'élève de Steinfeld au château de 
Haftel et qui atteint au Galgenberg son point culminant, 
portait cinq ouvrages dont trois redoutes à droite, et 
deux flèches à gauche du Haftelhof ; 

Plus loin se dressaient sur le Wachlberg une flèche 
et une lunette ; 

Sur la HornhÔhe, au Heyhof, une redoute ; 

Sur le Wonneberg, au sud de Bergzabern, une dernière 
redoute *. 

La défense de cette ligne de retranchements était ainsi 
répartie. L*avant-garde, commandée par Mej'^nier, ap- 
puyait sa droite à Schaidt^ poussait sa gauche au-delà de 
Bergzabern, et gardait, avec Oberotterbacb, les deux 
grandes redoutes de Schweigen et de Steinfeld. Le centre, 
sous les ordres de Munuier, occupait le Bienwald. La 
droite, conduite par Dubois, s*étenddit du moulin de 
Bienwald à Laulerbourg et protégeait Laulerbourg, Schei- 
benhard et Seltz. La réserve, confiée à Dietlmann, était 
postée sur le Geisberg et devait couvrir la retraite de 
Tarmée *. 

* Wissmann, Die Weissenôurger Linien, 2-" Teil. 1888, p. 28; 
Lufft, 8-13; Saint-Cyr, I, 120; note de Legrand (A. G.). 

' L'armée française, grossie tout récemment de recrues et de 
renforts que Dièche lui avait envoyés de Strasbourg (Dièche à 
Bouchotte, 3 oct. (A. G.), comptait 38,483 hommes : Avant^garde 
(Meyuiep), 10,382, dont 2,937 cavaliers, devant Steinfeld et Nie- 
derotterbach, derrière le Caplaneihof et la Deutscher Hof, devant 
Oberotterbacb; aile droite (Dubois), 10,912, dont 881 cavaliers, i 
Sellz (2,280), Laulerbourg (3,730), Scheibenhard 4,341) et Niederlau- 
terbach (56t); centre (Munnier), 12,353, dans les lignes (^5,069) et au 
moulin de Bienwald (3.137), de là à Saint-Remy [S304), au fort 
Saint-Remy (628), de Steinfeld à la montagne par le Haftelhof 
(7,284); réserve (Dieitmann) 4,851, dont 2,193 cavaliers, à Wissem- 
bourg (1,633), au Geisber;< (1,344), à Rott, Steinsellz, Riedseltz. L'ar- 
mée autrichienne comptait 43,185 hommes : droite (Kospoth) à Barbel- 
roth avec 14,755 hommes, dont 3,825 cavaliers ; extrême droite : 



206 WISSBUBOURQ 

IV. Le roi de Prusse avait promis à Ferraris que son 
armée ferait un mouvement pour tomber sur le flanc 
gauche des patriotes et que, si Wurmser emportait les 
lignes de Wissembourg, elle bombarderait et bloquerait 
Landau. Le 2 octobre, Brunswick et Ferraris traçaient à 
Pirmasens un plan d'opérations. Ferraris déclarait éner- 
giquement qu'il fallait déloger Tennemi de Wissembourg. 
On convint que Wurmser attaquerait les lignes dans la 
matinée du 13 octobre et que les Prussiens lui prêteraient 
main-forte, qu'ils chasseraient les Français de Lembach, 
pousseraient sur Wœrth, détacheraient à droite jusqu'à 
Saverne un corps de cavalerie , et se lieraient aux Autri_ 
chiens dans la forêt de Haguenau. Ce plan adopté, Ferraris 
partit pour Vienne, en souhaitant à Wurmser santé, bon- 
heur et beau temps, a Ces souhaits sont accomplis, écri- 
vait Wurmser quelques jours après, ma santé est excel- 
lente, le bonheur suit mes pas, et le 43 octobre était un 
jour d'été et le plus beau de ma vie *. » 

Le 43 octobre, en effet, avec 43 bataillons et 67 esca- 
drons, il avait attaqué les lignes de Wissembourg. Son 
armée formait sept colonnes qui s'ébranlèrent à cinq 
heures du matin, au signal de trois coups de canon. Le 
spectacle était imposant. 11 faisait encore nuit, et soudain, 
comme par enchantement, sur une étendue de plusieurs 
lieues, s'illumina l'horizon. On distinguait à perte de vue 
deux lignes de tirailleurs qui se fusillaient Tune l'autre. 
Puis l'aurore se leva ; tout s'anima ; tout s'emplit de mou- 

5,692 émigrés, dont 1,603 cavaliers; centre (Kayanagb] a Frecken- 
feld, où était aussi le quartier général, avec 9,143 hommes, dont 2,143 
cavaliers; gauche (Holze) au Bienwald avec 11,120 hommes, dont 
1,910 cavaliers ; sur la rive droite du Rhin, près de Rastadt, 8,169 
hommes, dont 1,718 cavaliers (Waldeck). Cf. Gebler, 129-134 ; (note de 
Clarke interceptée par les Autrichiens). 
* Zeissberg, I, 305, 321, 347. 



WISSEMBOURG 207 

vement et de bruit; on découvrit des troupes d'infanterie, 
de cavalerie, d'artillerie s'avançant de tous côtés, à tra- 
vers la campagne, sur les sommets des coteaux, à la 
lisière des bois, et annonçant de loin par Tordre et la ré- 
gularité de leur marche, par la fierté de leur allure, le 
courage qui les animait et leur résolution de vaincre *. 

La première colonne, commandée par le prince de Wal- 
deck, passa le Rhin à Plittersdorf sur des pontons et 
entra dans la petite ville de Sellz % où elle fit quelques 
prisonniers et s'empara de deux pièces. Mais Waldeck 
n'entendit pas le canon de Lauterbourg ; il crut que l'at- 
taque des lignes avait échoué ; il n'osa , au milieu du 
brouillard, dépasser Mothern ; il fut, comme dit Wurmser, 
déroutéy et, dans la soirée, il regagnait l'autre bord* 

La deuxième colonne que conduisait Jellachich, assail- 
lait l'extrême droite de la position française. Elle emporta 
la redoute la plus proche du Rhin et, franchissant les 
lignes, marcha sur Lauterbourg. Le général Dubois éva- 
cua la ville et se relira vers Surbourg. Mais au lieu de 
serrer de près les républicains ou de courir au secours 
de la colonne voisine, Jellachich resta dans Lauterbourg. 
c II n'a rien fait, écrivait Wurmser, de tout ce qui a été 
ordonné. » Sa cavalerie mit pied à terre entre Niederlau- 
terbach et Neeweiler, et son inaction était si profonde, si 
rassurante que les Français revinrent à la charge. Sans 
un escadron qui donna l'éveil et se jeta courageusement 
à la rencontre des agresseurs, la cavalerie de Jellachich 
aurait été taillée en pièces. Aussi a-t-on pu dire que la 

» Romain, II, 466-467. 

« Il y avait la le 1«' bataillon des Pyrénées-Orientales et le 3« de la 
Haute-Saône {Mém, de Desaix) . 



208 WISSEMBOURQ 

gauche autrichienne n'eut aucune influence sur la ba- 
taille et sembla ne pas exister. Timides, irrésolus, Jella- 
chich et Waldeck n'avaient pas cette rapide et heureuse 
décision qui sait agir au moment propice, suivant les 
circonstances, et sans autres instructions que celles du 
bon sens. Mais les généraux français qui combattaient 
en cette partie étaient-ils moins incapables et moins 
faibles? L'un d'eux, perplexe, ne sachant que faire, con- 
sultait le commissaire des guerres Martellière et, sur 
son refus, le sommait, au nom de la loi, de lui donner 
son avis. Uo autre n'annonçait pas au général en chef le 
passage de Waldeck, mais envoyait la nouvelle aux Ja- 
cobins de Strasbourg et leur demandait sur quel point 
il devait opérer sa retraite! 

La troisième colonne, aux ordres du général Hotze, 
avait la tâche la plus ardue. Elle ne se composait que de 
6,500 hommes, et devait passer la Lauter entre le Bien- 
wald et Saint-Remy, emporter Schleithal et prendre Wis- 
sembourg à revers. Mais elle s*ébrania résolument. Uoe 
de ses avant-gardes se fit jour à travers les abatis, enleva 
lestement la redoute du moulin de Bienwald et chassa 
les postes français sur Tautre rive. Une deuxième, que 
menait le lieutenant-colonel Gyulai, franchit la Lauter 
et après un chaud et difficile combat, escalada les lignes. 
Une troisième, formée des dragons de Waldeck et des 
hussards hessois, découvrit un gué, traversa la rivière et 
se réunit aux deux autres détachements. Le gros de la 
colonne suivit ses avant-gardes. A huit heures, Hotze 
était en deçà des lignes et menaçait Schleithal. Les gé- 
néraux français Carlenc, Munnier, Isambert, avaient 
rendu sa besogne plus aisée. Munnier, s'obstinanl à ne 
donner aucun ordre, ne commandait môme pas aux ca- 



WISSBMBOURG 209 

nonniers de tirer sur les Autrichiens qui débouchaient 
de la forêt. Garlenc, plus inepte encore, enjoignait à 
Munnier d*évacuer la redoute du moulin de Bienwald. 
Le brave Isambert, perdant la tète, abandonnait le petit 
fort Saint-Remy, puis, se ravisant, regrettant sa faute, 
il voulait ressaisir le fortin, mais il n'avait plus avec lui 
qu'un seul canon, et ses troupes refusaient de le suivre. 
Pourtant les Impériaux n'avançaient que très lente- 
ment et avec une extrême circonspection. Hotze craignait 
d'être attaqué sur son flanc gauche et n'atteignit que 
vers midi la lisière de la forêt. Du moins, il arrêta toutes 
les ordonnances qui portaient des messages de la droite 
au centre, et pendant la journée ni Munnier ni Dubois 
n'eurent des nouvelles l'un de l'autre. Comme si, dit un 
officier, on n'aurait pu convenir à l'avance des mesures 
qu'il faudrait prendre en cas d'échec, et comme si c'était 
un crime d'user de précautions ! Les soldats tentèrent de 
réparer par leur vaillance la sottise des généraux et Tim- 
prudence des représentants. De midi à trois heures, ils 
luttèrent aux alentours de Schleithal avec une telle obs- 
tination que Hotze eut un instant Pidée de battre en re- 
traite. Vers trois heures, les républicains, faisant un vi- 
goureux effort, se jetèrent sur les deux batailloos de 
l'Empereur et les mirent en fuite. Mais une charge au- 
dacieuse des dragons de Waldeck et des hussards hes- 
sois rétablit le combit en faveur des alliés. Les deux 
bataillons de TEmpereur se rallièrent à la voix de leur 
colonel, Roselmini; ils reçurent des renforts, ils reprirent 
l'ofiTensive, et les Français, désespérant de Tissue de la 
bataille, se retirèrent à quatre heures vers le Geisberg, 
en laissant à l'ennemi cinq pièces de canon. 

La quatrième colonne, conduite par Meszaros, devait 

WISSBMBOURa. 14 



210 WISSEMBOURG 

prendre deux lunettes et un abatis ainsi que la grande 
redoute de Sleinfeld. Mais le 93» régiment, ci-devant En- 
ghien, défendit Tabatis avec une héroïque valeur; le ba- 
taillon autrichien de Pellegrlni perdit la moitié de son 
monde et le colonel Suel, qui dirigeait Tattaque, r.esta 
parmi les morts. Malheureusement le 93^ ne fut pas sou- 
tenu. Grammont reçut une blessure grave après une 
résistance que Desaix qualifie de prodigieuse. Ënghien 
dut lâcher pied. Les Impériaux et les chasseurs hessois 
qui tiraient les uns sur les autres, dans le brouillard, et 
ne s'étaient reconnus qu'au cri de Marie-Thérèse^ em- 
portèrent enfin Tabatis et les deux lunettes. Puis, mar- 
chant sur Steinfeld et Kapsweyer, ils prirent à revers la 
ligne des retranchements. 

Mais déjà la grande redoute était au pouvoir des Au- 
trichiens. Ils avaient eu recours à la ruse. Au milieu de 
Tobscurité, peu d'instants avant Tassaut général, queL 
ques-uns se présentent sur le pont de Schaidt aux pre- 
miers postes français. On leur crie $^wiw>e? Ils répon- 
dent A déserteurs ». On leur ordonne de mettre bas les 
armes. Ils répondent qu'elles ne sont pas chargées. Ils 
passent et, profitant des ténèbres, arrivent jusqu'à la 
grande redoute. La garde s'approche pour les reconnaître 
et les voit munis chacun d'une fascine. Aussitôt les 
coups de sabre et de baïonnette commencent ; mais des 
hussards s'étaient glissés entre les avant-postes à la fa- 
veur du brouillard. En un moment, la grande redoute, 
la fameuse BastiVe tombe, presque sans combat, aux 
mains des Impériaux. Les républicains se dispersent de 
tous côtés dans la plus afifreuse confusion. L'artillerie 
volante brise les caissons et les affûts de ses pièces sur 
les ponts de la Lauter. On ne rencontre que des fuyards 
et lorsqu'on leur demande où ils vont, ils disent qu'ils 



WISSEMBOUBG 241 

n'en savent rien; si l'on insiste, ils ajoutent qu'ils n'ont 
pas d'ordre, qu'ils ne connaissent pas leurs généraux, et 
ils errent à Taventure. 

Aux premières volées de canon, le commandant de 
Tavanl-garde, Meynier, avait couru dans le bois à l'en- 
droit qui lui semblait le plus menacé. Il crut voir que le 
95« régiment et le 42® bataillon d'infanterie légère fai- 
saient bonne contenance. Mais la nuit et la fumée ne lui 
permirent de distinguer nettement, au milieu du tu- 
multe, que les hourras des manteaux rouges. Il se diri- 
gea vers la grande redoute et tomba parmi des soldats 
en pleine débandade. Vainement il essaya de les rallier. 
Il ne parvint à rassembler que deux bataillons, le 2« de 
Lot-et-Garonne et le 4® d'Eure-et-Loir. Néanmoins, sans 
perdre courage et sans ralentir son activité, il animait 
ces volontaires et marchait à leur tête, lorsqu'il reçut 
dans le gras de la ^cuisse un biscaien qui lui fracassa 
l'os. On dut le transporter aussitôt à Wissembourg et le 
panser *. Il eut le temps d'ordonner au général Combez 
qui se trouvait à ses côtés, de faire sa retraite pas à pas 
et de s'établir entre Kapsweyer et Schweighoffen. Com- 
bez obéit; il réunit tous les hommes qu'il put ramasser 
et se retira sur Schweighoffen ; mais il laissait aux Au- 
trichiens, outre la grande redoute, seize canons et deux 
obusiers. 

La cinquième colonne, dirigée par Kavanagh, eut le 
môme succès que la colonne de Meszaros. Elle s'empara 
de la lunette et du village d'Oberotterbach, puis se tourna 
contre le château de Haftel. 

* Meynier fut transporté le môme jour à Haguenau et le lende- 
main à rhôpital de Strasbourg, où il resta 179 jours sur le fçrabat (cf. 
sa relation). 



242 WISSBMBOURa 

La sixième colonne, menée par Kospolh, canonna 
d*abord sans résultat les retranchements du Haftelhof. 
Mais bientôt les Français, se voyant menacés sur leur 
droite et leurs derrières par les colonnes de Meszaros et 
de Kavanagb, abandonnèrent la position. Gombez les 
recueillit. Ce vieil et brave officier, un des vétérans de 
la guerre de Sept-Ans et Tun des héros de cette triste 
journée, résistait toujours entre Kapsweyer et Schweig- 
hoffen, et, avec les soldats qui venaient à lui, les uns 
du Bienwald, les autres de Steinfeld, il arrêta quelque 
temps la marche victorieuse des Autrichiens. Mais Car- 
lenc lui commauda de se replier sur Wissembourg, et de 
là sur le Geisberg *. 

La colonne des émigrés ou septième colonne compre- 
nait deux corps, conduits Tun par Vioménil, l'autre par 
le prince de Gondé. Elle s'empara de Bergzabern, des 
retranchements élevés entre Bergzabern et Dôrrenbach, de 
la redoute de la Hornhôhe. Puis elle marcha sur Oberot- 
terbach pour enlever les deux ouvrages que les républi- 
cains avaient construits près de ce village. Mais les pa- 
triotes tenaient ferme, et, dit un Autrichien, on ne peut 

^ François Combcz, né à Besançon le 12 juin 1732, était fils d^un 
homme de loi et avait d'abord étudié le droit. Il s^engagea le 15 jan- 
vier 1753 au régiment de Monsieur cavalerie et devint succes&ivement 
maréchal-des- logis (12 janvier 1757), cornette au régiment des Volon- 
taires du Dauphiné (7 mars 1760), lieutenant de dragons dans la légion 
de Flandre (5 avril 1772), capitaine au 2% plus tard 8' chasseurs à 
cheval (7 mai 1785), chef d'escadron (15 avril 1792), chef de brigade 
(16 mars 1793), général de brigade (28 janvier 1794). Il fit toutes les 
campagnes de la guerre de Sept-Ans et il avait été blessé à Bergen, 
à Minden et dans la haute-Frise, le 1«' octobre 1761. 11 reçut pareil- 
lement trois blessures en 1793, près de Bingen (21 mars], a Betten- 
holTen (12 frimaire), à la Wantzenau (5 brumaire). Michaud le jugeait 
ainsi : « Excellent officier de cavalerie très brave, vertueux républi- 
cain, propre à être général de division dans une place sédentaire. • 



WISSBMBOURQ 213 

refuser son estime à leur bravoure. La légion de Mira- 
beau eut 30 officiers et plus de 400 soldats tués ou 
blessés ; le régiment de Hohenloh*» perdit son lieutenant- 
colonel et une vingtaine d'hommes. On dut, pour faire 
lâcher prise aux carmagnoles, envoyer entre Oberotter- 
bach et Rechtenbach deux bataillons et un escadron de 
la colonne Kospolh. Craignant d'être coupés du gros de 
l'armée et de se rendre à merci, les Français se retirèrent 
en toute hâte le long de la montagne et gagnèrent Wis- 
sembourg. 

Wurmser avait eu le tort d*éparpiller ses forces et de 
donner à ses généraux des instructions qui manquaient 
de précision et de clarté. Il eut le tort, plus grave, de ne 
pas poursuivre les vaincus. Tandis que les Français recu- 
laient sur Wissembourg, les Autrichiens ne pensaient 
qu*a prendre possession des redoutes, des canons et des 
tentes. A midi, Garlenc occupait le Geisberg, non seule- 
ment avec sa réserve, mais avec Tavant-garde ramenée 
par Combez, et son centre disputait encore à Holz'3 les 
alentours de Schleithal. Aussi les représentants le pres- 
saient-ils de hasarder une nouvelle action : « Il faut, lui 
disaient-ils, rester à Wissembourg et s'y battre. » Gar- 
lenc refusa, à moins que les conventionnels ne prissent 
un arrêté qui ordonnait la bataille. Ils n'insistèrent pas, 
de peur d'assumer la respousabilité d*un désastre, et 
Garlenc, persuadé que la journée était perdue sans re- 
tour, décida que la retraite aurait lieu sur Soultz et 
Surbourg. 

A trois heures et demie, un parlementaire venait som- 
mer le commandant de Wissembourg, Fririon, capitaine 
au 48" régiment : "Wurmser allait attaquer la place avec 
huit bataillons, et toute résistance était inutile puisque 



214 WISSKMBOURe 

le prince de Waldeck avait passé le Rhin et assailli les 
derrières de Tarmée française. Hastrel, adjoint aux aidju- 
danls-généraux, était à la barrière : il répondit que 
Wissembourg ne se rendrait pas sans un ordre du géné- 
ral en chef, et celte déclaration fut confirmée par le capi- 
taine Fririon*. Une heure plus tard, Carlenc ordonnait 
d'évacuer Wissembourg, Fririon portait les clefs de la 
ville à la maison commune, et le 48« régiment, ci-devant 
Artois, allait, sans être inquiété, rejoindre Tarrière-garde 
sur les pentes du Geisberg. 

Wurmser entra dans Wissembourg après avoir tiré 
contre une des portes cioq à six coups de canon. Il au- 
rait pu couper ou détruire en grande partie la ditùion 
des montagnes y qui formait la gauche de Tarmée du Rhin; 
elle ne savait pas encore ce qui se passait à sa droite; 
assaillie soudain par les Autrichiens sur la route de 
Bilche à Lembach, la seule qui servait à sa retraite, atta- 
quée en môme temps par les Prussiens, mise entre deux 
feux, elle aurait subi Pinévilable ignominie d'une capi- 
tulation. Mais Wurmser n'était pas homme à profiler 
ainsi de son avantage. Il se contenta d'occuper le Geis- 
berg, de jouir de sa bataille gagaée et des deux bonnes 

* Etienne d'Haslrel de Rivedoux était né le 7 février 1766, à la 
Poiute-aux-Trembles de Québec en Canada, d'un père qui fut tué au 
sièfçe de Pondichéry en 1783, après quarante et un aas de services, et 
d'une mère canadienue qui mourut en 1784, a l'île de Rhé. 11 avait 
été conduit en France au mois de mai 1770. Élève de TÉcole mili- 
taire, il entra au 48* régiment en mai 1784 et y deviut successi * ement 
sous-lieulenant, lieutenant, capitaine. 11 avait fait les campagnes du 
Rhin de 1792 et de 1793. 11 fut promu général de brigade le 26 jan- 
vier 1807 et général de division le 25 mars 1811. Bourcier le jugeait 
ainsi : « Les talents qu'il a reçus de la nature, étendus par une édu- 
cation soignée, l'activité de ses services comme adjoint à Tétat-major, 
le rendent susceptible d'être promu à un grade supérieur. » Cf. sur 
François-Nicolas Fririon, général de brigade le 17 juillet 1800 et de 
division 21 juillet 1809, Gemâhling, Les Fririon, 1886, p. 6. 



WISSBMBOURa 215 

villes de Wissembourg et de Lauterbourg. où il trou- 
vait, disait-il, farine, avoine, sel, armes, papier et Dieu 
sait quoi ^ 

V. Pendant que Wurmser emportait les lignes de Wis- 
sembourg, le duc de Brunswick débusquait la division 
des montagnes et, suivant sa promesse, se saisissait de 
Lembach et de Wœrth*. 

Ses disciples et ses prôneurs racontèrent qu'il avait 
fait dans les Vosges une marche savante, comparable à 
celle d'Annibal à travers les Alpes. Massenbach prétendit 
qu'elle méritait d'être conservée dans les annales du 
monde jusqu'en ses moindres détails et qu'elle passerait 
toujours pour un chef-d'œuvre militaire. C'était ou- 
trer, écrit avec raison Valentini, tout ce qu'ont jamais 
dit les Gascons \ 



» Wagner, 127-149 ; Gebler, Œsterr. milit. Zeitschrift, 1834, III, 
135-152; Zeissberg, I, 321; Compte rendu par Ruamps, B >rie, etc., 
30; relalioii de Meynier, 13 oct.; Rapport de Desaix, 12--0 oct. 
(A. G.) ; d'Ecquevillv, I, 181-197 ; Romain, II, 473; SaintCyr, I. 120- 
124 ; Soult, I, 65. 

< La division des montagnes occupait les positions suivantes. Sa 
droite était concentrée dans le camp de Noth^'eiler où se trouvaient 
dix bataillons : le 27% le 13-, le 102% le 1*' du Haut-Rhin, le 2" de 
Rhôoe-el-Loirc et le 4« du Jura. Le 7* bataillon d'infanterie légère et 
le 1" de la Haute-Saône étaient à Bobenthal. Le 10" des Vosges Jfor- 
mant Tavant-garde à Bundenthal et à Rumbach, éclairait tout le front 
du camp. — Le centre, composé d'un bataillon du 13' régiment, ci' 
devant Bourbonnais, d^un bataillon du 33', ci-devant Tuuraine, et de 
quelques compagnies du bataillon des agricoles de Mirecourt, occupait 
:a Tannenbriicke et avait détaché en avant-garde à Schdnau le 4* ba- 
taillon de Saône-et-Loire et, plus loin encore, à Fischbach, plusieurs 
coj)p8gnies aux ordres du capitaine Cunéo. — La gauche était dissé- 
minée sur une ligne très étendue : un bataillon du 102' gardait la Main- 
du Prince; la 3* d'Indre-e .-Loire, l'abLaye de Stiirzelbrcnn; le l"des 
Vosges, la ferme de Kobrett; le 1«' de l'Indre, le village de Nieder- 
steinbach . 

» Kurze Uebersicht, 29; Valentini, 47; Saiat-Cyr, I, 131. 



SI 6 WISSKIIBOURO 

Que fut celle marche fameuse? Le due partit le 17 oc- 
tobre du Ketterich et vint à Ramsbronn. Le 42, il était à 
Rôsselbrono. et deux détachements envoyés, Tun à 
droite, Tauire à gaucbe, chassèrent les républicains de 
la ferme de Kobrett et du village de Flscbbach. Le 43^ 
tandis que Wurmser attaquait les lignes, avaient lieu les 
opérations que Télat- major prussien jugeait admirables. 
Hobeniobe, suivi de cinq bataillons et de six escadrons, 
tournait Bitche par Egelshardt, enlevait, après une 
courte résistance du 102* régiment, la Main-du-Prince et 
regagnait, par Haspelscbeidt, son camp d*Eschweiler 
pour tenir en respect Tarmée de la Moselle : mouvement 
bardi, s*écriait Massenbach, mais calculé selon de justes 
principes 1 En même temps , Brunswick s^emparait 
d'Obersteinbacb et menaçait la gauche des cantonne- 
ments de Nolhweiler. 

Saint-Cyr, qui dirigeait celte gauche, commandée no- 
minalement par Ferey, avait concentré ses forces à Nie- 
dersleinbach : cent chevaux et trois bataillons, le 4<^ des 
Vosges, le l**" de Tlndre et le 3« d'Indre-et-Loire. Sa posi- 
tion élait excellente. Il avait construit quelques retran- 
chements, dont une ûèche et une redoute qui se faisaient 
face : la ûèche dominait le chemin d'Obersteinbach ; la 
redoute balayait la roule de Bitche à Wisrsembourg. 

Brunswick voulait épargner le sang du soldat, et il sa- 
vait que la victoire de Wurmser lui livrerait les défilés 
sans combat. Il se contenta de manœuvrer sous les yeux 
de Saiut-Cyr, pendant que son aide-de-camp, le colonel 
Hirschfeld, paradait devant Bundenthal, à la vue de 
Desaix*. Il aurait mieux fait d'attaquer résolument 

^ Saint'Cyr s'imagiae, dans ses Mémoires, quMl a repoussé, le 
13 octobre 1793, les attaques de Hohenlohe et que Brunswick en per- 
sonne a canonné la position de Desaix. 



WISSBMBOURQ 217 

Niedersleinbach. Une fois ce point emporté, — et sans 
beaucoup d'efforts — la chaîne des postes français était 
rompue, et les troupes du camp de Nothweiler n'avaient 
plus d'autre ressource que d'abandonner leurs canons 
et de se jeter dans les bois. Mais, à minuit, Ferey appre- 
nait que les lignes de Wissembourg étaient forcées, et il 
recevait de Garlenc Tordre de se replier sur Wœrth et 
Bouxwiller. On partit sur-le-champ, à la faveur du 
brouillard, par la Tannenbrûcke et par Lembach. La re- 
traite ne se fit pas aussi tranquillement que rassure 
Saiiit-Gyr. Un lièvre passa; on lui tira des coups de fu- 
sil : à ce bruit, Talarme se répandit de rang en rang, et 
un lièvre seul, dit Desaix, porta le plus grand désordre 
dans les brigades. Heureusement le 33° régiment, ci- 
devant Touraine, se mit en bataille à toutes les avenues 
où l'adversaire pouvait déboucher; sa contenance rassura 
le reste de la colonne; les fuyards, ne voyant pas Ten- 
nemi, se rallièrent et rirent de leur terreur. Le 16 octobre, 
la division des montagnes, qui devait s'appeler désor- 
mais le corps de Saverne, était derrière la Zorn. Elle jetait 
une garnison dans le fort de Lichtenberg, envoyait un 
détachement à Saverne et s'établissait à Hochfelden, 
tandis que Brunswick, maître, sans coup férir, des 
gorges de Nothweiler et de Lembach, s'avançait jusqu'à 
Wœrth*. 



« Saint-Cyr, I, 130 ; Rapport de Desaix, 12-20 oct. (A. G.) ; Wa- 
gner, 148-150. 



CHAPITRE XIII 



HAGUENAU 



Découragement de l'urmée du Rhin. — Les lignes de la Moder. — Combat 
de Brumath. — Alian Ion de Drusenheira. — Dubois et La Boissière à 
Gambsheim — Coii'iril de guerre. — Opinion de Villemanzy. — L'armée 
derrière la bo itfeJ. — Surprise dd la Wantzenau. — Desaix à Reich- 
stett. — AutrioUiens et Condéens à Wissembourg et à Haguenau. — 
Brunswick et Wurmser. — > Appréhensions de Thugut. 



I. Contrainte d'abandonner les lignes qu'elle regardait 
à tort comme imprenables, l'armée du Rhin était exaspé- 
rée, et, dans sa rage, elle attribuait la défaite aux com- 
missaires de la Convention. Les représentants furent 
hués plusieurs fois, et, de leur aveu, exposés aux pro- 
pos les plus indécents. Ruamps se vit assailli par des 
hussards et dut chercher un refuge dans la division de 
Ferey. c II s'humanisa à un tel point, dit Saint-Cyr, 
qu'il finit par nous paraître un bon homme *. » 

Mais la division de Ferey, qui formait la gauche de 
l'armée, était encore intacte, encore solide, vigoureuse, 



* Les représenlanis au Comité, 18 oct. 1793 (A. G.) ; Saint-Cyr, 
I, 132. 



HAGUENAU 249 

et n'avait pas essuyé de revers. Le centre et la droite, 
entraînés par le courant de la déroule, n'offraient plus 
de consistance sérieuse, a Les chefs, écrivait l'accusa- 
teur militaire Clément, n'ont montré Di tête ni courage. 
Nos soldats ne savaient où se rallier. J'ai vu des canon- 
niers pleurant, et je les vois encore demandant des 
chefs. J'ai vu, non une retraite, mais une confusion; 
rien n'était ordonné ; peu de monde a fait son devoir. » 
6,000 hommes, criant à la trahison des généraux, avaient 
fui sur le chemin de Haguenau et jusqu'à plus de douze 
lieues. Ils remplissaient Schiltigheim et assiégeaient les 
portes de Strasbourg. Plus de mille furent ramassés en 
vingt-quatre heures par les commandants des places; 
les autres échappèrent à toutes les recherches et rega- 
gnèrent leurs foyers *. 

L'indiscipline n'avait jamais été si grande. Les offi- 
ciers, les soldats se divertissaient dans les villes et 
ne répondaient pas aux appe'.s. Ils passaient le temps 
à la taverne et rentraient au camp, « énervés par la 
fureur des libations ». Quelques-uns se querellaient et 
en venaient aux coups, d'autres ne payaient pas leur 
écot. La plupart craignaient de faire le moindre effort 
et de supporter la plus légère fatigue. Il y en eut qui 
refusèrent d'aller au feu. « La bravoure individuelle, 
écrivait l'adjudant-géuéral Demont, ne suffit pas ; il faut 
une parfaite harmonie et un juste ensemble. » Aussi, 
l'armée du Rhin ne put-elle disputer le terrain aux en- 
vahisseurs'. 

*■ Clément à BouchoUe, 14 oct. ; Dièche à Bouchotte, 15 oct. ; les 
représentaats au Comilé, 18 oct. ; note de Legrand (Â. G.) ; Mon,, 
du 22 oct. 

* Charlemagne à Dupin, 21 oct.; Pichegru à Bouchotte, 13 nov.; 
Demont au Comité, 16 oct. (â. G.). Demont (Joseph-Laurent), né à 



2^0 WISSBMBOURO 

Elle s'était retirée dans la soirée du 13 octobre sur 
Soultz et Surbourg. Mais Dubois, qui commandait la 
droite, avait reculé trop loin ; elle dut occuper une se- 
conde position entre Haguenau et Bischwiller. Elle 
tenait ainsi les ligues de la Moder. 

Ces lignes, construites pendant les campagnes de 
Turenue, s'étendaient dlogwiller à Druseoheim et pré- 
sentaieot une suite de redans qui formaient avec les 
courtines, selon la configuration du sol, un angle plus 
ou moins droit. Elles étaient, sur certains points^ en 
aussi bon état que les lignes de Wissembourg. Ailleurs, 
et notamment aux environs de Haguenau, elles avaient 
presque entièrement disparu du sol sablonneux. Situées 
sur la crête d'une éminence de médiocre élévation, elles 
dominaient la vallée, fort large et peu profonde, de la 
Moder; mais elles étaient trop éloignées de la rivière et 
pouvaient en défendre d'autant moins le passage que 
la Forêt sainte ou forêt de Haguenau, très rapprochée 
de la Moder, masquait l'attaque des ennemis. Elles 
offraient toutefois quelques avantages. L'armée qui les 
occupait, s'appuyait en même temps aux montagnes et 
au Rhin. Au centre, il est vrai, se trouvait Haguenau, 
et il ne restait des fortifications de la ville que des ou- 
vrages avancés où la cavalerie montait aisément à Tas- 
sant, UQ chemin couvert à peine reconnaissable et boule- 



Sartrouville (Seine-et-Oisc), était ûls d'un chevalier de Saint-Louis, 
oflicier aux gardes Suisses ; successivr ment cadet au régiment suisse 
de Vigier, sous-lieutenant, lieutenant, aide-major avec brevet de ca- 
pitaine au licenciement des régimenls suisses, adjoint à Fétal-major 
de Purmée du Rhin [1*' oct. 1792), adjudant- général avec grade de 
lieutenant-colonel (19 mai 1793], ii devait être suspendu par Bou- 
chotte, puis remis en activité sur la proposition de Clarke. Il fut 
promu général de brigade le 17 pluviôse an VII et général de divi- 
sion le 21 décembre 1805. 



HAGUBNAU 224 

versé chaque année par la bêche ou par le soc de la 
charrue, une muraille flanquée de tourelles et protégée 
de distance en distance par des demi-lunes dont le 
parapet, formé de sable mobile, n'avait pas la moitié de 
répaisseur convenable. Mais, à droite de la position, le 
bourg de Drusenheim, entouré de retranchements bien 
fraisés et bien palissades, fournissait sur la Moder une 
solide tète de pont qui facilitait un retour offensif et 
Tapprovisionneraent de Fort- Louis. Telles quelles, les 
lignes de la Moder valaient celles de la Lauter ou toute 
autre position de la basse Alsace et du Palatinat. entre 
Rhin et Vosges *. 

Mais Garlenc craignait d*èlre enveloppé par les vain- 
queurs. Il évacua Haguenau, après avoir fait remuer à 
deux bataillons quelques pelletées de terre, et vint éta- 
blir son quartier-général à Hoerdt, derrière la Zorn. 
Il n'avait pas néanmoins lâché Drusenheim. Sa droite 
s'adossait à ce poste et s'étendait sur la Zorn par Herr- 
lisheim et Offendorf. Son centre campait parallèlement 
à la rivière et barrait le chemin de Bischwiller à Stras- 
bourg. Ses troupes légères observaient la chaussée de 
Brumath à Stephansfeld. Son avant-garde occupait 
Weyersheim \ 

Il ne resta pas longtemps dans cette position. Wurm- 
ser poussait sa pointe. Le 45 octobre, les Impériaux 
étaient à Soultz. Ils y célébrèrent une messe solennelle, 
et, après avoir chanté le Te Deum au milieu des salves 
de mousqueterie et d'artillerie, ils brûlèrent en un feu 
de joie des drapeaux républicains, des écharpes muni- 
cipales et un gros amas d'exemplaires des décrets de la 

» Note de Legrand (A. G.) ; Gebler, 134 « lignes insigniEanleg, 
mais qui servaient à gagner du temps et à rallier une armée >. 
• Demont au Comité, 17 octobre (A. G.). 



222 wissBMBOUBe 

Convention. Le 17, ils prenaienl possession de Hague- 
nau. Le 18, ils s'ébranlaient pour camper entre Bat zen- 
dorf et Kriegsheim. Les rapports des éclaireurs et des 
paysans leur avaient fait croire que les Français 
s'étaient déjà repliés derrière la SoufTel, et tranquille- 
ment, sans souci, sans précaution aucune, ils mar- 
chaient sur Brumath. L'avant-garde, commandée par 
Meszaros, entrait à peine dans le village qu*elle fut 
saluée par un feu d^artillerie qui partait du pont, et par 
une grêle de coups de fusil qu'on lui tirait de toutes les 
fenêtres. Meszaros recula. Mais Tavant-garde française, 
sortant de Weyersheim, l'attaqua sur les flancs, pen- 
dant que la cavalerie assaillait ses derrières à Weit- 
bruch et menaçait de lui couper la retraite. Un hasard 
le sauva. Kavanagh avait quitté Soultz deux heures plus 
tôt que ne le prescrivaient ses instructions : il eut le 
temps d'accourir à Weitbruch avec les brigades Kos- 
poth et Brunner *. 

L'action était honorable pour les Français. Si la cava- 
lerie légère méritait les blâmes de Carlenc, les dragons 
avaient exécuté des charges vigoureuses. Donadieu, 
capitaine au 11 ^^ régiment de cette arme, prit un éten- 
dard qu'il offrit dix jours plus lard à la Convention. 
Deux escadrons du môme régiment dégagèrent brillam- 
ment une compagnie d'artillerie volante qui s'était laissé 
envelopper et qui perdit une de ses pièces. 

Mais, comme à son ordinaire, la droite n'avait pas fait 
son devoir. Dès que Dubois vit le prince de Waldeck 
marcher à sa rencontre, il abandonna Drusenheim, et à 
tire d'aile gagna la Wantzenau. Un instant, il avait mis 

1 Gebler 135-136 (les Autrichiens avaient 127 hommes tués ou 
blessés); Demont au Comité, 19 octobre (Â. G.) ; Mon,^ du 29 oc- 
tobre 1793; d'Ecquevilly, I, 201-206. 



HAGUBNAU 223 

sa division en ordre de bataille dans la plaine entre 
Offendorf et Gambsheim. Soudain, on vint lui dire 
qu'un corps considérable filait le long du Rhin, à deux 
lieues derrière lui. La nouvelle était fausse et invrai- 
semblable. Dubois déclara la retraite nécessaire. Elle 
fut couverte par La Boissière, un de nos meilleurs offi- 
ciers de cavalerie *. La Boissière, a dit un contemporain, 
se replia « à la tète d'un petit corps avec cette bravoure 
et cette intelligence qui caractérisent un militaire con- 
sommé, ne cédant de terrain que ce qu'il voulait en 
céder, présentant toujours à Tennemi une attitude im- 
posante, multipliant ses forces par la fréquence et la 
rapidité de ses mouvements V » 

Cette reculade de la droite entraînait celle du centre! 
Garlenc tint un Conseil de guerre auquel assistaient 
sept représentants du peuple. Il fallait prendre une ré- 
solution décisive. La plupart des conventionnels propo- 
saient de se jeter sur la roule de Saverne. D'autres 
demandaient naïvement si Ton ne pourrait pas ranger 
les troupes en baie sur la chaussée. Le commissaire- 
ordonnateur Villemanzy et le chef du génie Clémencet 
l'emportèrent. Ils opinèrent que l'armée du Rhin devait 
conserver ses communications avec l'armée de la Mo- 
selle, laisser sa gauche à Saverne et placer sur-le-champ, 
dans la nuit même, sa droite et son centre derrière 
la Souffel. La place de Strasbourg, ajoutait Villemanzy, 
a constamment approvisionné les camps ; ses magasins 

1 La Boissière était noble ; il commandait naguère le 2* régiment 
de chasseurs à cheval et il était, depuis le 7 octobre, général de bri- 
gade provisoire. 

* Note de Legrand (Â. G.). Le rédacteur du Cabinet topographique 
rapporte qu'il se rendit à Strasbourg le 16 et qu'il demanda auparavant 
les ordres de Dubois ; • nous nous Terrons bientôt dans celte place > , 
lui répondit le général. 



224 WISSKMBOURa 

de vivres et de munitions sont épuisés ; elle ne peut sou- 
tenir un siège ; l'abandonner à elle-même, c*est signer à 
Tavance sa capitulation '. 

L'armée du Rhin se retira donc le 48 octobre, à huit 
heures du soir, derrière la petite rivière de la Soufifel, 
sous le canon de Strasbourg. Uavant-garde commandée 
par Gombez, campait à la Wantzenau et détachait un 
bataillon au Jardin d'Angleterre. La droite avait pris 
position à Souffelweyersheim , et le centre, à Ven- 
denheim, à Lampertheim, à Mundolsheim, à Nieder* 

> Noie ÎDédite de Clémencet ; note de Legrand [Â. G.) ; Lavallette, 
Mém.^ I, 130. Voir sur Villemanzy, outre Sépur, Mém ^ 1834, I, 
252 et 415, Invasion prussien» e, 87; Eœpéd, de Custine^ 217; Mayence^ 
69, et plus haut, p. 186. Dans cette môme soirée du 18 octobre, où 
il donnait un si sage conseil, Villemanzy était pris à Brumatb par des 
hussards autrichiens pendant quHl faisait emballer et charger ses pa> 
piers. On Taccusa d'avoir exprès relardé son départ, et le 13 dé- 
cembre, Dubois - Craucé , ignorant sa capture, demandait que le 
Comité de Salut public ouvrît enfin les yeux sur « cet agent vil et 
bas des Lameth, qui était parvenu à se faire employer >. [Mon» y du 
15 décembre.] 11 est certain que Villemanzy se laissa prendre (cf. 
les témoignages de Baudot, Mon., 17 mars 1794; d'Eickemeyer, 
Denkw., 184, d'Ecquevilly, I, 207-208; de Wurmser, Wagner, 279), 
qu'il correspondait avec Vioménil et qu'il ne cacha pas à Wurmser la 
triste situation de l'armée. Mais, dit Legrand, t je n'ai pas ren- 
contré un soldat, un officier, un commissaire des guerres, un admi- 
nistrateur militaire, qui ne déclarât hautement que Villemanzy joi- 
gnait à une activité infatigable des talents prodigieux pour la partie 
si imporlante qui était confiée à ses soins. Sa facilité, suite ordinaire 
de l'ordre qu'il mettait dans son travail, était admirable, et on 
convient que dans les temps difficiles, l'armée aurait marqué vingt 
fois de subsistances sans les ressources étonnantes qu'il trouvait là où 
les autres n'en voyaient aucune. Les représentants du peuple, qui ne 
l'aimaient pas, n'avaient jamais osé le destituer, dans l'impossibilité 
de le remplacer. > Custine le nommait t un homme de la plus haute 
intelligence et grand travailleur > [lettre à Pache, 31 oct.) et Biron 
écrivait .que bien que « terriblement étourdi > par la journée du 
10 août, il était c précieux à conserver i et « avait tout ce qu'il faut 
pour taire un bon intendant d'armée > [à Servan, 17 sept, 1792, 
A. G.). 



HAQUEMA.U 225 

hausbergen. La cavalerie qui formait deux corps, sous 
Diettmann et Lafarelle, occupait Hœnheim, Miltelhaus- 
bergen et Oberhausbergen. Le quartier-général était à 
Scbiltigheim et Tambulance à la Robertsau. 

Mais cette suite de revers et de retraites avait achevé 
de rebuter Tarmée. Les soldats étaient entièrement démo- 
ralisés. Un coup de canon les mettait hors d'eux-mêmes ; 
la plus légère alerte les livrait à la panique; on avait 
une peine extrême à rétablir dans leurs rangs un peu 
d'ordre et de calme, a II règne, mandait Demont au Go- 
mité, une faciliié à s'étonner du moindre événement im- 
prévu i>, et il ajoutait que les entreprises les mieux com- 
binées ne dépendaient plus que du hasard. Garlenc, saisi 
de désespoir, ne cessait d'offrir sa démission ; il assurait 
qu'il n'avait accepté le commandement que dans l'espoir 
d'être remplacé sous peu de jours, qu'il servirait plus uti- 
lement à la tête d'une division, qu'il ne savait conduire 
une armée. Les représentants ne cachaient pas leur dou- 
leur : ils voyaient les troupes « épouvantées par le nombre 
des ennemis, manquant de confiance aux lumières des 
généraux, confondant Tincapacilé avec la trahison » ; ils 
jugeaient que le soldat n'avait plus « cette assiette tran- 
quille qui mène aux grandes vertus » ; ils se plaignaient 
de ne trouver que des chefs ignorants qui faisaient des 
fautes. Il fallait donc, disaient- ils, employer de puissants 
moyens ; il fallait réveiller le courage abattu ; il fallait 
envoyer un bon général et un renfort de douze à quinze 
mille hommes ; il fallait mettre Strasbourg en état de dé- 
fense ; la place serait incessamment assiégée, elle avait 
vingt-huit mille sacs de grains, mais toute sa provision 
de poudres était consommée ^ 

1 Demont et les représentants au Comité, 19 oct.; Carlenc à Bou- 
chotte, 14 et 20 oct. (A. G.}. 

WISSEMBOURG. 15 



226 WISSBMBOURa 

Heureusement Wurmser perdit du temps. Ou croyait 
qu'il ferait le 20 octobre un nouvel effort* Il ne bougea 
pas; il établissait son quartier-général à Bcumath^ « point 
central, dit Demont, autour duquel son. armée formait 
une espèce de croissant * 9. 

Pourtant, le 26 octobre, à la pointe du jour, Waldeck 
assaillit Tavant-garde française dans la Wantzenau. L'at- 
taque, rapporte Demont, se fit « avec une violence et une 
vivacité surprenantes ». Tout favorisait les Autricbiens : 
ils connaissaient le mot d'ordre que leur avait livré le 
domestique de Béril, cbef de brigade du 8^ chasseurs à 
cheval ; ils avançaient à la faveur du brouillard ; ils abor- 
daient une position dont le front était trop étendu, et des 
marais, des fossés, un seul pont à demi-portée de canon 
de la ligne de bataille, rendaient la retraite des républi- 
cains très difficile. D'ailleurs, les Français ne se gardaient 
pas, et leur cavalerie se mettait en selle que Fennemi 
poussait ses hourras au milieu du village. Ils s'enfuirent 
précipitamment en laissant aux mains de Tagresseur 
cent soixante prisonniers, quatorze canons et deux obu- 
siers. Mais le brave Gombez les rallia derrière la Souffel 
et parvint à se maintenir dans le Jardin d'Angleterre, 

En même temps les avant-postes de Meszaros et du co- 
lonel prince Hohenlohe se jetaient sur une brigade qui 
campait en arrière d'une ligne d'abatis dans le bois de 
Reicbstett. La brigade fut un instant refoulée. Mais De- 
saix la ramena ; après un combat meurtrier, à la troisième 
charge, il réussit à reprendre le bois de Reicbstett et 
chauffa^ selon le mot de l'époque, les Impériaux jusqu'à 
l'entrée de Hoerdt. L'affaire, lit-on dans les relations au- 
trichiennes, fut sanglante et indécise *. 

1 Demont au Comité, 23 oct. [A.. G.). 

* Demont au Comité, 26 et 28 octobre, note de Legrand (A. G,] ; 



HAGUENAU 227 

Tels furent les résultats de cette victoire de Wissem- 
bourg que les journaux allemands élevaient aux nues. 
Trois semaines après son triomphe, Wurmser était à 
Brumath^ et les Français, étonnés de son état de tran- 
quillité absolue, se demandaient s'il ne projetait pas 
quelque vaste entreprise : il se contentait de couvrir le 
blocus de Fort-Louis *. 

A\^urmser comptait s'avancer sur Strasbourg sans ren- 
contrer d'obstacle, 11 s'imaginait que les Alsaciens rece- 
vraient les Impériaux à bras ouverts. N'affirmait- il pas 
depuis le mois d'avril les « bons sentiments i de la pro- 
vince? L'accueil que lui firent les habitants de Wissem- 
bourg le détrompa. Vainement son fils cassait la muni- 
cipalité républicaine et confiait l'administration à des 
royalistes. Vainement on disait une messe solennelle 
pour le repos de l'âme de Louis XVI. Vainement on ex- 
humait le corps de Mauny, cet émigré fusillé par les car- 
magnoles, pour l'ensevelir en grande pompe dans le ci - 
metière de la ville. Vainement les patriotes, ceux qu'on 
nommait les gueux, durent, le bonnet rouge sur la tète, 
balayer les rues; « ils sont suivis, écrit un gentilhomme, 
par un caporal -schlague et je trouve la punition char- 
mante ». Vainement les Gondéens qui traversaient Wis- 
sembourg avaient ordre de crier Vive le Roi, et lorsqu'ils 
passèrent devant la maison commune, les princes de 
Condé, de Bourbon et d'Enghien, debout au balcon, uni- 
rent leurs acclamations à celles de leurs soldats. La po- 
pulation demeurait froide et gardait le silence ; pas la 

i/o»., 10 nov. (lettre de Milbaud et de Guyardin); Saint-Cyr, I, 139; 
d'Ecquevilly, I, 216; eesck. der Kriege^ 1, 234; Gebler, 138; les 
Autrichiens avaient, dans celte journée, 22 officiers et 454 soUals 
tués ou blessés. 
1 Demont au Comité, 30 oct (â. G.]. 



228 WISSBMBOURG 

moindre marque d^enlhousiasme, pas le moindre vivat ; 
seules, les femmes osaient avouer leurs préférences mo- 
narchiques. 

Les émigrés accusèrent Wissembourg de circonspection. 
Haguenau leur parut moins tiède ; là du moins, les cœurs 
s'ouvraient» s'échauffaient, et le peuple, tout catholique 
et nullement gangrené, « pensait à merveille» . Hommes, 
femmes, enfants arborèrent spontanément la cocarde 
blanche et se jetèrent aux genoux du prince de Gondé 
pour lui baiser les mains. Durant plusieurs jours, d'une 
porte à Tautre, dès que se montrait un Gondéen décoré 
du brassard, on n'entendait que les cris : Vit)e le Edi, 
Vive Condéy Vive Varmée des nobles^ Vive la noblesse ! La 
ville, livrée naguère aux jacobins, recouvrait son ancien 
aspect; ses deux églises étaient rendues au culte; les 
stettmestres, les conseillers, tous les ennemis du nou- 
veau régime, enfuis sur Fautre rive, reprenaient posses- 
sion de leurs maisons et de leurs biens ; les vieux cos- 
tumes et les longues perruques reparaissaient dans les 
rues ; on reconnaissait des visages qu on n'avait pas vus 
depuis deux, trois années '. 

Mais, lorsque Gondé désira réunir sous ses drapeaux 
quelques milliers d'Alsaciens fidèles, Wurmser s'emporta : 
la cour de Vienne ne souffrirait sous aucun prétexte que 
le prince grossît sa petite armée Les émigrés comprirent 
que TAulriche voulait s'approprier TAlsace. Leur colère 
s'accrut lorsqu'ils virent dresser sur les routes du Bas- 
Rhin des poteaux où figurait, au lieu des fleurs de lys, 
l'aigle autrichienne. Les habitants partageaient leur in- 
dignation. Wurmser venait donc en conquérant, et non 

> Du Rosier à Linape, 16 oct. (A. G.): d'Ecquevilly, I, 193-198, 
201-204 ; Romain, il, 476-478 ; Klelé, Haguenau zur Zeit der Révo- 
lution, 1885, p. 179 ; note de Legraud (A. G.). 



hâGUBNau 229 

en libérateur I Plusieurs, oulrés, exaspérés, s'enrôlèrent 
dans les troupes républicaines. Gomme Ta dit Lavallette, 
on était Français en Alsace et Ton détestait encore plus 
les Autrichiens que les révolutionnaires *. 

A ce sentiment de patriotisme se joignit Thorreur que 
soulevèrent les cruautés des manteaux rouges. Élevés et 
organisés à la turque, ils coupaient la tête aux chrétiens 
qu'ils avaient tués. Leurs ravages, leurs excès de toute 
sorte firent exécrer le nom autrichien. On ne parlait 
qu'avec effroi de ces cavaliers aux cheveux noirs, aux 
pommettes saillantes, au regard farouche, à la taille co- 
lossale *. 

Enfin les Prussiens ne secondaient leurs alliés qu'à 
contre-cœur et avec leur mollesse coutumière. Brunswick 
avait rendu visite à Wurmser après la prise des ligne? 
de Wissembourg. Il le félicita, l'embrassa, le nomma le 
vainqueur de la Lauter, lui dit les choses les plus obli- 
geantes du monde, assura que cette expédition était la 
plus sérieuse, la plus belle qu'il eût jamais vue, et 
Wurmser, de son côté, remercia Brunswick de son assis- 
tance et rappela son sauveur ; « les Prussiens, répétait-il, 
sont venus à propos et m'ont fait grand bien ». Mais, 
lorsqu'au sortir des compliments et des congratulations, 
les deux généraux s'entretinrent des mouvements ulté- 
rieurs des armées, ils ne s'accordèrent plus. Wurmser 
invitait le duc à faire des démonstrations sur sa droite», 
et le duc répondait : « Non seulement des démonstrations t 
J'attaquerai aussi; les Prussiens rougiraient de n'être 
que des spectateurs. » Wurmser insista ; Brunswick ne 

« Lavallelle, Mifm., I, 131 ; dEcquevilly, I, 204-205 ; SouU, I, 69. 

* Laukhards Leben und Schicksale, 1796, 111, 482 ; Remintseemen 
aus dem Feldzuge am Rkein^ von einem Mitgliede der damaligea 
preuss. Rheiu-armee, 1802, p. 54. 



230 WISSEMBOURG 

pourrait- il assiéger Sarrelouis? Le duc répliqua froide- 
ment que les ordres de son roi lui liaient les mains ; qu'il 
ne saurait dépasser Wœrth ni engager ses troupes dans 
des opérations que Sa Majesté prussienne n'approuverait 
pas ; qu'il prendrait bientôt ses quartiers de cantonne- 
ment, la droite à Kaiserslautern et la gauche à Spire. 
Wurmser pria le duc de s'emparer des forts de Lichlen- 
berg et de la Petite-Pierre ; Brunswick objecta qu'il n'avait 
pas d'artillerie de siège. Pourtant, il envoya le général- 
major duc de "Weimar reconnaître la contrée ; mais le duc 
de Weimar rapporta que les forts de Lichtenberg et de 
la Petite-Pierre étaient défendus chacun par cinq cents 
républicains et abondamment pourvus de vivres et de 
munitions. Finalement, Brunswick consentit à détacher 
de son armée un corps de six mille hommes qui bloque- 
rait Landau *. 

« Il n'y a rien à espérer des Prussiens », mandait 
Wurmser à Ferraris, ils ne veulent rien faire du tout, 
a sie wollen gar nichts thun », et il annonçait qu'ils traî- 
neraient en longueur le siège de Landau, comme celui 
de Mayence. Ferraris et Thugut partageaient l'avis du 
vieux général '. Ferraris disait tristement que les Prus- 
siens étaient résolus à ne plus agir, qu'on ne pouvait plus 
« considérer pour quelque chose » l'armée de Brunswick, 
qu'on ne devait même pas demander à de tels alliés une 
« coopération quelconque », et il conseillait à Wurmser 
d'assurer aussitôt ses quartiers d'hiver. Thugut flétris- 
sait dans ses dépêches a l'inactivité » de Frédéric-Guil- 
laume, sa « conduite vraiment inouïe », ses « procédés 

1 Zeissberg, I, 321-322, 329; Wagner, 150, 153; d'Ecquevilly, 
I, 200. 

» Zeissberg, I, 329, 330, 341, 3o2. 



HAGUENAU 231 

révoltants s> ; mais il mêlait aux invectives de noires 
prévisions. N'est-il pas à craindre, écrivait-il, que les 
Français, revenant à la charge avec des forces infini- 
ment supérieures, n'obligent Wurmser d'abandonner 
l'Alsace et « ne nous privent de tout le fruit d'une cam- 
pagne qui a coûté tant de sang et tant de dépense » ? 
Il devinait juste. 



FIN. 



6 




I 



1 ! 



TABLE 



CHAPITRE pr 

RULZHEIM 

1. Gusliae rejeté sur Landau. — Ses premières alarmes. — 
Ses mesures de défense. — Il reçoit de nouveau le commande- 
ment des deux armées de la Moselle et du Rhin. — Mission 
de Berthelmy. — Houchard remplace d'Abo ville à Tarmée de 
la Moselle. — Custine à SarrebrQck. — Indiscipline. — IL Les 
représentants du peuple. *- Lettre du général au duc de Bruns- 
V7ick. — Querelle avec Montaut, Ruamps et Soubrany. — 
Custine à Tannée du Nord. — IIL Laadremont à Herxheim. — 
Affaire du 17 mai. — Panique. — Rôle de Ferrier. — Ses dé - 
mêlés avec Custine. — Positions des armées de la Moselle et 
du Rhin . — Le camp de Hornbach 1 



CHAPITRE II 

ARLON 

I. Dietlmann. — Beauharnais, général en chef de l*armie du 
Rhin. — Plan de Eilmaine. — Diversion sur Arlon. — Marche 
de Delaage. — Arrivée de Beauregard. — Bataille sanglante et 
inutile. — Chasseloup-Laubat et Sorbier. — II. Le grand plan 
de Custine. Opposition de Bouchotte, de Beauharnais, de Hou- 
chard) des représentants. — Le plan approuvé puis rejeté par le 
Comité de Salut public 26 



234 TABLE 



CHAPITRE III 

MAYBNCE OU LA MORT 

I. Beauharnais. — Conférence de Bitche. — Plan d'attaque. 
— Dispositions des alliés. — II. La marche en avant. — En- 
gagements du 19 et du 22 juillet. — Capitulation inattendue de 
Mayence. — Retraite de l'armée du Rhin. — III. L'armée de 
la Moselle. — Leimen. — Fureur de Houchard. — Incendie du 
Carlsberg. — IV. Houchard, général en chef de Tarmée du 
Nord. — Schauenburg lui succède 42 



* CHAPITRE IV 

LES REPRÉSENTANTS 

Mission de Prieur de la Marne et de JeanlMD Saint-André. 

— Renforts fournis- par l'armée de la MoseMe à Tarmée du Nord. 

— Conférences de Bitche.- — Désorganisation. -^ Remplaetment 
des officiers nt)bles.— - Bouchotte. ^- Les commiscaires du pou- 
voir exécutif. -^ -Les repréBantants du peuple aux 'années du 
Rhin et de la Moselle. — Leur conduite à Tégard ttescirdevant. 

— L-eurs pouvoirs et leur rôle. — Gentil, Cusset, Lacoste, 
Ruamps. -^ Services qu'ils ont rendus. — ^ Sentiments de l'ar- 
mée. — L'habit bleu.— L'amalgame. — L'avaiieement . ..... 63 



CHAPITRE V 

LE KETTERIGH 

I. Les théoristes prussiens. — Stratégie lente et compassée. 
— Raisons politiques plus puissantes encore. — Dessein du roi 
de Prusse. — Mission de Waldeck. — II. Positions de l'armée 
de la Moselle. — Mouvements des Prussiens. — Combat du 
13 août. — Le chef de brigade Félix. — Le Ketteiich enlevé le 
17 août. — Fuite de Reubell sur Bitche. — Le Ketterich repris 
et perdu le 20 août par Lagoublaje. — La Main-du-Prince. — 
Inaction de Brunswick 92 



TABLB t^^ 

CHAPITRE VI 

BERGZABEBN 

I. Wurmser. '~- Son armée. — Les émigrés. — II. Combats 
du 20, du 21, du 23 et du 24 août. — Le maire de Bergzabern, 
Adam Mayer. — Reculade des Français. — Doléances de Beau- 
harnais. — Sa démission 103 

CHAPITRE VII 

LA LEVÉE EN MASSE 

I. Landremont. — IL Décrets du 16 et du 23 août. — La ré- 
quisition et la levée en masse. — Proclamations des représentants 
et des généraux. — Illusions de Landremont. — Désertion des 
agricoles. — Parodie du mouvement de 1792. — Témoignage d'un 
Alsacien. — III. Pandourades de Wurmser et sa colère contre 
les Prussiens 111 

CHAPITRE VIII 

LES PASSAMES DU RHIN 

Lehrbach au camp prussien. — Négociations inutiles. -^ In- 
cendie de la forêt de Bienwald. — Projet de diversions sur le 
Rhin. — Combats du 12 septembre. — Girardot au fort Vau- 
ban. — Sparre et Bizy. — Incendie de Eehl. ^- La division 
du Haut-Rhin. — Faick, Monter, Vieusstux. — Labruyère. 

— Passage de Huningue. — Embrasement de Vieux-Brisach. 

— Passage de Niffer 126 

GHAPITRE^IX 

BUNDEKTHAL 

L.Les gorges de la Lauter. — Nothweiler. — Buadenthal. 

— Fuite de d'Arlande. — Pejacsevich à Bundenthal. — IL Gou- 



236 TABLE 

vioo SainUCjr. — Le Lindenscbmidt et le Hohenburg. — 
Malet. ^- Le canoa du KappensteiD. — Victoire des républicaiDS. 
— L'émigré Mauny 143 



CHAPITRE X 
PIRMA5BNS 

René Moreaux. — Démoostretion du 12 septembre. — Conseil 
de guerre du 13 septembre. — Marche de nuit du corps des 
Vosges. — Dispositions de Brunswick — Ardeur des repré- 
sentants. — Déploiement des colonnes. — Charge des dragons 
et des chasseurs. — Le ravin du Blûmesthal. — Déroute. — 
Le général Guillaume. — Diversion de Schauenburg 159 

CHAPITRE XI 

HORNBACH 

L Ferraris au quartier-général prussien. — Plan de Tétat- 
major. — Hornbach, clef de la position françùse. — Prise de 
Blieskastel, de Saint Imbert et de Hornbach. — Effroi et désor- 
ganisation de l'armée de la Moselle. — Retraite sur la rive 
gauche de la Sarre. — H. Traité de Pétersbourg. — Diète de 
Grodno. — Le roi de Prusse quitte l'armée. — Ascendant de 
Manslein* ~- Inaction de Brunswick. — Sécurité de Tarmée de 
la Moselle 171 



CHAPITRE XII 
WI^SBMBOURQ 

L Combats du 18, du 19 et du 20 septembre. — Acharne- 
ment des deux partis. — Craintes de Landremont. — IL Re- 
crudescence de colère contre les ofBciers nobles. — Suspension 
de Landremont. — Delmas et Pichegru. — Message alarmant 
de Clarke. — L'intérim de Muinier. — Carlenc, général en chef 
de Tarmée du Rhin. — III. Le plan de Carlenc. — Ses lieute- 
nants. — Suspensions sur suspensions. — Les lignes de la 



TABLE 237 

Lauter. — IV. Eotrevue de Pirmasens. — Ferraris et Brun- 
swick. — Bataille du 13 octobre. — Waldeck à Seltz. — Jel- 
lachich à Lauterbourg. — Hotze dans le Bieuwald, à Saiat-Remy 
et à Schleithal. — eMszaros à Steinfeld. ~- Prise dé la grande 
redoute. — Meynier et Combez. — Victoire de Wurmser. — 
Entrée des Autrichiens à Wissembourg. — V« La division des 
montagnes. — Retraite de Ferey. — Brunswick maître des 
gorges • 183 



CHAPITRE XIII 

HAGUENAU 

Découragement de Tarmée du Rhin. — Les lignes de la 
Moder. — Combat de Brumath. — Abandon de Druseuheim. 

— Dubois et La Boissière à Gambsheim. — Conseil de guerre. 

— Opinion de Villemanzy. — L'armée derrière la Souffel. — 
Surprise de la Wantzenau. — Desaix à Reichslett. — Autri- 
chiens et Condéens à Wissembourg et à Uaguenau. — Brunswick 

et Wurmser, — Appréhensions de Thugut 218 






VERSAILLES, IHP. CERF ET C'', RUE DUPLE8SIS, 



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