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Full text of "Les maisons anciennes en Belgique"

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EN BELGIQUE, 



L. CLO 



I 







1 



EXPOSITION RÉTROSPECTIVE DE. L* ARCHITECTURE 
PRIVÉE EN BELGIQUE, ORGANISÉE A L'OCCASION DU 
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE GAND. 
I907 #*#**##*##*#*## I9O7 

LES 

Maisons anciennes 



MA 
1364 

.C64- 



EN BELGIQUE, 



PAR 



Lf CLOQUET. 



73 




AVEC 78 ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE. 

00 



GAND, 

IMPRIMERIE VICTOR VAN DOOSSELAERE. 

Boulevard Heirnisse, 17. 



e 



Les Maisons anciennes en Belgique. 



L'architecture domestique belge fera tôt ou tard l'objet d'une 
étude d'ensemble, et c'est un très beau sujet. Le château, la 
ferme, la maison rurale, le manoir urbain, le steen, l'hôtel 
bourgeois, la maison de ville, offrent en Wallonie, en Brabant et 
en Flandre, des variantes très intéressantes, qu'on les considère 
au point de vue géographique, historique, pittoresque, technique 
ou esthétique. 

Nous nous proposons d'aborder une partie réduite de ce large 
programment d'esquisser le type de l'habitation ordinaire, rurale 
et urbaine, jusqu'à la Renaissance classique en Belgique. 

Nous nous en tiendrons à l'habitation proprement dite, dans 
ses types ordinaires et plutôt modestes ; nous éliminerons de 
notre travail, comme on a exclu (sauf exception) de l'exposition 
ouverte à l'occasion du Congrès historique et archéologique 
de Gand, les logis d'un caractère monumental, somptueux 
ou militaire. On ne s'étonnera donc pas de nous voir passer sous 
silence quantité d'édifices privés, plus remarquables que les 
modestes maisons auxquelles nous nous arrêtons présentement. Ces 
humbles édifices ont d'ailleurs bien leur charme et leur intérêt. 
Us ont été comme l'enveloppe de l'existence de nos ancêtres ; dans 
leurs formes un peu naïves se sont incarnées les traditions de la 
famille belge, et ils se présentent comme un produit naturel du 
terroir, harmonieusement uni à la beauté de nos sites. 

Nous nous bornerons donc à esquisser les types ordinaires de 
la vieille habitation belge traditionnelle, rurale et urbaine. 
Nous devons, en effet, nous limiter, la matière étant déjà bien 
vaste pour une étude hâtive, entreprise à la veille de l'exposi- 
tion qu'on nous a chargé d'organiser à l'occasion du Congrès. 



421333 



— 4 — 

D'ailleurs, aux derniers siècles, révolution de notre architec- 
ture devient moins intéressante à notre point de vue, quoique bien 
digne d'attention. A partir de la fin du XVI e , on trouve moins 
accusés les caractères régionaux, qui constituent un des aspects 
les plus attachants de l'architecture comparée. 

A mesure qu'on avance vers les XVII e et XVIII e siècles les 
façades, envahies par des éléments exotiques, offrent un aspect 
plus banal, une structure moins sincère, un sentiment plus froid. 
On voit encore s'ériger de nobles habitations et de pompeuses 
façades, le tempérament national ne perd pas toute sa vigueur; il 
éclate même parfois en de merveilleux ensembles comme dans 
l'incomparable série des maisons de la Grand'Place à Bruxelles et 
dans quelques monumentales habitations de Bruges et d'Anvers, 
notamment la maison de Rubens, restituée par MM. Henri 
Blomme, Max Rooses et A. Delbeke. 

Mais si les constructions privées de cette époque méritent 
d'avoir, dans un ouvrage d'ensemble qui reste à publier, leur 
reproduction, leur description et leur histoire, elles âe prêtent 
moins bien à une étude, qui a pour but de faire ressortir les types 
régionaux et de suivre leur évolution. 

Enfin nous avouons une fâcheuse lacune : c'est, pour la plupart 
de nos maisons décrites ici, ou exposées dans le hall de l'Hôtel 
des Postes, l'absence du plan de distribution intérieure. Nous 
n'ignorons pas que le plan est le document primordial et un des 
facteurs essentiel de l'architecture d'un édifice, et par conséquent 
un élément capital de pareille étude. Mais chacun sait que les 
plans primitifs conservés sont bien rares, et, qu'il est incompa- 
rablement plus aisé de dessiner ou photographier une façade, que 
de pénétrer dans l'intérieur des habitations pour en relever 
l'ordonnance interne. Nous espérons que cette exposition même 
nous procurera le moyen d'ajouter, à ce sujet, un intéressant 
chapitre à la présente notice. 

L. C. 

Juillet 1907. 




Habitations rurales. 



LtoU 



Nos ancêtres, avant l'époque romaine, habitaient des grottes 
ou des huttes. 

Au rapport de Strabon, l'habitation gauloise était ronde ; cons- 
truite avec des poteaux de bois garnis de clayonnage, elle avait la 
forme conique, comme actuellement les huttes de nos frères noirs 
•du Congo, et comme celles des charbonniers dans les forêts. 

De ces huttes primitives on peut voir des figurations dans un 
bas-relief du Louvre représentant un Gaulois qui défend l'entrée 
de sa demeure (*), et dans les sculptures historiées de la colonne 
antonine à Rome; ces maisons rondes avaient de 6 à 12 mètres 
-de tour; elles étaient couvertes de chaume ou de planchettes 
de bois, réunies au sommet comme les abris des charbonniers (*).■ 

Ces huttes avaient leur sol en contrebas du terrain naturel ; 
les cuves creusées dans la terre, qu'on rencontre en différentes 
contrées et qu'on nomme nardelles, représentent la base de 
<œs anciens logis ( 3 ), correspondant à la screona mentionnée 
dans les capitulaires de Charlemagne. 

Après la conquête romaine, les Gaulois firent leurs huttes car- 
rées à la manière des constructions bâties, des villas romaines 
qu'ils avaient sous les yeux. 

Ici se présente la maison du colon romain, dont les types abon- 
dent; mais c'est un modèle exotique que nous ne considérons pas 
•comme appartenant à notre étude. 



41) V. A. Bbquet, Congrès archéol. de Bruges en 1888. 

{2) L. Courajod, Leçons, t. I, p. 49. 

{3) V. SchweiSTHAL. Histoire de la maison rurale en Belgique. 



— 6 — 



& & & 



Les habitations rurales anciennes ont eu à toutes les époques 
des rapports si étroits avec leur site, qu'à l'instar de la végétation 
germée du sol, elles se solidarisent intimement avec la terre. Leur 
allure est en rapport non seulement avec le climat et les maté- 
riaux locaux, mais encore avec l'état social et les mœurs, qu'elles 
reflètent, et avec toutes les circonstances locales. 

Si nous considérons leur groupement, nous remarquons que 
dans les grandes plaines découvertes et mal protégées, les 
maisons se serrent les unes contre les autres en agglomérations 
compactes, ou en hameaux indépendants, selon que la culture 
est organisée en grand ou morcelée. Dans les montagnes, elles 
se dispersent, cherchant chacune une assiette convenable. L'épar- 
pillement de la propriété, en diminuant l'attraction de la 
terre, contribue de son côté à former des noyaux populeux. 
Parfois les maisons s'égrènent en chapelet le long des ancien- 
nes chaussées de grand trafic, surtout au voisinage des anciens 
relais de poste, comme on le voit, par exemple, à Loochristy, 
à Hoogstraeten, à Seneffe, etc. La nature géologique du sol lui- 
même a sa répercussion sur l'allure des habitations; ainsi les 
roches granitiques où l'on voit l'eau sourdre de toutes parts, se 
prêtent à l'éparpillement des familles, tandis qu'en terrain calcaire 
où les eaux sont rares, on se groupe dans les parties aquifères. 
Les maisons s'alignent le long d'un cours d'eau, ou se massent 
joliment sur une colline, ou se disséminent dans les dunes au 
bord de la mer, selon les convenances locales. 

En plaine et surtout le long des grandes voies, les habitations 
se rangent avec une régularité tranquille ; en pays montagneux 
elles s'accrochent aux coteaux comme elles peuvent, s'adaptant 
à des assiettes variées, suivant en gradins les pentes abruptes et 
offrant une allure parfois tourmentée et presque cahotique, comme 
on le voit, par exemple, dans les sites pittoresques et populeux de 
Thuin, de Walcourt, d'Hastière, etc. Ainsi la maison rurale 
s'harmonise au paysage et emprunte son charme au terroir. 



— 7 — 

A ce point de vue, Ton ne peut manquer de reconnaître la 
sagesse qui est comme immanente dans la tradition familiale, et 
le sentiment esthétique qui gît dans le peuple inculte, tant qu'il 
reste fidèle à ses traditions séculaires, faites d'expérience acquise, 
de conventions judicieuses et d'une sorte d'instinct artistique. 

L'homme du peuple le plus naïf, qui érigeait jadis sa demeure 
selon les formules ancestrales, la faisait toujours conforme au 
milieu, et pittoresque d'allure; il y imprimait un profond carac- 
tère de convenance et une intense expression de ses mœurs. Il en 
résultait une beauté intime dont l'homme de goût se délecte, à la 
vue soit d'une hutte ardennaise, soit d'une cabane de pêcheur des 
Flandres, soit d'une humble ferme campinoise. Mais cet homme 
du peuple, qui a été capable de ces merveilles de bon goût, une 
fois déraciné de son milieu, réalise, hélas, avec l'aide des lettrés 
et des architectes modernes, des horreurs en pierre et en briques, 
qui singent en plein champ l'architecture des villes et déshono- 
rent nos campagnes et nos montagnes par leur grossière vulgarité 
ou leur prétention maniérée. 

Notre architecture rurale subit en ce moment l'évolution du 
progrès matériel, mais il s'en faut qu'elle revienne à son charme 
d'autrefois. « Que nous sommes loin de nous mêmes », dit à ce 
propos M r l'architecte De Vos- Van Kleef ( l ), « loin du caractère 
fondamental, loin des mœurs particulières, loin du génie de notre 
race, de toutes les qualités que l'on retrouve si admirablement 
traduites dans la sobriété, la sévérité, la probité du style sans 
emphase des anciennes maisons de Bruges, de Gand, de Bruxel- 
les, de Liège et d'Anvers, ainsi que dans celles que l'on voit — 
toute proportion gardée, — dans de très anciens villages»». 

A nos constructions compliquées, fantaisistes, capricieuses, il 
manque la noblesse de caractère, la tranquillité d'allure, et sur- 
tout cette unité charmante et reposante, qui résultait de leur 
fidélité à la tradition et de leur accord avec le terroir. 



(1) Le Nouvel Anvers, cité- jardin. 



Envisagées comme unités indépendantes, les maisons trahissent 
l'aisance des occupants; en Hainaut, par exemple, de belles 
bâtisses en pierre de taille rappellent que cette province connut 
quelque prospérité au commencement du XVI" siècle. 

Mais ce qui perce pardessus tout , c'est l'influence de la nature 
et les ressources du sol. 




Malsons ardennalses(l). 
L'Ardenne, par exemple, offre d'humbles et rustiques demeures, 
où des murs en moellons sont combinés avec des colombages et 
des clayonnages; elles s'abritent sous de vastes toits déprimés 
couvrant, entre les murs goutterots, une largeur énorme. Leur 
allure est plus ou moins grossière ou soignée selon les ressources 



(\) D'après des cartes postales de M* Nels. 



du terroir. Le long de la vallée de la Lesse on rencontre à Houyet, 
dans la région schisteuse, des masures bourdées en pierre et en 
torchis, couvertes de chaume. Mais en amont et en aval, où 
affleure le calcaire, les habitations sont cossues et régulières ; 
il en est de même sur la Semois. 

La bâtisse se complète au besoin par des moyens que fournit la 
nature. Sur les plateaux balayés par le vent, comme à Francor- 
champ, les chaumiè- 
res sont entourées de 
haies très hautes, qui 
les protègent contre 
les rafales de neige, 
et qui sont percées 
d ouvertures en forme 
de portes et fenê- 
tres t 1 ). 

La disposition des 
logis obéit à l'allure 
du sol. Les petites fer- 
mes du Luxembourg 
et de l'Entre-Sambre 

et Meuse, dans les terrains accidentés, se réfugient le long de 
grandes routes, sur les aires aplanies. Elles alignent vers le che- 
min leurs murs grossiers sous l'égout d'un vaste comble qui abrite 
gens et bêtes, maison et étable, parfois aussi le hangar, le tout 
en libre communication. Devant l'étable, sur l'accotement du 
chemin, s'amoncelle le fumier, qui perd son purin dans la rigole. 
Le toit, jadis en croupe, offre des pignons pointus depuis que les 
murs se construisent en pierre. 

La grande ferme, l'ancienne vouerie établie sur un plateau, 
occupe les trois côtés d'une cour à fumier; le quatrième côté est 
clos par un mur, percé d'une porte charretière avec guichet ( 2 >. 
Dans le Condroz, au sol aride et aux vastes cultures, les cons- 




(1) V. Bulletin de, Mmên, n° de déc. 10C6. 

(2) V. Comhaife, Etude >ur l'habitation de> Fagnta. 
explicative de la construction du " Vieux Liège „. 



— 10 — 

tractions importantes, les manoirs et les grandes fermes montrent 
des bâtiments massifs et carrés, dénués de saillies, percés de 
petites fenêtres, couverts de combles simples et sans pénétrations ; 
tout est disposé pour résister au vent humide (Château de 
Nandrink, ci-contre). 

Dans le Namurois, les grands toits ardoisés des fermes et 
surtout des granges, sont recoupés par des crupons tronquant 
les pignons. 

& & 4? 

Le type allemand, avec un escalier presque monumental, est 
fréquent dans le Luxembourg; cependant la plupart des maisons 
primitives sont du type franc. 

On entre directement dans la cuisine placée entre la chambre 
et rétable, et dont le sol est en terre battue. La cheminée s'adosse 
au mur de refend ; le fond est, à partir du XV e siècle, fait d'une 
taque de fonte, qui chauffe derrière, dans la chambre à coucher, 
un réduit surmonté du buffet-placard. Du manteau, formé de 
simple plâtras et qui abrite le jambon fumé, pend la crémaillère. 
La cuisine contient l'escalier menant à l'étage en soupente; sous 
la chambre est une cave non voûtée, accessible par une trappe. 

Les maisons plus modernes ont un corridor, qui mène de la 
rue à la cuisine placée à l'arrière. En entrant dans la cuisine, on 
trouve devant soi l'escalier menant à une chambre et au grenier. 
L'étable est contiguë à la cuisine. La cheminée est adossée au 
refend qui sépare celle-ci de la chambre, éclairée par une fenêtre 
en façade et une autre au pignon 0). 

Le corridor traverse toute la profondeur des logis aisés ; la 
cuisine est alors accompagnée d'un fournil et d'une buanderie. 

& & * 

Aux environs des carrières du pays de Liège, du Namurois et 
du Hainaut, les logis ont de gros murs bien dressés, des baies 
encadrées de lourds chambranles de pierre, des portes en arc à 
larmier ou à linteau, soulagées d'acellons (corbeaux) ; des fenêtres 



(1) M. Schweisthal, Annales de la société d'archéologie de Bruxelles. 



— 11 — 

coupées en deux parties égales dans la hauteur par de grosses 
traverses de pierre, ou en quatre par de forts croisillons. Quand 
les pignons sont à gradins, ce qui est rare, ceux-ci sont étoffés de 
pierres d'appareil (ex. , à l'ancienne abbaye de Saint-Laurent tout 
en « castein », au Val Saint-Benoit et au refuge de l'abbaye de 
Lobbes à Thuin). 

La plus ancienne des maisons wallonnes est le manoir de Thy- 
le-Château, qu'on dit élevé sur le plan du château de Tyr l'an 
1200 par Guillaume d'Ostrevent ( l ). 

tfc tfc tfs 

Dans une série de croquis faits de chic avec un réel talent, 
M r H. Delmotte, de l'École Saint-Luc de Liège, nous présente une 
série de manoirs et de fermes de l'ancienne principauté. 



UT1* C&~~ IcS'JÙ*,^ tH C'a"* 




rvr, /*ti 



(d'après Gnicciardini). 



Ces constructions se composent de gros bâtiments rectangulai- 
res élevés sur plans compacts, souvent carrés (manoirs d'Abée, de 
Strevensdorp), flanqués de tourelles d'angle ou de pavillons carrés 
(manoir de Filée, ferme-château de Fontaine, ferme de Roiseux). 



(1) V. A. Bequbt, Congrès de Bruges de 1887, p. 112. 



— 12 — 

Les murs, maçonnés eu moellons, sont tout plats, sans contre- 
forts ni saillies, car on évite les encoignures, les angles rentrants, 
favorables à la pénétration des eaux pluviales chassées par les 
vents, qui sévissent avec violence en ces régions montagneuses. 
Les couvertures ardoisées étaient rehaussées parfois de jeux d'ar- 
doises, comme on le voit encore à une maison de Malmédy. 

Les baies sont relativement étroites, amorties par des linteaux 
très épais. Les fenêtres, disposées parfois sans aucune symétrie. 




Ferme de Xavier, 

comme aux fermes de Tavier et de Neuville en Condroz, au manoir 
de Filée, au rendez-vous de chasse de Giïvegnée, etc., sont 
séparées en deux lumières égales par une grosse traverse, ou en 
quatre par de lourds croisillons (ferme de Loncin, maisons à 
Theux). Les combles sont larges, à quatres versants, ou en dos 
d'âue avec pignons récoupés en crupon (maison à Tilleur, ferme à 
Ouffet); le toit recouvre les rampants du pignon. La corniche est 
puissante et très ouvragée surtout à l'époque de Louis XIII. Les 
silhouettes sont puissantes et pittoresques (voir les fermes de 
Warthet, de Roiseux, d'Ochain, de Loncin, de Ferrière, de Neu- 



Tille, de Petit-Modave, les manoirs de Fouron Saint-Pierre, 
d'Harzé, des maisons à Tilleur, à Grivegnée, et le manoir de Mont- 




I & 

il I ■' ■ 



jardin, si crânement posé sur le rocher). Le château de Cheratte 
réunit tous les caractères du style régional : ailes massives, 



- 14 ■ 



pavillon carré, grosse membrure de pierre noyée dans les briques, 
fenêtres à croisillons épais et à divisions égales, toit déprimé à 
crupons, corniches saillantes, etc. On retrouve les mêmes traits 
dans la maison Batta à Huy, etc. 

Nous négligeons les châteaux à allure militaire, qui abon- 
dent dans cette contrée, mais qui sortent de notre programme. 
Toutes ces habitations ont à l'intérieur de remarquables che- 
minées en pierre, que nous ne pouvons ici que mentionner en 
passant. La forme déprimée du toit est généralement relevée 
par quelque flèche à profil accidenté et renflé, qui surmonte 
çà et là un pavillon carré en forme de grosse tour. Mais une chose 
rare, dans toute cette région, c'est un pignon ('). 



Bien différent de la région mosane, le Brabant mêle coquette- 
ment la pierre à la maçonnerie de briques, ce qui donne un air 
d'élégance aux plus 
modestes logis. Il pos- 
sède des habitations 
coquettes aux pignons 
dentelés et accidentés 
de pinacles , et des toits 
plus aigus, pénétrés 
par des fenêtres-lucar- 
nes, qui prolongent les 
murs au-dessus des cor- 
niches. L'allure pim- 
pante des pignons et 
des croisées relève la 
Ferme à Hoboken. simplicité des cons- 

tructions les plus mo- 
destes, dont les types sont peu remarquables, à les considérer iso- 
lément, mais dont la physionomie bien caractérisée se reconnaît 




(1) Ou a démoli vers 1880 un joli pignon de la Renaissante de la maison 
* aux Sapins „ à Liège. S'il en reste quelques-uns au paya mosan, notamment 
dans la région de Huj, ils sont d'une élégante simplicité. 




Maison à Ledo (d'sprta H' Heina). 



— 16 — 

dans tout le Brabant flamand. Comme spécimens plus considé- 
rables, on peut citer les maisons seigneuriales de Braine-le -Château, 
d'Oboken, de Nassau à Diesl, d'Aertselaer. 

Cette contrée possédait jadis en abondance d'excellentes pierres 
blanches ou Jaunâtres, claires de ton, ânes de grain, nommées 
grès lédierij qui s'exploitaient à Balegem, à Grimbergen, à 
Meldert, à Assche, à Dilbeek, à Jodoigne, etc. Mélangées en 
minces assises horizontales, en chaînes d'angle, en croisillons, 
seuils et linteaux, avec la brique rouge, elles donnent aux con- 
structions du Brabant et de la Campine un aspect coquet et riant, 
dont la maison des Géants à Tamise, le château de Crainhem à 
Woluwe, le château de Broechem, le presbytère de Meysse et le 
Pressoir de Louvain peuvent donner une idée. 

& & & 

Comme la Campine, la Flandre, peu riche en matériaux pier- 
reux, a des maisons rurales basses; ses grands toits rouges à 
pignons blancs couvrent des murs goutterots peu élevés, dans 
lesquels est noyée, à fleur en dehors, la charpente des fenêtres; 
les châssis sont subdivisés à l'aide des montants et des traverses 
en bois. Le comble est pénétré par de grandes lucarnes en maçon- 
nerie, qui affleurent la façade avec leur devanture terminée en 
petit pignon. Au temps gothique celui-ci est à gradin ; à la Renais- 
sance il s'agrémente d'enroulements aux parties cintrées. 

Ainsi la forme des bâtiments varie avec les matériaux du lieu. 

& & & 

Leur agencement se modifie aussi d'une province à l'autre selon 
les mœurs, les traditions ancestrales et les conditions du travail. 

Dans les plaines fertiles de la moyenne Belgique, les grosses 
fermes sont encloses dans une enceinte aveugle que perce une 
haute porte charretière traversant une monumentale clôture ou 
une poterne en tour carrée à allure de donjon. Elles développent 
leur vaste bâtiment autour d'une grande cour rappelant V atrium 
antique et les usages romains ; tandis que dans le bas pays semble 
perdurer la tradition germaine en des bâtiments disséminés. 



— 17 - 



& & & 



La maison germaine était primitivement entourée d'une clôture 
en clayonnage appelée tunino, d'où le nom flamand de tuin, 
qui est resté le vocable de la madone vénérée à Saint-Martin 
d'Ypres. Un manuscrit de XVI e siècle nous montre encore une 
ferme du Limbourg formée de quatre corps rectangulaires isolés 
aux points cardinaux d'une enceinte ronde en clayonnage. 

On voit çà et là dans la campagne flamande des chaumines 
encore pareilles aux habitations des siècles les plus reculés. 
Citons comme exemple une maison du hameau de Kruisstraat à 
Nederbrakel, une série de maisonnettes le long du pittoresque 
chemin qui mène de Deurle à Nazareth, et quantité d'autres que 
M r A. Heins a reproduites dans ses Vieux Coins de Flandre ; 
on en trouve à Munte, à Hermelgem, à Lemberge, à Smeer- 
hebbe, a Denderleeuw, à Oultre, à Eychem, à Aspelaere; quel- 
ques-unes sont en pans de bois hourdés de torchis, et couvertes 
de chaume. 

La métairie flamande est souvent établie en plusieurs bâti- 
ments, aux grands toits rouges couvrant des murs bas, noyés 
dans la verdure de ces rideaux de peupliers, qui découpent en tout 
sens le pays verdoyant. Les bâtiments se rangent, isolés, de deux 
ou trois côtés d'un riant verger clos de haies : l'étable, la grange 
et le corps de logis aux lucarnes à gradins, à la porte coupée, 
aux fenêtres à croisillons de bois avec seuil en carreaux rouges, 
à volets verts et blancs. 

On en peut voir de nombreux spécimens dans la propriété de 
Puttenhove à Saint-Denis près Gand. Signalons, d'après M r Heins, 
les petites fermes de Waerschoot, de Balegem, de Semmerzaeke, 
d'Okegem, de Laerne, d'Evergem, d'Eyne, de Bottelaere, de 
Schendelbeke, les métairies du hameau d'Oostmeer aux jolies 
et vétustés clôtures de charpente, et tout spécialement la maison- 
ferme d'Heusden reproduite ci-après. 

2 




Certaines maisons modestes quoique rustiques, présentent un 
étage, comme le joli manoir do Moortzeele, actuellement converti 
en ferme, et celui de Caprycke. Citons encore le home paysan 
aux salles spacieuses éclairées par des croisées blanches dans 
des murs bas en briques et abrité sous le chaume, dont on 
rencontre le type aux environs de Melsele ( 2 ). 

Comme exemples de construction plus importante, citons la 
ferme de Slootendries, la ferme seigneuriale d'Oostakker et la 
grosse ferme du Blauwhuis à Nazareth. 

Aux environs de Laerne nous avons remarqué de populeux 
hameaux formés de petites fermes .isolées, groupant leurs trois 
ailes en fer à cheval autour d'une cour qui borde la rue. 

A Overmeire le corps de logis fait front à la chaussée, l'écurie 
et la grange sont derrière, la cour est séparée de la voie publique 
par une belle grille de fer. 

Les manoirs et fermes seigneuriales des pays plats, en Flandre, 
étaient entourés d'eau; le manoir était composé d'ailes étroites 
couvertes de combles à deux versants, aux pignons à gradins, 



(1) VoirHeiu 

(2) V. ibid, 



Vieux Coins de Flandre. 



— 19 — 

juxtaposées aux côtés d'une cour d'honneur (petit manoir de 
Meirelbeke), et quelquefois ajoutées bout à bout en télescope. 

La maison des Flandres, depuis l'humble chaumière jusqu'au 
manoir à pignons à gradins flanqué d'une tourelle d'escalier à 
l'angle de ses deux ailes, évite d'asseoir sur un sol humide la 
salle de famille ; la voutkamer ou kelderkamer exhausse 




Manoir de Beanvourda. 



son pavement sur une cave voûtée, à moitié enterrée. Citons 
comme exemples la ferme seigneuriale de Mouneclay à Wulve- 
ringhem, le manoir de Beauvoorde près de Fumes et le château 
de Buitenzorg près d'Ypres. 

Les bâtiments sont de peu d'épaisseur et couverts par des 
combles aigus, que terminent des pignons en pas de moineau, 
avec des fenêtres-lucarnes à gradins prolongeant le mur gout- 
terot. Les croisées, à fleur de mur, sont en pierres dans les édi- 
fices notables, en bois dans les plus humbles. 



Sur le littoral, la maison de pêcheur, dépourvue d'étage, mon- 
tre ses murs blancs percés de fenêtres à volets verts et blancs, 
sous un toit de tuiles rouges. Celui-ci oppose au vent de mer un 
de ses versants qui descend jusqu'à terre, tandis que l'autre, plus 
court, laisse à découvert une coquette façade devant un jardinet 
fleuri. La vigne vierge tapisse le mur et escalade le comble, 
dont la crête est garnie de tiges de donderbloem. 

Pour s'orienter contre le vent d'Ouest, ces maisons tournent 
au besoin le dos à la chaussée, ou se rangent de travers tout au 
long de la route. De grosses cheminées émergent du comble 
rustique. 




Souvent une petite étable s'accole aux logis s'adossant en 
appentis, ou un fournil s'abrite sous ce double comble plus 
bas avec un pignon plus petit. Ces masures se groupent de la 
manière la plus pittoresque au flanc des dunes, entourées de jar- 
dinets où se dressent les tiges fleuries des tournesols. 

Quelquefois elles se cachent dans un enclos de paillottis qui 



protège contre les rafales de sable un champ vaillamment cultivé 
et établi en contrebas. Ces habitations paisibles jettent leur Jolies 
notes rouges et blanches parmi les collines de sable et la plaine 
onduleuse et aride où paît çà et là une chèvre ou un âne. 

M r A. Heins a bien voulu me donner les Jolis croquis qui 
illustrent ces pages ; en quelques traits primesautiers il a su rendre 
le charme pittoresque de ces délicieuses et proprettes demeures 
de nos honnêtes pécheurs, qui tirent si vaillamment leur subsis- 
tance de l'eau de la mer et du sable des dunes. 



Dans les plates et vertes prairies du Furnambacht, dans les 
moeres disputées à la mer, où paissent les bruns troupeaux de 
vaches flamandes, s'élèvent des fermer pittoresquess, les unes 
modestes et pareilles à une agglomération de chaumines semées 
sur le sol, les autres vastes, aux grands bâtiment disséminés. 

Dans ces dernières se perpétue plus ou moins le souvenir des 




grandioses fermes que les bénédictins ont élevées dès le XII e siè- 
cle à Coxyde, à Lisseweghe, à Oudenbourg, et dont on voit 
encore de grandioses vestiges dans la grange de Ter Doest (XIII e 
siècle} et dans la ferme monumentale de Saint-Idesbald près de 
Coxyde, à Wulpen (Allaertshuizen), à Pervyse (ferme de 
Groote Hemme)^ 1 ), etc. 

(1) V. A. Hbinh et V. Fris. — Bull, de la Soc. d'Hist. oVArehiol. de Gand 
13* année (1905), n° 2, p. 66. 



Habitations urbaines. 



Au moyen âge les maisons, disposées en rangées le long de la 
rue, n'étaient pas généralement accolées comme les nôtres par 
leurs murs mitoyens, mais elles avaient souvent des murs latéraux 
distincts séparés par d'étroites ruelles nommées à Gand Kat- 
testeghe. Tandis que nos façades, selon les errements classiques, 





Type ancien. 



Type moderne. 



sont ordinairement arrêtées à une corniche horizontale, les com- 
bles, toujours à deux versants, étaient tournés en sens inverse. 
Quand la largeur à front de la voie publique ne dépassait pas 
l'envergure d'un comble, la façade se terminait en pignon; les 
constructions plus développées étaient formées de deux ailes com- 
binées, présentant vers la rue un pignon et une corniche. 

Les plans anciens étaient donc ou oblongs ou en équerre, 
tandis que nos plans modernes sont souvent carrés. 

Nous n'étudierons pour le moment que la façade, qui « fait 
visage » vers la rue, selon l'expression du temps passé. 



— 24 — 



façades en bois. 

Jusqu'à la fin du douzième siècle, les habitations se construi- 
saient généralement en bois ou en torchis. Elles étaient couvertes 
de chaume et souvent dénuées d'étage. 

En 1391, pour empêcher les incendies qui détruisaient des 
quartiers entiers, on voit le Magistrat d'Anvers ordonner aux 
habitants de faire remplacer, cndéans les trois ans, les toits en 
paille par des toits en tuiles. D'autres ordonnances, datant aussi 
de la fin du quatorzième siècle, prescrivirent l'usage de la brique 
pour la construction des façades tout en autorisant les construc- 
teurs à revêtir ces façades de parements en bois. C'est de ce genre 
de maisons qu'il restait encore de nombreux spécimens à Anvers 
il y a une vingtaine d'années 

« C'est ordinairement, — dit ( l ) M r Aug. Thys, — à partir du 
premier étage que commençait le revêtement en bois, chaque 
étage faisant saillie sur celui qui lui était inférieur, et ainsi, pour 
les maisons à trois étages, l'angle du pignon formait une avancée 
de plus d'un mètre sur la voie publique. » 

L'architecture en bois a donc précédé l'architecture en pierre, 
et les formes de la charpenterie sont restées souvent empreintes 
dans la construction maçonnée, surtout en Flandre, comme nous 
le verrons plus loin. 

Dans la maison en pans de bois, les murs latéraux ou mitoyens 
présentent en façade des jambes étrières avec, aux étages, des 
saillies portées sur de gros corbeaux. Les étages de la devanture 
sont formés de pans de bois distincts, superposés en saillie l'un 
sur l'autre. Le surplomb est abrupt ou soulagé par des gous- 
sets . Les fenêtres constituent des clairevoies à crbisillons occu- 
pant toute la largeur. Les parois pleines entre celles-ci forment 
des zones revêtues de bordages d'ais verticaux, égouttant l'eau 
par leur bout inférieur libre et parfois dentelé. Le pignon s'abrite 
sous un grand gable saillant, découpé en trilobé ou festonné. 



(1) Historique des rues d'Anvers 



Tels étaient la plupart des logis de nos vieilles cités, que 
l'incendie a dévorés par milliers; ceux que le fléau a épargnés 
succombent l'un après l'autre sous le vandalisme moderne. 



Hasselt possède des maisons en bois intéressantes. La plus 
importante est la maison 
du Swaert, à l'angle de 
la rue de la Chapelle, une 
pharmacie ayant pour en- 
seigne un masque à la 
bouche ouverte d'où sort 
un bras armé d'un glaive 
(7 zwaert) ; ce masque 
figure le gaper (bâilleur), 
qui est encore en Hollande 
le symbole de l'art de l'a- 
pothicaire. Le pan de bois 
de cette jolie construction 
ne forme que l'étage supé- 
rieur en saillie au-dessus 
d'un rez-de-chaussée et 
d'un entresol ; il comporte, 
entre de forts montants, 
toute une résille de pan- 
neaux carrés à croisillons. 
Le bas est percée de croi- 
sées de pierre. 

Liège a conservé quel- 
ques maisons en bois. Nous 
en trouvons deux spéci- 
mens bien caractérisés à la rue S'- Jean-Baptiste, reproduits 
par M r H. Delmotte (M. La façade est sous corniche, à 




maison (démolie) 
du Fond de l'Empereur à Liège, 
(d'après H' H. Delmotte). 



(1) H. Delmottk. Document! d'art IWgoU. 



— 26 — 

trois étages sur un rez-de-chaussée en parpaing. L'ossature est 
apparente, et le remplage est en hourdis. Les trumeaux et allèges 
sont étrésillonnés par de nombreuses croix de Saint- André ; les 
montants et traverses coupant les vastes fenêtres forment leurs 
croisillons. Les façades sont plates, sans les encorbellements d'éta- 
ges usités ailleurs. Les exemples parvenus jusqu'à nous sont la 
maison des Pêcheurs rue Véronique W, celles de la rue S 1 - Jean, 
de la rue de la Butte, de la rue du Fond de l'Empereur, l'Hôpital 
Saint- Antoine. Ajoutons que quand il y a un gable, il est souvent 
décoré de gracieuses découpures au bord des planches rapportées 
le long des rampants, comme on le voyait à la Violette (ancien 
hôtel de ville) et comme on le voit encore à la maison du Fond 
de l'Empereur (154 6) ainsi qu'àl'hôpital Saint-Antoine, où les deux 
pentes sont décorées de jolies bandes rampantes festonnées, et 
amorties sur des jambettes à figurines grimaçantes. Une vieille 
lithographie de Fourmois nous montre rue Pierreuse trois façades 
en bois, deux, plates à ossature apparente hourdée, et une aux 
étages fortement saillants et habillés de planches verticales. 

Près de l'hôtel de ville de Visé se rangent quelques maisons, 
dont les étages en pans de bois surplombent pesamment le rez-de- 
chaussée, portés par le prolongement de poutres intérieures. 
C'est un type qu'on retrouve çà et là, notamment à Maeseyck 
(rue de Meuse). 

Dans les rues du vieux Verviers abondent des façades plates 
et grossières en pans de bois, notamment quai de la Batte. 

& & & 

Les façades de bois sont devenues très rares à Tournai, bien 
qu'elles aient abondé jadis. Feu Bozière a publié une intéressante 
vue de la rue de Pont au XVI e siècle, d'après un tableau du 
commencement du XVII e siècle^ 2 ), où l'on voit toute une série de 
maisons de bois de l'allure la plus pittoresque. Elles sont 
généralement abritées sous un pignon très avancé, orné d'un 



(1) L'Emulation 1895, p. 67. 

(2) V. Bozière, Histoire de Tournai. 



gable trilobé ou polylobé à l'instar de la façade ci-contre, que 
M' E. Soil a publiée d'après un dessin de 1610U), et qui est 





(d-après 



presque plate et peu ajourée. Celles que nous montre Bozière, 
au contraire, offrent des croisées à séries continues et des 
avant-corps se projetant en saillie l'un sur l'autre. Les pare- 
ments sont entièrement revêtus d'ais verticaux. Tels aussi étaient 
les deux pignons de la rue des Jésuites, dont feu Ad. Yasseur a 
laissé un joli dessin que je possède. 



(1) E. SoiL, L'habitation tournaincrmt du Xi» au XVIII* tiède. 

(S) Revue de l'art chrétien, année 1903. 

(3) V. La rue de Pont à Tournai an XVI* siècle (ci-dessus, p. 27). 



— 29 — 

Aux différents étages, les fenêtres des façades en bois, comme 
celles des façades en maçonnerie, étaient souvent abritées sous 
des auvents en appentis. 

Comme type intermédiaire entre les façades en bois et celles 
en maçonnerie, on en rencontre à Tournai, où des fenêtrages en 
châssis à croisillons forment des pans vitrés à fleur de mur noyés 
dans la façade en briques. Donnons comme spécimen, d'après 
M r Soil, celle de la rue de Paris, n° 3 (1622). 

* & & 

On peut se faire une idée des nombreuses et élégantes maisons 
en bois de Malines en consultant le recueil dessiné à la plume vers 
1840, qu'a laissé le peintre de Noter et qui était la propriété 
de feu l'architecte A. Van Assche ; on en voyait notamment un 
très beau spécimen vis-à-vis de l'église des Augustins. Les façades 
sont à pignon coiffé d'un gable gracieux, souvent découpé en 
trilobé. Toutefois plusieurs de ces gables étaient bordés, le long 
des rampants, par une large planche découpée en ligne incurvée, 
et parfois fouillés de sculptures. 

Les étages sont en encorbellement l'un sur l'autre, soulagés par 
des béquilles ou des goussets au droit des poteaux, goussets parfois 
gracieusement taillés en forme de marmousets. Les trumeaux et 
allèges sont revêtus ordinairement de bordages en planches 
verticales. 

Toutefois le pan de bois hourdé reste quelquefois apparent. 
M T le chanoine Van Caster a publié C 1 ) les photographies de deux 
façades du milieu du XVI e siècle, démolies de nos jours, et qui 
s'élevaient à côté de l'hôtel de ville de Malines ; elles représentent 
précisément les deux types que nous venons d'indiquer. On en voit 
toute une série d'autres dans une vue de la Grand'Place, de 1660, 
tableau conservé en l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul. 

On a gardé quelques beaux spécimens de ces façades en bois, 
quai aux Avoines, quai de la Grue, et notamment quai de la Dyle 
dans le voisinage de la célèbre maison du Saumon, qui est un 

(1) Annales du Cercle archéologique de Malines, tome VI. 



— 30 - 

des premiers produits de la Renaissance en Belgique, et dans 
laquelle on voit une si curieuse fusion des ordres classiques avec 
l'ordonnance traditionnelle. 

Rue des Pierres se dresse eucore un groupe de vieilles maisons 
dîtes : le Pekton ; l'une d'elles offre une façade en bois encore 
très complète. 

La maison « de Dutvels », quai de la Dyle à Matines, est la 
plus remarquable de toutes nos anciennes maisons eu bois. Elle 
tire son nom des figurines grimaçantes qui ornent les goussets 
supportant la saillie du premier et du troisième étage. Le gable 
du pignon est rehaussé, à la base, par de jolies chimères à queues 
en rinceaux t 1 ). 

On trouvait une fort jolie composition sur le thème de cette 
façade malinoise daus la maison « Aux Armes de Matines - , 
qui faisait partie du bel et trop éphémère ensemble du Vieil 




Le Ttêil Alivere, p>r M' B. Van Knyek. 



(1) T. GOLINBT et Loran. Rcstei de notre art national, pi. 67. — Y. Le 
Bouwwereid d'Amsterdam, 1905. — Nous donnons plus loin trois maisons 
du quai de la Dyle ; celle-ci occupe le milieu du groupe. 



— 31 — 

Anvers W. Là rue de la Bourse contenait une belle série de mai- 
sons en bois restituées dans le style local ( 2 ) . On en voit plus de 
cinquante reproduites dans les albums de de Noter conservés dans 
les archives de Malines, notamment une longue série en face de 
l'ancien hôtel de ville ; celle des Fripiers, rue du Grand Pont, 
offrait au lieu d'un pignon, un curieux couronnement formé de 
trois gables en rangée. 

& * * 

Les façades en bois d'Anvers ne sont plus guère à étudier que 
sur des documents graphiques. Elles n'étaient point parvenues 
nombreuses jusqu'à notre époque, attendu que dès l'année 1546 
on avait défendu d'en construire, à la suite d'un grand incendie. 
On en conservait jadis, place Sainte-Pharaïlde, toute une belle 
rangée, qu'on voit reproduite en gravure, notamment, dans 
la Belgique Illustrée^); deux d'entr' elles ont été rendues 
par la photographie dans le recueil de feu Van Ysendyck( 4 ), et 
elles ont été imitées dans la superbe résurrection du Vieil 
Anvers. Elles étaient remarquables par des avant-corps en forme 
de bow-window ménagés sur les saillies des étages. D'autres ont 
disparu en 1885, rue de la Prison, avec la porte du Bourgl 5 ), et 
en 1882, avec le pont aux AnguillesC 6 ); une encore, vers 1870, 
avec les abords duSleen. Le dernier spécimen subsiste dans la 
«* Saucierstraete », qu'habitaient jadis ceux qui assaisonnaient 
le hareng t 7 ). 

Schayes a donné le croquis d'une importante construction en 
bois encore existante de son temps à Anvers ( 8 ). M r Stordiau a 
élevé des pignons en bois fidèlement conformes au vieux style local 
dans les dépendances intérieures d'une maison de la place de 
Meir; mais la plus remarquable des restitutions de l'espèce est le 



(1) Y. Y Album du Vieil Anvers, par M r E. Van Kuyck. 

(2) V. ibid. 

(3) Bruylant, t. I, p. 44. 

(4) Documents classés, litt. M, pi. 25. 
(6) V, ibid. litt. S, pi. 18. 

(6) V. Bruylant, t. I, p. 445. 

(7) V. ibid., p. 448. 

(8) Schayes, Histoire de V architecture en Belgique, t. IV, p. 33. 



— 32 — 

Lucas- Huys, construit en 1875, rue Ducale à Bruxelles, par 
M* Meneasier» 

*^* ^^* ^^* 

A Gand aussi, les façades en bois abondaient jadis, témoins les 
anciennes vues de nos rues et places. On n'en a sauvé qu'une 
seule, le pignon postérieur d'une maison de la rue Jean Breydel 
(ancienne rue du Pont aux Pommes). Ella donne sur Feau et ses 
quatre étages en ressaut, tous habillés de planchettes, s'abritent 
sous un gable trilobé. 

M* A. Heins a donné, dans son Ancienne Flandre, quelques 
croquis de pans de bois disparus, notamment deux pittoresques 
maisons de coin de rue; il en a relevé d'autres que contient sa 
collection si richement documentée; il a restitué en dessin, d'après 
feu Van Lokeren, le très intéressant pignon en bois qu'on voyait 
jadis au n° 21 de la rue Longue-Monnaie. 

Un pignon analogue à celui qu'a conservé Gand, subsiste à 
Bruges, Cour de Gand, mais il n'a que deux étages, portés sur la 
rez-de-chaussée construit en briques. Telle était aussi la dernière 
maison en bois de Bruxelles démolie dès 1818, qui s'élevait place 
de Malines C 1 ). 

^^» «^» ^^fe 

La ville d'Ypres a gardé jusqu'au siècle passé la plus belle 
série de maisons en bois; nous ne les connaissons plus guère que 
par les dessins de feu Boehm, conservés au musée communal, et 
dont la ville d'Ypres, par les bons soins de M r J. Coomans, expose 
les reproductions. SchayesC 2 ) donne l'une d'elles, datant de 1575. 

C'est d'après les meilleurs types locaux, que M r Coomans a 
édifié la délicieuse petite façade à pignon de bois, justement 
nommée Surmonts 9 huit ( 3 >. 

Le dernier des pignons en bois d'Ypres qui ait échappé jus- 



(1) V. COLIXST et Lorak, Bette de notre art national, pi. 12. 

(2) Histoire de Varehiieeture en Belgique, t. IV 

(3) On en trouve le détail dans l'excellent ouvrage de Counkt et Loraic 
précité. 



qu'en ces derniers temps à la destruction est celui de la rue de 
Lille, que nous reproduisons ici. 




Maison en bol« ma de Lille à Ypres. 



On conserve à l'hôtel de ville quelques beaux spécimens de 
l'ancienne construction locale en charpente, entr'autres un 
superbe gable fortement ajouré O. 



(I) Y. TaN Ysendyck, Document clattti, lit t. F, pi. 59. 



— 34 — 

L'usage des pans de bois a perduré longtemps, témoin cette jolie 
maison du XVIII e siècle, conservée au coin de la rue Basse à Aude- 
narde, reproduite par M'A.Heins en ses Vieux Coins de Flandre. 

On en rencontre encore ça et là des vestiges dans les vieilles 
villes, à Diest, et à Nieuport surtout un joli système de bas de 
façade à meneaux en bois décorés de sculptures. (XVII e siècle). 

& & & 

façades en maçonnerie. 

Les caractères les plus saillants des maisons belges, est de 
s'individualiser en des logis bien distincts par leur présentation 
sur rue, notamment par l'importance donnée au pignon. 

En outre les façades sont fortement ajourées ; elles puisent 
une lumière abondante par leurs nombreuses croisées, qui, dans 
certains pignons, laissent à peine subsister entr'elles de véritables 
trumeaux. 

En Brabant et en Flandres, à travers tous les siècles, s'affirme 
une prédilection pour un motif d'architecture d'un grand effet, 
qui consiste dans des arcades soulageant le linteau des baies 
et amortissant le surplomb des étages ; au surplus, le tympan 
de ces décharges est réservé, en approchant de la Renaissance, 
à une riche décoration sculptée. 

Les maisons de diverses provinces se différencient en raison 
de la nature des matériaux. Celles de la région wallonne, bâties 
en grosses pierres, sont massives et trapues, hormis celles de 
Tournai, remarquables par leur élégance un peu française. Dans 
le Brabant et les Flandres prédomine une construction plus 
légère et finement détaillée, dans un menu appareil de pierre 
blanche, ou en des façades en briques nécessairement un peu 
plates. La rareté de grandes pierres donne lieu à une architec- 
ture délicate, silhouettée, rehaussée de lignes expressives. 

& & & 

Puisque nous passons en ce moment de la construction en bois 
à la construction en pierre ou en briques, il est opportun de 



— 35 —r 

-signaler un curieux compromis qui se révèle entre les formes de 
Tune et de l'autre, dans quelques façades de différentes localités. 

Le grand gable trilobé qui découpe le triangle du pignon en 
-charpente a été souvent imité dans les pignons en maçonnerie, 
surtout dans ceux en briques construits à côté des maisons en 
pans de bois. 

Si originaux et si rationnels que fussent les procédés des 
maçons de la West-Flandre, le grand cintre trilobé subjugua leur 
esprit ; il fut adopté çà et là comme motif principal des façades 
en briques, dessinant sur le pignon comme une large décharge 
qui abritait l'ensemble des baies. L'exemple le plus typique à 
Bruges est le pignon principal de l'hôtel Gruuthuse, et le plus 
remarquable qui existe est le grandiose pignon de la Byloque à 
Gand, un des plus anciens et le plus riche ouvrage en brique 
conservé en Flandre, où fut le berceau de toute l'architecture en 
terre cuite du Nord. Une arcade analogue décore le pignon de 
la belle maison de M r Biebuyck à Ypres (1544). 

Cette transposition des formes n'est pas exclusive à la Flan- 
dre. On en voit une semblable encore à Anvers, à une maison du 
Vieux Marché à la Paille ; Schayes a reproduit pareille ordon- 
nance, qu'offrait l'ancien hôtel de Lierre à MalinesW, et qu'on 
retrouve au collège des Jésuites. Il en était de même de deux 
beaux pignons de la Cour Impériale, qui dataient de 1345 ( 2 ). 

On trouve quelque chose d'analogue à l'hôtel Van Sestig à 
Louvain, rue de Namur ; mais là c'est le fenestrage d'une grande 
verrière qu'on semble avoir imité. 11 en est de même pour l'an- 
cien collège de la Haute-Colline et à la maison La Leye, rue 
de la Dyle. 

tF* ~t* *t* 

L'ancienne construction en pierre du Limbourg est représentée 
d'une manière fort intéressante par le refuge de l'abbaye de 



(1) Schatbs. Histoire de VArchit. en Belgique, t. IV, p. 95. 

(2) V. Album de DR Noter. Quelques vestiges de cette ordonnance sub- 
sistent à Malines. 



Herckenrode à Hasselt aux trois pignons aigus (*). Les bâtiment» 
de l'abbaye elle-même ont une grande analogie avec les construc- 
tions civiles, et rappellent l'architecture allemande. 




Le pignon, si rare en pays liégeois, réapparaît dans le Lim- 
bourg. 



(1) V. La Belgique illustrée de BruylanT, t. III, p. 3& 




m 



l^ïi_L '■ l..j!S.^4fi^ 







Pignon de la By loque à Ound. 



pgisom ïallomiBS- 

Au pays wallon les formes saut massives, la pierre inter- 
vient comme étoffe plutôt que comme ossature. Les façades se 
découpent en zones horizontales, sans ligues élancées. Les édi- 
fices ont des silhouettes puissantes. Les pignons sont rares, 
les corniches fort saillantes ; les combles, plutôt déprimés, offrent 
des croupes et des crupons ; les façades sont plates. Les linteaux 
puissants, les baies rarement cintrées. A la dernière époque 
gothique des accolades décorent les linteaux monolithes. L'entrée- 
est souvent précédée du perron longeant la façade. 



Liège. 

La maison urbaine liégeoise W a les caractères indiqués- 
plus haut pour l'habitation rurale de la contrée : aspect massif. 




étoffé, résultant de l'abondance des gros matériaux pierreux ; 
les soubassements sont puissants, les façades, hormis quelques 



(1) Voit le» jolis croquis de MM. Delmotte, Dewandre, Clément et Thone*. 



—.39 — 

cordons, n'ont aucun relief ; les moulures des baies sont éta- 
blies en retrait, les meneaux des fenêtres sont épais, les linteaux 
encore plus, et c'est dans leur épaisseur que la décoration est 
prise (comme à la ferme de Val-St-Lambert, au château de 
Elderen, à la brasserie de Flone). Le décor est formé souvent 
d'une accolade taillée à même le monolithe. A la Renaissance 
la fenêtre s'entoure d'un chambranle légèrement saillant, avec 
des moulures qui se retournent dans les meneaux, (maison Por- 
quin, maison du Bourgmestre d'Ans, rue de la Vache, etc ) ; on 
voit aussi dans les façades de petits panneaux en relief, carrés 
ronds, losanges, formant des saillies réservées pour la sculpture 
(maison Curtius, maison rue de la Fragnée, etc.). 

Les plans sont ramassés, les toits larges et peu inclinés. 

Vu la rigueur climatérique, les cordons larmiers sont multi- 
pliés. L'égoût des toits se projette en forte saillie, notamment 
à Sart près de Spa, à Ferrières, à l'ancienne maison des cha- 
noines de St-Pierre à Liège, etc. En bordure de rue à la façade 
règne une corniche saillante, ainsi qu'on le voit aux anciennes 
maisons de la rue d'Avroy, de la place St-Paul, de la rue St-Jean- 
Baptiste, de la rue Volière, de la rue Ste-Marguerite, du quai de 
Fragnée, etc. 

Les corniches du XV e siècle étaient soutenues par des arcatures 
redentées, si régulièrement pareilles, qu'on peut les croire fabri- 
quées au pied-courant dans la carrière' 1 ); celles qui ornent le 
dessus des bastions de Maestricht sont pareilles à celles de la 
maison Staes, rue Maillard à Liège. Il existe encore une série 
variée de corniches à crémaillère de briques, ou à rangée de 
corbeaux portant l'égoût; elles ont fait place au XVII* siècle à 
une forte moulure à gorge. 

Les façades sont dénuées de contreforts, dont les rentrants 
formeraient des encoignures redoutables au point de vue de la 
pénétration des eaux; s'il y a des voûtes à contrebouter, c'est à 
l'intérieur qu'on place les renforts. 

Les pignons sont rares, sauf dans les façades en pan de bois. 



(1) Selon la remarque de feu Pascal Lohest, auquel je fais quelques emprunts 
(Conf. donnée à Liège, le 12 aqril 1888). 



— 40 - 
ont des meneaux solides, munis de bâtées pour les 




Maison place Saint-Pierre à Llége.'l) 

volets, parfois moulurés et ornés de fortes bases. Au XVII 1 siècle 



(1) D'après L. de Fizbnne, dans L'art mosan. 



— 41 — 

se montrent des linteaux appareillés, parfois légèrement arqués. 

Un trait remarquable des maisons liégeoises à la fin de la 
période gothique réside dans le décor de quelques linteaux comme 
ceux de l'ancienne maison de Flône : leur épaisseur puissante, 
leur étoffe surabou liante ont provoqué le ciâeàu du tailleur de 
pierre, qui les a couverts de fenêtrages aveugles pareils à ceux 
dont Thuchier du XV e siècle garnissait les panneaux de bois ; un 
décor analogue se retrouve à Tongres. Ailleurs la moulure ren- 
trante de pied droit se poursuit dans le linteau en forme d'acco- 
lade. On voit aussi des fenêtres aux meneaux joliment moulurés et 
amortis vers le seuil par des bases élégantes, notamment à la 
maison du Fond de l'Empereur. 

Exceptionnellement on voit de hautes fenêtres à six lumières, 
à deux traverses, comme au logis si pittoresque de l'ancien 
bourgmestre de Liège, et à la belle maison de la place Saint- 
Pierre. Ici, l'on voit la jolie corniche à arcatures, qui se pour- 
suit sur le rampant du pignon d'un avant-corps. 

Tous ces restes de l'architecture privée à Liège sont postérieurs 
au sac de la ville en 1468 et à l'incendie qui a dévoré notam- 
ment une multitude de maisons de bois. Liège fut en grande 
partie rebâti au commencement du XVI e siècle d'après les princi- 
pes traditionnels, sous le gouvernement bienfaisant d'Erard de 
la Marck, mort en 1558. De cette époque date l'ancien hôtel 
Fàbribeckers avec sa façade en pierre composée d'une dou- 
ble colonnade. Une colonnade pareille se voit dans la cour de la 
maison du Mont Saint-Martin, que signale en façade une jolie 
bretèche gothique (*> ; citons encore le local du bureau de bienfai- 
sance, avec son porche à nervures, la maison du bourgmestre 
d'Amay, celle du bourgmestre d'Ans, rue de la Vache, le char- 
mant rendez-vous de chasse de Grivegnée, etc. De jolis restes se 
voient dans la cour Sainte-Claire et dans la cour des Mineurs ( 2 ). 

On voit à Theux sur la Grand'Place, un groupe de maisons 



(1) V. P. Comblbn, Chronique archéologique du pays de Liège, juin 1907, et 
Th. Gobert, Les rues de Liège, t. II, p. 385-386. 

(2) V. Le Voyageur en Belgique, édité par Benard, à Liège. 



— 42 — 

jumelles qui dessinent un plan presque carré, abritées sous un seul 
grand comble à égoût saillant. Nous les reproduisons plus haut 
p. 13, avec leur plan à terre très simple; les étages sont reliés au 
fond par un escalier à vis ; la façade est percée de croisées à quatre 
jours égaux, entre de lourds cordons horizontaux. Une maison 
semblable, mais plus vaste, existe près de l'église; elle a des 
rangées de fenêtres à jours multiples, comprenant jusque dix 
divisions* 1 '. 

Le type monumental de l'hôtel liégeois est la maison de Curtius 
ou du Pagador de Cort, actuellement le Mont-de-piété ( 2 ), qui 
dresse quai de la Batte sa masse épaisse et sa façade puissante, 
au bel appareil régulier, assise sur un robuste soubassement. Ses 
grandes fenêtres à six lumières sont comprises entre des cordons 
horizontaux. 

La même carrure majestueuse se retrouve plus tard dans la 
maison Porquin, construite en 1570 par Lombard Porcini; c'est 
un modèle du style wallon de la première Renaissance, comme 
l'hôtel d'Ansembourg, qui est déjà du XVII e siècle. 

& & & 

Les maisons anciennes des bords de la Meuse à Huy, à Namur, 
à Dinant, présentent, comme au pays de Liège, une physiono- 
mie massive dans l'ensemble comme dans les détails. 

Namur a gardé, aux environs de la porte Saint-Nicolas, un 
vieux coin pittoresque que traverse la ruelle des Tanneries, lon- 
geant le ruisseau le Hoyoul, qui coule à ciel ouvert, enjambé 
çà et là par une passerelle en bois. L'industrie de la prépara- 
tion des cuirs s'excerce là depuis des siècles en de vétustés bâti- 
ments dont le bas offre encore cette membrure robuste des 
anciens logis namurois. Un reste remarquable de l'architecture 
mosane est la façade vers la cour de l'hôtel Marotte (XVI e siècle), 
en belle pierre de taille; ses croisées ont des linteaux élégis en 
accolade comme dans maintes maisons liégeoises. L'ancienne Bou- 
cherie, qui abrite le musée archéologique de Namur, offre éga- 



(1) G. Fobbr, Bulletin des métiers cPart. 

(2) V. Van Ysendyck, Documents classés, litt. H, pi. 34. 



— 44 — 

lement le caractère robuste et les formes typiques du style wallon ; 
celui-ci s'affirme dans le pittoresque moulin de Sambre, que nous 
reproduisons en croquis. La Renaissance a laissé sur une façade de 
la rue duBas de la Place une gracieuse frise dorique aux méthopes 
sculptées. 




Moulin de Sambre à Sanrar. 



On rencontre le même style à Chimay, àWalcourt, à Beaumont 
«t à Thuin. 

On trouve encore un beau spécimen du style wallon dans l'an- 
cien refuge de l'abbaye de Lobbes à Thuin, actuellement occupé par 
le bureau des postes et restauré naguère par M r A. Van Houcke ; 
il date de 1555 et présente un gros œuvre en briques copieusement 
étoffé de pierre, et des formes encore toutes gothiques : comble 
aigu à lucarnes flamandes, lier pignon aux gradins appareillés de 
pierres sur les flancs et couvert de tablettes bien amorcées, linteaux: 
puissants (5 tas de briques) élégis en accolades Tudor; cor- 
dons larmiers doublées de larges bandeaux reliant les chaînes 
d'angle. La façade postérieure est analogue à celle de l'hôtel 
Marotte à Namur (côté intérieur). 



Le Hainaut conserve les vestiges d'une prospérité relative au 
commencement du XVI e siècle aux environs des carrières; la cons- 
truction des maisons est riche 
d'appareil et élégante de style, 
l'arc en accolade se multiplie. 

A Beaumont nous voyons 
s'épanouir une plantureuse sculp- 
ture dans les gorges et sur les 
larmiers fleuronnés d'une petite 
porte qui a du faire partie d'un 
riche édifice. Une remarquable 
taçade de cette petite ville, toute 
en pierre de taille, présente un 
étage porté en saillie pronon- 
cée sur le rez-de-chaussée, les 
fenêtres à croisées s'encadrent 
de moulures à tores croisés aux 
angles et retombant sur des 
bases joliment moulurés ; les 
baies sont abritées sous de puis- 
sants arcades surbaissés que 
supportent de légers et élégants 
pilastres ; ce sont plutôt des Porte à BoHmont. 

montants moulurés, appuyant 

leur base sur la saillie d'un soubassement mouluré; il se 
recourbent vers le haut à la manière de certains jambages de 
cheminée, pour recevoir la retombée des arcades qui portent 
l'étage. C'est une disposition très belle que nous retrouvons dans 
une maison de pierre de la rue d'Havre à Mons. 

On voit à Mons quelqes restes de maisons gothiques. La façade 
du n° 54 de la rue de la Chaussée, celle du n° 13 de la rue du 
Mont-de-piété, marquée du millésime 1543, offrent des étages en 




surplomb sur des décharges trilobées de pur style malinois. L'école 
communale de la rue des Sarts (n° 1 3) occupe une ancienne maison 
du XV siècle L'habitation à l'angle de la rue de la Coupe et de 




Maison à Beau mont. 



la rue de la Chaussée sont de la même époque, et le Blanc 
Lévrier, Grand'Place, daté de 1530, est encore du style gothi- 



que. On voit au n° 46 de la rue des Fripiers une maison datant 
de 1615, et rue de Nimy, n" 49, une autre de 1647. 




Maison rue d'Havre à Mon». 



On voyait à Ath, rue Haute, un joli spécimen de la première 
Renaissance, dans une maison reproduite par SchayesW. Les 
fenêtres de l'étage sont comprises entre des pilastres et deux 
cordons horizontaux, et les trumeaux, ainsi que l'allège, sont 
décorés de figurines sculptées dans des panneaux en losange. 

Le Brabant wallon, voisin des carrières de pierre bleue, offre 



m* 



t de VarehiteehiTt en Belgique, t. TV, p. 34. 



— 48 — 

le style du Hainaut, témoin la maison du Flambeau à Nivelles, 
rue de Namur, jadis au pied du rempart. C'était un double logis, 
comme le montrent ses deux portes au cintre surbaissé coiffé d'un 
larmier en accolade. Cinq croisées éclairent l'étage, soulagées 
par de grandes décharges à moulures, qui régnent sous la cor- 
niche. Dans un trumeau l'on a ménagé une niche qui contenait 
quelqu'image pieuse ; le flambeau qu'on y allumait, et qui servait 
alors de • réverbère », aura valu son nom à cet édifice. Sur la 
Grand'Place existe une façade gothique dissimulée sous le plâtras. 
Des constructions de ce style abondaient à Arquennes, à 
Feluy, aux Ecaussines, et il en est resté du nombreux vestiges. 

Tournai. 

J'ai décrit dans les Études sur l'art à Tournai les diffé- 
rents types de la maison tournaisienne au temps passé ; M r E. 
Soil en a repris et creusé l'étude dans un très beau livre comme 
devrait en posséder chacune de nos vieilles villes t 1 ). Son enquête 
a porté sur environ 1200 constructions, dont 500 ont été 
retenues pour son attachant travail. 11 en expose les principales. 

L'habitation tournaisienne re- 
présente un des spécimens les 
plus caractérisés de notre archi- 
tecture privée, et nous en offre 
les exemples les plus anciens.- 
Elle est toute empreinte du ca- 
ractère grave et monumental que 
donne aux monuments tournai- 
siens l'emploi de la pierre bleue 
de son sol, et elle reflète, par 

SOn Style élégant, l'influence (rail- Maisons rne Barre Saint-Brice 

çaise. 

Qui ne connaît les deux pignons romans à quatre logis 
la rue Barre S'-Brice l B >, ainsi que la célèbre maison dite 




(1) E. Soil, V Habitation tournaisienne du XI' au XVffl* siècles. Tournai, 
Castcrman, 1904, p. 20. 
(?) V. Van Yhbndyck. Documents classes, lin M, pi. 48. 



m>m£E£ 




Maison rue des Cnirippaiis. Hûpitul de Notre-Dame. 




Maison Saint-Piat, me des Ccm^et 



- 50 — 



S'-Piat, rue des Campeaux, malheureusement défigurée depuis 
quelques années par son propriétaire. 

Elles révèlent et résument les caractères de l'architecture 
privée à l'époque romane. M. Soil a 
conservé et publié la vue précieuse de 
leur contemporaine de la rue S'-Piat ; il 
y a ajouté celle de la maison de la rue. 
de l'Empereur encore conservée. Ces 
maisons offrent les caractères suivants : 
gros œuvre en opus incertum ; façade 
plate sans ornement ; ordonnance large, 
dessinant des zones horizontales, sépa- 
rées- par des cordons horizontaux ; fenê- 
tres espacées, partagées en deux ou 
trois lumières par des meneaux à co- 
lonnettes et soulagées par des décharges 
Milan» niB s»tnt-pi»t cintrées. Les pignons étaient-ils à ram- 
pants continus recouverts par le prolon- 
gement de la toiture, ou à gradins comme à la maison de l'Etape 
do Oand, imitation évidente du type tournaisien ï La question 
reste a résoudre. V Hôtel du Porc, sur la Grand'Place de Tour- 
nai, tel que nous le présente la restitution de M. Soil, est 
couronné d'un pignon & gradins et flanqué de deux tours à 
créneaux. Plus tard les rampants continus et appareillés appa- 
raissent au pignon de l'Hôpital de Notre-Dame, (p. 59) 

Lo pignon sur rue n'est pas de règle à Tournai ; les maisons 
romanes de la rue des Campeaux et de la rue Saint Plat, comme 
bien d'autres à l'époque subséquente, portaient en façade leurs 
murs gout1*rots. 




La maison gothique à laissé de rares représentants à Tournai : 
elle est encore - à visage de pierre »; l'appareil devient régulier, 
les parements sont taillés, la façade est plutôt longue, à 




^&kgë0Gàt*/W&&è 



Kalson me des Jésuites. 



Maison me Foor Chapitre. 



corniche moulurée, à égout saillant. Les fenêtres, toujours 
géminées, se développent en hauteur. Les types sont rue des 
Jésuites et rue Four Chapitre. 

Au milieu du XIII e siècle apparaît la croisée, divisant le jour 
de la fenêtre en quatre parties 
tantôt égales, tantôt inégales, 
avec l'imposte plus petit. Elle 
est omise à une belle maison de 
la rue Four Chapitre ; elle appa- 
raît timide à l'étage seulement 
de celle de la rue des Jésuites ; 
l'inégalité de la division s'accuse 
à l'Hôpital Notre-Dame. Les tru- 
meaux sont maintenant chanfrei- 
nés, et les chanfreins sont amor- 
tis en cuillère ; le montant 
rde sa colonnette. 





La croisée à montant et tra- 
verse chanfreinés, suivant la for- 
mule définitive, se montre à 
l'intéressante maison en pierre 
blanche, dite du Four Chapitre, 
qui est entièrement conservée et 
qui nous offre un rare exemple de la disposition du plan du 
logis gothique W; cette maison paraît remonter au XV e siècle. 



Maison des Templiers nie du Pont, 



j classés, litt. M,' pi. 47; l'auteur de 



— 54 — 



& * & 



Monsieur Ë. Soil divise les maisons de l'époque espagnole 
(1521 à 1667) en trois groupes : 

1°) les maisons en pierre et bois que nous laisserons de côté 
pour le moment ; nous en avons parlé p. 28. 

2°) celles qui offrent les caractères généraux du style de la 
renaissance et qui sont représentées par r ancienne maison 
des Dîmes de Saint Martin (Hôtel de l'Europe, Grand'Place); 

3° des maisons d'un type spécial, où se reconnaît le style- 
bien tournaisien de la renaissance. 

Ce qui les caractérise, c'est le mélange et l'alternance de 
la brique avec une forte étoffe de pierre bleue. Les fenê- 
tres, nombreuses et larges, se serrent les unes contres les au- 
tres, et le trumeau se réduit à un pilastre, où la brique alterne 
avec de gros hourdons ou parpaings en pierre ; les pilastres- 
ont parfois la base et le chapiteau classiques ; parfois ils se pro- 
longent à travers l'allège, que traversent - deux cordons larmi- 
nés; plus tard ils sont interrompus par un entablement classique. 
Les baies gardent longtemps la croisée en pierre moulurée, avec, 
souvent, doubles traverses ; au XVIII e siècle, cette croisée est 
en bois. Les décharges, surbaissées, ont parfois leur tympan 
façonné en éventail ; çà et là des cartouches sculptés déco- 
rent les allèges ; des cordons classiques courent au-dessus et 
au-dessous des fenêtres traversés par des clefs d'ancre ouvragés ; 
l'égoût fait une forte saillie sur de beaux modillons en bois. 



* * ± 



C'est sans doute du commencement du XVI e siècle qu'il faut 
dater la curieuse maison gothique si richement étoffée et ornée 
de la rue de Paris, qui imite en pierre l'architecture brugeoise en 
briques, et qui semble due à quelque tailleur de pierres tour- 




Fenêtre style Eenaissancc à Tournai. 

naisien établi à Bruges, qui se serait établi à Tournai après 
fortune faite. 

M r Houtart a pu constater le grand nombre d'hôtels impor- 
tants qui existaient à Tournai au début du XV e siècle ; il n'en 




Vue d'une rue A Tournai. 

Maison en bois d'après Bozière, 



reste presque plus rien t 1 ). Mais les vestiges des siècles sui- 
vants sont assez nombreux. 



(2) Annalet de la Soc. Au:, de Tournai, 2° série, t. X, 8* partie, 1006. 




Suint- Jacques (1780). 



L'abondance des pierres de taille, alternant parfois avec dos 
briques, la vigueur de l'appareil, le soin de l'exécution, donnent 
à ces façades un air cossu et presque luxueux, qui trahit la pros- 
périté dont jouit Tournai sous Louis XIII et Louis XIV. Il s'y 
passa quelque chose de pareil à ce qu'on voit de produire en ce 
moment à Gand : on y rebâtit des rues entières ; le quartier du 
Château fut presqu' entièrement renouvelé. 

La maison de la rue du Bas-Quartier, ci-derriére, offre la plu- 
part de ces caractères et a le cachet bien wallon. 

II en est de même de la maison de la rue S'-Piat (1644) avec 
son pignon à gradins. 

A partir de 1667 commence à se dessiner la période fran- 
çaise. Le style local tournaisien se défend de son mieux contre 
les banales formules classiques, contre les pompeuses ordon- 
nances à la Louis XIV, contre les enjolivements du style 
Louis XV, pour succomber sous l'envahissement des motifs 
classiques ; seuls les cordons horizontaux se montrent jusqu'au 
bout, comme suprême vestige de la tradition locale. 



nan 



- 5«J — 



Maisons brabançonnes. 

Maiines- Anvers. 

L'époque du pur style gothique ne nous a guère laissé des 
maisons en Brabant. Parmi les plus anciennes qu'on ait 
conservées jusqu'à nos jours, on peut citer l'hôtel Col brant, à 
Lierre. La façade à pignon qui a été incorporée dans le nouvel 
hôtel des postes, élevé par M r A. Van Houcke, paraît remonter â 
la fin du XIV e siècle. Cette façade, toute en pierre blanche, offre, 
sous un pignon coiffé par un gable, deux étages de hautes fenêtres, 
dont les linteaux s'abritent sous de belles arcades moulurées en 
tiers-point, au tympan trilobé W. 

Les vieilles maisons brabançonnes égayaient les rues par la 
couleur éclatante de la belle pierre blanc-jaunâtre qui formait 
leur étoffe, et qui se découpait vivement sur l'appareil de brique, 
comme nous l'avons indiqué à propos de l'habitation rurale; 
elles se distinguaient aussi par l'aspect ouvert de leurs façades 
abondamment ajourées, par quelque chose de joyeux qui 
rayonnait de leur architecture nerveuse; elles étaient de physio- 
nomie expressive, avec les emblèmes polychromes ou dorés et 
vraiment parlants, qui faisaient partie de leur décor, par leurs 
pittoresques enseignes pendant à des potences en ferronneries 
ouvragées, et par leurs noms et leurs devises 

Pignons dentelés. — On trouve au XVI e siècle un type 
brabançon très caractérisé. H est d'une grande élégance, grâce 
l'appareil menu et soigné de sa maçonnerie et à la délicatesse 
de sa membrure. 

La brique rose s'y mêle gaiement à la pierre blanche, de petit 
échantillon, qui détache en traits d'un ton clair sur le gros 
œuvre rose, les cordons horizontaux et les harpes des chaînes 
d'angle et des pieds droits. Les pignons en pas de moineau sont 
traversés de cordons, qui font souvent ressaut par le bas pour 



(1) V. le relevé publié dans le Bulletin de» métiers d'art, année 1903, 
p. 290. 



— 60 — 

échapper les fenêtres. Les croisées, finement moulurées, sont 
coupées, plus haut que leur milieu, par une traverse d'imposte 
qui fait saillie en larmier au-dessus des volets fermant les lumiè- 
res inférieures. (V. la vieille maison près du bassin de Bruxelles, 
le manoir de Craynhem à Woluwé, le château de Cleydael à 
Aertselaer, la maison de Jansénius à Louvain, etc. ( l ) et l'ancien 
hôtel de Chièvres dans de Noter) . 

Parfois les étages en ressaut sont portés par de jolies déchar- 
ges, souvent rehaussés de sculptures, tantôt posant en forte 
saillie sur des sortes de mâchicoulis comme à la vieille maison 
rue Ravenstein à Bruxelles, plus souvent sur des colonnettes ou 
des consoles. Dans le style malinois ces décharges sont jolies, 
souvent trilobées et rehaussées de fines sculptures. 

Le pignon surtout présente en Brabant un caractère spécial, 
que nous allons faire connaître. 



* * * 



Les pignons se montrent souvent en façade, mais ce n'est pas 
la règle. On voit rue de Malines, à Louvain, une fort belle 
maison à façade du XVI* siècle, toute en pierre, sous corniche, 
remarquable par ses trois étages de croisées disposées par cou- 
ples, de manière à bien faire sentir la distribution intérieure; les 
décharges sont noyées et surbaissées ( 2 ). 

Le pignon brabançon est à gradins, et quand il est ample, un 
cordon larmier le recoupe à la base et à mi-hauteur, ressautant 
souvent sous une fenêtre de milieu pour en éviter la baie. 

Mais le caractère le plus saillant consiste en des renforts en 
forme de pinacles, qui se dressent à la base, au sommet et à 
mi-hauteur des rampants. 

Ce type est nettement accusé dans l'exemple dont le schéma 



(1) V. Va.\ Ysbsdyok, Documents clasêés, art. lucarnes, pi. 1. 
{2) V. Colinbt et Lora.pt, H estes de notre art national, pi. 51. 



— 61 — 

est ci-contre : c'est un pignon de l'ancien couvent des Cisterciens 
à Malines, que nous extrayons de Sanderus (Brabantia). 

Il est traversé par deux cordons horizontaux; le premier 




Schéma du pignon brabançon. 

gradin est précédé d'un montant, dont le sépare un créneau, 
et qui l'affleure ou le dépasse; il constitue un petit pinacle 
chargeant l'oreille du pignon. Une reprise pareille se voit au- 
dessus du second cordon. Il y a là comme une combinaison du 
motif des gradins avec le motifs de créneaux. 

Le même arrangement, à l'exclusion des cordons, se retrouve 
au pignon principal de l'hôtel de ville de Malines' 1 ). * 

On a détruit des centaines de ces pignons à silhouette dentelée. 
On en retrouve des rangées entières dans de vieux recueils de 
gravures tels que le Tooneel van Brabant. Citons par exemple 



(1) V. le projet de restauration de M r le chanoine Van Caster, dans le 
Bulletin du Cercle archéologique de Malines, t. XYI. 



— 62 — 

un pignon du prieuré des Cisterciens 4e Muysse, entre Malines et 
Vilvorde, qui s'accidente de huit pinacles terminés en turritelles 
à spirales. C'est à ces montant-pinacles souvent couronnés d'épis 
en ferronnerie, que les vieilles vues des constructions malinoises 
doivent la silhouette hérissée d'amortissements élancés et de termi- 
naisons fleuries, si caractéristique et si accusée dans le recueil de 
de Noter ; les mêmes montants servent souvent de supports à des 
figurines en bronze ; trois montants semblables, qui surmontaient 
en rangée la porte de V Arsenal de Malines, rue d'Adeghem, 
portaient des lions tenant des écus. Il en était exactement de 
même à l'hôtel de Chièvres, ce qui justifie le couronnement 
proposé par M r le chan. Van Caster pour la restauration du 
pignon de l'hôtel de ville de Malines. De nombreux épis surmon- 
taient les dentelures des deux pignons magnifiques de la Cour 
impériale 1545, (V. de Noter); une statuette terminale, et des 
clochetons à crochets ornent ceux de la maison Concordia, 
(fin du XV e siècle) et maints autres; dès le XVI 6 siècle les 
aquarelles de de Noter nous montrent des globes posés en grand 
nombre sur la couverture de ces montants et des créneaux. 

Rapprochons de ces derniers le remarquable pignon attribué à 
Keldermans, de la maison dite « Het Lammetje » à Veere 
en Zélande ( 2 ). 



JB 




& * & 

Pinacles posés sur angle. 
— Le pinacle des pignons bra- 
bançons s'accentue dans les 
motifs terminaux, où il joue 
le rôle d'épi. 

Les pignons et les lucarnes 
de Malines, d'Anvers, etc. se 
couronnent d'un pinacle posé 
sur angle, de manière à 
déborder le nu de la façade; 
la saillie est soutenue par une 



(2) V. Van Ysendyck, ouvt. cité, litt. M, pi. 27. 



• 63 ■ 



r-J- 



■ 



¥,m 



prolonge vers le bas, très caractéristique, arrêtée sur une con- 
sole. On en voit un joli spécimen rue de l'Eglise à Lierre (*).' 

Si nous considérons maintenant 
le pignon latéral de l'hôtel de ville 
de Malines ( 2 ), nous trouvons de 
pareils pinacles posés aux flancs de 
quelques gradins, savoir au-dessus 
de l'oreille du pignon et au-dessus 
du cordon marquant une reprise 
à mi-hauteur du comble. Ainsi, avec 
deux gradins ordinaires, droits, al- 
terne un gradin à flancs fuyants, 
sur prolonge encorbellée. 

C'est ce que l'on voit au palais 
de Marguerite d'Autriche (cour in- 
térieure du palais de Justice), à 
Y Hôtel de la Grue, Grand'place, 
à une autre maison du quai de la 
Dyle à Malines, à la maison Con- 
cordia (cimetière de St-Rombaut), 
maison gothique flanquée d'une bel- 
le loggia etc. ( 3 ) 

La même ordonnance typique 
distingue le joli pignon de V Hô- 
tel de Barcelone, rue de Diest à 
Louvain, celui de la rue Beriot, 
cslui du Pressoir, et la jolie façade 
dn Mariait du XV" siècle, Grand' 
place à Louvain (reproduite dans 
l'ouvrage de M' Lenertz, pi. 5). 

On le retrouve à maint pignon 
anversois, dont l'un, notamment, daté 1580. D'autres exemples 
abondent dans les anciens dessins. 




Maison " Dea Horion „ 



(1) Dùatmentt d'art monumental de M. Lenbrtz, pi, 6. 
(ï) Ibid. 

(3) Ibid., pi. 24. 

(4) Restauration de M' Th. Van Dormsel, d'après le Bull, det mêlien d'art. 



— 64 ■ 



Citons encore la Schotsche huis à Veere, la maison des Géants 
à Tamise, le manoir seigneurial de Braine-le-Chàteau. 

Les fenêtres-lucarnes à gradins avec un pinacle greffé dans 
l'axe du pignon sont une particularité typique des maisons 
brabançonnes urbaines et rurales. Ce 
dispositif se maintint jusqu'au XVII* 
siècle. -Nous en donnons comme exemple, 
d'après lo croquis de M r Heins, la jolie 
lucarne d'une maison voisine de l'église 
de Zwijndrecht près d'Anvers. 

Nous devons citer ici une très heu- 
reuse interprétation du style flamand 
brabançon dont nous venons d'exposer les 
caractères, dans le château élevé par 
M r J, de Waele à Waesmunster. Le 
même style a été appliqué d'une manière 
intéressante, avec les lucarnes précitées, 
par M' E. Diltiens, à l'Hospice des vieil- 
lards de la rue Lotaire à Anvers. Os 
reprises de traditions régionales doivent être citées avec éloges. 




.- z-f 



Pinacles tourillons. — Les pinacles brabançons se montrent 
plus étoffés et plus riches en certains pignons, comme celui de la 
maison du pape Adrien à Utrecht. 

Le pinacle octogonal en briques apparaît à Louvain, à la 
maison * den Morian », Grand'place, où ils portait des statues 
dorées t 1 ). 

Ces pinacles prennent la forme de tourillons octogones à la 
Gemeenlands-huys de Delft et dans maints pignons disparus, 
de Noter (*). Cette variante porte en germe les 



(I) Voir A. Vas Houcrb, Bulletin dei méfier» d'art, année 1904, p. 130, 
(Z) Vah Ysendyck, Document* eXatttt, litl. N., pi. 4. 




HAtel de Btuoelone a Lcravain. 



superbes pinacles à clochetons de l'hôtel <Jo ville de Middelbourg, 
de Bruxelles, de Louvain et d'Audenarde. 

Nous le retrouverons à la Maison des Bateliers à Gand. 



- 66 — 
* * * 

Décharges trilobées. — Il faut remarquer la sveltesse de 
certaines façades en pierre blanche, construites avec l'excellent 
grès lédien, percées au rez-de-chaussée de larges et hautes 
croisées aux meneaux minces, aux trumeaux extrêmement réduits, 
recevant la retombe des décharges qui portent le surplomb de 
l'étage; telle est la maison Morian, Grand'Place à Louvain, 
déjà citée W. Aux minces trumeaux sont greffées des colonnettes 
dont le chapiteau supporte élégamment la retombée d'arcades 
surbaissées; un dispositif presqu'identique caractérise une maison 
gothique de la rue des Boutiques, à MalinesC 2 ). 

La façade malinoise de la fin de l'époque gothique brille par 
un trait d'élégance fantaisiste, savoir de riches décharges fine- 
ment moulurées, qui amortissent le surplomb des étages et soula- 
gent le linteau des baies. Le recueil de de Noter nous montre 
ces décharges à l'ancienne brasserie Saint-Georges, rue des 
Pierres, à la maison de Sacré-Cœur, rue du Poivre, etc. 

A la maison de La Grue, Grand'Place, ces décharges portaient 
sur de gracieuses colonnettes à pendentifs en partie détruits( 3 ) ; 
il faut noter ici, que les arcades au-dessus du rez-de-chaussée 
sont seules anciennes; l'étage est totalement défiguré. 

Celles de la maison voisine à l'enseigne du Pavillon belge, 
attribuée à Rombaut Keldermans, sont trilobées et rehaussées de 
résilles aveugles. On considère aussi comme l'œuvre d'un des 
Keldermans la très riche façade dite <* goete Lepeleere » , quai 
au Sel C 4 ), remarquable par trois étages de décharges tribolées, 
surmontées de résilles aveugles flamboyantes, et l'on attribue 
à Rombaut, le maître illustre, la maison du Paradis, quai aux 
Avoines, ainsi nommée à cause de ses curieux bas-reliefs ; elle se 
dresse justement à côté de la maison en bois dite des Diables 
(DuivelsgeveiyW , dont nous parlons plus haut. Ici les décharges 



(1) V. Lenertz, ouv. cit. 

(2) Ibid. pi 46. 

l3) V. Van Ysendyck, Documents classés, litt. H, pi. 19, et l'album de de Noter 

(4) Ibid., litt. H, pi. 12. 

(5) Ibid., litt. P, pi. 14. 




Le Pavillon belge | La Grue Goete Lepeleere 

Million» Qrand'Place. 9 9 Maison Quai au sel. 
MALINES. 



— 68 — 

sont en anse de panier et le larmier se dédouble pour former cet 
ornement cher aux maîtres malinois du temps, à savoir une mou- 
lure dessinant un polygone curviligne à trois sommets fieuromiés. 
qu'on retrouve de tous côtés sur les monuments civils et religieux. 
A l'autre côté du Duiveîsgevel est un autre pignon du style tradi- 
tionnel local, plus récent, au pignon déjà garni d'enroulements. 
* * * 



Rampants courbes. — La Renaissance lutte curieusement 
avec les traditions médiévales dans 
les pignons brabançons ; elle a fort 
à faire, pour attaquer ces frontispi- 
ces aigus et dentelés, et y introduire 
des moulures de frontons. Elle com- 
mence par intercaler entre les pina- 
cles traditionnels des couronnements 
cintrés et des rampants en quart de 
rond se raccordant avec les cordons 
larmiers, comme on le voit aux 
curieuses lucarnes et au joli pignon 
de la maison - Het Hemelrijk »l l ) t 
rue Notre-Dame à Malines, con- 
struite en briques et en pierres à 
l'aube de la Renaissance, édifice uni- 
que en son genre à Malines, et très 
curieux au point de vue de l'histoire 
des pignons brabançons. Puis ces 
rampants en arc de cercle s'inflé- 
chiront en tracés festonnes comme 
à la façade de l'église des Frères 
Prêcheurs d'Anvers, élevée en 1530 
par Dominique de Waghemaker et à 
la loggia de l'Hôtel de Ville d'Alost» 
ou en lignes, sinueuses comme à la 
maison des Bateliers de Gand, qui est le cîief d'œuvre du genre et 
qui suivit d'une année l'œuvre des Dominicains d'Anvers. 




"Maison het Hemelrijk & 



(1) Voir le BuJi. det métier* d'art, 1905, p. 262, et l'album de de Noter. 



— 69 — 

On peut suivre toute l'évolution du pignon brabançon dans la 
superbe restitution qu'offrait l'inoubliable Vieil Anvers, créé en 
1894 par le talent de M r F. Van Kuyck, et commémoré dans un 
fort beau recueil d'eaux-fortes! 1 ». Nous y voyons l'austère dentelure 
du pignon à gradins, avec des cordons décrochés sous le seuil des 
fenêtres -portes du grenier, à la maison des Trois Rois. Les gra- 
dins se hérissent de pinacles à celles de Y Eventail et de Y Em- 
pereur romain, et à la maison à gauche du Schepenhuis. Enfin 
les rampants s'incurvent capricieusement à la maison Sainte- 
Elisabeth de Hongrie; un type plus sévère et fort beau était la 
façade voisine de la chapelle, qui figure dans la rue du Marché, 
p. 40 de l'album du « Vieil Anvers »( 2 ). 

L'ordonnance typique de la maison malinoise que nous venons 
de décrire s'est répandue au loin avec l'influence des Keldermana 
et des Waghemaker. On la retrouve dans bien des maisons hollan- 
daises, parmi lesquels nous nous bornerons à citer, après la 
maison du pape Adrien, déjà nommée, le Gemeenlandshuys dei 
Délit; Le même type se répand vers le Midi jusqu'au pays wallon, 
témoins deux maisons de la Grand 'Place, à Mons. . 



* * * 

Les façades anversoises des maisons ordinaires offraient des 
clairevoies à fleur de mur, à l'instar de celles de Gand. On en 
voit de fort belles séries rue des Rôtisseurs et rue au Fromage; 
on en rencontrait d'autres jadis rue de laPrison, près du pont aux 
Anguilles ( 3 ). 

Celles que n'a pas influencé la Renaissance sont bien rares; 
si l'on veut s'en faire une idée, il faut se rappeler ici encore les 
belles restitutions du style fleuri des maîtres brabançons, conçues 
par M r Van Kuyck au Vieil-Anvers et heureusement reproduites 



(1) L'architecture du Vieil Anvers, Bruxelles, Lejeune-Claesens. 

(2) Elle était du style de la maison d'Aix-la-Chapelle, courte rue Neuve. 

(3) V. Bruylant, La Belgique illustrée t. 5, p. 441-445. 



— 70 — 

dans l'album cité plus haut; signalons tout particulièrement la 
maison des Échevins (*). La maison Plantin est un hôtel trop 
considérable pour rentrer dans notre modeste programme; néan- 
moins son architecture est, dans tous ses détails, bien conforme au 
style domestique régional. 

Rappelons ici le précieux ornement que font, aux vieilles mai- 
sons des coins de rue d'Anvers, les gracieuses niches à tabernacle 
où la dévotion populaire entretient fidèlement des luminaires en 
l'honneur de la Vierge. 

& & & 



Bruxelles. 

La physionomie du vieux Bruxelles et son architecture domes- 
tique se révèlent dans la vue prise en 1732 du quai au Sel, qui 
est conservée dans la collection d'Aremberg ( 2 ) ; on y retrouva 
les traits ordinaires de l'architecture privée brabançonne, telte 
que nous l'avons définie. 

De cette vieille architecture il reste bien peu de spécimens; \e 
plus complet est l'humble et pittoresque logis de la rue Ravenstein, 
dont l'étage présente un énorme surplomb, porté par des consoles 
à ressauts multiples. Il côtoie l'opulent hôtel de Philippe de 
Clèves,dont il faut citer les deux élégantes loges fermées, en saillie 
sur la rue Terarken( 3 ). Ici éclate toute la hardiesse de nos 



(1) Pour la maison patricienne ou échevinale, M r Van Cuyck s'est inspiré 
en partie de l'hôtel du XV e siècle, habitation du bourgmestre Arnold Van 
Liere — hôtel converti aujourd'hui en hôpital militaire et outrageusement 
badigeonné et délabré — où Charles-Quint descendit avec sa suite et dont 
Alber Durer disait : u La maison du bourgmestre d'Anvers est vaste et bien 
ordonnée, avec de grands et beaux salons à l'infini, une cour richement ornée 
et des jardins fort étendus. En somme, c'est une demeure tellement magnifique 
que je n'ai jamais rien vu de semblable en Allemagne. „ 

(2) V. Colinet et Loran, ouv. cité, pi. 9-10. 

(3) Van Ysbndyck, Documenta classés, litt. L, pi. 17. 



— 71 — 

savants appareilleurs du XV* siècle. La forte saillie des décharges 
semble avoir été fréquente à Brabant; on la retrouve à une 
façade de là rue des Dominicains à Louvain. 

On a malheureusement démoli, pour faire place au palais des 
Beaux- Arts, une maison de grand caractère, datant de la transition 
du style gothique à celui de la Renaissance W. Le cachet 
transitionnel reste empreint dans une jolie façade de la rue 
d'Or, n° 42 t 2 ). 

Au XVII e siècle les maisons de la capitale gardaient plus ou 
moins les traits traditionnels, qu'on retrouve dans la maison 
formant le coin du quai aux Briques et du Marché aux Pois ( 3 ). 
La rue du Marché aux Herbes offre encore un ensemble charmant 
de pignons évoquant les temps passés. 

Mais nous nous garderons d'anticiper ici sur l'histoire de 
l'évolution des pignons bruxellois, que M r Ch. Buis compte, 
pensons-nous, présenter au Congrès ( 4 ). 



(1) Colinrt et Loran, ouv. cité, pi. 32. 

(2) V. L'Emulation, année 1899, p. 9. 

(3) Colinrt et Loran, pi. 31. 

(4) A l'exemple de ce que les Allemands ont fait pour plusieurs de leurs 
villes, et les Gantois sur l'indication de feu Julius Vuylsteke, M r Buis a entre- 
pris de faire dresser le cdrtulaire de la GrandTlace de Bauxelles. 

Une sous-Commission, composée de MM. C. Buis, Des Marez, J. Cuvelier 
et G-.Smets a été constituée au sein de la Commission du u Vieux- Bruxelles „. 
Ces Messieurs se sont chargés d'organiser les travaux préparatoires à la 
confection des documents. 







», 



Malsons flamandes. 



Gand. 



vTrLrtnTTnjTnnnnr 



Gand, comme plusieurs autres villes, eut quatre sortes d'habi- 
tations : d'abord les steen, maisons patriciennes bâties en pierre 
de Tournai, souvent munies de. créneaux, de tourelles et autres 

défenses militaires ; et les 
hoven, vastes demeures 
* princières contenues dans 
une enceinte. Nous ne fe- 
rons que les mentionner 
ici, car elles ont un carac- 
tère militaire ou somp- 
tueux, qui les exclut de 
notre programme. 

Nous nous bornons à 
donner deux exemples de 
steen, Y Utenhovesteen ci- 
contre et le steen de 
Gérard le Diable; nous 
renvoyons le lecteur à 
l'étude de M r A. Heins sur 
les donjons urbains. 
Viennent ensuite les ha- 
bitations bourgeoises. Ayant traité plus haut des maisons à 
façade en bois, il nous reste à nous occuper des demeures con- 
struites entièrement en maçonnerie. 

Gand conserve quelques vestiges de maisons romanes, bâties en 
pierre de Tournai ; elles sont engagés dans des constructions 
modernes ayant leur façade Quai.au Blé, marché aux Grains 
(Borluutsteen) et rue Basse ; ce sont des pignons qui rappellent le 
vaste pignon de V Etape, quai au Blé, édifice que nous ne citons 
que pour mémoire, comme étant d'ordre corporatif plutôt que 




privé ; il en est de même d'une autre construction archaïque, 
nommée le Spyker, marché au Foiu, récemment restaurée, ainsi 
que de la jolie et pittoresque construction dite Torehen (1451), 




qui se dresse à l'angle du marché du Vendredi, et qui est un 
précieux spécimen de la construction privée, sinon domestique, 
du XV e siècle. 

Les pignons romans étaient probablement terminés en gradins ; 
les gradins de Y Etape paraissent primitifs comme aussi ceux de 
la façade postérieure du Ryhovesteen, rue Basse, à GandO. Lus 
façades étaient construites en moellons irréguliers de Tournai 
{opus încertum) ; elles étaient traversées par de minces cordons 
entre lesquels s'ouvraient des fenêtres géminées {doornicxsche 
vensteren, comme on disait à Bruges), dont le jour était divisé 
par un meneau à colonnettes, et dont le linteau était surmonté 
d'une arcade de décharge^). 

Des maisons du XIII e et du XIV" siècle, qui étaient sans doute 



(1) V. Van Ysbndïck, Documents c'auiques et Intent. arcMol, 

(2) Voir p. 61, la reproduction de la fenêtre ron: 



— 74 — 

construites en pierres de Tournai d'appareil régulier, il ne reste 
plus que des vestiges. Elles offraient une architecture dont peu- 
vent donner une idée la maison gothique moderne de la rue du 
Bas-Polder, ainsi que certaines parties de nos sieen. Un grand 
nombre étaient établies au-dessus de vastes caves voûtées, d'un 
caractère vraiment monumental, qui ont sans doute servi d'ate- 
liers, et dont on trouvera des spécimens dans ^Inventaire 
archéologique de Gand. 

t|C tfî tfî 

Les maisons gantoises les plus typiques, au point de vue du 
style local, sont celles en pierre blanche et en briques, qui se 
montrent en abondance à partir du XV e siècle. 

Parmi ces logis anciens il en est qui échappent à notre étude 
par leur caractère plutôt monumental. Nous ne pouvons pour- 
tant passer sous silence le ravissant manoir situé à l'angle de la 
rue Haut-Port et de la rue du Refuge, le hof nommé YAchter- 
Sikkel, dont on admire rue Basse les deux sveltes pignons à 
gradins, et, vers le séminaire, le préau entouré d'une galerie à 
arcades surbaissées, dominée par deux tourelles rondes entre 
lesquelles s'avance une absidiole en encorbellement. Des croisées 
aux minces meneaux de pierre blanche percent les murs en 
briques, ainsi que des fenêtres-lucarnes à gradins, qui dépassent 
les goutterots. Ici percent les traits de l'architecture flamande 
et brabançonne, de même que dans les pignons du Zwarte et 
du Groote Moor, contigus à l'hôtel de Limburg, dont il s'agit 
ci-dessus. 

Considérons enfin les types ordinaires et surtout les façades 
à pignons. Nous avons dit combien resta vivace l'influence 
de la charpenterie sur la construction en maçonnerie. Rien 
ne ressemble plus à l'architecture primitive en bois, que celle 
des maisons gantoises en pierres et briques du XV e au XVI e 
siècles. Par une sorte de transposition des formes d'un matériau 
à un autre, la charpente des façades s'est transformée en une 
sorte de menuiserie de pierre, là où la maison en bois a perduré 
longtemps comme à Gand et à Anvers. C'est ce dont on est 



frappé à première vue en visitant la merveilleuse place Sainte* 
Pharallde à Gand, presque entièrement rendue à sa beauté primi- 
tive par une restauration d'ensemble, qui fait honneur à M' J. 




de Waele ; le même caractère s'affirme dans des maisons voisi- 
nes, quai au Blé, près du pont aux Pommes. 

Les façades en bots offraient, en effet, dos zones horizontales 



— 76 — 

continues de clairevoies sans trumeaux, tout ajourées, n'ayant 
d'autres pleins que les montants de la charpente et les croisillons 
des châssis ; ces zones alternaient, de bas en haut, avec des 
parties aveugles constituant les allèges de chaque étage, et posées 
en surplomb sur l'étage inférieur. 

Or les façades gantoises en pierre blanche reproduisent bien 
cette structure générale. Ainsi que d'aucuns l'ont récemment 

découvert après que nous l'avions indiqué dès 1893 ( l ), il y 

a eu filiation évidente du pan de bois aux murs de pierre. 

Ces croisées de pierre blanche, alignées en séries, en rangées 
horizontales continues, à fleur de mur, sans profondeur, et 
séparées par des montants plutôt que par des trumeaux, consti- 
tuent une vraie menuiserie de pierres. A l'instar des pans de 
bois, les étages surplombent sur le rez-de-chaussée ; la saillie est 
rachetée dans quelques façades du XV e siècle par un rang de 
petites arcatures, plus souvent par des arcades, qui servent en 
même temps de décharge au linteau des fenêtres et portent par des 
consoles sur les légers trumeaux du rez-de-chaussée. Le pignon est 
terminé en gradins et parfois les gradins se combinent .avec des 
pinacles brabançons. Beaucoup de pignons de ce genre se voyaient 
à Gand, qui ont disparu depuis peu. Il en est de typiques au marché 
aux Grains et aux environs. L'influence des maîtres de Malines et 
d'Anvers est manifeste à Gand dans l'art civil comme dans l'art 
religieux; une grande ressemblance existe entre les pignons 
anversois et gantois. 

Cet art en quelque sorte mixte éclate dans un chef-d'œuvre de 
premier ordre, le pignon de la maison des Bateliers de Gand, où 
se réunissent tous les traits caractéristiques de l'art de deux pro- 
vinces, mais dans une conception d'architecture hautement supé- 
rieure. Ce pignon présente la plus gracieuse des combinaisons 
variées par lesquelles les maîtres brabançons ont essayé de com- 
biner les gradins, les rampants incurvés et les pinacles : tous ces 
-éléments se raccordent ici et s'assemblent à merveille pour former 



(1) V. Les anciennes maisons en Belgique, dans la Reine de Tari chrétien. 
année 1893, pp. 288 et suivantes. 



— 78 — 

m 

un ensemble d'une grande consistance et d'une grâce exquise. La 
façade forme une vaste clairevoie percée à jours, et traversée par 
des croisillons ; mais les linteaux font place, ici, à des amortisse- 
ments cintrés d'un caractère plus monumental ; les deux prin- 
cipaux étages sont réunis avec une extrême habileté, en une ordon- 
nance commune, par un système de fines colonnettes qui vont 
recevoir les arcades maîtresses, et une sculpture fine et délicate, 
fortement encadrée, ajoute à cette magistrale façade une précio- 
sité presque plateresque; enfin tous les charmes de ce séduisant 
visage de pierres sont encore rehaussés par l'éclat doré de son 
teint, dû à l'incomparable couleur de la pierre de Balegem. 

L'intérieur des maisons gantoises et brugeoises avait par prin- 
cipal ornement de gracieuses cheminées aux montants moulurés à 
profil de nervures, recourbées sous le linteau, en une saillie que 
décoraient souvem une tête d'homme et une tête de femme, 
parfois même les deux personnages entiers en amusante posture. 

ïk ïk ïk 

Si nous en revenons aux plus modestes logis gantois, nous y 
retrouverons quelques-uns des traits précédents. A la différence 
des maisons wallonnes de la région de l'Est, les croisillons des 
fenêtres, très légers, coupent le jour en compartiments inégaux; 
la traverse est souvent placée aux deux tiers de la hauteur. Les 
baies des portes sont prises dans une travée de croisée; le linteau, 
posé sur acellons (petits corbeaux), fait suite aux traverses des 
fenêtres, et l'imposte correspond aux jours supérieurs de celles-ci. 

Les combles flamands sont éclairés par des lucarnes en char- 
pentes sut generis, à deux versants avec fronton saillant souvent 
trilobé. Mais les lucarnes sont rares pour les maisons. La soupente 
est éclairée à travers des fenêtres percées dans de petits pignons 
de maçonnerie qui dépassent le mur goutterot en interrompant 
l'égoût ; ils sont terminés en gradins et s'adossent à un petit 
comble qui pénètre dans le grand ; c'est ce que nous appelons les 
fenêtres-lucarnes. La plus" belle série de ces fenêtres se voit à 
la jolie maison formant le coin de la rue Haute et de la rue de la 
Caverne (XVI e siècle) . 



— 79 - 

Le dispositif de la clairevoie gantoise se conserve longtemps, 
malgré F envahissement des ordres classiques, alors que des' 
entablements s'interposent entre les étages, des pilastres entre 
les fenêtres, et que le pignon prend des allures tourmentées. On 
peut suivre aisément l'évolution. 

Gand conserve quelques maisons du XVI* siècle, notamment 
celle au beau pignon « De Fonteine » place du Lion d'or (1539) 
et une autre, marché aux Grains, datée de 1575. 

A la maison de la rue longue Monnaie {Oude gevels) qui se 
distingue par les médaillons à figures de rois qui décorent le 
tympan des décharges, les rampants du pignon sont incurvés, mais 
de simples cordons persistent entre les rangées des fenêtres; l'en- 
corbellement du premier étage se fait par des consoles modil- 
lons. 1 ). 

On voit au marché du Vendredi une jolie maison, restaurée il 
est vrai, qui garde mieux encore les formes traditionnelles, à côté 
d'une autre, aux formes tourmentées, qui porte le millésime 1675. 

Les formes anciennes restent empreintes dans deux façades 
remarquables, voisines du pont du Laitage, datant de 1669, dont 
Tune est le symbole construit de l'hospitalité toute parlante en 
ses six bas-reliefs, qui figurent des œuvres de miséricorde (la 7 e , 
étant figurée par la maison elle-même, abritant les pèlerins), et 
celle de l'angle est ornée de sujets chrétiens et païens curieusement 
associés. A noter au Vieux-Bourg aussi la maison dite de Palfyn 
ou de la Sirène (XVI e siècle), ornée sous ses décharges de bas- 
reliefs curieux ( 2 ) et le Cerf-volant (1669 • ornée des figures de la 
Foi, l'Espérance et la Charité; d'une lunette émerge un joueur 
de flûte. Peut-on mettre dans l'architecture plus naïve poésie? 

Les caractères primitifs s'atténuent dans le pignon du quai des 
Chaudronniers, daté de 1666. Parmi les façades disparues, 
M r A. Heins a relevé l'un des plus typiques, la Lange Munte, 
démolie en 1839 (3). 



(1) Le rez-de-chaussée a été remanié au XVIII e siècle. 

(2) V. Inventaire archéologique de Gand. 

(3) A. Heins, Ancienne Flandre, pi. 17. 



Au XVII" siècle on abandonne progressivement les croisées en 
séries, en pierre amenuisée ; les fenêtres s'espacent et sont séparées 









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II 








_ . 









par des trumeaux comme à la maison du Paon, rue Haute, et dans 
l'imposant pignon à gradins de la maison des Mesureurs de 
Grains, quai aux Herbes, à cinq étages, véritable type de l'habi- 




Maison des Mesureurs de grain. 

Quai aux Herbes, é. Gand. 



— 82 - 

tation flamande du XVII 8 siècle (1673) Oî, dont la restauration 
est projetée, et au Petit château d'Emmaùs, si pittoresque et 
remarquable par ses imbrications en briques entaillées ( 8 ). La 
maison du quai des Chaudronniers représentant en bas-relief les 
Quatre Couronnes date de 1666. 

Au XVIII* siècle il ne reste plus rien des formes traditionnelles, 
témoin la maison des Bateliers non Francs (?) ou celle des 
Mesureurs de Toile (1771)< 4 >. 

Après les maisons à façade tout ajourée de clairevoies, on 
peut citer par opposition les humbles maisonnettes, dont on voit 
encore çà et là un spécimen (rue du Perroquet, quai St-Antoine, 
quai de la Grue, etc.), et qui formaient jadis la grande masse des 
logis gantois, surtout dans les faubourgs Us allongeaient à front 
de rue leur mur long et très bas, percés de deux croisées et d'une 
porte atteignant presque l'égoùt d'un grand toit couvert de tuiles 
plates. Les chambres ménagées dans la soupente étaient éclairées 
par la profonde pénétration de hautes fenêtres-lucarnes à pignon. 




(1) V. V. ViNDBR Haeohen, Inventaire Archéol , : 

(S) V. P. Bkrqmans, n« 262, ibid. n figure déjà sur 

(3) V. ibid., u" 89. 

(4) P. ClàRYS, ibid., n" 337. 



e vue de Gaud de 1534 



* * * 



On voit à Gand, rue Haut-Port, plusieurs pignons dentelés à la 
manière brabançonne ; ce sont notamment la maison des Orfèvres 
(XV siècle), et rue Haut-Port, De Swarte Moor et De Oroote 
Moor, deux façades voisines presque identiques, en pierre 
blanche de Balegem, d'un grand caractère dans la fermeté du 
leur lignes hardies, et de leurs formes 
carrément découpées. Elles sont du 
commencement du XVI* siècle' 1 ) ou 
de la fin du XV. 

Du reste, au XVI e siècle se manifeste 
à Gand l'influence des Keldermans et 
des Waghemaker, les architectes de 
l'aile gothique de l'hôtel de ville, les- 
quels pourraient bien avoir collaboré 
à l'érection des nefs des églises de 
St-Bavon et de St-Michel, proches 
parentes de leur contemporaines 
anversoises. 

L'esprit brabançon se montre avec 
éclat dans le belle œuvre de Christophe 
Vanden Berghe, à savoir le pignoa 
triomphal (ainsi l'a appelé Taine) de 
la maison des « Francs Bateliers » , 
élevé en 1531. Ici apparaissent les- 
plus brillants spécimens de ces sveltes 
et jolis pinacles interrompant, comme 
aux Dominicains d'Anvers, œuvre de D. de Waghemaker, les 
lignes sinueuses des rampants infléchis, qui s'élancent en trois 
bonds, d'étage en étage, par des courbes gracieuses qui se raccor- 
dent aux larmiers horizontaux. Ce pignon couronne dignement la 
plus merveilleuse des façades, ornée d'une plantureuse sculpture 
taillée dans la pierre dorée de Balegem. Il serait injuste d'oublier 
ici M' E. Mortier, l'habile restaurateur de ce joyau. 




(1) V. E. Laquet, Fiche archéologique, G s 



— 85 - 

Cette façade avait sa rivale comme richesse, mais apparemment 
d'un art bien inférieur, dans l'ancienne maison des Maçons, qui 
s'élevait rue Catalogne, et dont un dessin de Goetghebuer nous a 
gardé le souvenir. 

Les maisons de Gand n'ont rien gardé de ces savoureuses sculp- 
tures en arabesques, qui décorent ailleurs les maisons de la 
première renaissance et dont M r Heins a reproduit un spécimenW; 
ces décorations tapissantes et fines semblent avoir été inconnues 
dans cette ville. 

îjc ts}c ï$r 

Parmi les types spéciaux d'habitations anciennes, la Flandre 
en offre un particulièrement intéressant, à savoir celui des 
Béguinages. Rien de plus original et de plus pittoresque que ces 
agglomérations de logis indépendants, mais étroitement soudés 
ensemble, avec leurs rues bordées d'habitations proprettes à 
pignons de briques rouges, précédées d'un jardinet emmuraillô 
avec une niche de saint sur la porte. Cela respire le recueillement 
pieux sous la règle monastique, en même temps que la vie 
indépendante dans le for intérieur. On y sent l'aisance, le calme, 
une certaine liberté, en même temps que la dévotion et l'obéis- 
sance à une règle commune. 

Or, c'est à Gand qu'on trouve le modèle des béguinages. Le 
Grand-Béguinage, déplorablement désaffecté depuis 1872, vide 
de béguines, a laissé à tout le quartier son allure savoureusement 
pittoresque; le Petit est conservé corps et âme, comme s'il n'avait 
point, depuis trois siècles, participé à la marche du temps. 



4- 



Audenarde conserve à l'ombre de son splendide hôtel de ville 
quelques beaux restes de l'architecture privée du moyen-âge et de 



(1) V. un meneau de fenêtre, Fiche archéologique, n° 302. Il est à remarquer 
toutefois que cet ouvrage provient probablement de Malines. 



— 8G - 

la Renaissance, notamment une longue bâtisse en pierre blanche r 
du XVI e siècle, voisine de la * tour Baudouin » , percée de grande» 
"croisées, celles de l'étage surplombant celles du rez-de-chaussée à 
l'aide de décharges sur colonnettes, et couronnées de fenêtres- 
lucarnes à gradins au pied d'un vaste comble qu'arrêtent deux 
pignons terminés en pas de moineau; tout cela rappelle les 
façades gantoises d'inspiration brabançonne A côté de l'imposante 
façade en style Louis XIV de l'hôtel de la Châtellenie, occupé par 
le collège épiscopal, récemment restauré et agrandi, on en voit une 
autre plus ancienne, analogue à la précédente, malheureusement 
privée de ses croisées et plus avancée de style : la retombée des 
décharges sur les trumeaux du rez-de-chaussée se fait par des- 
consoles-modiilons . 

On voit rue Puits aux Cigales (quel gracieux nom!), côte à 
côte, deux façades du XVI e siècle à pignons; l'une, d'allure 
gothique, l'autre mâtinée de Renaissance ; la première se termine 
en gradins, la seconde, par des rampants incurvés alternativement 
concaves et convexes ; la première soulage son surplomb sur des 
colonnettes, la seconde sur des modillons : une autre, analogue 
à la seconde, mais avec des rampants à deux étages de S (et 
fortement restaurée), se voit rue de la Liberté. 



^ •& ^ 



Bruges 



L'auteur des Délices des Pays-Bas vante la beauté des mai- 
sons brugeoises, bâties autrement que celles des autres villes : 
« les toits n'avancent pas sur les rues, les murs les dépassent et 
font paraître les maisons comme autant de tours à créneaux » (*). 
Gramaye constate aussi la rareté relative à Bruges des façades 



(1) Gramaye» Bruges, part. VII, ch XIV. 



_ Ç7- 

en bois, devant le magnifique développement de l'architecture en 
briques; il pensait, en écrivant, à ces somptueuses maisons 
hanséatiques, les hôtels des Orientaux, des Castillans, des 
Florentins, des Espagnols, qui dressaient leurs murs plats et 
crénelés comme des donjons. Il avait saisi Tune des caractéristi- 
ques des logis brugeois, le créneau, conséquence directe et presque 
fatale de l'exclusif emploi de la brique pour le gros œuvre. 




Schéma des pignons à gradins. 



A Bruges triomphe l'architecture en briques : elle y est plus 
belle que dans nul autre pays. 

Il y a deux modes de construction rationnelle des pignons 
en briques : par rampants continus, à l'aide d'épis, ou en pas 
de moineau. Le second est le plus simple et non le moins joli. 
Il a prévalu de tout temps, depuis les Assyriens, qui crénelaient 
les murs de leurs palais. En Espagne, en Languedoc, dans 
l'Allemagne du Nord, comme en Brabant, et en Flandre surtout, 
on a donné la préférence aux créneaux et aux gradins (types 1 
et 2 du schéma), sur les couronnements horizontaux des murs et 
sur les couvertures-rampants des pignons. En Allemagne ont 
prévalu les groupes étages de hauts pinacles rangés (type 4); en 



Brabant (type 3), les pinacles courts alternent avec des gradins ; on 




Maison roe Saint- Arnaud & Brngaa (i). 



Flandre prévalent les simples créneaux et les simples gradins 
dits espagnols. A Bruges, on voit même des façades adossées 



(1) Cliché extrait de L'art des façnàu à Bntgtt par le Chan. A. Ddclos 
dessin de l'architecte M r H. Hostk. 



à l'about d'un comble à deux versants se terminer en créneaux 
(v. maisons rue St-Amand et Café de la Civière d'Or); mais 




généralement les merlons et créneaux sont réversés par les murs 
goutterais. 



— 90 — 

Les façades en bois n'étaient toutefois pas inconnues ; elles ont 
existé à côté des façades en briques. Aussi les rampants continus 
couverts de tablettes en pierres se rencontrent-ils d'abord; ils se 
montrent jusque vers 1530, selon M r le chan. Duclos, l'auteur 
de l'Art des façades à Bruges (*). Il nous apprend que le plus 
ancien pignon à gradins se conserve rue de Cordoue (maison de 
Stuer, 1518). Mais les documents graphiques attestent, que les 
gradins remontaient jusque vers 1430. Ils sont généralement 
établis à raison de deux retraits environ par travée de fenêtre, 
et ils n'ont qu'une brique d'épaisseur. 

Mais la maison brugeoise présente une particularité plus ori- 
ginale et plus importante que ses gradin, un dispositif qui en fait 
l'archétype de la construction en briques, et a fourni à l'art 
moderne une de ses plus fécondes applications traditionnelles, 
grâce à l'initiative du baron Béthune On ne l'a peut-être pas 
assez compris jusqu'ici. 

Dans la Flandre occidentale tout entière s'est développée de 
bonne heure, comme dans le Nord de l'Allemagne, une architecture 
civile et religieuse en briques, rationnelle, économique et gra- 
cieuse, parfaitement appropriée à la technique de la terre cuite. 
Les constructions brugeoises de la première époque sont caracté- 
risées par des travées de fenêtres superposées dans un retrait 
vertical du mur de face, de manière à laisser entr' elles des mas- 
sifs, trumeaux montants, sortes de piles destinées à recevoir les 
charges des étages ; c'est tout l'opposé de l'ordonnance des pans 
de bois, qui procèdent par zones horizontales. 

Il est de règle, au moyen-âge, que les baies soient ébrasées ; 
elles le sont ici de manière aisée, par le moyen de moulures 
ou plutôt de simples chanfreins donnés à la brique au moulage ; 
l'ébrasement est d'autant plus efficace, que les jours sont ouverts 
dans une paroi établie en retraite sur le nu général du mur, 



(1) Grand in-4°, 60 pp. XVII pi et 40 photogr. Bruges, Vande Vyvere, 
1902, prix 7 fr. — Etude fouillée, détaillée, d'une extrême précision. Tous les 
vestiges d'art domestique sont inventories et classés dans le précédent 
ouvrage (Y. Revue de Vart chrétien, an. 19 2). 



retraite encadrée d'une seconde saillie chanfreinée ; celle-ci 
traverse les étages, et s'amortit tout en haut en une décharge 




cintrée, qui couronne chaque travée verticale de baies. 

Simple à l'origine, celle-ci se dédouble bientôt en deux arceaux 
aveugles s'appuyant sur une console au droit du meneau médian 



(1) Cliché extrait de L'art des façadu à Bruges, par M' 
Duclos, dessin de ) "architecte M r H. Hostk. 



— 92 — 

de la fenêtre (*). Plus tard le tympan de l'arcade se garnit de 
fenestrages aveugles trilobés (* 2 ) et plus complexes, exécutés en 
briques taillées avec une habilité remarquable. Les maçons 
préparaient d'avance, durant le chômage de l'hiver, ces lobes 
rayonnants et flamboyants destinés à former la riche parure des 
façades. C'est Jean Van de Poêle, qui paraît avoir pratiqué le 
premier cette innovation, à l'Hôtel des Orientaux (1478). Ce 
genre de décor, traité par les maçons brugeois avec une véritable 
virtuosité, fleurit vers 1500 et disparaît vers 1520. 

Le système de travées montantes de fenêtres comprises sous 
une seule décharge se voit notamment à un triple logis de la 
rue de Jérusalem, dont la façade réalise l'ensemble le plus 
complet à Bruges ( 3 ). On le trouve appliqué exceptionnellement à 
une façade privée, celle de l'ancienne maison du Tonlieu 
en 1470, à la maison « den grooten Mortier »,quai Spinola,et à 
celle nommée « de Munte » , rue Flamande. C'est ce système 
essentiellement rationnel, qui transforme les espaces entre les 
fenêtres en véritables piles appelées à supporter les charges 
internes, qui favorise par l'ébrasement l'entrée de la lumière, et 
qui marque vivement sur la façade les lignes maîtresses par les 
saillies ingénieuses et délicates de la brique. Aussi faut-il louer 
hautement M e Jean Béthune et son école de l'avoir remis en 
honneur dans la construction moderne. 

& ^ & 

Tel est le type primordial de la construction brugeoise. Les 
façades, dans leur ensemble, offrent trois dispositifs pincipeaux : 
le grand pignon trilobé imité du gable de bois ; les murs goutterots 
crénelés, à lucarnes maçonnées, avec pignon latéral ; la bâtisse 
carrée en forme de donjon. Ce fut le type des maisons de la 
Hanse, hôtel des Castillans, des Génois, des Florentins, etc. 



(1) Maison des Maréchaux. 

(2) Maison place VanEyck, maison rue des Halles, 8 (1570). 

(3) V. Van Ysendyck, Documents classés, litt. M. pi. 3. 




M nie on de» Cordonniers, rue des Pierres (']- 

Au début du XV* siècle s'accentuent la prédominance des 
lignes verticales, la superposition des fenêtres dans des travées en 
retraite, entre deux chanfreins réunis par le cintre terminal. 



(1) Cliché extrait de L'art dt* façade» à Brvgtt, par M r le Chan. A. 
Doclos, dessin de M r l'architecte H. Hoste. 



— . 94 — 

Le système se dédouble vers 1500. Comme pour réaliser une 
idée d'unité, les maçons d'alors imaginèrent de réunir deux 
travées sous une arcade; appliquée à un pignon, celle-ci enveloppe 
la fenêtre unique du grenier, et le retrait chanfreiné dessine des 
deux côtés une contrecourbure. On peut voir ce dispositif caracté- 
ristique aux maisons de la rue Ste-Anne, de la Grand'Place, 
à la maison voisine de Tonlieu, etc. W. Le trumeau médian ne 
reçoit désormais plus rien et meurt dans le vide, ordinairement 
amorti par un triple gradin (V. maisons rue Flamande, rue 
St. Amand, Place Memling, marché au Fil, Café de la Civière, 
rue des Tonneliers, Grand'Place, etc.), exceptionnellement terminé 
en cœur (V. p. 89). 

Ce système, inauguré en 1520 par Jean de la Marck( 2 ) au 
pignon du bureau de l'Etat civil, marque la décadence tout en 
accentuant le caractère hardi et élégant du style brugeois, qui 
tire de la brique le parti le plus imprévu. Cette ligne sinueuse se 
repète aux deux étages du pignon du Franc, qui date de 1532. 

Aux exemples précédents il faut encore ajouter le pignon de 
la maison de St-Sébastien (1573), où la travée médiane se ter- 
mine curieusement en demi cercles, et la maison de la rue 
de l'Eeckhout, bâtie vers 1580, où Ton remarque une certaine 
décadence. 

Parfois le trumeau médian, au lieu de s'amortir, interrompt 
la sinuosité, comme on le voit à la maison des Cordonniers, 
rue des Pierres (1527), et à des pignons rue Pourbus, marché au 
Fil, rue des Tonneliers, etc. 

& & & 

Nous avons dit plus haut, que la construction brugeoise en 
briques n'a pas entièrement échappé à l'obsession de la charpen- 
terie, et que le grand cintre trilobé, souvenir du gable en bois, 
se montre notamment à l'hôtel Gruuthuse. 



(1) V. Van Ysbndyck, Documents classés, litt. M, pi. 2. 

(2) Chan. Duclos, ouvr. cité. 



Nous sommes ici en présence d'un cas de transposition d 




Maison de la nie de l'Ane aveugle ('). 

formes, qu'il serait peut-être rigoureux de condamner, en ce 
sens qu'on peut y voir une forme décorative réalisée selon la 
caractéristique de la brique. 



(1) V. VAN YSENDYCK, Documents classes, lîtt. M, pi. 88. 



A partir du XVI* siècle la façade brugeoise subit une évolution. 
La superposition des étages se traduit par la division en zones 
horizontales, où les 
fenêtres se rangent à 
distance, comme on 
le voit notamment à 
la jolie maison de 
la ruo des Poisson- 
niers, del'Aneaveugle 
[1570)0) (V. p. 95) 
et à celle encore toute 
gothique du coin de la 
rue St- Jacques 

A yi v la Renaissance 
la division deviendra 
plus radicale par la 
présence de cordons 
larmiers courant entre 
les étages, comme à 
la maison des Trois 
Cygnes et à la maison 
de la rue du Fil( 8 '. 
A présent les fenês- 
trages font place, sous 
la décharge, à des 
bas-reliefs en pierre ( 3 ), 
comme à la maison 
du coin au parvis de 
Saint-Sauveur. Bien- 
tôt interviendront des 
motifs plus classiques 
dans la façadu brugeoise, et, comme la gantoise et les autres, 
elle perdra graduellement son caractère autochtone. 




M utoo des Trois (.'Jkoss à Hra^s. 



(1) V. COLINBT elLQRAN. Rates de notre art nationale, pi. 79. 

(2) Id rec. cité, p. 13. 
(3; Ibid , pi 40. 



— 97 — 



Finalement les décharges seront surbaissée et noyées comme 
dans la façade de la rue aux Loups, si bien restaurée par feu 
De WulfW, dont l'exposition gantoise exhibe d'intéressants 
dessins, grâce à la gracieuse obligeance de M me V e De Wulf . 



sfc î£ & 



Tpres, Furnes et Nieuport. 

Le type brugeois a suscité des imitations isolées, même loin- 
taines, notamment à Damme, à Roulers, à Saint-Omer et à 
Béthune, ainsi qu'à Tournai, dans la façade en pierre de taille de 
la rue de Paris ; il ne faut y voir, malgré la richesse de cette 
construction cossue, qu'une médiocre copie de formes peu propres 
aux matériaux mis en œuvres ( 2 ) (V. p. 56). 

Une meilleure application du style brugeois se voit à une 
importante façade en briques de la pittoresque Grand'-Place de 
Furnes, marquée du millésime 1 624 ; elle offre quatre travées 
montantes, aux sveltes trumeaux, réunies dans un vaste pignon 
à gradins, sous une décharge sinueuse. Le Pavillon des Officiers 
présente aussi un exemple systématique de la grande travée 
verticale. 

& & & 

Vers le littoral, à Ypres, à Furnes, à Nieuport, à Poperinghe, 
domine le ton jaunâtre de la brique locale, et les rues en 
reçoivent une physionomie plus mélancolique, ce qui ne fait 
que mieux ressortir la finesse élégante des lignes et des détails 
amoureusement ouvrés. 

Parmi les maisons d'Ypres, les unes, en briques roses, sont 
pimpantes et gaies; d'autres, en briques jaune-gris, rachètent 
leur tonalité plus terne par la nervosité de leurs nombreuses 



(1) V. L'Emulation, année 1900. 

(2) La ville de Bruges elle-même a quelques façades en pierres du style de 
la briques, notamment l'hôtel de Tonlieu, la maison de la rue d'Argent. 



— 98 — 

saillies et retraites, et surtout par le piquant du décor de leurs 
décharges. 

Ce qui caractérise les façades en briques qui alignent leurs 
pignons mouvementés dans les rues pittoresques de cette ville, 
c'est la prédominance de la division par étages ; c'est ensuite le 
profil mouluré qui est donné aux briques à la place du simple 
chanfrein ; c'est encore le tracé des cintres surbaissés des déchar- 
ges en anse de panier W. C'est surtout l'importance donnée aux 
fenêtres qui percent le triangle du pignon pour éclairer le 
comble, ainsi qu'on le voit à l'ancien Hôtel de GandC 2 ) (rue des 
Chiens) restauré et occupé par M r le D r Dierickx, à la façade 
gothique de la rue d'Elverdinghe n° 33, à la façade de la 
« Fondation Lamotte », à une maison rue de Lille n° 106; 
à l'Hôtel de Gand, les décharges sont encadrées de larmiers 
cintrés. 

A la renaissance, la fenêtre du grenier embrasse presque 
tout le pignon. Elle perd ses croisillons, elle s'accoste de pilas- 
tres, de gaines, d'amortissements enroulés ; elle est surmontée 
régulièrement d'une décharge en plein cintre, dont le tympan est 
garni d'une coquille ; cette décharge est elle même surmontée 
d'un fronton courbé. La coquille est admirablement façonnée en 
relief, à l'aide de briques taillées avec une angélique patience. 

Ces fenêtres appelées tabernacles, apparaissent non seulement 
dans les pignons, mais encore aux lucarnes maçonnées qui 
dépassent le mur goutterot, comme à la Conciergerie. Nous 
citerons, comme exemples des pignons à tabernacle, la maison 
des Corporations, marché au Foin, la maison des Bateliers, 
Marché au Bétail, une maison du marché au Bois, un petit 
pignon contigu au Musée, deux autres contigus à la Conciergerie 
et datant de 1633, etc., et celui du marché au Bois, la maison 
« Au Jardin public » (1675). 



(1) Voir maison dite Au Jardin publie, maisons du vieux marché au Bois 
n° 30, n° 47. maisons voisines de l'Hospice Belle rue de Lille, maison rue de 
Boesinghe n° 2. Voir Van Yzbndyck, ouvr. cité, pi. 39. 

(?) V. Van Tsbndtck, Documents classés, litt. M, pi. 41. 



La plus riche des façades d'Ypres est sans contredit celle de la 




maison Biebuyck (1544) marché au Bétail, mais c'est un type 
étranger à Ypres et d'influence brugeoise. 

Une aulre maison du quai au Bétail offre une allure originale 
avec ses baies ajourées et aveugles, d'un style flamboyant qui 
rappelle la partie supérieure du double pignon de la Boucherie. 
On en voit deux rue de Lille, près de l'Hospice Belle, qui sont en 
briques de deux couleurs joliment imbriquées W. 

Marché au Bétail on remarque le groupe de trois anciennes 



(1) V»n Ysendvcr, ouvr. cité, pi. 7. 



- 100 — 

maisons de corporations vraiment typique; Tune est gothique ayec 
des trilobés et des flammes sous les décharges; une autre, mar- 
quée du cachet de la Renaissance, avec un entablement à la base 
du pignon; une troisième, portant l'emblème des Bateliers. 

L'hôtel dont M. Merghelinck a fait un très riche musée d'art, 
est un très intéressant type local du style LouisXVW. 

La Grand'Place de Furnes (2 ) offre une série de pignons délica- 
tement ouvrés, à décharges moulurées, à fenêtres à tabernacle ; 
la plus jolie façade au genre est celle de la droguerie du Cerf, 
marquée par ses ancrages au millésime 1706. L'hôtel de ville 
lui-même a de jolies fenêtres de l'espèce, ainsi quo des maisons 
voisines du Palais de Justice et l'hôtel de la Noble Rose. 

La contrée est très riche en clefs d'ancres très ouvragés. 

A Nieuport l'hôtel de YEspérance présente deux grands 
pignons à gradins, avec des fenêtres aux tympans ornés de jolis 
reliefs en briques. Au n° 85 de la rue Longue se trouvent deux 
pignons typiques, portant les millésimes 1623-1629, Dans tous 
ces pignons s'étale la savoureuse fenêtre à tabernacle avec 
l'écaillé. 

La maison dite d'Albert et d'Isabelle ou Dunnenhuis a une 
fenêtre lucarne à ailerons, indicatrice de la renaissance, en même 
temps que des vestiges du XV e siècle. 

& & & 

Il nous reste à insister sur l'art exquis, qu'ont déployé les 
maçons flamands dans l'emploi décoratif de la brique. Lés fenêtres 
à tabernacles d'Ypres et de Furnes, dont nous venons de parler, 
sont dès merveilles à cet égard, de même que les fenestrages aveu- 
gles si variés qui garnissent le tympan des décharges à Bruges, à 
Ypres et à Furnes. Le double pignon de l'Hôtel de Gand à Ypres, 



(1) Il fut bâti environ 1775 par l'architecte HUois Th.-Pr. Gombert, et 
décoré par différents artistes lillois, notamment par le sculpteur A.-J* Dele- 
dicque. 

(2) Van Ysendyck, ouvr. cité. Lucarnes, pi. 2* 




Maisons des Hospices. 



Dnnnenhois k Sieapot- 




— 102 — 

offre des gradins en briques profilés en consoles avec la même 
pureté que des pierres taillées, et ils sont terminés par des pinacles 
spiriformes tournés avec une habilité rare. 

Les Flamands ont fait aussi quantité de souches de cheminées 
rondes, garnies de cannelures en hélice; on en voit à Bruges 
et Ton en conserve un spécimen au Musée lapidaire de Gand, 
provenant de l'ancienne maison Vydt, rue des Régnesses. Des 
chefs-d'œuvres dans ce genre, sont les gracieux pinacles qui 
garnissent le triple pignon qui se dresse le long du canal du 
Franc à Bruges, et ils sont encore surpassés en délicate élégance 
par une bretèche, datant de 1514, qu'on voit rue Flamande en 
saillie sur le canal C 1 ). 

Les fenestrages en briques du pignon de la rue de Namur à 
Louvain sont également remarquables et dignes des Flandres( 2 ).. 



Courtrai. 

M. le baron Jos. Béthune, avec MM. de Geyne et Goethals, 
a noté pas moins de 170 constructions courtraisiens anciennes. 
Si Ton compare les anciennes façades aux pignons de Bruges et 
de Gand, on y trouve peu de similitudes, certaines analogies 
seulement avec celles d' Ypres. Rapprochées de celles de Lille^ de 
Tournai, elles offrent une différence plus sensible. Ainsi donc 
chaque ville a bien son cachet du terroir, et c'est ce qui rend 
l'étude de ces modestes constructions plus intéressante. 

Malheureusement les plus anciennes ne remontent qu'à la fin 
du XVI e siècles. Il faut noter surtout l'annexe de la brasserie 
Tack, bien conservée avec ses croisillons et les barreaux de ses 
fenêtres couronnées par un linteau, abritées sous des décharges 
qui sont en cintre brisé au rez-de-chaussée, en anse de panier 
à l'étage. Les suivantes montrent un passage progressif au style 



(1) V. Van Ysendyck, Documents classés, litt. L, pi. 12. 

(2) ld., ibid., litt. M, pi. 20. 



i.i. _. 



— 103 — 

de la renaissance; elles sont à pignon en briques, en pas de 
moineau, avec larges et profondes fenêtres à cintre et en arc 
déprimé, surmonté d'une moulure larmier; l'encadrement dst 
bordé d'une légère chaîne en pierre. 



tir th tè? 

"T* "V *T* 



Renaissance. 

Ce n'est que vers la fin du XVI e siècle, que les pignons à 
gradins se transforment en frontons, plus souvent, cintrés que 
triangulaires, et que Ton supprime les meneaux de pierre qui 
divisaient les fenêtres en croix. 

Une chose intéressante à observer, c'est l'habileté avec laquelle 
les architectes de la renaissance ont greûé les ordonnances clas- 
siques : colonnes, entablements, modillons et cartouches, sur 
la structure médiévale des façades belges. Il y a ici une transition 
douce et une évolution continue qui rapelle celle des palais véni- 
tiens. De même que l'ossature légère des pans de bois avait été 
transformée, avec le minimum de changement, en une hardie 
construction en pierre à piles et arcades appareillées, de même 
ils changèrent très adroitement celle-ci en une maçonnerie d'as- 
semblage de montants et de platebandes, sans altérer la distribu- 
tion des jours ni la proportion générale. Il y a là une continuité 
bien remarquable à travers trois genres de structures appliqués au 
même canevas. On peut étudier ces trois stades à Malines 
mieux qu'ailleurs, en comparant, par exemple, trois façades bien 
conservées : celle des Dutvels (V. plus haut, p. 67), quai aux 
Avoines, le chef-d'œuvre de nos constructions en bois, celle du 
Pavillon belge (V. ibid.), Grand'Place, attribuée au grand 
maître Rombaut Keldermans, et celle des Bateliers, dite du 
Saumon, quai au Sel, l'un des monuments de la première 
Renaissance, ce merveilleux morceau attribué à Jean Borremans 
de Bruxelles. 



-104 - 



La première façade 0) offre une ossature d'ui 
prême, découpée en bandes horizontales qui sont alternativement 
des clairevoifs vitrées et des allèges garnies de bardeaux ; les 
étages offrent des saillies 
soutenues par des goussets; 
le pignon s'abrite sous un 
gable saillant 

Dans la seconde M les 
montants sont des piliers 
légers en pierre blanche, 
appareillés, mais d'une lé- 
gèreté hardie ; les croisil- 
lons en bois font place à 
une menuiserie de pierre 
presque identique ; les en- 
corbellements, réels ou si- 
mulés, sont portés sur des 
arcades de décharges ; le 
pignon est appareillé et 
dentelé. La distribution des 
fenêtres est identique ; à 
peine la membrure est-elle 
alourdie. 

Dans la troisième enfin ( a ) 

rien n'est changé encore à 

l'ordonnance des baies, 

mais la Renaissance a in- 

Maison des Bateliers dite du saumon. sinué des entablements dans 

toutes les zones pleines 

qu'occupaient les décharges ; encore celles-ci sont-elles maintenues 

en partie, mais déformées. Les piliers- trumeaux sont remplacés 

par des colonnes engagées, et les surplombs sont rachetés par 




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(1) V, V»n Ysbndyck., œuvre cité, litt. M, pi. 14. 

(2) tbid., litt. M, pi. 19. 

(3) Ibid., litt. M, pi. 60. 




de la grande Arbalète ik Anvers,