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IMPRIMERIE DE LE NORMANT , RUE DE SEINE, N° 8.
LES MARTYRS
DE LA FOI
PENDANT
LA RÉVOLUTION FRANÇAISE,
ou
MARTYROLOGE
DES PONTIFES, PRÊTRES , RELIGIEUX, RELIGIEUSES ,
LAÏCS DE L'UN ET L'AUTRE SEXE,
QUI PÉRIRENT ALORS POUR LA FOI;
PAR M. L'ABBÉ AIMÉ GUILLON ,
DOCTEUR EN THEOLOGIE DEPUIS Ij8o,
PRÉDICATEUR JUSQU'A LA FIN DE 1790, etc.
Martyres non facit pœna , scd causa.
(S. Aug., Serm. II, in Pi 34, a' >3. )
SECOND VOLUME.
PARIS,
* OCT21T910
CHEZ GERMAIN MATHIOT, LIBRAIRE ,
BUE DU CIMETIÈRE, N" 4, PRES LA PLACE SAINT- ANDRL-DES-ABTS.
MDCCCXXI.
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in 2014
https://archive.org/details/lesmartyrsdelafo02guil
RÉCAPITULATION
EXPLICATIVE
DES DIVERS PRÉTEXTES
QUI SERVIRENT DE MOTIFS
POUR DONNER LA MORT A NOS MARTYRS,
SOIT TUMULTUAIREMENT, SOIT JURIDIQUEMENT QU LÉGALEMENT.
C'est dans les motifs avec lesquels les persécuteurs
ont essayé de justifier leurs meurtres, qu'on doit cher-
cher à reconnoître , parmi leurs victimes , celles qui ont
été immolées en haine de la Foi. Mais, comme ils
ont employé de nos jours, de même que dans les pre-
miers siècles de l'Eglise, des formules d'accusation qui
tendoient plus ou moins à déguiser cette haine , il est
nécessaire , avant tout , de connoître d'une manière bien
précise les véritables sens de ces diverses formules. Dans
l'explication que nous ne pouvons nous dispenser d'en
fournir, nous mériterons d'autant mieux la confiance
des générations futures, comme de la génération pré-
sente , que , sans crainte d'être démenti par qui que ce
soit, nous venons donner cette explication sous les
yeux , avec le suffrage des contemporains de la persé-
2. i
( 3 )
cution : disons plus, avec l'aveu même de ses auteurs,
dont les amis, les complices et les adeptes ne sauroient
nous contredire.
Dans les premiers jours de la révolution, trop im-
patiens de se débarrasser des prêtres et même des laïcs
qui monlroient un zèle courageux pour la défense de
l'antique religion de la France, ces persécuteurs ne se
laissèrent pas le temps de recourir à des formalités ju-
diciaires. Il leur parut suffisant et plus expéditif de sus-
citer contre ces soutiens de l'autel, ainsi que du trône,
quelque secte ennemie, ou une populace ignare, per-
verse et brutale, dans laquelle se mêleroient des assas-
sins chargés de les détruire pendant qu'elle-même , dans
son aveugle férocité, les appelleroit aristocrates (i).
Suivant les fausses idées qu'on lui avoit perfidement
suggérées, cette qualification plus que néologique, si-
gnifioit : « Fauteurs du despotisme , partisans de la ty-
rannie, ennemis du peuple et de sa liberté ». Ils ne
l'étoient tout au plus, à le bien prendre, que de cette
licence horrible , impie et meurtrière , dont les nova-
teurs enivroient la multitude pour que , dégagée de tout
frein , elle concourût avec frénésie , à l'accomplissement
de leurs affreux projets. Ces prêtres et ces fidèles ne
pouvoient, après tout, passer pour les contrarier, qu'en
ce qu'ils tâchoient, l'Evangile à la main, de conserver
parmi le peuple la salutaire pratique d'une religion
(1) L'archevêque de Paris, pour nous borner à un seul exemple
choisi entre mille, M. Leclerc de Juigné, l'un de nos prélats les plus
charitables, fut assailli et poursuivi à coups de pierres, le 24 juin
1789, par ce même peuple que , dans l'hiver précédent, il avoit
soustrait, par ses immenses aumônes, aux horreurs de la famine.
( 3 )
céleste dont la croyance et les pre'ceptes ont tant d'ef-
ficacité pour contenir ses passions dangereuses, et de
l'empire de laquelle, pour cette raison-là même, les
réformateurs s'efforçoient de l'affranchir.
Les vues de ceux-ci étoient donc encore plus infer-
nales que ne Tavoient été celles des préfets et procon-
suls que l'empereur Dèce avoit envoyés, vers 25o , dans
la province d'Antioche , et qui s'y prirent de la même
manière à l'égard des chrétiens. Dumoins ceux-ci
avoient-ils, indépendamment de l'odieux mérite de
l'invention , l'excuse du maintien de l'ancienne reli-
gion du prince et de l'Etat, ne voulant pas que celle des
chrétiens, qui étoit récente, prévalût sur elle. Nos per-
sécuteurs qui vouloient au contraire substituer au règne
de l'antique religion nationale , celui d'une monstrueuse
irréligion , ne surent que se traîner sur les vestiges san-
glans de ces vieux modèles. « C'étoitpar des écrits im-
pies qu'ils avoient commencé à exciter le peuple contre
les prêtres et les vrais disciples de l'Evangile. Ils les
faisoient poursuivre par des furieux qui exigeoient d eux
certains cris sacrilèges, et les assassinoient quand leur
voix se refusoit à les proférer (i). Dans les villes où
(1) Infaustus quidam votes comrnoverat atque incita verat
adversàs nos gentitium turbas , ad intiatam genti super stitio-
nem animas eorum incendens. Ah hoc igitur homines stimulati ,
omnemque ad patranda scelera Ucentiam nacti, liane soiam
pietatem cullumque dœmonum suorum existimabant , si cœdi-
*bus adversus nos sœvirent Porro nusquam , non per viam
publicam , non per angiportus incedere, aut noctu aut inter-
dià nobis ticebat; cùm omnes ubique et assidue ciamitarent :
Quicunque impia Ma verba proferre abnuisset, eum ilico
Xrakendxmx esse , et flammis uitricibus absumendum. Et bat*
( 4 )
s'exerçoient de telles violences , il ne leur éloit presque
plus possible de se montrer dans les voies publiques
sans crainte d'y être massacrés. Leur domicile même
ne fut pas à l'abri de la rage des impies. Ils sembloient
être dans une cité prise d'assaut par un implacable
ennemi ; et ce déplorable état de choses , empirant
chaque jour, dura long-temps (i) ».
Nos persécuteurs , devenus ensuite maîtres du pou-
voir, ne tardèrent pas à se créer un moyen d'agir léga-
lement contre les évêques et les prêtres dont la fermeté
dans la Foi opposoit tant de résistance à leurs desseins.
Ce fut de les réduire à une espèce d'ilotisme, parla super-
cherie d'une loi qui les mettoit dans la cruelle alternative
ou de trahir leur Foi par un serment anti-catholique ,
ou d'être expulsés des dignités et charges spirituelles
qu'ils remplissoient avec honneur et fruit dans l'Eglise.
Décidés à tout souffrir plutôt que de manquer aux de-
voirs de leur croyance , et ces devoirs-là même voulant
qu'à l'approche de l'expulsion dont ils étoient menacés
ils soutinssent la Foi de leurs troupeaux, les évêques se
hâtèrent de prévenir leurs coopérateurs dans le saint
ministère , et par eux toutes leurs ouailles , des pièges
diutissimè viguerunt ad hune inodum. ( Euseb. Hist. Eccles.
L. VI, c. xli. )
( 1 ) Omnes deindèuno impetu in domos christianorum irruere
cœperunt : et quos quisque sibi vicinos noverat , eos ilico pro-
férantes agebant, spoliabant ac diripiebant : ea quidem quœ
maximè pretiosa essent in sinum suum congerentes; viliora
autem et lignea quoique disjiciebant , ac per vias concrvma-
bant: captœ ab hostibus urbis speciem atque imaginent exhi-
bentes. (Id. Ibid. ) — Voy. ci-devant, tom. I", depuis la pag. 119
Jusqu'à la pag. i3a.
( 5 )
tendus à leur Foi par cette constitution civile du clergé ,
à laquelle on exigeoit si rigoureusement qu'ils adhé-
rassent par serment. Ils disoien t à leurs prêtres comme
autrefois saint Victor à ses compagnons de martyre :
« Vous êtes appelés à partager les combats qu'il nous
faut soutenir pour la cause de Jésus - Christ ; ô vous
qui portez avec nous, dans les phalanges chrétiennes,
les 'glorieuses enseignes de la Foi , sachez que les cir-
constances réclament tout votre courage , et la plus
grande force de votre âme. Gardez en hommes de
cœur , cette fidélité que vous avez promise à celui qui ,
du haut des cieux, règne sur nous tous. L'ennemi est
en présence; le combat s'engage (i). »
La peine infligée à ceux qui avoient refusé le cou-
pable serment, cette peine qu'ils avoient acceptée avec un
héroïque désintéressement, ne satisfaisoit pas la haine
des persécuteurs contre leur Foi , et la satisfaisoit
d'autant moins qu'elle les rendoit encore plus véné-
rables aux yeux des fidèles. Ils recoururent donc à leur
précédent stratagème, et excitèrent derechef contre eux
la brutale fureur de la populace en les lui désignant
comme d'exécrables réfractaires . Désignation atroce-
ment impropre , puisque , s'étant résignés à la peine
temporelle dont le refus du serment devoit être suivi,
ils restoient dans l'obéissance de la loi qui ne l'avoit
prescrit que d'une manière conditionnelle, et qu'ils
n étoient aucunement coupables de cette résistance
(1) O fortissimi commilitones , ô gloriosi certaminis antesig-
nani , opus est animis, opus est tota fortitudine. F idem quant
imperatori nostro promisistisvirililer eustodite. Imminet enim
hostis, adest pugna. (Ruinart : Passio sanetorum Victoris, etc.
n°XII.)
( 6 )
formelle, accompagnée d'opiniâtreté et de mépris, qui
constitue le véritable réfractai re ; mais, désignation
d'autant plus propre à les faire tuer par la populace
que, le mot étant nouveau pour elle, il étoit plus facile
de le lui faire regarder comme l'expression d'un très-
grand attentat contre sa licence qu'elle appeloit liberté.
Aussi lui sembJa-t-il que les prêtres catholiques et les
gens pieux qui leur resloient fidèles, étoient conjurés
contre les intérêts du peuple et même contre l'Etat.
Dans sa fureur alors entièrement libre de tout frein
religieux , et délirant d'une rage infernale , la popu-
lace ne pouvoit plus les entendre lorsqu'ils répondoient
avec le même saint Victor : « Loin d'avoir jamais nui
aux intérêts de la patrie , loin d'avoir cessé de la ser-
vir, nous offrons encore chaque jour à Dieu des sacri-
fices pour sa prospérité ; mais , s'il faut renoncer à notre
Foi, et embrasser vos impies systèmes pour être obéis-
sans selon vos caprices, vous ne l'obtiendrez pas de
nous; et vous pouvez accumuler sur nos têtes toutes les
peines qu'il vous plaira d'imaginer (i)».
Les irruptions violentes que les impies faisoient dans
les oratoires où les prêtres catholiques célébroient les
saints mystères au milieu de leurs fidèles , ne pouvoient
encore répandre le sang des uns et des autres que goutte
à goutte ; et les chefs de la persécution brûloient de le
voir couler par torrens. Une guerre atroce leur fut
(1) Nunquam reipublicœ nocui, non ab ejusme propugna-
tione detraxi. Quotidiè pro soluté totius imperii studiosè sacri-
fîco; quotidiè pro statu reipublicte coràm Deo meo spirituaics
hostias macto Deos vestros sperno , fateor Christum. Quœ-
cunque potestis date supplicia, cumutale tovmeiUa. (Ibid,
fl° VII et X.)
( 7 )
légalement déclarée par un décret de déportation, qui
sembloit ne vouloir que les bannir (i), mais qui au fond
tendoit à se défaire d'eux de la manière la plus expédi-
tive. Cependant, par une nouvelle perfidie, et comme
s'ils voulussent offrir implicitement une transaction à
ceux qu'ils présumoient être déjà las de la persécution ,
et capables de condescendre à leurs vues pour avoir la
paix, s'ils enveloppoient ces vues de quelques légers
nuages, ils proposèrent un nouveau serment, vague
dans les termes, espérant que ceux-ci, pour leur in-
térêt, les inlerpréteroient favorablement à leurs goûts.
Mais ce vague étoit trop bien fixé par les événemens,
et par les intentions notoires des artisans du 10 août,
pour qu'il ne fût pas évident que cette liberté et cette
égalité qu'il falloit jurer de maintenir, et qui avoient
déjà produit tant de malheurs et de sacrilèges , alloient
se porter aux derniers des excès pour consommer la
perte de la monarchie, en consommant la ruine de la
religion (2). La presque totalité du clergé catholique
eut horreur d'un tel engagement, et tournoit déjà ses
regards vers les lieux de la déportation. Beaucoup de
ministres du Seigneur se trouvèrent pour lors ressembler,
sans en avoir la prétention , et par la seule droiture de
leur conscience, à l'illustre évêque de Carthage devant
le proconsul Paterne, vers 258, lorsque celui-ci lui
demanda s'il persévéroit dans la volonté de ne pas sous-
crire à ce que les lois avoient de contraire à sa croyance".
« La volonté qui se dirige par celle de Dieu même ,
est immuable » , répondit saint Cyprien » ; — « dès lors, ré-
(1) Voy. ci-devant, tom. I", pag. i32.
{2) Idem . pag. 5o, noie a. — Pag. 210 et 211.
( 8 )
pliqua le proconsul, vous devez, suivant l'édit des em-
pereurs, aller en exil». — « Eh bien! dirent nos prêtres
avec le saint évêque, nous partons à l'instant (i) ».
Ce n'étoit pas là précisément ce que l'on vouloit,
parce que le départ pouvoit en sauver beaucoup : aussi
cette loi de déportation devint-elle en réalité le signal
du massacre de tous ceux qu'il fut possible d'empê-
cher de fuir ; et le massacre exécuté dans la capitale
se répéta presque simultanément sur beaucoup de points
de la France (2). Ainsi, s'étoit déployée tout à coup en
3o3, la persécution de Dioclétien; et l'on ne sauroit
dire combien de prêtres et d'autres personnes furent
alors immolés dans les villes et sur les chemins pour la
cause de la Foi (3).
La Convention dite Nationale, bien plus brutalement
audacieuse que les deux assemblées de novateurs qui
l'avoient précédée, constitua la persécution elle-même
dominatrice de la France , et lui fournit abondamment
(1) Paternus proconsul dixit : In hac ergô votuntate persé-
véras ? Cyprianus cpiscopus respondit : Bona voiuntas quœ
Deum novit , immutari non polest. Paternus proconsul dixit :
Poteris ergd, secundùm preeceptum Valeriani et Galliani,
exsul ad urbem Curubitanam proficisci. Cyprianus episcopus
dixit : Proficiscor. (S. Cypr. Opéra, A et. proconsutaria, n" I.)
(2) Voy. ci-devant, tom. I", pag. i43et suiv.
(3) Cùm is qui reiigioni nostrœ struebat insidias, parcè
adhuc et rarô sanguinem quorumdam fundere auderet, deter-
ritus, ut credibiie est, multiludine fidelium, et universis simut
betium inferre formidans. Verùm ubi apertiùs se ad bellum
accinxit, diei non potest quot et quantos Christi Martyres in
omnibus tocis atque urbibus passim cernere licuerit. (Euseb-.
Hist. Ecoles. \ . VIII, c. iv. )
( 9 )
des lois, des tribunaux et des agens, propres à la faire
régner par le sang des catholiques, encore plus que des
royalistes. Comme au temps de saint Cyprien , «cette
perse'cution, qui jusqu'alors, en faisant massacrer tu-
multuairement les confesseurs de Jésus-Christ, n'avoit
pu faire prononcer légalement (i), contre eux, qu'une
peine générale de bannissement, parce qu'elle n'avoità
ses ordres que des magistrats ordinaires, eut enfin à sa
pleine disposition des législateurs, des proconsuls déter-
minés qui, comptant les déportations pour trop peu
de chose, en firent dériver, non plus des assassinats
commis dans le désordre , mais une méthodique sura-
bondance de lois de mort et de peines capitales (2) ».
Appréhendant toutefois, au milieu de leur législation
homicide contre les ministres et les disciples de la reli-
gion, cette impression de respect que son nom seul
produit sur les âmes même les plus scélérates, les per-
sécuteurs s'appliquèrent soigneusement à l'exclure des
sentences comme des lois ; voulant que les condamna-
tions s'abstinssent d'en rappeler l'idée, qu'elles allé-
guassent , autant que faire se pourroit, des motifs
politiques , quelque absurdes qu'ils fussent ; que ,
lorsqu'il seroit absolument impossible de n'en pas allé-
guer qui touchassent à la religion, l'on n'en désignât le
saint ministère qu'avec l'odieuse dénomination àcfana-
(1) Voy. ci-devant, tom. I", pag. 214? à la note.
(2) Persecutio à magistrat ibus ordinariis intenta, adexîlium
solurnrnodo processif : proconsul accedens, toruicnta et mortem
addidit. (Sancti Cypriani Opéra, édition d'Oxfort, à la note 2, sur
le commencement de la lettre X de saint Cyprien ad Martyres et
conf essores. )
( io )
tisme, et qu'on ne donnât à la pratique de l'Evangile,
que le nom méprisant de superstition (i).
Par l'effet de la première de ces supercheries, qui
avoit été si fort en usage dans les persécutions anciennes,
principalement dans celles de Dioclélien , il est arrivé de
notre temps, parminous, cequ'onavoitvuen 3o3, dansla
Bithynie , lorsque les prisons s'y remplirent de ministres
des autels, et de fidèles de tout âge comme de tout
(1) «Le grand mot de ralliement contre les prêtres , dit le plus
célèbre littérateur contemporain de cette époque, c'étoit guerre au
fanatisme! Ce cri ne cessoit de retentir dans la Convention, dans
les sociétés populaires, dans tous les actes d'administration, dans
les journaux (soi-disant) patriotiques. Tout ce qui composoit les
comités révolutionnaires des villes et des bourgs, les laquais, les
escrocs, les banqueroutiers, les galériens en un mot, apprirent alors
ce grand mot de fanatisme dont la plupart n'avoient jamais entendu
parler, et qui en effet n'étoit pas de leur langue Faites la revue la
plus exacte de tout ce qu'ont dit à la barre de la Convention ceux
qui, pendant plus d'une année, venoient journellement lui apporter
quelque chose de ce qu'ils avoient volé dans les églises; jamais un
seul ne s'eèl servi d'une autre expression que de celle de dépouilles du
fanatisme ; et le bulletin des législateurs, qui nous a heureusement
conservé ces titres de leur gloire, dit toujours: Tel citoyen apporte
des dépouilles du fanatisme; mention honorable. Jamais le mot
de religion n'a été prononcé, ni par les législateurs, ni par les bri-
gands Il y a plus : lorsqu'on a cru devoir rouvrir les églises, la
même réserve a subsisté» (V. ci-devant, tom. Ier, pag. 264 et 267).
•< Le mot de Religion n'est écrit dans aucune des lois qui la concernent :
on se sert partout du mot de cuite. Ai-je tort de dire que le mot de
Religion est effacé de la langue française, au moins de celle qui est
philosophique et républicaine, et remplacé génériquement par
celui de fanatisme» ? ( La Harpe : Du Fanatisme dans la langue
révolutionnaire , ou de la Persécution suscitée parles barbares
du XV III* siècle contre la Religion chrétienne et ses ministres*
Paris . 1 797 . pag. 54 de la troisième édition. )
( '* )
sexe, arrêtés pour de prétendus crimes politiques. On
les condamnoit, sans preuves, à la mort, comme s'ils en
eussent été réellement coupables ; et ils étoient maudits
comme tels par la populace , lorsqu'on les conduisoit
au supplice (i). Dans cette ruse de guerre, nos persé-
cuteurs, malgré tout le génie philosophique dont ils se
disoient pourvus, n'étoient donc pas plus inventifs que
Dioclélien; et, quand ils crurent la raffiner, en suppo-
sant que leurs victimes avoient attenté à la souveraineté
nationale dans leurs personnes , par des outrages ou par
des faits, ils ne faisoient que copier Julien l'apostat >
lequel , « afin de priver du nom et de l'honneur du mar-
tyre », ceux qu'il immoloit à cause de leur Foi, vouloit
que les juges déclarassent mensongèrement , dans leurs
sentences, qu'ils ne les punissoient que pour les offenses
qu'ils avoient faites à son pouvoir suprême (2).
Combien, en effet, combien de nos Martyrs furent:
jugés et mis à mort, de même qu'autrefois le saint
vieillard Apollonius , et tant d'autres des mêmes
temps, comme «perturbateurs de l'ordre social, comme
ennemis de l'Etat, comme conspirateurs, et même
(1) Propositum est edictum, quo cavebatur ut religionis
illius f tontine s tormentis subjecti essent, ex quocunque online
aut gradu venirent.... Contprehensi presbyteri ac ministri, et
sine ulla probatione ac confessionc damnati, cum omnibus
suis deducebantur Pleni careeres erant. (Lactanlius : De
Mortibus Persecutorum. n XIII et XV. )
(2) Ideô enim punitos essedixit , quàd imperatorem coutume-
(ia aff'ecissent, atque hœc ità divuigafi prœcepit , ctim nome 11
atque honorent marlyrii veritatis ai h fetis invidercl. (TheodoriL
Uist Ecoles. L. III, c. xv. )
( 12 )
comme étant des scélérats dignes de toute la vindicte
publique (i) »?
Dans le Poitou , l'Anjou , le Maine et la Bretagne , ils
étoient envoyés au dernier supplice, avec l'infamante
autant qu'injuste qualification de brigands de la Ven-
dée; ailleurs, c'éloit avec la non moins inique et plus
perfide dénomination de contre-révolutionnaires. Eh!
combien, surtout à Paris, furent suppliciés sous l'ab-
surde prétexte qu'ils avoient conspiré, dans les pri-
sons mêmes, où, faute de griefs véritables , on les avoit
renfermés comme suspects fVoj. ci -devant, tom. I ,
pag. 21 3), c'est-à-dire comme trop honnêtes gens pour
aimer les crimes de la révolution, et pour approuver
intérieurement les forfaits des dominateurs contre les-
quels, au surplus, ils ne s'étoient jamais soulevés (2)!
Qui ne sait aujourd'hui que ces conspirations n'eurent de
réel que leur supposition imaginée par un des agens du
comité de salut public, jaloux de se débarrasser promp-
tement et par un seul coup , d'une immensité d'irrépro-
chables détenus qu'on ne pou voit condamner pour aucun
délit? L'imposture de ces conspirations ne fut-elle pas en-
suite solennellement dévoilée par un homme qui, sans
doute, rougissoitd'avoirsiégé, comme membre de la Con-
vention , sur les mêmes bancs que les persécuteurs (3) ?
(1) Impium et scelestum et seductorem eum vocans , mutto-
rumque rnortaiium deceptorem , dignumque esse ab omnibus
odio haberi. (Rufin : De Vitis Patrum. C. xix. )
(2) Et quœ (sancta Potamia), tanquam christiana, tem-
porel et tyrannos insectaretur proplcr persecutiones. (Palladius:
Historia ad Lausium. C. m. )
(3) Rapport du député Saladin à la Convention, le 12 ven-
rose an III (2 mars 1795), pag. 3o.
( i3 )
Parmi les conspirations moins fantastiques , dans les-
quelles on impliqua tant de personnes vouées à la pieté ,
et d'une Foi incorruptible, il n'en étoit presque point
qui, dans leur portion de réalité, ne fût aussi l'œuvre
insidieuse des persécuteurs eux-mêmes (/^ oy . au tom. I ,
pag. 4o5). Tel autrefois Galère, pour exciter l'empe-
reur Dioclétien aux plus extrêmes cruautés contre les
chrétiens, fit brûler son palais, en leur imputant le
crime de cet incendie (i).
Il y eut pourtant, dans notre persécution, des sen-
tences qui furent motivées d'une manière moins vague
que les précédentes ; mais les motifs exprimés dans ces
dernières ne sont pas encore exempts de toute équi-
voque ; et il pourroit en résulter que , dans la suite des
temps, on les trouvât susceptibles d'une interprétation
défavorable aux victimes, si nous ne les renfermions
pas dans le sens qu'ils avoient alors. Au nombre de ces
motifs de condamnation à mort, sont : i°. l'accusation
de réfractaire , employée uniquement contre les prêtres;
et 2°. celle de fanatique , en usage, non seulement
contre eux, mais aussi contre les simples fidèles.
i°. Le réfractaire de 1793 et 1794 n'étoit pas cou-
pable d'autre délit, si c'en étoit un, que d'être resté en
France pour les besoins spirituels des catholiques,
malgré la loi de déportation qui l'avoit banni comme
insermenté, c'est-à-dire comme invariablement atta-
( 1 ) Nam , ut ittum ad propositum crudelissimœ persecutionis
impelleret, occultis rninistris paiatio subjecit incendium. Et
cum pars quœdam conflagrasset , christiani arguebantur, ve-
lut hostes publiai, et cum ingenti invidia simul cum paiatio
céiristianorurn nomen ardebat. ( Lactantius : De Mortibus Perse-
cutorum. n° XIV. )
C i4 )
ché à la Foi. De même que ce saint Martyr Théodorit ,
prêtre de l'église d'Antioche, qui, lorsque le comte
Julien, oncle de l'apostat et apostat comme lui, meltoit
en fuite les ministres du Seigneur, et fermoit les églises,
après les avoir pillées, resta dans la ville pour le salut
de ses frères , nos réfractaires n'éloient aussi demeurés
parmi les leurs, que pour les faire participer aux saints
mystères , les entretenir dans la piété , et offrir avec eux,
au Seigneur, des prières propres à le rendre favorable
à la France (i). Mais ils avoient désobéi à une loi d'ini-
quité ; et dès lors ils étoient condamnés à la mort , pour
ce manque d'obéissance, qui n'étoit cependant pas une
de ces oppositions explicites qu'indique le mot réfrac-
taire, comme celle du Martyr saint Irénée, évèque de
Sirmium, résistant en face à l'ordre que le magistrat
lui donnoit de sacrifier aux dieux du paganisme (2).
2°. Le fanatique , ou provocateur au fanatisme , é!oit
le prêtre qui avoit parlé le langage de cette religion de paix
et de charité dont il étoit le ministre ; et c'est elle-même
qu'on appeloit fanatisme , comme nous l'avons déjà
fait observer. Le célèbre littérateur La Harpe, qui
avoit naguère professé la doctrine des persécuteurs, ne
(1) Audiensvero (Julianus cornes Orientis) ecelesiam Antio-
ehensem muititudinem auri et avgenti habere, quœdam oppo-
nens ctericis , ipsosque effugans, clausit ecciesiam Dei : qui
verà dispersi erant , unusquisque ubi poterat Deo serviebat.
Sanctus verà Theodoritus , suprà memoratœ ecclesiœ presbyter,
non discedeits de civitate , sed congregans sibi quosdam fratres,
sine cessatione coUectam faeiens, acciptabiles Deo fundebat
orationes. ( Mabillon : Analecta, tom. IV.)
(2) Obtemperans prœceptîs, sacrifica dits.... Ireneum INO-
BEDIENTEM prœceptis in fluvium pvœcipitari jubeo. (Bol-
landiani ad diem 25 martii. )
C i5 )
pénétroit pas assez, depuis sa conversion, dans leurs
intentions véritables, lorsque , parlant de la dénomina-
tion injurieuse donnée par eux à la religion , il prétendoit
que « c'étoit par un reste de pudeur que , dans une révo-
lution caractérisée surtout par le mépris de toute pu-
deur, ils s'abstenoient de prononcer le mot religion ,
et que ce reste de pudeur, dont ils ne se rendoient pas
compte, étoit à la fois involontaire et réel. Apparem-
ment, continuoit-il , ce mot seul de religion porte en lui
un caractère si essentiellement sacré, si généralement
respecté, que ceux mêmes qui la fouloient aux pieds,
craignoient d'en prononcer le nom, et ne savoient
comment l'associer aux outrages dont ils auroient voulu
l'accompagner (i)». La vérité est que les persécuteurs,
mieux connus de nous, avoient une volonté très-for-
melle, et aussi librement que profondément combinée,
de s'abstenir de ce mot sacré. Ils savoient trop bien
quels sentimens involontaires de vertu, quelle crainte
d'une vie à venir, il éveille infailliblement dans l'âme
même des plus grands scélérats dont ils avoient besoin
que la perversité ne connût aucune syndérèse qui en
ralentît la frénésie , pour hasarder de leur laisser en-
tendre ce mot presque miraculeux, qui eût pu la décon-
certer. Ce fut donc pour qu'elle usât javec la plus
effrénée licence de tous ses affreux moyens en leur
faveur, qu'ils n'employèrent que le mot fanatisme , qui
étoit d'autant plus irritant pour l'atroce engeance dont
ils se servoient, que, «n'en ayant jamais entendu par-
ler » , comme en convient La Harpe , elle étoit plus
(1) Du Fanatisme dans la langue révolutionnaire , etc. p. 54
et 55.
C 16 )
disposée à s'en faire une autorisation légale aux plus hor-
ribles attentats, contre ceux qu'on lui désignoit comme
fanatiques.
Ils le furent aussi sous la même de'nominalion, avec
les prêtres demeurés catholiques , ceux des assermentés
qui, conservant, par la grâce de Dieu, l'amour et le
zèle de son culte, au milieu des épouvantables débor-
demens de l'athéisme, continuoient d'exercer leur mi-
nistère sacerdotal , depuis que la Convention avoit
proscrit jusqu'au nom de Dieu, et déclaré qu'elle n'en
reconnoissoit plus d'autre que la liberté, avec la raison
pervertie par le crime. Ainsi donc, pour les prêtres,
quels qu'ils fussent, prêcher l'Evangile, célébrer le
dimanche, dire la messe, administrer les sacremens,
étoient autant de provocations au fanatisme ; et, de la
part des fidèles , entendre la messe , participer aux sacre-
mens, pratiquer la religion, en avoir seulement chez
soi quelque signe, étoient autant d'actes de fanatisme ,
dignes de la peine capitale.
Dès lors on comprend quelle fut la véritable cause
spéciale de la mort des prêtres qu'on voit condamnés ,
i°. les uns, «pour avoir pratiqué des manœuvres fana-
tiques , tendant à exciter la guerre civile », c'est-à-dire
à faire que les hommes de la Foi résistassent, ne fût-ce
que moralement, aux hommes de l'athéisme ; 20. les
autres, «pour avoir semé la discorde dans l'âme des
citoyens parles armes du fanatisme », c'est-à-dire pour
avoir prêché que les médians ne sont point dans la voie
du salut, afin d'empêcher les fidèles de s'engager avec
les athées, dans celle de la perdition; 3". ceux-là,
« pour avoir prêché le fanatisme le plus furieux », c'est-
à-dire pour avoir déployé , quoique sans aucuns moyen?
( i7 )
ide violence, etparla seule parole de Dieu, le zèle du pro-
phète roi pour la religion de Je'sus-Christ(i); 4°- ceux-ci,
« pour avoir fait des rassemblemens contre-révolution-
naires , sous prétexte de cérémonies religieuses » ou ,
« pour avoir provoqué à de tels rassemblemens, par des
manœuvres fanatiques », ou enfin , « pour avoir tenu des
conciliabules fanatiques, propres à fanatiser la supers-
tition , en y célébrant des messes , des mariages, etc. »
Dans la première de ces trois dernières accusations , on
parloit, à la vérité, de « cérémonies religieuses »; mais on
évitoit encore de prononcer le mot religion; et celui de
cérémonies avoit alors un sens méprisant qui dégradoit
sa respectable épithète, dont, au surplus, l'expression
généralisée ne rappeloit pas nécessairement à la pensée
la religion catholique en particulier. L'eùt-eîle indirec-
tement rappelée, c'étoit sans inconvénient pour les
persécuteurs , parce qu'ils en avoient déjà fait un objet
de haine publique. Us fortifioient, ils irritoient même
cette haine, en disant que les cérémonies religieuses
avoient servi de prétexte « à des rassemblemens contre-
révolutionnaires », quiétoient le plus grand sujet d'effroi
pour cette populace comme pour eux-mêmes.
Dans la seconde des accusations, les rassemblemens
étoient rendus plus odieux par la cause divine qui les
avoit produits, et les moyens religieux qui les avoient
formés. Ces moyens, disoit-on, étoient des manœuvres
fanatiques . Or, ces manœuvres n'avoient été que les
sentimens de la Foi en action ; et, le plus souvent, ces
(1) Deus Israël,.... exlmneus factus sum fratribus meis
(juoniam zclus domûs tuœ comedit me ; et opprobria exprobraii'
tium tibi ceçiderunt super me. (Psulm. LXVIII. y. 10. )
2
( «8 )
rassemblemcns , prétendus contre-révolutionnaires , n' tu-
toient que des réunions pieuses, en des lieux secrets,
où l'on rendoit à Dieu le culte qu'on lui doit. Comme
elles n'avoient eu d'autre but que de faire des actes de
religion , c'étoient donc ces actes-là mêmes que l'on con-
damnoit dans ces rassemblemens. Les prêtres et les fidèles
qui y avoient été arrêtés, pouvoient s'approprier ce qu'au-
trefois saint Denis d'Alexandrie , surpris dans une réu-
nion de ce genre, et traduit devant le préfet Emilien,
comme auteur d'un rassemblement illégal , racontoit des
vrais motifs pour lesquels celui-ci vouloit le condamner :
« s'il s'abslenoit en apparence de nous inculper direc-
tement sur l'objet de nos réunions, disoit-il, c'est qu'il
lui suffisoit de nous traiter d'ennemis de l'Etat; et nous
l'étions à ses yeux, par cela seul que nous ne professions
pas l'impiété des tyrans. Peu leur auroit importé que
nous nous fussions rassemblés avec calme , et en esprit
de paix, comme nous l'avons fait, si ce n'eût pas été
pour des actes de religion , car ils vouloient par dessus
tout nous empêcher d'être chrétiens (i) ».
Quand les proconsuls eurent, dans leur hideuse fran-
chise, prohibé formellement, sous peine de mort, les
réunions saintes, par cela seul qu'elles l'éloient, de
même que cela se pratiqua notamment en Afrique et
en Syrie, aux temps de Yalérien et de Gallien , de Dio-
clétien et de Maximien (2) ; ce fut alors qu'on vit se
(1) Quippe haudquaquam curabat Mmiiianus ne alios con-
gre g ar cm ; sed id agehat ne ipsi christiani essemus. (Fragment
de lettre, dans Ensèbe ; Hist. Eccies. L. VII, c. n.)
(2) Prœceperunt ne in aiiquibus tocis conciliabuia fièrent,
ncc ccemeteria ingreUiatUur. Si qxiis itaque. hoc prœccptum non
( i9)
multiplier les condamnations motivées par des « conci-
liabulesfanatiques , propres à fanatiser la superstition ».
Et il faut que la postérité sache qu'alors en France,
comme jadis dans les contrées lointaines dont nous
venons de parler, il y eut quantité de prêtres courageux
dont le zèle pour le salut des âmes ne pouvoit être
déconcerté par la menace de mort ; et qui , pour rem-
plir le devoir de leur ministère, réunissoienl, non sans
prudence, en des maisons particulières, tout autant de
fidèles qu'ils en pouvoient admettre , pour célébrer avec
eux les saints mystères , les faire participer aux grâces
de l'Eglise, soutenir leur piété dans les terribles épreuves
où elle se trouvoit, et les disposer à la mort toi mar-
tyre, dont ils étoient menacés. Alors aussi, et sur
presque tous les points de la France , comme en 297
à Samosate , et en 3o4 dans la ville d'Abitine , il y eut
des Hipparque (1) et des Emérite (2), qui, malgré de
observaverit , capite ptectetur. (S. Cypr. Opéra: Acta procon-
sularia). — Temporibus Dioctetiani et Maximiani , beitum dia-
bolus christianis indixit isto modo, ut ritus sacros cœtus-
que sanctissimos celebrari Domino prohiberet. (Ruinart : Acta
sanctorum Saturnini, Dativi, et aliorum Martyrumin A frica ,
n» I.)
( 1 ) Erat iltis in œdibus Hipparchi conclave commode extruc-
tum ; crucemque pinxerant in orientait ejusdem pariete. Ibi ,
antè cruels imaginem [Hipparchus et Philotheus) , converso
ad orientem ore, Domimim Jesum Christum quotidiè septies
adorabant. Accidit intereà ut Jacobus , Habibus, Romanuset
Loiiianus convenirent Sacerdos Jacobus baptizavit eos in
nomine Pat ris et Filii et Spiritûs Sancli, eisque corpus et san-
(fuinem Christi continuo impertiit. (Asseman : A et. Martyr,
Oriental. Partie II, pag. 124. Deseptem Martyribus Hipparcho,
Philotheo, etc. )
(2) Incivitate Abitinensi,, cumbel(ica cancrcl tuba, domi-
2.
( 20 )
semblables menaces, érigèrent ou permirent d'ériger,"'
dans leur maison, des autels autour desquels beaucoup
de fidèles venoient se réunir secrètement, pour célé-
brer les mystères du Seigneur, et participer à la sainte
Eucharistie. En plus d'un endroit ils furent aussi dé-
couverts par l'infatigable recherche des persécuteurs ,
et traînés devant les tribunaux comme l'avoient été les
généreux chrétiens de Samosate (i) et d'Abitine (2);
et en même temps que les prêtres qui présidoient à
ces saintes réunions étoient juridiquement envoyés à la
mort « pour avoir tenu des conciliabules fanatiques » ,
leurs fidèles étoient condamnés avec eux au dernier
supplice , les uns , c'est-à-dire ceux chez qui s'étoient
faites les pieuses réunions , « pour avoir favorisé des
rassemblemens fanatiques » , ou comme « s'étant rendus
auteurs ou complices de manœuvres fanatiques »; et les
autres , c'est-à-dire les assistans , comme « ayant fait
partie de rassemblemens fanatiques et contre-révolu-
tionnaires » : ces deux mots étoient des synonymes
indivisibles.
nica signa gioriosi Martyres (Saturninus , Dativus et alii)
erexerunt in domo Emeriti; ibique célébrantes ex more Domi-
nicum aut domiuica sacramenta. ( Ruinai t : Jeta sanctorum
Saturnini, Dativi, et aliorum Martyrum , n° II. )
(1) Satellites Hipparchi œdes invadunt , ibique septem illos
christianos nacti surgunt omnes , et à satellitibus ducti,
imperatori sisîuntur, etc. ( Asseman, ut suprà. )
(2) A Cotoniœ magistratibus , atque ab ipso statdonario mi-
lite apprehenduntur , Saturninus cum filiis quatuor, et Dati-
vus senator, Emeritus , Thelica, Restituta, Pomponia, Mar-
garita, aliique triginta septem. (Ruinait : Acta sanctorum
Saturnini, Dativi, etç, in Africa, n° II.)
( 21 )
Lorsque tous ces Martyrs avoient comparu devant
les juges, loin qu'aucun d'eux eût nié, ou dissimulé rien
de ce qu'on leur reprochoit , chacun, suivant son rang
dans l'église, s'étoit fait gloire des actes de religion
pour lesquels il alloit être condamné. Les prêtres, à qui
les juges demandoient pourquoi ils avoient enfreint
la loi païenne, avoient répondu avec saint Saturnin :
«Nous en avions une plus respectable à suivre, celle
de Dieu même; et je souffrirai volontiers pour cette
loi sacrée les tourmens qu'elle peut m'attirer » : ré-
ponse divine qu'on ne sauroit assez admirer et louer!
s'écrie l'historien (i). Les catholiques courageux à qui
l'on imputoit à crime d'avoir reçu chez eux leurs frères
pour la célébration des saints mystères, répliquoient sans
timidité : « Nous pouvions d'autant moins les empêcher
d'y venir, qu'ils ne peuvent pas mieux que nous être
chrétiens sans cette célébration (2) ». Enfin, tous les
autres déclaroient avec la sainte liberté des enfans de
Dieu , « qu'ils étoient catholiques , et que , par cela
même , ils n'avoient pu se dispenser de remplir ces de-
(1) Cui proconsul : Quart contrà prœceptum faciebas? Et
presbyter ; Lex sic jubet , (ex sic docet , inquit. O admiranda
satis ac prœdicanda presbyteri doctoris divina responsio ! Legem
sanctissimam etiam in tormentis presbyter prœdicat, pro qua
libentcr supplicia suslinebat. (Ibid. n° X.)
(2) At vero Emcrito : in tua, inquit proconsul, donio col-
icctœ factœsunt contrà prœceptum ? Cui Emeritus Sancto Spi-
ritu inundatus : In domo mea, inquit, egimus Dominicum
(id est celebravimus sacra mysteria). At ilte : Quare permit-
tebas, ait, iltos ingrcdi? Respondit : Quoniam fratres mei
sunt, et non poleram Utos prohibere. Sed protibere, inquit,
illos debuisti. At Me : Non potui, quoniam sine Dominiço
esse non possumus. ( Ibid. n° XL )
( 22 )
voirs de religion, maigre les lois impies qui leur en
avoient défendu l'observance (i)».
Avoir favorisé de quelque manière que ce fût, et par
zèle pour la religion, le ministère des prêtres catholiques ,
sans même le leur faire exercer en sa propre maison,
étoit un délit également digne de la peine capitale : et
voilà pourquoi vous verrez encore des fidèles condam-
nés au dernier supplice « pour avoir, disoit-on , servi
de diverses manières les complots des prêtres , et tous
les excès dont se sont souillés les fanatiques ».
Vous en verrez d'autres envoyés à la mort « pour
avoir soudoyé les fanatiques » ; et c'étoient les personnes
saintement charitables qui, profondément touchées de
la détresse , de la misère extrême à laquelle la révolu-
tion avoit réduit les ministres des autels proscrits , leur
avoient procuré quelques moyens de subsistance. Elles
étoient suppliciées avec eux pour avoir mérité ce té-
moignage qu'au milieu de leurs souffrances, des con-
fesseurs de la Foi avoient rendu au bienheureux Lucien :
« Il nous a fourni des alimens pour soutenir une vie
que d'ailleurs on sembloit avoir chargé la faim de nous
ravir ; et nous lui offrons devant Dieu des actions de
grâces pour des œuvres si glorieuses (2). »
(1) Quœro an coUcctam feceris, si in collecta fuisti: res-
poiule. (Et rcspondil) : Qtiasi christianus sine Dominico esse
possit, aut Dominicum sine christiano cetebraril An nescisin
Dominico christianum , et in christiano Dominicum constitu-
tum, ut nec atterum sine altero valeat esse? Càm nomen au-
dieris , frequentiam Domini disce; et cùm collectam audieris ,
nomen agnosce. Collectam gloriosissimè celebravirnus ; in Do-
minicum convenimus semper. (Ibid. n° XII. )
(1) Ità iaborifrus nostris refrigerium Dominas per Lucianum
( 23 )
Parmi un assez grand nombre de pieux laïcs con-
damnés « pour avoir entretenu des intelligences avec
des prêtres déportés » , les uns n'étoient coupables dans
l'esprit des persécuteurs, que d'avoir étendu leurs cha-
rités jusqu'à ces confesseurs de la Foi, qui, jetés dans
l'exil , dépouillés de tout , y étoient en proie à la misère ;
les autres n'avoient guère eu de correspondances épis-
tolaires avec eux que parce que les ayant eus pour
guides dans les voies du salut, leurs conseils étoient
devenus encore plus nécessaires à ces âmes fidèles de-
puis qu'ils avoient été forcés de s'en éloigner, en par-
tant pour l'exil.
Une très-grande quantité d'autres laïcs, pareillement
de l'un et l'autre sexe, comme les précédens, furent
aussi condamnés à la mort comme « recéleurs ou re-
céleuses de prêtres réfractaires » {V. ci-devant, tom. Ier,
pag. 220) ; et c'étoient ceux qui avoient tâché de les
soustraire aux recherches des persécuteurs , en les ca-
chant dans leur maison. Cette qualification étrange
qu'on leur donnoit n'étoit impropre à ce point que
pour être infamante ; puisque , dans la langue française ,
le recèlement ne s'entend que des choses volées; et que,
compagnon du vol, aussi coupable que lui, il n'est ni
moins odieux, ni moins punissable. On eût dit que les
prêtres catholiques étoient une proie dont les persécu-
teurs avoient acquis la propriété pour s'en repaître , et
qu'on leur faisoit le plus préjudiciable des larcins, en
les dérobant à leur sanguinaire avidité. C'étoit donc
carissimum nobis prœbuit , alïmentnm indeficiens omnibus mi-
nistravit : cujus tam gloriosis operibus omnes apnd Deum gra-
tias agimus. (Ruinai t : Passio SS. Montant , Lucii, etc. a" IX "t.
( H )
par ce terme flétrissant qu'ils désignoient; avec une
basse malice, lacle le plus héroïque de la charité chré-
tienne dans ces affreuses circonstances : aclion admirable
dont Jésus-Christ avoit donné le courage à ces âmes sen-
sibles, en les assurant que «c'étoitle recevoir lui-même
que de recevoir ceux qui éloient proscrits pour la jus-
tice, et que celui qui recevoit le juste en son nom,
recevroit la récompense du juste (i) ». Le droit que
la mort subie pour une aussi belle œuvre donnoit à
la palme du martyre, suffisamment prouvé par cette
promesse de 1 éternelle vérité, a déjà été reconnu dans
notre Discours préliminaire (pag. 33 et 34), et sera
plus amplement développé à l'article de J' Alix.
Lorsqu'on trouvera de nos Martyrs condamnés
seulement comme « émigrés-rentrés » , il faudra bien
remarquer qu'ils ne le furent ainsi, qu'après la victoire
thermidorienne du 27 juillet 1794» et depuis que la per-
sécution avoit adopté les formes astucieuses de l'empe-
reur Julien. {Voy. ci-devant, tom. Ier, pag. 3o et 260.)
Alors, par une ruse à la perfidie de laquelle l'égoïsme
de nos concitoyens les rendit presque indifférens , la
faction, reprenant dans toute sa rigueur l'atroce loi
qu'elle-même avoit obtenue les 21 et 22 octobre 1793
(Ibid. pag. 216), se prévalut de ce que, par les art. V
et XV de cette loi (Ibid. pag. 217 et 219), elle avoit
fait assimiler les prêtres , antérieurement forcés à la dé-
portation, aux laïcs qui, ayant émigré volontairement,
étoient condamnés à la mort lorsqu'ils rentroient. Elle
(1) Quirecipit vos, me recipit; et qui recipit justum in na~
minejusti, mercedrmjusti accipiet. (Matb. . c. x, f. 40 et4i-)
C *5 )
enveloppa beaucoup de ministres du Seigneur dans
cet homicide stratagème. Ceux-là même qui, s'étant
soustraits à la déportation , avoient échappé au glaive de
la persécution avant le neuf thermidor, furent alors
frappés sous le même prétexte que ceux qui , dans la
trompeuse assurance que la persécution avoit cessé avec
Roberspierre , étoient revenus de l'exil : c'est-à-dire
comme « émigrés-rentrés». Les premiers étoient ainsi
traités , dans la supposition , le plus souvent évidemment
fausse, qu'ayant été sujets à la déportation , ils l'avoient
réellement subie, et étoient rentrés, comme les seconds,
avec le caractère de réprobation que la révolution atta-
choit au nom $ émigré; et les seconds ainsi que les pre-
miers, périssoient au fond pour le même motif que ce
saint Martyr Basile, prêtre d'Ancyre, qui, sur l'invi-
tation de beaucoup d'évêques catholiques réunis en
Palestine, éloit venu ranimer la Foi dans sa province ,
malgré les défenses des Ariens (i).
Quant à ceux de nos Martyrs qui sont morts dans les
prisons, ou en des déportations plus cruelles peut-être
que les échafauds , nous en avons assez dit dans notre
tome Ipr, pag. 34 — 35.
En terminant cette explication des prétextes divers
qui servirent à motiver la mort violente de tous ceux
dont nous allons parler, et avant de présenter la liste
(i) Ab cpiscopis ducentis triyintain Patestina collectis, jus-
sus est fidcntcr ayere, ut qui mayistros haberct viros sanctos...
Profiibitus habero viros sanctos.... Rectam coram Deo vitaiu
ducens , annuntiabatirreprciiensibilem fîdci scrmonem et mut-
tos reducebat ab errore. (Acta, cum Codice vaticano collata, in
JîolkndUti?, ad mensem inailium, n° î. )
( 26 )
alphabétique des articles que nous consacrerons à chacun
d'eux, il importe de prévenir nos lecteurs que lorsque ,
dans ces articles, on en verra où la vie des individus
qu'ils concernent est exposée de manière à montrer
que, par une longue pratique des vertus chrétiennes,
suivant leur profession, ils s'étoient rendus dignes de la
grâce du martyre, il ne faudra pas en conclure que tous
ceux dont nous n'exposerons pas les actions , avant les
temps d'épreuve , n'aient pas eu une conduite aussi édi-
fiante que les autres. Nous avons pu nous dispenser de
la décrire, parce que, dans la question du martyre,
c'est la fin qui décide du droit à la couronne et aux
palmes de la victoire. Il eût suffi à la gloire des pre-
miers de montrer qu'ils sont morts pour la Foi ; et cela
doit suffire également à la gloire de tous les autres.
Non, encore une fois, ce n'est pas légèrement et
par une manière de parler, trop souvent et trop mondai-
nement usitée, que nous les appelons Martyrs. C'est
encore moins par un esprit d'adulation intéressée envers
ce qui survit de leurs familles, puisque la plupart n'ap-
partenoient qu'à des classes obscures et sans fortune ,
puisque toute la génération de leur temps semble en-
tièrement éteinte. Quand on nous a vu combattre
des abus de ce genre (Tom. I, pag. 18 et 20 ); quand
on nous a entendu déplorer les licences peut-être non
moins abusives de ces siècles d'ignorance et de barba-
rie où la reconnoissance de l'ambition satisfaite pro-
diguoit si libéralement les honneurs du martyre à ses
bienfaiteurs assassinés pour des causes politiques (Ibid.
pag. 56 et 57), on a dû prévoir que nous nous tiendrions
en garde contre de pareilles méprises.
La rigoureuse exactitude que nous avons observée
( 27 )
dans l'exposition des règles de l'Eglise à cet égard,
bien qu'elles contrariassent nos anciennes et invariables
affections, que de longues et cruelles épreuves n'ont pu
affoiblir parce qu'elles étoient désintéressées ; cette exac-
titude, pénible à notre cœur, auroit pu servir de .garant
que, dans la pratique , nous ne nous écarterions pas de
ces principes. Ceux par lesquels ils seroient enfreints,
supposé toutefois qu'ils se fussent distingués par une
égale invariabilité, par un semblable oubli d'eux-mêmes,
auroient des sentimens plus vifs que les nôtres, sans
que les nôtres en fussent moins purs, ni moins solides.
Mais , en écrivant , nous n'avons pu nous déshabituer de
la pensée que nous étions encore aux beaux jours de ces
illustres Facultés de théologie qui, supérieures à toute
considération mondaine, eussent condamné quiconque
auroit, fût-ce involontairement, blessé la saine doc-
trine. Si ces corps savans, qui en étoient comme les
dépositaires et les vengeurs, fleurissoient encore au-
jourd'hui, tels qu'autrefois, ils auroient sans doute pré-
conisé des premiers la sainte mort des victimes royales ,
immolées pour des causes politiques ; mais souffriroient-
ils qu'on les qualifiât de vrais Martyrs (i), dans le temps
même qu'on demande ou qu'on prescrit pour elles des
(1) On s'est prévalu d'un passage de l'allocution, plus oratoire que
dogmatique, de Pie VI, de laquelle il a été déjà parlé dans notre
Di*colh» préliminaire (pag. 68); mais, dans ce passage où le pape
n'avoit point dit affirmativement ce qu'on affirme, on auroit dû
remarquer la circonspection du tour des phrases , celle des expres-
sions , et la marche des pensées. Procédant avec précaution, le
Pontife commença par écarter l'idée qu'il voulût faire au monarqu»
aucune application directe de ce qu'il alloit dire : Àt hic inlermitta-
mus aliquaiuùm de Liùlovico loqui. Apré,s cet avertissement, il
( =8 )
sacrifices propitiatoires ? Ah ! si par l'inexactitude de
leur langage, les maîtres en Israël (Joan. C. III. j[T. 10.)
donnoicut, sans le vouloir, occasion de penser injus-
tement que la Foi pourroit être en contradiction avec
elle-même (ce qui troubleroit la croyance des fidèles,
induiroit en erreur ces mondains, si savans dans tout,
excepté la religion, et réjouiroit enfin les philosophes
qui la combattent); qui donc rétabliroit cette Foi divine
dans son harmonique intégrité ?
On pourra d'autant moins nous accuser d'en agir avec
précipitation, quand nous appelons Martyrs ceux dont
nous allons parler, que Rome elle-même, du moins à
l'égard d'un grand nombre, nous y autorisa dans plu-
sieurs circonstances, et notamment encore en 1797.
Quelles approbations ne furent pas données, sous Pie VI,
par les Réviseurs et le Maître du palais apostolique, à
l'admirable Memoriale vitee SacerdoùJis , de M. d'Ar-
visenet, chanoine, et l'un des quatre archidiac; es de Lan-
gres, à la tête duquel il n'avoit pas craint de mettre en
invocation effective , ce que nous ne disons ici qu'en
principes (1)! De P.omc même, et avec l'autorisation
entra dans le récit de la mort de la reine Marie Stuart, et le termina
en rappelant l'opinion de Lambertini, lequel, air-surplus, s'étoit con-
tenté de dire que «PEUT-ÊTRE il ne manqueront, à cette mort, rien
de ce qu'il faut pour constituer un véritable martyre» : NU FOU-
TASSE deerit ex his quee pro vero martyrio sunt necessaria.
Pic VI, parlant de cette conjecture, et s'appuyant de quelques pa-
rités, ne lit que se demander à lui-même «pourquoi l'on n'appli-
queroit pas le même raisonnement au monarque dont il prononçoit
l'éloge funèbre » : Cvr nos eidem non consentiremus pro mar-
tyrio régis Ludovici? Certes, il y a loin de cette manière de s'expri-
mer, a une décision du pape comme chef de V Eglise.
( 1) On en connoîl deux réimpressions faites en France, l'une à Lyon,
( 29 )
du Souverain Pontife , l'auteur, adressant son livre aux
en 1817, chez Rusand; et l'autre en 1801, à Langres, chez Claude-
Laurent Bournot. Dans la préface de l'auteur, adressée ad Saccrdotes
Gallicanos , il avoit ajouté quelques phrases de consolation aux inser-
mentés qui, par une rétractation suffisante, étoient rentrés dans le
sein de l'Eglise. Auparavant elle consistoit presque entièrement dans ce
que nous allons en citer. La première édition avoit été faite à Constance ;
il y en eut une nouvelle à Venise, en 1795, apud Laitrentium Ba-
siiium (et nous avons aussi celle-là sous les yeux). Dans l'inter-
valle , il s'en fit une à Londres, chez Longchamp. L'ouvrage ayant été
déposé aux pieds du pape, en 1797, 'a réimpression en fut alors au-
torisée à Rome, d'une manière infiniment honorable, et presque dog-
matique. Les approbateurs furent Fr. Xav. Passer i, archevêque de
Larisse, vice-gérent (vicaire du vicaire du Pape) ; Laurent, chanoine ;
Lauri, réviseur; Fr. Thomas- Augustin Pellini, de l'ordre des Frères
prêcheurs, et réviseur. Le maître du sacré palais apostolique qui , sur
leur témoignage, accorda le reimprimatur, étoit Fr. Vincent Pani,
du même ordre. Ces témoignages sont conservés, sous le titre (TAp-
fâobationes Romanœ, dans les deux éditions de France, où l'on a
retranché le titre d'EXILE que l'auteur avoit pris dans les précé-
dentes : à Sacerdote Gallicano , diœcesis Lingonensis Exule,
redactum. On n'y lit plus que à Claudio Arvisenet, sacerdote,
Lingonensi. Il avoit d'ailleurs dédié son livre, par une sorte de res-
triction , ad Saccrdotes Gallicanos Exules ; et en 1801 , étant rentré
en France, il l'adressoit d'une manière générale ad Saccrdotes Gal-
licanos. Ce qui est très-remarquable , c'est que ce Memoriale, avec
sa préface, avoit été fort loué, en 1800, dans les Annales qm, sous
la qualification de philosophiques, morales et littéraires, étoient
la suite des A nnales catholiques ( tom. II , pag. 237 ) ; il le fut encore
en 1804, dans le même journal continué sous le titre à' A nnales litté-
raires et morales (an XIII de la république, tom. II, pag. 211); et
il ne l'a pas moins été en 1 8 19 et en 1 820, dans lacontinuationdes mêmes
Annales, sous la dénomination de l'Ami de la Religion et du
Roi (tom. XVIII, pag. 4o3; et tom. XXIII, pag. 5o4), quoique,
dans cet ouvrage périodique, on annonce chaque année, comme une
chose régulière, les messes expiatoires qui se célèbrent dans l'église des
Carmes, en mémoire des Martyrs qui y furent massacrés pour la Foi,
le 2 septembre 1792. {Voy. Discours préljm. pag. 83etsuiv. )
( 3o )
prêtres de l'Eglise gallicane qui échappoient à la perse-
cation , et n'ayant à leur parler que de ceux de leurs
confrères qui y périssoient pour la religion, leur disoit
avec assurance : « Puisque Dieu, le père de N. S. Jésus-
Christ , a glorifié ceux qu'après les avoir soumis à la
persécution, il a justifiés dans l'effusion de leur sang
pour la Foi , il nous est permis , non simplement de jeter
des fleurs sur les tombes et les cendres de ces Martyrs,
mais encore de les invoquer. Bienheureux prêtres! et
prêtres trop fortunés, dont beaucoup ont été sauvés
dans un instant, en un clin d'œil, et presque pour rien,
par la générosité du Dieu des miséricordes ! Heureuse
adversité de la persécution, qui leur a procuré une si
giande récompense et une si belle palme! Heureuses
humiliations , qui leur ont acquis tant de gloire ! Heu-
reuses prisons, par lesquelles ils sont entrés dans l^s
palais de la cité céleste ! Heureuse mort , qui leur a
donné une vie éternelle » ! Pater DomininostriJesu Christi
GLORIFJCAVIT quos in persecutione vocavit, et in
effusione sanguinis pro fide JUSTIFICAVIT. Liceat
hic flores aliquot super M AR TYR 11 M nostrorum tumu-
los et cineres conjicere. O BEA TU 6 felices niiriis sa-
cerdotes illi quos misericordiarum Dominus sic in mo-
mento, in ictu oculi , et quasi pro nihilo SALF~OSfe-
cit ! Félix tribulatio persecutionis , quee contulit illis
TAN TA M PALMAM remunerationis ! Beatœ contu-
meliœ, quœ fuerunt illis causa GL ORIJE ! Beati carceres,
per quos SUPERNA PAL ATI A ingressi sont! Beata
mors , quœ VITAM ipsis donavit jE TERNAM{\) !
Prenant alors le langage de l'invocation formelle
(1) Prœfatio ad Sacerdotcs Gatlicanos Exuies. Pag. 4-
( 3i )
qu'on permet si difficilement à Rome, l'auteur s'écrioit
avec autant de confiance que d'enthousiasme : « O pères
saints, ô frères très-glorieux, qui maintenant comblés
de délices environnez le trône de l'Agneau ! jetez du haut
du ciel vos regards ici-bas ; et envoyez des secours à vos
anciens confrères, à vos anciennes ouailles , à vos précé-
dens concitoyens ! Hélas ! nous sommes encore dans les
épreuves et les combats, tandis que vous vous reposez
dans la douce joie du Seigneur. Aidez , aidez-nous par vos
prières! »> O patres SANCTI! ôfratres GLORIOSIS-
SIMI, qui NUNC Agni thronum LMTI circuitis ,
RESPICITE DE COELO, et OPEM vestris confra-
tribuSy vestris ovibus , vestris concivibus MITTITE.
Ecce adhuc inter pugnas et prœlia sumus , dàm VOS
IN JUCUNDITA TE QUIESCIT1S. Nos precibus
JUVATE{x).
« Oh ! combien , ajoutoit cet ecclésiastique plein de
lumières et de Foi, combien nous sont nécessaires les
suffrages de nos saints Martyrs! car notre course n'est
pas encore achevée: et, quoique nous ayions certaine-
ment beaucoup souffert, nous ne sommes pas encore
entrés dans cette cité du Dieu vivant, dans cette Jéru-
salem céleste où sont maintenant ceux de nos confrères
que Dieu a glorifiés par le martyre. Nous ne pouvons
nous réunir auprès d'eux, sans de nouveaux efforts et
de nouvelles grâces. Les efforts dépendent de nous ;
mais les grâces viennent du ciel : et c'est principale-
ment par l'intercession de ces Martyrs , qui furent nos
confrères , que nous avons plus d'espoir de les obtenir»,
Nunc iterum sermo ad vos, ô venerandi catholico-
(i) Prœfaiio ad Sacerdotes GaUicanos Exulcs. Pag. 5.
( 32 )
romani sacer dotes ! Multa quidem passi estis , sed non~
diim accessistis ad civitatem Dei viventis, Jérusalem
cœlestem.... ubi Pater Domini no stri Jesu Chrisli GLO~
R1FICA 1 TVF quos , etc Cursus enim nostemon-
dum consummatus est. O vere NECESSARIA nobis
SANCTORUM M ART Y RU M nostrorum SUF-
FRAG1A Ci)!
Nous n'ignorons pas que la jalousie de certains pays
étrangers, où la révolution française se déborda, sans
y trouver de prêtres généreusement résignés au mar-
tyre, a cherché, dès 1799, à déprimer la gloire des prêtres
français qui étoient morts pour la Foi; et, par une
conséquence immédiate, le mérite de ceux qui étoient
encore exilés pour elle. Le S. P. Pie VI venoil d'être
enlevé de Rome : son trône étoit renversé, et sa thiare
livrée à la dérision publique des impies {Voj. Pie VI),
lorsque , sous le titre imposteur de Religieux de Salz-
ùourg, des anonymes répandirent une diatribe contre
ces respectables exilés et contre nos Martyrs, en déni-
grant les brefs de ce pontife. Mais nous savons aussi
que ces lâches autantqu'impies calomniateurs, furentcon-
fondus presque aussitôt par une réplique savante, dans
laquelle on leurdisoit: « Les prêtres français exilés n'ont
pas besoin de votre consentement pour avoir le glorieux
titre de confesseurs, qu'ils ont déjà reçu de tant d évêques,
en Italie, en Allemagne, dans les Espagnes, en Belgique,
en Angleterre et en Irlande : mais la justice ne permet pas
aux confrères de ceux qui ont été immolés pour la Foi,
de souffrir que vous prétendiez leur ravir la gloire qu'ils
ont acquise devant Dieu par leur martyre, et que
(1) Prafatio ad Sacercloles Gcdlicanos Exutes. Pag. 4 et j.
( 33 )
Jésus-Christ a comme scellée de son propre sceau,
bien qu'ils n'aient pas encore été vindicati par le Saint-
Siège. Sacerdotes cjuidem Galliarum cxules minime luis
indigent monitis , ut ipsi glorioso Confessoris nomine
abstineant, quod sibi tôt antistites in Italia, m Germa-'
nia, in Hispaniis, in Belgico, in Anglia atque Hybevnia
detulevunt Sed nulla smit fuslitia, ut consacerdotes
suos, pro Jide interemptos, quorum professionem Chris-
tus quasi annulo obsignavit (i), incljii coram Deo mar-
tjviigloriâ à te defraudari patiantur, licet ab Ecclesiu (2 )
necdum vindicati fuerint (3).
(1) Eos qui jam, ex bac vita per martyrium wigravcrant ,
nobis commemorabant , aiebantque : lii sunt Martyres quos in
sua confessione Christus assumi volait, professionem ipsorum
quasi anmilo obsignans. (Epist. Ecctesiœ Viennensis et Luydu-
nensis ad Ecoles. Jsiœet Phrygiœ, in Euseb. Hist. Ecoles. C. u.)
(2) Satisburgensis cujusdam religiosi in Collectiontm Bre-
vium SS. D. N. PU Papaz VI, irreligiosè invecti débita casli-
gatio 1799. Scriptum Frisingœ, Idibus Sextil. , et impressum
Augustœ Vindeticorum, 1800 : in-8° de l\7>i pages. Voy. la 106e.
(5) Ces dernières paroles empruntées de saint Optât, évêque de
Milève, au liv. I" de son traité de Schisinate Donatistarum (p. 18
de l'édition de Paris, in- foi. 1676) , y avoient un sens encore plus
favorable à la cause de nos Martyrs; car il ne s'agissoit pas alors d'une
vindicta suivant la forme établie près de hiiifl siècles plus tard par les
procédures de canonisation. {Voy. ci-devant, toni. Ier, pag. 77.)
C'étoit par la commune opinion des hommes pieux qu'un Martyr
étoit déclaré tel, comme l'a dit un des annotateurs de saint Optât :
Vindicalum Martyrem vocat Optatus qui declaratus sit com-
muni piorum sententia in eam summam dignitatem , reiatus
inter cœliindigetes : avantage dont jouissentlapîupart de nos Martyrs.
Le prélat Gabriel de l'Aubespine, dans ses notes sur saint Optât,
reconnoissoit aussi pour Martyr celui qui, ayant péri pour la Foi,
n'étoit cependant pas encore inscrit par l'Eglise dans ses diptyques :
2. 3
( 34 )
Que les ténébreux déprédateurs de l'ancien clergé
Français aient obtenu, les années suivantes, quelques
succès équivoques , à la faveur de ceux qui mirent la
couronne de France sur la tète d'un usurpateur ; ces
succès , affligeans pour l'Eglise , ne sauroient prévaloir
sur la vérité que les interprètes de la Foi proclamoient
à Rome, d'après les traditions antiques et l'Evangile
même, quand Pie YI y occupoit encore la chaire de
saint Pierre. Indépendamment de ce que les prêtres y
répétoient avec ferveur la prière de notre Arvisenet, ils
disoient encore à ce Pontife , en prêchant devant lui :
« Si le cœur de Votre Sainteté est profondément affligé
d'avoir perdu tant de courageux prêtres dont le sang
inonde la France , vous avez , Très-Saint Père , la con-
solation d'être certain qu'ils l'ont répandu en défendant
avec force la Foi de Jésus-Christ. Amisisti quidam, Bea-
nondùm ab Ecclesia, in numerum Martyrum relati, nondùm
in canonem et in dipytea transcripti. Saint Optât, au reste, faisant
ensuite la distinction entre les vrais et les faux Martyrs, selon qu'il
convenoit en temps de schisme, disoit qu'on pouvoit regarder comme
de vrais Martyrs ceux qui avoient souffert pour la religion, s'ils
étoient restés dans l'unité de l'Eglise : si suprà memoratos videri
Martyres vuitis , probate Ulos amasse pacem (Ecclcsiœ), in
qua prima sunt fundamenta martyrii, aut dilexisse, Deopla-
citam unitatem , aut habuisse cum fratribus citaritatem.
(L. III, pag. 79). Or, ces Martyrs déclarés tels par le suffrage com-
mun des fidèles , et tous ceux qui pourroient être ensuite dans le
même cas, furent dès lors protégés comme les autres contre lej
hommes jaloux de leur gloire, par le premier concile de Carthage en
a5i, lequel statua ut si quis ad injuriam Martyrum adjungal
infamiam , si laïcisint, ad pœnilentiam redigi; aut si sint
clerici, post commonitionem et post cognitionem , honore pri~
vari. ( Can. I. )
( 35 )
tissime Pater , tôt fortissimos sacerdotes quorum san-
guine Gallia redundavit : ea tamen Tibi consolatio est
quod in Christifide defendenda strenue spiritum effiide-
ri/it (i) ».
C'étoit avecle suffrage de Pie VI que , l'année suivante ,
le savant recteur du collège romain , cet éloquent Joseph
Marotti qui deviendra Prélat- secrétaire des lettres la-
tines auprès de ce Pontife, s'écrioit dans un magni-
fique discours latin, dédié aux archevêques, évèques et
prêtres fidèles du clergé de France : « Ils sont des Mar-
tyrs, sans doute, ceux d'entre vous dont les persécu-
teurs ont fait rejaillir le sang sur eux-mêmes. Dans l'in-
famie qui en est résultée pour eux, quelle gloire, quel
triomphe pour votre église, éprouvée comme l'or dans
la fournaise ! Oui, l'Eglise Gallicane est ornée d'autant
de couronnes que ses ministres et ses enfans ont souf-
fert de supplices ; elle brille d'autant de pierresprécieuses
qu'elle a reçu de blessures (2) ».
Le Souverain Pontife lui-même , reconnoissant que
(1) In funcre Ludovici oratio habita in sac&Uo Quivinali ad
SS. D. N. Pium VI, Pont. Max. à Paullo Leardi, intimo ejus-
dem Sanctitatis suœ cubiculario , 1793.
(2) Càm tôt parricidiorum sanguine , tôt MARTYR UM eœde
respersi, tôt conscientiœ stimuiis , tanto Dei uitoris furore exa-
gitati.... At veroin tanta hostium infamia, quœ Ecctesiœ dé-
cora! qui triumphi! quœ gtoria! Quœ, tanquam aurum in for-
nace , tôt iaboribus subeundis experiendisque probala ; tôt
coronis ornata quoi cruciata suppiiciis ; tôt margaritis dis-
tincta quot lacerata vuineribus ! ( De ostenlis Divinœ potentiae
in Ecclesia bis temporibus tuenda : Archiepiscopis , Episeopis, Pres-
byteris ceterisque in dispersionc Gallicana catholicœ unitatis Marty-
ribus clarissimis. Romœ , 1794- )
3.
( 36 )
ces victimes sacerdotales avoient péri pour la Foi , les
faisoitexpressémentconsidérercomme de vrais Martyrs,
en même temps qu'il combloit d'éloges et de marques
d'affection, ceux qui étoient exilés pour la même cause.
« Qu'ils sont heureux , écrivoit-il à l'archevêque de Lyon ,
qu'ils sont heureux, ceux à qui il a été donné d'échan-
ger les choses passagères pour les biens éternels ! Qu'ils
sont plus heureux, ceux qui ont essuyé des outrages,
éprouvé de cruels traitemens, ou subi la mort, pour la
Foi, et qui, par l'effusion de leur sang corruptible , se
sont acquis les mérites du sang inappréciable de Jésus-
Christ! » Juxta récentes nuncios ad nos delatos , eo jam
venitvexatio, ut ex utroque clero ecclesiasticibenemulti ,
et aliqui etiam ex confratribus nostr-is fuerini odio reli-
gionis, autin vincula conjecti , aut crudeliter ad mortem
rapti, atque interempti Ecclesiasticos viros (exuïes)
bénigne excepimus , j agiter prompti ac parati ut, quan-
tum in nobis est, aperiamus cis viscera pietatis, et in eos
omuem compassionis eff'undamus affèctum, ipsosque
cum omni be.nejicentia et gratia complectamur. Viri, quos
D o minus elegit , tanquam aurum iu fornace piobau-
dos , ut PER EOS, impendio personarum et rerum
ECCLESIsE VICTORIA COIS SU MME TUR. Fe-
lices sunt quibus datum est pro ceternis transiloria corn-
mutare; feliciores sunt qui mortem vel coi p orales inju-
rias sunt experti , et impretiabilem sanguinem Christi
suo corruptibili sanguine compensarunt (i).
Ah ! qu'il revive donc après tant d'augustes suffrages ,
et tant de faits si glorieux pour la France catholique ;
(1) Epist. II. ad Archiepisc. Lugdunenscm, Yvonem Jtexan-
drum. Roraae, 1a septeaib. 1792.
( 37 )
qu'il revive et se montre parmi nous , cet illustre Evêque
de Carthage qui lut si sublime dans la doctrine du mar-
tyre ; et l'on croira qu'il est de notre Eglise Gallicane ,
et que c'est d'elle qu'il parle dans sa lettre aux confes-
seurs et aux Martyrs encore vivans, lorsqu'il leur dit :
« J'en suis transporté d'allégresse , et je vous en féli-
cite , à l'instant où j'apprends quel courage vous avez
montré pour la Foi, et combien l'Eglise, notre Mère,
s'en glorifie. Elle s'étoit déjà glorifiée de cette constance
que la peine de l'exil n'avoit pu ébranler (i) ; mais cette
autre confession de la Foi, plus périlleuse encore que
la première , et qu'ensuite plusieurs d'en tre vous , restés
en France, ou rentrés pour la cause de la religion, ont
faite devant les persécuteurs , a été d'autant plus belle ,
et vous a procuré d'autant plus d'honneur, que s'étant
faite devant les supplices, elle a été plus courageuse.
Vous n'étiez pas demeurés ou revenus, sans une gé-
néreuse et ferme détermination d'être invincibles dans
les terribles attaques auxquelles vous vous exposiez si
prochainement ! Parmi ceux qui les ont soutenues avec
tant de bravoure, j'en trouve plusieurs déjà couron-
nés par Dieu même ; et j'honore presque également
tous ceux d'entre vous qui, combattant avec eux, ont
été enfermés dans les prisons , où , toujours animés de
la même ardeur de courage pour les mêmes combats ,
ils ont conservé leur Foi incorruptible sans se laisser
séduire par des illusions, épouvanter par des menaces,
ni vaincre par les souffrances. Vous saviez tous, quand
vous retournâtes au combat, que tel devoit être dans les
camps du Seigneur un soldat de J.-C. ; mais aussi vous
(1) La déportation ordonnée par la loi du 26 aofit 1792.
( 38 )
avez éprouve que le Dieu qui réside en nous, est bien
plus fort que l'ennemi qui nous environne ; que les
maux que celui-ci peut nous faire , sont moins capables
de nous abattre que la divine protection n'est puissante
pour nous élever. Précédemment ils en avoient fourni la
preuve, ceux de nos Frères qui, réunis comme en une
troupe d'élite , et triomphant jusqu'à ce que le dernier
fût couronné, vous précédèrent comme des chefs dans
la victoire , pour vous donner l'exemple d'une foi supé-
rieure aux tourmens(i). Non; il n'est pas de louanges qui
suffisent pour préconiser les uns et les autres? Est-il des
éloges qui puissent dignement célébrer la force de votre
âme dans la persévérance de votre Foi? Oh! qu'elle est
heureuse notre Eglise , puisque la bonté divine l'a rendue
si brillante, et que, de notre temps, le glorieux sang
des Martyrs l'a si fort illustrée (2) ! Déjà la blancheur
(1) Massacre des prêtres, en septembre 1792 : Diem amarum!
( Amos. c vin , f. 10.)
(2) Exulto tœtus et gratulor, Fortissimi ac Beatissimi Fra-
tres, cognita fide ac virtute vestra, in quibus mater Ecctesia
gloriatur. Gtoriata est et nuper quidem cùm , confession»
perstante, suscepta pcena est quœconf essor es Christi fecit extor-
res. Confcssio tamen prœsens , quanto in passione fortior, lantô
clarior et major in honore. Crevit pugna , crevit et pugnan-
tium gloria. Nec retardati estis ab acie tormentorum metu,
sed ipsis tormenlis magis estis ad aciem provocati , fortes et
stabiies ad inaximi certaminis prœlium promtâ devotione
redistis. Ex quibus quosdam jam Comperi coron atos; quosdam
verà ad coronam victoriœ proximos ; universos autem quos ag-
mine giorioso carcer inclusif, pari ac simili calore virtutis ad
gerendum certamen animatos : sicut esse opo-rtet in divinis
castris miles Christi, ut incorruptam fidei firmitatemnonbtan-
ditiœ decipiant, non minas terreant, non cruciatus ac tor-
( 39 )
des lis se retrou voit dans la candeur et la pureté' de sa
doctrine et de ses œuvres; et voilà que le sang de nos
Martyrs est venu la revêtir de pourpre ! Les roses ne
manquent donc pas plus que les lis parmi les fleurs de
sa couronne.
menta devincant , quia major est qui in nobis est, quant qui
est in hoc mundo. Nec plus ad dejiciendum, potest terrena pœna
quàm ad erigendum tutcla divina. Probata tes est certamine
fratrum glorioso qui, ad tormendavincenda céleris duce s facti,
exempium virtutis ac fidei prœbuerant congressi in acie , donec
acics succumberet vida. Quibus ergo vos laudibus pra'dicem ,
Fortissimi Fratres ? Robur pectoris vestri et perseverantiam
fidei quo prœconio vocis exornem ? O Beatam Ecclesiam Nos-
tram quam sic honor divinœ dignationis illuminât ; quam,
temporibus nostris , gloriosus Martyrumsangiiisilluslrat ! Erat
antein operibus fratrum candida; nunc facta est in Martyrum
cruore purpurea. Floribus ejus nec liiia, nec rosœ désunie
( Epist. ad Martyres et confessorcs. )
AGNOSCAMUS, CARISSIMI,
CIRCA ECCLESIAM NOSTRAM
UBERIOREM DIVINORUM MU NE RU M LARGITATEM .
ECCE NOS POPULOS MARTYRUM POSSIDEMUS!
(S. Arrvb. de S S. Nazaro et Celso.~)
MARTYRS DE LA FOI
PENDANT
LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
A
ABA ABA
ABASQUE (Jean), prêtre du
diocèse de Saint-Pol-de-Léon , et
vicaire en la paroisse de Rlouen ,
où il étoit né en i?52, refusa le
serment de la constitution civile
du clergé en 1791. Le besoin que
les catholiques avoient de minis-
tres, le fit rester en France , malgré
la loi d'expulsion rendue le 26
août 1792? comme ce saint Mar-
tyr Théodorit, dont il a été parié
ci-devant, page Il fut arrêté par
les agens de la persécution , dans
sa province, et traduit devant un
tribunal révolutionnaire siégeant
à Brest. Les juges le condam-
nèrent , « comme prêtre réfrac-
taire», à la peine de mort, le 25
germinal an II (14 avril 179/1) '■> et
il fut exécuté le même jour. Ce
prêtre étant, suivant notre ordre
alphabétique, le premier des Mar-
tyrs de Brest que nous ayions à
citer ( V. J. D. Vvc Buvilly et
B. Jago), e'est ici qu'il convient
de montrer que leur immolation
fut faite en haine de la Foi. Le
tribunal révolutionnaire de cette
ville avoit été créé parle proconsul
Jean-Bon Saint- André, ministre
protestant, qui avoit débuté dans
ce pays par la profanation de deux
églises, en les travestissant en de
prétendus temples de la Raison.
Le discours qu'il prononça dans
l'horrible inauguration de cette
idole , en ces lieux sacrés , respi-
roit la haine la plus violente contre
le culte catholique, et la plus san-
guinaire fureur contre ses prêtres.
Il y attaqua même la sainteté des
premiers apôtres de la religion
chrétienne, en tâchant d'obscur-
cir leur vertu par d'infâmes ca-
lomnies. Le tribunal fut établi sur
la demande de ce proconsul , avec
l'autorisation de la Convention,
d'après un rapport de Barrère. Le
président, l'accusateur public et
les juges avoient été choisis par
i> ABA
lean-Bon Saint- André. Le pre-
mier et le second, tirés du tribu-
nal révolutionnaire Dantonist&
de Paris {V . Lois et Trie, révol.),
étoient les nommés Ragmey et
Verteuil. Les autres juges s'appe-
loient Lebars, Palis et Bonnet,
secrétaire du trop fameux Fou-
quier-ThinvilIe. Deux guillotines
furent en permanence sur la place
publique de Brest : l'une d'elles
étoit ornée de banderoles aux
trois couleurs. Les prisons se rem-
plissoient; les suspects étoient
amenés devant les juges. On les y
plaçoit dans une espèce de fau-
teuil, construit de manière qu'ils
ne pouvoient s'asseoir ni d'à-
plomb , ni de côté : une barre de
fer, placée à la bauteur de l'es-
tomac , comprimoit leurs pou-
mons, et suffoquoit leur courage.
Il leur étoit défendu de fixer l'au-
ditoire , de peur qu'ils ne l'inté-
ressassent à leur sort. Deux gen-
darmes , le sabre nu et levé ,
étoient à leurs côtés; et un soldat
de l'armée révolutionnaire , dé-
figuré par d'horribles moustaches,
la tête enfoncée dans un énorme
bonnet de poil, brandissoit devant
eux un cimeterre qui semblait de-
mander leur sang. Le bourreau
Hanss les attendoit pour les con-
duire à l'échafaud. Souvent il ré-
servoit les têtes qu'il avoit fait
tomber, les arrangeoit symétri-
quement sur l'échafaud ,pour que
les victimes qu'il amèneroit le
lendemain, vissent en arrivant le
ABA
sort qui attendoit les leurs. Quand
elles tournoient sous le fer de la
guillotine, un forçat qui lui servoit
de valet les prenoit par les che-
veux, et les faisoit sauter en l'air.
Hanss se réservoit toujours la der-
nière pour la montrer au peuple,
en lui adressant quelques paroles
par lesquelles il l'excitoit à insulter
la victime. Le proconsul Prieur
(de la Marne), qui vint succéder
à Jean-Bon Saint- André, fit con-
tinuer ces exécutions jusqu'à la fin
du mois de fructidor an II (le mi-
lieu de septembre 1794), et Ro-
berspierre cependant n'existoit
plus depuis le 9 thermidor — 27
juillet [V . Arràs, Nièvre, Lyon).
Dans le même temps et le même
département du Finistère, à Quim-
per , un commissaire , nommé
Dagonne, se permettoit les plus
scandaleux excès, pour qu'on ne
doutât point que le gouvernement
d'alors avoit en horreur la reli-
gion. Dès le matin du 12 décem-
bre , fête de saint Corentin, patron
du diocèse et de la cathédrale de
Qu imper, sachant qtie les habitans
des montagnes voisines en des-
cendoientpourvenir satisfaire leur
piété dans cette église , il fit assem-
bler une force-armée imposante,
s'entoura d'une artillerie chargée à
mitraille, et se fit apporter, au
milieu de la place publique, les
vases du sanctuaire, les reliques
du Saint, et tout ce qui y étoit
l'objet du culte de ces pieux mon-
tagnards. La , il outragea leur piété
ABE
en buvant clans quelques uns des
vases sacrés, qu'ensuite il fit servir
à des usages immondes , commet-
tant devant eux les indécences les
plus révoltantes, tellement que les
bons montagnards en reculèrent
d'horreur, et reprirent fort tris-
tement le chemin de leurs chau-
mières.
ABEILLON (Jean- Baptiste),
curé d'Arlempède , dans le diocèse
de Viviers, avoitété expulsé de sa
cure par les autorités révolution-
naires, pour n'avoir pas voulu
trahir sa foi en prêtant le ser-
ment de la constitution civile
du clergé. Il s'étoit réfugié dans
le diocèse du Puy, en la paroisse
de Concouroux, d'où il faisoit
des courses apostoliques dans
les autres cantons du Velay,
nommé alors le département de
la Haute-Loire. Il y fut surpris
dans la demeure d'une pieuse ou-
vrière en dentelle du bourg de
Beaune ( V. J. M. Aubert). De-
venu par là justiciable du tribunal
criminel de ce département, sié-
geant au Puy, il y fut conduit avec
elle. Le tribunal le condamna, le
29 prairial an II ( 17 juin 1794),
à la peine de mort , comme
« prêtre réfractaire à la loi » ; et
sa généreuse hôtesse fut déca-
pitée avec lui. La province du
Velay a été une des plus tourmen-
tées par les persécuteurs, parce
qu'elle étoit une de celles où il
y avoit le plus de Foi. Les mœurs
presque patriarcales des habi-
ABL 45
(ans de ce pays montueux, don-
noient même à leur piété un inté-
rêt touchant qui inspiroit le plus
grand respect. Les proconsuls que
la Convention y envoya , vers la
fin de 1795 (Reynaud, Lacoste
et Faure ) , n'y furent presque oc-
cupés qu'à faire la guerre à ce
qu'ils appeloient le fanatisme ;
et ils étoient horriblement secon-
dés par cette horde qu'on nom-
moit l'armée révolutionnaire.
Reynaud dé vastoit les églises ; non
seulement il forçoit les pieux ha-
bitans à démolir les clochers , il
poursuivoit jusqu'au moindre si-
goe de ration, dans les objets
mêmes auxquels l'habitude de les
voir et de les porter n'en atlachoil
presque plus l'idée, tels que ces
croix d'or qui servoient d'orne-
ment au collier des femmes.
Dans un de ses arrêtés à ce sujet,
il s'exprimoit en ces termes :
« Comme les signes du fanatisme
sont absolument proscrits, et que
néanmoins des personnes affectent
de les conserver, et notamment
des femmes, sous prétexte d'em-
bellir leur parure ; les municipaux
seront tenus de faire incarcérer
celles qui, dans leurs ajustemens,
se serviront des signes représen-
tatifs des vieux préjugés , les-
quels seront confisqués au profil
des dénonciateurs » . Aussitôt , de
toutes parts , des bandits, courant
par les campagnes, arrachèrent au
cou des villageoises les croix d'or
ou d'argent qu'elles étoient dans-
44 ABE
l'usage de porter; et celles qui ré-
sistoient , étoient amenées dans les
prisons du Puy ou de Monistrol.
Dans cette dernière ville, où l'on
fabrique beaucoup de dentelles ,
un grand nombre d'ouvrières en
ce genre , connues pour être
pieuses, et que Reynaud traitoit
de béates, furent sommées par
lui de faire, dans un délai fixé,
on serment capable d'alarmer leur
conscience, celui de liberté-éga-
lité qu'aucune loi n'exigeoit
d'elles. Un refus* invincible fut
toute leur réponse ; et sur-le-
champ , d'après ses ordres , les
soldats de l'armée révolution-
naire les traînèrent par centaines
dans les prisons. Celles d'entre
elles qui échappèrent aux recher-
ches, s'enfuirent dans les rochers
et les forêts, où, de toutes parts,
les habitans des villes et villages
étoient forcés d'aller se cacher,
comme autrefois ces respectables
Juifs qui, pour éviter d'enfreindre
la loi de Dieu, et de sacrifier aux
idoles d'Antiochus, suivant son
ordre , se retirèrent sur la mon-
tagne. Comme eux, ils y étoient
aussi poursuivis, et disoient de
même en voyant arriver les as-
sassins : « Mourons tous dans
notre simplicité; le ciel et la terre
sont témoins que notre perte n'est
l'œuvre que de votre injustice »
(/ Mach. C. ii , jfr. 37). Attendu
que, pour effacer tout souvenir,
toute trace du jour du Seigneur,
on avoit substitué les décades aux
ABE
semaines , et qu'il n'éloit plus
permis de cesser les travaux no-
toires que de dix en dix jours, les
hommes et les femmes que l'on
trouvoit occupés à leurs travaux
le jour de la décade, ou se repo-
sant le dimanche, étoient insul-
tés, maltraités, et jetés clans les
fers. Les prisons étoient encore
pleines, lorsqu'une loi, rendue le
16 avril 1 794 ( 27 germinal an II),
fit cesser les exécutions dans les
départemens, et voulut que tous
ceux qui y étoient détenus, sous
prétexte de conspiration, fussent
envoyés au tribunal révolution-
naire de Paris. Le proconsul
Faure , qui étoit rappelé à la Con-
vention , écrivoit à un agent na-
tional du département de la
Haute-Loire , le 2 messidor an II
(20 juin 1794) : «Tu recevras
un arrêté du comité de sûreté
générale, pris ce matin, pour en-
voyer ici rendre visite à Samson
(c'éloit le nom du bourreau de
Paris) le ci -devant curé de Saint-
Just, Lacombe, avec Berger son
domestique, et Cauvel qui les a
recélés, ainsi que Colmar. Je t'in-
vite à ne pas souffrir d'apitoyeurs,
de pleureurs, ni de modérés ».
Les agens nationaux ne le furent
pas; car, indépendamment des
victimes qui viennent d'être nom-
mées, il en fut envoyé par eux
une infinité d'autres. Parmi elles,
on compta jusqu'à soixante pay-
sannes, ainsi traitées parce qu'elles
avoient assisté à la messe. Elles
ABR
furent transportées à Paris sur des
charrettes, et enfermées aussitôt
dans la prison du Ptessis , qu'on
appeloit à bon droit l'anti-
chambre de la mort , parce que
c'étoit de cette prison que le tri-
bunal révolutionnaire tiroit or-
dinairement les détenus qu'il
vouloit condamner à périr sur
l'échafaud. Il n'eut pas le temps
d'immoler les personnes dont nous
venons de parler, avant l'événe-
ment du 9 thermidor an II ( 27
juillet 1794) ou ki politique des
tyrans les contraignit à mon-
trer quelque modération ; et elles
purent retourner quelques mois
après dans leurs foyers.
ABÉLARD ( Jacques ), laïc,
exerçant à Vezin, près Cholet en
Anjou , la profession de marchand,
importunoit par ses vertus, par sa
piété, par son zèle pour la religion
catholique , les impies qu'elle avoit
pour ennemis dans cette contrée.
Il fut arrêté par eux comme fa-
natique , et condamné comme
let , par la commission militaire
de Cholet, i être déporté. On
l'envoya sous ce prétexte à Nantes
( V. Nantes), où le proconsul
Carrier le fit noyer avec beaucoup
d'autres le lendemain des fêtes de
Noël 1793. {V . Baudry, l'aîné.)
ABRAHAM (Jean), prêtre bé-
néficier de l'église cathédrale
d'Arras , fut une de ces vic-
times sacerdotales que l'apostat,
envoyé par la Convention avec
l'autorité d'un proconsul dans
ABR 45
l'Artois et le Cambresis, en 1793
et »794? .Y fit périr en si grand
nombre [V. Arras). On sait déjà
que ce proconsul voulut que cha-
que décade , c'est-à-dire pendant
les dix jours dont se composoit la
semaine du calendrier impie d'a-
lors, le Uib un al 7'évolutionnaire,
établi par ltri à Arras , immolât
dix prêtres au moins. Les exécu-
tions commencèrent le 22 août
1793. Quoique le prêtre fidèle à
sa Foi, dont nous venons de don-
ner le nom , fût en prison depuis
quelques mois, les victimes étoient
si nombreuses, que son tour n'ar-
riva pas avant le 1 2 messidor an II
(3o juin 1794 ) ; mais, ce jour-là,
il fut décapité en haine de la reli-
gion. Son âge éloit de 72 ans.
[V. J. F. VlIXERETZ et J. J. Advi-
SARD. )
ABRAHAM (Vincent), curé
dans le diocèse de Reims , fut
l'un des prêtres qui périrent en si
grand nombre pour leur Foi, soit
dans l'église, soit dans le jardin
des Carmes , à Paris, le 2 sep-
tembre 1792 (V. Septembre). Sa
conscience éclairée l'avoit dé-
tourné d'adhérer à la constitu-
tion civile du clergé, en 1791 ;
et, par suite des refus qu'il avoit
faits de lui prêter le serment exigé
par l'Assemblée Constituante ,
l'autorité civile de son canton
l'avoit repoussé de sa cure. Il im-
portoit trop au prêtre constitu-
tionnel, par lequel ce curé légitime
étoit remplacé, de ne pas voir les
4(> ABR
paroissiens continuer à suivre Jes
avis du vrai pasteur, et recourir
encore à son ministère, pour
qu 'Abraham ne fût jias forcé par des
persécutions locales à s'éloigner. Il
vint se réfugier à Paris , espérant
que,confondu dans la multitude des
habitons de cette ville , il pourrait,
sans y être remarqué ,el à l'abri des
persécuteurs de sa province , rem-
plir librement les devoirs de son
état, comme encore suivre avec
moins de contrainte et de danger
les impulsions de son zèle. En
cela , il eut pour règle les exem-
ples, et même les préceptes de
Jésus-Christ qui avoit dit : « Lors-
que vous serez persécutés dans
une ville , fuyez dans une autre.
(Math. 10, 23)». Mais, sous
cette apparence de sûreté que la
capitale offroit au curé Abraham ,
elle lui cachoit les plus grands
périls. Là se trouvoient les chefs
même de la persécution par la-
quelle toute la France commen-
coit à être désolée ; et ilss'applau-
dissoient entre eux de ce que
nombre de prêtres , qui avoient
été forcés de fuir leurs diverses
provinces, venoient se réunir à
Paris, à l'ombre de leur perfide
tolérance, parce qu'ils s'y met-
toient à leur disposition immé-
diate, et leur facilitoient les moyens
de les frapper tous ensemble d'un
même coup , avec ceux de la capi-
tale. La terrible journée du 10
août 1792 leur prépara cette fé-
roce jouissance. Ouand, le surlen-
ABR
demain, ils ordonnèrent de recher-
cher les prêtres non assermentés,
pour les mellre en des prisons, où
ils seroient comme en des parcs,
dans l'attente du jour du mas-
sacre , le curé Abraham ne put
leur échapper. Il fut arrêté et con-
duit au comité civil de la section
du Luxembourg , où il se trouva
avec beaucoup d'autres prêtres
destinés au même sort. On lui
demanda s'il vouloit enfin prêter
le serment civique dans lequel
étoit compris celui de la consti-
tution civile du clergé ; et il
répéta le même refus qu'il avoit
fait dans sa paroisse. L'ordre fut
donné de le mener dans l'église
des Carmes, convertie subitement
en un lieu de détention (V. Sep-
tembre). On pourra voir à l'ar-
ticle Dulau combien fut édifiante
la conduite des prêtres enfermés
dans cette église. Abraham parta-
geoit leurs exercices ; il étoit animé
des mêmes sentimens : et, pré-
voyant bien qu'il étoit destiné ,
comme eux tous , à une mort pro-
chaine , il s'y préparait sans cesse.
Le jour du sacrifice arriva bientôt.
Abraham fut appelé à son tour
par le commissaire du comité de
la section, qui étoit venu dans
l'église régulariser le massacre
déjà frénétiquement commencé
dans le jardin ; et ce curé qui ,
pour rester fidèle à Jésus-Christ,
avoit surmonté son affection pour
ses paroissiens, et n'avoit pas
craint les privations dont la perte
ABR
de sa cure devoit être suivie , sut
dans cette occasion sacrifier sa vie
pour la même cause. 11 marcha à
la mort avec la fermeté d'un con-
fesseur de la Foi. On peut dire de
lui et de tous les prêtres qui
furent massacrés en cette occasion ,
ce que l'historien, témoin ocu-
laire du martyre de saint Abdas
et de ses trente-cinq compagnons ,
i dans les persécutions qu'éprou-
t : vèrent les chrétiens de la Perse
! en 575, a raconté d'eux. « Ils
s'ofl'roicnl aux licteurs, comme
il de tranquilles agneaux viennent à
li celui qui doit les égorger; et, en
1 présentant la tête aux bourreaux,
t ils avoient l'air satisfait qu'on
it I a si naturellement lorsqu'on s'é-
chappe d'une prison » . Lictoribus
mactandos sese offerte, velut
\t agnos (anienœ destinatos ; nec
enim alio vultu , quàm si eva-
i- sisscnt, cervicem carnificiprœ-
k iebant , adeo lœti crant ac
toeati. (Asseman : A et. Mart.
é, Orient. Pars I, pag. 161.)
0 ABRIAL (Jean), père, habi-
.(, tant de la petite ville d'Yssen-
5t, geaux, dans le Velay, donnoit à
mi ses concitoyens , comme à sa fa-
de mille , l'exemple d'une piété sin-
ins cère que la révolution ne put
cre affoiblir. Resté fidèle à la Foi catho-
icé lique, lors du schisme de 1791,
ni, il témoigna toujours la plus res-
ist, pectueuse estime, comme le plus
olir invariable attachement, au minis-
l 1ère des prêtres qui n'avoient pas
, compromis leur Foi par lapresta-
ABR 47
tion du serment de la constitu-
tion civile du clergé. Nous avons
dit ailleurs [V. J. B. Abeillon)
combien la persécution fut vio-
lente dans le Velay, transformé en
département de la Haute- Loire.
Jean Abrial donna chez lui un
asile secret à des prêtres fidèles,
dont la tête étoit mise à prix par
les impies. Sa femme et ses deux
fils , dont il va être parlé , adhé-
roient de cœur et d'âme à cette
œuvre si méritoire [V. Je Aux).
Abrial fut dénoncé comme rece-
leur de prêtres réfractaires.
On l'arrêta de suite avec ses fils
et leur mère. Traduit devant le
tribunal du département de la
Haute- Loire , siégeant au Puy,
il y fut condamné avec eux, à la
peine de mort, sous cette quali-
fication , le 3 thermidor an II
(21 juillet 1794). Ils périrent
ensemble le même jour.
ABRIAL (Marie -Anne Cha-
lendas , femme), épouse du pré-
cédent, et demeurant avec lui et
ses deux fils à Yssingeaux, eut la
plus grande part dans l'hospitalité
généreuse que toute cette pieuse
famille accordoit aux prêtres per-
sécutés ( V . Jc Alix). Elle fut
arrêtée avec son mari et ses fils.
Le tribunal de la Haute-Loire 3
siégeant au Puy, la condamna
avec eux, le même jour, par la
même sentence , et à la même
peine de mort, comme « receleuse
de prêtres réfractaires », le 3
thermidor au II ( 2 1 juillet 1794).
48 ABR
On va trouver les noms de ses
deux fils ù la suite du sien.
ABRI AL (Jacques), fils des
précédens , et frère de celui qui
va suivre , avoit , comme lui , bien
profité de la pieuse éducation que
leur père et leur mère leur avoient
donnée. Ils habitoient avec eux la
ville d'Issingeaux en Velay. Parta-
geant de sentiment et d'action la
bonne œuvre de leurs parens , dans
la généreuse hospitalité qu'ils don-
noient secrètement à des prêtres
fidèles dont la persécution mena-
çoit la tête ( V . Y Aux), Jacques
Abrial fut arrêté avec eux , et en-
voyé comme eux et son frère à
l'échafaud, en qualité de receleur
de prêtres réfractaires. La sen-
tence qui les fit périr tous les
quatre ensemble, fut rendue le 3
thermidor an II ( 2 1 juillet 1 794) ;
et son exécution eut lieu ce jour-
là même. {V . J. B. Abeillon. )
ABRIAL (Isabeau), frère de
Jacques, et fils de Jean Abrial et
de Marie- Anne Chalendas, dont
nous venons de parler, habitoit la
maison paternelle à Issingeaux
en Velay. Associé à toutes les
bonnes œuvres qui s'y faisoient,
il eut sa part de mérite dans l'hos-
pitalité qu'ils offrirent secrètement
à des prêtres fidèles dont la vie étoit
menacée. Lorsque cette bonne
œuvre fut découverte par les per-
sécuteurs , Isabeau Abrial par-
tagea le sort de son père , de sa
mère et de son frère. Il fut ar-
rêté et conduit avec eux au tribu-
ADA
nal qui siégeoil au Puy. Ce tribu-
nal le condamna avec eux trois à
la peine de mort, le même jour,
5 thermidor an II (21 juillet
1 j»g4 ) , comme « recéleur de prê-
tres réfractaires». On peut voir,
à l'article Je Alix, quel droit une
telle mort donne au titre de Mar-
tyr.
ACHART-LAVORT ( Marc-
Jean), né en Auvergne vers 1746,
curé de Rochenoire, dans le dio-
cèse de Clermont , et chassé de
sa cure par la persécution , y avoit
été ramené par son zèle en 1795.
Trop confiant dans la feinte tolé-
rance de la Convention , à cette
époque, et ensuite dans celle du
Corps législatif, il exerçoit son
ministère pastoral avec une sainte
liberté, lorsqu 'arriva l'impie ca-
tastrophe du 1 8 fructidor ( 4 sep-
tembre 1797). Il fut arrêté par
ordre du commissaire du Direc-
toire dans le département du Puy-
de-Dôme, en vertu de la loi de
déportation , rendue le lendemain
de la catastrophe; et, dans l'été
de 1 798 , on le conduisit à Roche-
fort pour y être embarqué. Il le
fut sur la frégate la Bayonnaise,
le 1" août suivant, pour être dé-
porté à la Guiane ( V. Guiane).
A son arrivée à Cayenne, on le
relégua dans le canton de Sinna-
mary; et il y mourut de la peste,
à l'âge de 52 ans , le 5 décembre
1798. ( V. A. F. Wliegen et J. N.
Adam. )
ADAM (Amand), cordelier de
ADA
la maison de Rouen , connu en
religion sous le nom de Père
Adam, fut arrêté à Rouen comme
insermenté par suite de la loi du
26 août 1792; et, après quelques
mois de détention, on le con-
damna à être déporté : il fut con-
duit à Rochefort en février 1794
( V . Rochefort), et embarqué sur
la flûte les Deux Associés. Ses col-
lègues de déportation lui ont eux-
mêmes rendu le témoignage qu'il
étoit excellent religieux, qu'il ob-
servoit le silence d'un Saint occupé
des choses du ciel, et qu'il se mon-
tra plein de charité envers ses com-
pagnons d'infortune. Il succomba
à l'âge de 52 ans , et fut enterré
dans VùuiVAix, le 1 3 juillet 1 79 's.
{V . Vivier ou Duvivier et L.
Alexandre. )
ADAM (Jacques -Nicolas ) ,
prêtre, né à Paris en 1^58, et
religieux bénédictin de la maison
de Saint-Martin-des-Champs dans
la même ville , y étoit resté comme
particulier après la suppression
des ordres monastiques. La guerre
que les impies réformateurs fai-
soient alors à la Foi, sembla rani-
mer le zèle de dom Adam pour
l'Eglise ; et , loin d'adhérer au
schisme constitutionnel , il exhor-
toit tous les chrétiens qu'il pou-
voit connoître à s'en préserver, et
à rester fermes dans la croyance
de leurs pères. Il leur disoit même
la messe , et leur administrait les
sacremens en de saintes réunions
(|ui continuèrent même en 1793.
2.
ADA 49
Aucun des moyens que le zèle
pou voit imaginer pour les faire
persévérer dans leur attachement
à l'Eglise catholique, n'étoit né-
glige par ce fervent ministre de
Jésus-Christ. Il fut dénoncé et
jeté dans les prisons. Le tribu-
nal révolutionnaire , l'ayant fait
comparaître devant lui , le g ger-
minal an II (29 mars 1794), le
condamna de suite à la peine de
mort comme convaincu « de pro-
pos et de manœuvres fanatiques
pratiquées en 1792 et 1793, à
Paris, rue Saint-Martin, tendant
à ébranler la fidélité des citoyens
envers la nation, comme encore
de monlrerdans le secret des objets
de superstition ». Il périt le même
jour sur l'échafaudde la guillotine ,
à l'âge de 36 ans.
ADAM ( Jean-Nicolas ), prêtre
et religieux bernardin de la mai-
son de Paris, né à Nogent-sous-
Coucy, dans le diocèse de Laon,
s'étoit soustrait assez heureuse-
ment aux sanguinaires persécu-
tions des années précédentes ,
lorsqu'arriva la funeste crise ré-
volutionnaire du 18 fructidor (4
septembre 1797). Ayant eu trop
de confiance dans la perfide tolé-
rance du gouvernement en 1796,
il avoit repris notoirement l'exer-
cice des fonctions sacerdotales
dans le département de la Seine ,
et refusoit de faire le serment de
haine à la royauté ( V . ci-devant
au tom. I, pag. 52, et la note de
la pag. 441)- commissaire du
4
Go ADE
pouvoir exécutif le fit arrêter vers
la fin de 1 797 ; et bientôt il l'envoya
à Rochefort pour en être déporté à
la Guiane, suivant la cruelle loi
des 18 et 19 fructidor [V. Guiane).
On l'embarqua, le 12 mars 1798,
sur la frégate la Charente, de
laquelle il passa, le 25 avril, sur
la frégate la Décade. Arrivé â
Cayenne vers le milieu de juin
suivant, il fut relégué dans la
Guiane où il trouva un asile chez
un colon nommé Vidier, à Gros-
son, dans le canton de Makou-
ria. Les horribles fléaux du cli-
mat ne l'en atteignirent pas
moins. Il mourut le 20 mars
1798. C'est avec raison que ceux
qui le connurent, ont dit que «la
religion et les lettres qu'il ho'
nora également, lui dévoient des
pleurs ». ( V. M. J. Achart-
Lavort et H. Acaisse. )
ADELON (N... ), curé de
Neufontaines , dans le diocèse
d'Autun, n'avoit pas voulu trahir
sa Foi parla prestation du serment
de la constitution civile du
clergé; et ce refus l'avoit fait
exclure de sa paroisse. Après bien
d'autres vexations que lui attira sa
fidélité aux principes de la Foi ca-
tholique , et aux devoirs de son
état, il se vit frappé d'une manière
cruelle par la loi de déportation
du 26 août 1792. Son grand âge
de soixante-quatorze ans , en le dis-
pensant de s'exiler, le soumettoit
à la réclusion ordonnée par cette
loi contre les sexagénaires. Il fut
ADV
donc réuni, avec plusieurs autres,
dans la maison qui leur étoit assi-
gnée au chef-lieu du département
de la Nièvre , dans lequel il se
trouvoit ( V . Nevers ). Satisfaisant
ainsi pleinement à cette loi rigou-
reuse, il a voit droit de penser
qu'il ne seroit pas soumis à des
peines plus dures que cette déten-
tion ; mais les persécuteurs , im-
portunés par la présence des
prêtres , ne pouvoient souffrir
l'existence même des vieillards.
Adelonfutdu nombre des soixante-
un de la Nièvre qu'ils envoyèrent
à Nantes pour y être déportés
au-delà des mers , ou noyés
( V . Nantes ). Il partagea les
souffrances de ses compagnons de
captivité, dans le trajet et dans la
galiole du port de Nantes. Elles
ne surmontèrent pas d'abord les
forces de son âge , que soutenoient
celles de son âme vertueuse et
pleine de Foi. Il ne périt point
comme beaucoup d'autres dans
l'horrible entrepont de la galiote,
et fut du nombre de ceux que de
nouvelles circonstances firent con-
duire à Brest. Mais il y porta 1»
germe de la mort, comme plu-
sieurs de ses confrères, qui, dé-
posés dans l'hôpital de Saint-
Louis , y moururent. Adelon
rendit son âme à Dieu presqu'en
arrivant, le 19 mai 1794. \ V .~S k.-
diep. , d'Hcban et le P. F. Agra-
FEL.)
ADVISAÏID ( Jean-Jacqves-
M-aiue Lamoiui d'), prêtre, cho.-
AGA
noine et chantre de la cathédrale
de Tours, âgé de 57 ans, s'étoit
soustrait aux persécutions qu'il
éprouvoit dans cette ville, en ve-
nant habiter Arras où il avoit été
élevé par ses parens maternels ,
dont quelques uns vivoient en-
core. C'étoit un ecclésiastique
fort pieux. Les athées révolu-
tionnaires ne pouvoient souffrir
sa présence ( F. Auras) ; ils l'ar-
rêtèrent ; et, bientôt traduit de-
vant le tribunal atroce de Jh Le-
bon, il fut envoyé à la mort à
cause de sa Foi et de sa piété , le
22 frimaire an II (12 décembre
1 794 ) , comme l'atteste le registre
mortuaire d'Arras. [V. J.Abraham
et L. F. J. Ansart. )
AGAISSE (Henri) , né à Rézé ,
près de Nantes, en 1773, n'étoit
encore que clerc tonsuré , quand
survint le schisme que l'année
1791 introduisit en France. Son
attachement à la Foi catholique
le rendit aussi odieux aux persé-
cuteurs , que s'il eût été prêtre
non assermenté. Ils l'arrêtèrent
dans ce temps affreux où le pro-
consul Carrier venoit exercer à
Nantes ses impies fureurs, et le
conduisirent dans les prisons de
cette ville. La Providence qui le
destinoit à honorer une autre ca-
tastrophe de la révolution, le pré-
serva des noyades et autres sup-
plices qui firent périr tant de vic-
times en cette ville, à la fin de
l79^5 et au commencement de
l'année suivante [V. Nantes)-
AGA 5t
Quand ils cessèrent tout à coup,
au printemps de 1794 •> Agaisse
sortit de prison, en considération
de ce qu'il n'étoit pas prêtre ,
mais pour être banni de France.
Il se rendit en Espagne, et y ha-
bita la ville de Tolède. Les lettres ,
que de là il écrivoit à sa mère et à.
sa famille affligées, étoient bien
propres à les consoler sous le rap-
port des sentimens pieux qu'il
nourrissoit en son cœur, et dont
elles - mêmes étoient pénétrées.
Lorsque , dans l'été de 1797, il vit
par les journaux la direclion
qu'une partie du Corps Législatif
donnoit au gouvernement afin qu'il
permît aux prêtres déportés de
rentrer en France , Agaisse partit
de Tolède pour revenir dans sa
famille ; mais la catastrophe du
18 fructidor (4 septembre 1797)
avoit brusquement rallumé la per-
sécution. Il fut arrêté dans sa
route, et jeté d'abord dans les
prisons de Saint-Fulgent d'où on
le conduisit dans celles de Mon-
taigu , puis dans celles de Fonte-
nay, d'où il passa dans les prisons
de Niort, et enfin dans celles de
Rochefort , pour en être déporté à
la Guiane ( V. Guiane). De là, il
écrivoit encore à sa mère , le
28 octobre : «Quelque chose qui
m'arrive, je serai toujours con-
tent, car je suis persuadé que
tout sera pour la plus grande gloire
de Dieu, et pour mon salut.... Ce
qui me console, c'est que c'est
pour Dieu que je souffre. Oh! il
4.
5a AGA
m'en récompensera bien». Le 5
décembre, étant encore à Roche-
fort, il adressoit à sa mère une
nouvelle lettre dans laquelle il lui
disoit : « Dieu veuille augmenter
et fortifier en vous ce courage et
cette résignation à la volonté de
Dieu , que je ne cesse et que je ne
cesserai d'admirer en vous
Nous ne nous reverrons peut-
être jamais ; mais ne nous abat-
tons pas pour cela. Dieu le veut
ainsi : humilions-nous devant lui ;
adorons ses décrets impéné-
trables ». Les lettres qu'il ne cessa
d'écrire à sa mère et à d'autres
parens jusqu'à son embarque-
ment, respirent les mêmes senti-
mens. Dans cet intervalle, sui-
vant le témoignage d'un véné-
rable prêtre, compagnon de cette
captivité, « une des plus chères
occupations d'Agaisse étoit de
consoler les déportés qui arri-
roient chaque jour à Rochefort,
accablés de lassitude , souvent
après quarante et même soixante
jours de marche, surtout les
prêtres de la Belgique. A leur ar-
rivée, il leur préparoit leur humble
couche; et plus d'une fois, sous
prétexte de les aider à ôter leur
chaussure collée à leurs pieds
meurtris , il les baisoit avec res-
pect ». Ce fut le 12 mars 1798
qu'on l'embarqua ; et la frégate ta
Charente fut celle sur laquelle on
le mit avec cent soixante -quinze
a,utres déportés. Bientôt après, il
passa avec eux sur la frégate ta
AGA
Décade. On peut voir, à l'article
GiuANE,ce qu'il eut à Souffrir dans
la traversée. Abordé à Cayenne le
i3 juin 1798? il fut du nombre
des quarante-cinq, qu'à raison de
leur dépérissement on déposa dans
l'hôpital. Des personnes charita-
bles obtinrent de l'agent national
qu'Agaisse n'allât point à Kona-
nama ni à Sinnamary; et il fut
placé, avec deux prêtres, dans
une habitation située de l'autre
côté de la grande embouchure de
la rivière de Cayenne , chez un mu-
lâtre nommé Sevrin. Ce lieu néan-
moins étoit brûlant, et l'on y étoit
dévoré par les mai ingouins ; on n'y
avoit pas même d'eau potable , ni
aucun fruit bon à manger : aussi
cette habitation avoit-elle le nom
de Tout-y -Manque. Agaisse n'a-
voit pas recouvré la santé, et pou-
voit à peine se soutenir. La fièvre ,
se joignant au fléau de la misère,
termina sa vie après quinze jours
de souffrances extrêmes. Il mou-
rut le 22 septembre 1798. Un laïc
revenu de Cayenne écrivoit en
i8o3 : « Le jeune Agaisse, avant
sa mort, pou voit être mis au rang
des saints , et même des Martyrs » .
Le vénérable prêtre , dont nous
parlions tout à l'heure, racontoit
en i8o5 que, pendant son séjour
à Cayenne , il alloit souvent au
tombeau du jeune Agaisse dont il
avoit admiré les vertus : « j'en re-
venois, disoit-il, toujours paisible
et résigné à mes maux » . (V . J. N.
Adam et P. Ai.acnoï*.)
AGR
AGRAFEL (Le Père François),
religieux récollet de Saumur, étoit
né à Sarlat en Périgord, vers 1 728.
Il entra de bonne heure dans l'ordre
des récollets, en la province de
Toulouse, où il fut élevé par son
mérite jusqu'à la charge de pro-
vincial. Son humilité voulant le
soustraire aux honneurs qu'on
lui avoit décernés, le fit deman-
der à passer dans une autre pro-
vince ; et il vint vivre en simple reli-
gieuxdans le monastère deSaumur.
Le P. Favereau, qui y fut son
confrère, et qui est actuellement
curé d'Outretot, près de Rouen ,
nous atteste que « le P. Agrafel se
rendit très-recommandable pen-
dant tout le temps de sa profes-
sion, et qu'il se distinguoit autant
par son érudition que par sa piété » .
Resté à Saumur après la destruc-
tion de son cloître , en 1791, il en
fut enle vé à la fin de 1 792 , et traîné
à Angers dans une maison de réclu-
sion, en vertu de la loi du 26 août
précédent , comme n'ayant pas
voulu prêter le serment de la
constitution civile du clergé,
et comme se trouvant trop âgé
pour n'être pas obligé de s'exiler
en qualité d'insermenté. Sa peine
devoit, suivant celte loi, se bor-
ner à cette réclusion ; mais quand
les révolutionnaires d'Angers vi-
rent passer, en cette ville, les
soixante-un prêtres de la Nièvre,
presquetous vieillards ou infirmes,
que l'on traînoit à Nantes pour les
y faire périr, ils se hâtèrent d'as-
AIL 55
socier à leur sort les quinze prêtres
sexagénaires ou infirmes qu'ils
avoient en réclusion ( V . Angers).
Le P. Agrafel fut donc, ainsi que
ses quatorzecompagnons, forcé de
partir avec les autres, le i5 mars
1 794> Tout ce qu'ils eurent à souf-
frir dans le trajet , a été raconté
ailleurs ( V . Nevers ). Arrivé à
Nantes, le P. Agrafel fut, avec
eux, enfermé dans le fétide fond
de cale de la galiotc hollandaise au
port de cette ville. En proie à la
faim, au froid , à la peste que tous
ces captifs de Jésus-Christ avoient
à supporter, il y succomba vers
le commencement d'avril 1794-
On a cru à Angers qu'il avoit été
noyé dans un des bateaux à sou-
pape du cruel Carrier; mais nous
avons une preuve irrécusable de
la relation que nous venons de
faire de sa mort, dans le témoi-
gnage par écrit dequelques uns des
onze prêtres de la Nièvre qui re-
vinrent ensuite dans leurs foyers.
( V. Adelon, de Neufontaines ,
et Animé , Bénédictin. )
AILLET (Marguerite Guito-
hier, veuve d'), femme pieuse,
demeurant à Loudun , dans le
diocèse de Poitiers , avoit donné
chez elle à quelques prêtres catho-
liques persécutés un asile contre
la persécution. On les y décou-
vrit, et elle fut arrêtée avec eux,
et conduite comme eux dans les
prisons de Poitiers (V . Vendée).
Cet acte généreux de religion , l'un
des plus méritoires aux yeux, de
54 ALA
Dieu en de telles circonstances
[V. S* Aux), ne pou voit qu'irriter
extrêmement les ennemis de la
Foi. Elle fut appelée devant le tri-
bunal criminel du département de
la Vienne, siégeant à Poitiers, le
i4thermidor an II (i"août 1794);
et les juges se hâtèrent de l'envoyer
à la mort comme « recéleuse de
prêtres réfractaires » , cinq jours
après la chute de Roberspierrc. (V.
R. Vincent et J. A. Arnacdeau.)
AIMÉ-DE-JÉSUS (Sœur
Saint), religieuse. ( V. W1" R°
Gardon. )
ALAGNON (Pierre), prêtre
du diocèse de Cahors, nommé
Allagnon dans le Voyage de J. J.
Aymé; Allacon, avec le titre de
« chapelain de Toulouse, » dans
le V oyage de L. A. Pitou ; et
Alanion de Fratssinet dans une
compilation récente , étoit sim-
plement né à Frayssinet-le-Gelat,
dans le Quercy, près de la ville
épiscopale , et l'un des huit cha-
pelains de l'église cathédrale de
Cahors à l'époque de la révolu-
tion. Il se trouvoit encore dans
cette contrée , quand fut rendue
la loi de déportation du 26 août
1792. Quoiqu'il n'eût point fait
et qu'il ne voulût point faire le
serment de la constitution ci~
vile du clergé, il ne sortit pas
de France; et, quelques mois
après, il fut arrêté, et envoyé
à Bordeaux pour être de là dé-
porté à Cayenne. Il fut même du
nombre de e*>nx qu'on émbar-
ALA
qua au Pâté-de-Blaye , trois mois
après la chute de Roberspierre
(K.Bordeaux). Ses souffrances
furent grandes, non seulement
dans les prisons, mais encore sur
le vaisseau qu'on le flt monter, et
dans celle où il fut ensuite déposé
après être remis à terre. Lorsque
les prêtres eurent enfin la liberté
de retourner dans leurs foyers, en
1796, Alagnon revint dans le dio-
cèse de Cahors, où il travailla au
salut des âmes avec une ardeur
proportionnée aux besoins de l'E-
glise. Son zèle l'ayant rendu très-
odieux aux révolutionnaires, ils
cherchèrent à se saisir de sa per-
sonne lorsque la persécution eut
repris ses fureurs , au 18 fructidor
(4 septembre 1797). Alagnon, à
qui le serment de haine qu'on
exigeoit alors, faisoit horreur, se
réfugia dans un asile champêtre;
on l'y atteignit, et on l'amena
dans les prisons de Cahors, d'où
il fut bientôt envoyé à Rochefort
pour être déporté a la Guiane.
Dans le trajet, des gendarmes in-
humains voulurent l'attacher avec
des chaînes, et lui mettre un col-
lier de fer. La nature en lui frémit
un instant, en voyant cet appa-
reil destiné aux malfaiteurs; mais
la religion reprenant ses droits , et
lui rappelant tous les saints per-
sonnages de la primitive Eglise ,
qui avoient porté des fers, il baisa
ce collier, éprouvant intérieure-
ment le bonheur indicible que
saint Paul avoit trouvé dans ses
ALA
fers, et dont il ne se lassoit plus
de se féliciter : vinctus Christi ,
— vinctus in Domino. Ce que
saint Jean-Chrysostûme avoit dit
à ce sujet, se réalisoit délicieuse-
ment dans l'âme d'Agaisse , lequel
pouvoit s'écrier, par un sentiment
personnel: « O bienheureux liens!
Heureux celui que décore cet or-
nement, bien plus magnifique que
le diadème des rois! Ah! quand
on aime Jésus-Christ, on connoît
toute la dignité a laquelle sont
élevés ceux qui sont enchaînés
pour lui ; et saint Paul se croyoit
moins honoré par les révélations
qu'il avoit reçues du ciel, que par
les fers qu'il avoit portés» .Obeata
vincula! O beatas manus quas
ornavit Ma catena ! Non enim
tam sptendidum facit caput
vitta ex gemmis composita ei
imposka, quàm catena ferrea
pr opter Christum Si quis
Christum diligit , novit hanc
dignitatem Quantum sit
gratificatum , quàd pr opter Ip-
sum, sit vinctus Nihil est
Ma catena beatius. Non tam
dico [Paulum) beatum quod
audierit arcana verba, quàm
eum censeo beatum propter Ma
vincula. (Homil. VIII, in cap. iv,
ad Ephes.)
Alagnon parvint àRocbefort; et,
après y être resté quelques jours en
prison, il fut embarqué le 1" août
1798 sur la frégate ta Bayon-
naisc [V. Guiane); mais il ne
put résister aux fatigues de la tra-
ALA 55
versée, et aux tourmens de cette
espèce de cachot. Il y mourut
avant d'arriver à Cayenne , comme
l'attestent de concert les Voyages
à Cayenne des deux laïcs dépor-
tés que nous venons de citer ; et
non point « après le débarque-
» ment », comme il est dit dans
la compilation dent nous avons
parlé. Le corps d'Alagnon n'eut
point les honneurs de la sépijlture :
il fut jeté à la mer ( V. H. Agaisse
et P. J. Azaert. )
ALAUX (Gérï), prêtre du dio-
cèse de Toulouse, y étoit, à
l'époque de la révolution , curé de
la paroisse de Sainte -Radegonde
de la petite ville de Beaumont,
sur la Lèze , à quatre lieues de Tou-
louse. Au milieu de la défection
de plusieurs, dans ce diocèse, il
conserva sa Foi ferme et entière,
en refusant le serment schisma-
tique de 1791, et tous les actes
impies demandés ensuite aux
prêtres. Peu de ceux de ce dis-
trict y furent immolés durant la
persécution; non que les persé-
cuteurs n'y fussent aussi ardens
qu'en d'autres contrées, mais parce
qu'ils trouvèrent dans celle - là
trop de prêtres foibles, dociles à
leurs vues. La vérité, qui préside
à notre travail, ne permet pas
qu'en nous glorifiant de ceux qui
eurent le courage de mourir, plu-
tôt que de rien faire contre leur
conscience, nous dissimulions
que , dans le clergé de France ,
il y eut , comme jadis , parmi
56 A LA
les premiers chrétiens persécutés,
de ces hommes qu'on appeloit
lapsi. Que ne pouvons-nous taire
qu'on n'en compte pas moins de
cent vingt-cinq , nommés , avec
leurs qualités, sur une liste im-
primée qui fut affichée dans le
temps , à Toulouse , et dont même
nous avons le placard sous les
yeux! Son titre seul justifie notre
douleur ; il est conçu en ces tei mes :
«Tableau contenant les noms des
ecclésiastiques qui ont remis, jus-
qu'à ce jour, 20 prairial (8 juin
1794)5 au bureau de l'agent na-
tional du district de Toulouse, la
déclaration de renonciation à leur
état de prêtrise, et qui doivent
jouir d'une pension viagère, en
exécution de la loi du 2 fri-
maire». Au bas, on lit : «Certifié
par l'agent national, le 20 prai-
rial : signé Descombels. » C'étoit
le résultat d'un arrêté que les au-
torités de Toulouse avoient pris
pour se conformer à la municipa-
lité Dantoniste de Paris , laquelle
avoit décidé , le 9 novembre 1 793 ,
« qu'il seroit ouvert un registre sur
lequel on inscriroit les déclara-
tions des citoyens qui voudroient
se déprêtriser » ( Moniteur, II*
année de la république, n° 49)-
Mais à tant d'énormes scandales,
opposons bien vite la courageuse
fermeté du curé Alaux, qui, resté
dans le canton, et bravant tous les
périls, pour continuer à fournir
à ses paroissiens les secours de
l'Eglise catholique, avoit été déjà
ALA
emprisonné. Le tribunal du dépar-
tement de la Haute-Garonne ,
siégeant à Toulouse, l'avoit con-
damné , le 24 germinal an II
(i3 avril 1794)? à la peine de
mort, comme « prêtre rêfractairc
à la loi » ; et il fut immolé le même
jour. [V. P. F. Azera.)
ALAUZIER ( Marie-Gertrude
d'), religieuse ursuline de Bou-
line, sous le nom de sœur sainte
Sophie, continuoit, depuis la
destruction des cloîtres , à vivre
en communauté avec beaucoup
d'autres religieuses, dans la même
ville. Les révolutionnaires l'y arrê-
tèrent, comme toutes les autres,
en 1794; et le 2 mai la vit ame-
ner avec elles dans les prisons
d'Orange, pour y être immolée
par la commission populaire qui
alloit s'établir en cette cité ( V .
Orange). Dans cet état de capti-
vité , la sœur d'Alauzier continuoit,
avec ses sœurs , la pratique des
règles religieuses , et se préparoit
comme elles au martyre, par les
actes et les sentimens de la plus
fervente piété ( V . d'Albarede ).
Déjà deux d'entre elles avoient
été envoyées à la mort , par la fé-
roce commission le 4 juillet; et, le
lendemain en s'éveillant, elle eut
une sorte de révélation que son
heure de mourir approchoît. Alors
une joie indicible vint remplir son
cœur , et lui lit verser de douces
larmes. Elle s'écrioit avec trans-
port : « Je suis dans une espèce
d'extase, et comme hors de moi-
ALB
même,paree que j'ai la persuasion
intime que demain je verrai mon
Dieu, et que je mourrai». Un
moment après , sa conscience ti-
morée lui fit craindre que cette
exclamation n'eût été accompa-
gnée d'un mouvement d'orgueil;
elle en étoit si troublée, qu'on
crut devoir la rassurer sur le sen-
timent qui l'avoit inspirée. Elle
fut en effet appelée le lendemain ,
22 messidor an II (10 juillet 1794)»
à l'impie tribunal, avec une autre
religieuse {V. S. A. Romillon).
Ses réponses lurent autant de
courageuses professions de Foi ; et
elle fut condamnée à mort, avec
sa compagne, « comme fana-
tique et comme réfractaire » ,
parce qu'elle avoit refusé le ser-
ment de liberté-égalité ; et pour
cela même, comme «contre-révo-
lutionnaire ». Quand elle eut en-
tendu sa sentence, elle remercia
les juges du bonheur qu'ils alloient
lui procurer; et, lorsqu'elle fut
arrivée à la guillotine, elle baisa,
avec une sainte reconnoissance,
cet instrument de mort , qu'elle
regardoit comme celui de son bon-
heur éternel. ( V . M. Albarède. )
ALBARÈDE (Marguerite d'),
l'une desquarante-deux religieuses
du Comtat Venaissin, qui furent
amenées prisonnières , de Boulène
à Orange, pendant le printemps
de 1794? est une des trente-deux
que la commission populaire,
établie en cette dernière ville , fit
périr pour la cause de la religion ,
ALB 5;
dans le courant de juillet suivant
( V. Orange ). Elle étoit née à
Saint - Laurent, près le Comtat,
en 1741- Sa vocation bien mani-
feste pour l'état religieux, l'avoit
fait entrer jeune dans le couvent
des IJrsulines du Pont-Saint-Es-
prit, où elle avoit prononcé ses
vœux ; elle continua d'y vivre en
fervente religieuse, sous le nom
de sœur Sainte Sophie, jusqu'à
la destruction des cloîtres, en 1 79 1 .
Alors elle vint, avec dix - huit
autres, tant de son couvent que
de ceux d'Avignon, se réunir aux
Ursulines de Boulène, qui s'étoient
arrangées entre elles , et douze
autres du couvent du Saint-Sa-
crement , pour continuer à vivre
en communauté. On peut voir, à
l'article Orange, comment elles
furent enlevées de leur pieuse re-
traite, à la fin d'avril, par les
ordres du féroce proconsul Mai-
gnet, et quelle édification elles
donnèrent dans leur prison et sur
l'échafaud. La sœ uv Sainte Sophie
fut envoyée au dernier supplice,
comme « fanatique et contre-*
révolutionnaire » , avec deux de
ses compagnes (V. M. E. Pelis-
sier, et M. C. Blanc), le 25 mes-
sidor an II (11 juillet 1794), à
l'âge de 54 ans. Les trente-deux
religieuses qui, amenées de Bou-
lène , furent immolées à Orange ,
dans cette conjoncture, étoient,
avec Marguerite d'Albarède, Ma-
rie Becuin, Rosalie Bts, Marie-
Claire Blanc, Marguerite Bone-
58 ALB
bet, Anne Cartier, Marie-Thérèse
Charansol, Louise Cluse, Thé-
rèse Consolier, Marie - Gertrude
d'Alausier, Suzanne- Agathe De-
iace, Marie-Anne Doux, Marie-
Claire DtiBAC , Henriette Faurié,
Suzanne Gaillard, Marguerite-
Rose Gardon, Marie- Madeleine
Guilhermier , Madeleine - Fran-
çoise de Jcstamont, Elconore de
J ustamont , Julie - Madeleine de
Justamont , Madeleine de Justa-
mont, Marie-Anne Lambert, Anne
Minette , Marie-Elisabeth Pelis-
sier, Marie -Anne Peyre, Marie-
Anastasie Rocard, Marie -Anne-
Marguerite Rochier, Jeanne Ro-
willon, Sylvie-Agnès Romillon ,
Marie Sage, Thérèse - Marguerite
Talliend, et Elisabeth Verchère
{V. ces noms).
ALBOUY (Jean), prêtre du
diocèse de Rhodez , né à Frais-
signes en Rouergue , près Saint-
Céré, ai-rêté, en 1793, comme
insermenté qui ne s'étoit pas dé-
porté lui-même, et devoit l'être
à la Guiane, fut traîné vers Bor-
deaux , pour y être embarqué
( V . Bordeaux ). Il ne put l'être
des premiers , qui pourtant ne le
furent que trois mois après la
chute de Roberspierre. Succom-
bant déjà sous le poids de sa
captivité, dans le fort du Ha, il
alloit y périr, lorsqu'on le trans-
porta dans l'hôpital de Saint-An-
dré, de Bordeaux. Il y mourut
sans cesser d'être captif de Jésus-
Christ, le 25 octobre j 794.1 à l'âge
ALD
de 54 ans. ( V. E. B. Viot et At-
BOUZE. )
ALBOUZE (#....), curé d'une
paroisse comprise actuellement
dans le département de la Gi-
ronde, n'a voit point fait le ser-
ment de 1791, et n'étoit pas sorti
de France, d'après la loi de pros-
cription rendue le 26 août 1792.
Il continuoit à exercer clandesti-
nement son ministère, pour l'uti-
lité des catholiques, lorsqu'il fut
découvert et arrêté en 1793. On
l'envoya au fort de l'île du Pâté-
de-Blaye , pour y attendre sa dé-
portation à la Guiane ( V. Bor-
deaux). Cependant, comme on
ne put pas embarquer tous les
prêtres amenés à Bordeaux et à
Blaye , pour être déportés , lors-
que l'embarquement se fit, vers
la fin de l'automne de 1794, seu-
lement trois mois après le ren-
versement de Roberspierre , le
curé Albouze fut de ceux qu'on
laissa dans leur prison. Celle du
fort étoit affreuse et fétide. Il y
souffrit des maux inouïs qui rui-
nèrent sa santé; et, dans un état
voisin de la mort, il fut transporté
à l'hôpital de Blaye. Là, toujours
captif de Jésus-Christ, il rendit
son dernier soupir, le 5 ventôse
an HL (23 février 1795), ù l'Age
de 59 ans. ( V. J. ALBOuyet Alde-
BERT. )
ALDEBERT ( N.... ), prêtre
et chanoine de l'église cathédrale
de La Rochelle, l'un des deux
grands -vicaires de l'évêque, et
ALE
membre du bureau diocésain, de-
voit toutes ces dignités à son mé-
rite et à ses vertus. A la dissolution
de son chapitre, et à l'établisse-
ment du clergé schismatique en
cette contrée, les vexations exer-
cées envers ceux qui s'étoient dis-
tingués par leur attachement à la
Foi catholique, déterminèrent le
chanoine Aldebert à se réfugier
en la ville de Bordeaux, où, étant
moins connu, il espéroit jouir de
plus de tranquillité. Son espoir
fut déçu par l'ardeur inquisito-
riale des agens de la persécution.
Reconnu pour ecclésiastique et
pour prêtre non assermenté, il fut
emprisonné comme suspect, en
1793. Les événemens d'alors ne
lui laissoient pas douter qu'il ne
fût destiné à périr sur l'échafaud.
Résigné à mourir pour la même
sainte cause qui l'avoit fait per-
sécuter et emprisonner, il mérita
la couronne du martyre, en mou-
rant captif dans l'attente de son
dernier supplice. ( V. J. Albouy
et B. Andran).
ALEXANDRE (Gérard), an-
cien curé de Chaveaux, et cha-
noine de l'église collégiale de
Saint-Symphorien , dans la ville
de Reims, âgé de 48 ans, yétoit
encore à la fin d'août 1 792 , malgré
la persécution excitée contre les
prêlres fidèles à la Foi de i'Eglise
catholique. Ilfut désigné auxassas-
sins que la Commune de Paris en-
voyoit à Reims, au commencement
de septembre , pour y répéter len
ALE 59
massacres qui s'exécu toient dans la
capitale ( V. Septembre). Sous le
prétexte que le chanoine Alexandre
ne devoit pas être exempt de mon-
ter la garde, les impics vont l'en-
lever de son domicile; et le voilà
placé, avec un autre prêtre vé-
nérable ( V. J. Romain ) , dans les
rangs de la garde nationale. Mais
les assassins s'apercevant que ces
prêtres pouvoient y trouver un
abri contre leurs coups, deman-
dent qu'on les mette en prison.
Alexandre y est conduit avec son
confrère''; ils n'y sont pas plutôt
entrés l'un et l'autre, que les
meurtriers viennent les y prendre ,
pour les conduire à l'hôtel-de-
ville où siégeoit la municipalité.
A peine ces deux prêtres sont-ils
arrivés sur la place de cet hôtel-de-
villc où les abbés de Lescure et
de Vachères venoient d'être égor-
gés (V. ces noms), que le cha-
noine Alexandre voit le curé
Romain, percé d'un coup de sabre,
tomber à ses pieds. Déjà lui-même
est blessé par la même arme; il
croit qu'un pareil sort plane sur
sa tête ; mais la cruauté des assas-
sins trouve le supplice trop doux
pour la victime. Ils conçoivent le
dessein infernal de le brûler vif,
avant de terminer celte horrible
journée , déjà marquée par tant
de massacres. La proposition en
est faite à haute voix ; les assassins
y applaudissent avec fureur ; plu-
sieurs d'entre eux courent aussi-
lôt dans les maison* voisines, afin
Go A LE
d'en enlever le bois nécessaire
pour former un bûcher. Il est
dressé; on y étend le vertueux
Alexandre, aux cris perçans d'une
multitude ivre de la nouveauté de
cet affreux spectacle. Déjà les
flammes enveloppent la victime ,
encore pleine de vie ; mais on
trouve qu'elles ne sont point assez
ardentes ; la populace va conti-
nuellement chercher du bois où
elle peut en trouver, pour rani-
mer et alimenter le feu, qui ne
consume que lentement ce mi-
nistre du Seigneur. Trois fois le
chanoine Alexandre , cédant au
sentiment de la douleur, essaie,
par un mouvement naturel, pres-
que involontaire, d'échapper à la
flamme , qui ne le dévore que len-
tement ; et trois fois ses bourreaux
le repoussent dans le bûcher. Il y
expire ainsi purifié par le feu , et
plus digne encore de la palme du
martyre, le 3 septembre 1792.
Que de circonstances de cette
mort auroient pu être décrites
avec les paroles de saint Léon ,
pape, racontant le supplice d'un
illustre Martyr du m" siècle! « Ce
fut, disoit-il, lorsque la fureur
des impies se déchaînoit surtout
contre l'élite des membres de Jé-
sus - Christ qui appartenoient à
l'ordre sacerdotal , ce fut alors
qu'ils attaquèrent celui-ci , comme
étant un de ceux dont l'âme avoit
le plus de force, cherchant à la
vaincre par des supplice sextraor-
dinaires. La trouvant invincible
ALE
dans les tortures communes, ils
imaginent celle du feu. Impies
trop féroces, vous n'en obtien-
drez pas davantage. Ce qu'il y a
de mortel en lui, se soustrait par
la consomption à votre atroce bû-
cher; et son âme , en s'en volant
dans les cieux, vous laisse dans
la confusion de la défaite. En aug-
mentant avec tant de cruauté ses
tourmens , vous n'avez fait qu'a-
jouter à sa gloire , et rendre sa
couronne plus brillante. » Càm
furor potestatum in electis-
sima Christi membra sœviret,
ac prœcipuè eos qui ordinis
erant sacerdotalis impeteret, in
( eum ) impius persécuta' cff'er-
buit — sotidissimam iltam te-
vitici animi fortitudinem diris
parât urgere suppliciis : quo-
rumubi prima nihii obtinent*
vehementiora succédant , lace-
ros artus subjecto prœcipit
igne torreri , ut ficret cru-
ciatus vehementior , et pœna
pioductior. Nihil obtines , ni-
hii proficis, sœva crudelitas!
Subtrahitur inventis tuis ma-
teria mortalis ; et ( illo ) in
cœtos abeunte tu deficis... Ste-
visti , persecutor , in Marty-
rem; sœvisti, et auxisti pal-
mam , dàm aggeras pcenam
( Serai. LXXXIII , in Nalaii
S. Laurentii ).
ALEXANDR.E (Jean-Joseph),
prêtre du diocèse d'Orange, y
étoit curé à l'époque de la révo-
lution. Le refus qu'il fil du ser-
I
ALE
ment schismatique entraîna sa
destitution; il résidoit à Morenas ,
d'où il pouvoit rendre encore son
ministère utile à ses paroissiens.
Après avoir échappé à bien des
dangers, il ne put éviter ceux
dont l'année 179^ menaça les
prêtres fidèles d'une manière si
violente. Le curé Alexandre fut
arrêté , et traîné dans les prisons
d'Avignon, chef-lieu du départe-
ment de Vauclusc ( V. Orange).
Le tribunal criminel de ce dépar-
tement, siégeant en cette ville,
et jugeant suivant les lois révolu-
tionnaires d'alors ( V. Lois) , con-
damna ce pasteur à la peine de
mort, « comme ré fractairè» , le
20 nivose an II ( 14 janvier 1794)*
La sentence fut exécutée le len-
demain.
ALEXANDRE (Lotus), frère
convers de l'ordre des Capucins,
dans leur maison de Morlaix, dio-
cèse de Tréguier , où il étoit appelé
frère. Louis, avoit vu le jour dans
cetteville, en 1 j?44- Quoiqu'iln'eût
puêtre assu jéti au serment de 1 79 1 ,
ni soumis aux rigueurs de la loi du
26 août 1792, il n'en fut pas
moins saisi comme insermenté,
en 1790, et condamné à être dé-
porté au delà des mers. On le
traîna à Rochefort , où il fut
embarqué sur la flûte le TV as-
hington {V. Rochefort). Il
avoit toutes les vertus d'un bon
religieux. Sa complexion ne put
soutenir tant de souffrances. Il
mourut à l'âge de 5o ans , en
ALI Gi
octobre de 1794» et fut enterré
dans l'île Madame.
ALEXIS {Le Père), capucin
de Rouen. {V . P. A. Lalouette.)
ALEXIS {Sœur Saint), reli-
gieuse. {V . Ae lYIlNTJTTE.)
ALIGRE (Charles d'), cha-
noine de la collégiale de Saint-
Sauveur, en la ville de Metz,
étoit né à Sours en Beauce, dans
le diocèse de Chartres. Il se tint
éloigné du schisme de 1791, et
n'en prêta point le serment. Après
la loi du 26 août 1792,1! ne sortit
pas de France, et crut se mettre
à l'abri des persécutions, en fai-
sant le serment daliéerté-égalité,
prescrit à cette époque. Cette foi-
blesse ne put le sauver. Il fut arrêté
dans le département de la Mo-
selle , en 1795, comme n'ayant
pas fait le serment de la consti-
tution civile du clergé , ou plu-
tôt parce qu'il étoit prêtre. On le
condamna à la déportation au delà
des mers. Il fut conduit à Roche-
fort {V . Rochefort). Embarqué
sur le navire le Washington, il
succomba sous le poids des souf-
frances , et mourut à l'âge de 5o
ans , dans le courant d'octobre
1794. Ses confrères l'inhumèrent
dans l'île Madame. L'un d'eux,
en nous transmettant son nom ,
observoit qu'il « mourut avec les
sentimens d'un bon prêtre , dé-
savouant bien sincèrement celui
des sermens qu'il a voit eu la lâcheté
de prêter. » {V . L. Alexandre et
C. N. A. Ancel. )
63 ALI
ALINGRIN , et non Alingun
(Jean-Pierre), né en 1749* à La-
c-aune , dans le diocèse de La-
vaur, montra dès l'âge le plus
tendre une disposition très-mar-
quée à l'état ecclésiastique. Ses
parens le mirent dans les collèges
et les séminaires qui dévoient le
préparer au sacerdoce; et on l'y
vit constamment partager ses
jours entre l'étude et les exercices
de piété. Il fut ordonné prêtre à
l'âge de 24 ans et quelques jours.
Ses supérieurs l'envoyèrent des-
servir une annexe de la pa-
roisse de Graulhet. Il y exerça le
saint ministère avec beaucoup de
fruit pendant cinq ans, après les-
quels il fut pourvu d'une prébende
appelée hebdomade, au chapitre
de Lavaur, et en même temps
nommé vicaire dans la même
ville. Cinq ans après, on lui con-
féra la cure de Bel-Castel, d'où ,
cinq ans plus tard , il passa comme
archiprètre à Graulhet. Il fut en
ce dernier endroit ce qu'il avoit
été dans tous les précédens ; ses
ouailles le regardèrenteomme leur
père et leur ami. Son attachement
pour elles l'empêcha de s'expa-
trier avec les autres prêtres que
l'on persécutoit . quoiqu'il eût ,
ainsi qu'eux, mérité de l'être par
le même refus d'adhésion aux im-
piétés révolutionnaires. 11 fut pris
à Lavaur, pendant qu'il y adminis-
troit un malade. Conduit au tri-
bunal criminel du département
du Tarn, siégeant à GastreS, il y
ALI
vit pour accusateur public un de
ses anciens condisciples, par qui
l'on espéra qu'il pourroit être
sauvé. Mais il auroit fallu qu'Alin-
grin niât qu'il étoit prêtre ; et
cette espèce d'apostasie lui faisoit
horreur. Il déclara courageuse-
ment celte qualité si honorable ,
et fut en conséquence condamné
comme « prêtre réfractaire » à la
peine de mort qu'il subit le même
jour, 18 pluviôse an III (6 fé-
vrier ijq5), six mois neuf jours
après le renversement de Robers-
pierre. {V. Jis Sudre et Jts Bar-
THE.)
ALIX (Jeanne), simple domes-
tique , âgée de 65 ans , servant
Françoise de Beauretour dans la
ville de Bordeaux, et née à Saint-
Martin , près Ludon , dans le dis-
trict de Bordeaux , concouroit par
un esprit de piété avec dix autres
femmes, et un porteur d'eau ,
nommé Pause , à soustraire à la
persécution un prêtre catholique
de qui elles recevoient les secours
de la religion. Les agens de la
féroce commission militaire, éta-
blie à Bordeaux en octobre 1793,
découvrirent ce prêtre [V . Ca-
saux) , et connurent la généreuse
conduite de ces pieuses femmes
et du bon porteur d'eau à son
égard [V . Beatjretoïr , Blitel,
Dl'BERT, JoiRNI, LaCNAY, LeBERT,
Milon, Mimault, Sauve, Tifuey
et Pause). Toutes ces personnes
furent arrêtées avec Alix, et on
les traduisit le 16 messidor an II
ALI
j (4 juillet 1 794) devant la commis-
i sion militaire qui les condamna
toutes au dernier supplice. Leur
conduite pleine de Foi et de vertu
dans cette occasion, n'a pas be-
soin d'un récit particulier pour être
bien connue. Elle est attestée avec
détail , et de la manière la plus irré-
fragable , ainsi que l'action reli-
gieuse pour laquelle elles furent
immo!ées,parles juges eux-mêmes
dans la sentence qu'ils portèrent
contre elles. En voici le texte :
« La commission militaire
considérant que Pause et les
onze femmes ci-dessus désignées,
ont, pendant quatorze mois , re-
célé ce prêtre réfractaire; qu'elles
ont avoué à l'audience partager
ses sentimens ; et qu'elles ont
refusé d'indiquer l'asile des cons-
pirateurs (c'est-à-dire des prêtres
cachés ) qu'elles ont cependant
déclaré connoître : ordonne, d'a-
près les lois du 25 ventôse (1794)
et du 27 mars ( 1 793) , qu'elles
subiront la peine de mort». Ce
jugement est signé au registre :
« Lacombe , président; Barreau,
Marguerié , Lacroix , Albert ,
membres de la commission, et
Gissey, secrétaire-greffier». Ou-
tre les lois générales qui autori-
soienl les prétendus juges à mul-
tiplier les victimes, il y en avoit
de particulières pour Bordeaux,
depuis que la Convention avoit
désigné cette ville comme le centre
du fédéralisme, et entre autres
la loi du 6 août 1793, qui pros-
ALI 63
crivoit formellement la majeure
partie des Bordelais comme fédéy
ralistes. Le décret du 27 mars
1793 dont on se prévaloit dans ce
jugement, avoit mis hors la loi
tous les Français qu'il plairoit
d'appeler aristocrates et enne-
mis de la révolution; et le même
décret qui, le 12 vendémiaire an II
(3 oct. 1795), avoit prononcé le
renvoi des prévenus de conspira-
tions dans la ville de Lyon à ses
tribunaux révolutionnaires , ou
commissions militaires , étoit
commun à la ville de Bordeaux.
Alix marcha au supplice le même
jour, et périt avec ses compagnes
et le pauvre porteur d'eau. Par là
se vérifia ce que saint Paul avoit
dit, « que Dieu se sert de ce qu'il
y a de plus foible , de plus humble
dans le monde, pour confondre
ce qu'il y a de plus fort ».
Les deux motifs de la condam-
nation de ces diverses personnes,
savoir: d'une part, le refus d'in-
diquer les prêtres cachés, ainsi
que la manière dont elles l'ont
fait ; et d'autre part , l'asile qu'elles
avoient procuré à un prêtre per-
sécuté pour sa Foi, nous donnent
lieu de faire observer combien ces
deux actes sont glorieux pour la
religion.
Ces personnes vraiment héroï-
ques ont imité quant au premier
point, sans en avoir la prétention,
et par la seule impulsion de leur
vertu, ce que fit saint Cyprien
lorsqu'il fut sommé par le pro-
<>4 ALI
consul Paterne de déclarer quels
étoient les prêtres cachés dans la
ville de Carthage. Alors, du moins,
les lois de l'empereur défendoient
la délation qu'au temps d'Alix
nous avons vu encouragée et
même récompensée. Le saint évê-
que répondit : « Votre législation
a très-sagement fait de la déten-
dre ; et ne fût-ce que pour cette
raison, vous ne me verrez pas dé-
noncer et découvrir ceux qui se
cachent : c'est à vous à les trouver.
Il ne leur est pas permis de venir
se livrer eux-mêmes; cherchez-
les, si c'est votre devoir (1)».
Les fastes de l'Eglise, en ses plus
beaux jours , donnent les plus
grands éloges à cette réponse ; en
mérite-t-elle moins dans la bouche
des saintes femmes et du porteur
d'eau ? Cette remarque est appli-
cable à un très -grand nombre de
ceux dont on verra les noms dans
notre Martyrologe.
Quant au second point, l'asile
donné à un prêtre catholique, il
(i) Volo ergo scire ex te, qui sint
presbrteri qui in hdc ciuitate consis-
tlint. Cj'prianus cpïscopus respondit :
JLegibus uestris bene atque utiliter cen-
suistis, delatores non esse ; inique dc-
tegi et deferri à me non possunt. In
civàatibus autem suis iiwenienlur. Pa-
ternus proconsul dixà : Ego hodie in hoc
loco exquiro. Cyprianus dixà : Cùm
disciplina prohibent ul quis se ullrô of-
ferat , et tuœ quoque censurœ hoc dis-
pliceat ; nec offerre se ipsi possunt.
S. Cypr. Opern : Ac.la proconsularia.)
ALI
est d'autant plus important dVn
faire connoître tout le mérite aux
yeux de Dieu, qu'on trouvera une
infinité de personnes conduites
au supplice pour cet acte de Foi
et de charité.
Déjà nous avons vu honoré
comme un des plus illustres Mar-
tyrs, ce saint Albanqui ne fut con-
duit à la mort, que parce qu'il
avoit retiré secrètement dans sa
maison un clerc persécuté pour sa
Foi {V. Discours prél. pag. 55).
Sozomène nous est témoin de
l'admiration et de la louange que
s'attira parmi les fidèles cette
vierge chez laquelle saint Alha-
nase, poursuivi parles Ariens,
resta caché pendant sept ans. Sa
beauté, que vante cet historien,
fit la sécurité d'Athanase, parce
qu'on ne soupçonna point qu'un
prêtre d'une vertu si austère eût
pu se réfugier près d'elle. Sozo-
mène , vantant la grande force
qu'elle avoit montrée en l'accueil-
lant , se plaît à peindre en détail
les traits de prudence par lesquels
elle parvint à le sauver. « Gar-
dienne fidèle d'un tel hôte, dil-il,
elle se fit un honneur de le servir
avec soin , jusqu'à lui laver les
pieds. Ne pouvant s'en fier à per-
sonne pour lui procurer du dehors
ce qui lui étoit nécessaire , tant
pour la satisfaction de sa piété
que pour sa nourriture et son vê-
tement, elle alloit chercher ce qui
lui convenoit, jusqu'à des livres
qu'elle enipruntoit chez ses voisines
ALI
comme pour elle-même (1) » ; et
voilà ce qu'ont fait plus ou moins
les personnes que, dans notre Mar-
tyrologe, l'on trouve condamnées
comme « receleuses de prêtres ré-
fractaircs ». Le même historien
semble, en outre, avoir pris à tache
de montrer combien est odieuse à
Dieu , et s'attire de malheurs ,
même ici-bas , la conduite d'un
confident perfide qui trahit le se-
cret de l'asile d'un saint prêtre
en butte à la persécution. La pre-
mière fois que saint Athanase
avoit été obligé de fuir, il s'étoit
caché dans un souterrain obscur,
de la dépendance d'une famille
dont il étoit l'ami ; et la servante
de cette famille , qui en avoit
obtenu toute la confiance , eut la
commission de porter au saint
tout ce qui lui étoit nécessaire pour
vivre. Elle fut enfin tentée par la
récompense que les Ariens pro-
mettoient à quiconque le livreroit ;
mais Athanase, averti de son des-
( i ) Quœ ob formœ quidam venus-
talem non sinebat ut quis sacerdotem
illic degere suspicaretur : prœ anitni au-
tem forliludine eum excepil , et pruden-
tiâ sudservtwit. Usque adeôjida custos
et scdula ejus ministre//, ut et pedes ei
lavaret , et res ad uictum necessarias
ac reliqua omniu quœcumque nalurœ
nécessitas exigit, ubi opus esset , sala per
se minislraret : libros prœtereà quibus
Me indigebat , ab aliis commodatos af-
ferwl ; et longissimi temporis spatio quo
ha csgerébantur, nemo tamen ex A lexan-
drinis civibus rem cognosceret. (Hist.
EccJ. L. V, c. vu.)
2.
ALI 6 5
sein par une inspiration divine,
changea de refuge; et, les satel-
lites qui vinrent pour se saisir de sa
personne, d'après l'avis de cette
servante, ne le trouvant point,
s'en prirent à elle, et la massa-
crèrent (2). i" Alix, qui avoit
tenu si généreusement une con-
duite toute contraire , eut à la
vérité le même sort ; mais elle
reçut en récompense la gloire du
martyre.
Toutes les personnes animées
de la Foi , qui , dans tous les
siècles, et notamment dans les
derniers temps en France , ont
donné asile aux prêtres proscrits
pour cause de religion, voyoient
en eux bien plus que des hommes
malheureux. Elles savoient que
ce n'étoit pas simplement comme
hommes qu'ils étoient persécu-
(2) Cùm Constantius maie multare
eum ( Alhanasium) decrevis set , ipse
fuga elapsus , apud quemdam ex f'ami-
liaribus delituit : longoque temporis
spatio mansit in sublerraneo et obscwo
quodam domicilio , quod olim aquœ
fuevat receplaculum. Nec quisquam
ejus rei conscius , prœter eos apud quos
lalitabat , et nncillam , quœ tantœ jidei
visa est, ut illi minislraret. Porrà cùm
Ariani eum vivum cnmprchendere omni
studio niterentur, anc.illa donis ac pol-
licilationibus , ut credibile est , illecta ,
eumjamjum erat proditura. f erùm in-
sidiis illi à Deo palejactis , insidiatores
prœveniens , alio migravit. Anc.illa vero
pœnas dédit, utpote quee falsum detu-
lisset contra fJominos, qui et ipsi au-
fugerant. (Sozom. Hist.Eccles. L. IV,-
c. x.)
5
6G ALI
tés, mais comme ministres et
ambassadeurs de J ésus-Christ ;
comme dispensateurs des mys-
tères de Dieu (1); comme des
instrumens vivans de sa grâce
pour la sanctification des âmes.
Ces hôtes que la religion rendoit
si courageux se rappeloient , en les
voyant poursuivis, ce que saint
Paul écrivoit aux Corinthiens :
« C'est pour votre gloire, mes
frères, que je m'expose tous les
jours à la mort (2) ». Ils n'étoient
persécutés , en effet , qu'à raison de
leur zèle pour instruire les peuples
sur la religion , pour leur en ad-
ministrer les secours, et leur en
conserver le précieux dépôt. Ces
prêtres fugitifs n'avoient pas be-
soin de dire à ces chrétiens pleins
de Foi : « Ce n'est pas pour nous ,
mais pour vous que nous sommes
prêtres, et que nous persistons à
exercer le saint ministère parmi
vous ; quand on nous traîne dans
les prisons , sur l'échafaud , nous
ne regrettons que le bonheur de
travailler à votre sanctification , et
de transmettre le dépôt sacré de
la Foi à vos enfans. Elevés au-
dessus de la terre par les vues et
(1) Sic nos existimet homo ut mi-
nistres Christi, et dispensatores myste-
riorum Dei. (1. Corinth. C. iv, f. 1.)
(3) Utquid et nos periclitamur omnî
hora ? Quotidie morior per vestram
gloriam, fratres , quamhabeoin Christo
Jesu Domino nostro. ( i. Corinth.
C. xv, jf. 3o et 3i )
ALI
ies sentimens de cette Foî, les
ministres du Seigneur se félicitent
d'ailleurs de souffrir la persécu-
tion pour la justice; et, se glori-
fiant d'être traités comme leur
divin maître, ils parcourent ave'c
une émulation réciproque la car-
rière des confesseurs, des Martyrs
et des apôtres. Mais vous, à qui la
persécution s'efforce de ravir votre
culte, les instructions, les sacre-
mens, tout secours spirituel; que
deviendriez-vous si vous perdiez
les ministres de la religion, si
vous ne leur facilitiez pas les
moyens de remplir leur périlleux
ministère ?»
Dans cette occurrence, les bons
chrétiens n'ont point oublié que
Jésus-Christ , envoyant les apôtres
prêcher le royaume de Dieu , avoit
fait entrevoir que les particuliers
dans la maison desquels ils loge-
roient, auroient un avantage bien
précieux, et que ces prêtres ne
dévoient pas en faire jouir indis-
tinctement tous ceux qui l'ambi-
tionneroient. « En quelque bourg,
en quelque village que vous en-
triez, informez- vous quelle est
dans ce lieu la personne la plus
digne de vous loger (5), parce
que celui qui vous reçoit me
reçoit moi-même, et que celui
qui me reçoit reçoit celui qui m'a
(3) In quamc.umque autem civilatem
aut caslellum inlraverilis . interrogate,
quis in ea dignus sit : et ibi manete
donec exeatis. (Math, G, x, f. II.)
ALI
envoyé (i)>). Les chrétiens hospi-
taliers de notre temps savoient
que, recevant un prêtre, non par
quelque motif humain, mais au
nom de Jésus-Christ qui l'a en-
voyé, et comme ministre de Jé-
sus-Christ, ils mériteroient eux-
mêmes la récompense d'un mi-
nistre de l'Evangile, parce qu'ils
coopéroient réellement à son mi-
nistère. « Celui qui reçoit un
prophète en qualité de prophète ,
dit Jésus-Christ, recevra la ré-
compense d'un prophète (2) ».
Leur empressement pour exercer
ce genre d'hospitalité étoit encore
excité par l'estime que saint Paul
avoit pour Aquila et sa femme
Priscilla qui lui avoient donné
asile dans la persécution , et
« avoient en quelque sorte par là
travaillé pour le service de Jésus-
Christ, avec lui, en exposant leur
tête pour lui sauver la vie (3) » . Us
vouloient obtenir cette miséri-
(1) Qui recipit vos , me recipit : et
qui me recipit , recipit eum qui me mi-
sit. (Math. C. x,/. 4o.)
(2) Quirecipitprophetam in nomine
prophetœ, mercedem prophetee accipiet.
(Math. C. x, f. 4i.)
(3) Egressus ab Alhenis , venit Co-
rinthum : et inveniens quemdatn Ju-
deeum , nomine Aquilarn , et Priscillam
uxorem ejus , accessit ad eos ; et mane-
bat apud eos, et operabatur. (Act.
Apost. C. xvm, f. 1, 2, 3.) —
Salutant vos in Domino mullùm Aquila
et Priscilla , cum domeslica sua eccle-
sia : apud quos et hospitor. (Ad Go-
rinth. C. xvi, jr- 19 )
ALI 6?
corde divine que le même apôtre
demandoit pour la maison d'Oné-
siphore «qui l'avoit reçu comme
un ange de Dieu , et l'avoit sou vent
sustenté, sans craindre de parta-
ger ses chaînes (4)"- Vivement
éclairées par ces lumières évang^-
liques, toutes les personnes que
nous voyons et que nous verrons
condamnées comme receleuses
ou receleurs de prêtres refrac-
taires, s'étoient donc hâtées d'a-
dresser à ces ministres si zélés ce
que la pieuse Lydie, de la ville de
Thiatyre, disoit à saint Paul et à
ses compagnons : « Si vous me
croyez fidèle au Seigneur, entrez
dans ma maison , et demeurez-y » .
Nous n'exagérons pas en appli-
quant à chacune de ces personnes,
si dévotement hospitalières, ce
que saint Luc rapporte de la con-
duite de cette noble Thiatyrienne,
qui, non contente d'inviter, « força
même les apôtres à entrer dans sa
maison , et à y rester (5) » .
(^) Det Dominusmisericnrdiam One-
siphori domui : quia sœpè me réfrigéra-
vit, etcatenam meam non erubuil.... Et
quanta Ephesi ministravit mihi , tu
me/ius nosli. ( 1. Ad Timot. C. 1, ir.
16 et 18. )
(5) Et quœdam mulier, nomine Ly~
dia, purpuraiia ci'itatis T jatireno-
rum , colens Deum , audivil : cujus Do-
minus aperuil cor intendere lus quœ di-
cebantur ù Paulo.... JJeprecata est di-
cens : si judicaslis me Jidelcm Domino
esse, introite in domum meam et ma-
nete. Et coegit nos. (Act. Apost.
C.xyi, *• i4 et i5.)
5.
68 ALI
Ilest juste de remarquer ici, pour
compléter les notions que l'on doit
avoir sur la marche de la commis-
sion militaire, de Bordeaux que,
dans ses coinmencemcns, elle ne
s'étoit pas montrée si cruelle en-
Vers les personnes qui faisoient
profession de piété. Elle n'avoit
condamné , le i5 frimaire (5 dé-
cembre 1793), qu'à la détention
jusqu'à la paix, un garçon de ma-
gasin , Pierre Pacary, pour avoir
en des maisons particulières servi
la messe de plusieurs prêtres non
assermentés ; la peine fut plus
sévère ensuite pour Jeanne Fon-
taine à qui l'on reprochoit d'être
fanatique. , d'avoir fait de sa
maison « une caverne où se ras-
sembloient des prêtres; et de con-
server chez elle des livres de prières
absurdes, qui prouvoient qu'elle
étoit l'esclave des prêtres ». On la
condamna, le 2 nivose (22 dé-
cembre 1793), à l'exposition pu-
blique sur la place de la ville de
Langon où elle avoit son domi-
cile; de plus à une amende de
1 5,ooo liv., et à la détention jus-
qu'à la paix. Les peines devinrent
plus graves en pareil cas, le 7
pluviôse (27 janvier 1794),
contre Victoire Verduzan , reli-
gieuse , âgée de 28 ans, et sa
sœur , âgée de 4° ans , veuve
de Pierre Lavaissière , guillotiné
le 1 1 frimaire ( 1" décembre
1795). Ces deux pieuses per-
sonnes , accusées non sans motif
d'avoir fréquenté ce qu'on appeloit
ALL
des fanatiques, furent condam-
nées à la détention jusqu'à la
paix , à une amende de 5o,ooo liv. ,
et à l'exposition publique, pen-
dant trois jours consécutifs, sur
la place de la ville de La Réole
où elles avoient leur domicile.
( V. VlLLEFBMADE et M. L. ARG1-
COCRT. )
ALLARD ( Jean-Marie), prêtre
du diocèse d'Angers, né à Craonj
près Château - Gonticr, en 1706,
étoit, à l'époque de la révolution ,
curé de Bagneux en Anjou, près
Saumur, et ne fit point le serment
schismatique de 1791. Se trouvant
dans une contrée voisine de la
Vendée, où les habitans ne souf-
froient pas sans indignation qu'on
leur enlevât leurs pasteurs légi-
times, Allard, que ses paroissiens
vouloient aussi retenir, fut re-
gardé par les impies réformateurs
comme étant d'accord avec les
insurgés vendéens; et on le con-
duisit à Paris pour y être traité en
conspirateur. Le tribunal révo-
lutionnaire de cette ville le con-
damna en effet à la peine de mort
comme « contre-révolutionnaire,
ayant eu des intelligences avec
les brigands de la Vendée » :
c'étoit ainsi qu'on appeloit les in-
surgés de cette partie de la France
( V. Vendée). La sentence,
prononcée le 2 5 décembre 1793,
fut exécutée de suite ; et le curé
Allard se félicita de perdre la vie
pour Jésus-Christ, le jour même
où Jésus-Christ étoit né pour le
ALL
salut du genre humain. Ce digne
pasteur étoit âgé de 5y ans.
ALLARD (IV...), prêtre. [V .
Bbosse, de Lassay.)
ALLARD ( Marie ) , femme.
( V . W Tarreau. )
ALLEMAND (Jean-Baptiste),
prêtre du diocèse de Carpentras ,
dans le Comtat Venaissin, con-
serva sa Foi pure du serment
schismatique de 1791- Il conti-
nuoit d'habiter la petite ville de
Bédouin , malgré les alarmes qu'a-
voient dû lui faire concevoir les
massacres commis dans cette pro-
vince en 1791 ( V. Avignon), et
malgré l'accroissement de fureur
que la révolution prenoit en 1795.
L'utilité dont étoit son ministère
à Bédouin et dans les environs, l'y
avoit fait rester. Lorsqu'en 1794
le proconsul Maignet mettoit le
pays à feu et â sang, le prêtre
Allemand fut arrêté comme ce
grand nombre de religieuses qui
résidoient à Boulène , et tant
d 'autres pieux personnages ( V. M.
Albarède). On le traîna aussi dans
les prisons d'Orange , où alloit
s'établir une atroce commission
populaire pour les envoyer à la
mort ( V. Orance) ; et il fut con-
damné par elle au dernier sup-
plice , comme « prêtre non asser-
menté» , dès ses premières séances,
le 19 prairial an II ( 7 juin 1794),
avec une religieuse du même nom
qui nous paroît être sa sœur
( V. F. Allemand ). L'inique sen-
tence fut exécutée le même jour.
ALL 69
ALLEMAND (Françoise) , reli-
gieuse d'un monastère de la ville
de Bédouin, dans le diocèse de Car-
pentras, et que nous croyons être
la sœur de J. B. Allemand dont il
vient d'être parlé , n'avoit rien
perdu de sa pieuse ferveur depuis
que les réformes révolutionnaires
l'avaient mise hors de son cloître.
Sa piété étoit insupportable aux
ennemis de la religion ; et, cette
piété devant durer tant qu'elle
vivroit, ils résolurent de la faire
périr. Elle fut arrêtée à Bédouin
où elle avoit continué de résider.
On la traîna dans les prisons
d'Orange ( V. Orange). Son sé-
jour en ce lieu ne fut qu'une pré-
paration au martyre ( V. J. B. Al-
lemand ). Traduite devant la féroce
commission populaire nouvelle-
lement établie en cette ville, elle
ne voulut point y faire l'impie
serment de liberté-égalité, qui lui
étoit demandé ; et elle y fut con-
damnée comme « insermentée » â
la peine de mort, le même jour
que J. B. Allemand, le 19 prairial
an II ( 7 juin 1794)- ( V. J. B.
Bédouin. )
ALLEMAND (Pierre-Antoine),
curé de la paroisse de Saint-
Etienne en Provence , dans le
diocèse d'Aix, obligé de s'éloi-
gner de sa paroisse , par suite de
son refus du serment de 1791, se
réfugia dans la ville de Marseille
Lorsque la persécution atteignit
sa plus grande force, en 1793, il
fut découvert en cet endroit. Les
70 ALL
agens des persécuteurs le regar-
dèrent comme un contre-révolu-
tionnaire, parce qu'il étoit prêtre
fidèle à ses devoirs. Jl fut arrêté ;
et le tribunal criminel du dépar-
tement des Bouches-du-Rhône ,
siégeant en cette ville, le con-
damna à la peine de mort, en le
qualifiant vaguement de contre-
révolutionnaire. Cette sentence
fut rendue et exécutée le n nivose
an II (r>i décembre 1790).
ALLERA Y (Dems-François d'),
magistrat, {' .h. F. Angrand.)
ALLIER (Claude), curé de
Chambonas, près de Privas, en
Vivarais, c ndamné à mort, le
5 septembre 1793, par le tribu-
nal criminel du département de
la Lozère, siégeant à Privas, ne
le fut en apparence que comme
agent et complice de la confédéra-
tion du camp de Jalès , dont le
but étoit pour le moins autant
religieux que monarchique ( V.
Pradon). Le récit de cette cons-
piration est dans toutes les his-
toires des premières années de la
révolution (Moniteur du 21 juil-
let 1792). Nous nous dispensons
d'en parler; mais nous ne pou-
vons nous abstenir de faire remar-
quer que le royalisme de ces insur-
gés étoit excité, comme celui des
Vendéens, par des sentimens reli-
gieux ( V. Vendée) ; par le désir
de conserver leur Foi et leur
culte, qu'on s'efforcoit de leur ra-
vir. Le curé Allier, que l'on avoit
voulu enlever à ses paroissiens,
ALR
pour avoir refusé de faire le ser-
ment schismatique de 1791, et
que ses paroissiens vouloient re-
tenir a tout prix, comme leur seul
et unique pasteur, avoit été mû
principalement , dans sa conduite
en cette circonstance , par son
zèle pour la religion. Dès lors,
suivant la décision de saint Tho-
mas, il peut être mis au rang des
Martyrs. ( V. Discours prélim.
pag. 56, et Bastide.)
ALPiIC ( François ) , prêtre ,
religieux dominicain d'Albi, avoit
cru pouvoir sans danger, quoique
insermenté, et malgré la loi de
déportation qui ne le regardoit pas
directement, rester encore dans
cette ville en 1790. Mais voyant,
au commencement du printemps,
la persécution toujours croissante,
il se détermina, avec quatre autres
prêtres, à demander un passeport
pour se rendre hors de France,
suivant la volonté de cette loi ; et
les officiers municipaux, désirant
les favoriser, lui en délivrèrent
un, comme aux autres. Le procès-
verbal authentique de leur mort
violente à Saint-Chinian, fait par
la municipalité de ce lieu, le
10 mai 1793, et que nous avons
entre les mains, dit que ces pas-
seports, visés en outre par l'ad-
ministration du district d'Albi, et
ensuite de celui de Saint -Pons,
avoient les dates des 5, 7 et 8 mai.
Ces cinq prêtres s'acheminoient
ensemble , dans une chétive voi-
ture à deux roues, attelée de deux,
ALR
chevaux, vers Narbonne, pour s'y
embarquer; et, le 9 de ce mois,
tournant la ville de Saint-Chinian,
suivant le conseil qu'on leur avoit
donné de l'éviter, ils ne la lais-
sèrent traverser que par leur voi-
ture vide, et son conducteur.
Mais celui-ci, en y passant devant
un corps-de-garde, fut arrêté par
des gardes nationaux, et se vit
dans la nécessité de déclarer qu'il
conduisoit des voyageurs qui
avoient pris les devants. « Ce sont
des prêtres réfractaires» , s'écriè-
rent plusieurs de ces gardes ; et
quelques uns, ayant le caporal à
leur tête, coururent après les
cinq prêtres, qu'ils atteignirent
bientôt à deux cents toises, sur la
route de Béziers. Le caporal leur
dit qu'il falloit venir à la maison
commune, pour y exhiber leurs
passeports. Ils répondirent avec
docilité : « Nous allons nous y
rendre » ; et ils y vinrent. Pendant
que les officiers municipaux véri-
fioient ces passeports , ce qui ne
pouvoit exiger beaucoup de temps,
ils envoyèrent, on n'ose deviner
pourquoi, ces prêtres au corps-
de- garde, en les y consignant.
L'examen des passeports fut assez
prolongé , pour que la salle de la
municipalité eût le temps de se
remplir d'habitans de la ville et
de gardes nationaux que^ dans
leur procès - verbal , les munici-
paux ont eu soin de dire étran-
gers, et arrivés dans la journée,
armés de fusils et de sabres. La
ALR. 71
place publique située devant l'hô-
tel de la commune, se remplit
également de gens de la même
espèce; et, de toutes parts, la
foule crioit qu'il falloit visiter les
effets qui se trouvoient dans la
voiture de ces prêtres. Le procu-
reur de la commune, accompagné
de deux officiers municipaux ,
prenant avec lui un de ces respec-
tables voyageurs, alla faire déta-
cher leurs valises, afin qu'elles
pussent être transportées dans la
salle de la municipalité. « Alors
une pierre, lancée par un garde
national étranger, dit le procès-
verbal, blessa dangereusement ce
prêtre à la tête ; le sang en cou-
loit avec abondance. Comme les
quatre autres étoient menacés
d'assassinat , dans le corps - de-
garde , la municipalité ne put se
refuser au conseil qui lui fut
donné publiquement, de les faire
venir près d'elle. La foule y péné-
tra à leur suite, malgré les remon-
trances des municipaux, auxquels
on ne répondoit qu'en demandant
à grands cris la tête de ces prêtres.
Il étoit impossible à la municipa-
lité , poursui voit-elle, d'employer
la force contre les mutins, parce
que toutes les armes qu'elle pos~
sédoit lui avoient été enlevées par
le proconsul Rouyer, pour les
volontaires qui partoient pour
l'armée. Malgré les efforts qu'elle
fit contre la foule, pendant quatre
heures, continue le procès- ver-
bal, un grand nombre de volon-
;a ALK
taires étrangers se sont jetés sur
les cinq prisonniers , et les ont
percés de plusieurs coups de sa-
bres et de baïonnettes (c'est-à-
dire que leur martyre a duré pour
le moins quatre heures). Après
leur mort , ils furent spoliés en-
tièrement, leurs effets pillés, et
leurs corps jetés nus par les fe-
nêtres , dans la rue , au devant de
la place publique , où ils restèrent
jusqu'au lendemain matin, à huit
heures , que les municipaux les
firent enterrer.» Ce n'est pas dans
le procès-verbal d'une municipa-
lité de 1 795 , qu'il faut espérer
trouver des détails de piété sur la
résignation et la patience de ces
victimes, entre les mains de leurs
bourreaux ; cependant l'on en peut
juger par la docilité avec laquelle
elles avoienl répondu au caporal,
lorsqu'il leur avoit enjoint de ré-
trograder pour venir à Saint-
Chinian. Seroit-ce sans motif que
les municipaux se seroient abste-
nus de dire, en leur procès-verbal,
d'où venoit ce bataillon de volon-
taires ? Ils ne pouvoient l'ignorer,
puisqu'ils lui avoient fourni l'é-
tape. On sait trop où étoient, dans
cette contrée , les plus irréconci-
liables ennemis du catholicisme
( V. Bravard). Ce que l'on doit re-
marquer, pour achever de prouver
que ces prêtres furent immolés en
haine de la Foi catholique, c'est que
la contrée étoit alors agitée immé-
diatementpar le proconsul Rouyer,
et que les municipaux de Saint-
ALR
Chùiian adressèrent de suite leur
procès -verbal du 10 mai, à ce
soi-disant représentant du peuple,
même avant de l'envoyer à l'ad-
ministration départementale sié-
geant à Albi. Ce proconsul , ancien
maire de Béziers, député à la lé-
gislature de 1791, n'y avoit pres-
que parié que pour solliciter des
mesures de rigueur contre les
prêtres. Le i3 mai 1792, il y
avoit proposé un projet de loi
barbare contre les inassermentés :
et, le 29 juillet suivant, il obtint
que les ecclésiastiques seroient
tenus de faire en personne le ser-
vice de la garde nationale, pré-
tendant que, «s'ils formoient une
classe à part, c'étoit certainement
la dernière de toutes ». Député
ensuite à la Convention, il n'avoit
pas manqué d'y voter pour la
mort de Louis XYI. On le vit,
dans le courant de cette année,
proscrit avec les Girondins , par
qui seuls la démocratie de Calvin
avoit été voulue franchement. II
reparut après cela dans la Con-
vention, et s'y fil regarder comme
le plus grand ennemi des Robers-
pierristes ( F. Lois et Tribunaux
REVOLUTIONNAIRES, §. I, II et III).
Il ne vouloit d'autre terreur et
d'autre domination que celle de
son parti, dont on a vu que la
haine du sacerdoce catholique
avoit été l'un des plus violens
mobiles. ( V. A. Bover, J. J. Far-
sac , S. A. Nadau et G. Vezian.)
ALRICY (André-Abel) , très-
ALR
respectable prêtre de Paris , où
il avoit son domicile , dans la
rue Neuve - Saint - Etienne - du-
Mont, donnoit, à l'âge de 81 ans,
l'exemple de la fermeté dans la
Foi, en rejetant l'hétérodoxe cons-
tÀtution civile du clergé. Son
âge sembloit devoir empêcher les
novateurs politiques de le croire
bien redoutable; mais ses vertus
et cet âge lui - même formoient
contre eux , en fait de religion , une
trop forte autorité morale, pour
qu'ils ne cherchassent pas à se dé-
barrasser de sa personne à la pre-
mière occasion. Elle se trouva dans
les résultats de l'événement du 10
août de l'année suivante, 1792.
Quelques jours après, le respec-
table Alricy fut arrêté , comme tant
d'autres prêtres inassermentés
( V. Dulau ) , et mis avec ceux
qu'on emprisonnoit dans le sémi-
naire de Sadiit^Firmin ( V. Sep-
tembre). Il y fut écroué le 1 3 août.
Les cheveux blancs et l'air patriar-
cal de ce généreux confesseur de
la Foi, loin d'inspirer quelque
respect aux meurtriers qui vinrent,
le 5 septembre, égorger presquè
tous les prêtres enfermés dans
cette maison, ne firent qu'animer
la fureur impie de ces monstres.
Ils frappèrent de coups mortels
le vieillard Alricy , pour n'avoir
pas voulu cesser d'être fidèle à
l'Eglise catholique, et le jetèrent
encore vivant par la fenêtre. L'on
revit , en cette occasion , tout ce
qu'Eusèhe avoit raconté du mar-
AMA 73
tyre de S. Jacques-le-.Tuste, ce pre-
mier évêque de Jérusalem, que,
dans un âge très-avancé , les Pha-
risiens firent précipiter du haut du
temple, parce que sa vertu leur
étoit à charge. Cette chute lui
laissoit encore assez de vie et de
force pour qu'il pût se mettre sur
6es genoux, et adresser à Dieu
cette prière : « Seigneur, pardon-
nez-leur : ils ne savent ce qu'ils
font». Mais ces hommes, moins
hommes que tigres, poursuit l'his-
torien , s'écrièrent : « Il faut le
lapider!» El à l'instant ils ramas-
sèrent des pierres pour l'en acca-
bler. Un d'entre eux mit fin à tant
de barbarie , en détachant de toute
sa force, sur la tête du juste, une
espèce de massue dont il étoit
armé. (Eusèbe, Hist. Ecclés.,
1. II, c. xxni.) Telle fut la fin du
vénérable Alricy.
AMALVI (iY...) , prêtre du dio-
cèse de Perpignan, où il naquit
en 1722 , étoit habitué de l'église
cathédrale qui, transférée avec le
siège épiscopal en 1G02 , de la ville
d'Elneà celle de Perpignan, clans
l'église de Saint-Jean-Baptiste, y
conservoit le nom de cathédrale
d'Elne, et son ancienne invocation
de sainte Eulalieet sainte Julie, pa-
tronnes du diocèse. Amalvi, étant
insermenté, fut obligé par la per-
sécution de sortir de France après
la loi de déportation; mais quand
les troupes du roi d'Espagne eu-
rent, après la mort de Louis XVI.
fait une irruption dans le Roussi!-
74 A M A
Ion , en avril 1 793 , et s'y turent
mises en possession de quelques
villes, Amalvi crut à la durée, au
progrès même de leurs succès
pour rétablir en France une au-
torité tutélaire, et revint dans sa
patrie. Mais, lorsqu'en août sui-
vant, les Espagnols furent re-
poussés, le septuagénaire Amalvi
n'eut plus assez de forces pour
fuir derechef avec ceux de ses con-
frères qui étoient rentrés avec lui
( V. J1' Godaill). On le surprit
dans sa retraite, et on l'amena
prisonnier à Perpignan, où il fut
livré au tribunal criminel du dé-
partement des Pyrénées-Orien-
tales, siégeant en cette ville. Les
juges le condamnèrent à la peine
de mort, comme «prêtre réfrac-
taire, et émigré-rentré » : cette sen-
tence fut rendue vers le milieu de
septembre 1793. Le greffier qui
vint lui en faire lecture , ne put , à
la vue de ce vieillard, retenir l'é-
motion qu'il en éprouvoit : «Ras-
surez-vous, lui dit Amalvi, je
meurs pour une bonne cause, et
je prie Dieu de conserver vos
jours ». La joie de perdre la vie
pour Jésus - Christ, redonnoit à
ce vénérable septuagénaire la vi-
gueur de la jeunesse. Il consola,
il encouragea les compagnons de
sa captivité. En allant au supplice,
il récitoit le psaume Miserere met,
Devs. Quand il monta sur l'écha-
faud, il se mit à chanter d'une voix
forte le TeDeum, et le continua
jusqu'au moment où le fer de la
A MB
guillotine sépara sa tête de son
corps.
AMBRINES (Marie-Josephe-
Désirée d'), veuve. {V. M*JeD.
Bataille. )
AMBROISE (RENÉ-Loms) , né
à Laval, le 1" mars 1720, prêtre
habitué de la paroisse deiaTrinité
de cette ville, et d'une morale
austère, se trouva l'un des qua-
torze respectables vétérans du sa-
cerdoce, infirmes, ou pour le
moins sexagénaires, qui, après
avoir été captifs dans une mai-
son de réclusion où ils obéissoient
à la funeste loi du 26 août 1792,
furent ensuite immolés ensemble
en haine de la religion, le 21 jan-
vier 1794- Comme les tribulations
ont été les mêmes pour ces qua-
torze Martyrs, nous renverrons,
quand nous parlerons des autres ,
à ce que nous allons dire de leur
confrère Ambroise. Mais il impor-
teroit, avant tout, que le lecteur
reprît ce qui a déjà été raconté de
ces prêtres à la page 343 de notre
premier volume. Us étoient en
réclusion à Laval lorsque les Ven-
déens, passant en cette ville vers
Pâques de l'année 1793, les mi-
rent en liberté. L'armée vendéenne
ayant ensuite évacué le pays, ils
se reconstituèrent généreusement
prisonniers, dans la même maison,
à Laval : c'étoit au mois de dé-
cembre 1793. Dans le cours de.
janvier 1794? i's subirent un in-
terrogatoire où on leur demanda
pourquoi ils étoient en arresta-
AMB
tion. Ils répondirent : «Nous n'en
connoissons point d'autre raison
que le refus du serment ; et nous
ne l'avons pas fait, parce que
notre conscience ne nous le per-
mettoit pas. » On leur proposa de
« jurer qu'ils renonçoient à la re-
ligion catholique, apostolique et
romaine ; de maintenir la liberté
et l'égalité ; de ne reconnoître en
France aucun autre culte que celui
de la Raison (i) ». Un non absolu
et unanime fut leur réponse à ces
abominables propositions. Enfin ,
on leur demanda s'ils étoient en-
core dans le dessein d'enseigner
la religion catholique, apostolique
et romaine : « Oui , dirent-ils , dès
que nous le pourrons. » Cet in-
terrogatoire servira de base à
leur condamnation.
Le 21 janvier, on leur intima,
dès 8 heures du malin , l'ordre
de se rendre au tribunal ; et, avant
leur départ de la prison , on les
obligea de payer un salaire à ceux
qui les avoient gardés. Dix se
rendirent à pied au tribunal, entre
deux haies de soldats; et les quatre
autres qui ne pouvoient pas mar-
cher, à cause de leurs infirmités,
(i) C'est par erreur qu'en certains
Mémoires, on a dit qu'il leur fut pro-
posé de ne rcco'inoître d'autre culte
que celui de l' Etre-Suprême , parce
que ce culte ne fut imaginé qu'à la fin
de mai suivant, et qu'à l'époque de
janvier 1794, l'athéisme étoit dans sa
plus formidable vigueur
AMB -5
furent mis sur une charrette qui se
trouvoit par hasard dans la rue :
celui à qui elle appartenoit, fut
forcé de les conduire. Arrivés au
tribunal, on demanda à chacun
en particulier, un serment impie
qu'ils refusèrent avec horreur, et
tous furent condamnés à la peine
capitale. La formule de ce ser-
ment étoit, non simplement celuî
de liberté-égalité, celui d'être
fidèle à la république , mais
encore de ne professer aucune
religion, et surtout la catho-
lique. L'interrogatoire de chacun
des prêtres fut à peu près' le
même qu'ils avoient subi pré-
cédemment, excepté que l'on fit
plus de questions à quelques
uns d'entre eux. Quand ces qua-
torze prêtres , interpellés d'une
manière à peu près semblable ,
eurent tous répondu en dignes
ministres de Jésus-Christ , leur
condamnation à la peine de mort
fut prononcée. La sentence ne se
trouve plus que dans quelques
placards affichés alors, et que les
bons catholiques du pays ont con-
servés religieusement. Les regis-
tres de la commission révolution-
naire de Laval sont du nombre de
ceux que les favoris de la révo-
lution ont fait disparaître en grand
nombre des greffes, surtout quand
il s'y trouvoit des Martyrs de In
Foi; et voilà pourquoi les noms
de ceux-ci ne sont point dans les
listes générales, imprimées, des
victimes qui périrent en ces temp;.
;b AMB
affreux. Les jugemens de ces tri-
bunaux sont devenus si rares, et
ils méritent si fort d'être consi-
gnés dans les annales de l'Eglise,
que nous croyons devoir copier
en entier celui qui fut prononcé
contre les quatorze prêtres du
nombre desquels étoit René-Louis
Ambroise. Le voici donc textuel-
lement d'après l'alfiche :
« La liberté ou la mort ! — La
république française, une et indi-
visible.— Jugement de la commis-
sion révolutionnaire, établie par
les représentais du peuple, dans
le département de la Mayenne,
qui condamne à mort René-Louis
Ambroise, prêtre, domicilié de
Laval ; Joseph Pelle , prêtre ,
domicilié de la même commune;
Augustin -Emmanuel Philippot ,
prêlre de Paris, ci -devant curé
de la Bazouge-des-Alleux ; Jean-
Baptiste Friqierie, ci-devant cor-
delicr, de Laval ; Jean Ti'rpin
dtî Cormier , ci-devant curé de
cette commune ; François Mico-
ret, de Lassay, ci-devant curé de
la paroisse de Rennes -en - Gre-
nouilles, district de Lassay; Ju-
lien-François Morin, de Saint-
Fraiinbault- de - Prières , demeu -
rant à Saint-Vénérand ; François
Dlchesne, prêtre de Laval, ci-
devant chapelain de Saint-Michel,
même commune; André Dulion,
de Saint - Laurent-des-Mortiers ,
ci- devant curé de Saint-Fort,
district de Château-Gontier ; Jac-
ques André, de Saint-Pierre-Ia-
AMB
Cour, ci-devant curé de Rouessé-
Vassé ; Louis Gastineau, prêtre,
de Loiron, district de Laval, de-
meurant ci-devant au Port-Briet;
Jean- Marie Gallot, prêtre-cha-
pelain de Laval ; Julien Moulé ,
prêtre, ci-devant curé de Sauge;
Pierre Thomas, du Ménil-Ren-
fray, ci-devant aumônier de l'hô-
pital de Château-Gontier, tous
également du déparlement de la
Mayenne. {V. ces noms.)
» Séance publique, tenue en la
commune de Laval, le 2 pluviôse,
an II de la république, et le pre-
mier de la mort du tyran.
» Au nom de la république
française , une et indivisible :
la commission révolutionnaire
provisoire, établie dans le dépar-
tement de la Mayenne, a rendu
le jugement suivant :
» Vu l'interrogatoire de Louis
Ambroise , d'Augustin-Emmanuel
Philippot, de Joseph Pelle, etc.,
etc. , etc. , par lequel il est prouvé
que , requis par la loi de prêter le
serment exigé des fonctionnaires
publics , prescrit par l'Assemblée
constituante , et celui de liberté
et d'égalité, exigé de tous les
républicains français par la Con-
vention nationale ; et que, requis
encore une fois devant le tribu-
nal , ils s'y sont constamment re-
fusés :
» Sur ce , considérant que ces
individus, par le refus opiniâtre
de se conformer aux lois de la
république , de la reconnoître , de
AMB
s'y conformer, de les observer,
sont coupables de conspiration
secrète, contre la souveraineté du
peuple français, conspiration d'au-
tant plus dangereuse que, présen-
tée sous les couleurs séduisantes
de l'hypocrisie et du fanatisme ,
elle pourroit induire en erreur
un peuple crédule, toujours facile
a séduire dans ses opinions reli-
gieuses; enfin, que les principes
que ces hommes professoient cons-
tamment, étoient les mêmes qui
avoient allumé dans l'intérieur de
la république, la guerre de la
Vendée :
» La commission révolution-
naire, entendu le citoyen Voleter,
accusateur public, er. ses conclu-
sions, condamne à mort lesdits
prêtres, etc.
» Et ordonne que le présent ju-
gementseraexécuté sur-le-champ;
et qu'en conformité de la loi ,
leurs biens , meubles et immeu-
bles , seront et demeureront
acquis au profit de la répu-
blique.
» La même commission révolu-
tionnaire, vu l'interrogatoire de
René Sorin, de Saint-Paul-Mon-
penin, district de Chaillant, dé-
partement de la Vendée ; de Fran-
çois Drapeau, laboureur, delà
commune de Beaurepaire , dis-
trict de Cholet ; de Joseph Ver-
deau, menuisier, de la commune
de Sainte - Cécile , district de la
Roche-sur-Yon ; de Charles Au-
vinet , laboureur, de la com-
AMB r7
mune de Saint-Pierre-de-Cholet;
de René Cady, domestique, de
la commune de Ruchefort-sur-
Loire , district d'Angers ; enfin ,
de François Chéhère, de la com-
mune de Ménil, district de Châ-
teau -Gontier , par lequel il est
prouvé que les cinq premiers
ont fait partie des brigands de la
Vendée ( V. Vendée), et ont par-
ticipé aux meurtres et pillages
commis par eux, et dans les lieux
qu'ils ont désolés , et que les soup-
çons qu'on avoit formés sur le
compte du dernier, étoient mal
fondés ;
» Entendu l'accusateur publie
dans ses conclusions, et en exécu-
tion de la lei du ig mars 1793,
condamne à mort lesdits Sorin ,
Drapeau, Auvinet, Verdeau
et Cady ; déclare en outre , en
conformité de la même loi, leurs
biens , meubles et immeubles ,
acquis et confisqués au profit de
la république : acquitte et remet
en liberté ledit Chéhère, sous la
surveillance exacte de la munici-
palité et du comité révolution-
naire de sa commune ;
» Et seront les présens juge-
mens, imprimés, publiés et affi-
chés partout où besoin sera.
» Fait et prononcé en l'audience
publique de la commission ré-
volutionnaire provisoire , où
étoient présens les citoyens Clé-
ment, Four, Marie et Panard,
juges, Voleter, accusateurpublic.
qui ont signé avec le secrétaire
AMB
greffier. A Laval, le 2 pluviôse,
an II de la république française,
une et indivisible , et le 1" de
la mort du tyran (21 janvier
»794)-
» Soussignés aux registres , Clé-
ment, président; Faur, Marie,
Panard, juges; Voleter (1), ac-
cusateur public ; Guilbert (2) ,
secrétaire-greffier. »
Les quatorze prêtres enten-
dirent prononcer leur sentence
avec un front calme et serein. Ils
se donnèrent le baiser de paix ,
comme les anciens Martyrs, avant
d'aller au supplice, se confessèrent
les uns les autres, confessèrent
;tussi les cinq Vendéens qui dé-
voient être exécutés avec eux, et
s'encouragèrent mutuellement au
martyre. Ils se disposoient à chan-
ter le Salve» Regina, en allant
AMB
à la mort ; mais ils en furent em-
pêchés par le bourreau.
Les prêtres arrivés au pied de la
guillotine, y étoient comme au-
tant d'agneaux qui attendent le
moment du sacrifice. Quand ils
virent mourir le premier d'entre
eux, ils levèrent les yeux au Ciel
en action de grâces, et se dirent
quelques paroles , sans doute pour
applaudir au bonheur dont ce
Martyr entroiten possession. Mais
le commandant de la gendarmerie,
homme brutal et féroce , leur cria :
«Taisez-vous, cabaleurs, taisez-
vous ». Ambroise a voit 70 ans
lorsqu'il périt. Après que ces qua-
torze prêtres eurent été décapités,
les cinq laïcs qui avoient fait par-
tie de l'armée vendéenne furent
également immolés. [V. Uval et
Jis André.)
APPENDICE HISTORIQUE
SUR LES MONUMENS
CONSACRÉS A LA MÉMOIRE DE CES QUATORZE MARTYRS.
Le désir qu'un respectable prêtre de Laval nous a témoigné de voir
consignée dans notre Martyrologe une inscription latine qui avoit
été composée pour être gravée sur leur tombeau, part d'un motif trop
louable, et l'inscription est trop conforme aux vrais principes de la
Foi, pour que nous ne nous empressions pas de le satisfaire.
(1) Prêtre apostat.
(2) Jdem.
7P
*
Anno Christi MDCCCXVI,
Die IX Augusti,
Ex agro compascuo (vulgà Cruce-Praeliatâ)
Olim ubi congcsla promiscuè ,
Tandem re/ligiosè collecta ,
Ab universo Clero ,
Pid comitante Fidelium turbd,
In Sacram translata sunt Deiparœ Virginis /Edem,
Veneranda QUATUORDECIM SA CEIiDOTUM Ossu,
Quorum hic, melius autem in Libro Vitœ,
Immortalia scripta sunt Nomina ;
Qui,
Luctuosissimis impietatis tempoiibus ,
Anno MDCCXCIV,
Ipsâmet, XXI Januarii , nefandœ LUDOVICI XVI necis
/Eternùm amarâ die,
Nolentes infiingere Lcgem Dei Sanctam ,
Sacrilegum apostolico pectore renuentes juramentum ,
Elegerunt magis mori, et tmcidali sunt ;
LAVALLEîiSIBUS mcmoriam mortis suis dereh'nquentes
Ad exemplum virtutis et fortitudinis :
Glorid magna glorificanles Gentem suam.
Ici, auroient été les noms de ces Martyrs. L'on a préféré l'inscrip-
tion française dont nous avons parlé (tom. I, pag. 544); et l'on a
gravé de plus la suivante, sur l'une des faces du piédestal de la Croix
de Mission, qui est érigée à la place même où furent immolées ces
quatorze victimes sacerdotales.
JL
I
« Sur cette place .
Le jour même de l'anniversaire de la mort de LOUIS XVI »
QUATORZE PRÊTRES
Dont les noms sont écrits au Livre de Vie ,
Ayant dù choisir entre le serment et la mort,
Scellèrent de leur sang la pureté de leur Foi;
Et, conformément aux dernières paroles de l'un d'entre eux (i) ,
Après avoir appris au peuple à bien vivre,
Us lui apprirent encore à bien mourir . »
(«) fi»/. Josiph Psur
So AND
ANACLET (Le Père), gardien
du couvent des Récollels, à La
Beaumette. ( V. Dumaille. )
ANCEL (Charles-Nicolas-An-
toine), prêtre de la congrégation
des Eudistes, du diocèse de Lisieux,
étoit né dans la ville de Rouen.
Il n'avoit point fait le serment
schismatique de 1791, et n'étoit
point sorti de France en 1792.
On l'arrêta comme insermenté, en
1793, dans le département de la
Seine- Inférieure; et bientôt,
condamné à la déportation au-delà
des mers , il fut traîné à Rochefort.
On l'y embarqua sur le navire les
Deux Associés (V. Rochefort).
Il succomba dans le supplice de
cette déportation, à l'âge de 5o
ans, le 29 juillet 1794- Ses com-
pagnons de martyre ont attesté
« qu'il bonoroit le sacerdoce en-
core plus par ses vertus que par
son savoir ecclésiastique » . Ils
l'enterrèrent dans l'île d'Aix.
( V. L. Alexandre et F. An-
doire).
ANDQIRE (François), curé
de >Ioutier-sur-Saut, dans le dio-
cèse de Verdun, avoit eu la foi-
blesse de faire en 1791 le serment
de la constitution civile du
clergé , pour ne pas s'éloigner de
ses paroissiens qui vouloient le
retenir; et le même motif l'en-
traîna vers la fin de 1792, à
prêter le serment de liberté-éga-
lité prescrit à cette époque. Ces
deux actes de lâche condescen-
dance ne le sauvèrent pas de la
AND
persécution, parce qu'il n'étoit
point disposé à upostasier, et que
les persécuteurs vouloient , en
haine de la religion , se défaire de
tous les prêtres non formellement
apostats. Le curé Andoire fut
donc arrêté dans le département
de la Meuse. On le condamna à
la déportation au-delà des mers.
Il fut conduit à Rochefort ( V. Ro-
chefort). Embarqué ensuite sur
le navire les Deux Associés, il
succomba sous le poids des souf-
frances qu'on y enduroit; mais,
avant de mourir, il rétracta d'une
manière bien édifiante les deuxser-
mens qu'il avoit prononcés. Le vé-
nérable confesseur de la Foi, qui,
après avoir subi la peine de dé-
portation de cette époque, sans y
avoir succombé , nous a fait con-
noître,dès 1800, les cinq cent qua-
rante-un confesseurs quiypérirent,
nous recommandoit bien expressé-
ment de ne pas interpréter avec trop
de rigueur les notes de ce genre
dont il acconipagnoit les noms de
quelques uns de ces prêtres.
«Quand j'observe, disoit-il, que
tel et tel a rétracté son coupable
serment avant la mort, je n'en-
tends pas dire pour cela qu'il ait
attendu aux derniers momens de
sa vie pour faire sa rétractation ;
mais seulement que, certain qu'il
l'a faite , je n'ai pu m'assurer si
c'étoit avant la déportation ou sur
les vaisseaux , soit en santé , soit
en maladie, soit à l'article de la
mort : l'auteur d'une relation .
AND
imprimée en 179G. a parlé bien
sévèrement de ceux qui ne se sont
rétractés qu'à ce dernier moment,
jugeant leurs dispositions fort
douteuses ( pag. 14» note 1); ce-
pendant la charité doit nous taire
présumer que le plus grand
nombre de ces rétractations tar-
dives ont été sincères, et que la
bonté de Dieu y aura eu égard ».
Cette observation est applicable
à tous ceux qui auront la même
note que F. Andoire. Il expira
dans la nuit du 20 au 21 août
1794, et fut enterré dans l'île
Madame ( V- C. N. A. Ancel et
V. Angard).
ANDRAN (Barthélémy), prêtre
et religieux de la Grande-Char-
treuse , né à Montélimar, s'y étoit
retiré après la suppression de son
ordre. Conservant dans le inonde
la piété du cloître, il fut enveloppé
dans la proscription des prêtres
fidèles ; et les persécuteurs , le
traitant comme un non asser-
menté, le firent traîner, au prin-
temps de 1 794 , à Bordeaux , pour
| «n être déporté à la Guiane ( V.
Bordeaux). Il ne put être du
i nombre de ceux qui furent em-
1 barques les premiers, trois mois
I après la chute de Roberspierre ;
et, restant enfermé dans le fort
j du Ha, il y dépérit sous le poids
: de ses chaînes. On le transporta
mourant à l'hôpital de Saint-An-
dré , où il ne cessa pas d'être cap-
j tif de Jésus- Christ, et mourut
j comme tel, le 8 décembre 1794.
AND 8i
Il n'avoit que !\b ans. ( V. Alde-
bert et M. David. )
ANDRÉ (Sœur Saint ), reli-
gieuse. [V. M* Sage.)
ANDRÉ ( Jacques) , né à Saint'
Pierre -la -Cour, le i3 octobre
1743, curé de Rouessé-Vassé , et
doyen rural dans le diocèse du
Mans, étoit du nombre des qua-
torze prêtres sexagénaires ou in-
firmes qui , pour n'avoir pas prêté
le serment de la constitution
civile du clergé, furent mis en
réclusion à Laval, d'après la loi
du 26 août 1792 [V. Laval).
Au mépris de toute justice , les
persécuteurs firent immoler le
curé André avec ses treize com-
pagnons dans la même ville , le
21 janvier 1794- Les circons-
tances de son martyre sont les
mêmes que celles dont nous avons
fait le récit à l'article de L. R.
Ambroise. Nous devons cepen-
dant en ajouter une qui lui fut
particulière, et doit produire une
grande édification. L'apostat Guil-
bert , secrétaire- greffier du tri-
bunal, voyant monter A la guil-
lotine le curé André, lui cria
en lui montrant une bouteille de
vin rouge : «A ta santé! je vais
boire ce vin comme si c'étoit
ton sang ». — « Et moi, répondit
le curé patient, je vais prier Dieu
pour vous ». C'est un républi-
cain, alors de garde au pied de
l'échafaud, qui lui-même a rap-
porté ce trait, en ajoutant qu'il
en fut extrêmement indigné. ( V.
82 AND
L. R. Ambroise et P. Bache-
lier.)
ANDRIEUX ( René- Marie ),
prêtre séculier de la congrégation
île Saint-Nicolas- du -Chardonuet
à Paris, fondée en 1612 par le
vénérable Bourdoise , en éloit le
supérieur-général à l'époque de
la révolution. Il en soutenoit la
sainte réputation avec un tel suc-
cès, qu'elle fut une de celles qui
fournirent le plus de Martyrs aux
massacres des premiers jours de
septembre 1792. Les ennemis de la
religion avoient prévu , dès 1 79 1 ,
l'obstacle que cette congrégation
opposeroit à leurs desseins; et,
cherchant dès -lors un prétexte
pour la persécuter , ils avoient
commencé par demander à son gé-
néral, qu'à cet effet ils considérè-
rent astucieusement comme un
fonctionnaire public, le ser-
ment de la constitution civile
du clergé. Le refus qu'en fit An-
drieux, pour le seul motif que son
devoir et sa Foi lui défendoient
ce serment, parut ensuite l'unique
source de l'opposition que tous
ses prêtres montrèrent pour cette
constitution du clergé. On ne
pouvoit se persuader que tous
eussent assez de constance dans
leur Foi, pour qu'il n'y eût pas eu
quelque défection parmi eux sans
l'exemple de leur général. La ven-
geance que les impies avoient dans
l'âme contre eux , se dirigeoit
principalement sur AiwTHeax , sans
toutefois les excepter ; et. dès
AND
que le fatal 10 août 1792 eut
achevé de dégager les persécu-
teurs de tout ce qui les contenoit
encore, le premier jour de leur
terrible irruption contre les prêtres
fidèles, ils se précipitèrent sur la
maison de la communauté de
Saint - Nicolas - du - Chardonnet.
Ce fut donc le i3 qu'ils saisirent
le général Andrieux, avec tous
ses confrères et les élèves qu'ils
trouvèrent dans leur séminaire.
Marchant à leur tête, Andrieux
fut conduit au comité de sa
section , siégeant dans l'église
du séminaire de Saint -Firmin.
Quand ils arrivèrent, la cour qu'il
falloit traverser pour entrer dans
le lieu où se trouvoit ce comité,
étoit déjà remplie d'hommes, de
femmes et d'enfans du bas peuple ,
qui , ameutés par les persécu-
teurs , faisoient éclater une joie
féroce, en s'applaudissant de ce
que ces captifs de Jésus -Christ
étoient destinés à un prochain
massacre. Ces frénétiques étoient
si bien dans la confidence du
complot de les assassiner, que l'un
d'eux, armé d'une hache qu'il
levoit comme pour frapper, s'é-
crioit avec une impatiente fureur :
« Donnez-moi tous ces prêtres; et
que, dès aujourd'hui, je les expé-
die tous avec ma hache ». Mais
l'heure de leur massacre n'é-
toit pas encore arrivée. Andrieux,
avec ses prêtres et leurs élèves,
fut introduit dans la salle du co-
mité. Ses réponses y furent celle
AND
d'un intrépide confesseur de la
Foi; et ses compagnons les rati-
fièrent. On les enferma sur-le-
champ dans le séminaire de Saint-
Firmin, en attendant le jour où,
après y avoir réuni le plus de
prêtres fidèles qu'on pourroit ar-
rêter, on auroit l'impie satisfac-
tion de les faire périr tous en-
semble. Andrieux vit avec résigna-
tion et courage la mort s'appro-
cher, à pas lents, pour l'arracher
violemment à la vie , afin que son
sacrifice devînt plus méritoire. Il
le fit avec la juste confiance qu'en
mourant pour la Foi, il renaissoit
pour la vie éternelle. Précipité par
les fenêtres, le 5 septembre, il fut
achevé dans la rue à coups de
piques ( V. Septembre). Son âge
étoitde 5oans. ( V. Balzac, Bise,
Fautrel, Gillet, Lasnier, Le-
CEERC , OviEFVE , ROUSSEL et
VÉRET. )
ANDROUET ( Gervais- Fran-
çois ) , prêtre de la paroisse de
Plemaugat, près Broons, dans le
diocèse de Saint -Malo, n'avoit
point voulu prêter, en 1791. le
serment de la constitution civile
du clergé. Comme il continuoit
à exercer son ministère , en prê-
chant contre cette œuvre de
schisme et d'hérésie , les révolu-
tionnaires de Plemaugat le dé-
noncèrent à l'administration du
district de Saint-Malo , qui le fit
aussitôt arrêter et conduire dans
la prison de Lamballe. Il en sor-
tit en septembre suivant, à l'oc-
AND 83
casion de l'acceptation de la cons-
titution générale , par le Roi.
Il n'en fut pas moins zélé contre
les erreurs qu'accréditoit le clergé
schismatique , ni moins prompt
à porter les secours du sacer-
doce aux fidèles qui les récla-
moient. Les précautions de pru-
dence qu'il prenoit, lui firent éviter
les persécutions des agens du dis-
trict, acharnés contre sa personne.
Lors du décret de déportation
rendu le 26 août 1792, voyant
partir pour s'y conformer beau-
coup de prêtres de sa contrée, il
craignit de l'exposer à manquer
de secours spirituels suffisans, et
resta pour lui consacrer tout son
ministère. 11 prenoit d'autant plus
de soin pour se soustraire à la
farouche vigilance des persécu-
teurs, que la rareté des prêtres fai-
soit redouter qu'il ne se fît un vide
presqu 'irréparable dans le petit
nombre des ouvriers évangéliques
de ces cantons, s'il devenoit lui-
même la proie des impies. La
gendarmerie , mise plusieurs fois
en campagne pour le trouver, ne
put l'atteindre. Quelque temps
après Pâques de 179'}, la déroute
d'un petit corps de Vendéens
avoit attiré , aux environs de
Saint - Méen , des troupes de la
Convention, et le prêtre Androuet ,
non informé de cet événement,
étoit revenu de nuit à Plemaugat,
pour y voir sa famille. Des sol-
dats, qui pénétrèrent dans la mai-
son où il commençoit à se reposer
6.
84 AND
des fatigues du voyage, le sai-
sirent et le conduisirent à Saint-
Méen , en l'accablant d'injures,
et lui faisant subir les plus cruels
traitemens. Quand il y fut ar-
rivé , ces soldats le forcèrent
d'abord à rendre les services les
plus abjects à leur commandant;
ensuite ils le revêtirent de tous les
ornemens sacerdotaux, le pro-
menèrent ainsi par la ville, en vo-
missant contre lui de sacrilèges
imprécations, et tournant en dé-
vision les cérémonies de la messe.
Tout à coup ils le dépouillèrent de
ses ornemens, et en couvrirent un
pourceau , qu'ils firent mareber
devant lui, en vomissant con-
tre Dieu les plus horribles blas-
phèmes. Lorsque cet abominable
cortège fut venu sur la principale
place de Saint-Méen, où le peuple
étoil rassemblé en plus grand
nombre, un officier de la troupe
impie feignit de tirer de la poche
du saint prêtre, un papier qu'il
avoit préparé lui-même ; et, sup-
posant que c'étoit la confession
générale de ce vertueux ecclésias-
tique, il y lut, à voix haute, une
longue série de prétendus aveux
de crimes épouvantables , dont
Androuet étoit censé s'accuser.
Cette atroce perfidie fut sans
succès, parce qu'il étoit connu
de tous les habitans, pour un
prêtre édifiant , et de la conscience
la plus timorée. Apercevant un
enfant qui s'attendrissoit sur les
ignominies et les maux qu'on lui
AND
faisoit endurer, il crut devoir l'en
consoler, en lui disant d'un ton
affectueux : « Mon enfant , c'est
un bonheur de souffrir pour la
religion » . A ces paroles , les
soldats se mirent à le frapper ,
en s'écriant : «Le voyez -vous?
il cherche encore à fanatiser
l'innocence ! » Le lendemain , on
le conduisit à Rennes , monté sur
un mauvais cheval, qui ne pou-
voit marcher aussi vite que ceux
de la troupe; et, tout en ayant
l'air de vouloir frapper cette rétive
monture, on frappoit le saint ec-
clésiastique qu'elle portoit. Il étoit
là, comme ce S. Julien, martyr
d'Alexandrie, et son compagnon
dont parle Eusèbe ; lesquels ayant
été mis sur un chameau pour
aller au lieu du supplice, attendu
qu'ils ne pouvoient plus marcher,
étoient cruellement frappés dans
la route par leurs conducteurs :
Camelis insidentes , flagris su-
blimes verberati ( Ilist. Eccles.
1. vi, c. 42)- Le cavalier qui pré-
sidoit à la conduite de noire
Androuet, crioit ironiquement à
chaque personne qu'on rencon-
troit sur la route : « Viens voir
un bon prêtre ». Quand on fut
au bourg de Boisgervilli , on
imagina de lui couper les cheveux;
et, en les coupant, on lui enlevoit
avec les ciseaux la peau de la tête.
Il se contenta de dire avec dou-
ceur : « Vous me faites bien souf-
frir » . Quand il fut à Montfort ,
ses sacriléees et cruels conduc-
ANG
teurs le revêtirent, malgré lui,
de tous les orneinens qui se pren-
nent pour dire la messe ; et l'on
poursuivit la route de Rennes. Le
tribunal de cette ville, ne le re-
gardant pas comme son justi-
ciable, parce qu'il avoit été arrêté
dans le département des Côtes-
du-TSord , dont la ville de Saint-
Brieuc étoit le chef-lieu, ordonna
qu'il y seroit conduit. Quelques
jours après, il y fut donc traîné;
et dans le trajet il étoit si étroite-
ment garrotté, qu'il ne pouvoit se
servir de ses mains pour prendre
sa nourriture. Des personnes com-
patissantes étoient obligées de la
lui porter à la bouche. Arrivé à
Saint-Brieuc , il y fut presque
aussitôt traduit devant le tribunal
criminel, qui le condamna à mort,
comme ayant refusé le serment
de la constitution civile du
clergé, et n'ayant pas obéi à la
loi de la déportation » . La guillo-
tine termina son long et doulou-
reux martyre, le 1 1 prairial an II
(3o mai 1794)- H étoit né en
, dans la paroisse même de
Plemaugat.
ANFERNET (Michel-George-
François), prêtre ( V. M. J. F.
Bukel. )
ANGARD ( Valéry ) , curé de
Montaigu-lc-Blanc , dans le dio-
cèse de Limoges, et né au grand
bourg de Salagnac, même dio-
cèse , avoit courageusement re-
fusé, en 1791, le serment de la
constitution civile du clergé;
ANG 85
et son attachement à ses devoirs
de curé l'avoit fait rester en Fi ance,
après la loi du 26 août 1792. Il
étoit près de sa paroisse , alors
comprise dans le département de
la Creuse, lorsqu'eu 1795 on
l'arrêta. Conduit dans les prisons
de Guéret , il y fut condamné
par le tribunal criminel du dé-
partement à la déportation au-
delà des mers , et fut conduit à
Rochefort , pour y être embarqué
(V. Bocijefort). Placé sur le na-
vire te IV ashington, il succomba
sous les maux qu'on y éprouvoit.
Il avoit alors 5o ans. Sa mort
arriva vers la fin de 1794; «t ses
confrères regrettèrent en lui un
excellent ecclésiastique , suivant
le rapport que l'un d'eux nous en
a fait. ( V. F. Andoire et P. An-
toine. )
ANGEARD (Michel-Jean-Ma-
rie), curé (J^. M. J. M. Ogeard).
ANGÈLE DE SAINT-FRAN-
ÇOIS [Sœur Sainte), religieuse
(V. M. C. Jhe Pailiot.)
ANGES [Sœur des), religieuse.
{V. W Ae Rochier.)
ANGLADE (Pierre d'), prêtre,
né dans la ville d'Espalion , en
Rouergue, vers 1738, n'avoitpas
cru, quoique insermenté, devoir
se déporter lui-même, en août
1 792. On l'arrêta , pour l'envoyer
à la Guiane; et il fut traîné, pour
l'embarquement, à Bordeaux, vers
le printemps de 1794 • Bor-
deaux). On ne le comprit pas
dans le nombre de ceux qu'on fil
86 ANG
embarquer des premiers, trois
mois après la chute de Robers-
pierre ; et il resta enfermé dans le
fort du Ha , où sa situation n'étoit
pas moins cruelle. Ses souffrances
surpassoient ses forces ; il y tomba
gravement malade; et, sa fin ap-
prochant, on le transporta à l'hô-
pital de Saint-André de Bordeaux,
où , sans cesser de souffrir pour
Jésus-Christ, il expira le 17 août
179^, à l'âge de 56 ans. [V. M.
David et D. Arnaud.)
ANGLADE ( Pierre- Alexan-
dre), prêtre. [V . P. Et. Lan-
glade. )
ANGRAND-D'ALLERAY (De-
ms-François) , ancien lieutenant-
civil au tribunal du Châtelet de
Paris, né en cette ville, l'an 1725,
et dont la vie avoit été toujours
honorable , étoil âgé de 68 ans ,
lorsque s'établit , en 1793 , le
terrible régime de l'athéisme. Ir-
révocablement attaché à la reli-
gion catholique , il la pratiquoit
dans le secret, assistant à des
messes particulières qui se di-
soient en cachette. Ces actes de
piété, ayant été découverts par
les agens de la persécution, con-
tribuèrent , plus que le souvenir
de son ancienne eharge , à le faire
enfermer comme suspect. Traduit,
?e 9 floréal an II (28 avril 1794)?
devant le tribunal révolution-
naire, il y auroit été absous, s'il
eût voulu se prêter à un men-
songe qui lui étoit suggéré, pour
sauver sa vie. Il aima mieux la
ANI
perdre que de trahir la vérité, et
fut envoyé, le jour même, à l'écha-
faud, sous le prétexte banal qu'il
étoit un contre - révolutionnaire
{V. Anecd. Chrét., 2' édition,
1801). A sa mort, s'applique cette
décision de saint Thomas : Quia
omne rnendacium peccatum
est, vitatio mendacii , contra
quamcunque veritatem sit , in
quantum rnendacium est pec-
catum, divinœ iegi contra-
rium, polest esse martyrii
causa ( 2. 2. Quœst. 124* art. l\,
ad 2).
ANIMÉ (Dom) , bénédictin de
Ne vers, fut, avec raison, compté
au nombre des prêtres qui reje-
toient la constitution civile du
clergé, comme une œuvre héré-
tique et schismatique. La loi de
déportation du 26 août 1792,
sans le frapper directement , puis-
qu'il n'avoit pas été fonctionnaire
public dans le clergé, lui indi-
quoit assez qu'il n'y auroit pas de
sûreté pour lui en France; mais
la condition rigoureuse à laquelle
les prêtres de son âge étoient
soumis, quand ils ne se dépor-
toient pas; celle de la réclusion,
à laquelle lui-même étoit résigné,
lui inspira assez de confiance pour
le déterminer à ne pas s'exiler.
Il avoit alors 77 ans ; et il fut
réuni aux autres vétérans du sa-
cerdoce, qui vivoient en réclu-
sion à Nevers, dans la maison que
l'administration départementale
leur avoit assignée ( V. NeVxks).
ANS
La persécution , devenue plus ar-
dente , plus inhumaine encore,
et voulant absolument faire dis-
paroître du sol de la France les
prêtres même âgés et infirmes ,
ceux de la Nièvre furent envoyés
à Nantes , pour y être noyés
( V. Nantes ). L'article Nevers
expose tout ce qu'ils eurent à
souffrir dans le trajet, ainsi que
dans l'horrible sépulcre de la ga-
liote du port de Nantes, où tant
d'autres prêtres périrent. Dom
Animé leur survécut; et, comme
s'il n'eût pas dû mourir ailleurs, il
ne voulut point être de ceux que
l'on transféra à Brest, quand les
circonstances politiques firent
adoucir leur sort. L'affoiblisse-
ment de sa santé ne lui permettoit
guère cette nouvelle navigation;
il préféra rester sur la galiote de
Nantes, et y mourut, le 18 avril
1794. ( V. F. Agrafée, et Ba-
doinot , de Saint -Martin - lès-
Donzy.)
AN S ART (Louis-François-Jo-
seph), prêtre, religieux de l'ab-
baye de Saint - Vaast d'Arras ,
prévôt de la Beuvrières, près Bé-
thune , étoit né à Arras, en 1710.
Les persécutions envers les bons
catholiques, en 1792, effrayèrent
sa vieillesse; et la loi du 26 août
de cette année le décida à sortir
de France : mais il ne resta pas
long -temps chez l'étranger; les
besoins de son grand âge, et plus
encore ses infirmités, le décidè-
rent à revenir dans sa patrie- Il
ANS 87
avoit 8/j ans , lorsque le proconsul
Joseph Lebon le fit arrêter vers
la fin de 1793 [V • Arras); et la
barbarie qu'on prévoyoit qu'il al-
loit exercer envers ce vieillard,
surtout parce qu'il étoit prêtre ,
émut jusqu'à des membres de ce
qu'un appeloit la société popu-
laire, qui se composoit essentiel-
lement des plus bas partisans de
la révolution. Quelques uns d'eux
s'intéressèrent en faveur du véné-
rable Ansart auprès de l'apostat
Lebon, demandant qu'il ne fût
point envoyé à l'échafaud , mais
seulement déporté. Ce fut alors
que ce proconsul répondit « qu'il
ne falloil pas suivre ainsi les mou-
vemens de la pitié ; que plus un
prêtre étoit vieux, plus son aris-
tocratie étoit enracinée », Il le fit
condamner par son tribunal révo-
lutionnaire à la peine de mort,
« comme émigré rentré » , le 26
germinal an II (i5 avril 1794). Ce
prêtre , si âgé , et dont la surdité
étoit devenue complète , ne pou-
vant entendre ce qu'on décidoit
contre lui, put encore moins con-
cevoir pourquoi on le conduisoit
à l'échafaud ; mais quand il vit
qu'on l'altachoit à la planche de la
guillotine , et que sa tête alloit
tomber sous le fer mortel, sa
conscience pure et sainte lui dit
qu'il alloit périr, uniquement parce
qu'il étoit prêtre catholique. Le-
vant alors les yeux au ciel, il offrit
à Dieu sa vie , en témoignage de
sa Foi qu'aussitôt il scella de son
88 A NT
sang. (V. Advisard et M. M. M.
Arbachart. )
ANTOINE (Nicolas), curé de
la ville de Dompaire, près Mire-
court, diocèse de Saint-Diez, et
ne à Colroy, près de la ville de
Saint-Diez, avoit été expulsé de
sa cure par les autorités révolu-
tionnaires pour avoir refusé le
serment schismatique de 1791.
Il se retira dans la ville de Remi-
remont, où il montra beaucoup
de zèle pour maintenir les catho-
liques dans la pureté de la Foi.
De là encore il portoit les secours
de son ministère fort au loin, par
les montagnes d'alentour, savoir:
à Plombières , et jusque sur le
diocèse de Besançon , dans les
paroisses de Val-d'Ajol , et môme
Fougerolles (non Fougevolles ) ,
près Luxeuil. Le bien qu'il faisoit
indiqua ses traces; elles furent
ardemment suivies par les agens
de la persécution. Ils l'atteigni-
rent à Plombières dans une au-
berge où il prenoit quelque repos,
vers le soir du 6 avril 1794 ; et un
autre prêtre qui s'associoit à ses
courses et à ses travaux, y fut ar-
rêté avec lui (V . D. N. Claudel).
Tous deux furent liés et traînés
dans les prisons de Mirecourt. On
les fit comparaître ensemble de-
vant le tribunal criminel du dé-
partement des Vosges, qui sië-
geoit en cette ville. Un des juges
eut beau faire tous ses efforts pour
obtenir du curé Antoine la ré-
vélation des lieux secrets où il
ANT
savoit que d'autres prêtres se
cachoient, lui offrant, à ce prix,
la vie et la liberté; ce curé mon-
tra la même fermeté, avec la même
discrétion, que saint Cyprien en
une semblable circonstance (V.
ci -devant, page G4 ) ; et il fut
condamné à la peine de mort
avec son confrère , comme « prê-
trê réfractaire » , le 24 germinal
an II ( 1 5 avril 1794)- Ce jour-là
même qui étoit le dimanche des
Rameaux, il fut conduit au sup-
plice dans l'après-midi; et, de
même que son confrère, il décon-
certa, par le courage de sa Foi et
la sérénité de son visage, la foule
d'impies accourus pour voir tom-
ber leurs têtes ensemble sur le
même échafaud.
ANTOINE (Le Père), capucin.
(V. VÉRILLOT. )
ANTOINE (Le Père), grand
carme. (V. JuSavary.)
ANTOINE (Pierre), cordelier,
de la maison de Nancy , dans la
province de Lorraine, étoit né à
Vagney, dans les Vosges, au dio-
cèse de Saint - Diez. Ferme et
éclairé dans sa Foi , il rejeta la
constitution civile du clergé,
et n'en fit point le serment. Ce-
lui de Ubertè-ègaliU- ne répugna
pas moins à sa conscience. Les
administrateurs du département
de 4a Meurthc , où ilrésidoit, le.
firent arrêter comme insermenté
en 1793. Il fut condamné à la
déportation au-delà des mers. On
le i raina à Rorhefort où il fut em-
ARC
barqué sur le navire les Deux
Associes [V. Rochefort). Il pé-
rit dans cette cruelle épreuve, à
l'âge de 5o ans, le 10 août 1794?
et ses confrères l'inhumèrent dans
l'île (ÏJix. {Voy. V. Angard et
C. C. Ardy.)
ANTONIN {Le Père), capucin.
(V. P. M. N. Deschamps.)
APOLLINAIRE (Le Père),
du tiers-ordre de Saint-François
{V. J. B. N. Hussenot.)
APOLLINAIRE ( Le Père ) ,
capucin. [V . J. J. Morei.)
ARCELOT (Bénigne), simple
ouvrier tailleur, né à Saint-Rcyne,
prèsSemuren Anxois, vers 1749»
y exerçoit sa profession avec toute
la probité d'un chrétien, et mon-
troit une grande fermeté de Foi,
au milieu des énormes scandales
dont l'athéisme couvroitla France
en 1793. Il facilitait même aux
ministres fidèles de la religion
l'exercice de leur zèle , et aux
catholiques de son canton les
moyens de remplir leurs devoirs
les plus sacrés. Il fut dénoncé ,
et jeté dans les prisons de Dijon,
où il étoit encore lorsque la loi
du 27 germinal (16 avril 1794)
suspendit toutes les exécutions
dans les départemens, et voulut
que leurs prisonniers fussent en-
voyés à Paris [V . Lois et Tribun,
révol.). Arcelot y fut amené. Le
jour fameux du 9 thermidor, il
étoit encore dans les prisons de la
capitale; mais, quoique Robers-
pierre eut péri, Arcelot, comme
ARC 89
beaucoup d'autres,ne futpas sauvé
de tout danger , parce que les
mêmes tyrans opprimoient en-
core la France. On le fit compa-
roître le 16 brumaire an Iil (G
novembre 1794) devant le tribunal
révolutionnaire de la capitale,
qui, bien que renouvelé depuis
le 9 thermidor, montroit la même
haine contre la religion. Ce tri-
bunal condamna Bénigne Arcelot
à la peine de mort, comme con-
vaincu « d'avoir tenu des propos
fanatiques et contre-révolution-
naires ; d'avoir pratiqué des ma-
nœuvres fanatiques ». Arcelot
fut exécuté le même jour. Si l'on
n'avoit d'ailleurs tant d'autres
preuves de l'esprit impie suivant
lequel jugeoit ce nouveau tribu-
nal, il sufliroit de lire dans la sen-
tence la manière dont y fut dési-
gné le lieu de naissance d' Arcelot,
en supprimant du nom Saint-
Reyne le mot Saint. Il y est dit
« né à Reyne » . comme pour at-
tester que le gouvernement des
thermidoriens conservoit la pré-
cédente rage du dantonisme .
contre tout ce qui pouvoit rappeler
des idées de religion.
ARC H Y (Jean d'), prêtre du
diocèse de Bourges, né à Saint-
Denis-de-Jouhel, en Berry, vers
1737, étoit à l'époque de la révo-
lution, chanoine de l'église collé-
giale de Châtillon - sur - Indre .
dans le même diocèse. Les réfor-
mes révolutionnaires l'ayant privé
de son canonicat par la suppres-
90 ARD
sion des chapitres, et sa constance
dans la Foi catholique l'ayant ex-
posé à des persécutions dans sa
province , il vint se réfugier à
Paris, dans la rue ohscure de
Saint-Nicolas-du-Chardonnet , où
il crut pouvoir rester ignoré ; mais
on l'y découvrit à la fin de «790.
11 fut arrêté comme suspect, et
jeté dans la prison dite des Car-
mes. N'ayant pas de motif po-
litique hien précis pour secon-
der l'envie qu'on avoit de le faire
périr, on imagina de le réunir au
grand nombre de victimes que ,
sous le prétexte d'une conspiration
supposée dans la maison des
Carmes, le tribunal révolution-
naire de Paris devoit envoyer à
l'échafaud. La sentence qui le con-
damna à la peine de mort , comme
complice de cette prétendue cons-
piration , est du 5 thermidor an II
(25 juillet î^gl)- Elle fut exécutée
le même jour. Le chanoine d'Ar-
chy étoit âgé de 5y ans.
ARDY (Charles-Claude), prê-
tre, chapelain de Sainte - Marie-
Madeleine de Saint-Maixent , dans
le diocèse de Poitiers, étoit né à
Saint-Maixent même. Resté fidèle
à la Foi catholique, il n'avoit
point fait le serment de 1791.
Celui de liberté-égalité , prescrit
vers la fin de 1792, ne fut pas
moins repoussé par sa conscience.
Les dangers dont il étoit menacé
dans sa province, le firent aller
dans celle de Franche - Comté ;
mais les révolutionnaires du dé-
ÀR<*
partement du Dowbs l'y saisirent,
en 1790. On le condamna à la
déportation au-delà des mers ; et
on le conduisit à Rochefort, pour
y être embarqué {V. Rochefort),
11 le fut sur les Deux. Associés,
et succomba sous les maux dont
on étoit accablé dans cette es-
pèce de prison. Sa mort arriva le
12 septembre 1794- H avoit alors
52 ans; et on l'inhuma dans l'île
Madame. ( V. P. Antoine , et
P. M. Arfeuille.)
ARFEUILLE ( Pierre-Marie-
Mourini d'), prêtre, chanoine de
la cathédrale de Reims, né à
Felletin, dans le diocèse de Li-
moges, n'avoit fait aucun des ser-
mens hétérodoxes commandés en
1791 et 1792. Pour se mettre à
l'abri de la persécution qu'il voyoit
fondre sur lui, dans sa province,
il alla se réfugier en Franche-
Comté. Les administrateurs du
département du Doubs le décou-
vrirent et l'arrêtèrent. Il fut con-
duit à Rochefort, pour être déporté
au-delà des mers ( V. Rochefort).
Embarqué sur le navire les Deux
Associés, il succomba sous les
maux de celte espèce de prison ,
et mourut à l'âge de 44 ans> Ift
9 août 1794- On l'enterra dans
l'île A'Aix. Tous ceux qui l'ont
connu, en parlent comme d'un
ecclésiastique d'un grand mérite.
{V. C. C. Ardy, et E. Astreuse.)
ARGICOURT (Marie - Louise
de Fumel , épouse d'), née à
Paris en 1748, domiciliée à Bor-
ARG
dcaux, et mise à mort dans cette
dernière ville , le i"février 1794?
parla commission militaire qui y
faisoit alors tant de victimes pour
complaire a l'impie Convention ,
nous est indiquée par la teneur
même de son jugement , comme
une vraie Martyre. Ce jugement,
copié sur l'affiche qui en fut pla-
cardée , par ordre de la commis-
sion militaire de Bordeaux , porte
« que Marie-Louise Fumel d'Ar-
gicourt, âgée de 45 ans, a démon-
tré, par ses réponses devant la
commission, que le fanatisme
et l'aristocratie étoient si profon-
dément gravés dans son coeur,
qu'ils ne pourroient jamais en
être effacés; qu'elle avoit toujours
fréquenté des fanatiques, et
principalement Cossé (prêtre resté
catholique); qu'elle avoit engagé
un de ses domestiques à recevoir la
bénédiction nuptiale de ce prêtre ;
et qu'elle avoit fourni sa maison,
pour qu'il y exerçât ses fonctions ,
au mépris de la loi; que, dans
l'extrait de mariage dressé par ce
prêtre, le 25 juin 1 7Ç)5, il étoit
question de pouvoirs àjui donnés
par les vicaires-généraux de
Msr de Cicé, archevêque légi-
time de Bordeaux ; que , dans
son testament (qu'on avoit violé),
elle marquoit le mépris le plus pro-
fond pour tout ce qui n'étoit pas
dévoué au fanatisme et à l'aris-
tocratie ». Sur ces motifs, les
juges ordonnèrent , « d'après la
loi du 27 mars 1793, que Marie-
AKC. yï
Louise de Fumel d'Argicourt su-
biroit la peine de mort. Signé ,
au registre, le i3 pluviôse an If
(1" février 1794) : La combe ,
président ; Parmentier , Mar-
guc.rîé , Ancian , Bar sac ,
membres de la commission; et
Gissey , secrétaire ». Les causes
de la mort de cette dame furent
donc sa piété, son attachement à
l'Eglise catholique , etlaprofession
courageuse de sa Foi dans ses
réponses devant les tyrans : or
c'est là ce qui constitue le mar-
tyre le plus formel. Sa vie avoit
été digne d'une si glorieuse mort.
Fille unique d'un père très-con-
sidéré, elle annonça, dès son
enfance, une grande douceur dans
le caractère, avec beaucoup d'es-
prit ; et les charmes de la figure
dont la nature l'avoit douée, ne
furent point un obstacle à la piété
pour laquelle le Ciel sembloit l'a-
voir fait naître. Elle se la fit par-
donner au milieu d'un monde
profane, et même à la cour, lors-
qu'elle y fut conduite, par suite
de son mariage avec le comte
d'Argicourt. Peu d'années après ,
elle devint veuve; un fils, seul
fruit de cette union , élevé sous
ses yeux, à Bordeaux, avec le
plus grand soin, et suivant les re-
ligieux principes de sa mère, lui
fut encore enlevé par la mort. La
tendresse qu'elle avoit pour lui,
rendit sa douleur très-vive ; mais
la Foi vint au secours de la foi-
blesse de la nature, en lui mou-
ya ARG
trant la main de Dieu qui disposoit
de tous les événemens selon les
vues de sa profonde sagesse , et tou-
jours pour le bien spirituel de ses
élus. Elle adora cette main qui
venoit de faire à son cœur une
plaie si sensible : sa soumission,
sa résignation furent sans bornes ;
et sa piété en devint plus vive et
plus pure. Par l'ordre qu'elle
établit dans sa maison, elle en
fit une espèce de monastère sans
austérité, où Dieu étoit honoré
par toutes les actions de ceux qui
l'habitaient. Les exercices jour-
naliers du chrétien y étoient faits
en commun; et toujours la veuve
d'Argicourt s'y montroit la pre-
mière. La méditation, la prière,
le travail des mains, les œuvres
de charité, remplissoient presque
tous ses momens. Ceux qu'elle
consacroit à la société, ne pou-
voient la détourner de penser à
Dieu , parce qu'il n'y avoit que
des gens de bien qui vinssent chez
elle, ou chez qui elle allât en
visite. C'est ainsi que Dieu la pu-
rifioit dans le secret, qu'il la déta-
choit peu à peu des choses de la
terre, et qu'il la fortifioit pour le
jour du combat auquel il l'avoit
destinée. Les sacrifices que la ré-
volution l'obligea de faire, sous le
rapport de la fortune , n'excitèrent
chez elle aucun murmure. Les
seuls regrets qu'elle en éprouva,
étoient fondés sur la diminution
qui en résultoit dans les ressources,
que les pauvres trouvoient auprès
ARG
d'elle. Les mortifications particu-
lières que des hommes de la révo-
lution lui firent essuyer, en cette
occasion, ne purent altérer sa
douceur, troubler sa patience, ni
la détourner en rien de sa parfaite
soumission à la volonté de Dieu.
Lorsque la persécution contre les
gens de bien en vint à ses derniers
excès , dans la ville de Bordeaux,
la vertueuse veuve fut choisie
pour l'une de ses premières vic-
times ( V. Bordeaux). On l'empri-
sonna ; et son père , avec une de
ses tantes, qui étoit religieuse, fu-
rent en même temps jetés dans les
cachots. En vain elle pria pour
qu'on la mît dans celui où étoit
son père, afin qu'elle pût assister
sa vieillesse, et le secourir dans
les infirmités dont il étoit accablé :
cette consolation lui fut refusée.
Peu de personnes furent arrêtées
et détenues avec plus de dureté.
Elle resta en prison plusieurs mois,
pendant lesquels elle fut toujours
malade ; et ses souffrances, comme
la privation qu'on lui faisoit éprou-
ver des choses les plus néces-
saires à la vie, loin de l'aigrir,
la combloient de joie. Sa résigna-
tion, sa patience, son inaltérable
douceur, enchantaient ses com-
pagnons d'infortune. Dans la véné-
ration profonde que tous avoient
pour elle , ils se disputaient le bon-
heur de lui rendre quelques bons
offices. Ils avoient à vaincre son
humilité, son esprit de pénitence
qui la portoit à refuser les sacrifices
ARR
envoyé en 179$ à Blnye pour
être déporté à la Guiane , avec
quantité de prêtres qui n'avoient
pas voulu faire le serment de i?qi.
On le jeta dans le souterrain du
fort de l'île du l'Iïté-de-Blaye ,
où il souffrît des maux affreux
( y. Bordeaux ) . Ses souffrances
abrégèrent ses jours ; il ne put
vivre jusqu'à celui de l'embarque-
ment qui n'arriva qu'à la fin de
l'automne 1794* trois mois après
ce Neuf thermidor, si vanté
pour sa justice. Bom Arnaud
mourut dans son cachot le j5
fructidor an 11 ( i" septembre
1794)5 à l'âge de 55 ans. ( V . P.
AsCLADE, Ct V. AïJDTJREAtJ.)
AlUlACHAilT ( Marie- Mar-
guerite-Marthe Frassen, veuve),
dont le mari avoit été chirurgien
de l'hôpital militaire d'Arras ,
exerçoit la profession d'accou-
cheuse dans la même ville. Elle
y jouissoit de beaucoup d'estime.
Sa vie privée étoit celle d'une
bonne mère , occupée de l'édu-
cation de ses enfaus, et d'une ex-
cellente catholique très-attachée
aux devoirs de sa religion. Sen-
sible aux malheurs des prêtres
fidèles que , non content d'avoir
dépouillés , on vouoit à l'exil , elle
entra dans la charitable associa-
tion de la veuve Bataille en leur
faveur ( V. M. J. D. Bataille ).
Cette association et les noms des
personnes pieuses dont elle se
composoit, ayant été connus du
proconsul Jh Lebon ( V . Arras ) ,
2*
ARS <>5
il les fit toutes mettre en prison,
et ordonna à son tribunal révo-
(utionnaire de les envoyer à la
mort. L'arrêté par lequel il intima
cet ordre portoit que « la veuve
Arrachai t et sa fille étoient plus par-
ticulièrement prévenues de corres-
pondances criminelles » ( avec des
prêtres déportés ou fugitifs) ; mais
nous apprenons par le résumé du
président du tribunal d'Amiens,
auquel, dans la suite, Jh Lebon
fut livré pour être puni, « que la
veuve Arrachart ne savoit ni lira
ni écrire ». Le tribunal même de
ce proconsul avoit reconnu que
la jeune fille de cette estimable
veuve n'avoit eu aucune part à
des correspondances suspectes ,
car elle fut absoute de l'accusa-
tion. La mère, âgée de 54 ans,
n'en fut pas moins condamnée au
dernier supplice, le 25 germinal
an II (14 avril 1794), avec les dix-
huit autres personnes qui avoient
participé à la même bonne œuvre.
La sentence supposa que la veuve
Arrachart, ainsi que les autres,
étoit «complice de la conspiration
de la veuve Bataille contre le peu-
ple français et sa liberté». {V . L„
F. Ansart, et l\ Bâcler.)
ARSOC (Marcderits Liotier,
épouse d' ) , habiloit Laussonne
dans le Velay ; et , sincère-
ment attachée à la foi, elle en
donna des preuves courageuse*
lors de la persécution. Elle servit
d'exemple aux catholiques, non
seulement par son attachement
0« ART
inébranlable à la véritable Eglise,
niais encôre par les services qu'elle
rendit aux prêtres tidèles. Lorsque
leur tête étoit mise à prix dans
cette province ( V . J. 11. Abeil-
lon ) , elle cacha dans sa maison
l'un d'entre eux que recherchaient
les persécuteurs. Il y tut décou-
vert; on la saisit ainsi que lui, et
on la traîna dans les prisons de la
ville du Puy, où siégeoit le tribu-
nal criminel du département de
la Ilautt-Loirc. Le 2 pluviôse an
11 ( janvier 1794) 1 ce tribunal
la condamna comme « receleuse
de prêtres réfractaires », à la peine
de mort, qu'elle subit le même
jour. [V. i' Alix.)
AIïTEL (Beausire), prêtre du
diocèse de Clermonten Auvergne ,
ne voulut point compromettre sa
Foi par la prestation du serment
schismatique de 1791 (1). Se
(t) Il faut bien compter parmi les
causes qui rendirent si héroïque la Foi
des catholiques de ce diocèse , les exem-
ples que leur avoit donnés leur digne
évôque, François de Boitai. Chaque
fois que, dans cette Assemblée Cons-
tituante, dont il étoit membre malgré
lui , et qui décréta la ruine de l'Eglise,
il voyoit adopter une mesure nuisible
à la religion , il s'écrioit avec force :
« Eussé-je mille glaives suspendus sur
ma tete, je ne cesserai de dire : je
m'oppose. » Le roi lui ayant écrit aux
approches de Pâques 1792, pour lui
demander si, après avoir sanctionné-
la constitution civile du clergé, il pou-
voit faire sa communion pascale, ce
pjtdst , comme un autre S. Ambroise,
ART
croyant dispensé de sortir de
France, après l'expulsion des in-
sermentés , prononcée par la loi
du 2<j août 1792, il se relira dans
le hameau d'Orset ", à quelque dis-
tance de Clermont. Les agens de
la persécution l'y découvrirent; il
lut amené dans les prisons de
cette ville, chef-lieu du départe-
ment du Puy-de-Dôme, dont le
tribunal le condamna , le 5 ven-
tôse an II (s3 février 1 794 ) , à la
peine de mort , comme « prêtre
refractaire à la loi » . Le lendemain
vit tomber sa tête sur l'échafaud.
ARTEN.SIE (François d'),
prêtre, né d'une famille noble,
et curé de Saint-Severin-de-Tis-
sac, dans le diocèse de Périgueux,
avoit encore plus de titres à la
haine des révolutionnaires, par
la fermeté de sa Foi, que par le
hasard de sa naissance. Ne voulant
lui répondit : « J'ai consulté les évo-
ques les plus distingués; ils sont tous
d'avis que Votre Majesté doit s'abstenir
de la Sainte -Table. Elle ne pourra,
que par un grand nombre d'œuvies
méritoires, se laver aux yeux de Dieu
d'avoir concouru à cette révolution.
Je sais bien que Voire Majesté a été
entraînée par des circonstances irré-
sistibles ; mais ses fidèles sujets auront
à lui reprocher encore long-temps
d'avoir sanctionné des décrets des-
tructifs de la religion. » L'Assemblée
fitplus d'honneur qu'elle ne le pensoit
à lévCque de Clermont, lorsqu'elle-
môme , pour le rendre odieux à la popu-
lace , fit publier cette réponse par le
Moniteur du G décembre 1792.
ARN
envoyé en 1794 à Blaye pour
être déporté à la Guiane , avec
quantité de prêtres qui n'avoient
pas voulu faire le serment de 1791.
On le jeta dans le souterrain du
fort de l'île du Pâté -de -Blaye,
où il souffrit des maux affreux
( V. Bordeaux). Ses souffrances
abrégèrent ses jours; il ne put
vivre jusqu'au jour de l'embar-
quement qui n'arriva qu'à la fin
de l'automne 1794? lrois mois
après ce 9 thermidor, si vanté
pour sa justice. Dom Arnaud
mourut dans son cachot le i5
fructidor an II ( 1" septembre
1794), à l'âge de 55 ans. ( V. P.
Akglade et V. Audureau.)
ARNAUDEAU (Jean-Aimé),
simple diacre du diocèse de Poi-
tiers, fut un des dix-sept ecclé-
siastiques que le tribunal du dé-
partement de la Vienne,, siégeant
à Poitiers, envoya tou9 ensemble
à l'échafaud le même jour. Ce fut
alors, et là principalement, que se
manifesta, dans toute son horrible
franchise , le projet de détruire en-
tièrement les ministres du sanc-
tuaire, et tous les adorateurs du vrai
Dieu. On parviendra à trouver les
noms de ces nombreuses victimes
sacerdotales, en suivant les renvois
indiqués au bas de cet article. Le
diacre Jean - Aimé Arnaudeau,
qui, n'étant point fonctionnaire
public, ne pouvoit être inculpé
par les révolutionnaires pour n'a-
voir point fait le serment de la
constitution civile du clergé
ARR 95
auquel la loi ne l'obligeoit point,
n'en fut pas moins arrêté à Châ-
telleraut où il résidoit , et con-
duit dans les prisons de Poitiers
( V. Vendée). Le tribunal de ce
chef-lieu du département de la
Vienne le condamna donc, le 28
ventôse an II ( 18 mars 1794), à
la peine de mort comme « réfrac-
taire à la loi ». [V. M' Aielet et
Augier. )
ARRACHART ( Marie - Mar-
guerite-Marthe Frassen, veuve),
dont le mari avoit été chirurgien
de l'hôpital militaire d'Arras ,
exerçoit la profession d'accou-
cheuse dans la même ville. Elle,
y jouissoit de beaucoup d'estime.
Sa vie privée étoit celle d'une
bonne mère , occupée de l'édu-
cation de ses enfans, et d'une ex-
cellente catholique très - attachée
aux devoirs de sa religion. Sen-
sible aux malheurs des prêtre»
fidèles que , non content d'avoir
dépouillés, on vouoit à l'exil, elle
entra dans la charitable associa-
tion de la veuve Bataille en leur
faveur [V. M. J. D. Bataille).
Cette association et les noms des
personnes pieuses dont elle se
composoit, ayant été connus du
proconsul J1' Lebon ( V. Arras),
il les fit toutes mettre en prison,
et ordonna à son tribunal révo-
lutionnaire de les envoyer à la
mort. L'arrêté par lequel il intima
cet ordre portoit que « la veuve
Arrachart et sa fille étoient plus
particulièrement prévenues de
90 ARS
correspondances criminelles »
(avec des prêtres déportés ou
fugitifs ) ; mais nous apprenons
par le résumé du président du
tribunal d'Amiens , auquel dans
la suite Jh Lebon fut livré pour
être puni, u que la Yeuve Arra-
chait ne savoit ni lire ni écrire ».
Le tribunal même de ce proconsul
avoit reconnu que la jeune fille
de cette estimable veuve n'avoit
eu aucune part à des correspon-
dances suspectes, car elle fut ab-
soute de l'accusation. La mère,
âgée de 54 ans, n'en fut pas moins
condamnée au dernier supplice , le
25 germinal an II (i4avril 1794) »
avec les dix-huit autres personnes
qui avoient participé à la même
bonne œuvre. La sentence sup-
posa que la veuve Arrachart, ainsi
que les autres, étoit « complice
de la conspiration de la veuve
Bataille contre le peuple français
et sa liberté ». ( V. L. F. Ansart
et P. Baclerc. )
ARSOC (Marguerite Liotier,
épouse d') , habitoit Laussonne
dans le Velay; et, sincèrement
attachée à la religion, elle en
donna des preuves courageuses
lors de la persécution. Non seule-
ment elle servit d'exemple aux
catholiques par son attachement
inébranlable à la véritable Eglise,
mais encore par les services qu'elle
rendit aux prêtres fidèles. Lorsque
leur tête étoit mise à prix dans
celte province ( V. J. B. Abeil-
j.on). elle cacha dans sa maison
ART
l'un d'entre eux que recherchoient
les persécuteurs. Il y fut décou-
vert; on la saisit ainsi que lui, et
on la traîna dans les prisons de la
ville du Puy, où siégeoit le tribu-
nal criminel du département de
la Haute- Loire Le i pluviôse an
II (22 janvier 1794) > ce tribunal
la condamna comme « receleuse
de prêtres réfractaires », à la peine
de mort qu'elle subit le même
jour. ( y. Je Aux. )
ARTEL (Beausire), prêtre du
diocèse de Clermont en Auvergne ,
ne voulut point compromettre
sa Foi par la prestation du ser-
ment schismatique de 1791. Ne
se croyant pas obligé de sortir de
France , d'après l'expulsion des
insermentés, prononcée par la loi
du 26 aofit 1792, il se retira dans
le hameau d'Orset, à quelque dis-
tance de Clermont. Les agens de
la persécution l'y découvrirent; il
fut amené dans les prisons de
Clermont, chef-lieu du départe-
ment du Puy-de-Dôme , dont le
tribunal le condamna, le 5 ven-
tôse an II (25 février 1794) j à
la peine de mort comme «prêtre
réfractai re à la loi ». II subit sa
sentence le lendemain.
ARTENSIE ( François d' ) ,
prêtre, né d'une famille noble,
et curé de Saint-Séverin-de-Tis-
sac, dans le diocèse de Périgueux,
avoit encore plus de titres à la
haine des révolutionnaires , par
la fermeté de sa Foi, que par le
hasard de su naissance. Ne voulant
ASS
point se rendre coupable du ser-
ment schismatique de 1791, il fut
éloigné de sa cure parles autorités
civiles; et, pour rester à portée
d'être encore utile à ses parois-
siens, il vint résider à Périgueux.
Le même motif le fit rester en
France, malgré la loi de dépor-
tation du 26 août 1792. Sa tran-
quillité n'y fut troublée que plu-
sieurs mois après. On le mit en
prison dans ces temps où l'on
ne pou voit souffrir l'existence d'un
seul prêtre. Traduit devant le
tribunal du département de la
Bordogne , siégeant à Périgueux ,
il y fut condamné, le 7 thermidor
an II (25 juillet 1794)? à la
peine de mort « comme prêtre
réfractaire » ( V. P. Peyrot
et J. E. Borie ). Le lecteur
trouvera dans cette série tous
les confesseurs de la Foi dont
le tribunal de Périgueux a fait
des Martyrs.
ASSY (Guillatime-Jean-Char-
ies d' ) , prêtre du diocèse de Paris ,
né dans celte ville en 1 7 58 , y fai-
soit sa résidence. Quoiqu'il vît la
fureur de la révolution déchaînée
contre les prêtres fidèles à leur
Foi et à leur ministère, vers la fin
de 1792, il ne sortit point de
France, et crut pouvoir rester
ignoré dans la capitale. Il ne put
l'être ; on l'arrêta , et il fut jeté dans
la prison de Saint-Lazare. Déjà
les comités révolutionnaires
l'avoient dénoncé comme fana-
tique; cependant il resloit à peu
2.
AST 97
près oublié dans sa prison, lors-
qu'au milieu de l'été de 1794 les
persécuteurs imaginèrent de le
faire comprendre dans une cons-
piration supposée des prisonniers
de cette maison. Il fut accusé d'en
être complice, et traduit sous ce
prétexte devant le tribunal révo-
lutionnaire de Paris , le 7 thermi-
dor an II (25 juillet 1794)- Les
juges le condamnèrent de suite à
la peine de mort « comuid cons-
pirateur et comme fanatique »
( J7. J. Raotjlx). Son exécution
eut lieu le même jour.
ASTREVJSE (Exjcher), curé
de Balmont , dans le diocèse d'An-
necy, autrement dit de Genève,
étoit resté dans sa paroisse après
l'invasion de la Savoie par les
troupes de la république française
( V. Savoie). Le serment qu'on
exigeoit alors lui parut inconci-
liable avec sa Foi. Il le refusa, et
fut recherché par les administra-
teurs révolutionnaires du dépar-
tement du Mont-Blanc. On l'ar-
rêta, et on le condamna à être
déporté au-delà des mers. Il fut
en conséquence traîné , de village
en village et de ville en ville, jus-
qu'à Piochefort, pour y être em-
barqué ( V . Nevers). On l'enferma
dans le navire les Deux Associés
( V . Rochefort) : il y succomba
sous les maux qu'on y enduroit.
Son âge alors étoit de 55 ans ; et sa
mort arriva le 21 novembre 1794.
On l'enterra près du fort V aseux,
qui est à l'embouchure de la Cha-
7
98 ATT
rente. ( V- P. M. Astreuse et F.
Aubergier. )
ATTIREL ( Jean - Baptiste -
François), prêtre, né à Dôle en
Franche-Comté, vers 174"? ayant
encouru la haine des ennemis de
la Foi par son attachement à la reli-
gion , et croyant pouvoir se mettre
à l'abri de leurs recherches avec
d'autant plus de facilité qu'il n'avoit
pas eu de charge d'âmes, pro-
fita des connoissances qu'il avoit
acquises dans l'art des construc-
tions, afin de se faire passer pour
architecte. Les agens que les per-
sécuteurs avoient dans sa pro-
vinee, n'oublièrent pointqu'ilétoit
prêtre. Us l'arrêtèrent comme
suspect; et, d'après la loi du 27
germinal ( V . Lois et Tribunaux
révolutionnaires), il fut trans-
féré à Paris pour y être jugé par
le tribunal révolutionnaire de
la capitale. Aucun délit formel ne
pouvant lui être imputé , on l'en-
ferma dans la prison du Luxem-
bourg. Voulant enfin se défaire de
lui , surtout parce qu'ilétoit prêtre,
on l'enveloppa avec plusieurs
autres ecclésiastiques dans la cons-
piration supposée des prisonniers
de ce lieu de détention. Amené
devant le tribunal , le 22 messidor
an II, (10 juillet 1794) ■> il y fut
condamné de suite à la peine
de mort « comme ayant conspiré
(dans la prison) contre la liberté,
la sûreté du peuple, provoquant,
par la révolte des prisonniers et par
tous les moyens possibles, la dis-
ALB
solution de la représentation na-
tionale'). Attirel fut guillotiné le
même jour, à l'âge de 47 ans>
( V. G. Queudeville).
AUBERGIER (François) , curé
de Chevagnes , dans le diocèse
d'Autun, et né à Colombiers dans
celui de Bourges, ne fit aucun
des sermens prescrits en 1791 et
1792. Lorsque la persécution de-
vint si terrible contre les prêtres
fidèles à leurs devoirs, en 1795,
l'asile d'Aubergier se trouvant
compris dans le département de
V Ailier, il y fut arrêté, et bien-
tôt condamné à être déporté au
delà des mers. On le fit partir
pour Rochefort où il devoit être
embarqué {V. Rochefort). Le
navire les Deux Associés fut
celui où on l'enferma. Il mourut
dans ce genre de supplice, à l'âge
de 53 ans, le 9 octobre 1794, et
fut enterré dans l'île Madame.
{V. E. Astreuse et G. Aubicny.)
ALBERT ( Jean - Baptiste-
Claude), curé de Pontoise , près
Paris , ne pouvant plus rester dans
sa cure , en 1 792 , parce qu'il avoit
refusé de trahir sa Foi par la pres-
tation du serment de la constitu-
tion civile du clergé, avoit un
asile trop naturel dans le sein de
Paris pour ne pas s'y réfugier.
Mais il ne pouvoit y être tout-à-
fait ignoré , soit à raison des fré-
quentes relations que les habitanï
de Pontoise avoient avec ceux de
Paris, soit parce qu'il profita du peu
de liberté dont les prêtres catholi-
AUB
ques jouissoicnt encore dans la ca-
pitale, pour remplir quelques fonc-
tions ecclésiastiques. Il avoit été
trop remarqué, lorsqu'arriva ce
terrible 10 août 1792, qui délivra
de tout frein les ennemis des prê-
tres fidèles. Le curé de Pontoise fut
un de ceux qu'ils avoient à cœur
de ne pas épargner, dans le mas-
sacre qu'ils vouloient en faire.
Il fut donc arrêté , et traduit
devant le comité de la section
du Luxembourg , où , sur la
proposition qui lui fut faite de
prononcer enfin le serment civi-
que dans lequel étoit compris ce-
lui de la constitution civile du
clergé, il répondit par un refus
qui devenoit une éclatante profes-
sion de la Foi catholique devant
ses ennemis déclarés. Aubert fut
en conséquence condamné au sort
des confesseurs de la Foi; on l'en-
ferma avec tant d'autres [V. Dv-
lau) dans l'église des Carmes,
en attendant le jour où il seroit
mis à mort. Il le prévoyoit, et il
s'y prépara. Le jour du massacre
■vit le curé Aubert marcher avec
autant de sérénité et de courage
que ses confrères à la mort, en se
rendant le consolant témoignage
qu'il alloit donner sa vie pour la
Foi de Jésus -Christ. Le jour de
son Martyre fut le 2 septembre
1792. [V. Septembre.)
ALBERT (Anne- Catherine) ,
née à Paris en 1765, y étoit re-
ligieuse du couvent des filles de
Saint-Thomas, de l'ordre de Saint-
ALB 99
Dominique. Les réformes révolu-
tionnaires de 1791 la mirent hors
de son cloître. Retirée dans un
modeste domicile, elle y conti-
nuoit paisiblement les exercices
de sa sainte profession. Lorsque la
persécution eut atteint son plus
haut point de fureur, vers la fin de
1793, la sœur Aubert fut recher-
chée par les persécuteurs jusque
dans son asile. Ils la jetèrent dans
les prisons, en attendant qu'ils eus-
sent imaginé un prétexte politique
pour la faire périr. Ils ne purent
en trouver de positif ; et cependant
le tribunal révolutionnaire eut
ordre de l'envoyer à la mort.
Quand elle comparut devant lui,
le 22 floréal an II (1 1 mai 1794),
il la condamna ù la peine c apitale,
ainsi que deux prêtres et quatre
autres femmes, dont deux étoient
aussi religieuses {V. A. Desmarais,
G. B. Goyon, A. J. Desmonceaux,
P. L. F. Lecointre). La sentence
la disoit « convaincue d'être com-
plice des conspirations qui avoient
(dit-on) existé depuis le commen-
cement de la révolution de la part
des ennemis du peuple et de la
liberté, tendantes à allumer la
guerre civile , à fanatiser les
citoyens ». La sœur Aubert, con-
duite à l'échafaud le même jour,
y perdit la vie , à l'âge d.e 5g ans.
ALBERT (Pierre-Jean), né à
Paris, vers 1749? étoit à l'époque
de la révolution curé de Passière,
près Dreux. Le refus qu'il fil de
compromettre sa Foi par la près-
ioo ALB
tation du serment de la consti-
tution civile du clergé, donna
lieu aux administrateurs ré-
volutionnaires du département
d'Eure et Loir, de l'expulser de
sa cure. Il se relira dans le bourg
de Merville, au diocèse de Bayeux ,
où le désir de rendre son ministère
utile , le fît rester malgré la loi
d'exil rendue le 26 août 1792
contre les prêtres insermentés.
Il fut découvert et suivi par les
agens de la persécution vers la
fin de 1793. Conduit à Paris,
il y demeura en prison jusqu'au
25 pluviôse an II ( i3 février
1794)? que le tribunal révolu-
tionnaire le fit comparoître de-
vant lui , uniquement pour le con-
damner à mourir sur Pécbafaud.
Le prétexte de sa condamnation
étoit «qu'il avoit provoqué la dis-
solution de la Convention , et le
rétablissement de la royauté ». Il
fut exécuté le lendemain, à l'âge
de 4^ ans-
ALBERT (Jeanne-Marie), ou-
vrière eu dentelles à Beaune en
Velay, dans le diocèse du Puy,
invariablement attachée à la reli-
gion catholique, dont elle prati-
quoit les vertus ainsi que le culte
extérieur, donna asile à un prêtre
fidèle et zélé de qui les persécu-
teurs avoient mis la tête à prix
(V. Je Alix). On le découvrit chez
elle ; et elle fut arrêtée avec lui.
Traduite pour cette sainte et géné-
reuse action devant le tribunal
criminel du département de la
ALB
Haute-Loire, siégeant au Puy,
elle fut condamnée à la peine de
mort, comme «recéleuse de prê-
tres réfractaires » , le 29 prairial
an II (17 juin 1794)- La sentence
fut exécutée le lendemain ; et le
prêtre fut condamné et décapité
en même temps qu'elle. C'étoit
le curé J. B. Abeillon, à l'article
duquel nous renvoyons les lec-
teurs qui voudroient connoître les
circonstances particulières de la
persécution, dans le département
de la Haute-Loire.
ALBIER (Jean-Baptiste), prê-
tre, né à Clermont en Auvergne,
en iy5i , et exerçant le saint mi-
nistère dans le diocèse de Cler-
mont , n'ayant pas voulu prêter
le serment de la constitution ci-
v iledu clergé,y avoit éprouvé des
persécutions. Pour s'y soustraire ,
il s'étoit réfugié à Lyon, où il
vivoit paisiblement , dans une
maison de la place de l'Herberie.
Il donnoit néanmoins les soins de
son ministère aux catholiques
auxquels ils pouvoient être utiles.
Quand les proconsuls de la Con-
vention firent arrêter tant de per-
sonnes dans cette ville ou les
environs, à la fin de 179^, Jean-
Baptiste Aubier fut découvert, et
jeté dans leurs prisons. Traduit
devant leur commission révolu~
tionnaire qui décimoit les Lyon-
nais ( V. Lyon) , il y fut condamné
à la peine de mort, comme « prêtre
réfractaire, prêchant la royauté,
et grand scélérat», le 23 pluviôse
AUB
an II ( il février 1794)- H périt
Je lendemain , à l'âge de 43 ans. ( V.
Ac Msde Vial et C Aurouze. )
AUBIGNY (Gilbert d'), prêtre,
chanoine de la cathédrale de
Bourges , né dans cette ville ,
garda sa Foi pure et intacte, lors
du schisme de 1791 : il en re-
poussa le serment avec la fermeté
d'un ministre de la véritable
Eglise. Besté dans sa patrie lors
de l'expulsion des prêtres catho-
liques, en août 1792, il devint
bientôt la proie des impies qui
voulurent, en 1793, achever de
détruire la religion de Jésus-
Christ. On le mit en prison; et,
vers le commencement de l'année
Ï794, on résolut de le faire dé-
porter au-delà des mers. Il fut
traîné à Bocheforl , pour être
embarqué. Les traitemens qu'il
éprouva, comme tant d'autres,
dans le trajet , furent accablans
pour lui ( V. Bochefort). A peine
fut-il arrivé dans cette ville, qu'il
se trouva extrêmement malade :
on se vit obligé de le mettre à
l'hôpital ; et il ne tarda pas à
rendre son dernier soupir. Il mou-
rut dans la nuit du 19 au 20 avril
1794, à l'âge de 58 ans, et fut
enterré parmi les pauvres de cet
hôpital. ( V. F. Aubekgiek , et
P. AlJGER.)
AliBBÏ ( Pierre - Nicoias ),
jeune homme plein de piété, né
à Coulommiers en Brie , dans le.
diocèse de Langres, en 1769, y
étoit instituteur de \a jeunesse.
AUB 10 1
Les principes de religion qu'il in-
culquoit à ses élèves , le rendirent
odieux aux révolutionnaires de sa
contrée. Il fut arrêté par eux ,
dans le courant de 1793; et ils le
firent conduire à Paris , pour y
être jugé par le tribunal révolu-
tionnaire de la capitale. Ce tri-
bunal, l'ayant fait comparoître
devant lui, le 10 frimaire an H
( 3o novembre 1793), le con-
damna sur-le-champ à la peine
de mort, comme «convaincu de
conspiration et de fanatisme ».
Il fut exécuté le lendemain, à
l'âge de 24 ans.
AUBBY (Jeanne), vivant dans
un pieux célibat, avec trois de ses
sœurs, au bourg de Nolay, près
Beaune en Bourgogne , dans le
diocèse d'Autun, resta inébran-
lable dans les principes de la Foi
catholique. Les persécutions aux-
quelles elle voyoit exposés les
ministres de la véritable Eglise
catholique, l'intéressèrent à leur
sort, comme à celui des envoyés
de Jésus-Christ. De concert avec
ses sœurs , elle donna, chez elle, un
asile à quelques-uns d'entre eux,
que les ennemis de la religion
poursuivoient. On les y décou-
vrit : Jeanne Aubry et ses sœurs
furent arrêtées avec eux. On les
traîna dans la ville de Dijon, où
siégeoit le tribunal criminel du
département de la Côte-d'Or,
dont Nolay étoit devenu justi-
ciable. Ce tribunal, jugeant révolu-
tionnairement, condamna Jeanne.
102 AUB
Aubry et ses trois sœurs, quali-
fiées toutes quatre de « filles ma-
jeures » , à la peine de mort,
comme « receleuses de prêtres ré-
fractaires » (V. Je Atix). Cette
seul' née fut rendue et exécutée le
a5 ventôse an II (1 5 mars
AUBRY (Louise) , sœur de la
précédente, et domiciliée comme
elle, avec deux autres sœurs, dans
le bourg de Nolay , prés Beaune,
au diocèse d'Autun , partageoit
leurs bonnes œuvres. Elle eut le
même mérite qu'elles dans la gé-
néreuse hospitalité que reçurent
dans leur domicile, en 1795, des
prêtres fidèles que recherchoient
les persécuteurs. Louise fut arrê-
tée, comme ses trois autres sœurs,
et conduite à Dijon, où le tribunal
du département de la Côte-d'Or
la condamna, avec elles, à la
peine de mort, le 25 ventôse an II
( 1 5 mars 1 794 ) , comme « recé-
leuse de prêtres réfractaires ».
On a vu, à l'article de Je Alix,
quel droit cette qualification pou-
voit donner au titre de Martyr.
AUBRY (Marie), sœur des deux
précédentes et de la suivante, de-
meuroit avec elles au bourg de
Nolay, près Beaune. La piété, la
charité de cette vertueuse fille, la
portèrent , comme ses trois sœurs ,
adonner asile à des prêtres fidèles,
que poursuivoient d'homicides
persécuteurs ( V, Je Alix). Cette
bonne œuvre fut découverte; on
arrêta Marie, ainsi que ses sœurs:
et, traînée avec elles au tribunal
AUC
de Dijon, elle y fut condamnée,
en même temps qu'elles, à la
peine de mort , pour le même mo-
tif, c'est-à-dire comme «recéleuse
de prêtres réfractaires ». La sen-
tence est du 2 5 ventôse an II
(i5 mars 1794)- Elle fut exécutée
le même jour.
AUBRY (Pierrette), sœur des
trois précédentes, et vivant avec
elles dans la pratique des vertus
chrétiennes , au bourg de No-
lay, près Beaune, dans le dio-
cèse d'Autun , eut, comme elles,
aux yeux de Dieu, le mérite de
vouloir soustraire à la mort ,
de fidèles ministres du Seigneur,
dont la vie étoit en danger ( V. Y
Alix). Les persécuteurs avoient
menacé de cette peine une si
sainte et si généreuse action.
Pierrette fut convaincue de l'avoir
faite, de concert avec ses sœurs.
On la traîna au tribunal de Dijon,
qui , jugeant révolutionnairement,
la condamna, en même temps
qu'elles , à la peine capitale ,
comme « recéleuse de prêtres ré-
fractaires » , le 25 ventôse an II
(i5 mars 1794)- Ces quatre ver-
tueuses sœurs périrent le même
jour , par la main du même
bourreau.
AUCHIN (IV...) , prêtre, et re-
ligieux prémontré de l'abbaye de
Yicoigne, dans le diocèse d'Arras,
curé de la paroisse de Curgies, dé-
pendante de cette abbaye, étoit né à
Seclin, près de Lille en Flandres.
Il mérita les honorables persécu-
AUC
lions exercées contre lesprêtres in-
sermentés en 1791 et 1792. La loi
de déportation du 26 août de cette
dernière année, le força de sortir
de France ; mais son zèle le ra-
mena à Valenciennes , quand les
troupes autrichiennes eurent sous-
trait cette ville à la tyrannie de la
Convention le 1" août 1793 [V.
Valenciennes ). Lorsqu'elles s'en
éloignèrent tout à coup le 1" sep-
tembre 1794» le curé Auchin , de
même que tous ses confrères,
et les religieuses revenues précé-
demmentdans cette ville avec con-
fiance , fut comme eux en proie à la
plus sanguinaire persécution. Les
proconsuls le firent aussi arrêter
pour êlre livré à une commission
militaire, chargée d'envoyer à la
mort en qualité « d'émigrés-ren-
trés » les religieuses et les prêtres.
Quand le curé Auchin comparut
devant ce tribunal avec cinq au-
tres, le 28 vendémiaire an III
(19 octobre 1794), il ne voulut
pas plus qu'eux essayer de racheter
sa vie par un mensonge , en profi-
tant du moyen évasif que la forme
de la procédure sembloit lui four-
nir, lorsqu'on lui demanda s'il étoit
sorti de France. Il rendit un gé-
néreux hommage à la vérité ,
en répondant affirmativement ,
ainsi que ses confrères , et fut
de suite condamné comme eux à
périr sur l'échafaud [V . J. B. Du-
bois , Mabille , P. Jh Pontois,
Gosseau et Malaqi'in). Le lende-
main , il marcha avec eux au sup-
AUD io7>
plice , exprimant sa joie de mourir
pour Jésus-Christ et pour la vé-
rité. Il chanta depuis la prison
jusqu'à l'échafaud, et même jus-
qu'au moment où sa tête tomba , le
cantique Te Dcumiaudamus. Le
curé Auchin étoit âgé de 5o ans ,
lorsqu'il périt , deux mois et vingt-
quatre jours après la chute de Ro-
berspierre. Des témoins oculaires
nous attestent d'ailleurs que plu-
sieurs prêtres de Valenciennes al-
lèrent à la mort en chantant aussi le
Salve, Regina, ou autres prières ;
qu'en partant , ils s'étoient donné
l'accolade fraternelle , et avoient
dit aux personnes qu'ils laissoient
en prison , et qui pleuroient sur
leur sort : « Loin de pleurer sur
nous, mes amis, vous devriez bien
plutôt vous réjouir avec nous, de
la grâce qu'on nous procure de
donner notre vie pour la Foi » ;
qu'enfin tous montrèrent la plus
grande résignation , s'exhortant à
mourir avec courage. [V . C. M. Jh
Vienne et J. L. Barrez.)
AU DIE R (Marguerite). [V.
Mc Bauzac)
AUDIGIER (Simon) , curé de
Saint-Laurent-de-Père , et né à
Charrais en Poitou, fut expulsé
de sa cure en 1791, pour n'avoir
pas voulu faire le serment schis-
matique de cette époque. Quelque
danger qu'il courût en restant en
France, il y fut retenu par son
zèle pour la Foi catholique [V . Ven-
dée). On l'arrêta enfin au com-
mencement de 1794; et il fut
104 AUf>
traîné à Paris , pour y être jugé
parle trihunnlrévotutionnaire de
la capitale. Ce tribunal , l'ayant fait
comparaître devant lui, le 28 mes-
sidor an II (16 juillet 1 794) » 'e
condamna à la peine de mort,
comme « convaincu de s'être dé-
claré l'ennemi du peuple, en exci-
tant des troubles tendans au réta-
blissement de la royauté ». II fut
exécuté le même jour, à l'âge de
<}2 ans. [V. au tom. 1, pag. 55.)
AUDUREAli (Vincent) , prêtre
de Bordeaux, aumônier de l'hos-
pice des Enfans-Trouvés de cette
ville, appelé la ^manufacture ,
ètoit né à La Réole, en 1717. Il
éprouvoit déjà, dans sa vieillesse,
un chagrin bien amer de voir atta-
quée dans ses dogmes la religion,
au saint ministère de laquelle il
avoit consacré une longue vie.
D'autres peines lui étoient réser-
vées, parce que le Ciel avoit dé-
cidé qu'il en seroit le Martyr. En
1795, il fut arrêté et jeté dans
les prisons de Bordeaux. Bientôt
après, on l'envoya àBlaye, pour
y attendre le jour où il seroit enfin
transporté à la Guiane ( V . Bor-
deaux). Cependant , le grand nom-
bre des premiers qui le furent vers
la fin de l'automne 1794? trois
mois après la chute de Robers-
pierre, ne permit pas d'y com-
prendre le prêtre Audureau ; et il
resta enfermé dans le souterrain
humide et fétide du fort de l'île
du Pâté-de-Blaye. Cet affreux
supplice mina sa santé au point
AW
qu'on ne put se dispenser de le
faire porter à l'hôpital de Blaye,
où, toujours souffrant pour Jésus-
Christ , il mourut le \l\ frimaire
an III (4 décembre 1794) > à l'âge
de 77 ans. {V . D. Arnaud et Av-
GAN.)
AUFFR A Y ( N. . . ) , prêtre du dio-
cèse de Nantes, né en la paroisse
de Montluc, près Savenay , en
1 744 ? y consacroit son ministère
à seconder le curé dans ses fonc-
tions pastorales. Quand celui-ci
fut obligé , comme non - asser-
menté, de s'éloigner de ses pa-
roissiens , son coopérateur Auf-
fray, de qui l'on n'a voit pas le
droit d'exiger le serment schisma-
tique, crut pouvoir rester au mi-
lieu d'eux pour continuer à les
conduire dans les voies du salut,
selon les principes de l'Eglise ca-
tholique ; et il remplaçoit en tout,
avec beaucoup de fruit, le pasteur
qu'ils avoient perdu. La Foi ne
cessant pas d'être florissante en
ce canton, Auffray fut signalé par
les ennemis de la religion. Leur
rage devint plus audacieuse après
la défaite de l'armée catholique et
royale au Mans et à Savenay,
vers le milieu de décembre 1793
{V . Vendée). La soif qu'ils avoient
du sang des catholiques, n'avoit pu
être assouvie par celui des innom-
brables victimes qu'ils avoient déjà
fait immoler dans ces deux villes.
Auffray, qui s'étoit retiré à Laval-
lay , près Do! , fut découvert chez
l'honnête habitant qui l'avoit reçu
AU G
dans sa maison ; et on l'y arrêta
le i5 mai 17q4- Déposé d'abord
dans la prison de la municipalité
d» lieu, il y resta presque entiè-
rement sans nourriture pendant
plusieurs jours , ainsi que son
hôte, et la femme de celui-ci
qu'on avoit également arrêtés
', {V. Bernard). Ensuite on les
conduisit tous les trois à Savenay,
pour y être jugés par la commis-
sion militaire de cette ville. Elle
le condamna, le jour même de son
arrivée, 29 floréal an II (18 mai
*794j ù être fusillé comme «prê-
tre réfractaire et brigand de la
Vendée ». Dans la même journée,
il fut mis à mort de la manière
que le prescrivoit la sentence.
Les ossemens de ce vertueux
prêtre furent inhumés au lieu de
son martyre ; ils y restèrent jus-
qu'au i!\ septembre 1816, que la
piété des fidèles vint en faire re-
ligieusement l'exhumation. Ces
précieuses reliques furent portées
avec vénération à Nantes; et plu-
sieurs curés des environs assis-
tèrent à cette pieuse translation.
AUGAN (iY...), prêtre, religieux
capucin du diocèse de Bazas, né
à Sainte-Bazeille , près Marmande
en Bazadois, département de Lot
et Garonne, ©toit regardé, non
sans motif en 1790, comme un
prêtre insermenté, c'est-à-dire
inébranlable dans les principes
et les pratiques de la religion ca-
tholique. 11 fut à ce titre , mis en
prison, et envoyé à Blaye pour
Al'G n>6
être déporté avec beaucoup d'au-
tres à la Guiane {V . Bordeaux).
Le souterrain du fort de l'île du
Pâté dans lequel on le jeta, en
attendant l'époque de l'embarque-
ment, étoit un supplice qui ne
pouvoit lui permettre de vivra
jusqu'alors. Ce fut dans cet affreux
cachot qu'il expira, le 27 pluviôse
an II ( 1 5 février 1794) , à l'âge de
57 ans. {V. AuDUREAnet P.Aussel.)
ALGEABD (N. . . ) , prêtre qu'on
trouve nommé Augard sur le re-
gistre de l'état civil de Paris ,
parmi les prêtres non-assermentés
qui furent massacrés aux Carmes
le 2 septembre 1792, est appelé
Augeard dans la liste des mêmes
victimes que renferme VHistoire
de la Révolution du 10 août
1 792 , publiée à Londres en 1 790 ,
par M. Peltier. Nulle part il
n'est désigné ni par ses quali-
tés, ni par son nom de baptême.
Comme en quelques listes des
membres de l'Assemblée Cons-
tituante on voit un député du
clergé d'Angers, archiprêtre et
curé d'Andard, nommé Augeard .
que d'autres listes du même
genre appellent Bangcard , on
pourroit croire que c'est de lui
que le registre mortuaire veut
parler. Mais ce curé Augeard avoit
adhéré par sa signature, le 6 dé-
cembre 1790, à l'opinion hétéro-
doxe du député réformateur Ca-
mus, énoncée dans l'assemblée , le
27 novembre précédent, en faveur
de la constitution civile du
io6 AUG
clergé. Il est vrai cependant
qu'on ne le vit point ensuite
parmi les ecclésiastiques députés
qui, en janvier suivant, y jurèrent
avec une scandaleuse solennité
cette œuvre de schisme et d'héré-
sie. Seroit-il revenu dès lors à
des sentimens ortodoxes ? Auroit-
il été regardé par les novateurs
comme prêtre insermenté, et par
conséquent digne de leur haine ?
S'agiroit-il ici plutôt d'un prêtre
nommé Augard , qui étoit secré-
taire du grand-vicariat de Rouen ,
comme nous l'apprend ia France
Ecclésiastique de 1789? Nous
penchons hien davantage à nousen
rapporter à une liste de victimes
sacerdotales, imprimée à Rome,
en 1794, à la suite de l'ouvrage
dont il sera parlé, à l'article Au-
gier, et dans laquelle on lit :
« Augeard , vicaire de la paroisse
de S. Sauveur, à Paris ». C'est à
lui que paroissent appartenir plus
spécialement les circonstances de
la mort du prêtre appelé mal à
propos Augard, et qui avoit ma-
nifesté un attachement inflexible
à la Foi de l'Eglise catholique.
Peu de jours après la fatale journée
du 10 août, le prêtre Augeard
fut arrêté comme insermenté, et
enfermé dans l'église des Carmes
{ V. Septembre). Quoiqu'il prévît
bien qu'il étoit destiné à une mort
prochaine et violente, sa fermeté
n'en fut point ébranlée ( V. Du-
lkv). Elle se fortifia même dans
les pieux exercices par lesquels ,
AUG
de concert avec d'autres prêtres
captifs de Jésus-Christ, il se pré-
paroit à la mort ; et, le jour où il
devoit la recevoir étant arrivé, il
se présenta courageusement au
martyre, s'estiniant heureux de
répandre son sang pour la cause
de l'Eglise catholique.
AUGEARD (.Michel-Jean-Ma-
rie), curé de Noirlieu. (F. M. J.
M. Ogeard. )
ALGER (Pierre), prêtre de
Rouen , très-distingué par ses ver-
tus, et né à Fromontel, près l'ab-
baye de Foucarmont, dans le dio-
cèse de Rouen, montra toute la
fermeté d'un bon prêtre catholique
contre le schisme de 1791. Il ne
fit aucun des sermens prescrits
par l'impiété révolutionnaire.
N'ayant point été fonctionnaire
public , il se crut dispensé de sortir
de France, suivant la rigoureuse
loi du 26 août 1792, et resta dans
sa province. Ou l'y arrêta en 1790;
et il fut condamné à être déporté
au-delà des mers. Traîné à Roche-
fort, et embarqué sur (es Deux
Associés ( F. Rochefort ) , il
mourut dans cette espèce de sup-
plice, à l'âge de 4° ans> 'e 11
aofit 1794 •" on l'enterra dans
l'île à'Aix. ( V. G. Acbigny et
P. Airelle. )
AUGIER (#...), archiprêtre et
curé de Montmorillon, dans le
diocèse de Poitiers, violemment
persécuté à cause de son refus du
serment de la constitution civile
du clergé , mourut en 1790 , des
AUG
mauvais traitemens que celte per-
sécution lui avoit attirés. Nous le
trouvons cité comme Martyr, à
la suite de la traduction française
d'un très-beau discours latin , pro-
noncé à Rome avec un applau-
dissement général en 1794* par
le même 31. Marotti, ex-Jésuite,
alors professeur d'éloquence au
Collège Romain , qui devint en-
suite prélat et secrétaire des lettres
latines de Pie VI dans son exil.
Cette traduction, faite à Rome par
M. l'abbé d'Auribeau, et imprimée
dans cette capitale du monde chré-
tien , la même année, est intitulée :
Sur les Prodiges par lesquels le
Seigneur a manifesté sa toute-
puissance , pour la défense et la
gloire de son Eglise en ces der-
niers temps. L'original, publié
sous les yeux du Pape , étoit dédié
au clergé de France : Quant Jo-
sephus Marotti reclor decuria-
lis Collegii Romani scripsit, et
Ctero Gallicano Ecctesiœ pro-
pugnatori ac vindici dedica-
vit : Archiepiscopis , Episco-
pis, Presbijteris,eœterisque, in
dispersion» Gallicana, catho-
licœ tinitatis MJRTYRIBUS
clarissimis, et auctoritatis Ro-
manœ invictis assertoribus ;
Romœ, 1794- Nous en avons déjà
parlé ci-devant, page 55. (V.
J. A. Ardeau et M. Babin. )
AUGUSTIN (Saur Saint-),
religieuse. ( V. M' C1,e Lidoine. )
AUGUSTIN (Le Père), capu-
cin de Lyon. ( V. Choiullagxjet. )
AUR 107
AUGUSTIN (Sœur Saint-),
religieuse. ( V. M&ie Bonneret. )
AURELLE (Pierre d'), que
mal à propos dans quelques listes
on a nommé Dorel, étoit un cha-
noine prêtre, du chapitre noble
de Saint- Pierre de Mâcon. I!
avoit reçu le jour à Croupières,
dans le diocèse de Clermont en
Auvergne. Après la dissolution de
son chapitre, en 1791, il conti-
nua d'habiter le Maçonnais, qui
faisoit alors partie du départe-
ment de Saône et Loire. Comme
les autorités extrêmement révo-
lutionnaires qui subjuguoient
cette province , le firent mettre
en prison dès le commence-
ment de 1 790 , nous sommes
autorisés à croire qu'il avoit cons-
tamment résisté à leurs vues im-
pies ; et cette conjecture acquiert
la consistance de la vérité quand
nous le voyons , à la On de cette
année, traîné à Rochefort pour
être compris dans la déportation
maritime des prêtres fidèles à leur
Foi et à leur sacerdoce ( V. Ro-
chefort). Le chanoine d'Aurelle
fut embarqué en mars 1 794 ,sur le
IVashington, où, après avoir
supporté quelque temps avec assez
de force les maux de cet embar-
quement , il tomba dangereuse-
ment malade. Il mourut en oc-
tobre 1794, à l'âge de 52 ans, et
fut enterré dans l'île Madame.
Les notices que nous avons reçues
d'un compagnon de sa déporta-
tion qui lui survivoit, appliquent
ioS A lift
à ce chanoine une remarque qu'il
rendoit commune à tous les dé-
portés de Mâcon et à la plupart
de ceux de Verdun et de Toul,
savoir qu'il « ignoroit si Pierre
d'Amélie étoit assermenté ou non ;
mais qne la charité ne permettoit
pas d'en douter». Les autorités
citée9 dans notre Discocrs pré-
lim. , en faveur de ceux qui sont
envoyés à la mort en haine de leur
Foi , veulent que nous comptions
cet ecclésiastique au nombre de
nos Martyrs. ( V. P. Auger et
J. B. AlZANET. )
AUROUZE (Claude), négociant
de Lyon , étoit un laïc d'une piété
exemplaire, s'adonnant singuliè-
rement aux oeuvres de charité. II
étoit peu d'indigens à qui il n'eût
procuré des secours; et ces se-
cours étoient toujours accompa-
gnés de pieuses consolations et
d'encouragemens à la vertu. Pen-
dant le schisme de l'Eglise consti-
tutionnelle , il rendit les plus éini-
nens services aux prêtres fidèles
et aux catholiques en proie à la
persécution. La part qu'il prit à
la défense de la ville, suivant ses
principes, son caractère, ses pen-
chans et ses moyens, lorsqu'elle
étoit assiégée par les soldats de la
Convention, lui valut d'être ar-
rêté peu de temps après le siège
( V : Lyon). Quantité de bons ci-
toyens travaillèrent à sa déli-
vrance ; mais les forcenés de son
quartier demandoient sa mort
avec une fureur toujours crois-
AUR
santé. Ils imaginèrent de rappeler
que, deux années auparavant,
dans l'Eglise paroissiale de Saint-
Nizier, Aurouze avoit pris parti
pour un prédicateur (l'abbé Lin-
solas, depuis lors vicaire -général
principal du diocèse ) contre le-
quel une multitude d'impies y fai-
soient une émeute ; et le président
du tribunal, après lui avoir fait
des questions à ce sujet, conclut
par lui dire : « Tu es donc faita~
tique,?» Aurouze répondit : «Je
serai tout ce que tu voudras ;
mais je suis catholique ». Aussitôt
il fut envové à la cave ou prison
de mort. Conduit au supplice le
lendemain, il y marchoit avec
sérénité, saluant même les per-
sonnes de sa connoissance qui
se trouvoient sur son passage.
Un étranger qui le vit passer ,
ayant dit assez haut avec étonne-
ment: «Voyezcomme ils vont avec
gaîté à la mort» ! Aurouze qui l'en-
tendit lui répliqua aussitôt : «Il n'y
a nulle raison de s'attrister quand
on va à la mort pour sa Foi » . Ré-
plique admirable qui renfermoit
tout ce que le saint martyr Maxi-
milien, aussi laïc, avoit dit aux
chrétiens en allant à la mort :
« Que peut-on désirer avec plus
d'ardeur que de voir Dieu ! Faites
donc promptement tous vos efforts
pour obtenir qu'il vous accorde
une couronne semblable à la
mienne » : Et càm duceretur
ad locum , sic ait : Fratrcs di-
Icctissimi , quantacumque po-
AliR
lestis virtute, avida cupidilatc
properate , ut Dominum vobis
videre contingat , et talem
etiam vobis coronam tribuat
( Ruinart , Jeta S. Maximil.
Martyris). Ce fut avec cette paix
et ces sentimens qu'il consomma
son sacrifice , le 3 pluviôse an II
(22 janvier 1794)» à l'âge de (>o ans.
{V. J. Aubier et P. Aurouze. )
AUROUZE (Pierre), prêtre,
habitué de l'église collégiale de
Saint - Nizier de Lyon, âgé de
42 ans, et avec qui nous avons
fait une partie de nos études théo-
logiques au même séminaire ,
étoit un de ces ministres de la re-
ligion, qui réunissoient au plus
grand zèle , la vie la plus édifiante.
Il se distinguoit surtout par une
éminente charité. Comme il étoit
vénéré par ses concitoyens , l'un
d'eux le fit délivrer la première fois
qu'il fut arrêté, après le siège de
cette ville, quoiqu'il eût fait au
commissaire interrogateur , des
rénonses qui dévoient le perdre.
« Pourquoi es-tu arrêté » ? lui avoit
dit celui-ci; et Aurouze avoit ré-
pondu franchement: «Parce que
je suis prêtre ». — « Mais, as -tu
prêté le serment ? — Je n'ai fait
aucun de ceux que la révolution a
imaginés ». 11 fut arrêté de nou-
veau bientôt après, le 14 novem-
bre 1793 [V. Lyon), sans qu'il y
eût de nouvelles charges contre
lui ; et les juges demandèrent au
comité révolutionnaire qui l'a-
voit privé de sa liberté , quels
ALR 109
étoieul les délits qu'on lui impu-
toit. Ce comité répliqua : « Il est
prêtre ; c'en est assez ». Quand il
comparut devant le tribunal de
sang, on lui répéta les questions
qui lui avoient été faites pré-
cédemment par le commissaire
interrogateur ; et il répondit de
même. On y ajouta celles - ci :
« Veux-tu prêter le serment de
liberté - égalité ? — Non. —
«Veux-tu donner tes lettres de prê-
trise ? ■ — Non». Aussitôt il fut
condamné à la mort, comme
« prêtre réfractaire et contre-révo-
lutionnaire » ; et on l'envoya dans
la cave de ceux qui étoient desti-
nés à périr. En attendant sa der-
nière heure, dans ce triste lieu,
il travailla au salut des autres con-
damnés qu'il y trouva, confessa
plusieurs d'entre eux, et en con-
vertit deux qui avoient été de vio-
lens persécuteurs, au temps du
triomphe de l'Eglise constitution-
nelle. Il eut le temps encore d'é-
crire a ses païens , une lettre
pleine d'une sainte joie. C'étoit
vraiment dans ce fervent ministre
du Seigneur « cette même force
d'âme , que saint Léon admiroit
dans un célèbre Martyr des pre-
miers temps, et qui, inspiré prin-
cipalement par l'amour de J.-C,
non seulement ne cédoit pas aux
sollicitations impies de ses juges,
mais confortoit encore les autres
par son exemple et ses discours ( 1 ) .
(1) Illa mirabilis aninti fortitudo (h
no AUS
On le vit marcher à la mort avec un
calme inaltérable ; et , dans l'ar-
deur de la prière qu'il fit à son der-
nier moment, on t'entendit pro-
noncer distinctement ces paroles :
« Mon Dieu , je vous offre ma mort
en expiation de mes péchés ! mon
Dieu, je vous recommande mon
fime ! » C'est dans ces sentimens
qu'il donna sa vie pour la Foi, le
21 décembre 1793. [V. Cl. Au-
ivoi'ze, et P. Avinal.)
AUSSEL (Pierre), prêtre non-
assermenté du diocèse de Ro-
dez, né à la Panouse, dans le
Rouergue, ne s'étant pas déporté
lui-même, parce qu'il vouloit
rester dans sa province pour l'u-
tilité des catholiques , fut arrêté
en 1793, et destiné à être envoyé
au-delà des mers. On le fit con-
duire, en 1794? à Bordeaux, pour
y être embarqué {V. Bordeaux).
Le premier embarquement se fit
trois mois après la chute de Ro-
herspierre; et le nombre de ceux
qu'on y comprenoit , étant déjà
très-considérable , le prêtre Aussel
resta dans la prison qu'on appe-
loit le Dépôt national. Ses maux
j-uinoient sa santé ; il tomba gra-
vement malade ; on ne put se dis-
penser de le porter à l'hôpital
de Saint -André, où il ne cessa
pas d'être captif. Il y mourut, le
Christi principalitcr amore concepla ,
non solùin ipsa non cederet , sed etiam
(dios robortiret (Serm. VIII, in feslo
S. Laurent ■ )
AUT
5 janvier 179J, à l'âge de !\7y uni,
{V. AuGANet Saint-Aymard.)
AUSTRAY(Françoise), veuve.
{V- Fe JOTIRtil.)
AUTICHAMP (François-Char-
les - Antoine de Beaumont d'),
prêtre, chanoine de l'église mé-
tropolitaine de Paris, depuis 1769,
éloit né à Angers, en 1758. 11
partagea les sentimens de ses con-
frères , dans les célèbres protesta-
tions de son chapitre, contre les
anli - religieuses innovations de
l'Assemblée Constituante , si énei-
giquement combattues dans ces
protestations, par M. l'abbé Roux
de Bonne val , chanoine de la même
église, et député du clergé de la
ville de Paris, encore vivant, et
chanoine de la métropole de
Vienne en Autriche, sous le nom
italien de Comte Rufo , comme
étant de l'illustre famille napoli-
taine de ce nom, dont celui de
Roux est la traduction française.
Le chanoine d'Autichamp , tou-
jours fidèle aux principes de
l'Eglise catholique , et domicilie
dans la capitale , ne la quitta
point, même après la loi de dé-
portation du 26 août 1792. Sa
sécurité le livra aux persécuteurs.
Il fut arrêté dans son domicile,
l'année suivante ; et , après être
resté long-temps dans la maison
des Carmes, transformée en pri-
son, dont enfin le tribunal révo-
lutionnaire, eut ordre d'expédier
promptement les détenus , il fut
une des victimes du stratagème
AUZ
employé à cette fin. On supposa
que ces prisonniers avoient cons-
piré contre la Convention ; et l'abbé
d'Autichamp fut condamné à la
peine de mort, comme complice
de cette conspiration, le 5 thermi-
dor an II (a3 juillet 1794)- Son
exécution eut lieu le même jour.
Il avoit alors 56 ans.
AUVRAY (Léonore-Augustin),
dont il est possible que le nom ait
été un peu défiguré sur les listes
des victimesde la commission mi-
litaire de Laval, qui le fit périr le
1 8 germinal an II (7 avril 1 794) ,
étoit curé dans le Maine. Ilréunis-
soit au tort d'être issu d'une famille
noble, le tort bienplusgrand d'avoir
refusé le serment schismatique de
1791, et le serment impie de li-
ber té-égalité. Le lieu où il s'étoit
retiré, après avoir été expulsé de
sa cure, par suite de son refus du
premier serment, étoit laBazouge-
de-Chemeré, près Laval. Le seul
prétexte de sa condamnation fut
qu'il étoit « contre - révolution-
naire», en ce sens, qu'il sulfisoit,
pour l'être, d'avoir un attache-
ment invincible à la Foi que la ré-
volution avoit proscrite. ( V. Ven-
dée et Laval.)
ALZA.N ET (Jean - Baptiste) ,
prêtre, chanoine semi-prébendé
de la collégiale de Saint-Junien-
sur-Yienne , dans le diocèse de
Limoges ( V. F. J. Couasnon) , et
né à Saint-Junien même, se garda
bien de participer en rien au
schisme constitutionnel de 1791.
AUZ ut
Sa conscience resta même pure,
des sermens qu'on exigea ensuite
des prêtres ; et il demeura dans sa
province , malgré la loi menaçante
du 26 août 1792. On l'y arrêta en
179J : après quelques mois de sé-
jour dans les prisons de Limoges,
il se vit condamner, par le tribu-
nal criminel du département delà
Haute-Vienne, à la déportation
au-delà des mers. On le conduisit ,
en conséquence , à Rochefort ,
pour y être embarqué; et il le fut
sur le navire les Deux Associés
[V . RocnEFORT). Les forces de la
nature ne furent point égales dans
lui à celtes de la Foi et de sa vertu.
Il succomba le 21 août 1794, à
l'âge de t\% ans, et fut enterré
dans l'île Madame. Auzanet avoit
des talens distingués pour la mé-
canique; mais son plus grand mé-
rite étoit d'être un prêtre fort
vertueux, suivant ce que nou*
attestent des personnes qui l'ont
connu , et ceux-là même qui ont
reçu ses derniers soupirs. ( V. P.
Aurelle, et A. Bannassat.)
AUZÉBY ( Jean - Baptiste ).
citoyen de Nismes, âgé de 36 ans.
n'étoit d'aucune des compagnies
combattantes qui résistèrent aux
attaques des protestans, le 14 juin
1790 ( V . Nismes) ; mais il avoit
signé la déclaration par laquelle
étoit demandé à l'Assemblée Cons-
tituante, le maintien de la religion
catholique. La profession de Foi
qu'Auzéby avoit faite si coura-
geusement, en cette rencontre
112 AUZ
l'avoit signalé aux agresseurs,
comme une victime. Il sortoit
désarmé par la porte d'Alais,
fuyant, avec Claude Dumas, les
massacres qui se faisoient dans
Nismes : deux religionnaires les
poursuivirent jusque dans une mé-
tairie où ils étoient allés se réfugier,
les criblèrent de coups de fusil, et
les dépouillèrent. Ces détails sont
confirmés par les procès -ver-
baux des ofliciers municipaux de
Nistnes , en date des 2,5,4 ma' >
i3, 14» i5juin, etc., imprimés
à Paris, chez Valleyre , rue de la
Vieille -Bouderie. (F. Dumas et
P. Bataille. )
AUZOUX (Pierre), simple
laboureur au village de Saint-
Àubin-de-Courville, près de Lou-
viers, en Normandie, avoit pré-
servé sa Foi des séductions du
schisme de 1791, et manifestoit,
sans craindre les pervers, son atta-
chement inviolable à l'Eglise ca-
tholique. Le système d'athéisme
que la Convention voulut établir
par toute la France, avec les
moyens les plus violens, à la fin
de 1793, ne déconcerta point la
piété de ce bon laboureur. Ne
pouvant pas plus le vaincre que le
séduire, les impies résolurent de
le faire périr. Il fut arrêté , con-
duit à Paris; et le tribunal révo^-
iuf ionnairede cette ville, l'ayant
fait comparoitre devant lui, le
1" messidor an II (19 juin 2794)5
le condamna à la peine de mort,
comme « contre -révolutionnaire
AUZ
fanatique». Il périt le même
jour, à l'âge de 32 ans.
AUZURET ( N. . . ) , curé
d'une paroisse du diocèse de
Saintes, avoit été obligé de s'en
éloigner, parce qu'il avoit refusé
d'adhérer à la constitution civile
du clergé , et que ce refus l'y ex-
posoit à des persécutions que l'E-
vangile même lui conseilloit de
fuir. Jeune encore, il avoit toute
la fermeté évangélique des prêtres
consommés dans le sacerdoce.
Dans cet état de proscription, il
jugea convenable de venir se ré-
fugier à Paris, près de sonévêque,
qui lui avoit donné l'exemple d'une
semblable constance dans la Foi
{V. La Rochefoucauld-Bayers).
Il étoit destiné par la Providence
à le suivre jusque dans la voie
du martyre. Arrêté en même
temps que lui, dans les jours qui
suivirent la catastrophe horrible
du 10 août 1792, il fut conduit
comme lui au comité de la section
du Luxembourg, pour y voir en-
core éprouver sa Foi , au milieu des
plus imminens dangers , parla pro-
position de faire le serment civi-
que , lequel comprenoit celui qu'il
avoit déjà refusé. Un nouveau
refus de sa part, fait avec plus de
courage encore que le précédent,
lui valut d'être condamné à être
emprisonné , avec d'autres géné-
reux confesseurs de Jésus-Christ ,
dans l'église des Carmes [V. Du-
lau ). 11 s'y fit remarquer sur-
tout par l'empressement qu'il
ave
mettoit à venir au devant de ceux
qui y arrivoient après lui, et à
leur rendre tous les soins de la
plus touchante charité. Si, le jour
du massacre, il fut appelé avant
son évêque , pour recevoir des
assassins le coup de la mort, ce
fut pour que le prélat eût la con-
solation de voir un da ses jeunes
curés lui servir à son tour de mo-
dèle, et marcher aussi courageu-
sement qu'il alloit le faire lui-
même, pour donner sa vie afin de
conserver sa Foi. ( V. Septembre.)
AVE (Simon), né à Lyon, et
chanoine de Villefranche en Beau-
jolais, s'étoitattirél'animadversion
des révolutionnaires de cette der-
nière ville, par son refus d'adhé-
rer à la constitution civile du
clergé. Néanmoins, il a voit con-
tinué d'y résider , et il remplis-
soit paisiblement ses devoirs de
chrétien et de prêtre, lorsqu'après
le fatal siège de Lyon , les farou-
ches proconsuls que la Conven-
tion envoya dans cette grande cité,
se mirent à en décimer les habi-
tans. Simon Avé qui avoit 64 ans ,
et n'étoit pas redoutable , fut dé-
noncé par les soi-disant patriotes
de Villefranche ; ils l'arrêtèrent
et l'amenèrent à Lyon. Traduit
devant la commission révolution-
naire de cette ville {V. Lyon),
il y refusa le serment de liberté-
égalité qu'elle demandoit, et fut
condamné, le \(\ pluviôse an II
(2 février 179/1), 'A 'a peine capi-
tale, non comme contre-révolu-
2.
AVI n5
tionnaire de Lyon, l'accusation
eut été trop évidemment ridicule,
mais comme «prêtre fanatique ».
[V. J. B. Atjbier et Avinal.)
AVIGNON (#...)» prêtre du
diocèse de Montpellier, né dans
cette ville , n'étant point fonc-
tionnaire public lors de l'établis-
sement de la constitution civile
du clergé, ne fut pas requis d'en
prêter le serment. Il Pauroil re-
fusé avec courage, tant il étoit ré-
solu à mourir dans la Foi de l'E-
glise catholique. Il brûloit même
du désir de donner sa vie pour
elle. N'étant point sorti de France
après la loi de déportation , et
voyant s'accroître les fureurs de
la persécution, il accepta l'asile
secret que de bons catholiques
lui offroient dans leur maison.
Mais, quand il connut le décret qui
portoit la peine de mort contre
ceux qui recevroient chez eux des
prêtres non-assermentés, il trem-
bla pour ses généreux hôtes plus
quepourlui-même ; et présumant,
d'après la loi de déportation, que
s'il se livroit lui-même aux auto-
rités administratives , on ne le
condamneroit qu'à être déporté
à la Guiane, il résolut d'aller se dé-
vouer, en quelque sorte, à cette
peine {V. Rochefort). «Mais,
lui disoient ses amis, pour l'en
détourner, s'il arrive qu'on vous
condamne à la peine capitale » !
— « Eh bien ! répliquoit - il ,
que la volonté de Dieu soit faite :
je dois me livrer, pour soustraire
8
u4 AVI
à la mort les hôtes charitables
qui ont eu le courage de s'y ex-
poser pour me la faire éviter».
Sa démarche fut un de ces actes
de vertu que S. Thomas dit com-
mandés, selon la préparation de
l'âme ; et Avignon étoit comme
ces SS. confesseurs, qui , par zèle
pour la Foi ou par charité fra-
ternelle , se livrèrent au martyre :
«Dictum est quœdam prœcepta
iegis divinœ tradita esse secun-
dùm prœparationem animi...
et hoc prœcipuè videtur ob-
servandum in martyrio
cùm ex zelo fidei et charitate
fraterna , multoties leguntur
Martyres spoate se obtulisse
martyrio (Pars 2 , Quœst. 1 24 ,
art. \",ad 3m;etart. 3, ad 2m).
Quelques membres du tribu-
nal criminel du département de
l' Hérault , siégeant à Montpel-
lier , ayant à prononcer sur le
sort d'Avignon , vouloientluicon-
server la vie; mais le président
insista si fort pour qu'on lui appli-
quât la loi portée contre les prêtres
dits rèfractaires , que les juges
qui lui étoient favorables furent
forcés, en quelque sorte, de le
condamner comme tel au dernier
supplice , non le 9 mai 1 794 , sui-
vant que d'autres l'ont écrit , mais
le 21 floréal (10 mai 1794)- Le
9 mai 1 794 , correspondoit au
30 floréal, jour de décade, où l'on
ne prononçoit point de jugemens ,
et l'on ne faisoit point d'exécu-
tions. Avignonentenditla sentence
AVR
sans en être troublé, et presque
avec joie. Il demanda qu'on lui
permît d'avoir un crucifix à la
main, en allant à l'échafaud. Cette
faveur lui fut refusée. Mais il por-
toit dans son cœur Jésus crucifié ;
et cela suffisoit pour soutenir son
courage. Le même jour sa tête
tomba sous le fer de la guillotine.
[V . v'Ballard et N. Bernardon.)
AVINAL (Paul), natif de Lyon,
avoit passé sa jeunesse à Mont-
pellier, où il avoit embrassé l'état
ecclésiastique. Fidèle aux prin-
cipes de sa religion , il étoit resté
bien éloigné des erreurs de la
constitution civile du clergé,
et des écarts révolutionnaires. De
tels sentimens l'avoient fait fuir
quelque temps vers le Poitou; et
il étoit revenu à Lyon où, pour sa
sûreté , il se cachoit sous la profes-
sion de fabricant de navettes. Les ré-
volutionnaires, ayant comprisqu'il
n'étoit pas un des leurs, le dénon-
cèrent à la commission révolu-
tionnaire établie à Lyon à la fin
de 1793 {F. Lyon) ; et cette com-
mission le condamna, le 26 fri-
maire an II (16 décembre 1795),
à la peine capitale , « comme fa-
natique, venu de la Vendée, et
comme contre-révolutionnaire. »
Il avoit 41 ans lorsqu'il perdit ainsi
la vie pour la cause de la religion.
[V. AvÉet P. AcaouzE.)
AVRIL (Jean -Philippe) , né à
Pleslin , non loin de Dinan , en
1754, et prêtre du diocèse de
Saint-Brieuc, attaché à l'église de
AVR
Tadain , près de S. Malo , n'avoit
pas voulu prêter le serment de la
constitution civile du ctergè;
et , pour être utile aux fidèles du
canton , il s'étoit soustrait à la
loi de déportation. Un jour qu'il
étoit secrètement à Plcslin chez
sa mère , femme respectable par
son âge avancé et par ses vertus,
des sbires révolutionnaires péné-
trèrent dans la maison, et arrê-
tèrent la mère avec le fils; ils les
traînèrent l'un et l'autre à Saint-
Brieuc, pour y être jugés par le
tribunal criminel du département
des Côtes-du-Nord , siégeant en
cette ville. Ce tribunal , devant
lequel tous les deux comparurent
ensemble , condamna le prêtre
Avril à la peine de mort comme
« réfractaire » ; mais il n'osa pro-
noncer la même peine contre la
mère , pour avoir donné asile à
son fils : elle fut absoute, sans
avoir compris qu'il étoit con-
damné au dernier supplice. Avril,
ramené dans la prison avec elle ,
profitoit de son erreur, afin de la
prémunir contre toute inquié-
tude , lorsqu'elle le verroit em-
mener pour le conduire au sup-
plice. «On va venir me prendre
pour me transporter ailleurs, lui
disoit - il ; n'en concevez point
d'alarmes » . Cette bonne mère ,
ayant été mise en liberté avant
que son fils sortît pour marcher
à l'échafaud, s'en retourna chez
elle avec l'espoir qu'il viendroit la
ifjoindre. Mais lorsqu'elle y ar-
AY1VI u5
riva, il avoit déjà perdu la vie
pour la cause de la Foi. Il périt
le jour même du jugement, le
22 pluviôse an II ( 10 février
»794)-
AYMARD (Silvestre) , prêtre
du diocèse de Rodez, né à Or-
liaguet , dans le Rouergue , et curé
d'une paroisse, dont le nom mal
écrit dans les registres, semble
être Sibrasac, ou Libersac, ou
simplement Sivras, n'avoit point
fait le serment de 1791 ; et, vou-
lant continuer de rendre son mi-
nistère utile aux catholiques de
son canton, il ne s'étoit point
exilé suivant la disposition de la loi
du 26 août 1792. Il fut arrêté en
1793 pour être déporté comme
réfractaire, à la Guiane, et en-
voyé pour cet effet à Bordeaux
{V. ce mot). Le premier embar-
quement n'eut lieu que trois mois
après la chute de Roberspierre ,
et le curé Aymard n'y fut pas com-
pris. Il resta enfermé dans le fort
du Ha. Les souffrances que les
prêtres y éprouvoient, n'étoient
pas moindres que celles de la dé-
portation. Il y succomboit, lors-
qu'on le fit transporter à l'hôpital
de Saint-André , où il ne cessa pas
de souffrir pour Jésus-Christ. Il
y rendit son dernier soupir , le 29
octobre 1794» à l'âge de l\\ ans.
(F. P. AussEtet F. Bachelier.)
AYMÉ (Joseph-Etienne), prê
tre, Sgé de 55 ans, et membre
de la congrégation de Saint-Sul-
pice, n'ayant dû ni voulu prêter
uG AYR
AYR
le serment de la constitution
civile du clergé, obéissait à la
loi de déportation du 26 août
1792. Il se rendoit aux frontières
dans une voiture de voyage, avec
deux autres Sulpiciens et un cha-
noine d'Orléans [V. Segretier et
Lemercier ) , lorsque passant à
Couches, gros bourg à cinq lieues
d'Autun, le 8 septembre suivant,
ils furent assaillis par la populace
[V. Septembre). Le maire ne put
les sauver; et Aymé fut massacré
avec ses trois compagnons, parce
qu'il étoit prêtre, et n'avoit pas
voulu trahir sa Foi. Les circons-
tances de cet événement sont ra-
contées à l'article de F. Segeetier.
AYRAULT (Antoine-Pierre),
né à Saint- Maixent dans le Poi-
tou, en 1760, étoit, à l'époque
de la révolution, vicaire à Niort,
diocèse de La Rochelle. Il re-
fusa de faire le serment schisma-
tique de 1791, et fut persécuté.
Plus la constance de sa Foi, et
la sainte activité de son zèle le
rendoient cher aux Vendéens com-
battans pour leur religion comme
pour la monarchie, plus la rage
des ennemis de la Foi s'augmen-
toit contre lui. Il fut saisi par eux
à Niort même , et traîné à Paris.
Ou le fit comparaître devant le
tribunal révolutionnaire de la
capitale, le i5 messidor an II (5
juillet 1794); et il y fut con-
damné presque aussitôt à la peine
de mort comme « convaincu de
s'être déclaré Yeimemi du peu-
ple, en cherchant à exciter la
guerre civile par le fanatisme » .
Il n'avoit que 3i ans; et son exé-
cution eut lieu le même jour.
AYROLLES (Paul), curé de
Reyre-Vignes, dans le diocèse de
Cahors, depuis 1756, y étoit né
à Lunan, près de Figeac, vers
1731. La vénération qu'inspi-
roient ses vertus pastorales, la
droiture de son âme et la justesse
de son esprit, porta le clergé du
Quercy, assemblé à Cahors, à le
nommer député ecclésiastique de
cettesénéchausséeauxEtats-Géné-
raux en 1789. Cette nomination,
faite en son absence, alarma sa mo-
destie : il vint dire à son évêque ,
Louis -Marie de Nicolaï, qu'il
n'accepteroit la députation qu'au-
tant que le prélat le lui ordonne-
roit. « On ne commande rien aux
hommes de votre mérite, lui ré-
pliqua celui-ci; mais, puisque
vous l'exigez, je vous ordonne
d'accepter et de partir ». Il mon-
tra dans l'assemblée des Etats ,
bientôt devenue Assemblée Cons-
tituante, une sainteté et une fer-
meté de principes telles que le
fameux Mirabeau , croyant se
venger avec une raillerie d'avoir
été confondu par lui sur une ma-
tière qui intéressoit la religion,
l'appela, avec plus de justice qu'il
ne le croyoit, « la sainte relique
du Quercy ». Non seulement il
refusa avec beaucoup de fermeté
le serment de la constitution ci-
vile du clergé; non seulement i!
AYR
digna l'adhésion à YExposition
des principes des évoques contre
elle; il signa encore, avec la partie
la plus honorable et laplus saine de
l'assemblée, 1°. cette courageuse
déclaration qu'elle fit « touchant
l'acte constitutionnel et l'état du
royaume, le 5i août 1791 »; ot
20. le i5 septembre suivant, une
autre déclaration de la môme
portion de l'assemblée « sur l'ac-
ceptation donnée par le Roi à
l'acte constitutionnel ». Pendant
son absence, les autorités révolu-
tionnaires de Figeac avoient mis
à sa place dans sa cure un prêtre
schismatiqUe : néanmoins il vou-
lut y revenir quand la session
de l'Assemblée Constituante l'ut
terminée. Il se présenta d'abord
chez quelques uns des adminis-
trateurs du district de Figeac ,
pour leur déclarer qu'il retour-
noit dans sa paroisse , leur di-
sant : « Si l'on me dénonce au-
près de vous pour avoir em-
pêché mes paroissiens d'aller à la
messe de l'intrus, vous n'aurez
pas besoin de faire des enquêtes ;
je me dénonce moi-même d'a-
vance : vous ferez de moi ce qu'il
vous plaira ; il faut que je rem-
plisse mon devoir ». Il n'arriva
cependant rien de fâcheux d'abord
à ce pasteur, tant sa vertu impri*
moit de respect ; mais enfin , la
persécution croissant en force
comme en délire, il crut devoir
se retirer dans sa famille. Etant
ensuite passé sur le territoire de
AYR 117
Clermont (ou Puy-de-Dôme),
et y ayant eu connoissance du
décret de déportation quin'exemp-
toit de cette peine les sexagénai-
res, du nombre desquels il étoit,
que lorsqu'ils se confineroient
eux-mêmes dans une maison de
commune réclusion, il alla cher-
cher à la municipalité de Cler-
mont un passeport pour se rendre
en réclusion dans son départe-
ment, celui du Lot. Comme le
municipal auquel il s'adressoit lui
demandoit s'il étoit prêtre, «oui,
répliqua-t-il avec courage, et je
me fais gloire de l'être ». Sur
cette réponse , la municipalité le
fit enfermer dans sa prison. Il
y resta deux mois, après lesquels
on l'envoya dans la maison de
réclusion des prêtres sexagénaires
ou infirmes du département, à
Clermont même. Comme il s'y
rendit utile par quelques connois-
sances médicales qu'il avoit, sur-
tout sur les maladies des yeux ;
comme les gens même de la ville
recouroient à lui pour des infirmi-
tés de ce genre , les administra-
teurs l'y retinrent quand la plu-
part des autres prêtres reclus
furent envoyés par eux à Bor-
deaux, d'où ils dévoient être em-
barqués pour la Guiane ( V. Bor-
deaux). Ils quittèrent avee dou-
leur le curé Ayrolles, disant par-
tout que le clergé du Quercy leur
avoit donné un saint pour compa-
gnon de captivité à Clermont. Ce
pasteur n'en demeuroit pas moins
n8 AZA /
disposé, de cœur et d'âme, à voir
terminer sa détention par le der-
nier supplice pour la cause à la-
quelle il la devoil. La Teille du jour
où il alloit être mis en liberté , sans
qu'il pût le prévoir avec une con-
fiance bien fondée, il expira; et ce
jour étoit le 20 juin 1795. On lui
trouva un cilice sur la chair , quand
on dépouilla son corps pour le
mettre dans le cercueil.
AZAERT (Pierre -Jacques),
dit Azor , né à Héringen, dans
le diocèse d'Ypres en Flandre,
vers 1747» et chanoine de cette
Tille , avoit échappé aux persécu-
tions faites aux prêtres non-asser-
mentés, parmi lesquels il pou-
▼oit être compris ( V. Belgique).
La tolérance religieuse, que la
Convention sembla manifester en
ï ^gô , parut favorable au zèle de
cet ecclésiastique ; mais il devint
la victime de sa confiance, après
la crise du 18 fructidor (4 sep-
tembre 1797). Comme il ne vou-
loit point faire le serment de haine
à la royauté , le commissaire
du Directoire dans son dépar-
tement le fit arrêter, et conduire
à Rochefort pour en être déporté
à la Guiane, d'après la loi du 19
fructidor an V ( V. Lois et Tribu-
naux révolutionnaires); et, le
i"aout 1795, on l'embarqua sur
la frégate la Bayonnaise , où il
partagea les souffrances de ses
compagnons de voyage. Arrivé à
Cayennele 29 septembre suivant,
«1 fut relégué dans la contrée de
AZE
Konanama ( V. Guiane). La con-
tagion que la terre y exhale s'em-
para de lui : on le porta à l'hos-
pice de ce désert; et il y mourut
le 18 novembre 1798, âgé d'en-
viron 5i ans, laissant pour toute
succession l'exemple de sa rési-
gnation , le souvenir de ses ver-
tus, et la modique somme de
14 Hv. 16 sous. ( V . Allagnoh et
J. B. Baillt).
AZERA (Pierre - François) ,
prêtre du diocèse de Toulouse,
et religieux de l'ordre de la Merci ,
avoit montré un grand zèle dans
l'exercice du saint ministère. Il s'é-
toit distingué principalement dans
la carrière de la prédication, par
des talens supérieurs et par des
conversions très-remarquables. La
révolution vint lui interdire l'exer-
cice public de ce ministère, puis-
qu'il ne pouvoit continuer à le
remplir qu'en faisant le serment
schismatique de 1791, qu'il refusa.
Proscrit comme non-assermenté ,
il se vit obligé par la loi du 26
août 1792 à sortir de France;
mais son zèle l'y ramena clandes-
tinement en 1793, pour l'utilité
des catholiques de Toulouse. Les
services spirituels qu'il leur ren-
doit , le firent découvrir : il fut
arrêté et livré au tribunal crimi-
nel du département de la Haute-
Garonne, siégeant en cette ville.
Ce tribunal , qui cherchoit comme
tous les autres à priver, autant
qu'il le pouvoit, de l'honneur du
martyre les personnes qu'il con-
BAB
damnoit pour leur Foi, se con-
tenta de qualifier « d'émigré-ren-
tré » le P. Azera, en -l'envoyant à
l'échafaud le 3o septembre 1 793.
Azera n'étoit censé émigré que
parce qu'il avoit été déporté ; et il
BAB 1 19
n'avoit été déporté que parce qu'il
n'avoit pas voulu faire le serment
de la constitution civiie du
clergé.
AZOR (Pierm- Jacques), cha-
noine. ( V . P. Jls AzAERT. )
B
BABIC (Antoine), curé de
Puymasson , près de Port-Sainte-
Marie , dans le diocèse d'Agen ,
étoit né en 1718 dans la ville
d'Agen. Il avoit commencé l'exer-
cice de son sacerdoce, comme
vicaire, en la paroisse collégiale
de Saint-Caprais , d'où son évêque
le fit passer comme curé en celle
de Bourdets, près Marmande; et
en 1770 il fut transféré avec le
même titre dans la paroisse de
Puymasson. La sévérité de prin-
cipes, la régularité de conduite,
et la charité apostolique par les-
quelles il s'étoitdéjà distingué, lui
attirèrent bientôt la plus grande
vénération de la part de ses nou-
veaux paroissiens. Leur douleur
fut profonde quand ils virent, en
1 79 \ , que leur pasteur étoit rem-
placé par un intrus, parce qu'il
avoit refusé de faire le serment
schismatique ; mais pour les con-
soler en leur consacrant toujours
son ministère, il resta parmi eux.
L'intrus qu'ils fuyoient s'en plai-
gnit; et l'administration du dépar-
tement de Lot-et-Garonne or-
donna que le vénérable pasteur
fût arrêté. Le garde chargé d'exé-
cuter cette commission , ne pou-
vant s'empêcher de le respec-
ter, trembloit de mettra les mains
sur sa personne ; et Babic lui dit :
« Fais ton devoir comme j'ai fait
le mien; mène -moi rudement
puisqu'on te l'a commandé; et je
ne t'en voudrai pas : car plus je
serai maltraité, plus je serai con-
tent de souffrir pour J.-C. a. Ainsi
avoit parlé, dans une circonstance
semblable, vers 3o3, le S. Martyr
Philéas , dont il est fait tant d'é-
loges dans Eusèbe et Rufin. En-
courageant lui-même son juge,
il lui disoit : « Reprenez votre har-
diesse dans toute sa force; et faites
ce qui vous est ordonné » : Vtere
temeritate tua, et quod tibi
jussum est , fac ( Bollandist.
ad diem 4 februarii). Babic
fut donc conduit dans les pri-
sons d'Agen. Quand le juge l'in-
terrogea sur les fonctions curiales
qu'il avoit récemment exercées à
Puymasson, et sur les prédica-
tions qu'on î'accusoit d'y avoir
faites contre l'intrus, ses réponses
furent aussi vraies que fermes ; et
120 BAB
le juge, qui vouloit lui faire évi-
ter les suites d'aveux aussi francs ,
lui demanda la permission d'atté-
nuer ses réponses dans le procès-
verbal: «Non, reprit-il; ou, par
un acte qui les expliquera comme
je viens de le faire, je vous som-
merai de le joindre au présent
interrogatoire. Je n'ai parlé que
d'après l'Evangile ; et mon devoir
est de le prêcher au péril de ma
vie. Ne me ravissez pas cette oc-
casion de me montrer disposé à
m'immoler pour la vérité. Le dan-
ger ne doit être ici d'aucune con-
sidération. Je me remets à la Pro-
vidence qui disposera de moi
suivant ses desseins » . La sentence
qui intervint le condamna à une
amende de 3oo francs; mais elle
le remit en liberté. Il resta dans
la ville d'Agen où ses paroissiens
vinrent recevoir de lui les sa-
cremens de l'Eglise; et peu de
temps après il retourna au milieu
d'eux. La loi de déportation ne
j)ut l'en séparer; mais enfin, dans
la Semaine-Sainte de 1793, il fut
arrêté de nouveau ; et des gen-
darmes le ramenèrent dans les pri-
sons d'Agen. En route, il disoit à
ceux qui le plaignoient : « Je re-
mercie le Seigneur de la grâce
qu'il me fait de souffrir, la même
semaine où il a lui-même enduré
sa passion; je regarde cette res-
semblance comme une grande
faveur». Il eut beaucoup de souf-
frances à supporter dans la prison
où on le mit ; mais il édifia beau-
BAB
coup les autres prisonniers , a
l'égard desquels il se montra
d'ailleurs d'une charité infiniment
généreuse. Une maladie mortelle
vint le frapper; on ne pouvoit se
dispenser de le transporter à l'hô-
pital. Les sœurs qui en faisoient
le service, témoignant à ce véné-
rable prêtre toute la sensibilité
que ses maux leur inspiroient, il
leur dit : « Ce n'est que ma nature
coupable qui souffre; mon âme,
rachetée du sang de Jésus-Christ ,
doit se réjouir de souffrir pour
lui, et de déposer sa dépouille
mortelle parmi les pauvres ». Ré-
ponse admirable, qui se trouvoit
être ce que S. Flavien , dans les
souffrances , croyoit avoir entendu
S. Cyprien lui dire : « La chair ne
souffre pas , quand l'esprit est déjà
dans le ciel; et le corps ne sent
plus rien quand l'âme est toute
entière à Dieu » : A lia caropa-
titur cîim animus in cœto est;
nequaquam corpus hoc sentit,
cùm se Deo tota mens devovit
(Ruinart, Passio SS. Montani ,
F laviani , etc. n° xxi). Le curé
Babic mourut en effet au milieu
des pauvres en janvier 1794? à
l'âge de 75 ans.
BABIN (Modeste), étoit une
simple ouvrière en linge , de la
ville de Poitiers ; mais elle avoit,
aux yeux de Dieu, le mérite d'une
Foi vive et d'une piété sincère. Sa
maison devint l'asile de quelques
prêtres fidèles, que rechereboient
les persécuteurs. Ils y furent dé-
BAC
couverts; et on la jeta, comme
eux , dans les prisons. Cette œuvre
éminente d'hospitalité, que l'E-
glise et l'Evangile même ont tant
préconisée ( V. Y Alix ), la fit con-
damner au dernier supplice, par
les juges du tribunal criminel du
département de la Vienne, sié-
geant à Poitiers , le 23 germinal
an II (12 avril 1794)- I's 'En-
voyèrent à l'échafaud, comme «re-
céleuse de prêtres réfractaires ».
(V. Aucier, et C. D. Bertault.)
BAC ( Jacqxjes-Jean-André ),
prêtre , curé du bourg de Mens,
près Grenoble, sur la route de
Gap, né à Saint-Julien-Labrousse,
dans le diocèse de Viviers , district
de Mezenc , avoit , à la vérité, dans
la simplicité de la bonne foi, prêté,
en janvier 1 79 1 , le serment de la
constitution civile du clergé;
mais il y avoit mis une sorte de
réserve préliminaire , d'une ma-
nière bien solennelle , en faisant
précéder cette prestation de la dé-
claration «qu'il vouloitêtre obéis-
sant à Dieu , et fidèle à la religion » .
Cette phrase parut aux adminis-
trateurs une véritable restriction,
propre à les irriter; et Bac fut
renvoyé par eux de sa cure3 en
septembre suivant, comme prêtre
insermenté. Il vint habiter son
pays natal , au sein de sa famille ;
et crut pouvoir se dispenser d'o-
béir à la loi de la déportation, ren-
due le 26 aofit précédent. Pour
assurer sa tranquillité, il fit, de-
vant la municipalité de Sainl-
EAC îàtï
Julien - Labrousse , alors appelée
Brousseval , le serment de li-
berté-égalité,, prescrit par la loi
du 14 du même mois (1); mais sa
conscience timorée l'y fit mettre
aussi des réserves qu'exigeoit la
Foi. Il ne lui en falloit pas tant
pour être , dans la suite , consi-
déré comme réfractaire , surtout
après les lois des 29 et 5o vendé-
miaire an II [V . Lois et Tribun,
révol.). Il fut arrêté par les ré-
volutionnaires du canton, en mai
1794? et envoyé prisonnier au
tribunal criminel du département
de YArdèche , séant à Privas.
Quand on l'y interrogea, il eut
bien soin de faire observer qu'il
avoit mis des réserves à son ser-
ment de la constitution civile
du clergé, de peur qu'on ne le
prît pour ce qu'on appeloit alors
un conformiste. « J'observe ,
dit-il, que je fus dépossédé de ma
cure et remplacé , parce que j'a-
vois fait précéder mon serment
d'un discours dans lequel je disois
que je voulois être obéissant à
Dieu , et que je ne jurois qu'autant
que je necesseroispas d'être fidèle
à la religion». On lui demanda
s'il avoit prêté le serment de
liberté-égalité. « Je l'ai prêté
(1) Ce serment , ordonné solennel-
lement le 14 août 170,2, suivant une
nouvelle rédaction définitive , avoit
été déjà prescrit le 11, après avoir
été prononcé le 10 dans l'assemblée
avec un régicide enthousiasme , eu
face du Roi fait prisonnier.
/
122 BAC
devant la municipalité de Saint-
Julien - Labrousse, répondit - il ;
mais l'extrait du procès-verbal de
cette prestation contient des ob-
servations religieuses de ma part. »
La dernière question consista dans
ces mots : « Connoissois-tu la loi
des 29 et 3o vendémiaire dernier ,
qui ordonnoit aux prêtres réfrac-
taires de se présenter devant l'ad-
ministration, pour y faire la dé-
claration relative à leur déporta-
tion; et savois-tu que cette loi eût
été enregistrée et publiée dans la
commune de Saint- Julien - La-
brousse ? — Je n'en ai aucune
connoissance , répondit-il; et j'i-
gnore, par conséquent, si elle a
été publiée et enregistrée à Saint-
Julien » . On voit , par ces diverses
questions, que le tort essentiel de
Bac, aux yeux des juges, étoit
d'être prêtre, et prêtre fidèle à sa
religion : on verra mieux en-
core, dans la sentence qui fut
portée contre lui, le 26 prairial
an II (14 juin 179/;), qu'elle fut
dictée par des lois ennemies de la
Foi. Il y est dit : «Vu l'extrait du
procès-verbal des séances du di-
rectoire du district de Mezenc.
des 24 floréal et 17 prairial cou-
rant ; ce dernier portant que Jean-
André Bac, prêtre , ci-devant curé
de Mens , département de Ylstre,
habitant actuellement à Saint-
Julien-Labrousse, sera traduit au
tribunal; le certificat de la mu-
nicipalité de Brousseval, ci-devant
Saint- Julien - Labrousse, du a5
BAC
courant, portant que la loi des
29 et 3o vendémiaire y a été pu-
bliée et affichée le 16 nivose der-
nier : ouï ledit Bac, lequel a
déclaré avoir prêté le serment,
au mois de janvier 1792, et avoir
été déplacé de sa cure au mois de
septembre suivant, à cause des
restrictions apposées à son dit ser-
ment, et qu'il fit les mêmes ré-
serves à celui prescrit par la loi du
14 août 1792. — Considérant que
la loi du 9 janvier 1791 ordonne
que le serinent sera prêté pure-
ment et simplement , sans que les
ecclésiastiques puissent se per-
mettre aucun préambule, expli-
cation ni restriction ; que celle du
26 août 1792 prononce la dépor-
tation contre ceux qui, ne l'ayant
pas prêté, ne seroient pas sortis,
dans quinzaine , du territoire de
la république ; que l'article X de
la loi des 29 et 3o vendémiaire,
déclara sujets à la déportation, les
évêques, ci-devant archevêques,
les curés conservés en fonctions,
et ceux qui ont prêché dans
quelque église que ce soit, depuis
la loi du 5 février 1791, qui n'au-
roient pas prêté le serment pres-
crit; que l'article xiv de la même
loi leur enjoint de se rendre, dans
la décade de la publication, auprès
de l'administration de leur dépar-
tement qui prendra les mesures
pour leur arrestation, embarque-
ment et déportation ; que ledit Bac
n'a point profité de ce délai. — Le
tribunal déclare que ledit Bac étoit
BAC
sujet à la déportation; et, faute
par lui de s'être présenté, dans le
délai prescrit, à l'administration
du département, ordonne que ledit
Bac sera livré à l'exécuteur des
jugemens criminels, pour être
mis à mort sur la petite place de
cette commune (Privas), dans le
délai de vingt-quatre heures ; dé-
clare ses biens confisqués au profit
de la république, conformément
aux articles cités, et à l'article xvi ;
ordonne que le présent jugement
sera exécuté à la diligence de l'ac-
cusateur public ». Il ne le fut ce-
pendant qu'un mois et demi plu9
tard , soit parce qu'on vouloit as-
socier au sort du curé Bac d'autres
prêtres et quelques religieuses,
qui venoient d'être amenés dans
la prison ; soit peut - être que ,
parmi les juges, il y en eût qui
espéroient des circonstances pro-
pres à faciliter l'évasion de ces vic-
times [V. D ALLEMAND, GARDES ,
Montblanc , Rouville ; et An-
toinette Vincent, Madeleine Du-
moulin, Marie- Anne Senovert).
Quelques jours avant l'exécu-
tion, l'abbé Montblanc étant aussi
condamné à la peine de mort
comme le curé Bac, plusieurs hon-
nêtes gens, voulant sauver ces prê-
tres et les religieuses , leur conseil-
lèrent de s'évader par une ouver-
ture qu'ils pratiquoient eux-mêmes
au mur de leur chambre; imitant
en cela les disciples qui, pour
soustraire saint Paul au danger de
mort dont il étoit menacé, le firent
BAC
passer pardessus un mur, et des-
cendre dans une corbeille (Act. ,
c. IX, jf. 25) : service dont il les
loua fort dans sa seconde épître
aux Corinthiens (c. x , f. 33). Nos
prêtres avoient le droit de profiter
comme lui de ce moyen de fuir ,
que sembloit leur offrir la même
Providence, sans que, pour cela,
on pût dire qu'ils n'étoient point
résignés au martyre. Mais elle ne
vouloit pas que leur résignation
restât équivoque. La femme du
concierge , ayant été avertie de
ce qui se passoit, vint y mettre
obstacle, en accablant d'injures
atroces nos saints confesseurs
de la Foi. Ils lui répondirent
avec douceur : « Nous avions
cru qu'étant détenus injustement,
il nous étoit permis de profiter
d'un moyen que la Providence
paroissoit nous fournir pour nous
mettre en sûreté ; mais puis-
qu'elle ne veut pas que ce moyen
réussisse : que sa volonté soit
faite ! Nous sommes très-résignés ;
cessez donc vos outrages, surtout
parce que vous y mêlez des blas-
phèmes qui offensent Dieu » . Alors
ils ne pensèrent plus qu'à se pré-
parer à la mort, par des prières
continuelles, au pied d'un cruci-
fix qu'ils s'étoient procuré, et en
se purifiant de plus en plus, par le
sacrement de la pénitence. Ilss'en-
courageoient les uns les autres à
la mort, et se félieitoient de la fin
glorieuse à laquelle ils étoient des-
tinés. La nuit qui précéda leur
124 BAC
supplice fut passée en prières. Ils
chantèrent même l'office et la
messe des morts ( V. Montblaîîc).
Le matin du jour où ils savoient
qu'on les conduiroit à la mort,
jaloux de se montrer en tout mi-
nistres de l'Eglise de J. -C, et
pour en reprendre alors ceux des
signes extérieurs que le malheur
des temps les avoit forcés de laisser
disparoître, ils se firent couper les
cheveux, suivant les formes vou-
lues par les SS. Canons, comme
encore renouveler leur tonsure.
En sortant de la prison , pour aller
au lieu de l'exécution , ils enton-
nèrent à pleine voix le psaume
Misereremei, Deus, entremêlant
chaque verset de ces mots : Parce,
Domine, parce populo tuo; et
ne reminiscaris dciicta populi
lui. «Pardonnez, ô mon Dieu!
pardonnez à voire peuple, et dai-
gnez ne pas vous ressouvenir de
ses crimes». Ils continuèrent de
chanter jusqu'au pied de l'instru-
ment de mort. Leur voix ferme ,
leur démarche assurée quoique
modeste, la joie qui brilloit sur
leur visage : tout, de leur part,
remplissoit les spectateurs d'un
religieux saisissement. L'annonce
de ce spectacle impie et barbare
avoit porté la presque totalité des
habitans de Privas à se retirer,
fcs uns hors de la ville , et les
autres au fond de leurs mai-
sons; mais ces voix angéliques,
ce chant, si nouveau depuis la
révolution , retentissant dans la
BAC
cité , faisoient accourir un grand
nombre de personnes saintement
jalouses de voir une scène aussi
édifiante. L'impression qu'elles en
ressentirent est inexprimable. Les
courageux ministres de Jésus-
Christ virent décapiter avant eux
les trois religieuses dont nous
avons parlé ; ensuite ils montèrent
l'un après l'autre sur l'échafaud.
Le premier, parlant pour ses con-
frères comme pour lui, commen-
çoit à déclarer hautement au peu-
ple « qu'ils mouroient tous pour
leur religion » ; le bourreau l'em-
pêcha d'en dire davantage. Ln
autre embrassa le bourreau sur
l'échafaud, comme pour le re-
mercier de la faveur qu'il alloit
lui faire, et ensuite baisa l'instru-
ment de mort d'où ses frères ve-
noient de monter au ciel ; et ce
futle 8thermidor (aôjuillet »?94)>
que la patrie céleste les reçut
au nombre de ses glorieux habi-
tans. Leurs corps furent mis dans
une même fosse , dont la piété
des fidèles remarqua la place avec
beaucoup d'attention. Des jours
plus calmes étant survenus quelque
temps après, les chrétiens y cou-
roient en foule. On y vit, en 1795
et 1796, surtout dans la belle sai-
son, jusqu'à deux et trois cents per-
sonnes prosternées et en prières.
Quand la catastrophe du 18 fruc-
tidor (5 septembre 1797) fut ve-
nue ramener la terreur en France,
le concours ne put être si nom-
breux au tombeau de ces Martyrs ;
BAC
cependant il y venoit encore beau-
coup de fidèles, malgré la gen-
darmerie que les administrateurs
y envoyoient pour les disperser.
Les catholiques de la ville, qu'on
avoit privés de leur église, se réu-
nissoient en assez grand nombre
en ce lieu, les dimanches et fêtes.
Cette affiuence ne cessa d'être aussi
grande , que lorsqu'ils purent avoir
chez eux des oratoires, pour sa-
tisfaireleur piété. On peut regar-
der comme un effet de l'interces-
sion de ces saints Martyrs dans le
ciel, la réparation publique et l'a-
mende honorable que, depuis
lors, ont faites à Privas, en pré-
sence des autels, deux des juges
qui avoient opiné pour la mort,
dans le jugement de ces cinq prê-
tres et de ces trois religieuses.
BACHELIER (François), prê-
tre, envoyé de son département
à l'île du Pâté-de-BIaye , pour en
être déporté à la Guiane , en 1794»
parce qu'il n'avoit pas fait le ser-
ment de la constitution civile
du clergé, est inscrit sur le re-
gistre des morts de Blaye, comme
noyé au Pâté , le 16 messidor
an II (4 juillet 1794)- II avoit déjà
horriblement souffert dans le sou-
terrain du fort [V. Bordeaux).
Quelques gens prétendirent bien,
en 1797, peut-être pour atténuer
les crimes des persécuteurs , que
cet ecclésiastique, étant tombé
dans la rivière, et sachant nager,
avoit pu être recueilli par une
barque, qui l'avoit sauvé ; mais sa
BAC 125
mort étant attestée sur le registre,
par deux officiers municipaux, et
en outre par le témoignage verbal
de quatre prêtres compagnons de
sa captivité, MM. Bernard Fon-
tant, Jean-François-Marie Tour-
neporle, Germain Chesnaud, et
Bouiïot, nous paroît certaine en
cette circonstance. Quand elle le
seroit moins, on ne pourroit dou-
ter que François Bachelier ne fût
mort peu de temps après , par
suite de tant de maux, soufferts
pour la cause de la Foi. Le registre
de Blaye nous a laissé ignorer de
quel diocèse étoit cet ecclésias-
tique. (V. S. Aymaru, et Bacqcet.)
BACHELIER (Pierre), prêtre-
sacriste de la Bazouge-de-Ché-
meré, dans le diocèse du Mans, et
titulaire du bénéfice de Saint-An-
toine de la paroisse de Chémeré-
le-Roi, né à Froidfont, doyenné
de Sablé, vers 1723, s'étoit
trouvé chez le pieux Chadaigne,
lorsqu'on y arrêta le prêtre Dor-
gueil [V. ces noms); mais il avoit
échappé à ceux qui saisirent celui-
ci. Dieu vouloit cependant qu'il fût
du nombre des confesseurs qui
donnoient leur vie pour la religion
de Jésus-Christ ; et c'est pour cela
sans doute que, le 26 avril 1795,
neuf mois après la chute de Ro-
berspierre, le vénérable Bache-
lier, plus que septuagénaire , caché
dans la ferme de la Grande-Guyon-
nière, paroisse de Chémeré-Ie-
Roi, et au moment où il se dis-
posoit à célébrer les saints mys-
126 BAC
îères , y fut saisi par la garde
nationale de la Cropte, ardente à
la recherche de9 prêtres non-asser-
mentés. Elle l'y arrêta avec ses
généreux hôtes , Jean Le Duc, de
la Rivière [V . Le Duc) , et son fils
aîné {V. Je Alix). On les empri-
sonna, la première nuit , dans une
ètable à porcs, où Le Duc et son
fils, prévoyant leur mort, deman-
dèrent l'absolution au prêtre Ba-
chelier, qui la leur donna; et, le
lendemain, on les en retira, sous
prétexte de les conduire à l'admi-
nistration du district d'Evron,
près Laval , département de la
Mayenne ; mais , à une demi-
lieue de la Cropte, on leur fit
quitter le chemin qui conduit à la
Bazouge-de-Chémeré, et prendre
celui qui est sur la gauche. Quand
ils furent arrivés sur le bord de la
petite rivière appelée 4a Vagette,
les gardes prononcèrent l'arrêt de
mort de ces trois prisonniers, et
les massacrèrent avec leurs baïon-
nettes, auprès de la chapelle des
Gaultiers, qui est sous l'invoca-
tion de la Sainte-Vierge : ce qui
donna lieu aux meurtriers de dire,
avec une sacrilège dérision : « La
Bonne Vierge va prier pour eux » .
Le fils Le Duc , frappé le premier,
tomba le visage contre terre, en
conservant toutefois assez de vie
pour en revenir. Les assassins le
crurent mort, comme son père et
le prêtre Bachelier. Après avoir
délibéré entre eux s'ils ne jette-
1 oient pas leurs corps dans la ri-
BAC
vière, ils s'en abstinrent, dans 1»
crainte d'en infecter l'eau; et, se
contentant de les dépouiller, ils
les laissèrent sur la rive. Le jeune
Le Duc se releva , quoique couvert
de quinze blessure? , il examina le»
cadavres de son père et du véné-
rable prêtre, pour voir, mais en
vain, s'il pourroit les rappeler à la
vie ; et , perdant son sang de toutes
parts, il parvint néanmoins dans
une maison où sa sœur acheva ce
qu'on pourroit appeler sa résur-
rection. C'est lui - même qui a
fourni les détails historiques de
l'assassinat impie que nous venons
de raconter, et auxquels il faut
ajouter que Bachelier, âgé de plus
de 79 ans, étoit un prêtre plein
de charité et de lèle. Son caractère
se dislinguoit par une douceur ra-
vissante ; sa conduite étoit en tout
un sujet d'édification; et sa vie
passoitpour être absolument irré-
prochable. Il étoit autant chéri que
respecté de tous les habitans de la
Bazouge-de-Chémeré, parmi les-
quels il avoit vécu long-temps.
On croit même que ce fut parce
qu'ils se disposoient à le réclamer, ;
dès qu'ils le surent arrêté, que
ses conducteurs se hâtèrent si fort
de l'assassiner. Son corps, et celui t
de Jean Le Duc, furent recueilli»
par des catholiques, qui les enter-
rèrent dans le cimetière de la pa-
roisse de Saint-Denis-du-Maine.
On peut appliquer à ces catholi-
ques l'éloge qu'Eusèbe faisoit de
ce S. Asturius, par qui le corp?
bac
du S. Martyr Marin fut emporté
après son supplice avec la plus
grande vénération , et enseveli
avec un culte digne de la mort
qu'il avoit faite. Nous laissons à
nos lecteurs le soin d'une pareille
application à tous ceux qui ont
donné une honorable sépulture à
plusieurs de nos martyrs : Ob re-
iigiosam fiduciam ac liberta-
tem , celeberrimum nomen est
consecutus , qui supra dicti
Martyris humeris suis imposi-
tum cadaver , candida ac pre-
tiosa amictus veste bajutavit ,
et inagnifico cuitu ornatum de-
centi tradidit sepulturœ (Euseb.
Hist. Eccies. I. vu, c. i5). {V.
J'i* André, et N. Bordereau, du
Pré.)
BACHER ( 2V... ), prêtre
d'Angers, exerçant les fonctions
de vicaire dans le diocèse, fut
envoyé à la mort, le 3 novembre
179J, parla commission militaire
nouvellement établie à Angers ; et
son prétendu délit, aux yeux des
juges qui le firent périr, étoit de
mériter de leur part le titre de ré-
fractaire. Ainsi donc Bâcheravoit
préféré la persécution au crime du
serment de la constitution civile
du clergé, en 1791, et n'étoit pas
sorti de Fi ance , conformément à
la volonté de la loi du 26 août
1 792. Il se trouvoit sous les coups
de toutes celles qui, plus barbares
et plus impies encore, étoient venu
frapper ensuite les prêtres, que
leur zèle pour les catholiques avoit
BAC 127
retenus près d'eux. Le nom de
Bâcher, ni celui de plusieurs
autres ecclésiastiques , immolés de
même et par la même commis-
sion, ne se trouvent dans aucune
des listes imprimées des victimes
de la révolution. La raison en
est donnée par Prudhomme lui-
même, à la page 241 du VIe vo-
lume de son Histoire des Crimes
de la Révolution, où il dit :
«Le représentant Francastel (pro-
consul de la Convention à An-
gers) ne vouloit pas que l'on écrivît
les noms de tous ceux que l'on
faisoit fusiller : c'étoit pour se
mettre à l'abri de tout reproche,
qu'on ne laibsoit subsister aucun
titre capable de prouver que des
femmes et des enfans avoient été
enveloppés dans les massacres
journaliers ( V . Vendée). La com-
mission militaire s'entouroit des
hommes dont les passions étoient
les plus sanguinaires ; elle les
chargeoit de procéder à l'inter-
rogatoire des détenus. Cet inter-
rogatoire, comme le jugement,
n'étoit qu'un simulacre de pure
forme, dont on ne tenoit aucunes
notes. Ces commissaires se con-
tentoient de faire des listes, et de
mettre en marge , à côté du nom ,
la lettre F... : ce qui étoit un signe
de mort (pag. 23g) ». Nous avons
insisté sur ce point, parce que
nous tenons du vénérable évêque
d'Angers, comme nous le disons
ailleurs [V . Angers), que « ces
prétendus juges mirent à mort
125 BAC
beaucoup de nobles, et quantité
d'autres laïcs des deux sexes, uni-
quement parce qu'ils etoient reli-
gieux, niais en alléguant d'autres
prétextes, et les taxant d'aris-
tocratie » . Quantaux prêtres, il n'y
avoit pas de doute qu'ils ne fussent
immolés en haine de la religion.
{V. Suchet, de la Pallu ; et L.
Bastard.)
BACLER (Pélagie), née et
domiciliée à Arras, âgée de 56
ans, vivant avec sa sœur Renée
d'une manière analogue à leur
peu de fortune, sanctifioit comme
elle son célibat par la pratique de
toutes les vertus chrétiennes. Elles
regrettoient fort que leurs moyens
pécuniaires ne leur permissent
pas d'entrer dans la charitable
association de la veuve Bataille
en faveur des prêtres catholiques
dépouillés et mis en fuite ( V. M.
J. D. Bataille). Les vertus des
sœurs Bâcler oflusquoient les im-
pies révolutionnaires d1 Arras ; et
le proconsul J!' Lebon chercha
l'occasion de les compromettre
dans quelque complot imaginaire
( V. Arras). Il n'hésita point à
les comprendre dans celui dont il
voulut charger une pieuse associa-
tion , quand il vit sur les registres
de la veuve Bataille le nom de
Bâcler avec celui des associés.
Pélagie et sa sœur furent arrêtées
tomme eux, et traduites avec eux
devant le trihunal révolution-
naire, d'Arras ; mais le nom de
Bâcler qui se trouvoit sur le re-
BAC
gistre étoit celui d'une tante de
ces pieuses filles, qui, morte de-
puis peu de temps, avoit consigné
de son vivant, entre les mains de
la veuve Bataille , la modique
somme de trente sous pour des
aumônes. On en fit l'ohservation
aux juges, et ils répliquèrent :
« N'importe, nous sommes con-
vaincus ». Ils l'étoient sans doute
de la vertu et de la Foi de ces
pieuses filles ; et elles furent en-
voyées à l'échafaud avec tous les
charitables associés, le 25 germi-
nal ( î/j avril 1794) » comme
« complices de la ( prétendue )
conspiration de la veuve Ba-
taille». [V. M. M. M. Arrachart
et R. Bâcler.)
BACLER (Renée), sœur aînée
de la précédente, née à Arras,
vivant avec elle en cette ville lors
du proconsulat qu'y exerçoit en
ijg4 l'apostat Jh Lebon [V. Ar-
ras), se distinguoitpar les mêmes
vertus que Pélagie dont nous ve-
nons de parler. Comme elle par-
tagea son sort, de même qu'elle
partageoit sa sainte vie, ce que nous
avons dit de la première est aussi
l'histoire de la seconde. Elle fut
condamnée avec la même ini-
quité, avec la même haine des
vertus chrétiennes et de la Foi
catholique , par le trihunal révolu-
tionnaire d'Arras, le 25 germinal
an II ( 14 avril 1794)- Le motif
supposé de sa condamnation fut
qu'elle étoit « complice d'une
conspiration ourdie contre Je
BAD
peuple français et sa liberté ».
Renée Bâcler avoit alors 60 ans.
( V. P. Bâcler et 31. E. Ba-
RASLE. )
BAC Q (JET (N...), l'un des
prêtres qu'en 1794 on avoit traî-
nés à Bordeaux comme insermen-
tés, afin qu'ils y fussent embar-
qués pour la déportation à la
Guiane ( V. Bordeaux), fut en
effet compris dans le premier
embarquement qui eut lieu trois
mois après la chute de Robers-
pierre. Déjà accablé par ses longues
souffrances, cet ecclésiastique ne
put soutenir celles de la naviga-
tion , et il mourut en rade vers la
fin de la même année 1 794. ( V. F.
Bachelier et L. Barry).
BADIN (Jean-Baptiste), curé
de Saint-Didier-du-Mas, et natif
de Moydieu en Dauphiné, avoit
été obligé de s'éloigner de sa cure
par suite de son refus de prêter le
serment de la constitution civile
du clergé. Il s'étoit retiré avec
son neveu à Nantoin , près de
Vienne, où il fut arrêté avec lui.
Conduits ensemble à Lyon, ils y
furent traduits l'un et l'autre, le
même jour, à la commission ré-
volutionnaire de cette ville
( ?r. Lyon). Elle les condamna
pour la même cause à la peine
capitale, comme «contre -ré-
volutionnaires qui prêchaient le
fanatisme ». Badin fut exécuté
avec son neveu , à l'âge de 56
ans, en vertu du même jugement
prononcé le 16 pluviôse an II
2.
BAD 1 29
(4 février 1794)- ( V. J. B. Au-
bier et J. Badin. )
BADIN (Joseph), neveu du
précédent, né à Moydieu en Dau-
phiné , étoit revêtu de l'ordre de
la prêtrise, et avoit mérité la
haine des impies par le refus du
serment de la constitution ci-
vile du clergé. Il vivoit tran-
quille, en exerçant, autant que
les circonstances le perinettoient,
son ministère à Nantoin , près
de Vienne en Dauphiné, lorsque
les proconsuls envoyés par la
Convention à Lyon, en 1795,
firent arrêter une multitude de
personnes en cette ville et dans
les lieux circonvoisins. Joseph
Badin fut en conséquence traîné
à Lyon ; on le traduisit devant
la commission révolutionnaire
( V. Lyon) ; il s'y entendit de-
mander le serment de la liberté.
et de X égalité. Il le refusa, et fut
condamné à mort comme fana-
tique et comme contre -révolu-
tionnaire, le 16 pluviôse an II
(4 février 1794)- H avoit 41 ans,
et donnoit encore de belles espé-
rances à l'Eglise , lorsqu'il perdit
la vie pour la cause de la Foi.
( V . J. B. Badin et E. Ballet. )
BADOINOT (Mî..) , curé de
Saint-Martin-les-Donzy , diocèse
d'Auxerre, avoit été dépossédé de
sa cure, et éloigné de sa paroisse, à
cause de son refus d'adhérer à la
constitution civile du clergé,
et d'en faire le serment. L'espoir
d'être utile aux catholiques lors-
9
i5o BAG
qu'il vit tant de prêtres exilés par
la loi de déportation du 26 août
1792, le fit rester en France. Il y
fut bientôt découvert ; on l'em-
prisonna , et il resta dans une mai-
son d'arrêt du département de la
Nièvre, jusqu'au jour où l'on fit
partir les prêtres âgés ou infirmes
qui étoient en réclusion à Nevers.
Badoinot qui n'avoit que 44 ans
leur fut réuni; il partagea leur
sort et leurs souffrances dans le
voyage, et dans l'horrible séjour
de la galiote du port de Nantes
où leurs ennemis de Nevers es-
péroient qu'ils seroient noyés
( V. Nevers et Nantes). Il ne le
fut point, et ne succomba pas
même aux fléaux cruels qui, dans
ce lieu de mort , en firent périr
un grand nombre. Lorsque les
circonstances voulurent qu'on
adoucît la condition de ceux qui
survivoient, on le transporta avec
plusieurs d'entre eux à Brest.
Tombé malade dans la nouvelle
prison où ils furent déposés, il
fut transféré à l'hôpital de Saint-
Louis où il mourut dans le cou-
rant du mois de juin 1794-
( V. Animé , Bénédictin ; et Ber-
I'Hault , d'Arleuf. )
BAGNOLLES ( Pierre La-
bocrdette de ) , prêtre du Béarn ,
n'avoit point voulu adhérer à la
constitution civile du clergé.
Il étoit resté dans sa province, en
la paroisse de Baigts près Orthès.
Ce digne ecclésiastique fut arrêté
Vers la fin de 1793; on le cendui-
BA1
sit au tribunal criminel du dépar-
tement des Basses - Pyrénées ,
siégeant à Pau ; et ce tribunal le
condamna à mort comme « prêtre
réfractaire » , le 24 germinal an II
( i3 avril 1794).
BAILE (Joseph) , curé du dio-
cèse d'Aix, y ayant été découvert
dans le temps des plus grandes
fureurs de l'athéisme, fut arrêté,
et conduità Marseille, où une com-
mission militaire le condamna ù
la peine de mort avec l'accusation
banale de fédéralisme, le 26 plu-
viôse an II (14 février 1794)-
Il périt le même jour. (F. Orange.}
BAILLY (Ar...), prêtre de la
congrégation des Missions de
Saint-Lazare, et l'un des directeurs
du séminaire d'Amiens , étoit resté
pur du serment de la constitution
civile du clergé en 1791. Il con-
tinuoit à fournir aux catholiques de
cette ville les secours de l'Eglise;
mais son ministère étoit odieux
aux révolutionnaires et aux
prêtres qui avoient adhéré au
schisme et à l'hérésie de cette
constitution civile. Un jour
qu'en 1792 il célébroit les saints
mystères dans une maison parti-
culière, il fut arrêté; les impies le
promenèrent dans toute la ville,
revêtu des ornemens sacerdotaux,
et le firent passer au milieu d'une
populace féroce autant qu'impie,
par laquelle il étoit accablé d'ou-
trages ; ensuite on le précipita
dans les prisons d'Amiens, en
attendant qu'on pût le conduire
BAI
au dernier supplice. Le Seigneur
ne voulut pas le permettre : il
appela à lui ce pieux missionnaire
pendant qu'il étoit encore dans
les chaînes , sans le priver toute-
fois de la gloire du martyre.
Bailly mourut dans les fers pour
le nom et l'Eglise de Jésus-Christ ,
en 1792. D'après les renseigne-
mens donnés à Rome en 1794? et
par M. Cayla-de-La-Garde , supé-
rieur général de la congrégation
de Saint- Lazare , et par le res-
pectable Lazariste M. Jacob, curé
de Saint-Louis de Versailles, sur
la vie, les souffrances et la mort
du prêtre Bailly, on n'hésitoit
point à le mettre au rang de ceux
qui avoient généreusement sacri-
fié leur vie pour la cause de la
Foi.
BAILLY (Jean-Baptiste) , né à
Saales, près Schelestat, vers 1 76 1 ,
prêtre et religieux Bénédictin du
couvent de Strasbourg, étoit en
1797 dans les Vosges. Quoiqu'il
n'eût prêté aucun des sermens ré-
volutionnaires , il avoit trouvé
moyen de se soustraire aux per-
sécutions des années précédentes.
Croyant, après la ch;Uc de Robers-
pierre, que la religion alloit se re-
lever de ses ruines, il reprit avec
confiance l'exercice des fonctions
sacerdotales , et se fit remarquer
comme un digne ministre de Jé-
sus-Christ. La funeste catastrophe
du 18 fructidor (4 septembre
1797) arriva; et, le lendemain,
fut rendue la loi de la déportatiou
BAL i5i
des prêtres dits réfractaires à la
Guiane (/. Lois et Gciane). On
arrêta dom Bailly pour lui faire,
subir cette peine ; et on l'envoya
à Roche fort pour y être embar-
qué. Il le fut le i3 mars 1798 sur
la frégate ia Charente d'où, le
a5 avril suivant, il passa sur la
frégate ta Décade , qui arriva de-
vant la rade de Cayenne le 12
juin suivant. Débarqué à Cayenne,
il fut relégué dans la contrée de
Konanama, dont les fléaux mor-
tels l'eurent bientôt investi. Etant
tombé malade, il aima mieux
rester dans son carbet que d'aller
à l'hospice où l'on étoit non seu-
lement négligé , mais encore mal-
traité par les infirmiers. Il fut du
nombre de ceux à qui les nègres
refusèrent d'extirper les chiques
des pieds, à moins de 24 sous,
parce qu'il ne pouvoit les donner;
et ces barbares , quoique payés
d'ailleurs pour servir les dépor-
tés, laissèrent en quelque sorte
pourrir celui-ci dans son lit. Il y
mourut dans des convulsions ef-
frayantes, à l'âge de 37 ans, le
18 septembre 1798. ( V. P. J.
Azaret et Beaugé. )
BALLARD (Louise Htjc, veuve
d'AtJTOiNE ) , âgée d'environ 60
ans , et marchande à Montpel-
lier, étoit l'une des meilleures
catholiques de cette ville , où les
juges révolutionnaires du tribu-
nal criminel du département de
i 'Hérault , qui y siégeoit, affec»
tant le plus méprisant dédain pour
9
i3a BAL
la religion, s'étoient imposé pour
règle de ne jamais faire intervenir
aucune idée qui la rappelât dans
leurs jugemens. On peut com-
prendre à quel point ils en vou-
loient écarter le souvenir, qurnd
on voit dans leurs signatures, au
bas de leurs sentences , qu'ils
substituoient à leurs noms de bap-
tême celui de la plante , du légume
ou du fruit qui , sur l'absurde
calendrier républicain d'alors ,
correspondoit au jour de leur
patron dans l'ancien calendrier
( V . Lois et Tribunaux révolu-
tionnaires ). L'aceusateur public
signoit Raisin Pages; et les juges
nous font lire ainsi leurs noms
dans les registres de leurs sen-
tences : Salsifis Gas, président;
BetteravcDe\\é, Tournesol Es-
cudier , Raisin Peytal. C'étoit
dans la salle de spectacles qu'ils
tenoient leurs assises, et pronon-
çoient leurs jugemens de mort.
Suivant leur système impie , les
■victimes qui leur étoient amenées ,
lors même qu'elles ne l'étoient
que pour cause de religion, ne
dévoient être accusées que de
complots et tentatives contre-
révolutionnaires. Des accusa-
tions de ce genre ne pouvoient
sembler que ridicules à l'égard
d'une femme de 60 ans qui vivoit
dans la retraite , et n'avoit d'autre
moyen de contre-révolution que
ses prières. La veuve Ballard étoit
d'ailleurs tombée dans un abatte-
ment extrême par la dt u eur d'a-
BAL
voir perdu non seulement son
mari, homme très -honoré dans
la ville, mais récemment encore
une fille unique estimée aussi à
cause de ses vertus. Néanmoins
cette veuve respectable trouvoit
des consolations à ses peines dans
les pratiques de la religion. Elle
étoit connue pour éminemment
pieuse et fort charitable. Très-
éclairée dans sa Foi , jamais elle
n'avoit voulu fréquenter les églises
des prêtres assermentés ; et , pour
aller aux exercices de piété des
prêtres qui étoient restés catho-
liques, elle avoit souvent bravé les
menaces et les mauvais traitemens
d'une horde de révolutionnaires ,
qui , armés de bâtons , et sous le
nom ironique de pouvoir exécu-
tif, couroient les rues de Mont-
pellier, s'introduisoient même de
force dans les maisons, en mal-
traitant les fidèles qui s'abstenoient
d'aller dans les églises schisma-
tiques , afin de les forcer à s'y
rendre. Dans la suite , au mois
de mars 179/}* lorsque les vivres
commençoient à devenir rares en
France , où ils finirent par man-
quer presque totalement l'année
suivante , il avoit été fabriqué ,
dans Montpellier, avec la prudence
convenable, une certaine quan-
tité de petits gâteaux plats qu'on
appeloit galettes , pour la subsis-
tance des infortunés proscrits,
qui, s'étant réfugiés en des lieux
secrets pour se soustraire à la
persécution, ne pouvoient aller
BAL
chercher leur nourriture , ni en
recevoir d'autre sans que les sur-
veillans , qui calculoient la con-
sommation sur le nombre des
personnes connues dans une mai-
son quelconque, s'en aperçussent.
Ces galettes étoient spécialement
destinées aux prêtres qui étoient
forcés de rester cachés. Cette fa-
brication pieusement clandestine
fut dénoncée par un garçon bou-
langer nommé Etienne Azéma.
Dans une visite domiciliaire faite
en conséquence chez une pieuse
fille appelée Elisabeth Coste
( V. ce nom), l'on trouva plu-
sieurs de ces gâteaux, ainsi que
beaucoup d'ornemens d'Eglise, et
des vases sacrés. Elle fut arrêtée ;
et la veuve Ballard, soupçonnée
d'avoir participé à ce prétendu
délit, fut également conduite en
prison avec deux hommes très-
attachés à la religion , et qui
étoient connus pour n'avoir de
confiance qu'aux prêtres non ju-
reurs [V. Jacques Lazuttes et
Ant. Fr. Alex. Roiland). Ces
quatre personnes furent traduites
ensemble , avec huit prétendus
complices, devant le tribunal ré-
volutionnaire de YHérault ,
siégeant sur le théâtre de Mont-
pellier. Les huit derniers accusés
ayant été les uns acquittés, et les
autres condamnés seulement à la
détention jusqu'à la paix, nous ne
devons pas en parler; mais nous
ne pouvons nous refuser à don-
ner quelques traits de la sentence
BAL i33
par laquelle la veuve Ballard fut
condamnée à la mort avec les
trois autres personnes , sous le
ridicule prétexte des galettes.
Cette sentence, en date du 19
germinal (8 avril 1794 ), sera
rapportée plus en entier à l'ar-
ticle d'Elisabeth Coste, qui fut la
principale accusée. Le jugement
supposa que ces galettes « ten-
doient à favoriser les projets hos-
tiles des émigrés déportés et
autres ennemis de la république ».
Par ce mot déportés il devient
évident que les victimes avoient
secouru des prêtres ; mais , dans
cette sentence, on ne voit d'autre
charge particulière contre la veuve
Ballard que « d'avoir donné à
facturer, d'avoir caché ou conservé
une partie de ces galettes »; et l'on
peut dire affirmativement qu'elle
ne fut immolée que parce que ses
vertus et sa piété l'avoient fait
participer à des bonnes œuvres
dont la religion et les prêtres fi-
dèles étoient l'objet. Elle fut déca-
pitée le même jour; et ses biens
furent confisqués au profit de la ré-
publique. Les jurés étoient Poujet,
ancien clerc de procureur; Gaus-
suin, facturier; Rousset, bridier;
Moulinier , ferblantier ; André
Laval, propriétaire; Aimé Roi,
dit Egalité , ancien ga,rçon bou-
langer ; Sabbatier , cordonnier ;
Ferren , chapelier, le seul qui ne
vota pas la mort; Lacazc, commis
de bureau , et Hermct, aubergiste.
{V. Bernardon.)
ï34 BAL
BALLET (Etienne), Chartreux
et prêtre de Lyon, travailloit de-
puis quelque temps d?ns le saint
ministère , et s'y reodoit très-re-
commandable par ses succès ,
comme par son zèle et sa piété.
On l'arrêta après le siège de cette
ville ( V . Lyon) ; et les juges,
n'ayant éprouvé que le plus intré-
pide refus à la demande qu'ils lui
avoient faite de leur livrer ses
lettres de prêtrise , le condam-
nèrent à la mort. Quand il se vit
entre les mains de l'exécuteur avec
un laïc qui devoit subir avant lui
le supplice de la guillotine , il
demanda à se trouver alors sur
l'échafaud pour s'y accoutumer
à mourir, en le voyant décapiter.
Il obtint ce triste avantage; et,
s'étant mis à genoux au pied de
l'instrument fatal , il pria avec
line ferveur qui excita l'admira-
tion des spectateurs , même de
ceux qui étoicnt les plus animés
contre la religion et les prêtres.
S'étant ensuite relevé de lui-
même, il alla à l'endroit où il de-
voit être attaché à l'instrument de
mort, et consomma son sacrifice
avec un courage inexprimable, le
i" ou 2 janvier 1794 (12 ou
1 3 ni vose an II ) , à l'âge de 60 ans.
[V . J. Badin et Baemondière.)
BALMAIN (N...), prêtre de la
congrégation des Eudistcs de Pa-
ris , ne s'étoit pas moins fait remar-
quer que ses confrères en 1791,
par son opposition aux erreurs de
!a constitution civile du clergé.
BAL
et par ses vertus. Les impies ne
le perdirent pas de vue; et le ter-
rible 10 août étant venu leur don-
ner tout pouvoir sur les minis-
tres fidèles de la religion, Bal-
main fut du nombre de ceux qu'ils
arrêtèrent. Quand il eut refusé
devant !e comité le serment de la
constitution civile du clergé,
il fut enfermé , comme inser-
menté, dans l'église des Carmes,
où il eut, entre autres consola-
tions, celle de se trouver avec son
supérieur ( V. Hébert), et huit
autres Eudistes {V. Beaulieu).
Les trois prélats qu'ils avoient
pour compagnons de leur capti-
vité ( V. Dulatj , La Bochefou-
cauld) , virent Balmain se rendre
aussi digne qu'eux de la palme
du martyre qu'ils subirent le a
septembre suivant. Balmain se
présenta aux assassins avec la
même fermeté qu'il avoit dans sa
croyance; et périt, comme ses
compagnons, avec la joie d'être
trouvé digne de mourir pour la
cause de Jésus- Christ. [}r. Sep-
tembre).
BALMONDIÈBE (Phh.ipfe
Bottu de La)^ chanoine de la ca-
thédrale de Mâcon, où il étoit né,
et prêtre fidèle à sa Foi comme à
ses devoirs ecclésiastiques, ne vou-
lut adhérer en aucune manière à la
constitution civile du clergé.
La ville de Mâcon étant des plus
échauffées par l'esprit révolution-
naire , et celle de Lyon où La
Balmondière avoit des parens,
BAL
possédant un grand nombre de ca-
tholiques, il vint s'y réfugier. Cet
asile lui paroissant assez sûr, il se
dispensa de sortir de France , lors
de la loi de déportation, rendue
le 26 août 1792. Il conçut même ,
pendant le siège de Lyon en 1793,
quelque espoir de voir naître un
ordre de choses politiques , qui
favoriseroit le rétablissement du
règne de la religion. Mais ses espé-
rances furent cruellement déçues
lorsqu'après que cette ville eut été
subjguéue , les proconsuls de la
Convention y créèrent une com-
mission révolutionnaire char-
gée d'envoyer à la mort le plus
grand nombre possible de Lyon-
nais {V. Lyon). La Balmondière
fut arrêté, parce qu'il honoroit le
sacerdoce par ses vertus. La fé-
roce commission le condamna à
périr sur Péchafaud, le 1" nivose
an II (21 décembre 1793), en le
qualifiant de «prêtre fanatique»,
c'est-à-dire , de prêtre catholique
et zélé. Son âge étoit alors de 61
ans. [V, Ballet et J. P. Baracd).
BALOT (Jean), prêtre et reli-
gieux Cordelier, du comtat Ve-
naissin , étoit resté en France sans
avoir voulu faire le serment schis-
matique. Betiré à Valréas, près
Carpentras, il y fut arrêté dans
le temps de la plus violente
effervescence de l'athéisme; et,
traduit devant le tribunal criminel
du département de Vauchuc,
siégeant à Avignon, il y fut con-
damné le 27 pluviôse an II ( 1 5 fé-
BAL i35
vrier 1794) 5 à périr sur l'échafaud
en qualité de « prêtre réfractaire» ,
et périt en effet le même jour.
BALZAC (Pierre-Paul), prê-
tre de la congrégation de ?aint-
Nicolas-du-Chardonnet, à Paris,
vivoit avec les autres prêtres de
sa communauté , et ne se laissoit
pas surpasser en zèle et en piété
par ses confrères. Il avoit mani-
festé, en 1792, son opposition à
l'hétérodoxe constitution civile
du clergé, décrétée par l'Assem-
blée constituante, ainsi que son
éloignement du serment d'y adhé-
rer et de la maintenir. Le i5août, il
fut arrêté avec son supérieur {V .
Andriexjx), et neuf prêtres de la
même maison. On le conduisit
avec eux au comité civil de la
section , qui les écroua comme
prisonniers dans la maison du sé-
minaire de Saint-Firmin{V . Le-
françois). Beaucoup d'autres prê-
tres également inassermentés ,
parmi lesquels étoient ceux - là
même de ce séminaire, s'y trou-
vèrent comme eux captifs de Jé-
sus-Christ. Il partagea les divers
exercices de piété , par lesquels
ils se préparoient à subir pour
leur Foi la mort violente, dont ils
ne pouvoient se dissimuler qu'ils
étoient menacés. Le jour de leur
martyre étant arrivé le 3 sep-
tembre, Balzac périt du même
genre de mort qui termina la vie
des compagnons de sa captivité.
Il avoit alors 42 ans< ( ^- Sep-
tembre. )
i36 BAN
BANNASSAT (Antoine), prê-
tre , curé de Saint - Fiel , vice-
régent de l'official de Guéret,
en l'officialité de Limoges , né
à Guéret même . fut député du
clergé de la sénéchaussée de
Guéret, en Haute-Marche, aux
Etats-Généraux. Non seulement
il refusa le serment de la consti-
tution civile du clergé dans la
célèbre séance de l'Assemblée
constituante du 4 janvier 1791 ,
mais encore il avoit signé, le 19
novembre 1790, avec vingt -six
autres prêtres, députés comme
lui, l'adhésion kY Exposition des
principes des évéques députés
sur cette constitution civile du
clergé; et avoit même signé avec
titre de député du Guéret. « Ce
vénérable pasteur, est-il dit dans
un Mémoire imprimé depuis
long-temps, étoit également re-
commandable par ses talens et par
sa piété ». Homme savant et bon
prêtre , il jouissoit de toute l'es-
time de l'évêque de Limoges ,
et de ses concitoyens. Que de
titres à la proscription en ces
temps d'impiété ! Bannassat ne
sortit point de France ; et il ré-
sidoit dans le département de la
Creuse, lorqu'en 1793, les révo-
lutionnaires du pays s'emparèrent
de sa personne. Il fut condamné
à la déportation au delà des mers,
et conduit à Bochefort pour y être
embarqué. Il le fut sur le navire
tes Deux Associés [V. Roche-
fort). Terminant sa vertueuse vie
BAN
par le martyre, il expira le 18
août 1794, à l'Sge de 65 ans; et
c'est dans l'île à'Aix que reposent
ses cendres. (V. J. B. Auzanet et
F. Baudinet.)
BANQUE (N...), prêtre,
exerçoit son ministère , en qualité
de chapelain, dans l'hospice de
Saint- Jacques de l'Hôpital,
à Paris. Les séductions de la
constitution civile du clergé le
trouvèrent inébranlable dans la
Foi ; et il refusa de prêter le ser-
ment exigé dans cette circons-
tance. Les actes de charité que ,
dans cet hospice, il avoit exercés
envers tant de gens pauvres , l'a-
voient trop fait connoître du peu-
ple, pour que ce peuple, à la fin
égaré par l'impiété , ne le désignât
pas aux persécuteurs. Banque fut
même, en quelque sorte, livré
par les malheureux auxquels il
avoit donné les consolations de la
religion, dans leurs maladies. Peu
de jours après le 10 août 1792,
il fut donc arrêté ; et le comité de
la section du Luxembourg , de-
vant lequel on le traduisit , ne pou-
vant obtenir de lui le schismatique
serment, le fit enfermer dans l'é-
glise des Carmes, avec les autres
prêtres fidèles qu'on y amenoit de
toutes parts {V. Dclau). Le jour
de leur immolation, 2 septembre
suivant, il partagea leur sort, et
fut égorgé à son tour, pour n'a-
voir pas voulu trahir sa Foi, et
manquer aux devoirs de sa cons-
cience. ( V. Septembre.) ,
BAR
BARASLE ( Marie - Eugénie
de), religieuse d'un couvent de
Cambrai, s'étoit retirée, après lu
suppression des ordres monas-
tiques, dans la maison de son
frère Mathieu de Barasle , gentil-
homme du Cambrésis. Lorsque
le proconsul Joseph Lebon eut
porté dans cette province, ses fu-
reurs contre la religion et les per-
sonnes consacrées à Dieu ; lorsqu'il
eut fait venir à Cambrai son impie
tribunal révolutionnaire, Marie-
Eugénie, et sa sœur Marie-José-
phine, qui étoit dans le même
asile , furent arrêtées , ainsi que
leur respectable hôte [V. Abras).
Le proconsul ne tarda pas à les
faire condamner par les monstres
qu'il appeloitjw</e*y et, le 1 7 prai-
rial an II (5 juin 1794), la reli-
gieuse Marie-Eugénie fut envoyée
à l'échafaud , comme « traître à la
patrie », ainsi que sa sœur et son
frère. {V. R. Bâcler, et M. J. N.
Barasle).
BARASLE ( Marie-Joséphine-
Nedonchel de ) , religieuse d'un
couvent de Cambrai, s'étoit re-
tirée, après la suppression des
cloîtres, dans un asile commun ,
avec l'autre religieuse de son nom ,
dont nous venons de parler. Le
proconsul Joseph Lebon, ayant
transporté d'Arras à Cambrai ,
son tribunal révolutionnaire, et
cherchant spécialement les per-
sonnes pieuses, pour les immo-
ler, ne manqua pas de faire saisir
Cés deux religieuses. Elles furent
BAR 137
livrées aux bourreaux qu'il appe-
loit juges; et cet impie tribunal
envoya au dernier supplice Marie-
Joséphine, avec Louise-Eugénie,
le 17 prairial an II (5 juin 1794)»
comme « traîtres à la patrie »,
parce qu'elles faisoient profession
de piété. {V. M. E. Barasle, et
J. Barbier.)
BARAUD (Louis), prêtre, reli-
gieux Carme , âgé de 66 ans ,
exerçoit avec fruit, quoique avec
gêne , son ministère , à Lyon ,
pendant l'insurrection des Lyon-
nais contre l'infâme Convention.
Le P. Baraud fut requis pour être
de quelque utilité à leur système,
et ne put s'empêcher d'être secré-
taire d'une de ces assemblées qu'on
appeloit sections. Lorsque ensuite
la commission révolutionnaire
de Lyon, cherchant à multiplier
ses victimes, avoit tant de soin
d'y comprendre tout ce qu'on pou-
voit découvrir de prêtres , le P. Ba-
raud fut arrêté ( V. Lyon). En
vain chercha-t-on à lui faire prê-
ter le serment de liherté-èyalité ,
et livrer ses lettres de prêtrise; il
aima mieux mourir, et fut con-
damné à la mort , comme « secré-
taire de section et prêtre contre-
révolutionnaire » , le 28 frimaire
an II (18 décembre 1793). ( V . Et.
Ballet et J. R. Bardanèche.)
BARRERON (Marie-Jeanne),
âgée de 47 ans, maîtresse d'une
maison d'éducation à Orléans ,
tout en exerçant cette honorable
et utile profession, avec sa sœur
j58 bah
( V. ci-après), pratiquoit avec elle,
en particulier, pendant la sacrilège
terreur de 1795, les devoirs de sa
religion. C'est déjà faire connoître
qu'elle avoit préservé sa Foi de
toutes les atteintes de l'erreur
constitutionnelle. Pour avoir plus
à leur disposition un ministre du
Seigneur, comme aussi pour le
soustraire aux recherches homi-
cides des révolutionnaires, elle
avoit donné asile à un prêtre de
la congrégation de Saint-Sulpice,
nommé Ploquin [V. ce nom), et
avoit même accueilli un jeune
homme déjà très-pieux, qui ne
couroit pas de moindres dangers
{F. Bimbenet). Ces deux héroïnes
de l'hospitalité chrétienne furent
dénoncées par un homme qui te-
noit à loyer un petit appartement
dans leur maison; et on vint les
arrêter, avec leurs deux hôtes,
dans la nuit du 11 au 12 sep-
tembre îjgô. Elles ne tardèrent
pas à être conduites avec eux à
Paris , par des gendarmes. On
pourra voir les touchantes parti-
cularités de leur voyage à l'article
de Bimbenet. Elles ne désiroient
pas moins que lui et le prêtre
Ploquin, de confesser leur Foi
devant l'impie tribunal ; mais elles
n'y furent appelées qu'après quatre
mois de séjour dans les prisons de
la capitale. Leur constance, loin
d'être fatiguée par ce délai, en
devint plus affermie. De concert
avec sa sœur, et en présence de
leurs deux hôtes, Marie - Jeanne
BAR
Barberon se fit gloire d'avoir ac-
compli un devoir de la religion,
en donnant asile à deux hommes
vertueux que la persécution me-
naçoit ( V. i' Alix); et elle fut
condamnée comme eux, avec sa
sœur, à perdre la vie, parce qu'elle
les avoit cachés dans leur domi-
cile.Le contentement qu'elles res-
sentirent de mourir ainsi pour une
action religieuse faite en vue de
Dieu , se manifesta sur leur phy-
sionomie. Une personne de leurs
amies, qui étoit dans la prison,
et qui y vit revenir du tribunal ces
deux saintes filles , avec leurs deux
hôtes, condamnés comme elles à
la peine de mort, a dit, dans une
lettre du 27 novembre de l'année
suivante : « Ces condamnés des-
cendirent du tribunal, et passèrent
si près de moi , qu'avec une Foi
plus vive que la mienne, j'aurois
pu me jeter à leurs pieds, et me
recommandera leurs prières (1) ;
mais je n'entendis que trop forte-
ment la voix de l'amitié : je fondis
en larmes, et je mis mon visage
dans mon mouchoir, pour les lais-
ser couler sans offenser personne.
Leur visage portoit un calme ,
une sérénité, une majesté qui ne
s'effaceront jamais de ma mé-
moire. Déjà consommés en Dieu,
(1) Ainsi en avoient agi les fidèles
en voyant aller au supplice le saint
Martyr Lucius, vers a5g. Ils l'invo-
quoient déjà en lui disant : Frater,
mémento nostri. (Ruinart : Passio SS.
Montant , Lucii, etc. n° xn.)
BAH
ils ne voyoîent que lui». Marie-
Jeanne Barberon, ainsi que sa
sœur, prirent part au cantique de
louanges que le jeune Bimbenet
entonna, lorsqu'il montoit sur l'é-
cliafaud. Elle perdit ainsi la vie
périssable de la terre, pour la
vie immortelle , le même jour,
25 février 170,4 ? alors appelé Je
7 ventôse de l'an II de la répu-
blique.
BABBERON (Elisabeth), sœur
puînée de la précédente, et âgée
de l\i ans, exercoit en commun,
avec elle, à la grande satisfaction
des honnêtes gens d'Orléans, la
profession d'institutrice. Elle par-
tageoit aussi ses affections pieuses
et ses œuvres de bienfaisance.
C'est à elle , ainsi qu'à Marie-
Jeanne Barberon, que le vertueux
prêtre Ploquin et le jeune Bim-
Jienet durent l'asile qu'ils reçurent
chez ces deux saintes fdles. Elisa-
beth , comme sa sœur, leur dut
à son tour la gloire du martyre.
On a déjà vu, dans l'article pré-
cédent, que toutes les deux furent
arrêtées en septembre 1793, et
conduites ensuite à Paris, pour y
être immolées par le tribunal ré-
volutionnaire. Elle le fut donc
pareillement le a5 février suivant.
Les sentimens religieux d'Elisa-
beth furent aussi héroïques que
ceux de sa sœur; et tout ce que
nous avons raconté d'admirable
sur la manière avec laquelle celle-
ci marcha à la mort, appartient
également à celle-là. (V. M. J.
BAR 1%
Bauberon, B. Bimbenet, et J. M.
Ploqvin.)
BARBIER (Jean), marchand
dans la ville d'Aire , en Artois ; et
né à Veselie en Lorraine, fut du
nombre des catholiques fidèles
qui, lors du schisme constitu-
tionnel de 1791 , signèrent une
adresse aux administrateurs du
département du Pas-de-Calais,
pour obtenir , conformément à
la liberté de culte alors décrétée ,
qu'il leur fût permis de faire des-
servir l'église paroissiale de Notre-
Dame d'Aire par des prêtres non-
assermentés. L'apostat Lebon ,
envoyé proconsul dans cette pro-
vince, ne pouvoit pardonner cet
acte de Foi catholique ; il se fit
amener Barbier, et le livra à son
tribunal révolutionnaire alors
siégeant à Arras , avec injonction
de l'envoyer à la mort ( V . Arras).
Jean Barbier fut donc condamné
au dernier supplice le 2 prairial
an II (21 mai 1794) pour ce té-
moignage éminent de sa Foi , sans
autre motif énoncé dans la sen-
tence, et par conséquent d'une
manière bien évidente en haine
de la religion catholique. ( V . M. J.
Barasle et M. J. D. Bataille.)
BARBIN (Jean), prêtre du
diocèse d'Angers , vicaire en la
paroisse de Saint -Laurent -des-
Autels , près d'Anccnis en Anjou ,
y étant resté pour les besoins
spirituels des catholiques, y fut
arrêté vers la fin de l'année 1793,
époque des plus grandes fureurs
i4o BAR
de l'athéisme. On le conduisit
dans les prisons de Saint-Malo ;
et la commission militaire qui y
étoit établie pour immoler tous
ceux qu'on lui amèneroit, sans
autre procédure que de les qua-
lifier brigands de la Vendée
(V. Vendée), condamna comme
tel le vicaire Barbier à la peine
de mort, le 12 nivose an II (1"
janvier 1794)-
BARDANËCHE (Jacqtjes-Rai-
mond), né à Saint-Jacques-des-
Arrêts , canton de Villefranche ,
en Beaujolais, étoit curé dans le
diocèse de Lyon. II avoit été
forcé de s'éloigner de sa paroisse
par suite de son refus du serment
à la constitut ion civile du clergé,
et s'étoit retiré dans son pays na-
tal, où il remplissoit en silence
ses devoirs de chrétien et de prê-
tre de Jésus- Christ. Lorsque les
proconsuls envoyés à Lyon par la
Convention vers la fin de 1793,
y eurent établi cette inipie com-
mission révolutionnaire qui en-
voyoit à la mort tous les honnêtes
gens qui lui étoient livrés , ses
agens ne négligeoient pas la com-
mission particulière qu'ils avoient
de donner la chasse aux prêtres,
et de les faire périr. Le curé Bar-
danèche fut arrêté dans sa retraite ,
et traîné à Lyon devant le farou-
che tribunal [V. Lyon). Vaine-
ment il lui demanda le serment
de liberté-égalité, le seul qu'on
exigeoit alors ; le curé Bardanè-
che le trouvant aussi criminel que
BAR
celui qu'il avoit auparavant refusé,
ne voulut point le prêter, et fut
aussitôt condamné à la peine de
mort, comme « contre - révolu-
tionnaire, et prêchant le fana-
tisme » , c'est-à-dire la religion.
Ce jugement qu'il ne tarda point
à subir, à l'âge de 56 ans, fut
rendu le 16 pluviôse an II (4 fé-
vrier 1794)- ( V- L. Barabd et
C Barrier.)
BARDAS (iV...), chapelain de
Ligny, dans le diocèse de Toul,
étoit né à Bar -sur - Ornain , au
même diocèse , vers 1734- U
n'adhéra point aux innovations
schismatiques de 1791 , et se
maintint dans toute la pureté de
la Foi catholique, au milieu des
impiétés qui inondèrent la France
surtout à la fin de 1792. Sa con-»
tlition de prêtre non fonctionnaire
public, et son âge, lui parurent
des motifs suffisans pour ne pas
sortir de France ; et il resta dans
sa ville natale , alors comprise
dans le département de la Meuse.
On l'y surprit en 1793; et bientôt
condamné à la déportation au delà
des mers, il fut traîné à Roche-
fort , et embarqué sur le IV a-
shington [V. Rochefort). Les
forces de son âge ne correspondi-
rent point au courage de sa Foi. H
succomba sous le poids des maux
qu'on y souffroit, et rendit son
dernier soupir , à 60 ans , dans le
printemps de 1 794- On n'a pu nous
dire où il fut enterré. {V. F. Bar^
dinet et L. Barnon.)
BAR
BARDINET (François), prêtre,
chanoine régulier de la congréga- cèse de Limoges, étoit né à Saint-
tion de France, dite de Sainte- Léonard-de-Noblac, dans le même
Geneviève , étoit conventuel de diocèse. II se tint à l'écart du
la maison que son ordre possé- schisme constitutionnel de 1791 ,
doit au Mans. Limoges lui avoit et en repoussa le serment. Il n'ac-
donné le jour en 1751. Les inno- cueillit pas mieux la proposition
vations impies de 1791 et 1792 ne de faire celui de liberté-égalité.
le virent point dévier des prin- Homme instruit dans les sciences
cipes de la Foi catholique; et les de son état, il l'étoit encore dans
révolutionnaires ne lui pardon- les arts, et notamment celui de
noient point cette constance. Us la peinture ; mais les choses de la
l'arrêtèrent en 1793, a Limoges, Foi étoient alors les seules qui
où il s'étoit retiré depuis la sup- pussent l'intéresser. Il ne sortit
pression des établissemens mo- point deFrance , lors de la mena-
nastiques. Les autorités du dépar- çante loi du 26 août 1792, et con-
tement de la Haute -Vienne le tinua de résider dans sa province,
condamnèrent à la déportation Il y fut arrêté en 1793 ; et , au com-
à la Guiane; et il fut en consé- mencement de 1794» on le fit
quence conduit à Rochefort pour conduire à Rochefort pour être
y être embarqué [V . Rochefort). déporté au delà des mers [V . Ro-
On le mit sur le navire les Deux chefort). Emprisonné dans cette
Associés; et, après y avoir souf- ville, il y devint si dangereuse-
fert pendant plusieurs mois , il ment malade qu'on ne put se dis-
succomba dans la nuit du 6 au 7 penser de le porter à l'hôpital, où
septembre 1794? à l'âge de 43 il mourut, à l'âge de 42 ans, le
ans. C'étoit un excellent ecclé- 20 avril 1794? sans pouvoir être
siastique. Ses cendres reposent embarqué. ( V. Bardas et J. B.
dans l'île Madame. (V. A. Ban- Barthélemi. )
nassat et Bardas.) BARREAU (Dom Loris), reli-
BARILLÈRE ( François - Jé- gieux bénédictin de la congréga-
rôme), chanoine et vicaire-génc- tionde Saint-Maur, neveu de dom
rai. (V. F. J. Couasnon.) Chevreux , général de l'ordre
BARNABE (Le Père), reli- ( V. Chevreux ), n'étoit encore
gieux du tiers-ordre. (V. J. B. Jh que diacre Iorsqu'arriva ce fatal
Grandmaire.) 10 août, qui affranchit de tout
BARNON (Léonard), prêtre, légalementcomprendredom Louis
chanoine de la collégiale de Suint- Barreau parmi les prêtres asser-
BARNABÉ (Le Père), Ca-
pucin. (V. J. F. Jeanson.)
frein les ennemis de la religion et
de ses ministres. On ne pouvoit
i.,2 BAli
mentés qu'alors on arrêt oit, pour
les égorger quelques jours après,
puisque, n'étant que diacre, et
n'ayant d'ailleurs aucune fonction
publique, il ne pouvoit avoir été
astreint au serment de la constitu-
tion civile du clergé. Mais on
lui connoissoit des vertus qui le
lui auroient fait refuser; il étoit
attaché de très-près au service des
autels, et il étoit trop digne neveu
d'un religieux illustre par ses lu-
mières et par sa piété, pour ne
pas être associé à son martyre. Il
fut donc arrêté comme lui, après
le 10 août 1792. Le comité de la
section du Luxembourg , devant
lequel il fut amené, lui demanda
le serment ; dom Barreau , le refu-
sant, comme contraire à sa cons-
cience, fut envoyé prisonnier dans
l'église des Carmes, avec son
oncle , et nombre d'autres véné-
rables prêtres ( V . Dulau). Désor-
mais inséparable d'eux, dans tous
leurs actes de piété, il mourra de
la même mort violente, et pour
la même cause. Ferme dans sa
Foi, il en reçut la récompense de
la main des assassins qui , le 2 sep-
tembre , donnèrent à l'Eglise tant
de nouveaux Martyrs. (F. Sep-
tembre.)
B ARRET (iY...), prêtre,
vicaire de l'église paroissiale de
Saint-Roch, à Paris, se distin-
guoit par un zèle très-éclairé. On
peut juger du noble caractère de
sa piété , par l'idée qu'il eut de
publier, pour l'édification des
BAR
lidèles, un Recueil des pensées
de Bossuet. Edifiant autant qwe
zélé, il avoit d'ailleurs toutes Les
qualités de l'esprit et du cœur qui
peuvent faciliter les succès du
saint ministère , dans le prêtre qui
l'exerce. Sa loyauté, sa droiture
et son exquise sensibilité, char-
moient tous ceux auxquels il
parloit. Obligeant pour tout le
monde, plein de douceur envers
les pauvres, il ne laissoit, pour
ainsi dire , l'administration des
sacremens, la célébration des of-
fices divins, et la prédication de
l'Evangile , que pour se livrer aux
œuvres de la charité chrétienne.
Jeune encore, il promettoit a
l'Eglise des services irnportans,
lorsque son zèle reçut des entraves
par cette constitution civile du
clergé dont il lui auroit fallu
faire le serment illicite pour con-
tinuer librement ses fonctions.
Mais ce serment ne pouvoit être
fait par un aussi bon prêtre : il le
refusa; et ce fut un prétexte à
l'impiété , pour se débarrasser de
ses exemples comme de ses exhor-
tations, lorsque, le lendemain du
10 août, elle rechercha les prêtres
insermentés, avec le dessein de
s'en défaire. Barret fut arrêté. Le
comité de la section du Luxem-
bourg, ne pouvant obtenir de
lui le même serment, le fit em-
prisonner dans l'église des Car-
mes* avec tant d'autres semblables
confesseurs de la Foi {V. Dilau) ;
et il y fut massacré avec eux, le
BAR
2 septembre suivant. ( V. Sep-
tembre.)
BARREZ (Jeanne-Louise), re-
ligieuse Ursuline de Valenciennes,
née, vers 1748, à Sailly en Ostre-
vant, dans le Hainaut, assez près
d'Arras, avoit pris l'habit de l'or-
dre de Sainte - Ursule , à Valen-
ciennes, le 16 janvier 1770, et
fait ses vœux le 20 janvier 1777,
1 sous le nom de sœur Marie-Cor-
dule - J oseph de Saint - Domi-
j nique. A la destruction des cloîtres,
en 1791, elle n'abandonna pas
sa règle, et ne se sépara point de
sa supérieure ( V. M. C. José-
phine Paillot). Elle la suivit à
Mons, lorsque la persécution,
augmentant chaque jour, ne leur
permettoit plus de vaquer libre-
ment à leurs saints exercices, et
en revint avec elle , après que les
Autrichiens , ayant pris Valen-
ciennes, le i"août 1793, y eurent
rétabli l'ordre et la paix ( V . Va-
lenciennes). Mais, quand ils furent
obligés d'évacuer cette ville, le
< 1" septembre 1794 5 la religieuse
j. Barrez , comme ses compagnes et
les prêtres , devint la proie des per-
sécuteurs. On la jeta dans les fers ;
j, elle fut traduite devant une eom-
|j mission militaire , avec quatre
,. ' autres religieuses, et quatre mi-
j, nistres du Seigneur, le 2 bru-
maire an III (23 octobre 1794),
t. lorsque la Convention , depuis
deux mois et vingt-huit jours , van-
tant son 9 thermidor, rejetoit
jj sur Roberspicrre toutes les atro-
BAR 143
cités commises auparavant ( V . M.
C. Joséphine Paillot, M. M. Le-
roux, A. J. Leroux, L. Lacroix,
Laisney, Druez, J. Saudeur, et
Brûlé ). Les proconsuls dissimu-
lant, autant qu'ils le pou voient,
leur haine de la religion, avoient
imaginé, contre ces victimes, le
prétexte de leur sortie de France;
et les juges bornèrent toute la
procédure à leur demander si elles
avoient émigré. Incapable , autant
que les autres, do racheter sa vie
par un mensonge, la religieuse
Barrez répondit avec franchise; et
c'en fut assez pour que les juges
la condamnassent à la peine de.
mort, comme «émigrée-rentrée».
Déjà, le 16 du même mois, cinq
autres religieusesUrsulines avoient
péri de la même manière [V . H.
Bourlat , et M. C. Joséphine Pail-
lot). Lorsque la sœur Barrez alla
au lien du supplice, se félicitant
d'être la compagne des huit autres
victimes religieuses, elle récitoit,
avec ses sœurs, les Litanies des
Saints; et sa mort fut celle d'une
Martyre qui en reçoit la palme
dans le ciel. ( V. Auchin et D. Bel-
trémieux.)
BARRIER (Claude), né à Us-
son, bourg de la province du Fo-
rez , étoit jeune et nouvellement
prêtre , lorsque l'Assemblée cons-
tituante demanda le serment de
la constitution civile du cterqé-
Barrier eut la foiblesse de le prê-
ter; mais, reconnoissant ensuite
sa faute, il l'expia par une ré-*
144 BAK
traclaiion généreuse et solennelle,
qui prouvent la sincérité de sa Foi.
Inhabile, par cela même, à occu-
per aucune place du nouvel ordre
de choses ecclésiastiques, et ab-
horrant le schisme qu'elles avoient
introduit dans l'Eglise , il vécut
retiré dans sa famille, à Usson.
L'édification de son retour à l'u-
nité ne pouvoit lui être pardonnée
par les révolutionnaires; et ils
attendoient impatiemment l'occa-
sion de s'en venger. Us en trouvè-
rent une infiniment propice à leurs
vues, dans la recherche qu'à la fin
de 1793, les agens de la commis-
sion révolutionnaire de Lyon fai-
soient desprêtres, pour les détruire
( V. Lyoî*). Barrier l'ut saisi et
amené à Lyon. En vain elle essaya
de le forcer à révoquer sa rétracta-
tion , et de l'amener à une aposta-
sie encore plus formelle , par la tra-
dition de ses lettres de prêtrise. 11
ne voulut pas même faire le ser-
ment de iibertc-égaiilé , qui lui
étoit commandé; et il fut con-
damné àlapeine de mort, à l'âge de
28 ans, le 28 ventôse an II ( 18 mars
1794)5 comme « prêtre fanatique ,
ayant rétracté son serment». La
sentence fut exécutée le lende-
main. [V . Bardais èche, J' Beau-
QUIS , et PlERRU.)
BARRY ( Laurent ) , simple
frère de l'ordre des Cordeliers ,
en leur maison de Bordeaux, étoit
natif de Rodez. Après la suppres-
sion des ordres monastiques, il
resta dans la ville de Bordeaux.
BAR
Lediûcalion de sa conduite, le
souvenir de sa jeunesse consacrée
particulièrement à la religion, lui
attirèrent la fureur des persécu-
teurs. 11 fut arrêté et jeté dans
une des prisons de la ville ( V. Bor-
deaux). Sa santé ne put soutenir
tant de maux; et il fut transporté
à l'hôpital de Saint-André , où il
rendit son dernier soupir, le
11 octobre 1795, à l'âge de
45 ans. {V. Bacquet et F. Bau-
DUER.)
BARTHE (Jacques), prêtre du
diocèse d'Albi, né dans la paroisse
de la Terre-CIapied, sur laLisert,
en 1739, fut d'abord contrarié par-
la pauvreté de ses parens, dans le
désir de s'instruire qui étoit déjà
l'indicede sa vocation à l'état ecclé-
siastique. Il ne put commencer
qu'à 27 ans ses études théolo-
giques , au séminaire d'Albi. Les
progrès qu'il y lit, tant sous le
rapport de la science que sous celui
de la piété , le rendirent très-digne
d'être promu au sacerdoce . à
l'âge de 3o ans. Ses supérieurs
l'envoyèrent alors desservir l'an-
nexe de Saint-Etienne de Tarabu-
set, dépendante de la cure de
Teillet, près la limite du diocèse
de Castres, et non loin du lieu de
sa naissance, en l'annonçant de
la manière la plus avantageuse au
curé de cette paroisse. Us lui écri-
virent qu'ils lui donnoient un de
leurs meilleurs sujets , tant sous
le rapport de la piété que sous
celui de l'instruction* Le zèle eç
BAR
la rie exemplaire de ce •vicaire
produisirent à Tarabuset le plus
grand bien; et, quand la révolu-
tion eut ensuite obligé les curés
et les desservans d'abandonner
leurs églises , Barthe , ayant trouvé
un asile sûr dans son canton, fut
du plus grand secours aux pa-
roisses voisines. 11 se transportant
partout où son ministère pouvoit
être nécessaire, et sans être retenu
par la crainte d'aucun danger. La
seule qu'il eut , surtout depuis
la lin de 1792 , étoit de com-
promettre les fidèles chez lesquels
il alloit, ou qui lui donnoicnt
asile, attendu la peine de mort
décernée contre quiconque ac-
cueilleroit un prêtre. Dans ses
courses apostoliques, il étoit venu
à Albi, pour quelque fonction de
son ministère; et la persécution y
étoit alors fort animée contre les
prêtres fidèles et leurs hôtes chari-
tables. Barthe logeoit secrètement
chez un pauvre cordonnier nommé
Sudre, qui, depuis trente-deux
ans , offroit , avec sa femme , le
spectacle d'une vertu éclatante,
dans une condition obscure. Les
agens de la persécution y décou-
vrent Barthe, et le font enlever,
ainsi que ses hôtes et un de leurs
voisins qui, exerçant la même
profession, avoit avec Sudre des
liaisons de piété. Quinze fusiliers
les traînent dans les prisons de
Castres, en leur faisant éprouver,
sur la route, toutes sortes d'ou-
trages et de mauvais traitemens.
2,
BAR 145
Le calme et la résignation de
Barthe , en soutenant le courage
de ses trois comoagnons d'in-
fortune, irritoient davantage les
gardes. Enfin ,1e 5 frimaire an III
( 20 novembre 1794), plus de
quatre mois après la chute de
R b<;rspierre , ces quatre vic-
times sont traduites de/ant le tri-
bunal criminel du département
du Tarn, siégeant à Castres. Il
condamna Barthe à la peine de
mort , comme « prêtre réfrac-
taire » . Son hôte périt avec lui.
{V. J. Si DRE. )
L'évêquede Castres en ce temps-
là, Jean-Marc de Royère, mort
depuis lors en exil, déclaroit Mar-
tyrs ces deux victimes, dans une
lettre que, d'Alcobaça en Portugal
où il étoit réfugié, il écrivit à
Rome, à M. l'abbé d'Auribeau ,
chargé par le pape Pie VI, de
recueillir des Mémoires sur la
persécution française. Cette lettre ,
dont on verra un assez long frag-
ment à l'article du P. J. B. Im-
bert, Dominicain, ayant été com-
muniqucée à Sa Saintté, elle la fit
traduire , à l'instant , en italien ,
pour être insérée en entier dans
le Giornale ecclesiastico di Ro-
ma, où elle le fut en effet, dans
le n". 5o , le 17 décembre 1796.
Le prélat disoit d'abord : « J'ai la
douce consolation d'apprendre
que la plus grande partie des
hahiVAii^e Castres et du diocèse,
est demeurée fidèle à la religion
catholique. Us ont le courage de
10
146 BAR
se rendre dans une église , ou plu-
tôt dans les restes de l'ancienne
église , de s'y réunir deux fois le
jour, les dimanches et fêtes, aux
heures où l'on célébroit aupara-
vant les oflices divins; et cela se
pratique dans toutes les paroisses.
On y fait les prières en commun ;
on y chante des psaumes ; après
une lecture spirituelle, les plus
instruits s'appliquent à faire le
catéchisme aux enfans, et à les
disposer à leur première commu-
nion , quand ils pourront avoir
un prêtre, catholique. C'est vrai-
ment la ferveur et la conduite des
lidèles des premiers siècles de
l'Eglise, pendant la persécution.
Une lettre nouvellement arrivée
de Castres, nous a causé la plus
agréable surprise , en nous assu-
rant que rien n'est plus édifiant
que l'assiduité, l'empressement et
l'ardeur de cette jeunesse, et des
personnes qui se consacrent à la
former ». L'évêque ajoutoit :
v Outre les prêtres catholiques
qui ont succombé aux suites
des traitemens barbares qu'ils
ont éprouvés, il y en a cinq qui
ont reçu à Castres , sur l'écha-
faud , la palme du martyre.
En attendant que je puisse vous
envoyer tous ces pieux détails,
voici ceux que nous venons de
recevoir de France tout récem-
ment, et que je vous prie de
mettre sous les yeux de notre
Souverain-Pontife». Ici le prélat
raconte lo martyre du P. Iinbert,
BAR
et poursuit ainsi, en parlant de
Barthe, dont il ignoroit encore
le nom : « Un jeune vicaire , ca-
ché dans la maison d'un cordon-
nier, se voyant poursuivi, chercha
à se sauver par le toit, d'où étant
tombé, il se fracassa tout le corps
et se rompit une jambe. Il fut pris,
et traîné dans cet état au tribunal
de sang. Son interrogatoire fut
aussi court que celui du P. Im-
l/ert. Sa réponse , animée de la
même Foi, le fil conduire sur-le-
champ à l'échal'aud, où il expira
saintement, comme l'autre Mar-
tyr». Le prélat terminoit sa lettre
ainsi : « Il y a eu encore plusieurs
laïcs immolés par motif de re-
ligion, dont nous nous empres-
serons de vous adresser les
Mémoires , quand ils nous pa-
raîtront suffisamment authen-
tiques». {V . J. A. Alingrin, et
B. G. Cadrier.)
B ART HELE MI (Benoît),
prêtre du diocèse d'Aix en Pro-
vence, et attaché à l'église parois-
siale de Sainte-Madeleine de 1»
ville d'Aix , s'y étoit voué aux
soins des agonisans. D'une piété
modeste, il laissoit oublier par
son humble conduite, les excel-
lentes études ecclésiastiques qu'il
avoit faites ; mais la vivacité de
sa Foi trahit son savoir, quand le
schisme prétendit s'introduire en
France avec les sophismes par
lesquels il défeadoit sa constitu-
tion civile du clergé. Quoique
déjà septuagénaire , Barthéleuu
BAR
combattit avec une plume vigou-
reuse les nouvelles erreurs ; et , ne
pouvant plus exercer son minis-
tère dans les églises souillées par
les schismatiques, il ne dit plus
la messe, et n'administra plus les
sacremens qu'en des oratoires se-
crets, et parmi de bons catholi-
ques. Il leur portoit avec zèle les
consolations et les secours de la
religion quand ils étoient malades.
La loi de déportation étant surve-
nue, les parens et amis du véné-
rable Barthélemi, déjà en butte
à bien des vexations, le suppliè-
rent de sortir de France. Il obéis-
soit à leurs vœux comme à la loi,
en s'acheminant vers les mon-
tagnes qui séparent la Provence
du Comté de Nice. Là encore,
comme ailleurs, se trouvoient des
soldats farouches qui attendoient
les prêtres au moins pour les mal-
traiter {V . Déportation). Ils ac-
cablèrent celui-ci d'outrages sa-
crilèges et de coups meurtriers.
Barthélemi expirant ne pouvoit
aller plus loin ; il fallut le porter
dans l'hôpital de Nice, où bientôt
il mourut des mauvais traitemens
qu'il avoit reçus pour la cause de
l'Eglise catholique.
BARTHÉLEMI (Jean -Bap-
tiste), prêtre et religieux de l'or-
dre des Chartreux, où il s'appeloit
dom Barthélemi , étoit coadju-
teur de la maison de Beausser-
ville , dans le diocèse de Nanci ; le
lieu de sa naissance avoit été Toul
on Lorraine. 11 ne se souilla d'au-
BAR i4j>
cun des sermens révolutionnaires
de 1791 et 1792, et continua
d'habiter sa province. Il y fut ar-
rêté en 1793 comme prêtre inser-
menté; et on le condamna à la
déportation au delà des mers.
Traîné en conséquence à Roche-
fort pour y être embarqué, il fut
mis sur le navire les Deux Asso-
ciés {V. R>>chefort). Les souf-
frances de cette situation le con-
duisirent au tombeau à l'âge de
54 ans. Il expira le i3 août 1794,
et fut enterré dans l'île iïAix.
( V. L. Barnon et N. Barthé-
lemi. )
BARTHÉLEMI (Nicolas),
Bénédictin, de la congrégation de
Saint-Vannes et Saint-Hidulphe ,
conventuel de la maison de Ver-
dun, étoit né dans cette ville, en
1729. Il n'adhéra en aucune ma-
nière à la constitution civile du
clergé, et n'en fit point le ser-
ment; mais l'effroi des événemens
de la fin de 1792, le porta à prê-
ter le serment de liberté-égalité.
Cette condescendance ne le mit
point à l'abri d'une persécution
qui vouloit que les prêtres apos-
tasiassent formellement. Dom
Barthélemi fut arrêté dans sa
province où il continuoit à rési-
der; et les autorités du départe*
ment de la Meuse le condam-
nèrent à être déporté au delà des
mers. Il fut en conséquence mené
à Rochelbrt pour y être embar-
qué. On le fit monter sur le na-
vire les Deux Associés ( V . Ro-
IO.
• 48 BAli
chefort). Le poids des maux
qu'on y enduroit, l'accabla. Il les
regarda comme une punition de
son serment de liber té!- égalité,
et le rétracta en présence de ses
confrères. Ce religieux mourut le
25 août 1794? à l'âge de 66 ans;
et fut enterré dans l'ile Madame.
( V. J. B. Babthélemi et J. P.
Bascle. )
BARTHÉLEMI (Nicolas-
François), natif de Longchamp ,
près Neufchâteau , dans le diocèse
de Toul, âgé de t\i ans , ancien
curé, domicilié a Senonges, près
de Mireeourt, au même diocèse,
fut condamné à mort le 22 vendé-
miaire an II (i5 octobre 1790),
par le tribunal révolutionnaire
de Paris, comme complice d'une
prétendue conspiration de Rouen ,
dans laquelle trois jours après l'on
impliqua non moins injustement
la Reine de France, Marie -An-
toinette d'Autriche. Il refusa le
ministère d'un prêtre jureur schis-
matique qui se présenta pour le
confesser, et demanda qu'on mît
seulement un crucifix sur ses
genoux. Il le regardoit avec com-
ponction, paroissant fort occupé
de l'autre vie , et du consolant
espoir de recevoir bientôt la ré-
compense due à sa piété et à son
amour pour la religion. C'est
l'auteur impie de l'ouvrage : Le
Glaive vengeur , qui lui-même
raconte cette particularité comme
témoin oculaire, en ajoutant cette
réflexion sacrilège : « Consolant
BAS
espoir, délicieuse pensée, si tous
les billets étoient gagnans dans la
loterie de l'Eternité ! »
BARTHÉLEMI (Le Père),
Capucin. [V . Jh Flelrence.)
BASCLE (Jacques-Philippe) ,
curé d'Allac- Champagne, dio-
cèse de Saintes, né au même lieu,
n'y donna point le scandale de
la prestation du serment de la
constitution civile du clergé.
Les événemens de la fin de 1792
l'effrayèrent au point qu'il prêta
le serment de liberté- égalité.
Cette condescendance de foi-
blesse ne le mit point à l'abri
de la persécution en 1790. Il
avoit montré en 1791, qu'il ne
consenliroit jamais à abandonner
la Foi catholique ; et il conti-
nuoit à résider dans sa province,
et même dans sa paroisse. On
l'y arrêta, et l'on décida qu'il se-
roit déporté à la Guiane. Con-
duit à Roche fort et embarqué sur
le navire tes Deux Associés
(F. Rochefort), il ne put sou-
tenir les maux de cette espèce de
prison ; et, voyant qu'il étoit près
de rendre compte à Dieu de sa
conduite , il craignit de porter
devant le tribunal suprême le
crime du serment de liberté-éga-
lité, et le rétracta en présence de
ses confrères. Ce curé, sacrifié en
haine de la religion, mourut dans
la nuit du 22 au 25 août 1794»
et fut enterré dans l'île Madame.
(V. N. BARTHÉLEMI et J. B. O.
Baudet.)
BAS
BASILE (Sœur Sai7it) , reli-
gieuse. (V. Ae Cartier.)
BASTIDE (IV... de La), prêtre
et chanoine de la cathédrale d'U-
zès, né à Malbose en Yivarais,
s'étoit retiré après la suppression
de son chapitre , dans la petite
ville de Villefort, au même dio-
cèse. Son attachement très -actif
pour la Foi catholique, lorsqu'on
se mettoit, en 1 79 1 , à la persécuter
dans la personne des prêtres non
assermentés , le rendit odieux ,
comme eux, aux agens de la per-
sécution. Comme l'année sui-
vante, il se forma en juin 1792»
non loin de là, une confédéra-
tion royaliste , dont l'un des buts
principaux étoit de protéger la
religion catholique alors vivement
persécutée, La Bastide , ainsi que
tous les prêtres fidèles , fut accusé
par les persécuteurs d'être com-
plice de cette confédération , con-
nue dans l'histoire sous le nom de
Camp de Jaiès. Prudhomme
prétend même (Hist. des Crimes
de la RévoL, tom. IV, pag. 57),
que « l'abbé de La Bastide contri-
bua puissamment au rassemble-
ment de Jaiès ; que, lorsqu'il fut
saisi , on le trouva nanti d'une
commission de Du Saillant, chef
des confédérés, pour se mettre à
la tête des rebelles d'une portion
de la Lozère» : mais cet historien,
ardent partisan de la révolution ,
n'est pas plus croyable sur ce fait
que sur ce qu'il a dit des prêtres
arrêtés à Naves, le 9 juillet 1792
BAS 149
(V. Bravard). 11 importoit d'au-
tant plus à la faction de calomnier
le chanoine de La Bastide, qu'in-
dépendamment de ce qu'il étoit
ferme dans sa Foi, il se trouvoit
être le frère d'un courageux roya-
liste qui étoit membre du comité
de Jaiès, et qui, lors de la résur-
rection du rassemblement, deux
ans après , tomba entre les mains
des républicains , et fut con-
damné à mort, le 24 floréal an II
( i3 mai 1794 )• Le chanoine ,
proscrit moins encore pour cette
raison que parce qu'il étoit zélé
pour la Foi , s'étoit retiré secrète-
ment dans une maison de sa fa-
mille , près Joyeuse ; mais , la
veille du jour de l'assassinat des
prêtres aux Vans, des frénétiques,
s'étant mis à le chercher avec
plus d'activité , le découvrirent
enfin dans sa retraite, et l'en arra-
chèrent le i3 juillet. Quand ils
furent à quelques pas de la mai-
son, où ils l'a voient trouvé, ils le
fusillèrent. Les administrateurs
du directoire du département de
i 'Ardèohe, écrivoient à ce sujet,
de Joyeuse, le i3 juillet, à l'As-
semblée nationale : « Les plus
coupables ont été tués par ceux
qui les ont saisis ; les abbés La
Bastide , Lamolelte et autres ,
viennent de l'être à l'instant »
(Moniteur du 21 , séance du
18). La sainte magnanimité que
le chanoine de La Bastide montra
dans ces derniers instans, ayant
été digne de la Foi dont il étoit le
i5o B Aï-
confesseur, le fit regarder unani-
mement dans le pays comme un
Martyr tic la c ligion. [F. C. Al-
iier et Bravakd.)
BASTIE ( Antoine-Ange ) , ha-
bitant de Caussade en Quercy,
diocèse de Montauhan, et né au
même lieu, ayant suivi les exer-
cices de piété de son curé avec
plusieurs autres personnes du
pays, fut arrêté, amené à Paris,
et condamné par le tribunal révo-
lutionnaire à la peine de mort ,
comme fanatique , ainsi que dix-
Sept autres , le 3 messidor an II
(21 juin 1794)- Sa tête tomba sur
l'échafaud, le même jour, à l'âge
de 29 ans. ( V. J. P. Clavière).
BATAILLE (Marie- Josephe-
Désirée d'Ambrines - d'Éqtjer-
chin, veuve de Pierre- Joseph
Xavier), dont le mari avoit été
chevalier d'honneur au conseil
d'Artois , étoit une femme émi-
nemment vertueuse de la ville
d'Arras où elle étoit née en 1763.
Elle n'avoit que 3i ans, lorsque
l'apostat Jh Lebon fut envoyé en
qualité de proconsul dans la pro-
vince d'Artois pour la désoler en
1793 ( V. Arras). La veuve Ba-
taille avoit conservé sa Foi pure
au milieu du schisme constitution-
nel; et, depuis que l'exercice exté-
rieur du culte catholique étoit
proscrit, elle avoit établi pour
elle , et pour d'autres fidèles de sa
connoissance , un oratoire dans
l'intérieur de sa maison. Ses
bonnes oeuvres étoient si nbon-
BAT
dantes et si connues, que le pré-
sident du tribunal d'Amiens , par
lequel Jh Lebon fut ensuite con-
damné, le 5 octobre 1795, ne put
s'empêcher de dire dans le résumé
des débats : « Les témoins ont
attesté que cette citoyenne ver-
tueuse, digne d'un meilleur sort,
avoit consacré sa fortune et ses
soins au soulagement des malheu-
reux. Dès sa première jeunesse,
poursuivoit-il , elle avoit contracté
l'habitude de verser dans le sein
des pauvres les secours abondans
que sa fortune , qui étoit considéra-
ble , lui permettoit de leur donner ;
et elle y joignoit les aumônes que
des personnes charitables lui con-
fioient pour la même destination.
On a trouvé chez elle un registre.
Au haut de la première page, on y
voyoitl'intitulésuivant : «Listedes
-personnes qui veulent bien con-
tribuer à l'abonnement pour
nos prêtres, à commencer le
\"octobre 1 79 1 , de moisenmois.
Ce registre finissoit au mois d'août
1793». Il n'est donc pas douteux
que la \' Bataille n'eût compris
dans le nombre des malheureux
qu'elle secouroit les prêtres ca-
tholiques du diocèse d'Arras, dé-
pouillés et mis en fuite, privés de
tout. Il est certain aussi que beau-
coup de ses compatriotes concou-
roient à cette bonne œuvre parti-
culière, et que les sommes repues
d'eux étoient inscrites avec leur
nom sur son registre. On le trouva
chez elle, lorsque J1' Lebon la IH
BAT
arrêter en vertu de la terrible loi
des suspects (F. Lois, etc.). Elle
le fut parce qu'elle étoit pieuse,
charitable et de noble famille. On
découvrit en même temps dans sa
chambre plusieurs lettres de prê-
tres non-assermentés de la paroisse
sur laquelle elle demeuroit ; mais
ces lettres ne contenoient que des
choses touchantes , sans aucune
idée de contre-révolution. Le re-
gistre sur lequel on voyoit les
noms d'une vingtaine de personnes
dont chacune donnoit , suivant
ses facultés, tant par mois, de
manière même que telle qui avoit
donné un mois n'avoit pas donné
le mois suivant, fournit à Lebon
de quoi faire une liste d'autant de
victimes pour son tribunal révo-
lutionnaire. Il lui dicta même
le jugement à porter contre ces
vingt personnes et la veuve Ba-
taille, dans un arrêté solennel
qu'il fit à cette occasion. Il voulut
même que le greffier du tribunal
en fît une lecture publique aux
jurés , en présence des personnes
qu'il accusoit, comme des juges et
des curieux que l'accusation atti-
reront à l'audience. Il y étoit dit,
entre autres choses non moins
perverses : « Considérant que la
nommée d'Ambrines, veuve Ba-
taille , non contente de fournir
des secours aux prêtres réfrac-
taires, a encore ouvert un registre,
à compter du i,r janvier 1792,
jusqu'au mois d'août 1795, où se
sont fait inscrire plusieurs indivi-
BAT i5t
dus, jaloux de partager avec la-
dite Bataille la gloire d'alimenter
des scélérats , et d'encourager
leurs projets parricides contre la
république ; — Considérant que
jamais les patnotes n'ont compté
parmi eux (ces charitables con-
tribuans) la veuve Jonqué, Le-
soin , Corrége , de Bunnevile <
Bataille; mesdemoiselles Cau-
dron, de Gouy sœurs, Cornicr,
Bâcler sœurs ; mesdames Tour-
set, Dauchez, Arrachart, Théry
veuve, Bayard mère, d'Hée.
Desmazières , Wagon née Ca-
ron; messieurs Dauchez, Arra-
chart, chirurgien; de Gouve ,
Leroi d'Hurtebise , Becquet ,
Gammon , d'Hennecourt , La-
comté , Blanquart , Btin de,
Rullecomte; et mesdemoiselles
d'Hurtebise » {V. ceux de ces
noms qui sont en caractères ita-
liques ). Le proconsul poursui-
voit : « Considérant qu'il n'est
aucun des individus repris audit
registre qui n'ait montré dans sa
conduite un attachement constant
aux prêtres ennemis de la révo-
lution , etc. : arrête que tous les
individus mâles et femelles ci-
dessus mentionnés seront , à la
diligence de l'accusateur public ,
traduits sans délai au tribunal
révolutionnaire séant en cette
commune (d'Arras)... et en outre
que le présent sera lu aux jurés,
immédiatement après l'acte d'ac-
cusation». Cette lecture, qui fut
effectivement faite comme l'avoit
i5a BAT
ordonné Jh Lebon , rcndoit iné-
vitable l'arrêt de mort contre tous
ceux qu'il accu soit. La procédure
s'ouvrit; et l'on vit avec admira-
tion la généreuse veuve Bataille
vouloir se sacrifier elle seule pour
ses compagnons d'infortune. Elle
déclara, pour les sauver, que tous
ceux dont les noms étoient ins-
crits sur son registre pouvoient
« n'avoir eu aucune connoissance
de l'emploi qu'elle avoit fait des au-
mônes qu'ils lui avoient confiées,
et que c'étoit sans leur participa-
tion qu'elle les avoit fait passer à
des prêtiez déportés », comme l'a
remarque ensuite le président du
tribunal d'Amiens. Ce magistrat
continuoit ainsi : « La veuve Ba-
laille auroit donc été la seule cou-
pable ; cependant , à l'exception de
quelques unes de ces vingt-quatre
personnes, toutes ont été con-
damnées, savoir, dix-huit du re-
gistre; et deux hommes qui n'y
étoienl point inscrits ont été aussi
condamnés, parce qu'ils avoient
servi de témoins à un mariage
célébré (chez la veuve Bataille)
par un prêtre qui n'avoit pas prêté
le serment » ( V. Hurtebise et
Rcllecomte). Dix -sept femmes
avoient été extraites de la prison ,
ou arrachées à leur domicile pour
comparoître dans ce procès. La
veuve Bataille fut, avec ses dix-
neuf compagnons en bonnes
œuvres, condamnée à la peine de
mort, le 25 germinal an II ( 14
avril 1794)? comme «complice
BAT
d'une conspiration ourdie contre
le peuple français et sa liberté »■.
La mise hors de cause de ceux
qui furent renvoyés absous mit
en fureur le proconsul, dont les
intentions 11 'étoient pas assez com-
plètement suivies. Notre géné-
reuse veuve accepta la mort avec
résignation, et avec cet amour de
Dieu qui avoit dirigé toutes ses
actions. Les associés de ses œu-
vres de charité et de Foi mar-
chèrent, comme elle, à l'échafaud
avec les mêmes sentimens. Ils y
trouvèrent un complément à l'ex-
piation des fautes qu'ils pouvoient
avoir à se reprocher. Tous se
trouvèrent en mourant dans cette
disposition d'âme, qui, en pareil
cas ', procure la récompense et la
gloire du martyre, suivant ce que
dit saint Thomas : « Il y a vrai
martyre lorsque l'acceptation de
la mort est commandée^par la
charité : les supplices endurés
pour Jésus- Christ ont alors la
vertu du baptême qui purge l'âme
de tout péché» : Quôd autem sit
meritorium , hoc fiabct ex cha-
ritate. ■ — Passio pro Christo
suscepta obtinet vint Baptismi,
et ideà purgat ab omni culpa
( Pars 2a , Quœst. 1 24 , art. 2 ,
ad 2m. — Pars 5a , Quœst. 68 ,
art. 1, ad 2m ). Des historiens,
témoins de l'exécution de ces vingt-
un Martyrs, racontent que les affi-
dés de Jh Lebon exercèrent sur
leurs cadavres , et spécialement
« sur celui des femmes, des cruau-
DAT
lés infâmes dont les peuples les
plus barbares n'ont jamais donné
d'exemple ; que le soir du jour de
l'exécution , les femmes , ou plutôt
les mégères préposées parles agens
du proconsul à la direction de la
prison où étoient les victimes,
s'emparèrent de ce qu'elles y
avoient laissé de liqueurs , les
burent, s'en enivrèrent, et dan-
sèrent de joie toute la nuit. Il en
étoit bien autrement dans la ville.
Tout le monde y frémissoit d'hor-
reur à l'aspect d'une si atroce bou-
cherie , dans laquelle se trouvoient
immolés des pères de famille, des
veuves, des femmes, des vierges,
tant de personnes estimables et
vénérées, à qui on ne pouvoit re-
procher que des bonnes œuvres.
Le bas peuple lui-même s'indi-
gnoit contre la férocité de Lebon
et des vils exécuteurs des ordres
de son féroce athéisme ». {V . J.
Barbier et M. R. Bayart.)
BATAILLE (Pierre) , citoyen
de Nismes , avoit signé la décla-
ration des 20 avril et i" juin
1790, contenant la plus éner-
gique profession de Foi des catho-
liques de cette ville [V. Nismes).
Lors de l'insurrection des protes-
lans contre eux, le 14 juin, Ba-
taille fut arrêté par des volon-
taires de la légion Nismoise pro-
testante , qui le conduisirent à l'es-
planade où ils le pendirent. La
corde cassa ; et l'infortuné eut en-
core la force de s'enfuir à la fa-
veur d'une fausse alarme qui étoit
BAU 155
donnée aux bourreaux. Il se réfu-
gia dans la maison d'un catho-
lique, y grimpa dans la cheminée.
Les volontaires, revenus de leurs
craintes , le suivirent d'assez près ,
le découvrirent, le tirèrent par les
pieds : il tomba , et fut tué dans
l'âtre même de la cheminée à coups
de fusils et de baïonnettes. (F,
AtizÉBY et Joseph Brun. )
BATARD (Laurent), curé de
Notre-Dame de Chalonnes- sur-
Loire, au diocèse d'Angers, avoit
mérité la haine des impies réfor-
mateurs par la constance de sa
Foi, par l'ardeur de son zèle pas-
toral, et par l'édification de ses
vertus ecclésiastiques. Il étoit reste
dans sa province pour les besoins
des fidèles. Après la défaite de
l'armée catholique et royale au
Mans et à Savenay, en décembre
1795 (V. Vendée), il ne put
échapper aux persécuteurs On
l'arrêta, et il fut livré à la com-
mission militaire d'Angers qui
l'envoya à la mort le 10 nivose
an II (2 janvier 1794), comme
« brigand de la Vendée ». Il n'en
périt pas moins à cause de la re-
ligion, et comme victime de l'im-
piété. [V. Bâcher et R. Bourjuge.)
BAUDELET (Marie-Rosalie).
femme. {V. M. B. Bayart.)
BAUDET ( Jean -Baptiste -
Ouen), prêtre, chapelain de Sainte
Auslreberte , dans le diocèse de
Rouen, étoit né à Hugleville : il
mérita par la constance de sa Foi ,
en 1791 et 1792, d'être rangé par
i54 H AU
les impies révolutionnaires dans
la classe des prêtres insermentés.
Aucun serment , en effet , ne souilla
sa conscience et ne compromit sa
Foi. Ayant continué de résider
dans sa province, il y fut arrêté
en 1793. Les juges du tribunal
criminel du département de la
Seine - Inférieure le condam-
nèrent à être déporté au delà des
mers. Traîné à Rochefort pour y
être embarqué, il le fut sur le na-
vire {es Deux Associés [V . Ro-
chefort ). Le séjour de l'entrepont
de ce navire devint pour lui le der-
nier supplice. Il mourut le 1 8 juil-
let 1794» à l'âge de 56 ans, et fut
enterré dans l'île A' A ix. {V . J. P.
BASCLEet... Baudotjiin).
BAUDIN (iV...), prêtre non-
assermenté de la Provence, avoit
échappé aux persécutions homi-
cides de 1793 et 1794? en sortant
de France. Les fallacieuses pro-
messes de justice et d'humanité
qui suivirent immédiatement la
journée du g thermidor ( 27 juil-
jet 1794), lui ayant fait croire
qu'il pourroit avec plus de liberté
donner l'essor à son zèle, il vint
l'exercer à Marseille; mais la per-
sécution se montra de nouveau, à
découvert, après la crise poli-
tique du 1 8 fructidor an V ( 4 sep-
tembre 1797) ; et leprêtreBaudin
fut arrêté. On l'emprisonna dans
le fort Saint-Jean, où il se trouva
avec le père Donadieu ( V. ce
nom). On ne tarda pas à les juger
l'un et l'autre ; ils furent condam-
BAU
nés, comme «émigrés-rentrés»,
à périr par le supplice des fusil-
lades, dans la plaine de Marseille.
Le matin du jour de l'exécution,
Baudin reçut dans la prison même
la sainte eucharistie , des mains
du père Donadieu. Il périt avec
lui le 5 février 1798.
BAUDOUIN (IV...), prêtre, ex-
jésuite de Metz en Lorraine, né à
Thionville , diocèse de Metz, mon-
tra la plus grande constance dans
sa Foi lors du schisme de 1791.
Sa bouche étoit restée pure en
1793 de tous les sermens que
l'impiété révolutionnaire avoit
prescrits jusqu'alors. Il fut arrêté
comme insermenté dans sa pro-
vince , où il avoit continué de ré-
sider; et, après l'avoir condamné
à la déportation dans les îles, on
le fit conduire à Rochefort pour
y être embarqué. Il le fut sur le
navire ie Washington ( V. Ro-
chefort). Dans le supplice de ce
séjour, il succomba sous les maux
qu'on y faisoit endurer aux dé-
portés ; et il mourut, âgé de 63 ans,
dans le courant de septembre 1794.
C'est à l'île d'Aix que ses osse-
mens reposent. ( V. J. B. O. Bau-
det et C. J. Bauqbet. )
BAUDRY (aîné), prêtre et cha-
pelain de l'église de Notre-Dame
de Nantilly, dans la ville de Sau-
mur, n'ayant pas fait le serment
de la constitution civile du
clergé, et ayant été dispensé de
sortir de France, en 1792, à rai-
son de son âge plus que sexagé-
BAU
naire , avoit été arrêté à Saumur,
et mis en réclusion à Angers, con-
formément a la loi de déportation
du 26 août de cette année -là.
Vers la fin de 1795, on fut im-
portuné de la présence des prêtres
sexagénaires reclus, au point de
vouloir s'en défaire à tout prix.
Ce qui se pratiqua à Nevers en
février suivant ( V . Nevers) , avoit
été exécuté à Angers dans le mois
de novembre précédent. On avoit
fait partir pour Nantes les véné-
rables reclus Angevins : Baudry
étoit du nombre [V. Nantes). On
savoit bien que le proconsul Car-
rier trouveroit aisément un moyen
de les faire périr. Dans sa lettre à
la Convention, où elle fut lue le
i5 décembre suivant, il annonça
la submersion qu'il avoit opérée
de cinquante-huit prêtres venus
d'Angers, et de seize autres arrivés
d'ailleurs. Ils avoient été noyés
dans la nuit du 9 au 10 de ce
mois; et ce fut ainsi que périt
le chapelain Baudry , en haine
de sa Foi et de la religion dont
il étoit le ministre , comme ce
saint Urbain de Constantinople ,
dont l'Eglise honore la mémoire
le 5 septembre. Le P. Favereau,
Récollet de Saumur, et actuelle-
ment curé d'Outretot , prés Rouen,
nous atteste que « l'abbé Baudry
donna constamment dans la ville de
Saumur le spectacle édifiant d'une
vertu distinguée, jusqu'à l'époque
fatale qui lui a fait quitter ce pays
pour perdre la liberté à Angers.
BAI i55
et la vie à Nantes». (V.ïv Abé-
lard et Bertry , curé.)
BAUDUER (François) , prêtre,
chanoine de la cathédrale de Ba-
zas, et qui nous paroît inscrit,
par erreur, sous le nom de Bon-
dues , sur le registre mortuaire de
l'hôpital de Blaye, en i 794 ? étoit
né à Pérusse-Massac, en 1718. 11
méritoit en 1793 d'être regardé
comme prêtre insermenté ; mais
son âge sembloit devoir imprimer
quelque respect aux persécuteurs.
Leur haine contre la religion et;
ses ministres étoit trop violente
pour faire grâce au vénérable cha-
noine. Il fut arrêté et traîné à
Blaye pour être de là déporté à
la Guiane {V. Bordeatjx). Dès
son arrivée, on le jeta dans le
souterrain humide et obscur du
fort de l'île du Pàté-de-BIaye , en
attendant que les préparatifs de
l'embarquement fussent achevés.
Les maux qu'il y enduroit étoient
trop affreux pour qu'il pût les sou-
tenir jusqu'à cette époque. Il tomba
dans un tel état de dépérissement,
qu'il fallut le transporter à l'hô-
pital de Blaye ; et c'est là que ,
sans cesser d'être captif de Jésus-
Christ, il cessa de vivre le 25
pluviôse an II (11 février 1794)5
à l'âge de 76 ans. ( V. L. Barry et
N. Belletrux.)
BALDUS ( Hugues - Joseph-
Guillaume), magistrat de Cahors,
où il étoit né en 1725, et où il
remplissoit la charge de lieutenant
particulier de la sénéchaussée , s'y
i56 BAL1
distinguent non seulement par son
intégrité, mais encore par ses
vertus religieuses. Il n'y avoit pas
de pieuse association à laquelle il
n'appartînt; et tous les infortu-
nés bénissoient les effets de sa
charité. Lorsqu'en janvier 1 79a ,
il sut que le Roi étoit mis en ju-
gement, cet événement lui cau-
sant une douleur extrême, il ne
put s'empêcher de la confiera un
de ses amis dans une lettre où il
l'engageoit à prier pour le mo-
narque dont les dangers lui sem-
bloient avec raison aussi imminens
que terribles. Quand cette lettre ,
découverte par hasard dans une
visite domiciliaire chez cet ami,
parvint à la connoissance des
agens de la persécution , à Ca-
hors, Baudus y étoit déjà empri-
sonné comme suspect, à raison
de sa piété; et l'on approchoit de
ce 27 germinal (16 avril 1794)?
où la Convention ordonna que
tous les prétendus conspirateurs
des départemens , seroient ame-
nés au tribunal révolutionnaire,
de Paris. On ne fit cependant par-
tir Baudus que le 1 5 juin ; mais
quand il fut arrivé , on ne tarda
pas à le traduire devant ce tribu-
nal. Ce fut le 17 messidor (5 juil-
let 1794) qu'il y comparut. Lors-
que le président, suivant l'usage,
commença par lui demander son
nom, il répondit comme les an-
ciens Martyrs : « Je suis chrétien » .
Le président ayant insisté , Baudus
répliqua avec une sainte assu-
BAU
rance : «Je suis catholique ». Les
juges avoient été disposés à l'ab-
soudre par un de ses neveux
qui étoit membre de la Conven-
tion, et qui lui avoit conseillé de
nier qu'il eût écrit la lettre dont
il vient d'être parlé. Mais Bau-
dus lui avoit répondu qu'il ne
pouvoit pas mentir. Les autres
questions que le président lui
adressoit , le trouvèrent égale-
ment ferme dans ses sentimens
religieux et royalistes. Un des
juges vint lui dire que s'il répon-
doit toujours ainsi, on le feroit
mourir. — « Je ne crains pas la
mort, lui répliqua- 1- il; il n'y a
que les lâches à qui cette crainte
puisse empêcher de confesser la
Foi». Sa lettre lui fut représentée,
et on lui demanda s'il la recon-
noissoit : « Oui, répondit-il, elle
est de moi ». Son neveu qui étoit
présent dit alors aux juges « que son
oncle ne répondoit ainsi, que parce
que la frayeur avoit dérangé sa
tête». Baudus l'entendant, lui re-
partit sur-le-champ : « Plût à Dieu
que vous l'eussiez aussi tranquille
que moi ! » Il fut aussitôt con-
damné à la peine de mort , comme
«convaincu de s'être déclaré l'en-
nemi du peuple, en provoquant
par des discours et des écrits, l'a-
néantissement du gouvernement
républicain et le rétablissement
de la royauté ». Le même jour on
le conduisit à la guillotine , et il
périt ainsi à l'âge de 69 ans.
BAUQUET (Charles-Jacques),
BAI
religieux de l'ordre des Char-
treux, et coadjuteur de leur mai-
son de Bourgfontaine , province
de France, sur Seine, diocèse de
Soissons, étoit né à Notre-Dame
de Blagny, au diocèse de Bayeux.
Expulsé de son cloître par la révo-
lution , il conserva les vertus de
son état. Les innovations schis-
matiques de 1791 ne le firent
point dévier des principes de la
Foi catholique. Il mérita, sous
tous les rapports, d'être compris,
en 1793, parmi les prêtres fidèles
que rien ne pouvoit détourner de
leurs devoirs, et fut arrêté dans le
département de la Seine- Infé-
rieure. Bientôt, condamné à être
déporté à la Guiane, il fut con-
duit à Piochefort. On l'y embarqua
sur le navire les Deux Associés
(V. Rochefort). Les souffrances
qu'il y endura le conduisirent au
tombeau. Il expira le 9 août 1794?
à l'âge de 55 ans, et fut enterré
dans l'île d'Aix. (V. Baudouin et
F. Beaure.)
BALQUIS (Jeanne), religieuse
de l'ordre de l'Annonciade , autre-
ment dit, Bleu-Céleste, à Lyon
où elle étoit née , fut forcée de
rentrer dans le monde à un âge
avancé, lorsque la révolution sup-
prima les ordres monastiques.
Se regardant toujours comme
engagée par ses vœux a une
vie analogue à celle du cloître,
elle se distinguoit par sa piété ;
et , dans ces jours malheureux
de 1793, où il n'étoit plus pos-
BAU i57
sible de trouver un temple ca-
tholique ouvert aux fidèles , elle
faisoit dire la messe chez elle ,
comme le firent autrefois à Sa-
mosate, en 297, sous la persécu-
tion de Maximien, les saints Mar-
tyrs Hipparque et Philotée (1).
Dès-lors que sa maison étoit un
sanctuaire ; il devoit naturelle-
ment y venir des prêtres , pour
y offrir le saint sacrifice , et
y exercer leurs autres fonctions.
Les révolutionnaires ne pou voient
manquer de s'en apercevoir, et
d'en frémir de rage. Ils la dénon-
cèrent lorsque la terrible commis-
sion révolutionnaire de Lyon,
établie vers la fin de 1795, se
montroit si avide du sang des
ecclésiastiques et des personnes
pieuses ( V. Lyon ). Jeanne Bau-
quis, à l'âge de 65 ans, fut tra-
duite devant ce tribunal impie,
qui lui demanda le serment de
liberté - égalité; elle le refusa
avec fermeté , comme une sorte
d'apostasie, et fut aussitôt con-
damnée à la peine de mort, comme
« fanatique , ne voulant pas se
conformer aux lois, et recevant
chez elle des prêtres réfractaires» ,
c'est-à-dire catholiques. Ce juge-
ment fut prononcé le 29 pluviôse
an II (17 février 1794)- G.
Barrier, et Bertrandi.)
(1) Act. Marty r. 11b Assemano col-
lecta, pars IIa, png. 124, in septem
SS. Martyres Athletas Christi IIi)>-
parchum'jdtt. ( A', ci-devant, pag. iq.)
i58 BAL
BAUZAC (Jeak), pieux habi-
tant de Solignae en Velay, près
d'Issingeaux , dans le diocèse
du Puy , fut du nombre de ces
catholiques fermes dans leur Foi,
qui , touchés des malheurs de
l'Eglise et de la triste condition
des prêtres à qui on faisoit la
chasse de toutes parts, offrirent
dans leur maison un asile à ceux
qui n'en pouvoient trouver ail-
leurs ( V. Je Alix). La femme de
Bauzac étoit associée à la même
bonne action. Cet acte héroïque
de charité envers un minisire de
Jésus-Christ ayant été découvert,
Jean Bauzac fut arrêté et jeté
dans les prisons du Puy avec sa
femme, pour être jugés sur ce fait
par le tribunal criminel du dépar-
tement de la Haute-Loire, sié-
geant en cette ville; et ce tribu-
nal , prononçant d'après les lois
d'alors, condamna Jean Bauzac
et sa femme à la peine de mort,
comme « recéleurs de prêtres ré-
fractaires », le 5 prairial an II
( 22 mai 1794 )• La sentence fut
exécutée le lendemain. ( V. J. B.
Abeillon. )
BALZAC (MargueriteAudier,
femme), demeurant avec son mari
à Solignae , près la ville du Puy en
Velay, étant restée ferme dans la
Foi catholique, donna, par prin-
cipe de religion , et de concert avec
son mari , un asile chez elle à un
prêtre fidèle dont la vie étoit me-
nacée. Les persécuteurs connurent
cette vertueuse et généreuse ac-
BAY
lion : Marguerite Bauzac fut arrê-
tée, et traduite devant le tribunal
de la Haule-Loire, siégeant au
Puy. Ce tribunal l'envoya , avec
son mari, le o prairial an II (22
mai 1 794), à la mort , comme « re-
céleuse de prêtres réfractaires » .
{V. y Alix.)
BAYART ( Marie-Rosalie Bau-
delet, épouse de Frasçois-Joseph
Guislain) , partageoit la considé-
ration publique qui avoit fait por-
ter son mari à la charge de pro-
cureur-syndic de la municipalité
d'Arras, aux premiers jours de la
révolution. Vieillard respectable ,
il avoit rendu les plus grands ser-
vices à la ville et à ce qu'elle
avoit de plus honnêtes habitans.
Son épouse, née à Arras, étoit
âgée de 67 ans, lorsque le pro-
consul Jh Lebon vint ensanglan-
ter la province {V. Arras). Lu
membre même de la Convention
a été forcé de convenir dans un
écrit imprimé « qu'il n'y avoit pas
de femme plus vertueuse, ni plus
aimable, ni plus estimable que la
dame Bayait mère». « C 'étoit,
continuoit-il, la bienfaisance mo-
deste en personne, et la digne
épouse de l'homme le plus juste
d'Arras » ( V. Secrets de Jh Le-
bon et de ses Complices, par
A. B. J. Guffroy ; Paris , an III,
1795). Elle avoit contribué à la
bonne œuvre de la veuve Bataille
[V. ce nom ) , et se trouvoit ins-
crite sur son registre. Elle parta-
gea son sort comme ses mérites ,
BEA
et fut condamnée à la peine de
mort, avec les vingt autres asso-
ciés, par le tribunal révolution-
naire d'Arras, le 25 germinal
an II (14 avril 1794)- La sentence
la disoit « complice d'une cons-
piration ourdie ( par la veuve
Bataille ) contre le peuple français
et sa liberté » , parce qu'elle étoit
pieuse, et que sa Foi I'avoit por-
tée , encore plus que son cœur,
à des actes de charité qui irri-
toicnt le proconsul. [V . M. J. D.
Bataille et R. Beck. )
BEAUDEYANT ( Anselme ) ,
prêtre non-assermenté, né à Lyon,
et domicilié à Paris , y étoit ignoré
dans un modeste domicile pen-
dant l'année 1793. Un royaliste
de sa ville natale , proscrit , re-
cherché comme tel, et en outre
comme noble et comme officier
d'un ancien régiment, se réfugia
chez cet ecclésiastique, qui, par
sentiment de charité chrétienne,
et même encore par amour de la
justice dont cette persécution of-
fensoit la sainte cause , accorda
l'hospitalité à l'honorable proscrit.
L'asile de celui-ci ayant été dé-
couvert, son hôte courageux fut
arrêté avec lui. Traduit devant le
tribunal révolutionnaire pour
cette action dont la religion en-
core plus que la compassion natu-
relle avoit été le principe, Beau-
devant fut condamné à la peine
de mort, le a5 ventôse an II ( i5
mars 1794), et exécuté le jour
même.
BEA 159
BEAUDIN ( ZV... ), prêtre de
l'église de Saint-Féréol de Mar-
seille, dont le curé fut martyrisé
en 1793 {V. M. Olive), s'étoit
laissé séduire, en 1791, par la
constitution civile du clergé,
et en avoit fait le serment : mais
bientôt, mieux éclairé, il le ré-
tracta d'une manière très-géné-
reuse; et, lors de la loi de dépor-
tation , il alla chercher un abri
dans la ville de Rome. Lorsqu'il
y apprit la mort violente de son
curé, il eut le pressentiment qu'il
seroit lui-même pareillement im-
molé pour la cause de Jésus-
Christ , et n'en ressentit que plus
d'ardeur pour la défendre ; mais
il ne devoit pas tenter Dieu en
s'exposant témérairement au mar-
tyre. Les circonstances lui pa-
rurent enfin se concilier avec les
vœux de son zèle , après ce fameux
neuf thermidor, où la faction
victorieuse , après avoir renversé
Roberspierre , promettoit si per-
fidement que la persécution ne
continueroit plus. II se trouva
revenu a Marseille en 1796, où,
réuni à d'autres vénérables prêtres
( V. Donadieu ) , il travailloit
alors au salut des âmes avec une
activité vraiment apostolique.
On l'arrêta ; et il fut condamné ,
en 1797, a la peine de mort,
comme «émigré-rentré». Cette
sentence le combla d'une joie in-
térieure qui se manifesta d'une
manière admirable sur son visage.
Il marcha courageusement ait
l6o BEA
supplice avec ceux de ses confrères
quiétoienlcondamnésainsiquelui.
Ses anciens pressentimens étant
vérifiés, à sa plus grande satis-
faction, il mourut avec joie pour
la cause de Jésus-Christ, à l'âge
de 45 ans.
BEAUDOUIN ( Alexandre ) ,
prêtre du diocèse d'Angers , et qui
nous paroît avoir appartenu au
couvent des Carmes de Chalins,
près Scgré , y avoit sa résidence
en 1793. Son existence, utile
autant que modeste en ce lieu ,
auroit obtenu grâce pour lui , si
la persécution n'eût pas été diri-
gée par l'athéisme en fureur; car
il s'étoit voué à l'instruction de
la jeunesse. Mais ses enseigne-
mens respiroient l'amour de la
religion , et il fut dénoncé comme
fanatique. On le conduisit à une
commission militaire, qui, sié-
geant à Craon, près de Château-
Gonthier, et envoyant à la mort
avec l'accusation vague de « bri-
gands de la Vendée » tous ceux
qui lui étoient livrés, condamna
comme tel à cette peine le prêtre
Beaudouin , le 0 thermidor an II
(24 juillet 1794)- H fut exécuté
le même jour.
BEALFILS (François), prêtre
né à Menus , dans le diocèse
de Paris, en 1706, eut le malheur
de se laisser séduire par la cons-
titution civile du clergé, et par
son zèle pour l'exercice du mi-
nistère sacerdotal. La paroisse de
Saint-Christophe, près deChûleau-
BEA
dun , dans le diocèse de Chartres ,
l'eut pour curé constitutionnel ;
mais il y montra des vertus pasto-
rales qui l'y firent estimer des hon-
nêtes gens. On peut bien présumer
qu'elles lui obtinrent de Dieu la
grâce de son retour à l'unité de
l'Eglise, au moins quand il se vit
arrêté en 1794 a Saint-Christophe
même, et traîné à Paris devant le
tribunal révolutionnaire. La te-
neur de la procédure qui s'y ins-'
truisit contre lui , ne permet pres-
que pas d'en douter. Déjà trois
mois environ s'étoient écoulés
depuis le neuf thermidor, et ce
tribunal avoit été renouvelé par
la Convention d'une manière qui
sembloit moins atroce ; mais elle
en dirigeoit toujours les jugemens
avec cette fureur anti-sacerdotale
qu'elle rejetoit presque entière-
ment sur Rcberspicrre. Le juge-
ment rendu contre FrançoisBeau-
fils, le 24 vendémiaire an III (i5
octobre 1794), porte qu'il étoit
« convaincud'avuir faitet distribué
des écrits fanatiques et contre-
révolutionnaires , tendans à réta-
blir le fanatisme, à égarer les
citoyens » . Sur cet unique motif il
fut condamné à la peine de mort,
et la subit le même jour à la place
de Grève.
BEALGÉ (ZV... ) , prêtre de la
Savoie , n'ayant pas voulu faire ce
serment de liberté qu'exigeoient
les proconsuls en 1 79>r'(f/ ". Savoie),
avoit fui en Piémont. Il étoit re-
venu pour les besoins des fidèles.
BEA
après le neuf thermidor, etavoit
repris les fonctions de son minis-
tère , lorsqu'arriva la crise révo-
lutionnaire du 19 fructidor an V
(4 septembre 1797)- H fut arrêté
et conduit à Rochefort, pour être
déporté à la Guiane {V , Guiane).
On l'embarqua sur la Bayon-
naise, le 1" août 1798. Les fa-
tigues de la traversée , et les
tourmens qu'on éprouvoit sur
cette frégate furent au-dessus de
ses forces corporelles. La pieuse
résignation de son âme ne put le
sauver ; il mourut dans la tra-
versée qui dura jusqu'au 29 sep-
tembre suivant ; et son corps fut
jeté à la mer. (F. J. B. Bailly et
A. Becherel. )
BEAULIEU (Nicolas) , prêtre
de la congrégation des Eudistes
de Paris , dont les membres ,
dignes de leur chef, concouroient
à la rendre si édifiante ( V . Hé-
bert), ne pouvoit pas être comme
lui, sous le même prétexte, as-
treint légalement au serment de
la constitution civile du clergé.
Mais les persécuteurs savoient
que l'Eudiste Beaulieu étoit d'une
Foi trop invariable et d'une cons-
cience trop timorée, pour ne pas
rejeter cette œuvre d'iniquité. Il
ne pouvoit donc manquer d'être
enveloppé dans la proscription
des prêtres fidèles que l'impiété
n'avoit pu égarer, et qui luttoient
contre ses nouvelles doctrines. En
effet, dans les jours qui suivirent
immédiatement le 10 août 1792,
2
BEA 16 1
Beaulieu fut arrêté avec tous les
prêtres insermentés qu'on put
découvrir; et, après l'avoir con-
duit au comité de la section du
Luxembourg où il refusa le ser-
ment, on l'enferma dans l'église
des Carmes ( V . Dulau). II y eut
pour compagnons de captivité
neuf de ses confrères Eudistes,
avec leur supérieur [V . Blamin ,
Bousquet, Dardan , Duperron ,
Durvé, Grasset, Hébert, Lebis,
Lefranc, Saurin ) , y attendit
comme eux, dans la prière et la
méditation, la mort à laquelle il
voyoit bien que tous étoient des-
tinés. Quand les assassins leur
furent envoyés, le 2 septembre,
il les vit arriver comme des libé-
rateurs; et, offrant à Dieu le sa-
crifice de sa vie, il périt pour
la même cause et de la même
manière que tous les prêtres
enfermés dans cette église {V .
Septembre). Le lendemain, deux
autres Eudistes furent massacrés
au séminaire de Saint-Firmin.
{V. Poitiers etVouRLAT.)
BEAUMONT ( François-Char-
les- Antoine) , chanoine. [V. F.
C. A. Autich amp. )
BEAUPOIL (Antoine-Claude-
Auguste), prêtre. [V . A. C. A.
Saint-Aulaire. )
BEAUPREAU (Adélaïde Ser-
ville, veuve de Jacques), né à
Paris en 1755, et domiciliée dans
cette ville en 1795, n'avoit point
laissé ébranler sa Foi par les ter-
ribles épreuves auxquelles Dieu
ï 1
1G2 BEA
permit que ses élus fussent alors
exposés. Elle entretenoit son
amour pour la religion et sa piété
par la lecture des livres les plus
propres à raffermir ses sentimens.
On eut bientôt découvert ces livres
chez elle, dans une perquisition
qui s'y fit avec des intentions per-
verses. On en enleva dans le
même temps ses papiers et titres
de famille. Elle fut livrée au tri-
bunal révolutionna-ire , qui , le
îg messidor an II (7 juillet 1794)»
n'hésita pas à l'envoyer à la mort ,
comme « convaincue d'avoir con-
servé chez elle différens écaits
fanatiques , avec ses titres de
noblesse» . On la fit périr le même
jour.
BEAURE (aîné, François),
prêtre , chanoine de la collégiale
de Saint-Yrieix, dans le diocèse
de Limoges , étoit né à Saint-
Léonard -> de - Noblac, au même
diocèse. Les impies révolution-
naires ne le vjrent pas sans colère
résister aux innovations schisma-
tiques de 17915 et repousser le
serment de libcrté-égaiitécomme
il avoit rejeté le précédent. En
1793, ils le comprirent parmi les
insermentés dont ils vouloient la
perte. Le chanoine Beaure fut
arrêté dans sa province où il étoit
resté. Après l'avoir condamné à la
déportation à la Guiane , on le fit
conduire à Rochefort pour y être
embarqué. Il y fut enfermé dans le
navire ie Bonhomme Richard ,
qui, eu station devant Rochefort,
BEA
servoit de prison à beaucoup de
prêtres nouvellement arrivés {V.
La Rochelle et Rochefort ). H
tint la mer avec eux dans l'horrible
entrepont de ce navire ; mais
à la fin il succomba. Très-malatle
quand on ramena les déportés à
Rochefort en février 1795, il fut
porté à l'hôpital de cette ville où
il expira le 1 5 de ce mois , à l'âge
de 5i ans. Tout le monde s'ac-
corde à dire que le chanoine
Beaure étoit un bon prêtre et un
ecclésiastique fort instruit. ( V . C.
J. Bacquet et P. J. Bellivet. )
BEAUREGARD (André-Geor-
ges Brcmacld de), prêtre, cha-
noine , théologal - chancelier et
vicaire-général de Luçon, né à
Poitiers, en 1745, s'étoit distin-
gué par ses vertus ecclésiastiques,
comme par son savoir. La ville de
Luçon lui devoit un établissement
d'éducation pour les jeunes per-
sonnes ; et les œuvres de sa cha-
rité dévoient lui procurer autant
de défenseurs qu'il y avoit d'in-
fortunés dans cette ville. Mais les
actes de ce genre, surtout lors-
qu'ils étoient inspirés par la Foi,
et que la religion les avoit consa-
crés, devenoient, depuis la révo-
lution, des délits politiques, dignes
de toute l'animadversion des im-
pies réformateurs. Il n'est pas
nécessaire de dire que le théologal
de Beauregard n'avoit point voulu
faire le serment schismatique de
1791; mais, ce qu'il importe de
ne pas passer sous silence, c'est
BEA
qu'il employoit toutes les res-
sources du saint ministère pour
maintenir les catholiques de sa
province dans leur attachement
à la Foi, et dans la pratique de la
religion de Jésus-Christ. Les per-
sécuteurs de 1793 et 1794 ne
pouvoient qu'en être irrités à
l'excès ; ils arrêtèrent ce respec-
table ecclésiastique, en le traitant
de conspirateur, et le firent con-
duire à Paris, pour y être jugé
comme tel, par le grand tribunal
révolutionnaire. La veille du
jouroù ildevoit être amené devant
les juges, prévoyant le soit qui
l'attendoit, il crut voir sa mère
près de lui, en esprit, comme
saint Flavien avoit vu la sienne en
réalité, la veille de son martyre;
et, de même que celui-ci disoit
alors à sa mère : «Vous savez que
j'ai toujours regardé comme glo-
rieux d'être enchaîné pour Jésus-
Christ , de donner ma vie pour lui ;
et, puisque ce que j'ai désiré
m'arrive , vous aurez donc plus à
vous en glorifier qu'à vous en
affliger (1) » ; le chanoine Beaure-
gard écrivit à la sienne en ces
termes , le 26 juillet 1 794 :
« Je suis à la veille de comparoître
au redoutable tribunal où je suis
traduit, sans savoir pourquoi. Ma
(1) O matrem religiosè piam ! O
Mucchabœicam matrem Si ergo con-
tigil quod oplavi , gloriandunt est po-
ints cjuàrn dolendum Ruinart, (Passio
SS. Montant, Lucii , etc. n° 16).
BEA i63
conscience ne me fait aucun re-
proche. Je ne suis pas pour cela
justifié. Le sort qui m'est destiné
va , selon toute apparence , mettre
fin pour moi aux épreuves de
cette malheureuse vie. Grâces à
Dieu, il n'est pas imprévu. Prêt à
paroître devant Dieu, il me reste
encore des devoirs à remplir. Je
voisen voussonimage. C'est entre
vos mains, ma digne et tendre
mère , que je veux renouveler
l'expression des sentimens que
vous prîtes soin de transmettre à
vos enfans.
« Je crois tout ce que croit et
m'enseigne l'Eglise, sainte, catho-
lique, apostolique et romaine,
dépositaire de la vraie Foi qu'il
plut à Dieu de révéler aux hom-
mes, et hors laquelle il n'y a point
de salut. Je veux mourir comme
j'ai vécu, dans un fidèle attache-
ment à sa doctrine. Je rends
grâces à Dieu des faveurs dont je
suis redevable à sa providence
paternelle: je lui demande pardon
des fautes sans nombre dont je me
suis rendu coupable à ses yeux;
et je m'humilie devant les hom-
mes , pour les scandales que je
leur ai donnés.
« J'implore l'assistance de mon
ange gardien, l'intercession de
saint André, mon patron, et des
Saints en qui j'ai eu une dévotion
particulière ; celle de la Sainte-
Vierge , à qui je fus dévoué dès
mon enfance , et par une voca-
tion marquée de la Providence
II.
164 BEA
J'ai éprouvé plus d'une fois des
effets sensibles de sa protection
toute - puissante : j'espère qu'elle
ne m'abandonnera pas à cet ins-
tant de ma vie, le plus important
pour mon salut.
« Plein de confiance en la divine
miséricorde qui se déclare d'une
manière plus éclatante pour les
plus grands pécheurs , j'accepte
en esprit de pénitence, pour l'ex-
piation de mes péchés, le sacrifice
de ma vie. Je l'accepte avec un
cœur pénétré de reconnoissance ,
ce sacrifice que la Foi me présente
comme la plus précieuse de toutes
les grâces : plus j'en suis indigne,
plus j'ai lieu d'attendre de la pré-
dilection divine, le fruit qu'elle
attache à cette insigne faveur.
Qu'il me soit permis de le dire ,
ma chère bonne mère , en vous
ouvrant mon cœur, je dois à la
bonté de Dieu ce témoignage :
dans les épreuves auxquelles il
a permis que je fusse soumis, j'ai
déjà ressenti les effets consolans
de son insigne parole. C'est de
tous que j'ai appris à le con-
noîlre ; et , quand je médite ce qui
est promis à ceux qui seront jugés
dignes de souffrir pour lui, pour
celui qui est la vérité et la vie, je
crois entendre de votre bouche les
exhortations d'une mère de sept
enfans, .qui, sacrifiant au premier
de ses devoirs, ses plus chers in-
térêts , transmit à la postérité
l'exemple mémorable de sa ten-
dresse et de sa Foi. Je sens cette
BEA
vertu puissante m 'élever au-des-
sus de moi-même, et, avec elle,
la joie , la confiance , se répandre
dans mon âme. Si le moment du
combat est si consolant, que sera-ce
de la victoire? Ne vous affligez
donc pas, ô la plus tendre des
mères , de la situation de votre
fils. Dans l'épreuve d'un moment,
vous voyez la voie qui conduit à
la vie. Eh ! que sont toutes les
tribulations du monde, en pro-
portion de cette vie qui n'aura
point de fin ?
« Soyez , je vous prie , ma chère
bonne mère , l'interprète de ce que
je voudrois pou voir exprimer à mes
frères, dans ce dernier moment.
Vous savez combien fut étroite l'a-
mitié qui nous unit : jamais elle ne
souffrit la moindre altération. Les
liens que vous prîtes soin de for-
mer pour notre consolation et votre
bonheur, ne sont point rompus :
j'ai cette confiance. Plus forts que
la mort, ils nous réuniront dans
une meilleure vie.
« Je ne saurois assez recon-
noître les marques d'amitié que
j'ai reçues de mon frère aîné, dans
tous les temps, et les sacrifices
qu'il fit au désir de vous être utile
et à nous tous. Je prie Dieu qu'il
soit lui-même la récompense de sa
vertu , et qu'il le conserve auprès
de vous, comme votre consolateur
et votre appui.
« Je prie Monfolon (1) de rece-
(i) Un de ses frères, qui habitoit
Paris.
BEA
voir aussi l'expression de mes
tendres sentimens et de ma re-
connoissance, pour tout ce que
le zèle et l'amitié lui inspirèrent
de faire pour moi. Je sens tout ce
que son cœur souffre de ce que
nous sommes privés de la conso-
lation de nous embrasser.
« Le mien gémit encore de
l'éloignement de celui de mes
frères (1), à qui la Providence
avoit pris soin de m'unir de plus
près; faites-lui parvenir, je vous
prie , dès que les circonstances le
permettront, les tendres expres-
sions de mon amitié, fondée sur
l'estime et la confiance , comme
encore de mes vœux pour lui.
Puisse - t - il être l'interprète de
mes sentimens auprès de ce digne
Evêque, que Dieu, dans sa misé-
ricorde, donna pour chef à l'église
de Luçon ; auprès de ses vénérables
confrères ; de ces dignes pasteurs
qui m'offrirent de si grands exem-
ples de zèle et de vertu ! Ils savent
combien m'étoient chers les liens
qui nous unissoient. Je renouvelle
avec eux la profession des religieux
sentimens qui nous furent com-
muns. Je les prie de recevoir l'ex-
pression de ma vénération et de
ma reconnoissance , d'oublier les
scandales que je leur ai donnés, et
de se souvenir de moi dans leurs
prières.
(1) Autre frère, Jean Brumauld,
chanoine, chantre et vicaire - général
de Luçon qui, en 1 798 , fut déporté à
Cayenne , et en est revenu.
BEA i65
« Je ne désire pas moins être
rappelé au souvenir de ces res-
pectables confrères de ma capti-
vité. Je mets au rang des grâces
les plus précieuses, l'instruction
et l'exemple que j'ai trouvés parmi
eux. J'espère de leur charité, qui
fut pour moi si indulgente, qu'ils
voudront bien ne pas m'oublier.
«J'embrasse ces chers enfans,
pour lesquels je partage avec vous
les sentimens de la plus tendre
amitié (2). Ma consolation étoit
de les voir croître sous vos yeux;
et j'ai cette confiance, que la se-
mence que vous et leur vertueuse
mère prenez soin de répandre
dans leurs cœurs, ne sera pas in-
fructueuse. Puisse ma situation
devenir pour eux une leçon utile !
Je recommande à l'aîné de graver
dans son cœur, et de transmettre
à ses frères, le dernier avis qu'il
a reçu de moi verbalement, le
plus important de tous ceux que
j'aie pu lui donner.
« Je voudrois pouvoir rappeler
ici tous ceux à qui je tiens par les
liens du sang et de l'amitié, ou
par les devoirs de l'attachement et
de la reconnoissance. Vous serez
l'interprète de mes sentimens,
que vous connoissez, auprès de
ceux qu'il ne m'est pas permis de
nommer. Je prie mon ami (3) de
(2) Ses neveux , enfans d'Anne
Julie Brumauld, sa sœur, veuve de
J. J. A. Parent de Curzon.
(3) M. de Fresne, doyen et vicaire-
général de Luçon.
166 BEA
lire dans mon cœur ce que je re-
grette tant de ne pouvoir lui ex-
primer. Nommer mon ami, c'est
assez vous faire connoître celui à
qui est du ce litre, qu'il possède
depuis long-temps.
« Puisse ma famille chérie, qui
fut pour nous l'objet de tant de
soins, recevoir aussi l'expression
de mes tendres sentimens (1) ! Je
n'ai jamais douté de son attache-
ment. Je recommande à son sou-
venir celui qui ne cesse de s'occu-
per d'elle.
« J'unis, ma digne et tendre
mère, le sacrifice de tout ce qui
fut cher à mon cœur, aux senti-
mens que Jésus-Christ mon sau-
veur conserva pour sa sainte
mère, et pour ceux qu'il daigna
appeler ses frères.
« C'est au pied de la croix
que, vous embrassant pour la
dernière fois , je vous offre l'ex-
pression de ma soumission, de
mon respect et de mes plus ten-
dres sentimens , et le regret des
mécontentemens que je vous ai
occasionnés. C'est pour vous , la
plus tendre des mères, et pour
tout ce que vous aimez ; c'est pour
l'intérêt de la religion , pour notre
malheureuse patrie , pour la per-
sévérance des justes , pour la
conversion des pécheurs; c'est
pour tous ceux qui furent la cause
(l) Le pensionnat de Luçon , formé
par les soii>s de M. de Beauregard ,
«t. dont il étoit le supérieur.
BEA
ou l'occasion de nos peines ; c'est
pour mes péchés, qu'uni par la
Foi à mon Sauveur souffrant et
mourant pour moi , plein de con-
fiance en ses mérites, à sa parole
et à ses divines promesses, je fais
à Dieu le sacrifice de ma vie. Je
remets mon âme entre ses mains. »
Le chanoine Beauregard fut ef-
fectivement amené , le lendemain,
9 thermidor (27 juillet), devant
le tribunal. Les sentimens dont il
étoit pénétré devant ses juges,
peuvent se concevoir aisément,
d'après la lecture de sa lettre. Il
ne tarda pas à être condamné à
périr sur l'échafaud. Les motifs
de sa condamnation furent qu'il
étoit « convaincu de s'être déclaré
l'ennemi du peuple, en employant
le fanatisme pour semer le
trouble et la division dans l'esprit
du peuple». H fut guillotiné le
même jour, pendant que la faction
Thermidorienne remportoit sa
victoire sur Roberspierre. La lettre
du théologal de Beauregard à sa
mère, monument précieux pour
l'histoire de l'Eglise gallicane, mé-
rite d'être lue par les fidèles , avec
le même respect que les premiers
chrétiens lisoient les derniers écrits
de leurs Martyrs.
BEAURETOLR ( Françoise
de), d'une famille noble, âgée de
66 ans, née à Saint-Astier , dans
le diocèse de Périgueux, et domi-
ciliée à Bordeaux, ne voulant point
s'écarter île la Foi catholique dont
file avoit toujours fait profession,
BEC
restoit attachée de religion aux
prêtres qu'on appeloit réfrac-
taires. Elle contribua avec onze
autres femmes pieuses, et un sim-
ple porteur d'eau, à soustraire à
la persécution pendant quatorze
mois, un de ces prêtres dont elle
suivoit les exercices de piété
( V. Casatjx). On le découvrit,
et les personnes charitables qui
l'avoient caché furent dénoncées.
Françoise Beauretour, l'une d'el-
les, fut, avec les autres, traduite
devant la commission militaire,
de Bordeaux ( V. Bordeaux) ; et
cette commission la condamna,
comme elles , à la peine de mort,
le 16 messidor an II (4 juillet
1794). On peut lire les termes
précis de la sentence, et le nom
de toutes ces prétendues com-
plices à l'article Je Aux. On y verra
que Françoise Beauretour mani-
festa devant les juges son atta-
chement invariable à la Foi ca-
tholique, et qu'elle ne fut pas
moins ferme que les autres dans
le refus d'indiquer l'asile où d'au-
tres prêtres fidèles se tenoient à
l'abri de la rage des persécuteurs.
BECAVIN (Joseph), prêtre de
Nantes, s'étoit réfugié à Paris, en
1791, pour éviter les persécutions
suscitées dans son pays , comme
ailleurs, contre les prêtres que la
constitution civile du clergé
avoit trouvés inébranlables dans
leur Foi. La tranquillité que lui
offroit la capitale pour y remplir
ges devoirs sacerdotaux, lui de-
BEC 167
vint perfide comme à tant d'autres.
Il n'en profita pas sans se faire
reconnoître pour un ministre fi-
dèle de la religion ; et il étoit
assez noté comme tel par les im-
pies, pour ne pas être recherche
après le 10 août 1792, lorsqu'il?
firent saisir tous les prêtres in-
sermentés qu'on put découvrir
dans Paris. Bécavin fut arrêté des
premiers, puisqu'il se trouve le
cinquième sur le registre de l'état
civil de Paris , fait d'après le re-
gistre d'écrou de l'église des Car-
mes. Comme il demeuroit dans
le quartier de la section du Lu-
xembourg , ce fut devant le co-
mité de cette section qu'on le
conduisit d'abord ; et par la preuve
qu'il y donna de sa fermeté dans
la Foi, il mérita d'être enfermé
dans cette église avec tant d'au-
tres intrépides confesseurs de Jé-
sus-Christ {V. Abraham, Dulatj).
Sa conduite dans cette captivité fut,
comme la leur, une continuelle
préparation à la mort ; et, après
s'être encouragé avec eux à la
subir pour la Foi de Jésus-Christ,
il se présenta aux assassins , le
2 septembre, avec la constance
et la joie des anciens Martyrs.
[V. Septembre.)
BÉCHEREL (Augustin) , prê-
tre, né à Rennes, vers 1753,
étoit à l'époque de la révolution
vicaire de Villepot, dans le dio-
cèse de Rennes. Il ne fit point h*
serment schismatique de 1791 .
et trouva le moyen d'échapper
i68 BEC
aux persécutions des années sui-
vantes, jusqu'à la fin de 1797. La
fureur contre les prêtres fidèles
s'étant ranimée au 18 fructidor
(4 septembre de cette année) , il
fut arrêté en vertu de la loi du
lendemain , qui les condamnoit
à être déportés à la Guiane , s'ils
ne faisoient le serment de haine
à la royauté. [V. Guiane). On
le fit partir pour Rochefort, où il
devoit être embarqué. Il le fut le
12 mars 1798, sur la frégate ia
Charente, d'où il passa le 2 5 avril
sur la Décade, qui le débarqua à
Cayenne vers le milieu de juin
sunant. Il put obtenir un asile
dans un canton de l'île de Cayenne ,
à Roura, ch< z un colon, nommé
Laborde : mais les fléaux du climat
ne vinrent pas moins l'y accabler;
et il mourut en octobre de la
même année , à l'âge de 45 ans.
{V . Beaugé et J. B. Belouet.)
BECK (Reine), Ursuline de
Cassel en Flandre , étoit l'une des
cinq religieuses de la Belgique ,
qui, faites prisonnières par les ar-
mées républicaines lors de la con-
quête de cette province [V . Bel-
gique), en furent envoyées à Arras
avec onze religieux Belges, saisis
dans la même circonstance ( V.
pour les religieuses, H. Buchy,
B. Grison , M. A. S. Minne , A.
Vandervick; etpour les religieux,
P. J. Chareet,G. F. Boucquart,
P. J. Cleys, A. S. Chartrel, P. S.
Foly, L. F. Gamblain , P. J. M.
Leroux , P. J. Montagne , J. A-
BEC
Pellaert , M. Picavet, J. L. Ver-
tocr). Quelques jours après leur
arrivée en cette ville (V . Arras),
le proconsul Lebon les fit amener
dans l'édifice dont il avoit fait le
Temple de ia Raison , c'est-à-
dire de l'athéisme , suivant ce
que nous avons raconté à l'article
Nevers. Il s'y trouvoit lui-même
pour les y recevoir , voulant ou-
trager en leur personne la sainte
religion qu'ils professoient , et
dont il étoit un effroyable apostat.
Dès que ces religieux et religieuses
fuient entrés, il les fit monter sur
un théâtre élevé exprès, où il se
trouvoit lui-même; et là, il les
accabla de blasphèmes et d'in-
jures. Ensuite il les envoya à
son tribunal révolutionnaire.
« Des capucins , des n ligieuses
de la Belgique, dit Prudhomme
(Hist. des Crimes de la Révol.,
tom. VI, pag. 081), sont installés
pêle-mêle sur les banquettes de
ce tribunal. Prisonniers de guerre
avant la réunion (soi-disant légale)
de leur province à la France, ils en-
tendoient peu le français ; et l'on se
contente de demander à ces reli-
gieux s'ils sont auteurs des ser-
mons qu'ils ont prêchés. Le oui
qu'ils répondent devient leur sen-
tence de mort; et les religieuses
qu'on déclare leurs complices ,
sont envoyées avec eux à l'écha-
faud ». Cette condamnation, faite
uniquement en haine de la reli-
gion, fut prononcée le 12 messidor
an II (5o juin 1794)- L'exécuteur
BEC
s 'emparant aussitôt des victimes ,
dérangea les vêtemens des reli-
gieuses avec une indécence ré-
voltante, sous le prétexte de les
préparer au supplice de la guillo-
tine. Il affecta de les faire mar-
cher à l'échafaud proeessionnelle-
ment avec les dix religieux, pour
les livrer à la dérision publique.
Ces seize Martyrs y alloient en
chantant l'office des morts; et,
manifestant la plus édifiante rér
signation, ils donnèrent volon-
tiers leur vie pour la cause de Jé-
sus-Christ. Ces victimes ayant,
suivant l'usage pratiqué en Bel-
gique, en Italie, etc., pour dis-
tinguer leurs personnes de celles
du même nom , donné ceux de
leurs père et mère , nous savons
que Reine Beck, âgée seulement de
25 ans , et née à Hazebrouck , étoit
fille de Jean Beck et d'Adrien ne
Parsy. {V . M. R. Bayart et L. A.
Becquet.)
BECQUET (Louis-Alexandre),
ancien trésorier au bureau des
finances de Lille, et résidant à
Arras, où il étoit né en 1720, se
distinguoit par une piété sincère
qui le faisoit compatir avec géné-
rosité aux maux des prêtres fidèles
que la révolution avoit réduits à
l'indigence. Il plaignit d'autant
plus les prêtres non-assermentés,
dans la persécution qu'ils éprou-
voient, que lui-même restoit fer-
mement attaché à la Foi catholique
qu'on n'avoit pu leur faire trahir.
Il s'associa , pour les secourir, à la
BED 169
bonne œuvre de la ve Bataille
(V. ce nom). Son nom ayant été
trouvé sur le registre de cette
pieuse et charitable dame , il fut
arrêté par l'ordre du proconsul
J1' Lebon ( V . Arras ) , livré avec
elle et les autres compagnons de
la même bonne action , au tribu-
nal révolutionnaire, d' Arras. Ce
tribunal, dans sa séance du 25
germinal an II (14 avril 1794),
prononça aussi contre Becquet,
la sentence de mort, en le quali-
fiant également de « complice de
la conspiration ourdie par la ve
Bataille contre le peuple français
et sa liberté ». {V. R. Beck et
C. F. J. Blanquart.)
BÉDEE (Alexis de), pieux
gentilhomme Breton , père de fa-
mille, résidant à Landujan, près
Saint-Malo, avoit une Foi capable
de braver tous les périls pour la
cause de la religion. Lorsqu'en
1793 et 1794 ■> les prêtres catho-
liques étoient recherchés de toutes
parts pour être conduits à l'écha-
faud, et qu'il leur étoit si difficile
de trouver un asile, à raison de la
peine de mort prononcée d'avance
contre ceux qui les recevroient,
Bédée accueilloit chez lui, non
seulement l'apôtre du canton ,
mais encore tous les habitans qui
vouloient recourir à son minis-
tère {V. J. B. Toslivint).
Lorsque des agens de la persécu-
tion vinrent l'y saisir, au com-
mencement de juillet 1794, ils
arrêtèrent aussi le vertueux Bé-
»;o BED
dée, et l'emmenèrent également à
Rennes. Chemin faisant, ils ajou-
tèrent à ses peines , en envoyant
quelques uns d'entre eux prendre
encore son épouse, que d'abord
ils avoient épargnée. Tous les trois
furent donc amenés à Rennes, où
siégeoit le tribunal criminel du
département d'IUe et Vilaine;
et ce tribunal les condamna en-
semble au dernier supplice, le 7
thermidor an II (a5 juillet 1794)-
Bédée le fuf*comme «recéleur de
prêtres réfractaires» . Avant d'aller
à l'échafaud, il écrivit à son fils
pour lui faire ses derniers adieux,
et lui* recommander de ne jamais
abandonner la Foi de ses pères,
finissant par ces mots dignes d'être
conservés : « Quand vous recevrez
ma lettre , vous n'aurez plus de
père et de mère; on va même con-
fisquer vos biens ; mais la grâce de
Dieu vous restera : soyez-y fidèle. »
(V. J1 Alix.)
BÉDÉE ( Françoise Brcnet ,
épouse d'Aixxis de ) , douée d'une
Foi aussi vive, aussi généreuse que
celle de son mari , fut également sa
compagne dans les bonnes œuvres
que nous venons de raconter. On
a vu par quelle réflexion de bar-
barie les archers de la persécution
l'associèrent à son sort. La lettre
qu'il écrivit à son fils , avant d'aller
a l'échafaud, exprimoit les senti-
mens de son épouse, autant que
les siens propres. Elle étoit con-
damnée en même temps que lui,
k la même peine, par le même
BED
tribunal, et pour la même cause ,
c'est-à-dire comme « recéleuse de
prêtres réfractaires » , pendant que
l'apôtre qu'ils avoient reçu dans
leur maison, l'étoitsousce dernier
titre. Elle périt avec eux et un autre
prêtre [V . M. Chilon) : on peut
voir les circonstances de leur mort
à l'article de .T. B. Toslivint. Les
deux époux, aussi tendrement unis
par la vertu que par leur affection
réciproque , s'estimèrent heureux
de terminer ensemble, pour la
cause de Jésus - Christ , une vie
employée à faire du bien ; et ils
reçurent en même temps la cou-
ronne promise à ceux qui meurent
pour les œuvres de la Foi ( V. J*
Aux).
BEDOUIN ( Jean-Baptiste ) ,
prêtre, religieux, Grand-Carme
du diocèse d'Avignon, retiré à
Sorgues, dans le comtat Venais-
sin , n'échappa point aux recher-
ches des persécuteurs de 1794; «1
fut arrêté et amené dans les pri-
sons d'Orange, pour y être jugé
par l'affreuse commission popu-
laire que le proconsul Maignet y
avoit établie [V. Orange). Cette
commission fit comparoître de-
vant elle ce religieux déjà purifié
dans la prison; et, le 11 messi-
dor an II ( 29 juin 1 794) , elle le
condamna à la peine de mort,
gous le banal et vague prétexte
qu'il étoit convaincu de fédéra-
lisme. J. B. Bédouin fut immolé
le lendemain, à l'âge dç 3o ans.
(F. M* A« Béguin.)
BEG
BEGUIN (Marie), sœur con-
verse chez les religieuses de l'ordre
du Saint-Sacrement à Boulène,
près le Pont -Saint -Esprit, sous
le nom de sœur Saint- Joachim,
continuoit à vivre avec ces reli-
gieuses, dans la maison où elles
s'étoient réunies après la suppres-
sion des communautés cloîtrées.
Elle fut amenée prisonnière avec
elles à Orange, le 2 mai 179^ »
pour y être jugée comme elles
par la féroce commission popu-
laire établie dans cette ville
( V . Orange). Partageant dans la
prison les exercices pieux par les-
quelles ces saintes filles se prépa-
roientà mourir pour Jésus-Christ,
elle n'étoit pas moins qu'elles
animée du désir du martyre
( V. d'Albarède ). Quand elle
comparut devant l'étrange tribu-
nal, elle s'y montra pénétrée des
sentimens delà Foi, entendit avec
résignation et courage le juge-
ment qui la condamnoit , en haine
de la religion, à la peine de mort,
comme «contre-révolutionnaire» ,
parce qu'elle avoit refusé de prê-
ter le serment de liberté-égalité,
en un mot parce qu'elle aimoit
mieux mourir que manquer à
la loi de Dieu. Elle subit cette
sentence le 28 messidor an II
(16 juillet 1794), à l'âge de Go
ans. Son nom a été mal à propos
transformé en celui de Dequi
dans quelques relations impri-
mées. Elle eut ce jour-là pour
compagnes de son martyre M. A.
BEI 171
Doux, W Laye, M. T. Charau-
sols, J. D. M. de Juslamont,
M. F. de Justamont, et M. R.
Gourdon. {V . F. S. Berbiguier.)
BEHAL ( Jean -François ) ,
curé de Bellinglise en Picardie ,
près de Saint-Quentin, n'ayant
point fait le serinent de la consti-
tution civile du clergé, et se
trouvant chassé de France par la
loi du 26 août 1 792 , y avoit obéi.
Trompé ensuite par les discours
de modération que tenoient les
persécuteurs après le 9 thermidor
( 27 juillet 1 794) » il crut pouvoir
sans danger se rapprocher de ses
paroissiens; et déjà il étoit arrivé
pour cela jusqu'aux confins de la
Belgique , lorsqu'il y fut arrêté.
On le livra à la commission mili-
taire qui étoit établie à Bruxelles.
Cette commission , devant laquelle
il comparut le 7 pluviôse an III
(26 janvier 1795), le condamna
à être fusillé comme « émigré » ,
et il le fut le lendemain.
BEILLE (Henri), prêtre du
diocèse d'Alet en Languedoc , et
vicaire dans une paroisse de lu
ville épiscopale , en fut exclu ,
parce qu'il y refusoit de prêter le
serment schismatique de 1791. Il
se retira d'abord dans le village
de Belcaire , près Limoux, où il
fut encore sommé de faire ce ser-
ment. Il y auroit consenti, si le
maire eût voulu lui permettre des
restrictions expresses pour tout
ce qui pouvoit être contraire à
la doctrine catholique. Le vicaire
172 BEI
Beille se tira de cette seconde
épreuve aussi pur que de la pre-
mière ; et il alla chercher un asile
chez son frère, J. B. Beille , dans
le village de Boquefeuil , près
Quillau, où il crut pouvoir échap-
per ensuite aux rigueurs de la loi
de déportation x et continuer d'ad-
ministrer les secours de l'Eglise
aux fidèles du canton; mais, le
17 février 179^5 deux lieutenans
de la brigade de gendarmerie , en
résidence à Quillau , vinrent avec
cinquante-sept soldats, par ordre
de l'administration du district de
ce nom , pour arrêter a Boque-
feuil des prêtres non-assermentés
et soupçonnés d'émigration. Ce
fut avec ce formidable appareil
militaire que l'on arrêta le vicaire
Beille : son frère fut emmené
avec lui, comme prévenu de lui
avoir donné asile ; mais ensuite
celui-ci recouvra sa liberté , en af-
firmant qu'il n'avoit pas voulu
recevoir son frère dans sa maison.
Amené devant le juge de paix de
Quillau, le 18 février, Henri
Beille déclara qu'il auroit prêté le
serment de 1791, si l'on eût voulu
admettre ses restrictions; mais,
dans un interrogatoire qu'il subit
le 2 ventôse an II (20 février
1794), devant le tribunal crimi-
nel du département de Y Aude,
siégeant à Carcassonne, effrayé
par la présence des juges et la
proximité du supplice, il eut la
foiblesse de dire qu'il avoit fait le
serment pur et simple à Belcaire ;
BEL
qu'il étoit possible que le maire
n'en eût pas tenu registre, et que
les communes de Mijanès et de
Bonze, voisines de Belcaire, attes-
teroient cette prestation de ser-
ment. Alors il lui fut accordé
« un délai de huit jours pour
en produire les procès - verbaux ,
sauf la preuve contraire réservée
à l'accusateur public » . Cette ré-
serve fut un expédient de la
grâce pour ramener le vicaire
Beille de sa défection : la miséri-
corde de Dieu ne permit pas
qu'après avoir confessé si géné-
reusement la Foi, et rendu tant
de services à l'Eglise, il en perdît
ainsi le mérite. Par une combi-
naison singulière dont la Provi-
dence seule avoit le secret, Beille
fut ramené le même jour, à deux
heures après midi , devant les
juges, qui connoissoient trop bien
la réputation de ce ministre du
Seigneur pour n'être pas con-
vaincus qu'il n'avoit jamais fait
le coupable serment. Ils l'inter-
rogent de nouveau, d'après cette
conviction ; et il répond avec assu-
rance qu'effectivement « il ne l'a
point prêté; et que s'il avoit tenu
un langage différent, il le rétrac-
toit, s'en rapportant à la déclara-
tion faite devant le juge de paix
du canton de Quillau, et qu'il
réitéroit dans ce moment. » D'a-
près cette généreuse confession de
la Foi , le tribunal prononça la
sentence de Beille en ces termes :
« Attendu que le délai dans lequel
BEL
il devoit se rendre auprès de l'ad-
ministration du département pour
être déporté, éloit plus que passé ;
attendu encore qu'il avoit été su-
jet à la déportation, et qu'il étoit
prêtre réfractaire. le tribunal le
condamne à la peine de mort».
Le lendemain, il périt sur l'écha-
faud de la guillotine. Lue bourse
de taffetas bleu, contenant un
petit corporal, et qui lui servoit
pour porter secrètement le S. Via-
tique aux malades qui étoient
éloignés de Roquefeuil, lui ayant
été enlevé par les gendarmes,
resta au pouvoir des sacrilèges
magistrats d'alors. Les différens
procès- verbaux des gendarmes,
du juge de paix et du tribunal , qui
nous ont fourni tous ces détails,
sont entre nos mains.
BELABRE (Jean), prêtre du
diocèse de Périgueux, né à Gour-
gues, près de Riberac en Péri-
gord, n'ayant point fait le ser-
ment schismatique de 1791, et
n'étant pas sorti de France
après le décret d'expulsion rendu
le 26 août 1792, étoit recherché
par les agens de la persécution
dans sa province. Il leur échappa
vers le milieu de 1795, en venant
habiter Bordeaux où, étant peu
connu, ilespéroit trouver plus de
tranquillité. Mais il y fut décou-
vert et reconnu pour prêtre ; on
l'arrêta, et on le livra pour être
jugé à la commission militaire
que les proconsuls en cette ville
y avoient établie {V . Bordeaux).
BEL i;3
Ce fut le 14 frimaire an II (4
décembre 1795) que le prêtre
Belabre fut amené devant cette
espèce de tribunal qui parut un
moment vouloir le sauver, s'il
consentoit à prêter le serment de
liberté-égalité ; mais Belabre le
refusa comme impie , et il fut
aussitôt condamné à la peine de
mort. La sentence , consignée
dans les registres de la commis-
sion sur lesquels nous l'avons fait
copier, porte qu'il étoit « con-
vaincu d'aristocratie; qu'il s'étoit
refusé à prêter le serment ci-
vique; qu'il ne s'étoit pas sou-
mis à la loi de la déportation, et
qu'il avoit été arrêté avec plu-
sieurs conspirateurs » , c'est-à-dire
dans une réunion de piété. Le len-
demain, il fut exécuté à l'âge de
47 ans.
BELAIR ( François ) , curé.
[V . LÉONARD.)
BELIER (René-Pierre) , prêtre
du diocèse d'Angers, vicaire en la
paroisse de Pin -en - Mauge , près
Saint -Florent -le- Vieil , y étoit
resté pour les besoins des catho-
liques , malgré la loi de déporta-
tion rendue contre les prêtres non-
assermentés, du nombre desquels
il étoit. Lorsque la persécution
atteignit sa plus haute violence
dans l'Anjou, après la défaite de
l'armée catholique et royale au
Mans et à Savenay,le vicaire Bélier
ne pouvoit guère échapper à ses fu-
reurs (F. Vendée et Angers). Il
fut pris, et on le conduisit à Au-
172 BEI
Beille se lira de cette seconde
épreuve aussi pur que de la pre-
mière ; et il alla chercher un asile
chez son frère , .1. B. Beille , dans
le village de Roquefeuil , près
Quillau , où il crut pouvoir échap-
per ensuite aux rigueurs de la loi
de déportation % et continuer d'ad-
ministrer les secours de l'Eglise
aux fidèles du canton; mais, le
17 février 179^, deux lieutenans
de la hrigade de gendarmerie , en
résidence à Quillau , vinrent avec
cinquante-sept soldats, par ordre
de l'administration du district de
ce nom, pour arrêter à Roque-
feuil des prêtres non-assermentés
et soupçonnés d'émigration. Ce
fut avec ce formidable appareil
militaire que l'on arrêta le vicaire
Beille : son frère fut emmené
avec lui, comme prévenu de lui
avoir donné asile ; mais ensuite
celui-ci recouvra sa liberté, en af-
firmant qu'il n'avoit pas voulu
recevoir son frère dans sa maison.
Amené devant le juge de paix de
Quillau, le 18 février, Henri
Beille déclara qu'il auroit prêté le
serment de 1 79 1 , si l'on eût voulu
admettre ses restrictions; mais,
dans un interrogatoire qu'il subit
le 2 ventôse an II (20 février
1794)5 devant le tribunal crimi-
nel du département de Y Aude,
siégeant à Carcassonne, effrayé
par la présence des juges et la
proximité du supplice, il eut la
foiblesse de dire qu'il avoit fait le
serment pur et simple à Belcaire ;
BEL
qu'il étoit possible que le maire
n'en eût pas tenu registre, et que
les communes de Mijanès et de
Ronze, voisines de Belcaire, attes-
teroient cette prestation de ser-
ment. Alors il lui fut accordé
« un délai de huit jours pour
en produire les procès- verbaux ,
sauf la preuve contraire réservée
à l'accusateur public » . Cette ré-
serve fut un expédient de la
grâce pour ramener le vicaire
Beille de sa défection : la miséri-
corde de Dieu ne permit pas
qu'après avoir confessé si géné-
reusement la Foi, et rendu tant
de services à l'Eglise, il en perdît
ainsi le mérite. Par une combi-
naison singulière dont la Provi-
dence seule avoit le secret, Beille
fut ramené le même jour, à deux
heures après midi , devant les
juges, qui connoissoient trop bien
la réputation de ce ministre du
Seigneur pour n'être pas con-
vaincus qu'il n'avoit jamais fait
le coupable serment. Ils l'inter-
rogent de nouveau, d'après cette
conviction; et il répond avec assu-
rance qu'effectivement « il ne l'a
point prêté; et que s'il avoit tenu
un langage différent, il le rétrac-
toit, s'en rapportant à la déclara-
tion faite devant le juge de paix
du canton de Quillau, et qu'il
réitéroit dans ce moment. » D'a-
près cette généreuse confession de
la Foi , le tribunal prononça la
sentence de Beille en ces termes :
« Attendu que le délai dans lequel
BEL
il devoit se rendre auprès de l'ad-
ministration du département pour
être déporté, était plus que passé ;
attendu encore qu'il avoit été su-
jet à la déportation, et qu'il étoit
prêtre réfractaire, le tribunal le
condamne à la peine de mort ».
Le lendemain, il périt sur l'écha-
faud de la guillotine. Une bourse
de taffetas bleu, contenant un
petit corporal, et qui lui servoit
pour porter secrètement le S. Via-
tique aux malades qui étoient
éloignés de Roquefeuil, lui ayant
été enlevé par les gendarmes,
resta au pouvoir des sacrilèges
magistrats d'alors. Les différens
procès- verbaux des gendarmes,
du juge de paix et du tribunal, qui
nous ont fourni tous ces détails,
sont entre nos mains.
BELABRE (Jean), prêtre du
diocèse de Périgueux, né à Gour-
gues, près de Riberac en Péri-
gord, n'ayant point fait le ser-
ment schismatique de 1791, et
n'étant pas sorti de France
après le décret d'expulsion rendu
le 26 août 1792, étoit recherché
par les agens de la persécution
dans sa province. H leur échappa
vers le milieu de 1795, en venant
habiter Bordeaux où, étant peu
connu, il espéroit trouver plus de
tranquillité. Mais il y fut décou-
vert et reconnu pour prêtre ; on
l'arrêta, et on le livra pour être
jugé à la commission mUitaire
que les proconsuls en cette ville
y avoient établie {V . Bordeaux).
BEL 173
Ce fut le 14 frimaire an II ( 4
décembre 1795) que le prêtre
Belabre fut amené devant cette
espèce de tribunal qui parut un
moment vouloir le sauver, s'il
consentoit à prêter le serment de
iibertè-égaUté ; mais Belabre le
refusa comme impie, et il fut
aussitôt condamné à la peine de
mort. La sentence , consignée
dans les registres de la commis-
sion sur lesquels nous l'avons fait
copier, porte qu'il étoit « con-
vaincu d'aristocratie; qu'il s'étoit
refusé à prêter le serment ci-
vique; qu'il ne s'étoit pas sou-
mis à la loi de la déportation, et
qu'il avoit été arrêté avec plu-
sieurs conspirateurs » , c'est-à-dire
dans une réunion de piété. Le len-
demain, il fut exécuté à l'âge de
47 ans.
BELAIR ( François ) , curé.
{V. LÉONARD.)
BELIER (René-Pierre), prêtre
du diocèse d'Angers, vicaire en la
paroisse de Pin -en - Mauge, près
Saint -Florent -le- Vieil , y étoit
resté pour les besoins des catho-
liques , malgré la loi de déporta-
tion rendue contre les prêtres non-
assermentés, du nombre desquels
il étoit. Lorsque la persécution
atteignit sa plus haute violence
dans l'Anjou, après la défaite de
l'armée catholique et royale au
Mans et à Savenay,le vicaire Bélier
ne pouvoit guère échapper à ses fu-
reurs ( V. Vendée et Angers). II
fut pris, et on le conduisit à Au-
i7G BEL
département de la Somme; car il
n'y étoit plus à cette époque. Nul
proconsul n'égala celui-ci, dans
l'impie frénésie des discours, des
menaces, des rapports; et nul ne
fit périr moins de victimes. Il y
avoit été envoyé le 28 juillet 1 7<j5,
avec l'ex-capucin Chabot, aussi
membre de la Convention. Celui-
ci en fut rappelé le 4 septembre
suivant, alors que la faction des
Cordeliers exerçoit sa plus grande
influence ( V. Nevers et Arras ).
Dumont, qui resta seul proconsul
dans les départemens de la Somme
et de Y Oise, parce qu'il lui pa-
roissoit plus digne de confiance ,
s'efforça de la justifier, sans avoir
toutefois des intentions décidé-
ment sanguinaires. Tout ce qu'il
pouvoit dire et faire d'impie, il le
disoit, le faisoit avec le plus grand
éclat. Déjà dans la confidence de
la loi des suspects, qui ne fut dé-
crétée que le 17 septembre* il
l'exéeutoit d'avance, écrivant à la
Convention, dès le 6: «Les ar-
restations des gens suspects se
continuent» ; et, trois jours après,
lui annonçant avec joie « qu'il
avoit fait emprisonner un grand
nombre de prêtres âgés ou in-
firmes qui, conformément à la loi
du 26 août 1792, étoient en ré-
clusion dans une maison du dé-
partement » , il disoit : « Soixante-
quatre prêtres insermentés vi-
voient ensemble dans une superbe
maison nationale Je les ai l'ait
lier deux à deux , et traverser ainsi
BEL
la ville, pour les faire enfermer
dans une maison d'arrêt. Cette
nouvelle espèce de monstres,
qu'on n'avoit pas encore exposée
à la vue du peuple, a produit ici
un bon effet Indiquez-moi la
destination que je dois donner à
ces cinq douzaines d'animaux, de
bêtes noires, que j'ai fait exposer
à la risée publique; et c'étoienf
des comédiens, alors de garde, qui
étoient chargés de les escorter».
Fidèle aux vues de la faction
athéiste ( V. Lois et Tribunaux
révolutionnaires ) , André Du-
mont n'épargne pas plus les prê-
tres constitutionnels que les au-
tres. Il écrit, le i3 septembre ,
à la Convention : « Desbois ,
évêque ( constitutionnel ) de ce
département , vient d'être sus-
pendu publiquement de ses fonc-
tions, et envoyé à la maison d'arrêt.
Ce qui rend la chose plaisante ,
c'est que ce prêtre constitutionnel
est aujourd'hui réuni auxréfrac-
taires » .
Par une nouvelle lettre du 2
octobre , à la Convention , il lui di-
soit : « J'assomme le fanatisme » .
D'Abbeville, où il se transporta y
il lui écrivoit, dans le courant du
même mois : « J'espère que bien-
tôt le paiement des prêtres , en
ce département, ne montera pas
haut; car je vais tâcher d'assom-
mer le fanatisme , et de le faire
disparoître de ce pays » .Le 1" bru-
maire an II (22 octobre 1792), il '
adressa «le Péronne à la Conven-
BEL
tion, une nouvelle lettre , dans la-
quelle il s'exprimoit ainsi : « Nou-
velle capture! d'infâmes bigots,
des prêtres rcfractaires , vivoient
dans des tas de loin, en la ci-devant
abbaye du. . . ; leurs barbes longues
sembloient annoncer (non com-
bien étoit affligeant le sort auquel
la terreur les avoit réduits), mais
combien leur aristocratie étoit
invétérée. Ces trois bêtes noires ,
ex-moines, ont été découvertes ca-
chées... Pour tuer le fanatisme,
je viens de requérir l'arrestation
des prêtres qui se permettoient de
célébrer les fêles ou dimanches.
Je fais disparoître les crucifix et
les croix; et bientôt je compren-
drai dans la proscription les ani-
maux noirs appelés prêtres».
Obligé , dans le cours de sa mis-
sion, d'aller recevoir des instruc-
tions au comité de salut public,
il vient annoncer à la Convention
« que la meilleure réplique qu'il
puisse faire à ceux qui l'accusoient
de s'être brouillé avec l'Eternel,
sera d'envoyer, à la première ré-
quisition, trois à quatre cents
saints d'argent, qui viendront se
présenter à la barre , et y jurer
d'aider à exterminer les tyrans »
{V. Ne vers). Il paroît parla
que Dumont avoit été dénoncé
par la faction contraire à celle des
Danton et des Chaumet , qui
l'emportoit alors. Il flattoit celle-
ci de son mieux , par ces im-
pies fanfaronnades. Cet éncrgu-
mène de l'athéisme « voltigeoit
2.
BEL 177
d'une ville à l'autre , dit Pru-
dhomme (Hisl. des Crimes de
laRévolution, tom. V, pag 177),
faisant guerre ouverte à tous les
objets du culte : à Nouvion, près
Abbeville , il se battit en duel avec-
un crucifix; et, courant à la tête
de scélérats déguisés en militaires,
il alloit enfoncer les portes des
églises, abattre les croix, arra-
cher les images, décapiter les
saints, fouler aux pieds les calices
et les ciboires, cracher sur les
hosties consacrées , et les jeter
aux chevaux. 11 appeloit cela dis-
siper les superstitions avec la
raison des 'baïonnettes et des
sabres. Ce fut ainsi qu'il obtint,
par la persuasion des armes, que
quelques femmes timides, et deux
ou trois prêtres vieux et infirmes,
abjurassent leur religion». Voici
comme il racontoit lui-même un
de ses exploits en ce genre , dans
une lettre à la Convention , à l'oc-
casion de quatre charretées d'ha-
bitans de Montreuil en basse
Picardie, qu'il avoit fait arrêter,
et parmi lesquels se trou voient
deux prêtres en faveur de qui
certains révolutionnaires l'avoient
favorablement disposé : «Je crus,
dit-il , l'occasion favorable pour
exiger d'eux, au milieu de plus de
dix-huit cents personnes (rassem-
blées dans l'église), une profession
de foi. J'étois en chaire; et,
après que j'eus fait sentir au
peuple combien il étoit dupe de
ses prêtre9; que c'étoient de?
12
178 BEL
arlequins et des pierrots vêtus de
noir, qui escaiaotoient les ma-
rionnettes ; que tout ce qu'ils fai-
soient étoit des singeries pour
escroquer de l'argent, il y eut
alors la scène la plus plaisante.
Mes deux prêtres montent en
chaire, annoncent au peuple que
j'ai dit les plus grandes vérités ».
Cette scène avoit eu lieu vers la
fin d'août; et, le 24 brumaire
an II (14 novembre 1795), alors
que la salle de la Convention
retentissoit de semblables aposta-
sies , à l'époque de la fête de la
B.aison, il lui écrivoit d'Amiens :
« Je me félicite sans cesse d'a-
voir, le premier, il y a trois mois ,
l'ait déclarer à deux escamoteurs,
à Montreuil, qu'ils n'avoient été,
jusque là, que des arlequins ou
des pierrots qui endormoient les
hommes, pour vivre à leurs dé-
pens.... Encore un prêtre que je
déprêtrise : la débâcle devient
générale » . Mais c'étoit se vanter
beaucoup trop , pour trois apostats
seulement. Intéressé à entretenir
la Convention du récit de ses
prouesses impies , il lui disoit
ensuite, dans une lettre du 11 fri-
maire (icr décembre) : «Le char-
latanisme religieux fait naufrage :
partout où je vais, on ferme les
églises (il n'en restoit plus que de
constitutionnelles) ; on brûle les
confessionaux et les saints; on
fait des gargousses avec les livres
des lutrins» . Le 18 frimaire (8 dé-
cembre), il fit publier à Amiens
BEL
un arrêté par lequel il vouloit que
« tout homme ci - devant connu
sous le nom de prêtre, bedeau,
suisse, chantre (d'église), et
autres de cette espèce , trouvé
dans les rues, après six heures du
soir, ou avant sept heures du ma-
tin, fût conduit en prison ». Ce
proconsul qui, par la suite, se
croyant obligé de se justifier, a dit,
dans son Compte rendu à ses
Commettans, qu'il s'étoit «borné
à lancer la foudre de sa plume sur
le papier, ef de sa bouche en l'air» ,
ne fit pas, à la vérité, couler le
sang; mais il remplissoiî les pri-
sons de victimes, qu'ensuite on
ne put se dispenser de livrer au
tribunal révolutionnaire de Pa-
ris. On lui a reproché d'avoir
envoyé une grande quantité de
soldats Belges , prisonniers de
guerre, avec environ huit cents
femmes de leur nation, au tribu-
nal d'Arras; mais il ne fit directe-
ment périr aucun prêtre. Pru-
dhomme porte à croire (p. 188)
que ce proconsul n'en eut pas le
temps , lorsqu'il le représente
comme déconcerté, et presque
tremblant à la nouvelle de la chute
d'Hébert, Danton et Chaumet,
en avril 1794- En vain, pour se
maintenir alors dans sa mission ,
il chercha à se donner de l'impor-
tance , par la supposition de
quelques complots hostiles ; il fut
rappelé à la Convention , et il y
travailla, avec les autres Corde-
licrs-Dantouistcs , au renverse-
BEN
nient de Roberspierre. Après la
chute de celui-ci, Dumont se
montra avec ostentation parmi
ces Thermidoriens, qui reje-
toient sur le vaincu tous les crimes
du Dantonisme. Chabot , qui
avoit été rappelé d'Amiens le 4
septembre précédent , parce que
cette faction le soupçonnoit un
peu Roberspierriste , avoit alors
si bien prouvé son attachement
pour elle , que Pioberspierre le lit
comprendre dans le jugement par
lequel Danton fut envoyé à Pé-
chafaud le 5 avril 1794- Nous
avons cru ces développemens his-
toriques nécessaires, pour mettre
de plus en plus nos lecteurs à
portée de bien juger les hommes
et les événemens de ces temps
déplorables (F. P. J. Bellivet,
et P. R. Béisard).
BÉNARD (iV...), prêtre, l'un
des chapelains de l'hôpital géné-
ral de Rennes , étoit né dans le
diocèse de Rennes , à Sens , près
de cette ville, et avoit été succes-
sivement vicaire à Melessé , et
Plechastel, au même diocèse. Il
refusa le serment de la constitu-
tion civile du clergé; et le prin-
cipal des chapelains qui l'avoit
prêté, lui occasionna de pénibles
vexations ; il chassa même de
l'hôpital les enfans pauvres que
celui-ci maintenoit dans la Foi
catholique. Les soins temporels
autant que spirituels qu'il en prit
au dehors, le rendirent pour eux
le représentant même de la di-
BEN 179
vine Providence. Ne pouvant plus
rester dans son poste , il s'associa
avec plusieurs prêtres de Rennes
qui alloient dans les campagnes
prémunir leurs habitans contre
les pièges du schisme que les ré-
volutionnaires établissoient alors.
Trop surveillé , trop recherché
pour échapper aux rigueurs de la
loi de déportation, il se soumit
enfin à la moins périlleuse de
toutes, et se rendit à l'île de Jer-
sey, dépendant de l'Angleterre.
Mais les besoins des fidèles qu'il
avoit quittés , réclamoient son
zèle ; et il ne tarda pas à revenir
en Bretagne. Peu de jours après
qu'il y fut débarqué , on l'arrêta
aux environs de la petite ville de
Bécherel , dans le diocèse de Saint-
Malo , et on le conduisit à Rennes
où il fut emprisonné. Là, malgré
la surveillance de gardes impies,
il réconcilia avec Dieu beaucoup
de victimes destinées à la mort.
Une épidémie s'étant manifestée
dans la prison , lui-même en fut
atteint gravement , et faillit en
mourir. Dieu le réservoit à une
fin plus éclatante et plus glorieuse.
Dès qu'il put marcher, on le fit
comparoître devant le tribunal
criminel à^llle-et-V illaine, sié-
geant à Rennes. Comimï on avoit
trouvé sur lui, en l'arrêtant, ces
images pieuses que portaient les
fidèles de l'armée catholique et
royale [V. Vendée), on le con-
damna à la peine de mort, non
seulement comme « prêtre réûao-
12.
180 BEN
taire, comme émigré - rentré » ,
mais encore pour avoir porté ces
prétendus « signes de rébellion».
En entendant cette sentence , il
dit aux juges : «Je rends grâces
à Dieu de mourir pour av oir porté
ces indices de ma Foi et de ma
confiance ». Cette sentence fut
rendue le 2 pluviôse an II (21
janvier 1794). Prenant ensuite
un crucifix qu'il ne quitta plus,
il le baisoit souvent en expri-
mant les sentimens d'amour dont
son cœur étoit embrasé pour J.-C.
Lorsqu'il alloit au supplice, aper-
cevant dans la foule deux habi-
tans de la paroisse de Plechastel
où il avoit été vicaire, il leur dit,
comme en se félicitant de son sort :
« Je vais mourir pour la Foi de
Jésus-Christ». Quelques minutes
après, sa tête tomba sous la hache
de la guillotine.
BÉNARD (Pierre - Gabriel) ,
prêtre du diocèse de Lisieux, né
aux Loges , près Falaise , vers
1^47» resta ferme dans la Foi ca-
tholique, lors de l'établissement
du schisme constitutionnel ; et
comme il avoit cru trouver un
asile sûr contre la persécution
dans le lieu de sa naissance , il se
dispensa d'obéir à la barbare loi
de la déportation. La pureté de
ses principes, et son zèle pour
l'Eglise , lui avoient mérité la
confiance de son évêque légitime
et de ses plus vénérables coopéra-
teurs, alors réfugiés en Angleterre.
Les représentant dans le diocèse
BEN
aussi dignement qu'il étoit possi-
ble, il se dirigeoit d'après leurs avis.
Cette correspondance, et les ac-
tes d'administration ecclésiastique
qu'il faisoit, ne purent échapper
à la connoissance des persécu-
teurs. Il fut arrêté ; et , vers la fin
du printemps de 17945 on le con-
duisit à Paris pour y être jugé
par le tribunal révolutionna ire.
Les juges le condamnèrent à la
peine de mort, le 12 messidor
an II (3o juin i79/|). La manière
dont est motivée la condamnation,
fait l'apologie de net ecclésiasti-
que. « C 'étoit d'avoir entretenu des
correspondances criminelles(c'est-
à-dire religieuses) avec des prê-
tres émigrés ou déportés à Lon-
dres ; d'avoir dressé et signé des
actes de baptêmes, mariages, etc.,
et de notoriété, qui étoient datés
suivant le calendrier grégorien ,
et attesloient que, pour lui, l'évê-
ché de Lisieux et le royaume de
France contin uoient de subsister » .
Il fut exécuté le même jour, et
périt à l'âge de 47 ans.
BÉNÂRD ( Pierre-Robert) , né
à Bernay, dans le diocèse de Li-
sieux , et doué d'une vocation
ecclésiastique très-marquée, n'a-
voit pas encore eu le temps de
parvenir au sacerdoce, lorsque la
révolution vint déclarer la guerre
a la Foi catholique. Il n'étoit alors
que sous-diacre, et ne pouvoit être
obligé à ce serment de la consti-
tution civile du clergé qu'en
1791 l'on exigea des prêtres
BEN
fonctionnaires publics. Mais s;i
piété et son attachement à la
religion catholique étoient no-
toires. Les persécuteurs le com-
prirent, en i7y5, parmi les prê-
tres non - assermentés dont ils
vouloient se débarrasser. Le sous-
diacre Bénard fut associé à ceux
qu'on cherchoil à faire périr dans
une déportation maritime. On le
conduisit à Rochefort, où il fut
embarqué sur le navire tes Deux
Associés {V. Rochefort). Les
souffrances qu'on y éprouvoit fu-
rent telles que Bénard, dans la
force de la jeunesse, ne put les
supporter. Il mourut à l'âge de
a5 ans, le 22 août 179), et fut
enterré dans l'île A'Aix. (V. Bel-
TttÉMIEUX et L. BÉNIARD.)
BÉNÉ (Nicolas), curé de Ly-
mais-Iès-Mantes , dans le diocèse
de Chartres , n'ayant point fait le
serment schismatique de 1791,
avoit été dépouillé de sa cure
par les autorités civiles. Comme
insermenté , il se trouvoit obligé
a sortir de France, en vertu de la
loi de déportation , du 26 août
1792. Il revint dans sa paroisse
pour y demander le passeport
sans lequel, suivant cette loi, les
prêtres ne pouvoient lui obéir, La
fureur contre eux avoit été si fort
excitée par l'exemple des massa-
cres faits à Paris les premiers jours
de septembre , et surtout par l'in-
vitation de la commune de Paris
à en commettre de semblables dans
toute la France , que le curé Béné
BEN 181
en devint une victime lorsqu'il
faisoil docilement cette démarche.
Il fut massacré, dans cette circons-
tance, comme prêtre non-asser-
menté , le 5 ou 6 septembre 1792.
( V. Septembre. )
BENEZET-CATHELANY (Jo-
seph), curé dans le diocèse d'U-
zès, avoit été dépouillé de sa cure
en 1791, par les autorités révo-
lutionnaires, attendu qu'il n'a voit
pas consenti à faire le serment
schismatique de cette époque. Des
motifs respectables l'ayant empê-
ché de se déporter en septembre
1792, il habitoit la paroisse de
Saint- Pierre , du même diocèse.
La persécution poussant à l'excès
sa recherche des prêtres pour les
immoler, le curé Benezet fut ar-
rêté, et conduit dans les prisons
de Nismes, où siégeoit le tribunal
criminel du département du Gard.
Il comparut devant les juges, le
5 prairial an II (24 mai 1794);
et, d'après les lois d'alors [V . Lois
et Trib. révol.), il fut condamné
à la peine de mort , comme « ré-
fractaire et contre - révolution-
naire», et la subit le jour même
dans cette ville. {V. B. Froment.)
BÉNIARD (Louis), chanoine
ou chapelain de l'église collégiale de
Sainte-Marguerite de Carrouges,
dans le diocèse de Séez, s'étoit
tenu à l'écart du schisme consti-
tutionnel, et n'avoitpas plus prêté
les sermens de 1792, que celui de
1791. L'invariabilité de sa Foi et
son attachement à l'Eglise catho-
i8a BEN
lique lui valurent , en 179^, d'être
arrêté dans sa province où il étoit
resté. Les autorités du départe-
ment de l'Orne le condamnè-
rent à la déportation maritime ; et ,
conduit à Rorhefort, il y fut em-
barqué sur la flûte ie Washing-
ton {V . Piochefort). Après quel-
ques njoii de séjour dans l'hor-
rihle entrepont de ce navire, il
mourut des tourmens qu'on y en-
duroit. Sa mort arriva le 20 août
1794. Il avoit alors 45 ans, et fut
enterré dans l'île d'Aix. {V. P. R.
Bénard et V. Benoît.)
BENOIST l'aîné (IV...), prêtre,
attaché au service d'une paroisse
de Paris, en avoit été écarté parce
qu'il avoit refusé le serment de la
constitution civile du clergé.
Devenu odieux aux persécuteurs,
il ne pouvoit plus qu'être pour-
suivi comme prêtre réfractaire.
Ce fut comme tel qu'on l'arrêta ,
après la fatale journée du 10 août
1 792. Il fut d'abord conduit à l'hô-
tel de la mairie, où on le jeta dans
une espèce de galetas qui y ser-
voit de prison provisoire ; et il eut
pour compagnons de captivité plu-
sieurs autres vertueux ecclésias-
tiques , tels que son frère ca-
det, le curé Royer, le jeune abbé
Pey, etc. {V. ces noms). La veille
du jour où le massacre de voit
se faire à la prison de Y Abbaye ,
il y fut envoyé avec eux, le 1" sep-
tembre. On pourra voir à l'article
Royer comment tous ces pieux
ecclésiastiques se conduisirent
BEN
dans l'une et l'autre prison. Plus
près du martyre en celle-ci , Be-
noist s'y prépara aveo ferveur; et
quand, le lendemain, son tour
arriva d'être massacré , il se trouva
digne d'en recevoir la couronne.
[V . Septembre.)
BENOIST cadet ( N. . . ) ,
prêtre, frère du précédent, atta-
ché, comme lui, au service de
l'une des paroisses de Paris, par-
tagea sa fermeté dans le refus de
prêter le serment de. la constitu-
tion civile du clergé [V . Benoist
l'aîné). Dévoué par cela même à
la proscription générale des prê-
tres soi-disant rèfractaires , il fut
arrêté , avec son frère , après le
10 août 1792, et ne le quitta plus
dans les diverses prisons par les-
quelles ils dévoient l'un et l'autre
arriver au martyre {V. Royer).
Ce fut à celle de Y Abbaye qu'on
le conduisit et qu*on l'enferma,
le 1" septembre. Offrant à Dieu,
comme son frère , sa propre vie
en holocauste , il en consomma le
sacrifice le lendemain. ( V . Sep-
tembre.)
BENOIT (Vincent), prêtre de
la paroisse de Sulinac, au diocèse
de Vannes, et né à Lenay, même
diocèse , montra autant de cons-
tance dans la Foi catholique que
la plupart des prêtres de sa pro-
vince, lors du schisme de 1791.
Aucun des serniens exigés par les
autorités révolutionnaires n'ayant
été fait par lui, elles l'arrêtèrent,
en 1795. 'îomme prêtre inser-
BEN
menté , ou plutôt comme un mi-
nistre zélé de la religion qu'elles
vouloient détruire. Condamné à
la déportation, il fut conduit à
Rochefbrt , pour y être embarqué ;
et on le mit sur le navire (es Deux
Associés ( V . Rochefort ). Les
peines qu'il y endura le condui-
sirent au tombeau. Il mourut le
3o août 1794? à l'âge de 5o ans;
et on l'enterra dans l'île Madame.
(V. L. BÉNiARD,et C. Bequinot.)
BENOIT (Dom), Chartreux.
{V. P. F. Doré.)
BENOIT {Le Père), prêtre et
religieux Capucin de Nismes, né à
Beaueaire, en 1730, fut une des
principales victimes des troubles
auxquels servirent de motifs, en
1 790 , ces adresses des catholiques
de Nismes au Roi et à l'Assemblée
Constituante , par lesquelles ils de-
mandèrent que la religion catho-
lique, pour laquelle ils se mon-
troient résolus à mourir, fût dé-
clarée « religion de l'Etat » ( V .
Nismes). Les Calvinistes, et ceux
qu'ils regardoient comme leurs
adversaires, étoienten présence et
armés, le 14 juin de cette année;
mais les premiers, plus en force,
et d'ailleurs munis de puissans
appuis dans l'Assemblée Consti-
tuante , pouvoient aisément , avec
quelques violences , remporter
la victoire. Après avoir fait la
visite du couvent, pour s'assurer
qu'il ne s'y trouvoit point d'armes
cachées par les catholiques , et
qu'aucun d'eux ne s'y étoit mis
BEN i85
en garde contre leurs attaques,
ils y postèrent des hommes qui,
par quelques coups de fusil ,
dévoient leur donner ie signal
pour pénétrer dans le cloître ,
et le dévaster. Ce stratagème
grec leur réussit : ils se précipi-
tèrent dans le monastère, enfon-
çant les portes à coups de hache.
Les religieux, qui alors chantoient
les vêpres, se réfugièrent pour la
plupart dans le clocher. Le Père
Benoît, fuyant dans une chapelle,
y est arrêté par un des assaillans,
à qui son âge n'imprime aucun res-
pect. La barbe vénérable du reli-
gieux semble ajouter à la fureur
que son saint habit inspire : le
Calviniste lève sur lui son fer
meurtrier ; le Père Benoît le prie
d'attendre qu'il ait recommandé
son âme à Dieu. «Mon ami, lui
dit-il, donnez-moi le temps d'a-
chever ma prière; et vous m'im-
molerez ensuite , si tel est -votre
dessein ». L'assassin tire sa mon-
tre , en regarde l'aiguille , et
dit au bon Père : « Je t'accorde
cinq minutes». Elles sont à peine
écoulées, que le barbare décharge
sur lui le fusil qu'il porte, et le
perce aussitôt de la baïonnette qui
s'y trouve adaptée. Le Père Be-
noît, qu'alors il abandonne pour
courir à d'autres massacres, se
traîne encore jusqu'à la porte de
l'église qui conduit au cloître ;
mais, ne pouvant aller plus loin,
il y expire Martyr de sa Foi.
Quatre autres religieux sont eu
184 BEN
même temps mis à mort, de ma-
nières différentes , toutes égale-
ment cruelles, en divers autres
lieux du monastère. Deux jeunes
clercs sont aussi tués, l'un à la
porte du chœur, l'autre à celle de
la sacristie, d'où quatre calices,
avec leurs patènes, deux ciboires,
, les ornemens sacerdotaux, et le
linge de l'autel, sont enlevés. Un
crucifix, qui étoit dans le chœur,
est mutilé à coups de sabre; des
coups de fusil sont tirés à une statue
de la Sainte- Vierge. La voûte delà
chapelle où elle recevoit des hom-
mages est criblée de balles , comme
l'église elle-même. Dans le cloître ,
tout est brisé : les portes, les fe-
nêtres sont arrachées ; les meu-
bles , les ustensiles sont mis en
pièces. La bibliothèque du cou-
vent, donnée aux religieux par
un illustre évêque de la ville ,
Fléchier, d'immortelle mémoire,
est dévastée ; et la belle phar-
macie de ces religieux, qui four-
nissoit aux pauvres de la ville et
même de la province, les secours
les plus abondans, est entière-
ment détruite. Les dévastateurs
essayèrent de justifier ces excès,
en disant que ceux qu'ils avoient
ainsi massacrés et pillés, étoient
des fanatiques. Ces détails sont
puisés dans plusieurs imprimés
du temps , et notamment dans le
Tableau des Excès, des Pil-
lages et des Massacres commis
à Nismes, le i3 juin 1790, et
Us jours suivans : de f'impri-
BEQ
trie rie de Valteyre, rue Vieille-
Bouderie , à Paris , 1 790. (V.
Clat, Fidèle, Reboul, Siméon
et Gas.)
BENOIT (Le Père), Capucin.
(V. C. F. Michel.)
BEQLINOT (Claude), Char-
treux, sous le nom de dom
Claude , et de la maison de
Bourg-Fontaine, près de Villers-
Coterets, dans le diocèse de Sois-
sons, étoit né à Langrei, dans le
même diocèse. Excellent religieux,
il avoit les vertus de son état au
suprême degré. Loin d'en rien
perdre, quand la révolution l'eut
chassé de son cloître , il les pra-
tiqua avec encore plus de ferveur,
et montra un invincible attache-
ment à la Foi catholique, dans les
épreuves de 1792 comme de 1791.
Modèle de piété et de ferveur, sa
présence étoit trop importune aux
impies de 1793. Dom Bequinot
se trouvoit alors dans le dépar-
tement de la Seine-Inférieure :
il y fut arrêté. On le condamna
à être déporté au-delà des mers;
et on le fit conduire à Boche-
fort, pour y être embarqué. (V.
Bochefort). Le navire sur lequel
il lui fallut monter, étoit les Deux
Associés. Une fois sur le pont du
navire, les déportés étoient obli-
gés de descendre dans l'intérieur
du bâtiment , après avoir été ri-
goureusement fouillés. L'un d'eux,
dans les Mémoires qu'il a écrits
sur cette déportation , raconte à ce
sujet un fait relatif à dom Bequi-
BEQ
not, et que nous ne devons pas
passer sous silence. « Comme on
faisoit descendre ces malheureux
prêtres, dit-il, un à un, dans l'in-
térieur du bâtiment, et qu'on les
fouilloit auparavant, pour leur en-
lever leurs couteaux, ciseaux, etc.,
de même que tous les instru-
mens et objets de religion, on
prit, dans la valise de ce véné-
rable chartreux, trop confiant, un
magnifique Christ d'ivoire. A cette
heureuse découverte , je laisse à
penser quelle joie atroce firent
éclater les soldats, quelles sacri-
lèges railleries , et quels abomi-
nables blasphèmes ils proférèrent.
Figurez-vous une meute de chiens
enragés : c'est l'expression de l'E-
criture-Sainte , quand elle peignoit
prophétiquement les impies qui
mirent à mort celui dont ce Christ
étoit l'image : Circumdederunt
me canes muiti; concilium
malignantium ohsedil me (Ps.
xxi, ^. 17). Aussitôt un officier,
digne émule de ces anciens déi-
cides , prenant son sabre d'une
main , et de l'autre appuyant le
Christ sur un billot, d'un coup de
son arme , lui fait sauter la tête ,
croyant sans doute se débarrasser
de la Divinité , parce qu'il détrui-
soit l'image de l'Homme - Dieu.
Tous les matelots se mirent alors
ù crier comme des forcenés , en
levant le chapeau de même qu'à
la vue d'une exécution sanglante :
Vive ia nation ! Vive la ré-
publique ! Hélas ! de quoi le
chrétien apostat n'est-il pas ca-
pable ?
«Ce saint religieux, continue
le même historien, mourut dans
ce qu'on appeloit le grand-hôpital
(fait en baraque, dans l'iled'^ia;).
Après avoir passé saintement la
plus grande partie de sa vie dans
l'exercice de la contemplation et
dans la pratique de toutes les ver-
tus solitaires du cloître , il la ter-
mina plus saintement encore dans
la confession de la Foi, et au mi-
lieu des œuvres pénibles du saint
ministère » . Un autre de ses con-
frères de déportation ajoutoit :
« Sa mémoire m'est en singu-
lière vénération, à double titre,
et à cause de ses vertus person-
nelles, et parce que ce fut lui qui
reçut le dernier soupir du plus
intime ami que j'eusse sur le
vaisseau, Raymond Peliniaud de
Journiac ( V. ce nom ). Après
lui avoir fermé les yeux, il me
disoit quelquefois, avec l'accent
de la reconnoissance la plus vive
envers le Seigneur, et celui de
l'admiration la plus profonde pour
les vertus dont il avoit été l'heu-
reux témoin : O mon ami !
quelles actions de grâces ne
dois-je pas à Dieu, pour m'a-
voir accordé en faveur d'assis-
ter un saint à ia mort !
« Ce fut lui qui remplaça en
grande partie ce Saint, dans la
pénible fonction de confesseur à
l'hôpital. Presque tous les malades
avoient recours à lui , quoiqu'il
|86 BER
ne fût guère moins malade qu'eux.
Tant de fatigues achevèrent d'en-
flammer son sang, et de rendre
mortelle une plaie qu'il s'étoit
faite à la jambe. 11 mourut comme
il avoit vécu, en vrai prédestiné
(le iG juillet 1 794 5 a ^âge de
ans, et fut enterré dans l'île
d'Aix). La vue toute seule de cet
homme de Dieu inspirait l'amour
de la pénitence. Il portoit la mor-
tification de Jésus-Christ peinte
sur tout son extérieur. Jamais on
ne se seroit lassé de l'entendre
parler de Dieu , tant il en parloit
dignement et avec onction ! »
Un troisième deses compagnons
de déportation nous a appris (pie
«ce saint religieux, si plein de l'es-
prit de s- n état, étoit appelé par
eux tous, sur le vaisseau, te bien-
heureux Labre; qu'il en avoit
les vertus, et même qu'il lui res-
semblait beaucoup , pour la figure,
d'après les portraits qu'on a vus
de ce serviteur de Dieu», déclaré
vénérable , en 1783, parle pape
Pie VI. {V. V. Benoist, et J. J.
Bérai'd).
BÉRAUD (Jean- Jacqies ),
prêtre et chanoine de l'église de
Notre-Dame de Moulins, né en
cette ville, connut trop bien les
pièges de la constitution civile
du clergé, et étoit trop pieux pour
y adhérer en aucune manière. Il
détendit même, autant qu'il étoit
en lui , la Foi catholique contre les
atteintes qu'elle lui portoit. La
persécution étant devenue plus
BER
violente en 1795, le chanoine
Béraud , que les persécuteurs n'a-
voient pas perdu de vue, et qui
résidoit alors dans le département
de V Ailier, y fut arrêté. On le
condamna bientôt à être déporté
à la Guiane ; et on le fit traîner a
Rochefort pour y être embarqué
{V. Rochefort). Il le fut sur le
navire les Deux Associés, dont
l'entrepont affreux lui donna la
mort. Il rendit son dernier sou-
pir à l'âge de 37 ans, le 28 juillet
1794, et fut enterré dans l'île
d'Aix. Ses compagnons d'infor-
tune, ou plutôt de martyre, dé-
plorèrent d'autant plus sa perte
qu'il auroit été d'un grand secours
à l'Eglise. « Cet ecclésiastique, dit
l'un d'entre eux , étoit instruit et
pieux, d'un jugement sain et so-
lide ». [V. C. Béquinot et ....
Beuger, de Bourges.)
BFRALLD - DLPERRON
(iV. .. ), prêtre de la congrégation
des Eudisles, à Paris, s'y montra
dans tout le digne coopérateur du
vénérable supérieur de cette com-
munauté ( V. Hébert). Par sa
vie exemplaire et par son zèle
pour la Foi , il méritoit comme lui
d'en être récompensé par la gloire
du martyre. 11 fut du nombre des
Eudistes que les impies persécu-
teurs firent arrêter dans les jours
qui suivirent la journée funeste
du 10 aovt 1792. Conduit d'abord
au comité de la section, il y
refusa le coupable serment , et
fut ensuite traîné à l'église des
BER
Carmes, devenue toul à coup la
prison des prêtres fidèles à leur
Foi. Son supérieur et huit de ses
confrères y étoient amenés avec
lui [V. Beaulieu). Au milieu de
cette auguste et nombreuse so-
ciété de captifs de Jésus- Christ ,
parmi lesquels étoient trois illus-
tres prélats de l'Eglise gallicane
{V. Dulau, Rochefoucauld ) ,
Duperron se sentit une nouvelle
force pour confesser sa Foi en
présence des bourreaux. Lorsque
le massacre fut repris, le 2 sep-
tembre, avec la marche régulière
que lui donna le commissaire de la
section , le prêtre Duperron mon-
tra, non moins courageusement
que les autres, qu'il n'étoit pas in-
digne de partager avec eux la cou-
ronne du martyre. [V. Septembre.)
BERAULT- DUVIGNE AU
(Placide), fille pieuse du Poi-
tou, domiciliée à Coussay, près
Châtellerault ( V. Dxivigneati ) ,
ayant été accusée en 1794 d'avoir
fait des actes de religion et brodé
des images du sacré cœur de Jé-
sus ( V . Vendée) , fut arrêtée et
livrée à la commission militaire
qui jugeoit à Fontenay. Cette
commission la condamna pour
cette cause à périr sur l'écha-
faud, en l'accusant d'être par
cela même une «contre-révolu-
tionnaire » .
BERBIGUÏER ( François -Si -
méon), prêtre et religieux Capu-
cin de Caderousse, dans le com-
tat Venaissin , non loin d'Orange ,
BER i%f
s'étoitmis, quoique âgé, après la
suppression des ordres monasti-
ques, à desservir, comme vicaire,
la paroisse de Pouzilhac près d'U-
sez. Il fut arrêté en 1794? Par
les farouches révolutionnaire? de
sa province, et livré à la com-
mission populaire d'Orange
( V. Orange ). Cette commis-
sion, dont la plus grande fureur
se dirigeoit contre la religion et
ses ministres, condamna ce reli-
gieux, âgé de 68 ans, à la peine
de mort, comme « fédéraliste»,
le 14 messidor an II (2 juillet
1794) ; et il fut exécuté le lende-
main. {V. J. F. J. Berbigtjier. )
BERBÏGUIER-DE-LARNAGE
(Jérôme- François-Joseph), jeune
prêtre, et vicaire d'une paroisse
près d'Usez , à l'époque de la
prestation du serment schisma-
tique de 1791 , ne s'en rendit pas
coupable, et resta dans sa pro-
vince où il croyoit jouir de quel-
que sûreté contre la persécution.
Mais elle devint si violente et si
inquisitoriale en 1794? qu'f ne
put y échapper. On le conduisit
dans les prisons d'Orange , en at-
tendant qu'il put être envoyé à l'é-
chafaud par la féroce commission
populaire établie dans cette ville
( V. Orange). Cette commission
l'ayant fait comparoître devant
elle le 14 messidor an II (2 juil-
let 1794)5 et dissimulant à l'or-
dinaire sa haine de la religion
avec une vague accusation de fc-
déraiisine, condamna sous cr*
i88 BER
prétexte le vicaire Berbiguier à la
peine de mort. Il la subit le len-
demain, à l'âge de 27 ans. ( V . F.
Bernard. )
,/BERENGER (Jean-Antoine),
curé de Peypin , prés de Roque-
vaire , dans le diocèse d'Aix , avoit
perdu le bénéfice de sa cure par
son refus du serment de 1791;
mais, ne s'en croyant pas moins
obligé à veiller sur le salut de ses
ouailles , il étoit resté dans le
canton. Les persécuteurs l'en en-
levèrent au commencement de
1794? et le traînèrent à Marseille
pour y être jugé par le tribunal
des Bouches - du- Rhône, qui,
siégeant en cette ville , avoit
l'ordre de condamner à mort,
tomme « fédéralistes », toutes les
victimes qui lui seroient livrées
{V . Orange). C'est ainsi que fut
condamné ce curé, le 4 germinal
an II (24 mars 1794), et l'exé-
cution eut lieu le lendemain.
BERGER (Charles - Henri ),
prêtre , religieux Bénédictin , né
en Lorraine vers 1766, exerçoit
en 1797 le saint ministère dans la
paroisse d'Azerailles, au diocèse
de Toul. La tolérance que le gou-
vernement sembloit avoir adoptée
depuis 1795 à l'égard des prêtres
non-assermentés du nombre des-
quels il étoit, fut un piège que
démasqua la funeste journée du
18 fructidor ( 4 septembre 1797)-
La loi du lendemain condamna
tous les prétendus réfractaires
à être déportés à la Guiane
BER
{V. Guiane). Dom Berger, qui
ne vouloit point faire le serment
de haine à la royauté, prescrit
à cette époque , fut arrêté et en-
voyé à Rochefort pour être em-
barqué. Il le fut le 1" août 1798
sur la frégate la Bayonnaise ,
qui le déposa à Cayenne , le 29
ou 3o septembre suivant. De
Cayenne , il fut aussitôt relégué
dans le désert de Konanama dont
les fléaux vinrent bientôt l'acca-
bler. Il y mourut de la peste, le
1 1 de novembre 1798, à l'âge de
32 ans , y laissant pour toute
succession temporelle une somme
de 5o livres 12 sols. ( V. J. B. Be-
louet et L. F. J. Bernard. )
BERGER (IV...), prêtre du
diocèse de Bourges, né en cette
ville, vers 1767, n'avoit reçu
l'ordre du sacerdoce que depuis
les troubles révolutionnaires. Il
n'avoit pas été déconcerté par eux
dans sa vocation , et promettoit
un bon ministre à l'Eglise. Il ré-
sista au piège de la constitution
civile du clergé, et rendit son
ministère utile aux catholiques de
sa province. Ce zèle et sa fermeté
dans la Foi ne pouvoient qu'irri-
ter les persécuteurs contre lui.
On le saisit en 179^; et, après
l'avoir tenu quelque temps en
prison à Bourges, on le condamna
à la déportation au delà des mers.
Traîné à Rochefort , il y fut em-
barqué sur la flûte les Deuta
Associés {V. Rochefort). Les
souffrances de l'entrepont de ce
BER
bâtiment étoicnt si cruelles, que,
malgré sa jeunesse et sa vertu, le
prêtre Berger ne put long-temps
les supporter. Il mourut à l'âge
de 27 ans, le 1 5 juin 1794, et lut
enterré dans l'île d'Aix. ( V . J. J.
Beraud et Bernard, Cordelier.)
BERGON (François), prêtre
Lazariste de la maison des Mis-
sions de Cahors , et né à Bala-
guier, près Figeac , vers 1757,
revint dans le lieu de sa naissance
lors de la destruction des établis-
semens religieux, en 1791. Ferme
autant qu'instruit dans sa Foi, il
consacra son ministère à confir-
mer celle des catholiques du can-
ton, et à leur procurer les sacre-
mens de l'Eglise. Les administra-
teurs du département du Lot ,
siégeant à Cahors, le firent arrê-
ter à l'époque de la loi de dépor-
tation. Bergon, ne doutant point
qu'on ne le comprît avec les
prêtres insermentés qu'elle avoit
bannis , et gémissant de l'abandon
où alloient se trouver les fidèles
de Balaguier, profita d'une occa-
sion de s'évader pour revenir au
milieu d'eux. Les persécuteurs l'y
firent rechercher; il fut obligé de
s'enfuir dans les bois ; mais comme
il revenoit souvent au secours des
malades, une nuit, celle du 10
mars 1794, lorsqu'il portoit le
saint Viatique à l'un d'eux, il fut
reconnu et arrêté. On le condui-
sit d'abord à Figeac, et ensuite à
Cahors où siégeoit aussi le tribu-
nal criminel du département du
BER 189
Lot. Ce tribunal l'ayant fait com-
paroître devant lui, le condamna,
le 27 floréal an II ( 1G mai 1794)
à la peine de mort , comme
« prêtre réfractaire ». Le bour-
reau s'empara de sa personne ;
un des gardes lui fit essuyer de
sacrilèges outrages , que leur gros-
sière infamie ne permet pas même
à la bienséance de raconter ( V . le
livre intitulé Les Confesseurs do
la Foi, à la pag. 492 du tom. II).
En marchant au supplice le len-
demain , Bergon récitoit à voix
haute le psaume Misère) e met;,
Deus. Rencontrant sur la route
une femme qui lui parut digne de
sa confiance, il ôta sa chaussure,
la lui remit en disant : « Donnez-
la à un pauvre ; Jésus-Christ étant
allé nu-pieds au Calvaire, je veux
en agir de même» . Arrivé à l'écha-
faud, il y monta d'un pas ferme,
et mourut en vrai héros de la Foi.
à l'âge de 37 ans.
BERGON ( 2V... ) , aumônier
d'une maison religieuse aux Bau-
mes, près Florac, dans le diocèse
de Mende , s'étoit retiré à Mende
depuis la suppression de l'établis-
sement auquel il étoit attaché.
On l'arrêta à la fin de 179^; et
comme il n'avoit pas été astreint
au serment de 1791, n'étant pas
fonctionnaire public , le tribunal
criminel du département de la Lo-
zère , auquel il fut livré comme
victime sacerdotale, ne pôuvoit
l'envoyer à la moit comme prêtre
réfractaire. Mais les prétextes nu
igo BER
manquant point alors aux juges,
ils fiient périr le prêtres Be:gon,
comme « complice de séditieux».
La sentence fut prononcée le 24
floréal an II ( i3 mai 1794) ; et
l'exécution s'en fit le lendemain.
BERNARD (Amakd), curé de *
la petite paroisse de Saint-Pierre,
à trois lieues de Baar, dons le dio-
cèse de Strasbourg, et dans la di-
recte des chanoinesses d'Andlau,
avoit fait ses études ecclésiastiques
au séminaire de Strasbourg. 11 fut
d'abord pourvu d'une prébende
canoniale dans la collégiale de
Lautembach , même diocèse ; mais
son désir de se consacrer entière-
ment au salut des âmes lui lit per-
muter en 1779 ce bénéfice contre
la cure dont il s'agit. La sainte
ardeur avec laquelle il remplissoit
ses devoirs de curé sembla s'ac-
croître lorsqu'il vit la religion
ébranlée par les innovations de
l'Assemblée constituante. Comme
il refusa le serment de la consti-
tution civile du clergé, la loi de
déportation rendue en août 1792
l'obligeoit d'abandonner tout-à-
fait ses paroissiens pour sortir
de France. Il ne se sépara d'eux
que le 14 septembre suivant ;
mais, s'en éloignant le moins qu'il
pou voit, il fut ramené par son
zèle auprès d'eux, en février 1 793,
pour raffermir leur Foi par ses
exhortations et par l'administra-
tion des sacremens. Les dangers
que mulliplioit autour de lui la
persécution toujours croissante, le
BER
forcèrent à fuir en Suisse. Riais,
après la chu le de Pioberspierre,
étant sédu't par ies discours de
ceux qui, l'ayant renversé, reje-
toicut sur lui les fureurs de la
persécution, Bernard, impatient
de revoir ses ouailles, vint à
Belle vers la fin d'octobre 1794
pour rentrer en France. En vain
un de ses confrères déportés qu'il
y rencontra voulut l'en détourner,
en lui représentant que la faction
triomphatrice se composoit des
mêmes persécuteurs qui avoient
proscrit la religion ; Bernard ,
après quelques jours d'hésitation,
n'en prit pas moins le parti de
s'acheminer vers son troupeau,
en disant : « Je me résigne à tout
pour faire mon devoir ; que la
volonté de Dieu s'accomplisse » .
Quoiqu'il eût pris le soin de se
vêtir en chasseur pour n'être pas
reconnu dans la route , imitant en
cela, pour sa sûreté, le saint évê-
que Eusèbe de Samosate , et le
saint Martyr Barlaam , dont saint
Jean Damascène a fait un si tou-
chant éloge, il fut arrêté comme
suspect au village de Saint-Louis,
sur la route de Bâle à Strasbourg.
En le fouillant , on trouva son bré-
viaire; et, cette découverte ayant
fait soupçonner son état, on le
mena prisonnier à Huningue, où,
étant interrogé sur sa profession,
il déclara franchement qu'il étoit
prêtre déporté. La gendarmerie
fut alors chargée de le conduire à
Colmar où siégeoit le tribunal cri-
BER
minci du département du Haut-
Rhin. Les juges le condamnèrent,
le 1 5 brumaire an II ( 5 novembre
*794 ) , à la peine de mort ,
comme « émigré-rentré ». Avant
d'aller à l'échafaud , il écrivit à
plusieurs personnes pieuses pour
leur faire ses adieux, et entre
autres à deux de ses paroissiennes,
qui étoient sœurs, et vivoient en-
semble , leur disant : « Je vais
être aujourd'hui même une nou-
velle victime pour notre sainte
religion.... Priez beaucoup pour
moi ». Quand il fut arrivé à
l'échafaud, il dit encore au peuple
d'une voix haute de prier pour
lui, se mit à genoux, et pria lui-
même quelques minutes de ma-
nière a être entendu de tous les
assislans. Se relevant ensuite, et
quittant lui-même ses habits, il
livra sa tête à l'exécuteur qui
l'abattit le jour même de la sen-
i tence.
BERNARD (IV... ), curé de la
paroisse de Thuret, près Riom,
dans le diocèse de Clermont où il
étoit né, à Beaumont-lès-Rondan ,
hésita quelques jours entre le refus
et la prestation du serment de la
constitution civile du clergé,
doutant encore s'il étoit licite ou
non. Ce furent les raisons mêmes
qu'on lui donnapourle déterminer
à le prêter qui , par leur évidente
mauvaise foi, le décidèrent à le
refuser. Il ne résista pas à la loi de
déportation , et sortit de France ;
mais, impatient d'y rentrer pour
BER 191
revoir son troupeau, il crut que
l'occasion en étoit pn.pice, lors-
qu'après avoir renversé Robers-
pierre la faction thermidorienne,
rejetoit sur lui toutes les horreurs
de la persécution. En 1796, il
vint d'abord à Lyon , où tou-
jours les prêtres fidèles furent si
bien accueillis deshabitans; mais
les autorités en ce moment se
trouvèrent disposées à les persé-
cuter de nouveau. Bernard fut
arrêté ; et bientôt on le condamna
à être fusillé , comme « émigré-
rentré ». Un gentilhomme d'Au-
vergne nommé d'Espinchal, con-
damné en même temps à la même
peine, également «commeémigré-
rentré,» reçut de lui, avec la grâce;
des sacremens , l'exemple d'une
mort courageuse; mais, lorsqu'il
périssoitpour la cause du roi, Ber-
nard mouroit pour celle de Jésus-
Christ, sans laquelle il n'eût pas
été déporté, et pour laquelle i!
étoit rentré , et retournoit dan.»
sa province. [V . Boutiliek.)
BERNARD (Charles), curé
de Laucourt, près Roye, dans le
diocèse d'Amiens, ayant été ex-
pulsé de sa cure à cause de son
refus du serment de «791 , s'é-
toit retiré à Charbonnières, près
Montdidier , même diocèse. De
là, il pou voit encore maintenir ses
paroissiens dans Ta Foi catholique;
mais la loi de déportation le força
de sortir de France en septembre
1 792. Son amour pour ses ouailles
l'y ramena clandestinement au
KJ2 liliK
commencement de 1 794 ; il fut
reconnu, et arrêté dans lu pro-
vince du Laonois. On le traduisit
devant le tribunal criminel du dé-
partement de Y Aisne, siégeant
à Laon ; et il y fut condamné ,
«comme émigré - rentré », à la
peine de mort, le 11 thermidor
an II (29 juillet 1 T9 't) ? deux jours
jiprés la chute de Roberspierre.
BERNARD (Christophe), curé
de la Bastiédonne , près Pertuis ,
dans le diocèse d'Aix , ne sortit
point de France , quoiqu'il fût
proscrit comme n'ayant pas fait
le serment de 1791. On l'arrêta en
1795 , et on le conduisit à Avignon
pour y être jugé par le tribunal
criminel du département de V au-
cluse. Les juges devant lesquels
il comparut le a5 nivose an II
( 14 janvier 1794), le condam-
nèrent à la mort comme « prêtre
réfractaire » ; et il fut exécuté le
même jour.
BERNARD (François), prêtre,
religieux Capucin du couvent de
Valréas , s'étoit retiré , après la
suppression des ordres monas-
tiques, dans le bourg de Saillans ,
diocèse de Valence, où il rendoit
son ministère sacerdotal utile aux
catholiques du canton. Il fut em-
prisonné vers la fin de 1793, et
on le livra en 1 794, àlacommission
•populaire d'Orange, qui, ne pou-
vant exciper contre lui de la loi de
déportation, imagina de le con-
damner, comme « conspirateur»,
ù la peine de mort, le C messidor
BER
an II (24 juin 1794) ; et il fut exé-
cuté le lendemain , à l'âge de 54
ans. [V . R. Bès.)
BERNARD (Pierre-Charles),
prêtre du diocèse de Poitiers , né
à Lusignan , et curé d'une pa-
roisse du Poitou, ayant été pris et
amené à Paris, y fut condamné
par le tribunal révolutionnaire
à la peine de mort, le 9 thermi-
dor an II (27 juillet 1794). Le
texte de la sentence indique suffi-
samment la sainte cause pour la-
quelle il mourut. Cette sentence
dit «qu'il étoit convaincu d'avoir
employé le fanatisme pour semer
le trouble et la division ; et par là,
de s'être déclaré l'ennemi du peu-
ple» , en prêchant la religion, et
remplissant tous les autres devoirs
de son ministère. Il périt le même
jour, à l'âge de 38 ans. [V . A. G. B.
Beauregard.)
BERNARD (iV...), prêtre et
religieux Cordelier de la maison
de Varennes , dans la province
de Champagne , au diocèse de
Reims, ne se vit pas sans dou-
leur expulsé de son cloître, lors
de l'abolition révolutionnaire des
ordres monastiques. Plus l'impiété
qui présidoit à ces espèces de ré-
formes lui étoit notoire , plus son
zèle pour la religion en péril s'aug-
mentoit. Loin de trahir la Foi ca-
tholique par aucun des sermen»
exigés en 1 79 1 et 1 792 , il s'efforça
de l'affermir dans le cœur des
fidèles. Il fut arrêté en 1793, dans
le département de la Metise où il
J4ER
résidoit. On le condamna en 1794
à être déporté à la Guiane ; et on
le fit partir pour Rochefort, où il
devoit être embarqué [V . Roche-
fort). Il le fut en effet sur le na-
vire le Washington, dans l'en-
trepont duquel il souffrit des
maux qui le firent périr. Il mou-
rut à l'âge de 5o ans, dans le cou-
rant d'octobre 1794; et ses cen-
dres reposent dans l'île Madame.
( V . Berger, de Bourges, et L. A.
Bernard.)
BERNARD (Locis-Acgtjstin) ,
prêtre, vicaire de Bais, dans le
diocèse de Vannes, et né à Auray,
même diocèse, préserva sa 'Foi et
sa vertu de toute foiblesse lors des
sermens exigés en 1791 et 1792.
Resté dans le pays pour l'utilité
des catholiques , il y fut arrêté en
1793 parles agens de l'impie Con-
vention ; et bientôt on le con-
damna à être déporté au delà des
mers. Il fut à cet effet conduit à
Rochefort , où on le fit monter
sur le navire (es Deux Associés
{V . Rochefort). Les maux qu'on
y enduroit, surtout dans l'entre-
pont du bâtiment, étoient si af-
freux , que le vicaire Bernard ne
tarda pas d'y succomber. Il mou-
rut le 24 juin '794? à l'âge ^e 4°
ans, etfut inhumé dans l'île d'Aix.
( V. Bernard, Cordelier, et J.
Bernard.)
BERNARD-DU-CORNILLET
(Jean -Charles -Marie), prêtre,
chanoine régulier de l'abbaye de
Saint -Victor, à Paris, étoit né à
2.
BER 193
Chateaubriand, dans le diocèse de
Nantes, en 1760. Il avoit fait de
brillantes études dans sa province ,
lorsqu'il vint, en 1780, se vouer
à Dieu dans cette abbaye ; et ,
après quatre années et quelques
mois consacrés aux études théo-
logiques, il fut ordonné prêtre le
2 1 mai 1 785. La vaste et précieuse
bibliothèque de cette congréga-
tion, qui étoit, après celle du Roi,
la plus riche des bibliothèques
publiques de Paris, et dans la-
quelle Bernard avoit déjà puisé
tant de connoissances , fixa si bien
ses affections, qu'on l'y voyoit
consacrer à l'étude toutes les
heures que ne réclamoit pas le
service divin; et ses supérieurs
comme ses confrères, déjà pleins
d'estime pour ses lumières, et
d'égards pour ses goûts, lui con-
férèrent d'un consentement una-
nime la charge de bibliothécaire,
neuf mois seulement après sa pro-
motion à l'ordre de la prêtrise.
Tous se flattoient avec raison
que le jeune Bernard , doué des
plus heureuses dispositions , et
déjà si avanoé dans le savoir,
feroit revivre en sa personne tant
d'hommes célèbres qui, par leurs
vertus comme par leurs lumières,
avoient illustré cette ancienne
abbaye , si fort estimée de saint
Bernard. Elle sembla respectée
jusqu'à un certain point les deux
premières années de la révolu-
tion. Lorsque tous les établisse-
mens religieux étoient déjà dis-
i3
194 BER
sons, et leurs membres dispersés
par l'Assemblée Constituante, Ici
chanoines réguliers de Saint-Vic-
lor avoienl encore l'avantage de
rester dans leur maison; et Ber-
nard - du - Cornillet ne perdoit
pas l'espoir de passer le reste de
ses jours dans celte retraite si
chère à sa vertu comme à son
goût pour l'étude. Mais bientôt,
sous l'Assemblée Législative, les
Victorins furent expulsés de leur
cloître; et Bernard, qui l'aimoit
trop pour s'en éloigner beau-
coup , choisit de préférence à
tout autre asile la sainte maison
des Nouveaux Convertis, qui
étoit dans le voisinage. Là se
trouvoient réunis , sans y vivre
cependant en communauté, plu-
sieurs prêtres infiniment recom-
mandables par leur piété , leur
zèle, et même leur savoir ( V . P.
et R. F. GïÉkin - du - Rocher ).
Mais cette maison si respectable
ne pouvoit échapper aux recher-
ches de ces hommes qui , déjà
trop puissans , étoienl si ardens
à détruire tout ce qui. pouvoit
conserver et perpétuer les prin-
cipes d'une religion qu'ils vou-
loient, pour ainsi dire, étouffer
dans le sang de ses ministres. Il
paroitroit, d'après les registres
d'éerou de cette époque ( V . Sep-
tembre), que deux ou trois jours
après le dix août 1792, Ber-
nard effrayé quitta cette maison ,
déjà. si fort menacée par les per-
-éidicurs depuis quelques mois.
BER
et qu'il vint se réfugier dans la
rue des Mathurins du faubourg
Sainl-Jacques ; car ce fut là qu'on
l'arrêta le 1 5 août, en même temps
qu'on enlevoil de leur maison ses
confrères des Nouveaux Con-
vertis. On avoit suivi ses traces ;
et il fut amené avec eux devant le
comité de la section dite hideuse-
ment des Sans -culottes , siégeant
dans l'église de Saint - Firmin.
Aucune loi ne l'avoit astreint au
serment de la constitution civile
du clergé, puisqu'il n'exercoit
aucun ministère public à charge
d'âmes. Le comité néanmoins lui
demanda ce serment qu'il savoit
bien que Bernard n'étoit point dis-
posé à prêter. Il le refusa solen-
nellement, comme contraire à la
Foi et aux principes de l'Eglise
catholique. Digne par là de rester
uni avec ses confrères, il fut
constitué prisonnier comme eux
dans le séminaire de Saint-Fir-
min ; et on l'y massacra avec eux ,
le 5 septembre [V . A. A. Alricy).
Son âge étoit alors de 55 ans et
demi. En remarquant son nom et
sa profession , quand on songe à
la cause et au genre de sa mort,
il est difficile de ne pas se rappeler
avec complaisance ce que saint
Bernard disoit de ce digne prieur
de Saint-Victor, qui fut assassiné
de son temps, et qu'avec tant de
ehaleirr et de solennité il procla-
mait vrai Martyr de l'Eglise. [V .
ci -de vaut, tom. I, pag. 48, 55,
et 96. )
BER
BERNARD ( Junies) , prêtre ,
chanoine régulier de la congréga-
tion et maison de Chancelade ,
dans le bourg de ce nom, au dio-
cèse de Périgueux, étoit né, en
1734? à Saint-Junien-sur- Vienne,
dans le diocèse de Limoges. Avant
d'entrer dans cette congrégation,
il avoit essayé de la vie des Trap-
pistes, dont même il avoit porté
l'habit. Son grand amour pour
l'austérité de ces cénobites, ne
trouva pas dans ses forces les
moyens d'en supporter les ri-
gueurs. Après onze mois de novi-
ciat à la Trappe, il fut obligé d'en
sortir; et il entra dans la congré-
gation de Chancelade, où il vécut
avec toute la ferveur de la piété
cénobitique. Quand cette congré-
gation fut supprimée, avec tous
les établissemens religieux, en
1791, Junien Bernard, obligé de
rentrer dans le monde, y porta
les vertus du cloître, et vint habi-
ter la contrée qui l'avoit vu naître.
Vénéré de tout ce qu'il y avoit de
sensible à la vertu dans le pays , il
en étoit d'autant plus un objet de
haine pour les révolutionnaires.
Comme il n'avoit fait aucun des
sermens prescrits en 1791 et 1792,
ce fut un prétexte pour le saisir
comme insermenté. On l'amena
dans les prisons de Limoges; et
bientôt on le réunit aux autres
prêtres dont on vouloit se défaire
par une déportation maritime. II
fut traîné comme eux à Rochefort ,
pour y être embarqué (V. Rocije-
BER 195
fort). Il avoit déjà 60 ans, quand
on le fit monter sur le navire les
Deux Associés, où il donna à ses
confrères l'exemple de la plus
humble résignation , et de la piété
la plus tendre. Malgré son âge
avancé, n'écoutant que son cœur et
sa charité , il voulut se dévouer au
service des malades, d'abord dans
l'entrepont infect du bâtiment, et
ensuite dans l'île Madame, lors-
qu'ils y eurent une espèce d'hô-
pital. C'est en les y servant qu'il
fut atteint du mal qui les condui-
soit à la tombe; et, en succom-
bant lui-même, il mérita tout à la
fois, et la palme des confesseurs
de la Foi, qui acquièrent la gloire
du martyre dans les tourmens , et
la palme de ceux à qui cette gloire
est donnée, parce qu'ils ont sacri-
fié leur vie aux besoins des pesti-
férés. Il expira le 21 septembre
1 794 : ses saintes reliques reposent
dans l'île Madame. ( V. L. A.
Bernard, et J. M. Bernard.)
BERNARD ( Jean - MarIE ),
prêtre, habitué de la paroisse de
Lantic, dans le diocèse de Saint-
Brieuc, étoit né à Plounez , dans
le même diocèse. II ne sembloit
pas (pie , malgré son éloignement
de la constitution civile du
clergé, et du serment de" 1791,
il dût être frappé par la loi du
26 août 1792 , puisqu'il n'étoit
point fonctionnaire public , quand
on exigea ce serment. Mais , prêtre
zélé et fidèle , il étoir utile aux
catholiques de sa province. Les
i3.
196 BER
persécuteurs du département des
Côtes du Nord le leur enlevèrent.
11 fut arrêté en 1793, et conduit
d'abord à Nantes, puis à Lorient
( V . Nevers) , et enfin à Roche-
fort, pour être déporté au-delà
des mers {V . Rochefort). On le
fit embarquer sur le navire les
Deux Associés; et il mourut à 4>
ans, le 1 5 août 1794. Ses confrères
l'inhumèrent dans Pile d'y^'ec. {V .
J. Bernard, et Jis Bernard.)
BERNARD (Jacques), curé de
Vouroux-lès-Varennes, dans le
diocèse de Clermont, né à Vichy-
lès-Bains, dans le même diocèse,
en 1725, ne se rendit point cou-
pable du serment schismatique de
1791 ; et son amour pour ses de-
Toirset pour la religion en péril,
le fit rester en France, malgré la
loi du 26 août 1792. Son âge
d'ailleurs le dispensoit de s'exiler
( V. Déportation ). La persécu-
tion cependant le força de s'éloi-
gner un peu, en J793; et il fut
arrêté sur le département de Y Al-
lier, probablement dans son pays
natal. On l'associa aux prêtres
que le proconsul de la Conven-
tion en ce département, faisoit
envoyer à Rochefort, pour être
déportés au-delà des mers [V . Ro-
chefort). H fut embarqué sur le
navire les Deux Associés, et y
mourut, le 28 août 1794, à l'âge
de 69 ans. Les autres prêtres
l'enterrèrent dans l'ile Madame.
(V. J. M. Bernard et Bernardin ,
wlijjieux. )
BER
BERNARD (Loirs - François-
Joseph ) , prêtre de l'ordre des
frères hospitaliers de Saint-Jean-
de-Dieu, où il étoit appelé le
Père Modeste, a voit vu le jour à
Lille, en 1742. Il étoit, à l'é-
poque de la révolution, aumônier
de l'hôpital que les religieux de
son ordre desservoient , dans la
Trille de Poitiers. Aucun serment
ne fut prêtépar le Père Modeste;
et celui de liberté - égalité lui
parut aussi criminel pour le moins
que celui de la constitution ci-
vile du clergé. Les refus qu'il fit
aux propositions de les prêter ,
comme encore la ferveur exem-
plaire de sa piété, attirèrent sur
lui la plus grande haine des
hommes révolutionnaires de la
province, déjà transformée en dé-
partement de la Vienne. Comme
il ne pouvoit être assimilé aux prê-
tres fonctionnaires publics ,
non -assermentés, que la loi du
26 août 1792 condamna à la dé-
portation , il crut pouvoir sans
danger se dispenser de sortir de
France ; et il se félicitoit d'avoir la
faculté légale de rester pour le
salut des catholiques. Mais, à la
fin de 1793, les autorités du dé-
partement, importunées par ses
vertus et son zèle, le firent arrê-
ter; et, le 28 ventôse an II
(18 mars 1794), le tribunal cri-
minel du département, siégeant
à Poitiers, condamna ce bon et
charitable religieux à être déporté
à la Guiaae, Bientôt il fut envoyé
BER
à Rochefort, pour y être embar-
qué {V . Rochefort). On le fit
monter sur le navire les Deux-
Associés, où il eut à supporter,
indépendamment des maux com-
muns à tous ses compagnons,
une souffrance particulière, infi-
niment grave. Un pas mal assuré ,
sur ce navire incommode et si
fort embarrassé, l'avoit fait tom-
ber rudement dans le fond de
cale, on le crut mort, tant la
chute avoit été forte. Il en eut
le corps tout froissé et meurtri. Si
ses confrères ne fussent accourus
pour le secourir, il y auroit péri ;
et les douleurs qui lui en restoient,
ne s'affoiblissoient que lentement.
Mais cette circonstance ne servit
qu'à faire éclater davantage sa pa-
tience , sa résignation , et toutes les
autres vertus qu'il possédoit dans
un degré très-éminent. En le con-
templant, on se sentoit plus de
force pour souffrir les peines aux-
quelles on étoit livré, et plus de
courage pour conquérir le Ciel.
Comme si la Providence eût voulu
conserver cet admirable modèle ,
pour d'autres prêtres exposés à
des maux du même genre, elle
ne permit pas qu'il fût du nombre
de ceux qui moururent en si
grande quantité , dans cette pre-
mière déportation. Après les onze
mois qu'elle dura, on le mil à
terre, avec le peu de déportés qui
vivoient encore, au commence-
ment de février 1795 ; et il fut
conduit comme eux à Saintes, où
BER 197
leurs souffrances , quoique moin-
dres, durèrent cependant encore
quelque temps. Quand il leur fut
permis de retourner à leurs pré-
cédens domiciles , le Père Mo-
deste vint à Chartres, où il pou-
voit trouver plus d'amis, plus de
ressources, et surtout plus de bien
à faire. Il y reprit avec zèle l'exer-
cice du saint ministère , et dé-
ploya librement la ferveur de sa
piété , comme si la persécution
eût totalement disparu. La catas-
trophe du 1 8 fructidor (4 septem-
bre 1797), vint le détromper, sans
le déconcerter. Il avoit trop d'ar-
deur pour le rétablissement de la
religion, sa vertu pure et sincère re-
poussoit avec trop d'horreur le ser-
ment de haine exigé parles tyrans
à cette époque, pour qu'ils ne le
fissent pas arrêter des premiers. Il
fut une seconde fois traîné à Roche-
fort, pour une nouvelle déporta-
tion {V . Guiane). On l'embarqua,
le 12 mars 1798, sur la frégate (a
Charente, d'où , le 25 avril , on le
fit, non moins péniblement, passer
sur la frégate (a Décade qui devoit
le porter, avec beaucoup d'autres ,
à Cayenne. Dans cette traversée,
on le vit tout aussi édifiant, tout
aussi admirable qu'il l'avoit été
sur les Deux Associés. A peine
fut-il arrivé, le 1" juin, dans la
rade de Cayenne, que le com-
missaire du Directoire en cette
colonie , le relégua de suite à
Ronanama. Ceux d'entre ses com-
pagnons de souffrances qui , deux
198 BER
ans après , en revinrent , trou-
voient une douce autant que
sainte consolation à raconter que,
dans ce désert, « le Père Mo-
deste , par ses vertus célestes
et sa résignation toute surnatu-
relle , ne cessa jamais de leur
paroître un véritable prédestiné ;
et que tous avoient pour lui la
plus profonde vénération». Il y
mourut lentement et douloureu-
sement, de peste et de misère,
à l'âge de 56 ans, le 10 octobre
1798. Dans ses derniers instans,
il répétoit, avec un élan de cœur
où se manifestoit le plus vif em-
pressement d'habiter la demeure
éternelle, ces paroles du prophète-
roi, si analogues à sa situation :
« Arrêtés ici sur des rives affli-
geantes, notre douleur ne peut
que s'y accroître , en pensant à
la sainte Sion , après laquelle je
soupire en versant des larmes de
joie. » Super flumina Babylo-
nis iilic sedimus et flevimus,
dura recordaremur Sion. Eh !
ceux qui sèment dans les larmes ne
recueilleront-ilspas une abondante
moisson de délices : Qui semi-
liant in iacrymis , in exutta-
tionemetent? Ce ne fut pas sans re-
grets cupides que les persécuteurs
subalternes de Konanama, inscri-
vant sur leur registre, la mort du
Père Modeste, se virent obligés
d'y ajouter « qu'il éloit mort dénué
de tout, » et sans rien laisser à leur
rapacité. (V. C. H. Berger, et
P. F. Berthod.)
BER
BERNARD (Dom) , Chartreux.
(V. A. Jh Ledoux.)
BERNARD (Sœur Saint),
religieuse. (V . Je Bomiixon.)
BERNARD (N...) , pieux habi-
tant de la paroisse de Lavallay,
près de Dol, d'accord avec sa
femme , non moins pieuse que
lui, donna, avec tout le zèle de
la charité et de la Foi , un asile
en leur maison, à un prêtre de
Montluc, près Savenay, dont les
persécuteurs avoient mis la tête à
prix (V. Auffray). Ils l'y décou-
vrirent ; et ses deux hôtes furent
arrêtés avec lui, le 1 5 mai 1794»
On les traîna ensemble à Savenay,
où la commission militaire qui
inondoit cette ville de sang, les fit
fusiller tous les trois, le 29 floréal
an II (18 mai 1794)- Bernard et
sa femme le furent comme « re-
céleurs de prêtres réfractaires » .
(V. .Ie Aux.)
BERNARDERIE ( Cdarles-
Marie-Joseph delà), curé. [V . C.
M. J. HUAULT.)
BERNARDIN (N...), prêtre et
religieux du diocèse de Verdun,
préserva sa Foi de toute foiblesse ,
lors du serment schismatique de
1791. La terreur dont l'envelop-
pèrent les événemens affreux de la
fin de 1792, troubla son âme au
point de l'entraîner à prêter le ser-
ment de iiùertd-égalité, prescrit
à cette époque. 11 ne s'en mon-
troit pas moins attaché à la reli-
gion et aux devoirs du sacerdoce.
Les administrateurs delà contrée,
BlvK
transformée en département de
la Meuse, le tirent emprisonner ;
et bientôt le tribunal criminel de
ce département prononça qu'il
devoit être déporté à la Guiane.
Il tut donc envoyé a Rochefort,
pour y être embarqué {V . Roche-
fort). On l'y fit monter le navire
les Deux Associés. Les souf-
frances du séjour de l'entrepont
l'accablèrent ; et , craignant d'a-
voir, par son serment de liberté-
égalité, compromis la Foi ca-
tholique , pour laquelle on le
faisoit souffrir , il se bâta de le
rétracter. Il expira dans les souf-
frances, le 25 août 1794? et fut
enterré dans l'île Madame. {V .
J<ts Bernard et B. Biars.)
BERNARDIN {Le Père), reli-
gieux Carme- Déchaussé. (V. F'
Nicoias.)
BERNARDON (N....), prêtre
habitué de l'église cathédrale de
Montpellier, qui n'avoit point fait
le serment schismatique , ni obéi à
l'inique loi de déportation , voyant
sa tête menacée dans la ville de
Montpellier, s'enfuit dans la cam-
pagne, en se dirigeant vers un de
ces villages dont la pauvreté de-
voit le plus détourner les regards
des persécuteurs. Une paysanne
qui n'avoit d'autre moyen de sub-
sister que le produit d'une très-
petite laiterie, voyant ce prêtre in-
fortuné errer près de sa chaumière,
vint le prier de s'y réfugier , quoi-
qu'elle Sût bien de quelle peine
elle étoit menacée pour cette
BKR 199
bonne action [V . Je Aux). Il n'y
étoit que depuis peu de jours ,
lorsque, dans l'activité des per-
quisitions domiciliaires auxquelles
se livroient les agens de la persé-
cution, il fut découvert. On l'em
mena prisonnier avec sa pieuse
hôtesse. Après quelques jours pas-
sés dans les prisons de Montpel-
lier, il fut amené devant le tribu-
nal criminel du département de
V Hérault , siégeant en cette ville ;
et , le i5 floréal an II (dimanche
4 mai 1 794) , les juges le condam-
nèrent à la peine de mort, comme
« prêtre réfractaire». Le bourreau
s'étant alors approché de lui pour
lier ses mains , Bernardon le plia
de les lui laisser libres, afin qu'il
pût faire le signe de la croix jus-
que sur l'échafaud. Le bourreau
lui répondit qu'il ne pouvoit lui
accorder cette liberté : « Eh bien !
repartit le vertueux prêtre , qu'a-
vant d'être lié , il me soit du moins
permis de marquer maintenant,
pour la dernière fois , ma per-
sonne de ce signe sacré de la ré-
demption, témoignage de la Foi
dans laquelle je vais mourir» ! Lié
ensuite , il marcha à l'échafaud
avec la plus ferme confiance en
Dieu , et périt le même jour. Sa
pieuse hôtesse ne tarda pas beau-
coup à subir le même sort , comme
«recéleuse de prêtres réfractaires» .
[V. 1/ Ballard, E'k Coste,
J-i< Lazuttes et A. F. A. Rol-
land.)
BERNARDON (Pierre) , prêtre
200
BER
BER
du diocèse de Clermont, retiré
à Saint -Julien - de - Fix , près
Brioude, avoit été curé ou vicaire.
Comme tel, il étoit obligé par les
lois révolutionnaires à prêter le
serment de 1791 ; et, s'il l'avoit
refusé, à sortir de France en 1792.
N'ayant fait ni l'un ni l'autre,
et étant resté à Saint-Julien pour
l'utilité des catholiques, il y fut
arrêté vers la fin de 1793. Tra-
duit ensuite, le 29 floréal an II
(18 mai 1794)? devant le tribu-
nal criminel de la Haute-Loire ,
siégeant dans la ville du Puy, les
Juges le condamnèrent ce jour-là
même à la peine de mort , comme
« prêtre réfractaire » ; et il fut im-
molé peu d'heures après cette con-
damnation. [V. J. B. Abeillon.)
BERNARDON (Clair) , pieux
laïc de la paroisse de Saint- Julien-
de-Fix, près Brioude, dans le
diocèse de Clermont , avoit
donné l'asile à son parent, pro-
bablement son frère , le prêtre
P. Bernardon : à quoi il avoit été
porté, non seulement par ses liens
de parenté , mais encore par un
sentiment de religion. Lorsque les
persécuteurs découvrirent chez lui
cet ecclésiastique et l'arrêtèrent,
ils se saisirent aussi de Clair Ber-
nardon et de sa femme, les em-
menèrent avec lui dans les prisons
de la ville du Puy. Là , résidoit le
tribunal criminel du déparlement
de la Haute- Loire {V. J. B.
Abeillon). Clair comparut de-
vant lui avec Pierre; et, emnême
temps que celui-ci fut condamné à
mort, « comme prêtre réfractaire » ,
celui-là fut envoyé à l'échafaud,
comme « recéleur de prêtres ré-
fractai ces » [V. J" Aux), le 29
floréal au II (18 mai 1794)» ct
périt ce jour-là même.
BERNARDON (Thérèse San-
gbe, épouse de)..., résidant avec
lui à Saint-Julien-de-Fix, paroisse
de la Basse-Auvergne , comprise
dans le département de la Haute-
Loire, étoit attachée à la religion
catholique d'une manière inébran-
lable. Vivement touchée des per-
sécutions faites à ses ministres en
1793, elle cacha dans sa maison,
de concert avec son mari , un
prêtre dont la vie étoit menacée.
H fut découvert chez eux; et on
la traîna comme lui et son mari
au tribunal criminel du départe-
ment, siégeant au Puy [V. J. B.
Abeillon). Ce tribunal la con-
damna, le 29 floréal an II (18
mai 1794), à la peine de mort,
comme « recéleuse de prêtres ré-
fractaires » ( V. J' Alix ). Ces
trois Martyrs périrent ensemble
le même jour. [V . C. Bernardon.)
BERON (Jeanne), pieuse fille,
demeurant avec deux sœurs non
moins vertueuses, à Daumcray,
près Durtal , en Anjou ( V . les
deux articles suivans), mirent
avec raison au nombre de leurs
devoirs religieux, celui de four-
nir en leur maison un asile aux
prêtres catholiques , vivement
recherchés de toutes parts et
BER
voués à la mort. Par là , elles pro*
curoient aux fidèles du canton le
moyen de jouir des bienfaits , des
secours et des grâces de l'Eglise :
mais leur bonne œuvre fut décou-
verte ; et elles Turent arrêtées ,
puis conduites à Angers pour y
être jugées par le tribunal crimi-
nel du département de Maine-et-
Loire. Elles comparurent devant
lui le 22 messidor an II (10 juil-
let 1794)5 et furent aussitôt con-
damnées à la peine de mort ,
comme « recéleuses de prêtres ré-
fractaires <> ( V. J" Aux). Elles
perdirent la vie en même temps,
Je jour de la sentence.
BERON (Marie), sœur de
Jeanne et de Rénée, ayant, d'un
commun accord avec elles, donné
asile à des prêtres catholiques dans
Je plus fort de la persécution, fut
condamnée à mort avec ses deux
sœurs, comme «recéleuse de prê-
tres réfractaires» , le 22 messidor
an II (10 juillet 1794), par le
tribunal criminel du département
de Maine-et-Loïre , siégeant
à Angers {V. J' Aux) ; et on l'im-
mola le même jour avec ses deux
sœurs. {V . l'article précédent et le
suivant.)
BERON (Renée), sœur de
Jeanne et de Marie, dont il vient
d'être parlé , subit le même sort
qu'elles, en même temps, et pour
la même bonne œuvre. Traduite
avec ses deux sœurs devant le
tribunal criminel, siégeant à An-
gers , elle y fut pareillement con-
BER soi
damnée à la peine de mort , le 22.
messidor an II (io juillet 1794) »
comme « recéleuse de prêtres ré-
fractaires ». {V. Je Alix.)
BERRUYER (Françoise),
veuve. {V. Fe Gagnère.)
BERTAULT (Charles-Denis),
fut l'un des dix-sept prêtres que ls
tribunal criminel du département
de la Vienne, siégeant à Poitiers,
fit périr à la fois, comme. « réfrac-
taires », le 28 ventôse an II (18
mars 1794) ? en même temps qu'il
en condamnoit beaucoup d'autres
à être déportés à la Guiane ( V .
Rochefort). La sentence rendue
contre Bertault , portant qu'il étoit
domicilié à Paris, suffit pour nous
faire comprendre qu'il y avoit été
attaché au service de quelque pa-
roisse ; qu'y ayant refusé le ser-
ment de la constitution civile
du clergé, et ce refus l'exposant
à de grands dangers, il s'étoit
réfugié dans le Poitou qui s'illus-
troit par son courageux attache-
ment à la Foi de Jésus - Christ
{V . Vendée); et que le zèle avec
lequel il y exerça son ministère ,
lui attira toute la haine des tyrans,
contre l'impiété desquels s'étoieni
soulevés la plupart des habitans
de celte province. {V . M. Babis
et A. S. Bertrand. )
BERTH AU LT(iV. . . ) , aîné, curé
d'Arleuf, au canton de Château-
Chinon, diocèse d'Autun, avoit
été expulsé de sa paroisse par les
autorités civiles , à cause de son in-
variable fidélité aux principes de
2oa BER
la Foi catholique lors de In cons-
titution civile du clergé. Il en
avoit refusé le serment. Comme
il étoit âgé de 62 ans quand fut
rendue la loi de déportation du
2G aofit 1792, il se résigna avec
trop de confiance à la condition
rigoureuse qu'elle imposoit aux
sexagénaires qui ne se déporte-
roient pas eux-mêmes : celle de
vivre en réclusion sous la surveil-
lance des administrations dépar-
tementales. Il fut l'un des vieil-
lards reclus du département de la
Nièvre, etsouffroit avec une édi-
fiante résignation les vexations
qu'on leur faisoit endurer [V . Niè-
vre). Sa bonne foi l'empêchoit
de prévoir qu'au mépris de la
garantie de sécurité qui leur étoit
donnée par la même loi, ils n'é-
toient là que comme en réserve
pour leur plus entière destruc-
tion. Berthault, qui s'y trouvoit
avec son frère cadet , curé de
GIux, au diocèse de Nevers, en
fut enlevé inopinément comme
tous les autres , et traîné avec
eux à Nantes pour y être noyé
{V. Nantes). Tout ce qu'il souf-
frit dans le trajet, et ensuite dans
la galiote du port de Nantes , sur-
passa de beaucoup le supplice de
la guillotine. Il n'y périt cepen-
dant pas, et fut du petit nombre
de survivans que l'on envoya à
Brest, quand leur sort eut l'air de
s'adoucir. Il portoit avec lui le
germe d'une fin prochaine que dé-
veloppa, d'une manière prompte
BER
et cruelle, le brick mal-sain sur
lequel il se trouva placé dans le
trajet; et il mourut en mer le 8
mai 1794? ayant assez souffert
pour aller recevoir dans le ciel la
couronne du martyre. La santé de
son frère ayant résisté aux mêmes
épreuves , le fit échapper à la
mort qui moissonna presque tous
leurs compagnons de déportation.
{F. Badoinot, de Saint-Martin-
lès-Donzy, et Bonard, chanoine.)
BËRTHOD (Pierre- François),
prêtre, né à Saint -Sigismond , en
Savoie, vers 1742, et chanoine
de la collégiale de Sallènches ,
dans la même province, ne fit
point le serment anti -religieux
que les persécuteurs , devenus
maîtres de cette contrée, y de-
mandèrent aux prêtres [V . Sa-
voie). Il trouva le moyen de se
soustraire à leurs recherches ho-
micides en 1793 et 1794; mais
les années suivantes lui ayant
semblé moins funestes à la reli-
gion , il reparut dans son pays
pour y seconder, par les soins de
son ministère , la piété des ha-
bitans. La catastrophe du 18 fruc-
tidor (4 septembre 1 797) étant sur-
venue , et le lendemain de ce jour,
une nouvelle loi de déjiortation à
la Cuiane ayant été rendue ( V.
Guiane) , le chanoine Berthod fut
recherché , et arrêté pour subir
cette peine. On l'envoya à Ro-
chefort, on, le 12 mars 1798, il
fut embarqué sur la frégate la
Charente, d'où le 2a avril il
IÎER
passa sur la frégate la Décade,
qui, vers le milieu de juin, le jeta
dans le port de Cayenne. Relé-
gué presque aussitôt dans le dé-
sert de Sinnamary, il y mourut
de la peste, le 17 janvier 1799? à
l'âge de 56 ans. (V. L. F. Jil Ber-
nard et H. M. Bertrand. )
BERTRAND (N...), curé de
la paroisse de Notre-Dame-du-
Laus, près de Briançon, dans le
diocèse d'Embrun, ayant été ex-
pulsé de sa cure pour n'avoir pas
voulu trahir sa Foi par la presta-
tion du serment de la constitu-
tion civile du clergé, et repous-
sant avec une égale indignation
celui de liberté-égalité, ne put
se dispenser de sortir de France
lors de la loi de déportation. Ré-
fugié en Italie pendant les hor-
ribles temps de 1793 et 1794* il
se sentoit perpétuellement ramené
par son cœur et son zèle vers son
troupeau. Il crut pouvoirenfin sa-
tisfaire ses affections pastorales,
après le neuf thermidor, si
vanté dans l'étranger ainsi qu'en
France, comme y ayant fait cesser
la persécution. Il revint donc
en 1796, ramené par le désir du
salut de ses ouailles; mais bientôt
il fut arrêté sur le territoire du
département de Y Isère, et con-
duit dans les prisons de Grenoble,
chef- lieu de ce département. Le
prétexte de l'y faire périr, plutôt
que de l'envoyer à la Guiane, ne
manquoil pas; car il étoit notoire
dans le pays que le curé Bertrand
BER 20:.
avoit obéi à la loi de déportation
du 26 août 1792. On le livra
donc à une commission militaire
qui le condamna à être fusillé ,
comme « émigré - rentré ». Ce
meurtre eut lieu en décembre
1797. ^e supérieur ecclésiastique
du diocèse de Grenoble nous écri-
voit en 1800, que « la vertu de ce
curé avoit tellement éclaté dans
cette procédure, et resplendissoit
d'une manière si touchante sur sa
physionomie comme dans toutes
ses actions , que les gendarmes
qui le conduisirent au supplice en
étoient émus jusqu'aux larmes ».
Sa marche fut aussi ferme que sa
résignation étoit courageuse ; et il
termina dignement sa vie édi-
fiante en mourant comme un vrai
confesseur de Jésus -Christ ( V,
Ltjnel, du Buis; Jh B. M" Guit-
labert et F. M. Revenaz). Ces
quatre prêtres furent les seuls que
la ville de Grenoble vit immoler.
BERTRAND ( Antoine- Sil-
vain), curé de Warconnay, dans
le Poitou , près de Loudun , étoit
resté fidèle à sa Foi et à ses parois-
siens. La loi de déportation du
26 août 1792 n'avoit pas plus
effrayé son zèle , que celle du ser-
ment de 1791 n'avoit ébranlé sa
croyance. Il fut arrêté en 1793* et
traîné dans les prisons de Poitiers.
Le 28 ventôse (18 mars 1794)»
le tribunal du département de la
Vienne, siégeant eiï celte ville,
l'envoyaà lamort, comme «prêtre
réfractaire » , avec les seize autres
^u4 BER
prêlres qu'il fit immoler ce jour-là
en haine de la religion. ( V . C. D.
Bebtault et Jh Beynard. )
BERTRAND ( Henri-Mala-
chie) , prêtre, né en 17 56, à Mor-
teraut, dans cette partie du dio-
cèse de Trêves avec laquelle nos
réformateurs politiques compo-
sèrent leur département des Fo-
rêts, étoit religieux de l'ordre
des Bénédictins dans leur maison
d'Orval, au même diocèse, et il
y avoit la charge de procureur.
Lors de la destruction des cloîtres
dans sa province, en 1792, dom
Bertrand se retira dans la ville de
Trêves {V. Belgique); et, fer-
mement attaché à la Foi catholi-
que , il la conserva dans son cœur
et dans celui de beaucoup de fi-
dèles, pendant 1793 et 1794?
sans que les persécuteurs pussent
atteindre sa personne ; mais ils y
réussirent mieux avec le masque
de tolérance religieuse dont ils
se couvrirent en 1796 et 1797.
Dom Bertrand , croyant alors que
l'Eglise avoit obtenu quelque
paix, se montra sans défiance
comme un digne ministre de Jé-
sus-Christ. C'étoit se livrer à la
tempête qu'alloit élever de nou-
veau, contre la religion et les
prêtres , cette explosion prémédi-
tée du 18 fructidor (4 septembre
1797). La loi de déportation à la
Guiane , rendue contre eux le
lendemain , enveloppa dom Ber-
trand dans les perfides lacets des
persécuteurs ( V . Belgique et
BER
Guiane). Il fut saisi presqu 'aussi-
tôt, et traîné à Rochefort pour y
être embarqué. Le 12 mars 1798,
on le mit sur la frégate la Cha-
rente, puis, le 25 avril, sur la
frégate la Décade, qui le jeta,
vers le milieu de juin, dans le
port de Cayenne, d'où il fut bien-
tôt relégué dans le désert pesti-
lentiel de Konanama. a La bonne
foi et la résignation étoient
peintes sur son visage, dit un de
ses compagnons de déportation ;
et il avoit autant de vertus que de
talens. Sa santé étoit encore des
plus brillantes quand il arriva
dans cette contrée ; et cependant ,
quoiqu'il fût d'une complexion
très - robuste , il mourut d'étisie
et de consomption le 25 sep-
tembre suivant 1798, à l'âge de
42 ans ». Resté sans ressources
pécuniaires, il ne laissa rien abso-
lument aux spoliateurs des prêtres
de Konanama. (V. P. F. Berthod
et E. Billard. )
BERTRAND (Joseph), curé
dans le comtat Venaissin , résidant
à Carpentras , n'étoit point sorti
de France , conformément à l'ini-
que loi de déportation contre les
prêtres insermentés, du nombre
desquels il avoit le mérite d'être.
Il fut arrêté en 1793, et conduit
dans les prisons d'Avignon. Le
tribunal criminel du département
de Vauclusc, qui siégeoit en cette
ville, le condamna à la peine de
mort , comme « prêtre réfrac-
taire », le 5 ventôse an II (21 fé-
BER
vrier 1794) et cette impie sen-
tence fut exécutée le même jour.
BERTRANDI (Louis), reli-
gieux Récollet du couvent de la
petite ville de Condrieux, près
Lyon , âgé de j5 ans, et né dans
celle de Callas, près Draguignan ,
étoit resté dans la première sur
les ruines de son cloître, après la
suppression des ordres monas-
tiques. En déplorant cette sup-
pression , il continuoit à rendre
son ministère sacerdotal utile aux
catholiques de la contrée, et tâ-
choit d'y maintenir le règne de la
Foi, au milieu des efforts toujours
croissans que la révolution fai-
soit pour l'éteindre. Les fanatiques
de l'athéisme s'en vengèrent lors-
qu'ils eurent leur commission
révolutionnaire de Lyon, vers
la fin de 1795 {V . Lyon). Le P.
Bertrandi, saisi par eux, et amené
à cet impie tribunal, y fut con-
damné, le 27 pluviôse an II ( i5
février 1794) , à la peine de mort,
comme « fanatique et prêchant
la contre-révolution » , que les ty-
rans d'alors croyoient voir dans
la profession de la Foi catholique
et la pratique des vertus de l'Evan-
gile. ( V . Bauquis et Bétron. )
BERTRY {N.:), curé de
Louvaines, dans le diocèse d'An-
gers, avoit été mis en réclusion
après la loi de déportation du 26
août 1792, parce qu'il n'a voit pas
fait le serment de la constitution
civile du clergé , et que son âge
avancé ne lui avoit pas permis
BÉS 2o5
de sortir de France. Ce n'en
étoit pas assez pour les persé-
cuteurs; ils voulurent se débar-
rasser entièrement des prêtres
sexagénaires ( V. Nevers). Ceux
d'Angers furent les premiers enle-
vés de leur maison de réclusion.
L'on envoya Bertry avec ses véné-
rables confrères à Nantes, dans le
courant de novembre , pour y être
noyé avec eux {V. Nantes); et
il le fut dans la nuit du 9 au 10
décembre 1793, avec cinquante-
sept autres d'Angers {V. Baudry),
et seize des diocèses voisins. Il
périt ainsi pour la même cause,
et à peu près de la même manière
que ce saint Théodore et ses com-
pagnons dont l'Eglise célèbre la
mémoire le 5 septembre : Cons-
tantinopoli, dit le Martyrologe
Romain, sanctorum Martyrum
Tkeodori, Urbani, Menedemi,
et sociorum septuaginta septem
ecciesiastici ordinis, qui à Va-
lente imper atore pro fuie catho-
lica, in navigio impositi , jussi
suntinmarecomburi. [V. Bau-
dry, chapelain, et Beurrier, de
Durtal. )
BES ( Rosalie) , que l'on trouve
ailleurs nommée Rey, étoit reli-
gieuse du Saint-Sacrement, sous
le nom de Sœur Sainte-Pélagie,
dans la ville de Boulène, près le
Pont -Saint -Esprit. Elle conti-
nuoit à vivre en communauté avec
d'autres religieuses après la sup-
pression des cloîtres. Devenue
comme elles un objet duhaine pour
«îo6 m: s
les impies, elle fut traînée a\ec
elles, au nombre de quarante-
deux, dans les prisons d'Orange,
le 2 mai 1794* pour y être jugée
par l'impie commission révolu-
tionnaire qui alloit s'établir en
cette ville ( V. Orange). Sa con-
duite dans la prison fut aussi édi-
fiante que celle de ses compagnes.
On en peut voir le récit détaillé à
l'article d'Albarède. Son crime
principal devant les juges fut de
ne vouloir pas faire le cerment
de liberté- égalité, '. On la con-
damna donc à la peine de mort,
comme « fanatique, comme ré-
fractaire » , et par cela même , sui-
vant la logique des tribunaux
d'alors, comme « contre-révolu-
tionnaire » . Quand elle entendit
cette sentence , elle parut trans-
portée par l'espoir de voir finir
pour elle la vie misérable de ce bas-
monde , et commencer bientôt
celle de la céleste immortalité. Le
jugement étoit à peine prononcé,
que , se tournant vers trois de
ses compagnes condamnées avec
elle à la même peine et pour la
même cause (F. E. Pelissier,
M* Blanc et M" Albarède), elle
leur dit avec un saint enthou-
siasme : « C'est donc aujourd'hui
que le céleste époux va nous ad-
mettre aux noces pour lesquelles
nous n'avons fait jusqu'à présent
que de bien légers sacrifices ! C'est
vraiment aujourd'hui le jour de
notre mariage ! » Montrant l'an-
r.eau qu'elle avoit reçu le jour de
BES
sa profession religieuse , « Voilà ,
dit-elle , le gage de la promesse
qui nous en fut faite , et qui va
être remplie en ce moment : al-
lons, mes sœurs, allons ensemble
au même aulel; que notre sang,
en lavant nos infidélités , et je
mêlant à celui de la victime di-
vine, nous ouvre les portes des
tabernacles éternels » ! Embras-
sant ensuite les trois religieuses ,
elle tira de sa poche une boîte de
dragées, et les leur distribua, en
ajoutant : « Ce sont les dragées de
mes noces ». Chacune d'elles en
mangea avec une sorte de délices.
La Sœur Sainte- Rosalie reçut
avec elles la couronne du martyre ,
le 23 messidor (11 juillet 1794),
à l'âge de 34 ans- Elle étoit née
en 1760, à Baume, près Carpen-
tras. [V. M. C. Blanc)
BESNABD (Marguerite), sim-
ple servante, et la sainte Blandi/ie
de l'Orléanais, étoit née en ijSi,
dans la paroisse de Chessy, prés
Orléans. Elle remplissoit les hum-
bles fonctions de domestique au-
près d'une religieuse sacrilége-
ment chassée de son couvent par
la révolution. Cette religieuse,
nommée Marie - Anne Poullin
( V. ce nom), demeuroit à Or-
léans ; et sa maison étoit devenue
un oratoire pour les catholiques ,
en ces temps exécrables où, sous
peine de mort , il étoit défendu
de montrer seulement qu'on
croyoit en Dieu. Marguerite Bes-
nard , dont la Foi n'étoit pas
BES
moins vive et courageuse que
celle de sa maîtresse, la secondoit
de tout son pouvoir dans les ser-
vices spirituels qu'elle rendoit par
là aux bons chrétiens de sa con-
noissance. La prudence qui leur
faisait prendre les précautions
dictées en pareil cas, ne pou voit
ralentir leur zèle pour la gloire
de Dieu et la consolation des li-
dèles. Les persécuteurs curent
bientôt découvert ce qu'elles
a voient le saint courage de l'aire
pour les catholiques comme pour
elles-mêmes. Elles furent arrêtées
avec le prêtre septuagénaire qui
remplissoit chez elles les fonctions
de pasteur [F. Hervillé). Ainsi,
jadis en Perse , la servante de
sainte Tarbula, sœur de l'évêque
Siméon, fut arrêtée pour être
martyrisée avec elle, et devenir
sa compagne à la mort comme
elle l'avoit été dans ses bonnes
œuvres (1). Marguerite Besnard
se réjouit de n'être pas séparée
de sa vertueuse maîtresse en cette
critique circonstance, et fut loin
de se prévaloir de sa condition
servile pour être soustraite à la
peine qui la menaçoit. Traînée à
Paris par des gendarmes avec la
religieuse Poullin et leur direc-
teur, elle regarda comme un bon-
(i) Sinieonis Episcopi soror, iiomine
Tarbula , ywgo devota, cnmprehenditur
unà ciim famula ipsiiis quœ idem vitœ
gehus sectabatur, etc. etc. (Sozom.
tlist. Ecoles. L. II , c. vin et seq.)
BES 207
heur et une gloire de comparoître
avec eux devant les juges du tri-
bunal révolutionnaire. Les ré-
ponses qu'elle y fit avec une admi-
rable sérénité, étoient autant de
professions de Foi dignes des plus
héroïques Martyrs de la primitive
Eglise. La sentence des tyrans ne
la déconcerta pas plus que leur
aspect ne l'avoit intimidée. Cette
sentence où l'atrocité ne fut rete-
nue par rien de ce qui pouvoit la
rendre extrêmement absurde ,
l'emporta sur ce que les anciens
tyrans avoient prononcé de plus
révoltant sous l'un et l'autre rap-
port. L'humble servante Besnard,
qui n'avoit de hardiesse que pour
les choses de la religion, et à qui
sa profession, ainsi que son sexe,
n'avoit donné pour tout le reste
que des habitudes dociles et ti-
mides , fut condamnée à la peine
de mort comme « convaincue
d'être complice des conspirations
et complots qui avoient existé en
la commune d'Orléans, notam-
ment en 1792, 1795, et jusqu'au
mois de frimaire ( décembre
>/93)' tendans à troubler l'Etat
par une guerre civile, en armantles
citoyens les uns contre les autres ,
ou contre l'exercice de l'autorité
légitime (de la Convention), par-
ticulièrement en opposant les fu-
reurs du fanatisme à la majesté
des lois (c'est-à-dire la pratique
de la religion, malgré les lois de
cette Convention), et la volonté
sanguinaire d'un prêtre appelé
:>.o8 BES
pape à la souveraineté du peuple,
à la puissance du législateur, à
l'autorité du magistrat; en tenant
des conciliabules secrets et per-
fides (c'est-à-dire entendant la
messe, et se réunissant pour des
exercices de piété), afin de prépa-
rer les succès du fanatisme, et
favoriser ainsi la révolte des bri-
gatuls de la Vendée ( V. Vendée) ;
en déguisant le sexe d'homme
sous des habits de femme (parce
qu'elle avoit déconcerté les juges
avec le mâle courage de ses saintes
réponses ) ; en recueillant des
signes de f 'anatisme pour le ral-
liement des contre -révolution-
naires (parce qu'on avoit trouvé
chez la religieuse Poullin des livres
pieux, des images édifiantes, des
ornemens sacerdotaux, des vases
sacrés): Marguerite Besnard est
condamnée à la peine de mort , et
ses biens acquis à la république » :
(sa condition de domestique at-
testoit qu'elle étoit sans fortune).
Ce jugement fut rendu le 1" ni-
vôse au II (21 décembre 1790).
C'est d'elle , comme de Marie-
Anne Poullin et du prêtre d'Her-
villé , que le jeune Bimbenet [V '. ce
nom) écrivoit de la Conciergerie
à son frère , le 29 du même mois ,
après les avoir vu marcher à la
mort : « Vous ne pouvez vous
faire une idée du courage qu'ont
montré ces généreux athlètes, et
devant les juges, et en allant à
l'échafaud. Une joie chrétienne
et une sainte jubilation étoient
BES
peintes sur leur visage ; et le
peuple, en criant vive la répu-
blique , a laissé échapper ces
mots : Ils sont morts en saints » .
Marguerite Besnard n'avoit alors
que l\i ans.
BESSIER (Jean), prêtre, né
à Saint-Projet, dans le départe-
ment du Lot, n'avoit point fait le
serment de la constitution civile
du clergé; et, malgré la loi de
déportation , il étoit resté dans sa
province pour les besoins spiri-
tuels des catholiques. Il y fut
arrêté en 1790, et traîné à Bor-
deaux en 1794» pour en être
déporté au-delà des mers ( V . Bor-
deaux ). Quand le premier em-
barquement s'y fit , trois mois
après la chute de Roberspierre, le
prêtre Bessier ne put y être com-
pris; et il resta emprisonné dans
le ci-devant couvent des Cathe-
rinettes. Ses forces succom-
boient sous le poids de ses maux :
il alloit expirer; on le porta bien
vite à l'hôpital de Saint-André de
la même ville, et il y rendit son
dernier soupir le i5 novembre
1794, à l'âge de 60 ans. {F. 3H.
Belletrux et Jh Bessière. )
BESSIÈRE (Joseph), curé des
Places, près Souilhac, dans le dio-
cèse de Cahors, né à Saint- Félix
de la même province , départe-
ment du Lot , avoit refusé le ser-
ment de 1791 , et n'avoit point
obéi à la loi de proscription ren-
due le 26 août 1792. Exposant
ainsi sa vie pour continuer à reu-
BES
vire son ministère utile aux catho-
liques , il tomba dans les mains
des persécuteurs qui l'envoyèrent
à Blaye , où devoit se faire un
embarquement de prêtres desti-
nés à la déportation au-delà des
mers {V . Bordeaux). Le souter-
rain du fort de l'île du Pûlé fut le
lieu où on l'enferma , en atten-
dant le jour de l'embarquement
qui n'arriva qu'à la fin de l'au-
tomne 1794? trois mois après ce
neuf thermidor, si vanté pour
sa justice. Le curé Bessière avoit
tant souffert dans cet horrible ca-
chot, qu'il succomboit déjà sous
le poids de ses maux à la fin de
septembre. Pour qu'il ne mourût
pas dans le fort, on le transporta
défaillant à l'hôpital de Blaye, et
il expira le 16 vendémiaire an II
( 6 octobre 1 794 ) , à l'âge de
49 ans. Les témoins de ses souf-
frances et de sa mort nous attes-
tent « qu'il fut un de ces modèles
de résig nation et de patience , dont
l'exe mple admirable encourageoit
les autres à supporter les maux
inexprimables qu'ils parlageoient
avec lui ». {V. J. Bessier et F.
Besson. )
BESSIN (iV... ), curé de la
paroisse de Saint-Michel, dans le
diocèse d'Evreux, ayant refusé de
faire le serment schismatique de
1791 , étoit expulsé de sa paroisse
parles autorités révolutionnaires
qui le remplaçoient alors par un
prêtre assermenté. Mais le véri-
table pasteur, tout en se résignant à
2.
BES 209
cette humiliation, nepouvoit con-
sentir à livrer les ornemens et les
vases sacrés à cet intrus; suivant
l'exemple des premiers chrétiens,
il les avoit cachés pour qu'ils ne
tombassent pas entre les mains
des profanateurs. Les impies firent
croire aux paroissiens que leur
curé s'étoit approprié ces objets;
et, d'après cette fausse opinion,
quelques pervers vinrent l'as-
saillir dans sa retraite , et l'a-
menèrent devant la municipalité
comme un voleur. Sur cette accu-
sation , il répondit qu'il n'avoit
eu d'autre but que de soustraire
les vases sacrés à la profanation,
suivant les anciennes lois de
l'Eglise ; mais comme on insis-
toit, en travestissant odieusement
un aussi pur motif, il crut devoir
indiquer le lieu où il les avoit
cachés. Là , auroit dû finir la co-
lère Je ceux qui l'avoient amené,
s'ils n'eussent pas été poussés par
la rage la plus impie contre les
prêtres. Les forcenés deman-
dèrent sa tête ; et le maire, en les
conjurant de ne pas commettre
un assassinat, fit conduire ce pas-
teur en prison, leur disant d'at-
tendre que le tribunal eût pro-
noncé sur cette espèce de délit anti-
révolutionnaire. Mais ces hommes
atroces vont , dans l'impatience
de leur fureur, arracher le curé
Bcssin de sa prison, le promènent
dans le bourg, en le frappant avec
la crosse de leurs fusils, et enfin le
percent de mille coups. Il suc-
4
310 BES
combe; et sa mort ne suffit pas à
leur rage impie. Ils lui coupent
les bras et la tête , les portent en
triomj hc , et vont les jeter ensuite
dans la rivière. Leur fureur n'est
cependant pas encore assouvie ; ils
reviennent au tronc du cadavre,
le traînent par les rues , en le
frappant avec des bâtons, le dé-
chiquetant mêmeàcoupsde sabres
et de baïonnettes, et forcent les
passans à frapper avec eux. Les
tristes restes de ce pasteur furent
portés devant le cimetière, où ils
restèrent encore long-temps expo-
sés aux outrages des médians et
à la dent des animaux, avant
d'obtenir la sépulture. Ce meurtre
eut lieu le 9 septembre 1792, ù
l'imitation des massacres de Paris.
( V . Septembre. )
BESSON (François), prêtre,
né à Saint-Cirgue-de-Jourdane ,
dans le diocèse de Saint- Flour, y
étoit resté pour les besoins des
catholiques, quoiqu'il n'eût point
fait le serment schismatique de
1791 , et malgré la loi de dépor-
tation rendue le 26 août 1792
contre les prêtres insermentés.
Dans le courant de l'année sui-
vante, il fut surpris par les agens
de la persécution, et jeté dans les
cachots. On l'en tira en 1794?
afin de le conduire à Bordeaux où
il devoit être embarqué pour la
Guiane [V. Bordeaux). Quand
le premier embarquement s'y lit,
trois mois après la mort de Robers-
pierre. , Besson ne put y être coni-
BES
pris : on le laissa enfermé dans la
maison qui avoit été le couvent
des Calherinetles ; et, en jan-
vier 1790, les prêtres n'ayant pas
encore obtenu la cessation de leur
captivité , malgré les belles paroles
de justice et d'humanité dont re-
tentissoit la salle de la Convention ,
Besson , succombant sous le poids
de ses souffrances , et porté comme
moribond à l'hôpital de Saint-
André, y rendit son dernier sou-
pir, à l'âge de 55 ans, le 6 janvier
1795. {V . J " Bessière et A. Bois-
SENADE.)
BEST (Barthélemi) , simple
cultivateur, demeurant à Beaune
en Auvergne, près Craponne,
diocèse du Puy, et zélé pour le
maintien de la Foi catholique
dont sa conduite vertueuse por-
toit l'empreinte en toutes choses,
fut excité par elle à donner asile
à des prêtres non- assermentés
dont la vie étoit en péril. Sa
femme et sa sœur concouroient
avec lui à exercer une si pieuse
hospitalité. Les persécuteurs le
surent ; et, ces trois personnes
furent arrêtées en même temps,
au printemps de 1794- On les
traîna dans les prisons de la ville
du Puy, où siégeoit le tribunal
criminel du département de la
Haute- Loire \V . J. B. Abeil-
lon). Ce tribunal, les ayant fait
comparoître ensemble tous les
trois, le 29 prairial an II (17 juin
1794), les condamna en même
temps à la peine de mort , comme
BES
« recéleurs de prêtres réfractaires ».
{V. J«Aux.)
BEST (Marie-Anne Boche,
femme du cultivateur), demeu-
rant avec lui à Beaune en Au-
vergne [V. B. Best), offroit un
de ces nombreux exemples de
piété dont abondoit cette pro-
vince {F. J. B. Abeillon). Elle
rivalisoit de soins avec son mari
pour adoucir aux prêtres persé-
cutés les rigueurs de leur sort, et
de courage encore pour leur four-
nir dans sa maison un asile contre
les persécuteurs qui les recher-
choient afin de les faire périr.
Surprise avec son mari et sa
belle-sœur dans l'exercice de
cette généreuse et sainte hospi-
talité, elle fut arrêtée avec l'un
et l'autre. Conduite au tribunal
criminel du département de la
Haute-Loire, siégeant au Puy,
elle y fut condamnée, le même
jour que son mari et sa belle-
sœur, à la peine de mort, comme
« recéleuse de prêtres réfractaires ».
{V. y Aux.)
BEST (Marie), simple ouvrière
en dentelles du Puy en Velay,
sœur de Barthélemi Best , et
belle -sœur de Marie- Anne dont
il vient d'être parlé, demeuroit
avec eux dans la même maison.
Douée d'une égale piété, animée
d'une Foi aussi vive , elle partagea
le mérite qu'ils acquéroient en
cachant dans leur domicile des
prêtres insermentés que recher-
choit le fer des persécuteurs [V .
BET 2 1 1
J. B. Abeillon). Elle tomba elle-
même entre leurs mains quand
ils arrêtèrent son frère et sa belle-
sœur. Emmenée avec l'un et
l'autre dans les prisons du Puy,
et jugée par la même sentence
qui les envoya à l'écliaf.iud, elle
fut condamnée au même sort,
sous l'atroce accusation d'être
aussi « une recéleuse de prêtres
réfractaires ». {V . Je Alix. )
BETOD (Marie -Antoine La-
pinois de), chanoine et troisième
archidiacre de la cathédrale de
Sarlat en Périgord , ne quitta
point cette ville après la destruc-
tion de son chapitre , ni même
après le barbare décret de dépor-
tation du 26 août 1792. Son zèle
pour les catholiques, auxquels il
avoit donné l'exemple d'une sainte
résistance aux erreurs de la cons-
titution civile du clergé , le
rendit extrêmement odieux aux
impies. Arrêté par eux en 179^,
il fut conduit dans les prisons de
Périgueux; et le tribunal criminel
du département de la Dordogne
qui siégeoit en cette ville, le con-
damna , le 14 messidor an II
(2 juillet 1794)? à la peine de
mort , comme « prêtre réfrac-
taire ». {V . J. Haumont, J. Gre-
zei, et P. Lavergne. )
BETREMIEUX {Le Père, Da-
bi ase) , prêtre et religieux Piécol-
let du couvent de Valenciennes ,
né en 1751 à Watrelos, dans la
Flandre Walonne, près de Lille,
employa sa vie à la pratique des
«4-
,212 BEI
vertus monastiques , et à l'exer-
cice des fonctions les plus pénibles
du saint ministère. Il étoit comme
le consolateur-né des malheureux
que la justice humaine cnvoyoit
au dernier supplice. C'étoit tou-
jours lui qui les y accompagnoit;
et , dans cette l'onction remplie
pendant long - temps avec toute
l'ardeur de la charité, ce ne fut
presque jamais en vain qu'il les
exhorta à faire une mort chré-
tienne. Les réformes anti- reli-
gieuses de 1791 , qui le chassèrent
de son cloître , et firent une guerre
si perfide à la religion catholique,
attristèrent son cœur sans refroi-
dir son zèle qui s'animoit au
contraire d'autant plus qu'elle
étoit davantage en péril. Il lui
fallut sortir de France, lors de la
barbare loi de déportation rendue
le 26 août 1792; et ce ne fut pas
sans douleur qu'il abandonna les
fidèles de Valenciennes aux pièges
des impies. Dès qu'il crut pou-
voir revenir à leur secours, après
que les Autrichiens eurent sous-
trait cette ville aux fureurs de la
Convention, le 1" août 1793
{V. Valenciennes), il y revint
avec empressement ; et son minis-
tère y rendit des services innom-
brables. Mais, treize mois après,
lorsque les troupes de la Conven-
tion rentrèrent dans Valenciennes ,
le 1er septembre 1794? le P. Da-
mase y resta au pouvoir des persé-
cuteurs, qui le firent condamner
par leur commission militaire
BET
comme «émigré-rentré». Ce pré-
texte déguisoit mal leur véritable
motif, cette haine de la religion
qui auroit voulu en détruire tous
les ministres. Le jour même où ,
déjà jugé , le P. Damase savoit
qu'il alloit périr, il voulut dire sa
dernière messe dans son cachot.
Presque toutes les personnes em-
prisonnées pour des cauies ana-
logues y assistèrent, et eurent le
céleste spectacle d'un saint , qui ,
en offrant le sacrifice non sanglant
du corps et du sang de Jésus-
Christ, lui faisoit en même temps
le sacrifice de sa vie. Il fut déca-
pité à l'âge de 63 ans , avec quatre
autres religieux et deux curés
[F. L. GcvoT, J. F. Lecuotre ,
A. JhLEDOcx, C. H. Delplace,
M. Libert, et B. Seclosse}, le 24
vendémiaire an III ( i5 octobre
1 794 ) , c'est-à-dire deux mois
et vingt jours après la mort de
Roberspierre. {V . J. L. Barrez et
Breuvart. )
BÉTRON (Michel), prêtre et
chanoine-baron de l'église collé-
giale de Saint-Just de Lyon, de-
puis 1782, étoit né vers 1 704 dans
la ville de Châtcaunetif en Beauce ,
au diocèse de Chartres , où il avoit
été curé. Après la suppression des
chapitres, en 1791, il resta dans
la cité où il étoit chanoine; et son
âge avancé , qui ne lui permet-
toit guère de chercher un asile
ailleurs, l'empêcha de sortir de
France après la loi du 26 août
1792. Conservant toujours ce zèle
BEI!
qu'il avoit montré clans sa cure,
pour le salut des âmes , avant
d'être chanoine de Saint -Just,
il l'exerçoit encore autant que
ses forces pouvoient le lui per-
mettre. Les persécuteurs ne l'ou-
blièrent point, lorsqu'ils eurent
à leur disposition cette commis-
sion révolutionnaire de Lyon,
qui chaque jour euvoyoit des vic-
times à la mort par centaines
( V. Lyon). Il fut traduit de-
vant ce féroce tribunal, qui lui
demanda le serment de iiberté-
égalité , et la tradition de ses
lettres de prêtrise. Bétron relusa
l'un et l'autre avec tout le cou-
rage que peut donner la Foi la
plus affermie ; et il fut envoyé
à la mort le 16 pluviôse an II
(4 février 1694 )•, à l'âge de 60
ans, comme « prêtre réfractaire
qui ne vouloit pas se conformer
aux lois». {V. Bertrandi et Bevi.)
BEUBRIER ( 2V... ) , prêtre,
docteur en théologie, et curé de
Saint- Pierre- de - Durtal, dans le
diocèse d'Angers , avoit mieux
aimé, malgré son grand âge, cou-
rir les risques de la plus violente
persécution que de trahir sa Foi
par la prestation du serment schis-
matique de 1791. La loi de dépor-
tation du 26 août 1792 contre les
insermentés en avoit dispensé les
sexagénaires , mais en les con-
damnant à la réclusion. Le curé
Beurrier étoit enfermé avec beau-
coup d'autres vénérables confrères
à Angers, lorsque les persécuteurs
BEV 213
imaginèrent, en novembre 1795,
de se débarrasser d'eux en les en-
voyant périr à Nantes {V . An-
cers, Nevers et Nantes). Ce res-
pectable pasteur fut donc alors
conduit avec eux au proconsul
Carrier qui les fit submerger dans
la nuit du 9 au 10 décembre 1 793 ,
au nombre de cinquante-huit,
avec seize autres venus d'ailleurs.
Sa mort fut celle de ce saint Mé-
né ième de Constantinople , et de
soixante-dix-neuf autres que l'em-
pereur Valens fit périr sur un na-
vire dans le golfe d'Artaque , et
que l'Eglise honore comme Mar-
tyrs, le 18 mai et le 5 septembre.
( V. Bertry , de Louvaines, et
Briançon. )
BEVI (Jacques-Anselme Per-
ruquet de), laïc-noble, habitant
à Toirette où il étoit né, dans le
diocèse de Saint-Claude, y avoit
atteint l'âge de 69 ans, en don-
nant à sa province l'exemple d'une
inviolable fidélité aux principes
monarchiques; et cette fidélité
avoit pour base et pour soutien
la religion catholique dont il fai-
soit une éclatante profession. Ce
fut elle, autant que son attache-
ment à la monarchie , qui lui
donna la fermeté qu'il montra en
refusant solennellement son adhé-
sion à la constitution républi-
caine que les réformateurs poli-
tiques avoient improvisée le 21
septembre 1792. Les impies ré-
volutionnaires s'en vengèrent
cruellement lorsqu'ils eurent à
m4 BET
leur disposition cette cruelle
commission révolutionnaire de
Lyon, qui immoloit avec plus de
fureur les royalistes qui l'étoient
parprincipedereligion [V . Lyon).
Bevi l'ut traîné de Toirette à Lyon
pour être livré à cette espèce de
tribunal. Les monstres qui en
étoient les juges lui demandèrent
le serment de liberté-égalité ; et
il le refusa comme un acte aussi
contraire à sa Foi qu'à ses affec-
tions royalistes. Le tribunal le
condamna à périr, le 26 pluviôse
an II (14 février 1794)5 comme
« contre-révolutionnaire, qui n'a-
voit voulu ni accepter la consti-
tution républicaine, ni prêter le
serment à la liberté et à l'éga-
lité». (V. Bétron et Blanchar-
don. )
BEYNABD (Joseph) , curé de
la paroisse de la Couture, dans le
diocèse de Luçon , non loin de Bo-
che-sur-Yon, étoit resté près de ses
paroissiens , quoiqu'il fût inser-
menté , et par conséquent pros-
crit par la loi de déportation. La
persécution ayant atteint son plus
haut période, au commencement
de 1794? ce curé fut arrêté et
conduit dans les prisons de Poi-
tiers ( V . Vendée ). Le tribunal
criminel du département de la
Vienne, qui siégeoit en cette
ville, le fit comparoître devant
lui, le 28 ventôse an II (18 mars
1794), avec un très-grand nom-
bre d'autres prêtres également in-
sermentés; et, comme eux, il fut
BIA
condamné à la peine de mort ,
en qualité de « prêtre réfractaire ».
(V. A. S. Bertrand, et L. M.
Blondet.)
BIABDS (Barthélemi Lamoré-
EIE des), prêtre et religieux Clu-
niste de l'ancienne observance ,
sécularisée canoniquement avant
la révolution , résidoit près de sa
famille, à Saint-Yrieix, dans le
diocèse de Limoges. Il avoit un
frère chanoine de l'église collé-
giale de cette ville (V. Breuil); et
leur oncle en étoit le doyen (V.
Phtredon). Comme eux, il se
montra invincible dans sa Foi, et
dans son attachement aux devoirs
du sacerdoce, en 1791 et 1792;
comme eux, il fut arrêté en 1795,
et condamné à la déportalion ma-
ritime , par le tribunal criminel du
département de la Haute-Vienne.
Envoyé avec eux à Bochefort ,
pour y être embarqué, il fut placé
sur le navire les Deux Associés
[V . Bochefort). Son tempéra-
ment secondant sa Foi, il soutint
assez heureusement les cruelles
tortures de l'entrepont de ce bâti-
ment ; et sa charité le porta à se
faire l'un des infirmiers qui ser-
voient les autres prêtres malades
et mourans. Il fut atteint des
maux pestilentiels qui les enle-
voient, et en mourut lui-même,
obtenant ainsi tout ensemble, et
la palme du martyre qu'on mé-
rite en mourant au service des
pestiférés, et celle qu'on acquiert
en périssant pour la Foi, au mi-
BID
lieu des supplices. Il expira le
1 3 juillet 1 794 , à l'âge de l\o ans.
Un de ses compagnons de dépor-
tation nous atteste qu'il « étoit
d'une douceur admirable». Ses
ossemens reposent dans l'île
à'Jix. {V. Bernardin , de Ver-
dun , et C. R. Bignon.)
BICHE (Jean-Baptiste), Béné-
dictin. {V. J. B. Labiche.)
BIDAU (François), habitant de
Plédran , dans le diocèse de Saint-
Brieuc, et maire de cette paroisse
où il étoit né en i?5o, avoit faci-
lité aux catholiques, les moyens
de remplir leurs devoirs de reli-
gion. Plein de Foi et de piété, il
voulut les taire participer au bon-
heur d'entendre la messe chez lui ,
et de recevoir, comme lui, les
sacremens de l'Église. Les sur-
veillans des persécuteurs en eurent
bientôt connoissance ; et François
Bidau fut arrêté. On le traîna à
Paris, où il fut jeté dans les pri-
sons, parmi les victimes que le
tribunal révolutionnaire en-
voyoit à l'échafaud. Déjà la fac-
tion Thermidorienne avoit ren-
versé Roberspierre , et faisoit ses
hypocrites protestations de justice
et de clémence. Si elles eussent
été sincères, François Bidau au-
roit été renvoyé libre {V . Lois et
et Tribunaux révolutionnaires,
§. III). II n'en fut point ainsi; et
déjà trois mois s'étoient écoulés
depuis le 9 thermidor, lorsque
ce pieux Breton fut amené devant
le tribunal révolutionnaire , re-
BIG ai5
nouvelé par la faction régnante.
Ce tribunal , devant lequel il com-
parut, le 11 brumaire an III
( 1" novembre 1794), le con-
damna à la peine de mort, « pour
avoir, suivant que le dit la sen-
tence , fait des rassemblemens fa-
natiques » : expression par la-
quelle on désignoit les réunions
de piété. Cette sentence portoit
encore que « les biens de François
Bidau étoient confisqués au profit
de la république » . Il périt le
même jour, à l'âge de 40 ans.
BIGNON (Charles-René
Collas du), prêtre de la congré-
gation de Saint-Sulpice, et supé-
rieurdupetit séminaire deBourgcs
n'ayant pas voulu prêter le serment
schismatique de 1791? fut expulsé
de cette maison; et, continuant
l'exercice du ministère sacerdotal,
il contribuoit beaucoup au main-
tien de la Foi, dans le diocèse de
Bourges. Devenu à juste titre un
des points de mire des impies, il
ne pouvoit qu'être sacrifié par
eux, dès qu'ils en auroient le pou-
voir et le prétexte. Ils acquirent
l'un et l'autre après les funestes
événemens d'août et de septembre
1792. Du Bignon, que la loi de
la déportation sembloit devoir
épargner, resta dans le Berry;
mais, en 1793, il fut empri-
sonné ; et l'on ne manqua pas de
le mettre au nombre des prêtres
que l'on vouloit déporter à la
Guiane ( V. Rociiefort). « Cet
homme d'une grande vertu » , sut-
2i6 BIL
vant que le qualifie un de ses com-
pagnons d'infortune, fut donc
traîné àRochefort, au commen-
cement de 1794; et on l'embar-
qua sur le navire les Deux Asso-
ciés. Les horribles souffrances que
les prêtres éprouvoient dans l'en-
trepontde ce bâtiment, épuisèrent
les forces de Du Bignon, mais
n'abattirent point le courage que
lui donnoit sa Foi. Ce courage
seuibloit s'augmenter à mesure
que ses maux s'aggravoient. Ex-
trêmement malade, il fut porté
dans le fond de cette barque, en-
core plus insalubre, qui servit de
premier hôpital; et ce fut là que,
souffrant déjà toutes les angoisses
de la mort, il proféra, d'une voix
douce et céleste, ces paroles mé-
morables, qui devinrent comme
le mot d'ordre de tous les prêtres
déportés : « Nous sommes les plus
malheureux des hommes , mais
aussi les plus heureux des chré-
tiens». Ses confrères reçurent son
dernier soupir, dans la nuit du 2
au 3 juin 1 794. Il a voit 5 1 ans , et
son corps fut enterré dans l'île
(ÏAix. {V. B. Biards et G. Bil-
uche.)
BILLARD (Etienne), né à Cor-
bigni , dans le diocèse de Laon ,
en 1750, étoit curé de Guyan-
court sous Laon, et n'avoit fait
aucun des sermens anti-religieux
de la révolution. Après avoir
échappé à tous les dangers aux-
quels son zèle et sa fidélité l'ex-
posoient, il devint victime de la
BIL
cruelle loi du 19 fructidor (5 sep-
tembre 1797). Arrêté, puis con-
duit à Rochefort, il fut embarqué
sur la frégate la Charente, et en-
suite sur la Décade , pour être
déporté à Cayenne {V . Guiane).
Quand il y arriva, vers le milieu
de juin, il se vit condamné aussi-
tôt à se rendre au désert de Sin-
namary, où bientôt les vers s'em-
parèrent de sa personne ; la dys-
senterie vint se joindre à ce fléau
dévorateur ; et il expira , âgé de
48 ans, le 27 décembre 1798.
[y. H. M. Bertrand et L. Bolle-
ret.)
BILLARD (François), simple
cultivateur de Fontenelle , dans
le diocèse de Laon, où il étoit né
en 1727, avoit par esprit de reli-
gion donné asile à des prêtres que
poursuivoient d'homicides persé-
cuteurs. En ces temps malheureux
où les catholiques étoient privés
de temples dans lesquels ils pus-
sent remplir leurs devoirs sacrés,
il leur avoit ouvert chez lui un
oratoire; et sa maison étoit deve-
nue comme un sanctuaire, où la
religion sembloit s'être réfugiée.
Les persécuteurs de sa province ,
l'ayant appris , firent arrêter ce
pieux catholique, et l'envoyèrent
au tribunal révolutionnaire de
Paris , en dénonçant comme une
conspiration les saintes réunions
qui se faisoient chez Billard. Il
comparut devant ce tribunal im-
pie et sanguinaire, le 9 messidor
an II (37 juin 1794)5 et fut con-
BIL
damné à la peine de mort , comme
«s'étant rendu complice de cons-
piration contre la liberté et la sû-
reté du peuple français, en don-
nant asile à des prêtres réfractaires
pour y entendre la mes,se » de
ces prétendus conspirateurs. Bil-
lard fut exécuté le même jour; et
il a voit alors 67 ans.
BILLAUD (Claude- Antoine),
prêtre, chanoine de Sully, dans
le diocèse d'Orléans, et né dans
la Bresse, en 1731, opposa les
senlimens d'un bon catholique
aux innovations anti - religieuses
de la révolution. Royaliste par
principe de religion et de cons-
cience, il conservoit avec res-
pect un portrait de Louis XVI,
comme celui d'un Juste inique-
ment conduit à l'échafaud. La
preuve que son royalisme étoit
fondé sur des sentimens chrétiens,
se trouvoit dans une pieuse lé-
gende qu'il avoit mise au bas de
ce portrait. Les agens de la révo-
lution, en ayant eu connoissance,
se hâtèrent d'arrêter le chanoine
Billaud, et de l'envoyer au tribu-
nal révolutionnaire de Paris. II
y comparut avec trente-huit laïcs,
le 26 prairial an II (14 juin 1794),
et fut condamné à la peine de
mort, comme « ennemi du peu-
ple , en ce qu'il avoit chez lui des
portraits du Roi avec une légende
fanatique» . On l'exécuta de suite,
comme le précédent (F" Billard) ,
à la barrière dite du Trône : son
ûge étoit alors de 61 ans.
BTL 217
En remarquant ici , comme par
une sorte d'inspiration , cet en-
droit de Paris, où les deux der-
nières victimes furent immolées,
et où périrent également avec tant
d'autres les seize religieuses de
Compiègne {V. M. C. C. Bbard) ,
nous contractons presque invo-
lontairement l'engagement de jus-
tifier cette remarque par quelques
explications.
Quand Roberspierre put diriger
en maître le gouvernement , la
guillotine cessa d'abreuver de
sang la place de Louis X V, où
avoient péri, quoiqu'en différens
sites, Louis XVI, son épouse et
sa sœur, avec huit cent quatre-
vingt-dix-sept autres victimes (1).
L'instrument de mort fut dressé
lp 2 1 floréal an II ( 1 o mai 1 794 ) j
sur l'emplacement qu'occupa la
Bastille ; et là périrent quatre cent
dix-neuf personnes. Mais, peu de
jours après que Roberspierre se
fut retiré des comités de la Con-
vention ( V. ci -devant tom. I",
pag. 249) , ces comités devenus
plus maîtres encore de la vie des
citoyens, firent, d'accord avec le
tribunal révolutionnaire , trans-
(1) Louis XVI avoit été lui seul
immolé sur cette place quand, le 8
mai 1793, on commença d'y foire
subir le môme supplice à toutes les
victimes de la révolution, indistinc-
tement. Précédemment on les immo-
loit, depuis le 26 août 1792, sur la
place du Carrousel, qui en vit périr
trente-sept jusqu'au 8 mai suivant.
2i8 BIL
porter leur guillotine sur une
esplanade illustrée par d'imposans
souvenirs monarchiques : celle où,
le 26 juin 1660, avoitéié reçu d'une
manière si mémorable, Louis XIV
avec l'infante d'Espagne qu'il ve-
noit d'épouser à Saint- Jean-de-
Luz ; celle où , sur un trône magni-
fique , érigé parla % il'e de Paris, le
grand monarque se vit si délicieu-
sement environné des hommages
affectueux et sincères des habitans
de sa capitale : cette esplanade ,
située à l'extrémité du faubourg
Saint- Antoine , s'appcloit depuis
lors la Barrière du Trône. C'est
là qu'en lui donnant stupidement
le nom de Barrière Renversée ,
on établit la guillotine, le a5 prai-
rial an II (i3 juin 1794)? et que
douze cent quatre-vingt-deux
têtes furent abattues , en qua-
rante-quatre jours, y compris le
9 thermidor lui-même (27 juillet).
Les Thermidoriens , ne voulant
pas que Roberspierre et les siens
mourussent au même endroit ,
firent le lendemain revenir pour
ceux-ci la guillotine dans le lieu
où elle étoit précédemment , et
que , depuis le commencement de
1790, on n'appeloit plus que la
place de la Révolution. Bientôt
après, elle retourna sur celle de
Grève. Lorsqu'ensuite les Ther-
midoriens eurent pardonné aux
Girondins , et fait leur paix avec
eux, ils donnèrent à la place de
la Révolution le nom de la Con-
corde. Mais cette dénomination
BIL
nouvelle qui ne pouvoit se conci-
lier également la faveur des partis
divers , n'empêcha pas la précé-
dente qui convenoit à tous , de
subsister dans l'esprit et la bouche
des révolutionnaires. Elle préva-
lut ; et même encore de nos jours
nous l'entendons souvent répéter,
non seulement par ceux auxquels
elle rappelle des souvenirs chers
àl«urs passions et à leurs intérêts,
mais encore par d'autres, en vertu
d'une habitude machinale qu'un
monument royal pourroit seul
faire perdre à la multitude.
Les victimes immolées sur la
place de Louis XV avoient été
portées, soit au cimetière de la
Madeleine , soit à Montmartre ,
soit ailleurs. Celles de la place de
la Bastille, et surtout celles de la
Barrière duTrône , furent inhu-
mées dans un terrain qui n'a pas
trente pieds carrés en surface, situé
dans l'ancien village de Picpus.
Ce lieu resta ouvert à toutes les irré-
vérences ; et les profanes le fou-
loient encore aux pieds librement ,
lorsque Amélie de Hohenzollern ,
dont le frère y étoit inhumé , fit
entourer de murs ce cimetière ,
et bâtit près de là un oratoire.
Comme l'un et l'autre se trou-
voient séparés par le jardin de
l'ancien couvent des religieuses
de Saint- Augustin, les familles
des autres victimes déposées dans
le cimetière, voulant le réunir à
l'oratoire, ont acheté successive-
ment cet emplacement en 1802
BIL
et 1806, de sorte que la même
enceinte réunit aujourd'hui le ci-
metière à l'oratoire. Par l'effet de
la piété des mêmes familles , un
prêtre y offre chaque jour le sacri-
fice propitiatoire; et, chaque an-
née , après la quinzaine de Pâques ,
on y célèbre un service solennel.
En remarquant la date de la mort
de chacune des victimes de Paris
dont nous parlons, le lecteurpourra
du moins connoître le lieu où re-
posent celles de la Barrière du
Trône. {V . Queudeville.)
BILLIAIS ( Louis - Antoine-
Leloïp de la), conseiller hono-
raire du parlement de Bretagne ,
né dans cette province, en 1^36,
s'étoit retiré, depuis la révolution,
dans son château , situé sur la pa-
roisse de Saint-Etienne-de-Mont-
luc, à trois lieues de Nantes. Son
épouse {V . A* C" Billiais), et
leurs deux jeunes filles, y prati-
quoient , de concert avec lui,
toutes les œuvres de la Foi. Sa
charité , qui se distinguoit chaque
jour par d'abondantes aumônes,
avoit tout le courage qu'il falloit
en 1793, non seulement pour
secourir les prêtres poursuivis à
cause de leur saint ministère, mais
encore pour les recevoir chez lui ,
et les y mettre à l'abri des persé-
cuteurs. Cette héroïque générosité
leur ayant été dénoncée , la garde
nationale de Savenay fut souvent
envoyée par eux, pour faire des
perquisitions dans le château de la
Billiais; et, ses expéditions étoient
BÎL 219
toujours infructueuses. Ayant été
derechef avertie, dans la nuit du
7 décembre 179^, qu'un prêtre
venoit d'y entrer, elle accourut
dès le point du jour, l'y recher-
cha , mais ne trouva que son
portefeuille, dans lequel étoient
des actes de baptêmes et de ma-
riages. D'après cette découverte
insuffisante , ils exigent que la
cache du prêtre leur soit indiquée
parle conseiller de la Billiais, le me-
naçant déjà de l'emmener prison-
nier, et avec lui, sa femme et ses
filles. Cette menace ne les effraie
point ; et nul de cette vertueuse
famille ne consent à livrer le mi-
nistre de Jésus-Christ [V . J" Aux).
Tous les quatre sont arrêtés, et
traînés vers Nantes ; le généreux
père disoit à ses filles et à sa
femme : «Je n'échapperai pas à la
mort qui me menace; mais il me
sera glorieux de mourir pour une
aussi belle cause ». Arrivés à
Nantes , il fut séparé de sa famille,
et emprisonné ; les trois dames le
furent dans une prison différente.
On ne tarda pas à le faire compa-
roître devant le tribunal révolu-
tionnaire que le proconsul Car-
rier venoit d'établir dans cette
ville; et, le 21 nivose an II
( 10 janvier 1794 )i ily fut con-
damné à la peine de mort, comme
« recéleur de prêtres réfractaires » .
Dans sa défense , lors des dé-
bats , parlant avec toute l'assu-
rance de la vertu , il avoit dit ,
parce que cela étoit vrai , qu'il
220 BIL
îgnoroit qu'un prêtre fût alors
chez lui; mais, par ses autres dis-
cours, il s'étoit montré capable de
l'avoir accueilli, s'il en eût été in-
formé. Comme l'exécution ne de-
voit avoir lieu que le lendemain,
ne voulant pas quitter ce bas-
monde sans faire ses adieux à son
épouse, il lui écrivit, le soir même,
une lettre dans laquelle il lui di-
soit : «Je suis condamné... Je ne
regrette que toi et nos enfans....
Tout ce que je crains, c'est que
ton jugement ne soit aussi rigou-
reux que le mien. Mais enfin, me
voilà bientôt dégagé des misères
de ce monde. Puisse le Seigneur
m'accorder la grâce de faire une
bonne mort!... Prie Dieu pour
moi ; j'espère que nous serons
réunis dans le ciel : c'est là mon
unique espérance » . Le lende-
main, 11 janvier, le conseiller de
la Billiais fut conduit au Bouff'ay,
lieu assez éloigné, où de voit se
faire l'exécution : la sérénité de
son visage , indice de la pureté de
son cœur, et de la confiance de sa
Foi, étoit si remarquable, que
des personnes compatissantes, qui
le virent passer , crurent qu'il
obtenoit sa liberté civile : c'est
qu'il en entrevoyoit une bien plus
précieuse , celle qui , affranchis-
sant son âme de la servitude de
son corps, alloit le mettre en pos-
session de la vie éternelle.
BILLIAIS ( An>e - Claire-
CoTiis-EAtJ, épouse de la), arrêtée,
avec son mari et leurs deux filles,
BIL
dans son château ( V. L. A. Bil-
liais), fut trainée à Nantes, et en-
fermée avec elles dans une prison
différente de celle où l'on jetoit
son mari. Les vertus de cette fa-
mille ont été racontées dans l'ar-
ticle précédent. L'affection conju-
gale de ces deux époux, cimentée
par ces vertus, plus encore que
parles années, rendoit leurs mœurs
tout- à- fait patriarcales. Quand
cette pieuse épouse reçut, le
1 1 janvier au matin, la lettre d'a-
dieu par laquelle son mari lui
apprenoit sa condamnation, mo-
tivée par l'asile qu'elle avoit donné
à un prêtre persécuté, son âme
en fut presque abattue. Mais, la
religion venant aussitôt à son se-
cours, elle se montra digne de son
mari, lorsqu'elle parut à son tour
devant les juges, avec ses deux
filles. Après un premier interro-
gatoire, subi le 18 janvier, elle
fut amenée, vers la fin de février,
avec elles, devant le tribunal ré-
volutionnaire, du proconsul Car-
rier [V . Nantes). De misérables
faux témoins vinrent y déposer
qu'elles avoient insulté, dans ses
fonctions mêmes, au milieu d'une
procession, le curé schismatique
de la paroisse de Saint-Etienne-
de-Montluc, sur laquelle étoit
leur château; et, qu'ayant refusé
l'aumône à l'un d'eux, qui étoit
mendiant de profession, elles lui
dirent que leur refus n'avoit pas
d'autre motif que son assistance
aux messes du curé schismatique.
BIL
Ces calomnies furent repoussée3
par ces trois dames, de la manière
la plus propre à confondre les accu-
sateurs. Mais , quand elles s'en-
tendirent reprocher d'avoir distri-
bué des images du Cœurde Jésus;
d'avoir contribué avec beaucoup
de zèle à ce que les enfans de la
paroisse reçussent le baptême ,
à ce que la jeunesse du pays fût
instruite dans la religion , et que
les fidèles participassent aux sa-
cremens , par le ministère des
prêtres de la véritable Eglise ,
qu'elles accueilloient dans leur
château, loin de le nier, elles s'en
firent gloire devant les juges. Se
regardant dès lors comme dé-
vouées à la mort , elles récitoient
tous les jours les prières des ago-
nisans. Enfin, le 17 ventôse an II
( vendredi d'après les Cendres
7 mars 1794), elles comparurent
pour la dernière fois devant le tri-
bunal ; et ce fut pour s'y entendre
condamner au dernier supplice,
pour les motifs énoncés dans les
accusations qu'on vient de lire.
La sentence les qualifioit surtout
de « recéleuses de prêtres réfiac-
taires ». Lorsqu'on les conduisit
toutes les trois au lieu de l'exécu-
tion, appelé le Bouffai/, la mère
marchoit entre ses deux filles ; et
l'on pouvoit connoître, à la séré-
nité de leur physionomie, et au
calme de leur démarche, la su-
blime résignation de leur âme.
Afin qu'on ne les crût pas acca-
blées de tristesse, elles avoient eu
BIL 221
soin de relever le voile qui cou-
vroit leur tête ; et , le cœur plein de
joie de ce qu'elles mouroient pour
un acte de religion auquel Jésus-
Christ avoit promis une ineffable
récompense ( V. Je Aux), elles
voulurent qu'on jugeât de leur Foi
par la sainte confiance qu'expri-
moit leur visage. Arrivées au pied
des marches de l'échafaud, elles
s'embrassèrent, comme autrefois
les saints Martyrs, et montèrent
ensuite avec courage vers l'instru-
ment de mort. La mère, désirant
épargner à ses filles la peine de la
voir immoler, comme encore être
sûre qu'elles mourraient en prédes-
tinées, demanda à ne périr que la
dernière. Elle obtint cette grâce ;
et, quand son tour vint, elle avoit
lieu de se féliciter d'avoir été pré-
cédée par elles , dans le séjour
de la bienheureuse éternité.
BILLIAIS (Louise-Claire de
la), fille aînée des deux précé-
dens, arrêtée, avec son père, sa
mère et sa sœur, dans leur châ-
teau, à trois lieues de Nantes,
pour avoir donné asile à un prê-
tre catholique, mis en fuite par la
persécution, fut enfermée, avec
sa sœur et sa mère , dans une
prison différente de celle où son
père étoit jeté. Après la mort de
celui-ci, immolé par le tribunal
révolutionnaire du proconsul
Carrier , elle comparut plusieurs
fois , avec sa mère et sa sœur, de-
vant les mêmes juges , y montra
tout autant de fermeté et de con-
222 1511.
fiance en Dieu. Condamnée avec
elles deux, le 17 ventôse an II
(7 mars iJQ'i), à périr sur I'écha-
i'aud, comme « receleuse de prêtres
réfractaires » , elle n'édiûa pas
moins qu'elles les assistans qui la
virent marcher au supplice , et
ceux qui furent témoins de sa
mort.
BILLIAIS (Marie -Caroline
de la) , fille puînée du conseiller
de la Billiais, et sœur de la pré-
cédente, ayant participé comme
elle et sa digne mère à la coura-
geuse hospitalité qu'elles don-
noient aux prêtres dont la tête
étoit mise à prix, ne fut pas épar-
gnée par les gardes qui vinrent
enlever toute cette famille dans
son château, le 8 décembre 1793.
Elle y vivoit avec le même esprit
de piété et de ferveur qu'elle avoit
rapporté du cloître ; car , se sen-
tant appelée à la vie religieuse ,
elle étoit entrée quelques années
auparavant dans un couvent , d'où
elle n'étoit sortie que lors de la
destruction des ordres monasti-
ques. Elle y avoit déjà donné une
preuve de la constance de sa Foi,
en refusant, comme ses compa-
gnes , de reconnoître pour légi-
time , l'évêque schismalique et in-
trus , que la constitution civile,
du clergé venoit de substituer au
véritable pasteur du diocèse. Con-
duite à Nantes avec son père, sa
mère et sa sœur, elle fut empri-
sonnée avec elles deux, subit les
mêmes interrogatoires , et les
CIL
mêmes reproches, montra la même
fermeté , la même droiture dans
ses réponses, et fut condamnée
en même temps qu'elles à la peine
de mort, comme « recéleuse de
prêtres réfractaires » . Résignée à
son sort, elle étoit glorieuse en
quelque sorte de mourir pour une
action recommandée et préconisée
par l'Evangile. La joie qu'elle res-
sentoit d'être si près de la société
des anges pour laquelle elle sem-
bloit née, ajoutoit de nouveaux
charmes à ceux que sa jeunesse
donnoit aux agrémens de sa phy-
sionomie. Un officier républicain
en fut ému , et, concevant le désir
de la sauver, il s'approcha d'elle
pour lui dire qu'il y réussiroit, si
elle consentoit à l'épouser. Cette
proposition, faite à une vierge aussi
p ure , par un des chefs de ces soldats
dont l'impiété sembloit animer la
bravoure, sera -t -elle acceptée?
Marie-Caroline lui répond qu'elle
aime mieux mourir. Telle avoit
été, dans une semblable circons-
tance , la réponse de la sainte
vierge et martyre Dympne, fille
d'un roi d'Hibernie : Domino
Jesu Christo tota me devotionc
committo. 1 lie sponsus meus , et
gloriamea, salus, desiderium
et dulcedo In me quamvis
exerce tyrannidem : pâmas
omnes quas inferre poteris ,
lœla mente parata sum pr-o
Domino sustinere (Bolland. cul
d. i5 et 5o maii). La manière
admirable dont Marie - Caroline
BIL
consomma son sacrifice a été ra-
contée à l'article de sa mère.
BILLICHE (Guillaume), prê-
tre et religieux Réeollet , de la
maison d'Apremont, dans la pro-
vince de Lorraine , au diocèse de
Verdun, étoit né à Villé-aux-Ii>/is,
dans le diocèse de Trêves. Après
la suppression des ordres monas-
tiques en 1791 , il continua de ré-
sider dans le même pays , qui fai-
soit alors partie du département
de la Meuse, et resta lerme dans
sa Foi à la vue du schisme cons-
titutionnel Mais, ensuite troublé
par les catastrophes de septembre
1792, il fit le serment de liberté-
égalité, prescrit à cette époque.
Cette condescendance ne put le
sauver de la persécution. En 1790,
il l'ut arrêté ; et les autorités du
département le condamnèrent à
la déportation à la Guiane. On le
conduisit en conséquence à Ro-
chefort ; il y lut embarqué sur le
navire les Deux Associés {V . Ro-
chefort). Au milieu.de tant d'in-
variables confesseurs de Jésus -
Christ, compagnons de son sort,
il sentit de vifs regrets d'avoir fait
le serment de liberté-égalité , et
il le rétracta avec de grands sen-
timens de componction. Après
avoir résisté plusieurs mois aux
tortures de l'entrepont du bâti-
ment, il succomba enfin le 22
novembre 1 794 , à l'âge de 37
ans, et fut inhumé près du Fort-
Vaseux. {V. C. R. C. Bignon et
J. B. H. BlLI.OCQUE.)
BIL 223
BILLOCQUE (Jean-Baptiste-
Hippolyte), prêtre, hebdomadier
de la collégiale de Saint- Hilaire
de Poitiers, étoit né dans cette
ville, en 1760, et continua de
l'habiter après la suppression des
chapitres. 11 resta ferme dans sa
Foi, lors du schisme constitu-
tionnel de 1791. Exempt du ser-
ment schismatique de celte épo-
que , il se vit demander à la fin
de 1792 celui de liberté-égalité ,
et le refusa. Digne de la persécu-
tion, il fut arrêté en 1793, et
condamné, le 28 ventôse an II
(18 mars 1794)» pai" 'e tribunal
criminel du département de la
tienne, siégeant à Poitiers, à
être déporté à la Guiane. On le
conduisit en conséquence à Ro-
chefort pour y être embarqué
[V . Rochefort). Il le fut en effet
sur le navire les Deux Associés ,
où il ne tarda pas, malgré son
jeune âge, a succomber sous les
maux que les déportés y éprou-
voient. Il mourut le 23 avril 1 794 ,
n'ayant encore que 3i ans, et
fut enterré vis-à-vis le Verjoul,
sur la côte de la Charente. {V . G.
Billiche et... Blondelet.)
BILLOI (Jacques), fabricant
de gants à Bordeaux, âgé de 55
ans, et natif de la paroisse de
Rudy en Béarn, donna par prin-
cipe de religion , un asile secret
au vénérable prêtre sexagénaire
et non-assermenté Dornal , dont
la tête étoit mise à prix. Ce prêtre,
ayant été découvert et arrêté dans
klM
cet asile, Billoi, traduit avec lui
devant la commission militaire
de Bordeaux, s'y vit condamner
sans délai à la peine de mort pour
la seule raison qu'il avoit « recelé
chez lui un prêtre contre-révo-
lutionnaire , et qu'il en parta-
geoit les sentimens » : ce sont les
expressions de la sentence. Elle
fut rendue le 8 messidor an II (26
juin 1 794) ; et le même jour Billoi
perdit la vie pour cet acte de reli-
gion. [V . DoRNAL, LotSTALET et
Durand.)
BIMBENET DE LA ROCHE
( Babthélemi ) , né en 1772, à
Courmenin, près Romorantin ,
avoit fait , en 1 792 , une campagne
dans l'année royaliste du prince
de Condé ; et bien qu'il y fût allé
avec l'esprit de dissipation natu-
rel à la jeunesse, la grâce divine
qui sembloit l'y attendre, lui fit
craindre les suites des désordres
trop communs dans le métier de la
guerre; et il devint l'un des chré-
tiens les plus occupés de leur salut
éternel. Avec deux ou trois cama-
rades qui étoient portés comme
lui à la piété, il se retiroit à part
pour parler ensemble de Dieu ; et
leur conversation , au milieu des
camps , étoit toute céleste. Re-
nonçant à la vie militaire qui ne
s'accordoit point avec ses pieuses
dispositions, il se rendit à Orléans
pour s'occuper plus paisiblement
de son salut; mais, courant trop
de risques pour se montrer en
public , parce qu'on n'ignoroit
BIM
pas qu'il avoir porté les armes en
faveur de la cause royale, il
obtint aisément un asile chez
deux pieuses demoiselles , qui
exerçoient la profession d'insti-
tutrices [V. Barberon) , et qui,
par principe de religion , don-
noient une semblable hospitalité
à un prêtre catholique , de la même
congrégation de Saint-Sulpice, à
laquelle appartenoit un frère de
Bimbenet qui le lui avoit recom-
mandé (F.PLOQciN).Onpeut juger
combien le jeune Bimbenet, sous
la direction de ce guide véné-
rable , rivalisoit de piété et de
ferveur avec ses hôtesses ; on
peut en juger par le fragment de
l'une des lettres qu'il écrivoit de
cette retraite , et ( ans laquelle il
s'exprimoit ainsi : « Je consacre
tous les jours une demi -heure
à la méditation ; et je commence
déjà à y goûter des douceurs que
le monde ne connoît pas » . Il
gémissoit sur lui-même en pen-
sant à tous les sacrifices que les
saints avoient faits pour gagner
le ciel, tandis que lui, dont les
premières années avoient été poul-
ies plaisirs de ce monde, n'avoit,
disoit-il, encore rien entrepris
pour l'expiation de ses fautes. Ce-
pendant, vers le 20 juin 1790,
deux mois avant d'être arrêté , il
eut le pressentiment qu'il seroit
dans le cas de réparer complète-
ment les écarts de sa jeunesse,
en faisant à Dieu le sacrifice de sa
vie. Dans une autre lettre qu'il éci i-
BÎM
vit alors , il manifestoit son désir
de souffrir pour Dieu , et en même
temps la plus parfaite soumission
à sa volonté. Il encourageoit ses
plus proches parens à ne pas s'af-
fliger, s'il portoit un jour sa tète
sur l'échafaud, et même à « s'en
réjouir comme du plus grand bon-
heur qui pût lui arriver» . Comme
c'étoit principalement pour pra-
tiquer sa religion et se rendre
plus digne de Dieu qu'il avoit
préféré celte retraite; et, puisque
dans le fait il ne périt ensuite que
parce qu'il y avoit été décou-
vert, l'on ne pourra disconve-
nir que son immolation eut pour
unique cause la Foi dont il étoit
animé. Ses charitables hôtesses
ayant élé dénoncées par un de
leurs voisins, comme cachant dans
leur maison des personnes sus-
pectes, cette maison fut investie
dans la nuit du 1 1 au 12 septembre
1 795 ; et l'on y saisit le jeune Bim-
benet , ainsi que le prêtre qui étoit
avec lui, et les courageuses de-
moiselles qui leur donnoient une si
chrétienne hospitalité. Ces quatre
personnes , traînées dans la pri-
son d'Orléans , y restèrent jus-
qu'au 1 5 du même mois , que trois
gendarmes les menèrent à Paris.
Bimbenet, en racontant ces par-
ticularités dans une lettre du 29
décembre suivant, adressée à l'un
de ses frères, ajoutoit : «Nous
eûmes le bonheur , mon com-
pagnon et moi , de voir nos mains
chargées de fers. Je ne peux vous
BIM 225
céler que je baisai plus d'une fois ,
le long du chemin , des fers aussi
honorables ; et jamais mon cœur
ne nagea dans tant de délices
que pendant ce voyage. Nous vî-
mes avec attendrissement que la
plus grande partie des personnes
qui nous approchèrent le long de
la route , avoient la tristesse peinte
sur le visage. Malgré la petite
gêne de nos fers, nous fîmes
nos exercices ordinaires de piété :
ce qui attira l'admiration, la bien-
veillance même de nos gardes , sur-
tout de l'un d'entre eux qui parois-
soit instruit de sa religion. Nous
lui vîmes plusieurs fois verser des
larmes; et, l'après dîner, il ne
voulut pas nous remettre les fers.
Nous l'exigeâmes cependant, crai-
gnant qu'en arrivant à Paris on ne
fît à nos gendarmes un crime de
leur humanité » . Les saints pri-
sonniers y étant entrés , on les
mit dans les prisons de la Con-
ciergerie. Ce fut une bien douce
consolation pour Bimbenet d'y
faire connoissance avec des ecclé-
siastiques infiniment respectables
qui s'y trouvoient déjà, et entre
autres les abbés Emery et Sau-
nier {V . Saunier). Pendant les
dix-sept premières nuits , placé
dans une chambre de malfaiteurs
où l'on n'avoit que de la paille
pour se coucher , il étoit con-
tent de n'avoir pas un meilleur lit,
dont il n'auroit pu jouir que dans
une autre chambre. Son motif
étoit , indépendamment de son
aafi B1M
esprit de pénitence, qu'il espéroit
en couchant ainsi parmi les malfai-
teurs, trouver dans la nuit quelque
occasion de leur parler de Dieu.
De pieux ecclésiastiques qui au-
roient voulu le voir en un lieu
moins abject, lui représentèrent
qu'il ne pourrait pas, s'il étoit
prudent, atteindre le but qu'il se
proposoit. Bimbenct ne se rendoit
point à leurs sollicitations. II ne
céda que lorsque les estimables
personnes avec lesquelles il ai-
moit tant à s'entretenir pendant
la journée , le menacèrent de n'a-
voir plus de communication avec
lui, s'il ne prenoit une chambre
où il seroit couché plus convena-
blement. Dans cette lettre du 29
décembre, dont nous avons déjà
parlé, il disoit, en rendant compte
d'un interrogatoire qu'il avoit subi
le surlendemain de son entrée
dans la prison : « Depuis ce mo-
ment nous attendions, de jour en
jour, notre acte d'accusation pour
monter au tribunal ; mais il y a
trois mois et demi que nous l'at-
tendons ; et il ne vient point ! Dieu
soit béni. Je ne le hâterai pas d'un
instant; mais je n'y mettrai non
plus aucun obstacle. Je laisse tout
entre les mains de la Providence.
Je le répète : elle sait mieux que
nous ce qui nous est nécessaire ;
et, grâce au Seigneur, je ne me
suis pas encore ennuyé cinq mi-
nutes dans le séjour où je suis.
Je ressens de plus en plus l'effet
de Vos bonnes prières , auxquelles
BIM
je m'unis tous les matins, comme
nous en sommes convenus : ainsi
ne changez pas l'heure de sept.
C'est le moment où je me lève,
et nous nous réunissons alors,
d'une manière particulière, pen-
dant vingt à trente minutes. Nous
avons, comme je vous l'ai mar-
qué , lerésultat de l'instrument
précieux (c'est ainsi qu'on étoit
convenu d'appeler la sainte Eu-
charistie ) : ainsi nous n'avons
rien à désirer, si ce n'est de souf-
frir davantage pour l'amour de
celui qui a tant souffert pour nous.
Mais enfin , puisque nous n'en
sommes pas là, demandons au
moins à ce divin Sauveur l'a-
mour des souffrances; et le désir
que nous en aurons, nous sera
aussi méritoire auprès du Père
céleste que si nous souffrions vé-
ritablement. Nos petits exercices
(de piété) nous occupent une par-
tie de la journée , de manière que
le temps me paroît bien moins
long. J'ai augmenté ma petite bi-
bliothèque d'un Combat Spiri-
tuel, et d'une Introduction à
la Vie dévote. Mon petit office
de la Vierge que je récite exacte-
ment avec celui de l'ange gardien,
mon chapelet, ma lecture spiri-
tuelle et la méditation, remplis-
sent à peu près notre journée. —
Allons, du courage; priez pour
moi.... 'Surtout , je vous en prie,
n'ayez aucune inquiétude à mon
sujet. B.éjouissez-vous, au con-
traire, de ce que j'ai quelque chose
BIM
à souffrir pour le Dieu que j'adore.
— Je finis ma lettre dans le même
style que saint Paul : c'est le seul
digne de charmer l'oreille d'un
chrétien. Que la grâce de notre
Seigneur Jésus - Christ , et la
charité de Dieu , et la commu-
nication du saint Esprit soient
avec vous tous; que la faix
soit avec vous, mon très-cher
frère ! »
Le même jour, il avoit écrit à
sa mère : « Veuillez de grâce ne
vous inquiéter nullement sur ma
position, mais plutôt remercier
Dieu des grâces dont il me com-
•Lle journellement. Je suis où la
Providence m'a conduit; et, mo-
ralement parlant, je ne puis être
mieux. Si ce Dieu de bonté veut
m'appeler à lui, à la fleur de l'âge,
par une mort aussi douce qu'ho-
norable , hélas ! ma bonne mère .
quelles actions de grâces ne dois-
je pas lui rendre, de ce qu'il
daigne penser à moi , préférable-
ment à tant d'autres qui le servent
infiniment mieux, et me retirer
ainsi de ce monde pervers et cor-
rompu ; comme encore rompre les
liens qui me retiennent sur la
terre, pour me donner la récom-
pense promise à ceux qui font la
volonté de son Père céleste ! Sou-
mettons-nous donc à la divine
Majesté, si nous voulons régner
avec le fils adorable de Marie. Dé-
tachons-nous des biens vains et
frivoles du siècle, pour ne penser
qu'à ceux que toutes les puissances
BIM 227
de la terre et de l'Enfer ne peuvent
nous ravir. Hélas! ma chère mère,
si nous avions de la Foi, que nous
désirerions les persécutions, les
opprobres , les humiliations , et
tout ce que les hommes médians
nous font éprouver ! Nous les pré-
férerions à tout ce que le monde
peut nous offrir de plus agréable
et de plus propre à nous charmer.
L'adorable Jésus ne fit pas la con-
quête de son royaume parla route
du Thabor; et, s'il y fit éclater sa
gloire un instant, ce n'étoit que
pour nous encourager, et pour
nous donner une idée du bonheur
dont on jouit dans un royaume
dont le souverain est revêtu de tant
d'éclat et de tant de majesté. Mais
ce Sauveur, plein d'amour pour
nous, préféra la route sanglante
du Calvaire; et là, il cimenta de
son sang précieux, la religion
sainte qu'il avoit prêchée à des
ingrats, qui, pour prix de ses
veilles et de ses travaux, lui arra-
chèrent impitoyablement la vie,
en lui faisant endurer des tour-
mens que l'esprit humain ne peut
comprendre. D'après cet exemple,
voyez, ma bonne mère, si un
chrétien ne doit pas s'estimer fort
heureux de souffrir quelque chose,
surtout avec l'espérance du Ciel.
Les hommes parcourent toutes les
mers, pour amasser un vil métal
qui périra avec eux; et un chré-
tien ne voudroit pas endurer
quelques mois de captivité, quel-
ques légères privations, la mort
228 MM
même, très-douce en soi, pour
faire la conquête d'un royaume où
tous les désirs du cœur humain
sont remplis, puisqu'on y possède
le divin auteur de notre être; l'es-
prit incréé, qui, de rien, fit dans
le temps tout ce qui existe , et
qui, au premier acte de sa vo-
lonté, jeta les fondemens de ce
vaste univers, et de tout ce qu'il
contient; qui, de plus, ne fit tout
cela que pour nous ! De quels sen-
timens d'amour, de respect et de
reconnoissance ne devons -nous
pas être pénétrés , à la vue de tant
de bienfaits!.... J'espère que vous
trouverez, dans votre religion,
un remède efficace à vos peines.
Use pensez plus à moi, que comme
je pense à vous ; c'est-à-dire dans
vos prières seulement, et toujours
selon le bon plaisir et la sainte
volonté du Seigneur... Quant aux
biens et à la fortune où je pou-
vois prétendre , je les méprise sou-
verainement, et je leur dis, de
grand cœur, un éternel adieu. Je
suis trop ambitieux pour m'atta-
cher à si peu de chose. Je préfère
le solide ; et je suis persuadé
qu'au fond de votre cœur, vous
dites que j'ai raison... Ainsi, ma
respectable mère, il faut se déta-
cher peu à peu des biens de ce
monde. Ils n'ont jamais été faits
pour captiver le cœur d'un chré-
tien, qui doit penser continuelle-
ment à sa fin dernière et au juge-
ment général , où , je l'espère ,
nous nous réunirons pour possé-
BIM
der ensemble une vie exempte de
toutes les infirmités que l'on res-
sent dans celle-ci. Vous et moi ,
serons peut-être ensemble plus tôt
que vous ne pensez : qui sait ?
Laissez agir la divine Providence :
elle sait, mieux que nous, ce qui
nous convient; et elle fera tou-
jours tourner toutes choses à notre
avantage, pourvu que, de notre
côté , nous n'y mettions aucun
obstacle. Il ne me manque rien
ici : soyez tranquille à ce sujet.
Ne dites plus, ce que je suis con-
vaincu être sorti de votre bouche,
peut-être, hélas! trop de fois, ne
dites plus de moi : Pauvre mal-
heureux ! et mille autres paroles
semblables, qui, dans la bouche
d'un chrétien, sont des espèces
de blasphèmes; car J. -C. nous
a dit, dans son Evangile : Bien-
heureux ceux qui souffrent
persécution pour ia justice,
parce qu'ils posséderont ie>
royaume des deux. — Bienheu-
reux ! je ne suis donc pas mal-
heureux, infortuné, ni misérable;
car ce sont là les expressions dont
se sert le monde. Monde insensé !
que tu connois bien peu le bon-
heur de ceux qui souffrent pour la
justice et la vérité, et encore moins
les délices dont jouissent ceux qui
versent leur sang pour la plus
juste et la plus sainte de toutes
les causes ! Ainsi, vous voyei
qu'il est de Foi que je suis bien-
heureux. J'espère que vous n'i-
rez pas contre cette sublime vé-
BLM
rité, qui fait le charme de ma
vie.... Je finis, etc. etc. ».
Après un séjour de quatre mois
à la Conciergerie, Bimbenet fut,
non sans chagrin de voir différer
son jugement, transféré dans la
prison dite des Carmes, avec le
prêtre Ploquin. On voit, par une
lettre de l'abbé Emery, au frère de
ce vertueux jeune homme, écrite le
25 janvier 1795, un an après sa
mort, que, « dans cette autre pri-
son , comme à la Conciergerie ,
il parut un ange aux yeux des
compagnons de sa captivité; qu'au-
cun prisonnier ne fit plus de sen-
sation , et ne montra plus de Foi » .
Le 34 février, on le ramena ino-
pinément à la Conciergerie, avec
le Sulpicien Ploquin; et, le len-
demain, on les fit monter au tri-
bunal, avec leurs deux hôtesses.
En l'y condamnant àmort, comme
les trois autres, le 7 ventôse an II
(a5 février 1794) » on affecta de le
désigner comme soldat de l'armée
dite Catholique-Royale. « Lors-
qu'il descendoit du tribunal, re-
prend l'abbé Emery, dans sa lettre
au frère de Bimbenet , il exhortoit
lui-même à la mort les demoi-
selles qui lui avoient donné un
asile, et qui étoient condamnées
par le même jugement. Un jeune
prêtre, qui accompagna jusqu'à
l'échafaud la charrette où il étoit ,
avec l'abbé Ploquin, m'a dit que,
sur toute la route, on fut frappé
de la sérénité et de la gaîté qui
paroissoient sur son ■visage. Sa
BIM 229
joie éclata à la vue de la guillo-
tine; et, en montant sur l'écha-
faud, il chanta le psaume Lau-
date Dominum, omnes gcntes.
Pour tout dire en un mot, vous
êtes assuré d'avoir un frère parmi
les Bienheureux » .
La veille de sa condamnation,
qu'il prévoyoit, le jeune Bimbe-
net avoit écrit lui-même une lettre
à ce même frère, dans laquelle il
lui disoit : « Nous monterons de-
main à neuf heures au tribunal,
pour être jugés... J'espère que
ma mort vous causera plus de
joie que de tristesse. Faites tous
vos efforts pour la faire envisager
sous ce point de vue à notre res-
pectable mère. Les lettres qu'elle
m'a écrites m'ont bien consolé,
surtout en m'apprenant qu'on
remplira scrupuleusement mes
dernières volontés : je vous les
réitère de nouveau. Je crois que
l'homme qui nous a dénoncés est
dans la misère : je désirerois que
vous lui fissiez passer cent livres.
Il a plusieurs enfans, et n'a pas
probablement reçu cette somme ,
qui étoit l'espérance de sa dénon-
ciation (1). Adieu, mon cher frère
et ami : nous nous verrons dans
l'éternité , et cela ne sera pas long.
Le Seigneur vous réserve à de
plus grands maux que nous : que
sa sainte volonté soit faite! — As-
(1) Récompense promise par la
Convention aux dénonciateurs. ( V
ci-devaut, tom. I, pag. 219. )
a3o BIN
surez toutes mes connoissances de
mon inviolable attachement; priez-
les de penser quelquefois à moi,
comme je penserai à elles, jus-
qu'à l'heureux moment où nous
serons tous réunis dans le sein du
Père, du Fils et du haint-Es-
prit. Que Dieu vous comble tous
de ses bénédictions : ce sont les
vœux que je forme, sur le point
de paroître devant son auguste
Majesté.... Adieu.... pour l'éter-
nité ».
Puisque nous transcrivons ceque
Bimbenet écrivit d'édifiant, pen-
dant sa détention, nous ne devons
pas oublier de citer la première des
lettres qu'il avoit adressées à son
frère, le 24 septembre 1793, peu
de jours après être entré à la Con-
ciergerie. En lui apprenant qu'il
avoit été arrêté où il étoit, il lui
envoyoit un petit écrit dans lequel
il avoit consigné ses dernières vo-
lontés que la précédente rappelle.
Après les lui avoir déclarées en
détail, il ajoutoit ces mots : « Sur-
tout, mon bon ami, quelque chose
qui m'arrive , point de ven-
geance; ne pensons qu'à apaiser
la colère du Seigneur justement
irrité contre nous ». {V . encore
Besnard , Heryillé , Poullin ,
Saunier et Vauclempute. )
BINARD (Michel-André-Syl-
vestre), prêtre et professeur de la
classe de troisième, au collège de
Navarre, à Paris, étoit depuis
long-temps voué à l'instruction de
la jeunesse. L'âge déjà avancé
BIN
qu'il avoit, lors de la révolution,
rappelait de longs services en ce
genre ; et les leçons de ce profes-
seur, qui associoit les vertus reli-
gieuses à l'enseignement des élé-
mens des sciences humaines ,
tendoient à former à la religion,
les jeunes gens qu'il exerçoit à
d'autres études. Quoique l'Assem-
blée Constituante , par ses ré-
formes subversives , pût faire
craindre de plus grands désastres,
le professeur Binard croyoit en
être à l'abri par l'utilité de ses
fonctions, et surtout de son col-
lège. Il continuoit de l'habiter
avec confiance, et s'y trouvoit à
l'époque du 10 août 1792. Quand
les révolutionnaires, peu de jours
après , se mirent à rechercher les
prêtres non-assermentés, pour les
enfermer dans une prison de mort ,
Binard fut arrêté comme tel, le
23 du même mois. Amené devant
le comité de sa section, il refusa
derechef le serment qu'on lui de-
mandoit, et fut, en conséquence,
écroué le même jour, dans le sé-
minaire de Saint-Firmin, où,
partageant les pieuses dispositions
des autres captifs du sacerdoce,
qui étoient avec lui, il se pré-
para au sacrifice de sa vie. Le
5 septembre , il fut massacré avec
eux ( V . Alricy et Septembre ).
Son âge étoit alors de 5o ans. Un
de ses collègues, encore vivant,
nous atteste que le professeur Bi-
nard « étoit un prêtre fort pieux,
et qu'il s'adonnoit, avec autant de
BIO
fruit que de zèle , au ministère de
la confession ».
BINARDIÈRE (N... Duportail
de la) , ancien curé de Notre-
Dame-du-Ham , dans le diocèse
du Mans, né à Saint-Jouen, dans
le Perche, âgé de 52 ans, s'étoit
retiré à Belesme, auprès de sa
mère, qui n'avoit pas moins de
90 ans. Lors des premières insur-
rections contre les prêtres non-
assermentés, La Binardière, qui
n'avoit eu garde de faire le ser-
ment schismatique, désapprou-
voit, par sa seule conduite, celle
de l'intrus jureur qui s'étoit ins-
tallé dans la cure de Belesme , à
la place du curé légitime. Les ré-
volutionnaires du pays, excités par
les novateurs, se portèrent avec
fureur dans la maison qu'habitoit
La Binardière. Les larmes , les cris
et les gémissemens de sa mère,
dont il étoit l'appui dans son ex-
trême vieillesse, ne les fléchirent
point. Ils le conduisirent sur la
place publique. Là, ils commen-
cèrent par aiguiser leurs sabres
sous ses yeux; puis deux de ces
assassins, l'un à droite et l'autre à
gauche, approchant de sa gorge
leurs armes affilées , lui dirent
qu'il falloit à l'instant, ou jurer
ou périr. Il répondit : «J'ai fait à
mon Dieu et à mon Roi, d'autres
sermens; je ne les violerai pas,
pour faire les vôtres ». A l'instant
sa tête fut abattue : ce meurtre
eut lieu en juillet 1792.
BIOCHET (LotiisE-ConN), re-
BIS 35i
ligieuse Carmélite de Paris, étant
rejetée dans le monde par les im-
pies réformateurs qui suppri-
moient les ordres monastiques, s'é-
toit retirée dans un modeste domi-
cile , où elle pratiquoit sa religion
avec la même ferveur que dans le
cloître. Les persécuteurs la firent
arrêter, en 179^; et elle fut tra-
duite devant le tribunal révolu-
tionnaire, le 21 pluviôse an II
(9 février 1 794)- Les juges, la trou-
vant convaincue d'être ce qu'ils
appeloient fanatique , c'est-à-
dire fidèle à ses devoirs de piété ,
pleine de Foi et de vertus reli-
gieuses, la condamnèrent, pour
cette cause, à la peine de mort;
et sa tête tomba, le même jour,
sur l'échafaud.
BISE (Nicolas), prêtre de la
communauté de Saint-Nicolas-du-
Chardonnet, à Paris, étoit préfet
du séminaire qu'elle dirigeoit, sous
l'autorité du supérieur de cette
congrégation ( V. Andrieux). II
le secondoit avec un succès égal
au zèle qu'il y portoit. Associé à
ses soins, et non moins ferme que
lui dans sa Foi comme dans la
pratique des vertus de son état,
il s'attira de même la haine des
impies, et fut arrêté avec lui, le
i3 août 1792. Les dangers qu'il
courut en arrivant au comité civil
de la section, ont été déjà racon-
tés dans l'article du vertueux An-
drieux. Ses réponses furent celles-
là même de son supérieur. On
l'enferma , comme lui et ses autres
33a BLA
compagnons de Saint- Nicolas-du-
Chardonnet, dans le séminaire de
Saint-Firmin ; et il y fut massa-
cré , avec eux , le 5 septembre sui-
vant, pour la seule raison qu'il
n'avoit pas voulu trahir sa Foi,
par la prestation du serment de la
constitution civile du clergé
( V. Septembre ). Il avoit alors
55 ans.
BLANC (Marie-Claire), reli-
gieuse de l'ordre du Saint-Sacre-
ment, dans la ville de Boulène,
près le Pont-Saint-Esprit, y por-
toit le nom de sœur Saint-Mar-
tin. Elle avoit continué à vivre en
commun, avec plusieurs autres
religieuses, à Boulène, depuis l'a-
bolition des cloîtres ; et elle fut
du nombre des quarante - deux
épouses de Jésus - Christ que ,
le premier jour de mai 1794?
les féroces révolutionnaires traî-
nèrent à Orange, pour y être im-
molées par la terrible commission
populaire , que le proconsul
Maignet avoit ordre d'y établir ( V .
Orange). On peut voir, à l'article
de la sœur Albarède, comment
la sœur Blanc, d'accord avec ses
compagnes, se prépara au mar-
tyre. Non moins déterminée
qu'elles à mourir pour leur divin
Epoux, et à ne pas faire ce ser-
ment de liberté-égalité , qu'on
leur demandoit , elle le refusa
avec fermeté, lorsqu'elle com-
parut devant le farouche tribunal,
à l'âge de 55 ans , le 25 mes-
sidor an II (11 juillet 1794)- EHe
BLA
y fut, en conséquence, condam-
née à la peine de mort, « comme
fanatique, comme réfractaire »,
et, suivant la logique des tribu-
naux d'alors , comme « contre-
révolutionnaire » . Elle reçut sa
sentence avec joie, et partagea
les sentimens des trois compagnes
qui étoient condamnées en même-
temps qu'elle, à la même peine,
et pour la même cause. ( V . B.
Bès, M. E. Pelissier, M. d'Al-
barède ; et, pour la suite des vic-
times du même tribunal, M«le
Bonneret.)
BLANC HABD (André), prêtre
du diocèse de Die , né à Penne-
sur-Bernave, en 1740, n'ayant
point prêté le serment de la cons-
titution civile du clergé , et
croyant faire mieux que de se
soumettre à la loi de la déportation ,
alla se réfugier, en 1795, à Lyon,
où les prêtres catholiques rece-
voient un si favorable accueil. La
Convention ayant déployé ses fu-
reurs contre cette ville, à la fin
de cette année, Blanchard fut du
grand nombre des prêtres qu'on
y arrêta. Traduit devant la com-
mission révolutionnaire qui les
envoyoit à la mort {V. Lyon), il
fut condamné, le 14 pluviôse an II
(2 février 1794)? a perdre la vie,
en qualité de «prêtre réfractaire » ;
et fut exécuté le jour suivant. [V.
Bevi et M. A. Blanchardon.)
BLANCHABD (Nicolas), prê-
tre du diocèse de Langres , n'ayant
point fait le serment de 1791, et
BLA
n'étant point sorti de France à la
fin de 1 795, vivoit retiré à Viraux,
près d'Ancy- le- Franc. Les per-
sécuteurs le découvrirent, et le
firent arrêter au printemps de
l'année suivante. On le traduisit
devant le tribunal criminel du dé-
partement de la Haute-Marne ,
siégeant à Chaumont en Bassigny.
Il y comparut le 12 juin 1790.
Comme il n'avoit pas été fonc-
tionnaire public (^.Déportation),
les juges ne pouvant le condam-
ner comme « prêtre réfractaire » ,
quoiqu'il fût inassermenté, re-
coururent à l'expédient facile de
l'accuser de contre-révolution ; et,
sous ce prétexte , ils l'envoyèrent
à l'échafaud , où sa tête tomba le
lendemain.
BLANCHARDON ( Michel-
Antoine de ) , né au Mans , cha-
noine, prieur et curé de l'église,
abbaye royale de Notre-Dame-de-
Belleville, en Beaujolais, unie,
depuis 176g, à la congrégation
des chanoines réguliers de France ,
fut privé, en 1791, des deux
premières charges , par les réfor-
mes révolutionnaires, et de sa
cure, par son refus du serment
de la constitution civile du
clergé. Son attachement à ses
paroissiens le détourna de sortir
de France , lors de l'expulsion des
prêtres non-assermentés, par la
loi du 26 août 1 792 ; et il continua
l'exercice de son ministère pasto-
ral , dans la contrée , au milieu des
horribles persécutions de 1790.
BLA a53
II en devint lui-même la victime,
quand une affreuse commission
révolutionnaire eut été établie à
Lyon, vers la fin de cette année
( V. Lyon). Le curé Blanchardon
âgé de 59 ans, fut arrêté et traîné
dans les prisons de cette ville,
pour être jugé par l'impie autant
que sanguinaire tribunal , où il
comparut le 16 germinal an II
(5 avril 1794)- Les juges lui de-
mandèrent bien inutilement le
serment de liberté - égalité , et
ses lettres de prêtrise. Il les refusa
en homme disposé à donner sa
vie pour Jésus-Christ; et il fut con-
damné à la peine de mort, comme
« prêtre fanatique, ne voulant
pas se conformer aux lois» {V.
A. Blanchard et Blin.)
BLANCVILLAIN ( Pierre ),
prêtre du diocèse d'Angers, vicaire
en la paroisse de la Jumellière,
près de Chemillé , fut saisi dans
cette terrible guerre qu'on faisoit
à la religion et à ses ministres, en
1795. Tous ceux qu'on arrêtoit
dans l'Anjou, comme dans le Poi-
tou et la Bretagne dont la popu-
lation s'éloit soulevée en faveur
de la religion et de la royauté ,
étoient appelés brigands de ia
Vendée [V. Vendée). Le vicaire
Blancvillain , arrêté à son tour,
et amené à la commission mili-
taire qui jugeoit à Saint-Malo, y
fut condamné, comme tel, à la
peine de mort, le 21 nivose an II
( 10 janvier 1794); et, le lende-
main il fut immolé.
<iÔl\ BLA
BLANQUART (Charles-Fran-
çois-Joseph), avocat célèbre au
conseil de l'Artois, né à Moule,
et demeurant à Arras, avoit pris
part en 178g à une protestation
faite au nom de la province d'Ar-
tois , lors de l'Assemblée des No-
tables, contre tout ce qui pourroit
être entrepris au préjudice des
privilèges du pays. Le proconsul
Jh Lebon, envoyé par la Conven-
tion en îjgS, pour ravager et en-
sanglanter la contrée , trouva dans
cette ancienne protestation un pré-
texte pour en faire périr les au-
teurs, lorsque d'ailleurs ils feroient
profession de piété (V. Arras).
Or, l'avocat Blanquart , alors âgé
de 48 ans, avoit ce tort impardon-
nable aux yeux du proconsul et de
ses suppôts impies. « Blanquart ,
dit dans le même esprit le conven-
tionnel A. B. J. Guffroy (Secrets
cle J ■ Lebon), Blanquart a été le
protecteur forcené des prêtres»;
c'est-à-dire qu'animé des senti-
mens de la Foi, il protégeoit la
religion et ses ministres. Tel est
le véritable motif pour lequel
Jh Lebon le fit envoyer à la guil-
lotine, par son tribunal révolu-
tionnaire, le 16 germinal an II
(5 avril 1 794)» sous la vague sup-
position d'une «conspiration con-
tre le peuple français et sa liberté »
V . Bataille). Ce fut après l'avoir
mis à mort, que le bourreau lassé
par le grand nombre d'exécutions
qu'il avoit déjà faites , vint de-
mander au proconsul de lui lais-
BLI
ser un jour de repos, en donnant
pour motif de sa demande, le
besoin que le fer de la guillotine
avoit d'être aiguisé, attendu, di-
soit-il, qu'il s'étoit ébréebé en
décapitant Blanquart. « Voyez
donc, s'écria le proconsul, voyez
comme ces aristocrates sont récal-
citrans ! ils le sont même sous le
fer qui abat leurs têtes» ! ( V . L.
A. Becquet et V. A. Blin de Rul-
LECOMTE. )
BLIN (Jean-Baptiste), prêtre ,
ancien religieux de l'ordre des Pic-
pus, et canoniquement sécularisé
depuis nombre d'années, exercoit
à Lyon le saint ministère avec au-
tant de modestie que de zèle ; et
les fruits qu'en retiroit la religion,
le rendoient très-estimable au curé
de la paroisse dans laquelle il ré-
sidoit. La constitution civile du
clergé ne le séduisit point; et,
lors de l'expulsion des prêtres non-
assermentés par la loi du 26 août
1792, il ne sortit pas de France,
et resta à Lyon, où il continua de
remplir les fonctions sacerdotales
dans une sorte d'obscurité. Son
âge avancé le dispensoit d'ailleurs
aux yeux de la loi de s'expatrier.
Il fut aisément découvert après le
siège de Lyon ; les explorateurs
de la terrible commission révo-
lutionnaire établie en cette ville,
vers la fin de 1790, arrêtèrent
aussi cet ecclésiastique. Après
avoir souffert quelque temps dans
les prisons , il fut traduit à cet
affreux tribunal , le 20 pluviôse
1
BU
an II (8 février 1794)? à l'âge de
soixante-quatre ans. On ne put l'y
décider par l'appareil de la mort
à compromettre sa Foi par le ser-
ment de liberté-égalité, et moins
encore à la tradition de ses lettres
de prêtrise {V . Lyon). Il fut en
conséquence condamné à périr du
supplice de la guillotine, comme
« prêtre réfractaire à la loi ».
{V . Blanchardon et Bossan. )
BLIN DE RULLECOMTE
( Vindicien-Antoine), né à Arras
en 1762, étoit marié depuis peu
de temps, lorsqu'arrivèrent les
exécrables années de 1793 et
1794. Quoique vivant dans le
monde, il fit preuve d'une grande
constance dans la Foi catholique,
au milieu du débordement des
erreurs de la constitution civile
du clergé, et des horreurs de l'a-
théisme qui leur succédèrent. L'o-
ratoire orthodoxe de la vc Bataille
étoit fréquenté par lui ; et il y as-
sista même comme témoin, avec
Antoine Le Roi d'Hurtebise ( V . ce
nom ) au mariage de deux catho-
liques, béni par un prêtre resté
fidèle. Le conventionnel Lebon,
proconsul à Arras, ayant appris
ce fait {V. Arras), se hâta de
comprendre Blin de Rullecomte
parmi les pieux associés de la cha-
ritable dame Bataille. On peut voir
à l'article de Le Roi d'Hurtebise,
l'arrêté impie du proconsul contre
ces deux témoins d'une action
religieuse, faite suivant les règles
de la Foi. Blin de Rullecomte fut
BLO a5f>
envoyé à la mort avec son co-
témoin, et les dix-huit associés de
la bonne œuvre de la ve Bataille,
le 25 germinal an II (14 avril
1794). Il n'avoit alors que 32
ans. ( V. C. T. J. Blanquart et
G. F. Boucquart. )
Blondelet {N...), prêtre -cha-
noine ou chapelain de Clermont
en Argonne, dans le diocèse de
Verdun, montra sans doute, lors
du schisme constitutionnel de 1791,
et ensuite au milieu des énormes
scandales de l'impiété en 1792 et
1793, un très-notable attache-
ment à ses devoirs, puisqu'il fut
arrêté comme ministre de la reli-
gion. Les autorités du départe-
ment de la Meuse où il résidoit, le
condamnèrent à la déportation au
delà des mers; et il fut conduit à
Rochefort pour être embarqué.
( V. Rochefort). On l'y plaça sur
le navire le Washington; et,
dans cette déportation , il suc-
comba en 1794 5 à 60 ans envi-
ron , sous les maux cruels que
les prêtres éprouvoient. Le com-
pagnon de leurs tortures qui ,
après en être revenu vivant en
1795, nous envoya en 1800, les
noms de ceux qui y périrent, ajou-
toit à celui du prêtre Blondelet
pour montrer l'exactitude de seS
notices : « On ignore s'il étoit as-
sermenté ou non »; mais ensuite
il nous prioit d'observer que «par
de semblables remarques, il n'en-
tendoitpas dire qu'il avoit des rai-
sons pour croire que celui dont il
256 BLO
ignoroit le refus ou la rétractation
du serment, l'eût prêté et ne l'eût
pas rétracté ; mais seulement qu'il
n'avoit pu , malgré toutes ses re-
cherches, obtenir la certitude que
tels ou tels prêtres avoient refusé
le serment ou l'avoient rétracté
après l'avoir fait ». Cette circons-
pection de notre correspondant
étoit d'autant moins défavorable à
ceux auxquels il appliquoit pa-
reille note , qu'il nous a été prouvé
d'ailleurs que plusieurs d'entre
eux avoient formellement refusé
les criminels sermens de 1791 et
de 1792. [V, J. B. H. Billocqce
et J. G, Blot-de-Chacvigny. )
BLON DET ( Louis - Marie ) ,
curé d'Usson, près de Haunay,
dans le diocèse de Poitiers, s'étoit
dispensé d'obéir à la loi de dépor-
tation du 26 août 1792, quoiqu'il
ne se fût point rendu coupable
du serment schismatique de 1791.
Son zèle pour ses paroissiens l'a voit
retenu au milieu d'eux. Il y fut
arrêté en 1 793 ; et on le jeta dans
les prisons de Poitiers ( V . Poi-
tiers ). Le tribunal criminel
du département de la Vienne ,
siégeant en cette ville , le con-
damna à la peine de mort, comme
« prêtre réfractaire », le 28 ven-
tôse an II (18 mars 1 794 ) ; et le
curé Blondet mêla son sang aux
seize autres victimes sacerdotales,
que ce tribunal fit périr le même
jour en haine de la religion. ( V . A.
S. Bertrand et L. Bonnet. )
BLOQUET (Pierre), prêtre
BLO
du diocèse de Coutances , né
dans cette ville en 1714? fut a'*-
rêté dans sa province en 1 795 ,
et amené à Paris, malgré ses 80
ans, pour y être une des victimes
du tribunal révolutionnaire. Il
n'avoit pas fait le serment schis-
matique de 1791 ; et sa vieillesse
l'avoit dispensé de sortir de France
lors de la loi de déportation du
26 août 1792. Pour le condam-
ner à la peine de mort, on ima-
gina d'impliquer ce vieillard dans
une prétendue conspiration des
prisonniers de la maison de Saint-
Lazare où il étoit détenu. Mais,
dans la sentence, on ne put s'abs-
tenir de remarquer qu'il étoit non
assermenté : par où il devenoit
évident que sa constance dans la
Foi étoit ce qu'en lui on trouvoit
le plus digne de la peine capitale.
Ce jugement fut rendu le 8 ther-
midor an II (26 juillet 1794) ; et
le prêtre Bloquet fut décapité le
même jour.
BLOT-DE-CHAUVIGNY (Jean-
Gilbert) , prêtre, chanoine de
Notre-Dame de Moulins, vicaire-
général de Vabres en Rouergue ,
et né en 1748? à Saint-Bonnet de
Rochefort , dans le diocèse de
Clermont, avoit continué de rési-
der à Moulins après la suppres-
sion des chapitres. Il y montra
tout l'attachement d'un bon prêtre
à la Foi catholique , lors du serinent
de 1791 ; mais ensuite, troublé par
les catastrophes des 10 août et 2
septembre 1 792 , il se laissa entraî-
BLU
ner à la prestation du serment de
liberté-égalité, prescrit à cette
désastreuse époque. Revenu bien-
tôt de son trouble , il se hâta de
rétracter ce serment, et en rendit
même la rétractation très-notoire ,
suivant que le lui prescrivoit sa
conscience. Cette rétractation fut
le principal motif qui décida les
administrateurs du département
de l'Ailier à l'emprisonner. Le
chanoine Blot se trouva bien-
tôt compris parmi les ministres
du Seigneur qu'à raison de leur
fidélité ils envoyèrent à Roche-
fort , pour qu'ils fussent déportés
à la Guiane [V . Rochefort). Le
chanoine Blot fut embarqué sur
le navire les Deux Associés; et
les tortures de cette déportation
le firent expirer le 22 septembre
1794, à l'âge de 46 ans. Ses osse-
mens reposent dans l'ile Madame.
Les témoignages rendus à sa mé-
moire par ceux de ses compagnons
de souffrances qui lui ont survécu ,
sont uniformes. Celui qui corres-
pondoit avec nous en 1800, nous
écrivoit que le chanoine Blot étoit
« un vertueux ecclésiastique, fort
aimable en société » ; et M. Gré-
goire de la Biche , dans la liste qui
accompagne sa Relation, l'ap-
pelle « bon et vertueux ecclé-
siastique». {F. Blondelet, de
Clermont en Argonne , et F.
Boissiere. )
BLLTEL (Anne), religieuse,
ayant pour nom de religion sœur
Gertrude, âgée de 42 ans, et née
BOC 237
à La Rochelle , avoit embrassé la
profession du cloître dans la ville
de Bordeaux. Après la suppression
des ordres monastiques, elle étoit
restée dans cette ville. Ne s'étant
pas laissé entraîner par l'église de
la constitution civiledu clergé,
elle assistoit aux messes et aux exer-
cices de piété d'un prêtre non-as-
sermenté, que la persécution for-
çoit à se cacher [V . Casau ). Elle
contribua même , avec dix autres
femmes pieuses et un simple por-
teur d'eau , à le soustraire aux
persécuteurs pendant quatorze
mois. Mais enfin ce prêtre ayant
été découvert et ses bienfaitrices
reconnues, la sœur Gertrude fut
arrêtée avec toutes les autres etle
charitable porteur d'eau. On la
traduisit également devant la com
mission militaire de cette ville,
le 16 messidor an II (4 juillet
1794); et, de même que toutes
ses compagnes en bonnes œuvres ,
elle fut condamnée le même jour
à la peine de mort. La sentence
atteste formellement que sœur
Gertrude, comme les autres, ren-
dit hautement témoignage de sa
Foi devant les juges , et eut la force
d'âme de ne pas indiquer l'asile
d'autres prêtres cachés que les per-
sécuteurs vouloient également im-
moler. Voyez cette sentence et le
nom de ces différentes personnes,
à l'article J' Alix.
BOCHOT (Claude ) , prêtre et
supérieur de la congrégation de
la Doctrine Chrétienne à Paris,
a38 BOC
âgé de 72 ans à l'époque allVeuse
du 10 août 1792? étoit encore
plus vénérable par ses vertus
sacerdotales que par ses années.
Il avoit surtout acquis un grand
mérite auprès de Dieu dans le
ministère de la direction des
âmes. La communauté qu'il pré-
sidoit méritoit d'avoir un tel su-
périeur; et, dans tout le voisi-
nage , elle inspiroit un respect
mêlé d'attachement dont on eut
une preuve bien touchante lors-
qu'après le 10 août les impies ré-
volutionnaires se déchaînèrent si
fougueusement contre les prêtres
non -assermentés, et commen-
cèrent à les rechercher avec fureur
ie dimanche i3 de ce mois. Les
personnes qui habitoient dans le
voisinage de ceux de la Doctrine
Chrétienne accoururent pour les
avertir, et les conjurer de fuir.
Ils n'avoient encore pu s'y ré-
soudre, quand, le 26, leur mai-
son se trouvant investie par les
satellites des persécuteurs ; et les
mêmes voisins leur ayant fait
connoitre qu'ils n'avoient pas de
temps à perdre pour éviter le dan-
ger, ils consentirent à s'échapper,
et sortirent par une porte non
fréquentée et presque ignorée, qui
s'ouvroit sur la rue Saint-Etienne-
du-Mont.Le supérieur Bochot, qui
leur en avoit lui-même donné le
conseil, crut devoir cependant
rester avec le P. Félix, qui avoit
parmi eux la charge de procu-
reur {V. Félix). Mais, pendant
BOD
que les doctrinaires fuyoient d'un
côté, les satellites entroient par
la principale porte de la maison;
et le P. Bochot les attendoit avec
une fermeté accompagnée de
calme, sans craindre de mourir
par la main des impies. Ils le
saisirent, et le traînèrent avec le
P. Félix au comité de la section.
Le P. Bochot leur étoit d'autant
plus odieux, qu'avec son confrère
ils restoient seuls chargés de toute
la haine vouée à une congréga-
tion qui, par sa constante régu-
larité de conduite , par les services
qu'elle ne cessoit de rendre à tous
ceux qui recouroient à elle, et
par les instructions solides qui se
faisoient toute l'année dans son
église , y attiroit un grand con-
cours , et jouissoit de la véné-
ration publique. Le P. Bochot,
incapable de faire aucun acte ré-
préhensible , refusa le serment
que le comité lui demandoit, et
fut enfermé ce jour-là même, le
26 août, comme prisonnier, dans
le séminaire de Saint-Firmin.
Digne du martyre, il ne tarda pas
à recevoir du Ciel la récompense
de ses bonnes œuvres. Associé à
tous ces ministres de Jésus-Christ
qu'on devoit bientôt y faire périr
comme insermentés, il fut mas-
sacré avec eux le 5 septembre
suivant. ( V . Septembre. )
BODEBEAU (N...), vicaire
de la paroisse du Pré dans la ville
du Mans , montra , dès les com-
mencemens de la révolution . un©
BOH
opposition très-décidée aux er-
reurs de la constitution civile
du clergé. Il refusa avec beau-
coup de fermeté d'en prêter le
serment, et fut dès lors voué à la
persécution. Lors de la loi de dé-
portation du 26 août 1792, il se
dispensa de lui obéir, et resta en
France pour continuer à rendre
son ministère utile aux catho-
liques. Il eut pour asile secret
une maison de la paroisse de Cou-
lombiers, à huit lieues du Mans.
Les persécuteurs l'y ayant enfin
découvert, le firent saisir et ame-
ner à la prison de cette ville. Pré-
Toyant dans sa captivité , et d'après
les lois d'alors, comme aussi d'a-
près le refus qu'il faisoit de prêter
le nouveau serment de liberté-
égalité,, qu'il seroit envoyé à la
mort, il se prépara au martyre;
et tous ceux qui l'approchoient
étoient édifiés des sentimens hé-
roïques de piété qu'il manifestoit
en toute occasion. Traduit enfin
devant le tribunal criminel du
département de la S art lie, sié-
geant au Mans, il fut condamné
ù la peine de mort , comme
« prêtre réfractaire », le 10 prai-
rial an II (29 mai 179J); et il
périt ce jour-là même, fête de
Y Ascension de notre Seigneur, ù
quatre heures et demie de l'après-
midi. [V . P. Bachelier et Brosse,
de Lussay. )
BODU (Marc), prêtre. {V . Bo-
TERF. )
BOHAUD (Antoine), prêtre
BOI 209
du diocèse de Clermont-Ferrand,
né à Besse près Clermont , dépar-
tement du Puy-de-Dôme, n'a-
voil point fait le serment de 1791 ;
et son zèle l'empêcha de se sou-
mettre à la loi de déportation
du 26 août 1792. Il fut décou-
vert en 1795, et emprisonné.
L'année suivante, on l'envoya à
Bordeaux, d'où il devoit être dé-
porté au-delà des mers ( V . Bor-
deaux). Il ne fut point compris
dans les premiers embarquemens
qui n'eurent lieu qu'à la fin de
l'automne , trois mois après la
chute de Boberspierre ; et il resta
enfermé dans le fort du Ha. Sa
carrière de souffrances touchoit à
sa fin : le Ciel ne vouloit pas
qu'elle se prolongeât davantage.
L'état de sa santé défaillante obli-
gea ses gardes à le transporter à
l'hôpital de Saint-André , où , sans
cesser d'être captif de Jésus-
Christ, il rendit son dernier sou-
pir, le 3 décembre 1794» à l'âge
de 34 ans. {V. G. Brouillet et
F. Brtjstiet. )
BOIBIS (Jean), homme de
peine du diocèse de Montauban,
travaillant à journées dans la
ville de Caussade où il avoit pris
naissance , fut du nombre des
dix-sept qu'en 1794 on fit con-
duire au tribunal révolution-
naire de Paris, et qui, le 3 mes-
sidor an II (21 juin 1794), y
furent condamnés à mort pour
cause de religion, avec leur curé.
Byiris périt comme eux le même
'.,(. BOl
jour, à 1 âge de 3o ans ( V. J. P.
Clavière. )
BOIROU-DOËT ( Marguerite
de), née en 1750, à Saint-Ciers-
Champagne, près de Barbézieux,
dans le diocèse de Saintes, habi-
toit la -ville de Bordeaux, depuis
nombre d'années. La piété qui
animoit toutes ses actions, se dis-
tinguons surtout par un grand
amour pour les pauvres. Les
œuvres de charité qu'elle exerçoit
en particulier , la firent choisir
pour directrice des secours que
déposoient, pour eux, les per-
sonnes charitables de la paroisse
où elle demeuroit ; et cette pa-
roisse étoit l'une des plus con-
sidérables de Bordeaux , celle de
Sainte-Eulalic. Déjà très-avancée
dans la voie du salut, elle ne pou-
voit qu'y persévérer, lorsque la
constitution civile du clergé
vint en détourner tant de chré-
tiens. Son zèle pour les infortunés
dut nécessairement comprendre ,
dans les actes de sa bienfaisance ,
les prêtres catholiques, lorsque
déjà privés de ressources, ils
éloient en outre obligés de se ca-
cher, pour se soustraire à la per-
sécution. Elle ne recouroit qu'à
leur ministère, pour entendre la
messe et fréquenter les sacre-
mens. Au reproche que lui en fai-
soient nos sacrilèges réforma-
teurs , l'inique législation d'alors
pou voit ajouter celui d'être pa-
rente de nobles qui avoient émi-
gré. Elle fut dénoncée sous ces
BOI
deux rapports; et, sans égard
pour les services qu'elle rendoit
aux pauvres, on vint l'arrêter,
le 4 mars 1794? dernier mardi
du carnaval. Enfermée dans la
maison des Orpficlvnes , conver-
tie en prison , elle n'y fut pas
d'abord traitée avec une extrême
rigueur; mais, le quatrième jour,
8 mars, à dix heures du soir, des
commissaires , un serrurier , et
leur escorte, vinrent la réveiller
en sursaut, pour la mettre au
secret. Cette surprise effrayante
la fit évanouir ; et, pendant qu'elle
étoit sans connoissance, on la
séquestra des autres prisonniers,
et on l'enferma seule, à l'écart,
d'une manière très -rigoureuse.
Dieu la soutint dans cette nou-
velle épreuve ; et elle sembla
acquérir des forces par le sur-
croît de privations auquel elle se
trouvoit réduite. Pendant le ca-
rême , elle fut conduite devant
les juges de la commission mili-
taire, un jour où le nombre des
victimes étoit assez considérable
pour contenter leur soif de sang
humain , sans que Marguerite de
Boirou-Doët fût immolée avec les
autres. Aussi, ne fut-elle pas con-
damnée dans cette circonstance ;
et les juges la renvoyèrent, avec
la simple escorte d'un soldat. Le
lieu des séances de la commission
militaire étoit éloigné de la pri-
son. En y revenant, cette ver-
tueuse dame trouva les rues pleines
d'une populace soudoyée pour
BOI
outrager les prisonniers. Passant
au milieu de cette tourbe qui
l'insultoit , elle avoit les mains
croisées sur la poitrine, les yeux
fixés vers le Ciel, et supportoit les
outrages, sans proférer une seule
plainte; enfin, elle arriva dans
sa prison. Quoiqu'elle ne man-
quât pas de la volonté de sceller sa
Foi avec son sang, elle conser-
voit cependant une crainte parti-
culière de la guillotine. « Vous
savez, écrivoit - elle secrètement
à son confesseur, combien j'ai
horreur de ce genre de supplice :
cette horreur est si grande, que,
si la chose étoit permise et aban-
donnée à mon choix, je me jette-
rois plutôt et volontiers dans un
brasier aident; mais Dieu ne nous
donne pas ce qui nous plaît; et il
veut que nous acceptions avec
soumission ce qu'il choisit lui-
même pour nous purifier». Elle
l'ut appelée quatre fois différentes
devant les juges, soit que Dieu
permit qu'ils éprouvassent sou-
vent sa constance, soit qu'ils eus-
sent besoin de s'enhardir pour
sacrifier la mère des pauvres. La
dernière fois qu'elle y parut, étoit
le dimanche des Rameaux, 1 5 avril;
et elle se trouvoit si foible de
corps, qu'il fallut une chaise a
porteurs pour l'y conduire. La
séance dura plus de deux heures.
Les forces lui manquoient pour
parler; elle ne pouvoit répondre
que par des signes de tête, qui lui
sulïisoient pour dire oui , ou non ;
a.
BOI 24!
mais la force lui revint d'une ma-
nière admirable, quand elle en-
tendit prononcer contre elle la
peine de mort. Après la lecture
de la sentence qui la disoit con-
damnée comme « complice d'é-
migrés et de prêtres fanatiques •» ,
le président de la commission l'in-
terpella, avec autant de barbarie
que de stupidité , en ces termes :
« Qu'as - tu à répondre, mainte-
nant que tu es condamnée» ? Elle
répondit: «Rien, puisque vous
me trouvez digne de mort ; et
Dieu veuille vous pardonner,
comme je vous pardonne». Tous
les assistans, frappés de cette
atroce condamnation , étoient
tombés dans la tristesse la plus
profonde : Marguerite Boirou-
Doët seule paroissoit satisfaite.
Ceux qui la considérèrent atten-
tivement alors, crurent apercevoir
sur son visage un rayon de cette
gloire céleste à laquelle elle tou-
choit. Il n'y restoit pas la moindre
trace de sa foiblesse précédente.
La pâleur y étoit remplacée par
l'incarnat de l'innocence. Elle se
leva, traversa la salle avec une
majesté qui ravit tout le monde.
Quand elle fut arrivée au pied de
l'échafaud, elle demanda au bour-
reau la permission de faire sa
prière ; et , ayant obtenu cette
faveur, elle se prosterna le visage
contre terre, sans prendre garde
à la boue sur laquelle elle étoit age-
nouillée. Quelques spectateurs qui
s'approchoient de fort près pour
16
2|2 BOI
la contempler, la gênoient dans
sa dernière oraison d'ici-bas ; elle
leur dit, avec une douceur angé-
liqne : « Eloignez- vous, je vous
prie; et permettez que je lasse en
paix ma dernière prière au Sei-
gneur : c'est aujourd'hui qu'il est
entré en triomphe à Jérusalem;
je le supplie de recevoir, ce même
jour, mon âme dans la Jérusalem
céleste ». On respecta ce pieux
désir en se retirant; et, quand
elle eut achevé sa prière, elle
monta courageusement sur l'au-
tel de son sacrifice, et le con-
somma avec la Foi des premiers
Martyrs : ce sont les propres pa-
roles des témoins de son exécu-
tion. La sentence porte, au re-
gistre, la date du 24 germinal
an II, qui correspondons au jour
que nous avons précédemment
indiqué.
BOISARD (Marie Guillotte,
Ve), ouvrière à journées, âgée
de 60 ans , née à Legé en Poi-
tou, et demeurant dans le b3urg
de Challans, au diocèse de Lu-
çon, manifesta sa Foi d'une ma-
nière héroïquement chrétienne ,
lorsque les novateurs révolution-
naires voulurent arracher aux fidè-
les de cette contrée leurs autels et
leurs pasteurs légitimes. Elle res-
toit constamment attachée à leur
doctrine et à leur ministère, sans
craindre la violence des persécu-
tions. On l'arrêta pour cette cause,
et on la conduisit à Parismalgré son
grand âge. Elle y fut condamnée
BOI
à la peine de mort par le tribunal
révolutionnaire , le 7 messidor
an II (25 juin 1794)» comme
« convaincue de s'être déclarée
l'ennemie du peuple, en servant de
diverses manièresles complots des
prêtres dans le département de la
V endée.....; en contribuant soit
directement , soit indirectement , â
tous lesexcès dont s'éloientsouillés
les fanatiques , etc. <> Marie Boi-
sard fut exécutée le même jour.
BOISBERNIER (François
Gigot de), vicaire-général de l'ar-
chevêché de Sens, occupant dans
cette métropole la dignité d'archi-
prêtre pour le Gâlinais, et né à
Sens même, en 1706, s'étoit ré-
fugié à Paris, croyant être plus
en sûreté contre la persécution. Il
y fut arrêté en 1790, et jeté dans
la prison dite de Saint-Lazare.
Quand les persécuteurs, embar-
rassés du grand nombre de pri-
sonniers qui leur resloient à im-
moler, et voulant , faute de griefs
réels contre chacun en particulier,
s'en créer un qui enveloppât de
suiteun grand nombre de victimes,
supposèrent des conspirations dans
les prisons, le chanoine Boi>ber-
nier fut compris parmi les pré-
tendus conspirateurs de celle où
il étoit. C'est avec un tel prétexte ,
que le tribunal révolutionnaire
se procura la satisfaction d'envoyer
ce grand-vicaire à l'échafaud , le 6
thermidor an II (24 juillet 1794).
BOISGELIN (Thomas-Pierre—
Antoii* ), l'un des vicaires-géné-
BOI
raux de l'archevêque d'Aix, cha-
noine honoraire de sa cathédrale,
et ancien agent général du clergé
de Fiance , n'avoit pas prêté le
serment de la constitution civile
du clergé ; et ce motif, comme
encore le caractère sacerdotal dont
il étoit revêtu, le firent comprendre
dans le nombre des prêtres qu'à la
suite du 10 août 1792, on enferma
pour les massacrer ensemble quel-
ques jours après. Un historien du
Clergé de France fendant la
Révolution en convient , tout
en disant avec une inconséquente
rigidité : « A quel titre le nom
de cet ecclésiastique se trouve-t-il
parmi ces glorieuses victimes » ?
Les torts de conduite mondaine
que cet écrivain lui reprochoit
avec une amertume extrême pour
justifier cette interrogation, torts
qu'il ne reprochoit qu'à lui , n'é-
toient , certes , pas aussi graves
que ceux de sainte Afre , et de
sainte Théodote dont nous avons
parlé dans notre Disc, prélimin. ,
(pag. 44 et 45 1)» et que l'Eglise
regarde comme de saintes Mar-
tyres. Quand la mort a été subie
pour des actes commandés par la
Foi , et qu'ainsi le pécheur a été
lavé par ce baptême de sang qui
a, pour tous les péchés quel-
conques, la même vertu que le
baptême d'eau par lequel sont
effacées la peine et la coulpe du
péché originel ; revenir sur les torts
antérieurs d'une telle victime ,
seroit tomber dans l'erreur de
BOI 245
cette proposition si justement ana-
thématisée par Alexandre VIII :
Homo toto vitœ suœ tempore
tenetur pœnitentiam agere de
peccato originati. Cette obser-
vation peut être ajoutée aux ré-
flexions contenues dans le Cor-
roleaire du Discours indiqué ci-
dessus. L'historien conclut néan-
moins suivant nos principes, en
disant que l'abbé de Boisgelin
« subissant le même martyre que
ses confrères , reçut la même ré-
compense». C'étoit dans la pri-
son de Y Abbaye qu'on l'avoit en-
fermé [V. Septembre). Sa précé-
dente opposition aux systèmes de
l'hérésie et du schisme, n'avoit pu
que disposer le Ciel à lui accorder
la grâce de la contrition avant celle
du martyre. Ne pouvoit-on pas lui
appliquer les paroles de saint Jean
Chrysostôme sur la mort violente
du prêtre Lucien ? « Dès que l'es-
clave du péché est baptisé dans son
sang, disoit-il, le joug de l'enfer
qui pesoit sur lui est brisé. Eh ! ne
soyez pas surpris de ce que j'ap-
pelle baptême la manière dont il
a péri, car la grâce survient avec
abondance dans une telle mort. Il
en résulte immédiatement l'aboli-
tion des péchés, avec une admira-
ble, une étonnante purification de
l'âme. Celui qui souffre le martyre
est purifié par son sang, comme
celui qui reçoit l'eau baptismale.
L'effet est le même pour l'un
comme pour l'autre » : Hodie scr-
vus sanguine baptizatur : in-
16.
344 BOI
fcrorum portœ sunt conçut-
catœ. Ncque miremini quod
baptismt'm martyrium nun-
cuparim ; nain et hic spiritus
cum multâ advotat ubertate ,
ac peccalorum abolitio, et ani-
mai fit purgatio quœdam mi-
rabilis ac stupenda : et quem-
admodum H qui baptizan-
tur aquis , ita qui martyrium
patiuntur , proprio sanguine
abtuuntur : quod utique et in
isto evenit ( S. Joan. Chrys. de
S. Luciano presbylero Antio-
cheno ) .
Le registre d'écrou de la prison
de V Abbaye porte, à la vérité, une
note tendant à faire croire que le
grand-vicaire Boisgelin , massacré
le 2 septembre , le fut « dans
la rue de Grenelle», et non à la
prison ; mais cette note , d'une
main différente que le reste, et
fondée d'ailleurs sur un témoi-
gnage équivoque, ne peut infir-
mer celui de la marge du registre
où il est dit avec l'écriture même
des jugemens de Maillard , que
« le sieur de Boisgelin a été jugé
par le peuple, et sur-le-champ mis
à mort» de la même manière que
les autres prisonniers, c'est-à-dire
à la porte de la prison de Y Ab-
baye. Au surplus ce registre et ce-
lui de l'état civil , fait d'après lui ,
n'indiquent aucune des dignités
de cet ecclésiastique, en le nom-
mant avec les autres victimes.
BOI5MEGRE (Claude-Henri),
prêtre du diocèse de Paris, né à
BOI
Versailles, en i752,devintcuréde
Chaton, près Saint-Germain-en-
Laye , dans le même diocèse. Tant
de prêtres y firent le serment de
la constitution civile du ctergé ,
comme on peut le voir dans le Mo-
niteur du mois de janvier 1791?
qu'il est à craindre que Boismègre
qui résidoit encore à Chatou à la
fin de 1793, n'eût suivi ce crimi-
nel exemple. Cependant on le vit
à la fin de 1795, lutter contre les
progrès de l'athéisme , avec un
zèle évangélique : ce qui le fit ar-
rêter; et dans les prisons, il ré-
para ses erreurs. Amené devant le
tribunal révolutionnaire , le 25
messidor an II (18 juillet 1794)*
il y fut condamné à la peine de
mort avec six autres prêtres,
comme « convaincus d'avoir voulu
exciter par le fanatisme la guerre
civile » . Le même jour il périt avec
eux sur l'échafaud, à l'âge de 4a
ans. ( V. J. T. F. Benault, L. S.
Bricogne, M. M. Grangean, M.
Lambert, J. N. de la Croze,
A. B. Suzanne.)
BOISSE1SADE (Antoine), curé
de Camboulas , dans le Rouergue ,
et né dans une paroisse de la même
province, nommée ie Monastère,
n'avoit point compromis sa Foi
par la prestation du serment de
1791. Malgré le danger auquel l'ex-
posoit la loi de déportation du 26
août 1792, il voulut rester dans
sa province pour les besoins spiri-
tuels de ses ouailles. Il y fut arrêté
en 1790; et, dans le printemps
BOI
de l'année suivante, on le traîna
à Bordeaux, où il de voit être em-
barqué pour la Guiane ( V. Bor-
deaux). Enfermé dans le fort du
Ha, en attendant le moment de
l'embarquement qui n'arriva que
trois mois après la mort de Bo-
berspierre, vers la fin de l'au-
tomne, il se trouva si accablé par
les souffrances , que, le voyant sur
le point de périr, on le transporta
à l'hôpital de Saint-André; et il y
mourut, sans cesser d'être captif
de J.-C, le 8 août 1794» 'A l'âge
de 45 ans. ( V. F. Besson et C*
Bonnet. )
BOISSIÈBE (François Ocdi-
not de la), prêtre, chanoine titu-
laire de Saint-Germain de Masseré,
dans le diocèse de Limoges, cha-
noine honoraire de l'église collé-
giale d'Uzerche au même diocèse,
et conseiller-clerc au parlement de
Bordeaux, étoit né à Saint-Ger-
main de Masseré , en 1 7 46- Le nom
de Boissière se signala dans un
acte de Foi bien solennel , en 1 790,
lorsque l'abbé de la Boissière , vi-
caire-général de Perpignan, cha-
noine et grand pénitencier de la
cathédrale de cette ville , étant
député delà province de Bousillon
aux Etats-Généraux, signa le 19
novembre de cette année, avec
vingt -six autres ecclésiastiques,
également députés, l'adhésion à
l'Exposition des principes des
évêques aussi députés, relative-
ment à la constitution civile du
clergé. François de la Boissière ne
BOI 245
se conduisit pas moins généreu-
sement dans sa province, lors de
l'établissement de cette constitu-
tion schismatique. Invariable dans
sa Foi, et dans la droiture de sa
conscience , il s'abstint du serment
de la fin de 1792 comme de celui
de 1791. Les autorités du départe-
ment de la Haute- Vienne le firent
arrêter en 1793 dans le domicile
qu'il avoit conservé; et ensuite le
firent conduire à Bochefort pour
être déporté au - delà des m;>rs
( V. Bochefort). Il y futembarqué
sur le navire tes Deux Associés.
Un de ses compagnons de dépor-
tation qui en étoit revenu, nous
écrivoit en 1800 au sujet de cet
ecclésiastique : «C'étoit un homme
vertueux, remarquable par un bon
sens exquis , et un habile juriscon-
sulte. Pour s'occuper sur le na-
vire, il se mit à exercer le métier
de tailleur d'habits , et en fit même
pou ries mousses. Quand le nombre
des malades devint considérable,
il se voua à des fonctions plus
utiles et non moins humbles, car
il se consacra à les servir en qua-
lité d'infirmier. Il mourut victime
de sa charité pour eux, comme
de son attachement à la Foi».
M. de la Biche , dans la liste an-
nexée à sa relation, dit que le
chanoine de la Boissière mou-
rut « dans les sentimens d'une
piété fervente». Sa mort arriva
le 7 septembre 1794- H avoit
alors quarante- huit ans ; et il
fut enterré dans l'ile Madame.
246 BON
{V. J. G. Blot et Bonnay, cha-
noine. )
BOLLERET (Lotis) , prêtre,
né en Franche- Comté vers 1750,
vicaire de la paroisse du Mont ,
après avoir évité les persécutions
qu'il s'étoit attirées par le refus
des sermcns anti-religieux de la
révolution, étoit venu, dans les
années moins effrayantes de 1795
et 1796, desservir la paroisse de
la Rivière dans le diocèse de Lan-
gres. Après la funeste crise du 18
fructidor (4 septembre 1797), et
la loi de déportation à la Guiane,
rendue le lendemain contre les
prêtres soi-disant réfractaires ,
Bolleret fut recherché par les per-
sécuteurs. Ils ne parvinrent à le
trouver qu'au commencement de
1798 ; mais ils l'envoyèrent de
suite à Rochefort pour qu'il y fût
embarqué ( V . Guiane). Il ne put
l'être que sur ia Bayonnaise , le
1" août suivant. Elle le déposa
dans le port de Cayenne le 29
septembre. On le relégua dans la
contrée dévorante de Konanama.
Il y mourut de scorbut , et rongé
par les vers et les chiques, le 22
novembre 1 798 , à l'âge de 48 ans ,
laissant pour toute succession
60 livres 4 sous.
BONARD (Jean -Antoine),
prêtre du diocèse d'Avignon , et y
exerçant les fonctions de vicaire à
Cabrières, fut arrêté dans l'été de
179'5> et livré comme prêtre au
tribunal criminel du département
de Vaucluse, qui trouvoit tout
BON
simple de n'employer que l'accu-
sation de « contre - révolution-
naire» contre les ministres du Sei-
gneur, pour les envoj'er à Pécha-
faud. C'est ainsi que le fut ce
vicaire , par une sentence du 8
nivose an II (28 décembre 1793).
BONAVENTURE (Dom),
Chatreux. ( V . B. Froment. )
BOTNFILS (/V...), curé de
Droup , dans le diocèse de Troyes ,
persécuté, maltraité pour n'avoir
pas fait le serment de la consti-
tution civile du clergé, mou-
rut en 1 792 des suites de ces mau-
vais traitemens ; et nous ne nous
croyons pas téméraires, en met-
tant son nom parmi ceux des
Martyrs, en conséquence de ce
qui a été dit dans notre tome I,
page 38 ; et d'ailleurs , nous le
trouvons sur une liste qui , regar-
dée comme celle de nos Martyrs,
fut publiée à Rome en 1794, à la
suite de la traduction française du
discours latin de M. J. Marotti,
ex-jésuite, alors professeur au col-
lège Romain, et depuis secrétaire
des lettres latines de Pie VI. Nous
en avons déjà parlé , pag. 55.
( V. Augier , de Montmorillon. )
BONIJOL, et non BOUYOL,
comme on peut s'en convaincre
aisément par la France Ecclé-
siastique de 1 790 , étoit chanoine
de l'église cathédrale d'Lzès. Né
dans la ville de Nismes, il y re-
vint en 1791, lors de la suppres-
sion des chapitres, et y montra
un grand zèle pour prémunir les
BON
fidèles contre les erreurs de la
constitution civile du clergé.
Les partisans de cette œuvre de
schisme et d'hérésie s'en vengè-
rent d'abord, en l'accablant de
coups de nerfs de bœuf. Forcé de
s'éloigner de Nismes, et de s'en-
fuir vers un lieu paisible où il pût
servir Dieu, et remplir ses devoirs
de prêtre avec plus de tranquil-
lité, il vint se réfugier dans la
paisible paroisse de Naves, au dio-
cèse d'Uzès. Il y fut pris avec sept
autres ministres de J.-C. , retirés
comme lui dans cet endroit ; et ,
conduit avec eux aux Vans, il y
subit la même mort qu'eux pour
la cause de la Foi, le 14 juillet
1792. Son martyre est ample-
ment raconté à l'article Bravard.
{V. Clemenceau.)
BONIN (Louise), femme. (V.
L. Landinet. )
BONNAIRE (Claude), prêtre,
Bénédictin , prieur de la maison
de Saint-Arnoult, congrégation de
Saint-Vannes et Saint-Hidulphe,
dans le diocèse de Metz , étoit né
à Flavigny dans celui de Nanc3r.
Quand il fut expulsé de son cloître ,
par les réformes anti- religieuses
de 1791, il vint habiter sa pro-
vince natale, et y montra un in-
vincible attachement à la Foi ca-
tholique lors du schisme consti-
tutionnel. Effrayé ensuite par les
terribles événemens d'août et de
septembre 1792, il fit le serment
& égalité-liberté prescrit à cette
époque. Cet acte équivoque ne le
BON 247
mit point à l'abri de la persécu-
tion. Il fut arrêté en 1795 ; et les
autorités du département de la
Meuse le condamnèrent à être dé-
porté au-delà des mers. Il fut en-
voyé pour cet effet à Rochefort,
où on l'embarqua sur le navire les
Deux Associés ( V . Rochefort).
A la vue de tant d'autres prêtres
de J.-C. qui ne s'étoient souillés
d'aucun serment, il sentit de vifs
remords de celui qu'il avoit prêté,
avec le tort au moins de n'avoir
pas su ce qu'il promettoit, et le
rétracta avec édification. Les souf-
frances de sa situation l'accablè-
rent ; et il mourut le 8 septem-
bre 1794* à l'Age d'environ 60
ans. Son corps fut enterré dans
l'île Madame. ( V. Bomay, cha-
noine, et C. J. Bonnefonds.)
BONNAUD (Jacques- Jules),
né en Amérique l'an 1740, et ame-
né fort jeune en France , y fut élevé
au collège de La Flèche. A l'âge de
18 ans, il entra au noviciat des
Jésuites; et, quand leur société fut
dissoute en 1767, il étoit régent
d'une basse classe à Quimper.
Animé d'un grand zèle, pénétré
d'une ardente piété , ctdéjà pourvu
de beaucoup de connoissances ec-
clésiastiques, il se consacra aux
fonctions du saint ministère , et
les exerça avec fruit dans plusieurs
diocèses. Fixé définitivement à
Paris, il y fit et publia divers ou-
vrages utiles et d'un mérite re-
marquable, tels que i°. le Tartufe
épistolairc démasqué, ou Epî-
248 BON
tre très- familière au marquis
Caraccioli, dans laquelle est dé-
voilée l'imposture de ses préten-
dues lettres de Ganganelli (Clé-
ment XIV) , in-8°, 1 777 ; 2°. Exa-
men critique des Observations
sur l'A tlantide de Platon, far
Bailly, in-12, 1779- Le premier
de ces ouvrages avoit paru sans
nom d'auteur, et le second sous
celui de V 'Abbé de Crey*** ; mais
bien des gens étoient dans la
confidence. Comme le style de
l'abbé Bonnaud avoit de la cha-
leur, que son zèle pour la religion
étoit celui d'un apôtre , il fut
chargé , par quelques catholiques,
de combattre les prétentions des
protestans, lorsqu'on 1787, ils ré-
clamoient avec tant de force l'état
civil. L'abbé Bonnaud fit en con-
séquence un assez volumineux
Mémoire où il démontra par des
faits et des raisonnemens , qu'une
telle concession exposeroit le trône
et la France à de grands malheurs.
Ce Mémoire, devenu fameux,
étoit intitulé : Discours à lire au
conseil, en présence du roi, par
un ministre patriote, sur le
projet d'accorder l'état civil
aux protestans. L'auteur n'y
étoit point nommé ; et comme la
duchesse de Noailles , dans les
sentimens et les vues de laquelle
il étoit écrit, en faisoit elle-même
ladistribution avec beaucoup d'ac-
tivité, et que personnellement elle
alloit le porter chez les membres
du conseil et du parlement, on
BON
l'appela le Mémoire de Mme de
Noailles. Le public le crut d'abord
fait par l'abbé Lenfant, aussi ex-
jésuite , et non par l'abbé Bonnaud
qui n'étoit point encore assez
connu. Il le devint davantage par
son nouvel ouvrage, intitulé: Hé-
rodote, historien du peuple hé-
breu sans le savoir, ou Réponse
à la critique de l'histoire des
temps fabuleux de l'abbé Gué-
rin du Bocher [V . ce nom), in-8%
1786. Le ministre de la feuille des
bénéfices, M. de Marbeuf, évêque
d'Autun, récompensa le9 travaux
de l'auteur, en lui faisant conférer
parle roi, en 1788, deux petits
bénéfices qui lui donnèrent l'ai-
sance nécessaire au travail, savoir,
le prieuré de Sermaise et Ann,
dans le diocèse de La Bochelle , et
le prieuré de Harnicourt , dans
le diocèse de Beauvais. Ce prélat
prit même en lui tant de confiance ,
que lorsque le roi l'eut nommé
archevêque de Lyon, en 1788,
l'abbé Bonnaud fut un des trois
ecclésiastiques qu'il s'empressa d'y
envoyer comme grands-vicaires
pour gouverner ce diocèse en son
nom. Bonnaud y étoit plus spé-
cialement chargé des choses pu-
rement spirituelles , telles que la
rédaction des lettres pastorales et
des mantlemens. Il se logea très-
modestement au séminaire que
dirigeoient les Sulpiciens , et y
fut un nouveau sujet d'édifica-
tion pour leurs élèves. Un mande-
ment qu'il composa et publia au
BON
nom de l'archevêque pour le ca-
rême de 178g, et dont le public
ne dotitoit point qu'il ne lût l'au-
teur, lui attira d'une manière écla-
tante l'animadversion des impies.
C'étoit l'époque où commençoit
avec un essor effrayant le soulève-
ment du tiers-état contre la no-
blesse et le clergé , à la veille des as-
semblées de sénéchaussées ou bail-
liages qui alloient nommer leurs
députés aux Etats-Généraux; et le
mandement tonnoit avec un esprit
évangéliqueconlrece soulèvement
révolutionnaire. Il lui appliquoit
le passage du chapitre III d'Isaïe,
où il est dit : «Le Seigneur va
ôter de Jérusalem, tous les
gens de cœur, les juges, les pro-
phètes et les vieillards : il y aura
une irruption du peuple, funeste
pour lui-même ; l'homme se dé-
clarera contre l'homme, chacun
sera en guerre contre son pro-
chain , l'ami se soulèvera contre
son ami, l'enfant contre le vieil-
lard, les derniers du peuple contre
les nobles ; et l'on dira bientôt :
Jérusalem est tombée, Juda est
renversé parce que leurs paroles et
leurs œuvres se sont élevées contre
le Seigneur» : EcceenimDomi-
nator Dominus auferet à Jé-
rusalem et à Juda validum et
fortem , fortem et judicem, et
prophetam, et senem : et dabo
pueros principes eorum : et ef-
feminatidominabuntur eis. Et
irruet populus , viradvirum,
et unusquisque ad proximum
BON »4g
suum ; tumultuabitur puer
contra senem, et ignobius contra
NoitiLEM. Apprehendet enim vir
domesticum patris sui : vesti-
mentum tibi est; Princeps eslo
noster. Ruit enim Jérusalem et
Judas concidit, quia lingua
eorum et adinventiones eorum
contra Dominum ut provoca-
rentocutos majestatisejus. L'au
teur prophétique du mandement
étoit cependant encore bien dis-
cret ; car sans doute il voyoit as-
sez loin dans l'avenir, pour savoir
que la suite de la menace d'Isaïe
se réaliseroit également. C'étoit
aussi notre histoire qu'Isaïe avoit
écrite, en quelque sorte, quand il
avoit dit : «Les exacteurs du peu-
ple vont le dépouiller. Oh ! mon
peuple! ceux qui te vantent la ré-
volution comme devant faire ton
bonheur, te trompent et t'égarent
dans les voies du crime et de l'in-
fortune. Les hommes les plus il-
lustres par leurs noms ou par
leurs vertus te seront enlevés par
le glaive ; les femmes se verront
couper ces chevelures , et ravir ces
ornemens dont elles sont si vaines ;
et dans ces villes , où l'on ne res-
pire que des parfums, on ne
sentira plus que l'odeur du crime
et l'infection des cadavres : la pa-
trie dévastée tombera dans la dé-
solation » : Poputum exactores
sui spoliaverunt Popute
meus , qui te beatum dicunt ,
ipsi te decipiunt, et viam grès-
suum tuorum dissipant. . . Put-
25o BON
cherrimi viri lui in gladio ca-
dent Decalvaùit Dominas
verticem filiarum Sion... Au-
feret Dominas ornamentum. . .
et erit prosuavi odorefœtor...
Et desotata in terra sedebit. Ce
que l'auteur du inandementdisoit,
pou voit su Hire alors pour dessiller
les yeux du peuple égaré ; mais sa
prophétie si malheureusement vé-
rifiée dans la suite, dévoiloit trop
les perfides vues des révolution-
naires pour ne pas exciter leur fu-
reur contre le mandement. 11 avoit
été publié le dimanche de la Quin-
quagésime , suivant l'usage ; et
deux jours après, c'est-à-dire le
mardi gras de nos païennes extra-
vagances, ces impies vinrent en
masques, revêtus de chapes, et
coiffes de mitres, brûler cet écrit
pastoral sur la place du Séminaire ,
sous les fenêtres mêmes de l'abbé
Bonnaud. Ce prudent ecclésias-
tique , à qui l'avenir sembloit ré-
vélé, montra néanmoins ensuite
autant de sagesse que de fermeté
dans la chambre du clergé de Lyon
où, pendant le carême, non sans
beaucoup d'orages et d'intrigues,
se rédigèrent ses cahiers , et se fit
la nomination de ses quatre dépu-
tés aux Etats-Généraux. Bientôt
appelé à Paris par l'archevêque qui
y ctoit retenu , l'abbé Bonnaud
défendit les intérêts de l'Eglise par
des écrits solides, entre lesquels
on.compte celui qui parut sous le
titre de Réclamations pour l'E-
glise gallicane contre i'inva-
BON
sion des biens ecclésiastiques :
Paris, 1791. Si ce fut lui qui ré-
digea Y Instruction pastorale
de l'archevêque de Lyon à ses
diocésains , contre la Constitu-
tion civile du clergé , et la lettre
du même prélat aux administra-
teurs de Lyon , contre l'envahis-
sement de son siège, il doit avoir
sa part dans l'honneur que ces
deux pièces firent au prélat, à qui
Pie VI lui-même en adressa des
félicitations par un bref particulier
du 2 1 mars 1 792, lui disant : Quid
itlamnovis acceptius.... te cu-
rasse ut- . . celer rimé per singu-
las tuœ provinciœ diœceses,...
fidèles, tais hortationiêus , ac
multô ma gis tuo exemplo com-
moti , apostoticis monitis ac
prœceptis quàm citissimè pa-
rèrent? On n'a pas besoin de pré-
venir que l'abbé Bonnaud regar-
doit comme un acte trop illicite
la prestation du serment de la
constitution civile du clergé,
pour consentir jamais à s'en ren-
dre coupable. Odieux aux im-
pies, pour tant de raisons, il ne
put échapper à leurs recherches
après la fatale journée du 10
août 1792. Conduit d'abord au
comité civil de la section, où il
refusa le serment civique, il fut
traîné de là à l'église des Car-
mes pour y être prisonnier avec
tant d'autres prêtres vertueux
[V. Dui.au). Enfin, il subit,
comme eux, pour sa Foi , la mort
qu'on leur donna si inhumaine-
BON
nient le 2 septembre suivant. ( V.
Septembre.)
BONNAY (Ar... de), prêtre,
chanoine de la cathédrale de Ma-
çon, et vicaire-général du diocèse,
né à Bourbon-Lancy dans celui
d'Autun , étoit resté en France ,
quoiqu'il n'eût pris aucune part
au schisme de 1791, et malgré la
loi d'expulsion du 26 août 1792.
Lorsqu'à cette dernière époque ,
on imagina d'exiger des prêtres un
serment équivoque de liberté-
égalité, le chanoine de Bonnay
qui crut n'y voir aucun piège, le
prêta ; mais cette lâche condes-
cendance ne le sauva point des ri-
gueurs de la persécution en 1793.
Il fut arrêté dans le département
de Saône et Loire , où il a voit con-
tinué de résider; et, condamné
ensuite à la déportation maritime,
il fut conduit à Rochefort pour y
être embarqué [V. Rochefort).
On le plaça sur le bâtiment te
Washington, où il rétracta son
serment de liberté-égalité , dont
on est fondé à penser qu'il avoit fait
précédemment une rétractation
moins notoire. Les souffrances de
l'entrepont de ce navire devin-
rent plus fortes que le tempéra-
ment du chanoine dr Bonnay. Il
succomba en septembre 1794, à
l'âge de 46 ans , et fut enterré dans
l'île Madame. ( V. F. Boissière
et C. Bonnaire.)
BONNEFONDS (Claude -Jo-
seph Jouffret de), prêtre de la
congrégation de Saint-Sulpiee , et
BON aîn
supérieur du petit séminaire d'Au-
tun, étoit né à Gannat, dans le
diocèse de Clermont. Homme
plein de mérite et de vertu, il se
garda bien de faire le serment de
(a constitution civile du clergé,
et s'abstint avec le même soin de
celui de liberté-égalité. Il conti-
nua d'habiter le diocèse d'Autun,
où son ministère étoit d'un grand
secours pour les catholiques. Les
agens de la persécution l'y arrê-
tèrent en 1790, et le destinèrent
à être déporté au-delà des mers.
On l'envoya pour cet effet à Ro-
chefort; et il y fut embarqué sur
le navire les Deux Associés [V •
Rochefort). Les exemples de
vertu qu'il donna à ses compa-
gnons de martyre , se prolongèrent
jusqu'à son dernier instant. Il ex-
pira le 10 août 1794? à l'âge de
42 ans, et fut inhumé dans l'île
A'Aix. ( V. C. Bonnaire et J. M.
Bonnet. )
BONNEFONT (iV...), prêtre
de la congrégation de la Doctrine
chrétienne , avoit été traîné en
1794, comme insermenté, de sa
province à Bordeaux , pour en être
déporté au-delà des mers (V. Bor-
deaux). Il y fut enfermé dans le
fort du Ha, en attendant que le
jour de l'embarquement arrivât ;
et dans cette attente, qui ne com-
mença à se réaliser pour d'autres
prêtres que vers la fin de l'au-
tomne , trois mois après la mort
de Roberspierre , le prêtre Bonne-
font, succombant sous le poids
25a BON
de ses longues et cruelles souf-
frances, devint si malade qu'on se
vit obligé de le transporter à l'hô-
pital de Saint-André où, sans ces-
ser d'être captif de J.-C. , il rendit
son dernier soupir le 19 août 1794.
[V . C. Bos et E. Boudes.)
BONNERET ( Marguerite ) ,
qu'ailleurson trouve nommée Bon-
net, née à Sérignan en 1720, reli-
gieuse du Saint-Sacrement, sous le
nom de Sœur Saint-Augustin ,
dans le couvent de Bonlène, près
le Pont-Saint-Esprit, conlinuoit,
après la suppression des cloîtres,
à vivre en commun, avec beaucoup
d'autres religieuses, à Boulène.
Elle fut du nombre des quarante-
deux, qu'en 179/4 les révolution-
naires amenèrent, le 2 mai, dans
les prisons d'Orange pour y être
immolées par la cruelle commis-
sion populaire de cette ville ,
et des trente-deux qu'elle fit pé-
rir {V. Orange). On verra à
l'article d'ALBARÈDE, comment la
sœur Bonneret se préparoitau mar-
tyre avec ses compagnes. Elle fut
appelée le 8 thermidor an II (26
juillet 179/i), au farouche tribunal
qui , la trouvant aussi ferme que les
autres religieuses dans sa Foi, et
dans le refus du serment de li-
berté et d'égalité que sa cons-
cience repoussoit, la condamna à
la peine de mort «comme fana-
tique, comme réfraclaire », et,
suivant la formule d'alors, comme
« contre-révolutionnaire)», à l'âge
de 74 ans* l"3 même sentence por-
BON
toit la même peine contre quatre
autres religieuses qui, partageant
le sort de Marguerite Bonneret , ne
furent pas moins dignes qu'elle
de la palme du martyre. {V . A.
Cartier , M. C. Dubac , M. de
Justamont, tante, T. Consolier;
et , pour la série alphabétique
d'Orange, Ae Cartier.)
BONNET (Catherine), née à
Bordeauxen 1 7 18, et religieuse du
couvent de l'Annonciade en cette
ville , étant affligée du spectacle
d'impiété qu'elle présentoit , sur-
tout depuis 1790, consulta le Sei-
gneur sur le lieu de retraite qu'elle
pourroit choisir pour être le plus
à l'abri du scandale général , et
exercerpluslibrementsespratiques
de religion. La grâce lui indiqua
l'hôpital de Saint-André où elle
pourroit en outre exercer les œu-
vres de miséricorde, surtout en-
vers les prêtres confesseurs de la
Foi , qui des diverses prisons de
la ville venoient y expirer. Cette
religieuse y mourut elle-même
dans les exercices de la charité, à
l'âge de 77 ans, en 1795, et put
être comptée au nombre des Mar-
tyrs de cette vertu , comme de son
attachement à la religion. (/'. A.
Boissenade et C. Bos.)
BONNET (Jean-Marie), curé
de Saint-Martin-Hars, dans le dio-
cèse de Poitiers, et né à Château-
Garnier, près Chaunay, en Bas-
Poitou , avoit mérité par son re-
fus du serment schismatique de
1791, que les autorités révolu-
BON
tionnaires le dépouillassent de son
titre de curé. Ne s'en croyant pas
inoins redevable de son zèle à ses
paroissiens, il étoit resté dans le.
canton. Les agens de la persécu-
tion l'y découvrirent en 1795, et le
jetèrentdans les prisonsde Poitiers.
Bientôt il fut décidé , le 28 ven-
tôse an II (18 mars >79'[)i par le
tribunal criminel du déparlement
de la Vienne, siégeant en cette
ville , qu'on déporteroit ce curé
au-delà des mers ; et on l'envoya ,
pour cet effet, à Bochefort, où il
fut embarqué sur le navire les
Deux Associés {T\ Bochefort).
Sa foible santé , encore moins que
son âge avancé, ne purent sou-
tenir les maux de ce séjour. Il
succomba bientôt, et mourut le
26 avril 1794 ? âgé de 59 ans.
On l'enterra près du fort Vaseux,
sur les rives de la Charente. ( V.
C. J. Bonnefonds et ... Borderie,
curé. )
BONNET (Louis), prêtre et re-
ligieux, vi voit modestement à Par-
thenay en Poitou. On ne pouvoit
lui faire un crime de n'avoir pas
prêté le serment de la constitu-
tion civiledu clergé, ni de n'être
pas sorti de France d'après la loi
du 26 août 1792, non qu'il eut
fait ce serment, mais parce qu'il
n'y avoit point été obligé par la
loi, attendu qu'il n'étoit pas fonc-
tionnaire public. Mais c'étoit un
bon religieux, fidèle à ses devoirs ;
et cette considération suffit aux
persécuteurs pour l'arrêter, et le
BON 253
traîner dans les prisons de Poi-
tiers. Le 28 ventôse an II (18 mars
1 794) , il fut condamné , comme
« prêtre réfractaire », à la peine
de mort, et se trouva du nombre
des dix-sept prêtres que ce tribu-
nal fit immoler ensemble ce jour-
là, en haine de la religion. ( y.
L. M. Blondet et C. Brunet.)
BONNET-DE-BADAL, et non
PBADAL (Jean-François), né à
Ax , dans le diocèse de Pamiers ,
le 4 septembre 1^38, entra dans
la congrégation dos Génovéfains,
le 4 septembre 1 758, et y fit pro-
fession le 21 novembre 1759. Il
avoit passé de longues années dans
la pratique de toutes les vertus de
son état, lorsqu'arriva la révolu-
tion. La charité pour les pauvres
étoit portée chez lui à un degré si
éminent , qu'il ne calculoit jamais
ce qui étoit nécessaire à ses be-
soins, quand il voyoit les leurs
plus grands que les siens. Dans le
terrible hiver de 1788 à 1789, il
leur avoit donné tout ce dont il
pouvoit rigoureusement se dispen-
ser ; et, dans cette généreuse dis--
tribution de ce qu'il avoit, il s'é-
toit réduit lui-même à une sorte
d'indigence. Après la fatale jour-
née du 10 août 1792, et surtout
après la loi de déportation rendue
le 26 de ce mois , Bonnet-de-Ba-
dal , étant compté au nombre des
prêtres non-assermentés , fut dé-
signé aux révolutionnaireschargés
de les arrêter. Ils vinrent chez lui ,
à Sainte -Geneviève, suivis de la
m, BON
stupide populace qui avoit cou-
tume de les suivre avec !e plaisir
de la curiosité. Quand elle recon-
nut dans cet ecclésiastique celui
dont tantde gensdupcuple avoient
reçu des secours, elle s'opposa à
ce qu'il fût arrêté. On y revint , et
elle lit la même opposition. Dans
l'une de ces visites . quelques
femmes lui demandèrent encore
l'aumône. Il leur répondit qu'il ne
lui restoit plus rien , et il disoit
vrai. Cette femme avide lui ré-
pliqua : « Mais il vous reste encore
votre mouchoir de poche , puis-
que vous le tenez à la main » ! —
« Eh bien, le voilà : prenez-le; je
pourrai dire désormais, avec une
entière vérité , que je n'ai plus
rien à moi ». Ce ne fut que le 5i
août que les persécuteurs purent
enlever ce vénérable prêtre de son
domicile , à Sainte-Geneviève. Il
fut conduit avec précipitation ,
malgré ses soixante ans , au comité
civil de la section , où on lui
proposa de faire le serment ci-
vique. L'abbé Bonnet-de-Radal
aima mieux , en lerefusant, s'expo-
ser à la mort. Il fut aussitôt cons-
titué prisonnier dans le séminaire
de Saint-Firmin où étoient déjà
captifs tant de prêtres dont on
n'avoit pu ébranler la fidélité.
Dans cette réunion de saints con-
fesseurs qui se préparoient à mou-
rir pour la Foi , l'abbé Bonnet-dc-
Radal se disposa à sacrifier sa vie
pour la même cause ; et ce sacri-
fice fut consommé le 3 septembre ,
BOR
lorsque les assassins soudoyés à
cet effet vinrent massacrer les prê-
tres enfermés dans cette prison ,
pour n'avoir pas voulu compro-
mettre leur croyance par un ser-
ment qu'elle réprouvoit. {V. Sep-
tembre. )
BONNET ( Marguerite), reli-
gieuse. [V. MS"= BoNNERET.)
BONZÉ (Pierre), prêtre du
séminaire de Saint-Firmin , et âgé
de 7 3 ans, n'avoit pas vieilli dans
les vertus du sacerdoce pour les
flétrit' par la prestation du serment
de la constitution civile, du
clergé. On savoit qu'il ne la regar-
doit pas moins que le supérieur
Le François, comme une œuvre
de l'impiété [V . Le François). Le
jour, i3 août, où celui-ci fut dé-
claré prisonnier dans la maison
même de Saint-Firmin , Bonzé
y fut aussi mis en captivité. Dans
ce lieu de détention où l'on amena
tant d'autres prêtres non-asser-
mentés , il se prépara avec eux à
faire à Dieu le sacrifice de sa vie
pour conserver sa Foi pure et in-
tacte ; et le 3 septembre il fut mas-
sacré avec eux pour la cause de la
religion. ( V. Septembre.)
BOPiDERIE (N... de la), curé
de la Péruse dans le diocèse de
Limoges, repoussa comme un
crime contre la Foi, le serment de
la constitution civile du clergé.
La persécution le força de quitter
le Limousin; et il étoit en 179a
dans l'Angoumois, alors appelé
département de la Charente- Il
BOR
y fut arrêté et bientôt condamné
à être déporté au-delà des mers.
On le fit partir pour Rochefort où
il fut embarqué sur/e IVasiihuj-
ton [V. Rochefort). En proie
aux souffrances de toute espèce ,
dont les déportés y étoient acca-
blés , il succomba en octobre 1 79^,
à l'âge de 5g ans , et fut enterré
dans l'île d'Aix. {V. J. M. Bcuvînet
et P. Y. Bordehie. )
BORDERIE- DE-FÉRIGNAC
(PlERRK-YpiEIX.-LADr.Ol HE DE L.t),
chanoine de la collégiale de Sainl-
Yrieix-la-Perche , dans le diocèse
de Limoges, né au même lieu , y
étoit resté après la suppression de
son chapitre. Quoiqu'il eût bien
formellement manifesté son éloi-
gnementdu schisme constitution-
nel, il ne crut pas devoir sortir de
France lors de la loi qui, le 26
août 1792, expulsa les prêtres
non-assermentés. Son zèle pour la
religion le fit rester dans la pro-
vince pour les besoins des catho-
liques ; et sa conscience timorée
repoussa le serment de iiberté-
égalilépresvAit à la même époque.
Les persécuteurs l'atteignirent en
1793. Après quelques mois de
prison , il fut envoyé à Roche-
fort pour être déporté au-delà
des mers ( V. Rochefort). On
l'embarqua sur le navire tes Deux
Associés. Il y souffrit beaucoup,
mais avec une grande résignation.
« Borderie-de-Férignac , nous a
écrit un de ses compagnons de
déportation , étoit un jeune prêtre
BOR 255
fort vertueux et rempli de piété».
Il succomba dans ce long mar-
tyre, le 1" juillet 1794? à l'âge
de 58 ans , et fut enterré dans l'île
d'Aix. ( lr . Bouderie , curé, et
A. Boisdier.)
BORDIER (Alexandre),
vicaire de Montignac , dans le
diocèse de Sarlat, et né à Ber-
gerac, dans le même diocèse, ne
prêta point le serment de la cons-
titution civile, du clergé. Cette
conduite louable le voua à la pros-
cription comme « prêtre réfrac-
taire » ; et, quand survint la loi
d'expulsion rendue le 26 août
1792, il crut pouvoir rester tran-
quillement dans sa province, en
faisant le serinent de liberté-éga-
lité prescrit alors. Cet acte de foi-
blesse ne pouvoit sauver un prêtre
déjà compris dans la classe des in-
sermentés , et qui se montroit at-
taché à la religion et à l'exercice
de son ministère. Il fut arrêté en
1793, et jeté dans les prisons de
Périgueux. On l'en lit partir en
février 179^, pourRochefort, d'où
il devoit être envoyé au-delà des
mers ( V. Rochefort). Arrivé dans
cette ville , il y fut embarqué sur
le navire les Deux Associés. Les
maux qu'on souffroit dans l'entre-
pont de ce bâtiment devenoient
pour lui un supplice auquel il ne
pouvoit résister. Sa patience étoit
grande ; il donna à ses compa-
gnons, entre autres exemples êdi-
fians, celui de rétracter son ser-
ment de liberté - égalité ; et iî.
I
-..">« BOR
mourut dans la paix du Seigneur,
à l'âge de 58 ans , durant l'été de
1794. Ses ossemens reposent dans
l'île Madame. {V. P. Y. Borde-
rie et B. Boucher.)
BORIE (Joseph) , simple 011-
vriercordonnier en la ville de Caus-
sade , où il étoit né , mérita d'être
compris avec son curé , parmi les
dix-huit habilans de cet endroit
qu'on y arrêta en 1794? et <lue
l'on conduisit à Paris, comme au-
tant de conspirateurs. Le tribunal
révolutionnaire l'envoya à l'é-
chafaud avec eux, en qualité fie
fanatique, le 3 messidor an II
(21 juin 1794) ; et Borie périt le
même jour, à l'âge de 19 ans. ( V.
J. P. Clavière. )
BORIE (Jean-Elie), prêtre de
la congrégation de la Mission ,
dite de Saint- Lazare, supérieur
du séminaire de Sarlat, et vicaire-
général de ce diocèse , fut un des
phi s zélés défenseurs de la Foi lors
de l'introduction de la constitu-
tion civile du clergé. Il fut donc
loin d'en prêter le schismatique
serment, et ne sortit point de
France après la loi de déportation
du 26 août 1792. La tranquillité
dont jouissoit sa province, faisoit
que ce saint prêtre s'applaudissoit
d'y être resté pour l'utilité des ca-
tholiques ; mais cette tranquillité
fut troublée d'une manière vio-
lente vers la fin de 1795. On ar-
rêta le lazariste Borie ; et , après
plusieurs mois de séjour dans les
prisons de Périgueux où il avoit
BOS
été conduit, on le traduisit devant
le tribunal criminel du départe-
ment de la Dordogne, siégeant
en cette ville, le 14 messidor an II
(2 juillet 1794). Les juges l'en-
voyèrent ce même jour à l'écha-
faud comme « prêtre réfractaire » .
( V. F. Artensie et P. Capelle. )
BORIE (André Portefaix-),
prêtre de la congrégation des La-
zaristes, et supérieur du séminaire
d'Albi, s'étoit retiré, lors de l'a-
bolition des anciennes institutions
ecclésiastiques , dans le bourg de
Paulhac, près Saint-Chely-d'Ap-
cher, diocèse de Mende. Modèle
de piété et des vertus de son état,
il n'avoit point fait le serment
schismatique , et avoit cru pouvoir
se dispenser d'obéir à l'inique loi
de la déportation. On l'arrêta au
commencement de 1794; et il fut
traîné dans les prisons de Mcnde ,
déjà chef- lieu du département de
la Lozère. Le tribunal criminel
de ce département le condamna à
la peine de mort comme « prêtre
réfractaire », le 12 floréal an II (2
mai 1794)- Sa sœur, Marie Porte-
faix , chez laquelle il demeuroit , fut
condamnée ensuite , le 3 prairial
an II (22 mai 1 794) , à la déporta-
tion pour toute sa vie, comme
« recéleuse de prêtres réfrac-
taires ». ( V. i' Alix.)
BOS (Charles), prêtre, né à
Verargues , dans le département de
Y Hérault ou du Cantal, comme
il est dit sur le registre de l'hôpi-
tal de Saint-André de Bordeaux ,
BOS
Où il mourut, étoit un de ces in-
nombrables ministres des autels
qui, pour conserver leur Foi in-
tacte, avoient refusé le serment
de 1791 , et s'étoient exposés aux
plus grands périls pour la gloire
de la religion et les besoins spiri-
tuels de ses disciples. Arrêté dans
sa province par les persécuteurs en
1793, il avoit été conduit en 1794
à Bordeaux, où il devoit être em-
barqué pour la déportation à la
Guiane. Les embarquemens ne
commencèrent qu'en automne ,
trois mois après la chute de Ro-
berspierre ( V. Bordeaux) ; et le
prêtre Bos, restant enfermé dans
le fort du Ha, attendoit que son
tour de partir arrivât, lorsqu'il
succomba sous le poids de ses lon-
gues et cruelles souffrances. Avant
qu'il expirât, on le fit transporter
dans l'hôpital de Saint-André, où
il ne cessoit pas d'être captif de
J.-C. Il y rendit son dernier sou-
pir le 25 novembre 1794* à l'âge
de 49 ans. ( V. Ce Bonnet et Bon-
NEFONT.)
BOSCAULT (Victor), prêtre,
né à Cordes, dans l'Albigeois, en
1768, et religieux Bernardin à
Albi, n'avoit prêté aucun des ser-
niens de la révolution; et les per-
sécuteurs des années 179^ et 1794
n'avoient pu l'atteindre. Il n'é-
chappa point à ceux que mit en
œuvre la cruelle loi de déportation
à la Guiane, rendue le lendemain
du 18 fructidor an V (4 sep-
tembre 1797). Ils le firent con-
2.
BOS a57
duire à Rochefort > où il fut
embarqué sur la corvette la
Bayonnaise, le 1" août 1798
[V. Guiane). Arrivé à Cayenne,
à la fin de septembre, il fut relé-
gué dans un canton non moins
pestilentiel que les autres; et il y
mourut dans le courant de dé-
cembre I799. {V. L. BoiLERET
et M. Boterf. )
BOSCUS (Jean-Joseph) , prê-
tre du diocèse de Rodez, dont la
vie et la mort furent amplement
racontées avec celles de son frère,
dans les Annales catholiques de
1797, ensuite dans les Mémoires
four servir à l'Histoire de la
Religion, à la fin du XVI H'
siècle, publiés en i8o3, et des-
quels le récit a été depuis lors
souvent copié, ne sera présenté
par nous ici que sous le rapport
des actions qui le préparèrent à la
couronne du martyre. Profitant
pour cela de la notice que nous
en reçûmes en 1799, nous recti-
fierons en passant quelques erreurs
de noms des précédentes narra-
tions. Jean-Joseph et son frère
André étoient nés dans la pa-
roisse de Flanjac , près d'Espa-
lion. Le premier, qui étoit l'aîné,
y avoit vu le jour en 1756; et,
fait prêtre vers 1781, il avoit été
placé comme vicaire dans la pa-
roisse de Naussac, près de Bi-
gnac. Son frère, plus jeune, qu'il
avoit lui-même formé à l'état
ecclésiastique, n'étoit encore que
sous-diacre lorsque la révolution
*7
258 BOS
éclata. Ne pouvant être avancé
dans les ordres en sa province,
il alla se faire ordonner diacre
et prêtre en Espagne. Les su-
périeurs ecclésiastiques l'établi-
rent alors vicaire en la paroisse de
Saint -Julien- de -Pigagnol , près
Rignac qu'il vint desservir. Voisin
de son frère Jean-Joseph, et encore
plus intimement uni avec lui par
sa Foi et sa piété nue par les liens
du sang, il montra comme lui un
égal éloignement du serment de
la eoiiatïtittion civile du clergé.
Resté dans le pays après la loi de
déportation, et voyant s'accroître
de jour en jour la persécution ,
ces deux prêtres qui, chacun de son
côté, travailloient ardemment au
salut des âmes, se rapprochèrent
ensemble pour délibérer sur ce
qu'ils feroient en de si critiques
conjonctures. Le résultat de leur
conférence fut qu'ils retourne"-
roient, l'un et l'autre, exercer leur
ministère dans leur canton res-
pectif. Ils bravèrent tous les pé-
rils, et supportèrent toutes sortes
de fatigues pour procurer les
secours spirituels aux mourans ,
aux malades , à tous ceux qui
réclamoient les soins de leur sa-
cerdoce. Quand des païens, des
amis , les supplioicnt de ne pas
tant s'exposer , ils leur répon-
doient : « Ce n'est pas pour nous
seuls que nous sommes prêtres ;
et c'est surtout dans ce temps de
calamité que nous devons être
disposés à nous immoler pour le
BOS
salut des fidèles ». Le 28 mai
i?g4j veille de l'Ascension, ils se
trouvèrent tous les deux a Flan-
jac pour y entendre les confes-
sions des catholiques , et les dis-
poser à la fête du lendemain. La
nuit même fut consacrée à ces
fonctions ; et les exercices du jour
de la fête ne furent pas moins
pénibles pour eux. Epuisés de fa-
tigues, ils venoient de se coucher,
et dormoient à peine, lorsque,
vers minuit, la maison où ils
étoient fut investie par une sol-
datesque impie qui , ayant forcé
les portes, s'empara de leur per-
sonne, les accabla d'injures, et
frappa même l'aîné de plusieurs
coups de sabre qui le mirent tout
en sang. Ils furent liés l'un à l'autre
par le cou avec une grosse chaîne
de fer, et traînés à Espalion où sié-
geoit l'administration du district
sur lequel on les avoit arrêtés.
Dans la route, ils s'exhortoient mu-
tuellement à ne se laisser abattre
par aucune espèce d'épreuve. En
entrant dans la ville, ils sont ren-
contrés par leur sœur qui s'éva-
nouit en les voyant ainsi garrottés ;
et ils la consolent en la conjurant
de ne pas s'affliger de leur bonheur.
Interrogés avec insolence et du-
reté par les membres du district,
qui cependant étoient tous leurs
parens ou leurs anciens amis, ils
font leur profession de Foi avec
autant de douceur que de fermeté ;
mais ils sont inébranlables dans le.
refus des aveux qu'on vouloit leur
BOS
arracher pour associer à leur sort
une foule d'autres victimes. Leur
compatriote M. Dubruel, depuis
lors membre du Corps Législatif en
1797, et de la Chambre des Députes
en 181 5 et 1820, accourt pour sol-
liciter en leur faveur, essayant au
moins de sauver le plus jeune des
deux ; et il obtient presque l'as-
surance qu'André qui n'avoit été
ordonné prêtre que depuis la ré-
volution , et pouvoit n'être pas
censé fonctionnaire public, ne se-
roit pas considéré « comme réfrac-
taire » . Quand il en a obtenu la
promesse , il vient avec émotion
dire au plus jeune des Boscus :
«Cher ami, vous êtes sauvé, si
vous voulez dire que vous n'étiez
pas fonctionnaire public». Celui-
ci] jette alors sur M. ^Dubruel un
regard plein de reconnoissance ,
et lui répond avec l'accent de la
Foi la plus vive : « Ah ! Monsieur,
la vie la plus heureuse vaut -elle
assez pour être rachetée par un
mensonge » ? En lisant cette ré-
ponse , on se croit reporté aux plus
beaux temps de l'Eglise, lorsque,
sous les persécutions de Galère et
de Maximin en 5o6, on vit Phi-
léas, évêque de Thmuis, et Philo-
romus, magistrat d'Alexandrie,
résister aux sollicitations de leurs
parens, de leurs amis, des juges
mêmes qui les pressoient de pour-
voir à leur conservation par quel-
que condescendance qui auroit
obscurci leur Foi ( Eusèb. Hist.
1. 8). Ne croit-on pas entendre ce
BOS 259
Philéas, lorsque son frère le sup-
posoit appelant de la sentence de
mort, avec l'intention de revenir
sur sa profession de Foi pour l'al-
térer, s'écrier: «Ne Pécoutez pas;
bien loin de souhaiter qu'on ré-
voque l'arrêt qui me condamne à
mourir, j'ai aucontraire de grandes
actions de grâces à rendre au pré-
sident qui va me faire co-héritier
de J.-C. » ? (Rufin, Hist. ceci.
1. vin, c. 10.) Frater Phileù?
qui erat unus ex advocatis, ex-
clamavit dicens : PhUeas abo-
iitionem petit. Culcianus re~
vocans eum dixit : Quid ap-
peUasti ? PhUeas respondit :
non appeUavi ; ahsit. Haie
noii intendere ; ego autem
magnas ago gratias prœsidi
quoniam cohœres factus sum
Jesu Christi. Quelques heures
après, ces deux prêtres toujours
enchaînés , sont conduits à pied
à Rodez, chef- lieu du dépar-
tement de YAvcyron. Dès leur
arrivée, ils comparaissent devant
le tribunal criminel où ils montrent
la même sérénité , la même dou-
ceur, la même fermeté. Ils sont
jetés dans un affreux cachot, où.
ils restent deux jours, et n'ont de
communication qu'avec leur géo-
lier. Les deux frères se firent alors .
Fini à l'autre, une confession gé-
nérale, et employèrent le reste du
temps à réciter ensemble leur of-
fice, à chanter alternativement le
Miserere mei , Deus , le Stahat ,
le Vexiila Régis prodeunt , et à
2(io BOS
se dire réciproquement les prières
des agonisans. Ils chantoient sur-
tout avec transport ce verset du
psaume cxxxii : Ecce quàm bo-
num, et quàm jucundum , ka-
éitare fralres in unum ! Le
lundi matin , 14 prairial an II
(2 juin 1794), on les ramène
au tribunal, où la peine de mort
est prononcée contre eux : ils
sont condamnés comme « prêtres
réfractaires ». Leur visage n'en
éprouve aucune altération : ils
s'embrassent de nouveau , en
se félicitant mutuellement « de
partir ensemble pour la céleste
Jérusalem ». Conduits à l'écha-
faud , ils y marchent avec au-
tant de dignité que d'assurance.
Arrivés au lieu du supplice , l'un
dispute sérieusement à l'autre l'a-
vantage de lui donner l'exemple
du courage ; et le bourreau les met
d'accord, en décidant que ce sera
le plus jeune. Celui-ci transporté
de joie pour cette préférence, em-
brasse encore son frère ; il em-
brasse même ensuite l'exécuteur,
en s'écriant <( qu'il pardonne à ses
ennemis, et qu'il meurt satisfait
de verser son sang pour sa reli-
gion » . Il continue en adressant au
peuple des exhortations édifiantes ;
c'étoit encore ce même Philéas
qui, parvenu à l'endroit de l'exé-
cution, étendant les mains vers
l'orient, disoit à haute voix aux
assistans : « Mes chers frères ,
vous qui cherchez Dieu , soyez at-
tentifs aux préceptes de JNotre Sei-
BOS
gneur J.-C; invoquons ce Dieu
incompréhensible et sans tache
qui est assis sur les Chérubins, qui
a tout créé, qui est le commence-
ment et la ûn de toutes choses, et
auquel appartient la gloire dans
tous les siècles ». Filioti met
carissimi , quicumque Deum
quœritis , vigUate ad corda
vestra. Carissimi , attendite
prœceplis Domini nostriJesu-
Christi. Invocemus immacu-
iatum , incomprehensibilem
qui sedet super Cherubim, f'ac-
torem omnium, qui est initium
et finis, cui gloria in secula
secutorum ( Ruin. , Jeta Sanc-
torum Phiieœ et PhUoromi).
Le bruit du tambour vient cou-
vrir la voix d'André Boscus, et il
reçoit le coup de la mort. Jean-
Joseph qui, pendant celte scène
douloureuse, avoit toujours les
yeux levés et les bras tendus vers
le ciel , imite en tout les dernières
actions de son frère , et meurt
avec les mêmes démonstrations
de Foi et de charité. C'est de la
mort de ces deux héroïques Mar-
tyrs que vouloit parler M. Du-
bruel dans son rapport fait au
Corps Législatif le 8 messidor an V
(26 juin 1797), sur ies lois por-
tées contre ies prêtres; il citoitee
fait pour confondre les accusations
d'hypocrisie portées contre eux, et
concluoit en disant d'André Bos-
cus: « Cet infortuné, à l'âge de 28
ans, marcha à l'échafaud, comme
au théâtre de la gloire.... Est-ce
BOS
ainsi que se conduit l'hypocri-
sie ? »
BOSCUS (André), frère du
précédent, né au même lieu, en
j 766 , el vicaire aussi dans le dio-
cèse de Rodez, conduit au sup-
plice avec son frère , fut immolé
avec lui pour la Foi le 14 prairial
an II (2 juin 1794), à l'âge de
28 ans. Les circonstances de son
martyre se trouvent dans l'article
de J. J. Boscus.
BOSSAN (Louise), religieuse
de l'abbaye royale de Saint-Pierre
de Lyon , et née dans cette ville , y
prit un asile modeste et retiré
du monde, lorsqu'elle se vit ex-
pulsée de son cloître par les dé-
crets de l'Assemblée Constituante.
Déjà avancée en âge , et ayant con-
tracté avec joie toutes les saintes
habitudes du cloître, elle conti-
nuoit à vivre en religieuse fort
attachée à sa règle. Cette conduite
ne pouvoit qu'offusquer les impies
révolutionnaires ; ils la dénoncè-
rent à la féroce commission que les
représenlans avoient établie dans
cette ville , à la fin de 1 793 , pour
envoyer à la mort le plus de Lyon-
nais qu'elle pourroit ( V. Lyon).
La religieuse Bossan, alors âgée
de 60 ans, est amenée devant cet
horrible tribunal ; les juges l'in-
terrogent sur sa Foi, et elle en
fait une courageuse confession. Ils
lui demandent le serment de li-
berté - égalité ; elle le refuse
comme une sorte d'apostasie , et
le tribunal la condamne à la peine
BOT 261
de mort comme « fanatique, con-
tre-révolutionnaire , et refusant
de reconnoître les lois de la répu-
blique ». Ce jugement fut rendu
le 18 pluviôse an II (6 février
1794), et Louise Bossan fut im-
molée le lendemain. ( V . Blin et
Boxjbée. )
BOTERF, ditBODU (Marc),
prêtre, né en 1758 dans le dio-
cèse de gantes, où il étoit vicaire
en la ville de la Roche-Bernard,
avoit été forcé de sortir de France
en 1 792 par suite de son refus du
serment de la constitution civile
du clergé. Il y revint, guidé par
son zèle , et encouragé par l'esprit
de tolérance dont paroissoit em-
preinte la loi du 7 fructidor an V
(24 août 1797). Mais bientôt sur-
vint la crise du 18 fructidor sui-
vant ( 4 septembre ) ; et la loi de
déportation rendue le lendemain,
ayant excité les persécuteurs à re-
chercher de nouveau les prêtres
non-assermentés , Boterf fut ar-
rêté, et envoyé à Rochefort, pour
être déporté a la Guiane ( V.
Guiane). On l'embarqua, le 12
mars 1798 sur la frégate la Cha-
rente, d'où il passa le 25 avril
sur la Décade, qui le déposa
vers le milieu de juin dans le port
de Cayenne. Il fut relégué dans le
désert de Ronanama, où atteint
bientôt de peste et de dyssenterie,
il en mourut le 1 1 de septembre
1798, à l'âge de 40 ans. ( V. V.
Boscault et P. A. Bouchard.)
BOTTEX (Jean -Baptiste),
262 BOT
curé de Neuville-sur-Ain, dans le
diocèse de Lyon , en la province de
Bresse, où il avoit vu le jour vers
iy5i, étoit un des prêtres les plus
vertueux, les plus instruits et les
plus modestes de ce diocèse. Quoi-
que jeune encore , il s'étoit conci-
lié non seulement la vénération et
l'amour de ses paroissiens, mais
encore l'estime générale. En j 789,
lors de l'assemblée du clergé du
bailliage de Bourg-en-Bresse pour
le choix de ses députés aux Etats-
Généraux , le curé Bottex attira
sur lui, sans- le vouloir, presque
tous les suffrages de ses confrères.
Arrivé à Paris, il fut dans l'assem-
blée des Etats- Généraux, et de
l'Assemblée Nationale en laquelle
ils se convertirent, le même saint
prêtre qu'on adiniroit dans sa
paroisse. M. l'abbé Baruel qui
le connut particulièrement dans
la Capitale, a dit de lui, Histoire
de ta conduite du clergé [etc.) :
« Un novice dans toute sa fer-
veur , n'avoit pas la conscience
plus délicate que cet excellent
prêtre. Les maîtres les plus
versés dans l'art d'approfondir
une question , n'apnortoient pas
à la discussion une logique plus
exacte, un jugement plus droit,
une métaphysique plus profonde,
et surtout un désir plus sincère de
sacrifier ses premières idées à la
vérité. Sa modestie alors sembloit
prendre tout des lumières des au-
tres, quand ils prenoient tout des
tiennes. Je l'ai vu bien des fois
BOT
flottant péniblement entre le désir
d'aller rejoindre ses chers parois-
siens, etl'obligation où ilsecroyoit
de rester à l'Assemblée pour ne
pas priver d'un suffrage la cause
des amis de la religion et de la
monarchie ». Ses affections pas-
torales furent sacrifiées à ce de-
voir; mais il ne négligea pas pour
cela ses ouailles : il leur envoyoit
les ouvrages qui leur convenoient
le plus pour se maintenir dans la
Foi , et les leur faisoit distribuer à
ses frais. Les honoraires qu'il re-
cevoit comme député, ne lui pa-
roissant pas assez légitimement
acquis dans leur entier, il en
distribuoit la moitié aux pau-
vres. La maison qu'il avoit choisie
pour sa demeure , indiquoit bien
ses inclinations apostoliques : il
habitoit le séminaire des Missions
Etrangères. Comme il refusa de
prêter le serment de la cons-
titution civile du clergé , et
que de plus il avoit signé le 19
novembre 1790, avec vingt-six
autres prêtres, l'adhésion à Y Ex-
position des principes des évê-
ques contre cette constitution
civile du clergé, il ne lui étoit
plus permis de retourner dans sa
paroisse après la fin des séances
de l'Assemblée Constituante. Ses
goûts le portèrent à rester en
pension dans le même séminaire,
où il s'adonnoit paisiblement aux
saints exercices de son état. Vers
la fin d'août 1793 , les agens de la
persécution contre les prêtres vin-
BOT
rent troubler sa retraite, sous le
prétexte d'une perquisition à faire
dans ses papiers : une lettre de
l'abbé Maury qu'ils y trouvèrent,
leur l'ut un motif suflisant pour
l'arrêter. Ils le conduisirent dans
la prison appelée laForce. Le curé
Bottex y conserva le calme d'une
bonne conscience; mais il auroit
mieux aimé avoir été arrêté for-
mellement pour la cause de la re-
ligion, que pour cette correspon-
dance trop facile à justifier. « Je
sais bien, disoit-il avec regret,
que cette lettre de l'abbé Maury
est loin de rien contenir contre
l'Etat ; je mourrai innocent de ce
crime ; mais je n'aurai pas le bon-
heur de mourir pour la Foi ! » Il
étoit trop digne du martyre pour
que Dieu lui en refusât la gloire.
L'Assemblée Législative venoit
d'en fournir les moyens, en pres-
crivant le serment de maintenir
la liberté et l'égalité , de mou-
rir même pour tes défendre.
Ce serment alarma la conscience
du curé Bottex. En vain un autre
ecclésiastique, compagnon de sa
captivité, et qui, en le prêtant,
échappa ensuite au carnage dans
lequel notre curé succomba, lui
alléguoit que par ce serment au-
cun dogme n'étoit blessé , qu'il
ne contenoit rien de ce que celui
de la constitution civile du
clergé avoit en vue : « ce serment,
à la vérité, n'est pas clair, conti-
nuoit-il ; mais s'il a un double
sens, l'un bon et l'autre mauvais,
BOT a63
nous pouvons le faire dans le sens
qui est bon ». Le curé Bottex re-
jetait ce raisonnement, comme
très - condamnable , parce qu'il
savoit qu'un serment se fait tou-
jours suivant l'intention de la per-
sonne qui le demande, ad sensu m
petentis ; et en supposant même
que les vues de l'Assemblée Lé-
gislative ne fussent pas connues,
il croyoit devoir se décider d'a-
près ce principe incontestable,
qu'il vaut mieux s'exposer à la
mort que prononcer un serment
équivoque, parce que la crainte
de prendre Dieu à témoin d'une
promesse vague et captieuse , doit
l'emporter sur la terreur de la
mort ( V. ci-devant au tom. I,
pag. 5o et as j). Ce serment enfin
parut au curé Bottex une der-
nière épreuve à laquelle Dieu
avoit permis que fût livrée la fidé-
lité de ses ministres, afin que ce
qui restoit d'ivraie parmi le bon
grain en fût séparé par ce crible
décisif {y. Fontaine, Lazariste).
Se voyant destiné à la mort, il
s'y encourageoit saintement avec
l'abbé Bertrand , conseiller au
grand-conseil , frère de l'ex-mi-
nistre de Louis XVI, et l'abbé de
la Gardette {V. ce dernier nom).
Us se lisoient les prières des ago-
nisans, s'exhortant à pardonner à
leurs bourreaux, priant pour eux,
et se donnant l'absolution. Les
meurtriers qui vinrent à laForce ,
y demandèrent aux virlimes ce
serment de liberté et d'égalité
264 BOU
Quand le curé Bottex fut appelé
devant les municipaux qui s'y
étoiènt constitués ses juges, ceux-
ci ne lui parlèrent d'abord que de
la lettre de l'abbé Maury ; et il les
eut bientôt convaincus, par cette
lettre-là même, que sa correspon-
dance n'avoit pour but aucun
complot contre l'Etat. Il étoit ren-
voyé absous ; mais à la porte de la
prison étoient les assassins ayant
déjà les mains teintes de sang; et
à leurs pieds gisoient les cadavres
des victimes qu'ils venoient d'im-
moler. Quand le curé Bottex se
présente pour sortir, ils lui de-
mandent le fatal serment, lui of-
frant sa liberté au prix de cette
prestation; le curé Bottex refuse
de le prêter, et il est égorgé sur-le-
champ, à l'âge d'environ l\i ans.
( V. Septembre. )
BOTTOT (Philippe), curé de
Villemoiron , dans le diocèse de
Troyes, avoit refusé le serment de
i 791 ; et l'attachement à ses pa-
roissiens l'a voit détourné d'obéir
à l'inique loi de la déportation.
Il fut découvert, pris et jeté dans
les prisons de Troyes en 1793. Le
tribunal criminel du département
del^w^e, siégeant en cette ville ,
et jugeant d'après les lois d'alors,
condamna ce curé, comme «prê-
tre réfractaire » , à la peine de
mort, le 9 messidor an II (27
juin 1794)- L'exécution eut lieu
le lendemain.
BOU ART) (iV...), chanoine de
la cathédrale de Nevers , avoit ac-
BOU
cepté par goût la charge d'aumô-
nier d'un hôpital, et sacrifioit sa
fortune, comme son temps, au ser-
vice des pauvres. Les éloges qu'on
a faits des vertus de cet ecclésias-
tique, sont aussi nombreux que
bien fondés ; et il n'est pas néces-
saire de dire que sa Foi vive et
pure rejeta le serment de l'hété-
rodoxe constitution civile du
clergé. L'âge de 7 1 ans qu'il avoit,
lors de la loi du 26 août 1792
qui condamna les prêtres non-
assermentés à se déporter eux-
mêmes, ne l'en dispensoit comme
vieillard, qu'à la condition de vivre
en une maison de réclusion sous
la surveillance des autorités dé-
partementales. Il fut donc ren-
fermé avec beaucoup d'autres à
Nevers, souffrant tout ce que les
ennemis de la religion pouvoient
se permettre de vexations contre
eux ( V . Nevers ). La loi sembloit
les mettre à l'abri du danger d'une
déportation homicide. Cependant
il fut enlevé avec tous ses véné-
rables compagnons de réclusion ,
pour être conduit à Nantes {V.
Nantes). « Ce vieillard, dit le curé
de Château - Chinon , Moreau
jeune, qui partagea leur sort, et
n'y succomba pas; ce vieillard,
dit-il dans sa lettre de Nantes, le
17 avril 1794? étoit malade d'une
hernie, et son bandage s'étoit dé-
rangé quand nous arrivâmes à An-
gers. Pendant les onze jours que
nous y passâmes au cachot, nous
ne pûmes obtenir d'avoir un chi-
BOU
rurgien qui vînt le secourir. La
gangrène déjà se manifestait, et
elle fit de grands progrès pen-
dant les trois jours de navigation
jusqu'à Nantes ». II fut, ainsi que
le curé Robillard [V . ce nom),
maltraité d'une manière particu-
lière et barbare , par les eoldats du
78e régiment de ci-devant Pen-
thièvre, qui, depuis Angers jus-
qu'à Nantes, escortèrent lès dé-
portés , sous le commandement
d'un nommé Marquet. Lorsqu'en-
suite on les fit descendre dans le
bourbier infect du fond de cale de
la galiote hollandaise qui, à Nan-
tes, heur servit de prison de mort,
Bouard étoit agonisant; et les sol-
dats en le transportant du bateau
à la galiote , profitèrent de sa situa-
tion pour achever de le dépouiller,
et ne lui laissèrent qu'un gilet avec
ses bas. Il y expira le lendemain sur
les planches, «le seul lit que nous
eussions pu lui procurer » , dit en-
core le curé de Château-Chinon.
Le jour de sa mort (17 mars 1794)
fut aussi celui de la fin du curé
Robillard. Un autre compagnon
de leurs souffrances qui put en-
suite revenirdansses foyerscomme
le curé Moreau , nous voulons dire
M. Imbert, nomme dans une de
ses lettres le chanoine Bouard, à
la tète de ceux des déportés de
Nevers, dont les vertus l'ont frappé
davantage. Il regrette qu'on n'ait
pu consacrer à chacun d'eux une
histoire particulière, parce que
« ceux qui doivent nous succé-
BOU jG5
der, ajoute-t-il, y trouveroient
d'amples sujets d'admiration et
d'édification» . Les traits de vertu ,
de patience et de sainteté du vieil-
lard Bouard, remplissent encore
le prêtre Imbert d'un saint enthou-
siasme ; et nou9 n'en sommes
point surpris : car, suivant qu'il
le remarque lui-même, ce véné-
rable chanoine « étoit déjà pro-
posé pour modèle à tous les ecclé-
siastiques du diocèse de Nevers,
bien des années avant qu'il passât
au creuset des tribulations » . [V .
Berthaut, d'Arleuf, et Bouchet,
d'Angers. )
BOUBÉE (Jacques -François
de ) , loyal gentilhomme du Forez,
néàMontbrisonetrésidantàFeurs,
étoit capitaine d'un régiment au
service du Roi à l'époque de la ré-
volution. Attaché à la monarchie
par la sainteté de ses sermens au-
tant que par penchant, il donna
sa démission de capitaine quand il
vit qu'en restant au service mili-
taire il ne serviroit plus que d'im-
pies factieux. Les principes de la
religion catholique dont il avoit
été profondément pénétré dès sa
première éducation, lui firent re-
pousser avec horreur toutes les
innovations sacrilèges des révolu-
tionnaires. Lorsqu'après le siège
de Lyon, vers la fin de les
proconsuls de la Convention eu-
rcntétabli dans cetteville leursan-
gu inaire commission révolution-
naire. ( V. Lyon) , Boubée y fut
amené de Feurs; et, quand il y
266 BOU
comparut, ce fut avec la fermeté
d'un guerrier fidèle à sa religion
comme à son Roi. Royaliste par
principe de religion, il fut con-
damné à la peine de mort le 26
■ventôse an II (16 mars •79/1),
comme «ayant donné sa démission
d'odicier à l'époque de l'organi-
sation des troupes de la républi-
que, et comme ayant eu chez lui
des lettres qui témoignoient son
indignation (toute chrétienne) de
ce qu'il la voyoit exister». ( V.
BOSSAN et BoUCHABLAT. )
BOCBERT (Louis-Alexis-Ma-
thias de), né dans le Forez , étoit
venu faire ses études ecclésias-
tiques à Paris , dans le séminaire
de Saint-Sulpice. Il y avoit été
déjà promu à l'ordre du diaconat,
Iorsqu'en 1791, ses maîtres dans
la carrière du sacerdoce, expulsés
de leur maison de Paris , se reti-
rèrent dans celle qu'ils avoient à
Issy, village près de Paris, non
loin de la rive gauche de la Seine.
Cette maison qui avoit appartenu
à la reine Marguerite, femme de
saint Louis, étoit un vrai sémi-
naire où les charmes de ce local
champêtre étoient eux-mêmes de
nature à porter à la piété. Un poëtc
latin du dernier siècle , l'abbé Co-
ger, alors simple clerc de la pa-
roisse de Saint-Roch à Paris, et qui
fut ensuite professeur d'éloquence
au collège Mazarin, puis en 1775
vecteur de l'Université, avoit ex-
primé les sentimens qu'inspiroit la
yue de cette retraite, par des vers
BOU
qui peuvent servir en quelque sorte
à faire juger ce que devoit être le
jeune Boubert, sous le rapport de
l'esprit ecclésiastique. Ilyétoitdit :
Quis toc us Me sacer , vitce melioris imago .'
Ownia tlninos afjlant pietatii adores :
Nimir'uni hic teJem posait stnerabtle Numen ,
Et nuincrosa cohors virtutum tas pra-sidet oris.
Prortcrea Christo surgit numerosa /'uventus .
Magna vetut segetis fwcundœ semina, tœtus
Productura , jurante T)co t cura farnoie messes .
Frondosœ arrident tranquitta sitentia syL'œ ,
Bfitiut hic lumen sublustn julgct in umbrd ;
Hic pietali addunt stimulas ars et locut ipse ,
Sanctaque formido , et secretus corripit horror
Intrantes , pacidisque sacras inspirât amores ,
Et replet attorulam prœsenli Numine mentem.
(Poy. Mkhcurede France, avril i<jb,2.}
Boubert étoit donc dans cette
sainte maison, lorsqu'arriva le ter-
rible événement du 10 août 1 792,
et que les persécuteurs firent re-
chercher les prêtres non-assermen-
tés pour se débarrasser d'eux par
quelques moyens violens. Il ne
fut pas épargné ; les impies redou-
toient le zèle de ces apôtres nais-
sans qui pourroient relever les an-
tels qu'on alloit abattre. Amené au
comité de la section du Luxem-
bourg, il y montra par ses ré-
ponses qu'il étoit capable d'être un
des héros de la Foi : c'en fut as-
sez pour que le comité l'envoyât
comme prisonnier, dans cette
église des Carmes, où tant de vé-
nérables ministres du Seigneur
étoient déjà captifs pour la cause
de J.-C. [V. Dulait ). Il regarda
comme un double honneur de la
sceller avec eux desonpropresang;
BOU
et il fut aussi massacré pour elle,
à l'âge de 23 ans, le 2 septembre
1792. ( V. Septembre. )
BOUBET (Jean), religieux,
simple frère lai d'Avignon, mais
directeur des Ecoles - Chrétiennes
pour les enfans des pauvres , à qui
elles enseignoient la religion avec
l'art de lire et d'écrire , étoit odieux
sous ce premier rapport, aux per-
sécuteurs athéistesde 1793 et 1794 ;
ils le firent arrêter et jeter dans les
prisons. Le 29 pluviôse an II (17
lévrier 1794), on le fit compa-
roître devant le tribunal criminel
du département de Vaucluse,
siégeant à Avignon; et les juges,
trouvant en lui un homme inva-
riable dans sa Foi , le traitèrent
comme un curé ou vicaire qui,
n'ayant pas fait le serment de 1 791 ,
ne s'étoit pas soumis à la loi de la
déportation. Il fut condamné à
la peine de mort, comme «prêtre
réfractaire », et la subit le même
jour. ( V. E. F. Botjhalier.)
BOUCHARD (Pierre-André),
curé dans la ville de Lille, diocèse
de Tournai, et né à Rumigny en
1752, n'ayant fait aucun des ser-
mens anti-religieux de la révolu-
tion, avoit été obligé de fuir pour
éviter les persécuteurs. La perfide
tolérance du gouvernement en
1796 le séduisit ; il revint en
France par la Bretagne , et s'ar-
rêta dans la ville de Nantes , où il
ne put résister à l'essor de son zèle.
Quand la catastrophe du 18 fruc-
tidor (4 septembre 1797) fut ar-
BOU 2G7
rivée , et que le directoire exé-
cutif eut fait rendre contre les
prêtres soi-disant rêfractaires sa
loi de déportation à la Guiane ( V.
Guiane) , Bouchard qui avoit été
signalé , fut mis en prison. Peu de
temps après , on l'envoya à Roche-
fort pour y être embarqué. Il le fut
le 1 2 mars 1 798 sur la Charente ,
d'où, le 25 avril suivant, il passa
sur la Décade , qui le déposa dans
le port de Cayenne, au milieu de
juin. On le repoussa presqu'aussi-
tôt dans la contrée pestilentielle
de Konanama, où la contagion
l'eut bientôt atteint. Il en mourut
le 21 brumaire an VII ( 11 no-
vembre 1798), à l'âge de 46 ans.
Les nègres qui étoienl préposés au
service des prêtres, dérobèrent à
Bouchard une ceinture qui renfer-
moit 900 livres, argent de France ,
une montre d'or, et des bardes
pour la valeur de i5o. Après sa
mort, ils en demandèrent 24 aux
autres prêtres pour l'enterrer ,
prétendant qu'il ne laissoit rien ;
et les prêtres se cotisèrent, pour
donner cette somme. Ces nègres,
après l'avoir reçue, enlevèrent à
la vérité le cadavre ; mais bientôt
après ils le rapportèrent nu au
carbet, d'où ils l'avoient em-
porté. II fallut donner en outre
à ces rapaces fossoyeurs tout ce
qu'ils exigeoient encore , pour
enterrer le corps de cet ecclé-
siastique. [V. M. Boterf et J.
B- BOUGEARD. )
BOUCHARELLE (Jean -An-
2G8
BOU
BOU
toine-Hyacinthe) , prêtre sur le-
quel nous n'avons pu trouver au-
cun autre renseignement que celui
qui nous est fourni par le registre
de Yétatcivit, copié sur celui des
écrous de l'église des Carmes, y
avoit été enfermé après le 10 août
1792, comme insermenté. Ce
qu'on sait des procédés des persé-
cuteurs d'alors , nous est garant
que Boucharelle fut arrêté comme
tel , et que , devant le comité civil
de la section du Luxembourg , il
donna avec fermeté une nouvelle
preuve de son invariable cons-
tance dans la Foi catholique ( V.
Dulatj ). On est loin d'avoir le
moindre doute sur la persévérance
de ce prêtre au lieu de sa déten-
tion, parmi tant d'autres illustres
confesseurs de la Foi ; et, comme
il fut massacré avec eux pour la
même cause, il a droit d'être mis
au rang des Martyrs qui furent im-
molés dans l'église ou le jardin
des Carmes, le 2 septembre 1792
( V . Septembre). Des listes impri-
mées le nomment Boucharette.
BOUCHARLAT (Jean), prêtre
catholique, résidant à Lyon en
1790, et âgé de 70 ans, étoit né
à Moulins. Trop attaché à la Foi
et à la sainteté de son ministère,
pour adhérer aux erreurs de la
constitution civile du clergé,
il remplissoit les devoirs du sacer-
doce envers les fidèles, avec un
zèle sincère pour la religion de
J.-C. , dans la ville où il avoit fixé
sa résidence. Il v fut dénoncé en
ces temps où l'on étoit digne de
mort par cela seul qu'on étoit
chrétien. Traduit à la commission
révolutionnaire , établie vers la
fin de 1790, à Lyon, par les re-
présentai de la Convention ( V.
Lyon) , il s'y entendit condamner
à périr sur l'échafaud le 20 nivose
an II ( 12 janvier 1794)5 comme
«prêtre fanatique et contre -révo-
lutionnaire» ; et le lendemain il fut
décapité. (V . Bocbée et Bourbon. )
BOLCHER (René), curé de
Châteaudun , dans le diocèse de
Chartres, et né àDrouai, paroisse
du même diocèse, ne prêta point
le serment schismatique de 1791,
et fut dépouillé de sa cure parles
autorités révolutionnaires. Il resta
néanmoins dans le pays pour l'u-
tilité spirituelle de ses paroissiens ;
et il ne put même se décider à les
abandonnerlorsqu'intervintlame-
naçante loi d'expulsion rendue le
26 aofit 1795. Il demeura encore
près d'eux, et y fut arrêté en
1793. Les autorités qui désoloient
ce pays, alors appelé département
d'Eure et Loir, condamnèrent ce
bon pasteur à la déportation à la
Guiane, et le firent conduire à
Rochefort pour y être embarqué
( V. Rochefort). Le curé Bou-
cher fut mis sur le navire les Deux
Associés. Les souffrances qu'il y
éprouva abrégèrent ses jours. II
mourut dans les bras du Seigneur
le 1 1 août 1794, à l'âge de 55 ans,
et fut enterré dans l'île iVAix.
[V . A. BoRDIER et C. BOIICAREL.)
BOU
BOUCHER (Loris -Joseph),
prêtre. {V . Folquin-Boucher.)
BOUCHET (IV...), aumônier
des Carmélites d'Angers, ancien
curé de Saint - Gemme , près
Ségré , même diocèse , méri-
toit, par la constance de sa Foi,
d'être compris parmi les prêtres
que la constitution civile du
clergé n'avoit pu séduire. Son
grand âge lui parut devoir l'au-
toriser à profiter de la liberté
que la loi de déportation du 26
août 1792 laissoit aux sexagé-
naires et aux infirmes de ne pas
s'exiler, pourvu qu'ils s'enfermas-
sent dans une maison de réclusion ,
sous la surveillance des adminis-
trations départementales. Il étoit
ainsi reclus avec beaucoup d'au-
tres ecclésiastiques de la même
classe, dans une maison de déten-
tion à Angers. L'enlèvement qu'on
fit de cinquante-huit d'entre eux
qui furent bientôt noyés à Nantes,
au commencement de novembre
1793 [V . Nantes), donna lieu aux
quinze. qui restoient, de présumer
qu'un sort plus cruel que celui
qu'ils enduroient dans leur état de
réclusion , les attendoit ailleurs.
On les réunit, en mars 1 79^ , aux
soixante et un prêtres du départe-
ment de la Nièvre qui passoient
par Angers pour aller à Nantes
\V . Nevers) ; et Bouchet partagea
leurs souffrances et leur affreuse
destinée. Ses quatorze confrères
Angevins périrent de misère et de
souffrance , ainsi que trente de la
BOL1 269
Nièvre, dans l'horrible fond de
cale de la galiote hollandaise du
port de Nantes, où ils furentcomme
ensevelis. Des circonstances poli-
tiques ayant obligé les tyrans à se
donner l'air de vouloir adoucir leur
sort, et ces tyrans faisant alors
passer à Brest ceux qui survivoient,
le 18 avril 1794? Bouchet, cassé
d'âge et d'infirmités , préféra rester
dans la galiote hollandaise, et il
ne tarda pas à y mourir à son tour
comme les quarante-quatre autres
confesseurs de J.-C. qui l'avoient
précédé dansla vie éternelle. « Vers
le 20 de ce mois d'avril 1794,
nous écrivoit, en i8i5, Mst l'é-
vêque d'Angers , on eut de ses
nouvelles (ce furent les dernières);
et l'on apprit qu'il étoit sur un
vaisseau, manquant de tout. On
n'avoit pas même permis à ces
prêtres de prendre de quoi se ga-
rantir du froid, et l'on poussa la
barbarie jusqu'à leur dire qu'ils
n'avoient besoin de rien. Ce qui
est certain, c'est qu'aucun d'eux
n'a reparu » . Nous en avons donné
la triste, mais glorieuse explica-
tion; et, en racontant le genre et
le jour de leur mort , nous avons
suffisamment détrompé ceux qui
les ont çrus submergés dans les
bateaux de Carrier. ( V . Bouard,
chanoine; et le P. Bouffechou. )
Mais nous ne pouvons nous em-
pêcher de dire qu'en lisant ce qui
vient d'être rapporté de la lettre
du vénérable prélat d'Angers,
nous avons cru entendre saint
a^o une
Denys , evêque d'Alexandrie, lors-
que, parlant dus prêtres qui, mis
en fuite par la persécution de Dio-
clétien , étoient morts de maladie ,
de faim ou de soif, il préconisoit
entre autres ce saint Chaeremon
qu'on n'avoit plus revu, et dont
on n'avoit pu découvrir la fin, ni
retrouver les ossemens, non plus
que ceux des autres, quelque re-
cherche qu'on eût pu faire : Chœ-
remon.... montem fugâ o'eia-
tus , non ultcriàs revenus est ;
et f mires , quamvis accuratè
omnia perscrutati , nec ipsos
posthac nec ipsorum cadavera
reperire potuerunt. ( S. Dion.
Alex. Epist. ad Fah. Antioch.
in Euseb. Hist. Ecctes. L. VI,
c. xlii. ) L'Eglise romaine l'ho-
nore avec ses compagnons comme
Martyr, le 12 décembre.
BOUCQLART ( Guillaume-
François), prêtre, religieux de la
Belgique , fait prisonnier de guerre
avec dix autres religieux, et cinq
religieuses, lors de la conquête de
cette province par les troupes de la
Convention, fut amené comme eux
avec ces pieuses filles à Arras ,
dans le temps que le convention-
nel Lebon y exerçoit son féroce
proconsulat [V . Arras). Parmi
ces vénérables religieux, dont
quatre étoient des Piécollets pris à
Ypres , se trouvoient un Père dé-
finiteur, et plusieurs Pères gar-
diens, notamment celui du cou-
vent de Casse!. Ils arrivèrent avec
les habits de leur ordre ; Lebon les
BOU
lit promener dans la ville d'Arras au
milieu d'une populace effrénée, qui
les couvroit de boue et les accabloit
d'injures. Il voulut ensuite qu'on
les lui amenât dans son temple de
l'athéisme, appelé temple de la
liaison , où , comme nous l'avons
dit à l'article de R"e Becs, les ayant
fait monter sur une estrade dressée
exprès, il les insulta en présence
d'une multitude d'impies révolu-
tionnaires, vomissant les plus hor-
ribles blasphèmes contre l'état mo-
nastique. De là , il les envoya à son
tribunal avec les cinq religieuses.
Confondus ensemble sur la ban-
quette des coupables, et compre-
nant à peine le français, ils s'enten-
dirent demander s'ils étoient les
auteurs des sermons qu'ils avoient
prêches. Oui, répondirent- ils ;
et sur cette réponse , ils furent en-
voyés à I'échafaud, le 12 messi-
dor an II (5ojuin 1794)- Les cinq
religieuses étoient condamnées
avec eux à la même peine comme
« leurs complices ». On les fit
aller tous processionnellenlent, de
la prison au lieu du supplice ,
pour leur attirer les railleries
de l'impie populace ; et au travers
des insultes et des imprécations
qu'elle proféroit, ces saints per-
sonnages chantoient ensemble l'of-
fice des morts. Ils moururent avec
le courage et la résignation des an-
ciens Martyrs. Leurs noms se trou-
vent indiqués à l'article de Tieinc
Beck. Guillaume- François Bouc-
quai test inscritsurle registre moi-
BOU
tuaire d'Arias, comme âgé de 4»
ans, né à Zudtquerque, fils de
Guillaume-François Boucquart et
de Marie Pétronillc Piens. ( V . V.
A. Blin de Rullecomte et P. H.
Boi;quel-de-Lagnicoi}rt. )
BOUCQUFL DE LAGNI-
COURT (Pierre-Henri), prêtre
et chanoine de l'église cathédrale
d'Arras, né dans cette ville, vers
1729, avoit refusé comme la plu-
part des prêtres du même diocèse,
de prêter le serment de la consti-
tu tion civile du clergé , et même
celui de liberté-égalité. Son âge
avancé le dispensoit de s'exiler
d'après la loi de déportation. Mais
vers la fin de mai 1 795 , il fat mis en
réclusion avec beaucoup d'autres.
Quand le proconsul athée, J'1 Le-
bon, venant ravager l'Artois et le
Cambresis {V . Arras), jura de
n'y l'aire grâce à aucun prêtre
fidèle, la mort de Boucquel se
trouva résolue, comme celle de
tous les autres. Lebon n'avoit pas
de prétexte tant soit peu légal
contre celui-ci ; mais les visites
domiciliaires firent découvrir (.liez
un autre chanoine ( V ' . A. C. Mal-
eaux), une protestation de leur
chapitre, faite le 21 décembre
1790,11 l'exemple de celle du cha-
pitre métropçlitain de Paris (i),
(1) Depuis que nous avons dit, ci-
devant, page 110, que ces protesta-
tions étoient l'ouvrage de M. l'abbé
Roux de Honneval, nous avons ap-
pris qu'il est décédé le Ier mars de la
présente année (1830). Comme il fut
BOU 271
contre les innovations anti- reli-
gieuses de l'Assemblée Consti-
tuante [V . Autichamp). Plusieurs
des signataires étoient ou morts
ou sortis de France ; mais Bouc-
quel et quelques autres encore
vivans y étoient restés. J'1 Lebon ,
voyant cette pièce , rendit aussitôt,
le 14 germinal an II (5 avril 1 794)»
une ordonnance portant que ceux
un de ces honorables membres du
clergé de France qui , lors de la révo-
lution, défendirent avec plus d'élo-
quence , de lumières et de courage , dans
les postes les plus avancés, la double
cause de la religion et du trône , nous
croyons devoir à sa mémoirè de rap-
peler ses travaux et ses services. Nous
le devons d'autant mieux , qu'on sem-
ble les avoir oubliés , et que le journal
qui paroît plus spécialement dévoué à
ces deux causes , est resté dans un
profond silence sur la perte que
viennent de faire la religion et la
monarchie. M. l'abbé de Bonneval
étoit fortement attacbé à la doctrine
de Bossuet; et, selon qu'il nous Técri-
voit lui-môme, le 4 juillet 1818, il
ne vouloit pas plus en France « une
Eglise suburbicaire, qu'une Eglise ul-
irti-gallicane ». Il avoit, d'un autre
cûlé , grandement à cœur que « le sou-
venir de l'ancienne Eglise de Paris ne
pérît pas entièrement». Les nionu—
mens littéraires qu'il nous a laissés, sc-
roient propres eux seuls à le conserver,
si elle en manquoit d'ailleurs. Mais le
tribut que mérite sa mémoire, exi-
geant quelques détails qui seroient
trop longs ici, nous renverrons à la
fin de notre ouvrage l'hommage bio-
graphique qu'on ne sauroit, sans in-
justice, refusera ses vertus comme i
ses talens.
2-2 BOU
qui étoient en réclusion, au nom-
bre de cinq , et un autre arrêté
comme suspect ( V. P. G. A. Har-
duin), seroient aussitôt traduits
à son tribunal révolutionnaire
pour y être jugés. Cet ordre dic-
toit lui-même la sentence ; car il
les disoit « auteurs ou complices
de la conspiration qui avoit existé
contre la nation française, en pro-
testant contre les décrets de l'As-
semblée Nationale, et en cher-
chant à soulever le peuple contre
ces mêmes décrets, sous le spé-
cieux prétexte que la religion étoit
compromise dans leur exécution» .
Comme un des chanoines signa-
taires qu'on croyoit encore en
France n 'étoit point à Arras, Jh Le-
bon ordonnoit en même temps
« qu'il seroit écrit au comité de sur-
veillance de Tours (où l'on pré-
sumoit que cet ecclésiastique se
trouvoit ) pour qu'il le fit arrêter
et conduire à Arras, afin d'être
également traduit au même tribu-
nal » . Cette dernière partie de l'ar-
rêté ne put avoir son exécution.
Mais les cinq autres chanoines
signataires, qui étoient alors en
réclusion avec Boucquel- de -La-
gnicourt , furent de suite ame-
nés comme lui devant le féroce
tribunal qui, le 17 germinal (6
avril 1-94)» les condamna à la
peine de mort pour les motifs dic-
tés par Lebon. Boucquel , âgé de
64 ans, fut immolé avec eux le
même jour. ( F. F. L. Buissy, C.
L. G.-De France , P. G. A. Har-
BOU
duin, A. A. S. Leroux, A. C.
Malbatjx ; et pour la série alpha-
bétique des Martyrs d' Arras, F. G.
Boucquel de la Comté.)
BOUCQUEL DE LA COMTÉ
(François Guislain), né à Arras
en 1727, parent du chanoine de
ce nom, et chevalier de l'ordre
royal et militaire de Saint-Louis,
s'étoit associé par esprit de reli-
gion à la bonne œuvre de la v* Ba-
taille, en laveur des prêtres catho-
liques proscrits , chassés et dé-
pouillés de tout {V. M. J. D.
Bataille). Lorsque le registre sur
lequel elle écrivoit les dons et les
noms des contribuans, eut été
découvert, en 1794, parles in-
quisiteurs de Jh Lebon pendant
son féroce proconsulat à Arras ( V .
Arras) , le chevalier Boucquel de
la Comté fut arrêté comme tous
les autres membres de cette cha-
ritable association ; le tribunal ré-
volutionnaire, du proconsul l'en-
voya à la mort avec dix- neuf
d'entre eux, le 25 germinal an II
(14 avril 1794» II avoit alors 67
ans. Son épouse, aussi emprison-
née, échappa par une protection
particulière du Ciel pour veiller à
l'éducation de ses enfans ; mais la
sœur de celle-ci, qui étoit céliba-
taire, périt ( V . Lejosne-Contay).
Le chevalierBoucquel de la Comté
ayant été membre de l'académie
des sciences et belles-lettres d'Ar-
ras, nous fournit l'occasion d'é-
claircir un fait très-simple que des
préventions justement défiantes
BOU
avoient rendu très -grave, même
en le rendant fort équivoque.
La plupart des archevêques et évê-
ques de France avoient reçu en
1792 une lettre écrite au nom
de l'académie d'Arras, qui étoit
censée leur demander un exem-
plaire de leurs mandemens et
instructions pastorales d'alors ,
« comme autant de monumens
dignes d'être conservés à l'his-
toire, dont cette académie faisoit sa
principale occupation». Plusieurs
mandemens et instructions pas-
torales des évêques ayant été dé-
noncés alors à l'Assemblée Cons-
tituante, notamment ceux de l'é-
vêque de Tréguier, le i5 et le 22
octobre 1789, de l'archevêque de
Paris, le 3 avril 1791, et ensuite
ceux des archevêques d'Arles, de
Rouen , des évêques de Mendc ,
d'Uzez, de Senez, etc. etc. , l'au-
teur des Mémoires déjà cités , im-
primés à Rome en 1795, raison-
nant sur cette circulaire à une
époque bien postérieure, et lors-
que, depuis le fameux neuf ther-
midor, on cédoit généralement
dans l'étranger comme en France,
à l'illusion qui faisoit rejeter sur
Roberspierre aba ttu,toutes les hor-
reurs comme toutes les perfidies
de la révolution ; M. d'Auribeau,
en un mot, crut le voir aussi dans
cette circulaire. Déférant au sen-
timent de plusieurs prélats avec
lesquels il correspondoit pour son
ouvrage , il pensa que les écrits
de nos premiers pasteurs avoient
2.
BOU 275
pu n'être demandés par les acadé-
miciens d'Arias , que pour les
dénoncer à l'Assemblée Nationale.
« Le piège étoit d'autant plus évi-
dent, ajoutoit-il, que Roberspierre
avoit plus d'un complice dans la
ville d'Arras (pag. 666) ». Mais
ceux des académiciens d'Arras
qui vivent encore, ayant été con-
sultés par nous sur cette particu-
larité, nous ont assuré qu'il ne fut
rien envoyé de semblable par l'aca-
démie; que Roberspierre qui en
étoit membre, se trouvant alors à
Paris, s'occupoit fort peu d'elle ;
et que tout porte à croire que la
circulaire fut l'oeuvre du chevalier
Boucquel de la Comté , lequel ,
très-pieux, et s'intéressant vive-
ment au sort de l'Eglise gallicane,
auroit imaginé cet expédient pour
obteni r plus facilement tout ce qui ,
dans ce genre , pouvoit flatter ses
goûts et satisfaire sa piété. ( V .
pour la série alphabétique des
Martyrs d'Arras, B. P. Boucqtjei.
de Lagnicourt, et P. Briffoeuil.)
BOUDES (Etienne), prêtre du
diocèse de Rodez, né à la Peyre
de Sorgues, en Rouergue, et curé
de Saint-Paulet, avoit été retenu
dans sa province par les besoins
spirituels des catholiques, lors de
la loi de déportation du 26 août
1792, contre les prêtres non-
assermentés. En 1793, il tomba
dans les mains des persécuteurs
qui, après l'avoir tenu quelque
temps emprisonné , l'envoyèrent
en 1794 à Bordeaux, où il devoit
18
2;4 BOU
Gtre embarqué pour la Guianc [V .
Bordeaux). Enfermé dans le fort
du Ha , en attendant le jour de
l'embarquement qui n'arriva qu'à
la fin de l'automne, trois moisaprès
la mort de Robcrspierre , il vit ses
forces défaillir avant cette époque.
Le Ciel trouvoit qu'il avoit assez
souffert; et, sa fin approebant,
on le transporta dans l'hôpital de
Saint- André , où , restant toujours
captif de J.-C. , il expira le 25
août 1794? à l'âge de 5o ans. ( V.
Bonnefont et L. Boudon. )
BOUDON (Louis), jeune prê-
tre , né à Saint-George , départe-
ment de VAvcyron, n'avoit point
fait le serment schismatique de
1791 ; et l'ardeur de son zèle poul-
ies catholiques de son canton l'a-
voit porté à braver les dangers
auxquels l'exposoit la loi de dé-
portation du 26 août J792. Il
devint enfin la proie des agens de
la persécution en 1793; et, après
l'avoir retenu plusieurs mois dans
les cachots, on l'envoya , en 1794 5
à Bordeaux, où il devoit être em-
barqué pour la Guiane [V . Bor-
deaux). Enfermé dans le fort du
Ha , il ne fut pas compris dans les
premiers embarquemens, qui n'eu-
rent lieu qu'à la fin de l'automne,
trois mois après le neuf thermi-
dor, époque de la chute de Ro-
berspierre. Dieu jugea que sa vertu
étoit assez éprouvée par les souf-
frances. La fin de sa vie appro-
choit sensiblement. Il fut trans-
porté ù l'hôpital de Saint-André ,
BOU
sans cesser d'être captif de J.-C. ;
et il y mourut le 24 décembre
1794, à l'âge de 5i ans. ( V . E.
Boudes, et P. Bourdette. )
BOUFFECHOL (iV...) , prêtre
et religieux Capucin , retiré depuis
la suppression des cloîtres, dans
la ville de Château-Chinon , dio-
cèse de Ne vers, et ayant 60 ans
lorsque fut rendue la loi de dé-
portation du 26 août 1792, crut
qu'il suiïisoit de se soumettre à la
réclusion prescrite aux vieillards
et aux infirmes par cette loi, pour
ne pas encourir la vengeance des
tyrans. Il fut associé aux autres
vétérans du sacerdoce qui étoient
reclus à Nevers. Sansprévoir qu'ils
seroient trouvés dignes d'un sort
plus cruel, le P. Bouffechou étoit
résigné à tout ce que la Providence
pourroit permettre, afin d'éprou-
ver davantage leur Foi et purifier
encore leurs vertus. Il fut inopiné-
ment enlevé avec eux pour être
conduit à Nantes , où déjà tant de
prêtres avoient été submergés. Ce
qu'il eut à souffrir dans le trajet
est raconté à l'article Nevers. Le
Père Bouffechou, opposant sa Foi
et sa résignation aux cruelles souf-
frances du voyage de Nevers à
Nantes , en supporta assez bien
le poids énorme jusqu'à Nantes
(V. Nantes); mais le fond de cale
bourbeux et infect de la galiote
hollandaise , dans lequel il fut
comme enseveli avec ses con-
frères , ne pouvoit que devenir son
tombeau ( V. J. Bourdon). Dans
BOU
cet horrible lieu où l'on souffroit
toutes les horreurs de la faim, de
la soif même et du froid, il expira
le 1" avril 1794» 'e même jour
que le Bernardin Fromont. ( V .
Fhomont, Bouchet, d'Angers, et
Boulnoy, chanoine.)
BOUGAREL (Charles), curé
de Biozat , paroisse du diocèse de
Clermont , étoit né à Gannat , dans
le même diocèse. Il fut écarté de
sa cure par les autorités révolu-
tionnaires , en 1791 , à cause de
son refus du serment schismatique
de cette époque. Cependant il con-
tinua de donner les secours spiri-
tuels à ses paroissiens, et de les
maintenir dans l'unité catholique.
La menaçante loi du 26 août 1792
ne le détourna même pas de ce
soin pastoral ; mais les circons-
tances devenoient de plus en plus
fâcheuses pour la religion et ses
ministres. Le curé Bougarel, ar-
rêté en 1793, et conduit dans les
prisons de Moulins, fut envoyé à
llochefort pour y être embarqué
[V . Rochefort). Son âge de 63
ans, et sa santé déjà fort afïbiblie
par ses malheurs , ne lui permirent
pas de soutenir le voyage qu'on le
forçoit à faire de la manière la plus
douloureuse. 11 mourut en passant
par Angoulême pour se rendre au
lieu de l'embarquement. Sa mort
arriva le 2 janvier 1794? et il
fut enterré à Angoulême [V . R.
Boucher et F. Bourdet). Ainsi
étoit mort dans son voyage de dé-
portation, cet Héliodore, évêque
BOU 275
de Beth - Zabde en Perse , que
l'Eglise grecque honore comme
Martyr, le 9 avril, avec ses com-
pagnons , Darsan , Mariabus , etc. ,
mis à mort par le glaive : Eo
in itinere (deportationis) in
quadam mansione quam Sta-
cartam incolœ nuncupant ,
œgrotare cœpit; et obiit ,
ibidemque sepulturœ quaiem-
cunque honorcm consecutus
est. Il est compris dans les neuf
mille Martyrs de Perse que l'Eglise
romaine invoque le 4 août , et
même le 22 avril. ( Voyez dans
Asseman leurs actes , extraits des
archives du Vatican : Acta Mar-
tyr. Orient. Pars I*, pag. i3i
et i34.)
BOUGEARD ( Jean-Baptiste) ,
prêtre du diocèse de Rennes, né
vers 1 7645 étoit vicaire dans l'une
des paroisses de la ville épiscopale,
à l'époque du serment de la cons-
titution civile du clergé , qu'il
refusa. Après avoir échappé à nom-
bre de persécutions, il fut surpris
parcelle qu'excita la loi du 1 9 fruc-
tidor (5 septembre 1797). On l'ar-
rêta ; il fut dévoué à la déporta-
tion, et embarqué le 12 mars 1798
sur la frégate (a Charente, d'où
il passa le 25 avril sur la Décade.
Le scorbut et la gale l'assaillirent
pendant la traversée : il ne put ja-
mais en guérir. Arrivé à Cayenne,
au milieu de juin suivant , il se vit
destiné à aller habiter le désert de
Konanama, où vint se joindre à
ses précédeus maux, une fièvre
18.
276 BOV
putride qui l'enleva du nombre
des vivans , à l'âge de 34 ans ,
le 22 septembre 1798. {V. P.
A. Bouchard et M. E. E. Bour-
dois. )
BOUHALIER (Etienne-Fran-
çois), simple frère-lai, membre de
la congrégation des Ecoles Chré-
tiennes dont il étoit sous-directeur
à Avignon, avoit aux yeux des
persécuteurs le tort de faire ins-
truire lesenfans du peuple dans les
choses de la religion, comme dans
l'art de lire et d'écrire. Il fut em-
prisonné en 1795; et le 29 plu-
viôse an II ( 17 février 1794), on
le fit comparoître devant le tribu-
nal criminel du département de
Vaucluse, siégeant à Avignon,
les juges l'assimilant aux prêtres
qui, fonctionnaires publics, n'a-
voient pas prêté le serment de
1791, et ne s'étoient point exilés
à la fin de 1792, le condamnèrent
ù la peine de mort, en qualité de
« réfractaire » ; et le lendemain il
fut décapité. ( V. J. Boubet. )
BOUILLARD ( François -De-
nis ) , laïc exerçant la profession
de libraire et de relieur à Epernay,
dans le diocèse de Pieims , né à
Orchilly , près Châtillon - sur-
Marne , en 1 757, et ayant un grand
attachement à la religion catho-
lique , montra pour elle un zèle
courageux que la persécution ne
pouvoit intimider. Il fut arrêté
pour ce motif au commencement
de 1794 ; et, après être resté quel-
que temps dans les prisons de son
BOU
département, il fut envoyé à Pa-
ris, où le tribunal révolution-
naire , l'ayant fait comparoître
devant lui, le 24 prairial an II ( 12
juin 1794), le condamna de suite
à la peine de mort, comme «fa-
natique ». Il fut exécuté immé-
diatement après la sentence, à
l'âge de 5y ans. ( V. J. B. Bac-
DENET. )
BOULANGER (Jean-Baptiste-
Joseph ) , prêtre du diocèse de
Saint - Brieuc , resté en France
malgré la loi de déportation , quoi-
qu'il n'eût pas fait le serment de
1791, avoit été déterminé par les
besoins spirituels des catholiques
de sa province , à ne pas les aban-
donner. Il fut arrêté en 1793. On
le traduisit devant le tribunal cri-
minel du département des Côtes-
du-Nord, siégeant à Saint-Brieuc.
Les juges le condamnèrent comme
« prêtre réfractaire », à la peine
de mort, le 27 nivose an II (16
janvier 1794); et la sentence fut
exécutée le lendemain.
BOULARD (Nicolas), curé
d'une paroisse du diocèse de Tours,
s'étant réfugié en Angleterre , par
suite de la loi de déportation , fut
de cette trentaine de prêtres dépor-
tés qui, par zèle pour les besoins
de l'Eglise de France, revinrent,
avec le vénérable évêque de Dol,
débarquera Quiberon, en juillet
1795 ( V. U. R. Hekcé, Vendée
et Vannes). Dévoué comme lui
au martyre , il en reçut la palme
à ses côté», le 3o juillet 1795.
BOU
( V. le R. P. Légal, et P. F.
Breherec. )
BOULAY (Jeanne), v*. {V. J»
Chadaigne.)
BOULNOY (IV...), prêtre, cha-
noine de la cathédrale d'Angers ,
fut regardé avec raison comme un
prêtre insermenté, quoiqu'on ne
le comptât point au nombre des
fonctionnaires publics assujétis au
serment de la constitution ci-
vile du clergé. Mais il abhorroit
le schisme qu'elle avoit introduit
dans l'Eglise , et se montroit ferme
dans la Foi catholique, en même
temps qu'il se faisoit vénérer par
ses vertus , encore plus que par
son âge déjà très-avancé. La loi
de la déportation rendue le 26
août 1792, en avoit dispensé les
prêtres insermentés qui avoient
passé 60 ans , exigeant toutefois
qu'ils fussent mis dans une maison
de réclusion. Le chanoine Boul-
noy y étoit avec quatorze autres
prêtres septuagénaires, lorsqu'en
mars i794passèrent par Angers les
soixante-un prêtres de la Nièvre
que l'on traînoit à Nantes, sous
prétexte de les y embarquer pour
la Guiane (F. Nevers). Les ré-
volutionnaires d'Angers enlevè-
rent alors leurs quinze vénérables
reclus pour les associer au sort des
prêtres de Nevers ; et Boulnoy
partit avec eux et ses autres con-
frères pour Nantes. On peut voir
aux Tableaux historiques de ces
deux villes, ce qu'il eut à souf-
frir pendant ce voyage. Arrivé à
BOU 277
Nantes, il fut jeté avec ses con-
frères dans l'infect et putride fond
de cale de la galiote hollandaise
qui leur servit de prison. Privé de
tout , en proie à la faim , à l'humi-
dité , au froid, à la peste même,
il succomba vers le commence-
ment d'avril 1794 (f« «L Bour-
don). L'on croyoit à Angers qu'il
avoit été du nombre de ceux que
le féroce Carrier avoit fait noyer
dans ses bateaux à soupape ; mais ,
par ceux des prêtres de Nevers
que la Providence a ramenés de
cette déportation, et qui avoient
assisté à la mort du chanoine
Boulnoy, nous savons d'une ma-
nière certaine qu'il mourut comme
nous venons de le raconter. ( V.
le P. Bouffechou et Boussière,
de Challot.)
BOUQUIER (Marie), femme.
( V. W Trolonge.)
BOURBON (Jacques), véné-
rable pasteur de la paroisse rurale
de Saint- Laurent d'Agny, dans le
diocèse de Lyon, refusa sans hé-
siter le serment de la constitu-
tion civile du clergé, et fut
pour celte raison expulsé de son
église. Il n'abandonna pas pour
cela son troupeau aux dangers du
schisme ; et, restant dans sa pa-
roisse toujours catholique , il con-
tinua de lui procurer les secours
de la religion , sans en être dé-
tourné par les menaces de la bar-
bare loi du 26 août 1793, qui for-
çoit à l'exil les prêtres non-asser-
mentés. Le curé Bourbon pouvoil,
27» BOL1
il est vrai, comme sexagénaire,
profiter de la faculté qu'elle accor-
doit aux vieillards et aux infir-
mes, de ne pas sortir de France,
pourvu qu'ils y fussent en ré-
clusion ; mais le bon pasteur
étoit détourné de remplir cette
condition , par le môme motif qui
l'avoit retenu au milieu de ses pa-
roissiens. L'attachement qu'il a voit
pour eux l'entraîna à faire le ser-
ment de liberté-égalité qui pa-
roissoit devoir l'autoriser à ne pas
les abandonner ; mais, éclairé sur
la nature de ce serment, il en eut
des remords , et en envoya la ré-
tractation aux vicaires-généraux,
administrateurs du diocèse de
Lyon. Agé de 66 ans , lorsque
la terreur fut portée au plus haut
degré dans ce pays , à la suite du
siège que cette ville soutint, et
lorsqu'y fut établie vers la fin de
1793 cette sanguinaire commis-
sion révolutionnaire qui décima
les Lyonnais ( V. Lyon ) , Bour-
bon fut arrêté dans sa paroisse,
et amené dans les prisons de
Lyon. Frappé d'une terreur ex-
trême , il souscrivit à la demande
que les officiers municipaux lui
firent de ses lettres de prêtrise ;
mais revenu de son effroi, et voyant
aussitôt l'énormité de l'apostasie
arrachée à sa faiblesse, il se hâta
de réclamer ses lettres sacerdo-
tales, et elles lui furent rendues.
Fendant sa détention , il édifia
beaucoup ses compagnons de cap-
tivité. L'un d'eux que la mort épar-
BOL
gna, M. De Landine (1) , parloit
de lui en ces termes, dans son Ta-
bleau des frisons de Lyon, pu-
blié en 1 797 : « Ce vertueux prêtre
qui avoit passé quarante années
dans l'exercice de toutes les ver-
tus, et au milieu des pauvres dont
il fut le père , étoit tranquille
dans sa prison , et bien résigné à
périr. Il ne regrettoit la vie que
pour le bien qu'il pouvoit faire
encore. Dans une nuit que plu-
sieurs prisonniers avoient choisie
pour écrire à leurs proches, et
leur faire les derniers adieux , ce-
lui qui le premier venoit de rem-
plir ce devoir du cœur sur le seul
pupitre où l'on pût écrire, fut rem-
placé par le curé Bourbon. Après
qu'il eut achevé sa lettre, illabénit ;
puis joignant avec force, les mains ,
et les levant au ciel , il lui adressa
une prière fervente. Un des pri-
sonniers qui de son lit voyoit cette
action , et en étoit tout ému ,
osa demander au vénérable curé,
quand il revint se coucher près
de lui, car leurs lits étoient voi-
sins , quel étoit le sujet de sa lettre.
Bourbon refusoit de s'expliquer ;
mais l'autre insistant, il lui répon-
dit avec douceur : Mon ami,
(1) L'un des plus vertueux et des
plus savans littérateurs de notre âge.
Il vient de terminer son honorable
carrière, le 5 mai 1820; et l'amitié
qui nous unissoit à lui depuis huit
lustres, ne peut s'abstenir de déposer
sur sa tombe , ce témoignage de notre
estime et de nos regrets.
BOU
mon sacrifice est fait ; j'attends
sans crainte qu'Use consomme.
Depuis plus de trente ans, j'ai
eu le bonheur de méditer sur la
mort et de m'y préparer. Irais-
je acheter quelques faibles jours
qui me resteroitnt à vivre , en
rejetant publiquement despr in-
cipes que j'ai annoncés toute
ma vie aux hommes, et qui
m'ont paru dignes de les rendre
bans et de les consoler? Avant
de finir ma carrière, j'avois
oublié un devoir ; je viens de
le remplir avec transport : j'ai
écrit à celui qui m'a fait ar-
rêter, qui m'a dénoncé. L'in-
fortuné ! il est b ienplus à plain-
dre que moi. J'ai songé à ses
tourmens ; j'ai voulu les adou-
cir, lui pardonner. J'ai béni
son existence ; j'ai souhaité
qu'elle fût heureuse et surtout
tranquille à son dernier jour.
Bientôt j'irai demander moi-
même cette grâce pour lui au
Dieu clément , au Dieu des mi-
séricordes. Bourbon parloit ainsi,
poursuit le dépositaire même de
cette confidence, et un rayon de
la gloire divine sembloit étinceler
sur son front. Quelques jours après,
il me força d'accepter son lit qui
étoit plus commode, et voulut
coucher sur un simple banc. Je
l'ai vu malgré le poids de l'âge,
aider, servir à chaque instant le
paralytique abbé Rey, ci-devant
aumônier des religieuses de l'ab-
baye de Saint - Pierre , et notre
, BOU 279
compagnon de captivité {V . Rey);
je l'ai vu le soutenir avec courage ,
en allant avec lui au tribunal et à
la mort. Ombre vertueuse ! ombre
sainte ! depuis que tu nous a quit-
tés, je t'ai appelée dans mes en-
nuis, et ils ont disparu ; j'ai osé for-
mer des vœux, et ils n'ont point
été sans succès. Ne seroit-ce point
toi qui les aurois remplis?» [V .
Soubry. ) Les juges de la commis-
sion révolutionnaire le firent
comparoître devant eux. Il y mon-
tra une fermeté plus grande que
n'avoit été sa foiblesse. Un d'eux
lui demanda s'il avoit prêté le ser-
ment de liberté- égalité : « J'ai
eu cette lâcheté, répondit le curé
Bourbon; mais je l'ai rétracté, et
je le rétracte encore en ce mo-
ment ». Le juge, en lui montrant
un crucifix, lui dit : «Connois-tu
cette effigie ? » — « Oui , répliqua-
t-il, j'ai ce bonheur; c'est celle
de J.-C. , mort pour tous les hom-
mes , et pour qui je désire verser
jusqu'à la dernière goutte de mon
sang » . D'après ces réponses , il
fut condamné à la peine de mort,
le 24 ventôse an II (14 mars 1794)»
comme «prêtre fanatique et contre-
révolutionnaire » . A peine étoit-il
retourné dans la prison, pour at-
tendre l'heure du supplice, qu'il
écrivit à sa famille : « L'éternité
me tend les bras ; j'aurai le bon-
heur d'aller à la procession des
Martyrs». Il mourut avec autanl
de joie que de courage. ( V. Bor
CHAULAT et BOURDELY. )
aSo BOU
BOURDELY (François), qu'un
Supplément à ia Liste des vic-
times de Lyon, imprimé comme
elle dans cette ville en 1795, qua-
lifie de curé, et dont le Diction-
naire des Individus condam-
nés à mort pendant la révolu-
tion (par Prudhomme) ne fait
qu'un « contre -révolutionnaire
laïc », étoit l'un des plus anciens
membres d'un très-vénérable col-
lège de prêtres qu'avoit établi en
1466, dans la principale église
paroissiale de Saint- Etienne-en-
Forez , et pour les seuls natifs
de cette ville , l'archevêque de
Lyon à cette époque, Charles de
Bourbon, cardinal. Ils avoicnt le
titre de Sociétaires. Une partie
de cette société , devenue fort
nombreuse, vint en 1669, avec
l'approbation de l'archevêque
d'alors , Camille de Neuville ,
s'attacher au service d'une nou-
velle église paroissiale de la même
ville, celle de Notre-Dame; et
c'étoit celle - là que desservoit
François Bourdely, en qualité de
sociétaire : il étoit en même
temps premier vicaire de la pa-
roisse. On ne put jamais obtenir
de lui qu'il prêtât le serment de la
constitution civile du clergé;
et il avoit déjà 5g ans quand fut
rendue, en août 1792, la loi de
la déportation des prêtres non-
assermentés. Malgré son âge, il
seroit néanmoins sorti de France,
s'il n'eût été retenu par le désir
de continuer à consacrer son mi-
BOU
nistère aux catholiques de sa pa-
roisse. Les dangers qu'il couroit
dans la ville de Saint -Etienne
l'obligèrent à se retirer dans un
bourg du voisinage , celui de la
Fouillouse d'où il pouvoit encore
assister les fidèles dont il s'étoit
éloigné. II y fut saisi pour cette
raison-là même au commence-
ment de l'année 1794; et on
l'amena à Lyon, où bientôt il
comparut devant la commission
révolutionnaire ( V. Lyon). Les
juges le pressèrent vainement de
prêter le nouveau serment de
liberté-égalité , et de livrer ses
lettres de prêtrise. Il refusa l'un
et l'autre, se montrant un digne
confesseur de Jésus-Christ ; et il
fut condamné à la peine de mort
le 27 pluviôse an II ( i5 février
1794) , comme «prêtre fanatique,
ne voulant pas se conformer aux
lois». ( V. Boubbon et Bour-
din.)
BOURDET (François), prêtre,
ayant le titre de clerc-du-trésor
dans la paroisse de Saint-Lô, en
la ville de Bouen, et né à Beau-
frêne, même diocèse, se montra
d'une Foi invariable lors du
schisme constitutionnel, et n'en
voulut point prêter le serment. Il
ne fit pas davantage celui de li-
berté-égalité, prescrit en août
1792, et ne crut point devoir sortir
de France après la loi de dépor-
tation rendue le 26 de ce mois. Il
resta pour l'utilité des fidèles et
la gloire de l'Eglise. Les persé-
\
BOU
euteurs le Crent arrêter en 1793;
et on le mit bientôt au rang des
prêtres dont on vouloit se dé-
faire par une déportation mari-
time. François Bourdet, envoyé
avec eux à Rochefort pour y être
embarqué , le fut sur le navire
les Deux Associés {V. Roche-
fort ). Il ne résista pas long-
temps au supplice de l'entrepont
de ce bâtiment; la mort vint le
délivrer de ses souffrances le 6
août 1794- H étoitâgé de 48 ans;
et son corps fut enterré dans l'île
à'Aix. [V. C. Bourgarel et J.
Bourdon. )
BOURDET ( Nicolas-Louis),
curé de Verbrude , au diocèse de
Senlis, étoit né à Soissons, en
1706. Resté en France pour les
besoins spirituels des fidèles, il
fut arrêté , et envoyé à Paris pour
y être jugé par le tribunal révo-
lutionnaire. Ce tribunal, devant
lequel il comparut le 9 messidor
an II (27 juin 1794), le con-
damna de suite à la peine de mort,
comme « complice d'un ( pré-
tendu ) complot de fanatiques »
{V. ci -devant, pag. 16). Il fut
décapité le jour même, à l'âge de
58 ans.
BOURDETTE (Pierre de
la), prêtre du diocèse de Dax,
né à Baigts , près d'Orthez , dans
le Béarn, en 1747» mérita d'être
mis par les persécuteurs au rang
des prêtres insermentés. De-
meuré dans sa province , après
la loi de déportation rendue
BOU 281
contre eux le 26 août 1792,
il fut recherché comme eux pour
être envoyé au-delà des mers.
On l'arrêta; et il fut conduit
en 1794 à Bordeaux pour y être
embarqué {V- Bordeaux).
Quand on y commença les em-
barquemens de prêtres, vers la
fin de l'automne, trois mois après
la chute de Roberspierre , cet
ecclésiastique resta encore dans
le fort du Ha où il étoit enfermé.
Les souffrances qu'il y enduroit
n'étoient pas moindres que celles
de l'entrepont des navires; il suc-
comboit sous le poids de ses maux :
on le porta dans l'hôpital de Saint-
André de Bordeaux; et il y rendit
son dernier soupir le 1 5 novembre
1794, à l'âge de 47 ans. [V. L.
Bourdon et J. Boyer. )
BOURDIN (Pierre), prêtre vé-
nérable, âgé de 70 ans, et rési-
dant à Lyon en 1 793, avoit été re-
tenu en France par son âge autant
que par son zèle , lorsque la loi de
déportation du 26 août 1792 vint
forcer à s'exiler eux-mêmes tous
les ecclésiastiques qui, comme lui,
ne s'étoient pas rendus coupables
du serment de la constitution
civile du clergé. On pouvoit
bien , suivant l'esprit d'alors , lui
faire un crime de son attachement
à la Foi catholique et aux devoirs
de son état ; mais son grand âge
devoit rendre absurde toute accu-
sation de conspiration contre-ré-
volutionnaire. Cette absurdité ne
déconcerta pas les ennemis des
t
282 BOU
prêtres après le siège de Lyon,
dès que fut établie la commis-
sion révolutionnaire chargée
de décimer les généreux Lyonnais
{y. Lyon). Pierre Bourdin, tra-
duit devant l'impie tribunal, s'y
montra invincible dans sa Foi, en
refusant le serment de liberté-
égalité. 11 fut des premiers prêtres
que cet infâme tribunal envoya à
la mort. Les juges le condamnè-
rent au dernier supplice le i" ni-
vôse an II (21 décembre 1792)
«comme prêtre réiractaire et con-
tre-révolutionnaire ». ('7. Bour-
DELY et BoUTELlER.)
BOURDOIS ( Marie -Edme),
prêtre du diocèse de Sens, vi-
caire en la paroisse de Fleury, et
né à Joigny en 1 755 . ne se rendit
coupable d'aucun des sermens
prescrits en 1791 et 1792. La Pro-
vidence le sauva des dangers de la
persécution en 1790 et 179^ Se
livrant à l'illusion que la persécu-
tion étoit toute entière dans Ro-
berspierre , abattu le neuf ther-
midor , trompé d'ailleurs par la
perfide tolérance que les tyrans
de la France professoient les an-
nées suivantes , il ne prit plus
assez de précautions contre leurs
pièges, et s'abandonna librement
aux penchans de son zèle. Noté
parles persécuteurs comme un mi-
nistre zélé pour la Foi, il ne pou-
voit manquer de devenir une des
victimes de la crise politique du
18 fructidor an V (4 septembre
1 797 ). Le serment de haine à la
BOU
royauté, alors exigé des prêtres,
n'étoit pas moins que les précé-
dens, repoussé par sa conscience.
Bourdois, ami de l'étude dans la-
quelle il avoit acquis une grande
connoissance de l'antiquité ecclé-
siastique , crut qu'en retournant
tout entier à cette occupation ché-
rie, dans le secret de la retraite,
il échapperoit à la persécution re-
naissante. On vint ly surprendre;
il fut arrêté. La belle et respectable
physionomie que l'auteur de la na-
ture lui avoit donnée, et qui a fait
dire à l'un de ses compagnons
d'infortune « qu'il ressembloit sous
ce rapport à saint Pierre», n'im-
prima pas plus de respect que ses
vertus et son savoir aux farouches
exécuteurs de la loi de déporta-
tion rendue le 19 fructidor [V.
Guiane). Bourdois fut traîné à
Rochefort pour y être embarqué.
On le fit monter le 12 mars 1798
sur la frégate la Charente, d'où ,
le 25 avril, il passa sur la frégate
la Décade, qui alla le jeter dans
la rade de Cayenne vers le milieu
de juin. Relégué brusquement à
Konanama, il tomba gravement
malade. On le conduisit à l'espèce
d'hôpital qui s'y trouvoit; mais
il ne fut pas mieux soigné que
les ajutres prêtres souffrans. Les
bourreaux qui y avoient le titre
d'infirmiers , sembloient n'être
là que pour voir arriver la mort
des victimes. Bourdois, tourmenté
par une fièvre convulsive, et cou-
chant comme les autres dans un
■
BOU
hamac, en tomba dans la nuit de
telle manière que les pieds res-
tèrent engagés dans les cordages
du hamac, tandis que son front
frappoit sur le pavé. Il resta sans
secours dans cette déplorable si-
tuation ; et quand le jour parut,
les infirmiers trouvèrent Bourdois
mort d'apoplexie [V. J. Bourdon).
Ce fut ainsi qu'il périt le 19 oc-
tobre 1798, à l'âge de 45 ans,
laissant ses gardes furieux de n'a-
voir rien à lui dérober. Depuis quel-
que temps, ses foibles ressources
pécuniaires étoient épuisées; et il
n'avoit pas une obole pour sub-
venir à ses besoins. ( V. J. B. Bou-
geard , et J. F. Bourgeois. )
BOUBDON (Jean), prêtre,
religieux Capucin , et gardien de
la maison de Sotteville, en Nor-
mandie, vis-à-vis de Rouen, étoit
né à Séez en 1 74^- Homme d'un
mérite distingué, il jouissoit de la
plus haute estime dans son ordre , à
cause de ses vastes connoissances
et de sa vertu peu commune. Sa
figure d'ailleurs étoit imposante,
et annonçoit une rare grandeur de
caractère. Il prouva ses lumières
et sa Foi par sa conduite, lors de
l'établissement du schisme consti-
tutionnel ; et son caractère se mon-
tra d'une manière fort noble dans
les persécutionsqu'il eutàessuyer.
Malgré la loi du 26 aofit 1792 qui
expulsoit les prêtres non-asser-
mentés, il resta dans la Norman-
die , quoiqu'il fût connu pour un
excellent religieux, très-attaché à
BOU 285
la Foi catholique. Mais en janvier
1794, les agens des persécuteurs
s'emparèrent de sa personne, et il
fut bientôt condamné à la déporta-
tion à la Cuiane. On le fit traîner à
Roche for t p o u r y ê t r e e mb arq u é ; e t
il le fut sur le navire les Deux As-
sociés {V. Rochefort). Les maux
divers que les déportés éprou-
voient dans l'entrepont de ce bâti-
ment, procurèrent au P. Bourdon,
en août 1794? une fièvre violente
qui le rendit si agité que ses con-
frères se virent obligés de l'atta-
cher avec leurs mouchoirs , pour
se garantir de la violence de ses
transports. Un perfide chirurgien
qui fut appelé, déclara que le ma-
lade étoit sans fièvre, et que les
discours extraordinaires qu'il te-
noit dans son délire , étoient l'in-
dice d'une conspiration tramée par
les déportés. Le jury militaire fut
aussitôt convoqué par le capi-
taine : on y proposa de fusiller
tous les ecclésiastiques qui étoient
à bord du vaisseau. Un seul offi-
cier eut la sagesse d'observer qu'il
falloit auparavant constater la réa-
lité du complot , en accordant tou-
tefois qu'il convenoit de mettre
préalablement aux fers le P. Bour-
don. Ce bon religieux fut aussitôt
chargé de chaînes ; et, après avoir
passé le reste du jour à se meur-
trir avec ses liens , il expira pen-
dant la nuit en d'affreux tourmens ,
le 22 août 1794- II étoit âgé de
49 ans, et fut enterré dans l'île
Madame ( V. F. Bourdet et M.
^84 bou
Boirgoin). Il est lion de rappeler
ici que les trois saintes femmes,
Ammonarion, Mercurie et De-
nyse , dont parle saint Denys
d'Alexandrie dans son épître à
Fabius d'Antioche, et que l'Eglise
honore comme Martyres le 12
décembre , étoient déjà si acca-
blées des maux qu'elles avoient
soufferts pour la Foi quand la
mort vint les délivrer de la vie,
qu'elles n'en sentirent pas le coup
décisif. Nous ajouterons que saint
Denys d'Alexandrie regardoit
aussi comme Martyrs ce saint
Chaerémon , évêque de Nilopolis ,
et beaucoup d'autres qui étoient
morts de quelques maladies occa-
sionnées par la persécution : qui
in montibus ac per solitudi-
nem oberranles , faîne et siti,
frigoreet morbis, et latronum
aut bestiarum incur.m oppressi
interiêre (Epist. ad Fab. in Eu-
seb. Hist. Eccl. L. VI, c. xli et
xlii). L'Eglise célèbre leur fête
le 22 décembre.
BOURGEOIS (Jean-François),
prêtre, né en 1752, et religieux
Bénédictin du diocèse de Besan-
çon, avoit évité les fureurs des
persécuteurs de 1795 et 1794* qui
n'auroient pas manqué de le faire
périr comme non-assermenté. Pre-
nant quelque confiance dans la
perfide modération des tyrans de
la France en 1796, il se chargea
de desservir la paroisse de Ville-
neuve dans le département de la
Haute-Saône. La crise politique
BOU
du 18 fructidor (4, septembre
1797) ayant réveillé la persécu-
tion, et la loi du lendemain ayant
prononcé la déportation des prê-
tres soi-disant réfractaires à la
Guiane {V . Guiane), Dom Bour-
geois fut arrêté , et conduit à Ro-
chefort. Il ne put y arriver pour
le premier embarquement qui se
fit le 12 mars 1798; mais le 1"
d'août suivant, on le fit monter
sur la corvette la Bayonnaise ,
qui le jeta dans le port de Cayenne
le 29 septembre. Il en fut de
suite envoyé dans le désert de Ko-
nanama. La contagion qu'exhale
cette terre brûlante, investit bien-
tôt ce religieux : il mourut de la
peste le 8 novembre 1798, à
l'âge de 46 ans, n'ayant plus que
49 Hv. 14 sous pour toute res-
source contre l'indigence. ( V. M.-
E. E. Bourdois et A. Bremont.)
BOURGOIN (Mathurin),
prêtre , l'un des chapelains de
l'hospice de Notre-Dame de la
Pitié, à Paris, et né à Pausac,
en Périgord, s'étant vu expulsé
de l'hospice , parce qu'il n'avoit
pas voulu prêter le serment schis-
matique de 1791, étoit retourné
dans son pays natal. Il s'y ren-
doit utile aux catholiques de sa
province. Quand il apprit que les
massacres du 2 septembre 1792
avoient moissonné à Paris ses con-
frères , chapelains du même hos-
pice , la terreur des événemens de
cette époque le porta à faire, pour
échapper à la persécution, le ser-
BOU
ment Je liberté-égalité prescrit
alors. Mais cet expédient de la fol-
blesse ne pouvoit sauver un prêtre
qui se montroit attaché à la reli-
gion. Il tut arrêté en 1790, et jeté
dans les prisons de Périgueux.
Bientôt les autorités du départe-
ment de la Dordogne l'envoyèrent
à Rochefort pour être déporté à la
Guiane {V . Rochefort). Il fut
embarqué sur les Deux Associes.
Quoiqu'on eût lieu de croire que
déjà il avoit rétracté son serment
de liberté-égalité , il en fit néan-
moins une solennelle rétractation
devant ses confrères , déportés
avec lui. Les souffrances qu'ils
enduroient dans l'entrepont l'ac-
cablèrent comme tant d'autres ; et
il mourut le 6 août 1794? à l'âge
de 53 ans. On l'enterra dans l'île
d'Jix. [V. J. Bourdon et —
Bourry. )
BOURJUGE (René), prêtre du
diocèse d'Angers, vicaire en la
paroisse de Saint-Léonard-lès-
Angers, y éprouva beaucoup de
chagrin de voir son curé prêter
le serment de la constitution ci-
vile du clergé, malgré ses efforts
pour l'en empêcher. Obligé par
le refus qu'il en fit lui-même , de
s'éloigner de cette paroisse , il ne
la quitta point sans avoir prémuni
les paroissiens contre les dangers
du schisme, et sans avoir fortifié
contre eux la jeunesse de Saint-
Léonard, surtout en faisant faire
la première communion aux en-
fans qui n'avoient pas encore eu
BOU a85
ce bonheur. Il vint exercer son
ministère à Angers, et dans quel-
ques autres paroisses voisines ,
sans négliger, toutefois, les ca-
tholiques de Saint -Léonard. Les
persécuteurs se saisirent de sa
personne ; mais quand l'armée
catholique et royale s'approcha
d'Angers {V. Vendée), il sortit
de la prison dans laquelle on l'a-
voit enfermé. Ne trouvant plus de
sûreté que sous la protection de
cette armée , il se réunit aux prê-
tres, religieuses et vieillards qui
étoient obligés de la suivre ; mais
lorsqu'elle fut défaite au Mans le
1 2 décembre 1 793, le vicaire Bour-
juge restant sans protection, et
errant au hasard dans sa fuite,
tomba dans les mains des soldats
de la persécution. Il fut conduit
par eux à Angers , et livré à la
commission militaire de cette
ville [V . Angers). Cette commis-
sion le condamna à la peine de
mort, non en 1795, mais le 16
nivose an II (5 janvier 1794)- Le
motif apparent de sa condamna-
tion fut qu'il éloit un « brigand de
la Vendée » : accusation banale
portée par les juges contre tous
ceux qu'ils vouloient immoler sans
en dire le vrai motif. René Bour-
juge n'en fut pas moins un des
nombreux Martyrs de cette épo-
que. [Pr. L. Bâtard, et Briant. )
BOURLA (Hyacinthe), reli-
gieuse Lrsuline de Valenciennes ,
étoit née dans la ville de Condé en
174O. Quoique les religieuses de
286 BOU
cet ordre rendissent de grands ser-
vices à la société, en enseignant
gratuitement toutes les filles pau-
vres de la ville qui se présentoient
à leur école, elles n'en furent pas
inoins chassées de leur cloître par
les impies réformateurs de 1791.
Au chagrin d'être rejetée dans le
monde, se joignit pour ces ver-
tueuses filles celui de voir la reli-
gion catholique attaquée dans ses
fondemens par les innovations de
cette époque. Ne pouvant plus la
pratiquer sans péril , elles prirent le
parti de se retirer à Mons, qui n'est
qu'à huit lieues de Valenciennes,
rmis qui se trouvoit au-delà de la
frontière ; et la sœur Bourla fut de
ce voyage. Elle revint avec ses
compagnes , quand les Autrichiens
eurent soustrait cette dernière ville
à la tyrannie de la Convention le
1" août 1793 {V. Valenciennes);
et , de concert avec ses sœurs , elle
se remit à rendre aux pauvres de la
ville les mêmes services qu'aupa-
ravant. Lorsque les Autrichiens fu-
rent forcés d'évacuer la place, le
1" septembre i 79/j, la sœur Bourla
se retira dans sa famille à Condé.
Mais les proconsuls de la Conven-
tion arrivés à Valenciennes , et or-
donnant aussitôt d'arrêter les prê-
tres et les religieuses , se firent
amener celle-ci, qui fut emprison-
née avec les autres. Ils voulurent
qu'elle comparût des premières le
16 octobre au soir, avec quatre de
ses compagnes, devant une com-
mission militaire qu'ils avoient
BOU
établie. Comme les proconsuls,
suivant le système de la faction
thermidorienne alors régnante ,
masquoient leur haine de la reli-
gion sous le prétexte hypocrite de
la prétendue émigration de leurs
victimes , on demanda seulement
à ces religieuses si elles étoient sor-
ties de France ( V. M. M. J"e De-
jardin, G. Dijcrez, J. B. Prin et
M. L. Vanot). Ces saintes filles,
incapables de vouloir sauver leur
vie par un mensonge, dirent la
vérité, et furent à l'instant con-
damnées à la peine de mort comme
« émigrées-rentrées » . Bamenées
ensuite à la prison jusqu'au len-
demain où leur sacrifice devoit
être consommé, elles vinrent en
silence auprès de leur supérieure
( V. M. C. Jne Paillot) autour de
laquelle se réunirent aussi les au-
tres religieuses prisonnières. La
supérieure félicitant celles qui ve-
noient d'être jugées, de ce qu'elles
a voient préféré mourir plutôt qu'of-
fenser Dieu par un mensonge,
exhorta les autres à imiter ce bel
exemple. Elles le lui promirent;
et alors elle ne s'occupa plus qu'à
préparer à paroître devant Dieu
celles qui dévoient périr le lende-
main. Toute la nuit elles récitèrent
ensemble l'office des défunts, les
prières des agonisans ; après quoi .
la supérieure leur fit de nouvelles
exhortations à la mort, les assu-
rant qu'elle regrettoit de ne pou-
voir y marcher devant elles , et
recevoir avec elles la palme du
BOU
martyre. Ces touchantes occupa-
tions durèrent jusqu'au moment
où l'on vint les prendre pour les
mener au supplice. Alors se pros-
ternant aux pieds d'un crucifix ,
elles reçurent la bénédiction de
leur supérieure , s'embrassèrent
ensuite, et allèrent avec le plus
grand calme au guichet où l'exé-
cuteur les attendoit. Elles le virent
sans effroi , lui présentèrent tran-
quillement les mains qu'il devoit
leur lier, se laissèrent en silence
couper les cheveux qui sortoient
de dessous un bandeau qu'elles s'é-
toient fait exprès pour cette cir-
constance. Elles ne rompirent le
silence que lorsque l'exécuteur
voulut leur découvrir la poitrine ;
et ce fut pour le prier en grâce de
leur laisser jusqu'au dernier instant
le mouchoir qui couvroit l'espèce
de chemise exactement fermée jus-
qu'au dessus des épaules, qu'elles
s'étoient ajustée de manière à ce
que le cou seul pût être à décou-
vert sous le fer de la guillotine.
On peut les comparer à cette
sainte vierge potamienne , mar-
tyre d'Alexandrie , sous Maxi-
mien, laquelle dit au juge qui or-
donnoit de la dépouiller entière-
ment pour la jeter dans une cuve
de poix bouillante : « De grâce, n'y
plongez mon corps que peu à peu ,
à mesure que je me déshabillerai,
afin que ma pudeur n'ait rien à
I souffrir, et que vous connoissiez
en même temps jusqu'où va la
vertu de patience que J. -C. m'ac-
BOU 287
corde » : Ne jusserîs me exui :
non simul totam, sed jube me
pautatim in picem ferventem
demitti , ut videas quanlam
mihi largitus est patientiam
Christus (Pallad. Hist. ad Lau-
sium. C. III). Trois prêtres con-
damnés avec les cinq religieuses
étoient compagnons de leur mar-
tyre ( V. L. P. Cagnot, L. A.
Jh Dannier, et C. M. J. Vienne).
L'un d'eux leur dit, entre autres
paroles encourageantes : «Allons
donc sans crainte paroître devant
l'Eternel ; nous mourons inno-
cens». Elles partirent en récitant
à haute voix les litanies jusqu'à l'ê-
chafaud ; et il en fut de même,
lorsque leurs compagnes subirent
le même sort, six jours après [V.
J. L. Barrez, L. Lacroix, M. M.
Jne Leroux, A. Jne Leroux, M. C.
Jne Paillot). Cette première exé-
cution de religieuses àValenciennes
eut lieu deux mois et vingt-un
jours après la chute de Bobers-
pierre. La sœur Bourla avoit 48
ans lorsqu'elle périt ainsi martyre
de la vérité comme de la Foi. {V .
D. Betremieux et Breuvart.)
BOUBBET (Jean -Antoine),
simple frère-laide l'ordre des Trap-
pistes , s'étoit retiré à Langogne,
dans le diocèse de Mende, après
la suppression des ordres monas-
tiques. La loi qui, en 1791, avoit
exigé des curés, vicaires, etc. le
serment schismatique, et celle par
laquelle étoient condamnés à la
déportation ceux qui l'avoient re-
•>8S BOli
fusé, ne pouvoient être alléguées
contre ce religieux. Mais sa piété
et son précédent état devenoient
un tort irrémissible ; il fut empri-
sonné, et traduit ensuite devant le
tribunal criminel du département
de VArdèclie siégeant à Privas.
Les juges n'eurent pas honte de le
condamner comme « prêtre ré-
fractaire », à la peine de mort, le
18 germinal an II (7 avril 1794)-
Le lendemain il fut décapité.
BOURRY (2V...)> prêtre, vi-
caire de la paroisse de Brabans,
dans le diocèse de Toul, et né à
Lel , dans le même diocèse , devint
si odieux aux persécuteurs de
1795, que, ne pouvant plus sou-
tenir sa présence , ils le firent
arrêter et jeter dans les prisons de
Saint-Mihiel, chef-lieu du dépar-
tement de la Meuse. Le tribunal
criminel de ce département le
condamna à être déporté à la
Guiane; et il fut envoyé à Roche-
fort pour son embarquement, il
y arriva à travers bien des souf-
frances, comme beaucoup d'au-
tres prêtres, et fut mis sur le
navire le W ashington {V . Ro-
chefort). Les supplices divers de
l'entrepont dans lequel ils étoient
renfermés, altérèrent progressi-
vement la santé du vicaire Bourry.
11 mourut dans le courant d'oc-
tobre 1794? à l'âge de 56 ans;
et on l'enterra dans l'île Ma-
dame. Le compagnon de sa dé-
portation, de qui nous reçûmes,
en 1800, les notices dont nous
BOU
faisons usage pour les victimes
de cette embarcation, y mit une
telle conscience, que, n'ayant pu
obtenir une connoissance positive
de la manière dont le vicaire
Bourry s'étoit conduit en 1791 et
1792, il se crut obligé de nous
prévenir « qu'on ignoroit s'il étoit
assermenté ou non. » Mais il ne
le retranchoit pas du nombre
des Martyrs ; et il avoit raison ,
comme on peut s'en convaincre
par l'épître !\i de saint Jérôme à
Pammachius, et par les principes
exposés dans notre Discours pré-
liminaire, pag. {V. M. Bocr-
GOIN et J. BoETOCTE.)
BOURSICAUD (Pierre),
prêtre. (V. P. Le Botjrsicacd. )
BOUSQUET (Jean-François),
prêtre de Paris, demeurant dans
la maison des Eudistes, sans être
de leur congrégation, s'y délas-
soit de l'exercice du sacerdoce par
l'étude de l'histoire ecclésiastique
et des conciles. Quoique jeune,
il avoit donné lieu d'espérer, par
ses premiers essais sur les matières
canoniques, qu'on auroit en lui
un des hommes les plus versés
dans les lois de l'Eglise. Avec les
lumières dont il étoit amplement
pourvu , et avec la Foi sincère dont
il étoit animé, il n'avoit pu que
repousser la constitution civile
du clergé. Son opposition aux
maximes qui en faisoient la base,
étoit si notoire, qu'il fut un des
premiers prêtres que les novateurs
firent arrêter, après la fatale jour-
BOU
née du 10 août 1792 [V. Sep-
tembre). Conduit au comité de la
section du Luxembourg , il s'y
montra décidé à tout souffrir,
plutôt que de faire aucun ser-
ment contraire à sa conscience,
et fut enfermé dans l'église des
Carmes [V . Dulac). C'étoitune
consolation pour lui, de s'y voir
avec tant d'autres généreux con-
fesseurs de la Foi, parmi lesquels
se trouvèrent bientôt le digne su-
périeur des Eudistes, et huit de
ses prêtres ( V. Hébert et Beaxj-
Iieu). Dans cette réunion aussi
sainte que nombreuse de captifs
de Jésus- Christ, il se sentit un
accroissement de forces pour scel-
ler sa Foi de son sang; et, le 2
septembre , il eut la gloire de
le mêler à celui de tous les nou-
veaux Martyrs que cette journée
donnoit à l'Eglise.
BOUSSIÈRE {m..), curé de
la paroisse de Challot, dans le dio-
cèse d'Autun, fut dépouillé de sa
cure à cause de son refus du ser-
ment. La loi de déportation du 26
août 1792 le dispensoit de s'exiler ,
parce qu'il avoit 61 ans; mais elle
le condamnoit à se confiner dans
une maison de réclusion, sous la
surveillance de l'administration
départementale. Comme il se
trouvoit dans le département de
la Nièvre, il devint un des reclus
de Nevers, et se trouva compris
dans les soixante et un prêtres de
ce département qui , en février
1794) furent inopinément emme-
3,
BOU 289
nés à Nantes, pour y être sub-
mergés {V . Nevers et Nantes).
Après avoir essuyé tous les mau-
vais traitemens auxquels étoient
en butte ces prêtres, presque tous
vieillards ou infirmes , il fut
jeté comme ses confrères, avec
une santé fort alîoiblie, dans le
fond de cale pestilentiel de la ga-
liole hollandaisedu port de Nantes,
qui devoit leur servir de prison.
Dévoré par la faim , glacé par le
froid, asphyxié par la putridité de
ce cachot , il y périt le 5 avril 1 794.
( V . Boulnot, chanoine, etBRiTTE,
d'Angers.)
BOUTILIER (Antoine), et non
Boutelier.rù Le Routelier. comme
on l'a écrit dans une compilation
récente , étoit un prf tre du dio-
cèse de Besançon, auquel la pe-
tite ville de Louhans avoit donné le
jour, en 1756. A l'âge de 18 ans,
il étoit allé à Vienne en Dauphiné
pour entrer dans l'ordre des cha-
noines réguliers de Saint-Antoine ,
qui , établi dans cette province sous
la forme d'ordre religieux hospita-
lier en 1095, avoit été confirmé
vers 1218, par le pape Hono-
rais III , et changé au XVIIe siècle
en communauté de chanoines régu-
liers. Boutilier fut le derniernovice
qu'ils reçurent : car, en 1755, il
leur fut défendu d'en admettre;
et l'ordre, ensuite, supprimé par
une bulle de Pie VI, en date du
17 septembre 177^, fut réuni à
celui de Malte, par une autre bulle
du même pape , en date du 7 mai
*9
290 BOL
•777» e* nùn en l77&» comme il a
été dit dans la compilation citée.
Boutilier revint alors dans sa ville
natale, où il entra dans une sorte
de congrégation de prêtres sécu-
liers, au milieu desquels il se dis-
tingua par son assiduité à la prière
publique, et surtout par une très-
généreuse charité envers les pau-
vres. Il leur consacroit la majeure
partie du revenu que lui procuroit
son affiliation à l'ordre de Malte.
Quoique deux de ses amis, mem-
bres de cette congrégation, prê-
tassent, en 1791 , le serment de la
constitution civile du clergé,
sans en être requis par l'autorité
civile, et quoique ces deux amis
fissent tous leurs efforts pour en-,
gager Boutilier à les imiter, il ne
se laissa vaincre ni par leurs sol-
licitations , ni par leur exemple.
S'étant alors attaché davantage aux
autres confrères qui repoussoient
comme hérétiques et schisma-
tiquesles innovations de celle pré-
tendue constitution du clergé,
il ne fut point ménagé dans les
injures et les persécutions qui les
assaillirent. Pour s'y soustraire,
il se crut obligé, comme eux, de
sortir de France, surtout après
la loi de déportation. Lorsqu'à Ja
suite des deux années de terreur
qu'elle venoit de subir, les chefs
de son gouverneuient républicain
firent croire qu'ils revenoient à
des sentimens équitables, Bouti-
lier rentra, et.se fixa à Lyon, où
l'on accueillait avec plus de bien-.
BOb
veillance qu'ailleurs les prêtres ei
même les émigrés qui revenoient
de l'étranger. Un vénérable catho-
lique d'un très-grand âge, ancien
chirurgien, nommé Claude Bal-
lyat, dont la mémoire sera long-
temps précieuse aux Lyonnais ,
engagea Boutilier à demeurer chei
lui. Cet arrangement convenoit
d'autant plus à l'un et à l'autre , que
ce vieillard se procuroit, par ce
moyen, à toute heure, les secours
de la religion, en même temps
qu'il faisoit une œuvre d'éminente
charité, et que Boutilier pouvoit,
dans cette maison, dire la messe
et remplir ses devoirs de prêtre ,
sans cette publicité qui ranimoit
les fureurs des révolutionnaires.
Homme instruit et d'une agréable
société, il étoit cher à son hôte sous
tous les rapports. La persécution
s'étant ranimée à l'époque connue,
sous le nom du 18 fructidor (4
septembre 1 797 ) , et ayant alors
choisi les formes perfides de la
déportation, en regrettant toute-
fois de ne pas oser en revenir a
faire couler par torrent le sang des
prêtres, ne laissoit cependant
pas échapper une seule occasion
de le répandre., Boutilier ayant été
dénoncé, peu de temps ensuite ,
comme prêtre, exerçaut secrète-
ment son ministère, fut arrêté le
8 décembre 1797. Occupé sans
cesse , dans sa prison , de tout ce
qui pouvoit entretenir la piété, il
s'ainusoit paisiblement à faire des
chapelets avec les seules matières
BOU
convenables qui pouvoienttomber
sous sa main : c'étoientles noyaux
des petits fruits qui lui étoient
apportés parmi ses alimens; et il
donnoit ces chapelets aux per-
sonnes pieuses qui venoient le
visiter. Plusieurs d'entre elles en
conservent encore avec vénéra-
tion, comme de précieuses reli-
ques. Il resta plusieurs mois en
prison, sans que son sort parût
devoir se décider. Si on l'eût jugé
comme prêtre, on n'auroit pu,
suivant la loi du 19 fructidor, que
le condamner à la mort lente de
la Guiane ; mais comme on trouva
un prétexte de l'immoler de
suite , en le faisant passer pour
émigré - rentré , on le traduisit
comme tel devant une commission
militaire. Elle le condamna, sous
cette qualification, à être fusillé
«n même temps qu'un jeune mili-
taire, gentilhomme d'Auvergne,
nommé Amable de Ligondez-de-
Rochefort, qui étoit effectivement
revenu de l'émigration. La sen-
tence fut prononcée le 23 prairial
an VI (11 juin 1798). Boutilier,
associé au sort du jeune officier,
le réconcilia avec Dieu, le consola,
l'exhorta à la mort avec la ten-
dresse d'un père , et la charité
d'un ministre de Jésus - Christ.
Lorsqu'en allant ensemble au lieu
où ils dévoient être fusillés , ils
passèrent devant l'hôtel-de-ville ,
Boutilier, avec le calme d'un élu,
regarda le cadran de l'horloge ;
et, sachant l'heure fixée pour leur
BOU 291
supplice , il dit à son compagnon,
en faisant remarquer celle que
marquoit l'aiguille : «Allons, en-
core un instant de courage ; dans
un quart-d'heure, nous serons,
je l'espère , dans le ciel. » On a
lu, avec une grande édification,
dans les Actes des anciens Martyrs,
le trait de ce saint Maximilien
d'Afrique, qui, conduit an sup-
plice pour la Foi , et inspirant à
tous les chrétiens qu'il rencontroit
le désir du martyre , dit à son
père qui se trouvoit près de lui :
« Je vous prie de donner mon
habit neuf à cet honnête homme
qui va me couper la tête » : Da
huic spicuialori vestem meam
novam quam miiii prœpara-
veras (Ruinait : Acta S. Maxi-
mii. Martyris). Le prêtre Bou-
tilier fait encore mieux, quoiqu'il
ait moins à donner : animé d'une
céleste reconnoissanceenvers ceux
qui vont le fusiller, il détache sa
cravate , le meilleur de tous ses
vêtemens, et l'offre à un des sol-
dats, en lui exprimant le regret
bien sincère de n'avoir rien de
mieux à lui présenter , pour lui
témoigrier surtout , dit-il , « qu'en
suivant l'exemple de Jésus-Christ,
il pardonne de tout son cœur à
ceux qui vont le faire mourir. » Il
reçut la palme du martyre sacer-
dotal le 12 juin 1798, à l'âge de
62 ans. On pourra encore juger
des sentimens de cet ecclésiastique
par la lettre que son jeune néo-
phyte, compagnon de son sort,
'9-
292 BOU
écrivit à sa sœur Clotilde d'Orset,
avant de marcher au supplice.
.< Dans peu d'heures , lui disoit-
il, je n'existerai plus, ma tendre
sœur. Rassemblez toutes vos forces
pour consoler ma pauvre mère.
J'ai imploré la miséricorde de
Dieu; et j'espère qu'elle sera plus
grande que l'immensité de mes
fautes. Je vous prie de donner
vingt-cinq louis aux pauvres, et
de vous charger de payer mes
dettes. Je vous recommande, ma
chère amie, de ne conserver au-
cun ressentimentcontre lesauteurs
de ma mort. Je leur pardonne
entièrement, et ne leur veux au-
cun mal. Il me reste à vous re-
commander de rappeler de toutes
vos forces la religion à votre se-
cours. Dieu, maître de tout, a dé-
cidé de mon sort; et nous devons
nous soumettre sans murmurer.
Adieu, ma chère Clotilde; adieu,
ma bonne mère. Vous êtes les
seuls objets que je regrette
Adieu : on m'attend pour aller à la
mort. » ( V . Bourdin et Bridet.)
BOUTET ( Pierre ) , curé de
Gua, près Saujon, dans le diocèse
de Saintes, étant resté dans sa
paroisse, comme presque tous les
prêtres catholiques du Poitou et
de la Saintonge ( V. Vendée) , fut
arrêté vers la fin de 1793. Le tri-
bunal criminel du département de
la Charente-Inférieure, devant
lequel il comparut, le 12 nivose
on II ( 1" janvier 1794 )? et qui
fiégeoit à Saintes, ne voyant que
BOli
conspiration dans la pratique de la
religion catholique , condamna ce
curé à la peine de mort, comme
« conspirateur » ; et cet ecclésias-
tique périt sur l'échafaud le jour
même de sa condamnation.
BOUTHIER(Mathurin-Louis),
prêtre du diocèse de Nantes, étant
né à Gevèze, en 17^2, fut long-
temps vicaire en la paroisse de la
Mezières, située à trois lieues de
Rennes. Son âge déjà avancé
l'ayant fait céder à un autre les
fonctions pénibles du vicariat, il
ne desservoit plus cette paroisse
que comme auxiliaire. On ne lui
en demanda pas moins le serment
de la constitution civile du
ciergé, en 1791 ; il le refusa, et
ne crut pas ensuite devoir sortir
de France , après la loi de dépor-
tation. La persécution s'augmen-
tant de plus en plus, il fut obligé
de se cacher; et ceux qui le cher-
choient, ne pouvant réussir à le
trouver, se saisirent de son frère,
laboureur, établi à la Mezières, et
l'amenèrent prisonnier à Rennes,
lui déclarant qu'il ne recouvreroit
sa liberté, que lorsque le prêtre qu'ils
voudraient tenir se serait livré lui-,
même. Celui-ci , apprenant cette
barbare résolution, sort de sa re-
traite ; et , pour délivrer son frère ,
en se sacrifiant lui-même , il vient se
remettre entre les mains des juges
du tribunal criminel du départe-
ment CCllle-et-ViUaine, siégeant
à Rennes. Ce tribunal le con-
damna à la peine de mort, comme
BOU
«prêtre jréfractaire», le 12 floréal
an II (1" mai 1 794)' I' et0't ^gé
de 62 ans. En allant an lien du
supplice, qui devoit être le cime-
tière de la paroisse de Saint-
Etienne , il chanta les Litanies de la
Sainte-Vierge, et les prières que
l'Eglise fait à l'enterrement de
ceux qui meurent dans ses bras.
Comme on sait que les amis
du prêtre Bouthier s'efforcèrent
de le détourner d'aller se livrer
lui-même, en lui objectant qu'on
ne doit pas s'exposer au martyre ,
et provoquer en quelque sorte les
juges à un nouveau meurtre, nous
devons, tout èn professant aussi
nous-mêmes ce principe, faire
observer, 1°. qu'il ne doit pas
s'appliquer généralement à tous
les cas ; 2°. que son applica-
tion particulière à celui-ci pou-
voit rendre Bouthier coupable
contre la justice et la charité.
Quoique saint Augustin, dans
son livre De Civitate Dei ,
prouve en plusieurs manières
qu'il n'est pas permis de se con-
damner soi-même à la mort, lors
même que ce seroit pour conser-
ver sa chasteté , il y affirme néan-
moins au chap. xxvi qu'on le peut
et qu'on le doit, quand Dieu l'or-
donne. Nous avons déjà examiné
cette question a l'article du prêtre
Avignon , ci-devant, pag. 1 1 4 ; et
il nous sufïiroit peut-être ici de
rappeler que l'Eglise honore
comme Martyrs, i". le 17 novem-
bre, saint Romain d'Antioche ,
BOU 293
qui, voyant la défection de quel-
ques chrétiens devant un juge-
païen, vint se présentera lui, en
lui disant : « N'en soyez pas si
fier; car vous allez trouver dans
moi un de ces athlètes que l'on
ne peut vaincre » : Non recèdes
iœtus, kaêet enim Deus mili-
tes qui superari non possunl
(Euseb. DeResurreclione, 1. II);
et 2°. le 9 décembre, avec saint
Barsabias de Perse, un sage du
paganisme, qui, converti subite-
ment, vint lui dire au milieu de.
son supplice : « Présentez -moi
vous-même aux licteurs pour
qu'ils m'immolent avec vous et
vos compagnons » (Voyez ci-
après, pag. 3o5) : Meque , si-
cuti cœteros, adprehensa manu
lictoribus necandum tradito ,
utpotè qui voluntariam vobis-
cum mortem subir e etiam at~
que etiam percupiam , vobis-
cum , inquam , qui estis popu-
tus sanctus, verus et fidelis.
(Asseman : MartyriumSS. Bar-
sabiœ, etc., pars P, pag. 95.)
« Quand c'est par une inspiration
de l'Esprit-Saint que l'on va s'of-
frir au Martyre , dit le savant
Asseman, cette démarche est un
acte de force et non de témérité »
(Ibid. , pag. g3). Or, quelle plus
certaine inspiration de l'Esprit-
Saint, en ce qui concerne le prê-
tre Bouthier, que le commande-
ment de Dieu qui ne veut pas
qu'un chrétien occasionne la mort
de son prochain, surtout quand
-9 j BOU
le prochain ne périroit que pour
lui; qui veut encore moins qu'il
le laisse exposé au danger de com-
promettre sa Foi, lorsqu'il ne s'y
trouve qu'à cause de lui, et qu'il
se sent muni lui-même de la
force nécessaire pour la faire
triompher devant hs impies? Ne
doit- il pas prendre la place qu'il
se voit d'ailleurs assignée par
la Providence, lorsqu'elle n'est
occupée que par un chrétien de
la constance duquel il est peu
sûr? Quum Deus jubet , seque
jubere sine utlis ambagibus
intimât, quis obedientiam in
crimen vocel ? quis obsequium
-pictatis adeuset? Qui ergà
audit, non iicere se occidere,
faciat , si jussit cujus non ii-
cetjussa contemnere , tantum-
vnodo videat utrum divina
jussio nullo nutet incerto.
( S. Aug. ut swprà, c. xxvi. )
BOUTIN (Catherine), femme.
( V. C. Clavel.)
BOUTOUTE (Jean), curé de
Braize . près Saint- Amand , dans
Je. diocèse de Bourges , étoit né à
Murât -le- Vicomte, dans le dio-
cèse de Saint- Flour. Il ne prêta
point \e serment schismatique de
1791; et le refus qu'il en fit, le
mit dans le cas d'être expulsé de
sa paroisse par les autorités civiles
d'alors. Il continua néanmoins de
résider dans le pays, pour l'utilité
des catholiques; et les lois mena-
çantes qui furent ensuite rendues
contre les prêtres insermentés, ne
BOU
le détournèrent point d'y exercer
encore son ministère. Il fut arrêté
dans le courant de 179^; et,
comme la paroisse où il étoit,
dépendoit du département de
F Allier , on le conduisit dans les
prisons de Moulins, qui en étoit
le chef-lieu. Bientôt il fut con-
damné à la déportation maritime,
à laquelle on dévouoit soixante-
quinze autres prêtres du même
département. On le fit partir avec
eux pour Rochefort. Il y fut em-
barqué sur le navire les Deux
Associés ( V. Rochefort). Les
souffrances qu'ils y éprouvoient
finirent par lui arracher la vie. Il
mourut dans la nuit du 24 au 25
novembre 1794? à l'âge de 53 ans,
et fut enterré près du fort Vaseux,
sur les rives de la Charente.
(V. Boerry et P. Branhel.)
BOUVIER (Yves), curé de la
paroisse de Maumusson , près
d'Ancenis, dans le diocèse du
Nantes, étoit né, en 1719, au
Bourg-Diré, près Segré, en An-
jou. Formé à l'état ecclésiastique
dans le petit séminaire d'Angers ,
il fut élevé au sacerdoce en 1744?
et envoyé vicaire en la paroisse de
Brain-sur-l'Authion, près d'An-
gers. Sa santé s'y étant affoiblie
par les fatigues qu'ils'étoit données
pour remplir, avec ses fonctions,
celles du curé qui étoit infirme ,
l'évêque l'envoya, comme aumô-
nier, dans l'hôpital de Candé. Sa
conduite étoit si digne d'un saint
ministre de l'Eglise, qu'elle dis-
BOU
posa le curé de Mawnusson à lui
résigner sa cure. Cette paroisse se
trouva dès lors avoir le pasteur le
plus jaloux d'être le père des pau-
vres, et le plus actif pour ramener
•ii Dieu les âmes égarées ; mais
son zèle lui attira des tracasseries
de la part des mauvais chrétiens,
qui cependant ne pouvoient s'em-
pêcher encore de l'estimer et de
le respecter. Ils s'en dispensèrent ,
quand la révolution les eut déli-
vrés de tout frein. Bouvier ne
voulut point faire le serment
schismatique, ni même sortir de
France , après la loi de déporta-
tion. Pour continuer à veiller au
salut de ses paroissiens, sans trop
s'éloigner d'eux, il alla vivre dans
les bois et les genêts voisins; et
les catholiques de sa paroisse s'y
rendoient , pour entendre sa messe
et recevoir les sacremens. Néan-
moins, il ne pouvoit se résoudre
à ne pas les visiter chez eux, quand
ils étoient malades. Une nuit qu'il
étoit accouru à Maumusson, pour
remplir ce devoir pastoral , et qu'il
s'y reposoit chez son beau-frère,
les agens de la persécution, qui
l'avoient épié , vinrent forcer la
maison, le saisirent, et l'entraî-
nèrent, en lui disant, avec une
impie férocité : « Va , calotin ,
tu ne confesseras plus ; tu vas y
passer». Par une dérision plus
sacrilège encore, ils se revêtirent
d'ornemens sacerdotaux qu'ils
avoientdécouverts dans un champ,
etinsultèrentplus horriblement en-
BOU 29r>
core la religion, dans la personne
de son ministre. Ils brûlèrent
même, devant lui, un grand cru-
cifix en bois qui étoit dans son
église. Son beau - frère , nommé
Desmas , avoit été arrêté avec lui ;
et, le lendemain, tous les deux
furent liés , garrottés par cette
horde impie qui les conduisit à
la Petite Rouxière, près Ancenis,
en chargeant le curé de coups de
crosse de fusil. Elle le fit entrer ,
avec son beau-frère, dans le jar-
din de la cure de cette paroisse ,
pour les y fusiller. Le curé ,
voyant le dessein des hommes
pervers qui les entraînoient, leur
dit hautement « qu'il leur pardon-
noit sa mort, et qu'il prioit pour
eux; mais il demanda à. périr le
dernier , voulant exhorter son
beau-frère à mourir saintement » .
Il obtint cette triste faveur; mais,
pendant qu'il exhortoit celui-ci t
un des assassins lui asséna un
coup de sabre sur le poignet de la
main qui donnoit l'absolution. A
peine Desmas fut -il immolé par
eux, qu'ils firent sur le curé trois
décharges de fusils ; et il tomba
mort, à l'âge de j5 ans, le 14 mars
1794. Les corps de ces deux vic-
times furent d'abord enterrés dans
le lieu même où elles avoient
péri; mais, le 18 mai 1795, de
vertueux prêtres , qui avoient
connu la sainteté du curé Buu-
vicr, exhumèrent son corps, qu'ils
trouvèrent encore exempt de cor-
ruption, et aussi reconnoissable
3ç)6 BOU
que s'il eût été vivant. Ils en iirent
la translation solennelle dans l'é-
glise de Maumusson, où, le lende-
main, ils l'enterrèrent, vis-à-vis et
près l'entrée du sanctuaire. L'un
de ces prêtres fut lui- même aussi
massacré , pour la même cause ,
peu de temps après ( V* Plouzin).
N'ayant pas de raisons suffisantes
pour croire que le beau-frère du
curé Bouvier, tué avec lui, pour
lui avoir donné l'hospitalité, y
eût été engagé par un autre motif
que celui de ses rapports de pa-
renté , ni qu'au sentiment de la
nature, se fût joint celui que la
Foi pouvoit lui inspirer ( V. Jc
Aux), nous avons cru devoir nous
abstenir de le compter au nombre
de nos Martyrs.
BOUVRET (Jean - Baptiste) ,
prêtre et chanoine de la collégiale
de Brinon -l'Archevêque , au dio-
cèse de Sens, étoit né à Brinon
même, en 1762. Lorsqu'en 1791,
l'Assemblée Constituante eut aboli
les anciens chapitres, Bouvrct,
prêtre depuis 1786 seulement, et
plein de l'ardeur sacerdotale, se
voua au service spirituel de la pa-
roisse de Bouilly, où il continua
d'exercer le ministère sacerdotal
avec assez de bonheur, jusqu'en
1794; mais alors il ne lui fut plus
possible d'échapper au déborde-
ment d'impiété -féroce qui distin-
gua cette époque. Arrêté à l'âge
de 32 ans, et transféré à Paris,
jl y fut solennellement accusé de-
vant le trib unal révolutionnaire.
BOY
le 18 fructidor an II (4 septembre
1794), «d'avoirtenu , dans la com-
mune de Bouilly, une conduite
fanatique et des propos contre-
révolutionnaires , et d'avoir eu
des intelligences avec les prêtres
réfractaires ». Quoique Robers-
pierre eût cessé de vivre depuis
six semaines, et que la Conven-
tion affectât de rejeter sur lui seul
toutes les horreurs dont elle avoit
été complice, le tribunal, par le
jugement qu'il rendit ce jour-là
même contre Bouvret , d'après les
principes qu'elle professoit, mon-
tra qu'elle n'avoit rien perdu de sa
férocitécontrelesprêtres. Les juges
condamnèrent sa personne à la
peine de mort, et ses biens à la
confiscation. Evitant toutefois avec
perfidie de paroître , dans cette sen-
tence , aussi acharnés contre le
caractère sacerdotal, ils ne purent
la motiver qu'en disant assez va-
guement «qu'il avoit tenu, dans la
commune de Bouilly, en 1 792 (où
commencèrent les persécutions
contre les prêtres non-assermen-
tés), des propos tendant à provo-
quer la dissolution de la représen-
tation nationale et le discrédit des
assignats ; comme encore de l'avoir
fait dans des intentions contre-
révolutionnaires». Cette sentence
fut exécutée le même jour, sur la
place de Grève.
BOYER ( Antoine ), prêtre ,
religieux Augustin du diocèse
d'Albi , né dans la ville de ce nom ,
y demeuroit encore après la sup-
é
BOY
pression de son cloître. Il ne fit
point le serment de la constitu-
tion civile du clergé, et ne parut
pas, néanmoins, atteint directe-
ment par la loi de déportation.
Les dangers croissant de plus en
plus, il se décida enfin à sortir de
France, avec quatre autres prêtres
de la même ville, et fut massacré
avec eux, comme «prêtre réfrac-
taire » , en passant à Saint-Ghi-
nian , et dans la salîe même de la
municipalité de ce lieu, le 9 niai
1793. Le récit de cet assassinat se
trouve à l'article de F. Albic.
BOYEPi (Jacques), prêtre, né
àMarmignac, près Peyrac, dans le
diocèse de Cahors, méritoit, en
1795, aux yeux des persécuteurs,
la peine portée contre les prêtres
insermentés qui ne s'étoient point
exilés eux-mêmes, depuis la fin
d'août 1792. L'année suivante, il
fut découvert , et jeté dans les
cachots; et, en 1794 , on le fit
conduire à Bordeaux, où il devoit
être embarqué pour la Guiane
( V. Bordeaux). Quand on com-
mença les embarquemens, vers
la fin de l'automne, trois mois
après la chute de Boberspierre,
le nombre des embarqués étant
déjà trop considérable, le prêtre
Boyer fut laissé dans le fort du
Ha, où il avoit été renfermé.
Une maladie grave , fruit d'une
longue persécution, alloit le déli-
vrer de ses bourreaux : on le trans-
porta dans l'hôpital de Saint-An-
dré ; et, sans cesser d'être captif
B<)\ 207
de Jésus-Cluist. il y expira, le
1 6 janvier 1 795 , à 1 âge de 47 ans.
( V. P. Bourdette, et G. Broiîil-
i.r. i . )
BOYEB (Jean-Pierre), prêtre
du diocèse d'Orange, oùilétoitné
en 172G, et fut grand-vicaire pen-
dant trente ans , avoit été forcé par
ses infirmités, plus encore que par
son âge avancé , de renoncer au
saint ministère. Il résidoit à Roche-
gude, près d'Orange, alors com-
pris dans le département de la
Drâme ; et atteint d'une goutte
cruelle qui avoit fini par le rendre
complètement paralytique , il étoit
dans ce triste état, lorsqu'en vertu
de la loi de déportation du 2G août
1792, qui se contentoit de con-
damner à la réclusion les prêtres
sexagénaires ou infirmes, on vint,
en 1 790, pourlesaisiret le conduire
dans les prisons de Valence. Deux
de ses beaux -frères implorèrent
alors , en faveur de ce vénérable
ecclésiastique, lapitié d'unmembre
de la Convention qu'ils connois-
soient, et obtinrent qu'il resteroit
avec eux à Montelimart , où il rece-
vroitde leur compatissante amitié,
les secours qu'exigeoit sa doulou-
reuse situation. Quoiqu'il eût joui
d'un patrimoine suffisant pour le
faire subsister sans les revenus d'au-
cun bénéfice ecclésiastique , il avoit
tant sacrifié de sa fortune patri-
moniale au soulagement des pau-
vres, que, lorsque son revenu
ecclésiastique lui fut enlevé par
les décrets de l'Assemblée Consti-
/
aj)8 BOY
tuante, ils'étoitvu forcé de 'vendre
les effets de son mobilier pour
vivre. La découverte que , dans son
zèle pour l'humanité, ilâvoit laite
d'un remède infaillible contre le
charbon et les chancres, tout en
procurant de grandes jouissances à
son 5me charitable , diminua beau-
coup, pour lui, celles de la for-
tune. Il avoit lui-même, person-
nellement et à ses frais , guéri
quatorze cents personnes pauvres,
atteintes de cette maladie, indé-
pendamment de celles qui en
avoient été délivrées ailleurs ,
jusque dans les colonies, par les
médecins et chirurgiens auxquels
il s'étoit fait un plaisir de donner
la recette de sa découverte, et
même, non moins gratuitement,
d'amplespro visions de son remède.
Ceux qui connoissent les forfaits
dont l'ingratitude s'est rendue
coupable dans la révolution, ne
s'étonneront point que, parmi les
persécuteurs du prêtre Boyer, à
cette époque, il se soit trouvé des
misérables qu'il avoit guéris cha-
ritablement; et il eut la douleur
de les reconnoître aux seules traces
que cette maladie avoit nécessai-
rement laissées sur leur visage.
Qu'avoient-ils donc à reprocher à
ce vieillard accablé d'infirmités ,
qui, souffrant ses maux avec pa-
tience , s'abstenoit de tout discours
capable d'irriter les ardens parti-
sans de la révolution, et donnoit
l'exemple d'une paisible résigna-
tion aux funestes événemens de
BOY
cette époefue ? Mais il étoil prêtre ;
il n'avoit pas fail le serment de la
constitution civile, du clergé ;
et, sans qu'on eût égard à ce que ,
n'étant plus dans les fonctions
ecclésiastiques , lorsqu'on l'exigea
des fonctionnaires publics , puis-
qu'il éloit alors, depuis plusieurs
années, perclus de tous ses mem-
bres , et gisant sur un lit de dou-
leur , le cruel Maignet , que la Con-
vention envoya proconsul dans
le département de Vaucluse , se
hâta d'ordonner, au printemps
de 1794» que l'abbé Boyer fut
arrêté. Un gendarme est envoyé
pour s'emparer de sa personne ; et ,
à. peine arrivé à Montelimart, il
lui notifie que, le lendemain, à
quatre heures du matin, il l'em-
mènera dans les prisons de la
terrible commission populaire
d'Orange. Ce respectable ecclé-
siastique entend cet ordre farouche
avec soumission ; mais il repré-
sente que, se trouvant dans l'im-
possibilité de marcher, et même
de se soutenir sur ses jambes , il
auroit besoin d'une voiture. Le
gendarme en fait préparer une, et
vient annoncer au saint prêtre
qu'elle l'attend. La perspective du
martyre se présentant à sa Foi
dans la plus grande évidence, il en
ressent une joie indicible ; et cette
joie produit sur lui une sorte de
miracle où l'on reconnoît la main
de la Divinité. L'abbé Boyer, vive-
ment ému du bonheur qui l'attend,
a retrouvé ses forces : le voilà qui
BOY
se lève, sans avoir besoin d'aucun
aide humain ; il repousse les ma-
telas qu'on avoit préparés pour le
porter dans la voiture , descend
lui seul, sans aucun appui, l'esca-
lier. Ceux qui le voient arriver
ainsi à sa porte, en sont émer-
veillés ; ils ne peuvent s'empêcher
de lui demander comment il a
pu descendre , et où il va. « Je
vais, répond - il , je vais à mes
noces ; l'idée de la félicité à la-
quelle je me vois destiné, m'a
rendu mes premières forces; elle
m'a guéri radicalement, elle m'a
rajeuni : je n'ai plus besoin de per-
sonne ». Les amis qu'il avoit sur
la route venoient lui témoigner la
douleur vive et profonde qu'ils
ressentoient de le voir ainsi traîné
à la mort; et ils s'en retournoient
édifiés de la sérénité avec laquelle
Boyer la voyoit s'approcher. Dès
qu'il fut arrivé a Orange , on le mit
dans un cachot, sans aucune pré-
caution ,sansaucun égard pour son
âge et ses infirmités {V. Orange.)
Elles n'étoient plus, au reste, pour
lui, que comme si elles n'avoient
pas existé; tant étoit vive la soif
qu'il a voit du martyre ! Cette sainte
ardeur ne tarda pas d'être satisfaite:
bientôt il fut amené devant ces
bourreaux de la commission po-
pulaire , qu'on appeloit des juges ;
et il ne vit en eux que des bienfai-
teurs , surtout lorsqu'ils le condam-
nèrent à la peine de mort. Boyer
entendit cette sentence barbare
avec la résignation d'un saint : et
BRA 299
il en subit la peine avec le cou-
rage imperturbable des Martyrs de
la primitive Eglise. C'estainsi qu'il
devint la 523* victime de ce tribu-
nal de sang, le 16 thermidor an 1J
(5 aofit 1794)- Le lendemain , qui
fut le dernier jour de ses hécatom-
phonies , en vit périr encore cinq,
après lesquels ce tcibunal cessa
ses fonctions. {V. Msle Bonneret
et Alr Chancelle.)
BRAGELOGNE ( Marie - Ni-
cole) , religieuse d'un couvent de
Paris, avoit continué d'habiter
cette ville où elle étoit née. Retirée
dans sa famille, rue Saint- Avoie,
n° 5, elle y pratiquoitavec édifica-
tion ses devoirs de chrétienne et de
religieuse. Au mérite d'être con-
sacrée à Dieu , elle réunissoit l'a-
vantage d'être fille d'un honorable,
conseiller du parlement de Paris.
C'étoit, aux yeux des persécu-
teurs , deux torts dignes de la peine
capitale. Comme ils surent qu'elle
entendoit la messe en des réu-
nions secrètes de catholiques, ils
la firent arrêter. Traduite ensuite
au tribunal révolutionnaire ,
le 9 floréal an II (28 avril 1794)'
elle y fut condamnée à la peine
de mort , comme « complice de
rassemblemens (qu'on qualifioit)
de complots et de conspirations
tendans à opprimer le peuple » .
La sœur Bragelogne avoit alors
67 ans; elle fut de suite conduite
a l'échafaud.
BRANDEL (Philippe), simple
frère convers de l'ordre des Bcr-
r>oo RUA
riardins, servoit clans leur maison
«le Freistret, au diocèse fie Metz,
sous le nom de Frère Philippe.
Le lieu de sa naissance fut le village
d'Ottonville , dans le même dio-
cèse; il y avoit vu le jour en 1722.
Dans son humble qualité de frère
convers, il ne pouvoit être répré-
hensible aux yeux des révolution-
naires, pour n'avoir pas prêté le
serment de la constitution civile
du clergé; et, dans la condition à
laquelle il se trouvoit réduit, de-
puis la suppression des ordres
monastiques, n'étant même rien
dans la hiérarchie du sanctuaire ,
il ne pouvoit faire ombrage aux
impies, que par la Foi et la piété
qui l'avoient accompagné dans le
monde. Ces vertus les offusquè-
rent à tel point que, sans avoir
plus d'égards pour son grand âge
que pour sa pauvre condition, ils
l'arrêtèrent en 1793, et le jetèrent
dans les prisons de Metz. Leur rage
sacrilège n'étoit point encore as-
souvie ; ils firent envoyer le bon
Frère Brandel à Rochefort ,
pour y être compris dans la dé-
portation maritime des prêtres
dits ré fractair es ( V. Rochefort).
On l'embarqua sur le navire le
TV ashington; et les maux qu'on
y éprouvoit terminèrent sa vie. Il
mourut dans le courant d'août
1793, à l'âge de 72 ans, et fut
enterré dans l'île tfAix. {y. J.
Boi'tocte et P. N. Breton.)
BRANDOUIN (Victor), prêtre
du diocèse de Toulouse , étoit du
BRA
nombre de ceux qui avoient re-
poussé, comme une oeuvre de
ténèbres, la constitution civile
du clergé. Il crut pouvoir se dis-
penser de sortir de France , lors
de la loi de déportation, et resta
paisible à Toulouse. On l'y arrêta
en 1793; et, le j4 floréal an II
(3 mai 1794)5 il fut traduit devant
le tribunal criminel du départe-
ment de la Haute - Garonne,
siégeant en cette ville. Les juges
le condamnèrent, comme «prêtre
réfractaire», à la peine de mort;
et, le lendemain, il fut décapité.
BRANELLÉE (Jean - Marie),
prêtre du diocèse de Saint-PoI-de-
Léon, né à Guisseny en basse
Bretagne , étoit vicaire dans la
ville même de Saint-Pol-de-Léon.
Il refusa le serment de la consti-
tution civile du clergé, et resta
dans le diocèse pour les besoins
des catholiques. Les persécuteurs
l'arrêtèrent en 1793; et le tribunal
révolutionnaire de Brest, auquel
il fut conduit ( V . J. Abasqtje) , le
condamna à la peine de mort ,
comme «prêtre réfractaire » . Il
fut décapité le jour même de son
jugement, le 28 germinal an II
(i5 avril 1794)- Son âge étoit
alors de 37 ans. (V . B. Jago et
A. Ceech.)
BRARD (Marie - Catherine -
Charlotte) , l'une des seize reli-
gieuses Carmélites de Compiègne,
qui, amenées prisonnières à Paris
en juillet 1794? y furent immo-
lées ensemble sur l'échafaud révo-
BRA
lutionnaire ,1e 1 7 du même mois ,
étoit née à Broué, dans le pays
Martrois, diocèse de Chartres, en
mai 1756. Elle entra le i5 juin
1756, comme postulante, dans la
maison de l'ordre de Sainte-Thé-
rèse, récemment établie à Com-
piègne ; prit l'habit le i5 août
suivant, en recevant le nom de
sœur Euphrasie; et y prononça
ses vœux de religion le i5 août
1737. Lorsqu'en 1792, toutes les
religieuses furent chassées de leurs
cloîtres , la sœur Euphrasie
partagea les sentimens et les dé-
terminations de ses compagnes du
même monastère. Le jour qu'on
les força d'en sortir se trouvant
être le 14 septembre , fête de
l'Exaltation de la Sainte-Croix,
elles se dirent l'une à l'autre que
sur chacune d'elles retomboit
alors une portion de la croix du
Sauveur, dont l'Eglise célébroit
le triomphe ; et il fut convenu
entre quatorze d'entre elles , aux-
quelles se réunirent les deux tou-
rières , qu'elles continueroient à
suivre leur règle aussi ponctuel-
lement que les circonstances pour-
roient le permettre. Comme elles
ne pouvoient demeurer toutes en-
semble dans la même maison, sans
donner prétexte de dire qu'elles
étoient rebelles au décret qui
avoit dissous les communautés
religieuses, elles se divisèrent en
quatre associations particulières,
qui dévoient conserver l'unité d'o-
béissance ù leur règle et à la même
BRA 5oi
supérieure. Ce fut ainsi qu'elles
s'établirent dans quatre maisons
différentes, situées en divers quar-
tiers de la ville de Compiègne.
Leur ferveur, loin de s'aflbiblir
par celte division matérielle qui les
privoit cependant du concours des
bons exemples de toutes à la fois,
sembla prendre un accroissement
dans les circonstances périlleuses
où se trouvoient la religion et la
France. Leur règle étoit observée
en même temps dans ces quatre
endroits séparés, avec une exacti-
tude et une ferveur égales et simul-
tanées qui les tenoienttoutesen une
parfaite harmonie de sentimens et
d'actions de piété. Observant aussi
leur loi du silence avec la même
rigueur, elles ne sortoient de leur
demeure que lorsqu'elles ne pou-
voient pas absolument s'en dis-
penser. En toutes choses, elles
ne cessoient pas d'être , pour
les habitans de Compiègne ,
comme elles l'avoient été dans
leur cloître , un admirable sujet
d'édification, et comme un gage
de la protection divine , à l'é-
gard de cette ville. On les re-
gardoit comme les dix justes qui
auroient sauvé Sodome, s'ils s'y
fussent trouvés. Les démarches
qu'elles étoient obligées de faire
quelquefois dans la ville, étoient
autant de bénédictions du Ciel
qu'elles répandoient où elles pas-
soient, au thoyen des impressions
de vertu qu'on éprouvoit en les
yoyant. Le démon, trop jaloux du
3oà CPiA
bien qui en résultait, et surtout
irrité de leur persévérance dans
cette vie religieuse et sainte, par
laquelle ses précédens stratagèmes
étaient déconcertés, ne pou voit les
épargner, lorsque, dans l'excès de
ses fureurs, il lit vouer à la mort
tout ce qu'il n'avoitpu séduire et
corrompre. Au moment où ces
saintes filles s'y attendoient le
moins, vers le 18 juin 1794? le
barbare et stupide comité révolu-
tionnaire de Compiègne , vint
faire à la même heure, dans cha-
cune de leurs quatre habitations ,
une perquisition rigoureuse, et y
saisit, avec leurs papiers, divers
objets qui servoient à leurs saints
exercices. Le lendemain , elles
lurent toutes conduites en prison.
Le procès-verbal de ltfur empri-
sonnement les accusa « de tenir
des assemblées nocturnes ; d'être
en correspondance avec cette trop
fameuse sectaire Théos, qui se
faisoit appeler mère de Dieu » , et
dont nous avons parlé dans notre
premier tome , page 240 et sui-
vantes. On les accusoit encore
« d'avoir recelé les manteaux de la
couronne» . C'est ainsi qu'on appe-
loit des ornemens dont elles revê-
toient les figures des rois mages,
qui intervenoient dans les per-
sonnages de la représentation de
la crèche de Jésus-Christ, qu'elles
faisoient dans leur cloître , au
temps de Noël et de l'Epiphanie.
La municipalité de Compiègne ,
par un obligeant subterfuge , et
BRA
pour leur tranquillité , leur avoit
fait signer, à la fin de 1792,
sans qu'elles s'en doutassent, une
formule déguisée du serment de
liberté- égalité , exigé par un
décret du il\ août 1792. Lors-
qu'étant emprisonnées, elles ap-
prirent que, pour les délivrer,
on faisoit valoir en leur faveur
cette signature, comprenant alors
ce qu'elles avoient autrefois signé
sans le savoir, elles se scanda-
lisèrent de leur aveugle complai-
sance; et, désolées dépasser pour
avoir fait ce serment , elles réso-
lurent sur-le-champ d'en envoyer
une rétractation formelle aux
officiers municipaux. Des per-
sonnes mondainement compatis-
santes s'efforcèrent de les en dé-
tourner, leur représentant que si
les municipaux acceptaient cette
rétractation , ils ne pourroient
s'abstenir de la rendre notoire ,
et qu'elles seroient , par cela
même, livrées à la mort. « Notre
conscience , répondirent - elles «
est au-dessus de tout; et nous
préférons mourir, plutôt que res-
ter coupables d'un tel serment » :
il en fallut recevoir le désaveu
solennel. Dans leur prison , elles
s'estimoient heureuses d'avoir pu
reprendre en commun les exer-
cices de leur règle, que pré-
cédemment elles ne pouvoient
faire que par compagnies séparées.
Toutes, ayant alors à leur tête la
supérieure, Thérèse de Saint-'
Augustin ( V. Lidoine ) , va-
BRA
quoient ensemble à l'exercice
de l'oraison mentale, chantoient
leurs matines, disoient aux heures
prescrites les autres parties de
leur office , et récitoient leurs
prières accoutumées. C'étoit avec
délices qu'elles se rappeloient
cette révélation qu'immédiate-
ment après la fondation de la
communauté de Compiègnc, au
milieu du dix-huitième siècle,
une religieuse avoit eue en songe.
Cette révélation faisoit qu'elles
envisageoient comme un jour de
fête celui où elles perdroientla vie
pour la cause du divin époux. La
fervente religieuse avoit vu , près
de cinquante ans auparavant , ses
sœurs de Compiègne monter au
ciel, tenant en main la palme du
martyre ; et sa vision étoit consi-
gnée dans les procès-verbaux de la
fondation, conservés encore main-
tenant chez les Carmélites qui vi-
vent en communauté à Versailles.
Nous ne trouvons pas , dans les
Actes des anciens Martyrs, une pro-
phétie aussi positive, faite aussi
long-temps d'avance, et surtout
qui ait été si ponctuellement ac-
complie. Les visions qu'ils eurent
: ne leur furent accordées que lors-
i qu'ils étoient déjà dans les tour-
mens, et pour les y soutenir, telles
que celles de saint Flavicn , de saint
! Pionius, et même de sainte Perpé-
i tue, dont saint Augustin par-
loit avec tant de respect , les
a tenant pour vraiment divines. Il
I n'y a pas de raison qui empêchu
BRA 3or>
d'appliquer à la vision de l'une
des fondatrices de la maison de
nos religieuses ce qu'il disoit des
visions de sainte Perpétue : « En
entendant lire les exhortations
qu'elles renferment, et que la lu-
mière céleste rend si frappantes
d'une clarté divine, nous les ho-
norons d'un culte religieux » :
Exhortatione earum, in di-
vinis relata revelationibus ,
triumphos passionum mente
spectavimus, rciigione hono-
ravimus (Serm. Ier, In nataU
SS. Perpétuai et Felicitatis).
Nos Carmélites avoient aussi dans
la révélation qui les concernoit ,
un présage de leurs propres
triomphes au milieu des sup-
plices. Cette pensée soutenoit
leur courage et enflammoit leurs
espérances. Elles étoient dans
la même disposition d'àme que
le saint Martyr Schiaduste de
Séleucie, après qu'il eut vu en
songe un magnifique escalier qui
alloit de la terre au ciel, et au
sommet duquel étoit plein de gloire
son saint évêque Siméon de Bar-
Saboë , lui disant : « Courage.,
montez donc sans rien craindre :
c'est votre tour d'arriver où je
suis » : M acte, Schiadustes ,
agedum hue conscendito... Tu
hodic hune in locum es subi-
turus. ( Asseman , pars I" , p. 88 :
Martyrium S. Schîadustis et
sociorum. ) Après deux semaines
de séjour dans les prisons de Com-
piègne, et vers la fin de juin,
5o4 BRA
nos religieuses en furent enle-
vées pour être jugées par le
tribunal révolutionnaire de Pa-
ris. On les fit monter sur des
charrettes en les y liant comme
des malfaiteurs : ce qui révolta les
habitans de Compiègne. Ceux
même d'entre eux qui étoicnl des
plus ardens révolutionnaires, ne
pouvoient s'empêcher de dire , en
les voyant aller si évidemment à
la mort : « C'est dommage de faire
mourir des femmes comme celles-
là » . Déjà les chars sont en marche.
Elles n'ont pour auberges , sur la
roule , que des prisons encombrées
de détenus. A Paris, il n'y a de
place pour elles que dans celle de
la Conciergerie , où elles vont
se trouver de suite sous la main
du tribunal rèvolutiomuiire.
Dans le peu de temps qui s'écoula
avant qu'elles y fussent appelées,
elles continuèrent les exercices de
leur règle ainsi que dans la prison
de Compiègne. Enfin elles com-
parurent devant lui, le 17 juillet,
c'est-à-dire le lendemain de l'une
des grandes fêtesde leur ordre, celle
de Notre-Dame du Mont- Car-
iiul. Le président fit lire leur acte
d'accusation , dans lequel il étoit
dit, « i°. qu'elles avoient caché
dans leur monastère , des armes
pour les émigrés; 2°. qu'elles met-
toient au Saint-Sacrement , lors-
qu'elles le faisoient exposer les
jours de fête , un pavillon qui
avoit la forme d'un manteau royal ;
5°. qu'elles avoient des correspon-
BRA
dances avec les émigrés, et qu'elles
leur faisoient passer de l'argent»,
La supérieure répondit avec autant
de fermeté que de sagesse , au
nom de ses soeurs , à de si ridicules
inculpations. L'on trouvera ses
réponses à l'article Lidgine. Le
président, sans aucune réplique
sur aucun point, ordonna qu'on
lût à ces seize héroïnes de la Foi
leur arrêt de mort, qui sembloit
avoir été rédigé d'avance , et par
lequel elles étoient condamnées à
la peine capitale comme « con-
vaincues de s'être déclarées les
ennemies du peuple , et d'avoir
conspiré contre sa souveraineté,
en entretenant des intelligences
avec les ennemis de la république ;
en conspirant dans l'intérieur de
la France; en formant des conci-
liabules et rassemblemens contre-
révolutionnaires ; en conservant
des écrits liberticides (c'est-à-
dire religieux ou monarchiques) » .
Aucune de ces religieuses ne pa-
rut émue ni surprise à la lecture
de cette sentence ; et même on
remarquoit sur leur visage un air
de sérénité et de paix, qui mani-
fesloit de la manière la plus ravis-
sante l'innocence et la vertu de
ces victimes de l'impiété. Les
bourreaux les firent enfin monter
sur les charrettes destinées à
les transporter à la barrière du
Trône où elles dévoient périr {V.
ci-devant pag. 217, col. 2 ) ; et
elles se mirent à réciter ensemble
les prières des agonisans. Pendant
BRA
le trajet', elles chantèrent le Salve ,
Regina, et le TeDeum lauda-
inus. La foule immense qui sui-
vent le convoi, et les gens arrêtés
dans les rues pour le voir passer,
gardoient un morne silence , quoi-
que l'usage fût d'accompagner les
condamnés du même tribunal
avec des cris barbares et de bru-
tales insultes. On remarquoit, non
sans quelque charme , qu'elles
étoient toutes vêtues en blanc, et
que ce vêtement, analogue à leur
candeur, devenoit l'image sensible
de la pureté de leur âme. Quand
elles furent arrivées au pied de Pé-
chafaud , elles entonnèrent le
Veni, creator S piritus ; et les
bourreaux n'eurent pas le courage
de leur empêcher de l'achever,
tant leur vertu commandoit le
respect ! Elles répétèrent ensuite
toutes ensemble , à voix haute ,
leurs vœux de religion , tels que ,
lors de leur profession, elles les
avoient prononcés. Une d'elles
ajouta d'une voix pénétrante : «Je
serois trop heureuse, ô mon Dieu ,
si ce léger sacrifice que je fais de ma
vie, pouvoit apaiser votre colère,
et faire diminuer le nombre des
victimes »! Enfin, comme s'il ne
leur restoit plus rien à faire sur la
terre , elles s'avancèrent l'une
après l'autre vers l'instrument de
Inort, en passant devant leur su-
périeure , qui avoit demandé et
obtenu comme une grâce de n'être
immolée que la dernière, afin de
pouvoir soutenir le courage de
2.
BRA 3o5
toutes ses compagnes, et les pré-
senter elle - même au suprême
distributeur des couronnes. On
croyoit voir en elle ce saint Martyr
cénobite de Perse, le vénérable
Barsabias qui, en 43 1, « étant allé
avec dixde ses disciples au supplice,
en louant Dieu par des hymnes
et des psaumes , non seulement
les encourageoit à la mort, mais
encore , prenant chacun d'eux par
la main quand son tour de périr
étoit venu, le présentoit au bour-
reau qui devoit le délivrer de la
vie » . Ad supplicii iocum rapti,
inter circumf 'usampopuli mul-
titudinem, inter lictorum ma^
nus, hymnis et psalmis Dcum
jugiter coltauda'bant Suos-
que aiurnnos ( Barsabias) non
modo ad necem adeendebat ;
sed, ut quisque ad supplicium
destinabatur , ipsum manu
adprehensum camificibus ju-
gulandum tradebat (Asseman ,
Jeta Martyr, orient. , pars 1 ,
pag. g4). Ainsi périt le 17 juillet
1 794, Marie-Cathciine-Charlotte
Brard, recevant, avec ses quinze
compagnes, la palme du martyre,
à l'âge de 58 ans {V. Brideac,
Crétien, Croisy, Dufour, Ha-
NISSET, LlDOINE , MeUXIER , PlÉ-
decourt, Pellerat, Roussee , L.
SOIROTÎ, Th. Soiron, Thourat,
Treselle et Vezotat). Si des trois
religieuses de la même commu-
nauté de Compiègne qui , ne se
trouvant point avec leurs sœurs
quand celles-ci furent arrêtées.
20
5oG BUA
ont échappé à leur sort, savoir : la
Sœur Saint-Stanislas , la Sœur
Thérèse -de- Jésus , et la Sœur
de € Immaculée Conception, il
est encore quelqu'une de vivante,
elle attestera la vérité de ce que
nous avons dit et de ce que nous
dirons encore ailleurs de leurs
sœurs Martyres.
BRASCHI (Jean-Ange), Sou-
verain Pontife, (ff. Pie VI.)
BRASSAC (Alexandre Fermer
ne), prêtre du diocèse de Pamiers ,
docteur de Sorbonne, vicaire-
général , et officiai de ce diocèse,
avait été élu, à l'unanimité,
doyen du chapitre de Notre-Darne-
du-Camp. Il prouva, par son sa-
voir etsa conduite, qu'il étoitdigne
de toutes ces dignités. Un cœur
excellent, des mœurs douces, une
affabilité constante, le rendoient
cher à tous ceux qui avoient le
bonheur de le connoître. Au mi-
lieu des travaux auxquels ses dif-
férentes charges l'obligeoient, il
trouvoit chaque jour assez de
temps pour entendre les confes-
sions et visiter les malades. Il
animoit, par son exemple, les
autres chanoines de son église, à
remplir les mêmes fonctions; et
tous à l'envi, exerçant avec zèle
le saint ministère, rivalisoient
îe respectable doyen , sans pou-
voir néanmoins l'éclipser. Tant de
vertus lui attirèrent des persécu-
tions. Il fut emprisonné en 1793,
comme non - assermenté , avec
beaucoup d'autres prêtres restés
BRA
également fidèles à l'Eglise catho-
lique; et, dans sa captivité, non
seulement il les consoloit, mais
encore, malgré la vigilance de
ses gardes, il trouvoit le moyen
d'exercer son ministère à l'égard ,
non seulement des autres prison-
niers , mais encore des personnes
du dehors. Dans le courant de
1795, il recouvra sa liberté, et
revint dans sa famille, en une
paroisse où se trouvoit un intrus
qui lui suscita de violentes tracas-
series. Les menaces qui lui furent
faites, les désagrémens qu'il es-
suyoit ù chaque instant, et, plus
que tout cela , le chagrin que lui
causoit l'avilissement de la reli-
gion , comme encore les germes
mortels qu'il avoit rapportés de sa
captivité , lui occasionnèrent une
maladie des plus cruelles. Il en
endura les vives souffrances avec
toute la patience, tout le courage
d'un confesseur de la Foi ca-
tholique pour laquelle il désiroit
mourir. Son vœu fut exaucé. 11
quitta la terre comme un saint (pie
le Ciel réclame. Tout ce que nous
venons de dire est extrait d'une
lettre imprimée de M. Font, curé ,
constamment et invariablement
catholique, adressée de Pamiers,
le 1" mai 1804, à l'évêque cons-
titutionnel nouvellement placé
sur le siège de Toulouse , en vertu
du concordat de 180 1. Si l'on nous
demandoit de justifier l'inscrip-
tion du nom de Brassac parmi
ceux de nos Martyrs, nous ren-
BRA
verrions aux pages 58 et 5g de
notre Discours préliminaire.
BRAVARD (N...), prêtre de la
congrégation de Saint - Sulpice,
né dans l'Auvergne, en 1714 5 et
l'un des directeurs du séminaire
de Saint- Charles, à Avignon,
avoit fui de cette ville, lors des
troubles qui y eurent lieu, en
1791 [V. Avignon); et il s'étoit
réfugié près du curé de la paroisse
de Naves, dans le diocèse d'Usez,
non loin de la petite ville appelée
Les Vans. Comme cette contrée ,
dont les habitans étoient en géné-
ral de bons et pieux catholiques ,
offroit plus de tranquillité que
beaucoup d'autres aux prêtres
persécutés alors pour leur refus
du serment schismatique , il en
vint plusieurs, tant d'Uzez et de
Nismes que d'Avignon, chercher
un refuge dans le canton de Naves.
Là, paisibles et résignés, ils rem-
plissoient avec édification les de-
voirs de leur état , et s'attiroient les
bénédictions comme la vénération
des habitans, lorsque, dans l'été
de 1792, quelques royalistes ar-
dens formèrent, en faveur de la
monarchie, cette tentative que
l'histoire de la révolution nomme
« le complot du camp de Jatès» .
Ce fut un prétexte suffisant aux
impies de se déchaîner contre les
prêtres non-assermentés, en les
supposant impliqués dans ce coin-
flot (Z7 '. Pradojn). Informés qu'il
y en avoit plusieurs réfugiés dans
la paroisse de Naves, ils y cou-
BRA 007
rurent pour s'emparer de leurs
personnes : à l'heure où ils arri-
vèrent, le lundi 9 juillet, ces prê-
tres étoient occupés , dans l'église,
à célébrer les saints mystères. Ne
les trouvant pas dans les maisons
qu'on leur avoit indiquées ; et, ap-
prenant où ils étoknt, ils viennent
assiéger l'église et le presbytère.
Le curé du lieu , vieillard de 80 ans,
est d'abord arrêté; mais un des
oITiciers de la troupe parvient à le
faire évader. Tous les autres, au
nombre de huit, tombent bientôt
entre les mains des furieux. Pen-
dant six jours, ils restent enfermés
dans la maison - commune de
Naves. Le procureur - général-
syndic du département de X Ar~
dèche y survient pour informer
contre eux. Ne trouvant aucune
charge, il repart, mais eu disant :
« Il faut des victimes ; le peuple est
juste, même dans ses fureurs» :
et les prêtres captifs sont tbnduits
aux Vans. Dans la roule , on les
accable de mauvais traitemens çt
d'injures. Ils sont déposés dans la
prison de cette ville, où ils restent
dépourvus des choses les plus né-
cessaires à leur subsistance. Le jour
de leur sacrifice est prochain :
c'étoit le fameux i/j juillet que les
assassins avoient choisi, comme
étant l'anniversaire de la première
des grandescrises de la révolution.
Vers une heure de l'après-midi de
ce jour, Bravard , apercevant de la
prison ces furieux qui aiguisoient
leurs sabres sur une fenêtre, ét
20.
1
3o8 BRA
crioient : « La tête des calolinn va
tomber», avertit ses confrères Je
la proximité de leur mort. Us
reçoivent sans trouble cette ter-
rible annonce, à laquelle ils étoient
préparés, se confessent les uns aux
autres, et attendent avec courage
leur dernière heure. Bientôt les
portes de la prison sont forcées ;
on les traîne trois à trois à la
municipalité. Bravard est, avec
Clémenceau et Lejeune, dans le
premier groupe ; on leur y dit
d'opter entre la prestation du ser-
ment schismatique et la mort.
Bravard répond, au nom de tous :
« que la crainte de la mort ne leur
fera point trahir leur conscience ;
qu'ils seront toujours fidèles à leur
Dieu, à leur religion, à leur roi et
à leur patrie ; que, par rapport à
ces deux derniers objets, ils fe-
ront, tant qu'on voudra, le ser-
ment de fidélité; mais que jamais
ils n'en prêteront d'autre » . A
l'instant les assassins fondent sur
eux, et les traînent sur la place
publique , appelée la Grave.
Bravard n'avoit pas cessé de tenir
son bréviaire ; et il le récitoit en-
core en allant à la mort. Les impies
se donnent le barbare plaisir de
le lui faire tomber des mains; et
il le ramasse paisiblement , leur
disant avec douceur : « Laissez-
moi m'exhorter moi - même ù
mourir, puisque je n'ai personne
qui m'y exhorte ». Avant d'immo-
ler ces prêtres , les scélérats , se
tenant par la main , dansèrent en
BRA
rond autour d'eux; ensuite , com-
mençant par Bravard, ils le frap-
pèrent à coups de sabres, évitant
en quelque sorte de le faire mou-
rir de suite; et il leur disoit, avec
un céleste contentement : «Faites-
moi bien souffrir » . Déconcertés
partant de patience, ils lui an-
noncent enfin qu'ils vont lui porter
le coup de la mort. « Quand vous
voudrez», répond-il avec résigna-
tion. Les huit autres prêtres furent
ensuite tués de même à coups de
sabres ( V. Bonijols , Clemenceau,
Drome, Faure, Lejeune, Monta-
gnon, Nadal, et Novy). Les dif-
férentes relations que nous avons
eues sur leur mort , s'accordent
à dire que tous montrèrent une
fermeté héroïque, une généreuse
résignation, et même une sainte
joie, dans le supplice qu'on leur
fit subir ; mais elles remarquent
que Bravard étonna davantage les
assistans, sous ces admirables
rapports, et qu'un des assassins,
qui étoit calviniste, ne put s'em-
pêcher d'avouer qu'il avoit re-
connu dans ce vieillard quelque
chose d'extraordinaire et de sur-
naturel. Il avoit environ 79 ans
quand il périt; et les écrivains
révolutionnaires, sans être em-
barrassés par les invraisemblances,
n'en prétendirent pas moins, afin
de justifier ces massacres, « que
Bravard et les huit autres prêtres
étoient du nombre des conspira-
teurs du camp de J ails , et qu'on
ne les saisit à Naves, que parce
BRE
qu'on avoit trouvé des cartouches
chez eux, et jusque dans le clocher
de cette paroisse » ( Histoire des
Crimes de ia Révolution, p. 56
du tom. IV). L'administration du
département de YArdèche, ani-
mée du même esprit que ces
écrivains , ne fut pas plus vé-
ridique dans le rapport qu'elle
envoya à l'Assemblée Nationale-
Législative , sur cette affaire. Ce
rapport afïirmoit calomnieuse-
ment que « les prêtres retirés à
Navesemployoient tous les moyens
possibles pour détourner les ci-
toyens de s'attacher à la constitu-
tion décrétée et sanctionnée en
1791 ». Mais les prétextes politi-
ques dont s'étoient servis les enne-
mis de Jésus-Christ, pour mettre
à mort les chrétiens, dans les pre-
miers siècles de l'Eglise, n'em-
pêchèrent jamais qu'elle ne plaçât
les noms de ces confesseurs de la
Foi parmi ceux des Martyrs. (V .
Bastide, et Bonijol. )
BREHEREC ( Pierre - Fran-
çois), curé clans le diocèse d'An-
gers, s'étoit retiré en Angleterre ,
lorsque la loi de déportation l'eut
banni de France , comme prêtre
insermenté. Il soupiroit après le
moment où il pourroit revenir,
pour les besoins de l'Eglise, et fut
des premiers à s'offrir au généreux
évêque de Dol, pour raccompa-
gner dans un semblable dessein
( V. U. R. Hercé, Vendée, et
Vannes ). Débarqué avec lui et
plusieurs confrères' à Quiberon ,
BRE 309
en juillet 1 795, il vit douloureuse-
ment échouer les vœux de son
zèle ; mais il trouva leur glorieuse
récompense dans le martyre, qu'il
subit le 3o du même mois, avec
ce vénérable prélat. ( V . N. Bou-
lard, et F. D. Castin.)
BREISSE (Claude), curé dans
le diocèse de Mende, n'avoit point
fait le serment de 1791 , et n'éloit
pas sorti de France à la (in de 1 792.
II vivoit caché à Grailouse, près
Langogne, d'où il alloit rendre des
services spirituels aux catholiques
de la province. Il fut découvert
par les agens de la persécution ,
au commencement de 1 794; et ils
le menèrent dans les prisons de la
ville de Privas, où siégeoit le tri-
bunal criminel du département
de YArdèche. Traduit devant lui ,
le 27 messidor an II (i5 juillet
1794), le curé Breisse fut con-
damné , comme « prêtre réfrac-
taire », à la peine de mort ; et la
sentence s'exécuta le lendemain.
BRELUCQUF (Jean-Baptiste),
curé dans le diocèse de Besanç.on,
n'avoit pas fait le serment de la
constitution civile du clergé,
et ne s'étoit point soumis à la bar-
bare loi de la déportation. De
Changey, près de Gray et Cham-
plitte, où il vivoit caché, il alloit
rendre son ministère utile aux
catholiques du canton. On le dé-
couvrit, et on l'arrêta. Le tribu-
nal criminel du département de la
Haute-Saône, auquel il fut livré,
et qui siégeoit à Vesoul, le con-
3io BRÉ
damna, comme « prêtre réfrac-
taire», à la peine de mort, le
16 mai 1 79J ; et la sentence fut
exécutée le lendemain. ( V . Cor-
nibert. )
BRÉMONT (Antoine) , né à La
Valette, au diocèse de Tulles, vers
1 ?4° » étoit , à l'époque de la révo-
lution, curé de Surey, dans le dio-
cèse de Bourges. 11 ne fit aucun
des sermens anti-religieux pres-
crits en 1791 et 1792. Quoiqu'il
ne sorlît point de France ensuite,
il obtint grâce des agens de la per-
sécution en 1793 et 1794? à rai-
son d'une grave incommodité qui
excusoit sa permanence en la ville
de Bourges où il résidoit. C 'étoit
au genou une loupe monstrueuse
qui l'empèchoit de marcher facile-
ment. Ayant traversé avec ce dou-
loureux sauf-conduitles tempsde la
persécution qu'on regarde comme
les plus affreux , il se croyoit tout-
à-fait en sûreté pendant les années
1795, 1 796 et 1797, où le gouverne-
ment, toujours entre les mains des
tyrans de la même faction athéiste ,
sembloit adopter un système de to-
lérance pour rendre plus croyable
l'imputation qu'elle faisoit de ses
propres forfaits à Roberspierre,
après l'avoir abattu. Ces tyrans
revinrent à leurs procédés persé-
cuteurs au 18 fructidor (4 sep-
tembre 1797) : une loi cruelle de
déportation a la Guiane futrendue
le lendemain ( V. Guiane) ; et les
agens des chefs de la persécution
vinreut arrêter le curé Brémont
BRÉ
qui, dans l'intervalle, avoit exercé
son ministère pastoral avec tout le
zèle que son infirmité lui permet-
toit de déployer. Ils le firent trans-
porter à Rochefort, où il fut em-
barqué sur la frégate la Charente,
le 12 mars 1798, et ensuite le 25
avril, sur la frégate ia Décade,
qui devoit le jeter sur les côtes de.
Cayenne. Pendant cette doulou-
reuse traversée, qui dura près de
trois mois, la loupe du curé Bré-
mont devint grosse comme sa tête.
Un des déportés lui ayant demandé
pourquoi il ne s'étoit pas fait ex-
tirper cette excroissance en France,
où il auroit trouvé des opérateurs
plus habiles qu'il ne pouvoit y en
avoir à Cayenne, ce curé répon-
dit assez gaiement: «Je n'avois
garde de songer à me faire délivrer
de cette loupe ; elle m 'avoit sauvé
la vie en 179D et 1794: on eut
alors pitié de moi ; et comme en-
suite j'avois lieu de croire que les
prêtres seroient encore persécu-
tés, je conservai ma loupe comme
un préservatif; mais on est au-
jourd'hui plus cruel envers nous
qu'on ne l'étoit à cette époque ;
car vous voyez que ma loupe ne
m'a pas garanti de la déportation » :
il eût pu dire de la mort à Cayenne.
Il y débarquoit vers le milieu de
juin ; et on le déposa dans l'hospice
de cette ville. La loupe lui fut ex-
tirpée assez heureusement; et,
après quelque temps il parut guéri.
Il obtint d'être placé chez un colon
nommé Poulain, père, qui avoit
BRE
son habitation aux cataractes de la
rivière d'Oyapok. Industrieux et
spirituel, le curé Brémont Irouvoit
d'ailleurs, dans sa piété et sa rési-
gnation , autant de moyens qu'on
pouvoit en avoir pour supporter
les peines d'un aussi barbare exil.
Cependant les fléaux du climat le
minoient sourdement; et le cha-
grin, fruit d'une décomposition
interne plus que des causes mo-
rales auxquelles la religion appor-
toit un remède efficace, le détrui-
soit chaque jour de plus en plus :
il mourut en novembre 1 798 , âgé
de 52 ans. Les compîignons de sa
déportation nous ont particulière-
ment attesté que «Brémont, plein
de douceur et de bonté, supporta
ses maux arec une patience angé-
lique ; et que toute sa conduite
étoit celle d'un saint » . [V. J. F.
Bourgeois, et P. Brétault.)
BBET (François), libraire à
Lyon, et né à Grenoble en 1745,
fut condamné, comme fanatique,
c'est-à-dire comme homme reli-
gieux , par la commission révo-
lutionnaire de Lyon [V. Lyon),
le 23 frimaire an II ( i3 décembre
1 ng5 ). On peut juger du zèle de
ce pieux laïc pour la Foi, par la
lettre que la veille de sa mort il
écrivit à sa femme. Dans cette
lettre touchante, oiï il lui faisoit
ses derniers adieux, ne se bornant
point à la consoler de sa perte par
l'espérance de se retrouver en-
semble dans le sein de la Divinité ,
illuiordonnoit «de faire, parmi les
BRE 5 1 1
livres de son magasin, une revue
sévère pour en retirer ceux qui
pouvoient y rester encore contre
la religion ou les bonnes mœurs, et
de les brûler». Sa femme, obéis-
sant de grand cœur à d'aussi saintes
volontés, en livraauxflammespour
la valeur de dix mille francs ; et
François Bret mourut avec la paix
d'un généreux chrétien, satisfait
de sacrifier tout , et jusqu'à sa vie,
pour la cause de la religion.
BRÉTAULT (Pierre), curé de
la Pouère, dans le diocèse d'An-
gers, et né à Alençon en 1742,
ne fit aucun des coupables sermens
de la révolution , et parvint à se
soustraire aux terribles persécu-
tions de 1795 et 1794» Dans les
trois années qui suivirent , croyant
que l'Eglise avoit recouvré un peu
de véritable paix, il donna plus
d'essor à son ministère. C'étoit un
pasteur digne des premiers siècles
de l'Eglise; et son zèle comme ses
vertus, notamment sa charité, ne
l'abandonnèrent jamais, pas même
quand les exécuteurs de la cruelle
loi du 19 fructidor an V (5 sep-
tembre 1797)5 se furent emparés
de sa personne , à la fin de cette
année, pour le faire déporter à la
Guiane ( V. Guiane). Il fut con-
duit à Rochefort, où le 12 mars
1798, on l'embarqua sur la fré-
gate la Charente,; et le 25 avril
il passa sur la frégate la Décade.
qui le déposa dans le port de
Cayenne au milieu de juinsuivanl.
De là, il fut aussitôt relégué dans
3i2 BRE
le désert de Konanama, où , étant
bientôt atteint d'une maladie pu-
tride , il fut transporté à la cabane
qu'on appeloit hôpital. Comme
on savoit qu'il ne lui restoit pour
toute fortune que 3 fr. , aucun des
infirmiers ne faisoit attention à
lui; et depuis trois jours il étoit
dévoré d'une fièvre brûlante : la
voix lui manquoit ; et il faisoit signe
de la main à tous ceux qui pas-
soient, de venir étancher sa soif.
Un militaire, sensible à ce geste
dont il comprend la signification,
va partout chercher de l'eau; et il
n'en trouve que de très-malpropre
chez le garde-magasin , dans un
grand bassin où l'on avoil lavé de la
vaisselle. Ce bassin est apporté au
moribondqui le saisit àdeux mains,
boit deux ou trois gorgées, et s'é-
crie : «Ah ! mon Dieu, que cela
me soulage ! vous me faites re-
vivre » . Il reprend le vase , aspire
avidement ce qui y reste; et, se
sentant étouffer par cette eau :
«Au moins, dit-il, j'ai encore
vécu... mais... Ah ! mon Dieu ».
Il retombe dans son hamac , et
expire , à l'âge de 56 ans, le 4 no-
vembre 1798. ( V. A. Brémont, et
F. J. Broly.)
BRETEUIL (Anne -François-
Victor Le Tonnelier de) , évêque
de Monlauban depuis 1763, après
avoir été successivement vicaire-
général de Soissons et de Narbonne,
étoit né à Paris, en 1726. Suivant
ce qu'il a confessé lui-même pu-
bliquement dans ses derniers jours,
BRE
la conduite de ce pasteur du premier
ordre n'auroit pas été absolu-
ment irréprochable; mais c'est la
Foi que Dieu considère dans
ceux qui meurent pour elle. Les
aumônes prodigieuses que l'évê-
que de Montauban avoit faites ,
pendant tout le cours de son épis—
copat, pouvoient elles seules lui
avoir mérité la grâce de la conduite
héroïquement évangélique par la-
quelle il se distingua dans la révo-
lution. Il fut d'abord le seul député
ecclésiastique des pays etjugeries
de Rivierres-Verdun, Gaure, Léo-
nac et Marestaing, en bas Arma-
gnac, aux Etats-Générauxde 1789 ;
et lorsque ces Etats, après s'être
transformés en Assemblée Natio-
nale , portèrent de si graves at-
teintes à la religion , ce prélat, s'af-
fermissant de plus en plus dans
l'amour de ses devoirs, mérita l'a-
nimadversion des impies réforma-
teurs. Le serment de la constitu-
tion civile du clergé fut refusé
par lui avec beaucoup de fermeté
dans la mémorable séance du 4
janvier 1791. H signa aussi la cé-
lèbre Exposition des principes,
etc. ; et son zèle pour la cause de
l'Eglise alla toujours en s'augmen-
tant. Quand l'Assemblée Consti-
tuante fut dissoute, le prélat se
relira en Normandie; et, déjà âgé
de 66 ans lorsque fut rendu le dé-
cret de déportation , il ne sortit
pas de France, espérant se sous-
traire par une retraite sévère à la
peine de réclusion que cette loi
BRE
portoit contre les sexagénaires dis-
pensés de s'exiler. Les temps de-
venant de plus en plus fâcheux ,
en 1795 et 1 79^ , le prélat ne pou-
voit plus espérer de trouver un
asile que chez des personnes obs-
cures et de la plus courageuse
charité. Cet asile lui fut offert par
deux pieuses dames de Rouen,
Edon Duteurtre et Rose Solo, qui
vivoient ensemble, et à la bonne
œuvre desquelles s'associa un sim-
ple garde - forêts , nommé Remi
Hervieux. 3Iais la persécution fut
si active , que ses agens parvinrent
à découvrir le refuge de l'évêque
de Moutauban. On l'arrêta avec les
trois autres personnes, le 4 juillet
1794; et il fut d'abord jeté avec
elles, ce jour-là même, dans la
maison des Frères des Ecoles
chrétiennes de Saint-Yon, trans-
formée en prison. L'accusateur
public du tribunal criminel du dé-
partement de la Seine-Inférieure
siégeant à Rouen , s'applaudissant
d'avoir à provoquer la condam-
nation de ces quatre honorables
victimes, se hûta de les faire ame-
ner dans la prison de ce tribu-
nal, qui étoit celle de l'ancien par-
lement. Le mandat qu'il donna en
cette occasion, et qui fut transcrit
en entier sur le registre d'écrou,
dont nous avons un extrait léga-
lisé , est ainsi conçu : « Olivier
Leclerc, accusateur public près le
tribunal de Rouen, mande et or-
donne à tous exécuteurs de man-
demens de justice, de conduire à
BRE 3i3
la maison du tribunal criminel de
Rouen, François Tonnelier, ci-
devant évêque de Montauban , les
nommées Edon Duteurtre, Rose
Solo, commensale de la dame Du-
teurtre, et Remi Hervieux, garde
de forêts nationales, prévenus,
savoir : le ci -devant évêque de
Montauban , d'être resté sur le ter-
ritoire de la République contre la
disposition des lois; (d'être prêtre
réfractaire ) ; et la dame Duteurtre,
Rose Solo et Remi Hervieux ,
d'avoir caché et recélé le ci-devant
évêque. Fait à Rouen , le 26 mes-
sidor an II (23 juillet 1794) :
Signé Leclerc». Les quatre- cap-
tifs de J.-C. furent amenés et
écroués le lendemain, à la maison
d'arrêt du tribunal, par un huis-
sier nommé Gommé. Dans le ca-
chot où l'on jeta l'évêque, se trou-
voit un vénérable prêtre auquel,
prévoyant sa mort prochaine , il
demanda les sacremens de l'Eglise ,
et celui-ci les lui administra. Le
prélat en acquit une nouvelle force
pour supporter les horreurs de sa
situation. Là , étoient encore en-
tassées avec lui beaucoup d'autres
victimes : comme elles, il n'avoit
pour se coucher que de la paille
pourrie, et pour toute nourriture
que du pain noir et de l'eau. L'évé-
nement du neuf thermidor ( 27
juillet) étant bientôt survenu, et
la faction triomphatrice ayant , par
son air de modération , occasionné
la suspension des hécatompho-
nies, l'accusateur public n'eut pa*
."i i nr.K
le temps de faite immoler celte
victime épiscopale. Un agent na-
tional de la commune de Rouen,
voulant, conséqucmmentauxappa-
rences de justice qu'adichoit alors
la Convention , faire un recense-
ment des prisonniers, vint, le 14
août, à la maison d'arrêt du tri—
bunal. En y entrant, il prit deux
factionnaires de la garde .natio-
nale qui étoient à la porte ; et l'un
d'eux se trouvoit être un négo-
ciant de Rouen avec qui l'évêque
avoit eu des relations. Ce négo-
ciant ne put retenir une doulou-
reuse exclamation de surprise en
reconnaissant le prélat parmi ces
nombreux prisonniers dont la si-
tuation en général l'avoit d'abord
pénétré d'attendrissement. A ce
cri, le prélat succombant sous le
poids de ses maux, et presque sur
le point d'expirer, se ranime; et,
avec l'accent d'une âme un peu
soulagée par l'exclamation qu'il
vient d'entendre, il s'écrie : «Que
je suis heureux ! Avant que je
meure, le Ciel m'envoie du dehors
une âme compatissante!» Il re-
connoît celui qui lui parle ; et pour
lui répondre, il se soulève sur sa
paille vermoulue, laissant voir à
travers des vêtemens qui tom-
bent en lambeaux , son corps dé-
charné et couvert d'ulcères. Le
négociant ne peut s'empêcher d'en-
gager avec lui une conversation
sur son sort. L'agent national veut
leur imposer silence ; mais les
cœurs étoient trop émus pour s'ar-
rêter. Le négociant, voyant que,
dans un si misérable état, l'évêque
manque de tout, lui annonce avec
empressement qu'il va lui envoyer
des secours. «Ah! reprend l'évê-
que expirant, quoique je sois privé
du nécessaire, je n'ai besoin de
rien ; Dieu m'a fait la grâce de
bien connoître la vanité des choses
de ce monde ; et je regarde comme
un effet de la bonté divine, la force
que j'ai de souffrir patiemment les
humiliations et les maux dont je
suis accablé. Je mourrois content
si , par ce moyen , je pouvois ex-
pier les fautes que j'ai commises
dans l'exercice de mon ministère,
et si je réparois le scandale que
j'ai donné. Je ne cesse d'implorer
la miséricorde divine, dans la ferme
espérance de trouver en elle de
puissans motifs pour apaiser sa
justice. Je la prie également pour
mes ennemis, afin que le Seigneur
daigne les convertir, et leur faire
la grâce de mourir dans le sein
d'une religion aussiconsolante que
celle dans les bras de laquelle j'ai
le bonheur de mourir». Le négo-
ciant vivement ému par ce dis-
cours, et suffoqué d'autre part par
la mauvaise odeur du cachot, se
trouva mal : on fut obligé de le
transporter au grand air; et, deux
heures après, le vénérable évêque
expira , âgé de 68 ans. En marge
de son écrou est écrit : « François
Tonnelier, mort le 27 thermidor
an II de la République française
(14 août 1 794) » • La sainteté de sa
BRE
mort laissa ses compagnons d'in-
forlune et le géolier même péné-
trés de respect et d'admiration. N u 1
doute, d'après le témoignage de
saint Cyprien , que ce prélat ne
doive être mis au rang de nos Mar-
tyrs, à côté des six autres Evêques
de l'Eglise gallicane qui, pendant
la même persécution, lurent im-
molés pour ta cause de la Foi ( V .
Castellane, Dulau, IIercé, Ro-
chefoucauld-Bayers , Rochefou-
cauld, et Sandricourt). Les cha-
ritables Duteurtre et Solo , avec
Hervieux , lurent mises en liberté ,
par un jugement du 25 vendé-
miaire an III ()6 octobre 1 794)-
BRETON (Pierre -Nicolas),
prêtre , religieux de l'ordre des Ca-
pucins, en leur maison de Rouen,
et né dans cette ville en 1756,
continua d'habiter lu Normandie,
après la suppression des ordres mo-
nastiques. Bon prêtre, excellent
religieux, suivant que nous l'at-
testent quelques uns de ses con-
frères, et, entre autres, le père
Chalembert, desservant actuel de
la cure de Vaucresson, près Ver-
sailles , il n'adhéra en aucune
manière au schisme constitution-
nel, et crut que , n'ayant point été
fonctionnaire public, il pourroit,
sans même prêter le serment de
liberté- égalité prescrit en août
1792, se dispenser avec sûreté de
sortir de France. Sa bonne foi l'in-
duisit en erreur. Il fut arrêté en
1795, pour cela seul qu'il étoit
prêtre , attaché à son état et à la
BRE 5*5
Foi catholique. Les autorités qui
régissoieut le département de la
Seine-Inférieure, condamnèrent
le P. Breton à être déporté à la
Guiane. On l'envoya, pour cet ef-
fet, avec beaucoup d'autres, àRo
chefort, pour y être embarqué. 11
le fut sur le navire les Deux As
sociés ( V . Rochefort) ; et, après
bien des souffrances inouïes, il
expira le 27 août 1794» à l'âge de
58 ans. Ses confrères l'inhumè-
rent dans l'île Madame. {V. P.
Brandel et... J. F. Breuil.)
BREUIL (Jean-François de la
Morei.ie du), prêtre et chanoine
de la collégiale de Saint-Yrieix de
la Perche , dans le diocèse de Li-
moges, né dans la ville même de
Saint-Yrieix, très -proche parent
de l'ex-Cluniste du même nom
[V . Biards) , et neveu du doyen du
même chapitre ( V. Puvredon),
repoussa comme une énorme at-
teinte à la doctrine et à l'unité de
l'Eglise catholique, la constitu-
tion civiledu clergé. Mais, étant
d'une santé foible et même souf-
frante , il ne put se décider à sor-
tir de France, lors de la loi d'ex-
pulsion rendue le 2G août 1 792, et
crut se procurer le droit d'y rester
en prêtant le serment de liberté-
égalité, prescrit a cette époque par
des législateurs qui avoient déjà
donné tant de preuves d'une im-
piété sanguinaire. Le chanoine
Du Breuil ne tarda pas à s'en re-
pentir ; il rétracta bientôt ce ser-
ment avec une notoriété qui irrita
3iG r.r.E
îes agens des principaux persécu-
teurs dans le département de la
Haute- Vienne où se trouvoit
Saint- Yrieix , lieu de son domi-
cile. Quoiqu'il fût valétudinaire,
ils le firent arrêter, et se conten-
tèrent d'abord , à raison de son
état d'infirmité, de le mettre sim-
plement en réclusion à Limoges.
Mais bientôt ils voulurent se dé-
barrasser de lui ; et ils l'envoyèrent
à Rochefort pour y être compris
dans la déportation maritime des
prêtres non-asserinentés (T. Ro-
chefort). Du Breiiil fut embarqué
sur le navire {es Deux Associés;
et les tortures qu'il y éprouva sur-
passèrent en lui les forces de la
nature. Il succomba le 3i juillet
1794, à l'âge de 4' ans. La notice
annexée à la relation de M. Gré-
goire de la Biche, porte que cet
ecclésiastique mourut « dans les
sentimens d'une parfaite résigna-
tion chrétienne » . Ses confrères
l'enterrèrent dans l'île d'Aix.
{V. P. N. Breton, et P. Brie.)
BREUIL (Jean) , prêtre du
diocèse deClermont en Auvergne ,
et vicaire d'Alègre , près le Puy,
y étoit resté , sans sortir de France ,
malgré la loi de déportation , quoi-
qu'elle l'y obligeât comme prêtre
insermenté. Il fut bientôt saisi par
les agens de la persécution , et
traduit le 1" nivose an II (21 dé-
cembre 1793), devant le tribunal
criminel du département de la
Haute-Loire , siégeant au Puy.
Les juges le condamnèrent ce jour-
BRE
là même à la peine de mort comme
« prêtre réfractaire ». La sentence
s'exécuta le lendemain. [V . J. B.
Abeillon. )
BRELVABT (IV... )> prêtre,
vicaire de la paroisse de Saint-Jac-
ques, en la ville de Valenciennes,
né à Arras,en 1760, a voit la Foi
trop pure et trop vive pour faire
le serment exigé par les novateurs
de 1791. En butte dès lors à la
persécution , il se vit obligé de sor-
tir de France, lors de la loi de dé-
portation rendue le 26 août 1792.
Son zèle le ramena à Valenciennes,
quand les Autrichiens eurent sous-
trait cette ville aux fureurs im-
pies de la Convention le 1" août
1793 [V. Valenciennes). Lors-
qu'ils furent forcés de l'évacuer le
1" septembre 1791? le vicaire
Breuvart, tropconfiantdansle lan-
gage hypocrite de modération et
d'humanité dont relentissoit la
Convention , n'évita point assez
les perquisitions des proconsuls.
Ils le firent arrêter, et le livrèrent
à une commission militaire. Elle
étoit chargée de condamner les
prêtres et les religieuses, sous le
prétexte de leur simple passage à
Mons. Breuvart, traduit devant
les juges avec cinq autres ministres
du Seigneur {V. Lecerf, Hanne-
QUANT, BrISSON, PREUXet RlCKER),
le 6 brumaire an III (27 octobre
1794)? trois mois et deux jours
après la chute de Roberspierre ,
vit , comme eux , que son sort
alloit dépendre de l'aveu de sa
BRI
sortie de France. Il n'en rendit pas
niuins témoignage à la vérité; et
aussitôt il fut condamné avec les
autres à la peine de mort , comme
«émigré-rentré» {V . Auchin). Le
lendemain , il marcha au supplice
de même que ces cinq confrères,
en bénissant Dieu de ce qu'il l'a-
voit trouvé digne de mourir pour
sa sainte loi. {V. H. Bourla, et
Brisson.)
BRIANÇON (iV...), est l'un des
prêtres que le conventionnel Car-
rier, proconsul à Nantes, fit périr
dans sa première noyade, au com-
mencement de novembre 1790, ou
dans la seconde , le g décembre
(F. Nantes). Tous, ou presque
tous, étoient des vieillards qui ne
se trouvoient condamnés qu'à la
réclusion par la loi du 26 août
1792, et qu'on avoit l'air de vou-
loir déporter sur les côtes d'Afri-
que. Beaucoup étoient venus des
départemens voisins de Nantes , et
surtout de ceux de la Vendée. Nous
n'avons pu découvrir le nom de
tous, à raison de la précipitation
de ces exécutions, et du soin que
les proconsuls ont eu de détruire
la trace écrite de ces forfaits. Brian-
çon, Garnier, Lacombe, Leroy,
et quelques autres dont nous par-
lerons, ne nous sont connus que
par les déclarations des témoins
qui ont déposé contre Carrier dans
son procès, en décembre 1 794*
Nous y voyons que Briançon et
Lacombe, après avoir été submer-
gés, purent, malgré leur grand
BRI 317
âge, aborder une frégate dont
le capitaine, nommé Laflorie, les
recueillit ; que ce généreux capi-
taine les fit cacher pour les sous-
traire à la rage des exécuteurs ;
que le comité révoiutiomiaire ,
l'ayant su , manda ce capitaine de-
vant lui, et qu'il le menaça de la
prison, s'il ne livroit ces véné-
rables prêtres. C'étoitle menacer
de la mort, puisque tous ceux qui
étoient emprisonnés alloient suc-
cessivement et sans exception au
supplice. Briançon et Lacombe lui
furent donc enlevés ; et, de l'aveu
même de deux des complices de
Carrier, ils furent précipités de
nouveau dans la Loire où ils pé-
rirent, comme ces deux jeunes
frères, Ulpien et Acdesius, que
l'Eglise honore comme Martyrs,
le 5 et le 8 avril. {V. Bertry,
Beurrier, de Durtal, et Charbon-
nier, d' A viré. )
BRIANT (N...), prêtre octo-
génaire du diocèse d'Angers, ne
pouvoit être condamné pour n'être
pas sorti de France, d'après la
barbare loi du 26 août 1792.
Celte loi même l'en avoit dis-
pensé , à raison de son âge ; mais
la présence d'un prêtre dont la vie
avoit été passée dans la pratique
des vertus sacerdotales, et dont
les cheveux blanchis honoroient
infiniment la religion, étoit insup-
porlable aux féroces athées de 1 793
et 1794 [V. Vendée, et Bâcher).
Livré à la commission militaire
d'Angers, le vieillard Briant fut
5i8 BRI
envoyé ù la mort, le 2 janvier
î^g^j. En marchant au supplice, il
recouvra la vigueur fie sa jeunesse,
parce qu'il pensoit qu'il alloit scel-
ler sa Foi de son sang; et il mou-
rut avec un courage extraordinaire,
que n'avoit point surpassé celui
des Martyrs de l'Eglise naissante.
Son nom ne se trouve point sur
les listes générales imprimées des
victimes de la révolution. Nous
n oyons en avoir donné la raison
à l'article de Bâcher; mais nous
ne l'avons pa's inscrit dans nos
diptyques, sans y être autorisé par
lés plus respectables témoignages.
(V. R. Bourjuge, et N. C. Ches-
NEAl. )
BRICHE (Clément), prêtre du
diocèse de Rouen, étoit resté à
Dieppe, sans obéir à la loi de
déportation , quoiqu'il fût prêtre
insermenté. On l'y arrêta, vers la
lin de 179^; et on le traîna dans
les prisons de la ville de Rouen ,
où siégeoit le tribunal criminel du
département de la Seine - Infé-
rieure. Ce tribunal prononça
contre lui la peine de mort, en
le qualifiant de « prêtre réfrac-
taire » . Cette sentence , en date du
2 floréal an II ( 21 avril 1794 )>
fut exécutée le lendemain.
BRICOGNE ( Louis - Joseph-
Samson ) , prêtre du diocèse de
Paris, qui demeuroit, en 1790, à
Marly, où il avoit été curé , même
depuis la constitution civile du
cferc/é , montra, dans l'exercice
de son ministère « un amour de la
BRI
religion qui ne pouvoit que lui
mériter, aux yeux de Dieu, la
grâce du repentir et de la récon-
ciliation. Sa faute devoit finir par
être entièrement lavée dans son
sang , suivant la pensée de saint
Jérôme , par rapport ù Pamphile
{V, Discoubs prélim., pag. 42)-
Arrêté par les ennemis de la Foi ,
il fut amené à Paris, et traduit, le
25 messidor an II (i5 juillet 1794)»
devant le tribunal révolution-
naire, avec sept autres prêtres
( V. Benaut, Boismaicre, Gran-
gean, Lambert, Rossignac, La-
croze, Suzanne). On le condamna,
comme eux, à la peine de mort,
pour avoir , disoit - on , « voulu
exciter la guerre civile , par le
fanatisme » , c'est-à-dire par la
prédication et la pratique de la
religion. II fut exécuté le même
jour, avec eux, à l'âge de 62 ans.
BR I DE A U ( Marie - Antoi-
nette), l'une des seize religieuses
Carmélites de Compiégne, immo-
lées ensemble à Paris, le 11 juillet
1794, avoit vu le jour à Befort,
le 6 décembre 1752. Elle étoit
entrée dans l'ordre des Carmélites,
comme postulante , à Compiégne,
le 4 mai 1770, y avoit pris l'habit
de l'ordre, le 1" septembre sui-
vant, et fait profession le 5 sep-
tembre 1771. Tout ce que nous
avons dit de la ferveur de ces reli-
gieuses, et de leur édifiante con-
duite, pendant la révolution, dans
les prisons et sur l'échafaud ( V .
Brard ) , est eonmiun à Marie-
BRI
Antoinette Brideau, connue dansée
cloître sous le nom à& sœur Saint-
Louis. Elle étoit sous-prieure à
cette époque, et secondoit admi-
rablement la digne prieure de
cette communauté [V . Lidoine).
Ce fut elle qui fournit le moyen
de procurer à toutes ces reli-
gieuses la légère réfection d'une
tasse de chocolat, lorsqu'étant
, descendues dans la prison, après
leur sentence, et se trouvant en-
core à jeun, leurs deux courageuses
supérieures craignoient qu'elles
n'éprouvassent quelque défail-
lance d'inanition, que les médians
auroient pu regarder comme un
affoiblissement de Foi, en voyant
arriver l'heure du supplice. La
Mère Saint- Louis, à qui il res-
toit une pelisse , la donna pour
faire les frais de cette réfection.
Elle étoit âgée de 42 ans ? quand
elle reput la couronne du martyre.
BRIDET (François), jeune
prêtre, vicaire dans une paroisse
rurale du diocèse de Lyon, s'étoit
retiré dans son pays natal, la ville
de Beaujeu, depuis que la persé-
cution, proscrivant toute appa-
rence de culte religieux, vouqit à
la mort, indistinctement, tous les
prêtres. Il avoit montré un zèle
très-ardent dans la paroisse où il
étoit vicaire, comme on 11- verra
tout à l'heure par les motifs rie
son jugement. Il fut donc arrêté
j en 1794? et amené dans les pri-
sons de Lyon. Le 16 germinal
an II ( 5 avril 1794)5 on le »l
BRI 519
comparoître devant la féroce com-
mission révolutionnaire de cette
ville (F. Lyon); et il y fut con-
damné à la mort, comme «con-
tre-révolutionnaire, et pour avoir
dit que, si on empêchoit son curé
d'exercer, il feroit sonner le toc-
sin » .
S'il avoit réellement fait cette
menace, nous nous serions abste-
nus de le compter parmi nos Mar-
tyrs, parce qu'elle lui auroit
donné quelque fâcheuse ressem-
blance avec ces chrétiens violens
que le concile d'Elvire ne vouloit
pas qu'on reconnût pour Martyrs.
Si quis idola freyerit , et ibi-
dem fuerit occisus; quatenùs
inEvanyeiio scriptum non est,
neque invenitur suit Apostotis
nunquam j'actum , placuil in
numéro eum non recîpi Mar-
tyrum (can. LX) ; mais le v icaire
Bridet avoit seulement dit en 1791
que, malgré la haine des impies
contre l'exercice du culte catho-
lique, il n'en feroit pas moins
convoquer les fidèles , dans l'é-
glise , par le son de la cloche.
( V. Boutf.lier et Brierey. )
BRIE (Pierre Sousmacnac de).
vicaire - général , arehipretre-
dignitaire, et chanoine d'Arles,
étoit né à Sousmagnac, dans la
paroisse de Gorre, au diocèse de
Limoges. Depuis les réformes anti-
catholici ues de l'Assemblée Cons-
tituante, il étoit venu demeurer
en Limousin , au sein de sa famille.
Il y gemissoit des atteintes portée
3ao BRI
à la religion, consacrant encore
ses vœux et son ministère à la ser-
vir. Aucun des sermens exigés ne
souilla sa conscience. Il fut arrêté
en 1 793 , et jeté dans les prisons
de Limoges, d'où les persécuteurs
l'envoyèrent, en février 1794? à
Rocheforl , pour être déporté au-
delà des mers. On l'embarqua sur
le navire les Deux Associés; et il
succomba sous le poids des maux
de cette déportai ion ( V. RocnE-
fort). Il expira le 12 août 1794»
à l'âge de 55 ans, et fut enterré
dans l'île d'Jix. {V. J. F. Brecil,
et Bkigeat, d'Avranches.)
BRIELLE (Sébastien de), laïc,
attacbé au service de l'hôpital de
ta Pitié, à Paris, y exerçoit, à
L'âge de 54 ans, les devoirs de son
emploi, avec toute l'ardeur de la
jeunesse , et toute la tendresse de
la charité. Ses vertus éloient trop
pures et trop actives pour n'être
pas animées par la religion , et
pour ne pas faire ombrage, par
cela même, aux ennemis de la
Foi. Les pauvres enfans qu'on y
élevoit en très -grand nombre,
avoient, dans ses soins , ses exem-
ples et ses discours, de trop puis-
santes excitations à la piété , pour
qu'il n'en devînt pas très-odieux à
ceux qui vouloient rendre impie la
génération naissante. Considéré
malignement, par eux, comme
un fonctionnaire public qui n'avoit
pas prêté le serinent de la cons-
titution civile du clergé, ils
l'arrêtèrent comme tel, dans les
BRI
jours qui suivirent le fatal 10 août
1 792. Il le fut le 1 3 de ce mois. Le
comité de la section hideusement
dite des Sans-Culottes, devant
lequel on le traîna, ne put obtenir
de lui ce serment; et ce nouveau
refus, manifestation courageuse
d'une Foi inébranlable, lui valut
d'être assimilé aux confesseurs
de J.-C. qu'on enfermoit dans le
séminaire de Saint- F ir min. Ce
chrétien généreux vit sans foi-
blesse la mort qu'il alloil parta-
ger avec tant de héros du sacer-
doce. Le martyre qui lui étoit
réservé lui sembla la récompense
de sa charité comme de sa Foi ;
et il succomba sous les coups des
assassins, le 3 septembre suivant,
sans cesser de vouloir mourir
pour lu gloire de la religion, aux
œuvres de laquelle il avoit con-
sacré sa vie. [V. Septembre.)
BRIEN ( Jeanne ) , pieuse fille
du diocèse de Vannes , demeurant
en la paroisse de Saint-Vincent,
vivement attachée à la religion
catholique, et douloureusement
affectée des persécutions faites à
ses ministres, retira chez elle un
d'entre eux que l'on poursuivoit
pour le mettre à mort. Cette sainte
générosité fut connue; la pieuse
Brien fut arrêtée et traduite devant
le tribunal criminel du départe-
ment du Morbihan , siégeant à
Vannes. Ce tribunal, devant le-
quel elle comparut le 17 floréal
an II (G mai 1794), la condamna
aussitôt à la peine de mort,
BRI
comme « receleuse de prêtres ré-
fractaires » [V . V Alix). Elle fut
immolée le lendemain.
BRIEN (Noël), prêtre du dio-
cèse de Vannes , vicaire à Saint-
Serent, près d'Auray, n'avoit
point eu la foiblesse de faire le
serment de 1791; et, demeuré
dans le pays, pour les besoins
spirituels des catholiques, malgré
l'inique loi de déportation , il y
travailloit avec ardeur au salut des
âmes. On l'arrêta au commen-
cement de 1794» et, traduit, le
17 floréal an II (6 mai 1794)?
devant le tribunal criminel du dé-
partement du Morbihan, sié-
geant à Vannes , il y fut, ce jour-
là même, condamné à la peine de
mort , comme « prêtre réfrac-
taire ». Le lendemain, il subit
cette impie et cruelle sentence.
( V. l'article précédent. )
BRIÈRE ( Jacques - Louis ) ,
prêtre du diocèse de Chartres,
vicaire en la paroisse de Coltain-
ville, près Chartres, avoit refusé
le serment schismatique de 1791 ;
et, resté dans le pays après la loi
de déportation, pour y subvenir
aux besoins spirituels des catho-
liques, il y fut arrêté en 1794^
Le tribunal criminel du départe-
ment d'Eure et Loir, siégeant à
Chartres , devant lequel il fut tra-
duit, le condamna à la peine de
mort , comme « prêtre réfrac-
taire » ,1e 5 fructidor an 11(22 août
1794), c'est-à-dire un mois envi-
ron après la chute de Roberspierre.
o
BRI 5ai
BRIERY (Claude), curé de la
paroisse de Pavesin, village dû
Forez, près la ville de Saint-
Etienne , dans le diocèse de Lyon,
étoit né dans la paroisse de Cre-
meaux, en la même province, et
avoit été destitué de sa cure par
les autorités révolutionnaires, en
1791 , pour n'avoir pas voulu
prêter le serment hérétique et
schismatique de cette époque.
Néanmoins , il n'avoit pas cessé
de résider à Pavesin, pour con-
tinuer à travailler au salut des
catholiques de sa paroisse ; et il
n'avoit pu être détourné de ce
soin paternel par la loi de dépor-
tation du 26 août 1792. Il ne fut
pas oublié lors des plus grandes
fureurs de l'impiété , après le siège
de la ville de Lyon , quand s'éta-
blit en cette ville la sangui-
naire commission révolution-
naire à laquelle il falloit tant de
victimes [V. Lyon). Les explora-
teurs de ce tribunal arrêtèrent le
curé Briery, le traînèrent à Lyon.
Il fut traduit devant les juges, à
l'âge de 59 ans, le 27 pluviôse
an II ( 1 5 février 1794)- On lui
demanda le serment de liberté-
égalité, et la tradition de ses
lettres de prêtrise. Briery refusa
l'un et l'autre avec la fermeté d'un
intrépide confesseur de Jésus-
Christ, et fut condamné aussitôt
à la peine de mort , comme « prê-
tre fanatique, et refusant de se
conformer aux lois ». ( V . Bridet,
et E,e Brunet.) *'
21
522 BRI
BRIFFOEUIL (Philippine
Han'.n écart de), née à Douai, et
abbessc de l'abbaye royale d'An-
nay - Brailles , dans le diocèse
d'Arras, s'étoit retirée en cette
ville après son expulsion ducloître,
en 1791. Elle en conservoit les
vertus et la piété au milieu du
monde ; et sa Foi resta ferme au
milieu du schisme constitutionnel.
Elle avoit atteint l'âge de 68 ans,
lorsqu'on 1794? le proconsul J1'
Lebon ensanglantoit la province
de l'Artois par la décapitation des
catholiques [}r . Arras). Il la fit
d'abord arrêter comme suspecte;
et , après plusieurs mois d'un cruel
emprisonnement, elle comparut,
le 7 messidor an II (a5juin 1794)»
devant le tribunal révolution-
naire d'Arras. Ce ne fut que pour
s'y entendre condamner à mourir
sur l'échafaud, comme « coupable
de conspiration et de fanatisme » .
{V . F. G. Bouquel de la Comté
et A. I. Briois.)
BRIGEAT (iV...), chanoine,
doyen de l'église cathédrale d'A-
vranches, vicaire-général et offi-
ciai du diocèse, membre du bu-
reau diocésain, étoit né à Ligny,
dans le diocèse de Toul. Il re-
vint en cette province après la
suppression des chapitres ; et ,
ferme dans sa Foi, il s'abstint de
tout acte , de. tout serment qui
auroit pu compromettre sa Foi et
son état. Il fut arrêté en 1795.
Les autorités du département de
la Meuse le condamnèrent à la,
BRI
déportation au-delà des mers, et
le firent traîner à Rochefort pour
y être embarqué ( V . Rochefort).
Il le fut sur le navire le Washing-
ton , et il y souffrit beaucoup.
Cependant , conservant plus de
force que la plupart de ses con-
frères, il se fit, bien volontaire-
ment, l'un des infirmiers de l'hô-
pital en tentes élevé pour eux
dans l'île Madame; et il les y
servit avec la plus sainte compas-
sion et la plus charitable activité.
Désolé de manquer de remèdes,
de boissons même qu'il pût leur
donner selon leurs besoins, il y
suppléoit toujours eiïîcacement
par des invitations à la résignation
et à l'esprit de pénitence (V. N.Ta-
bouillot). Enfin, il succomba lui-
même , méritant une double palme
de martyre : et celle qu'on acquiert
en mourant pour la Foi, et celle
qu'on obtient en mourant au ser-
vice des pestiférés. Il expira vers
la fin de l'été de 1 794? à l'âge de
66 ou 70 ans. On l'enterra dans
l'île même où il avoit rendu tant
de services aux malades. ( V. P.
Brie et P. Brin.)
BRIN (Pierre), curé de Cre-
miltes , dans le diocèse de Poitiers ,
étoit né à Ayron , paroisse du
même diocèse. Son amour pour
ses paroissiens lui fit illusion sur
l'hétérodoxie de la constitution
civile du clergé; et il en prêta
le serinent pour rester au milieu
d'eux. Le temps arriva où les ré-
formateurs se crurent dispeusés
BRI
de dissimuler l'impiété qui-les ani-
inoit; et le curé Brin fut arrêté en
1793, parce qu'il restoit toujours
attaché à la religion et à l'Evan-
gile, malgré sa précédente faute.
La haine des persécuteurs pour
tout culte qui se rattachoit à Jé-
sus-Christ , porta les autorités ré-
volutionnaires , qui tyrannisoient
le département de la Vienne, à
condamner ce curé, le 28 ventôse
an II ( 18 mars 1794) > à la peine de
la déportation maritime, pronon-
cée contre les prêtres non-asser-
mentés. On le fit aussi partir pour
Rochefort, où il de voit être em-
barqué avec eux. Il le fut en effet
sur le navire les Deux Associés
[V. Rochefort). Au milieu de
tant de confrères, généreux con-
fesseurs de la Foi , qui souffroient
pour ne l'avoir point trahie , il
sentit plus vivement sa faute, la
pleura amèrement , et rétracta
solennellement le serment qu'il
avoit prêté. Digne d'eux ensuite,
il partagea leur gloire comme il
partageoit leurs souffrances; et il
fut du nombre de ceux à qui ces
souffrances pour Jésus-Christ ar-
rachèrent la vie. Il expira le 7
août 1794? à l'âge de 52 ans; et
ses confrères l'enterrèrent dans
l'île d'Aix. C'est à tort que Pru-
dhomme , dans son Diction-
naire, l'a mis parmi ceux qui
périrent sur l'échafaud. {V . Bri-
geat, d'Avranches, etC. D. Bro-
chères.)
BRIOIS DE SABLEUX (Ai-
BRI 523
bertine-Isabeiie) , pieuse demoi-
selle d'Arras, née dans cette ville
en 1 73 1 , avoit passé sa vie à secou-
rir les pauvres honteux , et surtout
les mères de famille qui étoient dans
l'indigence. Sa charité éclairée et
prudente, sentant la nécessité de
former leurs filles au travail, et de
les y accoutumer, leur fournis-
soit même de l'ouvrage et tous les
moyens d'y travailler. La piété
connue de cette vertueuse per-
sonne ne laissoit pas douter que
la religion n'ani mât cette charitable
et sainte prévoyance. Providence
visible des malheureux d'Arras,
elle avoit 63 ans lorsque le pro-
consul Lebon la fit emprisonner,
et ensuite conduire à son tribunal
révolutionnaire [V. Arras).
Elle y fut condamnée, le 24 mes-
sidor an II (12 juillet 1794)5 à la
mort de l'échafaud, comme « fa-
natique et conspiratrice. » [F.
P. Briffoecii et A. Briois.)
BRIOIS (Albertine), reli-
gieuse, supérieure de la commu-
nauté des Ursulines d'Arras, vint,
après la suppression des ordres
monastiques, en 1791, chercher
un asile chez son frère, où se ren-
doit aussi leur sœur, abbesse des
Chartreuses de Gounay. « La pre-
mière, a dit le président du tri-
bunal d'Amiens qui, plus tard,
condamna Jh Lebon, le 5 octobre
1795, Albertine Briois, de la mai-
son des Ursulines d'Arras, y avoit
consacré trente années de sa vie
à l'instruction de la jeunesse. Sous
5a4 BRI
le prétexte que leur père éloit
noble , et qu'elles ne se trouvoient
point à trente lieues des frontières,
Le bon les mit hors de la loi, et
leur fit subir la mo^t {V. Arras) » .
La sentence alléguoit un autre
motif dont ce président s'abstint
de parler, parce qu'étant encore
alors sous la domination des ther-
midoriens , qui n'avoient rien
perdu de leur haine contre la re-
ligion , il falloit n'en rien dire pour
ne pas leur déplaire. La religieuse
étoit condamnée principalement,
suivant les termes mêmes de cette
sentence , comme « fanatique et
contre -révolutionnaire ». Ce fut
le 9 messidor an II (27 juin
1794)» que le tribunal révolu-
tionnaire d'Arras envoya cette
sainte fille à l'échafaud. Elle avoit
alors 67 ans. Il est resté constant
dans toute la ville qu'Albertine et
sa sœur [V. l'article suivant) ne
périrent qu'en haine de la religion
qu'elles avoient pratiquée, et de
la Foi qu'elles professoient. {V .
A. I. Briois de Sarleux , et F.
M. Briois.)
BRIOIS ( Françoise-Margue-
rite ) , religieuse et prieure du
monastère des Chartreuses de
Gounay, près Béthune en Artois,
sœur de la précédente, Albertine
Briois, ayant été obligée de sortir
de son cloître envahi, s'étoit reti-
rée avec elle chez leur frère, à
Arras. Ensemble , elles s'entre-
tenoient dans l'esprit de la vie
monastique; et, avec une sainte
BRI
émulation , elles servoient Dieu
non moins fervemment que dans
leur monastère. Le proconsul
J1' Lebon, étant venu dans leur
ville , avec toutes les fureurs de
l'athéisme , bien résolu de ne
laisser subsister aucune personne
qui n'auroit pas renoncé à la Foi
de son baptême ( V. Arras), ne
pouvoit pas plus épargner Fran-
çoise-Marguerite que sa sœur Al-
bertine. Elles furent arrêtées
comme suspectes; et la seconde
fut envoyée à la mort avec la pre-
mière, le 9 messidor an II (27 juin
1794 )• Le délit politique pour
lequel elles étoient immolées ,
consistoit, au dire de la sen-
tence , en ce qu'elles étoient
« fanatiques et contre - révo-
lutionnaires » ( parce qu'elles
étoient pieuses) : à quoi l'on
ajoutoit « qu'elles étoient nées
d'un père noble, et qu'elles ne se
trouvoient pas à trente lieues des
frontières » , suivant qu'une loi
l'avoit prescrit aux hommes qui,
attachés au gouvernement monar-
chique , pouvoient prendre les
armes pour seconder les étrangers
coalisés qui sembloient vouloir
la rétablir. On a vu que l'âge
d'Albertine étoit de 67 ans ; et
Françoise-Marguerite n'avoit pas
moins de 60 ans. ( V . A. Briois,
et II. Buchy.)
BRIOLET (iV...), vicaire de
Ménil-lez-Lunéville , dans le dio-
cèse de Toul , ayant obéi à la loi
de la déportation, en 1792, s'é-
BRI
toit réfugié dans les Etats de l'Au-
triche. Le sort des armes ayant
fait tomber au pouvoir de cette
puissance, comme prisonniers de
guerre, beaucoup de soldats fran-
çais, ces prisonniers ayant été
relégués en Hongrie , et une épi-
démie désastreuse s'étant mani-
festée parmi eux, il ne s'y trouvoit
presque plus personne qui voulût
les assister. Leur délaissement
dans une aussi déplorable situa-
tion étant parvenu à la connois-
sance de l'un de nos évêques qui
résidoit alors à Vienne, et cet
évêque étant celui de Nancy, M6t
Anne-Louis-Henri de La Fare,
maintenant aumônier de S. A. R.
Madame, duchesse d'Angoulême,
nommé en 1817 à l'archevêché
de Sens, il ne craignit point de
parler sans succès en invitant
les prêtres Lorrains qui étoient
réfugiés en Autriche à courir au
6ecours de ces infortunés soldats
que la peste moissonnoit en Hon-
grie. Le vicaire Briolet fut du
nombre de ceux qui s'y rendirent
aussitôt pour les assister; et,
n'écoutant que son zèle pour ser-
vir ses compatriotes pestiférés,
il fut atteint de leur mal, et en
mourut victime , ainsi que le
prêtre Dieudonné , et plusieurs
autres ( V. ce nom et celui de
Frennes). Ils sont dans le cas
de ceux en faveur desquels le
père Théophile Raynaud fit son
traité De Martyrio per pestent.
{V. Cl Castellane.)
BRI 325
BRIOLLE (Jeanne), religieuse
d'un couvent de Bordeaux , née en
cette ville, continuoit à l'habiter
après la suppression de son cloître.
Rejetée dans le monde , elle n'en
pratiquoit pas moins avec ferveur
les devoirs de sa profession. On
la dénonça aux persécuteurs ,
vers la fin de 1 793 , pour avoir
assisté , dans une maison particu-
lière, avec plusieurs personne*
pieuses, à la messe d'un prêtre ca-
tholique ; et les persécuteurs la
firent emprisonner , avec cinq
d'entre elles. La sœur Briolle,
traduite comme elles devant la
commission militaire établie à
Bordeaux ( V. Bordeaux), y mon-
tra une fermeté, une douceur et
une discrétion dignes des anciens
Martyrs les plus célèbres. C'est la
sentence même prononcée contre
elle qui en fait foi. Dans cette sen-
tence, portée le 19 messidor an II
(7 juillet 1794)» on ht que, «mal-
gré les efforts du tribunal , et les
moyens de persuasion qu'il a em-
ployés, la religieuse Briolle a dé-
claré, avec ses compagnes, en
pleine audience , «qu'elles ont en-
tendu la messe de ces prêtres ( ap-
pelés réfractaires) ; qu'elles savent
où ils sont , mais qu'elles ne le
diront pas » . On voit par là qu'elles
avoient la promesse d'être acquit-
tées , si elles les dénonçoient ; mais
qu'elles imitèrent admirablement
l'exemple de saint Cypvien , qui
refusa d'indiquer au proconsul
Paterne, la retraite de ses prè-
326 BRI
très (1), et de ce saint Achalius,
qui fit le même refus , en disant :
« Ce secret, connu du Ciel, n'est
pas fait pour l'être par des hommes
indignes de lui (2) » ; comme aussi
de cette sainte Irène de Thessalo-
nique, non moins héroïque, en
une semblable rencontre (5). Ces
cinq pieuses victimes de la com-
mission militaire ne pou voient,
suivant la loi du Seigneur, discon-
venir qu'elles ne connussent ces
prêtres, et qu'elles ne sussent où
ils étoient cachés, puisque, si
elles l'eussent nié, elles se seroient
rendu coupables de mensonge aux
yeux de Dieu. Elles le décla-
rèrent donc avec sincérité; mais
elles refusèrent héroïquement
d'indiquer leur asile. D'après cela,
poursuit la sentence , « Jeanne
Briolle doit, avec ses compagnes,
être rangée dans la classe des
contre-révolutionnaires et des
(1) Voy. ci-devant, à l'article Alix,
pag. 64.
(2) Marlianus ( Consularis Prœfectus)
ait tlli : Omnium trade mihi nomina.
Re.apondit A châtias : Nomina eorum
cœlesti Lïbro et dwinis paginis sunt an-
notata. Quomodo ergo oculi mortales
aspicicnt , quod immortalis virtus Dei
et invisibiàs annotavit ? ( Ruinart :
A et a Disputationis S. A chatu Martyr.
n« V.)
(3) Tum Prœses : Quisnam , inquit,
conscius erat hoec in. domo il/a esse ?
JRespondit Irène : Ifœc vidit Deus om-
nipotens qui omnia scit ; prcetereà
nemo. (Baronius: Annal, ann. 3o4,
n» 40.)
BRI
complices de ces prêtres perfides,
les plus cruels et les pli*6 dange-
reux ennemis de la patrie ». C'é-
loit ainsi que les persécuteurs
qualifioient ces dignes ministres
d'un Dieu de paix et de charité.
La sentence concluoit par con-
damner la religieuse Briolle, avec
ses cinq compagnes, à la peine de
mort (If. Dumeau, Maret, Gas-
siot, Lebrest et Giratjd). Elle fut
immolée le lendemain, à l'âge de
4o ans.
BRIQUET (Pierre), prêtre, né
dans le diocèse de Laon, profes-
seur de théologie et bibliothécaire
dans la maison de Navarre , à Paris,
en 1789, avoit été long-temps
préfet des études dans la célèbre
communauté de Sainte-Barbe. Le
naturel ferme et prompt de cet
ecclésiastique , à qui l'on trouvoit,
dans le comtnerce de la vie , quel-
que originalité et même de l'obs-
tination dans ses idées , ne nui-
soit en rien d'essentiel à ses vertus
sacerdotales. Cétoit d'ailleurs un
homme fort instruit, et un pro-
fond théologien. Aucune chaire
de théologie ne fut remplie avec
plus de savoir que celle de l'abbé
Briquet. Il demeuroit au collège de
Boncourt, dépendant de la maison
de Navarre, lorsqu'aprèsle sinistre
événement du 10 août 1792, les
tyrans de la France firent recher-
cher et saisir les prêtres qui n'ap-
prouvoient pas leurs impiétés; et
on l'y arrêta, le 23 août. Le pro-
fesseur Briquet, amené devant le
BRI
comité de la section, y refusa avec
fermeté le serment qu'on lui de-
mandoit ; et on l'enferma , pour
ce motif, dans le séminaire de
Saint - Firmin. Quoiqu'il s'y
préparât , avec ses vertueux com-
pagnons de captivité, à donner sa
vie pour la Foi , cependant , le
3 septembre , effrayé à la vue du
massacre , il voulut s'enfuir par
les toits. Un Irlandais, affidé des
assassins, et qui avoit été élevé
sous lui à Sainte - Barbe , l'aper-
çut, et le fît reprendre. Alors Bri-
quet, toujours constant dans sa
Foi, reconnut que Dieu vouloit
expressément qu'il mourût pour
elle , et reçut la mort avec ce sen-
timent qui fait les 31artyrs. Son
âge alors étoit de 5o ans ( V. Sep-
tembre ). Ceux qui croiroient que
sa fuite devoit nous empêcher de
le regarder comme tel, n'auroient
sans doute pas connoissance du
culte que l'Eglise rend, le 16 juin ,
à ce saint Martyr Ferréol qui ,
vers 3o4, s'étant évadé des prisons
de Vienne en Dauphiné, après
avoir confessé la Foi devant un
juge païen , fut assassiné dans sa
fuite, par ceux qui le poursui-
voient pour le ramener en prison :
Percussus occubuit in eo loco
ubi sepuicrum corporis ejus
veneramur. (Ruinait : Passio
sancti Ferreoli. )
BRISSE (Pierre), prêtre, cha-
noine et grand-pénitencier de la
cathédrale de Beauvais, s'étoit
retiré au séminaire de Saint- Fir-
BRI 327
min , à Paris, après la suppression
des chapitres. Dans ce temps, où
il étoit si difficile à tout occlésias-
tiqtie qui n'adhéroit pas aux er-
reurs de la constitution civiie du
clergé, de continuer, seulement
pour la satisfaction de sa propre,
piété, les fonctions du sacerdoce,
le chanoine Brisse se trou voit heu-
reux d'être dans une sainte mai-
son, où il pouvoit vivre paisible-
ment en bon prêtre. Il y résidoit
encore, lorsqu'elle fut subitement
transformée en une prison pour
ceux qui n'avoient point fait et ne
vouloient point faire le serment de
maintenir cette constitution ci"
vite du clergé. Ecrouéle 1 3 août,
dans ce séminaire , avec le supé-
rieur et d'autres prêtres [V . Le
François) , il ne se dissimuloit
point qu'il y étoit destiné , comme
eux , à périr pour la cause de
la Foi. Il s'affermit avec eux dans
la résolution de mourir pour elle;
et le 3 septembre , qui les vit mas-
sacrer , le trouva digne de rece-
voir, avec eux, la récompense du
martyre ( V. Septembre). Il avoit
alors 59 ans.
BRISSON (IV... L prêtre, bé-
néficier dans le Hainaut, et né à
Gomignies, près le Quesnoi, vers
1 ^36 , fut considéré , comme les
prêtres non-assermentés, à raison
de son notoire attachement à la
doctrine catholique , lors des in-
novations sdiismatique» de 1791.
Comme eux , obligé de fuir la
France, à l'époque de la loi du
3a8 BRI
26 août 1792, qui les forçoit à
s'exiler, il y rentra, et vint à
Valenciennes , lorsque les Autri-
chiens eurent soustrait cette ville
à la tyrannie de la Convention, le
j" août î^gS. Il fut surpris par
ses proconsuls, quandl'armée Au-
Irichienne évacua cette ville , le
1" septembre 1794 ( V • Valen-
ciennes ). Traduit devant leur
commission militaire , le 6 bru-
maire an II ( 27 octobre 1794 )»
avec cinq autres prêtres ( V. Le-
cerf, Hanneqtjant , Preux, Ric-
eez , et Breuvart ) , il y fut con-
damné , comme eux , à la peine de
mort, sous le prétexte hypocrite
qu'il étoit un « émigré-rentré » ,
n'ayant pas voulu nier qu'il avoit
passé la frontière. Immolé le len-
demain, avec ses compagnons,
il périt ainsi Martyr de la vérité
comme de la religion, à l'âge de
58 ans, trois mois et deux jours,
après ce fameuxnew/* thermidor,
depuis lequel les factieux triom-
phateurs ne se lassoient pas de
crier qu'ils avoient ramené la jus-
tice et la paix en France. ( V . Breu-
vart, et Brxislé.)
BRITTE (N... ) étoit un des
prêtres infirmes ou septuagénaires
d'Angers qui furent enfermés, d'a-
près le décret de déportation du 26
août 1792, parce qu'ils n'avoient
point voulu compromettre leur Foi
par la prestation du serment de la
constitution civile du clergé, et
que leur âge les dispensoit de se
déporter eux-mêmes dans l'étran
BRO
ger. Il fut un des quinze que l'on
adjoignit aux soixante et un de la
Nièvre , lorsqu'ils passèrent par
cette ville, pour aller s'embar-
quer ou périr à Nantes, en mars
1794 (y. Nevers et Nantes). Lié
à leur sort , le 1 3 de ce mois , il
partagea leurs peines , et les en-
dura avec les mêmes sentimens de
piété. Après avoir soutenu les
maux de cette translation barbare ,
il ne put supporter long - temps
ceux de la galiote hollandaise ,
dans le fond de cale de laquelle on
cherchoit à les faire périr de faim ,
de froid , d'humidité et de peste.
Il y mourut vers la fin de mars ou
au commencement d'avril 1794*
C'est à tort qu'on a cru que Britte
avoit été noyé dans un des bateaux
à soupapes de l'infernal Carrier ;
nous savons positivement, par le
témoignage de ceux des prêtres de
la Nièvre qui revinrent de cette
déportation , que Britte est mort
ainsi que nous l'avons raconté.
( V. Boussière , de Challot , et
Bruneau, d'Angers.)
BROCHÈRES (Charles-Denis
pes), prêtre, et religieux Char-
treux, sous le nom de Dom Denis,
dans le monastère de Bosserville,
près Nancy, étoit venu après la
suppression dos ordres monasti-
ques , habiter son pays natal , Ain-
ville-aux-Jards, dans Je diocèse
de Nancy. Les persécuteurs du
département de la Meurthe, sous
la tyrannie desquels il étoit, ne lui
pardonnerentpas son éloignement
BRO
du schisme constitutionnel de 179 1,
ni ses vertus, ni son attachement
invariable à la religion catholique.
Ils le firent enfermer dans la pri-
son de Nancy en 1793, et traîner
bientôt à Rochefort pour y être
compris dans une déportation de
prêtres non-assermentés ( V . Ro-
chefort). Dom Denis fut em-
barqué sur le navire ies Deux
Associés; et les tortures de l'en-
trepont de ce bâtiment eurent
bientôt mis fin à ses jours. Il ex-
pira, le 17 août 1794? à l'âge de
45 ans. Son corps fut inhumé
dans l'île d'Aix. [V . P. Brin, et
J. Bru.)
BROCHOIS (iV...), prêtre mis-
sionnaire de la congrégation de
Saint-Lazare , et l'un des direc-
teurs dp sémiuaire d'Amiens , n'a-
voit point compromis sa Foi par
la prestation du serment de la
constitution civile du clergé. II
continuoit dans cette ville, en
1792, et même 1793, l'exercice
du ministère sacerdotal pour les
catholiques demeurés fidèles. Les
révolutionnaires le jetèrent en pri-
son, se proposant bien de le faire
succomber juridiquement sous la
hache homicide. Le Seigneur ne
leur permit point cette féroce
jouissance : il appela à lui M. Bro-
chois , lorsqu'il étoit encore dans
les fers , sans le priver néanmoins
de ses droits à la palme du mar-
tyre. Il y mourut captif de J.-C.
pour sa défense, en 1793, après
une longue détention. Ces rensei-
BRO 329
gnemens donnés à Rome en ^g'i,
viennent de M. de Cayla de la
Garde, supérieur- général de la
congrégation des Missions de
Saint-Lazare.
BROCHU ( Pierre -Frinçois-
Symphorien), prêtre du diocèse
de La Rochelle, vicaire en la pa-
roisse de Fors-sur-Sèvres, canton
de la Châteigneraye , se garda bien
de faire le serment schismatique
de 1791 ; et la généreuse Foi des
habitans de la contrée n'auroit pas
permis qu'il se soumît à la loi de
déportation. D'ailleurs , son atta-
chement à ses devoirs le retenoit
au milieu d'eux pour subvenir à
leurs besoins spirituels ( V . Ven-
dée). Il y fut saisi par les agensde
la persécution, qui le traînèrent à
Fontenay-Ie-Comte , où siégeoit
le tribunal criminel du départe-
ment de la Vendée; et ce tribunal
l'envoya à la mort comme «ré-
fractaire à la loi », le 6 ventôse
an II (24 février 1794)-
BROLY (François-Joseph), néà
Hittenheim dans la Haute-Alsace ,
en 1753, et curé de Montfeinhem,
dans le diocèse de Strasbourg, à
l'époque de la révolution , resta
fidèle à la Foi et à ses devoirs. Il
échappa aux sanguinaires persé-
cuteurs qui ensanglantoient sa
province en 1793 et 1794- Lors-
que le gouvernement lui-même
sembloit dire que toutes les per-
sécutions étoient finies depuis la
mort de Roberspierre, Broly le
crut, et reprit ostensiblement les
33o BRO
fonctions de son ministère à Stras-
bourg ; mais l'explosion impie du
i8 fructidor (4 septembre 1797)
produisit le lendemain une loi de
déportation à la Guiane contre les
prêtres soi-disant réfractaires ( V .
Guiane). Broly fut arrêté, et
traîné à Rochefort. On l'y embar-
qua le 12 mars i7g8,sur la frégate
la Charente, d'où le 25 avril on
le fit passer sur la frégate ta Dé-
cade , qui le jeta dans le port de
Cayenne au milieu de juin. De
suite on le relégua dans le canton
de Sinnamary. Il y trouva un
asile plus commode qu'un simple
carbet dans l'habitation de Konra-
Lillebat ; et néanmoins il y fut
bientôt assailli par une fièvre pu-
tride qui l'enleva le 6 septembre
1798, à l'âge de 45 ans. {V . P.
Brétault et P. Brunégat.)
BROSSE (iV... Allard de la),
prêtre, né à Lassay, dans le dio-
cèse du Mans, y faisoit sa rési-
dence avec son frère , également
prêtre. Tous deux y étoient révé-
rés comme des saints. Il fut du
nombre des ecclésiastiques que les
administrateurs du département
firent enfermera Rambouillet pour
qu'ils en fussent envoyés à Nantes
ou à Rochefort ( V. ces deux
mots). Ils moururentl'unet l'autre
en 1793, dans la maison de leur
réclusion, avec la disposition de
souffrir le martyre qui leur étoit
réservé. {V. Bodereac, du Pré,
Brosse, de Lassay.)
BROSSE (iV... Allard de la),
BRO
prêtre de Lassay, né dans cette
paroisse, et frère du précédent,
objet comme lui d'une grande vé-
nération dans le pays , partagea
son sort, et mourut en détention
l'an 1793, avec la résolution de
souffrir pour sa Foi le martyre
qui l'attendoit. ( V. Brosse, de
Lassay, et J. R. Bruneau.)
BROUILLET ( Guillaume ) ,
prêtre du diocèse de Rodez, né
a Milhau en Rouergue, et curé de
Monna, département de l'Avey-
ron , y fut retenu par les besoins des
fidèles , malgré la loi de déporta-
tion rendue à la fin d'août 1792,
contre les prêtres insermentés. Les
agens de la persécution l'ayantdé-
couvert en 1793, le firent jeter
dans les cachots; et, en 1794? il
fut envoyé à Bordeaux, où il de-
voit être embarqué pour une dé-
portation au-delà des mers ( V.
Bordeaux). Enfermé dans le fort
du Ha , en attendant le jour de
l'embarquement, qui n'arriva que
vers la fin de l'automne , trois mois
après la chute de Roberspierre, il
fut trouvé bien plutôt mûr pour
le Ciel. La Providence voulut ter-
miner son martyre dans les souf-
frances de sa détention, par les-
quelles déjà ses forces étoient épui-
sées. On le transporta à l'hôpital
de Saint-André , où il mourut le
9 août 1794» à l'âge de 5g ans.
( V . J. Boyer et A. Bohaud.)
BROUSSIN (ZV...), prêtre res-
pectable auquel des historiens du
temps qui l'ont connu , rendent les
BBO
plus honorables témoignais, f:it
arrêté à Paris le 24 août 1793, à
cette époque où les ennemis de la
religion , encouragés par les évé-
nemens du 10 de ce mois, se dé-
chaînèrent avec tant de fureur
contre les prêtres non-assermen-
tés. Brouss-in, animé d'une Foi
vive autant qu'éclairée, et pénétré
d'une piété profonde, méritoit la
même persécution, parce qu'il n'a-
voit pas voulu faire le serment de
la constitution civile du clergé.
Il fut d'abord conduit à la prison
provisoire de la Mairie; et on le
tranféra, le 27 du même mois, à
celle de la Force. Dès le moment
où il s'étoit vu arrêté , il avoit
pressenti que bientôt il seroit im-
molé par les persécuteurs. Quand
il partit de la première de ces pri-
sons, les compagnons de captivité
qu'il y avoit , et dont le plus grand
nombre secomposoit de prêtres fi-
dèles , ne pouvoient lui cacher l'im-
pression douloureuse que leurcau-
ooit sa translation à la Force, ils
lui faisoient d'une âme fort émue
des adieux que tous regardoient,
ainsi que lui , comme les derniers.
Broussin leur répondit en des
termes qui montroient combien il
étoit plein des sentimens de pa-
tience, de résignation, que la reli-
gion inspire aux prédestinés. «La
chanté chrétienne, disoit-il, ne
peut nous empêcher de voir que les
ennemis de la Foi ont choisi parm i
nous bien des victimes; mais sou-
venez-vous qu'il ne tombera pas
UTIO 7>5i
un cheveu de noire tête, que la
Providence ne l'ait permis pour
notre plus grand bien. Adieu :
nous ne nous rejoindrons peut-
être que dans l'éternité». L'abbé
Broussin resta à la Force jusqu'au
a septembre ; le féroce comité de
surveillance de la commune l'en
fit extraire au moment où alloient
commencer les massacres à la pri-
son de V Abbaye, pour qu'il en
fût une des premières victimes.
On l'y conduisit en même temps
que les abbés Danois, Fontaine et
Martin [V. ces noms). A peine
Broussin étoit entré dans la cour
de Y Abbaye, qu'en descendant
de voiture avec ses compagnons ,
il fut massacré , pour cela même
qu'il étoit prêtre , et que rien n'a-
voit pu ébranler sa Foi. ( V . Sep-
tembre.)
BROUSSIN (Jean -Baptiste),
prêtre du diocèse d'Auch, né en
1760, à Mareil, aujourd'hui com-
pris dans le département des Bas-
ses -Pyrénées, et demeurant à
Bordeaux, en 1795, y fut arrêté
comme « prêtre non-assermenté » ,
et qui même n'avoit pas voulu
prêter le serment de liberté-éga-
lité. Traduit pardevant la com-
mission militaire de Bordeaux,
le 1" nivose an II (21 décembre
1793) , il y fut solennellement
accusé, comme le porle son juge-
ment « d'avoir refusé le serment
civique ; de ne s'être pas soumis à
la loi de la déportation; d'avoir
tâché d'inspirer à plusieurs jeunes
332 BRO
gens qu'il instruisoit, des senti-
mens bien contraires aux intérêts
de leur patrie (c'est-à-dire des
sentimens religieux ) ; d'avoir, au
mépris de la loi , dil la messe dans
des maisons particulières, et d'a-
voir contribué à égarer les esprits
en les fanatisant » ( V. Bor-
deaux). La commission militaire,
se disant convaincue de tous ces
faits, ordonna que J. B. Broussin
subiroit la peine de mort, et il fut
décapité le même jour.
BROYAT (Jean-Baptiste), curé
de Marsillac , dans le diocèse de
Bordeaux, où il étoit né en 17 53,
fut arrêté en 1790, et amené à
Paris pour y être jugé parle grand
tribunal révolutionnaire. Il y
comparut le 29 messidor an II
(17 juillet 1794) ? ce jour-là même
où furent condamnés à mort les
seize religieuses de Compiègne,
et d'autres personnes consacrées
à Dieu [V. M. C. C. Brard). Le
dispositif seul de la sentence pro-
noncée contre le curé Broyât , in-
dique la sainte cause pour laquelle
on l'immola. Il y étoit dit «con-
vaincu de s'être déclaré l'ennemi
du peuple, en faisant des baptêmes,
des mariages et des prières funè-
bres, comme encore en portant des
gravures et signes de la royauté » .
Non seulement ce prêtre ^toit zélé
pour les devoirs de son ministère,
il étoit encore royaliste par prin-
cipe de religion et de conscience.
Il périt le même jour, à l'âge de
4i ans.
BRU
BRU (Jean) , vicaire dans la pa-
roisse de Saint-Laurent, au dio-
cèse de Sarlat, et né en 1761, à
Urval dans le même diocèse, ne
prêta point le serment schisma-
tiquede 1791, et repoussademême
celui de liberté-égalité. Il resta
avec courage dans le canton , pour
y consacrer son zèle aux besoins
des catholiques. Les persécuteurs
le leur enlevèrent en 1793; et,
après être resté quelque temps
dans les prisons de Périgueux, il
fut envoyé à Rochefort pour être
déporté au-delà des mers {V . Ro-
chefort). On l'embarqua avec une
multitude d'autres prêtres inser-
mentés sur le navire les Deux
Associés. En vain le jeune âge de
cet ecclésiastique lutta contre les
maux qu'on éprouvoit dans l'hor-
rible entrepont de ce bâtiment : il
succomba. Ses confrères reçurent
son dernier soupir dans la nuit du
18 au 19 septembre 1794- U n'a-
voit que 33 ans ; et ses restes pé-
rissables furent inhumés dans l'île
Madame. (V. C. D. Brochères,
et M. L. Brclard.)
BRUGES (Michel-Benoît de),
vicaire -général de l'évêché de
Mende, prévôt de la cathédrale
et président du bureau diocésain,
né à Vallabrègues près Beaucaire ,
dans le diocèse d'Arles, fut en-
voyé par le clergé du bailliage de
Mende aux Etats-Généraux. Son
âme droite et pure commença
d'être vivement affligée quand ils
se donnèrent un pouvoir si fu-
BRU
neste à l'autorité du Roi, en se
constituant Assemblée Nationale.
Mais il fut bien plus amèrement
contristé quand parut la constitu-
tion civile du clergé qui a causé
tant de mal à l'Eglise. Aussitôt
que les trente évêques , membres
de l'Assemblée , eurent fait contre
cette œuvre de schisme , leur ad-
mirable et courageux Exposé des
Principes, le vicaire-général de
Bruges s'empressa d'y adhérer so-
lennellement par sasignature, avec
26 autres prêtres aussi membres
de l'Assemblée. Cette protestation
étoit un grief digne de mort aux
yeux des novateurs. Cependant ce
vertueux ecclésiastique ne sortit
pas de France lors de la loi de dé-
portation ; et même il resta à Pa-
ris, croyant pouvoir y être oublié
dans un pauvre domicile de la rue
Fromenteau. Il y fut découvert en
179J, et on le jeta dans les pri-
sons. Il se trouvoit dans celle qu'on
appeloit des Carmes , lorsque ,
pour en expédier plus prompte-
ment les prisonniers, on imagina
perfidement de leur imputer une
conspiration contre la Convention.
Le chanoine de Bruges, traduit
devant le tribunal révolution-
naire avec quarante-quatre autres,
le 5 thermidor an II ( 23 juillet
1794), y fut condamné à mort
sous ce prétexte, mais pour la vé-
ritable raison qu'il étoit prêtre ca-
tholique. On l'immola le même
jour à l'âge de 52 ans ; et, en al-
lant à Péchafaud, il encourageoit
BRU 335
ses compagnons de supplice, leur
disant: «Ne nous affligeons point,
mes amis , de perdre une vie tou-
jours mêlée de tant de misères,
soit corporelles, soit spirituelles.
Nous contractons tous en naissant
la nécessité de mourir; et la seule
manière dont les Chrétiens doivent
souhaiter de terminer leurs jours ,
c'est de finir par une mort pré-
cieuse aux yeux du Seigneur».
BRUGIÈRE (Jean), prêtre du
diocèse de Clermont en Auvergne,
exercoit paisiblement le saint mi-
nistère en 1793, à Sauve, entre
Clermôat et Aurillac. Il y fut dé-
couvert par les persécuteurs, qui
l'amenèrent dans les prisons de la
première de ces villes où siégeoit
le tribunal criminel du départe-
ment du Puy-de-Dôme. Comme
le prêtre Brugière n'avoit point fait
le serment de 1791, et ne s'étoit
pas exilé suivant la loi de dépor-
tation , ce tribunal , devant lequel
il comparut le 12 floréal an II
(1" mai j 794)5 le condamna à la
peine de mort, comme «réfrac-
taire » ; et il fût décapité le len-
demain.
BRUGIÈRES (Charles), cha-
noine. ( V. C. Serre.)
BRLGNIERE (Jean-Baptiste),
curé de Gabriac, dans le diocèse
de Mende , crut pouvoir échap-
per à la persécution dans les mon-
tagnes de sa province. Elle vint
l'y atteindre a la fin de 1793 ; il
fut arrêté , et conduit dans les pri-
sons de Mende , où siégeoit le tribu-
334 bru
nal criminel du département de la
Lozère, devant lequel il comparut
le 5 prairial an II (22 mai 1 794} ;
et, parce que la religion et ses
ministres étoient regardés comme
ennemis par la Convention et ses
proconsuls, le curé Brugnièrc fut
condamné comme « contre-révo-
lutionnaire », à lu peine de mort
qu'il subit le lendemain.
BRULARD (Michel -Louis),
prêtre, et religieux de l'ordre des
Carmes -Déchaussés , dans leur
maison de Charenton, près Paris,
établie seulement depuis 1772,
étoit né à Chartres en 17^. Après
la destruction des cloître? , il se
retira dans son pays natal , et y
porta les vertus cénobitiques qu'il
possédoit à un degré très-éminent.
On n'a pas besoin de dire qu'il
repoussa les innovations schisma-
tiques de 1791, et les autres plus
impies que, par la suite, imagi-
nèrent les persécuteurs. Il fut ar-
rêté en 1790; et les autorités du
déparlement d'Eure et Loir ,
dont Chartres étoit le chef-lieu, le
condamnèrent à être déporté au-
de là des mers. On l'envoya pour
cet effet, à Rochefort, et il y fui
embarqué sur le navire les Deux
Associés. Nous avons dit ailleurs
tout ce que les prêtres de cette
déportation eurent à souffrir ( V .
Rochefort). L'undes compagnons
du supplice du P. Brulard, et gui
n'y a point succombé , l'auteur de
la Relation de cette déportation,
publiée en 1796. s'est exprimé
BRU
ainsi au sujet de ce religieux :
«Digne disciple de sainte Thé-
rèse, le P. Brulard ne vivoit que
de sacrifices. Il ne pensoit qu'au
Ciel, ne s'entretenoit que du Ciel.
On ne croiroit jamais, sans en
avoir été le témoin, qu'un corps
vivant pût arriver au point de
maigreur où je l'ai vu réduit ;
mais on croiroit encore moins
que l'âme qui animoit un pareil
squelette , pût être remplie de
l'amour de Dieu au degré où
l'étoit celle de cet ange de la
terre». La mort du P. Brulard
arriva le 25 juillet 1794» H n'a-
voit que 56 ans ; et son corps fut
enterré dans l'île à'Aix. {V. J.
Bru et A. F. Brvlon. )
BRÛLÉ. {F. Bruslé.)
BRULON ( André-François ) ,
prêtre de Vannes, né dans cette
ville, ne céda point à la tentation
de prêter le serment schismatique
de 1791, ni ceux qu'imaginèrent
ensuite les impies persécuteurs ,
pour avoir des prétextes de tour-
menter les prêtres fidèles. Le
désir d'être utile aux catholiques
de sa contrée , le détourna de
sortir de France lors de l'expul-
sion des prêtres non-assermentés,
en août 1792. Il fut arrêté; et le*
autorités du département du Mor-
bihan le condamnèrent à être
déporté au-delà des mers. Elles
le firent, en conséquence, con-
duire à Rochefort pour y être em-
barqué. Il le fut en effet sur le
navire ics Deux Associés ( V.
BRU
Rochefort). Les maux que les
prêtres éprouvèrent dans celte dé-
portation , et qui arrachèrent la
vie à la plupart d'entre eux, acca-
bloient tellement cet ecclésiasti-
que , qu'il y succomba. Il mourut
dans la nuit du 28 au 29 août 179,45
et fut enterré dans l'île Madame.
{V. M. L. B ii 1; lard et G. Brl-nel.)
BRUMAT (Pierre- Antoine) ,
prêtre. {V. P. A. Lebrtimat.)
BRUN (Joseph), citoyen de
Nismes , avoit signé les profes-
sions de Foi catholique comprises
dans les pétitions des 20 avril et
1" juin 1790 [V. Nismes). Lors
de la vengeance cruelle qu'en
tirèrent les religionnaires , le 14
juin de la même année, il fut pour-
suivi, sans être sous les armes,
jusque dans l'antique amphithéâtre
de cette ville, où ils lui tirèrent
plusieurs coups de fusil. Poussé
ensuite avec des fourches sur la
place , il alloit y être fusillé lorsque
des volontaires dirent que sa mort
seroit trop douce. On le frappa
avec des sabres, et on le jeta dans
le fossé du rempart. Il restoit
encore vivant au bord de l'eau :
on acheva de l'exterminer à coups
de pierres. Les deux frères Guerin?
signataires aussi des mêmes pro-
fessions de Foi, étant accourus
pour le sauver , furent tués à
coups de sabres et de fourches.
[V. Auzeby et Castanier.)
BRUN (IV...), curé, doyen de
l'église paroissiale de Saint-Lau-
rent-du-la-Plaine ou de Lia, dans
BRU 335
le diocèse d'Angers , y étant resté
pour l'utilité des catholiques , fut
massacré , comme prêtre inser-
menté, sur les bords de la Loire,
par les troupes impies de la Con-
vention, en 179J. ( V. Vendée.)
BRUNEAU (Jacques -René),
prêtre du diocèse du Mans, né en
1757, à Monsœurs, près Laval,
dans le Maine, fut d'abord, pen-
dant huit ans, vicaire en la pa-
roisse de Saint-Céneré, près Laval,
où son zèle devint aussi efficace
que sa conduite y étoit édifiante.
La cure de la Bazoge-Montpinson,
près Mayenne , lui fut conférée la
première année de la révolution ;
mais le serment schismatique que
l'Assemblée Constituante exigea
des prêtres, et que Bruneau ne
vouloit point faire, l'empêcha de
prendre possession de cette cure.
Compté parmi les prêtres inser-
mentés, il fut obligé comme eux,
en 1 792 , de se rendre à Laval ,
pour y être sous la surveillance
immédiate des administrateurs du
département de la Mayenne [F.
Laval). Bientôt on l'y enferma
dans le couvent des Capucins,
transformé en prison; mais il s'en
évada de peur d'y être égorgé, et
alla se réfugier chez de bons ca-
tholiques de la ville, où il disoit
la messe, et d'où il alloit secrè-
tement porter les secours de la
religion à ceux qui ne pouvoient y
venir. Quand l'armée cathoiiqus-
et royale passa par Laval ( V.
Vendée), il abandonna sa retraite
536 BRU
pour se joindre aux prêtres du
Poitou que cette armée avoit sous
sa protection. Mais bientôt elle
fut mise en déroute au Mans :
Bruneau chercha son salut dans la
fuite , en se rapprochant de sa
famille. Une indisposition grave
lui survint lorsqu'il passoit dans
la paroisse de Vages, à quatre lieues
de Laval ; et il fut obligé de se
retirer dans une petite ferme ap-
pelée Closerie de Lorrière. On
eût dit que les soldats des persé-
cuteurs avoient suivi ses pas : ils
entrèrent dans la ferme , et se sai-
sirent de sa personne. Bruneau
les pria de le conduire à Laval, et
ils le lui promirent; mais quand
ils furent arrivés dans un champ
de la paroisse de la Bazouge-de-
Chémeré, ils prononcèrent l'arrêt
de sa mort comme devant être
exécuté à l'instant. Bruneau avoit
trop souvent parlé uses confrères
et à ses amis du bonheur de don-
ner sa vie à Jésus-Christ, pour
ne pas le ressentir en cette cir-
constance. Il entendit sans trouble
la déclaration des soldats, et ne
leur demanda d'autre grâce que
celle d'avoir encore un quart-
d'heure pour offrir à Dieu son
sacrifice. Us le lui accordèrent; et
ces courts instans furent employés
par Bruneau à prier pour ses bour-
reaux autant que pour lui-même ,
suivant ce que nous écrivent et
le respectable curé d'Entrannes ,
près Laval, et l'un des plus dignes
curés du Mans. Le quart-d'heure
BRU
étant expiré, il se tourna vers le»
soldats , et leur dit : « Faites de
moi ce qu'il vous plaira. » A l'ins-
tant un coup de fusil lui fit sauter
le crâne, et il tomba mort. Son
corps fut dépouillé par les assas-
sins : on l'enterra dans l'endroit
même où il avoit perdu la vie. Ce
meurtre eut lieu vers le milieu de
décembre 1793. Les précieux osse-
mens de ce Martyr ont été exhu-
més par la piété publique , en
avril 1817, et transportés reli-
gieusement dans la paroisse de
Saint -Céneré, où, pendant que
Bruneau y étoit vicaire , on le con-
sidéroitdéjà comme un saint. {V.
Brosse, de Lassay, et Burin, de
Conné.)
BRUNEAU (IY...), prêtre plus
que sexagénaire du diocèse d'An-
gers, n'avoit pas voulu compro-
mettre sa Foi par la prestation du
serment de la constitution ci-
vile du clergé. La loi du 26 août
1792, qui forçoit à se déporter
eux-mêmes les non-assermentés,
condamnoit à la réclusion ceux
d'entre eux qui étoient sexagé-
naires. Bruneau étoit , en consé-
quence , enfermé dans un lieu de
réclusion à Angers, avec quatorze
autres prêtres d'un grand âge ,
quand les soixante et un , non
moins vénérables, que de Nevers
on traînoit à Nantes pour les y faire
périr, en mars 1794» passèrent à
Angers. Le comité révolution-
naire imagina de se débarrasser
alors de ce qui restoitde ceux de ce
BRU
diocèse, en les associant au sort
des prêtres de la Nièvre {V. Ne-
vers ) ; et Bruneau , ainsi que
ses quatorze collègues , fut em-
barqué avec eux, le 1 3 mars 1794-
Les maux atroces qu'on leur fit
éprouver dans le voyage , et en-
suite dans le fond de cale de la
galiote hollandaise du port de
Nantes , furent supportés par
Bruneau avec un égal courage, et
la même volonté de mourir plutôt
que de trahir sa Foi. Ces maux
étoient si affreux, qu'en vingt-six
jours, il y périt trente prêtres de
la Nièvre, et tous les prêtres An-
gevins , excepté un seul : Bruneau
fut du nombre. Il expira vers le
commencement d'avril 1794- {V-
Britte, d'Angers, et Cantat, de
la Nocle.) ,
BRUNEAUD ( LÉonarde ),
femme. [V . L. Lito.)
BRUNÉGAT ( Pierre ) , né en
1746 à Soni, paroisse du diocèse
de Luçon, comprise maintenant
dans le département de la Loire-
Inférieure, étoit, au commen-
cement de la révolution, vicaire
dans le bourg de Bazoches, même
diocèse, dans la Vendée. D'une
Foi inébranlable et d'un zèle très-
ardent , il avoit repoussé avec
indignation les sermens de 1791
et 1792. Les catholiques de la
contrée reçurent de grands ser-
vices spirituels de l'apostolat qu'il
exerça parmi eux, dans les temps
affreux de 1795 et 1794- Les per-
sécuteurs n'avoient pu l'atteindre ;
2.
BRU 337
et le calme trompeur qui succéda
pendant les années suivantes,
donna de la sécurité au vicaire
Brunégat. Il fut enfin surpris dans
l'exercice de son ministère parles
exécuteurs de la farouche loi de
déportation, rendue le lendemain
de la catastrophe du 18 fructidor
(4 septembre 1797)- s'empa-
rèrent de sa personne à Luçon, et
l'envoyèrent, au commencement
de 1798, àRochefort, pour qu'il en
fût déporté à la Guiane (V. Guiane).
On l'embarqua, le 12 mars, sur
la frégate la Charente , d'où, le
25 avril, on le fit passer sur la
frégate la Décade. La douleur
d'être arraché à ses ouailles, et
la considération de la perfidie
avec laquelle on violoit cette paix
promise à la Vendée, de la sincé-
rité de laquelle il n'avoit point eu
de défiance ( V. Vendée ) , exal-
tèrent sa sensibilité , et enflam-
mèrent son imagination, au point
que ses confrères lui proposèrent
de permettre qu'ils le taxassent de
démence , pour obtenir qu'il fût
remis à terre et soustrait à la dé--
portation. II répondit, avec une
fermeté inébranlable, qu'il étoit
résigné au sort que la Providence
paroissoitlui avoir destiné. Arrivé
à Cayenne vers le milieu de juin,
il fut aussitôt relégué dans le désert
de Konanama. Comme si ce séjour
n'eût pas été assez cruel pour lui,
il s'enfonça dans les bois, et y
périt à peu près comme ce saint
Martyr de Perse , Maharsapor ,
22
338 BRU
dontAssemnn rapporte les actes,
et qui , en 42 1 ? jeté dans une fosse
ténébreuse où les tyrans eroyoient
qu'il y avoit un dragon féroce par
lequel il seroit dévoré, y fut trouvé
mort, à genoux, et ayant l'air de
prier : Illico judici nunliârunt
reperlum fuisse veatum Mar-
fyrem in genua procunthen-
tem, cxlinctum tamen et exam-
inent, etsi orantis axHiuc spe-
ciem prœberet. (Pars 1% p. 256 :
Martyriunt B. Maharsaporis.)
Une lettre écrite de Konanama,
par un déporté, le 9 septembre
1798, racontait ainsi la mort de
Brunégat : « Un prêtre qui , depuis
plusieurs jours, ne paroissoit point
aux appels, a été trouvé mort
dans une forêt voisine. Il y avoit
succombé d'inanition. Ses mains
étoient jointes ; et sur ses lèvres
inanimées reposoit un crucifix. Des
nègres nous l'ont apporté en cet
état ; et nous avons rendu les
derniers devoirs à ce Martyr » .
C'était encore ainsi qu'avoit cessé
de vivre, dans la persécution
Vandalique, le saint prêtre Cres-
conius , que l'Eglise honore
tomme Martyr le 28 novembre ;
Sic eninx Cresconius presbyte r
Myzentinœ civitatis, in spe-
lunca Ziquensis montis reper-
tus est, putrescente jam solu-
tus cadavere (Vict. De Perse-
cutione Vandalica. L. III).
La mort du vicaire Brunégat est
inscr ite , dans le registre de
Guyenne, au 2a fructidor an VI
BRU
(8 septembre 1798) : son Age.
était de 58 ans. {V. F. J. Broly,
et Bûcher. )
BRUNEL (Gervais), prieur de
la Trappe, ordre et réforme de
Citeaux, dans le diocèse de Séez,
étoit né à Magnières, dans celui
de Nancy. Après la suppression
de son ordre et son expulsion de
la sainte solitude de la Trappe, il
vint résider en son pays natal, au
sein de sa famille. «Fervent reli-
gieux, homme de piété et d'une
grande vertu», comme nous l'a écrit
un de ceux qui reçurent ses der-
niers soupirs , il se garda bien d'ad-
hérer en rien au schisme de 1 79 1 et
1792. L'habitude de modestie, de
paix et d'obscurité qu'il avoit con-
tractée dans la retraite , ne pou-
voit que tranquilliser les réforma-
teurs politiques ; mais ces réfor-
mateurs étoient impies, et faisoient
la guerre à Dieu et à ses Saints.
Le prieur de la Trappe ne pou-
voit donc être épargné par eux ;
ils l'arrêtèrent en 1790, et le
firent jeter dans les prisons de
Nancy, jusqu'à ce qu'ils eussent
décidé s'ils le feroient périr sur
l'échafaud ou dans un navire de
déportation. Le premier parti au-
roit soulevé les nombreux admi-
rateurs de sa sainteté pure , calme
et céleste. Ils prirent donc le parti
de l'envoyer à Rochcfort, pour
être déporté au-delà des mers ;
et on l'embarqua sur ics Deux
Associés {V. Rochefort). Les
vœux des impics furent comblés.
BRU
Le saint religieux succomba sous
le poids des souffrances de cette
déportation, dans la nuit du 19
au 20 aoiït 1 79/i) à l'âge de 5o ans.
Ses cendres reposent dans l'île
Madame. ( V. A. F. Brulon, et
Ph. Brislé.)
BRUNEI (CnARLEs), prêtre, ex-
Jésuite , résidant à Châtellerault ,
dans le diocèse de Poitiers, n'a-
voil rien vu dans les lois qui l'o-
bligeât à sortir de France, quoi-
qu'il se fût tenu éloigné du
schisme constitutionnel. Mais o'é-
toit un bon prêtre; et les persé-
cuteurs avoient résolu de détruire
toute la famille sacerdotale. L'ex-
Jésuite Brunet fut donc arrêté ; et
on le traîna dans les prisons de
Poitiers. Le tribunal du départe-
ment de la Vienne , siégeant en
celte ville , le fit comparoître de-
vant lui, le 28 ventôse an II
( 1 8 mars 1 794 ) > et le condamna
à la peine de mort, comme « prê-
tre réfractaire » . Il fui ainsi l'un des
dix-sept prêtres que les juges en-
voyèrent à l'échafaud, ce jour-là,
en haine de la religion. ( V . 3. M.
Bonnet, et F. A. D. de Branne-
VAL.)
BRUNET (Etienne), né à Lyon,
vers 1700, et curé de Grézieu-la-
Varenne , bourg du diocèse de
Lyon , avoit été expulsé de sa
cure pour n'avoir pas voulu prê-
ter le serinent de la constitution
civile du clergé. Ils'étoit réfugié
dans celte ville, depuis que la
persécution l'avoit encore plu*
BRU 339
rigoureusement écarté de sa pa-
roisse ; et il rendoit néanmoins
son ministère très-utile aux ca-
tholiques de la cité où il se trou-
voit. Lors de la recherche rigou-
reuse qu'on fit des prêtres dans
tous les domiciles, après le siège
de Lyon , pour fournir une ample
pâture à l'impie commission révo-
lutionnaire qui y étoit établie
depuis novembre 1 793 ( V. Lyon) ,
le curé Brunet, saisi et livré à
cette espèce de tribunal, y fut
condamné à la peine de mort, le
1 8 pluviôse an II (G février 1 794) ?
à l'âge de 44 ans ? comme « contre-
révolutionnaire , et prêchant le
fanatisme », c'est-à-dire la Foi
de l'Eglise catholique. [V . Briery,
et Brtjyas.)
BRUNET (Françoise), femme.
{V. F« Bédée.)
BRUNEVAI, (François- Amable
Danckl de), vicaire -général de
l'évêquedc Poitiers, et promoteur
de l'officialité du diocèse de ce
nom, y avoit contribué à main-
tenir la Foi pure, lors de l'éta-
blissement de la constitution
civile du clergé. L'attachement
inviolable du Poitou à la croyance
de ses pères, avoit semblé à cet
ecclésiastique, une garantie suffi-
sante contre les fureurs de la
persécution; et il n'étoit point
sorti de France, malgré la loi du
26 août 1792. Continuant l'exer-
cice de son ministère à Poitiers, il
y fut enfin arrêté en 1790. Apiès
quelques mois de séjour dans les
22.
34o BRU
prisons, on le traduisit, le 28 ven-
tôse an II (18 mars 1794)5 devant
le tribunal du département de la
Vienne, siégeant en cette ville;
et les juges le condamnèrent à la
peine de mort , comme « prêtre
réfractaire ». Avec lui marchèrent
à l'échal'aud seize autres victimes
sacerdotales, que ce tribunal fai-
sait immoler de même en haine
de la religion. ( V. C. Brunet, et
.1. B. Car.)
BRUNO (Dom), Chartreux.
[V. J* Sage.)
BRUSLÉ (iV...), prêtre, né à
Evreux , en i?38, ne nous est
guère connu que par son martyre,
subi à Valenciennes, près de trois
mois après la chute de Robers-
pierre , sous la tyrannie de la fac-
tion Thermidorienne. Déporté,
sans doute comme insermenté ,
par la loi du 26 août 1 792 , il étoit
venu, dans cette ville, avec les
prêtres de Valenciennes , quand
les Autrichiens l'eurent soustraite
aux fureurs impies de la Conven-
tion, le i"août 1795 {V. Valen-
ciennes). Il les aida dans les fonc-
tions du saint ministère, pendant
ies treize mois qu'il leur fut pos-
sible de l'exercer avec sécurité.
Les Autrichiens ayant été obligés
d'évacuer cette place, le 1" sep-
tembre 1794 ? et les proconsuls de
la Convention étant venus y réta-
blir la persécution, le prêtre Bruslé
fut arrêté avec tous les autres et
plusieurs religieuses. On le tradui-
sit devant une commission mili-
BRU
luire, avec huit personnes con-
sacrées à Dieu ( V. Laisney ,
Druez, J. Saudeur, M. C. Jh
Paillot, M. M. Leroux, A. J.
Leroux, J. L. Barrez, et L. La-
croix ) , le 2 brumaire an III
(23 octobre 1794)- Comme la
faction régnante croyoil devoir à
son système hypocrite, de dis-
simuler sa haine de la religion,
en faisant périr les prêtres et
les confesseurs de la Foi, comme
tels , elle s'applaudit d'avoir
contre eux , en cette circons-
tance, le prétexte de leur émigra-
tion. Les juges demandèrent seu-
lement au prêtre Bruslé s'il étoit
sorti de France ; la loi de Dieu ne
vouloit pas qu'il cherchât à sau ver
sa vie par un mensonge. Il répon-
dit, en rendant un généreux té-
moignage a la vérité , et fut aussitôt
condamné, comme les huit autres
personnes, à la peine de mort,
en qualité «d'émigré-rentré» [V .
Auchin). Il marcha à l'échafaud
avec les mêmes sentimens de
piété, avec la même ferveur et la
même confiance en Dieu que ses
compagnons de martyre, récitant
en route , et jusqu'à ce que sa tête
tombât, les prières que lui suggé-
roient sa Foi , sa charité , et l'espé-
rance d'une vie éternellement
glorieuse dans le Ciel. Il avoit
alors 56 ans. ( V. Brisson, et L.
P. Cagnot.)
BRUSLÉ (Philippe), prêtre du
diocèse de Langres , né à Au-
mont, en 1755, desservoit, en
BRU
qualité de vicaire , la paroisse de
Sarry , près la ville de Noyers , lors
de la révolution. Prudhomme,
dans son Dictionnaire des vic-
times qu'elle a faites, a dit que
cet ecclésiastique fut condamné au
supplice de la guillotine, comme
«prêtre réfractaire », le 8 germi-
nal an II ( 28 mars 1 794 ) , par le
tribunal criminel du département
de la Haute- Marne. Cette indi-
cation est fautive quant à la peine
qui lui fut infligée ; car Philippe
Bruslé fut condamné à être déporté
à la Guiane ; mais elle est exacte
quant à la date et aux motifs de
la sentence. Il est bien évident .
par elle , que ce vicaire avoit refusé
le serment de la constitution ci-
vile du clergé, en 1791, même
ceux qui furent exigé? en 1792 ;
et qu'il n'étoit point sorti de
France après la loi d'exil portée
le 26 août de cette dernière année.
La constance de sa Foi, et même
l'inflexibilité de son zèle , furent
donc la cause de sa déportation,
de ses souffrances, et enfin de sa
mort. Ce zèle, il l'avoit encore
exercé , avec une grande utilité
pour l'Eglise, dans le diocèse de
Langres, pendant la terrible année
1793. Il ne fut arrêté qu'en dé-
cembre ; mais , après l'avoir con-
damné à la déportation, l'on ne
tarda pas à le faire conduire par
des gendarmes à Rocheforl ; et il
y fut embarqué sur le W ashing-
ton[y. Rochefort). Son martyre
dura plus long -temps que celui
BRU 541
de tous les autres prêtres qui pé-
rirent en si grand nombre dans
cette circonstance; car il ne mou-
rut qu'en février 179a, après
qu'on eut débarqué sur les côtes
de la Saintonge les deux cents
vingt-huit qui vivoient encore.
Il semble que Dieu le réseryoil,
avec deux autres ( V. F. Jourdain,
et P. Talmeuf), pour récompen-
ser , par les reliques de trois Mar-
tyrs, la ville de Saintes dont les
habitans, animés de cette Foi vive
qui se manifeste par les œuvres»
fides ex operibus, se signalèrent
dans cette rencontre d'une ma-
nière si généreuse euvers « ce petit
reste échappé aux ravages de la
mort » , suivant l'expression de
l'un d'eux [V . Récit abrégé des
Souffrances de près de huit
cents ecclésiastiques , etc. etc. ,
par un curé du diocèse de Pa~
ris). Philippe Bruslé, l'un des
trois qui alloient mourir à Sain-
tes , étant déjà près de succom-
ber, lors du débarquement à
Tonnay- Charente, fut du nom-
bre des malades et infirmes que
l'on amena à Saintes , sur quinze
charrettes lentement conduites
par des bœufs , et escortées par
trente gendarmes. Ceux qui pou-
voient encore marcher firent la
route à pied ; et les premiers ,
comme les seconds , eurent, pen-
dant le trajet, un surcroît de peine
dans la pluie abondante qui ne
cessa de tomber sur eux, sans
qu'ils pussent s'en garantir. Lu
342 BRU
nuit qu'ils furent obligés de passer
à Saint-Porchaire , ils n'eurent
pour lit que le pavé d'une église.
La pluie les accabla encore le len-
demain , jusqu'à Saintes, où ils
n'arrivèrent qu'à onze heures du
matin. Le seul d'entre eux qui
pût y être connu, et inspirer aux
Santongeois quelque intérêt par-
ticulier, étoit M. Du Pavillon, âgé
de 55 ans, l'un des dignes grands-
vicaires de leur saint évêque,
massacré le 2 septembre 1792
{V. P. L. D. L. Rochefoucauld).
Mais on ne s'attendoit pas à le trou-
ver parmi ces déportés, d'autant
mieux que c'étoit de Périgucux,
où il résidoiten 1795, qu'il a voit
été envoyé à Rochefort pour
l'embarquement. On ne le recon-
nut pas d'abord, en les voyant
arriver à Saintes dans l'état le
plus déplorable. Pour bien juger
de cet état, il faut entendre l'un
d-'eux, ce curé du diocèse de
Paris que nous avions encore cité
au tom. I", pag. 556 (1), et
qui n'étoit pas des plus malades.
«Nos baillons, dit-il, nos hail-
lons dont la pluie avoit détrempé
(1) Son nom que nous venons de
découvrir est Marie - Bon - Philippe
Bottin : il étoit curé de Saint-Sauveur
de Lagny, en Brie, et.ee fut le seul
pr6tre du diocèse de Paris qui se
trouva dans cette affreuse déporta-
tion. Il y avoit été condamné le 16
octobre 1793 par le tribunal criminel
du département de Seine et Oise, sié-
geant à Versailles.
BRU
tous les lambeaux , noire teint
livide, nos joues creuses, notre
corps décharné, tout en nous at-
testoit l'extrême misère à laquelle
nous avions été réduits. Ce triste
spectacle émut vivement tous ceux
qui en étoient témoins : ils ne
purent retenir leurs larmes, en
voyant arriver parmi eux des
hommes à demi morts, des sque-
lettes qui ne conservoient plus
qu'une peau desséchée et collée
sur les os, des cadavres qu'animoit
à peine un souffle de vie. Nous
fûmes déposés dans la vaste mai-
son qu'habitoient les ci - devant
religieuses Bénédictines de Notre-
Dame , pour y demeurer reclus
tant qu'il plairoit au Seigneur de
le permettre. Là, un lit de paille
étoit préparé pour chacun de nous ;
mais la divine Providence, qui
vouloit faire cesser nos maux ,
nous avoit conduits dans une terre
bénite où la charité, cette fdle du
Ciel, a établi son séjour de pré-
dilection » .
Avant de décrire les prodiges
qu'elle fit, et les secours qu'elle
prodigua, il est juste de penser à
l'influence que, du haut du ciel,
le saint martyr évêque de Saintes
dut avoir, dans cette rencontre,
sur la piété solide que, de son
vivant, il avoit inspirée à ses dio-
césains. « Les habitans de cette
ville, reprend le même curé,
vinrent à notre secours avec un
empressement si vif, avec un con-
cert si unanime, qu'en peu de
BRU
temps nous fûmes tous pourvus
de couchettes, de matelas, de
draps, couvertures, tables, chaises,
etc. Iious manquions de vête-
mens et de linge : on se hâta de
nous en fournir. Après que ces
précieux services nous curent été
rendus avec le désintéressement
le plus parfait , on établit , en
notre faveur , une distribution
journalière et copieuse d'alimens
de la meilleure qualité; on y joi-
gnit les médicamens dont nos
malades avoient besoin » . M. Du
Pavillon étoit constitué d'un con-
cert unanime, par ses confrères
comme par leurs bienfaiteurs, le
régulateur de tous ces divers se-
cours , suivant le besoin de
chacun ; et leur accroissement
progressif sembla provenir de la
sagesse de ses dispensations.
« Une émulation générale, pour-
suit le même curé, animoit tous
les citoyens à nous faire du bien ;
et les plus pauvres étoient jaloux
de concourir à la sainte pro-
digalité dont nous étions l'ob-
jet. Pour en sentir le prix, il faut
savoir que les vivres étoient alors
très-rares et très-chers à Saintes ;
mais les généreux habitans fai-
soient tous les sacrifices nécessaires
pour nous en procurer abondam-
ment : ils se privoientmème d'une
partie de leur subsistance, pour
que la nôtre fût complète »
Parmi eux se distinguoit, après
les avoir enhardis par la préve-
nance, le zèle et la générosité de
BRU 343
ses services envers les prêtres souf-
frans, un honorable médecin qui,
par une de ces dispositions de la
Providence que les gens de peu
de Foi n'attribuent qu'au hasard,
portoit le même nom que notre
vicaire de Sarry, le plus ignoré
d'entre eux. C'est de ce protec-
teur que parloit M. de la Biche ,
regrettant de n'oser encore le
nommer, quand il disoit dans sa
Relation imprimée en 179G :
« Nos malades étoient bien soi-
gnés ; ils avoient un habile mé-
decin, homme d'esprit, plein de
douceur et d'aménité , qui prenoit
autant d'intérêt à notre sort que
si nous eussions été ses proches ou
ses amis particuliers». Ajoutons
à cekt , pour l'honneur de tous
ceux qui furent sauvés par ses
soins , qu'ils n'ont cessé de le
chérir autant qu'il en est estimé.
Dieu voulut que , malgré tant de
secours et d'attentions , trois de
ces prêtres donnassent aux pieux
Santongeois, le spectacle d'une
mort sainte dans les bras du Sei-
gneur, et que le vicaire Bruslé
fût de ce nombre. Tout ce qu'on
put faire pour lui ne réussit qu'à
prolonger sa vie près d'un mois.
11 expira dans la nuit du 0 au 7
mars 1795, à l'âge de 40 ans.
Quant aux deux cent vingt-six
autres , il est bon de connoitre
les senlimens qu'ils emportèrent
de Saintes, et toute l'étendue des
bienfaits qui leur y furent prodi-
gués encore à leur départ.
344 BRU
« Nos bienfaiteurs nous avoient
soulagés en toute manière, ditenfin
le curé de Lagny; ils couronnèrent
tous leurs bienfaits , en obte-
nant du comité de sûreté géné-
rale , que la liberté nous fût
rendue.... Quand le moment de
nous séparer d'eux arriva, ils ne
■voulurent pas nous laisser aller
sans nous avoir donné l'argent
qui nous étoit nécessaire pour les
dépenses de la route. Vertueux
habitans de Saintes, peuple com-
patissant et généreux ! telles sont
les œuvres de miséricorde que
yous avez pratiquées à notre
égard Rien n'a pu vous em-
pêcher de suivre jusqu'à la fin les
mouvemens de la charité de Jésus-
Christ qui vous pressoit de secou-
rir ses ministres. Les railleries ,
les injures, les menaces des enne-
mis de l'Eglise, n'ont pas été ca-
pables de refroidir votre zèle , ni
de ralentir le cours de vos bonnes
œuvres. Ces hommes sans pitié
marquoientvos noms sur des listes
de mort ; mais le Dieu de toute
bonté les inscrivoit sur le livre de
vie. Vous tous qui avez été nos
consolateurs, nos bienfaiteurs, nos
libérateurs , que vous rendrons-
nous pour la tendre commiséra-
tion que vous nous avez témoi-
gnée , pour les charitables soins
que vous nous avez prodigués ,
pour les abondantes largesses dont
vous nous avez comblés ? Ah ! nous
ne pouvons pas répondre à votre
générosité par des bienfaits réci-
BRU
proques, puisque Dieu nousaôte
toutes nos possessions ence monde.
Mais, dans notre dépouillement,
il nous reste le cœur pour vous
aimer d'une affection éternelle,
une voix pour vous bénir à la face
du ciel et de la terre. Puisse toute
l'Eglise catholique être informée
des aumônes que vous avez ver-
sées avec tant de profusion dans le
sein de ces prêtres souffrans, et les
célébrer à jamais avec nous !»
BRU S LÉ ( Jean - Baptiste ) ,
jeune prêtre du diocèse de Char-
tres, né près de Chûteaudun, se
laissa séduire par les apologistes de
la constitution civile du clergé ,
et en fit le serment. Cet acte de
foiblesse coupable lui valut d'être
porté par les profanes à la cure de
Saint-Laurent, dans Nogent-le-
Rotrou. Mais, au commencement
de 1793, ses yeux se dessillèrent;
il vit que toutes les prétendues
réformes auxquelles il avoit ad-
héré ne produisoient que la ruine
de la religion. Les progrès de
l'impiété autorisée par la Con-
vention, ne lui permettoient plus
de restera Nogent, sans danger
pour sa personne ; il vint , au mois
d'août, à Paris; et, un jour qu'il
alla dans un bureau d'administra-
tion où il étoit appelé , il ne put
s'empêcher de se montrer indigné
de tout ce que la Convention fai-
soit pour la ruine entière de la
religion. Cette franchise de son
amour pour elle le fit arrêter et
jeter dans les prisons , où il se
trouva avec l'édifiant curé Pastou-
relle ( V. ce nom). II y rétracta
son serment , et en fut absous.
Le tribunal le fit comparoître de-
vant lui, le 2 brumaire an II (25
octobre 1793 ) , avec le curé Pas-
tourelle , et le condamna aussi à
la peine de mort, sous le prétexte
qu'il avoit « tenu des propos
contre-révolutionnaires, et pro-
voqué le rétablissement de la
royauté». Il n 'avoit que 58 ans.
BRUSTIER ( François ) , prê-
tre , et religieux de l'ordre des
Grands-Carmes , né dans le dio-
cèse de Toulouse , n'étoit point
sorti de France, quoique proscrit
comme insermenté, par la loi du
26 août 1792. Il fut arrêté en
1795; et, après plusieurs mois
d'emprisonnement, on le fit traî-
ner, en 1794? à Bordeaux, où il
devoit être embarqué pour une
déportation au-delà des mers ( V.
Bordeaux). En attendant le jour
de l'embarquement , qui n'arriva
que vers la fin de l'automne , trois
mois après la chute de Robers-
pierre , le P. Brustier fut enfermé
dans la maison du Petit-Séminaire,
où la Providence, voulant qu'il ter-
minât son martyre à Bordeaux,
permit qu'il succombât sous le
poids de ses souffrances. Quand on
le vit près d'expirer, on le trans-
féra dans l'hôpital de Saint-André.
Il y rendit son dernier soupir, le
23 août 1794 , à l'âge de 55 ans.
( V.k. Bohaud, et P. Cabanel. )
BRUXELLES aîné (Jean-Baf-
BRU 545
tiste), prêtreetchanoine del'é glise
collégiale de Saint - Léonard - lc-
Noblet, dans le diocèse de Limo-
ges, né à Saint-Léonard, en 173 j?
étoit un « homme vertueux et
savant». Il fut loin d'adhérer à la
constitution civiie du clergé,
et en regarda le serment comme
un grand crime contre la Foi.
« Recommandable par son zèle
comme par ses lumières » , il ne
négligea rien pour maintenir dans
l'unité catholique, les fidèles ainsi
que les prêtres de sa province, où
il resta, malgré la loi du 26 août
1792 ; mais il y fut arrêté l'année
suivante. Sa perte fut jurée par le»
impies , qui l'envoyèrent à Ro-
chefort, pour être déporté au-delà
des mers ( V. Rochefout). Em-
barqué sur les Deux Associés,
il succomba sous les maux qu'on
y enduroit. Sa mort arriva le
18 juillet 1794; il avoit alors
60 ans , et il fut enterré dans l'île
d'Aix. ( F. Ph. Brlslê , et P.
Bruxelles.)
BRUXELLES jeune (Pierre),
frère du précédent, prieur -cure
de Champnetery, dans le diocèse
de Limoges, et né à Saint-Léo-
nard - le - Noblet , dans le même
diocèse , repoussa avec indigna-
tion la proposition de faire le ser-
ment schismatique de 1791. Voué
dès lors à la persécution , il ne
foiblit point devant elle ; et elle ne
put lui arracher aucun acte capable
de compromettre sa vertu. Après
la loi d'expulsion du 26 août 1792,
r»4G BRU
il ne sortit point de France, et
resta dans sa province pour l'uti-
lité des catholiques. Il y fut ar-
rêté en 1793; et les persécuteurs
l'envoyèrent à Rochefort , pour
qu'il y fût compris dans la dépor-
tation maritime d'une multitude
de prêtres ( V. Rochefort ). On
embarqua ce curé sur les Deux
Jssociés, où, par les charmes de
son esprit, la gaîté de son carac-
tère, l'amabilité de sa personne,
autant que par ses vertus, il se fit
chérir de tous ses compagnons
d'infortune, dont il adoucissoit les
maux. Ces heureuses dispositions,
soutenues d'un bon tempéra-
ment , l'aidèrent à résister aux
souffrances mortelles de cette dé-
portation ; mais il ne put se dé-
fendre d'y gagner le germe de la
mort; et, s'il n'y consomma pas
son martyre, comme la plupart
des autres prêtres déportés, il n'en
acquit pas moins le droit de par-
tager leur gloire. Il fut, à la vérité 7
du petit nombre de ceux qu'on
débarqua vivans , en février 1 795 ;
mais c'étoit pour être mis à de
nouvelles épreuves. On le laissa
quelque temps jouir de sa liberté ;
et il en profita pour contribuer au
maintien de la religion et aux be-
soins des fidèles. Mais on l'arrêta
de nouveau , en novembre de la
même année; et on le mit en ré-
clusion à Limoges , dans le cloître
qu'avoient occupé les religieuses
de la Visitation de cette ville. La
modération que crut devoir exer-
BRU
cer le gouvernement, au com-
mencement de l'année 1797, ou-
vrit enfin à ce vénérable prêtre
les portes de sa prison , dans le
mois de février; et il se remit à
exercer son zèle , de manière que
la catastrophe du 18 fructidor
(4^plembre suivant), qui ramena
l'usage des déportations, ne l'au-
roit point épargné, s'il n'eût pas
alors très-soigneusement fui les
impies qui le recherchoient pour
l'envoyer à la Guiane. La vie pé-
nible et dure qu'il mena pour se
soustraire aux recherches des per-
sécuteurs, fut, en quelque sorte ,
une continuation de son premier
martyre. Il mourut dans sa doulou-
reuse retraite, près d'Eymoutiers ,
en mai 1800, à l'âge d'environ
61 ans, et fut enterré dans le lieu
où il étoit décédé. ( V . J. B.
Bruxelles, et J. J. N. Bucquet.)
BRUYAS (Antoine-Marie), prê-
tre et bénéficier perpétuel de l'é-
glise primatiale de Saint-Jean de
Lyon ,né dans cette ville, s'y étoit
toujours montré comme un ecclé-
siastique attaché auxdevoirs deson
état. N'étant point fonctionnaire
public , il n'avoit pas été astreint
à la prestation du serment de la
constitution civile, du clergé;
mais il ne la regardoit pas moins
comme une œuvre hérétique et
schismatique. Sa condition de prê-
tre sans fonctions lui parut un
titre pour se dispenser de s'exiler,
d'après la loi du 36 aofit 1792; et
il continua de résider dans sa pa-
BRU
■ trie. Le siège qu'elle soutint contre
les troupes de la Convention, en
1793 , et la fureur que les persé-
cuteurs exercèrent contre elle ,
quand elle se fut rendue, rendit
la situation de Bruyas extrême-
, ment fâcheuse ; mais sa Foi ne se
démentit point. La commission
révolutionnaire établie a la fin
; de cette année , pour envoyer à la
mort le plus de Lyonnais qu'elle
< pourroit {V. Lyon), avoit pour
instruction de ne laisser plus sub-
sister aucun prêtre. Bruyas fut
arrêté ; et , parce qu'il étoit prêtre,
qu'il bonoroit son état, elle le
condamna à mourir sur l'écha-
faud, à l'âge de 5a ans, comme
i « ci-devant prêtre réfractaire » , et
comme «contre-révolulionnaire».
Ce fut le 16 nivose an II (5 jan-
vier 1794), qu'elle rendit cette
sentence, uniquement dictée par
la haine de la religion et de ses
ministres. ( V. Ete Brunet, et C.
Buiilat.)
BRUYÈRES (Pierre), prêtre
du diocèse de Lyon, chanoine et
maître de chœur dans l'église col-
légiale de Montbrison , en Forez,
avoit une piété douce, indulgente
et pure, qui le faisoit comparer ù
saint François de Sales. Comme
sa douceur n'étoit point foiblesse
de caractère, et qu'il étoit pénétré
du sentiment de ses devoirs , il
montra la plus invincible fermeté
contre les innovations schistna-
tiques de la constitution civile
du clergé. Devenu odieux aux
BRU 547
réformateurs, il crut prudent de
se soumettre à la loi qui expulsa
de France les prêtres non-asser-
mentés, le 26 août 1792; mais
ensuite , l'espèce de triomphe que,
la raison et la sagesse obtinrent ,
par la résistance des Lyonnais à
l'athéisme et à l'anarchie , le 29 ma i
1795, et les mois suivans, parut
au chanoine Bruyères rouvrir à
son zèle les barrières de la France :
il revint dans sa province. Les
administrateurs en chefdu diocèse
de Lyon l'associèrent à leurs solli-
citudes, en lui faisant donner, par
l'archevêque , des lettres de grand-
vicaire ; et, en cette qualité, il
dirigea les travaux des ouvriers
évangéliquesdu Forez. La ville de
Lyon ayant succombé, en octo-
bre, sous les hordes delà Conven-
tion , et les proconsuls envoyés
par elle ayant établi , en novem-
bre, pour immoler des victimes,
une commission révolutionnaire
à Lyon [V. Ltoh), et un tribunal
de justice révolutionnaire à
Feurs, le chanoine Bruyères, ar-
rêté et traduit devant ce second
tribunal, y fut de suite condamné
à la peine de mort, i° comme
« émigré» , quoiqu'il ne lût sorti
de France que pour obéir à la loi
de déportation ; et 20 comme
« chef de fanatiques » , c'est-a«
dire de prêtres zélés, et de fidèles
constans dans leur attachement à
la religion de Jésus- Christ. Ce
jugement , prononcé le 1 2 frimaire
an II ( 2 décembre 1793 ), s'exé-
548 BUC
cuta le même jour, ù Feurs [V. J.
M. Mollin). Quand le vertueux
Bruyères fut monté sur l'écha-
faud de la guillotine , avant de
livrer sa tête à cet instrument de
mort, il le baisa avec des trans-
ports de reconnoissance , comme
celui qui, en lui procurant l'avan-
tage de répandre son sang pour la
cause de la religion , alloit lui ou-
vrir infailliblement les portes de la
gloire éternelle. On croyoit revoir
saint André, lorsqu'il embrassa
plein d'ardeur la croix à laquelle
on alloit l'attacher. Bruyères ,
tressaillant comme lui d'allé-
gresse à la vue de l'instrument
homicide , sembloit dire égale-
ment : «O toi que j'ai si long-temps
désiré , et que l'on accorde à mes
vœux, je viens à toi si satisfait,
que tu ne peux que me recevoir
avec joie dans tes bras ! Oh !
combien je suis heureux de te
serrer dans les miens et de te
presser contre mon cœur! «Cùm
paratum sibi eminùs patibu-
lum conspexisset , o crux, in-
quit , diù desiderata, et jam
concupiscenti animo prœpa-
rata! Securus et gaudens ve-
nio ad te , ita ut et tu exsultans
suscipias me Amator tuus
semper fui, et desideravi am-
plecti te.... (S. Bern., In vigi-
fia S. Andreœ apostoli, n° 3.)
( V. Carton.)
BUCHER (2V...), néen Franche-
Comté , et curé dans le diocèse
de Besançon, resta pur de tous les
BUC
sermons anti- religieux exigés en
1791, 1792 et 1790. La persécu-
tion des temps de la terreur ne put
l'atteindre ; mais le bonheur qu'il
avoit eu d'échapper à la faulx ré-
volutionnaire, ne fut point un ga-
rant pour lui, quand sur vint l'atroce
loi du 19 fructidor ( 5 septembre
1 794)- S'étant fait remarquer par
son zèle , dans les mois qui avoient
précédé, il fut arrêté et conduit à
Rochefort, pour être déporté à la
Guiane ( V . Gi iane). On l'embar-
qua, le 1" août 1798, sur la cor-
vette la Bayonnaise , dont le
séjour devint mortel pour lui,
dans la traversée. Il y mourut; et
son corps fut jeté à la mer. ( V . P.
BBTNÉGAT, et C. CaILHIAT. )
BUCHY (Henriette de), reli-
gieuse Ursuline de Cassel , fut une
des cinq religieuses de la Belgique
amenées à Arras, pendant le pro-
consulat qu'y exerçoit le féroce
Lebon, en 1791- Elles avoient été
saisies par les troupes de la Con-
vention, avec onze religieux, lors
de la conquête de cette province.
Henriette de Buchy étoit encore
au printemps de sa vie. Les ou-
trages qu'elle eut à souffrir, ainsi
que ses compagnes, durent être
infiniment pénibles pour sa pu-
deur comme pour sa Foi. Nous les
avons racontés à l'article de Reine
Beck. auquel nous renvoyons «
ainsi qu'à celui de leur supérieure,
Barbe Grison. Henriette de Buchy
comparut , avec elle ei deux autres,
religieuses, devant l'impie tribu-
BUI
nal révolutionnaire d'Arras, le
12 messidor an II (3o juin 1794)
(F. Arras) ; et elle fut envoyée à
l'échafaud, le même jour, comme
•< fanatique » , avec ses compa-
gnes. Elle n'étoit Agée que de 5o
ans. Née à Lille , elle avoit eu pour
père Jean -Baptiste de Buchy, et
pour mère, Angélique d'Anneu-
lin. ( V. A. I. Briois de Sarleux,
et F. L. Buissy.)
BUCQUET (Jean-Jacques-Ni-
colas) , prêtre, chapelain de l'ab-
baye de Saint-Amand de Piouen ,
et né dans cette ville, mérita par
sa constance dans la Foi la même
persécution, à laquelle étoient en
proie tous les prêtres qui n'avoient
pas voulu faire le serment schis-
matique de 1791. H n'en resta pas
moins dans sa province pour l'uti-
lité des fidèles, et y fut arrêté en
1 , lorsque la persécution deve-
noit de plus en plus meurtrière,
lorsqu'elle en vint jusqu'à ne pou-
voir plus souffrir la présence ,
l'existence même d'aucun prêtre,
le chapelain Bucquet fut envoyé
avec beaucoup d'autres à Roche-
fort, pour être déporté au-delà des
mers (F. Rochefort). On l'em-
barqua sur la flûte les Deux Asso-
ciés; et il finit par succomber sous
les maux affreux qu'on y enduroit.
Il rendit son dernier soupir le
13 septembre 1794» à l'âge de
40 ans , et fut enterré dans l'île
Madame. ( V. P. Bruxelles, et
G. M. Cajah. )
BUISSON (Victor), curé de
BUI 349
la paroisse de Neoulles, près Bri-
gnolles , dans le diocèse d'Aix,
n'étoit point sorti de France à la
fin de 1792; et, comptant sur le
bon esprit de la Provence, en 1790.
il continuait d'habiter sa paroisse.
Mais la persécution ayant fait su-
bitement une vive irruption dans
le pays, ce curé fut arrêté et con-
duit dans les prisons de Dragui-
gnan , où résidoit le tribunal cri-
minel du département du Var.
On le traduisit devant ce tribunal
le 24 ventôse an II (i4mai 1794) î
et comme les juges, empressés de
condamner, avoient imaginé, pour
simplifier et accélérer les procé-
dures contre les victimes, de les
qualifier indistinctement de « con-
tre-révolutionnaires », ce fut avec
cette vague accusation qu'ils en-
voyèrent à la mort le curé Buisson,
pour la seule véritable raison qu'il
étoit ministre de J.-G.
BUISSY (François Lamorai
de), né à Douai, vers 1730, prêtre,
et l'un des anciens chanoines de la
cathédrale d'Arras, avoit donné des
témoignages de son opposition aux
erreurs constitutionnelles , dans
une déclaration de son chapitre à
la fin de 1790. Son âge ne le dis-
pensoit de sortir de France , lors
de la loi de déportation du 26 août
1792, qu'à la condition qu'il seroit
mis en réclusion. Cinq autres cha-
noines de la même église étoient
dans le même cas {V . P. H. Bouc-
quel) ; et il fut enfermé avec eux
Le proconsul J1' Lebon étant venu
3iio BIN
lavager la province [V . Arras) ,
et s'effbrcant d'anéantir la religion
par la destruction des prêtres, se
donnoit quelquefois la peine d'al-
léguer contre eux des motifs poli-
tiques ; mais , à l'égard de Buissy,
il ne pouvoit en trouver qui lus-
sent étrangers à la religion ; et
celui qu'il ne put se dispenser de
choisir, devoit nécessairement at-
tester sa haine pour elle. La dé-
claration du chapitre d'Arras ,
signée le 21 décembre 1790 par
le chanoine de Buissy, devint
le prétexte de sa mort, comme
de celle de ses cinq confrères,
suivant ce que nous avons ra-
conté à l'article de P. H. Borc-
qvel. Il fut condamné avec eux
au dernier supplice, le 17 ger-
minal an II (6 avril 1794)? et
périt ainsi pour la cause de la reli-
gion , à l'âge de 64 ans. [V . H.
Bcchy , et H. W. Caron. )
BUNEL (Jean) , prêtre du dio-
cèse de Bennes, n'en étoit pas
sorti , quoiqu'il fût insermenté ,
imaginant, sur la foi des lois, que ,
n'ayant point été fonctionnaire
public, il ne pouvoit être puni
pour ne s'être pas conformé à
celle de la déportation. On l'arrêta
en 1793; et le 12 germinal an II
(1" avril 1794)? il fut traduit de-
vant le tribunal criminel du dé-
partement à' l lie- et -V Haine ,
qui le condamna à la peine de
mort comme « réfractaire ». 11
subit sa sentence le lendemain.
BUNNEVILLE (Emilie),
BtlV
demoiselle. ( Voy. E« et A. Le-
roy. )
BÛQUET ( François ) , curé de
Gagny, près Livry, diocèse de
Paris, né à Congis, en Brie, fut
pris à la fin de 179^, et enfermé
à Paris dans la prison dite de Saint-
Lazare. Comme , depuis le mois
de prairial , on é vitoit, autant qu'on
le pouvoit, d'alléguer des motif»
anti-religieux en faisant périr les
prêtres, on imagina, pour attein-
dre le même but à l'égard du
curé Buquet, de l'impliquer dans
une prétendue conspiration des
prisonniers de Saint - Lazare ;
et ce fut sous ce prétexte que le
tribunal révolutionnaire l'en-
voya à l'échafaud le 7 thermidor
an II (25 juillet 1794)? avec sept
autres prêtres {V . J. Baoul). Il
avoit 46 ans, lorsque sa tête
tomba sous le fer de la guillo-
tine.
BUBEL (Micuel-George-Fran-
çois d'Anfernet de) , prêtre du
diocèse de Bouen, s'étoit retiré,
pour éviter la persécution , dans
la paroisse de Boumare, en Nor-
mandie. Il y fut atteint par les
agens de la persécution , en 1 794 ;
et 011 le conduisit à Rouen comme
un insermenté qui n'avoit pas obéi
à la loi de déportation. Il y avoit
un mois et demi que Roberspierre
n'existoit plus, lorsque le tribunal
criminel du département de la
Seine-Inférieure fit comparaître
devant lui le prêtre Burel, le
2i fructidor an II (7 septembre
BUR
1 794) ; et 'e9 juges ne ' en con_
damnèrent pas moins à la peine
de mort comme « réfractaire ».
Il fut immolé le lendemain.
BURIN (N...), curé de Saint -
Martin-de-Conné, dans le diocèse
du Mans, étant poursuivi comme
insermenté, en 1794 • Laval),
fut pris par un détachement de
soldats révolutionnaires, qui , en
l'emmenant, le fusillèrent sur la
paroisse de Saint - Thomas - de-
Courceriers , près de Mayenne.
[V. J. R. Brcneau, et L. Cha-
DAIONE. )
BURLAT (Camille), prêtre et
chanoine de l'église collégiale de
la ville de Saint - Chamont , près
celle de Saint-Etienne, en Forez,
dans le diocèse de Lyon, s'étoit re-
tiré à Lyon où il étoit né ,et près de
son frère qui y exerçoit le com-
merce. La suppression des cha-
pitres, en 1791, l'avoit décidé à
ce parti; et, dans cette ville, il
rendoit encore son ministère utile
aux catholiques. Son frère ayant
été obligé de prendre les armes ,
pendant le siège de Lyon par les
troupes de la Convention, afin de
défendre contre elles sa patrie ,
rendit fort périlleuse la situai ion
du chanoine , comme la sienne
propre, au moment où les assic-
geans alloient entrer dans la ville.
11 engagea cet ecclésiastique à se
sauver avec lui , parmi les assiégés
qui fuyoient en armes : le négo-
ciant, blessé dans cette fuite, put
néanmoins échapper aux assié-
BUR 55»
geans ; mais le chanoine tomba
entre leurs mains. Traduit en-
suite, comme prêtre, à l'affreuse
c 0 m m i s s i o n ré v 0 lut io nnai re é t a -
blie vers la fin de l'année , pour
décimer les Lyonnais [V. Lyon),
il fut condamné au dernier sup-
plice, à l'âge de 57 ans, le 12
pluviôse an II (5i janvier 1794)?
en qualité de « prêtre réfractaire»,
et comme s'il eût été « pris les
armes à la main, lors de la sor-
tie ». Son frère, père d'une nom-
breuse famille, mourut des suites
de sa blessure, et avec les dispo-
sitions d'un Martyr, au village
de Saint-Cyr, près de Lyon. Pen-
dant sa maladie , qui ne dura que
trois jours, il demanda souvent à
connoître ses assassins, pour leur
déclarer qu'il leur pardonnoit, et
qu'il s'empresscroit de leur don-
ner des secours pécuniaires, s'ils
en avoient besoin. Il refusa les
soins des prêtres schismatiques ,
et fit connoitre à ceux qui l'entou-
roient , qu'il étoit consolé de toutes
ses peines terrestres , par des
grâces extraordinaires et particu-
lières. Il reçevoit ainsi la récom-
pense de sa Foi , qui lui avoit
fait déclarer, au commencement
dos troubles, que, lors même que
tous ses amis céderoient aux er-
reurs du temps, et voudroient l'y
entraîner, il leur résisteroit cons-
tamment, voulant toujours obéir
aux décisions de l'Eglise catho-
lique. {V . Bruyas, et Castillon.)
B U R L O T ( iV. . . ), prêtre de
352 BU 11
l'une de ces paroisses du diocèse de
Quimper, qui se trouvent main-
tenant enclavées dans celui de
Saint-Brieuc , fut l'une des vic-
times sacerdotales qu'en haine de
la religion, le tribunal criminel
du département des Côtes - du-
Nord, siégeant en cette ville, fit
décapiter. Burlot le fut le 1" jour
complémentaire an II (17 sep-
tembre 1794)» Près de deux mois
après le neuf thermidor. La
cause de sa mort , exprimée dans
la sentence, montre que nous ne
devons pas l'exclure du nombre de
nos Martyrs : il périt pour avoir
«refusé de prêter le serment, et
n'être pas sorti de France». Le
tribunal étoit trop pressé de sacri-
fier un prêtre fidèle, pour mettre
d'autres formalités dans la sen-
tence.
BURTÉ (Le Père, Jean-Fran-
çois) , prêtre et docteur de la mai-
son de Sorbonne , religieux de
l'ordre des Frères Mineurs con-
ventuels, et procureur de la mai-
son des Cordeliers , à Paris, signa,
avec le P. Besson, ex-gardien, le
P. d'Haisen, ex - provincial , le
P. Dujardin, professeur de théo-
logie, le P. Devoysins, et trois
autres, le 20 avril 1790, une lettre
latine au Père Général de leur
ordre , à Rome , dans laquelle ,
déplorant, comme eux, la sup-
pression des ordres monastiques ,
faite par l'Assemblée Constituante,
ils imploroient ses conseils et ses
consolations. Mais, ensuite, le 27
BUR
septembre 1790, il lui écrivit en
son nom seul dans la même langue ,
pour « exprimer sa douleur per-
sonnelle de ce qu'il ne lui étoit
plus permis de porter l'habit de
son ordre, comme encore pour de-
mander la permission de se retirer
dans quelque paroisse où il pour-
roit servir Dieu tranquillement ,
et y exercer les fonctions du mi-
nistère pastoral qui lui seroient
confiées par l'Ordinaire , à la
charge, toutefois, de retourner à
la vie commune du cloître , dès
que les circonstances pourroient
le permettre ». Le texte de ces
deux lettres, dont les originaux
furent déposés dans les archives du
Père Général , Médici , aux Saints
A pâtres, à Rome, se trouve dans
les Mémoires de M. d'Auribeau,
p. 52i. Connu à Paris, par de
telles dispositions, ainsi que par
son opposition aux principes hété-
rodoxes de la constitution civile
du clergé, il sembloit donner à
ceux de l'Eglise catholique, une
sorte de relief, avec ses vertus,
ses lumières et la considération
dont il jouissoit. Témoin impor-
tun de la Foi aux yeux des im-
pies , il ne tarda pas à être saisi
par eux, après ce funeste 10 août,
qui leur donna tout pouvoir sur
les prêtres fidèles. Amené de-
vant le comité de la section du
Luxembourg , le père Burté y
parut plus ferme que jamais ,
dans son refus du serment ; et
il fut emprisonné dans l'église
CAB
des Carmes. Digne de figurer
honorablement parmi les illus-
tres vétérans du sacerdoce qui s'y
trouvoient avec lui, il égala les
plus généreux d'entre ces con-
CAB 555
fesseurs de la Foi, quand son tour
fut venu de marcher au martyre;
et il fut massacré pour cette cause
le 2 septembre suivant. ( V. Sep-
tembre.)
CABANEL (Pierre), prêtre,
né à la Canne, dans le diocèse de
Castres, département du Tarn,
n'étoit point sorti de France d'après
la loi de déportation rendue contre
les prêtres non-assermentés, du
nombre desquels il se trouvoit.
Son âge avancé, et plus encore
l'utilité dont pouvoit être son mi-
nistère dans la province, l'y firent
rester. Il y fut arrêté en 1 790 ; et ,
l'année suivante , on le fit traîner
à Bordeaux , pour qu'il en fût
déporté au-delà des mers, lors du
premier embarquement desprêtres
[V '. Bordeaux^. On ne le mit ce-
pendant pas au nombre de ceux
que l'on commençoit a embarquer
vers la fin de l'automne , trois mois
après la chute de Roberspierre.
Il resta enfermé dans le couvent
des Catherinettes , transformé
en prison ; et ses souffrances arri-
vant au point où elles surpassoient
ses forces exténuées par tant de
persécutions , il tomba dans un
état qui annonçoit la fin de sa vie.
On le porta dans l'hôpital de Saint-
André, et il y mourut le 8 no-
vembre 1794» à l'âge de 61 ans.
( V. F. Brustier et F. Cambon. )
2.
C
CABRIER ( Bernard -Guil-
laume ) , prêtre du diocèse de La-
vaur, né au bourg de Mazamets,
en 1 75g , y étoit vicaire à l'époque
de la révolution. Les circonstances
édifiantes de sa vie jusqu'alors n'é-
tant pas indispensables au but que
nous devions avoir, celui de le faire
reconnoître pour Martyr, nous en
laissons le récit à d'autres. Il con-
fessa généreusement la Foi de J. C.
par le refus du serment de hcons-
titution civile du cieryé ; et
obligé, d'après cela, de s'éloigner
de Mazamets, il vint à Castres,
où il rendit d'éminens services
aux catholiques de cette ville, sans
négliger ses paroissiens, qu'il visi-
toit souvent avec la prudence que
les temps rendoient nécessaire. Le
bien qu'il faisoit dans l'un et l'autre
endroit l'y attacha si fortement,
que la loi de déportation ne put
l'en séparer. Sans s'exposer témé-
rairement à la persécution, il con-
tinua pendant toute l'année 1795,
et jusqu'au mois de novembre
1794, à fournir aux fidèles de ces
deux cantons tous les encouraee-
mens et tous les secours de la re-
ligion. Les révolutionnaires de
23
554 CAB
Castres furent sans doute mis alors
dans le secret des thermidoriens
qui vouloient ranimer la persécu-
tion , qu'avec une perfide politique
ils paroissoient avoir suspendue
depuis qu'ils avoient renversé Ro-
berspierre , en juillet précédent.
L'asile de Cabrier fut dénoncé aux
agens des persécuteurs par un de
ses parens qui vint avec une troupe
armée pour le saisir dans la nuit
du 24 au 25 novembre. Le tribu-
nal criminel du département du
Tarn, siégeant à Castres, le con-
damna presque de suite à la peine
de mort , comme « prêtre réfrac-
taire », le G frimaire an II (2G no-
vembre 1794)- Un de ses amis,
étant venu le voir à la prison après
ce jugement, ne pouvoit s'empê-
cher de répandre des larmes : «Tu
as tort de t'affliger, répliqua dou-
cement Cabrier; songe que c'est
aujourd'hui le plus beau jour de
ma vie ». Tel autrefois le saint
Martyr Cyrille de Césarée qui ,
allant au supplice , disoit à ceux
qui pleuroient sur son sort : « Vous
devez bien plutôt vous en réjouir,
et me présenter vous-mêmes avec
joie au supplice; ne savez-vous
pas quelle patrie je vais habiter, et
la sainte confiance qui me trans-
porte d'allégresse? laissez -moi
donc sacrifier ainsi ma vie » ; et en
parlant de la sorte, il alloit mourir :
Debetis delectari , debetis me
producere yaudentes ad patien-
dum ; nescitis quam civitatem
'hobitabo? 'nescitisquaicm fidu-
CAB
ciam habeo ? concedite sic ex~
pendere vilam. H œcdicens,ibat
mori. (Bollandist. ad 29 niaii. )
Cabrier , avant de partir pour
l'échafaud, écrivit dans le même
esprit à son père et à sa mère une
lettre d'adieux dans laquelle il leur
disoit : « On vient de me condam-
ner à mort ; l'arrêt aura été exé-
cuté lorsque vous recevrez cette
lettre. Je me soumets avec plaisir ,
parce que je connois tout le prix
du martyre. Quoique je ne doive
plus m'occuper du monde, j'em-
ploie ce moment à vous retracer
ici mes sentimens, et à vous pro-
poser tous les motifs de la Foi pour
essuyer vos larmes. Ne vous at-
tristez pas : celte mort ne m'ôte
point la vie; elle ne fait que la
changer en un meilleur sort »
( V . J'is Barthe et J. B. Imbert).
En allant au lieu du supplice, il
récita le psaume Miserere et les
prières des agonisans. Monté sur
l'échafaud , il obtint de l'exécuteur
quelques instans pour adresser
d'ici-bas au Seigneur une dernière
prière, se mit à genoux, et offrit
à Dieu le sacrifice de sa v ie pour la
cause de la religion. S étant ensuite
livré à l'instrument de mort, il
périt à l'âge de 55 ans, le 28 no-
vembre 1 794-
CABRON (Marie Héraud^
femme ) , surprise par les agens de
la persécution dans l'exercice de
ses devoirs de piété , fut livrée à la
commission militaire d'Angers ,
qui, pour cette seule cause, la
CAG
condamna à la peine de mort ,
comme fanatique , en 1 7g4-
CAGNOT (Louis-Philippe),
prêtre, né en i j55à Valenciennes,
où il étoit attaché à l'église collé-
giale de Saint- Céry, après avoir
été préfet du séminaire de Douai,
montra une Foi inébranlable lors
de l'innovation de la schismatique
constitution civile du clergé.
Zélépour le maintien des principes
de l'Eglise catholique, il s'attira
la persécution dirigée contre les
prêtres insermentés ; et frappé
comme eux par la loi de déporta-
tion du 26 août 1792, il passa un
peu au-delà de la frontière ; mais,
après que les Autrichiens eurent
soustrait Valenciennes à la tyran-
nie de la Convention, cet ecclé-
siastique revint pour y exercer son
ministère ; et il tomba sous la
main des persécuteurs, quand les
troupes de la Convention et ses
proconsuls entrèrent dans cette
ville , le 1" septembre 1794 (V.
Valenciennes). Arrêté, jeté dans
les prisons, il fut livré le 26 ven-
démiaire an III (17 octobre 1 794 )
à une commission militaire qui
devoit cacher en celle circons-
tance sa haine pour la religion,
.sous le prétexte de ne juger que
des « émigrés -rentrés >>. Telle
étoit alors l'hypocrisie de cette
faction tfwnnidorienne, qui,
depuis deux mois et vingt -deux
jours, avoit abattu Roberspierre.
Lorsque les juges demandèrent au
prêtre Cagnot s'il avoit émigré, il
CAI 355
ne le cacha point, quoiqu'il eût pu
espérer de sauver sa vie par une
réponse négative. Se dévouant
pour la gloire de la sainte vérité,
de même que deux autres prêtres
et cinq religieuses jugées en même
temps par la commission (f. C.
M. J. Vienne, L. A. JJ Dalnier,
L. Vanot, J. R. Prin, H. Rourla,
G. Ducrez, M. M. Jl,e Dejardin),
il fut frappé d'une sentence de mort
comme ces sept autres victimes
( V. Auchin et IL Burla). Il mar-
cha à l'échafaud avec le courage,
la Foi et l'espérance d'un vrai Mar-
tyr, à l'âge de 5g ans. {V. Bruslé
et Danjon. )
CAILHIAT (Calixte), né k
Cahors en 1762, piètre d'une
profonde érudition , qui avoit
été professeur à l'Université de
cette ville, ne fit aucun des ser-
mens coupables de la révolu-
lion , et put néanmoins se sous-
traire aux ardentes recherches des
impies dans les terribles années de
1793 et 1794. Le calme trompeur
qui leur succéda le séduisit; il
exerça son ministère sacerdotal à
Cahors, sans retourner s'établir
à Lauzerte, dont il avoit précé-
demment desservi l'église. Peu de
temps après la funeste loi du
19 fructidor ( 5 septembre 1797),
<ju'avoit enfantée la crise politique
de la veille [V. Guiane), Cailhiat
fut arrêté pour être déporté à la
Guiane. On le fit conduire à Ro-
cliel'ort, et le 12 mars 1798 on
le força de s'embarquer sur la fré-
23.
35(5 CAI
gâte ta Charente, d'où, le 2 5 avril
suivant, il passa sur la frégate la
Décade, qui, vers le milieu de
juin , le déposa sur la rive de
Cayenne. Il obtint de n'être en-
voyé ni à Konanama, ni à Synna-
mari , cl il fut placé chez un colon
d'Approuague , nommé Tourna-
chon, qui lui offrit généreusement
un asile. Mais, pour les prêtres
déportés, il n'étoit pas de refuge
assuré contre les fléaux du climat.
Cailhiat mourut en octobre 1798,
à l'âge de 56 ans. {V. Bûcher,
curé, et P. Campfort. )
CAILLAUD (Daniel), curé de
Boismé, près Bressuire, dans le
diocèse de Poitiers, se garda bien
de faire le serment schismatique
de 1791 ; et lors même qu'il auroit
voulu abandonner ses paroissiens
pour obéir à la loi de déporta-
tion, ceux-ci l'en auroient em-
pêché. Il étoit, en quelque sorte,
sous la protection de l'armée ca-
tholique et royale {V. Vendée) ;
mais, dans les vicissitudes qu'elle
éprouva , le curé Caillaud fut pris
par les révolutionnaires, qui le
livrèrent au tribunal criminel du
département des Deux-Sèvres ,
siégeant à Niort. Ce tribunal, de-
vant lequel il comparut le 1 5 nivose
an II (2 janvier 1794), ayant
l'usage de condamner alors tous
ceux qui lui étoient livrés de cette
manière , comme « brigands de la
Vendée », n'employa pas d'autre
motif de condamnation , en en-
voyant de suite ce curé à la mort.
CAI
CAILLOT (Jean- Jacques),
prêtre du diocèse de Bodez, né à
Bodez même , étoit venu vivre
obscurément à Paris dans un mo-
deste asile, rue de Bichelieu. Son
caractère sacerdotal fut connu, et
on l'arrêta au commencement de
1794. Ce motif d'emprisonnement
sulïisoit pour le vouer à la mort;
mais, comme on se croyoit obligé
d'en employer d'analogues aux
lois, et qu'on ne pouvoit pas
prouver que le prêtre Caillot eût
été astreint à la déportation
comme non - assermenté , on at-
tendoit un prétexte à peu près lé-
gal pour le condamner. Celui d'une
prétendue conspiration parmi les
prisonniers de la maison des
Carmes où il étoit détenu , se
présenta; et c'est comme com-
plice de cette conspiration, qu'il
fut envoyé à Péchafaud le 5 ther-
midor an II (25 juillet 1794)5 à
l'âge de 5i ans.
CAÏBAS ( Louis -Dominique ),
prêtre du diocèse de Marseille ,
prenant confiance dans l'opposi-
tion que la Provence montroit aux
décrets iniques de la Convention ,
crut pouvoir rester sans danger à
Marseille, après la loi de dépor-
tation. Mais la persécution , ayant
subjugué cette province dans l'au-
tomne de 1793; et les tribunaux
de cette contrée n'ayant besoin que
d'accuser de contre-révolution les
victimes qui lui étoient livrées {V.
Orange), le prêtre Caïras, traduit
devant celui des Bouches -du-
CAI
Rhône siégeant à Marseille , y fut
condamné comme « contre-révo-
lutionnaire », à la peine de mort,
le 7 septembre 1795. La sentence
fut exécutée dans les vingt-quatre
heures.
CAIX (Jean-Baptiste), curé de
Paunac en Quercy, dans le diocèse
de Cahors , et né à Martel , dans
le même diocèse, en 1728, s'étoit
retiré dans ce lieu de sa naissance ,
depuis que son refus du serment
schismatique de 1791 l'avoit fait
exclure de sa paroisse. Quand
survint, en août 1792 , la loi de
déportation , Caix ne quitta point
Martel : on vint l'y saisir , dans
l'été de 1 793 ; et on le conduisit à
Bordeaux, pour qu'il en fût déporté
à la Guiane. Mais comme son âge
l'a voitdispensé de sortir de France,
et qu'alors il ne devoit être soumis
qu'à la peine de la réclusion , on le
ramena dans sa province ; et il fut
enfermé dans la prison de Cahors.
Il yétoit depuis près d'une année,
lorsque tout à coup les agens de la
persécution imaginèrent de venir
fouiller les prisonniers. Us trou-
vèrent , dans la poche de Caix, la
copie d'un passage du Mercure de
France de 1 792 , dirigé contre les
ennemis de l'autel , ainsi que du
trône : c'en fut assez pour accu-
ser ce curé , âgé de 66 ans , d'a-
voir conspiré contre la république.
On l'envoya, avec vingt-six pré-
tendus complices , à Paris ; et il
y comparut, avec eux, devant le
tribunal révolutionnaire. Cetri-
CA.T 357
bunal le condamna , avec eux , à
la peine de mort, le 17 messidor
an II ( 5 juillet 1794 )? comme
« convaincu de s'être déclaré l'en-
nemi du peuple , en entretenant
des relations avec les brigands de
la Vendée, et enprovoquant, par
des écrits , l'anéantissement du
gouvernement républicain ». Le
curé Caix fut exécuté le même
jour. On a écrit quelque part
qu'un de ses frères, ex-Jésuite,
arrêté à Issy, près Paris , avoit été
massacré aux Carmes, le 2 sep-
tembre 1792; mais nous n'avons
trouvé son nom , ni sur les regis-
tres d'écrou ( V. Septembre), ni
sur les listes que Peltier et Pru-
dhomme ont publiées chacun de
son côté. Peut-être portoit-il alors
un autre nom , suivant que les
Jésuites le pratiquoient assez gé-
néralement, depuis l'abolition de
leur société.
CAJAN ( Guillaume - Marie ) ,
religieux Capucin de la maison de
Nantes, sous le nom de frère Ca-
simir, né à Quimper, et n'étant
encore que diacre, sembloitdevoir
échapper à la persécution excitée
contre les prêtres dès 1790. Ren-
voyé par elle du cloître où l'avoit
fait entrer sa vocation , il n'en
étoit pas moins fidèle à ses devoirs,
et surtout à la croyance catho-
lique , pour laquelle il avoit un
attachement à toute épreuve. Se
rendant utile à l'Eglise , avec
beaucoup de zèle , suivant le rang
qu'il avpit dans sa hiérarchie, il
558 CAL
passa dans le département des
Côtes -du -Nord, où ses vertus
édifiantes devinrent insupporta-
bles aux agçns de la persécution.
Ils l'arrêtèrent comme prêtre in-
sermenté, en 1793, et le firent
conduire au port de Nantes , où
Carrier faisoit noyer les prêtres
{V. Nevers et Nantes). De
Nantes , on l'envoya à Rochefort,
où il fut mis décidément sur un
navire de déportation. Ce navire
étoit celui qu'on nommoit les
Deux Associés {V. Rochefort).
Quand il fut en mer, les souf-
frances que l'on éprouvoit dans
l'entrepont de ce bâtiment ne l'ac-
cablant pas d'abord autant que
bien d'autres, il se dévoua à les
servir en qualité d'infirmier. «Vrai
Breton par la bonté du cœur et la
fermeté de caractère , ajoute M. de
La Biche, il montra un zèle et une
activité admirables dans le pénible
emploi d'infirmier. Atteint de la
maladie contagieuse, en servant
ses frères, il s'efforça vainement,
durant plusieurs jours, de sur-
monter son mal à force de cou-
rage. Il périt après une agonie des
plus longues et des plus cruelles » ,
à l'âge de 27 ans, le 26 juillet
1 794. On l'enterra dans l'ile d'J ix.
Un autre de ses compagnons de
déportation nous a écrit que « ce
jeune religieux, plein de vertu,
promettoil beaucoup à l'Eglise ».
{V. J. J. N. B acquêt, et J. Cal-
VEZ.)
CALMARD (Benoît), curé
CAL
dans le diocèse de Clermont en
Auvergne , et probablement à
Plauzat, près Clermont, où il ré-
sidoit quand il fut arrêté , en 1 790,
n'avoit point fait le serment de
1791. Son attachement à ses pa-
roissiens i'a voit retenu près d'eux ,
malgré les dangers auxquels l'ex-
posoit l'inique loi de la déporta-
tion. Il fut atteint par les per-
sécuteurs, et enfermé dans les
prisons de Clermont, vers la fin
de 1795. Le tribunal criminel du
département du Puy-de-Dôme,
siégeant en cette ville, ayant fait
comparoître devant lui le curé
Calmard , le 28 nivose an II
( 17 janvier 1794), l'envoya,
comme « prêtre réfractaire », à
l'échafaud; et, le lendemain, il
fut décapité.
CALME LTE (Matjffré) , mar-
chand chandelier à Caussade , en
Quercy, ayant participé à des actes
de religion, avec son curé et seize
autres Caussadois , fut enlevé ,
comme eux, en 1794- Amené à
Paris, avec eux, il fut aussi con-
damné, « comme fanatique» , à
la peine de mort, par le tribunal
révolutionnaire, le 3 messidor
an II ( 21 juin 1794 )'■> et sa tête
tomba le même jour, sur l'écha-
faud, à l'âge de 56 ans. [V . J. P.
Clavière.)
CALVEZ (Jean) , curé de Tré-
guennec , dans le diocèse de Quim-
per, né à Plozvet, dans le même
diocèse, résista avec constance à
la proposition de faire le serment
GÂm
schisinatique de 1791- En vain les
autorités révolutionnaires du dé-
partement du Finistère le décla-
rèrent déchu de son titre de curé;
il n'abandonna pas pour cela ses
paroissiens ; et les lois rigoureuses
qui furent rendues ensuite contre
les prêtres insermentés, ne décon-
certèrent point son zèle pastoral.
Il fut enfin arrêté, en 1795, et
condamné à être déporté sur
quelque plage lointaine. On le
traîna, en conséquence, à Roche-
fort , ou il fut embarqué sur le
navire te IV ashington. Ses souf-
frances étoient extrêmes ; il y suc-
comba , et rendit son dernier sou-
pir dans le courant de septembre
1 794 , à l'âge de 60 ans. Ses cen-
dres reposent dans l'île Madame.
{V. G. M. Cajan, et J. F. Car-
canot. )
CAMBON (François), prêtre,
né à Cahors, n'étoit point sorti de
France, quoiqu'il eût été condamné
à l'exil comme non-assermenté ,
par la loi de déportation rendue le
26 août 1792. Découvert dans le
courant de 1795 , il fut jeté dans
les prisons, et conduit en 1794
à Bordeaux, d'où il devoit être dé-
porté à la Guiane (V . Bordeaux).
Les embarquemens n'y commen-
cèrent que vers la fin de l'automne,
trois mois après la chute de Ro-
berspierre; et le prêtre Cambon
resta, pour les sui vans, dans le fort
du Ha, où il étoit renfermé. Il ne
supporta pas plus long-temps les
rigueurs d'un tel sort. Accablé
CAM r.5«)
par le poids des souffrances , il
alloit y succomber, lorsqu'on le
transporta dans l'hôpital de Saint-
André , où, sans cesser d'être cap-
tif de Jésus-Christ , il mourut le
25 novembre 1794? il l'%e ue
56 ans. {V. P. Cabanel, et P. J.
Cayron.)
CAMPFOKT (Paul), né à Pol-
Mignac , dans le diocèse de Saint-
Flour, vers 174^ ? étoit curé de la
paroisse de Bussol, en celui de
CIcrmont. Il n'avoit prêté aucun
des sermens des premières années
de la révolution, et s'étoit sous-
trait heureusement aux persécu-
tions de 1795 et 1794» Etabli à
Clermont, en 1797, il y exerçoit
son ministère avec une confiance
que sembloit autoriser la modéra-
tion du gouvernement, lorsqu'é-
clata la catastrophe du 1 8 fructidor
(4 septembre 1797). Soumis à la
cruelle loi de déportation rendue
le lendemain, et s'étant trop laissé
connoître des agens du gouverne-
ment, il fut recherché. On parvint
enfin à l'arrêter; et, au printemps
de 1798, on l'envoya à Roche-
fort , pour y être embarqué ( V.
Guiane). Il le fut le ier août, sur
la corvette ta Bayonnaise qui
le déposa, le 29 septembre, à
Cayenne. On l'en repoussa pres-
que aussitôt dans le désert de
Konanama. Les fléaux de cette
contrée dévorante le minant inté-
rieurement, il en résulta, pour
lui , un état de chagrin naturel qui ,
s'accroissant chaque jour, à me-
36o CAN
sure que Je mal interne faisoit des
progrès, le jeta dans une con-
somption dont il mourut, le g no-
vembre 1798 , à l'âge de 55 ans.
{V. C. Cailhiat, et J. B. Car-
dine.)
CAMUS (SiMON-JosEPn) , curé
de la paroisse de Thonarsaiz, près
La Châteigneraye , dans le diocèse
de La Rochelle , né à Fontenay ,
même diocèse, ne pouvoit plus
trouver de sûreté contre la persé-
cution, qu'en suivant ses parois-
siens enrôlés dans l'armée catho-
lique et royale ( V . Vendée).
Lors de la déroute qu'elle éprouva
au Mans, vers le milieu de dé-
cembre 1795, le curé Camus fut
pris et ramené dans cette ville,
où les vainqueurs le massacrèrent
vers la fin du même mois.
CANTAT (N... ), curé de la
Nocle , diocèse d'Autun , avoit
été dépouillé de sa cure, et ex-
pulsé de sa paroisse, pour avoir
refusé le serment de la constitu-
tion civile du clergé. Quoiqu'il
n'eût que 45 ans, lorsque la loi du
26 août 1792 vint forcer les non-
assermentés à s'exiler, cette loi
sembla l'en dispenser, parce qu'il
étoit infirme ; mais elle le con-
damnoità vivre en réclusion, avec
d'autres prêtres sexagénaires ou
perclus d'infirmités, sous la sur-
veillance de l'administration dé-
partementale. Cantat, se trouvant
dans le département de la Nièvre,
fut donc reclus à Nevers ( V. Ne-
vers). Si les lois eussent pu donner
CAN
alors quelque sécurité , Cantat
n'auroit pas dû craindre d'autre
supplice que celui des vexations
qu'on éprouvoit dans le lieu de
sa détention. Mais les tyrans vou-
loient, à tout prix, qu'il ne restât
pas un prêtre dans toute l'étendue
de la France. C'étoit comme au
temps de la persécution des Van-
dales en Afrique : on vouloit que
les ecclésiastiques qu'on n'osoit
pas égorger fussent poussés dans
un cruel exil : Addiditadhuc ut
et pars clericorum qute reman-
serat, pœnali exilio trudere-
tur (Vict. De Persecutione V an~
dalica. L. I). Cantat fut donc
enlevé, avec ses compagnons de
réclusion, et conduit, comme eux,
à Nantes, pour y être submergé
{V . Nantes). Les tourmensque les
conducteurs féroces des prêtres
de la Nièvre leur firent éprouver,
dans le trajet, nepurent pas mieux
que les infirmités du curé Cantal,
vaincre le courage que lui donnoit
sa Foi. Jeté , à Nantes , dans le
fond de cale infect de la galiote
hollandaise qui devint leur prison,
sa Foi ne lui servit plus qu'à méri-
ter une glorieuse compensation à
ses maux. Il ne put résister à ceux
de tous genres qui , dans ce lieu
abominable, faisoient mourir les
prêtres plus cruellement que par
le glaive. Il y succomba, le 6 avril
1794 , le même jour que l'ex-
Jésuite Philippe-Gaspard Moreau ,
et l'héroïque pénitent Chézeau
( V. ces noms , avec ceux de
CaP
Bauneac , d'Angers , et Casf.au , de
Ne ve rs) . Le m arty re d u eu ré C an tat
et de ses compagnons , ne différa
guère, quant aux souffrances, de
celui des quarante soldats de Cap-
padoce , qui furent jetés nus sur un
étangglaeé, et que l'Eglise invoque
le 9 mars. Privés de la majeure
partie de leurs vêtemens , dans une
situation non moins cruelle, ces
prêtres méritent, à beaucoup d'é-
gards, l'éloge que S. Basile faisoit
des Martyrs précédons. Comme
eux , ils s'écrioient : « C'est a vous ,
Seigneur, que nous faisons le sa-
crifice de notre vie; et vous nous
recevrez près de vous, comme des
victimes qui s'immolent pour Cire
admises dans le scinde votre misé-
ricorde » : Fiat sacrificium nos-
trum coram te , Domine; et ve-
lut iioslicb viventes nosmet im-
molantes abs te récif iamnr.
(Homilia : DeSS. Qiiadraginta
Martyrifrus.)
CAPON (Anne-Pierre) , prêtre
du diocèse de Besançon, né dans
cette ville, en 1769, eut, pour
le sacerdoce, une vocation telle
qu'on auroit pu la regarder comme
l'indice de ses dispositions pro-
chaines au martyre. Les dangers
qui déjà menaçoient les ministres
do l'Eglise, en 179», lorsqu'il
n'étoit encore que diacre, ne l'ef-
frayèrent point; et, se dévouant
aux besoins de l'Eglise dans ces
périlleuses circonstances , il alla
demander lui-même l'ordre de la
prêtrise à son archevêque, Ray-
o*
CAP 36i
motul de Durfort. Le prélat, ravi
de ce dévoueriient presque sur-
naturel-, serra dans ses bras le
jeune lévite, en l'arrosant de ses
larmes, et lui conféra la dignité
sacerdotale, il l'envoya de suite ,
comme vicaire , dans la paroisse
de Lanthène , près Marnay, et
non loin de Besançon. Comme ce
jeune vicaire, en refusant le ser-
ment de la constitution civile
du clergé, déployoit un zèle par-
ticulier contre les erreurs qu'elle
alloit répandre dans la province,
il fut plus spécialement persécuté
par les autorités du département
du Donbs. Un décret de prise de
corps fut porté contre lui; et il ne
putsedispenserde sortirde France,
dès le mois de juin 1792. Pas-
sant au comté de Neuchâtcl , en
Suisse, il se fixa dans le bourg du
Landeron , qui étoit catholique.
Le curé de ce bourg profita de son
zèle, en l'associant aux fonctions
de sa charge pastorale. Mais le
jeune prêtre conservoit une affec-
tion de préférence pour les parois-
siens de Lanthène , dont le curé
avoit été pareillement mis en fuite ;
et il brûloit du désir de revenir
près deux , afin qu'ils ne res-
tassent pas plus long-temps privés
des secours de l'Eglise. Avec l'a-
grément des grands-vicaires , iî
rentra eu Fiance , vers la fin d'avril
1793, et s'arrêta quelques jours
dans la montagne, chez de pauvres
habitans auxquels il procura la
consolation d;cntendre la messe .
362 cap
et de recevoir la sainte Eucharis-
tie. Partant de là pour la portera
des malades, il fut arrêté en tra-
versant une forêt voisine du vil-
lage de l'Hôpital de Grosbois, à
trois lieues de Besancon; et ce
furent de stupides bûcherons qui
le saisirent. Les représentations
qu'il leur fit pour qu'ils le laissas-
sent en liberté, furent moins dic-
tées par l'intention de ménager sa
vie , que par celle de soustraire
à de sacrilèges profanations la
sainte Eucharistie qu'il avoit sur
la poitrine. Amené a Besançon ,
il y fut jeté dans les prisons du
tribunal criminel du département
du Doubs; et, le 7 novembre, il
comparut devant ce tribunal pour
être jugé. Le président ayant com-
mencé par lui demander si les
hosties que renfcrmoit la boîte
trouvée sur lui étoient consacrées ,
et le jeune vicaire ayant répondu
affirmativement , il donna l'ordre
d'aller chercher un prêtre, pour
qu'il vînt en surplis les prendre.
Elles ne purent être enlevées que
par un prêtre sehismalique, mais
enfin elles le furent avec un grand
respect; et l'on doit des éloges
au magistrat qui en prévint ainsi
une plus scandaleuse profana-
tion. Dans la suite de l'interroga-
toire du jeune vicaire, qui décla-
roit avoir exercé son ministère,
malgré les décrets de la Conven-
tion, le président lui dit : «Vous
saviez bien que vous désobéissiez
aux lois. »— - «Je l'avoue, répon-
CAP
dit le jeune prêtre ; mais je ne
pouvois m'y soumettre sans en-
freindre une loi bien supérieure.»
— « Mais, puisque vous parlez
d'une loi supérieure, c'est-à-dire:
de la religion , ne vous presci ivoil-
clle pas de respecter et de suivre
les lois de votre pays?» — «Non,
quand elles sont contraires aux lois
établies par Dieu même.» — «Vous
êtes i-eslé quelque temps dans les
montagnes ; chez qui étiez- vous ?»
■ — «Je ne puis vous satisfaire sur
ce point, ne devant compromettre
personne : » réponse non moins
admirable que celle de la sainte
Martyre Irène de Tbessalonique
à pareille question ! « Où vous
êtes-vous cachée »? lui disoit son
juge. « Où Dieu l'a voulu , ré-
pondit-elle ; il le sait , et cela suf-
fit ». — « Mais qui sont ceux qui
vous fournissoient des alimens?»
— « Dieu, qui en fournit à tontes ses
créatures » . Ubinam vos laluis-
tis? — Ubi Deus voluit in
montibus ; scit Dominas. —
Quinam erant gui vobis pa-
nem suppeditabant ? — Deus ,
qui omnibus escani suppedi-
tat ( Rumart : Acta S. I renés ,
ex Baronio cl Surio). Quand
l'interrogatoire de notre vicaire
fut achevé, et que l'accusateur
public eut renuis ta peine de mort
contre lui, le président troublé
hésitoit à la prononcer ; et la
douleur dont le pénétroit l'obli-
gation que lui en imposoit sa
charge, se manifestoit par qutlques
CAP
Jarmes. « Rassurez-vous , lui dit
le jeune ministre de Jésus-Christ-,
je connoissois la loi avant de ren-
trer en France : c'est elle qui me
condamne; vous n'en êtes que
l'organe; n'hésitez plus ». — Un
écrivain qui nous a devancés dans
la publication de cette circons-
tance, blûmoit ce discours, pré-
tendant que « le jeune apôtre l'ut,
dans cet instant , égaré par son
zèle ; et qu'il ne de voit pas même ,
par cette seule parole , paroître
encourager ses juges au plus lâche,
au plus injuste homicide». Mais,
d'abord, le censeur ne prenoit pas
garde que «le lâche attentat,
l'injuste homicide », étoient le
crime de la loi plutôt que des
juges ; que les juges n'étoient plus
les maîtres de ne pas le commettre,
dès qu'ils n'avoient pas la vertu
d'abdiquer leurs fonctions ; et
que, tout coupables qu'ils étoient
de les exercer, ils ne se trou voient
ici que les instrumens forcés d'une
législation atroce autant que sa-
crilège, à laquelle ils s'étoient cri-
minellement engagés. Le jeune
apôtre ne penchoit donc point vers
l'erreur des Marcionites : il ne
disoit au président que ce que
saint Cyprien, dans un cas sem-
blable, avoit dit au proconsul Pa-
terne. Celui-ci lui ayant cité l'édit
impérial qui Pobligeoit à le punir
de mort : « Si quis itaque hoc
prœceptum non oùservaverit ,
capite plectetur ; saint Cyprien
lui répliqua sur-le-champ : Cy-
CAP 365
prianus episcopus respondit :
Fac quod tibi prœceptum est :
«Faites ce qui vous est ordonné».
{Acta proconsuiaria sancti Cy~
priant apost. et Martyris).
Quel magnifique éloge saint Ba-
sile-le-Grand n'a-t-M pas fait de
ce courageux saint Gorde de
Césarée, qui, en présence du
supplice , et lorsqu'on cherchoit
encore à faire plier sa Foi , pour
le soustraire aux souffrances, se
mit à les invoquer lui-même , en
disant aux juges comme aux
bourreaux : « Pourquoi tardez-
vous ? Que rien ne vous arrête.
Déchirez mon corps , disloquez
mes membres; faites-moi souffrir
tous les tourmens que vous pour-
rez inventer; mais, de grâce, ne
m'enviez pas ma bienheureuse es-
pérance , en retardant son accom-
plissement» . Tantùmqueahfuit
ut intentatas horreret pœnas ,
ut cas uitrà in se provocaret ,
suppliciique moras vehemen-
ter increparet : Quid , inquit ,
tardatis? Quidstatis? Corpus
ianielur , memhra torquean-
tur : denique quodcunque de
me supplicium volueritis , su-
mite. Nolitemihi beatam spem
invidere , etc. etc. ( S. Basil,
magn. : Oratio de S. Gordio ,
Martyre). Notre jeune vicaire
étoit animé du même esprit que
le saint Martyr Maharsapor , de
Perse, lequel, voyant le regret
que le juge avoit de le condamner,
lui dit : « Je ne suis point effrayé
364 CAP
des supplices , puisqu'il doit en
résulter, pour moi, le salut <'e
mon âme et une très - grande
gloire. Vous êtes esclave , et forcé
d'obéir ; vous êtes soumis au
commandement d'un maître ter-
restre ; quant à moi , je n'en ai
pas d'autre parmi les hommes
en cette circonstance, que le Sei-
gneur qui est dansles cieux, et pour
le nom duquel je souffre; ache-
vez de faire ce qui vous est pres-
crit » : Non me perturbât quàd
supplicio addicor, quando qui-
dem hac pœna salus mihi , et
ingens gloria trihuitur... Ser-
vies enim es, et heriii imperio
subjeclus ; mihi vero adest in
cœto Dominus , pro cujus Fide
et nomine patior , alium prœ-
ter hune inter homines domi-
num non habeo. . . Tu verb im-
perata perfice (Asseman. , pars i ,
pag. 255. Martyrium heati at-
que inclyti Maharsaporis ).
L' Histoire Ecclésiastique nous
fourniroit quantité d'autres exem-
ples , si nous en avions besoin
( V. encore Asseman. , pars 1 ,
pag. 91, pars 2, pag. 62). Nous
avons déjà traité ce sujet aux
pages 1 14? 1 19 et 123.
Il est temps de revenir à notre
jeune vicaire , contre lequel enfin ,
et quoique à regret , le président
du tribunal prononça une sen-
tence de mort, attendu qu'aux
yeux de ce qu'on appeloit la loi,
il étoit « prêtre réfractaire , et
même encore émigré - rentré » .
CAP
Après que ce jugement eut été
rendu , le vicaire Capon , adressant
la parole aux juges et à l'audi-
toire, témoigna qu'il se faisoit
honneur d'être immolé pour la
cause de la Foi. « Dans cette com-
mune proscription de la monar-
chie et de la religion , dit-il , le
prêtre doit mourir pour son Dieu,
comme le soldat pour son roi».
Il fut ramené en prison , pour y
attendre l'heure d'être conduit au
supplice. Vers trois heures de
l'après-midi, on le fit marcher
vers le lieu de l'exécution. En y
allant à pied , il étonna les spec-
tateurs par le calme et l'assurance
de sa démarche ; et il monta sur
l'échafaud de la même manière.
De là, comme d'une chaire évan-
gélique , il voulut adresser au
peuple quelques paroles d'édifi-
cation; mais le tambour qu'on
battit aussitôt pour couvrir sa
voix, le fit renoncer à parler; et,
livrant sa tête au bourreau , il
périt à l'âge d'environ 27 ans, le
17 brumaire an II ( 7 novembre
1 795), et non le 8 octobre, comme
on le dit ailleurs ( V., pour la
série des Martyrs du diocèse de
Besançon, G. F. Coper-Schmit.)
CAPPEAU (iV...), prêtre, atta-
ché au service de l'une desparoisses
de Paris, en fut écarté , par suite
de son refus du serment de la
constitution civile du clergé.
Lorsqu'après le fatal 10 août 1792,
les ennemis des prêtres firent re-
chercher tous ceux qu'ils appe-
CAR.
loient réfractaires , l'abbé Cap-
peau fut arrêté , conduit d'abord â
la prison de la Mairie, et ensuite
jeté dans celle de X Abbaye , ie
i" septembre 1792. Il prévit dès
lors , ainsi que les confrères avec
lesquels il s'y trouvoit, que tous
étoient destinés à une mort pro-
chaine , à raison de leur fidélité à
la cause de la religion. Il se pré-
para , avec eux , au sort qui l'at-
tendoit ( V. Royer ), et fut
massacré, comme eux, le lende-
main. (F. Septembre.)
CAP Y ( N. . . ) , prêtre du
diocèse de Meaux, retiré en cette
ville, et odieux aux révolution-
naires , parce qu'il n'avoit pas
voulu prêter le serment de la cons-
titution civile du clergé, fut en-
fermé , comme réfractaire , dans
la prison de Meaux, en aoftt 1792.
Dans la nuit du 3 au 4 septembre
1792 [V. Septembre), des scélé-
rats de la ville , que les commis-
saires de la Commune de Paris
étoient venus s'adjoindre , pour
répéter à Meaux les massacres
exécutés par ses ordres dans la
capitale, égorgèrent Capy avec
six autres prêtres. Cet événe-
ment et leurs noms se trouvent
à l'article de P. Duciiesne, l'un
d'eux.
CAR (Jean-Baptiste), chanoine
de l'une des collégiales du diocèse
de Poitiers, résidoiten cette ville,
en >793, sans avoir cru qu'il dût
sortir de France , en vertu de la
loi de déportation du 26 août 1 792,
CAR 365
quoiqu'ileût repoussé notoirement
les erreurs et le schisme de la
constitution civile du clergé.
On se saisit de sa personne en
1795, et on le jeta dans les pri-
sons. Le 28 ventôse an II ( 18 mars
1794), il fut traduit devant le
tribunal du département de la
Vienne, siégeant à Poitiers; et
les juges le condamnèrent, comme
« prêtre réfractaire », à la peine
de mort. Il la subit, avec les seize
autres prêtres que le tribunal lit
périr le même jour, pour cause
de religion. [V . F. A. O. de Bkun-
neval, et Me Chemiheau.)
CARANTILLY (François-
Louis de Montz de), prêtre, cha-
noine de la cathédrale de Cou-
tances , né à Carantilly , près
Saint-Lo , en Normandie , l'an
1 760 , ne crut pas devoir sortir de
France , lors de la loi de déporta-
tion, quoiqu'il n'eût fait aucun des
coupables sermens exigés par les
assemblées dites nationales. 11
tomba, vers la fin de 1793, entre
les mains des agens de la persé-
cution , lesquels , au printemps de
l'année suivante, l'envoyèrent au
tribunal révolutionnaire de Pa-
ris. Ce tribunal, devant lequel il
comparut, le 3 thermidor an II
(21 juillet 1794)3 suivi de M. L.
L. Cussy, grand-chantre hono-
raire , et archidiacre de la même
église, le condamna de suite, avec
lui, à la peine de mort, comme
«ennemi du peuple », sans autre
accusation plus précise; et il fut
SGG" CAR
exécuté le même jour, à l'âge de
34 ans.
CARBONNIÈRES(Jean-Char-
ies de), prêtre du diocèse de Li-
moges, né à Boussac, en 1736, et
chanoine de l'une des collégiales de
ce diocèse, ne se voyant pas ex-
pressément compris dans le nom-
lire des prêtres qui dévoient sortir
de France, comme non-assermen-
tés , quoiqu'il le fût lui-même,
resta dans sa province. Son carac-
tère sacerdotal , et sa conduite
éminemment ecclésiastique , le
lirent arrêter en 1793. Quand la
Convention eut ordonné que les
prisonniers, soi-disant politiques
des départemens, seroient envoyés
au tribunal révolutionnaire de
Paris, le chanoine Carbonnières
y fut amené. Il languit long-temps
dans les prisonsde la capitale, parce
qu'on ne pouvoit alléguer contre
lui aucun prétexte autorisé par les
lois. Comme il se trouvoit détenu
au Luxembourg, lorsqu'on sup-
posa une conspiration des prison-
niers de cette maison de déten-
tion , il fut condamné à mort, en
qualité de « complice de cette cons-
piration » , à l'âge de 58 ans. La
sentence, rendue le 21 messidor
an II (f) juillet 1 794)? fut exécutée
le même jour.
CARCANOT (Jean-François),
jeune prêtre , chanoine de l'une
des collégiales de Verdun , sentit
sa Foi se raffermir lors de l'éta-
blissement de la constitution ci-
vile du clergé , en 1791 ; et il lui
CAR
dit anathème. Mais sa vertu man-
qua de courage , en voyant les
massacres de septembre 1792: il
prêta le serment de liberté-éga-
lité, prescrit à cette époque , par
des législateurs dont les intentions
anti - religieuses n'étoient point
équivoques. Cet acte de foiblesse
ne le sauva point des persécutions
ultérieures. On l'arrêta en 1793 ;
et, après quelques mois de séjour
dans les prisons de Verdun, étant
envoyé à Rochefort pour être
déporté sur quelque plage loin-
taine ( V. Rochefort ) , il fut
embarqué sur le navire les Deux
Associés. Au milieu des maux
que souffroient, dans l'entrepont
de ce bâtiment, tant de confesseurs
de Jésus-Christ, qui n'avoientpas
à se reprocher ce serment léga-
lité -liberté , dont le chanoine
Carcanot ne se dissimuloit plus le
sens criminel , il le rétracta avec
beaucoup d'édification. Il suc-
comba enfin sous le poids des
souffrances , et mourut avec le
même honneur que la plupart de
ses confrères de déportation. Sa
mort arriva le 16 août 1794. H
n'a voit alors que 34 ans : son corps
fut inhumé dans l'ile d'Aix. [V.
J. Calvez, et F. de Cardaillac.)
CARDAILLAC ( Florent Dv-
montel de ) , chanoine et vicaire-
général de Castres, aumônier de
Monsieur ( maintenant roi de
France) , avoit vu le jour à Echiza-
dour, dans la paroisse de Saint-
Mers, au diocèse de Limoges. Il s'é-
CAR
toit retiré dans sa famille, lors des
réformes anti-religieuses de 1792 ;
et plein de l'esprit ainsi que des
connoissances de son état, il avoit
repoussé, comme un énorme pé-
ché contre la Foi, le serment de
h constitution civile du clergé.
Fermement attaché à l'Eglise ca-
tholique , il se montroit digne d'elle
en tout. Ses vertus furent insup-
portables aux impies qui régis-
soient sa province, devenue le dé-
partement de la Haute. -Vienne;
et ils le firent mettre en réclusion
à Limoges, comme insermenté ,
en 1795. Sa famille sollicita son
élargissement, et espéroit l'obte-
nir au commencement de 1794-
Mais, au moment où il sembloit
près de recouvrer sa liberté , les
persécuteurs prétextèrent qu'ayant
été attaché à la cour , il en étoit
plus dangereux; et, ce jour-là
même, ils le firent partir, avec
beaucoup d'autres, pour Roche-
fort. Il y fut embarqué, pour la
déportation , sur le navire les
Deux Associés. Deux de ses
compagnons d'infortune qui en
sont revenus, lui ont rendu, cha-
cun en particulier, des témoi-
gnages bien honorables ; l'un nous
a écrit , en parlant de lui : « C'é-
toit un homme d'esprit , et qui
avoit le cœur excellent. Comme il
avoit trouvé moyen de sauver
quelques fonds de la rapacité des
spoliateurs , il les employa tous
aux besoins les plus pressans des
malades , se privant pour lui-
CAR 567
même de ceux qui auroient pu lui
être le plus nécessaires. Il mourut
victime de sacliarité et de son zèle
pour le secours de ses confrères,
au soulagement desquels il s'étoit
sacrifié, en qualité d'infirmier,
d'abord sur les v aisseaux, et ensuite
dans l'hôpital qu'on avoit établi
pour eux, sous des tentes , dans
L'île Madame » . M. de la Biche,
de son côté , en parle en ces termes :
« Cet ecclésiastique sembloit être
né pour faire aimer la vertu , et
pour réconcilier les gens du monde
avec la piété, dont sa conduite
toute seule étoit une apologie
complète » . Il expira le 5 sep-
tembre 1794? à l'âge de 4/ ans,
et fut enterré dans l'île Madame.
{V. J. F. Carcanot, et J* B. Car-
quey. )
CARDINE (Jean-Baptiste), né
à Coumion , dans le diocèse de
Caen, vers 175G, étoit, à l'époque
de la révolution, curé de Vilaine,
dans celui de Paris. Il se laissa
séduire par la constitution civile
du clergé, et en fit le serment,
en 1791. Cette coupable condes-
cendance aux vues des réforma-
teurs , peut expliquer pourquoi il
échappa aux terribles persécutions
de 1790. Il n'évita celles de l'année
suivante, qu'en se cachant avec
beaucoup de soin ; et, dans sa re-
traite , il eut le temps de com-
prendre comment l'athéisme qui
régnoit alors avoit été introduit
par le schisme constitutionnel de
1791. Uuaud l'Eglise parut jouir
5*38 CAR
<!e quelque paix, en 1796, Car-
dine rétracta solennellement son
serment, que déjà il avoit rétracté
dans son cœur; et il donna coura-
geusement à sa rétractation , la
plus grande publicité. L'évêque
'chismatique de Versailles , en
'797' s'obstinant néanmoins , par
besoin de sujets, à regarder le
curé Cardine comme étant tou-
jours des siens , lui écrivit une
lettre de convocation , pour un
soi-disant synode, où de voit
être nommé le député ecclésias-
tique de son prétendu diocèse, à
une espèce de concile que les
évêques constitutionnels alloient
tenir dans l'église de Notre-Dame,
à Paris. Cardine lui fit une réponse
noblement catbolique, dans la-
quelle il lui disoit , entre autres
choses : « J'ai été surpris de la
lettre que vous m'avez écrite , pour
me faire part de votre prétendu
synode , et m'inviter à m'y ren-
dre... J'ai eu le malheur de faire
le serment constitutionnel; mais,
pressé par les remords, je me suis
hâté de le rétracter. Il faut donc
vous l'apprendre Je prends
cette occasion pour donner ici
une nouvelle authenticité à la con-
damnation que je fais de la cons-
titution prétendue civile du
clergé, par laquelle vous existez;
et, pour que vous ne veniez plus
me fatiguer de vos documens et
de vos circulaires, je vous déclare
que votre prétendu synode , ainsi
que vos prétendus conciles natio-
CAIl
naux, me seront toujours étran-
gers, comme ils seront toujours
étrangers à l'Eglise». Cette lettre ,
beaucoup plus étendue, fut insé-
rée en entier dans le n° 19 de la
Politique Chrétienne de 1797,
le 12 juillet, avec une décla-
ration de divers curés, portant
que « la rétractation de Cardine
étoit, depuis plusieurs années,
entre les mains des supérieurs lé-
gitimes, dépositaires de l'autorité
spirituelle de M. de Juigné , encore
alors archevêque de Paris. La
catastrophe anti-religieuse du 18
fructidor (4 septembre 1791) ar-
riva ; et , par une loi du lendemain ,
les prêtres dits réfractaires furent
condamnés à être déportés à la
Guiane [V . Guiane). Cardine fut
bientôt arrêté; on l'envoya, dès
le commencement de 1798, à
Rochefort pour y être embarqué.
Il le fut le 12 mars, sur la frégate
la Charente, d'où, le 2 5 avril,
il passa sur la frégate la Décade,
qui le jeta dansleport de Cayenne,
vers le milieu de juin. De là, il fut
de suite relégué dans le désert pes-
tilentiel et brûlant de Ronanama.
Doué d'une grande activité, il se
plut à croire que l'état d'inertie
donnoit beaucoup de prise aux
fléaux du climat , et il obtint de
s'établir, avec six autres déportés,
au canton de Corou , dans une case
de deux colons, Trabaudet Bon-
nefoi, pour y vivre du commerce
qu'ils y feroient. Ils n'avoienl
aucuns fond* pour le commencer;
CAR
cl déjà, en septembre, Cardine,
trompé par ses calculs , étoit d'ail-
leurs atteint cruellement par les
fléaux du climat. Transporté chez
un colon nommé Colin , il y mou-
rut après un mois de maladie, le
10 octobre 1798, à l'âge de 42 ans.
{V. P. Campfort, et J. C. Car-
uet.)
CAREL (Bertrand), prêtre du
diocèse de Vannes, vicaire à
Guegon , près Josselin , ne lit
point le serment, et brava l'impie
loi de déportation pour continuer
à rendre son ministère utile aux
catholiques du canton. Il échappa
aux persécuteurs jusqu'au com-
mencement de 1 794 ; mais a'ors
11 fut arrêté et livré au tribunal
criminel du département du Mor-
bihan, siégeant à Vannes. Ce
tribunal le condamna à la peine
de mort comme « prêtre réfrac-
taire », le 25 prairial an II (n
juin 1794); et la sentence s'exé-
cuta le même jour.
CÀRON (Jean -Hyacinthe ) ,
prêtre du diocèse de Troyes , né
a Ruvigny, près Troyes, et curé
de Moulins, près Mouzon, dans
le diocèse de Nancy, y résidoit
encore en 179^, lorsqu'on fit
une guerre d'extermiriation contre
les prêtres. Il fut amené à Pari9
en avril 1794, pour être jugé par
le tribunal révolutionnaire qui,
le faisant comparoître devant luij
le 12 prairial an II (5i mai 1794),
le condamna sur-le-champ à périr
sur l'échafaud. Le vague des mo-
2.
CAR S69
tifs de la sentence montre qu'il no
fut condamné qu'à raison de son
sacerdoce. Elle porte qu'il étoit
convaincu d'être «auteur ou com-
plice de complots contre-révolu-
tionnaires propres à opérer la dis-
solution de la représentation na-
tionale, et le rétablissement de la
royauté ». Le prêtre Caron fut
immolé le même jour, à l'âge du
56 ans.
CARON ( Hippolyte "Wacon ,
femme de Pierre- Roger -Eloi
Josse) , dont le mari étoit mar-
chand à Arras, cù elle résidoit
avec lui, avoit, de son aveu, et
par principe de religion, pris part
à la bonne œuvre de la veuve
Bataille , en faveur des prêtres
catholiques dépouillés et proscrits
{V. M. J. D. Bataille). Inscrite,
sur le registre dès contribuables ,
elle fut livrée par le proconsul
Jh Lebon à son tribunal révolu-
tionnaire [V. Arras); et, le 2 5
germinal an II (14 avril 1794)?
ce tribunal l'envoya à la mort
avec les dix-neuf autres prétendus
complices de la charitable et pieuse
veuve. Ainsi, Hippolyte "Wagon
périt pour une œuvre de charité
faite bien formellement en vue
de Dieu, et par attachement à la
Foi catholique. La sentence qui
la condamnoit portoit encore ce
motif : « Qu'elle éloït ennemie
du gouvernement, puisqu'elle lui
avoit résisté , en ce qu'elle avoit
reçu en outre des sommes don-
nées par des aristocrates (c'est-à-
5;o CAR
dire des catholique») , pour l'ac-
quisilion d'un autel et de l'église
de Saint-Géry, afin d'y faire cé-
lébrer les saints mystères et les
ollices divins ». Elle n'avoit que
59 ans lorsqu'elle périt. {V . F.
L. Biissy, et A. V. Cary.)
CARON (iV....), prêtre de la
congrégation des Missions de
Saint-Lazare et de la maison de
Versailles, fut emprisonné comme
insermenté dans le bâtiment ap-
pelé les Ecuries de la Reine,
après la catastrophe du 10 août
1792 [V. Septembre, vers la fin).
11 ne fut pas libre d'obéir à la
funeste loi de la déportation ; et
le 8 septembre suivant, on l'as-
sassina au lieu de sa captivité ,
de la même manière que son
confrère J. Gallois , et pour la
même cause. [V. Collin.)
CARON (Jean-Charles), prê-
tre du séminaire (Je Saint-Firmin,
partagea le sort de son supérieur
comme il avoit partagé ses senti-
mens religieux (F. Le François).'
Lorsque le comité civil de la sec-
tion où se trouvoit le séminaire,
en voulut faire une prison de mort
pour les prêtres qui ne s'étoient
pas souiljés par le serment de la
constitution civile du clergé,
c'est-à-dire j le i3 août 1792,
J. C. Caron y fut constitué pri-
sonnier avec soli supérieur et
plusieurs autres prêtres. Il s'y
prépara comme eux à perdre la
vie pour la Foi de Jésus-Christ,
et y fut massacré avec eux le 3
CAR
septembre suivant. 11 avoit alors
5g ans. "(F'. Septembre.)
CARQUEY (Jean- Baptiste),
prêtre de Limoges, sa patrie, et
professeur d'humanités au collège
royal de cette ville, regarda comme
indigne d'un bon catholique de
prêter le serment schismatique de
1 79 1 , et ne sortit point de France
lors du décret qui, en août 1792,
chassa lesprêtres non assermentés.
Les révolutionnaires de la Haute-
Vienne l'arrêtèrent en 1793, et
l'envoyèrent ensuite à Rochefort,
où il devoit être embarqué pour
la déportation. Il y fut mis comme
en prison sur le navire ie Bon-
homme Richard, qui étoit en
station devant le port de cette
ville [V. Rochefort) ; et quoi-
qu'il y souffrît beaucoup , il n'y
consomma pas son martyre. Re-
mis à terre comme tous ceux qui
viv oient encore en février 1795,
il obtint sa liberté en avril suivant.
La persécution s'étant rallumée
vivement en novembre , J. B.
Carquey évita d'abord ses coups
en se cachant; mais lorsque vint
la catastrophe impie du 18 fruc-
tidor (4 septembre 1797)5 et que
l'on recommença à rechercher les
prêtres pour les envoyer à la
Guiane, il passa en Espagne, où,
succombant enfin sous une si lon-
gue chaîne de maux, il mourut le
24 octobre 1797, à l'âge d'environ
38 ans. Sa mort fut comme celle
de ce saint lléliodore dont nous
avons parlé à l'article de Ch. Botn
CAR
c.AREt. «Le prêtre Carquey, nous
a écrit notre correspondant, étoit
un homme d'esprit, et qui pro-
inettoit beaucoup à l'Eglise comme
aux lettres » . [V. F. de Cardail-
xac, et IV.... Castillard.)
CARRET (Joseph -Charles),
né à La Courbe, dans le départe-
ment du Calvados, en 1700,
piètre et religieux de l'ordre des
Dominicains, dans leur monastère
de Metz, ne fit point les sermens
révolutionnaires de 1791 et 1792.
Dans les années suivantes , il
échappa à la férocité des persé-
cutions, et reparut ensuite dans
Metz où il exerça son ministère.
Les exécuteurs de la cruelle loi de
déportation, rendue le lendemain
du funeste 18 fructidor (4 sep-
tembre 1797), l'arrêtèrent poul-
ie faire déporter à la Guiane [V .
Guiane). Ils l'envoyèrent à Ro-
chefort, où il fut embarqué le 12
mars 1798, sur la frégate la Cha~
■rente, et, le 2 5 avril suivant, sur
la frégate la Décade, qui, vers
le milieu de juin, le déposa dans
le port de Cayenne. II s'y vit
assigner pour habitation le désert
de Synnamari. Dans ce lieu mor-
tel, une fièvre maligne vint s'em-
parer de lui. On le transporta à
l'hospice ; et il y mourut à l'âge
de 48 ans, le 29 novembre 1798.
[F. J. R. Cardine, et J. Chapuis.)
CARTIER (Joseph) , prêtre du
diocèse d'Aix , et non d'Aire ,
etoit né au bourg de Trets , près
d'Aix. Il fut vicaire en cette ville,
CAR 57i
dans la paroisse de Sainte-Made-
leine. Par une dévotion particu-
lière aux saints anges gardiens, il
y fonda une association de prêtres
sous leur protection spéciale. L'ar-
deurde son zèle s'augmenta comme
la ferveur de sa piété , quand il
vit la religion ébranlée dans ses
fondemens par les innovations de
l'Assemblée Constituante. Doué
du don de la parole de Dieu, il la
prêchoit sur toutes sortes de ma-
tières , sans autre préparation
qu'une méditation dans le recueil-
lement; et ses discours, à la portée
du peuple comme des gens d'une
classe plus relevée, répandaient
la persuasion dans l'esprit, et le
goût de la vertu dans les cœurs.
Il avoit refusé le serment de la
constitution civile du clergé;
et, trop signalé à la haine des im-
pies pour rester à Aix après la loi
de déportation, il se crut obligé,
afin de leur épargner l'assassinat
de sa personne, de s'acheminer
vers la frontière, pour sortir de
la France ( V. Déportation). Diri-
geant sa marche vers l'Italie, et
passant par Antibes, il y fut re-
connu pour être un prêtre inser-
menté : on le massacra comme
tel , dans cette ville , aux premiers
jours de septembre 1792.
CARTIER (Anne), religieuse
Lrsuline du couvent du Pont-
Saint-Esprit, sous le nom de sœur
Saint-Basile, s'étoit réunie avec
les religieuses de Roulène, depuis
la suppression des cloitres. Jille
Sya CAR
vivoit en communauté avec elles ,
dans cette dernière ville, conti-
nuant à remplir les devoirs de sa
profession. Parvenue à l'âge de 68
ans , elle ne vouloit que mourir
paisiblement dans la pratique des
saintes règles de son état, sans
être néanmoins effrayée du mar-
tyre que les événemens de 1793
scmbloient lui annoncer. L'année
suivante, elle fut traînée, les pre-
miers jours de mai , avec quarante
et une autres religieuses, dans les
prisons d'Orange , pour y être
sacrifiée par l'atroce commission
révolutionnaire qui s'établissoit
dans cette cité {V . Orange). Elle
se prépara saintement au sort qui
l'attendoit , en participant avec
ferveur aux pieux exercices de ses
compagnes [V. M6" ù'Albarède).
Enfin, le 8 thermidor an II (26
juillet 1794)? elle fut appelée de-
vant le féroce tribunal avec quatre
autres religieuses [V . M. C. Du-
dac , M?" de Justamont, tante,
T. Consouer et M5'« Bonneret).
La sœur Saint-Basile s'y montra
aussi intrépide qu'elles dans sa Foi,
et dans le refus du serment qu'on
leur demandoit. Elle fut en consé-
quence condamnée , comme elles ,
à la peine de mort. Sa sentence
devint pour elle , ainsi que pour
les autres, un sujet d'actions de
grâces; et elle partagea avec elles
la même couronne du martyre.
(fr. M. Th. Charansol.)
CARTIER (Françoise) , pieuse
fille dont la condition étoit de
CAR
scn ir comme simple cuisinière
chez une marchande mercière , à
Dieppe , où elle concourut à cacher
dans un asile secret un ministre
de J. C. , dont les persécuteur!»
avoient mis la tête a prix. Cette
œuvre sainte ayant été décou-
verte, Françoise Cartier fut em-
prisonnée d'abord à Dieppe avec
sa maîtresse ( V. M. F. E. Cau-
chois) , etcnïuite amenée, comme
elle, à Rouen, pour y être jugée
sur ce prétendu délit par le tri-
bunal criminel de la Seine-Infô-
rieure. Elle comparut devant les
juges , avec sa maîtresse , le 2 flo-
réal an II (21 avril 1794); et ils
la condamnèrent aussitôt comme
elle à la peine de mort, en la disant
« complice d'un recèlement de
prêtres réfractaires » . ( V. Je Aux. )
CARTON (Guillaume), prêtre
du diocèse de Clermont-Ferrand,
sortit de France comme y étant
forcé par la loi de déportation
rendue le 26 août 1792, contre
les prêtres qui n'avoient point
voulu compromettre leur cons-
cience par la prestation du ser-
ment de la constitution civile
du, clergé. Il étoit de ce nombre ;
et c'étoit à la constance de sa foi
qu'il devoitson exil. Ce fut à cette
constance , et même encore à son
zèle pour la religion, qu'il dut sa
mort. Le triomphe des Lyonnais
sur l'anarchie et l'athéisme en mai
179a, lui avoit paru favorable à
son désir de revenir en France
consacrer son ministère au salut
CAR
des Ames. Il étoit rentré; et de
Lyon il alla dans le Forez se-
conder les ouvriers évangéliques ,
par qui la religion florissoit alors
dans cette province. Mais les
Lyonnais ayant succombé en oc-
tobre, et les proconsuls de la Con-
vention , pour immoler le plus
qu'ils pourroient de victimes à sa
vengeance, ayant établi un tri-
bunal de justice révolutionnaire
à Feurs , en même temps qu'ils
formèrent à Lyon leur commis-
sion révolutionnaire {V . Lyon),
le prêtre Carton, déjà arrêté et
mis dans les fers, fut livré au pre-
mier de ces tribunaux, qui porta
de suite contre lui une sentence
de mort (F. J. M. Molun). Il fut
donc condamné au dernier sup-
plice , le 1 5 frimaire an II ( 5 dé-
cembre 1790), comme prêtre émi-
gré-déporté ( V . Lois, article 17
de celle des 21 et 22 octobre
1790). Ceux qui le connurent
dans ses derniers jours, nous attes-
tent qu'il « mourut en vrai martyr
delà Foi ». {V. P. Bruyères.)
CARVOISIN ( Marie - Elisa-
beth-Eléonore ) , religieuse Car-
mélite d'un couvent de Paris, étant
mise hors de son cloître, en 1791,
par les réformateurs de cette épo-
que, s'étoit retirée dans un modeste
domicile, où elle pratiquoit avec
ferveur ses devoirs de religion.
Lorsqu'à la fin de 1 795 , l'athéisme
se déchaîna avec tant de fureur
contre la piété, la religieuse Car-
voisin fut enlevée de sa retraite, et
CAS 5-5
jetée dans les prisons. Le 21 plu-
viôse an II (9 février 179/1), 'e
tribunal révolutionnaire la fil
comparoîlre devant lui ; et elle y
répondit avec tout le courage des
anciens confesseurs de la Foi , aux
demandes et propositions anti-
religieuses des juges. Ils la con-
damnèrent aussitôt à la peine de
mort comme « fanatique et con-
tre-révolutionnaire ». Le même
jour elle fut conduite à l'éshafaud.
CARY ( Adrien -Vincent ) , né
à Péronne , curé de la paroisse de
Collines , dans le diocèse d'Arras,
avoit été expulsé de sa cure pour
son refus du serment schismatique
de 1791. Il ne sortit point de
France , lors de la loi de dépor-
tationdu 26aoftt ; et quand l'impie,
autant que féroce proconsul Le*
bon, fut venu remplir sa mission
à Arras , en 1 790 et 1 794 ( f-
Arras) , il le fit arrêter et envoyer
à la mort par son tribunal révo~
lutionnaire, le 2 germinal an II
(22 mars 1794)» comme «réfrac-
taire etfaimtique» . Cary avoit 54
ans, lorsqu'il fut ainsi sacrifié en
haine de sa Foi. ( V. II. W. Caron ,
et M. C. Caudron de Fricheux.)
CASEAU (iV....), prêtre sep-
tuagénaire de Nevers , fut en-
fermé comme non -assermenté
dans celte ville , conformément à
la barbare loi de déportation du
26 août 1792. Une maladie cruelle
dont il étoit atteint , toucha ses
compagnons de réclusion , au
point de les porter à demander
3^4 CAS
ensemble plusieurs l'ois aux admi-
nistrateurs qu'il fût transporté ,
sinon chez ses parens qui demeu-
roient dans la ville, du moins à
l'Hôtel - Dieu. Mais c'étoil une
proie livrée par les administrateurs
au cruel et rapace géolier de cette
prison, et ils la lui laissèrent. Ce
géolier fit éprouver au vénérable
Caseau tout ce qu'il pouvoit ima-
giner de vexations; il lui enlevoit
tout ce qui tentoit sa cupidité {V .
Pue vers). Un des confrères de cet
ecclésiastique , feu Gaspard-Fran-
çois Moreau , curé de Château-
Chinon, compagnon de sa capti-
vité, lui a rendu un témoignage
bien honorable dans un écrit pré-
cieux que nous avons entre les
mains. «Caseau, disoit-il, est
singulièrement digne de notre vé-
nération par ses héroïques vertus » .
Il mourut, captif de J.-C. et pour
sa Foi, à Ne vers même, les pre-
miers jours de juillet 1793, quel-
ques mois" avant que ses confrères
fussent transportés à Nantes. ( V .
Cantat, de La Nocle, et Chail-
lot , chanoine. )
CASAN {Le Frère), Récollet.
{V. P* COSTE.)
CASAUX (Jean), prêtre et re-
ligieux, Récollet de Rordeaux, ex-
provincial de son ordre , et né
dans le Rordelais, en 1729, est le
ministre du Seigneur dont nous
avons déjà parlé aux articles Alix,
Beauretour et Blutel. Directeur
de la conscience d'un grand nom-
bre de fervens catholiques . il étoit
CAS
resté à Bordeaux après la destruc-
tion des cloîtres. La loi qui pres-
crivit aux prêtres, fonctionnaires
publics, le serment de la consti-
tution civile du clergé, ne pou-
voit concerner ce religieux; et il
se trouvoit légalement, par cela
même, à l'abri des rigueurs de la
loi de déportation, sans même
être obligé à se mettre en réclu-
sion. Cette considération l'affermit
dans la résolution de ne pas aban-
donner les fidèles qui avoient un
si grand besoin de son ministère ;
et il ne quitta point Bordeaux. La
persécution s'animant contre tous
les prêtres en général , le Père
Casaux avoit besoin d'un asile se-
cret qui le dérobîit aux recherches
des persécuteurs. Plusieurs saintes
femmes lui procurèrent cet asile
dans la maison religieuse du Bon-
Pasteur, où elles le cachèrent dès
le mois de mai 1793. Il n'y fut
pas notablement inquiété pendant
le reste de cette année, au moyen
des précautions que ces pieuses
femmes prenoient pour qu'il n'y
fût point découvert. Elles avoient
associé à leur bonne œuvre un
porteur d'eau qui en fut récom-
pensé comme elles par le martyre
( V . Pause) ; car lorsque la persé-
cution fut devenue extrêmement
violente au commencement de
j 794 ( V . Bordeaux ) , les explo-
rateurs des proconsuls parvinrent
à découvrir le Père Casaux ; et ses
dévotes bienfaitrices, avec le por-
teur d'eau, furent arrêtées. Nous
CAS
nvons déjà rendu compte de leur
jugement; il ne nous reste à parler
que de ce qu'il y eut de particulier
dans celui de leur guide spirituel.
Amené avec elles, le 16 messidor
an II (4 juillet 1794)» devant la
commission militaire, le Père
Casaux y fut aussi condamné à la
peine de mort. La sentence portoit
ces mots : « La commission, con-
vaincue que Casaux, prêtre inser-
menté , s'est réfugié dans une
cachette construite dans la maison
du ci-devant Bon-Pasteur, pour
se soustraire à la loi de la dépor-
tation , ordonne que , d'après la
loi du 18 mars, il subira la peine
de mort » . II périt , à l'âge de
G5 ans , avec onze pieuses femmes
et le porteur d'eau. (V. Je Alix.)
CASIMIR (Le Frère), Capu-
cin. (V. Gn,c M' Cajan. )
CASSAN(Antoinette-Adrienne
Rabaudy, femme), domiciliée à
Toulouse, fut accusée d'avoir fait
passer de l'argent à son fils émigré.
Les juges cherchant même à lui
faire déguiser l'aveu de cette ac-
tion , défendue par la loi sous
peine de mort, elle aima mieux
périr pour l'amour de la vérité ,
que de la trahir ; et elle fut con-
damnée à mort, « comme conspi-
ratrice» , par le tribunal criminel
du département de la Haute-Ga-
ronne , le 12 ventôse an II
(2 mars 1794)- Son droit aux
honneurs du martyre est fondé sur
ce que nous avons dit ci-devant ,
pag. 86, et tom. I", pag. 55.
CAS 57"»
CASSEGRAIN (François-Clé-
ment), prêtre du diocèse d'Or-
léans, né à Pithiviers, en 1718,
étant fort avancé en âge , lors de
nos grandes persécutions, vivoit
paisiblement dans sa ville natale.
Ses soixante -seize ans ne purent
obtenir grâce aux yeux des persé-
cuteurs , jaloux d'exterminer tous
les prêtres. Il fut arrêté et amené
a Paris pour y être jugé par le
tribunal révolutionnaire ; et ce
tribunal l'ayant fait comparoître
devant lui , le 27 germinal an II
( 16 avril 1 794) , l'envoya de suite
sous la hache de la guillotine, en
le disant « convaincu de manœu-
vres contre-révolutionnaires pour
rétablir la royauté en France »>
CASSEIGNE (Jacques), né à
Caussade en Quercy, et y étant
commis chez un négociant, par-
ticipa aux actes pour lesquels plu-
sieurs autres habitans de cette ville
furent, avec leur curé, traités de
fanatiques et de conspirateurs en
1794. On le conduisit avec eux
à Paris ; et le 5 messidor an II
(21 juin 1794), il fut, comme
eux, envoyé à l'échafaud, à l'âge
de 28 ans. ( V , J. P. Clavière. )
CASSEIGNE-CAUVIN (Jean).
ouvrier tourneur à Caussade où
il étoit né, mérita, ainsi que son
frère , d'être du nombre des habi-
tans de cette ville qu'en 1794 on
transformoit en conspirateurs ,
parce qu'ils avoient fait des acte?
de religion. Amené comme eux .
et avec son curé , à Paris , il fut pa-
3;6 CAS
reillement envoyé à l'échafaud,
en qualité de fanatique , par le
tribunal révolutionnaire , le 5
messidor an II (21 juin 179'}); et
il périt le même jour, à l'âge de
27 ans. [V. J. P. Claviere.)
CASTANIER (iV....), citoyen
de Nisrnes, avoit signé la cou-
rageuse et solennelle profession
de Foi catholique de plusieurs
Nisniois , dans leur adresse du
20 avril 1790, et leur déclaration
du 1" juin suivant [V. Nismes).
Il en périt victime, dans l'insur-
rection des religion naires , le 1 4
du même mois. Non seulement
sa maison fut pillée et dévastée,
mais lui-même y fut massacré au
milieu de ses enfans et de sa femme
enceinte de sept mois. [V . Au-
zéby, et Chas fils. )
CASTANIER (François), prê-
tre du diocèse de Rodez , né à
Saint-Félix-de-Lunel, le 2 juillet
1 762 , parvint au sacerdoce en
1789, et fut envoyé par son
évêque, pour assister, en qualité
de vicaire, le curé de Saint-Félix.
11 échappa à la persécution jusqu'à
l'an 1798, quoiqu'il n'eût pas cessé
de rendre avec zèle et courage
tous les services de son ministère
aux catholiques de la contrée ,
pendant les années précédentes.
Mais , le 29 janvier de cette année ,
au moment où il venoit de donner
la bénédiction nuptiale à deux
nouveaux époux, il fut surpris
par des gendarmes qui le condui-
sirent aux prisons de la ville d'En-
CAS
traigues, dans le Rouergue. Des
catholiques indignés, et n'écou-
tant que la passion, vinrent armés
au nombre de plus de quatre cents
pour le délivrer des mains de ses
gardes , sur la route. Dès qu'il en
eut avis, il leur fit dire « de se
retirer paisiblement, parce que,
là comme ailleurs, il étoitsous la
main de Dieu, à qui ils dévoient
s'en rapporter pour son sort ».
C'étoit ainsi que Jésus -Christ
avoit dit à Pierre de remettre dans
le fourreau le glaive que, dans un
excès de zèle , il tiroit contre ceux
qui venoient pour enlever son
divin maître. Le brigadier de la
troupe de gendarmerie n'en char-
gea pas moins ses pistolets d'arçon,
en menaçant Castanier de les dé-
charger sur lui à la moindre tenta-
tive d'enlèvement que pourroient
faire ces insurgés. « Vous voyez ,
dit alors ce jeune prêtre à celui qui
le menaçoit , vous voyez que
j'ordonne de tout mon pouvoir à
cet attroupement de se disperser.
Si vous craignez encore , gardez-
moi à vue pendant que vous en-
verrez chercher des renforts : ces
personnes égarées rentreront dans
l'ordre; et vous me conduirez où
la loi veut que je sois déposé. »
Sans égard pour ces paroles de
paix , les gendarmes garrottent
Castanier, et l'attachent à un de
leurs chevaux. En approchant
d'Entraigues , ils voient, ou plu-
tôt ils feignent de voir un homme
aposté pour l'enlever; et aussitôt
CAS
le brigadier lui lire à bout portant
son pistolet à la tète : la balle sort
par l'œil gauche; Castanier tombe
inondé de son sang ; les gen-
darmes le détachent, et s'enfuient.
Des personnes charitables le por-
tèrent expirant au village le pins
voisin pour le secourir. Le peu
de signes de vie qu'il put donner,
consistèrent à manifester qu'il
étoit content de mourir pour la
Foi catholique, et qu'il pardon-
noit de grand cœur à ses assassins.
Il expira le 3i janvier 1798, deux
jours seulement après être tombé
dans les mains des gendarmes.
CASTELLANE (Jean Arnaud
de), évêque de Mende depuis le
14 février 1768 (1), précédem-
ment aumônier du Roi, vicaire-
général de Reims, et né au Pont-
Saint- Esprit , le 11 décembre
1733, fut toujours si rigoureux
observateur des devoirs de l'épis-
copat, que, bien qu'il eût sa fa-
mille à Paris, il n'abandonna ses
diocésains pour y venir, pendant
ses vingt-quatre ans d'épiscopat,
que lorsqu'il y étoit impérieuse-
ment appelé pour les affaires do
l'Eglise de France. L'esprit ecclé-
siastique qu'il ranima dans son
clergé , les immenses aumônes
qu'il répandit dans tout son dio-
(1) On a ajouté quelque part à son
nom de famille celui de Ville audrie ;
mais il ne le prenoit pas dans son
diocèse, et ne l'a, ni dans Y A Inumach
Royal, ni dans \& France Ecclésias-
tique de son temps.
CAS 077
cèse, l'y firent vénérer à l'égal
des évèques de la primitive Eglise.
Quand la révolution survint, avec
ses réformes anti-religieusement
philosophiques , il recueillit les
fruits de sa vigilance pastorale , et
des soins qu'il avoit toujours pris
pour l'instruction des prêtres qt
des fidèles de son diocèse. Il eut
la consolation de les voir se défier
des pièges de la constitution ci-
vile du clergé, au point qu'il ne
s'y trouva, en 1791 et 1792, que
deux prêtres qu'elle pût séduire.
Un obstacle aussi imposant aux
progrès des doctrines anti-catho-
liques des réformateurs, ne pou-
voit que les irriter contre le saint
évêque, qui, après avoir refusé
formellement aux administrateurs
du département de la Lozère
la prestation du serment de la
constitution civile du clergé,
et fait contre elle un mande-
ment très - apostolique , vouloit
continuer à résider dans sa ville
épiscopale. On le fit dénoncer en
1792 à l'Assemblée Législative,
d'une manière si pressante qu'elle
rendit contre lui un décret de
prise de corps, supposant qu'il
entretenoit à ses frais une armée
de quarante mille hommes contre-
révolutionnaires, aux environs de
Chanac. 11 étoit si attaché à son
troupeau, que, malgré le danger
imminent qui le menaçoit , la
crainte des suites de ce décret
n'auroit pas suffi pour l'en éloi-
gner, si ses amis ne l'eussent con-
378 CAS
juré de leur épargner la douleur
de le voir arrêter comme un cri-
minel. Il part de Mende en fuyant
à travers des chemins peu fré-
quentés , et arrive à Lyon pour pas-
ser en Suisse. Son neveu l'engage
à venir se réfugier chez lui , a
Pans. Il y va ; on l'y découvre ;
il est dénoncé ; fuit de nouveau ; et
on l'arrête à Dormans en Cham-
pagne. L'Assemblée Nationale dé-
crète qu'il sera traduit devant la
Haute-Cour nationale établie à
Orléans. 11 y est conduit : sa
résignation dans les liens fut à
toute épreuve , pendant les huit
mois qu'il y resta ; et un asthme
violent dont il étoit tourmenté ,
n'altéra jamais son admirable
patience. Le prétendu crime d'E-
tat pour lequel il étoit ainsi traité,
et devoit être jugé, ne consis-
tant que dans les soins avec les-
quels il s'étoil opposé à ce que la
Foi de ses diocésains fût ébran-
lée : c'étoit pour la Foi qu'il étoit
captif, et déterminé à souffrir tous
les maux qui l'attendoient. Lors-
qu'après le 10 août 1792, l'As-
semblée Législative eut décidé que
les prisonniers de la Haute-Cour
seroient transportés ailleurs {V .
Septembre, vers la fin.), l'évêque
de Mende , âgé de 5g ans , fut mis
avec d'autres sur une charrette que
dans la route on fit tourner du
côté de Versailles , où des assassins
étoient chargés de les égorger à
leur arrivée. A peine ils y par-
a iennent, le 9 septembre, comme
CAS
pour y être enfermés dans l'oran-
gerie du château , qu'en suivant
la rue qui y conduit, plusieurs
d'entre eux sont déjà massacrés.
Le prélat, qu'une sorte de hasard
avoit empêché de l'être des pre-
miers, attendoit paisiblement un
pareil sort au milieu de tant de
meurtres; et, debout près de la
grille de l'orangerie , il faisoit à
Dieu le sacrifice de la vie qu'il
alloit perdre pour sa sainte cause.
Prenant pour modèle ce divin
Sauveur qui fut devant ses bour-
reaux comme un agneau soumis
au couteau qui va l'égorger, notre
évêque , entre les mains de ses
assassins , imita le silence de J.-C,
et reçut la mort tranquillement,
sans proférer aucune plainte, et re-
gardant le coup qui l'aiîranchissoit
du joug de ce corps mortel, comme
un bienfait qui le mettoit en pos-
session de la céleste béatitude. Son
corps mutilé fut jeté le lendemain
avec ceux des autres victimes ,
dans une tranchée destinée à l'é-
coulement des eaux du cimetière
de la paroisse de Saint-Louis de
Versailles.
CASTELLANE-MAZAUGUES
(EttÉON de), évêque de Toulon
depuis 1786, après avoir été vi-
caire-général dans le diocèse de
Soissons, et aumônier du Roi,
étoit né en 1746 au château de
Mazaugues, dans le diocèse d'Aix.
Quoiqu'il soit mort sans effusion
de sang dans le pays étranger où
la persécution Ta voit forcé de fuir,
CAS
il n'en a pas moins un droit in-
contestable a la place que nous
lui donnons ici. Il pouvoit dire
comme saint Denys d'Alexandrie :
« Des maux innombrables et
cruels nous avoient accablés dans
notre patrie : on nous en bannit
ensuite ; et la guerre , la famine ,
la peste, sont venues accabler nos
frères dans notre exil : Multa qui-
dem et aeerba ante hanc cala-
mitatem nobis contigerunt ;
primùm enim nos urbe expu-
terunt Post hœc bellum et
famés [et lues) excepit ( Epis t.
in Euseb. Hist. Eccl. L. VII,
c. xxn). Notre évêque de Toulon
pouvoit être aussi comparé d'ail-
leurs a saint Atbanase , dans la fer-
meté de son zèle pour la défense
de la Foi. Nous nous rappelons
encore le courage vraiment apos-
tolique par lequel il se montra
supérieur à la dénonciation qui
fut faite contre lui dans l'Assem-
blée nationale -constituante, au
sujet de sa Lettre Pastorale du
î" juillet 1790 aux fidèles de
son diocèse [V. Boucqcel). Les
orages élevés dès lors contre sa
personne ne lui permirent plus de
rester au milieu de ses diocésains.
Il s'enfuit d'abord à Nice, d'où il
continua de les instruire et de les
prémunir contre le schisme. La loi
du 26 aofit 1792 ne lui laissa plus
d'espoir de revenir au milieu
d'eux ; et l'envahissement de la
Savoie , vers la fin de septembre,
l'obligea dè pénétrer plus avant
CAS 579
dans l'Italie. 11 fut l'un des deux
prélats que le très-vénérable arche-
vêque de Ferrare, digne des plus
beaux siècles de l'Eglise, le cardi-
nal Mattéi, parut le plus jaloux
de posséder à titre de confesseurs
de la Foi. Il lui écrivit de même
qu'à l'archevêque de Lyon, Yves-
Alexandre de JUarbeuf, pour l'en-
gager à venir partager sa table et
sa fortune; mais des circonstances
impérieuses empêchèrent les deux
prélats d'accepter des offres si ho-
norables (1) ; et l'évêque de Tou-
(1) Observateur sublime du pré-
cepte de saint Paul : Oportet episco-
puin hospitalem esse, l'illustre arche-
vêque ne put d'abord, pendant deux
ans, exercer sa généreuse hospitalité
qn'envers des ecclésiastiques français
du second ordre ; mais aussi le nombre
de ceux qu'il avoit accueillis n'était
pas moindre de trois cents; et, non
content de les loger, de les nourrir,
de les vêtir même, il présidoit à leur
table , les visitoit dans leurs chambres,
et prodiguoit les soins les plus affec-
tueux aux malades et aux vieillards.
Lorsqu'en avril 1794 Msr l'évêque de
Fréjus, Emmanuel-François de Bans-
set de Roquefort , obligé de quitter
le Piémont alors menacé d'envahisse-
ment, vint à la tête de plus de quatre-
vingts prêtres se réfugier auprès de
l'archevêque de Ferrare, celui-ci fut
au comble de la joie. « Mes vœux sont
satisfaits, s'écrioit-il , puisque je pos-
sède enfin l'un de ces prélats de
l'Eglise gallicane qui ont mieux aimé
abandonner leur fortune , leur patrie ,
et s'exposer à toutes les rigueurs de la
persécution, plutôt que de manquer
à la Foi de Jésus -Christ ». L'ingé-
"<So CAS
Ion se relira ver? le Frioul. Dans
son exil, il ne perdoil pas de vue
le clergé et les fidèles de son dio-
cèse. Pendant la longue durée de
la persécution, il leur faisoit par-
venir des instructions propres à
les affermir dans la saine doc-
trine , et à ramener ceux que le
schisme avoit égarés. II se trou-
voit encore à Udine, lorsqu'on
1806 la guerre fut portée par les
Français dans celle partie de l'Ita-
iiiense charité du cardinal sut encore
procurer la même hospitalité à quatre
cents de nos prêtres, en sus du nom-
bre fixé pour son diocèse. Parmi les
hôtes d'une charité si paternelle , Son
Eminence établit des conférences
présidées par elle-même , et encoura-
gées par l'évêquc de Fréjus. On y
traitoit les matières les plus impor-
tantes relativement aux circonstances
difficiles dans lesquelles se trouvoit
l'Eglise , et celles dont elle étoit
menacée. Chaque prêtre français ap-
portait le tribut de son travail : le
résultat de ces discussions théolo-
giques , rédigé avec autant de préci-
sion que de clarté , et connu sous le
nom de Conférences ecclésiastiques de
Ferrure , étoit régulièrement envoyé à
Rome , à la congrégation spécialement
déléguée par Pie VI pour les affaires
ecclésiastiques de France ; et plus d'une
fois elle a jugé devoir s'y conformer
dans la sagesse de ses décisions. C'est
par des traits si dignes de notre admi-
ration que ce vénérable cardinal , doyen
du Sacré-Collége auquel la mort vient
de l'enlever , mérita l'éternelle recon-
noissance de l'Eglise gallicane : In
emm ore , quasi mel , indulcabitur ejus
tnemoria. (Eccb.49)
CAS
lie. Elle y laissoit les hôpitaux
encombrés de soldais infirmes on
blessés ; et des maladies conta-
gieuses venoien t les y moissonner ,
en écartant d'autour d'eux la plu-
part des personnes qui pouvoient
leur procurer les consolations de
la religion, et même les services
de l'humanité. L'évèqne de Tou-
lon, qui alloit quitter Udine pour
sa sûreté, voyant leur infortune,
y reste pour eux. Il vole à leur
secours, et sacrifie sa vie au soula-
gement temporel comme au salut
éternel de ces soldats qu'il re-
garde comme des brebis de son
propre bercail, par cela seul qu'ils
sont en général les enfans de cette
Eglise gallicane dispersée dont il
se regarde encore comme un des
principaux pasteurs. Quoique le
pape Pie VII l'eût repoussé de
son siège, et même de tous les
sièges de France , parce qu'il n'a-
voit pas cru devoir souscrire par
une démission obséquieuse aux
arrangemens du concordat de Sa
Sainteté avec Puonaparte en 1801,
le saint prélat ne s'en considéroit
pas moins comme le père de ces
soldats en proie â la douleur et à
la mort, loin de leur patrie et de
leur famille. Ne voyant qu'eux,
leurs besoins spirituels et corpo-
rels , il s'oublie lui-même dans
les soins qu'il leur rend ; et la
contagion, sans égard pour son
héroïque charité, infiltre la mort
dans ses veines : Ncque enim à
nohis abstinuit lues Ma , pou-
CAS
voit-il dire encore avec S. Denys
d'Alexandrie (ibid.). Après avoir
langui plusieurs jours dans un lit
de douleur, en regrettant de ne
pouvoir plus assister ses compa-
triotes inourans , il meurt lui-
même victime de son zèle pour
eux, nous laissant le soin de lui
appliquer ce que le même saint
Denys disoit de ceux qui, de son
temps, étoient morts au service
des pestiférés. « Une charité pres-
qu 'excessive leur faisoit dédaigner
tout soin de leur propre conserva-
tion ; et tandis qu'ils visitoient les
malades avec une sécurité qui ap-
prochoit de l'audace ; tandis qu'ils
les servoient assidûment pour les
ramènera Jésus-Christ en les ra-
menant à la vie, ils mouroient
avec eux; ou bien, après s'être
volontairemeut imprégnés de leur
maladie, et avoir volontiers trans-
porté dans eux-mêmes les maux
de ceux qu'ils soulageoient , ils
périssoient après les avoir rendus
à la santé. La constance de leur
piété et de leur Foi dans ce genre
de mort, en rend la gloire égale à
celle qu'on acquiert dans le mar-
tyre ( 1) » . Ainsi donc le charitable
(0 Ob nimiam caritatem, curam
omnem proprice salulis abjicientes , dùm
œgros sèctiré atque audactev irwisunt ,
eisipte assidue ministrant , et curatio-
ncm adhibenl in Christo , una cuin
Mis mortui sunt; aliorum œgritudine
libenlissimè sese implentes , et pro'xi—
morUfn morbum in scuutipsos quodam-
tnodu atlrahentes , dotoresque eorum
CAS 38 1
évêque de Toulon est dans la classe
de ces Martyrs que I*£glùse invoque
le 18 février, et dont il est dit dans
le Martyrologe romain : Comme*
tnoratio sauctorum presbytero-
rum , diaconorum et alioru m
plurimorum qui, tempore Va-
ler ia ni imper atoris, càm pes-
tis sœvissima grassaretur ,
morbo laborantibus rninis-
trantes, iïbentissimè mortem
oppetiére; quos vetut Marty-
res religiosa piorum Fides ve-
nerari consuevit. Les écrits de
ce prélat pour la défense et le
maintien de la Foi, ont à bon
droit une place distinguée dans
sponte sua exprimentes atque extergen-
tes : muitique adeo qui alios œgrotan-
tes curaverant et in pristinam valetudi-
nern restitueront , ipsi intericrunt ,
mortem illorum in se ipsos traducentes ,
verbumque iÛud bulgare quod ojjiciosœ
duntaxat comitalis , hactenùs uisum
Juerat, reipsa adimplentes , cum alio-
rum peripsema eJJ'ecli ex hac vita mi-
grurent. Et hoc quidem pacto, optimi
quique ex fratribus nostris , quorum
nonnulli presbyteri erant ac diaconi ,
et ex populo luudatissimus quisque ,
mortem oppetierunt : adeà ut genus
hoc mortis , ob pietatem Fideique cou-
stantiam , nequaquam itiferius martr—
rio censeatur ( Euseli. , Hist. Eccles. ,
L. VII, c. xxu ). Voyez encore Ja
même doctrine confirmée par Pon-
tius , diacre de saint Cyprien , dans sa
vie de cet illustre évéque de Cartilage ,
nu IX. Cette doctrine a été reconnue
pour constante dans l'Eglise par
D. Ruinart(//<//Mon/ï/b inEpist. sancti
Dioriysii Alex. n°. XIV; par Asse-
mau. Acta Martyr. Pars IIa pag. 44)-
58» CAS
les archives de l'Eglise gallicane.
Les principaux sont : i". Lettre
pastorale du 1" juillet 1790 aux
fidèles de son diocèse; 20. Aver-
tissement (aux mêmes) , daté de
Nice, 12 octobre 1790; 3°. Lettre
à MM. les curés de son diocèse,
Nice, i5 octobre 1790; 4°- nou"
velle Lettre à MM. les curés
et vicaires du même diocèse.
— Le nom de Castellane s'illustra
donc bien dans l'Eglise gallicane à
la même époque; car, indépen-
damment des deux évêques dont
nous venons de parler avec un si
juste éloge, il y eut encore, vers
le même temps, deux autres Cas-
tellane également recommanda-
blés par leurs vertus épiscopales ,
leurs lumières, et leur apostolique
fermeté, savoir : Jean -Joseph-
Victor de Castellane -Adhémar,
évêque de Sénez, mort dans son
diocèse en 1788; et Jean-Antoine
de Castellane - Saint - Maurice ,
évêque de Lavaur, qui ne donna
sa démission, d'après le concor-
dat de 1801, qu'en écrivant au
pape : « Votre Sainteté ne trou-
vera pas un seul exemple ni un
seul canon qui aient pu l'autori-
ser à nous la demander. Tous vos
prédécesseurs ont mis leur gloire
à défendre les évêques exilés pour
la Foi... Quels malheurs préparent
à l'Eglise des arrangemens qu'on
semble avoir craint de proposer à
notre acceptation ; tandis qu'on
n'auroit pas dû les prendre sans
notre participation» ! (Jr. ci-devant
CAS
notre Disc, prél., p. 19. Il mourut
peu de temps après, à Florence,
en 1802 ; et Pépitaphe gravée sur
sa tombe dans l'Eglise de Saint-
Félix, porte entre autres éloges
mérités , ces mots bien remar-
quables : Episcoj)atum dimisit
ne ipsius occasione novum
scklsma orirelur : sleque pacis
Ecciesiœ factus Victima, cujus
unitatis et Fidei conf essor an-
teà extiterat.
CASTILLARD (IV...), prêtre,
chapelain àVigneul, dans le dio-
cèse de Verdun, et né à Oinville ,
au même diocèse, fut du nombre
des prêtres dont la présence impor-
tunoit beaucoup les impies réfor-
mateurs, et contrarioit davantage
leur dessein de faire dominer l'a-
théisme où la Foi avoit abondé.
Il fut arrêté par leurs agens, en
1793 ; et , après l'avoir tenu
quelque temps dans les prisons de
Verdun , ils l'envoyèrent à Roche-
fort , pour qu'il y fût compris
dans la prochaine déportation ma-
ritime des prêtres non-assermen-
tés. On l'y embarqua sur le na-
vire les Deux Associés ( V.
Rochefort ). Le supplice de l'en-
trepont de ce bâtiment fit périr
graduellement cet ecclésiastique ,
âgé de 61 ans. Il mourut dans le
courant de septembre 1794» et
fut enterré dans l'île Madame.
CASTILLON ( Thomas Merle
de), né à Aiguillon, dans I'Agé-
nois,en 1747, vint faire ses études
à Paris, et y devint licencié en
CAS
théologie de la maison et société
de Navarre. L'archevêque de
Lyon, Antoine de Mal vin de Mon-
tazet, appréciateur éclairé du mé-
rite , ayant connu ce jeune ecclé-
siastique, lui conféra des lettres
de grand-vicaire , et l'amena dans
son diocèse, où, bientôt après ? il
lui confia la charge de promoteur-
général de la plus essentielle des
trois oflicialités de son siège pri-
înatial et métropolitain (1). L'abbé
(1) Comme la sainte gloire acquise
par cet ecclésiastique, au temps de la
persécution , fait penser avec quelque
reconuoissance au prélat qui le trans-
planta dans ce diocèse ; et comme celte
gloire va même reporter en arrière
dans le passé , trop obscurci , des
rayons qui éclairent sur les vues qu'eut
ce prélat dans le choix des hommes
ainsi que des moyens, l'on ne sau-
roit être surpris de ce que l'illustre
Benoît XIV écrivit de si honorable
à M. de Montazet, lorsqu'en 1768
celui-ci monta sur le premier siège des
Gaules , après avoir été dix ans tvéque
d'Autun. Cegrand pape trouvant cette
promotion très - satisfaisante pour la
tendre affection et la haute estime qu'il
vouoit à la nation française, sans en
(!tre nullement détourné par nos ar-
ticles de 1682, en fit la déclaration la
plus formelle dans son bref du 21 avril
a ce prélat. Après lui avoir dit : «Nous
chérissons beaucoup et très-certaine-
ment d'un amourpaternel cette nation,
et nous l'estimons infiniment », il ajou-
tbit : « Nous vous félicitons donc , à
plusieurs reprises , de ce que le Roi très-
chrétien a confié à vos soins l'insigne
Eglise de Lyon. La dignité Primatiale
ne pouvoit être déférée à aucun autre
CAS 583
de Castilîon fut donc promoteur
de l'ollicialité diocésaine, et il s'y
distingua par des réquisitoires où
la sagesse étoit réunie au courage,
et où l'esprit de tolérance se conci-
lioil heureusement avec la sévérité
des règles ecclésiastiques. Un bre-
vet de joyeux avènement , accordé
lorsque Louis XVI étoit rnontésur
le trône, en 17^4 5 procura, l'an-
née suivante, à l'abbé de Castil-
lon, un canonicat vacant dan*
qui la méritât mieux que vous, à qui
seul il ne manque pour la soutenir avec
honneur aucune des vertus épisco-
pales, ni aucun dos dons de la na-
ture » : Nos equidem Gallorum na-
tionem et putertio amore niulliwi dili—
gimus , et pluriniijacimus... Juin verà
gralulamur tibi eliam alque eliaiu de
amplissima Lugdunensi Mc.clesia curce
tuœ à hristiano Hege demandala : Pri-
mutialis enim dignàas in nullo altero
meliiis collocari poterat qiùun in te
uno} cui nulla desunt mit naturœ attt
virlulum ornamenta , ad liane dignita-
tem cum laiide suscipiendam ( Romœ ,
apud Sunctam Mariant Majorent , die
il aprilis 1758). Quand on réfléchit
que M. de Montazet gouverna l'Eglise
de Lyon jusqu'à la veille de la persé-
cution , puisqu'il ne. nicurut qu'en.
1788; on se demande s'il ne doit lui
revenir aucun honneur de la conduite
admirable du clergé de ce diocèse , dans
les années d'épreuves qui suivirent
(F. Lyon). L'état déplorable dans
lequel la discipline et l'instruction
ecclésiastiques se tro;ivoient quand ce
prélat monla sur le siège de cette mé-
tropole, n'auroit certes pu fournir des
résultats aussi gif lieux pour l'Eglise.
Leur cause heureuse ne sera-t-elle pus
384 CAS
l'église collégiale et baronnie de
Sahit-Just de Lyon. Comme il
étoit versé dans les belles-lettres,
ainsi que dans les matières ecclé-
siastiques, l'académie de cette ville
se fit un honneur de l'admettre au
nombre de ses membres , en
1778. Déjà il étoit associé de celles
entrevue dans les mesures que le nou-
vel archevêque avoit prises , dès son
début , pour faire refleurir dans son
clergé l'instruction et la discipline ?
D'abord, au lieu d'un an, ou plutôt
de neuf mois seulement d'études théo-
logiques dont son prédécesseur se con-
tentoit pour admettre les clercs au
sacerdoce, il en exigea trois auxquels
it ajoutoit de très-sérieux examens.
D'un autre côté, il s'empressa, dès la
première année , de rétablir l'usage des
synodes annuels , duquel s'ensuivit
celui des congrégations de chaque mois
dans chaque archiprêtré. On ne peut
que louer les intentions de ce prélat,
«juandona, comme nous, sous les yeux
la lettre de convocation par laquelle
il annonça aux archiprétres de son
diocèse le premier de ces synodes,
fixé au 3o avril 1760. « Qui sommes-
nous, disoit-il en parlant de lui seul;
qui sommes-nous, pour cultiver une
terre arrosée des sueurs de tant d'a-
pôtres et du sang de tant de Martyrs?
iVous sentons à chaque pas notre foi-
blesse : c'est pour y suppléer que nous
vous demandons en tout temps le se-
cours de vos prières et de vos travaux,
et que nous vous prierons de nous
aider, dans des synodes annuels, de
vos lumières et de vos conseils. Qui
n'admire pas ces beaux siècles de
l'Eglise où l'on voyoit l'évôque en-
touré de son presbytère, suivre le dé-
tail des fonctions de chaque ministre ,
CAS
de Villefranche et de Marseille.
Son caractère conciliateur , et
l'exactitude de sa doctrine, lut
méritèrent, à la mort de l'arche-
vêque Malvin de Montazet , eu
1788, une distinction que son
successeur, Yves - Alexandre de
Marbeuf, n'accorda qu'à deux de?
partager les sollicitudes de tous, tra-
vailler au milieu d'eux comme leur
semblable , les diriger comme leur
chef, les consulter comme ses égaux ?
Cette heureuse intelligence faisant la
gloire de l'Eglise; et la tenue fré-
quente des synodes étant le moyen le
plus propre à la conserver, ils furent
ordonnés par les conciles.... La con-
fiance , l'unanimité, l'émulation même
entre le premier pasteur et ceux qui
lui sont subordonnés , sont en effet
une des conséquences les plus natu-
relles de cette salutaire pratique. S'il
étoit permis à chacun de suivre ses
idées particulières combien de bi-
zarreries, de contradictions et de
maux ne naîtroient pas de cette fu-
neste liberté ! Pour éviter ces désor-
dres, il n'y a pas d'autre moyen que
de connottre et de suivre fidèlement
les maximes invariables, les saintes
règles de l'Eglise. A Dieu ne plaise
que nous prétendions y ajouter!
Nous en rappellerons la mémoire ,
nous en reconnoîtrons l'autorité; nous
les comparerons avec notre pratique
présente ; nous travaillerons ensemble
à les rétablir ou à les conserver... Que
d'objets réelameroient en vain notre
vigilance , si vous ne joigniez vos ins-
tructions à nos lumières ! Vous voyez
tous les jours de près le troupeau dis-
persé loin de nos yeux.... Venez con-
certer arec nous les remèdes, les se-
cours, les consolations qu'il a droit
CAS
grands vicaires de son prédéces-
seur. L'abbé de Castillon le fut
encore du nouveau prélat; et il
justifia sa confiance de la manière
la plus honorable et la plus hé-
roïque. Dès 1789, il prévit les
malheurs qu'alloit attirer sur la
France, cette révolution que l'on
désiroit de toutes parts ; et sou-
d'attendre de noire zèle Si nous
prenions sur nous seuls les réglemens ,
les avis que l'intérêt de l'ordre et de
la discipline pourroient rendre néces-
saires, peut-être seroit-on tenté de
les attribuer à un esprit de domina-
tion, à un premier mouvement de
zèle, â des vues trop arbitraires
Nous savons qu'un évôque, selon la
doctrine de saint Pierre , n'est point
un chef impérieux qui domine au gré
de ses caprices; que si Dieu nous a
élevés à un plus haut degré de dignité
et de puissance, nous n'en sommes
que plus obligés d'être au milieu de
vous comme l'un de vous; que la jus-
tice, la sagesse et la douceur doivent
régler toutes nos démarches , et que
nous avons infiniment plus de bien à
attendre de votre confiance que de
notre autorité. La tenue des synodes
vous persuadera de plus en plus, N.
T. C. F. , que tels sont nos véritables
sentimens : chacun y sera admis, in-
vité à faire ses observations, à pro-
poser ses doutes. La prudence et la
connoissance des lois y corrigeront ce
que le zèle auroit de trop vif, de
moins régulier : tout s'y traitera de
concert. Eh! quels prétextes pourroit-
il rester à la désobéissance, lorsque
l'autorité ne se montrera que pour
donner plus de force à ce que le vœu
commun aura décidé ? » (Lyon , chez
Valfray, 1760.)
CAS 385
vent nous l'avons entendu prou-
ver dès lors à un ancien magis-
trat , homme de bien et fort con-
sidéré , Palerne de Savy , qui ,
la voyant arriver sans défiance ,
en adoptoit de bonne foi les prin-
cipes , que c'étoit dire : « Vive le
Roi ! vive la Ligue » ! Continuant à
résider à Lyon , d'où l'archevêque
étoit éloigné , et d'où s'étoient
retirés ceux des autres grands-
vicaires qui étoient plus person-
nellement attachés au prélat ( V.
Bonnaud), l'abbé de Castillon vit
avec satisfaction qu'il n'avoit pas
de grands efforts à faire pour main-
tenir la pureté de la Foi dans le
diocèse , lorsque parut la consti-
tution civile du cierge. Les
défections y furent peu nom-
breuses; et ceux qui en donnèrent
le scandale ne pouvoient contre-
balancer, par aucune réputation
de savoir ou de bonne conduite,
la considération dont jouissoient ,
parmi les fidèles, le grand nombre
d'ecclésiastiques qui refusèrent le
serment ( V . Lyon ). L'abbé de
Castillon, se faisant gloire d'être
à leur tête, les rendit également
fermes contre les innovations im-
pies toujours croissantes , par
lesquelles la révolution venoit
tourmenter leur constance. Lors-
qu'à la suite de l'effroyable catas-
trophe du 10 août, l'Assemblée
Législative eut prescrit le serment
de liberté - égalité , l'abbé de
Castillon le réprouva formelle-
ment, comme un acte aussi con-
586 CAS
traire à la religion qu'à la monar-
chie : le clergé de Lyon fut du
même avis. Les hommes de la
révolution en devinrent plus ani-
més contre le grand-vicaire ; et
les massacres qui se firent en cette
ville, le 8 septembre, par suite
de ceux qui venoient de s'exécuter
à Paris, ces massacres auxquels
il n'échappa qu'avec peine , le dé-
cidèrent a éviter l'effet des me-
naces de la loi de déportation
pendue le 26 août, contre les prê-
tres non-assermentés. Il s'ache-
mina vers la frontière, et parvint,
quoique difficilement, à Cham-
béry. Là, voyant bientôt les trou-
pes de la révolution se répandre
en Savoie, le 21 septembre, et
sentant le besoin que le diocèse de
Lyon avoit de sa présence , de
son ministère et de ses conseils,
il offrit à Dieu le sacrifice de sa vie,
pour le salut des fidèles qui lui
étoient spécialement confiés, et
revint courageusement à Lyon ,
bien déterminé â souffrir le mar-
tyre, plutôt que d'abandonner le
diocèse. S'y trouvant alors le seul
des grands- vicaires de l'arche-
vêque, de qui il avoit reçu les plus
amples pouvoirs, et ne pouvant
cependant seul régir un aussi vaste
diocèse , il associa aux travaux
pénibles de son grand- vicariat,
quelques ecclésiastiques capables
de le seconder, tant sous le rapport
du courage que sous celui des lu-
mières et de la vertu ; capables
même de le remplacer convena-
CAS
blement, s'il venoit à tomber lui-
même sous le fer des persécuteurs.
On ne sauroit dire tout le bien
qu'il fit avec eux, pendant la ter-
rible année 1793; avec quel zèle
il alloit ranimer les foibles , sou-
tenir les forts ; combien il ramena
de chrétiens égarés, et quels soins
il donnoit aux timides religieuses
expulsées de leurs cloîtres. La
terreur que répandirent à Lyon ,
après le siège de cette ville, les
proconsuls de la Convention , et
leur atroce commission révolu-
tionnaire , ne déconcerta point
la sainte ardeur de l'abbé de Cas-
tillon. Quand la prudence l'em-
pêchoit d'aller encourager les ca-
tholiques intimidés, il leur écrivoit
des lettres propres à les forti-
fier par le langage de la religion ,
et leur envoyoit ceux des prêtres
qui, moins connus, pouvoient
aller encore par la ville avec plus
d'assurance. Lapuissante influence
de son administration spirituelle
se faisoit trop ressentir, pour qu'il
ne fût pas l'objet de recherches
très-opiniâtres de la part despersé-
cuteurs. Ils découvrirent enfin son
asile , au commencement de dé-
cembre 1795, et le jetèrent de
suite dans les caves de l'hôtel-de-
ville, prison où la commission ré-
volutionnaire prenoit plus or-
dinairement ses victimes. Coram»
il s'y trouva avec beaucoup d'au-
tres captifs , dont la plupart étoient
des gens du monde , ce lieu fut
encore pour son zèle apostolique
CAS
le champ d'une ample moisson
pour le Ciel. Bien secondé par
un autre prêtre, compagnon de
sa captivité {V . Le Brumat),
il y opéra d'éclatantes conver-
sions ; et c'est à eux qu'on dut ,
en grande partie , le spectacle
admirable de tant de Lyonnais
qui marchèrent à la mort avec
cette joie que donne l'espoir fondé
d'une vie immortelle. Parmi les
prisonniers , se trouvoient aussi
des prêtres qui étoient tomhés
dans le schisme , par la presta-
tion du serment de la constitu-
tion civile du clergé; et, tel
que ce saint Martyr Pionius de
Smyrne , lequel , dans sa capti-
vité , consoloit ceux de ses com-
pagnons qui, ayant abandonné
Jésus-Christ, s'affligeoientde leur
sort , l'abbé de Castillon disoit
à ces prêtres schismatiques : « O
mes frères ! vous me faites éprou-
ver un nouveau genre de sup-
plice ; et je souffre comme si l'on
m'eût arraché mes propres mem-
bres, quand je vois les pierres pré-
cieuses du sanctuaire tombées aux
pieds des animaux immondes, et
la vigne que la droite du Seigneur
avoit plantée , détachée de son
tronc, et déchirée par les passans,
suivantlcurs caprices. Venez donc,
que je vous enfante de nouveau au
Seigneur; et vous ne serez pas les
premiers à qui , malgré la précé-
dente mollesse de leur Foi, j'aurai
fait traverser les voies épineuses
et cruelles par lesquelles on par-
CAS 38?
vient à la gloire céleste (i).
L'abbé de Castillon eut les mêmes
succès que Pionius; et, par ses
soins, les assermentés se rétrac-
tèrent; ils rentrèrent dans le sein
de l'Eglise, et moururent comme
de vrais Martyrs de sa Foi. Mais
qu'allons - nous chercher nos
comparaisons dans l'Eglise de
Smyrne , puisque celle de Lyon
avoit elle-même fourni, dès les
commencemens du christianisme,
le plus mémorable exemple de ce
que notre postérité admirera pour
la seconde fois , en elle , à l'é-
poque récente dont nous parlons ?
Tout ce qu'elle vient d'offrir à
notre édification se trouvoit déjà
raconté dans l'admirable épître des
fidèles de Lyon et de Vienne, à ceux
d'Asie et de Phrygie, en 177, sur
le martyre de saint Pothin et de
s*es compagnons (2). C'étoit aussi
(1) Hos ut vidit in jugi luctu et do-
lore maximo constitutos , talia cum la-
crymis verba prolulil : Novum sttppli—
ciorum genus patior, et ità excrucior;
quasi videam me devulsâ membrorum
compage lacerari, cùm adspicio marga-
ràas Ecclesiœ porcorum pedibus sub-
jacere, et stellas cœli draconis caudâ
usque ad terram fuisse pertraclcis ;
l'item quam Dei dexiera plantavcrat a
sue unico dissipari , et transeuntem
unumquemqtie , ut suascrit libido , de-
cerpi. Liberi , quos iterùm parturio do-
uée Christus jbrmelur in vobis , alumni
mei molles aspera transierunt itincra
(Ruinart: Acta Martyr. Passio SS.
Pionii et sociorum ejus. )
(a) Renvoyant aux traductions
françaises ceux qui ne pourraient pas
25.
588 CAS
une bien douce consolation pour
notre grand-vicaire, et pour le
prêtre compagnon de ses travaux,
dans la même captivité, «de reti-
rer de l'abîme du schisme et de la
perdition, tant d'aines que le dé-
mon croyoit y avoir englouties à
jamais. Le pardon qu'elles avoient
demandé pour aller à Dieu, leur
lire dans les traductions latines cette
épt tre écrite en grec , nous ne citerons
que l'une de ces dernières versions ,
préférant à celle de Valois la plus an-
cienne , qui est de Ruflin , parce qu'elle
nous semble mieux peindre ce que
nous avons à représenter.
Per idem tempus immensa quœdam
Dei dispensatio procuratur, et mise-
ricordia ex insperato Christi Dornini
arte conquiritur Omnes hi qui
primà negaverant Fidern , correpti tru-
duntiir in carcercm ; et quà injelicibus
ne solamen quidempœnalis prœstaretnr
exitii, non quasi christiani jam , sed
tanquam homicidœ et — detinebantur,
habenles miseri duplicem pœnam. Quo-
niam quidem cœterorum supplicia mi-
tigabat spes et corona martyrii : Christi-
que charitas, et Sancti Spirilûs gratia
relevabat afflictos. Istos autein ipsis
pœnalibus catenis et pondère carceris
graviàs conscientia cruciabat, ità ut
vultu ipso et aspectu discernerentur à
eœteris > quàd ilii producebanlur de
suppliais lœti, et divinum nescio quid
in ipsis vuhibus prœferentes, vincula
sua monilia pretiosu ducebant , per
squalorem carceris , Christi bonus odor
affecli, ità ut viderenlur sibi non in
ergastulo , sed in myrotheca conclusi :
at illi alii tristes , demersi , ipsis qtio-
que conspectibus horridi, et omni tur-
pitudinis deformitate fœdioras . Sed et
iptis gentilibus in multo opprobrio ex-
CAS
étoit accordé. Ils auroient Con-
servé quelque peine en allant eux-
mêmes avec joie au martyre, s'ils
n'avoient pu attacher à leur cou-
ronne , comme des trophées , ces
membres de l'Eglise, que l'Enfer
avoit usurpés (1)». Cependant le
cœur de l'abbé de Castillon con-
servoit un chagrin dont il parloiî
posili erant, tanquam dégénères et
ignavi , qui Fidem perdiderint et cri-
men invenerint, et qui christianorum
quidem nomine carueriiil , homicida-
rum tamen pœnas non effiigerinl. Quœ
cùm ilà geri vidèrent cceteri, incredibi-
liter corroborati sunt , ilà ut com-
prehensi absque ullâ animi nutalione ,
constanler se nihil aliud quam chris-
tianos esse Jàterenlur. . ■ ■ Post liœc jam
per diversas species martyrii eorum ,
velul coronam quamdam variis jloribus
compositam Dominus Jésus Christus
intexens offerebat Patri, ut ab eo velut
victores magni agonis remuneratione*
œternonun sumerentprœmiorum. (Eu-
sèl). Ecclés. Hist. L. V, ci, édition
de Bâle, i535.)
(i) Adversùm quos eà vehementiora
Diubolus prœlia concilabai quàd per
nimiam caritalem quam habebant in
Chrislo Je.su , eliam eos qui lapsi filt-
rant, et quos jam se immanis Ma bes-
tia absorbuisse crediderat , rursùm
vivos de internis ejus visceribus educe-
bant : et velut maires ergà parvulos
suos , ilà ergà eos totis profusi misera-
tionum visceribus inhœrebant , omni-
potenti Deo effundenles pro ipsis fontes
et flumina lacrymarum : vilam pete-
bant eis à Deo , et tribuebatur eis ; nec
sibi gratum iter ducebant eundi ad
Dominum , vel lœtam putabant marty -
rii fore coronam , si partern membrorum
suorum de ecclesiis raptam velut spolia
CAS
avec toute la douleur d'une ami-
tié flétrie : c'étoit de voir qu'un
évêquede l'Eglise gallicane, qui,
depuis ses études , étoit un de ses
amis les plus intimes, faisoit cir-
culer une apologie qu'il avoit écrite
de ce serment de liberté - éga-
lité (1), qu'à Lyon, comme ail-
leurs {V. Fontaine , Lazariste ) ,
queedam detentari a Diabolo permisis-
sent. Super omnia autem pacem et ipsi
diligebant, et nobis serva.re manda—
bant; nec aliam sibi nisi per pacem
viarn ad martyrium construebant , ca-
ventes ne ullam post se dissensionem
fratribus , nec Ecclesiœ matri mœsti-
tiam derelinquerent , sed pacem semper
habendam , pacem fratribus custodien-
dam , et caritatem prœcipue tenendam ,
quœ est unitatis et concordiœ vincu-
lum , commonebant. Hœc non inutiliter
{ut opinor) à nobis in œdijicationem
legentium memoriœ tradita sunt, quœ
ex tanlorum virorum auctoritale des-
cendunt, propter eos qui tumidi et
inflali adversùm fratres feruntur ; et
si qui forte titubaverint , miserationum
Christi viscera ab eis putant penitùs
excludenda. ( Eusèb. E celés. Hisl,
L. V, c. i, édition de Bile, i535.)
( i ) Exposé des Principes sur le Ser-
ment de Liberté-Egalité , et sur la
Déclaration exigée des Ministres du
culte par la loi du 7 vendémiaire
an IV : Paris, chez Gucrbart, 1796,
et Adr. Leclère. — On y répliqua
fortement par un écrit intitulé
Réfutation des Principes erronés de
Msr l'évéque à" Al. . . sur le Serment
de Libekté-Ecalité ; sur la Recon-
NOISSANCE DE LA SOUVERAINETE DU
Peuple, etc. Maliues, 1797. Il en
avoit été fait une autre à Paris, par
l'un des plus savans canonisU-s qui
CAS 3Sg
on tenoit pour si criminel ; et il
regrettoit amèrement de ce que
cette dissidence rompoit de si res-
pectables liens d'affection. Mais
cette douloureuse pensée , qui
occupoit beaucoup notre grand-
vicaire, et ses nombreux travaux
apostoliques dans l'intérieur de la
prison , ne lui faisoient pas oublier
existassent alors en France, M. l'abbé
Dalléas, avocat au parlement depuis
1775, officiai de la Sainte-Chapelle ,
et mort en 1818, étant depuis 1814
membre du conseil de Monsieur ,
frère du Roi , en qualité d'avocat
consultant ( V oy. Calendrier de la
Cour pour i8i5). Consulté, en 1795
et les années suivantes , par des prê-
tres et môme des évoques sur ce ser-
ment, et ensuite sur la déclaration
de soumission ; sur celui de haine à la
royauté; sur la célébration delà messe
dans les églises de Paris que profa-
noit le prétendu culte des déistes appe-
lés théophilanthropes , il condamna tous
ces actes dans des réponses motivées ,
dont l'érudition comme les principes
et la logique ne permettoient aucune
réplique. Il existe de lui quelques
lettres où il poursuit , jusque dans leurs
derniers retranchemens , les ministres
de l'Eglise constitutionnelle. Parmi ses
écrits de cette époque , l'un des plus
remarquables est celui qui a pour
titre : Les véritables Devoirs du Chré-
tien dans les Révolutions publiques , on
Examen d'un écrit intitulé : Devoirs
du Chrétien envers la Puissance
publique, etc. Il y démontroit pé-
remptoirement l'ignorance ou la mau-
vaise foi de ces partisans de la doc-
trine du Roi défait , qui se prévaloienfc
des sentimens et de la conduite des
premiers chrétiens envers un empe-
3go CAS
les prêtres et les fidèles qui étoient
au dehors , et avoient échappé
jusque-là aux recherches des per-
^écuteurs. Il leur écrivoit fré-
quemment des lettres comparables
à celles des premiers confesseurs
dans les fers , et leur envoyoit ,
comme un autre Cyprien, de tou-
reur quelconque , mis par une sédition
à la place de son prédécesseur, pour
obliger les fidèles de notre temps à la
môme obéissance active envers un
usurpateur qu'envers le souverain lé-
gitime. L'auteur pulvérisoit ce so-
phisme de l'adulation, en faisant, pour
ainsi dire , toucher au doigt l'énorme
différence qu'il y avoit entre les cons-
titutions politiques de Rome, à cette
époque, et celle de notre monarchie.
Suivant les premières , un empereur
devenoit légitime dès que son élec-
tion, faite par l'armée, étoit recon-
nue par le sénat; tandis qu'en France
aucune usurpation quelconque ne
nouvoit priver de ses droits le souve-
rain légitime, ni délier ses sujets du
serment de fidélité {Voy, tom. I",
pag. 274 ).
Le contraste que ces notions for-
ment avec l'opinion très-désavanta-
geuse qu'a voulu donner de l'abbé
Dalléas, peu de jours après sa mort ,
un journal qui s'intitule V Ami de la
Religion et du Roi, exige, pour leur
justification plus complète, non pas
que nous le réfutions, mais seulement
que nous rapportions ses paroles : et
peut-ôtre sera-ce trop encore, parce
qu'on pourroit en conclure, contre
notre intention, qu'elles semblent lui
avoir été dictées par un besoin violent
de venger des protégés et des protec-
teurs. Niant que ce canoniste eût
« rendu des services à l'Eglise et à
l'Etat», il aflirmoit que l'abbé Dal-
CAS
chantes exhortations au martyre
{V. A. M. Vial). Dans la lettre
que, de sa prison , il écrivit, deux
jours avant son supplice, à l'un
de ses coopérateurs dans le saint
ministère , il disoit : « Je suis
tranquille , quoique je m'attende
à la mort. Priez le Seigneur, et
léas « n'a rien laissé de durable, qu'on
ne connoît rien de lui qui puisse lui
faire donner le titre de théologien » ;
et ce rédacteur concluoit, peu chré-
tiennement sans doute, par ces mots
plus que dénigrans : « L'abbé Dalléas
a rédigé peut-être quelques Mémoires
oubliés; il faisait les affaires , ou étoit
le conseil de quelques jansénistes :
voilà tout ce qu'on sait de lui, etc. »
Mais abrégeons la méprisante et scan-
daleuse notice, pour lui opposer l'es-
time non commune qu'avoient pour
les lumières de l'abbé Dalléas les érê-
ques de France députés aux Etats-
Généraux de 1989. Ce fut au nom
de l'Eglise gallicane que les prélats
de Clermont et du Mans, auxquels
s'adjoignoient le saint archevêque
d'Arles, les évôqucs de Condom, de
Limoges, de Luçon , de Montpellier,
deNancy, deNismes, de Poitiers, de
Saintes et d'Uzez, demandèrent en
1790 à ce canoniste ainsi qu'à d'autres
non moins célèbres, Maultrot, Mey,
Meunier , Vauquelin , Mauclerc , Blon-
del, Bayard, un jugement solennel
de la constitution civile du clergé.
Dans ce recours, ils disoient très-for-
mellement qu'ils s'advessoient à eux
comme à « des jurisconsultes instruits
des matières canoniques et des règles
de la hiérarchie ecclésiastique ». Avec
quel avantage la décision de ceux-ci,
qui réprouvèrent dans tout cette
œuvre de schisme et d'hérésie , ne
fut -elle pas opposée par nos évâques
CAS
faites-le prier par les catholiques ,
pour qu'il me donne la force de
confesser ma Foi. Dieu répand les
bénédictions les plus abondantes
sur mon ministère ; je travaille
beaucoup à ramener à Dieu mes
compagnons d'infortune. Je vais
laisser le gouvernement du dio-
aux autres jurisconsultes, canonistes
infidèles par qui la constitution civile
du clergé avoit été produite ? La con-
sultation dont il s'agita mérité d'ôtre
conservée comme un monument pré-
cieux pour l'Eglise de France , dans
la Collection ecclésiastique de M. l'abbé
Barruel, tom. Ier, pag. 253 jusqu'à
■276. Parmi les savantes consultations
du môme canoniste, plus jaloux d'é-
clairer sans bruit les consciences que
de publier des volumes, il en est une
fort lumineuse sur les mariages con-
tractés cùm tutus non esset recursus
ad parochurn. Elle se trouve d'accord
en tout, i°. avec l'instruction envoyée
par ordre de Pie VI, le 26 septembre
1791 , dans laquelle il appliquoit à la
France les décisions deBenoit XIV
sur les mariages du môme genre con-
tractés en Belgique, en Servie et dans
les Indes orientales; 2°. avec les ré-
ponses du cardinal Zéloda à un prêtre
du comtat Venaissin , du a5 juillet
1793, et celles du cardinal Antonelli
à l'évôque de Genève, du 5 octobre
suivant , ainsi que M. l'abbé de Cambis,
vicaire -général et grand -archidiacre
de Chartres, le i4 du môme mois;
3*. avec la consultation du P. Joseph
Vaser, consulteur de la congrégation
de l'Index, en date du 17 décembre,
môme année ; 4°. à l'avis des meilleurs
théologiens et canonistes cités en grand
nombre par ce dernier, entre lesquels
on remarque avec plaisir l'auteur de
nos Conférences d'Angers.
CAS 391
cèse à.... ; car je crois que ma fin
approche (1). Adieu ; recomman-
dez-moi aux prières des prêtres
catholiques». Cette lettre étoitson
testament spirituel : par elle , il
pourvoyait aux besoins du diocèse
après lui ; et, comme si sa mission
étoit consommée , comme s'il
avoit acquis assez de mérite pour
recevoir la récompense suprême,
il fut bientôt appelé devant la fa-
rouche commission révolution-
naire. Il confessa devant elle sa
Foi avec une rare intrépidité, et
fut condamné, le 2 5 frimaire an H
( i5 décembre 1794), a la peine
de mort, comme «prêtre réfrac-
taire à la loi , et contre-révolution-
naire ». 11 la subit ce jour-là
même. L'auteur du Tableau des
Prisons de Lyon , M. Delandine,
qui partagea sa captivité, dit :
« Nous avions parmi nous M. de
Castillon , dont le cœur étoit bon,
l'imagination brillante, l'entretien
toujours semé de traits piquans et
(1) Dans une circonstance sem-
blable, en 3G2, le saint Martyr Hélio-
dore, qui étoit évôque en Perse ,
voyant arriver l'heure de sa mort , et
ne voulant pas que les fidèles man-
quassent après lui de premier pas-
teur, conféra lui seul l'ordre de l'épis-
copat au prôtre Dausas, en le dési-
gnant pour son successeur : Quamob-'
rem Dausan adpcllans , hune per ini—
positionnent manûs episcopum créât, et,
christianis , quolquot supremœ urbis
calamitali supererant , prœsidere jubet .
( Asseman : Act. Martyr. Pars I* ,
pag. 134.)
39a CAS
d'anecdotes intéressantes. Son dis-
cours, à sa dernière heure, fut un
chef-d'œuvre de raison, de piété,
de courage et de véritable philo-
sophie (1) ». Que de regrets nous
devons avoir que cet écrivain n'ait
rien cité de ce discours, ou que,
d'ailleurs, un ne nous l'ait pas
transmis, quoiqu'il doive exister
dans les pièces enfouies de l'admi-
nistration du diocèse de Lyon, à
cette époque! Le grand-vicaire de
Castillon avoit 47 ans quand il
reçut la couronne du martyre.
{V . Btjrlat, et Chalïer. )
CASTIN ( François- Domi-
nique), curé dans le diocèse de
Saintes, se reprochoit, dans l'exil
auquel la loi de déportation l'avoit
obligé, cette vie inutile qu'il mc-
noit à Londres, tandis que ses
paroissiens, faisant partie de l'ar-
mée catholique et royale, expo-
soient leur vie pour la cause de la
religion. Il brûloit d'impatience
de Tenir s'exposer lui-même , pour
leur salut, aux dangers de la per-
sécution ; et il profita de l'expédi-
tion de Quiberon , pour se rappro-
cher de ses ouailles ( V. Vendée
et Vannes ). Embarqué avec le
vénérable évêque de Dol , et trente
autres prêtres environ, il partagea
leur sort ( V. U. R. Hercé ), et
reçut en même-temps la palme du
martyre, le 3o juillet 1795. {V. P.
F. Breherec , et F. Flattin.)
(1) foy. ci -devant, y>ag. 378,
pol. a.
CAL
CASTION ( Henri -Bt aise),
prêtre du diocèse d'Orange, exer-
çoitles fonctions de son sacerdoce
à Caderousse, sans avoir fait au-
cun des sermens illicites demandés
par la révolution. Le bon esprit
qui dominoit dans sa province, à
la fin de 1792 et en 1793, lui
avoit paru le dispenser d'obéir à
l'inique loi de la déportation; mais
le proconsul qui vint désoler cette
contrée, vers la fin de 1793 {V .
Orange), ayant mis les prêtres
dans le plus grand danger, Cas-
tion fut bientôt une des victimes
marquées pour sa féroce commis-
sion populaire d'Orange. Cet ec-
clésiastique comparut devant elle,
le 14 messidor an II (2 juillet
1 794 ). Comme cette commission
ignare autant qu'impie, se dis-
pensant de toute formalité , n'avoit
besoin que d'une vague accusation
pour envoyer les victimes à l'écha-
faud , le prêtre Castion y fut con-
damné de suite, comme «contre-
révolutionnaire». La sentence fut
exécutée le lendemain.
CASTOR (Antoine), prêtre.
( V. A. BOCTILIER. )
CATHELANY (Joseph) , curé.
( V. Benezet. )
CATHERINE DE JÉSLS
{Sœur Sainte) , religieuse. ( V.
Mne JllSTAMONT. )
CAUCHOIS ( Marie- Fran-
çoise-Eulalie) , pieuse fille , mar-
chande mercière à Dieppe, fournit
dans sa maison un asile secret à
un prêtre catholique, dont les per-
CAU
sécuteurs avoient mis la tête à
prix, et qui n'avoit aucun autre
refuge. Elle fut admirablement
secondée en cette bonne œuvre
par sa domestique ( V. F* Car-
tier). Les agens de la persécution ,
ayant eu connoissance d'une si
belle action, les arrêtèrent toutes
deux ensemble. Traduites dans
les prisons de Rouen, et ensuite
devant le tribunal du département
de la Seine - Inférieure , elles
furent condamnées à la peine de
mort, comme « recéleuses de prê-
tres réfractaircs ». Marie -Eulalie
Cauchois , s'estimant heureuse de
perdre la vie pour une aussi sainte
action {V . Je Aux) , n'eut d'autre
chagrin, en mourant, que celui
de voir sa domestique frappée
comme elle, croyant être la cause
de sa mort. Cette sentence , rendue
le 2 floréal an II (21 avril 1794)»
fut exécutée dans les vingt-quatre
heures.
CAUDRON DE FRICHEUX
(Marie-Claire), née à Arras en
1720, avoit passé sa longue vie
dans le célibat, et l'avoit sancti-
fiée par la pratique des vertus
évangéliques. Sa Foi étant restée
intacte, lors de la constitution
civile du clergé, elle n'avoit pas
vu sans douleur les prêtres catho-
liques persécutés et bannis , dé-
pouillés de tout. Elle s'associa bien
volontiers à la bonne œuvre de
la ve Bataille en leur faveur ( J .
M. J. D. Bataille). Le registre
de celle-ci ayant été découvert
CAU 5<)3
par les satellites du proconsul Le-
bon, dans le temps de sa mission
à Arras ( V. Arras) , Marie-Claire
Caudron, dont le nom s'y trou-
voit inscrit, fut associée au sup-
plice de la charitable veuve. Con-
damnée avec elle et dix-huit autres
prétendus complices, le 25 ger-
minal an II (14 avril 1794), elle
fut envoyée avec eux à la mort
pour cette action de Foi et de
charité. Son âge alors éloit de
74 ans. {V. A. V. Cary, et P. J.
CnARLET. )
CALÎLLE (Amand), prêtre du
diocèse de Rouen , habitué de
l'église paroissiale de Saint- Ma-
clou, et professeur de mathéma-
tiques à Rouen, où il étoit né en
1761, ecclésiastique « très -dis-
tingué par sa science et sa vertu » ,
se garda bien de prêter le serment
schismatique de 1791. Quoique
voué par cela même à la pros-
cription, il ne sortit point de
France, voulant consacrer son
ministère à l'Eglise dans un temps
où tout l'enfer sembloit déchaîné
contre elle. Il fut arrêté en 1 790
par les autorités révolutionnaires
qui subjuguoient sa province, alors
devenue le département de la
Seine-Inférieure. Elles l'envoyè-
rent à Rochefort, pour périr dans
la déportation maritime qui s'y
préparoit [V. Rochefort). On le
fit monter le navire tes Deux As-
sociés. Le séjour mortel de l'entre-
pont de ce bâtiment avança son
niai lyre. 11 mourut le 7 juin 1794»
3(>4 CAU
à l'âge de 35 ans, et fut inhumé
dans l'île d'Aix. {V.... Castil-
iard, et J. Causse.)
CAUSSE (Jean) , curé de la pa-
roisse de Châtel-de-Neuvre, au
diocèse de Clermont, et né vers
1753, à Saint- Pourçain , en Au-
vergne , sur la frontière du Bour-
bonnais, refusa généreusement le
sermentschismatiquede 1791. Les
administrateurs révolutionnaires
du département le chassèrent de sa
cure pour cette raison ; et il vint
habiter son pays natal , d'où il pou-
voit encore êlre utile à ses parois-
siens. Son zèle pour eux le dé-
tourna de sortir de France, lors
de l'expulsion des prêtres non-
assermentés, vers la fin d'août
1792. Il fut arrêté, comme tel,
l'année suivante. Son âge ne per-
mettoit, suivant la loi d'alors, que
do le mettre en réclusion. Il le fut
en effet, d'abord à Moulins; mais
bientôt on voulut se débarrasser
de lui, et on le fit partir pour Ro-
chefort, d'où il devoit être trans-
porté au-delà des mers. On l'em-
barqua sur le navire tes Deux
Associés {F. Rochefobt). Il ne
put supporter long - temps les
maux dont les prêtres y étoient
accablés, et mourut à l'âge de
61 ans, le 7 juillet 1794- On
l'enterra dans l'île d'Aix. ( V. A.
Caulle, et T. Cauvin.)
CAUVEL (François), pieux
laïc , et simple menuisier dans
le village de Plémet , près Lou-
iîeac, au diocèse de Saint-Brieuc,
CAU
donna chez lui, par principe de
religion autant que d'humanité,
un asile généreux à un prêtre ca-
tholique, dont les persécuteurs
avoient juré la perte [V. J" Alix).
Cette œuvre héroïque de charité
fut connue; ils firent arrêter Cau-
vel, que l'on conduisit prisonnier
à Saint-Brieuc, pour y être jugé
par le tribunal criminel du dépar-
tement des Côtes -du -Nord. Ce
tribunal prononça, le 1 1 thermi-
dor an II (29 juillet 1794), la
peine de mort contre lui , en le
qualifiant de « recéleur de prêtres
réfractaires » ; et Cauvel fut pres-
qu'aussitôt décapité.
CAUVIN (Jean), ouvrier. {V .
J. Casseigne.)
CAUVIN (Toussaint), ecclé-
siastique du diocèse de Rouen , où
il étoit né sur la paroisse de Guer-
baville- la- Maillera ye , en 1763,
n'étoit encore que sous - diacre
lorsque la révolution éclata. Les
inquiétantes vicissitudes de cette
époque et des années suivantes sus-
pendirent son avancement dans la
hiérarchie sacrée , où il auroit été
un prêtre fort utile à l'Eglise, car
il sut dédaigner cet autre avan-
cement qui lui étoit assuré par les
usurpateurs du siège de Rouen,
Charrier, et ensuite Gratien , s'il
eût fait le serment schismatique.
Ne s'être pas laissé séduire par
des intrus vantés alors, devenoit,
aux yeux des impies , un délit
à jamais irrémissible. Il leur parut
digne du supplice de la dépor-
CAY
tation en 1794- Le sous -diacre
Cauvin, ayant été arrêté par eux,
fut envoyé à Rochefort pour y
être embarqué ( V. Rochefort) ;
et on l'y fit monter le navire les
Deux Associés. Les tortures
diverses qu'il y éprouva mirent
le comble aux vœux des persé-
cuteurs, jaloux d'enlever à l'E-
glise jusqu'à l'espoir d'une nou-
velle génération de bons ministres
du Seigneur. Toussaint Cauvin
succomba le 2 août 1794? à l'âge
de 3i ans, et fut enterré dans l'île
d'Jix. ( V. J. Causse, et P. Ce-
rindat.)
CAYRON (Pierre-Jean),
prêtre , né dans le diocèse de
Piodez, y étoit curé de la paroisse
d'Oi tizel. Il ne fit point le serment
schismatique de 1791; et quoique
la loi du 26 août 1792 fût venue
le condamner à se déporter lui-
même comme non -assermenté,
il étoit resté dans sa province pour
les besoins spirituels de ses ouail-
les. Les agens de la persécution le
firent emprisonner en 179^; et
l'année suivante il fut traîné à
Bordeaux, d'où il devoit être dé-
porté au-delà des mers [V . Bor-
deaux). On ne le comprit cepen-
dant pas dans le grand nombre de
prêtres qu'on y fit embarquer des
premiers , vers la fin de l'automne ,
trois mois après la cbute de Ro-
berspierrc ; et il resta enfermé
dans le fort du Ha. L'excès de
ses maux, bien plus forts que son
âge, le jela dans une maladie qui
, CEK 3(j5
alloit terminer ses jours. On le
transporta dans l'hôpital de Saint-
André, où il ne cessa pas d'être
captif de J.-C. ; et il y rendit son
dernier soupir, le 1" novembre
1 794 , à l'âge de 60 ans. ( V. F.
Cambon, et G. Çhapteuil.)
CELESTIN [Le Frère), Ca-
pucin. ( V. Clat.)
CERINDAT (Pierre), prêtre,
chanoine de l'église collégiale de
Cusset, dans le diocèse de Cler-
mont, et né en 1742? a Saint-
Loup-de-Job, au même diocèse,
repoussa comme hétérodoxe la
constitution civile du clergé,
et n'en fit point le serment schis-
matique. Il crut ensuite se mettre
à l'abri des rigueurs de la loi d'ex-
pulsion, rendue le 26 août 1792,
en prêtant le serment de liberté-
égalité, prescrit à cette époque
par des législateurs dont les vue»
anti - religieuses n'étoient point
incertaines. L'effroi causé par les
massacres de septembre n'avoit pas
peu contribué à l'entraîner dans
cet acte de foiblessc. Il n'y trouva
point la sûreté qu'il s'en étoit
promise; et Dieu le voulut ainsi
pour l'amener à dissiperlui-même
les nuages dont il avoit obscurci
sa précédente fidélité. Le chanoine
Cerindat fut arrêté en 1 793 , et
jeté dans les prisons de Moulins.
On l'envoya dès le commencement
de l'année suivante à Rochefort ,
pour être déporté sur des rives
lointaines [V . Rochefort). Il fut
embarqué mr le navire les Deux
5g6 CHA
Associés, où, partageant le sort
cruel de tant de glorieux confes-
seurs de J. C, dont la vertu étoit
pure de ce serment-là même, il
voulut partager cette gloire en le
rétractant. Digne alors d'eux et de
la religion pour laquelle il souf-
f'roit, il put espérer de trouver
dans sa mort la couronne im-
mortelle ; et il rendit son dernier
soupir le 18 août 1794» à l'âge
de 52 ans. Ses ossemens reposent
dans l'île à'Aix. {V. T. Cativin,
et Charbonnier, d'Ingrande. )
CERON (Pierre), curé. ( V.
P. Rousseau.)
CHARANEL (François), prê-
tre et religieux de l'ordre de Saint-
Renoit, prieur du monastère d'An-
gers, étoit resté dans sa province
après la suppression des cloîtres,
et même après la loi de déporta-
tion, rendue le 2G août 1792 con-
tre les prêtres non- assermentés,
dans le nombre desquels il méri-
toit d'être compris. Les persécu-
teurs le recherchèrent et le sai-
sirent en 1794. H fut traduit de-
vant le tribunal criminel du dé-
partement de Maine et Loire,
siégeant à Angers ; et, le 23 mes-
sidor an II (11 juillet 1794)» 'es
juges de ce tribunal l'envoyèrent
à l'échafaud, comme « prêtre ré-
fracta ire » .
CIIARANIER (Jean), prêtre
du diocèse de Marseille , retiré à
Saint - Canat - de - Sauzet , près
Lambcsc , en Provence , sans avoir
fait aucun serment criminel, n'y
CHA
jouit pas long-temps de la sûreté
que sembloit lui promettre le bon
esprit de celte contrée. Au com-
mencement de 1793, des procon-
suls de la Convention étant venus
y allumer vivement la persécution,
il fut saisi et conduit à Marseille
poury être jugé, ou plutôt immolé
par le tribunal criminel du dépar-
tement des Bouches-du-Rhône.
Tout prêtre catholique étant censé
en état de contre-révolution aux
yeux des persécuteurs , Jean
Chabanier fut condamné, le 26
ventôse an II (16 mars 1794) s
à périr sur l'échafaud, comme
« contre - révolutionnaire» ; et sa
tête y fut abattue le lendemain.
CHABIRAN (Jean-Raftiste) ,
prêtre du diocèse d'Angers, vicaire
en la paroisse des Cerqueux-sous-
Passavant , non loin de Maule-
vrier, étoit resté exposé, comme
non-assermenté, à tous les périls,
en continuant à subvenir aux be-
soins spirituels des catholiques.
Dans une de ses courses aposto-
liques, il fut rencontré, en 179^,
dans la forêt de Maulevrier, par les
troupes révolutionnaires, années
contre les Vendéens {V . Vendée) ;
et les soldats , l'ayant reconnu
pour un prêtre, l'y massacrèrent
à l'instant.
CHARRAL (François), prêtre
du diocèse de Limoges, vicaire à
Trouget , près le Montet , ne
sortit point de France, quoiqu'il
fut proscrit, comme non-asser-
meulé , par la loi du 2C août 1 792.
CHA
Il coniiauoit à rendre son minis-
tère utile aux catholiques, dans
les temps difficiles de 179^; mais
il fut découvert et arrêté. Ori le
traîna dans les prisons de Mou-
lins; et le tribunal criminel du
département de Y Ailier , sié-
geant en cette ville, ayant fait
comparaître devant lui ce zélé
vicaire, le 4 prairial , an II (s3
mai 1794), le condamna, comme
« prêtre réfractaire », à la peine
de mort qu'il subit le lendemain.
CHABRIER (iV....), prêtre du
Puy, en Velay, n'avoit point voulu
faire le serment schismatique de
1 79 1 ; et néanmoins il ne sortit pas
de France après la barbare loi de
déportation {V . J. B. Abeillon).
Retenu par les besoins spirituels
des catholiques du diocèse du
Puy, il exerçoit son zèle au milieu
d'eux, lorsqu'au commencement
de 1 794? '1 fut arrêté, jeté dans les
prisons, et livré au tribunal cri-
minel du département de la
Haute-Loire , siégeant au Puy.
On l'y condamna à la peine de
mort comme «prêtre réfractaire» ;
et il périt en mars 1794- Nous
avons , pour le mettre au rang des
Martyrs, le suffrage même de son
évêque , l'un de nos prélats les
plus distingués sous tous les rap-
ports , feu M. J. de Galard de Ter-
raube, alors réfugié à Saint-Mau-
rice-en- Valais. En annonçant, par
une circulaire du mois d'avril sui-
vant, aux prêtres de son diocèse
qui étoient comme lui en exil, la
CHA 3g?
mort d'un de leurs confrères im-
molé après Chabrier, et un autre
de ses prêtres , il leur disoit :
« Un nouveau forfait aussi barbare
que sacrilège souille notre patrie,
et illustre notre Eglise. Vous l'ap-
prendrez comme moi avec une pro-
fonde douleur, mêlée d'une sen-
sible consolation. M. de Touches,
prêtre d'Issengeaux, vient de su-
bir avec le même héroïsme chrétien
le sort glorieux de MM. Vacher
et Chabrier. Il s'est montré digne
d'augmenter le nombre des Mar-
tyrs qu'on invoque déjà avec
succès. Nous ne manquerons pas
de protecteurs et de modèles.
Puissent-ils obtenir enfin le salut
de la France ; et puissions-nous
mériter nous-même le bonheur
d'y concourir sous leurs auspices !
S'il ne nous estpas donné de mêler
notre sang au leur, puisse au
moins celui de ces généreux con-
fesseurs de notre Foi , féconder
nos travaux, et en assurer à ja-
mais le succès » ! ( Pag. 1 1 5 de la
traduction du Discours de Ma-
rotti, déjà cité : V. Atjgier).
CHADAIGNE (Louis) , culti-
vateur, demeurant au bourg de
Neuillé-sur-Ouelte , près Laval ,
dans le diocèse du Mans; homme
plein de Foi, et qui, resté veuf
avec une fille née de son mariage ,
avoit accueilli dans sa maison sa
sœur devenue veuve elle-même,
vivoit patriarcalement, avec elles
deux, en son modeste domicile. Il
s'applaudissoitde les voir partager
3cj8 CIIA
les gentimens religieux dont il
«toit animé , et s'associer à toutes
ses bonnes œuvres. Sa maison
devint l'asile où se réfugioit, dans
le repos de ses courses aposto-
liques, un prêtre zélé qui, pour
les besoins spirituels des peuples
du canton, étoit resté en France
dans les temps les plus horribles
de la persécution ( V. Dorgueil).
La fille et la sœur de Chadaigne le
secondoient admirablement dans
les soins de cette généreuse hos-
pitalité dont la religion étoit le
motif et le but ( V. J* Alix ).
Quand le prêtre fut arrêté , Cha-
daigne le fut également ; et, avec
eux, on emmena aussi dans les
prisons sa fille et sa sœur. En y
allant, ces trois derniers se félici-
toient mutuellement de la bonne
action pour laquelle on les emme-
noit. Tous quatre furent traduits
ensemble devant la commission
révolutionnaire de Laval , le
9 messidor an II (27 juin 1794)*
Le président proposa à Chadaigne
de faire le serment de liberté-
égalité. — « ÎNon, répliqua-t-il ,
avec une sévère franchise: point
de serment ; menez-moi plutôt à
la guillotine » . Le président ajouta :
<i Pourquoi as- tu caché ce cafo-
tin-là » (en montrant Dorgueil) ?
Chadaigne répliqua : « Si c'étoit
encore à faire, je le ferois ». Il
n'en falloit pas tant pour être digne
de mort : les réponses des deux
femmes correspondirent aux sien-
nes; et celles du prêtre Dorgueil
CHA
ne furent pas moins généreuses.
La même sentence les condamna
tous les quatre à périr sur l'écha-
faud : on la trouvera ù l'article de
Dorgueil. Ce bon prêtre, désolé
d'avoir occasionné la mort de ses
hôtes, leur en témoignoit sa dou-
leur; Chadaigne et sa fille, avec
sa sœur, l'interrompirent, en lui
disant : « Pourquoi vous affligez-
vous de ce qui fait notre bonheur
et notre gloire ? Cessez de nous
plaindre : c'est une bien grande
consolation pour nous de mourir
avec vous , et d'être associés à
votre martyre : c'est nous plutôt
qui vous avons obligation » . Tous
les trois voulurent encore être con-
fessés par lui avant d'aller au sup-
plice ; et en s'y rendant, ils s'en-
tretenoient avec lui du bonheur de
mourir pour la cause de J.-C.
Chadaigne, choisi le premier pour
être immolé, monta sur l'éeha-
faud sans proférer une seule pa-
role ; mais le calme et la sérénité
qui briiloient sur son visage attes-
toient sa confiance dans la Divi-
nité qui couronne à l'instant ceux
qui meurent pour sa sainte cause.
Sa fille fut appelée immédiatement
après lui pour subir la même peine,
et recevoir la même récompense.
(V. Louise Chadaigne.)
CHADAIGNE (Louise), de-
meurant avec son père , à Neuillé-
sur-Ouette, participa à ses mérites
aux yeux de la religion , et à ses
torts aux yeux des persécuteurs,
dans l'asile qu'il donnoit au prêtre
CHA
Dorgueil, comme dans ses autres
bonnes œuvres. On a vu à l'article
précédent qu'elle lut arrêtée avec
eux et avec sa tante dont il va être
parlé : l'on sait déjà comment tous
les quatre furent condamnés le
9 messidor an II (27 juin 1794) &
périr sur l'échafaud de Laval, et
avec quelle piété, quel courage,
tous les quatre marchèrent au sup-
plice. Mais ce qu'il y a de parti-
culier dans la mort de Louise Cha-
daigne , et dont il importe de
conserver la mémoire , c'est qu 'ap-
pelée sur l'échafaud immédiate-
ment après son père, et pendant
que le bourreau l'attachoit sur la
planche fatale, devenue son lit de
mort, elle disoit d'un ton affec-
tueux : « Jésus, ayez pitié de moi !
Jésus, pardonnez - moi ! Jésus,
mon amour! Jésus, Jésus, Jé-
sus.... » Elle prononçoit encore
cette douce invocation, quand le
fer de la guillotine fit tomber sa
tête. ( V. l'article suivant.)
CHADAIGNE (Jeanne), sœur
de Louis, et tante paternelle de
Louise (V. les deux précédons),
ayant perdu son mari , appelé
Boulay, étoit venue demeurer avec
son frère; et, de concert avec sa
jeune nièce, elle partageoit ses
travaux et adoucissoit ses peines.
Non moins pieuse que lui, elle
«toit pour la jeune Louise une
seconde mère, de qui celle-ci re-
cevoit autant de bons exemples
que de soins maternels. Comme ,
dans cette famille patriarcale, il
CHA S99
n'y avoit qu'un cœur et qu'une
âme, Jeanneconcourut autant que.
Chadaigne et Louise, à procurer
une généreuse hospitalité au prêtre
Dorgueil, dont la tête étoit me-
nacée par les impies. Quand il fut
découvert en cette sainte maison,
et qu'on l'y arrêta avec Louis Cha-
daigne et sa fille, Jeanne Boulay
eut le même sort. Les circons-
tances de son emprisonnement et
de sa condamnation au dernier
supplice, comme « recéleuse de
prêtres réfractaires » , ont été déjà
racontées. Jeanne marcha à la
mort avec la même fermeté que
les trois autres. Elle vit immoler
avant elle son frère et sa nièce.
Quand son tour fut venu de monter
a l'échafaud, dès la première mar-
che elle se mit à chanter d'une voix
angélique un cantique très-connu
dans le pays en l'honneur de la
Sainte-Vierge; et elle le chanta
ayec une telle présence d'esprit,
qu'elle y fit des variantes analogues
ù la circonstance où elle se trou-
voit. Il y avoit dans un des cou-
plets de ce cantique d'invocation :
« Et quand ma dernière heure
Viendra fixer mon sort, »
Jeanne dit :
« Voici la dernière heure
Qui va fixer mon sort. »
On remarqua avec une sorte de
consolation que sa voix étoit aussi
assurée', que si elle eût chanté dans
une paisible et sainte réunion de
ses amies. Le jour de sa mort fut
4oo C1ÎA
le 27 juin 1794- Le prêtre Dor-
gueil périt immédiatement après
elle ; et ces quatre exécutions fu-
rent aussitôt suivies de celles de
deux jeunes gens du même bourg
de Neuillé-sur-Ouette, quiétoient
condamnés à la même peine pour
n'avoir pas voulu faire le serment
de liberté - égalité , ni se ranger
sous les drapeaux de l'armée ré-
publicaine : actions qui leur sem-
bloient également contraires à la
religion [V. P. Jh Daucher). Aus-
sitôt après avoir entendu leur sen-
tence, ils avoient entonné le Te
Deum laudamus , et l'avoient
chanté jusqu'au lieu du supplice.
Ils achevoient cette hymne d'ac-
tion de grâces , quand leur tête
tomba sous le fer de la guillotine :
circonstance mille fois admirable,
qu'on retrouvera souvent dans la
mort de nos Martyrs, et que les
anciens auteurs ecclésiastiques ra-
contaient de quelques uns des
leurs avec un enthousiasme propre
à faire croire que leurs imitateurs
ne seroient pas nombreux dans la
suite : Nec verà cantus Me con-
tinenter audiri desiit , donec
accepto ielhali vuinere marty-
rium consummârunt. (Asse-
man. Pars ia, page 91 , in mar-
tyrio SS. Schiadhustis et So-
ciorum,. ) Nous aurions consigné
leurs noms dans notre Martyro-
loge, si nous ayions pu les dis-
cerner dans la multitude des
victimes que fit périr la commis-
sion révolutionnaire de Laval.
CHA
{V. Burin , de Conné , et P.
Convole.)
CHAICNEAU ( Gullaume ) ,
prêtre. [V. G. Graviere.)
CHAILLOT (2Y...), chanoine
de Nevers, méritoit par la cons-
tance de sa Foi d'être compté
parmi les ecclésiastiques dont la
constitution civile du clergé
n'avoit pu séduire lu conscience.
La loi de déportation du 26 août
1 792 l'auroit forcé à s'exiler, si son
âge de soixante ans ne lui avoit
semblé devoir l'en dispenser, à la
condition toutefois de rester en-
fermé sous la surveillance des ad-
ministrateurs de son département ,
qui étoit celui de la Nièvre.
Les révolutionnaires n'en jugèrent
pas d'abord ainsi. Chaillot fut
arrêté pour être envoyé à l'écha-
faud comme « réfractaire » à la
loi de déportation. Cependant ,
ayant égard à son âge , on le ré-
serva pour l'associer au sort des
sexagénaires ou infirmes reclus à
Nevers. Lorsque ceux-ci furent
brusquement enlevés , en février
1 794 , pour être envoyés à Nantes ,
on leur adjoignit le chanoine
Chaillot (F. Nevers). Il fut donc
transporté avec eux à Nantes, oiï
l'on présumoit qu'ils périroient
bientôt (F. Nantes). La Foi de
cet ecclésiastique le soutint dans
les peines du voyage, et même
encore parmi les tourmens du fond
de cale de la galiote, où ils furent
comme ensevelis dans le port de
cette ville. Survivant à trente de
CHA
ses confrères, lorsque, pour avoir
l'air d'user de moins de rigueur
envers ceux qui restoient, on les
fit passer à Brest , le chanoine
Chaillot n'y vint que pour y mou-
rir. Les forces de son tempérament
se trouvoient épuisées par des
tourmens de tout genre : on ne
put se dispenser de le transporter
à l'hôpital de Saint-Louis , où il
expira dans les hras du Seigneur
le 25 novembre 1794 {V. Caseau,
de Nevers, Cantat, de La Nocle,
et Chapeaii, d'Angers.)
CHAILLOU (Louise), sœur
Converse d'un couvent de Vezin,
près Rennes , conservoit au milieu
du monde la ferveur de son cloître,
d'où l'avoit exclue la suppression
des ordres monastiques. Elle fut
surprise par des impies, dans le
temps de l'atroce guerre qu'ils fai-
soient aux Vendéens [V . Vendée).
Ils massacrèrent cette pieuse fille
à Vezin même ; et non contens de
lui avoir porté des coups mortels,
ils lui arrachèrent les yeux, et la
coupèrent en morceaux.
CHALENDAS (Marie-Anne),
femme. [V . M. A. Abrial.)
CHALYER (Michel), simple
ouvrier à journées du Bourg-
Argental, dans le Forez, au dio-
cèse de Lyon, né dans le terri-
toire de Tiranges , même dio-
cèse , et parvenu , dans sa pauvre
et pénible condition, à l'âge de
53 ans, avoit conservé un profond
attachement à la Foi catholique ,
au milieu des impiétés révolu-
CHA 401
tionnaires. Indigné de ce qu'en
même temps qu'on profanuit,
qu'on démolissoit les églises, on
renversoit les croix des chemins
et des places , et on leur sub-
stituoit des arbres de liberté, re-
gardés avec justice comme des
étendards d'irréligion , il en té-
moigna son indignation à deux de
ses amis, voués aux mêmes tra-
vaux (V. Francon, et Lacuaux).
D'un commun accord, ils allèrent
abattre un de ces arbres dans
la paroisse de Véranne , où ils
travailloient , et rétablirent à sa
place la croix qui y étoit aupara-
vant. Cet acte solennel de re-
ligion irrita extrêmement les
agens des persécuteurs; ils arrê-
tèrent Chalyer avec ses deux
amis. Amené comme eux à
Lyon , il y fut condamné par
la commission révolutionnaire,
à la peine de mort, pour cette
action- là même , et comme émi-
nemment a fanatique » . Le juge-
ment est du 25 ventôse an H
(i5 mars 1794): ils furent exé-
cutés le même jour. On ne peut
alléguer contre eux ce canon 60'
du concile d'Elvire, en ooô, por-
tant que « Quiconque briseroit les
idoles et seroit tué dans cette ac-
tion , ne seroit point admis au
nombre des Martyrs , parce qu'on
ne voyoit pas que les apôtres eus-
sent jamais fait de pareils actes de
violence » . Ici la religion, régnant
depuis des siècles dans ces con-
trées, devoit y avoir pour déftn-
26
402 CHA
seurs de ses droits, tous ceux qui
lui dévoient le bonheur de leur
conscience et de leur pays. Ces
trois généreux hahitans ne firent
que replacer au lieu d'où l'impiété
l'avoit exclu par violence , pour
y dresser son infâme étendard ,
un signe religieux qui leur apparte-
noit. Seroient-ils donc moins de
vrais Martyrs que ce zélé chrétien
de Nicomédie, honoré comme tel
par l'Eglise , parce qu'il fut envoyé
à la mort pour avoir arraché un
édit impie de Dioclétien,vers 298?
Eusèbe l'a célébré comme Martyr
dans son Hist. EccL , 1. VIII (1) ;
et on le trouve dans les Martyro-
loges d'Adon, d'Usuard et autres ,
tantôt sous le nom de Jean, au 7
septembre, tantôt sous celui de
George, au 23 avril (2). Lactance
loue aussi beaucoup, non préci-
sément son action, mais son zèle
et les sentimens qui la lui firent
(1) Zelo quidem dwino commotus ,
et ardore Fidci incitalus , edictum illud
in publico et illustri urbis loco ajjixum
detraxit, et tanquam impium ttc sce-
lestum manibus suis discerpsit...Statim
ea supplicia perpessus quœ post tein-
tant audaciam ei injligenda esse credi-
bde erat , lœtitiam ac tranquillitatem
animi usque ad ultimwn spiriluni con-
servuvit (cap. v).
(2) Nicomediœ , natalis bcali Joan-
nis Martjris , qui cùm videret crudelia
edicta adversùs christianos in foro
penderc , Fidei ardore accensus , in-
jecta manu Ma detraxit atque discerp-
sit ( Martyrologium Romanum , die
septimd septembris).
ClIA
entreprendre (5). Chalyer et ses
deux compagnons eurent un mé-
rite de plus, et un mérite plus
explicitement évangélique, puis-
qu'ils n'arrachèrent l'arbre impie
que pour rétablir le signe de la
rédemption dont il avoit usurpé
la place. {V . Castillon, et Cha-
puis. )
CHAMBEAU (ZV...), curé de
Saint-Jouin-sous-Mauléon , près
Châtillon, dans le diocèse de La
Rochelle, y ayant été retenu par
la piété de ses paroissiens, mal-
gré la loi qui l'avoit proscrit ,
comme prêtre insermenté , fut
atteint en 1790 par les troupes de
la Convention, pendant la cruelle
guerre qu'elles faisoient aux Ven-
déens [V. Vendée). Elles le mas-
sacrèrent de la manière la plus
barbare, se vengeant ainsi sur sa
personne, de la Foi des habitans,
comme de la sienne propre.
CHAMBELLAN D DE LA SO-
RINIÈRE (iV...), pieuse demoi-
selle du Poitou , vivant avec sa
belle-soeur dans la pratique de ses
devoirs de religion, fut, pour ce
motif, enlevée avec elle par les
soldats de la Convention. On l'en-
voya ensuite à Nantes, où elle fut
(3) Quod edictum quidam ( de
plcbe) etsi non reclè, magno tamen
animo diripuit et conscidit stalim -
queproductus , non modo extorlus , sed
etiam lentissùnè coctus, cum admira-
bili patientia postremà exustus est
( Liber de Mortibus Persecutorum ,
c. xciii ).
CHA
noyée avec sa belle-sœur et quatre
des autres victimes, le lendemain
des fêtes de Noël, 1795. [V .
Nantes. )
CHAMBELLAN D DE] LA SG-
RINIÈRE (IV...), pieuse dame du
Poitou, fut enlevée de son domi-
cile avec sa belle-sœur, comme fa-
natique, c'est-à-dire professant la
religion catholique, et en remplis-
sant les devoirs avec beaucoup
d'édification. Les impies qui les
avoientainsi arrachées à leur sainte
retraite, les envoyèrent à Nantes,
où le proconsul Carrier faisoit
noyer toutes les victimes que la
guillotine et les fusillades ne suf-
lisoientpasa détruire ( V. Nantes).
Il la fit submerger avec sa sœur
<et quatre cents autres dans ses
bateaux à soupapes, le lendemain
des fêtes de Noël, 1793.
CHA M BON, chanoine. ( V.
R. DuCHAMBON.)
CHAMBORAN (Marie-Cathe-
bine-Gadrielle de), religieuse,
Carmélite du couvent de Saint-
Denys , née à Confolens , aux con-
fins de la Marche et du Poitou,
en 1735, s'étoit retirée paisible-
ment dans une maison particulière
de la ville de Saint-Denis, après
la suppression des clôtures reli-
gieuses en 1791. Elle continuoit
d'y observer la règle de sainte
Thérèse, autant que les circons-
tances pouvoient le lui permettre.
Elle avoit été l'une des plus fer-
ventes religieuses de son couvent ;
et son âge de 5g ans, comme ses
CHA 403
inclinations et ses habitudes , ne lui
permettoient aucunement de se
livrera des complots contre-révo-
lutionnaires. Mais elle étoit vouée
à Dieu ; elle persévéroit dans
les sentimens et les vertus de son
état : il n'en falloit pas davantage
pour que les impies agens de la
Convention lavouassentàlamort.
Elle fut donc arrêtée, amenée à
Paris; et, après l'avoir laissée
quelques semaines dans les pri-
sons, on la traduisit devant le tri-
bunal révolutionnaire. Les pré-
textes ne manquoientpasaux juges
pour condamner leurs victimes.
Tout vagues et invraisemblables
qu'ils éloient, la sentence de mort
n'en étoit pas moins prononcée.
Quand les juges avoient assez em-
ployé la qualification de fana-
tique, ils en mettoient d'autres
en usage avec la même intention ,
sans s'inquiéter de leur invraisem-
blance. Ils condamnèrent la car-
mélite de Chamboran à la peine
de mort, comme « convaincue
d'avoir fourni des sommes im-
menses aux puissances coalisées
contre la république ». Le juge-
ment fut rendu et exécuté le même
jour ( 7 germinal an II ) , 27 mars
1794. Cette religieuse étoit restée
liée d'amitié et d'inclination avec
la prieure des Carmélites de Com-
piègne, Marie-Charlotte Lidoine.
Celle-ci, apprenant que la sœur de
Chamboran, malgré la faiblesse
inséparable de son grand âge ,
étoit allée à la mort avec tout le
4<>4 CHA
courage des anciens Martyrs, en
témoigna sa joie à ses filles par un
discours propre à les exciter de
plus en plus à la gloire du mar-
tyre. {V. Lidoine.)
C H A 31 P A G N E ( Antoine-
Louis), prêtre, chanoine et grand-
chantre de l'église cathédrale de
Troyes, n'ayant point fait le ser-
inent de 1 79 1 , et ne se croyant pas
soumis à la loi de la déportation ,
n'étoit point sorti de France. La
persécution lui donnant cependant
des alarmes à Troyes, il s'en éloi-
gna, et vint se réfugier à la Ferté-
Gaucher, chez une nièce qui, par
principe de religion, lui donna
chez elle un asile secret ( V. Nar-
ket). Il y fut découvert, dans une
visite domiciliaire qu'y faisoient
les agens de la persécution ; et
ils la saisirent avec lui. Tous les
deux furent amenés à Paris , et
traduits devant le tribunal révolu-
tionnaire. Les juges condamnè-
rent le chanoine Champagne à la
peine de mort, comme « con-
vaincu d'avoir composé et distri-
bué des écrits (religieux et catho-
liques) tendans au rétablissement
de la royauté, et à la dissolution
de la Convention nationale, les-
quels étoient attentatoires à la sou-
veraineté du peuple«. La sentence
fut prononcée le 14 nivose an II
( 3 janvier 1794) : elle condamna
la généreuse hôtesse du chanoine
à la même peine ; et tous les deux
périrent ensemble le même jour.
CHAMPAGNE (Auccste),
CHA
curé de Vic-de-Chassenay , près
Semur, dans le diocèse d'Autun,
aima mieux être expulsé violem-
ment de sa cure , que de faire le
serment coupable de la constitu-
tion civile du clergé. En butte
dès lors aux persécutions des im-
pies réformateurs, il se trouva,
comme prêtre insermenté , dans le
cas de ceux que la loi de déporta-
tion du 26 août 1792 vint con-
damner à sortir de France. 11 en
pwoissoit néanmoins dispensé par
cette loi même, à raison de son
âge et de ses infirmités; mais elle
le condamnoit alors à la réclusion,
sous la verge des persécuteurs. H
fut traîné dans une maison de
détention, à Dijon. Enfermé,
comme « réfractaire » , c'est-à-dire
comme confesseur de la Foi , il
ne manqua pas au martyre, sui-
vant l'expression de saint Cyprien ;
et, quoique les derniers tourmens
du martyre lui aient manqué, il
n'en mérita pas moins la récom-
pense, quand il mourut dans les
fers, le 01 décembre 1790. ( V.
C. ViOT, et P. Donneux.)
CHAMPIGIN Y (Charles), curé
dans le diocèse de Poitiers , et
peut-être à Rémeneuil, près Châ-
tellerault , où il fut arrêté en 1 793 ,
avoit généreusement refusé le ser-
ment de 1 79 1 ; et , pour continuer
de remplir son devoir pastoral à
l'égard de ses paroissiens , il ne
s'étoit point soumis à l'inique loi
de la déportation. Jeté d'abord
dans les prisons de Poitiers, il fut
CHA
traduit , le 28 ventôse an II
(sSmars 1794)5 devant le tribunal
criminel du département de la
Vienne, siégeant en cette ville;
et, ce jour-là même, les juges le
condamnèrent à la peine de mort,
comme «prêtre réfractai re » . Il
fut décapité de suite, à l'âge de
5g ans.
CHANCELLE (Alizier), né à
Châtillon, dans le comtat Venais-
sin , et curé de Visan , près de
Valréas, même comtat, y étoit
resté avec une confiance que sem-
bloit justifier le bon esprit des habi-
tans. Elle fut cruellement trompée
au commencement de 1794? lors-
que la persécution fit une irrup-
tion si sanglante dans cette pro-
vince ( V. Orange ). Le curé
Chancelle , traîné dans les prisons
d'Orange, fut traduit, le 9 mes-
sidor an II (27 juin 1794)? devant
la farouche commission 'populaire
qui jugeoit en cette ville; et elle
l'envoya à l'échafaud , comme
« contre-révolutionnaire» . ( V. J.
P. Boyer , et Mc Th* Charransoi.)
CHANSOLLE ( Marie ), reli-
gieuse. {V. Genès.)
CHANTEGRAUD (Joseph),
chanoine. {V. JhPAiGNON.)
CHANTEMERLE ( Amabie-
Benoît), prêtre du diocèse de
Clermont en Auvergne , né à
Thiers, près Clermont, en 1757,
avoit cru trouver à Paris un asile
sûr contre la persécution , en
&'y renfermant, aux yeux des per-
eécuteurs, dans la condition d'ins-
CHA 4o5
tituteur et d'homme de lettres. On
n'avoit nulle raison de le proscrire
comme non - assermenté , puis-
qu'on ne pouvoit dire qu'il eût été
dans les catégories des prêtres
astreints au serment de 1791 ;
mais on avoit contre lui le grief
de son sacerdoce. Il fut donc ar-
rêté et jeté dans les prisons du
tribunal révolutionnaire,, devant
lequel il comparut le 12 prairial
an II (5i mai 1794)- C'étoitdéjà
l'époque où les juges, sans prendre
la peine de faire des procédures,
et cachant, autant qu'ils le pou-
voient, sous de vagues accusa-
tions , leur haine contre les prê-
tres , les envoyoient à la mort
comme « conspirateurs et contre-
révolutionnaires », par cela seul
qu'ils étoient restés prêtres catho-
liques. Tel fut donc le prétexte
avec lequel, ce jour-là même, le
prêtre Chantemerle fut condamné
à périr sous le fer de la guillotine ;
et l'exécution suivit de près la
sentence.
CHANTEREL (Germain), curé
dans le diocèse d'Angers , et pro-
bablement à Saint - Poix , près
Craon , où il résidoit lorsqu'il fut
arrêté en 1795, n'avoit point fait
le serment schismatique. Son atta-
chement aux devoirs de sa charge
pastorale l'avoit détourné d'obéir
à l'inique loi de la déportation ; et ,
quand il fut traduit devant la com-
mission militaire établie à Ren-
nes , le 3 nivose an II ( 23 dé-
cembre 1793), il fut condamné
4o6 CHA
par elle à la peine de mort, comme
« prêtre réfractaire » . L'exécution
eut lieu le même jour.
CHAPEAU (IV...), prêtre plus
que sexagénaire d'Angers, y étoit
enfermé dans une maison de ré-
clusion, d'après la loi de dépor-
tation du 26 août 1792, comme
s'étant refusé à prêter le ser-
ment de la constitution civile
du clergé, et ayant passé l'âge
où il falloit se déporter soi-même.
Paisible et résigné, avec soixante
et douze autres prêtres septuagé-
naires ou infirmes qui parta-
geoient sa captivité , il com-
prit qu'il étoit destiné à de plus
grandes épreuves, quand il vit
disparoître cinquante-huit d'entre
eux, vers la fin de l'automne
1795. Lorsqu'ensuite passèrent en
cette ville les soixante et un prêtres
de la Nièvre, presque tous vieil-
lards, que l'on traînoit à Nantes,
en mars 1794? Ie3 révolution-
naires d'Angers imaginèrent tout
à coup de se débarrasser de ce qui
leur restoit des leurs, en les faisant
partir avec ceux de Nevers ( V.
Nevers). Chapeau leur fut brus-
quement réuni, ainsi que les qua-
torze confrères qui étoient encore
dans le même lieu dedétention.Les
douleurs extrêmes qu'ils eurent à
souffrir dans le voyage, et ensuite
au fond de cale de la galiote hol-
landaise du port de Nantes, où ils
furent enfermés au nombre de
soixante-seize , étoient suppor-
tées par Chapeau avec tout le
CHA
courage que peuvent donner la
Foi la plus vive et la ferme ré-
solution de mourir plutôt que
de manquer aux devoirs de sa
conscience. Il succomba sous tant
de peines, dans la galiote, vers le
commencement d'avril 1794- {V •
Bruneac, et Ganault; Chaillot,
de Nevers , et Chezeac , Béné-
dictin.)
CHAPELAIN (IV...), prêtre
du diocèse de Poitiers, vicaire en
la paroisse des Epesses , canton
des Herbiers , défenseur infati-
gable de la Foi, et zélé pour les
devoirs de son ministère, fut sur-
pris par les soldats de la Conven-
tion, lors de la guerre impie qu'ils
faisotent aux Vendéens ; et ces
soldats le massacrèrent dans la
paroisse même des Epesses , vers
la fin de 1793. (V. Vendée.)
CHAPELLE (IV... ), prêtre
du diocèse de Saint-Brieuc , habi-
tant de Plémet, et desservant l'é-
glise de ce bourg, conservoit, à
l'âge de plus de 60 ans, le même
zèle par lequel son ministère s'é-
toit fait distinguer, dans une
longue carrière apostolique. Non
seulement il refusa le serment de
la constitution civile du clergé,
il la blâmoit encore très - haute-
ment, et prêchoit sans pusilla-
nimité contre les erreurs des
novateurs du temps. Us le dé-
noncèrent à l'administration du
district de Loudeac , et à celle
du département des Côtes-du-
Nord y séant à Saint-Brieuc.
CHA
Elles le firent arrêter et conduire
à la tour de Dinan, où étoient
détenus des prêtres qu'elles appe-
loient suspects. Lorsqu'en sep-
tembre 1792, elles se mirent à
faire exécuter le décret de la dé-
portation des prêtres fidèles , Cha-
pelle qui, à raison de son âge,
s'en trouvoit excepté , se croyant
libre par cela même, aima mieux
revenir dans la paroisse de Plé-
met , que de suivre ses confrères
de détention, qui se rendoient
à Jersey. L'église paroissiale de
Plémet avoit été dévastée par les
impies dans l'intervalle : il ne put
y reprendre ses fonctions ; mais
son zèle n'en fut point déconcerté.
Une chapelle dédiée à saint Lu-
bin, dans le voisinage, lui parut
suffisante pour l'exercice de son
ministère : en cela, cependant, il
gardoit les mesures que prescri voit
la prudence, pour n'être point
surpris , craignant bien davan-
tage qu'on ne privât les habitans
d'un ministre de salut, que d'être
lui-même la proie des persécu-
teurs. Un jour qu'il traversoit un
champ, tenant un livre à la main,
des soldats révolutionnaires l'ayant
aperçu , fondirent sur lui. Re-
connoissant bientôt que ce livre
étoit un bréviaire, ils en conclu-
rent que celui qui le lisoit étoit
un prêtre , et l'assommèrent aussi-
tôt à coups de crosse de fusil,
'fous les catholiques du pays le
regrettèrent, non seulement à
cause des services spirituels qu'il
CHA 407
leur rendoit, mais encore pour
ses bons exemples. Sa mort, qui
eut lieu dans les derniers mois de
1793, laissa un grand vide parmi
les prêtres dévoués au salut de?
âmes dans ce canton.
CHAPOT (iV...),curé de Mon-
tagni, dans le diocèse de Châlons-
sur-Saône, fut si violemment per-
sécuté à cause du refus qu'il avoit
fait du serment de la constitution
civiledu clergé, qu'il mourut en
1792, des suites des cruels traite-
mens dont on l'avoit accablé pour
ce motif. Son nom est dans une liste
des nouveaux Martyrs de la France,
qui fut publiée à Rome , en 1794
{V. Augier, de Montmorillon).
Telle avoit été la mort de ce
saint Nestor que l'Eglise honore
comme Martyr le 8 septembre (1).
C H A P T ( Armand ), vicaire-
général. (V. A. Rastignac.)
CHAPTEUIL (Ciacde), prêtre,
né à Saint- Jax, dans le diocèse
du Puy, n'étoit point sorti de
France , malgré la loi du 26 août
1792, contre les prêtres inser-
( 1 ) Qui cum consobrinis suis dàm
i'ii'eret f'amiliariter vcrsalus , et unà
cum illis h populo comprehensus , vin-
cula ac flagella cum cis pertulerat
sed inter trahendum qui ewn raptu-
bant extra urbis portas projecerunl
adhuc spirantem Inde quidam
eum tollcntes , ad Zenonem deportd-
runt, apud quem dàm ulceribus ac
plagis medicina adliiberetur, amman'
exhalavit. (Sozom. Hislor. Eccles.
L. V, c. ix.)
408 CHA
mentés, du nombre desquels il se
trouvoit : son zèle pour les catholi-
ques de ce diocèse l'y avoir retenu.
Il fut arrêté par les agens de la per-
sécution, dans le courant de 1 793 ;
et, au printemps de 17945 ils le
firent conduire à Bordeaux, où il
dcvoit être embarqué pour une
déportation à la Guiane. Les em-
barquemens n'y commencèrent
que vers la fin de l'automne ,
trois mois après la chute de Ro-
berspierre ( V. Bordeaux); et le
piètre Chapteuil resta encore en-
fermé dans le fort du Ha, jusqu'à
ce qu'il se fit un nouvel embar-
quement. La maladie qui condui-
soit tant d'autres prêtres aux
portes de la mort, atteignit gra-
vement celui-ci; on le fit passer
dans l'hôpital de Saint-André ; et
il y rendit son dernier soupir, le
•2 S janvier 1795, à l'âge de 39 ans.
[V\ P. J. Cayron, et C. Char-
REYBAS.)
CHAPUIS ( Jacques ) , prêtre
de l'église collégiale de Saint-Paul
de Lyon, né dans cette ville, en
1 7G7 , et promu au sacerdoce de-
puis un petit nombre d'années ,
possédoit les vertus qu'il exige de
ceux qui en sont honorés. Il se
garda bien de souiller sa cons-
cience et de compromettre sa Foi
par la prestation du serment de la
constitution civile du clergé.
Voué dès lors à la persécution }
comme prêtre réfractaire, et privé
des principales ressources de son
état, par son expulsion de son
CHA
église envahie par des prêtre*
sebismatiques , il trouva un asile
charitable et religieux près de la
veuve Ponson, qui avoit chez elle
un oratoire secret où il pouvoit dire
la messe. Il s'y trouva avec une
vertueuse religieuse que cette
veuve avoit aussi recueillie par
esprit de charité , lors de la dis-
persion des communautés monas-
tiques ( V . Ponson, et M* Corbeau) .
Pendant la plus grande terreur, il
procuroit à ces deux saintes fem-
mes les secours de la religion, et
s'encourageoit avec elles au mar-
tyre , dont elles prévoyoient que
l'honneur leur seroit accordé. Tous
les trois soupiroient ensemble avec
ardeur après l'occasion de répan-
dre leur sang pour la cause de la
religion. Un accident singulier fit
connoître leur sainte réunion; et
les agens des persécuteurs vinrent
envahir leur retraite. Ils emmenè-
rent avec ces deux dames, le prêtre
Chapuis qui eut l'heureuse adresse
de soustraire alors aux recherches
des sacrilèges, un petit ciboire
dans lequel étoient des hosties con-
sacrées; et il l'emporta. Comme ,
dans la première prison où l'on
jeta ces trois victimes, on ne son-
gea point à les séparer, il pro-
fita de cet avantage pour partager
avec elles, pendant la nuit, le
pain de vie dont il étoit déposi-
taire ( V. Donadieu , et Reck ) ;
et il trouva pour le moins autant
qu'elles, dans cette divine nour-
riture , une nouvelle foire et
CHA
même une sérénité , un calme
■vraiment célestes. Tous les trois
éprouvoient la vérité de ce qu'a-
voit dit saint Jean-Chrysostùme :
« Le sang de J.-C. écarte les dé-
mons, attire à nous les anges, et
le maître des anges » : Hic mys-
ticus sanguis dœmones procul
petlit, angelos autem et ange-
iorum Dominum ad nos alli-
cit ( Hom. in f. 44 •> capitis vi
S. Joan). Le lendemain, notre
vertueux prêtre fut conduit, avec
les deux saintes femmes, devant
les juges, auxquels il refusa bien
énergiquement le serment de li-
berté-égalité, et la tradition de
ses lettres de prêtrise. Ils le con-
damnèrent, le 2 germinal an II
(22inars i794),àlapeirae de mort,
comme «prêtre fanatique , et re-
fusant de se conformer aux lois » .
Chapuis fut ensuite mis dans celte
prison sinistre qu'on appeloit la
cave de mort, située sous le rez-
de-chaussée de l'hôtel -de -ville.
Il s'y rencontra avec beaucoup
d'autres Lyonnais qui, destinés au
dernier supplice pour avoir porté
les armes contre les troupes de la
Convention , pendant le siège de
leur ville, attendoient l'heure de
leur mort ( V. Lyon). Plusieurs
d'entre eux manquoient de rési-
gnation et de courage : le prêtre
Chapuis parut envoyé à leur se-
cours. Il les disposa tous à mourir
en chrétiens , les confessa , et leur
fil trouver dans son absolution la
force nécessaire pour subir sainte-
CRA 409
ment leur sort. Depuis son juge-
ment , il étoit séparé des deux
dames dont nous avons parlé, et
qui avoient été condamnées avec
lui; mais il les retrouva quand on
le fit marcher à l'échafaud. On crut
prolonger son supplice, en ne le
fa isant périr qu'après elles ; mais en
cela les bourreaux servirent, sans
le savoir, aux desseins de la Provi-
dence , qui vouloit que le prêtre
Chapuis fût témoin de leur émi-
nente vertu , et continuât de leur
dispenser les grâces de la reli-
gion , jusqu'à leur dernier soupir.
Avant de mettre sa tête sous
le fatal instrument , il prononça
d'un voix très-élevée sa pro-
fession de Foi. Jacques Chapuis
n'avoit que 27 ans , lorsqu'il per-
dit ainsi la vie pour la cause de
Jésus-Christ. ( V. Chalyer, et
L. Chataigner,)
CHAPUIS (Joseph), né à Serre,
dans le Viennois, en i?52, étoit
curé de Saint-Julien , paroisse du
diocèse de Vienne en Dauphiné.
Il ne prêta point le serment schis-
matique de 1791, et parvint à
se soustraire aux persécutions
homicides que son titre de prêtre
réfractaire devoit lui attirer. Dans
les jours de paix que la religion
parut avoir en 1796 et 1797, il se
montra dans Vienne , très - zélé
pour le service des catholiques;
mais la crise politique du 1 S fruc-
tidor ( 4 septembre 1797), étant
survenue , et ayant produit , le
lendemain, une loi de déportation
4io CHA
à la Guiane, pour tous les prêtres
non-assermentés qu'on pourroit
saisir encore, le curé Chapuis fut
arrêté. On l'envoya, le printemps
de 1798, à Rochefort, pour y
être embarqué {V . Gciane). Il le
fut le 1" août, sur la corvette ia
Bayonnaise , qui le jeta dans le
port de Cayenne, le 29 septembre.
L'agent de la persécution en cette
colonie le relégua de suite dans le
désert de Ronanama ; et bientôt
la contagion qu'exhale cette terre
homicide s'empara de sa personne.
Il mourut de la peste, le 18 no-
vembre 1798, à l'âge de 46 ans,
et fut un de ceux sur le cadavre
desquels les nègres trépignèrent et
sautèrent avec violence, en bri-
sant leurs membres, pour les faire
entrer dans la fosse qu'ils avoient
creusée trop courte et trop étroite.
[V . J. C. Carret, et Chevalier,
dit LE JEUNE.)
CHAPUS (Alexis -Gaspard),
curé dans le diocèse de Nismes,
espéra vainement d'échapper à la
persécution, en vivant obscuré-
ment dans une paroisse du même
diocèse, qui probablement étoit la
sienne. On le découvrit enfin en
1794; et on le livra au tribunal
criminel du département du Gard,
qui siégeoit à Nismes. Ce tribunal
avoit une telle" aversion de la
religion , qu'il évitoit d'en rap-
peler le moindre souvenir dans
ses sentences de mort contre les
ministres de la Foi catholique. Il
les condamnoit comme « contre-
CHA
révolutionnaires » : et c'est ainsi
que le curé Chapus fut envoyé à
l'échafaud, le 9 thermidor an II
(37 juillet 1794).
CHARBONNIER (N...), cha-
noine régulier, prieur-curé d'A-
viré , dans le diocèse d'Angers ,
étoit en réclusion dans cette ville ,
en 1795, avec quantité d'autres
prêtres sexagénaires comme lui.
C'étoit la seule peine que la loi de
déportation du 26 août 1792 eût
prononcée contre les non-asser-
mentés qui, à raison de leur âge
ou de leurs infirmités , ne pou-
voient alors sortir de France.
Mais, lorsqu'arriva ce moment ter-
rible où les persécuteurs ne vou-
lurent plus souffrir l'existence
d'aucun ministre de la religion,
le curé Chàrbonnier fut envoyé,
avec ses compagnons de captivité ,
à Nantes où Carrier venoit déjà
de submerger quatre-vingt-seize
prêtres ( V. Nantes ). Il partit ,
comme ses confrères , en no-
vembre, et se trouva avec eux
dans la barque à soupapes que ce
proconsul et les siens firent sub-
merger dans la nuit du 9 au 10 dé-
cembre [V. ci-devant, pag. 20 5).
La mort du curé Charbonnier ne
différa guère de celle de ce saint
Apphien dont parle Eusèbe ( De
Martyribiis Patœstinœ, c IV) :
Licèt semivivus, in profun-
dum mare demersus est. L'Eglise
en célèbre la mémoire le 3 avril.
( V . Briançon , et Chativigné ,
chanoine.)
CIIA
CHARBONNIER (Pierre),
prêtre et aumônier d'une commu-
nauté de religieuses, à Vezins ,
dans le diocèse de Rennes, s'étoit
retiré chez son frère , après la
suppression des ordres monas-
tiques ; et, trop attaché à l'Eglise
catholique pour faire le serment
de 1791, il préservoit encore les
fidèles des pièges de cette cons-
titution civile du clergé, qui en
étoit l'objet. Les troupes de IaCon-
vention le saisirent dans la guerre
qu'elles faisoicnt aux Vendéens
( V. Vendée ) , et les soldats le
fusillèrent , comme fanatique ,
vers la fin de 1 795.
CHARBONNIER (Jean), frère
du précédent, et vivant avec lui,
professoit notoirement son atta-
chement à l'Eglise catholique.
Saisi en même temps que son
frère, il fut condamné et fusillé
avec lui comme également « con-
vaincu de fanat isme » .
CHARBONNIER (A'-), curé
d'Ingrande , près Saint -Savin,
dans le diocèse de Poitiers, et né
à Saint- Savin, en 1758, laissa
séduire son inexpérience par la
constitution civile du clergé,
et en fit le serment, pour rester
parmi ses paroissiens. Bientôt
éclairé sur la faute qu'il avoit
faite, il le rétracta avec toute la
publicité nécessaire pour en répa-
rer le scandale , et s'attira , de la
part des impies , plus de haine
encore que s'il eut d'abord re-
fusé de prêter ce serment schis*
CIIA 41»
matique. En ne sortant point de
France, lors de l'expulsion des
prêtres insermentés , à la fin
d'août 1794» il restoit à la dis-
position des persécuteurs qui
étoient habiles à découvrir des
victimes. Le curé Charbonnier fut
arrêté dans sa province même, et
jeté dans les prisons de Poitiers ,
chef-lieu du département de la
Vienne. Dès le commencement
de 1794? on 'e fit partir pour Ro-
chefort, où se préparoit une mor-
telle déportation maritime de
ministres du Seigneur {V. Roche-
fort). Il y fut embarqué sur le
Washington, où Dieu le trouva
digne d'être appelé à lui. Il mou-
rut pendant l'été, à l'âge de 36
ans, et fut enterré dans l'île Ma-
dame. {V. P. Cerindat, et P. J.
Charles.)
CHARDON (Jean -Antoine),
prêtre du diocèse de Mende, vi-
caire en la paroisse d'Arzène, près
Mende, n'étoit point sorti de
France , quoique obligé à l'exil par
la loi du 26 août 1792, en sa qua-
lité d'insermenté. Son zèle pour
les catholiques I'avoit retenu dans
cette paroisse ; et il y fut bientôt"
arrêté. Traduit dans les prisons de
Mende, et ensuite devant le tri-
bunal criminel du département de
la Lozère, siégeant en cette ville,
il}r futeondamné , le 14 juin 1795,
à la peine de mort, comme «prêtre
réfractaire ».
C H ARLES (Dom), Chartreux.
( V. J. F. Lecoutre. )
4 12 CITA
CHARLES (P\bi.-Jean), prieur
claustral de Sept -Fonts, réforme
de l'ordre de Citeaux , sur le
diocèse d'Autun , et né à Chavi-
gny, dans le même diocèse,
garda sa Foi pure, lors du schisme
constitutionnel de 1791. En l'ex-
pulsant inhumainement de son
cloître , par la suppression des
ordres monastiques, on ne fit que
rendre plus édifiantes pour le
monde les vertus éminentes de
ce religieux. Les impics en rugi-
rent, et le firent arrêter en 1793.
Ils le retinrent dans les prisons de
Moulins, jusqu'à l'époque où ils
résolurent de se débarrasser des
ministres delà religion, par une
déportation maritime. Le prieur
Charles fut envoyé, comme beau-
coup d'entre eux, à Rochefort ,
pour y être embarqué. On le mit
sur le navire les Deux Associés
( V . Rochefort). Les souffrances
qu'il y éprouva lui arrachèrent la
vie. Il expira dans la nuit du 24
au 25 août, à l'âge de 5o ans, et
fut inhumé dans l'île Madame.
Des deux compagnons de sa dé-
portation qui nous ont laissé des
notices sur ceux qui y ont péri ,
l'un d'eux, notre correspondant
particulier, nous a peint le prieur
Charles comme « un homme ai-
mable en société, et comme un
excellent religieux ». D'un autre
côté, M. de la Riche, en confir-
mant ce témoignage, dit que «ce
prieur de Sept- Fonts, plein de
l'esprit de son état , en parloit
CHA
souvent, et toujours de manière à
le faire envier ; qu'à la tendre piété
d'un religieux , il joignoit l'ins-
truction, et même une douceur et
une aménité qui contrastoient ad-
mirablement avec la rigueur de sa
règle et l'austérité de son ordre ».
( V. Charbonnier, d'Ingrande,
et... Chauvex.)
CHARLES (Dom), Chartreux.
( V. Cn. Rambour.)
CHARLET (Pierre- Joseph),
prêtre, religieux Belge, saisi par
les soldats de la Convention, lors
de la conquête delà Belgique, fut
envoyé, avec dix autres et cinq
religieuses, à Arras, pour y être
immolé par le proconsul Lebon
{V. Arras). On peut voir, à l'ar-
ticle de l'un d'eux ( V. J. F.
Boucquàrt) , tout ce qu'ils y souf-
frirent d'outrages , avant d'être
livrés à son tribunal révolution-
naire. Il condamna le P. Charlet
à mourir, avec ses confrères et les
cinq religieuses , le 1 2 messidor an
an II (3o juin 1794)- Ce religieux
avoit alors 5g ans , étoit natif de
Lille en Flandres, et fils de Pierre-
Joseph Charlet, et de Marie-Claire
Leplat. {V. M. C. Caudron, de
Fbicheux, et Saikt-Chartrel.)
CHARLONIER, curé. {V .
Charbonnier.)
CHARRANSOL (Marie-Thé-
rèse ) , née à Richerenches , près
Valréas , dans le comtat Vonais-
sin, en 1759, étoit religieuse de
l'ordre du Saint-Sacrement, sous
le nom de Sœur -de- Jésus , à
CHA
Boulène, près le Pont-Saint-Es-
prit. Elle méritoit bien d'avoir
pour parent l'ecclésiastique rc-
commandable du même nom , qui
étoit doyen du chapitre de Bou-
lène, situé sur le diocèse de Saint-
Paul -Trois -Châteaux. Après la
suppression des cloîtres, la sœur
Charransol continuoit à vivre en
communauté avec d'autres reli-
gieuses , dans la même ville. Elle
y fut arrêtée avec elles en 1794,
par les impies révolutionnaires, et
ils les amenèrent, le 2 mai, dans
les prisons d'Orange , pour y être
immolées par la commission po-
pulaire qui alloit s'y établir
(F. Orange). Prévoyant qu'elle
seroit bientôt dans le cas de don-
ner sa vie pour J.-C. , elle parta-
gea avec ses compagnes , dans leur
commune captivité, les pieux
exercices par lesquels elles se dis-
posoient au martyre ( V. d'Alba-
rede). On l'appela devant le fa-
rouche tribunal, le 28 messidor
an II (16 juillet 1794)? ainsi que
six autres religieuses ( V. M. A.
Doux, M. Laye, J. D. M. Justa-
MONT, M. F. JuSTAMONT, M. A.
Béguin, et M. R. Gourdon). Elle
n'y fut pas moins ferme qu'elles
dans son attachement à la Foi, et
dans le refus du serment de liberté-
égalité. En conséquence , elle
fut condamnée, avec elles, à la
peine de mort, comme « fana-
tique, comme réfractaire », et,
suivant la logique des tribunaux
d'alors, comme « contre -révolu-
CIIA 4i3
tionnaire ». Cette inique sentence
s'exécuta le même jour, dans la
soirée; et, jusqu'à son dernier
soupir, la sœur Charransol, âgée
seulement de 35 ans, se montra
digne de la palme du martyre.
{V. A. Chancelle, et J. Chieze.)
CHARREYRAS (Claude),
sous-diacre du diocèse de Cler-
mont-Ferrand, né à Durthal, près
de Clermont, justifioit trop bien,
par sa Foi et ses vertus, sa voca-
tion au sacerdoce, pour n'être pas
haï des persécuteurs de 1790. Ils
le firent jeter dans leurs cachots,
avec beaucoup de prêtres inser-
mentés, et l'envoyèrent, comme
eux, en 1794» à Bordeaux, on ils
dévoient être embarqués pour une
déportation au-delà des mers {V .
Bordeaux ). Cependant Charrey-
ras ne fut pas compris dans le
grand nombre de ceux par qui les
embarquemens commencèrent ,
vers la fin de l'automne seulement,
trois mois après la chute de Ro-
berspierre. Il resta enfermé dans
la maison du Petit-Séminaire, où
bientôt , accablé par le poids des
souffrances, il approcha du terme
de sa vie. On le transporta dan»
l'hôpital de Saint-André , où il
mourut le 24 décembre 1794? à
l'âge de 32 ans. {V. C. Chapteuil,
et G. Collin.)
CHARRIER (Antoine), curé
de Malbouson, près Marvejols,
dans le diocèse de Mende, a voit
préféré de veiller au salut de ses
paroissiens, même en exposant ses
4i4 CHA
jours , plutôt que de sortir de
France, conformément à la loi de
déportation rendue contre les
prêtres insermentés, du nombre
desquels il étoit. On l'arrêta bien-
tôt, et on le traîna dans les pri-
sons de Mende. Le tribunal crimi-
nel du département de la Lozère ,
qui siégeoit en cette ville , fit
«:omparoître devant lui , pour être
jugé, ce curé de Malbouson; et,
le 27 vendémiaire an II (19 oc-
tobre 1793 ), il le condamna à
périr sur l'échafaud, en le quali-
fiant de «contre-révolutionnaire» :
accusation vague, trop souvent
employée contre les personnes
consacrées à Dieu, et fermes dans
leur attacbement à la religion ca-
tholique.
Il est bon ici de rappeler, une
fois pour toutes , que , lors du
schisme de l'Angleterre, on y dif-
fama de la même manière les ca-
tholiques , afin de tromper la popu-
lace, toujours facile à induire en
erreur; que, pour envoyer le pape
Silvère en exil , et proscrire son
clergé, l'impératrice Théodore les
accusa d'avoir invité les Goths à
s'emparerde Rome et de l'Empire ;
que les Vandales , dans la persé-
cution qu'As exercèrent en Afri-
que , prétendoient que les catho-
liques y avoient conspiré contre
eux, avec les Romains; que Julien
l'apostat eut toujours soin d'im-
puter faussement aux chrétiens,
des délits, des séditions, en les
faisant mourir; que le président
CHA
du Pont, officier de l'empereur
Valens, s'autorisa de ses propres
calomnies contre saint Basile de
Césarée , pour le persécuter ; et
enfin que saint Atbanase ne le fut
qu'avec le stratagème des accusa-
tions calomnieuses de trahison ,
que les empereurs ariens et leurs
évêques portoient contre lui. En
considérant tous ces faits dans
leurcnsemble, les écrivains ecclé-
siastiques affirment que tous ces
vertueux personnages, ayant reçu
de leurs persécuteurs une double
honte , sont récompensés d'une
double gloire , à savoir : i°. pour
leur confession de la Foi ; et 20.
pour les calomnies répandues
contre eux. ( V. notre Discours
prélim., pag. 47. )
CHART1ER (François-Louis),
prêtre du diocèse d'Angers , et y
exerçant les fonctions de vicaire .
en la paroisse de Seurdres, non
loin de la ville épiscopale, devint
d'autant plus cher à ses parois-
siens, qu'il avoit refusé le serment
de la constitution civile du
clergé. Son attachement pour
eux le fit rester à Seurdres, mal-
gré la loi de déportation; et, se
dérobant, autant qu'il le pou voit ,
aux yeux des impies, il put en-
core exercer avec fruit son minis-
tère dans le canton, pendant toute
Tannée 1793. Lorsque les troupes
de l'armée catholique et royale
{V . Vendée) eurent été repous-
sées d'Angers, et dispersées au
Mans et à Savcnay, les persécu-
CHA
teurs, plus actifs dans leurs re-
cherches, parvinrent à découvrir
le vicaire Chartier. II fut amené
à Angers pour y être jugé par la
féroce autant qu'impie commis-
sion militaire, qui faisoit tant
de victimes ; et cette commission
le condamna à la peine de mort,
« comme partisan des Vendéens ,
comme traître à la patrie » : ce
qui emportoit, en la surpassant,
la qualification de « prêtre réfrac-
taire», qu'il méritoit. Cette sen-
tence fut rendue le 2 germinal
an II (22 mars 1794)- En par-
tant de la prison pour aller au
lieu du supplice, Chartier ne cessa
presque de chanter des psaumes
et des hymnes. Les compagnons
de son sort , qu'il avoit réconci-
liés avec Dieu, étant encouragés
par son exemple , mêloient leurs
chants aux siens , et rendoient
grâces à Dieu de les délivrer de
ce monde corrompu pour les ad-
mettre en sa présence : ils res-
sembloient à ces saints martyrs
de Séleucie que l'Eglise grecque
honore le 20 février, et l'Eglise
latine le 21, lesquels, se voyant
entre les mains des licteurs qui les
menoient au supplice, chantoient
avec joie le psaume 42' • Judica
me, Deus, et discerne causant
meam de gentenonsanctâ , etc. ,
et s'exhortoient ensuite , les uns les
autres, à remercier Jésus -Christ
de ce qu'il les attiroit a lui, en
achevant de les purifier par leur
propre sang : U tinter tictorum
CHA 4i5
maints raptos sese ad suppli-
cium viderunt , lœtantium
more , consonâ et suavi modu-
iatione hune psalmum occi-
nere cœpcrunt : Judica, etc.;
alii aiios sese invicem cohor-
tantes Laudes, aiehant ,
Christo tribuamus qui nos ait
hujus seculi fœce secretos, ad
se accersivit, nosque, nostro
cruore expiatos , suo conspectu
dignos effecit. (Asseman. Pars 1,
p. 91 . In Martyrio SS. Schiah-
dustis et atiorum.) Arrivé au
lieu de l'exécution , le prêtre
Chartier se prosterna la face con-
tre terre , pour offrir au Seigneur
le sacrifice de sa vie ; et il resta
dans cette posture jusqu'au mo-
ment d'être placé sous le couteau
de la guillotine, qui fit tomber sa
tête à l'instant.
CHARTON-DE-MILLOU
(Jean-Ciiari.es), né à Lyon , d'une
famille commerçante, vers 1742 5
étoitentré, dèsson jeune âge, dans
la compagnie de Jésus. Jusqu'alors
il n'avoit porté que le nom de ses
pères, et s'étoit appelé simple-
ment Charton ; mais à l'époque
de la dissolution de la société des
Jésuites, en 1767, afin de se mé-
nager plus de liberté pour exercer
son zèle non loin de la capitale,
il changea de nom comme plu-
sieurs de ses confrères, et se fit
appeler Millou. Cette ruse que leur
proscription rendoit à peu près
nécessaire, seconda les bonnes
intentions de leurs protecttws
416 CKA
L'archevêque de Paris, Christophe
de Beaumont, le chargea de la
direction du second couvent, que
les religieuses du Saint-Sacre-
ment a voient en cette ville, dans
la rue Cassette, où elles faisoient
indépendamment des trois vœux
ordinaires , celui de V Adoration
perpétuelle. 11 y étoit rempli
avec beaucoup de fidélité; et son
accomplissement entretenoit dans
cette communauté une ferveur
toute particulière, une dévotion
tendre et ardente qui étoit celle-là
même de l'ahbé de iUillou. Il re-
prit dans la suite son premier nom ,
sans qu'on cessât de lui donner
l'autre; et de là est venue la double
dénomination sous laquelle il c^t
connu dans les annales de la ré-
volution. L'abbé Charton-de-Mil-
lou, qui avoit autant de respect
pour le ministère de la prédica-
tion que de succès en l'exerçant ,
étoit d'autant mieux placé dans
l'église du Saint-Sacrement de la
ru£ Cassette, que, tous les jeudis,
il y étoit prêché par quelqu'un
des prédicateurs les plus estimés
de la capitale, un sermon choisi,
auquel assistoit ce qu'elle posséduit
de plus recommandable par les
connoissances et par la piété. Au-
cun de ces orateurs n'y attiroit
plus de monde que l'abbé Charton
lorsqu'il y prêchoit à son tour,
car aucun ne pouvoit se flatter de
le surpasser en véritable éloquence
évangélique. Un de ses contem-
porains , juge bien compétent
CHA
en pareille matière, a dit de lui
avec raison : «Il ne lui manquoit
qu'une santé plus robuste pour
être le Bourdaloue de son siècle» .
L'abbé Charton , d'une foible poi-
trine, avoit un tel l'eu de composi-
tion et de diction , il prêchoit avec
tant d'âme, de conviction et de
zèle, qu'il ne descendoit jamais
de chaire sans être souffrant; et
c'est ce qui l'empêcha de prêcher
des stations entières d'avent ou
de carême. Parmi ses sermons
qui sont devenus sans doute l'héri-
tage de quelque jeune lévite de nos
jours, il en étoit un surtout qui
transportoit son auditoire dans le
sein même de la Divinité : c'étoit
son sermon sur le Ciel. Il surpas-
soit de beaucoup par la grandeur
des idées, et l'espèce d'inspiration
qui paroissoit l'a voir dicté, les dis-
cours analogues qu'on admiroit
davantage , c'est-à-dire ceux du P.
Mobilier de l'Oratoire et de l'abbé
Poulie. On ne tenoit plus à la terre ,
quand on entendoit le directeur
spirituel des religieuses de Y Ado-
ration perpétuelle parler de la
patrie céleste avec l'enthousiasme
de Foi, d'espérance et de charité,
qui l'animoit. II ne paroissoit pas
moins bien inspiré dans un autre
sermon d'un mérite presque égal,
sur la dévotion à la sainte
Vierge. On croyoit entendre saint
Bernard parler de la mère de
Dieu, pour laquelle il avoit une
si tendre dévotion. Celle de l'abbé
Charton pour Marie étoit si vive,
CHA
qu'il s'attira quelques critiques
pour l'extension que, dans ce ser-
moe-là même, il donnoit à un
passage de saint Anselme de Can-
torbéry , et dans laquelle les
théologiens trouvoient une exa-
gération de sentiment qui dépas-
soit les bornes de l'exacte doctrine,
en ce qu'il sembloit rendre la
sainte Vierge auss;. puissante par
elle-même que le Fils de Dieu (1).
Mai? ce reproche, en le supposant
fondé, prouvoit, comme toute la
conduite de ce prédicateur , la
ferveur de la piété qui animoit
ses discours comme ses actions.
(i) La môme sévérité, sur le même
point de doctrine , vient d'être exercée
à Paris , d'une manière très-remar-
quable , par une dame d'un nom qui
rappelle une famille où l'on a toujours
joint à la pratique de la religion une
instruction chrétienne des plus exactes.
Associée zélée et très-charitable de
l'administration d'un hospice nouvel-
lement établi pour ramener à Dieu
ces personnes du sexe que l'infortune
et l'ignorance avoieut seules entraî-
nées dans la débauche, elle leur avoit
distribué, à ses frais particuliers, plu-
sieurs centaines d'une Journée du
Chrétien, achetées par elle avec une
aveugle confiance que justittoit l'ap-
probation qu'on y attribue à Mf le—
vêque de Versailles, en date du i5
décembre l8i5 (à Versailles, chez
Lebel ; et à Paris, chez Lcclère ).
Faisant ensuite usage de ce livre de
méditations et de prières , et arrivant à
la page 172 où il est question de la
Sainte-Vierge, cette dame crut devoir
le retirer bien vile des mains des per-
sonnes à qui elle l'avoit donné ; et
CHA 417
Il étoit trop vertueux, trop édi-
fiant ; il avoit porté trop d'âmes
à Dieu, soit dans le ministère de
la chaire , soit dans ceî'ui du
tribunal de la pénitence, pour ne
pas s'être attiré la haine , et
toutes les fureurs des ennemis de
la religion. Il fut recherché et
arrêté par eux, comme tant d'au-
tres prêtres, à la suite de l'épou-
vantable journée du 10 août 179a
(^.DriAii). L'église des Carmes ,
destinée à devenir un lieu de car-
nage, fut la prison où on ren-
ferma; et, trop digne de la palme
du martyre au jour affreux du
elle ne le leur a rendu qu'après y
avoir corrigé à la plume ce qu'elle y
trouvoit d'hétérodoxe. 11 n'est plus
possible d'y lire que ces aspirations :
« O mère de miséricorde! ô ma bonne
mère! Ah! nous sommes en pos-
session de sa bonté depuis, etc. », au
lieu de cette phrase, pour le moins
inexacte , que porte l'imprimé : « La
mère de miséricorde, et ma bonne
mère pourroit-elle se résoudre à signer
la sentence de ma condamnation ? »
La dévotion à la Sainte -Vierge , qui
a sans doute inspiré cette phrase, est
très-louable, sans que la phrase puisse
être tolérée. Il faut que nos jeunes
écrivains ascétiques se défient beau-
coup de leur imagination et de leur
ferveur, en parlant de choses qui tou-
chent aux dogmes de notre Foi.
C'est pécher grièvement contre elle do
donner occasion de croire que le sou-
verain Juge soumette les arrêts de sa
justice à la signature , à la sanction de
Marie : ce qui induiroit à penser que
Marie est en quelque sorte supérieure
à Dieu même.
418 CHA
massacre des prêtres {V . Septem-
bre), il marcha à la mort comme
saint Cyprien, en rendant grûce
à Dieu de ce que le séjour de la
gloire éternelle lui étoit ouvert,
d'une manière aussi certaine, par
les ennemis même de la Divinité.
CHÂRTREL (Simon), prêtre,
religieux de la Belgique, fut arra-
ché de son couvent , à l'âge de
81 ans, parles soldats de la Con-
vention lorsqu'ils envahirent cette
contrée. Ils l'associèrent aux dix
autres moines et aux cinq reli-
gieuses, saisies en même temps
dans le même pays, qu'ils en-
voyèrent à. Arras, où le proconsul
Lebon faisoit périr tout ce qui
croyoit en Dieu (V . Auras). Ces
religieux et ces religieuses, dont
on peut voir tous les noms aux
articles de G. F. Boucqi'art et de
R. Beck, furent d'abord insultés
de la manière la plus impie, et
livrés à la dérision la plus sacri-
lège par Lebon, comme nous l'a-
vons déjà dit dans ces deux ar-
ticles auxquels il faut recourir.
Envoyés ensuite à son tribunal
révolutionnaire , ces seize pieux
personnages y furent condamnés
à la peine de mort, en haine de la
religion, le 12 messidor an II
(5o juin 1794); et ils marchèrent
tous ensemble le même jour à
l'échafaud, avec la résignation et
le courage des Martyrs de la pri-
mitive Eglise. Le vieillard Char-
trel étoit lié en 1713, à Florin-
gheim , de Jean-François Chartrel
CHA
et de Marie -Marguerite Ledain.
{V.V.3. Charlet, et P. J. Cleys.)
CHAS fils ( N... ) , jeune
avocat de Nismes, y avoit si-
gné la généreuse profession de
Foi catholique contenue dans l'a-
dresse des Nismois du 20 avril
1 790, et leur déclaration du 2 juin
suivant {F. Nismes). Il fut dès
lors en butte aux fureurs des cal-
vinistes; et lors de leurs attaques
des i3et 14 juin, pendant qu'il con-
versoit paisiblement sur sa porte
avec deux de ses amis, il reçut
un coup de fusil dont il mourut
vingt-quatre heures après [V. Au-
zÉby et C. Daudet ). Cet avo-
cat donnoit les plus belles es-
pérances au barreau , et il parti-
cipoit à la considération dont
jouissoit son père, ancien con-
sul de la ville.
CHASSAIGNE, chanoine.
[V. Lachassaigne.)
CHATAIGNER (Elisabeth) ,
pieuse Lyonnaise , qui , vivant
saintement avec ses deux sœurs
Louise et Jacqueline, dans un
domicile commun (V. les deux
articles suivans ) , conservoient
leur Foi pure au milieu des scan-
dales de l'impiété et de la per-
sécution des schismatiques. A
l'exemple de ces saints athlètes
de Jésus-Christ , qui , dans la ville
de Samosate, en 297, pendant la
persécution, s'étoientfaitdans l'in-
térieur de leur maison tin temple
où s'offroit le saint sacrifice , et
où s 'administraient les sacrement
CHA
( V. Bauquis ) , les soeurs Cha-
taigner se trouvoient presque en
adoration perpétuelle devant l'au-
guste sacrement des autels; et,
recevant chez elles des ministres
du Seigneur qui venoient y dis-
penser les mystères célestes aux
catholiques à qui ce temple se-
cret étoit accessible, elles repré-
sentoient presqu'en tout les saintes
diaconesses de la primitive Eglise.
Lors des visites domiciliaires que
les persécuteurs ordonnèrent chez
les habitans à la fin de 1793 et
au commencement de 1794 ? l'ora-
toire sacré des sœurs Chataigner
fut découvert et profané par eux.
Elles furent elles-mêmes traînées
en prison pour être livrées à l'a-
troce commission révolution-
naire, dont la plus grande jouis-
sance étoit d'immoler des per-
sonnesvouéesàlapiété (f .Lyon).
Toutes trois comparurent ensem-
ble devant le sanguinaire tribunal,
le 22 pluviôse an II (10 février
1794). Elies s'y montrèrent im-
mobiles dans leur Foi, s'estimant
heureuses de mourir pour elle ,
et furent aussitôt condamnées à la
peine de mort, comme « contre-
révolutionnaires , comme fana-
tiques, et recevant chez elles des
prêtres réfractaires » ( V . Je Alix).
Elisabeth Chataigner avoit 47 ans
quand elle périt ainsi avec ses
sœurs pour la cause de Jésus-
Christ. {F. Chapuis , et L. Cha-
taigner. )
CHATAIGNER (Louise),
CHA 419
vertueuse Lyonnaise , Sgée de
46 ans , fut immolée avec ses deux
sœurs, le io février 1794? pour
la cause de la Foi. ( V. l'article
précédent et le suivant.)
CHATAIGNER (Jacqueline) ,
Sgée de 45 ans, et sœur des deux
précédentes , fut condamnée à la
peine de mort en même temps
qu'elles, et pour la cause de J.-C.
Elle reput avec elles la palme du
martyre , en février 1 794 , dans la
ville de Lyon où elle étoit née, et
n'avoit pas cessé d'être, comme
ses sœurs , un exemple de la plus
douce comme de la plus fervente
piété. ( V. L. Châtaignier, et B.
M. Corbeau. )
CHATELET (Alexis- Augus-
tin-Stanislas) , chanoine. [V . A.
A. Leroux.)
C BATELIER (Arnaud), prêtre
du diocèse de Bordeaux, étoit resté
dans cette ville, bien que proscrit
comme non-assermenté, et quoi-
que la loi de déportation l'eût
condamné à sortir de France. Il
fut arrêté en 1793; et le i5 fri-
maire an II (5 décembre 1793),
on le fit comparoître devant Iacom-
mission militaire de Bordeaux,
siégeant ce jour-là à Libourne.
Cette commission le condamna à
la peine de mort, le disant « con-
vaincu d'aristocratie depuis le com-
mencement de la révolution , et
d'être resté , quoique prêtre non-
assermenté , sur le territoire de
la république , au mépris de la
loi». Le président, qui levitpalir
420 CHA
et verser quelques larmes à la lec-
ture de la sentence, lui dit, en
élevant la voix : « Tu crains donc
la mort ? » puis se tournant vers le
peuple , il ajouta : « Voilà ces fa-
natiques qui se vantent de braver
la mort! » Le prêtre Chatelier
répondit aussitôt : « Si je pâlis,
si je verse des larmes , ce n'est
point que je la craigne ; c'est
que je pense à ma pauvre mère
octogénaire que je laisse après
moi , et qui n'a que moi pour sou-
tien ». Cette particularité nous a
été certifiée en 1818 par M. l'abbé
Moutardier, vicaire - général de
Bordeaux , qui en fut presque
témoin auriculaire. Chatelier, âgé
seulement de 57 ans , périt le jour
même de la sentence.
C BAUDET [N..i)9 curé dans
le diocèse de Rouen, ayant été
chassé de sa paroisse, parce qu'il
n'avoit pas voulu prêter le serment
schismatique, et éprouvant d'au-
tres persécutions dans saprovince,
s'étoit retiré à Paris. Il y fut, dans
l'été de 1792, la première victime
sacerdotale que les impies firent
massacrer par la populace, pour
cause de refus du serment. D'abord
ils avoient voulu, pour un service
tout-à-fait innocent, rendu par
lui à un parent chez lequel il étoit
logé , le faire condamner par un
tribunal. 5a condamnation étant
impossible à motiver en ce cas par-
ticulier, Cbaudetavoit été renvoyé
absous. Quelques jours après , la
populace , de plus en plus excitée ,
CHA
se porta avec fureur à sa demeure ,
en enfonça les portes , le jeta par
la fenêtre , et l'assomma dans la
rue.
CHAUDET (IV...), prêtre de
la paroisse de Saint-Nicolas-des-
Champs, à Paris, y exerçoit des
fonctions relatives au salut des
âmes. Il fut exclu de sa place au
commencement de 1792, parce
qu'il ne vouloit pas trahir sa Foi
par la prestation du serment de la
constitution civile du clergé.
Son zèle pour l'exercice du saint
ministère en faveur des catholi-
ques ne se laissa pas déconcerter
par la persécution qui alloit tou-
jours croissant, contre la religion
et ses ministres. Signalé comme
un prêtre qui continuoit d'exercer
son sacerdoce , sans avoir fait le
serment, ii ne tarda pas à être
arrêté par les agens des persécu-
teurs, après le 10 août qui leur
donna tant de facilités pour exter-
miner les ministres du Seigneur.
Conduit devant le comité de sa
section, il s'y montra invincible
dans sa Foi; et, condamné au
sort des captifs de Jésus -Christ,
déjà confinés en grand nombre
dans l'église des Carmes ( y. Di-
lai ) , il y fut massacré avec eux
le 2 septembre suivant. (F. Sep-
tembre. )
CIIAUSSY ( Louis- Joseph ) ,
prêtre du diocèse de Mende, ne
fit point le serment de 1791, et ne
se soumit pas à l'inique loi de
déportation. Son domicile étoit
CIU
à Beaulieu - la - Grange , près
Joyeuse, où nous croyons qu'il
avoit charge d'âmes. Dans une de
ses courses apostoliques , vers la
fin de 1793, il fut saisi par des
agensde la persécution, sur le ter-
ritoire du département du Gard,
dont le tribunal criminel siégeoit
à Nisines.Ily futeonduit; et, après
y être resté quelque temps dans
les prisons , il comparut devant ce
tribunal , qui le condamna de suite
à la peine de mort, comme « prêtre
réfractaire », le 17 pluviôse an II
(5 février 1794)- Cette sentence
fut exécutée dans les vingt-quatre
heures.
CHAUVEX (N...), curé de
Charrières, paroisse du diocèse de
Limoges où il étoit né , dans celle
de Ahun, en 1758, refusa le ser-
ment schismatique de 1791. Ne
s'éloignant pas de sa paroisse, il
se trouvoit dans une portion de sa
province qui faisoit partie du dé-
partement de la Creuse. Les auto-
rités anti-religieuses qui l'oppri-
moient, firent arrêter ce pasteur
en 1793, et l'envoyèrent au com-
mencement de 1794 à Rochefort
pour qu'il fût déporté sur des rives
lointaines. On embarqua le curé
Cliauvex sur le navire le Wa-
shington, dont il ne put sup-
porter le supplice , malgré son
jeune âge ( V. Rocdefort). Il
n'avoit que 36 ans, lorsqu'il mou-
rut cette année -là même. Nous
n'avons pu savoir le jour précis
de sa mort, ni le lieu où il fut
CHA 421
inhumé. [V . P. J. Charles , et
A. Chédez. )
CIIALVIGNÉ(]V... de), prê-
tre, docteur en théologie, et cha-
noine de la cathédrale d'Angers ,
suivant ce qu'on nous écrit de cette
ville, n'avoit point compromis sa
Foi par une adhésion quelconque
à la constitution civitedu clergé.
Son âge avancé ne lui permit
pas de sortir de France, lors
de la loi du 26 août 1792; et il
subit la peine de la réclusion
que cette loi avoit infligée aux
non-assermentés sexagénaires ou
infirmes. Le moment arriva où
les persécuteurs ne voulurent pas
qu'il existât un seul prêtre en
France, et où, pour parvenir plus
efficacement à leur but, ils réso-
lurent de les faire tous périr. Le
chanoine de Chauvigné fut alors
envoyé , avec ses confrères reclus,
à Carrier qui venoit déjà de faire
noyer quatre-vingt-seize prêtres à
Nantes ( V. Nantes). Il y arriva
au commencement de décembre
1793, avec ses cinquante - sept
compagnons de supplice ; et il fut
noyé commeeux, dans la nuit du
9 au 10 de ce mois. Son martyre
ne différa pas de celui de saint
Nicostratc, el autres , que l'Église
romaine honore comme Martyrs :
Romœ : Sanctorum Marty-
rumNicostrali, etc. Qui primo
in carcerem missi '•■ , deinde
scoypionibus gravissimè etv-si,
cùm à pde Chrisli mut a ri non
passent , jussi sunt à Diode-
422 CHA
tiano in fluvium prœcipites
dari. (Martyrol. roman., 8 nov.)
( V. Charbonnier, d'Aviré, et
Ciavreul, d'Angers. )
CHAUVIN (Le Père) , prêtre
et religieux Dominicain de la ville
^l'Arles , est cité comme l'un de
nos Martyrs, dans les Mémoires
recueillis et imprimés à Rome,
en 1794» par (es ordres de N.
T. S. P. ie pape Pie VI. On y
dit que le P. Chauvin « résista
jusqu'à la mort pour la défense de
la religion catholique; qu'ayant
été enfermé dans les prisons de
Marseille (en 1793), il y disposoit
tous ses compagnons de captivité
au sacrifice de leur vie, les con-
fessoit , les exhortoit ; et qu'il périt
avec eux». Ces faits étoient attes-
tés par d'autres Dominicains de
la même province , réfugiés à
ïlome, et, entre autres, par le
P. Bouchon, qui avoit fui de Mar-
seille même , comme y courant
des dangers particuliers , parce
qu'on s'y ressouvenoit trop de ce
qu'il y avoit dit en chaire, quelques
jours après cette affreuse journée
du 6 octobre 1790, où le Roi
avoit été si violemment amené de
Versailles à Paris. « Peuples ! s'é-
loit-il écrié, par une sorte d'ins-
piration, écoutez la voix du Sei-
gneur : Un glaive exterminateur
ravage le sanctuaire ; des mains
sacrilèges minent le trône de vos
rois pour le renverser Vous
faites trembler, par vos attentats,
reux qui ont le courage de rester
CHE
encore dans vos cités On vous
dit qu'on travaille à votre bon-
heur.... On vous trompe, et vous
ne le voyez pas ! C'est au nom de
Dieu même, c'est comme ministre
de sa religion, que je vous le ré-
pète : on vous trompe.... En vous
reprochant votre fatal aveugle-
ment, je ne fais que mon devoir.
Maintenant, si vous voulez une
victime , me voici. Si mes discours
vous déplaisent, frappez : voilà
ma tête. Je mourrai sans regrets ,
martyr de mon ministère ; et je
n'aurai pas la douleur de survivre
à la ruine de ma religion, et aux
malheurs de la France» (Ibid.
pag. 535).
CHAZERAY (iV-..), chanoine.
(V. Sigorne.)
CHEDEZ (Antoine), prêtre et
prieur-économe de l'hôpital de la
Charité, à Màcon, s'étoit attiré
la haine des impies révolution-
naires, par ses bonnes œuvres,
dont la religion étoit le principe,
et par l'exercice de son ministère
sacerdotal. lisse saisirent enfin de
«a personne, en 1793, et le dé-
vouèrent au supplice d'une dépor-
tation au-delà des mers. 11 fut,
à cet effet , envoyé à Rochefort ,
pour y être embarqué (V . Roche-
fort). On l'y fit monter le navire
(es Deux Associés. 11 mourut des
souffrances auxquelles les déportés
étoient en proie, dans l'entrepont
de ce bâtiment. Sa mort arriva
dans la nuit du 5o au 5i août
l?94j et *es confrères l'enter-
CHE
rerent dans l'île Madame. ( V.
Chabvex, et ChÉrier.)
CHEMINEAU (Marie), simple
domestique à Loudun , en Poitou ,
avoit, par un principe de reli-
gion, contribué à cacher, dans
une maison particulière, un de ces
prêtres fidèles contre lesquels
s'acharnoient les persécuteurs, en
1793. Le mérite d'un tel acte
d'hospitalité a été développé à
l'article d'Aux. Le prêtre ayant
été découvert, Marie Chemineau
fut arrêtée avec lui, et conduite
comme lui dans les prisons de
Poitiers. Les juges du tribunal
criminel du département de la
Vienne , siégeant en cette ville ,
tirent comparoître devant eux
cette courageuse chrétienne , le
i4 thermidor an II (1" août
1794), et la condamnèrent à périr
sur l'échafaud, comme « recè-
le use de prêtres réfractaires » .
( V. P. Cherbonnier. )
CHENET ( Thérèse-Julienne-
Hélène) , religieuse d'un couvent
de la Visitation, à Paris, se voyant
expulsée de son cloître par les
impies réformateurs de 1791, n'en
continua pas moins , dans le
monde, à remplir avec ferveur
les devoirs de son état. Sa piété,
trop éminente pour n'être pas
aperçue, irrita contre elle les en-
nemis de la religion. Elle fut jetée
dans les prisons de Paris ; et le
tribunal révolutionnaire l'appela
devant lui, le 21 pluviôse an II
(9 février 1794)- Elle y répondit
CHE 423
en chrétienne intrépide aux im-
pies interpellations qui lui étoient
faites. La constance, le courage
de sa Foi, confondirent les juges
sans les désarmer. Ils s'en ven-
gèrent en la condamnant , comme
«fanatique» et comme «contre-
révolutionnaire », à la peine de
mort. Elle la subit le même jour,
avec la même fermeté.
CHENU ( Jacques -Marie ),
prêtre du diocèse de Saint-Malo.
et pur du serment schismatiquê
de 1791, exerpoit, dans la pa-
roisse de Paramé et aux environs ,
les fonctions du saint ministère ,
pour les catholiques de cette con-
trée. La persécution atteignit sa
personne ; et il fut mené prison-
nier à Rennes, où siégeoit le tri-
bunal criminel du département
d' Ille et Villaine. Ce tribunal ,
l'ayant fait comparoître pour être
jugé, le 1 1 germinal an II(3i mars
1794), le condamna à la peine
de mort , comme « prêtre réfrac-
taire » ; et la sentence fut exécutée
le lendemain.
CHERBONNIER ( Pierre ) .
curé de Mezeaux, dans le diocès»-
de Poitiers, à deux lieues de cettr
ville , ne s'éloigna pas de sa pa-
roisse, quoiqu'il n'eût pas voulu
taire le coupable serment de 1791.
Restant a la portée de se,s parois-
siens , il continuoit de les mainte-
nir dans la pureté de leur Foi et:
la pratique de leur religion , lors-
qu'il fut arrêté, en 179a. On le
jeta dans les prisons de Poitiers;
424 CHE
et le tribunal du département de
la / ienne, siégeant en cette ville,
fit comparoître devant lui ce curé,
le 23 ventôse an II ( i3 mars 1 794)-
Les juges ne manquèrent pas de le
condamner à périr sur Péchafaud,
comme « prêtre réfractaire » ,
c'est-à-dire inébranlable dans la
Foi catholique. (A. M 'Chemin eau,
et N. E. Chevalier.)
CHERCHOULY ( Jean), curé
de la paroisse de la Chapelle-Fau-
chier, non loin de Bourdeilles,
dans le diocèse de Périgueux, resta
près de ses paroissiens, quoiqu'il
n'eût pas fait le serment de la
constitution civile du clergé.
Son amour pour eux l'empêcha
même de sortir de France, lors
de la déportation du 26 août 1792.
Dans le courant de l'année sui-
vante, il fut arrêté par les explo-
rateurs des persécuteurs; et, tra-
duit ensuite devant le tribunal
criminel du département de la
Dordogne, siégeant à Périgueux ,
il y fut condamné à la peine de
snort, le 9 prairial an II ( 28 mai
1 79'j ) , comme « prêtre réfrac-
taire », et fut immolé le même
jour.
CHÉRIER (Antoine), prêtre,
secrétaire particulier de l'arche-
vêque de Toulouse ( François
de Fontanges ) et né à Lune-
ville en Lorraine, persévéra dans
sa Foi avec beaucoup de di-
gnité , lors du schisme cons-
lituiionnel. Etant passé ensuite
dans ie département de V Allier,
CHE
où sans doute il croyoit avoir
moins à redouter de la persécu-
tion suscitée contre les prêtres,
il y fut arrêté en 179^; et on le
jeta dans les prisons de Moulins.
Peu de temps après , vers le com-
mencement de 1794, on le condui-
sit à Rocbefort, pour être déporté
au-delà des mers; et on l'embar-
qua, pour cet effet , sur la flûte les
Deux Associés {V. Rochefort).
Les maux qu'on enduroit dans
l'entrepont de ce navire, et les
autres souffrances de cette dépor-
tation, l'emportèrent enfin sur son
courage et sa santé. Attaqué de la
contagion, il mourut subitement
dans la nuit du 1" au 2 septembre
179^, à l'âge de 3g ans, et fut
enterré dans l'ile Madame. M. de
la Biche dit de Chérier : « C'étoii
un homme d'esprit et de talent,
d'un caractère bien prononcé, et
plein de courage ». [V. A. Ché-
dez , et J. Chevresson. )
CHERNY (Guillaume) , prêtre
et religieux Bénédictin du mo-
nastère de Reims, étoit resté dans
cette ville après la suppression de
son cloître. Sa fidélité aux prin-
cipes de l'Eglise catholique, et à
ses devoirs de religieux et de
prêtre, l'exposoit à des per-
sécutions : il crut les éviter en
allant dans la Franche - Comté.
Elles l'y atteignirent ; il fut arrêté
et jeté dans les prisons de Besan-
çon. Le tribunal criminel du dé-
partement du Doués, siégeant en
cette ville, le fit comparoitre de-
CHE
vant lui le j5 fructidor an II
(5i août 1 794 ) , trente-six jours
après la chute de Robespierre.
Les juges lui demandèrent s'il
avoit t'ait le serment du schisme
de 1791 ; il répondit en prêtre
catholique ; et comme il n'étoit
pas sorti de Fiance d'après la loi
de déportation rendue contre les
insermentés , le tribunal le con-
damna à la peine de mort en qua-
lité de « prêtre réfractaire ». Sa
tête fut abattue le lendemain sur
l'échafaud. {V. Capon. )
CHÉROMTE (Claude), notaire
royal au bourg- de Renay, diocèse
de Blois, né dans la paroisse de
Villetrun, près Vendôme, en 1 752 ;
homme d'une grande piété et d'une
Foi éclairée, professa publique-
ment sa fidélité à l'Eglise catho-
lique, lors des innovations schis-
matiques de 1791. Persistant, de
la manière la plus édifiante et
même la plus courageuse, dans son
attachement à la sainte Eglise , il
s'attira de plus en plus la haine des
impies partisans de la révolution.
Une assemblée civile , dite assem-
blée primaire , devant avoir lieu
A la fin d'août 1792, à Morée,
chef-lieu de canton, près Cloye,
pour nommer des députés à la
Convention, on força ce bon ca-
tholique de s'y rendre. Cette
assemblée voulut l'obliger à adhé-
rer à la constitution civile du
cleryé, et à suivre les exercices
de son clergé schismatique , ana-
thématisé par le souverain pon-
CHE 4ai>
tife. Chéronte répondit qu'il ne
le pouvoit pas, suivant sa cons-
cience; qu'il aimoit mieux mourir
et sauver son âme que de parti-
ciper au schisme. A ces mots .
des furieux se jetèrent sur sa per-
sonne ; et les saints Evangiles
qu'ils trouvèrent dans sa poche ,
parce qu'il les portoit toujours
avec lui, ayant augmenté la rage
des impies, ils le traînèrent par
les rues en le massacrant. Ensuite
ils lui coupèrent la tête à coups de
sabre, et la portèrent en triomphe
au bout de la baïonnette d'un
fusil. Non contens d'avoir offert
un pareil spectacle dans tout le
bourg de Morée, ils marchèrent
vers Vendôme pour y promener
aussi cette tête sanglante. Mais la
garde nationale de cette ville, aver-
tie à temps, vint à leur rencontre
avec des canons, et les ayant par
là forcés à se retirer, ils se dissi-
pèrent. Cet événement eut lieu le
26 août 1792.
CHESNEAU (Nicolas-
Charles), curé de Montreuil-
Belfroi , près d'A vrillé , dans le
diocèse d'Angers, y étoit resté
malgré sa proscription comme
prêtre insermenté. Les progrès de
l'armée catholique et royale de
la Vendée {V . Vendée) remplis-
soient de confiance son zèle pour
le salut des âmes. La tentative
infructueuse que cette armée fil
sur Angers ne servit qu'à rendre
la persécution plus active dans la
province. Ce curé fut arrêté et livré
4^6 CHE
à la commission militaire établis
dans cette ville. Expédiant sans
procédure les victimes qui lui
étoient amenées, elle se contcn-
toit de les qualifier de « brigands de
la Vendée » , en les envoyant à la
mort ; et ce fut ainsi que le 1 1 ni-
vôse an II (3i décembre 1794)?
elle fit périr le curé Chesneau.
(V. Briant , et F. L. Chevalier.)
CHEVALIER (François-
Louis), jeune prêtre, vicaire de
la paroisse de Seurdres, dans le
diocèse d'Angers , étoit un excel-
lent ecclésiastique. L'évêque ac-
tuel d'Angers en rend lui-même
à sa mémoire l'honorable témoi-
gnage. La commission atroce, que
l'impie Convention avoit établie
dans cette ville vers la fin de 1 793 ,
ne pouvoit pardonner au jeune
Chevalier sa Foi , ses vertus et son
zèle. Elle l'envoya à l'échafaud
comme « brigand de la Vendée » ,
dans le courant de mars 1794
{V . Vendée). C'est à lui que paroît
se rapporter ce que nous lisons
dans le mémoire manuscrit de l'un
des prêtres de la déportation de Ne-
vers {V. Nevers), lequel, revenu
de ce supplice , a écrit son voyage ,
ses rencontres et ses souffrances.
En parlant de son passage à An-
gers, et du séjour qu'il y fit dans
/es cachots du château , « Le cin-
quième jour que nous y étions
enfermés 9 dit -il, on nous per-
mit de prendre l'air pendant deux
heures dans une cour étroite et
très-infecte. En y entrant, nous
CHE
avons été abordés par un grand
jeune homme qui peut avoir au
plus 3o ans, et nous a dit : J'ai
le bonheur d'être comme vous
prêtre insermenté ; et du ton
le plus assuré et avec l'air le plus
serein, il a ajouté : Je me recom-
mande à vos prières ; dans quel-
ques heures on doit venir me
prendre pour me conduire à (a
guillotine. Jugez, poursuit l'his-
torien, jugez de l'impression qu'a
faite sur nous cette annonce. Oh!
que la grâce est donc puissante !
ce jeune héros nous a consolés.
Son exécution n'a cependant pas
été faite le même jour ; mais le
lendemain , à la même heure que
la veille, on nous a ouvert ntjs
cachots pour prendre l'air dans la
même cour; et nous avons eu la
douleur de voir arriver le bourreau
avec une charrette ; il a lié notre
vertueux confrère , et il l'a em-
mené. Une demi-heure après, cet
ecclésiastique a succombé sous le
fatal couteau. Nous sommes aussi-
tôt rentrés dans nos cachots, où
tous ensemble nous nous sommes
mis en prières pour remercier
Dieu des grâces qu'il a faites à
notre généreux Martyr. » A ce
récit édifiant, nous ajouterons ce
que nous écrit le vénérable prélat
d'Angers, sur François-Louis Che-
valier : « Arrivé, dit- il, au pied
de l'échafaud, il donna l'absolu-
tion à ceux qui alloient périr avec
lui; et il resta prosterné jusqu'à
ce que son tour fût venu : alors i!
CHE
monta sur l'échafaud avec une
grande tranquillité ; et sa mort
toucha môme ses bourreaux ».
Tel étoit ce vertueux prêtre que la
commission venoit de condamner
comme « brigand de la Vendée » .
Il périt à l'âge de 32 ans. ( V. N.
C. Chesneau, et P. II. Dogue-
REAU. )
CHEVALLIER (Benoît),
prêtre du diocèse de Chambéry,
né aux Marches, près Montmeil-
lant, d'une famille aisée, vers
1700, a voit d'abord été militaire
dans l'ancienne gendarmerie de
Luné ville, bien différente de la
nouvelle quant à son service. Il
entra dans l'état ecclésiastique .
vers 1777, et, ordonné prêtre , il
fut envoyé comme vicaire dans la
paroisse de Saint -Léger, près
d'Aiguebelle. Il devint ensuite
chanoine de la cathédrale de
Chambéry, où il résidoit quand
les troupes de la révolution
pénétrèrent dans la Savoie , le
21 septembre 1792 {V. Savoie).
La proclamation du 8 février 1 793,
qui tendoit à établir le schisme
constitutionnel dans le départe-
ment du Mont-Blanc, alarma la
conscience plus que le courage du
chanoine Chevallier ; et il s'enfuit
en Piémont, d'où il ne revint en
Savoie que dans le courant de
1796. La catastrophe du 18 fruc-
tidor (4 septembre 1797) ayant
rallumé la persécution contre ics
prêtres , le chanoine Chevallier
fut recherché ; on l'arrêta l'hiver
CHE 427
suivant dans la paroisse de Saint-
Alban, près Chambéry, où il s'étoit
caché. Les persécuteurs le fin nt
traîner avec beaucoup d'autres
prêtres de la même province à
Rochefort, pour être déporté à la
Guiane {V. Guiane) ; et il fut em-
barqué sur la Bayorinaise le
1" août J798, sans être bien ré-
tabli d'une maladie qu'il avoit
contractée dans les prisons. Sa ré-
signation sembloit augmenter avec
ses souffrances. Il consomma son
sacrifice pendant la traversée , cru
i"août au 29 septembre; et son
corps fut jeté à la mer. ( V. )k
Chapuis, et A. Chollet. )
CHEVALLIER (Noei-
Etienne), premier chanoine de
Saint- Pierre-le-Puellier, dans le
diocèse de Poitiers, et membre
du bureau diocésain, étoit resté
dans la ville de ce nom après la
suppression des chapitres. Quoi-
qu'il eût été loin de prêter le fatal
serment de 1791, il n'étoit pas
sorti de France , parce que la loi
de déportation du 26 août 1792,
ne lui avoit semblé regarder que
les fonctionnaires publics, et parce
que d'ailleurs la Foi courageuse des
Poitevins paroissoit devoir le ras-
surer contre la persécution des
conventionnels. Cependant il fut
atteint en 1 792 ; et on le jeta dans
les prisons de Poitiers. Le tribunal
du département de la Vienne ,
siégeant en cette ville, le fit cora-
paroître devant lui le 28 ventôse
an II ( 18 mars 1794)- H y fut
428 CHE
condamné à la peine de mort,
comme « prêtre réfractaire » ; et
alla mêler son sang à celui des
seize antres victimes que les juges
firent aussi périr le même jour, en
haine de la religion. {V . P. Cher-
bonnier, et A. Dechartre. )
CHEVRESSON (Jean-Bap-
tiste), prêtre, chanoine régulier
de la congrégation de Notre Sau-
veur, et supérieur de la maison
qu'elle avoit à Dommarlin-les-
Villee, dans le diocèse de Saint-
Diez, étoit né à llloud, près de
Bourmont, paroisse de celui de
TouL II refusa très -courageuse-
ment de prêter le serment de la
constitution civile du clergé,
cl fut dès lors voué à la persécu-
tion. Elle s'acharna d'autant plus
contre lui , qu'il se montroit ferme
dans ses devoirs et dans son atta-
chement à la religion. Il s'étoit
retiré dans son pays natal, faisant
alors partie du département de la
Meurthe; et il y fut saisi en 1 795.
Après l'avoir condamné à être dé-
porté au-delà des mers, on l'en-
voya à Rochefort pour y être em-
barqué. Il le fut en effet au prin-
temps de 1794? sur le navire tes
Deux Associés, où il ne résista
pas aux maux sous lesquels tant
d'autres prêtres succomboienfa II
expira le 17 août de cette même
année, à l'âge de 55 ans, et fut
enterré dans l'île d'Aix. ( V. A.
Chérier, et.... Chironceau. )
CHEVREUX {Dom Antoine),
Général de l'ordre des Bénédic-
GHE
tins de la congrégation de Saint-
Maur, dont les maisons, à Paris,
étaient celle de Saint - Germain-
des-Prés , et celle de la rue des
Blancs-Manteaux, n'auroit presque
eu besoin que de son titre pour faire
comprendre l'étendue de ses con-
noissances et la sublimité de ses
vertus. L'éloge de son ordre , sous
ces deux rapports, est encore dans
tous les cœurs , et même dans
toutes les bouches. Tant que l'on
conservera, je ne dis pas seule-
ment en France, mais chez toutes
les nations éclairées, le goût de
l'instruction, et quelque amour
pour la vertu , on parlera de la
congrégation de Saint-Maur avec
autant d'admiration que de res-
pect. Ces sentimens se réunissent
ici en l'honneur de Dom Che-
vreux, qui en fut le dernier supé-
rieur-généraL La haute considéra-
tion dont il jouissoit à Paris le fit
nommer, par le clergé de cette
capitale, un de ses députés aux
Etats - Généraux de 1789. Dire
qu'il y fut fidèle aux principes de
la religion et de l'honneur, en ,
exposant même sa vie, lorsque ces
Etats, s'étant convertis en Assem-
blée Nationale, firent tant de dé-
crets subversifs de la religion
catholique, comme de l'ancienne
monarchie, seroit une chose su-
perflue. La conduite de ce véné-
rable religieux, dans ces occasions
si critiques, fut si pure et si chré-
tiennement héroïque, qu'il mérita
d'être compris dans la liste des
CHE
prêtres à massacrer , lorsque la
fatale journée du 10 août eut
donné à l'Enfer tout pouvoir sur
les Saints du Seigneur. Dom Che-
vreux fut arrêté et conduit dans
l'église des Carmes, subitement
transformée en prison de mort
( V . DutAU ) ; et l'on y enferma
avec lui son neveu, aussi Béné-
dictin ( V. Barreau ). Le 2 sep-
tembre , ce digne général de
l'illustre congrégation de Saint-
Maur fut appelé, comme les plus
simples prêtres, devant ce com-
missaire de police qui, dans l'é-
glise, régularisant le massacre,
les envoyoit deux à deux à la porte
de l'immolation. Il vint avec la
docilité d'un enfant, et marcha à
la mort avec la résignation d'un
Saint , et la fermeté d'un Martyr.
(V . Septembre.)
CHEVRIEfi. (Jean-Baptiste),
prêtre du diocèse d'Annecy, né à
Rumilly, près Bonne ville, voulant
éviter les persécutions faites, dans
sa province, aux prêtres qui re-
fusoicnt de prêter le serment
criminel exigé par des proconsuls
de la Convention (F. Savoie),
étuit venu se réfugier à Paris.
Ne s'y croyant cependant pas en-
core en sûreté , il alla se cacher
dans le bourg d'Auteuil , où il fut
bientôt découvert. On le jeta dans
les prisons de Paris, pour y at-
tendre son tour d'être envoyé à
l'éphafaud. Ne sachant pas s'ilavoit
eu , dans la Savoie, quelque charge
sacerdotale, et n'ayant d'autre
CHE 429
grief contre sa personne que son
état de prêtre, le tribunal révo-
lutionnaire- différoit à le faire
comparaître devant lui. Maiscnfm,
lorsque ce tribunal se contenta de
prétextes pour envoyer des vic-
times à la mort, il condamna le
prêtre Chevrier à périr, le 5 ther-
midor an II ( 23 juillet 1794 ),
comme complice d'une prétendue
conspiration des prisons de la mai-
son des Carmes, où il étoit en-
fermé. Il fut guillotiné le même
jour, avec plusieurs autres prêtres
accusés de la même conspiration.
Son âge étoit de 5o ans. (V. De-
LAUNE.)
CHÉZEAU (.#..., Dom),
jeune Bénédictin de la maison de
Bourges, ayant eu le malheur de
faire le serment de la constitution
civile du clergé, avoil même
porté le scandale jusqu'à devenir
vicaire épiscopal de l'évêqive intrus
de Nevers. A l'abri des rigueurs
de la loi de déportation du 26 août
1792, il sembloit devoir échapper
aux fureurs des révolutionnaires,
dont il avoit embrassé les premiers
systèmes. Mais, à la Gn de 1793,
ils ne vouloienl pas plus de prêtres
constitutionnels que de prêtres
catholiques; et dom Chézeau fut
jeté dans une prison , comme
ecclésiastique. Il y resta jusqu'au
mois de février, qu'il fut associé
au sort des vénérables inasser-
mentés de Nevers, qu'on envoyoit
à Nantes, pour qu'ils y périssent
{V. Nevers et Nantes). Ce fut là.
430 CHE
pour dom Chézeau, une insigne
faveur du Ciel. Il avoit alors 37
ans. Un de ses compagnons de
déportation, du petit nombre de
ceux qui sont revenus dans leurs
foyers, nous dit, en racontant la
généreuse rétractation et la sincère
pénitence de ce jeune Bénédictin,
dans cette rencontre : « Il sembla
ne nous avoir été associé que pour
nous faire rougir nous-mêmes de
notre tiédeur, par la ferveur de
sa piété , et nous faire presque
envier sès fautes, si nous eussion?
dû avoir le bonheur de l'imiter
dans son repentir, et de mourir
comme lui et avec lui ». Dom
Chézeau, qui avoit trouvé, dans
l'esprit de pénitence dont il étoi':
pénétré , le courage de supporter
les tourmens auxquels les prêtres
furent en proie pendant le voyage ,
succomba sous ceux qu'ils eurent
à souffrir dans l'horrible fond de
cale de la galiote hollandaise , à
Nantes. Il y mourut le 6 avril, le
même jour que Philippe Gaspard
Moreau,etle curé Cantat(^. Ne-
vers). La sainte mort qu'il fit con-
sola ses compagnons du chagrin
que leur avoit causé, le 27 mars,
celle d'un autre vicaire del'évêque
intrus de la Nièvre. Obstiné dans
son schisme et ses erreurs, ce
constitutionnel, âgé de 63 ans, et
qui avoit été long-temps curé lé-
gitime de Saint-Sauveur, dans le
diocèse de Nevers , ne voulut
point les rétracter, et mourut
hors du sein del'Eplise catholique,
CRI
sans être digne d'en recevoir les
dernières bénédictions. {V . Cha-
peau, d'Angers; et Custode, cha-
noine.)
CHIEZE (Jérôme de), prêtre,
chanoine de l'église cathédrale
d'Orange , et vicaire-général du
diocèse, ayant continué d'habiter
cette ville , après la suppression
des chapitres, et y vivant avec son
frère, aussi prêtre, dont il va être
parlé, n'étoit pas sorti de France,
d'après la loi de déportation ,
quoiqu'il n'eût pas fait le serment
de 1791. L'esprit d'opposition
que le midi de la France montroit
à la Convention, en 1793, les
rassuroit contre les dangers de la
persécution. Quand ellese déploya
avec fureur sur cette contrée, au
commencement de 1794? Jérôme
Chièze fut arrêté avec son frère ;
et tous les deux furent livrés à la
féroce commission populaire éta-
blie dans leur ville [V. Orange).
Suivant l'usage adopté par cette
ignare autant que sanguinaire
commission, celui de se dispenser
de toute procédure en envoyant
les victimes à la mort, sous pré-
texte de contre -révolution, Jé-
rôme Chièze, qui comparut devant
elle , avec son frère , le 5 messidor
an II ( 23 juin 1794), fut con-
damné, à l'âge de 72 ans , comme
«contre-révolutionnaire», à périr
sur l'échafaud ; et ils y périrent
effectivement ensemble , le len-
demain. Trois jours après, un
monstre qui faisoit partie de cette
cm
ec-pèce de tribunal, en qualité de
greffier, le nommé Benêts, écri-
voit ( le 9 messidor — 27 juin ) à
un autre monstre nommé Payan :
« Les deux Chièze, prêtres, sont
au nombre des conspirateurs
punis. Cela va bien, et ça ira.
Depuis primidi ( 18 juin ), plus
de soixante scélérats ont courbé
la tête. La guillotine est placée
devant la Montagne ( emblème
figuratif du parti le plus féroce de
la Convention ) : et l'on diroit que
toutes les têtes lui rendent, en
tombant, l'hommage qu'elle mé-
rite. Allégorie précieuse pour de
vrais amis de la liberté ! » {A. J.
F. Chièze.)
CHIÈZE (Joseph-Frédéric de),
prêtre , et chanoine régulier de
l'ordre de saint Pmf, s'étoit retiré
à Orange , où il vivoit avec son
frère dont il vient d'être parlé.
Quoiqu'il n'eût pas plus que lui
prêté le serment de la constitution
civile du clergé , il ne sortit pas
de France , et fut arrêté avec
lui, au commencement de 1794.
Traduit, encore avec lui, devant
la barbare commission, le 5 mes-
sidor an II (23 juin 1794)? il fut
de même envoyé à la mort, sous
la vague accusation de « contre-
révolutionnaire », à l'âge de 69 ans.
Sa tête tomba le lendemain, sur
l'échalnud, avec celle de son frère.
{V . J. Chièze, et M" Cluze.)
CHILON (Michel), prêtre du
diocèse de Rennes , vivoit fort
1 retiré a Romillé , près Montfort-
CHI 45 1
sur-Men. II n'avoit pas cru devoir
se soumettre à l'inique loi de la
déportation , quoiqu'il n'eût pas
fait le schismatique serment de,
1791, et qu'il repoussât, comme
contraire à la Foi, la constitution
civile du clergé. Les agens de la
persécution l'atteignirent , et le
jetèrent dans les prisons de Rennes.
Le tribunal criminel du départe-
ment d'Ille et V Maine', siégeant
en cette ville , et devant lequel il
comparut le 7 thermidor (25 juil-
let 1794)? 'e condamna, comme
« prêtre réfractaire » , à la peine de
mort ; et il fut décapité le même
jour , avec un autre prêtre du
même diocèse, immolé pour la
même cause, et deux vertueuses
catholiques de qui ils avoient reçu
une pieuse hospitalité. [A. J. R.
Toslivint, A'Bedée, et F" Be-
dée.)
CHIRON (Joseph), habitant du
village d'Yzernay , non loin de
Saumur, diocèse d'Angers, con-
servoit sa Foi pure et constante
au milieu des persécutions. Tou-
jours exact dans la pratique de ses
devoirs religieux, il les pratiquolt ,
et ne craignoit pas de manifester
ses pieux sentimens, lors même
qu'il savoit qu'il n'en falloit pas
tant pour être conduit au dernier
supplice. Entraîné, parles événe-
niens de la guerre de la Vendée ,
jusque vers Noirmoutiers ( V.
Vendée), il tomba dans les mains
des féroces ennemis de la religion ,
qui le fusillèrent comme «fana-
CHO
tique », dans cette ville, à la fin
de
C H 1 R 0 TN C EAU ( François-
Laurent Drouellet de), chanoine
de l'église collégiale de Guéret ,
dans le diocèse de Limoges , et né
à Guéret, y étoit resté, quoique
son opposition au schisme de 1791
eût irrité contre lui les impies ré-
formateurs de cette époque. Leurs
successeurs, voulant absolument
détruire ce qui restoit de la reli-
gion catholique, s'animèrent en-
core plus contre ce chanoine, qu i en
étoit un digne ministre, fidèle à la
Foi primitive. Us l'arrêtèrent ; et,
après l'avoir retenu quelques mois
en prison, ils l'envoyèrent, vers
le commencement de 1794? à
Rochefort , pour être , de là ,
transporté sur des plages loin-
taines. Le chanoine Chironceau
fui embarqué sur le navire le
Washington ( V. Piochefort) ,
et mourut bientôt dans le supplice
de cette déportation, à l'âge de
Go ans, en 1794- Nous n'avons pu
savoir où son corps fut inhumé.
( V. J. B. Chevresson, et Cn. A.
Cholet.)
CHOLET (Charles - Alexan-
dre), prêtre et chanoine de la
collégiale de Ligny, dans le dio-
cèse de Toul , y étoit resté après
la suppression des chapitres , et
même après la loi de déportation.
Quoique non-assermenté, il n'étoit
pas obligé à sortir de France , non-
seulement parce qu'il n'avoit pas
été fonctionnaire public dans le
CHO
clergé, mais encore parce qu'il
étoit plus que sexagénaire ( V.
Déportation). Malgré la sécurité
que la loi semblait lui promettre,
il fut arrêté par les ordres des ad-
ministrateurs du département de
la Meuse, dans lequel Ligny se
trouvoit compris; et le tribunal
criminel du département, siégeant
à Saint-MihieJ , le condamna à
être déporté au-delà des mers.
Envoyé pour cet effet à Roche-
fort, au commencement de 1794»
il y fut embarqué sur le navire le
Washington ( V. Rochefort ) ;
et il mourut dans cette doulou-
reuse déportation , à l'âge de 64
ans , en aofit de la même année.
Ses confrères l'inhumèrent dans
l'île à'Aix. ( V. F. L. Chiron-
ceau, et P. H. Cholet.)
CHOLET (Pierrf-Hifpolyte),
prêtre, chanoine de l'église collé-
giale de Montfaucon, dans le dio-
cèse de Reims , et natif de Dam-
vilet, paroisse de celui de Verdun ,
resta dans le premier après la
suppression des chapitres , en
1791. Sa conduile religieuse et
sacerdotale lui attira la haine des
impies ; et il fut mis en réclusion
à Reims dans le courant de 1793.
Bientôt on le dévoua au supplice
de la déportation maritime; et on
le fit partir pour Rochefort, afin
d'y être embarqué. Il le fut sur le
navire le W ashington, au prin-
temps de 1794 ( V. Rochefort);
et il mourut en octobre suivant,
à l'âge d'environ 62 ans. On l'en -
CHO
terra dans l'île Madame. (F.C.A.
Cholet, et... Christiani.)
C HOLLET( Antoine), né en An-
jou vers 1755, prêtre et chanoine
de l'une des congrégations ré-
gulières du diocèse d'Angers, a voit
échappé à toutes les persécutions
précédentes de la révolution , lors-
qu'il fut atteint parles exécuteurs
de la loi du 19 fructidor (5 sep-
tembre 1797)- On l'envoya à Ro-
chcfort où il fut embarqué le icr
août sur ta Bayonnaisc, qui de-
voit le transporter à Cayenne
[V. Guiane). Il y arriva le 29
septembre , et fut relégué dans le
désert de Synnamari , où bientôt
la dyssenterie et les vers s'empa-
rèrent de sa personne. Le supplice
auquel onyétoiten proie, ressem-
bloit à celui dont Baronius parle
au jour, 28 juillet, de son Mar-
tyrotogium , et que Cœlius de
Rhodes, ainsi qu'Apulée, avoit
décrit en disant : Vermibus ex
■putredine exortis intùs infelix
depascebatur (Anliq. lect. L. X,
c. v). On transporta le chanoine
Chollet à l'hospice , où il ne tarda
pas à mourir. Il expira , âgé de
45 ans, le 9 décembre 1798.
{V. B. Chevallier, et J. Co-
lard. )
CHOUILLAGUET (François-
Gilbert), prêtre, religieux Capu-
cin du second des deux couvens
de son ordre à Lyon , sous le nom
de Père Augustin, avoit conti-
nué d'habiter cette ville depuis la
destruction de sou cloître. La red-
CHR 455
dition de Lyon , après le siège
qu'en avoient fait, dans l'été de
1795, les troupes de la Conven-
tion, ayant été suivie de la re-
cherche des prêtres, le P. Augus-
tin fut jeté dans les prisons ( V.
Lyon). Cette farouche commis-
sion révolutionnaire, par la-
quelle tout prêtre qui ne vouloit
pas livrer ses lettres de prêtrise,
et abdiquer par là son sacerdoce,
étoit envoyé à la mort, y con-
damna ce religieux, en l'accusant
d'être « contre-révolutionnaire » ;
et il avoit alors 60 ans. La sen-
tence, rendue le 20 nivose an II
(9 janvier 1794)? fut exécutée le
même jour.
CHRÉTIEN, femme Narret.
{V. M. M. Narret.)
CHRISTIANI (N... ) , curé
d'Inglange, près Thion ville, au
diocèse de Trêves, et né à En-
trange en 1731, avoit été porté par
son affection naturelle pour le lieu
de sa naissance a se faire illusion sur
le crime du serment schismatique
de 1 791. Voulant rester au milieu
de ses paroissiens et près de sa fa-
mille, il fit ce coupable serment :
le même motif humain le dé-
termina aussi à prêter, a la fin de
1 792 , le serment de liberté-éga-
lité. Cependant, Christiani ai-
moit la religion, et en conservoit
la Foi au fond de son cœur. Les
pratiques religieuses auxquelles il
se livroit, ne purent lui être par-
données par les impies; ils l'arrê-
tèrent en lj^3, et le confondant
434 CIS
avec les honorables insermentés ,
ils le condamnèrent à être déporté
comme eux au-delà des mers. Il fut
donc envoyé à Rochefort pour
être embarqué ( V . Rochefort ).
On l'y fit monter le navire le Wa-
shington. Quand il se vit au mi-
lieu de tant de prêtres, illustrés
par la fermeté de leur Foi et de
leur vertu , il rougit de ses foi-
blesses, en fit une sincère péni-
tence, rétracta ses deux sermens.
Devenu par là dès lors semblable
en tout à ses compagnons de souf-
frances, il en fut sans doute ré-
compensé par le Ciel, quand il
mourut dans le courant d'octo-
bre, à l'âge d'environ 63 ans. On
l'inhuma dans l'île Madame.
{V. P. H. Cholet, et N. Claude.)
CHRISTOPHE (Le Frire),
des Ecoles chrétiennes. ( V . Ch
Schair.)
CÏSSON (Henri), curé de
Berre, dans le diocèse d'Aix, y
étoit encore en 1793, sous les
auspices de l'esprit anti- conven-
tionnel qui distinguoit alors la
Provence. Elle fut bientôt subju-
guée ; et tous ceux que les procon-
suls de la Convention y vouoient
à la mort, étoient vaguement qua-
lifiés par eux de « contre-révolu-
tionnaires». Ce fut sous ce titre
que le curé Cisson fut envoyé à
l'échafaud, le 27 frimaire an II
( 1 7 décembre 1 793), par le tribu-
nal criminel du département des
Bouches-du-Rhôns , siégeant à
Marseille
CLA
CL Aï {Le Frère Cèlestin) ,
né à Nismes, en 1766, attaché
à l'ordre des Capucins dans le-
quel il étoit clerc tonsuré, et
n'ayant encore que 24 ans, fai-
soit son noviciat dans leur mai-
son de Nismes , lorsqu'eut lieu
dans cette, ville, le 14 juin 1790,
cette insurrection sanglante qui
coûta la vie à tant de catholiques.
On a pu voir à l'article du P. Be-
noît comment leurs ennemis fon-
dirent sur le couvent des Capucins,
le carnage qu'ils y firent, et les
dévastations dont ils s'y rendirent
coupables. Le frère Cèlestin fut
un des cinq qui, se rencontrant
sur les pas de ces furieux, reçu-
rent la mort pour prix de leur
attachement à la Foi catholique ,
de leur fidélité à leur règle et de
leur zèle pour le salut des âmes [V .
Benoît, Fidèle, Reboul, Siméon
et Glas). Ramenés souvent aux
massacres de Nismes, il nous est
bien difficile de n'être pas reporté
par la mémoire à ce que Nicolas
Coeffeteau, savant Dominicain,
évêque de Dardanie , et nommé
à l'évêché de Marseille, disoit au
xviic siècle , dans la préface de
sa Monarchia Ecclesiœ Catho-
licœ. On ne peut se dispenser
que de le traduire \ Successif Lu-
thero Calvinus, proceila Gal-
liœ, turbo pacis.... Sanguina-
riam Me condidit sectam , <juaz
florentihus Gattiœ rébus cris-
tas erigere haud av.sa , tandem
ver teneram Francisai II et
CLA
Caroli IX œtatem grassandi
occasioncm nacta , christianis-
simum regnum bellis civUi-
bus attrivit. Vbi enim in flo-
rentissimo regno illa desœviit
tempcstas, œquata solo tem-
pia , eversa altarla, effossa
ae-pulchra, trucidati Dei sa-
verdoies, stupratœ suer ce Vir-
gines, supplicia catlwlicis il-
iota, strages editœ , ctrexipse
Carotus IX, non sotùm in-
sidiis appetitus, sed et apertâ
vi oppugnatus est.
CLAUDE (Nicolas), prêtre,
prébende de la cathédrale de
Nanci, né dans cette ville, se
garda bien d'adhérer en aucune
"Bianière au schisme constitution-
nel. Très-conséquent aux prin-
cipes de sa Foi, il montra dans la
suite que rien ne pourroit le dé-
tacher de ses devoirs ecclésias-
tiques. Cette constance, qui sem-
bloit se fortifier à mesure que les
épreuves devenoient plus terri-
bles, lui valut d'être arrêté en
1 795. D'abord jeté dans les prisons
de Nanci, il fut ensuite envoyé
à Rochefort pour y être déporté
au-delà des mers ( V . Rochefort).
On l'embarqua sur le navire (es
Deux Associés; et il succomba
dans les souffrances de cette dé-
portation , le 16 août 1 794 , à l'âge
de 49 ans- Ses confrères l'inhu-
mèrent dans l'île d'Jix. ( V.
Christiani, et P. Cluny. )
CLAUDEL (Dominique-Nico-
las) , prêtre du diocèse de Saint-
CLA 455
Diez où il avoit vu le jour, dans
la paroisse dite La Bresse , étoit
vicaire en celle du Mesnil, près
Remiremont. Il fut obligé de
s'en éloigner, parce qu'il avoit
refusé le schismatique serment de
1791. Les vexations qu'il éprou-
voit pour cette cause , allant tou-
jours en croissant, et contrariant
de plus en plus son zèle, il sortit
de France , lors de la barbare loi
de déportation, en août 1792.
Jlais son ardeur pour le salut des
ûmes , ne tarda guère à l'y rame-
ner; et il s'associa aux travaux
apostoliques d'un vénérable curé
du même diocèse [V . N. Antoine).
Lorsqu'en 1794, dans une de leurs
saintes courses par les montagnes,
ils entrèrent pour prendre quelque
repos dans une auberge à Plom-
bières, il y fut arrêté avec lui,
le 6 avril, vers sept heures du
soir. On a écrit quelque part ,
avec un éloge sans réserve , que les
agens de persécution qui les sai-
sirent , ayant voulu faire subir
le même sort à l'aubergiste et à
sa femme , leur servante s'offrit
pour l'un et l'autre, disant qu'elle
seule étoit coupable d'avoir logé
ces deux prêtres, et que ses maî-
tres n'en avoient nulle connois-
sance. Le dévouement de cette
fille est magnanime ; mais elle
offensoit Dieu par un mensonge.
Le vicaire Claudel fut conduit
avec l'autre prêtre, à Mirecourt;
et le tribunal criminel du dépar-
tement des Vosges, qui siégeoit
28.
/
436 CLA
en celte ville, l'ayant fait compa-
roître devant lui avec son con-
frère, qu'il alloit faite mourir
comme «prêtre réfractaire », con-
damna celui-ci comme « émigré-
rentré », à la même peine de
mort qu'il subit avec lui le même
jour, en déployant la même séré-
nité et le même héroïsme. L'exé-
cution, comme la sentence, eut
lieu le 24 germinal an II (i5 avril
1794), qui, cette année -là, se
trouvait être le dimanche des
Rameaux.
CLAVEL (Antoine) , prêtre du
diocèse du Puy, où il étoit vicaire,
étant écarté de son poste à cause
de son refus du serment de 1791,
s'étoit retiré chez son frère, cul-
tivateur à Craponne, près de la
ville du Puy; et de là, il alloit
porter les secours de son minis-
tère aux catholiques de la contrée
{V. J. B. àbeillon). Il fut épié
dans ses courses apostoliques par
les agens de la persécution; et l'on
sut que son asile étoit chez son
frère. Celui-ci et sa femme furent
arrêtés en même temps que lui.
On les conduisit tous les trois
dans les prisons du Puy. Le tri-
bunal criminel du département
de la Haute-Loire, siégeant en
celte ville , les fit comparoître
ensemble , le 2 messidor an II
(20 juin 1794); et 'a même
sentence qui condamna les deux
autres comme nous allons le
voir ci -après, envoya le prêtre
Clayel périr sur l'échafawd ,
CLA
comme «réfractaire». {V. J. B.
Abeielon.)
CLAVEL (Jean - Baptiste) ,
simple, mais pieux cultivateur,
en la paroisse de Craponne , dans
le diocèse du Puy, contribua beau-
coup, en ce qui le concernoit, à
la gloire que ce diocèse acquit sous
le rapport de la piété en 1795 et
i?94(^. J-B. Abeillon). Il donna
asile chez lui , non seulement à
son frère, vicaire, poursuivi par
les persécuteurs, mais encore, en
passant, à d'autres prêtres dont la
tête étoit menacée. Cette géné-
reuse et sainte hospitalité , dont
sa femme partageoit le mérite
avec lui , fut découverte aux per-
sécuteurs. Ils firent arrêter, et
conduire dans les prisons du Puy,
le cultivateur Clavel , avec sa
femme «t son frère. Tous les trois
furent appelés ensemble , le 2
messidor an II (20 juin 1794),
devant le tribunal criminel de la
Haute- Loire, siégeant au Puy;
et, tandis que les juges envoyoient
le vicaire à la mort comme « prê-
tre réfractaire » , ils prononçoient
aussi la peine capitale contre son
frère et sa belle -sœur, les quali-
fiant de « recéleurs de prêtres ré-
fractaires». [V. J'Aeix.)
CLA\EL (Catherine Boutjn,
femme du cultivateur), demeurant
avec lui à Craponne , dans le dio-
cèse du Puy, égaloit son mari en
zèle pour la religion, et en cha-
rité comme en respect envers les
prêtres sans asile et poursuivis de
CLA
toutes parts pour être mis à mort.
Elle n'eut pas moins de mérite
que lui dans l'asile qu'il leur offrit
en sa maison. Quand on arrêta
le brave Clavel , pour cette bonne
œuvre , sa femme partagea son
sort comme elle partageoit ses
vertus. Traduite avec lui et son
beau - frère , le vicaire Antoine
Clavel, devant le tribunal crimi-
nel du département de la Haute-
Loire, le 2 messidor an II (20
juin 1794)» elle y fut condamnée
aussi à la peine de mort, comme
« receleuse de prêtres réfractaires» .
Sa tête tomba avec celle de son
mari et celle du vicaire Clavel ,
sous la hache de la guillotine. [V.
J" Aux.)
CLAVEL (Lotiis), prêtre du
diocèse d'Avignon , vicaire en la
paroisse du Thor, près d'Avignon ,
ne s'étoit laissé ni séduire par la
constitution civile du clergé,
ni déconcerter dans l'exercice du
saint ministère par la loi de dé-
portation. Il continuoit à le ren-
dre profitable anx catholiques de
la contrée, lorsque la persécution
y devint si violente , à la fin de
179J [V. Orange). Cette vio-
lence s'augmentant chaque jour,
le vicaire Clavel fut arrêté et livré
au tribunal criminel du départe-
ment de V au ci use , siégeant à
Avignon. Ce tribunal le condamna,
le i4 prairial an II (2 juin 1794),
à périr sur l'échafuud, en qualité
de « prêtre réfraclaire » ; et le
jour même il fut décapité.
CLA 4^7
CLAVIÈRE (Jean - Pierre ) ,
curé de la ville de Cau^ade , en
Quercy, diocèse de Montauban ,
né en 1700, à Castelnau-de-Morit-
Ra t i ici* , également en Quercy,
mais au diocèse de Cahors, avoit
acquis par ses vertus et par un
long exercice des fonctions pas-
torales, l'amour et la vénération
de ses paroissiens. Ils ne lui per-
mirent pas de s'éloigner d'eux ,
lors de la loi de déportation ; et il
continuoit encore , en 179^, à leur
administrer les secours de son mi-
nistère. Un concert très- coura-
geux de piété entre le curé et les
habitans , devenoit un spectacle
aussi révoltant pour les révolu-
tionnaires, qu'il étoit édifiant pour
les amis de la religion. Dans une
tristesse commune de l'assassinat
de Louis XVI, les paroissiens du
curé Clavière avoient arboré la
cocarde noire, en déposant celle
de la révolution et de l'impiété.
C'étoit plus qu'il n'en falloit pour
que les persécuteurs les accu-
sassent d'être en état de contre-
révolution ; et ils firent arrêter le
curé avec dix-sept de ses parois-
siens. Ces dix-huit victimes fu-
rent amenées à Paris, d'après la
loi du 27 germinal (16 avril 1794)'
pour être jugées sur leur préten-
due conspiration par le tribunal
révolutionnaire de la capitale.
Toutes comparurent ensemble de-
vant lui, le 5 messidor an II (21
juin 1794 ); elles furent de suite
condamnées à périr le même jour
438 CLA
sur l'éehafaud. La sentence, com-
posée des formules du temps,
porte que ces dix-huit individus
étoient « tous convaincus de s'être
rendus les ennemis du peuple, en
provoquant l'avilissement et la
dissolution de la représentation
nationale, et le rétablissement de
la royauté ; en arrachant la co-
carde tricolore , la déchirant et la
foulant aux pieds, y substituant
la cocarde noire, et voulant forcer
des citoyens à l'arborer; en exci-
tant par leurs discours, propos et
manœuvres , à la guerre civile ; en
faisant des rassemblemens de ci-
toyens sous prétexte de cérémo-
nies religieuses, et se servant du
fanatisme pour appitoyer sur le
sort du tyran , etc. etc. » Les
dix-sept autres victimes furent:
L. Lacroix, R. et J. Delpèche de
Saint -Ton, J. Savit-Labat, J.
Boiris , B. Genibre, P. Moules,
A. Tursan-d'Espagnay , J. F. Pi-
CHOLIER, F. FoL'SSAGRIVE, 11. Bo-
RIE , J. RlETTE , M. Calmette ,
A. A. Bastie, J. et Jîs Casseigne
dit Cabvin , J. Forien {V. ces
noms). Il en fut de l'indignation
avec laquelle, à cette époque, ils
déchirèrent leur cocarde natio-
nale , comme de l'action de ce
«aint Martyr de Nicomédie , dont
parle Eusèbe ( Histor. Ecctes. ,
1. VIII, c. 5), et qui, mû par un
zèle divin, arracha, mit en pièces
un édit impie de Dioclétien, fut
pour cela mis à mort, et se trouve
Honoré par l'Eglise, le 7 septem-
CLA
bre , comme on peut le voir dans
les Martyrologes d'Adon, d'U-
suard, etc., sous le nom de Jean
dans les uns, et de Georges dans les
autres. Ce trait est encore cilé par
Laclance : De Mortibus Perse-
cutorum, c. xm, et par Baluze:
Notœ ad Lactantium. Quand
les administrateurs et juges du
département du Lot avoient été
forcés par la loi du 27 germinal,
de se dessaisir des dix -sept vic-
times dont nous venons de parler,
ils avoient déjà fait périr des prê-
tres sur leur échafaud de Cahors
{V. F. Bergon , Jammes) , et ils
en avoient envoyé cent quatre-
vingts du seul diocèse de Cahors,
à Bordeaux et à Blaye, pour être
déportés à la Guiane. Ceux - là
furent non seulement maltraités ,
mais encore dévalisés en route
par leurs conducteurs. L'embar-
quement de tous ne put avoir lieu,
quand il s'en fit un, qui fut le pre-
mier et l'unique, à la fin de l'au-
tomne suivant. Il en mourut trojs
à Blaye [V. J1' Bessière. Ee Hel-
vert, P. Larnatjdy), et dix à Bor-
deaux {V. J. Bessier, J<!s Boyer,
F. Cambon, P. Delsol, F. Gayet,
J. P. Hauteribe, P. Larribe, J.
Laiîredon, J. Malet, H" Viseav.
— V . aussi H. Ju Gm* Baudcs,
J. Molinier, etc.) Les juges de
Cahors immolèrent encore un
prêtre dans leur ville , deux mois
après la chute de Roberspierre.
(F. J. P. MÉAiET.)
CLAVREUL (N... ), ancien
CLA
curé de la paroisse de la Trinité ,
dans la ville d'Angers, et frère de
Clavreul, curé de Saint-Pierre-de-
Pressigné ( V. l'article suivant),
s'étoit retiré des fonctions pasto-
rales, à cause de son grand âge ,
en 1791. S'il ne fut pas appelé,
comme curé, à prêter le serinent
scikismatique de cette époque , il
n'en étoit pas moins fortement
détourné, par sa Foi, d'adhérer
aux maximes hétérodoxes qui s'y
rattachoient; et l'on n'eut pas tort
de le compter au nombre des
prêtres insermentés. Etant plus
que sexagénaire, lors de la loi
de déportation du 26 août 1792,
il se trouvoit dispensé de sor-
tir de France; mais il restoit
condamné à la réclusion. Il su-
bissoit cette peine avec beau-
coup d'autres prêtres Angevins ,
vieillards ou infirmes, lorsqu'en
novembre 1 790 , les persécuteurs ,
ne pouvant plus souffrir la pré-
sence, l'existence même d'un mi-
nistre de la religion [V . Angers),
apprirent que Carrier, proconsul à
Nantes, avoit trouvé un moyen
expéditif d'en faire périr un grand
nombre d'une seule fois [V . Nan-
tes). Le vénérable Clavreul lui
fut envoyé, avec ses compagnons,
vers la fin de novembre ; et il les
noya tous , au nombre de cin-
quante-huit, avec seize autres,
dans la nuit du 9 au 10 décembre
suivant. Ainsi périrent tant de
Saints dont parle Eusèbe, Hist.
Eccles-, 1. VIII, c. xv ), et que
CLA 4S9
l'Eglise honore comme Martyrs.
C'étoit le supplice que les Romains
avoient autrefois imaginé pour
les parricides. Cicéron en parle
dans son Oratio proRosc. Amer.
Ils y renoncèrent, à cause de sa
trop grande atrocité ; et cepen-
dant, ajoute Gallonius : (Decru-
cialibus Martyrum , pag. 204
de l'édition in-4° de Paris, 1659) :
C hrislianorum tamea aliqui,
eo iterùm adhibito , martyrii
coronâ donati fuére.
CLAVREUL (iV... ), curé de
Saint-Etienne-de-Pressigné , dans
le diocèse d'Angers , et frère du
précédent , ne sortit point de
France , après la menaçante loi du
26 août 1792, quoiqu'il n'eût pas
fait le serment schismalique de
1791. Se trouvant, par son âge ou
ses infirmités, dans le cas de la
réclusion infligée par cette loi,
aux vieillards et aux infirmes, il
fut enfermé , avec son frère et
nombre d'autres prêtres, à An-
gers. On l'en fit partir avec eux,
vers la fin de novembre 1795,
pour aller périr dans une de ces
submersions dont Carrier venoi t de
faire l'essai à Nantes, sur quatre-
vingt-seize prêtres {V . Nantes).
Il fut compris dans la seconde
noyade, qui eut lieu la nuit du 9
au 10 décembre; et sa mort devint
celle de ces confesseurs de la Foi
que l'Eglise honore comme Mar-
tyrs, le 5septembre. [V . ci-devam .
pag. 2o5 et 3 1 7; Chahvigné, d'An-
gers, et Y. Coat.)
44» CLE
CLECH (Augustin), prêtre du
diocèse de Tréguier, né à Ples-
tein , exerçant ses fonctions sa-
cerdotales dans la petite ville de
Lannion , ne voulut point souiller
sa conscience par le serment de
la constitution civile du clergé.
La persécution que ce refus, joint
à sa conduite édifiante et zélée ,
lui attira, ne l'empêcha point
de rester dans la contrée où il
s'etoit dévoué aux besoins spi-
rituels des catholiques. Au plus
fort des violences exercées contre
les prêtres, étant recherché avec
fureur , il trouva un asile secret
chez une charitable femme du
peuple, à Morlaix(^. Ae Leblanc).
Il y fut découvert; on l'arrêta,
avec cette pieuse femme et sa fille.
Tous les trois furent traînés à
Brest ; et le tribunal révolution-
naire de cette ville ( V . J. Abas-
qce) condamna comme « réfrac-
taire » cet ecclésiastique , avec ses
deux généreuses hôtesses, le i3
messidor an II (1" juillet 1794)- Ll
fut exécuté , comme elles, le même
jour, à l'âge de 56 ans. [V. J. M.
Brunellée, et M. E. Forçan.)
CLEMENCEAU (IV...), curé
de l'église paroissiale de Saint-
Castor, à Nismes, et vicaire-gé-
néral du diocèse, étoit né en Bre-
tagne. Dépouillé de sa cure , parce
qu'il avoit refusé le serment de
la constitution civile du clergé,
il devenoit d'autant plus odieux
aux novateurs, qu'indépendam-
ment de ce qu'il ne cessoit d'en-
CLff
tretenir les fidèles du diocèse ,
dans la Foi catholique, il affer-
missoit la constance des prêtres
qui ne l'avoient point trahie par
ce serment. La persécution le
força de sortir de Nismes; et il
vint se réfugier dans la paisible et
dévote paroisse de Naves. Il y fut
arrêté le 9 juillet 1792, avec sept
autres qui s'étoient retirés comme
lui dans ce village, pour le même
motif. Le récit de ce qui leur ar-
riva , dans cette rencontre , est
ailleurs {V . Bravard). On y voit
que ces prêtres venoient de célé-
brer les saints mystères, quand ils
furent saisis , et transférés ensuite
dans la prison des Vans. Une âme
compatissante déplorant en leur
présence les mauvais traitemens
qu'on leur faisoit éprouver, et pa-
roissant surprise de ce qu'ils
avoient la force de les soutenir ,
Clémenceau lui dit aussitôt : «Ne
soyez pas étonnée de notre cou-
rage : nous sortions de dire la
messe quand on nous a arrêtés» :
Ab Ula mensa tanguam icônes
ignem spirantes surgamus ,
facti diabolo formidolosi. ( S.
Joan. Chrvsost- , m cap. v 1, J oan.
Hom. 45). Le pain eucharistique
suffisoit pour leur donner l'ardent
courage dont ils avoient besoin.
Enfin, le 14 juillet 1792, le curé
Clémenceau fut massacré, à l'âge
de 5o ans, avec les sept autres
prêtres, sur la place des Vans , pour
la cause de la Foi. (F. Bonijol, et
Drome. )
CLE
CLEMENT (Le Père), Canne.
[V . C. J. Lallemand.)
CLÉMENT (Jeanne Tregarot,
femme ), animée d'une Foi vive
et courageuse , ne s'étoit point
laissé ébranler par les apôtres de
l'erreur ; et , touchée des malheurs
qu'éprouvoient les ministres ca-
tholiques , poursuivis de toutes
parts , sans trouver où reposer
leur tête , elle en accueillit un
dans sa maison, à Serent, près de
Ploermel , dans le diocèse de
Vannes. Cette action admirable et
courageuse fut découverte ; et la
pieuse femme Clément fut arrêtée.
On la conduisit à Vannes, où sié-
geoit le tribunal criminel du dé-
partement du Morbihan. Tra-
duite devant lu/ pour être jugée,
le 7 prairial an II (26 mai 1794),
elle fut de suite condamnée à la
peine de mort, comme «recéleuse
de prêtres réfractaires » . ( V. J"
Aux. )
CLÉMENT (Etienne) , prêtre
du diocèse de Lyon, né à Saint-
Bonnet-des-Bruyères, en Beaujo-
lais , n'ayant point fait le serment
schismatique , exerçoit encore ,
en 1795, le saint ministère dans
la paroisse d'Aigueperse en Beau-
jolais. Il y fut arrêté immédiate-
ment après le siège de Lyon {V .
Lyon). On le conduisit dans les
prisons de cette ville ; et , le
16 germinal an II (5 avril 1794),
il fut amené devant l'impie et san-
\ guinaire commission qui décimoit
ries Lyonnais. En vain clic le
CLE 441
somma de prêter le serment de
liberté-égalité, et de livrer ses
lettres de prêtrise, pour être brû-
lées, c'est-à-dire d'abdiquer son
sacerdoce : le prêtre Clément se
montra un intrépide confesseur de
Jésus-Christ , et un courageux
ministre de son Evangile. Il fut
condamné à la peine de mort ,
comme «prêtre fanatique, qui
ne vouloit pas se conformer aux
lois » ; et il périt le lendemain, à
l'âge de l\Q> ans.
CLÉMENT (Jacques), curé de
Vervant , dans le diocèse de La
Bochelle, et né dans une paroisse
voisine, en 1754, n'abandonna
point ses paroissiens aux dangers
du schisme, quoique son refus
du serment de la constitution
civile du clergé l'eût fait priver
de son titre de curé. Son atta-
chement pour eux le détourna
de se soumettre à l'inique loi
de la déportation. Mais il fut
arrêté et amené dans les prisons
d'Angoulême. Quand la Conven-
tion , supprimant les tribunaux
extraordinaires de province , au
printemps de 1794? c,Jt ordonné
que tous ceux que, dans les dé-
partemens , on accuseroit de quel-
que délit contre la révolution ,
seroient conduits à Paris , le curé
Clément y fut traîné. Le tribu-
nal révolutionnaire, devant le-
quel il comparut , le 16 prairial
an II (4 juin 1794)? le condamna
à la peine de mort, smis I'accusa-
lion vague, alors employée contre
442 CLE
presque toutes ses victimes, celle
« d'avoir conspiré contre le peuple
français, en provoquant la disso-
lution de la représentation natio-
nale , et le rétablissement de la
royauté». C'étoil ainsi que, sous
l'empereur Maximien , les chré-
tiens avoient été envoyés à la
mort comme ennemis des lois ,
et perturbateurs de la tranquillité
publique. Le curé Clément périt
le même jour.
CLÉMENT (René), prêtre du
diocèse d'Angers , et vicaire à
Breil, y resta pour l'utilité spiri-
tuelle des catholiques, quoiqu'il
lût proscrit, comme insermenté,
par la loi de déportation. On l'ar-
rêta au commencement de 1794»
et il fut conduit dans les prisons
de Rennes. Le tribunal criminel
iVItte et Villaine, siégeant en
cette ville, le fit comparoître de-
vant lui pour le juger, le 16 ger-
minal an II ( 5 avril 1794), en
même temps qu'à Paris, le tribu-
nal révolutionnaire envoyoit à
l'échafaud, Danton et d'autres
ennemis des plus furieux du sacer-
doce. Le vicaire Clément fut con-
damné, le même jour, à la même
peine , en qualité de « prêtre ré-
fractaire » ; et la sentence s'exécuta
le lendemain.
CLERET (IV...), que les listes
imprimées ne nous font connoître
que comme aumônier d'un hôpital
de la capitale , massacré dans la
maison des Carmes, le 2 sep-
tembre 1792, nous laisse le regret
CLE
de n'avoir pu trouver d'autre?
renseignemens sur son compte.
L'humble poste dans lequel il
exerçoit son ministère ne lui per-
mettoit pas d'acquérir de la célé-
brité ; mais il lui fournissoit plus
d'occasions que bien d'autres
d'acquérirbeaucoup de mérite aux
yeux de Dieu. Ce qui devient cer-
tain par le sort qu'il eut, c'est qu'il
n'avoit pas voulu charger sa cons-
cience du serment de la constitu-
tion civile du clergé , et que ,
ferme dans sa Foi devant les ty-
rans du comité de la section aux-
quels il fut amené par les satellites
des persécuteurs, il mérita, par
sa constance invariable dans son
refus du serment, et par consé-
quent dans l'intégrité de sa Foi,
d'être compris au nombre de ceux
qui alloient en être les Martyrs.
(V . Dblad et Septembre.)
CLEYS ( Pierre - Jacques ),
prêtre, l'un de ces dix religieux
de la Belgique dont nous avons
déjà parlé, et que nous avons tous
nommés à l'article de G. F. Bouc-
quart, l'un d'eux, fut enlevé,
comme eux, de son couvent, par
les soldats de la Convention, lors-
qu'ils envahirent cette contrée.
Cinq religieuses {V . R. Beck) , ar-
rachées de même à leur cloître,
furent réunies à ces captifs de
Jésus-Christ; et on les envoya au
proconsul Lebon , qui déployoit
toutes les fureurs sanguinaires de
l'athéisme dans la ville d'Arras
{V. Arkas ). Il se plut à les acca-
CLI
J)ler d'outrages, avant de les en-
voyer à la mort. Son tribunal
révolutionnaire condamna à
cette peine le vénérable Cleys ,
alors 5gé de 60 ans, avec ses dix
confrères et les cinq religieuses,
le i2messidoran II (3ojuin ) 794)-
Le touchant spectacle d'édification
qu'ils donnèrent en allant au sup-
plice , égala ceux qu'avoient offerts
les Martyrs de la primitive Eglise.
Le P. Cleys étoit né à Turde-
gheim. Son père se nommoit Jean-
Baptiste Cleys ; et sa mère , Marie-
Jeanne Dewicque. ( V. S. Chah-
trel, et M. A. Danel.)
CLINCIIAMP (Antoine- Jean
de), prêtre insermenté du dio-
cèse du Mans, prieur de Saint-
André, à Clisson près Nantes, et
demeurant depuis la révolution
à Beaumont-sur-Sarthe, venu à
Paris en 1792, condamné à mort
comme « contre-révolutionnaire»
par le tribunal révolutionnaire,
de la capitale , le 20 avril 1795 , et
exécuté le même jour, mérite une
place dans nos diptyques, en
qualité de prêtre catholique, et
comme attaché à la royauté par
principe de religion. Il étoit
si vivement affecté des malheurs
de l'une et de l'autre, que, sans
penser aux dangers qu'il cou-
roit, il fit imprimer et publier un
écrit dans lequel il étoit dit que « la
religion relèveroit le trône comme
elle l'avoit élevé sous Clovis ; que
l'impiété étoit un torrent qui en-
traîneroit les impies dans une mer
CLU 443
de douleurs, et que Dieu , tôt ou
tard , mettroit fin aux calamités
publiques». Cette brochure avoit
pour titre : Aux. amis de la vé-
rité. On ne sait pas au juste si
l'abbé de Clinchamp en étoit l'au-
teur ; mais on sait bien qu'il en
avoit les sentimens, qu'il en pro-
clamoit les principes, et qu'il vou-
loit qu'elle se répandît pour la
gloire de la religion et le salut de
la France. Arrêté à raison de cet
écrit , dicté par la Foi la plus vive,
il en professa la doctrine devant
ses juges. Comme un des témoins,
appelés pour déposer en sa cause ,
tâchoit de justifier ses intentions,
il l'interrompit avec dignité, en
disant : « Ce sont des impies qui
jugent les chrétiens , comme au-
trefois des misérables ont jugé le
Fils de Dieu »; et aussitôt la sen-
tence de mort fut portée contre
lui. Il marcha avec le courage
d'un Martyr au lieu du supplice ;
et quand il fut monté sur l'écha-
faud, il leva les yeux au ciel , fai-
sant très -ostensiblement à Dieu
le sacrifice de sa vie.
CLUNY (Pierre de) , prêtre et
religieux, Minime, de la maison
de Moulins , province monastique
de Lyon, et diocèse d'Autun , étoit
né à Moulins en 1736. Il résista
aux séductions du schisme consti-
tutionnel ; mais les épouvantables
événemens d'août et de septembre
1 792 , ébranlèrent son courage ; et
croyant acquérir par la un moyen
de sûreté, il fil le serment de fi~
44 i CLU
t>erté - égalité , prescrit à cette
époque. Son illusion se dissipa
lorsque les persécuteurs, voyant
qu'il n'avoit pas entendu sacrifier
sa croyance , l'arrêtèrent en 1 793 ,
et le condamnèrent à être déporté
au-delà des mers. On le traînoit à
Rocliefort, où il devoit être em-
barqué {V. Rochefort), lorsqu'il
tomba dangereusement malade a
Saintes. Ce voyage étoit déjà un
cruel martyre. Pour en mériter
pleinement la palme, il rétracta
le serment qu'il avoit fait, et mou-
rut en digne confesseur de Jé-
sus-Christ, le 16 janvier 179^1
dans la maison de réclusion où il
étoit resté. Ses ossenaens reposent
k Saintes ( V. pag. 2^5). 11 avoit
alors 58 ans. {V . N. Claude, et J.
P. G. F. CoLLAS-DU-LoNGCHAMPS.)
CLUZE (LonsE) , née en 1765,
dans le comtat Venaissin, voulant
se consacrer à la vie monastique ,
sans que sa famille pût faire les
frais de son admission comme re-
ligieuse dans un cloître, étoit en-
trée en qualité de sœur converse
dans le couvent des religieuses du
Saint-Sacrement, à Boulène. Elle
y reçut le nom de Sœur du Bon-
Ange; et, après la suppression
des ordres monastiques, elle resta
avec les religieuses qui conti-
nuoient à vivre en communauté
dans la pratique de leurs saintes
règles. Elle partagea leur sort,
quand celles-ci, en 1794? furent
amenées le 2 mai, au nombre de
quarante-deux, dans les prisons
COA
d'Orange, pour y être immolées
par l'impie commission popw
taire qui alloit s'établir en cette
ville (V. Obange). La sœur Cluze
ne fut pas moins fervente que les
autres religieuses dans leurs dé-
votes préparationsau martyre. Ap-
pelée devant le féroce tribunal, le
24 messidor an II ( 12 juillet 179^)»
avec trois de ces pieuses filles [V .
T. M. Talliend, E. Justamont,
M. Roussillon), malgré son jeune
âge de 29 ans , elle y fut aussi
ferme qu'elles dans la profession
de la Foi et le refus du serment
de liberté- égalité. Les juges la
condamnèrent pour cette raison ,
comme ces trois religieuses , à la
peine de mort, qu'elle subit le
même jour, avec la même cons-
tance et les mêmes sentimens. ( V .
B. Collet. )
COAT (Yves) , curé de la pa-
roisse de Saint-Donatien de la ville
de Nantes, né dans le diocèse de
Saint-Pol de Léon , à Saint-Thé-
gonée, près Morlaix, en 1727,
avoit été précédemment vicaire
dans le village de Mauves , au
diocèse de Nantes, puis dans la
paroisse de Saint-Clément de cette
ville, où il avoit fait ses études
ecclésiastiques, et reçu les ordres
sacrés. Depuis trente ans, il étoit
curé de Saint-Donatien, lorsque
la révolution exigea de lui le ser-
ment de la constitution civile
du clergé. Il le refusa ; et ce pas-
teur, jusqu'alors béni des pauvres,
et vénéré partout, fut voué à la
COA
persécution. Quand sui'vint la loi
de la déportation , ses amis le pres-
sèrent de passer en Espagne :
« Non, leur répondit-il; j'ai plus
de 60 ans ; la loi me laisse , à raison
de mon âge, la liberté de demeurer
ou de partir, et je reste parmi vous.
Je descendrois avec quelques re-
mords au tombeau dans l'exil, si,
étant sorti pour conserver un mi-
sérable reste de vie, j'y apprenois
qu'un seul de mes paroissiens fût
mort sans avoir reçu les sacre-
mens ». Cependant la persécution
devint si alarmante , qu'il crut
devoir ensuite se retirer chez une
de ses parentes, sans cesser d'être
compté par les administrateurs du
département de la Loirc-Infé-
ricure , au nombre des prêtres
qui dévoient être mis en réclusion.
On l'enferma bientôt, avec d'au-
tres sexagénaires, dans l'ancien
couvent des Carmélites de Nantes.
Lorsqu'en juillet 1790, il eut élé
décidé qu'on l'embarqueroit avec
ses confrères pour la déportation
{V. Rochefort), on le mit avec
eux sur un misérable navire où il
eut beaucoup à souffrir. La navi-
gation ne pouvant s'effectuer , on
le ramena dans les prisons où il
resta jusqu'à l'arrivée du proconsul
Carrier en celte ville {V. Nantes).
Ce proconsul le fit retourner avec
ses confrères au même navire; et,
après quelques jours employés à
les dépouiller successivement de
tout , et à leur faire pressentir leur
fin prochaine, ce barbare le fit
coc 445
submerger avec tous les autres ,
dans la nuit du i5au 16 novembre
1793. {V . pag. 20D et 217; Cla-
vreul, d'Angers, et Daconneaii,
de Saint-André.)
COCHON (iY-..), vicaire de la
paroisse de la Trinité dans le dio-
cèse de Saint - Brieuc , âgé de
45 ans , n'avoit pas voulu prêter
le serment de la constitution
civile du clergé. Un jour qu'il
étoit allé dans la paroisse de Plu-
mieux, près Pontivy, il fut sur-
pris par des soldats d'une colorme
mobile révolutionnaire, auprès
du lit d'un malade auquel il
administroit les secours de la
religion. Les soldats le saisirent
et l'emmenèrent aux prisons de
Loudéac , où il fut chargé de
fers et jeté dans un cachot. Le len-
demain, on l'en tira pour le con-
duire au tribunal de Saint-Brieuc ;
mais, avant de le faire partir, un
serrurier vint lui mettre les me-
nottes. Celui-ci les serroit avec
tant de force, que le sang de notre
vicaire couloit de ses poignets
avec abondance ; il ne put s'empê-
cher de lui dire : « Ne serrez pas
tant ; je ne veux pas m'échapper. »
Sur cette remontrance , faite avec
résignation et douceur, le serru-
rier lui répliqua : « Pourquoi te
plaindre ? lu en verras bien d'au-
tres sur la route. » C 'étoit an-
noncer qu'il y seroil assassiné ; et
dès lors il disposa son âme à une
mort aussi prochaine. En passant
par le village de Pontgaut , les
440 coi
soldats qui le conduisoient le firent
entrer chez un prêtre assermenté
des plus fameux du pays, qui lui
dit : « Faites le serment, et je vous
assure la vie. » — « Non , non ,
répliqua notre saint prêtre, je n'ai
pas tant souffert jusqu'à cette heure
pour me damner à ce moment » .
Les soldats l'emmènent ; et à quel-
que distance de là, ils le criblent
de coups de fusil. Son corps fut
porté au cimetière de Plémy : les
habitans de cette paroisse et ceux
des paroisses voisines avoient tant
de vénération pour lui , qu'ils vin-
rent prier et l'invoquer sur la fosse
où il étoit déposé. ( V. Nuirate. )
COEUR -DE -JÉSUS (Sœur
du) , religieuse. ( V . Th. Con-
solier. )
COEUR- DE - MARIE (Sœur
du), religieuse. (V . M* Ae Ha-
NISSET. )
COEUR-DE- MARIE (Sœur
du), religieuse. (V. Me F" Jt?s-
TAMONT. )
COING (Jean-Antoine), prêtre
du diocèse de Mende, vicaire en
la paroisse de Coux-Lubillac, près
Privas, y étoit resté, quoiqu'il
fût dans le cas des prêtres inser-
mentés que la loi du 26 août 1792
avoit bannis de France. Les agens
de la persécution s'emparèrent de
sa personne au printemps de 1 794 ,
et le livrèrent au tribunal criminel
du département de VArdcche ,
établi dans la ville de Privas. Ce
tribunal, devant lequel on l'amena
avec son frère (V . l'article sui-
COL
vant), le 27 messidor an II ( 1 5 juil-
let 1794) ? le condamna ainsi que
lui à la peine de mort, comme
« prêtre réfractaire » ; et Jean-
Antoine Coing fut décapité le len-
demain.
COING (Jean-Louis) , prêtre
Auf diocèse de Mende , frère du
précédent , et vicaire en la paroisse
de Mirabel-des-Granges, près Vil-
leneuve-de-Berg, n 'avoit pas quitté
sa paroisse, malgré la loi de dé-
portation rendue contre les prêtres
insermentés, du nombre desquels
il étoit. Surpris dans l'exercice de
son ministère au printemps de
179^, en même temps que son
frère l'étoit à Coux-Lubillac, il
lui fut réuni dans les prisons de
Privas. Le tribunal du départe-
ment de l'Ardèche , siégeant en
cette ville, les fit comparoître tous
les deux devant lui, le 27 messi-
dor an II (i5 juillet 1794) ; et il
le condamna comme son frère à
la peine de mort, en qualité de
«prêtre réfractaire ». Le lende-
main , ils reçurent ensemble la
récompense de leur fermeté dans
la Foi , et de leur zèle pour les
devoirs du saint ministère.
COLARD (Jean), né vers 1708,
à Dornan, en Franche - Comté ,
étoit curé de Chambornay, dans
le diocèse de Besançon. Il refusa
le serment de la constitution ci-
vile du clergé, en 1791; et les
persécutions que ce refus lui attira
le forcèrent à sortir de France.
Par là il échappa aux supplice*
COL
de 1795 et 1794; mais rappelé
par son zèle pour ses parois-
siens, et mettant trop de con-
fiance dans la modération feinte
du gouvernement, en 1796 et
1797, il vint a Besançon. La ca-
tastrophe du 18 fructidor (4 sep-
tembre 1797) éclata bientôt; et,
en vertu de la barbare loi de dé-
portation qu'elle produisit le len-
demain, le curé Colard fut ar-
rêté pour être déporté a la Guiane
( V. Guiane ). On l'envoya au
printemps de 1798 à Rochefort ,
où il devoit être embarqué. Il le
fut , le 1" août , sur la corvette la
Bayonnaise, qui le jeta dans le
port de Cayenne le 29 sep-
tembre. Dès son arrivée dans cette
ville, on le relégua dans le dé-
sert de Konanama. La contagion
qu'exhale cette terre dévorante
investit presque aussitôt ce curé.
Il expira le 21 octobre 1798, à
l'ûge de 60 ans. {V. A. Chollet,
et J. N. Colus. )
COLLAS-DU-LONGCHAMPS
( Jacques - Philippe - Guillaume-
François), prêtre de la ville de
Vimoutiers, en Normandie, dans
le diocèse de Lisieux, étant né à
Vimoutiers même, continua d'y
demeurer après l'établissement du
schisme de 1791. Comme il en
repoussoit les principes , et n'en
partageoit pas les actes, il fut si-
gnalé auxpersécuteurs qui, voyant
en lui une Foi invincible, se dé-
terminèrent à l'arrêter en 179^,
et ensuite à l'envoyer à Rochefort
col 44;
pour être déporté sur des plages
lointaines. Il fut embarqué sur le
navire les Deux Associés {V .
Rochefoht). Les souffrances qu'on
y enduroit surpassèrent ses forces,
quoiqu'il se trouvât dans la vigueur
de l'âge. Il mourut à 36 ans , le 8
septembre 1794- Ses confrères
l'inhumèrent dans l'île Madame.
{V . P. Cluny, et... CoLLiGNON,de
Grimaucourt. )
COLLET (N...), curé de Voi-
nemont, dans le duché de Lor-
raine, au diocèse de Nanci , fut
expulsé de sa cure pour avoir
refusé de prêter le serment sché-
matique de 1791. La loi du 26
août 1792 le fit ensuite sortir de
France , comme insermenté. Il
crut pouvoir y rentrer sans trop de
risque, pour exercer son zèle,
après ce fameux événement du
neuf thermidor (27 juillet 1 794),
à la suite duquel les factieux triom-
phateurs se vantoient d'avoir dé-
truit l'auteur de toutes les tyran-
nies et de toutes les persécutions.
A la faveur de la feinte modération
qu'ils affichèrent, le curé Collet put
s'occuper du salut de ses parois-
siens , et de beaucoup d'autres
catholiques des environs; mais la
modération étant trop pénible aux
dominateurs, ils revinrent à leur
précédente fureur contre les prê-
tres non-assermentés, et la léguè-
rent au Directoire, qui la ranima
d'une manière affreuse après son
18 fructidor (4 septembre 1797).
Le curé Collet fut alors arrêté et
448 COL
livré au tribunal criminel du dé-
partement de la Mcurlhe, sié-
geant à Nanci, qui sembloit ne
vouloir le condamner que comme
«émigré-rentré ». Une sorte de
voix publique , officieusement
mensongère, lendoit à faire croire
aux juges qu'il n'étoit pas sorti do
France ; mais on exigeoit qu'il
trahît de même la vérité. Ici l'on
vit se renouveler ce qui s'étoit
passé à la condamnation de saint
Fia vieil, que le juge de Carthage
ne deyoit condamner qu'autant
qu'il seroit certain que Flavien
étoit diacre. Plusieurs citoyens,
qui vouloient le sauver, signèrent
une déclaration par laquelle ils
attestoient le contraire. « Avouez
la vérité, dit le juge. — La vérité,
reprit aussitôt Flavien, est que je
suis diacre » . Et il Tut sur-le-champ
condamné à la mort ( Ruinai t ,
Acta Martyr. ). Tels furent la
conduite et le sort du curé Collet.
{F. Anecd. Chrét., 2e édition ,
1801.) La peine capitale fut por-
tée contre lui le 1 1 nivose an VI
(5i décembre 1797); et il la su-
bit le 1er janvier 1798. ( V. An-
grand d'Alleray.)
COLLET (Bernard), prêtre,
religieux Récollet du diocèse d'O-
range , retiré , depuis l'abolition de
gon ordre, dans la paroisse de
Camaret, près de la ville épisco-
pale , y pratiquoit sa religion ,
et exerçoit encore son sacerdoce,
lorsqu'à la fin de 1795, la persé-
cution fondit avec toutes ses fu-
COL
reurs sur le comtat Venaissin. Le
P. Collet fut saisi et amené dans
les prisons d'Orange. La sangui-
naire commission populaire qui
s'établit bientôt dans cette ville
( V . Orange ) , ayant fait compa-
roîlre devant elle ce religieux, âgé
de 66 ans, l'accusa vaguement
d'être un « contre - révolution-
naire » , par cela seul qu'il étoit
prêtre; et le condamna, comme
tel, à périr sur l'échafaud. Cette
condamnation, portée le ^ther-
midor an II ( 1" août 1794) ■> fut
exécutée le lendemain. ( V . A.
Combette.)
COLLET ( Jean - Marcellin) ,
curé de la paroisse de Montfaucon,
près d'Issengeaux , dans le diocèse
du Puy, ayant été dépouillé de sa
cure pour son refus du serment
de 1791 ; et se trouvant trop per-
sécuté dans sa province , où , mal-
gré la loi de la déportation, il étoit
resté pour les besoins spirituels de
ses paroissiens, vint à Lyon, où
la contenance de cette ville contre
la Convention promettoit quel-
que sûreté aux prêtres catho-
liques. Mais , lorsque Lyon suc-
comba , et que la Convention
en fit décimer les habitans ( V.
Lyon), le curé Collet fut arrêté,
comme tant d'autres prêtres et
personnes consacrées à Dieu. Tra-
duit, le 5 pluviôse an II (24 jan-
vier 1794), devant la farouche
commission révolutionnaire, il
y fut de suite condamné à périr
sur l'échafaud , comme « fana-
COL
tique, et, comme contre-révolu-
tionnaire » , suivant l'esprit des
persécuteurs de cette époque.
COLLIGNON (iV...), curé de
Grimaucourt, paroisse du diocèse
de Verdun , natif des environs
d'Etaing, dans le même diocèse,
conserva l'amour de ses devoirs,
lors des persécutions de 1791, et
resta près de ses paroissiens, dans
la même province , alors nommée
le département de la Meuse. Il
devint la victime de son zèle pas-
toral, en 1795. On le jeta dans
les prisons de Verdun ; et , quand
les prêtres non -assermentés qui
y éloient avec lui furent envoyés
à Rocliefort pour être déportés
à la Guiane , Collignon par-
tit forcément avec eux. Il fut
embarqué sur le navire le Wa-
shington {V. Rochefort); mais
il ne put supporter long - temps
les maux qu'on y enduroit. Il
mourut le 5i août 1794» « l'âge
de 45 ans , et fut enterré dans l'île
Madame. [V . J. P. G. F. Collas-
DU-LoNCCHAMPS, et COLLIGNON ,
d'Heudicourt.)
COLLIGNON {N...), oncle du
précédent, curé d'Heudicourt,
paroisse du diocèse de ïoul ,
et né aux environs d'Etaing ,
dans le diocèse de Verdun ,
en 1711, ne pouvoit, à raison
de son grand âge , être condamné
qu'à la réclusion par les ennemis
de la Foi et de- son ministère.
Après être resté quelque temps
enfermé à Verdun ? il n'en fut pas
2.
COL 449
moins condamné à être déporté
au-delà des mers; et, vers la fin
de 1793, on le fit partir à cet effet
pour Rochefort {V . Rochefort).
Il y fut embarqué, au printemps de
1794» sur le navire le Washing-
ton, et ne put résister aux souf-
frances de l'entrepont de ce bâti-
ment. Il rendit son dernier soupir
dans le mois d'août suivant, à l'âge
de 82 ou 84 ans ; et son corps fut
inhumé dans l'île d'Aix. ( V .
Collignon, de Grimaucourt, et
J. Collin, curé.)
COLLIN (iV...), curé dans le
diocèse de Langres , dont on ne
trouve que le nom de famille sur
le registre de l'état civil de Paris,
où il est inscrit parmi les victimes
sacerdotales immolées dans la
maison des Carmes, le 2 sep-
tembre 1792, nous paroît s'être
réfugié dans la capitale , après
avoir été expulsé de sa cure pour
le refus du serment de la consti*
tution civile du clergé. Il est
évident, par la marche connue
des persécuteurs d'alors, qu'à Pa-
ris même il étoit connu pour n'a-
voir pas voulu trahir sa Foi par
un tel acte , puisqu'il fut arrêté
comme prêtre insermenté, dans
les jours qui suivirent le fatal
10 août 1792. Comme on n'em-
pi-isonnoit, les prêtres qu'après le
nouveau refus qu'ils faisoient du
serment devant le comité, il de-
vient certain que le curé Collin y
donna cette seconde preuve de la
fermeté de sa Foi, puisqu'il fut
29
4jo COL
ensuite enfermé dans l'église des
Cannes {V. Dulau). Le motif de
son emprisonnement fut celui de
sa mort; et il est justement présu-
mable que, lorsqu'il fut massacré
par les assassins, avec tant d'autres
confesseurs de Jésus - Christ, le
a septembre suivant, il mourut
avec la volonté de périr plutôt
que de trahir sa Foi. (f . Sep-
iembpe.)
COLLIN (Jean), curé de Lan-
dremont, paroisse du diocèse de
Trêves, dans le cercle du Bas-
Rhin, ayant refusé le serment
schismatique de 1791, et n'étant
point sorti de France après la loi
de déportation , fut arrêté en
1^95. On l'envoya de suite dans
les prisons de Metz. Après y
être resté quelques mois, il fut
condamné à être déporté au-delà
des mers ; et on le fit traverser
péniblement toute la France , pour
l'embarquer à Rochefort. Il y fut
mis sur le navire le H^ashington,
au supplice duquel il ne résista pas
long-temps (V. Rochefort). Dans
le courant de septembre 1794? il
rendit son dernier soupir, à l'âge
de 4-5 ans, et fut enterré dans'
l'île Madame. {F. Collignon,
d'Heudicourt, et J. Colon, Cor-
delier. )
COLLIN ' ( N...), prêtre de
la congrégation des Missions de
Saint- Lazare, dans la maison de
Versailles , ayant conservé sa cons-
cience pure des erreurs schisma-
tiques et du serment de 1791, fut
COL
arrêté inhumainement comme
prêtre réfraclaire, après l'horrible
attentat du 10 août 1792. On
l'enferma, avec huit autres, dans
le bâtiment des écuries de la Reine
[V. J. Gallois, et Gruyer) , et, le
8 septembre suivant , les assas-
sins chargés d'immoler les prêtres
vinrent l'y massacrer, ainsi que ses
confrères, de la même manière
que l'avoient été, quelques jours
auparavant, les prêtres de Paris
qui avoient refusé le serment.
( V . Septembre. )
COLLIN (Gabriel), prêtre, né
à Clermont en Auvergne, n'étoit
point sorti de France à la fin de
1 792 , malgré la loi de déportation
rendue contre les prêtres non-
assermentés, du nombre desquels
il étoit. Les besoins des fidèles
l'avoient retenu dans son diocèse.
Il y fut arrêté en i?93; et, l'an-
née suivante, on le fit conduire
à Bordeaux, d'où il devoit être
déporté à la Guiane ( V . Bor-
DEArx). Le fort du Ha fut la prison
dans laquelle on l'enferma pendant
que se faisoient les préparatifs de
l'embarquement, qui ne furent
achevés que vers la fin de l'au-
tomne. Dans l'intervalle, le prêtre
Collin dont le Ciel vouloit abréger
les souffrances , approcha du terme
de la vie ; et, quand on le vit ex-
pirant, on le transporta à l'hôpital
de Saint-André, où, continuant
d'être captif pour la cause de
Jésus-Christ, il cessa de vivre, à
l'âge de 57 arts, le 26 août 1794-
COL
{V. C. Charreyras , et J. B. Com-
paq.)
COLL1N (Jean), prêtre, reli-
gieux Cordelier du couvent de
ïoul, définiteur perpétuel de sou
ordre, et custode en la province
de Lorraine, y donna l'exemple
de la constance dans la Foi catho-
lique , en refusant le serment de la
constitution civile du clergé.
Malgré la persécution dont il avoit
attiré par là sur lui les regards, il
n'en resta pas moins dans le dé-
partement de la Meurt fie, où il
rendoit son ministère et ses lu-
mières fort utiles aux fidèles. En-
lin il fut arrêté ; et on le jeta dans
les prisons avec d'autres prêtres
qu'on se proposoit d'exposer aux
périls mortels d'une déportation
maritime. Il partit en effet avec
eux pour Rochefort ; et il y fut
embarqué , en 1794 > sur le navire
ies Deux Associés [V. Roche-
fort). Déjà épuisé par les souf-
frances de la route, il ne put sou-
tenir que peu de temps celles de
l'entrepont de ce bâtiment : i!
expira le 19 août 1794 > à l'âge
de 5i ans. On l'enterra dans l'île
Madame. Il étoit né à Beaufre-
mont, dans le diocèse de ïoul.
( V. Collin, curé, et J. Co-
lorer.)
COLLIN-DE-GENEVRIÈRES
(Nicolas), prêtre du séminaire
de Saint-Firmin , étoit resté aussi
ferme dans sa Foi que le supé-
rieur de cette maison [V . Le Fran-
çois), lors des épreuves aux-
COL 451
quelles les prêtres furent mis en
1791 par l'innovation de la cons-
titution civile du clergé. Il se
montra aussi constant que lui dans
le refus du serment par lequel on
exigea, le i3 août 1792, qu'il
s'engageât à la maintenir, ne vou-
lant pas même y adhérer ; et on
le réduisit à la condition de pri-
sonnier dans ce séminaire-là même
qu'il habitoit. Dès lors, il prévit
comme beaucoup d'autres prêtres
qu'on y enferma pour la même
cause , qu'il étoit destiné à sceller
la Foi de son sang, et se prépara
au sacrifice de sa vie pour elle. Il
fut immolé avec ses confrères en
sacerdoce, et ses égaux en vertus,
le 3 septembre, à l'âge de 60 ans.
[V . Septembre.)
COLLI1N (Thomas), prêtre du
diocèse de Séez, vicaire à Avril-
ley, près Domfront, étoit resté
ferme dans sa Foi , en refusant le
serment de 1 79 1 ; et , bravant la loi
de la déportation pour continuer
d'être utile aux catholiques de sa
province, il exercoit encore à la
fin de 1793, son ministère dans
la paroisse d'Avrilley. Il y fut saisi
parles troupes qui luttoient contre
l'armée royale et catholique
de la Vendée {V. Vendée). Ces
troupes le conduisirent à Saint-
Malo , où une commission mili-
taire le fit fusiller, sous le vague
prétexte qu'elle employoit contre
toutes ses victimes, celui de les
qualifier indistinctement de « bri-
gands de la Vendée ». La sen-
29.
45a COL
tence est du 21 nivose an II ( 10
janvier 1794)-
COLLOT ou COLLOZ (Jean-
Marie), prêtre, religieux Béné-
dictin du monastère de Verdun ,
archiviste et bibliothécaire de cette
ville, prieur de Saint-Héry, et né
dans le duché de Bouillon, en
1 722 , étoit trop attaché à l'Eglise
catholique pour n'être pas accusé
d'avoir regardé comme un événe-
ment qui lui seroit favorable, la
marche de l'armée prussienne
contre celle de la révolution, en
septembre 1792- Les prêtres et
chanoines du diocèse de Verdun
furent alors forcés à peu près mi-
litairement par le roi de Prusse
et ses officiers , à reprendre leurs
fonctions ; et ils les reprirent avec
zèle. Mais cette protection les
abandonna bientôt ; et la Con-
vention rendit, le 9 frimaire an II
(29 novembre 1793), un décret
qui les expulsoit formellement de
France , ne leur laissant que trois
jours pour en sortir, et pronon-
çant d'avance contre eux la peine
de mort, si, après ce terme, ils
y étoient découverts. Dom Collot
et quelques autres le furent [V.K.
E. Corbière, J. Gosscrx, G. Le-
FEVRE, Ch HERBILLON, N. MaR-
tin). On l'arrêta, et on l'amena
comme eux à Paris, pour y être
jugé par le tribunal révolution-
nuire. Il comparut avec eux de-
vant lui, le 5 floréal an II (24
avril 1794) > et> à l'âge de 72 ans,
il s'y entendit condamner, ainsi
COL
qu'eux, à la peine de mort, comme
« complice de manœuvres ten-
dantes à livrer aux ennemis la
place de Verdun ». Il périt «e
jour-là même. [V. Septembre.)
COLOBER (Julien), prêtre,
aumônier du monastère des reli-
gieuses Lrsulines de la ville de
Vannes, et natif d'Arzano , pa-
roisse du diocèse de Vannes, se
garda bien de compromettre sa
Foi en prêtant le serment schis-
matique de 1791. Sa conduite ul-
térieure fut en tout celle d'un mi-
nistre zélé pour l'Eglise catholique
et le salut ses enfans. Les persécu-
teurs se saisirent de sa personne
dans sa province, dite le départe-
ment du Morbihan, où il étoit
resté , et le firent conduire à Ro-
chefort, pour qu'il fut déporté au-
delà des mers. On l'embarqua sur
le navire les Deux Associés
(P. Rociiefort) ; et il succomba
sous le poids des souffrances , à
l'âge de 56 ans, le 22 août 1794»
Son corps fut inhumé dans l'île
d'Aix. {F. J. Collin, Cordelier,
et... Comcs.)
COLOMB AN {Le Père), reli-
gieux Franciscain. {V . Jh J. B. F.
Guérik.)
COLOMNE (Athanase de),
prêtre , religieux Capucin , de
Franche-Comté, ne voulut point
trahir sa Foi par la prestation du
serment schismatique de 1791.
Son zèle pour le maintien de la
doctrine catholique lui attira de
violentes persécutions. Il fut ar-
COL
rt'té, et jeté dans les prisons de
Dôle, où il mourut, en 1793,
avant que d'être conduit à Pécha-
faud. Saint Cyprien , d'après ce
que nous avons cité de lui , auto-
rtsoit à le regarder comme Mar-
tyr; et il fut mis dans une liste
qu'on publia de ceux de la France,
à Rome, en 1794, avec l'autori-
sation du souverain pontife. {V .
Augier, de Montmorillon.)
COLLS (J ean- Nicolas) , né à
Vomecours» dans le diocèse de
Nanci, en 175 1 , étoit curé dans
son pays natal, à l'époque de la
révolution. Il mérita la haine des
impies réformateurs, par son re-
fus de leurs sermens anti - reli-
gieux de 1791 et 1792; mais il
put échapper à leurs grandes fu-
reurs de 1793 et 1794- Trompé
par la tolérance manifestée les
années suivantes, il se livra à son
zèle, fut remarqué; et lorsque la
catastrophe du 18 fructidor (4
septembre 1797) eut éclaté, et
que le lendemain eut produit la
loi de déportation à la Guiane ,
Colus fut recherché : on l'arrêta;
et, dans l'hiver, on le fit conduire
à Rochefort pour y être embarqué
[V . Guiane). Il le fut sur la fré-
gate la Charente, le 12 mars
1798, d'où, le 25 avril suivant,
il passa sur la frégate la Décade.
Durant la traversée, et dans le lieu
de son exil, il conserva une sérénité
etune égalité de caractère inexpri-
mables. Arrivé dans le port de
Cuyennc, au milieu de juin, U
COM 455
fut relégué dans le canton d'Ap-
prouague, où la contagion, l'at-
taquant intérieurement, le jeta
dans un état de tristesse qui s'ac-
crut à mesure que ses besoins
augmentoient. Il mourut de cha-
grin et de misère, en décembre
1794, à l'âge de 47 ans. [V . J.
COLARD, et J. CoMBAUT.)
COMBAUT (Jean), né en 1754,
à Saint-PoI-de-Léon, en Basse-
Bretagne , étoit vicaire dans cette
ville, à l'époque de la révolution.
Il ne se souillad'aucun serment ré-
volutionnaire , et continua d'exer-
cer son zèle avec succès dans la
province, sans que les persécu-
teurs pussent s'emparer de sa
personne. La paix trompeuse dont
jouit l'Eglise en 1796 et 1797 fut
un piège mortel pour le vicaire
Combaut, qui ne se croyoit plus
obligé de se cacher. La crise poli-
tique du 18 fructidor (4 sep-
tembre 1797) survint; et, le len-
demain, tous les prêtres non-asser-
menlés furent condamnés à la dé-
portation par une loi {V. Guiane).
Combaut, après avoir échappé à
tous les dangers des terribles an-
nées 1 793 et 1 794 , finit par deve-
nir une des victimes de la nou-
velle persécution. Il fut arrêté ;
on le conduisit à Rochefort, où,
le 12 mars 1798, on l'embarqua
sur la frégate la Charente , de
laquelle il passa sur la frégate la
Décade, le 2 5 avril. Celle-ci le dé-
posa dans le port de Cayenne , vers
le milieu de juin ; et de Cayenne «
454 COM
on l'envoya de suite dans le désert
de Konanama. Parmi les fléaux
innombrables de cette terre ho-
micide, celui qui s'attacha au
vicaire Combaut fut le scorbut,
auquel se joignit une bydropisie
formée presqu'à l'instant. Il mou-
rut de l'une et de l'autre maladie ,
le 9 octobre suivant, 1798. Son
.Ige n'étoit que de 44 ans- (P- J« N.
Colus, et.l. B. Covrctère.)
COMBETTE (Antoine), prêtre
et religieux Bécollet d'Embrun,
exempt du tort d'avoir fait le
schisinatique serment de 1791,
étoit venu , après la destruction
de son ordre , exercer le saint mi-
nistère dans le diocèse d'Orange.
Quand la persécution s'y déchaîna
avec toutes ses fureurs au com-
mencement de 1794? ^ fut arrêté,
et amené dans les prisons d'O-
range ( V. Orange). La féroce
commission 'populaire qui s'y
établit, le ût comparoître devant
elle le 6 thermidor an II (24 juil-
let 1794), avec un prêtre plus
qu'octogénaire ( V. Sylvestre).
Conformément au parti qu'elle
avoit pris de se dispenser de toute
formalité, en accusant vaguement
de contre - révolutionnaires la
plupart des victimes qu'elle en-
voyoit à la mort , le religieux
Combette fut condamné comme
« contre-révolutionnaire » , à périr
sur I'échafaud ; et, le lendemain,
il périt à l'âge de 69 ans. {F. A.
Délaye.)
COMPAN (Jean -Baptiste),
COM
prêtre du diocèse de Pamiers, né
à Dallon , et vicaire à Gudas , près
Pamiers, ne fit point le serment
schismatique de 1791, et y resta
pour les besoins spirituels des ca-
tholiques , malgré la loi de dé-
portation rendue le 26 août 1792
contre les prêtres insermentés.
Les agens de la persécution l'ar-
rêtèrent; et, au printemps de
1794, ils l'envoyèrent à Bordeaux
pour en être déporté au-delà des
mers (V. Bordeaux). Les embar-
quemens n'y commencèrent que
vers la fin de l'automne, trois
mois après la chute de Robers-
pierre ; et le nombre des prêtres
embarqués alors étoit si grand,
qu'on fut obligé d'en laisser en-
core beaucoup à Bordeaux. Com-
pan resta dans le fort du Ha, où
il étoit détenu ; mais le Ciel sem-
bla venir à son secours pour tei-
miner son martyre. Ses forces
affoiblies le rapprochoient de sa
fin. On le transporta dans l'hôpital
de Saint-André; et il y rendit son
dernier soupir, à l'âge de 56 ans,
le 14 décembre 1794. {V . G. Col-
lin, et B. Conbret.)
COMTE (IV...), l'un des plus
jeunes chanoines de l'église ca-
thédrale de Montpellier, n'étant
même encore que sous -diacre,
en 1791, promettoit aux autel6
un digne prêtre en sa personne.
11 fui retardé dans son avance-
ment vers le Saint des saints, par
le trouble que le schisme de la
constitution civile- du clergé
COM
vint mettre dans le sanctuaire,
La loi du serment ne le concer-
noit pas ; et il ne pouvoit être
soumis a celle de la déportation
des insermentés. Il resta donc à
Montpellier, sans avoir un juste
motif d'en craindre les formida-
bles menaces. L'attachement qu'il
manifestoit pour la Foi catholi-
que le rendit d'autant plus odieux
aux impies que, dans une occa-
sion oi'i ils l'en pressèrent, il avoit
refusé ce serment. Après que l'a-
théisme se fut débordé avec toutes
ses fureurs, en novembre 1793,
le sous- diacre Comte fut enlevé
de sa demeure, le 26 décembre,
et livré au tribunal criminel du
département de Y Hérault , sié-
geant à Montpellier [V. v* Bal-
lard). Quatre jours après, on le
traduisit devant les juges, qui le
condamnèrent à la mort, comme
«prêtre réfractaire » , le i3 nivose
an II (2 janvier 1794)- Ce jeune
confesseur de la Foi se montra
vivement animé par elle, en mar-
chant à l'échafaud. Il y périt à
l'âge de 26 ans, et fut le premier
des ecclésiastiques que les persé-
cuteurs firent immoler dans cette
ville. Si les vétérans du sacerdoce
qui le suivirent purent envier à
ce jeune lévite l'honneur de leur
avoir ouvert àinsi la marche au
martyre , celui-ci put regretter de
n'avoir pas été le premier à don-
ner à Montpellier, le spectacle
d'un catholique allant a la mort
avec un saint héroïsme. Il y avoit
COM 455
été précédé de cette admirable
manière par un jeune officier de
marine que nous avons connu ,
dont nous avions admiré plus
d'une fois la piété, et qui s'appe-
loit Ferrary de Romans. Il étoit
de Lyon, et sembloit avoir hérité
des vertus d'un frère , prêtre et
chanoine, mort en réputation de
sainteté onze ans auparavant. Le
jeune marin avoit embrassé le
bourreau avec douceur, et même
reconnoissance ; et quand il avoit
été au moment de porter sa tête
sous l'instrument de mort, il avoit
déclaré hautement qu'il mouroit
pour sa religion comme pour son
roi. {V. Bernardon, et le P. Ga-
LABEET.)
COMTÉ ( François Guislain
de la) , laïc. {V. F. G. Boxjcquel.)
COMUS (iV...), curé de Bam-
bercourt- aux- Pots, paroisse du
diocèse de Toul, près Bar-le-
Duc, s'attira, par sa conduite
sacerdotale , la haine des im-
pies réformateurs. Besté dans sa
province, devenue le départe-
ment de la Meuse, il fut mis en
prison; et, vers la fin de 1793.
tout figé qu'il étoit, les persécu-
teurs l'envoyèrent à Bochefort,
pour y subir la peine d'une dé-
portation maritime ( V . Boche-
fort). A peine arrivé dans cette-
ville, il tomba dangereusement
malade , et ne put être embarqué.
Ce fut là que se consomma soîj
martyre. Il y mourut à l'âge de
70 ans, comme ce vénérable Hé-
456 CON
liodore de Perse, dont l'article de
Ch Botgarel nous a donné l'occa-
sion de parler. ( V. J. Colober,
et P. A. Constant.)
CONBRET (Benoît), prêtre du
diocèse de Clermont en Auvergne,
né à Chaurîat , près de Billom ,
n'avoit point fait le serment de
1791 ; et les besoins spirituels du
diocèse l'y avoient retenu, malgré
l;i terrible loi delà déportation des
prêtres insermentés. On le fit jeter
dans les prisons en 1795; et, au
printemps de 1794, on l'envoya
à Bordeaux pour en être déporté
au-delà des mers [V . Bordeaux).
Il y fut enfermé dans le fort du Ha,
en attendant le jour de l'embar-
quement, qui n'arriva que vers la
fin de l'automne, trois mois après
la chute de Roberspierre. Cepen-
dant cet ecclésiastique ne fut
pas compris alors dans le grand
nombre de prêtres qu'on fit mon-
ter sur les navires de la déporta-
tion. II resta dans le même fort,
où ses souffrances ne furent pas
moindres que celles des déportés.
Elles l'accablèrent ; et l'on fut
obligé de le transporter à l'hôpital
de Saint-André, où, sans cesser
d'être captif, il expira ie 14 dé-
cembre 1794* à l'âge de 48 ans.
( V. J. B. Compan, et J. M.
Coitixon.)
CONDAMINE ( Antoine-
Pierre), vicaire-général. ( V. A.
P. Lescure.)
CONGRÉTELLE ( Oiivier ) ,
simple laboureur, mais excellent
CON
catholique de laparoisse de Plemec,
dans le diocèse de Saint-Brieuc ,
rcndoit abondamment à sa famille
les exemples de religion qu'il en
recevoir. Lorsqu'il vit son curé
chassé en 1791, par suite du re-
fus que celui-ci avoit fait de prêter
serment à la constitution civile,
du clergé, il accourut pour lui de-
mander comment il devoit se con-
duire en son absence, dans les cir-
constances d'alors. Le curé lui
répondit : « Votre devoir est de ne
jamais assister à aucune fonction
d'un prêtre jureur; de ne prendre
aucune part aux affaires civiles; et
surtout d'éviter de faire aucun des
sermens qu'on vous proposera. »
— « Mais , reprit l'ingénu Congré-
telle, s'il y va de ma vie , que faut-
il que je fasse ?» — « Mourir ,
répliqua le curé ; mourir plutôt
que de pécher. » — « Eh bien ,
ajouta ce bon paysan, Dieu nous
en donnera la force. » On verra
qu'en effet Dieu la lui donna. Con-
grételle étoit, par sa piété, par
son inflexible attachement à la
Foi catholique , le modèle de tout
le canton. Ce fut par principe de
religion qu'il se rendit utile aux
royalistes qui faisoient la guerre
aux républicains, dans cette partie
de la Bretagne. En servant la
cause du Roi, il croyoit servir
celle de Dieu. Congrételle étoit en
prières dans un champ , lorsqu'une
colonne de soldats républicains,
qui passoit dans le voisinage ,
donna perfidement un signal qui la
CON
fit prendre pour-royaliste. Congré-
telle se lève , et se rapproche d'elle.
Il ne s'est pas encore aperçu de sa
méprise, que déjà les soldats l'ont
saisi , et l'emmènent. A peine est-il
sous la halle de Plemec, qu'ils l'y
fusillent. Trois balles l'ont frappé
sans le l'aire mourir. Les assas-
sins le portent dans un jardin du
voisinage, et le jettent dans un
fossé où son corps, posant inéga-
lement, souffre de cruelles dou-
leurs. Il les supplie de lui étendre
les jambes ; et, au lieu de lui
rendre ce service, les monstres
les lui cassent à coups de bêches ,
et le couvrent de terre. Pendant
ce dernier supplice , il ne cessoit
de demander à Dieu miséricorde
pour lui-même, et grâce pour ses
bourreaux. Le curé de Plemec, de
qui il avoit si généreusement suivi
les conseils jusqu'à la mort, re-
grette encore aujourd'hui ce digne
paroissien. Quand même Congré-
telle sembleroit à quelques roya-
listes, n'avoir été victime que de
leur cause, il ne l'est pas moins,
au fond , et très - essentiellement
de celle de la religion , qu'il eut
en vue dans toute sa conduite.
CONIN (Louis -Marie), cha-
noine. {V. L. M. Counan.)
CONSOLIER (Thérèse),
qu'ailleurs on trouve nommée,
tantôt Consolen, et tantôt Con-
solon, étoit née en 173g, à Cour-
tezon, non loin d'Orange, et s'é-
toit fait religieuse dans la maison
.des Ursulines de Sistéron, où son
CON 457
nom de religion étoit sœur du
Cœur-de- Jésus. Après la dissolu-
tion vandalique des établissemens
de ce genre, la sœur Consolier
alla se réunir aux religieuses de
Boulène , qui continuoient d'y
vivre en communauté. Elle y fut
arrêtée , avec toutes ses com-
pagnes, au nombre de quarante
et une, en 1794; et les quarante-
deux religieuses furent amenées
dans les prisons d'Orange, le 2 mai,
pour y être immolées par la féroce
commission -populaire qui alloit
se former en cette ville ( V.
Orange ). Thérèse Consolier ,
prévoyant, ainsi que ses com-
pagnes , le sort qui l'attendoit, se
préparoit avec elles au martyre ,
dans leur commune captivité , par
de pieux exercices faits avec la
plus vive ferveur {V. d'Aibarède).
Elle comparut devant l'impie tri-
bunal , le 8 thermidor an II
(26 juillet 1794), avec quatre
autres religieuses. Dès la première
question que le président lui
adressa , il dut comprendre , par
la réponse de cette sainte fille ,
qu'elle remporteroit sur lui la
victoire de la Foi. « Qui es-tu » ?
lui demanda-t-il. Thérèse Conso-
lier, à l'exemple des premiers
Martyrs , qui étoient empressés
de faire gloire de leur croyance ,
se hâta de manifester la sienne en
disant, pour toute réponse: « Je
suis fille de l'Eglise catholique ».
Il n'en fallut pas davantage pour
la comprendre dans la sentence
4 à8 CON
par laquelle ses quatre compagnes
furent condamnées à la peine de
mort, comme fanatiques; et elle
fut décapitée le même jour, à
l'Age de 55 ans, avec les quatre
autres religieuses. (V. A. Cartier,
M. E. Dubac, M. Justamont tante,
et Ms,e BoNNERET.)
C O N ST A N C E (Sœur Sainte) ,
religieuse Carmélite. (F. M' J*
Meunier.)
CONSTANT (Pacl-Antoine) ,
prêtre du diocèse de Cahors , né
à Manorre, dans la paroisse de
Sainte - Fajole , au diocèse de
Cahors , refusa courageusement
d'adhérer en aucune manière au
schisme de 1791. Sa Ftii ne se
montra pas moins ferme et moins
invincible , lorsque la persécution
de vint de jour en jour plus ardente.
Il se trou voit, en 1793, dans le
département de la Dordogne : les
autorités révolutionnaires le
firent arrêter. On le jeta dans les
prisons de Périgueux ; et de là
on le conduisit à Rochefort , pour
être déporté au - delà des mers
(V. Rochefort); enfin on l'y
embarqua sur le navire les Deux
Associés. Jeune encore , il ne
fut pas des premiers qui tonii-
bèrent malades dans l'horrible
entrepont de ce bâtiment, mais
l'un des premiers qui se sa-?
enflèrent pour leurs confrères ,
dans le périlleux emploi d'infir-
mier. Leur mal contagieux l'attei-
gnit bientôt ; et il mourut le 16
juin 1794? à l'âge de 5o ans,
CON
méritant ainsi la double palme du
martyre, accordée à ceux qui
meurent victimes de leur Foi, et
à ceux qui périssent victimes de
leur charité, en servant les pesti-
férés (V . En Castellase). On l'en-
terra dans l'île d'Jix. ( ^.Comcs,
et J. B. Corbet.)
CONSTANTIN (Joseph-Marc),
prêtre du diocèse de Carpentras,
dans le comlat Venaissin, parla-
geoit la confiance qu'y inspiroit
aux catholiques le bun esprit de
la province , et leur prodiguoit
les soins de son ministère. Mais la
persécution ayant fondu avec vio-
lence sur cette contrée, vers l'au-
tomne de 179^; et les agens des
persécuteurs en chef ayant adopté
le système commode d'accuser de
conspiration tous ceux qu'ils vou-
droient faire périr, le prêtre Cons-
tantin , arrêté à Bédouin, où il
résidoit , et qu'un proconsul ré-
duisoit en cendres [V . Orakge),
fut condamné à la peine de mort ,
comme « conspirateur ». Alors
n'étoit pas encore établie la fa-
rouche commission populaire
d'Orange. Cette sentence fut ren-
due le 9 prairial an II ( 28 mai
1794), par le tribunal criminel du
département de Vaucluse» sié-
geant à Avignon.
CONTANT DE LA MOLETTE
(Philippe du), prêtre du diocèse
de Vienne, en Dauphiné, ayant
vu le jour en 1758 à la Côte-
Saint- André, fut élevé en 17G5
au grade de docteuï de Sosbonne s
CON
et soutint ensuite la réputation
qu'il s'y étoit acquise par ses
Thèses sur l'Ecriture- Sainte
en six langues, lesquelles for-
mulent un volume in-l\". Il publia
successivement dans le cours de
sa vie divers ouvrages du même
genre, et très-estimés des savans,
tels que Essai sur l'Ecriture
Sainte ; — Nouvelle méthode
pour entrer dans le vrai sens de
l'Ecriture; — la Genèse expli-
i j quée; — le Lévitiquc expliqué ;
t ■ — les Psaumes expliqués , avec
i . un Traité de la poésie des Hé-
breux, formant un total de qua-
torze vol. D'autres ouvrages sur des
i siijets analogues sortirent encore
t de sa plume savante et féconde :
e la liste s'en trouve dans les biblio-
graphies modernes. Par la nature,
la difficulté et la multiplicité de
il ses travaux, l'on peut juger de
i- son zèle pour les intérêts de la
, religion, ainsi que de l'ardeur de
t, sa Foi , de laquelle dérivoit tant
ri de courage pour la plus grande
a- illustration des livres sacrés. Lors-
re que M6r Charles-François d'Àviau,
j. du Bois de Sanzay , en Poitou , fut
iai placé en 1789 sur le siège archi-
du épiscopal de Vienne ( 1) , il ne crut
jf pouvoir rien faire de mieux que
d'y avoir pour un de ses vicaires-
E généraux l'abbé du Contant ; mais
:se i la révolution étant survenue à la
int ,
(1) Archevêque de Bordeaux depuis
(jî le concordat fait en 1801, entre le
IH) i pape Pie Y II et Buonaparte
CON 4%
même époque, empêcha celui-ci .,
comme son archevêque, de fair<:
dans le Viennois tout le bien donlt
ils étoient capables. Les temps de-
venant de plus en plus fâcheux, il
revint habiter l'ancien domicile
solitaire qu'il avoit à Paris, dans
la rue des Postes, au-delà de
l'église de Sainte-Geneviève. Tout
en y remplissant paisiblement,
au milieu des circonstances les
plus alarmantes, ses devoirs sa-
cerdotaux, il s'occupoit encore de
nouveaux ouvrages utiles à la re-
ligion. Sa retraite fut violée vers
la fin de 1790 par les satellites de
la persécution , qui le jetèrent dans
les fers comme suspect. II y resta
jusqu'au 6 thermidor an II (a/j juil-
let 1794), jour où le tribunal
révolutionnaire le lit compa-
roître devant lui; et les juges le
condamnèrent à la peine de mort,
sous le prétexte « qu'il étoit en-
nemi du peuple, et qu'il avoit
provoqué le rétablissement de la
royauté ». Il fut décapité peu
d'heures après ce jugement. Qua-
torze ans plus tard, c'est-à-dire
en 1808, un hommage solennel
fut rendu au savoir de l'abbé du
Contant, par la classe des ins-
criptions et belles - lettres de
l'Institut de France, dans le ta-
bleau que son secrétaire perpétuel
présenta sur les progrès de l'his-
toire au chef du gouvernement
d'alors, qui avoit voulu qu'on lui
en rendît compte.
CONVOLE (Pierre), ancien;
46o COP
curé de Montfurt, dans le diocèse
du Mans, forcé, malgré son âge
avancé, de sortir de France,
Comme prf tre non - assermenté ,
par suite de la loi impie du 26 août
1792 , mourut en route pour
l'exil. Angers est la ville qui reçut
les derniers soupirs de ce véné-
rable ecclésiastique banni pour
sa Foi , et dont la mort fut la
tnême que celle du saint Martyr
Héliodore , évèque de Beth-
Zabde , à laquelle nous avons
déjà comparé celle de Ch. Bou-
garel. {V. R. Duchambon, et F.
J. Coi asnon. )
COPENjSE (Bertrand-Antoine
de), né dans la Guienne, et d'une
famille en qui revivoit toute la
loyauté de l'antique chevalerie ,
étoit simple vicaire d'une pa-
roisse du diocèse de Paris. Ilavoit
î'âme trop droite et l'esprit trop
éclairé pour faire le serment de la
constitution civile du clergé.
Son refus le mit dans la nécessité
de s'éloigner de son poste ; et il
vint habiter Paris , dans le quar-
tier retiré de la montagne Sainte-
Geneviève. Quand des amis dont
la conscience étoit peu timorée
lui conseilloient de prêter le ser-
ment, il répondoit avec énergie:
«Jamais les Copenne n'ont man-
qué à leur parole d'honneur; j'ai
donné la mienne à Dieu et au roi » .
II avoit d'autant plus de mérite
dans sa fidélité, que, dénué de
fortune, il manquoit même de
moyens de subsistance, et setrou-
COP
voit dans une disette absolue.
Lorsqu'on arrêta les prf très inser-
mentés , après le 10 août 1792»
et qu'on vint chez lui , pour le
saisir comme tel , le 5o du même
mois, il étoit malade d'une fièvre
violente. A la vue de la horde ar-
mée de piques qui entroit pour
l'enlever, son inflexible courage
ranima ses forces; et il dit à ces sa-
tellites de l'impie tyrannie: «C'est
donc pour m'enfermer avec les
prêtres, que vous venez me cher-
cher! allons, je vais vous suivre;
il convient à Copenne de mourir
au poste de l'honneur». Cepen-
dant les forces du corps ne corres-
pondoient pas en lui à celles de
l'âme. Il étoit si aifoibli par la
misère et par sa maladie, qu'il ne
pouvoit marcher qu'avec une peine
extrême. Les satellites impatiens
le traînèrent; et il fut si fatigué
du trajet qu'il eut à faire de chea
lui à l'église de Saint-Firmin „
où siégeoit le comité civil de la
seclion auquel il devoit être livré ,
qu'il fallut l'y mettre aussitôt sur
un lit. Il y respira avec un véri-
table contentement , en pensant
que son dernier soupir seroit pour
son Dieu et pour son roi. Le co-
mité le trouva inflexible dans le
refus du serment de la constitu-
tion civile du clergé, et le cons-
titua prisonnier dans le séminaire
de Saint-Firmin, où il trou voit
tant de compagnons d'héroïsme
sacerdotal. Tout malade qu'il étoit,
il auroit été capable , par son gé-
COP
néreux caractère, de fortifier leur
courage , s'ils en eussent eu be-
soin. Lorsqu'on vint les massacrer,
le 5 septembre , les assassins , obli-
gés de l'aller chercher dans son
lit où il gisoit encore, se con-
tentèrent de l'en enlever et de le
jeter par la fenêtre , du haut de
l'étage élevé qu'il habitoit. Quand
il tomba, des femmes armées de
massues accoururent sur lui ,
pour lui porter les derniers coups
de mort , et le frappèrent avec
d'autant plus de rage, qu'elles
étoient imbues de la persuasion
générale qu'il ne varicroit jamais
dans sa détermination de mourir
pour son Dieu comme pour son
roi {V. Septembre). 11 avoit alors
4o ans.
COPER-SCHMIT (Claude-
François), dit Renel, prêtre du
diocèse de Besançon, né à Dôle
en Franche- Comté, vers 1759,
et vicaire au lieu de sa naissance ,
resta ferme dans sa Foi parmi la
défection de plusieurs ecclésias-
tiques plus âgés que lui, qui prê-
toient lâchement le serment de la
constitution civile du cleryé.
Sacrifiant sa vie à Dieu pour le
maintien de la Foi dans ces con-
trées, il y resta malgré la loi de
déportation. Les précautions que
la prudence lui fit prendre, purent
le soustraire aux recherches des
persécuteurs j usqu'â la fin de 1 7Ç)3;
mais enfin il fut découvert et ar-
rêté , les derniers jours de dé-
cembre. Dans une lettre qu'il écri-
COP 461
vit bientôt de la prison à sa mère,
il lui disoit : « Nous commençons
l'année (1794) d'une manière fort
amère Mais quelque dures que
soient les circonstances présentes,
j'espère qu'elles nous seront utiles
et favorables , parce que c'est la
volonté de Dieu; et jamais, peut-
être, année n'aura été plus heu-
reuse, plus abondante en grâces,
en mérites, en sainteté, que celle-
ci.... Faisons donc généreusement
à Dieu tous les sacrifices qu'il de-
mande de nous.... Pour moi, il
me demanderoit ma vie , je la lui
dois ; et je suis prêt à la lui
rendre ». Il fut presque aussitôt
traduit devant le tribunal criminel
du département du Jura, sié-
geant à Dôle ; et le matin du 1 4 ni-
vôse an II (5 janvier 1794), ce
tribunal le condamna à la peine
de mort, sous le faux prétexte
qu'il étoit «émigré-rentré ». Ra-
mené dans la prison pour y at-
tendre l'heure du supplice , à
l'exemple de saint Flavien , il
écrivit à sa mère une nouvelle
lettre dans laquelle il lui adressoit
ces paroles : « Dieu demande de
vous de grands sacrifices, et vous
avez trop de religion pour les lui
refuser.... Toutes les fois que la
nature en frémira , vous trouverez
dans votre parfaite résignation à
la volonté de Dieu, la paix et la
tranquillité. Voila , ce me semble,
â quoi je crois devoir attribuer le
calme dont je jouis moi-même.
Je puis dire que je n'ai jamais osé
4o2 cup
demanderai! Seigneur la cessation
des peines qu'il nous envoyoit ;
mais seulement qu'il remplit en
nous sa volonté, et qu'il nous
donnât la force de l'accomplir
nous-mêmes avec résignation et
générosité. Aujourd'hui qu'il nous
la fait connoître, n'hésitons pas à
nous y soumettre. Nous trouve-
rons dans notre soumission un
contentement réel, et l'assurance
de notre salut. Mère de douleur,
votre affliction vous paroît bien
grande; mais, pour vous con-
soler, envisagez la mère des Mac-
chabées. Avec quelle joie , quel
empressement, elle envoyoit elle-
même tous ses enfans au ciel ,
avant elle, par la voie des tour-
mens!... Point de ressentiment
contre personne : souvenez-vous
que le coup vient de Dieu plutôt
que des hommes; et ceux qui s'en
montrent ici-bas les instrumens,
sont plutôt la cause de notre bon-
heur que de nos maux » . {V . ci-
devant, pag. i65, colonne rc)
Ensuite il écrivit son testament
qui fut presqu'entier un testament
spirituel. II y disoit : « C'est
maintenant, ô divin Jésus, que
vous me demandez , comme aux
deux enfans de Zébédée : Pouvez-
vous boire le calice dont je boi-
rai , et être baptisé du baptême
dont je suis baptisé? Oui, Sei-
gneur, je m'y soumets, je l'ac-
cepte. Vous-même l'avez bu le
premier, ce calice de votre mort,
et vous me l'avez rendu salutaire.
COP
Je le reçois donc avec respect de
votre main adorable. Dans les
jugemens des hommes, j'adore
vos décrets sur moi. l oiciqueje
viens pour accomplir votre vo-
lonté. J'espère en vous, Seigneur;
et je ne serai pas confondu dans
l'éternité. Faites -les servir, ces
desseins de votre sagesse, faites-
les servir à votre gloire et à mon
salut ; ù la conversion et à la sancti-
fication de tout votre peuple. Ac-
ceptez la destruction de mon être ,
comme un hommage que je veux
rendre à votre justice. Je m'y sou-
mets avec une parfaite résignation
à votre sainte volonté. Vous-même ,
ô mon Sauveur, vous vous êtes
tant de fois immolé entre mes
mains! Heureux de pouvoir au-
jourd'hui unir mon sacrifice au
vôtre ! Ainsi donc . pour qu'il vous
soit plus agréable, je l'unis à vos
souffrances , à votre agonie , à
votre passion et à votre mort.
Pourrai-je enfin être délivré de ce
corps de boue et de péché, et.
par ce moyen , vous être plus
promptement réuni dans la bien-
heureuse éternité ! O mon Dieu ,
ma béatitude et ma vie, je sou-
pire après vous! Quand viendrez-
vous, Seigneur; et quand appa-
roîtrai-je devant votre face? (Ps.
XLI) ». Telles étoient les évi-
dentes dispositions au martyre
avec lesquelles Coper-Schmit mar-
cha le même jour à l'échafaud ;
et cet héroïsme céleste ne l'aban-
donna pas même sous la hache de
COR
la guillotine. Son fige n'étoit que
d'en\ir<n35ans. {V . A. P. Cavon,
et P. .1 ' CoRNIBERT. )
CORBEAU ( Benoîte- Marie
de), née d'une famille noble, à
Saint-Beron, dans la Savoie, en
J7G6, étoit religieuse professe
dans le monastère de l'abbaye
royale de Saint- Pierre, à Lyon.
N'ayant presque point de fortune
patrimoniale, elle se trouva sans
ressources suffisantes pour vivre,
quand les religieuses furent chas-
sées de leur cloître en 1791. La
haute vertu qui la, dislinguoit la
rendit chère à la veuve Ponson,
qui pouvoit lui donner asile chez
elle; et cette pieuse veuve l'ac-
cueillit avec d'autant plus de satis-
faction, qu'une telle compagne ne
pouvoit que contribuer a soutenir,
à augmenter sa propre ferveur dans
le temps d'épreuves où l'on se trou-
voit. Un prêtre vertueux, que la
veuve Ponson recueillit aussi pour
le même motif, devenoit le direc-
teur spirituel de celte petite com-
munauté. On verra aux articles
Chapcis et Ponson, comment elles
rivalisèrent de piété avec lui, et
avec quelle ardeur ces trois saintes
âmes soupiroient après le bonheur
de verser leur sang pour la cause
de J.-C. La religieuse de Corbeau
parut même avoir des révélations
divines sur le sort qui les atten-
doit. La fille aînée de la Ve Ponson ,
ayant demandé dans leur conver-
sation à ce sujet, si elle-même
auroit ce bonheur, la fervente re-
COR 465
ligieuse , encore plus favorisée
sans doute alors que sainte Per-
pétue, qui, interrogée sur un point
semblable par son frère, fit at-
tendre jusqu'au lendemain sa
réponse, parce qu'elle avoit en-
core besoin de consulter le Ciel (1),
notre religieuse en avoit déjà reçu
assez de lumières pour déclarer
de suite à la jeune Ponson qu'elle
ne périroit point dans cette circons-
tance. Marie de Corbeau fut arrê-
tée avec sa charitable hôtesse, et
le prêtre Chapuis, par suite d'un
incident qui avoit déjà conté la
perte de la liberté à la fille de la
charitable veuve. Elle eut part à la
distribution que , la première nuit
dans la prison, cet ecclésiastique
leur fit des hosties consacrées qui
éloienldans le saint ciboire, sous-
trait par lui aux recherches des
agens de la persécution; et son
courage en devint plus intrépide.
Le lendemain, avec une sérénité
angélique , elle annonça à une
personne qui étoit parvenue à la
voir et à lui parler, que ce jour-là
même, contre l'usage ordinaire,
elle marcheroit à la mort avec la
veuve Ponson et le prêtre Cha-
puis. En effet, vers onze heures,
(1) Tune dixit mihi frater meus:
Domina soror, jam in magna digna-
tione es tanta ut postules an passio
sit an commeatus? El ego quœ me
sciebam fubuluri cum Domino Jidenter
repvomisi , ei dicens : Crastind die tibi
renuntiabo. (Holstenius : Passio SS.
Peiyetux et Felicitaiis , etc. )
464 COR
elle fut menée avec eux devant la
farouche commission révolution-
naire (fr. Lyon). On l'y somma
de prêter le serment de liberté-
égalité, qu'elle regardoit comme
une implicite apostasie; et elle le
refusa avec fermeté. Aussitôt on
la condamna à la peine de mort,
comme u fanatique, refusant de
se conformer aux lois de la répu-
blique, et comme contre-révo-
lutionnaire», parce qu'elle étoit
religieuse, et qu'elle avoit craint
de trahir sa Foi. La veuve Ponson
et le prêtre Chapuis furent con-
damnés en même temps à la
même peine ; mais , en atten-
dant l'heure du supplice, on n'en-
voya pas ces deux femmes dans
le cachot qu'on appeloit la cave
de mort, parce qu'on y mettoit
les victimes condamnées. Les
juges en cela servoient d'instru-
ment à la Providence, qui voulut
exaucer les prières que, ces deux
pieuses femmes lui avoient sou-
vent adressées pour obtenir la
grâce de n'être point déposées
tlans cet endroit. Les prisonniers,
parmi lesquels elles se trouvèrent,
rie pouvoient croire qu'elles fus-
sent condamnées, ou que leur
condamnation ne fût pas l'évo-
quée, puisque le lieu où ils
étoient renfermés n'étoit point
le vestibule ordinaire de la mort.
« Vous ne périrez pas », leur di-
soient-ils , avec toute la consola-
tion de l'espérance. Mais la reli-
gieuse de Corbeau, et même la
COR
veuve Ponson, leur répliquoient
avec l'air du contentement : «Vous
êtes dans l'erreur ; une voix que
vous n'entendez pas, nous dit in-
térieurement et d'une manière
infaillible , que nous ne tarderons
point à mourir; et nous nous en
applaudissons » . Les prisonniers
leur proposèrent de partager leur
dîné : « Oh! non, répliquèrent-
elles, nous allons dîner avec les
anges ». Demi -heure après, on
vint les prendre pour les réunir
aux autres victimes qu'on alloit
conduire à l'échafaud. Elles s'y
rendirent avec des transports d'al-
légresse , qui ravirent tous ceux qui
en furent témoins : en marchant
au supplice, elles réciloient le
psaume Miserere met, Deus. La
religieuse de Corbeau ne fut dé-
capitée qu'après la veuve Ponson ;
et elle le lui avoit prédit long-temps
auparavant. Elle lui avoit même
annoncé qu'elle mourroit avec
joie : ce que vérifia l'état de la
physionomie de cette sainte veuve,
après même que sa tête eut été dé-
tachée de son corps ( V . Ponson ).
Le jugement qui les envoya au sup-
plice de la guillotine est du 2 ger-
minal an 11(22 mars 179^). La
religieuse Benoîte-Marie de Cor-
beau n'avoit que 38 ans lorsqu'elle
se montra si digne de la palme du
martyre dont on ne douta point que
Dieu ne l'eût favorisée. ( V. Châ-
taignier , et Corneille. )
CORBET (Jean-Baptiste), prê-
tre et religieux de l'ordre des Ca-
COR
pucins, dans leur maison de
Forges-lès-Eaux, bourg- du diocèse
de Rouen , y étoit connu sous le
nom de Père Gratien. Il resta
dans celte ville après la suppres-
sion des ordres monastiques; et,
disant anathème aux principes
de la constitution civile du
clergé , il se garda bien d'en
faire le scbismatique serment. Zélé
pour le salut des âmes et le
triomphe de l'Eglise, il continuoit
d'exercer le saint ministère dans
le même diocèse, lorsqu'il y fut
arrêté en 1794. Les autorités du
département de la Seine- Infé-
rieure achevèrent de se débarras-
ser d'un si bon prêtre , qui étoit
en même temps un excellent reli-
gieux, en l'envoyant à Rochefort ,
pour en être déporté au-delà des
mers ( V . Rochefort ). Il fut
embarqué sur le navire les Deux
Associés, et mourut dans le sup-
plice de cette déportation, le 16
juillet 1794 •> à l'âge de 42 ans.
Ses cendres reposent dans l'ile
d'Aix. Il étoit né à Caranlilles,
dans le diocèse de Coutances.
(F. P. A. Constant, et Cordier.
ex-Jésuite.)
CORBIÈRE ( Alexandre-Eli-
sabeth delà), vicajre-général du
diocèse de Verdun , chanoine et
doyen de la cathédrale , né à Ju-
vigny, près Stenay, en 1735,
avoit, pour l'intérêt de la reli-
gion, ainsi que plusieurs autres
prêtres et chanoines de Verdun ,
manifesté l'espoir qu'elle seroit
o
COR 465
rétablie dans sa pureté , lorsque
les années coalisées de l'étranger
approchèrent de cette ville , au
commencement de septembre
1792 {V. J. Gossuin, J. M. Col-
lot , G. Lefevre, Chr. Herbil-
LOk). Tous, d'ailleurs insermen-
tés, fuient saisis quelques mois
après la retraite de ces armées ,
et amenés à Paris , pour y être,
jugés par le tribunal révolution-
naire. Le chanoine de la Cor-
bière y fut condamné le 5 floréal
an II ( 24 avril 1794 )> avec
quatre autres prêtres de Verdun,
à la peine de mort. La sentence
les disoit « convaincus d'être au-
teurs et complices des manœuvres
employées pour livrer aux enne-
mis la place de Verdun » . Ils furent
exécutés le même jour.
CORBILLÉ (#....), prêtre du
diocèse de Nantes , vicaire en la
paroisse de Bouvron, près Save-
nay [V . Delamare), y refusa,
comme son curé, le serment de la
constitution civile du clergé;
et, comme lui, il brava les me-
naces de la loi de déportation ,
pour continuer à fournir les se-
cours de la religion à leurs pa-
roissiens. Il étendoit ses soins sur
les paroisses voisines , et portoit
les secours de l'Eglise, de village
en village. Dans l'un d'eux, il fut
saisi chez une pieuse veuve qui ,
de concert avec sa fdlc , lui don-
noit une sainte hospitalité. Les
gardes qui le prirent, lui lièrent
les mains derrière le dos, et l'em-
3o
460 COR
inclurent, avec ses deux chari-
tables hôtesses {V. Guiton). Ils
les conduisirent tous les trois dans
la cour du presbytère de Bouvron.
Corbillé , profitant d'une distrac-
tion de ses gardes, franchit le mur,
et s'évada ; mais, à peu de distance,
il fut arrêté par deux soldats qui le
ramenèrent au presbytère , et le
traînèrent, avec ses deux hôtesses,
dans le cimetière. Corbillé leur
demanda pourquoi ils vouloient
le faire périr, et de quel crime ils
l'accusoient. «C'est, répliquèrent-
ils , que tu es un prêtre réfrac-
taire » . Ils le placèrent aussitôt
entre les deux femmes, et l'y fu-
sillèrent sous leurs yeux. Ce
meurtre se commit en décembre
179a; ainsi fut autrefois mas-
sacré saint .Ferréol de Vienne,
lorsque , évadé de sa prison , et
après avoir passé le Rhône à la
nage, il s'enfuyoitsur le territoire
de la rive droite. L'Eglise l'honore
comme Martyr, le 18 septembre.
CORDILR (Nicolas) , prêtre,
ex-Jésuite et aumônier des reli-
gieuses Annonciades de la ville de
Saint-Mihiel , au diocèse de Ver-
dun, né en 1710, dans le duché
de Lorraine, opposa toute la vi-
gueur d'une Foi inébranlable aux
erreurs de la constitution civile
dit clergé. Les impies lui en con-
servèrent une rancune implaca-
ble , et s'en vengèrent lorsqu'en
1793, l'enfer sembla avoir acquis
tout pouvoir sur les Saints. Mal-
gré son grand âge , accablé d'in-
COR
lirmités , l'ex - Jésuite Cordier
fut mis en prison à Verdun ; et,
quoiqu'il ne put mareber qu'à
l'aide d'un bâton, le tribunal cri-
minel du département de la
Meuse le condamna, comme
« prêtre réfractaire », à être déporté
au-delà des mers. On le conduisit
à Rochefort , pour être embarqué
( V. Rochefort). Ce fut avec peine
qu'il monta sur le navire le Wa-
shington , tant son corps étoit
affoibli : il avoit alors 84 ans.
Lorsque le capitaine du bâtiment,
Guibert, le fit fouiller, comme
tous les autres prêtres, à son ar-
rivée sur le pont, il ne voulut pas
qu'on lui laissât plus d'une che-
mise et plus d'un mouchoir de
poche. Il lui arracha même non
seulement son bréviaire , mais
encore le bâton dont il se ser-
voit pour soutenir sa caducité,
et le jeta à la mer, en lui disant :
« Scélérat, tu n 'en a vois pas besoin
pour courir contre les patriotes,
lorsque tu étoisdans la Vendée » ;et
ce vénérable prêtre venoit de Ver-
dun : il n'étoit pas sorti de Saint-
Mihiel. Guibert ajouta : « Vieux
scélérat, si je t'eusse laissé ton
bâton, tu aurois été capable de
t'en servir pour faire la contre-
révolution à mon bord». Il l'en-
voya ensuite vers les autres ; mais .
comme ce vieillard avoit de la
peine à marcher, il lui donnoit,
pour le faire avancer, des coups
de plat de sabre sur les épaules ,
en l'accablant en même temps
COR
d'horribles invectives. L'ex-Jé-
suite Cordier mourut en octobre,
dans une des tentes qui servoient
d'hôpital, et fut enterré dans l 'île
Madame. [V. J. B. Corbet, et
J. CoRNELLY. )
CORDULE ( Sœur Marie de
Sainte). {V. Je Le Barrez.)
CORM EÀ U X ( François -
Georges) , curé de la paroisse de
Plaintel, dans le diocèse de Saint-
Brieuc , avoit d'abord été vicaire
dans la petite paroisse de Meslin ,
près Lamballe, où il étoit né en
1746. Les loisirs que lui laissoient
ses devoirs furent dès lors consa-
crés à la prédication en d'autres
paroisses. Dans son désir de se
livrer plus généralement au salut
des âmes, il vouloit aller s'agréger
à la communauté des prêtres mis-
sionnaires de Saint- Laurent, en
Poitou {V. ci-dev. , tom. I,pag.
029). Mais les grands-vicaires de
son é vêque le retinrent ; et , pour le
fixer dans le diocèse , ils exigèrent
qu'il se présentât au concours
pour l'une des deux cures qui
étoient alors vacantes : celle de
Plaintel, près Saint-Brieuc , qui ,
pénible à desservir, étoit d'un très-
modique revenu , et celle de Plu-
duno, près Lamballe, beaucoup
plus lucrative, d'une administra-
tion facile, et voisine du lieu de sa
naissance. Cormeaux préféra la
première, et y fit tant de bien,
que son peuple devint bientôt l'é-
dification de tout le diocèse. Sans
cesser de s'occuper de ses ouailles.
COR 467
il y devint le chef des missions et
des retraites, malgré la faiblesse
de son tempérament, et la déli-
catesse de sa santé. Il n'écoutoit
que son zèle , et les fatigues des
missions ne pouvoient ralentir son
ardeur. Toujours il étoit prêt à
monter en chaire; et il parloitavec
une égale facilité sur tous les sujets
de la religion. Souvent on l'a vu
faire , dans un seul jour, trois et
même quatre conférences ou ser-
mons. Tous les ans , il alloit don-
ner une retraite dans les collèges
ou séminaires de chacun des dio-
cèses voisins, tels que ceux de
Tréguier et de Saint-Malo, où il
procuroit encore le même avan-
tage à des communautés reli-
gieuses; mais il n'y alloit jamais
sans avoir consulté ses supérieurs,
comme sans avoir pourvu aux
besoins de sa paroisse. Le vicaire
qu'il y laissoit, étoit cligne de le
remplacer, et capable de le sup-
pléer en son absence. Tant de
travaux faits avec ardeur lui atti-
rèrent de graves indispositions;
les médecins lui conseilloient de
prendre quelques mois de repos :
« Non, non, leur répondit -il;
prêcher, parler de mon Sauveur,
voilà le meilleur remède à mes souf-
frances : un sermon me fait plus
de bien que toutes vos potions et
que tous vos conseils de délasse-
ment». Ce zèle si ardent fut sé-
duit par l'espoir du bien, quand
la révolution déb-ita par pro-
mettre le soulagement des peine?
JO.
468 COR
sous le poids desquelles il avoit
vu, non sans douleur, gémir les
campagnes. Dans cette illusion,
qui ne lui pennetloit pas d'entre-
voir ce que la religion auroit à
souffrir de ce nouvel ordre de
choses, il se laissa conférer par
l'estime publique une des places
d'administrateur du département
des Côtcs-du-Nord. et fit en
conséquence, avec des intentions
droites et pures , dans son er-
reur , le serment auquel étoient
alors obligés ces administrateurs
en entrant en exercice, celui
« d'être fidèle à la nation , à la loi et
au roi » . La preuve de la droiture
de ses intentions est fournie par
le discours qu'il prononça le g
juin 1790, dans la cathédrale de
Saint- Brieuc , lors de la messe
d'actions de grâces et du Te Deum
que les électeurs firent chanter,
après avoir terminé certaines opé-
rations qui n'étoient pas en elles-
mêmes formellement répréhensi-
bles. Dans ce discours qui fut
imprimé presqu'aussitôl, on vit
le curé C ormeaux , parlant au
nom des administrateurs, attes-
ter leur attachement à la reli-
gion catholique , et inviter les
jeunes clercs qui l'écoutoient, à
la prêcher, à la soutenir. «Le mi-
nistère sacré, disoit-il, sera tou-
j ours parmi nous aussi respecté
qu'il est salutaire. Nous voulons
vivre, nous voulons mourir catho-
liques. Nous renouvelons au pied
de l'autel, le vœu de notre hap-
COR
tême, le serment d'être fidèle a
Jésus -Christ jusqu'à notre der-
nier soupir» . Le temps d'épreuves
commença pour Cormeaux, plus
tôt que pour beaucoup d'autres,
lorsqu'étoit encore discutée dans
le sein de l'Assemblée Consti-
tuante cette constitution civile
du clergé, qui alloit produire en
France le schisme et l'hérésie.
Il en vit les pièges ; et de peur de
coopérer en rien, comme admi-
nistrateur , à son établissement
qu'il ne pouvoit empêcher, il dé-
clara au conseil de l'administra-
tion qu'il ne vouloit plus en faire
partie. Dans la nécessité où il se
trouvoit de justifier sa démission
aux yeux de ses concitoyens , il
n'en fit l'apologie qu'en montrant
combien sa conscience étoit juste-
ment alarmée des entreprises de
l'Assemblée contre les lois de
l'Eglise, et combien étoient per-
nicieux les principes hétérodoxes
que l'on s'efforçoit d'accréditer.
Cette justification de sa conduite
fut imprimée, et servit beaucoup
à prémunir tous les bons catho-
liques du pays contre le schisme
qui se préparoit. L'attaque qu'il
lui faisoit d'avance, recevoit trop
de force de la considération dont
il jouissoit à raison de ses lumières
comme de ses vertus , pour ne
pas irriter les partisans des idée*
nouvelles. Il devint aussitôt l'ob-
jet d'une persécution violente : un
décret de prise de corps fut lancé
contre lui ; la maréchaussée se mit
COR
à sa recherche ; des récompenses
furent promises par l'administra-
tion du département, à qui pour-
roil le livrer. Il s'étoit réfugié
clandestinement aux environs de
la ville de Quintîn , d'où, pendant
les huit mois qu'il y resta caché ,
il ne cessa de donner à sa paroisse
tontes les instructions qui pou-
voicnt lui être nécessaires pour
conserver sa Foi intacte et pure.
Craignant enfin d'être atteint par
des persécuteurs qui connoissoient
trop hien sa personne, il céda aux
instances d'un ami qui l'appeloit
à Paris, et arriva le 10 novembre
1791 dans cette ville. S'y trou-
vant plus en liberté pour exer-
cer son zèle , attendu celle dont
le culte des catholiques jouissoit
encore dans la capitale, il con-
sentit bien volontiers , sur la de-
mande d'un directeur du collège
des Lombards, à y donner des re-
traites publiques ; il en donna aussi
dans plusieurs communautés de
Paris et des environs : chez les
Annonciades de Chaillot, les Visi-
tandines et les Carmélites de Saint-
Denis. Pendant tout le carême de
1792, il prêcha dans plusieurs
églises , passant d'une chaire à
l'autre pour faire entendre par-
tout la parole de Dieu. Le mer-
credi, le jeudi et le vendredi de
la Semaine-Sainte principalement
furent en entier consacrés par lui
à ce saint ministère, p^arce qu'il
ne pouvoit se lasser de parler de
l'amour de Jésus-Christ pour nous
COR 4G9
dans sa passion et sur la croix.
Tant de fatigues altérèrent su santé
au point qu'à son grand regret il
fut obligé , par une grave indis-
position , de renoncer à ses travaux
évangéliques. Il étoit à Saint-De-
nis pour son rétablissement, lors
du 10 août et du massacre des
prêtres le 2 septembre. Quand il
apprit ce dernier événement, il
crut que la Providence ne Pavait
pas sans doute jugé digne de périr
avec eux pour la Foi, et s'en affli-
gea. Ses amis le forcèrent alors
à se tenir bien caché; et il fallut
qu'ils le gardassent à vue, pour
ainsi dire , afin de l'empêcher
d'aller au dehors exercer les fonc-
tionsdesonministère. Cependant,
ne se bornant pas à confesser les
personnes que l'affaire de leur
salut amenoit dans son asile, à
les prêcher, à leur distribuer tous
les autres dons de la religion, il
se transportoit souvent en d'autres
pieuses réunions pour le même
objet. Tous les jours, il faisoit
avec ces saintes âmes des prières
en expiation des sacrilèges qui
se commettoient en France ; et il
s'offroit lui-même en holocauste
à Dieu, se préparant d'ailleurs au
martyre auquel un secret pressen-
timent l'avertissoit qu'il étoit des
tiné. Jusqu'au 9 du mois d'août
1795, il fit, sans fâcheuse ren-
contre, ses courses sacerdotales;
mais , oc jour - lù , revenant de
Pontoise où il avoit été appelé
pour administrer les secours de la
47« COR
religion à des malades , il fut ar-
rêté à Franconville comme voya-
geant sans passeport. Amené de-
vant le maire, il s'empressa de se
déclarer prêtre et curé. — «Pour-
quoi cette déclaration ? lui dit le
maire par un sentiment d'huma-
nité ; je ne vous demandois pas
votre état, et je voulois vous sau-
ver». Ce magistrat ne put s'em-
pêcher de le faire conduire à Pon-
toisc, mais ce fut avec la pré-
caution de ne pas le désigner
comme prêtre aux autorités de
ce lieu. Cormeaux interrogé par
elles , crut qu'il trahirait im-
plicitement sa Foi et l'honneur
du sacerdoce, s'il ne se faisoit pas
gloire de son état. Cette géné-
reuse déclaration lui valut d'être
jeté dans la prison des criminels,
et d'y être mis au pain et à l'eau.
Quatorze jours après, c'est-à-dire
le 23 août, il fut transporté avec
d'autres prisonniers sur une char-
rette , à Versailles. Chaque fois
que, sur la route, il rencontroit
des personnes à qui il croyoit pou-
voir parler de Dieu, il ne man-
quoit pas de les exhorter à le bien
servir. Comme ses paroles ins-
piroient beaucoup d'intérêt à ceux
quil'entendoient, dans son passage
à Saint-Germain, et comme on y
manifestoit un peu vivement des
alarmes sur son sort, il fut accusé
par ses gardes d'avoir voulu pro-
voquer une émeute pour se faire
délivrer. Arrivé à Versailles, le
2 5 août . il fut , dés le lendemain ,
COR
soumis à un interrogatoire. Les
magistrats furent étonnés de la
sainte hardiesse de ses réponses ,
dans lesquelles il leur prou v oit
qu'il étoit toujours le vrai curé
de Plaintel, que celui qui l'y
avoit remplacé ne pouvoit être
qu'un sacrilège et un intrus,
que de pareilles substitutions dé-
truisoient la religion et l'Eglise de
Jésus-Christ. Touchés de sa Foi,
ces magistrats , en l'envoyant dans
leur prison, lui laissèrent la con-
solation de retenir le crucifix qu'il
portoit sur lui. Dans un second
interrogatoire, où ils espéroient
le voir plus circonspect par amour
de la vie, il parla plus éloquem-
ment encore de sa Foi que dan>
le premier. Les juges, ne voyant
point en lui un contre-révolution-
naire, mais un prêtre pénétré de-
là sainteté et des devoirs de son
état, auroient voulu le mettre à
l'abri de tout danger; mais ils dé-
voient , sous peine de la vie ,
adresser les procès -verbaux de
leurs interrogatoires au comité de
salut public, séant à Paris; et
bientôt les ordres qu'ils en re-
çurent les obligèrent d'y envoyer
le curé Cormeaux. Après y avoir
passé successivement d'une prison
à l'autre, il fut définitivement con-
duit à la Conciergerie, qui étoit
la prison immédiate du tribunal
révolutionnaire. On l'y fit com-
paroître, le 9 juin 1794» en l'ac-
cusant d'être un conspirateur ,
paire qu'il avoit parlé de Dieu
COK
aux habitans de Saint - Germain.
Pour cire jugé digne de mort,
il lui suffisoit de son titre de
prêtre, et de la qualification de
réfractaire, qu'on donnoit aux
non -assermentés qui n'étoient
pas sortis de France depuis la
loi de déportation; mais, le tri-
bunal révolutionnaire qui avoit
un autre système de condam-
nation , évitant, autant qu'il le
pouvoit, d'établir' ses jugemens
sur des prétextes ouvertement
anti-religieux, et voulant passer
pour ne punir que des conspira-
teurs, ne dit que transitoirement,
en condamnant à la peine de mort
le curé Cormeaux , qu'il étoit
« prêtre réfractaire » . La sentence
qui l'envoya au dernier supplice,
le 21 prairial an II (9 juin 1794)?
affecta surtout de le présenter
comme s'étant montré « complice
de la conspiration qui avoit existé
contre le peuple français , en tenant
des propos contre - révolution-
naires, et en provoquant la disso-
lution de la représentation natio-
nale, et le rétablissement de la
royauté». Cormeaux marcha au
supplice le même jour ; et il y alla
plein des sentimens qui, depuis
plusieurs années , lui faisoient dire
si ardemment, avec saint Paul :
Cupio dissolvi, et esse cum
Christo. « Je brfile du désir de
me voir dégagé de mon corps
pour être réuni à Jésus-Christ ».
A l'exemple de saint André , il en-
visagea l'instrument du supplice
COR 47
avec des transports de reennnois-
sance et de joie , parce que cet
instrument de mort alloit le faire
vivre uniquement pour son Sau-
veur. On l'exécuta sur la place où
avoit existé la Bastille; et il périt
à l';ige de 47 a'is. Sa vie a été
écrite et publiée par M. l'abbé La-
sausse, prêtre de la communauté
de Saint-Sulpice, lequel y a joint
nombre d'écrits pieux qu'il lui attri-
buait. L'éditeur paroissoit avoir
appris du prêtre Cormeaux lui-
même toutes les circonstances de
sa vie, lorsqu'il avoit été prisonnier
avec lui pendant quelques jours à
Versailles ; mais les ecclésiastiques
du diocèse de Saint- Brieuc qui
ont connu particulièrement ce
saint prêtre , pensent que plu-
sieurs des discours qui lui sont
attribués dans cette édition , ne
sont pas de lui, parce qu'ils n'y
trouvent point l'exactitude , la
facilité , la noble simplicité qu'ils
lui connoissoient. « Son genre
étoit, disent-ils, d'aimer mieux
toucher les cœurs que plaire à
l'esprit. Il avoit une diction affec-
tueuse et pure. Ses phrases étoient
sentencieuses et courtes. Les aspi-
rations et les apostrophes reve-
noient fréquemment dans ses dis-
cours; et presque tout son style
se composoit de pensées de l'E-
criture sainte : nous l'assurons,
parce que nous l'avons entendu
fréquemment. Il n'avoit Blême
écrit que très - peu de pTÔnes .
d'instructions et de. conférence-;.
47a COR
Presque toujours i! parloit d'abon-
dance et comme d'inspiration :
quand il étoit parli pour Paris,
comme en fugitif, il n'avoit point
songé à emporter les manuscrits
de ce genre qu'il pouvoit avoir.
Les seuls discours qui pourroient
être authentiques parmi ceux que
l'éditeur a publiés, seroient ceux-
là seulement qu'à la page ia5 de
la Vie du curé Cormcaux , l'on
prétend avoir été dictés par lui-
même en prison aux jeunes prê-
tres, avec lesquels il étoit détenu.
Là, se retrouvent en effet son ar-
dent amour pour Jésus - Christ,
sa tendre confiance en la sainte
Vierge, sa vive dévotion pour les
9aints Anges gardiens , les Apôtres
et les Martyrs de la France » .
CORMIER (Jean) , curé. ( V.
J. B. DuCORMIER.)
CORNEILLE (Alexandre),
prêtre de Lyon, né dans cette
ville en 1726, et que les listes des
victimes de 1 795 qualifient inexac-
tement de chanoine de Saint-Paul,
étoit seulement bénéficier perpé-
tuel de cette collégiale. Ferme dans
sa Foi, il avoit repoussé la cons-
titution civile du clergé, malgré
les persécutions auxquelles étoient
en butte les prêtres qui vouloient
rester catholiques. Son âge déjà
avancé le dispensoit de sortir de
France, lorsque la loi du 26 août
1792 vint en bannir les non-
assermentés; et la protection que
ceux de Lyon trouvèrent dans les
événemcn5 qui eurent lieu en
COR
i^j5 ( V. Lyon), dispensèrent le
sexagénaire Corneille de la réclu-
sion qui lui étoit prescrite par cette
loi. La persécution ayant acquis
une plus grande fureur après le
siège de cette ville, et le tribu-
nal appelé commission révolu-
tionnaire, que les proconsuls de
la Convention y créèrent en no-
vembre , ne voulant faire grâce à
aucun prêtre fidèle, le chanoine
Corneille fut arrêté. Traduit de-
vant les juges, il refusa coura-
geusement les sermens impies qui
lui furent demandés ; et on le
condamna , le 9 nivôse an II
( 29 décembre 1793 ), à la peine
de mort, comme « prêtre-réfrac-
taire et contre-révolutionnaire ».
Il avoit alors 67 ans. ( V. Cor-
beau, et Cortès.)
CORNELLY (Jacques) , prêtre
irlandais et religieux Récollet, son s
le nom de Père Jacques, étoit
gardien de la maison des Récol-
lets irlandais de Boulay, dans le
diocèse de Metz. Il repoussa ,
comme un crime contre la Foi, le
serment «chismatique de 1791 ;
et, mis hors de son cloître par la
suppression des ordres monas-
tiques, il continua d'habiter la
province de Metz, où il exerça le
ministère sacerdotal avec beau-
coup de fruit. Les impies persé-
cuteurs le firent emprisonner à
Metz, en 1790, et bientôt l'en-
voyèrent à Rochefort, pour être
déporté au-delà des mers (V. Ro-
chefori). Mais il avoit tant souf-
COR
fertdans le voyage, qu'en arrivant
dans cette ville, il tomba grave-
ment malade. On l'y déposa dans
l'hôpital, où il mourut le 4 août
1764? à l'âge de 40 ans. Sa mort
peut être comparée à celle du
saint Martyr Héliodore, de Perse,
dont l'article de C1' Bougarel
nous a fourni l'occasion de parler.
(V. Cordier, ex -Jésuite, et P.
Cornette. )
CORNETTE (Philippe de),
prêtre, chanoine et grand-chantre
de l'église collégiale de la ville de
Dorât, dans le diocèse de Limoges,
étoit né en ij45, à Brigneul-Ie-
Chantre , paroisse du même dio-
cèse. Il manifesta de la manière
Ja plus formelle, son éloignemcnt
du schisme constitutionnel de
1791, et fut loin d'en faire le
serment. Ayant continué d'habiter
sa province, devenue le départe-
ment de la Vienne, et ne cessant
pas de s'y montrer zélé pour la
religion catholique, il tomba dans
les mains des persécuteurs, et fut
emprisonné a Limoges. Quelques
mois après, ils le condamnèrent à
être déporté au-delà des mers, et
le firent traîner, pour cet effet, à
Rochefort. Il y fut embarqué sur
le navire {es Deux Associés {V.
Rochefort). Les souffrances qu'on
y enduroit l'eurent bientôt acca-
blé. Il expira le 24 avril 1794?
à l'âge de 49 ans ; et son corps fut
enterré près du fort Lupin, sur
les rives de la Charente. {V . J.
Corsellï, et J. M. COIRVAISIER.)
COR 475
CORNIBERT (Pierre-Joseph) ,
prêtre et religieux Capucin du
couvent de Vesoul, en Franche-
Comté, diocèse de Besançon, y
étoit né dans Va paroisse de Saint-
Loup, près Dôle, en 1760. II
prit l'habit de saint François , dans
le couvent de Dôle, en 1780, fit
ses vœux deux ans après , dans
celui de Lons-Ie-Saulnier ; et il
eut pour nom de religion, celui
de Grégoire de Saint-Loup. Ses
supérieurs lui firent passer quelque
temps dans leur maison de la ville
de Saint-Claude, d'où il vint rési-
der en celle de Vesoul, à l'époque
où l'Assemblée Nationale pronon-
çoit l'abolition des ordres monas-
tiques. Les vœux sacrés qu'il
avoit faits lui en devenoient plus
chers ; et les entreprises de cette
assemblée contre laFoiranimoient
le zèle qui l'avoit porté précé-
demment à se consacrer tout en-
tier à la direction des âmes et à la
prédication. 11 se multiplioit, en
quelque sorte, pour aller de toutes
parts prémunir les fidèles contre
les pièges de la constitution ci-
vile du clergé; et, craignant
qu'elle ne séduisît les habitans du
village où il étoit né, il s'y trans-
porta avant qu'y fût arrivé le curé
intrus qui devoit en remplacer le
pasteur légitime. Il y affermit plu-
sieurs familles contre les dangers
du schisme, et resta dans ce vil-
lage, malgré la venue de l'intrus,
ne voulant pas que les catholiques
de Saint- Loup manquassent des
474 COR
secours de la véritable Eglise.
Celui-ci cependant, après bien
des injures, le contraignit à s'é-
loigner; et il vint habiter la pa-
roisse de Villefrie, près Vesoul,
d'où il pouvoit étendre les soins
de son ministère à plusieurs pa-
roisses voisines , et spécialement
à celle de Saint -Loup. Il s'étoit
enfin résigné depuis peu de temps
à quitter l'habit de son ordre ;
et celui qu'il portoit contribua
beaucoup à lui donner la facilité de
satisfaire son zèle, que ne décon-
certa point la loi de la déporta-
tion. Le P. Grégoire continua,
pendant 1793, 1794» «795> à
rendre aux fidèles de cette partie
de la Franche-Comté , les mêmes
services, malgré les plus grands
dangers. Plus d'une fois il fut
poursuivi par les agens de la per-
sécution, à Breuch-lès- Fauco-
gney , à Villers-lès-Luxeuil, à
Meurecourt près Lure , à Con-
flans près Luxeuil ; et même le
mari d'une femme malade , qu'il
venoit de confesser, lui tira un
coup de fusil qui le blessa à la
main.Lorsqu'après lefameuxnettf
tfiermidor, plusieurs prêtres dé-
portés furent ramenés en France
par le désir du salut des âmes,
cette augmentation d'ouvriers
évangéliques donnant au P. Gré-
goire la facilité de porter plus
loin son ministère , il quitta Vil-
lefrie , alla fixer sa demeure ail-
leurs; mais, un jour qu'il s'étoit
transporté à Villedieu-en-Fonte-
COR
nellc, à quatre lieues de Vesoul,
l'agent de la Commune le fit arrê-
ter pendant la nuit, dansla maison
où il reposoit. On le conduisit le
lendemain à Vesoul, chef-lieu du
département de la Haute-Saône.
C'étoit là que résidoit le tribunal
criminel par qui le P. Grégoire
devoit être jugé. Dans le premier
interrogatoire qu'un des juges lui
fit subir, il lui demanda quel cloit
son domicile ; et le P. Grégoire
répondit «qu'il n'en avoit plus de
fixe, depuis qu'au nom de (a
nation, on avoit dispersé sa com-
munauté ; et qu'il alloit partout où
l'appeloient les besoins spirituels
de ses frères » . Telle avoit été la
réponse de saint Justin à une ques-
tion semblable, dans une circons-
tance analogue (1). L'interrogateur
lui dit ensuite : « Avez-vousprêté le
serment de liberté-égalité »? —
« Non » , répliqua ce bon reli-
gieux, et ses réponses furent les
mêmes dans un second interroga-
toire qui précéda immédiatement
la mise en accusation. Les juges
cependant répugnoient â le con-
damner ; et le défenseur qu'ils
lui nommèrent d'office, fut chargé
de l'engager à laisser croire qu'il
avoit prêté ce serment. II se
laissa séduire un moment par les
sophismes de l'avocat, et se con-
(1) Neque alium quempium locum ,
nisi qaem dixi cognosco : ac si quis nd
me venire voluil , communicavi cutti
Mo verilatis doclrinam. ( Ruin. : Acla
sancti Justini et sociorwn.)
COR
duisit en conséquence lorsqu'il
comparut, le lendemain, devant
le tribunal; niais Dieu se servit
alors de l'impie rigueur de l'accu-
sateur public, pour redresser la
fausse conscience que le P. Gré-
goire s'étoit faite. Ce magistrat
lui-même l'accusa d'imposture sur
ce point, exigeant que, sous
vingt-quatre heures, il justifiât de
sa prestation du serment de li-
berté-égalité y et le fit renvoyer
dans un cachot. Là , il se reprocha
bien amèrement sa condescen-
dance aux conseils de l'avocat; et
ses remords furent fortifiés par un
billet que lui firent parvenir les
supérieurs ecclésiastiques du dio-
cèse de Besançon. Ils lui disoient :
« Votre persévérance à déclarer
faussement que vous avez prêté
un serment illicite, scandaliseroit
beaucoup les fidèles , et feroit
triompher les ennemis de l'Eglise ;
ceux qui vous en ont donné le
conseil n'y ont été portés que par
une injuste compassifci , sem-
blable à celle des amis du véné-
rable Eléazar. Il faut pouvoir
dire, avec le grand apôtre : J'ai
dignement combattu jusqu'à la
fin ; et, arrivant au terme de
ma course, après avoir toujours
conservé la Foi, j'en attends la
couronne. Le moyen de l'obtenir
est une rétractation publique et
solennelle, comme la pénitence
de Pierre : Egressus foras flevit
arnarè r- . Le P. Grégoire , dis
lors bien déterminé à eette rétrac-
COR /|75
tation . ne céda point aux nouvelles
instances de son avocat, pour le
faire persisterdans sa supercherie.
« L'intérêt que vous prenez à moi
excite mes craintes, lui répondit-
il, comme S. Ignace d'Antioche
aux chrétiens qui vouloient acheter
sa délivrance; votre affection tend
à blesser mon âme » : Timeo enim
caritatem vestram, ne if sa me
iœdat ( Epist. ad Romanos ).
Ramené devant les juges le len-
demain , il leur parla en ces
termes, devant le public : « Vous
avez pu croire , d'après ce que
vous dit hier mon défenseur, et
d'après mon silence , que j'avois
prêté le serment de liberté-éga-
lité. Ce silence de ma part est
une coupable foiblesse, une faute
que je me reproche , et que je
dois réparer aux yeux de tous
ceux qui en ont été les témoins.
Je déclare donc aujourd'hui que
je n'ai prêté aucun serment depuis
la révolution, et que, si j'ai con-
senti à vous laisser croire le con-
traire , ce n'est point la crainte de
la mort qui m'y a engagé , mais
uniquement celle de voir outrager
la religion et l'humanité : la pre-
mière , par l'effroi que causeroit
mon supplice à beaucoup de mi-
nistres de l'Eglise dont elle a un
extrême besoin, et qui les disper-
seroit ; la seconde , parle nouveau
meurtre auquel seroit entraîné le
tribunal. Dieu m'est témoin de la
pureté de mon intention, et de la
droiture de mon cœur. Toute ma
h:^ COR
vie, j'ai désiré le sort de ceux qui
àvoient eu le bonheur de donner
leur sang pour la religion ; et je
m'estimerai heureux si je suis
trouvé digne de verser le inien
pour elle , à leur exemple. Je
n'ignore pas ce qui m'est réservé ,
après un tel aveu : je sais que la
loi prononce la peine de mort
contre moi, et je m'y attends ».
Son avocat, prenant ensuite la
parole , et voulant soutenir que
son client avoit réellement fait le
serment de liberté-égalité, pré-
tendoitque son désaveu provenoit
d'une tête dérangée par sa situa-
tion. «Non, elle ne l'est point,
s'écria vivement le P. Grégoire ;
c'est avec toute la raison , la ré-
flexion dont je suis capable, que ,
ne voulant point sacrifier ma cons-
cience aux intérêts de ma tran-
quillité terrestre, je déclare haute-
ment que je n'ai pas plus fait ce
serment que celui de la constitu-
tion civiiedu clergé. Si cette con-
duite vous paroît criminelle; si,
à vos yeux, elle mérite la mort ,
me voici prêt à la subir». Ce lan-
gage différoit-il donc beauc@up de
celui du même saint Ignace d'An-
tioche, écrivant de sa prison aux
chrétiens : « Pardonnez , mes
frères, et ne vous opposez plus à
ce que j'aille vivre dans Jésus-
Christ : ce seroit vouloir que je
mourusse véritablement ; dès que
je dédaigne la vie d'ici bas, laissez-
moi recevoir la pure lumière de la
Divinité; j'en jouirai, si vous n'y
COR
mettez plus l'obstacle d'une com-
passion purement humaine » :
Ignoscite mihi , fratres ; non
im/pediatis me viverc; non ve-
iitis me mort; dimittite me
purum lumen accipere : illuc
adveniens, homo ero Non
ampliùs volo secundàm homi-
nes vivere : hoc autem erit si
vos velitis. ( Id. ibid. ) L'accu-
sateur public se mit alors à dé-
clamer violemment contre les
prêtres en général; et il conclut
par requérir contre le P. Grégoire
la sentence de mort. Le président
n'auroit pu se dispenser de la pro-
noncer, qu'en renonçant à sa
charge. Mais qui est capable d'un
tel acte de probité, depuis la ré-
volution ? En la prononçant, ce
magistrat dit au P. Grégoire,
comme pour s'en excuser lui-
même : « Vous avez toujours eu
le désir de donner votre sang pour
la Foi ; vous allez avoir cette con-
solation ». Le P. Grégoire, qui
s'étoit nfea genoux pour entendre
la sentence , dit alors aux juges :
« Je vous remercie ; vous me
procurez le bonheur après lequel
en effet j'ai soupiré long-temps.
Oui, ce jour est le plus beau de
ma vie , puisque j'ai l'avantage
d'avoir réparé ma faute , et de
pouvoir la laver dans mon sang » .
Se tournant ensuite vers le peuple,
il ajouta : « Et vous, mes frères,
que j'ai eu le malheur de scanda-
liser par une espèce d'aveu qui
répugnoit à ma conscience , par-
COR
donnez-moi ce scandale, que je
vous ai donné involontairement;
car, je dois le dire pour ma justi-
fication, et pour conserver votre
estime dont je suis jaloux : non,
ce n'est pas la crainte de la mort
qui m'a porté à feindre quelques
instans. Ma principale crainte étoit
de voir mes juges se rendre cou-
pables du crime de ma mort;
mais je ne dois pas perdre mon
âme pour les sauver. Oubliez
donc ma faute, et ne vous rappe-
lez que mon repentir » . Les juges
avoient déjà quitté leurs sièges :
les soldats se hâtèrent de recon-
duire le P. Grégoire en prison.
En entrant , il dit aux confrères
qu'il y retrouva : «Je suis plus heu-
reux que vous : j'aurai bien certai-
nement le bonheur de mourir
pour notre sainte religion». En-
suite il se mit à genoux, remercia
Dieu de cette faveur, comme aussi
de la grâce qu'il lui accordoit de
faire avec joie le sacrifice de sa
vie. Tout cela se passa le 25 ni-
vôse an IV (vendredi, i5 janvier
inç)5), suivant les renseignemens
positifs que nous avons demandés
à Vesoul même, et non le i5 jan-
vier 1796, comme il a été dit dans
un autre ouvrage , en affirmant
avec raison que le P. Grégoire étoit
mort un vendredi, sans observer
que le 1 5 janvier de cette dernière
année fût un samedi. Le saint reli-
gieux censacra le reste du temps
à se préparer à la mort : il se fit
réciter les prières des agonisans,
COR 47;
auxquelles il répondoit avec beau-
coup de ferveur. Comme ses con-
frères ne pouvoient lui cacher leur
attendrissement : «Ne vous affligez
pas, leur dit-il, nous nous re-
verrons un jour. N'est-ce pas
beaucoup de grâces qu'on me
fait, en m'envoyant au supplice
le jour et à l'heure où notre divin
modèle est mort ? Courons au
combat qui nous est proposé ;
courons-y les yeux fixés sur J.-C,
l'auteur et le consommateur de
notre Foi, lequel se fit une joie
d'endurer le supplice de la croix ,
et d'en mépriser l'ignominie».
On tardoit à venir le prendre pour
le conduire à l'échafaud, parce
que, la guillotine n'ayant pas en-
core été employée dans cette ville ,
les préparatifs en furent longs ; et
il disoit avec regret : « On pro-
longe bien mon agonie ! » Enfin
il fut mené au supplice , les mains
liées derrière le dos, comme un
malfaiteur. Son magnanime cou-
rage ne se démentit point ; et
quand sa. tête eut été abattue par
l'instrument de mort, nombre de
personnes vinrent recueillir son
sang avec des mouchoirs, qu'ils
conservent encore avec véné-
ration ( y. J. I. Lessus). Il im-
porte d'observer que l'immolation
de ce saint prêtre eut lieu vingt
mois environ après la chute de
Roberspierre ( V. C. F. Coper-
Schmit, et Cortot, Cordelier. )
CORNOT (N...), curé de Cm-
gey, dans le diocèse d'Autun, fut
4;8 COR
si persécuté, si maltraité, u cause
de son refus du serment schisma-
tique de 1791, mie les mauvais
traitemens dont on l'accabla abré-
gèrent ses jours ; et il en mourut
en 179a ( V, ci-dev. , pag. 4°7)-
Son nom s'est trouvé, en 1794 ,
sur une liste des Martyrs récens
de la France , imprimée à Rome ,
cette année-là, sous les yeux et
avec l'approbation de Pie VI.
(V. Augier, de Montmorillon.)
CORNUAULT (Charles), curé
de Noireterre , dans le district de
Bressuire et le diocèse de La Ro-
chelle, ayant refusé avec tout le
courage des anciens confesseurs
de la Foi , le serment de la cons-
titution civile du clergé, fut,
dès 1791, chassé de son église
par les administrateurs du district
de Rressuire , qui mirent de force
à sa place un prêtre assermenté.
Le curé Cornuauît vint alors dans
sa famille , où il éprouva de nou-
velles et bien amères peines, à
cause de sa constance dans la Foi
catholique. Elles vont être ra-
contées par une bouche bien
plus capable que la nôtre de faire
apprécier le mérile de cet ecclé-
siastique. Obligé de s'éloigner de
la maison paternelle , il se vit bien-
tôt forcé de quitter même la France
pour obéir à la loi de déportation ;
et il se réunit avec deux autres
curés également bannis par la
même loi, pour en subir les ri-
gueurs , en s'exilant de leur patrie.
Mais quand ils se mirent en route ,
COR
le terme du délai accordé par cette
loi barbare, étoit expiré \ V. Dé-
portation). Cornuauît est arrêté
avec eux, et le district de Bres-
suire veut qu'ils soient déportés à
la Guiane. Il les fait conduire à
La Rochelle pour y être embar-
qués. En attendant qu'ils puissent
l'être, ils restent dans les prisons
de cette ville, où ils ont pour com-
pagnon de captivité un autre prê-
tre, destiné au même sort, pour
les mêmes motifs. On a pu voir
à l'article Rochefort, que l'on ne
put commencer à embarquer des
prêtres pour la Guiane, que dans
le printemps de 1794; et l'on n'en
étoit encore qu'au mois de mars
1793, lorsqu'un des généraux des
troupes républicaines qui com-
battoient contre les Vendéens ,
étant arrêté comme suspect de tra-
hison, pour avoir été mis en dé-
route par eux, fut amené dans la
prison où se trouvoient ces quatre
prêtres. Les administrateurs du
cfistrict de La Rochelle, ombra-
geux jusqu'à la cruauté, craigni-
rent qu'ils n'eussent des intelli-
gences avec ce général ; et pour
qu'ils ne communiquassent pas
avec lui, ils ordonnèrent de les
transférer à l'île de Ré , quoiqu'on
dût bien prévoir qu'ils n'y arri-
veroient pas vivans, attendu la
fureur que la déroute des troupes
républicaines avoit excitée parmi
les scélérats de La Rochelle. Des
soldats sont chargés de conduire
ces prêtres au port, le 21 mars
COR
1 795 ; et, comme pour attendre le
moment de les embarquer, ils les
font entrer dans le corps-de-garde
qui s'y trouve. A peine y sont-
ils, qu'une populace furibonde y
pénètre avec rage, et les y mas-
sacre. Elle en immole aussi deux
autres qui tombent sous sa main,
et dont il sera parlé tout a l'heure.
Leurs têtes sont coupées et por-
tées en triomphe sur des piques
préparées à cet effet; leurs corps
sont traînés en même temps dans
les rues de La Rochelle. Un
juge de paix , indulgent pour les
meurtriers, vient verbaliser sur
cet atroce événement, mais avec
toute la légèreté qu'ils pouvoient
exiger; et son procès-verbal, où
ne sont mentionnés ni l'âge des
victimes, ni les noms de bap-
tême de deux d'entre elles, cons-
titue lui seul tout leur acte de
mort dans le registre mortuaire
de l'état civil de La Rochelle. On
y lit simplement, à la date du
24 mars 1793, que « d'après les
procès-verbaux du juge de paix
de La Rochelle, il résulte de l'évé-
nement qui a eu lieu le 21 dans
celte ville, que les dénommés ci-
après (au nombre de six) y sont
décédés par suite d'émeutes popu-
laires. Les quatre premiers (Cor-
NUAtJLT , L. HULÉ , Chr. VlOLLGAU ,
et M. J. M. Ogeard , qui y est
écrit Auceard) , étoient détenus
dans la prison de La Rochelle ; et
c'est an moment de s'embarquer
pour Pile de Ré, qu'ils furent
COR 479
massacrés sur le port. Les deux
derniers (Dauche et A. Vergé)
eurent le même sort, au moment
où ils alloient descendre d'une
barque qui les auroit transférés
des sables d'Olonnc à La Rochelle.
Ils ont été inhumés dans le cime-
tière de Saint-Jean, réuni à celui
de Saint-Barthélemi, paroisse de
cette ville ».
Le digne évêque de La Rochelle ,
Msr Jean-Charles deCoucy,nommé
dans la suite, en 1817, à l'arche-
vêché de Reims, alors exilé, et
connoissant le mérite des curés
Cornuault , Violleau et Ogeard
(les trois autres n'étoient point de
son diocèse ) , ayant appris com-
ment ses troiscoopérateursavoient
péri, n'hésita point à les consi-
dérer comme de vrais Martyrs; et
la lettre pastorale, que, dès le
8 mai suivant, il adressa sur ce
sujet à son clergé, les lui propo-
sant pour modèles, peut être re-
gardée comme une de ces canoni-
sations que les évêques avoient le
droit de faire dans les douze pre-
miers siècles de l'Eglise. Mo-
nument précieux pour l'histoire
ecclésiastique de notre temps ,
cette lettre pastorale mérite d'au-
tant mieux d'être conservée ,
qu'elle atteste la sainteté de ces
trois victimes de l'irréligion, et la
piété éclairée, comme la sollici-
tude épiscopale du prélat.
« Notre sensibilité, disoit-U,
est mise à une nouvelle épreuve.
Pasteurs, s'écrioit le prophète.
48o COR
chefs du troupeau , faites retentir
les airs de vos gémisscmens : les
jours sont arrivés où vous devez
périr sous le glaive , et où vous
serez brisés comme des vases
précieux ( 1).
« Le crime poursuit la vertu
avec l'acharnement de l'enfer; et,
parmi une infinité de victimes de
tout âge, de tout sexe, de toute
condition, nous comptons trois
de nos vénérables coopérateurs ,
dignes Martyrs de J.-C. , qui,
après trois années de combats, et
six mois de chaînes, ont scellé
leur glorieuse confession de leur
sang, dans notre ville épiscopale,
le 21 du mois de mars dernier.
A cette nouvelle, nos très-chers
frères, nous avons été saisis d'ef-
froi
« Mais, si notre premier senti-
ment a été l'émotion déchirante
de Jacob, lorsqu'on lui annonça
la mort de Joseph son fils bien-
aimé, trahi et vendu par ses frères;
la vive douleur de David, lors-
qu'il perdit l'ami de son cœur, le
fidèle Jonathas ; le saisissement
et la consternation des frères de
l'illustre Macchabée, immolé par
les ennemis du peuple de Dieu;
ranimés par la Foi et prosternés
au pied du vainqueur de la mort
(l) Ulttlate, pastores , et clamate;
et aspergite vos cinere, optimates gré-
ais , quia complcli sunt dies vestri ut
inlerficiamini ; et cadetis quasi çasa
pretiosa (Jei'cm. C.xxv, 34).
COR
et du péché, en lui offrant le juste
tribut de nos larmes, nous lui
avons en même temps rendu des
actions de grâces, pour le don
précieux qu'il fait à notre Eglise,
à notre diocèse , dans ces dignes
ministres des saints autels.
« Dans cette vallée de larmes,
ils étoient comme vous, nos très-
chers frères , nos enfans , nos
frères , nos coopérateurs bien-
aimés , nos amis les plus ten-
dres. Aujourd'hui, que la palme
du martyre le plus glorieux
leur a été décernée , nous les
regardons comme des modèles ,
et de nouveaux protecteurs au-
près du Père des miséricordes.
Oui , ils solliciteront le retour
de tant de brebis égarées : leur
sang , leurs plaies réclameront
en faveur même de leurs bour-
reaux Ils uniront leurs
vœux elficaces à ceux que nous
ne cessons de former pour notre
Eglise , notre cher diocèse , et pour
cette ville criminelle qu'ils ont
sanctifiée par leur mort , qu'ils
ont édifiée par la générosité de
leur sacrifice, et à laquelle , jusque
dans les liens , ils ont cherché à se
rendre constamment utiles...
« Qu'avoient donc fait, nos très-
chers frères, ces dernières vic-
times, immolées par des monstres
plus cruels que des sauvages?...
Nous n'avons pas été témoins nous-
mêmes de leurs premiers travaux,
dans la portion de la vigne du Sei-
gneur qui leur avoit été confiée
COR
par l'Eglise (1) ; mais nous avons
recueilli les principaux traits qui
caractérisent leun vie sacerdo-
tale, et nous aimons à nous en
édifier avec vous, nos vénérables
frères, qui avez partagé leur sol-
licitude, imité leur Foi, et que
la divine miséricorde a daigné
conserver à notre chère Eglise,
pour la régénérer.
« Nous savons que MM. Charles
Cornuault, curé de Noirelerre,
Michel-Jean-Marie Ogeard, curé
de Noirlieu , Christophe Viol-
leau, çuré de La Chapelle-Gau-
din , jouissoient dans leurs pa-
roisses de l'estime, de la confiance
et de la vénération publiques.
Nous savons qu'ils étoient fidèles
dans le ministère de la parole et
de l'instruction. Nous savons qu'ils
donnoient l'exemple des vertus
pastorales, et d'un zèle vraiment
apostolique. Nous savons que rien
de ce qui pou voit être utile à leurs
ouailles n'échappoit à leur tendre
et active sollicitude. Leur temps,
leurs veilles, leurs biens étoient
consacrés aux besoins spirituels et
temporels du troupeau. S'élevoit-
il une contestation dans l'intérieur
des familles? disciples d'un Dieu
de paix, ils venoient concilier les
intérêts divisés, et y rétablir le
calme et l'harmonie. Trouvoient-
ils des malheureux? pères tendres,
et remplis de charité, ils essuy oient
( i ) M?r de Coucy n'etoit monté sur
le siège de La Rochelle qu'eu 1790.
2.
COR 481
leurs larmes, se privoient du né-
cessaire pour les soulager, et les
soustraire souvent à des pour-
suites rigoureuses. Ah ! de tels mi-
nistres du sanctuaire ne pouvoient
être ébranlés par l'orage qui s'est
élevé sur l'Eglise de France. Aussi,
à l'époque, du serment impie qui
a précipité le royaume dans le
schisme le plus déplorable , ils
s'expliquèrent avec le courage et
la simplicité de la Foi. En ren-
daut à l'autorité ce qui lui est dû,
ils se sont montrés fidèles enfans
de la sainte Eglise catholique ,
apostolique et romaine, inviola-
blement unis à leur évêque légi-
time, et, par lui et avec lui, à la
chaire de saint Pierre.
« On nomma pour les rempla-
cer trois de ces apostats, entrés
par la violence dans l'héritage du
Seigneur. Deux de ces indignes
usurpateurs eurent encore assez
de pudeur, pour refuser d'accep-
ter la dépouille forcée des pasteurs
légitimes.
«Au plus fort de la tempête, et
des fureurs inouïes, exercées de-
puis long -temps contre les mi-
nistres fidèles, MM. Violleau et
Ogeard restèrent à la tête de leur
troupeau, jusqu'au moment du
décret barbare qui condamna les
prêtres catholiques à l'exil , à la.
prison ou à la mort.
« M. Cornuault fut privé, dès
le premier instant, de l'exercice
de ses fonctions, et de la conso-
lation de communiquer avec 9on
3i
4»2 COR
peuple, et Je lui être utile. Le
prévaricateur , nommé pour lui
succéder de son vivant, vint, au
nom de l'impiété et avec l'au-
dace de l'hérésie, semer le blas-
phème, la corruption et l'erreur
dans sa paroisse. A cette épreuve
si pénible au cœur du vertueux
pasteur, s'en joignit une autre bien
sensible à la nature. Après avoir
fait au devoir, à la conscience,
à la Foi, le plus grand, comme
le plus nécessaire de tous les sa-
crifices, il de voit espérer de trou-
ver au moins, dans le sein de sa
famille, des ressources contre l'in-
digence, et ces consolations que
les liens du sang sembloient lui
assurer. Mais non : un père et
une mère barbares et dénaturés
repoussent de leur présence le fils
qui fait leur gloire. Il est obligé
de fuir, et de pleurer à la fois,
dans le secret d'un asile offert par
l'amitié, et la cruauté impie de
ses parens , et les malheurs dont est
menacé son peuple, et les maux
publics de l'Eglise et de l'Etat.
« Enfin, réunis tous les trois
pour obéir à l'ordre tyranniquc
qui les chassoit de leur patrie , ils
sont arrêtés; et, sous le prétexte
que le terme fixé par cette loi de
sang est expiré , on les traîne dans
les prisons de La Rochelle , pour
y attendre la facilité du passage à
une terre lointaine , séjour des
sauvages, qui l'eussent été moins
encore que ces Français coupa-
bles de tant de crimes.
COR
« Quel contraste , nos très-chers
frères , entre leur zèle pur et
éclairé, et le fanatisme de leurs
persécuteurs! Soutenir la Foi par
des leçons sublimes et des exem-
ples héroïques de vertu ; mon-
trer une constance et une fermeté
à toute épreuve , une patience
invincible dans les souffrances ;
n'avoir d'autre but que de se sanc-
tifier, en sanctifiant les autres :
telle est la voie qu'ont suivie nos
glorieux Martyrs.
<« Pleurons donc sur tant de cou-
pables... plutôt que sur ces trois
saintes victimes , qui ont rendu
un si beau témoignage à la Foi
catholique par leur résignation,
leur énergie et leur constance iné-
branlables dans les fers. Ces dignes
coopérateurs , associés à notre
ministère , sont dans le sein de la
Divinité. Ils ont consommé leur
course en généreux athlètes, et
la couronne de justice leur est
assurée.
«Heureux, vous dirons-nous
avec le pape saint Clément, heu-
reux les prêtres qui ont achevé
leur carrière saintement et avec
fruit ; car ils ne craignent point
d'être privés de la place qui leur
est acquise ! Félicitons-les d'être
délivrés de cette prison mortelle ,
et à l'abri de tous les dangers qui
nous environnent dans ce siècle
de crimes et d'impiétés.
« L'âme est saisie d'horreur, en
parcourant le tableau des ruines
de notre temps, pouvons- nouî
COR
dire avec saint Jérôme, dans sa
lettre au saint vieillard Héliodore,
sur la mort du prêtre Népotien,
auquel il étoit lui-même si ten-
drement attaché (1) : « Chaque
jour le sang coule et ruisselle
de toute part. Que de femmes
respectables, de vierges du Sei-
gneur ont été exposées aux ou-
trages et aux cruautés de ces
hommes changés en bêtes féroces !
Combien d'évêques captifs , de
saints prêtres mis à mort , d'églises
renversées, d'autels profanés, de
reliques de saints Martyrs souil-
lées ! partout le deuil , la désola-
tion et l'image de la mort. Le
monde s'écroule! Heureux
celui qui n'est pas témoin de ces
secousses terribles ! heureux celui
qui n'en a jamais entendu parler !
Et que nous sommes à plaindre ,
sinon pour les maux que nous
souffrons, au moins pour ceux
(i) « Horrct animus temporum nos-
tronim ruinas persequi Quotidiè
sanguis effunditur. Quot matronœ ,
quot virgines Dei, et ingen.ua nobiliu-
que corpora lus belluis fuére ludibrio !
Capti episcopi , inter/ecti presbyteri , et
dispersa officia clericorum ; subi>ersœ
ecclesiœ; ad allaria Chrisci slabulati
equi ; Marlyrum efj'ossœ reliquiœ ; ubi-
que Inclus , ubique gcrnitus et plurima
mortis imago. Orbis mit : et tamen cer-
vix nostra erecta non flectitur. . . Félix
qui hœc non videl ! jelix qui hœc non
audit! nos miser i, qui aut. palimur,
tint patientes frutres nostros tanta per-
spicimiis » (S Hycroii. de Morte Ne~
poliani)
COR 483
dont nos frères sont la proie et
les victimes !. .. »
Disons encore avec le même
saint : « Ne pieurons point
d'avoir perdu ces vénérables Mar-
tyrs (i). Rendons grâces à la di-
vine bonté qui nous les a donnés
pour modèles ici-bas, et nous les
donne pour intercesseurs uans le
Ciel. Car tous sont vivans devant
Dieu ; et en retournant au Sei-
gneur, ils ne sont point sortis de
notre famille » .
Nous ajoutons avec S. Ambroise,
nos très-chers et vénérables frères,
ces expressions qui conviennent
si bien à nos glorieux coo-
pérateurs et saints Martyrs (2) :
« Ce sont là ceux qui, en obéis-
sant aux avis de leurs pères dans
la Foi, ont sacrifié leurs biens et
leurs possessions pour suivre les
traces de notre Seigneur Jésus-
Christ. Rien de terrestre, rien de
(1) « Non mœremus quod taies ami-
sirnus ; sed gratias agimus quod habui-
mus , itno habemus. Deo enim vivunt
omnia ; et quidquid reverlitur ad Do-
minum , in familiœ numéro computa-
lur » ( S. Hyer. ad Eustoch. ).
(2) « Isti sunt qui monitis meis ob-
tempérantes , prœdia et dii itias res—
puentes, secuti sunt Domini nostii
Jesu Christi vesligia. Nihil terrenum ,
nihil carnale concupiscentes in inedia
hac urbe , in Dei seivitio perdurantes ,
ad hoc pertigere ut Christi Martyi'es
jierent Non eos sœcularis illecebra ,
sed difini opert's gratia ad firmamen-
tum sacralissimœ passionis evexit ,
multàque unie rnorum virlutumque
3i.
484 COR COR
charnel n'a ébranlé leur âme ; et , Que d'autres mettent leur con-
tenues jusqu'à la fin dans le ser- fiance dans la force et le hombre
\ice de Dieu, ils ont obtenu la des armées : pour nous, c'est au
palme du martyre. Heureux d'à- nom, et parla vertu du Seigneur
voir résisté aux prestiges trom- notre Dieu , que nous serons glo-
peurs du siècle, et d'avoir ton- rifiés(i)».
jours été fidèles à la voix de la Donné dans le lieu de notre
i;râce, ils ont mérité qu'elle les exil, le 8 mai i?g3. Signé, Jean-
soutînt dans les angoisses du der- Charles, évêque de La Rochelle,
nier supplice; et la preuve comme {V. Dacche, missionnaire. )
la récompense de leurs vertus , CORTEY ( François ) , prêtre
c'est le martyre même qu'ils ont du diocèse de Lyon, né à Ampie-
souflert, plutôt que de se laisser puis, en Beaujolais vers 1729,
1 aincre par les tentations de la étoit préhendier - chapelain du
terre (1). Oh ! que d'actions de château de ce bourg. Pendant
grâces nous vous devons , Sci- de longues années , il en avoit
gneur Jésus ! de nous avoir donné secondé le curé et le vicaire,
tant de confesseurs et de Martyrs dans leurs fonctions sacerdo-
dans ces temps d'impiété et d'ir- taies. Repoussant, comme une
religion, où votre Eglise a besoin œuvre de ténèbres, la constilu-
d'un aussi grand secours! Voila lion civile du clergé , il s'étoit
ses vrais soldats , ses véritables tenu a l'écart du schisme qu'elle
défenseurs; et leur protection est introduisoit, et n'en voulut jamais
d'autant plus sûre qu'elle est plus prêter le serment. Plus que sexa-
grande. Nous ne voulons point génaire quand la loi du 26 août
d'autres armes que leurs mérites, i^ga vint bannir de France les
Jocumentis amtuntitwit in his marty-
rium , quàd adversùs lubricum sceculi
hujus stubiles permanserunt » ( S. Am-
bres. Epist. lui ).
(1) « Grattas tibi, Domine Je.su,
qui hoc tempore taies nobis sanctorum
Jh 'art/ non spiritus excildsti, quo Eccle~
sia tua prœsidia majora desiderat
Taies ergà ambio defensores , taies
milites habeo , quorum quà majora ,
<-t> tutiora patrocinia sunt Talibus
me armis ambiii non nego. Hi in cur—
ribus et lii in equis , nos autern in 110-
im'ue liomini Dei nostri invocabinius »
'S. Aral>ros. Epist. iiv).
(1) « Vos autem, carissimi, super-
œdijicantes i>osmetipsos , sanctissima;
vestrœ Fidei in spirilu orantes , uos-
metipsos in dilectione Dei sernate ,
expectantes misericordiam Domihi
nostri Jesu Christi in vilam œternam.
Ei autem quipotens est vos conseivarr.
sine peccato , et conslituere ante con-
spectum glorix suœ immaculalos
Soli Deo Sulvatori nostro , per Jesum
Christum Dominum noslnim , gloria et
magnificentia , imperium , et potes-
tas ante omne sœculum , et nunc, et
in omnia sœcula sœculorum : amen >
(S. Jud. Ep. cath. — ir. 20 , ai , .25.1.
COR
prêtres insermentés , il ne s'exila
point , et se retira au hameau de
Ronno, dans la même province.
Alors , comme en Afrique , au
temps de la persécution des Van-
dales , « les prêtres accablés de
chagrin depuis qu'on leur avoit
enlevé leurs églises, et qu'on vou-
loit encore les enlever eux-mêmes
aux fidèles, alloient mettre leurs
personnes en sûreté , et célébrer
les saints mystères où ils espéroienl
le pouvoir. » Cortey fut décou-
vert, surpris et arrêté, peu après
le siège de Lyon. Les agens de la
persécution le traînèrent en cetle
ville , pour qu'il fût envoyé à
l'échafaud par la terrible com-
mission révolutionnaire qui ve-
noit de s'y établir {V. Lyon).
Amené devant elle, son président
lui demanda non seulement le ser-
ment de iiberté- égalité, mais
encore la tradition de ses lettres
de prêtrise, c'est-à-dire l'abdica-
tion de son sacerdoce. Il refusa ce
serment de l'impiété , plus forte-
ment encore qu'il n'avoit refusé
celui du schisme; et comme on
supposoit que s'il ne livroit pas ses
lettres d'ordination, c'étoit parce
qu'il ne les avoit pas (i) : «Non,
dit-il, comme autrefois S. Félix à
(i) Tnm prœfeclus — dixit : Félix,
rjiiare scripturas Dominicas non dus ?
Atit forsitan non habes? Cui respon-
dit : llubeo quidem , sed non do. Prce-
t velus dixit : Felicc.in çludio intcvficilc.
( Ruin. : Jet. S. FelifSis , £p. et Mari.)
COR 48!
qui le préfet demandoit la tradi-
tion des Saintes-Ecritures, je les
aurois, que je ne vous les remet-
trois pas». De même qu'alors le
préfet donna l'ordre aussitôt de
mettre Félix à mort, la commis-
sion condamna Cortey à cette
peine, comme «prêtre réfractaire
à la loi », le 8 nivose an II (20 dé-
cembre i ^qS), il avoit alors 64 ans.
C'est à tort que , dans toutes les
listes des victimes, on l'a nommé
Cortès. (V. Corneille, et Cot-
TON.)
CORTOT (iV...), prêtre, reli-
gieux Cordelier, conventuel de la
ville de Ceintrey, en Franche-
Comté, dans le diocèse de Besan-
çon , ne doit pas être oublié dans
nos diptyques, malgré le silence
qu'ont gardé sur lui tous les ou-
vrages analogues au nôtre, qui
ont été publiés en France, Le
souvenir de sa mort glorieuse,
nous a été heureusement con-
servé par des Mémoires impri -
més à Rome, en 1795, d'après
des pièces authentiques, recueil-
lies par les ordres du S. P. Pie VI.
On y lit, pag. 5a4 , que le P. C01-
tot , en butte à la rage des persé-
cuteurs, s'éloit caché dans la ville
de Besançon ; que , cette rage
n'étant pas amortie après le fa-
meux g thermidor ( 27 juillet
'/O-t)? U fut arrêté; que le tribu-
nal criminel du département du
Doubs , siégeant à Besançon, le
condamna à la peine de mort ,
comme « prêtre réfractaire , et
486 COR
émigré-rentré » ; que la sentence
s'exécuta le 29 frimaire an III
(19 décembre 1794)? près de cinq
mois après la chute de Robers-
picrre; et finalement que le Père
Cortot s'approcha de l'instrument
de son supplice avec la sérénité
d'une âme pure, et présenta sa
tête au bourreau avec le courage
des vrais disciples de saint Fran-
çois. Son Sge étoit de 46 ans. {V .
P. Jh CoRNIBERT, et C. F. CxALS
MICHE. )
CORVAISIER (Joseph-Marie),
curé de Hervilluc , paroisse du
diocèse de Quimper , natif de
Quimper, ne prêta point le ser-
ment de la constitution civile
du clergé; et son zèle pastoral
brava, pour le salut de ses parois-
siens , les lois impies qui vouloient
l'éloigner d'eux. Il fut enfin arrêté
en 1795; et les autorités révolu-
tionnaires qui subjuguoient le
département du Finistère, en-
voyèrent ce pasteur à Rochefort
d'où il devoit être jeté sur des
plages lointaines. II fut embarqué
sur le navire le Washington,
où il souffrit tellement qu'il suc-
comba, en septembre 1794? sous
le poids des maux qu'il y enduroit.
Il avoit 5g ans quand il mourut :
une violente tempête qui s'étoit
élevée, nepermettantpas de mettre
en mer un canot qui pût seconder
le désir que ses confrères avoient
de lui donner la sépulture, les
matelots jetèrent son corps à la"
mer; mais il fut le seul des morts
COS
de cette déportation qui ne reçut
pas la sépulture. ( V . P. Cor-
nette, et P. Coste, Récollet.)
COSSIN (Jean-René), prêtre,
et l'un des plus anciens chanoines
de l'église cathédrale de La Ro-
chelle, étoit, cemme insermenté
sexagénaire, soumis à la peine de
la réclusion, par la loi du 26 aofit
1792. Ce n'étoitpas assez pour la
rage des impies révolutionnaires
contre les prêtres : le chanoine
Cossin fut envoyé à Nantes, pour
être, de là, déporté à la Guiane;
et le proconsul Carrier l'y fit sub-
merger dans la Loire, avec l'a-
troce stratagème de ses bateaux à
soupapes. ( V. Nantes , et ci-de-
vant, pag. 1 55, 2o5, 317, etc.)
COSTA (Sauveur), prêtre sici-
lien d'une famille patricienne,
établi à Paris depuis huit ans,
y remplissoit avec une religieuse
simplicité les devoirs de son état,
sans être desservant obligé d'au-
cune église. Venu d'un pays où les
aînés absorboient les successions
des pères, et n'étant que cadet,
sans fortune , il ne l'avoit quitté
que pour ne pas exciter par sa pré-
sence quelqu'jndignation contre
le frère qui l'y laissoit en proie à
la misère. Aussi industrieux que
modeste, il se créa dans notre ca-
pitale une ressource dont il n'eut
pas cru pouvoir faire usage en
Sicile, et se mit à travailler chez
lui à l'horlogerie. Dans les inter-
valles que lui laissoient la récita-
lion de Mm bréviaire, ses lectures
cos
spirituelles et la célébration de la
sainte messe, il racommodoit les
montres des particuliers de sa
connoissance , moyennant un lé-
ger salaire. Prêtre vertueux et
tranquille , habitant une rue plus
(pie modeste, appelée le Passage
des Bernardins , il avoit quelque
droit d'être oublié par les persé-
cuteurs; mais il étoit prêtre; et,
après le 10 août 1792, on ne vou-
loit faire grâce à aucun de ceux
qui, par leur édifiante conduite ,
pouvoient mériter d'être assimilés
aux insermentés. Ce fut seulement
le 27 de ce mois qu'on découvrit
Costa : on le traîna de suite au
comité civil, où vainement il
lui fut proposé de prêter le ser-
ment de la constitution civile du
clergé. D'après son refus , on
l'emprisonna dans le séminaire de
Saint-Firmin. Il se rendit de
plus en plus digne, avec les autres
victimes sacerdotales qu'il y
trouva, de faire agréer à Dieu le
sacrifice de sa vie pour Jésus-
Christ; et il fut massacré , comme
eux, le 3 septembre, n'ayant
encore que 59 ans. ( V. Sep-
tembre. )
COSTE (Pierre), frère convers
de l'ordre des Piécollets, dans leur
maison de Périgueux, où il étoit
connu sous le nom de frèreCasan,
devint odieux aux persécuteurs,
parce qu'il persévéra dans les
vertus du cloître, et dans son at-
tachement à l'Eglise catholique.
C'en étoit assezpour le comprendre
COS 48;
dans la proscription des prêtres
insermentés. Le frère Casan fut
mis en prison à Périgueux, et
ensuite envoyé à Rochefort, pour
être déporté avec eux sur des
plages lointaines. P. "rivé dans le
port de cette ville [V. RocheIc-rt),
il tomba malade, par suite des
mauvais trailemens qu'il avoit
éprouvés. On se vit obligé de le
porter à l'hôpital ; et il y mourut
bientôt, à l'âge d'environ 57 ans
{F. ci-devant, pag. 275). Il
étoit né à llibérac, dans le dio-
cèse de Périgueux. ( V. J. M.
Corvaisier, et C. Joudert.)
COSTE ( N... ) , prêtre nona-
génaire, et religieux Dominicain-
à Béziers, considéré, de son vi-
vant et à sa mort, comme un saint,
mourut en février 1 794 , dans les
prisons de Montpellier, où il avoit
été enfermé pour la pureté de sa
Foi. Tels étoient alors en France,
comme en Numidie en 259, les
seuls hospices que les justes eus-
sent chez les infidèles : Eos car-
ccr accepit : hœc enim sota
sunt apud gentiles hospitia
justomm. ( Rolland. : Passio
SS. Jacohi, Mariani, etc.
n" IX. ) Le P. Coste fut regardé
comme Martyr à Rome même .
dès 1794; car son nom se trouve
sur une liste qui s'y fit alors de
ceux que la France venoit de don-
ner à l'Eglise. Cette liste s'im-
prima sous les yeux et avec l'au-
torisation du Souverain Pontife.
{V. Acoiek, de Montmorillon. )
/
488 COS
COSTE (Elisabeth), mar-
chande à Montpellier, fille très-
pieuse, a voit montré un invincible
éloignement pour l'Eglise consti-
tutionnelle. Elle bravoit même,
pour rester fidèle à sa religion ,
et fréquenter les pieux exercices
des prêtres catholiques, les me-
naces et les mauvais traitemens
d'une horde de révolutionnaires
qui, armés de bâtons, et prenant
le titre de pouvoir exécutif ,
parcouroient les rues, pénétroient
de force dans les maisons , pour
forcer les fidèles à se rendre aux
réunions des prêtres schismatiques .
Ce n'étoit même qu'avec peine que
le frère d'Elisabeth , Louis-Antoine
Coste , prêtre invariable dans son
attachement à l'Eglise catholique,
a voit échappé à ces espèces d'assas-
sins. Un soirqu'ils étoient entrés de
force à dix heures, dans la maison
où Elisabeth , alors dangereuse-
ment malade , avoît près d'elle son
frère pour l'assister, ils l'avoient
arraché avec violence des bras de
ceLJe sœur, et traîné à une grande
distance de la ville, sur le chemin
de Toulouse , en l'accablant des
injures les plus révoltantes, et des
traitemens les plus atroces. Mais
enfin cet ecclésiastique, pour évi-
ter les effets de la loi de déportation,
plus terribles encore , passa en
Italie ; et sa sœur prodiguoit à
ceux des prêtres catholiques qui
restoient dans la contrée pour le
salut des âmes, tous les secours
qu'elle pouvoit leur procurer. Elle
COS
étoit d'un comité de charitable*
personnes qui se chargeoient de
pourvoir a leurs besoins, etmême
aux besoins de ceux qui étoient
fugitifs. La Foi de cette sainte
fille étoit si active , et ses vertus
étoient si imposantes, qu'elle seule
ramena à l'unité catholique un
olficier municipal de Montpellier
qui avoit favorisé l'installation du
clergé sebismatique , et même
pris si vivement et si notoirement
parti pour lui, qu'il s'étoit fait
l'un de ses fabriciens dans l'église
de INotre-Dame. Cet officier mu-
nicipal , nommé Bouché , tombé
malade et au lit de mort, avoit
été déterminé, par Elisabeth Coste,
seule , à renoncer au schisme de
la manière la plus édifiante. Loi s
de la plus grande terreur, vers
le commencement de 1794? elle
faisoit fabriquer, de concert avec
les autres membres du charitable
comité , une certaine quantité de
ces petits gâteaux qu'on appelle fja-
ietles , pour servir à la nourriture
des prosciits qui étoient cachés,
et qu'on ne pouvoit guère ali-
menter autrement. Les surveillans
chargés de les découvrir épioient
trop rigidement les vivres qui en-
troient dans telle ou telle maison ,
en les calculant sur le nombre de
ses habitans connus , pour que
l'industrieuse charité ne cherchât
pas à déjouer leurs calculs par un
stratagèmesemblable. Ces gâteaux
étoient déposés, par les fabrica-
teurs, chez des membres du co-
cos
mité qui en faisoicnt ensuite une
distribution clandestine. Les ex-
plorateurs de la persécution étant
venus faire une visite domiciliaire
chez Elisabeth Coste, dans l'es-
poir d'y saisir des prêtres , trou-
vèrent environ trente livres de ces
gâteaux. Néanmoins , cette dé-
couverte n'auroit peut - être pas
été pour eux un motif d'arrêter
cette pieuse fille, s'ils n'avoient
aussi découvert, dans un réduit
fort secret de sa demeure , une
quantité considérable d'ornemens
sacerdotaux et de vases sacrés. Par
là surtout, elle leur sembla digne
de mort ; mais , d'après la résolu-
tion déjà prise par les juges , d'évi-
ter, autant qu'ils le pourroient, de
réveiller aucune idée de religion
dans leurs procédures , devinant
aisément la destination de ces
gâteaux , et présumant qu'il y en
avoit également chez d'autres ca-
tholiques, ils imaginèrent de sup-
poser une conspiration dans ces
galettes. Tous ceux qui leur pa-
rurent être du comité de charité, et
chezlesquelsilsen trouvèrent effec-
tivement, ou qu'ils reconnurent
pour avoir travaillé à les faire ou à
les cuire , furent arrêtés comme
Elisabeth. Nous avons déjà dit, à
l'article Ballard , que les juges
poussoient à tel point les précau-
tions pour écarter des esprits tout
souvenir de la religion, que, dans
leur signature , ils substituoient
a leur nom de baptême, celui de
la plante ou du fruit qui , sur îe
COS 4^9
calendrier républicain d'alors ,
remplaçait le nom de saint qu'ils
a voient porté. L'acte d'accusation,
présenté par Raisin Pages, le
16 germinal an II (5 avril 1794)»
réclama la sévérité du tribunal
contre Elisabeth Coste et ses asso-
ciés en bonnes œuvres , les di-
sant « prévenus d'un complot
tendant à favoriser les projets hos-
tiles des émigrés - déportés , et
autres ennemis de la république».
Cette vertueuse fille, respectée de
tous les honnêtes gens de Mont-
pellier, et qui donnoit, à l'égard
de son père, âgé de 77 ans,
l'exemple de la plus héroïque piété
filiale , étoit le principal ob-
jet de l'animad version des juges.
L'accusateur public s'expliquoit
en ces termes sur son compte :
« Elisabeth Coste , sœur d'un
prêtre déporté que la loi assimile
à un émigré, dans l'objet d'aider
ou favoriser les projets hostiles de
ce frère et de ceux qui, comme
lui, n'ont quitté leur patrie que
pour y revenir, le fer et la flamme
à la main, rétablir la tyrannie, a
conçu l'abominable dessein d'afr
famer le peuple, ou de créer une
disette factice , propre à faire re-
gretter l'ancien régime, el à ame-
ner des mouvemens séditieux, en
dérobant à la circulation le plus
nécessaire et le plus essentiel des
comestibles. Pour l'exécution de
son dessein, elle faisoit faire des
galettes, sorte de pain inusité dans
la présente commune, et excitoif
4o° cos
les autres citoyens qu'elle connois-
soit dans les mêmes principes
qu'elle, à faire de ce même pain.
Elle a été aidée et assistée, dans
cette exécution, par, etc. etc. ».
On voit, sans que nous le fassions
remarquer en détail, tout ce qu'il
jade venin, de perfidie, et même
d'absurdité dans cette accusation.
Cette union frauduleuse des mots
ém igrés et déportés , manifeste le
dessein de poursuivre à outrance
les prêtres , sans parler d'eux.
Elisabeth comparut enfin , le 19
germinal suivant (8 avril 1794)5
avec ses prétendus complices , de-
vant les juges qui tenoient leurs
séances dans la salle de specta-
cles ; leur jury spécial prononça
qu'il étoit constant « que, depuis
le commencement de l'année cou-
rante , il avoit été formé ou trans-
mis, dans Montpellier, un com-
plot tendant à aider ou favoriser
les projets hostiles des émigrés-
déportés, et autres ennemis de la
république, en donnant à facturer,
en recevant pour facturer , en
facturant, en coopérant à la fac-
ture d'une quantité de galettes; en
cachant ou conservant cette espèce
de pain que les coupables desti-
noient à l'aliment exclusif des
contre-révoluti nnaires , et à oc-
casionner la famine des patriotes;
qu'Elisabeth Coste étoit convain-
cue d'avoir donné à facturer, ca-
ché ou conservé une partie de ces
galettes ; qu'elle étoit convaincue
.<!e l'avoir fait dans l'intention du
cos
complot susdit, etc. etc.». Parce
moyen tortueux, l'accusation li-
vroit les accusés à une loi du code
pénal qui disoit : « Toute ma-
nœuvre , toute intelligence avec
les ennemis de la France , tendant,
soit à faciliter leur entrée dans les
dépendances de l'Empire français,
soit à leur livrer des villes, forte-
resses, ports, vaisseaux, maga-
sins ou arsenaux appartenant à la
France, soit à leur fournir des se-
cours en soldats, argent, vivres
ou munitions, soit à favoriser,
d'une manière quelconque , le pro-
grès de leurs armes sur le terri-
toire français, ou contre nos forces
de terre ou de mer, soit à ébranler
la fidélité des officiers, soldats,
et des autres citoyens , envers la
nation française, seront punis de
mort». En conséquence, le tri-
bunal, comme s'il agissoit léga-
lement , condamna « Elisabeth
Coste , fille et marchande , à la
peine de mort, avec Louise Hue,
veuve Ballard ; Jacques Lazcttes,
boulanger -fournier; et Antoine-
François-Alexandre Rolland, né-
gociant ( V . ces noms) ; ordonnant
que ces quatre personnes seroient
conduites sur la place publique
de ta Révolution , à Montpellier,
y auroient la tête tranchée ; dé-
clarant, en outre, leurs biens ac-
quis et confisqués au profit de la
république». Les autres accusés ,
au nombre de huit , ayant été
moins inculpés par l'accusateur
public, furent, les uns acquittés,
COT
et les antres condamnés à la dé-
tention jusqu'à la paix. La sen-
tence , que nous avons copiée sur
l'imprimé «de l'imprimerie révo-
lutionnaire de Montpellier, chez
Bonnariq » , y est signée, comme
sur le registre : « Salsifis Gas ,
président ; Betterave Dévié ;
Tournesol Escudier ; Raisin
Peytal, juges; et Junius Jean-
jean , greffier». Elisabeth Coste
entendit sa sentence avec la rési-
gnation d'une chrétienne, et alla
au supplice avec le courage d'une
Sainte qui va recevoir sa récom-
pense, ne pouvant se dissimuler,
malgré son humilité, qu'elle éloit
immolée à cause de ses bonnes
œuvres et de sa piété. Il ne fut pas
un habitant de la ville qui ne la
regardât comme une vraie Mar-
tyre de la religion.
COTINEAU (Anne -Claire),
femme. ( V. A. Ce Billiais. )
COTTIRE (Thomas) , prêtre du
diocèse de Rennes, et qui nous
paroit avoir été vicaire en la pa-
roisse de Pipriac, près Rédon, y
étoit resté, malgré la loi de dé-
portation , quoiqu'il eût généreu-
sement refusé le serment de la
constitution civile du clergé.
L'utilité dont son ministère étoit
aux catholiques du canton, l'a voit
décidéàne pas sortir de France. Il
fut arrêté et conduit dans les pri-
sons de Rennes. Le tribunal cri-
minel ô.,lile-et- F illaine, qui sié-
geoit en cette ville, le fit compa-
roitre devant lui pour le juger; et
COT 49»
le 16 thermidor an II (3 août
1794), sept jours après la chute;
de Roberspierre , il le condamna
à la peine de mort . comme « prêtre
réfractaire » . La sentence fut exé-
cutée le même jour.
COTTON (Simon de) , l'un des
prêtres les plus édifians et les plus
modestes de la ville de Lyon,ap-
partenoit à une famille recomman-
dable qui faisoit une profession
particulière de piété , et sembloit
toute entière consacrée à la reli-
gion. Deux de ses soeurs étoient
religieuses de la Visitation , et deux
autres, restées dans le monde, y
vivoient,suivantlelangagede saint
Paul, comme n'y étant pas. Réuni
avec celles-ci , l'abbé de Cotton , ù
qui sa santé n'avoitpas permis de
porterdes charges ecclésiastiques,
paroissoit être dans leur commun
domicile , comme le chef d'une as-
sociation de saints dont la conver-
sation étoit toute dans les cieux.
Il exerçoit cependant le ministère
de la confession dans une église
de la ville, autant que ses forces
pouvoient le lui permettre. Sans
fonctions publiques obligées , il
n'étoit point astreint à la presta-
tion du serment de la constitu-
tion civile du clergé , qu'au
reste il n'auroit jamais fait, tant
il étoit attaché à la Foi catholique.
Lors de la loi du 2C août 1792*
qui forcoit à l'exil les prêtres non-
assermentés, l'abbé de Cotton se
retira avec la seule sœur qui lui
restoit , dans une maison de
4 9* COU
campagne qu'il avoit au village
d'Irigny, près Lyon. On -vint l'y
arrêter peu après que la féroce com-
mission révolutionnaire de cette
ville , établie au commencement
de novembre 1793, fut mise en
exercice. Elle l'envoya à la mort ,
le 26 frimaire an II (16 décembre
1794), comme « prêtre réfrac-
taire à la loi et contre- révolu-
tionnaire». Il avoit alors 5i ans,
{V, Cortey, et Crozet. )
COUASNON DE LA BARIL-
LERE ( François - Jérôme de),
vicaire-général du diocèse de Li-
moges , et prévôt du chapitre de
Saint-Junien , dans le même dio-
cèse ( V . J. B. Auzanet ) , né à La
Croisille, près Ernée, dans celui
du Mans, le i5 juin 1756, s'y étoit
retiré auprès de sa mère, depuis la
suppression des chapitres. Comme
il étoit inassermenté, et que sa
fermeté dans la Foi catholique
étoit connue, des agens de la per-
sécution vinrent d'Ernée à Croi-
sille pour le saisir en février 1 794.
Quoiqu'il fût alors malade , et
gisant dans son lit, ils l'en tirè-
rent avec brutalité , et le condui-
sirent à Ernée devant une commis-
sion révolutionnaire , qui tenoit
ses infâmes et sacrilèges séances
dans l'église paroissiale de ce lieu.
Il y fut condamné à la peine de
mort comme «prêtre réfractaire » ,
etencore commenoble, le 3o ven-
tôse an II (22 mars 1794)- Ea
sentence fut exécutée de suite.
L'endroitoùl'onenterra soncorps,
COU
ayant été bien remarqué par de
pieux habitans, ils obtinrent, dix
ans après, la permission d'exhu-
mer les précieux restes de cet ec-
clésiastique, et les transportèrent
dans la chapelle de Charné-Ernée,
te iG juillet 1814. Leurs pasteurs
leur disoient alors avec saint Am-
broise (1) : « Voilà donc qu'enfin
d'illustres reliques sonltirées d'une
tombe abjecte , et que nous pou-
vons les présenter au Ciel comme
des trophées de notre Foi. Elles
ont été reconnues telles qu'elles
dévoient être dans le lieu oû elles
avoient été enfouies, la tête s'y
trouvant détachée des épaules, et
les signes de la victoire acquise au
prix du sang s'y montrant évi-
demment à vos yeux. La victime
arrive où J. -C. s'offre en holo-
causte; mais, puisqu'il y règne
sur l'autel par ce qu'il a souffert
pour tous, la place de celui qu'il
a racheté par sa Passion , doit être
à ses pieds » . ( F. P. Convole, et.
R. Dangré. )
COUDERT (Joseph), prêtre,
religieux de l'ordre des Carmes ,
(1) Eruuntur nobiles reliquiœ è se—
pulcrn ignobili ostenduntiu cœlo tro-
phœa j apparent cruoris triumphalis
noter ■ ini'ialatre reliquiœ loco suo et
ordine reperta* , avulsum humeris ca-
put : succedunt victimee triumphates
ubi Cliristus hostia est : sed Me super
allare qui pro omnibus passas est ; isli
sub ahuri qui illius redempti surit Pas-
sione ( S. Ambr. : De SS. Gcrvas. et
Prêtas. , in Epist. 12 ad Maru llinam
sororem. )
cou
dans leur maison d'Angoulême ,
né en 1751 , à Ambazat ou Grain-
mont, au diocèse de Limoges ,
revint dans son pays natal après
la suppression des ordres monas-
tiques. Sa Foi ne Lui permit point
de faire le serment schismatique
de la constitution civile du
clergé; et il se montra zélé pour
l'Eglise catholique. Les persécu-
teurs s'en vengèrent pleinement
en 1793. Ils l'arrêtèrent et le jetè-
rent dans les prisons de Limoges,
d'où, peu de temps après, ils le
firent partir pour la déportation
maritime qui se préparoit à Ro-
chelbrt. Le P. Coudert y fut em-
barqué sur le navire tes Deux
Associés ( V. Rochefort). L'air
infect que les déportés respiroient
dans l'entrepont de ce bâtiment,
alluma dans le sang de ce religieux
une fièvre chaude extrêmement
violente, qui autorisa les officiers
de l'équipage à le mettre aux fers.
Malgré cet état de gêne, il donna
encore à ses confrères une alarme
terrible, que M. de La Biche ra-
conte en ces termes dans sa Rela-
tion de la déportation : « Déjà le P.
Condert, d'ailleurs religieux plein
de zèle, se trouvant en proie a
cette horrible fièvre, avoit causé
dans notre cachot un désordre
épouvantable, malgré ses fers, et
s'étoit fait à lui-même d'horribles
meurtrissures. On profita de l'un
de ses moinens de calme, pour le
porter à l'hôpital. Je l'entendis en
confession , et même avec une
COU 4q5
consolation très - sensible : il se
trou voit parfaitement revenu à lui-
même, sans aucuu vestige de son
état précédent , si ce n'est un peu
d'exaltation , et beaucoup de crainte
de retomber dans un accès pareil
au premier. Cette crainte n'étoit
que trop bien fondée. En effet,
quelque temps après , il me fait
appeler derechef. Je me traîne ,
comme je peux , auprès de lui ; et
m'agenouillant à ses côtés, je me
penche vers sa tête pour entendre
ce qu'il avoit à me dire Mais,
hélas ! déjà le délire du mal s'en
emparoit de nouveau, et je con-'
nus bientôt au désordre extrême
de ses paroles, qu'on n'y pouvoit
pas remédier. Pour ne point le
chagriner , j'eus l'air d'écouter
quelque temps un langage que je
ne pouvois comprendre ; mais
enfin je crus, après lui avoir pro-
mis de revenir dans un autre mo-
ment, pouvoir prendre congé de
lui : Oh! mon ami, s'écria-t-il,
tu ne t'en iras pas ; et en même
temps il me saisit la main avec un
poing d'autant plus vigoureux,
qu'il jouissoit d'un tempérament
extrêmement robuste , et que sa
force naturelle étoit prodigieuse-
ment augmentée par celle que lui
donnoit la fièvre ardente dont il
étoit dévoré. Je fis quelques ef-
forts pour me débarrasser ; mais-
ils furent impuissans, et ne ser-
virent qu'à l'irriter et à le rendre
furieux. Ses yeux, qui portoient
encore les marques des coups qu'il
494 cou
s'étoit donnés, s'enflammèrent el
parurent se remplir de sang. Toute
sa figure prit un caractère ef-
froyable.... J'appelai quelques in-
firmiers que la Providence avoit,
ce semble, envoyés exprès à deux
pas de là. Ils accoururent : alors
eux et moi , nous raisonnâmes ,
nous flattâmes tellement le ma-
lade , que je sentis enfin ses nerfs
se détendre insensiblement, et son
poing s'entr'ouvrir » . Nous n'a-
vons donné ces détails aflligeans,
que pour faire comprendre toute
l'horreur de la situation des dé-
portés. Elle leur procuroit des
maladies, qui devenoient pour eux
des tourmens égaux à ceux par
lesquels avoient été longuement
torturés les anciens Martyrs. Nous
avons déjà montré, à l'article de
Bourdon , que de pareils accès
d'un si violent délire ne pou-
voient altérer en rien le mérite de
celui qui n'étoit réduit à cet af-
freux état , qu'à cause de sa Foi
et de ses vertus. Enfin le père
Coudert y succomba : il rendit
son dernier soupir le 29 juillet
1 794 , a l'âge de 43 ans. Son corps
fut inhumé dans l'île ftAix. ( V.
P. Coste , frère Récollet ; et Coir-
bin, curé. )
COULLON (Joseph-Mathieu),
prêtre , inscrit sur les registres
mortuaires de Bordeaux, comme
chanoine , et natif de Tours, sous
le nom de Couioum, étoit sous-
doyen du chapitre de Saint-Martin
de cette ville. Il avoit été amené
COU
prisonnier, dèâ 1793, comme
prêtre insermenté , et destiné à
la déportation au-delà des mers
[V . Bordeaux). En attendant que
les préparatifs de l'embarquement
se fissent, il fut enfermé dans l'an-
cien cloître des religieuses Car-
mélites , transformé en prison.
Comme les embarquemens ne
commencèrent que vers la fin de
l'automne de l'année suivante ,
trois mois après la chute de Robers-
pierre ; et comme la Providence
vouloit le soustraire à de nou-
veaux supplices, elle permit que
ses forces achevassent de s'épui-
ser dans celui qu'il enduroit. On
le transporta dans l'hôpital de
Saint-André ; et il y cessa de souf-
frir et de vivre , le 28 septembre
«793, à l'âge de 5i ans. ( V. B.
Conbret, et Couturier.)
COUNAN DES JARDINS
(Louis-Marie), prêtre, chanoine
de l'église de Notre - Dame -dn-
Mur, à Morlaix, dans le diocèse
de Tréguier, étant forcé de fuir
de Morlaix , son pays natal , à
raison des persécutions qu'alloit
lui susciter son attachement à la
Foi lors de l'établissement ds la
constitution civile du clergé ,
se réfugia dans la paroisse de Bo-
thoa , près de la petite ville de
Quinlin. Il y fut accueilli par une
dame respectable , qui le logea
dans sa maison, et lui rendit tous
les services que sa situation pou-
voit exiger. Bientôt, persécutée
elle-même , cette bienfaitrice fut
cou
obligée de fuir; et le chanoine
Counan se vit réduit à chercher
tin autre asile. Il se rapprocha
davantage de Saint -Brieuc, et se
fixa au village de Plaintel. Les au-
torités révolutionnaires de Quin-
tin auxquelles il fut dénoncé peu
de temps après , envoyèrent un
détachement de la garde nationale
de cette ville pour le saisir. Lors-
qu'elle entra dans la maison où
il étoit, il la vit sans émotion, la
reçut avec affabilité, et partit avec
elle pour Saint-Brieuc , causant
pendant la route d'un ton calme
et même amical. Il n'ignoroit ce-
pendant pas qu'il étoit conduit à la
mort. Les gardes admiroient sa sé-
rénité et sa résignation , dont la
cause ne pou voit leur échapper,
car il suspendoit la conversation
parintervalle pour adresser au Ciel
quelques prières, et offrir son âme
à Dieu. Arrivé à Saint-Brieuc, il
fut liientôt traduit au tribunal cri-
minel du département des Câtes-
du-Nord, siégeant en cette ville ,
et qui n'aroit point encore en-
voyé de prêtre à l'échafaud :
c'étoit la première victime sacer-
dotale qu'on lui amenoit. Counan
fut néanmoins condamné sans dé-
lai à la peine capitale , comme
« prêtre réfractaire », le 2 pluviôse
au II ( 5i janvier 1794 )• Mais
les juges craignirent que l'exécu-
tion ne portât l'indignation pu-
blique à quelque émeute. Pour ne
pas courir ce danger et contenter
les impies, les diverses autorités
COU 495
de Saint-Brieuc décidèrent, après
quelques jours de délai, que l'exé-
cution du chanoine Counan se
feroit à huit heures du soir,
attendu qu'en janvier la nuit
alors est déjà avancée , et que
dans cette ville, les habitans sont
tous à cette heure rentrés et ren-
fermés chez eux. Cette exécu-
tion qu'ils n'avoient point pré-
vue, fut tellement faite sans qu'ils
s'en doutassent, qu'ils n'en eurent
connoissance que le lendemain.
Tous ceux qui avoient connu le
chanoine Counan , s'accordoient
à louer ses vertus apostoliques et
ses qualités sociales. Partout où il
avoit passé , il avoit laissé de très-
édifians souvenirs. On y raconte
encore les actes de son zèle et de
sa piété ; et la mémoire que l'on y
conserve de ce Martyr de la Foi,
ne contribue pas médiocrement à
faire chérir la religion aux habi-
tans de cette contrée.
COURANDE (Rosalie), reli-
gieuse d'un couvent de Bordeaux,
née à Gournac, près d'Ambès,
en 1706, étant mise hors de son
cloître par les réformateurs de
1791, resta avec quelques unes de
ses compagnes dans la ville de Bor-
deaux. Comme elle persévéroit
dans ses pratiques de religion, elle
n'en étoit que plus odieuse aux
persécuteurs. Sa charité l'ayant
portée a donner un asile secret
à des prêtres catholiques pour-
suivis par eux; et celte action,
généreuse autant que sainte .
4<jC cou
ayant été découverte {V . Je Alix),
elle fut arrêtée avec deux de se»
compagnes , complices de la même
bonne œuvre [V . M«l* et Mrie Gi-
kaud). Traduite avec elles devant
la commission militaire établie
à Bordeaux {V . ce mot), elle y
fut condamnée à la peine de mort,
comme « convaincue d'être fa-
natique, et d'avoir recèle des
prêtres réfractaires ». Le même
jour , elle périt , avec les deux au-
tres religieuses , sous le fer de la
guillotine.
COURBIN (Etienne), curé
d'Igneville, près Arpajon , dans
le diocèse de Sens , fut éloigué
de sa paroisse , et n'avoit pu l'être
qu'à raison du refus du serment
schismalique de 1791- 11 ne se
réfugia point à Paris où il étoit
né, sur la paroisse de Saint-Eus-
tache, parce que les persécuteurs
l'auroient trop facilement dé-
couvert : il s'étoit retiré dans la
basse Normandie, au département
du Calvados. La sûreté qu'il crut
trouver, lui manqua en 1790.
Son ministère, qu'il y exerçoit,
le fit reconnoître ; il fut arrêté et
envoyé à Rochefort pour être dé-
porté au-delà des mers {V. Ro-
chefort). On l'embarqua sur le
navire le JVashinglon. 11 sou-
tint d'abord avec assez de succès
les souffrances qu'on y enduroit;
mais elles finirent par l'accabler.
11 mourut le 10 décembre 179/f
à l'âge de 58 ans, et fut enterré
près du fort Vaseux, sur les
COU
bords de la Cbarenle. {V. .1. Cou-
DERT, et P. E. CoLRVOISlER.)
COURCIÈRE (Jean-Baptiste),
né en ij58, à Champagnay, dans
le diocèse d'AIbi, étoit vicaire à
Valence, en Albigeois. Il ne fit
aucun des sermens anti-religieux
de la révolution , et put échap-
per au fer des persécuteurs ,
quoiqu'il se rendît toujours utile
aux catholiques de la contrée dans
les terribles années de 1795 et
1794. Il continuoit d'exercer son
ministère avec plus d'assurance
en 1797, dans la ville d'AIbi .
quand futrendue l'impie etbarbare
loi du 19 fructidor (5 septembre
1797). On l'arrêta; il fut conduit à
Rochefort, et embarqué pour la
déportation sur la corvette la
Bayonnaise , le 1" août 1798
( V . Guiane ). A son arrivée à
Cayenne, vers la fin de septem-
bre, on le relégua dans le désert
de Synnamari , où bientôt il se
trouva en proie, à la peste et à lu
consomption. Transporté à l'hos-
pice , il y mourut le 17 janvier
1799, à l'âge de 4° ans. {V . J.
Combact, et H. Darmant.)
COURT1N (Jean -Baptiste),
prêtre et religieux de l'ordre de
saint Benoît, dans la maison de
Saint - Martin - des - Champs , à
Paris, né en 171 5, à Rouanne,
en Forez, se voyant jeté hors de
son cloître par la suppression des
ordres monastiques , demanda ,
conjointement avec deux autres
Bénédictins, à demeurer dans le
cou
monastère en payant , et ils y
louèrent quelques chambres pour
en taire leur domicile purement ci-
vil. Là, en dépit des manœuvres de
l'athéisme, ilspratiquoient la règle
de leur ordre, se procuraient la
consolation de célébrer le saint
sacrifice, et admetloicnt à leur
messe, dans les temps les plus
critiques, ceux des catholiques du
quartier qui désiroient d'y assister.
Us furent dénoncés et jetés dans
les prisons de Paris, vers la fin de
1790. Le tribunal révolution-
naire* les fit comparoître devant
lui, le 9 germinal an II (29 mars
179/1), et 'cs envoya à l'écha-
faud , comme « convaincus de ma-
nœuvres fanatiques, pratiquées à
Paris en 1792 et 179^, rue Saint-
Martin ». Us furent immolés quel-
I ques heures après la sentence. [V.
.1. N. Adam , et A. Meffre.)
COURVOISIER (Pierrk-
' Etienne) , prêtre , né à Besançon ,
II en 1750, étoit un religieux de
l'ordre de saint Benoît, qui avoit
1 la charge de procureur en la mai-
son-abbaye de Saint - Léopold ,
congrégation de Saint-Vannes et
|i de Saint-Ilidulphe, à Nanci. Il
Ie ne tergiversa nullement dans sa
'È Foi, lors du schisme de 1791.
* I Aucun intérêt mondain ne put le
fi : faire flotter entre le parti qui dis-
^ 1 tribuoit des faveurs , et celui qui
ei ne procuroit que la jouissance
ii dont se contente l'âme droite et
^ loyale d'un vrai chrétien. Il per-
'e sévéra dans sa conduite honorable
2.
COU 497
de prêtre fidèle à l'Eglise catho-
lique , dont il étoit le ministre.
Les persécutions furent à la vérité
tout le prix qu'il en retira; mais
ce prix étoit pour sa piété bien
au-dessus des récompenses révo-
lutionnaires. Il fut arrêté dans la
province même où avoit existé sa
congrégation, et qui s'appeloil
déjà le département de la Mcur-
thc. On décida bientôt qu'il se-
roit livré aux chances cruelles
d'une déportation maritime qui
devoit s'effectuer à Rochefort ; et
on le fit traîner dans cette ville
pour y être embarqué. Il le fut
sur le navire les Deux Associés
( V. Rochefort). Les premiers
mois de son séjour dans l'entre-
pont de ce bâtiment ne purent
abattre entièrement se6 forces;
mais ce mois d'août 179I qui vit
périr la plupart des prêtres de la
même déportation , mit le der-
nier sceau au martyre de do m
Courvoisier. Il mourut dans la
nuit du 21 au 22, à l'âge de 44
ans> et fut enterré dans l'île Ma-
dame. [V. Courbin, curé, et M.
Cramouzeacd.)
COUTURIER (iV...), prêtre,
religieux à La Réole , près Bor-
deaux, n'échappa point aux per-
sécuteurs de 1793. Us le firent
arrêter comme attaché à sa Foi et
à ses devoirs , et l'envoyèrent à
Blaye pour y être compris dans
une déportation de prêtres à la
Guiane {V. Bordeatx). Quand
l'embarquement se fit à la fin ùt
3a
498 CRA
l'automne 1794 seulement, trois
mois après le neuf thermidor ,
le nombre des déportés étoit si
considérable , qu'on ne put les
embarquer tous. Le religieux Cou-
turier fut de ceux qu'on lais-
soit emprisonnés; et il étoit dans
cet affreux souterrain du fort de
l'île du Pâté -de- Blaye , où tous
les tourmens se trouvoient réunis
sur la tête des prisonniers. Quoi-
que avancé en âge , il les supporta
avec une fermeté égale à sa rési-
gnation ; niais enfin les forces na-
turelles lui manquèrent. On le fit
transporter mourant à l'hôpital de
Blaye; et il y expira le 1" ven-
tôse an II (19 février 1793), à
l'âge de 62 ans. ( V. J. M. Coul-
10s , et.... Culture. )
COUVECEILLE(2V...), prêtre
et chanoine de Sillé, dans le dio-
cèse du Mans, n'ayant point fait
le serment de la constitution ci-
vile du clergé, et manifestant
son attachement invariable à la
Foi catholique, fut du nombre de
ces prêtres , que les zélateurs du
schi>me et de l'impiété firent en-
fermer en 1792. Il mourut dans
les prisons d'Angers , en septembre
de cette même année. [V. An-
gers, et Discours prél., pag. 54-)
CRAMOUZEAUD (Melchior
de), prêtre, chanoine théologal
de l'église collégiale de Saint-
Martial, en la ville de Limoges,
où il avoit vu le jour, ne voulut
adhérer en rien à la constitution
civile du clergé , et il en repoussa
CRA
les principes et le serment avec la
fermeté d'un bon catholique. Sa
conduite fut celle d'un zélé mi-
nistre de la véritable Eglise , mal-
gré les dangers toujours croissans ;
et il ne se départit point de ses
sentimens, lorsqu'il se vit arrêté
et jeté dans les prisons de Li-
moges, en 1793. La même cons-
tance évangélique l'accompagna
dans la déportation maritime à
laquelle il fut condamné. On l'en-
voya à Rochefort pour être em-
barqué, et il le fut sur la flûte les
Deux Associés [V. Rochefort).
Ses souffrances y furent grandes :
elles l'accablèrent tout-à-fait, après
quelques mois d'embarquement;
et il mourut le 5i juillet 1794? à
l'âge de 52 ans. Son corps fut in-
humé dans l'île d'Jix. ( V . P. E.
Courvoisikr , et L. J. Cramov-
ZEAUD. )
CRAMOUZEALD ( Léonard-
Joseph de), chanoine d'Eymou-
tiers, dans le diocèse de Limoges,
et natif d'Eymoutiers , n 'étoit,
dans la hiérarchie de l'Eglise ,
que simple clerc tonsuré , lors-
qu'arriva la révolution. Son âge
déjà avancé comportoit cepen-
dant un grade bien supérieur: et
il l'eût mérité , si l'on en juge par
l'attachement vraiment sacerdotal
qu'il montra pour la Foi catho-
lique, lors du schisme de 1791»
et des systèmes de plus en plus
impies qu'accréditèrent les per-
sécuteurs de la religion. Le cha-
noine d'Eymoutiers fut arrêté
CRA
pour cela même en ijg5 ; et après
l'avoir retenu quelque temps dans
les prisons de Limoges , on le fit
partir pour Rochei'ort, d'où il
devoit être déporté sur des plages
lointaines {V. Rochefort). Il fut
embarqué sur le navire ies Deux
Associés, et succomba dans le
supplice de l'entrepont de ce bâti-
ment. Il expira le 29 juillet 1794?
à l'âge de 55 ans ; et fut enterré
dans l'île d'Aix. ( V. M. Cra-
moizeaud, et — Creitte. )
CRAMOUZEAUD (Psalmet),
curé de Beaumont, dans le dio-
cèse de Limoges , n'avoit point
fait le serment de la constitution
civile du clergé ; et la loi de
déportation du 26 août 1792 le fit
sortir de France. Le besoin des
catholiques l'y ramena bientôt, et
il fut arrêté dans sa paroisse en
1793. Le tribunal criminel du dé-
partement de la Haute- Vienne ,
siégeant à Limoges, le traita
comme «émigré-rentré»; mais
ce n'en fut pas moins en haine de
la religion et des prêtres, qu'il le
condamna à la peine de mort, le
1" frimaire an II (21 novembre
1 793). {V . P. Cornette , et P. Es-
moiry. )
CRAN (Pierre), prêtre du dio-
cèse de Nantes , né dans la paroisse
de Cambon, près Pont-Château,
en 1758, étoit, à l'époque de la
révolution, vicaire dans la paroisse
deBoué, près Savenay. 11 n'y fit
point le serment de la constitu-
tion civiledu clergé; et, malgré
CRA 499
la loi de déportation, il resta dans
cette paroisse pour les besoins des
fidèles. Afin de se conserver pour
eux, il s'étoit ménagé une retraite
inconnue à tous les autres. Les
chefs de l'armée catholique et
royale ( V . Vendée) le forcèrent
d'en sortir au printemps de 1795
pour venir à Savenay bénir un
drapeau blanc , et exhorter la
jeunesse qui y étoit réunie sous
leurs ordres, à ne pas perdre de
vue la loi de Dieu dans leurs ex-
péditions militaires. Il les engagea
en effet très-pathétiquement à ne
pas souiller par une mauvaise con-
duite la cause pour laquelle ils
étoient armés ; à se dépouiller avec
le plus grand soin de tout senti-
ment de vengeance, et à se faire
une douce habitude du pardon.
Après la bénédiction du drapeau,
il revint dans sa retraite. Ses traces
étoient devenues faciles à suivre;
et lorsque les Vendéens se fuient
éloignés, on le saisit chez sa sœur,
qu'on arrêta avec lui. Pendant
qu'on les conduisoit aux prisons
de Savenay, cette sœur ne pou-
vant dissimuler ce qu'elle crai-
gnoit pour lui, il répondoit à ses
alarmes par ce discours : « Ne
vous livrez point tant à la douleur.
Nous souffrons bien injustement,
il est vrai; mais J. -C. n'a-l-il
donc pas souffert pour nous, et
tout aussi injustement ? C'est par
les souffrances que nous lui deve-
nons semblables; et c'est aussi par
cette voie que nous parviendrons
5oo CRË
au ciel. ITenreux si nous pouvons
le mériter par quelques instans de
peines! Mettons toute notre con-
fiance en Dieu ; et ne perdons pas
de vue, que, si ce n'est pas dans
cette vie, ce sera du moins dans
l'autre, qu'il changera nos larmes
en joie, et notre humiliation en
triomphe ». Le vicaire Cran fut
abreuvé d'outrages et de mauvais
traitemens dans la prison de Sa-
venay; mais il n'y resta pas long-
temps. On le conduisit bientôt a
Nantes pour le l'aire juger par le
tribunal criminel du département
de la Loire-Inférieure , siégeant
en cette ville. Ce tribunal, s'em-
parant de suite de la cause de cet
ecclésiastique, le condamna à la
peine de mort, comme «prêtre
réfractaire, instigateur de révol-
tés, et pour avoir béni des dra-
peaux de l'armée vendéenne » .
Ce jugement fut prononcé , non
en 1794 5 comme on l'a écrit
ailleurs, mais le 1" juin 179^; et
le vicaire Cran périt , le même
jour, a l'âge de 55 ans.
CREITTE (2V...), curé d'E-
taing, paroisse du diocèse de Ver-
dun, et natif de Metz, ne prêta
point le serment schismatique de
1791. Quoique la loi d'alors le
chassât de sa cure , il n'en resta
pas moins près de ses paroissiens
pour continuer à s'occuper de
leur salut. Ce motif le décida
même au commencement de sep-
tembre 1792, a faire le serment
de {iiterté - égalité , prescrit par
CRE
des législateurs qui renversoient
les autels, et provoquoient le mas-
sacre des prêtres. Cette faiblesse
ne le sauva point, parce qu'on ne
vouloit plus de religion et de mi-
nistres des autels. Le curé Creitte
fut donc emprisonné à Verdun ; et
bientôt on le fit traîner à Roche-
fort pour en être déporté au-delà
des mers {V. Rochefort). Arrivé
dans cette ville , il y fut embarqué
sur le navire le, Washington,
où , entouré de confesseurs de
J.-C. , qui n'avoient pas plus à se
reprocher le second serment que le
premier, il rougit de celui qu'il
avoit fait, et le rétracta. Dieu, le
trouvant alors digne de lui, abrégea
ses souffrances : le curé Creitte
mourut dans le courant d'aodt
1794, à l'âge de 58 ans, et fut
enterré dans l'île û'Aix. (V. L, J.
Cramovzeacd , et Jh Cugnières. )
CREM1ÈRE(Geneviève-Char-
lotte), pieuse fille de Bourges,
montra avec beaucoup de courage
et de constance, par ses actions et
par ses discours, un attachement
invariable à la Foi catholique,
en 1791 et 1792. Elle fut pour
cela même jetée dans les prisons
de Bourges, où elle mourut, en
1793, captive de Jésus-Christ,
avec la disposition de souffrir la
mort même sur l'échafaud pour
sa sainte cause.
C REPEL (iV...), prêtre du
diocèse de Saint-Malo, se distin-
gua dans le cours de la persécu-
tion , par une Foi éminente, et
CRE
par un zèle courageux qui savoit
braver tous les dangers pour le
salut de ses frères. Non seulement
il refusa le serment schismatique
de 1791, mais encore, afin de
subvenir aux besoins des catho-
liques, il resta dans sa province
malgré la loi de déportation. II
avoit un asile assez sûr dans le
bourg de Médréac, près Montau-
ban, en Bretagne, au même dio-
cèse; et, avec lui, s'y trouvoit
retiré un vénérable prêtre septua-
génaire ( V. Tiengon), duquel il
assistoit la vieillesse , en retour
des vertus sacerdotales dont ce-
lui-ci lui offroit le tableau dans
sa personne. L'un et l'autre, grâce
au bon esprit des habitans, pas-
sèrent assez heureusement les ter-
ribles années 1 795 et 1 794 , qu'on
a regardées comme les plus af-
freuses de la révolution , parce
qu'elles le furent effectivement
pour les laïcs. Mais les suivantes
ne l'ont pas moins été pour les
ministres de l'Eglise. Cependant,
Crepel et son vénérable compa-
gnon échappèrent encore au dan-
ger de la mort pendant 1795;
mais , vers le milieu de février
1 796 , une de ces hordes qu'on
appeloit colonnes mobiles , arri-
vant à Médréac, aperçoit Crepel
qui marche dans le bourg sans
défiance ; et , le reconnoissant
pour prêtre, un des soldats lire sur
lui un coup de fusil, dont la balle
lui traverse le corps, et l'abat. 11
se relève , en demandant sans
CRÉ Soi
aucun accent de plainte : « Qui
est-ce qui m'a blessé? sont -ce
les républicains ou les chouans
( V . Vendée ) » ? Les soldats de
cette colonne étoient déguisés en
chouans; et Crepel pou voit s'y
tromper. Des femmes indignées ,
et qui avoient reconnu la troupe,
s'écrièrent : « Ce sont les répu-
blicains ». Le saint prêtre reprit
aussitôt avec douceur : « Peu
m'importe , après tout, de savoir ce
qu'ils sont : je leur pardonne ma
mort, quels qu'ils soient». Ces
femmes, profilant de ce que les
soldats étoient encore à quelque
distance , l'emmènent derrière
un monceau de paille, pour le
soustraire à leur fureur; mais,
l'y voyant baigné dans son sang,
elles ne peuvent retenir des excla-
mations d'attendrissement ; à ces
cris, un des soldats accourt, tire
son sabre ; l'une de ces femmes ,
dans la pensée que le respect
qu'elle a pour les ministres du
Seigneur peut exister aussi dans
le cœur de tous les hommes, croit
retenir son bras en lui disant avec
force : « Ne frappe pas ; c'est
un prêtre » ! L'assassin répond :
« Je le sais bien »; et a l'instant,
il. fend d'un coup de sabre la tête
du prêtre Crepel.
CRÉTIEN DE LA NEUVILLE
(Rosalie) , l'une des seize reli-
gieuses Carmélites deCoiupiègne»
dont nous avons raconté les actes
de vertu , les persécutions et le
martyre à l'article de Brard , pé-
5o2 CRE
rit avec elles pour la même cause,
le 17 juillet 1794- Elle étoit née
à Loreau, près d'Epernon, dans
le. diocèse de Chartres, le 3o dé-
cembre 174*9 e* "voit épousé,
à J'âge de 19 ans , le sieur
Crétien , dont elle devint veuve
après quelques années de ma-
riage. La grâce ayant décidé sa
vocation à l'état religieux, et lui
facilitant les moyens de la suivre,
elle fut reçue comme postulante
chez les religieuses de Com-
piègne, le 14 juin 1776, prit l'ha-
bit de leur ordre le 12 septembre
suivant, et reçut pour nom de
religion , celui de sœur Sainte-
Julie. L'année d'après , le 14
septembre 1777, elle lit profes-
sion. Elle avoit la charge de sa-
cristine, à l'époque de la suppres-
sion des ordres religieux en 1791.
Alors , elle fut sollicitée avec beau-
coup d'instance par sa mère qui
vivoil encore, et avoit 80 ans,
comme aussi par ses autres pa-
rens, de venir vivre près d'elle;
mais la soeur Sainte-Julie crut
devoir rester avec ses compagnes ,
puisque celles-ci pouvoient conti-
nuer en commun la pratique de
la règle de sainte Thérèse. Cette
détermination étoit d'autant plus
généreuse que la sœur Sainte-
Julie ne se dissimuloit point les
dangers qui les menaçoient , et
qu'elle-même, touten prévoyant le
sort qu'elles ont eu, ressentoit une
crainte extrême de la mort, et
surtout du supplice de la guiilo-
CRO
tine. Sa piété néanmoins triom-
phoit de cette terreur. Dans ses
fréquentes aspirations dont quel-
ques unes, écrites de sa main,
sont en notre possession, elle di-
soit : «Nous sommes comme les
victimes du siècle , et nous de-
vons nous immoler pour sa ré-
conciliation avec Dieu. — Une
éternité de bonheur m'attend!...
Hâtons-nous donc, courons vers
ce terme, et souffrons volontiers
pendant les courts momens de
cette vie. Aujourd'hui la tem-
pête gronde ; mais demain nous
serons dans le port » . Cette fer-
vente religieuse y parvint avec
gloire , à l'âge de 67 ans. ( V .
Brard. )
CROISET (Jean), qu'on trouve
sur le registre de l'état civil de
Paris, parmi les prêtres qui furent
massacrés dans l'église ou le
jardin des Carmes de cette
ville, le 2 septembre 1792, nous
laisse le regret de n'avoir pu ob-
tenir aucun autre renseignement
à son égard. On peut néanmoins
se tenir pour assuré qu'il avoit
refusé le serment de la constitu-
tion civile du clergé, et qu'il le
refusa encore devant le comité de
la section auquel l'amenèrent ceux
qui l'avoient arrêté pour cette
cause, après le 10 août ; puisqu'il
ne fut enfermé dans l'église des
Carmes que parce qu'il étoit in-
sermenté, ainsi que le registre le
prouve. C'est donc comme tel,
c'est-à-dire parce qu'il n avoit pas
CRO
voulu abandonner la Foi catho-
lique , qu'il fut immolé avec tant
d'autres généreux confesseurs de
Jésus-Christ. {V . Duiatj , et Sep-
tembre. )
CROISY (Louis), curé dans le
diocèse de Rouen , expulsé de sa
cure pour n'avoir pas voulu faire
le serment schismatique de 1791»
s'étoit retiré dans sa famille, au
Havre où il étoit né , et n'avoit
pas cru devoir obéir à l'injuste loi
de la déportation. Il y fut saisi ,
et on l'amena à Paris au printemps
de «794? pour y être jugé par le
tribunal révolutionnaire. Alors
ce tribunal, évitant, autant qu'il
le pouvoit, de montrer sa haine
pour la religion dans les jugemens
qu'il prononçoit contre les prê-
tres, se contentoit de les traiter
vaguement de conspirateurs, en
les envoyant à la mort. Ce fut
comme tel que, le 21 prairial
an II (9 juin 1794)? les juges
condamnèrent le curé Croisy à
la peine de mort qu'il subit le
même jour.
CROISY (Françoise de), l'une
des dix-sept religieuses Carmé-
lites de Compiègne, qui, le 17
juillet 1794 ? furent égorgées à
Paris pour la cause de la Foi ,
étoit née dans cette capitale, le 18
juin 1745. File n'avoit encore que
16 ans, lorsque l'évêque d'Amiens,
M. d'Orléans de la Motte , de
sainte mémoire, frappé de la vo-
cation qu'il avoit découverte en
elle pour l'étal religieux, fa mena
CRO 5o3
lui - même à la supérieure des
Carmélites de Compiègne , pour
qu'elle la reçût dans son cloître
en qualité de postulante. La su-
périeure s'y refusoit , alléguant
que M"e de Croisy étoit trop
jeune pour supporter les austé-
rités de la règle de sainte Thé-
rèse : elle jugeoit convenable d'at-
tendre que la vocation de la pré-
tendante fut plus décidée. Le
prélat, entrevoyant d'avance ce
qu'elle seroit un jour, insista en
disant : « Recevez -la, recevez-
la : c'est un ange dans un corps
terrestre». La supérieure enfin,
après quelques mois de résis-
tance, céda aux désirs de l'évê-
que ; et vers l'âge de 1 7 ans ,
Françoise de Croisy entra comme
postulante dans ce monastère ,
le 21 octobre 1762. Il lui fut
permis de prendre leur habit le
12 février suivant; et elle reçut
alors le nom de sœur Hen-
riette -de- Jésus. Un an après,
le 22 février 1764 » elle pro-
nonça solennellement ses vœux.
Autant la ferveur qui l'animoit
transportoit d'admiration ses com-
pagnes , autant elle les charmoit
par la vivacité de son esprit, le
brillant de son imagination et
l'amabilité de son caractère. Ces
qualités la firent bientôt porter,
d'une commune voix, à la charge
de prieure. Elle la remplit à la
satisfaction de toutes, pendant les
sept ans d'usage, et fut placée
ensuite dans celle de maîtresse
5o4 CRO
des novices. Nulle ne pouvoit
mieux qu'elle leur rendre déli-
cieux le joug du Seigneur et de la
règle. Et toutes celles qu'elle for-
nioit à la vie religieuse, conser-
vèrent pour leur maîtresse de
noviciat après leur profession ,
la même tendresse et la même
reconnoissance que si elle eût
été leur mère naturelle. Cette
place étoit encore occupée par
la mère Henriette -de -Jésus,
lorsqu'en 1791? les ordres mo-
nastiques furent supprimés , et
!e cloître de Compiègne envahi
par les hommes de la révolution.
Non seulement Françoise deCroisy
repoussa la liberté qui lui étoit
offerte de rentrer dans le monde ;
non seulement elle fut des pre-
mières à proposer à ses com-
pagnes de vivre en quatre petites
communautés séparées , sous la
direction de leur prieure d'alors
( V. Lidoine) ; elle composa même,
pour l'apologie de son refus et
de la détermination que ses sœurs
prenoient de concert avec elle,
un cantique que toutes chantèrent
avec un saint transport. La fer-
veur religieuse qui le dicta, n'en
exclut pas l'esprit que Françoise
de Croisy ne pouvoit s'empêcher
de mettre dans tout ce qu'elle
éerivoit , comme dans tout ce
qu'elle disoit. Nos lecteurs trou-
veront quelque édification à lire ce
cantique. La sœur Henriette s'ex-
primoit donc ainsi dans la cir-
constance où elle a voit à choisir
CRO
entre la liberté du monde , et la
servitude de sainte Thérèse.
« Qu'ils .sont faux les jugemens
Que de nous porte le monde !
Son ignorance profonde
Blâme nos engagemens ;
Tout ce dont il se décore
N'est que pure vanité :
Il n'a de réalité
Que les chagrins qu'il dévore.
« Je méprise sa fierté ,
Je m'honore de sa haine ;
Et je préfère ma chaîne
A sa fausse liberté.
Jour d'une éternelle fête,
Jour à jamais solennel,
Où, me vouant au Carmel,
De Dieu je fus la conquête
« Nœuds chéris et précieux,
Chaque jour je vous resserre -,
Tout ce que m'offre la terre
N'est d'aucun prix à mes yeux.
Vos sarcasmes par ma joie,
Mondains, sont bien démentis ;
Qu'elle vaut bien les soucis
Auxquels votre àme est en proie!
« Ici-bas notre partage
Est la croix , l'adversité ;
Mais elles nous sont le gage
D'une heureuse éternité.
Du Ciel encore exilées ,
Nous y lançons des soupirs ;
Et nos âmes consolées
Goûtent ses divins plaisirs.
« Jérusalem, cité sainte,
Quand viendra-t-il le moment
D'éprouver dans ton enceinte
Le céleste enchantement ?
Trop désirable existence ,
Hélas! pour vous obtenir,
Il nous faut avec constance
Prier, aimer, et souffrir.
CRO
« Armons-nous donc de courage,
Comme de braves soldats;
Le grand Roi qui nous engage
A bravé bien des combats.
Que de béros à sa suite!
On les compte par milliers :
Sur leurs pas volons bien vite
Pour partager leurs lauriers ».
Déjà, comme on le voit, la
sœur Henriette prévoyoit les
épreuves cruelles auxquelles sa
piété seroit mise , et faisoit pres-
sentir la force d'âme avec laquelle
elle triompheroit de ces épreuves.
Dans l'association particulière où
elle se trouva, suivant la division
que d'un commun accord les reli-
gieuses avoient faite de la commu-
nauté, en sortant de leur cloître
{V. Brard), la sœur Henriette
eut pour compagnes d'habitation
quelques unes des religieuses pro-
fesses dont elle avoit été la maî-
tresse de noviciat. En 1795, le
jour de sa fête, elles lui donnè-
rent un bouquet, dans lequel étoit
un emblème analogue à leur situa-
tion, et des vers qui lui disoient:
« Du sein môme du malheur
Tu vas renaître immortelle
Pour combler notre bonheur ».
Une d'entre les religieuses dé-
sapprouva cette pensée dans la
circonstance où l'on se trouvoit ,
parce que ces vers sembloient
annoncer des choses sinistres.
« Eh bien ! répliqua vivement la
sœur Henriette, ne serois-je pas
trop heureuse de mourir dans le
CRO 5o5
sein du Seigneur?» Cette destinée
ne tarda pas à s'accomplir pour
elle comme pour ses compagnes :
elle fut arrêtée avec elles en mai
1794. Conduite ensuite comme
elles à Paris , elle n'en fut pas
séparée dans les prisons de la
Conciergerie , où elle les excitoit
à l'héroïsme de la piété par ses
cantiques presqu'autant que par
ses exemples. L'avant- veille du
jour où elle fut appelée avec d'au-
tres religieuses au cruel tribunal,
prévoyant bien que l'heure de son
martyre étoit proche , elle com-
posa un nouveau cantique , en cinq
couplets, dans lequel elle paro-
dioit chrétiennement la farouche
chanson républicaine d'alors , con-
nue sous le nom de ta Marseil-
laise. Un seul de ces couplets
suffit pour faire bien connoître les
sentimens que la sœur Henriette-
de- Jésus porta sur l'échafaud.
Elle y disoit à tous les prisonniers
en général :
« Livrons nos cœurs à l'allégresse;
Le jour de gloire est arrivé :
Loin de nous la moindre foiblesse;
Le glaive sanglant est levé ( bis).
Préparons-nous à la victoire;
Sous les drapeaux d'un Dieu mou-
rant,
Que chacun marche en conquérant;
Courons tous , volons à la gloire :
Ranimons notre ardeur,
Nos corps sont au Seigneur :
Montons ,
Montons à l'échafaud ; et Dieu sera
vainqueur ».
Il n'est pas nécessaire de dire
ùob CRO
que Françoise de Croisy subit son
martyre comme les plus illustres
héros de la Foi aux temps de la
primitive Eglise. Elle avoit 49 ans
lorsque sa tête fut abattue par la
hache de l'impiété.
CROSSON (Joseph), prêtre du
diocèse de Reunes , vicaire en la
paroisse de Corps-]Nud-les-Trois-
Maris , y étoit resté en 1793,
malgré la. loi de déportation , et
quoiqu'il eût refusé le serment de
1 79 1 . 11 fut arrêté et conduit dans
les prisons de Rennes. Le tribunal
criminel du département d'Hle-
et-Villaine qui siégeoit en cette
ville, le lit comparoître devant
lui, et le condamna le 28 messi-
dor an II (16 juillet 1794) à la
peine de mort , comme « prêtre
réfractaire » . Cette sentence fut
exécutée dans les vingt - quatre
heures.
CROUZET (Jean -Joseph),
prêtre du diocèse de Saint-Flour,
vicaire en la paroisse de Saint-Pre-
geix, près Brioude , retiré à Va-
zeilles sous Langeac , avoit montré
la fermeté de sa Foi en refusant le
serment de 1791» et le courage
de son zèle en restant près de ses
paroissiens, malgré la loi de dé-
portation. Il fut saisi par les per-
sécuteurs dans l'été de 1793, et
conduit dans les prisons du Puy,
où siégeoit le tribunal criminel du
département de la Haute-Loire
{V. J. B. Abeillon). Ce tribunal,
devant lequel il comparut, le 19
brumaire an II ( 9 novembre
CRO
*793)j le condamna à la peine
de mort, comme «prêtre réfrac-
taire »; et la sentence fut exécu-
tée le lendemain.
CROZET (Claude), curé de la
paroisse rurale de Vandranges , sur
les confins du Beaujolais et du Fo-
rez, dans le diocèse de Lyon , étoit
né près de cet endroit, dans le
village de Crémeaux, en Forez.
Le refus qu'il fit du serment de
la constitution civile du clergé ,
lui valut d'être dépossédé de son
titre de curé : mais il ne s'en crut
pas moins obligé de rester dans sa
paroisse, pour y maintenir la Foi
catholique dans toute sa pureté.
Il n'abandonna pas même ses
paroissiens, dans les temps affreux
de 1790; l'attachement pastoral
qu'il avoit pour eux n'avoit pas
été déconcerté par la barbare loi
de déportation du 26 août 1792.
Ce pasteur qui exposoit ainsi sa
vie pour son troupeau, n'échappa
point aux persécuteurs, lorsqu'ils
eurent établi à Lyon leur sangui-
naire commission révolution-
naire ( V. Lyon). Crozetfutarrêté
dans sa paroisse, et traîné à Lyon ,
devant l'impie tribunal auquel il
refusa , avec la fermeté de la Foi
la plus vive , le serment de liberté-
égalité. D'après ce refus, les juges
le condamnèrent à la peine de
mort, le 28 nivose an II (17 jan-
vier 1794), comme «prêtre fa-
natique et contre - révolution-
naire » . Quand son sacrifice se
consomma sur l'échafaud , il
cm
avoit 4^ ans. ( V . Coitop» , et
Debront. )
CUGNIÈRES (Joseph), prêtre,
chanoine de l'une des églises col-
légiales de Verdun, se déclara
contre le schisme constitutionnel
de 1791, et resta fidèle à la Foi
de l'Eglise catholique. Mais, étant
d'un âge fort avancé lorsque les
législateurs - tyrans de la France
exigèrent, en août 1792, un ser-
ment de liberté-égalité , pendant
qu'ils provoquoient le massacre des
prêtres, et faisoient renverser les
autels, le chanoine Cugnières ,
effrayé, prêta ce serment. Une
telle condescendance ne le garan-
tit pas mieux que sa vieillesse de
la férocité des persécuteurs, parce
qu'il étoit prêtre , et restoit atta-
ché de cœur et d'âme à son sacer-
doce. Il fut arrêté, jeté dans les
prisons de Verdun , et ensuite
traîné à Rochefort , pour y être
déporté au-delà des mers ( V . Ro-
chefort). On l'y embarqua sur le
navire les Deux Associés; et,
comme si son esprit eût alors
été plus calme et plus clairvoyant,
il se repentit hautement d'avoir
fait ce serment de liberté-égalité,
et le rétracta à la grande édification
de ses confrères. 11 mourut le 3i
juillet 1794, à l'âge de 70 ans,
et fut enterré dans l'île (VAix.
( V ... Creitte, et J. CtNi.)
CUISARI) (/V... de), l'une des
innombrables victimes de la vir-
ginité que la guerre de la Vendée
a mise dans les fastes de la rcli-
CUI 507
gion, périt pour n'avoir pas voulu
racheter sa vie par le sacrifice
même non coupable de cette
vertu : et voici comment M. Bour-
niseaux raconte le fait, dans son
Histoire des Guerres de la Ven-
dée , tom. III , pag. 239 : « Un
officierpasse troisheures aux pieds
de cette jeune et intéressante de-
moiselle , pour la supplier d'agréer
qu'il lui sauve la vie, en lui don-
nant sa main. L'officier étoit jeune
et sensible ; il n'avoit rien de
commun avec ces farouches répu-
blicains, ivres de sang et de fureur.
On étoit sur le bateau à soupapes
[V. Nantes) : il fallait prendre un
parti ; alors elle dit à l'officier :
Pouvez -vous sauver aussi la
vieilieparentequiest avec moi?
Celui-ci répondit : La, loi ne me
permet que de vous sauver
seule; je ne puis épouser deux
personnes. — Eh bien ! adieu ,
reprit la généreuse demoiselle. La
victime est précipitée, et disparoît
au milieu des flots ». C'est à peu
près ainsi , mais avec moins de
mérite qu'obtinrent la couronne
du martyre, cette sainte Domnine
et ses deux filles , dont l'Eglise
célèbre la fête le l\ octobre , et
à la louange desquelles saint Jean-
Chrysostôme a consacré une si
belle homélie ( Tom. I , Homit.
5i). Pour échapper ;\ la brutale
passion des soldats, elles se pré-
cipitèrent dans un fleuve. « La
mère, disoit-il, souffrit un triple
martyre, le sien et celui de ses
5o8 CUL
filles ( i ) » ; et nous pouvons
dire ici que la demoiselle de Cui-
sard en souffrit deux , le sien
et celui de sa parente. Quelque
chère que lui fût sa virginité, elle
en auroit fait encore le sacrifice
par un héroïque sentiment dont
la charité étoit le principe , et dont
la parenté seule fixoit naturelle-
ment l'objet. Quoiqu'elle n'eût
pas formellement promis à Dieu de
rester vierge , comme cette sainte
Tharbe à qui le préfet offrit non
seulement sa délivrance , mais
encore celle de ses deux com-
pagnes, si elle consentoit à l'é-
pouser, elle n'en a pas moins ré-
pondu : « Je resterai l'épouse de
Jésus-Christ à qui je remets ma
vie; car je ne crains pas la mort :
et vos supplices ne feront que
m'introduire dans le lieu du repos
et du bonheur suprême (2). »
CULTURE (N... de), chanoine,
archidiacre de la cathédrale de
Bazas, vicaire-général et officiai
du diocèse de ce nom , fut du
nombre des prêtres insermentés
de sa province qu'en 1793, on
arrêta, et que l'on fit conduire à
( 1 ) Itaque duplex fuit mtilieris mar-
tyrium , imà t-crà triplex ; nam per se
ipsam sernel, per fi lias suas bis mai —
tyrium passa est. Cette remarque peut
encore être appliquée à Anne-Claire
Gotineau , dame de La Billiais ( V. ci-
devant, pag. 221 ).
(2) Prœféctus rogat an sili uclit
nubere. Si udnual , et sociabusque
liberlalern à rege impelraturum se pol-
CUL
Bordeaux, et de la à Blaye, pour
être déportés à la Guiane ( V.
Bordeaux). On l'enferma dans le
souterrain du fort de l'Ile-du-Pâté,
en attendant l'époque encore éloi-
gnée de l'embarquement. Lors-
qu'il eut lieu, vers la fin de l'au-
tomne 1794 5 trois mois après le
renversement de Pioberspierre, le
grand nombre des prêtres à dépor-
ter excédant la capacité des na-
vires , on fut obligé de laisser le
chanoine Culture dans son cachot.
Les maux qu'on y enduroit sur-
passoient de beaucoup ceux de
l'entrepont des vaisseaux ; et ce
respectableecclésiastiqueen tomba
gravement malade. On le trans-
porta à l'hôpital de Blaye , où il
resta long-temps sans pouvoir
recouvrer entièrement la santé.
Lorsqu'en 1796, il eut la liberté
de retourner dans sa famille, il y
porta le germe de mort qu'avoient
infiltré dans ses veines, ses souf-
frances pour la cause de la reli-
gion ; et il ne tarda pas à en périr.
Ses compagnons de captivité, les
habitans de Blaye qui purent le
voir à l'hôpital , les sœurs hospi-
licetur Ad hase nobilis virgo: fir-
ginitatem meam Christo servo illibu-
lam : ipsi me vilamque meam corn—
mitto .. ..... ffîorlem utique non nieLuo,
uec supplicia cxhvrren : \>iam illa mihi
palfj'aeiunl qud pevt>eniam ad sum—
mam qui et cm alque solatiurn ( Asse—
mail, pars I3, pag. 56 : Marlyriunt
sanclœ Tharbœ virginis ejusque soro-
ris cl aacilltv).
eus
ialières qui l'assistèrent, quelques
uns même de ses persécuteurs,
parlent encore « de su douceur
dans les souffrances, et du tendre
respect qu'il inspiroit à ceux qui
l'appr ochoient » . {V. Couturier,
et G. Daguerre.)
CUNI (Jean de), prêtre et cha-
noine de la cathédrale de Metz ,
né à Dompaire-lez- Vosges, dans
le diocèse de Saint-Diez, se garda
bien de faire le serment schisma-
tique de 1791, et montra, dans
cette circonstance, que rien ne
pouvoit le détacher de la Foi de
l'Eglise catholique. Déjà sexagé-
naire lorsqu'intervint la loi d'ex-
pulsion portée contre les prêtres
insermentés, le 26 août 179a, il
ne sortit point de France; et l'on
pouvoit taut au plus l'astreindre
à la peine de réclusion. Mais les
athées qui régnoient en 1795 vou-
lurent effacer absolument toute
trace de religion , et se débarras-
ser entièrement de ses ministres.
Le chanoine Cuni fut, en consé-
quence , envoyé à Rochefort, pour
être jelé de là sur une rive loin-
taine et sauvage. On l'embarqua
sur le navire ie Washington
{V. Rochefort). Les souffrances
inouïes qu'il éprouva dans l'entre-
pont de ce bâtiment, lui arrachè-
rent graduellement la vie. Il
mourut en octobre 1794? à l'âge
de 62 ans, et fut enterré dans l'île
Madame. ( V. J1' Cugnières, et
J. Dardant. )
CUSSAC (#...), prêtre de la
CUS 509
communauté de Saint-Sulpice, à
Paris , étoit supérieur de leur
collège des étudians en philoso-
phie. On a lieu de croire qu'a-
près la dissolution de cet établis-
sement, opérée parles événemens
du commencement de 1792, il
s'étoit retiré, avec ses confrères,
dans leur maison d'Issy [V. Rou-
bert). Il fut arrêté, comme quel-
ques uns d'entre eux , peu de jours
après la fatale journée du 10 août.
Amené devant le comité de la sec-
tion du Luxembourg, il y re-
poussa la proposition de sauver sa
vie en prêtant le serment de la
constitution civile du clergé,
et fut envoyé , pour cette cause ,
dans la prison qu'on venoit de
former en l'église des Carmes
{V. Dulau). Six autres prêtres,
saisis également à Issy , et
dont cinq étoient Sulpiciens ,
furent emprisonnés en même
temps que lui, dans cette église
(F. Gallet, Goguin, Hourrier,
Psalmon, Rousseau, et Savines).
Quand l'heure de leur immolation
arriva , le 2 septembre suivant ,
Gussac ne se présenta pas aux
assassins avec moins de Foi et de
courage que ses confrères. ( V.
Septembre.)
CUSSY (Marie-Louis de),
prêtre de Coulantes, chanoine de
la cathédrale où il avoit la dignité
d'archidiacre, étoit né dans cette
ville, en 1706. Amené à Paris,
avec un autre chanoine de la
même église ( V. F. L. Garan-
5 io CÏJS
tilly), il méritoit, ainsi que lui,
toute la haine que les persécu-
teurs avoient vouée aux fidèles
ministres de la religion catholique.
Après être resté plusieurs mois
dans les prisons, le chanoine de
Cussj fut appelé, le 3 thermidor
an II (21 juillet 179/1), devant le
tribunal révolutionnaire, qui se
contentoit alors de prétextes va-
gues pour envoyer ses victimes à
l'échafaud. Cet archidiacre fut
condamné à la peine de mort ,
comme «ennemi du peuple, et
comme contre -révolutionnaire» .
Il périt, le même jour, à l'âge de
58 ans.
CUSTODE (IV...), prêtre et
chanoine de Nevers , que l'on avoit
bien pu dépouiller de son béné-
fice , mais dont on ne pouvoit
ébranler la Foi , avoit 64 ans
lorsque fut rendue la loi du 26 aofit
1792, qui condamnoit tous les
prêtres insermentés à se déporter
eux-mêmes, à moins qu'ils ne
fussent sexagénaires ou infirmes.
La condition rigoureuse par la-
quelle la loi compensoit cette
exemption , étoit la réclusion sous
la surveillance des autorités dépar-
tementales ; et le chanoine Custode
reinplissoitbien péniblement cette
condition , avec plusieurs autres
vétérans du sacerdoce , dans la
maison où ils étoient véritable-
ment prisonniers ( V. Nevers ).
L'apprentissage du martyre qu'ils
y faisoient chaque jour et à chaque
instant du jour, les disposoit a
eus
de plus grands maux, dont cepen-
dant la même loi seinbloil les avoir
exemptés. Mais il n'en est aucune
qui puisse retenir les ennemis de
la religion , jaloux d'exterminer
jusqu'au dernier de ses ministres.
En février 1794 ■> chanoine.
Custode est enlevé , avec ses com-
pagnons de captivité, et envoyé,
comme eux, à Nantes où déjà
tant de prêtres avoient été sub-
mergés {V . Nantes). Leur voyage
fut un horrible supplice, que sur-
passa néanmoins encore celui du
fond de cale de la galiote hollan-
daise du port de Nantes , dans la-
quelle ils furent enfermés , ou plu-
tôt ensevelis. En peu de jours,
quarante -quatre prêtres y mou-
rurent de peste et de misère.
Cependant le chanoine Custode
put résister à tant de maux; et il
fut du nombre des snrvivans que
les tyrans , forcés , par des circons-
tances politiques, à prendre quel-
que air de compassion, envoyèrent
à Brest. Le chanoine Custode n'a-
voit plus assez de forces pour y
parvenir; l'insalubre gabarre à sel
sur laquelle il se trouva au moment
de débarquer, mit fin u sa dou-
loureuse existence. Il y mourut
sur la fin d'avril ; et les conduc-
teurs , en jetant son corps à la
mer, imitèrent encore ceux des
anciens persécuteurs qui pous-
soient leur haine de la religion
jusqu'à priver les chrétiens de la
consolation d'honorer la cendre
de leurs Martyrs. ( V. CnczEAU.
DAG DAG 5n
Bénédictin; et Deschamps, curé CYRILLE (Le Père), Capu-
ile Thianges.) cin. (V. Rotjlle.)
D
DADON VILLE (Auguste),
prêtre et chanoine de Lille, né
en i?5q à Roinvilliers , près d'E-
tampes, au diocèse de Sens, étoit
venu , après la suppression des
chapitres, habiter Paris, au sein de
sa famille. Il y fut arrêté en 1794;
mais, quoiqu'il n'eût pas fait le
serment de 1791, on ne pouvoit
se prévaloir contre lui de la loi de
déportation, parce qu'il n 'étoit pas
assez évidemment compris parmi
ceux qu'elle forçoit à s'exiler.
D'autres expédiens ne manquoient
pas au tribunal révolutionnaire
pour envoyer les prêtres à l'écha-
faud. Quand celui-ci comparut
devant les juges, le 7 messidor
an II (25 juin 179^), considérant
qu'il étoit prêtre catholique, ils
trouvèrent tout simple de le con-
damner à la peine de mort comme
« contre-révolutionnaire »; et la
sentence fut exécutée le même
jour.
DAGONNEAU (N...), curé de
Saint -André de Châteauneuf, dans
le diocèse d'Angers, subissait en
179^ la peine de réclusion que le
décret du 26 août 1702 a voit in-
fligée aux prêtres sexagénaires ou
infirmes qui, n'ayant pas fait le
serinent de 1791, ne pouvoient
sortir de France. Si les lois eus-
sent été respectées , Dagonneau
seroit resté dans sa réclusion jus-
qu'à de meilleurs temps; mais on
vouloit qu'il n'existât plus un mi-
nistre de la religion. Carrier, pro-
consulà Nantes, venoit d'imaginer
un moyen de faire périr les prêtres
en masse, en ayant l'air de les em-
barquer pour la déportation sur
des plages lointaines (V . Nantes).
Dagonneau et d'autres prêtre?
reclus d'Angers, lui furent en-
voyés. Il les fit submerger pen-
dant la nuit du 9 au 10 décembre,
au nombre de cinquante - huit ,
avec seize autres des diocèses voi-
sins (F. ci-devant, pag. 200).
Ainsi donc ce curé mourut pour
sa Foi , de la même manière que
ces Martyrs de la primitive Eglise,
dont on célèbre la fête les 3 et
5 avril , le 10 juin , et le 5 de sen-
tembre. [V. Y. Coat, et Delaage ,
de Champleussé. )
DAGUERRE(Gracian), prêtre
du diocèse de Dax ou d'Acqs, né
à Saint- Martin , près d'Orthez,
n'exerçoit aucune charge ecclé-
siastique lors de la révolution, et
résidoit au lieu de sa naissance.
Il n'étoit donc point tenu au
serment, qu'en 1791 l'Assemblée
Constituante avoit exigé des prê-
tres fonctionnaires publics. Mai-,
5i2 DAL
obligé de manifester sa Foi dans
ces temps de schisme , il s'éloit fait
considérer par les persécuteurs
comme digne de la haine vouée
aux prêtres inassermentés. Ainsi
que tous ceux qu'on put découvrir
en France dans l'année 179J, il
fut arrêté ; et pour le faire déporter
à la Guiane, on l'envoya à Bor-
deaux, où dévoient se faire des
embarquemensde déportation ( V .
Bordeaux). En attendant qu'ils
pussent avoir lieu , cet ecclé-
siastique resta enfermé dans le
fort du Ha. Comme les embar-
quemens ne commencèrent à s'ef-
fectuer que vers la fin de l'au-
tomne 1794» tro's mois après la
chute de Roberspierre ; et comme
la Providence vouloit épargner ce
nouveau supplice au prêtre Da-
guerre, et abréger son martyre,
elle permit à la maladie de termi-
ner ses souffrances en terminant
sa vie. Gravement malade, il fut
porté à l'hôpital de Saint-André,
où, sans cesser d'être captif de
J.-C., il expira le i5 août 1794?
à l'âge de 58 ans. {V. Culture,
et J. F. Dangeyron. )
DALLEMAND (Pierre-Fran-
çois ) , curé de la paroisse de
Saint- Julien de Vocancel , près
d'Annonay, au diocèse de Vienne r
n'avoit que 27 ans, Iorsqu'en
1 79 1 , l'on exigea de lu i le serment
de la constitution civile du
cierge. Il le prêta, mais avec des
restrictions qui pouvoient empê-
cher que sa Foi n'en fût compro-
DAL
mise ; et il crut être ensuite à l'abri
des peines dont la loi de déportation
vint menacer les prêtres non-as-
sermentés. Pour s'affermir dans
cette confiance, il céda volontiers
à la sollicitation qui lui fut faite
en décembre 1 792 , de prêter le
serment de It ber lé-égalité , qu'on
lui disoil approuvé à Paris par des
ecclésiastiques fort prônés; mais
l'illusion queleur décision lui avoit
faite ne put tenir contre la force
des principes et la candeur de son
âme. Le 5o avril 179J « il envoya
au maire de Saint-Julien qui avoit
inscrit son serinent sur les re-
gistres de la commune, la ré-
tractation qu'il en faisoit, lui écri-
vant en même temps : « Je vous
requiers de lire à la municipalité,
dans votre prochaine assemblée ,
la lettre que j'envoie , et d'appuyer
beaucoup vous-même pour que ce
serment soit rayé , et la présente
rétractation éciile. Vous ne pouvez
le refuser sans injustice — C'est
un droit qui appartient à tout ci-
toyen de se rétracter sur les re-
gistres, et d'en prendre acte ». Le
texte de cette rétractation se verra
à la fin du présent article ; mais
nous ne pouvons renvoyer de
même la lettre au corps muni-
cipal, à qui Dallemand écrivoit :
« Ce qui m'engage à la démarche
que je fais auprès de vous, ce sont
les malheurs multipliés de nos
jours; c'est la religion persécutée;
c'est encore le souvenir que je
conserve, qu'à l'époque de la près-
DAL
talion du serment, l'explication
«jue j'en fis, et ma profession de
Foi ne furent point écrites. Peut-
être que cette démarche m'attirera
de nouvelles persécutions ; mais je
vous avoue, dans la sincérité île
mon cœur , que je n'en crains
point de la part d'une paroisse que
j'aime et que je bénis. Au reste,
s'il faut en éprouver, mon sacrifice
est fait ; et je donne volontiers tout
mon sang pour la cause de la reli-
gion... C'est avec regret que je
vais quitter cette paroisse pour
quelques jours » . Les municipaux,
loin d'obtempérer à la demande
exprimée dans la lettre de Dalle-
mand, décidèrent «qu'attendu que
sa déclaration tendoitàinfluencer
dans leur commune un fanatisme
propre à corrompre la majeure
partie des habitans , et à les porter
à une contre-révolution, la force
armée de la commune et de celles
d'alentour, seroit employée pour
faire la recherche, partout où be-
soin seroit , et de la personne dudit
Dallemand, et de ceux qui l'avoient
retiré chezeux» . Le curé de Saint-
Julien, ainsi proscrit, n'espérant
pas trouver d'asile , ou ne voulant
point exposer les personnes cha-
ritables qui l'auroient accueilli, se
relira dans une forêt voisine; et
ses paroissiens, demeurés catho-
liques, s'y rendoient pour entendre
ses instructions , et recevoir de ses
mains les sacremens de l'Eglise.
Il continua d'y exercer ainsi son
ministère, jusqu'en juillet 1794»
DAL 5.3
sans que les persécuteurs pussent
réussir à l'en empêcher , paire
que le lieu précis de la forêt où il
se tenoit, étoit ignoré d'eux, et
que souvent il passoit en d'autres
forêts des environs : tels ces pro-
phètes que l'apôtre saint Paul
nous représente manquant de tout,
affligés, persécutés, dont le monde
n'étoit pas digne , errant sur les
montagnes, se retirant dans les
antres et les cavernes de la terre( 1 ).
Cependant les municipaux qui le
poursui voient, sachant qu'il étoit
le plus souvent dans ces bois, et
n'ayant pu le découvrir, ordon-
nèrent une battue générale de la
forêt, le 17 messidor an XI (5 juil-
let 1794)- Lorsqu'il en sortoit pour
échapper à cette mesure , il fut
saisi par un nommé Sausse, capi-
taine de la garde nationale de
Saint-Julien; et le lendemain on
le conduisit dans les prisons d'An-
nonay. Ce jour-là même, (j juil-
let , il y fut interrogé par un direc-
teur de jury, auquel il déclara d'a-
bord son nom, sa qualité , ajoutant
qu'il erroit sans domicile depuis
le 11 janvier : c'étoit la réponse
même du saint Martyr Euple au
préfet Calvisien : Non habeo do-
mum; hoc et Dominus meus
Jésus Christus novil (Ruinait :
Acla S. Eupli diaconi et Mm'~
(1) Cirmierunt egentes , angustiati,
afflicti, quibus dignus non erut nmti-
dus; in solitudinibus crrtiritcs . in mon-
tibus et spetundls , et in cavernis teirce.
( Hcebr., c. XI, 3:, etc. )
33
54 DAL
tyris ). Le juge lui ayant dit
ensuite . « Puisque tu étois fonc-
tionnaire public, t'es-tu conformé
à la loi qui exigeoit de toi divers
sermens, surtout celui de iibertè-
égaiité? » Dallemand répondit:
« Je m'y suis conformé autant que
ma conscience et ma religion me
l'ont permis». — «Ne fis-tu pas
une rétractation de tous ces ser-
mens, le 22 avril?» — « Ma rétrac-
tation concernoit le serment de
liberté-égalité » . — « Q u els f u re n t
tes motifs ? » — « Mes motifs furent
la tranquillité de ma conscience
et l'entière pureté de ma Foi ». —
« Connois-tu les lois qui te pres-
crivoient ce serment, et qui pro-
noncent des peines contre les
prêtres qui avoient refusé de le
prêter, ou qui l'ont rétracté?»
— « Je les connois très-bien » .
Après quelques autres questions ,
pour connoître les personnes qu'il
voyoit , qui le recevoient cbez
elles, ou qui lui portoient de la
nourriture dans les bois, questions
auxquelles il répondit avec la cou-
rageuse discrétion de saint Cy-
prien , et la fermeté de sainte
Irène , déjà cités ailleurs ( V. ci-
dev., pag. 64, 326, 562). On le fit
aussitôt conduire à Privas pour y
être jugé par le tribunal criminel
du département de YArdèchc,
siégeant en cette ville. Il comparut
devant ce tribunal le 22 messi-
dor (10 juillet ), à onze beuresdu
matin. Sa condamnation y fut pré-
cédée d'un second interrogatoire,
DAL
dans lequel il confessa d'abord
franchement qu'il n'avoit point eu
de domicile fixe depuis le 1 1 ni-
vôse (3i décembre 1793). Le
président lui dit ensuite : « As-tu
prêté les sermens prescrits par le*
lois aux fonctionnaires publics et
autres? » — Dallemand répondit
avec franchise: «J'ai prêté le pre-
mier serment, mais avec les ré-
serves et restrictions que ma cons-
cience et ma religion m'obligeoient
d'y insérer ; et je croyois que cela
m'étbit permis. Je prêtai le se-
cond, qui étoit celui de la liberté
et de Y égalité y mais avec, à peu
près, les mêmes restrictions, et
par les mêmes motifs». — « N'as-
tu pas rétracté ces deux sermens le
22avril 1793 ?» — «J'ai laissé sub-
sister le premier avec les restric-
tions que j'y avois apposées ». —
«Tu connoissois cependant les lois
qui prononçoient des peines contre,
les ecclésiastiques qui n'avoient
pas prêté, ou qui avoient rétracté
leurs sermens ? » — « Je les connois-
sois; et alors elles n'infligeoient
d'autre peine que la privation de
leur traitement» . — «Tu as dû con-
noître aussi celle des 29 et 5o ven-
démiaire, qui prononce la dépor-
tation contre les prêtres réfrac-
taires» ? — «Je ne l'ai pas connue ;
et d'ailleurs je ne me suis pas cru
dans le cas d'être déporté » . — « Tu
devois savoir au moins que tu ne
pouvois continuer tes fonctions » ?
Dallemand avoit continué de les
exercer en secret pour les catho-
DAL
liques qui recouroient à son mi-
nistère, comme nous l'avons dit;
mais l'interrogateur ne savoit rien
de positif à cet égard ; et le sage
curé, dispensé de l'en instruire,
se borne à lui répondre : « Je me
tais là -dessus ». Le perfide ma-
gistrat , déconcerté , dit alors :
« Puisque tu ne croyois pas être
sujet à la déportation , pour-
quoi quittois-tu ta commune ?» —
« N'ayant plus de poste fixe, j'étois
obligé de me retirer et de passer
où je pouvois. » — «Quelles sont
les maisons que tu as fréquentées
depuis cette époque?» — «Je n'ai
rien à dire là-dessus , parce que je
ne veux compromettre personne. »
— «N'as -tu pas passé plusieurs
jours et plusieurs nuits dans les
bois ?» — « J'y ai passé plusieurs
jours et plusieurs nuits ; et je
çhangeois souvent de position».
— «Comment te procurois - tu
alors les alimens nécessaires à
ta nourriture?» — «Je ne peux
pas dire comment , ni par quel
moyen. » C'eût été indiquer à la
persécution les fidèles qui le se-
couroient; et Dallemand répon-
doit dans son âme, ce que jadis
le Martyr Achatius disoit sur une
question analogue, qui avoit pour
but de lui faire dénoncer des
chrétiens : « Leurs noms sont
écrits dans les pages divines du
Livre céleste : des yeux profanes,
comme les vôtres, sont- ils faits
pour voir ce que l'invisible main
du Dieu immortel a écrit lui-
DAL 5i5
même» ? ( V. ci-devant, pag. 526
et 362. ) L'interrogateur ne sachant
plus que demander à un confesseur
de la Foi, aussi prudent qu'il étoit
invincible , ne tarda pas à pro-
noncer contre lui une sentence de
mort. La voici copiée sur l'alfiche
que le tribunal en fit placarder :
« Vu l'interrogatoire de Pierre-
François Dallemand, ci-devant
curé de Vocancel, âgé de 5o ans,
traduit hier dans la maison de
justice, et celui prêté le 18 mes-
sidor (6 juillet) devant le direc-
teur du jury, à Annonay; la ré-
tractation par lui faite, le 22 avril
1793 style esclave : l'accusateur
public entendu ; considérant que
non seulement ledit Dallemand
avoit apposé des restrictions au"x
deux sermens par lui prêtés, mais
qu'il fit encore une rétractation
le 22 avril 1793, style esclave,
le tribunal déclare , en conformité
de l'article 10 de la loi des 29 et
3o vendémiaire, et autres l"is
antérieures , que ledit Dallemand
étoit sujet à la déportation; et,
attendu qu'il ne s'est pas rendu
(au département pour être em-
barqué) dans la décade portée par
l'article \!\ de la loi des 29 et 3o
vendémiaire , et qu'il a encouru les
peines portées par les articles 5 et
i5 de ladite loi, le tribunal or-
donne que ledit Pierre -François
Dallemand sera livré à l'exécuteur
des jugemens criminels, pour être
mis à mort sur la petite place de
cetts commune (Privas) dans le
5i6 DAL
délaide vingt-quatre heures; dé-
clare ses biens confisqués au profit
de la république, etc. ». Ce juge-
ment, rendu le 22 messidor an II
(10 juillet 1794), ne fut mis à
exécution que le 8 thermidor
( 26 juillet 1794) ? afin que le curé
Dallemand pérît en même temps
que quatre autres prêtres que ce
tribunal avoit à faire mourir pour
la même cause {V. Bac, Gardés,
Montblanc, et Rouville). Il de-
voit concourir au spectacle tou-
chant d'édification qu'ils donnè-
rent a la ville de Privas, recevoir
avec eux, coinmeégalement digne,
la couronne du martyre, et par-
tager après la mort les mêmes
honneurs que le public rendit à
leur tombe. Le récit des derniers
instans de ce ministre de Jésus-
Christ se trouve avec celui de la
mort de tous les autres, au pre-
mier des articles que nous venons
d'indiquer.
Dans l'intervalle de son juge-
ment à celui de sa mort, il écrivit
à ses paroissiens, le 19 juillet, une
lettre affectueuse autant qu'édi-
fiante, dans laquelle il leur disoit :
«Vous tous, mes frères, qui êtes
restés fidèles à J.-C, s'il fut un
temps où vous avez besoin d'être
rappelés aux grands principes de
la Foi et de la religion, c'est sur-
tout dans ces circonstances mal-
heureuses, où, arraché d'entre
vos bras, je vous vois plus exposés
à déchoir de l'auguste qualité
d'enfans de Dieu et d'héritiers du
DAt
Père céleste. A Dieu ne plaise que
vous suiviez jamais une autre doc-
trine que celle que je vous ai en-
seignée ! Votre perte seroit irré-
parable.... Les croix et les tri-
bulations sont inséparables d'un
chrétien et d'un disciple de J.-C...
Je suis séparé de vous; mais ce
n'est que de corps : mon cœur est
toujours au milieu de vous ; et
Dieu m'est témoin que je vous
porte tous dans les entrailles de
J.-C. Les fers, la prison, la mort
même ne me sont rien. Je bénis
le Père de Notre Seigneur J.-C.
de m'a voir jugé digne de souffrir
pour lui, et de confesser publi-
quement la Foi, sans laquelle nul
chrétien ne peut être sauvé.... Ne
craignez pas les hommes , dit
J.-C. ; ils peuvent tuer le corps,
mais n'ont aucun pouvoir sur
l'âme : craignez plutôt celui qui
peut perdre le corps et l'âme, et
les précipiter dans l'enfer. En ces
jours malheureux, la crainte et la
lâcheté seroient un crime. Appré-
hender de confesser J. -C. , c'est
s'exposer à le renier; et le re-
nier , c'est se damner. Gardez-
vous, mes frères, d'une pareille
lâcheté ; la perte de la Foi seroit
le plus grand châtiment dont Dieu
pourroit vous punir. Adieu, mes
chers enfans : je vous ai laissé fidè-
lement attachés à la sainte doc-
trine ; je mourrai content, puisque
Dieu le veut.... Je mourrai, en
vous donnant à tous l'exemple de
mourir aussi pour la belle cause
<
DAL
fie la religion Je pardonne de
très-grand cœur à mes ennemis ,
si j'en ai quelques uns.... Je par-
donne surtout à la personne qui
est la cause de ma mort; et je
prie J.-C, le père et le vrai méde-
cin des âmes, de la guérir et de la
laver de la tache affreuse qu'elle a
faite à la sienne, et de ne pas lui
imputer le crime qu'elle a commis
à mon égard, etc. , etc. ». On ne
trouve rien de plus édifiant et de
plus touchant dans les exhorta-
tions des anciens Martyrs au mo-
ment de leur mort.
L'acte de la rétractation que
Dallemand avoit faite du serment
de liberté-égalité, et dont nous
avons promis de donner le texte,
est un autre monument précieux
pour l'histoire ecclésiastique de
cette époque. En voici la copie
littérale :
Aux Officiers municipaux de
Saint- J ulien.
« Je soussigné, prêtre, curé de
la paroisse de Saint-Julien de Vo-
cancel , déclare qu'ayant appro-
fondi de plus en plus les principes
renfermés dans le serment d'éga-
lité et de liberté, et en ayant re-
connu plus que jamais les suites
funestes, tendant à détruire direc-
tement la religion sainte que tout
catholique doit nécessairement
professer , et que je professerai
moi-même jusqu'à la mort, je
rétracte formellement pour l'édi-
lication publique, le préambule
DAL 5iy
que je fis , et le serment que je
prêtai au mois de décembre 1 703 :
le préambule , comme contraire
en partie à mes devoirs les plus
essentiels et les plus sacrés, que j'ai
toujours remplis sous vos yeux , et
que je remplirai toujours de tout
mon pouvoir; etle serment, quoi-
que prêté avec une restriction ou
addition qui ne me paroît pas suf-
fisante. Dans ces circonstances ,
je déclare, peur la plus grande
gloire de la sainte Eglise, et la
pureté de la Foi , que je me refuse
absolument à la prestation dudït
serment ; vous requérant de le
biffer sur les registres , et d'y in-
sérer la présente rétractation dont
je demande acte , que je ferai
prendre entre les mains du secré-
taire-greffier : déclarant en outre
que, pour une plus grande pu-
blicité, j'adresse de suite copie
conforme au présent acte , à l'agent
national , près le district de Mé-
zène, à Tournon. Signé, Dalle-
mand, curé. » En annotateur,
rapportant cet acte, a dit : « Ne
nous arrêtons pas aux expressions
naïves dont se sert le pieux mi-
nistre de J.-C. » Mais on ne voit
rien là de naïf dans le sens de
Panriolateùr; et les expressions y
sont tellement celles que Dalle-
mand devoit employer pour dire
ce qu'il vouloit , que l'on ne satire it
leur en substituer de plus conve-
nables. D'autres historiens de la
mort de ce Martyr ont passe boiïs
silence cet acte de rétractation
5i8
DAM
DAM
Aucune raison ne pouvoit nous
porter à le supprimer, ni à le
iraiter avec dédain , dans un récit
que l'on trouvera plus complet
quant aux faits, comme plus exact
quant aux dates. [V. Fontaine,
Lazariste.)
DAMASE (Le Père), religieux
Récollet. (V . Beltrémietjx.)
DAMASE (Le Père), Capu-
cin. ( V. C. DlDELOT. )
DAMBORGES (Jacques), qu'en
quelques listes on trouve mal à
propos nommé Ambourge , étoit
un jeune prêtre du diocèse d'Acqs,
ou de Dax, né dans la ville de Salies,
en Béarn , vers 1 762; et , àl'époque
de la révolution, vicaire en la pa-
roisse de Labatut-Hignière , près
de Pau. Il refusa, avec une Foi
très -généreuse, le serment de la
constitution civile du clergé;
et , quoique ce refus l'exposât à
bien des persécutions, il voulut
rester dans la paroisse où il étoit
vicaire, pour continuer à veiller
au salut des habitans. Il y étoit
encore tout occupé des soins du
saint ministère, lorsque le pro-
consul Pinel vint , à la fin de 1 790 ,
désoler cette contrée. Damborges
fut arrêté et jeté dans les prisons
de Tartas , d'où bientôt il fut
traîné dans celles de Dax ou Acqs,
chef - lieu du département des
Landes , dont le tribunal crimi-
nel, jugeant révolutionnairement,
l'envoya à la mort, comme « ré-
fractaire à la loi », le 1 5 ventôse
an II (20 février 1794)? à l'âge de
32 ans. Le récit des dernières cir-
constances de la vie de ce saint
prêtre, et de son martyre, fut
écrit par un autre prêtre qui étoit
avec lui dans la prison de Tartas,
et qui lui-même termina sa vie un
mois après, sur le même écha-
faud ( V. Dibayie). Ce récit, en-
voyé par celui-ci, de la prison, à
un ami, le 11 mars 1794* pour
l'édification et l'encouragement
des fidèles de la contrée, nous fut
transmis, dès 1797, par cet ami
même. Nousn'avonsriendemieux
à faire que de le transcrire reli-
gieusement. C'est l'histoire d'un
Martyr, écrite par un autre Mar-
tyr, comme celle de la mort glo-
rieuse des saints Lucius, Montan,
etc., par le saint Martyr Flavien,
et dans les mêmes intentions (1).
« Damborges, disoit-il, ce héros
chrétien de 52 ans , avoit été
amené, la chaîne au cou, des pri-
sons de Dax, ou il étoit resté six
jours; et l'on avoit indignement
choisi les derniers jours du carna-
val pour cette translation. Il entra
dans notre prison, le Mardi-Gras,
4 mars ; et il témoigna beaucoup
( 1 ) El nobis est apud vos certamen ,
Fratres dileclissi/ni , ut nihil aliud
ugenduin Dei senis et Christo ejus
dicatis , quàm de multitudine fratrum
cogitare , qud vi , qud ratione , hic
aotor, hnc qfficium ad lias nos impulil
àtteras , ut fratribus postf Mûris , et
inagnijicentiœ Dei fidèle lestùnonium ,
et tabores ac tolcrariliam nosiripro Do-
mino rnemoriœ relinqueremus. (Ruin. ;
Passio SS. Montant . Lurii . etB. , etc.)
DAM
de joie d'y trouver deux prêtres :
cette maison sembla , par cela
même , devenir pour lui un lieu
de délices. Il nous embrassa avec
une tendresse qui ne peut s'ex-
primer. Son air , ses manières ,
ses discours , ne permettoient pas
de douter un instant de la pureté
de ses motifs, et de la générosité
de ses sentimens. 11 étoit impatient
d'être appelé pour subir un inter-
rogatoire, parce que ce seroit une
occasion de professer , de la ma-
nière la plus authentique, sa Foi
et sa religion. Ses vœux ne tar-
dèrent pas à être remplis : le len-
demain dans la matinée , il fut
appelé devant le tribunal ; et il y
comparut avec une assurance
presque surnaturelle. Interrogé
sur les choses qui concernoient
sa Foi , les seules pour lesquelles
il avoit été arrêté , il répondit d'un
ton si ferme et si décisif, que les
juges le condamnèrent aussitôt à
la peine de mort , comme « fana-
tique et contre-révolutionnaire » .
Il entendit cette sentence avec au-
tant de fermeté qu'il en avoit mis
dans ses réponses : que dis-je? ce
fut pour lui le sujet d'une joie
indicible. Quand on le renvoya
du tribunal , il en sortit avec une
sorte de précipitation, parce qu'il
étoit impatient de venir nous dire
qu'il étoit condamné pour sa Foi.
« Oh ! ta bonne, nouvelle que je
vous apporte! s'écria-t-il en nous
abordant. Mes chers amis, mon
procès est vidé; je suis cou-
DAM 5 19
damné à mort ; j'en suis
charmé. Dieu soit béni; j'espère
qu'il voudra recevoir mon sa-
crifice ». Si vous aviez vu, comme
moi , la joie qui brilloit sur son
visage, vous auriez partagé mon
admiration. Mais il n'y avoit point
de guillotine ni d'exécuteur à
Tartas , où l'on vouloit absolu-
ment donner le spectacle d'un
prêtre égorgé pour sa Foi ; et il
fallut sept jours pour les y faire
venir d'ailleurs. Le saint prêtre
mit à profit ce délai, qui eût été
si cruel pour un autre. Il n'en
perdit pas un instant pour se pré-
parer de plus en plus au grand
sacrifice qu'il alloit faire à Dieu.
Les sentimens d'amour dont il
étoit pénétré pour lui , ne peuvent
se rendre par la parole. Nous le
voyions passer des journées en-
tières dans une suite d'exercices
dilïérens, qui avoient tous pour
objet l'adoration de son créateur,
et l'intention de lui rendre agréa-
ble l'holocauste qu'il alloit lui
offrir. Dès son lever, il faisoit une
longue oraison mentale ; ensuite
il lisoit la vie des Saints et l'Ecri-
ture-Sainte. Tous ses momens
étoient aussi religieusement rem-
plis. Ceux des repas et de la con-
versation avec ses confrères . ne
leur offroient pas moins de sujet!-
d'édification que ceux qu'il passoit
en prières. Souvent il s'écrioil .
avec une sainte impatience
L'instant de ma détivranct
n'arrivera-t-it donc jamais ?
Ô2o DAM
L'instrument de mort et Vexé-
; l'tcar tardent 'bien à venir »!
Tous4és soirs, lorsqu'il se mettoit
au lit, nous l'entendions répéter
ces paroles : Voici, j'espère,
ma dernière nuit; et il s'en-
dormoit paisiblement, en réci-
tant quelque passage de l'Ecri-
ture- Sainte. La femme du géo-
lier , ne pouvant s'empêcher
d'admirer sa tranquillité , lui en
témoigna de la surprise ; il lui
répondit avec douceur, et comme
en souriant : « Peux-je n'être pas
satisfait de quitter ce misérable
monde, puisque je vais aller
dansun autre où iln'y a ni Con-
vention, ni comité de surveil-
lance , ni tribunal révolution-
naire? Là, je serai exempt de
toute crainte, et je n'aurai
rien à redouter des menaces
des hommes. Que je plains bien
ceux qui restent parmi eux !
je ne leur céderois pas mon
sort ». Dans une autre occasion,
voyant cette même femme s'attris-
ter sur la peine à laquelle il avoit
été condamné , il lui dit : « Ne
vous affligez point: les hoinmes
m'ont jugé bien sévèrement ;
mais j'espère de Dieu un juge-
ment plus doux. Je vous prie
de faire savoir à mes juges que
je leur pardonne la sentence
qu'ils ont prononcée contre
moi, quoiqu'elle soit injuste.
Il est vrai qu'ils ont suivi la
loi ; mais cela ne les justifie
point, parce qu'en méjugeant,
DAM
ils ont obéi à une loi inique.
Je désire que Dieu leur par-
donne comme je le fais moi-
même : je prierai pour eux ».
Quand il sut que le jour de l'exé-
cution étoit arrivé, la joie qui
brilla sur son visage nous parut
être celle que doit produire la vi-
sion intuitive de Dieu. Quelques
prisonniers répandoient des larmes
sur sa destinée ; il leur dit : « Votre
affliction est la seule chose qui
m'afflige; prenez courage, mes
amis , l'heure de mon repos
approche. Dieu va accepter le
sacrifice de ma vie; et alors je
serai plus heureux que vous » .
Dès qu'il comprit, par le bruit qui
se faisoit au dehors de la prison,
qu'on venoit le chercher pour le
conduire à l'échafaud , il se mit
en prières, et se fit à haute voix la
recommandation de l'âme, avec
tant de ferveur et d'onction, que
tous les assistans en furent atten-
dris profondément. A peine l'avoit-
il achevée, que la porte de la
chambre où il étoit, s'ouvrit. Un
guichetier venoit le chercher.
Damborges s'avança de suite ,
et descendit avec lui dans une
chambre basse , où le bourreau
l'attendoit. En y entrant, il le salua
avec douceur, et lui présenta sa
tête, pour que , suivant l'usage,
il en coupât les cheveux qui pou-
vaient contrarier l'exécution. Cela
fini, il dit à l'exécuteur: «Allons
maintenant » ; et aux assistans :
« Adieu, mes amis; priez pour
DAM
moi». 11 marcha vers le lieu du
supplice avec le courage d'un vrai
soldat de Jésus - Christ. Etant
arrive au pied de l'échafaud, il
y monta avec une fermeté qui
étonna tous les spectateurs. Il
voulut parler au peuple; mais le
bruit du tambour, que l'on fit
battre à l'instant, couvrit sa voix.
On ne put entendre que ces mots:
Je meurs pour ma religion ».
Tel fut le récit du saint prêtre
Du'oayle. Que pouvons - nous y
ajouter, si ce n'est la réflexion
par laquelle l'écrivain qui acheva
celui de saint Flavicn le termiuoit,
en considérant que Flavien avoit
péri de la même manière; ce qui
est arrivé à l'historien de Dam-
borges : « Oh ! qu'elles sont admi-
rables les leçons que nous donnent
ces Martyrs ! Combien ils sont
glorieux les modèles qu'ils nous
offrent ! Notre devoir n'étoit - il
pas d'en transmettre la mémoire
à la postérité, afin que, de même
que nous avons appris, dans les
exemples offerts par les anciennes
écritures, comment nous devions
nous conduire en des cas sem-
blables , nos neveux apprennent
quelque chose de pareil dans
les écrits de notre âge ? () Mar-
tyrum gloriosa documenta !
O testium Dei expérimenta
prœclara, quœ ad memoriam
posteroram scripta sunt me-
ritô , ut quemadmodum de
scripturis veleribus exem-
pta i dum discimus , sumi-
DAN 5ai
mus; etiam de novis a tiqua
discamus. ( Ruin. : Passio sanc-
torum Montant , Lucii , etc. )
DANCEL (François-Amable) ,
vicaire-général. ( V. F. A. Brine-
VAL. )
DANEL (Marie - Anne), reli-
gieuse Hospitalière d'Arras, re-
fusa*, comme sa supérieure, et de
concert avec deux autres sœurs,
le serment schismatique de 1791.
L'hospice où elles servoient les
pauvres étoit la maison de cha-
rité; et elles rendoient encore ù
ceux de la ville , les services les
plus essentiels. Le proconsul
,Ih Lebon , au milieu de ses plus
grandes fureurs athéistes et san-
guinaires dans la ville d'Arras, en
1794 {V- Arras), n'osa pas d'abord
frapper ces quatre généreuses
filles. Il craignoit d'irriter le
peuple , qui conservoit encore de
l'estime et de la reconnoissance
pour elles. Cependant il brûloit
du désir de les immoler, à cause
de leurs vertus. Lorsqu'il alla
transporter a Cambrai son tribu-
nal révolutionnaire, semblable
à cet Antoine , évêque arien d'A-
frique , lequel , « comme une
bêle féroce insatiable, ayant une
inextinguible soif du sang des
catholiques , couroit de part et.
d'autre pour s'en repaitre ( 1) » . il
se fit envoyer d'Arras à Cambrai,
(1) (Jui, ut beslia insatiqbilis , c.i-
thdlicorUm sitiens sdngiàneiti , hùc
itlùn/uc fxrurrebtU ( Xkt.de Pers.
fondai. L. 111).
522 DAN
les quatre pieuses Hospitalières ;
et , d'après ses ordres, son tribu-
nal les condamna toutes au dernier
supplice ( V . G. Fontaine, M. Fac-
lon, et B. Gebard). Elles allèrent
à la mort avec des sentimens hé-
roïques de Foi et d'amour de Dieu.
En montant sur l'échafaud, elles
prièrent, surtout pour obtenir de
Dieu qu'il daignât disposer les
événemens de manière à ce qu'elles
fussent les dernières victimes des
fureurs du proconsul. En mourant
avec résignation , elles deman-
doient ainsi grâce pour leurs com-
patriotes. Ces prières furent exau-
cées, du moins pour Cambrai;
car, à peine le sacrifice de ces
saintes filles étoit-il achevé , que
Jh Lebon délivra cette ville de
sa présence sanguinaire. Marie-
Anne Danel avoit 5oanslorsqu'elle
fut immolée, dans l'été de 1794-
( V . P. J. C LETS , et P. A. D AUCHEZ. )
DANGEYRON ( Jean - Fran-
çois ) , prêtre , né à Aloc , près
Saint-Girons, dans le diocèse de
Couserans, département de YAr-
riècje , méritoit la haine des per-
sécuteurs , et parce qu'il n'avoit
pas fait le serment de 1791, et
parce qu'il avoit mieux aimé
exposer sa vie pour le6 besoins
des fidèles , que de sortir de
France , après la loi de déporta-
tion rendue le 26 août 1792. Les
agens de la persécution l'arrêtè-
rent et le firent conduire , en 1 794 ,
li Bordeaux, pour en être déporté,
avec une infinité d'autres, au-delà
1
DAN
des mers ( V. Bobdbadx ). II ne
fut cependant pas compris dans le,
grand nombre de ceux qu'on em-
barqua vers la fin de l'automne
seulement , trois mois après la
chute de Roberspierre. Il restoit
enfermé dans la prison qu'on ap-
peloit le dépôt - national. Une
maladie mortelle vint l'assaillir;
et on le fit passer dans l'hôpital de
Saint-André où il mourut, tou-
jours captif pour la Foi de .T.-C. ,
le 19 janvier 1795, à l'âge de
3G ans. ( V. G. Dagcerre , et F.
Dauss^n.)
DANGRAI (René), prêtre du
diocèse du Mans, né à Auvers-le-
Hamon, près Sablé, étoit vicaire
en cet endroit-là même. Il refusa
constamment le serment de la con-
stitution civile, du clergé; et,
pour continuer à veiller au salut
des catholiques de la paroisse, il
ne se soumit point à la loi de dé-
portation. Il se tint caché dans les
environs du bourg ; et sa retraite
n'étoit connue que des fidèles.
Cependant un impie la découvrit;
et le vicaire Dangrai y fut arrêté
par des soldats, le 19 septembre
1790. Us le conduisirent dans les
prisons de Sablé. Le tribunal cri-
minel du département de la Sar-
the s'étoit transporté du Mans à
Sablé ; et le proconsul qui étoit en
mission dans ces contrées , lui
ordonna de condamner ce vicaire.
Il comparut devant le tribunal,
pour être jugé, le 22 septembre,
et y plaida sa cause de telle ma-
DAN
Qière , que les juges mêmes en
parurent émus un instant. On crut
voir, dans chacun de ces hommes
naguère si terribles, ce gouver-
neur Félix qui trembla au discours
de saint Paul. Mais bientôt, reve-
nus à leur cruelle impiété , ils
condamnèrent Dangrai à la peine
de mort, comme «prêtre refrac-
taire». Quand on alloit le recon-
duire en prison, il vit, à peu de
distance, celui qui l'avoit dénoncé
et livré : aussitôt il s'avança et
vint l'embrasser, en lui protestant
qu'il lui pardonnoit de tout son
cœur, et qu'il prieroit %'\eu pour
lui. Rentré dans la prison, pour y
attendre l'exécution de la sentence,
il fit son testament spirituel , et
quelques lettres d'adieux touchans
à sa famille , la conjurant de par-
donner à ses persécuteurs, et lui
faisant considérer sa mort comme
le triomphe de sa Foi. Le lende-
main, à trois heures après midi,
il fut conduit à l'échafaud. Il y
marcha et monta avec une par-
faite assurance, et une résignation
courageuse que l'exécuteur lui-
même ne put s'empêcher d'admi-
rer. Son corps fut inhumé dans le
cimetière de la ville de Sablé. [V .
F. J. Coxjasnon , et David, du
Mans.)
DANJON(iY...), prêtre, vicaire
en la ville de Condé, néâ Montai,
près Cambrai, en 1760, n'ayant
point consenti à faire le serment
schismatique de 1791, fut, pour
cela même, écarté de l'église qu'il
DAN 5a3
desservoit, et obligé de s'exiler, en
vertu du décret du 26 août 1792.
Il revint, pour exercer son mi-
nistère dans la province, quand
les troupes autrichiennes l'eurent
délivrée des fureurs impies de la
Convention , en prenant Valen-
ciennes , le 1" août 1793. Mais,
quand ils furent forcés de l'éva-
cuer , le 1" septembre 1794» et
que les proconsuls de la Conven-
tion y^ntrèrent, le vicaire Danjon
fut recherché , arrêté et amené
dans les prisons de Valenciennes
( V . ce mot). Livré à une com-
mission militaire , il comparut
devant elle , avec quatre autres
personnes consacrées à Dieu ( V .
Lancicn, P. Hansart, Levecqtje,
et Huvelle), le iGbrumaire an III
(6 novembre 1794)5 trn's mois et
douze jours après la chute de Ro-
berspierre. Docile aux vues hypo-
crites de la faction Thermido-
rienne,, alors régnante, la com-
mission, certaine de pouvoir faire
périr Danjon comme émigré-ren-
tré , se félicita de n'avoir pas à
rendre manifeste , par la procé-
dure, sa haine de la religion, déjà
bien assez évidente par le choix
des victimes. Les juges deman-
dèrent à cet ecclésiastique s'il
étoit sorti de France; et, loin de
chercher à sauver sa vie par un
mensonge, il rendit un généreux
témoignage à la vérité , et fut
aussitôt condamné, comme «émi-
gré-rentré », à la peine de mort
( V. Avchin ). Son supplice eut
5a4 DAN
lieu le lendemain; et il y marcha
avec la Foi et l'espérance, comme
avec le courage des anciens Mar-
tyrs. Son âge étoit de 54 ans ,
lorsqu'il périt ainsi pour la cause
de la vérité et de la religion. [V .
L. P. Cagnot, et M. M. J'« DE-
JARDIN.)
DANNIER (Luc-Antoine-Jo-
seph ), curé. {V. L. A. Jh Pan-
NIER.)
DANOIS (iV...), prêtre atta-
ché à une église paroissiale de
Paris, avoit perdu la plupart des
ressources qu'il tiroit de son mi-
nistère pour subsister ; et il ne
devoit sa détresse qu'à sa fidélité
à la Foi de Jésus - Christ, qu'il
n'avoil pas voulu trahir par la
prestation du serment de la cons-
titution civile du clergé. Sa
pénible situation étoit encore de-
venue plus fâcheuse par une mala-
die très -grave. Deux confrères
alors, pour subvenirà ses besoins,
suivant leurs facultés , le firent
apporter au logement qu'ils
avoient pris en commun , dans
la rue de la Heaumerie, près de
l'Apport-Paris. ( V. Fontaine, et
Martin). Ils y vivoient comme
dans un séminaire. Tandis que, le
•i septembre, vers deux heures de
l'après-midi , ils faisoient ensemble
un modeste dîner, leurs portes
furent forcées par les frénétiques
envoyés à la recherche des prêtres ;
et Danois fut conduit , avec ses
deux confrères, à Y Abbaye {V .
Septembre). Déjà l'on y égorgeoil
DAN
des prêtres , que le comité de
surveillance de la Commune ve-
noit d'y envoyer. L'abbé Danois
et ses deux confrères , en descen-
dant de voiture dans une cour du
cloître , éprouvèrent aussitôt le
même sort , et partagèrent avec
eux la même couronne.
DANTHENY (Louis), prêtre et
chanoine de la cathédrale de Laon ,
étoit né à Brissy, près de La Fère,
en 1704. Il fut, pendant plusieurs
années , trésorier et directeur-
général de la chapelle de Notre-
Dame de J%sse , â trois lieues de
Laon , chapelle célèbre par les
pèlerinages, et qui reçut de lui
plusieurs embellissemens. Il en fit
aussi dans l'église dont il étoit
chanoine. On n'avoit pas de motif
légal d'exiger de lui le serment de
la constitution civile du clergé;
mais le ferme attachement qu'il
montroit alors pour la Foi le fit
regarder comme un prêtre non-
assermenté, des plus zélés pour
la défense de l'Eglise catholique.
Sa généreuse conduite à cet égard
porta les administrateurs du dé-
partement de Y Aisne à le bannir
de la ville de Laon, dès le prin-
temps de 1792. II n'alla d'abord
qu'à Lille ; mais , quand la loi de
déportation eut été rendue , il se
réfugia dans la Belgique. L'armée
française étant bientôt entrée dans
cette province, il s'enfuit au-delà
du Rhin , et y resta jusque vers la
fin de l'hiver de 1795. Séduit par
les apparences de justice et de
DAN
modération que la Convention
avoit prises depuis la chute de
Roberspierre, il crut que la persé-
cution étoit finie , et revint en
France, pour y travailler à réparer
les maux que la religion avoit
soufferts. Pendant environ huit
mois, il exerça, dans le diocèse
de Laon , les fonctions de son mi-
nistère de la manière la plus heu-
reuse , sous tous les rapports;
mais enfin, le 24 décembre 1795,
il fut arrêté dans une paroisse où
il venoit de faire communier ,
pour la première fois, plusieurs
enfans. On l'amena dans la ville
de Laon. A son entrée dans le
faubourg, il fut assailli par les
outrages et les blasphèmes d'une
populace impie qu'on y avoit
ameutée contre lui. Ce jour -là
même , on le fit comparoître de-
vant le tribunal criminel du dé-
partement de l' Aisne; et il y
subit un premier interrogatoire,
après lequel on le mit au cachot.
Le lendemain , 25 décembre , il
fut ramené devant les juges , qui
le condamnèrent de suite à la
peine de mort, comme «émigré-
rentré». A cinq heures du soir,
on le conduisit au supplice. Arrivé
au pied de l'échafaud , il y monta
avec assurance, embrassa cordia-
lement l'exécuteur, en lui disant
qu'il lui pardonnoit sa mort , et
le lui prouva en lui donnant tout
ce que des spoliateurs lui avoient
laissé. Quand sa tête eut été abat-
tue,'plusieurs fidèles vinrent trem-
DAll 5a5
per des mouchoirs dans son sang,;
et la vénération pour lui étoit si
grande , qu'après qu'il eut été
inhumé dans le cimetière com-
mun , de pieuses femmes en en-
levèrent sa tête, pour la con-
server religieusement. Elle est
encore un objet de culte particu-
lier pour tous ceux qui le regar-
dent avec raison comme un Mar-
tyr. Nous avons déjà fait connoître,
ci-devant, pag. 127, combien ce
culte empressé étoit loué dans les
beaux jours de l'Eglise. Les actes
du martyre de sainte Stratonice
et de saint Séleucus nous en olfrent
une nouvelle preuve. « Tandis
que parmi les témoins de leur mort
les uns cédoient à une douleur na-
turelle, d'autres, animés d'une Foi
plus active , prenoient d'autres
soins : ceux-ci ramassoient et em-
portoient la terre sur laquelle leurs
pieds avoient posé ; ceux-là ravis-
soient à l'envi le sang qui décou-
loit encore de leurs blessures (1)».
Le chanoine Dantheny périt à l'âge,
de 61 ans, dix-sept mois après
la chute de Roberspierre.
DARDAN (Pierre) , prêtre de
la congrégation des Eudistes de
Paris, homme très-doux et fort
(1) Erant plurimi prnmiscui scxùs ,
qui multipliai quesiu acerbam eorum ■
dem marient deflebant et lamentaban-
fur : alii pulverem ipsorum pedîbus
calcul uni adsportpBant : sànguinèrh alii
adhiic viltnere munanteni certaiim ru-
pieb'ahi ( Asaemari , pars II*, pag. 1 19 :
fllartrrium SS. StratOlUCéO et Seleuçi j.
$26 DÀ.R
pieux, avoit mérité, comme ses
confrères , la haine des impies
novateurs de 1791? auxquels on
devoit l'hétérodoxe constitution
civile du clergé {V. Hébert).
Il ne leur échappa point , lorsque
le 10 août 1792 eut donné un
libre cours à leur fureur. Dardan
fut pris, avec une multitude de
prêtres insermentés : comme eux ,
il refusa , devant le comité de la
section, de faire ce serment pré-
tendu civique; et il fut empri-
sonné avec eux, dans l'église des
Carmes ( V . Dulau ). Il y vit
amener aussi son supérieur et
huit de ses confrères [V. Beau-
lieu ). Ensemble , ils se prépa-
rèrent à la mort violente qui me-
naçoit tous les confesseurs de la
Foi enfermés dans cette église ; et
Dardan s'encourageoit avec eux à
la sceller de son sang. L'heure du
sacrifice étant arrivée , il ne fut
pas celui de tous qui marcha au
martyre avec moins de ce courage
céleste qui , en de pareilles circons-
tances , obtient les palmes éter-
nelles ( V. Septembre ). Il étoit
âgé de 63 ans; et, pendant 5o
ans , il avoit été le confesseur des
élèves de la communauté de
Sainte-Barbe. ( V. Briquet. )
DARDANT (Jean), prêtre, vi-
caire de la paroisse de Bénévent ,
dans le diocèse de Limoges, où
il étoit né, à Bançon , en 1767,
résista, avec toute la fermeté d'un
généreux confesseur de la Foi , à
la proposition de faire le serment
DAR
schismatique de 1791. « C'étoît,
nous a-t-on écrit, un jeune homme
fort vertueux , et très - instruit
pour son âge : aussi fut-il toujours
ferme dans la Foi , malgré les
dures persécutions qu'il éprouva » .
Ses tourmens furent en effet plus
longs et plus variés que ceux de
beaucoup d'autres prêtres. Indé-
pendamment des vexations que
lui attira son zèle, en 1791 et
1792, il fut emprisonné à Li-
moges en 1793. Traîné en 179/j
à Rochefort , pour être déporté
au-delà des mers ( V. Rochefort),
on l'embarqua sur les Deux As-
sociés; et il souffrit dans l'entre-
pont de ce navire , des peines
inconcevables sous lesquelles
cependant il ne succomba point.
Le Ciel le réservoit à d'autres
épreuves, pour faire éclater da-
vantage sa Foi. Remis à terre ,
lorsqu'en février 1795 les prêtres
qui n'étoient pas morts en mer
furent débarqués, il obtint, à la
vérité , d'être libre en av ril sui-
vant; mais, après le 3 brumaire,
en novembre de la même année,
il fut arrêté de nouveau , et jeté
dans la prison de Guéret, au dé-
partement de la Creuse, pour
l'unique raison qu'il exerçoit le
saint ministère. Le système de
modération que le gouvernement
sembla essayer au commencement
de 1 797 , le fit remettre en liberté ;
et il vint à Limoges en mai de cette
année. Le germe de la mort, qu'il
avoit rapporté de l'entrepont des
DAR
Deux Associes , éclata d'une
manière violente. L'hôpital de
Limoges fut sa seule ressource :
Dieu trouva qu'il en avoit assez
fait pour sa gloire ; Dardant mou-
rut accablé d'infirmités, dans la
nuit du 8 au 9 mars 1798, âgé
seulement de 3i ans, et fut en-
terré dans le cimetière de cet
hôpital, (js. J. CtJNi, et G. Dar-
DOUKEAUD.)
DARDOUNEAUD ( Guil-
laume), curé d'Aubessaignes, pa-
roisse du diocèse de Limoges, où
il avoit vu le jour, dans celle de
Masséré, étoit , au rapport de tous
ceux qui l'ont connu, un très-bon
prêtre. Se laissant séduire par les
écrits des apologistes de la cons-
titution civile du clergé , et pro-
bablement aussi par son attache-
ment à ses ouailles, il fit le serinent
schismatique de 1791. La seconde
de ces séductions l'entraîna faci-
lement à prêter, vers la fin de 1 792,
le serment de liberté - égalité ,
prescrit à cette époque. Cepen-
dant ces gages qu'il avoit donnés
aux persécuteurs ne leur suffirent
point, parce qu'ils vouloient une
apostasie complète , et que Dar-
douneaud restoit attaché à son sa-
cerdoce. Ils lui refusèrent ce cer-
tificat de civisme sans lequel,
en 1793, on étoit suspect; et,
comme tel, il fut mis en prison
et voué à la mort. Captif à Li-
moges, il reconnut alors les inten-
tions de ceux qui avoient exigé
les deux sermens , vit ce qu'ils
DAR 527
avoient de funeste à la religion,
et les rétracta d'abord entre les
mains d'un ministre de l'Eglise
autorisé à l'en absoudre. Mais ,
voulant donnera ses rétractations
autant de publicité qu'en avoit
eu son double scandale, il les fit
solennellement devant un des ad-
ministrateurs du département ,
lorsqu'il eut occasion de lui être
présenté. Aussitôt sa déportation
au-delà des mers fut résolue. On
l'envoya à Rochefort. pour être
embarqué ; et il le fut sur le navire
les Deux Associés ( V. Roche-
fort ). Content de souffrir pout
Jésus - Christ , il ne se plaignit
point des maux dont on étoit acca-
blé dans l'entrepont de ce bâti-
ment. Il en perdit la vie le 14 sep-
tembre 1794? à l'âge de 44 ans >
et fut enterré dans l'île Madame.
( V. J. Dardant, et S. Darten-
sec)
D ARM AND (Humbert), prêtre,
né en 1757, à Saint-Gireau, dans
le diocèse d'Annecy, y étoit cha-
noine de la collégiale de Samoëns.
Après avoir échappé à la sangui-
naire moisson que la révolution y
fit des prêtres, en 1793 et 1794?
Darmand, conservant toujours sa
Foi pure, exerçoit, avec autant
de sécurité que de zèle , son mi-
nistère à Annecy, lorsqu'éclata la
crise du 18 fructidor (4 septembre
1797), et que, le lendemain, fut
rendue la loi de la déportation de
ce qui restoit de prêtres inser-
mérités ( V. Gviane). Les persé-
5»8 DAR
«uleurs le firent arrêter et l'en-
voyèrent, en mars 1798, à Ro-
chefort, pour y être embarqué. Il
le fut sur la frégate la Bayon-
naise, le 1" août suivant. Elle le
jeta clans le port de Cayenne , le
29 septembre. Presque aussitôt,
on lui signifia l'ordre d'aller habi-
ter le désert de Konanama. A peine
y fut-il arrivé, que la contagion
exhalée par cette terre brûlante
commença à le miner intérieure-
ment; et il en résulta pour lui un
état de tristesse croissante qui le
conduisit au tombeau. Il parut
mourir de consomption : sa mort
eut lieu le 7 novembre de la même
année. Il avoit 4 1 ans ; et il ne lui
restoit , pour tout secours , que
peu de hardes, évaluées à 21 livres
12 SOUS. [V. J. B. CoiIRCIERE,
et P. David.)
DARON (femme). ( V. C. Atjg.
NoTTAIEE.)
DARTENSEC (Sicaire), jeune
prêtre , vicaire d'une paroisse du
diocèse de Périgueux, où il étoit
né, dans celle de Saint-Fond-de-
Mucidan, laissa séduire son inex-
périence par les apologistes de la
constitution civile, du clergé,
et en fit le serment. Ce premier
pas l'entraîna aisément à faire en-
core , vers la fin de 1792, celui
de liberté-égalité ; mais l'amour
de la religion et l'attachement à
la Foi catholique, restant au fond
de son cœur , le détournèrent
des actes formels d'apostasie
auquel les persécuteurs se flat-
DAR
toienl que les deux sermens
dévoient naturellement le con-
duire. Trompés dans leurs espé-
rances à l'égard du jeune vicaire ,
ils le firent arrêter et jeter dans les
prisons de Périgueux. Bientôt ils
le condamnèrent à être déporté
au-delà des mers. Déjà les remords
tourmentaient cruellement l'âme
de cet ecclésiastique, etaltéroient
visiblement sa santé. Il partit enfin
pour Rochefort , où il devoit être
embarqué [V . Rochefort) ; mais,
quand il arriva dans celte ville,
il se trouva si malade qu'il fallut
le porter à l'hôpital. Il n'y eut rien
de plus pressé que de rétracter ses
deux sermens avec tous les sen-
timens de la plus amère et plus
sincère contrition; et, se félicitant
d'avoir été voué à la mort en haine
de la Foi , il mourut en confesseur
de Jésus-Christ , digne de la palme
du martyre. Sa mort eut lieu le
20 avril 1794- ( V. ci -devant,
pag. 275.) Il n'avoit que 3i ans;
et son corps fut inhumé dans
le cimetière de Rochefort. [V. G.
Dardouneatjd , et Daru, Bénédic-
tin.)
DARTHEZ (Ambroise), prêtre
et chanoine de Mauléon-en-Soulé,
diocèse de Bayonne , ne voulut
adhérer en aucune manière à la
constitution civile du clergé;
et il continua d'habiter Mauléon.
Quoiqu'il ne fût point compris
directement dans la loi de dépor-
tation , il importunoit trop les
ennemis de la Foi pour qu'ils
PAU
souffrissent sa présence. Ils le
firent emprisonner en i7g3; et le
livrèrent au tribunal criminel du
département des Basses - Pyré-
nées 3 siégeant à Pau. Ce tribu-
nal le condamna, le 10 pluviôse
an II (29 janvier 1794) ? à la peine
de mort, comme «prêtre réfrac-
taire » ; et il fut immolé dans les
vingt-quatre heures.
DARU (iY...), prêtre , religieux
de l'ordre de saint Benoît, et con-
ventuel de la maison de Cluny,
dans le diocèse de Mâcon, avoit
continué d'habiter cette province
après la suppression des ordres
monastiques. Comme il n'avoit
point été fonctionnaire public
avant la révolution, les persécu-
teurs n'eurent pas de prétexte poul-
ie tourmenter en 1791 et 1792;
mais, attaché à la religion et au
sacerdoce , il ne put qu'être im-
portun à ceux qui vouloient ache-
ver de détruire l'un et l'autre , en
1 793. Us firent donc emprisonner
ce religieux, et le condamnèrent
à être déporté au-delà des mers.
On le traîna bientôt à Rochefort,
où il fut , à cet effet , embarqué
sur le navire le W ashington [V .
Rochefort). Les souffrances qu'on
y enduroit surpassèrent en lui les
forces de la nature. Il expira en
septembre 1794, à l'âge d'environ
47 ans, et fut enterré dans l'île
Madame (F. Dartensec, et P.
J. Davergne.)
DAUCHE (iV...), prêtre de la
congrégation des Missionnaires
2.
DAU 529
de Marie, établie, depuis 1706,
à Saint-Laurenl-sur-Sèvres , près
Mortagne, en Poitou, diocèse de
Luçon {V. Vendée), avoit, aux
yeux des révolutionnaires, le tort
de n'avoir pas voulu trahir sa Foi
en prêtant le serment de la cons-
titution civile du clergé. La loi
du 26 août 1792 vint autoriser les
administrateurs républicains du
district des Sables d'Olonne à le
faire saisir et transférer à l'île d'O-
lonne , d'où il devoit passer à La
Rochelle, afin d'y être embarqué
pour la Guiane, avec un confrère
destiné au même sort , pour la
même cause [V. Yergé). Il abor-
doit, le 21 mars 179^, au port
de La Rochelle, où quatre prêtres
également purs du coupable ser-
inent étoient massacrés pour cette
raison , lorsqu'il le fut lui-même,
avec son compagnon , de la ma-
nière la plu? atroce , au moment
où il descendent de la barque pour
mettre pied à terre. Son corps fut
traîné dans les rues , et sa tête
promenée sur une pique. On l'in-
huma ensuite dans le cimetière de
Saint-Jean, réuni à celui de Saint-
Barthélerni, paroisse de La Ro-
chelle ; et le juge de paix, dont le
procès-verbal fut consigné deins le
registre mortuaire Je l'état civil,
se contenta d'écrire « qu'il étoit
condamné à la déportation , et
qu'il étoit décédé à La Rochelle ,
par suite d'une émeute populaire » .
11 ne se donna pas même la peine
de consigner, dans son acte, le
S/}
55o DAL
nom de baptême ni l'âge du res-
pectable prêtre Dauche. Les cir-
constances de ce massacre sont
racontées à l'article de C. Cor-
kuault. Si le missionnaire Daucbe
n'est pas cité dans la belle lettre
pastorale de M6' l'évêque de
La Rochelle , qu'on y a lue , c'est
qu'il n'étoit pas de son diocèse.
{V. L. Hulé.)
DAUCHEZ (Pierre- Adrien),
simple jardinier, né àWailly, non
loin de Soissons, et y exerçant
son humble profession , nous re-
trace ce saint Martyr Phocas , de
la ville de Synope, dont tout le
patrimoine consistoit en un jardin
qu'il cultivoit, et dont il partageoit
les fruits avec les pauvres (1).
« Sa condition peu relevée et sa
profession de jardinier, dit l'his-
torien , ne purent le dérober à
la connoissance des délateurs: il
lut dénoncé , enlevé et condamné
au dernier supplice , comme dis-
ciple de Jésus-Christ. Quœreba-
turautem quilibet christianus ,
tanquam maiefîcus , ac qui
propb erat puniebatur ; qui
vero procul erat, investigaba-
tur. Quam où rem Phocam
quoque nequidem vile studiurn ,
horlutanique conditio celavit,
atd is quoque ut verus Christi
discipulus denuntiatus est : ac
(i) V.Encomium in sanctum Marty -
rem Phocam , auclore beato Aslerio ,
episco/H) Amaseno (ex tomo 1° Auc-
Luurii biblioth. Palrum Grœcoruin
a* III).
DAU
mnèadeumvenerunt qui nuiiâ
judicii forma , nullâ defen-
sione , à misera hac fluxâqut
vitâ jussi erant abducere.
Père d'une famille nombreuse
qu'il élevoit dans la loi du Sei-
gneur, Pierre - Adrien Dauchez
ne pouvoit consentir à ce que son
fils , âgé de 22 ans, lui fût enlevé
par la réquisition des convention-
nels, pour aller combattre sur les
frontières , en faveur d'une assem-
blée qui inondoit la France de
crimes et de sang. Par divers stra-
tagèmes, il l'avoit soustrait à cette
odieuse obligation. Mais, quand le
proconsul Jb Lebon vint déployer
ses fureurs à Arras, il fit enfin
enlever le jeune homme, et vou-
lut qu'on lui amenât en même
temps son père, sa mère et ses
deux jeunes sœurs. Suspendant
ici la narration de ce qui se passa
d'horrible en cette occasion, nous
en renvoyons la suite à l'article
du jeune Dacchez, qui va suivre.
Il nous suffit, pour le moment,
de dire que le tribunal du procon-
sul envoya le vénérable jardinier,
âgé de 55 ans, avec sa femme,
son fils et ses deux filles, à l'écha-
faud. Cette abominable exécution,
faite en haine de leur Foi , eut
lieu le 5o prairial an II ( 18 juin
1794). Tous les cinq furent immo-
lés comme fanatiques. ( V. M.
A. Danel , et P. J. Dacchbz.)
DAUCHEZ ( Pierre - Joseph )
fils, né àWailly, en 1772, d'un
jardinier de cette petite ville ,
DAU
Pierre-Adrien Dauchez, ayant été
élevé suivant la loi de Dieu et les
préceptes de l'Evangile, « s'éloi-
gnoit des enrôlemens de la réqui-
sition par principe de religion» ,
comme Prudhomme lui - même
en convient (Hist. des Crimes
de la Révol., tom. VI, pag. 36o).
Toute sa famille, c'est-a-dire, son
père , sa mère , avec les deux
sœurs de ce jeune homme , était
animée des mêmes sentimens.
Ce n'est pas qu'un catholique ne
doive , lorqu'il en est requis ,
prendre les armes pour la défense
de sa patrie ; mais quand le mé-
tier de la guerre entraîne néces-
sairement la nécessité d'offenser
Dieu et de compromettre sa Foi,
le refus d'aller dans les camps est
louable , il est même de devoir.
Ainsi le décidoit le grand pape
Benoît XIV (1), à propos de la
résistance de ce génie faite par le
martyr saint Maxitnilien de Te-
geste , en Numidie, l'an 295. Le
préfet des enrôlemens vouloit qu'il
fût toisé, pour être envoyé dans
les armées d'un empereur païen
et persécuteur du christianisme:
— «Non, répondit Maximilien, il
ne m'est pas permis de combattre
sous ses étendards». — « Enrôlez-
vous , si vous ne voulez pas périr» ,
répliqua le préfet; et Maximilien
(1) Non quiu censebat milàiani i>e—
titam chrislianis Sed ob occasinnes
peccandi qnas ipsi militantes Jre~
quenler erperiebantur (de Serv. Dei
BeatiGc. L. 11 , c. 1111 , n° 6 ad 4m)-
DAU 53 1
répartit : «Coupez -moi la tête,
je ne combats point pour le siècle ;
ma milice est celle du Dieu que
je sers » .Dion [proconsul) dixit:
Milita ne pereas. Maximilia-
nus respondit : Non milito ;
caput mihi prœcide; non mi-
lito sœculo , sed milito Deo
meo Christianus sum, et
non possum mata facere. Dion
dixit : Qui militant, quœ mata
faciunt? Maximitianus res-
pondit : Tu enim sds quœ fa-
ciunt. Dion proconsul dixit:
Milita, ne, conlemptâmilitiâ ,
incipias maté interire. Maxi-
mitianus respondit : Ego non
pereo; et si de sœculo exiero,
vivit anima mea cum Ckristo
Domino meo. (Mubillon : Ana-
lect. , tom. IV, in appendice.)
L'antiquité ecclésiastique offre
d'autres exemples de ce genre,
tels que celui de saint Martin dans
le récit de Sulpice Sévère (1),
ceux de saint Marcel , de saint
Taraque, de saint Mennas l'Egyp-
tien (2).
Reprenant maintenant notre
récit, et disant que le proconsul
Lebon fit arrêter avec le jeune
(t) Ait {Martinus) : Christ/ ego
miles sum ; puçnare mihi non licet.
(2) Voy. Acla S. M 'arcelli centu/io-
nis et Marlyris. — Acla SS. Marty~
rum Tarachi, Probi et Andronici. —
Et dans Mttnpbraste, tom.V, de Mi-
raculis S. Timnthei. — Voy. encore le
Martyrologe Romain aux 11 et 3o oc-
tobre , au 11 novembre.
34;
55a DAU
Dauchez , 5gé de 22 ans, son
père, sa mère et ses deux sœurs,
nous continuerons en nous ser-
vant des paroles mêmes du pré-
sident du tribunal d'Amiens, par
qui ce proconsul fut enfin con-
damné le 5 octobre 1790. « Le
jeune homme, disoit-il aux as-
sistans en présence de Lebon ,
le jeune homme , ses père et
mère et ses sœurs, furent traînés
de Wailly à Arras. Lebon fit une
convocation solennelle du peuple
dans le temple dit de la Raison.
Il y parut armé de son grand sabre
et de deux pistolets à la ceinture,
et suivi de ses satellites affreuse-
ment costumés. Ces infortunés
furent exposés aux regards du
peuple , sur une estrade élevée ,
et y subirent un interrogatoire.
Lebon commença par apostro-
phen le jeune homme, en lui di-
sant : F oyons, si ton Jésus -
Christ te, sauvera de cette af-
faire ; et, en l'interrogeant, il le
qualifioit ironiquement de saint.
La mère du jeune homme gar-
doit le silence , et levoit les
yeux au Ciel, sans daigner ré-
pondre aux questions blasphéma-
toires du proconsul. On eût dit
qu'elle avoit perdu l'usage de la
parole: Jevais faireun miracle,
s'écria Lebon ;je vais faire par-
ter cette vieille. Il tire un de ses
pistolets, et le dirigeant sur elle,
il lui crie : Parie ; ou je te brûle
ta cervelle. Elle se taisoit, re-
portant ses regards vers Dieu à
DAU
qui elle faisoit le sacrifice de sa
vie : V oyez -vous , ajoute le pro-
consul , voyez-vous cette fana-
tique qui ose lever les yeux au
Ciel! Voilà comme ILS SONT
TOUS (Magnifique témoignage
rendu par l'enfer à toutes les vic-
times d'Arras !). Et Lebon achève
en disant : Quand Us sont dans
l'embarras, Us s'adressent tou-
jours là - haut , comme s'ils
■pouvoient en obtenir quelque
chose. Le lendemain de cet
odieux interrogatoire , il fait pu-
blier à son de trompe que toute
la famille Dauchez sera guillo-
tinée dans la journée; et en effet,
le 3o prairial an II ( 1 8 juin 1 ?94)>
son tribunal révolutionnaire en-
voya le pieux jeune homme, sa
mère, son père et ses deux jeunes
sœurs, au supplice». L'exécution
se fit le soir même aux flambeaux,
pour qu'elle eût toute l'infernale
solennité que l'athéisme du pro-
consul pouvoit lui donner. {V . P.
A. Dafcbez , et F. Dauchez.)
DAUCHEZ (Françoise Patou,
épouse de Pierre-Adrien) , avoit
5o ans lorsque le proconsul Lebon
la fit arrêter avec son mari , son
fils, ses deux filles, à Wailly, la
fit traîner à Arras, et lui tint les
propos outrageans et sacrilège*
dont nous venons de parler. Elle
fut, comme nous l'avons déjà dit ,
envoyée a l'échafaud, le 3o prairial
an II (18 juin 1794), avec son
mari et ses trois enfans, parce
qu'elle les avoit élevés dans les
DAU
principes de la religion, qu'elle
en avoit l'ait en quelque sorte des
saints. Douée du même courage
que la mère des Machabées, elle
eut le mérite des Félicité et des
Symphorose (i). Saint Jean Chry-
sostôme disoit que sainte Dom-
nine , périssant avec ses deux filles,
avoit souffert un triple martyre.
La pieuse mère Dauchez en a
souffert un quintuple, puisqu'elle
a vu périr avec elle et ses deux
filles, et son fils et son mari : Ita-
que duplex fuit mulieris mar-
tyrium, immo verô triplex,
nam per se ipsam semel, per
filiassuaséismartyrium passa
est. (Homil. DeSS. Domninâ,
Bemice et Prodesce , Marty-
ribus. ) Le martyre des deux
filles de cette sainte femme sera
l'objet des deux articles suivans.
{V . P. J. Dauchez, et M. S. Dau-
chez. )
DAUCHEZ ( Marie - Séra-
phine ) , sœur du pieux jeune
homme Pierre-Joseph Dauchez,
et non moins pieuse que lui, avoit
27 ans lorsqu'elle fut arrachée à
la maison paternelle avec lui, son
père , sa mère et sa sœur. On a
vu dans les trois articles précé-
dens , tout ce que le proconsul
Lebon lui fit souffrir d'insultes, et
combien il outragea sa piété. Elle
expira sur l'échafaud avec toute
(1) Voy. Ruinart : Fassio sanclce
Symphorosœ et filiorum ejûs. — Pa.s-
sio sanctœ Felicitatis et jiliorwn e.jus.
DAU 555
sa famille, le 3o prairial an II
(18 juin 1794). [V. P. A. Dau-
chez, P. J. Dauchez, F. Dauchez,
et M. A. Dauchez.)
DAUCHEZ ( Marie -Aucus-
tine), sœur de la précédente,
et conservant comme elle dans
son cœur les principes de re-
ligion que leurs père et mère
avoient inculqués à leurs enfans ,
les manisfestoit dans toute sa con-
duite. Nous avons déjà dit qu'en-
semble ils formoient une famille
de saints dans une condition peu
relevée. Marie-Augustine atteig-
noit à peine sa 24e année , lorsque
le proconsul Lebon la fit enlever
av.ee son père, sa mère, sa sœur
et son frère de la maison pa-
ternelle, et l'envoya avec eux à
l'échafaud comme fanatique. Le
martyre de cette jeune fille eut
donc lieu le 00 prairial an II ( 18
juin 1794)- Les témoins honnêtes
et sensibles s'attendrissoient sur
son sort ; mais dans son âme , elle
leur disoit, ainsi que sa sœur,
avec le jeune Cyrille de Césarée :
« Vous devez bien plutôt vous
réjouir que vous attrister en me
voyant marcher au supplice, si
vous pensez à ty patrie céleste
que je vais habite^' (1)». On peut
appliquer à la rrjort de ces deux
vertueuses filles ce qu'Eusèbc écri-
voit à propos de ces deux vierges
d'Antioche, qu'en 5o5 les tyrans
(1) Ruinart : Martyrium S. CyriUi
pucri , n' 3.
534 DAU
firent jeter dans la mer (i)». « Il
étoit tout simple que des hommes
adonnés au culte des démons fis-
sent ainsi disparoître ces deux
sœurs, dont il sembloit que la
terre ne pouvoit plus supporter
l'honneur et les vertus ». ( V. M.
S. Dadchez et L. Delahaye. )
DAUDET (Claude), citoyen
de Nîsmës, et simple ouvrier en
taffetas, âgé de 28 ans, avoit cou-
rageusement signé la profession
de Foi catholique, contenue dans
l'adresse des Nismois, du 20 avril
1790, et leur déclaration du 1"
juin suivant [V . Nismes). Les cal-
vinistes qui s'en vengèrent, le \t\
du même mois, ne pardonnèrent
point a Daudet. Dans la nuit du
14, on pénétra violemment dans
sa maison : il fut arraché de son
lit, et traîné sur l'Esplanade, où
on le massacra, après lui avoir
crevé les yeux et l'avoir mutilé
comme Deymond ( V. ce nom ).
Pierre et Jean Maurin , frères ,
amis et voisins de Daudet , furent
traités comme lui, pour la même
cause, pendant celte nuit désas-
treuse. Le premier coup lui avoit
été porté par un homme à qui la
veille il avoit sauvé la vie , et
qui s'est ensuite vanté d'avoir lui
seul tué dix-neuf catholiques dans
(1) Gravitate montm, mentis pis—
tute , studioque et industrie clariores ;
perinde ac si terra tantum decus ferre
non posset , à cultoribus dœmonum
jussœ sunt in mare prœcipitari ( Euseb.
Ilist. Ecctes. L. VJI, c. xii, n° 16).
DAU
cette occasion. [V . Auzéby, et P.
Froment. )
DALDIN (Nicolas) , prêtre du
diocèse de Poitiers, vivoit paisible
à Richelieu, quoiqu'il n'eût pas
fait le serment de 1 79 1 , et il y
conservoit son domicile en 1795 ,
malgré la loi de la déportation des
prêtres insermentés. Mais, quand
l'athéisme déploya ses fureurs sur
toute la France à la fin de cette
année, Daudin fut atteint par les
agens de la persécution. Après
lavoir arrêté, ils le traînèrent à
Poitiers pour être jugé par le
tribunal criminel du département
de la Vienne, qui y résidoit. Ce
tribunal prononçant sur son sort,
le 29 germinal an II (18 avril
1794), l'envoya périr sous le fer
de la guillotine, comme «prêtre
réfractaire » .
DAUSSUN (François) , prêtre
du diocèse de Toulouse , né dans
la ville de ce nom, et regardé à
juste titre comme un prêtre non-
assermenté qui, pour continuer
à exercer p* fonctions envers les
catholiques , n'avoit pas obéi à la
loi de déportation du 26 août
1792, fut arrêté en 1790, et en-
voyé en 1794» à Bordeaux, d'où
il devoit être déporté au-delà des
mers ( V. Bordeaux). On ne put le
comprendre dans le grand nombre
de ceux qu'on y embarqua vers la
fin de l'automne seulement, trois
mois après la chute de Robers-
pierre ; et il resta enfermé dans
le.fort du Ha. Le séjour de cette
DAV
prison , aggravant le poids de ses
précédentes souffrances, le ré-
duisit à la dernière extrémité. On
le fit porter à l'hôpital de Saint-
André où il mourut le L\ février
1795, toujours captif de Jésus -
Christ, à l'âge de 5y ans. ( V. J. F.
Danceyron, et P. Delsol.)
DAVAINE (IV...), religieuse
Ursuline d'un monastère de Nan-
tes, et supérieure de sa commu-
nauté , continuant à vivre selon
sa règle , avec cinq autres du même
ordre, ne pouvoit échapper aux
recherches des agens de l'impie
Carrier {V. Nantes. ) Toutes les
six furent arrêtées, et jetées avec
une infinité d'autres captifs dans
une prison où l'on ne respiroit
qu'un air empesté. Les alimens
même les pluscommunsleurman-
quoient; et toutes enduroient leurs
souffrances avec résignation , et
même avec une sainte joie , re-
gardant comme un bonheur de
souffrir pour J.-C. Elles étoient
disposées au martyre, lorsqu'une
épidémie mortelle vint terminer1
leurs jours dans les fers. Jalouses
en mourant de mériter ia palme
réservée à ceux qui confessent
leur Foi devant les tyrans , elles
en faisoïent encore une coura-
geuse profession1, quand leur âme
abandonna leur-c^-rps pour passer
dans le sein de l'Eternel. Ainsi
avoit acquis la palme du mdrtyre
le plus jeune dès fils de S. Satur-
nin , c'est-à-dire S. Hijarien
« Jeté dans les fers, après avoir
DAV 535
confessé la Foi, il s'écria lorsqu'il
y mourut : J'en rends grâces à
Dieu; et par là, dit l'historien,
son combat fut couronné de la
victoire (1). L'Eglise la célèbre
le 1 1 février.
DA VANNE (IV...) , curé de
Remilly- sur- Meuse , avoit eu la
foiblesse, en 1791, de prêter le
serinent de la constitution civile
du clergé, par attachement pour
ses ouailles, et par zèle pour son
ministère. Comme un abîme in-
voque un autre abîme, suivant
l'expression de l'Ecriture -Sainte ,
cette première faute disposoit ce
pasteur à une seconde encore plus
grave; et c'étoit par la gravité de
celle-ci, ou plutôt par la vio-
lence des remords que la seconde
ajouteroit à ceux de la première ,
que la Providence devoit le Faire
rentrer dans le chemin de la Foi
et du devoir. En 1794, les auto-
rités civiles de son canton . se
conformant à ce qui se pratiquoit
dans presque toute la" France, de-
mandèrent à cë curé la remise
impie de ses lettres de prêtrise :
sijme convenu de l'abdication du
sacerdoce. Effrayé par les atro-
cités d'alors contre les prêtres , il
fit ce qu'on voulut. Mais sa cons-
cièn'ce fut aussitôt en proie à des
_j )i
'( 1 ) Mo t in carcerem recipi etùan
ipse jubetur ; irigentiqiie curn gattdio
i'iu HJlarUmi anditur, dicentis f)e.o
gratias : Hic certaminis magni pugna
peijicilur. (Ruinait'. Acl.SS. Marlt r.
SuCurnùu , Dativi , Hilariuni , etc. }
55G DAV
DAV
tourmens qui ne lui permirent
même plus de supporter le regret
d'avoir fait le serment de 1791.
Plein d'un vif repentir de toutes
ces infidélités, il veut courir à
l'étranger pour s'y réconcilier avec
Dieu et son devoir. Conduit p;ir
un guide qui connoissoit mal la
ligne des frontières de France, il
y arrive pendant la nuit , espérant
qu'à la faveur des ténèbres, il
franchira cette ligne avec plus de
sûreté. Une sentinelle l'entend,
et crie le qui vive d'usage ; Da-
vaune , qui se croit déjà dans
l'étranger, répond avec confiance
par le mot émigré. Malheureuse-
ment la sentinelle faisoit partie
d'une troupe révolutionnaire cam-
pée dans les environs. Elle ap-
pelle; on le saisit: il est entraîné.
Après l'avoir outragé de toutes les
manières, comme prêtre, on lui
met du feu sous les pieds, et on
les lui brûle progressivement.
Ce supplice cruel auroit conti-
nué jusqu'à» ce que le reste de
son corps eût été consumé , si
un homme de la troupe, moins
inhumain peut-être que les au-
tres, ne lui eût tiré, un coup de
fusil qui mit fin à ses souffrais •es ,
en terminant sa \ie. Les disposi-
tions d'âme dans lesquelles il, é toit ,
le plapoient dans la situation de
ces nouveaux convertis de la pri-
mitive Eglise, qui, n'ayant pas
encore été baptisés , trouvoient
dans le baptême de sang, dont
les païens punissoient leur con-
version à la Foi, la gnlce et la
gloire . du martyre. Saint Jean-
Chrysostôme , parlant de saint
Lucien, auquel il avouoit qu'on
pou voit faire quelques reproches,
et qui mourut pour la Foi , s'écrioit
le jour de sa fête : Hodie servus
( peccati J sanguine baptiza-
tur ; inferorum portée sunt
conculcalœ. . . . quemadmodum
ii qui baptizantur aquis , ita
qui martyrium patiunlur t
proprio sanguine abluuntur :
quod vtique et in isto evenit.
( Ilomil de S. Luciano presby-
tero Antiocheno. )
DAVERGNE (Pierre-Jérôme),
prêtre, né en Picardie, dans la
paroisse de Feuquère, au diocèse
d'Amiens, et admis dans celui de
Sarlat, y exerçoit le saint minis-
tère avec beaucoup de zèle et de
fruit. La constitution civile du
clergé le trouva inébranlable dans
sa Foi ; il en refusa généreusement
le serment schismatique , et con-
tinua de se rendre utile aux ca-
tholiques de ce diocèse. Le mo-
ment arriva en 1 |-q3 où les impies
s'en vengèrent : Davergne fut ar-
rêté et jeté dans , les prisons du
département de ,1a Dordogne ,
dont les administrateurs le vouè-
rent .bientôt à la déportation ma-
ritime qui se pr,éparoit à Roche-
fort pour, Jes prèires non -asser-
mentés. On y traîna Davergne au
commencement de 1794 '■> et il
fut embarqué sur.la flûte les Deux
Associés (Tr. Rochefort). Les
DAV
souffrances qu'on y éprouvoit
étoient si cruelles, que, malgré
son jeune âge, il ne put les sup-
porter. Il expira le 21 juin 1794»
Agé de 5i ans, et fut enterré dans
l'île d'Jix. [V. Darxi, Bénédic-
tin, et P. David, curé de Molles. )
DAVI (Jacques) , curé de For-
ges, près Doué, dans le diocèse
d'Angers, étoit resté dans sa pa-
roisse , sous les auspices de l'armée
catholique et royale ( V. Ven-
dée). Dans un des échecs qu'elle
essuya vers la fin de 1793, ce
curé fut pris par les soldats de la
république. On le conduisit à An-
gers, pour y être une des victimes
de la commission militaire de
cette ville. Employant à l'égard
de Davi la même formule d'accu-
sation qu'à l'égard de toutes ses
victimes, celte commission l'en-
voya à la mort comme « brigand
de la Vendée », le 16 nivose an II
(5 janvier 179/4).
DAVID (Louis-George) , curé
de Villers-sur-Marne , obligé de
s'éloigner de sa paroisse, pour
n'avoir pas voulu se souiller du
serment de la constitution civile
du clergé, s'étoit retiré à Meaux,
où il vaquoit paisiblement aux
devoirs de son état. Il y fut em-
prisonné comme réfractairc, à la
suite du dix août 1 792 , et devint
dans les prisons de cette ville une
des victimes que lei assassins, en-
voyés par la Commune de Paris,
y massacrèrent le 4 septembre
suivant ( V . Septembre ). Sept
DAV 5-7
autres prêtres, que les munici-
paux avoient emprisonnés avec
lui , sous le même prétexte , et
comme pour les soustraire à la
fureur du peuple, eurent le sort
de Louis-George David {V . P.
Duchesne, L. P. Gaïdin, J. Hé-
bert, J. L. Meignein, H. Pas-
quier). Leurs lettres de prêtrise
furent portées, en triomphe de
leur immolation , dans les rues
de Meaux , et particulièrement
dans le faubourg de Saint-Nicolas ,
« quartier considérablement peu-
plé , et presque entièrement de
protestans », selon la remarque
de L. Prudhomme.
DAVID (N...), prêtre zélé du
diocèse d'Angers, né à Château-
Gonthier , étoit resté dans son
pays pour le salut des catholiques ,
quoiqu'il raison de son refus du
serment de la constitution civile
du clergé, il eût été condamné
à sortir de Fiance par l'horrible
loi du 26 août 1792. Au milieu
des dangers innombrables que les
prêtres couroient dans cette con-
trée, David continuajusqu'en 1798
à se rendre où la piété des fidèles
pouvoit l'appeler. Un jour de cette
année , qu'il se trouvoit pour cette
fin dans le bourg de Quelaines,
près de Château - Gonthier , et
qu'une de ces hordes qu'on ap-
peloit colonnes mobiles passoit
pi'ès de là, un infâme transfuge
de l'armée catholique cl royale
le dénonça aux soldats de cette
horde. Us vinrent l'enlever, et le
538 dav
taillèrent en pièces à l'instant.
Nous ajouterons à ce martyre ,
celui d'un autre prêtre, dont le
nom nous est encore inconnu, et
qui , après le passage de l'armée
royale au Mans , vers Pâques
de la même année, fut saisi par
un révolutionnaire armé. Il le
traîna à la municipalité des Mués,
près le Mans. D'autres assassins
s'étant joints au premier, ils con-
duisirent le lendemain ce prêtre
à peu de distance du bourg, et l'y
fusillèrent. [V . Dangrai, d'Au-
vers-Ie-Hamon, et Defay, du
Mans.)
DAVID (Antoine), prêtre, bé-
néficier de l'église cathédrale de
Mâcon, natif de cette ville, resta
attaché à la religion et à son sa-
cerdoce après la suppression de
son chapitre , malgré les impié-
tés toujours croissantes qu'auto-
risoient les législations de 1792 et
1 793. II fut en conséquence mis
en prison; et les administrateurs
du département de Saône- et -
Loire, le condamnèrent à cette
déportation maritime qui se pré-
paroit à Rochefort pour la perte
des prêtres non- assermentés. Il
est à présumer qu'il étoil. de ce
nombre, quoique, dans sa crainte
d'affirmer ce qu'il ne savoit pas
très-positivement , notre corres-
pondant revenu de cette dépor-
tation nous ait écrit qu'il igno-
roit si cet ecclésiastique « éloit
assermenté ou non». Notre con-
fiance à cet égard se fonde sur ce
DAV
que nous disons des déportés d<t
Mûcon, dans l'article Rochefort.
Le prêtre David, arrivé à Roche-
fort, fut embarqué sur le navire
le Washington , où les souf-
frances qu'on y éprouvoit le firent
périr graduellement. Il rendit son
dernier soupir le 6 octobre 1794»
à l'âge de 49 afis, et fut enterré
dans l'île Madame. Notre Dis-
cours prélim. , pag. 43 » achè-
vera de justifier l'inscription de
cet ecclésiastique , parmi ceux que
l'impiété fit périr en haine de la
religion. [V . P. David, et P. Da-
VILET.)
DAVID (Marguerite), reli-
gieuse Carmélite de Bordeaux,
née en cette ville, y étoit restée
après la suppression des ordres
religieux. Rendue malgré elle à
la société , elle fut un sujet
d'édification dont la présence ne
pouvoit qu'être odieuse aux en-
nemis de la Foi. Son grand âge
ne la rendit pas plus respectable
à leurs yeux; et, décidés à l'im-
moler comme fanatique , ils
commencèrent par la faire ren-
fermer dans la maison des Or-
pfielines , transformée en prison
de mort. Ils n'eurent pas le temps
de l'égorger : une maladie grave
la vint assaillir; on ne put se dis-
penser de la porter à l'hôpital de
Saint -André, où elle mourut
bientôt, le 28 janvier 1795, à
l'âge de 70 ans. [V. B. Andran^
et P. AiNGLADE.)
DAVID (Pierbe), curé de
DAV
Molles, paroisse du diocèse de
Clermont en Auvergne , natif
de Champeaux , près Moulins,
dans le même^fciocèse , a fourni
la plus éclatante preuve, que, de
nos jours encore, le Seigneur fait
surabonder la grâce où le crime a
surabondé. La pusillanimité du
caractère de ce curé le fit céder à
tout ce que les persécuteurs exi-
gèrent successivement de lui. Il
prêta d'abord le serment de la
constitution civile du clergé ,
ensuite celui de liberté- égalité ;
et il ne sut pas braver la menace
qu'on lui fit de le traiter comme
suspect, c'est-à-dire de le vouer à
la mort s'il ne se marioit pas. Ce-
pendant, même après s'être ma-
rié, il étoit encore suspect aux
impies; et leur suspicion n'étoit
pas sans honneur pour lui : elle
tourna à la gloire de l'Eglise et au
salut de ce curé si coupable. Il
fut jeté par ces impies dans les
prisons de Moulins, et même en-
core condamné par eux à la dépor-
tation maritime, imaginée pour la
perte des prêtres dont rien n'a-
voit pu ébranler la fidélité et la
vertu. On l'envoya avec eux à
Roehefort, et on l'embarqua sur
le navire les Deux Associés
{V . Rochefort). Notre corres-
pondant, qui fut un de ses com-
pagnons de déportation , nous
écrivoit au sujet de ce prêtre infi-
dèle, mêlé parmi tant d'autres que
l'on punissoit ainsi de leur fidé-
lité : « Dieu, sans doute, le per-
DAV 5%
mit afin que vexatio darct
intetlectum ; car, étant sur le
vaisseau, les bons exemples qu'il
eut sous les yeux, et la mort qui
l'environnoit de toutes parts, le
firent rentrer en lui-même. Il
rétracta tous ses sermens aussi
publiquement qu'il fût possible ,
fit la plus édifiante pénitence de
son mariage, et mourut comme
tous les autres incorruptibles con-
fesseurs de la Foi. Sa mort arriva
le 7 septembre 1794- H avoit alors
44 a»s ; et son corps fut enterré
dans l'île Madame. Que si quel-
qu'un plus sévère qu'instruit s'é-
tonnoit de nous voir regarder
comme Martyr cet ecclésiastique
naguère si coupable, qu'il lise ce
que nous avons dit aux pages 3g
et 4° de notre Discours prélim.
{V. P. J. Davergue, et A. Davjd ,
de Mâcon.)
DAVID (Pierre), prêtre du
diocèse d'Angoulême, et né dans
cette ville, en i?53, y étoit cha-
noine régulier de la congrégation
de Sainte-Géneviève. Après avoir
échappé aux terribles dangers des
plus affreuses années de la révo-
lution sans avoir fait aucun de
ses sermens, il exerçoit avec une
sorte de sécurité son ministère à
Angoulême , en 1797, lorsque
survinrent et la catastrophe du
18 fructidor (4 septembre 1797)
et la terrible loi de déportation ,
rendue le lendemain [V . Guiane).
Ses exécuteurs, dans le dépar-
tement de la Clwrcnte , par-
54o DAV
■vinrent à se saisir du chanoine
David , au commencement de
1798, et l'envoyèrent à Roche-
fort pour être embarqué. On l'y
fit monter la corvette la Bayon-
ivaise, le 1" août suivant. Dans
la traversée, il fut atteint de l'épi-
démie qui se manifesta sur cette
frégate ; et, quoiqu'il en fût malade
encore à son arrivée à Cayenne,
le 29 septembre , on le relégua
dans le désert de Synnamari. Il
eut cependant l'avantage d'y être
reçu dans l'habitation du colon
Konrad-Lillebat ; mais il n'y mou-
rut pas moins des suites de l'épi-
démie qui s'étoit amalgamée avec
son existence, abord de ta B ayon-
naise. Sa mort arriva le 2 février
179g. II avoit alors 45 ans. {V . H.
Darmand, et 3. F. Daviot.)
DAVILET (Piebre), prêtre,
religieux de l'ordre des Prémon-
trés, dans leur maison de l'Etan-
che , en Benoîtveaux , près de
Saint-Mihiel , au diocèse de Ver-
dun , étoit destiné à devenir un
vase de miséricorde et de gloire ,
lors même qu'il se seroit dégradé
jusqu'à être momentanément un
vase d'ignominie et de colère :
Quod si Deus sustinuit in
multâ patientiâ, vasairœ, apta
in interitum , ut ostenderct di-
vitias gloriœ suœ in vasa mi-
sericordiœ, quœ prœparavit in
gloriam (Ad Rom. c. 9). II fit
d'abord le serment schismatique
de 1791 , consentit à être vicaire
constitutionnel du curé intrus de
DAV
la paroisse d' A viller, dans le même
diocèse, et ne se fit nul scrupule
de prêter, en septembre 1792, le
serment de libéré- égalité. Il
crut pouvoir, malgré cela, con-
server les honneurs du sacerdoce;
et ce fut par les impies eux-mêmes
qu'il apprit que ces honneurs
étoient incompatibles avec le sys-
tème anti - religieux , d'après le-
quel ils avoient exigé de lui ces
divers actes de dégradation sacer-
dotale. Davilet ne voulut pas la
consommer, et fut arrêté par eux
en 1793. Jeté dans les prisons de
Verdun avec d'autres prêtres dont
rien n'avoit obscurci la glorieuse
fidélité, et qu'on se disposoit à
faire déporter au-delà des mers ,
il fut envoyé comme eux à Roche-
fort pour être embarqué. Le na-
vire qu'il y monta étoit celui des
Deux Associés {V. Rochefort).
Ici, nous laisserons parler les té-
moins de sa conversion et de son
repentir dans l'entrepont de ce
bâtiment, au milieu de ses con-
frères, et lorsqu'il jouissoit encore
d'une pleine santé. «C'étoit, dit
M. de Labiche, un homme simple
et droit. Ayant été vivement tou-
ché de la grâce à la vue d'un si
grand nombre de confesseurs de
la Foi, mourant avec joie pour le
maintien des vrais principes dont
il avoit eu le malheur de mécon-
noître l'autorité , il nous édifia
singulièrement par ses rétracta-
tions et son esprit de pénitence».
Davilet venoit d'être envoyé pour
BAV
servir d'infirmier aux prêtres ma-
lades qu'on avoit mis sur un petit
bâtiment qui tenoit lieu d'hôpital.
<- Là, poursuit notre correspon-
dant particulier, Davilet se pros-
terna avec ferveur au milieu de
l'entrepont, où étoient étendus les
malades et les mourans , et fit à
haute voix la rétractation de tous
les sermens qu'il avoit prêtes,
demandant pardon à Dieu et à ses
confrères présens , de tous les
scandales qu'il avoit donnés jus-
qu'alors. J'en ai été le témoin ocu-
laire». Quelques jours plus tard,
il tomba malade lui-même, et fut
transféré à l'île Madame, dans les
tentes qu'on y avoit construites
pour jouir d'un hôpital moins in-
commode ; et, après quelques
semaines de souffrances, il expira
dans les mêmes sentimens, en
partageant la gloire comme la Foi
de ses confrères. Sa mort arriva
le 22 août 1794: d avoit alors 5o
ans; et son corps fut enterré dans
l'île Madame. {V. David, de
Mâcon , et de Bets.)
DAVIOT (Denis) , prêtre, né à
Villeneuve, près Besançon, en
1^49? étoit religieux de la maison
des Bernardins de cette ville. Pur
de tous les sermens anti-religieux
de la révolution , il avoiteependant
échappé à ses plus grandes fureurs
en 1793 et 1794 ; mais il finit par
devenir la proie des exécuteurs de
la farouche loi du 19 fructidor
(5 septembre 1797). Ils l'arrêtè-
rent, ainsi que son cousin dont
DAV 54i
nous allons parler, et le firent
conduire à Rochefort pour être
déporté à la Guiane [V , Guiane).
On l'embarqua le 12 mars 1798
sur la frégate la Charente; puis,
le 25 avril, sur la frégate la Dé-
cade, qui le' jeta à Cayenne au
milieu de juin. Il fut de là envoyé
au canton d'Yrocoubo , non moins
homicide que les autres ; et il y
mourut bientôt des effets meur-
triers du climat, le 5 décembre
de la même année. Son âge étoit
de 49 ans. {V . P. David , et J. F.
Daviot.)
DAVIOT (Jean -François),
prêtre, cousin du précédent, étoit
né à Besançon, en 1748. Il entra
dans l'ordre des Capucins ; mais
la révolution le priva d'un état
cher à sa piété, quand elle sup-
prima les ordres monastiques. Il
put se soustraire aux fureurs im-
pies de 1795 et 1794? sans avoir
fait aucun des sermens anti-reli-
gieux exigés par les réformateurs;
et en 1797, il exerçoit paisible-
ment le ministère sacerdotal à
Besançon , lorsque la loi du 19
fructidor an V (5 septembre 1797)
vint donner prétexte aux ennemis
de la religion de le faire déporter
avec son cousin Denis, et un autre
cousin, Nicolas Daviot, Bénédic-
tin à Besançon même {V . Guiane).
Il fut traîné avec eux à Roche-
fort, et embarqué sur la frégate
ta Charente, le 12 mars 1798,
d'où il passa, le 2 5 avril, sur la
frégate la Décade. Celle-ci le dé-
54 a DEA
posa dans le port de Cayenne vers
le milieu de juin. De suite, on le re-
légua dans le désert de Synnamari ,
où il souffrit beaucoup et très-long-
temps. Succombant enfin à ses
maux, il fut porté à l'hospice; et
il y expira, âgé de 5i ans, le
28 octobre 1800. Nicolas Daviot,
plus jeune qu'eux , n'y mourut
point, et revint en France par la
Martinique, en 1801. {V ■ D. Da-
viot, et J. B. Debrutne.)
DAZUZ, Bénédictin. {Voy.
Dard.)
DE AU ( Marie - Madeleine-
Jeanne) , religieuse du couvent de
Notre-Dame, à Fontenay, dio-
cèse de La Rochelle , et née à
Bourgneuf, même diocèse, étant
mise hors de son cloître par les
réformes philosophiques de 1 79 1 ,
tâchoit de s'en consoler en prati-
quant dans le monde toutes ces
vertus de la retraite qui conduisent
à la perfection chrétienne. Elle les
rendoit même utiles à la société ,
en instruisant des enfans. Sa piété
et ses bonnes œuvres offusquèrent
les impies révolutionnaires , armés
contre les Vendéens (f. Vendée).
Elle fut accusée d'avoir brodé ,
pour eux , des images du sacré
cœur de Jésus ; et le tribunal
criminel du département de la
Vendée, siégeant à Fontenay , la
fit périr sur l'échafaud , comme
fanatique, vers la fin de 1793.
DEAU (/V... ), jeune ecclésias-
tique du diocèse de La Rochelle ,
et probablement neveu de la reli-
DEB
gieuse Marie - Madeleine - Jeanne
Deau, se montra digne d'elle par
son zèle pour la Foi, et les autres
dispositions sacerdotales dont il
étoit pourvu. Il fut arrêté en 1793,
et jeté dans les prisons de La Ro-
chelle, où le tribunal criminel du
département de la Charente-In-
férieure le condamna , comme
« réfractaire et contre-révolution-
naire », à périr sur l'échafaud de
la guillotine.
DE BETS (Pierre), que nous
trouvons dans nos notices des dé-
portés de 1794» avec le titre de
chanoine de la cathédrale de Lom-
bez , ne se voit point parmi les
membres du chapitre de cette
église, dans la France Ecclêsias~
tique de 1 789 , à moins que ce ne
soit lui qu'on y ait incorrectement
désigné sous le nom de Dubech ,
ou qu'il ne fût l'un des quatre
hebdomadiers de cette cathédrale.
Quoi qu'il en soit, l'ecclésiastique
dont il s'agit ici, étoit né à Exi-
deuil, dans le diocèse de Péri-
gueux, en 1763, et revint ha-
biter les lieux de sa naissance ,
après la destruction de son cha-
pitre, en 1791. Il repoussa avec
une fermeté sacerdotale la cons-
titutioix civile du clergé; mais ,
jugeant ensuite plus légèrement
le serment de liberté - égalité ,
demandé en septembre 1792, il
le prêta avec facilité. Cet acte de
condescendance aux vues des im-
pies législateurs ne le sauva point
des dangers de la persécution. II
DEB
se le reprochoit déjà, quand il fut
arrêté, vers la fin de 1793, et
envoyé, dès les premiers mois de
1794, à Rochefort, pour en être
déporté au-delà des mers, avec
beaucoup de prêtres insermentés
{V. Rochefort). On l'embar-
qua sur le navire les Deux Asso-
ciés. Nos deux historiens de cette
déportation parlent avantageuse-
ment de ce jeune chanoine. L'un
d'eux le représente comme «rem-
pli des plus heureuses qualités de
l'esprit et du cœur » . L'autre ,
notre correspondant particulier,
après avoir dit qu'il avoit fait le
serment de liberté - égalité ,
ajoute : «Mais il le rétracta avant
sa mort, et peut-être même avant
sa déportation ( V. Fontaine ,
Lazariste). Il étoit bon ecclésias-
tique , et de grande espérance ».
Sa mort arriva le 3 septembre
1794; il n'avoit alors que 3i ans,
et fut enterré dans Pile Madame.
« La douceur, l'honnêteté, l'affa-
bilité de son caractère, dit M. de
La Biche, le faisoient chérir de
tous ses confrères. A ces qualités
aimables il joignoit des lumières
et un grand fond de piété. Atteint
de la maladie sur le vaisseau, il
tomba dans les plus étranges con-
vulsions; et on eut d'abord quel-
que peine à calmer les frayeurs
que lui causoient les approches
de la mort : mais, comme ce n'é-
toit guère que l'effet d'une vio-
lente fièvre chaude , son esprit
rentra dans son assiette naturelle,
DEB 543
quand l'accès eut diminué ; et
alors l'abbé de Bets manifesta les
sentimens ordinaires de son cœur,
qui étoient tous dirigés vers la
confiance en Dieu. Il expira pai-
siblement dans cette heureuse
disposition». {V. P. Dayilet, et
P. Defer.)
DEBRONT ( Antoine ) , laïc
plein de piété, né à Mâcon, et
marchand épicier à Lyon , sur la
place du Change , étoit parvenu à
l'âge de 60 ans, avec un grand
zèle pour la religion catholique.
Elle étoit l'âme de l'attachement
politique qu'il manifesta pour
l'antique monarchie française ,
lors du siège de la ville de Lyon,
en 1793. Ce fut par son conseil
que ses fils, élevés chrétienne-
ment , prirent les armes dans le
même esprit , pour défendre la
ville contre les hordes de l'impie
Convention, en cette rencontre.
Quand elle eut asservi la cité,
et que ses proconsuls y eurent
établi leur féroce commission ré-
volutionnaire ( V . Lyon ) , ce
respectable père de famille fut
arrêté. L'atroce tribunal le con-
damna à la peine de mort, le
3 pluviôse an II (2a janvier 1.794)3
comme «royaliste et fanatique ».
( V . Crozet, et C. Delorme. )
DEBRUYINE (Jean-Baptiste),
curé de la paroisse de Saint-Quen-
tin, à Louvain où il étoit né, en
1^54, ne fit point les sermens
exigés par la révolution française,
lorsqu'elle eut envahi la Belgique
544 DEC
[V . Belgique). Echappé aux per-
sécutions homicides que le refus
de ces sermens attiroit aux prêtres ,
il étoit en hutte à celles qui s'éle-
vèrent contre eux, en 1 796 et 1 797.
'Elles frappèrent leur coup décisif
après le 18 fructidor (4 septemhre
1797 ) , à la faveur de la barhare
loi du lendemain {V . Guiane). Le
curé Debruyne , qui repoussoit
avec horreur le serment de haine,
prescrit à cette époque, fut em-
prisonné , et bientôt conduit à
Rochefort , d'où il devoit être
déporté à la Guiane. On l'em-
barqua, le 12 mars 1798, sur
la frégate la Charente ; et, le
25 avril, on le flt passer sur la
frégate la Décade, qui alla le jeter
dans le port de Cayenne , vers le
milieu de juin. Presque aussitôt
il en fut repoussé dans le désert
de Ronanama. La peste exhalée
par cette terre meurtrière l'eut
bientôt investi : il en mourut le
2 1 septembre de la même année ,
à l'âge de 52 ans. [V. J. F. Da-
viot, et J. de La Croix.)
DECAIX (Pierre -François),
curé d'Avernes , dans le diocèse
de Rouen, et né à In val en 1735,
a voit son âge pour justification de
sa non sortie de France, lors de
la loi de la déportation , quoique
réellement il ne fut pas encore
tout-à-fait sexagénaire. On l'arrêta
bientôt dans le cours de 179^;
et, après être resté plusieurs mois
dans les prisons de Rouen , il
lut envoyé à Paris , au printemps
DEC
de 1794» suivant la loi du 27 ger-
minal. On l'y laissa long-temps
encore emprisonné , n'ayant pas
de motifs bien évidens de le faire
juger sans parler de son sacerdoce.
Enfin , le 8 thermidor an II ( 26
juillet 1794), le tribunal le fit
comparoître devant lui , avec un
évêque et trois autres prêfïes ( V.
Sandricourt, L. Janthia, J. Mar-
tin, J. L. Moineau). Il fut con-
damné , comme eux, à la peine
de mort, sous le même prétexte,
le tribunal se disant « convaincu
qu'ils s'étoient déclarés les enne-
mis du peuple, en préparant, de
complicité avec le tyran (le roi),
et tous les chefs des conspirations,
l'anéantissement de la liberté , et le
rétablissement de la tyrannie ».
II périt le jour même de la sen-
tence, à l'âge de 5g ans, avec
les quatre autres ministres de
Jésus-Christ.
DECHARTRE (Ambroise),
vicaire dans le bourg de Chau-
nay, près Loudun, au diocèse de
Poitiers , n'avoit pas fait le ser-
ment de 1791 , et s'étoit dispensé
de sortir de France , après la loi
de déportation du 26 août 1792.
Les besoins des fidèles l'attachoient
à sa paroisse. Il en fut enlevé en
1795, par les explorateurs de la
Convention, qui le traînèrent dans
les prisons de Poitiers. Le tribunal
du département de la Vienne,
siégeant en cette ville , fit compa-
roître ce vicaire devant lui , le
il) germinal an II ( 1 2 avril 1 794)»
DEC
et le condamna aussitôt à la
peine de mort, comme «prêtre
réfractaire » , c'est-à-dire fidèle à
sa Foi et à sa conscience. {V .
N. E. Chevalier, et J. De-
CHARTRE. )
DECHARTR.E (Jean), prêtre
du diocèse de Poitiers, et vicaire
de Braye , en Saumurais , près
Richelieu , dans le même diocèse,
parent, frère peut-être du précé-
dent , n'avoit pas abandonné sa
paroisse9 et ne fit point le serment
sohismatique de 1791. On l'arrêta
en 1793; il fut conduit dans les
prisons de Poitiers. Le tribunal du
département de la tienne, sié-
geant en cette ville, l'appela pour
le juger, le même jour qu'Am-
broise Dechartre, le 23 germinal
an II ( 1 2 avril 1 79';) , et l'envoya
avec lui à la mort, comme «prêtre
réfractaire». {V . À. Dechartre,
et J. S. Doré. )
DECOUS (Jean), curé du bourg
de Nenvic, dans le diocèse de
Limoges, expulsé de sa cure
par les ante rites révohition-
naires , à cause de son refus du
serment de 1791, éloit venu de-
meurera Limoges. Agé de 70 ans ,
il ne pou voit sortir de France , lors
de la loi de déportation ; et sa vieil-
lesse sembloit devoir le mettre à
l'abri des coups que l'impiété vou-
loit lui porter à cause de sa Foi
et de son sacerdoce. Il étoit déjà
en réclusion dans cette ville ,
quand la Convention exigea que
tous les détenus des départemens
2. ^
DEF 545
seroient envoyés au tribunal ré-
volutionnaire, de Paris. On y
traîna donc ce vétéran du sacer-
doce ; et ce fut le Jeudi- Saint,
28 germinal an II (17 avril 1794)»
que ies juges le firert comparoitre
devant eux pour le juger, c'est-à-
dire pour l'envoyer à l'échafaud.
Le prétexte de sa condamnation
fut qu'il avoit « entretenu des cor-
respondances avec les ennemis de
la république»; et, peu d'heures
après , sa tète tomba sous le fer
de la guillotine. II étoit né , en
1724, à Treiguac, dans le diocèse
de Tulles.
DECR.OY (François-Phiuppe-
Maucellin), curé dans le diocèse
de Nismes, ou d'Uzès , s'éloit retiré
en la paroisse de Malcap, près
Saint -Ambroise, dans le diocèse
de Nismes. Comme insermenté, il
avoit été condamné , par la loi de
déportation, à sortir de France.
II restoit à Malcap pour l'utilité
spirituelle de ses paroissiens ; mais
on l'y arrêta vers la fin de 1795.
Conduit dans les prisons de
Nismes , pour être jugé par le
tribunal criminel du département
du Gard, siégeant en cette ville,
il fut envoyé par lui à l'échafaud,
comme « prêtre réfractaire » , le
10 pluviôse an II ( 29 janvier
i;o4 )•
DliFAY (N...), prêtre du dio-
cèse du Mans, remplissoit encore,
dans les temps les plus affreux,
les fonctions de son ministère en
cette contrée. Passant un jour dans
35
346 DE F
le bourgde Chassillé, sur la Vègre,
route du Mans à Laval, où des
bandes révolutionnaires s'étoient
retranchées, il y fut ar.Gté par
elles. Un honnête et pieux habi-
tant de Chemiré-en-Charnie , qui ,
ne le voyant pas arriver selon sa
promesse, vint dans son inquié-
tude le réclamer auprès de ces
bandes, en reçut la réponse que
ce prêtre lui seroit rendu le len-
demain ; et le lendemain elles l'as-
sassinèrent : après quoi elles cachè-
rent son cadavre dans un buisson
d'épines fort épais. Quand l'habi-
tant de Chemiré revint, elles lui
dirent que Def'ay s'étoit évadé pen-
dant la nuit ; mais le chien du bon
paysan suffit pour leur donnerpres-
que aussitôt un démenti bien hon-
teux, en découvrant le cadavre
de ce prêtre Martyr; et le pieux
villageois lui rendit les devoirs
de la sépulture. Cet attentat fut
commis dans un temps, où il
y avoit un armistice convenu
entre les troupes de la Con-
vention et l'armée vendéenne ,
dans l'année 1795. {V . David,
de Château -Gonthier, et P. De-
nais.)
DEFER (Pierre), né à la Gou-
vière , dans la paroisse de la Neuve-
VilIe-sous-Châtenois , au diocèse
de Toul, en 1767, avoit embrassé
l'état ecclésiastique. 11 étoit par-
venu à l'ordre du diaconat, lorsque
l'Eglise de France fut désolée par
le schisme de la constitution ci-
vile du clergé, en 1791. Cette
DEF
circonstance contraria son avan-
cement dans le sanctuaire; mais,
en restant dans le rang de diacre,
il ne s'en montra pas moins digne
du sacerdoce par sa constance dans
la Foi catholique ; et les persécu-
teurs le rangèrent avec raison dans
la classe des prêtres insermentés.
On se plut à le regarder comme
tel après la loi du 26 août 1792,
qui les avoit bannis de France.
Attendu qu'il y étoit resté, on l'ar-
rêta, et on le jeta dans les prisons
d'Epinal, chef-lieu du départe-
ment des Vosges, où il faisoil sa
résidence. Associé de plus en plus
au sort des prêtres fidèles, il fut
envoyé à Rochefort pour être dé-
porté au-delà des mers. Le voyage
devint aussi cruel qu'il étoit long;
mais enfin le diacre Defer arriva
dans cette ville. On l'y embarqua
sur le navire les Deux Associés
{V. Rochefort). La vigueur de la
jeunesse le soutint au milieu des
souffrances qu'on enduroit dans
l'entrepont de ce bâtiment ; mais
il étoit déjà gravement malade,
lorsqu'en février 1795, on débar-
qua le peu de déportés qui vivoient
encore. Ne pouvant aller jusqu'à
ses foyers, il fut mis dans l'hôpital
de Rochefort, où il consomma
presque aussitôt son martyre, à
l'âge de 28 ans. Son corps fut
inhumé dans le cimetière de cette
ville. ( V. P. de Bets , et J. De-
LA HATE. )
DEFORIS (Jean-Pierre) , prê-
tre, né en 1732 dans le diocèse
DEF
de Lyon , à Montbrison , en Forez ,
fut l'un des religieux Bénédictins
de la congrégation de Saint-Maur
qui se distinguèrent davantage par
leurs lumières, et par l'observance
des devoirs de leur état. Né de
païens qui élevoient leurs eufang
dans la pratique des préceptes, et
même des conseils de l'Evangile ,
il entra, dès l'Age de 20 ans, dans
l'ordre de saint Benoît , en l'abbaye
de Saint - Allyre , à Clermont-
Ferrand, et y prononça ses vœux
en i;?53. Un de ses frères y fit
aussi profession dans le même
temps; et ce frère, qui fut un
prêtre et un religieux d'un très-
grand mérite , passa dans l'abbaye
que son ordre avoit au diocèse de
Saintes, en la ville de Saint-Jean-
d'Angely, à laquelle ce monastère
«voit donné son nom. Devenu curé
de celte ville , «ans cesser d'être Bé-
nédictin , il fut l'édification de ses
paroissiens , comme le modèle de
ses confrères. Tous, au nombre
de douze à quinze, excepté pour-
tant un septuagénaire dont la tête
étoit aflbiblie , refusèrent , à
l'exemple du curé Deforis , le ser-
ment de la constitution civile du
clergé; et, lors de la loi de la dé-
portation, étant allé en Espagne,
avec les trois religieux qui lui
servoient de vicaires, il mourut
à Burgos. Son frère Jean-Pierre,
auquel cet article est spécialement
consacré , avoit été appelé , dès
j 760 , à Paris , par ses supérieurs ,
qui, appréciant son savoir et ses
2*.
DEF 547
talens , vouloient l'y faire travail-
ler, avec do m De Coniac, à une
édition des Conciles des Gaules ,
pour laquelle , depuis le commen-
cement du dix-huitième siècle , de
savans Bénédictins rassembloient
des matériaux. Mais , quand il
vit, eu 1762, le préjudice qu'al-
loit causer à la religion , VEmiie
de Rousseau , récemment publié
avec tant d'éclat, l'Eglise lui pa-
roissant avoir des besoins plus
urgens que celui de la Collection
des Conciles, il se mit à réfuter
les principes d'incrédulité accrédi-
tés par YEmite, et publia son
travail dès 1762, sous ce titre:
Réfutation d'un nouvel ou-
vrage de J. J. Rousseau , inti-
tulé Emile , ou De l'Education
(volume in-8°). Ily ajouta, l'année
suivante, de concert avec le Père
André, prêtre de l'Oratoire, un
autre volume en deux parties ,
dont la seconde appartenoit toute
entière à dom Deforis. Ce volume
étoit intitulé : La divinité de la
religion chrétienne vengée des
sophismes de J. J. Rousseau
(in-12). On a dit avant nous «que
l'ouvrage, en général, est écrit
avec autant de force que de clarté ;
et que les grandes vérités de la
religion y sont bien prouvées ».
L'ardeur de dom Deforis pour la
défendre n'étoit point épuisée ; il
publia, en 17G4, deux nouveaux
volumes (in-12) dont le but se
comprend par leur titre , ainsi
conçu : Préservatif pour (es
35.
5^8 DEF
fidèles, contre les sophismcs et
ies impiétés des incrédules ; où
i'on développe les principales
preuves de la religion, et oit
i'on détruit les objections for-
mées contre elle : avec une ré-
ponse à ta Lettre deJ. J. Rous-
seau à il/, de Bcanmont , arche-
véquede Parts. Dom Deforis alloit
ajouter un nouveau volume aux
précédens, en les refondant pour
une seconde édition , lorsqu'en
1760, il fut détourné de cette oc-
cupation par la requête de vingt-
huit Bénédictins de l'abbaye de
Saint - Germain - des - Prés , qui
demandoient au Roi d'être auto-
risés à quitter l'habit de leur ordre,
d'être affianrhis de l'obligation de
venir au chœur la nuit , et de faire
maigre toute l'année. Le scandale
d'un tel relâchement alluma le zèle
de dom Deforis pour l'état monas-
tique. Résidant alors dans le mo-
nastère dit des Blancs - Man-
teaux, à Paris, non seulement il
fut des premiers à signer, avec
ses confrères de cette maison, une
forte réclamation contre la de-
mande des vingt-huit de Snint-
Germain; mais encore , pour ob-
vier au mal qu'allait causer leur
exemple, il composa un ouvrage
antidotique, qui parut en 1768,
sous ce titre : Importance et
obligation de la vie monasti-
que ; son utilité dans l'Eglise
et dans L'Etal : pour servir de
préservatif aux moines, et de
réponse aux ennemis de l'ordre
DEF
monastique (2 vol. in- 12). L'abbé
Lequeux, par qui avoit été entre-
prise l'édition complète des Œu-
vres de Bossuet, et qui en avoit
déjà imprimé trois volumes, étant
mort cette année-là même , la
pontinualion de son travail fut
déférée à dom Deforis, qui, dans
les recherches et les voyages qu'il
fit pour découvrir tout ce qui avoit
été écrit par ce grand homme,
trouva la belle collection de ses
serinons , et beaucoup d'autres
pièces non moins précieuses. Il
publia, en 1772, avec les trois
volumes imprimés par son prédé-
cesseur, trois nouveaux volumes ;
et, en 1778, six autres, qui dé-
voient être suivis de quatre dont
l'arrangement étoit déjà fort
avancé. Mais il faut convenir que
l'éditeur avoit mis, dans les vo-
lumes imprimés par lui, des notes,
des préfaces et des analyses où,
tout en combattant les critiques
ultramontaines de quelques ou-
vrages de l'immortel évêque de
Meaux, il inclinoit vers le Ques-
nellisme. Le clergé, mécontent
de ce genre de travail, le dénonça
au garde des sceaux, qui, voyant
que la plainte n'étoit pas moti-
vée, et que les morceaux désignés
avoient reçu l'approbation légale
des censeurs royaux, dont l'un
étoit le syndic de la Faculté de
théologie , et l'autre un ancien pro-
fesseur de Sorbonne, jugea qu'il
n'y avoit pas lieu de suspendre
l'édition. L'on a eu tort d'écrire ,
DEF
quelque part , que les supérieurs de
doin Deforis lui défendirent de la
continuer, puisque ce religieux,
ami pratique de sa règle, prépara
ensuite trois des quatre nouveaux
volumes de Bossuet; savoir : ceux
qui contiennent le resto des lettres
de cet illustre prélat. S'ils n'ont
pas été publiés avant la. révolu-
tion, avec le quatrième qui de voit
être la seconde partiedu tome VII ,
et contenoit les panégyr iques ;
c'est que toutes les grandes entre-
prises de ce genre furent nécessai-
rement interrompues à cette dé-
plorable époque. Dès le commen-
cement de nos troubles civils, dom
Deforis, connoissant bien l'esprit
irréligieux qui les excitoit, avoit
prévu les maux qu'ils alloient faire
à l'Eglise : il en réprouvoit haute-
ment les audacieux systèmes; et
cependant, quand s'exécuta la
constitution civile, du clergé,
les mêmes gens qui Pavoicnt déjà
poursuivi, osèrent publier, par le
moyen de la Gazette de Paris ,
qu'il étoit un des principaux arti-
sans de cette œuvre de schisme et
d'hérésie. Une telle calomnie ,
d'autant plus noire qu'elle étoit
plus solennelle, fut bientôt con-
fondue par dom Deforis, dans un
écrit public, de vingt- huit pages
in-8", intitulé : Lettre à l'au-
teur de ia Gazette de Paris
(2 juillet 1791), où , non content
de repousser l'odieux mensonge,
îl s'élevoit avec autant de courage
que d'orthodoxie contre la cons-
DEF 54()
titution civile du clergé , et
donnoit ainsi la plus héroïque
preuve de son invariable attache-
ment à l'Eglise catholique. On doit
regretter (pie l'auteur des Mé-
moires pour servir à l'histoire
ecclésiastique du dix-huitième
siècle , en parlant de ce religieux,
n'ait fait aucune mention de cette
lettre, d'autant plus qu'elle devint
la principale cause de sa mort.
Toute la justice qu'il lui rend,
après avoir décrié son travail sur
Bossuet, en disant que «ses pré-
faces sont assommantes, et ses
notes du bavardage», se réduit à
lâcher enfin, comme par grâce,
sans aucun développement , et
d'une manière presque impercep-
tible , ces mots un peu légers :
« Il étoit du moins attaché à son
étal». Etoit-ce donc n'y être que
simplement attaché, d'avoir signé
la protestation de ses confrères des
Blancs - Manteaux, et d'avoir
fait son ouvrage suri' 'Importance/
de la vie monastique ? 11 est
même singulier que l'auteur des
Mémoires , en les publiant depuis
la restauration du trône des rois
très- chrétiens , savoir, en 18 iG,
se soit abstenu de parler de la.
lettre de dom Deforis , contre la
constitution civile du clergé ;
tandis que, bien antérieurement,
sous la tyrannie même de Buona-
parte , l'auteur de l'article qui con-
cerne ce religieux, dans la Bio-
graphie Universelle, au tome X .
publié en 18 15, lui en avoit fait un
55o DEF
grand îTiérile , en ajoutant même :
« Dom Deforis ne tarda pas à scel-
ler de son sang la profession de
Foi que cette lettre conlenoit ».
Ce biographe nous a prévenus, de
sept ans au moins , dans le récit
des circonstances de la persécution
meurtrière qu'elle valut à son
auteur. « Dom Deforis, continuoit-
il t fut traduit devant le comité ré-
volutionnaire de la section sur
laquelle il demeuroit ; et, transféré
successivement dans les prisons
de lu Force, du Luxembourg
et de la Conciergerie , son zèle
ne l'abandonna jamais dans au-
cune : il ne cessa d'exhorter, de
soutenir par toutes les ressources
de son ministère, ceux qui s'y
trouvoient détenus. Quand le 7
messidor an II (25 juin 1794),
après avoir été condamné par le
tribunal révolutionnaire , il fut
monté avec plusieurs femmes sur
la fatale charrette qui devoit le
conduire avec elles au supplice ,
il les encouragea jusqu'au moment
de périr ». Apercevant dans le tra-
jet une personne de sa connois-
i?ance , à qui sa vue causoit subi-
tement une émotion de douleur,
impossible à cacher, « Rassurez-
vous , lui cria-t-il, c'est au Ciel que
nous allons » . Ainsi l'avoient dit à
leurs païens affligés, les SS. Mar-
tyrs dontparloit S. Augustin (1).
(t) Diccbant : in domitm Dnmini
ibimus : nolitc plangere gaudia nostra.
'Scrm. à'.d , in nalali Martyrum.)
DEF
« Arrivé au pied de l'échafaud, il
demanda et obtint de n'être exé-
cuté que le dernier, afin de pou-
voir exhorter toutes les victimes
qui dévoient être sacrifiées avec
lui». On ne voit rien de plus gé-
néreux, de plus apostolique dans
les actes des anciens Martyrs, où
même les exemples en sont rares.
Le saint vieillard Siméon Bar-
Saboë avoit bien été réservé pour
le dernier des fidèles qui périrent
avec lui ; mais ce n'étoit pas de son
choix : ainsi l'avoit voulu celui
qui l'avoit condamné (i). Au sur-
plus, c'étoit comme lui que dom
Deforis, présent au supplice des
personnes qui ne faisoient que le
précéder de quelques instans dans
le sein de l'éternité, leurdisoit:
« Ayez confiance en Dieu , mes
Frères , et bannissez toute crainte ,
parce que la résurrection vous
attend dans le lieu de votre sé-
pulture (2)». Cette immolation
(1) Edixerat rex ut in hune sanc-
tonim choruin , Simone fortissimo duce
udstuiUe ac t'idente, animadverteretur,
ipsum pressentis •forte supplicii horrorc
deterritum , metugue fraction in suant
sentenliam concessurum existimans.
(Assemnn, pars I*, pag. 33 : Mar-
tyrium SS. Simonis Bar-Saboi ebalio-
rum.)
(2) Citm ergô cœtus iste inclj'torum
Marlyriun carderetur , adttnbal Si—
meon , costpic hac oralione exhortaba-
tur : Conf'ortamini , Fratrcs , in Dco ,
etc. ( Assemaii j pars Ia, pag. 33 :
Jlfar/yriu/n SS. Simonis Bar-Saboe et
aliorum.)
DEF
6e fit à la barrière du Trône
{Voy. ci-devant, pag. 217), le
jour même de la sente-nce qui
disoit ce religieux «convaincu de
s'être déclaré l'ennemi du peuple,
1° en refusant le serment prescrit
par la loi d'alors (celui de li-
'bertè-êgalité , après celui de la
constitution civile du clergé);
2" en abusant de son âge (de G2
ans ) pour rester en France , où
son fanatisme ne pouvoit que
le rendre très-dangereux ; 5° en
servant de diverses manières les
complots des prêtres, et tous les
exc^s dont se sont souillés les
fanatiques». Dans les archives
des tribunaux de la persécution,
il n'est pas de jugement plus ho-
norable suivant les principes de
l'Evangile; il n'en est pas qui au-
torise mieux à décerner au con-
damné le titré de Martyr. Que si,
pour le disputer à dom Deforis , on
objecte qu'il passoit dans l'esprit
de beaucoup de personnes pour
être partisan d'erreurs condam-
nées, nous répondrons, comme
saint Jérôme, à ceux qui refu-
soient ce beau litre à saint P;im-
pbile de Césarée, parce qu'ils lui
attrjbuoient une Apologie d'O-
rigine, et de sa doctrine : « Eh!
quand même cela seroit, répli-
quoit le 6aint docteur, il seroit
encore plus vrai qu'il l'auroit écrite
avant de souffrir le martyre ; et, si
vous me demandez comment il a
pu en être digue, je vous répon-
drai : Le martyre suiïisoit pour
DEG 55i
effacer son erreur; et cette faute
unique n'a pu qu'être expiée par
l'effusion de son sang » . Sed con-
cedimus ut ( Apologia Orige-
nis) Pamp/iilisit, sed needum
Martgris ; antè euim scripsit
quàm tnartyrium perpefrrare-
tur. Et quomodà , inquies ,
martyrio dignus fuit ? Scilicct
ut martyrio dpieret errorem;
ut unam culpam sanguinis sui
efpusione purgatei. (Epist. 4'»
ad Pammachium et Ocea-
nmn. )
DEG ANS (Aisne), ouvrière cm-
peseuse , dans la ville de Bor-
deaux, où elle étoit née, y exer-
çoit son humble profession avec
honneur, et pratiquoit en même
temps avec fidélité les devoirs de
sa religion. Sa Foi , loin d'être
ébranlée par l'établissement de
l'Eglise constitutionnelle, en 1 791,
n'en parut que plus affermie ; et ia
Charité la plus généreuse vint ani-
mer ses vertueuses dispositions.
D'accord avec sa sœur et leur com-
pagne , Glaire Garry ( V . leurs
noms), elle ne craignit pas d'ex-
poser sa vie en donnant secrète-
ment chez elle un asile à un prêtre
fidèle de l'Eglise catholique, dont
la têle étoit mise à prix ( V. .1.
B. Du no gnon). 11 y fut décou-
vert dans l'été de 1794; et quand
on l'arrêta , ses trois charitables
hôtesses furent aussi emmenées
pour subir le même sort. La com-
mission militaire de Bordeaux,
a laquelle Anne Dégans fut livrée
5j3 deg
avec lui et ses deux compagnes,
!c G messidor an II ( 24 juin
la condamna connue les
Irois autres a la peine de mort , uni-
quement « parce qu'elles avoient
Caché chez elles ce ministre du
Seigneur ; qu'elles avoient par-
tagé ses sentimens religieux ; et
pratiqué avec lui tous les exer-
cices de la religion». Elle fut
exécutée le même jour, à l'âge
de 3(5 ans.
DEGA1NS (Maiue), ouvrière
cropeseuse à Bordeaux, née dans
cette ville, en 1702, exerçant
son état avec sa sœur Aune, et
avec Claire Garry, dans un do-
micile commun , eut le même mé-
rite, et partagea leur sort. Elle
fut immolée le même jour, à l'âge
de [\% ans. [V . Ae Dégans, et C.
Garry. )
DEGAS ( Paul) , prêtre et reli-
gieux de l'ordre des Feuillans ,
dans le diocèse de Limoges, habi-
toit le bourg de Felletin , depuis
l'abolition de son cloître. Il n'avoil
pas prêté le serment de 1791, et
lie crut pas devoir se soumettre
ù la loi de déportation : mais il
\ivoit en bon religieux ; et son
sacerdoce, qu'il exerçoit, lerendoit
digne de mort aux yeux des impies.
|ls le firent arrêter et conduire
dans les prisons de Guéret , chef-
Sien du département de la Creuse,
sur lequel se trouvoit Felletin.
J;e tribunal criminel de ce dépar-
tement, qui siegeoit à Guéret, fit
tfomparoitre dcvitnlluidoui Degas,
DEJ
le 1 1 ventôse an II (1" mars 1794)»
et le condamna de suite à la peine
de mort, comme «prêtre réfrac-
ta ire » .
D E J A R DIN ( M a m E-M ad E LE in e -
Josepiie), religieuse Ursuline de
Valenciennes, née à Cambrai en
1759, prit l'habit monastique le
22 août 1779, et prononça se*
vœux après le temps prescrit par
la règle de son ordre. Trop atta-
chée à cette règle et aux beaux
exemples de vertus et de ferveur
que lui donnoient ses compagnes,
elle ne se sépara d'elles que peu
de temps , lors de la suppreséion
des cloîtres, en 17g! ; et ce fut
pour aller voir sa famille à Cam-
brai. S'étant bientôt réunie avec
ses sœurs, elle passa comme elle»
chez l'étranger, pour mettre sa
piété à l'abri de la persécution,
toujours croissante en France.
Comptant ensuite sur la durée de
la paix que les Autrichiens , en
prenant Valenciennes, le 1" août
179J, y avoient rétablie {F. Va-
lenciennes), la sœur Dejardin
revint avec ses compagnes»; mais
les troupes de la Convention et
ses proconsuls étant rentrés dans
cette ville , le 1 " septembre 1 794 ,
notre religieuse ne fut pas plus
épargnée que les ministres des
autels. On l'arrêta; et, le 26
vendémiaire an III (17 octobre
•79 l)' e"e mt traduite devant une
commission militaire chargée de
l'envoyer à la mort, sous le pré-
texte frauduleux de son émigra-
DEJ
tion. Quoiqu'elle pCit croire qu'en
répondant négativement à la ques-
tion des juges sur ce point, elle
sauveroit sa vie, elle ne voulut
pas en devoir la conservation à
un mensonge ; et elle déclara
qu'elle étoit sortie de France.
Quatre autres religieuses du môme
couvent, et trois prêtres jugés avec
elles , se signalèrent par une
aussi généreuse franchise {V . L.
Vanot, J. R. Prin, H. Boubia, Gve
Ducrez, L. P. Cagnot, C. M. J.
Viesne , L. A. Jh Dannier). La
sœur Dcjurdin fut immolée avec
ces sept victimes , deux mois
vingt-deux jours après la chute de
Roberspierre ( V. H. BouRLA,et
M.C. JIicPajllot). Enmarchantau
supplice, la sœurDejardin, péné-
trée d'une joie indicible, récitoît ,
avec ses compagnes, les Litanies
des Saints. Déjà trois d'entre elles
ar oient subi leur martyre, lorsque
cette religieuse , impatiente de
verser son sang pour Jésus-Christ ,
et voyant qu'elle ne seroil exécu-
tée que la cinquième, s'élança sur
l'échafaud avec précipitation , et
disputa le pas à la quatrième
(Geneviève Ducrez). Cette ému-
lation généreuse fut aussitôt ré-
primée , dans la sœur Dejardin ,
par le bourreau qui la força de des-
cendre pour attendre que la tête de
sa dernière compagne de martyre
ffit tombée. Sa résignation et son
attente donnèrent un nouveau
prix à son sacrifice , quand elle en
reçut enfin la récompense, à l'âge
DEL 553
de 35 ans. [V. Danjon, et C. E.
Delplace. )
DEIRIT (Jean-Baptiste), curé.
( V. J. B. Desris.)
DELAAGE (IV...), curé de
Champleussé , dans le diocèse
d'Angers, avoit été déclaré, par
les autorités révolutionnaires de
1791, inhabile à continuer ses
fonctions pastorales , à raison
de son refus du serment schisma-
tique de cette époque. Le décret
de déportation rendu le 2G août
1792^ exceptant les sexagénaires
et les infirmes dont il commuoit
la peine en celle de la réclusion,
le curé Delaage, que sa vieillesse
ou ses infirmités empêchoient de
sortir de France , fut enfermé
dans une maison claustrale de la
ville d'Angers , avec les autres prê-
tres Angevins infirmes ou vieil-
lards. C'étoit déjà pour lui un assez
pénible supplice ; mais on voulut
bientôt faire disparoître entière-
ment la trace du sacerdoce en
France. Le conventionnel Carrier,
qui étoit proconsul à Nantes, ve-
noit d'imaginer un moyen pour
faire périr un grand nombre de
prêtres à la fois, en paraissant
les embarquer pour des îles loin-
taines ( V. Nantes). Le ciuré De-
laage lui fut envoyé , avec cin-
quante - sept de ses compagnons
de réclusion ; et Carrier les fit
submerger avec seize autres, dans
la nuit du 9 au 10 décembre 1793.
Delaage périt donc de la même
mort qu'avoient subie , aux pré-
55/ \ DEL
mic?rs temps du christianisme,
bei mcoup de Martyrs dont il a déjà
été parlé ci-devant, pag. 2o5 et
3i 7, etc. etc. ( V. Dagonneau , de
Saint-André, et Delamarre , de
Bo uvron. )
DELACROIX (Julie*), prêtre,
né en Bretagne, vers 1763, et
principal du collège de Dol à l'é-
poque de la révolution, fut dé-
pouillé de sa charge, parce qu'il
n' avoit pas voulu faire le serment
se hisinatique de 1791. Il échappa
ai ix terribles fureurs de la persé-
cution, en 1790 et 1794 '■> ft, sé-
duit par le masque de tolérance
que le gouvernement prit dans les
trois années suivantes, il reparut
li brement, en bon prêtre, dans la
•v ille de Dol. L'événement sinistre
d u 18 fructidor {\ septembre 1797)
arriva; et une loLqai condamnoit
à être déporté à la Guiane tout ce
q u'on pourroit découvrir encore
cle prêtres dits réfractaires
siyant été rendue le lendemain ,
lOclacroix fut saisi et envoyé à
Iclocheforl , pour être embarqué
{V. Guiane). Il le fut le 12 mars
j 798 , sur la frégate la Charente,
et ensuite, le 25 avril, sur la fré-
gate la Décade,, qui le déposa
dans le port de Cayenne , vers le
milieu de juin. Les compagnons
de sa déportation le peignent
comme « un homme instruit ,
dont les mœurs étoient douces ,
et qui étoit plein d'indulgence pour
les autres ». Après avoir été relé-
gué dans les déserts de Konanama
DEL
et de Synnamari , il obtint de
venir habiter l'île de Cayenne ,
où il vécut du travail de ses mains.
Quand les déportés qui restoient
eurent la permission de retourner
en France, en 1801, Delacroix,
ayant le pressentiment que la per-
sécution n'étoit pas finie, aima
mieux rester dans son exil que de
courir le risque d'y être renvoyé.
Le travail pénible auquel il étoit
forcé de se livrer, et plus encore
la mortelle inclémence du pays,
mirent fin à ses jours. Il mourut
dans le courant de 1802, à l'âge
de 09 ans. [V. J. B. Debruynes,
et F. Delaitre.)
DELAGE ( Susanne-Agathe ) ,
appelée dans quelques listes Dé-
laye , et dans une autre, Deloye ,
religieuse de l'ordre des Bernar-
dines, en leur couvent de la ville
de Caderousse , au diocèse d'O-
range , née en 17/46? au bourg
de Sérignan , près d'Orange, fut
du nombre des trente-deux reli-
gieuses que la commission 'popu-
laire de cette ville fit périr en
haine de la Foi de Jésus-Christ,
dans le courant de juillet 1794- Si
elle n'étoit pas de la famille de ce
curé Delage qui, député de la
sénéchaussée de Bordeaux , aux
Etats - Généraux de 1789 trans-
formés bientôt en Assemblée Na-
tionale, non seulement y refusa
le serment de la constitution
civile du clergé, mais encore
adhéra solennellement , par sa
signature, le 19 novembre 1790,
DEL
i avec vingt-six autres prêtres éga-
lement députés, à Y Exposition
des principes des évêques sur
cette œuvre de schisme et d'héré-
sie ; si, disons-nous, la sœur
Agathe ne fut pas sa parente , elle
honora bien autant que lui le nom
qui leur étoit commun. Après la
suppression de son cloître ainsi
que de tous les autres, elle s'étoit
retirée dans sa famille, à Séri-
gnan ; mais elle en fut enlevée
vers la fin d'avril 1794? en même
temps que les religieuses, réunies
à Boulène, étoient amenées cap-
tives à Orange. Jetée avec elles
dans la même prison, elle n'y fut
pas moins admirable qu'elles par
sa piété , et par sa généreuse dis-
position à sacrifier sa vie pour
Jésus-Christ [V . Orange). Desti-
née par le Ciel à leur ouvrir la
voie du martyre , elle les y pré-
céda de la ma avère ta plus héroïque.
Les juges l'appelèrent la première ,
et seule à leur tribunal, le 16
messidor an II (4 juillet 1794) >
espérant que , n'étant soutenue
dans cette effrayante épreuve, par
aucun exemple de courage , elle
en donneroit un de foiblesse ; mais
il n'en fut point ainsi. Quand le
président lui enjoignit de prêter
le serment de liberté - égalité ,
elle le refusa avec une fermeté
invincible, disant qu'elle le regar-
doit comme une véritable aposta-
tasie ( V. Fontaine , Lazariste ) ;
et ce refus devint le principal
motif de sa condamnation à la
DEL 555
peine de mort, comme «contre-
révolutionnaire ». Elle la subit le
lendemain , à l'âge de 58 ans , avec
un prêtre également condamné
pour la même cause ( V. A. Jh Lv-
signan). Leur émulation pour
mourir en dignes Martyrs fut telle ,
qu'on ne sauroit dire si c'est la
religieuse qui contribua le plus au
courage du ministre du Seigneur,
ou le ministre du Seigneur à celui
de la religieuse. {V . M. A. Doux.)
DELAHAYE (Louis-François-
Joseph), huissier à Aire, oiï il
étoit né , en 1 76^ , fut envoyé à la
mort le 2 prairial an II (21 mai
1794)5 par le tribunal révolu-
tionnaire de J'1 Lebon , siégeant
alors à Arras, parce qu'il avoit
fait un acte éminent de catholi-
cisme ( V. Arras). En 1791,
lorsque l'Assemblée Constituante,
tout en établissant le schisme en
France , accorda la liberté de
culte, quelques catholiques d'Aire
demandèrent, au nom de tous,
qu'on leurcéd;1t l'église de Notre-
Dame de cette ville , pour va-
quer aux devoirs de leur Foi, et
pour y faire célébrer les saints
n^stères par des prêtres non-as-
sermentés, Delahaye étoit un de
ceux qui avoient signé la requête ;
et ce fut à cause de cette signature
que Lebon le fit immoler trois ans
après. {V. M. A. Dauciiez, et P.
L. Demazières.)
DELAHAYE (Jean), jeune
prêtre de lloncn , né à Beaunay,
paroisse du diocèse de Rouen , en.
556 DEL
1767, montra la fermeté d'un
athlète de Jésus - Christ longue-
ment exercé , lorsque fut demandé
le serment sehismatique de 1791.
II le refusa constamment, et resta
immobile dans sa Foi. On ne put
d'abord s'en venger , parce qu'il
n'avoit point été fonctionnaire
public; mais, quand l'impiété se
vit dégagée de tout frein , en
1793, on arrêta le jeune Dela-
haye , et on l'envoya <à Roche-
fort, pour être déporté au-delà
des mers ( V. Rochefort). 11 fut
embarqué sur le navire les Deux
Associés; et les souffrances qu'on
enduroit dans l'entrepont de ce
bâtiment furent aggravées pour
lui , par un accident particulier
dont le récit peut contribuer à faire
connoître de plus en plus l'état de
supplice où se trouvoient les dé-
portés. Delahaye, dépourvu de
vêteinens, avoit surtout un ex-
trême besoin d'un haut-de-chaus-
ses , et le demanda au commandant
du navire. L'officier chargé de
l'en pourvoir lui en offrit un qui ,
plein de vermine, étoit dégoû-
tant sous bien d'autres rapports.
C'étoit celui d'un prêtre décédé
dans les souffrances. Delahaye ,
voyant le danger de s'en servir,
et s'abandonnant trop aux mou-
vemens de sa répugnance, jeta ce
vêtement à la mer. Une telle ac-
tion , si naturelle , et même juste
peut-être, lui valut d'être mis aux
fers sur le pont du bâtiment.
Enfin, il succomba sous le poids
Del
de ses maux, et mourut à l'âge de
27 ans, dans la nuit du 22 au 23
septembre 179^. H fut inhumé
dans l'île Madame. {V. B. Defer,
et E. Delari'e.)
DEL AIRE (Marie- Jeanne Gi-es-
don, veuve), simple marchande
de fil, à Falaise, en Normandie,
fit connoître toute la vivacité de sa
Foi dans les malheurs qu'éprou-
voit l'Eglise depuis 1791. Sa Foi
doublant son courage pour les plus
hautes vertus, à mesure que la
persécution augmentoit en fureur,
elle offrit chez elle un asile à un
de ces prêtres catholiques , dont
les persécuteurs avoient mis la
tête à prix [V . J" Alix). Cette
action généreuse, inspirée par la
religion, est découverte; et la
charitable hôtesse des ministres de
J.-C. est arrêtée. On la conduit
dans les prisons de la ville de
Caen, où siégeoitle tribunal cri-
minel du département du Cal-
vados , pour qu'elle soit jugée
par lui , suivant la rigueur des
lois ; et le 24 thermidor an II
(11 août 1794), il la condamne
à la peine de mort, comme « re^
céleuse de prêtres réfractaires ».
Elle fut donc immolée pour cette
bonne œuvre, quinze jours après
la chute de Roberspierre.
DELAITRE (François), prê-
tre, né à Neufchâtel en Norman-
die, vers 1761, étoit, à l'époque
de la révolution , principal du col-
lège de cette ville. Le refus qu'il
fit du serment sehismatique de
DEL
1791, !e mit dans le cas d'être
dépouillé de sa charge ; et la per-
sécution le menaça de maux bien
plus graves. Il les évita en obéis-
sant à la loi d'expulsion, portée
le 26 août 1792; et il sortit de
France. Lorsqu'en 1796 et 1797
l'Eglise parut jouir de quelque
paix, Delaitre y revint pour êtie
utile aux catholiques. Mais la ca-
tastrophe du i(S fructidor (4 sep-
tembre 1797) éclata; et le lende-
main, une loi vint condamner les
piètres dits rtfractaires à être
déportés à la Guiane [V . Guiane).
Cet ecclésiastique fut pris et en-
voyé à Roehefort. On l'embar-
qua sur la frégate la Charente-,
le 12 mars 1798, et sur la frégate
la Décade, le 2 5 avril suivant.
Celle-ci l'ayant déposé à Cayenne
vers le milieu de juin, il en fut
relégué dans le canton de Makou-
ria, où il obtint d'être placé chez
le colon Lane. Il n'y évita pas
mieux la mort que prodiguoit cette
terre homicide. Une fièvre putride
ayant presque aussitôt dévoré ses
entrailles, il mourut le 6 août de
la même année , à l'âge de 37
ans. {V. Delacroix, et F. De-
mals.)
DELAMAR11E (iV...) , curé de
la paroisse de Bouvron , près Sa-
venay, dans le diocèse de Nantes ,
étoit né dans celui de Rennes ,
vers 1731. Il refusa le serment de
la constitution civile du clergé;
I et, quoique exclus de sa cure par
i ce généreux refus, il n'y resta pas
DEL 557
moins pour le salut de ses ouailles.
Les administrateurs du départe-
ment de la Loire- Inférieure le
firent arrêter au commencement
de 1792. On le conduisit dans les
prisons de Nantes, d'où, quel-
que temps après, il fut amené dans
celles de Savenay. En y venant, et
lorsqu'il passoit le Vendredi-Saint
par le bourg du Temple, un pieux
catholique voyant que , dans l'au-
berge où il étoit pour prendre une
réfection indispensable , il n'y
avoit ni poisson, ni légumes, lui
offrit une botte d'asperges qu'il
portoit; Delamarre l'en remercia ,
et les refusa , en lui disant :
« Ce jour est trep saint pour que
je prenne une nourriture aussi
délicate. Jésus-Christ meurt au-
jourdhui pour nous; il est bien
juste que je me prive pour lui de
quelque chose». La loi de dépor-
tation fut rendue; et l'on ramena
Delamarre à Nanles pour l'y te-
nir en réclusion, comme sexa-
génaire, avec d'autres vétérans
du sacerdoce (F.Nantes). Il par-
tagea aussi leur sort , quand le pro-
consul Carrier les fit noyer dans
un de ses bateaux à soupapes, la
nuit du 9 au 10 décembre 1793.
N'Oublions pas ce qui a été dit
ci-devant, pages 2o5 et 317, sur
le droit que ce genre de mort don-
noit au titre de Martyr. (F. De-
là ace, d'Angers, et G. (J. Docand. )
DISLARUE (Etienne), prêtre
de l'église de Saint-Eloi, dans la
ville de Roucu, et né à la Haye-
Ï58
DEL
en - Bray , dans le diocèse de
Rouen , se garda bien d'adhérer
au schisme constitutionnel de
1791 , et en refusa le serment.
On ne put d'abord s'en venger,
parce qu'il n'étoit pas fonction-
naire public ; mais, dans la suite,
quand la persécution eut plein
pouvoir sur les prêtres, les per-
sécuteurs , voyant la constance
du zèle sacerdotal de cet ecclé-
siastique , le firent amener dans
les prisons de Rouen, d'où ils
l'envoyèrent à Rochefort pour en
«Hre déporté au-delà des mers. Il
fut embarqué sur le navire (es
Deux Associés [V . Rochefort).
Ses souffrances surpassèrent en
lui les forces de la nature : il mou-
rut le i3 août, 1794? à l'âge de
62 ans, et fut enterré dans l'île
d'Aix. {V.i. Delaii aye , et N. De-
LATRE.)
DELA T RE (Nicolas), curé
d'Ornes, dans le diocèse de Ver-
dun, attaché à sa paroisse depuis
long-temps, se laissa séduire par
la constitution civile du clergé,
et en fit le serment. Son attache-
ment pour ses paroissiens le porta
dans la suite avec plus de facilité à
prêter le serment de liberté-éga-
lité, qui fut demandé en août et
septembre 1792. Sa conscience se
faisant illusion sur ce que ces
deux actes dévoient, suivant l'es-
prit de la législation d'alors, en-
traîner la cessation de l'exercice
de son ministère, il voulut con-
tinuer à l'exercer , par un effet
DEL
de cet amour de la religion qu'il
portoit au fond de son cœur, et
que des intérêts humains avoient
si fort égaré. Les persécuteurs
le jetèrent dans les prisons de
Verdun, et bientôt l'envoyèrent
à Rochefort pour partager la
peine de la déportation maritime
qui s'y préparoit pour les prêtres
insermentés ( V. Rochefort).
II y fut embarqué sur le navire
les Deux Associés. Quand il se
vit au milieu de tant d'intrépides
confesseurs de la Foi, toutes ses
illusions s'évanouirent ; les plus
vifs remords assiégèrent son âme
( V. Fontaine, Lazariste). 11
rétracta solennellement ses deux
sermens, et devint comme ses res-
pectables confrères un Martyr de
la religion , en haine de laquelle
il avoit été réellement dévoué à
la mort. Ses souffrances augmen-
tèrent par la situation horrible où
se trouvoient les déportés dans
l'entrepont du bâtiment. Il suc-
comba le 4 septembre 1794? à
l'âge de 55 ans, et fut enterré
dans l'île Madame. [V. Delarde,
et Delattke, de W'oimbey. )
DELAÏTRE {N...), curé de
Woimbey, daris le diocèse de Ver-
dun , fut une des victimes de la dé-
portation exécutée à Rochefort en
1794. Nos notices portent « qu'on
ignoroit s'il étoit assermenté ou
non». Nous n'affirmerons rien à
cet égard ; mais il est bien évi-
dent que , si ce curé n'avoit pas
conservé du respect pour so
DEL
caractère sacerdotal ; s'il n'avait
pas montré aux impies persécu-
teurs de 1795 qu'il conservoit
l'amour de la religion, et que la
Foi régnoit au fond de son cœur,
ils ne Pauroient point arrêté et
envoyé à llochefort pour être dé-
porté au-delà des mers avec tant
de prêtres inébranlables dans leur
fidélité. Le curé de Woimbey fut
bien réellement sacrifié en baine
de la religion et de l'Evangile de
Jésus - Cbrist ; et ce que nous
avons dit dans notre Discours
préliminaire , pag. 43 ? achève
de justifier l'inscription de cet
ecclésiastique dans notre Marty-
rologe. Dclattre fut embarqué sur
le navire leJV askinylon {V . l\o-
chefort). Il mourut dans le sup-
plice de cette déportation , en sep-
tembre 1794» à l'âge de 70 ans,
et fut enterré dans l'île Madame
{V. N. Delatre, et Delphieex,
de Brie.)
DELA UN AY (IV...), prêtre,
ancien professeur au collège de
Rennes, fut arrêté à Paris comme
non - assermenté , quelques jours
après le 10 août 1792, et massa-
cré dans la maison des Carmes,
le 2 septembre suivant. Il avoit
jusque là regardé le séjour de la
capitale comme plus sûr pour lui
que celui de sa province, où son
opposition aux impies innovations
d'alors l'exposoit davantage , en
raison de ce qu'il y étoit plus gé-
néralement connu. Mais, à Paris
même, il fut noté par les révolu-
DEL 5 59
tionnaires comme un ecclésia s-
tique dont on ne pouvoit ébranl er
la Foi, puisqu'on l'arrêta avec 1 es
prêtres insermentés, à la suite à\u
10 août 1792; et le fait de soin
emprisonnement dans l'église des
Carmes atteste que, devant Je
comité qui l'y fit enfermer, ilavo it
refusé de prêter le serment de I a
constitution civile du clergfé
[F. Dulau ). Ce refus, qui lui
attira la mort le jour du massacre
de tous les captifs de Jésus-Chri >l
contenus dans celle sainte prison
étoit une généreuse confession d e
la Foi devant les tyrans; et l'on
n'a point lieu de penser qu'il l'a it
démentie sous le fer des bou r-
reaux. [V. Septembre.)
DELALNE (Charles- Louim-
François), prêtre, né à Paris, en
174°> y étoit chanoine régulier clic
l'abbaye de Saint- Victor, dans la-
quelle il eut la charge de cham-
brier ou procureur. Il fut nommé ,
en 1785, prieur de la maison de
Braye , près Crespi , prieuré
simple , dépendant de cette ab-
baye. Au commencement de la ré-
volution, il résidoit encore à Braye;
mais les réformes de l'Assemblée
Constituante l'en ayant expulsé ,
11 vint habiter un modeste loge-
ment qu'il loua dans la ville de
Chantilly, se réservant toutefois
à Paris une obscure retraite dans
une humble maison delà rue Saint-
Denis , pour les occasions où la
nécessité I'amèneroit dans la ca-
pitale. Unévénementdepeu dïm-
5ôo DEL
portance ayant autorisé d'ombra-
geux révolutionnaires à s'enquérir
des noms de tous les habitans de
cette maison, où il n'étoit point
alors, et où même il n'étoit pas venu
depuis long-temps en 1794 : ce ne
fut point indifféremment qu'ils ap-
prirent son nom et sa qualité sa-
cerdotale. S'informant aussitôt du
lieu de sa résidence à Chantilly,
ils l'en firent enlever; et Delaune ,
amené à Paris, fut d'abord jeté dans
la prison deBicétre , d'où il passa
quelque temps après dans celle des
Carmes. 11 ne tarda pas à être tra-
duit devant le tribunal révolution-
naire. On ne pouvoit reprocher
à Delaune de n'avoir pas obéi à la
loi de déportation, puisque tout
insermenté qu'il étoit, elle n'avoit
pu le concerner, même dans ses
plus vagues dispositions. Les pré-
textes néanmoins ne manquèrent
pas pour le faire périr. Le tribunal
le condamna à la peine de mort , le
5 thermidor an II (a5 juilleti 794),
avec huit autres prêtres, et un
erand nombre de laïcs, comme
« convaincu d'avoir participé aux
conspirations de Capet (le roi
Louis XVI), de sa sœur, de ses
ministres, et à la conspiration de
l'étranger, en tentant d'ouvrir la
maison d'arrêt, dile desCarmes,
pour anéantir la Convention na-
tionale » . L'absurdité d'un tel pré-
texte masquoit bien maladroite-
ment le motif véritable de la mort
de cet ecclésiastique. Suivant une
notice particulière qui nous est
DEL
transmise, Delaune auroitété con-
damnécomme «prêtre incendiaire
et turbulent ». Un de ses plus vé-
nérables compagnons de captivité,
M. Dulondel , prêtre de l'Oratoire,
atteste que, dans la prison il les
édifia beaucoup par sa piété , et
surtout par sa disposition à mourir
pour la cause de la religion. 11 fut
conduit à l'échafaud le jour même
de sa condamnation , et il périt en
digne confesseur de la Foi, à l'âge
de 54 ans. [V . J. C. M. Bernard.)
DELBÉE ( Pierre), prêtre du
diocèse de Rodez, demeurant à
Saint -Remy, près Milhaud, où
il avoit charge d'âmes, puisqu'on
y exigea de lui le serment de la
constitution civile du clergé,
refusa de le prêter, et ne sortit
point de France, lors de la loi
de déportation. Cependant la
persécution le força de fuir du
Rouergue , et il vint se réfugier à
Bordeaux, où il ne fut connu que
des catholiques de cette ville. Mais
les actes de religion qu'il exerça
comme prêtre, l'y firent recon-
noître par les agens de la per-
sécution. Il fut arrêté au com-
mencement de 1794, et la com-
mission militaire de Bordeaux,
a laquelle on le livra , le condamna,
le \ 4 germinal an II (3 avril 179 +),
à la peine de mort, comme « prêtre
réfractaire », convaincu de fana-
tisme, et par conséquent «de cons-
piration contre la république »,
suivant l'impie logique des juges.
DELBÈS (Marie-Joseph), curé
DEL
de Saint-Urcize, près Saint-FIour,
resta parmi ses paroissiens, quoi-
qu'il y fût exposé à de cruelles
persécutions, après la loi de dé-
portation , parce qu'il avoit refusé
le serment de 1791. Attaché à
son devoir pastoral, il continuoit
d'en remplir les fonctions, lorsque
la persécution l'atteignit dans ses
montagnes , vers l'automne de
179J ; et on l'amena dans les pri-
sons d'Aurillac. Le tribunal cri-
minel du département du Cantal,
qui siégeoit en cette ville, le fit
comparoître devant lui, le 11 ni-
vôse an II (ji décembre 1795),
et l'envoya à l'échafaud comme
« prêtre réfractaire ».
DELFAUT (/W.. ), ex-Jésuite ,
et archiprêtre , curé de Daglan ,
dans le diocèse de Sarlat, fut l'un
des deux députés ecclésiastiques
de la sénéchaussée de Péiigord
aux Etats - Généraux. Il étoit en
outre membre du bureau diocé-
sain de Sarlat. Si, dans ces Ftats-
Généraux, bientôt transformés de
leur propre autorité en Assemblée
Constituante , il eut beaucoup à
gémir des maux qu'elle fit à la re-
ligion, il put du moins se rendre
le témoignage cju'il la défendnit
de tous ses moyens. L 'archiprêtre
Delfaut resta toujours uni de cœur
et d'action à ce grand nombre
d'évèques fidèles qui y monlroient
la fermeté des Albana.se et des
Ghrysostôme. De Paris, il écrivoit
a ses paroissiens et aux curés de
son archiprêlré, pour les pré-
DEL 56 1
munir contre les dangers auxquels
leur Foi alloit être exposée. On
connoissoit trop son zèle et sa Foi
pour l'épargner, quand on eut
trouvé dans les événemens du
îoaoût 1792, une si grande faci-
lité pour détruire les prêtres in-
flexiblement attachés à'I'Eglise ca-
tholique. Il fut saisi avec tant
d'autres, et traduit comme eux
devant le comité de la section du
Luxembourg. Leur exemple ne
lui étoit pas nécessaire pour re-
pousser avec fermeté le serinent
de la conutilution civile du
clergé, que derechef on lui pro-
posa de prêter. D'après ce nou-
veau refus, on l'emprisonna dans
l'église des Carmes ( V. Dih.au).
Il ne s'y dissimula pas plus que
les compagnons de sa captivité,
le sort qui les menacoit ; et le
2 septembre, lorsque beaucoup
d'indices leur annoncèrent que
l'heure de leur mort arproehoit, il
la vit venir avec sérénité , et même
avec une joie vraiment surnatu-
relle. Une demi-heure avant l'ar-
rivée des bourreaux, ayant reçu
de ses amis du dehors quelques
alimens apportés par une personne
qui avoit leur confiance, il la char-
gea de leur dire que « jamais il
n'avoitété si heureux ». Déjà, sans
doute , il jouissoit en espérance
d'une portion de la félicité céleste
dont le martyre alloit le mettre
en pleine possession. Il semblait
avoir la \ision de Flavien, qui
crut entendre saiul Cyprien lui
36
50a DEL
dire : « La chair ne souffre point,
quand l'esprit est dans le ciel ;
et le corps ne sent aucune dou-
leur, quand l'âme est dévouée
tonte entière à Dieu » : Aiia
caro patitur cùm animus
in cœto est; nequaquam cor-
pus hoc sentit, cùm se Deo
tota mens devovit ( Ruinart ;
Passio SS. Montant, Fta-
viani, etc. n° XXI). L'archi-
prêtre Delfaut se présenta aux
coups des assassins avec une
sorte d'impassibilité, en se félici-
tant néanmoins de mourir pour la
cause de J.-C. [V. Septembre.)
DELHÉRUS (Jean), curé dans
le diocèse du Puy, et probable-
ment à Laussonne, où il demeu-
roit quand il fut arrêté en 1794 ?
n'avoit point voulu faire le ser-
ment schismatique ; et la piété
des habitans l'avoit empêché de
sortir de France, suivant la bar-
bare volonté de la loi du 26 août
1792. La persécution devint d'au-
tant plus violente dans cette con-
trée , que la Foi y étoit fort vive
et très-florissante ( V. J. B. Abeil-
lon). Elle n'avoit pas cessé d'être
éclairée et soutenue par les
instructions et les exemples du
digne évêque de ce diocèse, même
pendant son exil [V . Chabrier).
Le curé Delhérus fut arrêté et con-
damné à la peine de mort, comme
« prêtre réfractaire », le 12 ther-
midor an II (5o juillet 1794),
par le tribunal criminel du dépar-
tement de la Haute-Loire , sié-
DEL
géant au Puy. La sentence s'exé-
cuta dans les vingt-quatre heures.
DE L'ISLE (Jacques), prêtre.
{V. Jis Poujol. )
DELISLE ( Jean - Baptiste-
Joseph), curé dans le diocèse
de Bayonne , dépouillé de sa
cure, à cause de son refus du ser-
ment de 1 79 1 , et retiré à Bellerive-
sur-Sarre, qui se trouvoit alors
compris dans le département de
la Haute -Garonne, restoit ex-
posé au dernier supplice pour
ce refus-là même, puisqu'il ne
s'étoit pas soumis à l'inique loi
de la déportation. Il fut arrêté ,
jeté dans les prisons de Toulouse ;
et le tribunal criminel du dépar-
tement , siégeant en cette ville ,
l'envoya périr sur l'échafaud,
comme «prêtre réfractaire », le
27 pluviôse an II (i5 février
»794)-
DELORME (Claude), prêtre,
qui, sur les registres où la commis-
sion révolutionnaire de Lyon
inscrivoit ses jugemens et les noms
de ses victimes , est dit « natif de
Girassimon, dans le département
du Rhône, et domicilié à Cour-
neaux, dans celui de la Loire »,
étoit curé d'une paroisse rurale
de la province du Forez. Il ne
voulut point prêter le serment
coupable de la constitution ci-
vite du clergé; et son âge avancé
le détourna de s'exiler, lors de la
déportation prononcée par la loi
du ?.G août 1792. Il continuoit de
rendre son ministère utile aux ca-
DEL
tholîques du lieu où il résidoit,
lorsque les révolutionnaires le sai-
sirent , à la fin de 1795. Ils le traî-
nèrent , à l'âge de 62 ans . à Lyon ,
pour y être envoyé à l'échafaud
par la terrible commission établie
en cette ville vers la fin de cette
année [V. Lyon). Quand le prêtre
Delorme se trouva devant l'impie
tribunal, il s'y montra inébran-
lable dans les devoirs de la religion
et du sacerdoce. Il fut d'après
cela condamné , le 23 nivôse an II
(12 janvier 1794)? à la peine de
mort, comme «prêtre réfraetaire à
la loi, et contre-révolutionnaire » .
[F. Debront, et Déroche.)
DELOUCHE (Jean- George
Agrève), prêtre du diocèse de
Gap , et vicaire en la ville épis-
copale , étant obligé de fuir ce
pays, parce qu'il y étoit en danger
pour n'avoir pas fait le serment
de 1791 , et ne pouvant sortir
de France par la frontière des
Alpes , où de plus grands pé-
rils l'attendoient , après la loi
de déportation, vint dans la pro-
-vince du Velay. Le diocèse du Puy,
où la religion étoit si florissante,
sembloit tout à la fois lui pro-
mettre, en ces lieux, un asile sûr,
et offrir à son zèle île saintes et
douces jouissances. Mais la per-
sécution y déploya bientôt tic ter-
ribles fureurs J.B. Abeiixon) ;
et il fut arrêté à Issengoaux. ou
il s'étoit fixé. Traîné dans les pri-
sons de la ville du Puy, où sié-
geoit le tribunal criminel du dé-
DEL 565
partement de la Haute-Loire , il
y fut condamné à mort, comme
«prêtre réfraetaire », le 12 fri-
maire an II (2 décembre 1793).
DELPÈCHE DE SAINT-TGU,
père (Raimond) , habitant aisé de
la ville de Caussade, en Quercy,
diocèse de Montauban , arrêté
avec son fils, et amené à Paris, fut
immolé pour cause de religion ,
avec lui , son curé , et quinze
autres babitans de Caussade, par
le tribunal révolutionnaire de la
capitale , le 3 messidor an II (2 1
juin 179^), à l'âge de 63 ans. ( V.
J. P. Clavière. )
DELPÈCHE DE SAINT-TOU
(Jean), fils du précédent, amené
prisonnier a Paris en 1794? avec
son père, son curé, et quinze
autres Caussadais, pour cause de
religion , s'y vit condamner pa-
reillement comme fanatique,
par le tribunal révolutionnaire ,
le 3 messidor an II (21 juin
1794). et fut exécuté le même
jour, à l'ûge de 38 ans. {V. J.' P.
Clavière.)
DELPHIEUX (/V...), curé de
Brie , paroisse du diocèse de
Saintes, comprise dans le dépar-
tement de la Charente, fut un
des ecclésiastiques sur lesquels se
manifesta davantage la miséricorde
divine. Attaché à sa cure peut-
être plus par des motifs humains
que par esprit sacerdotal, il fit,
pour y rester, le serment de la
constitution civile du clergé ;
et le même motif le porta dans la
3G.
564 DEL
suite à prêter le serinent de libtvlè-
éy alité, prescrit par les impies et
perfides législateurs d'août 1792.
Comme il conservoit au fond de
son cœur la Foi, et ne pouvoit
s'empêcher de montrer du zèle
pour la religion, Dieu, voulant
qu'il en fût un véritable confes-
seur, se servit des persécuteurs
eux-mêmes pour arriver à ses lins.
Ces persécuteurs l'arrêtèrent; et,
après l'avoir retenu quelque temps
dans leurs, prisons, ils l'envoyè-
rent, au commencement de 1794»
à Rochefort , d'où il devoit être
déporté au-delà des mers, avec
quantité de prêtres ainsi punis
pour ne s'être pas rendus cou-
pables de semblables défections
(: V. Rochefort). Quand il se
vit au milieu de cette sainte so-
ciété, dans l'entrepont du navire
ic W askinyton , où il avoit élé
embarqué , il voulut devenir digne
d'eux, eti rétracta ses deux ser-
mens. Acceptant en esprit de pé-
nitence les maux qu'il enduroit,
il se félicita de souffrir et de mou-
rir pour la cause de la religion.
Le curé Delphieux expira en sep-
tembre 1794? à l'âge de 5r> ans,
et fut enterré dans l'île cVAix.
(P. N. Deeattre, et D. Delïoi r,)
DELPLACE (Dont Cijrys©-
cone-Honoré) , prêtre et religieux
de l'ordre de saint Bruno, dans la
chartreuse de Valenciennes, étoit
né à Vermeille, en Artois, près
Bélhune,le i5 mars 1 755; il avoit
pris l'habit de Chartreux le 12 juin
DEL
1754, et prononcé ses vœux le
i5 juin 1755. Ses vertus et ses
lalens l'avoient fait élever à la
charge de vicaire dans son ordre.
Expulsé de son cloître, comme tous
les autres religieux, parles réfor-
mateurs impies de 1791, il eut en
outre la douleur de voir qu'ils
attaquoient dans ses bases la reli-
gion catholique ; et il se montra
zélé pour la soutenir. Méritait,
comme les prêtres non-assermen-
tés , la haine des novateurs, il se
crut voué au même sort qu'eux
par la loi du 26 août 1792,
qui les forçoit à se déporter eux-
mêmes. La prise de Valenciennes
par les Autrichiens , le 1" août
1793 ( V . Valenciennes) , et sur-
tout i'avantage que cette ville avoit
d'être soustraite à la tyrannie de
l'impiété, le décidèrent à y reve-
nir, pour y rendre utile aux habi-
tansson ministère sacerdotal. lise
donnoit avec ardeur à cette sainte
occupation , quand tout à coup
Jes troupes et les proconsuls de la
Convention rentrèrent dans Va-
lenciennes. Bientôt arrêté par
leurs ordres, il fut livré à une
commission, militaire chargée
d'envoyer à la mort les ministres
du Seigneiuf et les religieuses ,
sous le prétexte frauduleux de
leur prétendue émigration ( V.
AtcriiN ). DïJm Cbi ysogone-Ho-
lioré fut immolé à l'âge de 59 ans
et sept mois, avec six autres prê-
tres (/''. M. Licert, J). B. Se-
CLOSSE, BEI.TRÈMJEUX , L. GtïOT,
DEL
J. F. Lecot tre, et A. Jh Ledoux) ,
le 24 vendémiaire an III (iô oc-
tobre 1794)5 deux mois et vingt
jours après que les Thermido-
riens eurent abattu Roberspierre.
[V . M. M. J1,e Dejardin, et J. B.
Dubois.)
DELPY (Antoine) , curé de la
paroisse rurale de la Chapelle-
d'Aubareil , dans le diocèse de
Périgueux , n'ayant pas voulu
prêter le serment schismatique de
1791, fut chassé de sa paroisse.
Il vint habiter la ville épiscopale ,
où il se rendit utile aux catholiques.
Les impies ne le lui pardonnoient
pas; et, comme la menaçante loi
du 26 août 1793 ne put le déter-
minera s'éloigner de son pays, et
qu'il resta sous la main des persé-
cuteurs, ils le firent arrêter. Après
plusieurs mois de prison , Delpy
fut traduit devant le tribunal cri-
minel du département de la Dor-
dogne, siégeant à Périgueux ; et
le 17 thermidor an II ( 4 août
i 794) , on l'y condamna à la peine
de mort, comme «prêtre réfrac-
taire». ( V. F. P. Demoy, et J.
Dereis.)
DELSOL ( Pierre ), curé de
Mérichau-le-Francat, près Saint-
Céré, dans le diocèse de Montau-
ban, y étoit né à Cresse , ou Cres-
sens. Il ne prêta point le serment
de 1791; et son amour pour ses
ouailles l'empêcha de s'éloigner
d'elles , conformément à la loi du
26 août 1792. Les agens de la
persécution le découvrirent en
DEL 565
179J, et le jetèrent dans leurs
prisons. L'année suivante, ils l'en-
voyèrent à Bordeaux, où il devoit
être embarqué pour une déporta-
tion au-delà des mers [V . Bor-
deaux). II s'en falloit encore de
beaucoup que les préparatifs de
l'embarquement fussent achevés;
car il ne put commencer que vers
la fin de l'automne , trois mois
après la chute de Roberspierre ;
et , dès son arrivée à Bordeaux, le
curé Delsol, enfermé dans le fort
du Ha , succomboit déjà sous le,
poids des persécutions. Sa santé
défaillante annonçoit la fin de sa
vie ; on le fit transporter à l'hôpital
de Saint -André, ou, ne cessant
point d'être captif de J.-C, il
rendit le dernier soupir , à l'âge de
5o ans, le 29 mars 1794- {V . F.
Daissun, et P. Depaxj.)
DELTOLR (Denis), curé de
Saint-Allyre-de- Valence , paroisse
du diocèse de Clermont-Ferrand,
et natif de Cheylade. dans le même
diocèse , aima mieux , quoique
très-âgé , s'exposer à la persécu-
tion , que de faire le serment schis-
matique de 1791. Il n'en resta pas
moins à la portée de ses parois-
siens, pour les maintenir dans la
Foi catholique. Les persécuteurs
l'arrêtèrent en 1793, dans le dé-
partement de V A llier , et le
mirent en réclusion à Moulins ;
ensuite ils l'envoyèrent à Roche-
but, pour être déporté sur des
rives lointaines et sauvages. Il lut
embarqué sur le navire {es Deux
566 DEM
Associés (V. Roci;efort), et y
souffrit tant de maux que bientôt
il succomba : son âge alors étoit
de ?3 ans. Il mourut le 5 août
1794? et fut enterré dans l'île
(YAix. ( V. Delphiecx, et F.
De.moy.)
DELZERS (Emmancei), prêtre
du diocèse de Monde, où il étoit
•vicaire, aima mieux courir toutes
les chances de la persécution que
de faire le serment schismatique.
De la paroisse de Saint-Laurent-
de-Muret, près Maruéjols, où il
résidoit, il continuoit à porteraux
catholiques les secours de la reli-
gion ; et cette occupation le dé-
tourna de sortir de France , lors
de la loi de la déportation. Pen-
dant plusieurs mois, il échappa
aux persécuteurs; mais enfin il
tomba dans leurs mains, et fut
conduit aux prisons de Mende.
Le tribunal criminel du dépar-
tement de la Lozère, qui sié-
geoiten cette ville, le condamna,
comme « prêtre réfractaire », à
la peine de mort, le 20 messidor
an II ( i5 juillet î^c/i).
DEMALS (François), prêtre,
né à Verrebroëk , en Belgique ,
vers 1706, et religieux Bernardin
à Anvers, y signala sa Foi et
son zèle , lors de l'invasion de
la Belgique par les réformateurs
fiançais. Il ne fit aucun de leurs
sermons anti-religieux ; et , ayant
échappé à leurs premières persé-
cutions, il profitoit de la tolérance
de 1797 pour donner un nouvel
DEM
essora son zèle ( V. Belgique).
La crise politique du 18 fructidor
( 4 septembre 1 797 ) , et la loi de
déportation rendue le lendemain
[V . Guiane), exposèrent leBernar-
din Demals à de nouveaux dangers.
Il fut arrêté et envoyé à Roche-
fort, pour être déportéàla Guiane.
On l'embarqua sur la corvette
ta Bayonnaise , le icraoût 1798 :
elle le déposa , le 29 septembre,
dans le port de Cayenne. De là, il
fut aussitôt relégué dans le désert
de Konanama , dont il ne put
supporter long-temps les fléaux
mortels. Il expira le 12 novembre
de la môme année , à l'âge de 42
ans. Comme il ne laissoit aucune
succession , les Nègres refusèrent
de l'enterrer: et ce furent ses con-
frères Belges qui creusèrent sa
fosse , et lui donnèrent la sépulture.
{V . F. Delaitre , et A. Denoin-
V1ELE.)
DEMOY (François), prêtre,
chanoine régulier de la congréga-
tion de Chancelade, et prieur de
la communauté d'Aubrac, dans le
diocèse de Rodez, étoit revenu
dans son pays natal après la sup-
pression des ordres religieux. Ce
pays étoit Mucidan, petite ville
du diocèse de Périgueux ; et le cha-
noine Demoy n'y dissimula point
son attachement invariable à la
Foi de l'Eglise catholique. Les
autorités du département de la
Dordogne , sous la tyrannie parti-
culière desquelles il étoit, épioient
l'occasion de s'en venger. Dès
DEN
qu'elles le purent, en 17905 elles
le firent jeter dans les prisons de
Périgueux, et l'envoyèrent ensuite
à Rochefort, pour en être déporté
au-delà des mers. Demoy fut em-
barqué sur le navire les Deux
Associés [V. Rochefort), et ne
tarda pas à périr des maux qu'on
y enduroit. Il rendit son dernier
soupir le 29 juillet 1794? 'A l'âge
de 5i ans, et fut enterré dans l'île
à'Aix. ( V. D. Deltoub, el L.
Depons. )
DEMOY ( François - Pierre ) ,
curé et chanoine de l'église pa-
roissiale de La Roche-Reaucourt,
dans le diocèse de Périgueux ,
s'étoit réfugié au bourg de Neuvic ,
près Grignols, non loin de sa pa-
roisse d'où la persécution l'avoit
éloigné en 1791. Inébranlable
dans sa Foi , et attaché aux catho-
liques de sa province , il ne sortit
point de France, lors de la loi de
déportation , rendue contre les
prêtres non-assermentés , le 26
août 1792. Dans le courant de
1793, il fut découvert en sa re-
traite ; et on le mit en prison.
Traduit devant le tribunal du dé-
partement de la Dordogne , sié-
geant à Périgueux, il y fut con-
damné le 18 germinal an II (7
avril 1794) à la peine de mort,
comme « prêtre réfractaire ». {V .
J. Cherchoijly, et A. Delpy.)
DENAIS (Pierre), prêtre du
diocèse du Mans, né à Grcnouzc ,
près Laval, en 1756, et vicaire
en cette ville , après l'avoir été
DEN 56;
dans la paroisse de Nuillé-Ie-
Vicoin , avoit acquis une heu-
reuse expérience dans la direction
des âmes au tribunal de la péni-
tence , et dans la manière d'ensei-
gner à la jeunesse les principes et:
les préceptes de la religion. La loi
du serment de la constitution
civile du clergé le trouva iné-
branlable dans sa Foi. Il souffrit
avec beaucoup de ses confrères la
réclusion dont nous avons parlé
à l'article Laval, et sortit de
France à la fin de 1792 , en vertu
de la loi de déportation. Après
cinq ans de séjour en Angleterre ,
impatient de revenir pour les be-
soins spirituels de ses compa-
triotes, il rentra clandestinement
en août 1797, et vint reprendre
les fonctions de son ministère à
Laval. La catastrophe du 18 fruc-
tidor, qui arriva bientôt (le 4 sep-
tembre 1797)» redonna aux per-
sécuteurs leur précédente activité ;
et le vicaire Denais, que d'écla-
tantes conversions avoient déjà si-
gnalé, fut recherché par les impies
révolutionnaires. Des gendarmes
vinrent l'arrêter le 1 4 février 1 798 ,
dans la maison où il s'étoit caché.
Le matin de ce jour -là même, il
y avoit célébré les saints mystères ;
et le pain des forts, dont il s'étoit
nourri, le rendit imperturbable
au milieu des furieux qui l'entraî-
nèrent dans les prisons de la ville.
Cependant quelques personnes
charitables, après s'être assurée-;
qu'avec de l'argent elles détenui-
568 DEN
neroient les gendarmes qui dé-
voient le conduire à le laisser
échapper, lorsqu'ils le transféré6-
voient a Tours pour être jugé, lui
en firent part ; mais Denais, crai-
gnant que son évasion faite ainsi
ne les compromît, et qu'ils ne
pussent se justifier que par des
mensonges et de faux sermens,
rejeta la proposition. Dans ce
magnanime refus que lui com-
mandèrent tout à la fois et sa
crainte que la Divinité ne fût en-
core plus offensée par la menson-
gère justification des gendarmes,
et sa chanté pour eux qu'une sé-
vère punition frapperoit si leur
condescendance étoit découverte,
il eut bien plus de mérite que le
saint Martyr Sabas de Gotthie ,
lorsqu'il ne voulut pas consentir
à être sauvé par les soldats même
qui étoient chargés de le noyer.
Quand ils lui en firent la propo-
sition , ils n'avoient rien à craindre
pour eux-mêmes. « Pourquoi
perdre le temps en vains projets,
disoit comme lui notre prêtre
Denais; qu'ils remplissent l'ordre
qui leur est donné : vous n'aper-
cevez donc pas ce que je vois!
On ne m'attend à Tours que pour
me faire entrer dans la gloire de
l'éternité(i) ». Ainsi donc, quand
( i ) Jnler se : Cur non , inqniunt ,
dimiitimus hominem hune innocentent :'
nunquam enim Alhàridus hoc rescitu-
rus est . Sèd heatits Sabas dixit ad eos :
y nid nugamirii? ac unit potiùs facitis
DEN
les gendarmes vinrent le prendre le
17 février pour le mener à Tours,
il partit, entièrement résigné, à
son sort. On le conduisent à une
commission militaire , formée
par le général divisionnaire Vi-
meux ; et cette commission le con-
damna, le 8 ventôse an VI (26 fé-
vrier 1798), à être fusillé, comme
«émigré-rentré ». La sentence fut
exécutée le lendemain : le vicaire
Denais, à l'âge de 4a ans, périt donc
trois ans et six mois après la chute
de Robcrspierre. On doit peut-
être rapporter à cet héroïque
prêtre de J.-C, la note de la
page 34, d'un écrit (in-S°de 128
pages) , composé et publié en An-
gleterre, l'an 1799, par feu l'abbé
Coulon , vicaire -général de Ne-
vers, et prédicateur ordinaire du
Roi, à l'honorable mémoire du-
quel nous consacrerons quelques
lignes, en terminant notre ou-
vrage. Cet écrit a pour titre :
La voix de la religion, et te
cri de i 'honneur pour la res-
tauration de Louis XVI II et
de ta monarchie française , ou
Paraphrase de la prière pu-
blique pour le Roi : Exau-
diat , etc. appliquée aux va ux
des Français royalistes et cJi re-
tiens. L'auteur ne en >yarit pas pru-
quod i'obis imperatum est? Ego vidso
ijtiod vos non potestis intueri. Eccc
stant è vegione (/ni me suscepturi sunt.
( Ruinart : Eprstota Ecclesiœ Gotihùr ,
ti« V.)
DEN
dent, en ces temps encore si cri-
tiques, de nommer les personnes
et les lieux, disoit dans la note
dont il s'agit : « Deux Itères ec-
clésiastiques, du diocèse d....,
forcés de se mettre à l'abri de la
persécution qui se ralluma vers la
fin de 1797, se cachèrent en-
semble dans une retraite obscure.
L'aîné y mourut ; et le cadet fut
obligé de donner lui-même la
sépulture à son frère, de crainte
d'Otre reconnu par les barbares du
dix-huitième siècle, s'il s'étoit
confié à quelque autre personne,
pour remplir ces tristes devoirs.
Peu de temps après il n'en fut
pas moins découvert; on le con-
duisit et on le fusilla dans la
ville de ***. Après sa mort ,
on lui trouva un ciliée sur le
corps ; et les habitans de celte
ville, pénétrés de respect pour le
confesseur de la Foi, se partagè-
rent ses vêtemens. Ce digne ec-
clésiastique, doué de toutes les
vertus de son état, et du caractère
le plus doux, ne m'étoil point in-
connu; et ces détails m'ont été
communiqués d'après des lettres
authentiques ». (V. Defay, du
Mans; et Deschamps , d'Aim-
brières. )
DENIS (Le Pire), Récollet.
{V. J. L. IIeidebert. )
DEN OIN VILLE (Albert), né
en Normandie vers 175^, curé de
Vincy, dans le diocèse de Laon,
ne lit aucun des sermens anti-re-
ligieux de la révolution. Il échappa
DEN TjÔo,
aux fureurs des persécuteurs de
1790 et 1794; mais il ne put éviter
les pièges de la perfide tolérance
de ceux de 1796 et 1797. Quand
ils eurent produit leur crise poli-
tique du 18 fructidor (4 septembre
1797)? pour faire le lendemain
leur loi de déportation à la Guiane
(V. Guiane), le curé Denoinville
fut arrêté. On l'envoya bientôt à
Rochefort où il fut embarqué sur
la frégate la Charente , le 12 ou
i3 mars 1798, et ensuite sur la
frégate la Décade, le i5 avril.
A peine arrivé à Cayenne, vers le
milieu de juin, il se vit relégué
au canton de Makouria, où le
colon Vidier le reçut dans son ha-
bitation. Cet avantage ne put le
faire échapper aux mortelles in-
fluences du climat. Il mourut en
décembre 1798 , à l'âge de 40 ans.
(V. F. Demals, et G. Desma-
zures. )
DEN OU AL (Marc) , simple tis-
serand du village de Saint-Vin-
cent-sur-Oust , dans le diocèse de
Vannes , fut un de ces chrétiens
dont la Foi , abondante en bonnes
œuvres, ne redoutoit aucun dan-
ger, lorsqu'il s'agissoit de faire
celles qui pou voient être les plus
agréables à Dieu et les plus utiles à
son Eglise. Il donna asile chez lui à
un de ces prêlrcs catholiques qui
Festoient exposés à tous les périls
pour les besoins spirituels des
fidèles, et dont les persécuteurs
avoient mis la tête à prix. Celte
hospitalité généreuse ayant été
5yo DEP
découverte par lesespionsde ceux-
ci, le bon Dénouai fut arrêté, et
traîné dans les prisons de Vannes.
Le tribunal criminel du départe-
ment du Morbihan, l'ayant fait
comparoître devant lui , le 17 flo-
réal an II (6 mai 1794) •> l'envoya
mourir sur l'éctiafaud , comme
« recéleur de prêtres réfractaires »
( V . J" Aux. )
DE PAU (Pierre), prêtre et
religieux Barnabite, du diocèse
d'Aire , né à Saint-Sever, province
des Landes, mérita par la cons-
tance de sa Foi et l'édification de
sa conduite , la même haine que
les persécuteurs avoient vouée
aux prêtres insermentés. En 1795,
il fut enlevé pour être déporté
comme eux au-delà des mers ; et
on le conduisit à cet effet dans la
ville de Bordeaux, où il fut en-
fermé dans le fort du Ha, en at-
tendant le jour de l'embarquement
{V. Bordeaux). Cependant on ne
le comprit point dans le grand
nombre de prêtres que l'on com-
mença d'embarquer vers la fin de
l'automne de 1794? tl'°is mois
après la chute de Roberspierre.
Notre religieux, restant encore
dans sa prison, y succomboitsous
le poids de ses maux. Lorsqu'on
vit approcher |p*terme de sa vie,
on le transporta dans l'hôpital de
Saint- André, où il mourut, le 16
décembre 1794, à l'âge de 44 ans-
[¥. P. Delsol, et J. M. Jh Dé-
molîmes. )
DEPONS (Loris) , ancien curé
DEP
de Ghâtel-de-iVIontagne , paroisse
du diocèse de Clermont, et né à
Brughat , dans le même diocèse ,
ayant résigné sa cure avant la ré-
volution, ne put être sommé,
comme fonctionnaire public, de
faire le serment schismatique de
1791. L'attachement invariable
que , dans celte occasion et par la
suite, il montra pour la religion
catholique , donna lieu de penser
qu'il auroit mieux aimé perdre sa
cure que de prêter ce serment.
Cependant le désir de la tranquil-
lité , si naturel à l'âge de 60 ans,
auquel il étoit parvenu , le porta,
vers la fin de 1792 , à faire aveu-
glément le serment pour le moins
équivoque de iiherté-égadté. Il
n'en acquit pas plus de sécurité,
parce qu'un prêtre ne pouvoil y
avoir droit que par une formelle
apostasie, et le vénérable Depons
en étoit incapable. 11 fut arrêté
et jeté dans les prisons de Mou-
lins. Quoiqu'à la rigueur il ne
dût être soumis, suivant les lois
d'alors, qu'à la peine de réclu-
sion, à raison de son âge, il fut
néanmoins envoyé à la dépor-
tation maritime qui se préparoit
à Rochefort. Embarqué sur le
navire les Deux Associes, avec
une multitude de confesseurs de
Jésus-Christ qui avoient repoussé
le second serment comme le pre-
mier {V. Bochefort), il se hâta
de rétracter celui qu'il avoit prêté
( V. Fontaine, Lazariste); et il
mourut avec la même gloire que
DE il
ses confrères, le 4 juillet 1794»
à l'âge de 62 uns. Son corps fut
enterré dans l'île à'Aix. ( V. F.
Demoy, et P. M. N. Deschamps.)
DEREIS ou DERCIS (Jean),
curé de la paroisse de Saint-Par-
dons de Mareuil, dans le diocèse
de Périgueux , refusa le serment
de la constitution civile du
clergé. Voulant maintenir sa pa-
roisse dans la pureté de la Foi,
il continua d'y habiter, sans en
être détourné par la loi de dépor-
tation du 26 août 1792. Malgré
les moyens de sécurité qu'ilcroyoit
avoir, il fut arrêté dans le courant
de l'année suivante. On le tradui-
sit devant le tribunal criminel du
département de la Dordogne ,
siégeant à Périgueux ; et , le 9
prairial an II (28 mai 1794), ce
tribunal l'envoya au dernier sup-
plice, comme « prêtre réfraclaire».
{V . A. Delpy, et J. Ferrière.)
DEROCHE (Benoît), prêtre et
chanoine de Vilîefranche , en Beau-
jolais, étoit né dans cette ville, et
avoit un grand zèle pour le salut
des âmes, comme pour la Foi sans
laquelle on ne peut être sauvé. Ce
zèle alloit toujours croissant, à
mesure qu'il la voyoit de plus en
plus en péril dans la contrée qu'il
habituit. Empressé de repousser
l'hérésie constitutionnelle , et de
mainten ir les catholiques dans l'an-
cienne croyance, il ne bornoit pus
l'exercice de son ministère à la
ville où il demeuroit : il alloit
l'exercer encore dans les campa-
DER 571
gnes d'alentour. L'impiété rugis-
soit contre lui ; et, quand elle eut
à sa disposition la farouche com-
mission révolutionnaire que les
proconsuls de la Convention éta-
blirent à Lyon , en novembre 1793
{V . Lyon), le chanoine Déroche
fut saisi et amené prisonnier de-
vant ce tribunal sanguinaire. Il
s'y comporta en digne confesseur
de Jésus-Christ, et fut condamné
à la peine de mort, le 14 pluviôse
an II ( 2 février 1794 ), comme
«ayant prêché le fanatisme dans
les campagnes ». Il avoit 48 ans
lorsqu'il perdit ainsi la vie pour la
cause de la religion. [V. Delorme,
et Drivon.)
DERUELLE (N... ) , prêtre de
l'église paroissiale de Saint-Ger-
vais , à Paris , massacré dans
l'église des Carmes, le 2 sep-
tembre 1792, se trouve sans nom
de baptême sur le registre mor-
tuaire de Yétat civil de la capi-
tale , où cependant il vivoit. Ce
qu'il y a de notoire, et ce qui suffit
pour nous autoriser à le citer
dans nos pieuses matricules, c'est
qu'il fut saisi par les impies révo-
lutionnaires , peu de jours après
le fatal 10 août de cette année, et
pour l'unique raison qu'il n'avoit
pas voulu manquer à sa Foi par
la prestation du serinent de la
constitution civile du clergé.
La demande en étant faite alors de
nouveau par les comités de sec-
tions, devant lesquels les prêtres
non-assennenlés étoient traduits;
072 DES
et ces comilé.s faisant emprisonner
aussitôt ceux qui persévéroient
dans leur premier refus, il est
bien évident que le prêtre De-
ruelle montra, dans cette circons-
tance extrêmement critique, qu'il
étoit résolu de mourir plutôt que
de manquer à sa Foi , puisqu'il
fut envoyé prisonnier dans l'église
des Carmes. ( V. Dut, au). La
cause de sa captivité devint bien-
tôt celle de sa mort, dans laquelle
on ne vit point foiblir la fermeté
de son attachement à la doctrine
catholique. {V . Septemrre.)
DERVILLÉ (Julien), ex-Jé-
suite. ( V. J. Hervillé. )
DE SÀRTRET (Jacques), prê-
tre. [V. Jis Sartret.)
DESCHAMPS (N...) , vi-
caire dans le diocèse du Mans, en
la petite ville d'Ambrières , au
doyenné de Passays , avoit été
cédé à ce diocèse par celui de
Coutances , dans lequel il étoit né ,
au bourg de Courson, près de
Villedieu. Digne d'être associé
aux prêtres du Mans, dont la Foi
se manifesta d'une manière si glo-
rieuse pendant la persécution ,
Deschamps, non seulement refusa
le serment schismatique de 1791,
et repoussa même celui de iiùertc-
égatifé; il voulut encore, malgré
la loi de déportation, rester près
rie ses paroissiens, pour continuer
à leur procurer les grâces de l'E-
glise. Mais ce but de son zèle ne
pouvoil plus être atteint qu'avec
des dangers infiniment plus grands
DES
que ceux dont il avoit été menacé
depuis que son refus du serment
l'avoit fait expulser de son église.
Cependant , grâce aux soins et
aux bons offices des catholiques
du canton, comme aux précau-
tions de prudence dont il usoit,
il put y fournir les secours de
la religion pendant les terribles
années 1793 et 179'). Les fati-
gues de ses courses apostoliques,
les anxiétés cruelles dont elles
étoient accompagnées , ne ralen-
tirent jamais son ardeur pour
la sanctification des âmes. Les
mêmes peines rendirent encore,
dans les années 179.^, 1796,
l'exercice de son ministère aussi
pénible , et par conséquent aussi
méritoire , quoique l'on publiât
dans les journaux de Paris, que,
depuis la chute de Roberspierre ,
le 27 juillet 1794 , la religion
avoit recouvré le droit de son culte
libre et public. Elle en jouissoit
si peu, même en 1797, que le
curé d'Ambrières , M. Desnos ,
étoit toujours obligé , sous peine
de la vie, de se tenir soigneuse-
ment caché dans la maison d'une
de ses paroissiennes , Mllc de la
Rougère , dont le courage pour
les actes de la Foi égaloit la fer-
vente piété. Le vicaire Deschamps
y étoit venu secrètement, le di-
manche des Rameaux , 9 avril
1797, pour la consolation réci-
proque de leurs consciences , et
pourse concerter avec son curé sur
leurs travaux de la Semaine-Sainte.
DES
Le soir, pendant qu'ils s'entre tc-
noient ensemble, un peu tard,
dans la chambre de celui-ci, la
lumière par laquelle ils éloient
éclairés éveilla les soupçons de
quelques soldats du bataillon d'Ju-
nis qui, passant près de là, cou-
roient à la recherche des prêtres,
sachant qu'à cette époque de l'an-
née, leur ministère les exposoit
davantage. Présumant que celte
lumière indiquent la présence de
quelqu'un de ces prêtres, ces sol-
dais s'arrêtent et viennent frapper
à la porte. On tardoit à leur ou-
vrir, afin que le curé et son
vicaire eussent le temps de se
cacher : les furieux enfoncent les
portes; et, dans leurs perqui-
sitions, que l'impiété rend indus-
trieuses autant qu'actives, ils dé-
couvrent Deschamps dans le gre-
nier, sous un amas de fagots de
genêts , et lui tirent à l'instant
un coup de fusil qui le blesse
grièvement. Les soldats veulent
achever de le tuer ; mais , par
une combinaison barbare, imagi-
nant de le dépouiller auparavant,
pendant qu'il respire encore , ils
lui arrachent ses habits, et le
mettent presque nu. Deschamps
vit, comme autrefois notre divin
Sauveur, les bourreaux se parta-
ger ses vêteinens avant de le faire
mourir. Les assassins de noire
vicaire eurent pourtant un senti-
ment de respect, lorsqu'ils décou-
vrirent un cilice de pénitence sur
son corps ; mais , leur fureur
DES
impie reprenant son cours , ils le
percèrent de leurs baïonnettes ; et
Deschamps mourut en s'écriant :
« Mon Dieu ! je remets mon âme
entre vos mains » .
Le curé Desnos ne fut point
découvert par ces féroces explora-
teurs , gui cependant visiioienî fort
rigoureusement toute la maison.
C'étoit peut-être assez pour eux
d'avoir tué un prêtre dans celte
nuil-là ; et ils ne présumoient pas
qu'il en fût un second caché dans
le même asile. Ce qu'il y eut de
plus remarquable dans l'ineffica-
cité de leurs recherches ultérieures,
c'est que, passant et repassant plu-
sieurs fois devant une armoire
close, dans laquelle étoit un petit
ciboire qui contenoit des hosties
consacrées , ils ne s'aperçurent
seulement pas de l'armoire, et ne
demandèrent point qu'on la leur
ouvrît. Dieu les aveugla sans doute,
pour soustraire la sainte Eucha-
ristie à leurs profanations. Se se-
roit-il donc renouvelé , dans celte
occasion, le miracle qui se lit
quand saint Tharsicius , ayant sur
lui cet auguste sacrement, et
rencontrant des païens qui lui
demandèrent ce qu'il portoit ,
n'ayant pas voulu s'expliquer,
périt sous leurs coups? Lorsqu'ils
le dépouillèrent, la sainte Eucha-
ristie disparut à leurs yeux, et ne
put être profanée : miracle dont
l'Eglise fail honneur à l'interces-
sion de saint Tharsicius, et dont
la répétition, en 1797, ne cou-
574 DES
tribue peut-être pas moins à la
gloire du Martyr Deschamps : Et
revoluto rjus corpore, sacrilegi
discussores nihil sacramento-
vumChristiinventrunt. (Beda :
Martyrolog. ; et Martyrolog.
Rom. ad diem i5 augusti). {V.
P. Denais.)
DESCHAMPS-DE-PRAVIER
(Maurice), prêtre et ancien tré-
sorier de la Sainte-Chapelle de
Bourbon-l'Archambault, conserva
sa Foi intacte , lors du schisme
constitutionnel de 1791. 11 s'étoit
retiré à Meillet, son pays natal,
compris alors dans le département
del Allier. Le serment de liberté-
égalité, prescrit à la fin de 1792,
parmi les massacres du 10 août
et du 2 septembre de cette année,
lui parut un moyen plausible d'é -
chapper à la persécution ; et il le
prêta. Cet acte de condescendance
ne pouvoit le sauver , parce qu'en-
suite on auroit voulu qu'il aposta-
siât d'une manière formelle. Il fut
jeté dans les prisons de Moulins,
et traîné vers Rochefort, pour en
être déporté au-delà des mers {V .
Rochefort). Les traitemens qu'on
faisoit éprouver aux prêtres , dans
le trajet, leur étoient bien pé-
nibles. Celui-ci tomba malade si
grièvement en route, qu'on fut
obligé de le laisser dans les prisons
d'Angoulême. Déjà il avoit ré-
tracté son serment de liberté-
égalité {V. ci-après Fontaine,
Lazariste ). Il mourut en digne
confesseur de Jésus - Christ , le
DES
11 décembre 179Ô, à l'âge de
5o ans ( V . ci-devant, pag. 275);
et il fut enterré à Angoulême.
{V. E. G. M. Deschamps, et J.
Desessard.)
DESCHAMPS aîné ( Pierre-
Martin-Nicolas), prêtre, et reli-
gieux Capucin du couvent de
Dieppe , dans le diocèse de Rouen ,
et connu sous le nom de Père A n-
tonin, étoit né à Rouen. Il mon-
tra, de la manière la plus formelle ,
son éloigneraient du schisme de
1791, et consacra son ministère
aux fidèles restés fermes dans la
Foi. Son zèle pour la religion ne
se ralentit point au milieu des
dangers toujours croissans en
1792 et 179^; et il fut arrêté.
Jeté dans les prisons de Rouen ,
il y resta jusqu'au commencement
de 1794? ou 'es persécuteurs en-
voyèrent quantité de prêtres à
Rochefort , afin qu'ils en fussent
déportés au-delà des mers. Le P.
Antonin fut aussi traîné en cette
ville, et on l'y fil embarquer sur
le navire les Deux Associés ( V.
Rochefort). C'étoit là qu'il alloit
subir, pour sa Foi, le supplice
par lequel devoit se consommer
son martyre. Il mourut dans la
nuit du 7 au 8 août 1794? à l'âge
de 45 ans , et fut enterré dans l'île
d'Aix. ( V. L. Depons , et E. G.
M. Deschamps )
DESCHAMPS jeune (Emma-
nuel-Guillaume- Michel ) , frère
du précédent, né dans la même
ville, et, comme lui , prêtre et rcli-
DES
gieux du même ordre , sous le nom
de Père Marceilin, appartenoit
au monastère du Havre-de-Grâce.
Il montra la même fermeté dans
sa Foi, lors du schisme constitu-
tionnel de 1791 , et le même zèle
pour l'Eglise catholique, dans les
années suivantes. Arrêté en 1795,
il fut envoyé, dès les premiers
mois de 1794» a Rocliefort, pour
être déporté au-delà des mers ( V .
Rochefort). On l'embarqua sur le
navire les Deux Associés. Il mou-
rut au milieu de cette déportation ,
deux mois après son frère , c'est-à-
dire le 9 octobre 1794- Son âge
étoit alors de 42 aiis ; et il fut
enterré dans l'ile Madame. {V.
P. M. N. Deschamps , et M. Des-
champs-de-Pravier. )
DESCHAMPS (N...), curé de
Thianges , diocèse de Nevers ,
avoit été expulsé de sa cure par les
autorités profanes , attendu qu'il
n'avoit pas voulu compromettre
sa Foi en prêtant le serment de la
constitution civile du clergé.
Son âge de 68 ans le dispensa de
la déportation prescrite aux non-
assermentés par la loi du 26 août
1 792 ; mais les sexagénaires et les
infirmes, à qui cette loi accordoit
une telle dispense , étoient con-
damnés par elle à la réclusion ,
sous la surveillance des mêmes
autorités civiles. Le curé Des-
champs subissoit à Nevers cette
peine, que chaque jour de nou-
velles vexations venoient aggra-
ver {V . Nevers). Elle le fut bien
DES 575
davantage par la plus révoltante
violation de la même loi, lorsque ,
en février 1794 5 pour se dé-
barrasser des prêtres infirmes ou
sexagénaires qu'on tenoiten réclu-
sion, on les fit partir brusquement
pour Nantes, où déjà tant d'autres
venoient d'être submergés ( V.
Nantes). Les maux de tout genre
que le vieillard Deschamps, ainsi
que ses soixante compagnons de
voyage, eut à souffrir dans la
roule, et ensuite dans la galiote
du port de Nantes , où ils fuient
comme ensevelis , étoient pour
eux un cruel martyre. Quarante-
quatre y avoient déjà succombé en
peu de temps, lorsque la politique
des tyrans exigea qu'ils fissent
passer à Brest ceux des prêtres qui
n'avoient pas encore expiré. Une
insalubre gabarre à sel, où le curé
Deschamps se trouva placé, dans
cette nouvelle navigation, mit fin
à son existence, à la fin d'avril
1794. On ne pourra pas rendre à
sa cendre les honneurs que les
premiers chrétiens décernoient
avec tant d'empressement à celles
de leurs Martyrs : son corps fut
jeté à la mer. [V . Custode, cha-
noine, et Ducrot, de Bazoches.)
DESESSARD (Jean-Baptiste),
prêtre, curé de Cheval-Rigou ,
dont il étoit natif, dans le diocèse
de Clermont-Ferrand, fut un des
exemples de la manière dont la
grâce relève ceux qui sont tombés
dans les temps de persécution.
Etant déjà d'un âge fort avance
5?G DES
lorsqu'on exigea de lui le serment
de la constitution civile du
clergé, sous peine d'être expulsé
de sa cure, ù laquelle il étoit at-
taché par sa naissance comme
par sa charge , il le prêta ; et le
même attachement l'entraîna dans
la suite à l'aire encore le serment
de liberté -égalité, prescrit à la
fin de 1792. Cependant Deses-
sard, conservant au fond de son
cœur la Foi de Jésus-Christ, et
le zèle du sacerdoce, ne pouvoit
que s'attirer toute la haine de ceux
qui vouloient, en 1795, achever
de détruire la religion. Il fut ar-
rêté par leurs agens, et jeté dans
les prisons de Moulins. Les auto-
rités qui tyrannisoient le départe-
ment de r Allier , où il avoit été
surpris , le dévouèrent à la dépor-
tation maritime qui se préparoit à
Rochefort , pour les prêtres non-
assermentés. Associé à leur sup-
plice, il fut envoyé avec eux en
cette ville , pour y être embarqué
[V. Rochefort). On le fit monter
le navire les Deux Associés. A la
vue de tant de ministres fidèles
qui étoient tourmentés comme
lui, pour n'avoir prêté aucun ser-
ment, ilsentit vivement ses fautes,
et rétracta authentiquement les
deux qu'il avoit faits. Redevenu
digne confesseur de Jésus-Christ ,
et sacrifié en haine de la religion ,
il mourut le 27 juillet 179/4? et
fut enterré dans l'île d'Aix. [F.
M. Desciumps-de- Pbavier y et
J'1 Descai\di>s.)
DES
DESGARDINS (Joseph), frère
convers et chirurgien de l'abbaye
de Sept-Fonds , réforme de l'ordre
de Citeaux, dans le diocèse d'Au-
tun, où il portoit le nom de Frère
FAie, avoit toutes les vertus d'un
bon religieux. Après la suppres-
sion de son couvent, cédant au
désir qu'on avoit de le conserver
dans cette contrée qui faisoit
alors partie du département de
Y A ll ier , il ne retourna pas en
son pays natal, qui étoit Hénin-
Liétard , dans le diocèse d'Arras.
Son éluignement du schisme de
1791, et son attachement invin-
cible à la religion catholique ,
étoient connus. Les persécuteurs
le firent arrêter en 1 790 ; et ,
après l'avoir tenu quelque temps
dans leur prison de Moulins, ils
l'envoyèrent à Rochefort , pour
être déporté sur des plages loin-
taines et sauvages {V . Rochefort).
Il fut embarqué sur le navire les
Deux Associés , où il se rendit
fort utile aux malades. Lui-même
succomba sous les mêmes maux,
le 6 juillet 1794; et il fut enterré
dans l'île d'Aix. Un compagnon
de sa déportation parle de lui en
ces termes : « Le frère Elie étoit
un religieux fervent et plein de
vertus : la douceur et la bonté de
son caractère soutenoient sa cha-
rité pour les malades, il fut aussi
un admirable modèle de patience,
et sut s'attirer l'amitié de tons les
déportés de son bord ». Dans un
autre récit de la même déporta-
DES
tion, on Ht : « Le Frère Elie,
après avoir obtenu de son supérieur
( V. P. J. Charles) la permission
de se consacrer au service des ma-
lades, disoit : Je me dévoue à cet
honorable ministère. Je sais que
ma santé ne résistera pas aux
peines et aux fatigues qu'il va me
causer; mais je sacrifie volontiers
mes jours pour sauver ceux de mes
frères; et je mourrai content, si
je puis racheter leur vie par ma
mort ». [V. J. B. Desessard, et
Desgranges,
DES GRANGES (Joseph), prê-
tre. {V. Jh Dusolier.)
DESGRANGES (Ciaitde-
François), ex-Jésuite. [V . C. F.
Gagnières.)
DESGRANGES (iV...), prêtre,
religieux de l'ordre des Minimes,
dans leur maison de Mâcon, étant
né dans cette ville, y demeura
après la suppression des ordres
monastiques. Son caractère sacer-
dotal et l'attachement qu'il con-
servoit notoirement aux principes
de la religion, le rendirent im-
portun aux impies. Us le firent
emprisonner en 1793*, et, peu de
temps après , ils l'envoyèrent à
Rochefort , pour en être déporté
au-delà des mers {V . Rochefort).
Il fut embarqué sur le navire l&
Washington y et mourut dans le
supplice de cette déportation ,
commandée par la haine de la
Foi. Sa mort arriva en octobre
1794. Il avoil alors !\f\ ans; et il
fut enterré dans l'île Madame.
2.
DES 577
{V. Descardins, et N. L. Des-
prés. )
DESGRÈS (Jean), habitant de
la paroisse de Limerzel, près Ré-
don, dans le diocèse de Vannes,
y avoit été choisi pour secrétaire-
greffier d'une administration ou
d'un tribunal; emploi qu'il ne put
remplir qu'en compromettant sa
Foi parla prestation d'un serment
illicite, sans lequel on ne pou voit
l'exercer. Il le prêta, sans en con-
noître tous les pièges ; mais il
trouva l'expiation de cette faute
dans la courageuse hpspitaliîé qu'il
donna à un prêtre catholique voué
à la mort , ce qui étoit une bien ef-
fective rétractation, et plus encore
dans le baptême de sang que lui
valut cette action généreuse. Elle
avoit été découverte par les agens
de la persécution ; et Desgrès fut
traîné dans les prisons de Vannes.
Le tribunal criminel du départe-
ment du Morbihan , qui siégeoit
en cette ville, l'ayant fait com-
paroître devant lui, le 21 nivose
an II (10 janvier 1794), le con-
damna à la peine de mort, comme
« recéleur de prêtres réfractaires ».
{V. J" Alix.)
DES-HÉRIS ( Jean ), prêtre.
[V. J. Gilbert.)
DES JARDINS(Lotjis-Marie),
chanoine. {V . L. M. Counan.)
DESLANDES ( Jacques - Jo-
seph le Jardinier), curé dans le
diocèse de Coutances, étoit Acnu
chercher un asile a Paris, après
avoii été expulsé de sa paroisse par
^7
y
5;8 DES
les autorités révolutionnaires ,
pour n'avoir pas voulu compro-
mettre sa Foi en prêtant le ser-
ment de la constitution civile
du clergé. La persécution, qui
neperdoitpointde vue ce ministre
fidèle, nevouloitpas lui faire grâce
quand elle auroit acquis, par le
terrible événement du 10 août
1792 , tout pouvoir sur les
prêtres non-assermentés. Le curé
Deslandes fut saisi ; le comité de
la section devant lequel on le con-
duisit , et auquel il refusa de nou-
veau le même serment, l'empri-
sonna dans l'église des Carmes;
et , comme tous les autres con-
fesseurs de Jésus - Christ qui y
étoient captifs au 2 septembre {V .
Dulau), il fut massacré pour la
même cause. {V. Septembre.)
DESLONGRAIS, prêtre. (V.
Dutertbe. )
DESMARAIS (Angélique) , re-
ligieuse du couvent des Filles de
Saint-Thomas, à Paris, étoit déjà
avancée en âge, quand elle fut mise
hors de son cloître par les réformes
anti-catholiques de 1791. Restée
dans cette ville, où elle étoit née
en 1735, et s'étant retirée dans un
modeste domicile avec une de ses
compagnes ( V. A. C. Aubert),
elle continuoit à servir Dieu avec
la ferveur du cloître. Sa Foi pa-
roissoit plus vive, plus héroïque,
à mesure que la persécution rrois-
soit en fureur. Elle fut arrêtée ainsi
que sa compagne ; et toutes deux ,
;jprès quelques mois passés dans
DES
les prisons, furent appelées au tri-
bunal révolutionnaire , le 22 flo-
réal an II (11 mai 1794)- Avec
elles se trouvoient un prêtre qui
avoit été vicaire de la paroisse de
Saint -Paul , à Paris ( V. A. L.
Desmonceaux), et trois autres
femmes. La même sentence les
envoya ensemble à l'échafaud, les
disant « convaincus d'être auteurs
ou complices des conspirations qui
avoient existé depuis le commen-
cement de la révolution , de la
part des ennemis du peuple et de
la liberté , lesquelles tendoient à
allumer le feu de la guerre civile,
à fanatiserles citoyens , et anéan-
tir le nouveau gouvernement ».
La sœur Desmarais avoit 5q ans ,
lorsqu'elle périt, le même jour,
sous ce prétexte ridicule, avec les
cinq autres victimes.
DESMARÊT (Julie), veuve.
{V. S' Ruvilly.)
DESMARÊT (Perrine- Eugé-
nie), demoiselle. {V . P. E. Le-
COANT. )
DESMAZES (Antoine) , prêtre
du diocèse de Vabres, et vicaire
à Sorgues, près Milhau, y étoit
resté pour les besoins des fidèles,
après la loi de déportation , à la-
quelle il étoit sujet , comme
ayant refusé de faire le serment
schismatique de 1791. Il continua
d'y exercer son zèle av ec fruit pen-
dant le cours de 1793; mais les
agens de la persécution le décou-
vrirent vers l'automne. Il fut saisi
et amené dans les prisons de Ro-
DES
dez, chef-lieu du département de
Y Aveyron , dans lequel la géo-
graphie révolutionnaire de 1 790
avoit compris Sorgues et Milb.au.
Le tribunal criminel de ce dé-
partement, siégeant à Rodez, fit
comparoître devant lui ce zélé vi-
caire pour le condamner, le 28 fri-
maire an II (18 décembre 1793);
et il le fut, à la peine de mort,
comme «prêtre réfractaire » , avec
le vénérable curé de Saint-Hilaire
[V. P. Durand). Il le précéda
sur l'échafaud; et ce curé auroit
pu lui dire ce qu'en Perse, l'an
343, le Martyr Narsès avoit dit au
jeune Joseph, son disciple, im-
molé avant lui : « Que vous êtes
heureux d'entrer avant moi plein
d'allégresse dans le royaume cé-
leste ! » O tebeatum, quoniam
nunc lœtâ fronte cœlcstis rcgni
angustam portant intrasti !
(Asseman : Acta Mart. Orient.,
pars I», pag. 99.)
DESMAZIERES (Pélagie Li-
cer, veuve), dont le mari, Fran-
çois-Xavier, avoit été avocat très-
distingué au conseil d'Artois ,
l'étoit beaucoup elle-même par sa
piété. Chargée d'une nombreuse
famille , elle l'avoit élevée dans
la crainte et l'amour de Dieu, sui-
vant les préceptes et les conseils
de l'Evangile. Modèle des mères,
comme des femmes chrétiennes,
et parvenue à l'âge de 5s ans,
elle fut constamment dans toute sa
conduite un exemple d'édilication.
Sans porter aucun préjudice aux
DES 5;9
intérêts de ses enfans , elle con-
courut, par quelques secours, a
la bonne œuvre de la veuve Ba-
taille, en faveur des prêtres catho-
liques , persécutés , proscrits , et
dépouillés de tout, depuis 179a
[V. M. J. D. Bataille). Son nom
se trouva sur le registre des con-
tribuables , lorsqu'il fut découvert,
sous le proconsulat de JL Lebon ,
à Arras ( V . Arras ) ; et ce pro-
consul la fit envoyer à la mort par-
son tribunal révolutionnaire, le
25 germinal an II (14 avril 1794)»
avec la ve Bataille et les dix-huit
autres prétendus complices d'une
bonne œuvre, inspirée par la Foi
et commandée par la charité. (K.
L. F. J. Delahaye , et J. Doudan.)
DESM AZURES (Gaspaud), né
à Caen, curé de Couantré, dans
le diocèse de Chartres , mérita
d'être persécuté, puisqu'il avoit
rejeté les principes schismatiques
de la constitution civile du
clergé. Cependant il put se sous-
traire à la rage homicide des per-
sécuteurs de 1793 et 1794. Ayant
trop compté sur la tolérance éphé-
mère du gouvernent nt, en 17975
il se remit à exercer son ministère
avec une sainte liberté. Par là il
tomba sous les coups de la fatale
loi du 19 fructidor (5 septembre
1797) , qu'avoit produite la catas-
trophe politique de la veille [V .
Guiane). On se saisit de sa per-
sonne ; et il fut conduit a Roche-
fort pour être déporté. Embarqué
sur la frégate la Charente, le
37-
58o DES
12 mar9 1798, et ensuite sur la
frégate (a Décade, le 25 avril
suivant, il arriva dans la rade de
Cayenne vers le milieu de juin.
A peine y étoit-il débarqué, qu'on
l'envoya habiter la contrée pesti-
lentielle de Konanama, où il fut
à la vérité reçu dans l'habitation
d'un colon nommé Pintre ; mais
la peste ne l'en épargna pas da-
vantage. Il y succomba, et mourut
le 2 5 septembre 1798, a l'âge de
5i ans. [V . A. Denoinville, et F.
Desprès. )
DESMONCEAUX (Antoine-
Louis ) , prêtre du diocèse de Char-
tres , né à Nogent-le-Rotrou , mais
attaché à celui de Paris, comme
vicaire , dans la paroisse de Saint-
Paul de cette ville , en fut écarté
à cause de son refus du serment
schismatique. Il vint prendre un
domicile dans l'obscure rue du
Paon , où il crut qu'il ne lui seroit
pas nécessaire de sortir de France
pour échapper à la persécution.
Mais elle l'atteignit, et il fut em-
prisonné. Le tribunal révolution'
ixair& le fit comparoître devant
lui avec les deux religieuses, A.
C. Aubert, et A. Desmarais {V.
ces noms), le 22 floréal an II
( 1 1 mai 1794)- I' y fut condamné
comme elles à la peine de mort ,
sous le ridicule prétexte qu'il étuit
aussi « convaincu d'être auteur
ou complice des conspirations qui
avoient existé depuis le commen-
cement de la révolution , de la
part des ennemis du peuple et de
DES
la liberté , tendantes à allumer le
feu de la guerre civile, à fana-
tiser les citoyens , et anéantir le
nouveau gouvernement ». On
l'exécuta peu d'heures après la
sentence , à l'âge de 37 ans.
DESOLMES (Jean-Marc-Jo-
seph), prêtre du diocèse de Vi-
viers, vicaire en la paroisse de
Saint - Montant , près du bourg
Saint-Andéol, est mal à propos
dans les listes de Prudhotnme,
comme condamné à la peine de
mort par le tribunal criminel du
département de YArdèche,, en
qualité de « prêtre réfractaire » ,
le 27 germinal an II (16 avril
1794 )• Il le fut à la dépor-
tation ; car nous le retrouvons
sur les registres de l'hôpital d6
Saint-André de Bordeaux, comme
y ayant été apporté malade du
fort du Ha , et y étant mort ,
toujours captif de Jésus-Christ, le
19 janvier 1 795 , à l'âge de 48 ans.
Le nombre des victimes de l'im-
piété , pendant notre persécution ,
est déjà bien assez nombreux pour
que nous consentions à croire qu'il
y eut deux prêtres, de noms abso-
lument semblables , sacrifiés en
haine de la religion , l'un périssant
sur l'échafaud de Privas, et l'autre
mourant prisonnier pour sa Foi,
à Bordeaux. Nous observons seu-
lement que , sur le registre mor-
tuaire de cette dernière ville , J.
M. J1' Desolines est dit natif de la
paroisse de Sillac, qui est à une
lieue de Tournon , et qu'il avoit
DES
clé envoyé au fort du Ha (V. Bor-
deaux), pour en être déporté à
la Guiane , comme « prêtre ré-
fractaire ». {V . P. Depau, et L.
P. Dubois.)
DESPAILLIÈRES ( Nicolas-
François-Paxtl), vicaire-général.
(V. N. F. O. Paillières.)
DESPARTZ (Victor), simple
menuisier qui, né à Civray, en
Touraine, et ayant pour cela le
nom de Tourangeau, dans la ville
de Bordeaux où il exerçoit son
métier, montroit un grand zèle
pour la religion qu'il voyoit si
fort persécutée. Ne se bornant pas
à la pratiquer avec une Foi vive ,
il se chargeoit encore de distribuer
des imprimés, par lesquels des
écrivains zélés pour elle excitoient
les Français à ne pas abandonner
la croyance et le culte de leurs
pères. Il fut arrêté pour ces mo-
tifs ; et la commission militaire
de Bordeaux , devant laquelle il
comparut le 24 germinal an II
(i5 avril 1794) 5 le condamna à la
peine de mort, comme « fana-
tique et colporteur d'écrits contre-
révolutionnaires ». La sentence
s'exécuta le même jour.
DESPLANTES (IV....), curé
de Lechaux , dans le diocèse
d'Annecy , s'enfuit en Piémont
lorsqu'après la conquête de la
Savoie, des proconsuls voulurent
y faire prêter aux prêtres un ser-
ment illicite ( V. Savoie). Il revint
dans sa paroisse en 179O, quand ,
sur la foi de l'hypocrite, gouver-
DES 58i
nement des Thermidoriens, on
croyoit la persécution finie depuis
le g thermidor (27 juillet 1794)-
Mais la crise politique du 18 fruc-
tidor an V (4 septembre 1797),
l'ayant ranimée , le curé Des-
plantes fut arrêté pour être déporté
à la Guiane. Il attendoil, dans les
prisons de Chambéry, le moment
d'être envoyé à Rochefort , afin d'y
être embarqué, lorsqu'il tomba
dangereusement malade ; et il
mourut captif de Jésus - Christ ,
dans le courant de 1798. De l'avis
des vicaires-généraux du diocèse
d'Annecy , administrateurs pen-
dant la vacance du siège épiscopal,
«le curé Desplantes n'a pas moins
de titres à la gloire du martyre
que ceux qui sont morts pour la
Foi, sous le fer de la guillotine».
Ce jugement est consigné dans
leurs Etrennes Religieuses aux
fidèles du diocèse de Genève,
pour l'année 1800, pag. 65.
( V. ci-devant, pag. 275. )
DESPOMERAY (IV...), prêtre
attaché au service d'une paroisse
de Paris, avoit refusé le serment
de la constitution civile du
clergé. Forcé par cela même de
s'éloigner de son église , il n'en
continuoit pas moins à pratiquer
ses devoirs sacerdotaux, et à rendre
aux catholiques tous les services
de son ministère. Signalé comme
réfractairc et fanatique , il fut
arrêté à la suite de la funeîl<;
journée du io août 1792. Apres
l'avoir fait passer quelques jours
582 DES
dans la prison provisoire de l'hôtel
de la Mairie, on le conduisit à
celle de YAb'baye{y . Septembre).
II fut écroué le i" septembre ;
et il trouva une grande consola-
tion dans la société des autres
prêtres qui étoient destinés au
même sort. Animé d'une sainte
émulation, il se disposa comme
eux au martyre [V . M. L. Royer).
L'abbé Despomeray fut massacré
dans la soirée du lendemain ,
2 septembre.
DESPRÉS (François-Claude),
■vicaire-général. ( V. F. G. Faire).
DESPRÈS (Nicolas - Louis) ,
curé de Soupin-et-Verrières, dans
le diocèse de Châlons-sur-Marne ,
étoit resté dans le département de
la Marne, malgré la haine que
les persécuteurs portoient à son
ministère. Il en attira les traits
sur sa personne, puisqu'il fut ar-
rêté en 179.3 ; et ce ne put être
que parce qu'il ne vouloit pas aban-
donner sa croyance et renoncer à
son sacerdoce. Le tribunal cri-
minel du département de la
Marne, devant lequel il compa-
rut le 21 floréal an II ( 10 mai
170/1), le condamna de suite a
être déporté à la Guiane, comme
« prêlre réfractaire ». On le fit
partir pour Rochefort , où il de-
voit être compris dans la déporta-
tion des prêtres insermentés. Il
fut embarqué sur le navire ie
Washington t et ne tarda pas à
succomber sous les maux qu'on y
endtirèit. Sa mort arriva le 17
DES
août 1794; et l'île d'Aix est le
lieu de sa sépulture. ( V . Des-
cranges, Minime, et A. Detibe.)
DESPRÉS (Gabriel), que
quelques listes imprimées disent
vicaire-général de Paris , et dont
cependant on ne voit point le nom
sur la liste des vicaires-généraux
de ce diocèse , dans la France
Ecclésiastique de 1789, est du
nombre des confesseurs de la Foi
qui périrent aux Carmes , le
2 septembre 1792. Nous avons
des raisons pour croire qu'il est
ce Després-là même qui, dans le
diocèse de Nevers, étoit vicaire-
général, second archidiacre, et
promoteur. Il avoit été saisi à
Paris comme prêtre insermenté ,
en même temps que le vénérable
Hébert ( V . ce nom), l'un des pre-
miers jours qui suivirent la fatale
journée du 10 août. Le comité ci-
vil, devant lequel on l'a voit amené,
ne parvint point à lui arracher le
coupable serment de la constitu-
tion civile du clergé ; et ce fut
parce qu'on ne put le faire varier
dans sa Foi, qu'ensuite on l'en-
ferma dans l'église des Carmes,
où , réuni avec trois prélats et
une multitude d'autres prêtres
non moins intrépides dans leur
croyance ( V . DuLAu),il fut mas-
sacré comme eux . pour la même
cause. ( V. Septembre.)
DESPRÈS (François), né en
1755, à Marsilly, dans le diocèse
de Rourges, étoit chanoine de la
collégiale de Dun-le-Roi. Calho-
DES
DET
583
liquement opposé aux erreurs de
la constitution civiledu clergé,
il s'attira la haine des novateurs;
et les persécuteurs athéistes de
1793 et 1794 ne l'auroient pas
épargné davantage, s'il ne se fut
dérobé à leurs fureurs. La feinte
modération du gouvernement, en
1796 et 1797, le séduisit. Il se
montra de nouveau prêtre zélé
pour la Foi, dans Bourges. S'étant,
pour ainsi dire , livré par là aux
persécuteurs qu'alloit mettre en
œuvre la loi de déportation pro-
duite par la crise politique du 18
fructidor (4 septembre 1797)» il
fut saisi peu de temps après , pour
être déporté à la Guiane ( V .
Guiane ). On le fit bientôt partir
pour Rochefort, où il fut embar-
qué , le i3 mars 1798, sur la
frégate la Charente ; puis , le
25 avril, sur la frégate la Décade ,
qui le jeta dans le port de Cayenne
vers le milieu de juin. Il se vit
aussitôt relégué dans le désert de
Synnamari, où il trouva un asile
chez le colon Duchêne. Les fléaux
homicides dont le climat abonde ,
vinrent l'y accabler; et il mourut
le 2 octobre 1798, à l'âge de 45
ans. ( V. G. . Desmazures , et F.
Doazan. )
DESRIT- DU-TEIL (Jean-
Baptisté), curé de Mazeyrat, pa-
roisse du diocèse de Limoges , sur
lequel il étoit né, en 1730, dans
celle d'Auzers , fut « un homme
vertueux et un très-bon pasteur » .
Il craignit moins d'être enlevé à
ses ouailles chéries que de les éga-
rer en adhérant au schisme cons-
titutionnel ; et il refusa le ser-
ment de la constitution civiledu
clergé. En vain les autorités du
département de la Creuse, dans
lequel se trouvoit comprise sa pa-
roisse, l'en expulsèrent; vaine-
ment les lois vinrent ensuite le
menacer des plus grandes peines ,
s'il ne sortoit pas de France : il
se tint toujours rapproché de
ses paroissiens. Mais, à la fin,
il leur fut totalement enlevé en
1 793 ; et , après quelques mois de
réclusion, il se vit traîné, vers le
commencement de 1794» à Ro-
chefort, pour être déporté sur
des rives sauvages {V. Rochefort) .
Embarqué sur le navire les Deux
Associés , il y souffrit beaucoup ,
et succomba sous le poids de ses
maux, le 25 juillet 1794* à l'âge
de 64 ans. Son corps fut enterré
dans l'île d'Jix. [V . P. De fer , et
J. Delahate.)
DES ROLANDS (Jean -Jac-
ques) , chanoine. ( V . J. Jis Ra-
uaud.)
DETIRE (Antoine) , prêtre, et
chanoine du second ordre de l'é-
glise collégiale de Vézelay, dans
le diocèse d'Autun, resta à Véze-
lay , où il étoit né. La persécution
que lui firent essuyer les autorités
du département de VYonne,
dans lequel cette ville étoit com-
prise , prouve assez que cet ec-
clésiastique ne pou voit être déta-
ché de la Foi catholique. Il fut
584 DET
arrêté, jeté d'abord dans les pri-
sons de Sens, et ensuite envoyé à
Rochefort , pour subir la peine
de la déportation maritime, ima-
ginée contre les prêtres non-as-
sermentés (V. Rociiefort ). On
l'embarqua, avec un grand nombre
d'entre eux, sur le navire te Wa-
shington jet il périt dans ce genre
de supplice, en octobre 1794 5
ayant alors 52 ans. Ses ossemens
reposent dans l'île Madame. ( V.
N. L. Després, et C. Didelot.)
DE TOUCHES (N...), prêtre
du diocèse du Puy, en Velay,
exerçant le saint ministère à Is-
sengeaux , n'ayant pas voulu
faire le serment schismatique , et
se trouvant par la persécution
obligé de sortir de France , lors
do la loi de déportation, voulut y
rester pour les besoins spirituels
des catholiques. 11 fut interrompu
dans les travaux de son zèle par
les persécuteurs, qui parvinrent
à le saisir vers la fin de 1793. Ils
le livrèrent au tribunal du dépar-
tement de la Haute-Loire , sié-
geant dans la ville du Puy ( V .
J. B. Abeillon); et ce tribu-
nal, au commencement de 1794»
le condamna à la peine de mort ,
comme « prêtre réfractaire » . Il
fut immolé dans les vingt-quatre
heures. Son picuxet savant évêque,
alors réfugié à Saint-Maurice , en
Valais, feu M. J. de Gallard de
ïerraube , n'hésitoit point à le
regarder comme Martyr, en fai-
sant part de sa mort aux prêtres
DEY
de son diocèse qui éloient comme
lui dans l'exil. On peut en voir la
preuve à l'article Ciiabbier.
DE TURUÉNIES (Pierre-
Jacques), prêtre. (V. P. Jis Tur-
MENIES. )
DE VÉRIN E (Jacques), curé.
( V. iV VÉRINE. )
DEVÈZE (Jean-Joseph), prêtre.
( V. J. J!l Ladevèze.)
DEYMOND (Louis), citoyen
de Nismes, avoit signé la célèbre
profession de Foi contenue dans
la requête des Nismois, du 20 avril ,
et leur déclaration du 1" juin sui-
vant ( V . Nismes). Le dimanche
i3 du même mois, veille du jour
fixé par les protestans, pour en
tirer vengeance , lorsque Dey-
mond revenoit de la campagne ,
à neuf heures du soir, il fut arrêté
dans une rue , par un groupe de
gens armés qui l'assaillirent et le
désarmèrent. Comme il s'en-
fuyoit , on lui donna un coup de
baïonnette dans les reins , un coup
de sabre sur la tête; et, en lui tirant
plusieurs coups de fusil, on lui
cassa le bras à quatre endroits
différons. Il fut laissé pour mort
sur la place. Cependant, quelques
instans après, i! se traîna chez lui
avec la plus grande peine. Mais on
apprit qu'il y étoit encore vivant ;
et, le mardi i5, vers les quatre
heures du soir, des religionnaires
vinrent l'en enlever, et l'empor-
tèrent à l'Esplanade, où , apt e? l'y
avoir promené dans cet état dou-
loureux, pour amuser leurs par-
D1D
tisans, on lui coupa les poignet»
et les pieds à coups de sabre. Ce
ne fut que lorsqu'on l'eut ainsi
mutilé , qu'on lui donna la mort.
{V . Al'zéby, et Dn.MAS.)
D'HAUZENNE (Joseph), cha-
noine. [V. Jh Hauzenne. )
DIDELOT (Nicolas-Antoine),
prêtre du diocèse de Saint-Diez ,
né dans la ville de Bruyères, en
Lorraine, l'an 1763, étoit en 1791
troisième vicaire de la paroisse de
Remiremont. Sa Foi, sa piété,
qui vont lui faire tenir la conduite
la plus héroïque dans la persécu-
tion , seront d'autant plus méri-
toires, que son père à qui il de-
voit l'éducation de ses premières
années, étoit un homme fort peu
religieux. Ce fut le Cîel qui se
chargea de le former aux vertus
chrétiennes; et sa vocation à l'état
ecclésiastique ne pouvoit être ve-
nue que du Ciel. Quand la muni-
cipalité de Remiremont se présenta
dans l'église paroissiale, le diman-
che 23 janvier 1 791 , pour deman-
der au vicaire Nicolas-Antoine Di-
delot, ainsi qu'a ses deux collègues
et à son curé , le serment de la
constitution civile du ctergo,
le curé et les deux autres vicaires
le refusèrent, sans que les révo-
lutionnaires qui étoient présens
en manifestassent trop de colère ,
espérant que Didclot, qui étoit le
plus jeune, ne résisteroit pas à
leurs désirs. Mais, dès son début,
il leur parut vouloir imiter son
curé; et tout à coup ils éclatèrent
DID 585
en cris de fureur qui l'effrayèrent
à tel point, que, pensant qu'on
alloit le tuer, il s'enfuit dans la
sacristie. Remis un peu de sa
frayeur, il revint avec l'intention
de paroitre céder, sans manquer
néanmoins à la Foi ; et après
avoir dit qu'il vouloit lui demeurer
fidèle, il ajouta : « Je jure de
maintenir de tout mon pouvoir la
constitution décrétée par l'Assem-
blée Nationale, et sanctionnée par
le roi » . Les officiers municipaux
et les autres révolutionnaires pré-
sens crurent qu'il avoit complète-
ment satisfait à la loi , et que cela
suflîsoit. Le peuple en resta per-
suadé ; et les fidèles qui connois-
soient la vertu de cet ecclésiastique,
en étoient profondément scanda-
lisés. Il avoit donc manqué le but
qu'il s'étoit proposé par son strata-
gème : des remords très-vifs assail-
lirent sa conscience ; et, impatient
de réparer le scandale qu'il avoit
donné, précisément en voulant l'é-
viter, il monta en chaire le diman-
che suivant, 3o janvier, et déclara
qu'il n'avoit point eu l'intention de
faire le serment dans le sens qu'on
l'entcndoit, et que sa conscience
ne le lui permettroit jamais, parce
que ce serment étoit en opposition
avec la Foi. Il requit ensuite les
officiers municipaux de venir dans
l'église , le dimanche G février, re-
cevoir sa déclaration : ils s'y ren-
dirent, et Didelot dit en leur pré-
sence qu'il avoit juré la constitu-
tion, quant aux effets civils seule-
586 PID
ment, mais qu'il ndhéroit solen-
nellement à l'Exposition des
principes, publiée parlesévêques
de l'Assemblée Nationale. Dès lors
en butte à la persécution, Didelot
ne pouvoit plus, sans courir évi-
demmentlerisquede perdre la vie,
se soustraire à la loi de déporta-
tion , rendue le 26 août 1 792. Vou-
lant néanmoins rester dans la pa-
roisse pour les besoins des catholi-
ques , il obtint un asile secret dans
la maison d'une cbanoinesse du
chapitre de Remiremont, quiétoit
absente; et il s'y retira avec un
curé sexagénaire {V. Rivât). Ils y
étoient gardés, plutôt que servis ,
par deux pieuses filles de la domes-
ticité de cette chanoinesse {V ■ A.
Fi Petit-Jean, et J. M. Durtjpt).
Là , pendant la nuit , des fidèles de
l'un et l'autre sexe venoient par-
ticiper aux sacremens de l'Eglise ;
et la prudence fut si bien observée ,
qu'ils purent encore y faire leur
communion pascale en 1794- Mais
une mère de famille, qui s'y rendoit
depuis dix-huit à vingt mois, se
laissa surprendre son secret par
l'hypocrisie d'un indigne fils, très-
ardent pour les impiétés révolu-
tionnaires. La retraite de Dide-
lot étant dénoncée par ce jeune
homme , on vint y arrêter notre
vicaire avec son confrère et les
deux servantes, le 3 juin 17941
et tous quatre furent jetés en d'hor-
ribles cachots. La maison fut vi-
sitée rigoureusement : on y prit
non seulement des calices , niais
Dît)
encore un petit ciboire qui conte-
noit des hosties consacrées. Les
municipaux de Remiremont, à qui
les gens de leur police les apportè-
rent, alloient s'en servir pour ca-
cheter des lettres, lorsqu'un catho-
lique pieusement industrieux se fit
céder le ciboire avec les hosties,
moyennant un présent du goût des
profanateurs. Elles furent ainsi
soustraites à des profanations ulté-
rieures. Le 4 juin , des gendarmes
venant mettre les fers aux mains
de Didelot, ainsi que de son con-
frère , et enchaîner en même temps
les deux femmes , conduisirent
sur une méchante charrette ces
quatre victimes à Mirecourt , où
siégeoit le tribunal criminel du
département des Vosges. Dès le 6,
les juges , couverts de bonnets
rouges, firent comparoître devant
eux ces quatre personnes. Didelot,
qui fut amené le premier, leur dit
avec une fermeté vraiment sacer-
dotale, que, dans les actes qu'on lui
reprochoit, il n'avoit fait que son
devoir ; qu'il n'en devoit compte
qu'à Dieu seul; et qu'il étoit prêtre
catholique-romain. La procédure
dura trois jours : Didelot et ses
compagnons les employèrent à se
préparer à la mort. 11 s'occupa
même encore des fidèles qui lui
avoient donné la direction de leur
conscience. Le 10 au matin, on
vint l'avertir que ce jour-là il se-
roit jugé avec les trois autres per-
sonnes. Ne doutant pas qu'il ne
fût condamné à la peine de mort,
DID
il en tressaillit d'allégresse, et alla
bien vite porter cette nouvelle aux
trois autres, non moins bien dis-
posés à mourir pour J.-C. Vers
trois heures de l'après-midi , un
des juges se présenta pour lire
la sentence par laquelle ils étoient
condamnés tous les quatre au der-
nier supplice, comme « convain-
cus d'avoir caché des ornemens
d'église , des vases sacrés , des
cierges , des hosties et autres signes
de superstition; d'avoir été por-
teurs de plusieurs imprimés pro-
pres à répandre le poison du fana-
tisme; d'avoir (Didelot et Rivât)
exercé clandestinement les fonc-
tions de prêtre pendant les années
1 795 et îjg'i; de n'avoir cessé de
tromper un grand nombre d'es-
prits foibles , en leur inspirant des
' principes de contre-révolution, au
1 nom d'une religion dont ils fai-
soient l'instrument de leurs pro-
jets criminels; de n'avoir cessé
non plus d'être revêtus du costume
de prêtre ». Les deux servantes
furent condamnées particulière-
ment, comme « recélcuses de prê-
tres réfractaires ». Cette sentence
est du 22 prairial an II (10 juin
1704)- Quand la lecture en fut
achevée, les quatre victimes di-
rent : « Nous mourons tous iriho-
cens, et avec la plus grande joie :
c'est pour Dieu que nous sacri-
fions notre vie ; c'est pour sa reli-
gion sainte que nous combattrons
jusqu'au dernier soupir ». Mlles
, se mirent ensuite à réciter les
DID 5»7
prières des agonisans; après quoi
Didelot écrivit aux fidèles de Re-
miremont une lettre datée expres-
sément du jour de sa mort, et
dans laquelle il leur disoit : « Nous
attendions le moment de notre
sentence avec une grande tran-
quillité ; et j'ose dire même avec
des sentimens intérieurs de joie.
Qu'il est grand le moment où nour
avons le bonheur de verser notre
sang pour avoir rendu témoi-
gnage à la vérité de la religion !
Avant de terminer cette vie de
misères, nous vous faisons nos
derniers adieux. Goûtez notre bon-
heur, et soyez persuadés que, si
j'ai quelque accès auprès de mon
Dieu , comme j'en ai la juste con-
fiance, vous n'y serez pas ou-
bliés— Nous pardonnons du plus
profond de nos cœurs aux per-
sonnes qui nous ont livrés. Notre
sacrifice ne sera pas bien géné-
reux ; car nous n'avons pas res-
senti la moindre répugnance de
la nature ». Il écrivit aussi à sa
famille une lettre d'adieux qui res-
piroit le même désir de se réunir
à J.-C. Vers six heures du soir,
l'exécuteur vint couper les cheveux
aux quatre victimes; elles furent
conduites à l'échafaud, les mains
liées par derrière, et le cou dé-
côûvert. Leur physionomie étoit
calme; et les regards baissés, ils
alloientàu supplice en récitant des
prières avec une dévotion angé-
lique. Didelot avoit demandé
comme nue faveur, de mourir le
588 D1D
dernier, voulant soutenir le cou-
rage des trois autres [V. J. P. De-
foris). Des cannibales assistèrent
à celle quadruple exécution, en
buvant et criant, à la chute de
chaque tête : « Vive la République !
vive la Convention ». Ainsi périt
Didelot, à l'âge de 3i ans. L'habit
ecclésiastique, avec lequel il a voit
voulu mourir, fut demandé par
des catholiques qui se le partagè-
rent comme une précieuse relique.
Ils accoururent même invoquer
ces quatre Martyrs à l'endroit du
cimetière de Mirecourt, où les
avoit t'ait inhumer un oncle de
Didelot, religieux Capucin de cette
ville. ( V. J. I Lesscs.)
DIDELOT (Claude), autre-
ment dit le Père Damas , prêtre
religieux de l'ordre des Capucins ,
dans leur maison de Commercy,
en Lorraine, diocèse de ïoul,
ne quitta point cette province
après la suppression des ordres
monastiques. Né vers 1724» il
avoit dû acquérir en 1 79 1 une lon-
gue habitude des vertus de sa pro-
fession. Il résista , avec toute la
fermeté d'une Foi invincible, aux
principes du schisme constitu-
tionnel. Mais les terribles événe-
mens d'août et de septembre 1 793
troublèrent la droiture de son
âme ; et dans sa frayeur il prêta le
serment de liberté-égalité , pres-
crit en ces temps affreux. Il n'en fut
pas moins arrêté en 1 793 , et jeté
dans une maison de réclusion , à
Verdun. Bientôt ensuite, malgré
DID
ses soixante-dix ans qui com-
mandoient tant de respect et d'é-
gards , il fut traîné au travers de
toute la France jusqu'à Roche-
fort , pour en être déporté au-delà
des mers ( V. Rochefort). On
l'embarqua sur le navire tes Deux
Associés; et environné de tant
de généreux confesseurs de J.-C.
qui ne s'étoient pas même laissés
aller au serment qu'il avoit prêté,
il voulut partager toute leur gloire
comme il partageoit leurs souf-
frances, et rétracta ce serment.
Accablé sous le poids de ses maux,
que son grand âge ne pouvoit
soutenir, il mourut le 5o août
1 794» âgé de 70 ans ; son corps fut
inhumé dans l'île à'Aix. {V. A.
Detire, et Jh Diec-Donné. )
DIDIER (Jean-Fkançois) , prê
tre du diocèse de Grenoble , cha-
noine de la cathédrale ou de la
chapelle Delphinale de Saint-An-
dré ; et condamné à Paris par le
tribunal révolutionnaire à la
peine de mort, le 21 messidor
an II ( 9 juillet 1 794) , y avoit été
amené depuis que ce tribunal se
trouvoit seul juge de tous les délits
vrais ou supposés de contre-révo-
lution, dans toute l'étendue de la
république. Sa qualité de prêtre , et
de prêtre non-assermenté, l'avoit
seule fait arrêter dans son départe-
ment, où l'on n'avoit pu le con-
damner de ce qu'il n'avoit pas obéi
à la loi de déportation, puisqu'il
avoit 65 ans. Pour le faire périr à
Paris, les persécuteurs imaginé-
DIE
rent de l'impliquer dans une cons-
piration supposée des prisonniers
du Luxembourg où il étoit en-
fermé ; et il fut conduit à l'écha-
l'aud avec les vénérables Fénélon,
et dom Nonau. ( V. ces noms. )
DIEU-DONNÉ (IV...), vicaire
à Brouville, dans le diocèse de
Toul, avoit obéi à la loi de la dé-
portation , en 1792. Il étoit ré-
fugié dans les Etats de l'Autriche,
lorsqu'une peste mortelle se dé-
clara, en 1799, parmi les soldats
fiançais qui , prisonniers de cette
puissance, avoient été relégués en
Hongrie. Sur l'invitation de M6rde
La Fare , évêque de Nanti , qui
se trouvoit à Vienne , en Autriche ,
le prêtre Dieu-Donné, avec plu-
sieurs au très de la Lorraine , vola au
secours des pestiférés , et y périt
de la contagion même, à laquelle
il auroit voulu faire échapper les
prisonniers français. Les théolo-
giens sont d'accord pour consi-
dérer comme Martyrs les confes-
seurs de la Foi, qui ont péri en admi-
nistrant les secours de la religion
aux pestiférés. Le prêtre Dieu-
Donné ne fut pas le seul qui mou-
rut de cette manière , en remplis-
sant ce charitable et généreux mi-
nistère. ( V. El" de Castellane ,
Briolet, Fontaine, et Fresnes.)
DIEU-DONNÉ (Joseph), prêtre
et religieux Cordelier, à Etaing,
dans le diocèse de Verdun, né à
Brey, dans celui de Metz, résista
en bon ministre de l'Eglise catho-
lique à la proposition de faire le
DIL 589
serment de la constitution civile
du clergé. Il resta néanmoins en
France, et dans la même province
devenue le département de la
Meuse. La frayeur, causée par
les' événemens de la fin de 1792,
l'entraîna à faire le serment de
liberté- égalité , prescrit à cette
époque ; mais il n'en fut pas mieux
à l'abri des persécutions toujours
croissantes. On l'arrêta dans le
courant de iJ93; et bientôt on le
fit traîner à Bochefort pour être
déporté en des contrées sauvages
{V. Bochefort). Il fut embarqué
sur le navire le Washington, où,
pour se rendre digne de ses con-
frères de déportation , dont il par-
tageoit les souffrances, et qui n'a-
voient pas plus à se reprocher ce
serment & égalité -liberté que le
précédent, il le rétracta. Les maux
qu'il éprouvoit comme eux, le
firent succomber à son tour. Il
mourut dans la nuit du 28 au 29
janvier 1 795 , à l'âge de 70 ans , et
fut enterré près du fort Vaseux,
sur les rives de la Charente. ( V. C.
V. DlDELOT, et J. J. DlNCAMPS.)
DILLY (Pierp.e) , prêtre du dio-
cèse de Vannes , y exerçant le
saint ministère, vivoit retiré dans
un petit domaine de sa propriété ,
a Bubry, près d'IIennchon. Quoi-
qu'il ffit insermenté, il espéroit
dans cette retraite éviter les maux
dont le menaçoit la loi du 2(5 août
1792, par laquelle avoient dé
chassés de France tous les prêtres
qui n'avoient point fait le serment
5go DIN
de 1791. 11 fut arrêté vers la fin
de 1795, et traduit devant le tri-
bunal criminel du département du
Morbihan , siégeant à Vannes.
Les juges le condamnèrent le 28
nivose an II ( 17 janvier), à la peine
de mort, comme « prêtre réfrac-
taire » ; et il la subit le même jour.
DINCAMPS ( Jean- Joseph ) ,
prêtre et religieux, Hospitalier de
la maison de Sepl-Fonds, réforme
de Citeaux , dans le diocèse d'Au-
tun, en Bourbonnais, né à Cou-
serans, et connu sous le nom de
Père Macaire, resta dans la con-
trée de Sept-Fonds, après la sup-
pression des ordres monastiques.
Cette contrée faisoit alors partie
du département de Y Allier. Les
exemples de fidélité à l'Eglise ca-
tholique, que le Père Macaire y
donna, irritèrent les autorités qui
gouvernoient le pays. Ce religieux
vénérable fut arrêté par leurs or-
dres, en 1795. Comme il étoit
plus que sexagénaire , elles se bor-
nèrent d'abord à le tenir en réclu-
sion ; mais bientôt elles voulurent
se débarrasser de l'importunité de
ses vertus religieuses. Il fut traîné
à Rochefort pour en être déporté
à la Guiane. ( V. Rochefort ).
On l'embarqua sur le navire les
Deux Associés. 11 ne tarda guère
à succomber dans les souffrances
de l'entrepont de ce bâtiment. Le
P. Macaire mourut le i9juin 1794,
à l'âge de 67 ans, et fut enterré
dans l'île d'Aix. {F. Jb Dieu-
Donné, et J. P. Diville, )
DIV
DIVILLE (Jean-Pierre), prêtre
de la cathédrale de Rouen, où il
a voit la charge de sacriste, ayant
sa famille dans cette ville , continua
de l'habiter après la dispersion
du chapitre, en 1791. Mais il
n'en fréquenta plus l'église, usur-
pée successivement par les é vêques
schismatiques , Charrier et Gra-
tien, parce qu'il ne vouloit point
se rendre coupable du serment de
la constitution civile du clergé,
malgré les spécieuses apologies
qu'en firent ces intrus, soutenus
d'une réputation ecclésiastique
imposante. Ils y ajoutoient des
sophismes hardis et presque me-
naçans, pour justifier l'expulsion
du véritable archevêque, le véné-
rable cardinal de La Rochefou-
cauld, et prouver la légitimité de
leur installation à sa place (1).
(1) Pour bien apprécier le mérite
des prêtres de ce diocèse qui restèrent
fidèles à l'Eglise catholique, dans ces
circonstances, il faut savoir que le
premier de ces intrus , dans un ou-
vrage intitulé : Questions sur les
Affaires présentes de l'Eglise de
F ronce , avec des Réponses propres à
tranquilliser les consciences (Paris ,
chez Leclère , 1791 ) , se proposant la
demande qu'on va lire, y avoit fait
les réponses suivantes : — « D. Un
évôque destitué de son poste par le
décret qui prononce l'incompatibilité
de sa place avec la non -prestation du
serment , est-il légitimement desti-
tué? — R. Oui » ( pag. 4 ) ; et la con-
clusion étoit (pag. 7 ) • "Si donc un
évOquc, et j'en dis autant d'un curé,
s'obstine à rester dans son poste, il-
DOA
Le prêtre Diville , néanmoins ,
constamment fidèle à l'Eglise ca-
tholique, fut arrêté en 1790 par
les administrateurs du départe-
ment de la Seine-Inférieure , et
bientôt envoyé par eux à Roche-
fort, pour être déporté au-delà
des mers (f. Rochefort). On
l'embarqua sur le navire les Deux
Associés. Son martyre fut long :
il n'expira que le 7 septembre
1794, à l'âge de 58 ans; et son
corps fut inhumé dans l'île Ma-
dame. {V. J. J. Dincamps, et P.
F. Doré. )
DOAZAN (François), prêtre
du diocèse de Poitiers, né à Poi-
tiers même, en 174^ étoil curé
de Landron, dans le même dio-
cèse. 11 put, quoique non-asser-
menté , se soustraire aux recher-
ches des terribles agens de la ré-
résisle à la loi constitutionnelle de
l'Etat ; il viole par cela mûme la loi de
l'Eglise; et dès lors il devient cou-
pable devant Dieu et devant les
hommes, indigne de son ministère,
responsable des suites funestes de sa
résistance, et déchu de tous les avan-
tages du titre qu'il réclame On
pourroit lui faire son procès , et le
poursuivre comme perturbateur du
repos public ». — Quant au second
intrus qui sortoit de la congrégation
de Saint-Lazare, et avoit été supé-
rieur du séminaire de Chartres, il
avoit coutume de dire avec une feinte
admiration en parlant de la constitu-
tion civile du clergé : « Elle est si
belle, que nous n'en étions pas dignes,
ni assez parfaits pour la recevoir » ; il
fil pour sa détende, 1'. Exposition de
DOA 591
volution, qui firent périr tant de
prêtres de sa province en 1793
et 1794» Il y reparut avec quel-
que confiance pour exercer son
ministère en 1796; mais la fer-
meté de ses principes, et la per-
sévérance de son zèle, faisoient
désirer aux ennemis de la religion
une occasion pour se débarrasser
de lui. Elle se présenta dans l'exé-
cution de la loi du 19 fructidor (5
septembre 1797). Ils l'arrêtèrent,
et le firent conduire à Rochefort
pour en être déporté sur des plages
lointaines {V. Guiane). Embarqué
sur la frégate la Charente, le 12
mars 1 798 , puis sur la frégate ia
Décade,le 20 avril, il arriva dans le
port de Cayenne vers le milieu de
juin. De là, il fut presque aussitôt
relégué dans le désert brûlant de
Synnamari. Un colon lui fit trou-
mes sentimens sur les vérités aux-
quelles on prétend que la constitution
civile du clergé donne atteinte , et Re-
cueil d'autorités et de réflexions qui
la favorisent ; 2°. Lettre pastorale j
3°. Contraste de la Réformation d'An-
gleterre par Henri VIII , et de la
Réformation gallicane par l'Assemblée
Nationale : ouvrages solidement réfu-
tés par M. Laurent, curé de Frétigny,
au diocèse de Chartres , et par M.
François, de la congrégation de Saint-
Lazare , massacré au séminaire de
Saint- Fin/lin, le 2 septembre 1792.
On peut voir aux pages 58, ^5 , 70' de
la préface des Mémoires cités ci-de-
vanl , tom. Ier, pag. i5, ce qui en a été
déposé à Rome en 1 ^y4 > par le supé-
rieur-général de la congrégation de
Saint-Lazare, M. Cayla-de-La-Garde.
592 DOB
ver un asile, où il pouvoit échap-
per du moins à quelques uns des
maux innombrables de cette terre
dévorante ; mais il n'y pouvoit
éviter également tous les autres.
Une fièvre putride, effet du cli-
mat, vint l'assaillir; et il en mou-
rut le 14 février 1799, à l'âge de
55 ans. (V. F. Desprès, et J. Do-
rival. )
DOB Y (Pierre- François),
prêtre du diocèse de Cambrai ,
chanoine de la collégiale de Wa-
lincourt,, près Cambrai, avoit
mérité par l'opposition de sa Foi à
la constitution civile du clergé,
d'être compris dans le nombre des
insermentés , que la loi du 26 août
1792 chassa de France. Il en sor-
tit ; mais , après que Roberspierre
eut été renversé , le chanoine Doby
trompé par l'opinion que répan-
doient les Thermidoriens , en
imputant à lui seul les crimes dont
eux-mêmes étoient aussi cou-
pables, crut la persécution finie,
et se mit en route pour revenir
dans sa patrie. Il fut arrêté en
Belgique, près de nos frontières,
et livré de suite à une commission
militaire, établie à Bruxelles.
Cette commission le condamna
sans délai à la peine de mort ,
comme « émigré - rentré » ; et,
le lendemain, on le fusilla. La
sentence fut rendue le 27 plu-
viôse an III (>5 février 179!}),
c'est-à-dire plus de six mois et
demi après le fameux neuf ther-
midor.
DON
DOET ( Marccerite), demoi-
selle. [V. M,e BoiRor.)
DOGUEREAU (Pierre-
Raoul), curé de la ville de
Saint- Aignan , dans le diocèse
de Bourges , étoit encore près
de ses paroissiens après la loi
de déportation , rendue contre
les prêtres insermentés. Quand
l'armée catholique et royale de
la Vendée s'avança sur le Mans,
vers la fin de 179^ , et qu'elle
y éprouva une cruelle déroute
( V. Vendée), ce triomphe
des soldats de la révolution en-
hardit au dernier point leur rage
et celle de leurs chefs. Dans les
recherches actives qu'ils firent de
toutes parts , ils atteignirent le
curé Doguereau , et le traînèrent
à Angers pour être jugé par la
commission militaire qu'ils ve-
noient d'y établir. Ce curé, com-
paraissant devant elle, le 11 ni-
vôse an II (3i décembre 1790),
fut accablé de l'accusation vague
que, dans sa fureur, elle portoit
contre toutes ses victimes : elle
le condamna à la peine de mort ,
en le qualifiant de « brigand de
la Vendée » . ( V. F. L. Chevalier,
et P. Hermenot.)
DOMINIQUE (Le Frère),
Chartreux. [V . L. P. J. B. Vi-
vien.)
DOMINIQUE [Sœur de S.) ,
religieuse. [V. 3° L' Barrez.)
DONADIEU (iV...), l'un des
trois prêtres séculiers qui diri-
geoicnt le petit séminaire de Mar-
î)ON
veille (i) , avoit depuis environ
trente ans , consacré les efforts de
son zèle à cette ville qu'il édilioit
par, ses vertus, en même temps
qu'il y ramenoit les âmes a Dieu ,
soit eu chaire , soit dans le tribunal
de la pénitence. Les persécutions
qui s'excitèrent contre lui , dès
1790 , parce qu'il prémunissoit
les lévites du Seigneur contre les
pièges du serment de la consti-
tution civile du clergé, déjà
décrétée, et parce que lui-même
donnoit l'exemple de le refuser, le
décidèrent à passer en Italie. Il se
rendit à Rome ; et le cardinal , vi-
caire du Pape, le chargea de la di-
rection spirituelle des religieuses
françaises qui déjà s'étoient réfu-
giées dans cette capitale du monde
chrétien. Il y exerça son ministère
avec beaucoup d'édification et de
fruit jusqu'au printemps de 1797»
où il crut que la Providence le rap-
peloit dans sa patrie. Depuis que
Roberspierre avoit été renversé ,
le 27 juillet 1794? l'opinion s'é-
toit introduite à Rome comme
ailleurs , que la persécution avoit
cessé en France : Donadieu qui,
soit à cause de son grand âge, soit
à raison d'une congrégation du
Sacré-Cœur-de-Jésus, formée à
Marseille , et dont il fut l'un des
(1) Il s'étoil appelé le Bon Pasteur ,
jusqu'à l'époque où , consacrant, la nou-
velle église , l'immortel évôque de Bel-
zunce la dédia au Sacré-Cœur-de-Jésus
pour obtempérer aux vœux de quelques
personnes pendant la peste de 1 720.
2.
DON 5g5
chefs , étoit appelé le Père Do-
nadieu, se refusa d'autant moins
à une illusion si consolante , que
des personnes pieuses de cette
ville, séduites aussi par la même
erreur, lui écrivoient pour l'en-
gager à y revenir. Beaucoup de
prêtres d'Aix et de Marseille, éga-
lement réfugiés à Rome, rece-
vant de semblables invitations, et
ressentant la même ardeur pour le
salut des âmes, résolurent d'ac-
compagner ce vertueux ecclésias-
tique. Cependant le Pape Pie VI,
informé de leur projet, ne par-
tageoit pas entièrement la con-
fiance de ces nouveaux mission-
naires. Sa Sainteté adressa pater-
nellementauxévèquesde ses Etats
une circulaire par laquelle , en
donnant des éloges au zèle des
prêtres exilés qui vouloient ren-
trer en France, elle les exhortoit à
ne pas le leur permettre légère-
ment, et mettoit sous leurs yeux
les dangers auxquels ils alloient
s'exposer pour un travail peut-
être encore trop incertain. Le
P. Donadieu et ses compagnons
n'en étoient point déconcertés ;
et quand le Pape les vit bien dé-
terminés à sacrifier leur vie au
salut des âmes et au rétablisse-
rrrent de la religion, il souscrivit
à leur courageux dessein , et
leur accorda la consolation d'une
audience particulière pour rece-
voir avant leur départ sa bé-
nédiction pontificale. Ce fut un
spectacle fort touchant que cette
38
5g4 DON
généreuse cohorte de confesseurs
de la Foi , aux pieds du Saint-
l'ère, ayant à leur tête le véné-
rable Donadieu qui lui exprimoit
leurs vœux avec leurs sentimens;
et Pie VI, plein d'une affectueuse
sensibilité , leur témoignant ses
inquiétudes sur leur sort, les en-
gageant à revenir près de lui au
inoindre péril. Ils partirent : le
P. Donadieu étoit dépositaire de
grâces particulières du Souverain
Pontife, pour ceux quircleveroient
les signes de la rédemption que les
impies avoient abattus partout en
France. Arrivé a Marseille , il s'y
livra aux fonctions de son minis-
tère avec toute l'activité de la jeu-
nesse , faisant ici des catéchis-
mes, ailleurs des instructions plus
relevées, administrant les sacre-
niens, et ranimant partout la fer-
veur de la piété. La persécution
jeta tout à coup son masque hy-
pocrite dans la crise politique du
18 fructidor (4 septembre 1797) ?
et surprit le P. Donadieu publi-
quement engagé dans ces saints
exercices. Il fut arrêté avec plu-
sieurs des prêtres qui étoient re-
venus de Rome avec lui. Après
l'avoir laissé quelques jours dans
la prison d'un bureau central
de police , on l'enferma dans le
fort Saint-Jean, où il se trouva
avec neuf d'entre eux et beau-
coup de laïcs , emprisonnés aussi
pour la cause de la religion. Les
beaux jours de la primitive Eglise
avoient refleuri dans Marseille. Il
DON
s'y étoit formé une société de de-
moiselles, aussi recommandables
par leur naissance que par leur
piété, sous le nom de Filles de la
Croix. Leurprincipale occupation
étoit de porter dans les hôpitaux,
et ensuite dans les prisons, sous
l'humble costume de sœurs Hos-
pitalières qu'elles avoient adopté,
les secours de la charité et les con-
solations de la Foi. Comme , dans
ces lieux de souffrances, ainsi que
dans les oratoires secrets des ca-
tholiques, revivoit avec toute sa
pureté la ferveur des beaux siècles
du christianisme ; et , comme d'au-
tre part, la rigueur de la persécu-
tion avoit autorisé le retour à celles-
là mêmes de leurs saintes pra-
tiques dont une discipline posté-
rieure avoit aboli l'usage en des
temps ordinaires, les fidèles et les
prêtres se conformoient a ce que
saint Cyprien écrivit aux Thiba-
ri tains dans des circonstances sem-
blables , et peut-être moins fâ-
cheuses. «Puisque vous êtes, leur
disoit-il, à la veille d'un combat
plus terrible que les précédens,
vous devez vous y présenter
comme de dignes athlètes de J.-C,
avec une valeur aussi grande que
votre Foi est incorruptible ; et
vous savez que le calice du sang
de Jésus-Christ vous donnera la
force de répandre le vôtre pour
lui (1) ». Mais, en même temps,
(1) Gravior hUhcetJèrodàrpitgn^
imminet, ad tfukm fuie iricorruplâ et
DON
ils savoient que saint Cyprien
avoit recommandé à ceux de ses
prêtres et de ses diacres qui
étoient libres encore, de ne pas
s'exposer à tout perdre, en allant
eux - mêmes sans une extrême
réserve porter la s^ainte Eucha-
ristie aux prisonniers (1) ; et voilà
pourquoi, dans Marseille, cette
auguste commission fut confiée
aux pieuses Filles de la Croix.
Les catholiques avoient pour eux
l'exemple de ce prêtre dont parle
S. Denis d'Alexandrie dans son
épître à Fabius , lorsqu'il raconte
avec édification que S. Sérapion
étant à l'agonie , et lui ayant
envoyé un enfant pour le prier de
lui apporter le saint Viatique, ce-
lui-ci ne pouvant y aller parce
qu'il étoit malade, confia le pain
des forts au jeune messager, en
le chargeant de le porter lui -
virlutt robusiâ parare se debent mili-
tes Christi, considérantes ideired se
qUOtidiè calicem sanguinis Christi bi-
bere , ut possint et ipsi propter Chris-
tian sanguinem fundere. ( S. Cypr.
ad Thibarit. Epist. LVI, dans 1 edit.
de Baluzc. )
(i) Nam etsi fr aires pro dileclione
sud cupidi sunt ad conveniendum et
visîtandum conf'essores bonos , quns //-
lustravit jam gloriosis initiés divina
dignatio , tamen caute hoc , et non. glo-
ineralirn , nec per multiludineni sinutl
junctain pulo esse faciendum , ne ex
hoc ipso invidia concitelur , et in-
troeundi aditus denegetur, et dùm insa-
liabiles lotiim volumus , totum perda-
mus. ( S. Cypr. ad Presbyteros et
D.'aconos. Epist. IV, «dit. de Bahue.)
DON 5fv".
même au vénérable ermite (1).
Néanmoins quelques consciences
méticuleuses de Marseille, conce-
vant des scrupules sur cette pra-
tique dans laquelle on croyoit voir
quelque chose de téméraire et
d'indiscret, le Pape Pie VI fut con-
sul té ; mais, trop édifié de cè qu'elle
étoit remise en usage alors par
l'entremise des ferventes vierges
de la Croix, il l'autorisa formel-
lement en faisant l'éloge, et de la
candeur de leurs vertus , et de la
vivacité de leur Foi, les comparant
à sainte Claire d'Assise , qui , pour
soustraire l'auguste Sacrementaux
infidèles par lesquels sa religieuse
clôture alloit être envahie, le prit
elle-même, et s'en fit une dé-
fense miraculeuse contre leur au-
dacieuse entreprise. Le père Do-
nadieu, qui leur avoit fait con-
noitre que le secours dont il avoit
le plus urgent besoin étoit celui
du pain des Anges, leur éçri voit :
« Tirez au sort pour savoir qui
de vous me l'apportera ; niais au-
paravant, implorez les lumières
de l'Esprit Saint » . Elles obéirent ;
le choix tomba sur M"6 Camille
de Glandcvès , qui, avant de rem-
plir ce ministère des diacres de I.'
primitive Eglise, se confessa, passa
une partie de la nuit en prières ,
et communia d'abord elle-même.
Le prêtre de qui elle vendit de rece-
voir la célestenourritui c , lui passa
(i) Eufeéb. : Hùtt. Ëcclés. L. VI, m
Epist. S. Dion. Alex, ad Fabium.
596 DON
respectueusement au cou un cor-
don auquel étoit suspendue une
bourse de drap d'or, contenant
une boîte d'or à double fond, qui
renfermoit six parcelles de la
sainte Eucharistie, attendu que
le P. Donadieu en avoit demandé
une pour chacun des six jours de
la semaine. Il lui en fut ensuite
porté plusieurs autres à diverses
reprises : la pieuse vierge qui rem-
plit cette commission , la veille de
la Purification de la sainte
Vierge, le 1" février 1798, fut
M"' Lazarine du Demaine ; et elle
apportoit une plus grande quan-
tité d'hosties consacrées. En la
voyant entrer, les prêtres infor-
més de l'adorable dépôt dont
elle étoit chargée, se prosternè-
rent. Le P. Donadieu, prenant la
Mute, en donna la bénédiction à
celle qui la lui remettoit, et la
congédia. Il avoit , de concert
avec ses confrères , excité dans la
prison une telle Foi et une telle
piété , que les laïcs comme les
prêtres passèrent la nuit en ado-
ration devant le Saint-Sacrement ;
et , après s'être confessés , ils com-
munièrent tous, le jour de la Pu-
rification. Deux jours après, le
P. Donadieu fut conduit devant la
commission militaire, de qui son
sort dépendoit. Non seulement ses
paï ens , maig encore tout ce qu'il
y avoit de gens honnêtes dans la
ville , cherchoient à le sauver. On y
srroit parvenu en disant qu'il n:a-
voit pas émigré, si lui-même eQt
DON
consenti à le laisser croire. On
n'exigeoit même de lui que son
silence sur ce point; mais ce si-
lence auroit été un mensonge im-
plicite, ou la confirmation indi-
directe d'un mensonge formel : et
le P. Donadieu, incapable de dé-
guiser en aucune manière la vé-
rité , refusa de se prêter à cet ex-
pédient. Interrogé devant la com-
mission militaire , il répondit
avec toute la candeur d'une cons-
cience pure (1). On le renvoya
dans sa prison ; et la commission ,
procédant à son jugement d'après
ses réponses , prononça qu'il seroit
fusillé, comme «émigré-rentré».
Il eut avis de cette sentence avant
que le greffier de la commission
vint la lui notifier; et, lorsqu'il
en reçut la notification, le jour
même où elle devoit être exécutée ,
il s'étoit encore nourri dès le matin
du pain eucharistique, et en avoit
fait part à deux prêtres qui de-
(1) Ce trait du P. Donadieu fit
dans Marseille une impression si vive
et si profonde, que, maintenant en-
core, parmi les vrais chrétiens, dans
ces situations difficiles où quelque
dissimulation pourroit tirer d'embar-
ras , le souvenir toujours présent de
l'exemple de ce saint prûtre la fait
;iussitdt repousser avec une généreuse
franchise. Nous ne paraîtrons pas trop
minutieux, en ajoutant que les mères
Marseillaises , quand elles voient leurs
enfans tentés de mentir, sont dans
l'usage, pour les en empêcher, de pro-
noncer par exclamation le nom seul
du P. Donadinu,
DON
voient périr avec lui (V. Batt-
din, et A. Emeric). Quand il par-
tit avec eux pour le lieu du sup-
plice, on eût dit, à voir la dignité
de sa démarche, ce que l'histo-
rien de la passion des saints Mar-
tyrs Montan, Lucius, l\lavien, a
raconté de l'un d'eux en pareille
circonstance. « Toute sa conte-
nance attcstoit qu'il alloit par-
tager effectivement la royauté de
J.-C. , avec qui déjà il régnoit par
la pensée et les sentimens (1)».
Le P. Donadieu étoit suivi par
une des ferventes Filles de la
Croix, MUc Mélanie Gouverne,
qui imploroithautement le secours
de ses prières. Elle lepouvoit,sans
doute, avec autant de fondement
que les fidèles accourus pour être
témoins de la mort des anciens
Martyrs que nous venons de nom-
mer, et qui leur disoient : « Dai-
gnez, daignez vous souvenir de
nous auprès de Dieu » . C'étoit uni-
quement par un profond sentiment
d'humilité, que saint Lucien leur
répliquoit : « Veuillez aussi vous
ressouvenir de moi ». Le P. Dona-
dieu ayant fait la même réplique,
nous pouvons nous écrier avec le
même historien, qui ne douloit
point que les Sainls dont il paiioit
n'eussent été couronnés dans le
ciel à l'instant de leur mort :
(l) Sic régnât ttruin cum J)co Mar-
lyrem jam spiràu uc nicnte regnanteni ,
etiam itineris Iota dignitas exprime-
bat. (Ruinart : Passio SS. Martyr.
Montant', Lucii , Flaviani, etc.. )
DON 597
« Oh ! qu'elle étoit grande l'humi-
lité de notre Martyr, puisque dans
sa passion même, il s'abstenoit de
présumer de sa gloire, toute cer-
taine qu'elle étoit (1) ». Enfin le
P. Donadieu fut frappé du plomb
ineurtrier ; la cervelle jaillit de
sa tête fracassée, en se disper-
sant sur la terre; mais la pieuse
Filledeia Croix, qui avoit voulu
l'assister jusqu'à sa mort, s'em-
pressa de la recueillir avec res-
pect. Elle trempa même un mou-
choir dans son sang , et remit
aussitôt ces précieuses reliques à
un prêtre qui , selon ses conven-
tions avec elle , s'étoit mêlé dans
la foule, sous un travestissement
qui l'empêchoit d'être reconnu
des soldats et du peuple (2). Le
P. Donadieu avoit ?5 ans , quand
(1) Cui cùm dicerent fratres Me-
mentote nostri; vos, inhuit, mei me-
menlole.... Quanta Martyris humilitas
de glorid sud nec sub ipsd passione
prœsumere! (Ruinart : Passio SS.
Martyr. Motxtani, Lucii, Flaviani, etc.)
(2) Voy. ci-dev., tom. II, pag. 190.
Dans une lettre de ce prétre-lâ même,
adressée à Rome en septembre 1798,
nous trouvons, relativement à l'associa-
tion des Filles de la Croix , des détails
infiniment touclians, que nos lecteurs
seront charmés de connoître. « Dans
cette petite société , disoit-il , on
compte les demoiselles de Glandcvès-
Nioselle. , dont le père fut guillotiné
en 1794» les demoiselles Rotix-dc-
Pepin , qui sacrifient à la gloire de
Dieu et au soulagement des infortunés
les avantages que leur ont prodigués
la nature et. la fortune; les demoiselles
5g8 DON
il périt ainsi pour la cause de la
religion , plus de deux ans et
demi après la chute de Ilobers-
pierre.
DONATIEN (Le Père), Capu-
cin. {V. Jean Gréabd.)
DONNEUX (Phjlippe), prêtre
et religieux de l'ordre des Bernar-
dins , dans le diocèse de Besan-
çon , n'étant point fonctionnaire
public, n'avoit pas été astreint,
par la loi de la constitution ci-
vile du clergé, à en faire le ser-
t/M Demaine , dont un oncle a été
pareillement guillotiné en 1794, et qui
sont à la veille de perdre, d'une ma-
nière aussi cruelle, un autre oncle,
prêtre, ex-professeur de théologie en
Sorbonne, et grand-vicaire de Mar-
seille où il ne cesse de rendre les plus
grands services à la religion ; une
jeune personne du peuple , appelée
Gouverne , et quelques autres demoi-
selles. Deux fois par semaine, le di-
manche et le mercredi, elles vont,
aidées de quelques dames charitables,
peigner, approprier les femmes ma-
lades à 1' ' Hotel-Dieu , et leur prodi-
guer tous les autres soins dout elles
sont capables. Quoique la haine
contre la religion de Jésus-Christ ait
porté les desservans de l'Hôpital à
enlever les crucifix qui étoient au lit
des malades, et qu'ils les aient brûlés
avec de sacrilèges démonstrations de
joie, ces nouvelles hospitalières ont le
coulage de donner aux malades les
consolations de la religion, et de leur
parler de Dieu jusqu'à leur dernier
soupir. Elles leur suggèrent des sen-
îimens de contrition, de résignation,
et leur disent môme les prières des
.igonisans. Jusqu'à l'époque où le P.
DON
ment , qu'il auroit refusé ; mais
son attachement manifeste à la
pureté de la Foi, et le zèle qu'il
montroit pour elle, le firent regar-
der, parles impies réformateurs ,
du même œil que les prêtres in-
sermentés. Son âge ou ses infir-
mités, qui formoient pour lui un
second titre d'exemption de la
peine de l'exil, portée par la loi
de déportation du 26 août 1792,
ne purent que le faire commuer en
une captivité indéterminée, sous
Donadieu fut arrêté, il ne leur a pas
été permis d'entrer dans les prisons ;
mais alors elles ont pu y exercer le
même zèle qu'elles portent dans YH6-
tel-Dieu. Tous les jours, ces intéres-
santes hospitalières y distribuent des
secours à cent trente prisonniers ,
parmi lesquels sont, depuis six mois,
des pères de famille et des jeunes gens
de qualité dont tout le crime étoit
leur probité, leur religion, et qui
restoient sans vêtemens, au pain et à
l'eau. — Le 7 juin 1798, jour de la
Fête-Dieu , un prêtre fut arrêté dans
une maison particulière où il avoit
célébré les saints mystères, et où la
sainte Eucharistie étoit respectueuse-
ment conservée. Les satellites s'em-
parent du tabernacle qui la contient,
et le portent chez le commandant de
la place. Mllc Lazarine du Demaine ,
qui est la plus âgée, quoiqu'elle n'ait
que a5 ans, ayant eu conuoissance de
cette profanalion, et impatiente d'en
empêcber une plus grande, vole avec
Mllc Julie de Glandeves chez ce mili-
taire , l'aborde en lui disant : «Vous
pouvez nous faire arrêter; mais saches
que nous ne craignons rien , parce que
Dien est avec nous ». Il est touché de
DON
la verge des persécuteurs. Ils le
firent arrêter et traîner dans une
maison de réclusion à Dijon. Il en
supporta les rigueurs avec une
résignation qui s'étendoit jusqu'à
la peine de mort, infligée alors à
tant d'autres généreux confesseurs
de la Foi. C'est dans ces sentirnens
qu'il mourut captif de J.-C. , le
6 mai 1794- (f. A. Champagne,
et J. C. Gonier.)
DONON ( Anne ) , religieuse
Carmélite de Paris, se voyant
leur vertu, les admire, cède à leurs
instances. Lazarinc ouvre le saint ta-
bernacle, verse avec respect sur un
papier préparé les parcelles sacrées
contenues dans la réserve, les place
sur son cœur; et, toujours accompa-
gnée de Julie, elle les apporte au lieu
où, réuni avec un confrère , nous les
attendions. En arrivant, elles se pros-
ternèrent, et nous reçûmes à genoux
l'auguste Sacrement. Beaucoup de
chrétiens, supérieurs à toute crainte,
vinrent l'adorer; et, après quarante
heures d'exposition, je communiai les
deux saintes vierges avec ces parcelles
sacrées Non soumissionnaire ( V.
tom. Ier, pag. 52), il m'a fallu lutter
contre les prudens du siècle et quel-
ques uns de mes confrères qui ont re-
connu la souveraineté du peuple, con-
damnée par la presqu'unanimité des
évÛques. Le refus du serment de haine
à la royauté ( Ibid. , pag. 52 et 44' ) >
et tous les moyens que j'ai employés
pour empêcher la chute de plusieurs
prêtres, m'ont attiré de grandes per-
sécutions; mais omnia posswn in co
tjiii me confortât. Ils ont le bras de
l'homme, et j'ai le bras de Dieu : Si
Vins pru Mois , (fuis contra nus!' ><
DOR 599
mise hors de son cloître par les
philosophiques réformes de 1791,
ne se crut pas pour cela moins
engagée à Dieu par ses vœux de
religion. Dans le modeste domicile
qu'elle s'étoit choisi, elle prati-
quoit ses devoirs avec ferveur.
Quand vint le temps où la piété
étoit un crime d'Etat, la religieuse
Donon fut enlevée de son domi-
cile, et jetée dans les prisons. Le
tribunal révolutionnaire la fit
comparoître devant lui, le 21 plu-
viôse an II (9 février 1794) , et la
condamna à la peine de mort ,
comme « fanatique et contre-
révolutionnaire «.Immédiatement
après, elle fut conduite à Técha-
faud.
DORAT ( Elisabeth , ou Isa-
beau), sœur de l'ordre de saint
Dominique, s'étoit retirée, depuis
la suppression des ordres monas-
tiques , au village de Sauvessan-
ges , près Ambert, dans le diocèse
de Clermont. Là, occupée d'œu-
vres de piété , elle mettoit au
nombre de ses devoirs de donner
asile à des prêtres catholiques ,
contre lesquels la persécution
déployoit une extrême fureur {V .
J. B. Abeillon). Cette généreuse
hospitalité, inspirée par la reli-
gion, fut découverte, et Elisabeth
Dorât jetée dans les fers. On la
I raina dans les prisons du Puy où
siégeoit le tribunal de la Haute-
Loire , qui ne faisoit grâce à
aucun acte religieux ; et ce tribu-
nal la condamna, le la messidor
Goo DOR
an II (3o juin 1794)» à la peine de
mort, comme «receleuse de prê-
tres réfractaires » (V. J' Aux).
Elle fut décapitée dans les vingt-
quatre heures.
DORÉ ( Pierre - François ) ,
prêtre et religieux Chartreux ,
du diocèse de Soissons, sous le
nom de Dom Benoit , dans le
monastère de Bourg- Fontaine ,
où il avoit la charge de sacris-
tain, étoit né à Saint -Vigor-
d'Ymonvillc, dans le diocèse de
Rouen, en 1756. Les réforma-
teurs de 1791 purent bien le chas-
ser de son cloître, mais non le
faire trahir sa Foi par la prestation
du serment schismatique de cette
époque. Dom Benoît, se condui-
sant toujours en bon religieux,
devint si importun aux impies,
qu'ils l'arrêtèrent en 179^, et
l'envoyèrent à Rochefort , pour
en être déporté sur des plages
lointaines {V. Rochefort). Il
fut embarqué sur le navire tes
Deux Associés. Les souffrances
de cette déportation étoient trop
cruelles. Dom Benoît succomba ,
et rendit son dernier soupir le
18 août 1794? à l'âge de 58 ans.
DOR
Il fut enterré dans l'île d'Aix.
[V . J. P. Diville, et Douté, de
Rouen.)
DORÉ (Jérôme-Silvain), curé
de Saint-Léger, dans le diocèse
de Poitiers , à l'exemple de la plu-
part des curés du Poitou , qui ne
voulurent point faire le coupable
serinent de la constitution civile
du clergé, et que leurs parois-
siens obligèrent de rester au mi-
lieu d'eux, n'abandonna pas plus
sa paroisse qu'il ne compromit sa
Foi. Les soldats des persécuteurs
ayant triomphé dans le pays {V.
Vendée ) , ce curé fut arrêté et
traîné dans les prisons de Poitiers.
Le tribunal du département de la
Vienne, siégeant en cette ville,
le fit comparoître pour être jugé,
le 28 ventôse an II (i8mars 1794)?
et le condamna sur-le-champ à la
peine de mort , comme « prêtre
réfractaire ». II se trouva du
nombre des dix-sept ministres du
Seigneur que les juges de Poitiers
y firent périr ce jour-là, en haine
de la religion. [V. A. Dechar-
tres, et P. L. Drtet.)
DOREL (Pierre de) , chanoine.
{V . P. Aurelle.)
FIN DU SECOND VÔiUME.
ADDITIONS ET CORRECTIONS
AU SECOND VOLUME.
Pag. 45, col. i, let, Usez tel.
Pag. 82, col. supérieur géné-
ral à l'époque, lisez supérieur
à l'époque ; et col. 2 , le général
Andrieux , lisez le supérieur
Andrieux.
Pag. 116, col. 2, porta, lisez
portèrent.
Pag. 1 18 , col. 1 , lig. i2,Azaert,
lisez Hazart, curé de Haeringen
en Flandres.
Pag. 167, col. 2, lig. 6, pour ne
pas être, lisez pour être.
Pag. i85, col. 2, accordé en fa-
veur, lisez accordé ta faveur.
P;ig. 2o3,col. i,lig. 9, ajoutez :
BERTIN (Pierre-Matilde),
prêtre du diocèse de Besançon.
{V. P. M. Mobrot.)
Page 244? col. 1, lig. 23, d'une
manière différente que, lisez.:
différente du reste.
Pag. 281, col. 1, curé de Ver-
brude , lisez curé de Verberic.
Pag. 294? col. 1, lig. 24, mettez
BOÙTILIER ( Antoine ), qu'il
faut reprendre à la paxj. 289.
Page 3oo, col. 1, BRAlNDOUIN
(Victor) , lisez: BRANDOUIN
DE BliAUFORT, prêtre de l'O-
ratoire; et, col. 2, après ces
mots: il tut décapité , ajoutez :
Le P. Brandouin de Beaufort
éloit frère du comte de Beaufort,
capitaine au régiment du Roi, i'u-
2.
sillé à Quiberon, en juillet 1795.
Après avoir d'abord professé la
philosophie au collège d'Arles, il
étoit devenu directeur delà maison
d'institution, ou noviciat de sa
congrégation , à ^yon. Ceux de
ses confrères qui ont eu le bonheur
de le connoître , ne cessent de
parler avec admiration et respect
de son éminente piété et de son
courage. « C'éloit vraiment un
ange de vertu ; et sa foi fut tou-
jours si vive, que, même long-
temps avant ces jours déplorables
où elle a été mise à une si grande
épreuve, il avoit plusieurs fois
témoigné à ses amis un ardent
désir du martyre. C'est bien de
lui , ajoute notre fidèle corres-
pondant, que l'on peut dire avec
vérité , comme des apôtres et de»
disciples du Sauveur, dont il avoit
toujours voulu suivre les traces :
Ibant gaudentes... quoniam
digni habiti sunt pro nomine,
Jesu cantum^liam pati. » {V.
Latovr, prêtre de l'Oratoire. )
Pag. 325 , col. 1 , dcrn. lig. ,
( V. C Castellane. ) , Usez
( V. Eln Castellane;)
Pag. 352, col. i, docteur de lu
maison , Usez docteur de Sor-
bonne.
Pag. 388 , col. 1 (note ), lig. 3o,
affccli , lisez e/jecti.
Pag. 391 (note), lig. 23, Zéloda ,
liiez. Z,élada.
3(j
\
6o2
Jùid., lig. 27, ainsi que, Usez
ainsi qu'à.
J£ïc/. , lig. 23, à l'avis, lisez avec
l'avis.
Pag, 392, col. 1, Castin (F. D.)
curé... Usez Castin de la Ma-
deleine (F. D. ) , chanoine et
-vicaire-général de Saintes.
Pag. 401> col. 1, Forez, au dio-
cèse de Lyon , Usez Forez , au
diocèse de Vienne.
Ibidl, Tiranges, même diocèse,
■fo'sezTiranges, diocèse du Puy.
Pag- 422? col. 1, octobre 1790,
Usez octobre 1789.
Pagi 5i8,col. 1, lig. 9, {V . Bel-
trémieux ) , Usez ( V. D. Betré-
Minrx. )
Pag. 528, col. i,dern. lig. , actes...
auquel, Usez actes... auxquels.
F;ig. 545, col. a, lig. 35, De-
bruyne , Usez De Bruyn ; et
ajoutez ( en note ) :
Dans un Recueil de quelques
iritres de prêtres déportés ,
i> rites de la Guiane Fmn-
(aise , traduit du flamand , et
imprimé à Louvain, en 1799, on
en trouve une de ce pasteur 4
son père, en date du 4 fructidor
an VI (21 aoot 1798). Après y
avoir très-brièvement exposé les
maux du séjour de Konanama, il
conclut par ces mots : « J'espère
que Dieu qui m'a fait surmonter
les difficultés passées, me don-
nera aussi la force de braver les
dangers futurs » .
Pag. 566, col. 1, lig. 3o, DE-
MALS, Usez DE MAELS.
Pag. 582, col. 2, disent vicaire-
général de Paris, lisez disent,
avec raison , vicaire-général de
Paris (il I'étoit depuis 1791).
Page 5g2, col. 2, lig. 38, ajou-
tez ( en note ) :
Dans nos recherches pour savoir
le nom de baptême du P. Dona-
dieu, nous n'avons pas aussi bien
réussi qu'en une multitude d'au-
tres occasions. M. l'abbé Florent,
vicaire-général du diocèse d'Aix,
dans lequel se trouve actuelle-
ment comprise la ville de Mar-
seille, en a vainement compulsé
pour nous les registres ; ils ne
constatent pas même, en aucune
manière , la mort de ce vénérable
personnage ; et les païens du res-
pectable M. de Sinéty, aumônier
(de quartier) de S. A. R. Monsieur,
n'ont pas eu plus de succès dans
leurs enquêtes chez les habitans
de Marseille pour connoître le nom
de baptême de ce Martyr. C'est
ainsi que tout s'oublie, tout se
perd. Heureux de pouvoir sous-
traire à l'impitoyable voracité du
temps les faits contenus dans notre
ouvrage !
FIN DES ADDITIONS ET CORRECTIONS-
i
TABLE
DU SECOND VOLUME.
RÉCAPITULATION explicative des divers prétextes qui servirent
de motifs pour donner la mort à nos Martyrs, soit tumultuairement,
soit juridiquement, ou légalement Page i
Du reproche A' aristocratie fait aux prêtres et aux (idèles, dans les
deux premières années de la révolution 2
Des qualifications de refractaires , données en haine de la Foi aux
victimes sacerdotales des années 1791 et 1792 4
Des prêtres, et môme des laïcs attaches à la Foi, qui, clans la suite,
furent sacrifiés, i°. comme ennemis du peuple et de sa liberté, c'est-
à-dire, du gouvernement de la Convention 11
2°. Comme brigands de la Vendée 13
3". Comme contre-révolutionnaires ibi\
4°. Comme conspirateurs ibi-
5°. Comme refractaires de 1 7g3 et 1794
6°. Comme fanatiques , ou provocateurs au fanatisme et à la super-
stition, ou comme fauteurs de manoeuvres fanatiques 1 ;
7°. Des fidèles de l'un et l'autre sexe qu'on faisoit périr comme
recéleurs , ou recéleuses de prêtres refractaires 2 3
8°. Des Martyrs de la Foi condamnés comme émigrés-rentrés . . . 2 j
Le titre de Martyr hautement décerné à Rome même , et dans toute la
catholicité, comme en France , aux personnes que la révolution fran-
çaise faisoit mourir à cause de leur Foi 23
Des motifs plus que suspects qui le leur firent contester chez l'étranger
par quelques honteux détracteurs de l'Eglise gallicane 3..
L'Eglise gallicane vengée des détracteurs, par les suffrages unanimes
des évêqués de V II a lie , de l'Allemagne , des Espagncs , de la Belgique ,
de l'Angleterre , de l'Irlande , etc. , comme par le Souverain-Pontife.. Z
Les félicitations de saint Cypricn à l'Eglise de Carthage, reveudiquées
à bon droit par l'Eglise de France 3;
MARTYRS DE LA FOI , pendant t.a révolution française (Alphabet
historique de leurs noms, de leurs actes et de leur mort ) :
Lettre A 4 :
Lettre B 11;
Lettre C 3 ;
Lettr • D ( jusqu'à DOR ) 5;
Additions et Corrections 60:
FIN DE LA TABLb DU SECOND VOLUME.