Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at |http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl
D,j,i,i.aL, Google
r
• •
^n
— .. ■ , .A,,, ^
>tTg« SCIENIfA /eilTAI
, Google
D,j,i,i.aL, Google
D,j,i,i.aL, Google
, Google
LES
i^UO ..
LIBRE ÉCHANGISTES
LES PROTECTIONNISTES
CONCILIÉS
SOLIIIOn COIPLËTË DES FRIICIFALES OHIMS ËMOIIOra
M
HBSIllIL-HABIttNV
DEUXIÈME ÉDITION
PARIS
GUILLAUHIN ET C'<, IIBRAIBBS-ËDITEUHS
Il7
;?
D,j,i,i.aL, Google
?</^i
PREFACE
DE LA DEUXIÈME ËDITION
La pi-emière édition de les Libre Échangistes
et tes Protectwnnistes conciliés a paru presque
eu même lemps que le Irailô de commerce avec
l'Angleterre. Sans nul doute, cette coïncîdencea
beaucoup contribué à l'écoulement rapide de cet
ouvrage; toutefois nous aimons à croire qu'il ren-
ferme quelques idées neuves et utiles qui n'ont
pas été complètement étrangères à l'empresse-
ment du public.
Dans celte seconde édition, nous avons mis h
profit maintes observations qui nous ont élu
L,„i.^,:, Google
Il PRÉFACE.
faites, en développant certaines parties où trop
de concision nuisait à la clarté.
Ensuite les notions que nous donnons sur la
richesse d'mage sont plus complètes, et nous
démontrons avec plus de rigueur, s'il est pos-
sible, que le libre-échange, dont parfois l'adop-
tion est avantageuse, ne doit jamais être con-
sidéré comme pouvant être appliqué à tous les
peuples, quelle que soit leur position com-
merciale et industrielle.
Les études auxquelles nous nous sommes li-
vré, bien que d'un intérêt majeur, puisqu'elles
traitent de la puissance el du bonheur des
peuples, sont en général, pour des motifs que
nous indiquerons, assez délaissées; aussi, de-
vons-nous vivemeut remercier la presse du con-
coui's bienveillant qu'il lui a plu de nous prêter,
en appelant l'attention publique sur ce livre, soit
par de nombreux comples rendus, soit encore en
lui attribuant quelque valeur.
DigitizeciLy Google
INTRODUCTION
AVANT-PROPOS ET BXPOS£ SOMMAIRE
L'homme, chez les natures d'élite, monti'e, il
est vrai, de l'élévation dans les sentiments, de
la générosité et même de l'abnégation, mais gé-
néralement il est cupide, âpre au gain, rongé
d'ambition. Son intérêt, voilà sa loi; il le recher-
che avec ardeur et le défend avec ténacité. Go m-
ment se fait-il, alors, qu'il soit si étranger, la
plupart du temps, à la science économique qui
lui apprend à sauvegarder ce qu'il possède, ou à
obtenir ce qui est l'objet de ses plus vifs désirs?
L'étude des questions relatives aux douanes,
aux impôts, au crédit, etc., devrait-elle nous être
DigitizeciLy Google
3 INTRODUCTION.
iadiiTérenle, quand il est si facile de s'apercevoir
qu'elle a trait directement à la satisfaction de
nos besoins les plus impérieux comme les plus
futiles? Ces questions importantes ne se trouvent
cependant relatées sur aucun programme de l'en-
seignement universitaire.
Le discrédit qui a frappé jusqu'ici la science
économique a tenu, il n'en faut pas douter, à Ce
sentiment généralement répandu , qu'elle peut
donner lieu à de brillantes discussions, mais que
les matières dont elle traite n'ont pas encore
été assez élucidées pour conduire à des conclu-
sions bien incontestables. On regarde générale-
ment les économistes plutôt cwnme des rhéteurs
subtils se complaisant aux exercices oratoires,
que comme des gens positifs enseignant une
science faiXe et pratique. Nous en trouvons la
preuve dans nombre de faits qui se passent
sous nos yeux.
Les ministres de l'instruction publique, delà
justice, sont pris, les uns dans l'université, les
autres dans la magistrature. On désigne des
hommes spéciaux pour commander aux départe-
ments de la guerre et de la marine. S'agit-
il d'objets relatifs aux sciences, aux arts, on
Digitizeclby Google
INTBODUCTION. 3
consulte, on interroge les savants, les artistes.
Mais, c'est bien fortuitement, lorsqu'un mi-
nistre des fmanccs, lui directeur des douanes.
est choisi parmi les célébrités de la science qui
traite de leurs fonctions. Et si l'on nomme des
commissions pour discuter des mesures rela-
tives à l'impôt, à l'industrie, aux douanes, il est
bien rare qu'on appelle un économiste.
Cette défaveur est maintenant imméritée.
Sans doute les premiers pas de la science écono-
mique, science assez récente, n'ont pu être tout
d'abord fermes et bien dirigés. Souvent elle a
eu le tort de s'appuyer sur des statistiques encore
trop incomplètes, et elle a dû parfois s'égarer à
leur fausse lumière '.
En toutes choses le temps est nécessaire. Les
fleurs trop hâtives n'acquièrent jamais l'éclat de
celles qui s'épanouissent dans leur saison habi-
tuelle ; de même les fruits trop précoces man-
quent de saveur et de parfum. Il est vrai qu'un
bronze se coule d'un seul jet, mais que de pa-
tience eld'essaisn'a-l-il pas fallu pour y parvenir!
< Nous deronsactuellementrenclre justiuauilratauicoDscieDcieui
de HM. LegoTl, Horeau de Jonnès, GuîlUrd, eldeplusieursaulressla-
D.gitizeclty Google
4 IHTHODUCTIOH.
De nos jours, grâce aux travaux des maîtres il-
lustres de ce siècle, MM. Michel Chevalier, Du-
noyer, Wolowski, etc., succédant aux Quesnay,
aux Smith, aux S. B. Say, plusieurs questions
douteusesde la science économique ontélé éclair-
cies. Et pour un certain nombre de sujets supé-
rieurement traités, elle est devenue comparable
à un champ parfaitement moissonné où on ne peut
plus glaner que de bien rares épis.
Nous ne pouvons le nier cependant.
Malgré les prc^rès obtenus il reste beaucoup
à faire, et nous en donnerons pour preuve que
nombre des matières embrassées par l'économi-
que sont incessamment l'occasion de dissidences
et de luttes, parmi ses professeurs les plus accré-
dités.
Les lances les plus adroitement rompues
prouvent sans contredit la dextérité des jouteurs,
mais, en n'amenant aucuns résultats bien déci-
sifs , elles témoignent que la vérité économique
ne brille pas encore d'un éclat assez resplen-
dissant.
Ce livre a été conçu dans l'espoir fondé, nous
l'espérons, de dissiper les nuages qui obscur-
cissent quelques-uns des points les plus impor-
Digitizedty Google
INTRODDCnON. 5
lanls de la science. Car nous prétendons avoir
résolu le problème qui a donné lieu aux con-
troTerses les plus vives , les plus opiniâtres :
celui qui concerne la protection et le libre
Voilà, sans doute, une prétention bien ambi-
tieuse. Mais un aveugle en tâtonnant peut ra-
masser une perle magnifique, et, quoique dé-
pourvu du s^s le plus nécessaire pour procéder
â une recherche pareille, faire en sorte que
nous ne soyons pas privés de cet objet précieux.
Que de prc^rès utiles ne pourrions-nous pas
citer, dont les sciences et les arts doivent la dé-
couverte au hasard !
Si ces réflexions ne sufîisent pas au lecteur
pour Intimer ce qu'il appellera peut-être notre
outrecuidance, si, bien plus, il venait à sup-
poser que l'on veut abuser de ses moments,
nous le prions de jeter les yeux sur les quel-
ques mots qui vont suivre, et nous espérons
le convaincre que cet ouvrage est sérieux et
mérite toute son attention.
On sait jusqu'à un certain point ce qu'il faut
entendre par cette expression richesse des parti-
cidiers, car cette richesse se compare au moyen
Digitizeclby Google
6 INTRODUCTION.
d'une commune mesure. Ainsi, quand on dit que
la richesse d'un tel est de cinquante mille francs
de revenu, on exprime qu'elle vaut cinquante
fois celle d'un individu qui ne jouit que de
mille francs de rente. Cependant on ignore
presque complètement ce que c'est que la ri-
chesse des peuples.
En effet, quelle est sa définition la plus géné-
ralement adoptée? La richesse d'un peuple est
la somme des marchandises ou valeurs que ce
peuple possède.
Hais à ces mots de richesse d'un peuple devrait
s'attacher nécessairement l'idée d'une mesure,
comme nous l'avons vu pour les particuliers. Or
on aboutit à un non-sens, lorsque Ton veut com-
parer la richesse de deux nations, soit par l'en-
semble des marchandises qui leur appartiennent
respectivement, soit par la valeur monétaire de
ces mêmes marchandises.
Dans le premier cas, chacune de ces nations
peut avoir des marchandises qui diffèrent com-
plètement de nature, el alors comment juger de
leurs richesses relatives ? Et dans le second cas,
si deux nations possèdent des marchandises
pour une même somme en espèces , au lieu
INTRODUCTION. 7
d'être l'une et l'autre également riches , la na-
lion où les marchandises seront cotées à un
moindre prix, sera évidemment supérieure en
richesses à l'autre.
De plus, en faisant l'inventaire de toutes les
choses échangeables que possède un peuple, ou
bien en appréciant ces choses numérairemenl,
lient-on compte de son aptitude industrielle, de
sa ténacité au travail, de ses habitudes d'ordre el
(l'économie, toutes qualités qui influent sur ta ri-
chesse qu'il s'agit d'évaluer? En aucune manière.
En passant en revue les autres dctinJLions qui ont
été données jusqu'ici de la ridiessed'un peuple.
on arriverait à constater qu'elles sont également
erronées. — Suivant nous, la science présente
là une lacune des plus r^retlables. En voici la
preuve. — Que prétendent les libre échangistes?
— Qu'en suivant leur système, on pourra nuire
aux producteurs, mais que l'on avantagera les
consommateurs, ce qui, à leurs yeux, est bien
plus important. Les protectionnistes, au con-
traire, soutiennent que l'on doit préférer les pro-
ducteurs aux consommateurs. — A laquelle de
ces deux opinions doit-on s'arrêter?
On ne peut le savoir qu'en appréciant l'action
DigitizeclLy Google
D,j,i,i.aL, Google
rNTRODUCTION. 9
mière espèce de richesse , que nous avons nom-
mée richesse émîtiée.
Nous nous servons des expressions, ils sem-
blent, ils paraissent, car jusqu'ici aucune école
n'a spécifié d'une manière bien claire, comme
nous t'avons déjà dit, ce qu'elle entend par la ri-
cliesse d'une nation.
L'ignorance des principes faisait naître des dis-
cussions étranges, lorsqu'il s'agissait des trans-
actions internationales. On en jugera par le fait
suivant.
Certains protectionnistes, ne pouvant saisir le
point faible des arguments de leurs adversaires,
ont j)rélendu que le système du libre échange
pouvait être vrai en théorie, mais qu'il n'était pas
vérifié par la pratique. Comme si une théorie que
l'on déclare applicable, et qui, par conséquent,
doit se fonder sur des faits logiquement soudes
les uns aux autres, était admissible, lorsqu'elle
ne recevait pas la sanction de l'expérience.
Nous avons soumis à l'analyse algébrique la
richesse évaluée et ta rtehesse d'iiJiage. Les équa-
tions que nous avons obtenues rendent mani-
festes les erreurs qui ont été commises dans
l'appréciation des conséquences du libre échange
DigitizeclLy Google
10 ismuDunnoN
et de la prolection. Ces équations démontrenl in-
vinciblement dans nombre de circonstances les
avantages d'un système protecteur prudemment
établi. Elles résolvent encore nombre de pro-
blèmes dits insolubles, et notamment celui dans
lequel on s'occupe à comparer les richesses de
deux nations. Ce dernier problème est, d'après
J. B. Say ', « la quadrature du cercle de l'écono-
mie politique. »
Les nouveaux instruments dont nous dispe-
sions, tels que les équations de la richesse éva-
luée et de la richesse d'usage, la classilication
des richesses', nous ont permis de rectifier
la théorie des échanges, si capitale en écono-
mie politique , puisque Bastial est allé jus-
qu'à dire que l'échange était l'économie po-
litique elle-même. Jusqu'ici les économistes
affirmaient qu'un échange effectué librement
entre deux peuples était toujours favorable à
chacun d'eux. Celte doctrine doit être en gé-
néral admise an point de vue de hrichesse d'u-
sage, car, liabi(uellement, nous avons reconnu
■ J. B. Saj. p. 222. du Trailé de PÉcon. polit. (6* édil.)
' Brochure publié <;n 1857, diez Cuillnumin et C, sous le litre
fiûttveaiix aperçus %ut le libre échange.
DigitizeclLy Google
INTRODUCnON. il
que ces peuples se nantissaient ainsi de marchan-
dises qui leur coulaient moins cher que s'ils les
avaient fabriquées eux-mêmes.
Hais, quant à la rù^iesse évaluée, les consé-
quences de l'échange sont toutes différentes.
Très -souvent cette sorte de richesse s'accroît
inégalement chez les deux peuples qui ont con-
tracté, et l'inégalité de leurs richesses évaluées
peut devenir de plus en plus grande, si le trafic se
continue , en adoptant les mêmes proportions
pour l'équivalence des marchandises dont on
commerce.
Ces all^ations, dont la vérité sera démontrée
complètement au chapitre des échanges, ne sont
pas conformes aux opinions de l'éminent publi-
dsteJ. B. Say, mais elles vérifient les concep-
tÏMis profondes de Montesquieu.
Les équations de la richesse évaluée et de la
richesse d^usage nous ont permis de déterminer,
avec une rigueur mathématique, le rôle véritable
de la dette et de l'impôt dans un État.
En nous appuyant de ces expressions analyti-
ques, nous avons pu cnvisf^er le crédit sous une
face nouvelle et démontrer qu'il est producteur
de richesses.
DigitizeclLy Google
la INTRODDCTIOH.
Une analyse rapide, quelques explications, de
légers aperçus, ne peuvent parfaitement définir
et constituer sur des bases solides un corps de
doctrines, dont les proportions ne manquent pas
d'étendue. II doit apparaître à travers un milieu
nébuleux, dont l'opacité est trop grande pour que
l'organe visuel le plus exercé, le plus pénétrant,
éprouve, en l'examinant, autre chose que des sen-
sations confuses. Que le lecteur veuille bien sus-
pendre son jugement et ne se prononcer qu'après
examen des pièces qui lui seront soumises. Ce
n'est pas immédiatement, mais bien après quel-
ques heures, ou vers le milieu de la journée,
que les brumes épaisses du matin finissent par
disparaître.
La distinction entre les deux espèces de riches-
ses, que chaque peuple possède, mettra d'accord,
nous l'espérons, les partis belligérants qui dans
leurs débats, induits en erreur sur le véritable
sens des termes, discouraient, controversaient,
combattaient, sans pouvoir se comprendre.
Cette œuvre de conciliation sera aidée par notre
classification de marchandises, qui, dans bien
des circonstances, permettra de reconnaître s'il
est utile ou nuisible d'admettre le libre échange.
Digitizeclby Google
INTRODUCTION. 13
Ainsi qu'une clef, elle nous a ouvert des
issuet^ nouvelles, d'où nous avons pu reconnallrc
le peu de solidité de raisonnements captieux,
élayés, il est vrai, de la parole du maître, mais
qui ne reposaient que sur les bases les plus
fragiles.
Dans la mesure de nos forces, nous pensons
donc apporter quelques matériaux à ce monu-
ment , . éternel honneur du siècle , pour rec-
tifier certaines parties défectueuses, et termi-
ner plusieurs autres qui nous ont paru inache-
vées.
Quelque palpables que soient les vérités qui
ressortiront de cet ouvn^e, nous craignons fort
qu'il ne leur faille beaucoup de temps pour se
répandre.
Tout ce qui, dans la philosophie, a subi l'é-
preuve de la logique là plus rigoureuse, n'est
arrêté dans le coui-s de son expansion que par
des esprits faux ou tout au moins d'une per-
ception difficile.
Les découvertes scientifiques et industrielles
se propagent avec la plus grande célérité. La
presse s'en empare avec bonheur, pour les ré-
pandre dans tout l'univers.
D,„t,zedtv Google
14 INTRODUCTION.
Mais, à notre époque, te public ne s'intéresse
que bien médiocrementàl'àpparition d'une clarté
économique, et volontiers même les intérêts per-
sonnels environneraient cette clarté de verres
obscurs, pour diminuer son rayonnement.
Si la résistance, que l'économie politique
éprouve dans sa diffusion, esténei^ique, ce n'est
qu'une raison de plus pour redoubler d'efforts.
Du reste, en jetant nos regards en arrière, les
progi-ès de celle science, d'abord bien lents, sont
chaque jour de plus en plus faciles à constater.
Déjà, la prohibition et la protection, en ce
qu'elles avaient de très-préjudiciable, ont reçu
de fortes atteintes, en Angleterre, pour nombre
de marchandises.
La France, dans ces derniers temps, a allégé
quelques entraves nuisibles à ses transactions.
Tousles petits Etats d'ÂlIemagnese sont réunis
naguère à la voix du docteur List, dans l'Associa-
tion du Zolverein, et se sont débarrassés ainsi
des obstacles locaux que chaque prince mettait
à la circulation des richesses.
Forcément la rapidité que les chemins de fer
el les télégraphes électriques donnent aux com-
munications de cité à cité, de peuple à peuple,
Digitizeclby Google
INTRODUCTION. 15
d'hémisplièi'c à hémisphère, répandra dans les
masses, des notions plus exactes sur leurs véri-
lables intérêts. Confiance donc! quand bien
même le succès se ferait attendre, il ne peut
tarder longtemps; et si l'économie politique n'a
eu jusqu'ici qu'une influence médiocre, bientôt
ce sera une souveraine, qui dictera des arrêts;
comme on l'a vu souvent, l'utopie de la veille
sera la règle du lendemain. Indubitablement,
cette science est appelée dans peu à prendre le
rang qui lui appartient parmi les nécessités de
l'éducation, et un cours d'étude qui ne sera pas
absolument élémentaire devra la comprendre.
Ce livre ayant été écrit dans un but pratique,
et non spécialement pour le petit nombre des per-
sonnes initiées à la science , nous nous sommes
servi souvent des termes économiques avec l'ac-
ception qu'ils reçoivent dans le langage ordinaire.
Nous eussions craint, en agissant autrement, de
n'être pas compris par le plus grand nombre.
Pour fixer l'attention sur les principes et les
raisonnements les plus essentiels , pour donner
au discours plus de clarté et de persuasion, quel-
ques répétitions nous ont paru indispensables.
Sans doute, de toutes les figures de rhétorique,
DigitizeclLy Google
1« l?iTRODUl',TlON.
la i-épétilion est la moins (iracieiise, la moins
brillante; mais , sous le l'apport des convictions
que cette figure détermine dans les esprits, il
n'en est aucune qui lui soit comparable.
Avons-nous eu torl de nous occuper plutôt de
logique que de littérature, de chercher plutôt à
convaincre qu'à plaire? Nous ne le croyons pas.
Digitizeclby Google
LIBRE ECHANGISTES
LES PROTECTIONNISTES
CONCILIÉS
CHAPITRE PREMIER
CË QUE L'ON APPELLE UNE niCHESSE
Toute chose qui, d'une façon ou d'une autre,
au moral comme au physique, répond aux désirs,
aux besoinsd'une personne, d'une société, quelles
que soientla dimension, la Torme, la quantité, l'es-
pèce de cette chose, constitue ce que nous appe-
lons la richesse.
Ainsi un habit est une richesse ; la force corpo-
relle est une richesse. L'aptitude à écrire un li-
vre, comme la faculté de le lire, de le compren-
Digitizeclby Google
1S CE QUE LOIS APPELLE
dre, sont des richesses. La lumière, la chaleur,
l'air, le soleil, l'eau, sont des richesses.
La richesse est naturelle ou produite, directe ou
indirecte.
Naturelle, comme l'argile du sol, l'air, l'eau,
les rayons du soleil, etc.; produite, comme la sta-
tue sortant des mains de l'artiste. Elle est directe,
comme le fruit dont l'homme se nourrit immé-
diatement, lorsqu'il ne prend que la peine de le
cueillir ; indirecte lorsqu'il se procure le liquide
qui lui manque, en l'échangeant contre le grain
dont il peut se priver.
Nous insisterons sur le caractère suivant : l'air,
l'eau, la lumière du jour, sont des richesses com-
munes et gratuites; tandis que la nourriture,
l'habit, le gUe et d'autres modes de satisfaction en
nombre infini ne s'acquièrent qu'à titre onéreux.
Le plus généralement, c'est par le travail que nous
nous approprions la richesse de ce dernier ordre,
et, si nous voulons en jouir, ilfaut, ou la produire
nous-mêmes, ou nous la procurer par l'échange.
Les publicistes prétendent généralement que
l'économie politique est appelée à traiter seule
ment des richesses susceptibles d'échange, et
qu'elle ne doit s'occuper en aucune sorte desri-
-chesses gratuites.
Voici l'opinion de J. B. Say :
H Les biens également accessibles à tous, dont
Digi'tizedby Google
UNE RICHESSE. 19
<' chacun peut jouir à sa volonté, sans.' être obligé
« de les acquérir, sans crainte de lès épuiser,
<' tels que l'air, l'eau, la lumière du soleil, nous
« étant donnés gratuitement parla nature, peu-
« vent être appelés des richesses naturelles.
« Gomme elles ne sauraient être ni produites,
« ni distribuées, ni consommées, elles ne sont
« pas du ressort de l'économie politique. »
Il est vrai que ces richesses ne sont pas produi-
tes par l'homme, mais elles sont distribuées et
consommées dans les divers pays de manière à ac-
croître plus ou moins le bien-être des peuples. A
ce titre , et contrairement aux conclusions de
J. B. Say, elles ne peuvent être négligées par la
science.
Quant aux économistes qui, pour exclure les ri-
chesses gratuites, se fonderaient sur ce qu'elles
ne sont pas échangeables , nous leur répon-
drons :
Ëst-cequelascienceéconomique, tout en traitant
des transactions, n'a pas encore pour objet la con-
naissance des lois qui président à la formation des
richesses? Et, s'il est incontestable que la chaudeat-
mosphèredeNiceetlessilespittoresquesdelaSuisse
contribuent à la prospérité de ces deux pays ; s'il est
incontestable que les vents glacés de la Sibérie et
la douce température de la France n'ont pas la
même inQucnce fertilisante sur les productions
D.gitizedty Google
20 CE QUB L'ON APPELLE
terrestres, quelle raison valable pourrait-on don-
ner pour faire disparaître, du cadre où la science
se renferme, les richesses gratuites, dont l'action
est si etTicace pour accroître les satisfactions de
l'homme ?
Quoi! l'économique traiteraitdesminesde houil-
les, des gisements métalliques, et le beau soleil et
la plage fortunée qui attiretit tant de baigneurs
à Biarritz ne seraient pas des richesses, dont la
science devrait tenir compte? Il y a là une contra-
diction notoire, que le plus léger examen fait appa-
raître, contradiction qui nous empêchera de nous
conformera des précédents aussi mal justifiés.
Les richesses sont encore matérielles et imma-
térielles. Matérielles, comme le fer, le coton, etc.;
immatérielles, comme les capacités, les connais-
sances, les talents de toute sorte.
De grands débats se sont ouverts pour savoir si
les richesses immatérielles sont du ressort de l'é-
conomie politique. A nos yeux, cela ne fait aucun
doute; car, ainsi que les richesses gratuites, ces
facultés de l'esprit accroissent la prospérité des
peuples.
La vraie raison pour laquelle certains éco-
nomistes voulaient que la science fit abstrac-
tion des richesses gratuites et des richesses imma-
térielles, c'est parce que, jusqu'ici, il. n'avait été
possible que de mesurer les richesses échangea-
_y Google
UNS RICHESSE. 31
bles '.. Mais, si nous ne nous berçons pas d'une espé-
rante chimérique dans le cours de cet ouvrage,
nous donnerons une méthode à l'aide de laquelle
il sera possible d'évaluer les richesse» immaté-
rielles et les richesses gratuites. Rien ne s'oppo-
sera donc plus à ce que les unes et les autres fas-
sent partie de l'économique.
Ainsi toutes les choses matérielles ou immaté-
rielles, qui satisfont les goûts, lescaprices, les né-
cessités de l'homme, ou qui. sont productrices
d'une utilité quelconque, seront pour nous des
Par contre, on pourra appeler des anti-richesses
toutes les choses nuisibles, qu'elles soient maté-
rielles ou immatérielles : l'ignorance, l'incapa-
cité, etc. ; la ronce, lorsqu'elle ne sert pas à dé-
fendre un champ, la pierre inutile qui stérilise la
terre, les serpents venimeux, les vents glacés, etc.
Des choses matérielles, par exemple certains
animaux férocesou d'une nature paisible, peuvenl
être en même temps et des anti-richesses et des
richesses. D'un côté, ils nuisent à l'homme, ens'at-
taquant à sa personne ou en détruisant les végé-
taux utiles, et d'un autre côté, ces bêtes malfai-
santes lui donnent, par leur chair, par leurs peaux,
< Il ne ftiut CAnsidêrer tout ce que nous disons id, relativement
aui richesses gratuites et inunatérielles, que comrae des aperçus. La
question est traitée avec plus d'ampleur au chapitre vui.
Digitizedty Google
32 CB QUE L'Orf APPELLE UNE RIGUESSE-
et quelquefois par l'exercice agréable de la chasse,
des salisractions de bien des sortes.
Le vent est fréquemment encore, à la fois, une
richesse et une a nti -richesse.
Est-il violent , il peut arrêter la végétation en
desséchant la terre, en mutilant les plantes et les
arbustes. Qu'est-il dans ce as? une anti-richesse.
Mais, si en même temps il active la navigation,
fait arriver les navires à bon port, ce vent est alors
une vraie richesse.
Toutes les espèces de richesses figureront donc
dans ce livre au même titre que les richesses
échangeables; seulement nous appliquerons à ces
dernières le nom de marchandises , nom parfaite-
ment convenable, car il est consacré par le lan-
gage usuel.
Digitizeclby Google
GHiPlTRE II
DE LA IllCIlBSSB DES riRTICULtERS ET DE CELLE DES HATIONS
De la ricli€sse dans les lemps anciens et dans les lemps ntodernes.
Autrefois un sage ne pouvait que mépriser les
faveurs de la fortune, tant il paraissait dinicile que
l'on pût tout à la fois et rechercher l'or et mériter
l'estime de ses concitoyens. C'est qu'en effet, pour
atteindre ce double but, lorsque les sources habi-
tuelles de la richesse découlaient de la réduction
des hommes en esclavage, du pillage et du meur-
tre, un homme honorable devait résoudre un pro-
blème insoluble, puisqu'il fallait concilier des
tendances incompatibles. Aussi les anciens philo-
sophes, révoltés des turpitudes que la possession
des biens de ce monde nécessilait, ont-ils rempli
DigitizeclLy Google
3i D8 U UOIBSSB DES PABUCUUERS
leurs écrits de sarcasmes et d'imprécations contre
la richesse.
Le Christ, lui-même, a dît qu'il était plus dïQi-
cile à un riche d'entrer dans le royaume des cieux
qu'à un chameau de passer par le trou d'une ai-
guille.
Jadis l'humanité, dans le sens moderne du mot,
était méconnue; on assimilait l'homme, pour en
tirer du proBt, à la terre, aux animaux ', tandis
que, gràceau progrès des mœurs, iln'eslplus per-
mis d'exploiter même l'animal, sans règle ni me-
sure, dans les services qu'il nous rend. De nos
jours, une législation nouvelle, conforme au senti-
ment puhlic, châtie ces natures barbares qui abu-
sent du droit de propriété, pour martyriser des
serviteurs auxquels nous ne devons réclamer que
les efforts dont ils sont capables.
Anciennement, le travail était une chose désho-
norante ; on le méprisait, parce qu'il était consi-
déré ou comme un châtiment ou comme une obli-
. gation de l'esclave. Le commerce même, source de
richesses pour les populations, était dédaigné*.
< L'homme est encore trop souveni exploiti', comme nous le ver-
rons en parlant de la concuirence; mais ce n'esl pas brutalement,
à force ourerte, qu'on lui impose du travail.
» Cicéron, dans son livre Dm Deiicirs, Iraile ainsi le commerM
et le travail corporel :
■ On tient pour une profession basse et indigne d'un homme
Digitizeaty Google
ET DE QELl£ DES NATIONS. 95
Grâce à la liberté du travail, malgré les res-
trictions que cette liberté subit encore, le bien-
être, l'aisance, n'étant actuellement que le fruit
des efforts personnels, l'opinion générale s'est
bien modiûée. Aujourd'hui, la propriété, ne pre-
nant plus son origine dans la force, mais dans
la justice, s'est réhabilitée dans l'esprit des peu-
ples ; on peut acquérir des richesses, et en même
temps être reconnu pour avoir l'esprit bienveil-
lant et pour compatir véritablement aux malheurs
d'autrui.
Alors que des lois protectrices répriment la vio-
lence, alors qu'il n'est plus besoin, pour conserver
sa fortune, de passer son temps à guerroyer ou à
se tenir sur la défensive, l'homme opulent et d'un
sens droit, affranchi de la dure nécessité d'être
> libre celle de tout mercenaire et de tous c«ui dont on paye le
n travail et non le talent.
■ Le salaire qu'ils reçoivent est en efTet le prix de la servitude.
■> C'est une profession également réputée vile d'acheter à des mar-
> chands pour revendre. Ceui qui s'y livrent ne peuvent rien gagner
■I qu'à force de mentir. Enfin lesartisans exercent tous uneprofes-
■ sion basse. L'atelier, en effet, peut-il avoir rien de noble? Le com-
• marceest ignoble, s'il se Men petit. Hais un grand et riche né-
<i gore, qui apporte de tous les pays beaucoup de marchandises, et
■ les distribue, sans fraude, à tieaucoup d'acheteurs, n'est pas ab-
H solument à blâmer. «
11 dit ailleurs :
' Je ne veux pas que le même peuple suit le dominateur du
■I monde et son fournisseur en marchandises. >
{Des Devoir$, ch. i.)
DigitizeclLy Google
36 DE U RlCHSSfX DES PARTICULIERS
constammenl sous les armes, ne songe pliis. en
général, qu'à mériter la considération publique
en se rendant utile.
Aussi, de nos jours, trouve-t-on autant de pro-
bité, d'honneur, de délicatesse dans la classe riche
que parmi les pauvres. Et la statistique des tribu-
naux constate que la misère est bien plus, mau-
vaise conseillère que ta richesse.
En adoptant tes maximes consignées dans les
ouvrages des anciens', maximes qui sont la con-
damnation perpétuelle de la richesse, une nation
n'aurait que de faibles ressources en cas de guerre,
et son réle serait bien modeste dans les traités in-
ternationaux.
L'homme qui dédaignerait la richesse se pri-
verait de cette faculté qui le rapproche le plus de
la Divinité : comment pourrait-il secourirses sem-
blables?
Imbu de ces idées, un penseur des plus illustres
de notre époque s'est fait récemment l'apôtre de
la richesse. « Enrichissez-oom'',» voilà le conseil
qu'il donne hautement à ses amis. Et, tout le
monde l'avouera, il n'était pas nécessairequ'il dé-
ployât pour les convaincre une grande éloquence,
car il prêchait certainement à des convertis.
' Si vous voulez devenir riche, dit Scnèque, clierchez k res-
treindre vos désirs plutâtqu'à accroître votre fortune.
* M. fiiijzol, dans lin disi'oiirs »m éleelinirs di' l.izieux.
DigitizeclLy Google
ET DK CELt^ DES NATIONS.
Diverses appréciations de h rklwsse des peuples.
Quoiqu'il soit unÏTersellement reconnu aujour
d'hui que la richesse est une des choses les plus
indispensablesàacquérir^cependant aucune partie
de la science économique n'est moins avancée que
celle qui traite de la richesse d'une nation. C'est
un sujet qu'on semble n'aborder qu'avec peine ;
en général, on se contente de l'effleurer.
Si de grands efforts avaient été tentés pour ap-
profondir les questions qui s'y rapportent; si les
économistes avaient fait de ces questions l'objet de
leur préoccupation constante ; s'ils étaient parve-
nus it inventorier, recenser, supputer tout ce qui
constitue la richesse d'un Ëtat: les méprises et
les déceptions ne se seraient pas multipliées,
quand on a voulu juger de l'eflicacité de certains
agents de la production, quand on a voulu pres-
crire des règles pour accroître cette même ri-
Comme oji s'imagine habituellement pouvoir
mesurer la richesse des particuliers par Ipure re-
DigitizeclLy Google
28 DE LA RICUESSË DES PARTICULIERS
venus ', quelques publicisles ont cru qu'ils déter-
mineraient la richesse d'une nation par un pro-
cédé analogue.
La richesse d'une nation, disent les uns, doit
être appréciée par son revenu net annuel; erreur,
car, si les salaires sont très-élevés, les populations
jouissant, par cela même, d'un grand bien-être,
la nation serait dite riche, d'après l'une des ac-
ceptions vulgaires que l'on attache à ce mot. Mais,
d'un autre câté, comme le salaire exagéré dimi-
nue et le produit net et le capital, au point de vue
des capitaux, cette nation ne pourrait passer pour
riche.
Le revenu net ne peut donc servir à mesurer
la richesse d'un pays.
D'autres publicistes ont prétendu que la ri-
chesse d'une nation était représentée par la valeur
monétaire de son produit brut annuel.
Autre erreur non moins palpable, car il faudrait
conclure, par exemple, qu'en 1709, année où le
prixdel'hectohtre de froment s'est élevé à 80 fr.,
valeur actuelle, laFrance auraitété extrêmement
riche, bien que la récolte des céréales se fût pré-
sentée avec un quart de déficit.
Supposons, en effet, que la production en fro-
ment, déduction faite des semences, se monte,
Nous verrons plus tard q\K ce prowdé manque d'ciaclilude
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 211
dans une année normale, à 100 millions d'heclo-
litres, el que le prix de l'hectolitre soit de 20 fr.
L'appréciation en numéraire d'une récolte or-
dinaire serait de 2 milliards.
Y a-t-il eu, par suite des intempéries, déficit
d'un quart dans cette récolte?
Les 75 millions d'hectolitres obtenus valant
chacun 80 fr., comme il est arrivé en 1709, le
produit brut serait de 6 milliards, d'où résulte-
rait alors, dans cette année néfaste, une augmen-
tation de 4 milliards dans la richesse.
Conclusion absurde, qui démontre la fausseté
des prémisses.
Certains économistes ont assuré qu'il était
impossible d'apprécier la richesse d'une nation;
nous verrons plus tard que l'on pouvait appeler
de leurs jugements.
DigitizeclLy Google
DE LA ItrCHESSE DES PARTICULIERS
Dérinitions de la richesse évaluée et de la richesse d'usage.
La difficulté que l'on a éprouvée jusqu'à ce
jour pour évaluer la richesse des nations pro-
vient de ce qu'elles possèdent chacune deux es-
pèces de richesses très-distinctes, qui, bien loin de
s' accroître ou de diminuer en même temps, pré-
sentent souvent de très-grandes divergences.
Il en résulte inévitablement des conclusions
Irès-incohérentes, lorsqu'on veut mettre en pa-
rallèle pour deux nations tout à la fois ces deux
sortes de richesses.
Hais on obtient des nombres justes et compara-
bles, lorsqu'on considère chacune de ces richesses
en particulier.
l-es deux sortes de richesses que possède en
même temps un peuple seront dites par nous : ri-
chesie damage et richesse évaluée en numéraire, ou
plus simplement richesse évaluée.
U richesse d'usage d'un pays sera déterminée par
la plus ou moins grande quantité de marchandises,
servant à l'entretien, dont un des habitants de ce
pays pourra, en moyenne, user annuellement.
Cette richesse dépendra de l'intensité du tra-
Digitizeclby Google
ET DE CELLE D^ NATIONS. 3t
vail de rhonime , de son intelligence plus ou
moins perfectionnée, de la force plus ou moins
grande de production des matrices, et de la qua-
lité des outils de toute espèce qu'il emploiera. Le
développement plus ou moins prononcé de cette '■
nature de richesse, qui est indépendante du prix
des marchandises, indiquera le bien-être, l'aisance
d'un individu.
La richeise évaluée consistera dans l'évaluation
en numéraire, non-seulement de toutes les mar-
chandises qui entrent dans l'appréciation de la
richeue d'usage, mais encore dans l'évaluation en
numéraire des marchandises de toute autre sorte,
dont une nation peut disposer, y compris les ma-
trices et les outils qui lui appartiennent.
L'une, la rickeae damage, résidera dans le nom-
bre des satisfactions que l'on peut se procurer.
Elle se mesurera par la quantité de kilogrammes de
grains et de viande, de mètres d'étoffes, etc., dont
chacun peut user pendant une année entière.
L'autre, la richeue évaluée, se mesurera par la
somme d'argent équivalente à l'ensemble des biens
et valeurs de toute espèce que possède une nation.
Nous ne saurions trop insister sur la différence
qui existe entre ces deux manières de calculer la
richesse, car cette différence doit jeter le plus
grand jour sur les déductions de la science écono-
mique.
Diaitizeciby Google
[)E LA RICIIESSE DES PARTICUUlinS
Dislinction entre la richesse évaluée et la richesse d'usage.
Au premier abord, on peut croire que la riche$te
évaluée etlarichexted'uiagesontidentiques, et qu'il
sufîit d'avoir de l'argent pour satisfaire ses besoins
et ses désirs. Cependant il existe entre elles une
grande différence.
Considérons deux familles dont l'une, nan-
tie d'un capital de 500,000 francs, haliïte l'An-
gleterre, tandis que l'autre, ne possédant que
400,000 francs, réside en Italie. La première, à
cause de la cherté de toutes les marchandises, ne
pourra se procurer les mêmes satisfactions que la
seconde. Celle-ci, malgré l'infériorité de ses capi-
taux, aura la faculté de faire servir sur sa table
des mets plus variés, plus abondants; de s'entou-
rer de plus nombreux domestiques, d'habiter des
logements plus spacieux.
Aussi voyons-nous quantité d'Anglais abandon-
ner leur lie, afin de trouver plus de bien-être sur
le continent. Pour la même raison, nombre de Pa-
risiens, dont les dépenses ont été exagérées, rela-
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 53
tivemenl à leur fortune, vont se fixer en province,
où ils retrouveront l'aisance qui les a fuis.
Les richesse$ d'mage des familles que nous avons
mises en parallèle sont donc en sens inverse de
leur riiàesse évaluée.
Si, d'un côté, la richesse £v$age, dont le bon-
heur de rtiomme dépend, doit être recherchée ;
d'un autre cdté, de grands avantages sont attachés
à la possession de la richesse évaluée; car elle lui
fait acquérir, comme nous le verrons plus tard, un
tout autre ascendant, un tout autre pouvoir'.
Déjà, quelle est la personne qui ne préférerait, sans
hésiter, la fortune de 500,000 francs à celle de
400.000, sauf à choisir ensuite une résidence où
les choses usuelles seraient à bon marché? Il faut
ajouter, cependant, que certains rapports de fa-
mille, certaines exigences du corps ou de l'esprit,
ne vous laissent pas toujours une liberté complète.
Hais c'est en passant de l'individualité à l'asso-
ciation que nous signalerons desdifférencesd'une
extrême importance entre ces deux espèces de ri-
chesses.
Un peuple, plus particulièrement pourvu de la
rixhe^eà'usage, vivra dans l'abondance, tandisque
celui qui possédera àunplushaut degrélanc/iesse
< PrenODS garde qu'elle (la richesse) peut être recherchée el
qu'elle doit l'être, comme un instrument de force, d'indépendance,
de dignité, plus encore que comme une source de bien-être.
(DtseouK d'ouverture à t Académie. — Ddhoti'».)
:.i DB LA BKBESSE DES PARTIGUUERS
évaluée, s'il ne jouil pas toujours du même confor-
table, sera certainement, à égalité de population,
supérieur au premier en force et en puissance.
En effet, supposons ces deux peuples en hosti-
lité l'un contre l'autre. Qui des deux mettra en
campagne des armées plus nombreuses, plus fa-
ciles à mouvoir, et pourvues des engins destruc-
teurs les plus perfectionnés? Qui desdeux tiendra ^
en mer un plus grand nombre de bâtiments,
et sera en mesure de déployer les plus grands
efforts?
Sans aucun doute, le peuple qui pourra disposer
de la plus forte somme en argent, soit qu'elle pro-
vienne de l'impôt, soit que le crédit la fournisse.
. Or cette somme se proportionnera plutôt à la
richette évaluée qu'à la rkhetse d'usage^
On s'en rendra compte, jusqu'à un certain
point, en observant qu'il ne suffit pas, pour or
ganiser un équipement de guerre, d'avoir une
maison saine et commode, du grain pour sa con-
sommation, un certain approvisionnement de
viande et de vêtements; mais qu'il faut de toute
nécessité des espèces disponibles. Et comment
une nation pourrait-elle se procurer ces espècesîSi
elle est assise sur des terres à très-petite valeur
monétaire? Si, elle n'a que des industries peu dé-
■ On dûmonlrera complet emenl cette proposition dans la sutle
de cet ouvrage
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 55
veloppées et seulement relatives à ses besoins in-
dispensables? Si les sacriHces que l'impôt devra
lui demander, et qui sont généralement propor-
tioDnels à la ricbeue évaluée monétairement, ne
peuvent être que très-minimes?
Avec une grande rickessed'mage et peu de richesse
évaluée, sans doute on pourra faire la guerre chez
soi, ou à petite distance, comme au moyen âge.
Mais si, à l'époque actuelle, on veut entreprendre
des expéditions, et faire vivre ses armées sur les
territoires étrangers, amis ou ennemis, on courra
les plus grands périls.
11 faut donc absolument de grandes ressources
en métaux précieux pour résister victorieusement
aux entreprises des puissances rivales; et comment
trouver ces ressources, si l'on ne possède qu'une
richesse évduée très-modeste?
Un célèbre général, interrogé sur ce qui était
le plus essentiel à la guerre, et qui répondait : Il
faut trois choses : de l'argent, de l'argent et en-
core de l'argent, partageait bien complètement
les idées que nous venons d'émettre.
En insistant sur la nécessité de l'argent pou^
tenir un État militaire et pour faire sentir au
loin l'influence d'une nation, nous ne préten-
dons pas que cette influence se fonde uniquement
sur ce métal précieux. Assurément, un peuple ap-
pelé à de grands succès dans les armes doit aimer
DigitizeclLy Google
» DE U. RICHESSE DES PAKTICtn.lBRS
la gloire, dédaigner la mort, et se plaire dans les
exercices guerriers. Hais nous voulons faire en-
tendre qu'avec le progrès ces dispositions bril-
lantes, ces qualités héroïques, sont de jourenjour
moins décisives pour terminer tes conflits qui s'é-
lèvent entre les nations. Aujourd'hui, lorsque la
nation la plus belliqueuse du monde alignera ses
bataillons, si elle est pauvre, on pourra lui résis-
ter, bien souvent, en alignant des guinées.
Dans le commencementdusiècle , quand la France
était en lutte avec l'Europe, quel a été son plus
terrible ennemi? L'Angleterre avec ses subsides.
N'est-ce pas, en grande partie, sous l'action du
numérairequelaRussie a succombé dernièrement?
C'est grâce à l'aident qu'on a pu transporter à de
si grandes distances une multitude de soldats, de
chevaux, et un matériel énorme. C'est avec l'ar-
gent que l'on a confectionné tant de machines de
guerre, aussi coûteuses qu'elles sont destructives.
Les hommes, le talent et le courage ne man-
quaient pas à la Russie, mais la pénurie d'espèces
l'a empêchée et l'empêche encore de créer des
chemins de fer qui puissent, en reliant tous les
points de son territoire menacés ou attaqués, y
amener facilement et engins et défenseurs.
Que faire, avec un budget de 1 ,iOO millions de
fVancs, contre deux budgets qui s'élèvent à près
de 4 milliards?
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES MATIOMS. 37
La Russie, avec une population de 68 millions
d'âmes, combattait chez elle, dans ses foyers, con-
tre des populations résidant au lein, inférieures
en nombre '. Elle a dû forcément, sous le coup de
l'or, se résigner à un traité de paix qui annulait
ses espérances d'agrandissonent.
Farce que la Russie est plus pauvre en métaux
précieux que la France ou rAngleterre, s'ensuit-il
qu'elle soit plus pauvre que ces deux derniers
pays sous te rapport du bien-être général?
Du tout.
Nous verrons dans la suite que ta rickeste £ usage
du peuple russe est au moins égale, et peut-être
supérieure à celle des nations qui l'ont combattu.
Si l'on se refusait à admettre qu'une nation pos-
sédant une grande richesse évaiuée n'a pas toujours
])eaucoupd'aisance, il sulBrait, pour se convaincre
du contraire, de coi^idérer que les marchandises
de consommation, dans les lieux où la rkheste éva-
luée est très-importante, peuvent être bien plus
chères, par rapport aux salaires, aux honoraires,
que dans un pays qui a renommée de pauvreté.
Ensuite, on peut consulter le beau travail de
M. le Play, sur la situation des classes ouvrière
en Europe. Cet ouvrageconstate que, sous les âpres
climats de la Russie, le bien-être des ouvriers
' Car c'est à peine si l'on peut mentionner l'acUion de Is Turquie.
38 OE U RICHESSE DES PARTICULIERS
l'emporte sur celui des travailleurs anglais et
français '.
Qu'adriendrait-il aux Étals qui, nantis d'une
grande richetse £uiage^ négligeraient leur rkhe^e
évaluée?
Ces Ëlats, comme nous l'avons vu, étant d'au-
tant plusfaibles que leurs revenus et leurs capitaux
de toute sorte ont une appréciation monétaire
moindre, seraient exposés, tout en faisant jouir
leurs populations d'une grande félicité, à se voir
opprimés par des nations qui auraient considéré
, la richesse sous un autre aspect. Ils deviendraient
ainsi les victimes de la fausse position à laquelle
des calculs erronés les auraient conduits.
Le bas prix du grain, dans les pays presque
entièrementadonnésà l'agriculture, est en général
la marque d'une éminente richesse d'usage. Eh
bien , comme ces pays sont le plus souvent privés
d'une grande richesse évaluée, leur action à l'ex-
térieur est presque toujours minime, relativement
à leur population.
La différence entre la rickeue d'usage et la ri-
chesse évaluée résulte encore de l'exposé suivant :
Un pays, dans une situation prospère, nanti
d'une certaine richesse évaluée, vient-il à éprouver
des déchirements intérieurs; une tempête révolu-
' Voyei l'aimex* n° 2.
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 39
tionnaire éclate-t-elle soudain sur lui : alors, pres-
que toutes les valeurs baissent de prix ; plusieurs
même s'anéantissent, et la richesse évaluée de ce
pays diminue prodigieusement.
Quant à ta richesse d^usage, elle est beaucoup
moins atteinte , car aucune marchandise n'a
di^aru. La crainte de l'avenir, le droit de
propriété menacé, la difficulté des transactions,
font subir certainement à la société tout entière
de grandes privations. Mais, si la richesse évaluée
est diminuée de moitié, c'est-à-dire, si chacun ne
peut estimer qu'à une somme d'argent moitié
moindre qu'auparavant les marchandises qu'il
possède, il consomme par le fait en nourriture,
en vêtements, en logements, beaucoup plus que la
moitié de ce dont il usait précédemment.
Nanti seulement d'une grande richesse d'usagf,
l'homme peut être três-heureux. Dans l'âge d'or,
si vanté par les poètes, il goûtait les délices de
cette sorte de richesse ; il avait alors des satisfac-
tions très-complètes, parce que les désirs multi-
pliés, qui sont nés de la civilisation, étant encore
inconnus, ses besoins étaient facilement contentés.
Sa situation, jusqu'à un certain point, était ana-
logue à celle d'un bœuf enfermé dans un pacage
plantureux, à celle d'un arbre enraciné dans un
terrain meuble et propice; car cet animal et ce
végétal sont alors nantis, à un suprême degré, de
DigitizeclLy Google
40 SE LA RICHESSE DES PARTICULIERS
richeste d'usage. Mais, se rapprochant de ces êtres
d'un ordre inférieur, l'individu qui, dans son
existence, se contenterait, comme eux, de jouir de
cette richesse, verrait son action à l'extérieur se
limiter singulièrement.
Pour bien faire sentir encore la différence qui
existe entre cesdeux classes de richesses, nous ajou-
terons qu'une famille, nefaisantaucuneépargne,
et vivant toute seule au milieu de l'Océan, sur une
petiteîlequi lui appartient, ilequ'elle ne peut ven-
dre, mais dont elle peut échanger les produits au
dehors, possède uniquement de la richase d'usage.
Aussitôt que cette famille accroît ses produc*
tiens, de manière à mettre de côté chaque année
un excédant, après avoir consommé ce qui lui est
nécessaire, la richesse évaluée naît et se développe.
Et cette richesse s'accroîtrait bien plus encore,
si l'île, que nous avons dite inaUénable, était sus-
ceptible d'être vendue avantageusement.
D'après Humboldt, certaines populations du
Mexique doivent à la culture du bananier, et au
climat dont la douceur diminue l'importance du
vêtement et du logement, une aisance très-grande
presque sans travail. Eh bien , ces peuplades, vi-
vant dans l'oisiveté, et n'ayant que peu de choses
à vendre, jouissent de la richesse d'usage sans avoir
presque de richesse évaliUe.
Nous démontrerons plus lard que la richesse
Digitizedt, Google
ET V& CEUB DES NATIONS. 4t
tTutage devient d'autant plus importante, en gé-
néral, que les prix des marchandises baissent da-
vantage.
Celte richesse se manifeste dans tous les pays,
en quelque endroit du globe qu'ils soient situés,
lorsque les terres ont une grande fertilité relati-
vement à la population, ou lorsque les industries
de toute espèce sont procréatrices à profusion,
avec te moindre effort humain.
La richesse évaluée ne découle pas généralement
des mêmes sources que la richesse d'vmge. Nous ne
pouvons qu'indiquer sommairement ici comment
s'opère son accroissement. Bien des causes y con-
courent : le développement du crédit, du com-
merce et de l'industrie; la possession de telle ou
telle marchandise; une heureuse position géogra-
phique qui permette de communiquer facilement
avec l'étranger, une population nombreuse, etc.
Plusieurs de ces causes réagissent sans aucun
doute sur la richesse d'usage, mais elles ne déter-
minent pas son expansion avec la même énergie.
Le lecteur éprouvera probablement encore quel-
que hésitation à reconnaître la réalité des diffé-
rences que nous avons établies; mais la traduction
de chacune de ces espèces de richesses en formule
analytique ne manquera pas de faire disparaître
tous ses doutes.
DigitizeclLy Google
DE LA RIOUëSSE DES PARTICULIERS
Equation de (a riàiesse évaluée et discassioii de celte équation.
Pour apprécier la fortune des particuliers, on
compare ordinairement, tantôt les capitaux qu'ils
possèdent, tantôt leui's revenus.
Ainsi on dit : Pierre a deux millions de francs i
Paul joui t de cent mille francs de rente.
Ces deux méthodes dévaluation habituellement
employées sont défectueuses, et nous allons le re-
connaître.
Déjà la première ne donne que l'appréciation
des fortunes fondées sur les valeurs mobilières et
immobilières.
Est-ce que l'industriel dont la capacité, les ta-
lents, sont payés 10,000 ou 20,000 francs par an,
n'a pas une fortune véritable, bien qu'elle ne re-
pose, d'autre part, sur aucuns capitaux, meubles
ou immeubles?
L'habileouvrier qui gagnc20fr. par jour, comme
DigitizeclLy Google
ET DE CELLE DES NATIONS. ' '43
le manœuvre dont le salaire quotidien est de^fr.,
n'ont-ils pas une richesse qui leur est propre?
Dans le cas cependant où les dépenses se balan-
ceraient avec les revenus, comme on arriverait au
bout de l'année à néant, en additionnant ce qui
npjrartient à cet industriel, à cet ouvriei', ou à ce
manœuvre, il faudrait en conclure que leur ri-
chesse, qui est incontestable, et qui fait partie in-
tégrante de celle de l'État, n'a aucune espèce de
valeur; ce qui est absur^le.
D'où il ressort qu'en tenant compte seulement
des capitaux matériels des particuliers, pour juger
de leur richesse, on commet une faute grossière.
Mais peut-être, en comparant les revenus, nous
évaluerons avex; plus d'exactitude la richesse de
chacun, car nous tiendrons compte à la fois, et
des revenus des capitalistes, et de ceux des tra-
vailleurs.
L'emploi de cette seconde méthode, pour mesu-
rer les fortunes, ne nous permettra pas de con-
naître réellement la richesse évaluée des capitalis-
tes, puisque des sommes en espèces, suivant les
pays où elles sont placées, suivant les industries
qui en reçoivent l'existence, rapportent des inté-
rêts bien différents '.
' Une personne qui possède en biens-fonds cent mille francs de
l'ente doil avoir près de quatre millions du capital. Tandis qu'mi
million placé dans l'industrie peut souvent produirelemémerevenu.
igitizeclby Google
44 DE LA mCHESSË DES PARTIOILIERS
De plus, ce mode de comparaison ne peut faire
estimer exactement les richesses d'mage de chacun,
attendu qu'avec les mêmes revenus, suivant que
l'on habite tel ou tel pays, on peut se donner une
somme de satisfactions tout autre.
Les procédés dont on se sert communément ne
permettent donc pas d'apprécier avec justesse les
ressources financières des particuliers.
C'est que toujours, dans cette appréciation, on
a omis de tenir compte de beaucoup de choses, et
entre autres des bénéfices que donne une aptitude
spéciale, et des pertes occasionnées par les imper-
fections du corps ou la pauvreté de l'intelligence.
N'est-il pas positifqu'un sujetd'une force recon-
nue, d'une habileté et d'une adresse incontesta-
bles, est beaucoup plus riche, toutes choses étant
égales d'ailleurs, que celui qui, dépourvu de toute
capacité, est infirme ou malade? L'un peut rendre
des services de toute sorte pour lesquels on le ré-
tribue; l'autre, réduit à l'impuissance, est forcé,
pour vivre, de recourir à la générosité de ses sem-
blables, et n'a, si l'on peut s'exprimer ainsi, qu'une
richesse négative.
Admettons donc que la capacité, l'adresse, la
force, la santé, sont pour les particuliers des riches-
ses que l'on doit évaluer, et qu'il faut ajouter à
tout ce qui constitue la propriété ma térielle, quand
on calcule une fortune individuelle.
:, Google
ET DE CELLE DES MATIONS. tô
Pour connaître la richesse d'une nation, il est
nécessaire de déterminer la valeur monétaire de
la niasse des marchandises qu'elle possède. Hais
' cette nation ne peut , comme une personne
seule, transporter sa tente où bon lui semble.
Ses aliments doivent lui être assurés sur place;
là où elle est fixée, là elle doit subsister.
Nous ferons donc observer qu'une année étant
l'intervalle de temps nécessaire à la terre pour
féconderlessemencesdes récoltes qu'elle produit, -
cet intervalle de temps entrera, comme élément
indispensable, dans nos calculs. Et, du reste, cet
élément ne sera pas négligé dans l'appréciation
des fortunes particulières.
Dès lors, il faut que nous tenions compte des
consommations et productions annuelles.
Q suit de là, ou du moins on doit le pres-
sentir, que, dans une année de disette, bien loin
d'avoir plus de revenus, un peuple s'appauvrira
de toutes les sommes qu'il devra solder pour ac-
quérir le complément de nourriture qui lui est
nécessaire.
Le nombre des habitants doit en outre entrer
dans nos calculs, car autrement la Suisse, pays
d'une richesse incontestée, serait très-pauvre com-
parée à la Russie, dont les possessions territoriales
sont immenses, et dont cependant l'opulence n'est
pas proverbiale.
D,:i,t,zecity Google
te m LA HICBESSE DES PARTICULIERS
En traitant de la fortune des particuliers, nous
avons reconnu que leurs richesses difTéraient,
toutes choses étant les mêmes d'ailleurs, lors-
qu'ils étaient inégalement doués de santé , de
force, d'intelligence. Il en est de même des na-
tions; selon que les populations seront plus saines,
plus fortes, plus industrieuses, plus éclairées, elles
seront en même temps plus riches. Une agglomé-
ration d'individusmalingtes, rachitiquesou idiots,
ne pourra jamais que croupir dans la misère.
Ceci posé, nous considérerons un groupe d'indi-
vidus, vivant sur une terre dont l'un d'eux est pro-
priétaire ; et nous essayerons de reconnaître quelle
est, h une époque désignée, la richesse évaluée de ce
groupe, et quel estl'accroissementouladiminution
de cette richesse au bout d'une année de travail.
Fouréviterleslongueursetmettre plus de clarté
dans nos déductions, nous sommes forcé de nous
servir du langage algébrique; mais nous en use-
rons avec tant de mesure, que nous espérons le
mettre à la portée de tous nos lecteurs.
Soit P' le nombre des individus dont le groupe
se compose et qui cultivent la terre depuis une
Digitizeclby Google
ET DE GEIXE MS NATIUNS. 47
année ; R' la rirhesie moyenne évaluée en numé-
raire, etforméeparradditiondela rkh&tte évaluée
primitive et de la n'c/icsse^pa/w^e produite. Cette
additionpourraitsechangerensoustraction,si,au
lieu de production, il y avait eu gaspillage.
Pour fixer la véritable valeur de R', nous sup-
posons que tous les individus compris dans le
groupe, femmes, enfants, vieillards, hommes dans
la force de l'âge, ont chacun une part égale R'
dans l'immeuble qu'ils e^^ploilent, ainsi que dans
ses produits {bien qu'il n'y ait en réalité qu'un
seul propriétaire}; et, de plus, que le capital im-
matériel de cette société et sesproduitsappartien-
nent encore, par fraction égale, à chacun d'eux.
P'R' sera la i^iehesie évaluée du groupe.
D'un autre côté,
Soit M la quantité de marchandises matérielles
produites pendant l'année,
m le prix de l'unité de la marchandise.
Mm sera le prix du produit brut.
En désignant par N, le nombre fractionnaire
par lequel il faut multiplier le produit brut éva-
lué en espèces, pour avoir les frais de fabrication,
M/n — NMm ou Mm(l-N) exprimera le produit
net.
Ce facteur N est variable, suivant les produc-
tions. En France, dans la culture ordinaire des
terres, N égale un demi environ. Le produit net
DigitizeclLy Google
48 DE LA RKHESSe DES PABTICULIEIIS
est ainsi la moitié du produit brut. Lorsque la cul-
turc est intensive, N peut être évalué aux trois
quarts, ou aux quatre cinquièmes du produit brut.
Si nous passons à l'industrie manufacturière,
ce rapport N diffère, suivant chacune des produc-
tions. Une fabrication est-elle soumise à un mono-
pole, Npourra être très-petit, sans jamais être égal
à zéro. Pour un grand nombre d'industries, N est
en général égal à neufdixièmes.
Désignons par d le nombre par lequel il faut
multiplier le revenu net, pour avoir la valeur du
capital.
Quand un capital est placé au denier 20, on dit
qu'il rapporte annuellement 1 pour 20, ou 5 pour
100.
Lorsqu'il est placé au denier 25, c'est 4 pour
100 qu'il produit, d, dans le premier cas, égalera
20, et dans le second 25.
e{Mm(I-N) sera la valeur capitale de l'immeuble.
Occupons-nous actuellement du capital imma-
tériel du groupe et des produits de ce capital.
Soit V le revenu en espèces résultant de la
différence entre les sommes que le groupe lire
de l'extérieur, au moyen de ses professeurs,
de ses artistes, de ses médecins, etc., et celles
qu'il paye à l'extérieur, pour les marchandises
immatmelles qui en proviennent et qu'il con-
somme.
Digitizeclby Google
ET DB CELLE DES NATIONS. 40
S', le nombre par lequel il faut multiplier V,
pour avoir le capital de la richesse immatérielle
qui produit ce revenu ;
S'Y' sera la valeur du capital immatériel dans
son action à l'extérieur.
Or la richeue évaluée du groupe dont il est
question se compose :
l' Du capital matériel rf Mm(I-N);
2° de Mm, valeur du produit brut de l'immeuble
pendant l'année;
3* Du capital immatériel S'V, exploité à l'exté-
rieur;
4* De V, revenu annuel dece capital immatériel.
Le tout défalqué de ce qui a été consommé pen-
dant l'année.
En nommant C la valeur en numéraire de la
consommation pendant cet intervalle de temps',
On aura,
P'R'=rfMm(l-N)-4-Mm— C'±S'V'±V'
Les deux premiers termes du second membre de
celte équation* sont essentiellement positifs; car,
autrement, la population ne pourrait exister. Hais,
< Non compris cependant 1» valeur des marcliandbes immalé-
rielles rournies par le dehors, car nous en tenons compte d'une
* Le capital immatériel, relativement à l'action qu'il exerce pour
nccrottre la valeur de l'immeuble et celle de ses produits, ne figure
pas à part dans celte expresMon analytique; attendu qH'ayanl ajouté
DigitizeciLy Google
50 DE LA RICHESSE DES PARTICULIERS
quant au quatrième etau cinquième, nous les avons
afleclésdu double signe =b, attendu que le groupe
dont il est question, au lieu de fournirla marchan-
dise immatérielle, peut très-bien la recevoirdu de-
hors.
Dans le premier cas, ces deux derniers termes
seront positifs; dans le second, ils seront négatifs.
Il existe certaines marchandises qui sont sus-
ceptibles de revenus, en se louant, mais qui ne
contribuent pas, par elles-mêmes et directement,
à la fabrication d'objets matériels, ainsi : les mai-
sons d'habitation qui ne sont pas jointes à une
exploitation, les diamants, les objets d'art, etc.
Ces marchandises ont cependant une valeur in-
contestable. En appelant A' l'appréciation moné-
taire de ces divers objets' possédés par le groupe
dont on a parlé, la formule de la richesse évaluée
se présentera sous cette forme nouvelle :
FR'= dMm(I-N)H-Mm H- A' — C'diSTitV'.
Nous ferons observer que, dans cette équation,
Hm peut-être indifféremment, ou le prix de la mar-
à la valeur primitiïe de l'immeuble celle de ces mêmes produits
obtenus par le groupe pendant une année de travail, nous avons
fait entrer dans l'équation toutes les richesses matérielles dévelop-
pées par cette action du capital immalériet.
< La valeur des machines et outils de toule espèce servant à
l'exptoilalion n'est pas comprise dans A', mais dans le terme
dMmd-N).
ET DE CELLE DES NATIONS. 5t
chandise produite directement par le travail, ou
celui de la marchandise obtenue indirectement
par l'échange avec les produits du travail.
Mm comprendra donc le prix de toutes les mar-
chandises produites ou importées; il en est de
même de C, qui représentera le prix de toutes
celles qui auront été consommées ou exportées
(toutefois, avec la réserve faite ci-dessus).
Maintenant, divisons une nation en divers grou-
pes travaillant dans des établissements se rappor-
tant, chacun, à des fabrications spéciales, mais
différentes les unes des autres, et conservons aux
lettres servant aux calculs les mêmessignifications
que précédemment, sauf que, pour chaque indus- •
trie particulière, on leur adaptera, en vedette, un
plus ou moins grand nombre d'accents; nous
aurons, pour Tindustrie du fer parexemple:
P"R"=d'M'm'(I-N'}+M'm'+A'— C'=tS'V'±V'
Pour celle du coton,
P'Tt'"=ii"M"m''(I— N"}H-M"m"-(-A"— G''±S''V''±V"
P"'R'"'=^ etc.
D'où, en additionnant toutes ces équations,
P'R'--l-P"R"-l-P"'R"',etc.=dMm(I-N}-|-d'MW(r-N')
-+- etc. + Mm + M'm'H- etc. -+■ A'H- A"H- etc. ,
_C'— C"— etc. rtS'V'rfcS'Vzt etc. =bV'±V"
±:etc.
Digitizedt, Google
53 m LA niCtiESSE DES PARTICULIERS
Or, P étant la population totale,
R la rkheiae évaluée moyenne,
A étant égale à A'-f-A'-f-A'"-)- etc.,
C idem à C'-hC"H-C'"+ etc.,
Et lesdeuxtermesztSVztV étant supposés égaux
à ±S'V'zfcS''V''=betc. ± V'zhVzh etc. ,
PR, ou h richesse évalitée d'une nation, s'expri-
mera analytiquement de cette manière :
PR=(Mm {I-N)+d'MV{[-N'}+etc. H-Mm-hM'm'
+etc.-hA— CztSViV.
Cette équation va se simplifier par la disparition
des deux termes±SV±V.
Eneffet, que représentent-ilsîV est la différence
entre ce qui a été reçu et payé pendant l'année
par tous les groupes, pour les marchandises imma-
térielles qu'ils ont fournies et celles qui leur ont été
livrées, et SV est le capital relatif à cette différence.
Mais une nation se suffisant à elle-même, avec
ses médecins, ses professeurs, ses artistes, etc.,
ce qui a été reçu est équivalent à ce qui a été payé.
V égale donc zéro, etV etSV peuvent être négligés.
Ensuite, nous ferons observer que, dans le cas
où un individu aurait de la richesse évalitée dans
deux groupes, c'est-à-dire vivrait par exemple de
la terre et d'une manufacture, R n'en représente-
rait pas moins la ridtesse évaluée moyenne des in-
dividus compris dans tous les groupes; puisque
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES NATIONS. &5
nous avons additionné toutes les rklies$e$ évaiuées
et divisé par le chiffre de la population totale.
L'équation que nous avons trouvée pour PR,
PR=dMm{I— N}-hd'M'm'(I— N') + etc.,
H-Mm+M'm'-h etc. H-A~C
mesure donc bien la rirhense évaluée d'une nation.
On doit remarquer que les deux termes de la
forme diimÇi — N}, et Mm, n'existent pas toujours
simultanément dans l'équation. Ainsi, lorsqu'un
ouvrier fabrique isolément une table, les frais de
fabrication étant équivalents à ta valeur du pro-
duit brut, N=l, et rfMm(I— N)=0. Il ne reste
alors dans l'équation que Mw, valeur de la table.
Les principes sur lesquels se base cette équation
sont rigoureusement exacts, aussi doit-elle satis-
faire à tous les cas qui peuvent se présenter.
Entre autres, revenons sur celui qui nous a déjà
occupé, et voyons ce que devient la riches$e évaluée
d'une nation, lorsqu'il y a eu déficit de céréales
pendant une année.
Si une nation ne récolte normalement que ce
qui lui est nécessaire pour sa subsistance, le
terme C sera alors plus grand que Mm, et la richesse
évaiuée diminuera ; résultat conforme à l'expé-
rience.
Celte richesse s'amoindrira encore pour d'au-
tres causes :
DigitizeclLy Google
U DE LA RICHESSE DES PARTICULIERS
D'abord, les sommes exportées pour acquérir des
grains faisant hausser l'intérêt de l'argent, d di-
minuera, et le capital (Afm(I—N) décroîtra aussi.
Ensuite, les frais d'exploitation devenant plus
onéreux, Ncroltra au détrimentde ce même capital.
Il est vrai que Mm peut prendre, à cause de
l'élévation du prix de l'hectolitre, une valeur
très-forte. Mais l'accroissement bien supérieur de
C, qui est relatif au prix de la consommation,
viendra accuser le désastre national.
Les déductions suivantes sont la conséquence
de l'expression algébrique de la richesse évaluée :
I. La ncAesse moyenne évaluée de chaque indi-
vidu, toutes choses égales d'ailleurs, sera d'autant
plus petite, que la population prendra plus d'ex-
tension.
II. Il est à désirer que dans un État l'intérêt de
l'argent diminue de plus en plus, car alors, d gran-
dissant, la richesse évaluée devient de plus en plus
importante.
III. lin pays aura une ncAcsse^ua/u^e d'autant
plus grande,
1° Que la quantité des produits bruis, dépassant
la consommation, prendra une valeur monétaire
plus élevée,
2° Que les frais de fabrication seront moindres,
3° Que le produit net sera apprécié, en espèces,
à une somme plus forte.
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 55
La forme de cette équation rend encore mani-
feste l'erreur de ceux qui voulaient juger de la
richesse d'une nation, soit par le produit brut,
soit par le produit net; attendu que cette richesse
se compose non-seulement du produit net et du
produit brut, mais encore d'autres éléments.
Nous ajouterons que l'expression analytique de
1*11 résout un des problèmes économiques les plus
difficiles ; car la mesure de la richesse des nations
n'est plus, comme on le prétendait, une impos-
sibilité, une quadrature du cercle de l'économie
politique', puisqu' on parvient à mesurer la rtcAe^f
éraluée de chaque peuple en substituant dans la
formule trouvée ci-dessus les valeurs des divers
termes qu'elle comprend.
' Jean- Baptiste Sa; écrit dans la sixième édition de son Traité
d'Économie politique, p. 604 :
• Gela montre qu'on ne peut compter sur aucirn résultat positir
en comparant la richesse d'un pays avec celle d'un autre. Cnt la
qvadralttre du cercle de l'économie politique. Il Taut se contenter
de savoir que la nation chez qui les produits à consommer sont en
général les plus abondants par rapport à la population, et où les
produits se distribuent le mieui en proportion de la part que
l'Iiacun a prise à la production, est celle où l'on est le mieux accoro-
modl^ où l'on jouît de plus d'aisance. >
Digitizedt, Google
DE LA RICHIiSSE DES PARTICUUERS
L'expression analytique de PR, non-seulement
fait apprécier la richesse évaluée des peuples, mais,
en outre, elle est la mesure du développement des
diverses forces qui contribuent à leur prospérité.
Ces forces sont :
1° Les facultés physiques, intellecluelles et mo-
rales de l'homme, utiles aux sociétés;
2° La fertilité de la terre sur laquelle il vit ;
5° Le service des agents gratuits, tels que : l'air,
l'eau, les rayons du soleil, etc.;
4" Etc.
En effet, supposons P constant dans cette
expression, et considérons les termes de sem-
blable forme dMm (I— N), d'M'm' (I— N'). etc. En
faisant momentanément abstraction des facteurs
du même genre d, d', etc. , ces termes représen-
tent le revenu net. Or, dans chaque groupe, le
directeur des travaux distribue les salaires, les
honoraires, les encouragements, etc., de manière
à stimuler le plus possible le zèle individuel pour
grossir ce revenu.
Faire accroître le revenu net : voilà le grand
mobile ; voilà ce qui anime, électrisc, transporte.
DigitizeclLy Google
ET DE CELLE DES IfATlOIHS. S7
Voilà le but important, essentiel, qu'il s'agit d'at-
teindre. Mais on ne peut y parvenir qu'en multi-
pliant le produit brut et qu'en diminuant les frais
de fabrication.
Plus la population sera saine, vigoureuse, la-
borieuse, adroite, intelligente, douée de pré-
voyance; plus ce revenu net grandira.
Il s'accroît encore avec la ferlilité des terres,
avec le nombre et la productivité des instruments
fabriqués qu'une nation possède : canauï, rail-
ways, ponts, métaux précieux, etc.; avec l'eflica-
cité des services rendus par les agents gratuits :
l'air, l'eau, les rayons du soleil, etc.; car toutes
ces choses concourent à la production, en augmen-
tant le produit brut et en diminuant les frais
d'exploitation.
Si maintenant nous portons notre invostiga-
tionsurdMm (I-N), d'M'yn' il — N'), etc., termesqui,
dans leur intégralité, représentent la valeur des
immeubles dont on a examiné ci-dessus le revenu
net, nous arriverons, en les discutant, aux mêmes
conclusions que pour ce revenu.
De courtes réflexions vont nous permettre de
ne laisser aucun doute à cet égard.
Est-ce que deux terres également fertiles ne
prendront pas, toutes choses étant égales du reste,
(les prix d'autant plus élevés que les populations
qui les cultivent sauront mieux en tirer parti?
DigitizeclLy Google
58 DE LA RICHESSE DES PABTICULERS
Jetez les yeux sur la Russie.
Quand un domaine est à vendre., ce n'est pas le
nombre d'hectares que l'on spécifie dans le con-
trat d'acquisition, mais bien le chiffre des paysans
qui mettent ce domaine en culture. Et dans le
prix on tient compte de leurs aptitudes diverses.
En France, si c'est la surface du sol qui figure
seule dans l'acte d'échange d'une propriété en
biens-fonds, on sous-entend que, dans le voisi-
nage, ou "sur son étendue, résident des travail-
leurs plus ou moins en état de faire valoir cette
prcy)riété, et te prix s'accroît à mesure qu'ils sont
plusactifs, plus industrieux, plusdursàla fatigue.
Cependant, on doit le reconnaître, la valeur
d'un immeuble se fonde encore sur le crédit qui,
suivant son plus ou moins grand développement,
fait hausser ou baisser les nombres représentés par
les lettres d, d', etc. Or l'honneur, la probité des
citoyens, les résultats de leurs travaux, la sagesse
du gouvernement, sont, avec les avantages maté-
riels que donne la nature, tels que : une grande
fertilité du sol, une heureuse position géographi-
que {ce qui comprend le service des agents natu-
rels), les régulateurs du crédit.
La valeur des termes tlMm (I-N), d'M'/ft'(l-N) , etc. ,
est donc en rapport avec les diverses forces que
nous avons en umérées tout d'abord.
E*assons à la suite, Mm-|-M'm'-Helc., représeit-
D.gitizedty Google
ET DB CELLE DES NATIONS. 59
tant le produit brut. Les raisons que nous avons
données, quand il s'est agi du revenu net, s'applî-
quent exactement ici; car, pour obtenir le plus
grand revenu net, il faut s'efforcer de multiplier
autant que possible le produit brut.
Le produit brut s'augmente donc avec les forces
dont nous avons parlé.
Reste le terme négatif— C.
Or, plus la consommation se restreindra, toutes
les autres choses ne subissant aucunes modifica-
tions, plus la richesse évaluée grandira.
Dès lors C se ra pporte aux habitudes d'ordre et
d'économie, ou autrement, à la frugalité, à la tem-
pérance : vertus si essentielles pour accroître la
richesse d'une nation.
\a richesse évaluée d'un peuple, constamment
composé d'un même nombre d'individus, pro-
gresse donc en même temps que se développent
leurs facultés physiques, intellectuelles et mora-
les, et encore, avec la fertilité des terres, avec le
nombre et l'importance des agents onéreux et ar-
tificielsde toute sorte qu'il possède, avec l'efficacité
des services rendus par lesagentsgratuits.
D'où nous concluons que l'expression de la W-
cliesse évaluée d'une nation (P étant invariable)
est la mesure de la résultante de l'action si-
multanée de toutes les facultés intellectuelles et
physiques des citoyens, de toutes leurs qualités
DigitizeclLy Google
GO DE L\ RICHESSE DES PARTICDUEBS
morales, de tous les agents naturels ou artificiels,
soil gratuits, soit onéreux, qui opèrent comme
forces pour produire la richesse.
Afin de simplifier cette discussion, nous avons
supposé P constant. Mais, si le chiffre que cette
lettre représente venait à varier, à augmenter par
exemple, la plus grande concurrence qui pour-
rait en résulter, dans certains cas, ferait baisser
les salaires et accroîtrait le revenu net.
La densité de la population est donc encore
une des causes qgi accroissent la richetse évaluée
d'une nation.
D'après ce, la conclusion précéden.te sera ad-
mise dans toute sa généralité , c'est-à-dire ,
quelles que soient les valeurs de P; pourvu que
l'on comprenne, parmi les forces de production
d'une nation, la densité de sa population.
Nous ajouterons que PR étant la résultante des
diverses forces que nous venons d'énumérer, sa
valeur peut être considérée comme étant produite
par leur action.
DigitizeclLy Google
KT DE CELLE DES ISATEOiNS,
Observations sur l'emploi de l'équalion de ta richesse évaluée.
La formule que nous venons de trouver, et qui
représente la richesse évaluée des nations, exige,
avant d'être appliquée, quelques reflexions préli-
minaires. D'abord, on pourrait être induit en de
graves erreurs, si l'on y introduisait sans choix
les divers éléments de richesses que renferme un
État; ensuite, l'usage de cette formule soulève
plusieurs questions délicates sur lesquelles nous
fixerons notre attention, carie sujet auquel elles
se rapportent n'a encore été que faiblement
exploré.
Pour mettre de l'ordre dans les idées, nous
diviserons les éléments delà richesse d'une nation
en diverses classes, et nous traiterons successive-
ment de chacune d'elles:
1° Les immeubles, tels que : les terres et les
maisons servant à leur exploitation; les élablis-
semenls industriels où l'on confectionne des ob-
jets matériels en tous genres : le fer, les tissus
DigitizeclLy Google
Si DE U KICHESSB DBS PARTICDUERS
en coton, elc; nous comprendrons encore dans
cette classe les actions émises par ces établisse-
ments.
2° Les espèces sonnantes, les marchandises qui
ne contribuent pas, par elles-mêmes et directe-
ment, à la confection des objets matériels.
5° Les contrats hypothécaires.
4* Les obligations.
5" Les billets de banque, les lettres de change,
les billets à ordre, les warrants.
6* l^s ponts, routes, et canaux, sans péages.
7° Les richesses matérielles gratuites : les sites
pittoresques, les rayons du soleil, l'eau, l'air, etc.;
les richesses immatérielles : les capacités, les ta-
lents de toute sorte, etc.
8* Les honoraires, les traitements, les salai-
res, etc.
9° Les loyers, les intérêts des capitaux de
toute sorte, etc.
10° Les ponts, routes, rail-ways et canaux, avec
péage.
H" La dette aationale-
12° Les impôts.
1" Immeubles. — [ndustries diverses. — Actions.
Incontestablement, les immeubles en terres,
et les maisons servant aux exploitations, entrent,
pour leur prix réel, dans les termes de la forme
DigitizeclLy Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 63 '
c(Mm(UN}. H en est de même des établissemenls
industriels.
Lorsqu'une manufacture sera fondée au moyen
d'actions, c'est la valeur de l'ensemble des actions
qui déterminera celle de cette manufacture.
3* Les espèces sonnantes , les marchandises qui ne conlribuent
pas, par elles-mimes et direclement, à la confecUon des objets
Les espèces et tous les objets produisant uni-
quement des revenus en numéraire, ou même
n'en donnant pas, viendront composer pour leur
valeur les sommes en argent qu'exprime la let-
tre À. Ainsi : les maisons servant seulement aux
logements, les pierres précieuses, etc.
3* Contrats hypotltécaires.
Les contrats hypothécaires ne pourront, comme
les éléments de richesses dont il a été parlé ci-
dessus, être compris dans l'équation de la richeste
évaluée.
Pour nous rendre compte de la nature de ces
titres de propriété, voyons comment ils ont été
mis en circulation.
Une famille possède un domaine qu'elle fait
valoir. Elle a besoin, pour solder ses ouvriers,
d'une certaine somme qu'elle hypothèque sur sa
propriété. H en résulte un titre qui, négocié,
L,„i.^, V.Google
U DE LA RICBESSE DES PARTICULIERS
passe de main en main. Celui qui le détienl est
nanti d'une machine productive, d'une vérita-
ble marchandise, ayant valeur vraie. Uais ce litre
n'est en déûnitive qu'une partie aliquote de l'im-
meuble hypothéqué, et cela jusqu'au jour où, par
des excédants de produits, la famille pourra s'ac-
quitter et réduire ce titre à néant, .en enlevant au
porteur tous ses droits sur la terre qu'elle cultive.
Ainsi tous les titres hypothécaires devront être
écartés, puisque déjà ils ont été comptés dans le
capital Terre.
4* Les obl^ations
Les obligations industrielles doivent entrer dans
les termes dMm(l-N)-hetc., parce que les actions ne
représentent que la valeur des industries, lors-
qu'on en a déduit celle des obligations.
Lesobligations une fois remboursées, les actions
s'élèveront de prix, et, seules, elles représenteront
le capital industriel.
5* Les billels de banque, \fs lettres de change, les warrants, elc-
I,es billets de banque, quoique véritables mar-
chandises, puisqu'ils s'échangent, ne peuvent figu-
rer dans aucun des termes de l'équation.
En effet, que sont-ils? ou la représentation des
espèces contre lesquelles ils ont été livrés, et qui
se trouvent dans le comptoir de la Banque ; ou la
Digitizeclby Google
ET M CELLE DES HATIONS. 05
représentation de lettres de change, de billets à
ordre, compris dans le portefeuille des compa-
gnies banquières. Dans le premier cas, ces espè-
ces ont été casées dans la lettre  ; dans le second,
ces billetsà ordre, ces lettres de change, représen-
tent des marchandises, qui figureront, soit dans
le prix du produit brut Mm, soit dans Â.
Il résulte de là que toutes ces valeurs : billets
debanque, billets à ordre, lettres de change, etc.,
seraient comptées deux fois, si on les comprenait
encore dans l'équation de la riiàeise évaluée.
Leswarrants,quinesontquedes titres garantis
par des marchandises meubles, d'après les mêmes
raisons que celles données pour les contrats hy-
pothécaires, ne peuvent prendre position dans la
formule générale.
Ces diverses natures de marchandises com-
posent bien la richesse d'un particulier, mais
elles n'entrent pas dans la formule, lorsqu'on a
pour but de calculer la richeste évaluée d'un Ëtat^
e° Les ponts, rou(«s et canaux, sans péage.
Les ponts, routes et canaux, sans péage, ne peu-
vent non plus être admis pour leur valeur dans
l'équation de lan'cAcsse évaluée.
En effet, à quoi servent-ils? A augmenter le re-
venu net, en diminuant les frais de production,
et en augmentant le produit brut. Ils accroissent
DigitizeclLy Google
6C DR LA RICHESSE DES TARTICULIERS
donc, suivant leur utilité plus ou moins grande,
la richesse de l'Ëtat, et on a déjà tenu compte de
leur action, au moyen des termes dMm{l-N)-f-etc.,
et MmH-etc.
7* Les richesses malérielles gratuites : les sites pilloresques, Ifs
rayons du soleil, l'eau l'air, etc. Les richesses immatérielles '
' les capacités, les talents de toute sorte.
Les richesses immatérielles, telles que : les ca-
pacités, les talents de toute sorte; les richesses
matérielles gratuites, telles que: les climats, les
sites pittoresques, etc., ne devront pas figurer
dans la formule générale, puisqu'elle tient compte
de leur action, comme nous l'avons démontré
dans le cinquième paragraphe de ce chapitre.
8' Les honoraires, les traitements, les salaires.
Devrons-nous admettre les honoraires, les trai-
tements, les salaires, dans notre expression ana-
lytique? En aucune sorte, comme nous allons te
démontrer.
En efTet, considérons une famille d'industriels
ou d'agriculteurs qui solde des artistes pour se
récréer par leurs accords harmonieux. Où prend-
elle leurs honoraires? Sur le produit brut de son
exploitation. Mais ce produit brut est représenté
par les termes Mm-hM'm'4-etc., qui font déjà
partie de la formule générale. Ce serait donc une
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 67
méprise véritable que d'y introduire à nouveau
ces honoraires.
Si cette famille emploie des ouvriers ou des pré-
posés pour l'aider dans ses travaux, il est encore
manifeste que leur traitement, leur salaire, a été
compté dans les termesMmH-M'm'-hetc.
Comme l'élévation des traitements, des salai-
res, détruit en partie le revenu net, et par consé-
quent le capital , représenté par les termes de la
formeiJMm(l>N), il en résulte que, pour accroltrela
richesse évaluée d'une nation, il faut que ces traite-
ments el salai res soient réduits autant que possible.
9° Les loyers, lesintérèu des capiUiu de toule sorte.
Les loyers, les intérêts de capitaux de toute
sorte, sont dans des conditions identiques' aux
salaires, aux honoraires et aux traitements.
L'intérêt des espèces qui circulent à l'intérieur
étant ainsi perdu pour la nchexse évaluée d'une
nation, tandis qu'il figurerait dans le produit brut
Mm-hetc, comme importation (sans qu'il y ait
Heu, pour cette importation, à aucune exporta-
tion), si les métaux précieux qui rapportent cet
intérêt étaient placés à l'étranger; on doit en
conclure qu'un pays bénéficie, lorsqu'il réduit la
quantité d'argent qui sert à ses transactions.
' Voy. annexe n° I-
Digitizeclby Google
68 DE LA RICHESSE DES PARTICULIERS
10' Les ponts, routes, rtUlwmfs, canaui, avec péage.
Quant aux ponts, routes, railicays et canaux,
avec péage, leur valeur capitale , résultant des
produits que l'on en retire, devra faire partie
du terme A. En voici la raison : la construction
de ces ouvrages a fait croître la valeur du produit
net, car sans cela on ne les aurait pas exécutés;
mais ils n'ont pas fait croître ce même produit
net, commes'ils avaient été livrés gratuitement au
public.
Les revenus de ces créations utiles ne peuvent,
en raison des explications déjà données, figurer à
nouveau dans la formule générale.
Il* Dette nationale.
Si le capital de la dette nationale a été prêté
par une partie de la nation, il appartient à la
nation tout entière , et doit être placé dans la
formule générale, àla suite descapitaiixde l'État,
tout aussi bien qu'une propriété particulière.
Si ce capital de la dette avait été emprunté à
l'étranger, il devrait être considéré comme né-
gatif dans l'ensemble des capitaux que possède le
pays.
Pour justifier cette opinion souvent contestée,
que le capital d'une dette nationale doit être
ajouté aux autres capitaux d'un pays, considérons
DigitizeclLy Google
ET DE CELLE DES NATIOKS. 69
un chemin de fer, dont la valeur totale repose
sur des actions et sur des obligations. L'ensemble
des unes et des autres représente la valeur moné-
taire de cette ligne ferrée, qui appartient tout
entière aux actionnaires et aux porteurs d'obliga-
tions. Si tous ces derniers titres ont été pris par
les actionnaires, le chemin en entier sera leur
propriété, et ils pourront porter dans leur avoir
et le capital de toutes les actions et le capital de
toutes les obligations.
Dans cet exemple, les obligations représentent
la dette nationale, et les actions les autres capi-
taux du pays, il est donc palpable que, si l'emprun t
a été contracté dans le pays même, le capital de cet
emprunt doit figurer parmi les autres capitaux na-
tionaux. Le service de cet «nprunt pèse sur les
autres capitaux ; il en absorbe une partie; mais
ces derniers, après la dépréciation qu'ils ont su-
bie , doivent s'ajouter dans la formule au capital
dette, quand il s'agit de connaître la richesse éva-
luée d'une nation.
C'est à tort, quelquefois, que l'on s'effraye de
voir augmenter ce capital dette, parce queues im-
pôts que l'on prélève chaque année, pour en sol-
der les intérêts, grèvent de plus en plus les con-
tribuables. Quand un Etat emprunte pour créer
judicieusement de nouveaux moyens producteurs,
tels que des canaux, des chemins de fer, des routes
DigitizeclLy Google
70 DE U niGBESSE DES PARTICULIERS
ordinaires, etc., cet emprunt, loin d'amoindrir le
revenu national, contribue au contraire à l'élever.
Si cet emprunt a servi à repousser l'agression
étrangère, à maintenir ta sécurité intérieure, son
utilité est encore incontestable.
Le capital dette devant être compté parmi les
richesses nationales, il faut reconnaître que la
richeae évaluée d'un pays n'est pas atteinte par
cette dette, autant que beaucoup de personnes
pourraient le croire'.
12- Impûls.
Itecherchons maintenant quelle est l'influence
de l'impôt sur la richeise évaluée.
Lorsque l'impôt n'est affecté qu'à rémunérer
convenablementcettefouled'ouvriers, de commis,
de soldats, de magistrats, etc., utiles à l'adminis-
tration publique, il entre uniquement dans les
frais nécessaires à la production. Si donc il n'est
levé que pour être appliqué avec équité et in-
telligence , loin d'être une cause de ruine
' Pinto suppose que la dette publique accroll la richesse natio-
tionale de la totalité de son capital, parce que son litre a tous les
caractères des autres propriétés.
Cette opinion a été soutenue par Spense, le juge Ba^ley, sir Ro-
bert Walpole, lord Oxford, etc.
Hume en fait une critique sévère.
On aurait pu aoirt, dit cet écrivain, que rette opinion n'était
qu'un jeu d'esprit, semblable aux discours des rhéteurs qui ont faH
Trloge de la folie, de la fièvre, de Busiris et de Héron.
D.i,t,zecity Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 7l
pour une population, il la rend au contraire plus
prospère.
S'il était gaspillé; s'il soldait des dépenses int-
productires, telles par exemple que : l'érection de
monuments analogues aux pyramides d'Egypte ,
alors, au lieu d'entrer dans la production comme
élément essentiel, au lieu d'accroître le capital
national, il le diminuerait, et cela pendant tout
le temps du mauvais emploi.
Peut-être les rois d'Egypte n'ont-ils élevé ces
constructions colossales que pour occuper et con-
tenir un peuple turbulent, qui trouvait avec faci-
lité sur un territoire très-fécond ' une richesse
d'autant plus grande, qu'à cette époque les be-
soins étaient très-modérés. Dans ce cas, ils peu-
vent avoir adopté une mesure politique pleine de
sagesse. Mais, si ces pyramides attestent la ri-
chesse de l'ancien peuple égyptien, elles n'ont
contribué en aucune manière à la développer.
Reconnaissons-le, l'impôt dépensé avecdiscerne-
ment, malgré les embarras inévitables qu'amènent
ses proportions, quand elles sont gigantesques, est
bien loin d'anéantir les richesses d'une nation.
Voyez les pays les plus prospères, l'Angleterre,
la France, la Hollande, la Belgique. Ce sont eux
qui, proportionnellement à leurs populations,
' Lesterressituéessurles bords du Kil rapportait chaque année,
presque sans travail, iO et 50 heclolitres de fri»nenl par hectare.
Digitizedt, Google
n DE LA RICHESSE DES PARTICUUERS
sont soumis aux taxes les plus élevées, La théorie
et la pratique s'accordent donc pour prouver
qu'une nation peut bénéficier d'impôts qui pa-
raissent excessifs, lorsque ces impôts contribuent
eux-mêmes à la production générale.
Toutefois, comme, sauf leur emploi en travaux
utiles, tels que ceux des routes, des ponts, des ca-
naux, etc. , les reprises du fisc ne font qu'augmen-
ter les frais généraux, on doit être très-réservé,
lorsqu'il s'agit d'accroître ces reprises, pour les
appliquer aux autres services publics. Ensuite il
ne faut pas perdre de vue que les particuliers
produisent en général à meilleur marché, et
par suite plus fructueusement que les gouver-
nements.
Un État devra donc réduire ses dépenses, de
quelque nature qu'elles soient, autant que le per-
mettront et la défense du pays, et les exigences
d'une administration bien ordonnée.
Du reste, les impôts, étant considérés au point
de vue de l'accroissement des frais de production,
ne peuvent entrer dans l'équation, lorsque l'on
calcule la richesse évaluée d'un État, puisqu'on
lient compte de ces impôts, d'une part, dans les
termes Mwn-M'm'-f-etc., qui expriment le pro-
duit brut, et d'une autre dans les termes (Mm (I-N),
d'M'm'{r-N'), dont la valeur s'amoindrit à mesure
que les contributions sont plus élevées.
Digitizeclby Google
ET DB CELLE DES NATIONS. 75
Ces divers développements nous conduisent aux
conclusions suivantes :
1° La richesse évaluée d'une nation s' accroît avec
la diminution de l'intérêt des capitaux de toute
nature.
2" Cette richesse évaluée augmente avec le re-
venu net.
3"Toutes choses égales d'ailleurs, plus le chiffre
delà dette, dont les regnicoles, et non les étran-
gers, touchent l'intérêt, sera élevé, plus la n-
ekesse évaluée prendra de l'accroissement.
4' Tout gouvernement, dans l'intérêt du pays
qu'il administre, doit s'efforcer de diminuer les
impôts, en tant que cette réduction ne nuit ni à
l'ordre général, ni à la défense nationale.
5° Autant que possible, une nation ne doit pas
conserver chez elle des marchandises improducti-
ves, parce que l'intérêt que peuvent rapporter ces
marchandises n'accroît pas sa richesse éoaluée,
6" Par la même raison , un peuple ne devra possé-
der que le numéraire qui est indispensable au
trafic.
Quelques-uns de ces principes, quoique trou-
vant leur démonstration dans une formule algé-
brique, sembleront difficiles à admettre sur-le-
champ. Plusieurs personnes contesteront même
l'exactitude de cette formule, en raison des con-
séquences auxquelles elle fait arriver.
DigitizeclLy Google
n DE U RICflESSE DES PARTICULIERS
— Quoi ! diront-elles ;
Si, faute de sécurité, si par suite d'une crise
sociale, une grande quantité de terres, d'usines,
de marchandises de toute sorte étaient mises
en vente à la fois, serait-il possible que la ri-
chesse d'une nation subit le contre-coup de la
baisse inévitable de ces diverses valeurs, ainsi
que cela résulte de l'équation de la rkheste éva-
luée?
Est-ce que la population ne continuera pas à
vivre, sinon dans la même aisance, du moins
dans une acceptable médiocrité? La richesse na-
tionale serait donc semblable à une outre gonflée
par le vent, qui peut se désemplir en un tour de
mainî L'expérience cependant ne parait pas le
démontrer!
Sans aucun doute, aux époques de guerre civile,
certaines matières d'un usage général, faciles à
soustraire, à transporter, telles que l'or et l'ar-
gent, prennent des valeurs prodigieuses par rap-
port à tous les autres objets commerçables, et la ri-
rheise évaluée, en espèces sonnantes, diminue énor-
mément. Mais il n'en faut pas conclure que la ri-
ckeised'mage ait été entamée de la même manière.
Pour nous rendre compte de cette dépréciation
dans certaines circonstances, de la richesse éva-
luée, supposons qu'une partie desmétaux précieux
répandus dans le monde vienne par cas fortuit à
DigitizeclLy Google
ET UE CEUE DES NATIONS. 75
s'anéantir. Leur valeur s'accroîtra, et la richesse,
que nous avons appelée évaiuée, diminuera pour
chaque peuple dans la même proportion, mais la
riches$e évaiuée de chacun d'eux, considérée d'une
manière relative, ne se sera pas modifiée.
En temps de révolutioo, la destruction des mé-
taux précieux n'est, il est vrai, qu'apparente, par-
ce qu'ils ne sont que cachés, et que, plus tard, ils
ne manqueront pas de reparaître ; mais toujours
est-il, qu'à ces époques de crise sociale, leurre-
trait temporaire de la circulation produit le même
cflet, que s'ils avaient été anéantis réellement.
— Quoi! ajouteront nos contradicteurs, lors-
qu'une année est trop abondante en subsistances
de toute sorte ; quand il y a encombrement d'ar-
ticles manufacturés, un pays souffre, et cepen-
dant la quantité de marchandises qu'il possède
dénote sa richesse? Comment expliquez-vous celte
anomalie? 11 y a là une difficulté qui trahit le vice
de vos théories.
Cette objection est sans doute spécieuse. Mais
nous répondrons qu'il est seulement question ici
de la richesse évaluée, que l'on a presque toujours
confondue avec la richesse d'usage. Dans le para-
graphe suivant, où il sera traité de cette seconde
espèce de richesse, toutes ces obscurités s'éclairci-
ront.
Digitizeclby Google*
[lE LA RICUESSE DES PARTICULIERS
Équation de la richesse d'usage el sa discussion.
Le langage alg<;brique vient de donner à ce
que nous avons appelé richesse éimluée un sens
clair et précis; il sera facile, à l'aide du même lan-
gage, de définir avec autant de netteté la richesse
d'usage^ et de rendre désormais impossible toute
confusion entre ces deux genres de richesses, soit
pour les particuliers, soit pour les peuples,
La détermination de la richesse d'usage aura
pour base et point de départ Vunité d'existence.
Cette expression, unité d'existence, désignant la
somme moyenne des objets consommés dans chaque
pays par une personne pour ses satisfactions habi-
tuelles.
Si cette umf^ était la même chez tous les peuples,
et si , en même temps , le prix des marchandises
qu'elle comprend était partout invariable, en divi-
sant le revenu en espèces de chaque individu par
ce prix, on aurait des nombres qui mesureraient
exactement la richesse d'usage individuelle, puis-
igitizeclLy Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 77
qu'ils s'accroîtra ienl, et diminueraient propor-
tionnellement à la possibilité de consommer plus
ou moins de fois cette unité d'existence.
Mais, si ce moyen de mesure, ce module, est à
peu près fixe dans un même pays, il varie sensi-
blement dans divers pays, suivant leur position
géographique.
Au climat froid et bumide de l'Angleterre, Il
faut opposer des habits de drap épais, des bois-
sons spiritueuses , une nourriture très-anima-
lisée.
Un ciel plus clément permet aux Espagnols d'u-
ser de vêtements plus légers et de consommer des
aliments moins substantiels.
Dans les Indes, l'alimentation, l'habillement et
même le logement, se réduisentà des proportions
bien plus minimes.
Quant à la France, dont la température est mo-
dérée, la quantité des choses essentielles à ses ha-
bitants sera un médium entre ce que réclament
les peuples du Nord et ceux du Midi.
On doit encore tenir compte des usages natio-
naux'.
' ■ Senior dit que les souliers sont tiec^uaries pour tout Anglais
dont la santé souiïnrait s'il en était privé, tandis que, pour les classes
intérieures de t'Écosse, ils ne sont que luxuries : celles-ci, grâce à
l'empire de l'habitude, peuvent aller nu-pieds sans aucun inconvé-
nient physiqueet sans d^adalton morale. Pour la classe moyenne,
DigitizeclLy Google
7» DE LA RICHESSE DES PARTICULIERS
Ainsi le rite retigieux obligera à une nourriture
toute spéciale.
Ainsi certaines populations, par exemple celles
de l'Allemagne, habituées depuis longtemps à se
restreindre dans leurs dépenses, ne réclameront
pas des consommations d'une nature aussi variée,
et de la même délicatesse que les habitants de telles
cités de la France, depuis longtemps adonnées au
luxe.
Le Russe vivra de seigle, l'Anglais de froment.
. Généralement, en France et en Espagne, une
ration de vin est regardée comme nécessaire à
l'existence. En Angleterre, la population se forme
à peu près la même opinion relativement à la
bière, tandis que les Chinois, les Indous, ne boi-
vent habituellement que de l'eau'.
Ne sait-on pas, du reste, qu'une plante venue
dans un terrain fertile, ne peut végéter qu'en
s'alimentant de sucs plus nutritifs que si elle
avait pris naissance dans un sol maigre et pier-
reux!
Ensuite, le prix des mêmes objets, dans tous
les pays, est loin d'être uniforme. L'unité d'exis-
tence sera donc modifiée dans sa valeur, par une
en Ecosse, la chaussure est decency : elle porte des soutiers pour
t'aranlir nor. les pieds, mais la position sociale.*
< Humboldt rapporteqnilya plus d'un tiers, entre les frais d'en-
Iratien, et consécpierameiit le salaire naturel d un oumer des dis-
tricts chauds, et celui des districts tempérés du Mexique.
Digitizeclby Google
ET m CELLE DES NATIONS. VJ
multitude de circonstances relatives au climat,
aux habitudes sociales, à la religion, à la situation
financière, etc.
Toutefois cette valeur pourra être précisée dans
chaque nation, à une époque déterminée.
En effet , on ne peut nier que , si l'unité
d'existence varie de peuple à peuple, en général
elle ne diffère pas sensiblement dans chaque
nation.
Et, pour nous en assurer, il suffit d'examiner ce
qui se passe autour de nous :
Les administrations publiques ne fixent-elles pas
ce qui est nécessaire annuellement aux soldats de
terre, aux matelots?
Dans les maisons d'éducation, les jeunes gens
ne trouvent-ils pas une nourriture appropriée à
leur âge, nourriture dont un règlement spécial
prescrit la quantité et la qualité?
Les animaux eux-mêmes ne sont-ils pas par-
tout rationnés, conformément à ce que l'on at-
tend de leur service?
De plus, les objets qui composent cette unité,
ayant à peu près la même valeur dans toutes les
parties d'un pays qui n'est pas très-étendu, il s'en-
suit qu'elle est, pour une contrée déterminée, sus-
ceptible d'une évaluation monétaire assez exacte.
Nous pourrons porter en France à environ
220 francs le prix de cetleunité d'existence. Car on
DigitizeclLy Google
80 m LA RICHESSE DES PARTICULIBRS
estime généralement à 1,100 francs, ce que dé-
pense moyennement une famille composée de cinq
personnes, pour subsister pendant une année',
En Angleterre , les statistiques élevant à
1,500 francs, la somme annuelle, nécessaireàune
famillecomposée d'un même nombrede personnes;
500 francs seront pour ce pays l'évaluation du prix
de Vunité ttexislence.
On fixerait le prix de cette même unité, en Ita-
lie, sur le pied de 140 francs.
Dans les Indes, 60 francs paraîtraient un quan-
tum sufGsant.
L'appréciation de Yuniié (^existence ne se base-
rait pas toujours sur ce qui est, mais sur ce qui
devrait être. Ainsi, chez le peuple irlandais, la
nourriture et le logement ne sont pas en rapport
avec les besoins naturels. Les satisfactions ordi-
naires de ce peuple devraient donc être large-
ment accrues pour la fixation de cette unité.
Cependant, comme il ne s'agit que de propor-
tions, la fixation rigoureuse du prix de Vunité
' H. de Gasparin évaluait ainsi le budget moyen d'une ramille
de cullivaleurs français, composée de cinq personnes :
Nourriture 478 fr.
Logis 30
Habillement.. , 100 '
llhautTage el éclairage 10
Ûulils et ustensiles 30
Tolal 658 fr.
DigitizeclLy Google
ET DE CELLE DES NATIONS. g)
d'exittence ne serait pas tout à fait essentielle. Il
sufTiraltque les rapports entre les prix des diverses
wiités pour chaque peuple, fussent à peu près
exactes.
Gesbases posées, désignons par U, la richesse
d'usage d'un individu , pris moyennement dans
une nation, et déterminons la valeur de cette ri-
chesse d'usage.
Soient a, a', a", etc., lesquantités de marchan-
dises de diverses sortes, dont la consommation
est moyennement nécessaire à une personne pour
subsister pendant une année.
0, sera par exemple la quantité d'hectolitres en
froment, dont elle aura besoin en moyenne et
annuellement pour se nourrir.
a', le nombre de mètres de draps qui sera es-
sentiel pour son habillement.
a", etc.
m, m', m", etc., étant tes prix de l'unité de
chacune de ces marchandises,'(im-|-a'm'-|--o"m'
-f- etc., sera le prix des diverses choses néces-
saires annuellement à un individu moyen, pour
subsister selon ses besoins naturels et ses habitu-
des. Et, en ajoutant à celte somme la valeur an-
nuelle du loyer représentée par /, on obtiendra
pour le prix de Vtmilé d'existence, ou autrement
dit, la dépense moyenne de l'individu moyen,
am H- a'm' + etc. -h /
Digitizeaty Google
82 DE LA mCHSSSE DES PARTICUUERS
Quel est maintenant le revenu annuel moyen,
en espèces, de chaque habitant d'un pays ?
Il suffit de prendre pour cette détermination la
valeur monétaire des marchandises' dont dispose
une nation, comme produit brut pendant une an-
née, soit qu'elle les ait fabriquées elle-même, soit
qu'elle les ait échangées contre celles qu'elle a
fabriquées, et de diviser cette valeur par le nom-
bre des individus qui composent la population.
Soient donc M, M', M", etc., lesquantités de di-
verses marchandises, d'une même espèce, confec-
tionnées dans l'intervalle de temps indiqué ci-des-
sus, de manière à être en état d'être consommées .
Ces marchandises sont de même nature que
celles comprises dans a, a', a", etc.;
C'est-à-dire que M et o. M' et a'. M" et a", etc.,
correspondent à des objets de même sorte.
Le revenu moyen individuel sera exprimé par
Mm-hM'm'-f-M'nf 4-elc.
p
Nous ferons remarquer que tous les ouvriers
' Ici une explication est essentielle.
En portant, au nombre des marchandises . tes tissus et autres
objets fabriqués pendant une année, il faudrait se donner de garde
d'y faire figurer çn même temps le charbon consommé par les ma-
chines à valeur qui ont servi à produire ces divers articles. Car le
priï deces articles comprend celui de ce charbon.
Quant au charbon qui sert au diauffâge des liabilanls, il doit
èlre ajouté aux marchandises dont il a été parlé ct-dessus.
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 85
qui concourent à ta fabrication d'une marchan-
dise, sont soldés, en définitive, sur le prix de cette
marchandise.
Il en est de même du loyer de tous les instru-
ments qui aident à la fabrication, loyer qui fait
partie des revenus des propriétaires de ces in-
struments, et qui est encore payé sur la valeur
du produit brut.
U, étant la richesse d'usage moyenne et indivi-
duelle, nous aurons :
., Mm H- M'm' -+- Wth' ■+- etc. ,
P {antH-oW-l-etc.H-/)
Four compléter cette équation, il faudrait ajou-
ter au numérateur deux termes de signes opposés,
l'un exprimant le prix des marchandises impor-
tées, et l'autre celui de l'exportation. Mais, ces
deux termes ayant à peu près la même valeur,
nous les supprimons dans le but de rendre l'équa-
tion plus simple.
11 importe beaucoup de ne pas perdre de vue le
vrai sens des valeurs moyennes.
L'équation de la richesse d'usage donne des
nombres abstraits rigoureusement exacts, pour la
totalité des individus comparés. Toutefois, si l'on
voulait juger de la richesse image d'une portion
' Remarquons que, dans chaque pays, l prix du lo^er, pour
chaque individu est une constante, comme a, a', etc.
D.gitizeclty Google
84 UE U fllCBESSB DES PARTICULIERS
de ces individus, petite ou grande, il ne Taudrait
Taire entrer dans cette équation, sous peine d'er-
reur grave, que les nombres concernant ladite
portion.
Ainsi, veut-on rechercher la richene ctusage
moyenne d'un pays où une aristocratie peu nom-
breuse absorbe le tiers, la moitié de la totalité des
revenus qu'il produit, on arrivera, à l'aide de l'é-
quation, à un chiffre élevé, tandis que, par suite
de cette inégale répartition des richesses, la
rickeue d'usage de la majorité des citoyens sera
très-modique.
Pour déterminer cette dernière richeue d'utage
il faut, dans la formule générale, substituer h
?, M, M', etc. les valeurs qui concernentla portion
des habitants que l'on veut considérer.
Si dans l'équation générale
MmH- M'm' -|- etc.
~"P(ann-o'm'H-etc. + 0'
Nous faisons
M , M' .
r, r*, r", étant les quantités de marchandises
qui, dans la distribution générale, s'appliquent
moyennement à chacun, nous aurons
-hï'm'-f-etc.
am -+- a'm'-i- etc.H- /
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES HATIOHS. «5
De cette équation et de la précédente on déduit
les conclusions suivantes :
1° La population et le prix des marchandises
restant les mêmes, la richette d'usage s'accroitra
avec la quantité des marchandises.
2° Dans le cas où la population augmenterait
en densité, si r, r', etc., qui représentent les
quantités de marchandises obtenues relative-
ment à chaque individu, deviennent de plus en
plus considérables, la richesse d'usage s'accroîtra.
Pour nous en assurer, vojons ce qui se passe au
numérateur et au dénominateur de l'équation .
de la richesse d'usage. Or ces deux termes, de
semblable forme par rapport aux prix m, m', etc.,
sont sensiblement influencés de la même manière
par ces prix qui, alors, en général diminuent.
D'où il résulte d'abord que l'abaissement seul des
prix ne fait pas décroître la richesse d'usoye. ensuite,
comme aunumérateurlesmultiplicaleursr,/, etc.,
s'accroissent continuellement, tandis que, au dé-
nominateur, les multiplicateurs a, a', etc., restent
constants, il s'ensuit que le numérateur grandit
plus rapidement que le dénominateur, et qu'en
conséquence la richesse d'tisage devient plus impor-
tante.
5° La richesse d'usage, jusqu'à un certain point,
est indépendante des prix, puisque ces prix affec-
tent sensiblement de la même manière et les ter-
Digitizedty Google
S6 DE LA RICHESSE DES PAftTICULIEIlS
mes du numéraleur el ceux dij dénominateur de
son expression. Toutefois, comme la baisse des
prix est le plus souvent le signe que les quan-
tilés de marchandises, qui incombent moyenne-
ment à chacun, sontplus considérables, on doit en
conclure qu'en général la ricbetse d'usage augmente -
au fur el à mesure que les prix s'avilissent.
4' La riche$se Stisage sera d'autant plus grande,
toutes choses égales d'ailleurs, que a, a', a", etc.,
seront moins cons^érables, c'est>à-dire que la po-
pulation aura moins de besoins.
Nous reviendrons plus tard sur ces conclusions,
qui sont d'une extrême importance.
Puisque la ncAesse d'usage s'augmente d'autant
plus que les produits sont moins rares, on recon>
naît que la rkheue d'usage sera d'autant plus
grande, que toutes les marchandises se rappro-
cheront davantage, par leur abondance, des ri-
chesses gratuites et naturelles, telles que : l'air,
l'eau, le soleil, etc.
Nouvelle preuve de l'exactitude de la formule
générale que nous avons trouvée.
igmzeclLy Google
ET DE CELLE DES NATIONS.
Évahialion de \a fortune des particuliers.
Supposons qiie l'on demande l'appréciation de
la fortune d'un mécanicien français, possédant
un immeubte en terre d'un revenu de cinq mille
francs, et qui est lui même employé aux appoin-
tements de dix mille francs par an.
Pour procéder à cette appréciation, nouspren-
drons l'équation de la richesse évaluée d'un groupe
d'individus, équation qui est de la forme
PR=dMm(I-N)-|-Mm-hA— C-I-SV4-V.
Dans cette formule P=I.
dMm(I — N) se rapportant au fonds de terre,
Mm= 5,000 fr. N=0. rf=35,53, car généra-
lement les terres se vendent sur le pied de 3
pour 100, ou de I pour 33,35. V= 10,000 fr.
Mais quelle valeur doiinera-t-on à S, dans SV
qui est le capital industriel?
L'éventualité du traitement que reçoit le mé-
canicien ne permet pas de regaMer ce traite-
DigitizeclLy Google
88 DE LA RICHESSE DES PABTICDUERS
ment, comme l'intérêt d'un capital vingt fois plus
considérable. Ici une estimation est à faire. S se
modifiera avec l'âge, la santé, l'intelligence plus
ou moins susceptible de déreloppement de la per-
sonne dont il s'agit.
Dans les circonstances ordinaires, on pourra
substituera S, lechifi're4; ou autrement, évaluer,
pour la même quantité de revenus, le capital in-
dustriel du mécanicien au cinquième d'un capital
matériel qui rapporterait 5 pour 100.
En remplaçant dans la formule les diverses let-
tres par les nombres que nous venons d'indiquer,
nous aurons pour la rieket$e évaluée que l'on cher-
che,
R=l 66,650 fr,+5,000tt.+40,000rr.-hl0,000fr.
H-A— C.
Si la consommation est égale au revenu C^
5,060+10,000 fr.,ella richesse évaluée est de
166,650+40,000 fr.+A, relativement à l'année
pour laquelle se fait le calcul.
Voyons maintenant quelle est la richesse tCu-
sage de ce mécanicien, et pour cela recourons à
l'équation
„ Mm+MW+etc.
""P (am +a'm'+etc. + /) '
Mm=n:5,000 fr., M'm'=10,000fr., P=l.
Digitizeclby Google
ET DE CELLE DES NATIONS. 89
Nous savons de plus que le prix de l'uaitc
d'existence est délerminé par l'expression
am+o'm'+ etc.,-f-/, et se monte en France à
220 fr.
.5,000-1-10.000 „„
U sera donc égale a ^^ =68
C'est-à-dire que l'industriel dont il est parlé,
jouira d'une ricketse eCnsage 68 fois plus grande
que la richesse d'usage moyenne de France.
Si l'individu dont on vient d'établir et la ri-
ekeue évaluée et la richesse d\isage, bien loin de
pouvoir accroître ses ressources par son talent,
était malade, et obligé de faire des dépenses toutes
spéciales pour subsister, les deux termes SV et V,
au lieu d'être positifs, seraient négatifs, et la ri-
chesse de cet individu, soit d'usage, soit évaluée,
deviendrait inférieure à celle d'une personne en
bonne santé qui aurait cinq mille francs de rente
en terre.
Pour calculer la rickeue évduée moyenne de
plusieurs personnes, vivant uniquement de leurs
travaux, en exploitant un immeuble industriel ou
un fonds de terre qui leur appartiendrait, la for-
mule se réduirait à
RP=dMm(I-N)+Mm-f-A— C,
Car, V serait égale à zéro.
DigitizeclLy Google
, Google
CHAPITRE III
CARACTÈRES DB LA RICHESSE ÉVALUÉE ET DE LA
RICHESSE D'USAGE
hk richesse d'usage el \a richesse évaluée d'une nation ne s'arrrois-
sent pas et ne diminuent pas toujours à la fois.
En isolant la richeise d'usage et la richesse éva-
luée, qui jusqu'ici n'avaient pas été disjointes, et
dont l'assemblage perfide, par sa représenta-
tion meDsongère de la richesse des nations, em-
pêchait que l'on pût avoir des notions exactes sur
la prospérité relative d'un peuple, nous avons fait
Rressentir que ces deux espèces de richesses ne se
conjuguaient pas toujours ensemble, de manière
agrandir et à diminueren Aiême temps.
Cette faculté de croître ou de décroître souvente-
igitizeclLy Google
92 CARACTÈRGS DE LA RICHESSE ËVALUÉli
fois indépendamment l'une de l'autre dans la
même nation, va nous servir de caractèrç dis-
tinctif pour spécifier plus particulièrement encore
chacune de ces espèces de richesses.
Dans un pays civilisé nouvellement, la popula-
tion, en général peu nombreuse relativement à
la surface du sol, se livre presque exclusivement
à l'agriculture. Les matières nutritives sont à
profusion, et les travailleurs produisent, en outre
de ce qui sert à leur consommation, des subsis-
tances qui s'exportenl. Comme le transport est
onéreux, fa demande rare, il s'ensuit que les den-
rées alibiles sont avilies, et que l'on en obtient,
avec peu de fatigue corporelle, une grande quan-
tité, soit directement par la culture de la terre,
soit indirectement parl'échange de marchandises
aisées à fabriquer.
Le travail est alors faiblement stimulé, parce
que, avec de minimes efforts, l'homme se nourrit
et satisfait ainsi facilement son principal besoin.
Dans ces circonstances, la riches$e d'mage est en
général assez grande. On peut manquer des objets
dont la nécessité n'est pas impérieuse, mais on
possède les plus essentiels. D'abord la nourriture
est abondante; ensuite un abri à peu près suffi-
sant, el quelques vêtements préservateurs, sont
bien rapidement confectionnés.
Lorsqu'après un long règne de l'ordre et du
Digitizeclby Google
ET DE LA RICQESSE DUSAGE. »3
travail, la race humaine s'est multipliée de telle
sorte, que les denrées produites parle sol ne suf-
fî^nt plus à l'alimentation publique, la richet$e
d'mage serait très<médiocre, si l'homme ne trou-
vait dans les travaux industriels des ressources
capables de suppléera cette pénurie.
Malheureusement, dans les usines et manufac-
tures, il ne soutient son eiistence qu'en subissant
plus particuliéremeot que dans l'agriculture, les
dures lois de la concurrence', qui, bien que née de
la liberté du travail, a trop souvent des exigences
terribles.
Et comment l'homme pourrait-il se soustraire
à ces lois, lorsqu'il est sollicité par un besoin
pressant, irrésistible; lorsque la faim, cet horrible
fantdme, le poursuit sans cesse, et l'aiguillonne
sans relâchet .
À l'aide de ce triste auxiliaire, dont l'approche
seule nous glace d'effroi, les patrons ont trop sou-
vent forcé l'ouvrier à se livrer pour eux aux tra-
vaux les plus assidus et les plus pénibles, en ne lui
accordant qu'une rétribution déraisonnable '.
' M. Micliel Chevalier croit « que la concurrence effrénée de notre
temps marque une époque de tranâtion, fertile en inventions nou-
velles et qu'elle ne manquera pasdesemodérer. ■(Cdtirjd'^conontte
volitique.)
* 1 Les ouvriers de Ljon mellenl sur leurs drapeaux : Vivre
< en travailianl ou vtourir en combattanl. Aux Ëtats-Unis le^
< travailleurs, animés d'autres sentiments, disent : Vous ne voulez
igitizeclby Google
tf4 CAnACTÈRBS DE U RICEESSE ÉVALUER
Comme la subsistance se mesure à la besogne,
-de telle sorte qu'avec des labeurs excessifs le
travailleur n'a que strictement de quoi vivre; il
est obligé de se roîdir contre la fatigue, de lutter
sans paix ni trêve, et, si dans ce rude exercice, ses
muscles, devenant susceptibles de plus d'efforts,
peuvent produire davantage, son salaire s'accroî-
tra, il est vrai, mais pourretomber bien vite à un
taux que fixe une nécessité impérieuse, taux qui
lui permet à peine de subsister '.
L'ouvrier industriel est atlacbé à une roue qui
tourne sans cesse. De toute nécessité il doit en sui-
vre les mouvements, il est l'esclave du travail.
Les pays manufacturiers sont sans doute orga-
nisés, pour fonder de grandes fortunes indivi-
duelles, pour accroître les rentes, les capitaux,
pour développer la richeiie évaluée. Mais, c'est sou-
vent au détriment de la richesie d'usage du travail-
leur. En masse, la richesse moyenne d'mage d'un
.lel pays peut être assez grande; tandis que celle de
l'ouvrier, limitée par la concurrence, ne s'élève
•> jwi augmenter nos salaires, nous partons pour cuUiver Us terrei
< de COuesl. • Michel Chevalier, Lettres sur l'Amérique du Nord.
L'ouvrier a donc, daos ce dernier pays, plus de racilités poui'
subsister.
' a Depuis que les eiiranls gagneni une partie de leur vie, le salaire
des pères a pu eire réduit. Il n'est point résulté de leur activité, une
augmentation de revenu pour la classe pauvre, mais seulement une
augmentation de travail, qui s'échange toujours pour la màme
somme, ou une diminution dans le prixdes journées. > (Shhohdi,)
Digitizeaty Google
ET DE U RICHESSE D'USAGE. «5 .
pas habituellement au même degré deconrortque
dans les contrées agricoles, où la rickene évaluée
moyenne est moins importante.
Dans ces contrées, les fatigues du cultivateur
sont amplement rémunérées par la nature, qui,
bien loin de lui vendre chèrement ses faveurs, les
lui accorde sans trop se faire prier. Là les muscles
de l'agriculteur n'entrent en action qu'à son
heure, qu'à sa fantaisie.
Il a la possibilité de modérer leur jeu : il com-
mande au travail.
Toutefois quelques écrivains veulent inférer,
de la différence des vies moyennes en Angleterre
et en Russie ', que le bien-être de l'agriculteur
est inférieur à celui de l'industriel.
Nous les croyons dans l'erreur. Cette diËférence
dans la longévité, tient à des circonstances toutes
naturelles et indépendantes de l'espèce des tra-
vaux. C'est, d'après nous, la conséquence des
miasmes pestilentiels, que dégage ordinairement
une terre qui n'a été façonnée qu'imparfaitement.
En efîet, n'est-il pas notoire, que la culture tend
constamment à faire disparaître les tertres et à
combler les endroits bas qui sont ordinairement
des centresd'infection î Cette culture ne dessèche-
t-elle pas les flaques, tes marais, en donnant de
< ■ La vie moyenne est de quaranle-lmit uns en Ai^leterre e( de
< vingl-quatre en Russie. » (Houeau de JùNsis.)
D,:i,t,zecity Google
96 CARACTÈRES DE LA RICHESSE ÉVALUÉE
l'écoulement aux eaux, et ne détruit-elle pas ainsi
la principale cause des émanations méphitiques 7
Ensuite, les habitudes de propreté, de boDoe
hygiène, de plus en plus répandues; un approvi-
sionnement plus égal et plus constant des subsis-
tances ; les découvertes récentes de la médecine,
entre autres la vaccine, sont encore des motifs suf-
fisants pour expliquer l'accroissement de vie
moyenne chez certains peuples, malgré la dimi-
nution de la riehei-K ttiaage.
Au surplus, dans nombre de contrées presque
entièrement agricoles, la vie moyenne est aussi
longue' et même plus longue que dans celles où
l'industrie est plus répandue.
En France, la mortalité est plus grande dans
les villes que dans les campagnes *. Et chacun
sait que, dans ces dernières localités, l'élément
manufacturier est bien moins actif.
Des relevés Irés-exacts constatent qu'en Suède et
en Norvège, pays de culture, la vie moyenne est
moinscourte que partout ailleurs*.
Nous ajouterons que nombre d'auteurs goûtés
du public s'accordent pour appuyer l'opinion que
nous voulons faire prévaloir.
« Sismondi assure qu'autrefois, lorsque l'indus
' La ïie moyenne est plus longue en France qu'en Angleten e.
(GntiLtiD.)
' Dictionnaire de rÉœnomie politique, arl. Population. (Lecott.)
* Idem.
DigitizeciLy Google
ET DE U RICHESSE D'DSAGE. 97
« trie était peu répandue, le peuple avait de la
« Tiande ; qu'il a passé depuis aux céréales, et que
« maintenant, dans nombre de contrées, il se
« nourrit de pommes de terre. »
« Les deux régions extrêmes de l'Europe, dit
« M. le Play {Conditions des ouvriers en Europe),
« présentent aujourd'hui un spectacle bien diflé-
« rent: tandis que les populations du Nord et de
« l'Orient, contrées sans industrie, vivent, pour
« la plupart, satisfaites de leur sort, dans un état
« de quiétude qui frappe tous les observateurs;
« celles de l'Occident, poussées par la néeettité ou
« excitées par une sorte de vertige, ne cessent de
« s'agiter pour modifier leurs habitudes et leurs
« institutions.'»
Voici encore un extrait du même ouvrage ;
« Dans le système de l'Europe, les céréales doi-
<c vent être placées au premier rang des substances
« alimentaires. Elles absorbent la moitié, lesdeux
« tiers des subsistances. La grosse viande n'en-
« tre dans l'alimentation qu'à titre exceptionnel.
« El il est certain qu'autrefois les ouvriers mangeaient
« beaucoup plus de viande *. f>
11 est vrai qu'en général nos classes ouvrières
possèdent actuellement, en plus grande abondance
qu'autrefois, des sièges, des tables, des verres, et
autres ustensiles. Il est encore incontestable
' Voy. Annexe, n" 2.
DigitizeciLy Google
U8 CARACTÈRES DE LA RICHESSE ÉVALUÉE
qu'elles ont la faculté de renouveler plus souvent
leurs vêtements en chanvre et coton. Mais, bien
que de nos jours, ces classes soient plus actives,
plus laborieuses, nous croyons que la ration de
bonne nourriture animalisée qui revientà chaque
travailleur, en temps normal, soit sous le rapport
de la quantité, soit sous celui de la qualité, a di-
minué.
Ainsi, presque partout, à mesure que l'in-
dustrie prend plus d'expansion, nous voyons en
même temps diminuer la richme d'mage des ou-
vriers ; parce que la fécondité du sol ne s'accroît
pas assez pour fournir toujours la même alimen-
tation moyenne, lorsque l'industrie fait naître de
nouveaux regnicoles, ou bien encore en fait arri-
ver de toutes parts ; parce que la concurrence,
qui naît de cette population nouvelle développée
par l'industrie, empêche que les salaires attei-
gnent un taux qui permette une nourriture aussi
substantielle qu'avant la période industrielle'.
■ C'est notre opinion personnelle, qu'en toute humilité, nous
émettons. Nombre de publicistes, cependant, prétendent que les
classes ouvrières ont progressé de toutes manières.
Certes, il est bien difficile de trancher nettement la question.
Car, lorsqu'on sera parvenu, pour les temps modernes, i créer des
statistiques qui mériteront une entière confiance, on ne saura jamais
qu'impar^tement ce qui avait lieu aulrefius. Et nous remarquerons,
en passant, qu'on n'établit pas un Tait sdentiQque, en sefondanlsur
un passage humoristique de la Brujére, de J. J. Rousseau, ou bien
encore sur quelques vers de Virgile et d'Homère.
Digitizeclby Google
ET DE LA RICHESSE U'USAtiE. 99
En général, on peul juger de la quantité des
subsistances d'un pays et de la richesie d'usage qui
lui est propre par l'accroissement plus ou moins
prompt de la population. Or, jetez les yeux sur la
Russie; dans cet empire, les familles sont autre-
ment nombreuses, et le Hot de la population grossit
bien plus rapidement qu'à l'occident du continent
européen, où l'industrie a sans contredit de bien
plus fortes racines.
En France, pays manufacturier, le nombre des
enfants, calculé sur les ressources de ta famille,
semble se restreindre de plus en plus, tandis
qu'aux Ëtals-Unis, pays agricole, les nouveaux-
nés, loin d'être une charge pour leurs parents,
sont regardés comme rendant de tels services,
qu'une veuve avec cinq ou six enfants en bas âge
se marie avec plus de facilité que si elle n'en avait
pas'.
Ne résulte-t-il pas de ces faits, que dans la con-
trée où l'industrie est de plus en plus importante
par rapport à l'agriculture (car personne ne met
en doute la supériorité industrielle de la France,
relativement à la Russie et aux États-Unis), la ri-
chesse tïvsage des travailleurs est de moins en
moins grande?
K la vérité, l'exemple de la Grande-Bretagne,
nation manufacturière par excellence, semble
* Letlres surf AmMq'ie du Nord. (Hicbbi. CnEviUKRj ■■ V-
Digitizedt, Google
100 CARACTÈRES DE LA RICHESSE ËVALUËE
protester contre nos raisonnements, car on y
trouve considérablement de familles très-nom-
breuses; mais, dans son système inhumain, le gou-
vernement anglais, en pesant sur l'Irlande et les
grandes Indes, trouve dans ces pays, et à leur dé-
triment, la ration de nourriture indispensable àses
populations. Ensuite, les institutions britanniques
favorisent d'une manière toute spéciale l'accrois-
sement du nombre des travailleurs, accroissement
nécessaire pour faire baisser le prix de main-
d'œuvre. Qu'est-ce que la taxe des pauvres, si ce
n'est un moyen d'ôter toute prévoyance , toute
contrainte morale aux indigents, puisque cette
taxe leur assure à eux et à leurs enfants une cer-
taine existence'?
Nous ajouterons qu'en vertu de l'empire que la
religion, dans ce pays, exerce sur les esprits, ce
passage de l'Ancien Testament : Cresdte et multi-
■ < L'enquête célèbre de 1S35 sur la taxe des pauvres a révélé
• les (ails les plus étranges. Plus d'une fois, par exemple, la com-
• mission a eu à conslaler que les pauvres sVmpressaient de se
« marier pour percevoir double taxe; qu'une fois mariés ou même
f avant le mariage, ils s'empressaient d'avoir des enfants pour aug-
» menler encore leur recelte; qu'une fille avait des enfants de plu-
• sieurs pères, et qu'elle trouvait ainsi plus facilement k se marier:
< enfin , que ces secours ofTiciela et obligés détruisaient tous les liens
• de la famille, sans compter les autres genres de démoralisation
'• auxquels donnait lieu leur distribution, sans compter encore la
■ mauvaiseintluencesurlessalaires et tousiesauires inconvénients
■ économiques. >
(Entrait des Elérnatls de finances, de M. Joseph Gamiêr.)
DigitizeclLy Google
ET DE LA RICHESSE D'USAGE. lOt
plicamini, reçoit une application plus complète là
que partout ailleurs.
Jusqu'ici nous avons étudié seulement les rap-
ports qui existent entre la richeue évaluée et la
richetse d'usage, au point de vue des travailleurs.
Et nous avons montré qu'à mesure que la ncAesie
évaluée s'accroissait, la riches$e d'utage de ces der-
niers pouvait très-bien décroître, et décroissait
souvent.
Nous disons de plus que, pour une nation, la rt-
ckesse moyenne d'usage, est bien loin de suivre pas
à pas la richeme évaluée dans tous ses mouvements.
En effet, recourons aux équations de la richette
évaluée et delancftesje d'usage.
l'n=dMm(I-N}+(i'M'm'(l-K')+etc,+Mm-f-M'm'+etc.+A— ^:
Mm -(- M'nt' + etc.
P (aTfH-a'm'M-etc. ■¥■ l)
Lorsque la population augmente, si lesquantités
de marchandises M, M', etc., ne s'accroissent pas
dans la même proportion, la richesse d'usage U en
général diminue, puisque les prix m, m', etc.,
agissant de la même manière au numérateur et
au dénominateur, peuvent augmenter sans in-
fluencer sensiblement la valeur de U.
H n'en est pas de même pour la richesse évaluée '
PR, Si la population devient plus nombreuse, et
que les produits ne se multiplient pas dans le
_y Google
103 CARACTÈRES DE LA RICDESSE ÉVALUÉE
même rapport, les prix m, m', etc., pourront haus-
ser de manière à accroître les termes
(iMm(I-N)+rf'M'm'(I-N')+etc.H-A,
et dans le cas où chaque individu se contenterait
d'une ration moindre, la partie Mm-|-M'm', -hete.
— C resterait positive, et n'empêcherait pas la
valeur de PK de grandir.
On voit ainsi que la richesse moyenne d'umge
peut diminuer, lorsque la richesse évaluée totale
s'accroît.
Sans qu'il soit besoin de s'appuyer sur des for-
mules mathématiques, on peut démontrer, pres-
que avec autant de rigueur par le simple rai-
sonnement, ce qui vient d'êtreavancé.
En effet chaque propriétaire foncier ou indus-
triel tend constamment à augmenter son produit
net ou sa richesse évaluée, en se servant, soit de la
concurrence pour réduire les salaires, soit des
machines pour diminuer le nombre des journées
de travail. Le produit net qu'il obtient, et qui
s'accroît continuellement', est d^ensé chaque
jour*, et quelle que soit le genre de cette dépense,
elle est appliquée à solder des travailleurs, dont
les salaires sont encore réglés par la concurrence.
' En général, à mesure que les nations se civilisent et travailleut
davantage, le produit net s'augmente presque toujours.
* (ta ne thésaurise plus maintenant.
Digitizeaty Google
ET DE LA KIGBESSE D'USAGE. 103
Ainsi, lorsque la richesse évaluée croîtra dans un
l>ays à l'aide des machines et de ta concurrence,
cette même concurrence, en empêchant que les
salaires s'élèvent, s'opposera au développement
de la richesie d'usage.
Le produit net a beau s'élever, de nouveaux
individus naissent, ou bien encore, arrivent d'au-
tres pays, pour se partager journalièrement, à
titre de rémunération de travail, le surplus de ri-
chesse que l'on acquiert; et ta richesie d'usage qui
incombe moyennement à chacun n'est guère plus
grande.
On objecte qu'avec le progrès, il se produit, re-
lativement à la population, plusd'objels manufac-
turés, et qu'en conséquence la part individuelle
prend de l'accroissement. Sans aucun doute.
Mais il faut observer qu'il n'en est pas de même
par rapport aux matières nutritives.
Autrefois chaque localité suffisait à son alimen-
tation. Maintenant on est souvent obligé d'avoir
recours non -seulement aux localités voisines,
mais encore aux pays étrangers.
Le transport fait hausser le prix des subsistan-
ces. Pour les acheter, il faut travailler davantage.
Les nouvelles facilités dont la science et le génie
ont doté le travailleur sont-elles suffisantes pour
le dédommager de ce surplus d'eflbrts auxquels il
doit se livrer?
DigitizeclLy Google
104 CARACTÈRES DE LA RICBESSE ËVALUÉE
Nous ne le croyons pas.
Car maintes denrées que l'ouvrier consommait
jadis sont devenues trop chères pour lui. Aujour-
d'hui il n'a la faculté, en quelque sorte, de se
sustenter qu'avec du blé et des pommes de terre,
tandis qu'autrefois le résultat de son travail lui
permettait de consommer de la viande de bou-
cherie, du poisson, du gibier, de la volaille.
La richeae d'usage a donc diminué par rapport
à la bonne nourriture, si elle est devenue plus
grande relativement aux objets fabriqués.
Nous l'avons déjà dit : lorsqu'une nation agricole
commenceàs'établirdans un pays fertile, sa popu-
lation se développe rapidement ; ce qui est le signe
ordinaire d'une ricfteiM d'iaage importante. Puis
ce développement se ralentit, parce que les tra-
vailleurs se multipliant, la terre, sansdevenlr com-
plètement ingrate pour les soins qu'on lui donne,
n'y répond plus avec autant de reconnaissance.
11 n'en est pas de même pourles peuples indus-
triels. Les procédés de fabrication s'améliorant
sans cesse, les produits naissent et se répandent
chaque jour avec une nouvelle profusion et à
des prix plus réduits.
Les bénéfices que ces peuples retirent de leurs
fabrications peuvent très-bien, tout en accroissant
leur rkheste évaluée, accroître aussi la moyenne
de leur richesse d'usage.
_y Google
ET DE LA RICHESSE D'USAGE. 10b
Les nations agricoles pourront'donc, lorsqu'elles
seront parvenues, en cultivant la terre, à un cer-
tain degré de richesse évaluée, trouver dans l'in-
dastrie une partie de la richeste d'usage que le sol
leur donnait primitivement.
Afin de nous convaincre davantage que la ri-
chesse d'usage ne suit pas les mêmes lois que la W-
ckesse évaluée, supposons qu'une nation à l'état le
plus prospère soit atteinte par un fléau qui lui en-
lève le dixième de sa population. '
L'expérience constate que la richesse évaluéede
cette nation recevra une secousse terrible. Cepen-
dant, sa richesse d'usage prendra habituellement,
dans cette circonstance , un immense accroisse-
ment; car, faute de consommateurs, les denrées
tomberont à vil pris, et c'est quelques moments
après le sinistre que l'on verra augmenter d'une
manière très-prononcée le nombre des citoyens'.
L'exemple d'une famille riche, où l'un des
membres vient à payer sa dette à la nature, nous
< 1 La grande peste qui désola t'Ang'leterre sous le régne d'E-
douard [11 eut pour effet, la première année, d'avilir le prii de
toutes les denrées, k cause de la diminution considérable de la po~
pulation. ■ (Lingard, Hislory of England.)
Des calculs très-curieux de Messance prouvent qu'après les ra-
vages causés par la fameuse peste de HarseiUe en 1720, les mariages
furent en Provence plus féconds qu'auparavant.
L'abbé d'Expilly a trouvé les mêmes résultats.
Le même elTet avait eu lieu en Prusse après la peale de 1710,
quoique ce fléau eût moissonné le tiers de la population. On voit
Digitizeclby Google
106 CARACTËRES DE LA RICflESSE ÉVALUÉE
permet encore de vérifier que la rickeste d'mage
et la rtcAewe évaluée ne varient pas nécessairement
ensemble. Est-ce que la rtcAewe d'usage de ceux
qui subsistent ne s'est pas accrue, alors que la W-
ckesse évcduée de la famille est restée la même?
De plus nous ferons observer qu'une contrée
dépourvue de chemins facilement praticables,
s'accroit immédiatement en riche$se évalv^^, si des
routes en fer ' viennent mettre les diverses loca-
lités qui la composent, en relation entre elles et
avec le dehors.
Quant à sa rkkeue d'mage, comme plusieurs
marchandises haussent de prix, bien que d'autres
se vendent à meilleur marché, il est possible que
celte richesse devienne plus petite.
Du reste, dans le cas où la population et les
productions d'un pays resteraient constantes, si
l'intérêt des capitaux venait à diminuer', la richesse
par les tables de Sùssmilch que le nombre des naissances, qui était
avant la peste à peu près de 26,000 par année, «'éleva en 1111, an-
née qui suivit celle de la peste, à 32,000.
t En Russie, on a également remarqué qu'après les dévastatimis
de la peste noire, la population s'accrut d'une façon singulièrement
rapide; on tit même un nombre extraordinaire de jumeaux et de
riais.sances triples, etc. ■ (Eiuhsim, Buts. Gesch.. IV, p. 330.)
' Les canaux, les routes en fer, etc., créent une richesse évaluée
énonne, puisqu'ils donnent une valeur monétaire à plusieurs mar-
chandises qui avant leur établissement n'en avaient aucune. Nous
riterons certames futaies pour exemple.
* Dans celte circonstance, ce que nous avons désigné par d, dans
l'équation de la richesse évaluée, alimente.
Digitizeaty Google
ET DE LA FICUESSE D'USAGE. i07
évaluée prendrait de l'accroissement, tandis que
la ridtem d'usage pourrait très-bien rester sta-
tionnai re.
C'est donc un fait indubitable que la richesie
évaluée et la richesse tVutage sont très-distinctes
l'une de l'autre.
L'augmentation rapide des habitants d'une con-
trée est souvent un signe de sa grande richeued'ur
sage, pourtant ce signe n'est pas toujours cei-tain.
Ainsi l'homme, en exerçant sur lui une contrainte
morale, pourrait mettre un frein à sa multiplica-
tion. LancAeue d'magese témoignerait alors par
ce qui en est le caractère distinctif, c'est-à-dire par
la quantité des consommations et par le bien-être
individuel.
Ce sera donc sur des considérations de diverses
natures, qu'un gouvernement éclairé portera ses
regards, pour découvrir les symptômes de la si-
tuation plus ou moins fortunée de ses administrés;
car s'il ne faisait qu'évaluer leurs biens en nu-
méraire, ou s'informer du nombre des naissances,
pour apprécier le bonheur du pays qu'il dirige, il
commettrait une erreur grossière.
L'homme isolé, jeté sur la terre, désire une fa-
mille, nou'seulement en raison des jouissances
immatérielles que cette famille lui fait éprouver,
mais encore parce qu'elle l'aide dans ses travaux
et lui procure une plus grande richesse d'usage.
DigitizeclLy Google
t08 CARACTÈRES DE LA RICHESSE ÉVALUÉE
Ëgalement mû par un doux penchant et par
des vues utiies, il propage sa race, jusqu'à ce
qu'elle compose un peuple qui se pla'il dans la
contemplation de sa force et de son influence.
Mais bientôt, tandis que la richesse évaluée de ce
peuple prend une expansion rapide, surtout en
raison de la population qui, s'accroissant chaque
jour, se fait concurrence, et augmente ainsi le pro-
duit net et te capital national, la richesse damage
de l'individu ne marche plus que d'un pas attardé.
L'homme découvrant que la nature résiste à ses
efforts, la supplie, l'implore, la provoque; mais
elle ne répond pas toujours avec bienveillance
aux nombreux appels qui lui' sont faits. Il veut
surprendre ses secrets, qu'elle ne révèle qu'à ceux
qui les lui arrachent, car, discrète, et, sous quel-
ques rapports, semblableà Prêtée, il faut lîi violen-
ter de mille sortes, pourTameneràcomposition.
L'homme est donc appelé à un combat conti-
nuel, qui exerce son esprit ', développe ses facul-
tés, et l'oblige à se replier sur lui-même, pour
faire usage de toutes ses ressources.
' Celte difficullé de se procurer des denrées alimentaires n'est
pas toujours un malheur pour l'homme. La sentence primitive « tu
mangeras ton pain à la sueur de ton Tronl, » s'est souvent cliangée
en paroles de bénédicUcm.
D'après K. Ritler, un champ de bananiers nourrit vingt-cinq fois
autant d'hommes qu'un champ de froment, et avec infiiiiraent moins
de p^ne, puisqu'il suffît de couper les tiges chargées de fruits mûrs.
u,„t,zedty Google
ET BE LA HtGHESSE D'USAGE. t09
Malgré les peines qu'il se donne, une nation
parvenue à un état de civilisation avancée ne re-
trouvera que bien rarement cette richesse d'usage '
dont elle jouissait dans les premiers moments où,
sortant de la barbarie, elle commençait à s'orga-
niser.
Voilà les phases successives sous lesquelles se
présentent ordinairement les deux espèces de
richesses que possèdent les sociétés. La richesse
évaluée, dont les premiers pas se règlent sur ceux
de la richesse d'usage, continue à progresser en-
core, lorsque cette dernière, souvent, entre en
pleine décadence et se précipite vers son déclin.
et de remuer légèrement la terre loul autour, pour voir pousser des
liges nouvelles.
Humboldt assure qu'au pied des montagnes du Mexique deux
jours de travail par semaine suffisent à un père de faoïMle pour pro-
r.urer aux siens leur nourriture.
Eh bien, ces paradis terrestres, où le pain lui-même est cueilli
comme un fruit, énervent leurs habitants, presque aussi sdrement
que les déserts glacés du pôle engourdissent l'homme.
Athènes, au contraire, est devenue la capitale de la Grèce, non-
seulement au point de Mie politique et littéraire, maïs encore sous
'e rapport économique, et pourtant l'Attique était l'une des contrée^
les plus stériles de la terre. Parmi les nations modernes, nulle n'a
su acquérir sur un sol aussi restreint tant de richesses que la Hol-
'ande; et cependant, presque tout son territoire a été conquis par
l'homme sur la mer.
' Quelques peuples ont pu conserver pendant longtemps , et
même accroilre leur riclieste d'usage, soit par un commerce bien
entendu, soit par une industrie perlectionnée, soit eac^re en eppo--
matit d'autres peuples. • '.,'■''
DigitizeciLy Google
CARACTÈRES Dli LA RICUESSE ÉVALUÉE
La richesse d'usage d'uim iiiitiun n'est pas d'aulaiil p'us grande
que les prix des marchandiaes y sont de moins en moins élevés-
Quanl à ta richesse évaluée, cette dernière progresse avec le priï
des subsistances, et s'aflaiblit avec l'élévation du prix des mar-
chandises manufacturées.
J. 6. Say aflinnait qu'une nation était d'au-
tanl plus riche que les ctioses y étaient à plus bas
prix; toutefois, il considérait la démonstration
de ce prétendu principe; comme l'une des plus
grandes difficultés de l'économie politique.
Voici en quels termes il a formulé son ensei-
gnement :
« CouMuent se peut-il que la valeur des choses
« soit la mesure de la quantité de richesses qui
« est en elles, et en même temps que la richesse
« d'une nation toit d'autant plus grande ijiie les pro-
tt duits y ont moin$ de valeur? Pour résoudre cette
« difficulté, lune des plus grandes de l'économie
« politique, il faut se pénétrer de cette vérité que
« toute valeur est relative ; que la valeur d'une
_, « chose pe peut baisser sans relever la valeur des
' « cltc^s-^vec laquelle on l'achète. Or, avec quoi
Digitizeclby Google
ET DE U RIGUESSE D*USAGE. III
« achelons-nous les produits qui satisfont nos be-
« soins et nos goùtsî Avec nos fonds productifs
» ou, si l'on veut, avec les profils qui en émanent
« et qui composent nos revenus. Par coméqueiU,
u moint e$t grande la valeur des produits, et plut e$t
« grande la valeur de nos fonds et de nos revenus.
« Or c'est là ce qui constitue la richesse des par-
te ticuliers et des nations, ce qui leur procure de
« quoi consommer davantage et satisfaire un
« plus grand nombre de besoins. »
Cette discussion, sur laquelle l'illustre auteur
commence parappelermodestement l'indulgence,
en disant qu'il s'agit d'une des plus grande$ diffi-
cultés l'économie politique , nous parait très-peu
concluante. ,
Est-ce que moins est grande la valeur des produits,
plus est grande la valeur de nos fonds et de nos rêve-
nus?
Sans doute il en serait ainsi, si nos revenus,
nos capitaux, nos fonds industriels et autres,
étaient indépendants des produits. Hais ce sont
les produits et leur prix qui déterminent, et la
valeur de nos revenus et celle de nos capitaux de
toute espèce.
Deux économistes d'un grand mérite, H. Am-
broise Clément et Joseph Gamier, peu satisfaits
de la démonstration de l'illustre publiciste ont
essayé d'éclaircir ce sujet.
DigitizeclLy Google
lis CARACTERES DE LA REGDESSB ÉVALUÉE.
Laissons parler d'abord M. Âmbroise Clément :
« J. B. Say considérait comme l'une des princi-
pales difficultés de l'économie politique la solu-
tion de cette question : « La richesse d'un pays
« étant composée de la valeur des choses possé-
« dées, comment se peut-il qu'une nation soit
« d'autant plus riche que les choses y sont à plus
« bas prix?»
c< La question, ce nous semble, n'est pas posée
ici dans ses véritables termes, car il serait diffi-
cile d'établir que les pays oii les produits sont au
plus bas prix sont toujours les plus riches. Dans
plusieurs contrées, telles, par exemple, que la
Pologne, ou certaines provinces de la Russie, de
l'Amérique, de l'Indoustan, les principaux pro-
duits (les céréales, la viande, le bois, la laine, le
cuir, etc.) sont à des prix relativement plus bas
que partout ailleurs, et cependant ces contrées
sont loin de pouvoir être rangées parmi les plus
riches. Il nous parait évident que le problème
qu'a voulu proposer l'illustre économiste français -
est celui-ci : — La richesse étant composée delà
valeur des choses possédées, comment se peut-il
qu'une nation s'enrichisse à mesure qu'elle par-
vient à abaisser la valeur de ses produits par
la réduction des frais de production ? — J. B. Say
répond que les fonds productifs de cette nation
ont alors plus de valeur, attendu que les ser-
Digitizeclby Google
ET DE LA RICHESSE D'USAGE. 1i3
vices qu'ils fournissent s'échangent contre une
plus grande quantité d'objets valables de toute es-
pèce ; mais cette solution n'est pas complète; car
elle n'explique point comment la richesse produite
(et non pas la puissance de produire) est plus
grande dans le pays où les progrès de l'industrie
ont le plus réduit les frais de production et la va-
leur des diverses espèces de produits. »
« Four résoudre complètement cette question,
il faut se rappeler que la valeur est une qualité
essentiellement relative. Il en résulte que la baisse
de la valeur amenée par les progrès industriels,
dans l'unité d'une classe de produits, ne diminue
pas la valeur de la classe entière, parce qu'elle est
tout au moins compensée par l'augmentation de
la quantité produite, tandis qu'elle augmente
proportionnellement la valeur de tous les autres
produits relativement à celui où elle s'est mani-
festée , puisqu'elle leur permet de s'échanger
contre une quantité plus considérable de ce der-
nier. »
Sur quoi M. J. Garnier fait les observations sui-
vantes :
« H. A. Clément est de ceux qui ne croient pas
devoir comprendre dans la Richesse que la Valeur.
Si, au lieu de restreindre le sens de Richesse à la
réunion des valeurs ou richesses produites, on y
comprend celle des richesses naturelles, la solu-
DigitizeciLy Google
iU CARACTÈRES DE LA RICHESSE ËVALDÉE
tion du problème posé par J. B. Say, et que H. Glé-
menl a quelque peine à élucider, ne présente plus
de difliculté. Il devient évident qu'une nation
s'enrichit (acquiert de quoi satisfaire ses besoins)
au fur et à mesure que ses richesses naturelles
s'accroissent, cet accroissement dût-il produire la
diminution des valeurs, l^comblede l'abondance,
du bien-être des hommes, serait que tous les
hommes eussent de tout à discrétion, et que cha-
cun pût se vêtir, se loger, etc., aussi facilement
qu'il respire. Alors tous les objets nécessaires ou
agréables à l'homme seraient gratuits, et la Va-
leur aurait disparu. En parlant comme H. Clé-
ment (et les économistes qui prennent le mot Ri-
chesse dans le même sens restreint que lui, de
Valeur), on serait arrivé à l'anéantissement de la
Richesse. En parlant comme nous (et les écono-
mistes qui résument dans le mot Richesse l'Utilité
plus la Valeur), on serait arrivé au comble de la
Richesse. Mais au fond on aurait atteint le même
but, — l'abondance, le bien-être, r— et il n'y au-
rait plus ni valeur, ni prix, ni riches, ni pau-
vres. »
« En résumé, pour tous les économistes, une
société, un pays, une nation, sont d'autant plus
riches qu'ils ont plus de satisfactions pour moins
d'efforts, plus d'Utilité pour moins de Valeur,
c'est-à-dire que les choses qui sont nécessaires ou
Digitizeclby Google
RT DE LA HECHESSE D'IJSAGE. fl5
agréables à ses membres sont à plus bas prii. »
Malgré les clartés projetées sur le prétendu
principe de J. B. Say par deux très-habiles com-
mentateurs, il nous parait qu'il reste encore
quelque obscurité à faire disparaître.
Au moyen de la décomposition de la richesse
d'un pays, en richesse évaluée et en rtcheue d'usage,
ta vérité vraie va ressortir avec un éclat des plus
vifs.
Occupons-nous d'abord de la richesse évaluée.
Son équation :
PR=(fflm(I— N)-l-(i'M'm'(I— N'H-etcH-Mm+M'm'
-hetc.H-A— C
va nous démontrer que, par rapport à r« genre
de richesse, le principe de J. B. Say ne peut se
soutenir.
En effet, si m représente le prix de l'hectolitre
de frament, m' le prix du mètre de la toile de
coton, Mm{I — N), M'm'{l — N'), seront les revenus
nets que donnent et la culture des céréales et
cette fabrication industrielle.
Or, que se passe>t-il dans la production du grain?
Le revenu net est une certaine portion (1 — N) du
produit brut; c'est la moitié environ dans la cul-
ture ordinaire, le quart ou le cinquième dans la
culture intensive. Mais dans les deux cas, plus le
DigitizeclLy Google
116 CARACTËRtlS DE U RICUESSE ÉVALIÉE
prix de l'hectolitre de froment, en temps normal,
sera élevé, plus le revenu net sera considérable'.
Ainsi pour les subsistances, car le raisonne-
ment que l'on vient de Faire pour le grain s'ap-
pliquerait en général aux autres matières nutri-
tives, la rie^iesse évaluée sera d'autant plus grande
que les prix de l'unité des substances alimentai-
res prendront plus d'élévation.
Le même raisonnement ne peut être fait pour
le terme M'm'(I — N') exprimant le revenu net pro-
venant des toiles de coton.
Ce revenu net n'est pas d'autant plus élevé que
le mètre de tissus est plus cher; c'est l'inverse qui
a lieu.
Généralement, les bénéfices de l'industriel pro-
gressent avec la quantité des fabrications, et les
fabrications se multiplient, aussitôt que le prix
de l'unité des marchandises confectionnées s'a-
baisse.
Cette distinction est des plus importantes. Elle
résulte de l'examen qui est à faire de chaque na-
ture de marchandises.
Remarquons-le, la consommation des subsis-
tances est à peu près fixe relativement au même
individu ; car il ne peut guère employer chaque
année moyennement pour son usage, qu'un
' Tout te monde sait que le prix d'amodiation des domaines s'ac-
crojt avec le prix des céréales et celui des bestiaux.
Digitizedt, Google
ET l>Ë LA KICUSSSB D'USAGE. tt7
nombre déterminé d'hectolitres de froment et de
kil(^rammes de viande.
Aussi, l«s pris venant à baisser, le consomma-
teur n'achètera pas une plus grande quantité de
ces marchandises; l'agriculteur ne sera donc pas
sollicité à accroître ses productions, car plus il
les multiplierait, plus il tendrait à les avilir.
Ouant aux articles manufacturés, c'est bien
différent.
Une personne peut, pendant le même temps,
user d'une quantité très-variable deces articles,
et surtout quand il s'agit de mètres de tissus. Or,
comme les débouchés sont d'autant plus nom-
breux que les prix sont moins élevés, la fabrication
de cette sorte de marchandises grandit au fur et à
mesure de leur dépréciation monétaire, et sans
que cependant elles soient avilies dans leur prix,
parce que le plus grand usage qui s'en fait main-
tient leur valeur à un taux rémunérateur.
Nous ajouterons que plus on confectionne
d'objets manufacturés de la même espèce, plus les
frais généraux diminuent; et que ces mêmes frais
ne diminuent guère lorsque la production des
denrées nutritives augmente.
Ces diverses raisons expliquent comment il se
fait, en général, que les bénéfices des indus-
triels, bien loin de s'accroître avec le prix de
l'unité de la marchandise, ainsi qu'il en est pour
DigitizeclLy Google
118 CARACTÈRES DE LA «IGHESSE ÉVALUÉE
le grain, sont au contraire d'autant plus grands
que les prix baissent davantage.
La ricke$se évaluée d'une nation sera donc d'au-
tant plus importante que les subsistances y seront
normalement plus chères et que les articles ma-
nufacturés pourront y être payés à meilleur mar-
ché (toutes autres choses étant égales d'ailleurs).
Aussi royons-nous l'Angleterre, la France, la
Hollande, la Belgique, où les aliments sont coû-
teux et les produits de fabrique à bas prix, avoir
une richesse évaluée très-supérieure à celle de la
Pologne, du Maroc, de la Russie, où les subsis-
tances sont à bon marché et les objets manu-
iacturés très-chers.
Il n'est donc pas vrai de dire que la ridieue
évaluée d'un pays est d'autant plus grande que
toutes les marchandises y coûtent moins. Et le
principe posé par Say manque de justesse, lors-
qu'il s'applique à la richesse évaluée.
Considérons maintenant la richesse d'usoje, et
examinons si une nation en sera d'autant mieux
pourvue que les prix des marchandises seront
moins élevés.
L'équation de la richesse d'usage est :
P(am-
DigitizeclLy Google
ET DE LA RICUESSE D'USAGE. 119
M M'
En appelant r,r', etc. Jesfractions—^ —:(r,r', etc.,
désignant les quantités de marchandises de toute
sorte, fabriquées dans le pays, ou échangées avec
le dehors, qui reviennent, en moyenne et annuel-
lement, à chaque individu), nous aurons
ii-i-a'm'-\-etc.-\-l
Sans doute, à mesure que les prix m, m', etc.,
des marchandises diminuent, c'est en général l'in-
dice que les quantités de ces marchandises, dont
chacun peut user, sont de plus en plus fortes,
et que r, r', etc., augmentent ainsi que la
richesse d'umge. Mais cet indice n'est pas infail-
lible, r, /, etc., et avec eux la richesse d'usage
peut fort bien diminuer, lorsque ni, m', etc. (les
prix) s'avilissent.
Pour le démontrer, supposons qu'une nation,
principalement agricole, engagée dans les voies
du système protecteur, puisse vendre le froment
à raison de 15 fr. l'hectolitre, et le fer à raison
de 0,60 cent, le kilogramme. Si le libre échange
vient à se substituer à cesystème, et faire baisser
le fera 0,50 cent, le kilogramme, et le grain à
10 fr. l'hectolitre, cette nation, qui dans le pre-
mier cas se procurait 25 kilogrammes de fer avec
Digitizedt, Google
130 CAHACTËRËS DE LA RICUKSSB ÉVALUÉE
un hectolitre du froment qu'elle produit spécia-
lement, ne pourra plus, en étant soumise au ré-
gime du free irade, échanger un hectolitre de fro-
ment que contre vingt kilogrammes de fer'. D'où
il résulte que sa richesse d'usage diminuera arec
l'avilissement des prix, puisque le froment bais-
sant de prix, il n'en sera pas produit une plus
grande quantité.
Certes, le fait que nous venons de citer n'est
pas commun, mais encore il s'oppose à ce qu'on
puisse dire d'une manière absolue que la richesse
d'usage d'un peuple s'augmente, lorsque les prix
de toutes les marchandises s'abaissent. Du reste,
la forme de l'équation ci-dessus le prouve, car
dans des limites assez étendues, cette équation est
indépendante de la valeur des facteurs (prix)
m, «(', etc.'. '
Nous ajouterons qu'aux moments de crise occa-
sionnée, soit par des encombrements de marchan-
dises, soit par des révolutions, les prix diminuent,
' Celte circonstance peut très-bien se produire, lorsqu'une na-
tion doil envoyer son grain au loin, afin de lui trourer un débou-
ché, tandis qu'on lui vend des articles ayant une valeur numéraire
bien supérieure à ce grain, relativement au poids et à l'encombre-
ment.
* Celle obsei'valion présente une nouvelle différence entre la
ridtesse d'usage et la richesse évaluée; car la première richesse
pcul Être indépendante dp la hausse ou de la baisse des prin, tan-
dis que la seconde en dépend essentiellement. On voit au surplus,
Digitizedty Google
ET DE LA richesse: D'USAGE. '1Ï1
et que cependant la richesse d'usage est bien loin
rl'avoinnie tendance à s'accroître. — N'avons-nous
pas vu, en i 848, le prix de toutes choses s'avilir,
et néanmoins la richesse d'vsage être moindre que
dans les dix années précédentes, où ces mêmes
choses se maîiitenaientà un taux plus élevé?
11 est à noter que la richesse d'usage d'un peuple
s'augmente toujours, lorsque le prix des articles
importés qui lui sont essentiels et qu'il ne peut
fabriquer que très-chèrement, diminue. Mais, si
ces articles sont susceptibles d'être confectionnés
parles regnicoles, même à un taux un peu supé-
rieur à celui de l'étranger, pourvu que de leur
fabrication résulte un débouché considérable,
n'exigeant que peu de frais de transports pour les
autres marchandises indigènes, il est très-possible
que, malgré cette supériorité de prix, la rirhesse
d'usage de ce peuple devienne plus grande.
La remarque que nous venons de faire est des
plus importantes, et nous y reviendrons bien des
fois. — Les partisans du libre échange s'imaginent
que la richesse d'un peuple s'accroît toujours,
lorsque ce même peuple peut acquérir les mar-
chandises d'importation avec moins de numé-
raire que celles qu'il fabrique lui-même. Ce meil-
parlaformede l'équation, que l'on ne peuljugrr de la richesse da-
sage des nations par Ip bas prix des marchandises (comme le pré-
tendait J. B. Say).
DigitizeclLy Google
1^3 CARACTÈRES DE LA ItlCUESSE ÉVALUËE
leur marché bien des fois n'est qu'une illusion.
11 s'agit uniquement de savoir, quant à la richesse
d'usage, si avec les denrées qu'un pays produit na-
turellement, en abondance, et sans grands efforts,
soit grains, soit vins, soît chanvres, etc., il peut
se procurer, par l'échange direct ou indirect de
ces denrées, une plus forte quantité d'articles im-
portés, qu'il ne le pourrait en fabriquant ces
articles, sous le régime de la protection; ce qui
diffère singulièrement de l'acquisition (Je ces
mêmes articles au meilleur marché monétaire.
L'assertion de J. B. Say étant reconnue inexacte
quand on l'applique soit à la richesse évaluée, soit
à la richesse d'usage, voici des vériiés que l'on
ne peut contester.
i" Dans un pays, la baisse du prix des objets
de consommation résultant en général de ce que
ces objets deviennent de plus en plus abondants,
cette baisse est une annonce, un indice que la ri-
chesse d'usage s'augmente ; toutefois cet indice est
~'loin d'être infaillible.
2° On ne peut juger même approximativement
de larichesse d'usagede divers peuples parle prix
des marchandises qu'ils consomment.
5° La richesse évaluée d'un pays estd'autanl plus
grande que les prix des subsistances y sont nor-
malement plus élevés, et que les objets manufac-
turés s'y vendent à un prix moindre.
D.gitizeclty Google
ET DE LA RICHESSE D'tlSAGK.
La puissance d'une nation peut èlre mnurée, jusqu'à un perlain
puinl, par sa richesse évaluée.
L'expression de la richette émluée dans sa forme
{générale
PR=rfM7n([— N)H-MiiH-A— C
est l'évaluation en numéraire de toutes les mar-
chandises que possède un peuple, déduction faite
de ce que réclame sa consomniation pendant
l'année.
Cette expression ne représente pas exactement
a somme en espèces dont il peut disposer à un
moment 'donné; car, si toutes les marchandises
qui lui appartiennent étaient mises en vente à la
fois, elles subiraient une très-forte dépréciation.
Mais l'expression de PR est proportionnelle,
chez tous les peuples, à la quantité de numéraire
qu'ils peuvent réaliser, en écoulant leurs mar-
chandises dans un même temps. Elle est donc
proportionnelle au numéraire disponible, et par
conséquent elle peut en servir de mesure.
DigitizeclLy Google
1S4 CARACTÈRES DE U RICHESSE ÉVAL[IËE
Or n'avonsnous pas vu, dans le chapitre pré-
cédent, que la force et l'inflnence d'une popu-
lation, à notre époque, étaient en général d'au-
tant plus notables que cette population cuvait
réaliser plus de numéraire?
La valeur de l'K est donc aussi la mesure de
cette force, de cette influence.
Quelques auteurs pensent que les moyens d'ac-
tion d'un peuple peuvent être déterminés par
la valeur de son produit brut. 1. B. Say, qui pa-
rait partager cette opinion, est allé même jusqu'à
dire qu'il était indifférent pour une nation que
son capital terre eût ou n'eût pas une grande
valeur monétaire. D'autres publicistes ont avancé
que les moyens d'action d'un peuple sont propor-
tionnels à son produit nel.
Toutes ces appréciations, d'après ce qui vient
d'être démontré, manquent donc d'exactitude;
mais, afln de ne laisser aucun doute à cet égard,
nous présenterons encore quelques observations.
Voici un tableau relevé sur les statistiques les
plus récentes \ dans lequel on a mis en regard,
pour divers pays agricoles et manufacturiers,
la valeur du produit brut, l'impôt, et le rapport
entre l'impôt et la valeur du produit bnil.
< Les nombres qui Hgurent dans ce tableau sonL estrails de la sta-
tistique de la Russie par Tt^oborsky, des Charges de l'Agriculture
par Maurice Block, de TAnnuaire de Guillaumin, elc.
DigitizeciLy Google
ET DB LA RICBESSE D'USAGE.
i ïjtLBnit ba FHODtItT BBUT,
L'wrAT II LA TÀLEDR DO PHODUII MOT
La Russie 9.000,000,000' MOO.OOO.OOO'
La Prusse 4,000,000,000' 400,000,000'
Les États-Unis . . . . 6.000,090,000' 450,00<»,000'
L'Espagne 4.300,000.000' 444,000,000'
LaSaie 2,012,000,000' Si.000,000'
Le Danemark 400,000,000' 48.600,000'
La Suède et la Norvège . 347,000,000' 57,000.000'
L'Autriche 5,800,000,000' 500,000,000'
L'Angleterre 16,000,000,000' 3,200,000,000'
La France 12.000,000,000' 2,000.000,000'
La Belgique 1,000,000,000' 141,000,000'
D'après ce tableau les nations agricoles payent
en impôts environ le dixième de la valeur de
leur produit brut, tandis que le rapport entre
l'impôt et le prix du produit brut, chez les nations
manufacturières, est à peu près de un sixième
à un septième. Ce résultat serait une véritable
anomalie, si les ressources d'une nation, qui en
général se témoignent par l'impôt, étaient pro-
DigitizeclLy Google
I3C CARACTÈRES DE LA RICHESSE ÉVALUÉE
porlionnellcs à la valeur du produit brut; mais,
si c'est en majeure partie d'après l'expression de
la rif^eate évaluée que se règle l'impôt', cette
anomalie disparaît complétemeat.
En elîet, les capitaux ne sont-ils pas beaucoup
moins abondants, relativement au prix du produit
brut, dans les pays agricoles que dans les pays
manufacturiers'?
Si cela est vrai, ces derniers pays, tout natu-
rellement, peuvent être frappés, relativement à
leur produit brut, de taxes plus élevées.
Les rapports entre l'impôt et la valeur du pro-
duit brut indiqués par le tableau deviennent
ainsi, à égalité de population, un indice de la
force des peuples.
' La ricketu évaluée est assez bien la mesure des emprunts que
peuvenl faire les naUons, mais les impdts qu'elles sont suscepti-
bles de payer ne sont proportionnels à cette rùAetse évaluée qu'au-
tant que toutes choses sont égales d'ailleurs.
1° Les intèrtls des capitaux doivent être ii peu prés les mêmes.
Car une nation où les capitaui rapportent sii pour cent, à ^alité de
nchesie évaluée, sera susceptible d'être frappée de plus d'impôts
qu'une autre où les capitaux ne rapporteront que trois pour cent.
3* Les biens doivent se trouver dans des conditions anah^es. En
effet, s'il arrivait qu'une partie du territoire fût possédée par une
nation comme propriété commune, cette nation pourrait alors payer
plus d'impAta qu'une autre, à parité de rickette évaluée, etc.
• La Russie donne naissance chaque aimée à neuf milliards de
produits bruts, l'Angleterre à seize milliards. Est-ce que l'An-
{{leterre ne possède pas im capital plus que double de celui dé la
Russie?
Digitizeclby Google
ET DE LA RICHESSE D'USAGE. 1S7
Cependant en Russie et aux États-Unis, pays
agricoles, ces mêmes rapports s'écartent très-sen-
siblement du chifTre habituel que nous avons si-
gnalé; car chez la première de ces puissances, ce
rapport est de un huitième, et il est de un trei-
zième pour la seconde.
I/explication de cette divergence est très-faeile.
En Russie, d'après Tegoborski, sur les 40 mil-
lions de paysans serfs qui s'y trouvent, 20 millions
travaillent pour la couronne. Par conséquent tous
les produits nets qui résullentde leurs travaux
vont au fisc à titre d'impôts. Le rendement de
l'impôt, en Russie, est donc susceptible d'atteindre
un chiffre plus élevé que dans les autres pays,
où la majeure partie des propriétés appartient
aux particuliers.
Quant aux États-Unis, les nombres fournis par
les statistiques ne donnent que le montant des
impôts qui s'appliquent aux frais généraux. Dans
ce pays où chaque localité est livrée à son ini-
tiative pour se régir elle-même, on paye environ
150 millions, en surplus des impôts indiqués par
le tableau, pour les administrations spéciales à
chaque district. Cette somme, en s'ajoutant aux
450 millions portés ci-dessus, élève l'impôt à en-
viron 600 millions. Et ainsi il équivaut au dixième
de la valeur du produit brut.
Il est à regretter que, faute de relevés statis-
DigitizeclLy Google
138 CARACTËRES DE LA BICHESSE ËVALUËË
tiques, il soit impossible d'établir, d'après l'expé-
rience, que les ressources de chaque pays ne sont
pas proportionnelles à la valeur du produit net.
Nous dirons cependant que ces ressources, dans
leur proportionnalité, se rapprochent plus de la
valeur du produit net que de celle du produit
brut. Carie terme dUm (I — N) de la richesse éva-
luée, se rapportant au produit net, a bien plus
d'action sur la valeur totale de cette richesse éva-
luée que tous les autres termes dont son expression
algébrique se compose.
Objectera-t-on que l'impôt résulte d'un cer-
tain sacrifice fait par chacun sur ses dépenses
personnelles (sacrifice qui se montera, par
exemple, au dixième de la consommation ordi-
naire), et que, la valeur du produit brut fixant le
prix des consomma lions annuelles dont une nation
peut user sans décliner, plus ce produit sera
élevé, plus l'impôt devra s'accroître. D'où cette
conséquence : la valeur du produit brut est l'ex-
pression exacte des ressources d'une nation, puis-
qu'il est en rapport avec l'impôt.
Cette allégation ne peut se soutenir. D'abord
la position financière d'un Ëtat est représentée
avec bien plus d'exactitude par la faculté plus
ou moins grande qu'il a de contracter des em-
prunts, que par l'impôt qui est payé annuelle-
ment. Ensuite, pour compléter notre réfutation
Digitizedt, Google
ET m LA RICHESSE D'USAGB. 139
nous dirons que le produit brut se fractionne en
deui parties, l'une composant le produit net, et
l'autre représentant l'acquisition de la matière
première et les frais de main-d'œuvre nécessaires
pour confectionner ce produit brut. Or la pre-
mière partie est la seule qui soit constamment
imposable; car, si vous faites peser des taxes sur
la seconde, elles accroîtront ou le prix de la ma-
tière première, ou celui de la main-d'œuvre, et
généralement alors elles diminueront la valeur du
produit net. C'est donc sur le produit net que l'im-
pôt sera prélevé. Et, si cet effet ne se fait pas
sentir immédiatement, il ne tardera guère à se
manifester.
Nous ferons observer encore, que si l'on impose
directement la main-d'œuvre et que son prix reste
accidentellement stationnaire, les classes ouvrières
ne pourront, dans leur état de souffrance, fabri-
quer la même quantité de marchandises qu'au-
paravant'.
Ainsi le plus souvent, dans celte dernière cir-
ctHistance, le produit brut diminueraf«t on fera
décroître la quantité des marchandises sur la
valeur desquelles l'impôt serait frappé.
Il est incontestable, cependant, qu'en taxant le
salaire des ouvriers, cette mesure pourra momen-
■ Tous Us industriels s.aveRt que, pour donner une grande exten-
siim à la produciion, il but élever les salaires.
DigitizeclLy Google
150 CARACTÈRES DE LA RICHESSE ÉVALUÉE
lanément accroître l'impâl; mais la durée de cet
accroissement est trop éphémère pour qu'on puisse
en tenir compte dans l'état normal d'une société.
Certes, plus le prix du produit brut s'élèvera, si
le rapport entre les frais d'exploitation et la va-
leur du produit brut resté le même, plus l'impôt
pourra être considérable. Mais si les prix buc<
cessifs du produit brut haussent en progression
arithmétique, tandis que les frais, d'exploitation
s'augmentent en proportion géoraélrique, les res-
sources financières d'une nation diminueront.
Nous ferons valoir cependant une considératiori
qui montre que, dans certains cas, la valeur du
produit brut n'est pas toujours indifférente pour
témoigner des facultés pécuniaires d'une nation.
Supposons qu'un pays, au lieu de consommer
son produit brut tout entier, effectue chaque
année sur ce produit brut de fortes réserves;
il est certain que ces réserves seront éminem-
ment susceptibles de taxes, et pourront accroî-
tre les contributions publiques. Mais la formule
de la richeue évaluée au moyen des deux ter-
mes Mm — C, l'un désignant le prix du pro-
duit brut annuel, l'autre le prix de la consom-
mation pendant le même temps, tient parfaite-
ment compte de celte action , que peut alors
exercer le fisc sur les contribuables.
Si la puissance d'une nation ou autrement les
Digitizeaty Google
ET DE LA RICHESSE D'USAGE. 131
emprunts qu'elle peut contracter, et en partie
aussi les impôts qu'elle est en état de payer, s'ac-
croissent avec sa richeue évaluée et sont mesurés
par l'expression de cette richesse ; ces impôts, ces
emprunts, sont bien loin d'être liés khricheue
d'uiage de manière à suivre toujours le mouve?
ment de cette dernière richesse, soit, qu'elle s'é?
lève, soit qu'elle s'abaisse.
L'examen des relations qui existent entre la
richesse tPuioge d'une nation et les impôts dont
cette nation peut être frappée va nous conduire
à des résultats très'importants.
Considérons d'abord une nation frindptdemeRl
agricole.
La richeue d'usage
|. Mm + M V H- etc.
P {amH-a'm'-+-etc.-j-0
s'accroissant avec la diminution des prix des
marchandises ; et la richesse étmtuée
PR=dMm(I— N}-hd'M'm'(I— N')H-etc.
H-MmH~-M'm'H-etc.-hA — C
décroissant, au contraire, comme ces mêmes prix ',
' RappeloDMious que, si M correspond mu subsiglanees, dans la
richesse ivuluée, plus les prii diminueront, plus (iMm (I— Tf) sV
moindrira. Il «il vrai que, H' correspondant aux mardiandises nu-
Digitizeclby Google
L33 GARACTÈRBS DS U ROBSSB ÉVALUÉE
les sacrifices que pourra faire une nation agricole
en impôts' seront d'autant moins considérables
que la rkhate tTusage sera plus grande. Donc,
l'accroissement de la rickene damage d'une nation
purement agricole est contraire à l'extension de
sa puissance.
S'il s'agit d'un peuple manufacturier, peuple
qui consomme beaucoup plus que les subsis-
tances fournies par son territoire, la richesse
d'usage, qui lui est propre, s'accroîtra lorsque les
prix de toutes les marchandises viendront à bais-
ser. Mais sar ric/ieue évaluée oa sa puissance, dans
le cas où P le nombre des habitants n'aurait pas
varié , au lieu de diminuer, prendra alors une
marche ascendante.
En effet m, prix des subsistances, ne peut dé-
croître que très-peu, puisqu'il est réglé par le cours
des marchés extérieurs. Le terme iHm (1 — N)
dans l'équation de la richesse évaluée,
l>R=rfMw{I— N)+rf'M'm'(l— N')-|-etc.-HMm'
-hM'(n'H-etc. -h A — C
nufacturée.4, plus le prix de ces march^idises s'avilira, plus aussi le
produit d%'m' (I— N') deviendra grand. Mais nous avons supposé
<iu'il s'agissait d'une nation essentielkment agricole, en sorte que
nous pouvons négliger ce dernier terme.
' Nous supposons que les impAts que peut subir une nation
s'.accroissent et décroissent avec sa richeae éoalvée : ee qui n'est
pas contestable.
DigitizeclLy Google
ET DE LA richesse: D'USAGE. 153
ne subira donc que peu de variations; tandis que,
le prix m' des marchandises manufacturées s'a-
baissanl, le terme d'Ul'in' (I — N') grandira à me-
sure que les prix diminueront, l-a ricAesie évaluée
s'accroîtra donc avec la richeste d'uta^e, bien en-
tendu si la population reste constante.
Comme la richesse évaluée diminuerait avec la rt-
rhesse d'usage, si celle-ci venait à décroître; nous
l>ouvoos conclure de ces divers raisonnemenlsque
les pays industriels, en accroissant leur richene
d'usage dans le cas où la population est station-
naire, augmentent leur force, leur influence poli-
tique, et qu'au contraire les pays agricoles, en
accroissant leur richesse d^usage, perdent de cette
niême force, de cette même influence.
Digitizeaty Google
, Google
CHiPITRK IV
DE L'ÉCHANGE
Généralilés sur l'échange.
Par leurs importants travaux, nos économistes
les plus émineats ont élevé, depuis un siècle, un
monument plein de grandeur, qui mérite l'admi-
ration publique. Toutefois certaines parties en
sont mal conçues et ne se lient pas avec l'en-
semble.
Sans doute, vu sous certains aspects, ce monu-
ment parait complet, et fait un honneur extrême
à ceui qui l'ont édifié; mais examiné sous d'autres
faces, ses défectuosités deviennent évidenles, et
J. B. Say, l'un des plus illustres parmi ceux qui en
Digitizeclby Google
136 DE LtCnANGB.
ont dirigé la construction, l'a reconnu plusieurs
fois.
Nous avons déjà entrepris de reconstituer à nou-
veau ces portions défectueuses qui nous parais-
saient indignes de la totalité.
Notre tâche n'est point finie.
Parmi les matières qu'embrasse l'économie po-
litique, l'échange est une de celles qui ont été le
moins approfondies.
Cependant, suivant Bastiat, « l'échange, c'est
« l'économie politique; c'est la société tout en-
« tière : car il est impossible, dit-il, de concevoir
« la société sans l'échange, et l'échange sans la
« société. »
En s'exprimant ainsi, avec sa faconde méridio-
nale, Bastiat est- tombé dans l'exagération '. Évi-
demment, l'échange n'est pas touteT économie po-
litique, encore moins toute la société. Mais il est
bien réellement un des principaux objets que la
science ait à étudier, l'une de ses bases, ou pour
*. On lit dans YÉconomie politique de J. B. Say le passagi^ siû-
• On a cru faussement que les échanges étaient le fondement
« essentiel de la production des richesses. Ils n'y figurent qu'acces-
t soirement; tellement que, si cliaque famille (comme on en a des
<r exemples dans quelques établissements de l'Ouest, aux États-
• Unis) produisait la tolalitû des objets de sa coasommation, la so-
a ciété pourrait marcher ainsi, quoiqu'il ne s'y lit aucune espèce
« d'échanges, n
Digitizeclby Google
DE LtCHAKGE. (5T
mieux dire, l'un des principaux rouages du méca-
nisme social.
Aussi désirons-nous fixer particulièrement l'at-
tention du lecteur sur l'échange; car cet te partie
essentielle de l'économique nous paraît appelée à
un remaniement radical, attendu qu'elle n'a été
traitée jusqu'ici que d'après des principes erronés
et des données trop souvent inexactes.
Les publicistes tes plus accrédités soutiennent
que, pour accroître la richesse des peuples et la
hien répartir, il faut laisser toute liberté au tra-
vail, et charger la concurrence seule de régler les
prix dans les transactions.
« Produisez, disent-ils, produisez sans cesse, et
« TOUS serez riches, parce que l'échange tous don-
« nera tout ce que vous désirerez. »
D'après eux, les résultats de l'échange librement
effectué sont toujours également favorables aux
deux partiescontractantes. Voici comment J.B.Say,
le profond économiste auquel on doit la décou-
verte de ce principe irréfutable que : les produits
s'échangent contre les proditils, mais qui n'en a pas
toujours déduit des conclusions très-rigoureuses,
expose ses idées sur cette matière :
M Deux valeurs égales se valent l'une l'autre,
« quoiqu'elles proviennent de deux industries dif-
« férentes. Et quand la Pologne échange sa prin-
« cipale production, qui est du blé, contre la prin-
DigitizeclLy Google
138 DE LtCHANtiE.
■(( cipale production de la Hollande, qui se com-
« pose des marchandises des deux Indes, ce n'est
« pas plus la Pologne qui salarie la Hollande, que
u ce n'est la Hollande qui salarie la Pologne. »
Si ce raisonnement était fondé, si ces deux pays
ont toujours échangé valeur égale pour valeur
égale, pourquoi la Pologne reste-t-elle constam-
ment pauvre, tandis que la Hollande s'enrichit
chaque jour?
Ce phénomène' économique est donc rebelle au
système du célèbre auteur; système contre lequel
nous venons protester.
En nous appuyant sur les distinctions que nous
avons faites entre la richeue éoaluée et la richeste
ffatage, et sur quelques autres considérations nou-
velles, nous espérons démontrer, contrairement à
l'opinion ci-dessus relatée, que la liberté, loin de
favoriser également deux nations contractant un
échange, quelquefois par une action analogue à
celle du monopole, maltraite Tune, et en même
temps avantage l'autre.
< Gondillac avait prévu une partie de la vèrilé, en disant que < si
•I Ton échangeait toujours valeur véritablement ^le pour valeur
• véritabiement égale, il n'y aurait point de gain à faire pour les
• contradants. ■
Cependant il s'égare lorsqu'il prétend ■ que toutes les marchan-
' dises valent moins pour-cdui qui les vend que pour celui qui les
'" achètCf et qu'elles augmentent de valeur par cela seul qu'elles
' passent d'une mnin dans une anire. ■ (Voyez annexe, n* 3 }
DigitizeclLy Google
DE LtCUANGE. tâ9
Assurément, deui personnes qui ont trafiqué
ensemble, lorsque la fraude n'a pas présidé à
la transaction, ont presque toujours fait une opé-
ration utile à chacune d'elles. Les gains seront
difTérents, leur nature se diTersifiera : Tundes
contractants se nantira par exemple de i ,000 fr.,
tandis que l'autre n'aura acquis, par l'échange,
que la subsistance d'un jour, peut-être même
que la satisfaction d'un moment. Néanmoins, les
deux parties, agissant avec loyauté, ont dû géné-
ralement' trouver du profit dans cet acte, autre-
ment l'échange n'aurait pas eu lieu. Ou bien il
faudrait supposer que l'un des contractants ne fait
pas usage de son intelligence, et, dans le cours de
nos déductions, nousconsidéronstoujoursl'homme
comme un être raisonnable.
Bien qu'un marché soit en général avantageux
aux deux individus qui l'ont passé, il peut arriTcr
cependant, que le rapport entre leurs nchessei éva-
luée$ se soit modifié précisément à cause de ce
marché. S'ils appartiennent au même pays, comme
aucune richesse n'en est soustraite en raison de
' tioas disons généraUmetit; car il n'en est pas toujours absolu-
ment ainsi.
Pline et Valére Maxime rapportent que. pendant le si^e df
CasilinumparAnnibal, la disette deK subàstances détint si grande,
qu'un rat se vendit deux cents deniers. Le vendeur, jgoutent-ils,
lit le marché le moins avantageux ; car il mourut de faim, tandij;
que le rat fut pour racquéreur un moyen de sauver sa^ïie.
DigitizeciLy Google
140 BE L'ÉCHANGE.
cet acte, attendu que ce que perd l'un, s'il y a eu
perte, l'autre le gagne, aucun motif plausible, dans
cet état de choBes où des satisractions ont été ac-
quises par le^ deux contractants, ne s'oppose à la
réalisation d'un échange quel qu'il soit.
Il en est autrement lorsque ces individus font
partie de deux nations; du troc qu'ils font, il peut
découler de funestes conséquences.
£n efTet, supposons qu'un échange librement
stipulé fasse gagner cent mille francs à l'un et
mille francs à l'autre. Quelles que soient les dou-
ceurs de toutes natures qu'aient recueillies de cet
échange les deux contractants, n'est-il pas vrai
que le rapport entre les rirheneê évalttéei des pays
auxquels ils appartiennent a varié, et que, si
l'on continue longtemps des transactions pareilles,
elles peuvent aboutir à compromettre l'indépen-
dance du pays dont les bénéfices, évalués en es-
pèces, sont les moins considérables?
La plupart des économistes n'ont observé ni ces
inégalités dans les profits pécuniaires qui procé- ■
daient de l'échange fait suivant les prix courants,
ni l'influence que ces inégalités exerçaient sur la
richesse relative des peuples.
L'étude des inégalités dans les résultats de l'é-
change nous révélera le mystère des sources de
l'opulence decertains peuples, et nous fera com-
prendre comment ils ont pu accaparer, sans
Digitizeclby Google
DE L ÉGUANGE. Ul
apparence spoliatrice, les richesses de la création.
Les résultats de l'échange peuvent encore s'ap-
précier d'une autre manière qu'en espèces; ainsi,
en considérant le nombre des journées de travail
qui ont été employées, dans chacune des nations
contractantes, ix fabriquer l'objet échangé, lorsque
l'on a égalisé les autres frais de fabrication.
En euivant cette nouvelle voie, nous montre-
rons que certains peuples, qui troquent deux ob-
jets de prix égal, ou de valeur égalisée par un
accord commun, permutent quelquefois, les au-
tres frais de fabrication étant les mêmes, une se-
maine, un mois et plus d'un travail assidu, con-
tre une seule journée occupée à un travail peut-
être moins fatigant, dans un pays plus favorisé.
Cet autre mode d'apprécier les échanges nous
sera très-utile, quand il s'agira de juger du chan-
gement qu'ils font subir aux richeises évaluées de
chacune des parties qui traitent ensemble.
D'après les doctrines usuellement enseignées,
pour arrivera la fortune il faut produire au meil-
leur marché possible, en s'aidant de l'épargne et
des forces naturelles.
Les études auxquelles nous nous sommes livré
nous permettent d'assurer, d'une manière positive,
que l'extrême opulence est due bien plus souvent
à une saine appréciation des phénomènes écono-
miques, qui fait diriger les facultés de l'homme
Digitizedty Google
119 OK L'ÉCHANGE.
vers la confection de certains produits, plus favo-
rables que d'autres h la multiplication de la ri-
Et pourquoi? Parce que ces produits donnent
lieu aux échanges les plus lucratifs.
Connalt-on, en Europe, beaucoup de particu-
liers qui aient dû une grande fortune aux travaux
agricoles'? A-t-il existé, ou existe-t-il, dans la
même partie du monde, des nations qui aient
Jenu, ou tiennent de ces travaux seuls une grande
rirkene évaluée? On serait embarrassé pour les
trouver.
Les exemples, au contraire, se présenteraient
en foule, s'il fallait dire quels sont les individus
ou les peuples parvenus à un haut degré d'opu-
lence, uniquement avec le commerce ou l'in-
dustrie.
Si encore on pouvait taxer les travailleurs
agricoles de paresseux, de dissipateurs; mais
tout le monde connaît leur ténacité au travail,
l'ordre et la sobriété dont ils font preuve jour-
nellement.
' On a remarqué, dit Sinclair, qu'il est rare qu'un fennier s'en-
l'icbisse.
D'après Smith, un jeune boimne qui, au lieu de s'adonner au
commerce ou à l'industrie, emploierait deux ou trois mille lifres
sterling h acheter et faire valoir une propriété territoriale, pour- -
raàt espérer de mener une vie lieoreuse et indépendante, mais de-
vrait dire adieu pour jamais à toute espérance de grande fortune.
Digitizeclby Google
DE L'ÉCHANGE. i«
C'est que la production et l'échange dés céréales
et de la viande procurent bien moins de béné-.
Ttces que l'industrie manufacturière ou voiturière.
C'est que l'industriel ou le commerçant échangent
souvent, toutes choses égales d'ailleufs, une jour-
née de leur travail contre plusieurs journées du
labeur de l'homme des champs.
Voyez les Israélites domiciliés à Paris, presque
tous adonnés au négoce; leur fortuné inoyenne
est environ dïi fois plus considérable que la
moyenne des fortunes de tous les Français
qui, pour la plupart, ne s'occupent que d'agri-
culture.
Si l'échange peut ainsi se faire, que l'oii troque
une marchandise qui a exigé une journée de tra-
vail contre un objet ayant nécessité pour sa con-
fection un temps dix fois plus long, en tenant
compte des autres frais de fabrication, il s'ensuit
que certains individus, et ce sont les agriculteurs,
comme nous le verrons plus tard, gagnent im;
tandis que les industriels et les commerçants ga-
gnent dix. Et lorsqu'on vient à dresser le bilan
général de la rieke$se évaluée des nations, on trouve
que les pays commerçants et industriels ont dix
fois plus de richesses que ceux dont lés popula-
tions se consacrent prioci paiement à la culture
de la terre.
11 ne s'agit donc pas seulement de redoubler
DigitizeclLy Google
Ul DE L'ÊCUANGE.
d'efforts, de compter sur l'épargne, pour bâtir
l'édifice de sa fortune, il faut encore méditer l'é-
change, approfondir les théories qui le concer-
nent, et , quand on le pratique, chercher à s'appro-
prier ce qu'il offre de plus avantageux.
Une difficulté que nous allons signaler a peut-
être été cause que jusqu'ici les économistes n'ont
pu reconnaître ce que l'échange offre parfois
d'inconvénients à l'un des contractants.
Voici cette difficulté : Lorsqu'une marchandise
vient à être vendue, ce n'est le plus souvent
qu'après une longue étude que l'on peut distîn-.
guer, dans le numéraire donné en retour, et la
part qui solde l'intérêt du capital', et celle qui
doit être attribuée aux journées de travail. Si
même cette distinction peut être faite dans quel-
ques cas particuliers, en général, elle -est im-
possible.
En effet, s'agit-il de céréales, il ressort de l'é-
tude des faits que, si, dans un pays, elles s(mt ha-
bituellement à un taux minime, le capital terre
est toujours à bas prix, la main-d'œuvre pouvant
être chère, comme aux États-Unis, ou faiblement
rétribuée comme en Russie.
La vente des céréales se fait-elle ordinairement
à un prix élevé, on peut être certain que le capï-
* Le capital comprend ici non-seulement l'êpai^e, mais encore
le» matrices servant à la production; la terre par exemple.
u,„t,zecity Google
DE L'ÉCHAflGB. Ui>
Ul terre et la main-d'œuvre ont une râleur en
rapport avec celle de ces denrées '.
Ainsi la cherté habituelle des céréales annonce
toujours le haut prix du capital et de la main-
d'œuvre ; tandis que du bas prix des grains on
pent conclure seulement que la valeur du terri-
toire sur lequel ils se récoltent' est minime.
Examinons les produits de l'industrie. Dans un
pays où leur achat est coûteux, le capital machine,
le capital numéraire, le capital intelligence, sont
habituellement rares, et par suite à un prix
élevé. Tantôt la main-d'œuvre peut y être à bon
marché, comme en Russie, et tantôt très-chère,
comme dans certaines parties de l'Amérique.
Si, au contraire, les articles industriels sont à
bas prix, c'est que les diverses espèces de capitaux
dont nous avons parlé ci-dessus sont à profusion
et au rabais, tandis que la main-d'œuvre est ré-
munérée largement.
Quant aux articles d'art et de goût, pour la
création desquels l'intelligence joue un grand
' rôle, le prix de la main-d'œuvre s'accroît avec
celui de la marchandise, et l'intérêt du capilal in-
telligence, qui est représenté par le prix de la
' Exemples ; la France, l'Angleterre, la Belgique.
* En Russie et aux Êtals-Unis le capiUl terre est à bon marché,
('ependant, dans le premier de ces pays, contrairement !i ce qui a
lieu dans le second, les salaires sont à bas prix.
DigitizeclLy Google
148 K L'ÉCHANGE.
main-d'œuvre, est d'autant plus élevé que ce ca-
pital est plus rare. Ne fait-on pas exécuter à
Paris, avec bien moins de dépenses qu'en pro-
Tïnce, des travaux d'art du même uni, parce que
le capital intelligence est plus abondant dans
cette grande cité que dans lesautres parties de la
France î
Le prix de la main-d'œuvre n'est donc pas lié
d'une manière uniforme au prix de la marchandise
et à celui du capital. Ces prix se suivent, se rap-
prochent, s'écartent, .et aucune formule simple ne
détermine les rapports qu'ils ont entre eux.
Une investigation plus complète des divers ob-
jets manufacturés, des marchandises produites
par la culture, de celles qu'on extrait, soit du sein
de la terre, soit du fond des eaux, ne ferait que
nous convaincre davantage de ce que nous venons
d'avancer.
Il est donc impossible de dire, d'après le prix
de la marchandise, qui dépend de l'offre et de la
demande, et qui, pour celte raison, est extrême-
ment variable, combien de journées celte mar-
chandise a exigées pour sa confection, même
quand on connaîtrait le taux de ces journées et
l'évaluation monétaire de la matière première
dans les pays de production. Et, lorsque des échan-
ges s'effectuent, il peut fort bien arriver que deux
marchandises du même prix aient nécessité, en
ttgitizeclLy Google
DE L'ÉCOANGE. 147
égalisant les autres frais de fabrication, l'une dix
journées de travail, et l'autre une seule journée,
sans qu'il soit possible de s'en apercevoir, et par
suite de juger quel est celui des contractants qui
bénéficie le plus.
DigitizeclLy Google
Lorsque deux peuples contractent librement un échai^e, le rapport
entre leurs ricltesses évaluéespeal être modifié par cet échange.
Pour apprécier exactement l'action exercée par
l'échange sur les richesseï évaluées de deux nations,
nous raisonnerons d'abord sur un exemple par-
ticulier.
Supposons deux sociétés dans un même pays :
l'une composée d'artistes, l'autre d'ouvriers agri-
coles simplement métayers et non-propriétaires.
Les premiers se livrent à l'exécution intelligente
en terre glaise {matière sans valeur monétaire)
de figurines n'exigeant qu'une journée de travail.
Leurs produits sont échangés, pièce à pièce, contre
un groupe de denrées agricoles livré par la se-
conde société. Nous ajouterons que ce groupe est
d'une valeur commerciale de 20 francs, et a né-
cessité vingt journées de travail.
Si l'on admet que toutes les journées destra-
vailleurs de ces deux sociétés soient employées à
la fabrication des objets échangés, le prix de
chaque journée des artistes ressortira à 20 francs;
Digitizeclby Google
DE LtCHANGE. 149
tandis que le salaire journalier de l 'agriculteur
ne s'élèvera qu'à 1 franc.
Voyons quel est l'effet de ces échanges suc-
cessifs sur les richesset évaluées de ces deux so-
ciétés.
Pour cela, reprenons l'équation de la richesse
évaluée.
FR=dMm(!— N)H-Mnn-A— C '
Si nous appelons J le prix de la journée des
agriculteurs, nous aurons
Mm=365,J.P
365 étant le nombre des journées de l'année.
En substituant cette- valeur de Mm dans l'équa-
tion, on aura
R=(/.565.J.(I— N)-h565.J.+p— p
Cette équation représente la richesse écaluée
moyenne de chaque agriculteur.
Four déterminer la richesse A)a/u^e des artistes,
nous prendrons les mêmes lettres, et, pour les
différencier des précédentes, nous y ajouterons le
signe ' en vedette ; toutefois d sera supposé le
même pour les deux sociétés.
' Voir le deuxième cliapilre.
Digitizeclby Google
150 DB L'ÉCHANGE.
On aura doDc
K=d. 565. J'. (! — N') + 365. i'-hf,—^
ou autrement, en remplaçant J' par 20 J qui lui
est égal,
R'=d.565.20.J.(I— N')H-565.20.J-}-p—^
Comme ces deui sociétés sont composées d'ou-
Triers, le rcTcnu net est le prix de la journée. Les
frais étant nuls, N=N'=:0
De plus, la matière première étant sans valeur
et le capital matériel étant nul, puisque les agri-
culteurs ne sont pas propriétaires, il ne reste à
considérer que le capital immatériel, la pro-
duction et la consommation.
Dans le cas où la production serait égale à la
consommation pour les artistes comme pour les
cultivateurs,
565.20.J=^et 565.J=p
Les deux équations prendraient alors ces deux
formes :
R=a.365.J-Hp
R'=d.365.20.J.+p
Il est donc manifeste que, dans cette hypothèse,
Digitizeaty Google
DS L'ËCIUNGB. 151
la riekeue évaluée de ta société artistique est envi-
ron vingt fois plus considérable que celle des agri-
culteurs', c'est-à-dire à peu près en raison inverse
du nombre des journées de travail appKquéesaux
objets échangés.
Si la consommation des individus dans cha-
cune des deux sociétés, au lieu de différer, était
la même, et égale à celle des agriculteurs, ce qui
est très-supposable, puisque tous habitent le même
pays, la ripkesse évaluée des artistes, dans son rap-
port avec celle des agriculteurs, d^asserait en-
core la proportion que nous venons d'indiquer.
Considérons maintenant deux sociétés dans un
même pays, composées l'une de fabricants de
tissus en coton et l'autre d'agriculteurs. Elles
comprennent chacune, et les propriétaires de
toute la partie matérielle servant à la production,
et les ouvriers qui se livrent au travail spécial à la
réunion dont ils font partie. Les produits sont
échangés entre ces deux sociétés de telle manière
qu'un groupe de denrées agricoles, d'une valeur
de 20 francs et ayant nécessité vingt journées
de travail, est donné pour dix mètres de tissus
* Suivant Garey, un ouvrier de l'Amérique du Nord gagne autant
en onze jours qu'un ouvrier anglais en sûze, un ouvrier français en
vingt-^uit, un ouvrier du Bengale en soixante-quinze, un ouvrier
chinois en quaranle-^eux jours. Ces divers nombres , substitués
dans les équations, détermineraient la richesse évaluée respective d e
chacun de ces ouvriei's. .
DigitizeclLy Google
151 DE l'A:hange.
qui n'ont exigé que l'emploi d'une seule journée.
En conservant aux lettres adoptées dans
l'exemple précédent les mêmes significations, la
riehene évaluée moyenne des agriculleurs sera dé-
terminée par l'équation
PR=d.365.J. P. (I— N)-h365. J. P+— C
et celle des industriels par
FR'=rf. 365. J'. P'. (1— N')+ 365. J'. Fh- A'— C'
Hm étant égal à 365. J. P
Et M' m' à 365. J'. P'
Or, en admettant que toutes les journées des
travailleurs des deux sociétés ont servi à la fabri-
cation des objets échangés, J=20. J' et l'équa-
tion de la richesse évaluée des industriels se pré-
sente sous cette forme :
FR'r^rf. 365. 20. J. P* {I— N) -+- 365. 20. J. P'
+A'— C
En divisant chacune des deux équations ci-
dessus respectivement par P et P', on aura
R = d.365.J.(l— N') H- 365.J-h-jP-^
R'=d. 365. 20.J.(l— N')H-365. 20. Jh-^-=^'
G'esl-à-dire que, si les frais de fabrication, y
DigitizeclLy Google
DE L'ÉCHANGE. 153
compris les malières premières, élaieiil égaux, et
si les consommations équivalaient aux produc-
tions, la moyenne de la richesse évaluée des indus-
triels serait environ vingt fois plus considérable
que celle des agriculteijrs.
Mais les frais de fabrication sont loin d'être les
mêmes. D'abord le salaire des industriels est ha-
bituellement plus élevé que celui des agricul-
teurs. Ensuite, on sait que si, pour les agricul-
teurs, N peut habituellement être considéré
comme étant égal à 1 2 (puisque le mot métayer '
indique, d'après son étymologie, que l'ouvrier
cultive à moitié fruits), dans l'industrie, N' rap-
port entre les frais et le produit brut, est en gé-
néral de neuf dixièmes, ce qui donne à 1 — Pi' la
valeur de un dixième.
Les expressions R et R' se modifient donc de la
sorte :
R=rf. 365. J. i-h565. J-h^^
R'= d. 565. J. 2 -h 565. J. 20 +^^^
En jetant les yeux sur ces deux équations, il de-
vient sensible que la richesse évaluée, moyenne des
industriels, est environ quatre fois plus grande
que celle des agriculteurs, et qu'elle primerait en-
< Hé(a)er vkuldumal laliii medietas, nioilii^.
DigitizeclLy Google
core bien davantage celte dernière' richesse, si,
au lieu de consommer leurs produits bruts, les in-
dustriels faisaient, chaque année, des réserves sur
ces mêmes produits pour accroître leurs capitauï.
On voit ainsi qu'en tenant compte des frais de
fabrication , les rkhessex évaluées de ces producteurs
échangistes ne sont plus dans le rapport inverse
du nombre des journées de travail passées aux
articles échangés; mais que ces richesses évaluées
présentent une différence, qui est à l'avantage des
producteurs ayant travaillé un temps moins long.
Nous devons en conclure que, par suite d'échan-
ges d'objets de prix égal, deux pays peuvent voir
bien souventleursncAeïJ((?)(A;a/«^cs prendre des va-
leurs diverses, lorsque ces objets n'ontpas réclamé,
pour leur confection , le même nombre de journées
et en même temps les mêmes frais de fabrication'.
Il ne peut donc plus être dit qu'en échangeant
des marchandises de pareille valeur monétaire,
deux nations retirent un avantage égal d'échan-
ges ainsi pratiqués; et c'était avec raison que
l'on avait mis un bandeau sur les yeux de
' Dans ces équations, nous avon.^ supposé d—d' {d,d' étant les coef-
lidents du crédit), parce qu'il s'agit du même pajs. Mais, si l'é-
change avait lieu entre deux nations dilTérentes, celle qui serait
manufacturière aurait encore plus d'avanlage, parce que (f serait
plus grand que d.
* Nous i^tiendrii)ns parfi-iis des résultais analt^ues. si nous oib-
sidérions raction de l'échange sur la richesse d'usage..
DigitizeclLy Google
DE L'ÉCHANGE. 155
Plulus, car on ignorait de quelle raaoière il dis-
tribuait ses faveurs.
Maintenant, lorsqu'une puissance voudra com-
mercer avec une autre, il faudra, en substituant
dans l'équation de la richesse évaluée, et les frais
de fabrication relatifs à la matière première et
le nombre des journées de travail employées aux
articles d'échange, examiner si ce commerce
présente une balance favorable.
Il estdoncmanifestequ'une nation qui consent
à des échanges basés seulement sur le cours du
marché peut accepter le rôle de victime. Cette
nation, on ne peut plus le contester, subit parfois
une véritable exaction, bien que, par ignorance,
elle s'y prête sans aucune difficulté.
Si dans le trafic entre la Hollande et la Pologne,
trafic dont nous avons parlé précédemment, cette
dernière puissance échangeait plusieurs journées
de travail contre une seule, toutes autres choses
égales d'ailleurs, rien ne serait plus facile que
d'expliquer comment la Hollande s'enrichissait
toujours, tandis que lîi Pologne s'appauvrissait
relativement de plus en plus.
Nous nous assurerons plus tard que cette hypo-
thèse n'a rien d'imaginaire.
Règle générale : dans le trafic libre des pays ma-
nufacturiers avec les pays agricoles, ces derniers
arrivent fatalement, pour le motif que nous ve-
DigitizeclLy Google
l.àS Uli L'ËGUAMCB.
nons de signaler, à déchoir du rang qui semblait
devoir leur appartenir.
Sans doute raccroissement de la richesse dans
les mains de tels ou tels particuliers ne peut
venir, la plupart du temps, que de l'échange fait
au taux courant.
Mais l'échange doit être préparé; il faut être
éclairé sur les inconvénients et les avantages qu'il
entraîne avec lui.
Nous le répétons; un peuple qui ignore les lois
de l'échange peut devenir, en traitant avec une
entière liberté et avec l'apparence de l'égalité la
plus parfaite, le tributaire de ceux qui seront plus
expérimentés que lui.
Si l'on se borne donc à produire et à attendre
de la concurrence seule le dédommagement des
peines que l'on aura prises, le novice, l'ignorant,
seront livrés à la merci des gens initiés à nos
calculs, ou qui seulement ont la prescience de ce
qui est.
Comme on n'échange généralement que ce que
l'on crée, combien ne devons-nous pas être con-
vaincus qu'un peuple ne doit jamais rester indif-
férent sur le genre de ses productions?
Si l'on pense que l'homme n'existe dans un
pays qu'à la condition de produire certaines mar-
chandises auxquelles le climat, le sol, se prêtent
merveilleusement, certes on a raison sous le rap-
Digitizeclby Google
DE L'ÊCBANCE. 167
port de la plus grande rkheue d'mage. Via'\s ce
laisser aller dans la production peut être fatal
à la richeue évaluée.
Pour contrarier l'ordre naturel, sans doute
des difScultés se présentent, mais nous verrons
qu'elles ne sont pas toujours invincibles.
Digitizeaty Google
8 5.
L'elTel des échanges internationaux sur les richesses évaluées des
peuples aurait pu être pressenti au moyen de l'action journalière
que les écliai^es d'individu a individu, dans une même nation,
exercent sur les fortunes respectives de ces mêmes individus.
Nous avons vu que, lorsque deux peuples con-
tractaient librement un échange, le rapport entre
leurs riche$se$ évaluéet pouvait être modifié par cel
échange. De nombreux exemples vont nous prou-
ver qu'un marché passé entre deux particuliers,
quoique avantageux pour chacun des échangistes,
est de même souvent entaché d'inégalité dans
ses conséquences par rapport à leurs richetset
évaluéet.
Ces exemples qui s'offrent constamment à nos
yeux auraient dû cependant faire comprendre que
si, en laissant la liberté seule présider aux trans-
actions particulières, certaines personnes peuvent
être atteintes dans leur richesse évaluée, malgré
la satisfaction qu'elles éprouvent de l'échange con-
tracté, il devait en être ainsi des nations, lors-
qu'elles trafiquent ensemble.
DigitizeclLy Google
DE L'ËCHAHGE. i5»
Ainsi TOUS avez rémunéré même avec largesse
un professeur qui vous a donné des leçons dont
vous avez su profiter; ne vous y trompez pas : ta
marchandise que vous avez livrée est palpable,
celle que vous avez reçue est, il est vrai , impondé-
rable; mais vous reconnaîtrez souvent, aux fruits
de cette dernière, que dans cet échange vous avez
obtenu un profit plus grand que celui qui a pris
la peine de vous instruire .
Dans les fonctions d'instituteur, on rend en gé-
néral plus de services aux autres qu'à soi-même.
Les fi-uits de la science ne sont pas Içs seules
marchandises dont l'échange est plus avantageux
à la personne qui les reçoit qu'à celle qui les
livre.
Parmi tous les objets matériels que fournissent
fagriculture, l'industrie, et que le commerce se
charge de distribuer, les marchandises éminem-
ment conservables, qui, eu égard au prix, sont
les plus légères, les moins encombrantes, et dont
la valeur est la plus constante, seront générale*
ment, après l'échange, plus lucratives pour leui-s
nouveaux propriétaires, que ne l'auraient été,
après ce même échange, celles qui ne jouissent
pas de ces qualités au même degré.
Un artiste en renom, dont la recette dans un
concert atteint 10,000 francs, n'échange-t-il pas
une journée de son travail peut-être contre cinq
DigitizeclLy Google
160 Iffi L'ËCUAKGE.
mille journées ordinaires, et sa rïeheae évaluée ne
présente-t-elle pas, par suite de cet échange, un
grand accroissement, par rapport à celle des per-
sonnes avec lesquelles il a contracté, bien qu'elles
puissent être toutes satisfaites de la marchandise
musicale qu'elles ont reçue?
Voyez quelle répartition inégale des richesses a
lieu dans une nation dite libre, à la suite des
échanges que chacun fait volontairement de la
journée de travail qui lui appartient I
En France, tel employé ne touche que 1,000 fr.
par an, tandis qu'il est alloué t50,000 francs au
ministre dirigeant. Le petit détaillant vit dans la
gène, tandis que le banquier et le riche indus-
triel compteront parfois leurs bénéûces annuels
par millions.
Ce serait une eireur de prétendre que la plus-
value d'honoraires accordée à certaines fonctions
provientuniquemcntdesdépenses primitives aux-
quelles sont obligés les titulaires pour leur in-
struction. Car, si nous estimons à iO,000 francs la
somme qu'il faut absolument débourser en sur-
plus pour devenir artiste, industriel, ou admi-
nistrateur, est-ce que les rémunérations parti-
culières qui reviennent chaque année aui per-
sonnes dont l'éducation a été perfectionnée à
l'aide de cette somme ne dépassent pas en
moyenne de 600 à 700 francs par an, ce qui est
Digitizeclby Google
m L'SCBANGE. m
alloué pour le même temps de travail à l'homme
qui ne fait guère usage que de sa force muscu-
laireîEt cependant 600à 700 francs représentent
l'annuité équivalente à la somme de 10,000 francs
indiquée ci-dessus.
Du reste, si ta rémunération des employés se
mesurait aux frais de leur éducation, divers fonc-
tioniiaires de l'Etat, qui subissent ordinairement
des épreuTes difGciles et multipliées, ne seraient-
ils pas plus rétribués qu'on ne l'est habituelle-
ment dans le commerce ou l'induslrieî
Quelle différence toutefois !
Hais les gouvernements se servent adroitement
et efiicacement de l'action puissante qu'exercent
sur certains hommes et les sentiments d'honneur
et l'estime de leurs concitoyens, pour réduire
les dépenses publiques, en restreignant la ri-
chesM évaluée des personnes qu'ils emploient.
Avec un peu de réflexion, on reconnaît aisé-
ment que les mieux rentes dans un État doivent
cet avantage ' soit à une habileté personnelle, soit
à celle des deux chefs naturels, le père et la mère
qui ont dirigé leur éducation.
Cest donc avec raison qu'au point de vue de la
richeue évaluée future, une famille fait de grands
sacrifices pour donner de l'instruction aux jeunes
■ Bien entendu que l'on Tait abslraclion des richesses qui noue
ari'iTent. ou par succession, ou par d'heureux hasards.
Digitizeclby Google
membres dont elle se compose, car cette même fa-
mille en sera dans la suite amplement indemnisée.
Cette disparité dans les fortunes, résultant du
mode habituellement employé pour répartir les
richesses d'une société, mode qui permet aux
hommes opulents' d'absorber pour eux ou pour
les leurs la plus grande partie de ces richesses au
détriment des pauvres, est probablement la source
des préjugés depuis si longtemps répandus, qui
empéchenl encore aujourd'hui les personnes de
haut rang de se livrer au commerce, surtout au
commerce de détail.
Il semblerait que l'opinion ait voulu, au moins
de ce côté, laisser quelques dédommagements aux
classes nécessiteuses de la population.
Presque de loul temps, il est vrai, les rois ont
fait en France des tentatives pour relever la no-
blesse de la dérogeance que le trafic en gros lui
faisait encourir; mais ils regardaient probable-
' Ils peuvent aisémenl fournir à leurs enfents.instituleurs, maîtres
de diverses espèces, livres, elc.
Toutefois, la fortune des parents ne décide pas toujours d'une
manière absolue de la carrière des enfants. Nous avons connu un«i
(énune veuve, mère de quatre fils, et possédant pour tout bien cin-
quante mille flancs. Au lieu de s'assurer à toujours une médiocie
existence, en vivanten province de ses revenus, elle a dépensé son
capital tout entier à donner une brillante éducation à sa famille. Et
aujourd'hui elle doit se féliciter de sa conduite; car ses quatre flis
occupent de superbes positions, et leurs Miccès résultent de son
dévouement, et de sa tendre et habile prévoîwice.
Digitizedty Google
DE L'ÉCHANGE. 16S
ment ce genre de trafic, comme exigeant des ca-
pitaux dont les hautes classes seules pouvaient
disposer.
Il résulte de cette exposition, qui n'a nullement
pour but de rechercher quel est le moyen le plus
convenable pour distribuer les richesses d'un
Ëtat, que les populations de divers pays, cellesde
France par exemple, sont partagées en un jfrand
nombre de catégories très-inégalement appelées
à jouir des dons de la fortune, malgré la liberté et
l'égahté qui président pour tous au choix des
charges publiques et des carrières industrielles.
Certains individus sont presque forcément ma-
nœuvres, tandis que d'autres occupent avec une
grande facilité des positions où l'on accroît bien
autrement sa richesse évaluée.
Delà, c'est-à-dire en passant du simple au com-
posé, n'a-t-on pas le droit de conclure que parmi
les peuples le même effet doit se faire sentir, et
qu'en laissant toute liberté aux transactions inter-
nationales, les richesses évaluées de ces peuples
présenteront des écarts aussi grands que les for-
tunes particulières dans les pays dits libres?
Dans ce moment, nous entrevoyons seulement
que la liberté du commerce est quelquefois fatale
à la richesse évatuéede certaines nations. Plus tard,
nous mettrons cette vérité hors de doute.
Pour accroître sa richesse propre et celle de
Digitizedt, Google
t64 DE LtCBANGB.
son pays, ici l'individu doit faire germer du grain,
là mûrir des fruits, plus loin élever des bois,
ailleurs fabriquer du cidre ou de la bière; dans
tel pays il faut qu'il s'adonne au commerce, dans
tel autre à l'industrie.
Livré à ses propres ressources, il lui sera quel-
quefois bien difficile de produire utilement. Un
ministre, veillant sur lesafiaires d'un État, habile
à saisir tous les indicesde revers et de succès, s'ef-
forcera d'abord de propager les lumières morales
et intellectuelles', et en attendant que leur diffu-
sion soit suffisante, il encouragera les industries
qui, par l'échange de leurs produits, sont les plus
aptes à rendre une nation prospère '.
' Si un pays était assez éclairé, la réiinioD des capitaux, au moyen
d'entreprises particulières, s'opérerait avec fadlilé, et le gouverne-
ment devriût laisser faire, sans prendre l'initiative.
■ Dans ce moment, l'Angleterre parait avoir sur la France un
avantage décidé pour la production et la vente des marchandises où
les madiines jouent un grand r6le; tandis que la France a sur sa
rivale im avantage également décidé pour la production et la vente
des marchandises qui exigent beaucoup de goût, et où la main d'œu.
vre joue un grand rôle : ainsi les arlides de Joaillerie, d'orfévrerieï
les ût^ets de mode, de fanlaisîe en étofles, etc-
Digitizeclby Google
CHAPITRE V
E LA RICHESSE ÉVALUÉE CStl LES PEGPLES INDUSTRIELS
ET AGRICOLES
Les populations agricoles sont dans une situation moins favorable
que les populations industrielles , pour acquérir la richette
évaluée.
La plupart des merveilles qui, dans nos g:randes
villes, frappent l'imagination, sont dues à rindus-
trie manufacturière. C'est à cette industrie que
les gouvernements pensent être redevables en
grande partie de la prospérité des peuples qu'ils
administrent, car iiss' efforcent avec plus ou moins
de bonheur de lut donner des encouragements de
toutes sortes. Cours gratuits, avances de fonds,
exemptions d'impôts, distinctions honorifiques,
avantages particuliers sur le marché national,
DigitizeclLy Google
fw DE u nicuessE ëvald£e
avantages même sur les marchés étrangers, rien
n'est négligé pour faire naître et mettre en jeu
les aptitudes industrielles.
Malgré leurs elTorts, les hommes d'État n'at-
teignent pas toujours le but qu'ils se proposent.
Alors que mieux vaudrait, dans maintes circon-
stances, laisser les choses suivre leur cours na-
turel, quelquefois ils s'obstinent trop à vouloir
triompher des obstacles inhérents au sol, au cli-
mat, aux mœurs des populations. Nous verrons
cependant qu'ils doivent faire de nombreuses ten-
tatives pour surmonter les difficultés qui se pré-
sentent, car c'est du choix bien entendu des in-
dustries que dépendent la force et l'influence
politique des peuples.
Afm de nous instruire des facilités plus ou
moins grandes que l'on trouve soit dans l'agricid-
ture, soit dans l'industrie, pour acquérir ta ricbeise
évaluée, nous allons chercher à connaître, et- le
nombre des journées employées par les travail-
leurs dans la fabrication des principales mar-
chandises auxquelles donne naissance l'un et l'au-
tre de ces deux moyens de production, et les frais
d'autre espèce que celte fabrication nécessite. Les
échanges de ces marchandises, faits suivant les
prix courants, indiqueront ensuite quels sont les
travailleurs les plus favorisés.
Une famille de métayers français, composée de
_y Google
CHEZ LES PEUPLES INDUSIItlELS ET AGRICOLES. IBT
sept personnes, récolte pour sa pari et son usage,
dans les conditions les plus ordinaires, eo exploi-
tant un domaine, 42 hectolitres de Iroment *.
Dans ce chiiïre de 42 hectolitres, nous c(»iTer-
tissons les substances de diverses aatures : laine,
chanvre, viande, etc., que le cultivateur obtient
en même temps par sa culture, en hectolitres de
froment-, de telle sorte que les 42 hectolitres repré-
sentent en valeur vénale tout ce que le domaine
produit pour le cultivateur.
Mais ce domaine rend en surplus au propriétaire
une valeur égale, ou 42 hectolitres de froment,
semences déduites; puisque la culture a lieu par
métaye», c'est-à-dire à moitié fruits.
Si, par abstraction, nous admettons que cet(e
famille de colons paritaires devienne propriétaire,
ces 84hectobtres, à raison de 20 francs l'un, don-
neront, pour rétribution de la journée moyenne,
84 centimes (trois cents étant le nombre des jour^
nées effectives que chacun des travailleurs con-
' D'apris la s(atislique agricole, la coasommalioD moj«iDe eo
France, pendant une année, est de ItO millions d'hectolitres, ce
qui fait une consommalion de trois hectolitres par personne.
En supposant que la valeur monétaire du grain consommé par un
ouTrier soit la moitié du coût de toutes les marchandises qu'il
achète pendant l'année pour son usage personnel (et ce cliiffre ne
s'écarte pas beaucoup de la vérité), chaque membre de la famille
dont il est question devrait produire annuellement pour lui-même
siï liedoliires de froment, ou réquivaleiil en numéraire.
DigitizeciLy Google
168 1)E LA ftlCOESSE ËVAUTEE
sacre annuellement à la culture). Ce salaire moyen
de 84 centimes est encore assez élevé, en raison
du prix normal de 20 francs, auquel nous avons
évalué l'hectolitre, prix qui résulte delà fertilité
de la terre, de l'emploi de machines perfection-
nées, de l'intensité du travail, de la densité de la
population et de sa richesse ; tous éléments qui
viennent concourir à la fixation du prix, lors-
qu'on offre et qu'on demande une marchandise.
En Russie, où la production est accompagnée
de circonstances différentes, le salaire est inflni-
raent plus réduit.
En estimant, d'après Thaer et Block, à 42 hecto-
litres la quantité de froment nécessaire pour assu-
rer l'existence de sept personnes composant une
famille russe; comme cette famille n'emploie que
ajournées sur 6 à cultiver les terres de son sei-
gneur, ces terres ne rapportent en produit net,
tout au plus que la quatrième partie de 42 hecto-
litres; car l'on sait combien est minime le travail
effectué par corvées : toutefois pour opérer large-
ment, nous évaluerons la part du maître au tiers'
et non au quart de 42 hectolitres, c'est-à-dire à
14 hectolitres.
La quantité totale de froment produite annuel-
< Schmalz donne comme certain le fait suivant :
Deuï faucheurs du comlé de Hiddkttx fauchent en un jour auUnl
d'herbe que six serfs russes, et, malgré la cherté des vivres en
DigitizeclLy Google
CHEZ LES PEUPLES INDUSTRIELS ET AGRICOLES. 1«9
lement par une famille russe s'élèvera donc à
56 hectolitres, qui, à raison de 10 francs l'un,
équiraudront à 560 francs'.
Par cela même, la journée moyenne du cultiva-
teur russe, que nous supposerons propriétaire,
comme l'agriculteur français, semonteraà 27cen-
times.
La modicité de ce salaire journalier de 27 cen-
times résulte, entre autres causes, d'un travail ha-
bituellement très-modéré, de la faible densité de
la population, et de son peu de richesse.
En France, l'hectolitre exige donc du laboureur
24 journées de labeur'. En Russie, ce même hec-
tolitre en réclame 57 *.
Si l'hectolitre de blé russe se vend 20 francs
à Marseille, c'est que la valeur de cette céréale
est accrue par les frais de transport sur terre el
sur mer, par les primes de risques pour les ngu-
Angleterre el leur bon marché en Russie, le fauchage d'une quan-
tité donnée de Toin coûterait à un fermier anglais un denù-o^tetii,
et coulerait trois ou quatre copecks à un propriétaire russe.
M. Jacob, conseiller d'État prussien, a prouvé qu'en Russie, où
toutes les denrées sont à bon marché, le travail des serfs coûte deux
foi^aulantque celui de l'ouvrier en Angl<!terre.
' Nous avons encore haussé outre mesure le prii de l'hectolitre.
D'après Tegoborski. l'hectolitre de froment est coté ordinairement
à un prix beaucoup plus bas en Russie, surtout dans l'intérieur de
l'empire.
* Résultat de la diiision de SO francs par 84 centimes.
^ Résultatde ladiiisionde lOfrancspar 37 centimes.
DigitizeciLy Google
170 RE U niCUeSSE ÉVALUÉE
vires , par les chances d'avaries, par l'emmagasi-
nage, elc. Cependant l'agriculteur du Nord ne
perçoit toujours qu'une somme de 10 francs par
hectolitre.
Supposons actuellement qu'un échange s'effec-
tue à Marseille entre un hectolitre de grains, de
provenance russe, d'une valeur de 20 francs, y
compris tous frais deconduite, et 40 mètres de tis-
susen coton, fabriqués en France, et d'une valeur
de 50 centimes le mètre ; et voyons quelle est la
rirhcne évaluée qui résulte de ce troc pour chacun
des producteurs de ces marchandises échangées.
Nous commencerons par admettre comme un
fait acquis, reconnu, qu'une famille d'ouvriers,
qui employait autrefois moyennement une jour-
née à la fabrication d'un mètre de toile, confec-
tionne maintenant, grâce au perfectionnement
des machines, et à la division du travail, 340 mè-
tres dans le même temps. On ne nous contestera
donc pas que ces 40 mètres ont pu être condition-
nés dans une seule journée.
Précédemment, nous avons supposé que l'agri-
culteur était propriétaire du champ qu'il cultivait,
nous regarderons aussi l'ouvrier industriel comme
propriétaire de l'usine où il est employé, ainsi que
des machines, et des fonds dé roulement qne la
mise en activité de cette usine nécessite.
Four établir un calcul exact qui nous donne la
DigitizeclLy Google
CUEZ LES PEUPLES INDUSTRIELS ET ACHICOLES. 171
rirhesxe éiJoluée résultante pour les deux éclian-
gistes (lu troc des 40 mètres de tissus contre un
heclolitre de froment, nous aurons recours à l'é-
quation de la richette évaluée, de la forme géné-
rale :
dMm(l— N)-|-Mm+A— C '
R= p
Soit R la r.iclic$ie évaluée se rapportant à l'agri-
culteur russe,
■- ■ N=;;=i
. I— N=.-
Si nous faisons P^37, nous aurons la richeae
évaluée produite par une journée de travail russe,
car il a fallu 37 journées pour obtenir un hecto-
litre de froment.
En substituant dans réqudlion, et mettant de
c6té les 10 francs de conduite qui ont été payésù
un intermédiaire, on a
„ ,.,0'.i-HlO'+A_C^^,,,._^dO'+A-*
' Dans cette équation, les deux termeB SV + V ne figurent pas ;
puisque l'agriculteur et l'ouvrier n'obtiennent en rickeue évaluée
que ce que rapportent leur travul et leur propriété soit foncière,
soit industrielle. V étant égal à léro, SV égale ïéro.
' 42 hectoliU'es, frais de production pour 56 hectoliti-es (produit
bmt) ; d'après ce qui a été dit dans ce inéjue paragraphe.
DigitizeciLy Google
IT3 DE LA RICUESSE ÉVALUÉE
R' étant la richeue évaluée qui se rapporte à
l'industriel. Mous savons que N rapport entre les
frais et le produit t)rut, est habituellement dans
l'industrie égal à neuf diiièmes
I— N=i P=l
Alors
B'— d'.20'.f„H-20'H-A— C=<f,2'-|-20VA— C
Les valeurs de R et R' comparées, témoignent de
la supériorité de la richesse écaluèe de l'industriel
sur celle de l'agriculteur, surtout si l'on fait at-
tention qu'en France d' est beaucoup plus grand
que ne l'est d en Russie, parce que l'argent se
prête à un taux beaucoup plus élevé dans ce der-
nier pfiys.
Ce résultat, auquel on parvient en tenant compte
et du nombre des journées et des frais de fabrica-
tion, dispense de tout commentaire.
L'échange dont il vient d'être parlé, qui pro-
cure tant d'avantage à l'industriel, est sans doute
très-malheureux en raison de l'inégale réparti-
tion des richesses qu'il produit, mais il vaut en-
core mieux qu'il soit effectué de cette manière
que si on laissait le blé pourrir sur place.
Mais la Russie ne pourrait-elle pas tirer un
meilleur parti de ses travailleurs? Nous in-
DigitizeclLy Google
CHEZ LES PEUPLES INDUSTRIELS ET AGRtCOLES. ITô
diquerons plus tard comment cela lui serait pos-
sible. ••
Les nombres sur lesquels nous avons raisonné,
assurément ne sont pas rigoui'eusement exacts;
cependant, quelle que soit la modification que
puisse leur faire subir le critique le plus sfevère,
il n'en résultera pas moins, jusqu'à la dernière
évidence,' que la Russie, pays agricole, se trouve,
dans cet échange, bien moins avantagée que le
pays manufacturier.
DigitizeclLy Google
Les peuples producteurs de Krains restent pauvres eu commer-
çanl avec les peuples industriels, tandis que ces derniers e'enri-
cliissenl.
Un peuple industriel, en s'adressant à ceux qui
sont plus spécialement adonnés à l'agriculture,
leur tient à peu près ce langage :
A quoi bon élever des manufactures dans vos
pays? Nous fabriquerons toujours les tissus de
laine, de coton et tout ce qui ressort de l'indus-
trie à meilleur marché que vous, en raison de notre
vieille expérience et de l'importance de nos capi-
taux. — Vos propres intérêts exigent que vous ac-
ceptiez nos articles en échange des produits pour
lesquels vous avez une supériorité marquée, pro-
duits que nous ne pouvons créer à aussi bas prix ;
car, d'un côté, la concurrence que se font nos fa-
bricants limite leur bénéfice, et, d'un autre, la
concurrence de nos acheteurs augmentera le prix
de vos grains.
— Si vous prohibez nos marchandises, vous ré-
sistez à la loi de nature.
DigitizeclLy Google
CHEZ LES PEUPLES IPimJSTBIELS ET ACBICOLES. 17:.
Cet échange réciproque que nous réclamons
n'est-il pas en effet indiqué par le simple bon
sens? La Providence n'a-t-elle pas réparti en une
quantité de lieu\ difTérents les diverses facultés
productrices, dans le but de nous faire chérir les
uns les autres comme des frères; attendu que tous
nous devons, en nous entr'aidant, servir indivi-
duellement au bien-être commun?
Que pouvez-vous craindre en abaissant vos bar-
rières, surtout lorsque nous vous accorderons la
plus entière réciprocité?
Ce discours, qui parait si concluant, si péremp-
loire, n'est cependant que subtil et spécieux. Et
pourquoi? parce que l'argumentation est erronée
au point de vue de la richesse évaluée, bien qu'elle
s'applique avec assez d'exactitude à la richette
d'mage.
Veut-on que cette dernière espèce de richesse
grandisse partout le plus possible'? Chaque nation
doit en général accepter les objets qui lui sont of-
fertsau meilleur marché, et ne fabriquer que les
raarchandisesdontleprix défie toute concurrence.
Quant à la richesse étaluée de chaque peuple, il
faut raisoniier tout autrement!
C'est en ne distinguant pas ces deux espèces de
* ^ous verrons plus loin ((u'uiie nation engagée dans les voïch de
la protcclion ne peut, pour accroître sn rùhesse d'usage, adopter
les principes <iu libre écliange qu'avec certains mi-iiageinenls.
Digitizeclby Google
176 DE LA RICnESSE ÉVALUÉE
richesses, qu'ils été impossible jusqu'ici de réfuter
d'une manière décisive des arguments qui parais-
sent aussi plausibles. Toutefois, on ne pouvait
y attacher une confiance pleine et entière, quand
l'expérience témoignait, d'une part, que tous les
peuples qui ne produisent guère que des céréales,
comme la Russie et la Pologne, sont relativement
pauvres et inhabiles à s'enrichir; et, d'autre part,
que ceux qui exportent peu ou point de céréales,
et beaucoup de marchandises manufacturées,
comme l'Angleterre, la France, la Belgique, ac-
quièrent d'immenses richesses.
Quelques mots nous sulUront pour réduire à
leur juste valeur les arguments du peuple manu-
facturier.
Les denrées de première nécessité, telles que la
viande et les céréales, sont fabriquées partout; et,
à l'exception de l'Angleterre, de la Belgique, de la
Hollande, il est peu de pays qui ne récoltent pas,
sur leur sol, la quantité d'aliments nécessaire à
leur subsistance et au delà.
Dès lors, si un pays se livre à l'agriculture, en
vue de l'exportation, il ne Irciuvera que peu et
souvent pas de débouchés.
Ensuite, la viande et les céréales étant d'une
conservation difficile, leur vente esttoujours pres-
sée. Quoique lourdes, encombrantes, très-suscep-
tibles d'avaries, en général on doit les porter à
_y Google
CHEZ LES PEUPLES INDUSTRIELS ET AGIKCOLES. 177
une longue distance pour les faire consommer.
Elles sont donc soumises par suite à une dépré-
ciation forcée.
De plus, elles rencontrent de toutes parts une
concurrence qui tend encore à peser sur leur prix.
Si, acciden tellement, ces denrées prennent une
grande valeur monétaire, c'est parce que l'on est
en temps de disette ; et alors l'agriculteur est lui-
même, comme tout le monde, dépourvu des mar-
chandises qui pourraient lui procurer de forts
bénéfices.
On pressent ainsi comment les denrées agricoles,
en raison de leur vente tout à la fois difficile et sou-
vent nécessitée par une force majeure, permettent
beaucoup moins au producteur de soutenir ses
prix, c'est-à-dire de faire en sorte que, lorsqu'il
trafique avec un manufacturier, la balance des
journéesde travail employées aux objets permutés,
compensation faite des frais premiers de toutes
sortes, soit en sa faveur.
Il résulte de là que, deux nations échangeant,
l'uncdes céréales, l'autre des objets manufacturés,
celle-là fournit une marchandise dont la fabrica-
tion, lorsqu'on a tenu compte du prix de la matière
première, oblige à un bien plus grand nombre de
journées de travail que la marchandise donnée
en retour. Conséquemment, cette nation perd, re-
lativement à l'autre, de sa richesse évahiée.
Digitizedt, Google
478 DE U BICHBSSE ËVAUlfiE
Cependant il ne faudrait pas croire que tous les
produits direcis de la terre sont dans le même cas
que les céréales; il est certains travaux agricoles
qui sont éminemment profitables à la richette évor
luée d'un peuple.
Ainsi, lorsque le terrain et son exposition per-
mettent la production du coton, des vins uns,
de l'indigo, etc., le commerce de ces denrées con-
stituant une sorte de monopole naturel, leur
échange donne des bénéfices qui peuvent rivaliser
avec ceux procurés par les articles manufacturés.
Digitizeclby Google
CDEZ LES PEUPLES IMMISTRIELS ET AGRICOLES. 171)
g 3.
A la suite de nombreai échai^es entre les rilles et les campa-
gnes, la prépondérance politique lltiit par appartenir aux villes.
Dans une nation , les rapports commerciaux
entre les villes et les campagnes sont en général
favorables à la rickeae évaluée des unes et des
autres. Car le plus souvent les campagnes ne
traitent avec les villes, et les villes avec les cam-
pagnes, que dans le but d'écouler le plus avanta-
geusement possible leurs produits et d'acquérir
de cette manière une plus grande riches$e évaluée.
Leur prospérité mutuelle au point de vue de la
ricAeue évaluée doit même les intéresser égale-
ment.
En effet, plus les villes auront de rkhexte àia-
luée, plus leurs habitants seront à même de don-
ner un haut prix aux productions de la campagne ■
et d'en consommer une grande quantité. Les pro-
duits delà ville trouveront aussi des placements
DigitizeciLy Google
180 DE LA RICUESSE ËVAUIËE
plus faciles et plus lucratifs dans les campagnes,
si la richesse évaluée des agriculteurs s'augmente
de plus en plus.
Ce qui n'apparaît pas avec clarté, sans être
pour cela moins certain, c'est qu'à la suite de
nombreux échanges effectués de cette manière
la richesse évaluée des villes prend en général plus
d'accroissement que celle des campagnes.
Pourjustifier cette allégation, examinons ce qui
résuite des transactions qui s'effectuent dans un
même pays entre l'industriel d'une cité et un la-
boureur.
L'industriel sera, par exemple, un ouvrier s'oc-
cupant de la fabrication d'articles de ferblanterie,
articles assez façonnés pour que nous puissions
négliger la valeur de la matière première. Eh
bien, cet artisan n'applique souvent que six jour-
nées de travail à l'objet qu'il échange contre
un hectolitre de grains que lui livre l'habitant de
la campagne, hectolitre qui est le résultat de
24 journées effectives de travaux '.
Nous no contestons pas l'équité de cet acte,
puisqu'il est fait sans contrainte et de bonne foi;
mais, dans la répartition inégale de richesses qui
procède d'un pareil trafic, n'est-ce pas à peu près
la part du lion qui échoit à l'artisan, etpar suite
' Chapitre V.pa'.T (60.
_y Google
CQEZ LES PEUPLES INDUSTRIELS ET AtiRICOLElS. I8i
ce dernier n'acquiert-il pas une richeue évcàuée
plus grande que celle du laboureur?
Sans doute, en se reportant à la niélhode em-
ployée chapitre V, premier paragraphe, pour juger
si la richesse évaluée du citadin devient plus
grande que celle du campagnard, il n'est pas
suffisant de comparer les journées de travail;
aussi allons-nous tenir compte des frais de di-
verses natures, tels que ceux de logement, de
nourriture et d'instruction, qui incombent à cha-
cun des échangistes,
Dans les développements où nous allons entrer,
uous mènerons de front et la supériorité des bé-
néftces de l'artisan sur ceux de l'agriculteur, et la
supériorité en richesse évaluée que la ville, lieu de
résidence du ferblantier, obtient sur la campagne.
Le logement va d'abord nous occuper.
En évaluant à 24 le nombre des journées né-
cessaires pour produire un hectolitre de grains,
nous avons regardé l'agriculteur comme proprié-
taire du domaine qu'il fait valoir.
Pour établir une comparaison exacte entre sa
richeue évalvée et celle du ferblantier, celui-ci doit
être regardé aussi comme possesseur de là maison
qu'il habite.
Or l'objet fabriqué ne s'élève pas de prix en
raison de la cherté du loyer que l'on exige soit de
ta maison où on fabrique cet objet, soit du ma-
DigitizeclLy Google
1B3 DE U RIGHESSS ËVALDËE
gasin où on le débite ; mais c'est bien ce loyer qui
prend plus de valeur, parsuite de l'importance des
gains que l'oç fait sur la vente de ce même objet.
A qui revient donc le bénéûce de celle plus-va-
lue dans le prix d'un article de ferblanterie, béné-
iice qui est une des causes de la hausse du prix des
loyers et qui sert à payer celte hausse, si ce n'est
aux artisans dont les immeubles prennent une
valeur plus considérable?
Ainsi il résulte de cette plus-value dans le prix
de la marchandise, lorsque l'on envisage seule-
ment les frais de loyer, qu'il y a accroissement de
rkhetie évaluée pour l'Industriel de la ville, pro-
priétaire de la maison, et accroîssemenl de rkheste
évaluée pour la ville même '.
Quant à la nourriture, elle est sans doute plus
chère pour le ferblantier que pour le laboureur.
Mais celte cherté est due en grande partie aux
prélèvements exercés par les octrois, prélèvements
que l'édilité emploie à faire jouir la cité de mille
aisances dont l'habitant des campagnes est privé.
Est-ce que les améliorations qui en résultent n'at-
tirent pasunemultitude d'habitants riches qui ac-
croissent encore la richesse évaluée des villes, soit
par les revenus qu'ils y dépensent, soit par la con-
' U est sans doute beaucoup d'autres causes qui élèvent la laleur
des loyers de la ville; mais nous ne tenons compte ici quede celles
relatives à noU'e siijet.
Digitizeaty Google
(lUEZ LbIS PEUPLES INDUSTRIELS ET AGRIC(H.ES- 183
currence des nouveaux capitaux qu'ils apportent,
concurrence qui élève la Valeur des immeubles de
ces mêmes villes?
Cette diminution dans les profits de l'artisan,
occasionnée par le haut pris de la nourriture, est
donc à peu près compensée par la hausse de va-
leur de sa maison, hausse qui est la conséquence
du développement de la richeue émluée de la
ville. Il résulte même des droits de l'octroi une
plus grande rwhette d'mage pour le citadin que
pour l'homme des champs.
Certainement, nombre d'ouvriers préféreraient
se passer du certain confortable qu'offrent les cl'
lés, voiri! même de leurs délices, et conserver l'ar-
gent qui leur est enlevé pour qu'ils puissent)' par-
ticiper; mais il est d'autres travailleurs qui appré*
cient ces avantages bien différemment.
Et peut-être beaucoup imiteraient cet employé
d'un ministère, au traitement de 10,000 francs
par an, qui refusa d'aller occuper en province
une place de préfet rétribuée 20,000 francs, et
cela, par les motifs suivants : il prétendit que cet
offre d'une plus>value de iO,000 francs ne com-
penserait jamais pour lui la privation des specta-
cles, des promenades et des agréments de toute
sorte de la vie parisienne, dont il pouvait jouir
avec les émoluments d'une position moitié moins
rétribuée.
_y Google
181 DE LA RICHESSE ÉVALUÉE
Une dernière question se présente : l'apprentis-
sage de l'homme des champs ne serait-il pas de
plus courte durée et moins dispendieux que ce-
lui du ferblantier?
Le temps nécessaire pour faire un bon agricul-
teur est extrêmement long. La petite étendue des
terres rationnellement cultivées, la lenteur des
progrès de l'agriculture, témoignent assez des diffi-
cultés éprouvées par ceux qui veulent posséder les
connaissances que cette science réclame.
Cependant tout homme, robuste ou non, arec
ou sans éducation, peut être employé aux travaux
de la terre ; tandis qu'un apprentissage spécial est
indispensable pour l'état de ferblantier, comme
pour toute autre profession manuelle. Il y a donc
là en vérité, comme pour la nourriture, des frais
dont on doit tenir compte, frais qui sont ce-
pendant beaucoup atténués par les facilités d'in-
struction concernant la lecture, l'écriture, le cal-
cul, que l'on trouve à la ville, facilités qui sont
souvent refusées à l'homme des champs.
Mais que l'on ne s'y trompe pas, c'est bien plu-
tôt la concurrence dans le nombre des travailleurs
de la terre qui fait baisser le prix de leur salaire
quotidien que la modicité des dépensesfaitespour
leuréducation. Car, à mesure queles ouvriers, de
plus en plus éclairés sur leurs intérêts pécuniaires,
quittent la campagne pour se rendre à la ville, le
Digitizedty Google
CflEZ LES PEUPLES iNDUSTRIELS ET AGRICOLES. 185
salaire hausse dans les campagnes, bien que les
frais d'instruction du laboureur n'y soient nulle-
ment augmentés.
De toute manière, la différence dans le salaire
des ouvriers à la ville et à la campagne doit s'ex-
pliquer ainsi : la concurrence générale assigne
à l'hectolitre de froment un prix tel, quelesalaire
de chacune des 24 journées nécessaires pour ob-
tenir cet hectolitre est inférieur à la rémunéra-
tion que cette même concurrence fixe pour le
prix de la journée du travailleur citadin.
Advienne un jour où la terre soil chargée par-
tout d'une population excessive :
— Alors, les subsistances étant ti"ès-recherchées,
a concurrence les fera hausser de prix, et, par un
retour inverse, toutes les autres marchandises per-
dront de leurs valeurs relativement à ces mêmes
subsistances;
— Alors le ferblantier sera forcé de passer un
plus grand nombre de journées à l'article qu'il
échangeait précédemment contre un hectolitre de
grains; en supposant toutefois que la production
de cet hectolitre exige le même temps de travail.
Nous pouvons vérifier l'exactitude de cette as-
sertion en jetant nos regards sur les pays manu-
facturiers et commerçants, où la population est
très-nombreuse, et dans lesquels les céréales du
dehors ne peuvent arriver qu'à grands frais, ce
DigitizeclLy Google
186 DE LA RICQESSB ÉVAUIËK
qui augmente le pm des grains récoltés dans le
pays même.
Les échanges que font les cultivateurs indi-
gènes de leurs grains, contre les objets manufac-
turés, sont bien plus avantageux dans ces pays
qu'en Russie et ailleurs , où la population est
moins dense.
Les frais d'éducation, pareux-mêmes, ne modi-
fient donc la rickeue évaluée relative des ferblan*
tiers que d'une manière peu sensible.
Ainsi, en suivant le cours naturel des choses,
de nombreux échanges de la nature de celui dont
nous avons parlé accroissent la richesse évaluée
de l'artisan beaucoup plus que celle du laboureur,
et font que les villes acquièrent une richeste éva-
luée bien supérieure à celle des campagnes.
De là, on peut conclure que la richeœ évaiuée des
villes croit avec celle des campagnes, mais non
dans la même proportion.
En nous rappelant que la puissance et l'in-
fluence des populations sont proportionnelles à
leur richeue évaluée, nous allons prouver d'une
autre manière ce qui vient d'être démontré.
N'est-il pas vrai qu'en France, avant l'extension
DigitizeclLy Google
CHEZ LES PEUPLES INDUSTRIELS ET AGRICOLES. 1S7
prodigieuse qu'a prise l'induslrie dans les villes,
la plus grande action politique était exercée par
les campagnes?
Au moyen âge, c'était sur les gentilshommes
résidant au dehors des cités, sur les produits de la
terre, que se fondait la puissance de l'État. L'opi-
nion générale, cette reine du monde, ne relevait
que des campagnes. A cette époque, les villes ne
remplissaient qu'un rdle très^econdaire; et même
on appelait par raillerie vilains et on méprisait
les industriels qui y étaient cantonnés.
Maintenant, quoique les habitants des villes ne
composent pas en France la sixième partie de la
population totale', où (rouve-t-on dans cette na-
tion la prépondérance politique? Sans contredit,
la puissance est aux cités. Les rôles sont tel-
lement changés, qu'on a retourné cette dénomi-
nation de vilains, et qu'on l'applique aux indi-
vidus qui résident à la campagne.
De plus, si l'on évaluait la richesse mobilière et
immobilière des villes, en tenant compte des pro-
priétés rurales que les citadins possèdent', ou ar-
riverait probablement à cette conclusion que les
■ Dictiotmaire d'Economie politique, arlide Population, de H. Le-
gojt.
* Nous devons en tenir compte, car, dans la déWrminaliou de la
IHcheste évaluée d'un royaume (chap. Il), nous avons fait entrer les
capitaux que les sujets de ce rojauine possèdent à l'étranger.
Digitizeaty Google
laS DE LA RICHESSE ÉVALUÉE
cinq sixièmes de la richesse évaluée française appar-
tiennent aux populations urbaines, malgré le fai-
ble nombre dont elles se composent, au moins re-
lativement.
Cette supériorité actuelle en richeue évaluée des
cités sur les campagnes ressort encore de beau-
coup d'autres considérations.
Dans les assemblées législatives, n'adopte-t-on
pas le plus souvent des mesures qui froissent tes
campagnes et sont favorables aux villes?
Nos villageois seraient encore bien plus vic-
times si tes citadins, au lieu d'acquérir en France
des propriétés rurales, préféraient posséder des
terres en Angleterre, en Autriche, ou ailleurs.
Heureusement pour la campagne, ces derniers
sont intéressés à la ménager jusqu'à un certain
point, attendu qu'une partie de leurs fortunes s'y
U-ouve immobilisée.
De notre temps, c'est doue l'intérêt manufac-
turier représenté par les villes qui commande en
France.
En Angleterre, la prédominance des campagnes
s'est maintenue en raison des goûts d'une aristo-
cratie qui fuit la ville et fixe son vrai domicile
dans ses châteaux '. Mais chaque jour l'influence
■ En Angleterre, un lord qui vous indique sa. demeure, aurait-il
palais princier dans une ville, aflccle de donner son adresse à la
campagne.
D.gitizeclty Google
CDEIZ LES PEUPLES INDUSTRIELS ET AGRICOLES 189
de l'élément manufacturier des cités gagne du
terrain et l'action des campagnes décroît de plus
en plus '.
" Notre intention n'est pas de critiquer l'orçani-
sation de la société française. Cette société, en l'état
actuel, fonctionne de manière à accroître puis-
samment la richesse évaluée de toutes les classes de
la population. Nous nous bornons à constater les
différences de WcAesse* évaluées qui résultent de
cette organisation pour les diverses parties du ter-
ritoire.
Si l'on voulait déduire de notre ai^umentation
que les habitants des villes sont tous plus aisés
que ceux de la campagne, on se méprendrait
singulièrement; car il faut tenir compte de
l'extrême inégalité qui existe dans la distribution
des richesses d'une cité entre tous ceux qui y de-
meurent.
Ne sait-on pas que, parmi eux, tel individu pos-
sède une richesse évaluée prodigieuse, tandis que
tel autre, littéralement, meurt de faim? et ce con-
traste est d'autant plus réel, d'autant plus frap-
pant, que la ville est plus peuplée. Mais la
moyenne de la richesse évaluée des habitants des
villes est de beaucoup supérieure à la moyenne
' Le succès de la ligue pour le libre échange des grains en est la
preuve.
Digitizeclby Google
m DE LA niCEKSSE ËVALUËE
de la rickeite évaluée de ceux qui résident au
dehors.
Sans doute cet accroissement de la richeite éva-
luée des villes provient non-seulement de leur com-
merce avec la campagne , mais encore du com-
merce d'importation et d'exportation qu'elles font
avec les peuples étrangers. Il provient aussi des
fonctionnaires publics qui y demeurent, de la
population qu'y font aflluer les plaisirs qu'elles
oETrenl à leurs habitants ; néanmoins les campa-
gnes contribuent toujours à cette richesse pour
une grande part.
Cette suprématie en richesse (!t)a(«^ des cités sur
les campagnes, d'une capitale sur les villes de pro-
vince, suprématie qui tend chaque jourà faire des
progrès, a quelquefois de graves conséquences po.
litiques; ainsi elle est un des plus grands obsta-
cles que l'Italie r,encontre pour former une seule
nation.
Personne n'ignore que chacun des petits États
dont se compose cette intéressante contrée vou-
drait ériger sa ville principale en métropole du
royaume péninsulaire à fonder; préjugeant ainsi
parfaitement, et les causes d'une grande richette
émluée, et l'importance d'une pareille richesse.
Ces faits établis, croit-on que les campagnes ne
puissent se relever de l'infériorité que nous avons
signalée, et qu'il leur faille absolument voir le
Digitizeclby Google
CHEZ LES PEUPLES DIDIISTRIELS ET AGRlCOIJiS. l«l
rapport entre leur richesse évaluée etcelie des villes
décroître, sans qu'elles puissent y apporter d'ob-
stacles?
Nous sommes persuadé du contraire, et voici
quelques réflexions à l'appui de notre opinion.
Supposons que les campagnes, venant à s'in-
surger,
l' Mettent des droits d'importation sur toutes les
marchandises qui sortent des villes;
2' S'efforcent d'attirer des gens riches au milieu
d'elles, en leur concédant des prérogatives de
toute sorte ;
3* Obligent le gouvernement à transporter le
siège de toutes les fonctions publiques au dehors
des villes;
Que résul tera-t-il de ce nouvel ordre de choses ?
Un accroissement énorme dans la richesse éva-
luée dés campagnes, par rapport à celle des villes.
Cette hypothèse inacceptable, mais qui cepen-
dant n'a rien d'impossible, est un acheminement
aux mesures que nous proposerons plus tard. Pour
l'instant, elle fait entrevoir que, sans pillage et
seulement par des contraintes législatives, il est
possible dans certains cas de changer les rapports
entre les richesses évaluées de deux nations.
DigitizeclLy Google
DE LA RICHESSE ÉVHV&E
!*•
L'action exercée sur les richesses évaluées des villes et des cam-
pagnes par leur commerce réciproque peut aisément faire pro-
nostiquer ce que deviennent les riekaset évaluées de deux nations
qui trafiquent ensemUe.
Lorsqu'un panier s'esl échangé contre une
somme de TÏngt francs, et qu'il en a été de même
d'un chapeau, nous avons tu que, si ces deux
objets exigent autant de journées pour être fa-
çonnés (les frais de fabrication relatifs à la ma-
tière première, à l'intérêt des capitaux, etc.,
étant, par exemple, delOfrancs pour le panier, et
de i5 francs pour le chapeau), ceux qui se sont
livrés à la confection du chapeau et à son échange
auront une richeue évaluée moindre que ceux
qui, ayant fabriqué et échangé le panier, auront
reçu un salaire double.
Si cette différence dans la rétribution des jour-
nées, provenant du prix des marchandises échan-
gées, n'existe qu'entre travailleurs appartenant à
la même nation, il n'y a guère, par suite de l'iné-
galité dans les résultats du trafic, qu'un déplo-
Digitizeclby Google
CBEZ LES PEUPLES INDUSTRIELS ET AGRICOLES. 195
rable partage de richesses', sans que la richesse
évaluée nationale en soit affectée.
Mais, lorsqu'un échange de cette nature a lieu
entre des travailleurs de difTérentes nations, les
conséquences en sont toutes différentes.
C'est une disproportion incontestable dans les
parts de richesse évaluée qui sont attribuées aux
uns et aux autres. Et un souverain dont les sujets
sont ainsi lésés doit s'enquérir et prendre des
mesures efiGcaces, sous peine de voir l'Ëtat qu'il
gouverne s'appauvrir chaque jour au moins re-
lativement.
Supposons en effet que, dans le sol d'un certain
pays, en raison de circonstances climatériques
particulières, réside la propriété exclusive de faire
procréer des œufs presque 'sans dépense, la pro-
duction annuelle pouvant être considérable, mais
non illimitée.
Dans le cas où la consommation de ces sub-
stances alibiles serait aussi grande, aussi géné-
rale qu'elle Test aujourd'hui, les gouvernements
étrangers laisseront-ils leurs administrés échanger
un bœuf contre un œufî Ce serait donner, à sur-
face égale, au fonds de terre favorable à la pro-
création des œufs, une valeur mille fois supérieure
à celle du territoire sur lequel se nourrissent les
< En supposant qu'il ne faille pas plus de talenl pour faire un pa-
nier qu'un cbapeau.
Digitizeaty Google
164 DE U RICHESSE ÉVALUÉE
bestiaux. Le simple bon sens conduit à faire pren-
dre des mesures salutaires pour empêcher un trop
grand débit de cette marchandise monopolisée,
cause d'atténuation de la richesse évaluée de toutes
les nations, relativement à celle qui serait douée
de l'avantage dont nous avons parlé.
Se conduire autrement, ce serait agir en vue
d'un cosmopolitisme, sans doute fort acceptable
si le monde entier ne faisait qu'une seule famille,
puisqu'il en résulterait une plus grande richeae
rfusot/e pour chacun; mais ce cosmopolitisme doit
être réprouvé tant que l'antagonisme subsistera
entre les peuples.
Cette question du libre échange, que nous n'a-
vons pas épuisée, s'élucide au moyen de ta dis-
tinction entre la richesse évaluée et la richesse d'u-
sage, distinction sans laquelle les publicistes, avec
la meilleure foi du monde, ne pouvaient que s'é-
garer.
Nous verrons plus tard que le laisser-faire et le
laisser-passer conviennent en général aux pays
principalement industriels; parce que leur posi-
tion commerciale les met pour la plupart à
l'abri des inconvénients que la liberté entraîne
avec elle; mais il n'en est pas de même pour
les nations agricoles.
C'est là un des secrets de la politique britan>
nique, secret qui n'a pas été toujours pénétré; car
Digitizeclby Google
CHEZ LES PEUPLES INDUSTRIELS ET AGRICOLES. l'JÙ
certains peuples permettent à l'Angleterre d'é-
changer ses articles manufacturés contre leurs
matières premières suivant le cours du jour,
tel qu'il est établi par la concurrence seule. Et
comme l'abondance du capital matériel et im-
matériel de cette nation la sert merveilleuse-
ment, elle augmente prodigieusement sa richesse
évaluée, en donnant de cette sorte une journée '
de travail de ses babîtants contre trois et quatre
journées du travail de ces mêmes peuples (les
autres frais de fabrication étant supposés les
mêmes}.
C'est à l'aide de ce trafic lucratif (objets de
fabrique contre productions du sol), auquel ta
Grande-Bretagne ne s'est pas toujours livrée, en
prétendant arborer hautement le drapeau du libre
échange, qu'elle est parvenue à cette puissance
énorme qui étonne le monde entier.
' L'enquête de 1825 feile en Angleterre établit que ses impor-
tations, lorsqu'elles «it été manulacturées, lui rendent, par leur
exportation, quatre fois ce qu'elles lui ont coûté, et qu'il y a, par
conséquent, un payement régulier en or fait par le monde entier à
la Grande-Bretagne.
On lit encore dans la même enquête ce singulier aveu :
' Lorsque les autres peuples ne peuvent pas s'acquitter envers
noui, soit~Bvec leur or, soit avec leurs marchandises, c'est nous
qui leur prêtons. •
DigitizeabyGoO'jlc
, Google
CHAPITRE YI
PROTBCTIO.N. — ,L1BRE ÉCHANGE
la proleclion ■ des manufactures dans u
lement agricole peut accroître, dans i
ividuie.
Nous avons démontré que, si l'on considère
deux peuples, l'un manufacturier, l'aulre agri-
cole, contractant librement des échanges, le pre-
mier l'emportera généralement sur le second en
richesse évaluée, uniquement par la nature des
marchandisesqu'il confectionnera, et sans qu'il ait
besoin de se livrer à des travaux plus rudes et
plus prolongés.
Dans le trafic général dés nations entre elles
la richesse évaluée de quelques-unes pourra donc
s'accroître, lors que d'autres verront la leur s'a-
' La protection esl considérée ici au point de vue des douanes.
v Google
moindrir, au moins relativement. D'où nous
tirons la conséquence, qu'il est d'une extrême im-
portance de savoir pertinemment vers quelles in-
dustries on doit diriger les efforts des populations.
L'intelligence individuelle peutelle servir de
guide pour indiquer à chacun la route qu'il doit
suivre? Y compter ne serait pas sûr.
Certaines populations (tout le monde nommera
celles du nord de l'Europe et celles de l'Asie)
manquent d'initiative Habituées dès longtemps
à l'obéissance passive, et ne sachant se mouvoir
qu'après avoir reçu une impulsion, on dirait
qu'elles participent à cet attribut de la matière
que les physiciens nomment inertie; attribut qui
consiste à persister indéfmiment, soit dans te re-
pos, soit dans le mouvement une fois reçu.
De plus, si ces populations manifestent parfois
quelques tendances à la spontanéité, leur élan est
bientôt entravé par le défaut de ressources qui
ne manque pas de faire avorter les entreprises
industrielles les mieux combinées; car, on le sait,
sans capitaux, le travail de l'homme est bien peu
productif. Ensuite certaines mesures d'ensemble
sont à prendre ; et elles ne peuvent partir que
d'une direction générale, dont la force domine les
volontés particulières ; c'est dire que le gouverne-
ment doit être appelé dans maintes circonstances
à venir en aide aux particuliers.
DigitizeclLy Google
LIKItE ECHANGE. im
Ceci posé, nous allons toncher à une question
lies plus délicates et des plus controversées, celle
de la protection et du libre échange: mais ce n'est
pas avec des généralités, avecdes raisonnements
vagues, ainsi qu'elle a été traitée jusqu'ici, que
nous aborderons cette question. Notre nouvelle
théorie des échanges, et les équations qui repré-
sentent les deux classes de richesses ; richesse éva-
luée et richesse d'usage, vont être les bases solides
sur lesquelles nous appuierons nos arguments.
Nous commencerons par établir qu'en décré-
tant la prohibition et la protection, on nuit en
général à la richesse d'usage; richesse qui, dans
l'ordre social le plus convenable, doit être préférée
par les peuples, puisque c'estd'elle que découlent
et leur aisance et leur bonheur.
En effet, cette richesse diminue d'ordinaire, en
raison du renchérissement des marchandises, que
provoquent habituellement les mesures prohibi-
tives, ou simplement restrictives du commerce
avec l'étranger. Nos théories donnentdonc raison,
en partie du moins aux libre échangistes, en tant
que ceux-ci raisonnent exclusivement au point
de vue de la richesse d'usage.
— Nous ajouterons que leurs arguments sont
encore bien plus valables, quand il s'agit d'une fa-
mille isolée, et par suite n'appartenant à aucun
corps de nation, ou même d'un petit État, à moins
DigitizeclLy Google
«• PROTECTiO^.
que ces groupes d'individus ne puissent faire des
traités protecteurs avec un pays voisin, suffisam-
ment peuplé; car, dans le cas contraire, cette pe-
tite famille ou ce petit£tat ne peuvent se servir
utilement d'eux-mêmes, comme débouchés, pour
les marchandises qu'ils fabriquent.
Mais quand la protection n'est pas favorable à
l'accroissement de la rwkene d'umge ' , c'est l'état de
division, d'hostilité, dans lequel vivent les nations,
ce sont leurs querelles journalières qui nous for-
cent de nous attacher particulièrement àla richesse,
évaluée, garantie de leur force et de leur puissance.
Que raccroissemjent de cette richesse exige par-
fois un sacrifice de bien-être, sans doute, on doit
le reconnaître; mais devant ce sacrifice il ne faut
pas reculer, car l'indépendance est pour un peuple
le premier des biens.
Quand la guerre sera mise au han des nations,
quand l'opinion générale, repoussant toutes pen-
sées égoïstes, pourra faire justice de ces entre-
prises hostiles d'un État contre un État; entre-
prises qui naissent trop souvent du désir de faire
servir le travail des autres à nos jouissances pro-
pres' ; lorsque, grâce aux progrès des lumières et
< Nous avons vu, p. ISO el suiv., que, dans certains cas, la pvo-
leclion des industriels indigènes étail l'avoriibte à la richesse d'tt-
sage, et par conséquent au bîen-èlre des populations.
* I.a Société de la paix du Massacliusels n fait une enqu^ti- sur Ii;s
:y Google
LIBRE ÉGBA^GE. 501
de la civilisation, le rêve de l'abbé de Saint-Pierre
sera réalisé, et que la paix perpétuelle sera éta-
blie dans le monde entier, d'une manière stable,
immuable ; alors, seulement, on pourra briser
les entraves' nécessaires â notre époque, pour
assurer le développement de la rkhefie éoaiuée,
gardienne de la liberté des peuples T
Mais, tout le monde doit en convenir, combien
d'années, combien de siècles ne faudra-t-îl pas tra-
verser pour en arriver là ! surtout si l'rfn arrête
ses regards sur les turpitudes, sur les infamies
que l'on peut reprocher aux nations, soit dans
les temps anciens, soit dans les temps modernes.
Ainsi, malgré la sollicitude des âmes généreuses
etieurs efforts incessants, depuisl'origine de notre
ère, non-seulement les lois autorisent l'esclavage
causes des diverses gueri'es qui onl allligé le inonde de|iiii!i le ri^ne
de Gonslanlin. Voici quel est son résultat : 44 engageai pour oble-
iiirun accroissement de territoire; 25 pour lever des tributs; 21 de
représailles; 8 entreprises pour décider quelques questions d^on-
ueur ou dé pi-érogiitivcs; provenant de coutestations relatives à la
pussesMon d'un territoire; 41 provenant des prétentions à uîie cou-
ronne; SU roininena'-es sous le prétexte d'assister un allié; 23 pro-
venant d'une riviilité d'inlluences ; 5 de querelles commerciales;
&5 civiles; 21! de religion, en y compi'enanl les croisades contre les
Turcs et les hérétiques. Si l'on admet que, le plus souvent, la reli-
Sion a ét^-, non la cause, mais le prétexte des 28 gnerres qui F:out
portées à sou compte, ou voit tiue presque toutes preimeut leui-
urigine dans une convoitise des richesses d'unlrui.
* Tependanl il faudra conserver les entraves ipii assuient ù wr-
(aiits peuples uiu- p us grande richesse d'usage.
Digitizeclby Google
20-2 PROTECTION.
dans une partie du monde dite civilisée, mais en-
core le nombre des victimes de celte atroce légis-
lation s'accroit chaque jour'.
Ne voyons-nous pas les Anglais, dont on doit re-
connaître le zèle ardent pour la guérison de cette
affreuse plaie de l'humanité (et Dieu veuille qu'ils
n'aient été guidés, dans cette noble tâche, par
aucun intérêt personnel!), faire encore peser, à
leur profil, sur l'Inde et l'Irlande, pays conquis,
des charges qui enlèvent aux vaincus la juste ré-
munération du travail individuel? L'Autriche ne
suit-elle pas la même politique en Italie? Que
de faits analogues ne pourrions-nous pas citer !
Du reste, sans renoncer à tout espoir d'amélio-
ration', que dire d'un monde où la renommée la
< D'après un des derniers rapporis de la Société pour l'abolition
lie l'esdavage, on compterait maintenant environ sept millions d'es-
claves aux Étal»-lJnis, au Brésil, dans les colonies espagnoles, dans
les colonies hollandaises, dans les républiques de l'Amérique du
Sud et dans les établissements delacâte d'Afrique. Et le nombre des
esclaves, au lieu de diminuer, en raison des entraves que l'on :i
mises à cet infâme commerce et des émancipations qui ont eu lieu
dans les colonies françaises et anglaises, serait triple aujourd'hui
de ce qu'a était au commencement de ce siècle.
' On peut juger de la dépravation de l'homme, lorsqu'il s'agit de
ses intérêts, par cette observation du Hollandais Witt : t (Jue
1 les courses des États barbaresqucs étaient utiles à la Hollande.
• parce qu'elles entravaient à son profit le commerce des faibles
• dans la Méditerranée, et qu'en conséquence, il fallait se garder
■ d'y mettre obstacle. » — L'Anglais Andersen, en lapporlaiil
celle opinion, fait cette laconique remarque : Fasesl abhostedoceri.
C'est à la Franco que l'on doit In desiructiou de cette piraterie.
Digitizeclby Google
LIRIîE ECHANGE , 205
plus éelataiile appartient aux Alexandre, aux Cé-
sar, ou autrement, aux dévastateurs du monde
qui ont fait couler des flots de sang, non pour dé-
fendre leur pays, mais pour satisfaire leur ambi-
tion? Tandis que c'est à peine si le nom d'un
bienfaiteur de l'humanité, d'un Parmentier, par
exemple, peut être sauvé de l'oubli ' !
Il est donc fort à craindre que l'opinion géné-
rale ne soit encore longtemps avant de prendre
la vraie sagesse uniquement pour guide.
Dans cet état de choses, si le système protecteur
des industries nationales, malgré les obstaclefi
qu'il apporte aux relations de royaume à royaume,
malgré le décroissement qu'il fait subir parfois à
la richesse dmage, peut servir à organiser la dé-
fense de certains peuples, et empêcher qu'ils ne
soient la proie d'autres plus puissants, l'utilité de
ce système dans certaines circonstances sera diffi-
cilement contestable
Déjà nous avons établi, chap. IV, que le libre
échange pouvait modifier le rapport entre lesn-
chesies évaluées de deux peuples qui trafiquent en-
semble, et par conséquent être défavorable à l'un
d'eux. Nousallonsdémonlrerici que, dans certains
cas, la protection en remplaçant le libre échange
fait accroître la rt'cAesse ^ra/w^e d'une nation; d'où
' Les hommes sonl ainsi ûiils, que [iresque ceux-là seulemenl qui
les déciment, livenl dans leur souvenir et leur admiration !
DigitizeciLy Google
il résultera inévitablemenlque le libre échange, au
lieu d'être considéré comme devant être appliqué
partout, d'une manière absolue, ainsi que le pré-
tendent certains économistes, ne sera plus qu'un
mode de relation commerciale parmi les peuples,
mode qui devra se discuter comme la protection.
Nous considérons d'abord une nation presque
entièrement agricole.
Supposons que la population en soit de 20 mil-
lions (l'habitants, produisant chaque année, à rai-
son de 6 hectolitres par individu, 120 millions
d'hectolitres de céréales, cotés à 10 francs l'hecto-
litre. Supposons, de plus, que la consommation
totale arrive à 100 millions d'hectolitres (soit
5 hectolitres par tôje'); il restera dès lors 20 rail-
lions d'hectolitres destinés à l'exportation.
Nous évaluerons encore, au pris de 5 hecto-
litres, les viandes et autres substances alimen-
taires produites et consommées dans le pays par
chaque personne; ce qui fait 60 millions d'hecto-
litres. La production totale peut donc être estimée
à la valeur de 180 millions d'hectolitres de cé-
réales, ou 1800 millions de francs.
< Sur cesS hectolitres, Sservinlàla panirication;tiGOUt emptoïcs,
soi! à la distillation, soit à faire de la bière, soit à nourrir le bétail, etc.
DigitizeciLy Google
LIBRE ËCUANGE. 305
Dans cette nation, les quatre cinquièmes des
habitants s'appliquent à l'agriculture, et le cin-
quième restant, qui est de 4 raillions, se compose
de commerçants, de fonctionnaires, d'artisans, de
domestiques', etc. Nous ajouterons que le com-
merce est entièrement libre.
Élevons maintenant des barrières sur les confins
du territoire de cette nation, et profitons-en pour
établir sur ce territoire une industrie onéreuse"
(en tissus de coton, par exemple), occupant soil
directement, soit indirectement, 2,miIIions d'ou-
vriers.
Comme cette industrie, dans une situation nor-
male, d'après Mac-CuUoch, donnerait naissance à
des produits pour une sommé de 1200 millions de
Trancs, nous porterons la production à une valeur
de 1800 millions de francs, puisque ces mêmes
produits se venderont 50 pour 100 en surplus de
ceux que l'on recevait auparavant de l'étranger.
Les bénéfices, à raison de 10 pour 100, sur la
production totale seront de 180 millions.
L'établissement d'une usine propice à cette in-
dustrie exigera donc pour frais de construction,
' Tous ces nombres sont proportionnels à (x\n donnés par
M. Blodi {Charges de l'agricjtUure) pour la Russie, et à peu pr^s
conformes à l'expérience.
' Onéreuse, c'esl-à-dire que les produits de cette induslrii'
doivenl être vendus à un prix plus élevé que ceu\ de provenance
étrangère.
D,„t,zecity Google
3Ufl PROTECTION.
achats de machines, fonds de roulement, etc.,
quelque chose comme 2 milliards; car on admet
habituellement que le capital de création doit
rapporter aux environs de 10 pour 100,
Précédemment 16 millions d'habitants, en se
livrant à l'agriculture, produisaient 180 millions
d'hecloHtres de céréales ou de produits assimilés
en valeur monétaire. Comme 2 millions d'hommes
travailleront à la nouvelle industrie, la produc-
tion en céréales se réduira d'un huitième ou de
22,500,000 hectolitres; et l'exportation, qui était
auparavant de 20 millions d'hectolitres, ne pourra
plus s'effectuer.
En suivant ces diverses hypothèses, et en ne
perdant pas de vue les conséquences qui en ré-
sultent, nous allons comparer la richesse évaluée
qu'avait ce pays avant les mesures prohibitives,
avec la richesse évaluée qu'il aura après leur adop-
tion.
l'our effectuer cette comparaison, reprenons
l'équation de la richesse éoaluée dans sa forme gc-
néi-ale.
PR =(mm (I -NJ -h</'M'm' (I— N') + etc.
H- Mm -f- M'm'-t- etc .-t- A— C
le pays, primitivement, ne produisant que du
grain, ou des substances nutritives dont la valeur
DigitizeclLy Google
LIBRE ËCDARGE. 3U7
a été assimilée à celle du grain, cette équation se
simplifie et se réduit à
PR=dMm (I— N}+Mm+ A— C
M désignant la quantité de grains supposés re-
collés ou autrement 180 millions d'hectolitres.
Après l'établissement de l'industrie cotonniére,
on aura
P'R'^dXm.(I-N.)H-d'M'm'(I— N')-hM,m.
4-M'm'H-A— C— 2 milliards.
Qu'on se rappelle que ces deux milliards ont
été consacrés à l'industrie ci-dessus dénommée,
et que, naturellement, ils doivent être portés dans
l'équation avec un signe négatiT.
M, est le chiffre désignant la quantité d'hecto-
litres de céréales nouvellemenl produites pendant
une année, ainsi que le nombre d'hectolitres do
céréales assimilés en valeur aux autres substances
nutritives également produites durant le même
temps
fH„ le prix de l'hectolitre.
M' la quantité de mètres de tissus obtenus an-
nuellement.
m' le prix du mètre courant.
F, R', rf„ d', N„ N', C, etc. , ont des significations
analogues aux lettres dépouillées de tout appen*
DigitizeclLy Google
208 PROTECTION.
dice, qui formenl'la partie principale de ces anno-
tations algébriques.
Tous leS'Signes dont se composent les équations
étant bien compris, nous devons reconnaître que le
terme d'Win'(l — N'), valeur de l'usine, est détruit
par le terme — 2 milliards, valeur de ce qu'elle a
coûté.
De plus, si l'on admet que le prix de la con-
sommation est égal au prix de la production, ce
qui diffère peu de la vérité,
C'=M,w.H-M'm', C=Mm
D'oii il résulte, que comme il s'agit de savoir
si, par suite de circonstances inhérentes à la pro-
hibition, la nouvelle richesse évaluée P'R' est
supérieure à l'ancienne PR , cela revient à s'assu-
rer, en raison des éliminations que nous venons
de faire, si (/.M.m, (I — N„) peut être plus grand
que dMm (I — N); ou autrement, en substituant
aux diverses lettres les valeursque nous leur con-
naissons, si (/,m, 157,500,000'' (I— N„) peut être
plus grand que dm i 80,000,000" (1— Nj.
C'est donc dans cette possibilité seulement que
gU toute la question, car nous sommes loin de pré-
tendre que la prohibition accroisse toujours la
richesse évaluée; nous verrons même plus tard que,
dans certains cas, cette même prohibition lui est
préjudiciable.
Digitizeclby Google
LIBRE ÉCHANGE. 309
■ Or les résultats de l'expérience prouvent qu'un
faible déûcit dans la production dos grains occa-
sionne une hausse hors de proportion avec le
chiffre de ce déficit'.
Voici les nombres recueillis par sir Grcgory et
rapportés par Tooke dans son Histoire det pru.
Un iléGcit dans la Au-desBui du liui
ré<M)lle de : ordiiuire.
1 dixième \ f ^ dixièmes.
2 _ 8 -
3 — } élève le prix de : f 1 ,6 —
i — \ j 2,8 —
5—1 l 4,5 —
D'après ce tableau, la hausse est d'environ trois
dixièmes lorsque le déficit est d'un dixième.
Si l'on admet que d est égal à d^, ce qui est dés-
avantageux à la proposition que nous voulons
établir, car dans les pays manufacturiers l'inté-
rêt de l'argent est plus bas que dans les pays agri-
coles, la multiplication de 180 millions d'hecto-
litres par 10 francs, prix d'un hectolitre, donnera
■ C'est un bit aujourd'hui bien constaté que pour le iAé, de tré$-
{,-ran(ies différences de prix correspondent à des récoltes peu dif-
lËrentesenquantilé. (Dupuit, ingénieur en chef des ponts et chaus-
sées; art Péage, Dict. d'ècon. polit.)
' Or c'est une ronarque qui a été faHe maintes fois, qu'un léger
excédant ou un l^er déHcit dans l'approvisionnement d'une den-
rée nécessaire ï la vie, suffit pour occasionner une perturbation
considérable dans le prix. (Holinari.)
U
DigitizeclLy Google
310 PROTECTION.
iSOO millions, valeur monétaire moindre que
2520 millions, résultant de la multiplication de
157,500,000 hectolitres' par 16 francs, ou le prix
précédent accru de trois dixièmes.
Ainsi dans ce cas la richeae évaluée devrait son
accroissement à la prohibition même.
Il est donc prouvé que cette richesse peut s'ac-
croître après la prohibition*.
Dans nos calculs, nous avons supposé que N.
était égal à N; mais si quelques personnes préten-
daient que les frais de culture s'augmentant arec
• 157.500,000 diiïérence entre 180,000.000 et 33,500,01)0.
* Pour simplîller les raisonnements, on a regardé P* cffinmeégat
à P. Cependant il est eertaines industrie» qui, en s'èlabtissant dans
un pays au moyen de la protection, font accroître la population, et
P' est plus grand que P. Il en résulte que les substances nutritives
de ce pays sont alors bien moins abondantes relativement à la
nouvelle population P'. qu'elles ne l'étaient par rapport à l'an-
cienne P (c'est-à-dire avant l'inlroduction de la nouvelle industrie),
et qu'en conséquence notre démonstration, s'il est possible, est en-
core plus complète.
Si l'on prétendait qu'on ne peut élever une manufacture dans un
pays agricole qu'en prélevant des capitaux sur l'agriculture (ce qui '
n'est possible qu'en lui enlevant des bras), el qu'ainsi il ne s'opère
qu'un déplacement dans les travailleurs, nous répondions que ce
prélèvement n'est pas nécessaire.
Maintes fois, par suite d'un monopole décrété dans un pays, on
a vu les capitaux déserter l'étranger, pour venir fonder la^ muiu-
facture avantagée par ce monopole, et les produits de cette manu-
facture servir i payer non-seulement les intérêts de ces capitaux
et les ouvriers expérimentés que l'on avait fait venir de loin, mais
servir en surplus ii donner de beaux bénélices aux iodustriels.
Digitizeclby Google
LIBRE ÉCHANGE. 211
le prix des subsistances, le capital terre ne prend
pas plus de valeur, nous les renverrions à l'expé-
rience qui constate que la rente des domaines
s'élève presque toujours, lorsque les denrées agri-
coles haussent de prix.
Dans les pays manufacturiers, où les substances
alimentaires produites par le se! ne sont pas suf-
fisantes, laricAesje ^ca/uce provient déjà en forte
partie du perfectionnement de l'agriculture', qui
accroît la production territoriale. Cette richesse
évaluée résulte encore du prix des produits de la
terre, prix qui surpasse celui des marchandises
similaires dans les pays agricoles, de tous les frais
que nécessite le transport de ces marchandises,
des pays agricoles aux pays manufacturiers où
elles doivent se consommer.
Cet accroissement dans le prix de la viande et
des céréales est donc tout à l'avantage de la ri-
chesse évaluée de ces derniers pays.
Nous ne saurions trop insister sur cette diffé-
rence de prix des substances nutritives chez les
diverses nations, et sur la cause à laquelle on doit
l'attribuer; car c'est tout naturellement, en re-
produisante cause de l'accroissement des prix que
l'on parviendra à augmenter la richesse évaluée.
Il peut donc y avoir, avec la protection, accrois-
' Voyez la Hollande, la Belgique, rAngleterre.
DigitizeciLy Google
H3 PRffreCTIOH.
sèment dans la richesse évaluée totale, bien que la
richesse d'usage générale ait pu diminuer, attendu
que certaines marchandises ont renchéri ; toule-
. fois il n'est pas démontré que l'essor de la richesse
évaluée d'un pays soit toujours favorisé par la pro-
tection d'une manufacture quelconque. Dans le
paragraphe suivant, on verra dans quel cas cette
protection est utile ou préjudiciable.
DigitizeclLy Google
8 s-
La protection accordée, dans certains cas, à diverses manufactures
situées dans un pays agiicule, diminue la richeste ivtUuée de ce
pays.
Une objection puissante faite par Smith aux
protectionnistes, et qui jusqu'ici n'a pas reçu de
solution satisfaisante, va trouver dans nos équa-
tions une explication des plus simples,une réponse
des plus catégoriques.
Voici cette objection formulée en quelques li-
gnes: ,
Si vous prétendez que la protection est utile,
n'est-il pas absurde de penser qu'une nation puisse
fabriquer avantageusement pour elle, avec des
mesures prohibitives, et au moyen de serres chau-
des, des substances exotiques qu'elle pourrait se
procurer par le commerce extérieur à un taux cent
fois moindre?
Un peuple assez inepte pour créer des établis-
sements qui produiraient aussi chèrement ne fe-
rait-il pas une perte énorme de richesse?
En émettant cette opinion, Smith faisait preuve
d'un esprit très-judicieux, car, grâce à la protec-
, Google
2U PROTECTION.
tion, une manufacture à produits onéreux ne peut
être fondée utilement dans un pays, que si elle ren-
contre certaines circonstances favorables.
Pour les déterminer, reprenons l'équation de
la richesse évaluée d'un pays agricole.
PR=dMm(l— N)-HMîn+A— C
H désignant la quantité d'hectolitres de grains,
dont la valeur est égale à celle de toutes les sub-
stances nutritives que produit le pays.
Le sensdes autres lettres comme précédemment.
Si ce pays se livre à une fabrication onéreuse
d'objets manufacturés, sa nouvelle richesse évaluée
sera :
P'R'=rf.M.m,(l— NJ-i-(i'M'm'(I— N'}^rM.m,
+M'm'+A— G'— K
K étant le capital employé pour fonder la nou-
velle industrie.
P' la nouvelle population.
M. la quantité d'hectolitres de grains représen-
tant en valeur les substances nutritives que ce
pays produit après l'établissement de la protec-
tion ; M, et M s'appliquant aux mêmes substances.
m„ le nouveau prix de l'hectolitre.
R' la nouvelle richesse évaluée individuelle.
M' la quantité des nouveaux articles manufac-
DigitizeciLy Google
LIBHE ÉCHANGE. 315
turés, que l'on confectionne au moyen de la pro-
tection.
m' le prix de l'uniCé de ces nouveaux articles.
N„, N', d„ d', etc. , conservant les significations
que nous leur avons toujours données.
Primitivement, les habitants échangeaient, par
exemple, une unité de M contre dix unités de M',
qui leurarrivaient de l'extérieur. Dansla nouvelle
situation qui leur est faite par la protection, les
unités de M' renchérissent, et ils ne peuvent plus
en avoir que deux pour une unité de M.
Ceci posé, que faut-il faire pour savoir si le
système protecteur est favorable à \arichesite éva-
luée? Tout simplement discuter les expressions al-
gébriques de VK et de PR, et reconnaître dans
quel cas
<M,in.(l— NJ-hd'M'm'(I— N')+M.m.+M'in'
— C— K
sera plus ^and que
dMm{l— N)+Mm— C
Précédemment nous avons simplilté ces expres-
sions, en supposant
K—dH'm'H — N') M'm'+M„.n„=C'
Mm=C
DigitizeclLy Google
îllî PROTECTION.
En sorte qu'il suffisait de comparer le terme
rf.M.m. (I — N.} avec le terme Mm (I — N).
Hais, si m' prix des nouveaux objets fabriqués,
est Irès-élevé, s'il est devenu 10 fois, 100 fois ce
qu'il était, lorsque l'on tirait les unités de M' de
l'étranger, d'M'm'(r — N') ne reste plus égal à K,
et la ricfieue ^oiu^ peut très-bien décliner.
En effet :
1° Le nouveau prix m' des articles que l'on
tirait de l'étranger avant la protection prend
de telles proportions, que la plupart des consom-
mateurs ne peuvent les acheter.
Alors d'M'm'(I — N') au lieu d'être égal à la somme
en espèces K, qui a été nécessaire pour fonder les
nouvelles manufactures, s'annihile en partie.
De là, perte presque entière du capital employé,
car ce n'est pas suffisant de vouloir élever le prix
(les marchandises, pour assurer l'existence de l'é-
tablissement où on les fabrique, il faut encore
avoir du débit.'
2' Si la nouvelle industrie n'emploie que peu
de personnes, elles sont sans action par leurs con-
sommations pour accroître la valeur M,m., et par
suite le capital d„M„m.(I — NJ; le prix des subsi-
stances nutritives ne pouvant s'accroître que par
la concurrence d'un grand nombre de consomma-
teurs.
3* Si le nouvel article fabriqué est très-cher,
Digitizeclby Google
LIBRE ECHANGE. St7
et que les produits agricoles n'aient pas enchéri
en conséquence, les agriculteurs seront forcés de
donner beaucoup plus des denrées dont M désigne
la quantité, pour acquérir les marchandises qu'ils
tiraient de. l'étranger avant la protection, mar-
chandises dont le nombre est indiqué par M'. '
D'où résulte pour les agriculteurs une dépos-
session désastreuse qui augmente leurs frais et
Aiminne leur ricbeise évaluée. Et les industriels ne
proûlent pas de cette dépossession, attendu que,
par la concurrence qu'ils se font entre eux, ils ne
peuvent s'appliquer que des gains seulement ré-
munérateurs.
4° Les nouveaux produits étant très-coûtéux ,
la contrebande s'exerce fructueusement sur eux,
et le capital rf'M'm'(I — N') éprouve encore, pour
ce motif, de fortes atteintes. Car si l'on veut
vendre, il faut absolument baisser les prix, et se
priver des bénéfices sur lesquels on comptait.
Quant aux suppositions M'm'-hM,m,=:C' et
Mm=C , nous dironsque les^consommations ne sont
pas chaque année, dans une nation, rigoureuse-
ment égales à la production, et qu'il se fait d'ordi-
naire tous les ans, sur cette même production une
réserve qui accroît le capital national. Or, si les
marchandises sont plus chères en raison de la pro^
tection, le prix des objets consommés augmente,
et la réserve nationale annuelle diminue.
DigitizeciLy Google
, 218 PROTECTtOK.
Un Ëtat marcherait à sa ruine, en encoura-
geant une industrie factice dont il faudrait payer
les produits un prix énorme.
l'our qu'une industrie puisse s'établir artificiel-
lement et utilement dans un pays agricole, il faut :
I. Qu'elle occupe un assez grand nombre d'indi-
vidus pour faire hausser le prix des subsistances ;
II. Que le capital de création ne puisse pas être
employé d'une manière plus fructueuse, en routes,
chemins de fer, ponls ou autres établissements;
III. Que le prix des produits protégés ne s'élève
pas trop haut, car :
1° La contrebande empêcherait que ces produits
ne prissent une valeur rémunératrice^ ce qui fe-
rait baisser la valeur du capital employé ;
2° La somme prélevée sur les regnicoles, pour
payer cette plus-value des produits, accroîtrait les
frais généraux des fabrications de toute espèce,
et nuirait encore au capital national en diminuant
les réserves que l'on peut faire chaque année.
Le plus souvent la création d'un établissement
industriel à produits onéreux peut être assimilée
à celle d'une route, soit pour les services qu'elle
rend, soit pour les dépenses qu'elle nécessite.
D'abord le sol sur lequel la route repose ne
donne plus naissance à aucun produit. Ensuite
il a fallu rétribuer des ouvriers pour fossoyer, ni-
veler, affermir, afin que ce sol soit rendu viable.
DigitizeclLy Google
LIBRE ECUANCE. Sf9
Cette route coûte donc; cependant son avan-
tage est incontestable, parce qu'elle ouvre des
débouchés.
Il en est de même des manufactures qui
n'existent que parla protection : c'est en ouvrant
des débouchés aux articles fabriqués d'un pays,
qu'elles peuvent quelquefois le dédommager lar-
gement de la perte qu'elles lui font éprouver d'un
autre côté.
Si, pour établir la route dont il a été parlé, il
était nécessaire de trancher des montagnes, de
combler des vallées, de traverser des fleuves, en
faisant des dépenses prodigieuses, qui ne seraient
pas en rapport avec le service qu'elle rendrait, il
faudrait bien se donner de garde d'y trafailler.
C'est ainsi que certaines industries trop oné-
reuses qui consisteraient à faire mûrir dans les
pays du nord le café, la vanille, etc., ne doivent
être encouragées par aucun gouvernement.
Poorsavoirsi la spécialité d'industrieà laquelle
on se livre est favorable à la richesse évaluée, on
comparera, à l'aide de nos équations, d'une part
le préjudice que cette industrie fait éprouver au
pays forcé de consommer des marchandises à prix
plus élevé, et d'autre part le bénéfice qu'elle lui
rapporte indirectement.
C'est cette comparaison qui fera décider la
question.
DigitizeclLy Google
330 PROTECTION.
En général, ce que nous venons de dire sur les
manufactures implantées de vive force dans les
pays agricoles ne pourrait s'appliquer aux pays
très-commerçants ou Irès-industriels.
Ainsi fonder en Hollande et en Angleterre, où
les subsistances nutritives ordinaires entrent ra-
tionnellement avec de faibles droits, des manufac-
tures ne pouvant subsister sans protection, ce se-
rait, dans un grand nombre de cas, un acte qui
ne.serait pas motivé au point de vue de la rickeue
évahtée absolue de ces nations.
Peu de mots vont nous suffire pour le démon-
trer.
La production des grains en Europe est d'envi-
ron Smilliards d'hectolitres. Si l'on ajoute à cette
quantité 2 milliards d'hectolitres environ, pour les
payssitués en Afrique, en Amérique et en Asie, qui
peuvent facilement communiquer entre eux et
avec l'Europe, on arrivera au total énorme d'en-
viron 5 miUiards d'hectolitres.
De plus, à notre époque, et pendant bien des
années encore, cette production demeurera tout à
fait subordonnée à la consommation ; c'est-à-dire
qu'elle s'accroîtra au fur et à mesure que les be-
soins deviendront plus grands.
Les céréales abandonnées librement à leurs
cours normaux ne prendraient donc pas, en Hol-
lande et en Angleterre, une valeur plus élevée,
DigitizeclLy Google
UBRE ÉCBANtiB. SSl
en raison du petit accroissement de population
résultant de l'industrie protégée, car, immédiate-
ment, il y aurait ailleurs un plus grand dévelop-
pement de culture qui s'opposerait à une hausse
dans le prix des subsistances. En conséquence, les
agriculteurs indigènes dont les produits éprouvent
déjà une plus-value provenant de l'importation
coûteuse des denrées alimentaires qu'ils ne peu-
vent fournir, ne bénéficieraient qu'infiniment
peu de ce nouvel ordre de choses ; tandis que ta
richesse évaluée de ces deux nations s'abaisserait
de toute )a perte occasionnée par le maintien des
industries protégées.
Par exemple, supposons qu'au moyen de serres
chaudes et de mesures prohibitives, il soit possible
de faire fructifier en Angleterre du poivre à
100 francs la livre, lorsqu'il est si facile de se
le procurer, en le recevant de l'Inde, au centième
de ce prix; évidemment l'Angleterre éprouverait,
sans compensation sensible, une perte sèche de
99 francs par livre de poivre '.
< Néanmoins, si, dans un pays manuracturier, ta protection d'un
genre de fabrication atait une Idle importance, qu'à défaut de cette
^Dtection, les habitudes nalimales pourraient être transformées,
dénaturées complètement (prenons pour exemple la substitution du
vin à la bière en Angleterre), ce ne serait qu'après un mûr examen
que l'on devrait pendre une décision.
Hous ferions une remarque semblable relativement ». un pays
classé dans la mÔme catégorie, si des droits élevés étaient frappés à
DigitizeciLy Google
«3 PROTECTION.
S'il s'agissait de la Russie, de la Pologne, des
KtalsUnis, où les céréales, dans leur abondance,
dépassent d'une manière notoire les besoins de la
population, on raisonnerait la plupart du temps
d'une autre manière, par rapport aux industries
que la prohibition ou la protection pourraient faire
prospérer. Toutefois, la culture du poivrier serait
dans ces pays, folle, ruineuse, et devrait y être
proscrite, pour les raisons que nous avons données
ci dessus.
. Que l'on veuille bien se reporter (page 215) à
la discussion de l'eipression
rf^M.m.{I— NJH-d'M'm'(l~N')H-M.m,H-MW
— C'— K'>dMm(I~N) + Mm— C
expression au moyen de laquelle toutes les dif-
ficultés relatives à l'importation et à l'exportation
peuvent être tranchées; on s'assurera que nous
avons tenu compte du dommage que fait éprou-
ver à la richesse évaluée d'une nation une indus-
trie réclamant la prohibition, et que ce dommage
est pris en grande considération, pour décider si
une industrie imposée par la forée, et n'ayant
qu'une vie factice, est utile ou non au développe-
ment de la richesse évaluée.
l'enlrée sur des produils tout à la fois Irês-recherchés cl d'une nti-
lilé (timteuse, bien que cependant ces produits [ussmt distincts des
inarcbandises nationales.
D.gitizeclty Google
LISRE ÉGEIAIfeE. 2t!3
Que Faul-il donc faire pour accroître le plus
possible la richase évaluée dans les pays presque
entièrement agricoles, et obtenir des profits qui
puissent, en se capitalisant comme fruits de l'é-
pargne, comme réserve de force, comme élément
de puissance, donner à ces pays le maximum de
richesse évahiée qu'ils sont susceptibles d'acquérir?
Dans nombre de cas, on doit mettre obstacle à ce
que la population se livre tout entière et exclusi*
vement aux travaux de l'agriculture, afin de faire .
consommer sur place la viande et les céréales pro-
duites par le sol'.
II s'établira alors infailliblement une concur-
rence de demandes, qui déterminera une hausse
dans les prix. Cette hausse profitera sans partage
aux agriculteurs indigènes, et ne servira plus à
rémunérer, sans accroissement du capital national,
les intermédiaires chargés et de la vente au de-
hors et des frais de transport.
< Aux ÉLats-Unis, pays nouvellement civilisé, où la population
s'accroil par elle-même, et par l'immigration d'une liianière pro-
digieuse, où le commerce et la nav^ation ont pris un trââ-grand
essor, èvidenuDent ces maximes ne sont pas applicables.
DigitizeclLy Google
8 5-
Une nation agricole ou manuracturiére peut avoir avantage à frap-
per certaines marchandises étrai^ères, de droits non-seul«nent
fiscaux, mais encore protecleurs, lorsque ces marchandises don-
nent lieu, en tenant compte des frais de fabrication et des jour-
nées de travail qui s'y rapportent,à des échanges qui amoin-
drissent relativement la richesse évaluée de cette nation.
Dans le chapitre précédent et dans celui des
échanges, nous avons montré que les peuples ma-
nufacturiers, en commerçant avec les peuples agri-
coles, acquéraient une richesse évaluée bien supé-
rieure à celle de ces derniers, parce que dans lés
échanges, la marchandise fournie par le peuple
manufacturier exigeait, en général, moins de
journées de travail, toutes choses étant égales
d'ailleurs.
Nous dirons maintenant qu'en se rendant
compte, au moyen de calculs analogues aux précé-
dents, de l'effet produit sur la richesse évaluée d'un
peuple quelconque, manufacturier ou agricole,
parl'importationdecertaines marchandises, il peut
très-bien arriver que cet effet lui soit défavorable-
Un article de provenance étrangère vient-il
Digitizeclby Google I
J
LIBRE ÉCHANeE. ^b
amoindrir relativement la ricitesse évaluée d'une
nation, il y a lieu maintes fois pour cette nation
de le frapper de taxes à son entrée, afin d'en dimi-
nuer la consommation. De cette manière, les béné-
fices et la ricke»$e évaluée du peuple qui fabrique
cet article se réduiront simultanément.
O'est principalement aux objets de luxe qu'il
est convenable d'appliquer cet accroissement des
taxes à l'entrée ; car une certaine action, assimi-
lable à celle du monopole, s'exerce presque tou-
jours sur le prix de ces marchandises, et, en éle-
vant ce prix, accroH le salaire journalier des
ouvriers qui les ont fabriquées, ou le bénéfice
de leurs patrons.
En voici un exemple :
Une modiste parisienne vend, au prix de
100 francs, une coiffure qui n'a exigé qu'un jour
de travail, et daiis laquelle entrent seulement des
matières premières pour 35 francs. Si le marché a
été passé avec une Française, malgré le haut prix
de la main-d'œuvre, il n'y a pas de diminution
dans la richeise évaluée de la France, et rien n'em-
pêche les choses de suivre leur cours naturel.
Mais lorsque lacoifTure est payée par une étran-
gère, le rapport entre les rkhesxei évaluées de la
France et de la nation à laquelle cette étrangère
appartient, est altéré au préjudice de cette na-
tion. Surtout si, la modiste ayant traité avec une
aSG PIIOTEGTION.
dame russe, le règlement définitif, s'est opéré au
moyen d'un échange de 5 hectolitres de froment
russe contre la marchandise parisienne; car ces
5 hectolitres, à raison de 20 francs l'un, auront
réclamé une bien plus grande quantité de jour-
nées de travail, tous autres frais de fabrication
compensés '.
Si la Itussie avait réglé définitivement l'acqui-
sition de la coiffure, au moyen d'une peau de
martre zibeline, dont la possession ne lui aurait
peut-être coûté primitivement que la charged'un
seul coup de fusil, il seraK bien possible que la
proportion entre les ricke$$e$ évaiuée$ des deux
pays ne se fût pas modifiée.
Les Anglais ont tenu compte, malheureusement
par rapport à la France, des considérations sur
lesquelles nous venons d'appeler l'attention.
Ainsi, les vins de France, à leur entrée en
Angleterre, sont taxés à la somme énorme de
1 50 francs par hectolitre.
Un chapeau, un bonnet en étoffe, fabriqués
dans notre pays, payent, chacun, à la douane
anglaise, S fr. 50, quand bien même la valeur
réelle de ces objets serait au-dessous de cette
somme.
< Voyez ce qui a été dit, page 169, sui' le nombre de journées
de travail queles Russes appliquent à la production d'un hectolitre
de froment.
pigitizeclby Google
UBRB ÉCHANGE. 237
Et la protection de la richesse évaluée relative
de nos voisins s'effectue encore au moyen des
frais de transport de ces diverses choses, du
lieu de production au lieu de consommation ,
frais qui accroissent le prix de ces mêmes choses,
et empêchent qu'il n'en soit acheté une forte quan-
tité.
La Turquie use de singuliers errements écono-
miques. Les marchandises étrangères payent
5 pour 100 à l'entrée, et les marchandises indi-
gènes soldent au gouvernement un droit de«12
pour 100, à la sortie'. 11 en résulte forcément
que ce pays, par la maladresse des gouvernants,
est condamné à la pauvreté.
La main d'œuvre a beau être bon marché, le
fabricant ne peut livrer que peu de produits à
l'étranger, puisque leur prix doit s'élever à la
sortie.
Comme la Turquie est dans une situation à ne
pouvoir exciter la jalousie des puissances étran-
gères, l'intérêt de ces dernières est contraire à ce
qui est. 11 serait préférable, pour elles, que la
Turquie produisit beaucoup, parce qu'alors il en
résulterait des échanges très-nombreux avec l'ex-
térieur, qui augmenteraient tout au moins la n-
cheite d'mage générale.
' Lettres SUT la Turquie, par Vbicini.
DigitizeciLy Google
228 PROTBCTIO».
Dans ces déductions, nous avons presque tou-
jours généralisé nos raisonnements, et n'avons
fait que très-rarement des applications particu-
lières à telle ou telle marchandise spéciale.
En agissant autrement, nous aurions donné de
trop grandes proportions à un ouvrage qui n'a
pour but que d'asseoir certains principes écono-
miques sur des bases solides'. Nous dirons cepen-
dant qu'en général nos théories portent à recom-
mander la liberté pour le commerce des grains,
et à ne faire protéger celte espèce de marchan-
dises que par les manufactures.
' Ainsi, par exemple, nous croyons démontrer d'une manière
irréfurable que les sjstéraes du libre échange et de la protection ne
s'excluent en aucune manière, et que l'application de l'un ou de
l'autre de ces systèmes à un pays, dépend de sa position géographi-
que, de son commerce, de son industrie et encore des diverses apti-
tudes de ses habitants.
Digitizedby.GOOgle
De l'introduction du (ree trade dans un pays si
anné«s, à la prolection.
D'après ce qui a été dit eur la richesse évaluée et
la richetse d'usage, on pourrait penser que, le plus
ordinairement, si le libre échange fait perdre, aux
habitants d'un pays depuis longtemps au régime
de la protection, une partie de \ç.\it richeue éva-
luée, en compensation, il augmente leur richeste
à'mage,
— Que l'on se détrompe !
En décrétant le libre échange dans une nation,
ces deux espèces de richesses peuvent très-bien
alors décliner à la fois.
Nous nous gardons bien d'affirmer qu'elles di-
minueront toujours, car, si le système protecteur
avait été sottement appliqué, bien au contraire,
au moment de son abandon, l'une et l'autre de
ces richesses grandiraient.
En effet, par impossible, prenons pour exemple
un pays du nord de l'Europe qui, dans le but de
prohiber les produits de l'Inde et de l'Amérique
Digitizedt, Google
S30 PROTECTlOIt.
méridionale, aurait remplacé par des procédés
factices, incomplets et en même temps très-oné-
reux, le soleil brûlant de ces contrées, si néces-
saire à la végétation de certaines plantes.
— Eh bien! le délaissement d'une pratique
aussi déraisonnable, pour adopter te libre écbange,
serait favorable à la richesse d usage et à la rickesxe
évaluée*.
Mais, dans le cas où les mesures protectrices
auraient été judicieusement appliquées, le résul-
tat serait tout autre. Ces mesures auraient fait
surgir une population* nouvelle qui serait loin
d'être dénuée de bien-être, et si, parsuitedulibre
échange, l'ouvrage venait à manquer dans lesma-
nufactures, où une partie de cette population tra-
vaillerait, les deux espèces de richesses décline-
raient ensemble.
Ce que nous venons d'avancer, dans son appli-
cation à la richesse évaluée, ne sera certainement
pas démenti, car assez d'explications probantes
en ont été données antécédemmcnt ; mais quant
à la richesse d'mage, comme le libre échange
fait diminuer maintes marchandises de prix, et
qu'il semble que, par suite, cette richesse doive
' Voyeîp. H9et siiiï.
* Le système de la prolection, établi dans de mauvaises cond^
lions, pourrait fùre diminuer la population d'un pajs.
DigitizeclLy Google
LIBRE ÉCaAKGE. 331
s'accroître, nous allons faire toucher au doigt qu'il
est loin d'en être ainsi.
L'équation de la ricbeae d'mage est
P {anH-a'm'H-etc.H-/}
Supposons que M' représente la quantité de
mètres de cotonnades fabriquées dans le pays pro-
tégé, et m' le prix du mètre.
Si on laisse entrer des tissus en coton, coû-
tant moitié moins que les tissus indigènes, les
fabriques du pays s'arrêteront, M' m' s'annulera
presque.
l)e plus, la population qui travaillait aux ma-
nufactures de coton, étant très-malaisée, se ré-
duira aux plusdures privations, etsi M représente
la quantité d'hectolitres de froment produits, m
le prix de l'hectolitre, Mm s'amoindrira.
Le numérateur diminuera donc, puisque les
deux termes, Mm etM'm', décroîtront à la fois.
Il est vrai qu'au dénominateur, m, m', etc.,
se réduiront aussi ; mais le numérateur, en rai-
son du terme de la forme M'm' dont chaque facteur
s'apetisse, s'abaissera beaucoup plus vite que le
dénominateur, ou seulement m, m', prennent des
valeurs plus petites {a,a', etc. étant des constantes) ,
D,„t,zecity Google
K3 MOTECnON.
et entraînera dans sa décadence U, la richeise
d'usage.
— Hais, dira-t-on : les cotonnades seront à
meilleur marché? Nous répondrons qu'il peut fort
bien arriver qu'avec un hectolitre de grains(nou-
veau prix) on ne puisse acheter autant de colon-
nades qu'auparavant, malgré le rabais de ces der-
nières marchandises.
Dans ce raisonnement, nous avons admis que
P était constant, et c'est avec raison.
En efTet, lorsqu'une population est atteinte par
la misère, ce n'est qu'après un bien long temps
qu'elle se réduit, d'elle-même, au nombre suffî-
sant pour retrouver le bien-être qu'elle a perdu.
Et la durée des affligeantes épreuves qu'elle subit
dépend, en grande partie, et de l'attachement
que cette population conserve à son pays, etde^
tendance à se multiplier : or tout le monde sait
combien les mœurs, lescoutumes d'un peuple sont
lentes à se modifier.
Avec l'application du libre échange, un peuple
pourra donc traverser les crises les plus funestes,
pour arriver au point où sa richesse d'taage
moyenne devra s'accroître, s'il est vrai toutefois
qu'il se trouve dans des conditions où le libre
échange est admissible'. Par ce langage qui est
« Le nouTCSu tr«ité avec l'Angleterre n'esl pas du libre échange :
"oigitizeclby Google
LIBRE ÉGHAHGE. 353
biffli loin d'être absolu, nous laissons pressentir
que dans certaines circonstances' une nation n'a
rien à redouter du libre échange.
Ainsi, est-elle très-industrielle î Peut-elle lutter
avec succès contre les peuples étrangers dans la
fabrication des objets manufacturés?
Que cette nation se rassure ! — En succédant à
la protection, le libre échange, en général, dans
cette circonstance, est, tout à la fois, favorable à
la ridiesse évaluée et à la rickes$e d'u$age.
L'examen des équations de ces richesses rend
parfaitement compte de ce phénomène écono-
mique. Il explique encore ce qui aurait Heu dans
l'hypothèse suivante.
Supposons que l'électricité, ou même une sub-
stance matérielle, en se combinant avec un li-
quide très-abondant, Veau, par exemple, permet-
tent de fabriquer, à un prix extrêmement réduit,
tout le vin dont on a besoin dans l'uni vers. Certai-
nement la richetse d'usage du monde entier, et
principalement celle des peuples qui achètent celte
boisson à grands frais, s'accroîtra.
Mais les 2 millions de cultivateurs et de pro-
priétaires qui, en France, vivent de la vigne (en
admettant que le terrain où elle végète ne puisse
être adapté à aucune autre culture), verront
c'est simplement une diminution du prolccJion, soit du cotii de lu
France, soit du oMê de i'Anuleterre.
DigitizeclLy Google
leur riclietse à'utage diminuer prodigieusement.
De plus, il serait bien possible que ces 2 mil-
lions d'individus, en pesant par leur misère sur les
54 autres millions que nourrit encore ce pays,
n'amoindrissent immédiatement la rieheue damage
moyenne de chacun de ses habitants.
Le libre échange introduit dans une contrée
soumise au régime protecteur depuis longtemps,
semble, au premier abord, dans ses résultats éco-
nomiques, avoir une grande analogie avec les ré-
sultats que l'on observe quand on substitue au
travaildes hommes celui des machines.
Nous allons montrer, cependant, qu'il existe une
très-grande différence entre ces deux résultats.
Lorsque les prix des marchandises diminuent
dans un pays, en raison des perfectionnements
qui sont introduits dans les fabriques, la rkheue
ttusage s'accroît ; car dans son équation, les quan-
tités des marchandisesM, M', etc., augmentent, et
font accroître, comme nous l'avons déjà dit, cette
espèce de richesse, malgré la diminution des prix
de l'unité de ces marchandises, m, m', etc., qui
influencent de la même manière le numérateur
et le dénominateur de cette équation.
Incidemment, nous ferons observer, à la suite
de ce raisonnement, qu'il est de la plus grande
utilité, pour un peuple chez lequel règne la pro-
tection, que les machines employées par ses in-
Digitizeclby Google
LIBRE égqakge:. 3:.5
dustriels soientau plus haut degré de perlecUon;
puisque sa richesse d'usage en dépend. Sous ce ré-
gime, les droits d'entrée des marchandises étran-
gères doivent être gradués, de manière qu'un
progrès Incessant et une activité constante prési-
dent toujours aux fabrications nationales.
Pour revenir à notre sujet, il est certain qu'au
moment où les machines d'invention récente com-
mencent à fonclionner, elles peuvent causer de
grands maux aux ouvriers; mais comme, en gé-
néral, elles n'agissent que sur la situation de quel-
ques milliers d'entre eux (caries perfectionnements
les plus efficaces ne s'obtiennent que bien len-
tement), le malheur éprouvé n'est pas immense,
absolu, sans remède. N'avons-nous pas vu, après
quelque temps de misère, les travailleurs qui
étaient inoccupés sur un point se caser ailleurs?
Sans vouloir méconnaître les souffrances mo-
mentanées que produisent les machines, on ne
peut contester, en lès considérant sous une autre
face, qu'elles fontobtenir de grands avantages.
Ces machines donnent une impulsion heureuse
et presque subite à la richesse évaluée d'un pays,
et bientôt même à sa richef.se d'usage ; puisque
les ouvriers se remettant assez promptement à la
besogne, les marchandises baissent de prix.
Voyons acluellemeni quelles sont les consé-
quences du free trade introduit tout à coup, sans
DigitizeclLy Google
336 PROTECTION.
préparation aucune, dans un pays où la protection
s'est exercée pendant longues années.
Déjà, il doit y avoir, à la suite d'une mesure
économique ainsi brusquée, une bien plus grande
quantité de travailleurssans emploi, que lorsqu'il
s'agissait des machines, et nous nous sommes
étendu assez longuement sur les maux qui s'en-
suivent, pour qu'il soit inutile d'y revenir.
Mais, quand bien même on pourrait faire émi-
greravec facilité ces travailleurs forcément oisifs,
d'ordinaire, contrairement à ce qui résulte de
l'emploi des machines, il y aura diminution dans
la rickesîe évaluée, puisque la production indigène
aura décru '.
Des divers détails dans lesquels nous sommes
entré, il résulte qu'en général un pays engagé
dans les voies protectionnistes ne peut, sans beau-
coup d'imprudence, revenir subitement sur ses
pas pour suivre résolument et insoucieusement
les principes du libre échange.
' Il faut ici se rappeler que lorsque la protection a élê parlaile-
meiit raisonnée, elle fait accroilre la richesse évaluée.
DigitizeclLy Google
Sanction donnée par l'expérience à nos théories.
Si, comme nous l'avons déjà dit, tous les peu-
ples du monde étaient réunis dans une confrater-
nité parfaite ; s'ils ne constituaient qu'une seule
et unique famille, la liberté du commerce serait
en général une bonne chose, parce que les satis-
factions s'acquérant habituellement au moindre
prix' , la richesse ^ usage obtiendrait son maximum .
Malheureusement il n'en est pas ainsi.
Ne voit-on pas partout les idées de domination,
et non de justice, prévaloir dans les relatioDS ex-
térieures? Chaque nation ne vise-t-elle pas con-
stamment à l'agrandissement du territoire sur
lequel elle est assise, pour y puiser des moyens
d'oppression plus certains? C'est de l'histoire que
nous écrivons, et, malheureusement encore, de
l'histoire moderne.
Aussi la pratique conduit-elle presque tous les
' Le IîIh^ échange ne fait, pas toujours baisser les prix, il les
accroît souvent, en exerçant une action pareille à celle d'une route
que l'on ouvre dans un pays sans débouchés; mais, par le libre
échange, chaque membre de la famille humaine obtient le plus or-
dinairement, avec moins de travail, les objets qui lui sont ou néces-
saires ou agréables.
DigitizeabyGoO'jlc
258 PROTECTTON.
peuples, quand ils ne sont pas dans des conditions
industrielles spéciales, à adopter le système pro-
tecteur qui accroît leur force, leur importance;
et se gardent-ils bien d'abaisser les barrières qui
les isolent, lorsqu'ils pourraient ainsi souvent ac-
quérir une vie douce, facile, c'est-à-dire une très-
grande richetsed'magel
Or, voyez ce qui se passe habituellement dans le
monde et quelle sanction complète nos théories
reçoivent de l'expérience !
Des lignes de douane existent à l'entrée de cha-
que pays, et des droits protecteurs y sont presque
partout prélevés sur les marchandises de prove-
nance étrangère; c'est que les peuples qui y ré-
sident, conduits par la pratique, rechei:chent la
richesse évaluée. Dans l'intérieur de ces pays, au
contraire, la circulation des marchandises est par-
faitement libre'; c'est qu'alors il ne s'agit plus
d'établir une supériorité en richesse évaluée^ d'une
province sur une autre; mais de rendre tous les
nationaux heureux, autant qu'il est possible*.
I Les octrois n'eibtent qu'à titre d'élablissemenU fiscaux et non
prolecteurs.
' Quelquefois, il est vrai, une province, d'un vaste empire, très-
éloignée des centres de consommation, pourrait avoir besoin pour
raccroissement de sa richeue d'usage (voyez p. 119 et suiv.), d'in-
dustries prot/^gées, en raison des frais onéreux de transport qui grè-
vent ses productions naturelles, mais c'est toujours dans des cas
eiceptionnels.
Digitizeaty Google
Uii petit peuple, qui ne doit son existence indé-
pendante qu'au bon vouloir des États du premier
ordre, et dont l'action guerrière sur les nattons
voisines est presque insensible, a naturellement
un grand intérêt à ne rechercher que la richesfie
d'usage, au moyen du libre échange.
Si même il est industriel, commerçant, et si
une position favorable lui permet d'être naviga-
teur, il cumulera, au moyendu libre échange, sou-
vent tout à la fois, et la richeste d'wage et la ri-
rkesse évaluée.
Mais la Russie, pays agricole, qui compte au
nombre des grandes puissances de l'Europe, com-
promettrait sa haute position, si elle se laissait
aller à des errements pareils.
11 est remarquable que Montesquieu, dans un
chapitre de l'Esprit det lois, intitulé : « Avec quelle
nation il est déiavanlageux de faire le œmmerce; »
avait eu la prévision des vérités que nous venons
d'établir; car il conclut que le commerce libre
est désavantageux aux nations pauvres, c'est-à-
dire aux nations agricoles.
J. B. Say a donc sacrifié aux erreurs que ren-
ferme sa théorie de l'échange, lorsqu'il reproche à
ce penseur illustre une opinion qui est au con-
traire la preuve d'un très-profond jugement.
DigitizeciLy Google
Dans les voies de protection oîi la plupart des
gouvernemenls sont engagés, voies dont nous
avons fait reconnaître souvenlefois l'utilité, et
que nous nous gardons bien d'approuver et de
préconiser en tout, partout et toujours, en gé-
néral ils ne marchent qu'en aveugles, ou au-
trement, en trébuchant à chaque pas; l'appareil
protecteur dont ils se servent ne fonctionnant
pas le plus habituellement d'une manière ra-
tionnelle.
Néanmoins, les exemples ne nous manqueront
pas pour démontrer que cet appareil, malgré ses
défectuosités, et bien que son application soit dé-
plorable au point de vue de la richesse d'utage gé-
nérale ou du bien-être de tous, a cependant pu
enrichir certaines nations.
Le système continental, inventé par Napoléon I"
pour ruiner l'Angleterre, avait tellement indis-
posé le monde, qu'à la chute de l'I^mpire. la li-
berté du commerce fut acclamée de toutes parts.
Dans ces circonstances favorables, te nom de
J. B. Say, propagateur du libre échange quand
même, devint européen. Son Traité d'économie
DigitizeclLy Google
LIBRE ECHANGE. 341
politique fui. traduit dans toutes les langues, et ses
doctrines furent généralement acceptées.
Lui-même, par des qualités de style et un talent
incontestable d'exposition, avait donné, à l'en-
semble de ses publications, une autorité que les
idées qu'il patronnait ne méritaient pas à tous
égards.
Plusieurs États, entre autres la Russie, l'Alle-
magne et les États-Unis, s'empressèrent d'adopter
ses principes.
Mais, quelques années plus tard, le comte de
Nesseirode, grand ministre du Czar, déclara
que les produits russes ne trouvaient plus de
débouchés à l'étranger; que les fabriques du
pays étaient ruinées ou près de l'être ; et il rem-
plaça le système du libre échange par celui de
la protection, donf le gouvernement moscovite
parait se bien trouver.
Les États-Unis et l'Allemagne imitèrent cet
exemple, et ne semblent pas décidés à l'aban-
donner '.
* Nons avons lu avec étonnement, dans plusieurs ouvrages sur
l'écoDomie politique, que les Élals-Unis ont adopté le libre
édiange. Le dernier tarif de leurs douanes, que nous rapportons,
tarif qui a été révisé le 3 mars 18à7, par un acte du congrès, est
non-seulement la preuve du contraire, mais encore, malgré plu-
sieurs écarts, son économie générale s'accorde j'isqii'i un certain
point avec nos théories; sauf, bien entendu, que nous ne garantis-
sons pas la parfaite convenance des chiffres décrétés, cette déter-
Digitizeclby Google
249 PROTECTION.
Quant à la France, elle a persisté bien plus que
tous les autres Ëtats dans tes idées napoléoniennes;
car ses tarifs contiennent un plus grand nombre
de prohibitions, et cependant la situation de son
industrie ne lui donne pas complètement tort.
Toutefois le moment nous paraît venu, où cette
nation pourrait, avec raison et dans certains sens,
modifier ses taxes douanières, pour augmenter,
inination demandant une étude particulière de la situalion des usines
et fabriques d'un pays, et des relations de ce pays arec l'élran^r.
Voici les principaux articles de ce tarif :
« Payeront50 pour 100 d'ratrée :
Le verre et le cristal taillés, les meubles en acajou, etc.; les vins
el imitations de vins, les conserves de viande et Âe l^mes, etc.
Payeront 24 pour 100 d'entrée :
Les tissus Ans de soie, de laine et de coton, la parfumerie, la t»-
blelterie, les broderies, les peaux ouvrces, les vêtements de toutes
sortes, les modes el Oeurs artificielles; les poteries en faïence,
porcelaine et terre commune; les pendules et horloges, Torfévrerie
et la bijouterie, etc.
Payeront 19 pour 100 d'entrée :
Certains tissus de soie, coton, etc., ayant reçu moins de façons
que dans Varticle précédent.
payeront 15 pour 100 d'entrée :
L'amidon, le beurre, les caractères d'imprimerie, le froment,
les tissus de lin el de chanvre, la sellerie commune, etc.
Payeront 8 pour 100;
Les fourrures non apprêtées, etc.
Payeront 4 pour 100 :
Les acides acétique, sulfurique, etc., le caoutchouc concret.
l'étain propre fi être travaillé, la gutta-perdia brute, la garan
Seront exempts de tous droits :
Les animaux vivants de toute espèce; les baies, noix, fleurs et
Digitizeclby Google
LIBRE fiCBAnCE. 345
d'une manière plus intense, et sa rickene évalnée
et sa riekeste d'mage.
Il est vrai que l'Angleterre semble ne vouloir
pas persévérer dans ses anciens errements de pro-
tection. Mais les nouveaux principes économiques
qu'elle a embrassés, merveilleusement adaptés au
développement de sa prospérité financière, de sa
prépondérance industrielle, résultent, en grande
partie, des diverses théories fondamentales de cet
ouvrage'.
vègétanx, exdusivemeni employés pour la teinture {pourvu qu'iU
n'aient reçu aucune préparation), yeseagrak.ïiiiiMTe beat, la laine
bnile, la soie grége, le plitre de Paris, • etc.
Si l'on fait attention que la richesse évaluée des Étals-Unis re-
pose priticipalement, )• sur la production du coton, S* sur li cul-
ture des terres; 3* sur le conunerce eitérieur; 4° sur l'iiiimigra-
Uon des nombreux ouTriers qui viennent chaque année s'} Rxer,
5" (hon-enium dicere '.) sur la production des esclaves nécessaires à
la culture du cotonnier; on reconnaît que ce tarif, qui est très-
modéré pour les marchandises servant d'outils, ainsi que pour
les marchandises brutes, et qui exempte même ces dernières de
tous droits, tandis qu'il fait payer â4 et 50 pour 100 pour les mar-
chandises de luxe et celles oà il entre beaucoup defaçons d'un hant
prix, a pour but d'accroître, d'après nos théories, les principales
sources de rickesse évaluée que nous avons énumérées.
C'est ainsi que les pompes et la saignée ont été en usage long-
temps avant que l'on connAt et la pesanteur de l'air et la circu-
lation du sang.
Quant à dire que l'économie de ce tarifa été empruntée au libre
échange, nous répondrons qu'il faut être aveugle pour ne pas voir
qu'elle est basée, en raison de la diOërence dans les taxes, sur le
principe de la protection du travail national, principe opposé au
systèmedu libre échange, qui ne reconnaît que des droits fiscaux.
' Nous ferons ici la même remarque que lorsqu'il a été question
Digitizeaty Google
Ui PROTBCTIOH.
lorsque cette puissance possédait, naguère, les
colonies de l'Amérique du Nord, l'essor de sa pro-
duction manufacturière n'étant alors qu'assez fai-
ble, elle tenait ces colonies dans un tel état
d'asservissement sous le rapport des arts manu-
facturiers, qu'en dehors des confections domesti-
ques et des métiers vulgaires, on n'y tolérait au-
cune espèce d'usines.
En 1750, une fabrique de chapeaux, établie
dans le Massachussets, provoqua l'attention et la
jalousie du gouvernement anglais, qui déclara
dommageables toutes les fabrications coloniales
faisant concurrence à la mère patrie.
Vingt ans plus tard, lord Chatham, alarmé par
les premiers essais métallurgiques delà Nouvelle-
Angleterre, soutint qu'on ne devait pas permettre
qu'il se fabriquât une tète de clou dans les colo-
nies.
La maxime favorite des ministres de George III
était : « Moins un peuple exportera de céréales, et
« plus il en importera , et en même temps plus il
« exportera de marchandises manufacturées, plus
« il aura de richesse' évaluée. »
des droits (l'iraporUti<»i pour les États-Unis; ce n'est que lacooi^
dination générale du système dont nous voulons parler, et non de
t£l ou tel chliïre du larif des douanes.
< Richesse était, pour ces ministres, synonyme de ridiesse éva~
Digitizeclby Google
UBBE ËCUAIfGE. 345
bans leurs discours parlementaires, ils repro-
duisaient cette maxime sous toutes les formes. Et,
en elTet, son adoption a été ta cause de l'extrême
richesse évaiuée de la nation qu'ils ont si habile-
ment dirigée.
Après avoir longtemps cherché, dans l'intérêt de
l'aristocratie seule, à restreindre l'importation
des grains et de toutes les autres marchandises,
l'Angleterre, reconnaissant qu'elle faisait fausse
route, parce qu'elle était devenue puissance ma-
nufacturière du premier ordre, a changé ses
allures, en adoptant, en fait de commerce, des
mesures moins protectionnistes.
M^is, pour cela, bien qu'elle ait plus d'intérêt
que toutes les autres nations à admettre le libre
échange, elle est loin de méconnaître les pertes
qu'elle éprouverait en acceptant complètement ce
système.
En voici la preuve irrécusable :
1° Les cent cinquante francs de droits que la
douane anglaise prélève à l'entrée sur l'hectolitre
des vins de France ne sont pas uniquement des
droits fiscaux, puisqu'elle n'exige que soixante-
quinze francs pour les vins des possessions an-
glaises.
2* Les tissus de soie étrangers sont frappés
d'un droit de 15 pour 100; mais ceux de prove-
nance anglaise payent seulement 5 pour 100.
u,„t,zecity Google
246 PROTECTION.
5° Le beurre étranger 12 fr. 25 c. les 100 kilo-
grammes; le beurre de provenance anglaise,
6 fr. 12 G. les 100 kilogrammes.
4* Le fromage étranger, 6 fr.. 16 c. les 100 kilo-
grammes; le fromage de provenance anglaise,
3 fr. 70 c. les 100 kilogrammes.
5° La drèche est prohibée à l'importation.
6* La bière reçoit, ainsi que le houblon, un
drawbach à l'exportation : 5 à 10 fr. pour l'hecto-
litre de bière, 45 fr. pour les 100 kilogrammmes
de houblon'.
7" La culture de cette dernière denrée est pro-
tégée par des droits tellement élevés, qu'ils équi-
valent à peu près à la prohibition : 62 fr. 50 c, à
l'entrée, pour 100 kilogrammes de houbton,
8' Pour certains bois, on paye un droit d'im-
portation de 6 fr. 60 c. à 90 fr. le mètre cube ; pour
les mêmes bois de provenance anglaise, le droit
est de ft>. 90 c. à 2 fr. 50 o.
Passons à un autre ordre de faits.
Le fer, h zinc, l'acier, le cuivre, etc., à l'étal
brut, sontexemptsdelousdroits; mais quant aux
objets fabriqués avec ces métaux, ils doivent ac-
quitter environ 25 fr. les 100 kilogrammes.
' ' Crâce à la prime d'exiKirtation. il a été expédié d'Angleterre
en Belgique, année 1858, 8.000 balles do houblon. Aussi les pro-
ducteurs belgesont-ils réclamé de leur gouverncmenl une prolec-
toin contre rin?asion de ce produil.
>, Google
UBRE ËCBANGE. 24T
Le colOD, la laine, la soie, le chanvi-c, le lin, ù
l'état brut, ainsi qu'un grand nombre d'autres
matières premières, sont libres à l'importation;
mais ees matières fabriquées payent, à l'entrée du
royaume, 5, 10, 20, 100 pour 100, ad valorem,
et plus, suivant la supériorité industrielle des
peuples d'où elles tirent leur origine.
Ainsi le tarif pour les étoOes de coton ne s'élève
qu'à 3 pour 1 00, tandis que, pour les tissus de soie,
il est de 15 pour 100 ; et, au choix de la douane,
ce tarif peut varier de 8 fr. 28 c. à 55 fr. 08 c. le
kilogramme; ce qui augmente les droits d'im-
portation d'une manière très-sensible.
On doit, à l'entrée, pour une robe confection-
née avec une étoffe dans laquelle il entre de la
soie, 37 fr. 50 c. , et ce droit est souvent supérieur
à la valeur réelle du vêtement.
Ne résulte-t-il pas de ces faits, dont l'exactitude
est incontestable, que les Anglais, bien loin d'em-
brasser avec sincérité et d'une manière absolue les
principes du libre échange, qui consistent à ne
mettre sur les marchandises étrangères que des
droitsliscauxproportionneisà la valeurdecesmar-
chandises, aggravent plus ou moins ces droits, sui-
vant la protection que réclament leurs fabrications?
Nos intelligents voisins, au lieu de rester rigou-
reusement dans les voiesdu free (rarfe, suivent donc
de préférence nos théories, et n'adoptent en fait de
igitizeclLy Google
Sift PROTEaEOK.
liberté commerciale que ce qui est utile à l'ac-
croissement de leur prospérité ûnancière.
Toutefois il est probable que L'Angleterre se
montrerait conciliante et ferait le sacrifice de tous
les droits protecteurs dont elle frappe, à l'impor-
tation, nos vins et nos marchandises de luie qui
sont nos plus grandes sources de richesses, si on
lui permettait d'introduire, avec droit infime, ses
propres marchandises en France. Car elle pourrait
se dédommager, lors des nouveaux échanges, en
employant son habileté manufacturière et com-
merciale, ainsi que la grandeur de son crédit, à
obtenir une balance favorable dans le nombre des
journées de travail, en tenant compte des autres
frais de fabrication'.
Divers publicistes se sont autorisés de l'exemple
de la Suisse pour soutenir la convenance du libre
échange ; nous sommes entré déjà dans tant de
détails relativement aux tarifs de douane de l'An-
gleterre et des États-Unis, que nous craignons de
fatiguer le lecteur par un examen de la même
nature.
Nousnous contenterons de dire que la Suisse est
tout à la fois un pays agricole et Irès-manufactu-
' Nous sommes loin de condamiiei' lout nouveau Irailé de u
iLieire avec l'Angtelerre ; seulemeni il devrait être basé sur
théories ({ue nous développons,
>, Google
libre: échange. 349
rier; d'où il suit qu'en prenant ce pays pour
exemple, on sanctionne encore nos doctrines.
Du reste, la Suisse, pour protéger ses produc-
tions TÎticoles, met des droits Irès-élevés sur les
vinsétrangers (e^qui établit qu'elle n'est pas com-
plètement libre échangiste). Et nous avons encore
démontré, dans le troisième paragraphe de ce
chapitre, que ce mode était parfaitement accepta-
ble dans certains cas, pour accroitrc la rkheite
évaluée d'une nation.
II est tout naturel que, pourvu d'instruments
nouveaux, nous ayons pu rendre palpables des
vérités qui se sont quelquefois fait jour, mais sur
lesquelles planaient le doute et l'incertitude. Ces
vérités étaient repoussées par l'école économique
moderne, moins au point de vue pratique qu'au
point de vue scientifique.
Cependant, nous devons le dire, les fondateurs
et maîtres de cette école ont fait souvent l'aveu
que le sol sur lequel ils marchaient manquait de
consistance.
J. B. Say convient avec franchise que certains
faits se sont montrés rebelles à son svstème.
DigitizeclLy Google
250 PROTECTEON.
Mac-CuHoch soutient qu'il n'y a pas d'économie
politique, que cette science est encore à créer,
qu'elle n'a été jusqu'ici qu'une aarologie, et qu'il
faut maintenant une astronomie.
D'après M. Bianchini. l'économie politique n'a
même pas su définir clairement le mol richesse, et
elle a laissé également dans le vague la signifi-
cation de la plupart des termes dont elle se sert
ijlans ses démonstrations.
Rossi s'exprime ainsi à propos des termes indi-
quant les principales notions que la science écono-
mique a dû emprunter à la langue usuelle, comme
caleur, travail, capital, salaire, revenu, etc.:
(( Ces mots, la science les a adoptés ; mais il n'y
« a pas encore accord parfait sur le sens^ et la
« portée de ces expressions. C'est-à-dire, en
« d'autres termes, que la science, même dans ses
n principes fondamentaux, n'est pas encore défini-
»' tivemenl arrêtée ; car le premier signe de toute
<c sci^icequi a atteint ce degré de perfection, c'est
« une nomenclature acceptée, reconnue, et désor-
(< mais hors de toute contestation. »
Voici l'opinion de M. Dunoyer : « L'économie
K politique, qui a un certain nombre de principes
« assurés, qui repose sur une masse considérable
M de faits exacts et d'observations bien déduites,
« paraît loin encore néanmoins d'être une science ar-
« rêtée. On n'est complètement d'accord ni sur
Digitizedt, Google
LIBRE ECUANGE. S51
(« l'étendue du champ où doivent s'étendre ses re-
« cherches, ni sur l'objet fondamental qu'elles
(( doivent se pn^poser. On ne convient ni de l'en-
te semble des travaux, qu'elle embrasse, ni de celui
« des moyens auxquels se lie la puissance de ces
a travaux, ni du sens précis qu'il faut attacher à
et la plupart des mots dont est formé son vocabu-
« laire; et la science, riche de vérités de détail,
<( lais$e infiniment à détirer dam son e-semble, et,
w comme science, elle paraît loin encore d'être con-
« tàituée. Il pourraîl être donné de tout ced bien des
« preuves. »
Maintenant, l'écontHnie politique, appuyée sur
es équations de la richesse évaltiée, de la rudesse
■ttusage, et encore sur les vraies théories de
l'échange, nous paraît devoir, dans l'avenir, for-
muler mathématiquement des conclusions qui se-
ront vérifiées par l'ensemble de tous les faits au-
thentiquement reconnus.
Nous avons omis à dessein, dans cette discus-
sion sur le libre échange, de faire valoir certaines
considérations favorables à la protection, et qui,
maintenant, n'ont plus besoin qu'on insiste sur
elles. Ainsi il n'est plus sérieusement contesté
qu'un gouvernement puisse Introduire dans le
pays qu'il administre une industrie d'abord oné-
reuse, mais susceptible de se naturaliser dans la
suite.
DigitizeclLy Google
252 PROTECTION.
La science économique, désormais, tout en re-
gardant la protection comme nuisible dans l'inté-
rêt (lu monde entier, ne devra donc plus, en prin-
cipe absolu, la repousser quand il s'agira de
l'intérêt particulier d'un Ëtat.
A certains peuples, cette science devra recom-
mander le système protecteur, toutefois en four-
nissant des instructions détaillées, pour que ce
système ne leur soit jamais préjudiciable.
Ce sera l'examen appofondi d'une multitude de
circonstances dépendantes de la nature du sot, de
l'industrie des populations, du commerce inté-
'rieur et extérieur, etc., qui tranchera nettement
la question soit dans le sens du libre échange, soit
dans celui de la protection, ou bien encore qui
fera user de moyens termes.
Les droits qui frapperont les jnarchandises
étrangères pourront être réglés d'après une
échelle de graduation, en rapport avec l'action
que leur trafic exerce, et sur la richesse évaluée, et
sur h richesse d'usage qn'i\ ne faudra pas négliger;
action qui sera déterminée parles équations de
ces richesses. Néanmoins il sera nécessaire encore
de consulter le chapitre relatif à la classification
des marchandises, chapitre où l'on démontrera
que la richesse évaluée est d'une nature plus ou
moins consistante, suivant l'espèce des marchan-
dises fabriquées ou échangées.
DigitizeclLy Google
CHAPITRE Vil -
DU CRÉDIT
Ce que c'est que le Crédit .
Les auteurs ont donné diverses délinitions du
crédit.
Suivant les uns, c'est la métaoïorphose des ca-
jpitaux stables et engagés en capitaux mobiles et
circulants. Suivant les autres, le prêt qui s'effec-
tue sur une simple obligation écrite constitue le
crédit dans le véritable sens du mot. Nous dirons
toutefois que généralement on semble, avec
i. B. Say, regarder le crédit comme étant la facullé
d'emprunter.
Toutes ces déiiaitions donnent une idée du cré-
DigitizeclLy Google
-îhi DU CRÉDIT.
dit, mais elles ne le caraclérisent pas dans son
acception la plus large.
Consultons nos deux meilleurs dictionnaires
(celui de l'Académie et celui de Bescherelle) ; l'un
et l'autre s'accordent pour dire que : a Le crédit,
« c'est ta réputalion de solvabilité d'un indi-
« vidu. »
Le crédit personnel est donc une qualité', un
attribut passif, et non une faculté', une puissance,
un attribut actif, comme le prétend J. B. Say.
La faculté d'emprunter dérivera, il est vrai, du
crédit, mais ce ne sera pas le crédit lui-même.
Lorsque l'on donne, pour contracter un em-
prunt, une chose en garantie, la faculté d'em-
prunter provient de la chose, et non de la per-
sonne. Cette faculté est la conséquence de la
réputation de solvabilité' qui s'attache à la chose.
De cet exposé il faut conclure que l'on peut
admettre deux espèces de crédits ; l'un le crédit
personnel, l'autre le crédit matériel.
Le crédit personnel sera la réputation de sol-
■ Qualité (ce qui fail qu'une chose est bonne ou mauvaise, grande
ou petite, blanche ou noire, etc.).
* Faculté (puissance de faire, pouvoir).
s On s'est servi par eitension du mot solvabilité, pour désigner
le pouvoir qu'a )a chose, ou pluMt son propriétaire, de rembourser
l'emprunt qu|elle garantit. Ce pouvoir n'est pas dû seulement à la
valeur actuelle de la chose, mais il dépend encore de beaucoup
d'autres considérations qui seront développées plus tard.
DigitizeciLy Google
DU CRÉDIT. 255
vabililé de la personne, le crédit matériel la ré-
putation de solvabilité de la chose ; ou autre-
ment, l'un sera la conliance dans la personne,
l'autre la confiance dans la chose. Et la faculté
d'emprunt, qui, d'après nous, diffère du crédit,
puisque cette faculté en est seulement le résultat,
croîtra avec d'autant plus d'énergie que la con-
fiance dans la personne ou dans la chose sera
plus grande ; en sorte qu'il suffira de faire croître
le crédit des personnes et des choses pour augmen-
ter leurs facultés d'emprunls.
En considérant le crédit à ce point de vue, son
étude nous condui ra à des résultats remarquables.
Nous parlerons en premier lieu des transforma-
tions qu'opère le crédit.
Une chose par elle-même sans valeur appré-
ciable, un carré de papier revêtu de caractères
imprimés et de signes distinctifs irrécusables,
c'est-à-dire un billet de banque, reçoit souvent
du crédit tout à fois personnel et matériel' une
valeur monétaire très-élevée. Il en est de même
des actions, des obligations, de plusieurs titres
< Le billet de banque est garanti par unecompagnie dont la pro-
bité, l'intelligence et la richesse sont notoires.
(Crédit personnel.)
Le billet de banque est encore garanti par un dépfll de numé-
raire ou de toutes autres valeurs.
(Crédil mafériel.j •
DigitizeclLy Google
notariés ou sous signatures privées, des war-
rants, etc.
Les lettres de change, les billets à ordre, sont
dans une catégorie différente; ils doivent leur
valeur uniquement au crédit personnel.
Toutes ces marchandises, dont le prix dépend
soit du crédit matériel, soit du crédit personnel,
soit en même temps de l'un et de l'autre, prennent
la dénomination de valeurs fiduciaires. Certains
objets révérés par divers cultes, et qui ne sont le
produit d'aucun travail, devraient être dénom-
més de la même manière, mais, bien qu'ils ne le
soient pas, ce sont néanmoins de vraies valeurs
fiduciaires, car leur valeur est due au crédit de la
chose.
Ainsi un morceau de bois informe peut obte-
tenir, comme valeur fiduciaire, par suite des
croyances religieuses, un prix des plus élevés. N'a-
t-on pas vu, au douzième siècle, Louis IX empnin-
ter à l'Ëlat de Venise des sommes considérables
sur le bois de la vraie Croix et sur la sainte Cou-
ronne d'épines? Ces ligneux, autant du moins qu'il
est possible de se servir d'expressions profanes
pour spécifier des objets aussi sacrés, n'ont-ils
pas été transformés par le crédit (confiance dans la
chose) en une marchandise des plus précieuses?
Après les choses saintes, dont la valeur moné-
taire résulte de la ferveur des croyants, nous par-
DigitizeclLy Google
un CRÉIHT. 357
lerons des objets tenant leur prix de la vogue gé-
nérale, c'est-à-dire encore du crédit.
Il est impossible de prescrire des règles à l'aide
desquelles on puisse reconnaître la supériorité
d'un ajustement sur un autre, au point de vue de
l'omementatiou toujours capricieuse de l'étoOe,
ou sous le rapport de l'élégance et de la grâce dans
la Porme; puisquela mode, par des transitions diffi-
ciles à suivre, impossibles à prévoir, se diversifie
demille manières etvarie presque dejour en jour.
Et cependant toutes les nations civilisées recon-
naissent à la France le droit de prononcer des
arrêts en fait de goût, ou autrement accueillent
de préférence et à grand prix les frivolités qu'elle
fabrique.
Ces frivolités ne sont-elles pas encore, en grande
partie, des valeurs fiduciaires, puisqu'elles doivent
leur prix aux croyances générales'!
Plus la valeur des marchandises dépendra par-
ticulièrement de la confiance qu'elles inspirent,
plutôt que des frais exigés rigoureusement pour
leur fabrication, ou du revenu qu'elles seront
susceptibles de rapporter, plus aussi ce seront des
valeurs fiduciaires.
< Il y 9 un tel prestii^e attaché aux lieux où l'on conléclionne des
marchandises, que la plupart des aiguilles fabriquées en France sont
vendues comme provenant de l'Angletern^, qunqn'elles valent bim
en réalité celles de ce dernier pays.
DigitizeciLy Google
358 DU CREDIT.
En conséquence, divers articles de luxe, tels
que : tes perles, tes diamants, tes rubis, etc., dont
te prix est moins relatif au travail qu'ils ont né-
cessité avant d'être mis en circulation, qu'à ta
vogue dont ils jouissent, sont en partie des mar-
chandises fiduciaires; et les objets d'un usage com-
mun : le fer, le plomb, les étoffes grossières, etc.,
dont le prix se rapporte plutôt au coût de la main-
d'œuvre qu'à la rareté des matières premières,
sont des produits plus positifs qui n'ont presque
aucune valeur fiduciaire.
De là une différence à établir dans la nature du
commerce des divers pays.
L'Angleterre ne fabrique, la plupart du temps,
que des marcbandises à valeur positive, et ne
s'ouvre des débouchés que parce que ses produc-
tions sont au prix le plus réduit.
U France, ne confectionnant, en général, que
des objets de luxe, livre au commerce extérieur
une sorte d'articlesqui tiennent beaucoup plus de
la valeur fiduciaire.
Nous reviendrons plus tard sur cette différence
dans la nature du commerce, différence dont on
doit tenir compte quand il s'agit de prendre des
mesures qui doivent accroître ta prospérité finan-
cière des nations.
La faculté d'emprunt n'est pas toujours propor-
tionnelle à la valeur monétaire de la marchandise.
DigitizeciLy Google
DU CRÉDIT. Uù»
On prêtera moins, à égalité de prix, sur des cé-
réales difficiles à conserver et très-encombrantes
que sur des masses de plomb. Il est même des
articles, tels que les objets d'art, qui étant d'une
valeur échangeable élevée, n'ont qu'une très-
médiocre faculté d'emprunt, en raison de la diffi-
culté de les apprécier esactement'.
Les marchandises d'un usage général, telles
que: les métaux, les tissuscommunsenfiletcoton,
jouissent, relativement à leurs prix, d'une grande
faculté d'emprunt qui se modifie, du reste, avec
l'encombremeot qu'elles occasionnent, et la dif-
ficulté de leur conservation*.
A Paris, le mont-de-piété, en raison des mar-
chandises presque sans aucune valeur fiduciaire
qui composent uniquement son trafic, donne sur
ces marchandises à peu de chose près ce qu'elles
valent (bien entendu en déduisant de leur valeur
l'intérêt de l'argent qu'il avance, les frais d'admi-
nistration, les chances de perte, le tout pendant
une année); car les ventes aux enchères, effectuées
au bout de la période de temps fixée ci-dessus, ne
lui laissent que des bénéfices Irès-restreints'.
' A Paris, le mont'de-piété ne prête pas sur les objets d'art.
' Les marchandises Tolumineuses exigent de vastes et coûteux
magasins, les fourrures sont dilfîcites à conserver.
* L'intérêt d'un capital prêté i un individu doit varier prodigieu-
sement suivant les risques que cet individu fiiit courir. Hais, en pre-
nant l'intérêt minimuin que l'on peut réclamer i plusieurs per-
DigitizeciLy Google
SCO t)l CIIËUtT.
Quant aux valeurs qui sont liduciaires à un
haut degré : les coupons de la dette publique, les
actions, les obligations, etc., la Banque de France,
en prêtant à court terme sur ces titres {trois mois
seulement), n'avance que moitié ou trois quarts
de la cote du jour, suivant leur plus ou moins de
solidité. Et encore se réserve-t-elle le droit de
faire des appels de fonds aux emprunteurs, aus-
sitôt qu'une baisse vient a se déclarer; ce qui ré-
duit singulièrement la durée du prêt.
1.6 crédit des choses et des personnes s'accroît
avec la sécurité générale et l'assistance accordée
par la législation, pour faire recouvrer l'objet
emprunté ou son équivalent en numéraire.
Tout ce qui, dans un pays, est de nature à at-
tirer les riches étrangers, à empêcher que les in-
digènes opulents n'aillent résider ailleurs; ainsi,
un beau climat, des mœurs douces et faciles, des
plaisirs nombreux', etc., augmentent dans ce pays
le crédit des choses et des personnes.
sonnes rich<>s qui, en empruntant, se déclarent solidaires, celui
(jti'il faut demander par suite d'un objet mis en gage, doit ître né-
cessairement plus élevé; attendu que ce dernier intérêt dmt com-
prendre la prime de risque les frais d'emmagasinage, le coût de
l'cipertise, etc.... Et c'est ce qui eiplique comment l'intérêt des
avances faites par le nwnt-de-piélé de Paris est de 9 pour 100 et
plus.
Le prêt sur un immeuble, ou, sulremenl dit, le prêt hjpothé-
caire, ne contraint à aucuns frais de garde. Aussi est-il plus modéré.
■ ' Il n'y a qu'î très-peu de crédit dans les colonies françaises et
_y Google
DU CRÉDIT; 2fil
De même les voies de circulalion, en facilitant
le déplacement des capitaux, en faisant mieux ap-
précier les individus et les choses, accroissent le
crédit matériel et personnel. Une contrée sans
débouchés, sans communications, ne peut avoir
qu'un crédit très-restreint.
La densité d'une population, son amour pour le
travail, ses goûts industriels et commerciaux, son
économie, sont encore très-favorables au crédit.
Pourmieuxfaireapprécierle crédit, nous insiste-
rons sur quelques-uns de sesprincipaux caractères.
1° Un peuple fabrique des marchandises dont
l'excellence est généralement reconnue. Leur per-
fection vient-elle à s'altérer? Grâce au crédit,
ces marchandises conserveront encore longtemps,
dans le commerce, une grande supériorité sur les
similaires d'une autre provenance.
2' Si des marchandises doivent en grande par-
tie leur valeur, soit à la réclame des journaux,
soit à l'intérêt que porteront à ces marchandises
un homme riche' ou une compagnie puissante,
espagnoles de l'Amérique, que l'on quitte après avoir fait Tortune.
On y prête ordinairement à 10 et 12 pour 100. Le crédit se dévelop-
pera probablement avec plus de facilité en Algérie.
■ La renommée du vin de lokannUberg ne serait pas aussi
grande, si le propriétaire du cru où on le récolte n'avait été le
prince de Mettemich. »
La musique si populaire de Boïeldieu a exercé une grande in-
fluence sur la célébrité du vin de Cbamberlin.
DigitizeciLy Google
308 DU CRÉDIT.
c'est au crédit qu'il faut encore attribuer ce ré-
sultat.
5* On doit, en outre, faire honneur en partie
au crédit, des richesses de certains pays où les
croyances religieuses et artistiques attirent une
multitude de voyageurs. Rome, la Mecque, que
visitent de nombreux pèlerins ; Paris, l'Italie, la
Suisse, rendez-vous de tant de touristes, tiennent
de cet agent énergique une portion de leur pros-
périté fmancière.
On reproche, non sans raison, au crédit d'être
la source de maintes piperies, et de donner lieu
trop souvent à des trafics où l'homme expose sa
fortune et son honneur.
Les transactions au comptant sont moins sus-
ceptiblesde compromettre l'honneur et la fortune,
mais elles conduisent à l'apathie et détruisent
même toute vigueur commerciale.
Il est à remarquer que les marchandises
les plus indispensables, telles que le pain, ta
viande, la chaussure, etc., qui, pour des rai-
sons d'humanité, devraient être données à cré-
dit, sont celles dont la vente a lieu le plus or-
dinairement au comptant. Dans les échanges
qui s'y rapportent, le fournisseur fait la loi à
l'acquéreur.
L'usage du crédit est réservé principalement
aux marchandises moins essentielles dont il faut
DigitizeclLy Google
DU CRÉDIT. 3(15
activer la négociation, parceque le besoin ne s'en
fait pas impérieusement sentir.
1^ somme vénale des valeurs ûduciaires qui
ont cours dans une na tion est en général le ther-
momètre de son opulence.
DigitizeclLy Google
8'- .
Billels de banque ■.
Les traosactions qui s'opèrent dans des pays
avancés en civilisation, comme la France et TAn-
gleterre, et que l'on ne peut estimer à moins de
trois ou quatre cents milliards par an, rencontre-
raient, si elles devaient avoir lieu au comptant,
des diflicultés extrêmes, surtout avec la petite
quantité de numéraire existante dans ces deux
pays. C'est au crédit, et aux institutions qui en
relèvent, que l'on doit de pouvoir effectuer ces
immenses transactions avec facilité.
Sans doute, la monnaie métallique fut une in-
vention des plus utiles' pour parfaire les échanges.
Mais, lorsque l'union et la sécurité, succédant à
la discorde et à la violence, présidèrent, pour le
bien de l'humanité, au gouvernement des Ëtats,
' Que l'on ne compte pas trouver ici un lrait« complet du billel
de banque. Nous voulons faire seulement sur cette valeur fidudaire
quelques remarques qui nous seront utiles dans le cours de cet
ouvrage.
■ Lord Lauderdale prétend qu'il n'est pnut-étre pas de machine
(lui économise autant de travail i]ue la monnaie.
Digitizeclby Google
DU GRËDIT. Wh
les promesses verbales, les sous seings privés, les
contrats hypothécaires, les billets à ordre, etc.,
enfin les billets de banque, tous instruments d'é-
change dérivant du crédit, vinrent successive-
ment aider le numéraire, et même le remplacer
avec avantage dans une foule de circonstances.
Incontestablement, à toutes époques, le crédit a
existé entre personnes que la proximité mettait
en relation, et même entre certaines autres; car
il est impossible de concevoir une société dans
laquelle les services seraient toujours échangés
simultanément, ou presque immédiatement. Au-
jourd'hui, avec la perfection des empreintes, avec
les marques et signes distinctifs, inventés par l'in-
dustrie, avec la garantie offerte par des tiers, on
est parvenu à faire naître le crédit entre deux
individus placés aux extrémités du monde, et
n'ayant jamais eu aucun rapport entre eux.
On admettait jadis à l'échange, contre des
objets matériellement utiles, d'autres objets dont
la valeur ne reposait que sur les croyances reli-
gieuses ou sur des sentiments naturellement sa-
crés. Ainsi, un fils mettait en gage les restes mor-
tels de ses aïeux ; ainsi, des choses tenant à l'ob-
servance d'un culte servirent souvent de garantie.
De là, aux lettres de change où l'homme engage
tout à la fois sa liberlé, son honneur commer-
cial, et ensuite à la création du billet de banque,
Digitizeclby Google
26« m: GBÊDIT.
véritable monnaie, puisqu'il est réalisable ù tout
instant, il semble qu'une faible distance était à
franchir. Mais les idées les plus simples, celles
qui paraissent otfrir le moins d'efforts à l'ima-
gination, n'apparaissent souvent au monde qu'à
de très-longs intervalles. Aussi n'est>ce qu'après
une longue série de siècles que l'on est par-
venu à cette merveilleuse invention du billet de
banque I
Nous avons vu quelle était l'influence du crédit
sur la valeur de certaines marchandises. Son ac-
tion sur les billets de banque est autrement éner-
gique : il les transforme complètement.
De carrés de papier sans ipiportance aucune,
ces billets s'élèvent, de par le crédit, jusqu'à l'au-
torité souveraine de la monnaie. Dès aujourd'hui,
ils remplacent, dans beaucoup de pays, une
grande partie du numéraire; et peut-être un jour
ce sera leur destination dans le monde entier.
En traitant des billets au porteuret à rembour-
sement immédiat, nous sommes forcé de dire
quelques mots des banques qui les émettent. Four
être plus facilement compris, nous aurons presque
toujours en vue la banque de France.
Une société au capital de ISO millions, recon-
nue pour sa solvabilité, émet contre espèces, ou
en recevant des lettres de change à trois signa-
tures et à court terme, pour 700 à 800 millions de
Digitizeaby Google
UU CRÉDIT. SliT
billets payables à présentation. Lorsque ces billets
ont été dispersés de tous côtés, si chacun des por-
teurs arrivait au même instant pour en demander
le remboursement, il est manifeste que la société
banquière se trouverait sous le coup d'une liqui-
dation désastreuse; bien que, d'après une mesure
de prudence sanctionnée par l'expérience, ces
mêmes billets ne composent qu'une somme en-
viron trois fois plus forte que celle représentée par
les métaux précieux qui forment l'encaisse.
Cependant le crédit qu'inspire cette société, en
raison de la richesse, de la probité, de l'intelli-
gence commerciale qui distinguent son comité
directeur, en raison aussi des bénéfices évidents
que lui procure l'émission presque gratuite d'une
monnaie dont la facilité de transport est si grande,
fait que personne ne redoute le sinistre que nous
avons signalé. Ce sinistre, dont la menace parait
incessante, est toujours éloigné par le crédit lui-
même.
Sauf un cas de panique générale, l'esistencp
d'une pareille société ne pourrait être compro-
mise que par un établissement fmancier qui,
méchamment, à un jour donné, pourrait avoir
réuni une somme en billets à vue et au porteur su-
périeure à l'encaisse, et demanderait le rembour-
sement de celte somme à l'instant même.
Et encore, dans de telles circonstances, la si-
DigitizeclLy Google
S68 DU CRÉDIT.
tuiitioii de la banque n'olTrirait que peu de dan-
gers; car le gouvernement ' ne manquerait pas
d'apporter sa médiation puissante, en décrétant
le cours rorcé, et bientôt après, les rentrées qui
s'eiîectueraient dans la courte période de un,
deux et trois mois, viendraient successivement
permettre de remplir tous les engagements.
Gomme tes billets de banque se substituent par-
faitement au numéraire, attendu que leur con-
version en espèces peut avoir lieu à. chaque in-
stant, ils apportent, par la somme monétaire qu'ils
remplacent, et par les éminentes qualités de trans-
port qu'ils possèdent, de nouvelles facilités pour
les transactions. Semblables à une tnanne céleste,
en se répandant sur le pays, ib fécondent l'in-
dustrie et accroissent la prospérité publique.
On l'a dit avec raison, uu billet de banque,
création du crédit, n'est pas une richesse en sur-
plus, attendu qu'il n'est que la représentation
d'une marchandise. Ce serait donc faire double
emploi, lorsqu'on établit le bilan de la richesse
coaluée d'un État, que de porter en ligne de
■compte toutes les marchandises, et encore les
billets de banque.
' En France, les recettes de rÉlat s'élèvenl, par année, à un ca-
(lilal d'environ 2 milliards. Les dépenses ne sont guère moindres.
Une somme en billets de 700 à 800 millions, déjà parfaitement
l^arantie par Ira valeurs de la banque, seraitfacilement absorbée par
celle immense cirtulalion qui se monte à environ 4 milliards.
Digitizeclby Google
m GRËUIT. SUS!
Maisde ce que le billet de banque doit être omis
dans une recherche pareille, il n'en est pas moins
cause de richesse, puisque, par son intermédiaire,
la Banque peut et prêter de 700 à SOO millions de
francs, au lieu des i 80 millions qui composent son
actif, et faire monter ses actions au double et au
triple de leur valeur primitive.
Le billet de banque, dans son caractère comme
richesse, peut être comparé au vent dont l'impul-
sion fait mouvoir les ailes d'un moulin à farine.
Ce vent, richesse gratuite, n'entre en aucune ma-
nière dans le capital de l'industrie meunière, re-
présenté seulement par des actions et des obli-
gations, bien que ce capital soit dû presque en
totalité à l'heureuse action du vent.
Il en est de même du billet de banque. Richesse
gratuite, comme le vent, il ne figure ni dans les
capitaux de la Banque, ni dans ceux de l'Ëtat, et
cependant c'est par son moyen que la Banque
donne de beaux bénéfices à ses actionnaires, et
que l'État voit s'accroître sa prospérité.
Pour mieux apprécier les diverses fonctions du
billet de banque, arrêtons nos regards sur les pays
où il esta peu près inconnu -. les Indes, la Chine,
la Turquie, par exemple. Le numéraire y prend
une valeur énorme, facile à constater par les in-
térêts de 15, 20 et 30 pour 100 qui y sont habi-
tuels; et cependant les transactions n'y sont que
Digitizeclby Google
370 DU CRÉDIT.
minimes, comparées à celles de lu France et île
l'Angleterre. Si l'iDlérêt de l'argent, dans ces deux
derniers pays, est bien moindre, c'est que le bil-
let de banque vient heureusement s'y ajouter aux
autres Tacilités qu'offre le crédit pour accomplir
les échanges.
Nous sommes loin d'avoir énuméré tous les ser-
vices que rend le billet de banque. Entre autres,
comme dans tout ce qui concerne le négoce, il se
substitue avantageusement aux métaux précieux,
dont l'emploi est toujours onéreux pour le pays
qui les détient; le billet de banque permet, dans
maintes circonstances, qu'on expédie ce numé-
raire au dehors. Et alors on fait avec profit dou-
cement peser sur l'étranger le joug dont on s'est
débarrassé.
Que l'on ne s'y trompe point, ce joug, pour être
d'or, n'en est pas moins souvent une machine
défectueuse, et les travaux de nos économistes
l'ont suflisamment démontré.
Nous sommes donc redevables âux billets de
banque d'une multitude de bienfaits. Il est néces-
saire toutefois que la banque qui les émet main-
tienne ses émissions dans une limite convenable;
car, si cette limite était franchie, la production ne
serait plus en rapport avec la consommation, ce
qui est toujours funeste ; ensuite le peu de garan-
tie réelle que les billets au porteur offriraient,
DigitizeclLy Google
nu CREDIT. 971
jetterait l'alarme dans le public, et de là pour-
raient surgir de vrais désastres.
Les billets de banque ne sont donc pas sans in-
convénient; mais les meilleures institutions du
monde sont aussi celles qui, avec une mauvaise
application, ont donné lieu aux plus grands maux.
Quoi de plus respectable et de plus sublime que la
religion! Cependant, sous le rapport terrestre,
lorsqu'elle est desservie par des ministres qui,
sous des dehors hypocrites, couvent des projets de
domination, bien loin d'être utile, elle ne tend
qu'à bouleverser tes sociétés.
Un prince plein de dévouement pour ses sujets,
s'il n'allie pas une grande énergie à un sens droit,
ne peut-il pas précipiter son peuple dans des ca-
tastrophes épouvantables?
Qu'un esprit de prudence vienne donc présider
à la création des billets de banque, qu'il les mo-
dère dans l'essor qu'ils voudront prendre, et l'on
donnera une vive impulsion à la production des
richesses.
DigitizeclLy Google
8 3.
fiDIels de banque et Numéraire
Nous avons vu que les billets de banque, comme
machines applicables aux transactions, pouvaient
remplacer avec avantage les métaux précieux.
Toutefois la manière dont chacun de ces deux
instruments de négociation réagit sur la richesse
publique est très-distincte.
En eiîet, une nation peut absorber des mé-
taux précieux en quantité illimitée. Tout ce
qui résultera de leur agglomération, c'est une
hausse dans le prix d'une multitude d'objets; et
comme les salaires, les honoraires, les traitements
s'élèveront en conséquence, après un certain
temps, le jeu des institutions financières ne
sera que très- faiblement altéré. A la vérité, cette
agglomération ne pourra se maintenir qu'au-
tant que les autres pays se seront pourvus d'es-
pèces dans la même proi>artion ; car s'il en
était autrement, les métaux précieux, obéissant
à une loi d'équilibre, se disperseraient bien
Digitizeaty Google
DU CRÉDIT. 213
vite en allant hors des frontières rechercher un
emploi plus avantageux.
C'est ainsi que jadis la Hollande occupait son
immense numéraire en prêts aux gouvernements
étrangers, et qu'aujourd'hui la Suisse semhle vou-
loir entrer dans la même voie, en s'intéressant à
toutes les grandes entreprises de l'Europe.
Quant aux hillets de banque, il ne peut en
exister chez une nation qu'un nombre limité, au
maximum ce que le crédit et les transactions inté-
rieures comportent. Dès que le billet de banque
n'a plus de service à rendre au pays où il est émis,
comme moyen de transport ou d'échange, il s'an-
nihile, enretournantà lacompagniequi l'agaranti.
Il existe encore d'autres différences entre ces
deux éléments de richesse :
Lenuinéraire tout à la fois gradue la valeur des
marchandises, et par lui-même est une marchan-
dise ayant valeur intrinsèque. Aussi après l'a-
chat fait avec le numéraire, .il reste deux cho-
ses ayant la même valeur : le métal précieux et
la marchandise contre laquelle il a été troqué ;
tandis qu'une chose ayant été échangée contre
un billet, il ne reste, après la transaction, que la
chose qui puisse compter au nombre des richesses
de l'État, car le billet, comme on le sait, est un
instrument de négociation qui, en essence et en
principe, n'a aucune valeur par lui-même.
DigitizeclLy Google
S74 DU GRfiDIT.
C'est doiic principalement à mesurer la valeur
des marchandises que serrent les billets de ban-
que, et avec un avantage d'autant plus grand, que
les espèces qu'il faut nécessairement transporter
pour elTectuerun payement sont plus nombreuses.
H est à remarquer que, lorsque les sommes à
acquitter sont fortes, on remplace te numéraire
par du papier, et que, lorsqu'elles ont peu d'im-
portance, c'est au contraire une composition mé-
tallique (la monnaie de billon), valant moins sous
le même poids que l'or et l'argent, qui est substi-
tuée à ces dernières marchandises.
itizeciLy Google
M-
Le Crédit fait accroître la richesse évaluée des nations; il n'exerce
pas la même action sur leur rickesse d'usage.
Divers économistes prétendent que le crédit
n'augmente pas la richesse d'une nation ; ainsi
nous trouvons dans les œuvres de J. B.Say, qui fait
autorité dans cette matière, le passage suivant :
«On s'imagine quelquefois que le crédit mul-
« tiplie les capitaux. Cette erreur, qui se trouve
« fréquemment reproduite dans une foule d'ou-
o vrages, dont quelques-uns sont même écrits
« ex profemo, sur l'économie politique, suppose
« une ignorance absolue de la nature et des fonc-
« tions des capitaux. »
Le même auteur dit encore :
« Le crédit ne crée pas les capitaux, c'est-à-dire
« que, si la personne qui emprunte pour employer
u productivement la valeur empruntée, acquiert
« parla l'usage d'un capital, d'un autre côté, la
« personne qui prête perd l'usage de ce capital. »
Cette opinion sur le crédit, assez généralement
répandue, nous paraît erronée. Si nous parvenons
87S Ul CREDIT.
à la combattre avec succès', ce sera principale-
ment à notre définition du crédit et à l'expression
algébrique de la richesie étduée que nous le de-
vrons.
Nous allons étudier, en premier lieu, l'action
exercée sur la richeue évaluée d'une nation par les
diverses valeurs, filles du crédit et dites, par cette
raison, valeurs fiduciaires.
Reprenons l'équation de la richesse évaluée dans
sa forme générale :
PR=dMm(I— N)-i-MmH-A— C
le terme Mm étant à peu près détruit par G, puis-
que la production annuelle est sensiblement égale
à la consommation pendant le même temps; il
s'agit de reconnaître l'influence des valeurs fidu-
■ D'après Hossi, le capital esl un produit épargné destiné à la
reproduclion : d'après J. B. Sa;, c'est la simple accumulation des
produits; et les délînilions du capital non-seulemenl varient avec
chaque auteur, mais encore chacun d'euï, dans ses écrits, n'em-
ploie pas toujours ce mot dans le même sens. Il nous aurait donc
été IréMlitricile d'élahlir la proposition ci-dessus, si elle avait été
énoncée de cette manière : Le crédit fait accroitre Us capitaux
(ftmc nation. Aussi nous avons substitué à ce mot capital qui jus-
qu'ici n'a eu qu'une signification vague, l'eipressioti de richesse
évaluée dont nous connaissons la dcGnilion précise au moyen d'une
formule maUiêmatique; et nous ne combattons que les publicistes
chez lesquels le mot capital reçoit une accepti on à peu prés sembla-
ble à celle que nous avons admise pour richesse éV(Uuée.
DigitizeciLy Google
ru CRÉDIT. 317
ciaires sur les deux termes dMm(I — N) et A, qui
représentent les capitaux d'une nation.
Or comment agissent ces valeurs? Absolument
comme de nouveaux outils qui seraient créés dans
un pays pour accroître sa production et sa richesse
évaluée. L'investigation à laquelle nous allons nous
livrer va rendre cette vérité palpable.
Voyons d'abord les billets de banque :
1" Si toutes les transactions se faisaient en
échangeant toujours marchandises contre matières
d'or ou d'argent, il faudrait, dans des pays tels
que la France et l'Angleterre, une masse de nu-
méraire bien plus considérable que celle qui s'y
trouve, C'est aux billets de banque que l'on doit
en partie cette épargne. Les espèces sonnantes
économisées par cette valeur fiduciaire se placent
à l'étranger, et rapportent un intérêt ou revenu
net qui augmente la valeur du terme rfMm (I — N).
2" Si l'on porte les yeftxsurla banque de France
par exemjîle, n'a-t-on pas vu ses actions monter au
triple, au quadruple du chîHre primitif, en raison
des 700 à 800 millions de francs ,en billets que
son crédit lui a permis d'émettre; et en même
temps n'est-on pas certain que le pays tire lui-
même un grand bénéfice de cette émission? De
là, encore, un accroissement dans la valeur des
deux termes A et dUm (I — N).
5° Lorsque les billets de banque ont cours à l'é-
Digitizeclby Google
S78 DU CHÉDIT.
tranger, et que, malgré leurs remboursements suc-
cessifs, il s'en maintient au dehors pour une cer-
taine somme, évidemment, cette somme sera
rentrée en numéraire ou en marchandises dans
l'intérieur du pays où ils ont été émis; et ce pays
devra pour ce motif aux billets de banque une
augmentation dans sa richeue évaluée.
4° Les billets émis parles banques, en faisant'
baisser le taux de rintérét, activent le commerce,
l'industrie, et par cette raison procurent derechef
de grands et très-grands profits, qui feront né-
cessairement accroître les nombres représentés
par les expressions dtAtn(l — ^N) et Â.
Passons maintenant aux titres fiduciaires dési-
gnés par le nom d'actions, d'obligations.
Ils servent déjà, comme chacun sait , à accumu-
ler les petits capitaux pour fonder de grandes en-
treprises; maisleurutilité est plus grande encore.
Pour apprécier cette utflité tout entière, consi-
dérons une terre d'un seul tenant et de quelques
milliers d'hectares. Il est incontestable que si
cette terre ne peut se morceler de manière que
toutes les parcelles soient à la convenance de
nombreux acquéreurs, elle subira, en se vendant,
de grandes réductions dans son prix.
Eh bien, les actions et obligations qui ont per-
mis de réunir une forte somme en numéraire,
pour constituer une industrie, maintiennent en-
D.gitizeclty Google
DU CRÉDIT. 97»
core à un haut prix le capital de cette industrie
par l'élal de division où elles l'entretiennent con-
stamment. Ces titres ont donc un efTet analo-
gue à celui des billets de banque sur le terme
(/Mm(I— N).
Quant aux lettres de change, l'industriel qui
présenterait toutes les garanties convenables d'or-
dre, de probité, d'intelligence, et qui posséderait
même des ricliesses importantes, toutefois non
réalisées en métaux précieux, serait quelquefois
bien impuissant pour produire , s'il était aban-
donné à ses seules ressources. Avec le secours de
la lettre de change, il se procure du numéraire,
et donne un nouvel essor à ses fabrications.
La lettre de change permet encore au consom-
mateur qui a délai pour payer, de renouveler plus
fréquemment ses acquisitions. La demande s'ac-
croissant, l'industriel multiplie ses bénéfices; nou-
velle cause d'augmentation pour la richesie éva-
luée.
En définitive, les titres fiduciaires peuvent être
assimilés à des machines construites presque sans
frais; ces machines, dans les fonctions qu'on leur
fait remplir, remplacent avec profit les métaux
précieux, parce que ces derniers éléments de ri-
chesse coûtent cher, sont incommodes à dépla-
cer, et présentent en outre maints autres incon-
vénients. Ces machines accroissent donc le re-
igitizeclby Google
im DU CRÉDIT.
venu Mm (I — N) et conséquemment le capital
(iMm(I— N).
Ainsi, nous nous garderons de dire que les ri-
chesses d'un Ëtat sont augmentées par la valeur
propre , la valeur intrinsèque des titres Gdu-
ciaires; mais nous cerliGerons qu'elles leur doivent
une rapide expansion, parce que ces titres servent
utilement et énergiquement d'agents, de moyens,
de facteurs, d'instruments, d'outils, de machines,
pour produire ces mêmes richesses.
Le crédit sur lequel reposent les titres fidu'
claires est donc bien la cause d'un accroissement
dans la rùhesie éveUuée; ce sera, si l'on veut, une
cause indirecte, mais toujours une cause incon-
testable.
Bien plus, le crédit par lui-même est directe-
ment producteur de richesses.
£n elTet, examinons ce qui se passait ancienne-
ment en France :
Avant François I", comme la terre était d'une
possession assez mal assurée, surtout lorsqu'elle
n'appartenait pas à de grands personnages qui
avaient assez de pouvoir pour la sauvegarder.
igitizeclLy Google
DU CRÉDIT. 88t
elle se vendait habituellement au taux de dix fois
la rente en argent. Le crédit des choses et des
personnes', qui s'est toujours accru en même
temps que les institutions auxquelles nous devons
■notre état social se sont, perfectionnées, a fait
singulièrement hausser les biens-fonds de valeur,
puisque souvent on les achète, de nos jours, sur
le pied de 2 1/2 pour 100 de revenu. La richesse
évaluée relative à la valeur du territoire a donc
tenu son accroissement du crédit, ou autrement
a été créée par son action.
Dans ce temps, déjà assez éloigné, dont il a été'
parlé ci-dessus, les gouvernants et les particuliers
thésaurisaient, attendu que For et l'argent, se dissi-
mulant avec facilité (ce qui était, pendant cette pé-
riodedesemi-barbarie,la qualité la plus essentielle
d'une richesse), avaient une importance énorme.
On jugera de cette importance par les faits sui-
vants : TiCs prêts d'argent s'effectuaient très-dif-
ficilement à cette époque en France au taux de
15 pour 100% et les lois permettaient même l'em-
prunt hypothécaire à 10 pour 100.
' Le crédit, conHance dans la solvabilité d'une personne, ou
dans la valeur d'une chose. Voyez le premier paragraphe.
< Du douzième au quatorzième siècle, les Lomhards et les juifs
prirent en France et en Angleterre, la plupart du temps, 20 pouriOO
d'intérêt par an. (Anderson, Origin of commerce.) Philippe IV, roi
de France, Tiia, en 1511. le taux de l'intérêt à 30 pour 100, et
pour les foires de la Champagne à 15 |iour 100 seulement. {Ordonnan-
DigitizeciLy Google
W UL' CRÉDIT.
Grâce à sa baguette magique, le crédit a rendu
le numéraire moins indispensable, et, tout à la
fois, a fait accroître, par une conséquence natu-
relle, la valeur des immeubles et des autres mar-
chandises qui s'apprécient d'après ce même numé-
raire. Ce résultat a nécessairement été favorable
à la rifheue évaluée; car on sait combien les mé-
taux précieux que possède un peuple ont toujours
été insignifiants comme valeur par rapport à
toutes les autres richesses de ce peuple.
Quand le crédit d'un pays renaît après une révo-
lution, est-ce que les capitaux de ce pays ne sont
pas notablement augmentés? Peut-on comparer
les capitaux de la France actuelle à ceux qu'elle
possédaltdel848àl849?
ces de Fraoce.) A Milan, en 1197, 13 pour 100 passaient pour un
Uui trés-modéré. {Giulini, Hemorie di Milano.) En Toscane, vers
1S54, 30 pour 100 paraissent avoir été le taui ordinaire. {Raumer.
Geschichte der BobensUuIén). Le laui Ugal de l'inlérël était k Mo-
dène, en 1370, de 30 pour 100. (Muralori, Antiquitates. ital.) Les
Florentins appelèrent tes juifs dans leur ville i la m^e époque,
afin de modérer le taux énorme de l'intérêt, et ceux-ci promirent
de ne point dépasser 20 pour 100. {Cibrario.) Le taui de l'intérêt fixé
par les lois de Jaroslaw en Russie (1 054 ans après Jèsus^Christ) était
deMpourlOO. Karamsin, Russ. Gesch.)
Le taux légal de l'intérêt était fixé en Angleterre, d'après l'acte 57
d'Henri VIII, à lOpourlOO.
En France, au commencement du seiiième siècle, le taux de
l'intérêt était de ,V depuis 1567 ,<^, en (SOI (SuHj) ^, en 1634
(Bichelieu), ^, en 1665 (Colbert), ^. {Forbonnais, Recherches el
Considérations.)
DigitizeciLy Google
DU CRÉDIT. 285
Il y a quelques années, les capitaux sûrement
placés à Paris ne rapportaient que 2 1/2 à 3 pour
1 00 .Cinquante^ept conseils généraux, sur soixante
et un, déclarèrent alors que le taux de l'intérêt
hypothécaire de leurs déparlements dépassait 5
pour 100; dix-sept évaluaient ce taux en moyenne,
de 6 à 7 pour 100, y compris les frais; douze,
de 7 à 10 pour 100; quelques-uns parlèrent de
12, 15, ou même 22 pour 100, pour de petites
sommes et à courte échéance.
Quel accroissement de richesse évaluée pour la
France, si les départements jouissaient du même
crédit que Paris!
Certains auteurs objectent qu'un particulier ne
peut jamais obtenir par le crédit que des capitaux
appartenant à un autre particulier, et dont celui-
ci se prive en les prêtant , et qu'ainsi le crédit ne
sert jamais qu'à transférer la possession et l'usage
des capitaux d'une main à l'autre.
Cette opinion est-elle soutenable, loi-sque l'on
ne peut se refuser à admettre que le crédit per-
met d'avoir des espèces plus aisément, c'est-à-dire
à intérêt réduit, et qu'en conséquence il change
le rapport entre le capital et l'intérêt , accroît
ce rapport, et par suite le capital?
Ce ne seront pas, il est vrai, les métaux pré-
cieux qui se multiplieront, et leur quantité ne de-
viendra pas plus grande, parce que le crédit gran-
DigitizeclLy Google
a«4 DU CRÉDIT.
dira; mais tel domaine, tel immeuble qui se
vendait au taux de dix fois le revenu, prendra une
valeur double, triple; attendu que son prix, sans
être déterminé précisément par la proportion entre
le numéraire et l'intérêt qu'il rapporte, incon-
testablement augmentera ou diminuera avec cette
proportion.
On lit encore dans quelques ouvrages : « Le
« crédit, être moral, peut-il rien créer, rien en-
« fanter, et s'il n'a rien créé, peut-il faire autre
« chose que de déplacer les capitaux ?
Toutes ces difficultés naissent des définitions
imparfaites données au crédit et à la richesse.
Si les crédits personnels et matériels sont les
réputations de solvabilité de la personne et de la
chose, à mesure que ces crédits s'augmenteront,
la fortune de celte personne et la valeur de cette
chose s'accroîtront : d'où l'on peut conclure que
le crédit développe la richesse évaluée.
Nous apporterons encore quelques autres preu-
ves de la proposition qui vient d'être démontrée.
La faculté d'emprunt qui résulte du crédit ma-
tériel, faculté susceptible d'être exercée, par
DigitizeclLy Google
DU CRÉDIT. 285
exemple, au moyen d'un dépôt au mont-de-pi été,
d'un contrat hypothécaire, fait souvent obtenir
des ressources supérieures à celles qui provien-
draient d'une Tente'.
Le crédit matériel est donc encore là l'origine
d'un accroissement dans la valeur du terme
(iMfB(l— N).
Si des objets saints, des articles de luxe, ac-
quièrent, grâce au crédit ou aux croyances géné-
rales, une excessive valeur monétaire, le terme A
devient de plus en plus grand* et le capital na-
tional prend en même temps une valeur plus
considérable.
Tous nos raisonnements établissent donc de la
manière la plus irréfutable que le crédit, ainsi
que nous l'avons défini, en s'appUquant d'une
part aux personnes et d'une autre part aux objets
matériels de toute nature, qu'il s'agisse d'im-
meubles, de choses concernant les croyances re-
ligieuses, les arts, etc., contribue, dans son ac-
croissement ou sa diminution, à augmenter ou
amoindrir la valeur des deux termes(^/n(l — N)et
A, et par conséquent la richesse évaluée des nations.
' La vente sur te moment serait peut-être désastreuse, tandis
qu'en attendant six mois, un an, dix ans, on peut effectuer œlle
vente avec plus de profit ou moins de perle.
* Les marchandises comprises dans A sont celtes qui, en général,
mises en réserve, ne rapportent aucun intérêt. Ainsi les métaux
prédeiix, les dentelles, les tableaux, etc.
DigitizeclLy Google
i86 DU CREDIT.
Parmi toutes les causes que nous avons énumé-
rées comme servant à fonder le crédit, une des
principales est la sécurité publique.
Qu'elle soit compromise, immédiatement toutes
lés marchandises d'un peuple perdent de leur va-
leur, et sa riches$e évaluée s'anéantit en grande
partie?
Un pays comme l'Angleterre, dans lequel la
sécurité est entière et durable, doit avoir un
immense crédit. Aussi de toutes parts y affluent
d'énormes capitaux^ et si leur concurrence ne
faisait pas trop diminuer l'intérêt qu'ils rappor-
tent, ce pays en posséderait bien davantage en-
core'.
n devient facile alors de s'espliquer comment
les révolutions politiques, les iniquités d'un des-
pote, sont préjudiciables à la prospérité fmancière
d'un pays. En détruisant le crédit, ne sapent-elles
pas la richesse évaluée?
Ainsi la justice, l'amour de l'ordre, la stabilité
des institutions sont des sources de richesses. Quel
enseignement pour les populations!
Cette étude du crédit nous montre encore pour-
' Les gouvernements dont la solidité est minée incessamment
par des factions puissantes, tels qiie ceux du continent, semblent
presque toujours occupés à chercher un équilibre instable sur
une corde roide. Dans cette situation précaire, ils ne peuvent fon-
der des institutions fiduciaires qui fonctionnent avec le même suc-
cès qu'en Angleterre.
Digitizeclby Google
quQÏ la législation, en général assez douce pour les
banqueroutiers, sévit au contraire avec tant de
rigueur contre cette espèce de malfaiteurs qui
s'emparent avec violence du tien d'autrui. C'est
que les faillites étant la conséquence du crédit :
poursuivre trop rigoureusement les banquerou-
tiers, ce serait nuire au crédit lui-même. Que
l'on accorde la même indulgence aux individus
qui s'approprient brutalement, à force ouverte,
la fortune des autres : le crédit général, qui re-
pose en très-grande partie sur l'inviolabilité de
la propriété, ne pouvant se maintenir, la richetse
évaluée d'une nation déclinerait avec la plus grande
rapidité.
Le crédit n'a pas sur la richesse d'usage la même
influence que sur la richesse évaluée.
Rien de facile comme de le prouver.
L'équation de la richesse d'usage est :
MmH-M'«i'-hetc.
Si les prix des marchandises m, m' diminuaient
toujoursparsuiteducrédit,les marchandises néan-
DigitizeclLy Google
288 DU CRÉDIT.
moins se multipliant, bien cerlainemenl la richeue
^Msaje s'accroîtrait; mais, comme parfois le crédit
fait augmenter ces prix, il est bien possible que les
marchandises dontla quantité est représentée par
M, M', ne s'accroissent pas en nombre suffisant
pour que la richesse £mage grandisse.
lise peut donc très-bien que le crédit, en se dé-
veloppant, fasse diminuer la richesse d'usage.
Cette diversité d'actions que le crédit exerce
sur la richesse évaluée et la richesse d'usage est
sans doute l'origine des ténèbres qui étaient ré-
pandues sur le sujet que nous traitons, et nous
devons sa si m pli ii cation et son éclaircissement à
l'examen particulier auquel nous avons soumis
chacune de ces deux espèces de richesses.
D.gitizeclty Google
CHAPITRE ÏIU
DE U CLASSIFICATIO^ DES RICHESSES
8 1"
R^artition des richesses en huit groupes principaux.
Il aurait été plus méthodique de porter notre
examen, dés le commencement de cet ouvrage,
sur les nuances et sur les caractères tranchés qui
distinguent les richesses de toute nature, afin de
les classer en diverses catégories. Hais nous avons
modifié l'ordre naturel dans le but d'arriver le
plus vite possible à la discussion des importantes
questions que nous avons traitées : questions con.-
cemant la riehe$$e d'mage, la ricfteise évaluée, le
libre échange, le crédit, etc.
lia nouvelle étude que nous allons entrepren-
dre, en nous fournissant l'occasion de présenter
quelques aperçus nouveaux sur l'importance rela-
DigitizeclLy Google
3<JD DE LA CLASSIFICATION DES RICHESSES,
tive des richesses, et sur le râle réservé à chacune
d'elles dans l'ensemble des phénomènes qui con-
stiluent la vie agricole, commerciale et industrielle
des nations, nous permettra d'éclaircir certains
points encore obscurs de la science économique.
Les richesses diffèrent essentiellement entre
elles, et il n'est pas indifférent pour les particu-
liers et les Ëtats de posséder les unes ou les au-
tres, bien entendu, à égalité de valeur monétaire.
Ainsi deux acquisitions, pour la même somme
d'argent, l'une en vaisselle plate, l'autre en objets
de mode, ne procureront pas à celui qui en serait
devenu le possesseur une rkhetse évaluée équi-
valente. Entre deux marchandises coûtant le
même prix, se trouve quelquefois, si l'on a pour
but d'accroître sa Fortune, la même différence
qu'entre la proie et son ombre.
Afin de traiter avec clarté notre sujet, nous
avons divisé les richesses en huit groupes prin-
cipaux; chacun d'eux comprenant celles qui se
rapprochent le plus dans leur manière d'être.
Sans doute il existera encore nombre de dis-
parates entre les richesses comprises dans chaque
groupe, et il sera difficile de résumer brièvemeïit et
avec exactitude leurs principaux caractères; mais
des divisions et des subdivisions trop multipliées,
toutenprésentantcertainesfacilités,auraientrin-
convénient grave d'obliger h des redites inutiles.
DigitizeclLy Google
DE LA CLASSIFICATION DES BICHESSES.
TABLEAU DE CLASSEMEM' DES RICHESSES.
PREHIEB GROUPE.
Métaux : Or, aident, fer, linc, etc.
Matières brutes : Coton, chanvre. Un, laine, etc.
Matières eonfectionnéet : Toiles communes de coton,
de laine, de chanvre, de lin, etc. Eaux-de-vie, viandes
salées ou fumées, etc.
Ces richesses, d'un emploi universel, d'un trans-
port facile', ne s'altèrent en général que peu par
l'action du temps.
DEUXltHE GROUPE.
Céréales de toute espèce; bétail vivant ou abattu;
vins communs, ddre, bière, etc.
Ces richesses, très-recherchées, sont d'un trans*
port onéreux. Elles durent en général peu de
temps, et réclament beaucoup de soins pour être
préservées de toute altération.
TKOIStËME «tOnPE.
Valeurs foneiires : Maisons, terres en culture, canaux,
chemins de fer, routes, usines de diverses natures, etc.
' [1 s'agit ici, comme dans tous les autres groupes, du transport
de ridiesses qui ont la mime valeur monétaire.
igitizeclLy Google
m DE LA CLASSinCATION DES RICHESSES.
Richesses gratmtes .- Climats heureux; plages fovora-
blement exposées ; sites pittoresques ; air, eau, rayons
du soleil, etc.
Ces richesses se présentent avec un caractère
particulier, celui de ne pouvoir se déplacer. Sou-
vent elles sont très-productives.
QUATRIÈHE GROUPE.
Valeurs fidueiMres : Actions et obligations indus-
trielles; contrats hypothécaires; titres de rentes sur
l'État, etc.
Ces richesses, créations du crédit, par la mobilité
qu'elles donnent à toute espèce de marchandises,
par ta facilité avec laquelle elles permettent d'en
fractionner la valeur, agissent avec puissance
pour accroître la prospérité financière d'un Ëtat.
CINQUliME GROUPE,
L'habitation des maisons soldée par un loyer ; l'em-
ploi des capitaux payé par un intérêt ; les travaux de
l'homme de peine, de l'industriel, etc., rémunérés avec
un salaire ou un traitement, etc.
Ces diverses choses doivent être placées au
nombre des richesses, puisqu'elles ont toutes
une utilité.
SIXIÈME GROUPE.
l' Étoffes de luxe en soie, laine, coton, lin, chan-
DigitizeclLy Google
UE U CLASSIFICATION DES RICHESSES. 395
vre, etc.; diamants, pierres précieuses, etc.; vins fins;
objets de mode, futilités, etc.;
2* Les créations du savant, du poète, de l'artiste;
créations prenant une forme matérielle; ainsi : les sta-
tues, les tableaux, les livres, les objets de curiosité, etc.
Les richesses appartenant au sixième groupe
ne s'adressent en général qu'aux consommateurs
riches; aussi les appelle-t-on richesses de luxe. Elles
sont assez souvent d'une durée très-courle et d'un
échange difQcile, surtout dans les moments de
crise.
SEPTIÈHB GROUPE.
Richesses qui n'ont de prix que dans une nation. Elles
se rapportent soit aux habitudes nationales, soit au
culte, soit à l'histoire particulière de cette nation.
Exemples : Le caviar, sorte de nourriture très-
recherchée chez certains peuples, et qui n'aurait
aucune valeur pour d'autres; un fauteuil qui vau-
drait seulement en France, parce qu'il aurait ap-
partenu à Molière, etc.
HUITIËME GROUPE.
1^ capacité, le talent, le génie, l'espnt conunerâal
et industriel, etc.
Ces diverses choses sont incontestablement des
richesses; nous en traiterons d'une manière spé-
ciale.
DigitizeclLy Google
DE U OASSIFICATIOn DtS «ICBESSES.
8 S.
Caractères distinclifs des richesses comprises dans les ûnq premiers
groupes.
L'ordre de classement des groupes, les explica-
tions qui accompagnent chacun d'eux, n'indi-
quent que très-superûcielleraent les attributs par-
ticuliers des diverses richesses que ces groupes
renferment. Nous allons préciser davantage l'im-
portance de chacune d'elles.
PRENIER GROUPE.
Les richesses comprises dans le premier groupe :
l'or, l'argent, le fer et autres métaux; le coton, la
laine, etc.; les tissus communs, etc., sont univer-
sellement demandées. Elles sont relativement lé-
gères, peu encombrantes, peu altérables, d'un
transport facile. Envoyées sur tous les marchés
du monde, elles sont échangeables et réalisables
au plus haut degré. Ces caractères procurent au
détenteur de ces richesses l'avantage de voir leur
valeur monétaire ne s'abaisser que faiblement;
Digitizeclby Google
ItE LA CLASSIFICATION DES RICHESSES. 295
même quand il les posséderait pendant un très-
long temps.
Les richesses de cette sorte, en cas de mévente,
peuvent, sans risque de perte, attendre, ou aller
solliciter dans toutes les parties du monde, soit
les besoins, soit le bon vouloir des consommateurs,
pour trouver un placement avantageux. Aussi as-
surent-elles de forts bénéûces à leurs possesseurs.
Bien qu'elles ne composent pas à elles seules tou-
tes les richesses, elles constituent néanmoins un
des éléments les plus essentiels et les plus éner-
giques de la grandeur des peuples.
Nous ferons cependant quelques réserves sur les
espèces métalliques.
Les partisans de la balance du commerce, en
cherchant à se rendre compte de la nature des
richesses que les peuples échangent entre eux,
sont sans doute dans la bonne voie; mais ils ne
peuvent arriver qu'à des conclusions contradic-
toires et inacceptables, lorsqu'ils prétendent que
l'or et l'argent sont préférables à toutes autres
marchandises.
Ce désir ardent que l'on a de s'approprier les
métaux précieux, cette espèce de culte qu'on leur
rend dans tous les pays, tient à l'opinion très-ré-
pandue et parfois fort contestable, que celui qui
se défait de sa marchandise pour les posséder
gagne, tandis que celui qui livre son or perd; fà-
Digitizeclby Google
S9IJ DE LA CLASSIFICATION DES BICUBSSES.
cheux préjugé, qui tire son origine des avantages
que présentent ia facilité de transport, ta durée,
la valeur universellement acceptée, et les autres
qualités que chacun reconnaît à l'or et à l'argent.
A tout considérer, si les métaux précieux sont
très-utiles à divers points de vue, examinés sous
d'autres faces, ce ne sont que des richesses d'un
ordre secondaire.
Déjà, dans la discussion de la ricke»$e évaluée,
nous avons montré qu'il était préjudiciable à une
nation d'en accumuler une grande quantité, soit
pour trafiquer, soit dans le but de thésauriser, et,
qu'en conséquence, il était judicieux parfois de
les échanger contre d'autres marchandises. Nous
allons nous assurer encore, en nous fondant sur
d'autres motifs, qu'à égalité de valeur, l'or et
l'argent ne sont pas, dans certains cas, des ri-
chesses par excellence.
Soyez paisible possesseur d'un domaine qui, cha-
que année, vous rapporte des produits de diverses
sortes. Quand bien même le prix. des marchan-
dises nécessaires à la subsistance, au vêtement,
à l'abri, viendrait à hausser, vous trouverez en
général, sanssortir de chez vous, de quoi satisfaire
vos besoins les plus essentiels.
Quelle différence si, au lieu de cet immeuble,
vous avez une somme d'argent équivalente ! Les
satisfactions que vous pourrez vous donner, en
DigitizeclLy Google
DE LA CLASSIFICATION DES RICHESSES. 397
cas de hausse dans le prix des marchandises, se-
ront assurément bien moins nombreuses.
Ensuite quelle heureuse insouciance de l'ave-
nir, quelle quiétude, pour le détenteur de la
propriété territoriale! En effet, les coffres les
mieux fermés, les placements les plus solides,
les gardiens les plus ûdèles, ne garantiront ja-
mais, à notre époque de civilisation, votre or
et votre argent de la rapacité des malfaiteurs
avec autant de certitude qu'un sot , même de
médiocre étendue. Et, d'autre part, ne voit-on pas
habituellement les familles riches, seulement en
numéraire, s'appauvrir à la deuxième génération,
et celles qui possèdent des terres, traverser des
siècles, en conservant toujours la même position
de fortune relative '.
On peut ajouter encore que les métaux précieux
favorisent bien plus les mauvaises passions', les
excès de toute sorte, l'avarice, la prodigalité, etc.,
que la plupart des autres richesses.
' Ed Auglelerre, les maisons d'éducation graluite, qui, dans
('origine, ont dû leur fondation à des legs en argent, dont elles re-
tiraient l'intérêt chaque année, ne peuvent plus entretenir aujour-
d'hui qu'une minime partie des élèves qu'elles avaient autrefois.
Plusieurs même («t dû se ferooer. Celles de ces maisons qui ont été
dotées primitivenient en terres n'ont décliné en aucune sorte.
' C'est pour cette raison que Morus, dans son Utopie, fait porter
des chaînes d'or aux galériens, afln de rendre ce métal méprisahle-
Pline regretle les échanges en nature.
DigitizeciLy Google
DE LA CLASSIFICATION IKS RICDESSES-
MDXIÈHB GROUPE.
Les richesses du second groupe, telles que : les
céréales, la viande, le vin, et autres substances
nutritives, sont indispensables à l'homme; puis-
qu'elles seules, en répondant directement, sans
aucun intermédiaire, à nos exigences naturelles,
peuvent réparer nos forces. Hais ces ridiesses ne
possèdent pas les importantes qualités de durée,
de mobilité, etc., que nous avons reconnuesaux
précédentes qui composent le premier groupe.
Celles-là ont beau être d'une nécessité impé-
rieuse, absolue pour l'existence, quand on a besoin
d'en efiectuer l'échange, on ne peut ordinairement
trouver un débouché que dans un rayon très-
court, à partir de la localité où on en fait la ré-
colte; et cela, en raison des difficultés de vente,
que l'on rencontre dans le poids, l'encombrement
et le peu de durée de ces richesses.
Des frais considérables, occasionnés par le trans-
port, par l'emmagasinement, par les primes de
risques, etc., venant s'ajouter au coût de la pro-
duction ; il peut arriver que le détenteur, dans
t'échange auquel il est forcé {l'imminence de la dé-
composition souvent ne permettant pas d'atten-
dre), ne recueille aucun bénéfice, ou même ne
rentre pas dans ce qu'il a déboursé.
DigitizeclLy Google
DE LA CLASSIFICATIW4 DES RICHESSES. SUS
Cependant ces richesses, dans leur consomma-
tion, sont productives la plupart du temps à
un degré très-émiiient. Aussi font-elles accroître
énormément la population, lorsqu'elles sont mul-
tipliées dans un pays. Toutefois nous rappelle-
rons qu'il a été établi dans le cours de cet ou-
vrage que cette population vit en général dans
une situation d'infériorité en rkhene évaltUe,
comparativement aux peuples qui possèdent en
abondance les richesses du premier groupe.
Nous avons traité in extento, dans le chapitre v,
de l'énorme avantage que les peuples manufac-
turiers avaient sur les peuples agricoles, au point
de vue de la richene évaluée; nous n'y revien-
drons pas.
TROISIÈHE GROUPE.
Le troisième groupe comprend : 1° les maisons,
terres en culture, canaux, chemins de fer, etc.;
2' les climats heureux, les sites pittoresques, l'air,
l'eau, les rayons du soleil, etc.
Nous le répétons, ces richesses, très-productives
de leur nature, ont pour caractère spécial de ne
pouvoir être déplacées. C'est un inconvénient
sans doute, mais elles n'en constituent pas moins,
à un haut degré, la puissance des peuples, et le
mode de formation de l'équation de la rkkeise éva-
Digitizeaty Google
SOO OE U GLASSUnCATlON DBS RICHESSES.
luée nous l'a démontré. Dans ce chapitre dous re-
viendrons encore sur les richesses gratuites, et
nous insisterons sur l'opportunité, sur l'urgence
d'en tenir compte dans la science économique.
QDATRIÈHE GROUPE.
1^ quatrième groupe se compose des actions et
obligations industrielles, des billets de banque,
des lettres de change, etc.
Les richesses comprises dans ce groupe sont
encore très-favorables, comme nous l'avons déjà
vu, à l'accroissement de la richesse écaluée. Les
peuples chez lesquels ces titres sur papier ne cir-
culent que diflîcilement manquent d'outils, d'in-
struments créateurs, et leurs destinées ne peuvent
s'élever à une grande hauteur.
Tout en. appréciant à un haut degré l'utilité des
valeurs fiduciaires, surtout du billet de banque,
une nation ne devra donner une très-grande exten-
sion à l'usage de ces valeurs que si ses manufac-
tures produisent des marchandises qui permet-
tent, en toutes circonstances, de rappeler le
numéraire avec beaucoup de facilité. Ces mar-
chandises, classées dans le premier groupe de
notre tableau, sont remarquables par la facilité de
leur écoulement et la solidité de leurs prix, même
en temps de crise.
En conséquence la France, qui produit spécia-
DigitizeciLy Google
DE LA CLASSIFICATION DES RICHESSES. 301
leme'nt des objets de luxe', se gardera d'une trop
nombreuse monnaie de p;apier, car dans un mo-
ment donné, en temps de guerre générale par
exemple, ses productions, en raison de leur na-
ture, s'échangeront avec plus de diUiculté contre
du numéraire que celtes de certains autres peu-
ples'.
Bemarquons-le en passant, l'espèce de la mar-
chandise réagit sur le crédit. Ainsi, une partie de ,
la prodigieuse élévation qu'il a prise en Angle-
terre est due aux articles que l'on y fabrique.
Nous dirons encore qu'avec ces articles dont la
valeur ne subit en général que peu de déprécia-
tion, on ne doit que faiblement redouter les dé-
ceptions que le crédit peut quelquefois entraîner
avec lui '.
CIRQtlIËHE GROUPE.
L'habitation des maisons, l'emploi des capi-
taux, etc.; les travaux de l'homme de peine, de
l'industriel, etc.
' L'élat du commerce spécial el extérieur de la France, présenté
par l'administration des douanes pour l'année 18SS, indique une
valeur de I ,Î>5T millions k la sortie, et de 1 ,h9i millions à l'entrée.
En discutant les indications qu'il fournit, on s'aperçoit que les mar-
chandises de luie figurent i l'exportation pour la somme énorme
d'environ 1,250 millions.
' Le peuple anglais, par exempte.
' L'Angleterre ne fonde pas uniquement son crédit sur la nature
DigitizeciLy Google
303 DE LA CLASSlFrCATlON DES RICDESSES.
Si les loyers sont généralement chers, c'est que
la valeur monétaire des immeubles dont ils
payent l'usage, et par suite la richeue émlvée qui
s'attache à ces immeubles, est considérable; et
au contraire, si l'intérêt des espèces est éleré,
c'est en général la marque d'une modique ridieue
évaluée.
La hausse des salaires, en réduisant le produit
net, fait décroître la richeae évaluée d'une nation;
toutefois cette hausse dans les salaires est souvent
l'indice d'une importante richeaed'taage, bien que
des salaires très-faibles puissent se rencontrer
avec une richesse d'usage très-notable; mais alors
cette modicité dans les salaires dénote toujours
un pays où la rieheue évduée est médiocre.
des marchandbes qu'elle fabrique. Elle le doit à plusieurs autres
causes, et, entre autres, aux mœurs, aux inslitutioiis, qui sont, pour
ce pajs, le gage d'une longue sécurité.
Digitizeclby Google
DE LA GLASSrFIGATIOH 1^ RICDESSES.
8 5.
Les richesses de luxe, considérées soit au poînl de vue de la pos-
session, soit i celui de la consûmmalion, sont moins aptes que
les autres' à développer la ridiase ivalu^e.
SIXIÈME GROUPE.
Le sixième groupe se rapporte aux marchan-
dises de luxe ; ces marchandises sont :
1° Les étoffes très-façonnées eu soie, lin, laine,
chanvre; les diamants, les pierres précieuses, les
vins fins, les futilités, etc.
2° Les créations du savant, du poète, de l'ar-
tiste; créations prenant une forme matérielle:
ainsi: les statues, les tableaux, les livres, les objets
de curiosité, etc.
A égalité de valeur, les richesses comprise dans
les cinq premiers groupes sont bien supérieures
aux richesses de luxe' pour constituer la rkheae
évaluée des particuliers et celle des nations.
■ La fabrication des objets de luxe, pour les personnes qui peu-
vent débiter presque aussitôt qu'elles ont conTet^onné, est au con-
traire souvent trés-avantageuse. On a pu s'en assurer dans la théorie
des échanges.
* Les richesses dont on traite comme étant des richesses de luie
DigitizeclLy Google
30i DE LA CLASSIFICATION DES RICHESSES.
1' Parce que ces marchandises d'une valeur
peu constante éprouvent surtout dans les circon-
stances critiques de très-grandes diminutions
dans leur prix;
2° Parce que leur réalisation est parfois très-
difficile ;
3* Parce que, en se consommant, elles ne pro-
créent presque aucune utilité.
En effet, voyons d'abord les objets d'art, tels
que : statues, tableaux, curiosités, etc.
Si l'on considère combien les impressions de la
foute sont fugitives et versatiles en fait d'arts, si
Ton tient compte des nombreux caprices, des bi-
zarreries inexplicables qui lui font tantôt recher-
cher, tantôt dédaigner les styles byzantin, grec,
roman, moyen âge, renaissance, etc., on demeure
convaincu qu'en fondant uniquement sa fortune
sur cette nature de richesse, on serait exposé à
des éventualités bien terribles.
Les étoffes de luxe en soie, laine, coton, etc.,
ont peut-être encore des valeurs moins solides.
ne prennent pour nous ce nnni qu'à cause de leur consummation,
qui est eflectuée seulement par un petit nombre de gens riches.
Aussitôt que, par suite d'une modification dans les habitudes so-
ciales, ces richesses sont consommées abondamment par toutes les
classes de la société, elles ne font plus partie des marchandises de
luïe. Ainsi, naguère, on pouvait regarder le sucre, le café, le ttié,
comme des arlîcles de luxe. Actuellement, ces espèces de richesses
paraissent devoir être classées, dans certains pays, parmi les otgels
de pranière nécessité.
DigitizeciLy Google
DE LA CLASSIFIGATEON DES RICBESSES. 505
Voyez les efforts que font les détenteurs de ces
objets, pour parvenir à les écouler. N'est-ce pas
pour en effectuer plus facilement la vente, qu'a été
créé cet art vénal et perfide de la réclame, dont
les merveilles s'étalent dans nos feuilles quoti-
diennes avec tant d'impudeur?
A quoi sont destinés ces magasins splendîdes,
ces somptueux étalages? Pourquoi forme-t-on ces
escouades de commis, voyageurs ou sédentaires?
N'est-il pas évident que le commerçant est édifié
sur la valeur intrinsèque des objets de luxe lors-
qu'il se croit forcé de recourir, pour solliciter les
acheteurs, à toute cette mise en scène? L'ardeur
qu'il met à activer la vente est en raison inverse
de l'utilité réelle de la marchandise.
Entrez dans ce petit réduit, orné d'un simple
grillage à fines "mailles, au travers desquelles le
jour pénètre difficilement, c'est un changeur, au-
trement dit un marchand d'or et d'argent, qui y
réside. Quel contraste dans les moyens commer-
ciaux! Examinez cet homme, c'est à peine s'il
laisse échapper quelques paroles pour vous répon-
dre. Chez lui, vous n'entendrez pas ces épithètes
laudatives de ma^ifique, de délicieux, &admirai>le,
qui s'élèvent en chœur dans les magasins de nou-
veautés. La simple exhibition de sa marchandise
l'en dispense. K la suite de quelques phrases brè-
ves, si votre marché se conclut, la petite porte
Digitizeaty Google
506 l>E LA CLASSIFICATION DES RICHESSES.
grillée, qu'il a ouverte pour vous transmettre,
presque à regret, ce que vous lui réclamez, se
ferme, et vous êtes reconduit.
Cet exposé s'appliquerait, avec peu de variantes.
aux négociants en fer, cuivre, métaux de toutes
sortes; tissus communs de chanvre, coton,
laines, etc.
Que signifie cette ditférence dans les procédés
de l'échange, suivant qu'il s'agit d'objets dura-
bles, d'un emploi universel, ou d'objets peu es-
sentiels, éminemment éphémères, qui ne sont
destinés qu'à la consommation d'une très-petite
classe de la société : les personnes riches?
C'est que la vente des premiers se fait sans
efforts, ou bien est susceptible d'être retardée sans
danger. Pour les seconds, au contraire, la réali-
sation est difficile, el l'attente préjudiciable.
Une étoffe nouvelle plaît à chacun; on admire
généralement ses dispositions, son éclat, — mais
la faveur du jour ne la garantira pas d'un triste
lendemain.
Soyez détenteur de marchandises comprises
dans ce sixième groupe, si vous voulez réaliser du
numéraire pour fonder une entreprise, en ap-
portant sur le marché vos vins fins, vos coupons
de dentelles, vos soieries, vos objets d'art, vous
reconnaîtrez bien vite la perte énorme qu'il faudra
subir; perte infiniment supérieure à celle qu'é-
DigitizeclLy Google
DE LA CLASSIPlfîATIOn DES RICHESSES. 507
proUTeraitTheoreui possesseur des richesses com-
prises dans le premier groupe; car moyennant
une légère concession, celles-ci trouveraient pres-
que aussitôt un échange avantageux.
Mais, il y a plus, qu'il arrive une crise com-
merciale, les articles de luie deviennent à peu
près invendables, et peuvent être en quelque
sorte rayés de la liste des marchandises, tandis
que celles qui sont renfermées dans le premier
groupe ne sont soumises qu'à une baisse de prix
relativement insignifiante.
On voit donc combien il importe de distinguer
entre richesses et richesses et de les classer d'après
la solidité de leur valeur, si l'on veut se rendre
compte de l'intérêt qu'un pays peut avoir à se
nantir de telle ou de telle production. D'où nous
concluons que bien qu'on ne puisse refuser le nom
de richesse aux objets compris dans le sixième
groupe, à taux égal, ces objets sont d'un ordre
inférieur pour produire la richeae évaluée.
Les richesses du sixième groupe présentent
encore des caractères particuliers. Ainsi : des
étoffes richement façonnées peuvent défendre
l'homme des intempéries des saisons; quelquefois
des liqueurs précieuses, obtenues à grands frais,
peuvent lui être salutaires, mais ce n'est jamais
qu'avec une destruction inutile de valeurs impor-
tantes, puisque l'on peut parvenir aux mêmes
u,„t,zedtv Google
308 DB LA CLASSIFICATION BES RICHESSES.
résultats avec des étoffes communes et des baissons
saines, cotées à un prix inférieur.
Les objets de luxe, dans leur emploi pour l'usage
ordinaire de la vie, entraînent donc une. déper-
dition considérable de richesse, relativement à
l'effet utile qu'ils produisent; aussi ne sont-ils
généralement achetés que par les personnes opu-
lentes. Le numéraire du consommateur passe, au
moyen de l'échange, dans les mains des fabricants
qui sont convenablement rémunérés; et il ne
reste, pour ainsi dire, à ce consommateur que la
carcasse d'un feu d'artifice qu'il a tiré pour son
unique plaisir.
Il en serait différemment, si ces marchandises
de luxe étaient consommées à l'étranger.
Quant à la plupart des richesses renfermées
dans les premiers groupes, elles sont caractérisé»
presque toujours par une destination ou une con-
sommation dont résulte une utilité pondérable,
matérielle. Sous forme de vins communs, de
grains, de tissus vulgaires en toile, en laine, etc.,
ces richesses contribuent avec le moins de frais
possible, en se transformant, à alimenter l'espèce
humaine et à la garantir des intempéries, des sai-
sons. A l'état de métaux convertis en machines,
elles viennent encore, malgré la détérioration
continuelle qu'elles subissent, nous aider dans
nos travaux, à titre d'agents reproducteurs.
DigitizeclLy Google
PË (.A CUSSlFICATfON DES fllCUESSES. 309
, Le service de ces utiles richesses produit ainsi
de toutes manières un avantage matériel pour
le manufacturier, le commerçant, le consom-
mateur, ainsi que pour le pays auquel elles
appartiennent.
Au point de vue de la France, qui confectionne
avec une si rare perfection el une telle profusion
les marchandises du sixième groupe, il est de
son intérêt de se débarrasser le plus vite poœible
de ces gracieuses futilités, de ces délicates ba-
gatelles, de ces liqueurs exquises, qui entrent
avec tant d'abondance dans la spécialité de sa
production ; et tout stock de ces marchandises,
comme toute consommation exagérée que ses ha-
bitants en feraient, serait préjudiciable à sa
puissance.
Le sentiment public, que n'ont jamais éclairé
des études spéciales sur la différence des riches-
ses, a montré de tout temps sa prédilection pour
les valeurs monétaires. C'est là une grave erreur,
comme déjà nous l'avons fait remarquer. Mais
une école célèbre, en se refusant mal à propos
à reconnaître ce que cette prédilection pouvait
avoir parfois de bon, a peut-être pour cette rai-
son compromis son influence' ; car il serait dif-
' On ne saurai! mèconnailre que la plupart des écunomisles mo-
dernes n'onl pas prèle une allention sufGsanle aux proprii^lés qui
dislingucnl l'aident des autres marcliandtst^, comme cela ri'sulle
DigitizeciLy Google
SIO DE LA CLASaPlCATlON DBS RICHESSES.
ficile d'expliquer aulrement pourquoi ses princi-
pes les plus incontestables, au lieu de se propager
avec rapidité, restent souvent méconnus de lon-
gues années.
surtout delà théorie sur la balance commerciale qui domine depuis
Huwe et Adam Smith. Sous ce rapport, on ne saurait regarder
comme dépourvue de toute raison la réaction semi-mercanlile de
GanJih {Théorie de l'économie polilique); Sainl-Chamans ( JVouwf
aiay itir la richesse des nations ); Colion {Publie economy for the
VniUd StaUt) , qui lait ressortir d'une manière très-nette la difTérence
de Money tu Ihe tubjecl et Money at Ihe intlrumenl of trade.
WoiowMi, membre de l'Institut.
D.gitizeclty Google
DE LA CLASSIFICATION DES RICHEffîES.
Les nations civilisées, bien que la consonunation des richesses de
luxe ne contribue que faiblement à développer leur richesse iva-
Ivée, <loi«ent user dans une certaine limile de ces richesses.
Nous venons de reconnaître l'infériorité des
richesses de luxe sous le rapport de la possession
et de la consommation pour constituer la richesse
évaluée des peuples et des particuliers. Elles
peuvent cependant se relever dans notre estime,
si nous les envisageons à un autre point de vue,
c'est-à-dire en tenant compte de la perfection
qu'elles donnent à nos organes, en appréciant les
délicieuses satisfactions qu'elles procurent aux
peuples parvenus à une civilisation avancée.
A la naissance des sociétés, une peau de béte
pour vêtement, des aliments grossiers, un abri
informe, suftisaient à l'homme, car il n'avait alors
de soucis que pour ses besoins les plus essentiels.
Mais à mesure que son aisance s'est accrue, soit
par la conquête des animaux, soit par la domina-
tion qu'il a su établir sur la matière, la sphère de
ses convoitises s'est agrandie. Ses désirs sont de-
venus plus ardents, plus nombreux, et leur réa-
DigitizeclLy Google
513 DE LA. CLASSIFICATION DES RICHESSES.
lisation lui a donné chaque jour des jouissances
nouvelles.
Ces jouissances, qui sont loin d'être d'une né-
cessité absolue, doivent-elles être sacrifiées parce
que les consommations au moyen desquelles on les
satisfait, sont moins propres que d'autres à assurer
la puissance des États? Telle n'est pas notre opi-
nion. Nous en appelons à l'élite des populations,
et même à toutes les personnes dont le manque
d'éducation n'a pas oblitéré le sens et la raison.
L'artiste qui nous fait éprouver des jouissances
ineffables à la vue d'un paysage animé, d'un ta-
bleau d'histoire, doit-il être exilé parce que son
art ne donne pas naissance à une baïonnette, à
quelques grains de blé? Le compositeur dont les
œuvres harmonieuses excitent en nous les plus
doux transports doit-il être banni, comme il l'eût
été à Lacédémone où l'on ne voulait tenir compte
que de la force musculaire?
Même un cuisinier qui est parvenu, par ses com-
binaisons heureuses, à flatter notre goût, n'a-t~il
pas sa raison d'être? Voudrait-on assimiler la
nourriture de l'homme à celle de la brute?
Avec l'usage des richesses de luxe, la créature
humaine se transforme. Ses goûts, ses appétits
prennent une délicatesse extrême. Le vin n'est
plus un liquide alcoohsé dont l'action nous
enivre, ou seulement stimule nos organes : c'eât
DigitizeclLy Google
DE LA CLASSIFICATION DES RICHESSES. 315
un nectar dont l'application sur notre palais en-
gendre les impressions les plus suaves. L'amour
n'est plus seulement une rencontre de deux êtres
de la même espèce, ordonnée par la nature; les
sensations immatérielles les plus exquises vien-
nent le purifier de ce qu'il a de trop terrestre et
même de grossier.
Un chapeau de femme orné des étoffes les plus
riches, assorties avec l'art qui distingue les bonnes
faiseuses, ne donne-t-il pas à la personne, jeune,
jolie et élégante qui le porte, un charme qui
ravit tous ceux qui la considèrent? Si l'on dé-
possédait la beauté réunie à la grâce, de ce
fragile ornement pour accroître les richesses de
l'Ëtat, ne serait-ce pas priver nos sens d'une vive
satisfaction?
Au moyen de toutes ces délectations, ne déve-
loppe-t-on pas dans notre organisation de nou-
velles facultés qui relèvent notre nature?
Il est incontestable qu'en se livrant sans me-
sure à ces voluptés, l'homme gaspille un temps
qu'il pourrait employer fructueusement. Il sa-
crifie k son plaisir des richesses qui, par l'é-
change, seraient utiles à la force des États. Mais
s'il ne goûte les douceurs de la vie qu'avec modé-
ration, s'il répond seulement aux intentions du
Créateur, qui, en lui donnant des sens et tous les
objets qu'ils peuvent percevoir, ne l'a soumis qu'à
DigitizeclLy Google
314 m LA CLAS:)IFir.AT10i\ DES RICUESSBS.
cette règle : »ie et n'abuse pat; il remplit une des
conditions de son existence sur la terre.
Concluons donc que si la consommation des
marchandises de luxe est nuisible à l'accroisse-
ment de la richesse évaluée, ce n'est pas une rai-
son suffisante pourlesproscrire. Une nation sage-
mentgouvernée pourra user de ces marchandises
dans certaines limites.
Digitizeaty Google
DE L^ CLASSIFIUTION DES RICHESSES.
Richesses qui n'onl de valeur que dniis la nalion dont a
apprécier la richesse éeaUiée.
SEPTIEUE GROtTE.
Parmi les richesses que possède im pays, il en
est qui ne sont susceptibles d'être échangées que
dans son intérieur. Les unes sont improductives,
les autres productives.
Dans les premières, nous rangerons certains ta-
bleaux, certaines statues, dépourvus de valeur ar-
tistique, mais représentant les traits d'un homme
cher à la population.
Ce seron t encore des objets mobiliers d'une pro-
venance particulière : les tabatières faites avec le
bois du chêne de Stratrord sous lequel Shakspeare
venait se reposer, tabatières qui ont pris une cer-
taine valeur en Angleterre; la guitare ayant ap-
partenu à la célèbre tragédienne Rachel, etc.
Ainsi que les billets de banque, ainsi que les
lettres de change, ces objets peuvent constituer la
fortune d'un particulier; mais ils n'accroisscnl
Digitizeclby Google
316 DE LA CLAS8IFIUT10IS DBS BKUESSES.
en aucune manière la richeve étalnée d'un Etat.
Dans les richesses productives de l'ordre ci-
dessus doivent être comprises certaines boissons
(nous citerons, par exemple, le cidre, marchan-
dise qui ne s' exporte pas); certaines chaussures,
telles que les sabots en usage seulement dans quel-
ques contrées; etc.
Ces espécesderichessesdevront être introduites
pour leur valeur dans l'équation de la richetse éva-
luée, mais en y faisant figurer seulement les quan-
tités que l'on consomme annuellement, car s'il y
avait des excédants dans la production, ces excé-
dants ne pourraient entrer dans l'expression de
cette richesse.
DigitizeclLy Google
DE LA OUSS[F[CAT[0?1 DES RICHESSES.
M-
Des richesses immatérielles : la capacité, le talent, le génie, l'esprit
commercial et industriel, etc.
tlOrriÈUE GROUPE.
Les pubticistes discutent encore pour savoir si
il faut admettre les richesses immatérielles qui
figurent dans notre huitième groupe au nom-
hre de celles que la science économique doit corn*
prendre. Nous sommes particuhèrement heureux
de rencontrer, parmi les écrivains qui sur ce point
partagent nos idées, un éminent publiciste, U. Du-
noyer, dont on nous saura gré de citer ici quel-
ques pages pleines de logique et d'éloquence.
« Toutes les professions utiles, quelles qu'elles
« soient, celles qui travaillent sur les choses,
n comme celles qui opèrent sur les hommes, font
V un travail qui s'évanouit à mesure qu'on l'ezé-
» cute, et toutes créent de l'utilité qui s'accumule
(c à mesure qu'elle s'obtient..,.. Très-assurément,
« la leçon que débite un professeur est consommée
« ,en même temps que produite, de même que la
« main-d'œuvre répandue par le potier sur l'ar-
Digitizeclby Google
318 DE LA CLASSIFICATION DES RICHESSES.
» gile qu'il tient dans ses mains; mais les idées
«inculquées par le professeur dans l'esprit des
o hommes qui l'écoutent, la façon donnée à leur
« intelligence, l'impression salutaire opérée sur
« leurs facultés affectives, sont des produits qui
« restent, tout aussi bien que la forme imprimée
o à l'argile par le potier. Un médecin donne un
« conseil, un juge rend une sentence, un orateur
« débite un discours, un artiste chante un air ou
« déclame une tirade; c'est là leur travail; il se
« consomme fi mesure qu'il s'effectue, comme tous
<< les travaux possibles; mais ce n'est pas là leur
« produit, ainsi que le prétend à tort J. B. Say :
« leur produit, comme celui des producteurs de
« toute espèce, est dans le résultat de leur travail,
<c dans les modifications utiles et durables que les
u uns et les autres ont fait subir aux hommes sur
(( lesquels ils ont agi, dans la santé que le méde-
« cin a rendue au malade, dans la moralité, l'in-
« struction, le goût qu'ont répandus le juge, l'ar-
« tiste, le professeur. Or ces produits restent, ils
« sont susceptibles de se conserver, de s'accroître,
« de s'accumuler, et nous pouvons acquérir plus
<t ou moins de vertus et de connaissances, de même
c( que nous pouvons imprimer à des portions quel-
o conques de matière quelqu'une de ces utilités
K qui sont de nature à se fixer dans les choses, et
« qui leur donne plus ou moins de valeur.
DigitizeclLy Google
OE LA CLASSIPIOATtON DES ItlCtlESSES. 5t9
« Il est vrai que l'instruction, le goût, le talent,
« sont des produits immatériels; maïs en créons-
<i nous jamais d'autres? et n'est-il pas surprenant
a de voir J. B. Say en distinguer de matériels et
« d'immatériels, lui qui a si judicieusement re-
« marqué que nous ne pouvons créer pas plus
« qu'anéantir la matière, et qu'en toutes choses
M nous ne faisons jamais que produire des utilités,
« des valeurs? La forme, la figure, la couleur
« qu'un artisan donne à des corps bruts sont des
'( choses tout aussi immatérielles que la science
» qu'un professeur communique à des êtres intel-
<( ligents; ils ne font que produire des utilités l'un
« et l'autre, et la seule différence réelle qu'on
« puisse remarquer entre leurs industries, c'est
<i que l'un tend à modifier les choses et l'autre 6
« modifier les hommes.
- a On ne peut dire que le travail du professeur,
« du juge, du comédien, du chanteur, ne ê'atta-
« cke àrien, m qu'iln'en rate rien : il s'attache aux
« hommes sur qui il opère, et il eh reste les mo-
« fications utiles et durables qu'illeura fait subir;
« de même que le travail du fileur, du tisserand,
« du teinturier, se réalise dans les choses qu'ils
« subissent, et y laisse les formes, la figure, les
« couleurs qu'il leur a imprimées.
« On ne peut pas dire que les valeurs réalisées
« dans les hommes, que la capacité, l'industrie.
DigitizeclLy Google
530 UE U CLASSIFICATION DES RICHESSES.
« les talents qu'on leur a communiqués ne sont pas
<i tUK^tibles de $e vendre; ce qui ne se vend pas, au
« moins dans les pays assez civilisés pour n'avoir
« plus d'esclaves, ce sont les hommes dans le&quels
« l'industrie humaine les a développés ; mais
a quant aux talents que ces hommes possèdent, ils
a sont très-susceptibles de se vendre, et ils sont
(( en elîet continuellement vendus; non pas, je le
(( reconnais volontiers, en nature et en eux-
« mêmes, mais sous la forme des services, du tra-
u vail, de l'enseignement qu'on emploie d'ordi-
« naire â les inculquer à autrui.
« On ne peut pasdire davantage que les valeurs
« que le travail parvient à fixer dans les hommes
« ne sont pat de nature à «occumu/er; il est aussi
« aisé de multiplier eu nous-mêmes les modifi-
« cations utiles dont nous sommes susceptibles,
" que de multiplier, dans les choses qui nous en-
« tourent, les modifications utilesqu'elles peuvent
« recevoir.
« On ne peut pas dire non plusqu't/yarfud^a-
« vaiUage à les multiplier; ce qu'on ne pourrait
« multiplier sans désavantage, ce sont les frais
« réservés pour obtenir une espèce quelconque de
« produits; mais quant aux produits eux-mêmes,
a on ne peut pas dire qu'il y ait du désavantage à
« les accroître; on ne voit pas plus les hommes se
c( plaindre d'avoir trop d'industrie, dégoût, d'ima-
D,:i,t,zecity Google
DE LA CLASSIFICATION DES RICHESSES. âSl
« ginalion, de savoir, de vertu, qu'on ne les voit
« se plaindre de posséder trop d'utililés de quel-
« que autre espèce.
« On ne peut pas dire que la dépense faite pour
« obtenir ces produits est improductive. Ce qui serait
« improductif, ce seraient les frais que l'on ferait
« inutilement pour les créer; mais, quant aux
» frais nécessaires pour cela, ils ne sont pas impro-
« ductifs, puisqu'il en peut résulter une véritable
» richesse, et une richesse supérieure à ses frais
M de production : il n'est sûrement pas rare que
« des talents acquis vaillent plus que la dépense
« faite pour les acquérir; il n'est pas impossible
a qu'un gouvernement fasse naître, par une admi-
« nistration active, ferme, éclairée de la justice,
« des habitudes sociales d'un prix infmiment supé-
« rieur à la dépense qu'il faut faire pour obtenir
« un si précieux résultat.
« On ne peut pas dire, enfin, i/ue ces produits
M n'ajoutent rien au capital national : ib l'augmen-
« tent aussi réellement que peuvent^ le faire des
« produits de toute autre espèce. Un capital de
« connaissances ou de bonnes habitudes ne vaut
o pas moins qu'un capital d'argent ou de toute
« autre espèce de valeurs. Une nation n'a pas seu-
•( lement des besoins physiques à satisfaire : il est
« de sa nature d'éprouver beaucoup de besoins
« intellectuels et moraux ; et, pour peu qu'elle ait
DigitizeclLy Google
533 l>E LA CLASSIFICATION DBS ItlCUBSSES.
« de culture, elle placera la vertu, l' instruction,
u le goût, au rang de ses richesses les plus réelles
« et les plus précieuses. Ensuite ces choses, qui
«sontde vraies richesses par elles-mêmes, parles
c( plaisirs purs et élevés qu'elles procurent, sont,
« en outre, des moyens absolument indispensables
« pour obtenir celte autre espèce de valeurs que
c( nous parvenons à fiser dans les objets matériels.
« H ne suffit pas, en effet, pour créer celles-ci, de
'( posséder des ateliers, des outils, des machines,
« des denrées, des monnaies; il faut des forces,,
•t de la santé, de la science, du goût, de l'imagi-
« nation, de bonnes habitudes privées et sociales,
« et les hommes qui travaillent à la création et aux
« perfectionnements de ces produits peuvent, à
(I juste titre, être considérés comme producteurs
« des richesses improprement dites matérielles,
<c tout aussi bien que ceux qui travaillent directe-
« ment à les créer. Il est sensible, en un mot, que,
M si une nation accroit son capital en étendant ses
« cultures, en améliorant ses terres, en perfection-
ci nant ses usines, ses instruments, ses bestiaux,
« elle l'accroît, à plus forte raison, en se perfec-
« tionnant elle-même, elle qui est la force par
« excellence, la forcequi dirige etfait valoir toutes
« les autres.
« Le moyen, après cela, qu'on veuille bien nous
« le dire, de soutenir que les hommes qui em-
Digitizeclby Google
DE LA CLASSIFrCATIOPi DES RICHESSES. 52S
« ploient direclement leur activité ù la culture de
« leurs semblables créent des produils^ut s'éva-
« nowMsenl en naissant! La vérité, pour ces tra-
ct vailleurs comme pour tous, c'est que, dans
« l'œuvrede la production, il n'y a que leur travail
« qui s'évanouisse, et que, quant à leurs produits,
« ils sont aussi réels que ceux des classes les plus
« manifestement productrices. Que peut-on faire
« de mieux, en elTet, pour accroUre le capital
« d'une nation, que d'y multiplier le nombre des
a hommes sains, vigoureux, adroits, instruits, ver-
tt tueux, exercés à bien agir et à bien vivreî Quelle
a richesse, même alors qu'il ne s'agirait que de
« bien exploiter le monde matériel, pourrait pa~
" raître supérieure à celle-là? Quelle richesse est
« plus capable d'en faire naître d'autres? Or, voici
« précisément celle que produisent toutes les clas-
« ses de travailleurs qui agissent directement sur
« l'homme, à la différence de celles qui ne travail-
ce lent pour lui qu'en agissant sur les choses. »
Puisque nous venons de nous appuyer sur une
autorité des plus respectables, il est juste que
nous rapportions aussi tes arguments qui nous
combattent. Et, pour qu'on ne nous accuse pas
d'atténuer leur force en les décolorant, nous ex-
trairons du Manuel d^économie politique de M. Bau-
drillard, professeur au Collège de France, le pas-
sage dans lequel il essaye de réfuter, en général,
DigitizeclLy Google
531 DE LA CLASSIFICATION D8S RICBESSES.
les partisans de la richesse immatérielle, et, en
particulier, H. Dunoyer lui-même.
(( Ces auteurs, dit-il, ont-ils réussi à prouver
« que toutes les utilités produites peuvent être
(< réputées des richesses? Nous ne le croyons pas,
« et, adoptant l'opinion soutenue notamment par
«Smith, Halthus, Droz, John Mill, nous allons
« essayer pour notre compte de démontrer la pro-
« position contraire.
u Lorsqu'on dit que ta médecine et la chiru^e
« sont productives d'utilité, on est compris aisé-
« ment, parce qu'on se sert d'un terme juste.
« Lorsqu'on dit qu'elles sont productives de ri-
«chesse, on emploie un langage énigmatique.
a Même après de savantes explications, vous ferez
<i difficilement comprendre que remettre un mem-
c< bre, arracher une dent, faire l'opération de la
« cataracte, ce soit produire de la richesse. Le but,
'< en effet, que le chirurgien et le médecin se pro-
« posent, ce n'est pas d'enrichir leur pays ni leurs
« malades, mais d'être utiles à l'humanité souf-
« frante. Que le malade guéri soit un homme la-
« borieux ou un paresseux et un prodigue, il im-
« porte peu ; les services rendus par le médecin au
« malade qui peut-être profiteront au développe-
" ment de la richesse, qui peut-être lui seront nui-
<< sibles, si celui auquel ils sont rendus consomme
(' plus qu'il ne produit, ne sauraient être réputés
Digitizeclby Google
de: U classification des ItECDËSSES. 5^5
« des travaux productifs de richesse. Direz-vous
« que la santé eUe-mème est une richesse, parce
R qu'elle est un bien, un très-grand bien? Assuré-
<i ment on a le droit de s'exprimer ainsi métapho-
« riquement, de même que c'est par figure que
« l'on parle des trésors de la bonne conscience,
a sans prétendre leur attribuer par ce terme au-
« cune qualification économique. Tout ce que l'on
« peut dire à ce dernier point de vue, c'est que
u la santé confère la possibilité de créer de la ri-
n chesse, possibilité plus ou moins vague, simple
« condition favorable, qui ne saurait passer pour
« constituer une richesse par elle-même. — On
« ajoute que les jouissances auxquelles les hommes
«mettent un prix doivent par cela même figurer
" parmi les richesses, puisqu'on les achète. —
« Notre réponse sera simple. Les plaisirs que pro*
« curent une littérature et un art pervers et le li-
ce bertinage sont souvent payés fort cher; celui
« qui les mettrait au nombre des richesses d'un
« pays, et qui, par exemple, ^compterait les courti-
« sanes parmi les richesses des nations, ferait ce-
ci pendant violence au sens commun ; car ce serait
« mettre au nombre des richesses les causes mêmes
M qui les détruisent'. »
L'élégante réponse de M. Baudrillard nous con-
' BiuDRiLUHK, Manuel d'économie politique, p. 57 et 58,
DigitizeclLy Google
326 DE LA CLASSIFICATION DES IltCUESSES.
vaincd'autant moins, qu'aux excellents arguments
de M. Dunoyer, nous croyons pouvoir en ajouter
d'autres, sans doute d'une infériorité incontesta-
ble au point de vue de la forme, mais qui, ap-
puyés sur des considérations d'une nouvelle es-
pèce, nous paraissent être encore, s'il est possible,
plus concluants, plus décisifs.
Kn effet, jetez vos regards sur l'ensemble des
richesses qui composent noire tableau de classifi-
cation ; suivez la chaîne qui les unit, est-ce que la
liaison qui existe dans toutes les parties de cette
chaîne ne vous force pas à admettre les richesses
immatérielles? Si vous acceptez seulement les
unes, 01^ vous arrélez-vous? A quel anneau rom-
pezi-vous la continuiléî
I>es richesses du tableau de classement peuvent
être assimilées aux diverses teintes du spectre so-
laire, spectre qui reproduit successivement toutes
les nuances, en passant par des dégradations in-
sensibles. Il vous plaît d'admettre au nombre des
couleurs le jaune et le vert, pourquoi rejeter le
violet et le rouge?
Dans leur nature, les richesses se diversifient de
mille manières et varient même jusqu'à l'infini.
Transporlables ou non : les immeubles, les mé-
taux; encombrantes ou non : les céréales, le billet
de banque; pesantes ou légères: le plomb, le liège;
brutes ou façonnées : la mine de fer, une serrure,
Digitizedty Google
DE LA CLASSIFIGATIOiV DES RICUESSES. Zil
informes ou appréciables par un goût éclairé : une
pierre brute ou le chef-d'œuvre d'un artiste.
Les unes tombent sous le sens de la vue : les
couleurs; les autres sous celui du tact : les étoffes
moelleuses. Certaines doivent toute leur valeur à
la confiance : le billet de banque, la lettre de
change; tandis qu'on peut en citer, telles que l'or
et l'argent, qui portent leur appréciation avec
elles-mêmes.
Tantôt, comme valeurs fiduciaires, elles com-
posent seulement la fortune des particuliers, sans
pouvoir être comptées au nonibre des richesses de
l'État ; tantôt sous forme d'immeubles, de métaux,
elles constituent tout à la fois et la fortune indivi-
duelle et la fortune générale.
Quoi! on reconnaîtrait une si grande diversité
dans les richesses, on ne ferait aucune difficulté
d'admettre parmi elles les statues, les tableaux,
les objets d'art, qui n'ont aucune valeur par leur
poids, et on refuserait de considérer comme ri-
chesse les utilités impondérables?
D'une part, le livre, qui donne une forme maté-
rielle à la pensée de l'écrivain, à la leçon du pro-
fesseur, serait considéré comme une richesse,
et d'autre part, chose singulière, ou ne voudrait
pas que le talent nécessaire pour écrire, que l'ap-
titude à composer une leçon, fussent des ri-
Digitizeclby Google
5S8 DE LA CLASSIFICATION DES RICHESSES.
11 y a, dans les conclusions de nos advei'saires,
coniradiction, incohérence. Notre classification
des richesses, et les courtes observations qui
viennent d'être faites, le prouvent complètement.
Cette obstination , cette opiniâtreté de quelques
économistes à vouloir rayer du cadre de l'économie
politique et les richesses intellectuelles et les ri-
chesses gratuites matérielles, a tenu en grande
partie à ceque, jusqu'ici, il n'avaitpasété possible
de les évaluer monélai rement.
Sans doute, il était incontestable qu'elles ren-
daient autant de services que le plomb, par exem-
ple. Mais ce métal, d'après son poids et le cours
du jour, valait quarante ou cinquante francs les
cent kilogrammes, et on pouvait se rendre compte
de son prix; tandis qu'on manquait d'instruments
pour mesurer ou apprécier en numéraire la bien-
faisante influence de l'air et du soleil, ainsi que
l'action du génie d'un industriel. En conséquence,
on jugeait inutile de faire entrer le génie, l'air et
les rayons du soleil dans la science économique.
L'exclusion de ces dernières espèces de richesses
a donc tenu plutôt a une difficulté de calcul qu'à
une incompatibilité inconciliable.
Maintenant, au moyen des équations de ta ri-
chexse évaluée et de la richesse d'usage, au moyen
de la distinction que nous avons faite entre la
richesse des particuliers et la richesse des États,
DigitizeclLy Google
m LA CLASSIFICATION DES RIGUESSES. 539
on peut supputer aisément la valeur monétaire
des accoi'ds harmonieux, tout aussi bien que la
valeur monétaire du talent qui les produit. Les ri-
chesses gratuites : l'air, l'eau, le soleil; les ri-
chesses intellectuelles : le talent, le génie, ve-
nant prendre place dans les équations de lart-
t-keite évaluée générale et individuelle, sont toutes,
au même litre que les richesses matérielles e(
échangeables, du domaine de la science écono-
mique.
En persistant à repousser les richesses intellec-
tuelles, on se place sur cette route sans issue où
l'on cheminait, quand il était reçu généralement,
tantôt que l'or et l'argent étaient les seules ri-
chesses, tantôt que l'agriculture était la seule
source des richesses.
Selon nous, il faut maintenant admettre parmi
les richesses, non-seulement les agents matériels
donnés gratuitement parla nature, non-seulement
les facultés intellectuelles, et leurs produits im-
matériels, mais encore les qualités morales : l'hon-
neur, le désintéressement, la probité ', etc.
Nos équations, comme nous l'avons vu, tien-
nent compte de ces qualités morales, mais, à
' Non-seulement ces qualités morales entrent comme éléinents
dans la formation de la richesie évaluée, mais encore nous avons
vu, au chapitre vn, qu'elles accroissent le crédit, et par suite la
richesse éminée.
DigitizeclLy Google
550 DE LA CLASSIFICATION DES BICUBSSES.
défaut de ces équations, le bon sens seul suffirait
pour prononcer en pareille circonstance.
Et, dans le fait, ces richesses se transmettent
comme un héritage. Pour les familles riches et
aisées, ce n'est pas la partie la moins précieuse de
leur patrimoine. Pour les familles pauvres , nous
ne dirons pas que cette richesse soit équivalente
à toute autre, mais elle ne peut manquer de pro-
duire de la richesse matérielle ; car, dans le com-
merce, dans les affaires, c'est un titre de confiance,
une garantie de sécurité, partant une valeur.
L'honneur, la probité sont à la fois une richesse
personnelle et une richesse publique. Une richesse
personnelle, car un négociant connu pour sa pro-
bité, pour sa scrupuleuse loyauté, l'emporte en
toutes circonstances sur ses rivaux moins haut
placés dans l'estime générale. Les transactions de
toute sorte lui seront plus faciles; son crédit sera
plus vaste et plus durable ; le débit de sa marchan-
dise sera plus assuré ; ses entreprises auront, grâce
a l'appui qu'il sera certain de trouver partout, des
chances de succès que ne sauraient avoir les spé-
culations d'un homme d'une probité douteuse.
De même dans le monde, quoi qu'en puissent
dire les pessimistes, un accueil favorable attend
toujours l'homme honnête, délicat et laborieux.
Pendant un temps, des intrigants peuvent le pri-
mer; la religion publique pourra être surprise à
DigitizeclLy Google
DE LA CLASSIFICATION DBS RICHESSES. 331
son détriment et au profit de quelque fourbe ; mais
tôt ou tard ta vérité se fera jour et la probité
emportera tous les suffrages.
C'est de plus une richesse publique. Une con-
trée, dont les habitants jouiront d'une réputation
méritée de probité, imposera partout le respect,
la sympathie et la confiance. Et c'est là pour cette
contrée un merveilleux élément de prospérité.
Au contraire, lorsque dans un pays industriel
les négociants recourent pour s'enrichir à des
moyens immoraux ; lorsqu'ils livrent à la consom-
mation des produits mal fabriqués ou falsifiés;
lorsqu'ils cherchent à tromper l'acheteur sur la
quantité ou la qualité des choses mises en vente,
soyez bien assuré que, sur tous les marchés où ils
se présenteront, leur mauvaise réputation ne tar-
dera pas à les suivre, si même elle ne les a pas de-
vancés. En conséquence leurs marchandises subi-
ront partout de la dépréciation, et cette déprécia-
tion ne manquera pas de s'étendre sur tous les
produits de même provenance.
Et quand bien même ces négociants feraient
exceptionnellement preuve de loyauté, de bonne
foi, de générosité, chacun ne manquera pas de
s'écrier, comme Laocoon : Timeo Danaos et dona
fer entes I
La sagesse populaire dit : Bonne renommée vaut
mieux que ceinture dorée. Elle a cent fois raisoq.
DigitizeclLy Google
332 DE U CLASSIFICATION DES RICHESSES.
En elTet, la richesse roalérielle est caduque; un
revers de fortune, un accident peut la détruire;
tandis que les richesses morales et intellectuelles,
la probité, le talent, l'amour du travail, d'ordinaire
ne nous abandonnent pas. Elles nous éclairent de
leur reflet; nous signalent à la bienveillance de
nos semblables, et sont entre nos mains un moyen
constant de créer et d'acquérir.
Comment ne pas reconnaître là tous les carac-
tères de la plus précieuse et de la plus productive
des richesses?
DigitizeclLy Google
CHAPITRE IX
DO COHUERCE tNTËRIBrR ET EXTÉRIEUR.
Ouelques mots sur le syslËme mercanlile.
Turgot définit ainsi le commerce :
« Le double intérêt, dit-il, qu'ont le producteur
« et le consommateur, le premier, de trouver à
« vendre, et l'autre, de trouver à acheter, et ce-
« pendant de ne pas perdre un temps précieux à
« attendre l'acheteur ou à chercher le vendeur, a
« dû faire imaginer à des tiers de s'entremettre
« entre l'un et l'autre. C'est l'objet de la profession
« des marchands qui achètent la denrée de la main
a du producteur, pour en faire des magasins dans
<> lesquels le consommateur vient se pourvoir. Par
« ce moyen , l'entrepreneur, assuré de la vente et
DigitizeclLy Google
334 DC GUHHEEtCE INTGRIEl'l) ET EXTÉRIEUR.
« de la rentrée de ses fonds, s'occupe sans inquié-
« tude et sans relâche à de nouvelles productions ;
« et le consommateur trouve à sa portée, et dans
a tous les moments, les choses dont il a besoin. »
Mais nombre de peuples se sont aperçus que
le commercefaitde telle ou telle sorte était plus ou
moins productif; aussi ont-ils cherché à le régle-
menter, pour accroître le plus possible leurs bé-
néfices. Sans doute ce n'était pas toujours à tort,
et nous croyons l'avoir démontré; toutefois, ceux
qui ont suivi les errements de l'école mercantile
dans cette réglementation se sont abusés singu-
lièrement.
Necker, avec cette école, a prétendu « que pour
« un peuple la balance du commerce parait favo-
« rable lorsque la somme de ses exportations est
« plus considérable que celle de ses importations,
« et qu'elle lui annonce une perte lorsque au con-
« traire il a plus acheté que vendu. »
Telle était cette décevante doctrine qui régnait
en souveraine sur beaucoup de nations, à l'époque
où les préjugés sur la valeur de l'or avaient tant
de force.
Des marchands habitués à calculer, chaque soir,
leurs profits par la quantité d'argent comptant
qu'a produit la vente du jour, ou des particuliers
accoutumés à juger de leur fortune par les revenus
qu'ils touchent en espèces, pouvaient penser que
DigitizeclLy Google
DU COMMERCE IMTËBIEIJR ET EXTËRIEUH. 535
les affaires d'une nation devaient être considérdes
sous le même aspect. De là, en partie, cette opi-
nion exagérée sur l'avantage qu'un peuple trouve
dans l'agglomération des métaux précieux.
De nos jours, les travaux des économistes ont
rendu sensibles les inconséquences de cette doc-
trine, et fait apercevoir que ses enseignements
n'étaient qu'une espèce de mirage en dialectique.
Pour notre part, nous espérons avoir fait ressortir
leur fausseté, par nos discussions sur la richesse
évaluée, la richesse d'usage, les échanges et la clas-
sification des marchandises.
Un peuple, dans ses aspirations à la richesse,
ne cherchera donc pas à entasser beaucoup d'or et
d'argent. Il s'efforcera uniquement d'acquérir la
faculté d'en faire venir, à tout instantet à volonté,
la plus grande quantité possible. El cette facilité,
comme nous le savons, se mesurera sur le déve-
loppement qu'il aura donné à sa ridiesse évaluée.
DigitizeclLy Google
bu COMMERCE INTÉRIEUR ET EXTËIIIEIR.
|2-
Le commerce intérieur est plus Tavorable à l'accroissement de la
richesse évaluée que le commerce eilérieur.
Nous distinguerons deux espèces de commerce
extérieur, celui dans lequel on échange les produc-
tions nationales contre celles de l'étranger, et ce-
lui q^ui consiste à prendre dans le monde entier
les marchandises sur le lieu de production où elles
sont à bas prix, et à les transporter sur tous les
marchés où, étant inconnues et rares, elles ont
une grande valeur.
Les causes de l'énorme bénéfice qui résulte sou-
vent de cette dernière espèce de commerce ont
été indiquées précédemment. Dans l'antiquité,
Tyr, Carthage, Athènes, Corinthe; dans le moyen
âge, Venise, Gênes, Fisc, Florence et les villes
hanséatiques ; dans les temps modernes, le Por-
tugal, l'Espagne, la Hollande et l'Angleterre,
déposent unanimement de la puissance de ces
causes pour asseoir et fonder la richesse des
peuples'.
■ Les bribilanlsdesUivers pays (joe nous aïons cilés ont joué, par
DigitizeciLy Google
DU COMMERCE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR. 357
Bien que cette seconde espèce de commerce
porte le nom de commerce extérieur, nous n'avons
voulu parler dans le thème de ce paragraphe que
de la première.
Nous chercherons donc ici seulement à établir
qu'en général, un pays s'enrichit davantage lors-
que les habitants, en payant au même prix les
marchandises qu'ils consomment, les tiennent plu-
tôt des producteurs nationaux que de l'étranger.
En effet, supposons qu'au moyen d'un chemin
■ de fer, d'un canal, d'un accroissement de popu-
lation, etc., une localité achète à une autre située
dans le même pays pour 100,000 francs de produits
en sus des .emplettes ordinaires. Cette acquisition
occasionnera un retour de marchandises pour la
même somme. Il y aura donc eu généralement
pour 200,000 francs de fabrication en surplus,
et ce pays bénéficiera autant par la première
vente que par la vente en retour.
Telles sont les conséquences du commerce inté-
rieur.
rapport au monde entier, le rôle actuellement échu, prerque dans
chaque nation, au» israéliles. En France, on a calculé que la n-
chesse moyenne de ces derniers était dix fois plus grande que celle
de tous les autres citoyens en général adonnés à l'agriculture.
Est-ce à l'échange de leurs produits que les israéliles doi?ent
cette prépondérance de fortune? Mon. C'est, en génériil, au trafic
del'argent, elà celui des ma rchaudises fabriquéessoit parles autres
nationaux, soit par l'étranger.
DigitizeciLy Google
338 DU COHHERGË INTÉRIEUR ET EXTÉRIBUR.
Quant au commerce extérieur, si une nation
achète au dehors des objets pour 100,000 francs,
elle ne pourra les solder qu'avec la fabrication
d'autres objets se montant à la même somme. Elle
n'aura donc produit que pour 100,000 francs.
Et encore, selon l'espèce de marchandises, ou
selon, la prépondérance en habileté commerciale
de la puissance avec laquelle vous traQquez, il se
pourra que le commerce avec cette puissance ait
diminué relativement votre riclietse évaluée, et
contribué ainsi à votre dégradation future.
Il est manifeste, du reste, que nous arriverions
au même résultat, si l'on supposait que l'on a
vendu au lieu d'avoir acheté.
Si -un peuple, en voulant confectionner des
marchandises pour accroître son commerce inté-
rieur, les produisait plus chèrement que celles
qu'il pourrait recevoir de l'étranger, il y aurait
alors lieu d'informer; et nos théories de la protec-
tion et du libre échange feraient reconnaître si,
dans l'intérêt de la riches$e évaluée générale, il
faudrait encourager la fabrication de ces mêmes
marchandises.
Par une déduction logique de ses principes,
l'école mercantile soutenait une opinion diamé-
tralement opposée à la nôtre. D'après elle, le com-
merce intérieur n'avait qu'une minime impor-
Digitizeclby Google
MI UOHUERGE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR. 35»
tance, tandis que le commerce extérieur, qui, en
général, fait rentrer les métaux précieux, était
éminemment plus favorable à la production des
richesses. On voit que cette école n'était pas mieux
inspirée en traitant cette question qu'en raison-
nant sur la balance du commerce.
vGooj^le
510 DU COMHERCIi; INTÉHIEUR tT EXTÉmEUR.
§3.
Certains échanges, faits dans l'inUrieur d'un pays, accroissent sa
richesse évaluée. Certains autres n'ont d'action que sur la richesse
évaluée des personnes qui contractent ensemble.
Le commerçant, tout en agissant daos ses inté-
rêts propres, lorsqu'il prend la marchandise chez
le producteur ou partout ailleurs, et qu'il la place
chez l'individu qui en donn^ le plus haut prix,
peut souvent encore servir ceux de l'Ëtat.
Supposons que, dans une contrée dont les rela-
tions d'affaires sont peu étendues, un cheval ne
vaille que 200 francs, prix basé sur les services
que cet animal est appelé à y rendre; si, à l'aide
du commerce qui a la connaissance des besoins de
diverses localités, ce cheval a été vendu 1 ,000 fr.,
le trafic a fait quintupler sa valeur, et l'État et le
producteur auront profité de cette plus-value.
Ce raisonnement ne peut s'appliquer à toute
espèce de marchandises; car un diamant appar-
tiendrait tour à tour à vingt propriétaires, avec
perte ou profit, que, par suite de ces échanges qui
pourraient être utiles aux uns, préjudiciables aux
Digitizeclby Google
ou COMMERCE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR. 341
autres, il n'y aurait pas la moindre valeur de plus
dans un pays. Toutefois, le commerce serait pro-
ducteur de richesse, s'il avait fait connaître la
valeur de cet étincelant et précieux minéral'.
Les propositions que nous venons d'établir
pourraient recevoir une démonstration mathéma-
tique; mais ce qui a été dit nous parait suffisant
pour enlever toute incertitude à leur égard.
Le commerce intérieur est donc procréateur de
richesse dans certaines circonstances, et, dans
d'autres, il ne profite qu'à des intérêts particu-
liers.
> L'un des beaux diamants de la couronne de France, que Charles
le Téméraire, duc de Bourgogne, perdit aulrefois dans une bataille
qu'il livra auï Suisses, fui Irouvd par un bercer qui crut laire uu
bon marché en le livrant au prii de trois francs à un curé; et ce
diamant, dont la valeur est lixéc maintenant à environ un million,
fut revendu par le curé vingt francs.
Dans les échanges successils qui ont eu lieu, jusqu'k l'époquu
où l'on a connu le véritable priii de la marchandise, le commerce
a été producteur de richesse. Maintenant, que cette pierre prc-
eieuse soit vendue plusieurs fois chaque année un peu plus, un peu
moins d'un milhon, ces dhers trocs ne serviront que des intéréis
particuliers et ne seront d'aucune utilité à l'Etat.
D.gitizedty Google
m; COHHEIICE INTÉRtEUR BT EXTÉRIEUR.
Des jeux de bourse.
A mesure que le nombre des marchandises s'ac-
croît dans une nation, il s'élève une nouvelle
classe de hauts commerçants qui n'achètent plus
les marchandises en gros pour les diviser, afin
d'en faire une distribution plus facile aux consom-
mateurs; ces commerçants traitent de groupes
de marchandises fabriquées ou à fabriquer, dans
le seul but de gagner sur les cours qu'elles doivent
prendre à une époque déterminée.
Ce négoce, espèce de jeu, est légal dans certaines
limites; et l'entraver, lorsqu'il ne dégénère pas en
manœuvres frauduleuses, serait attenter à la li-
berté des transactions. Sans doute des imprudents
peuvent être victimes d'une telle espèce d'opéra-
tions: mais, partout où la liberté existe, ce n'est
jamais sans quelques inconvénients.
Les marchés à terme, car c'est ainsi que l'on
appelle ce négoce, accroissent, on doit le recon-
naître, la richesse évaluée d'une nation.
DigitizeclLy Google
DU COMHEBGE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR. 3i5
En voici la raison. Lorsque ces marchés s'ap-
pliquent à certaines marchandises, chacun sait
qu'ils en élèvent les prix '; or ces marchandises
prenant, à solidité égale, une valeur supérieure à
celles dont 6n ne trafique pas de la même ma-
nière, accroissent nécessairement le chiffre de la
r,'cAcs.îC^ua/«^e, lorsqu'on introduit leurs nouveaux
prix dans son expression analytique.
On dira peut-être qu'en jouant ainsi sur cer-
taines marchandises, on se sert de capitaux qui
se seraient portés ailleurs, qu'ainsi il en résulte
une baisse sur d'autres valeurs, et, en définitive,
une compensation qui empêche la ricftesse évaluée
d'un pays de croître. En raisonnant ainsi, on ou-
blie que les marchés à terme sont entièrement
fondés sur le crédit, puisque chacune des par-
ties contractantes a délai pour s'acquitter. Les
payements peuvent donc très-bien s'effectuer sans
emploi de capitaux spéciaux. Il suffit que Ton
possède des valeurs mobilières ou immobilières
susceptibles d'être réalisées aux échéances.
■ A la Bourse de Paris, le ipourlOO, qui ne se vend d'oi'dinaire
qu'au gnnptant, n'est-il pas toujours d'un prix moins élevé relati-
vement à son intérêt, que le 3 pour lOO sur lequel le jeu s'exerce
avec lant de frénésie? Et cependant ces deux fonds publics offrent la
inôme sécurité.
La hausse des valeurs soumises aux jeus de bourse provient de
ce que ta spivulation rend la réalisation de ces valeurs plus facile.
DigitizeclLy Google
PC COMMENCE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR.
§5-
Un grand commerce exlérieiir esl, en général, l'indice d'
porUnte richesse évaluée; mais il ne peut servir à
uxacltonent celle ridiesse.
Due nation qui fait un grand commerce exté-
rieur possède, en général, une importante richeste
évaluée. D'abord ce commerce est souvent la con-
séquence de fabrications très-multipliées; ensuite,
quand il en serait indépendant, si cette nation pra-
tique avec intelligence le trafic des marchandises
à l'extérieur* bien qu'elle ne les ait pas fabri-
quées, elle se livre très-souvent à une industrie
des plus profitables.
En effet l'histoire nous apprend que cette in-
dustrie, dans tous les temps, a excité au suprême
degré la convoitise des peuples, leur rivalité, et
a provoqué les actes les plus sanguinaires.
Ils attachaient une grande importance à leur
trafic extérieur, ces Phéniciens qui, suivis dans
l'Océan par un vaisseau romain, l'attirèrent sur
des récifs en s'y engageant eux-mêmes'. Ces mar-
' Ce fait liéroKtiie est tiré de Strabon, qui ajoute que les Phéni-
D,„t,zecity Google
DU COMMERCE inTËHIEUR ET ËXTÉniEUR. 345
chands asiatiques jugèrent, dans un élan pa-
triotique, qu'il n'y avait pas à hésiter entre
une mort certaine, et l'éventualité de laisser à
des concurrents la connaissance des lieux où ils
allaient chercher les marchandises sur lesquelles
ils spéculaient.
Que de cités, que d'Élats ont dû leur grandeur
au commerce extérieur, et leur décadence à la
perte de ce commerce que des peuples rivaux leur
ont enlevé, tantôt avec le glaive, tantôt seulement
avec de l'habileté!
ÂmalQ, ville d'Italie, si riche et si puissante,
du huitième au douzième siècle, fut dévastée par
les Pisans, qui voulurent s'emparer de son trafic,
et ces derniers à leur tour furent subjugués pour
le même motif par les Génois. Plus tard, ce fut
encore par la violence que le sceptre du commerce
dans la Méditerranée passa de Gênes à Venise.
Par les échanges extérieurs, la Hanse des villes
du Nord, avant la découverte du nouveau monde,
acquit une telle puissance, que plusieurs fois elle
disposa des couronnes de Suède et de Danemark.
La prospérité dont les Portugais, les Hollandais,
les Anglais ont été redevables au négoce exté-
dens se rendaient aux iles Cassilérides pour y chercher du plomb
et de l'êtain, et que leur chef, avant eu l'adresse de se sauver/ re-
çut de ses compairiates une réc<>rnpense tout à la fois pécuniaire et
honorillque.
DigitizeciLy Google
346 DU COMMERCE inTÉREECIl ET EXTÊHIEtIR.
rieur, el les luttes acharnées auxquelles ce négoce
a donné lieu, sont trop connues pour que nous
nous y arrêtions.
Le commerce dont nous Tenons de parler est en
général celui que font les peuples navigateurs. 11
en est un autre, toujours extérieur, sur lequel nous
avons déjà appelé l'attention dans ce paragraphe,
et qui consiste à placer à l'étranger les objets que
l'on fabrique chez soi. Ce dernier genre de com-
merce contribue encore puissamment à accroître
l'opulence d'un pays.
C'est par le placement à l'extérieur du produit
de ses fabriques que Florence a acquis , dans le
moyen âge, des richesses immenses. Le revenu de
cette petite république s'élevait alors à 1 5 millions
de ducats, et était supérieur à celui de l'Angleterre
sous Elisabeth.
Hais, de quelque nature que soit le commerce à
l'étranger^ la suprématie en force, en puissance, a
presque toujours appartenu aux peuples chez les-
quels il a été le plus florissant. Cette suprématie
étant en rapport avec la ricketse éveUuée de ces
peuples, ainsi que nous l'avons vu au chapitre v,
on doit en tirer la conséquence que la richesse
évaluée d'un pays peut, en général, se juger par ta
multitude de ses échanges extérieurs.
Toutefois, comme il faut tenir compte du trafic
intérieur et de beaucoup d'autres éléments de
DigitizeclLy Google
Dtl COHHBRCE [NTgRIEUR BT EXTERIEUR. 347
prospérité financière, pour apprécier cette ri-
chesse évaluée, nous ne pouvons certifier que, dans
une nation, cette espèce de richesse est toujours
exactement proportionnelle au commerce exté-
rieur. Voyez Hambourg, les transactions de cette
ville avec le dehors se montent à un milliard de
francs pour 256,000 habitants; en admettant la
proportionnalité ci-dessus dans sa rigueur, cette
ville aurait le cinquième de la richesse évaluée de
la France'; ce qui est faux de tous points. Le com-
merce extérieur est donc plutôt un indice que la
mesure certaine de la puissance d'une nation.
' Le commerce général extérieur de la France se monte à envi-
ron S milliards.
DigitizéciLy Google
348 DU mHHËftCE INTÉRIEUR RT EXTÉRIEUR;
P. G-
Rapport qui exisle, chez divers peuples, entre le commerce intérieur
et le commerce extérieur. Appréâation de la richesse évaluée
des peuples au moyen de ce rapport.
Le rapport entre le commerce intérieur et te
commerce extérieur varie chez les divers peuples.
En France , le commerce intérieur est bien plus
important que le commerce extérieur.
En effet, sur une quantité de marchandises, éva-
luée 1 2 milliards de francs, que cette nation fabri-
que, 5 milliards sont consommés par les produc-
teurs, 2 milliards 500 millions sont envoyés à
l'étranger; restent 6 milliards 500 millions de
marchandises qui, achetées et vendues, donnent
un chiffre de 13 milliards d'affaires au minimum.
En réalité, il se fait peut-être sur ces 6 milliards
500 millions de marchandises des transactions pour
une somme de 500 ou 400 milliards; car le même
article peut passer à plusieurs fois dans cent mains
différentes; mais, dans celte appréciation, nous
évaluons le chiffre des négociations au plus bas.
L'exportation se montant à 2 milliards'500 mil-
DigitizeclLy Google
DU COMMERCE INTÉMEUR ET EXTÉRIEUR. 540 -
Hong, et l'importation lui étanl à peu près égale,
le chiffre des échanges à l'eitérieur est de 5 mil-
liards, d'où nous tirons la conséquence que le
commerce extérieur est moins de moitié ou le
tiers environ du commerce intérieur le plus res-
treint.
L'Angleterre produit des marchandises pour en-
viron 14 milliardsde francs, dont2milllardssont
consommés sur place et sans commerce. Sur les
12 milliards restants, 4 milliards sont envoyés à
l'étranger. Restent donc 8 milliards, qui donnent
lieu à 16 milliards de trafic intérieur au mini-
mum.
Le commerce extérieur étant de 8 milliards
(dont 4 milliards pour l'importation et 4 milliards
pour l'exportation) est la moitié du commerce
intérieur.
Dans d'autres contrées, telles que la Hollande,
les villes hanséatiques, etc. , le commerce extérieur
est souvent deux, trois et même dix fois plus con-
sidérable que le commerce intérieur.
La Russie ne fait au dehors qu'un commerce
Irès-restreint; car il ne s'élève qu'à environ 1 mil-
liard, importation et exportation comprises. Si,
comme l'assure Tegoborski, elle produit des mar*
chandises pour une somme de 9 milliards, dont
4 milliards environ sont consommés par les pro-
ducteurs, et 500 millions sont envoyés à l'élran-
Digitizedt, Google
350 MJ COHMERCe INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR.
ger, il resterait 4 milliards 500 millions de mar-
chandises, qui donneraient lieu, au minimum,
à un trafic intérieur de 9 milliards. Et le rapport
entre le commerce intérieur et le commerce
extérieur serait seulement d'un neuvième.
On voit ainsi que, bien qu'on ne puisse juger
exactement, par le rapport entre ces deux com-
merces, de la richeêse évaluée des nations, cepen-
dant ce rapport est un indice du plus ou moins de
développement de cette richesse.
Nous concluons donc :
r Que très-souvent le commerce, ou autrement
la vente d'une marchandise, est plus favorable à
la rkkeue évaluée d'un pays, lorsque cette vente
a lieu à l'intérieur plutôt qu'à l'extérieur de ce
même pays;
2' Que le commerce extérieur bien compris ac-
croît In rickeue évaluée d'une nation, mais que,
mal entendu, il peut contribuer à la diminuer
relativement;
5* Que la richesse évaluée d'un pays ne s'accroît
pas, parce que les transactions de toute nature y
sont nombreuses, mais seulement parce que ces
transactions augmentent la production et font
trouver à la marchandise sa vraie valeur;
4° Que les jeux de bourse accroissent la rùàesse
éoaltiée d'une nation ;
5° Que l'importance du commerce extérieur a
DigitizeclLy Google
DU œHUIERCE INTËniEUR ET EXTERIEUR. 351
été, dans tous les temps, le signe d'une grande
richesse évaluée, mais non une mesure absolue de
cette richesse ;
6* Que le rapport plus ou moins grand qui existe
entre le commerce extérieur et le commerce inté-
rieur d'un pays est en général une indication
de la quantité de richesse évaluée qu'il possède,
mais que ee rapport n'en est pas non plus une
mesure certaine.
DigitizeclLy Google
, Google
CHAPITRE X
ISKLUENCE D'UNE DESTRUCTION DE MARCHANDISES DAHS l'N PAYS
SUR LA RICHESSE DE CE MËHE PAYS.
M"
La destruction de mardiaiidises apparteiianl à un pays fait tou-
jours décroître sa richesse d'usage. Cette destruction accroît
parfois sa richesse évaluée.
Lorsque dans un pays une quantité de mar-
chandises d'une certaine nature vient à s'anéan-
tir par suite d'un sinistre, il est incontestable qu'il
en résulte un dommage pour la partie de la popu-
lation, appelée à les consommer-, mais cet anéan-
tissement est à la fois une cause de bénéfice pour
l'autre partie qui fabrique ou importe les mar-
chandises de même espèce.
L'action simultanée de cedommage, d'une pari,
et de ce bénéfice, d'autre part, soit sur la ri-
chesse éoaluée, soit sur la richesse d'usage du pays
DigitizeclLy Google
yH hIFLUBACE D'UNE DESTRUCTION DE MARCHANDISES
OÙ le sinistre a eu lieu va faire l'objet de notre
examen.
Généralement la richette évaluée diminue; son
équation,
PR = dMm (I— T) +/M'm' (I— F) +elc. H- Mm
-HMni'+etc.-hA — C
va nous le démontrer.
Supposons qu'une partie des objets dont H et H'
désignent le nombre vienne à disparaître, c'est
une consommation qui s'opère sur la masse des
marchandises, un accroissement de C. Età défaut
de circonstances' où les marchandises restantes
prendraient, à elles seules, plus de valeur que
n'en avait la totalité avant la destruction, la W-
cke$w évaluée décroîtrait sans aucun doute.
Quant à la richexite (Fmage, elle est toujours at-
teinte; la forme de son équation,
P (am H- a'm'H- etc. -(- /)
ne permet aucune hésitation à cet égard.
En effet si H et M' diminuent, U la richeue d'u-
sage s'amoindrira nécessairement; car, quelles
que soient les nouvelles valeurs de m et m', ces
' rUis Ltn). nous liendrotis comple de fescirconslances.
Digitizeclby Google
SUR LA RICHESSE D'UN PAVS. 355
valeurs agiront de la même manière sur le numé-
rateur et le dénominateur de l'équation, tandis
que la diminution de MetM' fera diminuer le nu-
mérateur de la riches$e d'usage.
n est donc bien acquis qu'un sinistre dans une
nation préjudicie toujours à sa riches$e d'usage et
parfois est fatal à sa richesse évaluée.
DigitizeclLy Google
i:>G IfiFLUENCË D'I'NE DESTRUCTIO.N DE MARCHANDISES
2 2.
Dans ccrUinee circonslances, pour augmenter la rtckoK évaluée
d'une nation, il peut Hre utile <le détruire une partie des mar-
clundises peu essentielles qui «"y trouvent.,
Nous avons reconnu qu'une destruction de mar-
chandises était parrois préjudiciable à la rkfiea?.
évaluée d'un peuple; cependant il peut arriver
qu'un accroissement de cette sorte de richesse
en soit la conséquence.
Pour le démontrer, supposons que Tanéantisse-
ment d'une partie de marchandises de même
espèce fasse hausser le prix de l'unité de cette
marchandise.
Les termes de la seconde partie de l'équation de
la richesse évaluée,
PR=<iMm{l— N)+etc.+Mm-l-etc.-hA— C
sont, à n'en pas douter, susceptibles de prendre
une plus grande valeur, et de faire accroître la
richesse évaluée, malgré la diminution de M et M';
puisque les termes Mm + MW-helc. pourront
augmenter plus que C ne diminuera.
Digitizeclby Google
SUK LA BICUESSE i)TN PAYS. 357
Ainsi, dans tes siècles derniers, on a vu les Hol-
landais, alors seuls possesseurs des épices, telles
que le girofle, la cannelle, le gingembre, le poi-
vre, etc., faire sombrer de nombreuses cargaisons
de ces précieux produits pour en accroître la va-
leur '. Mus, par un odieux égoïsme, ces marchands
sacrifiaient le bien-être général à la spéculation.
Les départements de la Gironde et de la Côte-
d'Or, lorsque la récolte des vins dits d'extra est
plusieurs années de suite trèsrabondante, nous
fournissent encore la preuve qu'une trop grande
quantité de produits peut être préjudiciable à la
richesse évaluée ; car, sous un semblant de prospé-
rité générale, l'appauvrissement et la gêne des
propriétaires de ces contrées est réelle.
Et on se l'expliquera avec facilité en considé-
rant que ces produits viticoles, habituellement
destinés à la petite classe des gens riches, doivent
nécessairement subirune réduction de prix énorme
pour entrer dans la consommation de la classe
moyenne de la société; réduction qui penmet à
peine aux possesseurs des grands crus de couvrir
■ La compagnie hullandabe des Indes orientales fit arraclier,
en 1652. une grande partie des plants d'épices, {Saaifeld, Ce-
schiubte des hollandischen colonial Wesens). Depuis, il esl arrivé
qu'on a brûlé aux Indes de grandes masses d'épices. {Hvysers,
Beschryving der Oostindischen Elablissenienten). De pareils procé-
dés onl élé également mis en a■u^rc pcnr le tabac américitiM.
(Doiiglass, Suinmary.)
DigitizeclLy Google
358 INFLUENCE D'Il^E DESTBUCTION OS HARCBANDISES
tout à la fois et les frais ordinaires et ceux que
nécessite une exubérance dans la récolte.
De là on peut conclure que le gouvernement
d'un pays où l'on découvrirait une mine très-
riche en pierres précieuses ne serait pas quelque-
fois mal inspiré en sacrifiant une partie de ces
gemmes si recherchées. Et, s'il est vrai que l'empe-
reur du Brésil, détenteur d'une quantité énorme
de diamants, ne livre chaque année au commerce
qu'une faible partie de la production du pays,
dans l'espoir que plus tard ses débouchés s'agran-
diront, cette direction économique, relative à des
objets qui n'intéressent que la vanité, ne peut
qu'être approuvée.
Remarquons que, si t'indigne expédient dont les
Hollandais ont usé peut quelquefois se légitimer
par son influence heureuse sur la rkhe$se évaluée,
ce ne peut être que lorsqu'il s'applique aux mar-
chandises peu essentielles, parce qu'alors la ri-
chesse d'usage en souffre très-peu.
Quant aux céréales, la nature se charge déjà
fatalement d'en soutenir la valeur vénale, soit par
les myriades de vers rongeurs, d'insectes dévo-
rants auxquels elle les livre, soit par les désagré-
gations chimiques qu'elle opère à tout instant.
Ainsi, qu'on se garde bien, de l'aider encore à
amoindrir la richesse d'usage, au moyen d'une
destruction irréfléchie !
DigitizeclLy Google
SUH LA BIUHESSE D'UN FAVS. 359
Du reste, par cette destruction,, comme m>us
allons le voir, la richeue évaluée ne serait pas
augmentée; et un acte pareil serait en pure perte
inhumain, barbare, conséquemment injustifiable.
En effet, supposons qu'une récolte exception-
nelle donne beaucoup plus de grains à un pays
qu'il n'est nécessaire pour sa consommation an-
nuelle; si on anéantit ce qui excède la production
normale, on ne fera, en général, augmenter les
prix que d'une-manière peu sensible; car la mer-
curiale d'une nation suit de bien près celle des
peuples voisins. Mais, quand bien même on ob-
tiendrait une cherté réelle profitable aux produc-
teurs, sans que les approvisionnements indispen-
sables fussent compromis, est-ce qu'il ne faudra
pas élever le salaire de tous les travailleurs qui
ne peuvent vivre qu'avec les céréales! Il y aura
. donc de toute nécessité un accroissement dans les
frais de production, el, par suite, une dimi-
nution de richesse évalvée.
L'expérience, le bon sens, nos équations de la ri-
chesse évaluée et de la ridiesse d'usage s'accordent
donc pour légitimer la proposition que nous avons
cherché à établir; à savoir : que, dans lé but
d'accroître la richesse évaluée d'un pays, il peut être
parfois utile de sacrifier des objets peu essentiels
(ces objets seront, par exemple, des diamants, des
pierres précieuses, etc.), mais qu'il faut se donner
DigitizeclLy Google
360 INFLUENCE D'UNE DESTRUCTION DE HARCHANDISES.
de garde de toucher aux subsistances les plus habi-
tuelles, car on arriverait ainsi non-seulement a
faire diminuer la richeae d'mage, mais souvent
encore la richesse évaluée.
DigitizeclLy Google
CHiPITRE XI
l,F,S INTERETS HES PEUHRS SONT SOOTENT ANTAGONISTES,
8 1".
tin peuple peut lirer profil des calamilés qui arriveril aux autres
peuples.
Les écrivains les plus accrédités de l'école éco-
nomique moderne professent qu'un peuple gagne
à la prospérité des autres peuples, et qu'il souffre
de leurs calamités.
Voici comment J. B. Say s'exprime à ce sujet :
« Une seconde conséquence du même principe ',
c'est que chacun est intéressé à la prospérité de
tous, et que la prospérité d'un genre d'industrie
est favorable à la prospérité de tous les autres. En
effet, quels que soient l'industrie qu'on cultive,
' Les produits s'ôcliangenl conlre les produits.
Digitizeclby Google
54)3 LES LMËRÈTS DES PEUPLES
le talent qu'on exerce , on en trouve d'autant
mieux l'emploi, et l'on en tire un profit d'autant
meilleur, qu'on est plus entouré de gens qui ga-
gnent eux-iriémes. Un homme à talent que tous
voyez tristement végéter dans un pays qui décline
trouverait mille emplois de ses facultés dans un
pays productif où l'on pourrait employer et payer
sa capacité. Un marchand placé dans une ville
industrieuse et riche vend pour des sommes bien
plus considérables que celui qui habite un canton
pauvre où dominent l'insouciance et la caresse.
Que feraient un actif manufacturier, un habile
négociant dans une ville mal peuplée el mal civi-
lisée de certaines portions de l'Espagne ou de ta
Pologne? Quoiqu'il n'y rencontrât aucun concur-
rent, il y vendrait peu, parce qu'on y produit peu;
tandis qu'à Paris, à Amsterdam, à Londres, malgré
la concurrence de cent marchands comme lui, il
pourra faire d'immenses affaires. La raison en est
simple ; il est entouré de gens qui produisent
beaucoup dans une multitude de genres, et qui
font des achats avec ce qu'ils ont produit, c'est-à-
dire avec l'argent provenant de la vente de ce
qu'ils ont produit.
« Telle est la source des profits que les gens des
villes font sur les gens des campagnes, et que
ceux-ci font sur les premiers : les uns et les autres
ont d'autant plus de quoi acheter qu'ils produisent
DigitizeclLy Google
SONT SOUVEKT ANTAGONISTES. 5fiS
davantage. Une ville enlourée de riches campa-
gnes y trouve de nombreux et riches acheteurs,
et, dans le voisinage d'une ville opulente, les pro-
duits de la campagne ont bien plus de valeur.
C'est par une distinction futile qu'on classe les
nations en nations agricoles, manufacturières et
commerçantes. Si une nation réussit dans l'agri-
culture, c'est une raison pour que ses manufac-
tures et son commerce prospèrent; si ses manu-
factures et son commerce soiit florissants , son
agriculture s'en trouvera mieux.
« Une nation, par rapport à la nation voisine,
est dans le même cas qu'une province par rapport
à une autre province, qu'une ville par rapport aux
campagnes : elle est intéressée à la voir prospé-
rer, et assurée de profiter de son opulence. »
fiastiat , comme il appert d'un extrait de ses
, œuvres que nous allons rapporter, partage la
même opinion. Toutefois on peut supposer qu'il
ne la croyait pas justifiée par un assez grand nom-
bre de faits, car dans cet extrait se trouve une
prière qu il adresse aux jeunes gens, prière qui
témoigne que ses convictions n'étaieut pas com-
plètement arrêtées ;
« L'expérience , dit-il dans ses Harmonies éco-
nomiqvei, ne confirme-t-elle pas cette vérité :
L'homme a d'autant plus de chances de prospérer
qu'il e$l dans un milieu plus prospère?
igitizeclLy Google
5li( LES INTÉRÊTS DES PEUPLES
« De toutes les harmonies qui se rencontrent
sous ma plume, celle-ci est certainement la plus
importante, la plus belle, la plus décisive, la plus
féconde. Elle implique et résume toutes les autres.
C'est pourquoi je n'en pourrai donner ici qu'une
démonstration fort Incomplète. Heureux si elle
jaillit de l'esprit de ce livre! Heureux encore
si elle en sortait du moins avec un caractère
de probabilité suffisante pour déterminer le lec-
teur à s'élever par ses propres efforts à la cer-
titude !
« Car, il n'en faut pas douter, c'est là qu'est la
raison de décider entre l'organisation naturelle et
les organisations artificielles; c'est là, exclusive-
ment là, qu'est le problème social. Si la prospérité
de tous est la condition de la prospérité de chacun,
nous pouvons nous fier non-seuiement à la puis-
sance économique de l'échange libre, mais encore
à sa force morale. 11 suffira que les hommes com-
prennent leurs vrais intérêts, pour que les restric-
tions, les jalousies industrielles, les guerres com-
merciales, les monopoles tombent sous les coups
de l'opinion; pour qu'avant de solliciter telle ou
telle mesure gouvernementale, oii se demande non
pas : Quel bien m'en reviendra-t-il7 mais; Quel bien
en reviendra-t-il à la communauté?. . .
« H est évident, ce me semble, qu'on ne peut ni
résoudre, ni même aborder le problème social à
igitizeclLy Google
SONT SOUVEST ANTAGONISTES. 365
aucun de ses points de vue, avant d'avoir choisi
entre ces deux maximes :
« Le profit de l'un est le dommage de l'autre.
n Le profit de l'un est le profit de l'autre.
« Car si la nature a arrangé les choses de telle
façon que l'antagonisme soit la loi des transactions
libres, notre seule ressource est de vaincre la na-
ture et d'étouffer la liberté. Si, au contraire, ces
transactions libres sont harmoniques, c'est-à-dire
si elles tendent à améliorer et égaliser les condi-
tions, nos efforts doivent se borner à laisser agir
la nature et à maintenir les droits de la liberté
humaine.
« Et c'est pourquoi je conjure les jeunes gens à
qui ce livre est dédié de scruter avec soin les for-
mules qu'il renferme, d'analyser la nature intime
et les effets de l'échange. Oui, j'en ai la confiance,
il s'en rencontrera un parmi eux qui arrivera
enfin à la démonstration rigoureuse de cette pro-
position : Le bien de chacun favorise le bien de tous,
comme le bien de tous favorise le bien de chacun; —
qui saura faire pénétrer cette vérité dans toutes
les inteUigences, à force d'en rendre la preuve
simple, lucide, irréfragable. — Celui-là aura ré-
solu le problème social ; celui-là sera le bienfaiteur
du genre humain. »
Les écrivains qui patronnent cette doctrine,
fausse a nos yeux : qu un peuple gagne toujours lors-
Digitizeclby Google
366 LRS liVTËRËTS DES PEUPLES
que tes autres s'enrichissent, et qu'il perd infailli-
blement lorsqu'ils s'appauvrissent, nous mettent,
par leur célébrité, dans la nécessité de faire nos
efforts pour dévoiler la faiblesse des raisonnements
sur lesquels ils s'appuient, et ce n'est pas sans
espoir de convaincre nos lecteurs.
Il faut l'avouer, c'est avec peine que nous nous
y résolvons, car, en raison de sa moralité, il est
désolant que cette doctrine à notre époque ne
puisse être adoptée dans le monde entier.
L'économique serait alors une science humani-
taire- D'après ses enseignements, les hommes
seraient appelés à vivre avec délices dans une con-
fraternité générale. Loin d'être jaloux les uns des
autres ils devraient s'aider mutuellement, parce
que le deuil de l'un serait le deuil de l'autre, parce
que les succès seraient toujours communs.
Hais si, dans l'état actuel, ces notions, irrépro-
chables au point de vue de la moralisation du
genre humain, sont mensongères lorsqu'on veut
les appliquer à un peuple particulier, il serait
dangereux de les propager.
Du reste, ne doit-on pas avoir toujours pour
première et suprême affection la vérité T
Amicus Plalo, sed magis arnica Tprilas.
Au lieu de procéder par raisonnements rigou-
reux, comme dans les sciences exactes, certains
Digitizeclby Google
SONT SOUVENT ANTAGONISTES. 367
publicistes, jugeant par sentiment, se passionnent
pour une idée; et alors, s'étayant d'un petit
nombre de faits, ils veulent à toute force faire
partager leurs convictions, à l'aide d'eipressions
colorées, de phrases parfaitement cadencées, et
enfin d'un style brillant, chaleureux, éloquent
même.
Certes, dans un discours, en sachant grouper
habilement les chiffres, et présenter les faits sous
un jour séduisant, on peut fasciner, entraîner une
assemblée et surprendre traîtreusement son vote
{nous pourrions en citer de nombreux exemples) ;
mais, dans un livre, où la fonne, pour capter le
lecteur, n'emprunte aucun prestige à la mélodie
de la voix, à la puissance du geste, cet art perfide
ne peut avoir aucun succès décisif. Du reste, son
emploi finit par compromettre la science la plus
positive.
Nous ne chercherons donc pas à appuyer nos
arguments de sentimentalisme, de mouvements
passionnés, d'apprêts ou de précautions oratoires,
tristes moyens de persuasion, que nous serions, du
reste, pour toute espèce de raisons, Irès-inhabile
à faire valoir. Toutefois nous espérons que si notre
dialectique doit avoir le défaut d'être très-aride,
du moins elle aura le grand avantage de nous
conduire sûrement à la vérité.
Sans doute, si on ne considérait que l'intérêt de
DigitizeclLy Google
■568 LES INTÉRÊTS DES PEUPLES
l'humanité tout entière, constituée comme une
seule famille, il nous serait bien facile, avec les
formules dont nousdisposons, de donner la démon-
stration après laquelle soupirait le noble cœur de
Bastiat. Réellement alors tout sinistre arrivé dans
une partie quelconque du globe porterait atteinte
à la richesse d'mage générale, seul genre de ri-
chesse qu'il faudrait avoir en vue.
En effet, si, dans l'équation de la rwheiêed'usagc,
MmH-M'm'H-etc.
P (aHiH-(ï'm'-|-etc.-|-/)
uneportion de M s'anéantit, en général m s'accroît.
Le numérateur et le dénominateur sont dès lors
affectés de la même manière par l'accroissement
de m, tandis que le numérateurdécrolt en raison
de la diminution de M.
U, la richesse d'iuaye, s'amoindrit donc.
Ainsi r anéantissement d'une marchandise dans
l'univers fait diminuer la richesse moyenne d'«-
sage de chacun.
Mais si le bien-être du monde entier ne doit
pas être le but des divers gouvernements, bien
plus si nous parvenons à démontrer qu'ils sont
contraints quelquefois, pour ne pas sacrifier les po-
pulations qu'ils administrent, d'adopter malheu-
reusement cette devise égoïste :
Digitizeclby Google
SONT SOUVENT ANTAGONISTES. 569
Chacun pour soi, chacun cliei soi,
et de prendre, en conséquence, des mesures pré-
judiciables aux nations étrangères, ne peut-il pas
s'ensuivre que J. B. Say et Basttat se sont égarés
dans leurs déductions? Ne pourrait-on pas en con-
clure encore que l'économie politique, au lieu de
faire progresser toujours l'humanité dans les voies
du bien, du bon, du beau et de l'honnête, a quel-
quefois la fonction d'apprendre à chaque peuple
comment il peut habilement utiliser, à son profit
et même au préjudice de ses voisins, les éléments
de richesse répandus chez lui ou chez cesderniers ?
Alors, ilfaudrait le reconnaître, cette science, loin
d'être entièrement humanitaire, serait forcée, de
temps en temps, de descendre du magnifique pié-
destal de hbéralisme qu'on lui a dressé !
Non 1 lin peuple ne souffre pas toujours des cala-
mités qui arrivent aux autres peuples. Au con-
traire, il en profite bien souvent.
lorsque les Anglaisent fait pénétrer l'opium, à
coups de canon, dans un pays où une sage pré-
DigitizeclLy Google
370 LES INTÉRÊTS DES PEUPLES
voyance le défendait, étaient-ils guidés par ce
précepte évangélique :
Quoi ! le gouvernement chinois aurait méconnu
son avantage le plus certain en prohibant ce pro-
duit abrutissant, ce poison dont l'écoulement est
si favorable aux Indes anglaises? Et ce serait par
pure bienveillance, par tendre affection que l'on
aurait usé de la force à son égard?
Quand l'Angleterre suscite des révolutions sur
le continent (en admettant toutefois comme fon-
dées les accusations que l'on porte contre elle)
pour détruire l'industrie manufacturière qui s'y
élève, industrie dont la rivalité l'ofTcnse, serait-ce
seulement dans l'intérêt de l'humanité?
Nous avonsvudansla théorie des échanges que,
par suite de l'organisation commerciale, les con-
trées industrielles troquent une journée de leurs
ouvriers contre plusieurs journées de travailleur
appartenant aux peuples qui produisent le grain
avec excès, les frais de matières premières, d'ou-
tils, d'intérêt d'argent, etc., étant compensés, et
qu'ainsi les ricliei$es évaluées de ces derniers peu-
ples s'amoindrissent relativement de plus en plus.
Eh bien! alors que les publiciâtes anglais incitent
les nations agricoles à persévérer dans le même
DigitizeclLy Google
SONT SOUVENT ANTAGONISTES. 571
travail, en se fondant sur leur aptitude toute spé-
ciale pour la culture de la terre, c'est-à-dire à
s'appauvrir relativement de plus en plus, est-on
bien sûr qu'aucun esprit de lucre ne se cache sous
des conseils qui paraissent si amicaux?
A d'autres I Nous ne sommes pas assez candide
pour le croire.
Ces faits généraux, quoique très-démonstratifs
par eux-mêmes, ne sont pas les seuls à alléguer
pour montrer que bien souvent nos richesses pro-
viennent des calamités d'autrui.
C'est avec tristesse que nous le constatons. Dans
une même nation, les diverses classes ont des in-
térêts antagonistes, comme dans le monde entier
les nations en ont entre elles. Et si les proprié-
taires fonciers désirent, en général, pour accroître
les revenus de leurs terres, que les ouvriers soient
nombreux et se contentent de peu, le plus sou-
vent, les peuples, d'après les calculs d'un égoïsme
fort bien raisonné, cherchent à se supplanter les
uns les autres dans la production des marchan-
dises qui donnent le plus de bénéfices.
L'histoire n'est-elle pas à toute époque le témoi-
gnage irrécusable des artifices diplomatiques, ou
des luttes sanglantes auxquelles se sont livrées les
nations pour conquérir la BuprématiecommercialeT
Cicéron prétend que la ruine de Garthage ne fut
résolue que pour anéantir son trafic.
u,„t,zecity Google
378 LES INTÉRÊTS DBS PEUPLES
Spns avoir besoin de recourir aux temps anté-
rieurs à notre ère, n'est-ce pas pour un intérêt
matérieit et dans un but d'odieuse cupidité, que
les républiques d'Italie, au moyen âge, ont abusé
indignement de leurs forces pour se détruire les
unes parles autres!
Venise avait décrété que l'ouvrier qui irait
porter à l'étranger le secret de ses fabriques de
verreries serait mis à mort par l'assassinat.
Quel fut le principal motif des guerres que se
firent entre eux les Espagnols, les Portugais, les
Hollandais, les Anglais, après la découverte du
nouveau monde? le désir de se dépouiller mutuel-
lement de leurs facultés productives.
Que les gouvernements parfois manquent de ju-
gement dans les conflits qu'ils élèvent, dans les
législations qu'ils décrètent ; que leurs tendances
soient souvent contraires à leurs intérêts; nul
doute qu'il n'en soit maintes fois ainsi ! Mais l'ex-
périence de tous les siècles constate qu'un peuple
profite souvent des calamités qui arrivent à d'au-
tres peuples, quand bien même il n' aurait pas été
la cause directe de ces calamités par une agression
violente.
Toutefois la thèse opposée serait parfaitement
fausse; car le malheur du prochain n'est pas tou-
jours un bonheur pour nous. Nombre de fois, au
contraire, nous avons un grand intérêt à la prospé-
D,„t,zecity Google
SONT SOUVENT ANTAGONISTES. 375
rilé d'autrui, et, en souhailant l'appauTrissement
des riches, lorsqu'il n'y a pas dépossession en
notre faveur, c'est infailliblement nous nuire à
nous-mêmes.
Aussi les Ëtats-Unis savent parfaitement qu'ils
ont tout à gagner en cherchant, dans les temps
actuels, à développer le travail et à accroître la
richesse de leurs voisins les sauvages.
De cet exposé bien que sommaire, mais puisé
à d'excellentes sources, il résulte que le mal
d'autrui nous est tantôt avantageux, tantôt nui-
sible. Dans quelles circonstancesen profitons-nous?
voilà le sujet qui nous reste à traiter.
DigitizeclLy Google
LES INTÉRÊTS VBS PEUPLES
|2.
Une destruction de certaines mardiandises à l'étranger peut âtr.'
ou préiudiciable ou favorable a une nation, suivant la nature de
industries auxquelles celte nation se livre.
Supposons qu'il s'agisse de marchaoctises telles
que les céréales.elqu'un déficit se déclareen France
dans nos récoltes : le grain haussera de prix; les
sacririces que nous serons forcés de faire, pour oih
tenir des substances alibiles, restreindront toutes
les autres dépenses; et ce que nous réclamions
chaque année en tissus, en articles manufacturés
de toute espèce, non essentiels, se réduira néces-
sairement. Les producteurs de ces dernières mar-
chandises, soit nationaux, soit étrangers, seront
donc privés d'un débouché sur lequel iU comp-
taient i tandis que les pays qui produisent les cé-
réales en excès s'estimeront heureux en voyant
notre empressement à acquérir leurs produits.
Ainsi l'Angleterre, la Hollande, la Belgique,
souffriront de ne pouvoir effectuer avec nous les
échanges ordinaires, tandis que la Russie, les
États-Unis, la Pologne, trouveront dans le sinistre
qui nous aura frappés une occasion de bénérices.
DigitizeclLy Google
SONT SOUVENT ANTAGONISTES. 375
Si maintenant des marchandises manufacturées
venaient à s'anéantir dans un pays agricole, ce
dommage pourrait être utile à certains peuples
industriels, car il leur permettrait d'écouler plus
facilement leurs produits. Néanmoins si te sinistre,
au lieu de s'appliquer aux marchandises manu-
facturées, atteignait les denrées alimentaires que
l'on a l'habitude d'exporter, il nuirait toutàla fois
et à ce pays agricole et aux peuples industriels.
Ces diverses remarques expliquent la conduite
des généraux anglais qui, à la tête de leurs ar-
mées, incendiaient, même chez leurs alliés, les fa-
briques et leurs produits, et* se gardaient bien de
causer le moindre dommage aux établissements
agricoles et aux matières premières appartenant
aux divers royaumes amis ou ennemis qu'ils tra-
versaient.
Sans doute la moyenne de la richesse d'iisage du
monde entier est atteinte par suite d'une perte pe-
tite ou grande, quelque part qu'elle ait lieu. Mais
quant à la richesêe évaluée, particulière à Chaque
pays, et souvent aussi à sa richesse d'usage, en géné-
ral une mauvaise récolte de céréales chez une
nation manufacturière est préjudiciable à tous les
peuples industriels et favorable aux peuples agri-
coles; et une destruction de marchandises manufac-
turées dans une contrée agricole est profitable aux
contrées industrielles appelées à y porter remède.
D.gitizeclty Google
LBS IHTËKËTS DES PEUPLES
§ 5.
Lorsqu'une nation ùlrangvre prospJre.il n'astpas sulïisant que la
nation dont on Tait parlie prospère en même temps.
Quelques idées nous restent à émettre pour
terminer cette discussion.
Il existe dans le monde deux nations en rivalité
depuis des siècles, l'Angleterre et la France. Est-il
suffisant pour cette dernière nation de participer
à la prospérité de la première? Non; c'est le
rapport des richesses évaluées de chacune de ces
puissances qui doit fixer les regards de l'homme
d'État.
Si la richesse évaluée de l'Angleterre progresse
chaque année géométriquement, tandis que celle
de son émule ne grandit qu'en suivant une pro-
portion arithmétique, la différence entre ces «-
chesses évaluées augmentera incessamment, et en
même temps une inégalité dans la force et l'in-
fluence politique de ces deux pays, se fera de
plus en plus sentir.
L'histoire est là qui, malheureusement, à ce su-
jet, nous donne un triste enseignement. Les reve-
DigitizeclLy Google
SONT SOUVENT AHTACONISTES. 577
nusde la France, qui sont maintenant inférieurs à
ceux de l'Angleterre, du temps de Law étaient trois
fois plus grands'; et cependant ils ont été con-
stamment en progrès.
En se reportant à cette dernière époque, le re-
venu de l'Ëcossc', qui était alors le tiers de celui
de la Grande-Bretagne, n'en est plus, après un ac-
croissement incontesté, que la vingtième partie.
Ainsi, parfois un peuple devra prélever de for-
tes taxes à l'entrée sur certaines marchandises,
seulement dans le but de s'opposer au développe-
ment par trop rapide de la prospérité d'une na-
tion qu'il redoute.
Ces considérations n'ont pas échappé à notre
opulente et habile voisine, elle sait qu'une grande
somme de richesse évaluée viendrait s'accumuler
chez nous si elle laissait une circulation sans en-
traves aux nectars de nos coteaux; aussi elle ne
favorise que l'échange des marchandises qui sont
dans une catégorie particulière, et elle se garde
bien de toucher réellement aux vieilles institu-
tions dont sa grandeur relève'.
' LeUres de Law. — Revenu est ie mot dont Law se sert, et
nous n'avons pu le chunger. ïlais du sens qui csl donné à ce mot, il
résulte qu'alors la richesse évaluée de la France était environ trois
fois plus grande que celle de TAngleteire; tandis que maintenant
celle dernière nation l'emporte air notre Fi'ance eu richesse évaluée.
* Lettres de Law.
• Vojeïlediapitrevi.
_y Google
378 LES IKTÉBÊTS DES PECPLES
La prospérilé des puissances de second ordre, la
Suisse, la Belgique» le Piémont, les Deux-Sici-
les, etc., qui, par elles-mêmes, ne pèsentque mé-
diocrement dans la balance européenne, doit être
envisagée sous un autre aspect. En tant que leurs
richesses ne s'accroissent pas aux dépens des nô-
tres, nous devons voir avec plaisir tout ce qui est
favorable à ces puissances.
Les intérêts des peuples peuvent donc être anta-
gonistes, malgré les aspirations d'une philanthro-
pie sans doute très-louable, mais qui pourrait être
plus éclairée.
Lorsque Montaigne', Bacon*, Voltaire', pré-
tendaient qu'une nation bénéGciaït toujours des
calaniitésdontsouffraientlesétrangers, ils étaient
certainement dans l'erreur ; mais nombre d'écri-
vains, qui ont combattu ces hommes illustres,
en soutenant la thèse opposée, se trompaient
également.
C'étaient les préjugés d'un âge encore dans
l'ignorance de la richesse évaluée et de la richesse
d'usage.
' • La perle de l'un est le profit de l'autre. »
* • Quidquid alicubi adjicilur, alibi detrahitur. •
^ SouliailM' la grandeur de notre patrie, c'est souhaiter du mat a
ses voisins. Il est clair qu'un pays ne peut gagner sans qu'un aulro
P'Td'^- VoLTjHI e.
Digitizeclby Google
SONT SOUVENT ANTAGONISTES. 570
En nous résumant, voici quelques fM'opositions
dont on ne peut contester l'exaetitude :
1° Lorsqu'un pays par suite d'un fléau, tel qu'un
incendie, une inondation, un désordre dans les
saisons, etc., perd quantité de marchandises, la
nation qui est appelée à les fabriquer et à les four-
nir, bénéficie de cette perte. Le bénéfice de la
fourniture est, en général, d'autant plus grand
que le pays frappé est plus prospère.
2" Une destruction de marchandises, survenue
dans un pays quelconque, diminue la riches$e d'u-
sage moyenne du monde entier.
3" Lorsque les habitants d'une contrée sont apa-
thiques, paresseux, ils ne peuvent avoir qu'une
faible richesse évaluée. Alors il est désirable pour
les nations étrangères que ces habitants, en deve-
nant laborieux, accroissent leur richesse éi:aluéey
car, par leurs travaux, ils augmenteront le nombre
des marchandises qui s'échangent sur le globe,
et, par suite, la richesse d'usage générale.
4° Si la contrée dont H vient d'être parlé avait
une production tellement prépondérante, que sa
richesse évaluée fût devenue formidable, dange-
reuse pour les nations étrangères, il serait sans
doute préjudiciable à la richesse dvsage de ces na-
tions, mais profitableà leur force, à leur puissance,
à leur richesse évaluée relative, que la production
de cette contrée fût arrêtée.
DigitizeclLy Google
380 LES INTÉRÊTS DES PEUPLES, ETC.
5* Deux peuples en conunerçant ensemble, bien
qu'ils profitent mutuellement de leur prospérité
respective, doivent, s'il est possible, prendre des
mesures pour que, dans le trafic qu'ils font entre
eux, la richesse évaluée de l'un ne s'accroisse pas
dans une plus forte proportion que la rickeise
évaluée de Vautre.
DigitizeclLy Google
CIIIPITRB XII
Le pauvre apprécie très-logiquement ses intérêts, lorsqu'il blâme
les gens riches dont la dépense habituelle est médiocre, et lors-
qu'il honore les personnes qui tiennent un grand état de maison.
Dans plusieurs ouvrages économiques, on traite
le peuple d'inintelligent, parce qu'il accueille de
toutes ses sympathies le prodigue qui dépense tous
ses revenus, voire même son capital, en jouis-
sances de luxe, et qu'en même temps il stigmatise
l'opulent et économe personnage qui, réduisant
ses dépenses personnelles, place ses revenus pour
augmenter son capital.
Bastiat lui-même regarde cette prédilection de
la multitude pour le dissipateur comme un pré-
jugé, et il essaye d'en donner la preuve dans le
DigitizeclLy Google
383 LE DISSIPATEUR FAIT ACCROITRE
pamphlet qu'il a intitulé : Ce que fort voit et ce
que l'on ne voit pas, pamphlet dont nous allons
rapporter quelques extraits.
« Quoi de plus populaire que ces sentences :
« Thésauriser, c'est dessécher les reines du
« peuple.
« Le tuxe des grands fait l'aisance des petits....
« Essayons de rectifier cette vue incomplète.
« Hondor et son l'rère Âriste, ayant partagé l'hé-
« ritage paternel, ont chacun cinquante mille
« francs de rente. Mondor pratique la philan-
« thropie à la mode; c'est ce qu'on nomme un
« bourreau d'argent. Il renouvelle son mobilier
a plusieurs fois par an, change ses équipages tous
« les mois ; on cite les ingénieux procédésauxquels
« il a recours pour en avoir plus tôt fini : bref, il
« fait pâlir les viveurs de Balzac et d'Alesandre
« Dumas.
« Aussi, il faut entendre le concert d'éloges qui
« toujours l'environne: « Parlez-nous de Monder !
a vive Mondor! C'est le bienfaiteur de l'ouvrier;
« c'est la providence du peuple. A la vérité, . il se
« vautre dans l'orgie, il éclabousse les passants;
A sa dignité et la dignité humaine en souffrent
«quelque peu... Mais, bah! s'il ne se rend pas
a utile par lui-même, il se rend utile par sa for-
a tune. Il fait circuler l'argent; sa cournedésem-
« plit pas de fournisseurs qui se retirent toujours
Digitizeclby Google
LA RICHESSE D'USAOE DU PAUVRE. 5H3
« satisfaits. Ne dit-on pas que si l'or est rond,
« c'est pour qu'il roule ?
B Epargner, c'est dépenser.
« Quel est le but d'Ariste, en économisant dix
« mille francs? Est-ce d'enfouir deux mille pièces
« de cent sous dans une cachette de son jardin?
a Non certes, il entend grossir son capital et son
« revenu. En conséquence, cetargent qu'il n'em-
<t ploie pas à acheter des sa tisfactionsperson celles,
« il s'en sert pour acheter des terres, une maison,
« des rentes sur l'État, des actions industrielles,
« ou bien il le place chez un négociant ou un
« banquier. Suivez les écus dans toutes ces hypo-
a thèses, et vous vous convaincrez que, par l'int^r-
« médiaire des vendeurs ou emprunteurs, ils vont
« alimenter du travail tout aussi sûrement que si
o Ârtste, à l'exemple de son frère, les eût échangés
a contre des meubles, des bijoux et des chevaux .
u Quant aux ouvriers et foumitseurst (la dé-
« pense d'Ariste) a det effets absolument identiques à
« une dépense égale faite par Mondor. Cela ett évi'
a dent de soi ; n'en parbm plu$. »
Dans cette circonstance le spirituel économiste
nous parait s'être laissé emporter par sa brillante
imagination. Sans doute, Ariste, dont Bastiat op-
pose la conduite à celle de Mon,dor, accroît par ses
façons d'agir, bien plus que ce dernier, la fortune
DigitizeclLy Google
584 LE DISSIPATEUR FAIT AGCROmiE
de l'Ëtat, mais il est beaucoup moins utile que son
frère, comme nous allons le voir, aux classes né-
cessiteuses.
En elTet , si, en affectant ses revenus à un usage
productif, le riche parcimonieux procure du tra-
vail aux pauvres, pense-t-on qu'un travail simple-
ment humanitaire soit le but définitif de sa dé-
pense? Qu'on se détrompe, cet homme calcule, il
est toujours en quête de ce qu'on appelle une
bonne affaire, c'est-à-dire une affaire dans laquelle
les capitaux rendront le plus possible !
Ainsi, dans les manufactures fondées, en tota-
lité ou en partie, à l'aide de ses revenus écono-
misés, le riche de cette espèce ne donnera que le
salaire indispensable, le salaire à prix débattu;
car tout accroissement dans les frais de production
diminuerait ses bénéfices.
On se méprendrait encore étrangement, si l'on
supposait que les articles, même très-nombreux,
qui seront fabriqués dans les manufactures dont
il a été parlé, viendront accroître l'aisance du
pauvre. Le plus souvent, au fur et à mesure de la
naissance des produits, une population, se conten-
tant de la ration qui lui a été mesurée, s'élèvera '
pour les consommer, et chaque travailleur ancien
* On a dil depuis longtemps »\cc grande vérité ; ■ A cAté d'un
paiB naU un hornme. >
DigitizeciLy Google
LA RICHESSE OUSACE DU PAUVRE. 58Û
et nouveau n'aura pas la jouissance d'un lot de
marchandises plus considérable que celui qui lui
échéail précédemment.
harichesic (Tmage du pauvre ne s'accroîtra donc
que très-légèrement par suite des entreprises in-
dustrielles du riche parcimonieux.
Les dépenses fastueuses du riche prodigue, qui,
pour paraître magnifique, étale un grand luxe,
ont des conséquences tout autres. Observez ce dis-
sipateur : comme tout est vanité, ostentation, dans
son existence, il se gardera bien de ce qui sent
l'économie, la lésinerie; car il ne se soucie en
aucune sorte d'accroître sa fortune, mais de sa-
vourer dans toute leur plénitude les délices de la
vie. Ce n'est pas lui qui débattra le gage de ses
domestiques, la rémunération de ses ouvriers.
Pourrait-il être mesquin dans ses rapports avec
des salariés qui, l'approchant chaque jour, le
prônent et se font l'écho de ses largesses? Toutes
les personnes qui l'environnent, ou sont parfois
en rapport avec lui, participeront doncà son opu-
lence, à l'importance de son train de maison.
Molière, dans la scène du Bourgeoii gentilhomme
où le tailleur répond à chaque libéralité nouvelle
par les qualifications les plus flatteuses, a parfaite-
ment saisi cette action que l'homme du peuple
exerce avec tant de facilité sur l'individu essen-
tiellement glorieux dont nous venons de parler.
DigitizeclLy Google
586 1,E DISSIPATEUR FA[T ACCBOITHE
Si VOUS portez un intérêt réel à l'ouvrier, ne lui
donnez pas un travail qui vous enrichisse, en ne
faisant que lui assurer la continuation de sa mo-
dique existence, mais une occupation assez rému-
nérée pour le doter d'une grande richesse d'usage.
Et cette richet-se d'itsage, l'ouvrier ta trouvera
dans un emploi utile à son bien-être des capitaux
dépensés, ou, autrement, dans une excessive pro-
digalité.
Voyez ces centaines de millions accumulés dans
les diverses banques, le plus souvent par ce riche
que le vulgaire traite de vilain, de ladre, de sor-
dide ; qu'attendent-ils? Une destination lucrative,
c'est-à-dire un placement dans lequel le travailleur '
sera payé de manière à accroître le plus possible
l'intérêt du capital et le capital même. Que ces
trésors appartiennent à un personnage d'une gé-
nérosité extravagante; n'est-il pas certain qu'en
les dépensant follement, il élèvera la solde jour-
nalière du pauvre?
A la vérité un industriel opulent, dont les usines
prospèrent, peut s'attirer les bénédictions de ses
employés par la largesse des émoluments qu'il
leur accorde; mais, à mesure qu'il prend plus
vivement à cœur leur bien-être, leur félicité, en
perdant de vue ses bénéfices propres, il entre de
plus en plus dans les voies du dissipateur qu'ido-
lâtre le peuple.
DigitizeclLy Google
LA RICHESSE DUSACE DU PAUVRE. 387
Ainsi, le principe de Bastiat : Epargner, c'est
dépenser, est faux dans l'esprit comme dans la
lettre.
Épargner, ce n'est pas dépenser : c'est substi-
tuer la production du capital épargné, ou l'attente
de cette production, à la dépense.
Le pauvre a donc mille fois raison dans ses soi-
disant préjugés. £t c'est la distinction entre la
richeise d'usage et la richesse évaluée qui nous le fuit
reconnaître.
Digitizedt, Google
, Google
CHAPITRE XIII
AVANTAGE QUUH PAYS RETIRE DU SÉJOlIt OUÏ FOHI IJIS
ÉTRAHGBRS.
Nous lisons dans le Traité d'Économie politique de
J. B, Say le passage suivant :
« Lorsqu'un voyageur étranger arrive en
« France, et qu'il y dépense 10,000 francs, il ne
« faut pas croireque la France gagneiO,000 francs.
« Elle donne à l'étranger des produits pour la
« somme qu'elle reçoit de lui. Elle fait avec lui un
« échange qui peut être avantageux pour elle;
« c'est un commerce où elle est payée comptant,
« où elle rentre plus promptemenl peut-être dans
« ses avances que de toute autre manière ; mais
« ce n'est rien autre chose qu'un commerce, même
« lorsqu'on lui donne de l'or.
« On n'a pas jusqu'à présent considéré la chose
« sous ce point de vue. Partant toujours de ce
DigitizeclLy Google
330 AVANTAtiE QU UN PAYS RETIRE
« principe, que la seule valeur réelle est celle
« qui se montre sous la forme d'un métal, on
« voyait à l'arrivée d'un voyageur une valeur de
« 10,000 francs apportée en or ou en argent, et
«l'on appelait cela un gain de 10,000 francs;
« comme si le tailleur qui habillait l'étranger, le
« bijoutier qui le décorait, le traiteur qui le nour-
« rissait, ne lui fournissaient aucune valeur en
« échange de son argent, et faisaient un profit
« égal au montant de leurs mémoires.
M L'avantage qu'un étranger procure est celui
« qu'on relire de toute etpèce d'échange, c'est-à-dire
« de produire les valeurs qu'on reçoit en retour,
« par des procédés plus avantageux que si on les
« produisait directement. Il n'est point à dédal-
« gner; mais il est bon de le réduire à sa juste
« valeur, pour se préserver des folles profusions
« aux prix desquelles on s'est imaginé qu'on de-
« vait l'acheter.
« Dans le commerce avec les étrangers on perd
« le prindpal des choses consommées, pour faire
<< gagner à quelques marchands leurs promis sur
« ce principal ; pro^ts qu'ils auraient faits tout de
« même en donnant un cours plus utile à leurs ca-
« pitaux et à leur industrie. »
D'après l'illustre auteur, si un grand nombre
de familles étrangères venaient habiter la France
et y dépenser chacune 50,000 francs par année,
DigitizeclLy Google
DU SÉJOUR QU'Y FONT LES ÉTRAHGEBS. 5ai
le bénéfice annuel de la France ne serait que
d'environ 6 pour iOO ' de la somme dépensée, ou
autrement de 3,000 francs par famille. Les no-
tions que nous avons données sur la rvhesse ^^a-
luée et la nrhesse à'um^e. les nouvelles facilités
qui résultent de leurs expressions analytiques pour
calculer la richesse d'une nation, vont nous per-
mettre de démontrer que ce bénéfice est bien plus
considérable.
En effet, examinons comment est employée an-
nuellement cette somme de 50,000 francs :
1° à solder un logement 5,000 fr.
2" Idem. la nourriture 15,000
5" Idem, l'acquisition de marchan-
dises manufacturées. . 20,000
4° Idem, des concerts, spectacles,
fêtes de toute espèce. . 10,000
Total 50,000fr.'
Passons successivement en revue ces diverses
dépenses :
1° La somme de 5,000 francs mentionnée ci-
dessus appliquée chaque année à un loyer de
■ 6 pour 100 esl habituellement le bénèllce que prélèvent les
Fommerçanls sur la vente des marchandises.
Dans ce total, pour lo logement, la nourriture, les marchan-
dises manufacturées, etc., est comprise la dépense des domestiques
uc cette famille emploie.
D.gitizedty Google
3»2 AVANTAUE QU'UN PAYS RETUtE
maison est véritablement la cause détcrminanle
qui donne à cette maison une valeur d'environ
100,000 francs, somme qui s'accroîtra ou dimi-
nuera, si te crédit dont jouit la localité où se
trouve cet immeuble est plus ou moins développe.
Mais, dira-t-on, celle maison aurait été louée
à des nationaux dans le cas où des étrangers ne
seraient pas venus l'habiter? Oui, sans doute, mais
à un prix inférieur, et la richeue évaluée du
propriétaire n'aurait pas été la même. En Italie,
parexemple, plusieurs villes, telles que Fise, Flo-
rence, etc., dont la prospérité fut très-grande
autrefois, contiennent un grand nombre de palais
qui, sans l'affluencedes touristes, perdraient peut-
être moitié de leur valeur.
Nous ajouterons qu'en France, sur les bords de
la mer, dans certaines localités favorisées de ia
mode, on voit le prix des habitations, par suite
des nombreux baigneurs qui s'y rendent depuis
un petit nombre d'années, hausser dans des pro-
portions qui étonnent. Et, à l'appui, nous citerons
Trouville, où tes maisons et les terrains à bâtir se
vendent aujourd'hui un prix trois et quatre fois
plus élevé qu'il y a quinze ans.
Nous ne pourrons donc être taxé d'exagéra-
tion, en admettant que, lorsqu'un grand nombre
d'étrangers vient se fixer dans une ville, la loca-
tion des appartements qu'ils occupent, et, en consé-
Digitizeclby Google
DU SÉJOUR UU'¥ FONT LES ÉTRANGERS. 3U3
qucncc, le capital immeuble de ces appartements
peuvent très-bien s'accroître d'un cinquième.
Si donc le loyer de la maison dont il a été parlé
est annuellement de 5,000 francs, il a bien pu
s'élever de 1 ,000 francs grâce à la concurrence de
la population nomade, et te capital immeuble
s'augmenter de 20,000 francs'.
2' Le plus ordinairement la production des sub-
sistances .donne aux agriculteurs un produit net
qui est environ moitié de la valeur du produit
brut. 15,000 francs de denrées alimentaires
consommées annuellement donneront donc lieu
■ à un revenu net de 7,500 francs, et par suite à
un capital de 150,000 francs, résultant encore en
partie de la présence des étrangers.
On objectera que ces denrées auraient pu être
exportées. Mais, si à l'exportation le cultivateur
préfère la consommation sur place, c'est que les
prix de ces denrées se sont accrus en raison des
demandes plus nombreuses qui lui sont faites. Ajou-
tons qu'il existe partout quantité de produits qui
ne sont pas susceptibles d'exportation, tels que cer<
tains fruits, certaines récoltes maraîchères, etc.,
qui, entrant dans l'alimentation des voyageurs,
' Nous sommes en vérilé trop modéré dans cette évaluation.
L'exempte de Trouville noua montre que dans Ireaucoup de circon-
stances cette somme de 20,000 francs pourrait être portée au dou-
ble, au triple, et î uii cliilji'e encore plus clevé.
Digitizeclby Google
394 AVAÎSTAtlE QU'UN l'AVS RETIRE
augmentent, par l'échange, la richesse du pays où
on les récolte.
D'après cet csposé, nous montrerons de nou-
veau beaucoup de réserve en supposant que le
revenu net de 7,500 francs, dont il a été parlé, a
pu s'accroître, grâce à chaque famille étrangère,
de 5 pour 100, ou de 375 francs qui correspon-
dent à un accroissement de capital d'environ
8,000 francs.
Si un pays ne produisait pas les substances nu-
tritives qui lui sont nécessaires, comme on serait
obligé d'importer ce que consommeraient les
étrangers pour leur nourriture, en exportant dos
articles manufacturés d'un prix équivalent, le
bénéfice serait encore plus grand que ci-dessus,
car nous avons vu, dans la théorie de l'échange,
combien il y a de profit habituellement à permu-
ter des objets fabriqués contre des matières pre-
mières'.
3° Les 20,000 francs que nous avons portés en
achatd'articles manufacturés vont encore accroître
très- notablement la richesse évaluée du pays où cette
dépense s'effectue. En effet, si nous évaluons le
revenu net des industriels au dixième du prix des
produits, ou à 2,000 francs, ce revenu renouvelé
■ Les sutislanros nutritives sont classocs, en gi'néral, parmi les
inaliêrospremiéi'cs.
DigitizeciLy Google
DU SÉJOUR QU'V FONT LES ÉTRANGERS. 595
chaque année, créera un capital d'environ 40,000
francs. Et notons que pour l'espèce de marchan-
dises dont il s'agit, espèceà fabrication en général
illimitée, un surplus dans la consommation fait
plutôt baisser qu'augmenter les prix, et n'em-
pêche pas l'exportation qui avait lieu précédem-
ment.
4° Bestent les 10,000 francs employés en fêtes,
spectacles, concerts, etc. Ces 10,000 francs qui
rémunèrent des artistes et des ouvriers de toute
sorte sont échangés par eux pour subvenir à leur
existence. De cet échange résultent de nouveaux
produits nets annuels pour les agriculteurs, les in-
dustriels, les propriétaires de maisons; produits
que nous ne pouvons apprécier à moins de 1 ,000
francs: soit derechef un capital de 20,000 francs.
Additionnons les capitaux créés dans un pays
par une famille étrangère riche, lorsqu'elle vient
s'y fixer avec un certain nombre d'autres familles
ayant également de grandes fortunes.
1° En raison du logement 20,000 fr.
2" Idem, de la nourriture. . . . 8,000
5° Idem, de la consommation des
objets manufacturés 40,000
4* En raison des spectacles, concerts,
fêles de toute espèce 20,000
Total. . . . 88,000 fr.
DigitizeclLy Google
39C AVANTAGE gUL'H PAVS RETIRE
Ainsi, dans des circonstances assez ordinaires,
une grande quantité de familles étrangères rési-
dant dans un pays accroissent chacune la richesse
évaluée de ce paysd'une somme de 88,000 francs.
Et encore, afin d'épargner au lecteur des détails
trop minutieux, nous avons omis de mentionner
quantité de petits profits prélevés habituellement
sur les voyageurs, proQts dont l'action est favo-
rable au développement de la rkhessc évaluée.
Nous sommes alors bien loin de cette somme de
5,000 francs à laquelle J. B. Say restreignait en
tout et pour tout le bénéfice annuel d'un pays rela^
tivement à chacune des familles dont nous avons
analysé les dépenses.
Bien plus, si, par les agréments de toute sorte
qu'elle offre à ses visiteurs, une contrée est assez
heureuse pour qu'ils y séjournent temporaire-
ment, de telle manière que, malgré des départs
successifs, elle en conserve toujours une certaine
quantité, la richesse évaluée moyenne de ces visi-
teurs devra être ajoutée à la richesse évaluée de
cette contrée' lorsque l'on voudra calculer sa n-
chesse évaluée totale.
Celte conclusion résulte de l'équation de la
' La richesse évaluée, obtenue de cette mMiière, ne pourra ser-
vir toutefois â déterminer rimpdt que celle contrée est susceptible
de supporter ; parce que les immeubles et autres valeurs des voya-
geurs étrangers échappent à l'action direct du lîsce et ne peuvent
^tre atteints qu'au moyen des taxes sur les consommations.
Digitizedt, Google
DU SÉJOUR QUV FOKT LES ÉTRANtiERS. 397
ricketse évaluée et des considérations qui ont été
émises lors de sa discussion.
Ce que nous avons dit d'un pays s'applique
naturellement à une cité et aux diverses parties
qui la composent. Le quartier de Paris dit les
Champs-Elysées, dont la richesic évaluée a décuplé
depuis dix ans, doit-it uniquement cette prospé-
rité au profil de 6 pour 1 00 qui a été prélevé chaque
année sur les dépenses des personnes riches qui
sont venues l'habiter? Certainement non. Mais le
séjour de ces mêmes personnes dans une localité
qui les attire a nécessité la construction de mai-
sons qui ont donné de la valeur aux terrains;
ensuite les dépenses relatives à la ncurrilure, à
l'habillement, aux plaisirsdes nouveaux habitants,
ont fait naître dans ce quartier des établissements
de toute espèce qui l'ont enrichi.
Le grand avantage qu'une contrée retire in-
contestablement des étrangers qui viennent y se
journer, doit nous faire apprécier au juste la
perte qu'elle subit, lorsque ses regnicoles les plus
riches s'en éloignent Combien donc l'absentéisme
est préjudiciable à ces communes rurales où les
grands propriétaires terriens ne se rendent même
pas pour toucher leurs revenus!
Cette question de l'absentéisme, comme on le
voit, est très-grave et mérite toute la sollicitude
des gouvernements.
DigitizeclLy Google
598 AVANTAG2 yUUN PAYS «KTillE
Quant à l'abscnléisine des possesseurs de la ri-
chesse immatérielle, souvent il n'est pas moins
préjudiciable que celui dont on vient de traiter'.
Occupons-nous maintenant de la richexxe d'usage,
et reconnaissons si des étrangers opulents en de-
meurant dans un pays, font accroître ou diminuer
celte espèce de richesse.
Sans aucun doute leur présence donne une
plus-value au prix de toutes les subsistances, et il
semblerait au premier abord que la richesse d'usage
devrait décroître.
Mais dans l'équation de la richesse d'mage
am + a'm' ■+■ etc. -+- /
à mesure que les prix m, m', etc., s'élèvent, le
nombre des produits en denrées alimentaires r,
r', etc., qui incombent à chaque individu, s'ac-
croît en même temps, soit par l'importation,, soit
par une amélioration dans la culture, au moyen
des espèces que ces étrangers donnent en échange
de la nourriture qu'on leur fournil. A cet égard,
la richesse d'usage peut donc très-bien ne pas di-
minuer.
Relativement aux marchàndisesmanufacturées,
' On sait loul le lort que VÉdit de Jianles a fait i la France,
sous le rapport des capitaux immatènds qui oiil émigré.
Digitizeclby Google
DU SÉJOUR QUY FONT LES ÉTRANGERS. 399
comme leurs prix, loin de hausser, s'oflaibiissent,
ntlendu que, les demandes élant plus considéra-
bles', la fabrication est augmentée, cette popula-
tion du dehors est toujours favorable à la richesse
d'usage.
Au contraire, des étrangers pauvres et sans
industrie venant demeurer dans une contrée, fe-
raient diminuer la richesse d'nsnije et la richesse
éialuée, parce que la consommation nouvelle ne
serait pas accompagnée de reproduction.
Les vérités que nous venons d'établir n'étaient
pas restées complètement inaperçues, car cer-
taines cités, malgré de lourdes charges, n'ont pas
craint de s'endetter encore, soit pour subvention-
ner leurs théâtres, soit pour embellir leurs pro-
menades, afin d'inviter les étrangers h séjourner
parmi elles. — Mais jusqu'ici on ne se rendait pas
un compte bien exact de l'accroissement que cette
résidence faisait acquérir à la richesse évaluée et à
la riihesse d'usage.
Nos théories se prêtent si merveilleusement à
expliquer les phénomènes économiques de toute
nature, qu'il nous paraît bien difficile de mécon-
naître qu'elles reposent sur des bases dont la soli-
dité est à toute épreuve.
' Nous aïons vu précédemment (chap. m) que plus un manu-
f^urier fabriquait, plus sos frais généraux diminuaient, et plus ses
produits pouvaient être vendus bon marché.
DigitizeciLy Google
, Google
ANNEXES
ANNEXE N* 4
Les maisons destinées uniquement aux logements, en
se multipliant par trop dans un pays, d'une part sont
moins demandées, et, pour cette raison, perdent de leur
valeuTi d'une autre part, comme en devenant plus nom-
breuses elles exigent des frais d'entretien de plus en plus
considérables qui amoindrissent la richesse évaluée de
ce pays ', on doit en conclure que la construction et l'en-
tretien d'une trop grande quantité d'habitations est pré-
judiciable à la richesse évaluée d'une nation.
Ce raisonnement, applicable aux édifices ne servant
qu'à abriter l'homme, est inadmissible quand il s'agît
des établissements industriels. En effet , leproduit brut de
ces établissements figure dans l'expression de la ridusse
évaluée, en entrant dans les termes Mm+M'm' + etc., ce
qui n'a pas lieu pour le loyer des maisons du genre
dé^gné ci-dessus; ensuite, des manufactures peuvent
très-bien, en s'élevanl les unes à cdté des autres, se
prêter aide et assistance, au lieu de se nuire.
* Voir la page67. ,
DigitizeclLy Google
ANNEXE K i
EHHitiT d'une UTTikE DE ■. nicHKL cbivalieh SDR L'ivÉmonE du nonn
Il y a aux États-Unis un Tait qui saisit l'étranger à
son débarquement, et qui est bien de nature à imposer
silence à ses sentiments d'orgueil national, surtout s'il
est Anglais : c'est l'aspect d'aisance générale que pré-
sente le pays. Tandis que les sociétés européennes sont
toutes plus ou moins rongées de la plaie du paupérisme
qui les mine, sans que les hommes les plus habiles
aient pu jusqu'ici y appliquer un baume réparateur, il
n'y a pas de pauvres ici, du moins dans les États du Nord
et de l'Ouest, qui ont su se garantir de la lèpre de l'es-
clavage. SU s'en rencontre quelques-uns, ce n'est
qu'une imperceptible minorité d'individus sans con-
duite, la plupart gens de couleur, ou ce sont des aven-
turiers fraîchement débarqués qui n'ont pu encore se
dédder aux habitudes d'une vie laborieuse. Ici, rien
n'est plus aisé que de vivre en travaillant, et de bien
vivre. Les objets de première nécessité, pain, viande,
DigitizeclLy Google
sucre, thé, café, chauITage, sont généralement à plus
bas prix qu'en France, et les salaires y sont doubles ou
triples. Je me trouvais, il y a quelques jom'S, sur la ligne
d'un diemin de fer en construction , on y faisait dés
terrassements. Ce genre de travail, qui n'exige que de
la force sans adresse, est habituellement exécuté aux
Etats-Unis par des Irlandais, nouveaux arrivés, qui
n'ont d'autres ressources que leurs bras, d'autre talent
que la vigueur de leurs muscles. Ces Irlandais sont
nourris et logés, et voici quelle est leur nourriture :
trois repas par jour ; à chaque repas, de la viande trés-
abondamment, et du pain de froment, du café et du
sucre à deux de leurs repas, et du beurre une fois le
jour. On leur distribue dans le courant de la journée six
à huit verres de wiskey, selon qu'il fait plus ou moins
chaud. Ils reçoivent en outre, en argent, un salaire qui
s'élève h 40 cents (2 fr. 13 c.) dans les circonstances les
plus défavorables, souvent à 3 francs, et quelquefois à
4 Irancs. En France, le même travail vaut communé-
ment 1 franc 25 centimes , et les ouvriers ont à se
nourrir.
Ce fait positif, incontestable, de l'aisance générale
est ici à c6té d'un autre qui en rehausse singulièrement
l'importance, etc.
Digitizeclby Google
OnlitdanslesœuvresdeN. deBonald:
« Pour pouvoir appeler richesse de la nation les ri-
chesses individuelles, il Taudrait que tous les individus
participassent h cette richesse, puisque la nation se
compose de tous les individus sans eicepUon, et que,
ta richesse n'élant pas une chose abstraite, il est asseï
iliiïicile de concevoir qu'une nation soit riche, lors-
qu'une partie considérable de ses enTants est dans
rextréme besoin. Cependant cela est ainsi. Et, mime
dans toute VEttrope, il n'y a nulle part plut d'indigent»
que ehe% le» nations qu'on appelle opulentes. »
H. Le Play, dans ses Observations sur les divers ou-
vriers européens, explique ainsi comment ceux du Nord
et de l'Orient ont un bien-être plus grand que ceux de
rOcàdent :
« 1^ nom d'ouvrier (d'après ta définition de H. Le
Play) s'applique à toutes les personnes exerçant ua tra-
vail manuel autre que le service personnel du maître,
. participant plus ou moins de la condition du propriè-
:y Google
AI4HEXE N* 3. «Dit
taire ou du chef d'industrie, ayant pour principal moyen
d'existence la rétribution accordée à ce travail. »
Cette définition comprend la grande majorité de la
population.
K Saur quelques anomalies accidentelles, les occupa-
tions des ouvriers (de l'Occident], leurs recettes et dé-
penses restent invariables à toutes les époques de
l'année, en sorte que la situation d'une famille a pu
souvent être résumée par l'établissement d'un budget
hebdomadaire. Il en est autrement dans le reste de
l'Europe. . . Indépendamment du salaire proprement dit,
les ouvriers y reçoivent ordinairement des usufruits de
propriétés immobilières, des droits d'usage sur les pro-
priétés contiguës à leurs habitations, enfin une multi-
tude de services, de denrées et d'objets de consoouna-
tion. Ces allocations en nature offrent une diversité
infinie selon les lieui, les temps, les professions et les
conditions sociales. Elles n'ont pas seulement pour objet
de rétribuer l'ouvrier en proportion du travail accompli,
elles tendent aussi à lui assurer en toute éventualité
des moyens de subsistance proportionnels aux besoins
de la famille.
« (^s modes de rétribution jettent une extrême variété
dans les recettes et les dépenses de chaque famille. Ils
fournissent en outre à tous ses membres l'occasion
d'exercer une multitude d'industries accessoires dont*
les produits, venant se joindre à ceux du travail prin-
dpal, contribuent encore à introduire de la complication
dans le budget domestique.
u C'est ainsi qu'il existe peu de familles qui ne cu-
mulent, avec l'occupation spéciale de l«urs chefs, quel-
DigitizeciLy Google
ques-URes de celles que rournissent les cultures propres
à la localité, l'exploitation des animaux domestiques, la
Êibrication des tissus dans l'intérieur du ménage, la
chasse, la pèche, la cueiltelte des Truils el des plantes
sauvages, les récoltes de combustibles, les spéculations
qui se rattachent aux travaux mêmes de la famille et k
diverses entrq>rises de commerce et de transport, etc.
a L'ouvrier européwi (du Nord et de l'Orient), dans
l'état actuel de la civilisation, n'est donc point, tant s'en
faut, un simple salarié ; presque toujours il parUcipe
en outre de la condition du propriétaire et du chef
d'industrie
o Si les institutions anciennes se prêtaient moins que
celles qui ont été récemment établies dans l'Occident à
l'essor de l'industrie et à l'élévation rapide des indivi-
dualités éminentes, elles offraient en revanche à toutes
les classes de la société une sécurité dont le défaut se
fait cruellement sentir aujourd'hui, surtout aux indivi-
dualités inférieures et aux classes imprévoyantes.
f Le système des fabriques eotlectives est fondé sur
l'alliance intime de l'industrie manufacturière et du tra-
vail agricole. Il assure le bien-être des ouvriers, partout
où il s'est conservé intact. Lorsqu'au contraire, ainsi
qu'il est arrivé, on a cru pouvoir abandonner ce principe
■ tutéiaire et consacrer exclusivement les ouvriers au
travail industriel : ceux-ci, en s'a^loméranl dans tes
villes, sont tombés dans un étal de pénurie devenu en
quelque sorte l'état normal de la population, et qui con-
stitue l'une des plus alBigeantes particularités de la
civilisation occidentale. »
DigitizeciLy Google
D,j,i,i.aL, Google
H. Wolowski, dans une note sur Roscher, s'exprime
ainsi, relalivement à la théorie de J. B. Say sur l'é-
diange :
« Imaginons un pays dont les agriculteurs produisent
au delà de leurs propres besoins pour cent millions de
francs de blé par an, et ouvrent ainsi un débouché de
cent millions. Par suite de trois très^bondanles ré-
coltes, et Ikute de moyens d'exportation, il se produit
un trop-plein du blé au marché, tel, que l'approvisionne-
ment total, quoique plus considérable, a pourtant une
valeur en échange moins grande que d'habitude. Celle-ci
sera tombée, par exemple, à soixante-dix millions de
francs. Les habitants de la campagne ne peuvent plus
acheter aux habitants de la ville que pour soixante-dix
millions de marchandises, et la ville soulTHra également
du trop-plein de la production.
« On ne saurait, en laissant l'argent de côlë, établir
un échange direct entre le blé et les produits manu-
facturés, de manière que ces derniers obtiennent en
échange une grande quanlitéde blé. En effet, personne
ne peut étendre sa consommation de blé au delà de ce
que son estomac absorbe, et il est fort difficile d'emma-
gasiner le blé pour le revendre plus tanj quand tes prix
iiiii'ont remonté. »
DigitizeciLy Google
TiBlE DES MATIERES
pR£r*CB DE u «ECONDB isiTion i
' limtODucnoN. — Avant-propos el eiposé sommaire I
CHAPiniE FREHiEH. — Ce que l' OH appelle uiu vù^sK. . . - 17
Chapit» II. — De la riehesie des parliculiers et de celte des
nations 35
§ 1. De la richesse dans les lemps anciens et dans les
modernes 23
§ 2. Diverses appréciations de la richesse des peuples. . 27
§ 3. Définitions de la richesse éviMe et de la richeise
d'usage 30
§ 4. Distinction entre la richesse évaluée et h richesse
d'usage 33
§ 5. Ëquatlon de la richesse évaluée et discussion de cette
équation - 42
g lî. Observations sur l'emploi de l'équation de la richesse
évaluée Cl
g 7. Équation de la richesse dusage et sa discussion. . . 76
g 8. Évaluation de la fortune des particuliers 87
CHiriiHB 111. — Caractères de la richesse évaluée et delà ri-
chesse d'i/sage 91
DigitizeclLy Google
410 TABLE DES HATEËRES.
^ 1. La riekeue iCtaage et la richesse évaluée d'une nation
ne s'accroissent pas et ne iliminuenl pas toujours
en mêine Icmps 91
S 3. La richesse d'usage d'une nation n'est pas d'autant
plus grande que les prix des marchandises y sont
de moins en moins élevés. Quant à la rickexse
évaluée, celle dernière progresse avec le prix des
subsistances, et s'aiïaiblit avec l'élétalion du prix
des marchandises manubcturées tlO
§ 5. La puissance d'une nation peut être mesurée, jusqu'à
un certain point, par sa richesse évaluée. . . . 1^7)
CuFiniK IV. — De l'échange 135
§ I. Général ilÉs sur l'échange 135
§ 2. Lorsque deux peuples contractent librement un
éirhange, le rapport entre leurs richesses évaluées
peut être modillé par cet écliange iia
§ 5, L'effet des échat^es internationaux sur les richesses
évaluées des peuples aurait pu élre pressenti au
moyen de l'action journalière que les échanges
d'individu à individu , dans une même nation.
exercent sur les fortunes respectives deces mêmes
individus 158
lluipiTHE V. — De la richesse évaluée chez les peu^es indus-
triels et agricoles 11)5
^ 1. Les populations agrii«les sont dans une situation
moins Tavoralile que les populations industrielles.
pour acquérir la riches» ^lufu^ 165
§ 3. Les peuples producteurs de grains restent pauvres en
commerçant avec les peuples industriels, tandis
que ces derniers s'enrichisseni 174 .
§ 3. A la suite de nombreux échanges entre les villes et les
campagnes, la prépondérance politique flnit par
appartenir aux villes 17'J
§ 4. L'action exercée sur les richesses évaluées des villes
et des cam|>agiii's par leur comniero; réciproque
peut aisément faire pronostiquer ce <jue dcvien-
Digitizeclby Google
TABlf IffiS HATIBRES. 111
lient les vichettet évaluées àe deux nations qui Ira-
llquent ensemble 192
ilBiniM\l. — ProUetion.— Libre échange 197
g 1 . - La prolecU<»i des manufactures dans un pays qui est
principalement agricole peut accroître, dans cer-
tains cas, as ridiesse évaluée 197
§ 3. La protection accordée, dans certains cas, è diverses
manufactures situées dans un pays apicole, dimi-
nue la ncfiest^ ^imJu^e de ce pays 313
§ 3. Une nation agricole ou manufacturière peut avoir
avantage à frapper certaines marchandises étran-
gères, de droits non-seulement fiscaux, mais en-
core protecteurs, lorsque ces marchandises don-
nent lieu, en tenant compte des frais de fabrication
etdesjournèesde travail qui s'y rapportent, à des
éclianges qui amoindrissent relativement la rt-
tAeste évaluée de cette nation 224
g 4. De l'introduction du free trade dans un pays soumis,
depuis longues années, à la protection 229
% 5. Sanction donnée par l'expérience & nos théories. . . 337
CuAriTHE VII. — Biicrédit 255
§ 1 . Ce que c'est que le crédit 253
§ 3. Billets de banque 964
§ 3. Billets de banque et Numéraire. 272
§ 4, Le crédit fait accroître la richetie évaluée des nations ;
il n'exerce pas la même action sur leur ridusse
tCusage 375
ùiAtmi \Ul. ~ Delà cltmi^ation des rickesus 289
§ 1. Bépartttion des richesses en huit groupes prindpaux. 389
§ 2. Caractères distinclifs des richesses comprises dans les
cinq premiers groupes. 394
§ 3. Les ridiesscs de luxe, considérées soit au point de
vue de la possession, soit à celui de la ccmsomma-
tion, sont moins aptes que les autres à développer
la rù-hesse évaluée 505
§ 4. Les nations civilisées, bien que la consommation des
Digitizeclby Google
412 TABLE DES MATIËKES.
richesses de luxe ne contribue que fkiblemenl à
développer leur richetu évaluée, doivent user dans
une certaine linûle de ces ricliesses 311
g S. Richesses qui n'ont de valeur que dans la nation dont
on veut ai^récier la richesse évaluée 315
§6. Des richesses immitérielles : la capadlé, le talent, te
géiûe, l'esprit conunercial et industriel, etc.. . . 317
Caimu ÏX. ~ Du commerce intérieur et extérieur. . . . 533
S 1. Quelques mots sur le système mercantile 33S
§ S. Le commerce intérieur est plus favorable i l'accrois-
sement de la richeae évaluée que le commerce
extérieur 336
§ 3. Certains échanges, faits dans l'intérieur d'un pays,
accroissent sa ridtette évaluée. Certains autres
• n'ont d'action que sur là richesse évaluée des per-
sonnes qui contractent ensemble 340.
g 4. Des jeux de bourse 343
§ 5. Dn grand commerce ntérieur est, en général, l'in-
dice d'une importante richesse évaluée ; àaa il ne
peut servir à mesurer exactement cette richesse. . 344
g 6. Rapport qui existe, chez divere peuples, entre te com-
merce intérieur et le commerce extérieur. Appré-
ciation de U richesse évaluée des peuples au
moyen de ce rapport 3t8
CupmK X. — Influence d'une deitruction de marchandises
dans un pays, sur la richesse de ce mime pays 353
g 1. La destnidion de marchandises appartenant i un
pays ^t toujours décroître sa richesse d^usage.
Cette destruction accroît parfpb sa richesse éva~
luéc 353
§ 3. Dans certaines circonstances , pour augmenter la ri-
chesse évaluée d'une nation, il peut être utile de
détruire une partie des marchandises peu essen-
tielles qui s'y trouvent , 356
CHAFins XI. — Les intérêts des peuples sont souvent anta-
gonistes 361
Digitizeclby Google
TABLE DES MATIËHES. 413
g I . Un peuple peut tirer profil des calamités qui arrivent
am autres peuples 361
J 2. Une destruction de certaines marchaiidises à l'étran-
ger peut être ou préjudidable ou favorable â une
nation, suivant la nature des industries* auxquelles
cette nation se livre 374
g 3. Lorsqu'une nation étrangère prospère, il n'est pas
suflisant que la nation dont on fait partie prospère
en même temps S76
CHAFinn XII. — Le dUsipaUui- fait aceT<AtTe la riàitsse
d^vsage du pauvre. 381
Le pauvre apprécie très-logiquement ses intérêts,
lorsqu'il blâme les gens riches, dont la dépense
habituelle est médiocre, et lorsqu'il honore les
personnes qui Uennent un grand état de maison. . 381
CHiFiniE XIII. — Avantage qu'un payi retire du séjour
qu'y font Itt étrangers 589
AiciGiB n* 1. . . 401
Abbue n'2 402
AïNEiE n" 5 407
DigitizedbyGOOgle
, Google
, Google
D,j,i,i.aL, Google