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Full text of "Les martyrs de la foi pendant la révolution française"

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OCT211910  *) 


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IMPRIMERIE  DE  LE  NORMANT ,  RUE  DE  SEINE,  N°  8. 


LES  MARTYRS 


DE  LA  FOI 

PENDANT 

LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE, 

ou 

MARTYROLOGE 

DES  PONTIFES,  PRÊTRES ,   RELIGIEUX,  RELIGIEUSES  , 
LAÏCS  DE  L'UN  ET  L'AUTRE  SEXE, 

QUI  PÉRIRENT  ALORS  POUR  LA  FOI; 
PAR  M.  L'ABBÉ  AIMÉ  GUILLON , 

DOCTEUR   EN   THEOLOGIE  DEPUIS  Ij8o, 
PRÉDICATEUR  JUSQU'A  LA  FIN  DE  1790,  etc. 


Martyres  non  facit  pœna ,  scd  causa. 
(S.  Aug.,  Serm.  II,  in  Pi  34,  a'  >3.  ) 


SECOND  VOLUME. 


PARIS, 


*  OCT21T910 


CHEZ  GERMAIN  MATHIOT,  LIBRAIRE , 

BUE  DU  CIMETIÈRE,  N"  4,  PRES  LA  PLACE  SAINT- ANDRL-DES-ABTS. 

MDCCCXXI. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 
in  2014 


https://archive.org/details/lesmartyrsdelafo02guil 


RÉCAPITULATION 

EXPLICATIVE 

DES  DIVERS  PRÉTEXTES 

QUI  SERVIRENT  DE  MOTIFS 

POUR  DONNER  LA  MORT  A  NOS  MARTYRS, 

SOIT  TUMULTUAIREMENT,  SOIT  JURIDIQUEMENT  QU  LÉGALEMENT. 


C'est  dans  les  motifs  avec  lesquels  les  persécuteurs 
ont  essayé  de  justifier  leurs  meurtres,  qu'on  doit  cher- 
cher à  reconnoître ,  parmi  leurs  victimes ,  celles  qui  ont 
été  immolées  en  haine  de  la  Foi.  Mais,  comme  ils 
ont  employé  de  nos  jours,  de  même  que  dans  les  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise,  des  formules  d'accusation  qui 
tendoient  plus  ou  moins  à  déguiser  cette  haine ,  il  est 
nécessaire ,  avant  tout ,  de  connoître  d'une  manière  bien 
précise  les  véritables  sens  de  ces  diverses  formules.  Dans 
l'explication  que  nous  ne  pouvons  nous  dispenser  d'en 
fournir,  nous  mériterons  d'autant  mieux  la  confiance 
des  générations  futures,  comme  de  la  génération  pré- 
sente ,  que ,  sans  crainte  d'être  démenti  par  qui  que  ce 
soit,  nous  venons  donner  cette  explication  sous  les 
yeux ,  avec  le  suffrage  des  contemporains  de  la  persé- 

2.  i 


(  3  ) 

cution  :  disons  plus,  avec  l'aveu  même  de  ses  auteurs, 
dont  les  amis,  les  complices  et  les  adeptes  ne  sauroient 
nous  contredire. 

Dans  les  premiers  jours  de  la  révolution,  trop  im- 
patiens de  se  débarrasser  des  prêtres  et  même  des  laïcs 
qui  monlroient  un  zèle  courageux  pour  la  défense  de 
l'antique  religion  de  la  France,  ces  persécuteurs  ne  se 
laissèrent  pas  le  temps  de  recourir  à  des  formalités  ju- 
diciaires. Il  leur  parut  suffisant  et  plus  expéditif  de  sus- 
citer contre  ces  soutiens  de  l'autel,  ainsi  que  du  trône, 
quelque  secte  ennemie,  ou  une  populace  ignare,  per- 
verse et  brutale,  dans  laquelle  se  mêleroient  des  assas- 
sins chargés  de  les  détruire  pendant  qu'elle-même  ,  dans 
son  aveugle  férocité,  les  appelleroit  aristocrates  (i). 
Suivant  les  fausses  idées  qu'on  lui  avoit  perfidement 
suggérées,  cette  qualification  plus  que  néologique,  si- 
gnifioit  :  «  Fauteurs  du  despotisme ,  partisans  de  la  ty- 
rannie, ennemis  du  peuple  et  de  sa  liberté  ».  Ils  ne 
l'étoient  tout  au  plus,  à  le  bien  prendre,  que  de  cette 
licence  horrible ,  impie  et  meurtrière ,  dont  les  nova- 
teurs enivroient  la  multitude  pour  que ,  dégagée  de  tout 
frein ,  elle  concourût  avec  frénésie ,  à  l'accomplissement 
de  leurs  affreux  projets.  Ces  prêtres  et  ces  fidèles  ne 
pouvoient,  après  tout,  passer  pour  les  contrarier,  qu'en 
ce  qu'ils  tâchoient,  l'Evangile  à  la  main,  de  conserver 
parmi  le  peuple  la  salutaire  pratique  d'une  religion 


(1)  L'archevêque  de  Paris,  pour  nous  borner  à  un  seul  exemple 
choisi  entre  mille,  M.  Leclerc  de  Juigné,  l'un  de  nos  prélats  les  plus 
charitables,  fut  assailli  et  poursuivi  à  coups  de  pierres,  le  24  juin 
1789,  par  ce  même  peuple  que  ,  dans  l'hiver  précédent,  il  avoit 
soustrait,  par  ses  immenses  aumônes,  aux  horreurs  de  la  famine. 


(  3  ) 

céleste  dont  la  croyance  et  les  pre'ceptes  ont  tant  d'ef- 
ficacité pour  contenir  ses  passions  dangereuses,  et  de 
l'empire  de  laquelle,  pour  cette  raison-là  même,  les 
réformateurs  s'efforçoient  de  l'affranchir. 

Les  vues  de  ceux-ci  étoient  donc  encore  plus  infer- 
nales que  ne  Tavoient  été  celles  des  préfets  et  procon- 
suls que  l'empereur  Dèce  avoit  envoyés,  vers  25o  ,  dans 
la  province  d'Antioche ,  et  qui  s'y  prirent  de  la  même 
manière  à  l'égard  des  chrétiens.  Dumoins  ceux-ci 
avoient-ils,  indépendamment  de  l'odieux  mérite  de 
l'invention ,  l'excuse  du  maintien  de  l'ancienne  reli- 
gion du  prince  et  de  l'Etat,  ne  voulant  pas  que  celle  des 
chrétiens,  qui  étoit  récente,  prévalût  sur  elle.  Nos  per- 
sécuteurs qui  vouloient  au  contraire  substituer  au  règne 
de  l'antique  religion  nationale ,  celui  d'une  monstrueuse 
irréligion ,  ne  surent  que  se  traîner  sur  les  vestiges  san- 
glans  de  ces  vieux  modèles.  «  C'étoitpar  des  écrits  im- 
pies qu'ils  avoient  commencé  à  exciter  le  peuple  contre 
les  prêtres  et  les  vrais  disciples  de  l'Evangile.  Ils  les 
faisoient  poursuivre  par  des  furieux  qui  exigeoient  d  eux 
certains  cris  sacrilèges,  et  les  assassinoient  quand  leur 
voix  se  refusoit  à  les  proférer  (i).  Dans  les  villes  où 


(1)  Infaustus  quidam  votes  comrnoverat  atque  incita verat 
adversàs  nos  gentitium  turbas ,  ad  intiatam  genti  super  stitio- 
nem  animas eorum  incendens.  Ah  hoc  igitur  homines  stimulati , 
omnemque  ad  patranda  scelera  Ucentiam  nacti,  liane  soiam 
pietatem  cullumque  dœmonum  suorum  existimabant ,  si  cœdi- 

*bus  adversus  nos  sœvirent        Porro  nusquam ,  non  per  viam 

publicam ,  non  per  angiportus  incedere,  aut  noctu  aut  inter- 
dià  nobis  ticebat;  cùm  omnes  ubique  et  assidue  ciamitarent  : 
Quicunque  impia  Ma  verba  proferre  abnuisset,  eum  ilico 
Xrakendxmx  esse  ,  et  flammis  uitricibus  absumendum.  Et  bat* 


(  4  ) 

s'exerçoient  de  telles  violences  ,  il  ne  leur  éloit  presque 
plus  possible  de  se  montrer  dans  les  voies  publiques 
sans  crainte  d'y  être  massacrés.  Leur  domicile  même 
ne  fut  pas  à  l'abri  de  la  rage  des  impies.  Ils  sembloient 
être  dans  une  cité  prise  d'assaut  par  un  implacable 
ennemi  ;  et  ce  déplorable  état  de  choses ,  empirant 
chaque  jour,  dura  long-temps  (i)  ». 

Nos  persécuteurs ,  devenus  ensuite  maîtres  du  pou- 
voir, ne  tardèrent  pas  à  se  créer  un  moyen  d'agir  léga- 
lement contre  les  évêques  et  les  prêtres  dont  la  fermeté 
dans  la  Foi  opposoit  tant  de  résistance  à  leurs  desseins. 
Ce  fut  de  les  réduire  à  une  espèce  d'ilotisme,  parla  super- 
cherie d'une  loi  qui  les  mettoit  dans  la  cruelle  alternative 
ou  de  trahir  leur  Foi  par  un  serment  anti-catholique , 
ou  d'être  expulsés  des  dignités  et  charges  spirituelles 
qu'ils  remplissoient  avec  honneur  et  fruit  dans  l'Eglise. 
Décidés  à  tout  souffrir  plutôt  que  de  manquer  aux  de- 
voirs de  leur  croyance  ,  et  ces  devoirs-là  même  voulant 
qu'à  l'approche  de  l'expulsion  dont  ils  étoient  menacés 
ils  soutinssent  la  Foi  de  leurs  troupeaux,  les  évêques  se 
hâtèrent  de  prévenir  leurs  coopérateurs  dans  le  saint 
ministère ,  et  par  eux  toutes  leurs  ouailles ,  des  pièges 


diutissimè  viguerunt  ad  hune  inodum.  (  Euseb.  Hist.  Eccles. 
L.  VI,  c.  xli.  ) 

(  1  )  Omnes  deindèuno  impetu  in  domos christianorum  irruere 
cœperunt  :  et  quos  quisque  sibi  vicinos  noverat ,  eos  ilico  pro- 
férantes agebant,  spoliabant  ac  diripiebant  :  ea  quidem  quœ 
maximè  pretiosa  essent  in  sinum  suum  congerentes;  viliora 
autem  et  lignea  quoique  disjiciebant ,  ac  per  vias  concrvma- 
bant:  captœ  ab  hostibus  urbis  speciem  atque  imaginent  exhi- 
bentes.  (Id.  Ibid.  )  —  Voy.  ci-devant,  tom.  I",  depuis  la  pag.  119 
Jusqu'à  la  pag.  i3a. 


(  5  ) 

tendus  à  leur  Foi  par  cette  constitution  civile  du  clergé , 
à  laquelle  on  exigeoit  si  rigoureusement  qu'ils  adhé- 
rassent par  serment.  Ils  disoien  t  à  leurs  prêtres  comme 
autrefois  saint  Victor  à  ses  compagnons  de  martyre  : 
«  Vous  êtes  appelés  à  partager  les  combats  qu'il  nous 
faut  soutenir  pour  la  cause  de  Jésus  -  Christ  ;  ô  vous 
qui  portez  avec  nous,  dans  les  phalanges  chrétiennes, 
les  'glorieuses  enseignes  de  la  Foi ,  sachez  que  les  cir- 
constances réclament  tout  votre  courage ,  et  la  plus 
grande  force  de  votre  âme.  Gardez  en  hommes  de 
cœur ,  cette  fidélité  que  vous  avez  promise  à  celui  qui , 
du  haut  des  cieux,  règne  sur  nous  tous.  L'ennemi  est 
en  présence;  le  combat  s'engage  (i).  » 

La  peine  infligée  à  ceux  qui  avoient  refusé  le  cou- 
pable serment,  cette  peine  qu'ils  avoient  acceptée  avec  un 
héroïque  désintéressement,  ne  satisfaisoit  pas  la  haine 
des  persécuteurs  contre  leur  Foi ,  et  la  satisfaisoit 
d'autant  moins  qu'elle  les  rendoit  encore  plus  véné- 
rables aux  yeux  des  fidèles.  Ils  recoururent  donc  à  leur 
précédent  stratagème,  et  excitèrent  derechef  contre  eux 
la  brutale  fureur  de  la  populace  en  les  lui  désignant 
comme  d'exécrables  réfractaires .  Désignation  atroce- 
ment impropre  ,  puisque ,  s'étant  résignés  à  la  peine 
temporelle  dont  le  refus  du  serment  devoit  être  suivi, 
ils  restoient  dans  l'obéissance  de  la  loi  qui  ne  l'avoit 
prescrit  que  d'une  manière  conditionnelle,  et  qu'ils 
n  étoient  aucunement  coupables  de  cette  résistance 


(1)  O  fortissimi  commilitones ,  ô  gloriosi  certaminis  antesig- 
nani ,  opus  est  animis,  opus  est  tota  fortitudine.  F  idem  quant 
imperatori  nostro  promisistisvirililer  eustodite.  Imminet  enim 
hostis,  adest  pugna.  (Ruinart  :  Passio  sanetorum  Victoris,  etc. 
n°XII.) 


(  6  ) 

formelle,  accompagnée  d'opiniâtreté  et  de  mépris,  qui 
constitue  le  véritable  réfractai re  ;  mais,  désignation 
d'autant  plus  propre  à  les  faire  tuer  par  la  populace 
que,  le  mot  étant  nouveau  pour  elle,  il  étoit  plus  facile 
de  le  lui  faire  regarder  comme  l'expression  d'un  très- 
grand  attentat  contre  sa  licence  qu'elle  appeloit  liberté. 
Aussi  lui  sembJa-t-il  que  les  prêtres  catholiques  et  les 
gens  pieux  qui  leur  resloient  fidèles,  étoient  conjurés 
contre  les  intérêts  du  peuple  et  même  contre  l'Etat. 
Dans  sa  fureur  alors  entièrement  libre  de  tout  frein 
religieux ,  et  délirant  d'une  rage  infernale  ,  la  popu- 
lace ne  pouvoit  plus  les  entendre  lorsqu'ils  répondoient 
avec  le  même  saint  Victor  :  «  Loin  d'avoir  jamais  nui 
aux  intérêts  de  la  patrie ,  loin  d'avoir  cessé  de  la  ser- 
vir, nous  offrons  encore  chaque  jour  à  Dieu  des  sacri- 
fices pour  sa  prospérité  ;  mais ,  s'il  faut  renoncer  à  notre 
Foi,  et  embrasser  vos  impies  systèmes  pour  être  obéis- 
sans  selon  vos  caprices,  vous  ne  l'obtiendrez  pas  de 
nous;  et  vous  pouvez  accumuler  sur  nos  têtes  toutes  les 
peines  qu'il  vous  plaira  d'imaginer  (i)». 

Les  irruptions  violentes  que  les  impies  faisoient  dans 
les  oratoires  où  les  prêtres  catholiques  célébroient  les 
saints  mystères  au  milieu  de  leurs  fidèles  ,  ne  pouvoient 
encore  répandre  le  sang  des  uns  et  des  autres  que  goutte 
à  goutte  ;  et  les  chefs  de  la  persécution  brûloient  de  le 
voir  couler  par  torrens.  Une  guerre  atroce  leur  fut 


(1)  Nunquam  reipublicœ  nocui,  non  ab  ejusme  propugna- 
tione  detraxi.  Quotidiè  pro  soluté  totius  imperii  studiosè  sacri- 
fîco;  quotidiè  pro  statu  reipublicte  coràm  Deo  meo  spirituaics 

hostias  macto        Deos  vestros  sperno ,  fateor  Christum.  Quœ- 

cunque  potestis  date  supplicia,  cumutale  tovmeiUa.  (Ibid, 
fl°  VII  et  X.) 


(  7  ) 

légalement  déclarée  par  un  décret  de  déportation,  qui 
sembloit  ne  vouloir  que  les  bannir  (i),  mais  qui  au  fond 
tendoit  à  se  défaire  d'eux  de  la  manière  la  plus  expédi- 
tive.  Cependant,  par  une  nouvelle  perfidie,  et  comme 
s'ils  voulussent  offrir  implicitement  une  transaction  à 
ceux  qu'ils  présumoient  être  déjà  las  de  la  persécution  , 
et  capables  de  condescendre  à  leurs  vues  pour  avoir  la 
paix,  s'ils  enveloppoient  ces  vues  de  quelques  légers 
nuages,  ils  proposèrent  un  nouveau  serment,  vague 
dans  les  termes,  espérant  que  ceux-ci,  pour  leur  in- 
térêt, les  inlerpréteroient  favorablement  à  leurs  goûts. 
Mais  ce  vague  étoit  trop  bien  fixé  par  les  événemens, 
et  par  les  intentions  notoires  des  artisans  du  10  août, 
pour  qu'il  ne  fût  pas  évident  que  cette  liberté  et  cette 
égalité  qu'il  falloit  jurer  de  maintenir,  et  qui  avoient 
déjà  produit  tant  de  malheurs  et  de  sacrilèges  ,  alloient 
se  porter  aux  derniers  des  excès  pour  consommer  la 
perte  de  la  monarchie,  en  consommant  la  ruine  de  la 
religion  (2).  La  presque  totalité  du  clergé  catholique 
eut  horreur  d'un  tel  engagement,  et  tournoit  déjà  ses 
regards  vers  les  lieux  de  la  déportation.  Beaucoup  de 
ministres  du  Seigneur  se  trouvèrent  pour  lors  ressembler, 
sans  en  avoir  la  prétention ,  et  par  la  seule  droiture  de 
leur  conscience,  à  l'illustre  évêque  de  Carthage  devant 
le  proconsul  Paterne,  vers  258,  lorsque  celui-ci  lui 
demanda  s'il  persévéroit  dans  la  volonté  de  ne  pas  sous- 
crire à  ce  que  les  lois  avoient  de  contraire  à  sa  croyance". 
«  La  volonté  qui  se  dirige  par  celle  de  Dieu  même , 
est  immuable  » ,  répondit  saint  Cyprien  »  ; — «  dès  lors,  ré- 


(1)  Voy.  ci-devant,  tom.  I",  pag.  i32. 

{2)  Idem  .  pag.  5o,  noie  a.  —  Pag.  210  et  211. 


(  8  ) 

pliqua  le  proconsul,  vous  devez,  suivant  l'édit  des  em- 
pereurs, aller  en  exil». — «  Eh  bien!  dirent  nos  prêtres 
avec  le  saint  évêque,  nous  partons  à  l'instant  (i)  ». 

Ce  n'étoit  pas  là  précisément  ce  que  l'on  vouloit, 
parce  que  le  départ  pouvoit  en  sauver  beaucoup  :  aussi 
cette  loi  de  déportation  devint-elle  en  réalité  le  signal 
du  massacre  de  tous  ceux  qu'il  fut  possible  d'empê- 
cher de  fuir  ;  et  le  massacre  exécuté  dans  la  capitale 
se  répéta  presque  simultanément  sur  beaucoup  de  points 
de  la  France  (2).  Ainsi,  s'étoit déployée  tout  à  coup  en 
3o3,  la  persécution  de  Dioclétien;  et  l'on  ne  sauroit 
dire  combien  de  prêtres  et  d'autres  personnes  furent 
alors  immolés  dans  les  villes  et  sur  les  chemins  pour  la 
cause  de  la  Foi  (3). 

La  Convention  dite  Nationale,  bien  plus  brutalement 
audacieuse  que  les  deux  assemblées  de  novateurs  qui 
l'avoient  précédée,  constitua  la  persécution  elle-même 
dominatrice  de  la  France  ,  et  lui  fournit  abondamment 


(1)  Paternus  proconsul  dixit  :  In  hac  ergô  votuntate  persé- 
véras ?  Cyprianus  cpiscopus  respondit  :  Bona  voiuntas  quœ 
Deum  novit ,  immutari  non  polest.  Paternus  proconsul  dixit  : 
Poteris  ergd,  secundùm  preeceptum  Valeriani  et  Galliani, 
exsul  ad  urbem  Curubitanam  proficisci.  Cyprianus  episcopus 
dixit  :  Proficiscor.  (S.  Cypr.  Opéra,  A  et.  proconsutaria,  n"  I.) 

(2)  Voy.  ci-devant,  tom.  I",  pag.  i43et  suiv. 

(3)  Cùm  is  qui  reiigioni  nostrœ  struebat  insidias,  parcè 
adhuc  et  rarô  sanguinem  quorumdam  fundere  auderet,  deter- 
ritus,  ut  credibiie  est,  multiludine  fidelium,  et  universis  simut 
betium  inferre  formidans.  Verùm  ubi  apertiùs  se  ad  bellum 
accinxit,  diei  non  potest  quot  et  quantos  Christi  Martyres  in 
omnibus  tocis  atque  urbibus  passim  cernere  licuerit.  (Euseb-. 
Hist.  Ecoles.  \  .  VIII,  c.  iv.  ) 


(  9  ) 

des  lois,  des  tribunaux  et  des  agens,  propres  à  la  faire 
régner  par  le  sang  des  catholiques,  encore  plus  que  des 
royalistes.  Comme  au  temps  de  saint  Cyprien ,  «cette 
perse'cution,  qui  jusqu'alors,  en  faisant  massacrer  tu- 
multuairement  les  confesseurs  de  Jésus-Christ,  n'avoit 
pu  faire  prononcer  légalement  (i),  contre  eux,  qu'une 
peine  générale  de  bannissement,  parce  qu'elle  n'avoità 
ses  ordres  que  des  magistrats  ordinaires,  eut  enfin  à  sa 
pleine  disposition  des  législateurs,  des  proconsuls  déter- 
minés qui,  comptant  les  déportations  pour  trop  peu 
de  chose,  en  firent  dériver,  non  plus  des  assassinats 
commis  dans  le  désordre ,  mais  une  méthodique  sura- 
bondance de  lois  de  mort  et  de  peines  capitales  (2)  ». 

Appréhendant  toutefois,  au  milieu  de  leur  législation 
homicide  contre  les  ministres  et  les  disciples  de  la  reli- 
gion, cette  impression  de  respect  que  son  nom  seul 
produit  sur  les  âmes  même  les  plus  scélérates,  les  per- 
sécuteurs s'appliquèrent  soigneusement  à  l'exclure  des 
sentences  comme  des  lois  ;  voulant  que  les  condamna- 
tions s'abstinssent  d'en  rappeler  l'idée,  qu'elles  allé- 
guassent ,  autant  que  faire  se  pourroit,  des  motifs 
politiques ,  quelque  absurdes  qu'ils  fussent  ;  que , 
lorsqu'il  seroit  absolument  impossible  de  n'en  pas  allé- 
guer qui  touchassent  à  la  religion,  l'on  n'en  désignât  le 
saint  ministère  qu'avec  l'odieuse  dénomination  àcfana- 


(1)  Voy.  ci-devant,  tom.  I",  pag.  214?  à  la  note. 

(2)  Persecutio  à  magistrat  ibus  ordinariis  intenta,  adexîlium 
solurnrnodo  processif  :  proconsul  accedens,  toruicnta  et  mortem 
addidit.  (Sancti  Cypriani  Opéra,  édition  d'Oxfort,  à  la  note  2,  sur 
le  commencement  de  la  lettre  X  de  saint  Cyprien  ad  Martyres  et 
conf  essores.  ) 


(  io  ) 

tisme,  et  qu'on  ne  donnât  à  la  pratique  de  l'Evangile, 
que  le  nom  méprisant  de  superstition  (i). 

Par  l'effet  de  la  première  de  ces  supercheries,  qui 
avoit  été  si  fort  en  usage  dans  les  persécutions  anciennes, 
principalement  dans  celles  de  Dioclélien  ,  il  est  arrivé  de 
notre  temps,  parminous,  cequ'onavoitvuen  3o3,  dansla 
Bithynie ,  lorsque  les  prisons  s'y  remplirent  de  ministres 
des  autels,  et  de  fidèles  de  tout  âge  comme  de  tout 


(1)  «Le  grand  mot  de  ralliement  contre  les  prêtres  ,  dit  le  plus 
célèbre  littérateur  contemporain  de  cette  époque,  c'étoit  guerre  au 
fanatisme!  Ce  cri  ne  cessoit  de  retentir  dans  la  Convention,  dans 
les  sociétés  populaires,  dans  tous  les  actes  d'administration,  dans 
les  journaux  (soi-disant)  patriotiques.  Tout  ce  qui  composoit  les 
comités  révolutionnaires  des  villes  et  des  bourgs,  les  laquais,  les 
escrocs,  les  banqueroutiers,  les  galériens  en  un  mot,  apprirent  alors 
ce  grand  mot  de  fanatisme  dont  la  plupart  n'avoient  jamais  entendu 

parler,  et  qui  en  effet  n'étoit  pas  de  leur  langue        Faites  la  revue  la 

plus  exacte  de  tout  ce  qu'ont  dit  à  la  barre  de  la  Convention  ceux 
qui,  pendant  plus  d'une  année,  venoient  journellement  lui  apporter 
quelque  chose  de  ce  qu'ils  avoient  volé  dans  les  églises;  jamais  un 
seul  ne  s'eèl  servi  d'une  autre  expression  que  de  celle  de  dépouilles  du 
fanatisme  ;  et  le  bulletin  des  législateurs,  qui  nous  a  heureusement 
conservé  ces  titres  de  leur  gloire,  dit  toujours:  Tel  citoyen  apporte 
des  dépouilles  du  fanatisme;  mention  honorable.  Jamais  le  mot 
de  religion  n'a  été  prononcé,  ni  par  les  législateurs,  ni  par  les  bri- 
gands       Il  y  a  plus  :  lorsqu'on  a  cru  devoir  rouvrir  les  églises,  la 

même  réserve  a  subsisté»  (V.  ci-devant,  tom.  Ier,  pag.  264  et  267). 
•<  Le  mot  de  Religion  n'est  écrit  dans  aucune  des  lois  qui  la  concernent  : 
on  se  sert  partout  du  mot  de  cuite.  Ai-je  tort  de  dire  que  le  mot  de 
Religion  est  effacé  de  la  langue  française,  au  moins  de  celle  qui  est 
philosophique  et  républicaine,  et  remplacé  génériquement  par 
celui  de  fanatisme»  ?  (  La  Harpe  :  Du  Fanatisme  dans  la  langue 
révolutionnaire ,  ou  de  la  Persécution  suscitée  parles  barbares 
du  XV III*  siècle  contre  la  Religion  chrétienne  et  ses  ministres* 
Paris  .  1  797 .  pag.  54  de  la  troisième  édition.  ) 


(  '*  ) 

sexe,  arrêtés  pour  de  prétendus  crimes  politiques.  On 
les  condamnoit,  sans  preuves,  à  la  mort,  comme  s'ils  en 
eussent  été  réellement  coupables  ;  et  ils  étoient  maudits 
comme  tels  par  la  populace ,  lorsqu'on  les  conduisoit 
au  supplice  (i).  Dans  cette  ruse  de  guerre,  nos  persé- 
cuteurs, malgré  tout  le  génie  philosophique  dont  ils  se 
disoient  pourvus,  n'étoient  donc  pas  plus  inventifs  que 
Dioclélien;  et,  quand  ils  crurent  la  raffiner,  en  suppo- 
sant que  leurs  victimes  avoient  attenté  à  la  souveraineté 
nationale  dans  leurs  personnes ,  par  des  outrages  ou  par 
des  faits,  ils  ne  faisoient  que  copier  Julien  l'apostat > 
lequel ,  «  afin  de  priver  du  nom  et  de  l'honneur  du  mar- 
tyre »,  ceux  qu'il  immoloit  à  cause  de  leur  Foi,  vouloit 
que  les  juges  déclarassent  mensongèrement ,  dans  leurs 
sentences,  qu'ils  ne  les  punissoient  que  pour  les  offenses 
qu'ils  avoient  faites  à  son  pouvoir  suprême  (2). 

Combien,  en  effet,  combien  de  nos  Martyrs  furent: 
jugés  et  mis  à  mort,  de  même  qu'autrefois  le  saint 
vieillard  Apollonius  ,  et  tant  d'autres  des  mêmes 
temps,  comme  «perturbateurs  de  l'ordre  social,  comme 
ennemis  de  l'Etat,  comme  conspirateurs,  et  même 


(1)  Propositum  est  edictum,  quo  cavebatur  ut  religionis 
illius  f tontine  s  tormentis  subjecti  essent,  ex  quocunque  online 
aut  gradu  venirent....  Contprehensi  presbyteri  ac  ministri,  et 
sine  ulla  probatione  ac  confessionc  damnati,  cum  omnibus 

suis  deducebantur  Pleni  careeres  erant.  (Lactanlius  :  De 

Mortibus  Persecutorum.  n XIII  et  XV.  ) 

(2)  Ideô  enim  punitos  essedixit ,  quàd  imperatorem  coutume- 
(ia  aff'ecissent,  atque  hœc  ità  divuigafi  prœcepit ,  ctim  nome  11 
atque  honorent  marlyrii  veritatis  ai  h  fetis  invidercl.  (TheodoriL 
Uist  Ecoles.  L.  III,  c.  xv.  ) 


(  12  ) 

comme  étant  des  scélérats  dignes  de  toute  la  vindicte 
publique  (i)  »? 

Dans  le  Poitou ,  l'Anjou  ,  le  Maine  et  la  Bretagne ,  ils 
étoient  envoyés  au  dernier  supplice,  avec  l'infamante 
autant  qu'injuste  qualification  de  brigands  de  la  Ven- 
dée; ailleurs,  c'éloit  avec  la  non  moins  inique  et  plus 
perfide  dénomination  de  contre-révolutionnaires.  Eh! 
combien,  surtout  à  Paris,  furent  suppliciés  sous  l'ab- 
surde prétexte  qu'ils  avoient  conspiré,  dans  les  pri- 
sons mêmes,  où,  faute  de  griefs  véritables ,  on  les  avoit 
renfermés  comme  suspects  fVoj.  ci -devant,  tom.  I , 
pag.  21 3),  c'est-à-dire  comme  trop  honnêtes  gens  pour 
aimer  les  crimes  de  la  révolution,  et  pour  approuver 
intérieurement  les  forfaits  des  dominateurs  contre  les- 
quels, au  surplus,  ils  ne  s'étoient  jamais  soulevés  (2)! 
Qui  ne  sait  aujourd'hui  que  ces  conspirations  n'eurent  de 
réel  que  leur  supposition  imaginée  par  un  des  agens  du 
comité  de  salut  public,  jaloux  de  se  débarrasser  promp- 
tement  et  par  un  seul  coup ,  d'une  immensité  d'irrépro- 
chables détenus  qu'on  ne  pou  voit  condamner  pour  aucun 
délit?  L'imposture  de  ces  conspirations  ne  fut-elle  pas  en- 
suite solennellement  dévoilée  par  un  homme  qui,  sans 
doute,  rougissoitd'avoirsiégé,  comme  membre  de  la  Con- 
vention ,  sur  les  mêmes  bancs  que  les  persécuteurs  (3)  ? 


(1)  Impium  et  scelestum  et  seductorem  eum  vocans ,  mutto- 
rumque  rnortaiium  deceptorem ,  dignumque  esse  ab  omnibus 
odio  haberi.  (Rufin  :  De  Vitis  Patrum.  C.  xix.  ) 

(2)  Et  quœ  (sancta  Potamia),  tanquam  christiana,  tem- 
porel et  tyrannos  insectaretur  proplcr  persecutiones.  (Palladius: 
Historia  ad  Lausium.  C.  m.  ) 

(3)  Rapport  du  député  Saladin  à  la  Convention,  le  12  ven- 
rose  an  III  (2  mars  1795),  pag.  3o. 


(  i3  ) 

Parmi  les  conspirations  moins  fantastiques ,  dans  les- 
quelles on  impliqua  tant  de  personnes  vouées  à  la  pieté , 
et  d'une  Foi  incorruptible,  il  n'en  étoit  presque  point 
qui,  dans  leur  portion  de  réalité,  ne  fût  aussi  l'œuvre 
insidieuse  des  persécuteurs  eux-mêmes  (/^ oy .  au  tom.  I , 
pag.  4o5).  Tel  autrefois  Galère,  pour  exciter  l'empe- 
reur Dioclétien  aux  plus  extrêmes  cruautés  contre  les 
chrétiens,  fit  brûler  son  palais,  en  leur  imputant  le 
crime  de  cet  incendie  (i). 

Il  y  eut  pourtant,  dans  notre  persécution,  des  sen- 
tences qui  furent  motivées  d'une  manière  moins  vague 
que  les  précédentes  ;  mais  les  motifs  exprimés  dans  ces 
dernières  ne  sont  pas  encore  exempts  de  toute  équi- 
voque ;  et  il  pourroit  en  résulter  que ,  dans  la  suite  des 
temps,  on  les  trouvât  susceptibles  d'une  interprétation 
défavorable  aux  victimes,  si  nous  ne  les  renfermions 
pas  dans  le  sens  qu'ils  avoient  alors.  Au  nombre  de  ces 
motifs  de  condamnation  à  mort,  sont  :  i°.  l'accusation 
de  réfractaire ,  employée  uniquement  contre  les  prêtres; 
et  2°.  celle  de  fanatique ,  en  usage,  non  seulement 
contre  eux,  mais  aussi  contre  les  simples  fidèles. 

i°.  Le  réfractaire  de  1793  et  1794  n'étoit  pas  cou- 
pable d'autre  délit,  si  c'en  étoit  un,  que  d'être  resté  en 
France  pour  les  besoins  spirituels  des  catholiques, 
malgré  la  loi  de  déportation  qui  l'avoit  banni  comme 
insermenté,  c'est-à-dire  comme  invariablement  atta- 


(  1  )  Nam ,  ut  ittum  ad  propositum  crudelissimœ  persecutionis 
impelleret,  occultis  rninistris  paiatio  subjecit  incendium.  Et 
cum  pars  quœdam  conflagrasset ,  christiani  arguebantur,  ve- 
lut  hostes  publiai,  et  cum  ingenti  invidia  simul  cum  paiatio 
céiristianorurn  nomen  ardebat.  (  Lactantius  :  De  Mortibus  Perse- 
cutorum.  n°  XIV.  ) 


C  i4  ) 

ché  à  la  Foi.  De  même  que  ce  saint  Martyr  Théodorit , 
prêtre  de  l'église  d'Antioche,  qui,  lorsque  le  comte 
Julien,  oncle  de  l'apostat  et  apostat  comme  lui,  meltoit 
en  fuite  les  ministres  du  Seigneur,  et  fermoit  les  églises, 
après  les  avoir  pillées,  resta  dans  la  ville  pour  le  salut 
de  ses  frères ,  nos  réfractaires  n'éloient  aussi  demeurés 
parmi  les  leurs,  que  pour  les  faire  participer  aux  saints 
mystères ,  les  entretenir  dans  la  piété ,  et  offrir  avec  eux, 
au  Seigneur,  des  prières  propres  à  le  rendre  favorable 
à  la  France  (i).  Mais  ils  avoient  désobéi  à  une  loi  d'ini- 
quité ;  et  dès  lors  ils  étoient  condamnés  à  la  mort ,  pour 
ce  manque  d'obéissance,  qui  n'étoit  cependant  pas  une 
de  ces  oppositions  explicites  qu'indique  le  mot  réfrac- 
taire,  comme  celle  du  Martyr  saint  Irénée,  évèque  de 
Sirmium,  résistant  en  face  à  l'ordre  que  le  magistrat 
lui  donnoit  de  sacrifier  aux  dieux  du  paganisme  (2). 

2°.  Le  fanatique ,  ou  provocateur  au  fanatisme ,  é!oit 
le  prêtre  qui  avoit  parlé  le  langage  de  cette  religion  de  paix 
et  de  charité  dont  il  étoit  le  ministre  ;  et  c'est  elle-même 
qu'on  appeloit  fanatisme ,  comme  nous  l'avons  déjà 
fait  observer.  Le  célèbre  littérateur  La  Harpe,  qui 
avoit  naguère  professé  la  doctrine  des  persécuteurs,  ne 


(1)  Audiensvero  (Julianus  cornes  Orientis)  ecelesiam  Antio- 
ehensem  muititudinem  auri  et  avgenti  habere,  quœdam  oppo- 
nens  ctericis ,  ipsosque  effugans,  clausit  ecciesiam  Dei  :  qui 
verà  dispersi  erant ,  unusquisque  ubi  poterat  Deo  serviebat. 
Sanctus  verà  Theodoritus ,  suprà  memoratœ  ecclesiœ  presbyter, 
non  discedeits  de  civitate ,  sed  congregans  sibi  quosdam  fratres, 
sine  cessatione  coUectam  faeiens,  acciptabiles  Deo  fundebat 
orationes.  (  Mabillon  :  Analecta,  tom.  IV.) 

(2)  Obtemperans  prœceptîs,  sacrifica  dits....  Ireneum  INO- 
BEDIENTEM  prœceptis  in  fluvium  pvœcipitari  jubeo.  (Bol- 
landiani  ad  diem  25  martii.  ) 


C  i5  ) 

pénétroit  pas  assez,  depuis  sa  conversion,  dans  leurs 
intentions  véritables,  lorsque  ,  parlant  de  la  dénomina- 
tion injurieuse  donnée  par  eux  à  la  religion ,  il  prétendoit 
que  «  c'étoit  par  un  reste  de  pudeur  que ,  dans  une  révo- 
lution caractérisée  surtout  par  le  mépris  de  toute  pu- 
deur, ils  s'abstenoient  de  prononcer  le  mot  religion , 
et  que  ce  reste  de  pudeur,  dont  ils  ne  se  rendoient  pas 
compte,  étoit  à  la  fois  involontaire  et  réel.  Apparem- 
ment, continuoit-il ,  ce  mot  seul  de  religion  porte  en  lui 
un  caractère  si  essentiellement  sacré,  si  généralement 
respecté,  que  ceux  mêmes  qui  la  fouloient  aux  pieds, 
craignoient  d'en  prononcer  le  nom,  et  ne  savoient 
comment  l'associer  aux  outrages  dont  ils  auroient  voulu 
l'accompagner  (i)».  La  vérité  est  que  les  persécuteurs, 
mieux  connus  de  nous,  avoient  une  volonté  très-for- 
melle, et  aussi  librement  que  profondément  combinée, 
de  s'abstenir  de  ce  mot  sacré.  Ils  savoient  trop  bien 
quels  sentimens  involontaires  de  vertu,  quelle  crainte 
d'une  vie  à  venir,  il  éveille  infailliblement  dans  l'âme 
même  des  plus  grands  scélérats  dont  ils  avoient  besoin 
que  la  perversité  ne  connût  aucune  syndérèse  qui  en 
ralentît  la  frénésie ,  pour  hasarder  de  leur  laisser  en- 
tendre ce  mot  presque  miraculeux,  qui  eût  pu  la  décon- 
certer. Ce  fut  donc  pour  qu'elle  usât  javec  la  plus 
effrénée  licence  de  tous  ses  affreux  moyens  en  leur 
faveur,  qu'ils  n'employèrent  que  le  mot  fanatisme ,  qui 
étoit  d'autant  plus  irritant  pour  l'atroce  engeance  dont 
ils  se  servoient,  que,  «n'en  ayant  jamais  entendu  par- 
ler » ,  comme  en  convient  La  Harpe ,  elle  étoit  plus 


(1)  Du  Fanatisme  dans  la  langue  révolutionnaire ,  etc.  p.  54 
et  55. 


C  16  ) 

disposée  à  s'en  faire  une  autorisation  légale  aux  plus  hor- 
ribles attentats,  contre  ceux  qu'on  lui  désignoit  comme 

fanatiques. 

Ils  le  furent  aussi  sous  la  même  de'nominalion,  avec 
les  prêtres  demeurés  catholiques ,  ceux  des  assermentés 
qui,  conservant,  par  la  grâce  de  Dieu,  l'amour  et  le 
zèle  de  son  culte,  au  milieu  des  épouvantables  débor- 
demens  de  l'athéisme,  continuoient  d'exercer  leur  mi- 
nistère sacerdotal ,  depuis  que  la  Convention  avoit 
proscrit  jusqu'au  nom  de  Dieu,  et  déclaré  qu'elle  n'en 
reconnoissoit  plus  d'autre  que  la  liberté,  avec  la  raison 
pervertie  par  le  crime.  Ainsi  donc,  pour  les  prêtres, 
quels  qu'ils  fussent,  prêcher  l'Evangile,  célébrer  le 
dimanche,  dire  la  messe,  administrer  les  sacremens, 
étoient  autant  de  provocations  au  fanatisme  ;  et,  de  la 
part  des  fidèles ,  entendre  la  messe ,  participer  aux  sacre- 
mens, pratiquer  la  religion,  en  avoir  seulement  chez 
soi  quelque  signe,  étoient  autant  d'actes  de  fanatisme , 
dignes  de  la  peine  capitale. 

Dès  lors  on  comprend  quelle  fut  la  véritable  cause 
spéciale  de  la  mort  des  prêtres  qu'on  voit  condamnés , 
i°.  les  uns,  «pour  avoir  pratiqué  des  manœuvres  fana- 
tiques ,  tendant  à  exciter  la  guerre  civile  »,  c'est-à-dire 
à  faire  que  les  hommes  de  la  Foi  résistassent,  ne  fût-ce 
que  moralement,  aux  hommes  de  l'athéisme  ;  20.  les 
autres,  «pour  avoir  semé  la  discorde  dans  l'âme  des 
citoyens  parles  armes  du  fanatisme  »,  c'est-à-dire  pour 
avoir  prêché  que  les  médians  ne  sont  point  dans  la  voie 
du  salut,  afin  d'empêcher  les  fidèles  de  s'engager  avec 
les  athées,  dans  celle  de  la  perdition;  3".  ceux-là, 
«  pour  avoir  prêché  le  fanatisme  le  plus  furieux  »,  c'est- 
à-dire  pour  avoir  déployé ,  quoique  sans  aucuns  moyen? 


(  i7  ) 

ide  violence,  etparla  seule  parole  de  Dieu,  le  zèle  du  pro- 
phète roi  pour  la  religion  de  Je'sus-Christ(i);  4°-  ceux-ci, 
«  pour  avoir  fait  des  rassemblemens  contre-révolution- 
naires ,  sous  prétexte  de  cérémonies  religieuses  »  ou , 
«  pour  avoir  provoqué  à  de  tels  rassemblemens,  par  des 
manœuvres  fanatiques  »,  ou  enfin ,  «  pour  avoir  tenu  des 
conciliabules  fanatiques,  propres  à  fanatiser la  supers- 
tition ,  en  y  célébrant  des  messes ,  des  mariages,  etc.  » 

Dans  la  première  de  ces  trois  dernières  accusations ,  on 
parloit,  à  la  vérité,  de  «  cérémonies  religieuses  »;  mais  on 
évitoit  encore  de  prononcer  le  mot  religion;  et  celui  de 
cérémonies  avoit  alors  un  sens  méprisant  qui  dégradoit 
sa  respectable  épithète,  dont,  au  surplus,  l'expression 
généralisée  ne  rappeloit  pas  nécessairement  à  la  pensée 
la  religion  catholique  en  particulier.  L'eùt-eîle  indirec- 
tement rappelée,  c'étoit  sans  inconvénient  pour  les 
persécuteurs ,  parce  qu'ils  en  avoient  déjà  fait  un  objet 
de  haine  publique.  Us  fortifioient,  ils  irritoient  même 
cette  haine,  en  disant  que  les  cérémonies  religieuses 
avoient  servi  de  prétexte  «  à  des  rassemblemens  contre- 
révolutionnaires  »,  quiétoient  le  plus  grand  sujet  d'effroi 
pour  cette  populace  comme  pour  eux-mêmes. 

Dans  la  seconde  des  accusations,  les  rassemblemens 
étoient  rendus  plus  odieux  par  la  cause  divine  qui  les 
avoit  produits,  et  les  moyens  religieux  qui  les  avoient 
formés.  Ces  moyens,  disoit-on,  étoient  des  manœuvres 
fanatiques .  Or,  ces  manœuvres  n'avoient  été  que  les 
sentimens  de  la  Foi  en  action  ;  et,  le  plus  souvent,  ces 


(1)  Deus  Israël,....  exlmneus  factus  sum  fratribus  meis  

(juoniam  zclus  domûs  tuœ  comedit  me  ;  et  opprobria  exprobraii' 
tium  tibi  ceçiderunt  super  me.  (Psulm.  LXVIII.  y.  10.  ) 


2 


(  «8  ) 

rassemblemcns ,  prétendus  contre-révolutionnaires ,  n' tu- 
toient que  des  réunions  pieuses,  en  des  lieux  secrets, 
où  l'on  rendoit  à  Dieu  le  culte  qu'on  lui  doit.  Comme 
elles  n'avoient  eu  d'autre  but  que  de  faire  des  actes  de 
religion ,  c'étoient  donc  ces  actes-là  mêmes  que  l'on  con- 
damnoit  dans  ces  rassemblemens.  Les  prêtres  et  les  fidèles 
qui  y  avoient  été  arrêtés,  pouvoient  s'approprier  ce  qu'au- 
trefois saint  Denis  d'Alexandrie  ,  surpris  dans  une  réu- 
nion de  ce  genre,  et  traduit  devant  le  préfet  Emilien, 
comme  auteur  d'un  rassemblement  illégal ,  racontoit  des 
vrais  motifs  pour  lesquels  celui-ci  vouloit  le  condamner  : 
«  s'il  s'abslenoit  en  apparence  de  nous  inculper  direc- 
tement sur  l'objet  de  nos  réunions,  disoit-il,  c'est  qu'il 
lui  suffisoit  de  nous  traiter  d'ennemis  de  l'Etat;  et  nous 
l'étions  à  ses  yeux,  par  cela  seul  que  nous  ne  professions 
pas  l'impiété  des  tyrans.  Peu  leur  auroit  importé  que 
nous  nous  fussions  rassemblés  avec  calme ,  et  en  esprit 
de  paix,  comme  nous  l'avons  fait,  si  ce  n'eût  pas  été 
pour  des  actes  de  religion ,  car  ils  vouloient  par  dessus 
tout  nous  empêcher  d'être  chrétiens  (i)  ». 

Quand  les  proconsuls  eurent,  dans  leur  hideuse  fran- 
chise, prohibé  formellement,  sous  peine  de  mort,  les 
réunions  saintes,  par  cela  seul  qu'elles  l'éloient,  de 
même  que  cela  se  pratiqua  notamment  en  Afrique  et 
en  Syrie,  aux  temps  de  Yalérien  et  de  Gallien  ,  de  Dio- 
clétien  et  de  Maximien  (2)  ;  ce  fut  alors  qu'on  vit  se 


(1)  Quippe  haudquaquam  curabat  Mmiiianus  ne  alios  con- 
gre g  ar  cm  ;  sed  id  agehat  ne  ipsi  christiani  essemus.  (Fragment 
de  lettre,  dans  Ensèbe  ;  Hist.  Eccies.  L.  VII,  c.  n.) 

(2)  Prœceperunt  ne  in  aiiquibus  tocis  conciliabuia  fièrent, 
ncc  ccemeteria  ingreUiatUur.  Si  qxiis  itaque.  hoc  prœccptum  non 


(  i9) 

multiplier  les  condamnations  motivées  par  des  «  conci- 
liabulesfanatiques ,  propres  à  fanatiser  la  superstition  ». 
Et  il  faut  que  la  postérité  sache  qu'alors  en  France, 
comme  jadis  dans  les  contrées  lointaines  dont  nous 
venons  de  parler,  il  y  eut  quantité  de  prêtres  courageux 
dont  le  zèle  pour  le  salut  des  âmes  ne  pouvoit  être 
déconcerté  par  la  menace  de  mort  ;  et  qui ,  pour  rem- 
plir le  devoir  de  leur  ministère,  réunissoienl,  non  sans 
prudence,  en  des  maisons  particulières,  tout  autant  de 
fidèles  qu'ils  en  pouvoient  admettre  ,  pour  célébrer  avec 
eux  les  saints  mystères ,  les  faire  participer  aux  grâces 
de  l'Eglise,  soutenir  leur  piété  dans  les  terribles  épreuves 
où  elle  se  trouvoit,  et  les  disposer  à  la  mort  toi  mar- 
tyre, dont  ils  étoient  menacés.  Alors  aussi,  et  sur 
presque  tous  les  points  de  la  France ,  comme  en  297 
à  Samosate ,  et  en  3o4  dans  la  ville  d'Abitine ,  il  y  eut 
des  Hipparque  (1)  et  des  Emérite  (2),  qui,  malgré  de 


observaverit ,  capite  ptectetur.  (S.  Cypr.  Opéra:  Acta  procon- 
sularia). — Temporibus  Dioctetiani  et  Maximiani ,  beitum  dia- 
bolus  christianis  indixit  isto  modo,  ut  ritus  sacros  cœtus- 
que  sanctissimos  celebrari  Domino  prohiberet.  (Ruinart  :  Acta 
sanctorum Saturnini,  Dativi,  et  aliorum  Martyrumin  A  frica , 
n»  I.) 

(  1  )  Erat  iltis  in  œdibus  Hipparchi  conclave  commode  extruc- 
tum  ;  crucemque  pinxerant  in  orientait  ejusdem  pariete.  Ibi , 
antè  cruels  imaginem  [Hipparchus  et  Philotheus) ,  converso 
ad  orientem  ore,  Domimim  Jesum  Christum  quotidiè  septies 
adorabant.  Accidit  intereà  ut  Jacobus ,  Habibus,  Romanuset 

Loiiianus  convenirent  Sacerdos  Jacobus  baptizavit  eos  in 

nomine  Pat  ris  et  Filii  et  Spiritûs  Sancli,  eisque  corpus  et  san- 
(fuinem  Christi  continuo  impertiit.  (Asseman  :  A  et.  Martyr, 
Oriental.  Partie  II,  pag.  124.  Deseptem  Martyribus  Hipparcho, 
Philotheo,  etc.  ) 

(2)  Incivitate  Abitinensi,,  cumbel(ica  cancrcl  tuba,  domi- 

2. 


(  20  ) 

semblables  menaces,  érigèrent  ou  permirent  d'ériger,"' 
dans  leur  maison,  des  autels  autour  desquels  beaucoup 
de  fidèles  venoient  se  réunir  secrètement,  pour  célé- 
brer les  mystères  du  Seigneur,  et  participer  à  la  sainte 
Eucharistie.  En  plus  d'un  endroit  ils  furent  aussi  dé- 
couverts par  l'infatigable  recherche  des  persécuteurs , 
et  traînés  devant  les  tribunaux  comme  l'avoient  été  les 
généreux  chrétiens  de  Samosate  (i)  et  d'Abitine  (2); 
et  en  même  temps  que  les  prêtres  qui  présidoient  à 
ces  saintes  réunions  étoient  juridiquement  envoyés  à  la 
mort  «  pour  avoir  tenu  des  conciliabules  fanatiques  » , 
leurs  fidèles  étoient  condamnés  avec  eux  au  dernier 
supplice  ,  les  uns ,  c'est-à-dire  ceux  chez  qui  s'étoient 
faites  les  pieuses  réunions ,  «  pour  avoir  favorisé  des 
rassemblemens fanatiques  »  ,  ou  comme  «  s'étant  rendus 
auteurs  ou  complices  de  manœuvres  fanatiques  »;  et  les 
autres ,  c'est-à-dire  les  assistans ,  comme  «  ayant  fait 
partie  de  rassemblemens  fanatiques  et  contre-révolu- 
tionnaires »  :  ces  deux  mots  étoient  des  synonymes 
indivisibles. 


nica  signa  gioriosi  Martyres  (Saturninus ,  Dativus  et  alii) 
erexerunt  in  domo  Emeriti;  ibique  célébrantes  ex  more  Domi- 
nicum  aut  domiuica  sacramenta.  (  Ruinai  t  :  Jeta  sanctorum 
Saturnini,  Dativi,  et  aliorum  Martyrum ,  n°  II.  ) 

(1)  Satellites  Hipparchi  œdes  invadunt ,  ibique  septem  illos 

christianos  nacti          surgunt  omnes ,  et  à  satellitibus  ducti, 

imperatori  sisîuntur,  etc.  (  Asseman,  ut  suprà.  ) 

(2)  A  Cotoniœ  magistratibus ,  atque  ab  ipso  statdonario  mi- 
lite apprehenduntur ,  Saturninus  cum  filiis  quatuor,  et  Dati- 
vus senator,  Emeritus ,  Thelica,  Restituta,  Pomponia,  Mar- 
garita,  aliique  triginta  septem.  (Ruinait  :  Acta  sanctorum 
Saturnini,  Dativi,  etç,  in  Africa,  n°  II.) 


(  21  ) 

Lorsque  tous  ces  Martyrs  avoient  comparu  devant 
les  juges,  loin  qu'aucun  d'eux  eût  nié,  ou  dissimulé  rien 
de  ce  qu'on  leur  reprochoit ,  chacun,  suivant  son  rang 
dans  l'église,  s'étoit  fait  gloire  des  actes  de  religion 
pour  lesquels  il  alloit  être  condamné.  Les  prêtres,  à  qui 
les  juges  demandoient  pourquoi  ils  avoient  enfreint 
la  loi  païenne,  avoient  répondu  avec  saint  Saturnin  : 
«Nous  en  avions  une  plus  respectable  à  suivre,  celle 
de  Dieu  même;  et  je  souffrirai  volontiers  pour  cette 
loi  sacrée  les  tourmens  qu'elle  peut  m'attirer  »  :  ré- 
ponse divine  qu'on  ne  sauroit  assez  admirer  et  louer! 
s'écrie  l'historien  (i).  Les  catholiques  courageux  à  qui 
l'on  imputoit  à  crime  d'avoir  reçu  chez  eux  leurs  frères 
pour  la  célébration  des  saints  mystères,  répliquoient  sans 
timidité  :  «  Nous  pouvions  d'autant  moins  les  empêcher 
d'y  venir,  qu'ils  ne  peuvent  pas  mieux  que  nous  être 
chrétiens  sans  cette  célébration  (2)  ».  Enfin,  tous  les 
autres  déclaroient  avec  la  sainte  liberté  des  enfans  de 
Dieu  ,  «  qu'ils  étoient  catholiques ,  et  que ,  par  cela 
même ,  ils  n'avoient  pu  se  dispenser  de  remplir  ces  de- 


(1)  Cui  proconsul  :  Quart  contrà  prœceptum  faciebas?  Et 
presbyter  ;  Lex  sic  jubet ,  (ex  sic  docet ,  inquit.  O  admiranda 
satis  ac  prœdicanda  presbyteri  doctoris  divina  responsio  !  Legem 
sanctissimam  etiam  in  tormentis  presbyter  prœdicat,  pro  qua 
libentcr  supplicia  suslinebat.  (Ibid.  n°  X.) 

(2)  At  vero  Emcrito  :  in  tua,  inquit  proconsul,  donio  col- 
icctœ  factœsunt  contrà  prœceptum  ?  Cui  Emeritus  Sancto  Spi- 
ritu  inundatus  :  In  domo  mea,  inquit,  egimus  Dominicum 
(id  est  celebravimus  sacra  mysteria).  At  ilte  :  Quare  permit- 
tebas,  ait,  iltos  ingrcdi?  Respondit  :  Quoniam  fratres  mei 
sunt,  et  non  poleram  Utos  prohibere.  Sed  protibere,  inquit, 
illos  debuisti.  At  Me  :  Non  potui,  quoniam  sine  Dominiço 
esse  non  possumus.  (  Ibid.  n°  XL  ) 


(  22  ) 

voirs  de  religion,  maigre  les  lois  impies  qui  leur  en 
avoient  défendu  l'observance  (i)». 

Avoir  favorisé  de  quelque  manière  que  ce  fût,  et  par 
zèle  pour  la  religion,  le  ministère  des  prêtres  catholiques , 
sans  même  le  leur  faire  exercer  en  sa  propre  maison, 
étoit  un  délit  également  digne  de  la  peine  capitale  :  et 
voilà  pourquoi  vous  verrez  encore  des  fidèles  condam- 
nés au  dernier  supplice  «  pour  avoir,  disoit-on ,  servi 
de  diverses  manières  les  complots  des  prêtres ,  et  tous 
les  excès  dont  se  sont  souillés  les  fanatiques  ». 

Vous  en  verrez  d'autres  envoyés  à  la  mort  «  pour 
avoir  soudoyé  les  fanatiques  »  ;  et  c'étoient  les  personnes 
saintement  charitables  qui,  profondément  touchées  de 
la  détresse ,  de  la  misère  extrême  à  laquelle  la  révolu- 
tion avoit  réduit  les  ministres  des  autels  proscrits ,  leur 
avoient  procuré  quelques  moyens  de  subsistance.  Elles 
étoient  suppliciées  avec  eux  pour  avoir  mérité  ce  té- 
moignage qu'au  milieu  de  leurs  souffrances,  des  con- 
fesseurs de  la  Foi  avoient  rendu  au  bienheureux  Lucien  : 
«  Il  nous  a  fourni  des  alimens  pour  soutenir  une  vie 
que  d'ailleurs  on  sembloit  avoir  chargé  la  faim  de  nous 
ravir  ;  et  nous  lui  offrons  devant  Dieu  des  actions  de 
grâces  pour  des  œuvres  si  glorieuses  (2).  » 


(1)  Quœro  an  coUcctam  feceris,  si  in  collecta  fuisti:  res- 
poiule.  (Et  rcspondil)  :  Qtiasi  christianus  sine  Dominico  esse 
possit,  aut  Dominicum  sine  christiano  cetebraril  An  nescisin 
Dominico  christianum ,  et  in  christiano  Dominicum  constitu- 
tum,  ut  nec  atterum  sine  altero  valeat  esse?  Càm  nomen  au- 
dieris  ,  frequentiam  Domini  disce;  et  cùm  collectam  audieris  , 
nomen  agnosce.  Collectam  gloriosissimè  celebravirnus  ;  in  Do- 
minicum convenimus  semper.  (Ibid.  n°  XII.  ) 

(1)  Ità  iaborifrus  nostris  refrigerium  Dominas  per  Lucianum 


(  23  ) 

Parmi  un  assez  grand  nombre  de  pieux  laïcs  con- 
damnés «  pour  avoir  entretenu  des  intelligences  avec 
des  prêtres  déportés  »  ,  les  uns  n'étoient  coupables  dans 
l'esprit  des  persécuteurs,  que  d'avoir  étendu  leurs  cha- 
rités jusqu'à  ces  confesseurs  de  la  Foi,  qui,  jetés  dans 
l'exil ,  dépouillés  de  tout ,  y  étoient  en  proie  à  la  misère  ; 
les  autres  n'avoient  guère  eu  de  correspondances  épis- 
tolaires  avec  eux  que  parce  que  les  ayant  eus  pour 
guides  dans  les  voies  du  salut,  leurs  conseils  étoient 
devenus  encore  plus  nécessaires  à  ces  âmes  fidèles  de- 
puis qu'ils  avoient  été  forcés  de  s'en  éloigner,  en  par- 
tant pour  l'exil. 

Une  très-grande  quantité  d'autres  laïcs,  pareillement 
de  l'un  et  l'autre  sexe,  comme  les  précédens,  furent 
aussi  condamnés  à  la  mort  comme  «  recéleurs  ou  re- 
céleuses  de  prêtres  réfractaires  »  {V.  ci-devant,  tom.  Ier, 
pag.  220)  ;  et  c'étoient  ceux  qui  avoient  tâché  de  les 
soustraire  aux  recherches  des  persécuteurs ,  en  les  ca- 
chant dans  leur  maison.  Cette  qualification  étrange 
qu'on  leur  donnoit  n'étoit  impropre  à  ce  point  que 
pour  être  infamante  ;  puisque ,  dans  la  langue  française , 
le  recèlement  ne  s'entend  que  des  choses  volées;  et  que, 
compagnon  du  vol,  aussi  coupable  que  lui,  il  n'est  ni 
moins  odieux,  ni  moins  punissable.  On  eût  dit  que  les 
prêtres  catholiques  étoient  une  proie  dont  les  persécu- 
teurs avoient  acquis  la  propriété  pour  s'en  repaître ,  et 
qu'on  leur  faisoit  le  plus  préjudiciable  des  larcins,  en 
les  dérobant  à  leur  sanguinaire  avidité.  C'étoit  donc 


carissimum  nobis  prœbuit ,  alïmentnm  indeficiens  omnibus  mi- 
nistravit  :  cujus  tam  gloriosis  operibus  omnes  apnd  Deum  gra- 
tias  agimus.  (Ruinai  t  :  Passio  SS.  Montant ,  Lucii,  etc.  a"  IX "t. 


(  H  ) 

par  ce  terme  flétrissant  qu'ils  désignoient;  avec  une 
basse  malice,  lacle  le  plus  héroïque  de  la  charité  chré- 
tienne dans  ces  affreuses  circonstances  :  aclion  admirable 
dont  Jésus-Christ  avoit  donné  le  courage  à  ces  âmes  sen- 
sibles, en  les  assurant  que  «c'étoitle  recevoir  lui-même 
que  de  recevoir  ceux  qui  éloient  proscrits  pour  la  jus- 
tice, et  que  celui  qui  recevoit  le  juste  en  son  nom, 
recevroit  la  récompense  du  juste  (i)  ».  Le  droit  que 
la  mort  subie  pour  une  aussi  belle  œuvre  donnoit  à 
la  palme  du  martyre,  suffisamment  prouvé  par  cette 
promesse  de  1  éternelle  vérité,  a  déjà  été  reconnu  dans 
notre  Discours  préliminaire  (pag.  33  et  34),  et  sera 
plus  amplement  développé  à  l'article  de  J'  Alix. 

Lorsqu'on  trouvera  de  nos  Martyrs  condamnés 
seulement  comme  «  émigrés-rentrés  » ,  il  faudra  bien 
remarquer  qu'ils  ne  le  furent  ainsi,  qu'après  la  victoire 
thermidorienne  du  27  juillet  1794»  et  depuis  que  la  per- 
sécution avoit  adopté  les  formes  astucieuses  de  l'empe- 
reur Julien.  {Voy.  ci-devant,  tom.  Ier,  pag.  3o  et  260.) 
Alors,  par  une  ruse  à  la  perfidie  de  laquelle  l'égoïsme 
de  nos  concitoyens  les  rendit  presque  indifférens ,  la 
faction,  reprenant  dans  toute  sa  rigueur  l'atroce  loi 
qu'elle-même  avoit  obtenue  les  21  et  22  octobre  1793 
(Ibid.  pag.  216),  se  prévalut  de  ce  que,  par  les  art.  V 
et  XV  de  cette  loi  (Ibid.  pag.  217  et  219),  elle  avoit 
fait  assimiler  les  prêtres ,  antérieurement  forcés  à  la  dé- 
portation, aux  laïcs  qui,  ayant  émigré  volontairement, 
étoient  condamnés  à  la  mort  lorsqu'ils  rentroient.  Elle 


(1)  Quirecipit  vos,  me  recipit;  et  qui  recipit  justum  in  na~ 
minejusti,  mercedrmjusti  accipiet.  (Matb. .  c.  x,  f.  40  et4i-) 


C  *5  ) 

enveloppa  beaucoup  de  ministres  du  Seigneur  dans 
cet  homicide  stratagème.  Ceux-là  même  qui,  s'étant 
soustraits  à  la  déportation ,  avoient  échappé  au  glaive  de 
la  persécution  avant  le  neuf  thermidor,  furent  alors 
frappés  sous  le  même  prétexte  que  ceux  qui ,  dans  la 
trompeuse  assurance  que  la  persécution  avoit  cessé  avec 
Roberspierre ,  étoient  revenus  de  l'exil  :  c'est-à-dire 
comme  «  émigrés-rentrés».  Les  premiers  étoient  ainsi 
traités ,  dans  la  supposition ,  le  plus  souvent  évidemment 
fausse,  qu'ayant  été  sujets  à  la  déportation ,  ils  l'avoient 
réellement  subie,  et  étoient  rentrés,  comme  les  seconds, 
avec  le  caractère  de  réprobation  que  la  révolution  atta- 
choit  au  nom  $  émigré;  et  les  seconds  ainsi  que  les  pre- 
miers, périssoient  au  fond  pour  le  même  motif  que  ce 
saint  Martyr  Basile,  prêtre  d'Ancyre,  qui,  sur  l'invi- 
tation de  beaucoup  d'évêques  catholiques  réunis  en 
Palestine,  éloit  venu  ranimer  la  Foi  dans  sa  province , 
malgré  les  défenses  des  Ariens  (i). 

Quant  à  ceux  de  nos  Martyrs  qui  sont  morts  dans  les 
prisons,  ou  en  des  déportations  plus  cruelles  peut-être 
que  les  échafauds ,  nous  en  avons  assez  dit  dans  notre 
tome  Ipr,  pag.  34 — 35. 

En  terminant  cette  explication  des  prétextes  divers 
qui  servirent  à  motiver  la  mort  violente  de  tous  ceux 
dont  nous  allons  parler,  et  avant  de  présenter  la  liste 


(i)  Ab  cpiscopis  ducentis  triyintain  Patestina  collectis,  jus- 
sus  est  fidcntcr  ayere,  ut  qui  mayistros  haberct  viros  sanctos... 
Profiibitus  habero  viros  sanctos....  Rectam  coram  Deo  vitaiu 
ducens ,  annuntiabatirreprciiensibilem  fîdci  scrmonem  et  mut- 
tos  reducebat  ab  errore.  (Acta,  cum  Codice  vaticano  collata,  in 
JîolkndUti?,  ad  mensem  inailium,  n°  î.  ) 


(  26  ) 

alphabétique  des  articles  que  nous  consacrerons  à  chacun 
d'eux,  il  importe  de  prévenir  nos  lecteurs  que  lorsque , 
dans  ces  articles,  on  en  verra  où  la  vie  des  individus 
qu'ils  concernent  est  exposée  de  manière  à  montrer 
que,  par  une  longue  pratique  des  vertus  chrétiennes, 
suivant  leur  profession,  ils  s'étoient  rendus  dignes  de  la 
grâce  du  martyre,  il  ne  faudra  pas  en  conclure  que  tous 
ceux  dont  nous  n'exposerons  pas  les  actions ,  avant  les 
temps  d'épreuve ,  n'aient  pas  eu  une  conduite  aussi  édi- 
fiante que  les  autres.  Nous  avons  pu  nous  dispenser  de 
la  décrire,  parce  que,  dans  la  question  du  martyre, 
c'est  la  fin  qui  décide  du  droit  à  la  couronne  et  aux 
palmes  de  la  victoire.  Il  eût  suffi  à  la  gloire  des  pre- 
miers de  montrer  qu'ils  sont  morts  pour  la  Foi  ;  et  cela 
doit  suffire  également  à  la  gloire  de  tous  les  autres. 

Non,  encore  une  fois,  ce  n'est  pas  légèrement  et 
par  une  manière  de  parler,  trop  souvent  et  trop  mondai- 
nement  usitée,  que  nous  les  appelons  Martyrs.  C'est 
encore  moins  par  un  esprit  d'adulation  intéressée  envers 
ce  qui  survit  de  leurs  familles,  puisque  la  plupart  n'ap- 
partenoient  qu'à  des  classes  obscures  et  sans  fortune , 
puisque  toute  la  génération  de  leur  temps  semble  en- 
tièrement éteinte.  Quand  on  nous  a  vu  combattre 
des  abus  de  ce  genre  (Tom.  I,  pag.  18  et  20  );  quand 
on  nous  a  entendu  déplorer  les  licences  peut-être  non 
moins  abusives  de  ces  siècles  d'ignorance  et  de  barba- 
rie où  la  reconnoissance  de  l'ambition  satisfaite  pro- 
diguoit  si  libéralement  les  honneurs  du  martyre  à  ses 
bienfaiteurs  assassinés  pour  des  causes  politiques  (Ibid. 
pag.  56  et  57),  on  a  dû  prévoir  que  nous  nous  tiendrions 
en  garde  contre  de  pareilles  méprises. 

La  rigoureuse  exactitude  que  nous  avons  observée 


(  27  ) 

dans  l'exposition  des  règles  de  l'Eglise  à  cet  égard, 
bien  qu'elles  contrariassent  nos  anciennes  et  invariables 
affections,  que  de  longues  et  cruelles  épreuves  n'ont  pu 
affoiblir  parce  qu'elles  étoient  désintéressées  ;  cette  exac- 
titude, pénible  à  notre  cœur,  auroit  pu  servir  de  .garant 
que,  dans  la  pratique  ,  nous  ne  nous  écarterions  pas  de 
ces  principes.  Ceux  par  lesquels  ils  seroient  enfreints, 
supposé  toutefois  qu'ils  se  fussent  distingués  par  une 
égale  invariabilité,  par  un  semblable  oubli  d'eux-mêmes, 
auroient  des  sentimens  plus  vifs  que  les  nôtres,  sans 
que  les  nôtres  en  fussent  moins  purs,  ni  moins  solides. 
Mais ,  en  écrivant ,  nous  n'avons  pu  nous  déshabituer  de 
la  pensée  que  nous  étions  encore  aux  beaux  jours  de  ces 
illustres  Facultés  de  théologie  qui,  supérieures  à  toute 
considération  mondaine,  eussent  condamné  quiconque 
auroit,  fût-ce  involontairement,  blessé  la  saine  doc- 
trine. Si  ces  corps  savans,  qui  en  étoient  comme  les 
dépositaires  et  les  vengeurs,  fleurissoient  encore  au- 
jourd'hui, tels  qu'autrefois,  ils  auroient  sans  doute  pré- 
conisé des  premiers  la  sainte  mort  des  victimes  royales , 
immolées  pour  des  causes  politiques  ;  mais  souffriroient- 
ils  qu'on  les  qualifiât  de  vrais  Martyrs  (i),  dans  le  temps 
même  qu'on  demande  ou  qu'on  prescrit  pour  elles  des 


(1)  On  s'est  prévalu  d'un  passage  de  l'allocution,  plus  oratoire  que 
dogmatique,  de  Pie  VI,  de  laquelle  il  a  été  déjà  parlé  dans  notre 
Di*colh»  préliminaire  (pag.  68);  mais,  dans  ce  passage  où  le  pape 
n'avoit  point  dit  affirmativement  ce  qu'on  affirme,  on  auroit  dû 
remarquer  la  circonspection  du  tour  des  phrases  ,  celle  des  expres- 
sions ,  et  la  marche  des  pensées.  Procédant  avec  précaution,  le 
Pontife  commença  par  écarter  l'idée  qu'il  voulût  faire  au  monarqu» 
aucune  application  directe  de  ce  qu'il  alloit  dire  :  Àt  hic  inlermitta- 
mus  aliquaiuùm  de  Liùlovico  loqui.  Apré,s  cet  avertissement,  il 


(  =8  ) 

sacrifices  propitiatoires  ?  Ah  !  si  par  l'inexactitude  de 
leur  langage,  les  maîtres  en  Israël  (Joan.  C.  III.  j[T.  10.) 
donnoicut,  sans  le  vouloir,  occasion  de  penser  injus- 
tement que  la  Foi  pourroit  être  en  contradiction  avec 
elle-même  (ce  qui  troubleroit  la  croyance  des  fidèles, 
induiroit  en  erreur  ces  mondains,  si  savans  dans  tout, 
excepté  la  religion,  et  réjouiroit  enfin  les  philosophes 
qui  la  combattent);  qui  donc  rétabliroit  cette  Foi  divine 
dans  son  harmonique  intégrité  ? 

On  pourra  d'autant  moins  nous  accuser  d'en  agir  avec 
précipitation,  quand  nous  appelons  Martyrs  ceux  dont 
nous  allons  parler,  que  Rome  elle-même,  du  moins  à 
l'égard  d'un  grand  nombre,  nous  y  autorisa  dans  plu- 
sieurs circonstances,  et  notamment  encore  en  1797. 
Quelles  approbations  ne  furent  pas  données,  sous  Pie  VI, 
par  les  Réviseurs  et  le  Maître  du  palais  apostolique,  à 
l'admirable  Memoriale  vitee  SacerdoùJis ,  de  M.  d'Ar- 
visenet,  chanoine,  et  l'un  des  quatre  archidiac;  es  de  Lan- 
gres,  à  la  tête  duquel  il  n'avoit  pas  craint  de  mettre  en 
invocation  effective ,  ce  que  nous  ne  disons  ici  qu'en 
principes  (1)!  De  P.omc  même,  et  avec  l'autorisation 


entra  dans  le  récit  de  la  mort  de  la  reine  Marie  Stuart,  et  le  termina 
en  rappelant  l'opinion  de  Lambertini,  lequel,  air-surplus,  s'étoit  con- 
tenté de  dire  que  «PEUT-ÊTRE  il  ne  manqueront,  à  cette  mort,  rien 
de  ce  qu'il  faut  pour  constituer  un  véritable  martyre»  :  NU  FOU- 
TASSE  deerit  ex  his  quee  pro  vero  martyrio  sunt  necessaria. 
Pic  VI,  parlant  de  cette  conjecture,  et  s'appuyant  de  quelques  pa- 
rités, ne  lit  que  se  demander  à  lui-même  «pourquoi  l'on  n'appli- 
queroit  pas  le  même  raisonnement  au  monarque  dont  il  prononçoit 
l'éloge  funèbre  »  :  Cvr  nos  eidem  non  consentiremus  pro  mar- 
tyrio régis  Ludovici?  Certes,  il  y  a  loin  de  cette  manière  de  s'expri- 
mer, a  une  décision  du  pape  comme  chef  de  V Eglise. 
(  1)  On  en  connoîl  deux  réimpressions  faites  en  France,  l'une  à  Lyon, 


(  29  ) 

du  Souverain  Pontife ,  l'auteur,  adressant  son  livre  aux 


en  1817,  chez  Rusand;  et  l'autre  en  1801,  à  Langres,  chez  Claude- 
Laurent  Bournot.  Dans  la  préface  de  l'auteur,  adressée  ad  Saccrdotes 
Gallicanos ,  il  avoit  ajouté  quelques  phrases  de  consolation  aux  inser- 
mentés qui,  par  une  rétractation  suffisante,  étoient  rentrés  dans  le 
sein  de  l'Eglise.  Auparavant  elle  consistoit  presque  entièrement  dans  ce 
que  nous  allons  en  citer.  La  première  édition  avoit  été  faite  à  Constance  ; 
il  y  en  eut  une  nouvelle  à  Venise,  en  1795,  apud  Laitrentium  Ba- 
siiium  (et  nous  avons  aussi  celle-là  sous  les  yeux).  Dans  l'inter- 
valle ,  il  s'en  fit  une  à  Londres,  chez  Longchamp.  L'ouvrage  ayant  été 
déposé  aux  pieds  du  pape,  en  1797,  'a  réimpression  en  fut  alors  au- 
torisée à  Rome,  d'une  manière  infiniment  honorable,  et  presque  dog- 
matique. Les  approbateurs  furent  Fr.  Xav.  Passer i,  archevêque  de 
Larisse,  vice-gérent  (vicaire  du  vicaire  du  Pape)  ;  Laurent,  chanoine  ; 
Lauri,  réviseur;  Fr.  Thomas- Augustin  Pellini,  de  l'ordre  des  Frères 
prêcheurs,  et  réviseur.  Le  maître  du  sacré  palais  apostolique  qui ,  sur 
leur  témoignage,  accorda  le  reimprimatur,  étoit  Fr.  Vincent  Pani, 
du  même  ordre.  Ces  témoignages  sont  conservés,  sous  le  titre  (TAp- 
fâobationes  Romanœ,  dans  les  deux  éditions  de  France,  où  l'on  a 
retranché  le  titre  d'EXILE  que  l'auteur  avoit  pris  dans  les  précé- 
dentes :  à  Sacerdote  Gallicano ,  diœcesis  Lingonensis  Exule, 
redactum.  On  n'y  lit  plus  que  à  Claudio  Arvisenet,  sacerdote, 
Lingonensi.  Il  avoit  d'ailleurs  dédié  son  livre,  par  une  sorte  de  res- 
triction ,  ad  Saccrdotes  Gallicanos  Exules  ;  et  en  1801 ,  étant  rentré 
en  France,  il  l'adressoit  d'une  manière  générale  ad  Saccrdotes  Gal- 
licanos. Ce  qui  est  très-remarquable ,  c'est  que  ce  Memoriale,  avec 
sa  préface,  avoit  été  fort  loué,  en  1800,  dans  les  Annales  qm,  sous 
la  qualification  de  philosophiques,  morales  et  littéraires,  étoient 
la  suite  des  A nnales  catholiques  (  tom.  II ,  pag.  237  )  ;  il  le  fut  encore 
en  1804,  dans  le  même  journal  continué  sous  le  titre  à' A  nnales  litté- 
raires et  morales  (an  XIII  de  la  république,  tom.  II,  pag.  211);  et 
il  ne  l'a  pas  moins  été  en  1 8 19  et  en  1 820,  dans  lacontinuationdes  mêmes 
Annales,  sous  la  dénomination  de  l'Ami  de  la  Religion  et  du 
Roi  (tom.  XVIII,  pag.  4o3;  et  tom.  XXIII,  pag.  5o4),  quoique, 
dans  cet  ouvrage  périodique,  on  annonce  chaque  année,  comme  une 
chose  régulière,  les  messes  expiatoires  qui  se  célèbrent  dans  l'église  des 
Carmes,  en  mémoire  des  Martyrs  qui  y  furent  massacrés  pour  la  Foi, 
le  2  septembre  1792.  {Voy.  Discours  préljm.  pag.  83etsuiv.  ) 


(  3o  ) 

prêtres  de  l'Eglise  gallicane  qui  échappoient  à  la  perse- 
cation  ,  et  n'ayant  à  leur  parler  que  de  ceux  de  leurs 
confrères  qui  y  périssoient  pour  la  religion,  leur  disoit 
avec  assurance  :  «  Puisque  Dieu,  le  père  de  N.  S.  Jésus- 
Christ  ,  a  glorifié  ceux  qu'après  les  avoir  soumis  à  la 
persécution,  il  a  justifiés  dans  l'effusion  de  leur  sang 
pour  la  Foi ,  il  nous  est  permis ,  non  simplement  de  jeter 
des  fleurs  sur  les  tombes  et  les  cendres  de  ces  Martyrs, 
mais  encore  de  les  invoquer.  Bienheureux  prêtres!  et 
prêtres  trop  fortunés,  dont  beaucoup  ont  été  sauvés 
dans  un  instant,  en  un  clin  d'œil,  et  presque  pour  rien, 
par  la  générosité  du  Dieu  des  miséricordes  !  Heureuse 
adversité  de  la  persécution,  qui  leur  a  procuré  une  si 
giande  récompense  et  une  si  belle  palme!  Heureuses 
humiliations ,  qui  leur  ont  acquis  tant  de  gloire  !  Heu- 
reuses prisons,  par  lesquelles  ils  sont  entrés  dans  l^s 
palais  de  la  cité  céleste  !  Heureuse  mort ,  qui  leur  a 
donné  une  vie  éternelle  »  !  Pater DomininostriJesu  Christi 
GLORIFJCAVIT quos  in  persecutione  vocavit,  et  in 
effusione  sanguinis  pro  fide  JUSTIFICAVIT.  Liceat 
hic flores  aliquot  super  M AR  TYR  11  M  nostrorum  tumu- 
los  et  cineres  conjicere.  O  BEA  TU  6  felices  niiriis  sa- 
cerdotes  illi  quos  misericordiarum  Dominus  sic  in  mo- 
mento,  in  ictu  oculi ,  et  quasi  pro  nihilo  SALF~OSfe- 
cit  !  Félix  tribulatio  persecutionis ,  quee  contulit  illis 
TAN  TA  M  PALMAM remunerationis  !  Beatœ  contu- 
meliœ,  quœ  fuerunt  illis  causa  GL ORIJE  !  Beati  carceres, 
per  quos  SUPERNA  PAL  ATI  A  ingressi  sont!  Beata 
mors ,  quœ  VITAM ipsis  donavit  jE  TERNAM{\)  ! 
Prenant  alors  le  langage  de  l'invocation  formelle 


(1)  Prœfatio  ad  Sacerdotcs  Gatlicanos  Exuies.  Pag.  4- 


(  3i  ) 

qu'on  permet  si  difficilement  à  Rome,  l'auteur  s'écrioit 
avec  autant  de  confiance  que  d'enthousiasme  :  «  O  pères 
saints,  ô  frères  très-glorieux,  qui  maintenant  comblés 
de  délices  environnez  le  trône  de  l'Agneau  !  jetez  du  haut 
du  ciel  vos  regards  ici-bas  ;  et  envoyez  des  secours  à  vos 
anciens  confrères,  à  vos  anciennes  ouailles ,  à  vos  précé- 
dens  concitoyens  !  Hélas  !  nous  sommes  encore  dans  les 
épreuves  et  les  combats,  tandis  que  vous  vous  reposez 
dans  la  douce  joie  du  Seigneur.  Aidez ,  aidez-nous  par  vos 
prières!  »>  O  patres  SANCTI!  ôfratres  GLORIOSIS- 
SIMI,  qui  NUNC  Agni  thronum  LMTI  circuitis , 
RESPICITE  DE  COELO,  et  OPEM  vestris  confra- 
tribuSy  vestris  ovibus ,  vestris  concivibus  MITTITE. 
Ecce  adhuc  inter  pugnas  et  prœlia  sumus ,  dàm  VOS 
IN  JUCUNDITA TE  QUIESCIT1S.  Nos  precibus 
JUVATE{x). 

«  Oh  !  combien ,  ajoutoit  cet  ecclésiastique  plein  de 
lumières  et  de  Foi,  combien  nous  sont  nécessaires  les 
suffrages  de  nos  saints  Martyrs!  car  notre  course  n'est 
pas  encore  achevée:  et,  quoique  nous  ayions  certaine- 
ment beaucoup  souffert,  nous  ne  sommes  pas  encore 
entrés  dans  cette  cité  du  Dieu  vivant,  dans  cette  Jéru- 
salem céleste  où  sont  maintenant  ceux  de  nos  confrères 
que  Dieu  a  glorifiés  par  le  martyre.  Nous  ne  pouvons 
nous  réunir  auprès  d'eux,  sans  de  nouveaux  efforts  et 
de  nouvelles  grâces.  Les  efforts  dépendent  de  nous  ; 
mais  les  grâces  viennent  du  ciel  :  et  c'est  principale- 
ment par  l'intercession  de  ces  Martyrs ,  qui  furent  nos 
confrères  ,  que  nous  avons  plus  d'espoir  de  les  obtenir», 
Nunc  iterum  sermo  ad  vos,  ô  venerandi  catholico- 


(i)  Prœfaiio  ad  Sacerdotes  GaUicanos  Exulcs.  Pag.  5. 


(  32  ) 

romani  sacer dotes  !  Multa  quidem  passi  estis ,  sed  non~ 
diim  accessistis  ad  civitatem  Dei  viventis,  Jérusalem 
cœlestem....  ubi  Pater  Domini  no stri  Jesu  Chrisli  GLO~ 

R1FICA 1 TVF quos ,  etc  Cursus  enim  nostemon- 

dum  consummatus  est.  O  vere  NECESSARIA  nobis 
SANCTORUM  M  ART  Y  RU  M  nostrorum  SUF- 
FRAG1A  Ci)! 

Nous  n'ignorons  pas  que  la  jalousie  de  certains  pays 
étrangers,  où  la  révolution  française  se  déborda,  sans 
y  trouver  de  prêtres  généreusement  résignés  au  mar- 
tyre, a  cherché,  dès  1799,  à  déprimer  la  gloire  des  prêtres 
français  qui  étoient  morts  pour  la  Foi;  et,  par  une 
conséquence  immédiate,  le  mérite  de  ceux  qui  étoient 
encore  exilés  pour  elle.  Le  S.  P.  Pie  VI  venoil  d'être 
enlevé  de  Rome  :  son  trône  étoit  renversé,  et  sa  thiare 
livrée  à  la  dérision  publique  des  impies  {Voj.  Pie  VI), 
lorsque ,  sous  le  titre  imposteur  de  Religieux  de  Salz- 
ùourg,  des  anonymes  répandirent  une  diatribe  contre 
ces  respectables  exilés  et  contre  nos  Martyrs,  en  déni- 
grant les  brefs  de  ce  pontife.  Mais  nous  savons  aussi 
que  ces  lâches  autantqu'impies  calomniateurs,  furentcon- 
fondus  presque  aussitôt  par  une  réplique  savante,  dans 
laquelle  on  leurdisoit:  «  Les  prêtres  français  exilés  n'ont 
pas  besoin  de  votre  consentement  pour  avoir  le  glorieux 
titre  de  confesseurs,  qu'ils  ont  déjà  reçu  de  tant  d  évêques, 
en  Italie,  en  Allemagne,  dans  les  Espagnes,  en  Belgique, 
en  Angleterre  et  en  Irlande  :  mais  la  justice  ne  permet  pas 
aux  confrères  de  ceux  qui  ont  été  immolés  pour  la  Foi, 
de  souffrir  que  vous  prétendiez  leur  ravir  la  gloire  qu'ils 
ont  acquise  devant  Dieu  par  leur  martyre,  et  que 


(1)  Prafatio  ad  Sacercloles  Gcdlicanos  Exutes.  Pag.  4  et  j. 


(  33  ) 

Jésus-Christ  a  comme  scellée  de  son  propre  sceau, 
bien  qu'ils  n'aient  pas  encore  été  vindicati  par  le  Saint- 
Siège.  Sacerdotes  cjuidem  Galliarum  cxules  minime  luis 
indigent  monitis ,  ut  ipsi  glorioso  Confessoris  nomine 
abstineant,  quod  sibi  tôt  antistites  in  Italia,  m  Germa-' 
nia,  in  Hispaniis,  in  Belgico,  in  Anglia  atque  Hybevnia 

detulevunt        Sed  nulla  smit  fuslitia,  ut  consacerdotes 

suos,  pro Jide  interemptos,  quorum  professionem  Chris- 
tus  quasi  annulo  obsignavit  (i),  incljii coram  Deo  mar- 
tjviigloriâ  à  te  defraudari patiantur,  licet  ab  Ecclesiu  (2  ) 
necdum  vindicati fuerint  (3). 


(1)  Eos  qui  jam,  ex  bac  vita  per  martyrium  wigravcrant , 
nobis  commemorabant ,  aiebantque  :  lii  sunt  Martyres  quos  in 
sua  confessione  Christus  assumi  volait,  professionem  ipsorum 
quasi  anmilo  obsignans.  (Epist.  Ecctesiœ  Viennensis  et  Luydu- 
nensis  ad  Ecoles.  Jsiœet  Phrygiœ,  in  Euseb.  Hist.  Ecoles.  C.  u.) 

(2)  Satisburgensis  cujusdam  religiosi  in  Collectiontm  Bre- 
vium  SS.  D.  N.  PU  Papaz  VI,  irreligiosè  invecti  débita  casli- 
gatio  1799.  Scriptum  Frisingœ,  Idibus  Sextil. ,  et  impressum 
Augustœ  Vindeticorum,  1800  :  in-8°  de  l\7>i  pages.  Voy.  la  106e. 

(5)  Ces  dernières  paroles  empruntées  de  saint  Optât,  évêque  de 
Milève,  au  liv.  I"  de  son  traité  de  Schisinate  Donatistarum  (p.  18 
de  l'édition  de  Paris,  in- foi.  1676) ,  y  avoient  un  sens  encore  plus 
favorable  à  la  cause  de  nos  Martyrs;  car  il  ne  s'agissoit  pas  alors  d'une 
vindicta  suivant  la  forme  établie  près  de  hiiifl  siècles  plus  tard  par  les 
procédures  de  canonisation.  {Voy.  ci-devant,  toni.  Ier,  pag.  77.) 
C'étoit  par  la  commune  opinion  des  hommes  pieux  qu'un  Martyr 
étoit  déclaré  tel,  comme  l'a  dit  un  des  annotateurs  de  saint  Optât  : 
Vindicalum  Martyrem  vocat  Optatus  qui  declaratus  sit  com- 
muni  piorum  sententia  in  eam  summam  dignitatem ,  reiatus 
inter  cœliindigetes  :  avantage  dont  jouissentlapîupart de  nos  Martyrs. 
Le  prélat  Gabriel  de  l'Aubespine,  dans  ses  notes  sur  saint  Optât, 
reconnoissoit  aussi  pour  Martyr  celui  qui,  ayant  péri  pour  la  Foi, 
n'étoit  cependant  pas  encore  inscrit  par  l'Eglise  dans  ses  diptyques  : 

2.  3 


(  34  ) 

Que  les  ténébreux  déprédateurs  de  l'ancien  clergé 
Français  aient  obtenu,  les  années  suivantes,  quelques 
succès  équivoques ,  à  la  faveur  de  ceux  qui  mirent  la 
couronne  de  France  sur  la  tète  d'un  usurpateur  ;  ces 
succès ,  affligeans  pour  l'Eglise ,  ne  sauroient  prévaloir 
sur  la  vérité  que  les  interprètes  de  la  Foi  proclamoient 
à  Rome,  d'après  les  traditions  antiques  et  l'Evangile 
même,  quand  Pie  YI  y  occupoit  encore  la  chaire  de 
saint  Pierre.  Indépendamment  de  ce  que  les  prêtres  y 
répétoient  avec  ferveur  la  prière  de  notre  Arvisenet,  ils 
disoient  encore  à  ce  Pontife ,  en  prêchant  devant  lui  : 
«  Si  le  cœur  de  Votre  Sainteté  est  profondément  affligé 
d'avoir  perdu  tant  de  courageux  prêtres  dont  le  sang 
inonde  la  France ,  vous  avez ,  Très-Saint  Père ,  la  con- 
solation d'être  certain  qu'ils  l'ont  répandu  en  défendant 
avec  force  la  Foi  de  Jésus-Christ.  Amisisti quidam,  Bea- 


nondùm  ab  Ecclesia,  in  numerum  Martyrum  relati,  nondùm 
in  canonem  et  in  dipytea  transcripti.  Saint  Optât,  au  reste,  faisant 
ensuite  la  distinction  entre  les  vrais  et  les  faux  Martyrs,  selon  qu'il 
convenoit  en  temps  de  schisme,  disoit  qu'on  pouvoit  regarder  comme 
de  vrais  Martyrs  ceux  qui  avoient  souffert  pour  la  religion,  s'ils 
étoient  restés  dans  l'unité  de  l'Eglise  :  si  suprà  memoratos  videri 
Martyres  vuitis ,  probate  Ulos  amasse  pacem  (Ecclcsiœ),  in 
qua  prima  sunt  fundamenta  martyrii,  aut  dilexisse,  Deopla- 
citam  unitatem ,  aut  habuisse  cum  fratribus  citaritatem. 
(L.  III,  pag.  79).  Or,  ces  Martyrs  déclarés  tels  par  le  suffrage  com- 
mun des  fidèles ,  et  tous  ceux  qui  pourroient  être  ensuite  dans  le 
même  cas,  furent  dès  lors  protégés  comme  les  autres  contre  lej 
hommes  jaloux  de  leur  gloire,  par  le  premier  concile  de  Carthage  en 
a5i,  lequel  statua  ut  si  quis  ad  injuriam  Martyrum  adjungal 
infamiam ,  si  laïcisint,  ad  pœnilentiam  redigi;  aut  si  sint 
clerici,  post  commonitionem  et  post  cognitionem ,  honore  pri~ 
vari.  (  Can.  I.  ) 


(  35  ) 

tissime  Pater ,  tôt  fortissimos  sacerdotes  quorum  san- 
guine Gallia  redundavit  :  ea  tamen  Tibi  consolatio  est 
quod  in  Christifide  defendenda  strenue  spiritum  effiide- 
ri/it  (i)  ». 

C'étoit  avecle  suffrage  de  Pie  VI  que ,  l'année  suivante , 
le  savant  recteur  du  collège  romain ,  cet  éloquent  Joseph 
Marotti  qui  deviendra  Prélat- secrétaire  des  lettres  la- 
tines auprès  de  ce  Pontife,  s'écrioit  dans  un  magni- 
fique discours  latin,  dédié  aux  archevêques,  évèques  et 
prêtres  fidèles  du  clergé  de  France  :  «  Ils  sont  des  Mar- 
tyrs, sans  doute,  ceux  d'entre  vous  dont  les  persécu- 
teurs ont  fait  rejaillir  le  sang  sur  eux-mêmes.  Dans  l'in- 
famie qui  en  est  résultée  pour  eux,  quelle  gloire,  quel 
triomphe  pour  votre  église,  éprouvée  comme  l'or  dans 
la  fournaise  !  Oui,  l'Eglise  Gallicane  est  ornée  d'autant 
de  couronnes  que  ses  ministres  et  ses  enfans  ont  souf- 
fert de  supplices  ;  elle  brille  d'autant  de  pierresprécieuses 
qu'elle  a  reçu  de  blessures  (2)  ». 

Le  Souverain  Pontife  lui-même ,  reconnoissant  que 


(1)  In  funcre  Ludovici  oratio  habita  in  sac&Uo  Quivinali  ad 
SS.  D.  N.  Pium  VI,  Pont.  Max.  à  Paullo  Leardi,  intimo  ejus- 
dem  Sanctitatis  suœ  cubiculario ,  1793. 

(2)  Càm  tôt  parricidiorum  sanguine ,  tôt  MARTYR  UM  eœde 
respersi,  tôt  conscientiœ  stimuiis ,  tanto  Dei  uitoris  furore  exa- 
gitati....  At  veroin  tanta  hostium  infamia,  quœ  Ecctesiœ  dé- 
cora! qui  triumphi!  quœ  gtoria!  Quœ,  tanquam  aurum  in  for- 
nace  ,  tôt  iaboribus  subeundis  experiendisque  probala  ;  tôt 
coronis  ornata  quoi  cruciata  suppiiciis  ;  tôt  margaritis  dis- 
tincta  quot  lacerata  vuineribus  !  (  De  ostenlis  Divinœ  potentiae 
in  Ecclesia  bis  temporibus  tuenda  :  Archiepiscopis ,  Episeopis,  Pres- 
byteris  ceterisque  in  dispersionc  Gallicana  catholicœ  unitatis  Marty- 
ribus  clarissimis.  Romœ  ,  1794-  ) 

3. 


(  36  ) 

ces  victimes  sacerdotales  avoient  péri  pour  la  Foi ,  les 
faisoitexpressémentconsidérercomme  de  vrais  Martyrs, 
en  même  temps  qu'il  combloit  d'éloges  et  de  marques 
d'affection,  ceux  qui  étoient  exilés  pour  la  même  cause. 
«  Qu'ils  sont  heureux ,  écrivoit-il  à  l'archevêque  de  Lyon , 
qu'ils  sont  heureux,  ceux  à  qui  il  a  été  donné  d'échan- 
ger les  choses  passagères  pour  les  biens  éternels  !  Qu'ils 
sont  plus  heureux,  ceux  qui  ont  essuyé  des  outrages, 
éprouvé  de  cruels  traitemens,  ou  subi  la  mort,  pour  la 
Foi,  et  qui,  par  l'effusion  de  leur  sang  corruptible ,  se 
sont  acquis  les  mérites  du  sang  inappréciable  de  Jésus- 
Christ!  »  Juxta  récentes  nuncios  ad  nos  delatos ,  eo  jam 
venitvexatio,  ut  ex  utroque  clero  ecclesiasticibenemulti , 
et  aliqui  etiam  ex  confratribus  nostr-is  fuerini  odio  reli- 
gionis,  autin  vincula  conjecti ,  aut  crudeliter  ad  mortem 

rapti,  atque  interempti       Ecclesiasticos  viros  (exuïes) 

bénigne  excepimus ,  j agiter prompti  ac  parati  ut,  quan- 
tum in  nobis  est,  aperiamus  cis  viscera  pietatis,  et  in  eos 
omuem  compassionis  eff'undamus  affèctum,  ipsosque 
cum  omni be.nejicentia  et gratia  complectamur.  Viri,  quos 
D o minus  elegit ,  tanquam  aurum  iu  fornace  piobau- 
dos ,  ut  PER  EOS,  impendio  personarum  et  rerum 
ECCLESIsE  VICTORIA  COIS  SU  MME  TUR.  Fe- 
lices  sunt  quibus  datum  est  pro  ceternis  transiloria  corn- 
mutare;  feliciores  sunt  qui  mortem  vel  coi p orales  inju- 
rias sunt  experti ,  et  impretiabilem  sanguinem  Christi 
suo  corruptibili  sanguine  compensarunt  (i). 

Ah  !  qu'il  revive  donc  après  tant  d'augustes  suffrages , 
et  tant  de  faits  si  glorieux  pour  la  France  catholique  ; 


(1)  Epist.  II.  ad  Archiepisc.  Lugdunenscm,  Yvonem  Jtexan- 
drum.  Roraae,  1a  septeaib.  1792. 


(  37  ) 

qu'il  revive  et  se  montre  parmi  nous ,  cet  illustre  Evêque 
de  Carthage  qui  lut  si  sublime  dans  la  doctrine  du  mar- 
tyre ;  et  l'on  croira  qu'il  est  de  notre  Eglise  Gallicane , 
et  que  c'est  d'elle  qu'il  parle  dans  sa  lettre  aux  confes- 
seurs et  aux  Martyrs  encore  vivans,  lorsqu'il  leur  dit  : 
«  J'en  suis  transporté  d'allégresse ,  et  je  vous  en  féli- 
cite ,  à  l'instant  où  j'apprends  quel  courage  vous  avez 
montré  pour  la  Foi,  et  combien  l'Eglise,  notre  Mère, 
s'en  glorifie.  Elle  s'étoit  déjà  glorifiée  de  cette  constance 
que  la  peine  de  l'exil  n'avoit  pu  ébranler  (i)  ;  mais  cette 
autre  confession  de  la  Foi,  plus  périlleuse  encore  que 
la  première  ,  et  qu'ensuite  plusieurs  d'en  tre  vous ,  restés 
en  France,  ou  rentrés  pour  la  cause  de  la  religion,  ont 
faite  devant  les  persécuteurs  ,  a  été  d'autant  plus  belle  , 
et  vous  a  procuré  d'autant  plus  d'honneur,  que  s'étant 
faite  devant  les  supplices,  elle  a  été  plus  courageuse. 
Vous  n'étiez  pas  demeurés  ou  revenus,  sans  une  gé- 
néreuse et  ferme  détermination  d'être  invincibles  dans 
les  terribles  attaques  auxquelles  vous  vous  exposiez  si 
prochainement  !  Parmi  ceux  qui  les  ont  soutenues  avec 
tant  de  bravoure,  j'en  trouve  plusieurs  déjà  couron- 
nés par  Dieu  même  ;  et  j'honore  presque  également 
tous  ceux  d'entre  vous  qui,  combattant  avec  eux,  ont 
été  enfermés  dans  les  prisons ,  où ,  toujours  animés  de 
la  même  ardeur  de  courage  pour  les  mêmes  combats , 
ils  ont  conservé  leur  Foi  incorruptible  sans  se  laisser 
séduire  par  des  illusions,  épouvanter  par  des  menaces, 
ni  vaincre  par  les  souffrances.  Vous  saviez  tous,  quand 
vous  retournâtes  au  combat,  que  tel  devoit  être  dans  les 
camps  du  Seigneur  un  soldat  de  J.-C.  ;  mais  aussi  vous 


(1)  La  déportation  ordonnée  par  la  loi  du  26  aofit  1792. 


(  38  ) 

avez  éprouve  que  le  Dieu  qui  réside  en  nous,  est  bien 
plus  fort  que  l'ennemi  qui  nous  environne  ;  que  les 
maux  que  celui-ci  peut  nous  faire ,  sont  moins  capables 
de  nous  abattre  que  la  divine  protection  n'est  puissante 
pour  nous  élever.  Précédemment  ils  en  avoient  fourni  la 
preuve,  ceux  de  nos  Frères  qui,  réunis  comme  en  une 
troupe  d'élite ,  et  triomphant  jusqu'à  ce  que  le  dernier 
fût  couronné,  vous  précédèrent  comme  des  chefs  dans 
la  victoire ,  pour  vous  donner  l'exemple  d'une  foi  supé- 
rieure aux  tourmens(i).  Non;  il  n'est  pas  de  louanges  qui 
suffisent  pour  préconiser  les  uns  et  les  autres?  Est-il  des 
éloges  qui  puissent  dignement  célébrer  la  force  de  votre 
âme  dans  la  persévérance  de  votre  Foi?  Oh!  qu'elle  est 
heureuse  notre  Eglise ,  puisque  la  bonté  divine  l'a  rendue 
si  brillante,  et  que,  de  notre  temps,  le  glorieux  sang 
des  Martyrs  l'a  si  fort  illustrée  (2)  !  Déjà  la  blancheur 


(1)  Massacre  des  prêtres,  en  septembre  1792  :  Diem  amarum! 
(  Amos.  c  vin ,  f.  10.) 

(2)  Exulto  tœtus  et  gratulor,  Fortissimi  ac  Beatissimi  Fra- 
tres,  cognita  fide  ac  virtute  vestra,  in  quibus  mater  Ecctesia 
gloriatur.  Gtoriata  est  et  nuper  quidem  cùm ,  confession» 
perstante,  suscepta  pcena  est  quœconf essor  es  Christi  fecit  extor- 
res.  Confcssio  tamen  prœsens ,  quanto  in  passione  fortior,  lantô 
clarior  et  major  in  honore.  Crevit  pugna ,  crevit  et  pugnan- 
tium  gloria.  Nec  retardati  estis  ab  acie  tormentorum  metu, 
sed  ipsis  tormenlis  magis  estis  ad  aciem  provocati ,  fortes  et 
stabiies  ad  inaximi  certaminis  prœlium  promtâ  devotione 
redistis.  Ex  quibus  quosdam  jam  Comperi  coron atos;  quosdam 
verà  ad  coronam  victoriœ  proximos ;  universos  autem  quos  ag- 
mine  giorioso  carcer  inclusif,  pari  ac  simili  calore  virtutis  ad 
gerendum  certamen  animatos  :  sicut  esse  opo-rtet  in  divinis 
castris miles  Christi,  ut  incorruptam  fidei  firmitatemnonbtan- 
ditiœ  decipiant,  non  minas  terreant,  non  cruciatus  ac  tor- 


(  39  ) 

des  lis  se  retrou  voit  dans  la  candeur  et  la  pureté'  de  sa 
doctrine  et  de  ses  œuvres;  et  voilà  que  le  sang  de  nos 
Martyrs  est  venu  la  revêtir  de  pourpre  !  Les  roses  ne 
manquent  donc  pas  plus  que  les  lis  parmi  les  fleurs  de 
sa  couronne. 


menta  devincant ,  quia  major  est  qui  in  nobis  est,  quant  qui 
est  in  hoc  mundo.  Nec  plus  ad  dejiciendum,  potest  terrena  pœna 
quàm  ad  erigendum  tutcla  divina.  Probata  tes  est  certamine 
fratrum  glorioso  qui,  ad  tormendavincenda  céleris  duce  s  facti, 
exempium  virtutis  ac  fidei  prœbuerant  congressi  in  acie ,  donec 
acics  succumberet  vida.  Quibus  ergo  vos  laudibus  pra'dicem , 
Fortissimi  Fratres  ?  Robur  pectoris  vestri  et  perseverantiam 
fidei  quo  prœconio  vocis  exornem  ?  O  Beatam  Ecclesiam  Nos- 
tram  quam  sic  honor  divinœ  dignationis  illuminât  ;  quam, 
temporibus  nostris ,  gloriosus  Martyrumsangiiisilluslrat  !  Erat 
antein  operibus  fratrum  candida;  nunc  facta  est  in  Martyrum 
cruore  purpurea.  Floribus  ejus  nec  liiia,  nec  rosœ  désunie 
(  Epist.  ad  Martyres  et  confessorcs.  ) 


AGNOSCAMUS,  CARISSIMI, 
CIRCA  ECCLESIAM  NOSTRAM 
UBERIOREM  DIVINORUM  MU  NE  RU  M  LARGITATEM . 
ECCE  NOS  POPULOS  MARTYRUM  POSSIDEMUS! 

(S.  Arrvb.  de  S  S.  Nazaro  et  Celso.~) 


MARTYRS  DE  LA  FOI 

PENDANT 

LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE. 


A 

ABA  ABA 


ABASQUE  (Jean),  prêtre  du 
diocèse  de  Saint-Pol-de-Léon ,  et 
vicaire  en  la  paroisse  de  Rlouen , 
où  il  étoit  né  en  i?52,  refusa  le 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé  en  1791.  Le  besoin  que 
les  catholiques  avoient  de  minis- 
tres, le  fit  rester  en  France ,  malgré 
la  loi  d'expulsion  rendue  le  26 
août  1792?  comme  ce  saint  Mar- 
tyr Théodorit,  dont  il  a  été  parié 
ci-devant,  page  Il  fut  arrêté  par 
les  agens  de  la  persécution ,  dans 
sa  province,  et  traduit  devant  un 
tribunal  révolutionnaire  siégeant 
à  Brest.  Les  juges  le  condam- 
nèrent ,  «  comme  prêtre  réfrac- 
taire»,  à  la  peine  de  mort,  le  25 
germinal  an  II  (14  avril  179/1)  '■>  et 
il  fut  exécuté  le  même  jour.  Ce 
prêtre  étant,  suivant  notre  ordre 
alphabétique,  le  premier  des  Mar- 
tyrs de  Brest  que  nous  ayions  à 
citer  (  V.  J.  D.  Vvc  Buvilly  et 
B.  Jago),  e'est  ici  qu'il  convient 


de  montrer  que  leur  immolation 
fut  faite  en  haine  de  la  Foi.  Le 
tribunal  révolutionnaire  de  cette 
ville  avoit  été  créé  parle  proconsul 
Jean-Bon  Saint- André,  ministre 
protestant,  qui  avoit  débuté  dans 
ce  pays  par  la  profanation  de  deux 
églises,  en  les  travestissant  en  de 
prétendus  temples  de  la  Raison. 
Le  discours  qu'il  prononça  dans 
l'horrible  inauguration  de  cette 
idole ,  en  ces  lieux  sacrés ,  respi- 
roit  la  haine  la  plus  violente  contre 
le  culte  catholique,  et  la  plus  san- 
guinaire fureur  contre  ses  prêtres. 
Il  y  attaqua  même  la  sainteté  des 
premiers  apôtres  de  la  religion 
chrétienne,  en  tâchant  d'obscur- 
cir leur  vertu  par  d'infâmes  ca- 
lomnies. Le  tribunal  fut  établi  sur 
la  demande  de  ce  proconsul ,  avec 
l'autorisation  de  la  Convention, 
d'après  un  rapport  de  Barrère.  Le 
président,  l'accusateur  public  et 
les  juges  avoient  été  choisis  par 


i>  ABA 

lean-Bon  Saint- André.  Le  pre- 
mier et  le  second,  tirés  du  tribu- 
nal révolutionnaire  Dantonist& 
de  Paris  {V .  Lois  et  Trie,  révol.), 
étoient  les  nommés  Ragmey  et 
Verteuil.  Les  autres  juges  s'appe- 
loient  Lebars,  Palis  et  Bonnet, 
secrétaire  du  trop  fameux  Fou- 
quier-ThinvilIe.  Deux  guillotines 
furent  en  permanence  sur  la  place 
publique  de  Brest  :  l'une  d'elles 
étoit  ornée  de  banderoles  aux 
trois  couleurs.  Les  prisons  se  rem- 
plissoient;  les  suspects  étoient 
amenés  devant  les  juges.  On  les  y 
plaçoit  dans  une  espèce  de  fau- 
teuil, construit  de  manière  qu'ils 
ne  pouvoient  s'asseoir  ni  d'à- 
plomb ,  ni  de  côté  :  une  barre  de 
fer,  placée  à  la  bauteur  de  l'es- 
tomac ,  comprimoit  leurs  pou- 
mons, et  suffoquoit  leur  courage. 
Il  leur  étoit  défendu  de  fixer  l'au- 
ditoire ,  de  peur  qu'ils  ne  l'inté- 
ressassent à  leur  sort.  Deux  gen- 
darmes ,  le  sabre  nu  et  levé , 
étoient  à  leurs  côtés;  et  un  soldat 
de  l'armée  révolutionnaire ,  dé- 
figuré par  d'horribles  moustaches, 
la  tête  enfoncée  dans  un  énorme 
bonnet  de  poil,  brandissoit  devant 
eux  un  cimeterre  qui  semblait  de- 
mander leur  sang.  Le  bourreau 
Hanss  les  attendoit  pour  les  con- 
duire à  l'échafaud.  Souvent  il  ré- 
servoit  les  têtes  qu'il  avoit  fait 
tomber,  les  arrangeoit  symétri- 
quement sur  l'échafaud  ,pour  que 
les  victimes  qu'il  amèneroit  le 
lendemain,  vissent  en  arrivant  le 


ABA 

sort  qui  attendoit  les  leurs.  Quand 
elles  tournoient  sous  le  fer  de  la 
guillotine,  un  forçat  qui  lui  servoit 
de  valet  les  prenoit  par  les  che- 
veux, et  les  faisoit  sauter  en  l'air. 
Hanss  se  réservoit  toujours  la  der- 
nière pour  la  montrer  au  peuple, 
en  lui  adressant  quelques  paroles 
par  lesquelles  il  l'excitoit  à  insulter 
la  victime.  Le  proconsul  Prieur 
(de  la  Marne),  qui  vint  succéder 
à  Jean-Bon  Saint- André,  fit  con- 
tinuer ces  exécutions  jusqu'à  la  fin 
du  mois  de  fructidor  an  II  (le  mi- 
lieu de  septembre  1794),  et  Ro- 
berspierre  cependant  n'existoit 
plus  depuis  le  9  thermidor — 27 
juillet  [V .  Arràs,  Nièvre,  Lyon). 
Dans  le  même  temps  et  le  même 
département  du  Finistère,  à  Quim- 
per  ,  un  commissaire  ,  nommé 
Dagonne,  se  permettoit  les  plus 
scandaleux  excès,  pour  qu'on  ne 
doutât  point  que  le  gouvernement 
d'alors  avoit  en  horreur  la  reli- 
gion. Dès  le  matin  du  12  décem- 
bre ,  fête  de  saint  Corentin,  patron 
du  diocèse  et  de  la  cathédrale  de 
Qu imper,  sachant  qtie  les  habitans 
des  montagnes  voisines  en  des- 
cendoientpourvenir  satisfaire  leur 
piété  dans  cette  église ,  il  fit  assem- 
bler une  force-armée  imposante, 
s'entoura  d'une  artillerie  chargée  à 
mitraille,  et  se  fit  apporter,  au 
milieu  de  la  place  publique,  les 
vases  du  sanctuaire,  les  reliques 
du  Saint,  et  tout  ce  qui  y  étoit 
l'objet  du  culte  de  ces  pieux  mon- 
tagnards. La ,  il  outragea  leur  piété 


ABE 

en  buvant  clans  quelques  uns  des 
vases  sacrés,  qu'ensuite  il  fit  servir 
à  des  usages  immondes  ,  commet- 
tant devant  eux  les  indécences  les 
plus  révoltantes,  tellement  que  les 
bons  montagnards  en  reculèrent 
d'horreur,  et  reprirent  fort  tris- 
tement le  chemin  de  leurs  chau- 
mières. 

ABEILLON  (Jean- Baptiste), 
curé  d'Arlempède ,  dans  le  diocèse 
de  Viviers,  avoitété  expulsé  de  sa 
cure  par  les  autorités  révolution- 
naires, pour  n'avoir  pas  voulu 
trahir  sa  foi  en  prêtant  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du  clergé.  Il  s'étoit  réfugié  dans 
le  diocèse  du  Puy,  en  la  paroisse 
de  Concouroux,  d'où  il  faisoit 
des  courses  apostoliques  dans 
les  autres  cantons  du  Velay, 
nommé  alors  le  département  de 
la  Haute-Loire.  Il  y  fut  surpris 
dans  la  demeure  d'une  pieuse  ou- 
vrière en  dentelle  du  bourg  de 
Beaune  (  V.  J.  M.  Aubert).  De- 
venu par  là  justiciable  du  tribunal 
criminel  de  ce  département,  sié- 
geant au  Puy,  il  y  fut  conduit  avec 
elle.  Le  tribunal  le  condamna,  le 
29  prairial  an  II  (  17  juin  1794), 
à  la  peine  de  mort ,  comme 
«  prêtre  réfractaire  à  la  loi  »  ;  et 
sa  généreuse  hôtesse  fut  déca- 
pitée avec  lui.  La  province  du 
Velay  a  été  une  des  plus  tourmen- 
tées par  les  persécuteurs,  parce 
qu'elle  étoit  une  de  celles  où  il 
y  avoit  le  plus  de  Foi.  Les  mœurs 
presque  patriarcales  des  habi- 


ABL  45 

(ans  de  ce  pays  montueux,  don- 
noient  même  à  leur  piété  un  inté- 
rêt touchant  qui  inspiroit  le  plus 
grand  respect.  Les  proconsuls  que 
la  Convention  y  envoya ,  vers  la 
fin  de  1795  (Reynaud,  Lacoste 
et  Faure  ) ,  n'y  furent  presque  oc- 
cupés qu'à  faire  la  guerre  à  ce 
qu'ils  appeloient  le  fanatisme  ; 
et  ils  étoient  horriblement  secon- 
dés par  cette  horde  qu'on  nom- 
moit  l'armée  révolutionnaire. 
Reynaud  dé  vastoit  les  églises  ;  non 
seulement  il  forçoit  les  pieux  ha- 
bitans  à  démolir  les  clochers ,  il 
poursuivoit  jusqu'au  moindre  si- 
goe  de  ration,  dans  les  objets 
mêmes  auxquels  l'habitude  de  les 
voir  et  de  les  porter  n'en  atlachoil 
presque  plus  l'idée,  tels  que  ces 
croix  d'or  qui  servoient  d'orne- 
ment au  collier  des  femmes. 
Dans  un  de  ses  arrêtés  à  ce  sujet, 
il  s'exprimoit  en  ces  termes  : 
«  Comme  les  signes  du  fanatisme 
sont  absolument  proscrits,  et  que 
néanmoins  des  personnes  affectent 
de  les  conserver,  et  notamment 
des  femmes,  sous  prétexte  d'em- 
bellir leur  parure  ;  les  municipaux 
seront  tenus  de  faire  incarcérer 
celles  qui,  dans  leurs  ajustemens, 
se  serviront  des  signes  représen- 
tatifs des  vieux  préjugés  ,  les- 
quels seront  confisqués  au  profil 
des  dénonciateurs  » .  Aussitôt ,  de 
toutes  parts ,  des  bandits,  courant 
par  les  campagnes,  arrachèrent  au 
cou  des  villageoises  les  croix  d'or 
ou  d'argent  qu'elles  étoient  dans- 


44  ABE 

l'usage  de  porter;  et  celles  qui  ré- 
sistoient ,  étoient  amenées  dans  les 
prisons  du  Puy  ou  de  Monistrol. 
Dans  cette  dernière  ville,  où  l'on 
fabrique  beaucoup  de  dentelles , 
un  grand  nombre  d'ouvrières  en 
ce   genre ,  connues  pour  être 
pieuses,  et  que  Reynaud  traitoit 
de  béates,  furent  sommées  par 
lui  de  faire,  dans  un  délai  fixé, 
on  serment  capable  d'alarmer  leur 
conscience,  celui  de  liberté-éga- 
lité   qu'aucune    loi  n'exigeoit 
d'elles.  Un  refus*  invincible  fut 
toute  leur  réponse  ;  et  sur-le- 
champ  ,  d'après  ses  ordres  ,  les 
soldats  de  l'armée  révolution- 
naire les  traînèrent  par  centaines 
dans  les  prisons.  Celles  d'entre 
elles  qui  échappèrent  aux  recher- 
ches, s'enfuirent  dans  les  rochers 
et  les  forêts,  où,  de  toutes  parts, 
les  habitans  des  villes  et  villages 
étoient  forcés  d'aller  se  cacher, 
comme  autrefois  ces  respectables 
Juifs  qui,  pour  éviter  d'enfreindre 
la  loi  de  Dieu,  et  de  sacrifier  aux 
idoles  d'Antiochus,  suivant  son 
ordre ,  se  retirèrent  sur  la  mon- 
tagne. Comme  eux,  ils  y  étoient 
aussi  poursuivis,  et  disoient  de 
même  en  voyant  arriver  les  as- 
sassins :  «  Mourons  tous  dans 
notre  simplicité;  le  ciel  et  la  terre 
sont  témoins  que  notre  perte  n'est 
l'œuvre  que  de  votre  injustice  » 
(/  Mach.  C.  ii ,  jfr.  37).  Attendu 
que,  pour  effacer  tout  souvenir, 
toute  trace  du  jour  du  Seigneur, 
on  avoit  substitué  les  décades  aux 


ABE 

semaines ,  et  qu'il  n'éloit  plus 
permis  de  cesser  les  travaux  no- 
toires que  de  dix  en  dix  jours,  les 
hommes  et  les  femmes  que  l'on 
trouvoit  occupés  à  leurs  travaux 
le  jour  de  la  décade,  ou  se  repo- 
sant le  dimanche,  étoient  insul- 
tés, maltraités,  et  jetés  clans  les 
fers.  Les  prisons  étoient  encore 
pleines,  lorsqu'une  loi,  rendue  le 
16  avril  1 794  (  27  germinal  an  II), 
fit  cesser  les  exécutions  dans  les 
départemens,  et  voulut  que  tous 
ceux  qui  y  étoient  détenus,  sous 
prétexte  de  conspiration,  fussent 
envoyés  au  tribunal  révolution- 
naire de  Paris.  Le  proconsul 
Faure ,  qui  étoit  rappelé  à  la  Con- 
vention ,  écrivoit  à  un  agent  na- 
tional du  département  de  la 
Haute-Loire ,  le  2  messidor  an  II 
(20  juin  1794)  :  «Tu  recevras 
un  arrêté  du  comité  de  sûreté 
générale,  pris  ce  matin,  pour  en- 
voyer ici  rendre  visite  à  Samson 
(c'éloit  le  nom  du  bourreau  de 
Paris)  le  ci -devant  curé  de  Saint- 
Just,  Lacombe,  avec  Berger  son 
domestique,  et  Cauvel  qui  les  a 
recélés,  ainsi  que  Colmar.  Je  t'in- 
vite à  ne  pas  souffrir  d'apitoyeurs, 
de  pleureurs,  ni  de  modérés  ». 
Les  agens  nationaux  ne  le  furent 
pas;  car,  indépendamment  des 
victimes  qui  viennent  d'être  nom- 
mées, il  en  fut  envoyé  par  eux 
une  infinité  d'autres.  Parmi  elles, 
on  compta  jusqu'à  soixante  pay- 
sannes, ainsi  traitées  parce  qu'elles 
avoient  assisté  à  la  messe.  Elles 


ABR 

furent  transportées  à  Paris  sur  des 
charrettes,  et  enfermées  aussitôt 
dans  la  prison  du  Ptessis ,  qu'on 
appeloit  à  bon  droit  l'anti- 
chambre de  la  mort ,  parce  que 
c'étoit  de  cette  prison  que  le  tri- 
bunal révolutionnaire  tiroit  or- 
dinairement les  détenus  qu'il 
vouloit  condamner  à  périr  sur 
l'échafaud.  Il  n'eut  pas  le  temps 
d'immoler  les  personnes  dont  nous 
venons  de  parler,  avant  l'événe- 
ment du  9  thermidor  an  II  (  27 
juillet  1794)  ou  ki  politique  des 
tyrans  les  contraignit  à  mon- 
trer quelque  modération  ;  et  elles 
purent  retourner  quelques  mois 
après  dans  leurs  foyers. 

ABÉLARD  (  Jacques  ),  laïc, 
exerçant  à  Vezin,  près  Cholet  en 
Anjou ,  la  profession  de  marchand, 
importunoit  par  ses  vertus,  par  sa 
piété,  par  son  zèle  pour  la  religion 
catholique ,  les  impies  qu'elle  avoit 
pour  ennemis  dans  cette  contrée. 
Il  fut  arrêté  par  eux  comme  fa- 
natique ,  et  condamné  comme 
let ,  par  la  commission  militaire 
de  Cholet,  i  être  déporté.  On 
l'envoya  sous  ce  prétexte  à  Nantes 
(  V.  Nantes),  où  le  proconsul 
Carrier  le  fit  noyer  avec  beaucoup 
d'autres  le  lendemain  des  fêtes  de 
Noël  1793.  {V .  Baudry,  l'aîné.) 

ABRAHAM  (Jean),  prêtre  bé- 
néficier de  l'église  cathédrale 
d'Arras  ,  fut  une  de  ces  vic- 
times sacerdotales  que  l'apostat, 
envoyé  par  la  Convention  avec 
l'autorité    d'un   proconsul  dans 


ABR  45 
l'Artois  et  le  Cambresis,  en  1793 
et  »794?  .Y  fit  périr  en  si  grand 
nombre  [V.  Arras).  On  sait  déjà 
que  ce  proconsul  voulut  que  cha- 
que décade ,  c'est-à-dire  pendant 
les  dix  jours  dont  se  composoit  la 
semaine  du  calendrier  impie  d'a- 
lors, le  Uib  un  al  7'évolutionnaire, 
établi  par  ltri  à  Arras  ,  immolât 
dix  prêtres  au  moins.  Les  exécu- 
tions commencèrent  le  22  août 
1793.  Quoique  le  prêtre  fidèle  à 
sa  Foi,  dont  nous  venons  de  don- 
ner le  nom ,  fût  en  prison  depuis 
quelques  mois,  les  victimes  étoient 
si  nombreuses,  que  son  tour  n'ar- 
riva pas  avant  le  1 2  messidor  an  II 
(3o  juin  1794  )  ;  mais,  ce  jour-là, 
il  fut  décapité  en  haine  de  la  reli- 
gion. Son  âge  éloit  de  72  ans. 
[V.  J.  F.  VlIXERETZ  et  J.  J.  Advi- 
SARD.  ) 

ABRAHAM  (Vincent),  curé 
dans  le  diocèse  de  Reims ,  fut 
l'un  des  prêtres  qui  périrent  en  si 
grand  nombre  pour  leur  Foi,  soit 
dans  l'église,  soit  dans  le  jardin 
des  Carmes ,  à  Paris,  le  2  sep- 
tembre 1792  (V.  Septembre).  Sa 
conscience  éclairée  l'avoit  dé- 
tourné d'adhérer  à  la  constitu- 
tion civile  du  clergé,  en  1791  ; 
et,  par  suite  des  refus  qu'il  avoit 
faits  de  lui  prêter  le  serment  exigé 
par  l'Assemblée  Constituante , 
l'autorité  civile  de  son  canton 
l'avoit  repoussé  de  sa  cure.  Il  im- 
portoit  trop  au  prêtre  constitu- 
tionnel, par  lequel  ce  curé  légitime 
étoit  remplacé,  de  ne  pas  voir  les 


4(>  ABR 

paroissiens  continuer  à  suivre  Jes 
avis  du  vrai  pasteur,  et  recourir 
encore  à  son  ministère,  pour 
qu  'Abraham  ne  fût  jias  forcé  par  des 
persécutions  locales  à  s'éloigner.  Il 
vint  se  réfugier  à  Paris  ,  espérant 
que,confondu  dans  la  multitude  des 
habitons  de  cette  ville ,  il  pourrait, 
sans  y  être  remarqué  ,el  à  l'abri  des 
persécuteurs  de  sa  province ,  rem- 
plir librement  les  devoirs  de  son 
état,  comme  encore  suivre  avec 
moins  de  contrainte  et  de  danger 
les  impulsions  de  son  zèle.  En 
cela  ,  il  eut  pour  règle  les  exem- 
ples, et  même  les  préceptes  de 
Jésus-Christ  qui  avoit  dit  :  «  Lors- 
que vous  serez  persécutés  dans 
une  ville  ,  fuyez  dans  une  autre. 
(Math.  10,  23)».  Mais,  sous 
cette  apparence  de  sûreté  que  la 
capitale  offroit  au  curé  Abraham  , 
elle  lui  cachoit  les  plus  grands 
périls.  Là  se  trouvoient  les  chefs 
même  de  la  persécution  par  la- 
quelle toute  la  France  commen- 
coit  à  être  désolée  ;  et  ilss'applau- 
dissoient  entre  eux  de  ce  que 
nombre  de  prêtres ,  qui  avoient 
été  forcés  de  fuir  leurs  diverses 
provinces,  venoient  se  réunir  à 
Paris,  à  l'ombre  de  leur  perfide 
tolérance,  parce  qu'ils  s'y  met- 
toient  à  leur  disposition  immé- 
diate, et  leur  facilitoient  les  moyens 
de  les  frapper  tous  ensemble  d'un 
même  coup ,  avec  ceux  de  la  capi- 
tale. La  terrible  journée  du  10 
août  1792  leur  prépara  cette  fé- 
roce jouissance.  Ouand,  le  surlen- 


ABR 

demain,  ils  ordonnèrent  de  recher- 
cher les  prêtres  non  assermentés, 
pour  les  mellre  en  des  prisons,  où 
ils  seroient  comme  en  des  parcs, 
dans  l'attente  du  jour  du  mas- 
sacre ,  le  curé  Abraham  ne  put 
leur  échapper.  Il  fut  arrêté  et  con- 
duit au  comité  civil  de  la  section 
du  Luxembourg  ,  où  il  se  trouva 
avec  beaucoup  d'autres  prêtres 
destinés  au  même  sort.  On  lui 
demanda  s'il  vouloit  enfin  prêter 
le  serment  civique  dans  lequel 
étoit  compris  celui  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé  ;  et  il 
répéta  le  même  refus  qu'il  avoit 
fait  dans  sa  paroisse.  L'ordre  fut 
donné  de  le  mener  dans  l'église 
des  Carmes,  convertie  subitement 
en  un  lieu  de  détention  (V.  Sep- 
tembre). On  pourra  voir  à  l'ar- 
ticle Dulau  combien  fut  édifiante 
la  conduite  des  prêtres  enfermés 
dans  cette  église.  Abraham  parta- 
geoit  leurs  exercices  ;  il  étoit  animé 
des  mêmes  sentimens  :  et,  pré- 
voyant bien  qu'il  étoit  destiné , 
comme  eux  tous ,  à  une  mort  pro- 
chaine ,  il  s'y  préparait  sans  cesse. 
Le  jour  du  sacrifice  arriva  bientôt. 
Abraham  fut  appelé  à  son  tour 
par  le  commissaire  du  comité  de 
la  section,  qui  étoit  venu  dans 
l'église  régulariser  le  massacre 
déjà  frénétiquement  commencé 
dans  le  jardin  ;  et  ce  curé  qui , 
pour  rester  fidèle  à  Jésus-Christ, 
avoit  surmonté  son  affection  pour 
ses  paroissiens,  et  n'avoit  pas 
craint  les  privations  dont  la  perte 


ABR 

de  sa  cure  devoit  être  suivie ,  sut 
dans  cette  occasion  sacrifier  sa  vie 
pour  la  même  cause.  11  marcha  à 
la  mort  avec  la  fermeté  d'un  con- 
fesseur de  la  Foi.  On  peut  dire  de 
lui  et  de  tous  les  prêtres  qui 
furent  massacrés  en  cette  occasion , 
ce  que  l'historien,  témoin  ocu- 
laire du  martyre  de  saint  Abdas 
et  de  ses  trente-cinq  compagnons , 
i     dans  les  persécutions  qu'éprou- 
t  :  vèrent  les  chrétiens  de  la  Perse 
!     en  575,  a  raconté  d'eux.  «  Ils 
s'ofl'roicnl  aux  licteurs,  comme 
il     de  tranquilles  agneaux  viennent  à 
li    celui  qui  doit  les  égorger;  et,  en 
1     présentant  la  tête  aux  bourreaux, 
t    ils  avoient  l'air  satisfait  qu'on 
it  I  a  si  naturellement  lorsqu'on  s'é- 
chappe d'une  prison  » .  Lictoribus 
mactandos  sese  offerte,  velut 
\t    agnos  (anienœ  destinatos  ;  nec 
enim  alio  vultu ,  quàm  si  eva- 
i-    sisscnt,  cervicem  carnificiprœ- 
k    iebant  ,  adeo  lœti  crant  ac 
toeati.  (Asseman  :  A  et.  Mart. 
é,    Orient.  Pars  I,  pag.  161.) 
0       ABRIAL  (Jean),  père,  habi- 
.(,    tant  de  la  petite  ville  d'Yssen- 
5t,    geaux,  dans  le  Velay,  donnoit  à 
mi    ses  concitoyens ,  comme  à  sa  fa- 
de   mille ,  l'exemple  d'une  piété  sin- 
ins    cère  que  la  révolution   ne  put 
cre    affoiblir.  Resté  fidèle  à  la  Foi  catho- 
icé    lique,  lors  du  schisme  de  1791, 
ni,    il  témoigna  toujours  la  plus  res- 
ist,    pectueuse  estime,  comme  le  plus 
olir    invariable  attachement,  au  minis- 
l    1ère  des  prêtres  qui  n'avoient  pas 
,    compromis  leur  Foi  par  lapresta- 


ABR  47 

tion  du  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé.  Nous  avons 
dit  ailleurs  [V.  J.  B.  Abeillon) 
combien  la  persécution  fut  vio- 
lente dans  le  Velay,  transformé  en 
département  de  la  Haute-  Loire. 
Jean  Abrial  donna  chez  lui  un 
asile  secret  à  des  prêtres  fidèles, 
dont  la  tête  étoit  mise  à  prix  par 
les  impies.  Sa  femme  et  ses  deux 
fils  ,  dont  il  va  être  parlé  ,  adhé- 
roient  de  cœur  et  d'âme  à  cette 
œuvre  si  méritoire  [V.  Je  Aux). 
Abrial  fut  dénoncé  comme  rece- 
leur de  prêtres  réfractaires. 
On  l'arrêta  de  suite  avec  ses  fils 
et  leur  mère.  Traduit  devant  le 
tribunal  du  département  de  la 
Haute- Loire  ,  siégeant  au  Puy, 
il  y  fut  condamné  avec  eux,  à  la 
peine  de  mort,  sous  cette  quali- 
fication ,  le  3  thermidor  an  II 
(21  juillet  1794).  Ils  périrent 
ensemble  le  même  jour. 

ABRIAL  (Marie -Anne  Cha- 
lendas  ,  femme),  épouse  du  pré- 
cédent, et  demeurant  avec  lui  et 
ses  deux  fils  à  Yssingeaux,  eut  la 
plus  grande  part  dans  l'hospitalité 
généreuse  que  toute  cette  pieuse 
famille  accordoit  aux  prêtres  per- 
sécutés (  V .  Jc  Alix).  Elle  fut 
arrêtée  avec  son  mari  et  ses  fils. 
Le  tribunal  de  la  Haute-Loire  3 
siégeant  au  Puy,  la  condamna 
avec  eux,  le  même  jour,  par  la 
même  sentence  ,  et  à  la  même 
peine  de  mort,  comme  «  receleuse 
de  prêtres  réfractaires  »,  le  3 
thermidor  au  II  (  2 1  juillet  1794). 


48  ABR 

On  va  trouver  les  noms  de  ses 
deux  fils  ù  la  suite  du  sien. 

ABRI  AL  (Jacques),  fils  des 
précédens  ,  et  frère  de  celui  qui 
va  suivre ,  avoit ,  comme  lui ,  bien 
profité  de  la  pieuse  éducation  que 
leur  père  et  leur  mère  leur  avoient 
donnée.  Ils  habitoient  avec  eux  la 
ville  d'Issingeaux  en  Velay.  Parta- 
geant de  sentiment  et  d'action  la 
bonne  œuvre  de  leurs  parens ,  dans 
la  généreuse  hospitalité  qu'ils  don- 
noient  secrètement  à  des  prêtres 
fidèles  dont  la  persécution  mena- 
çoit  la  tête  (  V .  Y  Aux),  Jacques 
Abrial  fut  arrêté  avec  eux ,  et  en- 
voyé comme  eux  et  son  frère  à 
l'échafaud,  en  qualité  de  receleur 
de  prêtres  réfractaires.  La  sen- 
tence qui  les  fit  périr  tous  les 
quatre  ensemble,  fut  rendue  le  3 
thermidor  an  II  (  2 1  juillet  1 794)  ; 
et  son  exécution  eut  lieu  ce  jour- 
là  même.  {V .  J.  B.  Abeillon.  ) 

ABRIAL  (Isabeau),  frère  de 
Jacques,  et  fils  de  Jean  Abrial  et 
de  Marie- Anne  Chalendas,  dont 
nous  venons  de  parler,  habitoit  la 
maison  paternelle  à  Issingeaux 
en  Velay.  Associé  à  toutes  les 
bonnes  œuvres  qui  s'y  faisoient, 
il  eut  sa  part  de  mérite  dans  l'hos- 
pitalité qu'ils  offrirent  secrètement 
à  des  prêtres  fidèles  dont  la  vie  étoit 
menacée.  Lorsque  cette  bonne 
œuvre  fut  découverte  par  les  per- 
sécuteurs ,  Isabeau  Abrial  par- 
tagea le  sort  de  son  père ,  de  sa 
mère  et  de  son  frère.  Il  fut  ar- 
rêté et  conduit  avec  eux  au  tribu- 


ADA 

nal  qui  siégeoil  au  Puy.  Ce  tribu- 
nal le  condamna  avec  eux  trois  à 
la  peine  de  mort,  le  même  jour, 
5  thermidor  an  II  (21  juillet 
1  j»g4  ) ,  comme  «  recéleur  de  prê- 
tres réfractaires».  On  peut  voir, 
à  l'article  Je  Alix,  quel  droit  une 
telle  mort  donne  au  titre  de  Mar- 
tyr. 

ACHART-LAVORT  (  Marc- 
Jean),  né  en  Auvergne  vers  1746, 
curé  de  Rochenoire,  dans  le  dio- 
cèse de  Clermont ,  et  chassé  de 
sa  cure  par  la  persécution ,  y  avoit 
été  ramené  par  son  zèle  en  1795. 
Trop  confiant  dans  la  feinte  tolé- 
rance de  la  Convention ,  à  cette 
époque,  et  ensuite  dans  celle  du 
Corps  législatif,  il  exerçoit  son 
ministère  pastoral  avec  une  sainte 
liberté,  lorsqu 'arriva  l'impie  ca- 
tastrophe du  1 8  fructidor  (  4  sep- 
tembre 1797).  Il  fut  arrêté  par 
ordre  du  commissaire  du  Direc- 
toire dans  le  département  du  Puy- 
de-Dôme,  en  vertu  de  la  loi  de 
déportation ,  rendue  le  lendemain 
de  la  catastrophe;  et,  dans  l'été 
de  1 798 ,  on  le  conduisit  à  Roche- 
fort  pour  y  être  embarqué.  Il  le 
fut  sur  la  frégate  la  Bayonnaise, 
le  1"  août  suivant,  pour  être  dé- 
porté à  la  Guiane  (  V.  Guiane). 
A  son  arrivée  à  Cayenne,  on  le 
relégua  dans  le  canton  de  Sinna- 
mary;  et  il  y  mourut  de  la  peste, 
à  l'âge  de  52  ans ,  le  5  décembre 
1798.  (  V.  A.  F.  Wliegen  et  J.  N. 
Adam.  ) 

ADAM  (Amand),  cordelier  de 


ADA 

la  maison  de  Rouen ,  connu  en 
religion  sous  le  nom  de  Père 
Adam,  fut  arrêté  à  Rouen  comme 
insermenté  par  suite  de  la  loi  du 
26  août  1792;  et,  après  quelques 
mois  de  détention,  on  le  con- 
damna à  être  déporté  :  il  fut  con- 
duit à  Rochefort  en  février  1794 
(  V .  Rochefort),  et  embarqué  sur 
la  flûte  les  Deux  Associés.  Ses  col- 
lègues de  déportation  lui  ont  eux- 
mêmes  rendu  le  témoignage  qu'il 
étoit  excellent  religieux,  qu'il  ob- 
servoit  le  silence  d'un  Saint  occupé 
des  choses  du  ciel,  et  qu'il  se  mon- 
tra plein  de  charité  envers  ses  com- 
pagnons d'infortune.  Il  succomba 
à  l'âge  de  52  ans ,  et  fut  enterré 
dans  VùuiVAix,  le  1 3 juillet  1 79 's. 
{V .  Vivier  ou  Duvivier  et  L. 
Alexandre.  ) 

ADAM  (Jacques -Nicolas  )  , 
prêtre,  né  à  Paris  en  1^58,  et 
religieux  bénédictin  de  la  maison 
de  Saint-Martin-des-Champs  dans 
la  même  ville ,  y  étoit  resté  comme 
particulier  après  la  suppression 
des  ordres  monastiques.  La  guerre 
que  les  impies  réformateurs  fai- 
soient  alors  à  la  Foi,  sembla  rani- 
mer le  zèle  de  dom  Adam  pour 
l'Eglise  ;  et  ,  loin  d'adhérer  au 
schisme  constitutionnel  ,  il  exhor- 
toit  tous  les  chrétiens  qu'il  pou- 
voit  connoître  à  s'en  préserver,  et 
à  rester  fermes  dans  la  croyance 
de  leurs  pères.  Il  leur  disoit  même 
la  messe ,  et  leur  administrait  les 
sacremens  en  de  saintes  réunions 
(|ui  continuèrent  même  en  1793. 

2. 


ADA  49 

Aucun  des  moyens  que  le  zèle 
pou  voit  imaginer  pour  les  faire 
persévérer  dans  leur  attachement 
à  l'Eglise  catholique,  n'étoit  né- 
glige par  ce  fervent  ministre  de 
Jésus-Christ.  Il  fut  dénoncé  et 
jeté  dans  les  prisons.  Le  tribu- 
nal révolutionnaire ,  l'ayant  fait 
comparaître  devant  lui ,  le  g  ger- 
minal an  II  (29  mars  1794),  le 
condamna  de  suite  à  la  peine  de 
mort  comme  convaincu  «  de  pro- 
pos et  de  manœuvres  fanatiques 
pratiquées  en  1792  et  1793,  à 
Paris,  rue  Saint-Martin,  tendant 
à  ébranler  la  fidélité  des  citoyens 
envers  la  nation,  comme  encore 
de  monlrerdans  le  secret  des  objets 
de  superstition  ».  Il  périt  le  même 
jour  sur  l'échafaudde  la  guillotine , 
à  l'âge  de  36  ans. 

ADAM  (  Jean-Nicolas ),  prêtre 
et  religieux  bernardin  de  la  mai- 
son de  Paris,  né  à  Nogent-sous- 
Coucy,  dans  le  diocèse  de  Laon, 
s'étoit  soustrait  assez  heureuse- 
ment aux  sanguinaires  persécu- 
tions des  années  précédentes , 
lorsqu'arriva  la  funeste  crise  ré- 
volutionnaire du  18  fructidor  (4 
septembre  1797).  Ayant  eu  trop 
de  confiance  dans  la  perfide  tolé- 
rance du  gouvernement  en  1796, 
il  avoit  repris  notoirement  l'exer- 
cice des  fonctions  sacerdotales 
dans  le  département  de  la  Seine , 
et  refusoit  de  faire  le  serment  de 
haine  à  la  royauté  (  V .  ci-devant 
au  tom.  I,  pag.  52,  et  la  note  de 
la  pag.  441)-       commissaire  du 

4 


Go  ADE 

pouvoir  exécutif  le  fit  arrêter  vers 
la  fin  de  1 797  ;  et  bientôt  il  l'envoya 
à  Rochefort  pour  en  être  déporté  à 
la  Guiane,  suivant  la  cruelle  loi 
des  18  et  19 fructidor [V.  Guiane). 
On  l'embarqua,  le  12 mars  1798, 
sur  la  frégate  la  Charente,  de 
laquelle  il  passa,  le  25  avril,  sur 
la  frégate  la  Décade.  Arrivé  â 
Cayenne  vers  le  milieu  de  juin 
suivant,  il  fut  relégué  dans  la 
Guiane  où  il  trouva  un  asile  chez 
un  colon  nommé  Vidier,  à  Gros- 
son,  dans  le  canton  de  Makou- 
ria.  Les  horribles  fléaux  du  cli- 
mat ne  l'en  atteignirent  pas 
moins.  Il  mourut  le  20  mars 
1798.  C'est  avec  raison  que  ceux 
qui  le  connurent,  ont  dit  que  «la 
religion  et  les  lettres  qu'il  ho' 
nora  également,  lui  dévoient  des 
pleurs  ».  (  V.  M.  J.  Achart- 
Lavort  et  H.  Acaisse.  ) 

ADELON  (N...  ),  curé  de 
Neufontaines  ,  dans  le  diocèse 
d'Autun,  n'avoit  pas  voulu  trahir 
sa  Foi  parla  prestation  du  serment 
de  la  constitution  civile  du 
clergé;  et  ce  refus  l'avoit  fait 
exclure  de  sa  paroisse.  Après  bien 
d'autres  vexations  que  lui  attira  sa 
fidélité  aux  principes  de  la  Foi  ca- 
tholique ,  et  aux  devoirs  de  son 
état,  il  se  vit  frappé  d'une  manière 
cruelle  par  la  loi  de  déportation 
du  26  août  1792.  Son  grand  âge 
de  soixante-quatorze  ans ,  en  le  dis- 
pensant de  s'exiler,  le  soumettoit 
à  la  réclusion  ordonnée  par  cette 
loi  contre  les  sexagénaires.  Il  fut 


ADV 

donc  réuni,  avec  plusieurs  autres, 
dans  la  maison  qui  leur  étoit  assi- 
gnée au  chef-lieu  du  département 
de  la  Nièvre ,  dans  lequel  il  se 
trouvoit  (  V .  Nevers  ).  Satisfaisant 
ainsi  pleinement  à  cette  loi  rigou- 
reuse, il  a  voit  droit  de  penser 
qu'il  ne  seroit  pas  soumis  à  des 
peines  plus  dures  que  cette  déten- 
tion ;  mais  les  persécuteurs ,  im- 
portunés par  la  présence  des 
prêtres ,  ne  pouvoient  souffrir 
l'existence  même  des  vieillards. 
Adelonfutdu  nombre  des  soixante- 
un  de  la  Nièvre  qu'ils  envoyèrent 
à  Nantes  pour  y  être  déportés 
au-delà  des  mers ,  ou  noyés 
(  V .  Nantes  ).  Il  partagea  les 
souffrances  de  ses  compagnons  de 
captivité,  dans  le  trajet  et  dans  la 
galiole  du  port  de  Nantes.  Elles 
ne  surmontèrent  pas  d'abord  les 
forces  de  son  âge ,  que  soutenoient 
celles  de  son  âme  vertueuse  et 
pleine  de  Foi.  Il  ne  périt  point 
comme  beaucoup  d'autres  dans 
l'horrible  entrepont  de  la  galiote, 
et  fut  du  nombre  de  ceux  que  de 
nouvelles  circonstances  firent  con- 
duire à  Brest.  Mais  il  y  porta  1» 
germe  de  la  mort,  comme  plu- 
sieurs de  ses  confrères,  qui,  dé- 
posés dans  l'hôpital  de  Saint- 
Louis  ,  y  moururent.  Adelon 
rendit  son  âme  à  Dieu  presqu'en 
arrivant,  le  19  mai  1794.  \  V .~S k.- 
diep.  ,  d'Hcban  et  le  P.  F.  Agra- 

FEL.) 

ADVISAÏID  (  Jean-Jacqves- 
M-aiue  Lamoiui  d'),  prêtre,  cho.- 


AGA 

noine  et  chantre  de  la  cathédrale 
de  Tours,  âgé  de  57  ans,  s'étoit 
soustrait  aux  persécutions  qu'il 
éprouvoit  dans  cette  ville,  en  ve- 
nant habiter  Arras  où  il  avoit  été 
élevé  par  ses  parens  maternels , 
dont  quelques  uns  vivoient  en- 
core. C'étoit  un  ecclésiastique 
fort  pieux.  Les  athées  révolu- 
tionnaires ne  pouvoient  souffrir 
sa  présence  (  F.  Auras)  ;  ils  l'ar- 
rêtèrent ;  et,  bientôt  traduit  de- 
vant le  tribunal  atroce  de  Jh  Le- 
bon,  il  fut  envoyé  à  la  mort  à 
cause  de  sa  Foi  et  de  sa  piété ,  le 
22  frimaire  an  II  (12  décembre 
1 794  ) ,  comme  l'atteste  le  registre 
mortuaire  d'Arras.  [V.  J.Abraham 
et  L.  F.  J.  Ansart.  ) 

AGAISSE  (Henri)  ,  né  à  Rézé , 
près  de  Nantes,  en  1773,  n'étoit 
encore  que  clerc  tonsuré  ,  quand 
survint  le  schisme  que  l'année 
1791  introduisit  en  France.  Son 
attachement  à  la  Foi  catholique 
le  rendit  aussi  odieux  aux  persé- 
cuteurs ,  que  s'il  eût  été  prêtre 
non  assermenté.  Ils  l'arrêtèrent 
dans  ce  temps  affreux  où  le  pro- 
consul Carrier  venoit  exercer  à 
Nantes  ses  impies  fureurs,  et  le 
conduisirent  dans  les  prisons  de 
cette  ville.  La  Providence  qui  le 
destinoit  à  honorer  une  autre  ca- 
tastrophe de  la  révolution,  le  pré- 
serva des  noyades  et  autres  sup- 
plices qui  firent  périr  tant  de  vic- 
times en  cette  ville,  à  la  fin  de 
l79^5  et  au  commencement  de 
l'année  suivante   [V.  Nantes)- 


AGA  5t 
Quand  ils  cessèrent  tout  à  coup, 
au  printemps  de  1794  •>  Agaisse 
sortit  de  prison,  en  considération 
de  ce  qu'il  n'étoit  pas  prêtre , 
mais  pour  être  banni  de  France. 
Il  se  rendit  en  Espagne,  et  y  ha- 
bita la  ville  de  Tolède.  Les  lettres , 
que  de  là  il  écrivoit  à  sa  mère  et  à. 
sa  famille  affligées,  étoient  bien 
propres  à  les  consoler  sous  le  rap- 
port des  sentimens  pieux  qu'il 
nourrissoit  en  son  cœur,  et  dont 
elles  -  mêmes  étoient  pénétrées. 
Lorsque  ,  dans  l'été  de  1797,  il  vit 
par  les  journaux  la  direclion 
qu'une  partie  du  Corps  Législatif 
donnoit  au  gouvernement  afin  qu'il 
permît  aux  prêtres  déportés  de 
rentrer  en  France ,  Agaisse  partit 
de  Tolède  pour  revenir  dans  sa 
famille  ;  mais  la  catastrophe  du 
18  fructidor  (4  septembre  1797) 
avoit  brusquement  rallumé  la  per- 
sécution. Il  fut  arrêté  dans  sa 
route,  et  jeté  d'abord  dans  les 
prisons  de  Saint-Fulgent  d'où  on 
le  conduisit  dans  celles  de  Mon- 
taigu ,  puis  dans  celles  de  Fonte- 
nay,  d'où  il  passa  dans  les  prisons 
de  Niort,  et  enfin  dans  celles  de 
Rochefort ,  pour  en  être  déporté  à 
la  Guiane  (  V.  Guiane).  De  là,  il 
écrivoit  encore  à  sa  mère  ,  le 
28  octobre  :  «Quelque  chose  qui 
m'arrive,  je  serai  toujours  con- 
tent, car  je  suis  persuadé  que 
tout  sera  pour  la  plus  grande  gloire 
de  Dieu,  et  pour  mon  salut....  Ce 
qui  me  console,  c'est  que  c'est 
pour  Dieu  que  je  souffre.  Oh!  il 

4. 


5a  AGA 

m'en  récompensera  bien».  Le  5 
décembre,  étant  encore  à  Roche- 
fort,  il  adressoit  à  sa  mère  une 
nouvelle  lettre  dans  laquelle  il  lui 
disoit  :  «  Dieu  veuille  augmenter 
et  fortifier  en  vous  ce  courage  et 
cette  résignation  à  la  volonté  de 
Dieu  ,  que  je  ne  cesse  et  que  je  ne 

cesserai  d'admirer  en  vous  

Nous  ne  nous  reverrons  peut- 
être  jamais  ;  mais  ne  nous  abat- 
tons pas  pour  cela.  Dieu  le  veut 
ainsi  :  humilions-nous  devant  lui  ; 
adorons  ses  décrets  impéné- 
trables ».  Les  lettres  qu'il  ne  cessa 
d'écrire  à  sa  mère  et  à  d'autres 
parens  jusqu'à  son  embarque- 
ment, respirent  les  mêmes  senti- 
mens.  Dans  cet  intervalle,  sui- 
vant le  témoignage  d'un  véné- 
rable prêtre,  compagnon  de  cette 
captivité,  «  une  des  plus  chères 
occupations  d'Agaisse  étoit  de 
consoler  les  déportés  qui  arri- 
roient  chaque  jour  à  Rochefort, 
accablés  de  lassitude ,  souvent 
après  quarante  et  même  soixante 
jours  de  marche,  surtout  les 
prêtres  de  la  Belgique.  A  leur  ar- 
rivée, il  leur  préparoit  leur  humble 
couche;  et  plus  d'une  fois,  sous 
prétexte  de  les  aider  à  ôter  leur 
chaussure  collée  à  leurs  pieds 
meurtris  ,  il  les  baisoit  avec  res- 
pect ».  Ce  fut  le  12  mars  1798 
qu'on  l'embarqua  ;  et  la  frégate  ta 
Charente  fut  celle  sur  laquelle  on 
le  mit  avec  cent  soixante -quinze 
a,utres  déportés.  Bientôt  après,  il 
passa  avec  eux  sur  la  frégate  ta 


AGA 

Décade.  On  peut  voir,  à  l'article 
GiuANE,ce  qu'il  eut  à  Souffrir  dans 
la  traversée.  Abordé  à  Cayenne  le 
i3  juin  1798?  il  fut  du  nombre 
des  quarante-cinq,  qu'à  raison  de 
leur  dépérissement  on  déposa  dans 
l'hôpital.  Des  personnes  charita- 
bles obtinrent  de  l'agent  national 
qu'Agaisse  n'allât  point  à  Kona- 
nama  ni  à  Sinnamary;  et  il  fut 
placé,  avec  deux  prêtres,  dans 
une  habitation  située  de  l'autre 
côté  de  la  grande  embouchure  de 
la  rivière  de  Cayenne ,  chez  un  mu- 
lâtre nommé  Sevrin.  Ce  lieu  néan- 
moins étoit  brûlant,  et  l'on  y  étoit 
dévoré  par  les  mai  ingouins  ;  on  n'y 
avoit  pas  même  d'eau  potable ,  ni 
aucun  fruit  bon  à  manger  :  aussi 
cette  habitation  avoit-elle  le  nom 
de  Tout-y -Manque.  Agaisse  n'a- 
voit  pas  recouvré  la  santé,  et  pou- 
voit  à  peine  se  soutenir.  La  fièvre , 
se  joignant  au  fléau  de  la  misère, 
termina  sa  vie  après  quinze  jours 
de  souffrances  extrêmes.  Il  mou- 
rut le  22  septembre  1798.  Un  laïc 
revenu  de  Cayenne  écrivoit  en 
i8o3  :  «  Le  jeune  Agaisse,  avant 
sa  mort,  pou  voit  être  mis  au  rang 
des  saints ,  et  même  des  Martyrs  » . 
Le  vénérable  prêtre ,  dont  nous 
parlions  tout  à  l'heure,  racontoit 
en  i8o5  que,  pendant  son  séjour 
à  Cayenne ,  il  alloit  souvent  au 
tombeau  du  jeune  Agaisse  dont  il 
avoit  admiré  les  vertus  :  «  j'en  re- 
venois,  disoit-il,  toujours  paisible 
et  résigné  à  mes  maux  » .  (V .  J.  N. 
Adam  et  P.  Ai.acnoï*.) 


AGR 

AGRAFEL  (Le  Père  François), 
religieux  récollet  de  Saumur,  étoit 
né  à  Sarlat  en  Périgord,  vers  1 728. 
Il  entra  de  bonne  heure  dans  l'ordre 
des  récollets,  en  la  province  de 
Toulouse,  où  il  fut  élevé  par  son 
mérite  jusqu'à  la  charge  de  pro- 
vincial. Son  humilité  voulant  le 
soustraire  aux  honneurs  qu'on 
lui  avoit  décernés,  le  fit  deman- 
der à  passer  dans  une  autre  pro- 
vince ;  et  il  vint  vivre  en  simple  reli- 
gieuxdans  le  monastère  deSaumur. 
Le  P.  Favereau,  qui  y  fut  son 
confrère,  et  qui  est  actuellement 
curé  d'Outretot,  près  de  Rouen  , 
nous  atteste  que  «  le  P.  Agrafel  se 
rendit  très-recommandable  pen- 
dant tout  le  temps  de  sa  profes- 
sion, et  qu'il  se  distinguoit  autant 
par  son  érudition  que  par  sa  piété  » . 
Resté  à  Saumur  après  la  destruc- 
tion de  son  cloître  ,  en  1791,  il  en 
fut  enle  vé  à  la  fin  de  1 792 ,  et  traîné 
à  Angers  dans  une  maison  de  réclu- 
sion, en  vertu  de  la  loi  du  26  août 
précédent ,  comme  n'ayant  pas 
voulu  prêter  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
et  comme  se  trouvant  trop  âgé 
pour  n'être  pas  obligé  de  s'exiler 
en  qualité  d'insermenté.  Sa  peine 
devoit,  suivant  celte  loi,  se  bor- 
ner à  cette  réclusion  ;  mais  quand 
les  révolutionnaires  d'Angers  vi- 
rent passer,  en  cette  ville,  les 
soixante-un  prêtres  de  la  Nièvre, 
presquetous  vieillards  ou  infirmes, 
que  l'on  traînoit  à  Nantes  pour  les 
y  faire  périr,  ils  se  hâtèrent  d'as- 


AIL  55 

socier  à  leur  sort  les  quinze  prêtres 
sexagénaires  ou  infirmes  qu'ils 
avoient  en  réclusion  (  V .  Angers). 
Le  P.  Agrafel  fut  donc,  ainsi  que 
ses  quatorzecompagnons,  forcé  de 
partir  avec  les  autres,  le  i5  mars 
1 794>  Tout  ce  qu'ils  eurent  à  souf- 
frir dans  le  trajet ,  a  été  raconté 
ailleurs  (  V .  Nevers  ).  Arrivé  à 
Nantes,  le  P.  Agrafel  fut,  avec 
eux,  enfermé  dans  le  fétide  fond 
de  cale  de  la  galiotc  hollandaise  au 
port  de  cette  ville.  En  proie  à  la 
faim,  au  froid ,  à  la  peste  que  tous 
ces  captifs  de  Jésus-Christ  avoient 
à  supporter,  il  y  succomba  vers 
le  commencement  d'avril  1794- 
On  a  cru  à  Angers  qu'il  avoit  été 
noyé  dans  un  des  bateaux  à  sou- 
pape du  cruel  Carrier;  mais  nous 
avons  une  preuve  irrécusable  de 
la  relation  que  nous  venons  de 
faire  de  sa  mort,  dans  le  témoi- 
gnage par  écrit  dequelques  uns  des 
onze  prêtres  de  la  Nièvre  qui  re- 
vinrent ensuite  dans  leurs  foyers. 
(  V.  Adelon,  de  Neufontaines  , 
et  Animé  ,  Bénédictin.  ) 

AILLET  (Marguerite  Guito- 
hier,  veuve  d'),  femme  pieuse, 
demeurant  à  Loudun ,  dans  le 
diocèse  de  Poitiers ,  avoit  donné 
chez  elle  à  quelques  prêtres  catho- 
liques persécutés  un  asile  contre 
la  persécution.  On  les  y  décou- 
vrit, et  elle  fut  arrêtée  avec  eux, 
et  conduite  comme  eux  dans  les 
prisons  de  Poitiers  (V .  Vendée). 
Cet  acte  généreux  de  religion ,  l'un 
des  plus  méritoires  aux  yeux,  de 


54  ALA 

Dieu  en  de  telles  circonstances 
[V.  S*  Aux),  ne  pou  voit  qu'irriter 
extrêmement  les  ennemis  de  la 
Foi.  Elle  fut  appelée  devant  le  tri- 
bunal criminel  du  département  de 
la  Vienne,  siégeant  à  Poitiers,  le 
i4thermidor  an  II  (i"août  1794); 
et  les  juges  se  hâtèrent  de  l'envoyer 
à  la  mort  comme  «  recéleuse  de 
prêtres  réfractaires  »  ,  cinq  jours 
après  la  chute  de  Roberspierrc.  (V. 
R.  Vincent  et  J.  A.  Arnacdeau.) 

AIMÉ-DE-JÉSUS  (Sœur 
Saint),  religieuse.  (  V.  W1"  R° 
Gardon.  ) 

ALAGNON  (Pierre),  prêtre 
du  diocèse  de  Cahors,  nommé 
Allagnon  dans  le  Voyage  de  J.  J. 
Aymé;  Allacon,  avec  le  titre  de 
«  chapelain  de  Toulouse,  »  dans 
le  V oyage  de  L.  A.  Pitou  ;  et 
Alanion  de  Fratssinet  dans  une 
compilation  récente  ,  étoit  sim- 
plement né  à  Frayssinet-le-Gelat, 
dans  le  Quercy,  près  de  la  ville 
épiscopale ,  et  l'un  des  huit  cha- 
pelains de  l'église  cathédrale  de 
Cahors  à  l'époque  de  la  révolu- 
tion. Il  se  trouvoit  encore  dans 
cette  contrée  ,  quand  fut  rendue 
la  loi  de  déportation  du  26  août 
1792.  Quoiqu'il  n'eût  point  fait 
et  qu'il  ne  voulût  point  faire  le 
serment  de  la  constitution  ci~ 
vile  du  clergé,  il  ne  sortit  pas 
de  France;  et,  quelques  mois 
après,  il  fut  arrêté,  et  envoyé 
à  Bordeaux  pour  être  de  là  dé- 
porté à  Cayenne.  Il  fut  même  du 
nombre  de  e*>nx  qu'on  émbar- 


ALA 

qua  au  Pâté-de-Blaye  ,  trois  mois 
après  la  chute  de  Roberspierre 
(K.Bordeaux).  Ses  souffrances 
furent  grandes,  non  seulement 
dans  les  prisons,  mais  encore  sur 
le  vaisseau  qu'on  le  flt  monter,  et 
dans  celle  où  il  fut  ensuite  déposé 
après  être  remis  à  terre.  Lorsque 
les  prêtres  eurent  enfin  la  liberté 
de  retourner  dans  leurs  foyers,  en 
1796,  Alagnon  revint  dans  le  dio- 
cèse de  Cahors,  où  il  travailla  au 
salut  des  âmes  avec  une  ardeur 
proportionnée  aux  besoins  de  l'E- 
glise. Son  zèle  l'ayant  rendu  très- 
odieux  aux  révolutionnaires,  ils 
cherchèrent  à  se  saisir  de  sa  per- 
sonne lorsque  la  persécution  eut 
repris  ses  fureurs  ,  au  18  fructidor 
(4  septembre  1797).  Alagnon,  à 
qui  le  serment  de  haine  qu'on 
exigeoit  alors,  faisoit  horreur,  se 
réfugia  dans  un  asile  champêtre; 
on  l'y  atteignit,  et  on  l'amena 
dans  les  prisons  de  Cahors,  d'où 
il  fut  bientôt  envoyé  à  Rochefort 
pour  être  déporté  a  la  Guiane. 
Dans  le  trajet,  des  gendarmes  in- 
humains voulurent  l'attacher  avec 
des  chaînes,  et  lui  mettre  un  col- 
lier de  fer.  La  nature  en  lui  frémit 
un  instant,  en  voyant  cet  appa- 
reil destiné  aux  malfaiteurs;  mais 
la  religion  reprenant  ses  droits ,  et 
lui  rappelant  tous  les  saints  per- 
sonnages de  la  primitive  Eglise  , 
qui  avoient  porté  des  fers,  il  baisa 
ce  collier,  éprouvant  intérieure- 
ment le  bonheur  indicible  que 
saint  Paul  avoit  trouvé  dans  ses 


ALA 

fers,  et  dont  il  ne  se  lassoit  plus 
de  se  féliciter  :  vinctus  Christi , 
—  vinctus  in  Domino.  Ce  que 
saint  Jean-Chrysostûme  avoit  dit 
à  ce  sujet,  se  réalisoit  délicieuse- 
ment dans  l'âme  d'Agaisse ,  lequel 
pouvoit  s'écrier,  par  un  sentiment 
personnel:  «  O  bienheureux  liens! 
Heureux  celui  que  décore  cet  or- 
nement, bien  plus  magnifique  que 
le  diadème  des  rois!  Ah!  quand 
on  aime  Jésus-Christ,  on  connoît 
toute  la  dignité  a  laquelle  sont 
élevés  ceux  qui  sont  enchaînés 
pour  lui  ;  et  saint  Paul  se  croyoit 
moins  honoré  par  les  révélations 
qu'il  avoit  reçues  du  ciel,  que  par 
les  fers  qu'il  avoit  portés»  .Obeata 
vincula!  O  beatas  manus  quas 
ornavit  Ma  catena  !  Non  enim 
tam  sptendidum  facit  caput 
vitta  ex  gemmis  composita  ei 
imposka,  quàm  catena  ferrea 

pr opter  Christum  Si  quis 

Christum  diligit ,  novit  hanc 

dignitatem          Quantum  sit 

gratificatum ,  quàd  pr opter  Ip- 
sum, sit  vinctus  Nihil  est 

Ma  catena  beatius.  Non  tam 
dico  [Paulum)  beatum  quod 
audierit  arcana  verba,  quàm 
eum  censeo  beatum  propter Ma 
vincula.  (Homil.  VIII,  in  cap.  iv, 
ad  Ephes.) 

Alagnon  parvint  àRocbefort;  et, 
après  y  être  resté  quelques  jours  en 
prison,  il  fut  embarqué  le  1"  août 
1798  sur  la  frégate  ta  Bayon- 
naisc  [V.  Guiane);  mais  il  ne 
put  résister  aux  fatigues  de  la  tra- 


ALA  55 

versée,  et  aux  tourmens  de  cette 
espèce  de  cachot.  Il  y  mourut 
avant  d'arriver  à  Cayenne ,  comme 
l'attestent  de  concert  les  Voyages 
à  Cayenne  des  deux  laïcs  dépor- 
tés que  nous  venons  de  citer  ;  et 
non  point  «  après  le  débarque- 
»  ment  »,  comme  il  est  dit  dans 
la  compilation  dent  nous  avons 
parlé.  Le  corps  d'Alagnon  n'eut 
point  les  honneurs  de  la  sépijlture  : 
il  fut  jeté  à  la  mer  (  V.  H.  Agaisse 
et  P.  J.  Azaert.  ) 

ALAUX  (Gérï),  prêtre  du  dio- 
cèse de  Toulouse,  y  étoit,  à 
l'époque  de  la  révolution ,  curé  de 
la  paroisse  de  Sainte  -Radegonde 
de  la  petite  ville  de  Beaumont, 
sur  la  Lèze ,  à  quatre  lieues  de  Tou- 
louse. Au  milieu  de  la  défection 
de  plusieurs,  dans  ce  diocèse,  il 
conserva  sa  Foi  ferme  et  entière, 
en  refusant  le  serment  schisma- 
tique  de  1791,  et  tous  les  actes 
impies  demandés  ensuite  aux 
prêtres.  Peu  de  ceux  de  ce  dis- 
trict y  furent  immolés  durant  la 
persécution;  non  que  les  persé- 
cuteurs n'y  fussent  aussi  ardens 
qu'en  d'autres  contrées,  mais  parce 
qu'ils  trouvèrent  dans  celle  -  là 
trop  de  prêtres  foibles,  dociles  à 
leurs  vues.  La  vérité,  qui  préside 
à  notre  travail,  ne  permet  pas 
qu'en  nous  glorifiant  de  ceux  qui 
eurent  le  courage  de  mourir,  plu- 
tôt que  de  rien  faire  contre  leur 
conscience,  nous  dissimulions 
que ,  dans  le  clergé  de  France , 
il  y  eut ,  comme  jadis ,  parmi 


56  A  LA 

les  premiers  chrétiens  persécutés, 
de  ces  hommes  qu'on  appeloit 
lapsi.  Que  ne  pouvons-nous  taire 
qu'on  n'en  compte  pas  moins  de 
cent  vingt-cinq  ,  nommés  ,  avec 
leurs  qualités,  sur  une  liste  im- 
primée qui  fut  affichée  dans  le 
temps ,  à  Toulouse ,  et  dont  même 
nous  avons  le  placard  sous  les 
yeux!  Son  titre  seul  justifie  notre 
douleur  ;  il  est  conçu  en  ces  tei  mes  : 
«Tableau  contenant  les  noms  des 
ecclésiastiques  qui  ont  remis,  jus- 
qu'à ce  jour,  20  prairial  (8  juin 
1794)5  au  bureau  de  l'agent  na- 
tional du  district  de  Toulouse,  la 
déclaration  de  renonciation  à  leur 
état  de  prêtrise,  et  qui  doivent 
jouir  d'une  pension  viagère,  en 
exécution  de  la  loi  du  2  fri- 
maire». Au  bas,  on  lit  :  «Certifié 
par  l'agent  national,  le  20  prai- 
rial :  signé  Descombels.  »  C'étoit 
le  résultat  d'un  arrêté  que  les  au- 
torités de  Toulouse  avoient  pris 
pour  se  conformer  à  la  municipa- 
lité Dantoniste  de  Paris ,  laquelle 
avoit  décidé ,  le  9  novembre  1 793 , 
«  qu'il  seroit  ouvert  un  registre  sur 
lequel  on  inscriroit  les  déclara- 
tions des  citoyens  qui  voudroient 
se  déprêtriser  »  (  Moniteur,  II* 
année  de  la  république,  n°  49)- 
Mais  à  tant  d'énormes  scandales, 
opposons  bien  vite  la  courageuse 
fermeté  du  curé  Alaux,  qui,  resté 
dans  le  canton, et  bravant  tous  les 
périls,  pour  continuer  à  fournir 
à  ses  paroissiens  les  secours  de 
l'Eglise  catholique,  avoit  été  déjà 


ALA 

emprisonné.  Le  tribunal  du  dépar- 
tement de  la  Haute-Garonne  , 
siégeant  à  Toulouse,  l'avoit  con- 
damné ,  le  24  germinal  an  II 
(i3  avril  1794)?  à  la  peine  de 
mort,  comme  «  prêtre  rêfractairc 
à  la  loi  »  ;  et  il  fut  immolé  le  même 
jour.  [V.  P.  F.  Azera.) 

ALAUZIER  (  Marie-Gertrude 
d'),  religieuse  ursuline  de  Bou- 
line, sous  le  nom  de  sœur  sainte 
Sophie,  continuoit,  depuis  la 
destruction  des  cloîtres ,  à  vivre 
en  communauté  avec  beaucoup 
d'autres  religieuses,  dans  la  même 
ville.  Les  révolutionnaires  l'y  arrê- 
tèrent, comme  toutes  les  autres, 
en  1794;  et  le  2  mai  la  vit  ame- 
ner avec  elles  dans  les  prisons 
d'Orange,  pour  y  être  immolée 
par  la  commission  populaire  qui 
alloit  s'établir  en  cette  cité  (  V . 
Orange).  Dans  cet  état  de  capti- 
vité ,  la  sœur  d'Alauzier  continuoit, 
avec  ses  sœurs  ,  la  pratique  des 
règles  religieuses  ,  et  se  préparoit 
comme  elles  au  martyre,  par  les 
actes  et  les  sentimens  de  la  plus 
fervente  piété  (  V .  d'Albarede  ). 
Déjà  deux  d'entre  elles  avoient 
été  envoyées  à  la  mort ,  par  la  fé- 
roce commission  le  4  juillet;  et,  le 
lendemain  en  s'éveillant,  elle  eut 
une  sorte  de  révélation  que  son 
heure  de  mourir  approchoît.  Alors 
une  joie  indicible  vint  remplir  son 
cœur  ,  et  lui  lit  verser  de  douces 
larmes.  Elle  s'écrioit  avec  trans- 
port :  «  Je  suis  dans  une  espèce 
d'extase,  et  comme  hors  de  moi- 


ALB 

même,paree  que  j'ai  la  persuasion 
intime  que  demain  je  verrai  mon 
Dieu,  et  que  je  mourrai».  Un 
moment  après ,  sa  conscience  ti- 
morée lui  fit  craindre  que  cette 
exclamation  n'eût  été  accompa- 
gnée d'un  mouvement  d'orgueil; 
elle  en  étoit  si  troublée,  qu'on 
crut  devoir  la  rassurer  sur  le  sen- 
timent qui  l'avoit  inspirée.  Elle 
fut  en  effet  appelée  le  lendemain , 
22  messidor  an  II  (10  juillet  1794)» 
à  l'impie  tribunal,  avec  une  autre 
religieuse  {V.  S.  A.  Romillon). 
Ses  réponses  lurent  autant  de 
courageuses  professions  de  Foi  ;  et 
elle  fut  condamnée  à  mort,  avec 
sa  compagne,  «  comme  fana- 
tique et  comme  réfractaire  » , 
parce  qu'elle  avoit  refusé  le  ser- 
ment de  liberté-égalité  ;  et  pour 
cela  même,  comme  «contre-révo- 
lutionnaire ».  Quand  elle  eut  en- 
tendu sa  sentence,  elle  remercia 
les  juges  du  bonheur  qu'ils  alloient 
lui  procurer;  et,  lorsqu'elle  fut 
arrivée  à  la  guillotine,  elle  baisa, 
avec  une  sainte  reconnoissance, 
cet  instrument  de  mort ,  qu'elle 
regardoit  comme  celui  de  son  bon- 
heur éternel.  (  V .  M.  Albarède.  ) 

ALBARÈDE  (Marguerite  d'), 
l'une  desquarante-deux  religieuses 
du  Comtat  Venaissin,  qui  furent 
amenées  prisonnières ,  de  Boulène 
à  Orange,  pendant  le  printemps 
de  1794?  est  une  des  trente-deux 
que  la  commission  populaire, 
établie  en  cette  dernière  ville ,  fit 
périr  pour  la  cause  de  la  religion , 


ALB  5; 

dans  le  courant  de  juillet  suivant 
(  V.  Orange  ).  Elle  étoit  née  à 
Saint  -  Laurent,  près  le  Comtat, 
en  1741-  Sa  vocation  bien  mani- 
feste pour  l'état  religieux,  l'avoit 
fait  entrer  jeune  dans  le  couvent 
des  IJrsulines  du  Pont-Saint-Es- 
prit, où  elle  avoit  prononcé  ses 
vœux  ;  elle  continua  d'y  vivre  en 
fervente  religieuse,  sous  le  nom 
de  sœur  Sainte  Sophie,  jusqu'à 
la  destruction  des  cloîtres,  en  1 79 1 . 
Alors  elle  vint,  avec  dix  -  huit 
autres,  tant  de  son  couvent  que 
de  ceux  d'Avignon,  se  réunir  aux 
Ursulines  de  Boulène,  qui  s'étoient 
arrangées  entre  elles ,  et  douze 
autres  du  couvent  du  Saint-Sa- 
crement ,  pour  continuer  à  vivre 
en  communauté.  On  peut  voir,  à 
l'article  Orange,  comment  elles 
furent  enlevées  de  leur  pieuse  re- 
traite, à  la  fin  d'avril,  par  les 
ordres  du  féroce  proconsul  Mai- 
gnet,  et  quelle  édification  elles 
donnèrent  dans  leur  prison  et  sur 
l'échafaud.  La  sœ uv  Sainte  Sophie 
fut  envoyée  au  dernier  supplice, 
comme  «  fanatique  et  contre-* 
révolutionnaire  »  ,  avec  deux  de 
ses  compagnes  (V.  M.  E.  Pelis- 
sier,  et  M.  C.  Blanc),  le  25  mes- 
sidor an  II  (11  juillet  1794),  à 
l'âge  de  54  ans.  Les  trente-deux 
religieuses  qui,  amenées  de  Bou- 
lène ,  furent  immolées  à  Orange , 
dans  cette  conjoncture,  étoient, 
avec  Marguerite  d'Albarède,  Ma- 
rie Becuin,  Rosalie  Bts,  Marie- 
Claire  Blanc,  Marguerite  Bone- 


58  ALB 

bet,  Anne  Cartier,  Marie-Thérèse 
Charansol,  Louise  Cluse,  Thé- 
rèse Consolier,  Marie  -  Gertrude 
d'Alausier,  Suzanne- Agathe  De- 
iace,  Marie-Anne  Doux,  Marie- 
Claire  DtiBAC ,  Henriette  Faurié, 
Suzanne  Gaillard,  Marguerite- 
Rose  Gardon,  Marie- Madeleine 
Guilhermier  ,  Madeleine  -  Fran- 
çoise de  Jcstamont,  Elconore  de 
J ustamont  ,  Julie  -  Madeleine  de 
Justamont  ,  Madeleine  de  Justa- 
mont, Marie-Anne  Lambert,  Anne 
Minette  ,  Marie-Elisabeth  Pelis- 
sier,  Marie -Anne  Peyre,  Marie- 
Anastasie  Rocard,  Marie -Anne- 
Marguerite  Rochier,  Jeanne  Ro- 
willon,  Sylvie-Agnès  Romillon  , 
Marie  Sage,  Thérèse  -  Marguerite 
Talliend,  et  Elisabeth  Verchère 
{V.  ces  noms). 

ALBOUY  (Jean),  prêtre  du 
diocèse  de  Rhodez ,  né  à  Frais- 
signes  en  Rouergue  ,  près  Saint- 
Céré,  ai-rêté,  en  1793,  comme 
insermenté  qui  ne  s'étoit  pas  dé- 
porté lui-même,  et  devoit  l'être 
à  la  Guiane,  fut  traîné  vers  Bor- 
deaux ,  pour  y  être  embarqué 
(  V .  Bordeaux  ).  Il  ne  put  l'être 
des  premiers ,  qui  pourtant  ne  le 
furent  que  trois  mois  après  la 
chute  de  Roberspierre.  Succom- 
bant déjà  sous  le  poids  de  sa 
captivité,  dans  le  fort  du  Ha,  il 
alloit  y  périr,  lorsqu'on  le  trans- 
porta dans  l'hôpital  de  Saint-An- 
dré, de  Bordeaux.  Il  y  mourut 
sans  cesser  d'être  captif  de  Jésus- 
Christ,  le  25  octobre  j  794.1  à  l'âge 


ALD 

de  54  ans.  (  V.  E.  B.  Viot  et  At- 

BOUZE.  ) 

ALBOUZE  (#....),  curé  d'une 
paroisse  comprise  actuellement 
dans  le  département  de  la  Gi- 
ronde, n'a  voit  point  fait  le  ser- 
ment de  1791,  et  n'étoit  pas  sorti 
de  France,  d'après  la  loi  de  pros- 
cription rendue  le  26  août  1792. 
Il  continuoit  à  exercer  clandesti- 
nement son  ministère,  pour  l'uti- 
lité des  catholiques,  lorsqu'il  fut 
découvert  et  arrêté  en  1793.  On 
l'envoya  au  fort  de  l'île  du  Pâté- 
de-Blaye  ,  pour  y  attendre  sa  dé- 
portation à  la  Guiane  (  V.  Bor- 
deaux). Cependant,  comme  on 
ne  put  pas  embarquer  tous  les 
prêtres  amenés  à  Bordeaux  et  à 
Blaye ,  pour  être  déportés  ,  lors- 
que l'embarquement  se  fit,  vers 
la  fin  de  l'automne  de  1794,  seu- 
lement trois  mois  après  le  ren- 
versement de  Roberspierre ,  le 
curé  Albouze  fut  de  ceux  qu'on 
laissa  dans  leur  prison.  Celle  du 
fort  étoit  affreuse  et  fétide.  Il  y 
souffrit  des  maux  inouïs  qui  rui- 
nèrent sa  santé;  et,  dans  un  état 
voisin  de  la  mort,  il  fut  transporté 
à  l'hôpital  de  Blaye.  Là,  toujours 
captif  de  Jésus-Christ,  il  rendit 
son  dernier  soupir,  le  5  ventôse 
an  HL  (23  février  1795),  ù  l'Age 
de  59  ans.  (  V.  J.  ALBOuyet  Alde- 

BERT.  ) 

ALDEBERT  (  N....  ),  prêtre 
et  chanoine  de  l'église  cathédrale 
de  La  Rochelle,  l'un  des  deux 
grands -vicaires  de  l'évêque,  et 


ALE 

membre  du  bureau  diocésain,  de- 
voit  toutes  ces  dignités  à  son  mé- 
rite et  à  ses  vertus.  A  la  dissolution 
de  son  chapitre,  et  à  l'établisse- 
ment du  clergé  schismatique  en 
cette  contrée,  les  vexations  exer- 
cées envers  ceux  qui  s'étoient  dis- 
tingués par  leur  attachement  à  la 
Foi  catholique,  déterminèrent  le 
chanoine  Aldebert  à  se  réfugier 
en  la  ville  de  Bordeaux,  où,  étant 
moins  connu,  il  espéroit  jouir  de 
plus  de  tranquillité.  Son  espoir 
fut  déçu  par  l'ardeur  inquisito- 
riale  des  agens  de  la  persécution. 
Reconnu  pour  ecclésiastique  et 
pour  prêtre  non  assermenté,  il  fut 
emprisonné  comme  suspect,  en 
1793.  Les  événemens  d'alors  ne 
lui  laissoient  pas  douter  qu'il  ne 
fût  destiné  à  périr  sur  l'échafaud. 
Résigné  à  mourir  pour  la  même 
sainte  cause  qui  l'avoit  fait  per- 
sécuter et  emprisonner,  il  mérita 
la  couronne  du  martyre,  en  mou- 
rant captif  dans  l'attente  de  son 
dernier  supplice.  (  V.  J.  Albouy 
et  B.  Andran). 

ALEXANDRE  (Gérard),  an- 
cien curé  de  Chaveaux,  et  cha- 
noine de  l'église  collégiale  de 
Saint-Symphorien ,  dans  la  ville 
de  Reims,  âgé  de  48  ans,  yétoit 
encore  à  la  fin  d'août  1 792 ,  malgré 
la  persécution  excitée  contre  les 
prêlres  fidèles  à  la  Foi  de  i'Eglise 
catholique.  Ilfut désigné auxassas- 
sins  que  la  Commune  de  Paris  en- 
voyoit  à  Reims,  au  commencement 
de  septembre  ,  pour  y  répéter  len 


ALE  59 

massacres  qui  s'exécu  toient  dans  la 
capitale  (  V.  Septembre).  Sous  le 
prétexte  que  le  chanoine  Alexandre 
ne  devoit  pas  être  exempt  de  mon- 
ter la  garde,  les  impics  vont  l'en- 
lever de  son  domicile;  et  le  voilà 
placé,  avec  un  autre  prêtre  vé- 
nérable (  V.  J.  Romain  ) ,  dans  les 
rangs  de  la  garde  nationale.  Mais 
les  assassins  s'apercevant  que  ces 
prêtres  pouvoient  y  trouver  un 
abri  contre  leurs  coups,  deman- 
dent qu'on  les  mette  en  prison. 
Alexandre  y  est  conduit  avec  son 
confrère'';  ils  n'y  sont  pas  plutôt 
entrés  l'un  et  l'autre,  que  les 
meurtriers  viennent  les  y  prendre , 
pour  les  conduire  à  l'hôtel-de- 
ville  où  siégeoit  la  municipalité. 
A  peine  ces  deux  prêtres  sont-ils 
arrivés  sur  la  place  de  cet  hôtel-de- 
villc  où  les  abbés  de  Lescure  et 
de  Vachères  venoient  d'être  égor- 
gés (V.  ces  noms),  que  le  cha- 
noine Alexandre  voit  le  curé 
Romain,  percé  d'un  coup  de  sabre, 
tomber  à  ses  pieds.  Déjà  lui-même 
est  blessé  par  la  même  arme;  il 
croit  qu'un  pareil  sort  plane  sur 
sa  tête  ;  mais  la  cruauté  des  assas- 
sins trouve  le  supplice  trop  doux 
pour  la  victime.  Ils  conçoivent  le 
dessein  infernal  de  le  brûler  vif, 
avant  de  terminer  celte  horrible 
journée  ,  déjà  marquée  par  tant 
de  massacres.  La  proposition  en 
est  faite  à  haute  voix  ;  les  assassins 
y  applaudissent  avec  fureur  ;  plu- 
sieurs d'entre  eux  courent  aussi- 
lôt  dans  les  maison*  voisines,  afin 


Go  A  LE 

d'en  enlever  le  bois  nécessaire 
pour  former  un  bûcher.  Il  est 
dressé;  on  y  étend  le  vertueux 
Alexandre,  aux  cris  perçans  d'une 
multitude  ivre  de  la  nouveauté  de 
cet  affreux  spectacle.  Déjà  les 
flammes  enveloppent  la  victime  , 
encore  pleine  de  vie  ;  mais  on 
trouve  qu'elles  ne  sont  point  assez 
ardentes  ;  la  populace  va  conti- 
nuellement chercher  du  bois  où 
elle  peut  en  trouver,  pour  rani- 
mer et  alimenter  le  feu,  qui  ne 
consume  que  lentement  ce  mi- 
nistre du  Seigneur.  Trois  fois  le 
chanoine  Alexandre ,  cédant  au 
sentiment  de  la  douleur,  essaie, 
par  un  mouvement  naturel,  pres- 
que involontaire,  d'échapper  à  la 
flamme ,  qui  ne  le  dévore  que  len- 
tement ;  et  trois  fois  ses  bourreaux 
le  repoussent  dans  le  bûcher.  Il  y 
expire  ainsi  purifié  par  le  feu ,  et 
plus  digne  encore  de  la  palme  du 
martyre,  le  3  septembre  1792. 

Que  de  circonstances  de  cette 
mort  auroient  pu  être  décrites 
avec  les  paroles  de  saint  Léon , 
pape,  racontant  le  supplice  d'un 
illustre  Martyr  du  m"  siècle!  «  Ce 
fut,  disoit-il,  lorsque  la  fureur 
des  impies  se  déchaînoit  surtout 
contre  l'élite  des  membres  de  Jé- 
sus -  Christ  qui  appartenoient  à 
l'ordre  sacerdotal ,  ce  fut  alors 
qu'ils  attaquèrent  celui-ci ,  comme 
étant  un  de  ceux  dont  l'âme  avoit 
le  plus  de  force,  cherchant  à  la 
vaincre  par  des  supplice  sextraor- 
dinaires.  La  trouvant  invincible 


ALE 

dans  les  tortures  communes,  ils 
imaginent  celle  du  feu.  Impies 
trop  féroces,  vous  n'en  obtien- 
drez pas  davantage.  Ce  qu'il  y  a 
de  mortel  en  lui,  se  soustrait  par 
la  consomption  à  votre  atroce  bû- 
cher; et  son  âme  ,  en  s'en  volant 
dans  les  cieux,  vous  laisse  dans 
la  confusion  de  la  défaite.  En  aug- 
mentant avec  tant  de  cruauté  ses 
tourmens ,  vous  n'avez  fait  qu'a- 
jouter à  sa  gloire  ,  et  rendre  sa 
couronne  plus  brillante.  »  Càm 
furor  potestatum  in  electis- 
sima  Christi  membra  sœviret, 
ac  prœcipuè  eos  qui  ordinis 
erant  sacerdotalis  impeteret,  in 
( eum )  impius  persécuta'  cff'er- 
buit —  sotidissimam  iltam  te- 
vitici  animi  fortitudinem  diris 
parât  urgere  suppliciis  :  quo- 
rumubi  prima  nihii  obtinent* 
vehementiora  succédant ,  lace- 
ros   artus   subjecto  prœcipit 

igne  torreri  ,  ut  ficret  cru- 

ciatus  vehementior ,  et  pœna 
pioductior.  Nihil  obtines ,  ni- 
hii proficis,  sœva  crudelitas! 
Subtrahitur  inventis  tuis  ma- 
teria  mortalis  ;  et  (  illo  )  in 
cœtos  abeunte  tu  deficis...  Ste- 
visti ,  persecutor ,  in  Marty- 
rem;  sœvisti,  et  auxisti  pal- 
mam ,  dàm  aggeras  pcenam 
(  Serai.  LXXXIII ,  in  Nalaii 
S.  Laurentii  ). 

ALEXANDR.E  (Jean-Joseph), 
prêtre  du  diocèse  d'Orange,  y 
étoit  curé  à  l'époque  de  la  révo- 
lution. Le  refus  qu'il  fil  du  ser- 


I 


ALE 

ment  schismatique  entraîna  sa 
destitution;  il  résidoit  à  Morenas , 
d'où  il  pouvoit  rendre  encore  son 
ministère  utile  à  ses  paroissiens. 
Après  avoir  échappé  à  bien  des 
dangers,  il  ne  put  éviter  ceux 
dont  l'année  179^  menaça  les 
prêtres  fidèles  d'une  manière  si 
violente.  Le  curé  Alexandre  fut 
arrêté ,  et  traîné  dans  les  prisons 
d'Avignon,  chef-lieu  du  départe- 
ment de  Vauclusc  (  V.  Orange). 
Le  tribunal  criminel  de  ce  dépar- 
tement, siégeant  en  cette  ville, 
et  jugeant  suivant  les  lois  révolu- 
tionnaires d'alors  (  V.  Lois) ,  con- 
damna ce  pasteur  à  la  peine  de 
mort,  «  comme  ré fractairè» ,  le 
20  nivose  an  II  (  14  janvier  1794)* 
La  sentence  fut  exécutée  le  len- 
demain. 

ALEXANDRE  (Lotus),  frère 
convers  de  l'ordre  des  Capucins, 
dans  leur  maison  de  Morlaix,  dio- 
cèse de  Tréguier ,  où  il  étoit  appelé 
frère.  Louis,  avoit  vu  le  jour  dans 
cetteville,  en  1  j?44-  Quoiqu'iln'eût 
puêtre  assu  jéti  au  serment  de  1 79 1 , 
ni  soumis  aux  rigueurs  de  la  loi  du 
26  août  1792,  il  n'en  fut  pas 
moins  saisi  comme  insermenté, 
en  1790,  et  condamné  à  être  dé- 
porté au  delà  des  mers.  On  le 
traîna  à  Rochefort  ,  où  il  fut 
embarqué  sur  la  flûte  le  TV as- 
hington  {V.  Rochefort).  Il 
avoit  toutes  les  vertus  d'un  bon 
religieux.  Sa  complexion  ne  put 
soutenir  tant  de  souffrances.  Il 
mourut  à  l'âge  de  5o  ans ,  en 


ALI  Gi 

octobre  de  1794»  et  fut  enterré 
dans  l'île  Madame. 

ALEXIS  {Le  Père),  capucin 
de  Rouen.  {V .  P.  A.  Lalouette.) 

ALEXIS  {Sœur  Saint),  reli- 
gieuse. {V .  Ae  lYIlNTJTTE.) 

ALIGRE  (Charles  d'),  cha- 
noine de  la  collégiale  de  Saint- 
Sauveur,  en  la  ville  de  Metz, 
étoit  né  à  Sours  en  Beauce,  dans 
le  diocèse  de  Chartres.  Il  se  tint 
éloigné  du  schisme  de  1791,  et 
n'en  prêta  point  le  serment.  Après 
la  loi  du  26  août  1792,1!  ne  sortit 
pas  de  France,  et  crut  se  mettre 
à  l'abri  des  persécutions,  en  fai- 
sant le  serment  daliéerté-égalité, 
prescrit  à  cette  époque.  Cette  foi- 
blesse  ne  put  le  sauver.  Il  fut  arrêté 
dans  le  département  de  la  Mo- 
selle ,  en  1795,  comme  n'ayant 
pas  fait  le  serment  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé ,  ou  plu- 
tôt parce  qu'il  étoit  prêtre.  On  le 
condamna  à  la  déportation  au  delà 
des  mers.  Il  fut  conduit  à  Roche- 
fort {V .  Rochefort).  Embarqué 
sur  le  navire  le  Washington,  il 
succomba  sous  le  poids  des  souf- 
frances ,  et  mourut  à  l'âge  de  5o 
ans ,  dans  le  courant  d'octobre 
1794.  Ses  confrères  l'inhumèrent 
dans  l'île  Madame.  L'un  d'eux, 
en  nous  transmettant  son  nom , 
observoit  qu'il  «  mourut  avec  les 
sentimens  d'un  bon  prêtre ,  dé- 
savouant bien  sincèrement  celui 
des  sermens  qu'il  a  voit  eu  la  lâcheté 
de  prêter.  »  {V .  L.  Alexandre  et 
C.  N.  A.  Ancel.  ) 


63  ALI 

ALINGRIN  ,  et  non  Alingun 
(Jean-Pierre),  né  en  1749*  à  La- 
c-aune ,  dans  le  diocèse  de  La- 
vaur, montra  dès  l'âge  le  plus 
tendre  une  disposition  très-mar- 
quée à  l'état  ecclésiastique.  Ses 
parens  le  mirent  dans  les  collèges 
et  les  séminaires  qui  dévoient  le 
préparer  au  sacerdoce;  et  on  l'y 
vit  constamment  partager  ses 
jours  entre  l'étude  et  les  exercices 
de  piété.  Il  fut  ordonné  prêtre  à 
l'âge  de  24  ans  et  quelques  jours. 
Ses  supérieurs  l'envoyèrent  des- 
servir une  annexe  de  la  pa- 
roisse de  Graulhet.  Il  y  exerça  le 
saint  ministère  avec  beaucoup  de 
fruit  pendant  cinq  ans,  après  les- 
quels il  fut  pourvu  d'une  prébende 
appelée  hebdomade,  au  chapitre 
de  Lavaur,  et  en  même  temps 
nommé  vicaire  dans  la  même 
ville.  Cinq  ans  après,  on  lui  con- 
féra la  cure  de  Bel-Castel,  d'où  , 
cinq  ans  plus  tard ,  il  passa  comme 
archiprètre  à  Graulhet.  Il  fut  en 
ce  dernier  endroit  ce  qu'il  avoit 
été  dans  tous  les  précédens  ;  ses 
ouailles  le  regardèrenteomme  leur 
père  et  leur  ami.  Son  attachement 
pour  elles  l'empêcha  de  s'expa- 
trier avec  les  autres  prêtres  que 
l'on  persécutoit .  quoiqu'il  eût , 
ainsi  qu'eux,  mérité  de  l'être  par 
le  même  refus  d'adhésion  aux  im- 
piétés révolutionnaires.  11  fut  pris 
à  Lavaur,  pendant  qu'il  y  adminis- 
troit  un  malade.  Conduit  au  tri- 
bunal criminel  du  département 
du  Tarn,  siégeant  à  GastreS,  il  y 


ALI 

vit  pour  accusateur  public  un  de 
ses  anciens  condisciples,  par  qui 
l'on  espéra  qu'il  pourroit  être 
sauvé.  Mais  il  auroit  fallu  qu'Alin- 
grin  niât  qu'il  étoit  prêtre  ;  et 
cette  espèce  d'apostasie  lui  faisoit 
horreur.  Il  déclara  courageuse- 
ment celte  qualité  si  honorable , 
et  fut  en  conséquence  condamné 
comme  «  prêtre  réfractaire  »  à  la 
peine  de  mort  qu'il  subit  le  même 
jour,  18  pluviôse  an  III  (6  fé- 
vrier ijq5),  six  mois  neuf  jours 
après  le  renversement  de  Robers- 
pierre.  {V.  Jis  Sudre  et  Jts  Bar- 

THE.) 

ALIX  (Jeanne),  simple  domes- 
tique ,  âgée  de  65  ans ,  servant 
Françoise  de  Beauretour  dans  la 
ville  de  Bordeaux,  et  née  à  Saint- 
Martin  ,  près  Ludon ,  dans  le  dis- 
trict de  Bordeaux ,  concouroit  par 
un  esprit  de  piété  avec  dix  autres 
femmes,  et  un  porteur  d'eau  , 
nommé  Pause ,  à  soustraire  à  la 
persécution  un  prêtre  catholique 
de  qui  elles  recevoient  les  secours 
de  la  religion.  Les  agens  de  la 
féroce  commission  militaire,  éta- 
blie à  Bordeaux  en  octobre  1793, 
découvrirent  ce  prêtre  [V .  Ca- 
saux)  ,  et  connurent  la  généreuse 
conduite  de  ces  pieuses  femmes 
et  du  bon  porteur  d'eau  à  son 
égard  [V .  Beatjretoïr  ,  Blitel, 

Dl'BERT,  JoiRNI,  LaCNAY,  LeBERT, 

Milon,  Mimault,  Sauve,  Tifuey 
et  Pause).  Toutes  ces  personnes 
furent  arrêtées  avec  Alix,  et  on 
les  traduisit  le  16  messidor  an  II 


ALI 

j  (4  juillet  1 794)  devant  la  commis- 
i  sion  militaire  qui  les  condamna 
toutes  au  dernier  supplice.  Leur 
conduite  pleine  de  Foi  et  de  vertu 
dans  cette  occasion,  n'a  pas  be- 
soin d'un  récit  particulier  pour  être 
bien  connue.  Elle  est  attestée  avec 
détail ,  et  de  la  manière  la  plus  irré- 
fragable ,  ainsi  que  l'action  reli- 
gieuse pour  laquelle  elles  furent 
immo!ées,parles  juges  eux-mêmes 
dans  la  sentence  qu'ils  portèrent 
contre  elles.   En  voici  le  texte  : 

«  La  commission  militaire  

considérant  que  Pause  et  les 
onze  femmes  ci-dessus  désignées, 
ont,  pendant  quatorze  mois ,  re- 
célé  ce  prêtre  réfractaire;  qu'elles 
ont  avoué  à  l'audience  partager 
ses  sentimens  ;  et  qu'elles  ont 
refusé  d'indiquer  l'asile  des  cons- 
pirateurs (c'est-à-dire  des  prêtres 
cachés  )  qu'elles  ont  cependant 
déclaré  connoître  :  ordonne,  d'a- 
près les  lois  du  25  ventôse  (1794) 
et  du  27  mars  (  1 793) ,  qu'elles 
subiront  la  peine  de  mort».  Ce 
jugement  est  signé  au  registre  : 
«  Lacombe  ,  président;  Barreau, 
Marguerié  ,  Lacroix  ,  Albert , 
membres  de  la  commission,  et 
Gissey,  secrétaire-greffier».  Ou- 
tre les  lois  générales  qui  autori- 
soienl  les  prétendus  juges  à  mul- 
tiplier les  victimes,  il  y  en  avoit 
de  particulières  pour  Bordeaux, 
depuis  que  la  Convention  avoit 
désigné  cette  ville  comme  le  centre 
du  fédéralisme,  et  entre  autres 
la  loi  du  6  août  1793,  qui  pros- 


ALI  63 

crivoit  formellement  la  majeure 
partie  des  Bordelais  comme  fédéy 
ralistes.  Le  décret  du  27  mars 
1793  dont  on  se  prévaloit  dans  ce 
jugement,  avoit  mis  hors  la  loi 
tous  les  Français  qu'il  plairoit 
d'appeler  aristocrates  et  enne- 
mis de  la  révolution;  et  le  même 
décret  qui,  le  12  vendémiaire  an  II 
(3  oct.  1795),  avoit  prononcé  le 
renvoi  des  prévenus  de  conspira- 
tions dans  la  ville  de  Lyon  à  ses 
tribunaux  révolutionnaires  ,  ou 
commissions  militaires  ,  étoit 
commun  à  la  ville  de  Bordeaux. 
Alix  marcha  au  supplice  le  même 
jour,  et  périt  avec  ses  compagnes 
et  le  pauvre  porteur  d'eau.  Par  là 
se  vérifia  ce  que  saint  Paul  avoit 
dit,  «  que  Dieu  se  sert  de  ce  qu'il 
y  a  de  plus  foible ,  de  plus  humble 
dans  le  monde,  pour  confondre 
ce  qu'il  y  a  de  plus  fort  ». 

Les  deux  motifs  de  la  condam- 
nation de  ces  diverses  personnes, 
savoir:  d'une  part,  le  refus  d'in- 
diquer les  prêtres  cachés,  ainsi 
que  la  manière  dont  elles  l'ont 
fait  ;  et  d'autre  part ,  l'asile  qu'elles 
avoient  procuré  à  un  prêtre  per- 
sécuté pour  sa  Foi,  nous  donnent 
lieu  de  faire  observer  combien  ces 
deux  actes  sont  glorieux  pour  la 
religion. 

Ces  personnes  vraiment  héroï- 
ques ont  imité  quant  au  premier 
point,  sans  en  avoir  la  prétention, 
et  par  la  seule  impulsion  de  leur 
vertu,  ce  que  fit  saint  Cyprien 
lorsqu'il  fut  sommé  par  le  pro- 


<>4  ALI 
consul  Paterne  de  déclarer  quels 
étoient  les  prêtres  cachés  dans  la 
ville  de  Carthage.  Alors,  du  moins, 
les  lois  de  l'empereur  défendoient 
la  délation  qu'au  temps  d'Alix 
nous  avons  vu  encouragée  et 
même  récompensée.  Le  saint  évê- 
que  répondit  :  «  Votre  législation 
a  très-sagement  fait  de  la  déten- 
dre ;  et  ne  fût-ce  que  pour  cette 
raison,  vous  ne  me  verrez  pas  dé- 
noncer et  découvrir  ceux  qui  se 
cachent  :  c'est  à  vous  à  les  trouver. 
Il  ne  leur  est  pas  permis  de  venir 
se  livrer  eux-mêmes;  cherchez- 
les,  si  c'est  votre  devoir  (1)». 
Les  fastes  de  l'Eglise,  en  ses  plus 
beaux  jours ,  donnent  les  plus 
grands  éloges  à  cette  réponse  ;  en 
mérite-t-elle  moins  dans  la  bouche 
des  saintes  femmes  et  du  porteur 
d'eau  ?  Cette  remarque  est  appli- 
cable à  un  très -grand  nombre  de 
ceux  dont  on  verra  les  noms  dans 
notre  Martyrologe. 

Quant  au  second  point,  l'asile 
donné  à  un  prêtre  catholique,  il 


(i)  Volo  ergo  scire  ex  te,  qui  sint 
presbrteri  qui  in  hdc  ciuitate  consis- 
tlint.  Cj'prianus  cpïscopus  respondit  : 
JLegibus  uestris  bene  atque  utiliter  cen- 
suistis,  delatores  non  esse  ;  inique  dc- 
tegi  et  deferri  à  me  non  possunt.  In 
civàatibus  autem  suis  iiwenienlur.  Pa- 
ternus proconsul  dixà  :  Ego  hodie  in  hoc 
loco  exquiro.  Cyprianus  dixà  :  Cùm 
disciplina  prohibent  ul  quis  se  ullrô  of- 
ferat ,  et  tuœ  quoque  censurœ  hoc  dis- 
pliceat  ;  nec  offerre  se  ipsi  possunt. 
S.  Cypr.  Opern  :  Ac.la  proconsularia.) 


ALI 

est  d'autant  plus  important  dVn 
faire  connoître  tout  le  mérite  aux 
yeux  de  Dieu,  qu'on  trouvera  une 
infinité  de  personnes  conduites 
au  supplice  pour  cet  acte  de  Foi 
et  de  charité. 

Déjà  nous  avons  vu  honoré 
comme  un  des  plus  illustres  Mar- 
tyrs, ce  saint  Albanqui  ne  fut  con- 
duit à  la  mort,  que  parce  qu'il 
avoit  retiré  secrètement  dans  sa 
maison  un  clerc  persécuté  pour  sa 
Foi  {V.  Discours  prél.  pag.  55). 
Sozomène  nous  est  témoin  de 
l'admiration  et  de  la  louange  que 
s'attira  parmi  les  fidèles  cette 
vierge  chez  laquelle  saint  Alha- 
nase,  poursuivi  parles  Ariens, 
resta  caché  pendant  sept  ans.  Sa 
beauté,  que  vante  cet  historien, 
fit  la  sécurité  d'Athanase,  parce 
qu'on  ne  soupçonna  point  qu'un 
prêtre  d'une  vertu  si  austère  eût 
pu  se  réfugier  près  d'elle.  Sozo- 
mène ,  vantant  la  grande  force 
qu'elle  avoit  montrée  en  l'accueil- 
lant ,  se  plaît  à  peindre  en  détail 
les  traits  de  prudence  par  lesquels 
elle  parvint  à  le  sauver.  «  Gar- 
dienne fidèle  d'un  tel  hôte,  dil-il, 
elle  se  fit  un  honneur  de  le  servir 
avec  soin ,  jusqu'à  lui  laver  les 
pieds.  Ne  pouvant  s'en  fier  à  per- 
sonne pour  lui  procurer  du  dehors 
ce  qui  lui  étoit  nécessaire  ,  tant 
pour  la  satisfaction  de  sa  piété 
que  pour  sa  nourriture  et  son  vê- 
tement, elle  alloit  chercher  ce  qui 
lui  convenoit,  jusqu'à  des  livres 
qu'elle  enipruntoit  chez  ses  voisines 


ALI 

comme  pour  elle-même  (1)  »  ;  et 
voilà  ce  qu'ont  fait  plus  ou  moins 
les  personnes  que, dans  notre  Mar- 
tyrologe, l'on  trouve  condamnées 
comme  «  receleuses  de  prêtres  ré- 
fractaircs  ».  Le  même  historien 
semble,  en  outre,  avoir  pris  à  tache 
de  montrer  combien  est  odieuse  à 
Dieu ,  et  s'attire  de  malheurs  , 
même  ici-bas ,  la  conduite  d'un 
confident  perfide  qui  trahit  le  se- 
cret de  l'asile  d'un  saint  prêtre 
en  butte  à  la  persécution.  La  pre- 
mière fois  que  saint  Athanase 
avoit  été  obligé  de  fuir,  il  s'étoit 
caché  dans  un  souterrain  obscur, 
de  la  dépendance  d'une  famille 
dont  il  étoit  l'ami  ;  et  la  servante 
de  cette  famille ,  qui  en  avoit 
obtenu  toute  la  confiance  ,  eut  la 
commission  de  porter  au  saint 
tout  ce  qui  lui  étoit  nécessaire  pour 
vivre.  Elle  fut  enfin  tentée  par  la 
récompense  que  les  Ariens  pro- 
mettoient  à  quiconque  le  livreroit  ; 
mais  Athanase,  averti  de  son  des- 


(  i  )  Quœ  ob  formœ  quidam  venus- 
talem  non  sinebat  ut  quis  sacerdotem 
illic  degere  suspicaretur  :  prœ  anitni  au- 
tem  forliludine  eum  excepil ,  et  pruden- 
tiâ  sudservtwit.  Usque  adeôjida  custos 
et  scdula  ejus  ministre//,  ut  et  pedes  ei 
lavaret ,  et  res  ad  uictum  necessarias 
ac  reliqua  omniu  quœcumque  nalurœ 
nécessitas  exigit,  ubi  opus  esset ,  sala  per 
se  minislraret  :  libros  prœtereà  quibus 
Me  indigebat ,  ab  aliis  commodatos  af- 
ferwl  ;  et  longissimi  temporis  spatio  quo 
ha  csgerébantur,  nemo  tamen  ex  A lexan- 
drinis  civibus  rem  cognosceret.  (Hist. 
EccJ.  L.  V,  c.  vu.) 
2. 


ALI  6  5 

sein  par  une  inspiration  divine, 
changea  de  refuge;  et,  les  satel- 
lites  qui  vinrent  pour  se  saisir  de  sa 
personne,  d'après  l'avis  de  cette 
servante,  ne  le  trouvant  point, 
s'en  prirent  à  elle,  et  la  massa- 
crèrent (2).  i"  Alix,  qui  avoit 
tenu  si  généreusement  une  con- 
duite toute  contraire  ,  eut  à  la 
vérité  le  même  sort  ;  mais  elle 
reçut  en  récompense  la  gloire  du 
martyre. 

Toutes  les  personnes  animées 
de  la  Foi  ,  qui  ,  dans  tous  les 
siècles,  et  notamment  dans  les 
derniers  temps  en  France ,  ont 
donné  asile  aux  prêtres  proscrits 
pour  cause  de  religion,  voyoient 
en  eux  bien  plus  que  des  hommes 
malheureux.  Elles  savoient  que 
ce  n'étoit  pas  simplement  comme 
hommes  qu'ils  étoient  persécu- 

(2)  Cùm  Constantius  maie  multare 
eum  (  Alhanasium)  decrevis set ,  ipse 

fuga  elapsus  ,  apud  quemdam  ex  f'ami- 
liaribus  delituit  :  longoque  temporis 
spatio  mansit  in  sublerraneo  et  obscwo 
quodam  domicilio ,  quod  olim  aquœ 

fuevat  receplaculum.  Nec  quisquam 
ejus  rei  conscius ,  prœter  eos  apud  quos 
lalitabat ,  et  nncillam  ,  quœ  tantœ  jidei 
visa  est,  ut  illi  minislraret.  Porrà  cùm 
Ariani  eum  vivum  cnmprchendere  omni 
studio  niterentur,  anc.illa  donis  ac  pol- 
licilationibus ,  ut  credibile  est ,  illecta , 
eumjamjum  erat  proditura.  f  erùm  in- 
sidiis  illi  à  Deo  palejactis  ,  insidiatores 
prœveniens ,  alio  migravit.  Anc.illa  vero 
pœnas  dédit,  utpote  quee falsum  detu- 
lisset  contra  fJominos,  qui  et  ipsi  au- 

fugerant.  (Sozom.  Hist.Eccles.  L.  IV,- 
c.  x.) 

5 


6G  ALI 

tés,  mais  comme  ministres  et 
ambassadeurs  de  J ésus-Christ  ; 
comme  dispensateurs  des  mys- 
tères de  Dieu  (1);  comme  des 
instrumens  vivans  de  sa  grâce 
pour  la  sanctification  des  âmes. 
Ces  hôtes  que  la  religion  rendoit 
si  courageux  se  rappeloient ,  en  les 
voyant  poursuivis,  ce  que  saint 
Paul  écrivoit  aux  Corinthiens  : 
«  C'est  pour  votre  gloire,  mes 
frères,  que  je  m'expose  tous  les 
jours  à  la  mort  (2)  ».  Ils  n'étoient 
persécutés ,  en  effet ,  qu'à  raison  de 
leur  zèle  pour  instruire  les  peuples 
sur  la  religion ,  pour  leur  en  ad- 
ministrer les  secours,  et  leur  en 
conserver  le  précieux  dépôt.  Ces 
prêtres  fugitifs  n'avoient  pas  be- 
soin de  dire  à  ces  chrétiens  pleins 
de  Foi  :  «  Ce  n'est  pas  pour  nous , 
mais  pour  vous  que  nous  sommes 
prêtres,  et  que  nous  persistons  à 
exercer  le  saint  ministère  parmi 
vous  ;  quand  on  nous  traîne  dans 
les  prisons ,  sur  l'échafaud ,  nous 
ne  regrettons  que  le  bonheur  de 
travailler  à  votre  sanctification ,  et 
de  transmettre  le  dépôt  sacré  de 
la  Foi  à  vos  enfans.  Elevés  au- 
dessus  de  la  terre  par  les  vues  et 


(1)  Sic  nos  existimet  homo  ut  mi- 
nistres Christi,  et  dispensatores  myste- 
riorum  Dei.  (1.  Corinth.  C.  iv,  f.  1.) 

(3)  Utquid  et  nos  periclitamur  omnî 
hora  ?  Quotidie  morior  per  vestram 
gloriam,  fratres  ,  quamhabeoin  Christo 
Jesu  Domino  nostro.  (  i.  Corinth. 
C.  xv,  jf.  3o  et  3i  ) 


ALI 

ies  sentimens  de  cette  Foî,  les 
ministres  du  Seigneur  se  félicitent 
d'ailleurs  de  souffrir  la  persécu- 
tion pour  la  justice;  et,  se  glori- 
fiant d'être  traités  comme  leur 
divin  maître,  ils  parcourent  ave'c 
une  émulation  réciproque  la  car- 
rière des  confesseurs,  des  Martyrs 
et  des  apôtres.  Mais  vous,  à  qui  la 
persécution  s'efforce  de  ravir  votre 
culte,  les  instructions,  les  sacre- 
mens,  tout  secours  spirituel;  que 
deviendriez-vous  si  vous  perdiez 
les  ministres  de  la  religion,  si 
vous  ne  leur  facilitiez  pas  les 
moyens  de  remplir  leur  périlleux 
ministère  ?» 

Dans  cette  occurrence,  les  bons 
chrétiens  n'ont  point  oublié  que 
Jésus-Christ ,  envoyant  les  apôtres 
prêcher  le  royaume  de  Dieu ,  avoit 
fait  entrevoir  que  les  particuliers 
dans  la  maison  desquels  ils  loge- 
roient,  auroient  un  avantage  bien 
précieux,  et  que  ces  prêtres  ne 
dévoient  pas  en  faire  jouir  indis- 
tinctement tous  ceux  qui  l'ambi- 
tionneroient.  «  En  quelque  bourg, 
en  quelque  village  que  vous  en- 
triez, informez- vous  quelle  est 
dans  ce  lieu  la  personne  la  plus 
digne  de  vous  loger  (5),  parce 
que  celui  qui  vous  reçoit  me 
reçoit  moi-même,  et  que  celui 
qui  me  reçoit  reçoit  celui  qui  m'a 


(3)  In  quamc.umque  autem  civilatem 
aut  caslellum  inlraverilis .  interrogate, 
quis  in  ea  dignus  sit  :  et  ibi  manete 
donec  exeatis.  (Math,  G,  x,  f.  II.) 


ALI 

envoyé  (i)>).  Les  chrétiens  hospi- 
taliers de  notre  temps  savoient 
que,  recevant  un  prêtre,  non  par 
quelque  motif  humain,  mais  au 
nom  de  Jésus-Christ  qui  l'a  en- 
voyé, et  comme  ministre  de  Jé- 
sus-Christ, ils  mériteroient  eux- 
mêmes  la  récompense  d'un  mi- 
nistre de  l'Evangile,  parce  qu'ils 
coopéroient  réellement  à  son  mi- 
nistère. «  Celui  qui  reçoit  un 
prophète  en  qualité  de  prophète  , 
dit  Jésus-Christ,  recevra  la  ré- 
compense d'un  prophète  (2)  ». 
Leur  empressement  pour  exercer 
ce  genre  d'hospitalité  étoit  encore 
excité  par  l'estime  que  saint  Paul 
avoit  pour  Aquila  et  sa  femme 
Priscilla  qui  lui  avoient  donné 
asile  dans  la  persécution ,  et 
«  avoient  en  quelque  sorte  par  là 
travaillé  pour  le  service  de  Jésus- 
Christ,  avec  lui, en  exposant  leur 
tête  pour  lui  sauver  la  vie  (3)  » .  Us 
vouloient  obtenir  cette  miséri- 


(1)  Qui  recipit  vos ,  me  recipit  :  et 
qui  me  recipit ,  recipit  eum  qui  me  mi- 
sit.  (Math.  C.  x,/.  4o.) 

(2)  Quirecipitprophetam  in  nomine 
prophetœ,  mercedem  prophetee  accipiet. 
(Math.  C.  x,  f.  4i.) 

(3)  Egressus  ab  Alhenis ,  venit  Co- 
rinthum  :  et  inveniens  quemdatn  Ju- 
deeum ,  nomine  Aquilarn  ,  et  Priscillam 
uxorem  ejus ,  accessit  ad  eos  ;  et  mane- 
bat  apud  eos,  et  operabatur.  (Act. 
Apost.  C.  xvm,  f.  1,  2,  3.)  — 
Salutant  vos  in  Domino  mullùm  Aquila 
et  Priscilla ,  cum  domeslica  sua  eccle- 
sia  :  apud  quos  et  hospitor.  (Ad  Go- 
rinth.  C.  xvi,  jr-  19  ) 


ALI  6? 

corde  divine  que  le  même  apôtre 
demandoit  pour  la  maison  d'Oné- 
siphore  «qui  l'avoit  reçu  comme 
un  ange  de  Dieu ,  et  l'avoit  sou  vent 
sustenté,  sans  craindre  de  parta- 
ger ses  chaînes  (4)"-  Vivement 
éclairées  par  ces  lumières  évang^- 
liques,  toutes  les  personnes  que 
nous  voyons  et  que  nous  verrons 
condamnées  comme  receleuses 
ou  receleurs  de  prêtres  refrac- 
taires,  s'étoient  donc  hâtées  d'a- 
dresser à  ces  ministres  si  zélés  ce 
que  la  pieuse  Lydie,  de  la  ville  de 
Thiatyre,  disoit  à  saint  Paul  et  à 
ses  compagnons  :  «  Si  vous  me 
croyez  fidèle  au  Seigneur,  entrez 
dans  ma  maison ,  et  demeurez-y  » . 
Nous  n'exagérons  pas  en  appli- 
quant à  chacune  de  ces  personnes, 
si  dévotement  hospitalières,  ce 
que  saint  Luc  rapporte  de  la  con- 
duite de  cette  noble  Thiatyrienne, 
qui,  non  contente  d'inviter,  «  força 
même  les  apôtres  à  entrer  dans  sa 
maison  ,  et  à  y  rester  (5)  » . 

(^)  Det  Dominusmisericnrdiam  One- 
siphori  domui  :  quia  sœpè  me  réfrigéra- 
vit,  etcatenam  meam  non  erubuil.... Et 
quanta  Ephesi  ministravit  mihi ,  tu 
me/ius  nosli.  (  1.  Ad  Timot.  C.  1,  ir. 
16  et  18. ) 

(5)  Et  quœdam  mulier,  nomine  Ly~ 
dia,  purpuraiia  ci'itatis  T  jatireno- 
rum ,  colens  Deum ,  audivil  :  cujus  Do- 
minus  aperuil  cor  intendere  lus  quœ  di- 
cebantur  ù  Paulo....  JJeprecata  est  di- 
cens  :  si  judicaslis  me Jidelcm  Domino 
esse,  introite  in  domum  meam  et  ma- 
nete.  Et  coegit  nos.  (Act.  Apost. 
C.xyi,  *•  i4  et  i5.) 

5. 


68  ALI 

Ilest  juste  de  remarquer  ici,  pour 
compléter  les  notions  que  l'on  doit 
avoir  sur  la  marche  de  la  commis- 
sion militaire,  de  Bordeaux  que, 
dans  ses  coinmencemcns,  elle  ne 
s'étoit  pas  montrée  si  cruelle  en- 
Vers  les  personnes  qui  faisoient 
profession  de  piété.  Elle  n'avoit 
condamné  ,  le  i5  frimaire  (5  dé- 
cembre 1793),  qu'à  la  détention 
jusqu'à  la  paix,  un  garçon  de  ma- 
gasin ,  Pierre  Pacary,  pour  avoir 
en  des  maisons  particulières  servi 
la  messe  de  plusieurs  prêtres  non 
assermentés  ;  la  peine  fut  plus 
sévère  ensuite  pour  Jeanne  Fon- 
taine à  qui  l'on  reprochoit  d'être 
fanatique. ,  d'avoir  fait  de  sa 
maison  «  une  caverne  où  se  ras- 
sembloient  des  prêtres;  et  de  con- 
server chez  elle  des  livres  de  prières 
absurdes,  qui  prouvoient  qu'elle 
étoit  l'esclave  des  prêtres  ».  On  la 
condamna,  le  2  nivose  (22  dé- 
cembre 1793),  à  l'exposition  pu- 
blique sur  la  place  de  la  ville  de 
Langon  où  elle  avoit  son  domi- 
cile; de  plus  à  une  amende  de 
1 5,ooo  liv.,  et  à  la  détention  jus- 
qu'à la  paix.  Les  peines  devinrent 
plus  graves  en  pareil  cas,  le  7 
pluviôse  (27  janvier  1794), 
contre  Victoire  Verduzan  ,  reli- 
gieuse ,  âgée  de  28  ans,  et  sa 
sœur ,  âgée  de  4°  ans ,  veuve 
de  Pierre  Lavaissière ,  guillotiné 
le  1 1  frimaire  (  1"  décembre 
1795).  Ces  deux  pieuses  per- 
sonnes ,  accusées  non  sans  motif 
d'avoir  fréquenté  ce  qu'on  appeloit 


ALL 

des  fanatiques,  furent  condam- 
nées à  la  détention  jusqu'à  la 
paix ,  à  une  amende  de  5o,ooo  liv. , 
et  à  l'exposition  publique,  pen- 
dant trois  jours  consécutifs,  sur 
la  place  de  la  ville  de  La  Réole 
où  elles  avoient  leur  domicile. 

(  V.  VlLLEFBMADE  et  M.  L.  ARG1- 
COCRT.  ) 

ALLARD  (  Jean-Marie),  prêtre 
du  diocèse  d'Angers,  né  à  Craonj 
près  Château  -  Gonticr,  en  1706, 
étoit,  à  l'époque  de  la  révolution , 
curé  de  Bagneux  en  Anjou,  près 
Saumur,  et  ne  fit  point  le  serment 
schismatique  de  1791.  Se  trouvant 
dans  une  contrée  voisine  de  la 
Vendée,  où  les  habitans  ne  souf- 
froient  pas  sans  indignation  qu'on 
leur  enlevât  leurs  pasteurs  légi- 
times, Allard,  que  ses  paroissiens 
vouloient  aussi  retenir,  fut  re- 
gardé par  les  impies  réformateurs 
comme  étant  d'accord  avec  les 
insurgés  vendéens;  et  on  le  con- 
duisit à  Paris  pour  y  être  traité  en 
conspirateur.  Le  tribunal  révo- 
lutionnaire de  cette  ville  le  con- 
damna en  effet  à  la  peine  de  mort 
comme  «  contre-révolutionnaire, 
ayant  eu  des  intelligences  avec 
les  brigands  de  la  Vendée  »  : 
c'étoit  ainsi  qu'on  appeloit  les  in- 
surgés de  cette  partie  de  la  France 
(  V.  Vendée).  La  sentence, 
prononcée  le  2  5  décembre  1793, 
fut  exécutée  de  suite  ;  et  le  curé 
Allard  se  félicita  de  perdre  la  vie 
pour  Jésus-Christ,  le  jour  même 
où  Jésus-Christ  étoit  né  pour  le 


ALL 

salut  du  genre  humain.  Ce  digne 
pasteur  étoit  âgé  de  5y  ans. 

ALLARD  (IV...),  prêtre.  [V . 
Bbosse,  de  Lassay.) 

ALLARD  (  Marie  ) ,  femme. 
(  V .  W  Tarreau.  ) 

ALLEMAND  (Jean-Baptiste), 
prêtre  du  diocèse  de  Carpentras , 
dans  le  Comtat  Venaissin,  con- 
serva sa  Foi  pure  du  serment 
schismatique  de  1791-  Il  conti- 
nuoit  d'habiter  la  petite  ville  de 
Bédouin ,  malgré  les  alarmes  qu'a- 
voient  dû  lui  faire  concevoir  les 
massacres  commis  dans  cette  pro- 
vince en  1791  (  V.  Avignon),  et 
malgré  l'accroissement  de  fureur 
que  la  révolution  prenoit  en  1795. 
L'utilité  dont  étoit  son  ministère 
à  Bédouin  et  dans  les  environs,  l'y 
avoit  fait  rester.  Lorsqu'en  1794 
le  proconsul  Maignet  mettoit  le 
pays  à  feu  et  â  sang,  le  prêtre 
Allemand  fut  arrêté  comme  ce 
grand  nombre  de  religieuses  qui 
résidoient  à  Boulène  ,  et  tant 
d 'autres  pieux  personnages  (  V.  M. 
Albarède).  On  le  traîna  aussi  dans 
les  prisons  d'Orange ,  où  alloit 
s'établir  une  atroce  commission 
populaire  pour  les  envoyer  à  la 
mort  (  V.  Orance)  ;  et  il  fut  con- 
damné par  elle  au  dernier  sup- 
plice ,  comme  «  prêtre  non  asser- 
menté» ,  dès  ses  premières  séances, 
le  19  prairial  an  II  (  7  juin  1794), 
avec  une  religieuse  du  même  nom 
qui  nous  paroît  être  sa  sœur 
(  V.  F.  Allemand  ).  L'inique  sen- 
tence fut  exécutée  le  même  jour. 


ALL  69 

ALLEMAND  (Françoise)  ,  reli- 
gieuse d'un  monastère  de  la  ville 
de  Bédouin, dans  le  diocèse  de  Car- 
pentras, et  que  nous  croyons  être 
la  sœur  de  J.  B.  Allemand  dont  il 
vient  d'être  parlé ,  n'avoit  rien 
perdu  de  sa  pieuse  ferveur  depuis 
que  les  réformes  révolutionnaires 
l'avaient  mise  hors  de  son  cloître. 
Sa  piété  étoit  insupportable  aux 
ennemis  de  la  religion  ;  et,  cette 
piété  devant  durer  tant  qu'elle 
vivroit,  ils  résolurent  de  la  faire 
périr.  Elle  fut  arrêtée  à  Bédouin 
où  elle  avoit  continué  de  résider. 
On  la  traîna  dans  les  prisons 
d'Orange  (  V.  Orange).  Son  sé- 
jour en  ce  lieu  ne  fut  qu'une  pré- 
paration au  martyre  (  V.  J.  B.  Al- 
lemand ).  Traduite  devant  la  féroce 
commission  populaire  nouvelle- 
lement  établie  en  cette  ville,  elle 
ne  voulut  point  y  faire  l'impie 
serment  de  liberté-égalité,  qui  lui 
étoit  demandé  ;  et  elle  y  fut  con- 
damnée comme  «  insermentée  »  â 
la  peine  de  mort,  le  même  jour 
que  J.  B.  Allemand,  le  19  prairial 
an  II  (  7  juin  1794)-  (  V.  J.  B. 
Bédouin.  ) 

ALLEMAND  (Pierre-Antoine), 
curé  de  la  paroisse  de  Saint- 
Etienne  en  Provence ,  dans  le 
diocèse  d'Aix,  obligé  de  s'éloi- 
gner de  sa  paroisse ,  par  suite  de 
son  refus  du  serment  de  1791,  se 
réfugia  dans  la  ville  de  Marseille 
Lorsque  la  persécution  atteignit 
sa  plus  grande  force,  en  1793,  il 
fut  découvert  en  cet  endroit.  Les 


70  ALL 

agens  des  persécuteurs  le  regar- 
dèrent comme  un  contre-révolu- 
tionnaire, parce  qu'il  étoit  prêtre 
fidèle  à  ses  devoirs.  Jl  fut  arrêté  ; 
et  le  tribunal  criminel  du  dépar- 
tement des  Bouches-du-Rhône , 
siégeant  en  cette  ville,  le  con- 
damna à  la  peine  de  mort,  en  le 
qualifiant  vaguement  de  contre- 
révolutionnaire.  Cette  sentence 
fut  rendue  et  exécutée  le  n  nivose 
an  II  (r>i  décembre  1790). 

ALLERA  Y  (Dems-François  d'), 
magistrat,  {'  .h.  F.  Angrand.) 

ALLIER  (Claude),  curé  de 
Chambonas,  près  de  Privas,  en 
Vivarais,  c  ndamné  à  mort,  le 
5  septembre  1793,  par  le  tribu- 
nal criminel  du  département  de 
la  Lozère,  siégeant  à  Privas,  ne 
le  fut  en  apparence  que  comme 
agent  et  complice  de  la  confédéra- 
tion du  camp  de  Jalès ,  dont  le 
but  étoit  pour  le  moins  autant 
religieux  que  monarchique  (  V. 
Pradon).  Le  récit  de  cette  cons- 
piration est  dans  toutes  les  his- 
toires des  premières  années  de  la 
révolution  (Moniteur  du  21  juil- 
let 1792).  Nous  nous  dispensons 
d'en  parler;  mais  nous  ne  pou- 
vons nous  abstenir  de  faire  remar- 
quer que  le  royalisme  de  ces  insur- 
gés étoit  excité,  comme  celui  des 
Vendéens,  par  des  sentimens  reli- 
gieux (  V.  Vendée)  ;  par  le  désir 
de  conserver  leur  Foi  et  leur 
culte,  qu'on  s'efforcoit  de  leur  ra- 
vir. Le  curé  Allier,  que  l'on  avoit 
voulu  enlever  à  ses  paroissiens, 


ALR 

pour  avoir  refusé  de  faire  le  ser- 
ment schismatique  de  1791,  et 
que  ses  paroissiens  vouloient  re- 
tenir a  tout  prix,  comme  leur  seul 
et  unique  pasteur,  avoit  été  mû 
principalement ,  dans  sa  conduite 
en  cette  circonstance ,  par  son 
zèle  pour  la  religion.  Dès  lors, 
suivant  la  décision  de  saint  Tho- 
mas, il  peut  être  mis  au  rang  des 
Martyrs.  (  V.  Discours  prélim. 
pag.  56,  et  Bastide.) 

ALPiIC  (  François  )  ,  prêtre , 
religieux  dominicain  d'Albi,  avoit 
cru  pouvoir  sans  danger,  quoique 
insermenté,  et  malgré  la  loi  de 
déportation  qui  ne  le  regardoit  pas 
directement,  rester  encore  dans 
cette  ville  en  1790.  Mais  voyant, 
au  commencement  du  printemps, 
la  persécution  toujours  croissante, 
il  se  détermina,  avec  quatre  autres 
prêtres,  à  demander  un  passeport 
pour  se  rendre  hors  de  France, 
suivant  la  volonté  de  cette  loi  ;  et 
les  officiers  municipaux,  désirant 
les  favoriser,  lui  en  délivrèrent 
un,  comme  aux  autres.  Le  procès- 
verbal  authentique  de  leur  mort 
violente  à  Saint-Chinian,  fait  par 
la  municipalité  de  ce  lieu,  le 
10  mai  1793,  et  que  nous  avons 
entre  les  mains,  dit  que  ces  pas- 
seports, visés  en  outre  par  l'ad- 
ministration du  district  d'Albi,  et 
ensuite  de  celui  de  Saint -Pons, 
avoient  les  dates  des  5,  7  et  8  mai. 
Ces  cinq  prêtres  s'acheminoient 
ensemble ,  dans  une  chétive  voi- 
ture à  deux  roues,  attelée  de  deux, 


ALR 

chevaux,  vers Narbonne,  pour  s'y 
embarquer;  et,  le  9  de  ce  mois, 
tournant  la  ville  de  Saint-Chinian, 
suivant  le  conseil  qu'on  leur  avoit 
donné  de  l'éviter,  ils  ne  la  lais- 
sèrent traverser  que  par  leur  voi- 
ture vide,  et  son  conducteur. 
Mais  celui-ci,  en  y  passant  devant 
un  corps-de-garde,  fut  arrêté  par 
des  gardes  nationaux,  et  se  vit 
dans  la  nécessité  de  déclarer  qu'il 
conduisoit  des  voyageurs  qui 
avoient  pris  les  devants.  «  Ce  sont 
des  prêtres  réfractaires» ,  s'écriè- 
rent plusieurs  de  ces  gardes  ;  et 
quelques  uns,  ayant  le  caporal  à 
leur  tête,  coururent  après  les 
cinq  prêtres,  qu'ils  atteignirent 
bientôt  à  deux  cents  toises,  sur  la 
route  de  Béziers.  Le  caporal  leur 
dit  qu'il  falloit  venir  à  la  maison 
commune,  pour  y  exhiber  leurs 
passeports.  Ils  répondirent  avec 
docilité  :  «  Nous  allons  nous  y 
rendre  »  ;  et  ils  y  vinrent.  Pendant 
que  les  officiers  municipaux  véri- 
fioient  ces  passeports ,  ce  qui  ne 
pouvoit  exiger  beaucoup  de  temps, 
ils  envoyèrent,  on  n'ose  deviner 
pourquoi,  ces  prêtres  au  corps- 
de- garde,  en  les  y  consignant. 
L'examen  des  passeports  fut  assez 
prolongé ,  pour  que  la  salle  de  la 
municipalité  eût  le  temps  de  se 
remplir  d'habitans  de  la  ville  et 
de  gardes  nationaux  que^  dans 
leur  procès  -  verbal ,  les  munici- 
paux ont  eu  soin  de  dire  étran- 
gers, et  arrivés  dans  la  journée, 
armés  de  fusils  et  de  sabres.  La 


ALR.  71 

place  publique  située  devant  l'hô- 
tel de  la  commune,  se  remplit 
également  de  gens  de  la  même 
espèce;  et,  de  toutes  parts,  la 
foule  crioit  qu'il  falloit  visiter  les 
effets  qui  se  trouvoient  dans  la 
voiture  de  ces  prêtres.  Le  procu- 
reur de  la  commune,  accompagné 
de  deux  officiers  municipaux , 
prenant  avec  lui  un  de  ces  respec- 
tables voyageurs,  alla  faire  déta- 
cher leurs  valises,  afin  qu'elles 
pussent  être  transportées  dans  la 
salle  de  la  municipalité.  «  Alors 
une  pierre,  lancée  par  un  garde 
national  étranger,  dit  le  procès- 
verbal,  blessa  dangereusement  ce 
prêtre  à  la  tête  ;  le  sang  en  cou- 
loit  avec  abondance.  Comme  les 
quatre  autres  étoient  menacés 
d'assassinat ,  dans  le  corps  -  de- 
garde  ,  la  municipalité  ne  put  se 
refuser  au  conseil  qui  lui  fut 
donné  publiquement,  de  les  faire 
venir  près  d'elle.  La  foule  y  péné- 
tra à  leur  suite,  malgré  les  remon- 
trances des  municipaux,  auxquels 
on  ne  répondoit  qu'en  demandant 
à  grands  cris  la  tête  de  ces  prêtres. 
Il  étoit  impossible  à  la  municipa- 
lité , poursui voit-elle,  d'employer 
la  force  contre  les  mutins,  parce 
que  toutes  les  armes  qu'elle  pos~ 
sédoit  lui  avoient  été  enlevées  par 
le  proconsul  Rouyer,  pour  les 
volontaires  qui  partoient  pour 
l'armée.  Malgré  les  efforts  qu'elle 
fit  contre  la  foule,  pendant  quatre 
heures,  continue  le  procès- ver- 
bal, un  grand  nombre  de  volon- 


;a  ALK 

taires  étrangers  se  sont  jetés  sur 
les  cinq  prisonniers ,  et  les  ont 
percés  de  plusieurs  coups  de  sa- 
bres et  de  baïonnettes  (c'est-à- 
dire  que  leur  martyre  a  duré  pour 
le  moins  quatre  heures).  Après 
leur  mort ,  ils  furent  spoliés  en- 
tièrement, leurs  effets  pillés,  et 
leurs  corps  jetés  nus  par  les  fe- 
nêtres ,  dans  la  rue ,  au  devant  de 
la  place  publique ,  où  ils  restèrent 
jusqu'au  lendemain  matin,  à  huit 
heures ,  que  les  municipaux  les 
firent  enterrer.»  Ce  n'est  pas  dans 
le  procès-verbal  d'une  municipa- 
lité de  1 795 ,  qu'il  faut  espérer 
trouver  des  détails  de  piété  sur  la 
résignation  et  la  patience  de  ces 
victimes,  entre  les  mains  de  leurs 
bourreaux  ;  cependant  l'on  en  peut 
juger  par  la  docilité  avec  laquelle 
elles  avoienl  répondu  au  caporal, 
lorsqu'il  leur  avoit  enjoint  de  ré- 
trograder pour   venir  à  Saint- 
Chinian.  Seroit-ce  sans  motif  que 
les  municipaux  se  seroient  abste- 
nus de  dire,  en  leur  procès-verbal, 
d'où  venoit  ce  bataillon  de  volon- 
taires ?  Ils  ne  pouvoient  l'ignorer, 
puisqu'ils  lui  avoient  fourni  l'é- 
tape. On  sait  trop  où  étoient,  dans 
cette  contrée ,  les  plus  irréconci- 
liables ennemis  du  catholicisme 
(  V.  Bravard).  Ce  que  l'on  doit  re- 
marquer, pour  achever  de  prouver 
que  ces  prêtres  furent  immolés  en 
haine  de  la  Foi  catholique,  c'est  que 
la  contrée  étoit  alors  agitée  immé- 
diatementpar  le  proconsul  Rouyer, 
et  que  les  municipaux  de  Saint- 


ALR 

Chùiian  adressèrent  de  suite  leur 
procès  -verbal  du  10  mai,  à  ce 
soi-disant  représentant  du  peuple, 
même  avant  de  l'envoyer  à  l'ad- 
ministration départementale  sié- 
geant à  Albi.  Ce  proconsul ,  ancien 
maire  de  Béziers,  député  à  la  lé- 
gislature de  1791,  n'y  avoit  pres- 
que parié  que  pour  solliciter  des 
mesures  de  rigueur  contre  les 
prêtres.  Le  i3  mai  1792,  il  y 
avoit  proposé  un  projet  de  loi 
barbare  contre  les  inassermentés  : 
et,  le  29  juillet  suivant,  il  obtint 
que  les  ecclésiastiques  seroient 
tenus  de  faire  en  personne  le  ser- 
vice de  la  garde  nationale,  pré- 
tendant que,  «s'ils  formoient  une 
classe  à  part,  c'étoit  certainement 
la  dernière  de  toutes  ».  Député 
ensuite  à  la  Convention,  il  n'avoit 
pas  manqué  d'y  voter  pour  la 
mort  de  Louis  XYI.  On  le  vit, 
dans  le  courant  de  cette  année, 
proscrit  avec  les  Girondins ,  par 
qui  seuls  la  démocratie  de  Calvin 
avoit  été  voulue  franchement.  II 
reparut  après  cela  dans  la  Con- 
vention, et  s'y  fil  regarder  comme 
le  plus  grand  ennemi  des  Robers- 
pierristes  (  F.  Lois  et  Tribunaux 

REVOLUTIONNAIRES,  §.  I,  II  et  III). 

Il  ne  vouloit  d'autre  terreur  et 
d'autre  domination  que  celle  de 
son  parti,  dont  on  a  vu  que  la 
haine  du  sacerdoce  catholique 
avoit  été  l'un  des  plus  violens 
mobiles.  (  V.  A.  Bover, J.  J.  Far- 
sac  ,  S.  A.  Nadau  et  G.  Vezian.) 
ALRICY  (André-Abel)  ,  très- 


ALR 

respectable  prêtre  de  Paris ,  où 
il  avoit  son  domicile ,  dans  la 
rue  Neuve  -  Saint  -  Etienne  -  du- 
Mont,  donnoit,  à  l'âge  de  81  ans, 
l'exemple  de  la  fermeté  dans  la 
Foi,  en  rejetant  l'hétérodoxe  cons- 
tÀtution  civile  du  clergé.  Son 
âge  sembloit  devoir  empêcher  les 
novateurs  politiques  de  le  croire 
bien  redoutable;  mais  ses  vertus 
et  cet  âge  lui  -  même  formoient 
contre  eux ,  en  fait  de  religion ,  une 
trop  forte  autorité  morale,  pour 
qu'ils  ne  cherchassent  pas  à  se  dé- 
barrasser de  sa  personne  à  la  pre- 
mière occasion.  Elle  se  trouva  dans 
les  résultats  de  l'événement  du  10 
août  de  l'année  suivante,  1792. 
Quelques  jours  après,  le  respec- 
table Alricy  fut  arrêté ,  comme  tant 
d'autres  prêtres  inassermentés 
(  V.  Dulau  ) ,  et  mis  avec  ceux 
qu'on  emprisonnoit  dans  le  sémi- 
naire  de  Sadiit^Firmin (  V.  Sep- 
tembre). Il  y  fut  écroué  le  1 3  août. 
Les  cheveux  blancs  et  l'air  patriar- 
cal de  ce  généreux  confesseur  de 
la  Foi,  loin  d'inspirer  quelque 
respect  aux  meurtriers  qui  vinrent, 
le  5  septembre,  égorger  presquè 
tous  les  prêtres  enfermés  dans 
cette  maison,  ne  firent  qu'animer 
la  fureur  impie  de  ces  monstres. 
Ils  frappèrent  de  coups  mortels 
le  vieillard  Alricy ,  pour  n'avoir 
pas  voulu  cesser  d'être  fidèle  à 
l'Eglise  catholique,  et  le  jetèrent 
encore  vivant  par  la  fenêtre.  L'on 
revit ,  en  cette  occasion ,  tout  ce 
qu'Eusèhe  avoit  raconté  du  mar- 


AMA  73 

tyre  de  S.  Jacques-le-.Tuste,  ce  pre- 
mier évêque  de  Jérusalem,  que, 
dans  un  âge  très-avancé ,  les  Pha- 
risiens firent  précipiter  du  haut  du 
temple,  parce  que  sa  vertu  leur 
étoit  à  charge.  Cette  chute  lui 
laissoit  encore  assez  de  vie  et  de 
force  pour  qu'il  pût  se  mettre  sur 
6es  genoux,  et  adresser  à  Dieu 
cette  prière  :  «  Seigneur,  pardon- 
nez-leur :  ils  ne  savent  ce  qu'ils 
font».  Mais  ces  hommes,  moins 
hommes  que  tigres,  poursuit  l'his- 
torien ,  s'écrièrent  :  «  Il  faut  le 
lapider!»  El  à  l'instant  ils  ramas- 
sèrent des  pierres  pour  l'en  acca- 
bler. Un  d'entre  eux  mit  fin  à  tant 
de  barbarie ,  en  détachant  de  toute 
sa  force,  sur  la  tête  du  juste,  une 
espèce  de  massue  dont  il  étoit 
armé.  (Eusèbe,  Hist.  Ecclés., 
1.  II,  c.  xxni.)  Telle  fut  la  fin  du 
vénérable  Alricy. 

AMALVI  (iY...) ,  prêtre  du  dio- 
cèse de  Perpignan,  où  il  naquit 
en  1722  ,  étoit  habitué  de  l'église 
cathédrale  qui,  transférée  avec  le 
siège  épiscopal  en  1G02 ,  de  la  ville 
d'Elneà  celle  de  Perpignan,  clans 
l'église  de  Saint-Jean-Baptiste,  y 
conservoit  le  nom  de  cathédrale 
d'Elne,  et  son  ancienne  invocation 
de  sainte  Eulalieet  sainte  Julie,  pa- 
tronnes du  diocèse.  Amalvi,  étant 
insermenté,  fut  obligé  par  la  per- 
sécution de  sortir  de  France  après 
la  loi  de  déportation;  mais  quand 
les  troupes  du  roi  d'Espagne  eu- 
rent, après  la  mort  de  Louis  XVI. 
fait  une  irruption  dans  le  Roussi!- 


74  A  M  A 

Ion ,  en  avril  1 793 ,  et  s'y  turent 
mises  en  possession  de  quelques 
villes,  Amalvi  crut  à  la  durée,  au 
progrès  même  de  leurs  succès 
pour  rétablir  en  France  une  au- 
torité tutélaire,  et  revint  dans  sa 
patrie.  Mais,  lorsqu'en  août  sui- 
vant, les  Espagnols  furent  re- 
poussés, le  septuagénaire  Amalvi 
n'eut  plus  assez  de  forces  pour 
fuir  derechef  avec  ceux  de  ses  con- 
frères qui  étoient  rentrés  avec  lui 
(  V.  J1'  Godaill).  On  le  surprit 
dans  sa  retraite,  et  on  l'amena 
prisonnier  à  Perpignan,  où  il  fut 
livré  au  tribunal  criminel  du  dé- 
partement des  Pyrénées-Orien- 
tales, siégeant  en  cette  ville.  Les 
juges  le  condamnèrent  à  la  peine 
de  mort,  comme  «prêtre  réfrac- 
taire,  et  émigré-rentré  »  :  cette  sen- 
tence fut  rendue  vers  le  milieu  de 
septembre  1793.  Le  greffier  qui 
vint  lui  en  faire  lecture ,  ne  put ,  à 
la  vue  de  ce  vieillard,  retenir  l'é- 
motion qu'il  en  éprouvoit  :  «Ras- 
surez-vous, lui  dit  Amalvi,  je 
meurs  pour  une  bonne  cause,  et 
je  prie  Dieu  de  conserver  vos 
jours  ».  La  joie  de  perdre  la  vie 
pour  Jésus  -  Christ,  redonnoit  à 
ce  vénérable  septuagénaire  la  vi- 
gueur de  la  jeunesse.  Il  consola, 
il  encouragea  les  compagnons  de 
sa  captivité.  En  allant  au  supplice, 
il  récitoit  le  psaume  Miserere  met, 
Devs.  Quand  il  monta  sur  l'écha- 
faud,  il  se  mit  à  chanter  d'une  voix 
forte  le  TeDeum,  et  le  continua 
jusqu'au  moment  où  le  fer  de  la 


A  MB 

guillotine  sépara  sa  tête  de  son 
corps. 

AMBRINES  (Marie-Josephe- 
Désirée  d'),  veuve.  {V.  M*JeD. 
Bataille.  ) 

AMBROISE  (RENÉ-Loms) ,  né 
à  Laval,  le  1"  mars  1720,  prêtre 
habitué  de  la  paroisse  deiaTrinité 
de  cette  ville,  et  d'une  morale 
austère,  se  trouva  l'un  des  qua- 
torze respectables  vétérans  du  sa- 
cerdoce, infirmes,  ou  pour  le 
moins  sexagénaires,  qui,  après 
avoir  été  captifs  dans  une  mai- 
son de  réclusion  où  ils  obéissoient 
à  la  funeste  loi  du  26  août  1792, 
furent  ensuite  immolés  ensemble 
en  haine  de  la  religion,  le  21  jan- 
vier 1794-  Comme  les  tribulations 
ont  été  les  mêmes  pour  ces  qua- 
torze Martyrs,  nous  renverrons, 
quand  nous  parlerons  des  autres , 
à  ce  que  nous  allons  dire  de  leur 
confrère  Ambroise.  Mais  il  impor- 
teroit,  avant  tout,  que  le  lecteur 
reprît  ce  qui  a  déjà  été  raconté  de 
ces  prêtres  à  la  page  343  de  notre 
premier  volume.  Us  étoient  en 
réclusion  à  Laval  lorsque  les  Ven- 
déens, passant  en  cette  ville  vers 
Pâques  de  l'année  1793,  les  mi- 
rent en  liberté.  L'armée  vendéenne 
ayant  ensuite  évacué  le  pays,  ils 
se  reconstituèrent  généreusement 
prisonniers,  dans  la  même  maison, 
à  Laval  :  c'étoit  au  mois  de  dé- 
cembre 1793.  Dans  le  cours  de. 
janvier  1794?  i's  subirent  un  in- 
terrogatoire où  on  leur  demanda 
pourquoi  ils  étoient  en  arresta- 


AMB 

tion.  Ils  répondirent  :  «Nous  n'en 
connoissons  point  d'autre  raison 
que  le  refus  du  serment  ;  et  nous 
ne  l'avons  pas  fait,  parce  que 
notre  conscience  ne  nous  le  per- 
mettoit  pas.  »  On  leur  proposa  de 
«  jurer  qu'ils  renonçoient  à  la  re- 
ligion catholique,  apostolique  et 
romaine  ;  de  maintenir  la  liberté 
et  l'égalité  ;  de  ne  reconnoître  en 
France  aucun  autre  culte  que  celui 
de  la  Raison (i)  ».  Un  non  absolu 
et  unanime  fut  leur  réponse  à  ces 
abominables  propositions.  Enfin , 
on  leur  demanda  s'ils  étoient  en- 
core dans  le  dessein  d'enseigner 
la  religion  catholique,  apostolique 
et  romaine  :  «  Oui ,  dirent-ils ,  dès 
que  nous  le  pourrons.  »  Cet  in- 
terrogatoire servira  de  base  à 
leur  condamnation. 

Le  21  janvier,  on  leur  intima, 
dès  8  heures  du  malin  ,  l'ordre 
de  se  rendre  au  tribunal  ;  et,  avant 
leur  départ  de  la  prison ,  on  les 
obligea  de  payer  un  salaire  à  ceux 
qui  les  avoient  gardés.  Dix  se 
rendirent  à  pied  au  tribunal,  entre 
deux  haies  de  soldats;  et  les  quatre 
autres  qui  ne  pouvoient  pas  mar- 
cher, à  cause  de  leurs  infirmités, 


(i)  C'est  par  erreur  qu'en  certains 
Mémoires,  on  a  dit  qu'il  leur  fut  pro- 
posé de  ne  rcco'inoître  d'autre  culte 
que  celui  de  l' Etre-Suprême ,  parce 
que  ce  culte  ne  fut  imaginé  qu'à  la  fin 
de  mai  suivant,  et  qu'à  l'époque  de 
janvier  1794,  l'athéisme  étoit  dans  sa 
plus  formidable  vigueur 


AMB  -5 

furent  mis  sur  une  charrette  qui  se 
trouvoit  par  hasard  dans  la  rue  : 
celui  à  qui  elle  appartenoit,  fut 
forcé  de  les  conduire.  Arrivés  au 
tribunal,  on  demanda  à  chacun 
en  particulier,  un  serment  impie 
qu'ils  refusèrent  avec  horreur,  et 
tous  furent  condamnés  à  la  peine 
capitale.  La  formule  de  ce  ser- 
ment étoit,  non  simplement  celuî 
de  liberté-égalité,  celui  d'être 
fidèle  à  la  république ,  mais 
encore  de  ne  professer  aucune 
religion,  et  surtout  la  catho- 
lique. L'interrogatoire  de  chacun 
des  prêtres  fut  à  peu  près'  le 
même  qu'ils  avoient  subi  pré- 
cédemment, excepté  que  l'on  fit 
plus  de  questions  à  quelques 
uns  d'entre  eux.  Quand  ces  qua- 
torze prêtres  ,  interpellés  d'une 
manière  à  peu  près  semblable , 
eurent  tous  répondu  en  dignes 
ministres  de  Jésus-Christ ,  leur 
condamnation  à  la  peine  de  mort 
fut  prononcée.  La  sentence  ne  se 
trouve  plus  que  dans  quelques 
placards  affichés  alors,  et  que  les 
bons  catholiques  du  pays  ont  con- 
servés religieusement.  Les  regis- 
tres de  la  commission  révolution- 
naire de  Laval  sont  du  nombre  de 
ceux  que  les  favoris  de  la  révo- 
lution ont  fait  disparaître  en  grand 
nombre  des  greffes,  surtout  quand 
il  s'y  trouvoit  des  Martyrs  de  In 
Foi;  et  voilà  pourquoi  les  noms 
de  ceux-ci  ne  sont  point  dans  les 
listes  générales,  imprimées,  des 
victimes  qui  périrent  en  ces  temp;. 


;b  AMB 

affreux.  Les  jugemens  de  ces  tri- 
bunaux sont  devenus  si  rares,  et 
ils  méritent  si  fort  d'être  consi- 
gnés dans  les  annales  de  l'Eglise, 
que  nous  croyons  devoir  copier 
en  entier  celui  qui  fut  prononcé 
contre  les  quatorze  prêtres  du 
nombre  desquels  étoit  René-Louis 
Ambroise.  Le  voici  donc  textuel- 
lement d'après  l'alfiche  : 

«  La  liberté  ou  la  mort  !  —  La 
république  française,  une  et  indi- 
visible.— Jugement  de  la  commis- 
sion révolutionnaire,  établie  par 
les  représentais  du  peuple,  dans 
le  département  de  la  Mayenne, 
qui  condamne  à  mort  René-Louis 
Ambroise,  prêtre,  domicilié  de 
Laval  ;  Joseph  Pelle  ,  prêtre  , 
domicilié  de  la  même  commune; 
Augustin -Emmanuel  Philippot  , 
prêlre  de  Paris,  ci -devant  curé 
de  la  Bazouge-des-Alleux  ;  Jean- 
Baptiste  Friqierie,  ci-devant  cor- 
delicr,  de  Laval  ;  Jean  Ti'rpin 
dtî  Cormier  ,  ci-devant  curé  de 
cette  commune  ;  François  Mico- 
ret,  de  Lassay,  ci-devant  curé  de 
la  paroisse  de  Rennes  -en  -  Gre- 
nouilles, district  de  Lassay;  Ju- 
lien-François Morin,  de  Saint- 
Fraiinbault-  de  -  Prières ,  demeu  - 
rant  à  Saint-Vénérand  ;  François 
Dlchesne,  prêtre  de  Laval,  ci- 
devant  chapelain  de  Saint-Michel, 
même  commune;  André  Dulion, 
de  Saint  -  Laurent-des-Mortiers  , 
ci- devant  curé  de  Saint-Fort, 
district  de  Château-Gontier  ;  Jac- 
ques André,  de  Saint-Pierre-Ia- 


AMB 

Cour,  ci-devant  curé  de  Rouessé- 
Vassé  ;  Louis  Gastineau,  prêtre, 
de  Loiron,  district  de  Laval,  de- 
meurant ci-devant  au  Port-Briet; 
Jean- Marie  Gallot,  prêtre-cha- 
pelain de  Laval  ;  Julien  Moulé  , 
prêtre,  ci-devant  curé  de  Sauge; 
Pierre  Thomas,  du  Ménil-Ren- 
fray,  ci-devant  aumônier  de  l'hô- 
pital de  Château-Gontier,  tous 
également  du  déparlement  de  la 
Mayenne.  {V.  ces  noms.) 

»  Séance  publique,  tenue  en  la 
commune  de  Laval,  le  2  pluviôse, 
an  II  de  la  république,  et  le  pre- 
mier de  la  mort  du  tyran. 

»  Au  nom  de  la  république 
française  ,  une  et  indivisible  : 
la  commission  révolutionnaire 
provisoire,  établie  dans  le  dépar- 
tement de  la  Mayenne,  a  rendu 
le  jugement  suivant  : 

»  Vu  l'interrogatoire  de  Louis 
Ambroise  ,  d'Augustin-Emmanuel 
Philippot,  de  Joseph  Pelle,  etc., 
etc. ,  etc. ,  par  lequel  il  est  prouvé 
que  ,  requis  par  la  loi  de  prêter  le 
serment  exigé  des  fonctionnaires 
publics  ,  prescrit  par  l'Assemblée 
constituante ,  et  celui  de  liberté 
et  d'égalité,  exigé  de  tous  les 
républicains  français  par  la  Con- 
vention nationale  ;  et  que,  requis 
encore  une  fois  devant  le  tribu- 
nal ,  ils  s'y  sont  constamment  re- 
fusés : 

»  Sur  ce  ,  considérant  que  ces 
individus,  par  le  refus  opiniâtre 
de  se  conformer  aux  lois  de  la 
république ,  de  la  reconnoître ,  de 


AMB 

s'y  conformer,  de  les  observer, 
sont  coupables  de  conspiration 
secrète,  contre  la  souveraineté  du 
peuple  français,  conspiration  d'au- 
tant plus  dangereuse  que,  présen- 
tée sous  les  couleurs  séduisantes 
de  l'hypocrisie  et  du  fanatisme , 
elle  pourroit  induire  en  erreur 
un  peuple  crédule,  toujours  facile 
a  séduire  dans  ses  opinions  reli- 
gieuses; enfin,  que  les  principes 
que  ces  hommes  professoient  cons- 
tamment, étoient  les  mêmes  qui 
avoient  allumé  dans  l'intérieur  de 
la  république,  la  guerre  de  la 
Vendée  : 

»  La  commission  révolution- 
naire, entendu  le  citoyen  Voleter, 
accusateur  public,  er.  ses  conclu- 
sions, condamne  à  mort  lesdits 
prêtres,  etc. 

»  Et  ordonne  que  le  présent  ju- 
gementseraexécuté  sur-le-champ; 
et  qu'en  conformité  de  la  loi , 
leurs  biens  ,  meubles  et  immeu- 
bles ,  seront  et  demeureront 
acquis  au  profit  de  la  répu- 
blique. 

»  La  même  commission  révolu- 
tionnaire, vu  l'interrogatoire  de 
René  Sorin,  de  Saint-Paul-Mon- 
penin,  district  de  Chaillant,  dé- 
partement de  la  Vendée  ;  de  Fran- 
çois Drapeau,  laboureur,  delà 
commune  de  Beaurepaire  ,  dis- 
trict de  Cholet  ;  de  Joseph  Ver- 
deau,  menuisier,  de  la  commune 
de  Sainte  -  Cécile  ,  district  de  la 
Roche-sur-Yon  ;  de  Charles  Au- 
vinet ,  laboureur,  de  la  com- 


AMB  r7 

mune  de  Saint-Pierre-de-Cholet; 
de  René  Cady,  domestique,  de 
la  commune  de  Ruchefort-sur- 
Loire  ,  district  d'Angers  ;  enfin  , 
de  François  Chéhère,  de  la  com- 
mune de  Ménil,  district  de  Châ- 
teau -Gontier ,  par  lequel  il  est 
prouvé  que  les  cinq  premiers 
ont  fait  partie  des  brigands  de  la 
Vendée  (  V.  Vendée),  et  ont  par- 
ticipé aux  meurtres  et  pillages 
commis  par  eux,  et  dans  les  lieux 
qu'ils  ont  désolés ,  et  que  les  soup- 
çons qu'on  avoit  formés  sur  le 
compte  du  dernier,  étoient  mal 
fondés  ; 

»  Entendu  l'accusateur  publie 
dans  ses  conclusions,  et  en  exécu- 
tion de  la  lei  du  ig  mars  1793, 
condamne  à  mort  lesdits  Sorin , 
Drapeau,  Auvinet,  Verdeau 
et  Cady  ;  déclare  en  outre  ,  en 
conformité  de  la  même  loi,  leurs 
biens  ,  meubles  et  immeubles , 
acquis  et  confisqués  au  profit  de 
la  république  :  acquitte  et  remet 
en  liberté  ledit  Chéhère,  sous  la 
surveillance  exacte  de  la  munici- 
palité et  du  comité  révolution- 
naire de  sa  commune  ; 

»  Et  seront  les  présens  juge- 
mens,  imprimés,  publiés  et  affi- 
chés partout  où  besoin  sera. 

»  Fait  et  prononcé  en  l'audience 
publique  de  la  commission  ré- 
volutionnaire provisoire  ,  où 
étoient  présens  les  citoyens  Clé- 
ment,  Four,  Marie  et  Panard, 
juges,  Voleter,  accusateurpublic. 
qui  ont  signé  avec  le  secrétaire 


AMB 

greffier.  A  Laval,  le  2  pluviôse, 
an  II  de  la  république  française, 
une  et  indivisible  ,  et  le  1"  de 
la  mort  du  tyran  (21  janvier 
»794)- 

»  Soussignés  aux  registres ,  Clé- 
ment, président;  Faur,  Marie, 
Panard,  juges;  Voleter  (1),  ac- 
cusateur public  ;  Guilbert  (2) , 
secrétaire-greffier.  » 

Les  quatorze  prêtres  enten- 
dirent prononcer  leur  sentence 
avec  un  front  calme  et  serein.  Ils 
se  donnèrent  le  baiser  de  paix , 
comme  les  anciens  Martyrs,  avant 
d'aller  au  supplice,  se  confessèrent 
les  uns  les  autres,  confessèrent 
;tussi  les  cinq  Vendéens  qui  dé- 
voient être  exécutés  avec  eux,  et 
s'encouragèrent  mutuellement  au 
martyre.  Ils  se  disposoient  à  chan- 
ter le  Salve»  Regina,  en  allant 


AMB 

à  la  mort  ;  mais  ils  en  furent  em- 
pêchés par  le  bourreau. 

Les  prêtres  arrivés  au  pied  de  la 
guillotine,  y  étoient  comme  au- 
tant d'agneaux  qui  attendent  le 
moment  du  sacrifice.  Quand  ils 
virent  mourir  le  premier  d'entre 
eux,  ils  levèrent  les  yeux  au  Ciel 
en  action  de  grâces,  et  se  dirent 
quelques  paroles ,  sans  doute  pour 
applaudir  au  bonheur  dont  ce 
Martyr  entroiten  possession.  Mais 
le  commandant  de  la  gendarmerie, 
homme  brutal  et  féroce ,  leur  cria  : 
«Taisez-vous,  cabaleurs,  taisez- 
vous  ».  Ambroise  a  voit  70  ans 
lorsqu'il  périt.  Après  que  ces  qua- 
torze prêtres  eurent  été  décapités, 
les  cinq  laïcs  qui  avoient  fait  par- 
tie de  l'armée  vendéenne  furent 
également  immolés.  [V.  Uval  et 
Jis  André.) 


APPENDICE  HISTORIQUE 

SUR  LES  MONUMENS 
CONSACRÉS  A  LA  MÉMOIRE  DE  CES  QUATORZE  MARTYRS. 

Le  désir  qu'un  respectable  prêtre  de  Laval  nous  a  témoigné  de  voir 
consignée  dans  notre  Martyrologe  une  inscription  latine  qui  avoit 
été  composée  pour  être  gravée  sur  leur  tombeau,  part  d'un  motif  trop 
louable,  et  l'inscription  est  trop  conforme  aux  vrais  principes  de  la 
Foi,  pour  que  nous  ne  nous  empressions  pas  de  le  satisfaire. 


(1)  Prêtre  apostat. 

(2)  Jdem. 


7P 

* 

Anno  Christi  MDCCCXVI, 
Die  IX  Augusti, 
Ex  agro  compascuo  (vulgà  Cruce-Praeliatâ) 
Olim  ubi  congcsla  promiscuè , 
Tandem  re/ligiosè  collecta , 
Ab  universo  Clero , 
Pid  comitante  Fidelium  turbd, 
In  Sacram  translata  sunt  Deiparœ  Virginis  /Edem, 
Veneranda  QUATUORDECIM  SA CEIiDOTUM  Ossu, 
Quorum  hic,  melius  autem  in  Libro  Vitœ, 
Immortalia  scripta  sunt  Nomina  ; 
Qui, 

Luctuosissimis  impietatis  tempoiibus , 
Anno  MDCCXCIV, 
Ipsâmet,  XXI  Januarii ,  nefandœ  LUDOVICI XVI  necis 
/Eternùm  amarâ  die, 
Nolentes  infiingere  Lcgem  Dei  Sanctam  , 
Sacrilegum  apostolico  pectore  renuentes  juramentum , 
Elegerunt  magis  mori,  et  tmcidali  sunt  ; 
LAVALLEîiSIBUS  mcmoriam  mortis  suis  dereh'nquentes 
Ad  exemplum  virtutis  et fortitudinis  : 
Glorid  magna  glorificanles  Gentem  suam. 

Ici,  auroient  été  les  noms  de  ces  Martyrs.  L'on  a  préféré  l'inscrip- 
tion française  dont  nous  avons  parlé  (tom.  I,  pag.  544);  et  l'on  a 
gravé  de  plus  la  suivante,  sur  l'une  des  faces  du  piédestal  de  la  Croix 
de  Mission,  qui  est  érigée  à  la  place  même  où  furent  immolées  ces 
quatorze  victimes  sacerdotales. 

JL 
I 

«  Sur  cette  place  . 
Le  jour  même  de  l'anniversaire  de  la  mort  de  LOUIS  XVI  » 
QUATORZE  PRÊTRES 
Dont  les  noms  sont  écrits  au  Livre  de  Vie , 
Ayant  dù  choisir  entre  le  serment  et  la  mort, 
Scellèrent  de  leur  sang  la  pureté  de  leur  Foi; 
Et,  conformément  aux  dernières  paroles  de  l'un  d'entre  eux  (i)  , 
Après  avoir  appris  au  peuple  à  bien  vivre, 
Us  lui  apprirent  encore  à  bien  mourir  .  » 


(«)  fi»/.  Josiph  Psur 


So  AND 

ANACLET  (Le  Père),  gardien 
du  couvent  des  Récollels,  à  La 
Beaumette.  (  V.  Dumaille.  ) 

ANCEL  (Charles-Nicolas-An- 
toine),  prêtre  de  la  congrégation 
des  Eudistes,  du  diocèse  de  Lisieux, 
étoit  né  dans  la  ville  de  Rouen. 
Il  n'avoit  point  fait  le  serment 
schismatique  de  1791,  et  n'étoit 
point  sorti  de  France  en  1792. 
On  l'arrêta  comme  insermenté,  en 
1793,  dans  le  département  de  la 
Seine- Inférieure;  et  bientôt, 
condamné  à  la  déportation  au-delà 
des  mers ,  il  fut  traîné  à  Rochefort. 
On  l'y  embarqua  sur  le  navire  les 
Deux  Associés  (V.  Rochefort). 
Il  succomba  dans  le  supplice  de 
cette  déportation,  à  l'âge  de  5o 
ans,  le  29  juillet  1794-  Ses  com- 
pagnons de  martyre  ont  attesté 
«  qu'il  bonoroit  le  sacerdoce  en- 
core plus  par  ses  vertus  que  par 
son  savoir  ecclésiastique  » .  Ils 
l'enterrèrent  dans  l'île  d'Aix. 
(  V.  L.  Alexandre  et  F.  An- 
doire). 

ANDQIRE  (François),  curé 
de  >Ioutier-sur-Saut,  dans  le  dio- 
cèse de  Verdun,  avoit  eu  la  foi- 
blesse  de  faire  en  1791  le  serment 
de  la  constitution  civile  du 
clergé ,  pour  ne  pas  s'éloigner  de 
ses  paroissiens  qui  vouloient  le 
retenir;  et  le  même  motif  l'en- 
traîna vers  la  fin  de  1792,  à 
prêter  le  serment  de  liberté-éga- 
lité prescrit  à  cette  époque.  Ces 
deux  actes  de  lâche  condescen- 
dance  ne  le  sauvèrent  pas  de  la 


AND 

persécution,  parce  qu'il  n'étoit 
point  disposé  à  upostasier,  et  que 
les  persécuteurs  vouloient  ,  en 
haine  de  la  religion ,  se  défaire  de 
tous  les  prêtres  non  formellement 
apostats.  Le  curé  Andoire  fut 
donc  arrêté  dans  le  département 
de  la  Meuse.  On  le  condamna  à 
la  déportation  au-delà  des  mers. 
Il  fut  conduit  à  Rochefort  (  V.  Ro- 
chefort). Embarqué  ensuite  sur 
le  navire  les  Deux  Associés,  il 
succomba  sous  le  poids  des  souf- 
frances qu'on  y  enduroit;  mais, 
avant  de  mourir,  il  rétracta  d'une 
manière  bien  édifiante  les  deuxser- 
mens  qu'il  avoit  prononcés.  Le  vé- 
nérable confesseur  de  la  Foi,  qui, 
après  avoir  subi  la  peine  de  dé- 
portation de  cette  époque,  sans  y 
avoir  succombé ,  nous  a  fait  con- 
noître,dès  1800,  les  cinq  cent  qua- 
rante-un confesseurs  quiypérirent, 
nous  recommandoit  bien  expressé- 
ment de  ne  pas  interpréter  avec  trop 
de  rigueur  les  notes  de  ce  genre 
dont  il  acconipagnoit  les  noms  de 
quelques  uns  de  ces  prêtres. 
«Quand  j'observe,  disoit-il,  que 
tel  et  tel  a  rétracté  son  coupable 
serment  avant  la  mort,  je  n'en- 
tends pas  dire  pour  cela  qu'il  ait 
attendu  aux  derniers  momens  de 
sa  vie  pour  faire  sa  rétractation  ; 
mais  seulement  que,  certain  qu'il 
l'a  faite  ,  je  n'ai  pu  m'assurer  si 
c'étoit  avant  la  déportation  ou  sur 
les  vaisseaux  ,  soit  en  santé  ,  soit 
en  maladie,  soit  à  l'article  de  la 
mort  :  l'auteur  d'une  relation  . 


AND 

imprimée  en  179G.  a  parlé  bien 
sévèrement  de  ceux  qui  ne  se  sont 
rétractés  qu'à  ce  dernier  moment, 
jugeant  leurs  dispositions  fort 
douteuses  (  pag.  14»  note  1);  ce- 
pendant la  charité  doit  nous  taire 
présumer  que  le  plus  grand 
nombre  de  ces  rétractations  tar- 
dives ont  été  sincères,  et  que  la 
bonté  de  Dieu  y  aura  eu  égard  ». 
Cette  observation  est  applicable 
à  tous  ceux  qui  auront  la  même 
note  que  F.  Andoire.  Il  expira 
dans  la  nuit  du  20  au  21  août 
1794,  et  fut  enterré  dans  l'île 
Madame  (  V-  C.  N.  A.  Ancel  et 
V.  Angard). 

ANDRAN  (Barthélémy), prêtre 
et  religieux  de  la  Grande-Char- 
treuse ,  né  à  Montélimar,  s'y  étoit 
retiré  après  la  suppression  de  son 
ordre.  Conservant  dans  le  inonde 
la  piété  du  cloître,  il  fut  enveloppé 
dans  la  proscription  des  prêtres 
fidèles  ;  et  les  persécuteurs  ,  le 
traitant  comme  un  non  asser- 
menté, le  firent  traîner,  au  prin- 
temps de  1 794 ,  à  Bordeaux ,  pour 
|  «n  être  déporté  à  la  Guiane  (  V. 

Bordeaux).  Il  ne  put  être  du 
i  nombre  de  ceux  qui  furent  em- 
1  barques  les  premiers,  trois  mois 
I  après  la  chute  de  Roberspierre  ; 

et,  restant  enfermé  dans  le  fort 
j  du  Ha,  il  y  dépérit  sous  le  poids 
:  de  ses  chaînes.  On  le  transporta 
mourant  à  l'hôpital  de  Saint-An- 
dré ,  où  il  ne  cessa  pas  d'être  cap- 
j  tif  de  Jésus- Christ,  et  mourut 
j  comme  tel,  le  8  décembre  1794. 


AND  8i 

Il  n'avoit  que  !\b  ans.  (  V.  Alde- 
bert  et  M.  David.  ) 

ANDRÉ  (Sœur  Saint ),  reli- 
gieuse. [V.  M*  Sage.) 

ANDRÉ  (  Jacques)  ,  né  à  Saint' 
Pierre -la -Cour,  le  i3  octobre 
1743,  curé  de  Rouessé-Vassé ,  et 
doyen  rural  dans  le  diocèse  du 
Mans,  étoit  du  nombre  des  qua- 
torze prêtres  sexagénaires  ou  in- 
firmes qui ,  pour  n'avoir  pas  prêté 
le  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé,  furent  mis  en 
réclusion  à  Laval,  d'après  la  loi 
du  26  août  1792  [V.  Laval). 
Au  mépris  de  toute  justice ,  les 
persécuteurs  firent  immoler  le 
curé  André  avec  ses  treize  com- 
pagnons dans  la  même  ville ,  le 
21  janvier  1794-  Les  circons- 
tances de  son  martyre  sont  les 
mêmes  que  celles  dont  nous  avons 
fait  le  récit  à  l'article  de  L.  R. 
Ambroise.  Nous  devons  cepen- 
dant en  ajouter  une  qui  lui  fut 
particulière,  et  doit  produire  une 
grande  édification.  L'apostat  Guil- 
bert ,  secrétaire- greffier  du  tri- 
bunal, voyant  monter  A  la  guil- 
lotine le  curé  André,  lui  cria 
en  lui  montrant  une  bouteille  de 
vin  rouge  :  «A  ta  santé!  je  vais 
boire  ce  vin  comme  si  c'étoit 
ton  sang  ». — «  Et  moi,  répondit 
le  curé  patient,  je  vais  prier  Dieu 
pour  vous  ».  C'est  un  républi- 
cain, alors  de  garde  au  pied  de 
l'échafaud,  qui  lui-même  a  rap- 
porté ce  trait,  en  ajoutant  qu'il 
en  fut  extrêmement  indigné.  (  V. 


82  AND 

L.  R.  Ambroise  et  P.  Bache- 
lier.) 

ANDRIEUX  ( René- Marie  ), 
prêtre  séculier  de  la  congrégation 
île  Saint-Nicolas- du -Chardonuet 
à  Paris,  fondée  en  1612  par  le 
vénérable  Bourdoise ,  en  éloit  le 
supérieur-général  à  l'époque  de 
la  révolution.  Il  en  soutenoit  la 
sainte  réputation  avec  un  tel  suc- 
cès, qu'elle  fut  une  de  celles  qui 
fournirent  le  plus  de  Martyrs  aux 
massacres  des  premiers  jours  de 
septembre  1792.  Les  ennemis  de  la 
religion  avoient  prévu ,  dès  1 79 1 , 
l'obstacle  que  cette  congrégation 
opposeroit  à  leurs  desseins;  et, 
cherchant  dès -lors  un  prétexte 
pour  la  persécuter ,  ils  avoient 
commencé  par  demander  à  son  gé- 
néral, qu'à  cet  effet  ils  considérè- 
rent astucieusement  comme  un 
fonctionnaire  public,  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du  clergé.  Le  refus  qu'en  fit  An- 
drieux, pour  le  seul  motif  que  son 
devoir  et  sa  Foi  lui  défendoient 
ce  serment,  parut  ensuite  l'unique 
source  de  l'opposition  que  tous 
ses  prêtres  montrèrent  pour  cette 
constitution  du  clergé.  On  ne 
pouvoit  se  persuader  que  tous 
eussent  assez  de  constance  dans 
leur  Foi,  pour  qu'il  n'y  eût  pas  eu 
quelque  défection  parmi  eux  sans 
l'exemple  de  leur  général.  La  ven- 
geance que  les  impies  avoient  dans 
l'âme   contre  eux ,   se  dirigeoit 
principalement  sur  AiwTHeax ,  sans 
toutefois   les  excepter  ;  et.  dès 


AND 

que  le  fatal  10  août  1792  eut 
achevé  de  dégager  les  persécu- 
teurs de  tout  ce  qui  les  contenoit 
encore,  le  premier  jour  de  leur 
terrible  irruption  contre  les  prêtres 
fidèles,  ils  se  précipitèrent  sur  la 
maison  de  la  communauté  de 
Saint  -  Nicolas  -  du  -  Chardonnet. 
Ce  fut  donc  le  i3  qu'ils  saisirent 
le  général  Andrieux,  avec  tous 
ses  confrères  et  les  élèves  qu'ils 
trouvèrent  dans  leur  séminaire. 
Marchant  à  leur  tête,  Andrieux 
fut   conduit    au   comité    de  sa 
section  ,   siégeant  dans  l'église 
du  séminaire  de  Saint -Firmin. 
Quand  ils  arrivèrent,  la  cour  qu'il 
falloit  traverser  pour  entrer  dans 
le  lieu  où  se  trouvoit  ce  comité, 
étoit  déjà  remplie  d'hommes,  de 
femmes  et  d'enfans  du  bas  peuple , 
qui ,  ameutés  par  les  persécu- 
teurs ,  faisoient  éclater  une  joie 
féroce,  en  s'applaudissant  de  ce 
que  ces  captifs  de  Jésus -Christ 
étoient  destinés  à  un  prochain 
massacre.  Ces  frénétiques  étoient 
si  bien   dans  la  confidence  du 
complot  de  les  assassiner,  que  l'un 
d'eux,  armé  d'une  hache  qu'il 
levoit  comme  pour  frapper,  s'é- 
crioit  avec  une  impatiente  fureur  : 
«  Donnez-moi  tous  ces  prêtres;  et 
que,  dès  aujourd'hui,  je  les  expé- 
die tous  avec  ma  hache  ».  Mais 
l'heure  de  leur   massacre  n'é- 
toit  pas  encore  arrivée.  Andrieux, 
avec  ses  prêtres  et  leurs  élèves, 
fut  introduit  dans  la  salle  du  co- 
mité. Ses  réponses  y  furent  celle 


AND 

d'un  intrépide  confesseur  de  la 
Foi;  et  ses  compagnons  les  rati- 
fièrent. On  les  enferma  sur-le- 
champ  dans  le  séminaire  de  Saint- 
Firmin,  en  attendant  le  jour  où, 
après  y  avoir  réuni  le  plus  de 
prêtres  fidèles  qu'on  pourroit  ar- 
rêter, on  auroit  l'impie  satisfac- 
tion de  les  faire  périr  tous  en- 
semble. Andrieux  vit  avec  résigna- 
tion et  courage  la  mort  s'appro- 
cher, à  pas  lents,  pour  l'arracher 
violemment  à  la  vie ,  afin  que  son 
sacrifice  devînt  plus  méritoire.  Il 
le  fit  avec  la  juste  confiance  qu'en 
mourant  pour  la  Foi,  il  renaissoit 
pour  la  vie  éternelle.  Précipité  par 
les  fenêtres,  le  5  septembre,  il  fut 
achevé  dans  la  rue  à  coups  de 
piques  (  V.  Septembre).  Son  âge 
étoitde  5oans.  (  V.  Balzac,  Bise, 
Fautrel,  Gillet,  Lasnier,  Le- 

CEERC  ,  OviEFVE  ,  ROUSSEL  et 
VÉRET.  ) 

ANDROUET  (  Gervais- Fran- 
çois ) ,  prêtre  de  la  paroisse  de 
Plemaugat,  près  Broons,  dans  le 
diocèse  de  Saint -Malo,  n'avoit 
point  voulu  prêter,  en  1791.  le 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé.  Comme  il  continuoit 
à  exercer  son  ministère  ,  en  prê- 
chant contre  cette  œuvre  de 
schisme  et  d'hérésie ,  les  révolu- 
tionnaires de  Plemaugat  le  dé- 
noncèrent à  l'administration  du 
district  de  Saint-Malo ,  qui  le  fit 
aussitôt  arrêter  et  conduire  dans 
la  prison  de  Lamballe.  Il  en  sor- 
tit en  septembre  suivant,  à  l'oc- 


AND  83 

casion  de  l'acceptation  de  la  cons- 
titution générale  ,  par  le  Roi. 
Il  n'en  fut  pas  moins  zélé  contre 
les  erreurs  qu'accréditoit  le  clergé 
schismatique ,  ni  moins  prompt 
à  porter  les  secours  du  sacer- 
doce aux  fidèles  qui  les  récla- 
moient.  Les  précautions  de  pru- 
dence qu'il  prenoit,  lui  firent  éviter 
les  persécutions  des  agens  du  dis- 
trict, acharnés  contre  sa  personne. 
Lors  du  décret  de  déportation 
rendu  le  26  août  1792,  voyant 
partir  pour  s'y  conformer  beau- 
coup de  prêtres  de  sa  contrée,  il 
craignit  de  l'exposer  à  manquer 
de  secours  spirituels  suffisans,  et 
resta  pour  lui  consacrer  tout  son 
ministère.  11  prenoit  d'autant  plus 
de  soin  pour  se  soustraire  à  la 
farouche  vigilance  des  persécu- 
teurs, que  la  rareté  des  prêtres  fai- 
soit  redouter  qu'il  ne  se  fît  un  vide 
presqu 'irréparable  dans  le  petit 
nombre  des  ouvriers  évangéliques 
de  ces  cantons,  s'il  devenoit  lui- 
même  la  proie  des  impies.  La 
gendarmerie ,  mise  plusieurs  fois 
en  campagne  pour  le  trouver,  ne 
put  l'atteindre.  Quelque  temps 
après  Pâques  de  179'},  la  déroute 
d'un  petit  corps  de  Vendéens 
avoit  attiré ,  aux  environs  de 
Saint  -  Méen  ,  des  troupes  de  la 
Convention,  et  le  prêtre  Androuet , 
non  informé  de  cet  événement, 
étoit  revenu  de  nuit  à  Plemaugat, 
pour  y  voir  sa  famille.  Des  sol- 
dats, qui  pénétrèrent  dans  la  mai- 
son où  il  commençoit  à  se  reposer 

6. 


84  AND 

des  fatigues  du  voyage,  le  sai- 
sirent et  le  conduisirent  à  Saint- 
Méen ,  en  l'accablant  d'injures, 
et  lui  faisant  subir  les  plus  cruels 
traitemens.  Quand  il  y  fut  ar- 
rivé ,   ces    soldats    le  forcèrent 
d'abord  à  rendre  les  services  les 
plus  abjects  à  leur  commandant; 
ensuite  ils  le  revêtirent  de  tous  les 
ornemens  sacerdotaux,  le  pro- 
menèrent ainsi  par  la  ville,  en  vo- 
missant contre  lui  de  sacrilèges 
imprécations,  et  tournant  en  dé- 
vision  les  cérémonies  de  la  messe. 
Tout  à  coup  ils  le  dépouillèrent  de 
ses  ornemens,  et  en  couvrirent  un 
pourceau ,  qu'ils  firent  mareber 
devant  lui,  en  vomissant  con- 
tre Dieu  les  plus  horribles  blas- 
phèmes. Lorsque  cet  abominable 
cortège  fut  venu  sur  la  principale 
place  de  Saint-Méen,  où  le  peuple 
étoil  rassemblé  en  plus  grand 
nombre,  un  officier  de  la  troupe 
impie  feignit  de  tirer  de  la  poche 
du  saint  prêtre,  un  papier  qu'il 
avoit  préparé  lui-même  ;  et,  sup- 
posant que  c'étoit  la  confession 
générale  de  ce  vertueux  ecclésias- 
tique, il  y  lut,  à  voix  haute,  une 
longue  série  de  prétendus  aveux 
de  crimes  épouvantables ,  dont 
Androuet  étoit  censé  s'accuser. 
Cette   atroce   perfidie   fut  sans 
succès,  parce  qu'il  étoit  connu 
de  tous  les  habitans,  pour  un 
prêtre  édifiant ,  et  de  la  conscience 
la  plus  timorée.  Apercevant  un 
enfant  qui  s'attendrissoit  sur  les 
ignominies  et  les  maux  qu'on  lui 


AND 

faisoit  endurer,  il  crut  devoir  l'en 
consoler,  en  lui  disant  d'un  ton 
affectueux  :  «  Mon  enfant ,  c'est 
un  bonheur  de  souffrir  pour  la 
religion  » .  A  ces  paroles ,  les 
soldats  se  mirent  à  le  frapper , 
en  s'écriant  :  «Le  voyez -vous? 
il  cherche  encore  à  fanatiser 
l'innocence  !  »  Le  lendemain  ,  on 
le  conduisit  à  Rennes  ,  monté  sur 
un  mauvais  cheval,  qui  ne  pou- 
voit  marcher  aussi  vite  que  ceux 
de  la  troupe;  et,  tout  en  ayant 
l'air  de  vouloir  frapper  cette  rétive 
monture,  on  frappoit  le  saint  ec- 
clésiastique qu'elle  portoit.  Il  étoit 
là,  comme  ce  S.  Julien,  martyr 
d'Alexandrie,  et  son  compagnon 
dont  parle  Eusèbe  ;  lesquels  ayant 
été  mis  sur  un  chameau  pour 
aller  au  lieu  du  supplice,  attendu 
qu'ils  ne  pouvoient  plus  marcher, 
étoient  cruellement  frappés  dans 
la  route  par  leurs  conducteurs  : 
Camelis  insidentes ,  flagris  su- 
blimes verberati  (  Ilist.  Eccles. 
1.  vi,  c.  42)-  Le  cavalier  qui  pré- 
sidoit  à  la  conduite  de  noire 
Androuet,  crioit  ironiquement  à 
chaque  personne  qu'on  rencon- 
troit  sur  la  route  :  «  Viens  voir 
un  bon  prêtre  ».  Quand  on  fut 
au  bourg  de  Boisgervilli  ,  on 
imagina  de  lui  couper  les  cheveux; 
et,  en  les  coupant,  on  lui  enlevoit 
avec  les  ciseaux  la  peau  de  la  tête. 
Il  se  contenta  de  dire  avec  dou- 
ceur :  «  Vous  me  faites  bien  souf- 
frir » .  Quand  il  fut  à  Montfort , 
ses  sacriléees  et  cruels  conduc- 


ANG 

teurs  le  revêtirent,  malgré  lui, 
de  tous  les  orneinens  qui  se  pren- 
nent pour  dire  la  messe  ;  et  l'on 
poursuivit  la  route  de  Rennes.  Le 
tribunal  de  cette  ville,  ne  le  re- 
gardant pas  comme  son  justi- 
ciable, parce  qu'il  avoit  été  arrêté 
dans  le  département  des  Côtes- 
du-TSord  ,  dont  la  ville  de  Saint- 
Brieuc  étoit  le  chef-lieu,  ordonna 
qu'il  y  seroit  conduit.  Quelques 
jours  après,  il  y  fut  donc  traîné; 
et  dans  le  trajet  il  étoit  si  étroite- 
ment garrotté,  qu'il  ne  pouvoit  se 
servir  de  ses  mains  pour  prendre 
sa  nourriture.  Des  personnes  com- 
patissantes étoient  obligées  de  la 
lui  porter  à  la  bouche.  Arrivé  à 
Saint-Brieuc ,  il  y  fut  presque 
aussitôt  traduit  devant  le  tribunal 
criminel,  qui  le  condamna  à  mort, 
comme  ayant  refusé  le  serment 
de  la  constitution  civile  du 
clergé,  et  n'ayant  pas  obéi  à  la 
loi  de  la  déportation  » .  La  guillo- 
tine termina  son  long  et  doulou- 
reux martyre,  le  1 1  prairial  an  II 
(3o  mai  1794)-  H  étoit  né  en 
,  dans  la  paroisse  même  de 
Plemaugat. 

ANFERNET  (Michel-George- 
François),  prêtre  (  V.  M.  J.  F. 
Bukel.  ) 

ANGARD  (  Valéry  ) ,  curé  de 
Montaigu-lc-Blanc ,  dans  le  dio- 
cèse de  Limoges,  et  né  au  grand 
bourg  de  Salagnac,  même  dio- 
cèse ,  avoit  courageusement  re- 
fusé, en  1791,  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé; 


ANG  85 

et  son  attachement  à  ses  devoirs 
de  curé  l'avoit  fait  rester  en  Fi  ance, 
après  la  loi  du  26  août  1792.  Il 
étoit  près  de  sa  paroisse ,  alors 
comprise  dans  le  département  de 
la  Creuse,  lorsqu'eu  1795  on 
l'arrêta.  Conduit  dans  les  prisons 
de  Guéret ,  il  y  fut  condamné 
par  le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement à  la  déportation  au- 
delà  des  mers  ,  et  fut  conduit  à 
Rochefort ,  pour  y  être  embarqué 
(V.  Bocijefort).  Placé  sur  le  na- 
vire te  IV ashington,  il  succomba 
sous  les  maux  qu'on  y  éprouvoit. 
Il  avoit  alors  5o  ans.  Sa  mort 
arriva  vers  la  fin  de  1794;  «t  ses 
confrères  regrettèrent  en  lui  un 
excellent  ecclésiastique ,  suivant 
le  rapport  que  l'un  d'eux  nous  en 
a  fait.  (  V.  F.  Andoire  et  P.  An- 
toine. ) 

ANGEARD  (Michel-Jean-Ma- 
rie), curé  (J^.  M.  J.  M.  Ogeard). 

ANGÈLE  DE  SAINT-FRAN- 
ÇOIS [Sœur  Sainte),  religieuse 
(V.  M.  C.  Jhe  Pailiot.) 

ANGES  [Sœur  des),  religieuse. 
{V.  W  Ae  Rochier.) 

ANGLADE  (Pierre  d'),  prêtre, 
né  dans  la  ville  d'Espalion ,  en 
Rouergue,  vers  1738,  n'avoitpas 
cru,  quoique  insermenté,  devoir 
se  déporter  lui-même,  en  août 
1 792.  On  l'arrêta ,  pour  l'envoyer 
à  la  Guiane;  et  il  fut  traîné,  pour 
l'embarquement,  à  Bordeaux,  vers 
le  printemps  de  1794  •  Bor- 
deaux). On  ne  le  comprit  pas 
dans  le  nombre  de  ceux  qu'on  fil 


86  ANG 

embarquer  des  premiers,  trois 
mois  après  la  chute  de  Robers- 
pierre  ;  et  il  resta  enfermé  dans  le 
fort  du  Ha ,  où  sa  situation  n'étoit 
pas  moins  cruelle.  Ses  souffrances 
surpassoient  ses  forces  ;  il  y  tomba 
gravement  malade;  et,  sa  fin  ap- 
prochant, on  le  transporta  à  l'hô- 
pital de  Saint-André  de  Bordeaux, 
où ,  sans  cesser  de  souffrir  pour 
Jésus-Christ,  il  expira  le  17  août 
179^,  à  l'âge  de  56  ans.  [V.  M. 
David  et  D.  Arnaud.) 

ANGLADE  ( Pierre- Alexan- 
dre), prêtre.  [V .  P.  Et.  Lan- 
glade.  ) 

ANGRAND-D'ALLERAY  (De- 
ms-François)  ,  ancien  lieutenant- 
civil  au  tribunal  du  Châtelet  de 
Paris,  né  en  cette  ville,  l'an  1725, 
et  dont  la  vie  avoit  été  toujours 
honorable ,  étoil  âgé  de  68  ans , 
lorsque  s'établit  ,  en  1793  ,  le 
terrible  régime  de  l'athéisme.  Ir- 
révocablement attaché  à  la  reli- 
gion catholique  ,  il  la  pratiquoit 
dans  le  secret,  assistant  à  des 
messes  particulières  qui  se  di- 
soient  en  cachette.  Ces  actes  de 
piété,  ayant  été  découverts  par 
les  agens  de  la  persécution,  con- 
tribuèrent ,  plus  que  le  souvenir 
de  son  ancienne  eharge ,  à  le  faire 
enfermer  comme  suspect.  Traduit, 
?e  9  floréal  an  II  (28  avril  1794)? 
devant  le  tribunal  révolution- 
naire, il  y  auroit  été  absous,  s'il 
eût  voulu  se  prêter  à  un  men- 
songe qui  lui  étoit  suggéré,  pour 
sauver  sa  vie.  Il  aima  mieux  la 


ANI 

perdre  que  de  trahir  la  vérité,  et 
fut  envoyé,  le  jour  même,  à  l'écha- 
faud,  sous  le  prétexte  banal  qu'il 
étoit  un  contre  -  révolutionnaire 
{V.  Anecd.  Chrét.,  2' édition, 
1801).  A  sa  mort,  s'applique  cette 
décision  de  saint  Thomas  :  Quia 
omne  rnendacium  peccatum 
est,  vitatio  mendacii ,  contra 
quamcunque  veritatem  sit ,  in 
quantum  rnendacium  est  pec- 
catum,  divinœ  iegi  contra- 
rium,  polest  esse  martyrii 
causa  (  2.  2.  Quœst.  124*  art.  l\, 
ad  2). 

ANIMÉ  (Dom) ,  bénédictin  de 
Ne  vers,  fut,  avec  raison,  compté 
au  nombre  des  prêtres  qui  reje- 
toient  la  constitution  civile  du 
clergé,  comme  une  œuvre  héré- 
tique et  schismatique.  La  loi  de 
déportation  du  26  août  1792, 
sans  le  frapper  directement ,  puis- 
qu'il n'avoit  pas  été  fonctionnaire 
public  dans  le  clergé,  lui  indi- 
quoit  assez  qu'il  n'y  auroit  pas  de 
sûreté  pour  lui  en  France;  mais 
la  condition  rigoureuse  à  laquelle 
les  prêtres  de  son  âge  étoient 
soumis,  quand  ils  ne  se  dépor- 
toient  pas;  celle  de  la  réclusion, 
à  laquelle  lui-même  étoit  résigné, 
lui  inspira  assez  de  confiance  pour 
le  déterminer  à  ne  pas  s'exiler. 
Il  avoit  alors  77  ans  ;  et  il  fut 
réuni  aux  autres  vétérans  du  sa- 
cerdoce, qui  vivoient  en  réclu- 
sion à  Nevers,  dans  la  maison  que 
l'administration  départementale 
leur  avoit  assignée  (  V.  NeVxks). 


ANS 

La  persécution ,  devenue  plus  ar- 
dente ,  plus  inhumaine  encore, 
et  voulant  absolument  faire  dis- 
paroître  du  sol  de  la  France  les 
prêtres  même  âgés  et  infirmes , 
ceux  de  la  Nièvre  furent  envoyés 
à  Nantes  ,  pour  y  être  noyés 
(  V.  Nantes  ).  L'article  Nevers 
expose  tout  ce  qu'ils  eurent  à 
souffrir  dans  le  trajet,  ainsi  que 
dans  l'horrible  sépulcre  de  la  ga- 
liote  du  port  de  Nantes,  où  tant 
d'autres  prêtres  périrent.  Dom 
Animé  leur  survécut;  et,  comme 
s'il  n'eût  pas  dû  mourir  ailleurs,  il 
ne  voulut  point  être  de  ceux  que 
l'on  transféra  à  Brest,  quand  les 
circonstances  politiques  firent 
adoucir  leur  sort.  L'affoiblisse- 
ment  de  sa  santé  ne  lui  permettoit 
guère  cette  nouvelle  navigation; 
il  préféra  rester  sur  la  galiote  de 
Nantes,  et  y  mourut,  le  18  avril 
1794.  (  V.  F.  Agrafée,  et  Ba- 
doinot  ,  de  Saint  -Martin  -  lès- 
Donzy.) 

AN  S  ART  (Louis-François-Jo- 
seph), prêtre,  religieux  de  l'ab- 
baye de  Saint  -  Vaast  d'Arras , 
prévôt  de  la  Beuvrières,  près  Bé- 
thune ,  étoit  né  à  Arras,  en  1710. 
Les  persécutions  envers  les  bons 
catholiques,  en  1792,  effrayèrent 
sa  vieillesse;  et  la  loi  du  26  août 
de  cette  année  le  décida  à  sortir 
de  France  :  mais  il  ne  resta  pas 
long -temps  chez  l'étranger;  les 
besoins  de  son  grand  âge,  et  plus 
encore  ses  infirmités,  le  décidè- 
rent à  revenir  dans  sa  patrie-  Il 


ANS  87 

avoit  8/j  ans ,  lorsque  le  proconsul 
Joseph  Lebon  le  fit  arrêter  vers 
la  fin  de  1793  [V •  Arras);  et  la 
barbarie  qu'on  prévoyoit  qu'il  al- 
loit  exercer  envers  ce  vieillard, 
surtout  parce  qu'il  étoit  prêtre , 
émut  jusqu'à  des  membres  de  ce 
qu'un  appeloit  la  société  popu- 
laire, qui  se  composoit  essentiel- 
lement des  plus  bas  partisans  de 
la  révolution.  Quelques  uns  d'eux 
s'intéressèrent  en  faveur  du  véné- 
rable Ansart  auprès  de  l'apostat 
Lebon,  demandant  qu'il  ne  fût 
point  envoyé  à  l'échafaud ,  mais 
seulement  déporté.  Ce  fut  alors 
que  ce  proconsul  répondit  «  qu'il 
ne  falloil  pas  suivre  ainsi  les  mou- 
vemens  de  la  pitié  ;  que  plus  un 
prêtre  étoit  vieux,  plus  son  aris- 
tocratie étoit  enracinée  »,  Il  le  fit 
condamner  par  son  tribunal  révo- 
lutionnaire à  la  peine  de  mort, 
«  comme  émigré  rentré  » ,  le  26 
germinal  an  II  (i5  avril  1794).  Ce 
prêtre  ,  si  âgé ,  et  dont  la  surdité 
étoit  devenue  complète  ,  ne  pou- 
vant entendre  ce  qu'on  décidoit 
contre  lui,  put  encore  moins  con- 
cevoir pourquoi  on  le  conduisoit 
à  l'échafaud  ;  mais  quand  il  vit 
qu'on  l'altachoit  à  la  planche  de  la 
guillotine ,  et  que  sa  tête  alloit 
tomber  sous  le  fer  mortel,  sa 
conscience  pure  et  sainte  lui  dit 
qu'il  alloit  périr,  uniquement  parce 
qu'il  étoit  prêtre  catholique.  Le- 
vant alors  les  yeux  au  ciel,  il  offrit 
à  Dieu  sa  vie  ,  en  témoignage  de 
sa  Foi  qu'aussitôt  il  scella  de  son 


88  A  NT 

sang.  (V.  Advisard  et  M.  M.  M. 
Arbachart.  ) 

ANTOINE  (Nicolas),  curé  de 
la  ville  de  Dompaire,  près  Mire- 
court,  diocèse  de  Saint-Diez,  et 
ne  à  Colroy,  près  de  la  ville  de 
Saint-Diez,  avoit  été  expulsé  de 
sa  cure  par  les  autorités  révolu- 
tionnaires pour  avoir  refusé  le 
serment  schismatique  de  1791. 
Il  se  retira  dans  la  ville  de  Remi- 
remont,  où  il  montra  beaucoup 
de  zèle  pour  maintenir  les  catho- 
liques dans  la  pureté  de  la  Foi. 
De  là  encore  il  portoit  les  secours 
de  son  ministère  fort  au  loin,  par 
les  montagnes  d'alentour,  savoir: 
à  Plombières  ,  et  jusque  sur  le 
diocèse  de  Besançon ,  dans  les 
paroisses  de  Val-d'Ajol ,  et  môme 
Fougerolles  (non  Fougevolles  ) , 
près  Luxeuil.  Le  bien  qu'il  faisoit 
indiqua  ses  traces;  elles  furent 
ardemment  suivies  par  les  agens 
de  la  persécution.  Ils  l'atteigni- 
rent à  Plombières  dans  une  au- 
berge où  il  prenoit  quelque  repos, 
vers  le  soir  du  6  avril  1794  ;  et  un 
autre  prêtre  qui  s'associoit  à  ses 
courses  et  à  ses  travaux,  y  fut  ar- 
rêté avec  lui  (V .  D.  N.  Claudel). 
Tous  deux  furent  liés  et  traînés 
dans  les  prisons  de  Mirecourt.  On 
les  fit  comparaître  ensemble  de- 
vant le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement des  Vosges,  qui  sië- 
geoit  en  cette  ville.  Un  des  juges 
eut  beau  faire  tous  ses  efforts  pour 
obtenir  du  curé  Antoine  la  ré- 
vélation des  lieux  secrets  où  il 


ANT 

savoit  que  d'autres  prêtres  se 
cachoient,  lui  offrant,  à  ce  prix, 
la  vie  et  la  liberté;  ce  curé  mon- 
tra la  même  fermeté,  avec  la  même 
discrétion,  que  saint  Cyprien  en 
une  semblable  circonstance  (V. 
ci -devant,  page  G4  )  ;  et  il  fut 
condamné  à  la  peine  de  mort 
avec  son  confrère ,  comme  «  prê- 
trê  réfractaire  » ,  le  24  germinal 
an  II  (  1 5  avril  1794)-  Ce  jour-là 
même  qui  étoit  le  dimanche  des 
Rameaux,  il  fut  conduit  au  sup- 
plice dans  l'après-midi;  et,  de 
même  que  son  confrère,  il  décon- 
certa, par  le  courage  de  sa  Foi  et 
la  sérénité  de  son  visage,  la  foule 
d'impies  accourus  pour  voir  tom- 
ber leurs  têtes  ensemble  sur  le 
même  échafaud. 

ANTOINE  (Le  Père),  capucin. 

(V.  VÉRILLOT.  ) 

ANTOINE  (Le  Père),  grand 
carme.  (V.  JuSavary.) 

ANTOINE  (Pierre),  cordelier, 
de  la  maison  de  Nancy ,  dans  la 
province  de  Lorraine,  étoit  né  à 
Vagney,  dans  les  Vosges,  au  dio- 
cèse de  Saint  -  Diez.  Ferme  et 
éclairé  dans  sa  Foi ,  il  rejeta  la 
constitution  civile  du  clergé, 
et  n'en  fit  point  le  serment.  Ce- 
lui de  Ubertè-ègaliU-  ne  répugna 
pas  moins  à  sa  conscience.  Les 
administrateurs  du  département 
de  4a  Meurthc ,  où  ilrésidoit,  le. 
firent  arrêter  comme  insermenté 
en  1793.  Il  fut  condamné  à  la 
déportation  au-delà  des  mers.  On 
le  i raina  à  Rorhefort  où  il  fut  em- 


ARC 

barqué  sur  le  navire  les  Deux 
Associes  [V.  Rochefort).  Il  pé- 
rit dans  cette  cruelle  épreuve,  à 
l'âge  de  5o  ans,  le  10  août  1794? 
et  ses  confrères  l'inhumèrent  dans 
l'île  (ÏJix.  {Voy.  V.  Angard  et 
C.  C.  Ardy.) 

ANTONIN  {Le Père), capucin. 
(V.  P.  M.  N.  Deschamps.) 

APOLLINAIRE  (Le  Père), 
du  tiers-ordre  de  Saint-François 
{V.  J.  B.  N.  Hussenot.) 

APOLLINAIRE  (  Le  Père  ) , 
capucin.  [V .  J.  J.  Morei.) 

ARCELOT  (Bénigne),  simple 
ouvrier  tailleur,  né  à  Saint-Rcyne, 
prèsSemuren  Anxois,  vers  1749» 
y  exerçoit  sa  profession  avec  toute 
la  probité  d'un  chrétien,  et  mon- 
troit  une  grande  fermeté  de  Foi, 
au  milieu  des  énormes  scandales 
dont  l'athéisme  couvroitla  France 
en  1793.  Il  facilitait  même  aux 
ministres  fidèles  de  la  religion 
l'exercice  de  leur  zèle ,  et  aux 
catholiques  de  son  canton  les 
moyens  de  remplir  leurs  devoirs 
les  plus  sacrés.  Il  fut  dénoncé , 
et  jeté  dans  les  prisons  de  Dijon, 
où  il  étoit  encore  lorsque  la  loi 
du  27  germinal  (16  avril  1794) 
suspendit  toutes  les  exécutions 
dans  les  départemens,  et  voulut 
que  leurs  prisonniers  fussent  en- 
voyés à  Paris  [V .  Lois  et  Tribun, 
révol.).  Arcelot  y  fut  amené.  Le 
jour  fameux  du  9  thermidor,  il 
étoit  encore  dans  les  prisons  de  la 
capitale;  mais,  quoique  Robers- 
pierre  eut  péri,  Arcelot,  comme 


ARC  89 

beaucoup  d'autres,ne  futpas  sauvé 
de  tout  danger ,  parce  que  les 
mêmes  tyrans  opprimoient  en- 
core la  France.  On  le  fit  compa- 
roître  le  16  brumaire  an  Iil  (G 
novembre  1794)  devant  le  tribunal 
révolutionnaire  de  la  capitale, 
qui,  bien  que  renouvelé  depuis 
le  9  thermidor,  montroit  la  même 
haine  contre  la  religion.  Ce  tri- 
bunal condamna  Bénigne  Arcelot 
à  la  peine  de  mort,  comme  con- 
vaincu «  d'avoir  tenu  des  propos 
fanatiques  et  contre-révolution- 
naires ;  d'avoir  pratiqué  des  ma- 
nœuvres fanatiques  ».  Arcelot 
fut  exécuté  le  même  jour.  Si  l'on 
n'avoit  d'ailleurs  tant  d'autres 
preuves  de  l'esprit  impie  suivant 
lequel  jugeoit  ce  nouveau  tribu- 
nal, il  sufliroit  de  lire  dans  la  sen- 
tence la  manière  dont  y  fut  dési- 
gné le  lieu  de  naissance d' Arcelot, 
en  supprimant  du  nom  Saint- 
Reyne  le  mot  Saint.  Il  y  est  dit 
«  né  à  Reyne  »  .  comme  pour  at- 
tester que  le  gouvernement  des 
thermidoriens  conservoit  la  pré- 
cédente rage  du  dantonisme  . 
contre  tout  ce  qui  pouvoit  rappeler 
des  idées  de  religion. 

ARC  H  Y  (Jean  d'),  prêtre  du 
diocèse  de  Bourges,  né  à  Saint- 
Denis-de-Jouhel,  en  Berry,  vers 
1737,  étoit  à  l'époque  de  la  révo- 
lution, chanoine  de  l'église  collé- 
giale de  Châtillon  -  sur  -  Indre  . 
dans  le  même  diocèse.  Les  réfor- 
mes révolutionnaires  l'ayant  privé 
de  son  canonicat  par  la  suppres- 


90  ARD 

sion  des  chapitres,  et  sa  constance 
dans  la  Foi  catholique  l'ayant  ex- 
posé à  des  persécutions  dans  sa 
province ,  il  vint  se  réfugier  à 
Paris,  dans  la  rue  ohscure  de 
Saint-Nicolas-du-Chardonnet ,  où 
il  crut  pouvoir  rester  ignoré  ;  mais 
on  l'y  découvrit  à  la  fin  de  «790. 
11  fut  arrêté  comme  suspect,  et 
jeté  dans  la  prison  dite  des  Car- 
mes. N'ayant  pas  de  motif  po- 
litique hien  précis  pour  secon- 
der l'envie  qu'on  avoit  de  le  faire 
périr,  on  imagina  de  le  réunir  au 
grand  nombre  de  victimes  que , 
sous  le  prétexte  d'une  conspiration 
supposée  dans  la  maison  des 
Carmes,  le  tribunal  révolution- 
naire de  Paris  devoit  envoyer  à 
l'échafaud.  La  sentence  qui  le  con- 
damna à  la  peine  de  mort ,  comme 
complice  de  cette  prétendue  cons- 
piration ,  est  du  5  thermidor  an  II 
(25  juillet  î^gl)-  Elle  fut  exécutée 
le  même  jour.  Le  chanoine  d'Ar- 
chy  étoit  âgé  de  5y  ans. 

ARDY  (Charles-Claude),  prê- 
tre, chapelain  de  Sainte  -  Marie- 
Madeleine  de  Saint-Maixent ,  dans 
le  diocèse  de  Poitiers,  étoit  né  à 
Saint-Maixent  même.  Resté  fidèle 
à  la  Foi  catholique,  il  n'avoit 
point  fait  le  serment  de  1791. 
Celui  de  liberté-égalité ,  prescrit 
vers  la  fin  de  1792,  ne  fut  pas 
moins  repoussé  par  sa  conscience. 
Les  dangers  dont  il  étoit  menacé 
dans  sa  province,  le  firent  aller 
dans  celle  de  Franche  -  Comté  ; 
mais  les  révolutionnaires  du  dé- 


ÀR<* 

partement  du  Dowbs  l'y  saisirent, 
en  1790.  On  le  condamna  à  la 
déportation  au-delà  des  mers  ;  et 
on  le  conduisit  à  Rochefort,  pour 
y  être  embarqué  {V.  Rochefort), 

11  le  fut  sur  les  Deux.  Associés, 
et  succomba  sous  les  maux  dont 
on  étoit  accablé  dans  cette  es- 
pèce de  prison.  Sa  mort  arriva  le 

12  septembre  1794-  H  avoit  alors 
52  ans;  et  on  l'inhuma  dans  l'île 
Madame.  (  V.  P.  Antoine  ,  et 
P.  M.  Arfeuille.) 

ARFEUILLE  (  Pierre-Marie- 
Mourini  d'),  prêtre,  chanoine  de 
la  cathédrale  de  Reims,  né  à 
Felletin,  dans  le  diocèse  de  Li- 
moges, n'avoit  fait  aucun  des  ser- 
mens  hétérodoxes  commandés  en 
1791  et  1792.  Pour  se  mettre  à 
l'abri  de  la  persécution  qu'il  voyoit 
fondre  sur  lui,  dans  sa  province, 
il  alla  se  réfugier  en  Franche- 
Comté.  Les  administrateurs  du 
département  du  Doubs  le  décou- 
vrirent et  l'arrêtèrent.  Il  fut  con- 
duit à  Rochefort,  pour  être  déporté 
au-delà  des  mers  (  V.  Rochefort). 
Embarqué  sur  le  navire  les  Deux 
Associés,  il  succomba  sous  les 
maux  de  celte  espèce  de  prison  , 
et  mourut  à  l'âge  de  44  ans>  Ift 
9  août  1794-  On  l'enterra  dans 
l'île  A'Aix.  Tous  ceux  qui  l'ont 
connu,  en  parlent  comme  d'un 
ecclésiastique  d'un  grand  mérite. 
{V.  C.  C.  Ardy,  et  E.  Astreuse.) 

ARGICOURT  (Marie  -  Louise 
de  Fumel ,  épouse  d'),  née  à 
Paris  en  1748,  domiciliée  à  Bor- 


ARG 

dcaux,  et  mise  à  mort  dans  cette 
dernière  ville  ,  le  i"février  1794? 
parla  commission  militaire  qui  y 
faisoit  alors  tant  de  victimes  pour 
complaire  a  l'impie  Convention  , 
nous  est  indiquée  par  la  teneur 
même  de  son  jugement ,  comme 
une  vraie  Martyre.  Ce  jugement, 
copié  sur  l'affiche  qui  en  fut  pla- 
cardée ,  par  ordre  de  la  commis- 
sion militaire  de  Bordeaux ,  porte 
«  que  Marie-Louise  Fumel  d'Ar- 
gicourt,  âgée  de  45  ans,  a  démon- 
tré, par  ses  réponses  devant  la 
commission,  que  le  fanatisme 
et  l'aristocratie  étoient  si  profon- 
dément gravés  dans  son  coeur, 
qu'ils  ne  pourroient  jamais  en 
être  effacés;  qu'elle  avoit  toujours 
fréquenté  des  fanatiques,  et 
principalement  Cossé  (prêtre resté 
catholique);  qu'elle  avoit  engagé 
un  de  ses  domestiques  à  recevoir  la 
bénédiction  nuptiale  de  ce  prêtre  ; 
et  qu'elle  avoit  fourni  sa  maison, 
pour  qu'il  y  exerçât  ses  fonctions  , 
au  mépris  de  la  loi;  que,  dans 
l'extrait  de  mariage  dressé  par  ce 
prêtre,  le  25  juin  1 7Ç)5,  il  étoit 
question  de  pouvoirs  àjui  donnés 
par  les  vicaires-généraux  de 
Msr  de  Cicé,  archevêque  légi- 
time de  Bordeaux  ;  que  ,  dans 
son  testament  (qu'on  avoit  violé), 
elle  marquoit  le  mépris  le  plus  pro- 
fond pour  tout  ce  qui  n'étoit  pas 
dévoué  au  fanatisme  et  à  l'aris- 
tocratie ».  Sur  ces  motifs,  les 
juges  ordonnèrent ,  «  d'après  la 
loi  du  27  mars  1793,  que  Marie- 


AKC.  yï 

Louise  de  Fumel  d'Argicourt  su- 
biroit  la  peine  de  mort.  Signé , 
au  registre,  le  i3  pluviôse  an  If 
(1"  février  1794)  :  La  combe , 
président  ;  Parmentier ,  Mar- 
guc.rîé ,  Ancian  ,  Bar  sac  , 
membres  de  la  commission;  et 
Gissey  ,  secrétaire  ».  Les  causes 
de  la  mort  de  cette  dame  furent 
donc  sa  piété,  son  attachement  à 
l'Eglise  catholique ,  etlaprofession 
courageuse  de  sa  Foi  dans  ses 
réponses  devant  les  tyrans  :  or 
c'est  là  ce  qui  constitue  le  mar- 
tyre le  plus  formel.  Sa  vie  avoit 
été  digne  d'une  si  glorieuse  mort. 
Fille  unique  d'un  père  très-con- 
sidéré,  elle  annonça,  dès  son 
enfance,  une  grande  douceur  dans 
le  caractère,  avec  beaucoup  d'es- 
prit ;  et  les  charmes  de  la  figure 
dont  la  nature  l'avoit  douée,  ne 
furent  point  un  obstacle  à  la  piété 
pour  laquelle  le  Ciel  sembloit  l'a- 
voir fait  naître.  Elle  se  la  fit  par- 
donner au  milieu  d'un  monde 
profane,  et  même  à  la  cour,  lors- 
qu'elle y  fut  conduite,  par  suite 
de  son  mariage  avec  le  comte 
d'Argicourt.  Peu  d'années  après  , 
elle  devint  veuve;  un  fils,  seul 
fruit  de  cette  union ,  élevé  sous 
ses  yeux,  à  Bordeaux,  avec  le 
plus  grand  soin,  et  suivant  les  re- 
ligieux principes  de  sa  mère,  lui 
fut  encore  enlevé  par  la  mort.  La 
tendresse  qu'elle  avoit  pour  lui, 
rendit  sa  douleur  très-vive  ;  mais 
la  Foi  vint  au  secours  de  la  foi- 
blesse  de  la  nature,  en  lui  mou- 


ya  ARG 

trant  la  main  de  Dieu  qui  disposoit 
de  tous  les  événemens  selon  les 
vues  de  sa  profonde  sagesse ,  et  tou- 
jours pour  le  bien  spirituel  de  ses 
élus.  Elle  adora  cette  main  qui 
venoit  de  faire  à  son  cœur  une 
plaie  si  sensible  :  sa  soumission, 
sa  résignation  furent  sans  bornes  ; 
et  sa  piété  en  devint  plus  vive  et 
plus  pure.  Par  l'ordre  qu'elle 
établit  dans  sa  maison,  elle  en 
fit  une  espèce  de  monastère  sans 
austérité,  où  Dieu  étoit  honoré 
par  toutes  les  actions  de  ceux  qui 
l'habitaient.  Les  exercices  jour- 
naliers du  chrétien  y  étoient  faits 
en  commun;  et  toujours  la  veuve 
d'Argicourt  s'y  montroit  la  pre- 
mière. La  méditation,  la  prière, 
le  travail  des  mains,  les  œuvres 
de  charité,  remplissoient  presque 
tous  ses  momens.  Ceux  qu'elle 
consacroit  à  la  société,  ne  pou- 
voient  la  détourner  de  penser  à 
Dieu ,  parce  qu'il  n'y  avoit  que 
des  gens  de  bien  qui  vinssent  chez 
elle,  ou  chez  qui  elle  allât  en 
visite.  C'est  ainsi  que  Dieu  la  pu- 
rifioit  dans  le  secret,  qu'il  la  déta- 
choit  peu  à  peu  des  choses  de  la 
terre,  et  qu'il  la  fortifioit  pour  le 
jour  du  combat  auquel  il  l'avoit 
destinée.  Les  sacrifices  que  la  ré- 
volution l'obligea  de  faire,  sous  le 
rapport  de  la  fortune ,  n'excitèrent 
chez  elle  aucun  murmure.  Les 
seuls  regrets  qu'elle  en  éprouva, 
étoient  fondés  sur  la  diminution 
qui  en  résultoit  dans  les  ressources, 
que  les  pauvres  trouvoient  auprès 


ARG 

d'elle.  Les  mortifications  particu- 
lières que  des  hommes  de  la  révo- 
lution lui  firent  essuyer,  en  cette 
occasion,  ne  purent  altérer  sa 
douceur,  troubler  sa  patience,  ni 
la  détourner  en  rien  de  sa  parfaite 
soumission  à  la  volonté  de  Dieu. 
Lorsque  la  persécution  contre  les 
gens  de  bien  en  vint  à  ses  derniers 
excès  ,  dans  la  ville  de  Bordeaux, 
la  vertueuse  veuve  fut  choisie 
pour  l'une  de  ses  premières  vic- 
times (  V.  Bordeaux).  On  l'empri- 
sonna ;  et  son  père ,  avec  une  de 
ses  tantes,  qui  étoit  religieuse,  fu- 
rent en  même  temps  jetés  dans  les 
cachots.  En  vain  elle  pria  pour 
qu'on  la  mît  dans  celui  où  étoit 
son  père,  afin  qu'elle  pût  assister 
sa  vieillesse,  et  le  secourir  dans 
les  infirmités  dont  il  étoit  accablé  : 
cette  consolation  lui  fut  refusée. 
Peu  de  personnes  furent  arrêtées 
et  détenues  avec  plus  de  dureté. 
Elle  resta  en  prison  plusieurs  mois, 
pendant  lesquels  elle  fut  toujours 
malade  ;  et  ses  souffrances,  comme 
la  privation  qu'on  lui  faisoit  éprou- 
ver des  choses  les  plus  néces- 
saires à  la  vie,  loin  de  l'aigrir, 
la  combloient  de  joie.  Sa  résigna- 
tion, sa  patience,  son  inaltérable 
douceur,  enchantaient  ses  com- 
pagnons d'infortune.  Dans  la  véné- 
ration profonde  que  tous  avoient 
pour  elle ,  ils  se  disputaient  le  bon- 
heur de  lui  rendre  quelques  bons 
offices.  Ils  avoient  à  vaincre  son 
humilité,  son  esprit  de  pénitence 
qui  la  portoit  à  refuser  les  sacrifices 


ARR 

envoyé  en  179$  à  Blnye  pour 
être  déporté  à  la  Guiane  ,  avec 
quantité  de  prêtres  qui  n'avoient 
pas  voulu  faire  le  serment  de  i?qi. 
On  le  jeta  dans  le  souterrain  du 
fort  de  l'île  du  l'Iïté-de-Blaye , 
où  il  souffrît  des  maux  affreux 
(  y.  Bordeaux  ) .  Ses  souffrances 
abrégèrent  ses  jours  ;  il  ne  put 
vivre  jusqu'à  celui  de  l'embarque- 
ment qui  n'arriva  qu'à  la  fin  de 
l'automne  1794*  trois  mois  après 
ce  Neuf  thermidor,  si  vanté 
pour  sa  justice.  Bom  Arnaud 
mourut  dans  son  cachot  le  j5 
fructidor  an  11  (  i"  septembre 
1794)5  à  l'âge  de  55  ans.  (  V .  P. 

AsCLADE,  Ct  V.  AïJDTJREAtJ.) 

AlUlACHAilT  (  Marie- Mar- 
guerite-Marthe Frassen,  veuve), 
dont  le  mari  avoit  été  chirurgien 
de  l'hôpital  militaire  d'Arras , 
exerçoit  la  profession  d'accou- 
cheuse dans  la  même  ville.  Elle 
y  jouissoit  de  beaucoup  d'estime. 
Sa  vie  privée  étoit  celle  d'une 
bonne  mère ,  occupée  de  l'édu- 
cation de  ses  enfaus,  et  d'une  ex- 
cellente catholique  très-attachée 
aux  devoirs  de  sa  religion.  Sen- 
sible aux  malheurs  des  prêtres 
fidèles  que ,  non  content  d'avoir 
dépouillés ,  on  vouoit  à  l'exil ,  elle 
entra  dans  la  charitable  associa- 
tion de  la  veuve  Bataille  en  leur 
faveur  (  V.  M.  J.  D.  Bataille  ). 
Cette  association  et  les  noms  des 
personnes  pieuses  dont  elle  se 
composoit,  ayant  été  connus  du 
proconsul  Jh  Lebon  (  V .  Arras )  , 

2* 


ARS  <>5 

il  les  fit  toutes  mettre  en  prison, 
et  ordonna  à  son  tribunal  révo- 
(utionnaire  de  les  envoyer  à  la 
mort.  L'arrêté  par  lequel  il  intima 
cet  ordre  portoit  que  «  la  veuve 
Arrachai  t  et  sa  fille  étoient  plus  par- 
ticulièrement prévenues  de  corres- 
pondances criminelles  »  (  avec  des 
prêtres  déportés  ou  fugitifs)  ;  mais 
nous  apprenons  par  le  résumé  du 
président  du  tribunal  d'Amiens, 
auquel,  dans  la  suite,  Jh  Lebon 
fut  livré  pour  être  puni,  «  que  la 
veuve  Arrachart  ne  savoit  ni  lira 
ni  écrire  ».  Le  tribunal  même  de 
ce  proconsul  avoit  reconnu  que 
la  jeune  fille  de  cette  estimable 
veuve  n'avoit  eu  aucune  part  à 
des  correspondances  suspectes  , 
car  elle  fut  absoute  de  l'accusa- 
tion. La  mère,  âgée  de  54  ans, 
n'en  fut  pas  moins  condamnée  au 
dernier  supplice,  le  25  germinal 
an  II  (14  avril  1794),  avec  les  dix- 
huit  autres  personnes  qui  avoient 
participé  à  la  même  bonne  œuvre. 
La  sentence  supposa  que  la  veuve 
Arrachart,  ainsi  que  les  autres, 
étoit  «complice  de  la  conspiration 
de  la  veuve  Bataille  contre  le  peu- 
ple français  et  sa  liberté».  {V .  L„ 
F.  Ansart,  et  l\  Bâcler.) 

ARSOC  (Marcderits  Liotier, 
épouse  d' )  ,  habiloit  Laussonne 
dans  le  Velay  ;  et  ,  sincère- 
ment attachée  à  la  foi,  elle  en 
donna  des  preuves  courageuse* 
lors  de  la  persécution.  Elle  servit 
d'exemple  aux  catholiques,  non 
seulement  par  son  attachement 


0«  ART 

inébranlable  à  la  véritable  Eglise, 
niais  encôre  par  les  services  qu'elle 
rendit  aux  prêtres  tidèles.  Lorsque 
leur  tête  étoit  mise  à  prix  dans 
cette  province  (  V .  J.  11.  Abeil- 
lon  ) ,  elle  cacha  dans  sa  maison 
l'un  d'entre  eux  que  recherchaient 
les  persécuteurs.  Il  y  tut  décou- 
vert; on  la  saisit  ainsi  que  lui,  et 
on  la  traîna  dans  les  prisons  de  la 
ville  du  Puy,  où  siégeoit  le  tribu- 
nal criminel  du  département  de 
la  Ilautt-Loirc.  Le  2  pluviôse  an 
11  (  janvier  1794)  1  ce  tribunal 
la  condamna  comme  «  receleuse 
de  prêtres  réfractaires  »,  à  la  peine 
de  mort,  qu'elle  subit  le  même 
jour.  [V.  i'  Alix.) 

AIïTEL  (Beausire),  prêtre  du 
diocèse  de  Clermonten  Auvergne , 
ne  voulut  point  compromettre  sa 
Foi  par  la  prestation  du  serment 
schismatique  de  1791  (1).  Se 


(t)  Il  faut  bien  compter  parmi  les 
causes  qui  rendirent  si  héroïque  la  Foi 
des  catholiques  de  ce  diocèse ,  les  exem- 
ples que  leur  avoit  donnés  leur  digne 
évôque,  François  de  Boitai.  Chaque 
fois  que,  dans  cette  Assemblée  Cons- 
tituante, dont  il  étoit  membre  malgré 
lui ,  et  qui  décréta  la  ruine  de  l'Eglise, 
il  voyoit  adopter  une  mesure  nuisible 
à  la  religion ,  il  s'écrioit  avec  force  : 
«  Eussé-je  mille  glaives  suspendus  sur 
ma  tete,  je  ne  cesserai  de  dire  :  je 
m'oppose.  »  Le  roi  lui  ayant  écrit  aux 
approches  de  Pâques  1792,  pour  lui 
demander  si,  après  avoir  sanctionné- 
la  constitution  civile  du  clergé,  il  pou- 
voit  faire  sa  communion  pascale,  ce 
pjtdst ,  comme  un  autre  S.  Ambroise, 


ART 

croyant  dispensé  de  sortir  de 
France,  après  l'expulsion  des  in- 
sermentés ,  prononcée  par  la  loi 
du  2<j  août  1792,  il  se  relira  dans 
le  hameau  d'Orset  ",  à  quelque  dis- 
tance de  Clermont.  Les  agens  de 
la  persécution  l'y  découvrirent;  il 
lut  amené  dans  les  prisons  de 
cette  ville,  chef-lieu  du  départe- 
ment du  Puy-de-Dôme,  dont  le 
tribunal  le  condamna ,  le  5  ven- 
tôse an  II  (s3  février  1 794  ) ,  à  la 
peine  de  mort ,  comme  «  prêtre 
refractaire  à  la  loi  » .  Le  lendemain 
vit  tomber  sa  tête  sur  l'échafaud. 

ARTEN.SIE  (François  d'), 
prêtre,  né  d'une  famille  noble, 
et  curé  de  Saint-Severin-de-Tis- 
sac,  dans  le  diocèse  de  Périgueux, 
avoit  encore  plus  de  titres  à  la 
haine  des  révolutionnaires,  par 
la  fermeté  de  sa  Foi,  que  par  le 
hasard  de  sa  naissance.  Ne  voulant 


lui  répondit  :  «  J'ai  consulté  les  évo- 
ques les  plus  distingués;  ils  sont  tous 
d'avis  que  Votre  Majesté  doit  s'abstenir 
de  la  Sainte -Table.  Elle  ne  pourra, 
que  par  un  grand  nombre  d'œuvies 
méritoires,  se  laver  aux  yeux  de  Dieu 
d'avoir  concouru  à  cette  révolution. 
Je  sais  bien  que  Voire  Majesté  a  été 
entraînée  par  des  circonstances  irré- 
sistibles ;  mais  ses  fidèles  sujets  auront 
à  lui  reprocher  encore  long-temps 
d'avoir  sanctionné  des  décrets  des- 
tructifs de  la  religion.  »  L'Assemblée 
fitplus  d'honneur  qu'elle  ne  le  pensoit 
à  lévCque  de  Clermont,  lorsqu'elle- 
môme ,  pour  le  rendre  odieux  à  la  popu- 
lace ,  fit  publier  cette  réponse  par  le 
Moniteur  du  G  décembre  1792. 


ARN 

envoyé  en  1794  à  Blaye  pour 
être  déporté  à  la  Guiane  ,  avec 
quantité  de  prêtres  qui  n'avoient 
pas  voulu  faire  le  serment  de  1791. 
On  le  jeta  dans  le  souterrain  du 
fort  de  l'île  du  Pâté -de -Blaye, 
où  il  souffrit  des  maux  affreux 
(  V.  Bordeaux).  Ses  souffrances 
abrégèrent  ses  jours;  il  ne  put 
vivre  jusqu'au  jour  de  l'embar- 
quement qui  n'arriva  qu'à  la  fin 
de  l'automne  1794?  lrois  mois 
après  ce  9  thermidor,  si  vanté 
pour  sa  justice.  Dom  Arnaud 
mourut  dans  son  cachot  le  i5 
fructidor  an  II  (  1"  septembre 
1794),  à  l'âge  de  55  ans.  (  V.  P. 
Akglade  et  V.  Audureau.) 

ARNAUDEAU  (Jean-Aimé), 
simple  diacre  du  diocèse  de  Poi- 
tiers, fut  un  des  dix-sept  ecclé- 
siastiques que  le  tribunal  du  dé- 
partement de  la  Vienne,,  siégeant 
à  Poitiers,  envoya  tou9  ensemble 
à  l'échafaud  le  même  jour.  Ce  fut 
alors,  et  là  principalement,  que  se 
manifesta,  dans  toute  son  horrible 
franchise ,  le  projet  de  détruire  en- 
tièrement les  ministres  du  sanc- 
tuaire, et  tous  les  adorateurs  du  vrai 
Dieu.  On  parviendra  à  trouver  les 
noms  de  ces  nombreuses  victimes 
sacerdotales,  en  suivant  les  renvois 
indiqués  au  bas  de  cet  article.  Le 
diacre  Jean  -  Aimé  Arnaudeau, 
qui,  n'étant  point  fonctionnaire 
public,  ne  pouvoit  être  inculpé 
par  les  révolutionnaires  pour  n'a- 
voir point  fait  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé 


ARR  95 

auquel  la  loi  ne  l'obligeoit  point, 
n'en  fut  pas  moins  arrêté  à  Châ- 
telleraut  où  il  résidoit ,  et  con- 
duit dans  les  prisons  de  Poitiers 
(  V.  Vendée).  Le  tribunal  de  ce 
chef-lieu  du  département  de  la 
Vienne  le  condamna  donc,  le  28 
ventôse  an  II  (  18  mars  1794),  à 
la  peine  de  mort  comme  «  réfrac- 
taire  à  la  loi  ».  [V.  M'  Aielet  et 
Augier.  ) 

ARRACHART  (  Marie  -  Mar- 
guerite-Marthe Frassen,  veuve), 
dont  le  mari  avoit  été  chirurgien 
de   l'hôpital  militaire   d'Arras , 
exerçoit  la  profession  d'accou- 
cheuse dans  la  même  ville.  Elle, 
y  jouissoit  de  beaucoup  d'estime. 
Sa  vie  privée  étoit  celle  d'une 
bonne  mère ,  occupée  de  l'édu- 
cation de  ses  enfans,  et  d'une  ex- 
cellente catholique  très  -  attachée 
aux  devoirs  de  sa  religion.  Sen- 
sible aux  malheurs  des  prêtre» 
fidèles  que ,  non  content  d'avoir 
dépouillés,  on  vouoit  à  l'exil,  elle 
entra  dans  la  charitable  associa- 
tion de  la  veuve  Bataille  en  leur 
faveur  [V.  M.  J.  D.  Bataille). 
Cette  association  et  les  noms  des 
personnes  pieuses  dont  elle  se 
composoit,  ayant  été  connus  du 
proconsul  J1'  Lebon  (  V.  Arras), 
il  les  fit  toutes  mettre  en  prison, 
et  ordonna  à  son  tribunal  révo- 
lutionnaire de  les  envoyer  à  la 
mort.  L'arrêté  par  lequel  il  intima 
cet  ordre  portoit  que  «  la  veuve 
Arrachart  et  sa  fille  étoient  plus 
particulièrement   prévenues  de 


90  ARS 

correspondances  criminelles  » 
(avec  des  prêtres  déportés  ou 
fugitifs  )  ;  mais  nous  apprenons 
par  le  résumé  du  président  du 
tribunal  d'Amiens ,  auquel  dans 
la  suite  Jh  Lebon  fut  livré  pour 
être  puni,  u  que  la  Yeuve  Arra- 
chait ne  savoit  ni  lire  ni  écrire  ». 
Le  tribunal  même  de  ce  proconsul 
avoit  reconnu  que  la  jeune  fille 
de  cette  estimable  veuve  n'avoit 
eu  aucune  part  à  des  correspon- 
dances suspectes,  car  elle  fut  ab- 
soute de  l'accusation.  La  mère, 
âgée  de  54 ans,  n'en  fut  pas  moins 
condamnée  au  dernier  supplice ,  le 
25  germinal  an  II  (i4avril  1794) » 
avec  les  dix-huit  autres  personnes 
qui  avoient  participé  à  la  même 
bonne  œuvre.  La  sentence  sup- 
posa que  la  veuve  Arrachart,  ainsi 
que  les  autres,  étoit  «  complice 
de  la  conspiration  de  la  veuve 
Bataille  contre  le  peuple  français 
et  sa  liberté  ».  (  V.  L.  F.  Ansart 
et  P.  Baclerc.  ) 

ARSOC  (Marguerite  Liotier, 
épouse  d')  ,  habitoit  Laussonne 
dans  le  Velay;  et,  sincèrement 
attachée  à  la  religion,  elle  en 
donna  des  preuves  courageuses 
lors  de  la  persécution.  Non  seule- 
ment elle  servit  d'exemple  aux 
catholiques  par  son  attachement 
inébranlable  à  la  véritable  Eglise, 
mais  encore  par  les  services  qu'elle 
rendit  aux  prêtres  fidèles.  Lorsque 
leur  tête  étoit  mise  à  prix  dans 
celte  province  (  V.  J.  B.  Abeil- 
j.on).  elle  cacha  dans  sa  maison 


ART 

l'un  d'entre  eux  que  recherchoient 
les  persécuteurs.  Il  y  fut  décou- 
vert; on  la  saisit  ainsi  que  lui,  et 
on  la  traîna  dans  les  prisons  de  la 
ville  du  Puy,  où  siégeoit  le  tribu- 
nal criminel  du  département  de 
la  Haute- Loire  Le  i  pluviôse  an 
II  (22  janvier  1794)  >  ce  tribunal 
la  condamna  comme  «  receleuse 
de  prêtres réfractaires  »,  à  la  peine 
de  mort  qu'elle  subit  le  même 
jour.  (  y.  Je  Aux.  ) 

ARTEL  (Beausire),  prêtre  du 
diocèse  de  Clermont  en  Auvergne , 
ne  voulut  point  compromettre 
sa  Foi  par  la  prestation  du  ser- 
ment schismatique  de  1791.  Ne 
se  croyant  pas  obligé  de  sortir  de 
France ,  d'après  l'expulsion  des 
insermentés,  prononcée  par  la  loi 
du  26  aofit  1792,  il  se  retira  dans 
le  hameau  d'Orset,  à  quelque  dis- 
tance de  Clermont.  Les  agens  de 
la  persécution  l'y  découvrirent;  il 
fut  amené  dans  les  prisons  de 
Clermont,  chef-lieu  du  départe- 
ment du  Puy-de-Dôme ,  dont  le 
tribunal  le  condamna,  le  5  ven- 
tôse an  II  (25  février  1794)  j  à 
la  peine  de  mort  comme  «prêtre 
réfractai re  à  la  loi  ».  II  subit  sa 
sentence  le  lendemain. 

ARTENSIE  (  François  d' )  , 
prêtre,  né  d'une  famille  noble, 
et  curé  de  Saint-Séverin-de-Tis- 
sac,  dans  le  diocèse  de  Périgueux, 
avoit  encore  plus  de  titres  à  la 
haine  des  révolutionnaires  ,  par 
la  fermeté  de  sa  Foi,  que  par  le 
hasard  de  su  naissance.  Ne  voulant 


ASS 

point  se  rendre  coupable  du  ser- 
ment schismatique  de  1791,  il  fut 
éloigné  de  sa  cure  parles  autorités 
civiles;  et,  pour  rester  à  portée 
d'être  encore  utile  à  ses  parois- 
siens, il  vint  résider  à  Périgueux. 
Le  même  motif  le  fit  rester  en 
France,  malgré  la  loi  de  dépor- 
tation du  26  août  1792.  Sa  tran- 
quillité n'y  fut  troublée  que  plu- 
sieurs mois  après.  On  le  mit  en 
prison  dans  ces  temps  où  l'on 
ne  pou  voit  souffrir  l'existence  d'un 
seul  prêtre.  Traduit  devant  le 
tribunal  du  département  de  la 
Bordogne ,  siégeant  à  Périgueux , 
il  y  fut  condamné,  le  7  thermidor 
an  II  (25  juillet  1794)?  à  la 
peine  de  mort  «  comme  prêtre 
réfractaire  »  (  V.  P.  Peyrot 
et  J.  E.  Borie  ).  Le  lecteur 
trouvera  dans  cette  série  tous 
les  confesseurs  de  la  Foi  dont 
le  tribunal  de  Périgueux  a  fait 
des  Martyrs. 

ASSY  (Guillatime-Jean-Char- 
ies  d' ) ,  prêtre  du  diocèse  de  Paris , 
né  dans  celte  ville  en  1 7 58  ,  y  fai- 
soit  sa  résidence.  Quoiqu'il  vît  la 
fureur  de  la  révolution  déchaînée 
contre  les  prêtres  fidèles  à  leur 
Foi  et  à  leur  ministère,  vers  la  fin 
de  1792,  il  ne  sortit  point  de 
France,  et  crut  pouvoir  rester 
ignoré  dans  la  capitale.  Il  ne  put 
l'être  ;  on  l'arrêta ,  et  il  fut  jeté  dans 
la  prison  de  Saint-Lazare.  Déjà 
les  comités  révolutionnaires 
l'avoient  dénoncé  comme  fana- 
tique; cependant  il  resloit  à  peu 

2. 


AST  97 

près  oublié  dans  sa  prison,  lors- 
qu'au milieu  de  l'été  de  1794  les 
persécuteurs  imaginèrent  de  le 
faire  comprendre  dans  une  cons- 
piration supposée  des  prisonniers 
de  cette  maison.  Il  fut  accusé  d'en 
être  complice,  et  traduit  sous  ce 
prétexte  devant  le  tribunal  révo- 
lutionnaire de  Paris ,  le  7  thermi- 
dor an  II  (25  juillet  1794)-  Les 
juges  le  condamnèrent  de  suite  à 
la  peine  de  mort  «  comuid  cons- 
pirateur et  comme  fanatique  » 
(  J7.  J.  Raotjlx).  Son  exécution 
eut  lieu  le  même  jour. 

ASTREVJSE  (Exjcher),  curé 
de  Balmont ,  dans  le  diocèse  d'An- 
necy, autrement  dit  de  Genève, 
étoit  resté  dans  sa  paroisse  après 
l'invasion  de  la  Savoie  par  les 
troupes  de  la  république  française 
(  V.  Savoie).  Le  serment  qu'on 
exigeoit  alors  lui  parut  inconci- 
liable avec  sa  Foi.  Il  le  refusa,  et 
fut  recherché  par  les  administra- 
teurs révolutionnaires  du  dépar- 
tement du  Mont-Blanc.  On  l'ar- 
rêta, et  on  le  condamna  à  être 
déporté  au-delà  des  mers.  Il  fut 
en  conséquence  traîné  ,  de  village 
en  village  et  de  ville  en  ville,  jus- 
qu'à Piochefort,  pour  y  être  em- 
barqué (  V .  Nevers).  On  l'enferma 
dans  le  navire  les  Deux  Associés 
(  V .  Rochefort)  :  il  y  succomba 
sous  les  maux  qu'on  y  enduroit. 
Son  âge  alors  étoit  de  55  ans  ;  et  sa 
mort  arriva  le  21  novembre  1794. 
On  l'enterra  près  du  fort  V aseux, 
qui  est  à  l'embouchure  de  la  Cha- 

7 


98  ATT 

rente.  (  V-  P.  M.  Astreuse  et  F. 

Aubergier.  ) 

ATTIREL  (  Jean  -  Baptiste  - 
François),  prêtre,  né  à  Dôle  en 
Franche-Comté,  vers  174"?  ayant 
encouru  la  haine  des  ennemis  de 
la  Foi  par  son  attachement  à  la  reli- 
gion ,  et  croyant  pouvoir  se  mettre 
à  l'abri  de  leurs  recherches  avec 
d'autant  plus  de  facilité  qu'il  n'avoit 
pas  eu  de  charge  d'âmes,  pro- 
fita des  connoissances  qu'il  avoit 
acquises  dans  l'art  des  construc- 
tions, afin  de  se  faire  passer  pour 
architecte.  Les  agens  que  les  per- 
sécuteurs avoient  dans  sa  pro- 
vinee,  n'oublièrent  pointqu'ilétoit 
prêtre.  Us  l'arrêtèrent  comme 
suspect;  et,  d'après  la  loi  du  27 
germinal  (  V .  Lois  et  Tribunaux 
révolutionnaires),  il  fut  trans- 
féré à  Paris  pour  y  être  jugé  par 
le  tribunal  révolutionnaire  de 
la  capitale.  Aucun  délit  formel  ne 
pouvant  lui  être  imputé  ,  on  l'en- 
ferma dans  la  prison  du  Luxem- 
bourg. Voulant  enfin  se  défaire  de 
lui ,  surtout  parce  qu'ilétoit  prêtre, 
on  l'enveloppa  avec  plusieurs 
autres  ecclésiastiques  dans  la  cons- 
piration supposée  des  prisonniers 
de  ce  lieu  de  détention.  Amené 
devant  le  tribunal ,  le  22  messidor 
an  II,  (10  juillet  1794)  ■>  il  y  fut 
condamné  de  suite  à  la  peine 
de  mort  «  comme  ayant  conspiré 
(dans  la  prison)  contre  la  liberté, 
la  sûreté  du  peuple,  provoquant, 
par  la  révolte  des  prisonniers  et  par 
tous  les  moyens  possibles,  la  dis- 


ALB 

solution  de  la  représentation  na- 
tionale'). Attirel  fut  guillotiné  le 
même  jour,  à  l'âge  de  47  ans> 
(  V.  G.  Queudeville). 

AUBERGIER  (François)  ,  curé 
de  Chevagnes ,  dans  le  diocèse 
d'Autun,  et  né  à  Colombiers  dans 
celui  de  Bourges,  ne  fit  aucun 
des  sermens  prescrits  en  1791  et 
1792.  Lorsque  la  persécution  de- 
vint si  terrible  contre  les  prêtres 
fidèles  à  leurs  devoirs,  en  1795, 
l'asile  d'Aubergier  se  trouvant 
compris  dans  le  département  de 
V Ailier,  il  y  fut  arrêté,  et  bien- 
tôt condamné  à  être  déporté  au 
delà  des  mers.  On  le  fit  partir 
pour  Rochefort  où  il  devoit  être 
embarqué  {V.  Rochefort).  Le 
navire  les  Deux  Associés  fut 
celui  où  on  l'enferma.  Il  mourut 
dans  ce  genre  de  supplice,  à  l'âge 
de  53  ans,  le  9  octobre  1794,  et 
fut  enterré  dans  l'île  Madame. 
{V.  E.  Astreuse  et  G.  Aubicny.) 

ALBERT  (  Jean  -  Baptiste- 
Claude),  curé  de  Pontoise  ,  près 
Paris ,  ne  pouvant  plus  rester  dans 
sa  cure ,  en  1 792 ,  parce  qu'il  avoit 
refusé  de  trahir  sa  Foi  par  la  pres- 
tation du  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé,  avoit  un 
asile  trop  naturel  dans  le  sein  de 
Paris  pour  ne  pas  s'y  réfugier. 
Mais  il  ne  pouvoit  y  être  tout-à- 
fait  ignoré ,  soit  à  raison  des  fré- 
quentes relations  que  les  habitanï 
de  Pontoise  avoient  avec  ceux  de 
Paris,  soit  parce  qu'il  profita  du  peu 
de  liberté  dont  les  prêtres  catholi- 


AUB 

ques  jouissoicnt  encore  dans  la  ca- 
pitale, pour  remplir  quelques  fonc- 
tions ecclésiastiques.  Il  avoit  été 
trop  remarqué,  lorsqu'arriva  ce 
terrible  10  août  1792,  qui  délivra 
de  tout  frein  les  ennemis  des  prê- 
tres fidèles.  Le  curé  de  Pontoise  fut 
un  de  ceux  qu'ils  avoient  à  cœur 
de  ne  pas  épargner,  dans  le  mas- 
sacre qu'ils  vouloient  en  faire. 
Il  fut  donc   arrêté ,  et  traduit 
devant  le  comité  de  la  section 
du  Luxembourg ,  où ,  sur  la 
proposition  qui  lui  fut  faite  de 
prononcer  enfin  le  serment  civi- 
que dans  lequel  étoit  compris  ce- 
lui de  la  constitution  civile  du 
clergé,  il  répondit  par  un  refus 
qui  devenoit  une  éclatante  profes- 
sion de  la  Foi  catholique  devant 
ses  ennemis  déclarés.  Aubert  fut 
en  conséquence  condamné  au  sort 
des  confesseurs  de  la  Foi;  on  l'en- 
ferma avec  tant  d'autres  [V.  Dv- 
lau)  dans  l'église  des  Carmes, 
en  attendant  le  jour  où  il  seroit 
mis  à  mort.  Il  le  prévoyoit,  et  il 
s'y  prépara.  Le  jour  du  massacre 
■vit  le  curé  Aubert  marcher  avec 
autant  de  sérénité  et  de  courage 
que  ses  confrères  à  la  mort,  en  se 
rendant  le  consolant  témoignage 
qu'il  alloit  donner  sa  vie  pour  la 
Foi  de  Jésus -Christ.  Le  jour  de 
son  Martyre  fut  le  2  septembre 
1792.  [V.  Septembre.) 

ALBERT  (Anne- Catherine) , 
née  à  Paris  en  1765,  y  étoit  re- 
ligieuse du  couvent  des  filles  de 
Saint-Thomas,  de  l'ordre  de  Saint- 


ALB  99 

Dominique.  Les  réformes  révolu- 
tionnaires de  1791  la  mirent  hors 
de  son  cloître.  Retirée  dans  un 
modeste  domicile,  elle  y  conti- 
nuoit  paisiblement  les  exercices 
de  sa  sainte  profession.  Lorsque  la 
persécution  eut  atteint  son  plus 
haut  point  de  fureur,  vers  la  fin  de 
1793,  la  sœur  Aubert  fut  recher- 
chée par  les  persécuteurs  jusque 
dans  son  asile.  Ils  la  jetèrent  dans 
les  prisons,  en  attendant  qu'ils  eus- 
sent imaginé  un  prétexte  politique 
pour  la  faire  périr.  Ils  ne  purent 
en  trouver  de  positif  ;  et  cependant 
le  tribunal  révolutionnaire  eut 
ordre  de  l'envoyer  à  la  mort. 
Quand  elle  comparut  devant  lui, 
le  22  floréal  an  II  (1 1  mai  1794), 
il  la  condamna  ù  la  peine  c  apitale, 
ainsi  que  deux  prêtres  et  quatre 
autres  femmes,  dont  deux  étoient 
aussi  religieuses  {V.  A.  Desmarais, 
G.  B.  Goyon,  A.  J.  Desmonceaux, 
P.  L.  F.  Lecointre).  La  sentence 
la  disoit  «  convaincue  d'être  com- 
plice des  conspirations  qui  avoient 
(dit-on)  existé  depuis  le  commen- 
cement de  la  révolution  de  la  part 
des  ennemis  du  peuple  et  de  la 
liberté,  tendantes  à  allumer  la 
guerre  civile  ,  à  fanatiser  les 
citoyens  ».  La  sœur  Aubert,  con- 
duite à  l'échafaud  le  même  jour, 
y  perdit  la  vie ,  à  l'âge  d.e  5g  ans. 

ALBERT  (Pierre-Jean),  né  à 
Paris,  vers  1749?  étoit  à  l'époque 
de  la  révolution  curé  de  Passière, 
près  Dreux.  Le  refus  qu'il  fil  de 
compromettre  sa  Foi  par  la  près- 


ioo  ALB 

tation  du  serment  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  donna 
lieu  aux  administrateurs  ré- 
volutionnaires du  département 
d'Eure  et  Loir,  de  l'expulser  de 
sa  cure.  Il  se  relira  dans  le  bourg 
de  Merville,  au  diocèse  de  Bayeux , 
où  le  désir  de  rendre  son  ministère 
utile  ,  le  fît  rester  malgré  la  loi 
d'exil  rendue  le  26  août  1792 
contre  les  prêtres  insermentés. 
Il  fut  découvert  et  suivi  par  les 
agens  de  la  persécution  vers  la 
fin  de  1793.  Conduit  à  Paris, 
il  y  demeura  en  prison  jusqu'au 
25  pluviôse  an  II  (  i3  février 
1794)?  que  le  tribunal  révolu- 
tionnaire le  fit  comparoître  de- 
vant lui ,  uniquement  pour  le  con- 
damner à  mourir  sur  Pécbafaud. 
Le  prétexte  de  sa  condamnation 
étoit  «qu'il  avoit  provoqué  la  dis- 
solution de  la  Convention  ,  et  le 
rétablissement  de  la  royauté  ».  Il 
fut  exécuté  le  lendemain,  à  l'âge 

de  4^  ans- 

ALBERT  (Jeanne-Marie),  ou- 
vrière eu  dentelles  à  Beaune  en 
Velay,  dans  le  diocèse  du  Puy, 
invariablement  attachée  à  la  reli- 
gion catholique,  dont  elle  prati- 
quoit  les  vertus  ainsi  que  le  culte 
extérieur,  donna  asile  à  un  prêtre 
fidèle  et  zélé  de  qui  les  persécu- 
teurs avoient  mis  la  tête  à  prix 
(V.  Je  Alix).  On  le  découvrit  chez 
elle  ;  et  elle  fut  arrêtée  avec  lui. 
Traduite  pour  cette  sainte  et  géné- 
reuse action  devant  le  tribunal 
criminel  du  département  de  la 


ALB 

Haute-Loire,  siégeant  au  Puy, 
elle  fut  condamnée  à  la  peine  de 
mort,  comme  «recéleuse  de  prê- 
tres réfractaires  » ,  le  29  prairial 
an  II  (17  juin  1794)-  La  sentence 
fut  exécutée  le  lendemain  ;  et  le 
prêtre  fut  condamné  et  décapité 
en  même  temps  qu'elle.  C'étoit 
le  curé  J.  B.  Abeillon,  à  l'article 
duquel  nous  renvoyons  les  lec- 
teurs qui  voudroient  connoître  les 
circonstances  particulières  de  la 
persécution,  dans  le  département 
de  la  Haute-Loire. 

ALBIER  (Jean-Baptiste),  prê- 
tre, né  à  Clermont  en  Auvergne, 
en  iy5i ,  et  exerçant  le  saint  mi- 
nistère dans  le  diocèse  de  Cler- 
mont ,  n'ayant  pas  voulu  prêter 
le  serment  de  la  constitution  ci- 
v  iledu  clergé,y  avoit  éprouvé  des 
persécutions.  Pour  s'y  soustraire  , 
il  s'étoit  réfugié  à  Lyon,  où  il 
vivoit  paisiblement ,  dans  une 
maison  de  la  place  de  l'Herberie. 
Il  donnoit  néanmoins  les  soins  de 
son  ministère  aux  catholiques 
auxquels  ils  pouvoient  être  utiles. 
Quand  les  proconsuls  de  la  Con- 
vention firent  arrêter  tant  de  per- 
sonnes dans  cette  ville  ou  les 
environs,  à  la  fin  de  179^,  Jean- 
Baptiste  Aubier  fut  découvert,  et 
jeté  dans  leurs  prisons.  Traduit 
devant  leur  commission  révolu~ 
tionnaire  qui  décimoit  les  Lyon- 
nais (  V.  Lyon)  ,  il  y  fut  condamné 
à  la  peine  de  mort,  comme  «  prêtre 
réfractaire,  prêchant  la  royauté, 
et  grand  scélérat»,  le  23  pluviôse 


AUB 

an  II  (  il  février  1794)-  H  périt 
Je  lendemain ,  à  l'âge  de  43  ans.  (  V. 
Ac  Msde  Vial  et  C  Aurouze.  ) 

AUBIGNY  (Gilbert  d'),  prêtre, 
chanoine  de  la  cathédrale  de 
Bourges ,  né  dans  cette  ville , 
garda  sa  Foi  pure  et  intacte,  lors 
du  schisme  de  1791  :  il  en  re- 
poussa le  serment  avec  la  fermeté 
d'un  ministre  de  la  véritable 
Eglise.  Besté  dans  sa  patrie  lors 
de  l'expulsion  des  prêtres  catho- 
liques, en  août  1792,  il  devint 
bientôt  la  proie  des  impies  qui 
voulurent,  en  1793,  achever  de 
détruire  la  religion  de  Jésus- 
Christ.  On  le  mit  en  prison;  et, 
vers  le  commencement  de  l'année 
Ï794,  on  résolut  de  le  faire  dé- 
porter au-delà  des  mers.  Il  fut 
traîné  à  Bocheforl ,  pour  être 
embarqué.  Les  traitemens  qu'il 
éprouva,  comme  tant  d'autres, 
dans  le  trajet ,  furent  accablans 
pour  lui  (  V.  Bochefort).  A  peine 
fut-il  arrivé  dans  cette  ville,  qu'il 
se  trouva  extrêmement  malade  : 
on  se  vit  obligé  de  le  mettre  à 
l'hôpital  ;  et  il  ne  tarda  pas  à 
rendre  son  dernier  soupir.  Il  mou- 
rut dans  la  nuit  du  19  au  20  avril 
1794,  à  l'âge  de  58  ans,  et  fut 
enterré  parmi  les  pauvres  de  cet 
hôpital.  (  V.  F.  Aubekgiek  ,  et 

P.  AlJGER.) 

AliBBÏ  (  Pierre  -  Nicoias  ), 
jeune  homme  plein  de  piété,  né 
à  Coulommiers  en  Brie ,  dans  le. 
diocèse  de  Langres,  en  1769,  y 
étoit  instituteur  de  \a  jeunesse. 


AUB  10 1 

Les  principes  de  religion  qu'il  in- 
culquoit  à  ses  élèves  ,  le  rendirent 
odieux  aux  révolutionnaires  de  sa 
contrée.  Il  fut  arrêté  par  eux , 
dans  le  courant  de  1793;  et  ils  le 
firent  conduire  à  Paris ,  pour  y 
être  jugé  par  le  tribunal  révolu- 
tionnaire de  la  capitale.  Ce  tri- 
bunal, l'ayant  fait  comparoître 
devant  lui,  le  10  frimaire  an  H 
(  3o  novembre  1793),  le  con- 
damna sur-le-champ  à  la  peine 
de  mort,  comme  «convaincu  de 
conspiration  et  de  fanatisme  ». 
Il  fut  exécuté  le  lendemain,  à 
l'âge  de  24  ans. 

AUBBY  (Jeanne),  vivant  dans 
un  pieux  célibat,  avec  trois  de  ses 
sœurs,  au  bourg  de  Nolay,  près 
Beaune  en  Bourgogne ,  dans  le 
diocèse  d'Autun,  resta  inébran- 
lable dans  les  principes  de  la  Foi 
catholique.  Les  persécutions  aux- 
quelles elle  voyoit  exposés  les 
ministres  de  la  véritable  Eglise 
catholique,  l'intéressèrent  à  leur 
sort,  comme  à  celui  des  envoyés 
de  Jésus-Christ.  De  concert  avec 
ses  sœurs ,  elle  donna,  chez  elle,  un 
asile  à  quelques-uns  d'entre  eux, 
que  les  ennemis  de  la  religion 
poursuivoient.  On  les  y  décou- 
vrit :  Jeanne  Aubry  et  ses  sœurs 
furent  arrêtées  avec  eux.  On  les 
traîna  dans  la  ville  de  Dijon,  où 
siégeoit  le  tribunal  criminel  du 
département  de  la  Côte-d'Or, 
dont  Nolay  étoit  devenu  justi- 
ciable. Ce  tribunal,  jugeant  révolu- 
tionnairement,  condamna  Jeanne. 


102  AUB 

Aubry  et  ses  trois  sœurs,  quali- 
fiées toutes  quatre  de  «  filles  ma- 
jeures »  ,  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  receleuses  de  prêtres  ré- 
fractaires »  (V.  Je  Atix).  Cette 
seul' née  fut  rendue  et  exécutée  le 
a5  ventôse  an  II  (1 5  mars 

AUBRY  (Louise)  ,  sœur  de  la 
précédente,  et  domiciliée  comme 
elle,  avec  deux  autres  sœurs,  dans 
le  bourg  de  Nolay ,  prés  Beaune, 
au  diocèse  d'Autun  ,  partageoit 
leurs  bonnes  œuvres.  Elle  eut  le 
même  mérite  qu'elles  dans  la  gé- 
néreuse hospitalité  que  reçurent 
dans  leur  domicile,  en  1795,  des 
prêtres  fidèles  que  recherchoient 
les  persécuteurs.  Louise  fut  arrê- 
tée, comme  ses  trois  autres  sœurs, 
et  conduite  à  Dijon,  où  le  tribunal 
du  département  de  la  Côte-d'Or 
la  condamna,  avec  elles,  à  la 
peine  de  mort,  le  25  ventôse  an  II 
(  1 5  mars  1 794  ) ,  comme  «  recé- 
leuse  de  prêtres  réfractaires  ». 
On  a  vu,  à  l'article  de  Je  Alix, 
quel  droit  cette  qualification  pou- 
voit  donner  au  titre  de  Martyr. 

AUBRY  (Marie),  sœur  des  deux 
précédentes  et  de  la  suivante,  de- 
meuroit  avec  elles  au  bourg  de 
Nolay,  près  Beaune.  La  piété,  la 
charité  de  cette  vertueuse  fille,  la 
portèrent ,  comme  ses  trois  sœurs , 
adonner  asile  à  des  prêtres  fidèles, 
que  poursuivoient  d'homicides 
persécuteurs  (  V,  Je  Alix).  Cette 
bonne  œuvre  fut  découverte;  on 
arrêta  Marie,  ainsi  que  ses  sœurs: 
et,  traînée  avec  elles  au  tribunal 


AUC 

de  Dijon,  elle  y  fut  condamnée, 
en  même  temps  qu'elles,  à  la 
peine  de  mort ,  pour  le  même  mo- 
tif, c'est-à-dire  comme  «recéleuse 
de  prêtres  réfractaires  ».  La  sen- 
tence est  du  2  5  ventôse  an  II 
(i5  mars  1794)-  Elle  fut  exécutée 
le  même  jour. 

AUBRY  (Pierrette),  sœur  des 
trois  précédentes,  et  vivant  avec 
elles  dans  la  pratique  des  vertus 
chrétiennes ,  au  bourg  de  No- 
lay, près  Beaune,  dans  le  dio- 
cèse d'Autun  ,  eut,  comme  elles, 
aux  yeux  de  Dieu,  le  mérite  de 
vouloir  soustraire  à  la  mort  , 
de  fidèles  ministres  du  Seigneur, 
dont  la  vie  étoit  en  danger  (  V.  Y 
Alix).  Les  persécuteurs  avoient 
menacé  de  cette  peine  une  si 
sainte  et  si  généreuse  action. 
Pierrette  fut  convaincue  de  l'avoir 
faite,  de  concert  avec  ses  sœurs. 
On  la  traîna  au  tribunal  de  Dijon, 
qui ,  jugeant  révolutionnairement, 
la  condamna,  en  même  temps 
qu'elles  ,  à  la  peine  capitale  , 
comme  «  recéleuse  de  prêtres  ré- 
fractaires »  ,  le  25  ventôse  an  II 
(i5  mars  1794)-  Ces  quatre  ver- 
tueuses sœurs  périrent  le  même 
jour  ,  par  la  main  du  même 
bourreau. 

AUCHIN  (IV...) ,  prêtre,  et  re- 
ligieux prémontré  de  l'abbaye  de 
Yicoigne,  dans  le  diocèse  d'Arras, 
curé  de  la  paroisse  de  Curgies,  dé- 
pendante de  cette  abbaye,  étoit  né  à 
Seclin,  près  de  Lille  en  Flandres. 
Il  mérita  les  honorables  persécu- 


AUC 

lions  exercées  contre  lesprêtres  in- 
sermentés en  1791  et  1792.  La  loi 
de  déportation  du  26  août  de  cette 
dernière  année,  le  força  de  sortir 
de  France  ;  mais  son  zèle  le  ra- 
mena à  Valenciennes  ,  quand  les 
troupes  autrichiennes  eurent  sous- 
trait cette  ville  à  la  tyrannie  de  la 
Convention  le  1"  août  1793  [V. 
Valenciennes  ).  Lorsqu'elles  s'en 
éloignèrent  tout  à  coup  le  1"  sep- 
tembre 1794»  le  curé  Auchin  ,  de 
même  que  tous  ses  confrères, 
et  les  religieuses  revenues  précé- 
demmentdans  cette  ville  avec  con- 
fiance ,  fut  comme  eux  en  proie  à  la 
plus  sanguinaire  persécution.  Les 
proconsuls  le  firent  aussi  arrêter 
pour  êlre  livré  à  une  commission 
militaire,  chargée  d'envoyer  à  la 
mort  en  qualité  «  d'émigrés-ren- 
trés »  les  religieuses  et  les  prêtres. 
Quand  le  curé  Auchin  comparut 
devant  ce  tribunal  avec  cinq  au- 
tres, le  28  vendémiaire  an  III 
(19  octobre  1794),  il  ne  voulut 
pas  plus  qu'eux  essayer  de  racheter 
sa  vie  par  un  mensonge ,  en  profi- 
tant du  moyen  évasif  que  la  forme 
de  la  procédure  sembloit  lui  four- 
nir, lorsqu'on  lui  demanda  s'il  étoit 
sorti  de  France.  Il  rendit  un  gé- 
néreux hommage  à  la  vérité  , 
en  répondant  affirmativement  , 
ainsi  que  ses  confrères ,  et  fut 
de  suite  condamné  comme  eux  à 
périr  sur  l'échafaud  [V .  J.  B.  Du- 
bois ,  Mabille  ,  P.  Jh  Pontois, 
Gosseau  et  Malaqi'in).  Le  lende- 
main ,  il  marcha  avec  eux  au  sup- 


AUD  io7> 

plice  ,  exprimant  sa  joie  de  mourir 
pour  Jésus-Christ  et  pour  la  vé- 
rité. Il  chanta  depuis  la  prison 
jusqu'à  l'échafaud,  et  même  jus- 
qu'au moment  où  sa  tête  tomba ,  le 
cantique  Te  Dcumiaudamus.  Le 
curé  Auchin  étoit  âgé  de  5o  ans  , 
lorsqu'il  périt ,  deux  mois  et  vingt- 
quatre  jours  après  la  chute  de  Ro- 
berspierre.  Des  témoins  oculaires 
nous  attestent  d'ailleurs  que  plu- 
sieurs prêtres  de  Valenciennes  al- 
lèrent à  la  mort  en  chantant  aussi  le 
Salve,  Regina,  ou  autres  prières  ; 
qu'en  partant ,  ils  s'étoient  donné 
l'accolade  fraternelle ,  et  avoient 
dit  aux  personnes  qu'ils  laissoient 
en  prison ,  et  qui  pleuroient  sur 
leur  sort  :  «  Loin  de  pleurer  sur 
nous,  mes  amis,  vous  devriez  bien 
plutôt  vous  réjouir  avec  nous,  de 
la  grâce  qu'on  nous  procure  de 
donner  notre  vie  pour  la  Foi  »  ; 
qu'enfin  tous  montrèrent  la  plus 
grande  résignation ,  s'exhortant  à 
mourir  avec  courage.  [V .  C.  M.  Jh 
Vienne  et  J.  L.  Barrez.) 

AU  DIE  R  (Marguerite).  [V. 
Mc  Bauzac) 

AUDIGIER  (Simon)  ,  curé  de 
Saint-Laurent-de-Père  ,  et  né  à 
Charrais  en  Poitou,  fut  expulsé 
de  sa  cure  en  1791,  pour  n'avoir 
pas  voulu  faire  le  serment  schis- 
matique  de  cette  époque.  Quelque 
danger  qu'il  courût  en  restant  en 
France,  il  y  fut  retenu  par  son 
zèle  pour  la  Foi  catholique  [V .  Ven- 
dée). On  l'arrêta  enfin  au  com- 
mencement de  1794;  et  il  fut 


104  AUf> 

traîné  à  Paris  ,  pour  y  être  jugé 
parle  trihunnlrévotutionnaire  de 
la  capitale.  Ce  tribunal ,  l'ayant  fait 
comparaître  devant  lui,  le  28  mes- 
sidor an  II  (16  juillet  1 794)  »  'e 
condamna  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  convaincu  de  s'être  dé- 
claré l'ennemi  du  peuple,  en  exci- 
tant des  troubles  tendans  au  réta- 
blissement de  la  royauté  ».  II  fut 
exécuté  le  même  jour,  à  l'âge  de 
<}2  ans.  [V.  au  tom.  1,  pag.  55.) 

AUDUREAli  (Vincent)  ,  prêtre 
de  Bordeaux,  aumônier  de  l'hos- 
pice des  Enfans-Trouvés  de  cette 
ville,  appelé  la  ^manufacture , 
ètoit  né  à  La  Réole,  en  1717.  Il 
éprouvoit  déjà,  dans  sa  vieillesse, 
un  chagrin  bien  amer  de  voir  atta- 
quée dans  ses  dogmes  la  religion, 
au  saint  ministère  de  laquelle  il 
avoit  consacré  une  longue  vie. 
D'autres  peines  lui  étoient  réser- 
vées, parce  que  le  Ciel  avoit  dé- 
cidé qu'il  en  seroit  le  Martyr.  En 
1795,  il  fut  arrêté  et  jeté  dans 
les  prisons  de  Bordeaux.  Bientôt 
après,  on  l'envoya  àBlaye,  pour 
y  attendre  le  jour  où  il  seroit  enfin 
transporté  à  la  Guiane  (  V .  Bor- 
deaux). Cependant  ,  le  grand  nom- 
bre des  premiers  qui  le  furent  vers 
la  fin  de  l'automne  1794?  trois 
mois  après  la  chute  de  Robers- 
pierre,  ne  permit  pas  d'y  com- 
prendre le  prêtre  Audureau  ;  et  il 
resta  enfermé  dans  le  souterrain 
humide  et  fétide  du  fort  de  l'île 
du  Pâté-de-Blaye.  Cet  affreux 
supplice  mina  sa  santé  au  point 


AW 

qu'on  ne  put  se  dispenser  de  le 
faire  porter  à  l'hôpital  de  Blaye, 
où,  toujours  souffrant  pour  Jésus- 
Christ ,  il  mourut  le  \l\  frimaire 
an  III  (4  décembre  1794)  >  à  l'âge 
de  77  ans.  {V .  D.  Arnaud  et  Av- 

GAN.) 

AUFFR  A  Y  (  N. . .  ) ,  prêtre  du  dio- 
cèse de  Nantes,  né  en  la  paroisse 
de  Montluc,  près  Savenay ,  en 
1 744  ?  y  consacroit  son  ministère 
à  seconder  le  curé  dans  ses  fonc- 
tions pastorales.  Quand  celui-ci 
fut  obligé ,  comme  non  -  asser- 
menté, de  s'éloigner  de  ses  pa- 
roissiens ,  son  coopérateur  Auf- 
fray,  de  qui  l'on  n'a  voit  pas  le 
droit  d'exiger  le  serment  schisma- 
tique,  crut  pouvoir  rester  au  mi- 
lieu d'eux  pour  continuer  à  les 
conduire  dans  les  voies  du  salut, 
selon  les  principes  de  l'Eglise  ca- 
tholique ;  et  il  remplaçoit  en  tout, 
avec  beaucoup  de  fruit,  le  pasteur 
qu'ils  avoient  perdu.  La  Foi  ne 
cessant  pas  d'être  florissante  en 
ce  canton,  Auffray  fut  signalé  par 
les  ennemis  de  la  religion.  Leur 
rage  devint  plus  audacieuse  après 
la  défaite  de  l'armée  catholique  et 
royale  au  Mans  et  à  Savenay, 
vers  le  milieu  de  décembre  1793 
{V .  Vendée).  La  soif  qu'ils  avoient 
du  sang  des  catholiques,  n'avoit  pu 
être  assouvie  par  celui  des  innom- 
brables victimes  qu'ils  avoient  déjà 
fait  immoler  dans  ces  deux  villes. 
Auffray,  qui  s'étoit  retiré  à  Laval- 
lay ,  près  Do! ,  fut  découvert  chez 
l'honnête  habitant  qui  l'avoit  reçu 


AU  G 

dans  sa  maison  ;  et  on  l'y  arrêta 
le  i5  mai  17q4-  Déposé  d'abord 
dans  la  prison  de  la  municipalité 
d»  lieu,  il  y  resta  presque  entiè- 
rement sans  nourriture  pendant 
plusieurs  jours  ,  ainsi  que  son 
hôte,  et  la  femme  de  celui-ci 
qu'on  avoit  également  arrêtés 
',  {V.  Bernard).  Ensuite  on  les 
conduisit  tous  les  trois  à  Savenay, 
pour  y  être  jugés  par  la  commis- 
sion militaire  de  cette  ville.  Elle 
le  condamna,  le  jour  même  de  son 
arrivée,  29  floréal  an  II  (18  mai 
*794j  ù  être  fusillé  comme  «prê- 
tre réfractaire  et  brigand  de  la 
Vendée  ».  Dans  la  même  journée, 
il  fut  mis  à  mort  de  la  manière 
que  le  prescrivoit  la  sentence. 
Les  ossemens  de  ce  vertueux 
prêtre  furent  inhumés  au  lieu  de 
son  martyre  ;  ils  y  restèrent  jus- 
qu'au i!\  septembre  1816,  que  la 
piété  des  fidèles  vint  en  faire  re- 
ligieusement l'exhumation.  Ces 
précieuses  reliques  furent  portées 
avec  vénération  à  Nantes;  et  plu- 
sieurs curés  des  environs  assis- 
tèrent à  cette  pieuse  translation. 

AUGAN  (iY...), prêtre,  religieux 
capucin  du  diocèse  de  Bazas,  né 
à  Sainte-Bazeille ,  près  Marmande 
en  Bazadois,  département  de  Lot 
et  Garonne,  ©toit  regardé,  non 
sans  motif  en  1790,  comme  un 
prêtre  insermenté,  c'est-à-dire 
inébranlable  dans  les  principes 
et  les  pratiques  de  la  religion  ca- 
tholique. 11  fut  à  ce  titre  ,  mis  en 
prison,  et  envoyé  à  Blaye  pour 


Al'G  n>6 

être  déporté  avec  beaucoup  d'au- 
tres à  la  Guiane  {V .  Bordeaux). 
Le  souterrain  du  fort  de  l'île  du 
Pâté  dans  lequel  on  le  jeta,  en 
attendant  l'époque  de  l'embarque- 
ment, étoit  un  supplice  qui  ne 
pouvoit  lui  permettre  de  vivra 
jusqu'alors.  Ce  fut  dans  cet  affreux 
cachot  qu'il  expira,  le  27  pluviôse 
an  II  (  1 5  février  1794) ,  à  l'âge  de 
57  ans.  {V.  AuDUREAnet  P.Aussel.) 

ALGEABD  (N. . .  ) ,  prêtre  qu'on 
trouve  nommé  Augard  sur  le  re- 
gistre de  l'état  civil  de  Paris  , 
parmi  les  prêtres  non-assermentés 
qui  furent  massacrés  aux  Carmes 
le  2  septembre  1792,  est  appelé 
Augeard  dans  la  liste  des  mêmes 
victimes  que  renferme  VHistoire 
de  la  Révolution  du  10  août 
1 792 ,  publiée  à  Londres  en  1 790 , 
par  M.  Peltier.  Nulle  part  il 
n'est  désigné  ni  par  ses  quali- 
tés, ni  par  son  nom  de  baptême. 
Comme  en  quelques  listes  des 
membres  de  l'Assemblée  Cons- 
tituante on  voit  un  député  du 
clergé  d'Angers,  archiprêtre  et 
curé  d'Andard,  nommé  Augeard  . 
que  d'autres  listes  du  même 
genre  appellent  Bangcard ,  on 
pourroit  croire  que  c'est  de  lui 
que  le  registre  mortuaire  veut 
parler.  Mais  ce  curé  Augeard  avoit 
adhéré  par  sa  signature,  le  6  dé- 
cembre 1790,  à  l'opinion  hétéro- 
doxe du  député  réformateur  Ca- 
mus, énoncée  dans  l'assemblée ,  le 
27  novembre  précédent,  en  faveur 
de  la  constitution   civile  du 


io6  AUG 

clergé.  Il  est  vrai  cependant 
qu'on  ne  le  vit  point  ensuite 
parmi  les  ecclésiastiques  députés 
qui,  en  janvier  suivant,  y  jurèrent 
avec  une  scandaleuse  solennité 
cette  œuvre  de  schisme  et  d'héré- 
sie. Seroit-il  revenu  dès  lors  à 
des  sentimens  ortodoxes  ?  Auroit- 
il  été  regardé  par  les  novateurs 
comme  prêtre  insermenté,  et  par 
conséquent  digne  de  leur  haine  ? 
S'agiroit-il  ici  plutôt  d'un  prêtre 
nommé  Augard ,  qui  étoit  secré- 
taire du  grand-vicariat  de  Rouen , 
comme  nous  l'apprend  ia  France 
Ecclésiastique  de  1789?  Nous 
penchons  hien  davantage  à  nousen 
rapporter  à  une  liste  de  victimes 
sacerdotales,  imprimée  à  Rome, 
en  1794,  à  la  suite  de  l'ouvrage 
dont  il  sera  parlé,  à  l'article  Au- 
gier,  et  dans  laquelle  on  lit  : 
«  Augeard ,  vicaire  de  la  paroisse 
de  S.  Sauveur,  à  Paris  ».  C'est  à 
lui  que  paroissent  appartenir  plus 
spécialement  les  circonstances  de 
la  mort  du  prêtre  appelé  mal  à 
propos  Augard,  et  qui  avoit  ma- 
nifesté un  attachement  inflexible 
à  la  Foi  de  l'Eglise  catholique. 
Peu  de  jours  après  la  fatale  journée 
du  10  août,  le  prêtre  Augeard 
fut  arrêté  comme  insermenté,  et 
enfermé  dans  l'église  des  Carmes 
{  V.  Septembre).  Quoiqu'il  prévît 
bien  qu'il  étoit  destiné  à  une  mort 
prochaine  et  violente,  sa  fermeté 
n'en  fut  point  ébranlée  (  V.  Du- 
lkv).  Elle  se  fortifia  même  dans 
les  pieux  exercices  par  lesquels  , 


AUG 

de  concert  avec  d'autres  prêtres 
captifs  de  Jésus-Christ,  il  se  pré- 
paroit  à  la  mort  ;  et,  le  jour  où  il 
devoit  la  recevoir  étant  arrivé,  il 
se  présenta  courageusement  au 
martyre,  s'estiniant  heureux  de 
répandre  son  sang  pour  la  cause 
de  l'Eglise  catholique. 

AUGEARD  (.Michel-Jean-Ma- 
rie), curé  de  Noirlieu.  (F.  M.  J. 
M.  Ogeard.  ) 

ALGER  (Pierre),  prêtre  de 
Rouen ,  très-distingué  par  ses  ver- 
tus, et  né  à  Fromontel,  près  l'ab- 
baye de  Foucarmont,  dans  le  dio- 
cèse de  Rouen,  montra  toute  la 
fermeté  d'un  bon  prêtre  catholique 
contre  le  schisme  de  1791.  Il  ne 
fit  aucun  des  sermens  prescrits 
par  l'impiété  révolutionnaire. 
N'ayant  point  été  fonctionnaire 
public ,  il  se  crut  dispensé  de  sortir 
de  France,  suivant  la  rigoureuse 
loi  du  26  août  1792,  et  resta  dans 
sa  province.  Ou  l'y  arrêta  en  1790; 
et  il  fut  condamné  à  être  déporté 
au-delà  des  mers.  Traîné  à  Roche- 
fort,  et  embarqué  sur  (es  Deux 
Associés  (  F.  Rochefort  ) ,  il 
mourut  dans  cette  espèce  de  sup- 
plice, à  l'âge  de  4°  ans>  'e  11 
aofit  1794  •"  on  l'enterra  dans 
l'île  à'Aix.  (  V.  G.  Acbigny  et 
P.  Airelle.  ) 

AUGIER  (#...),  archiprêtre  et 
curé  de  Montmorillon,  dans  le 
diocèse  de  Poitiers,  violemment 
persécuté  à  cause  de  son  refus  du 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé ,  mourut  en  1790  ,  des 


AUG 

mauvais  traitemens  que  celte  per- 
sécution lui  avoit  attirés.  Nous  le 
trouvons  cité  comme  Martyr,  à 
la  suite  de  la  traduction  française 
d'un  très-beau  discours  latin ,  pro- 
noncé à  Rome  avec  un  applau- 
dissement général  en  1794*  par 
le  même  31.  Marotti,  ex-Jésuite, 
alors  professeur  d'éloquence  au 
Collège  Romain  ,  qui  devint  en- 
suite prélat  et  secrétaire  des  lettres 
latines  de  Pie  VI  dans  son  exil. 
Cette  traduction,  faite  à  Rome  par 
M.  l'abbé  d'Auribeau,  et  imprimée 
dans  cette  capitale  du  monde  chré- 
tien ,  la  même  année,  est  intitulée  : 
Sur  les  Prodiges  par  lesquels  le 
Seigneur  a  manifesté  sa  toute- 
puissance  ,  pour  la  défense  et  la 
gloire  de  son  Eglise  en  ces  der- 
niers temps.  L'original,  publié 
sous  les  yeux  du  Pape ,  étoit  dédié 
au  clergé  de  France  :  Quant  Jo- 
sephus  Marotti  reclor  decuria- 
lis  Collegii  Romani  scripsit,  et 
Ctero  Gallicano  Ecctesiœ  pro- 
pugnatori  ac  vindici  dedica- 
vit  :  Archiepiscopis ,  Episco- 
pis,  Presbijteris,eœterisque,  in 
dispersion»  Gallicana,  catho- 
licœ  tinitatis  MJRTYRIBUS 
clarissimis,  et  auctoritatis  Ro- 
manœ  invictis  assertoribus ; 
Romœ,  1794-  Nous  en  avons  déjà 
parlé  ci-devant,  page  55.  (V. 
J.  A.  Ardeau  et  M.  Babin.  ) 

AUGUSTIN  (Saur  Saint-), 
religieuse.  (  V.  M'  C1,e  Lidoine.  ) 

AUGUSTIN  (Le Père),  capu- 
cin de  Lyon.  (  V.  Choiullagxjet.  ) 


AUR  107 

AUGUSTIN  (Sœur  Saint-), 
religieuse.  (  V.  M&ie  Bonneret.  ) 

AURELLE  (Pierre  d'),  que 
mal  à  propos  dans  quelques  listes 
on  a  nommé  Dorel,  étoit  un  cha- 
noine prêtre,  du  chapitre  noble 
de  Saint- Pierre  de  Mâcon.  I! 
avoit  reçu  le  jour  à  Croupières, 
dans  le  diocèse  de  Clermont  en 
Auvergne.  Après  la  dissolution  de 
son  chapitre,  en  1791,  il  conti- 
nua d'habiter  le  Maçonnais,  qui 
faisoit  alors  partie  du  départe- 
ment de  Saône  et  Loire.  Comme 
les  autorités  extrêmement  révo- 
lutionnaires qui  subjuguoient 
cette  province ,  le  firent  mettre 
en  prison  dès  le  commence- 
ment de  1 790 ,  nous  sommes 
autorisés  à  croire  qu'il  avoit  cons- 
tamment résisté  à  leurs  vues  im- 
pies ;  et  cette  conjecture  acquiert 
la  consistance  de  la  vérité  quand 
nous  le  voyons ,  à  la  On  de  cette 
année,  traîné  à  Rochefort  pour 
être  compris  dans  la  déportation 
maritime  des  prêtres  fidèles  à  leur 
Foi  et  à  leur  sacerdoce  (  V.  Ro- 
chefort). Le  chanoine  d'Aurelle 
fut  embarqué  en  mars  1 794  ,sur  le 
IVashington,  où,  après  avoir 
supporté  quelque  temps  avec  assez 
de  force  les  maux  de  cet  embar- 
quement ,  il  tomba  dangereuse- 
ment malade.  Il  mourut  en  oc- 
tobre 1794,  à  l'âge  de  52  ans,  et 
fut  enterré  dans  l'île  Madame. 
Les  notices  que  nous  avons  reçues 
d'un  compagnon  de  sa  déporta- 
tion qui  lui  survivoit,  appliquent 


ioS  A  lift 

à  ce  chanoine  une  remarque  qu'il 
rendoit  commune  à  tous  les  dé- 
portés de  Mâcon  et  à  la  plupart 
de  ceux  de  Verdun  et  de  Toul, 
savoir  qu'il  «  ignoroit  si  Pierre 
d'Amélie  étoit  assermenté  ou  non  ; 
mais  qne  la  charité  ne  permettoit 
pas  d'en  douter».  Les  autorités 
citée9  dans  notre  Discocrs  pré- 
lim. ,  en  faveur  de  ceux  qui  sont 
envoyés  à  la  mort  en  haine  de  leur 
Foi ,  veulent  que  nous  comptions 
cet  ecclésiastique  au  nombre  de 
nos  Martyrs.  (  V.  P.  Auger  et 

J.  B.  AlZANET.  ) 

AUROUZE  (Claude),  négociant 
de  Lyon ,  étoit  un  laïc  d'une  piété 
exemplaire,  s'adonnant  singuliè- 
rement aux  oeuvres  de  charité.  II 
étoit  peu  d'indigens  à  qui  il  n'eût 
procuré  des  secours;  et  ces  se- 
cours étoient  toujours  accompa- 
gnés de  pieuses  consolations  et 
d'encouragemens  à  la  vertu.  Pen- 
dant le  schisme  de  l'Eglise  consti- 
tutionnelle ,  il  rendit  les  plus  éini- 
nens  services  aux  prêtres  fidèles 
et  aux  catholiques  en  proie  à  la 
persécution.  La  part  qu'il  prit  à 
la  défense  de  la  ville,  suivant  ses 
principes,  son  caractère,  ses  pen- 
chans  et  ses  moyens,  lorsqu'elle 
étoit  assiégée  par  les  soldats  de  la 
Convention,  lui  valut  d'être  ar- 
rêté peu  de  temps  après  le  siège 
(  V :  Lyon).  Quantité  de  bons  ci- 
toyens travaillèrent  à  sa  déli- 
vrance ;  mais  les  forcenés  de  son 
quartier  demandoient  sa  mort 
avec  une  fureur  toujours  crois- 


AUR 

santé.  Ils  imaginèrent  de  rappeler 
que,  deux  années  auparavant, 
dans  l'Eglise  paroissiale  de  Saint- 
Nizier,  Aurouze  avoit  pris  parti 
pour  un  prédicateur  (l'abbé  Lin- 
solas,  depuis  lors  vicaire -général 
principal  du  diocèse  )  contre  le- 
quel une  multitude  d'impies  y  fai- 
soient  une  émeute  ;  et  le  président 
du  tribunal,  après  lui  avoir  fait 
des  questions  à  ce  sujet,  conclut 
par  lui  dire  :  «  Tu  es  donc  faita~ 
tique,?»  Aurouze  répondit  :  «Je 
serai  tout  ce  que  tu  voudras  ; 
mais  je  suis  catholique  ».  Aussitôt 
il  fut  envové  à  la  cave  ou  prison 
de  mort.  Conduit  au  supplice  le 
lendemain,  il  y  marchoit  avec 
sérénité,  saluant  même  les  per- 
sonnes de  sa  connoissance  qui 
se  trouvoient  sur  son  passage. 
Un  étranger  qui  le  vit  passer , 
ayant  dit  assez  haut  avec  étonne- 
ment:  «Voyezcomme  ils  vont  avec 
gaîté  à  la  mort»  !  Aurouze  qui  l'en- 
tendit lui  répliqua  aussitôt  :  «Il n'y 
a  nulle  raison  de  s'attrister  quand 
on  va  à  la  mort  pour  sa  Foi  » .  Ré- 
plique admirable  qui  renfermoit 
tout  ce  que  le  saint  martyr  Maxi- 
milien,  aussi  laïc,  avoit  dit  aux 
chrétiens  en  allant  à  la  mort  : 
«  Que  peut-on  désirer  avec  plus 
d'ardeur  que  de  voir  Dieu  !  Faites 
donc  promptement  tous  vos  efforts 
pour  obtenir  qu'il  vous  accorde 
une  couronne  semblable  à  la 
mienne  »  :  Et  càm  duceretur 
ad  locum ,  sic  ait  :  Fratrcs  di- 
Icctissimi ,  quantacumque  po- 


AliR 

lestis  virtute,  avida  cupidilatc 
properate ,  ut  Dominum  vobis 
videre  contingat  ,  et  talem 
etiam  vobis  coronam  tribuat 
(  Ruinart ,  Jeta  S.  Maximil. 
Martyris).  Ce  fut  avec  cette  paix 
et  ces  sentimens  qu'il  consomma 
son  sacrifice  ,  le  3  pluviôse  an  II 
(22  janvier  1794)»  à  l'âge  de  (>o  ans. 
{V.  J.  Aubier  et  P.  Aurouze. ) 

AUROUZE  (Pierre),  prêtre, 
habitué  de  l'église  collégiale  de 
Saint  -  Nizier  de  Lyon,  âgé  de 
42  ans,  et  avec  qui  nous  avons 
fait  une  partie  de  nos  études  théo- 
logiques au  même  séminaire , 
étoit  un  de  ces  ministres  de  la  re- 
ligion, qui  réunissoient  au  plus 
grand  zèle ,  la  vie  la  plus  édifiante. 
Il  se  distinguoit  surtout  par  une 
éminente  charité.  Comme  il  étoit 
vénéré  par  ses  concitoyens ,  l'un 
d'eux  le  fit  délivrer  la  première  fois 
qu'il  fut  arrêté,  après  le  siège  de 
cette  ville,  quoiqu'il  eût  fait  au 
commissaire  interrogateur  ,  des 
rénonses  qui  dévoient  le  perdre. 
«  Pourquoi  es-tu  arrêté  »  ?  lui  avoit 
dit  celui-ci;  et  Aurouze  avoit  ré- 
pondu franchement:  «Parce  que 
je  suis  prêtre  ».  —  «  Mais,  as -tu 
prêté  le  serment  ?  —  Je  n'ai  fait 
aucun  de  ceux  que  la  révolution  a 
imaginés  ».  11  fut  arrêté  de  nou- 
veau bientôt  après,  le  14  novem- 
bre 1793  [V.  Lyon),  sans  qu'il  y 
eût  de  nouvelles  charges  contre 
lui  ;  et  les  juges  demandèrent  au 
comité  révolutionnaire  qui  l'a- 
voit  privé  de  sa  liberté  ,  quels 


ALR  109 

étoieul  les  délits  qu'on  lui  impu- 
toit.  Ce  comité  répliqua  :  «  Il  est 
prêtre  ;  c'en  est  assez  ».  Quand  il 
comparut  devant  le  tribunal  de 
sang,  on  lui  répéta  les  questions 
qui  lui  avoient  été  faites  pré- 
cédemment par  le  commissaire 
interrogateur  ;  et  il  répondit  de 
même.  On  y  ajouta  celles  -  ci  : 
«  Veux-tu  prêter  le  serment  de 
liberté  -  égalité  ?  —  Non.  — 
«Veux-tu  donner  tes  lettres  de  prê- 
trise ?  ■ — Non».  Aussitôt  il  fut 
condamné  à  la  mort,  comme 
«  prêtre  réfractaire  et  contre-révo- 
lutionnaire »  ;  et  on  l'envoya  dans 
la  cave  de  ceux  qui  étoient  desti- 
nés à  périr.  En  attendant  sa  der- 
nière heure,  dans  ce  triste  lieu, 
il  travailla  au  salut  des  autres  con- 
damnés qu'il  y  trouva,  confessa 
plusieurs  d'entre  eux,  et  en  con- 
vertit deux  qui  avoient  été  de  vio- 
lens  persécuteurs,  au  temps  du 
triomphe  de  l'Eglise  constitution- 
nelle. Il  eut  le  temps  encore  d'é- 
crire a  ses  païens ,  une  lettre 
pleine  d'une  sainte  joie.  C'étoit 
vraiment  dans  ce  fervent  ministre 
du  Seigneur  «  cette  même  force 
d'âme ,  que  saint  Léon  admiroit 
dans  un  célèbre  Martyr  des  pre- 
miers temps,  et  qui,  inspiré  prin- 
cipalement par  l'amour  de  J.-C, 
non  seulement  ne  cédoit  pas  aux 
sollicitations  impies  de  ses  juges, 
mais  confortoit  encore  les  autres 
par  son  exemple  et  ses  discours  (  1  ) . 


(1)  Illa  mirabilis  aninti  fortitudo  (h 


no  AUS 

On  le  vit  marcher  à  la  mort  avec  un 
calme  inaltérable  ;  et ,  dans  l'ar- 
deur de  la  prière  qu'il  fit  à  son  der- 
nier moment,  on  t'entendit  pro- 
noncer distinctement  ces  paroles  : 
«  Mon  Dieu ,  je  vous  offre  ma  mort 
en  expiation  de  mes  péchés  !  mon 
Dieu,  je  vous  recommande  mon 
fime  !  »  C'est  dans  ces  sentimens 
qu'il  donna  sa  vie  pour  la  Foi,  le 
21  décembre  1793.  [V.  Cl.  Au- 
ivoi'ze,  et  P.  Avinal.) 

AUSSEL  (Pierre),  prêtre  non- 
assermenté  du  diocèse  de  Ro- 
dez, né  à  la  Panouse,  dans  le 
Rouergue,  ne  s'étant  pas  déporté 
lui-même,  parce  qu'il  vouloit 
rester  dans  sa  province  pour  l'u- 
tilité des  catholiques  ,  fut  arrêté 
en  1793,  et  destiné  à  être  envoyé 
au-delà  des  mers.  On  le  fit  con- 
duire, en  1794?  à  Bordeaux,  pour 
y  être  embarqué  {V.  Bordeaux). 
Le  premier  embarquement  se  fit 
trois  mois  après  la  chute  de  Ro- 
herspierre;  et  le  nombre  de  ceux 
qu'on  y  comprenoit ,  étant  déjà 
très-considérable ,  le  prêtre  Aussel 
resta  dans  la  prison  qu'on  appe- 
loit  le  Dépôt  national.  Ses  maux 
j-uinoient  sa  santé  ;  il  tomba  gra- 
vement malade  ;  on  ne  put  se  dis- 
penser de  le  porter  à  l'hôpital 
de  Saint -André,  où  il  ne  cessa 
pas  d'être  captif.  Il  y  mourut,  le 


Christi  principalitcr  amore  concepla  , 
non  solùin  ipsa  non  cederet ,  sed  etiam 
(dios  robortiret  (Serm.  VIII,  in  feslo 
S.  Laurent ■  ) 


AUT 

5  janvier  179J,  à  l'âge  de  !\7y  uni, 
{V.  AuGANet  Saint-Aymard.) 
AUSTRAY(Françoise),  veuve. 

{V-  Fe  JOTIRtil.) 

AUTICHAMP  (François-Char- 
les -  Antoine  de  Beaumont  d'), 
prêtre,  chanoine  de  l'église  mé- 
tropolitaine de  Paris,  depuis  1769, 
éloit  né  à  Angers,  en  1758.  11 
partagea  les  sentimens  de  ses  con- 
frères ,  dans  les  célèbres  protesta- 
tions de  son  chapitre,  contre  les 
anli  -  religieuses  innovations  de 
l'Assemblée  Constituante ,  si  énei- 
giquement  combattues  dans  ces 
protestations,  par  M.  l'abbé  Roux 
de  Bonne  val ,  chanoine  de  la  même 
église,  et  député  du  clergé  de  la 
ville  de  Paris,  encore  vivant,  et 
chanoine  de  la  métropole  de 
Vienne  en  Autriche,  sous  le  nom 
italien  de  Comte  Rufo  ,  comme 
étant  de  l'illustre  famille  napoli- 
taine de  ce  nom,  dont  celui  de 
Roux  est  la  traduction  française. 
Le  chanoine  d'Autichamp ,  tou- 
jours fidèle  aux  principes  de 
l'Eglise  catholique ,  et  domicilie 
dans  la  capitale  ,  ne  la  quitta 
point,  même  après  la  loi  de  dé- 
portation du  26  août  1792.  Sa 
sécurité  le  livra  aux  persécuteurs. 
Il  fut  arrêté  dans  son  domicile, 
l'année  suivante  ;  et ,  après  être 
resté  long-temps  dans  la  maison 
des  Carmes,  transformée  en  pri- 
son, dont  enfin  le  tribunal  révo- 
lutionnaire, eut  ordre  d'expédier 
promptement  les  détenus ,  il  fut 
une  des  victimes  du  stratagème 


AUZ 

employé  à  cette  fin.  On  supposa 
que  ces  prisonniers  avoient  cons- 
piré contre  la  Convention  ;  et  l'abbé 
d'Autichamp  fut  condamné  à  la 
peine  de  mort,  comme  complice 
de  cette  conspiration,  le  5  thermi- 
dor an  II  (a3  juillet  1794)-  Son 
exécution  eut  lieu  le  même  jour. 
Il  avoit  alors  56  ans. 

AUVRAY  (Léonore-Augustin), 
dont  il  est  possible  que  le  nom  ait 
été  un  peu  défiguré  sur  les  listes 
des  victimesde  la  commission  mi- 
litaire de  Laval,  qui  le  fit  périr  le 
1 8  germinal  an  II  (7  avril  1 794) , 
étoit  curé  dans  le  Maine.  Ilréunis- 
soit  au  tort  d'être  issu  d'une  famille 
noble,  le  tort  bienplusgrand  d'avoir 
refusé  le  serment  schismatique  de 
1791,  et  le  serment  impie  de  li- 
ber té-égalité.  Le  lieu  où  il  s'étoit 
retiré,  après  avoir  été  expulsé  de 
sa  cure,  par  suite  de  son  refus  du 
premier  serment,  étoit  laBazouge- 
de-Chemeré,  près  Laval.  Le  seul 
prétexte  de  sa  condamnation  fut 
qu'il  étoit  «  contre  -  révolution- 
naire», en  ce  sens,  qu'il  sulfisoit, 
pour  l'être,  d'avoir  un  attache- 
ment invincible  à  la  Foi  que  la  ré- 
volution avoit  proscrite.  (  V.  Ven- 
dée et  Laval.) 

ALZA.N  ET  (Jean  -  Baptiste)  , 
prêtre,  chanoine  semi-prébendé 
de  la  collégiale  de  Saint-Junien- 
sur-Yienne  ,  dans  le  diocèse  de 
Limoges  (  V.  F.  J.  Couasnon)  ,  et 
né  à  Saint-Junien  même,  se  garda 
bien  de  participer  en  rien  au 
schisme  constitutionnel  de  1791. 


AUZ  ut 

Sa  conscience  resta  même  pure, 
des  sermens  qu'on  exigea  ensuite 
des  prêtres  ;  et  il  demeura  dans  sa 
province ,  malgré  la  loi  menaçante 
du  26  août  1792.  On  l'y  arrêta  en 
179J  :  après  quelques  mois  de  sé- 
jour dans  les  prisons  de  Limoges, 
il  se  vit  condamner,  par  le  tribu- 
nal criminel  du  département  delà 
Haute-Vienne,  à  la  déportation 
au-delà  des  mers.  On  le  conduisit , 
en  conséquence  ,  à  Rochefort  , 
pour  y  être  embarqué;  et  il  le  fut 
sur  le  navire  les  Deux  Associés 
[V .  RocnEFORT).  Les  forces  de  la 
nature  ne  furent  point  égales  dans 
lui  à  celtes  de  la  Foi  et  de  sa  vertu. 
Il  succomba  le  21  août  1794,  à 
l'âge  de  t\%  ans,  et  fut  enterré 
dans  l'île  Madame.  Auzanet  avoit 
des  talens  distingués  pour  la  mé- 
canique; mais  son  plus  grand  mé- 
rite étoit  d'être  un  prêtre  fort 
vertueux,  suivant  ce  que  nou* 
attestent  des  personnes  qui  l'ont 
connu ,  et  ceux-là  même  qui  ont 
reçu  ses  derniers  soupirs.  (  V.  P. 
Aurelle,  et  A.  Bannassat.) 

AUZÉBY  (  Jean  -  Baptiste  ). 
citoyen  de  Nismes,  âgé  de  36  ans. 
n'étoit  d'aucune  des  compagnies 
combattantes  qui  résistèrent  aux 
attaques  des  protestans,  le  14  juin 
1790  (  V .  Nismes)  ;  mais  il  avoit 
signé  la  déclaration  par  laquelle 
étoit  demandé  à  l'Assemblée  Cons- 
tituante, le  maintien  de  la  religion 
catholique.  La  profession  de  Foi 
qu'Auzéby  avoit  faite  si  coura- 
geusement, en  cette  rencontre 


112  AUZ 

l'avoit  signalé  aux  agresseurs, 
comme  une  victime.  Il  sortoit 
désarmé  par  la  porte  d'Alais, 
fuyant,  avec  Claude  Dumas,  les 
massacres  qui  se  faisoient  dans 
Nismes  :  deux  religionnaires  les 
poursuivirent  jusque  dans  une  mé- 
tairie où  ils  étoient  allés  se  réfugier, 
les  criblèrent  de  coups  de  fusil,  et 
les  dépouillèrent.  Ces  détails  sont 
confirmés  par  les  procès -ver- 
baux des  ofliciers  municipaux  de 
Nistnes ,  en  date  des  2,5,4  ma'  > 
i3,  14»  i5juin,  etc.,  imprimés 
à  Paris,  chez  Valleyre ,  rue  de  la 
Vieille -Bouderie.  (F.  Dumas  et 
P.  Bataille.  ) 

AUZOUX  (Pierre),  simple 
laboureur  au  village  de  Saint- 
Àubin-de-Courville,  près  de  Lou- 
viers,  en  Normandie,  avoit  pré- 
servé sa  Foi  des  séductions  du 
schisme  de  1791,  et  manifestoit, 
sans  craindre  les  pervers,  son  atta- 
chement inviolable  à  l'Eglise  ca- 
tholique. Le  système  d'athéisme 
que  la  Convention  voulut  établir 
par  toute  la  France,  avec  les 
moyens  les  plus  violens,  à  la  fin 
de  1793,  ne  déconcerta  point  la 
piété  de  ce  bon  laboureur.  Ne 
pouvant  pas  plus  le  vaincre  que  le 
séduire,  les  impies  résolurent  de 
le  faire  périr.  Il  fut  arrêté ,  con- 
duit à  Paris;  et  le  tribunal révo^- 
iuf  ionnairede  cette  ville,  l'ayant 
fait  comparoitre  devant  lui,  le 
1"  messidor  an  II  (19  juin  2794)5 
le  condamna  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  contre -révolutionnaire 


AUZ 

fanatique».  Il  périt  le  même 
jour,  à  l'âge  de  32  ans. 

AUZURET  (  N.  .  .  )  ,  curé 
d'une  paroisse  du  diocèse  de 
Saintes,  avoit  été  obligé  de  s'en 
éloigner,  parce  qu'il  avoit  refusé 
d'adhérer  à  la  constitution  civile 
du  clergé ,  et  que  ce  refus  l'y  ex- 
posoit  à  des  persécutions  que  l'E- 
vangile même  lui  conseilloit  de 
fuir.  Jeune  encore,  il  avoit  toute 
la  fermeté  évangélique  des  prêtres 
consommés  dans  le  sacerdoce. 
Dans  cet  état  de  proscription,  il 
jugea  convenable  de  venir  se  ré- 
fugier à  Paris,  près  de  sonévêque, 
qui  lui  avoit  donné  l'exemple  d'une 
semblable  constance  dans  la  Foi 
{V.  La  Rochefoucauld-Bayers). 
Il  étoit  destiné  par  la  Providence 
à  le  suivre  jusque  dans  la  voie 
du  martyre.  Arrêté  en  même 
temps  que  lui,  dans  les  jours  qui 
suivirent  la  catastrophe  horrible 
du  10  août  1792,  il  fut  conduit 
comme  lui  au  comité  de  la  section 
du  Luxembourg,  pour  y  voir  en- 
core éprouver  sa  Foi ,  au  milieu  des 
plus  imminens  dangers ,  parla  pro- 
position de  faire  le  serment  civi- 
que ,  lequel  comprenoit  celui  qu'il 
avoit  déjà  refusé.  Un  nouveau 
refus  de  sa  part,  fait  avec  plus  de 
courage  encore  que  le  précédent, 
lui  valut  d'être  condamné  à  être 
emprisonné  ,  avec  d'autres  géné- 
reux confesseurs  de  Jésus-Christ , 
dans  l'église  des  Carmes  [V.  Du- 
lau  ).  11  s'y  fit  remarquer  sur- 
tout par   l'empressement  qu'il 


ave 

mettoit  à  venir  au  devant  de  ceux 
qui  y  arrivoient  après  lui,  et  à 
leur  rendre  tous  les  soins  de  la 
plus  touchante  charité.  Si,  le  jour 
du  massacre,  il  fut  appelé  avant 
son  évêque ,  pour  recevoir  des 
assassins  le  coup  de  la  mort,  ce 
fut  pour  que  le  prélat  eût  la  con- 
solation de  voir  un  da  ses  jeunes 
curés  lui  servir  à  son  tour  de  mo- 
dèle, et  marcher  aussi  courageu- 
sement qu'il  alloit  le  faire  lui- 
même,  pour  donner  sa  vie  afin  de 
conserver  sa  Foi.  (  V.  Septembre.) 

AVE  (Simon),  né  à  Lyon,  et 
chanoine  de  Villefranche  en  Beau- 
jolais, s'étoitattirél'animadversion 
des  révolutionnaires  de  cette  der- 
nière ville,  par  son  refus  d'adhé- 
rer à  la  constitution  civile  du 
clergé.  Néanmoins,  il  a  voit  con- 
tinué d'y  résider ,  et  il  remplis- 
soit  paisiblement  ses  devoirs  de 
chrétien  et  de  prêtre,  lorsqu'après 
le  fatal  siège  de  Lyon ,  les  farou- 
ches proconsuls  que  la  Conven- 
tion envoya  dans  cette  grande  cité, 
se  mirent  à  en  décimer  les  habi- 
tans.  Simon  Avé  qui  avoit  64  ans , 
et  n'étoit  pas  redoutable  ,  fut  dé- 
noncé par  les  soi-disant  patriotes 
de  Villefranche  ;  ils  l'arrêtèrent 
et  l'amenèrent  à  Lyon.  Traduit 
devant  la  commission  révolution- 
naire de  cette  ville  {V.  Lyon), 
il  y  refusa  le  serment  de  liberté- 
égalité  qu'elle  demandoit,  et  fut 
condamné,  le  \(\  pluviôse  an  II 
(2  février  179/1),  'A  'a  peine  capi- 
tale, non  comme  contre-révolu- 
2. 


AVI  n5 

tionnaire  de  Lyon,  l'accusation 
eut  été  trop  évidemment  ridicule, 
mais  comme  «prêtre  fanatique  ». 
[V.  J.  B.  Atjbier  et  Avinal.) 

AVIGNON  (#...)»  prêtre  du 
diocèse  de  Montpellier,  né  dans 
cette  ville ,  n'étant  point  fonc- 
tionnaire public  lors  de  l'établis- 
sement de  la  constitution  civile 
du  clergé,  ne  fut  pas  requis  d'en 
prêter  le  serment.  Il  Pauroil  re- 
fusé avec  courage,  tant  il  étoit  ré- 
solu à  mourir  dans  la  Foi  de  l'E- 
glise catholique.  Il  brûloit  même 
du  désir  de  donner  sa  vie  pour 
elle.  N'étant  point  sorti  de  France 
après  la  loi  de  déportation  ,  et 
voyant  s'accroître  les  fureurs  de 
la  persécution,  il  accepta  l'asile 
secret  que  de  bons  catholiques 
lui  offroient  dans  leur  maison. 
Mais,  quand  il  connut  le  décret  qui 
portoit  la  peine  de  mort  contre 
ceux  qui  recevroient  chez  eux  des 
prêtres  non-assermentés,  il  trem- 
bla pour  ses  généreux  hôtes  plus 
quepourlui-même  ;  et  présumant, 
d'après  la  loi  de  déportation,  que 
s'il  se  livroit  lui-même  aux  auto- 
rités administratives ,  on  ne  le 
condamneroit  qu'à  être  déporté 
à  la  Guiane,  il  résolut  d'aller  se  dé- 
vouer, en  quelque  sorte,  à  cette 
peine  {V.  Rochefort).  «Mais, 
lui  disoient  ses  amis,  pour  l'en 
détourner,  s'il  arrive  qu'on  vous 
condamne  à  la  peine  capitale  »  ! 
—  «  Eh  bien  !  répliquoit  -  il , 
que  la  volonté  de  Dieu  soit  faite  : 
je  dois  me  livrer,  pour  soustraire 

8 


u4  AVI 

à  la  mort  les  hôtes  charitables 
qui  ont  eu  le  courage  de  s'y  ex- 
poser pour  me  la  faire  éviter». 
Sa  démarche  fut  un  de  ces  actes 
de  vertu  que  S.  Thomas  dit  com- 
mandés, selon  la  préparation  de 
l'âme  ;  et  Avignon  étoit  comme 
ces  SS.  confesseurs,  qui  ,  par  zèle 
pour  la  Foi  ou  par  charité  fra- 
ternelle ,  se  livrèrent  au  martyre  : 
«Dictum  est  quœdam  prœcepta 
iegis  divinœ  tradita  esse  secun- 
dùm  prœparationem  animi... 
et  hoc  prœcipuè  videtur  ob- 

servandum  in  martyrio  

cùm  ex  zelo  fidei  et  charitate 
fraterna  ,  multoties  leguntur 
Martyres  spoate  se  obtulisse 
martyrio  (Pars  2  ,  Quœst.  1 24 , 
art.  \",ad  3m;etart.  3,  ad  2m). 
Quelques  membres  du  tribu- 
nal criminel  du  département  de 
l' Hérault ,  siégeant  à  Montpel- 
lier ,  ayant  à  prononcer  sur  le 
sort  d'Avignon ,  vouloientluicon- 
server  la  vie;  mais  le  président 
insista  si  fort  pour  qu'on  lui  appli- 
quât la  loi  portée  contre  les  prêtres 
dits  rèfractaires ,  que  les  juges 
qui  lui  étoient  favorables  furent 
forcés,  en  quelque  sorte,  de  le 
condamner  comme  tel  au  dernier 
supplice ,  non  le  9  mai  1 794 ,  sui- 
vant que  d'autres  l'ont  écrit ,  mais 
le  21  floréal  (10  mai  1794)-  Le 
9  mai  1 794 ,  correspondoit  au 
30  floréal,  jour  de  décade,  où  l'on 
ne  prononçoit  point  de  jugemens , 
et  l'on  ne  faisoit  point  d'exécu- 
tions. Avignonentenditla  sentence 


AVR 

sans  en  être  troublé,  et  presque 
avec  joie.  Il  demanda  qu'on  lui 
permît  d'avoir  un  crucifix  à  la 
main,  en  allant  à  l'échafaud.  Cette 
faveur  lui  fut  refusée.  Mais  il  por- 
toit  dans  son  cœur  Jésus  crucifié  ; 
et  cela  suffisoit  pour  soutenir  son 
courage.  Le  même  jour  sa  tête 
tomba  sous  le  fer  de  la  guillotine. 
[V .  v'Ballard  et  N.  Bernardon.) 

AVINAL  (Paul),  natif  de  Lyon, 
avoit  passé  sa  jeunesse  à  Mont- 
pellier, où  il  avoit  embrassé  l'état 
ecclésiastique.  Fidèle  aux  prin- 
cipes de  sa  religion ,  il  étoit  resté 
bien  éloigné  des  erreurs  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
et  des  écarts  révolutionnaires.  De 
tels  sentimens  l'avoient  fait  fuir 
quelque  temps  vers  le  Poitou;  et 
il  étoit  revenu  à  Lyon  où,  pour  sa 
sûreté ,  il  se  cachoit  sous  la  profes- 
sion de  fabricant  de  navettes.  Les  ré- 
volutionnaires, ayant  comprisqu'il 
n'étoit  pas  un  des  leurs,  le  dénon- 
cèrent à  la  commission  révolu- 
tionnaire établie  à  Lyon  à  la  fin 
de  1793  {F.  Lyon)  ;  et  cette  com- 
mission le  condamna,  le  26  fri- 
maire an  II  (16  décembre  1795), 
à  la  peine  capitale ,  «  comme  fa- 
natique, venu  de  la  Vendée,  et 
comme  contre-révolutionnaire.  » 
Il  avoit  41  ans  lorsqu'il  perdit  ainsi 
la  vie  pour  la  cause  de  la  religion. 
[V.  AvÉet  P.  AcaouzE.) 

AVRIL  (Jean -Philippe)  ,  né  à 
Pleslin  ,  non  loin  de  Dinan  ,  en 
1754,  et  prêtre  du  diocèse  de 
Saint-Brieuc,  attaché  à  l'église  de 


AVR 

Tadain ,  près  de  S.  Malo  ,  n'avoit 
pas  voulu  prêter  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  ctergè; 
et ,  pour  être  utile  aux  fidèles  du 
canton  ,  il  s'étoit  soustrait  à  la 
loi  de  déportation.  Un  jour  qu'il 
étoit  secrètement  à  Plcslin  chez 
sa  mère ,  femme  respectable  par 
son  âge  avancé  et  par  ses  vertus, 
des  sbires  révolutionnaires  péné- 
trèrent dans  la  maison,  et  arrê- 
tèrent la  mère  avec  le  fils;  ils  les 
traînèrent  l'un  et  l'autre  à  Saint- 
Brieuc,  pour  y  être  jugés  par  le 
tribunal  criminel  du  département 
des  Côtes-du-Nord ,  siégeant  en 
cette  ville.  Ce  tribunal ,  devant 
lequel  tous  les  deux  comparurent 
ensemble ,  condamna  le  prêtre 
Avril  à  la  peine  de  mort  comme 
«  réfractaire  »  ;  mais  il  n'osa  pro- 
noncer la  même  peine  contre  la 
mère ,  pour  avoir  donné  asile  à 
son  fils  :  elle  fut  absoute,  sans 
avoir  compris  qu'il  étoit  con- 
damné au  dernier  supplice.  Avril, 
ramené  dans  la  prison  avec  elle  , 
profitoit  de  son  erreur,  afin  de  la 
prémunir  contre  toute  inquié- 
tude ,  lorsqu'elle  le  verroit  em- 
mener pour  le  conduire  au  sup- 
plice. «On  va  venir  me  prendre 
pour  me  transporter  ailleurs,  lui 
disoit  -  il  ;  n'en  concevez  point 
d'alarmes  » .  Cette  bonne  mère , 
ayant  été  mise  en  liberté  avant 
que  son  fils  sortît  pour  marcher 
à  l'échafaud,  s'en  retourna  chez 
elle  avec  l'espoir  qu'il  viendroit  la 
ifjoindre.  Mais  lorsqu'elle  y  ar- 


AY1VI  u5 

riva,  il  avoit  déjà  perdu  la  vie 
pour  la  cause  de  la  Foi.  Il  périt 
le  jour  même  du  jugement,  le 
22  pluviôse  an  II  (  10  février 
»794)- 

AYMARD  (Silvestre)  ,  prêtre 
du  diocèse  de  Rodez,  né  à  Or- 
liaguet ,  dans  le  Rouergue ,  et  curé 
d'une  paroisse,  dont  le  nom  mal 
écrit  dans  les  registres,  semble 
être  Sibrasac,  ou  Libersac,  ou 
simplement  Sivras,  n'avoit  point 
fait  le  serment  de  1791  ;  et,  vou- 
lant continuer  de  rendre  son  mi- 
nistère utile  aux  catholiques  de 
son  canton,  il  ne  s'étoit  point 
exilé  suivant  la  disposition  de  la  loi 
du  26  août  1792.  Il  fut  arrêté  en 
1793  pour  être  déporté  comme 
réfractaire,  à  la  Guiane,  et  en- 
voyé pour  cet  effet  à  Bordeaux 
{V.  ce  mot).  Le  premier  embar- 
quement n'eut  lieu  que  trois  mois 
après  la  chute  de  Roberspierre , 
et  le  curé  Aymard  n'y  fut  pas  com- 
pris. Il  resta  enfermé  dans  le  fort 
du  Ha.  Les  souffrances  que  les 
prêtres  y  éprouvoient,  n'étoient 
pas  moindres  que  celles  de  la  dé- 
portation. Il  y  succomboit,  lors- 
qu'on le  fit  transporter  à  l'hôpital 
de  Saint-André ,  où  il  ne  cessa  pas 
de  souffrir  pour  Jésus-Christ.  Il 
y  rendit  son  dernier  soupir ,  le  29 
octobre  1794»  à  l'âge  de  l\\  ans. 
(F. P.  AussEtet  F.  Bachelier.) 

AYMÉ  (Joseph-Etienne),  prê 
tre,  Sgé  de  55  ans,  et  membre 
de  la  congrégation  de  Saint-Sul- 
pice,  n'ayant  dû  ni  voulu  prêter 


uG  AYR 


AYR 


le  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé,  obéissait  à  la 
loi  de  déportation  du  26  août 
1792.  Il  se  rendoit  aux  frontières 
dans  une  voiture  de  voyage,  avec 
deux  autres  Sulpiciens  et  un  cha- 
noine d'Orléans  [V.  Segretier  et 
Lemercier  )  ,  lorsque  passant  à 
Couches,  gros  bourg  à  cinq  lieues 
d'Autun,  le  8  septembre  suivant, 
ils  furent  assaillis  par  la  populace 
[V.  Septembre).  Le  maire  ne  put 
les  sauver;  et  Aymé  fut  massacré 
avec  ses  trois  compagnons,  parce 
qu'il  étoit  prêtre,  et  n'avoit  pas 
voulu  trahir  sa  Foi.  Les  circons- 
tances de  cet  événement  sont  ra- 
contées à  l'article  de  F.  Segeetier. 

AYRAULT  (Antoine-Pierre), 
né  à  Saint- Maixent  dans  le  Poi- 
tou, en  1760,  étoit,  à  l'époque 
de  la  révolution,  vicaire  à  Niort, 
diocèse  de  La  Rochelle.  Il  re- 
fusa de  faire  le  serment  schisma- 
tique  de  1791,  et  fut  persécuté. 
Plus  la  constance  de  sa  Foi,  et 
la  sainte  activité  de  son  zèle  le 
rendoient  cher  aux  Vendéens  com- 
battans  pour  leur  religion  comme 
pour  la  monarchie,  plus  la  rage 
des  ennemis  de  la  Foi  s'augmen- 
toit  contre  lui.  Il  fut  saisi  par  eux 
à  Niort  même ,  et  traîné  à  Paris. 
Ou  le  fit  comparaître  devant  le 
tribunal  révolutionnaire  de  la 
capitale,  le  i5  messidor  an  II  (5 
juillet  1794);  et  il  y  fut  con- 
damné presque  aussitôt  à  la  peine 
de  mort  comme  «  convaincu  de 
s'être  déclaré  Yeimemi  du  peu- 


ple, en  cherchant  à  exciter  la 
guerre  civile  par  le  fanatisme  » . 
Il  n'avoit  que  3i  ans;  et  son  exé- 
cution eut  lieu  le  même  jour. 

AYROLLES  (Paul),  curé  de 
Reyre-Vignes,  dans  le  diocèse  de 
Cahors,  depuis  1756,  y  étoit  né 
à  Lunan,  près  de  Figeac,  vers 
1731.  La  vénération  qu'inspi- 
roient  ses  vertus  pastorales,  la 
droiture  de  son  âme  et  la  justesse 
de  son  esprit,  porta  le  clergé  du 
Quercy,  assemblé  à  Cahors,  à  le 
nommer  député  ecclésiastique  de 
cettesénéchausséeauxEtats-Géné- 
raux  en  1789.  Cette  nomination, 
faite  en  son  absence,  alarma  sa  mo- 
destie :  il  vint  dire  à  son  évêque  , 
Louis -Marie  de  Nicolaï,  qu'il 
n'accepteroit  la  députation  qu'au- 
tant que  le  prélat  le  lui  ordonne- 
roit.  «  On  ne  commande  rien  aux 
hommes  de  votre  mérite,  lui  ré- 
pliqua celui-ci;  mais,  puisque 
vous  l'exigez,  je  vous  ordonne 
d'accepter  et  de  partir  ».  Il  mon- 
tra dans  l'assemblée  des  Etats , 
bientôt  devenue  Assemblée  Cons- 
tituante, une  sainteté  et  une  fer- 
meté de  principes  telles  que  le 
fameux  Mirabeau  ,  croyant  se 
venger  avec  une  raillerie  d'avoir 
été  confondu  par  lui  sur  une  ma- 
tière qui  intéressoit  la  religion, 
l'appela,  avec  plus  de  justice  qu'il 
ne  le  croyoit,  «  la  sainte  relique 
du  Quercy  ».  Non  seulement  il 
refusa  avec  beaucoup  de  fermeté 
le  serment  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé;  non  seulement  i! 


AYR 

digna  l'adhésion  à  YExposition 
des  principes  des  évoques  contre 
elle;  il  signa  encore,  avec  la  partie 
la  plus  honorable  et  laplus  saine  de 
l'assemblée,  1°.  cette  courageuse 
déclaration  qu'elle  fit  «  touchant 
l'acte  constitutionnel  et  l'état  du 
royaume,  le  5i  août  1791  »;  ot 
20.  le  i5  septembre  suivant,  une 
autre  déclaration  de  la  môme 
portion  de  l'assemblée  «  sur  l'ac- 
ceptation donnée  par  le  Roi  à 
l'acte  constitutionnel  ».  Pendant 
son  absence,  les  autorités  révolu- 
tionnaires de  Figeac  avoient  mis 
à  sa  place  dans  sa  cure  un  prêtre 
schismatiqUe  :  néanmoins  il  vou- 
lut y  revenir  quand  la  session 
de  l'Assemblée  Constituante  l'ut 
terminée.  Il  se  présenta  d'abord 
chez  quelques  uns  des  adminis- 
trateurs du  district  de  Figeac , 
pour  leur  déclarer  qu'il  retour- 
noit  dans  sa  paroisse  ,  leur  di- 
sant :  «  Si  l'on  me  dénonce  au- 
près de  vous  pour  avoir  em- 
pêché mes  paroissiens  d'aller  à  la 
messe  de  l'intrus,  vous  n'aurez 
pas  besoin  de  faire  des  enquêtes  ; 
je  me  dénonce  moi-même  d'a- 
vance :  vous  ferez  de  moi  ce  qu'il 
vous  plaira  ;  il  faut  que  je  rem- 
plisse mon  devoir  ».  Il  n'arriva 
cependant  rien  de  fâcheux  d'abord 
à  ce  pasteur,  tant  sa  vertu  impri* 
moit  de  respect  ;  mais  enfin  ,  la 
persécution  croissant  en  force 
comme  en  délire,  il  crut  devoir 
se  retirer  dans  sa  famille.  Etant 
ensuite  passé  sur  le  territoire  de 


AYR  117 

Clermont  (ou  Puy-de-Dôme), 
et  y  ayant  eu  connoissance  du 
décret  de  déportation  quin'exemp- 
toit  de  cette  peine  les  sexagénai- 
res, du  nombre  desquels  il  étoit, 
que  lorsqu'ils  se  confineroient 
eux-mêmes  dans  une  maison  de 
commune  réclusion,  il  alla  cher- 
cher à  la  municipalité  de  Cler- 
mont un  passeport  pour  se  rendre 
en  réclusion  dans  son  départe- 
ment, celui  du  Lot.  Comme  le 
municipal  auquel  il  s'adressoit  lui 
demandoit  s'il  étoit  prêtre,  «oui, 
répliqua-t-il  avec  courage,  et  je 
me  fais  gloire  de  l'être  ».  Sur 
cette  réponse ,  la  municipalité  le 
fit  enfermer  dans  sa  prison.  Il 
y  resta  deux  mois,  après  lesquels 
on  l'envoya  dans  la  maison  de 
réclusion  des  prêtres  sexagénaires 
ou  infirmes  du  département,  à 
Clermont  même.  Comme  il  s'y 
rendit  utile  par  quelques  connois- 
sances  médicales  qu'il  avoit,  sur- 
tout sur  les  maladies  des  yeux  ; 
comme  les  gens  même  de  la  ville 
recouroient  à  lui  pour  des  infirmi- 
tés de  ce  genre ,  les  administra- 
teurs l'y  retinrent  quand  la  plu- 
part des  autres  prêtres  reclus 
furent  envoyés  par  eux  à  Bor- 
deaux, d'où  ils  dévoient  être  em- 
barqués pour  la  Guiane  (  V.  Bor- 
deaux). Ils  quittèrent  avee  dou- 
leur le  curé  Ayrolles,  disant  par- 
tout que  le  clergé  du  Quercy  leur 
avoit  donné  un  saint  pour  compa- 
gnon de  captivité  à  Clermont.  Ce 
pasteur  n'en  demeuroit  pas  moins 


n8  AZA  / 

disposé,  de  cœur  et  d'âme,  à  voir 
terminer  sa  détention  par  le  der- 
nier supplice  pour  la  cause  à  la- 
quelle il  la  devoil.  La  Teille  du  jour 
où  il  alloit  être  mis  en  liberté ,  sans 
qu'il  pût  le  prévoir  avec  une  con- 
fiance bien  fondée,  il  expira;  et  ce 
jour  étoit  le  20  juin  1795.  On  lui 
trouva  un  cilice  sur  la  chair ,  quand 
on  dépouilla  son  corps  pour  le 
mettre  dans  le  cercueil. 

AZAERT  (Pierre -Jacques), 
dit  Azor ,  né  à  Héringen,  dans 
le  diocèse  d'Ypres  en  Flandre, 
vers  1747»  et  chanoine  de  cette 
Tille ,  avoit  échappé  aux  persécu- 
tions faites  aux  prêtres  non-asser- 
mentés, parmi  lesquels  il  pou- 
▼oit  être  compris  (  V.  Belgique). 
La  tolérance  religieuse,  que  la 
Convention  sembla  manifester  en 
ï  ^gô ,  parut  favorable  au  zèle  de 
cet  ecclésiastique  ;  mais  il  devint 
la  victime  de  sa  confiance,  après 
la  crise  du  18  fructidor  (4  sep- 
tembre 1797).  Comme  il  ne  vou- 
loit  point  faire  le  serment  de  haine 
à  la  royauté ,  le  commissaire 
du  Directoire  dans  son  dépar- 
tement le  fit  arrêter,  et  conduire 
à  Rochefort  pour  en  être  déporté 
à  la  Guiane,  d'après  la  loi  du  19 
fructidor  an  V  (  V.  Lois  et  Tribu- 
naux révolutionnaires);  et,  le 
i"aout  1795,  on  l'embarqua  sur 
la  frégate  la  Bayonnaise ,  où  il 
partagea  les  souffrances  de  ses 
compagnons  de  voyage.  Arrivé  à 
Cayennele  29 septembre  suivant, 
«1  fut  relégué  dans  la  contrée  de 


AZE 

Konanama  (  V.  Guiane).  La  con- 
tagion que  la  terre  y  exhale  s'em- 
para de  lui  :  on  le  porta  à  l'hos- 
pice de  ce  désert;  et  il  y  mourut 
le  18  novembre  1798,  âgé  d'en- 
viron 5i  ans,  laissant  pour  toute 
succession  l'exemple  de  sa  rési- 
gnation ,  le  souvenir  de  ses  ver- 
tus, et  la  modique  somme  de 
14  Hv.  16  sous.  (  V .  Allagnoh  et 
J.  B.  Baillt). 

AZERA  (Pierre  -  François)  , 
prêtre  du  diocèse  de  Toulouse, 
et  religieux  de  l'ordre  de  la  Merci , 
avoit  montré  un  grand  zèle  dans 
l'exercice  du  saint  ministère.  Il  s'é- 
toit  distingué  principalement  dans 
la  carrière  de  la  prédication,  par 
des  talens  supérieurs  et  par  des 
conversions  très-remarquables.  La 
révolution  vint  lui  interdire  l'exer- 
cice public  de  ce  ministère,  puis- 
qu'il ne  pouvoit  continuer  à  le 
remplir  qu'en  faisant  le  serment 
schismatique  de  1791,  qu'il  refusa. 
Proscrit  comme  non-assermenté , 
il  se  vit  obligé  par  la  loi  du  26 
août  1792  à  sortir  de  France; 
mais  son  zèle  l'y  ramena  clandes- 
tinement en  1793,  pour  l'utilité 
des  catholiques  de  Toulouse.  Les 
services  spirituels  qu'il  leur  ren- 
doit ,  le  firent  découvrir  :  il  fut 
arrêté  et  livré  au  tribunal  crimi- 
nel du  département  de  la  Haute- 
Garonne,  siégeant  en  cette  ville. 
Ce  tribunal ,  qui  cherchoit  comme 
tous  les  autres  à  priver,  autant 
qu'il  le  pouvoit,  de  l'honneur  du 
martyre  les  personnes  qu'il  con- 


BAB 

damnoit  pour  leur  Foi,  se  con- 
tenta de  qualifier  «  d'émigré-ren- 
tré »  le  P.  Azera,  en -l'envoyant  à 
l'échafaud  le  3o  septembre  1 793. 
Azera  n'étoit  censé  émigré  que 
parce  qu'il  avoit  été  déporté  ;  et  il 


BAB  1 19 

n'avoit  été  déporté  que  parce  qu'il 
n'avoit  pas  voulu  faire  le  serment 
de  la  constitution  civiie  du 
clergé. 

AZOR  (Pierm- Jacques),  cha- 
noine. (  V .  P.  Jls  AzAERT.  ) 


B 


BABIC  (Antoine),  curé  de 
Puymasson ,  près  de  Port-Sainte- 
Marie  ,  dans  le  diocèse  d'Agen , 
étoit  né  en  1718  dans  la  ville 
d'Agen.  Il  avoit  commencé  l'exer- 
cice de  son  sacerdoce,  comme 
vicaire,  en  la  paroisse  collégiale 
de  Saint-Caprais ,  d'où  son  évêque 
le  fit  passer  comme  curé  en  celle 
de  Bourdets,  près  Marmande;  et 
en  1770  il  fut  transféré  avec  le 
même  titre  dans  la  paroisse  de 
Puymasson.  La  sévérité  de  prin- 
cipes, la  régularité  de  conduite, 
et  la  charité  apostolique  par  les- 
quelles il  s'étoitdéjà  distingué,  lui 
attirèrent  bientôt  la  plus  grande 
vénération  de  la  part  de  ses  nou- 
veaux paroissiens.  Leur  douleur 
fut  profonde  quand  ils  virent,  en 
1 79  \ ,  que  leur  pasteur  étoit  rem- 
placé par  un  intrus,  parce  qu'il 
avoit  refusé  de  faire  le  serment 
schismatique  ;  mais  pour  les  con- 
soler en  leur  consacrant  toujours 
son  ministère,  il  resta  parmi  eux. 
L'intrus  qu'ils  fuyoient  s'en  plai- 
gnit; et  l'administration  du  dépar- 
tement de  Lot-et-Garonne  or- 
donna que  le  vénérable  pasteur 


fût  arrêté.  Le  garde  chargé  d'exé- 
cuter cette  commission  ,  ne  pou- 
vant s'empêcher  de  le  respec- 
ter, trembloit  de  mettra  les  mains 
sur  sa  personne  ;  et  Babic  lui  dit  : 
«  Fais  ton  devoir  comme  j'ai  fait 
le  mien;  mène -moi  rudement 
puisqu'on  te  l'a  commandé;  et  je 
ne  t'en  voudrai  pas  :  car  plus  je 
serai  maltraité,  plus  je  serai  con- 
tent de  souffrir  pour  J.-C.  a.  Ainsi 
avoit  parlé,  dans  une  circonstance 
semblable,  vers  3o3,  le  S.  Martyr 
Philéas ,  dont  il  est  fait  tant  d'é- 
loges dans  Eusèbe  et  Rufin.  En- 
courageant lui-même  son  juge, 
il  lui  disoit  :  «  Reprenez  votre  har- 
diesse dans  toute  sa  force;  et  faites 
ce  qui  vous  est  ordonné  »  :  Vtere 
temeritate  tua,  et  quod  tibi 
jussum  est ,  fac  (  Bollandist. 
ad  diem  4  februarii).  Babic 
fut  donc  conduit  dans  les  pri- 
sons d'Agen.  Quand  le  juge  l'in- 
terrogea sur  les  fonctions  curiales 
qu'il  avoit  récemment  exercées  à 
Puymasson,  et  sur  les  prédica- 
tions qu'on  î'accusoit  d'y  avoir 
faites  contre  l'intrus,  ses  réponses 
furent  aussi  vraies  que  fermes  ;  et 


120  BAB 
le  juge,  qui  vouloit  lui  faire  évi- 
ter les  suites  d'aveux  aussi  francs , 
lui  demanda  la  permission  d'atté- 
nuer ses  réponses  dans  le  procès- 
verbal:  «Non,  reprit-il;  ou,  par 
un  acte  qui  les  expliquera  comme 
je  viens  de  le  faire,  je  vous  som- 
merai de  le  joindre  au  présent 
interrogatoire.  Je  n'ai  parlé  que 
d'après  l'Evangile  ;  et  mon  devoir 
est  de  le  prêcher  au  péril  de  ma 
vie.  Ne  me  ravissez  pas  cette  oc- 
casion de  me  montrer  disposé  à 
m'immoler  pour  la  vérité.  Le  dan- 
ger ne  doit  être  ici  d'aucune  con- 
sidération. Je  me  remets  à  la  Pro- 
vidence qui  disposera  de  moi 
suivant  ses  desseins  » .  La  sentence 
qui  intervint  le  condamna  à  une 
amende  de  3oo  francs;  mais  elle 
le  remit  en  liberté.  Il  resta  dans 
la  ville  d'Agen  où  ses  paroissiens 
vinrent  recevoir  de  lui  les  sa- 
cremens  de  l'Eglise;  et  peu  de 
temps  après  il  retourna  au  milieu 
d'eux.  La  loi  de  déportation  ne 
j)ut  l'en  séparer;  mais  enfin,  dans 
la  Semaine-Sainte  de  1793,  il  fut 
arrêté  de  nouveau  ;  et  des  gen- 
darmes le  ramenèrent  dans  les  pri- 
sons d'Agen.  En  route,  il  disoit  à 
ceux  qui  le  plaignoient  :  «  Je  re- 
mercie le  Seigneur  de  la  grâce 
qu'il  me  fait  de  souffrir,  la  même 
semaine  où  il  a  lui-même  enduré 
sa  passion;  je  regarde  cette  res- 
semblance comme  une  grande 
faveur».  Il  eut  beaucoup  de  souf- 
frances à  supporter  dans  la  prison 
où  on  le  mit  ;  mais  il  édifia  beau- 


BAB 

coup  les  autres  prisonniers  ,  a 
l'égard  desquels  il  se  montra 
d'ailleurs  d'une  charité  infiniment 
généreuse.  Une  maladie  mortelle 
vint  le  frapper;  on  ne  pouvoit  se 
dispenser  de  le  transporter  à  l'hô- 
pital. Les  sœurs  qui  en  faisoient 
le  service,  témoignant  à  ce  véné- 
rable prêtre  toute  la  sensibilité 
que  ses  maux  leur  inspiroient,  il 
leur  dit  :  «  Ce  n'est  que  ma  nature 
coupable  qui  souffre;  mon  âme, 
rachetée  du  sang  de  Jésus-Christ , 
doit  se  réjouir  de  souffrir  pour 
lui,  et  de  déposer  sa  dépouille 
mortelle  parmi  les  pauvres  ».  Ré- 
ponse admirable,  qui  se  trouvoit 
être  ce  que  S.  Flavien  ,  dans  les 
souffrances  ,  croyoit  avoir  entendu 
S.  Cyprien  lui  dire  :  «  La  chair  ne 
souffre  pas ,  quand  l'esprit  est  déjà 
dans  le  ciel;  et  le  corps  ne  sent 
plus  rien  quand  l'âme  est  toute 
entière  à  Dieu  »  :  A  lia  caropa- 
titur  cîim  animus  in  cœto  est; 
nequaquam  corpus  hoc  sentit, 
cùm  se  Deo  tota  mens  devovit 
(Ruinart,  Passio  SS.  Montani , 
F laviani ,  etc.  n°  xxi).  Le  curé 
Babic  mourut  en  effet  au  milieu 
des  pauvres  en  janvier  1794?  à 
l'âge  de  75  ans. 

BABIN  (Modeste),  étoit  une 
simple  ouvrière  en  linge  ,  de  la 
ville  de  Poitiers  ;  mais  elle  avoit, 
aux  yeux  de  Dieu,  le  mérite  d'une 
Foi  vive  et  d'une  piété  sincère.  Sa 
maison  devint  l'asile  de  quelques 
prêtres  fidèles,  que  rechereboient 
les  persécuteurs.  Ils  y  furent  dé- 


BAC 

couverts;  et  on  la  jeta,  comme 
eux ,  dans  les  prisons.  Cette  œuvre 
éminente  d'hospitalité,  que  l'E- 
glise et  l'Evangile  même  ont  tant 
préconisée  (  V.  Y  Alix  ),  la  fit  con- 
damner au  dernier  supplice,  par 
les  juges  du  tribunal  criminel  du 
département  de  la  Vienne,  sié- 
geant à  Poitiers  ,  le  23  germinal 
an  II  (12  avril  1794)-  I's  'En- 
voyèrent à  l'échafaud,  comme  «re- 
céleuse  de  prêtres  réfractaires  ». 
(V.  Aucier,  et  C.  D.  Bertault.) 

BAC  (  Jacqxjes-Jean-André  ), 
prêtre ,  curé  du  bourg  de  Mens, 
près  Grenoble,  sur  la  route  de 
Gap,  né  à  Saint-Julien-Labrousse, 
dans  le  diocèse  de  Viviers ,  district 
de  Mezenc ,  avoit ,  à  la  vérité,  dans 
la  simplicité  de  la  bonne  foi,  prêté, 
en  janvier  1 79 1 ,  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé; 
mais  il  y  avoit  mis  une  sorte  de 
réserve  préliminaire  ,  d'une  ma- 
nière bien  solennelle  ,  en  faisant 
précéder  cette  prestation  de  la  dé- 
claration «qu'il  vouloitêtre  obéis- 
sant à  Dieu ,  et  fidèle  à  la  religion  » . 
Cette  phrase  parut  aux  adminis- 
trateurs une  véritable  restriction, 
propre  à  les  irriter;  et  Bac  fut 
renvoyé  par  eux  de  sa  cure3  en 
septembre  suivant,  comme  prêtre 
insermenté.  Il  vint  habiter  son 
pays  natal ,  au  sein  de  sa  famille  ; 
et  crut  pouvoir  se  dispenser  d'o- 
béir à  la  loi  de  la  déportation,  ren- 
due le  26  aofit  précédent.  Pour 
assurer  sa  tranquillité,  il  fit,  de- 
vant la  municipalité  de  Sainl- 


EAC  îàtï 

Julien  -  Labrousse ,  alors  appelée 
Brousseval ,  le  serment  de  li- 
berté-égalité,, prescrit  par  la  loi 
du  14  du  même  mois  (1);  mais  sa 
conscience  timorée  l'y  fit  mettre 
aussi  des  réserves  qu'exigeoit  la 
Foi.  Il  ne  lui  en  falloit  pas  tant 
pour  être ,  dans  la  suite ,  consi- 
déré comme  réfractaire ,  surtout 
après  les  lois  des  29  et  5o  vendé- 
miaire an  II  [V .  Lois  et  Tribun, 
révol.).  Il  fut  arrêté  par  les  ré- 
volutionnaires du  canton,  en  mai 
1794?  et  envoyé  prisonnier  au 
tribunal  criminel  du  département 
de  YArdèche ,  séant  à  Privas. 
Quand  on  l'y  interrogea,  il  eut 
bien  soin  de  faire  observer  qu'il 
avoit  mis  des  réserves  à  son  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du  clergé,  de  peur  qu'on  ne  le 
prît  pour  ce  qu'on  appeloit  alors 
un  conformiste.  «  J'observe  , 
dit-il,  que  je  fus  dépossédé  de  ma 
cure  et  remplacé  ,  parce  que  j'a- 
vois  fait  précéder  mon  serment 
d'un  discours  dans  lequel  je  disois 
que  je  voulois  être  obéissant  à 
Dieu ,  et  que  je  ne  jurois  qu'autant 
que  je  necesseroispas  d'être  fidèle 
à  la  religion».  On  lui  demanda 
s'il  avoit  prêté  le  serment  de 
liberté-égalité.  «  Je  l'ai  prêté 


(1)  Ce  serment  ,  ordonné  solennel- 
lement le  14  août  170,2,  suivant  une 
nouvelle  rédaction  définitive  ,  avoit 
été  déjà  prescrit  le  11,  après  avoir 
été  prononcé  le  10  dans  l'assemblée 
avec  un  régicide  enthousiasme  ,  eu 
face  du  Roi  fait  prisonnier. 


/ 

122  BAC 

devant  la  municipalité  de  Saint- 
Julien  -  Labrousse,  répondit  -  il  ; 
mais  l'extrait  du  procès-verbal  de 
cette  prestation  contient  des  ob- 
servations religieuses  de  ma  part.  » 
La  dernière  question  consista  dans 
ces  mots  :  «  Connoissois-tu  la  loi 
des  29  et  3o  vendémiaire  dernier , 
qui  ordonnoit  aux  prêtres  réfrac- 
taires  de  se  présenter  devant  l'ad- 
ministration, pour  y  faire  la  dé- 
claration relative  à  leur  déporta- 
tion; et  savois-tu  que  cette  loi  eût 
été  enregistrée  et  publiée  dans  la 
commune  de  Saint- Julien  -  La- 
brousse ?  —  Je  n'en  ai  aucune 
connoissance ,  répondit-il;  et  j'i- 
gnore, par  conséquent,  si  elle  a 
été  publiée  et  enregistrée  à  Saint- 
Julien  » .  On  voit ,  par  ces  diverses 
questions,  que  le  tort  essentiel  de 
Bac,  aux  yeux  des  juges,  étoit 
d'être  prêtre,  et  prêtre  fidèle  à  sa 
religion  :  on  verra  mieux  en- 
core, dans  la  sentence  qui  fut 
portée  contre  lui,  le  26  prairial 
an  II  (14  juin  179/;),  qu'elle  fut 
dictée  par  des  lois  ennemies  de  la 
Foi.  Il  y  est  dit  :  «Vu  l'extrait  du 
procès-verbal  des  séances  du  di- 
rectoire du  district  de  Mezenc. 
des  24  floréal  et  17  prairial  cou- 
rant ;  ce  dernier  portant  que  Jean- 
André  Bac,  prêtre ,  ci-devant  curé 
de  Mens ,  département  de  Ylstre, 
habitant  actuellement  à  Saint- 
Julien-Labrousse,  sera  traduit  au 
tribunal;  le  certificat  de  la  mu- 
nicipalité de  Brousseval,  ci-devant 
Saint- Julien  -  Labrousse,  du  a5 


BAC 

courant,  portant  que  la  loi  des 
29  et  3o  vendémiaire  y  a  été  pu- 
bliée et  affichée  le  16  nivose  der- 
nier :  ouï  ledit  Bac,  lequel  a 
déclaré  avoir  prêté  le  serment, 
au  mois  de  janvier  1792,  et  avoir 
été  déplacé  de  sa  cure  au  mois  de 
septembre  suivant,  à  cause  des 
restrictions  apposées  à  son  dit  ser- 
ment, et  qu'il  fit  les  mêmes  ré- 
serves à  celui  prescrit  par  la  loi  du 
14  août  1792.  — Considérant  que 
la  loi  du  9  janvier  1791  ordonne 
que  le  serinent  sera  prêté  pure- 
ment et  simplement ,  sans  que  les 
ecclésiastiques  puissent  se  per- 
mettre aucun  préambule,  expli- 
cation ni  restriction  ;  que  celle  du 
26  août  1792  prononce  la  dépor- 
tation contre  ceux  qui,  ne  l'ayant 
pas  prêté,  ne  seroient  pas  sortis, 
dans  quinzaine ,  du  territoire  de 
la  république  ;  que  l'article  X  de 
la  loi  des  29  et  3o  vendémiaire, 
déclara  sujets  à  la  déportation,  les 
évêques,  ci-devant  archevêques, 
les  curés  conservés  en  fonctions, 
et  ceux  qui  ont  prêché  dans 
quelque  église  que  ce  soit,  depuis 
la  loi  du  5  février  1791,  qui  n'au- 
roient  pas  prêté  le  serment  pres- 
crit; que  l'article  xiv  de  la  même 
loi  leur  enjoint  de  se  rendre,  dans 
la  décade  de  la  publication,  auprès 
de  l'administration  de  leur  dépar- 
tement qui  prendra  les  mesures 
pour  leur  arrestation,  embarque- 
ment et  déportation  ;  que  ledit  Bac 
n'a  point  profité  de  ce  délai.  —  Le 
tribunal  déclare  que  ledit  Bac  étoit 


BAC 

sujet  à  la  déportation;  et,  faute 
par  lui  de  s'être  présenté,  dans  le 
délai  prescrit,  à  l'administration 
du  département,  ordonne  que  ledit 
Bac  sera  livré  à  l'exécuteur  des 
jugemens  criminels,  pour  être 
mis  à  mort  sur  la  petite  place  de 
cette  commune  (Privas),  dans  le 
délai  de  vingt-quatre  heures  ;  dé- 
clare ses  biens  confisqués  au  profit 
de  la  république,  conformément 
aux  articles  cités,  et  à  l'article  xvi  ; 
ordonne  que  le  présent  jugement 
sera  exécuté  à  la  diligence  de  l'ac- 
cusateur public  ».  Il  ne  le  fut  ce- 
pendant qu'un  mois  et  demi  plu9 
tard ,  soit  parce  qu'on  vouloit  as- 
socier au  sort  du  curé  Bac  d'autres 
prêtres  et  quelques  religieuses, 
qui  venoient  d'être  amenés  dans 
la  prison  ;  soit  peut  -  être  que , 
parmi  les  juges,  il  y  en  eût  qui 
espéroient  des  circonstances  pro- 
pres à  faciliter  l'évasion  de  ces  vic- 
times [V.  D  ALLEMAND,    GARDES , 

Montblanc  ,  Rouville  ;  et  An- 
toinette Vincent,  Madeleine  Du- 
moulin, Marie- Anne  Senovert). 
Quelques  jours  avant  l'exécu- 
tion, l'abbé  Montblanc  étant  aussi 
condamné  à  la  peine  de  mort 
comme  le  curé  Bac,  plusieurs  hon- 
nêtes gens,  voulant  sauver  ces  prê- 
tres et  les  religieuses ,  leur  conseil- 
lèrent de  s'évader  par  une  ouver- 
ture qu'ils  pratiquoient  eux-mêmes 
au  mur  de  leur  chambre;  imitant 
en  cela  les  disciples  qui,  pour 
soustraire  saint  Paul  au  danger  de 
mort  dont  il  étoit  menacé,  le  firent 


BAC 


passer  pardessus  un  mur,  et  des- 
cendre dans  une  corbeille  (Act. , 
c.  IX,  jf.  25)  :  service  dont  il  les 
loua  fort  dans  sa  seconde  épître 
aux  Corinthiens  (c.  x ,  f.  33).  Nos 
prêtres  avoient  le  droit  de  profiter 
comme  lui  de  ce  moyen  de  fuir , 
que  sembloit  leur  offrir  la  même 
Providence,  sans  que,  pour  cela, 
on  pût  dire  qu'ils  n'étoient  point 
résignés  au  martyre.  Mais  elle  ne 
vouloit  pas  que  leur  résignation 
restât  équivoque.  La  femme  du 
concierge ,  ayant  été  avertie  de 
ce  qui  se  passoit,  vint  y  mettre 
obstacle,  en  accablant  d'injures 
atroces  nos  saints  confesseurs 
de  la  Foi.  Ils  lui  répondirent 
avec  douceur  :  «  Nous  avions 
cru  qu'étant  détenus  injustement, 
il  nous  étoit  permis  de  profiter 
d'un  moyen  que  la  Providence 
paroissoit  nous  fournir  pour  nous 
mettre  en  sûreté  ;  mais  puis- 
qu'elle ne  veut  pas  que  ce  moyen 
réussisse  :  que  sa  volonté  soit 
faite  !  Nous  sommes  très-résignés  ; 
cessez  donc  vos  outrages,  surtout 
parce  que  vous  y  mêlez  des  blas- 
phèmes qui  offensent  Dieu  » .  Alors 
ils  ne  pensèrent  plus  qu'à  se  pré- 
parer à  la  mort,  par  des  prières 
continuelles,  au  pied  d'un  cruci- 
fix qu'ils  s'étoient  procuré,  et  en 
se  purifiant  de  plus  en  plus,  par  le 
sacrement  de  la  pénitence.  Ilss'en- 
courageoient  les  uns  les  autres  à 
la  mort,  et  se  félieitoient  de  la  fin 
glorieuse  à  laquelle  ils  étoient  des- 
tinés. La  nuit  qui  précéda  leur 


124  BAC 
supplice  fut  passée  en  prières.  Ils 
chantèrent  même  l'office  et  la 
messe  des  morts  (  V.  Montblaîîc). 
Le  matin  du  jour  où  ils  savoient 
qu'on  les  conduiroit  à  la  mort, 
jaloux  de  se  montrer  en  tout  mi- 
nistres de  l'Eglise  de  J. -C,  et 
pour  en  reprendre  alors  ceux  des 
signes  extérieurs  que  le  malheur 
des  temps  les  avoit  forcés  de  laisser 
disparoître,  ils  se  firent  couper  les 
cheveux,  suivant  les  formes  vou- 
lues par  les  SS.  Canons,  comme 
encore  renouveler  leur  tonsure. 
En  sortant  de  la  prison ,  pour  aller 
au  lieu  de  l'exécution ,  ils  enton- 
nèrent à  pleine  voix  le  psaume 
Misereremei,  Deus,  entremêlant 
chaque  verset  de  ces  mots  :  Parce, 
Domine,  parce  populo  tuo;  et 
ne  reminiscaris  dciicta  populi 
lui.  «Pardonnez,  ô  mon  Dieu! 
pardonnez  à  voire  peuple,  et  dai- 
gnez ne  pas  vous  ressouvenir  de 
ses  crimes».  Ils  continuèrent  de 
chanter  jusqu'au  pied  de  l'instru- 
ment de  mort.  Leur  voix  ferme , 
leur  démarche  assurée  quoique 
modeste,  la  joie  qui  brilloit  sur 
leur  visage  :  tout,  de  leur  part, 
remplissoit  les  spectateurs  d'un 
religieux  saisissement.  L'annonce 
de  ce  spectacle  impie  et  barbare 
avoit  porté  la  presque  totalité  des 
habitans  de  Privas  à  se  retirer, 
fcs  uns  hors  de  la  ville ,  et  les 
autres  au  fond  de  leurs  mai- 
sons; mais  ces  voix  angéliques, 
ce  chant,  si  nouveau  depuis  la 
révolution  ,  retentissant  dans  la 


BAC 

cité  ,  faisoient  accourir  un  grand 
nombre  de  personnes  saintement 
jalouses  de  voir  une  scène  aussi 
édifiante.  L'impression  qu'elles  en 
ressentirent  est  inexprimable.  Les 
courageux  ministres  de  Jésus- 
Christ  virent  décapiter  avant  eux 
les  trois  religieuses  dont  nous 
avons  parlé  ;  ensuite  ils  montèrent 
l'un  après  l'autre  sur  l'échafaud. 
Le  premier,  parlant  pour  ses  con- 
frères comme  pour  lui,  commen- 
çoit  à  déclarer  hautement  au  peu- 
ple «  qu'ils  mouroient  tous  pour 
leur  religion  »  ;  le  bourreau  l'em- 
pêcha d'en  dire  davantage.  Ln 
autre  embrassa  le  bourreau  sur 
l'échafaud,  comme  pour  le  re- 
mercier de  la  faveur  qu'il  alloit 
lui  faire,  et  ensuite  baisa  l'instru- 
ment de  mort  d'où  ses  frères  ve- 
noient  de  monter  au  ciel  ;  et  ce 
futle 8thermidor  (aôjuillet  »?94)> 
que  la  patrie  céleste  les  reçut 
au  nombre  de  ses  glorieux  habi- 
tans. Leurs  corps  furent  mis  dans 
une  même  fosse ,  dont  la  piété 
des  fidèles  remarqua  la  place  avec 
beaucoup  d'attention.  Des  jours 
plus  calmes  étant  survenus  quelque 
temps  après,  les  chrétiens  y  cou- 
roient  en  foule.  On  y  vit,  en  1795 
et  1796,  surtout  dans  la  belle  sai- 
son, jusqu'à  deux  et  trois  cents  per- 
sonnes prosternées  et  en  prières. 
Quand  la  catastrophe  du  18  fruc- 
tidor (5  septembre  1797)  fut  ve- 
nue ramener  la  terreur  en  France, 
le  concours  ne  put  être  si  nom- 
breux au  tombeau  de  ces  Martyrs  ; 


BAC 

cependant  il  y  venoit  encore  beau- 
coup de  fidèles,  malgré  la  gen- 
darmerie que  les  administrateurs 
y  envoyoient  pour  les  disperser. 
Les  catholiques  de  la  ville,  qu'on 
avoit  privés  de  leur  église,  se  réu- 
nissoient  en  assez  grand  nombre 
en  ce  lieu,  les  dimanches  et  fêtes. 
Cette  affiuence  ne  cessa  d'être  aussi 
grande ,  que  lorsqu'ils  purent  avoir 
chez  eux  des  oratoires,  pour  sa- 
tisfaireleur  piété.  On  peut  regar- 
der comme  un  effet  de  l'interces- 
sion de  ces  saints  Martyrs  dans  le 
ciel,  la  réparation  publique  et  l'a- 
mende honorable  que,  depuis 
lors,  ont  faites  à  Privas,  en  pré- 
sence des  autels,  deux  des  juges 
qui  avoient  opiné  pour  la  mort, 
dans  le  jugement  de  ces  cinq  prê- 
tres et  de  ces  trois  religieuses. 

BACHELIER  (François),  prê- 
tre, envoyé  de  son  département 
à  l'île  du  Pâté-de-BIaye ,  pour  en 
être  déporté  à  la  Guiane ,  en  1794» 
parce  qu'il  n'avoit  pas  fait  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du  clergé,  est  inscrit  sur  le  re- 
gistre des  morts  de  Blaye,  comme 
noyé  au  Pâté ,  le  16  messidor 
an  II  (4  juillet  1794)-  II  avoit  déjà 
horriblement  souffert  dans  le  sou- 
terrain du  fort  [V.  Bordeaux). 
Quelques  gens  prétendirent  bien, 
en  1797,  peut-être  pour  atténuer 
les  crimes  des  persécuteurs  ,  que 
cet  ecclésiastique,  étant  tombé 
dans  la  rivière,  et  sachant  nager, 
avoit  pu  être  recueilli  par  une 
barque,  qui  l'avoit  sauvé  ;  mais  sa 


BAC  125 

mort  étant  attestée  sur  le  registre, 
par  deux  officiers  municipaux,  et 
en  outre  par  le  témoignage  verbal 
de  quatre  prêtres  compagnons  de 
sa  captivité,  MM.  Bernard  Fon- 
tant,  Jean-François-Marie  Tour- 
neporle,  Germain  Chesnaud,  et 
Bouiïot,  nous  paroît  certaine  en 
cette  circonstance.  Quand  elle  le 
seroit  moins,  on  ne  pourroit  dou- 
ter que  François  Bachelier  ne  fût 
mort  peu  de  temps  après  ,  par 
suite  de  tant  de  maux,  soufferts 
pour  la  cause  de  la  Foi.  Le  registre 
de  Blaye  nous  a  laissé  ignorer  de 
quel  diocèse  étoit  cet  ecclésias- 
tique. (V.  S.  Aymaru,  et Bacqcet.) 

BACHELIER  (Pierre),  prêtre- 
sacriste  de  la  Bazouge-de-Ché- 
meré,  dans  le  diocèse  du  Mans,  et 
titulaire  du  bénéfice  de  Saint-An- 
toine de  la  paroisse  de  Chémeré- 
le-Roi,  né  à  Froidfont,  doyenné 
de  Sablé,  vers  1723,  s'étoit 
trouvé  chez  le  pieux  Chadaigne, 
lorsqu'on  y  arrêta  le  prêtre  Dor- 
gueil  [V.  ces  noms);  mais  il  avoit 
échappé  à  ceux  qui  saisirent  celui- 
ci.  Dieu  vouloit  cependant  qu'il  fût 
du  nombre  des  confesseurs  qui 
donnoient  leur  vie  pour  la  religion 
de  Jésus-Christ  ;  et  c'est  pour  cela 
sans  doute  que,  le  26  avril  1795, 
neuf  mois  après  la  chute  de  Ro- 
berspierre,  le  vénérable  Bache- 
lier, plus  que  septuagénaire ,  caché 
dans  la  ferme  de  la  Grande-Guyon- 
nière,  paroisse  de  Chémeré-Ie- 
Roi,  et  au  moment  où  il  se  dis- 
posoit  à  célébrer  les  saints  mys- 


126  BAC 

îères ,  y  fut  saisi  par  la  garde 
nationale  de  la  Cropte,  ardente  à 
la  recherche  de9  prêtres  non-asser- 
mentés. Elle  l'y  arrêta  avec  ses 
généreux  hôtes ,  Jean  Le  Duc,  de 
la  Rivière  [V .  Le  Duc)  ,  et  son  fils 
aîné {V.  Je  Alix).  On  les  empri- 
sonna, la  première  nuit ,  dans  une 
ètable  à  porcs,  où  Le  Duc  et  son 
fils,  prévoyant  leur  mort,  deman- 
dèrent l'absolution  au  prêtre  Ba- 
chelier, qui  la  leur  donna;  et,  le 
lendemain,  on  les  en  retira,  sous 
prétexte  de  les  conduire  à  l'admi- 
nistration du  district  d'Evron, 
près  Laval  ,  département  de  la 
Mayenne  ;  mais ,  à  une  demi- 
lieue  de  la  Cropte,  on  leur  fit 
quitter  le  chemin  qui  conduit  à  la 
Bazouge-de-Chémeré,  et  prendre 
celui  qui  est  sur  la  gauche.  Quand 
ils  furent  arrivés  sur  le  bord  de  la 
petite  rivière  appelée  4a  Vagette, 
les  gardes  prononcèrent  l'arrêt  de 
mort  de  ces  trois  prisonniers,  et 
les  massacrèrent  avec  leurs  baïon- 
nettes, auprès  de  la  chapelle  des 
Gaultiers,  qui  est  sous  l'invoca- 
tion de  la  Sainte-Vierge  :  ce  qui 
donna  lieu  aux  meurtriers  de  dire, 
avec  une  sacrilège  dérision  :  «  La 
Bonne  Vierge  va  prier  pour  eux  » . 
Le  fils  Le  Duc ,  frappé  le  premier, 
tomba  le  visage  contre  terre,  en 
conservant  toutefois  assez  de  vie 
pour  en  revenir.  Les  assassins  le 
crurent  mort,  comme  son  père  et 
le  prêtre  Bachelier.  Après  avoir 
délibéré  entre  eux  s'ils  ne  jette- 
1  oient  pas  leurs  corps  dans  la  ri- 


BAC 

vière,  ils  s'en  abstinrent,  dans  1» 
crainte  d'en  infecter  l'eau;  et,  se 
contentant  de  les  dépouiller,  ils 
les  laissèrent  sur  la  rive.  Le  jeune 
Le  Duc  se  releva ,  quoique  couvert 
de  quinze  blessure? ,  il  examina  le» 
cadavres  de  son  père  et  du  véné- 
rable prêtre,  pour  voir,  mais  en 
vain,  s'il  pourroit  les  rappeler  à  la 
vie  ;  et ,  perdant  son  sang  de  toutes 
parts,  il  parvint  néanmoins  dans 
une  maison  où  sa  sœur  acheva  ce 
qu'on  pourroit  appeler  sa  résur- 
rection. C'est  lui  -  même  qui  a 
fourni  les  détails  historiques  de 
l'assassinat  impie  que  nous  venons 
de  raconter,  et  auxquels  il  faut 
ajouter  que  Bachelier,  âgé  de  plus 
de  79  ans,  étoit  un  prêtre  plein 
de  charité  et  de  lèle.  Son  caractère 
se  dislinguoit  par  une  douceur  ra- 
vissante ;  sa  conduite  étoit  en  tout 
un  sujet  d'édification;  et  sa  vie 
passoitpour  être  absolument  irré- 
prochable. Il  étoit  autant  chéri  que 
respecté  de  tous  les  habitans  de  la 
Bazouge-de-Chémeré,  parmi  les- 
quels il  avoit  vécu  long-temps. 
On  croit  même  que  ce  fut  parce 
qu'ils  se  disposoient  à  le  réclamer,  ; 
dès  qu'ils  le  surent  arrêté,  que 
ses  conducteurs  se  hâtèrent  si  fort 
de  l'assassiner.  Son  corps,  et  celui  t 
de  Jean  Le  Duc,  furent  recueilli» 
par  des  catholiques,  qui  les  enter- 
rèrent dans  le  cimetière  de  la  pa- 
roisse de  Saint-Denis-du-Maine. 
On  peut  appliquer  à  ces  catholi- 
ques l'éloge  qu'Eusèbe  faisoit  de 
ce  S.  Asturius,  par  qui  le  corp? 


bac 

du  S.  Martyr  Marin  fut  emporté 
après  son  supplice  avec  la  plus 
grande  vénération  ,  et  enseveli 
avec  un  culte  digne  de  la  mort 
qu'il  avoit  faite.  Nous  laissons  à 
nos  lecteurs  le  soin  d'une  pareille 
application  à  tous  ceux  qui  ont 
donné  une  honorable  sépulture  à 
plusieurs  de  nos  martyrs  :  Ob  re- 
iigiosam  fiduciam  ac  liberta- 
tem ,  celeberrimum  nomen  est 
consecutus  ,  qui  supra  dicti 
Martyris  humeris  suis  imposi- 
tum  cadaver ,  candida  ac  pre- 
tiosa  amictus  veste  bajutavit , 
et  inagnifico  cuitu  ornatum  de- 
centi  tradidit  sepulturœ  (Euseb. 
Hist.  Eccies.  I.  vu,  c.  i5).  {V. 
J'i*  André,  et  N.  Bordereau,  du 
Pré.) 

BACHER  (  2V...  ),  prêtre 
d'Angers,  exerçant  les  fonctions 
de  vicaire  dans  le  diocèse,  fut 
envoyé  à  la  mort,  le  3  novembre 
179J,  parla  commission  militaire 
nouvellement  établie  à  Angers  ;  et 
son  prétendu  délit,  aux  yeux  des 
juges  qui  le  firent  périr,  étoit  de 
mériter  de  leur  part  le  titre  de  ré- 
fractaire.  Ainsi  donc  Bâcheravoit 
préféré  la  persécution  au  crime  du 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé,  en  1791,  et  n'étoit  pas 
sorti  de  Fi  ance ,  conformément  à 
la  volonté  de  la  loi  du  26  août 
1 792.  Il  se  trouvoit  sous  les  coups 
de  toutes  celles  qui,  plus  barbares 
et  plus  impies  encore,  étoient  venu 
frapper  ensuite  les  prêtres,  que 
leur  zèle  pour  les  catholiques  avoit 


BAC  127 

retenus  près  d'eux.  Le  nom  de 
Bâcher,  ni  celui  de  plusieurs 
autres  ecclésiastiques ,  immolés  de 
même  et  par  la  même  commis- 
sion, ne  se  trouvent  dans  aucune 
des  listes  imprimées  des  victimes 
de  la  révolution.  La  raison  en 
est  donnée  par  Prudhomme  lui- 
même,  à  la  page  241  du  VIe  vo- 
lume de  son  Histoire  des  Crimes 
de  la  Révolution,  où  il  dit  : 
«Le  représentant  Francastel  (pro- 
consul de  la  Convention  à  An- 
gers) ne  vouloit  pas  que  l'on  écrivît 
les  noms  de  tous  ceux  que  l'on 
faisoit  fusiller  :  c'étoit  pour  se 
mettre  à  l'abri  de  tout  reproche, 
qu'on  ne  laibsoit  subsister  aucun 
titre  capable  de  prouver  que  des 
femmes  et  des  enfans  avoient  été 
enveloppés  dans  les  massacres 
journaliers  (  V .  Vendée).  La  com- 
mission militaire  s'entouroit  des 
hommes  dont  les  passions  étoient 
les  plus  sanguinaires  ;  elle  les 
chargeoit  de  procéder  à  l'inter- 
rogatoire des  détenus.  Cet  inter- 
rogatoire, comme  le  jugement, 
n'étoit  qu'un  simulacre  de  pure 
forme,  dont  on  ne  tenoit  aucunes 
notes.  Ces  commissaires  se  con- 
tentoient  de  faire  des  listes,  et  de 
mettre  en  marge  ,  à  côté  du  nom , 
la  lettre  F...  :  ce  qui  étoit  un  signe 
de  mort  (pag.  23g)  ».  Nous  avons 
insisté  sur  ce  point,  parce  que 
nous  tenons  du  vénérable  évêque 
d'Angers,  comme  nous  le  disons 
ailleurs  [V .  Angers),  que  «  ces 
prétendus  juges  mirent  à  mort 


125  BAC 

beaucoup  de  nobles,  et  quantité 
d'autres  laïcs  des  deux  sexes,  uni- 
quement parce  qu'ils  etoient  reli- 
gieux, niais  en  alléguant  d'autres 
prétextes,  et  les  taxant  d'aris- 
tocratie » .  Quantaux  prêtres,  il  n'y 
avoit  pas  de  doute  qu'ils  ne  fussent 
immolés  en  haine  de  la  religion. 
{V.  Suchet,  de  la  Pallu  ;  et  L. 
Bastard.) 

BACLER  (Pélagie),  née  et 
domiciliée  à  Arras,  âgée  de  56 
ans,  vivant  avec  sa  sœur  Renée 
d'une  manière  analogue  à  leur 
peu  de  fortune,  sanctifioit  comme 
elle  son  célibat  par  la  pratique  de 
toutes  les  vertus  chrétiennes.  Elles 
regrettoient  fort  que  leurs  moyens 
pécuniaires  ne  leur  permissent 
pas  d'entrer  dans  la  charitable 
association  de  la  veuve  Bataille 
en  faveur  des  prêtres  catholiques 
dépouillés  et  mis  en  fuite  (  V.  M. 
J.  D.  Bataille).  Les  vertus  des 
sœurs  Bâcler  oflusquoient  les  im- 
pies révolutionnaires  d1  Arras  ;  et 
le  proconsul  J!'  Lebon  chercha 
l'occasion  de  les  compromettre 
dans  quelque  complot  imaginaire 
(  V.  Arras).  Il  n'hésita  point  à 
les  comprendre  dans  celui  dont  il 
voulut  charger  une  pieuse  associa- 
tion ,  quand  il  vit  sur  les  registres 
de  la  veuve  Bataille  le  nom  de 
Bâcler  avec  celui  des  associés. 
Pélagie  et  sa  sœur  furent  arrêtées 
tomme  eux,  et  traduites  avec  eux 
devant  le  trihunal  révolution- 
naire, d'Arras  ;  mais  le  nom  de 
Bâcler  qui  se  trouvoit  sur  le  re- 


BAC 

gistre  étoit  celui  d'une  tante  de 
ces  pieuses  filles,  qui,  morte  de- 
puis peu  de  temps,  avoit  consigné 
de  son  vivant,  entre  les  mains  de 
la  veuve  Bataille ,  la  modique 
somme  de  trente  sous  pour  des 
aumônes.  On  en  fit  l'ohservation 
aux  juges,  et  ils  répliquèrent  : 
«  N'importe,  nous  sommes  con- 
vaincus ».  Ils  l'étoient  sans  doute 
de  la  vertu  et  de  la  Foi  de  ces 
pieuses  filles  ;  et  elles  furent  en- 
voyées à  l'échafaud  avec  tous  les 
charitables  associés,  le  25  germi- 
nal (  î/j  avril  1794)  »  comme 
«  complices  de  la  (  prétendue  ) 
conspiration  de  la  veuve  Ba- 
taille». [V.  M.  M.  M.  Arrachart 
et  R.  Bâcler.) 

BACLER  (Renée),  sœur  aînée 
de  la  précédente,  née  à  Arras, 
vivant  avec  elle  en  cette  ville  lors 
du  proconsulat  qu'y  exerçoit  en 
ijg4  l'apostat  Jh  Lebon  [V.  Ar- 
ras), se  distinguoitpar  les  mêmes 
vertus  que  Pélagie  dont  nous  ve- 
nons de  parler.  Comme  elle  par- 
tagea son  sort,  de  même  qu'elle 
partageoit  sa  sainte  vie,  ce  que  nous 
avons  dit  de  la  première  est  aussi 
l'histoire  de  la  seconde.  Elle  fut 
condamnée  avec  la  même  ini- 
quité, avec  la  même  haine  des 
vertus  chrétiennes  et  de  la  Foi 
catholique ,  par  le  trihunal  révolu- 
tionnaire d'Arras,  le  25 germinal 
an  II  (  14  avril  1794)-  Le  motif 
supposé  de  sa  condamnation  fut 
qu'elle  étoit  «  complice  d'une 
conspiration   ourdie    contre  Je 


BAD 

peuple  français  et  sa  liberté  ». 
Renée  Bâcler  avoit  alors  60  ans. 
(  V.  P.  Bâcler  et  31.  E.  Ba- 

RASLE.  ) 

BAC Q (JET  (N...),  l'un  des 
prêtres  qu'en  1794  on  avoit  traî- 
nés à  Bordeaux  comme  insermen- 
tés, afin  qu'ils  y  fussent  embar- 
qués pour  la  déportation  à  la 
Guiane  (  V.  Bordeaux),  fut  en 
effet  compris  dans  le  premier 
embarquement  qui  eut  lieu  trois 
mois  après  la  chute  de  Robers- 
pierre.  Déjà  accablé  par  ses  longues 
souffrances,  cet  ecclésiastique  ne 
put  soutenir  celles  de  la  naviga- 
tion ,  et  il  mourut  en  rade  vers  la 
fin  de  la  même  année  1 794.  (  V.  F. 
Bachelier  et  L.  Barry). 

BADIN  (Jean-Baptiste),  curé 
de  Saint-Didier-du-Mas,  et  natif 
de  Moydieu  en  Dauphiné,  avoit 
été  obligé  de  s'éloigner  de  sa  cure 
par  suite  de  son  refus  de  prêter  le 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé.  Il  s'étoit  retiré  avec 
son  neveu  à  Nantoin ,  près  de 
Vienne,  où  il  fut  arrêté  avec  lui. 
Conduits  ensemble  à  Lyon,  ils  y 
furent  traduits  l'un  et  l'autre,  le 
même  jour,  à  la  commission  ré- 
volutionnaire de  cette  ville 
(  ?r.  Lyon).  Elle  les  condamna 
pour  la  même  cause  à  la  peine 
capitale,  comme  «contre -ré- 
volutionnaires qui  prêchaient  le 
fanatisme  ».  Badin  fut  exécuté 
avec  son  neveu  ,  à  l'âge  de  56 
ans,  en  vertu  du  même  jugement 
prononcé  le  16  pluviôse  an  II 
2. 


BAD  1 29 

(4  février  1794)-  (  V.  J.  B.  Au- 
bier et  J.  Badin.  ) 

BADIN  (Joseph),  neveu  du 
précédent,  né  à  Moydieu  en  Dau- 
phiné ,  étoit  revêtu  de  l'ordre  de 
la  prêtrise,  et  avoit  mérité  la 
haine  des  impies  par  le  refus  du 
serment  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé.  Il  vivoit  tran- 
quille, en  exerçant,  autant  que 
les  circonstances  le  perinettoient, 
son  ministère  à  Nantoin  ,  près 
de  Vienne  en  Dauphiné,  lorsque 
les  proconsuls  envoyés  par  la 
Convention  à  Lyon,  en  1795, 
firent  arrêter  une  multitude  de 
personnes  en  cette  ville  et  dans 
les  lieux  circonvoisins.  Joseph 
Badin  fut  en  conséquence  traîné 
à  Lyon  ;  on  le  traduisit  devant 
la  commission  révolutionnaire 
(  V.  Lyon)  ;  il  s'y  entendit  de- 
mander le  serment  de  la  liberté. 
et  de  X égalité.  Il  le  refusa,  et  fut 
condamné  à  mort  comme  fana- 
tique et  comme  contre  -révolu- 
tionnaire,  le  16  pluviôse  an  II 
(4  février  1794)-  H  avoit  41  ans, 
et  donnoit  encore  de  belles  espé- 
rances à  l'Eglise  ,  lorsqu'il  perdit 
la  vie  pour  la  cause  de  la  Foi. 
(  V .  J.  B.  Badin  et  E.  Ballet.  ) 

BADOINOT  (Mî..)  ,  curé  de 
Saint-Martin-les-Donzy ,  diocèse 
d'Auxerre,  avoit  été  dépossédé  de 
sa  cure,  et  éloigné  de  sa  paroisse,  à 
cause  de  son  refus  d'adhérer  à  la 
constitution  civile  du  clergé, 
et  d'en  faire  le  serment.  L'espoir 
d'être  utile  aux  catholiques  lors- 

9 


i5o  BAG 

qu'il  vit  tant  de  prêtres  exilés  par 
la  loi  de  déportation  du  26  août 
1792,  le  fit  rester  en  France.  Il  y 
fut  bientôt  découvert  ;  on  l'em- 
prisonna ,  et  il  resta  dans  une  mai- 
son d'arrêt  du  département  de  la 
Nièvre,  jusqu'au  jour  où  l'on  fit 
partir  les  prêtres  âgés  ou  infirmes 
qui  étoient  en  réclusion  à  Nevers. 
Badoinot  qui  n'avoit  que  44  ans 
leur  fut  réuni;  il  partagea  leur 
sort  et  leurs  souffrances  dans  le 
voyage,  et  dans  l'horrible  séjour 
de  la  galiote  du  port  de  Nantes 
où  leurs  ennemis  de  Nevers  es- 
péroient  qu'ils  seroient  noyés 
(  V.  Nevers  et  Nantes).  Il  ne  le 
fut  point,  et  ne  succomba  pas 
même  aux  fléaux  cruels  qui,  dans 
ce  lieu  de  mort ,  en  firent  périr 
un  grand  nombre.  Lorsque  les 
circonstances  voulurent  qu'on 
adoucît  la  condition  de  ceux  qui 
survivoient,  on  le  transporta  avec 
plusieurs  d'entre  eux  à  Brest. 
Tombé  malade  dans  la  nouvelle 
prison  où  ils  furent  déposés,  il 
fut  transféré  à  l'hôpital  de  Saint- 
Louis  où  il  mourut  dans  le  cou- 
rant du  mois  de  juin  1794- 
(  V.  Animé  ,  Bénédictin  ;  et  Ber- 
I'Hault  ,  d'Arleuf.  ) 

BAGNOLLES  (  Pierre  La- 
bocrdette  de  ) ,  prêtre  du  Béarn , 
n'avoit  point  voulu  adhérer  à  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Il  étoit  resté  dans  sa  province,  en 
la  paroisse  de  Baigts  près  Orthès. 
Ce  digne  ecclésiastique  fut  arrêté 
Vers  la  fin  de  1793;  on  le  cendui- 


BA1 

sit  au  tribunal  criminel  du  dépar- 
tement des  Basses  -  Pyrénées , 
siégeant  à  Pau  ;  et  ce  tribunal  le 
condamna  à  mort  comme  «  prêtre 
réfractaire  » ,  le  24  germinal  an  II 
(  i3  avril  1794). 

BAILE  (Joseph)  ,  curé  du  dio- 
cèse d'Aix,  y  ayant  été  découvert 
dans  le  temps  des  plus  grandes 
fureurs  de  l'athéisme,  fut  arrêté, 
et  conduità  Marseille,  où  une  com- 
mission militaire  le  condamna  ù 
la  peine  de  mort  avec  l'accusation 
banale  de  fédéralisme,  le  26  plu- 
viôse an  II  (14  février  1794)- 
Il  périt  le  même  jour.  (F.  Orange.} 

BAILLY  (Ar...),  prêtre  de  la 
congrégation  des  Missions  de 
Saint-Lazare,  et  l'un  des  directeurs 
du  séminaire  d'Amiens ,  étoit  resté 
pur  du  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé  en  1791.  Il  con- 
tinuoit  à  fournir  aux  catholiques  de 
cette  ville  les  secours  de  l'Eglise; 
mais  son  ministère  étoit  odieux 
aux  révolutionnaires  et  aux 
prêtres  qui  avoient  adhéré  au 
schisme  et  à  l'hérésie  de  cette 
constitution  civile.  Un  jour 
qu'en  1792  il  célébroit  les  saints 
mystères  dans  une  maison  parti- 
culière, il  fut  arrêté;  les  impies  le 
promenèrent  dans  toute  la  ville, 
revêtu  des  ornemens  sacerdotaux, 
et  le  firent  passer  au  milieu  d'une 
populace  féroce  autant  qu'impie, 
par  laquelle  il  étoit  accablé  d'ou- 
trages ;  ensuite  on  le  précipita 
dans  les  prisons  d'Amiens,  en 
attendant  qu'on  pût  le  conduire 


BAI 

au  dernier  supplice.  Le  Seigneur 
ne  voulut  pas  le  permettre  :  il 
appela  à  lui  ce  pieux  missionnaire 
pendant  qu'il  étoit  encore  dans 
les  chaînes ,  sans  le  priver  toute- 
fois de  la  gloire  du  martyre. 
Bailly  mourut  dans  les  fers  pour 
le  nom  et  l'Eglise  de  Jésus-Christ , 
en  1792.  D'après  les  renseigne- 
mens  donnés  à  Rome  en  1794?  et 
par  M.  Cayla-de-La-Garde  ,  supé- 
rieur général  de  la  congrégation 
de  Saint- Lazare  ,  et  par  le  res- 
pectable Lazariste  M.  Jacob,  curé 
de  Saint-Louis  de  Versailles,  sur 
la  vie,  les  souffrances  et  la  mort 
du  prêtre  Bailly,  on  n'hésitoit 
point  à  le  mettre  au  rang  de  ceux 
qui  avoient  généreusement  sacri- 
fié leur  vie  pour  la  cause  de  la 
Foi. 

BAILLY  (Jean-Baptiste)  ,  né  à 
Saales,  près  Schelestat,  vers  1 76 1 , 
prêtre  et  religieux  Bénédictin  du 
couvent  de  Strasbourg,  étoit  en 
1797  dans  les  Vosges.  Quoiqu'il 
n'eût  prêté  aucun  des  sermens  ré- 
volutionnaires ,  il  avoit  trouvé 
moyen  de  se  soustraire  aux  per- 
sécutions des  années  précédentes. 
Croyant,  après  la  ch;Uc  de  Robers- 
pierre,  que  la  religion  alloit  se  re- 
lever de  ses  ruines,  il  reprit  avec 
confiance  l'exercice  des  fonctions 
sacerdotales  ,  et  se  fit  remarquer 
comme  un  digne  ministre  de  Jé- 
sus-Christ. La  funeste  catastrophe 
du  18  fructidor  (4  septembre 
1797)  arriva;  et,  le  lendemain, 
fut  rendue  la  loi  de  la  déportatiou 


BAL  i5i 

des  prêtres  dits  réfractaires  à  la 
Guiane  (/.  Lois  et  Gciane).  On 
arrêta  dom  Bailly  pour  lui  faire, 
subir  cette  peine  ;  et  on  l'envoya 
à  Roche  fort  pour  y  être  embar- 
qué. Il  le  fut  le  i3  mars  1798  sur 
la  frégate  ia  Charente  d'où,  le 
a5  avril  suivant,  il  passa  sur  la 
frégate  ta  Décade ,  qui  arriva  de- 
vant la  rade  de  Cayenne  le  12 
juin  suivant.  Débarqué  à  Cayenne, 
il  fut  relégué  dans  la  contrée  de 
Konanama,  dont  les  fléaux  mor- 
tels l'eurent  bientôt  investi.  Etant 
tombé  malade,  il  aima  mieux 
rester  dans  son  carbet  que  d'aller 
à  l'hospice  où  l'on  étoit  non  seu- 
lement négligé ,  mais  encore  mal- 
traité par  les  infirmiers.  Il  fut  du 
nombre  de  ceux  à  qui  les  nègres 
refusèrent  d'extirper  les  chiques 
des  pieds,  à  moins  de  24  sous, 
parce  qu'il  ne  pouvoit  les  donner; 
et  ces  barbares  ,  quoique  payés 
d'ailleurs  pour  servir  les  dépor- 
tés, laissèrent  en  quelque  sorte 
pourrir  celui-ci  dans  son  lit.  Il  y 
mourut  dans  des  convulsions  ef- 
frayantes, à  l'âge  de  37  ans,  le 
18  septembre  1798.  (  V.  P.  J. 
Azaret  et  Beaugé.  ) 

BALLARD  (Louise  Htjc,  veuve 
d'AtJTOiNE  ) ,  âgée  d'environ  60 
ans ,  et  marchande  à  Montpel- 
lier, étoit  l'une  des  meilleures 
catholiques  de  cette  ville  ,  où  les 
juges  révolutionnaires  du  tribu- 
nal criminel  du  département  de 
i 'Hérault ,  qui  y  siégeoit,  affec» 
tant  le  plus  méprisant  dédain  pour 

9 


i3a  BAL 

la  religion,  s'étoient  imposé  pour 
règle  de  ne  jamais  faire  intervenir 
aucune  idée  qui  la  rappelât  dans 
leurs  jugemens.  On  peut  com- 
prendre à  quel  point  ils  en  vou- 
loient  écarter  le  souvenir,  qurnd 
on  voit  dans  leurs  signatures,  au 
bas  de  leurs  sentences ,  qu'ils 
substituoient  à  leurs  noms  de  bap- 
tême celui  de  la  plante  ,  du  légume 
ou  du  fruit  qui ,  sur  l'absurde 
calendrier  républicain  d'alors , 
correspondoit  au  jour  de  leur 
patron  dans  l'ancien  calendrier 
(  V .  Lois  et  Tribunaux  révolu- 
tionnaires ).  L'aceusateur  public 
signoit  Raisin  Pages;  et  les  juges 
nous  font  lire  ainsi  leurs  noms 
dans  les  registres  de  leurs  sen- 
tences :  Salsifis  Gas,  président; 
BetteravcDe\\é,  Tournesol  Es- 
cudier  ,  Raisin  Peytal.  C'étoit 
dans  la  salle  de  spectacles  qu'ils 
tenoient  leurs  assises,  et  pronon- 
çoient  leurs  jugemens  de  mort. 
Suivant  leur  système  impie ,  les 
■victimes  qui  leur  étoient  amenées , 
lors  même  qu'elles  ne  l'étoient 
que  pour  cause  de  religion,  ne 
dévoient  être  accusées  que  de 
complots  et  tentatives  contre- 
révolutionnaires.  Des  accusa- 
tions de  ce  genre  ne  pouvoient 
sembler  que  ridicules  à  l'égard 
d'une  femme  de  60  ans  qui  vivoit 
dans  la  retraite  ,  et  n'avoit  d'autre 
moyen  de  contre-révolution  que 
ses  prières.  La  veuve  Ballard  étoit 
d'ailleurs  tombée  dans  un  abatte- 
ment extrême  par  la  dt  u  eur  d'a- 


BAL 

voir  perdu  non  seulement  son 
mari,  homme  très -honoré  dans 
la  ville,  mais  récemment  encore 
une  fille  unique  estimée  aussi  à 
cause  de  ses  vertus.  Néanmoins 
cette  veuve  respectable  trouvoit 
des  consolations  à  ses  peines  dans 
les  pratiques  de  la  religion.  Elle 
étoit  connue  pour  éminemment 
pieuse  et  fort  charitable.  Très- 
éclairée  dans  sa  Foi ,  jamais  elle 
n'avoit  voulu  fréquenter  les  églises 
des  prêtres  assermentés  ;  et ,  pour 
aller  aux  exercices  de  piété  des 
prêtres  qui  étoient  restés  catho- 
liques, elle  avoit  souvent  bravé  les 
menaces  et  les  mauvais  traitemens 
d'une  horde  de  révolutionnaires , 
qui ,  armés  de  bâtons  ,  et  sous  le 
nom  ironique  de  pouvoir  exécu- 
tif, couroient  les  rues  de  Mont- 
pellier, s'introduisoient  même  de 
force  dans  les  maisons,  en  mal- 
traitant les  fidèles  qui  s'abstenoient 
d'aller  dans  les  églises  schisma- 
tiques  ,  afin  de  les  forcer  à  s'y 
rendre.  Dans  la  suite  ,  au  mois 
de  mars  179/}*  lorsque  les  vivres 
commençoient  à  devenir  rares  en 
France ,  où  ils  finirent  par  man- 
quer presque  totalement  l'année 
suivante  ,  il  avoit  été  fabriqué , 
dans  Montpellier,  avec  la  prudence 
convenable,  une  certaine  quan- 
tité de  petits  gâteaux  plats  qu'on 
appeloit  galettes ,  pour  la  subsis- 
tance des  infortunés  proscrits, 
qui,  s'étant  réfugiés  en  des  lieux 
secrets  pour  se  soustraire  à  la 
persécution,  ne  pouvoient  aller 


BAL 

chercher  leur  nourriture ,  ni  en 
recevoir  d'autre  sans  que  les  sur- 
veillans ,  qui  calculoient  la  con- 
sommation sur  le  nombre  des 
personnes  connues  dans  une  mai- 
son quelconque,  s'en  aperçussent. 
Ces  galettes  étoient  spécialement 
destinées  aux  prêtres  qui  étoient 
forcés  de  rester  cachés.  Cette  fa- 
brication pieusement  clandestine 
fut  dénoncée  par  un  garçon  bou- 
langer nommé  Etienne  Azéma. 
Dans  une  visite  domiciliaire  faite 
en  conséquence  chez  une  pieuse 
fille  appelée  Elisabeth  Coste 
(  V.  ce  nom),  l'on  trouva  plu- 
sieurs de  ces  gâteaux,  ainsi  que 
beaucoup d'ornemens  d'Eglise,  et 
des  vases  sacrés.  Elle  fut  arrêtée  ; 
et  la  veuve  Ballard,  soupçonnée 
d'avoir  participé  à  ce  prétendu 
délit,  fut  également  conduite  en 
prison  avec  deux  hommes  très- 
attachés  à  la  religion ,  et  qui 
étoient  connus  pour  n'avoir  de 
confiance  qu'aux  prêtres  non  ju- 
reurs  [V.  Jacques  Lazuttes  et 
Ant.  Fr.  Alex.  Roiland).  Ces 
quatre  personnes  furent  traduites 
ensemble ,  avec  huit  prétendus 
complices,  devant  le  tribunal  ré- 
volutionnaire de  YHérault  , 
siégeant  sur  le  théâtre  de  Mont- 
pellier. Les  huit  derniers  accusés 
ayant  été  les  uns  acquittés,  et  les 
autres  condamnés  seulement  à  la 
détention  jusqu'à  la  paix,  nous  ne 
devons  pas  en  parler;  mais  nous 
ne  pouvons  nous  refuser  à  don- 
ner quelques  traits  de  la  sentence 


BAL  i33 
par  laquelle  la  veuve  Ballard  fut 
condamnée  à  la  mort  avec  les 
trois  autres  personnes  ,  sous  le 
ridicule  prétexte  des  galettes. 
Cette  sentence,  en  date  du  19 
germinal  (8  avril  1794  ),  sera 
rapportée  plus  en  entier  à  l'ar- 
ticle d'Elisabeth  Coste,  qui  fut  la 
principale  accusée.  Le  jugement 
supposa  que  ces  galettes  «  ten- 
doient  à  favoriser  les  projets  hos- 
tiles des  émigrés  déportés  et 
autres  ennemis  de  la  république  ». 
Par  ce  mot  déportés  il  devient 
évident  que  les  victimes  avoient 
secouru  des  prêtres  ;  mais  ,  dans 
cette  sentence,  on  ne  voit  d'autre 
charge  particulière  contre  la  veuve 
Ballard  que  «  d'avoir  donné  à 
facturer,  d'avoir  caché  ou  conservé 
une  partie  de  ces  galettes  »;  et  l'on 
peut  dire  affirmativement  qu'elle 
ne  fut  immolée  que  parce  que  ses 
vertus  et  sa  piété  l'avoient  fait 
participer  à  des  bonnes  œuvres 
dont  la  religion  et  les  prêtres  fi- 
dèles étoient  l'objet.  Elle  fut  déca- 
pitée le  même  jour;  et  ses  biens 
furent  confisqués  au  profit  de  la  ré- 
publique. Les  jurés  étoient  Poujet, 
ancien  clerc  de  procureur;  Gaus- 
suin,  facturier;  Rousset,  bridier; 
Moulinier ,  ferblantier  ;  André 
Laval,  propriétaire;  Aimé  Roi, 
dit  Egalité ,  ancien  ga,rçon  bou- 
langer ;  Sabbatier  ,  cordonnier  ; 
Ferren  ,  chapelier,  le  seul  qui  ne 
vota  pas  la  mort;  Lacazc,  commis 
de  bureau  ,  et  Hermct,  aubergiste. 
{V.  Bernardon.) 


ï34  BAL 

BALLET  (Etienne),  Chartreux 
et  prêtre  de  Lyon,  travailloit  de- 
puis quelque  temps  d?ns  le  saint 
ministère ,  et  s'y  reodoit  très-re- 
commandable  par  ses  succès , 
comme  par  son  zèle  et  sa  piété. 
On  l'arrêta  après  le  siège  de  cette 
ville  (  V .  Lyon)  ;  et  les  juges, 
n'ayant  éprouvé  que  le  plus  intré- 
pide refus  à  la  demande  qu'ils  lui 
avoient  faite  de  leur  livrer  ses 
lettres  de  prêtrise  ,  le  condam- 
nèrent à  la  mort.  Quand  il  se  vit 
entre  les  mains  de  l'exécuteur  avec 
un  laïc  qui  devoit  subir  avant  lui 
le  supplice  de  la  guillotine ,  il 
demanda  à  se  trouver  alors  sur 
l'échafaud  pour  s'y  accoutumer 
à  mourir,  en  le  voyant  décapiter. 
Il  obtint  ce  triste  avantage;  et, 
s'étant  mis  à  genoux  au  pied  de 
l'instrument  fatal ,  il  pria  avec 
line  ferveur  qui  excita  l'admira- 
tion des  spectateurs ,  même  de 
ceux  qui  étoicnt  les  plus  animés 
contre  la  religion  et  les  prêtres. 
S'étant  ensuite  relevé  de  lui- 
même,  il  alla  à  l'endroit  où  il  de- 
voit être  attaché  à  l'instrument  de 
mort,  et  consomma  son  sacrifice 
avec  un  courage  inexprimable,  le 
i"  ou  2  janvier  1794  (12  ou 
1 3  ni  vose  an  II  ) ,  à  l'âge  de  60  ans. 
[V .  J.  Badin  et  Baemondière.) 

BALMAIN  (N...),  prêtre  de  la 
congrégation  des  Eudistcs  de  Pa- 
ris ,  ne  s'étoit  pas  moins  fait  remar- 
quer que  ses  confrères  en  1791, 
par  son  opposition  aux  erreurs  de 
!a  constitution  civile  du  clergé. 


BAL 

et  par  ses  vertus.  Les  impies  ne 
le  perdirent  pas  de  vue;  et  le  ter- 
rible 10  août  étant  venu  leur  don- 
ner tout  pouvoir  sur  les  minis- 
tres fidèles  de  la  religion,  Bal- 
main  fut  du  nombre  de  ceux  qu'ils 
arrêtèrent.  Quand  il  eut  refusé 
devant  !e  comité  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
il  fut  enfermé  ,  comme  inser- 
menté, dans  l'église  des  Carmes, 
où  il  eut,  entre  autres  consola- 
tions, celle  de  se  trouver  avec  son 
supérieur  (  V.  Hébert),  et  huit 
autres  Eudistes  {V.  Beaulieu). 
Les  trois  prélats  qu'ils  avoient 
pour  compagnons  de  leur  capti- 
vité (  V.  Dulatj  ,  La  Bochefou- 
cauld)  ,  virent  Balmain  se  rendre 
aussi  digne  qu'eux  de  la  palme 
du  martyre  qu'ils  subirent  le  a 
septembre  suivant.  Balmain  se 
présenta  aux  assassins  avec  la 
même  fermeté  qu'il  avoit  dans  sa 
croyance;  et  périt,  comme  ses 
compagnons,  avec  la  joie  d'être 
trouvé  digne  de  mourir  pour  la 
cause  de  Jésus- Christ.  [}r.  Sep- 
tembre). 

BALMONDIÈBE  (Phh.ipfe 
Bottu  de  La)^  chanoine  de  la  ca- 
thédrale de  Mâcon,  où  il  étoit  né, 
et  prêtre  fidèle  à  sa  Foi  comme  à 
ses  devoirs  ecclésiastiques,  ne  vou- 
lut adhérer  en  aucune  manière  à  la 
constitution  civile  du  clergé. 
La  ville  de  Mâcon  étant  des  plus 
échauffées  par  l'esprit  révolution- 
naire ,  et  celle  de  Lyon  où  La 
Balmondière  avoit  des  parens, 


BAL 

possédant  un  grand  nombre  de  ca- 
tholiques, il  vint  s'y  réfugier.  Cet 
asile  lui  paroissant  assez  sûr,  il  se 
dispensa  de  sortir  de  France ,  lors 
de  la  loi  de  déportation,  rendue 
le  26  août  1792.  Il  conçut  même  , 
pendant  le  siège  de  Lyon  en  1793, 
quelque  espoir  de  voir  naître  un 
ordre  de  choses  politiques ,  qui 
favoriseroit  le  rétablissement  du 
règne  de  la  religion.  Mais  ses  espé- 
rances furent  cruellement  déçues 
lorsqu'après  que  cette  ville  eut  été 
subjguéue  ,  les  proconsuls  de  la 
Convention  y  créèrent  une  com- 
mission révolutionnaire  char- 
gée d'envoyer  à  la  mort  le  plus 
grand  nombre  possible  de  Lyon- 
nais {V.  Lyon).  La  Balmondière 
fut  arrêté,  parce  qu'il  honoroit  le 
sacerdoce  par  ses  vertus.  La  fé- 
roce commission  le  condamna  à 
périr  sur  Péchafaud,  le  1"  nivose 
an  II  (21  décembre  1793),  en  le 
qualifiant  de  «prêtre  fanatique», 
c'est-à-dire  ,  de  prêtre  catholique 
et  zélé.  Son  âge  étoit  alors  de  61 
ans.  [V,  Ballet  et  J.  P.  Baracd). 

BALOT  (Jean),  prêtre  et  reli- 
gieux Cordelier,  du  comtat  Ve- 
naissin  ,  étoit  resté  en  France  sans 
avoir  voulu  faire  le  serment  schis- 
matique.  Betiré  à  Valréas,  près 
Carpentras,  il  y  fut  arrêté  dans 
le  temps  de  la  plus  violente 
effervescence  de  l'athéisme;  et, 
traduit  devant  le  tribunal  criminel 
du  département  de  Vauchuc, 
siégeant  à  Avignon,  il  y  fut  con- 
damné le  27  pluviôse  an  II  (  1 5  fé- 


BAL  i35 

vrier  1794)  5  à  périr  sur  l'échafaud 
en  qualité  de  «  prêtre  réfractaire» , 
et  périt  en  effet  le  même  jour. 

BALZAC  (Pierre-Paul),  prê- 
tre de  la  congrégation  de  ?aint- 
Nicolas-du-Chardonnet,  à  Paris, 
vivoit  avec  les  autres  prêtres  de 
sa  communauté ,  et  ne  se  laissoit 
pas  surpasser  en  zèle  et  en  piété 
par  ses  confrères.  Il  avoit  mani- 
festé,  en  1792,  son  opposition  à 
l'hétérodoxe  constitution  civile 
du  clergé,  décrétée  par  l'Assem- 
blée constituante,  ainsi  que  son 
éloignement  du  serment  d'y  adhé- 
rer et  de  la  maintenir.  Le  i5août,  il 
fut  arrêté  avec  son  supérieur  {V . 
Andriexjx),  et  neuf  prêtres  de  la 
même  maison.  On  le  conduisit 
avec  eux  au  comité  civil  de  la 
section ,  qui  les  écroua  comme 
prisonniers  dans  la  maison  du  sé- 
minaire de Saint-Firmin{V .  Le- 
françois).  Beaucoup  d'autres  prê- 
tres également  inassermentés  , 
parmi  lesquels  étoient  ceux  -  là 
même  de  ce  séminaire,  s'y  trou- 
vèrent comme  eux  captifs  de  Jé- 
sus-Christ. Il  partagea  les  divers 
exercices  de  piété  ,  par  lesquels 
ils  se  préparoient  à  subir  pour 
leur  Foi  la  mort  violente,  dont  ils 
ne  pouvoient  se  dissimuler  qu'ils 
étoient  menacés.  Le  jour  de  leur 
martyre  étant  arrivé  le  3  sep- 
tembre, Balzac  périt  du  même 
genre  de  mort  qui  termina  la  vie 
des  compagnons  de  sa  captivité. 
Il  avoit  alors  42  ans<  (  ^-  Sep- 
tembre. ) 


i36  BAN 

BANNASSAT  (Antoine),  prê- 
tre ,  curé  de  Saint  -  Fiel ,  vice- 
régent  de  l'official  de  Guéret, 
en  l'officialité  de  Limoges ,  né 
à  Guéret  même  .  fut  député  du 
clergé  de  la  sénéchaussée  de 
Guéret,  en  Haute-Marche,  aux 
Etats-Généraux.  Non  seulement 
il  refusa  le  serment  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé  dans  la 
célèbre  séance  de  l'Assemblée 
constituante  du  4  janvier  1791  , 
mais  encore  il  avoit  signé,  le  19 
novembre  1790,  avec  vingt -six 
autres  prêtres,  députés  comme 
lui,  l'adhésion  kY  Exposition  des 
principes  des  évéques  députés 
sur  cette  constitution  civile  du 
clergé;  et  avoit  même  signé  avec 
titre  de  député  du  Guéret.  «  Ce 
vénérable  pasteur,  est-il  dit  dans 
un  Mémoire  imprimé  depuis 
long-temps,  étoit  également  re- 
commandable  par  ses  talens  et  par 
sa  piété  ».  Homme  savant  et  bon 
prêtre  ,  il  jouissoit  de  toute  l'es- 
time de  l'évêque  de  Limoges , 
et  de  ses  concitoyens.  Que  de 
titres  à  la  proscription  en  ces 
temps  d'impiété  !  Bannassat  ne 
sortit  point  de  France  ;  et  il  ré- 
sidoit  dans  le  département  de  la 
Creuse,  lorqu'en  1793,  les  révo- 
lutionnaires du  pays  s'emparèrent 
de  sa  personne.  Il  fut  condamné 
à  la  déportation  au  delà  des  mers, 
et  conduit  à  Bochefort  pour  y  être 
embarqué.  Il  le  fut  sur  le  navire 
tes  Deux  Associés  [V.  Roche- 
fort).  Terminant  sa  vertueuse  vie 


BAN 

par  le  martyre,  il  expira  le  18 
août  1794,  à  l'Sge  de  65  ans;  et 
c'est  dans  l'île  à'Aix  que  reposent 
ses  cendres.  (V.  J.  B.  Auzanet  et 
F.  Baudinet.) 

BANQUE  (N...),  prêtre, 
exerçoit  son  ministère ,  en  qualité 
de  chapelain,  dans  l'hospice  de 
Saint- Jacques  de  l'Hôpital, 
à  Paris.  Les  séductions  de  la 
constitution  civile  du  clergé  le 
trouvèrent  inébranlable  dans  la 
Foi  ;  et  il  refusa  de  prêter  le  ser- 
ment exigé  dans  cette  circons- 
tance. Les  actes  de  charité  que  , 
dans  cet  hospice,  il  avoit  exercés 
envers  tant  de  gens  pauvres ,  l'a- 
voient  trop  fait  connoître  du  peu- 
ple, pour  que  ce  peuple,  à  la  fin 
égaré  par  l'impiété ,  ne  le  désignât 
pas  aux  persécuteurs.  Banque  fut 
même,  en  quelque  sorte,  livré 
par  les  malheureux  auxquels  il 
avoit  donné  les  consolations  de  la 
religion,  dans  leurs  maladies.  Peu 
de  jours  après  le  10  août  1792, 
il  fut  donc  arrêté  ;  et  le  comité  de 
la  section  du  Luxembourg ,  de- 
vant lequel  on  le  traduisit ,  ne  pou- 
vant obtenir  de  lui  le  schismatique 
serment,  le  fit  enfermer  dans  l'é- 
glise des  Carmes,  avec  les  autres 
prêtres  fidèles  qu'on  y  amenoit  de 
toutes  parts  {V.  Dclau).  Le  jour 
de  leur  immolation,  2  septembre 
suivant,  il  partagea  leur  sort,  et 
fut  égorgé  à  son  tour,  pour  n'a- 
voir pas  voulu  trahir  sa  Foi,  et 
manquer  aux  devoirs  de  sa  cons- 
cience. (  V.  Septembre.)  , 


BAR 

BARASLE  (  Marie  -  Eugénie 
de),  religieuse  d'un  couvent  de 
Cambrai,  s'étoit  retirée,  après  lu 
suppression  des  ordres  monas- 
tiques, dans  la  maison  de  son 
frère  Mathieu  de  Barasle ,  gentil- 
homme du  Cambrésis.  Lorsque 
le  proconsul  Joseph  Lebon  eut 
porté  dans  cette  province,  ses  fu- 
reurs contre  la  religion  et  les  per- 
sonnes consacrées  à  Dieu  ;  lorsqu'il 
eut  fait  venir  à  Cambrai  son  impie 
tribunal  révolutionnaire,  Marie- 
Eugénie,  et  sa  sœur  Marie-José- 
phine, qui  étoit  dans  le  même 
asile ,  furent  arrêtées ,  ainsi  que 
leur  respectable  hôte  [V.  Abras). 
Le  proconsul  ne  tarda  pas  à  les 
faire  condamner  par  les  monstres 
qu'il  appeloitjw</e*y  et,  le  1 7  prai- 
rial an  II  (5  juin  1794),  la  reli- 
gieuse Marie-Eugénie  fut  envoyée 
à  l'échafaud ,  comme  «  traître  à  la 
patrie  »,  ainsi  que  sa  sœur  et  son 
frère.  {V.  R.  Bâcler,  et  M.  J.  N. 
Barasle). 

BARASLE  (  Marie-Joséphine- 
Nedonchel  de  ) ,  religieuse  d'un 
couvent  de  Cambrai,  s'étoit  re- 
tirée, après  la  suppression  des 
cloîtres,  dans  un  asile  commun  , 
avec  l'autre  religieuse  de  son  nom , 
dont  nous  venons  de  parler.  Le 
proconsul  Joseph  Lebon,  ayant 
transporté  d'Arras  à  Cambrai  , 
son  tribunal  révolutionnaire,  et 
cherchant  spécialement  les  per- 
sonnes pieuses,  pour  les  immo- 
ler, ne  manqua  pas  de  faire  saisir 
Cés  deux  religieuses.  Elles  furent 


BAR  137 

livrées  aux  bourreaux  qu'il  appe- 
loit  juges;  et  cet  impie  tribunal 
envoya  au  dernier  supplice  Marie- 
Joséphine,  avec  Louise-Eugénie, 
le  17  prairial  an  II  (5  juin  1794)» 
comme  «  traîtres  à  la  patrie  », 
parce  qu'elles  faisoient  profession 
de  piété.  {V.  M.  E.  Barasle,  et 
J.  Barbier.) 

BARAUD  (Louis), prêtre,  reli- 
gieux Carme  ,  âgé  de  66  ans , 
exerçoit  avec  fruit,  quoique  avec 
gêne ,  son  ministère  ,  à  Lyon , 
pendant  l'insurrection  des  Lyon- 
nais contre  l'infâme  Convention. 
Le  P.  Baraud  fut  requis  pour  être 
de  quelque  utilité  à  leur  système, 
et  ne  put  s'empêcher  d'être  secré- 
taire d'une  de  ces  assemblées  qu'on 
appeloit  sections.  Lorsque  ensuite 
la  commission  révolutionnaire 
de  Lyon,  cherchant  à  multiplier 
ses  victimes,  avoit  tant  de  soin 
d'y  comprendre  tout  ce  qu'on  pou- 
voit  découvrir  de  prêtres ,  le  P.  Ba- 
raud fut  arrêté  (  V.  Lyon).  En 
vain  chercha-t-on  à  lui  faire  prê- 
ter le  serment  de  liherté-èyalité , 
et  livrer  ses  lettres  de  prêtrise;  il 
aima  mieux  mourir,  et  fut  con- 
damné à  la  mort ,  comme  «  secré- 
taire de  section  et  prêtre  contre- 
révolutionnaire  » ,  le  28  frimaire 
an  II  (18  décembre  1793).  (  V .  Et. 
Ballet  et  J.  R.  Bardanèche.) 

BARRERON  (Marie-Jeanne), 
âgée  de  47  ans,  maîtresse  d'une 
maison  d'éducation  à  Orléans , 
tout  en  exerçant  cette  honorable 
et  utile  profession,  avec  sa  sœur 


j58  bah 

(  V.  ci-après),  pratiquoit  avec  elle, 
en  particulier,  pendant  la  sacrilège 
terreur  de  1795,  les  devoirs  de  sa 
religion.  C'est  déjà  faire  connoître 
qu'elle  avoit  préservé  sa  Foi  de 
toutes  les  atteintes  de  l'erreur 
constitutionnelle.  Pour  avoir  plus 
à  leur  disposition  un  ministre  du 
Seigneur,  comme  aussi  pour  le 
soustraire  aux  recherches  homi- 
cides des  révolutionnaires,  elle 
avoit  donné  asile  à  un  prêtre  de 
la  congrégation  de  Saint-Sulpice, 
nommé  Ploquin  [V.  ce  nom),  et 
avoit  même  accueilli  un  jeune 
homme  déjà  très-pieux,  qui  ne 
couroit  pas  de  moindres  dangers 
{F.  Bimbenet).  Ces  deux  héroïnes 
de  l'hospitalité  chrétienne  furent 
dénoncées  par  un  homme  qui  te- 
noit  à  loyer  un  petit  appartement 
dans  leur  maison;  et  on  vint  les 
arrêter,  avec  leurs  deux  hôtes, 
dans  la  nuit  du  11  au  12  sep- 
tembre îjgô.  Elles  ne  tardèrent 
pas  à  être  conduites  avec  eux  à 
Paris ,  par  des  gendarmes.  On 
pourra  voir  les  touchantes  parti- 
cularités de  leur  voyage  à  l'article 
de  Bimbenet.  Elles  ne  désiroient 
pas  moins  que  lui  et  le  prêtre 
Ploquin,  de  confesser  leur  Foi 
devant  l'impie  tribunal  ;  mais  elles 
n'y  furent  appelées  qu'après  quatre 
mois  de  séjour  dans  les  prisons  de 
la  capitale.  Leur  constance,  loin 
d'être  fatiguée  par  ce  délai,  en 
devint  plus  affermie.  De  concert 
avec  sa  sœur,  et  en  présence  de 
leurs  deux  hôtes,  Marie  -  Jeanne 


BAR 

Barberon  se  fit  gloire  d'avoir  ac- 
compli un  devoir  de  la  religion, 
en  donnant  asile  à  deux  hommes 
vertueux  que  la  persécution  me- 
naçoit  (  V.  i'  Alix);  et  elle  fut 
condamnée  comme  eux,  avec  sa 
sœur,  à  perdre  la  vie,  parce  qu'elle 
les  avoit  cachés  dans  leur  domi- 
cile.Le  contentement  qu'elles  res- 
sentirent de  mourir  ainsi  pour  une 
action  religieuse  faite  en  vue  de 
Dieu ,  se  manifesta  sur  leur  phy- 
sionomie. Une  personne  de  leurs 
amies,  qui  étoit  dans  la  prison, 
et  qui  y  vit  revenir  du  tribunal  ces 
deux  saintes  filles  ,  avec  leurs  deux 
hôtes,  condamnés  comme  elles  à 
la  peine  de  mort,  a  dit,  dans  une 
lettre  du  27  novembre  de  l'année 
suivante  :  «  Ces  condamnés  des- 
cendirent du  tribunal,  et  passèrent 
si  près  de  moi ,  qu'avec  une  Foi 
plus  vive  que  la  mienne,  j'aurois 
pu  me  jeter  à  leurs  pieds,  et  me 
recommandera  leurs  prières  (1)  ; 
mais  je  n'entendis  que  trop  forte- 
ment la  voix  de  l'amitié  :  je  fondis 
en  larmes,  et  je  mis  mon  visage 
dans  mon  mouchoir,  pour  les  lais- 
ser couler  sans  offenser  personne. 
Leur  visage  portoit  un  calme  , 
une  sérénité,  une  majesté  qui  ne 
s'effaceront  jamais  de  ma  mé- 
moire. Déjà  consommés  en  Dieu, 

(1)  Ainsi  en  avoient  agi  les  fidèles 
en  voyant  aller  au  supplice  le  saint 
Martyr  Lucius,  vers  a5g.  Ils  l'invo- 
quoient  déjà  en  lui  disant  :  Frater, 
mémento  nostri.  (Ruinart  :  Passio  SS. 
Montant  ,  Lucii,  etc.  n°  xn.) 


BAH 

ils  ne  voyoîent  que  lui».  Marie- 
Jeanne  Barberon,  ainsi  que  sa 
sœur,  prirent  part  au  cantique  de 
louanges  que  le  jeune  Bimbenet 
entonna,  lorsqu'il  montoit sur  l'é- 
cliafaud.  Elle  perdit  ainsi  la  vie 
périssable  de  la  terre,  pour  la 
vie  immortelle ,  le  même  jour, 
25  février  170,4  ?  alors  appelé  Je 
7  ventôse  de  l'an  II  de  la  répu- 
blique. 

BABBERON  (Elisabeth),  sœur 
puînée  de  la  précédente,  et  âgée 
de  l\i  ans,  exercoit  en  commun, 
avec  elle,  à  la  grande  satisfaction 
des  honnêtes  gens  d'Orléans,  la 
profession  d'institutrice.  Elle  par- 
tageoit  aussi  ses  affections  pieuses 
et  ses  œuvres  de  bienfaisance. 
C'est  à  elle ,  ainsi  qu'à  Marie- 
Jeanne  Barberon,  que  le  vertueux 
prêtre  Ploquin  et  le  jeune  Bim- 
Jienet  durent  l'asile  qu'ils  reçurent 
chez  ces  deux  saintes  fdles.  Elisa- 
beth ,  comme  sa  sœur,  leur  dut 
à  son  tour  la  gloire  du  martyre. 
On  a  déjà  vu,  dans  l'article  pré- 
cédent, que  toutes  les  deux  furent 
arrêtées  en  septembre  1793,  et 
conduites  ensuite  à  Paris,  pour  y 
être  immolées  par  le  tribunal  ré- 
volutionnaire. Elle  le  fut  donc 
pareillement  le  a5  février  suivant. 
Les  sentimens  religieux  d'Elisa- 
beth furent  aussi  héroïques  que 
ceux  de  sa  sœur;  et  tout  ce  que 
nous  avons  raconté  d'admirable 
sur  la  manière  avec  laquelle  celle- 
ci  marcha  à  la  mort,  appartient 
également  à  celle-là.  (V.  M.  J. 


BAR  1% 
Bauberon,  B.  Bimbenet,  et  J.  M. 
Ploqvin.) 

BARBIER  (Jean),  marchand 
dans  la  ville  d'Aire  ,  en  Artois  ;  et 
né  à  Veselie  en  Lorraine,  fut  du 
nombre  des  catholiques  fidèles 
qui,  lors  du  schisme  constitu- 
tionnel de  1791  ,  signèrent  une 
adresse  aux  administrateurs  du 
département  du  Pas-de-Calais, 
pour  obtenir ,  conformément  à 
la  liberté  de  culte  alors  décrétée , 
qu'il  leur  fût  permis  de  faire  des- 
servir l'église  paroissiale  de  Notre- 
Dame  d'Aire  par  des  prêtres  non- 
assermentés.  L'apostat  Lebon  , 
envoyé  proconsul  dans  cette  pro- 
vince, ne  pouvoit  pardonner  cet 
acte  de  Foi  catholique  ;  il  se  fit 
amener  Barbier,  et  le  livra  à  son 
tribunal  révolutionnaire  alors 
siégeant  à  Arras ,  avec  injonction 
de  l'envoyer  à  la  mort  (  V .  Arras). 
Jean  Barbier  fut  donc  condamné 
au  dernier  supplice  le  2  prairial 
an  II  (21  mai  1794)  pour  ce  té- 
moignage éminent  de  sa  Foi ,  sans 
autre  motif  énoncé  dans  la  sen- 
tence, et  par  conséquent  d'une 
manière  bien  évidente  en  haine 
de  la  religion  catholique.  (  V .  M.  J. 
Barasle  et  M.  J.  D.  Bataille.) 

BARBIN  (Jean),  prêtre  du 
diocèse  d'Angers ,  vicaire  en  la 
paroisse  de  Saint -Laurent -des- 
Autels ,  près  d'Anccnis  en  Anjou , 
y  étant  resté  pour  les  besoins 
spirituels  des  catholiques,  y  fut 
arrêté  vers  la  fin  de  l'année  1793, 
époque  des  plus  grandes  fureurs 


i4o  BAR 

de  l'athéisme.  On  le  conduisit 
dans  les  prisons  de  Saint-Malo  ; 
et  la  commission  militaire  qui  y 
étoit  établie  pour  immoler  tous 
ceux  qu'on  lui  amèneroit,  sans 
autre  procédure  que  de  les  qua- 
lifier brigands  de  la  Vendée 
(V.  Vendée),  condamna  comme 
tel  le  vicaire  Barbier  à  la  peine 
de  mort,  le  12  nivose  an  II  (1" 
janvier  1794)- 

BARDANËCHE  (Jacqtjes-Rai- 
mond),  né  à  Saint-Jacques-des- 
Arrêts ,  canton  de  Villefranche  , 
en  Beaujolais,  étoit  curé  dans  le 
diocèse   de  Lyon.    II  avoit  été 
forcé  de  s'éloigner  de  sa  paroisse 
par  suite  de  son  refus  du  serment 
à  la  constitut  ion  civile  du  clergé, 
et  s'étoit  retiré  dans  son  pays  na- 
tal, où  il  remplissoit  en  silence 
ses  devoirs  de  chrétien  et  de  prê- 
tre de  Jésus- Christ.  Lorsque  les 
proconsuls  envoyés  à  Lyon  par  la 
Convention  vers  la  fin  de  1793, 
y  eurent  établi  cette  inipie  com- 
mission révolutionnaire  qui  en- 
voyoit  à  la  mort  tous  les  honnêtes 
gens  qui  lui  étoient  livrés ,  ses 
agens  ne  négligeoient  pas  la  com- 
mission particulière  qu'ils  avoient 
de  donner  la  chasse  aux  prêtres, 
et  de  les  faire  périr.  Le  curé  Bar- 
danèche  fut  arrêté  dans  sa  retraite , 
et  traîné  à  Lyon  devant  le  farou- 
che tribunal  [V.  Lyon).  Vaine- 
ment il  lui  demanda  le  serment 
de  liberté-égalité,  le  seul  qu'on 
exigeoit  alors  ;  le  curé  Bardanè- 
che  le  trouvant  aussi  criminel  que 


BAR 

celui  qu'il  avoit  auparavant  refusé, 
ne  voulut  point  le  prêter,  et  fut 
aussitôt  condamné  à  la  peine  de 
mort,  comme  «  contre  -  révolu- 
tionnaire, et  prêchant  le  fana- 
tisme »  ,  c'est-à-dire  la  religion. 
Ce  jugement  qu'il  ne  tarda  point 
à  subir,  à  l'âge  de  56  ans,  fut 
rendu  le  16  pluviôse  an  II  (4  fé- 
vrier 1794)-  (  V-  L.  Barabd  et 
C  Barrier.) 

BARDAS  (iV...),  chapelain  de 
Ligny,  dans  le  diocèse  de  Toul, 
étoit  né  à  Bar -sur  -  Ornain ,  au 
même  diocèse  ,   vers    1734-  U 
n'adhéra  point  aux  innovations 
schismatiques  de    1791  ,  et  se 
maintint  dans  toute  la  pureté  de 
la  Foi  catholique,  au  milieu  des 
impiétés  qui  inondèrent  la  France 
surtout  à  la  fin  de  1792.  Sa  con-» 
tlition  de  prêtre  non  fonctionnaire 
public,  et  son  âge,  lui  parurent 
des  motifs  suffisans  pour  ne  pas 
sortir  de  France  ;  et  il  resta  dans 
sa  ville  natale ,  alors  comprise 
dans  le  département  de  la  Meuse. 
On  l'y  surprit  en  1793;  et  bientôt 
condamné  à  la  déportation  au  delà 
des  mers,  il  fut  traîné  à  Roche- 
fort  ,  et  embarqué  sur  le  IV a- 
shington  [V.  Rochefort).  Les 
forces  de  son  âge  ne  correspondi- 
rent point  au  courage  de  sa  Foi.  H 
succomba  sous  le  poids  des  maux 
qu'on  y  souffroit,  et  rendit  son 
dernier  soupir ,  à  60  ans ,  dans  le 
printemps  de  1 794-  On  n'a  pu  nous 
dire  où  il  fut  enterré.  {V.  F.  Bar^ 
dinet  et  L.  Barnon.) 


BAR 

BARDINET  (François),  prêtre, 


chanoine  régulier  de  la  congréga-  cèse  de  Limoges,  étoit  né  à  Saint- 
tion  de  France,  dite  de  Sainte-  Léonard-de-Noblac,  dans  le  même 
Geneviève  ,  étoit  conventuel  de  diocèse.  II  se  tint  à  l'écart  du 
la  maison  que  son  ordre  possé-  schisme  constitutionnel  de  1791  , 
doit  au  Mans.  Limoges  lui  avoit  et  en  repoussa  le  serment.  Il  n'ac- 
donné  le  jour  en  1751.  Les  inno-  cueillit  pas  mieux  la  proposition 
vations  impies  de  1791  et  1792  ne  de  faire  celui  de  liberté-égalité. 
le  virent  point  dévier  des  prin-  Homme  instruit  dans  les  sciences 
cipes  de  la  Foi  catholique;  et  les  de  son  état,  il  l'étoit  encore  dans 
révolutionnaires  ne  lui  pardon-  les  arts,  et  notamment  celui  de 
noient  point  cette  constance.  Us  la  peinture  ;  mais  les  choses  de  la 
l'arrêtèrent  en  1793,  a  Limoges,  Foi  étoient  alors  les  seules  qui 
où  il  s'étoit  retiré  depuis  la  sup-  pussent  l'intéresser.  Il  ne  sortit 
pression  des  établissemens  mo-  point  deFrance ,  lors  de  la  mena- 
nastiques.  Les  autorités  du  dépar-  çante  loi  du  26  août  1792,  et  con- 
tement  de  la  Haute -Vienne  le  tinua  de  résider  dans  sa  province, 
condamnèrent  à  la  déportation  Il  y  fut  arrêté  en  1793  ;  et ,  au  com- 
à  la  Guiane;  et  il  fut  en  consé-  mencement  de  1794»  on  le  fit 
quence  conduit  à  Rochefort  pour  conduire  à  Rochefort  pour  être 
y  être  embarqué  [V .  Rochefort).  déporté  au  delà  des  mers  [V .  Ro- 
On  le  mit  sur  le  navire  les  Deux  chefort).  Emprisonné  dans  cette 
Associés;  et,  après  y  avoir  souf-  ville,  il  y  devint  si  dangereuse- 
fert  pendant  plusieurs  mois  ,  il  ment  malade  qu'on  ne  put  se  dis- 
succomba dans  la  nuit  du  6  au  7  penser  de  le  porter  à  l'hôpital,  où 
septembre  1794?  à  l'âge  de  43  il  mourut,  à  l'âge  de  42  ans,  le 
ans.  C'étoit  un  excellent  ecclé-  20  avril  1794?  sans  pouvoir  être 
siastique.  Ses   cendres  reposent  embarqué.  (  V.  Bardas  et  J.  B. 
dans  l'île  Madame.  (V.  A.  Ban-  Barthélemi.  ) 
nassat  et  Bardas.)  BARREAU  (Dom  Loris),  reli- 
BARILLÈRE  (  François  -  Jé-  gieux  bénédictin  de  la  congréga- 
rôme),  chanoine  et  vicaire-génc-  tionde  Saint-Maur,  neveu  de  dom 
rai.  (V.  F.  J.  Couasnon.)  Chevreux ,   général   de  l'ordre 
BARNABE  (Le  Père),  reli-  (  V.  Chevreux  ),  n'étoit  encore 
gieux  du  tiers-ordre.  (V.  J.  B.  Jh  que  diacre  Iorsqu'arriva  ce  fatal 
Grandmaire.)  10  août,  qui  affranchit  de  tout 


BARNON  (Léonard),  prêtre,  légalementcomprendredom Louis 
chanoine  de  la  collégiale  de  Suint-   Barreau  parmi  les  prêtres  asser- 


BARNABÉ  (Le  Père),  Ca- 
pucin. (V.  J.  F.  Jeanson.) 


frein  les  ennemis  de  la  religion  et 
de  ses  ministres.  On  ne  pouvoit 


i.,2  BAli 

mentés  qu'alors  on  arrêt  oit,  pour 
les  égorger  quelques  jours  après, 
puisque,  n'étant  que  diacre,  et 
n'ayant  d'ailleurs  aucune  fonction 
publique,  il  ne  pouvoit  avoir  été 
astreint  au  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé.  Mais  on 
lui  connoissoit  des  vertus  qui  le 
lui  auroient  fait  refuser;  il  étoit 
attaché  de  très-près  au  service  des 
autels, et  il  étoit  trop  digne  neveu 
d'un  religieux  illustre  par  ses  lu- 
mières et  par  sa  piété,  pour  ne 
pas  être  associé  à  son  martyre.  Il 
fut  donc  arrêté  comme  lui,  après 
le  10  août  1792.  Le  comité  de  la 
section  du  Luxembourg ,  devant 
lequel  il  fut  amené,  lui  demanda 
le  serment  ;  dom  Barreau ,  le  refu- 
sant, comme  contraire  à  sa  cons- 
cience, fut  envoyé  prisonnier  dans 
l'église  des  Carmes,  avec  son 
oncle ,  et  nombre  d'autres  véné- 
rables prêtres  (  V .  Dulau).  Désor- 
mais inséparable  d'eux,  dans  tous 
leurs  actes  de  piété,  il  mourra  de 
la  même  mort  violente,  et  pour 
la  même  cause.  Ferme  dans  sa 
Foi,  il  en  reçut  la  récompense  de 
la  main  des  assassins  qui ,  le  2  sep- 
tembre ,  donnèrent  à  l'Eglise  tant 
de  nouveaux  Martyrs.  (F.  Sep- 
tembre.) 

B ARRET  (iY...),  prêtre, 
vicaire  de  l'église  paroissiale  de 
Saint-Roch,  à  Paris,  se  distin- 
guoit  par  un  zèle  très-éclairé.  On 
peut  juger  du  noble  caractère  de 
sa  piété  ,  par  l'idée  qu'il  eut  de 
publier,  pour   l'édification  des 


BAR 

lidèles,  un  Recueil  des  pensées 
de  Bossuet.  Edifiant  autant  qwe 
zélé,  il  avoit  d'ailleurs  toutes  Les 
qualités  de  l'esprit  et  du  cœur  qui 
peuvent  faciliter  les  succès  du 
saint  ministère  ,  dans  le  prêtre  qui 
l'exerce.  Sa  loyauté,  sa  droiture 
et  son  exquise  sensibilité,  char- 
moient  tous  ceux  auxquels  il 
parloit.  Obligeant  pour  tout  le 
monde,  plein  de  douceur  envers 
les  pauvres,  il  ne  laissoit,  pour 
ainsi  dire  ,  l'administration  des 
sacremens,  la  célébration  des  of- 
fices divins,  et  la  prédication  de 
l'Evangile  ,  que  pour  se  livrer  aux 
œuvres  de  la  charité  chrétienne. 
Jeune  encore,  il  promettoit  a 
l'Eglise  des  services  irnportans, 
lorsque  son  zèle  reçut  des  entraves 
par  cette  constitution  civile  du 
clergé  dont  il  lui  auroit  fallu 
faire  le  serment  illicite  pour  con- 
tinuer librement  ses  fonctions. 
Mais  ce  serment  ne  pouvoit  être 
fait  par  un  aussi  bon  prêtre  :  il  le 
refusa;  et  ce  fut  un  prétexte  à 
l'impiété  ,  pour  se  débarrasser  de 
ses  exemples  comme  de  ses  exhor- 
tations, lorsque,  le  lendemain  du 
10  août,  elle  rechercha  les  prêtres 
insermentés,  avec  le  dessein  de 
s'en  défaire.  Barret  fut  arrêté.  Le 
comité  de  la  section  du  Luxem- 
bourg,  ne  pouvant  obtenir  de 
lui  le  même  serment,  le  fit  em- 
prisonner dans  l'église  des  Car- 
mes* avec  tant  d'autres  semblables 
confesseurs  de  la  Foi  {V.  Dilau)  ; 
et  il  y  fut  massacré  avec  eux,  le 


BAR 

2  septembre  suivant.  (  V.  Sep- 
tembre.) 

BARREZ  (Jeanne-Louise),  re- 
ligieuse Ursuline  de  Valenciennes, 
née,  vers  1748,  à  Sailly  en  Ostre- 
vant,  dans  le  Hainaut,  assez  près 
d'Arras,  avoit  pris  l'habit  de  l'or- 
dre de  Sainte  -  Ursule  ,  à  Valen- 
ciennes, le  16  janvier  1770,  et 
fait  ses  vœux  le  20  janvier  1777, 
1  sous  le  nom  de  sœur  Marie-Cor- 
dule  -  J oseph  de  Saint  -  Domi- 
j  nique.  A  la  destruction  des  cloîtres, 
en  1791,  elle  n'abandonna  pas 
sa  règle,  et  ne  se  sépara  point  de 
sa  supérieure  (  V.  M.  C.  José- 
phine Paillot).  Elle  la  suivit  à 
Mons,  lorsque  la  persécution, 
augmentant  chaque  jour,  ne  leur 
permettoit  plus  de  vaquer  libre- 
ment à  leurs  saints  exercices,  et 
en  revint  avec  elle  ,  après  que  les 
Autrichiens ,  ayant  pris  Valen- 
ciennes, le  i"août  1793,  y  eurent 
rétabli  l'ordre  et  la  paix  (  V .  Va- 
lenciennes). Mais,  quand  ils  furent 
obligés  d'évacuer  cette  ville,  le 
<     1"  septembre  1794  5  la  religieuse 
j.     Barrez ,  comme  ses  compagnes  et 
les  prêtres ,  devint  la  proie  des  per- 
sécuteurs. On  la  jeta  dans  les  fers  ; 
j,     elle  fut  traduite  devant  une  eom- 
|j     mission  militaire  ,  avec  quatre 
,.  '    autres  religieuses,  et  quatre  mi- 
j,     nistres  du  Seigneur,  le  2  bru- 
maire an  III  (23  octobre  1794), 
t.     lorsque  la  Convention  ,  depuis 
deux  mois  et  vingt-huit  jours ,  van- 
tant son  9  thermidor,  rejetoit 
jj     sur  Roberspicrre  toutes  les  atro- 


BAR  143 

cités  commises  auparavant  (  V .  M. 
C.  Joséphine  Paillot,  M.  M.  Le- 
roux, A.  J.  Leroux,  L.  Lacroix, 
Laisney,  Druez,  J.  Saudeur,  et 
Brûlé  ).  Les  proconsuls  dissimu- 
lant, autant  qu'ils  le  pou  voient, 
leur  haine  de  la  religion,  avoient 
imaginé,  contre  ces  victimes,  le 
prétexte  de  leur  sortie  de  France; 
et  les  juges  bornèrent  toute  la 
procédure  à  leur  demander  si  elles 
avoient  émigré.  Incapable ,  autant 
que  les  autres,  do  racheter  sa  vie 
par  un  mensonge,  la  religieuse 
Barrez  répondit  avec  franchise;  et 
c'en  fut  assez  pour  que  les  juges 
la  condamnassent  à  la  peine  de. 
mort,  comme  «émigrée-rentrée». 
Déjà,  le  16  du  même  mois,  cinq 
autres  religieusesUrsulines  avoient 
péri  de  la  même  manière  [V .  H. 
Bourlat ,  et  M.  C.  Joséphine  Pail- 
lot). Lorsque  la  sœur  Barrez  alla 
au  lien  du  supplice,  se  félicitant 
d'être  la  compagne  des  huit  autres 
victimes  religieuses,  elle  récitoit, 
avec  ses  sœurs,  les  Litanies  des 
Saints;  et  sa  mort  fut  celle  d'une 
Martyre  qui  en  reçoit  la  palme 
dans  le  ciel.  (  V.  Auchin  et  D.  Bel- 
trémieux.) 

BARRIER  (Claude),  né  à  Us- 
son,  bourg  de  la  province  du  Fo- 
rez ,  étoit  jeune  et  nouvellement 
prêtre ,  lorsque  l'Assemblée  cons- 
tituante demanda  le  serment  de 
la  constitution  civile  du  cterqé- 
Barrier  eut  la  foiblesse  de  le  prê- 
ter; mais,  reconnoissant  ensuite 
sa  faute,  il  l'expia  par  une  ré-* 


144  BAK 
traclaiion  généreuse  et  solennelle, 
qui  prouvent  la  sincérité  de  sa  Foi. 
Inhabile,  par  cela  même,  à  occu- 
per aucune  place  du  nouvel  ordre 
de  choses  ecclésiastiques,  et  ab- 
horrant le  schisme  qu'elles  avoient 
introduit  dans  l'Eglise ,  il  vécut 
retiré  dans  sa  famille,  à  Usson. 
L'édification  de  son  retour  à  l'u- 
nité ne  pouvoit  lui  être  pardonnée 
par  les  révolutionnaires;  et  ils 
attendoient  impatiemment  l'occa- 
sion de  s'en  venger.  Us  en  trouvè- 
rent une  infiniment  propice  à  leurs 
vues,  dans  la  recherche  qu'à  la  fin 
de  1793,  les  agens  de  la  commis- 
sion révolutionnaire de  Lyon  fai- 
soient  desprêtres,  pour  les  détruire 
(  V.  Lyoî*).  Barrier  l'ut  saisi  et 
amené  à  Lyon.  En  vain  elle  essaya 
de  le  forcer  à  révoquer  sa  rétracta- 
tion ,  et  de  l'amener  à  une  aposta- 
sie encore  plus  formelle ,  par  la  tra- 
dition de  ses  lettres  de  prêtrise.  11 
ne  voulut  pas  même  faire  le  ser- 
ment de  iibertc-égaiilé ,  qui  lui 
étoit  commandé;  et  il  fut  con- 
damné àlapeine  de  mort,  à  l'âge  de 
28  ans,  le  28  ventôse  an  II  (  18  mars 
1794)5  comme  «  prêtre  fanatique , 
ayant  rétracté  son  serment».  La 
sentence  fut  exécutée  le  lende- 
main. [V .  Bardais  èche,  J'  Beau- 

QUIS  ,  et  PlERRU.) 

BARRY  (  Laurent  ) ,  simple 
frère  de  l'ordre  des  Cordeliers , 
en  leur  maison  de  Bordeaux,  étoit 
natif  de  Rodez.  Après  la  suppres- 
sion des  ordres  monastiques,  il 
resta  dans  la  ville  de  Bordeaux. 


BAR 

Lediûcalion  de  sa  conduite,  le 
souvenir  de  sa  jeunesse  consacrée 
particulièrement  à  la  religion,  lui 
attirèrent  la  fureur  des  persécu- 
teurs. 11  fut  arrêté  et  jeté  dans 
une  des  prisons  de  la  ville  (  V.  Bor- 
deaux). Sa  santé  ne  put  soutenir 
tant  de  maux;  et  il  fut  transporté 
à  l'hôpital  de  Saint-André ,  où  il 
rendit  son  dernier  soupir,  le 
11  octobre  1795,  à  l'âge  de 
45  ans.  {V.  Bacquet  et  F.  Bau- 

DUER.) 

BARTHE  (Jacques),  prêtre  du 
diocèse  d'Albi,  né  dans  la  paroisse 
de  la  Terre-CIapied,  sur  laLisert, 
en  1739,  fut  d'abord  contrarié  par- 
la pauvreté  de  ses  parens,  dans  le 
désir  de  s'instruire  qui  étoit  déjà 
l'indicede  sa  vocation  à  l'état  ecclé- 
siastique. Il  ne  put  commencer 
qu'à  27  ans  ses  études  théolo- 
giques ,  au  séminaire  d'Albi.  Les 
progrès  qu'il  y  lit,  tant  sous  le 
rapport  de  la  science  que  sous  celui 
de  la  piété ,  le  rendirent  très-digne 
d'être  promu  au  sacerdoce .  à 
l'âge  de  3o  ans.  Ses  supérieurs 
l'envoyèrent  alors  desservir  l'an- 
nexe de  Saint-Etienne  de  Tarabu- 
set,  dépendante  de  la  cure  de 
Teillet,  près  la  limite  du  diocèse 
de  Castres,  et  non  loin  du  lieu  de 
sa  naissance,  en  l'annonçant  de 
la  manière  la  plus  avantageuse  au 
curé  de  cette  paroisse.  Us  lui  écri- 
virent qu'ils  lui  donnoient  un  de 
leurs  meilleurs  sujets ,  tant  sous 
le  rapport  de  la  piété  que  sous 
celui  de  l'instruction*  Le  zèle  eç 


BAR 

la  rie  exemplaire  de  ce  •vicaire 
produisirent  à  Tarabuset  le  plus 
grand  bien;  et,  quand  la  révolu- 
tion eut  ensuite  obligé  les  curés 
et  les  desservans  d'abandonner 
leurs  églises ,  Barthe ,  ayant  trouvé 
un  asile  sûr  dans  son  canton,  fut 
du  plus  grand  secours  aux  pa- 
roisses voisines.  11  se  transportant 
partout  où  son  ministère  pouvoit 
être  nécessaire,  et  sans  être  retenu 
par  la  crainte  d'aucun  danger.  La 
seule  qu'il  eut ,  surtout  depuis 
la  lin  de  1792  ,  étoit  de  com- 
promettre les  fidèles  chez  lesquels 
il  alloit,  ou  qui  lui  donnoicnt 
asile,  attendu  la  peine  de  mort 
décernée  contre  quiconque  ac- 
cueilleroit  un  prêtre.  Dans  ses 
courses  apostoliques,  il  étoit  venu 
à  Albi,  pour  quelque  fonction  de 
son  ministère;  et  la  persécution  y 
étoit  alors  fort  animée  contre  les 
prêtres  fidèles  et  leurs  hôtes  chari- 
tables. Barthe  logeoit  secrètement 
chez  un  pauvre  cordonnier  nommé 
Sudre,  qui,  depuis  trente-deux 
ans ,  offroit ,  avec  sa  femme ,  le 
spectacle  d'une  vertu  éclatante, 
dans  une  condition  obscure.  Les 
agens  de  la  persécution  y  décou- 
vrent Barthe,  et  le  font  enlever, 
ainsi  que  ses  hôtes  et  un  de  leurs 
voisins  qui,  exerçant  la  même 
profession,  avoit  avec  Sudre  des 
liaisons  de  piété.  Quinze  fusiliers 
les  traînent  dans  les  prisons  de 
Castres,  en  leur  faisant  éprouver, 
sur  la  route,  toutes  sortes  d'ou- 
trages et  de  mauvais  traitemens. 

2, 


BAR  145 
Le  calme  et  la  résignation  de 
Barthe  ,  en  soutenant  le  courage 
de  ses  trois  comoagnons  d'in- 
fortune, irritoient  davantage  les 
gardes.  Enfin  ,1e  5  frimaire  an  III 
(  20  novembre  1794),  plus  de 
quatre  mois  après  la  chute  de 
R  b<;rspierre  ,  ces  quatre  vic- 
times sont  traduites  de/ant  le  tri- 
bunal criminel  du  département 
du  Tarn,  siégeant  à  Castres.  Il 
condamna  Barthe  à  la  peine  de 
mort  ,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  » .  Son  hôte  périt  avec  lui. 
{V.  J.  Si  DRE.  ) 

L'évêquede  Castres  en  ce  temps- 
là,  Jean-Marc  de  Royère,  mort 
depuis  lors  en  exil,  déclaroit  Mar- 
tyrs ces  deux  victimes,  dans  une 
lettre  que,  d'Alcobaça  en  Portugal 
où  il  étoit  réfugié,  il  écrivit  à 
Rome,  à  M.  l'abbé  d'Auribeau , 
chargé  par  le  pape  Pie  VI,  de 
recueillir  des  Mémoires  sur  la 
persécution  française.  Cette  lettre  , 
dont  on  verra  un  assez  long  frag- 
ment à  l'article  du  P.  J.  B.  Im- 
bert,  Dominicain,  ayant  été  com- 
muniqucée  à  Sa  Saintté,  elle  la  fit 
traduire ,  à  l'instant ,  en  italien , 
pour  être  insérée  en  entier  dans 
le  Giornale  ecclesiastico  di  Ro- 
ma,  où  elle  le  fut  en  effet,  dans 
le  n".  5o ,  le  17  décembre  1796. 
Le  prélat  disoit  d'abord  :  «  J'ai  la 
douce  consolation  d'apprendre 
que  la  plus  grande  partie  des 
hahiVAii^e  Castres  et  du  diocèse, 
est  demeurée  fidèle  à  la  religion 
catholique.  Us  ont  le  courage  de 
10 


146  BAR 

se  rendre  dans  une  église ,  ou  plu- 
tôt dans  les  restes  de  l'ancienne 
église  ,  de  s'y  réunir  deux  fois  le 
jour,  les  dimanches  et  fêtes,  aux 
heures  où  l'on  célébroit  aupara- 
vant les  oflices  divins;  et  cela  se 
pratique  dans  toutes  les  paroisses. 
On  y  fait  les  prières  en  commun  ; 
on  y  chante  des  psaumes  ;  après 
une  lecture  spirituelle,  les  plus 
instruits  s'appliquent  à  faire  le 
catéchisme  aux  enfans,  et  à  les 
disposer  à  leur  première  commu- 
nion ,  quand  ils  pourront  avoir 
un  prêtre,  catholique.  C'est  vrai- 
ment la  ferveur  et  la  conduite  des 
lidèles  des  premiers  siècles  de 
l'Eglise,  pendant  la  persécution. 
Une  lettre  nouvellement  arrivée 
de  Castres,  nous  a  causé  la  plus 
agréable  surprise ,  en  nous  assu- 
rant que  rien  n'est  plus  édifiant 
que  l'assiduité,  l'empressement  et 
l'ardeur  de  cette  jeunesse,  et  des 
personnes  qui  se  consacrent  à  la 
former  ».  L'évêque  ajoutoit  : 
v  Outre  les  prêtres  catholiques 
qui  ont  succombé  aux  suites 
des  traitemens  barbares  qu'ils 
ont  éprouvés,  il  y  en  a  cinq  qui 
ont  reçu  à  Castres ,  sur  l'écha- 
faud ,  la  palme  du  martyre. 
En  attendant  que  je  puisse  vous 
envoyer  tous  ces  pieux  détails, 
voici  ceux  que  nous  venons  de 
recevoir  de  France  tout  récem- 
ment, et  que  je  vous  prie  de 
mettre  sous  les  yeux  de  notre 
Souverain-Pontife».  Ici  le  prélat 
raconte  lo  martyre  du  P.  Iinbert, 


BAR 

et  poursuit  ainsi,  en  parlant  de 
Barthe,  dont  il  ignoroit  encore 
le  nom  :  «  Un  jeune  vicaire ,  ca- 
ché dans  la  maison  d'un  cordon- 
nier, se  voyant  poursuivi,  chercha 
à  se  sauver  par  le  toit,  d'où  étant 
tombé,  il  se  fracassa  tout  le  corps 
et  se  rompit  une  jambe.  Il  fut  pris, 
et  traîné  dans  cet  état  au  tribunal 
de  sang.  Son  interrogatoire  fut 
aussi  court  que  celui  du  P.  Im- 
l/ert.  Sa  réponse ,  animée  de  la 
même  Foi,  le  fil  conduire  sur-le- 
champ  à  l'échal'aud,  où  il  expira 
saintement,  comme  l'autre  Mar- 
tyr». Le  prélat  terminoit  sa  lettre 
ainsi  :  «  Il  y  a  eu  encore  plusieurs 
laïcs  immolés  par  motif  de  re- 
ligion, dont  nous  nous  empres- 
serons de  vous  adresser  les 
Mémoires ,  quand  ils  nous  pa- 
raîtront suffisamment  authen- 
tiques». {V .  J.  A.  Alingrin,  et 
B.  G.  Cadrier.) 

B  ART  HELE  MI  (Benoît), 
prêtre  du  diocèse  d'Aix  en  Pro- 
vence, et  attaché  à  l'église  parois- 
siale de  Sainte-Madeleine  de  1» 
ville  d'Aix ,  s'y  étoit  voué  aux 
soins  des  agonisans.  D'une  piété 
modeste,  il  laissoit  oublier  par 
son  humble  conduite,  les  excel- 
lentes études  ecclésiastiques  qu'il 
avoit  faites  ;  mais  la  vivacité  de 
sa  Foi  trahit  son  savoir,  quand  le 
schisme  prétendit  s'introduire  en 
France  avec  les  sophismes  par 
lesquels  il  défeadoit  sa  constitu- 
tion civile  du  clergé.  Quoique 
déjà  septuagénaire  ,  Barthéleuu 


BAR 

combattit  avec  une  plume  vigou- 
reuse les  nouvelles  erreurs  ;  et ,  ne 
pouvant  plus  exercer  son  minis- 
tère dans  les  églises  souillées  par 
les  schismatiques,  il  ne  dit  plus 
la  messe,  et  n'administra  plus  les 
sacremens  qu'en  des  oratoires  se- 
crets, et  parmi  de  bons  catholi- 
ques. Il  leur  portoit  avec  zèle  les 
consolations  et  les  secours  de  la 
religion  quand  ils  étoient  malades. 
La  loi  de  déportation  étant  surve- 
nue, les  parens  et  amis  du  véné- 
rable Barthélemi,  déjà  en  butte 
à  bien  des  vexations,  le  suppliè- 
rent de  sortir  de  France.  Il  obéis- 
soit  à  leurs  vœux  comme  à  la  loi, 
en  s'acheminant  vers  les  mon- 
tagnes qui  séparent  la  Provence 
du  Comté  de  Nice.  Là  encore, 
comme  ailleurs,  se  trouvoient  des 
soldats  farouches  qui  attendoient 
les  prêtres  au  moins  pour  les  mal- 
traiter {V .  Déportation).  Ils  ac- 
cablèrent celui-ci  d'outrages  sa- 
crilèges et  de  coups  meurtriers. 
Barthélemi  expirant  ne  pouvoit 
aller  plus  loin  ;  il  fallut  le  porter 
dans  l'hôpital  de  Nice,  où  bientôt 
il  mourut  des  mauvais  traitemens 
qu'il  avoit  reçus  pour  la  cause  de 
l'Eglise  catholique. 

BARTHÉLEMI  (Jean -Bap- 
tiste), prêtre  et  religieux  de  l'or- 
dre des  Chartreux,  où  il  s'appeloit 
dom  Barthélemi ,  étoit  coadju- 
teur  de  la  maison  de  Beausser- 
ville  ,  dans  le  diocèse  de  Nanci  ;  le 
lieu  de  sa  naissance  avoit  été  Toul 
on  Lorraine.  11  ne  se  souilla  d'au- 


BAR  i4j> 

cun  des  sermens  révolutionnaires 
de  1791  et  1792,  et  continua 
d'habiter  sa  province.  Il  y  fut  ar- 
rêté en  1793  comme  prêtre  inser- 
menté; et  on  le  condamna  à  la 
déportation  au  delà  des  mers. 
Traîné  en  conséquence  à  Roche- 
fort  pour  y  être  embarqué,  il  fut 
mis  sur  le  navire  les  Deux  Asso- 
ciés {V.  R>>chefort).  Les  souf- 
frances de  cette  situation  le  con- 
duisirent au  tombeau  à  l'âge  de 
54  ans.  Il  expira  le  i3  août  1794, 
et  fut  enterré  dans  l'île  iïAix. 
(  V.  L.  Barnon  et  N.  Barthé- 
lemi. ) 

BARTHÉLEMI  (Nicolas), 
Bénédictin,  de  la  congrégation  de 
Saint-Vannes  et  Saint-Hidulphe , 
conventuel  de  la  maison  de  Ver- 
dun, étoit  né  dans  cette  ville,  en 
1729.  Il  n'adhéra  en  aucune  ma- 
nière à  la  constitution  civile  du 
clergé,  et  n'en  fit  point  le  ser- 
ment; mais  l'effroi  des  événemens 
de  la  fin  de  1792,  le  porta  à  prê- 
ter le  serment  de  liberté-égalité. 
Cette  condescendance  ne  le  mit 
point  à  l'abri  d'une  persécution 
qui  vouloit  que  les  prêtres  apos- 
tasiassent  formellement.  Dom 
Barthélemi  fut  arrêté  dans  sa 
province  où  il  continuoit  à  rési- 
der; et  les  autorités  du  départe* 
ment  de  la  Meuse  le  condam- 
nèrent à  être  déporté  au  delà  des 
mers.  Il  fut  en  conséquence  mené 
à  Rochelbrt  pour  y  être  embar- 
qué. On  le  fit  monter  sur  le  na- 
vire les  Deux  Associés  (  V .  Ro- 

IO. 


•  48  BAli 

chefort).  Le  poids  des  maux 
qu'on  y  enduroit,  l'accabla.  Il  les 
regarda  comme  une  punition  de 
son  serment  de  liber  té!- égalité, 
et  le  rétracta  en  présence  de  ses 
confrères.  Ce  religieux  mourut  le 
25  août  1794?  à  l'âge  de  66  ans; 
et  fut  enterré  dans  l'ile  Madame. 
(  V.  J.  B.  Babthélemi  et  J.  P. 
Bascle.  ) 

BARTHÉLEMI  (Nicolas- 
François),  natif  de  Longchamp , 
près  Neufchâteau ,  dans  le  diocèse 
de  Toul,  âgé  de  t\i  ans  ,  ancien 
curé,  domicilié  a  Senonges,  près 
de  Mireeourt,  au  même  diocèse, 
fut  condamné  à  mort  le  22  vendé- 
miaire an  II  (i5  octobre  1790), 
par  le  tribunal  révolutionnaire 
de  Paris,  comme  complice  d'une 
prétendue  conspiration  de  Rouen , 
dans  laquelle  trois  jours  après  l'on 
impliqua  non  moins  injustement 
la  Reine  de  France,  Marie -An- 
toinette d'Autriche.  Il  refusa  le 
ministère  d'un  prêtre  jureur  schis- 
matique  qui  se  présenta  pour  le 
confesser,  et  demanda  qu'on  mît 
seulement  un   crucifix    sur  ses 
genoux.  Il  le  regardoit  avec  com- 
ponction, paroissant  fort  occupé 
de  l'autre  vie ,  et  du  consolant 
espoir  de  recevoir  bientôt  la  ré- 
compense due  à  sa  piété  et  à  son 
amour  pour  la  religion.  C'est 
l'auteur  impie  de  l'ouvrage  :  Le 
Glaive  vengeur ,  qui  lui-même 
raconte  cette  particularité  comme 
témoin  oculaire,  en  ajoutant  cette 
réflexion  sacrilège  :  «  Consolant 


BAS 

espoir,  délicieuse  pensée,  si  tous 
les  billets  étoient  gagnans  dans  la 
loterie  de  l'Eternité  !  » 

BARTHÉLEMI  (Le  Père), 
Capucin.  [V .  Jh  Flelrence.) 

BASCLE  (Jacques-Philippe)  , 
curé  d'Allac- Champagne,  dio- 
cèse de  Saintes,  né  au  même  lieu, 
n'y  donna  point  le  scandale  de 
la  prestation  du  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Les  événemens  de  la  fin  de  1792 
l'effrayèrent  au  point  qu'il  prêta 
le  serment  de  liberté- égalité. 
Cette  condescendance  de  foi- 
blesse  ne  le  mit  point  à  l'abri 
de  la  persécution  en  1790.  Il 
avoit  montré  en  1791,  qu'il  ne 
consenliroit  jamais  à  abandonner 
la  Foi  catholique  ;  et  il  conti- 
nuoit  à  résider  dans  sa  province, 
et  même  dans  sa  paroisse.  On 
l'y  arrêta,  et  l'on  décida  qu'il  se- 
roit  déporté  à  la  Guiane.  Con- 
duit à  Roche  fort  et  embarqué  sur 
le  navire  tes  Deux  Associés 
(F.  Rochefort),  il  ne  put  sou- 
tenir les  maux  de  cette  espèce  de 
prison  ;  et,  voyant  qu'il  étoit  près 
de  rendre  compte  à  Dieu  de  sa 
conduite  ,  il  craignit  de  porter 
devant  le  tribunal  suprême  le 
crime  du  serment  de  liberté-éga- 
lité, et  le  rétracta  en  présence  de 
ses  confrères.  Ce  curé,  sacrifié  en 
haine  de  la  religion,  mourut  dans 
la  nuit  du  22  au  25  août  1794» 
et  fut  enterré  dans  l'île  Madame. 

(V.  N.  BARTHÉLEMI   et  J.    B.  O. 

Baudet.) 


BAS 

BASILE  (Sœur  Sai7it) ,  reli- 
gieuse. (V.  Ae  Cartier.) 

BASTIDE  (IV...  de  La),  prêtre 
et  chanoine  de  la  cathédrale  d'U- 
zès,  né  à  Malbose  en  Yivarais, 
s'étoit  retiré  après  la  suppression 
de  son  chapitre ,  dans  la  petite 
ville  de  Villefort,  au  même  dio- 
cèse. Son  attachement  très -actif 
pour  la  Foi  catholique,  lorsqu'on 
se  mettoit,  en  1 79 1 ,  à  la  persécuter 
dans  la  personne  des  prêtres  non 
assermentés  ,  le  rendit  odieux  , 
comme  eux,  aux  agens  de  la  per- 
sécution. Comme  l'année  sui- 
vante, il  se  forma  en  juin  1792» 
non  loin  de  là,  une  confédéra- 
tion royaliste  ,  dont  l'un  des  buts 
principaux  étoit  de  protéger  la 
religion  catholique  alors  vivement 
persécutée,  La  Bastide  ,  ainsi  que 
tous  les  prêtres  fidèles ,  fut  accusé 
par  les  persécuteurs  d'être  com- 
plice de  cette  confédération  ,  con- 
nue dans  l'histoire  sous  le  nom  de 
Camp  de  Jaiès.  Prudhomme 
prétend  même  (Hist.  des  Crimes 
de  la  RévoL,  tom.  IV,  pag.  57), 
que  «  l'abbé  de  La  Bastide  contri- 
bua puissamment  au  rassemble- 
ment de  Jaiès  ;  que,  lorsqu'il  fut 
saisi ,  on  le  trouva  nanti  d'une 
commission  de  Du  Saillant,  chef 
des  confédérés,  pour  se  mettre  à 
la  tête  des  rebelles  d'une  portion 
de  la  Lozère»  :  mais  cet  historien, 
ardent  partisan  de  la  révolution , 
n'est  pas  plus  croyable  sur  ce  fait 
que  sur  ce  qu'il  a  dit  des  prêtres 
arrêtés  à  Naves,  le  9  juillet  1792 


BAS  149 

(V.  Bravard).  11  importoit  d'au- 
tant plus  à  la  faction  de  calomnier 
le  chanoine  de  La  Bastide,  qu'in- 
dépendamment de  ce  qu'il  étoit 
ferme  dans  sa  Foi,  il  se  trouvoit 
être  le  frère  d'un  courageux  roya- 
liste qui  étoit  membre  du  comité 
de  Jaiès,  et  qui,  lors  de  la  résur- 
rection du  rassemblement,  deux 
ans  après  ,  tomba  entre  les  mains 
des  républicains  ,  et  fut  con- 
damné à  mort,  le  24  floréal  an  II 
(  i3  mai  1794  )•  Le  chanoine  , 
proscrit  moins  encore  pour  cette 
raison  que  parce  qu'il  étoit  zélé 
pour  la  Foi ,  s'étoit  retiré  secrète- 
ment dans  une  maison  de  sa  fa- 
mille ,  près  Joyeuse  ;  mais ,  la 
veille  du  jour  de  l'assassinat  des 
prêtres  aux  Vans,  des  frénétiques, 
s'étant  mis  à  le  chercher  avec 
plus  d'activité ,  le  découvrirent 
enfin  dans  sa  retraite,  et  l'en  arra- 
chèrent le  i3  juillet.  Quand  ils 
furent  à  quelques  pas  de  la  mai- 
son, où  ils  l'a  voient  trouvé,  ils  le 
fusillèrent.  Les  administrateurs 
du  directoire  du  département  de 
i 'Ardèohe,  écrivoient  à  ce  sujet, 
de  Joyeuse,  le  i3  juillet,  à  l'As- 
semblée nationale  :  «  Les  plus 
coupables  ont  été  tués  par  ceux 
qui  les  ont  saisis  ;  les  abbés  La 
Bastide  ,  Lamolelte  et  autres  , 
viennent  de  l'être  à  l'instant  » 
(Moniteur  du  21  ,  séance  du 
18).  La  sainte  magnanimité  que 
le  chanoine  de  La  Bastide  montra 
dans  ces  derniers  instans,  ayant 
été  digne  de  la  Foi  dont  il  étoit  le 


i5o  B  Aï- 

confesseur,  le  fit  regarder  unani- 
mement dans  le  pays  comme  un 
Martyr  tic  la  c  ligion.  [F.  C.  Al- 
iier  et  Bravakd.) 

BASTIE  (  Antoine-Ange  ) ,  ha- 
bitant de  Caussade  en  Quercy, 
diocèse  de  Montauhan,  et  né  au 
même  lieu,  ayant  suivi  les  exer- 
cices de  piété  de  son  curé  avec 
plusieurs  autres  personnes  du 
pays,  fut  arrêté,  amené  à  Paris, 
et  condamné  par  le  tribunal  révo- 
lutionnaire à  la  peine  de  mort , 
comme  fanatique ,  ainsi  que  dix- 
Sept  autres ,  le  3  messidor  an  II 
(21  juin  1794)-  Sa  tête  tomba  sur 
l'échafaud,  le  même  jour,  à  l'âge 
de  29  ans.  (  V.  J.  P.  Clavière). 

BATAILLE  (Marie- Josephe- 
Désirée  d'Ambrines  -  d'Éqtjer- 
chin,  veuve  de  Pierre- Joseph 
Xavier),  dont  le  mari  avoit  été 
chevalier  d'honneur  au  conseil 
d'Artois ,  étoit  une  femme  émi- 
nemment vertueuse  de  la  ville 
d'Arras  où  elle  étoit  née  en  1763. 
Elle  n'avoit  que  3i  ans,  lorsque 
l'apostat  Jh  Lebon  fut  envoyé  en 
qualité  de  proconsul  dans  la  pro- 
vince d'Artois  pour  la  désoler  en 
1793  (  V.  Arras).  La  veuve  Ba- 
taille avoit  conservé  sa  Foi  pure 
au  milieu  du  schisme  constitution- 
nel; et,  depuis  que  l'exercice  exté- 
rieur du  culte  catholique  étoit 
proscrit,  elle  avoit  établi  pour 
elle ,  et  pour  d'autres  fidèles  de  sa 
connoissance  ,  un  oratoire  dans 
l'intérieur  de  sa  maison.  Ses 
bonnes  oeuvres  étoient  si  nbon- 


BAT 

dantes  et  si  connues,  que  le  pré- 
sident du  tribunal  d'Amiens  ,  par 
lequel  Jh  Lebon  fut  ensuite  con- 
damné, le  5  octobre  1795,  ne  put 
s'empêcher  de  dire  dans  le  résumé 
des  débats  :  «  Les  témoins  ont 
attesté  que  cette  citoyenne  ver- 
tueuse, digne  d'un  meilleur  sort, 
avoit  consacré  sa  fortune  et  ses 
soins  au  soulagement  des  malheu- 
reux. Dès  sa  première  jeunesse, 
poursuivoit-il ,  elle  avoit  contracté 
l'habitude  de  verser  dans  le  sein 
des  pauvres  les  secours  abondans 
que  sa  fortune ,  qui  étoit  considéra- 
ble ,  lui  permettoit  de  leur  donner  ; 
et  elle  y  joignoit  les  aumônes  que 
des  personnes  charitables  lui  con- 
fioient  pour  la  même  destination. 
On  a  trouvé  chez  elle  un  registre. 
Au  haut  de  la  première  page,  on  y 
voyoitl'intitulésuivant  :  «Listedes 
-personnes  qui  veulent  bien  con- 
tribuer à  l'abonnement  pour 
nos  prêtres,  à  commencer  le 
\"octobre  1 79 1 ,  de  moisenmois. 
Ce  registre  finissoit  au  mois  d'août 
1793».  Il  n'est  donc  pas  douteux 
que  la  \'  Bataille  n'eût  compris 
dans  le  nombre  des  malheureux 
qu'elle  secouroit  les  prêtres  ca- 
tholiques du  diocèse  d'Arras,  dé- 
pouillés et  mis  en  fuite,  privés  de 
tout.  Il  est  certain  aussi  que  beau- 
coup de  ses  compatriotes  concou- 
roient  à  cette  bonne  œuvre  parti- 
culière, et  que  les  sommes  repues 
d'eux  étoient  inscrites  avec  leur 
nom  sur  son  registre.  On  le  trouva 
chez  elle,  lorsque  J1'  Lebon  la  IH 


BAT 

arrêter  en  vertu  de  la  terrible  loi 
des  suspects  (F.  Lois,  etc.).  Elle 
le  fut  parce  qu'elle  étoit  pieuse, 
charitable  et  de  noble  famille.  On 
découvrit  en  même  temps  dans  sa 
chambre  plusieurs  lettres  de  prê- 
tres non-assermentés  de  la  paroisse 
sur  laquelle  elle  demeuroit  ;  mais 
ces  lettres  ne  contenoient  que  des 
choses  touchantes ,  sans  aucune 
idée  de  contre-révolution.  Le  re- 
gistre sur  lequel  on  voyoit  les 
noms  d'une  vingtaine  de  personnes 
dont  chacune  donnoit ,  suivant 
ses  facultés,  tant  par  mois,  de 
manière  même  que  telle  qui  avoit 
donné  un  mois  n'avoit  pas  donné 
le  mois  suivant,  fournit  à  Lebon 
de  quoi  faire  une  liste  d'autant  de 
victimes  pour  son  tribunal  révo- 
lutionnaire. Il  lui  dicta  même 
le  jugement  à  porter  contre  ces 
vingt  personnes  et  la  veuve  Ba- 
taille, dans  un  arrêté  solennel 
qu'il  fit  à  cette  occasion.  Il  voulut 
même  que  le  greffier  du  tribunal 
en  fît  une  lecture  publique  aux 
jurés ,  en  présence  des  personnes 
qu'il  accusoit,  comme  des  juges  et 
des  curieux  que  l'accusation  atti- 
reront à  l'audience.  Il  y  étoit  dit, 
entre  autres  choses  non  moins 
perverses  :  «  Considérant  que  la 
nommée  d'Ambrines,  veuve  Ba- 
taille ,  non  contente  de  fournir 
des  secours  aux  prêtres  réfrac- 
taires,  a  encore  ouvert  un  registre, 
à  compter  du  i,r  janvier  1792, 
jusqu'au  mois  d'août  1795,  où  se 
sont  fait  inscrire  plusieurs  indivi- 


BAT  i5t 

dus,  jaloux  de  partager  avec  la- 
dite Bataille  la  gloire  d'alimenter 
des  scélérats ,  et  d'encourager 
leurs  projets  parricides  contre  la 
république  ;  —  Considérant  que 
jamais  les  patnotes  n'ont  compté 
parmi  eux  (ces  charitables  con- 
tribuans)  la  veuve  Jonqué,  Le- 
soin  ,  Corrége  ,  de  Bunnevile  < 
Bataille;  mesdemoiselles  Cau- 
dron,  de  Gouy  sœurs,  Cornicr, 
Bâcler  sœurs  ;  mesdames  Tour- 
set,  Dauchez,  Arrachart,  Théry 
veuve,  Bayard  mère,  d'Hée. 
Desmazières ,  Wagon  née  Ca- 
ron;  messieurs  Dauchez,  Arra- 
chart,  chirurgien;  de  Gouve , 
Leroi  d'Hurtebise  ,  Becquet , 
Gammon ,  d'Hennecourt ,  La- 
comté  ,  Blanquart  ,  Btin  de, 
Rullecomte;  et  mesdemoiselles 
d'Hurtebise  »  {V.  ceux  de  ces 
noms  qui  sont  en  caractères  ita- 
liques ).  Le  proconsul  poursui- 
voit  :  «  Considérant  qu'il  n'est 
aucun  des  individus  repris  audit 
registre  qui  n'ait  montré  dans  sa 
conduite  un  attachement  constant 
aux  prêtres  ennemis  de  la  révo- 
lution ,  etc.  :  arrête  que  tous  les 
individus  mâles  et  femelles  ci- 
dessus  mentionnés  seront ,  à  la 
diligence  de  l'accusateur  public , 
traduits  sans  délai  au  tribunal 
révolutionnaire  séant  en  cette 
commune  (d'Arras)...  et  en  outre 
que  le  présent  sera  lu  aux  jurés, 
immédiatement  après  l'acte  d'ac- 
cusation». Cette  lecture,  qui  fut 
effectivement  faite  comme  l'avoit 


i5a  BAT 

ordonné  Jh  Lebon  ,  rcndoit  iné- 
vitable l'arrêt  de  mort  contre  tous 
ceux  qu'il  accu  soit.  La  procédure 
s'ouvrit;  et  l'on  vit  avec  admira- 
tion la  généreuse  veuve  Bataille 
vouloir  se  sacrifier  elle  seule  pour 
ses  compagnons  d'infortune.  Elle 
déclara,  pour  les  sauver,  que  tous 
ceux  dont  les  noms  étoient  ins- 
crits sur  son  registre  pouvoient 
«  n'avoir  eu  aucune  connoissance 
de  l'emploi  qu'elle  avoit  fait  des  au- 
mônes qu'ils  lui  avoient  confiées, 
et  que  c'étoit  sans  leur  participa- 
tion qu'elle  les  avoit  fait  passer  à 
des  prêtiez  déportés  »,  comme  l'a 
remarque  ensuite  le  président  du 
tribunal  d'Amiens.  Ce  magistrat 
continuoit  ainsi  :  «  La  veuve  Ba- 
laille  auroit  donc  été  la  seule  cou- 
pable ;  cependant ,  à  l'exception  de 
quelques  unes  de  ces  vingt-quatre 
personnes,  toutes  ont  été  con- 
damnées, savoir,  dix-huit  du  re- 
gistre; et  deux  hommes  qui  n'y 
étoienl  point  inscrits  ont  été  aussi 
condamnés,  parce  qu'ils  avoient 
servi  de  témoins  à  un  mariage 
célébré  (chez  la  veuve  Bataille) 
par  un  prêtre  qui  n'avoit  pas  prêté 
le  serment  »  (  V.  Hurtebise  et 
Rcllecomte).  Dix -sept  femmes 
avoient  été  extraites  de  la  prison , 
ou  arrachées  à  leur  domicile  pour 
comparoître  dans  ce  procès.  La 
veuve  Bataille  fut,  avec  ses  dix- 
neuf  compagnons  en  bonnes 
œuvres,  condamnée  à  la  peine  de 
mort,  le  25  germinal  an  II  (  14 
avril  1794)?  comme  «complice 


BAT 

d'une  conspiration  ourdie  contre 
le  peuple  français  et  sa  liberté  »■. 
La  mise  hors  de  cause  de  ceux 
qui  furent  renvoyés  absous  mit 
en  fureur  le  proconsul,  dont  les 
intentions  11 'étoient  pas  assez  com- 
plètement suivies.  Notre  géné- 
reuse veuve  accepta  la  mort  avec 
résignation,  et  avec  cet  amour  de 
Dieu  qui  avoit  dirigé  toutes  ses 
actions.  Les  associés  de  ses  œu- 
vres de  charité  et  de  Foi  mar- 
chèrent, comme  elle,  à  l'échafaud 
avec  les  mêmes  sentimens.  Ils  y 
trouvèrent  un  complément  à  l'ex- 
piation des  fautes  qu'ils  pouvoient 
avoir  à  se  reprocher.  Tous  se 
trouvèrent  en  mourant  dans  cette 
disposition  d'âme,  qui,  en  pareil 
cas  ',  procure  la  récompense  et  la 
gloire  du  martyre,  suivant  ce  que 
dit  saint  Thomas  :  «  Il  y  a  vrai 
martyre  lorsque  l'acceptation  de 
la  mort  est  commandée^par  la 
charité  :  les  supplices  endurés 
pour  Jésus- Christ  ont  alors  la 
vertu  du  baptême  qui  purge  l'âme 
de  tout  péché»  :  Quôd  autem  sit 
meritorium  ,  hoc  fiabct  ex  cha- 
ritate.  ■ —  Passio  pro  Christo 
suscepta  obtinet  vint Baptismi, 
et  ideà  purgat  ab  omni  culpa 
(  Pars  2a ,  Quœst.  1 24  ,  art.  2 , 
ad  2m.  —  Pars  5a ,  Quœst.  68  , 
art.  1,  ad  2m  ).  Des  historiens, 
témoins  de  l'exécution  de  ces  vingt- 
un  Martyrs,  racontent  que  les  affi- 
dés  de  Jh  Lebon  exercèrent  sur 
leurs  cadavres ,  et  spécialement 
«  sur  celui  des  femmes,  des  cruau- 


DAT 

lés  infâmes  dont  les  peuples  les 
plus  barbares  n'ont  jamais  donné 
d'exemple  ;  que  le  soir  du  jour  de 
l'exécution ,  les  femmes ,  ou  plutôt 
les  mégères  préposées  parles  agens 
du  proconsul  à  la  direction  de  la 
prison  où  étoient  les  victimes, 
s'emparèrent  de  ce  qu'elles  y 
avoient  laissé  de  liqueurs ,  les 
burent,  s'en  enivrèrent,  et  dan- 
sèrent de  joie  toute  la  nuit.  Il  en 
étoit  bien  autrement  dans  la  ville. 
Tout  le  monde  y  frémissoit  d'hor- 
reur à  l'aspect  d'une  si  atroce  bou- 
cherie ,  dans  laquelle  se  trouvoient 
immolés  des  pères  de  famille,  des 
veuves,  des  femmes,  des  vierges, 
tant  de  personnes  estimables  et 
vénérées,  à  qui  on  ne  pouvoit  re- 
procher que  des  bonnes  œuvres. 
Le  bas  peuple  lui-même  s'indi- 
gnoit  contre  la  férocité  de  Lebon 
et  des  vils  exécuteurs  des  ordres 
de  son  féroce  athéisme  ».  {V .  J. 
Barbier  et  M.  R.  Bayart.) 

BATAILLE  (Pierre)  ,  citoyen 
de  Nismes  ,  avoit  signé  la  décla- 
ration des  20  avril  et  i"  juin 
1790,  contenant  la  plus  éner- 
gique profession  de  Foi  des  catho- 
liques de  cette  ville  [V.  Nismes). 
Lors  de  l'insurrection  des  protes- 
lans  contre  eux,  le  14  juin,  Ba- 
taille fut  arrêté  par  des  volon- 
taires de  la  légion  Nismoise  pro- 
testante ,  qui  le  conduisirent  à  l'es- 
planade où  ils  le  pendirent.  La 
corde  cassa  ;  et  l'infortuné  eut  en- 
core la  force  de  s'enfuir  à  la  fa- 
veur d'une  fausse  alarme  qui  étoit 


BAU  155 

donnée  aux  bourreaux.  Il  se  réfu- 
gia dans  la  maison  d'un  catho- 
lique, y  grimpa  dans  la  cheminée. 
Les  volontaires,  revenus  de  leurs 
craintes ,  le  suivirent  d'assez  près , 
le  découvrirent,  le  tirèrent  par  les 
pieds  :  il  tomba ,  et  fut  tué  dans 
l'âtre  même  de  la  cheminée  à  coups 
de  fusils  et  de  baïonnettes.  (F, 
AtizÉBY  et  Joseph  Brun.  ) 

BATARD  (Laurent),  curé  de 
Notre-Dame  de  Chalonnes- sur- 
Loire, au  diocèse  d'Angers,  avoit 
mérité  la  haine  des  impies  réfor- 
mateurs par  la  constance  de  sa 
Foi,  par  l'ardeur  de  son  zèle  pas- 
toral, et  par  l'édification  de  ses 
vertus  ecclésiastiques.  Il  étoit  reste 
dans  sa  province  pour  les  besoins 
des  fidèles.  Après  la  défaite  de 
l'armée  catholique  et  royale  au 
Mans  et  à  Savenay,  en  décembre 
1795  (V.  Vendée),  il  ne  put 
échapper  aux  persécuteurs  On 
l'arrêta,  et  il  fut  livré  à  la  com- 
mission militaire  d'Angers  qui 
l'envoya  à  la  mort  le  10  nivose 
an  II  (2  janvier  1794),  comme 
«  brigand  de  la  Vendée  ».  Il  n'en 
périt  pas  moins  à  cause  de  la  re- 
ligion, et  comme  victime  de  l'im- 
piété. [V.  Bâcher  et  R.  Bourjuge.) 

BAUDELET  (Marie-Rosalie). 
femme.  {V.  M.  B.  Bayart.) 

BAUDET  (  Jean  -Baptiste  - 
Ouen),  prêtre,  chapelain  de  Sainte 
Auslreberte ,  dans  le  diocèse  de 
Rouen,  étoit  né  à  Hugleville  :  il 
mérita  par  la  constance  de  sa  Foi , 
en  1791  et  1792,  d'être  rangé  par 


i54  H AU 

les  impies  révolutionnaires  dans 
la  classe  des  prêtres  insermentés. 
Aucun  serment ,  en  effet ,  ne  souilla 
sa  conscience  et  ne  compromit  sa 
Foi.  Ayant  continué  de  résider 
dans  sa  province,  il  y  fut  arrêté 
en  1793.  Les  juges  du  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
Seine  -  Inférieure  le  condam- 
nèrent à  être  déporté  au  delà  des 
mers.  Traîné  à  Rochefort  pour  y 
être  embarqué,  il  le  fut  sur  le  na- 
vire {es  Deux  Associés  [V .  Ro- 
chefort ).  Le  séjour  de  l'entrepont 
de  ce  navire  devint  pour  lui  le  der- 
nier supplice.  Il  mourut  le  1 8  juil- 
let 1794»  à  l'âge  de  56  ans,  et  fut 
enterré  dans  l'île  A' A  ix.  {V .  J.  P. 
BASCLEet...  Baudotjiin). 

BAUDIN  (iV...),  prêtre  non- 
assermenté  de  la  Provence,  avoit 
échappé  aux  persécutions  homi- 
cides de  1793  et  1794?  en  sortant 
de  France.  Les  fallacieuses  pro- 
messes de  justice  et  d'humanité 
qui  suivirent  immédiatement  la 
journée  du  g  thermidor  (  27  juil- 
jet  1794),  lui  ayant  fait  croire 
qu'il  pourroit  avec  plus  de  liberté 
donner  l'essor  à  son  zèle,  il  vint 
l'exercer  à  Marseille;  mais  la  per- 
sécution se  montra  de  nouveau,  à 
découvert,  après  la  crise  poli- 
tique du  1 8  fructidor  an  V  (  4  sep- 
tembre 1797)  ;  et  leprêtreBaudin 
fut  arrêté.  On  l'emprisonna  dans 
le  fort  Saint-Jean,  où  il  se  trouva 
avec  le  père  Donadieu  (  V.  ce 
nom).  On  ne  tarda  pas  à  les  juger 
l'un  et  l'autre  ;  ils  furent  condam- 


BAU 

nés,  comme  «émigrés-rentrés», 
à  périr  par  le  supplice  des  fusil- 
lades, dans  la  plaine  de  Marseille. 
Le  matin  du  jour  de  l'exécution, 
Baudin  reçut  dans  la  prison  même 
la  sainte  eucharistie ,  des  mains 
du  père  Donadieu.  Il  périt  avec 
lui  le  5  février  1798. 

BAUDOUIN  (IV...),  prêtre,  ex- 
jésuite de  Metz  en  Lorraine,  né  à 
Thionville ,  diocèse  de  Metz,  mon- 
tra la  plus  grande  constance  dans 
sa  Foi  lors  du  schisme  de  1791. 
Sa  bouche  étoit  restée  pure  en 
1793  de  tous  les  sermens  que 
l'impiété  révolutionnaire  avoit 
prescrits  jusqu'alors.  Il  fut  arrêté 
comme  insermenté  dans  sa  pro- 
vince ,  où  il  avoit  continué  de  ré- 
sider; et,  après  l'avoir  condamné 
à  la  déportation  dans  les  îles,  on 
le  fit  conduire  à  Rochefort  pour 
y  être  embarqué.  Il  le  fut  sur  le 
navire  ie  Washington  (  V.  Ro- 
chefort). Dans  le  supplice  de  ce 
séjour,  il  succomba  sous  les  maux 
qu'on  y  faisoit  endurer  aux  dé- 
portés ;  et  il  mourut,  âgé  de  63  ans, 
dans  le  courant  de  septembre  1794. 
C'est  à  l'île  d'Aix  que  ses  osse- 
mens  reposent.  (  V.  J.  B.  O.  Bau- 
det et  C.  J.  Bauqbet.  ) 

BAUDRY  (aîné),  prêtre  et  cha- 
pelain de  l'église  de  Notre-Dame 
de  Nantilly,  dans  la  ville  de  Sau- 
mur,  n'ayant  pas  fait  le  serment 
de  la  constitution  civile  du 
clergé,  et  ayant  été  dispensé  de 
sortir  de  France,  en  1792,  à  rai- 
son de  son  âge  plus  que  sexagé- 


BAU 

naire  ,  avoit  été  arrêté  à  Saumur, 
et  mis  en  réclusion  à  Angers,  con- 
formément a  la  loi  de  déportation 
du  26  août  de  cette  année -là. 
Vers  la  fin  de  1795,  on  fut  im- 
portuné de  la  présence  des  prêtres 
sexagénaires  reclus,  au  point  de 
vouloir  s'en  défaire  à  tout  prix. 
Ce  qui  se  pratiqua  à  Nevers  en 
février  suivant  (  V .  Nevers)  ,  avoit 
été  exécuté  à  Angers  dans  le  mois 
de  novembre  précédent.  On  avoit 
fait  partir  pour  Nantes  les  véné- 
rables reclus  Angevins  :  Baudry 
étoit  du  nombre  [V.  Nantes).  On 
savoit  bien  que  le  proconsul  Car- 
rier trouveroit  aisément  un  moyen 
de  les  faire  périr.  Dans  sa  lettre  à 
la  Convention,  où  elle  fut  lue  le 
i5  décembre  suivant,  il  annonça 
la  submersion  qu'il  avoit  opérée 
de  cinquante-huit  prêtres  venus 
d'Angers,  et  de  seize  autres  arrivés 
d'ailleurs.  Ils  avoient  été  noyés 
dans  la  nuit  du  9  au  10  de  ce 
mois;  et  ce  fut  ainsi  que  périt 
le  chapelain  Baudry ,  en  haine 
de  sa  Foi  et  de  la  religion  dont 
il  étoit  le  ministre ,  comme  ce 
saint  Urbain  de  Constantinople , 
dont  l'Eglise  honore  la  mémoire 
le  5  septembre.  Le  P.  Favereau, 
Récollet  de  Saumur,  et  actuelle- 
ment curé  d'Outretot ,  prés  Rouen, 
nous  atteste  que  «  l'abbé  Baudry 
donna  constamment  dans  la  ville  de 
Saumur  le  spectacle  édifiant  d'une 
vertu  distinguée,  jusqu'à  l'époque 
fatale  qui  lui  a  fait  quitter  ce  pays 
pour  perdre  la  liberté  à  Angers. 


BAI  i55 

et  la  vie  à  Nantes».  (V.ïv  Abé- 
lard  et  Bertry  ,  curé.) 

BAUDUER  (François)  ,  prêtre, 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Ba- 
zas,  et  qui  nous  paroît  inscrit, 
par  erreur,  sous  le  nom  de  Bon- 
dues ,  sur  le  registre  mortuaire  de 
l'hôpital  de  Blaye,  en  i  794  ?  étoit 
né  à  Pérusse-Massac,  en  1718.  11 
méritoit  en  1793  d'être  regardé 
comme  prêtre  insermenté  ;  mais 
son  âge  sembloit  devoir  imprimer 
quelque  respect  aux  persécuteurs. 
Leur  haine  contre  la  religion  et; 
ses  ministres  étoit  trop  violente 
pour  faire  grâce  au  vénérable  cha- 
noine. Il  fut  arrêté  et  traîné  à 
Blaye  pour  être  de  là  déporté  à 
la  Guiane  {V.  Bordeatjx).  Dès 
son  arrivée,  on  le  jeta  dans  le 
souterrain  humide  et  obscur  du 
fort  de  l'île  du  Pàté-de-BIaye ,  en 
attendant  que  les  préparatifs  de 
l'embarquement  fussent  achevés. 
Les  maux  qu'il  y  enduroit  étoient 
trop  affreux  pour  qu'il  pût  les  sou- 
tenir jusqu'à  cette  époque.  Il  tomba 
dans  un  tel  état  de  dépérissement, 
qu'il  fallut  le  transporter  à  l'hô- 
pital de  Blaye  ;  et  c'est  là  que , 
sans  cesser  d'être  captif  de  Jésus- 
Christ,  il  cessa  de  vivre  le  25 
pluviôse  an  II  (11  février  1794)5 
à  l'âge  de  76  ans.  (  V.  L.  Barry  et 
N.  Belletrux.) 

BALDUS  (  Hugues  -  Joseph- 
Guillaume),  magistrat  de  Cahors, 
où  il  étoit  né  en  1725,  et  où  il 
remplissoit  la  charge  de  lieutenant 
particulier  de  la  sénéchaussée ,  s'y 


i56  BAL1 

distinguent  non  seulement  par  son 
intégrité,  mais  encore  par  ses 
vertus  religieuses.  Il  n'y  avoit  pas 
de  pieuse  association  à  laquelle  il 
n'appartînt;  et  tous  les  infortu- 
nés bénissoient  les  effets  de  sa 
charité.  Lorsqu'en  janvier  1 79a  , 
il  sut  que  le  Roi  étoit  mis  en  ju- 
gement, cet  événement  lui  cau- 
sant une  douleur  extrême,  il  ne 
put  s'empêcher  de  la  confiera  un 
de  ses  amis  dans  une  lettre  où  il 
l'engageoit  à  prier  pour  le  mo- 
narque dont  les  dangers  lui  sem- 
bloient  avec  raison  aussi  imminens 
que  terribles.  Quand  cette  lettre  , 
découverte  par  hasard  dans  une 
visite  domiciliaire  chez  cet  ami, 
parvint  à  la  connoissance  des 
agens  de  la  persécution ,  à  Ca- 
hors,  Baudus  y  étoit  déjà  empri- 
sonné comme  suspect,  à  raison 
de  sa  piété;  et  l'on  approchoit  de 
ce  27  germinal  (16  avril  1794)? 
où  la  Convention  ordonna  que 
tous  les  prétendus  conspirateurs 
des  départemens ,  seroient  ame- 
nés au  tribunal  révolutionnaire, 
de  Paris.  On  ne  fit  cependant  par- 
tir Baudus  que  le  1 5  juin  ;  mais 
quand  il  fut  arrivé ,  on  ne  tarda 
pas  à  le  traduire  devant  ce  tribu- 
nal. Ce  fut  le  17  messidor  (5  juil- 
let 1794)  qu'il  y  comparut.  Lors- 
que le  président,  suivant  l'usage, 
commença  par  lui  demander  son 
nom,  il  répondit  comme  les  an- 
ciens Martyrs  :  «  Je  suis  chrétien  » . 
Le  président  ayant  insisté ,  Baudus 
répliqua  avec  une  sainte  assu- 


BAU 

rance  :  «Je  suis  catholique  ».  Les 
juges  avoient  été  disposés  à  l'ab- 
soudre par  un  de   ses  neveux 
qui  étoit  membre  de  la  Conven- 
tion, et  qui  lui  avoit  conseillé  de 
nier  qu'il  eût  écrit  la  lettre  dont 
il  vient  d'être  parlé.  Mais  Bau- 
dus lui  avoit  répondu  qu'il  ne 
pouvoit  pas  mentir.  Les  autres 
questions  que  le  président  lui 
adressoit ,  le  trouvèrent  égale- 
ment ferme  dans  ses  sentimens 
religieux  et  royalistes.    Un  des 
juges  vint  lui  dire  que  s'il  répon- 
doit  toujours  ainsi,  on  le  feroit 
mourir.  —  «  Je  ne  crains  pas  la 
mort,  lui  répliqua- 1- il;  il  n'y  a 
que  les  lâches  à  qui  cette  crainte 
puisse  empêcher  de  confesser  la 
Foi».  Sa  lettre  lui  fut  représentée, 
et  on  lui  demanda  s'il  la  recon- 
noissoit  :  «  Oui,  répondit-il,  elle 
est  de  moi  ».  Son  neveu  qui  étoit 
présent  dit  alors  aux  juges  «  que  son 
oncle  ne  répondoit  ainsi,  que  parce 
que  la  frayeur  avoit  dérangé  sa 
tête».  Baudus  l'entendant,  lui  re- 
partit sur-le-champ  :  «  Plût  à  Dieu 
que  vous  l'eussiez  aussi  tranquille 
que  moi  !  »  Il  fut  aussitôt  con- 
damné à  la  peine  de  mort ,  comme 
«convaincu  de  s'être  déclaré  l'en- 
nemi du  peuple,  en  provoquant 
par  des  discours  et  des  écrits,  l'a- 
néantissement du  gouvernement 
républicain  et  le  rétablissement 
de  la  royauté  ».  Le  même  jour  on 
le  conduisit  à  la  guillotine ,  et  il 
périt  ainsi  à  l'âge  de  69  ans. 
BAUQUET  (Charles-Jacques), 


BAI 

religieux  de  l'ordre   des  Char- 
treux, et  coadjuteur  de  leur  mai- 
son de  Bourgfontaine ,  province 
de  France,  sur  Seine,  diocèse  de 
Soissons,  étoit  né  à  Notre-Dame 
de  Blagny,  au  diocèse  de  Bayeux. 
Expulsé  de  son  cloître  par  la  révo- 
lution ,  il  conserva  les  vertus  de 
son  état.  Les  innovations  schis- 
matiques  de   1791  ne  le  firent 
point  dévier  des  principes  de  la 
Foi  catholique.  Il  mérita,  sous 
tous  les  rapports,  d'être  compris, 
en  1793,  parmi  les  prêtres  fidèles 
que  rien  ne  pouvoit  détourner  de 
leurs  devoirs,  et  fut  arrêté  dans  le 
département  de  la  Seine- Infé- 
rieure. Bientôt,  condamné  à  être 
déporté  à  la  Guiane,  il  fut  con- 
duit à  Piochefort.  On  l'y  embarqua 
sur  le  navire  les  Deux  Associés 
(V.  Rochefort).  Les  souffrances 
qu'il  y  endura  le  conduisirent  au 
tombeau.  Il  expira  le  9  août  1794? 
à  l'âge  de  55  ans,  et  fut  enterré 
dans  l'île  d'Aix.  (V.  Baudouin  et 
F.  Beaure.) 

BALQUIS  (Jeanne),  religieuse 
de  l'ordre  de  l'Annonciade ,  autre- 
ment dit,  Bleu-Céleste,  à  Lyon 
où  elle  étoit  née ,  fut  forcée  de 
rentrer  dans  le  monde  à  un  âge 
avancé,  lorsque  la  révolution  sup- 
prima les  ordres  monastiques. 
Se  regardant  toujours  comme 
engagée  par  ses  vœux  a  une 
vie  analogue  à  celle  du  cloître, 
elle  se  distinguoit  par  sa  piété  ; 
et ,  dans  ces  jours  malheureux 
de  1793,  où  il  n'étoit  plus  pos- 


BAU  i57 

sible  de  trouver  un  temple  ca- 
tholique ouvert  aux  fidèles ,  elle 
faisoit  dire  la  messe  chez  elle , 
comme  le  firent  autrefois  à  Sa- 
mosate,  en  297,  sous  la  persécu- 
tion de  Maximien,  les  saints  Mar- 
tyrs Hipparque  et  Philotée  (1). 
Dès-lors  que  sa  maison  étoit  un 
sanctuaire  ;  il  devoit  naturelle- 
ment y  venir  des  prêtres ,  pour 
y    offrir  le  saint   sacrifice  ,  et 
y  exercer  leurs  autres  fonctions. 
Les  révolutionnaires  ne  pou  voient 
manquer  de  s'en  apercevoir,  et 
d'en  frémir  de  rage.  Ils  la  dénon- 
cèrent lorsque  la  terrible  commis- 
sion révolutionnaire  de  Lyon, 
établie  vers  la  fin  de  1795,  se 
montroit  si  avide  du  sang  des 
ecclésiastiques  et  des  personnes 
pieuses  (  V.  Lyon  ).  Jeanne  Bau- 
quis,  à  l'âge  de  65  ans,  fut  tra- 
duite devant  ce  tribunal  impie, 
qui  lui  demanda  le  serment  de 
liberté  -  égalité;  elle  le  refusa 
avec  fermeté ,  comme  une  sorte 
d'apostasie,  et  fut  aussitôt  con- 
damnée à  la  peine  de  mort,  comme 
«  fanatique ,  ne  voulant  pas  se 
conformer  aux  lois,  et  recevant 
chez  elle  des  prêtres  réfractaires» , 
c'est-à-dire  catholiques.  Ce  juge- 
ment fut  prononcé  le  29  pluviôse 
an  II  (17  février  1794)-  G. 
Barrier,  et  Bertrandi.) 


(1)  Act.  Marty  r.  11b  Assemano  col- 
lecta, pars  IIa,  png.  124,  in  septem 
SS.  Martyres  Athletas  Christi  IIi)>- 
parchum'jdtt.  ( A',  ci-devant,  pag.  iq.) 


i58  BAL 

BAUZAC  (Jeak),  pieux  habi- 
tant de  Solignae  en  Velay,  près 
d'Issingeaux  ,  dans  le  diocèse 
du  Puy  ,  fut  du  nombre  de  ces 
catholiques  fermes  dans  leur  Foi, 
qui  ,  touchés  des  malheurs  de 
l'Eglise  et  de  la  triste  condition 
des  prêtres  à  qui  on  faisoit  la 
chasse  de  toutes  parts,  offrirent 
dans  leur  maison  un  asile  à  ceux 
qui  n'en  pouvoient  trouver  ail- 
leurs (  V.  Je  Alix).  La  femme  de 
Bauzac  étoit  associée  à  la  même 
bonne  action.  Cet  acte  héroïque 
de  charité  envers  un  minisire  de 
Jésus-Christ  ayant  été  découvert, 
Jean  Bauzac  fut  arrêté  et  jeté 
dans  les  prisons  du  Puy  avec  sa 
femme,  pour  être  jugés  sur  ce  fait 
par  le  tribunal  criminel  du  dépar- 
tement de  la  Haute-Loire,  sié- 
geant en  cette  ville;  et  ce  tribu- 
nal ,  prononçant  d'après  les  lois 
d'alors,  condamna  Jean  Bauzac 
et  sa  femme  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  recéleurs  de  prêtres  ré- 
fractaires  »,  le  5  prairial  an  II 
(  22  mai  1794  )•  La  sentence  fut 
exécutée  le  lendemain.  (  V.  J.  B. 
Abeillon.  ) 

BALZAC  (MargueriteAudier, 
femme),  demeurant  avec  son  mari 
à  Solignae ,  près  la  ville  du  Puy  en 
Velay,  étant  restée  ferme  dans  la 
Foi  catholique,  donna,  par  prin- 
cipe de  religion ,  et  de  concert  avec 
son  mari ,  un  asile  chez  elle  à  un 
prêtre  fidèle  dont  la  vie  étoit  me- 
nacée. Les  persécuteurs  connurent 
cette  vertueuse  et  généreuse  ac- 


BAY 

lion  :  Marguerite  Bauzac  fut  arrê- 
tée, et  traduite  devant  le  tribunal 
de  la  Haule-Loire,  siégeant  au 
Puy.  Ce  tribunal  l'envoya  ,  avec 
son  mari,  le  o  prairial  an  II  (22 
mai  1 794),  à  la  mort ,  comme  «  re- 
céleuse  de  prêtres  réfractaires  » . 
{V.  y  Alix.) 

BAYART  (  Marie-Rosalie  Bau- 
delet,  épouse  de  Frasçois-Joseph 
Guislain)  ,  partageoit  la  considé- 
ration publique  qui  avoit  fait  por- 
ter son  mari  à  la  charge  de  pro- 
cureur-syndic de  la  municipalité 
d'Arras,  aux  premiers  jours  de  la 
révolution.  Vieillard  respectable , 
il  avoit  rendu  les  plus  grands  ser- 
vices à  la  ville  et  à  ce  qu'elle 
avoit  de  plus  honnêtes  habitans. 
Son  épouse,  née  à  Arras,  étoit 
âgée  de  67  ans,  lorsque  le  pro- 
consul Jh  Lebon  vint  ensanglan- 
ter la  province  {V.  Arras).  Lu 
membre  même  de  la  Convention 
a  été  forcé  de  convenir  dans  un 
écrit  imprimé  «  qu'il  n'y  avoit  pas 
de  femme  plus  vertueuse,  ni  plus 
aimable,  ni  plus  estimable  que  la 
dame  Bayait  mère».  «  C 'étoit, 
continuoit-il,  la  bienfaisance  mo- 
deste en  personne,  et  la  digne 
épouse  de  l'homme  le  plus  juste 
d'Arras  »  (  V.  Secrets  de  Jh  Le- 
bon et  de  ses  Complices,  par 
A.  B.  J.  Guffroy  ;  Paris ,  an  III, 
1795).  Elle  avoit  contribué  à  la 
bonne  œuvre  de  la  veuve  Bataille 
[V.  ce  nom  ) ,  et  se  trouvoit  ins- 
crite sur  son  registre.  Elle  parta- 
gea son  sort  comme  ses  mérites  , 


BEA 

et  fut  condamnée  à  la  peine  de 
mort,  avec  les  vingt  autres  asso- 
ciés, par  le  tribunal  révolution- 
naire d'Arras,  le  25  germinal 
an  II  (14  avril  1794)-  La  sentence 
la  disoit  «  complice  d'une  cons- 
piration ourdie  (  par  la  veuve 
Bataille  )  contre  le  peuple  français 
et  sa  liberté  » ,  parce  qu'elle  étoit 
pieuse,  et  que  sa  Foi  I'avoit  por- 
tée ,  encore  plus  que  son  cœur, 
à  des  actes  de  charité  qui  irri- 
toicnt  le  proconsul.  [V .  M.  J.  D. 
Bataille  et  R.  Beck.  ) 

BEAUDEYANT  (  Anselme  ) , 
prêtre  non-assermenté,  né  à  Lyon, 
et  domicilié  à  Paris ,  y  étoit  ignoré 
dans  un  modeste  domicile  pen- 
dant l'année  1793.  Un  royaliste 
de  sa  ville  natale  ,  proscrit  ,  re- 
cherché comme  tel,  et  en  outre 
comme  noble  et  comme  officier 
d'un  ancien  régiment,  se  réfugia 
chez  cet  ecclésiastique,  qui,  par 
sentiment  de  charité  chrétienne, 
et  même  encore  par  amour  de  la 
justice  dont  cette  persécution  of- 
fensoit  la  sainte  cause ,  accorda 
l'hospitalité  à  l'honorable  proscrit. 
L'asile  de  celui-ci  ayant  été  dé- 
couvert, son  hôte  courageux  fut 
arrêté  avec  lui.  Traduit  devant  le 
tribunal  révolutionnaire  pour 
cette  action  dont  la  religion  en- 
core plus  que  la  compassion  natu- 
relle avoit  été  le  principe,  Beau- 
devant  fut  condamné  à  la  peine 
de  mort,  le  a5  ventôse  an  II  (  i5 
mars  1794),  et  exécuté  le  jour 
même. 


BEA  159 

BEAUDIN  (  ZV...  ),  prêtre  de 
l'église  de  Saint-Féréol  de  Mar- 
seille, dont  le  curé  fut  martyrisé 
en  1793  {V.  M.  Olive),  s'étoit 
laissé  séduire,  en  1791,  par  la 
constitution  civile  du  clergé, 
et  en  avoit  fait  le  serment  :  mais 
bientôt,  mieux  éclairé,  il  le  ré- 
tracta d'une  manière  très-géné- 
reuse; et,  lors  de  la  loi  de  dépor- 
tation ,  il  alla  chercher  un  abri 
dans  la  ville  de  Rome.  Lorsqu'il 
y  apprit  la  mort  violente  de  son 
curé,  il  eut  le  pressentiment  qu'il 
seroit  lui-même  pareillement  im- 
molé pour  la  cause  de  Jésus- 
Christ  ,  et  n'en  ressentit  que  plus 
d'ardeur  pour  la  défendre  ;  mais 
il  ne  devoit  pas  tenter  Dieu  en 
s'exposant  témérairement  au  mar- 
tyre. Les  circonstances  lui  pa- 
rurent enfin  se  concilier  avec  les 
vœux  de  son  zèle ,  après  ce  fameux 
neuf  thermidor,  où  la  faction 
victorieuse  ,  après  avoir  renversé 
Roberspierre ,  promettoit  si  per- 
fidement que  la  persécution  ne 
continueroit  plus.  II  se  trouva 
revenu  a  Marseille  en  1796,  où, 
réuni  à  d'autres  vénérables  prêtres 
(  V.  Donadieu  )  ,  il  travailloit 
alors  au  salut  des  âmes  avec  une 
activité    vraiment  apostolique. 
On  l'arrêta  ;  et  il  fut  condamné  , 
en  1797,  a  la  peine  de  mort, 
comme  «émigré-rentré».  Cette 
sentence  le  combla  d'une  joie  in- 
térieure qui  se  manifesta  d'une 
manière  admirable  sur  son  visage. 
Il   marcha   courageusement  ait 


l6o  BEA 

supplice  avec  ceux  de  ses  confrères 
quiétoienlcondamnésainsiquelui. 
Ses  anciens  pressentimens  étant 
vérifiés,  à  sa  plus  grande  satis- 
faction, il  mourut  avec  joie  pour 
la  cause  de  Jésus-Christ,  à  l'âge 
de  45  ans. 

BEAUDOUIN  (  Alexandre  ) , 
prêtre  du  diocèse  d'Angers ,  et  qui 
nous  paroît  avoir  appartenu  au 
couvent  des  Carmes  de  Chalins, 
près  Scgré ,  y  avoit  sa  résidence 
en  1793.  Son  existence,  utile 
autant  que  modeste  en  ce  lieu  , 
auroit  obtenu  grâce  pour  lui ,  si 
la  persécution  n'eût  pas  été  diri- 
gée par  l'athéisme  en  fureur;  car 
il  s'étoit  voué  à  l'instruction  de 
la  jeunesse.  Mais  ses  enseigne- 
mens  respiroient  l'amour  de  la 
religion ,  et  il  fut  dénoncé  comme 
fanatique.  On  le  conduisit  à  une 
commission  militaire,  qui,  sié- 
geant à  Craon,  près  de  Château- 
Gonthier,  et  envoyant  à  la  mort 
avec  l'accusation  vague  de  «  bri- 
gands de  la  Vendée  »  tous  ceux 
qui  lui  étoient  livrés,  condamna 
comme  tel  à  cette  peine  le  prêtre 
Beaudouin  ,  le  0  thermidor  an  II 
(24  juillet  1794)-  H  fut  exécuté 
le  même  jour. 

BEALFILS  (François),  prêtre 
né  à  Menus  ,  dans  le  diocèse 
de  Paris, en  1706,  eut  le  malheur 
de  se  laisser  séduire  par  la  cons- 
titution civile  du  clergé,  et  par 
son  zèle  pour  l'exercice  du  mi- 
nistère sacerdotal.  La  paroisse  de 
Saint-Christophe,  près  deChûleau- 


BEA 

dun ,  dans  le  diocèse  de  Chartres , 
l'eut  pour  curé  constitutionnel  ; 
mais  il  y  montra  des  vertus  pasto- 
rales qui  l'y  firent  estimer  des  hon- 
nêtes gens.  On  peut  bien  présumer 
qu'elles  lui  obtinrent  de  Dieu  la 
grâce  de  son  retour  à  l'unité  de 
l'Eglise,  au  moins  quand  il  se  vit 
arrêté  en  1794  a  Saint-Christophe 
même,  et  traîné  à  Paris  devant  le 
tribunal  révolutionnaire.  La  te- 
neur de  la  procédure  qui  s'y  ins-' 
truisit  contre  lui ,  ne  permet  pres- 
que pas  d'en  douter.  Déjà  trois 
mois  environ  s'étoient  écoulés 
depuis  le  neuf  thermidor,  et  ce 
tribunal  avoit  été  renouvelé  par 
la  Convention  d'une  manière  qui 
sembloit  moins  atroce  ;  mais  elle 
en  dirigeoit  toujours  les  jugemens 
avec  cette  fureur  anti-sacerdotale 
qu'elle  rejetoit  presque  entière- 
ment sur  Rcberspicrre.  Le  juge- 
ment rendu  contre  FrançoisBeau- 
fils,  le  24  vendémiaire  an  III  (i5 
octobre  1794),  porte  qu'il  étoit 
«  convaincud'avuir  faitet  distribué 
des  écrits  fanatiques  et  contre- 
révolutionnaires  ,  tendans  à  réta- 
blir le  fanatisme,  à  égarer  les 
citoyens  » .  Sur  cet  unique  motif  il 
fut  condamné  à  la  peine  de  mort, 
et  la  subit  le  même  jour  à  la  place 
de  Grève. 

BEALGÉ  (ZV...  ) ,  prêtre  de  la 
Savoie  ,  n'ayant  pas  voulu  faire  ce 
serment  de  liberté  qu'exigeoient 
les  proconsuls  en  1 79>r'(f/ ".  Savoie), 
avoit  fui  en  Piémont.  Il  étoit  re- 
venu pour  les  besoins  des  fidèles. 


BEA 

après  le  neuf  thermidor,  etavoit 
repris  les  fonctions  de  son  minis- 
tère ,  lorsqu'arriva  la  crise  révo- 
lutionnaire du  19  fructidor  an  V 
(4  septembre  1797)-  H  fut  arrêté 
et  conduit  à  Rochefort,  pour  être 
déporté  à  la  Guiane  {V ,  Guiane). 
On  l'embarqua  sur  la  Bayon- 
naise,  le  1"  août  1798.  Les  fa- 
tigues de  la  traversée ,  et  les 
tourmens  qu'on  éprouvoit  sur 
cette  frégate  furent  au-dessus  de 
ses  forces  corporelles.  La  pieuse 
résignation  de  son  âme  ne  put  le 
sauver  ;  il  mourut  dans  la  tra- 
versée qui  dura  jusqu'au  29  sep- 
tembre suivant  ;  et  son  corps  fut 
jeté  à  la  mer.  (F.  J.  B.  Bailly  et 
A.  Becherel.  ) 

BEAULIEU  (Nicolas)  ,  prêtre 
de  la  congrégation  des  Eudistes 
de  Paris ,  dont  les  membres , 
dignes  de  leur  chef,  concouroient 
à  la  rendre  si  édifiante  (  V .  Hé- 
bert), ne  pouvoit  pas  être  comme 
lui,  sous  le  même  prétexte,  as- 
treint légalement  au  serment  de 
la  constitution  civile  du  clergé. 
Mais  les  persécuteurs  savoient 
que  l'Eudiste  Beaulieu  étoit  d'une 
Foi  trop  invariable  et  d'une  cons- 
cience trop  timorée,  pour  ne  pas 
rejeter  cette  œuvre  d'iniquité.  Il 
ne  pouvoit  donc  manquer  d'être 
enveloppé  dans  la  proscription 
des  prêtres  fidèles  que  l'impiété 
n'avoit  pu  égarer,  et  qui  luttoient 
contre  ses  nouvelles  doctrines.  En 
effet,  dans  les  jours  qui  suivirent 
immédiatement  le  10  août  1792, 

2 


BEA  16 1 

Beaulieu  fut  arrêté  avec  tous  les 
prêtres  insermentés  qu'on  put 
découvrir;  et,  après  l'avoir  con- 
duit au  comité  de  la  section  du 
Luxembourg  où  il  refusa  le  ser- 
ment, on  l'enferma  dans  l'église 
des  Carmes  (  V .  Dulau).  II  y  eut 
pour  compagnons  de  captivité 
neuf  de  ses  confrères  Eudistes, 
avec  leur  supérieur  [V .  Blamin , 
Bousquet,  Dardan  ,  Duperron  , 
Durvé,  Grasset,  Hébert,  Lebis, 
Lefranc,  Saurin  )  ,  y  attendit 
comme  eux,  dans  la  prière  et  la 
méditation,  la  mort  à  laquelle  il 
voyoit  bien  que  tous  étoient  des- 
tinés. Quand  les  assassins  leur 
furent  envoyés,  le  2  septembre, 
il  les  vit  arriver  comme  des  libé- 
rateurs; et,  offrant  à  Dieu  le  sa- 
crifice de  sa  vie,  il  périt  pour 
la  même  cause  et  de  la  même 
manière  que  tous  les  prêtres 
enfermés  dans  cette  église  {V . 
Septembre).  Le  lendemain,  deux 
autres  Eudistes  furent  massacrés 
au  séminaire  de  Saint-Firmin. 
{V.  Poitiers  etVouRLAT.) 

BEAUMONT  (  François-Char- 
les- Antoine) ,  chanoine.  [V.  F. 
C.  A.  Autich  amp.  ) 

BEAUPOIL  (Antoine-Claude- 
Auguste),  prêtre.  [V .  A.  C.  A. 
Saint-Aulaire.  ) 

BEAUPREAU  (Adélaïde  Ser- 
ville,  veuve  de  Jacques),  né  à 
Paris  en  1755,  et  domiciliée  dans 
cette  ville  en  1795,  n'avoit  point 
laissé  ébranler  sa  Foi  par  les  ter- 
ribles épreuves  auxquelles  Dieu 

ï  1 


1G2  BEA 

permit  que  ses  élus  fussent  alors 
exposés.  Elle  entretenoit  son 
amour  pour  la  religion  et  sa  piété 
par  la  lecture  des  livres  les  plus 
propres  à  raffermir  ses  sentimens. 
On  eut  bientôt  découvert  ces  livres 
chez  elle,  dans  une  perquisition 
qui  s'y  fit  avec  des  intentions  per- 
verses. On  en  enleva  dans  le 
même  temps  ses  papiers  et  titres 
de  famille.  Elle  fut  livrée  au  tri- 
bunal révolutionna-ire  ,  qui ,  le 
îg  messidor  an  II  (7  juillet  1794)» 
n'hésita  pas  à  l'envoyer  à  la  mort , 
comme  «  convaincue  d'avoir  con- 
servé chez  elle  différens  écaits 
fanatiques ,  avec  ses  titres  de 
noblesse» .  On  la  fit  périr  le  même 
jour. 

BEAURE  (aîné,  François), 
prêtre  ,  chanoine  de  la  collégiale 
de  Saint-Yrieix,  dans  le  diocèse 
de  Limoges ,  étoit  né  à  Saint- 
Léonard  ->  de  -  Noblac,  au  même 
diocèse.  Les  impies  révolution- 
naires ne  le  vjrent  pas  sans  colère 
résister  aux  innovations  schisma- 
tiques  de  17915  et  repousser  le 
serment  de  libcrté-égaiitécomme 
il  avoit  rejeté  le  précédent.  En 
1793,  ils  le  comprirent  parmi  les 
insermentés  dont  ils  vouloient  la 
perte.  Le  chanoine  Beaure  fut 
arrêté  dans  sa  province  où  il  étoit 
resté.  Après  l'avoir  condamné  à  la 
déportation  à  la  Guiane ,  on  le  fit 
conduire  à  Rochefort  pour  y  être 
embarqué.  Il  y  fut  enfermé  dans  le 
navire  ie  Bonhomme  Richard  , 
qui,  eu  station  devant  Rochefort, 


BEA 

servoit  de  prison  à  beaucoup  de 
prêtres  nouvellement  arrivés  {V. 
La  Rochelle  et  Rochefort  ).  H 
tint  la  mer  avec  eux  dans  l'horrible 
entrepont  de  ce  navire  ;  mais 
à  la  fin  il  succomba.  Très-malatle 
quand  on  ramena  les  déportés  à 
Rochefort  en  février  1795,  il  fut 
porté  à  l'hôpital  de  cette  ville  où 
il  expira  le  1 5  de  ce  mois ,  à  l'âge 
de  5i  ans.  Tout  le  monde  s'ac- 
corde à  dire  que  le  chanoine 
Beaure  étoit  un  bon  prêtre  et  un 
ecclésiastique  fort  instruit.  (  V .  C. 
J.  Bacquet  et  P.  J.  Bellivet.  ) 

BEAUREGARD  (André-Geor- 
ges Brcmacld  de),  prêtre,  cha- 
noine ,  théologal  -  chancelier  et 
vicaire-général  de  Luçon,  né  à 
Poitiers,  en  1745,  s'étoit  distin- 
gué par  ses  vertus  ecclésiastiques, 
comme  par  son  savoir.  La  ville  de 
Luçon  lui  devoit  un  établissement 
d'éducation  pour  les  jeunes  per- 
sonnes ;  et  les  œuvres  de  sa  cha- 
rité dévoient  lui  procurer  autant 
de  défenseurs  qu'il  y  avoit  d'in- 
fortunés dans  cette  ville.  Mais  les 
actes  de  ce  genre,  surtout  lors- 
qu'ils étoient  inspirés  par  la  Foi, 
et  que  la  religion  les  avoit  consa- 
crés, devenoient,  depuis  la  révo- 
lution, des  délits  politiques,  dignes 
de  toute  l'animadversion  des  im- 
pies réformateurs.  Il  n'est  pas 
nécessaire  de  dire  que  le  théologal 
de  Beauregard  n'avoit  point  voulu 
faire  le  serment  schismatique  de 
1791;  mais,  ce  qu'il  importe  de 
ne  pas  passer  sous  silence,  c'est 


BEA 

qu'il  employoit  toutes  les  res- 
sources du  saint  ministère  pour 
maintenir  les  catholiques  de  sa 
province  dans  leur  attachement 
à  la  Foi,  et  dans  la  pratique  de  la 
religion  de  Jésus-Christ.  Les  per- 
sécuteurs de   1793  et  1794  ne 
pouvoient  qu'en  être   irrités  à 
l'excès  ;  ils  arrêtèrent  ce  respec- 
table ecclésiastique,  en  le  traitant 
de  conspirateur,  et  le  firent  con- 
duire à  Paris,  pour  y  être  jugé 
comme  tel,  par  le  grand  tribunal 
révolutionnaire.  La  veille  du 
jouroù  ildevoit  être  amené  devant 
les  juges,  prévoyant  le  soit  qui 
l'attendoit,  il  crut  voir  sa  mère 
près  de  lui,  en  esprit,  comme 
saint  Flavien  avoit  vu  la  sienne  en 
réalité,  la  veille  de  son  martyre; 
et,  de  même  que  celui-ci  disoit 
alors  à  sa  mère  :  «Vous  savez  que 
j'ai  toujours  regardé  comme  glo- 
rieux d'être  enchaîné  pour  Jésus- 
Christ  ,  de  donner  ma  vie  pour  lui  ; 
et,  puisque  ce  que  j'ai  désiré 
m'arrive ,  vous  aurez  donc  plus  à 
vous  en  glorifier  qu'à  vous  en 
affliger  (1)  »  ;  le  chanoine  Beaure- 
gard  écrivit  à  la  sienne  en  ces 
termes  ,  le  26  juillet  1 794  : 

«  Je  suis  à  la  veille  de  comparoître 
au  redoutable  tribunal  où  je  suis 
traduit,  sans  savoir  pourquoi.  Ma 


(1)  O  matrem  religiosè  piam  !  O 
Mucchabœicam  matrem  Si ergo  con- 
tigil  quod  oplavi ,  gloriandunt  est  po- 
ints cjuàrn  dolendum  Ruinart,  (Passio 
SS.  Montant,  Lucii ,  etc.  n°  16). 


BEA  i63 

conscience  ne  me  fait  aucun  re- 
proche. Je  ne  suis  pas  pour  cela 
justifié.  Le  sort  qui  m'est  destiné 
va ,  selon  toute  apparence ,  mettre 
fin  pour  moi  aux  épreuves  de 
cette  malheureuse  vie.  Grâces  à 
Dieu,  il  n'est  pas  imprévu.  Prêt  à 
paroître  devant  Dieu,  il  me  reste 
encore  des  devoirs  à  remplir.  Je 
voisen  voussonimage.  C'est  entre 
vos  mains,  ma  digne  et  tendre 
mère ,  que  je  veux  renouveler 
l'expression  des  sentimens  que 
vous  prîtes  soin  de  transmettre  à 
vos  enfans. 

«  Je  crois  tout  ce  que  croit  et 
m'enseigne  l'Eglise,  sainte,  catho- 
lique, apostolique  et  romaine, 
dépositaire  de  la  vraie  Foi  qu'il 
plut  à  Dieu  de  révéler  aux  hom- 
mes, et  hors  laquelle  il  n'y  a  point 
de  salut.  Je  veux  mourir  comme 
j'ai  vécu,  dans  un  fidèle  attache- 
ment à  sa  doctrine.  Je  rends 
grâces  à  Dieu  des  faveurs  dont  je 
suis  redevable  à  sa  providence 
paternelle:  je  lui  demande  pardon 
des  fautes  sans  nombre  dont  je  me 
suis  rendu  coupable  à  ses  yeux; 
et  je  m'humilie  devant  les  hom- 
mes ,  pour  les  scandales  que  je 
leur  ai  donnés. 

«  J'implore  l'assistance  de  mon 
ange  gardien,  l'intercession  de 
saint  André,  mon  patron,  et  des 
Saints  en  qui  j'ai  eu  une  dévotion 
particulière  ;  celle  de  la  Sainte- 
Vierge  ,  à  qui  je  fus  dévoué  dès 
mon  enfance  ,  et  par  une  voca- 
tion marquée  de  la  Providence 

II. 


164  BEA 

J'ai  éprouvé  plus  d'une  fois  des 
effets  sensibles  de  sa  protection 
toute  -  puissante  :  j'espère  qu'elle 
ne  m'abandonnera  pas  à  cet  ins- 
tant de  ma  vie,  le  plus  important 
pour  mon  salut. 

«  Plein  de  confiance  en  la  divine 
miséricorde  qui  se  déclare  d'une 
manière  plus  éclatante  pour  les 
plus  grands  pécheurs ,  j'accepte 
en  esprit  de  pénitence,  pour  l'ex- 
piation de  mes  péchés,  le  sacrifice 
de  ma  vie.  Je  l'accepte  avec  un 
cœur  pénétré  de  reconnoissance , 
ce  sacrifice  que  la  Foi  me  présente 
comme  la  plus  précieuse  de  toutes 
les  grâces  :  plus  j'en  suis  indigne, 
plus  j'ai  lieu  d'attendre  de  la  pré- 
dilection divine,  le  fruit  qu'elle 
attache  à  cette  insigne  faveur. 
Qu'il  me  soit  permis  de  le  dire , 
ma  chère  bonne  mère ,  en  vous 
ouvrant  mon  cœur,  je  dois  à  la 
bonté  de  Dieu  ce  témoignage  : 
dans  les  épreuves  auxquelles  il 
a  permis  que  je  fusse  soumis,  j'ai 
déjà  ressenti  les  effets  consolans 
de  son  insigne  parole.  C'est  de 
tous  que  j'ai  appris  à  le  con- 
noîlre  ;  et ,  quand  je  médite  ce  qui 
est  promis  à  ceux  qui  seront  jugés 
dignes  de  souffrir  pour  lui,  pour 
celui  qui  est  la  vérité  et  la  vie,  je 
crois  entendre  de  votre  bouche  les 
exhortations  d'une  mère  de  sept 
enfans,  .qui,  sacrifiant  au  premier 
de  ses  devoirs,  ses  plus  chers  in- 
térêts ,  transmit  à  la  postérité 
l'exemple  mémorable  de  sa  ten- 
dresse et  de  sa  Foi.  Je  sens  cette 


BEA 

vertu  puissante  m 'élever  au-des- 
sus de  moi-même,  et,  avec  elle, 
la  joie  ,  la  confiance ,  se  répandre 
dans  mon  âme.  Si  le  moment  du 
combat  est  si  consolant,  que  sera-ce 
de  la  victoire?  Ne  vous  affligez 
donc  pas,  ô  la  plus  tendre  des 
mères ,  de  la  situation  de  votre 
fils.  Dans  l'épreuve  d'un  moment, 
vous  voyez  la  voie  qui  conduit  à 
la  vie.  Eh  !  que  sont  toutes  les 
tribulations  du  monde,  en  pro- 
portion de  cette  vie  qui  n'aura 
point  de  fin  ? 

«  Soyez ,  je  vous  prie ,  ma  chère 
bonne  mère ,  l'interprète  de  ce  que 
je  voudrois  pou  voir  exprimer  à  mes 
frères,  dans  ce  dernier  moment. 
Vous  savez  combien  fut  étroite  l'a- 
mitié qui  nous  unit  :  jamais  elle  ne 
souffrit  la  moindre  altération.  Les 
liens  que  vous  prîtes  soin  de  for- 
mer pour  notre  consolation  et  votre 
bonheur,  ne  sont  point  rompus  : 
j'ai  cette  confiance.  Plus  forts  que 
la  mort,  ils  nous  réuniront  dans 
une  meilleure  vie. 

«  Je  ne  saurois  assez  recon- 
noître  les  marques  d'amitié  que 
j'ai  reçues  de  mon  frère  aîné,  dans 
tous  les  temps,  et  les  sacrifices 
qu'il  fit  au  désir  de  vous  être  utile 
et  à  nous  tous.  Je  prie  Dieu  qu'il 
soit  lui-même  la  récompense  de  sa 
vertu ,  et  qu'il  le  conserve  auprès 
de  vous,  comme  votre  consolateur 
et  votre  appui. 

«  Je  prie  Monfolon  (1)  de  rece- 

(i)  Un  de  ses  frères,  qui  habitoit 

Paris. 


BEA 

voir  aussi  l'expression  de  mes 
tendres  sentimens  et  de  ma  re- 
connoissance, pour  tout  ce  que 
le  zèle  et  l'amitié  lui  inspirèrent 
de  faire  pour  moi.  Je  sens  tout  ce 
que  son  cœur  souffre  de  ce  que 
nous  sommes  privés  de  la  conso- 
lation de  nous  embrasser. 

«  Le  mien  gémit  encore  de 
l'éloignement  de  celui  de  mes 
frères  (1),  à  qui  la  Providence 
avoit  pris  soin  de  m'unir  de  plus 
près;  faites-lui  parvenir,  je  vous 
prie ,  dès  que  les  circonstances  le 
permettront,  les  tendres  expres- 
sions de  mon  amitié,  fondée  sur 
l'estime  et  la  confiance ,  comme 
encore  de  mes  vœux  pour  lui. 
Puisse  -  t  -  il  être  l'interprète  de 
mes  sentimens  auprès  de  ce  digne 
Evêque,  que  Dieu,  dans  sa  misé- 
ricorde, donna  pour  chef  à  l'église 
de  Luçon  ;  auprès  de  ses  vénérables 
confrères  ;  de  ces  dignes  pasteurs 
qui  m'offrirent  de  si  grands  exem- 
ples de  zèle  et  de  vertu  !  Ils  savent 
combien  m'étoient  chers  les  liens 
qui  nous  unissoient.  Je  renouvelle 
avec  eux  la  profession  des  religieux 
sentimens  qui  nous  furent  com- 
muns. Je  les  prie  de  recevoir  l'ex- 
pression de  ma  vénération  et  de 
ma  reconnoissance  ,  d'oublier  les 
scandales  que  je  leur  ai  donnés,  et 
de  se  souvenir  de  moi  dans  leurs 
prières. 

(1)  Autre  frère,  Jean  Brumauld, 
chanoine,  chantre  et  vicaire  -  général 
de  Luçon  qui,  en  1 798  ,  fut  déporté  à 
Cayenne ,  et  en  est  revenu. 


BEA  i65 

«  Je  ne  désire  pas  moins  être 
rappelé  au  souvenir  de  ces  res- 
pectables confrères  de  ma  capti- 
vité. Je  mets  au  rang  des  grâces 
les  plus  précieuses,  l'instruction 
et  l'exemple  que  j'ai  trouvés  parmi 
eux.  J'espère  de  leur  charité,  qui 
fut  pour  moi  si  indulgente,  qu'ils 
voudront  bien  ne  pas  m'oublier. 

«J'embrasse  ces  chers  enfans, 
pour  lesquels  je  partage  avec  vous 
les  sentimens  de  la  plus  tendre 
amitié  (2).  Ma  consolation  étoit 
de  les  voir  croître  sous  vos  yeux; 
et  j'ai  cette  confiance,  que  la  se- 
mence que  vous  et  leur  vertueuse 
mère  prenez  soin  de  répandre 
dans  leurs  cœurs,  ne  sera  pas  in- 
fructueuse. Puisse  ma  situation 
devenir  pour  eux  une  leçon  utile  ! 
Je  recommande  à  l'aîné  de  graver 
dans  son  cœur,  et  de  transmettre 
à  ses  frères,  le  dernier  avis  qu'il 
a  reçu  de  moi  verbalement,  le 
plus  important  de  tous  ceux  que 
j'aie  pu  lui  donner. 

«  Je  voudrois  pouvoir  rappeler 
ici  tous  ceux  à  qui  je  tiens  par  les 
liens  du  sang  et  de  l'amitié,  ou 
par  les  devoirs  de  l'attachement  et 
de  la  reconnoissance.  Vous  serez 
l'interprète  de  mes  sentimens, 
que  vous  connoissez,  auprès  de 
ceux  qu'il  ne  m'est  pas  permis  de 
nommer.  Je  prie  mon  ami  (3)  de 

(2)  Ses  neveux  ,  enfans  d'Anne 
Julie  Brumauld,  sa  sœur,  veuve  de 
J.  J.  A.  Parent  de  Curzon. 

(3)  M.  de  Fresne,  doyen  et  vicaire- 
général  de  Luçon. 


166  BEA 

lire  dans  mon  cœur  ce  que  je  re- 
grette tant  de  ne  pouvoir  lui  ex- 
primer. Nommer  mon  ami,  c'est 
assez  vous  faire  connoître  celui  à 
qui  est  du  ce  litre,  qu'il  possède 
depuis  long-temps. 

«  Puisse  ma  famille  chérie,  qui 
fut  pour  nous  l'objet  de  tant  de 
soins,  recevoir  aussi  l'expression 
de  mes  tendres  sentimens  (1)  !  Je 
n'ai  jamais  douté  de  son  attache- 
ment. Je  recommande  à  son  sou- 
venir celui  qui  ne  cesse  de  s'occu- 
per d'elle. 

«  J'unis,  ma  digne  et  tendre 
mère,  le  sacrifice  de  tout  ce  qui 
fut  cher  à  mon  cœur,  aux  senti- 
mens  que  Jésus-Christ  mon  sau- 
veur conserva  pour  sa  sainte 
mère,  et  pour  ceux  qu'il  daigna 
appeler  ses  frères. 

«  C'est  au  pied  de  la  croix 
que,  vous  embrassant  pour  la 
dernière  fois ,  je  vous  offre  l'ex- 
pression de  ma  soumission,  de 
mon  respect  et  de  mes  plus  ten- 
dres sentimens ,  et  le  regret  des 
mécontentemens  que  je  vous  ai 
occasionnés.  C'est  pour  vous ,  la 
plus  tendre  des  mères,  et  pour 
tout  ce  que  vous  aimez  ;  c'est  pour 
l'intérêt  de  la  religion ,  pour  notre 
malheureuse  patrie ,  pour  la  per- 
sévérance des  justes ,  pour  la 
conversion  des  pécheurs;  c'est 
pour  tous  ceux  qui  furent  la  cause 

(l)  Le  pensionnat  de  Luçon  ,  formé 
par  les  soii>s  de  M.  de  Beauregard , 
«t.  dont  il  étoit  le  supérieur. 


BEA 

ou  l'occasion  de  nos  peines  ;  c'est 
pour  mes  péchés,  qu'uni  par  la 
Foi  à  mon  Sauveur  souffrant  et 
mourant  pour  moi ,  plein  de  con- 
fiance en  ses  mérites,  à  sa  parole 
et  à  ses  divines  promesses,  je  fais 
à  Dieu  le  sacrifice  de  ma  vie.  Je 
remets  mon  âme  entre  ses  mains.  » 

Le  chanoine  Beauregard  fut  ef- 
fectivement amené ,  le  lendemain, 
9  thermidor  (27  juillet),  devant 
le  tribunal.  Les  sentimens  dont  il 
étoit  pénétré  devant  ses  juges, 
peuvent  se  concevoir  aisément, 
d'après  la  lecture  de  sa  lettre.  Il 
ne  tarda  pas  à  être  condamné  à 
périr  sur  l'échafaud.  Les  motifs 
de  sa  condamnation  furent  qu'il 
étoit  «  convaincu  de  s'être  déclaré 
l'ennemi  du  peuple,  en  employant 
le  fanatisme  pour  semer  le 
trouble  et  la  division  dans  l'esprit 
du  peuple».  H  fut  guillotiné  le 
même  jour,  pendant  que  la  faction 
Thermidorienne  remportoit  sa 
victoire  sur  Roberspierre.  La  lettre 
du  théologal  de  Beauregard  à  sa 
mère,  monument  précieux  pour 
l'histoire  de  l'Eglise  gallicane,  mé- 
rite d'être  lue  par  les  fidèles  ,  avec 
le  même  respect  que  les  premiers 
chrétiens  lisoient  les  derniers  écrits 
de  leurs  Martyrs. 

BEAURETOLR  (  Françoise 
de),  d'une  famille  noble,  âgée  de 
66  ans,  née  à  Saint-Astier ,  dans 
le  diocèse  de  Périgueux,  et  domi- 
ciliée à  Bordeaux,  ne  voulant  point 
s'écarter  île  la  Foi  catholique  dont 
file  avoit  toujours  fait  profession, 


BEC 

restoit  attachée  de  religion  aux 
prêtres  qu'on  appeloit  réfrac- 
taires.  Elle  contribua  avec  onze 
autres  femmes  pieuses,  et  un  sim- 
ple porteur  d'eau,  à  soustraire  à 
la  persécution  pendant  quatorze 
mois,  un  de  ces  prêtres  dont  elle 
suivoit  les  exercices  de  piété 
(  V.  Casatjx).  On  le  découvrit, 
et  les  personnes  charitables  qui 
l'avoient  caché  furent  dénoncées. 
Françoise  Beauretour,  l'une  d'el- 
les, fut,  avec  les  autres,  traduite 
devant  la  commission  militaire, 
de  Bordeaux  (  V.  Bordeaux) ;  et 
cette  commission  la  condamna, 
comme  elles  ,  à  la  peine  de  mort, 
le  16  messidor  an  II  (4  juillet 
1794).  On  peut  lire  les  termes 
précis  de  la  sentence,  et  le  nom 
de  toutes  ces  prétendues  com- 
plices à  l'article  Je  Aux.  On  y  verra 
que  Françoise  Beauretour  mani- 
festa devant  les  juges  son  atta- 
chement invariable  à  la  Foi  ca- 
tholique, et  qu'elle  ne  fut  pas 
moins  ferme  que  les  autres  dans 
le  refus  d'indiquer  l'asile  où  d'au- 
tres prêtres  fidèles  se  tenoient  à 
l'abri  de  la  rage  des  persécuteurs. 

BECAVIN  (Joseph),  prêtre  de 
Nantes,  s'étoit  réfugié  à  Paris,  en 
1791,  pour  éviter  les  persécutions 
suscitées  dans  son  pays ,  comme 
ailleurs,  contre  les  prêtres  que  la 
constitution  civile  du  clergé 
avoit  trouvés  inébranlables  dans 
leur  Foi.  La  tranquillité  que  lui 
offroit  la  capitale  pour  y  remplir 
ges  devoirs  sacerdotaux,  lui  de- 


BEC  167 
vint  perfide  comme  à  tant  d'autres. 
Il  n'en  profita  pas  sans  se  faire 
reconnoître  pour  un  ministre  fi- 
dèle de  la  religion  ;  et  il  étoit 
assez  noté  comme  tel  par  les  im- 
pies, pour  ne  pas  être  recherche 
après  le  10  août  1792,  lorsqu'il? 
firent  saisir  tous  les  prêtres  in- 
sermentés qu'on  put  découvrir 
dans  Paris.  Bécavin  fut  arrêté  des 
premiers,  puisqu'il  se  trouve  le 
cinquième  sur  le  registre  de  l'état 
civil  de  Paris ,  fait  d'après  le  re- 
gistre d'écrou  de  l'église  des  Car- 
mes. Comme  il  demeuroit  dans 
le  quartier  de  la  section  du  Lu- 
xembourg ,  ce  fut  devant  le  co- 
mité de  cette  section  qu'on  le 
conduisit  d'abord  ;  et  par  la  preuve 
qu'il  y  donna  de  sa  fermeté  dans 
la  Foi,  il  mérita  d'être  enfermé 
dans  cette  église  avec  tant  d'au- 
tres intrépides  confesseurs  de  Jé- 
sus-Christ {V.  Abraham,  Dulatj). 
Sa  conduite  dans  cette  captivité  fut, 
comme  la  leur,  une  continuelle 
préparation  à  la  mort  ;  et,  après 
s'être  encouragé  avec  eux  à  la 
subir  pour  la  Foi  de  Jésus-Christ, 
il  se  présenta  aux  assassins ,  le 
2  septembre,  avec  la  constance 
et  la  joie  des  anciens  Martyrs. 
[V.  Septembre.) 

BÉCHEREL  (Augustin) ,  prê- 
tre, né  à  Rennes,  vers  1753, 
étoit  à  l'époque  de  la  révolution 
vicaire  de  Villepot,  dans  le  dio- 
cèse de  Rennes.  Il  ne  fit  point  h* 
serment  schismatique  de  1791  . 
et  trouva  le  moyen  d'échapper 


i68  BEC 

aux  persécutions  des  années  sui- 
vantes, jusqu'à  la  fin  de  1797.  La 
fureur  contre  les  prêtres  fidèles 
s'étant  ranimée  au  18  fructidor 
(4  septembre  de  cette  année) ,  il 
fut  arrêté  en  vertu  de  la  loi  du 
lendemain ,  qui  les  condamnoit 
à  être  déportés  à  la  Guiane  ,  s'ils 
ne  faisoient  le  serment  de  haine 
à  la  royauté.  [V.  Guiane).  On 
le  fit  partir  pour  Rochefort,  où  il 
devoit  être  embarqué.  Il  le  fut  le 
12  mars  1798,  sur  la  frégate  ia 
Charente,  d'où  il  passa  le  2  5  avril 
sur  la  Décade,  qui  le  débarqua  à 
Cayenne  vers  le  milieu  de  juin 
sunant.  Il  put  obtenir  un  asile 
dans  un  canton  de  l'île  de  Cayenne , 
à  Roura,  ch<  z  un  colon,  nommé 
Laborde  :  mais  les  fléaux  du  climat 
ne  vinrent  pas  moins  l'y  accabler; 
et  il  mourut  en  octobre  de  la 
même  année ,  à  l'âge  de  45  ans. 
{V .  Beaugé  et  J.  B.  Belouet.) 

BECK  (Reine),  Ursuline  de 
Cassel  en  Flandre  ,  étoit  l'une  des 
cinq  religieuses  de  la  Belgique  , 
qui,  faites  prisonnières  par  les  ar- 
mées républicaines  lors  de  la  con- 
quête de  cette  province  [V .  Bel- 
gique), en  furent  envoyées  à  Arras 
avec  onze  religieux  Belges,  saisis 
dans  la  même  circonstance  (  V. 
pour  les  religieuses,  H.  Buchy, 
B.  Grison  ,  M.  A.  S.  Minne  ,  A. 
Vandervick;  etpour  les  religieux, 
P.  J.  Chareet,G.  F.  Boucquart, 
P.  J.  Cleys,  A.  S.  Chartrel,  P.  S. 
Foly,  L.  F.  Gamblain  ,  P.  J.  M. 
Leroux  ,  P.  J.  Montagne  ,  J.  A- 


BEC 

Pellaert  ,  M.  Picavet,  J.  L.  Ver- 
tocr).  Quelques  jours  après  leur 
arrivée  en  cette  ville  (V .  Arras), 
le  proconsul  Lebon  les  fit  amener 
dans  l'édifice  dont  il  avoit  fait  le 
Temple  de  ia  Raison ,  c'est-à- 
dire  de  l'athéisme  ,  suivant  ce 
que  nous  avons  raconté  à  l'article 
Nevers.  Il  s'y  trouvoit  lui-même 
pour  les  y  recevoir  ,  voulant  ou- 
trager en  leur  personne  la  sainte 
religion  qu'ils  professoient  ,  et 
dont  il  étoit  un  effroyable  apostat. 
Dès  que  ces  religieux  et  religieuses 
fuient  entrés,  il  les  fit  monter  sur 
un  théâtre  élevé  exprès,  où  il  se 
trouvoit  lui-même;  et  là,  il  les 
accabla  de  blasphèmes  et  d'in- 
jures. Ensuite  il  les  envoya  à 
son  tribunal  révolutionnaire. 
«  Des  capucins ,  des  n  ligieuses 
de  la  Belgique,  dit  Prudhomme 
(Hist.  des  Crimes  de  la  Révol., 
tom.  VI,  pag.  081),  sont  installés 
pêle-mêle  sur  les  banquettes  de 
ce  tribunal.  Prisonniers  de  guerre 
avant  la  réunion  (soi-disant  légale) 
de  leur  province  à  la  France,  ils  en- 
tendoient  peu  le  français  ;  et  l'on  se 
contente  de  demander  à  ces  reli- 
gieux s'ils  sont  auteurs  des  ser- 
mons qu'ils  ont  prêchés.  Le  oui 
qu'ils  répondent  devient  leur  sen- 
tence de  mort;  et  les  religieuses 
qu'on  déclare  leurs  complices  , 
sont  envoyées  avec  eux  à  l'écha- 
faud  ».  Cette  condamnation,  faite 
uniquement  en  haine  de  la  reli- 
gion, fut  prononcée  le  12  messidor 
an  II  (5o  juin  1794)-  L'exécuteur 


BEC 

s 'emparant  aussitôt  des  victimes , 
dérangea  les  vêtemens  des  reli- 
gieuses avec  une  indécence  ré- 
voltante, sous  le  prétexte  de  les 
préparer  au  supplice  de  la  guillo- 
tine. Il  affecta  de  les  faire  mar- 
cher à  l'échafaud  proeessionnelle- 
ment  avec  les  dix  religieux,  pour 
les  livrer  à  la  dérision  publique. 
Ces  seize  Martyrs  y  alloient  en 
chantant  l'office  des  morts;  et, 
manifestant  la  plus  édifiante  rér 
signation,  ils  donnèrent  volon- 
tiers leur  vie  pour  la  cause  de  Jé- 
sus-Christ. Ces  victimes  ayant, 
suivant  l'usage  pratiqué  en  Bel- 
gique, en  Italie,  etc.,  pour  dis- 
tinguer leurs  personnes  de  celles 
du  même  nom  ,  donné  ceux  de 
leurs  père  et  mère ,  nous  savons 
que  Reine  Beck,  âgée  seulement  de 
25  ans ,  et  née  à  Hazebrouck ,  étoit 
fille  de  Jean  Beck  et  d'Adrien  ne 
Parsy.  {V .  M.  R.  Bayart  et  L.  A. 
Becquet.) 

BECQUET  (Louis-Alexandre), 
ancien  trésorier  au  bureau  des 
finances  de  Lille,  et  résidant  à 
Arras,  où  il  étoit  né  en  1720,  se 
distinguoit  par  une  piété  sincère 
qui  le  faisoit  compatir  avec  géné- 
rosité aux  maux  des  prêtres  fidèles 
que  la  révolution  avoit  réduits  à 
l'indigence.  Il  plaignit  d'autant 
plus  les  prêtres  non-assermentés, 
dans  la  persécution  qu'ils  éprou- 
voient,  que  lui-même  restoit  fer- 
mement attaché  à  la  Foi  catholique 
qu'on  n'avoit  pu  leur  faire  trahir. 
Il  s'associa ,  pour  les  secourir,  à  la 


BED  169 

bonne  œuvre  de  la  ve  Bataille 
(V.  ce  nom).  Son  nom  ayant  été 
trouvé  sur  le  registre  de  cette 
pieuse  et  charitable  dame ,  il  fut 
arrêté  par  l'ordre  du  proconsul 
J1'  Lebon  (  V .  Arras  ) ,  livré  avec 
elle  et  les  autres  compagnons  de 
la  même  bonne  action ,  au  tribu- 
nal révolutionnaire,  d' Arras.  Ce 
tribunal,  dans  sa  séance  du  25 
germinal  an  II  (14  avril  1794), 
prononça  aussi  contre  Becquet, 
la  sentence  de  mort,  en  le  quali- 
fiant également  de  «  complice  de 
la  conspiration  ourdie  par  la  ve 
Bataille  contre  le  peuple  français 
et  sa  liberté  ».  {V.  R.  Beck  et 
C.  F.  J.  Blanquart.) 

BÉDEE  (Alexis  de),  pieux 
gentilhomme  Breton ,  père  de  fa- 
mille, résidant  à  Landujan,  près 
Saint-Malo,  avoit  une  Foi  capable 
de  braver  tous  les  périls  pour  la 
cause  de  la  religion.  Lorsqu'en 
1793  et  1794  ■>  les  prêtres  catho- 
liques étoient  recherchés  de  toutes 
parts  pour  être  conduits  à  l'écha- 
faud, et  qu'il  leur  étoit  si  difficile 
de  trouver  un  asile,  à  raison  de  la 
peine  de  mort  prononcée  d'avance 
contre  ceux  qui  les  recevroient, 
Bédée  accueilloit  chez  lui,  non 
seulement  l'apôtre  du  canton  , 
mais  encore  tous  les  habitans  qui 
vouloient  recourir  à  son  minis- 
tère {V.  J.  B.  Toslivint). 
Lorsque  des  agens  de  la  persécu- 
tion vinrent  l'y  saisir,  au  com- 
mencement de  juillet  1794,  ils 
arrêtèrent  aussi  le  vertueux  Bé- 


»;o  BED 

dée,  et  l'emmenèrent  également  à 
Rennes.  Chemin  faisant,  ils  ajou- 
tèrent à  ses  peines ,  en  envoyant 
quelques  uns  d'entre  eux  prendre 
encore  son  épouse,  que  d'abord 
ils  avoient  épargnée.  Tous  les  trois 
furent  donc  amenés  à  Rennes,  où 
siégeoit  le  tribunal  criminel  du 
département  d'IUe  et  Vilaine; 
et  ce  tribunal  les  condamna  en- 
semble au  dernier  supplice,  le  7 
thermidor  an  II  (a5  juillet  1794)- 
Bédée  le  fuf*comme  «recéleur  de 
prêtres  réfractaires» .  Avant  d'aller 
à  l'échafaud,  il  écrivit  à  son  fils 
pour  lui  faire  ses  derniers  adieux, 
et  lui*  recommander  de  ne  jamais 
abandonner  la  Foi  de  ses  pères, 
finissant  par  ces  mots  dignes  d'être 
conservés  :  «  Quand  vous  recevrez 
ma  lettre ,  vous  n'aurez  plus  de 
père  et  de  mère;  on  va  même  con- 
fisquer vos  biens  ;  mais  la  grâce  de 
Dieu  vous  restera  :  soyez-y  fidèle.  » 
(V.  J1  Alix.) 

BÉDÉE  (  Françoise  Brcnet  , 
épouse  d'Aixxis  de  ) ,  douée  d'une 
Foi  aussi  vive,  aussi  généreuse  que 
celle  de  son  mari ,  fut  également  sa 
compagne  dans  les  bonnes  œuvres 
que  nous  venons  de  raconter.  On 
a  vu  par  quelle  réflexion  de  bar- 
barie les  archers  de  la  persécution 
l'associèrent  à  son  sort.  La  lettre 
qu'il  écrivit  à  son  fils ,  avant  d'aller 
a  l'échafaud,  exprimoit  les  senti- 
mens  de  son  épouse,  autant  que 
les  siens  propres.  Elle  étoit  con- 
damnée en  même  temps  que  lui, 
k  la  même  peine,  par  le  même 


BED 

tribunal,  et  pour  la  même  cause  , 
c'est-à-dire  comme  «  recéleuse  de 
prêtres  réfractaires  » ,  pendant  que 
l'apôtre  qu'ils  avoient  reçu  dans 
leur  maison,  l'étoitsousce  dernier 
titre.  Elle  périt  avec  eux  et  un  autre 
prêtre  [V .  M.  Chilon)  :  on  peut 
voir  les  circonstances  de  leur  mort 
à  l'article  de  .T.  B.  Toslivint.  Les 
deux  époux,  aussi  tendrement  unis 
par  la  vertu  que  par  leur  affection 
réciproque ,  s'estimèrent  heureux 
de  terminer  ensemble,  pour  la 
cause  de  Jésus  -  Christ ,  une  vie 
employée  à  faire  du  bien  ;  et  ils 
reçurent  en  même  temps  la  cou- 
ronne promise  à  ceux  qui  meurent 
pour  les  œuvres  de  la  Foi  (  V.  J* 
Aux). 

BEDOUIN  (  Jean-Baptiste  )  , 
prêtre,  religieux,  Grand-Carme 
du  diocèse  d'Avignon,  retiré  à 
Sorgues,  dans  le  comtat  Venais- 
sin ,  n'échappa  point  aux  recher- 
ches des  persécuteurs  de  1794;  «1 
fut  arrêté  et  amené  dans  les  pri- 
sons d'Orange,  pour  y  être  jugé 
par  l'affreuse  commission  popu- 
laire que  le  proconsul  Maignet  y 
avoit établie  [V.  Orange).  Cette 
commission  fit  comparoître  de- 
vant elle  ce  religieux  déjà  purifié 
dans  la  prison;  et,  le  11  messi- 
dor an  II  (  29  juin  1 794)  ,  elle  le 
condamna  à  la  peine  de  mort, 
gous  le  banal  et  vague  prétexte 
qu'il  étoit  convaincu  de  fédéra- 
lisme. J.  B.  Bédouin  fut  immolé 
le  lendemain,  à  l'âge  dç  3o  ans. 
(F.  M*  A« Béguin.) 


BEG 

BEGUIN  (Marie),  sœur  con- 
verse chez  les  religieuses  de  l'ordre 
du  Saint-Sacrement  à  Boulène, 
près  le  Pont -Saint -Esprit,  sous 
le  nom  de  sœur  Saint-  Joachim, 
continuoit  à  vivre  avec  ces  reli- 
gieuses, dans  la  maison  où  elles 
s'étoient  réunies  après  la  suppres- 
sion des  communautés  cloîtrées. 
Elle  fut  amenée  prisonnière  avec 
elles  à  Orange,  le  2  mai  179^ » 
pour  y  être  jugée  comme  elles 
par  la  féroce  commission  popu- 
laire établie  dans  cette  ville 
(  V .  Orange).  Partageant  dans  la 
prison  les  exercices  pieux  par  les- 
quelles ces  saintes  filles  se  prépa- 
roientà  mourir  pour  Jésus-Christ, 
elle  n'étoit  pas  moins  qu'elles 
animée  du  désir  du  martyre 
(  V.  d'Albarède  ).  Quand  elle 
comparut  devant  l'étrange  tribu- 
nal, elle  s'y  montra  pénétrée  des 
sentimens  delà  Foi, entendit  avec 
résignation  et  courage  le  juge- 
ment qui  la  condamnoit ,  en  haine 
de  la  religion,  à  la  peine  de  mort, 
comme  «contre-révolutionnaire» , 
parce  qu'elle  avoit  refusé  de  prê- 
ter le  serment  de  liberté-égalité, 
en  un  mot  parce  qu'elle  aimoit 
mieux  mourir  que  manquer  à 
la  loi  de  Dieu.  Elle  subit  cette 
sentence  le  28  messidor  an  II 
(16  juillet  1794),  à  l'âge  de  Go 
ans.  Son  nom  a  été  mal  à  propos 
transformé  en  celui  de  Dequi 
dans  quelques  relations  impri- 
mées. Elle  eut  ce  jour-là  pour 
compagnes  de  son  martyre  M.  A. 


BEI  171 

Doux,  W  Laye,  M.  T.  Charau- 
sols,  J.  D.  M.  de  Juslamont, 
M.  F.  de  Justamont,  et  M.  R. 
Gourdon.  {V .  F.  S.  Berbiguier.) 

BEHAL  (  Jean  -François  ) , 
curé  de  Bellinglise  en  Picardie , 
près  de  Saint-Quentin,  n'ayant 
point  fait  le  serinent  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  et  se 
trouvant  chassé  de  France  par  la 
loi  du  26  août  1 792 ,  y  avoit  obéi. 
Trompé  ensuite  par  les  discours 
de  modération  que  tenoient  les 
persécuteurs  après  le  9  thermidor 
(  27  juillet  1 794)  »  il  crut  pouvoir 
sans  danger  se  rapprocher  de  ses 
paroissiens;  et  déjà  il  étoit  arrivé 
pour  cela  jusqu'aux  confins  de  la 
Belgique ,  lorsqu'il  y  fut  arrêté. 
On  le  livra  à  la  commission  mili- 
taire qui  étoit  établie  à  Bruxelles. 
Cette  commission ,  devant  laquelle 
il  comparut  le  7  pluviôse  an  III 
(26  janvier  1795),  le  condamna 
à  être  fusillé  comme  «  émigré  »  , 
et  il  le  fut  le  lendemain. 

BEILLE  (Henri),  prêtre  du 
diocèse  d'Alet  en  Languedoc ,  et 
vicaire  dans  une  paroisse  de  lu 
ville  épiscopale  ,  en  fut  exclu  , 
parce  qu'il  y  refusoit  de  prêter  le 
serment  schismatique  de  1791.  Il 
se  retira  d'abord  dans  le  village 
de  Belcaire  ,  près  Limoux,  où  il 
fut  encore  sommé  de  faire  ce  ser- 
ment. Il  y  auroit  consenti,  si  le 
maire  eût  voulu  lui  permettre  des 
restrictions  expresses  pour  tout 
ce  qui  pouvoit  être  contraire  à 
la  doctrine  catholique.  Le  vicaire 


172  BEI 

Beille  se  tira  de  cette  seconde 
épreuve  aussi  pur  que  de  la  pre- 
mière ;  et  il  alla  chercher  un  asile 
chez  son  frère,  J.  B.  Beille  ,  dans 
le  village  de  Boquefeuil ,  près 
Quillau,  où  il  crut  pouvoir  échap- 
per ensuite  aux  rigueurs  de  la  loi 
de  déportation  x  et  continuer  d'ad- 
ministrer les  secours  de  l'Eglise 
aux  fidèles  du  canton;  mais,  le 
17  février  179^5  deux  lieutenans 
de  la  brigade  de  gendarmerie ,  en 
résidence  à  Quillau ,  vinrent  avec 
cinquante-sept  soldats,  par  ordre 
de  l'administration  du  district  de 
ce  nom ,  pour  arrêter  a  Boque- 
feuil des  prêtres  non-assermentés 
et  soupçonnés  d'émigration.  Ce 
fut  avec  ce  formidable  appareil 
militaire  que  l'on  arrêta  le  vicaire 
Beille  :  son  frère  fut  emmené 
avec  lui,  comme  prévenu  de  lui 
avoir  donné  asile  ;  mais  ensuite 
celui-ci  recouvra  sa  liberté ,  en  af- 
firmant qu'il  n'avoit  pas  voulu 
recevoir  son  frère  dans  sa  maison. 
Amené  devant  le  juge  de  paix  de 
Quillau,  le  18  février,  Henri 
Beille  déclara  qu'il  auroit  prêté  le 
serment  de  1791,  si  l'on  eût  voulu 
admettre  ses  restrictions;  mais, 
dans  un  interrogatoire  qu'il  subit 
le  2  ventôse  an  II  (20  février 
1794),  devant  le  tribunal  crimi- 
nel du  département  de  Y  Aude, 
siégeant  à  Carcassonne,  effrayé 
par  la  présence  des  juges  et  la 
proximité  du  supplice,  il  eut  la 
foiblesse  de  dire  qu'il  avoit  fait  le 
serment  pur  et  simple  à  Belcaire  ; 


BEL 

qu'il  étoit  possible  que  le  maire 
n'en  eût  pas  tenu  registre,  et  que 
les  communes  de  Mijanès  et  de 
Bonze,  voisines  de  Belcaire,  attes- 
teroient  cette  prestation  de  ser- 
ment. Alors  il  lui  fut  accordé 
«  un  délai  de  huit  jours  pour 
en  produire  les  procès  -  verbaux , 
sauf  la  preuve  contraire  réservée 
à  l'accusateur  public  » .  Cette  ré- 
serve  fut   un  expédient  de  la 
grâce  pour  ramener  le  vicaire 
Beille  de  sa  défection  :  la  miséri- 
corde  de  Dieu   ne  permit  pas 
qu'après  avoir  confessé  si  géné- 
reusement la  Foi,  et  rendu  tant 
de  services  à  l'Eglise,  il  en  perdît 
ainsi  le  mérite.  Par  une  combi- 
naison singulière  dont  la  Provi- 
dence seule  avoit  le  secret,  Beille 
fut  ramené  le  même  jour,  à  deux 
heures  après  midi ,  devant  les 
juges,  qui  connoissoient trop  bien 
la  réputation  de  ce  ministre  du 
Seigneur  pour  n'être  pas  con- 
vaincus qu'il  n'avoit  jamais  fait 
le  coupable  serment.  Ils  l'inter- 
rogent de  nouveau,  d'après  cette 
conviction  ;  et  il  répond  avec  assu- 
rance qu'effectivement  «  il  ne  l'a 
point  prêté;  et  que  s'il  avoit  tenu 
un  langage  différent,  il  le  rétrac- 
toit,  s'en  rapportant  à  la  déclara- 
tion faite  devant  le  juge  de  paix 
du  canton  de  Quillau,  et  qu'il 
réitéroit  dans  ce  moment.  »  D'a- 
près cette  généreuse  confession  de 
la  Foi ,  le  tribunal  prononça  la 
sentence  de  Beille  en  ces  termes  : 
«  Attendu  que  le  délai  dans  lequel 


BEL 

il  devoit  se  rendre  auprès  de  l'ad- 
ministration du  département  pour 
être  déporté,  éloit  plus  que  passé  ; 
attendu  encore  qu'il  avoit  été  su- 
jet à  la  déportation,  et  qu'il  étoit 
prêtre  réfractaire.  le  tribunal  le 
condamne  à  la  peine  de  mort». 
Le  lendemain,  il  périt  sur  l'écha- 
faud  de  la  guillotine.  Lue  bourse 
de  taffetas  bleu,  contenant  un 
petit  corporal,  et  qui  lui  servoit 
pour  porter  secrètement  le  S.  Via- 
tique aux  malades  qui  étoient 
éloignés  de  Roquefeuil,  lui  ayant 
été  enlevé  par  les  gendarmes, 
resta  au  pouvoir  des  sacrilèges 
magistrats  d'alors.  Les  différens 
procès- verbaux  des  gendarmes, 
du  juge  de  paix  et  du  tribunal ,  qui 
nous  ont  fourni  tous  ces  détails, 
sont  entre  nos  mains. 

BELABRE  (Jean),  prêtre  du 
diocèse  de  Périgueux,  né  à  Gour- 
gues,  près  de  Riberac  en  Péri- 
gord,  n'ayant  point  fait  le  ser- 
ment schismatique  de  1791,  et 
n'étant    pas    sorti    de  France 
après  le  décret  d'expulsion  rendu 
le  26  août  1792,  étoit  recherché 
par  les  agens  de  la  persécution 
dans  sa  province.  Il  leur  échappa 
vers  le  milieu  de  1795,  en  venant 
habiter  Bordeaux  où,  étant  peu 
connu,  ilespéroit  trouver  plus  de 
tranquillité.  Mais  il  y  fut  décou- 
vert et  reconnu  pour  prêtre  ;  on 
l'arrêta,  et  on  le  livra  pour  être 
jugé  à  la  commission  militaire 
que  les  proconsuls  en  cette  ville 
y  avoient établie  {V .  Bordeaux). 


BEL  i;3 

Ce  fut  le  14  frimaire  an  II  (4 
décembre  1795)  que  le  prêtre 
Belabre  fut  amené  devant  cette 
espèce  de  tribunal  qui  parut  un 
moment  vouloir  le  sauver,  s'il 
consentoit  à  prêter  le  serment  de 
liberté-égalité  ;  mais  Belabre  le 
refusa  comme  impie ,  et  il  fut 
aussitôt  condamné  à  la  peine  de 
mort.  La  sentence  ,  consignée 
dans  les  registres  de  la  commis- 
sion sur  lesquels  nous  l'avons  fait 
copier,  porte  qu'il  étoit  «  con- 
vaincu d'aristocratie;  qu'il  s'étoit 
refusé  à  prêter  le  serment  ci- 
vique; qu'il  ne  s'étoit  pas  sou- 
mis à  la  loi  de  la  déportation,  et 
qu'il  avoit  été  arrêté  avec  plu- 
sieurs conspirateurs  » ,  c'est-à-dire 
dans  une  réunion  de  piété.  Le  len- 
demain, il  fut  exécuté  à  l'âge  de 
47  ans. 

BELAIR  (  François  )  ,  curé. 

[V .  LÉONARD.) 

BELIER  (René-Pierre)  ,  prêtre 
du  diocèse  d'Angers,  vicaire  en  la 
paroisse  de  Pin -en  -  Mauge ,  près 
Saint -Florent -le- Vieil ,  y  étoit 
resté  pour  les  besoins  des  catho- 
liques ,  malgré  la  loi  de  déporta- 
tion rendue  contre  les  prêtres  non- 
assermentés,  du  nombre  desquels 
il  étoit.  Lorsque  la  persécution 
atteignit  sa  plus  haute  violence 
dans  l'Anjou,  après  la  défaite  de 
l'armée  catholique  et  royale  au 
Mans  et  à  Savenay,le  vicaire  Bélier 
ne  pouvoit  guère  échapper  à  ses  fu- 
reurs (F.  Vendée  et  Angers).  Il 
fut  pris,  et  on  le  conduisit  à  Au- 


172  BEI 

Beille  se  lira  de  cette  seconde 
épreuve  aussi  pur  que  de  la  pre- 
mière ;  et  il  alla  chercher  un  asile 
chez  son  frère ,  .1.  B.  Beille  ,  dans 
le  village  de  Roquefeuil ,  près 
Quillau ,  où  il  crut  pouvoir  échap- 
per ensuite  aux  rigueurs  de  la  loi 
de  déportation  %  et  continuer  d'ad- 
ministrer les  secours  de  l'Eglise 
aux  fidèles  du  canton;  mais,  le 
17  février  179^,  deux  lieutenans 
de  la  hrigade  de  gendarmerie ,  en 
résidence  à  Quillau ,  vinrent  avec 
cinquante-sept  soldats,  par  ordre 
de  l'administration  du  district  de 
ce  nom,  pour  arrêter  à  Roque- 
feuil des  prêtres  non-assermentés 
et  soupçonnés  d'émigration.  Ce 
fut  avec  ce  formidable  appareil 
militaire  que  l'on  arrêta  le  vicaire 
Beille  :  son  frère  fut  emmené 
avec  lui,  comme  prévenu  de  lui 
avoir  donné  asile  ;  mais  ensuite 
celui-ci  recouvra  sa  liberté,  en  af- 
firmant qu'il  n'avoit  pas  voulu 
recevoir  son  frère  dans  sa  maison. 
Amené  devant  le  juge  de  paix  de 
Quillau,  le  18  février,  Henri 
Beille  déclara  qu'il  auroit  prêté  le 
serment  de  1 79 1 ,  si  l'on  eût  voulu 
admettre  ses  restrictions;  mais, 
dans  un  interrogatoire  qu'il  subit 
le  2  ventôse  an  II  (20  février 
1794)5  devant  le  tribunal  crimi- 
nel du  département  de  Y  Aude, 
siégeant  à  Carcassonne,  effrayé 
par  la  présence  des  juges  et  la 
proximité  du  supplice,  il  eut  la 
foiblesse  de  dire  qu'il  avoit  fait  le 
serment  pur  et  simple  à  Belcaire  ; 


BEL 

qu'il  étoit  possible  que  le  maire 
n'en  eût  pas  tenu  registre,  et  que 
les  communes  de  Mijanès  et  de 
Ronze,  voisines  de  Belcaire,  attes- 
teroient  cette  prestation  de  ser- 
ment.  Alors  il  lui  fut  accordé 
«  un  délai  de  huit  jours  pour 
en  produire  les  procès- verbaux , 
sauf  la  preuve  contraire  réservée 
à  l'accusateur  public  » .  Cette  ré- 
serve  fut   un  expédient  de  la 
grâce  pour  ramener  le  vicaire 
Beille  de  sa  défection  :  la  miséri- 
corde  de  Dieu   ne  permit  pas 
qu'après  avoir  confessé  si  géné- 
reusement la  Foi,  et  rendu  tant 
de  services  à  l'Eglise,  il  en  perdît 
ainsi  le  mérite.  Par  une  combi- 
naison singulière  dont  la  Provi- 
dence seule  avoit  le  secret,  Beille 
fut  ramené  le  même  jour,  à  deux 
heures  après  midi ,  devant  les 
juges,  qui connoissoient trop  bien 
la  réputation  de  ce  ministre  du 
Seigneur  pour  n'être  pas  con- 
vaincus qu'il  n'avoit  jamais  fait 
le  coupable  serment.  Ils  l'inter- 
rogent de  nouveau,  d'après  cette 
conviction;  et  il  répond  avec  assu- 
rance qu'effectivement  «  il  ne  l'a 
point  prêté;  et  que  s'il  avoit  tenu 
un  langage  différent,  il  le  rétrac- 
toit,  s'en  rapportant  à  la  déclara- 
tion faite  devant  le  juge  de  paix 
du  canton  de  Quillau,  et  qu'il 
réitéroit  dans  ce  moment.  »  D'a- 
près cette  généreuse  confession  de 
la  Foi ,  le  tribunal  prononça  la 
sentence  de  Beille  en  ces  termes  : 
«  Attendu  que  le  délai  dans  lequel 


BEL 

il  devoit  se  rendre  auprès  de  l'ad- 
ministration du  département  pour 
être  déporté,  était  plus  que  passé  ; 
attendu  encore  qu'il  avoit  été  su- 
jet à  la  déportation,  et  qu'il  étoit 
prêtre  réfractaire,  le  tribunal  le 
condamne  à  la  peine  de  mort  ». 
Le  lendemain,  il  périt  sur  l'écha- 
faud  de  la  guillotine.  Une  bourse 
de  taffetas  bleu,  contenant  un 
petit  corporal,  et  qui  lui  servoit 
pour  porter  secrètement  le  S.  Via- 
tique aux  malades  qui  étoient 
éloignés  de  Roquefeuil,  lui  ayant 
été  enlevé  par  les  gendarmes, 
resta  au  pouvoir  des  sacrilèges 
magistrats  d'alors.  Les  différens 
procès- verbaux  des  gendarmes, 
du  juge  de  paix  et  du  tribunal,  qui 
nous  ont  fourni  tous  ces  détails, 
sont  entre  nos  mains. 

BELABRE  (Jean),  prêtre  du 
diocèse  de  Périgueux,  né  à  Gour- 
gues,  près  de  Riberac  en  Péri- 
gord,  n'ayant  point  fait  le  ser- 
ment schismatique  de  1791,  et 
n'étant  pas  sorti  de  France 
après  le  décret  d'expulsion  rendu 
le  26  août  1792,  étoit  recherché 
par  les  agens  de  la  persécution 
dans  sa  province.  H  leur  échappa 
vers  le  milieu  de  1795,  en  venant 
habiter  Bordeaux  où,  étant  peu 
connu,  il  espéroit  trouver  plus  de 
tranquillité.  Mais  il  y  fut  décou- 
vert et  reconnu  pour  prêtre  ;  on 
l'arrêta,  et  on  le  livra  pour  être 
jugé  à  la  commission  mUitaire 
que  les  proconsuls  en  cette  ville 
y  avoient établie  {V .  Bordeaux). 


BEL  173 

Ce  fut  le  14  frimaire  an  II  (  4 
décembre  1795)  que  le  prêtre 
Belabre  fut  amené  devant  cette 
espèce  de  tribunal  qui  parut  un 
moment  vouloir  le  sauver,  s'il 
consentoit  à  prêter  le  serment  de 
iibertè-égaUté  ;  mais  Belabre  le 
refusa  comme  impie,  et  il  fut 
aussitôt  condamné  à  la  peine  de 
mort.  La  sentence  ,  consignée 
dans  les  registres  de  la  commis- 
sion sur  lesquels  nous  l'avons  fait 
copier,  porte  qu'il  étoit  «  con- 
vaincu d'aristocratie;  qu'il  s'étoit 
refusé  à  prêter  le  serment  ci- 
vique; qu'il  ne  s'étoit  pas  sou- 
mis à  la  loi  de  la  déportation,  et 
qu'il  avoit  été  arrêté  avec  plu- 
sieurs conspirateurs  » ,  c'est-à-dire 
dans  une  réunion  de  piété.  Le  len- 
demain, il  fut  exécuté  à  l'âge  de 
47  ans. 

BELAIR  (  François  )  ,  curé. 

{V.  LÉONARD.) 

BELIER  (René-Pierre), prêtre 
du  diocèse  d'Angers,  vicaire  en  la 
paroisse  de  Pin -en  -  Mauge,  près 
Saint -Florent -le- Vieil ,  y  étoit 
resté  pour  les  besoins  des  catho- 
liques ,  malgré  la  loi  de  déporta- 
tion rendue  contre  les  prêtres  non- 
assermentés,  du  nombre  desquels 
il  étoit.  Lorsque  la  persécution 
atteignit  sa  plus  haute  violence 
dans  l'Anjou,  après  la  défaite  de 
l'armée  catholique  et  royale  au 
Mans  et  à  Savenay,le  vicaire  Bélier 
ne  pouvoit  guère  échapper  à  ses  fu- 
reurs (  V.  Vendée  et  Angers).  II 
fut  pris,  et  on  le  conduisit  à  Au- 


i7G  BEL 
département  de  la  Somme;  car  il 
n'y  étoit  plus  à  cette  époque.  Nul 
proconsul  n'égala  celui-ci,  dans 
l'impie  frénésie  des  discours,  des 
menaces,  des  rapports;  et  nul  ne 
fit  périr  moins  de  victimes.  Il  y 
avoit  été  envoyé  le  28  juillet  1 7<j5, 
avec  l'ex-capucin  Chabot,  aussi 
membre  de  la  Convention.  Celui- 
ci  en  fut  rappelé  le  4  septembre 
suivant,  alors  que  la  faction  des 
Cordeliers  exerçoit  sa  plus  grande 
influence  (  V.  Nevers  et  Arras  ). 
Dumont,  qui  resta  seul  proconsul 
dans  les  départemens  de  la  Somme 
et  de  Y  Oise,  parce  qu'il  lui  pa- 
roissoit  plus  digne  de  confiance  , 
s'efforça  de  la  justifier,  sans  avoir 
toutefois  des  intentions  décidé- 
ment sanguinaires.  Tout  ce  qu'il 
pouvoit  dire  et  faire  d'impie,  il  le 
disoit,  le  faisoit  avec  le  plus  grand 
éclat.  Déjà  dans  la  confidence  de 
la  loi  des  suspects,  qui  ne  fut  dé- 
crétée que  le  17  septembre*  il 
l'exéeutoit  d'avance,  écrivant  à  la 
Convention,  dès  le  6:  «Les  ar- 
restations des  gens  suspects  se 
continuent»  ;  et,  trois  jours  après, 
lui  annonçant  avec  joie  «  qu'il 
avoit  fait  emprisonner  un  grand 
nombre  de  prêtres  âgés  ou  in- 
firmes qui,  conformément  à  la  loi 
du  26  août  1792,  étoient  en  ré- 
clusion dans  une  maison  du  dé- 
partement » ,  il  disoit  :  «  Soixante- 
quatre  prêtres  insermentés  vi- 
voient  ensemble  dans  une  superbe 

maison  nationale  Je  les  ai  l'ait 

lier  deux  à  deux ,  et  traverser  ainsi 


BEL 

la  ville,  pour  les  faire  enfermer 
dans  une  maison  d'arrêt.  Cette 
nouvelle  espèce  de  monstres, 
qu'on  n'avoit  pas  encore  exposée 
à  la  vue  du  peuple,  a  produit  ici 

un  bon  effet        Indiquez-moi  la 

destination  que  je  dois  donner  à 
ces  cinq  douzaines  d'animaux,  de 
bêtes  noires,  que  j'ai  fait  exposer 
à  la  risée  publique;  et  c'étoienf 
des  comédiens,  alors  de  garde,  qui 
étoient  chargés  de  les  escorter». 

Fidèle  aux  vues  de  la  faction 
athéiste  (  V.  Lois  et  Tribunaux 
révolutionnaires  )  ,  André  Du- 
mont n'épargne  pas  plus  les  prê- 
tres constitutionnels  que  les  au- 
tres. Il  écrit,  le  i3  septembre  , 
à  la  Convention  :  «  Desbois , 
évêque  (  constitutionnel  )  de  ce 
département ,  vient  d'être  sus- 
pendu publiquement  de  ses  fonc- 
tions, et  envoyé  à  la  maison  d'arrêt. 
Ce  qui  rend  la  chose  plaisante  , 
c'est  que  ce  prêtre  constitutionnel 
est  aujourd'hui  réuni  auxréfrac- 
taires  » . 

Par  une  nouvelle  lettre  du  2 
octobre ,  à  la  Convention ,  il  lui  di- 
soit :  «  J'assomme  le  fanatisme  » . 
D'Abbeville,  où  il  se  transporta  y 
il  lui  écrivoit,  dans  le  courant  du 
même  mois  :  «  J'espère  que  bien- 
tôt le  paiement  des  prêtres  ,  en 
ce  département,  ne  montera  pas 
haut;  car  je  vais  tâcher  d'assom- 
mer le  fanatisme ,  et  de  le  faire 
disparoître  de  ce  pays  »  .Le  1"  bru- 
maire an  II  (22  octobre  1792),  il  ' 
adressa  «le  Péronne  à  la  Conven- 


BEL 

tion,  une  nouvelle  lettre ,  dans  la- 
quelle il  s'exprimoit  ainsi  :  «  Nou- 
velle capture!  d'infâmes  bigots, 
des  prêtres  rcfractaires ,  vivoient 
dans  des  tas  de  loin,  en  la  ci-devant 
abbaye  du. . .  ;  leurs  barbes  longues 
sembloient  annoncer  (non  com- 
bien étoit  affligeant  le  sort  auquel 
la  terreur  les  avoit  réduits),  mais 
combien  leur  aristocratie  étoit 
invétérée.  Ces  trois  bêtes  noires , 
ex-moines,  ont  été  découvertes  ca- 
chées... Pour  tuer  le  fanatisme, 
je  viens  de  requérir  l'arrestation 
des  prêtres  qui  se  permettoient  de 
célébrer  les  fêles  ou  dimanches. 
Je  fais  disparoître  les  crucifix  et 
les  croix;  et  bientôt  je  compren- 
drai dans  la  proscription  les  ani- 
maux noirs  appelés  prêtres». 
Obligé ,  dans  le  cours  de  sa  mis- 
sion, d'aller  recevoir  des  instruc- 
tions au  comité  de  salut  public, 
il  vient  annoncer  à  la  Convention 
«  que  la  meilleure  réplique  qu'il 
puisse  faire  à  ceux  qui  l'accusoient 
de  s'être  brouillé  avec  l'Eternel, 
sera  d'envoyer,  à  la  première  ré- 
quisition, trois  à  quatre  cents 
saints  d'argent,  qui  viendront  se 
présenter  à  la  barre ,  et  y  jurer 
d'aider  à  exterminer  les  tyrans  » 
{V.  Ne  vers).  Il  paroît  parla 
que  Dumont  avoit  été  dénoncé 
par  la  faction  contraire  à  celle  des 
Danton  et  des  Chaumet ,  qui 
l'emportoit  alors.  Il  flattoit  celle- 
ci  de  son  mieux ,  par  ces  im- 
pies fanfaronnades.  Cet  éncrgu- 
mène  de  l'athéisme  «  voltigeoit 

2. 


BEL  177 

d'une  ville  à  l'autre ,  dit  Pru- 
dhomme  (Hisl.  des  Crimes  de 
laRévolution,  tom.  V,  pag  177), 
faisant  guerre  ouverte  à  tous  les 
objets  du  culte  :  à  Nouvion,  près 
Abbeville ,  il  se  battit  en  duel  avec- 
un  crucifix;  et,  courant  à  la  tête 
de  scélérats  déguisés  en  militaires, 
il  alloit  enfoncer  les  portes  des 
églises,  abattre  les  croix,  arra- 
cher les  images,  décapiter  les 
saints,  fouler  aux  pieds  les  calices 
et  les  ciboires,  cracher  sur  les 
hosties  consacrées ,  et  les  jeter 
aux  chevaux.  11  appeloit  cela  dis- 
siper les  superstitions  avec  la 
raison  des  'baïonnettes  et  des 
sabres.  Ce  fut  ainsi  qu'il  obtint, 
par  la  persuasion  des  armes,  que 
quelques  femmes  timides,  et  deux 
ou  trois  prêtres  vieux  et  infirmes, 
abjurassent  leur  religion».  Voici 
comme  il  racontoit  lui-même  un 
de  ses  exploits  en  ce  genre  ,  dans 
une  lettre  à  la  Convention ,  à  l'oc- 
casion de  quatre  charretées  d'ha- 
bitans  de  Montreuil  en  basse 
Picardie,  qu'il  avoit  fait  arrêter, 
et  parmi  lesquels  se  trou  voient 
deux  prêtres  en  faveur  de  qui 
certains  révolutionnaires  l'avoient 
favorablement  disposé  :  «Je  crus, 
dit-il ,  l'occasion  favorable  pour 
exiger  d'eux,  au  milieu  de  plus  de 
dix-huit  cents  personnes  (rassem- 
blées dans  l'église),  une  profession 
de  foi.  J'étois  en  chaire;  et, 
après  que  j'eus  fait  sentir  au 
peuple  combien  il  étoit  dupe  de 
ses  prêtre9;  que  c'étoient  de? 

12 


178  BEL 

arlequins  et  des  pierrots  vêtus  de 
noir,  qui  escaiaotoient  les  ma- 
rionnettes ;  que  tout  ce  qu'ils  fai- 
soient  étoit  des  singeries  pour 
escroquer  de  l'argent,  il  y  eut 
alors  la  scène  la  plus  plaisante. 
Mes  deux  prêtres  montent  en 
chaire,  annoncent  au  peuple  que 
j'ai  dit  les  plus  grandes  vérités  ». 
Cette  scène  avoit  eu  lieu  vers  la 
fin  d'août;  et,  le  24  brumaire 
an  II  (14  novembre  1795),  alors 
que  la  salle  de  la  Convention 
retentissoit  de  semblables  aposta- 
sies ,  à  l'époque  de  la  fête  de  la 
B.aison,  il  lui  écrivoit  d'Amiens  : 
«  Je  me  félicite  sans  cesse  d'a- 
voir, le  premier,  il  y  a  trois  mois , 
l'ait  déclarer  à  deux  escamoteurs, 
à  Montreuil,  qu'ils  n'avoient  été, 
jusque  là,  que  des  arlequins  ou 
des  pierrots  qui  endormoient  les 
hommes,  pour  vivre  à  leurs  dé- 
pens.... Encore  un  prêtre  que  je 
déprêtrise  :  la  débâcle  devient 
générale  » .  Mais  c'étoit  se  vanter 
beaucoup  trop ,  pour  trois  apostats 
seulement.  Intéressé  à  entretenir 
la  Convention  du  récit  de  ses 
prouesses  impies ,  il  lui  disoit 
ensuite,  dans  une  lettre  du  11  fri- 
maire (icr  décembre)  :  «Le  char- 
latanisme religieux  fait  naufrage  : 
partout  où  je  vais,  on  ferme  les 
églises  (il  n'en  restoit  plus  que  de 
constitutionnelles)  ;  on  brûle  les 
confessionaux  et  les  saints;  on 
fait  des  gargousses  avec  les  livres 
des  lutrins» .  Le  18  frimaire  (8  dé- 
cembre), il  fit  publier  à  Amiens 


BEL 

un  arrêté  par  lequel  il  vouloit  que 
«  tout  homme  ci  -  devant  connu 
sous  le  nom  de  prêtre,  bedeau, 
suisse,  chantre  (d'église),  et 
autres  de  cette  espèce ,  trouvé 
dans  les  rues,  après  six  heures  du 
soir,  ou  avant  sept  heures  du  ma- 
tin, fût  conduit  en  prison  ».  Ce 
proconsul  qui,  par  la  suite,  se 
croyant  obligé  de  se  justifier,  a  dit, 
dans  son  Compte  rendu  à  ses 
Commettans,  qu'il  s'étoit  «borné 
à  lancer  la  foudre  de  sa  plume  sur 
le  papier,  ef de  sa  bouche  en  l'air» , 
ne  fit  pas,  à  la  vérité,  couler  le 
sang;  mais  il  remplissoiî  les  pri- 
sons de  victimes,  qu'ensuite  on 
ne  put  se  dispenser  de  livrer  au 
tribunal  révolutionnaire  de  Pa- 
ris. On  lui  a  reproché  d'avoir 
envoyé  une  grande  quantité  de 
soldats  Belges ,  prisonniers  de 
guerre,  avec  environ  huit  cents 
femmes  de  leur  nation,  au  tribu- 
nal d'Arras;  mais  il  ne  fit  directe- 
ment périr  aucun  prêtre.  Pru- 
dhomme  porte  à  croire  (p.  188) 
que  ce  proconsul  n'en  eut  pas  le 
temps  ,  lorsqu'il  le  représente 
comme  déconcerté,  et  presque 
tremblant  à  la  nouvelle  de  la  chute 
d'Hébert,  Danton  et  Chaumet, 
en  avril  1794-  En  vain,  pour  se 
maintenir  alors  dans  sa  mission  , 
il  chercha  à  se  donner  de  l'impor- 
tance ,  par  la  supposition  de 
quelques  complots  hostiles  ;  il  fut 
rappelé  à  la  Convention ,  et  il  y 
travailla,  avec  les  autres  Corde- 
licrs-Dantouistcs ,  au  renverse- 


BEN 

nient  de  Roberspierre.  Après  la 
chute  de  celui-ci,  Dumont  se 
montra  avec  ostentation  parmi 
ces  Thermidoriens,  qui  reje- 
toient  sur  le  vaincu  tous  les  crimes 
du  Dantonisme.  Chabot ,  qui 
avoit  été  rappelé  d'Amiens  le  4 
septembre  précédent ,  parce  que 
cette  faction  le  soupçonnoit  un 
peu  Roberspierriste ,  avoit  alors 
si  bien  prouvé  son  attachement 
pour  elle  ,  que  Pioberspierre  le  lit 
comprendre  dans  le  jugement  par 
lequel  Danton  fut  envoyé  à  Pé- 
chafaud  le  5  avril  1794-  Nous 
avons  cru  ces  développemens  his- 
toriques nécessaires,  pour  mettre 
de  plus  en  plus  nos  lecteurs  à 
portée  de  bien  juger  les  hommes 
et  les  événemens  de  ces  temps 
déplorables  (F.  P.  J.  Bellivet, 
et  P.  R.  Béisard). 

BÉNARD  (iV...),  prêtre,  l'un 
des  chapelains  de  l'hôpital  géné- 
ral de  Rennes  ,  étoit  né  dans  le 
diocèse  de  Rennes ,  à  Sens  ,  près 
de  cette  ville,  et  avoit  été  succes- 
sivement vicaire  à  Melessé  ,  et 
Plechastel,  au  même  diocèse.  Il 
refusa  le  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé;  et  le  prin- 
cipal des  chapelains  qui  l'avoit 
prêté,  lui  occasionna  de  pénibles 
vexations  ;  il  chassa  même  de 
l'hôpital  les  enfans  pauvres  que 
celui-ci  maintenoit  dans  la  Foi 
catholique.  Les  soins  temporels 
autant  que  spirituels  qu'il  en  prit 
au  dehors,  le  rendirent  pour  eux 
le  représentant  même  de  la  di- 


BEN  179 

vine  Providence.  Ne  pouvant  plus 
rester  dans  son  poste ,  il  s'associa 
avec  plusieurs  prêtres  de  Rennes 
qui  alloient  dans  les  campagnes 
prémunir  leurs  habitans  contre 
les  pièges  du  schisme  que  les  ré- 
volutionnaires établissoient  alors. 
Trop  surveillé  ,  trop  recherché 
pour  échapper  aux  rigueurs  de  la 
loi  de  déportation,  il  se  soumit 
enfin  à  la  moins  périlleuse  de 
toutes,  et  se  rendit  à  l'île  de  Jer- 
sey, dépendant  de  l'Angleterre. 
Mais  les  besoins  des  fidèles  qu'il 
avoit  quittés  ,  réclamoient  son 
zèle  ;  et  il  ne  tarda  pas  à  revenir 
en  Bretagne.  Peu  de  jours  après 
qu'il  y  fut  débarqué ,  on  l'arrêta 
aux  environs  de  la  petite  ville  de 
Bécherel ,  dans  le  diocèse  de  Saint- 
Malo  ,  et  on  le  conduisit  à  Rennes 
où  il  fut  emprisonné.  Là,  malgré 
la  surveillance  de  gardes  impies, 
il  réconcilia  avec  Dieu  beaucoup 
de  victimes  destinées  à  la  mort. 
Une  épidémie  s'étant  manifestée 
dans  la  prison ,  lui-même  en  fut 
atteint  gravement  ,  et  faillit  en 
mourir.  Dieu  le  réservoit  à  une 
fin  plus  éclatante  et  plus  glorieuse. 
Dès  qu'il  put  marcher,  on  le  fit 
comparoître  devant  le  tribunal 
criminel  à^llle-et-V  illaine,  sié- 
geant à  Rennes.  Comimï  on  avoit 
trouvé  sur  lui,  en  l'arrêtant,  ces 
images  pieuses  que  portaient  les 
fidèles  de  l'armée  catholique  et 
royale  [V.  Vendée),  on  le  con- 
damna à  la  peine  de  mort,  non 
seulement  comme  «  prêtre  réûao- 

12. 


180  BEN 

taire,  comme  émigré  -  rentré  »  , 
mais  encore  pour  avoir  porté  ces 
prétendus  «  signes  de  rébellion». 
En  entendant  cette  sentence  ,  il 
dit  aux  juges  :  «Je  rends  grâces 
à  Dieu  de  mourir  pour  av  oir  porté 
ces  indices  de  ma  Foi  et  de  ma 
confiance  ».  Cette  sentence  fut 
rendue  le  2  pluviôse  an  II  (21 
janvier  1794).  Prenant  ensuite 
un  crucifix  qu'il  ne  quitta  plus, 
il  le  baisoit  souvent  en  expri- 
mant les  sentimens  d'amour  dont 
son  cœur  étoit  embrasé  pour  J.-C. 
Lorsqu'il  alloit  au  supplice,  aper- 
cevant dans  la  foule  deux  habi- 
tans  de  la  paroisse  de  Plechastel 
où  il  avoit  été  vicaire,  il  leur  dit, 
comme  en  se  félicitant  de  son  sort  : 
«  Je  vais  mourir  pour  la  Foi  de 
Jésus-Christ».  Quelques  minutes 
après,  sa  tête  tomba  sous  la  hache 
de  la  guillotine. 

BÉNARD  (Pierre  -  Gabriel)  , 
prêtre  du  diocèse  de  Lisieux,  né 
aux  Loges ,  près  Falaise  ,  vers 
1^47»  resta  ferme  dans  la  Foi  ca- 
tholique, lors  de  l'établissement 
du  schisme  constitutionnel  ;  et 
comme  il  avoit  cru  trouver  un 
asile  sûr  contre  la  persécution 
dans  le  lieu  de  sa  naissance ,  il  se 
dispensa  d'obéir  à  la  barbare  loi 
de  la  déportation.  La  pureté  de 
ses  principes,  et  son  zèle  pour 
l'Eglise  ,  lui  avoient  mérité  la 
confiance  de  son  évêque  légitime 
et  de  ses  plus  vénérables  coopéra- 
teurs,  alors  réfugiés  en  Angleterre. 
Les  représentant  dans  le  diocèse 


BEN 

aussi  dignement  qu'il  étoit  possi- 
ble, il  se  dirigeoit  d'après  leurs  avis. 
Cette  correspondance,  et  les  ac- 
tes d'administration  ecclésiastique 
qu'il  faisoit,  ne  purent  échapper 
à  la  connoissance  des  persécu- 
teurs. Il  fut  arrêté  ;  et ,  vers  la  fin 
du  printemps  de  17945  on  le  con- 
duisit à  Paris  pour  y  être  jugé 
par  le  tribunal  révolutionna  ire. 
Les  juges  le  condamnèrent  à  la 
peine  de  mort,  le  12  messidor 
an  II  (3o  juin  i79/|).  La  manière 
dont  est  motivée  la  condamnation, 
fait  l'apologie  de  net  ecclésiasti- 
que. «  C 'étoit  d'avoir  entretenu  des 
correspondances  criminelles(c'est- 
à-dire  religieuses)  avec  des  prê- 
tres émigrés  ou  déportés  à  Lon- 
dres ;  d'avoir  dressé  et  signé  des 
actes  de  baptêmes,  mariages, etc., 
et  de  notoriété,  qui  étoient  datés 
suivant  le  calendrier  grégorien , 
et  attesloient  que,  pour  lui,  l'évê- 
ché  de  Lisieux  et  le  royaume  de 
France  contin  uoient  de  subsister  » . 
Il  fut  exécuté  le  même  jour,  et 
périt  à  l'âge  de  47  ans. 

BÉNÂRD  (  Pierre-Robert)  ,  né 
à  Bernay,  dans  le  diocèse  de  Li- 
sieux ,  et  doué  d'une  vocation 
ecclésiastique  très-marquée,  n'a- 
voit  pas  encore  eu  le  temps  de 
parvenir  au  sacerdoce,  lorsque  la 
révolution  vint  déclarer  la  guerre 
a  la  Foi  catholique.  Il  n'étoit  alors 
que  sous-diacre,  et  ne  pouvoit  être 
obligé  à  ce  serment  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé  qu'en 
1791    l'on   exigea   des  prêtres 


BEN 

fonctionnaires  publics.  Mais  s;i 
piété  et  son  attachement  à  la 
religion  catholique  étoient  no- 
toires. Les  persécuteurs  le  com- 
prirent, en  i7y5,  parmi  les  prê- 
tres non  -  assermentés  dont  ils 
vouloient  se  débarrasser.  Le  sous- 
diacre  Bénard  fut  associé  à  ceux 
qu'on  cherchoil  à  faire  périr  dans 
une  déportation  maritime.  On  le 
conduisit  à  Rochefort,  où  il  fut 
embarqué  sur  le  navire  tes  Deux 
Associés  {V.  Rochefort).  Les 
souffrances  qu'on  y  éprouvoit  fu- 
rent telles  que  Bénard,  dans  la 
force  de  la  jeunesse,  ne  put  les 
supporter.  Il  mourut  à  l'âge  de 
a5  ans,  le  22  août  179),  et  fut 
enterré  dans  l'île  A'Aix.  (V.  Bel- 

TttÉMIEUX  et  L.  BÉNIARD.) 

BÉNÉ  (Nicolas),  curé  de  Ly- 
mais-Iès-Mantes ,  dans  le  diocèse 
de  Chartres ,  n'ayant  point  fait  le 
serment  schismatique  de  1791, 
avoit  été  dépouillé  de  sa  cure 
par  les  autorités  civiles.  Comme 
insermenté ,  il  se  trouvoit  obligé 
a  sortir  de  France,  en  vertu  de  la 
loi  de  déportation  ,  du  26  août 
1792.  Il  revint  dans  sa  paroisse 
pour  y  demander  le  passeport 
sans  lequel,  suivant  cette  loi,  les 
prêtres  ne  pouvoient  lui  obéir,  La 
fureur  contre  eux  avoit  été  si  fort 
excitée  par  l'exemple  des  massa- 
cres faits  à  Paris  les  premiers  jours 
de  septembre ,  et  surtout  par  l'in- 
vitation de  la  commune  de  Paris 
à  en  commettre  de  semblables  dans 
toute  la  France ,  que  le  curé  Béné 


BEN  181 

en  devint  une  victime  lorsqu'il 
faisoil  docilement  cette  démarche. 
Il  fut  massacré,  dans  cette  circons- 
tance, comme  prêtre  non-asser- 
menté ,  le  5  ou  6  septembre  1792. 
(  V.  Septembre.  ) 

BENEZET-CATHELANY  (Jo- 
seph), curé  dans  le  diocèse  d'U- 
zès,  avoit  été  dépouillé  de  sa  cure 
en  1791,  par  les  autorités  révo- 
lutionnaires, attendu  qu'il  n'a  voit 
pas  consenti  à  faire  le  serment 
schismatique  de  cette  époque.  Des 
motifs  respectables  l'ayant  empê- 
ché de  se  déporter  en  septembre 
1792,  il  habitoit  la  paroisse  de 
Saint- Pierre ,  du  même  diocèse. 
La  persécution  poussant  à  l'excès 
sa  recherche  des  prêtres  pour  les 
immoler,  le  curé  Benezet  fut  ar- 
rêté, et  conduit  dans  les  prisons 
de  Nismes,  où  siégeoit  le  tribunal 
criminel  du  département  du  Gard. 
Il  comparut  devant  les  juges,  le 
5  prairial  an  II  (24  mai  1794); 
et,  d'après  les  lois  d'alors  [V .  Lois 
et  Trib.  révol.),  il  fut  condamné 
à  la  peine  de  mort ,  comme  «  ré- 
fractaire  et  contre  -  révolution- 
naire», et  la  subit  le  jour  même 
dans  cette  ville.  {V.  B.  Froment.) 

BÉNIARD  (Louis),  chanoine 
ou  chapelain  de  l'église  collégiale  de 
Sainte-Marguerite  de  Carrouges, 
dans  le  diocèse  de  Séez,  s'étoit 
tenu  à  l'écart  du  schisme  consti- 
tutionnel, et  n'avoitpas  plus  prêté 
les  sermens  de  1792,  que  celui  de 
1791.  L'invariabilité  de  sa  Foi  et 
son  attachement  à  l'Eglise  catho- 


i8a  BEN 

lique  lui  valurent ,  en  179^,  d'être 
arrêté  dans  sa  province  où  il  étoit 
resté.  Les  autorités  du  départe- 
ment de  l'Orne  le  condamnè- 
rent à  la  déportation  maritime  ;  et , 
conduit  à  Rorhefort,  il  y  fut  em- 
barqué sur  la  flûte  ie  Washing- 
ton {V .  Piochefort).  Après  quel- 
ques njoii  de  séjour  dans  l'hor- 
rihle  entrepont  de  ce  navire,  il 
mourut  des  tourmens  qu'on  y  en- 
duroit.  Sa  mort  arriva  le  20  août 
1794.  Il  avoit  alors  45  ans,  et  fut 
enterré  dans  l'île  d'Aix.  {V.  P.  R. 
Bénard  et  V.  Benoît.) 

BENOIST  l'aîné  (IV...),  prêtre, 
attaché  au  service  d'une  paroisse 
de  Paris,  en  avoit  été  écarté  parce 
qu'il  avoit  refusé  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Devenu  odieux  aux  persécuteurs, 
il  ne  pouvoit  plus  qu'être  pour- 
suivi comme  prêtre  réfractaire. 
Ce  fut  comme  tel  qu'on  l'arrêta , 
après  la  fatale  journée  du  10  août 
1 792.  Il  fut  d'abord  conduit  à  l'hô- 
tel de  la  mairie,  où  on  le  jeta  dans 
une  espèce  de  galetas  qui  y  ser- 
voit  de  prison  provisoire  ;  et  il  eut 
pour  compagnons  de  captivité  plu- 
sieurs autres  vertueux  ecclésias- 
tiques ,  tels  que  son  frère  ca- 
det, le  curé  Royer,  le  jeune  abbé 
Pey,  etc.  {V.  ces  noms).  La  veille 
du  jour  où  le  massacre  de  voit 
se  faire  à  la  prison  de  Y  Abbaye , 
il  y  fut  envoyé  avec  eux,  le  1"  sep- 
tembre. On  pourra  voir  à  l'article 
Royer  comment  tous  ces  pieux 
ecclésiastiques     se  conduisirent 


BEN 

dans  l'une  et  l'autre  prison.  Plus 
près  du  martyre  en  celle-ci ,  Be- 
noist  s'y  prépara  aveo  ferveur;  et 
quand,  le  lendemain,  son  tour 
arriva  d'être  massacré  ,  il  se  trouva 
digne  d'en  recevoir  la  couronne. 
[V .  Septembre.) 

BENOIST  cadet  (  N.  . .  ) , 
prêtre,  frère  du  précédent,  atta- 
ché, comme  lui,  au  service  de 
l'une  des  paroisses  de  Paris,  par- 
tagea sa  fermeté  dans  le  refus  de 
prêter  le  serment  de.  la  constitu- 
tion civile  du  clergé  [V .  Benoist 
l'aîné).  Dévoué  par  cela  même  à 
la  proscription  générale  des  prê- 
tres soi-disant  rèfractaires ,  il  fut 
arrêté ,  avec  son  frère ,  après  le 
10  août  1792,  et  ne  le  quitta  plus 
dans  les  diverses  prisons  par  les- 
quelles ils  dévoient  l'un  et  l'autre 
arriver  au  martyre  {V.  Royer). 
Ce  fut  à  celle  de  Y  Abbaye  qu'on 
le  conduisit  et  qu*on  l'enferma, 
le  1"  septembre.  Offrant  à  Dieu, 
comme  son  frère ,  sa  propre  vie 
en  holocauste  ,  il  en  consomma  le 
sacrifice  le  lendemain.  (  V .  Sep- 
tembre.) 

BENOIT  (Vincent),  prêtre  de 
la  paroisse  de  Sulinac,  au  diocèse 
de  Vannes,  et  né  à  Lenay,  même 
diocèse ,  montra  autant  de  cons- 
tance dans  la  Foi  catholique  que 
la  plupart  des  prêtres  de  sa  pro- 
vince, lors  du  schisme  de  1791. 
Aucun  des  serniens  exigés  par  les 
autorités  révolutionnaires  n'ayant 
été  fait  par  lui,  elles  l'arrêtèrent, 
en  1795.  'îomme  prêtre  inser- 


BEN 

menté ,  ou  plutôt  comme  un  mi- 
nistre zélé  de  la  religion  qu'elles 
vouloient  détruire.  Condamné  à 
la  déportation,  il  fut  conduit  à 
Rochefbrt ,  pour  y  être  embarqué  ; 
et  on  le  mit  sur  le  navire  (es  Deux 
Associés  (  V .  Rochefort  ).  Les 
peines  qu'il  y  endura  le  condui- 
sirent au  tombeau.  Il  mourut  le 
3o  août  1794?  à  l'âge  de  5o  ans; 
et  on  l'enterra  dans  l'île  Madame. 
(V.  L.  BÉNiARD,et  C.  Bequinot.) 

BENOIT  (Dom),  Chartreux. 
{V.  P.  F.  Doré.) 

BENOIT  {Le  Père),  prêtre  et 
religieux  Capucin  de  Nismes,  né  à 
Beaueaire,  en  1730,  fut  une  des 
principales  victimes  des  troubles 
auxquels  servirent  de  motifs,  en 
1 790 ,  ces  adresses  des  catholiques 
de  Nismes  au  Roi  et  à  l'Assemblée 
Constituante ,  par  lesquelles  ils  de- 
mandèrent que  la  religion  catho- 
lique, pour  laquelle  ils  se  mon- 
troient  résolus  à  mourir,  fût  dé- 
clarée «  religion  de  l'Etat  »  (  V . 
Nismes).  Les  Calvinistes,  et  ceux 
qu'ils  regardoient  comme  leurs 
adversaires,  étoienten  présence  et 
armés,  le  14  juin  de  cette  année; 
mais  les  premiers,  plus  en  force, 
et  d'ailleurs  munis  de  puissans 
appuis  dans  l'Assemblée  Consti- 
tuante ,  pouvoient  aisément ,  avec 
quelques  violences  ,  remporter 
la  victoire.  Après  avoir  fait  la 
visite  du  couvent,  pour  s'assurer 
qu'il  ne  s'y  trouvoit  point  d'armes 
cachées  par  les  catholiques ,  et 
qu'aucun  d'eux  ne  s'y  étoit  mis 


BEN  i85 

en  garde  contre  leurs  attaques, 
ils  y  postèrent  des  hommes  qui, 
par  quelques  coups  de  fusil  , 
dévoient  leur  donner  ie  signal 
pour  pénétrer  dans  le  cloître , 
et  le  dévaster.  Ce  stratagème 
grec  leur  réussit  :  ils  se  précipi- 
tèrent dans  le  monastère,  enfon- 
çant les  portes  à  coups  de  hache. 
Les  religieux,  qui  alors  chantoient 
les  vêpres,  se  réfugièrent  pour  la 
plupart  dans  le  clocher.  Le  Père 
Benoît,  fuyant  dans  une  chapelle, 
y  est  arrêté  par  un  des  assaillans, 
à  qui  son  âge  n'imprime  aucun  res- 
pect. La  barbe  vénérable  du  reli- 
gieux semble  ajouter  à  la  fureur 
que  son  saint  habit  inspire  :  le 
Calviniste  lève  sur  lui  son  fer 
meurtrier  ;  le  Père  Benoît  le  prie 
d'attendre  qu'il  ait  recommandé 
son  âme  à  Dieu.  «Mon  ami,  lui 
dit-il,  donnez-moi  le  temps  d'a- 
chever ma  prière;  et  vous  m'im- 
molerez ensuite ,  si  tel  est  -votre 
dessein  ».  L'assassin  tire  sa  mon- 
tre ,  en  regarde  l'aiguille ,  et 
dit  au  bon  Père  :  «  Je  t'accorde 
cinq  minutes».  Elles  sont  à  peine 
écoulées, que  le  barbare  décharge 
sur  lui  le  fusil  qu'il  porte,  et  le 
perce  aussitôt  de  la  baïonnette  qui 
s'y  trouve  adaptée.  Le  Père  Be- 
noît, qu'alors  il  abandonne  pour 
courir  à  d'autres  massacres,  se 
traîne  encore  jusqu'à  la  porte  de 
l'église  qui  conduit  au  cloître  ; 
mais,  ne  pouvant  aller  plus  loin, 
il  y  expire  Martyr  de  sa  Foi. 
Quatre  autres  religieux  sont  eu 


184  BEN 

même  temps  mis  à  mort,  de  ma- 
nières différentes ,  toutes  égale- 
ment cruelles,  en  divers  autres 
lieux  du  monastère.  Deux  jeunes 
clercs  sont  aussi  tués,  l'un  à  la 
porte  du  chœur,  l'autre  à  celle  de 
la  sacristie,  d'où  quatre  calices, 
avec  leurs  patènes,  deux  ciboires, 
,  les  ornemens  sacerdotaux,  et  le 
linge  de  l'autel,  sont  enlevés.  Un 
crucifix,  qui  étoit  dans  le  chœur, 
est  mutilé  à  coups  de  sabre;  des 
coups  de  fusil  sont  tirés  à  une  statue 
de  la  Sainte- Vierge.  La  voûte  delà 
chapelle  où  elle  recevoit  des  hom- 
mages est  criblée  de  balles ,  comme 
l'église  elle-même.  Dans  le  cloître , 
tout  est  brisé  :  les  portes,  les  fe- 
nêtres sont  arrachées  ;  les  meu- 
bles ,  les  ustensiles  sont  mis  en 
pièces.  La  bibliothèque  du  cou- 
vent, donnée  aux  religieux  par 
un  illustre  évêque  de  la  ville , 
Fléchier,  d'immortelle  mémoire, 
est  dévastée  ;  et  la  belle  phar- 
macie de  ces  religieux,  qui  four- 
nissoit  aux  pauvres  de  la  ville  et 
même  de  la  province,  les  secours 
les  plus  abondans,  est  entière- 
ment détruite.  Les  dévastateurs 
essayèrent  de  justifier  ces  excès, 
en  disant  que  ceux  qu'ils  avoient 
ainsi  massacrés  et  pillés,  étoient 
des  fanatiques.  Ces  détails  sont 
puisés  dans  plusieurs  imprimés 
du  temps ,  et  notamment  dans  le 
Tableau  des  Excès,  des  Pil- 
lages et  des  Massacres  commis 
à  Nismes,  le  i3  juin  1790,  et 
Us  jours  suivans  :  de  f'impri- 


BEQ 

trie  rie  de  Valteyre,  rue  Vieille- 
Bouderie  ,  à  Paris ,  1 790.  (V. 
Clat,  Fidèle,  Reboul,  Siméon 
et  Gas.) 

BENOIT  (Le Père),  Capucin. 
(V.  C.  F.  Michel.) 

BEQLINOT  (Claude),  Char- 
treux, sous  le  nom  de  dom 
Claude  ,  et  de  la  maison  de 
Bourg-Fontaine,  près  de  Villers- 
Coterets,  dans  le  diocèse  de  Sois- 
sons,  étoit  né  à  Langrei,  dans  le 
même  diocèse.  Excellent  religieux, 
il  avoit  les  vertus  de  son  état  au 
suprême  degré.  Loin  d'en  rien 
perdre,  quand  la  révolution  l'eut 
chassé  de  son  cloître ,  il  les  pra- 
tiqua avec  encore  plus  de  ferveur, 
et  montra  un  invincible  attache- 
ment à  la  Foi  catholique,  dans  les 
épreuves  de  1792  comme  de  1791. 
Modèle  de  piété  et  de  ferveur,  sa 
présence  étoit  trop  importune  aux 
impies  de  1793.  Dom  Bequinot 
se  trouvoit  alors  dans  le  dépar- 
tement de  la  Seine-Inférieure  : 
il  y  fut  arrêté.  On  le  condamna 
à  être  déporté  au-delà  des  mers; 
et  on  le  fit  conduire  à  Boche- 
fort,  pour  y  être  embarqué.  (V. 
Bochefort).  Le  navire  sur  lequel 
il  lui  fallut  monter,  étoit  les  Deux 
Associés.  Une  fois  sur  le  pont  du 
navire,  les  déportés  étoient  obli- 
gés de  descendre  dans  l'intérieur 
du  bâtiment ,  après  avoir  été  ri- 
goureusement fouillés.  L'un  d'eux, 
dans  les  Mémoires  qu'il  a  écrits 
sur  cette  déportation ,  raconte  à  ce 
sujet  un  fait  relatif  à  dom  Bequi- 


BEQ 

not,  et  que  nous  ne  devons  pas 
passer  sous  silence.  «  Comme  on 
faisoit  descendre  ces  malheureux 
prêtres,  dit-il,  un  à  un,  dans  l'in- 
térieur du  bâtiment,  et  qu'on  les 
fouilloit  auparavant,  pour  leur  en- 
lever leurs  couteaux,  ciseaux,  etc., 
de  même  que  tous  les  instru- 
mens  et  objets  de  religion,  on 
prit,  dans  la  valise  de  ce  véné- 
rable chartreux,  trop  confiant,  un 
magnifique  Christ  d'ivoire.  A  cette 
heureuse  découverte  ,  je  laisse  à 
penser  quelle  joie  atroce  firent 
éclater  les  soldats,  quelles  sacri- 
lèges railleries ,  et  quels  abomi- 
nables blasphèmes  ils  proférèrent. 
Figurez-vous  une  meute  de  chiens 
enragés  :  c'est  l'expression  de  l'E- 
criture-Sainte ,  quand  elle  peignoit 
prophétiquement  les  impies  qui 
mirent  à  mort  celui  dont  ce  Christ 
étoit  l'image  :  Circumdederunt 
me  canes  muiti;  concilium 
malignantium  ohsedil  me  (Ps. 
xxi,  ^.  17).  Aussitôt  un  officier, 
digne  émule  de  ces  anciens  déi- 
cides ,  prenant  son  sabre  d'une 
main  ,  et  de  l'autre  appuyant  le 
Christ  sur  un  billot,  d'un  coup  de 
son  arme  ,  lui  fait  sauter  la  tête  , 
croyant  sans  doute  se  débarrasser 
de  la  Divinité ,  parce  qu'il  détrui- 
soit  l'image  de  l'Homme  -  Dieu. 
Tous  les  matelots  se  mirent  alors 
ù  crier  comme  des  forcenés ,  en 
levant  le  chapeau  de  même  qu'à 
la  vue  d'une  exécution  sanglante  : 
Vive  ia  nation  !  Vive  la  ré- 
publique !   Hélas  !   de  quoi  le 


chrétien  apostat  n'est-il  pas  ca- 
pable ? 

«Ce  saint  religieux,  continue 
le  même  historien,  mourut  dans 
ce  qu'on  appeloit  le  grand-hôpital 
(fait en  baraque,  dans l'iled'^ia;). 
Après  avoir  passé  saintement  la 
plus  grande  partie  de  sa  vie  dans 
l'exercice  de  la  contemplation  et 
dans  la  pratique  de  toutes  les  ver- 
tus solitaires  du  cloître ,  il  la  ter- 
mina plus  saintement  encore  dans 
la  confession  de  la  Foi,  et  au  mi- 
lieu des  œuvres  pénibles  du  saint 
ministère  » .  Un  autre  de  ses  con- 
frères de  déportation  ajoutoit  : 
«  Sa  mémoire  m'est  en  singu- 
lière vénération,  à  double  titre, 
et  à  cause  de  ses  vertus  person- 
nelles, et  parce  que  ce  fut  lui  qui 
reçut  le  dernier  soupir  du  plus 
intime  ami  que  j'eusse  sur  le 
vaisseau,  Raymond  Peliniaud  de 
Journiac  (  V.  ce  nom  ).  Après 
lui  avoir  fermé  les  yeux,  il  me 
disoit  quelquefois,  avec  l'accent 
de  la  reconnoissance  la  plus  vive 
envers  le  Seigneur,  et  celui  de 
l'admiration  la  plus  profonde  pour 
les  vertus  dont  il  avoit  été  l'heu- 
reux témoin  :  O  mon  ami  ! 
quelles  actions  de  grâces  ne 
dois-je  pas  à  Dieu,  pour  m'a- 
voir  accordé  en  faveur  d'assis- 
ter un  saint  à  ia  mort  ! 

«  Ce  fut  lui  qui  remplaça  en 
grande  partie  ce  Saint,  dans  la 
pénible  fonction  de  confesseur  à 
l'hôpital.  Presque  tous  les  malades 
avoient  recours  à  lui ,  quoiqu'il 


|86  BER 

ne  fût  guère  moins  malade  qu'eux. 
Tant  de  fatigues  achevèrent  d'en- 
flammer son  sang,  et  de  rendre 
mortelle  une  plaie  qu'il  s'étoit 
faite  à  la  jambe.  11  mourut  comme 
il  avoit  vécu,  en  vrai  prédestiné 
(le  iG  juillet  1 794 5  a  ^âge  de 
ans,  et  fut  enterré  dans  l'île 
d'Aix).  La  vue  toute  seule  de  cet 
homme  de  Dieu  inspirait  l'amour 
de  la  pénitence.  Il  portoit  la  mor- 
tification de  Jésus-Christ  peinte 
sur  tout  son  extérieur.  Jamais  on 
ne  se  seroit  lassé  de  l'entendre 
parler  de  Dieu ,  tant  il  en  parloit 
dignement  et  avec  onction  !  » 

Un  troisième  deses compagnons 
de  déportation  nous  a  appris  (pie 
«ce  saint  religieux,  si  plein  de  l'es- 
prit de  s-  n  état,  étoit  appelé  par 
eux  tous,  sur  le  vaisseau,  te  bien- 
heureux Labre;  qu'il  en  avoit 
les  vertus,  et  même  qu'il  lui  res- 
semblait beaucoup ,  pour  la  figure, 
d'après  les  portraits  qu'on  a  vus 
de  ce  serviteur  de  Dieu»,  déclaré 
vénérable ,  en  1783,  parle  pape 
Pie  VI.  {V.  V.  Benoist,  et  J.  J. 
Bérai'd). 

BÉRAUD  (Jean- Jacqies  ), 
prêtre  et  chanoine  de  l'église  de 
Notre-Dame  de  Moulins,  né  en 
cette  ville,  connut  trop  bien  les 
pièges  de  la  constitution  civile 
du  clergé,  et  étoit  trop  pieux  pour 
y  adhérer  en  aucune  manière.  Il 
détendit  même,  autant  qu'il  étoit 
en  lui ,  la  Foi  catholique  contre  les 
atteintes  qu'elle  lui  portoit.  La 
persécution  étant  devenue  plus 


BER 

violente  en  1795,  le  chanoine 
Béraud  ,  que  les  persécuteurs  n'a- 
voient  pas  perdu  de  vue,  et  qui 
résidoit  alors  dans  le  département 
de  V Ailier,  y  fut  arrêté.  On  le 
condamna  bientôt  à  être  déporté 
à  la  Guiane  ;  et  on  le  fit  traîner  a 
Rochefort  pour  y  être  embarqué 
{V.  Rochefort).  Il  le  fut  sur  le 
navire  les  Deux  Associés,  dont 
l'entrepont  affreux  lui  donna  la 
mort.  Il  rendit  son  dernier  sou- 
pir à  l'âge  de  37  ans,  le  28  juillet 
1794,  et  fut  enterré  dans  l'île 
d'Aix.  Ses  compagnons  d'infor- 
tune, ou  plutôt  de  martyre,  dé- 
plorèrent d'autant  plus  sa  perte 
qu'il  auroit  été  d'un  grand  secours 
à  l'Eglise.  «  Cet  ecclésiastique,  dit 
l'un  d'entre  eux  ,  étoit  instruit  et 
pieux,  d'un  jugement  sain  et  so- 
lide ».  [V.  C.  Béquinot  et  .... 
Beuger,  de  Bourges.) 

BFRALLD - DLPERRON 
(iV. ..  ),  prêtre  de  la  congrégation 
des  Eudisles,  à  Paris,  s'y  montra 
dans  tout  le  digne  coopérateur  du 
vénérable  supérieur  de  cette  com- 
munauté (  V.  Hébert).  Par  sa 
vie  exemplaire  et  par  son  zèle 
pour  la  Foi ,  il  méritoit  comme  lui 
d'en  être  récompensé  par  la  gloire 
du  martyre.  11  fut  du  nombre  des 
Eudistes  que  les  impies  persécu- 
teurs firent  arrêter  dans  les  jours 
qui  suivirent  la  journée  funeste 
du  10  aovt  1792.  Conduit  d'abord 
au  comité  de  la  section,  il  y 
refusa  le  coupable  serment ,  et 
fut  ensuite  traîné  à  l'église  des 


BER 

Carmes,  devenue  toul  à  coup  la 
prison  des  prêtres  fidèles  à  leur 
Foi.  Son  supérieur  et  huit  de  ses 
confrères  y  étoient  amenés  avec 
lui  [V.  Beaulieu).  Au  milieu  de 
cette  auguste  et  nombreuse  so- 
ciété de  captifs  de  Jésus- Christ , 
parmi  lesquels  étoient  trois  illus- 
tres prélats  de  l'Eglise  gallicane 
{V.  Dulau,  Rochefoucauld  ) , 
Duperron  se  sentit  une  nouvelle 
force  pour  confesser  sa  Foi  en 
présence  des  bourreaux.  Lorsque 
le  massacre  fut  repris,  le  2  sep- 
tembre, avec  la  marche  régulière 
que  lui  donna  le  commissaire  de  la 
section ,  le  prêtre  Duperron  mon- 
tra, non  moins  courageusement 
que  les  autres,  qu'il  n'étoit  pas  in- 
digne de  partager  avec  eux  la  cou- 
ronne du  martyre.  [V.  Septembre.) 

BERAULT- DUVIGNE AU 
(Placide),  fille  pieuse  du  Poi- 
tou, domiciliée  à  Coussay,  près 
Châtellerault  (  V.  Dxivigneati  ) , 
ayant  été  accusée  en  1794  d'avoir 
fait  des  actes  de  religion  et  brodé 
des  images  du  sacré  cœur  de  Jé- 
sus (  V .  Vendée)  ,  fut  arrêtée  et 
livrée  à  la  commission  militaire 
qui  jugeoit  à  Fontenay.  Cette 
commission  la  condamna  pour 
cette  cause  à  périr  sur  l'écha- 
faud,  en  l'accusant  d'être  par 
cela  même  une  «contre-révolu- 
tionnaire » . 

BERBIGUÏER  (  François  -Si - 
méon),  prêtre  et  religieux  Capu- 
cin de  Caderousse,  dans  le  com- 
tat  Venaissin ,  non  loin  d'Orange  , 


BER  i%f 
s'étoitmis,  quoique  âgé,  après  la 
suppression  des  ordres  monasti- 
ques, à  desservir,  comme  vicaire, 
la  paroisse  de  Pouzilhac  près  d'U- 
sez.  Il  fut  arrêté  en  1794?  Par 
les  farouches  révolutionnaire?  de 
sa  province,  et  livré  à  la  com- 
mission populaire  d'Orange 
(  V.  Orange  ).  Cette  commis- 
sion, dont  la  plus  grande  fureur 
se  dirigeoit  contre  la  religion  et 
ses  ministres,  condamna  ce  reli- 
gieux, âgé  de  68  ans,  à  la  peine 
de  mort,  comme  «  fédéraliste», 
le  14  messidor  an  II  (2  juillet 
1794)  ;  et  il  fut  exécuté  le  lende- 
main. {V.  J.  F.  J.  Berbigtjier.  ) 

BERBÏGUIER-DE-LARNAGE 
(Jérôme- François-Joseph),  jeune 
prêtre,  et  vicaire  d'une  paroisse 
près  d'Usez  ,  à  l'époque  de  la 
prestation  du  serment  schisma- 
tique  de  1791 ,  ne  s'en  rendit  pas 
coupable,  et  resta  dans  sa  pro- 
vince où  il  croyoit  jouir  de  quel- 
que sûreté  contre  la  persécution. 
Mais  elle  devint  si  violente  et  si 
inquisitoriale  en  1794?  qu'f  ne 
put  y  échapper.  On  le  conduisit 
dans  les  prisons  d'Orange  ,  en  at- 
tendant qu'il  put  être  envoyé  à  l'é- 
chafaud  par  la  féroce  commission 
populaire  établie  dans  cette  ville 
(  V.  Orange).  Cette  commission 
l'ayant  fait  comparoître  devant 
elle  le  14  messidor  an  II  (2  juil- 
let 1794)5  et  dissimulant  à  l'or- 
dinaire sa  haine  de  la  religion 
avec  une  vague  accusation  de  fc- 
déraiisine,  condamna  sous  cr* 


i88  BER 

prétexte  le  vicaire  Berbiguier  à  la 
peine  de  mort.  Il  la  subit  le  len- 
demain, à  l'âge  de  27  ans.  (  V .  F. 
Bernard.  ) 

,/BERENGER  (Jean-Antoine), 
curé  de  Peypin ,  prés  de  Roque- 
vaire ,  dans  le  diocèse  d'Aix ,  avoit 
perdu  le  bénéfice  de  sa  cure  par 
son  refus  du  serment  de  1791; 
mais,  ne  s'en  croyant  pas  moins 
obligé  à  veiller  sur  le  salut  de  ses 
ouailles ,  il  étoit  resté  dans  le 
canton.  Les  persécuteurs  l'en  en- 
levèrent au  commencement  de 
1794?  et  le  traînèrent  à  Marseille 
pour  y  être  jugé  par  le  tribunal 
des  Bouches  -  du-  Rhône,  qui, 
siégeant  en  cette  ville  ,  avoit 
l'ordre  de  condamner  à  mort, 
tomme  «  fédéralistes  »,  toutes  les 
victimes  qui  lui  seroient  livrées 
{V .  Orange).  C'est  ainsi  que  fut 
condamné  ce  curé,  le  4  germinal 
an  II  (24  mars  1794),  et  l'exé- 
cution eut  lieu  le  lendemain. 

BERGER  (Charles  -  Henri  ), 
prêtre  ,  religieux  Bénédictin  ,  né 
en  Lorraine  vers  1766,  exerçoit 
en  1797  le  saint  ministère  dans  la 
paroisse  d'Azerailles,  au  diocèse 
de  Toul.  La  tolérance  que  le  gou- 
vernement sembloit  avoir  adoptée 
depuis  1795  à  l'égard  des  prêtres 
non-assermentés  du  nombre  des- 
quels il  étoit,  fut  un  piège  que 
démasqua  la  funeste  journée  du 
18  fructidor  (  4  septembre  1797)- 
La  loi  du  lendemain  condamna 
tous  les  prétendus  réfractaires 
à   être   déportés    à   la  Guiane 


BER 

{V.  Guiane).  Dom  Berger,  qui 
ne  vouloit  point  faire  le  serment 
de  haine  à  la  royauté,  prescrit 
à  cette  époque ,  fut  arrêté  et  en- 
voyé à  Rochefort  pour  être  em- 
barqué. Il  le  fut  le  1"  août  1798 
sur  la  frégate  la  Bayonnaise , 
qui  le  déposa  à  Cayenne  ,  le  29 
ou  3o  septembre  suivant.  De 
Cayenne  ,  il  fut  aussitôt  relégué 
dans  le  désert  de  Konanama  dont 
les  fléaux  vinrent  bientôt  l'acca- 
bler. Il  y  mourut  de  la  peste,  le 
1 1  de  novembre  1798,  à  l'âge  de 
32  ans  ,  y  laissant  pour  toute 
succession  temporelle  une  somme 
de  5o  livres  12  sols.  (  V.  J.  B.  Be- 
louet  et  L.  F.  J.  Bernard.  ) 

BERGER  (IV...),  prêtre  du 
diocèse  de  Bourges,  né  en  cette 
ville,  vers  1767,  n'avoit  reçu 
l'ordre  du  sacerdoce  que  depuis 
les  troubles  révolutionnaires.  Il 
n'avoit  pas  été  déconcerté  par  eux 
dans  sa  vocation ,  et  promettoit 
un  bon  ministre  à  l'Eglise.  Il  ré- 
sista au  piège  de  la  constitution 
civile  du  clergé,  et  rendit  son 
ministère  utile  aux  catholiques  de 
sa  province.  Ce  zèle  et  sa  fermeté 
dans  la  Foi  ne  pouvoient  qu'irri- 
ter les  persécuteurs  contre  lui. 
On  le  saisit  en  179^;  et,  après 
l'avoir  tenu  quelque  temps  en 
prison  à  Bourges,  on  le  condamna 
à  la  déportation  au  delà  des  mers. 
Traîné  à  Rochefort ,  il  y  fut  em- 
barqué sur  la  flûte  les  Deuta 
Associés  {V.  Rochefort).  Les 
souffrances  de  l'entrepont  de  ce 


BER 

bâtiment  étoicnt  si  cruelles,  que, 
malgré  sa  jeunesse  et  sa  vertu,  le 
prêtre  Berger  ne  put  long-temps 
les  supporter.  Il  mourut  à  l'âge 
de  27  ans,  le  1 5  juin  1794,  et  lut 
enterré  dans  l'île  d'Aix.  (  V .  J.  J. 
Beraud  et  Bernard,  Cordelier.) 

BERGON  (François),  prêtre 
Lazariste  de  la  maison  des  Mis- 
sions de  Cahors ,  et  né  à  Bala- 
guier,  près  Figeac ,  vers  1757, 
revint  dans  le  lieu  de  sa  naissance 
lors  de  la  destruction  des  établis- 
semens religieux,  en  1791.  Ferme 
autant  qu'instruit  dans  sa  Foi,  il 
consacra  son  ministère  à  confir- 
mer celle  des  catholiques  du  can- 
ton, et  à  leur  procurer  les  sacre- 
mens  de  l'Eglise.  Les  administra- 
teurs du  département  du  Lot , 
siégeant  à  Cahors,  le  firent  arrê- 
ter à  l'époque  de  la  loi  de  dépor- 
tation. Bergon,  ne  doutant  point 
qu'on   ne  le  comprît  avec  les 
prêtres  insermentés  qu'elle  avoit 
bannis ,  et  gémissant  de  l'abandon 
où  alloient  se  trouver  les  fidèles 
de  Balaguier,  profita  d'une  occa- 
sion de  s'évader  pour  revenir  au 
milieu  d'eux.  Les  persécuteurs  l'y 
firent  rechercher;  il  fut  obligé  de 
s'enfuir  dans  les  bois  ;  mais  comme 
il  revenoit  souvent  au  secours  des 
malades,  une  nuit,  celle  du  10 
mars  1794,  lorsqu'il  portoit  le 
saint  Viatique  à  l'un  d'eux,  il  fut 
reconnu  et  arrêté.  On  le  condui- 
sit d'abord  à  Figeac,  et  ensuite  à 
Cahors  où  siégeoit  aussi  le  tribu- 
nal criminel  du  département  du 


BER  189 

Lot.  Ce  tribunal  l'ayant  fait  com- 
paroître  devant  lui,  le  condamna, 
le  27  floréal  an  II  (  1G  mai  1794) 
à  la  peine  de  mort ,  comme 
«  prêtre  réfractaire  ».  Le  bour- 
reau s'empara  de  sa  personne  ; 
un  des  gardes  lui  fit  essuyer  de 
sacrilèges  outrages ,  que  leur  gros- 
sière infamie  ne  permet  pas  même 
à  la  bienséance  de  raconter  (  V .  le 
livre  intitulé  Les  Confesseurs  do 
la  Foi,  à  la  pag.  492  du  tom.  II). 
En  marchant  au  supplice  le  len- 
demain ,  Bergon  récitoit  à  voix 
haute  le  psaume  Misère)  e  met;, 
Deus.  Rencontrant  sur  la  route 
une  femme  qui  lui  parut  digne  de 
sa  confiance,  il  ôta  sa  chaussure, 
la  lui  remit  en  disant  :  «  Donnez- 
la  à  un  pauvre  ;  Jésus-Christ  étant 
allé  nu-pieds  au  Calvaire,  je  veux 
en  agir  de  même» .  Arrivé  à  l'écha- 
faud,  il  y  monta  d'un  pas  ferme, 
et  mourut  en  vrai  héros  de  la  Foi. 
à  l'âge  de  37  ans. 

BERGON  (  2V...  )  ,  aumônier 
d'une  maison  religieuse  aux  Bau- 
mes, près  Florac,  dans  le  diocèse 
de  Mende ,  s'étoit  retiré  à  Mende 
depuis  la  suppression  de  l'établis- 
sement auquel  il  étoit  attaché. 
On  l'arrêta  à  la  fin  de  179^;  et 
comme  il  n'avoit  pas  été  astreint 
au  serment  de  1791,  n'étant  pas 
fonctionnaire  public ,  le  tribunal 
criminel  du  département  de  la  Lo- 
zère ,  auquel  il  fut  livré  comme 
victime  sacerdotale,  ne  pôuvoit 
l'envoyer  à  la  moit  comme  prêtre 
réfractaire.  Mais  les  prétextes  nu 


igo  BER 

manquant  point  alors  aux  juges, 
ils  fiient  périr  le  prêtres  Be:gon, 
comme  «  complice  de  séditieux». 
La  sentence  fut  prononcée  le  24 
floréal  an  II  (  i3  mai  1794)  ;  et 
l'exécution  s'en  fit  le  lendemain. 

BERNARD  (Amakd),  curé  de  * 
la  petite  paroisse  de  Saint-Pierre, 
à  trois  lieues  de  Baar,  dons  le  dio- 
cèse de  Strasbourg,  et  dans  la  di- 
recte des  chanoinesses  d'Andlau, 
avoit  fait  ses  études  ecclésiastiques 
au  séminaire  de  Strasbourg.  11  fut 
d'abord  pourvu  d'une  prébende 
canoniale  dans  la  collégiale  de 
Lautembach ,  même  diocèse  ;  mais 
son  désir  de  se  consacrer  entière- 
ment au  salut  des  âmes  lui  lit  per- 
muter en  1779  ce  bénéfice  contre 
la  cure  dont  il  s'agit.  La  sainte 
ardeur  avec  laquelle  il  remplissoit 
ses  devoirs  de  curé  sembla  s'ac- 
croître lorsqu'il  vit  la  religion 
ébranlée  par  les  innovations  de 
l'Assemblée  constituante.  Comme 
il  refusa  le  serment  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  la  loi  de 
déportation  rendue  en  août  1792 
l'obligeoit  d'abandonner  tout-à- 
fait  ses  paroissiens  pour  sortir 
de  France.  Il  ne  se  sépara  d'eux 
que  le  14  septembre  suivant  ; 
mais,  s'en  éloignant  le  moins  qu'il 
pou  voit,  il  fut  ramené  par  son 
zèle  auprès  d'eux,  en  février  1 793, 
pour  raffermir  leur  Foi  par  ses 
exhortations  et  par  l'administra- 
tion des  sacremens.  Les  dangers 
que  mulliplioit  autour  de  lui  la 
persécution  toujours  croissante,  le 


BER 

forcèrent  à  fuir  en  Suisse.  Riais, 
après  la  chu  le  de  Pioberspierre, 
étant  sédu't  par  ies  discours  de 
ceux  qui,  l'ayant  renversé,  reje- 
toicut  sur  lui  les  fureurs  de  la 
persécution,  Bernard,  impatient 
de  revoir  ses  ouailles,  vint  à 
Belle  vers  la  fin  d'octobre  1794 
pour  rentrer  en  France.  En  vain 
un  de  ses  confrères  déportés  qu'il 
y  rencontra  voulut  l'en  détourner, 
en  lui  représentant  que  la  faction 
triomphatrice  se  composoit  des 
mêmes  persécuteurs  qui  avoient 
proscrit  la  religion  ;  Bernard , 
après  quelques  jours  d'hésitation, 
n'en  prit  pas  moins  le  parti  de 
s'acheminer  vers  son  troupeau, 
en  disant  :  «  Je  me  résigne  à  tout 
pour  faire  mon  devoir  ;  que  la 
volonté  de  Dieu  s'accomplisse  » . 
Quoiqu'il  eût  pris  le  soin  de  se 
vêtir  en  chasseur  pour  n'être  pas 
reconnu  dans  la  route  ,  imitant  en 
cela,  pour  sa  sûreté,  le  saint  évê- 
que  Eusèbe  de  Samosate ,  et  le 
saint  Martyr  Barlaam ,  dont  saint 
Jean  Damascène  a  fait  un  si  tou- 
chant éloge,  il  fut  arrêté  comme 
suspect  au  village  de  Saint-Louis, 
sur  la  route  de  Bâle  à  Strasbourg. 
En  le  fouillant ,  on  trouva  son  bré- 
viaire; et,  cette  découverte  ayant 
fait  soupçonner  son  état,  on  le 
mena  prisonnier  à  Huningue,  où, 
étant  interrogé  sur  sa  profession, 
il  déclara  franchement  qu'il  étoit 
prêtre  déporté.  La  gendarmerie 
fut  alors  chargée  de  le  conduire  à 
Colmar  où  siégeoit  le  tribunal  cri- 


BER 

minci  du  département  du  Haut- 
Rhin.  Les  juges  le  condamnèrent, 
le  1 5  brumaire  an  II  (  5  novembre 
*794  )  ,  à  la  peine  de  mort  , 
comme  «  émigré-rentré  ».  Avant 
d'aller  à  l'échafaud  ,  il  écrivit  à 
plusieurs  personnes  pieuses  pour 
leur  faire  ses  adieux,  et  entre 
autres  à  deux  de  ses  paroissiennes, 
qui  étoient  sœurs,  et  vivoient  en- 
semble ,  leur  disant  :  «  Je  vais 
être  aujourd'hui  même  une  nou- 
velle victime  pour  notre  sainte 
religion....  Priez  beaucoup  pour 
moi  ».  Quand  il  fut  arrivé  à 
l'échafaud,  il  dit  encore  au  peuple 
d'une  voix  haute  de  prier  pour 
lui,  se  mit  à  genoux,  et  pria  lui- 
même  quelques  minutes  de  ma- 
nière a  être  entendu  de  tous  les 
assislans.  Se  relevant  ensuite,  et 
quittant  lui-même  ses  habits,  il 
livra  sa  tête  à  l'exécuteur  qui 
l'abattit  le  jour  même  de  la  sen- 
i  tence. 

BERNARD  (IV...  ),  curé  de  la 
paroisse  de  Thuret,  près  Riom, 
dans  le  diocèse  de  Clermont  où  il 
étoit  né,  à  Beaumont-lès-Rondan , 
hésita  quelques  jours  entre  le  refus 
et  la  prestation  du  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
doutant  encore  s'il  étoit  licite  ou 
non.  Ce  furent  les  raisons  mêmes 
qu'on  lui  donnapourle  déterminer 
à  le  prêter  qui ,  par  leur  évidente 
mauvaise  foi,  le  décidèrent  à  le 
refuser.  Il  ne  résista  pas  à  la  loi  de 
déportation ,  et  sortit  de  France  ; 
mais,  impatient  d'y  rentrer  pour 


BER  191 

revoir  son  troupeau,  il  crut  que 
l'occasion  en  étoit  pn.pice,  lors- 
qu'après  avoir  renversé  Robers- 
pierre  la  faction  thermidorienne, 
rejetoit  sur  lui  toutes  les  horreurs 
de  la  persécution.  En  1796,  il 
vint  d'abord  à  Lyon  ,  où  tou- 
jours les  prêtres  fidèles  furent  si 
bien  accueillis  deshabitans;  mais 
les  autorités  en  ce  moment  se 
trouvèrent  disposées  à  les  persé- 
cuter de  nouveau.  Bernard  fut 
arrêté  ;  et  bientôt  on  le  condamna 
à  être  fusillé ,  comme  «  émigré- 
rentré  ».  Un  gentilhomme  d'Au- 
vergne nommé  d'Espinchal,  con- 
damné en  même  temps  à  la  même 
peine,  également  «commeémigré- 
rentré,»  reçut  de  lui,  avec  la  grâce; 
des  sacremens  ,  l'exemple  d'une 
mort  courageuse;  mais,  lorsqu'il 
périssoitpour  la  cause  du  roi,  Ber- 
nard mouroit  pour  celle  de  Jésus- 
Christ,  sans  laquelle  il  n'eût  pas 
été  déporté,  et  pour  laquelle  i! 
étoit  rentré  ,  et  retournoit  dan.» 
sa  province.  [V .  Boutiliek.) 

BERNARD  (Charles),  curé 
de  Laucourt,  près  Roye,  dans  le 
diocèse  d'Amiens,  ayant  été  ex- 
pulsé de  sa  cure  à  cause  de  son 
refus  du  serment  de  «791  ,  s'é- 
toit  retiré  à  Charbonnières,  près 
Montdidier ,  même  diocèse.  De 
là,  il  pou  voit  encore  maintenir  ses 
paroissiens  dans  Ta  Foi  catholique; 
mais  la  loi  de  déportation  le  força 
de  sortir  de  France  en  septembre 
1 792.  Son  amour  pour  ses  ouailles 
l'y  ramena  clandestinement  au 


KJ2  liliK 

commencement  de  1 794  ;  il  fut 
reconnu,  et  arrêté  dans  lu  pro- 
vince du  Laonois.  On  le  traduisit 
devant  le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement de  Y  Aisne,  siégeant 
à  Laon  ;  et  il  y  fut  condamné  , 
«comme  émigré  -  rentré  »,  à  la 
peine  de  mort,  le  11  thermidor 
an  II  (29  juillet  1 T9 't)  ?  deux  jours 
jiprés  la  chute  de  Roberspierre. 

BERNARD  (Christophe),  curé 
de  la  Bastiédonne  ,  près  Pertuis  , 
dans  le  diocèse  d'Aix ,  ne  sortit 
point  de  France  ,  quoiqu'il  fût 
proscrit  comme  n'ayant  pas  fait 
le  serment  de  1791.  On  l'arrêta  en 
1795 ,  et  on  le  conduisit  à  Avignon 
pour  y  être  jugé  par  le  tribunal 
criminel  du  département  de  V au- 
cluse.  Les  juges  devant  lesquels 
il  comparut  le  a5  nivose  an  II 
(  14  janvier  1794),  le  condam- 
nèrent à  la  mort  comme  «  prêtre 
réfractaire  »  ;  et  il  fut  exécuté  le 
même  jour. 

BERNARD  (François), prêtre, 
religieux  Capucin  du  couvent  de 
Valréas ,  s'étoit  retiré  ,  après  la 
suppression  des  ordres  monas- 
tiques, dans  le  bourg  de  Saillans , 
diocèse  de  Valence,  où  il  rendoit 
son  ministère  sacerdotal  utile  aux 
catholiques  du  canton.  Il  fut  em- 
prisonné vers  la  fin  de  1793,  et 
on  le  livra  en  1 794,  àlacommission 
•populaire d'Orange, qui,  ne  pou- 
vant exciper  contre  lui  de  la  loi  de 
déportation,  imagina  de  le  con- 
damner, comme  «  conspirateur», 
ù  la  peine  de  mort,  le  C  messidor 


BER 

an  II  (24  juin  1794)  ;  et  il  fut  exé- 
cuté le  lendemain ,  à  l'âge  de  54 
ans.  [V .  R.  Bès.) 

BERNARD  (Pierre-Charles), 
prêtre  du  diocèse  de  Poitiers ,  né 
à  Lusignan  ,  et  curé  d'une  pa- 
roisse du  Poitou,  ayant  été  pris  et 
amené  à  Paris,  y  fut  condamné 
par  le  tribunal  révolutionnaire 
à  la  peine  de  mort,  le  9  thermi- 
dor an  II  (27  juillet  1794).  Le 
texte  de  la  sentence  indique  suffi- 
samment la  sainte  cause  pour  la- 
quelle il  mourut.  Cette  sentence 
dit  «qu'il  étoit  convaincu  d'avoir 
employé  le  fanatisme  pour  semer 
le  trouble  et  la  division  ;  et  par  là, 
de  s'être  déclaré  l'ennemi  du  peu- 
ple» ,  en  prêchant  la  religion,  et 
remplissant  tous  les  autres  devoirs 
de  son  ministère.  Il  périt  le  même 
jour,  à  l'âge  de  38  ans.  [V .  A.  G.  B. 
Beauregard.) 

BERNARD  (iV...),  prêtre  et 
religieux  Cordelier  de  la  maison 
de  Varennes  ,  dans  la  province 
de  Champagne  ,  au  diocèse  de 
Reims,  ne  se  vit  pas  sans  dou- 
leur expulsé  de  son  cloître,  lors 
de  l'abolition  révolutionnaire  des 
ordres  monastiques.  Plus  l'impiété 
qui  présidoit  à  ces  espèces  de  ré- 
formes lui  étoit  notoire ,  plus  son 
zèle  pour  la  religion  en  péril  s'aug- 
mentoit.  Loin  de  trahir  la  Foi  ca- 
tholique par  aucun  des  sermen» 
exigés  en  1 79 1  et  1 792 ,  il  s'efforça 
de  l'affermir  dans  le  cœur  des 
fidèles.  Il  fut  arrêté  en  1793,  dans 
le  département  de  la  Metise  où  il 


J4ER 

résidoit.  On  le  condamna  en  1794 
à  être  déporté  à  la  Guiane  ;  et  on 
le  fit  partir  pour  Rochefort,  où  il 
devoit  être  embarqué  [V .  Roche- 
fort).  Il  le  fut  en  effet  sur  le  na- 
vire le  Washington,  dans  l'en- 
trepont duquel  il  souffrit  des 
maux  qui  le  firent  périr.  Il  mou- 
rut à  l'âge  de  5o  ans,  dans  le  cou- 
rant d'octobre  1794;  et  ses  cen- 
dres reposent  dans  l'île  Madame. 
(  V .  Berger,  de  Bourges,  et  L.  A. 
Bernard.) 

BERNARD  (Locis-Acgtjstin)  , 
prêtre,  vicaire  de  Bais,  dans  le 
diocèse  de  Vannes,  et  né  à  Auray, 
même  diocèse,  préserva  sa 'Foi  et 
sa  vertu  de  toute  foiblesse  lors  des 
sermens  exigés  en  1791  et  1792. 
Resté  dans  le  pays  pour  l'utilité 
des  catholiques ,  il  y  fut  arrêté  en 
1793  parles  agens  de  l'impie  Con- 
vention ;  et  bientôt  on  le  con- 
damna à  être  déporté  au  delà  des 
mers.  Il  fut  à  cet  effet  conduit  à 
Rochefort ,  où  on  le  fit  monter 
sur  le  navire  (es  Deux  Associés 
{V .  Rochefort).  Les  maux  qu'on 
y  enduroit,  surtout  dans  l'entre- 
pont du  bâtiment,  étoient  si  af- 
freux ,  que  le  vicaire  Bernard  ne 
tarda  pas  d'y  succomber.  Il  mou- 
rut le  24  juin  '794?  à  l'âge  ^e  4° 
ans,  etfut  inhumé  dans  l'île  d'Aix. 
(  V.  Bernard,  Cordelier,  et  J. 
Bernard.) 

BERNARD-DU-CORNILLET 
(Jean -Charles -Marie),  prêtre, 
chanoine  régulier  de  l'abbaye  de 
Saint -Victor,  à  Paris,  étoit  né  à 

2. 


BER  193 

Chateaubriand, dans  le  diocèse  de 
Nantes,  en  1760.  Il  avoit  fait  de 
brillantes  études  dans  sa  province , 
lorsqu'il  vint,  en  1780,  se  vouer 
à  Dieu  dans  cette  abbaye  ;  et , 
après  quatre  années  et  quelques 
mois  consacrés  aux  études  théo- 
logiques, il  fut  ordonné  prêtre  le 
2 1  mai  1 785.  La  vaste  et  précieuse 
bibliothèque  de  cette  congréga- 
tion, qui  étoit,  après  celle  du  Roi, 
la  plus  riche  des  bibliothèques 
publiques  de  Paris,  et  dans  la- 
quelle Bernard  avoit  déjà  puisé 
tant  de  connoissances ,  fixa  si  bien 
ses  affections,  qu'on  l'y  voyoit 
consacrer  à  l'étude  toutes  les 
heures  que  ne  réclamoit  pas  le 
service  divin;  et  ses  supérieurs 
comme  ses  confrères,  déjà  pleins 
d'estime  pour  ses  lumières,  et 
d'égards  pour  ses  goûts,  lui  con- 
férèrent d'un  consentement  una- 
nime la  charge  de  bibliothécaire, 
neuf  mois  seulement  après  sa  pro- 
motion à  l'ordre  de  la  prêtrise. 
Tous  se  flattoient  avec  raison 
que  le  jeune  Bernard ,  doué  des 
plus  heureuses  dispositions  ,  et 
déjà  si  avanoé  dans  le  savoir, 
feroit  revivre  en  sa  personne  tant 
d'hommes  célèbres  qui,  par  leurs 
vertus  comme  par  leurs  lumières, 
avoient  illustré  cette  ancienne 
abbaye ,  si  fort  estimée  de  saint 
Bernard.  Elle  sembla  respectée 
jusqu'à  un  certain  point  les  deux 
premières  années  de  la  révolu- 
tion. Lorsque  tous  les  établisse- 
mens  religieux  étoient  déjà  dis- 

i3 


194  BER 
sons,  et  leurs  membres  dispersés 
par  l'Assemblée  Constituante,  Ici 
chanoines  réguliers  de  Saint-Vic- 
lor  avoienl  encore  l'avantage  de 
rester  dans  leur  maison;  et  Ber- 
nard -  du  -  Cornillet  ne  perdoit 
pas  l'espoir  de  passer  le  reste  de 
ses  jours  dans  celte  retraite  si 
chère  à  sa  vertu  comme  à  son 
goût  pour  l'étude.  Mais  bientôt, 
sous  l'Assemblée  Législative,  les 
Victorins  furent  expulsés  de  leur 
cloître;  et  Bernard,  qui  l'aimoit 
trop  pour  s'en  éloigner  beau- 
coup ,  choisit  de  préférence  à 
tout  autre  asile  la  sainte  maison 
des  Nouveaux  Convertis,  qui 
étoit  dans  le  voisinage.  Là  se 
trouvoient  réunis ,  sans  y  vivre 
cependant  en  communauté,  plu- 
sieurs prêtres  infiniment  recom- 
mandables  par  leur  piété ,  leur 
zèle,  et  même  leur  savoir  (  V .  P. 
et  R.  F.  GïÉkin  -  du  -  Rocher  ). 
Mais  cette  maison  si  respectable 
ne  pouvoit  échapper  aux  recher- 
ches de  ces  hommes  qui ,  déjà 
trop  puissans  ,  étoienl  si  ardens 
à  détruire  tout  ce  qui.  pouvoit 
conserver  et  perpétuer  les  prin- 
cipes d'une  religion  qu'ils  vou- 
loient,  pour  ainsi  dire,  étouffer 
dans  le  sang  de  ses  ministres.  Il 
paroitroit,  d'après  les  registres 
d'éerou  de  cette  époque  (  V .  Sep- 
tembre), que  deux  ou  trois  jours 
après  le  dix  août  1792,  Ber- 
nard effrayé  quitta  cette  maison  , 
déjà. si  fort  menacée  par  les  per- 
-éidicurs  depuis  quelques  mois. 


BER 

et  qu'il  vint  se  réfugier  dans  la 
rue  des  Mathurins  du  faubourg 
Sainl-Jacques  ;  car  ce  fut  là  qu'on 
l'arrêta  le  1 5  août,  en  même  temps 
qu'on  enlevoil  de  leur  maison  ses 
confrères  des  Nouveaux  Con- 
vertis. On  avoit  suivi  ses  traces  ; 
et  il  fut  amené  avec  eux  devant  le 
comité  de  la  section  dite  hideuse- 
ment des  Sans -culottes ,  siégeant 
dans  l'église  de  Saint  -  Firmin. 
Aucune  loi  ne  l'avoit  astreint  au 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé,  puisqu'il  n'exercoit 
aucun  ministère  public  à  charge 
d'âmes.  Le  comité  néanmoins  lui 
demanda  ce  serment  qu'il  savoit 
bien  que  Bernard  n'étoit  point  dis- 
posé à  prêter.  Il  le  refusa  solen- 
nellement, comme  contraire  à  la 
Foi  et  aux  principes  de  l'Eglise 
catholique.  Digne  par  là  de  rester 
uni  avec  ses  confrères,  il  fut 
constitué  prisonnier  comme  eux 
dans  le  séminaire  de  Saint-Fir- 
min  ;  et  on  l'y  massacra  avec  eux , 
le  5  septembre  [V .  A.  A.  Alricy). 
Son  âge  étoit  alors  de  55  ans  et 
demi.  En  remarquant  son  nom  et 
sa  profession ,  quand  on  songe  à 
la  cause  et  au  genre  de  sa  mort, 
il  est  difficile  de  ne  pas  se  rappeler 
avec  complaisance  ce  que  saint 
Bernard  disoit  de  ce  digne  prieur 
de  Saint-Victor,  qui  fut  assassiné 
de  son  temps,  et  qu'avec  tant  de 
ehaleirr  et  de  solennité  il  procla- 
mait vrai  Martyr  de  l'Eglise.  [V . 
ci -de  vaut,  tom.  I,  pag.  48,  55, 
et  96.  ) 


BER 

BERNARD  ( Junies)  ,  prêtre , 
chanoine  régulier  de  la  congréga- 
tion et  maison  de  Chancelade , 
dans  le  bourg  de  ce  nom,  au  dio- 
cèse de  Périgueux,  étoit  né,  en 
1734?  à  Saint-Junien-sur- Vienne, 
dans  le  diocèse  de  Limoges.  Avant 
d'entrer  dans  cette  congrégation, 
il  avoit  essayé  de  la  vie  des  Trap- 
pistes, dont  même  il  avoit  porté 
l'habit.  Son  grand  amour  pour 
l'austérité  de  ces  cénobites,  ne 
trouva  pas  dans  ses  forces  les 
moyens  d'en  supporter   les  ri- 
gueurs. Après  onze  mois  de  novi- 
ciat à  la  Trappe,  il  fut  obligé  d'en 
sortir;  et  il  entra  dans  la  congré- 
gation de  Chancelade,  où  il  vécut 
avec  toute  la  ferveur  de  la  piété 
cénobitique.  Quand  cette  congré- 
gation fut  supprimée,  avec  tous 
les  établissemens  religieux,  en 
1791,  Junien  Bernard,  obligé  de 
rentrer  dans  le  monde,  y  porta 
les  vertus  du  cloître,  et  vint  habi- 
ter la  contrée  qui  l'avoit  vu  naître. 
Vénéré  de  tout  ce  qu'il  y  avoit  de 
sensible  à  la  vertu  dans  le  pays ,  il 
en  étoit  d'autant  plus  un  objet  de 
haine  pour  les  révolutionnaires. 
Comme  il  n'avoit  fait  aucun  des 
sermens  prescrits  en  1791  et  1792, 
ce  fut  un  prétexte  pour  le  saisir 
comme  insermenté.  On  l'amena 
dans  les  prisons  de  Limoges;  et 
bientôt  on  le  réunit  aux  autres 
prêtres  dont  on  vouloit  se  défaire 
par  une  déportation  maritime.  II 
fut  traîné  comme  eux  à  Rochefort , 
pour  y  être  embarqué  (V.  Rocije- 


BER  195 
fort).  Il  avoit  déjà  60  ans,  quand 
on  le  fit  monter  sur  le  navire  les 
Deux  Associés,  où  il  donna  à  ses 
confrères  l'exemple  de  la  plus 
humble  résignation ,  et  de  la  piété 
la  plus  tendre.  Malgré  son  âge 
avancé,  n'écoutant  que  son  cœur  et 
sa  charité  ,  il  voulut  se  dévouer  au 
service  des  malades,  d'abord  dans 
l'entrepont  infect  du  bâtiment,  et 
ensuite  dans  l'île  Madame,  lors- 
qu'ils y  eurent  une  espèce  d'hô- 
pital. C'est  en  les  y  servant  qu'il 
fut  atteint  du  mal  qui  les  condui- 
soit  à  la  tombe;  et,  en  succom- 
bant lui-même,  il  mérita  tout  à  la 
fois,  et  la  palme  des  confesseurs 
de  la  Foi,  qui  acquièrent  la  gloire 
du  martyre  dans  les  tourmens ,  et 
la  palme  de  ceux  à  qui  cette  gloire 
est  donnée,  parce  qu'ils  ont  sacri- 
fié leur  vie  aux  besoins  des  pesti- 
férés. Il  expira  le  21  septembre 
1 794  :  ses  saintes  reliques  reposent 
dans  l'île  Madame.  (  V.  L.  A. 
Bernard,  et  J.  M.  Bernard.) 

BERNARD  (  Jean  -  MarIE  ), 
prêtre,  habitué  de  la  paroisse  de 
Lantic,  dans  le  diocèse  de  Saint- 
Brieuc,  étoit  né  à  Plounez ,  dans 
le  même  diocèse.  II  ne  sembloit 
pas  (pie  ,  malgré  son  éloignement 
de  la  constitution  civile  du 
clergé,  et  du  serment  de"  1791, 
il  dût  être  frappé  par  la  loi  du 
26  août  1792  ,  puisqu'il  n'étoit 
point  fonctionnaire  public ,  quand 
on  exigea  ce  serment.  Mais ,  prêtre 
zélé  et  fidèle  ,  il  étoir  utile  aux 
catholiques  de  sa  province.  Les 

i3. 


196  BER 

persécuteurs  du  département  des 
Côtes  du  Nord  le  leur  enlevèrent. 
11  fut  arrêté  en  1793,  et  conduit 
d'abord  à  Nantes,  puis  à  Lorient 
(  V .  Nevers)  ,  et  enfin  à  Roche- 
fort,  pour  être  déporté  au-delà 
des  mers  {V .  Rochefort).  On  le 
fit  embarquer  sur  le  navire  les 
Deux  Associés;  et  il  mourut  à  4> 
ans,  le  1 5  août  1794.  Ses  confrères 
l'inhumèrent  dans  Pile  d'y^'ec.  {V . 
J.  Bernard,  et  Jis  Bernard.) 

BERNARD  (Jacques),  curé  de 
Vouroux-lès-Varennes,  dans  le 
diocèse  de  Clermont,  né  à  Vichy- 
lès-Bains,  dans  le  même  diocèse, 
en  1725,  ne  se  rendit  point  cou- 
pable du  serment  schismatique  de 
1791  ;  et  son  amour  pour  ses  de- 
Toirset  pour  la  religion  en  péril, 
le  fit  rester  en  France,  malgré  la 
loi  du  26  août  1792.  Son  âge 
d'ailleurs  le  dispensoit  de  s'exiler 
(  V.  Déportation  ).  La  persécu- 
tion cependant  le  força  de  s'éloi- 
gner un  peu,  en  J793;  et  il  fut 
arrêté  sur  le  département  de  Y  Al- 
lier,  probablement  dans  son  pays 
natal.  On  l'associa  aux  prêtres 
que  le  proconsul  de  la  Conven- 
tion en  ce  département,  faisoit 
envoyer  à  Rochefort,  pour  être 
déportés  au-delà  des  mers  [V .  Ro- 
chefort). H  fut  embarqué  sur  le 
navire  les  Deux  Associés,  et  y 
mourut,  le  28  août  1794,  à  l'âge 
de  69  ans.  Les  autres  prêtres 
l'enterrèrent  dans  l'ile  Madame. 
(V.  J.  M.  Bernard  et  Bernardin  , 
wlijjieux.  ) 


BER 

BERNARD  (Loirs  -  François- 
Joseph  ) ,  prêtre  de  l'ordre  des 
frères  hospitaliers  de  Saint-Jean- 
de-Dieu,  où  il  étoit  appelé  le 
Père  Modeste,  a  voit  vu  le  jour  à 
Lille,  en  1742.  Il  étoit,  à  l'é- 
poque de  la  révolution,  aumônier 
de  l'hôpital  que  les  religieux  de 
son  ordre  desservoient ,  dans  la 
Trille  de  Poitiers.  Aucun  serment 
ne  fut  prêtépar  le  Père  Modeste; 
et  celui  de  liberté  -  égalité  lui 
parut  aussi  criminel  pour  le  moins 
que  celui  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé.  Les  refus  qu'il  fit 
aux  propositions  de  les  prêter , 
comme  encore  la  ferveur  exem- 
plaire de  sa  piété,  attirèrent  sur 
lui  la  plus  grande  haine  des 
hommes  révolutionnaires  de  la 
province,  déjà  transformée  en  dé- 
partement de  la  Vienne.  Comme 
il  ne  pouvoit  être  assimilé  aux  prê- 
tres fonctionnaires  publics  , 
non -assermentés,  que  la  loi  du 
26  août  1792  condamna  à  la  dé- 
portation ,  il  crut  pouvoir  sans 
danger  se  dispenser  de  sortir  de 
France  ;  et  il  se  félicitoit  d'avoir  la 
faculté  légale  de  rester  pour  le 
salut  des  catholiques.  Mais,  à  la 
fin  de  1793,  les  autorités  du  dé- 
partement, importunées  par  ses 
vertus  et  son  zèle,  le  firent  arrê- 
ter; et,  le  28  ventôse  an  II 
(18  mars  1794),  le  tribunal  cri- 
minel du  département,  siégeant 
à  Poitiers,  condamna  ce  bon  et 
charitable  religieux  à  être  déporté 
à  la  Guiaae,  Bientôt  il  fut  envoyé 


BER 

à  Rochefort,  pour  y  être  embar- 
qué {V .  Rochefort).  On  le  fit 
monter  sur  le  navire  les  Deux- 
Associés,  où  il  eut  à  supporter, 
indépendamment  des  maux  com- 
muns à  tous  ses  compagnons, 
une  souffrance  particulière,  infi- 
niment grave.  Un  pas  mal  assuré , 
sur  ce  navire  incommode  et  si 
fort  embarrassé,  l'avoit  fait  tom- 
ber rudement  dans  le  fond  de 
cale,  on  le  crut  mort,  tant  la 
chute  avoit  été  forte.  Il  en  eut 
le  corps  tout  froissé  et  meurtri.  Si 
ses  confrères  ne  fussent  accourus 
pour  le  secourir,  il  y  auroit  péri  ; 
et  les  douleurs  qui  lui  en  restoient, 
ne  s'affoiblissoient  que  lentement. 
Mais  cette  circonstance  ne  servit 
qu'à  faire  éclater  davantage  sa  pa- 
tience ,  sa  résignation ,  et  toutes  les 
autres  vertus  qu'il  possédoit  dans 
un  degré  très-éminent.  En  le  con- 
templant, on  se  sentoit  plus  de 
force  pour  souffrir  les  peines  aux- 
quelles on  étoit  livré,  et  plus  de 
courage  pour  conquérir  le  Ciel. 
Comme  si  la  Providence  eût  voulu 
conserver  cet  admirable  modèle  , 
pour  d'autres  prêtres  exposés  à 
des  maux  du  même  genre,  elle 
ne  permit  pas  qu'il  fût  du  nombre 
de  ceux  qui  moururent  en  si 
grande  quantité ,  dans  cette  pre- 
mière déportation.  Après  les  onze 
mois  qu'elle  dura,  on  le  mil  à 
terre,  avec  le  peu  de  déportés  qui 
vivoient  encore,  au  commence- 
ment de  février  1795  ;  et  il  fut 
conduit  comme  eux  à  Saintes,  où 


BER  197 

leurs  souffrances ,  quoique  moin- 
dres, durèrent  cependant  encore 
quelque  temps.  Quand  il  leur  fut 
permis  de  retourner  à  leurs  pré- 
cédens  domiciles  ,  le  Père  Mo- 
deste vint  à  Chartres,  où  il  pou- 
voit  trouver  plus  d'amis,  plus  de 
ressources,  et  surtout  plus  de  bien 
à  faire.  Il  y  reprit  avec  zèle  l'exer- 
cice du  saint  ministère  ,  et  dé- 
ploya librement  la  ferveur  de  sa 
piété ,  comme  si  la  persécution 
eût  totalement  disparu.  La  catas- 
trophe du  1 8  fructidor  (4  septem- 
bre 1797),  vint  le  détromper,  sans 
le  déconcerter.  Il  avoit  trop  d'ar- 
deur pour  le  rétablissement  de  la 
religion,  sa  vertu  pure  et  sincère  re- 
poussoit  avec  trop  d'horreur  le  ser- 
ment de  haine  exigé  parles  tyrans 
à  cette  époque,  pour  qu'ils  ne  le 
fissent  pas  arrêter  des  premiers.  Il 
fut  une  seconde  fois  traîné  à  Roche- 
fort, pour  une  nouvelle  déporta- 
tion {V .  Guiane).  On  l'embarqua, 
le  12  mars  1798,  sur  la  frégate  (a 
Charente,  d'où ,  le  25  avril ,  on  le 
fit,  non  moins  péniblement,  passer 
sur  la  frégate  (a  Décade  qui  devoit 
le  porter,  avec  beaucoup  d'autres , 
à  Cayenne.  Dans  cette  traversée, 
on  le  vit  tout  aussi  édifiant,  tout 
aussi  admirable  qu'il  l'avoit  été 
sur  les  Deux  Associés.  A  peine 
fut-il  arrivé,  le  1"  juin,  dans  la 
rade  de  Cayenne,  que  le  com- 
missaire du  Directoire  en  cette 
colonie ,  le  relégua  de  suite  à 
Ronanama.  Ceux  d'entre  ses  com- 
pagnons de  souffrances  qui ,  deux 


198  BER 
ans  après ,  en  revinrent ,  trou- 
voient   une   douce   autant  que 
sainte  consolation  à  raconter  que, 
dans  ce  désert,  «  le  Père  Mo- 
deste ,    par  ses  vertus  célestes 
et  sa  résignation  toute  surnatu- 
relle ,  ne  cessa  jamais  de  leur 
paroître  un  véritable  prédestiné  ; 
et  que  tous  avoient  pour  lui  la 
plus  profonde  vénération».  Il  y 
mourut  lentement  et  douloureu- 
sement, de  peste  et  de  misère, 
à  l'âge  de  56  ans,  le  10  octobre 
1798.  Dans  ses  derniers  instans, 
il  répétoit,  avec  un  élan  de  cœur 
où  se  manifestoit  le  plus  vif  em- 
pressement d'habiter  la  demeure 
éternelle,  ces  paroles  du  prophète- 
roi,  si  analogues  à  sa  situation  : 
«  Arrêtés  ici  sur  des  rives  affli- 
geantes, notre  douleur  ne  peut 
que  s'y  accroître  ,  en  pensant  à 
la  sainte  Sion ,  après  laquelle  je 
soupire  en  versant  des  larmes  de 
joie.  »  Super  flumina  Babylo- 
nis  iilic  sedimus  et  flevimus, 
dura  recordaremur  Sion.  Eh  ! 
ceux  qui  sèment  dans  les  larmes  ne 
recueilleront-ilspas  une  abondante 
moisson  de  délices  :  Qui  semi- 
liant  in  iacrymis ,  in  exutta- 
tionemetent?  Ce  ne  fut  pas  sans  re- 
grets cupides  que  les  persécuteurs 
subalternes  de  Konanama,  inscri- 
vant sur  leur  registre,  la  mort  du 
Père  Modeste,  se  virent  obligés 
d'y  ajouter  «  qu'il  éloit  mort  dénué 
de  tout,  »  et  sans  rien  laisser  à  leur 
rapacité.  (V.  C.  H.  Berger,  et 
P.  F.  Berthod.) 


BER 

BERNARD  (Dom) ,  Chartreux. 
(V.  A.  Jh  Ledoux.) 

BERNARD  (Sœur  Saint), 
religieuse.  (V .  Je  Bomiixon.) 

BERNARD  (N...) ,  pieux  habi- 
tant de  la  paroisse  de  Lavallay, 
près  de  Dol,  d'accord  avec  sa 
femme  ,  non  moins  pieuse  que 
lui,  donna,  avec  tout  le  zèle  de 
la  charité  et  de  la  Foi ,  un  asile 
en  leur  maison,  à  un  prêtre  de 
Montluc,  près  Savenay,  dont  les 
persécuteurs  avoient  mis  la  tête  à 
prix  (V.  Auffray).  Ils  l'y  décou- 
vrirent ;  et  ses  deux  hôtes  furent 
arrêtés  avec  lui,  le  1 5  mai  1794» 
On  les  traîna  ensemble  à  Savenay, 
où  la  commission  militaire  qui 
inondoit cette  ville  de  sang,  les  fit 
fusiller  tous  les  trois,  le  29  floréal 
an  II  (18  mai  1794)-  Bernard  et 
sa  femme  le  furent  comme  «  re- 
céleurs  de  prêtres  réfractaires  » . 
(V.  .Ie  Aux.) 

BERNARDERIE  (  Cdarles- 
Marie-Joseph  delà),  curé.  [V .  C. 

M.  J.  HUAULT.) 

BERNARDIN  (N...),  prêtre  et 
religieux  du  diocèse  de  Verdun, 
préserva  sa  Foi  de  toute  foiblesse  , 
lors  du  serment  schismatique  de 
1791.  La  terreur  dont  l'envelop- 
pèrent les  événemens  affreux  de  la 
fin  de  1792,  troubla  son  âme  au 
point  de  l'entraîner  à  prêter  le  ser- 
ment de  iiùertd-égalité,  prescrit 
à  cette  époque.  11  ne  s'en  mon- 
troit  pas  moins  attaché  à  la  reli- 
gion et  aux  devoirs  du  sacerdoce. 
Les  administrateurs  delà  contrée, 


BlvK 

transformée  en  département  de 
la  Meuse,  le  tirent  emprisonner  ; 
et  bientôt  le  tribunal  criminel  de 
ce  département  prononça  qu'il 
devoit  être  déporté  à  la  Guiane. 
Il  tut  donc  envoyé  a  Rochefort, 
pour  y  être  embarqué  {V .  Roche- 
fort).  On  l'y  fit  monter  le  navire 
les  Deux  Associés.  Les  souf- 
frances du  séjour  de  l'entrepont 
l'accablèrent  ;  et ,  craignant  d'a- 
voir, par  son  serment  de  liberté- 
égalité,  compromis  la  Foi  ca- 
tholique ,  pour  laquelle  on  le 
faisoit  souffrir ,  il  se  bâta  de  le 
rétracter.  Il  expira  dans  les  souf- 
frances, le  25  août  1794?  et  fut 
enterré  dans  l'île  Madame.  {V . 
J<ts  Bernard  et  B.  Biars.) 

BERNARDIN  {Le  Père),  reli- 
gieux Carme- Déchaussé.  (V.  F' 
Nicoias.) 

BERNARDON  (N....),  prêtre 
habitué  de  l'église  cathédrale  de 
Montpellier,  qui  n'avoit  point  fait 
le  serment  schismatique ,  ni  obéi  à 
l'inique  loi  de  déportation ,  voyant 
sa  tête  menacée  dans  la  ville  de 
Montpellier,  s'enfuit  dans  la  cam- 
pagne, en  se  dirigeant  vers  un  de 
ces  villages  dont  la  pauvreté  de- 
voit le  plus  détourner  les  regards 
des  persécuteurs.  Une  paysanne 
qui  n'avoit  d'autre  moyen  de  sub- 
sister que  le  produit  d'une  très- 
petite  laiterie,  voyant  ce  prêtre  in- 
fortuné errer  près  de  sa  chaumière, 
vint  le  prier  de  s'y  réfugier ,  quoi- 
qu'elle Sût  bien  de  quelle  peine 
elle  étoit  menacée  pour  cette 


BKR  199 

bonne  action  [V .  Je  Aux).  Il  n'y 
étoit  que  depuis  peu  de  jours  , 
lorsque,  dans  l'activité  des  per- 
quisitions domiciliaires  auxquelles 
se  livroient  les  agens  de  la  persé- 
cution, il  fut  découvert.  On  l'em 
mena  prisonnier  avec  sa  pieuse 
hôtesse.  Après  quelques  jours  pas- 
sés dans  les  prisons  de  Montpel- 
lier, il  fut  amené  devant  le  tribu- 
nal criminel  du  département  de 
V Hérault ,  siégeant  en  cette  ville  ; 
et  ,  le  i5  floréal  an  II  (dimanche 
4  mai  1 794) ,  les  juges  le  condam- 
nèrent à  la  peine  de  mort,  comme 
«  prêtre  réfractaire».  Le  bourreau 
s'étant  alors  approché  de  lui  pour 
lier  ses  mains ,  Bernardon  le  plia 
de  les  lui  laisser  libres,  afin  qu'il 
pût  faire  le  signe  de  la  croix  jus- 
que sur  l'échafaud.  Le  bourreau 
lui  répondit  qu'il  ne  pouvoit  lui 
accorder  cette  liberté  :  «  Eh  bien  ! 
repartit  le  vertueux  prêtre  ,  qu'a- 
vant d'être  lié ,  il  me  soit  du  moins 
permis  de  marquer  maintenant, 
pour  la  dernière  fois  ,  ma  per- 
sonne de  ce  signe  sacré  de  la  ré- 
demption, témoignage  de  la  Foi 
dans  laquelle  je  vais  mourir»  !  Lié 
ensuite  ,  il  marcha  à  l'échafaud 
avec  la  plus  ferme  confiance  en 
Dieu ,  et  périt  le  même  jour.  Sa 
pieuse  hôtesse  ne  tarda  pas  beau- 
coup à  subir  le  même  sort ,  comme 
«recéleuse  de  prêtres  réfractaires» . 
[V.  1/  Ballard,  E'k  Coste, 
J-i<  Lazuttes  et  A.  F.  A.  Rol- 
land.) 

BERNARDON  (Pierre)  ,  prêtre 


200 


BER 


BER 


du  diocèse  de  Clermont,  retiré 
à  Saint -Julien  -  de  -  Fix  ,  près 
Brioude,  avoit  été  curé  ou  vicaire. 
Comme  tel,  il  étoit  obligé  par  les 
lois  révolutionnaires  à  prêter  le 
serment  de  1791  ;  et,  s'il  l'avoit 
refusé,  à  sortir  de  France  en  1792. 
N'ayant  fait  ni  l'un  ni  l'autre, 
et  étant  resté  à  Saint-Julien  pour 
l'utilité  des  catholiques,  il  y  fut 
arrêté  vers  la  fin  de  1793.  Tra- 
duit ensuite,  le  29  floréal  an  II 
(18  mai  1794)?  devant  le  tribu- 
nal criminel  de  la  Haute-Loire , 
siégeant  dans  la  ville  du  Puy,  les 
Juges  le  condamnèrent  ce  jour-là 
même  à  la  peine  de  mort ,  comme 
«  prêtre  réfractaire  »  ;  et  il  fut  im- 
molé peu  d'heures  après  cette  con- 
damnation. [V.  J.  B.  Abeillon.) 

BERNARDON  (Clair)  ,  pieux 
laïc  de  la  paroisse  de  Saint- Julien- 
de-Fix,  près  Brioude,  dans  le 
diocèse  de  Clermont  ,  avoit 
donné  l'asile  à  son  parent,  pro- 
bablement son  frère  ,  le  prêtre 
P.  Bernardon  :  à  quoi  il  avoit  été 
porté,  non  seulement  par  ses  liens 
de  parenté ,  mais  encore  par  un 
sentiment  de  religion.  Lorsque  les 
persécuteurs  découvrirent  chez  lui 
cet  ecclésiastique  et  l'arrêtèrent, 
ils  se  saisirent  aussi  de  Clair  Ber- 
nardon et  de  sa  femme,  les  em- 
menèrent avec  lui  dans  les  prisons 
de  la  ville  du  Puy.  Là ,  résidoit  le 
tribunal  criminel  du  déparlement 
de  la  Haute- Loire  {V.  J.  B. 
Abeillon).  Clair  comparut  de- 
vant lui  avec  Pierre;  et,  emnême 


temps  que  celui-ci  fut  condamné  à 
mort,  «  comme  prêtre  réfractaire  » , 
celui-là  fut  envoyé  à  l'échafaud, 
comme  «  recéleur  de  prêtres  ré- 
fractai ces  »  [V.  J"  Aux),  le  29 
floréal  au  II  (18  mai  1794)»  ct 
périt  ce  jour-là  même. 

BERNARDON  (Thérèse  San- 
gbe,  épouse  de)...,  résidant  avec 
lui  à  Saint-Julien-de-Fix,  paroisse 
de  la  Basse-Auvergne  ,  comprise 
dans  le  département  de  la  Haute- 
Loire,  étoit  attachée  à  la  religion 
catholique  d'une  manière  inébran- 
lable. Vivement  touchée  des  per- 
sécutions faites  à  ses  ministres  en 
1793,  elle  cacha  dans  sa  maison, 
de  concert  avec  son  mari ,  un 
prêtre  dont  la  vie  étoit  menacée. 
H  fut  découvert  chez  eux;  et  on 
la  traîna  comme  lui  et  son  mari 
au  tribunal  criminel  du  départe- 
ment, siégeant  au  Puy  [V.  J.  B. 
Abeillon).  Ce  tribunal  la  con- 
damna, le  29  floréal  an  II  (18 
mai  1794),  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  recéleuse  de  prêtres  ré- 
fractaires  »  (  V.  J'  Alix  ).  Ces 
trois  Martyrs  périrent  ensemble 
le  même  jour.  [V .  C.  Bernardon.) 

BERON  (Jeanne),  pieuse  fille, 
demeurant  avec  deux  sœurs  non 
moins  vertueuses,  à  Daumcray, 
près  Durtal ,  en  Anjou  (  V .  les 
deux  articles  suivans),  mirent 
avec  raison  au  nombre  de  leurs 
devoirs  religieux,  celui  de  four- 
nir en  leur  maison  un  asile  aux 
prêtres  catholiques  ,  vivement 
recherchés   de   toutes  parts  et 


BER 

voués  à  la  mort.  Par  là ,  elles  pro* 
curoient  aux  fidèles  du  canton  le 
moyen  de  jouir  des  bienfaits ,  des 
secours  et  des  grâces  de  l'Eglise  : 
mais  leur  bonne  œuvre  fut  décou- 
verte ;  et  elles  Turent  arrêtées , 
puis  conduites  à  Angers  pour  y 
être  jugées  par  le  tribunal  crimi- 
nel du  département  de  Maine-et- 
Loire.  Elles  comparurent  devant 
lui  le  22  messidor  an  II  (10  juil- 
let 1794)5  et  furent  aussitôt  con- 
damnées à  la  peine  de  mort  , 
comme  «  recéleuses  de  prêtres  ré- 
fractaires  <>  (  V.  J"  Aux).  Elles 
perdirent  la  vie  en  même  temps, 
Je  jour  de  la  sentence. 

BERON  (Marie),  sœur  de 
Jeanne  et  de  Rénée,  ayant,  d'un 
commun  accord  avec  elles,  donné 
asile  à  des  prêtres  catholiques  dans 
Je  plus  fort  de  la  persécution,  fut 
condamnée  à  mort  avec  ses  deux 
sœurs,  comme  «recéleuse  de  prê- 
tres réfractaires»  ,  le  22  messidor 
an  II  (10  juillet  1794),  par  le 
tribunal  criminel  du  département 
de  Maine-et-Loïre ,  siégeant 
à  Angers  {V.  J'  Aux)  ;  et  on  l'im- 
mola le  même  jour  avec  ses  deux 
sœurs.  {V .  l'article  précédent  et  le 
suivant.) 

BERON  (Renée),  sœur  de 
Jeanne  et  de  Marie,  dont  il  vient 
d'être  parlé ,  subit  le  même  sort 
qu'elles,  en  même  temps,  et  pour 
la  même  bonne  œuvre.  Traduite 
avec  ses  deux  sœurs  devant  le 
tribunal  criminel,  siégeant  à  An- 
gers ,  elle  y  fut  pareillement  con- 


BER  soi 
damnée  à  la  peine  de  mort ,  le  22. 
messidor  an  II  (io  juillet  1794)  » 
comme  «  recéleuse  de  prêtres  ré- 
fractaires ».  {V.  Je  Alix.) 

BERRUYER  (Françoise), 
veuve.  {V.  Fe  Gagnère.) 

BERTAULT  (Charles-Denis), 
fut  l'un  des  dix-sept  prêtres  que  ls 
tribunal  criminel  du  département 
de  la  Vienne,  siégeant  à  Poitiers, 
fit  périr  à  la  fois,  comme.  «  réfrac- 
taires »,  le  28  ventôse  an  II  (18 
mars  1794)  ?  en  même  temps  qu'il 
en  condamnoit  beaucoup  d'autres 
à  être  déportés  à  la  Guiane  (  V . 
Rochefort).  La  sentence  rendue 
contre  Bertault ,  portant  qu'il  étoit 
domicilié  à  Paris,  suffit  pour  nous 
faire  comprendre  qu'il  y  avoit  été 
attaché  au  service  de  quelque  pa- 
roisse ;  qu'y  ayant  refusé  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du  clergé,  et  ce  refus  l'exposant 
à  de  grands  dangers,  il  s'étoit 
réfugié  dans  le  Poitou  qui  s'illus- 
troit  par  son  courageux  attache- 
ment à  la  Foi  de  Jésus  -  Christ 
{V .  Vendée);  et  que  le  zèle  avec 
lequel  il  y  exerça  son  ministère , 
lui  attira  toute  la  haine  des  tyrans, 
contre  l'impiété  desquels  s'étoieni 
soulevés  la  plupart  des  habitans 
de  celte  province.  {V .  M.  Babis 
et  A.  S.  Bertrand.  ) 

BERTH  AU  LT(iV. . .  ) ,  aîné,  curé 
d'Arleuf,  au  canton  de  Château- 
Chinon,  diocèse  d'Autun,  avoit 
été  expulsé  de  sa  paroisse  par  les 
autorités  civiles ,  à  cause  de  son  in- 
variable fidélité  aux  principes  de 


2oa  BER 

la  Foi  catholique  lors  de  In  cons- 
titution civile  du  clergé.  Il  en 
avoit  refusé  le  serment.  Comme 
il  étoit  âgé  de  62  ans  quand  fut 
rendue  la  loi  de  déportation  du 
2G  aofit  1792,  il  se  résigna  avec 
trop  de  confiance  à  la  condition 
rigoureuse  qu'elle  imposoit  aux 
sexagénaires  qui  ne  se  déporte- 
roient  pas  eux-mêmes  :  celle  de 
vivre  en  réclusion  sous  la  surveil- 
lance des  administrations  dépar- 
tementales. Il  fut  l'un  des  vieil- 
lards reclus  du  département  de  la 
Nièvre,  etsouffroit  avec  une  édi- 
fiante résignation  les  vexations 
qu'on  leur  faisoit  endurer  [V .  Niè- 
vre). Sa  bonne  foi  l'empêchoit 
de  prévoir  qu'au  mépris  de  la 
garantie  de  sécurité  qui  leur  étoit 
donnée  par  la  même  loi,  ils  n'é- 
toient  là  que  comme  en  réserve 
pour  leur  plus  entière  destruc- 
tion. Berthault,  qui  s'y  trouvoit 
avec  son  frère  cadet ,  curé  de 
GIux,  au  diocèse  de  Nevers,  en 
fut  enlevé  inopinément  comme 
tous  les  autres ,  et  traîné  avec 
eux  à  Nantes  pour  y  être  noyé 
{V.  Nantes).  Tout  ce  qu'il  souf- 
frit dans  le  trajet,  et  ensuite  dans 
la  galiote  du  port  de  Nantes ,  sur- 
passa de  beaucoup  le  supplice  de 
la  guillotine.  Il  n'y  périt  cepen- 
dant pas,  et  fut  du  petit  nombre 
de  survivans  que  l'on  envoya  à 
Brest,  quand  leur  sort  eut  l'air  de 
s'adoucir.  Il  portoit  avec  lui  le 
germe  d'une  fin  prochaine  que  dé- 
veloppa, d'une  manière  prompte 


BER 

et  cruelle,  le  brick  mal-sain  sur 
lequel  il  se  trouva  placé  dans  le 
trajet;  et  il  mourut  en  mer  le  8 
mai  1794?  ayant  assez  souffert 
pour  aller  recevoir  dans  le  ciel  la 
couronne  du  martyre.  La  santé  de 
son  frère  ayant  résisté  aux  mêmes 
épreuves ,  le  fit  échapper  à  la 
mort  qui  moissonna  presque  tous 
leurs  compagnons  de  déportation. 
{F.  Badoinot,  de  Saint-Martin- 
lès-Donzy,  et  Bonard,  chanoine.) 

BËRTHOD  (Pierre- François), 
prêtre,  né  à  Saint -Sigismond ,  en 
Savoie,  vers  1742,  et  chanoine 
de  la  collégiale  de  Sallènches , 
dans  la  même  province,  ne  fit 
point  le  serment  anti -religieux 
que  les  persécuteurs  ,  devenus 
maîtres  de  cette  contrée,  y  de- 
mandèrent aux  prêtres  [V .  Sa- 
voie). Il  trouva  le  moyen  de  se 
soustraire  à  leurs  recherches  ho- 
micides en  1793  et  1794;  mais 
les  années  suivantes  lui  ayant 
semblé  moins  funestes  à  la  reli- 
gion ,  il  reparut  dans  son  pays 
pour  y  seconder,  par  les  soins  de 
son  ministère ,  la  piété  des  ha- 
bitans.  La  catastrophe  du  18  fruc- 
tidor (4  septembre  1 797)  étant  sur- 
venue ,  et  le  lendemain  de  ce  jour, 
une  nouvelle  loi  de  déjiortation  à 
la  Cuiane  ayant  été  rendue  (  V. 
Guiane)  ,  le  chanoine  Berthod  fut 
recherché  ,  et  arrêté  pour  subir 
cette  peine.  On  l'envoya  à  Ro- 
chefort,  on,  le  12  mars  1798,  il 
fut  embarqué  sur  la  frégate  la 
Charente,  d'où  le  2a  avril  il 


IÎER 

passa  sur  la  frégate  la  Décade, 
qui,  vers  le  milieu  de  juin,  le  jeta 
dans  le  port  de  Cayenne.  Relé- 
gué presque  aussitôt  dans  le  dé- 
sert de  Sinnamary,  il  y  mourut 
de  la  peste,  le  17  janvier  1799?  à 
l'âge  de  56  ans.  (V.  L.  F.  Jil  Ber- 
nard et  H.  M.  Bertrand.  ) 

BERTRAND  (N...),  curé  de 
la  paroisse  de  Notre-Dame-du- 
Laus,  près  de  Briançon,  dans  le 
diocèse  d'Embrun,  ayant  été  ex- 
pulsé de  sa  cure  pour  n'avoir  pas 
voulu  trahir  sa  Foi  par  la  presta- 
tion du  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé,  et  repous- 
sant avec  une  égale  indignation 
celui  de  liberté-égalité,  ne  put 
se  dispenser  de  sortir  de  France 
lors  de  la  loi  de  déportation.  Ré- 
fugié en  Italie  pendant  les  hor- 
ribles temps  de  1793  et  1794*  il 
se  sentoit  perpétuellement  ramené 
par  son  cœur  et  son  zèle  vers  son 
troupeau.  Il  crut  pouvoirenfin  sa- 
tisfaire ses  affections  pastorales, 
après  le  neuf  thermidor,  si 
vanté  dans  l'étranger  ainsi  qu'en 
France,  comme  y  ayant  fait  cesser 
la  persécution.  Il  revint  donc 
en  1796,  ramené  par  le  désir  du 
salut  de  ses  ouailles;  mais  bientôt 
il  fut  arrêté  sur  le  territoire  du 
département  de  Y  Isère,  et  con- 
duit dans  les  prisons  de  Grenoble, 
chef- lieu  de  ce  département.  Le 
prétexte  de  l'y  faire  périr,  plutôt 
que  de  l'envoyer  à  la  Guiane,  ne 
manquoil  pas;  car  il  étoit  notoire 
dans  le  pays  que  le  curé  Bertrand 


BER  20:. 

avoit  obéi  à  la  loi  de  déportation 
du  26  août  1792.  On  le  livra 
donc  à  une  commission  militaire 
qui  le  condamna  à  être  fusillé , 
comme  «  émigré  -  rentré  ».  Ce 
meurtre  eut  lieu  en  décembre 
1797.  ^e  supérieur  ecclésiastique 
du  diocèse  de  Grenoble  nous  écri- 
voit  en  1800,  que  «  la  vertu  de  ce 
curé  avoit  tellement  éclaté  dans 
cette  procédure,  et  resplendissoit 
d'une  manière  si  touchante  sur  sa 
physionomie  comme  dans  toutes 
ses  actions ,  que  les  gendarmes 
qui  le  conduisirent  au  supplice  en 
étoient  émus  jusqu'aux  larmes  ». 
Sa  marche  fut  aussi  ferme  que  sa 
résignation  étoit  courageuse  ;  et  il 
termina  dignement  sa  vie  édi- 
fiante en  mourant  comme  un  vrai 
confesseur  de  Jésus -Christ  (  V, 
Ltjnel,  du  Buis;  Jh  B.  M"  Guit- 
labert  et  F.  M.  Revenaz).  Ces 
quatre  prêtres  furent  les  seuls  que 
la  ville  de  Grenoble  vit  immoler. 

BERTRAND  (  Antoine- Sil- 
vain),  curé  de  Warconnay,  dans 
le  Poitou ,  près  de  Loudun ,  étoit 
resté  fidèle  à  sa  Foi  et  à  ses  parois- 
siens. La  loi  de  déportation  du 
26  août  1792  n'avoit  pas  plus 
effrayé  son  zèle  ,  que  celle  du  ser- 
ment de  1791  n'avoit  ébranlé  sa 
croyance.  Il  fut  arrêté  en  1793*  et 
traîné  dans  les  prisons  de  Poitiers. 
Le  28  ventôse  (18  mars  1794)» 
le  tribunal  du  département  de  la 
Vienne,  siégeant  eiï  celte  ville, 
l'envoyaà lamort, comme  «prêtre 
réfractaire » ,  avec  les  seize  autres 


^u4  BER 

prêlres  qu'il  fit  immoler  ce  jour-là 
en  haine  de  la  religion.  (  V .  C.  D. 
Bebtault  et  Jh  Beynard.  ) 

BERTRAND  (  Henri-Mala- 
chie)  ,  prêtre,  né  en  17 56,  à  Mor- 
teraut,  dans  cette  partie  du  dio- 
cèse de  Trêves  avec  laquelle  nos 
réformateurs  politiques  compo- 
sèrent leur  département  des  Fo- 
rêts, étoit  religieux  de  l'ordre 
des  Bénédictins  dans  leur  maison 
d'Orval,  au  même  diocèse,  et  il 
y  avoit  la  charge  de  procureur. 
Lors  de  la  destruction  des  cloîtres 
dans  sa  province,  en  1792,  dom 
Bertrand  se  retira  dans  la  ville  de 
Trêves  {V.  Belgique);  et,  fer- 
mement attaché  à  la  Foi  catholi- 
que ,  il  la  conserva  dans  son  cœur 
et  dans  celui  de  beaucoup  de  fi- 
dèles,  pendant  1793  et  1794? 
sans  que  les  persécuteurs  pussent 
atteindre  sa  personne  ;  mais  ils  y 
réussirent  mieux  avec  le  masque 
de  tolérance  religieuse  dont  ils 
se  couvrirent  en  1796  et  1797. 
Dom  Bertrand ,  croyant  alors  que 
l'Eglise  avoit  obtenu  quelque 
paix,  se  montra  sans  défiance 
comme  un  digne  ministre  de  Jé- 
sus-Christ. C'étoit  se  livrer  à  la 
tempête  qu'alloit  élever  de  nou- 
veau, contre  la  religion  et  les 
prêtres ,  cette  explosion  prémédi- 
tée du  18  fructidor  (4  septembre 
1797).  La  loi  de  déportation  à  la 
Guiane ,  rendue  contre  eux  le 
lendemain  ,  enveloppa  dom  Ber- 
trand dans  les  perfides  lacets  des 
persécuteurs   (  V .  Belgique  et 


BER 

Guiane).  Il  fut  saisi  presqu 'aussi- 
tôt, et  traîné  à  Rochefort  pour  y 
être  embarqué.  Le  12  mars  1798, 
on  le  mit  sur  la  frégate  la  Cha- 
rente, puis,  le  25  avril,  sur  la 
frégate  la  Décade,  qui  le  jeta, 
vers  le  milieu  de  juin,  dans  le 
port  de  Cayenne,  d'où  il  fut  bien- 
tôt relégué  dans  le  désert  pesti- 
lentiel de  Konanama.  a  La  bonne 
foi  et  la  résignation  étoient 
peintes  sur  son  visage,  dit  un  de 
ses  compagnons  de  déportation  ; 
et  il  avoit  autant  de  vertus  que  de 
talens.  Sa  santé  étoit  encore  des 
plus  brillantes  quand  il  arriva 
dans  cette  contrée  ;  et  cependant , 
quoiqu'il  fût  d'une  complexion 
très  -  robuste  ,  il  mourut  d'étisie 
et  de  consomption  le  25  sep- 
tembre suivant  1798,  à  l'âge  de 
42  ans  ».  Resté  sans  ressources 
pécuniaires,  il  ne  laissa  rien  abso- 
lument aux  spoliateurs  des  prêtres 
de  Konanama.  (V.  P.  F.  Berthod 
et  E.  Billard.  ) 

BERTRAND  (Joseph),  curé 
dans  le  comtat  Venaissin ,  résidant 
à  Carpentras  ,  n'étoit  point  sorti 
de  France  ,  conformément  à  l'ini- 
que loi  de  déportation  contre  les 
prêtres  insermentés,  du  nombre 
desquels  il  avoit  le  mérite  d'être. 
Il  fut  arrêté  en  1793,  et  conduit 
dans  les  prisons  d'Avignon.  Le 
tribunal  criminel  du  département 
de  Vauclusc,  qui  siégeoit  en  cette 
ville,  le  condamna  à  la  peine  de 
mort ,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  »,  le  5  ventôse  an  II  (21  fé- 


BER 

vrier  1794)  et  cette  impie  sen- 
tence fut  exécutée  le  même  jour. 

BERTRANDI  (Louis),  reli- 
gieux Récollet  du  couvent  de  la 
petite  ville  de  Condrieux,  près 
Lyon ,  âgé  de  j5  ans,  et  né  dans 
celle  de  Callas,  près  Draguignan  , 
étoit  resté  dans  la  première  sur 
les  ruines  de  son  cloître,  après  la 
suppression  des  ordres  monas- 
tiques. En  déplorant  cette  sup- 
pression ,  il  continuoit  à  rendre 
son  ministère  sacerdotal  utile  aux 
catholiques  de  la  contrée,  et  tâ- 
choit  d'y  maintenir  le  règne  de  la 
Foi,  au  milieu  des  efforts  toujours 
croissans  que  la  révolution  fai- 
soit  pour  l'éteindre.  Les  fanatiques 
de  l'athéisme  s'en  vengèrent  lors- 
qu'ils eurent  leur  commission 
révolutionnaire  de  Lyon,  vers 
la  fin  de  1795  {V .  Lyon).  Le  P. 
Bertrandi,  saisi  par  eux,  et  amené 
à  cet  impie  tribunal,  y  fut  con- 
damné, le  27  pluviôse  an  II  (  i5 
février  1794) ,  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  fanatique  et  prêchant 
la  contre-révolution  » ,  que  les  ty- 
rans d'alors  croyoient  voir  dans 
la  profession  de  la  Foi  catholique 
et  la  pratique  des  vertus  de  l'Evan- 
gile. (  V .  Bauquis  et  Bétron.  ) 

BERTRY  {N.:),  curé  de 
Louvaines,  dans  le  diocèse  d'An- 
gers, avoit  été  mis  en  réclusion 
après  la  loi  de  déportation  du  26 
août  1792,  parce  qu'il  n'a  voit  pas 
fait  le  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé ,  et  que  son  âge 
avancé  ne  lui  avoit  pas  permis 


BÉS  2o5 
de   sortir  de  France.    Ce  n'en 
étoit  pas  assez  pour  les  persé- 
cuteurs; ils  voulurent  se  débar- 
rasser entièrement  des  prêtres 
sexagénaires  (  V.  Nevers).  Ceux 
d'Angers  furent  les  premiers  enle- 
vés de  leur  maison  de  réclusion. 
L'on  envoya  Bertry  avec  ses  véné- 
rables confrères  à  Nantes,  dans  le 
courant  de  novembre ,  pour  y  être 
noyé  avec  eux  {V.  Nantes);  et 
il  le  fut  dans  la  nuit  du  9  au  10 
décembre  1793,  avec  cinquante- 
sept  autres  d'Angers  {V.  Baudry), 
et  seize  des  diocèses  voisins.  Il 
périt  ainsi  pour  la  même  cause, 
et  à  peu  près  de  la  même  manière 
que  ce  saint  Théodore  et  ses  com- 
pagnons dont  l'Eglise  célèbre  la 
mémoire  le  5  septembre  :  Cons- 
tantinopoli,  dit  le  Martyrologe 
Romain, sanctorum  Martyrum 
Tkeodori,  Urbani,  Menedemi, 
et  sociorum  septuaginta  septem 
ecciesiastici  ordinis,  qui  à  Va- 
lente  imper  atore  pro  fuie  catho- 
lica,  in  navigio  impositi ,  jussi 
suntinmarecomburi.  [V.  Bau- 
dry, chapelain,  et  Beurrier,  de 
Durtal.  ) 

BES  (  Rosalie)  ,  que  l'on  trouve 
ailleurs  nommée  Rey,  étoit  reli- 
gieuse du  Saint-Sacrement,  sous 
le  nom  de  Sœur  Sainte-Pélagie, 
dans  la  ville  de  Boulène,  près  le 
Pont -Saint -Esprit.  Elle  conti- 
nuoit à  vivre  en  communauté  avec 
d'autres  religieuses  après  la  sup- 
pression des  cloîtres.  Devenue 
comme  elles  un  objet  duhaine  pour 


«îo6  m:  s 

les  impies,  elle  fut  traînée  a\ec 
elles,  au  nombre  de  quarante- 
deux,  dans  les  prisons  d'Orange, 
le  2  mai  1794*  pour  y  être  jugée 
par  l'impie  commission  révolu- 
tionnaire qui  alloit  s'établir  en 
cette  ville  (  V.  Orange).  Sa  con- 
duite dans  la  prison  fut  aussi  édi- 
fiante que  celle  de  ses  compagnes. 
On  en  peut  voir  le  récit  détaillé  à 
l'article  d'Albarède.  Son  crime 
principal  devant  les  juges  fut  de 
ne  vouloir  pas  faire  le  cerment 
de  liberté- égalité, '.  On  la  con- 
damna donc  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  fanatique,  comme  ré- 
fractaire  » ,  et  par  cela  même ,  sui- 
vant la  logique   des  tribunaux 
d'alors,  comme  «  contre-révolu- 
tionnaire » .  Quand  elle  entendit 
cette  sentence ,  elle  parut  trans- 
portée par  l'espoir  de  voir  finir 
pour  elle  la  vie  misérable  de  ce  bas- 
monde  ,  et  commencer  bientôt 
celle  de  la  céleste  immortalité.  Le 
jugement  étoit  à  peine  prononcé, 
que  ,  se  tournant  vers  trois  de 
ses  compagnes  condamnées  avec 
elle  à  la  même  peine  et  pour  la 
même  cause  (F.  E.  Pelissier, 
M*  Blanc  et  M"  Albarède),  elle 
leur  dit  avec  un  saint  enthou- 
siasme :  «  C'est  donc  aujourd'hui 
que  le  céleste  époux  va  nous  ad- 
mettre aux  noces  pour  lesquelles 
nous  n'avons  fait  jusqu'à  présent 
que  de  bien  légers  sacrifices  !  C'est 
vraiment  aujourd'hui  le  jour  de 
notre  mariage  !  »  Montrant  l'an- 
r.eau  qu'elle  avoit  reçu  le  jour  de 


BES 

sa  profession  religieuse  ,  «  Voilà  , 
dit-elle  ,  le  gage  de  la  promesse 
qui  nous  en  fut  faite  ,  et  qui  va 
être  remplie  en  ce  moment  :  al- 
lons, mes  sœurs,  allons  ensemble 
au  même  aulel;  que  notre  sang, 
en  lavant  nos  infidélités  ,  et  je 
mêlant  à  celui  de  la  victime  di- 
vine, nous  ouvre  les  portes  des 
tabernacles  éternels  »  !  Embras- 
sant ensuite  les  trois  religieuses  , 
elle  tira  de  sa  poche  une  boîte  de 
dragées,  et  les  leur  distribua,  en 
ajoutant  :  «  Ce  sont  les  dragées  de 
mes  noces  ».  Chacune  d'elles  en 
mangea  avec  une  sorte  de  délices. 
La  Sœur  Sainte-  Rosalie  reçut 
avec  elles  la  couronne  du  martyre , 
le  23  messidor  (11  juillet  1794), 
à  l'âge  de  34  ans-  Elle  étoit  née 
en  1760,  à  Baume,  près  Carpen- 
tras.  [V.  M.  C.  Blanc) 

BESNABD  (Marguerite),  sim- 
ple servante,  et  la  sainte  Blandi/ie 
de  l'Orléanais,  étoit  née  en  ijSi, 
dans  la  paroisse  de  Chessy,  prés 
Orléans.  Elle  remplissoit  les  hum- 
bles fonctions  de  domestique  au- 
près d'une  religieuse  sacrilége- 
ment  chassée  de  son  couvent  par 
la  révolution.  Cette  religieuse, 
nommée    Marie  -  Anne  Poullin 
(  V.  ce  nom),  demeuroit  à  Or- 
léans ;  et  sa  maison  étoit  devenue 
un  oratoire  pour  les  catholiques , 
en  ces  temps  exécrables  où,  sous 
peine  de  mort ,  il  étoit  défendu 
de    montrer    seulement  qu'on 
croyoit  en  Dieu.  Marguerite  Bes- 
nard ,  dont   la  Foi   n'étoit  pas 


BES 

moins  vive  et  courageuse  que 
celle  de  sa  maîtresse,  la  secondoit 
de  tout  son  pouvoir  dans  les  ser- 
vices spirituels  qu'elle  rendoit  par 
là  aux  bons  chrétiens  de  sa  con- 
noissance.  La  prudence  qui  leur 
faisait  prendre  les  précautions 
dictées  en  pareil  cas,  ne  pou  voit 
ralentir  leur  zèle  pour  la  gloire 
de  Dieu  et  la  consolation  des  li- 
dèles.  Les  persécuteurs  curent 
bientôt  découvert  ce  qu'elles 
a  voient  le  saint  courage  de  l'aire 
pour  les  catholiques  comme  pour 
elles-mêmes.  Elles  furent  arrêtées 
avec  le  prêtre  septuagénaire  qui 
remplissoit  chez  elles  les  fonctions 
de  pasteur  [F.  Hervillé).  Ainsi, 
jadis  en  Perse ,  la  servante  de 
sainte  Tarbula,  sœur  de  l'évêque 
Siméon,  fut  arrêtée  pour  être 
martyrisée  avec  elle,  et  devenir 
sa  compagne  à  la  mort  comme 
elle  l'avoit  été  dans  ses  bonnes 
œuvres  (1).  Marguerite  Besnard 
se  réjouit  de  n'être  pas  séparée 
de  sa  vertueuse  maîtresse  en  cette 
critique  circonstance,  et  fut  loin 
de  se  prévaloir  de  sa  condition 
servile  pour  être  soustraite  à  la 
peine  qui  la  menaçoit.  Traînée  à 
Paris  par  des  gendarmes  avec  la 
religieuse  Poullin  et  leur  direc- 
teur, elle  regarda  comme  un  bon- 


(i)  Sinieonis  Episcopi  soror,  iiomine 
Tarbula ,  ywgo  devota,  cnmprehenditur 
unà  ciim  famula  ipsiiis  quœ  idem  vitœ 
gehus  sectabatur,  etc.  etc.  (Sozom. 
tlist.  Ecoles.  L.  II  ,  c.  vin  et  seq.) 


BES  207 
heur  et  une  gloire  de  comparoître 
avec  eux  devant  les  juges  du  tri- 
bunal révolutionnaire.  Les  ré- 
ponses qu'elle  y  fit  avec  une  admi- 
rable sérénité,  étoient  autant  de 
professions  de  Foi  dignes  des  plus 
héroïques  Martyrs  de  la  primitive 
Eglise.  La  sentence  des  tyrans  ne 
la  déconcerta  pas  plus  que  leur 
aspect  ne  l'avoit  intimidée.  Cette 
sentence  où  l'atrocité  ne  fut  rete- 
nue par  rien  de  ce  qui  pouvoit  la 
rendre  extrêmement  absurde  , 
l'emporta  sur  ce  que  les  anciens 
tyrans  avoient  prononcé  de  plus 
révoltant  sous  l'un  et  l'autre  rap- 
port. L'humble  servante  Besnard, 
qui  n'avoit  de  hardiesse  que  pour 
les  choses  de  la  religion,  et  à  qui 
sa  profession,  ainsi  que  son  sexe, 
n'avoit  donné  pour  tout  le  reste 
que  des  habitudes  dociles  et  ti- 
mides ,  fut  condamnée  à  la  peine 
de  mort  comme  «  convaincue 
d'être  complice  des  conspirations 
et  complots  qui  avoient  existé  en 
la  commune  d'Orléans,  notam- 
ment en  1792,  1795,  et  jusqu'au 
mois  de  frimaire  (  décembre 
>/93)'  tendans  à  troubler  l'Etat 
par  une  guerre  civile,  en  armantles 
citoyens  les  uns  contre  les  autres , 
ou  contre  l'exercice  de  l'autorité 
légitime  (de  la  Convention),  par- 
ticulièrement en  opposant  les  fu- 
reurs du  fanatisme  à  la  majesté 
des  lois  (c'est-à-dire  la  pratique 
de  la  religion,  malgré  les  lois  de 
cette  Convention),  et  la  volonté 
sanguinaire  d'un  prêtre  appelé 


:>.o8  BES 

pape  à  la  souveraineté  du  peuple, 
à  la  puissance  du  législateur,  à 
l'autorité  du  magistrat;  en  tenant 
des  conciliabules  secrets  et  per- 
fides (c'est-à-dire  entendant  la 
messe,  et  se  réunissant  pour  des 
exercices  de  piété),  afin  de  prépa- 
rer les  succès  du  fanatisme,  et 
favoriser  ainsi  la  révolte  des  bri- 
gatuls  de  la  Vendée  (  V.  Vendée)  ; 
en  déguisant  le  sexe  d'homme 
sous  des  habits  de  femme  (parce 
qu'elle  avoit  déconcerté  les  juges 
avec  le  mâle  courage  de  ses  saintes 
réponses  )  ;  en  recueillant  des 
signes  de  f 'anatisme  pour  le  ral- 
liement des  contre -révolution- 
naires (parce  qu'on  avoit  trouvé 
chez  la  religieuse  Poullin  des  livres 
pieux,  des  images  édifiantes,  des 
ornemens  sacerdotaux,  des  vases 
sacrés):  Marguerite  Besnard  est 
condamnée  à  la  peine  de  mort ,  et 
ses  biens  acquis  à  la  république  »  : 
(sa  condition  de  domestique  at- 
testoit  qu'elle  étoit  sans  fortune). 
Ce  jugement  fut  rendu  le  1"  ni- 
vôse au  II  (21  décembre  1790). 
C'est  d'elle ,  comme  de  Marie- 
Anne  Poullin  et  du  prêtre  d'Her- 
villé ,  que  le  jeune  Bimbenet  [V '.  ce 
nom)  écrivoit  de  la  Conciergerie 
à  son  frère ,  le  29  du  même  mois , 
après  les  avoir  vu  marcher  à  la 
mort  :  «  Vous  ne  pouvez  vous 
faire  une  idée  du  courage  qu'ont 
montré  ces  généreux  athlètes,  et 
devant  les  juges,  et  en  allant  à 
l'échafaud.  Une  joie  chrétienne 
et  une  sainte  jubilation  étoient 


BES 

peintes  sur  leur  visage  ;  et  le 
peuple,  en  criant  vive  la  répu- 
blique ,  a  laissé  échapper  ces 
mots  :  Ils  sont  morts  en  saints  » . 
Marguerite  Besnard  n'avoit  alors 
que  l\i  ans. 

BESSIER  (Jean),  prêtre,  né 
à  Saint-Projet,  dans  le  départe- 
ment du  Lot,  n'avoit  point  fait  le 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé;  et,  malgré  la  loi  de 
déportation ,  il  étoit  resté  dans  sa 
province  pour  les  besoins  spiri- 
tuels des  catholiques.  Il  y  fut 
arrêté  en  1790,  et  traîné  à  Bor- 
deaux en  1794»  pour  en  être 
déporté  au-delà  des  mers  (  V .  Bor- 
deaux ).  Quand  le  premier  em- 
barquement s'y  fit ,  trois  mois 
après  la  chute  de  Roberspierre,  le 
prêtre  Bessier  ne  put  y  être  com- 
pris; et  il  resta  emprisonné  dans 
le  ci-devant  couvent  des  Cathe- 
rinettes.  Ses  forces  succom- 
boient  sous  le  poids  de  ses  maux  : 
il  alloit  expirer;  on  le  porta  bien 
vite  à  l'hôpital  de  Saint-André  de 
la  même  ville,  et  il  y  rendit  son 
dernier  soupir  le  i5  novembre 
1794,  à  l'âge  de  60  ans.  {F.  3H. 
Belletrux  et  Jh  Bessière.  ) 

BESSIÈRE  (Joseph),  curé  des 
Places,  près  Souilhac,  dans  le  dio- 
cèse de  Cahors,  né  à  Saint- Félix 
de  la  même  province  ,  départe- 
ment du  Lot ,  avoit  refusé  le  ser- 
ment de  1791  ,  et  n'avoit  point 
obéi  à  la  loi  de  proscription  ren- 
due le  26  août  1792.  Exposant 
ainsi  sa  vie  pour  continuer  à  reu- 


BES 

vire  son  ministère  utile  aux  catho- 
liques ,  il  tomba  dans  les  mains 
des  persécuteurs  qui  l'envoyèrent 
à  Blaye ,  où  devoit  se  faire  un 
embarquement  de  prêtres  desti- 
nés à  la  déportation  au-delà  des 
mers  {V .  Bordeaux).  Le  souter- 
rain du  fort  de  l'île  du  Pûlé  fut  le 
lieu  où  on  l'enferma ,  en  atten- 
dant le  jour  de  l'embarquement 
qui  n'arriva  qu'à  la  fin  de  l'au- 
tomne 1794?  trois  mois  après  ce 
neuf  thermidor,  si  vanté  pour 
sa  justice.  Le  curé  Bessière  avoit 
tant  souffert  dans  cet  horrible  ca- 
chot, qu'il  succomboit  déjà  sous 
le  poids  de  ses  maux  à  la  fin  de 
septembre.  Pour  qu'il  ne  mourût 
pas  dans  le  fort,  on  le  transporta 
défaillant  à  l'hôpital  de  Blaye,  et 
il  expira  le  16  vendémiaire  an  II 
(  6  octobre  1 794  ) ,  à  l'âge  de 
49  ans.  Les  témoins  de  ses  souf- 
frances et  de  sa  mort  nous  attes- 
tent «  qu'il  fut  un  de  ces  modèles 
de  résig  nation  et  de  patience ,  dont 
l'exe  mple  admirable  encourageoit 
les  autres  à  supporter  les  maux 
inexprimables  qu'ils  parlageoient 
avec  lui  ».  {V.  J.  Bessier  et  F. 
Besson.  ) 

BESSIN  (iV...  ),  curé  de  la 
paroisse  de  Saint-Michel,  dans  le 
diocèse  d'Evreux,  ayant  refusé  de 
faire  le  serment  schismatique  de 
1791 ,  étoit  expulsé  de  sa  paroisse 
parles  autorités  révolutionnaires 
qui  le  remplaçoient  alors  par  un 
prêtre  assermenté.  Mais  le  véri- 
table pasteur,  tout  en  se  résignant  à 

2. 


BES  209 

cette  humiliation,  nepouvoit  con- 
sentir à  livrer  les  ornemens  et  les 
vases  sacrés  à  cet  intrus;  suivant 
l'exemple  des  premiers  chrétiens, 
il  les  avoit  cachés  pour  qu'ils  ne 
tombassent  pas  entre  les  mains 
des  profanateurs.  Les  impies  firent 
croire  aux  paroissiens  que  leur 
curé  s'étoit  approprié  ces  objets; 
et,  d'après  cette  fausse  opinion, 
quelques  pervers  vinrent  l'as- 
saillir dans  sa  retraite  ,  et  l'a- 
menèrent devant  la  municipalité 
comme  un  voleur.  Sur  cette  accu- 
sation ,  il  répondit  qu'il  n'avoit 
eu  d'autre  but  que  de  soustraire 
les  vases  sacrés  à  la  profanation, 
suivant  les  anciennes  lois  de 
l'Eglise  ;  mais  comme  on  insis- 
toit,  en  travestissant  odieusement 
un  aussi  pur  motif,  il  crut  devoir 
indiquer  le  lieu  où  il  les  avoit 
cachés.  Là ,  auroit  dû  finir  la  co- 
lère Je  ceux  qui  l'avoient  amené, 
s'ils  n'eussent  pas  été  poussés  par 
la  rage  la  plus  impie  contre  les 
prêtres.  Les  forcenés  deman- 
dèrent sa  tête  ;  et  le  maire,  en  les 
conjurant  de  ne  pas  commettre 
un  assassinat,  fit  conduire  ce  pas- 
teur en  prison,  leur  disant  d'at- 
tendre que  le  tribunal  eût  pro- 
noncé sur  cette  espèce  de  délit  anti- 
révolutionnaire.  Mais  ces  hommes 
atroces  vont ,  dans  l'impatience 
de  leur  fureur,  arracher  le  curé 
Bcssin  de  sa  prison,  le  promènent 
dans  le  bourg,  en  le  frappant  avec 
la  crosse  de  leurs  fusils,  et  enfin  le 
percent  de  mille  coups.  Il  suc- 

4 


310  BES 

combe;  et  sa  mort  ne  suffit  pas  à 
leur  rage  impie.  Ils  lui  coupent 
les  bras  et  la  tête ,  les  portent  en 
triomj  hc ,  et  vont  les  jeter  ensuite 
dans  la  rivière.  Leur  fureur  n'est 
cependant  pas  encore  assouvie  ;  ils 
reviennent  au  tronc  du  cadavre, 
le  traînent  par  les  rues ,  en  le 
frappant  avec  des  bâtons,  le  dé- 
chiquetant mêmeàcoupsde  sabres 
et  de  baïonnettes,  et  forcent  les 
passans  à  frapper  avec  eux.  Les 
tristes  restes  de  ce  pasteur  furent 
portés  devant  le  cimetière,  où  ils 
restèrent  encore  long-temps  expo- 
sés aux  outrages  des  médians  et 
à  la  dent  des  animaux,  avant 
d'obtenir  la  sépulture.  Ce  meurtre 
eut  lieu  le  9  septembre  1792,  ù 
l'imitation  des  massacres  de  Paris. 
(  V .  Septembre.  ) 

BESSON  (François),  prêtre, 
né  à  Saint-Cirgue-de-Jourdane , 
dans  le  diocèse  de  Saint- Flour,  y 
étoit  resté  pour  les  besoins  des 
catholiques,  quoiqu'il  n'eût  point 
fait  le  serment  schismatique  de 
1791 ,  et  malgré  la  loi  de  dépor- 
tation rendue  le  26  août  1792 
contre  les  prêtres  insermentés. 
Dans  le  courant  de  l'année  sui- 
vante, il  fut  surpris  par  les  agens 
de  la  persécution,  et  jeté  dans  les 
cachots.  On  l'en  tira  en  1794? 
afin  de  le  conduire  à  Bordeaux  où 
il  devoit  être  embarqué  pour  la 
Guiane  [V.  Bordeaux).  Quand 
le  premier  embarquement  s'y  lit, 
trois  mois  après  la  mort  de  Robers- 
pierre. ,  Besson  ne  put  y  être  coni- 


BES 

pris  :  on  le  laissa  enfermé  dans  la 
maison  qui  avoit  été  le  couvent 
des  Calherinetles  ;  et,  en  jan- 
vier 1790,  les  prêtres  n'ayant  pas 
encore  obtenu  la  cessation  de  leur 
captivité ,  malgré  les  belles  paroles 
de  justice  et  d'humanité  dont  re- 
tentissoit  la  salle  de  la  Convention , 
Besson ,  succombant  sous  le  poids 
de  ses  souffrances ,  et  porté  comme 
moribond  à  l'hôpital  de  Saint- 
André,  y  rendit  son  dernier  sou- 
pir, à  l'âge  de  55  ans,  le  6  janvier 
1795.  {V .  J "  Bessière  et  A.  Bois- 

SENADE.) 

BEST  (Barthélemi)  ,  simple 
cultivateur,  demeurant  à  Beaune 
en  Auvergne,  près  Craponne, 
diocèse  du  Puy,  et  zélé  pour  le 
maintien  de  la  Foi  catholique 
dont  sa  conduite  vertueuse  por- 
toit  l'empreinte  en  toutes  choses, 
fut  excité  par  elle  à  donner  asile 
à  des  prêtres  non- assermentés 
dont  la  vie  étoit  en  péril.  Sa 
femme  et  sa  sœur  concouroient 
avec  lui  à  exercer  une  si  pieuse 
hospitalité.  Les  persécuteurs  le 
surent  ;  et,  ces  trois  personnes 
furent  arrêtées  en  même  temps, 
au  printemps  de  1794-  On  les 
traîna  dans  les  prisons  de  la  ville 
du  Puy,  où  siégeoit  le  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
Haute- Loire  \V .  J.  B.  Abeil- 
lon).  Ce  tribunal,  les  ayant  fait 
comparoître  ensemble  tous  les 
trois,  le  29  prairial  an  II  (17  juin 
1794),  les  condamna  en  même 
temps  à  la  peine  de  mort ,  comme 


BES 

«  recéleurs  de  prêtres  réfractaires  ». 
{V.  J«Aux.) 

BEST  (Marie-Anne  Boche, 
femme  du  cultivateur),  demeu- 
rant avec  lui  à  Beaune  en  Au- 
vergne [V.  B.  Best),  offroit  un 
de  ces  nombreux  exemples  de 
piété  dont  abondoit  cette  pro- 
vince {F.  J.  B.  Abeillon).  Elle 
rivalisoit  de  soins  avec  son  mari 
pour  adoucir  aux  prêtres  persé- 
cutés les  rigueurs  de  leur  sort,  et 
de  courage  encore  pour  leur  four- 
nir dans  sa  maison  un  asile  contre 
les  persécuteurs  qui  les  recher- 
choient  afin  de  les  faire  périr. 
Surprise  avec  son  mari  et  sa 
belle-sœur  dans  l'exercice  de 
cette  généreuse  et  sainte  hospi- 
talité,  elle  fut  arrêtée  avec  l'un 
et  l'autre.  Conduite  au  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
Haute-Loire,  siégeant  au  Puy, 
elle  y  fut  condamnée,  le  même 
jour  que  son  mari  et  sa  belle- 
sœur,  à  la  peine  de  mort,  comme 
«  recéleuse  de  prêtres  réfractaires  ». 
{V.  y  Aux.) 

BEST  (Marie),  simple  ouvrière 
en  dentelles  du  Puy  en  Velay, 
sœur  de  Barthélemi  Best  ,  et 
belle -sœur  de  Marie- Anne  dont 
il  vient  d'être  parlé,  demeuroit 
avec  eux  dans  la  même  maison. 
Douée  d'une  égale  piété,  animée 
d'une  Foi  aussi  vive  ,  elle  partagea 
le  mérite  qu'ils  acquéroient  en 
cachant  dans  leur  domicile  des 
prêtres  insermentés  que  recher- 
choit  le  fer  des  persécuteurs  [V . 


BET  2  1 1 

J.  B.  Abeillon).  Elle  tomba  elle- 
même  entre  leurs  mains  quand 
ils  arrêtèrent  son  frère  et  sa  belle- 
sœur.  Emmenée  avec  l'un  et 
l'autre  dans  les  prisons  du  Puy, 
et  jugée  par  la  même  sentence 
qui  les  envoya  à  l'écliaf.iud,  elle 
fut  condamnée  au  même  sort, 
sous  l'atroce  accusation  d'être 
aussi  «  une  recéleuse  de  prêtres 
réfractaires  ».  {V .  Je  Alix.  ) 

BETOD  (Marie -Antoine  La- 
pinois  de),  chanoine  et  troisième 
archidiacre  de  la  cathédrale  de 
Sarlat  en  Périgord ,  ne  quitta 
point  cette  ville  après  la  destruc- 
tion de  son  chapitre ,  ni  même 
après  le  barbare  décret  de  dépor- 
tation du  26  août  1792.  Son  zèle 
pour  les  catholiques,  auxquels  il 
avoit  donné  l'exemple  d'une  sainte 
résistance  aux  erreurs  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé ,  le 
rendit  extrêmement  odieux  aux 
impies.  Arrêté  par  eux  en  179^, 
il  fut  conduit  dans  les  prisons  de 
Périgueux;  et  le  tribunal  criminel 
du  département  de  la  Dordogne 
qui  siégeoit  en  cette  ville,  le  con- 
damna ,  le  14  messidor  an  II 
(2  juillet  1794)?  à  la  peine  de 
mort ,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  ».  {V .  J.  Haumont,  J.  Gre- 
zei,  et  P.  Lavergne.  ) 

BETREMIEUX  {Le  Père,  Da- 
bi ase)  ,  prêtre  et  religieux  Piécol- 
let  du  couvent  de  Valenciennes , 
né  en  1751  à  Watrelos,  dans  la 
Flandre  Walonne,  près  de  Lille, 
employa  sa  vie  à  la  pratique  des 

«4- 


,212  BEI 
vertus  monastiques ,  et  à  l'exer- 
cice des  fonctions  les  plus  pénibles 
du  saint  ministère.  Il  étoit  comme 
le  consolateur-né  des  malheureux 
que  la  justice  humaine  cnvoyoit 
au  dernier  supplice.  C'étoit  tou- 
jours lui  qui  les  y  accompagnoit; 
et ,  dans  cette  l'onction  remplie 
pendant  long -  temps  avec  toute 
l'ardeur  de  la  charité,  ce  ne  fut 
presque  jamais  en  vain  qu'il  les 
exhorta  à  faire  une  mort  chré- 
tienne. Les  réformes  anti-  reli- 
gieuses de  1791 ,  qui  le  chassèrent 
de  son  cloître  ,  et  firent  une  guerre 
si  perfide  à  la  religion  catholique, 
attristèrent  son  cœur  sans  refroi- 
dir son  zèle  qui  s'animoit  au 
contraire  d'autant  plus  qu'elle 
étoit  davantage  en  péril.  Il  lui 
fallut  sortir  de  France,  lors  de  la 
barbare  loi  de  déportation  rendue 
le  26  août  1792;  et  ce  ne  fut  pas 
sans  douleur  qu'il  abandonna  les 
fidèles  de  Valenciennes  aux  pièges 
des  impies.  Dès  qu'il  crut  pou- 
voir revenir  à  leur  secours,  après 
que  les  Autrichiens  eurent  sous- 
trait cette  ville  aux  fureurs  de  la 
Convention,  le  1"  août  1793 
{V.  Valenciennes),  il  y  revint 
avec  empressement  ;  et  son  minis- 
tère y  rendit  des  services  innom- 
brables. Mais,  treize  mois  après, 
lorsque  les  troupes  de  la  Conven- 
tion rentrèrent  dans  Valenciennes , 
le  1er  septembre  1794?  le  P.  Da- 
mase  y  resta  au  pouvoir  des  persé- 
cuteurs, qui  le  firent  condamner 
par  leur  commission  militaire 


BET 

comme  «émigré-rentré».  Ce  pré- 
texte déguisoit  mal  leur  véritable 
motif,  cette  haine  de  la  religion 
qui  auroit  voulu  en  détruire  tous 
les  ministres.  Le  jour  même  où  , 
déjà  jugé  ,  le  P.  Damase  savoit 
qu'il  alloit  périr,  il  voulut  dire  sa 
dernière  messe  dans  son  cachot. 
Presque  toutes  les  personnes  em- 
prisonnées pour  des  cauies  ana- 
logues y  assistèrent,  et  eurent  le 
céleste  spectacle  d'un  saint ,  qui , 
en  offrant  le  sacrifice  non  sanglant 
du  corps  et  du  sang  de  Jésus- 
Christ,  lui  faisoit  en  même  temps 
le  sacrifice  de  sa  vie.  Il  fut  déca- 
pité à  l'âge  de  63  ans ,  avec  quatre 
autres  religieux  et  deux  curés 
[F.  L.  GcvoT,  J.  F.  Lecuotre  , 
A.  JhLEDOcx,  C.  H.  Delplace, 
M.  Libert,  et  B.  Seclosse},  le  24 
vendémiaire  an  III  (  i5  octobre 
1 794  ) ,  c'est-à-dire  deux  mois 
et  vingt  jours  après  la  mort  de 
Roberspierre.  {V .  J.  L.  Barrez  et 
Breuvart.  ) 

BÉTRON  (Michel),  prêtre  et 
chanoine-baron  de  l'église  collé- 
giale de  Saint-Just  de  Lyon,  de- 
puis 1782,  étoit  né  vers  1 704  dans 
la  ville  de  Châtcaunetif  en  Beauce , 
au  diocèse  de  Chartres ,  où  il  avoit 
été  curé.  Après  la  suppression  des 
chapitres,  en  1791,  il  resta  dans 
la  cité  où  il  étoit  chanoine;  et  son 
âge  avancé  ,  qui  ne  lui  permet- 
toit  guère  de  chercher  un  asile 
ailleurs,  l'empêcha  de  sortir  de 
France  après  la  loi  du  26  août 
1792.  Conservant  toujours  ce  zèle 


BEI! 

qu'il  avoit  montré  clans  sa  cure, 
pour  le  salut  des  âmes ,  avant 
d'être  chanoine  de  Saint  -Just, 
il  l'exerçoit  encore  autant  que 
ses  forces  pouvoient  le  lui  per- 
mettre. Les  persécuteurs  ne  l'ou- 
blièrent point,  lorsqu'ils  eurent 
à  leur  disposition  cette  commis- 
sion révolutionnaire  de  Lyon, 
qui  chaque  jour  euvoyoit  des  vic- 
times à  la  mort  par  centaines 
(  V.  Lyon).  Il  fut  traduit  de- 
vant ce  féroce  tribunal,  qui  lui 
demanda  le  serment  de  iiberté- 
égalité ,  et  la  tradition  de  ses 
lettres  de  prêtrise.  Bétron  relusa 
l'un  et  l'autre  avec  tout  le  cou- 
rage que  peut  donner  la  Foi  la 
plus  affermie  ;  et  il  fut  envoyé 
à  la  mort  le  16  pluviôse  an  II 
(4  février  1694  )•,  à  l'âge  de  60 
ans,  comme  «  prêtre  réfractaire 
qui  ne  vouloit  pas  se  conformer 
aux  lois».  {V.  Bertrandi  et  Bevi.) 

BEUBRIER  (  2V...  )  ,  prêtre, 
docteur  en  théologie,  et  curé  de 
Saint- Pierre- de  -  Durtal,  dans  le 
diocèse  d'Angers ,  avoit  mieux 
aimé,  malgré  son  grand  âge,  cou- 
rir les  risques  de  la  plus  violente 
persécution  que  de  trahir  sa  Foi 
par  la  prestation  du  serment  schis- 
matique  de  1791.  La  loi  de  dépor- 
tation du  26  août  1792  contre  les 
insermentés  en  avoit  dispensé  les 
sexagénaires ,  mais  en  les  con- 
damnant à  la  réclusion.  Le  curé 
Beurrier  étoit  enfermé  avec  beau- 
coup d'autres  vénérables  confrères 
à  Angers,  lorsque  les  persécuteurs 


BEV  213 

imaginèrent,  en  novembre  1795, 
de  se  débarrasser  d'eux  en  les  en- 
voyant périr  à  Nantes  {V .  An- 
cers,  Nevers  et  Nantes).  Ce  res- 
pectable pasteur  fut  donc  alors 
conduit  avec  eux  au  proconsul 
Carrier  qui  les  fit  submerger  dans 
la  nuit  du  9  au  10  décembre  1 793 , 
au  nombre  de  cinquante-huit, 
avec  seize  autres  venus  d'ailleurs. 
Sa  mort  fut  celle  de  ce  saint  Mé- 
né  ième  de  Constantinople ,  et  de 
soixante-dix-neuf  autres  que  l'em- 
pereur Valens  fit  périr  sur  un  na- 
vire dans  le  golfe  d'Artaque ,  et 
que  l'Eglise  honore  comme  Mar- 
tyrs, le  18  mai  et  le  5  septembre. 
(  V.  Bertry  ,  de  Louvaines,  et 
Briançon. ) 

BEVI  (Jacques-Anselme  Per- 
ruquet  de),  laïc-noble,  habitant 
à  Toirette  où  il  étoit  né,  dans  le 
diocèse  de  Saint-Claude,  y  avoit 
atteint  l'âge  de  69  ans,  en  don- 
nant à  sa  province  l'exemple  d'une 
inviolable  fidélité  aux  principes 
monarchiques;  et  cette  fidélité 
avoit  pour  base  et  pour  soutien 
la  religion  catholique  dont  il  fai- 
soit  une  éclatante  profession.  Ce 
fut  elle,  autant  que  son  attache- 
ment à  la  monarchie ,  qui  lui 
donna  la  fermeté  qu'il  montra  en 
refusant  solennellement  son  adhé- 
sion à  la  constitution  républi- 
caine que  les  réformateurs  poli- 
tiques avoient  improvisée  le  21 
septembre  1792.  Les  impies  ré- 
volutionnaires s'en  vengèrent 
cruellement  lorsqu'ils   eurent  à 


m4  BET 
leur  disposition  cette  cruelle 
commission  révolutionnaire  de 
Lyon,  qui  immoloit  avec  plus  de 
fureur  les  royalistes  qui  l'étoient 
parprincipedereligion  [V .  Lyon). 
Bevi  l'ut  traîné  de  Toirette  à  Lyon 
pour  être  livré  à  cette  espèce  de 
tribunal.  Les  monstres  qui  en 
étoient  les  juges  lui  demandèrent 
le  serment  de  liberté-égalité  ;  et 
il  le  refusa  comme  un  acte  aussi 
contraire  à  sa  Foi  qu'à  ses  affec- 
tions royalistes.  Le  tribunal  le 
condamna  à  périr,  le  26  pluviôse 
an  II  (14  février  1794)5  comme 
«  contre-révolutionnaire,  qui  n'a- 
voit  voulu  ni  accepter  la  consti- 
tution républicaine,  ni  prêter  le 
serment  à  la  liberté  et  à  l'éga- 
lité». (V.  Bétron  et  Blanchar- 
don.  ) 

BEYNABD  (Joseph)  ,  curé  de 
la  paroisse  de  la  Couture,  dans  le 
diocèse  de  Luçon ,  non  loin  de  Bo- 
che-sur-Yon,  étoit  resté  près  de  ses 
paroissiens  ,  quoiqu'il  fût  inser- 
menté ,  et  par  conséquent  pros- 
crit par  la  loi  de  déportation.  La 
persécution  ayant  atteint  son  plus 
haut  période,  au  commencement 
de  1794?  ce  curé  fut  arrêté  et 
conduit  dans  les  prisons  de  Poi- 
tiers (  V .  Vendée  ).  Le  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
Vienne,  qui  siégeoit  en  cette 
ville,  le  fit  comparoître  devant 
lui,  le  28  ventôse  an  II  (18  mars 
1794),  avec  un  très-grand  nom- 
bre d'autres  prêtres  également  in- 
sermentés; et,  comme  eux,  il  fut 


BIA 

condamné  à  la  peine  de  mort , 
en  qualité  de  «  prêtre  réfractaire  ». 
(V.  A.  S.  Bertrand,  et  L.  M. 
Blondet.) 

BIABDS  (Barthélemi  Lamoré- 
EIE  des),  prêtre  et  religieux  Clu- 
niste  de  l'ancienne  observance  , 
sécularisée  canoniquement  avant 
la  révolution  ,  résidoit  près  de  sa 
famille,  à  Saint-Yrieix,  dans  le 
diocèse  de  Limoges.  Il  avoit  un 
frère  chanoine  de  l'église  collé- 
giale de  cette  ville  (V.  Breuil);  et 
leur  oncle  en  étoit  le  doyen  (V. 
Phtredon).  Comme  eux,  il  se 
montra  invincible  dans  sa  Foi,  et 
dans  son  attachement  aux  devoirs 
du  sacerdoce,  en  1791  et  1792; 
comme  eux,  il  fut  arrêté  en  1795, 
et  condamné  à  la  déportalion  ma- 
ritime ,  par  le  tribunal  criminel  du 
département  de  la  Haute-Vienne. 
Envoyé  avec  eux  à  Bochefort , 
pour  y  être  embarqué,  il  fut  placé 
sur  le  navire  les  Deux  Associés 
[V .  Bochefort).  Son  tempéra- 
ment secondant  sa  Foi,  il  soutint 
assez  heureusement  les  cruelles 
tortures  de  l'entrepont  de  ce  bâti- 
ment ;  et  sa  charité  le  porta  à  se 
faire  l'un  des  infirmiers  qui  ser- 
voient  les  autres  prêtres  malades 
et  mourans.  Il  fut  atteint  des 
maux  pestilentiels  qui  les  enle- 
voient,  et  en  mourut  lui-même, 
obtenant  ainsi  tout  ensemble,  et 
la  palme  du  martyre  qu'on  mé- 
rite en  mourant  au  service  des 
pestiférés,  et  celle  qu'on  acquiert 
en  périssant  pour  la  Foi,  au  mi- 


BID 

lieu  des  supplices.  Il  expira  le 
1 3  juillet  1 794  ,  à  l'âge  de  l\o  ans. 
Un  de  ses  compagnons  de  dépor- 
tation nous  atteste  qu'il  «  étoit 
d'une  douceur  admirable».  Ses 
ossemens  reposent  dans  l'île 
à'Jix.  {V.  Bernardin  ,  de  Ver- 
dun ,  et  C.  R.  Bignon.) 

BICHE  (Jean-Baptiste),  Béné- 
dictin. {V.  J.  B.  Labiche.) 

BIDAU  (François),  habitant  de 
Plédran  ,  dans  le  diocèse  de  Saint- 
Brieuc,  et  maire  de  cette  paroisse 
où  il  étoit  né  en  i?5o,  avoit  faci- 
lité aux  catholiques,  les  moyens 
de  remplir  leurs  devoirs  de  reli- 
gion. Plein  de  Foi  et  de  piété,  il 
voulut  les  taire  participer  au  bon- 
heur d'entendre  la  messe  chez  lui , 
et  de  recevoir,  comme  lui,  les 
sacremens  de  l'Église.  Les  sur- 
veillans  des  persécuteurs  en  eurent 
bientôt  connoissance  ;  et  François 
Bidau  fut  arrêté.  On  le  traîna  à 
Paris,  où  il  fut  jeté  dans  les  pri- 
sons, parmi  les  victimes  que  le 
tribunal  révolutionnaire  en- 
voyoit  à  l'échafaud.  Déjà  la  fac- 
tion Thermidorienne  avoit  ren- 
versé Roberspierre  ,  et  faisoit  ses 
hypocrites  protestations  de  justice 
et  de  clémence.  Si  elles  eussent 
été  sincères,  François  Bidau  au- 
roit  été  renvoyé  libre  {V .  Lois  et 
et  Tribunaux  révolutionnaires, 
§.  III).  II  n'en  fut  point  ainsi;  et 
déjà  trois  mois  s'étoient  écoulés 
depuis  le  9  thermidor,  lorsque 
ce  pieux  Breton  fut  amené  devant 
le  tribunal  révolutionnaire ,  re- 


BIG  ai5 

nouvelé  par  la  faction  régnante. 
Ce  tribunal ,  devant  lequel  il  com- 
parut,  le  11  brumaire  an  III 
(  1"  novembre  1794),  le  con- 
damna à  la  peine  de  mort,  «  pour 
avoir,  suivant  que  le  dit  la  sen- 
tence ,  fait  des  rassemblemens  fa- 
natiques »  :  expression  par  la- 
quelle on  désignoit  les  réunions 
de  piété.  Cette  sentence  portoit 
encore  que  «  les  biens  de  François 
Bidau  étoient  confisqués  au  profit 
de  la  république  » .  Il  périt  le 
même  jour,  à  l'âge  de  40  ans. 

BIGNON  (Charles-René 
Collas  du),  prêtre  de  la  congré- 
gation de  Saint-Sulpice,  et  supé- 
rieurdupetit  séminaire deBourgcs 
n'ayant  pas  voulu  prêter  le  serment 
schismatique  de  1791?  fut  expulsé 
de  cette  maison;  et,  continuant 
l'exercice  du  ministère  sacerdotal, 
il  contribuoit  beaucoup  au  main- 
tien de  la  Foi,  dans  le  diocèse  de 
Bourges.  Devenu  à  juste  titre  un 
des  points  de  mire  des  impies,  il 
ne  pouvoit  qu'être  sacrifié  par 
eux,  dès  qu'ils  en  auroient  le  pou- 
voir et  le  prétexte.  Ils  acquirent 
l'un  et  l'autre  après  les  funestes 
événemens  d'août  et  de  septembre 
1792.  Du  Bignon,  que  la  loi  de 
la  déportation  sembloit  devoir 
épargner,  resta  dans  le  Berry; 
mais,  en  1793,  il  fut  empri- 
sonné ;  et  l'on  ne  manqua  pas  de 
le  mettre  au  nombre  des  prêtres 
que  l'on  vouloit  déporter  à  la 
Guiane  (  V.  Rociiefort).  «  Cet 
homme  d'une  grande  vertu  » ,  sut- 


2i6  BIL 

vant  que  le  qualifie  un  de  ses  com- 
pagnons d'infortune,  fut  donc 
traîné  àRochefort,  au  commen- 
cement de  1794;  et  on  l'embar- 
qua sur  le  navire  les  Deux  Asso- 
ciés. Les  horribles  souffrances  que 
les  prêtres  éprouvoient  dans  l'en- 
trepontde  ce  bâtiment,  épuisèrent 
les  forces  de  Du  Bignon,  mais 
n'abattirent  point  le  courage  que 
lui  donnoit  sa  Foi.  Ce  courage 
seuibloit  s'augmenter  à  mesure 
que  ses  maux  s'aggravoient.  Ex- 
trêmement malade,  il  fut  porté 
dans  le  fond  de  cette  barque,  en- 
core plus  insalubre,  qui  servit  de 
premier  hôpital;  et  ce  fut  là  que, 
souffrant  déjà  toutes  les  angoisses 
de  la  mort,  il  proféra,  d'une  voix 
douce  et  céleste,  ces  paroles  mé- 
morables, qui  devinrent  comme 
le  mot  d'ordre  de  tous  les  prêtres 
déportés  :  «  Nous  sommes  les  plus 
malheureux  des  hommes ,  mais 
aussi  les  plus  heureux  des  chré- 
tiens». Ses  confrères  reçurent  son 
dernier  soupir,  dans  la  nuit  du  2 
au  3  juin  1 794.  Il  a  voit  5 1  ans ,  et 
son  corps  fut  enterré  dans  l'île 
(ÏAix.  {V.  B.  Biards  et  G.  Bil- 
uche.) 

BILLARD  (Etienne),  né  à  Cor- 
bigni ,  dans  le  diocèse  de  Laon , 
en  1750,  étoit  curé  de  Guyan- 
court  sous  Laon,  et  n'avoit  fait 
aucun  des  sermens  anti-religieux 
de  la  révolution.  Après  avoir 
échappé  à  tous  les  dangers  aux- 
quels son  zèle  et  sa  fidélité  l'ex- 
posoient,  il  devint  victime  de  la 


BIL 

cruelle  loi  du  19  fructidor  (5  sep- 
tembre 1797).  Arrêté,  puis  con- 
duit à  Rochefort,  il  fut  embarqué 
sur  la  frégate  la  Charente,  et  en- 
suite sur  la  Décade ,  pour  être 
déporté  à  Cayenne  {V .  Guiane). 
Quand  il  y  arriva,  vers  le  milieu 
de  juin,  il  se  vit  condamné  aussi- 
tôt à  se  rendre  au  désert  de  Sin- 
namary,  où  bientôt  les  vers  s'em- 
parèrent de  sa  personne  ;  la  dys- 
senterie  vint  se  joindre  à  ce  fléau 
dévorateur  ;  et  il  expira ,  âgé  de 
48  ans,  le  27  décembre  1798. 
[y.  H.  M.  Bertrand  et  L.  Bolle- 
ret.) 

BILLARD  (François),  simple 
cultivateur  de  Fontenelle ,  dans 
le  diocèse  de  Laon,  où  il  étoit  né 
en  1727,  avoit  par  esprit  de  reli- 
gion donné  asile  à  des  prêtres  que 
poursuivoient  d'homicides  persé- 
cuteurs. En  ces  temps  malheureux 
où  les  catholiques  étoient  privés 
de  temples  dans  lesquels  ils  pus- 
sent remplir  leurs  devoirs  sacrés, 
il  leur  avoit  ouvert  chez  lui  un 
oratoire;  et  sa  maison  étoit  deve- 
nue comme  un  sanctuaire,  où  la 
religion  sembloit  s'être  réfugiée. 
Les  persécuteurs  de  sa  province , 
l'ayant  appris ,  firent  arrêter  ce 
pieux  catholique,  et  l'envoyèrent 
au  tribunal  révolutionnaire  de 
Paris ,  en  dénonçant  comme  une 
conspiration  les  saintes  réunions 
qui  se  faisoient  chez  Billard.  Il 
comparut  devant  ce  tribunal  im- 
pie et  sanguinaire,  le  9  messidor 
an  II  (37  juin  1794)5  et  fut  con- 


BIL 

damné  à  la  peine  de  mort ,  comme 
«s'étant  rendu  complice  de  cons- 
piration contre  la  liberté  et  la  sû- 
reté du  peuple  français,  en  don- 
nant asile  à  des  prêtres  réfractaires 
pour  y  entendre  la  mes,se  »  de 
ces  prétendus  conspirateurs.  Bil- 
lard fut  exécuté  le  même  jour;  et 
il  a  voit  alors  67  ans. 

BILLAUD  (Claude- Antoine), 
prêtre,  chanoine  de  Sully,  dans 
le  diocèse  d'Orléans,  et  né  dans 
la  Bresse,  en  1731,  opposa  les 
senlimens  d'un  bon  catholique 
aux  innovations  anti  -  religieuses 
de  la  révolution.  Royaliste  par 
principe  de  religion  et  de  cons- 
cience,  il  conservoit  avec  res- 
pect un  portrait  de  Louis  XVI, 
comme  celui  d'un  Juste  inique- 
ment conduit  à  l'échafaud.  La 
preuve  que  son  royalisme  étoit 
fondé  sur  des  sentimens  chrétiens, 
se  trouvoit  dans  une  pieuse  lé- 
gende qu'il  avoit  mise  au  bas  de 
ce  portrait.  Les  agens  de  la  révo- 
lution, en  ayant  eu  connoissance, 
se  hâtèrent  d'arrêter  le  chanoine 
Billaud,  et  de  l'envoyer  au  tribu- 
nal révolutionnaire  de  Paris.  II 
y  comparut  avec  trente-huit  laïcs, 
le  26  prairial  an  II  (14  juin  1794), 
et  fut  condamné  à  la  peine  de 
mort,  comme  «  ennemi  du  peu- 
ple ,  en  ce  qu'il  avoit  chez  lui  des 
portraits  du  Roi  avec  une  légende 
fanatique» .  On  l'exécuta  de  suite, 
comme  le  précédent  (F" Billard)  , 
à  la  barrière  dite  du  Trône  :  son 
ûge  étoit  alors  de  61  ans. 


BTL  217 

En  remarquant  ici ,  comme  par 
une  sorte  d'inspiration ,  cet  en- 
droit de  Paris,  où  les  deux  der- 
nières victimes  furent  immolées, 
et  où  périrent  également  avec  tant 
d'autres  les  seize  religieuses  de 
Compiègne  {V.  M.  C.  C.  Bbard)  , 
nous  contractons  presque  invo- 
lontairement l'engagement  de  jus- 
tifier cette  remarque  par  quelques 
explications. 

Quand  Roberspierre  put  diriger 
en  maître  le  gouvernement ,  la 
guillotine  cessa  d'abreuver  de 
sang  la  place  de  Louis  X  V,  où 
avoient  péri,  quoiqu'en  différens 
sites,  Louis  XVI,  son  épouse  et 
sa  sœur,  avec  huit  cent  quatre- 
vingt-dix-sept  autres  victimes  (1). 
L'instrument  de  mort  fut  dressé 
lp  2 1  floréal  an  II  (  1  o  mai  1 794  )  j 
sur  l'emplacement  qu'occupa  la 
Bastille  ;  et  là  périrent  quatre  cent 
dix-neuf  personnes.  Mais,  peu  de 
jours  après  que  Roberspierre  se 
fut  retiré  des  comités  de  la  Con- 
vention (  V.  ci -devant  tom.  I", 
pag.  249) ,  ces  comités  devenus 
plus  maîtres  encore  de  la  vie  des 
citoyens,  firent,  d'accord  avec  le 
tribunal  révolutionnaire  ,  trans- 


(1)  Louis  XVI  avoit  été  lui  seul 
immolé  sur  cette  place  quand,  le  8 
mai  1793,  on  commença  d'y  foire 
subir  le  môme  supplice  à  toutes  les 
victimes  de  la  révolution,  indistinc- 
tement. Précédemment  on  les  immo- 
loit,  depuis  le  26  août  1792,  sur  la 
place  du  Carrousel,  qui  en  vit  périr 
trente-sept  jusqu'au  8  mai  suivant. 


2i8  BIL 
porter  leur  guillotine  sur  une 
esplanade  illustrée  par  d'imposans 
souvenirs  monarchiques  :  celle  où, 
le  26  juin  1660,  avoitéié  reçu  d'une 
manière  si  mémorable,  Louis  XIV 
avec  l'infante  d'Espagne  qu'il  ve- 
noit  d'épouser  à  Saint- Jean-de- 
Luz  ;  celle  où ,  sur  un  trône  magni- 
fique ,  érigé  parla  % il'e  de  Paris,  le 
grand  monarque  se  vit  si  délicieu- 
sement environné  des  hommages 
affectueux  et  sincères  des  habitans 
de  sa  capitale  :  cette  esplanade  , 
située  à  l'extrémité  du  faubourg 
Saint- Antoine ,  s'appcloit  depuis 
lors  la  Barrière  du  Trône.  C'est 
là  qu'en  lui  donnant  stupidement 
le  nom  de  Barrière  Renversée , 
on  établit  la  guillotine,  le  a5  prai- 
rial an  II  (i3  juin  1794)?  et  que 
douze  cent  quatre-vingt-deux 
têtes  furent  abattues  ,  en  qua- 
rante-quatre jours,  y  compris  le 
9  thermidor  lui-même  (27  juillet). 
Les  Thermidoriens ,  ne  voulant 
pas  que  Roberspierre  et  les  siens 
mourussent  au  même  endroit , 
firent  le  lendemain  revenir  pour 
ceux-ci  la  guillotine  dans  le  lieu 
où  elle  étoit  précédemment ,  et 
que  ,  depuis  le  commencement  de 
1790,  on  n'appeloit  plus  que  la 
place  de  la  Révolution.  Bientôt 
après,  elle  retourna  sur  celle  de 
Grève.  Lorsqu'ensuite  les  Ther- 
midoriens eurent  pardonné  aux 
Girondins  ,  et  fait  leur  paix  avec 
eux,  ils  donnèrent  à  la  place  de 
la  Révolution  le  nom  de  la  Con- 
corde. Mais  cette  dénomination 


BIL 

nouvelle  qui  ne  pouvoit  se  conci- 
lier également  la  faveur  des  partis 
divers ,  n'empêcha  pas  la  précé- 
dente qui  convenoit  à  tous  ,  de 
subsister  dans  l'esprit  et  la  bouche 
des  révolutionnaires.  Elle  préva- 
lut ;  et  même  encore  de  nos  jours 
nous  l'entendons  souvent  répéter, 
non  seulement  par  ceux  auxquels 
elle  rappelle  des  souvenirs  chers 
àl«urs  passions  et  à  leurs  intérêts, 
mais  encore  par  d'autres,  en  vertu 
d'une  habitude  machinale  qu'un 
monument  royal  pourroit  seul 
faire  perdre  à  la  multitude. 

Les  victimes  immolées  sur  la 
place  de  Louis  XV  avoient  été 
portées,  soit  au  cimetière  de  la 
Madeleine  ,  soit  à  Montmartre  , 
soit  ailleurs.  Celles  de  la  place  de 
la  Bastille,  et  surtout  celles  de  la 
Barrière  duTrône ,  furent  inhu- 
mées dans  un  terrain  qui  n'a  pas 
trente  pieds  carrés  en  surface,  situé 
dans  l'ancien  village  de  Picpus. 
Ce  lieu  resta  ouvert  à  toutes  les  irré- 
vérences ;  et  les  profanes  le  fou- 
loient  encore  aux  pieds  librement , 
lorsque  Amélie  de  Hohenzollern , 
dont  le  frère  y  étoit  inhumé ,  fit 
entourer  de  murs  ce  cimetière  , 
et  bâtit  près  de  là  un  oratoire. 
Comme  l'un  et  l'autre  se  trou- 
voient  séparés  par  le  jardin  de 
l'ancien  couvent  des  religieuses 
de  Saint- Augustin,  les  familles 
des  autres  victimes  déposées  dans 
le  cimetière,  voulant  le  réunir  à 
l'oratoire,  ont  acheté  successive- 
ment cet  emplacement  en  1802 


BIL 

et  1806,  de  sorte  que  la  même 
enceinte  réunit  aujourd'hui  le  ci- 
metière à  l'oratoire.  Par  l'effet  de 
la  piété  des  mêmes  familles ,  un 
prêtre  y  offre  chaque  jour  le  sacri- 
fice propitiatoire;  et,  chaque  an- 
née ,  après  la  quinzaine  de  Pâques , 
on  y  célèbre  un  service  solennel. 
En  remarquant  la  date  de  la  mort 
de  chacune  des  victimes  de  Paris 
dont  nous  parlons,  le  lecteurpourra 
du  moins  connoître  le  lieu  où  re- 
posent celles  de  la  Barrière  du 
Trône.  {V .  Queudeville.) 

BILLIAIS  (  Louis  -  Antoine- 
Leloïp  de  la),  conseiller  hono- 
raire du  parlement  de  Bretagne  , 
né  dans  cette  province,  en  1^36, 
s'étoit  retiré,  depuis  la  révolution, 
dans  son  château ,  situé  sur  la  pa- 
roisse de  Saint-Etienne-de-Mont- 
luc,  à  trois  lieues  de  Nantes.  Son 
épouse  {V .  A*  C"  Billiais),  et 
leurs  deux  jeunes  filles,  y  prati- 
quoient ,  de  concert  avec  lui, 
toutes  les  œuvres  de  la  Foi.  Sa 
charité ,  qui  se  distinguoit  chaque 
jour  par  d'abondantes  aumônes, 
avoit  tout  le  courage  qu'il  falloit 
en  1793,  non  seulement  pour 
secourir  les  prêtres  poursuivis  à 
cause  de  leur  saint  ministère,  mais 
encore  pour  les  recevoir  chez  lui , 
et  les  y  mettre  à  l'abri  des  persé- 
cuteurs. Cette  héroïque  générosité 
leur  ayant  été  dénoncée ,  la  garde 
nationale  de  Savenay  fut  souvent 
envoyée  par  eux,  pour  faire  des 
perquisitions  dans  le  château  de  la 
Billiais; et,  ses  expéditions  étoient 


BÎL  219 

toujours  infructueuses.  Ayant  été 
derechef  avertie,  dans  la  nuit  du 
7  décembre  179^,  qu'un  prêtre 
venoit  d'y  entrer,  elle  accourut 
dès  le  point  du  jour,  l'y  recher- 
cha ,  mais  ne  trouva  que  son 
portefeuille,  dans  lequel  étoient 
des  actes  de  baptêmes  et  de  ma- 
riages. D'après  cette  découverte 
insuffisante ,  ils  exigent  que  la 
cache  du  prêtre  leur  soit  indiquée 
parle  conseiller  de  la  Billiais,  le  me- 
naçant déjà  de  l'emmener  prison- 
nier, et  avec  lui,  sa  femme  et  ses 
filles.  Cette  menace  ne  les  effraie 
point  ;  et  nul  de  cette  vertueuse 
famille  ne  consent  à  livrer  le  mi- 
nistre de  Jésus-Christ  [V .  J"  Aux). 
Tous  les  quatre  sont  arrêtés,  et 
traînés  vers  Nantes  ;  le  généreux 
père  disoit  à  ses  filles  et  à  sa 
femme  :  «Je  n'échapperai  pas  à  la 
mort  qui  me  menace;  mais  il  me 
sera  glorieux  de  mourir  pour  une 
aussi  belle  cause  ».  Arrivés  à 
Nantes ,  il  fut  séparé  de  sa  famille, 
et  emprisonné  ;  les  trois  dames  le 
furent  dans  une  prison  différente. 
On  ne  tarda  pas  à  le  faire  compa- 
roître  devant  le  tribunal  révolu- 
tionnaire que  le  proconsul  Car- 
rier venoit  d'établir  dans  cette 
ville;  et,  le  21  nivose  an  II 
(  10  janvier  1794  )i  ily  fut  con- 
damné à  la  peine  de  mort,  comme 
«  recéleur  de  prêtres  réfractaires  » . 
Dans  sa  défense  ,  lors  des  dé- 
bats ,  parlant  avec  toute  l'assu- 
rance de  la  vertu ,  il  avoit  dit , 
parce  que  cela  étoit  vrai ,  qu'il 


220  BIL 

îgnoroit  qu'un  prêtre  fût  alors 
chez  lui;  mais,  par  ses  autres  dis- 
cours, il  s'étoit  montré  capable  de 
l'avoir  accueilli,  s'il  en  eût  été  in- 
formé. Comme  l'exécution  ne  de- 
voit  avoir  lieu  que  le  lendemain, 
ne  voulant  pas  quitter  ce  bas- 
monde  sans  faire  ses  adieux  à  son 
épouse,  il  lui  écrivit,  le  soir  même, 
une  lettre  dans  laquelle  il  lui  di- 
soit  :  «Je  suis  condamné...  Je  ne 
regrette  que  toi  et  nos  enfans.... 
Tout  ce  que  je  crains,  c'est  que 
ton  jugement  ne  soit  aussi  rigou- 
reux que  le  mien.  Mais  enfin,  me 
voilà  bientôt  dégagé  des  misères 
de  ce  monde.  Puisse  le  Seigneur 
m'accorder  la  grâce  de  faire  une 
bonne  mort!...  Prie  Dieu  pour 
moi  ;  j'espère  que  nous  serons 
réunis  dans  le  ciel  :  c'est  là  mon 
unique  espérance  » .  Le  lende- 
main, 11  janvier,  le  conseiller  de 
la  Billiais  fut  conduit  au  Bouff'ay, 
lieu  assez  éloigné,  où  de  voit  se 
faire  l'exécution  :  la  sérénité  de 
son  visage ,  indice  de  la  pureté  de 
son  cœur,  et  de  la  confiance  de  sa 
Foi,  étoit  si  remarquable,  que 
des  personnes  compatissantes,  qui 
le  virent  passer ,  crurent  qu'il 
obtenoit  sa  liberté  civile  :  c'est 
qu'il  en  entrevoyoit  une  bien  plus 
précieuse ,  celle  qui ,  affranchis- 
sant son  âme  de  la  servitude  de 
son  corps,  alloit  le  mettre  en  pos- 
session de  la  vie  éternelle. 

BILLIAIS  (  An>e  -  Claire- 
CoTiis-EAtJ,  épouse  de  la),  arrêtée, 
avec  son  mari  et  leurs  deux  filles, 


BIL 

dans  son  château  (  V.  L.  A.  Bil- 
liais), fut  trainée  à  Nantes,  et  en- 
fermée avec  elles  dans  une  prison 
différente  de  celle  où  l'on  jetoit 
son  mari.  Les  vertus  de  cette  fa- 
mille ont  été  racontées  dans  l'ar- 
ticle précédent.  L'affection  conju- 
gale de  ces  deux  époux,  cimentée 
par  ces  vertus,  plus  encore  que 
parles  années,  rendoit  leurs  mœurs 
tout- à- fait  patriarcales.  Quand 
cette  pieuse  épouse  reçut,  le 
1 1  janvier  au  matin,  la  lettre  d'a- 
dieu par  laquelle  son  mari  lui 
apprenoit  sa  condamnation,  mo- 
tivée par  l'asile  qu'elle  avoit  donné 
à  un  prêtre  persécuté,  son  âme 
en  fut  presque  abattue.  Mais,  la 
religion  venant  aussitôt  à  son  se- 
cours, elle  se  montra  digne  de  son 
mari,  lorsqu'elle  parut  à  son  tour 
devant  les  juges,  avec  ses  deux 
filles.  Après  un  premier  interro- 
gatoire, subi  le  18  janvier,  elle 
fut  amenée,  vers  la  fin  de  février, 
avec  elles,  devant  le  tribunal  ré- 
volutionnaire, du  proconsul  Car- 
rier [V .  Nantes).  De  misérables 
faux  témoins  vinrent  y  déposer 
qu'elles  avoient  insulté,  dans  ses 
fonctions  mêmes,  au  milieu  d'une 
procession,  le  curé  schismatique 
de  la  paroisse  de  Saint-Etienne- 
de-Montluc,  sur  laquelle  étoit 
leur  château;  et,  qu'ayant  refusé 
l'aumône  à  l'un  d'eux,  qui  étoit 
mendiant  de  profession,  elles  lui 
dirent  que  leur  refus  n'avoit  pas 
d'autre  motif  que  son  assistance 
aux  messes  du  curé  schismatique. 


BIL 

Ces  calomnies  furent  repoussée3 
par  ces  trois  dames,  de  la  manière 
la  plus  propre  à  confondre  les  accu- 
sateurs. Mais  ,  quand  elles  s'en- 
tendirent reprocher  d'avoir  distri- 
bué des  images  du  Cœurde  Jésus; 
d'avoir  contribué  avec  beaucoup 
de  zèle  à  ce  que  les  enfans  de  la 
paroisse  reçussent  le  baptême , 
à  ce  que  la  jeunesse  du  pays  fût 
instruite  dans  la  religion ,  et  que 
les  fidèles  participassent  aux  sa- 
cremens ,  par  le  ministère  des 
prêtres  de  la  véritable  Eglise , 
qu'elles  accueilloient  dans  leur 
château,  loin  de  le  nier,  elles  s'en 
firent  gloire  devant  les  juges.  Se 
regardant  dès  lors  comme  dé- 
vouées à  la  mort ,  elles  récitoient 
tous  les  jours  les  prières  des  ago- 
nisans.  Enfin,  le  17  ventôse  an  II 
(  vendredi  d'après  les  Cendres 
7  mars  1794),  elles  comparurent 
pour  la  dernière  fois  devant  le  tri- 
bunal ;  et  ce  fut  pour  s'y  entendre 
condamner  au  dernier  supplice, 
pour  les  motifs  énoncés  dans  les 
accusations  qu'on  vient  de  lire. 
La  sentence  les  qualifioit  surtout 
de  «  recéleuses  de  prêtres  réfiac- 
taires  ».  Lorsqu'on  les  conduisit 
toutes  les  trois  au  lieu  de  l'exécu- 
tion, appelé  le  Bouffai/,  la  mère 
marchoit  entre  ses  deux  filles  ;  et 
l'on  pouvoit  connoître,  à  la  séré- 
nité de  leur  physionomie,  et  au 
calme  de  leur  démarche,  la  su- 
blime résignation  de  leur  âme. 
Afin  qu'on  ne  les  crût  pas  acca- 
blées de  tristesse,  elles  avoient  eu 


BIL  221 

soin  de  relever  le  voile  qui  cou- 
vroit  leur  tête  ;  et ,  le  cœur  plein  de 
joie  de  ce  qu'elles  mouroient  pour 
un  acte  de  religion  auquel  Jésus- 
Christ  avoit  promis  une  ineffable 
récompense  (  V.  Je  Aux),  elles 
voulurent  qu'on  jugeât  de  leur  Foi 
par  la  sainte  confiance  qu'expri- 
moit  leur  visage.  Arrivées  au  pied 
des  marches  de  l'échafaud,  elles 
s'embrassèrent,  comme  autrefois 
les  saints  Martyrs,  et  montèrent 
ensuite  avec  courage  vers  l'instru- 
ment de  mort.  La  mère,  désirant 
épargner  à  ses  filles  la  peine  de  la 
voir  immoler,  comme  encore  être 
sûre  qu'elles  mourraient  en  prédes- 
tinées, demanda  à  ne  périr  que  la 
dernière.  Elle  obtint  cette  grâce  ; 
et,  quand  son  tour  vint,  elle  avoit 
lieu  de  se  féliciter  d'avoir  été  pré- 
cédée par  elles ,  dans  le  séjour 
de  la  bienheureuse  éternité. 

BILLIAIS  (Louise-Claire  de 
la),  fille  aînée  des  deux  précé- 
dens,  arrêtée,  avec  son  père,  sa 
mère  et  sa  sœur,  dans  leur  châ- 
teau, à  trois  lieues  de  Nantes, 
pour  avoir  donné  asile  à  un  prê- 
tre catholique,  mis  en  fuite  par  la 
persécution,  fut  enfermée,  avec 
sa  sœur  et  sa  mère ,  dans  une 
prison  différente  de  celle  où  son 
père  étoit  jeté.  Après  la  mort  de 
celui-ci,  immolé  par  le  tribunal 
révolutionnaire  du  proconsul 
Carrier ,  elle  comparut  plusieurs 
fois  ,  avec  sa  mère  et  sa  sœur,  de- 
vant les  mêmes  juges  ,  y  montra 
tout  autant  de  fermeté  et  de  con- 


222  1511. 

fiance  en  Dieu.  Condamnée  avec 
elles  deux,  le  17  ventôse  an  II 
(7  mars  iJQ'i),  à  périr  sur  I'écha- 
i'aud,  comme  «  receleuse  de  prêtres 
réfractaires  »  ,  elle  n'édiûa  pas 
moins  qu'elles  les  assistans  qui  la 
virent  marcher  au  supplice ,  et 
ceux  qui  furent  témoins  de  sa 
mort. 

BILLIAIS  (Marie -Caroline 
de  la)  ,  fille  puînée  du  conseiller 
de  la  Billiais,  et  sœur  de  la  pré- 
cédente, ayant  participé  comme 
elle  et  sa  digne  mère  à  la  coura- 
geuse hospitalité  qu'elles  don- 
noient  aux  prêtres  dont  la  tête 
étoit  mise  à  prix,  ne  fut  pas  épar- 
gnée par  les  gardes  qui  vinrent 
enlever  toute  cette  famille  dans 
son  château,  le  8  décembre  1793. 
Elle  y  vivoit  avec  le  même  esprit 
de  piété  et  de  ferveur  qu'elle  avoit 
rapporté  du  cloître  ;  car ,  se  sen- 
tant appelée  à  la  vie  religieuse , 
elle  étoit  entrée  quelques  années 
auparavant  dans  un  couvent ,  d'où 
elle  n'étoit  sortie  que  lors  de  la 
destruction  des  ordres  monasti- 
ques. Elle  y  avoit  déjà  donné  une 
preuve  de  la  constance  de  sa  Foi, 
en  refusant,  comme  ses  compa- 
gnes ,  de  reconnoître  pour  légi- 
time ,  l'évêque  schismalique  et  in- 
trus ,  que  la  constitution  civile, 
du  clergé  venoit  de  substituer  au 
véritable  pasteur  du  diocèse.  Con- 
duite à  Nantes  avec  son  père,  sa 
mère  et  sa  sœur,  elle  fut  empri- 
sonnée avec  elles  deux,  subit  les 
mêmes   interrogatoires  ,    et  les 


CIL 

mêmes  reproches,  montra  la  même 
fermeté ,  la  même  droiture  dans 
ses  réponses,  et  fut  condamnée 
en  même  temps  qu'elles  à  la  peine 
de  mort,  comme  «  recéleuse  de 
prêtres  réfractaires  » .  Résignée  à 
son  sort,  elle  étoit  glorieuse  en 
quelque  sorte  de  mourir  pour  une 
action  recommandée  et  préconisée 
par  l'Evangile.  La  joie  qu'elle  res- 
sentoit  d'être  si  près  de  la  société 
des  anges  pour  laquelle  elle  sem- 
bloit  née,  ajoutoit  de  nouveaux 
charmes  à  ceux  que  sa  jeunesse 
donnoit  aux  agrémens  de  sa  phy- 
sionomie. Un  officier  républicain 
en  fut  ému  ,  et,  concevant  le  désir 
de  la  sauver,  il  s'approcha  d'elle 
pour  lui  dire  qu'il  y  réussiroit,  si 
elle  consentoit  à  l'épouser.  Cette 
proposition,  faite  à  une  vierge  aussi 
p  ure ,  par  un  des  chefs  de  ces  soldats 
dont  l'impiété  sembloit  animer  la 
bravoure,  sera -t -elle  acceptée? 
Marie-Caroline  lui  répond  qu'elle 
aime  mieux  mourir.  Telle  avoit 
été,  dans  une  semblable  circons- 
tance ,  la  réponse  de  la  sainte 
vierge  et  martyre  Dympne,  fille 
d'un  roi  d'Hibernie  :  Domino 
Jesu  Christo  tota  me  devotionc 
committo.  1 lie sponsus meus ,  et 
gloriamea,  salus,  desiderium 

et  dulcedo        In  me  quamvis 

exerce  tyrannidem  :  pâmas 
omnes  quas  inferre  poteris , 
lœla  mente  parata  sum  pr-o 
Domino  sustinere  (Bolland.  cul 
d.  i5  et  5o  maii).  La  manière 
admirable  dont  Marie  -  Caroline 


BIL 

consomma  son  sacrifice  a  été  ra- 
contée à  l'article  de  sa  mère. 

BILLICHE  (Guillaume),  prê- 
tre et  religieux  Réeollet ,  de  la 
maison  d'Apremont,  dans  la  pro- 
vince de  Lorraine ,  au  diocèse  de 
Verdun,  étoit  né  à  Villé-aux-Ii>/is, 
dans  le  diocèse  de  Trêves.  Après 
la  suppression  des  ordres  monas- 
tiques en  1791 ,  il  continua  de  ré- 
sider dans  le  même  pays ,  qui  fai- 
soit  alors  partie  du  département 
de  la  Meuse,  et  resta  lerme  dans 
sa  Foi  à  la  vue  du  schisme  cons- 
titutionnel Mais,  ensuite  troublé 
par  les  catastrophes  de  septembre 
1792,  il  fit  le  serment  de  liberté- 
égalité,  prescrit  à  cette  époque. 
Cette  condescendance  ne  put  le 
sauver  de  la  persécution.  En  1790, 
il  l'ut  arrêté  ;  et  les  autorités  du 
département  le  condamnèrent  à 
la  déportation  à  la  Guiane.  On  le 
conduisit  en  conséquence  à  Ro- 
chefort  ;  il  y  lut  embarqué  sur  le 
navire  les  Deux  Associés  {V .  Ro- 
chefort).  Au  milieu.de  tant  d'in- 
variables confesseurs   de  Jésus  - 
Christ,  compagnons  de  son  sort, 
il  sentit  de  vifs  regrets  d'avoir  fait 
le  serment  de  liberté-égalité ,  et 
il  le  rétracta  avec  de  grands  sen- 
timens  de   componction.  Après 
avoir  résisté  plusieurs  mois  aux 
tortures  de  l'entrepont  du  bâti- 
ment, il  succomba  enfin   le  22 
novembre  1 794 ,  à  l'âge  de  37 
ans,  et  fut  inhumé  près  du  Fort- 
Vaseux.  {V.  C.  R.  C.  Bignon  et 

J.  B.  H.  BlLI.OCQUE.) 


BIL  223 

BILLOCQUE  (Jean-Baptiste- 
Hippolyte),  prêtre,  hebdomadier 
de  la  collégiale  de  Saint- Hilaire 
de  Poitiers,  étoit  né  dans  cette 
ville,  en  1760,  et  continua  de 
l'habiter  après  la  suppression  des 
chapitres.  11  resta  ferme  dans  sa 
Foi,  lors  du  schisme  constitu- 
tionnel de  1791.  Exempt  du  ser- 
ment schismatique  de  celte  épo- 
que ,  il  se  vit  demander  à  la  fin 
de  1792  celui  de  liberté-égalité , 
et  le  refusa.  Digne  de  la  persécu- 
tion, il  fut  arrêté  en  1793,  et 
condamné,  le  28  ventôse  an  II 
(18  mars  1794)»  pai"  'e  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
tienne,  siégeant  à  Poitiers,  à 
être  déporté  à  la  Guiane.  On  le 
conduisit  en  conséquence  à  Ro- 
chefort  pour  y  être  embarqué 
[V .  Rochefort).  Il  le  fut  en  effet 
sur  le  navire  les  Deux  Associés , 
où  il  ne  tarda  pas,  malgré  son 
jeune  âge,  a  succomber  sous  les 
maux  que  les  déportés  y  éprou- 
voient.  Il  mourut  le  23  avril  1 794 , 
n'ayant  encore  que  3i  ans,  et 
fut  enterré  vis-à-vis  le  Verjoul, 
sur  la  côte  de  la  Charente.  {V .  G. 
Billiche  et...  Blondelet.) 

BILLOI  (Jacques),  fabricant 
de  gants  à  Bordeaux,  âgé  de  55 
ans,  et  natif  de  la  paroisse  de 
Rudy  en  Béarn,  donna  par  prin- 
cipe de  religion ,  un  asile  secret 
au  vénérable  prêtre  sexagénaire 
et  non-assermenté  Dornal ,  dont 
la  tête  étoit  mise  à  prix.  Ce  prêtre, 
ayant  été  découvert  et  arrêté  dans 


klM 

cet  asile,  Billoi,  traduit  avec  lui 
devant  la  commission  militaire 
de  Bordeaux,  s'y  vit  condamner 
sans  délai  à  la  peine  de  mort  pour 
la  seule  raison  qu'il  avoit  «  recelé 
chez  lui  un  prêtre  contre-révo- 
lutionnaire ,  et  qu'il  en  parta- 
geoit  les  sentimens  »  :  ce  sont  les 
expressions  de  la  sentence.  Elle 
fut  rendue  le  8  messidor  an  II  (26 
juin  1 794)  ;  et  le  même  jour  Billoi 
perdit  la  vie  pour  cet  acte  de  reli- 
gion.  [V .  DoRNAL,  LotSTALET  et 

Durand.) 

BIMBENET  DE  LA  ROCHE 
(  Babthélemi  ) ,  né  en  1772,  à 
Courmenin,  près  Romorantin , 
avoit  fait ,  en  1 792 ,  une  campagne 
dans  l'année  royaliste  du  prince 
de  Condé  ;  et  bien  qu'il  y  fût  allé 
avec  l'esprit  de  dissipation  natu- 
rel à  la  jeunesse,  la  grâce  divine 
qui  sembloit  l'y  attendre,  lui  fit 
craindre  les  suites  des  désordres 
trop  communs  dans  le  métier  de  la 
guerre;  et  il  devint  l'un  des  chré- 
tiens les  plus  occupés  de  leur  salut 
éternel.  Avec  deux  ou  trois  cama- 
rades qui  étoient  portés  comme 
lui  à  la  piété,  il  se  retiroit  à  part 
pour  parler  ensemble  de  Dieu  ;  et 
leur  conversation ,  au  milieu  des 
camps ,  étoit  toute  céleste.  Re- 
nonçant à  la  vie  militaire  qui  ne 
s'accordoit  point  avec  ses  pieuses 
dispositions,  il  se  rendit  à  Orléans 
pour  s'occuper  plus  paisiblement 
de  son  salut;  mais,  courant  trop 
de  risques  pour  se  montrer  en 
public ,  parce  qu'on  n'ignoroit 


BIM 

pas  qu'il  avoir  porté  les  armes  en 
faveur  de  la  cause  royale,  il 
obtint  aisément  un  asile  chez 
deux  pieuses  demoiselles  ,  qui 
exerçoient  la  profession  d'insti- 
tutrices [V.  Barberon)  ,  et  qui, 
par  principe  de  religion ,  don- 
noient  une  semblable  hospitalité 
à  un  prêtre  catholique ,  de  la  même 
congrégation  de  Saint-Sulpice,  à 
laquelle  appartenoit  un  frère  de 
Bimbenet  qui  le  lui  avoit  recom- 
mandé (F.PLOQciN).Onpeut  juger 
combien  le  jeune  Bimbenet,  sous 
la  direction  de  ce  guide  véné- 
rable ,  rivalisoit  de  piété  et  de 
ferveur  avec  ses  hôtesses  ;  on 
peut  en  juger  par  le  fragment  de 
l'une  des  lettres  qu'il  écrivoit  de 
cette  retraite ,  et  (  ans  laquelle  il 
s'exprimoit  ainsi  :  «  Je  consacre 
tous  les  jours  une  demi -heure 
à  la  méditation  ;  et  je  commence 
déjà  à  y  goûter  des  douceurs  que 
le  monde  ne  connoît  pas  » .  Il 
gémissoit  sur  lui-même  en  pen- 
sant à  tous  les  sacrifices  que  les 
saints  avoient  faits  pour  gagner 
le  ciel,  tandis  que  lui,  dont  les 
premières  années  avoient  été  poul- 
ies plaisirs  de  ce  monde,  n'avoit, 
disoit-il,  encore  rien  entrepris 
pour  l'expiation  de  ses  fautes.  Ce- 
pendant,  vers  le  20  juin  1790, 
deux  mois  avant  d'être  arrêté ,  il 
eut  le  pressentiment  qu'il  seroit 
dans  le  cas  de  réparer  complète- 
ment les  écarts  de  sa  jeunesse, 
en  faisant  à  Dieu  le  sacrifice  de  sa 
vie.  Dans  une  autre  lettre  qu'il  éci  i- 


BÎM 

vit  alors ,  il  manifestoit  son  désir 
de  souffrir  pour  Dieu ,  et  en  même 
temps  la  plus  parfaite  soumission 
à  sa  volonté.  Il  encourageoit  ses 
plus  proches  parens  à  ne  pas  s'af- 
fliger, s'il  portoit  un  jour  sa  tète 
sur  l'échafaud,  et  même  à  «  s'en 
réjouir  comme  du  plus  grand  bon- 
heur qui  pût  lui  arriver» .  Comme 
c'étoit  principalement  pour  pra- 
tiquer sa  religion  et  se  rendre 
plus  digne  de  Dieu  qu'il  avoit 
préféré  celte  retraite;  et,  puisque 
dans  le  fait  il  ne  périt  ensuite  que 
parce  qu'il  y  avoit  été  décou- 
vert, l'on  ne  pourra  disconve- 
nir que  son  immolation  eut  pour 
unique  cause  la  Foi  dont  il  étoit 
animé.   Ses  charitables  hôtesses 
ayant  élé  dénoncées  par  un  de 
leurs  voisins,  comme  cachant  dans 
leur  maison  des  personnes  sus- 
pectes, cette  maison  fut  investie 
dans  la  nuit  du  1 1  au  12  septembre 
1 795  ;  et  l'on  y  saisit  le  jeune  Bim- 
benet ,  ainsi  que  le  prêtre  qui  étoit 
avec  lui,  et  les  courageuses  de- 
moiselles qui  leur  donnoient  une  si 
chrétienne  hospitalité.  Ces  quatre 
personnes ,  traînées  dans  la  pri- 
son d'Orléans ,  y  restèrent  jus- 
qu'au 1 5  du  même  mois ,  que  trois 
gendarmes  les  menèrent  à  Paris. 
Bimbenet,  en  racontant  ces  par- 
ticularités dans  une  lettre  du  29 
décembre  suivant,  adressée  à  l'un 
de  ses  frères,  ajoutoit  :  «Nous 
eûmes  le  bonheur ,  mon  com- 
pagnon et  moi ,  de  voir  nos  mains 
chargées  de  fers.  Je  ne  peux  vous 


BIM  225 

céler  que  je  baisai  plus  d'une  fois , 
le  long  du  chemin  ,  des  fers  aussi 
honorables  ;  et  jamais  mon  cœur 
ne  nagea  dans  tant  de  délices 
que  pendant  ce  voyage.  Nous  vî- 
mes avec  attendrissement  que  la 
plus  grande  partie  des  personnes 
qui  nous  approchèrent  le  long  de 
la  route ,  avoient  la  tristesse  peinte 
sur  le  visage.  Malgré  la  petite 
gêne  de  nos  fers,  nous  fîmes 
nos  exercices  ordinaires  de  piété  : 
ce  qui  attira  l'admiration,  la  bien- 
veillance même  de  nos  gardes ,  sur- 
tout de  l'un  d'entre  eux  qui  parois- 
soit  instruit  de  sa  religion.  Nous 
lui  vîmes  plusieurs  fois  verser  des 
larmes;  et,  l'après  dîner,  il  ne 
voulut  pas  nous  remettre  les  fers. 
Nous  l'exigeâmes  cependant,  crai- 
gnant qu'en  arrivant  à  Paris  on  ne 
fît  à  nos  gendarmes  un  crime  de 
leur  humanité  » .  Les  saints  pri- 
sonniers y  étant  entrés ,  on  les 
mit  dans  les  prisons  de  la  Con- 
ciergerie. Ce  fut  une  bien  douce 
consolation  pour  Bimbenet  d'y 
faire  connoissance  avec  des  ecclé- 
siastiques infiniment  respectables 
qui  s'y  trouvoient  déjà,  et  entre 
autres  les  abbés  Emery  et  Sau- 
nier {V .  Saunier).  Pendant  les 
dix-sept  premières  nuits ,  placé 
dans  une  chambre  de  malfaiteurs 
où  l'on  n'avoit  que  de  la  paille 
pour  se  coucher  ,  il  étoit  con- 
tent de  n'avoir  pas  un  meilleur  lit, 
dont  il  n'auroit  pu  jouir  que  dans 
une  autre   chambre.  Son  motif 
étoit ,  indépendamment  de  son 


aafi  B1M 

esprit  de  pénitence,  qu'il  espéroit 
en  couchant  ainsi  parmi  les  malfai- 
teurs, trouver  dans  la  nuit  quelque 
occasion  de  leur  parler  de  Dieu. 
De  pieux  ecclésiastiques  qui  au- 
roient  voulu  le  voir  en  un  lieu 
moins  abject,  lui  représentèrent 
qu'il  ne  pourrait  pas,  s'il  étoit 
prudent,  atteindre  le  but  qu'il  se 
proposoit.  Bimbenct  ne  se  rendoit 
point  à  leurs  sollicitations.  II  ne 
céda  que  lorsque  les  estimables 
personnes  avec  lesquelles  il  ai- 
moit  tant  à  s'entretenir  pendant 
la  journée  ,  le  menacèrent  de  n'a- 
voir plus  de  communication  avec 
lui,  s'il  ne  prenoit  une  chambre 
où  il  seroit  couché  plus  convena- 
blement. Dans  cette  lettre  du  29 
décembre,  dont  nous  avons  déjà 
parlé,  il  disoit,  en  rendant  compte 
d'un  interrogatoire  qu'il  avoit  subi 
le  surlendemain  de  son  entrée 
dans  la  prison  :  «  Depuis  ce  mo- 
ment nous  attendions,  de  jour  en 
jour,  notre  acte  d'accusation  pour 
monter  au  tribunal  ;  mais  il  y  a 
trois  mois  et  demi  que  nous  l'at- 
tendons ;  et  il  ne  vient  point  !  Dieu 
soit  béni.  Je  ne  le  hâterai  pas  d'un 
instant;  mais  je  n'y  mettrai  non 
plus  aucun  obstacle.  Je  laisse  tout 
entre  les  mains  de  la  Providence. 
Je  le  répète  :  elle  sait  mieux  que 
nous  ce  qui  nous  est  nécessaire  ; 
et,  grâce  au  Seigneur,  je  ne  me 
suis  pas  encore  ennuyé  cinq  mi- 
nutes dans  le  séjour  où  je  suis. 
Je  ressens  de  plus  en  plus  l'effet 
de  Vos  bonnes  prières ,  auxquelles 


BIM 

je  m'unis  tous  les  matins,  comme 
nous  en  sommes  convenus  :  ainsi 
ne  changez  pas  l'heure  de  sept. 
C'est  le  moment  où  je  me  lève, 
et  nous  nous  réunissons  alors, 
d'une  manière  particulière,  pen- 
dant vingt  à  trente  minutes.  Nous 
avons,  comme  je  vous  l'ai  mar- 
qué ,  lerésultat  de  l'instrument 
précieux  (c'est  ainsi  qu'on  étoit 
convenu  d'appeler  la  sainte  Eu- 
charistie )  :  ainsi  nous  n'avons 
rien  à  désirer,  si  ce  n'est  de  souf- 
frir davantage  pour  l'amour  de 
celui  qui  a  tant  souffert  pour  nous. 
Mais  enfin  ,  puisque  nous  n'en 
sommes  pas  là,  demandons  au 
moins  à  ce  divin  Sauveur  l'a- 
mour des  souffrances;  et  le  désir 
que  nous  en  aurons,  nous  sera 
aussi  méritoire  auprès  du  Père 
céleste  que  si  nous  souffrions  vé- 
ritablement. Nos  petits  exercices 
(de  piété)  nous  occupent  une  par- 
tie de  la  journée ,  de  manière  que 
le  temps  me  paroît  bien  moins 
long.  J'ai  augmenté  ma  petite  bi- 
bliothèque d'un  Combat  Spiri- 
tuel, et  d'une  Introduction  à 
la  Vie  dévote.  Mon  petit  office 
de  la  Vierge  que  je  récite  exacte- 
ment avec  celui  de  l'ange  gardien, 
mon  chapelet,  ma  lecture  spiri- 
tuelle et  la  méditation,  remplis- 
sent à  peu  près  notre  journée. — 
Allons,  du  courage;  priez  pour 
moi.... 'Surtout ,  je  vous  en  prie, 
n'ayez  aucune  inquiétude  à  mon 
sujet.  B.éjouissez-vous,  au  con- 
traire, de  ce  que  j'ai  quelque  chose 


BIM 

à  souffrir  pour  le  Dieu  que  j'adore. 
— Je  finis  ma  lettre  dans  le  même 
style  que  saint  Paul  :  c'est  le  seul 
digne  de  charmer  l'oreille  d'un 
chrétien.  Que  la  grâce  de  notre 
Seigneur  Jésus  -  Christ ,  et  la 
charité  de  Dieu ,  et  la  commu- 
nication du  saint  Esprit  soient 
avec  vous  tous;  que  la  faix 
soit  avec  vous,  mon  très-cher 
frère  !  » 

Le  même  jour,  il  avoit  écrit  à 
sa  mère  :  «  Veuillez  de  grâce  ne 
vous  inquiéter  nullement  sur  ma 
position,  mais  plutôt  remercier 
Dieu  des  grâces  dont  il  me  com- 
•Lle  journellement.  Je  suis  où  la 
Providence  m'a  conduit;  et,  mo- 
ralement parlant,  je  ne  puis  être 
mieux.  Si  ce  Dieu  de  bonté  veut 
m'appeler  à  lui,  à  la  fleur  de  l'âge, 
par  une  mort  aussi  douce  qu'ho- 
norable ,  hélas  !  ma  bonne  mère  . 
quelles  actions  de  grâces  ne  dois- 
je  pas  lui  rendre,  de  ce  qu'il 
daigne  penser  à  moi ,  préférable- 
ment  à  tant  d'autres  qui  le  servent 
infiniment  mieux,  et  me  retirer 
ainsi  de  ce  monde  pervers  et  cor- 
rompu ;  comme  encore  rompre  les 
liens  qui  me  retiennent  sur  la 
terre,  pour  me  donner  la  récom- 
pense promise  à  ceux  qui  font  la 
volonté  de  son  Père  céleste  !  Sou- 
mettons-nous donc  à  la  divine 
Majesté,  si  nous  voulons  régner 
avec  le  fils  adorable  de  Marie.  Dé- 
tachons-nous des  biens  vains  et 
frivoles  du  siècle,  pour  ne  penser 
qu'à  ceux  que  toutes  les  puissances 


BIM  227 

de  la  terre  et  de  l'Enfer  ne  peuvent 
nous  ravir.  Hélas!  ma  chère  mère, 
si  nous  avions  de  la  Foi,  que  nous 
désirerions  les  persécutions,  les 
opprobres ,  les  humiliations  ,  et 
tout  ce  que  les  hommes  médians 
nous  font  éprouver  !  Nous  les  pré- 
férerions à  tout  ce  que  le  monde 
peut  nous  offrir  de  plus  agréable 
et  de  plus  propre  à  nous  charmer. 
L'adorable  Jésus  ne  fit  pas  la  con- 
quête de  son  royaume  parla  route 
du  Thabor;  et,  s'il  y  fit  éclater  sa 
gloire  un  instant,  ce  n'étoit  que 
pour  nous  encourager,  et  pour 
nous  donner  une  idée  du  bonheur 
dont  on  jouit  dans  un  royaume 
dont  le  souverain  est  revêtu  de  tant 
d'éclat  et  de  tant  de  majesté.  Mais 
ce  Sauveur,  plein  d'amour  pour 
nous,  préféra  la  route  sanglante 
du  Calvaire;  et  là,  il  cimenta  de 
son  sang  précieux,  la  religion 
sainte  qu'il  avoit  prêchée  à  des 
ingrats,  qui,  pour  prix  de  ses 
veilles  et  de  ses  travaux,  lui  arra- 
chèrent impitoyablement  la  vie, 
en  lui  faisant  endurer  des  tour- 
mens  que  l'esprit  humain  ne  peut 
comprendre.  D'après  cet  exemple, 
voyez,  ma  bonne  mère,  si  un 
chrétien  ne  doit  pas  s'estimer  fort 
heureux  de  souffrir  quelque  chose, 
surtout  avec  l'espérance  du  Ciel. 
Les  hommes  parcourent  toutes  les 
mers,  pour  amasser  un  vil  métal 
qui  périra  avec  eux;  et  un  chré- 
tien  ne   voudroit   pas  endurer 
quelques  mois  de  captivité,  quel- 
ques légères  privations,  la  mort 


228  MM 

même,  très-douce  en  soi,  pour 
faire  la  conquête  d'un  royaume  où 
tous  les  désirs  du  cœur  humain 
sont  remplis,  puisqu'on  y  possède 
le  divin  auteur  de  notre  être;  l'es- 
prit incréé,  qui,  de  rien,  fit  dans 
le  temps  tout  ce  qui  existe  ,  et 
qui,  au  premier  acte  de  sa  vo- 
lonté, jeta  les  fondemens  de  ce 
vaste  univers,  et  de  tout  ce  qu'il 
contient;  qui,  de  plus,  ne  fit  tout 
cela  que  pour  nous  !  De  quels  sen- 
timens  d'amour,  de  respect  et  de 
reconnoissance  ne  devons -nous 
pas  être  pénétrés ,  à  la  vue  de  tant 
de  bienfaits!....  J'espère  que  vous 
trouverez,  dans  votre  religion, 
un  remède  efficace  à  vos  peines. 
Use  pensez  plus  à  moi,  que  comme 
je  pense  à  vous  ;  c'est-à-dire  dans 
vos  prières  seulement,  et  toujours 
selon  le  bon  plaisir  et  la  sainte 
volonté  du  Seigneur...  Quant  aux 
biens  et  à  la  fortune  où  je  pou- 
vois  prétendre ,  je  les  méprise  sou- 
verainement, et  je  leur  dis,  de 
grand  cœur,  un  éternel  adieu.  Je 
suis  trop  ambitieux  pour  m'atta- 
cher  à  si  peu  de  chose.  Je  préfère 
le  solide  ;  et   je  suis  persuadé 
qu'au  fond  de  votre  cœur,  vous 
dites  que  j'ai  raison...  Ainsi,  ma 
respectable  mère,  il  faut  se  déta- 
cher peu  à  peu  des  biens  de  ce 
monde.  Ils  n'ont  jamais  été  faits 
pour  captiver  le  cœur  d'un  chré- 
tien, qui  doit  penser  continuelle- 
ment à  sa  fin  dernière  et  au  juge- 
ment général ,  où  ,  je  l'espère  , 
nous  nous  réunirons  pour  possé- 


BIM 

der  ensemble  une  vie  exempte  de 
toutes  les  infirmités  que  l'on  res- 
sent dans  celle-ci.  Vous  et  moi , 
serons  peut-être  ensemble  plus  tôt 

que  vous  ne  pensez  :  qui  sait  ?  

Laissez  agir  la  divine  Providence  : 
elle  sait,  mieux  que  nous,  ce  qui 
nous  convient;  et  elle  fera  tou- 
jours tourner  toutes  choses  à  notre 
avantage,  pourvu  que,  de  notre 
côté ,  nous  n'y  mettions  aucun 
obstacle.  Il  ne  me  manque  rien 
ici  :  soyez  tranquille  à  ce  sujet. 
Ne  dites  plus,  ce  que  je  suis  con- 
vaincu être  sorti  de  votre  bouche, 
peut-être,  hélas!  trop  de  fois,  ne 
dites  plus  de  moi  :  Pauvre  mal- 
heureux !  et  mille  autres  paroles 
semblables,  qui,  dans  la  bouche 
d'un  chrétien,  sont  des  espèces 
de  blasphèmes;  car  J. -C.  nous 
a  dit,  dans  son  Evangile  :  Bien- 
heureux ceux  qui  souffrent 
persécution  pour  ia  justice, 
parce  qu'ils  posséderont  ie> 
royaume  des  deux.  — Bienheu- 
reux !  je  ne  suis  donc  pas  mal- 
heureux, infortuné,  ni  misérable; 
car  ce  sont  là  les  expressions  dont 
se  sert  le  monde.  Monde  insensé  ! 
que  tu  connois  bien  peu  le  bon- 
heur de  ceux  qui  souffrent  pour  la 
justice  et  la  vérité,  et  encore  moins 
les  délices  dont  jouissent  ceux  qui 
versent  leur  sang  pour  la  plus 
juste  et  la  plus  sainte  de  toutes 
les  causes  !  Ainsi,  vous  voyei 
qu'il  est  de  Foi  que  je  suis  bien- 
heureux. J'espère  que  vous  n'i- 
rez pas  contre  cette  sublime  vé- 


BLM 

rité,  qui  fait  le  charme  de  ma 
vie....  Je  finis,  etc.  etc.  ». 

Après  un  séjour  de  quatre  mois 
à  la  Conciergerie,  Bimbenet  fut, 
non  sans  chagrin  de  voir  différer 
son  jugement,  transféré  dans  la 
prison  dite  des  Carmes,  avec  le 
prêtre  Ploquin.  On  voit,  par  une 
lettre  de  l'abbé  Emery,  au  frère  de 
ce  vertueux  jeune  homme,  écrite  le 
25  janvier  1795,  un  an  après  sa 
mort,  que,  «  dans  cette  autre  pri- 
son ,  comme  à  la  Conciergerie  , 
il  parut  un  ange  aux  yeux  des 
compagnons  de  sa  captivité;  qu'au- 
cun prisonnier  ne  fit  plus  de  sen- 
sation ,  et  ne  montra  plus  de  Foi  » . 

Le  34  février,  on  le  ramena  ino- 
pinément à  la  Conciergerie,  avec 
le  Sulpicien  Ploquin;  et,  le  len- 
demain, on  les  fit  monter  au  tri- 
bunal, avec  leurs  deux  hôtesses. 
En  l'y  condamnant  àmort,  comme 
les  trois  autres,  le  7  ventôse  an  II 
(a5  février  1794)  »  on  affecta  de  le 
désigner  comme  soldat  de  l'armée 
dite  Catholique-Royale.  «  Lors- 
qu'il descendoit  du  tribunal,  re- 
prend l'abbé  Emery,  dans  sa  lettre 
au  frère  de  Bimbenet ,  il  exhortoit 
lui-même  à  la  mort  les  demoi- 
selles qui  lui  avoient  donné  un 
asile,  et  qui  étoient  condamnées 
par  le  même  jugement.  Un  jeune 
prêtre,  qui  accompagna  jusqu'à 
l'échafaud  la  charrette  où  il  étoit , 
avec  l'abbé  Ploquin,  m'a  dit  que, 
sur  toute  la  route,  on  fut  frappé 
de  la  sérénité  et  de  la  gaîté  qui 
paroissoient  sur  son  ■visage.  Sa 


BIM  229 

joie  éclata  à  la  vue  de  la  guillo- 
tine; et,  en  montant  sur  l'écha- 
faud, il  chanta  le  psaume  Lau- 
date  Dominum,  omnes  gcntes. 
Pour  tout  dire  en  un  mot,  vous 
êtes  assuré  d'avoir  un  frère  parmi 
les  Bienheureux  » . 

La  veille  de  sa  condamnation, 
qu'il  prévoyoit,  le  jeune  Bimbe- 
net avoit  écrit  lui-même  une  lettre 
à  ce  même  frère,  dans  laquelle  il 
lui  disoit  :  «  Nous  monterons  de- 
main à  neuf  heures  au  tribunal, 
pour  être  jugés...  J'espère  que 
ma  mort  vous  causera  plus  de 
joie  que  de  tristesse.  Faites  tous 
vos  efforts  pour  la  faire  envisager 
sous  ce  point  de  vue  à  notre  res- 
pectable mère.  Les  lettres  qu'elle 
m'a  écrites  m'ont  bien  consolé, 
surtout  en  m'apprenant  qu'on 
remplira  scrupuleusement  mes 
dernières  volontés  :  je  vous  les 
réitère  de  nouveau.  Je  crois  que 
l'homme  qui  nous  a  dénoncés  est 
dans  la  misère  :  je  désirerois  que 
vous  lui  fissiez  passer  cent  livres. 
Il  a  plusieurs  enfans,  et  n'a  pas 
probablement  reçu  cette  somme , 
qui  étoit  l'espérance  de  sa  dénon- 
ciation (1).  Adieu,  mon  cher  frère 
et  ami  :  nous  nous  verrons  dans 
l'éternité ,  et  cela  ne  sera  pas  long. 
Le  Seigneur  vous  réserve  à  de 
plus  grands  maux  que  nous  :  que 
sa  sainte  volonté  soit  faite! — As- 


(1)  Récompense  promise  par  la 
Convention  aux  dénonciateurs.  (  V 
ci-devaut,  tom.  I,  pag.  219.  ) 


a3o  BIN 

surez  toutes  mes  connoissances  de 
mon  inviolable  attachement;  priez- 
les  de  penser  quelquefois  à  moi, 
comme  je  penserai  à  elles,  jus- 
qu'à l'heureux  moment  où  nous 
serons  tous  réunis  dans  le  sein  du 
Père,  du  Fils  et  du  haint-Es- 
prit.  Que  Dieu  vous  comble  tous 
de  ses  bénédictions  :  ce  sont  les 
vœux  que  je  forme,  sur  le  point 
de  paroître  devant  son  auguste 
Majesté....  Adieu....  pour  l'éter- 
nité ». 

Puisque  nous  transcrivons  ceque 
Bimbenet  écrivit  d'édifiant,  pen- 
dant sa  détention,  nous  ne  devons 
pas  oublier  de  citer  la  première  des 
lettres  qu'il  avoit  adressées  à  son 
frère,  le  24  septembre  1793,  peu 
de  jours  après  être  entré  à  la  Con- 
ciergerie. En  lui  apprenant  qu'il 
avoit  été  arrêté  où  il  étoit,  il  lui 
envoyoit  un  petit  écrit  dans  lequel 
il  avoit  consigné  ses  dernières  vo- 
lontés que  la  précédente  rappelle. 
Après  les  lui  avoir  déclarées  en 
détail,  il  ajoutoit  ces  mots  :  «  Sur- 
tout, mon  bon  ami,  quelque  chose 
qui  m'arrive ,  point  de  ven- 
geance; ne  pensons  qu'à  apaiser 
la  colère  du  Seigneur  justement 
irrité  contre  nous  ».  {V .  encore 
Besnard  ,  Heryillé  ,  Poullin  , 
Saunier  et  Vauclempute.  ) 

BINARD  (Michel-André-Syl- 
vestre), prêtre  et  professeur  de  la 
classe  de  troisième,  au  collège  de 
Navarre,  à  Paris,  étoit  depuis 
long-temps  voué  à  l'instruction  de 
la  jeunesse.   L'âge  déjà  avancé 


BIN 

qu'il  avoit,  lors  de  la  révolution, 
rappelait  de  longs  services  en  ce 
genre  ;  et  les  leçons  de  ce  profes- 
seur, qui  associoit  les  vertus  reli- 
gieuses à  l'enseignement  des  élé- 
mens  des  sciences  humaines  , 
tendoient  à  former  à  la  religion, 
les  jeunes  gens  qu'il  exerçoit  à 
d'autres  études.  Quoique  l'Assem- 
blée Constituante ,  par  ses  ré- 
formes subversives ,  pût  faire 
craindre  de  plus  grands  désastres, 
le  professeur  Binard  croyoit  en 
être  à  l'abri  par  l'utilité  de  ses 
fonctions,  et  surtout  de  son  col- 
lège. Il  continuoit  de  l'habiter 
avec  confiance,  et  s'y  trouvoit  à 
l'époque  du  10  août  1792.  Quand 
les  révolutionnaires,  peu  de  jours 
après ,  se  mirent  à  rechercher  les 
prêtres  non-assermentés,  pour  les 
enfermer  dans  une  prison  de  mort , 
Binard  fut  arrêté  comme  tel,  le 
23  du  même  mois.  Amené  devant 
le  comité  de  sa  section,  il  refusa 
derechef  le  serment  qu'on  lui  de- 
mandoit,  et  fut,  en  conséquence, 
écroué  le  même  jour,  dans  le  sé- 
minaire de  Saint-Firmin,  où, 
partageant  les  pieuses  dispositions 
des  autres  captifs  du  sacerdoce, 
qui  étoient  avec  lui,  il  se  pré- 
para au  sacrifice  de  sa  vie.  Le 
5  septembre ,  il  fut  massacré  avec 
eux  (  V .  Alricy  et  Septembre  ). 
Son  âge  étoit  alors  de  5o  ans.  Un 
de  ses  collègues,  encore  vivant, 
nous  atteste  que  le  professeur  Bi- 
nard «  étoit  un  prêtre  fort  pieux, 
et  qu'il  s'adonnoit,  avec  autant  de 


BIO 

fruit  que  de  zèle ,  au  ministère  de 
la  confession  ». 

BINARDIÈRE  (N...  Duportail 
de  la)  ,  ancien  curé  de  Notre- 
Dame-du-Ham ,  dans  le  diocèse 
du  Mans,  né  à  Saint-Jouen,  dans 
le  Perche,  âgé  de  52  ans,  s'étoit 
retiré  à  Belesme,  auprès  de  sa 
mère,  qui  n'avoit  pas  moins  de 
90  ans.  Lors  des  premières  insur- 
rections contre  les  prêtres  non- 
assermentés,  La  Binardière,  qui 
n'avoit  eu  garde  de  faire  le  ser- 
ment schismatique,  désapprou- 
voit,  par  sa  seule  conduite,  celle 
de  l'intrus  jureur  qui  s'étoit  ins- 
tallé dans  la  cure  de  Belesme  ,  à 
la  place  du  curé  légitime.  Les  ré- 
volutionnaires du  pays,  excités  par 
les  novateurs,  se  portèrent  avec 
fureur  dans  la  maison  qu'habitoit 
La  Binardière.  Les  larmes ,  les  cris 
et  les  gémissemens  de  sa  mère, 
dont  il  étoit  l'appui  dans  son  ex- 
trême vieillesse,  ne  les  fléchirent 
point.  Ils  le  conduisirent  sur  la 
place  publique.  Là,  ils  commen- 
cèrent par  aiguiser  leurs  sabres 
sous  ses  yeux;  puis  deux  de  ces 
assassins,  l'un  à  droite  et  l'autre  à 
gauche,  approchant  de  sa  gorge 
leurs  armes  affilées ,  lui  dirent 
qu'il  falloit  à  l'instant,  ou  jurer 
ou  périr.  Il  répondit  :  «J'ai  fait  à 
mon  Dieu  et  à  mon  Roi,  d'autres 
sermens;  je  ne  les  violerai  pas, 
pour  faire  les  vôtres  ».  A  l'instant 
sa  tête  fut  abattue  :  ce  meurtre 
eut  lieu  en  juillet  1792. 
BIOCHET  (LotiisE-ConN),  re- 


BIS  35i 
ligieuse  Carmélite  de  Paris,  étant 
rejetée  dans  le  monde  par  les  im- 
pies réformateurs  qui  suppri- 
moient  les  ordres  monastiques,  s'é- 
toit retirée  dans  un  modeste  domi- 
cile ,  où  elle  pratiquoit  sa  religion 
avec  la  même  ferveur  que  dans  le 
cloître.  Les  persécuteurs  la  firent 
arrêter,  en  179^;  et  elle  fut  tra- 
duite devant  le  tribunal  révolu- 
tionnaire,  le  21  pluviôse  an  II 
(9  février  1 794)-  Les  juges,  la  trou- 
vant convaincue  d'être  ce  qu'ils 
appeloient  fanatique ,  c'est-à- 
dire  fidèle  à  ses  devoirs  de  piété , 
pleine  de  Foi  et  de  vertus  reli- 
gieuses, la  condamnèrent,  pour 
cette  cause,  à  la  peine  de  mort; 
et  sa  tête  tomba,  le  même  jour, 
sur  l'échafaud. 

BISE  (Nicolas),  prêtre  de  la 
communauté  de  Saint-Nicolas-du- 
Chardonnet,  à  Paris,  étoit  préfet 
du  séminaire  qu'elle  dirigeoit,  sous 
l'autorité  du  supérieur  de  cette 
congrégation  (  V.  Andrieux).  II 
le  secondoit  avec  un  succès  égal 
au  zèle  qu'il  y  portoit.  Associé  à 
ses  soins,  et  non  moins  ferme  que 
lui  dans  sa  Foi  comme  dans  la 
pratique  des  vertus  de  son  état, 
il  s'attira  de  même  la  haine  des 
impies,  et  fut  arrêté  avec  lui,  le 
i3  août  1792.  Les  dangers  qu'il 
courut  en  arrivant  au  comité  civil 
de  la  section,  ont  été  déjà  racon- 
tés dans  l'article  du  vertueux  An- 
drieux.  Ses  réponses  furent  celles- 
là  même  de  son  supérieur.  On 
l'enferma ,  comme  lui  et  ses  autres 


33a  BLA 

compagnons  de  Saint- Nicolas-du- 
Chardonnet,  dans  le  séminaire  de 
Saint-Firmin  ;  et  il  y  fut  massa- 
cré ,  avec  eux ,  le  5  septembre  sui- 
vant, pour  la  seule  raison  qu'il 
n'avoit  pas  voulu  trahir  sa  Foi, 
par  la  prestation  du  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé 
(  V.  Septembre  ).  Il  avoit  alors 
55  ans. 

BLANC  (Marie-Claire),  reli- 
gieuse de  l'ordre  du  Saint-Sacre- 
ment, dans  la  ville  de  Boulène, 
près  le  Pont-Saint-Esprit,  y  por- 
toit  le  nom  de  sœur  Saint-Mar- 
tin. Elle  avoit  continué  à  vivre  en 
commun,  avec  plusieurs  autres 
religieuses,  à  Boulène,  depuis  l'a- 
bolition des  cloîtres  ;  et  elle  fut 
du  nombre  des  quarante  -  deux 
épouses  de  Jésus  -  Christ  que , 
le  premier  jour  de  mai  1794? 
les  féroces  révolutionnaires  traî- 
nèrent à  Orange,  pour  y  être  im- 
molées par  la  terrible  commission 
populaire ,    que  le  proconsul 
Maignet  avoit  ordre  d'y  établir  (  V . 
Orange).  On  peut  voir,  à  l'article 
de  la  sœur  Albarède,  comment 
la  sœur  Blanc,  d'accord  avec  ses 
compagnes,  se  prépara  au  mar- 
tyre.   Non    moins  déterminée 
qu'elles  à  mourir  pour  leur  divin 
Epoux,  et  à  ne  pas  faire  ce  ser- 
ment de  liberté-égalité ,  qu'on 
leur  demandoit ,  elle  le  refusa 
avec  fermeté,  lorsqu'elle  com- 
parut devant  le  farouche  tribunal, 
à  l'âge  de  55  ans ,  le  25  mes- 
sidor an  II  (11  juillet  1794)-  EHe 


BLA 

y  fut,  en  conséquence,  condam- 
née à  la  peine  de  mort,  «  comme 
fanatique,  comme  réfractaire  », 
et,  suivant  la  logique  des  tribu- 
naux d'alors  ,  comme  «  contre- 
révolutionnaire  » .  Elle  reçut  sa 
sentence  avec  joie,  et  partagea 
les  sentimens  des  trois  compagnes 
qui  étoient  condamnées  en  même- 
temps  qu'elle,  à  la  même  peine, 
et  pour  la  même  cause.  (  V .  B. 
Bès,  M.  E.  Pelissier,  M.  d'Al- 
barède  ;  et,  pour  la  suite  des  vic- 
times du  même  tribunal,  M«le 
Bonneret.) 

BLANC HABD  (André),  prêtre 
du  diocèse  de  Die ,  né  à  Penne- 
sur-Bernave,  en  1740,  n'ayant 
point  prêté  le  serment  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé ,  et 
croyant  faire  mieux  que  de  se 
soumettre  à  la  loi  de  la  déportation , 
alla  se  réfugier,  en  1795,  à  Lyon, 
où  les  prêtres  catholiques  rece- 
voient  un  si  favorable  accueil.  La 
Convention  ayant  déployé  ses  fu- 
reurs contre  cette  ville,  à  la  fin 
de  cette  année,  Blanchard  fut  du 
grand  nombre  des  prêtres  qu'on 
y  arrêta.  Traduit  devant  la  com- 
mission révolutionnaire  qui  les 
envoyoit  à  la  mort  {V.  Lyon),  il 
fut  condamné,  le  14  pluviôse  an  II 
(2  février  1794)?  a  perdre  la  vie, 
en  qualité  de  «prêtre  réfractaire  »  ; 
et  fut  exécuté  le  jour  suivant.  [V. 
Bevi  et  M.  A.  Blanchardon.) 

BLANCHABD  (Nicolas),  prê- 
tre du  diocèse  de  Langres ,  n'ayant 
point  fait  le  serment  de  1791,  et 


BLA 

n'étant  point  sorti  de  France  à  la 
fin  de  1 795,  vivoit  retiré  à  Viraux, 
près  d'Ancy- le- Franc.  Les  per- 
sécuteurs le  découvrirent,  et  le 
firent  arrêter  au  printemps  de 
l'année  suivante.  On  le  traduisit 
devant  le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement de  la  Haute-Marne , 
siégeant  à  Chaumont  en  Bassigny. 
Il  y  comparut  le  12  juin  1790. 
Comme  il  n'avoit  pas  été  fonc- 
tionnaire public  (^.Déportation), 
les  juges  ne  pouvant  le  condam- 
ner comme  «  prêtre  réfractaire  » , 
quoiqu'il  fût  inassermenté,  re- 
coururent à  l'expédient  facile  de 
l'accuser  de  contre-révolution  ;  et, 
sous  ce  prétexte  ,  ils  l'envoyèrent 
à  l'échafaud ,  où  sa  tête  tomba  le 
lendemain. 

BLANCHARDON  (  Michel- 
Antoine  de  ) ,  né  au  Mans ,  cha- 
noine, prieur  et  curé  de  l'église, 
abbaye  royale  de  Notre-Dame-de- 
Belleville,  en  Beaujolais,  unie, 
depuis  176g,  à  la  congrégation 
des  chanoines  réguliers  de  France , 
fut  privé,  en  1791,  des  deux 
premières  charges  ,  par  les  réfor- 
mes révolutionnaires,  et  de  sa 
cure,  par  son  refus  du  serment 
de  la  constitution  civile  du 
clergé.  Son  attachement  à  ses 
paroissiens  le  détourna  de  sortir 
de  France ,  lors  de  l'expulsion  des 
prêtres  non-assermentés,  par  la 
loi  du  26  août  1 792  ;  et  il  continua 
l'exercice  de  son  ministère  pasto- 
ral ,  dans  la  contrée ,  au  milieu  des 
horribles  persécutions  de  1790. 


BLA  a53 

II  en  devint  lui-même  la  victime, 
quand  une  affreuse  commission 
révolutionnaire  eut  été  établie  à 
Lyon,  vers  la  fin  de  cette  année 
(  V.  Lyon).  Le  curé  Blanchardon 
âgé  de  59  ans,  fut  arrêté  et  traîné 
dans  les  prisons  de  cette  ville, 
pour  être  jugé  par  l'impie  autant 
que  sanguinaire  tribunal ,  où  il 
comparut  le  16  germinal  an  II 
(5  avril  1794)-  Les  juges  lui  de- 
mandèrent bien  inutilement  le 
serment  de  liberté  -  égalité ,  et 
ses  lettres  de  prêtrise.  Il  les  refusa 
en  homme  disposé  à  donner  sa 
vie  pour  Jésus-Christ;  et  il  fut  con- 
damné à  la  peine  de  mort,  comme 
«  prêtre  fanatique,  ne  voulant 
pas  se  conformer  aux  lois»  {V. 
A.  Blanchard  et  Blin.) 

BLANCVILLAIN  (  Pierre  ), 
prêtre  du  diocèse  d'Angers,  vicaire 
en  la  paroisse  de  la  Jumellière, 
près  de  Chemillé ,  fut  saisi  dans 
cette  terrible  guerre  qu'on  faisoit 
à  la  religion  et  à  ses  ministres,  en 
1795.  Tous  ceux  qu'on  arrêtoit 
dans  l'Anjou,  comme  dans  le  Poi- 
tou et  la  Bretagne  dont  la  popu- 
lation s'éloit  soulevée  en  faveur 
de  la  religion  et  de  la  royauté , 
étoient  appelés  brigands  de  ia 
Vendée  [V.  Vendée).  Le  vicaire 
Blancvillain ,  arrêté  à  son  tour, 
et  amené  à  la  commission  mili- 
taire qui  jugeoit  à  Saint-Malo,  y 
fut  condamné,  comme  tel,  à  la 
peine  de  mort,  le  21  nivose  an  II 
(  10  janvier  1794);  et,  le  lende- 
main il  fut  immolé. 


<iÔl\  BLA 

BLANQUART  (Charles-Fran- 
çois-Joseph), avocat  célèbre  au 
conseil  de  l'Artois,  né  à  Moule, 
et  demeurant  à  Arras,  avoit  pris 
part  en  178g  à  une  protestation 
faite  au  nom  de  la  province  d'Ar- 
tois ,  lors  de  l'Assemblée  des  No- 
tables, contre  tout  ce  qui  pourroit 
être  entrepris  au  préjudice  des 
privilèges  du  pays.  Le  proconsul 
Jh  Lebon,  envoyé  par  la  Conven- 
tion en  îjgS,  pour  ravager  et  en- 
sanglanter la  contrée ,  trouva  dans 
cette  ancienne  protestation  un  pré- 
texte pour  en  faire  périr  les  au- 
teurs, lorsque  d'ailleurs  ils  feroient 
profession  de  piété  (V.  Arras). 
Or,  l'avocat  Blanquart ,  alors  âgé 
de  48  ans,  avoit  ce  tort  impardon- 
nable aux  yeux  du  proconsul  et  de 
ses  suppôts  impies.  «  Blanquart , 
dit  dans  le  même  esprit  le  conven- 
tionnel A.  B.  J.  Guffroy  (Secrets 
cle  J  ■  Lebon),  Blanquart  a  été  le 
protecteur  forcené  des  prêtres»; 
c'est-à-dire  qu'animé  des  senti- 
mens  de  la  Foi,  il  protégeoit  la 
religion  et  ses  ministres.  Tel  est 
le  véritable  motif  pour  lequel 
Jh  Lebon  le  fit  envoyer  à  la  guil- 
lotine, par  son  tribunal  révolu- 
tionnaire, le  16  germinal  an  II 
(5  avril  1 794)»  sous  la  vague  sup- 
position d'une  «conspiration  con- 
tre le  peuple  français  et  sa  liberté  » 
V .  Bataille).  Ce  fut  après  l'avoir 
mis  à  mort,  que  le  bourreau  lassé 
par  le  grand  nombre  d'exécutions 
qu'il  avoit  déjà  faites ,  vint  de- 
mander au  proconsul  de  lui  lais- 


BLI 

ser  un  jour  de  repos,  en  donnant 
pour  motif  de  sa  demande,  le 
besoin  que  le  fer  de  la  guillotine 
avoit  d'être  aiguisé,  attendu,  di- 
soit-il,  qu'il  s'étoit  ébréebé  en 
décapitant  Blanquart.  «  Voyez 
donc,  s'écria  le  proconsul,  voyez 
comme  ces  aristocrates  sont  récal- 
citrans  !  ils  le  sont  même  sous  le 
fer  qui  abat  leurs  têtes»  !  (  V .  L. 
A.  Becquet  et  V.  A.  Blin  de  Rul- 

LECOMTE.  ) 

BLIN  (Jean-Baptiste),  prêtre , 
ancien  religieux  de  l'ordre  des  Pic- 
pus,  et  canoniquement  sécularisé 
depuis  nombre  d'années,  exercoit 
à  Lyon  le  saint  ministère  avec  au- 
tant de  modestie  que  de  zèle  ;  et 
les  fruits  qu'en  retiroit  la  religion, 
le  rendoient  très-estimable  au  curé 
de  la  paroisse  dans  laquelle  il  ré- 
sidoit.  La  constitution  civile  du 
clergé  ne  le  séduisit  point;  et, 
lors  de  l'expulsion  des  prêtres  non- 
assermentés  par  la  loi  du  26  août 
1792,  il  ne  sortit  pas  de  France, 
et  resta  à  Lyon,  où  il  continua  de 
remplir  les  fonctions  sacerdotales 
dans  une  sorte  d'obscurité.  Son 
âge  avancé  le  dispensoit  d'ailleurs 
aux  yeux  de  la  loi  de  s'expatrier. 
Il  fut  aisément  découvert  après  le 
siège  de  Lyon  ;  les  explorateurs 
de  la  terrible  commission  révo- 
lutionnaire établie  en  cette  ville, 
vers  la  fin  de  1790,  arrêtèrent 
aussi  cet  ecclésiastique.  Après 
avoir  souffert  quelque  temps  dans 
les  prisons  ,  il  fut  traduit  à  cet 
affreux  tribunal ,  le  20  pluviôse 


1 


BU 

an  II  (8  février  1794)?  à  l'âge  de 
soixante-quatre  ans.  On  ne  put  l'y 
décider  par  l'appareil  de  la  mort 
à  compromettre  sa  Foi  par  le  ser- 
ment de  liberté-égalité,  et  moins 
encore  à  la  tradition  de  ses  lettres 
de  prêtrise  {V .  Lyon).  Il  fut  en 
conséquence  condamné  à  périr  du 
supplice  de  la  guillotine,  comme 
«  prêtre  réfractaire  à  la  loi  ». 
{V .  Blanchardon  et  Bossan. ) 

BLIN  DE  RULLECOMTE 
(  Vindicien-Antoine),  né  à  Arras 
en  1762,  étoit  marié  depuis  peu 
de  temps,  lorsqu'arrivèrent  les 
exécrables  années  de  1793  et 
1794.  Quoique  vivant  dans  le 
monde,  il  fit  preuve  d'une  grande 
constance  dans  la  Foi  catholique, 
au  milieu  du  débordement  des 
erreurs  de  la  constitution  civile 
du  clergé,  et  des  horreurs  de  l'a- 
théisme qui  leur  succédèrent.  L'o- 
ratoire orthodoxe  de  la  vc  Bataille 
étoit  fréquenté  par  lui  ;  et  il  y  as- 
sista même  comme  témoin,  avec 
Antoine  Le  Roi  d'Hurtebise  (  V .  ce 
nom  )  au  mariage  de  deux  catho- 
liques, béni  par  un  prêtre  resté 
fidèle.  Le  conventionnel  Lebon, 
proconsul  à  Arras,  ayant  appris 
ce  fait  {V.  Arras),  se  hâta  de 
comprendre  Blin  de  Rullecomte 
parmi  les  pieux  associés  de  la  cha- 
ritable dame  Bataille.  On  peut  voir 
à  l'article  de  Le  Roi  d'Hurtebise, 
l'arrêté  impie  du  proconsul  contre 
ces  deux  témoins  d'une  action 
religieuse,  faite  suivant  les  règles 
de  la  Foi.  Blin  de  Rullecomte  fut 


BLO  a5f> 

envoyé  à  la  mort  avec  son  co- 
témoin,  et  les  dix-huit  associés  de 
la  bonne  œuvre  de  la  ve  Bataille, 
le  25  germinal  an  II  (14  avril 
1794).  Il  n'avoit  alors  que  32 
ans.  (  V.  C.  T.  J.  Blanquart  et 
G.  F.  Boucquart.  ) 

Blondelet  {N...),  prêtre -cha- 
noine ou  chapelain  de  Clermont 
en  Argonne,  dans  le  diocèse  de 
Verdun,  montra  sans  doute,  lors 
du  schisme  constitutionnel  de  1791, 
et  ensuite  au  milieu  des  énormes 
scandales  de  l'impiété  en  1792  et 
1793,  un  très-notable  attache- 
ment à  ses  devoirs,  puisqu'il  fut 
arrêté  comme  ministre  de  la  reli- 
gion. Les  autorités  du  départe- 
ment de  la  Meuse  où  il  résidoit,  le 
condamnèrent  à  la  déportation  au 
delà  des  mers;  et  il  fut  conduit  à 
Rochefort  pour  être  embarqué. 
(  V.  Rochefort).  On  l'y  plaça  sur 
le  navire  le  Washington;  et, 
dans  cette  déportation  ,  il  suc- 
comba en  1794  5  à  60  ans  envi- 
ron ,  sous  les  maux  cruels  que 
les  prêtres  éprouvoient.  Le  com- 
pagnon de  leurs  tortures  qui , 
après  en  être  revenu  vivant  en 
1795,  nous  envoya  en  1800,  les 
noms  de  ceux  qui  y  périrent,  ajou- 
toit  à  celui  du  prêtre  Blondelet 
pour  montrer  l'exactitude  de  seS 
notices  :  «  On  ignore  s'il  étoit  as- 
sermenté ou  non  »;  mais  ensuite 
il  nous  prioit  d'observer  que  «par 
de  semblables  remarques,  il  n'en- 
tendoitpas  dire  qu'il  avoit  des  rai- 
sons pour  croire  que  celui  dont  il 


256  BLO 

ignoroit  le  refus  ou  la  rétractation 
du  serment,  l'eût  prêté  et  ne  l'eût 
pas  rétracté  ;  mais  seulement  qu'il 
n'avoit  pu ,  malgré  toutes  ses  re- 
cherches, obtenir  la  certitude  que 
tels  ou  tels  prêtres  avoient  refusé 
le  serment  ou  l'avoient  rétracté 
après  l'avoir  fait  ».  Cette  circons- 
pection de  notre  correspondant 
étoit  d'autant  moins  défavorable  à 
ceux  auxquels  il  appliquoit  pa- 
reille note ,  qu'il  nous  a  été  prouvé 
d'ailleurs  que  plusieurs  d'entre 
eux  avoient  formellement  refusé 
les  criminels  sermens  de  1791  et 
de  1792.  [V,  J.  B.  H.  Billocqce 
et  J.  G,  Blot-de-Chacvigny.  ) 

BLON  DET  (  Louis  -  Marie  ) , 
curé  d'Usson,  près  de  Haunay, 
dans  le  diocèse  de  Poitiers,  s'étoit 
dispensé  d'obéir  à  la  loi  de  dépor- 
tation du  26  août  1792,  quoiqu'il 
ne  se  fût  point  rendu  coupable 
du  serment  schismatique  de  1791. 
Son  zèle  pour  ses  paroissiens  l'a  voit 
retenu  au  milieu  d'eux.  Il  y  fut 
arrêté  en  1 793  ;  et  on  le  jeta  dans 
les  prisons  de  Poitiers  (  V .  Poi- 
tiers ).  Le  tribunal  criminel 
du  département  de  la  Vienne , 
siégeant  en  cette  ville ,  le  con- 
damna à  la  peine  de  mort,  comme 
«  prêtre  réfractaire  »,  le  28  ven- 
tôse an  II  (18  mars  1 794  )  ;  et  le 
curé  Blondet  mêla  son  sang  aux 
seize  autres  victimes  sacerdotales, 
que  ce  tribunal  fit  périr  le  même 
jour  en  haine  de  la  religion.  (  V .  A. 
S.  Bertrand  et  L.  Bonnet.  ) 

BLOQUET  (Pierre),  prêtre 


BLO 

du  diocèse  de  Coutances ,  né 
dans  cette  ville  en  1714?  fut  a'*- 
rêté  dans  sa  province  en  1 795 , 
et  amené  à  Paris,  malgré  ses  80 
ans,  pour  y  être  une  des  victimes 
du  tribunal  révolutionnaire.  Il 
n'avoit  pas  fait  le  serment  schis- 
matique de  1791  ;  et  sa  vieillesse 
l'avoit  dispensé  de  sortir  de  France 
lors  de  la  loi  de  déportation  du 
26  août  1792.  Pour  le  condam- 
ner à  la  peine  de  mort,  on  ima- 
gina d'impliquer  ce  vieillard  dans 
une  prétendue  conspiration  des 
prisonniers  de  la  maison  de  Saint- 
Lazare  où  il  étoit  détenu.  Mais, 
dans  la  sentence,  on  ne  put  s'abs- 
tenir de  remarquer  qu'il  étoit  non 
assermenté  :  par  où  il  devenoit 
évident  que  sa  constance  dans  la 
Foi  étoit  ce  qu'en  lui  on  trouvoit 
le  plus  digne  de  la  peine  capitale. 
Ce  jugement  fut  rendu  le  8  ther- 
midor an  II  (26  juillet  1794)  ;  et 
le  prêtre  Bloquet  fut  décapité  le 
même  jour. 
BLOT-DE-CHAUVIGNY  (Jean- 
Gilbert)  ,  prêtre,  chanoine  de 
Notre-Dame  de  Moulins,  vicaire- 
général  de  Vabres  en  Rouergue , 
et  né  en  1748?  à  Saint-Bonnet  de 
Rochefort ,  dans  le  diocèse  de 
Clermont,  avoit  continué  de  rési- 
der à  Moulins  après  la  suppres- 
sion des  chapitres.  Il  y  montra 
tout  l'attachement  d'un  bon  prêtre 
à  la  Foi  catholique ,  lors  du  serinent 
de  1791  ;  mais  ensuite,  troublé  par 
les  catastrophes  des  10  août  et  2 
septembre  1 792 ,  il  se  laissa  entraî- 


BLU 

ner  à  la  prestation  du  serment  de 
liberté-égalité,  prescrit  à  cette 
désastreuse  époque.  Revenu  bien- 
tôt de  son  trouble ,  il  se  hâta  de 
rétracter  ce  serment,  et  en  rendit 
même  la  rétractation  très-notoire , 
suivant  que  le  lui  prescrivoit  sa 
conscience.  Cette  rétractation  fut 
le  principal  motif  qui  décida  les 
administrateurs  du  département 
de  l'Ailier  à  l'emprisonner.  Le 
chanoine  Blot  se  trouva  bien- 
tôt compris  parmi  les  ministres 
du  Seigneur  qu'à  raison  de  leur 
fidélité  ils  envoyèrent  à  Roche- 
fort  ,  pour  qu'ils  fussent  déportés 
à  la  Guiane  [V .  Rochefort).  Le 
chanoine  Blot  fut  embarqué  sur 
le  navire  les  Deux  Associés;  et 
les  tortures  de  cette  déportation 
le  firent  expirer  le  22  septembre 
1794,  à  l'âge  de  46  ans.  Ses  osse- 
mens  reposent  dans  l'ile  Madame. 
Les  témoignages  rendus  à  sa  mé- 
moire par  ceux  de  ses  compagnons 
de  souffrances  qui  lui  ont  survécu , 
sont  uniformes.  Celui  qui  corres- 
pondoit  avec  nous  en  1800,  nous 
écrivoit  que  le  chanoine  Blot  étoit 
«  un  vertueux  ecclésiastique,  fort 
aimable  en  société  »  ;  et  M.  Gré- 
goire de  la  Biche  ,  dans  la  liste  qui 
accompagne  sa  Relation,  l'ap- 
pelle  «  bon  et  vertueux  ecclé- 
siastique». {F.  Blondelet,  de 
Clermont  en  Argonne ,   et  F. 
Boissiere.  ) 

BLLTEL  (Anne),  religieuse, 
ayant  pour  nom  de  religion  sœur 
Gertrude,  âgée  de  42  ans,  et  née 


BOC  237 
à  La  Rochelle ,  avoit  embrassé  la 
profession  du  cloître  dans  la  ville 
de  Bordeaux.  Après  la  suppression 
des  ordres  monastiques,  elle  étoit 
restée  dans  cette  ville.  Ne  s'étant 
pas  laissé  entraîner  par  l'église  de 
la  constitution  civiledu  clergé, 
elle  assistoit  aux  messes  et  aux  exer- 
cices de  piété  d'un  prêtre  non-as- 
sermenté, que  la  persécution  for- 
çoit  à  se  cacher  [V .  Casau  ).  Elle 
contribua  même ,  avec  dix  autres 
femmes  pieuses  et  un  simple  por- 
teur d'eau ,  à  le  soustraire  aux 
persécuteurs    pendant  quatorze 
mois.  Mais  enfin  ce  prêtre  ayant 
été  découvert  et  ses  bienfaitrices 
reconnues,  la  sœur  Gertrude  fut 
arrêtée  avec  toutes  les  autres  etle 
charitable  porteur  d'eau.  On  la 
traduisit  également  devant  la  com 
mission  militaire  de  cette  ville, 
le  16  messidor  an  II  (4  juillet 
1794);  et,  de  même  que  toutes 
ses  compagnes  en  bonnes  œuvres , 
elle  fut  condamnée  le  même  jour 
à  la  peine  de  mort.  La  sentence 
atteste  formellement  que  sœur 
Gertrude,  comme  les  autres,  ren- 
dit hautement  témoignage  de  sa 
Foi  devant  les  juges ,  et  eut  la  force 
d'âme  de  ne  pas  indiquer  l'asile 
d'autres  prêtres  cachés  que  les  per- 
sécuteurs vouloient  également  im- 
moler. Voyez  cette  sentence  et  le 
nom  de  ces  différentes  personnes, 
à  l'article  J'  Alix. 

BOCHOT  (Claude  ) ,  prêtre  et 
supérieur  de  la  congrégation  de 
la  Doctrine  Chrétienne  à  Paris, 


a38  BOC 
âgé  de  72  ans  à  l'époque  allVeuse 
du  10  août  1792?  étoit  encore 
plus  vénérable  par  ses  vertus 
sacerdotales  que  par  ses  années. 
Il  avoit  surtout  acquis  un  grand 
mérite  auprès  de  Dieu  dans  le 
ministère  de  la  direction  des 
âmes.  La  communauté  qu'il  pré- 
sidoit  méritoit  d'avoir  un  tel  su- 
périeur; et,  dans  tout  le  voisi- 
nage ,  elle  inspiroit  un  respect 
mêlé  d'attachement  dont  on  eut 
une  preuve  bien  touchante  lors- 
qu'après  le  10  août  les  impies  ré- 
volutionnaires se  déchaînèrent  si 
fougueusement  contre  les  prêtres 
non -assermentés,  et  commen- 
cèrent à  les  rechercher  avec  fureur 
ie  dimanche  i3  de  ce  mois.  Les 
personnes  qui  habitoient  dans  le 
voisinage  de  ceux  de  la  Doctrine 
Chrétienne  accoururent  pour  les 
avertir,  et  les  conjurer  de  fuir. 
Ils  n'avoient  encore  pu  s'y  ré- 
soudre, quand,  le  26,  leur  mai- 
son se  trouvant  investie  par  les 
satellites  des  persécuteurs  ;  et  les 
mêmes  voisins  leur  ayant  fait 
connoitre  qu'ils  n'avoient  pas  de 
temps  à  perdre  pour  éviter  le  dan- 
ger, ils  consentirent  à  s'échapper, 
et  sortirent  par  une  porte  non 
fréquentée  et  presque  ignorée,  qui 
s'ouvroit  sur  la  rue  Saint-Etienne- 
du-Mont.Le  supérieur  Bochot,  qui 
leur  en  avoit  lui-même  donné  le 
conseil,  crut  devoir  cependant 
rester  avec  le  P.  Félix,  qui  avoit 
parmi  eux  la  charge  de  procu- 
reur {V.  Félix).  Mais,  pendant 


BOD 

que  les  doctrinaires  fuyoient  d'un 
côté,  les  satellites  entroient  par 
la  principale  porte  de  la  maison; 
et  le  P.  Bochot  les  attendoit  avec 
une  fermeté  accompagnée  de 
calme,  sans  craindre  de  mourir 
par  la  main  des  impies.  Ils  le 
saisirent,  et  le  traînèrent  avec  le 
P.  Félix  au  comité  de  la  section. 
Le  P.  Bochot  leur  étoit  d'autant 
plus  odieux,  qu'avec  son  confrère 
ils  restoient  seuls  chargés  de  toute 
la  haine  vouée  à  une  congréga- 
tion qui,  par  sa  constante  régu- 
larité de  conduite ,  par  les  services 
qu'elle  ne  cessoit  de  rendre  à  tous 
ceux  qui  recouroient  à  elle,  et 
par  les  instructions  solides  qui  se 
faisoient  toute  l'année  dans  son 
église ,  y  attiroit  un  grand  con- 
cours ,  et  jouissoit  de  la  véné- 
ration publique.  Le  P.  Bochot, 
incapable  de  faire  aucun  acte  ré- 
préhensible ,  refusa  le  serment 
que  le  comité  lui  demandoit,  et 
fut  enfermé  ce  jour-là  même,  le 
26  août,  comme  prisonnier,  dans 
le  séminaire  de  Saint-Firmin. 
Digne  du  martyre,  il  ne  tarda  pas 
à  recevoir  du  Ciel  la  récompense 
de  ses  bonnes  œuvres.  Associé  à 
tous  ces  ministres  de  Jésus-Christ 
qu'on  devoit  bientôt  y  faire  périr 
comme  insermentés,  il  fut  mas- 
sacré avec  eux  le  5  septembre 
suivant.  (  V .  Septembre.  ) 

BODEBEAU  (N...),  vicaire 
de  la  paroisse  du  Pré  dans  la  ville 
du  Mans ,  montra ,  dès  les  com- 
mencemens  de  la  révolution .  un© 


BOH 

opposition  très-décidée  aux  er- 
reurs de  la  constitution  civile 
du  clergé.  Il  refusa  avec  beau- 
coup de  fermeté  d'en  prêter  le 
serment,  et  fut  dès  lors  voué  à  la 
persécution.  Lors  de  la  loi  de  dé- 
portation du  26  août  1792,  il  se 
dispensa  de  lui  obéir,  et  resta  en 
France  pour  continuer  à  rendre 
son  ministère  utile  aux  catho- 
liques. Il  eut  pour  asile  secret 
une  maison  de  la  paroisse  de  Cou- 
lombiers,  à  huit  lieues  du  Mans. 
Les  persécuteurs  l'y  ayant  enfin 
découvert,  le  firent  saisir  et  ame- 
ner à  la  prison  de  cette  ville.  Pré- 
Toyant  dans  sa  captivité ,  et  d'après 
les  lois  d'alors,  comme  aussi  d'a- 
près le  refus  qu'il  faisoit  de  prêter 
le  nouveau  serment  de  liberté- 
égalité,,  qu'il  seroit  envoyé  à  la 
mort,  il  se  prépara  au  martyre; 
et  tous  ceux  qui  l'approchoient 
étoient  édifiés  des  sentimens  hé- 
roïques de  piété  qu'il  manifestoit 
en  toute  occasion.  Traduit  enfin 
devant  le  tribunal  criminel  du 
département  de  la  S  art  lie,  sié- 
geant au  Mans,  il  fut  condamné 
ù  la  peine  de  mort ,  comme 
«  prêtre  réfractaire  »,  le  10  prai- 
rial an  II  (29  mai  179J);  et  il 
périt  ce  jour-là  même,  fête  de 
Y  Ascension  de  notre  Seigneur,  ù 
quatre  heures  et  demie  de  l'après- 
midi.  [V .  P.  Bachelier  et  Brosse, 
de  Lussay.  ) 
BODU  (Marc), prêtre.  {V .  Bo- 

TERF.  ) 

BOHAUD  (Antoine),  prêtre 


BOI  209 

du  diocèse  de  Clermont-Ferrand, 
né  à  Besse  près  Clermont ,  dépar- 
tement du  Puy-de-Dôme,  n'a- 
voil  point  fait  le  serment  de  1791  ; 
et  son  zèle  l'empêcha  de  se  sou- 
mettre à  la  loi  de  déportation 
du  26  août  1792.  Il  fut  décou- 
vert en  1795,  et  emprisonné. 
L'année  suivante,  on  l'envoya  à 
Bordeaux,  d'où  il  devoit  être  dé- 
porté au-delà  des  mers  (  V .  Bor- 
deaux). Il  ne  fut  point  compris 
dans  les  premiers  embarquemens 
qui  n'eurent  lieu  qu'à  la  fin  de 
l'automne  ,  trois  mois  après  la 
chute  de  Boberspierre  ;  et  il  resta 
enfermé  dans  le  fort  du  Ha.  Sa 
carrière  de  souffrances  touchoit  à 
sa  fin  :  le  Ciel  ne  vouloit  pas 
qu'elle  se  prolongeât  davantage. 
L'état  de  sa  santé  défaillante  obli- 
gea ses  gardes  à  le  transporter  à 
l'hôpital  de  Saint-André ,  où ,  sans 
cesser  d'être  captif  de  Jésus- 
Christ,  il  rendit  son  dernier  sou- 
pir, le  3  décembre  1794»  à  l'âge 
de  34  ans.  {V.  G.  Brouillet  et 
F.  Brtjstiet.  ) 

BOIBIS  (Jean),  homme  de 
peine  du  diocèse  de  Montauban, 
travaillant  à  journées  dans  la 
ville  de  Caussade  où  il  avoit  pris 
naissance ,  fut  du  nombre  des 
dix-sept  qu'en  1794  on  fit  con- 
duire au  tribunal  révolution- 
naire de  Paris,  et  qui,  le  3  mes- 
sidor an  II  (21  juin  1794),  y 
furent  condamnés  à  mort  pour 
cause  de  religion,  avec  leur  curé. 
Byiris  périt  comme  eux  le  même 


'.,(.  BOl 

jour,  à  1  âge  de  3o  ans  (  V.  J.  P. 
Clavière.  ) 

BOIROU-DOËT  (  Marguerite 
de),  née  en  1750,  à  Saint-Ciers- 
Champagne,  près  de  Barbézieux, 
dans  le  diocèse  de  Saintes,  habi- 
toit  la  -ville  de  Bordeaux,  depuis 
nombre  d'années.  La  piété  qui 
animoit  toutes  ses  actions,  se  dis- 
tinguons surtout  par  un  grand 
amour  pour  les  pauvres.  Les 
œuvres  de  charité  qu'elle  exerçoit 
en  particulier ,  la  firent  choisir 
pour  directrice  des  secours  que 
déposoient,  pour  eux,  les  per- 
sonnes charitables  de  la  paroisse 
où  elle  demeuroit  ;  et  cette  pa- 
roisse étoit  l'une  des  plus  con- 
sidérables de  Bordeaux ,  celle  de 
Sainte-Eulalic.  Déjà  très-avancée 
dans  la  voie  du  salut,  elle  ne  pou- 
voit  qu'y  persévérer,  lorsque  la 
constitution  civile  du  clergé 
vint  en  détourner  tant  de  chré- 
tiens. Son  zèle  pour  les  infortunés 
dut  nécessairement  comprendre , 
dans  les  actes  de  sa  bienfaisance , 
les  prêtres  catholiques,  lorsque 
déjà  privés  de  ressources,  ils 
éloient  en  outre  obligés  de  se  ca- 
cher, pour  se  soustraire  à  la  per- 
sécution. Elle  ne  recouroit  qu'à 
leur  ministère,  pour  entendre  la 
messe  et  fréquenter  les  sacre- 
mens.  Au  reproche  que  lui  en  fai- 
soient  nos  sacrilèges  réforma- 
teurs ,  l'inique  législation  d'alors 
pou  voit  ajouter  celui  d'être  pa- 
rente de  nobles  qui  avoient  émi- 
gré. Elle  fut  dénoncée  sous  ces 


BOI 

deux  rapports;  et,  sans  égard 
pour  les  services  qu'elle  rendoit 
aux  pauvres,  on  vint  l'arrêter, 
le  4  mars  1794?  dernier  mardi 
du  carnaval.  Enfermée  dans  la 
maison  des  Orpficlvnes ,  conver- 
tie en  prison  ,  elle  n'y  fut  pas 
d'abord  traitée  avec  une  extrême 
rigueur;  mais,  le  quatrième  jour, 
8  mars,  à  dix  heures  du  soir,  des 
commissaires ,  un  serrurier ,  et 
leur  escorte,  vinrent  la  réveiller 
en  sursaut,  pour  la  mettre  au 
secret.  Cette  surprise  effrayante 
la  fit  évanouir  ;  et,  pendant  qu'elle 
étoit  sans  connoissance,  on  la 
séquestra  des  autres  prisonniers, 
et  on  l'enferma  seule,  à  l'écart, 
d'une  manière  très -rigoureuse. 
Dieu  la  soutint  dans  cette  nou- 
velle épreuve  ;  et  elle  sembla 
acquérir  des  forces  par  le  sur- 
croît de  privations  auquel  elle  se 
trouvoit  réduite.  Pendant  le  ca- 
rême ,  elle  fut  conduite  devant 
les  juges  de  la  commission  mili- 
taire, un  jour  où  le  nombre  des 
victimes  étoit  assez  considérable 
pour  contenter  leur  soif  de  sang 
humain ,  sans  que  Marguerite  de 
Boirou-Doët  fût  immolée  avec  les 
autres.  Aussi,  ne  fut-elle  pas  con- 
damnée dans  cette  circonstance  ; 
et  les  juges  la  renvoyèrent,  avec 
la  simple  escorte  d'un  soldat.  Le 
lieu  des  séances  de  la  commission 
militaire  étoit  éloigné  de  la  pri- 
son. En  y  revenant,  cette  ver- 
tueuse dame  trouva  les  rues  pleines 
d'une   populace  soudoyée  pour 


BOI 

outrager  les  prisonniers.  Passant 
au  milieu  de  cette  tourbe  qui 
l'insultoit ,  elle  avoit  les  mains 
croisées  sur  la  poitrine,  les  yeux 
fixés  vers  le  Ciel,  et  supportoit  les 
outrages,  sans  proférer  une  seule 
plainte;  enfin,  elle  arriva  dans 
sa  prison.  Quoiqu'elle  ne  man- 
quât pas  de  la  volonté  de  sceller  sa 
Foi  avec  son  sang,  elle  conser- 
voit  cependant  une  crainte  parti- 
culière de  la  guillotine.   «  Vous 
savez,  écrivoit  -  elle  secrètement 
à  son  confesseur,  combien  j'ai 
horreur  de  ce  genre  de  supplice  : 
cette  horreur  est  si  grande,  que, 
si  la  chose  étoit  permise  et  aban- 
donnée à  mon  choix,  je  me  jette- 
rois  plutôt  et  volontiers  dans  un 
brasier  aident;  mais  Dieu  ne  nous 
donne  pas  ce  qui  nous  plaît;  et  il 
veut  que  nous  acceptions  avec 
soumission  ce  qu'il  choisit  lui- 
même  pour  nous  purifier».  Elle 
l'ut  appelée  quatre  fois  différentes 
devant  les  juges,  soit  que  Dieu 
permit  qu'ils  éprouvassent  sou- 
vent sa  constance,  soit  qu'ils  eus- 
sent besoin  de  s'enhardir  pour 
sacrifier  la  mère  des  pauvres.  La 
dernière  fois  qu'elle  y  parut,  étoit 
le  dimanche  des  Rameaux,  1 5  avril; 
et  elle  se  trouvoit  si  foible  de 
corps,  qu'il  fallut  une  chaise  a 
porteurs  pour  l'y  conduire.  La 
séance  dura  plus  de  deux  heures. 
Les  forces  lui  manquoient  pour 
parler;  elle  ne  pouvoit  répondre 
que  par  des  signes  de  tête,  qui  lui 
sulïisoient  pour  dire  oui ,  ou  non  ; 

a. 


BOI  24! 

mais  la  force  lui  revint  d'une  ma- 
nière admirable,  quand  elle  en- 
tendit prononcer  contre  elle  la 
peine  de  mort.  Après  la  lecture 
de  la  sentence  qui  la  disoit  con- 
damnée comme  «  complice  d'é- 
migrés et  de  prêtres  fanatiques  •» , 
le  président  de  la  commission  l'in- 
terpella, avec  autant  de  barbarie 
que  de  stupidité ,  en  ces  termes  : 
«  Qu'as  -  tu  à  répondre,  mainte- 
nant que  tu  es  condamnée»  ?  Elle 
répondit:   «Rien,  puisque  vous 
me  trouvez  digne  de  mort  ;  et 
Dieu    veuille   vous  pardonner, 
comme  je  vous  pardonne».  Tous 
les   assistans,   frappés  de  cette 
atroce    condamnation  ,  étoient 
tombés  dans  la  tristesse  la  plus 
profonde  :   Marguerite  Boirou- 
Doët  seule  paroissoit  satisfaite. 
Ceux  qui  la  considérèrent  atten- 
tivement alors,  crurent  apercevoir 
sur  son  visage  un  rayon  de  cette 
gloire  céleste  à  laquelle  elle  tou- 
choit.  Il  n'y  restoit  pas  la  moindre 
trace  de  sa  foiblesse  précédente. 
La  pâleur  y  étoit  remplacée  par 
l'incarnat  de  l'innocence.  Elle  se 
leva,  traversa  la  salle  avec  une 
majesté  qui  ravit  tout  le  monde. 
Quand  elle  fut  arrivée  au  pied  de 
l'échafaud,  elle  demanda  au  bour- 
reau la  permission  de  faire  sa 
prière  ;  et ,  ayant  obtenu  cette 
faveur,  elle  se  prosterna  le  visage 
contre  terre,  sans  prendre  garde 
à  la  boue  sur  laquelle  elle  étoit  age- 
nouillée. Quelques  spectateurs  qui 
s'approchoient  de  fort  près  pour 

16 


2|2  BOI 

la  contempler,  la  gênoient  dans 
sa  dernière  oraison  d'ici-bas  ;  elle 
leur  dit,  avec  une  douceur  angé- 
liqne  :  «  Eloignez- vous,  je  vous 
prie;  et  permettez  que  je  lasse  en 
paix  ma  dernière  prière  au  Sei- 
gneur :  c'est  aujourd'hui  qu'il  est 
entré  en  triomphe  à  Jérusalem; 
je  le  supplie  de  recevoir,  ce  même 
jour,  mon  âme  dans  la  Jérusalem 
céleste  ».  On  respecta  ce  pieux 
désir  en  se  retirant;  et,  quand 
elle  eut  achevé  sa  prière,  elle 
monta  courageusement  sur  l'au- 
tel de  son  sacrifice,  et  le  con- 
somma avec  la  Foi  des  premiers 
Martyrs  :  ce  sont  les  propres  pa- 
roles des  témoins  de  son  exécu- 
tion. La  sentence  porte,  au  re- 
gistre, la  date  du  24  germinal 
an  II,  qui  correspondons  au  jour 
que  nous  avons  précédemment 
indiqué. 

BOISARD  (Marie  Guillotte, 
Ve),  ouvrière  à  journées,  âgée 
de  60  ans ,  née  à  Legé  en  Poi- 
tou, et  demeurant  dans  le  b3urg 
de  Challans,  au  diocèse  de  Lu- 
çon,  manifesta  sa  Foi  d'une  ma- 
nière héroïquement  chrétienne , 
lorsque  les  novateurs  révolution- 
naires voulurent  arracher  aux  fidè- 
les de  cette  contrée  leurs  autels  et 
leurs  pasteurs  légitimes.  Elle  res- 
toit  constamment  attachée  à  leur 
doctrine  et  à  leur  ministère,  sans 
craindre  la  violence  des  persécu- 
tions. On  l'arrêta  pour  cette  cause, 
et  on  la  conduisit  à  Parismalgré  son 
grand  âge.  Elle  y  fut  condamnée 


BOI 

à  la  peine  de  mort  par  le  tribunal 
révolutionnaire ,  le  7  messidor 
an  II  (25  juin  1794)»  comme 
«  convaincue  de  s'être  déclarée 
l'ennemie  du  peuple,  en  servant  de 
diverses  manièresles  complots  des 
prêtres  dans  le  département  de  la 
V  endée.....;  en  contribuant  soit 
directement ,  soit  indirectement ,  â 
tous  lesexcès  dont  s'éloientsouillés 
les  fanatiques ,  etc.  <>  Marie  Boi- 
sard  fut  exécutée  le  même  jour. 

BOISBERNIER  (François 
Gigot  de),  vicaire-général  de  l'ar- 
chevêché de  Sens,  occupant  dans 
cette  métropole  la  dignité  d'archi- 
prêtre  pour  le  Gâlinais,  et  né  à 
Sens  même,  en  1706,  s'étoit  ré- 
fugié à  Paris,  croyant  être  plus 
en  sûreté  contre  la  persécution.  Il 
y  fut  arrêté  en  1790,  et  jeté  dans 
la  prison  dite  de  Saint-Lazare. 
Quand  les  persécuteurs,  embar- 
rassés du  grand  nombre  de  pri- 
sonniers qui  leur  resloient  à  im- 
moler, et  voulant ,  faute  de  griefs 
réels  contre  chacun  en  particulier, 
s'en  créer  un  qui  enveloppât  de 
suiteun  grand  nombre  de  victimes, 
supposèrent  des  conspirations  dans 
les  prisons,  le  chanoine  Boi>ber- 
nier  fut  compris  parmi  les  pré- 
tendus conspirateurs  de  celle  où 
il  étoit.  C'est  avec  un  tel  prétexte  , 
que  le  tribunal  révolutionnaire 
se  procura  la  satisfaction  d'envoyer 
ce  grand-vicaire  à  l'échafaud ,  le  6 
thermidor  an  II  (24  juillet  1794). 

BOISGELIN  (Thomas-Pierre— 
Antoii*  ),  l'un  des  vicaires-géné- 


BOI 

raux  de  l'archevêque  d'Aix,  cha- 
noine honoraire  de  sa  cathédrale, 
et  ancien  agent  général  du  clergé 
de  Fiance ,  n'avoit  pas  prêté  le 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé  ;  et  ce  motif,  comme 
encore  le  caractère  sacerdotal  dont 
il  étoit  revêtu,  le  firent  comprendre 
dans  le  nombre  des  prêtres  qu'à  la 
suite  du  10  août  1792,  on  enferma 
pour  les  massacrer  ensemble  quel- 
ques jours  après.  Un  historien  du 
Clergé  de  France  fendant  la 
Révolution  en  convient ,  tout 
en  disant  avec  une  inconséquente 
rigidité  :  «  A  quel  titre  le  nom 
de  cet  ecclésiastique  se  trouve-t-il 
parmi  ces  glorieuses  victimes  »  ? 
Les  torts  de  conduite  mondaine 
que  cet  écrivain  lui  reprochoit 
avec  une  amertume  extrême  pour 
justifier  cette  interrogation,  torts 
qu'il  ne  reprochoit  qu'à  lui ,  n'é- 
toient ,  certes ,  pas  aussi  graves 
que  ceux  de  sainte  Afre  ,  et  de 
sainte  Théodote  dont  nous  avons 
parlé  dans  notre  Disc,  prélimin. , 
(pag.  44  et  45 1)»  et  que  l'Eglise 
regarde  comme  de  saintes  Mar- 
tyres. Quand  la  mort  a  été  subie 
pour  des  actes  commandés  par  la 
Foi ,  et  qu'ainsi  le  pécheur  a  été 
lavé  par  ce  baptême  de  sang  qui 
a,  pour  tous  les  péchés  quel- 
conques, la  même  vertu  que  le 
baptême  d'eau  par  lequel  sont 
effacées  la  peine  et  la  coulpe  du 
péché  originel  ;  revenir  sur  les  torts 
antérieurs  d'une  telle  victime , 
seroit  tomber  dans  l'erreur  de 


BOI  245 

cette  proposition  si  justement  ana- 
thématisée  par  Alexandre  VIII  : 
Homo  toto  vitœ  suœ  tempore 
tenetur  pœnitentiam  agere  de 
peccato  originati.  Cette  obser- 
vation peut  être  ajoutée  aux  ré- 
flexions contenues  dans  le  Cor- 
roleaire  du  Discours  indiqué  ci- 
dessus.  L'historien  conclut  néan- 
moins suivant  nos  principes,  en 
disant  que  l'abbé  de  Boisgelin 
«  subissant  le  même  martyre  que 
ses  confrères  ,  reçut  la  même  ré- 
compense». C'étoit  dans  la  pri- 
son de  Y  Abbaye  qu'on  l'avoit  en- 
fermé [V.  Septembre).  Sa  précé- 
dente opposition  aux  systèmes  de 
l'hérésie  et  du  schisme,  n'avoit  pu 
que  disposer  le  Ciel  à  lui  accorder 
la  grâce  de  la  contrition  avant  celle 
du  martyre.  Ne  pouvoit-on  pas  lui 
appliquer  les  paroles  de  saint  Jean 
Chrysostôme  sur  la  mort  violente 
du  prêtre  Lucien  ?  «  Dès  que  l'es- 
clave du  péché  est  baptisé  dans  son 
sang,  disoit-il,  le  joug  de  l'enfer 
qui  pesoit  sur  lui  est  brisé.  Eh  !  ne 
soyez  pas  surpris  de  ce  que  j'ap- 
pelle baptême  la  manière  dont  il 
a  péri,  car  la  grâce  survient  avec 
abondance  dans  une  telle  mort.  Il 
en  résulte  immédiatement  l'aboli- 
tion des  péchés,  avec  une  admira- 
ble, une  étonnante  purification  de 
l'âme.  Celui  qui  souffre  le  martyre 
est  purifié  par  son  sang,  comme 
celui  qui  reçoit  l'eau  baptismale. 
L'effet  est  le  même  pour  l'un 
comme  pour  l'autre  »  :  Hodie  scr- 
vus  sanguine  baptizatur  :  in- 

16. 


344  BOI 
fcrorum  portœ  sunt  conçut- 
catœ.  Ncque  miremini  quod 
baptismt'm  martyrium  nun- 
cuparim  ;  nain  et  hic  spiritus 
cum  multâ  advotat  ubertate , 
ac  peccalorum  abolitio,  et  ani- 
mai fit  purgatio  quœdam  mi- 
rabilis ac  stupenda  :  et  quem- 
admodum  H  qui  baptizan- 
tur  aquis ,  ita  qui  martyrium 
patiuntur ,  proprio  sanguine 
abtuuntur  :  quod  utique  et  in 
isto  evenit  (  S.  Joan.  Chrys.  de 
S.  Luciano  presbylero  Antio- 
cheno  ) . 

Le  registre  d'écrou  de  la  prison 
de  V Abbaye  porte,  à  la  vérité,  une 
note  tendant  à  faire  croire  que  le 
grand-vicaire  Boisgelin ,  massacré 
le  2  septembre ,  le  fut  «  dans 
la  rue  de  Grenelle»,  et  non  à  la 
prison  ;  mais  cette  note ,  d'une 
main  différente  que  le  reste,  et 
fondée  d'ailleurs  sur  un  témoi- 
gnage équivoque,  ne  peut  infir- 
mer celui  de  la  marge  du  registre 
où  il  est  dit  avec  l'écriture  même 
des  jugemens  de  Maillard  ,  que 
«  le  sieur  de  Boisgelin  a  été  jugé 
par  le  peuple,  et  sur-le-champ  mis 
à  mort»  de  la  même  manière  que 
les  autres  prisonniers,  c'est-à-dire 
à  la  porte  de  la  prison  de  Y  Ab- 
baye. Au  surplus  ce  registre  et  ce- 
lui de  l'état  civil ,  fait  d'après  lui , 
n'indiquent  aucune  des  dignités 
de  cet  ecclésiastique,  en  le  nom- 
mant avec  les  autres  victimes. 

BOI5MEGRE  (Claude-Henri), 
prêtre  du  diocèse  de  Paris,  né  à 


BOI 

Versailles, en  i752,devintcuréde 
Chaton,  près  Saint-Germain-en- 
Laye  ,  dans  le  même  diocèse.  Tant 
de  prêtres  y  firent  le  serment  de 
la  constitution  civile  du  ctergé , 
comme  on  peut  le  voir  dans  le  Mo- 
niteur du  mois  de  janvier  1791? 
qu'il  est  à  craindre  que  Boismègre 
qui  résidoit  encore  à  Chatou  à  la 
fin  de  1793,  n'eût  suivi  ce  crimi- 
nel exemple.  Cependant  on  le  vit 
à  la  fin  de  1795,  lutter  contre  les 
progrès  de  l'athéisme ,  avec  un 
zèle  évangélique  :  ce  qui  le  fit  ar- 
rêter; et  dans  les  prisons,  il  ré- 
para ses  erreurs.  Amené  devant  le 
tribunal  révolutionnaire ,  le  25 
messidor  an  II  (18  juillet  1794)* 
il  y  fut  condamné  à  la  peine  de 
mort  avec  six  autres  prêtres, 
comme  «  convaincus  d'avoir  voulu 
exciter  par  le  fanatisme  la  guerre 
civile  » .  Le  même  jour  il  périt  avec 
eux  sur  l'échafaud,  à  l'âge  de  4a 
ans.  (  V.  J.  T.  F.  Benault,  L.  S. 
Bricogne,  M.  M.  Grangean,  M. 
Lambert,  J.  N.  de  la  Croze, 
A.  B.  Suzanne.) 

BOISSE1SADE  (Antoine), curé 
de  Camboulas ,  dans  le  Rouergue , 
et  né  dans  une  paroisse  de  la  même 
province,  nommée ie Monastère, 
n'avoit  point  compromis  sa  Foi 
par  la  prestation  du  serment  de 
1791.  Malgré  le  danger  auquel  l'ex- 
posoit  la  loi  de  déportation  du  26 
août  1792,  il  voulut  rester  dans 
sa  province  pour  les  besoins  spiri- 
tuels de  ses  ouailles.  Il  y  fut  arrêté 
en  1790;  et,  dans  le  printemps 


BOI 

de  l'année  suivante,  on  le  traîna 
à  Bordeaux,  où  il  de  voit  être  em- 
barqué pour  la  Guiane  (  V.  Bor- 
deaux). Enfermé  dans  le  fort  du 
Ha,  en  attendant  le  moment  de 
l'embarquement  qui  n'arriva  que 
trois  mois  après  la  mort  de  Bo- 
berspierre,  vers  la  fin  de  l'au- 
tomne, il  se  trouva  si  accablé  par 
les  souffrances ,  que,  le  voyant  sur 
le  point  de  périr,  on  le  transporta 
à  l'hôpital  de  Saint-André;  et  il  y 
mourut,  sans  cesser  d'être  captif 
de  J.-C,  le  8  août  1794»  'A  l'âge 
de  45  ans.  (  V.  F.  Besson  et  C* 
Bonnet.  ) 

BOISSIÈBE  (François  Ocdi- 
not  de  la),  prêtre,  chanoine  titu- 
laire de  Saint-Germain  de  Masseré, 
dans  le  diocèse  de  Limoges,  cha- 
noine honoraire  de  l'église  collé- 
giale d'Uzerche  au  même  diocèse, 
et  conseiller-clerc  au  parlement  de 
Bordeaux,  étoit  né  à  Saint-Ger- 
main de  Masseré ,  en  1 7 46-  Le  nom 
de  Boissière  se  signala  dans  un 
acte  de  Foi  bien  solennel ,  en  1 790, 
lorsque  l'abbé  de  la  Boissière  ,  vi- 
caire-général de  Perpignan,  cha- 
noine et  grand  pénitencier  de  la 
cathédrale  de  cette  ville ,  étant 
député  delà  province  de  Bousillon 
aux  Etats-Généraux,  signa  le  19 
novembre  de  cette  année,  avec 
vingt -six  autres  ecclésiastiques, 
également  députés,  l'adhésion  à 
l'Exposition  des  principes  des 
évêques  aussi  députés,  relative- 
ment à  la  constitution  civile  du 
clergé.  François  de  la  Boissière  ne 


BOI  245 

se  conduisit  pas  moins  généreu- 
sement dans  sa  province,  lors  de 
l'établissement  de  cette  constitu- 
tion schismatique.  Invariable  dans 
sa  Foi,  et  dans  la  droiture  de  sa 
conscience ,  il  s'abstint  du  serment 
de  la  fin  de  1792  comme  de  celui 
de  1791.  Les  autorités  du  départe- 
ment de  la  Haute-  Vienne  le  firent 
arrêter  en  1793  dans  le  domicile 
qu'il  avoit  conservé;  et  ensuite  le 
firent  conduire  à  Bochefort  pour 
être  déporté  au  -  delà  des  m;>rs 
(  V.  Bochefort).  Il  y  futembarqué 
sur  le  navire  tes  Deux  Associés. 
Un  de  ses  compagnons  de  dépor- 
tation qui  en  étoit  revenu,  nous 
écrivoit  en  1800  au  sujet  de  cet 
ecclésiastique  :  «C'étoit  un  homme 
vertueux,  remarquable  par  un  bon 
sens  exquis ,  et  un  habile  juriscon- 
sulte. Pour  s'occuper  sur  le  na- 
vire, il  se  mit  à  exercer  le  métier 
de  tailleur  d'habits ,  et  en  fit  même 
pou  ries  mousses.  Quand  le  nombre 
des  malades  devint  considérable, 
il  se  voua  à  des  fonctions  plus 
utiles  et  non  moins  humbles,  car 
il  se  consacra  à  les  servir  en  qua- 
lité d'infirmier.  Il  mourut  victime 
de  sa  charité  pour  eux,  comme 
de  son  attachement  à  la  Foi». 
M.  de  la  Biche ,  dans  la  liste  an- 
nexée à  sa  relation,  dit  que  le 
chanoine  de  la  Boissière  mou- 
rut «  dans  les  sentimens  d'une 
piété  fervente».  Sa  mort  arriva 
le  7  septembre  1794-  H  avoit 
alors  quarante- huit  ans  ;  et  il 
fut  enterré  dans  l'ile  Madame. 


246  BON 
{V.  J.  G.  Blot  et  Bonnay,  cha- 
noine. ) 

BOLLERET  (Lotis) ,  prêtre, 
né  en  Franche- Comté  vers  1750, 
vicaire  de  la  paroisse  du  Mont , 
après  avoir  évité  les  persécutions 
qu'il  s'étoit  attirées  par  le  refus 
des  sermcns  anti-religieux  de  la 
révolution,  étoit  venu,  dans  les 
années  moins  effrayantes  de  1795 
et  1796,  desservir  la  paroisse  de 
la  Rivière  dans  le  diocèse  de  Lan- 
gres.  Après  la  funeste  crise  du  18 
fructidor  (4  septembre  1797),  et 
la  loi  de  déportation  à  la  Guiane, 
rendue  le  lendemain  contre  les 
prêtres  soi-disant  réfractaires , 
Bolleret  fut  recherché  par  les  per- 
sécuteurs. Ils  ne  parvinrent  à  le 
trouver  qu'au  commencement  de 
1798  ;  mais  ils  l'envoyèrent  de 
suite  à  Rochefort  pour  qu'il  y  fût 
embarqué  (  V .  Guiane).  Il  ne  put 
l'être  que  sur  ia  Bayonnaise ,  le 
1"  août  suivant.  Elle  le  déposa 
dans  le  port  de  Cayenne  le  29 
septembre.  On  le  relégua  dans  la 
contrée  dévorante  de  Konanama. 
Il  y  mourut  de  scorbut ,  et  rongé 
par  les  vers  et  les  chiques,  le  22 
novembre  1 798 ,  à  l'âge  de  48  ans , 
laissant  pour  toute  succession 
60  livres  4  sous. 

BONARD  (Jean -Antoine), 
prêtre  du  diocèse  d'Avignon  ,  et  y 
exerçant  les  fonctions  de  vicaire  à 
Cabrières,  fut  arrêté  dans  l'été  de 
179'5>  et  livré  comme  prêtre  au 
tribunal  criminel  du  département 
de  Vaucluse,  qui  trouvoit  tout 


BON 

simple  de  n'employer  que  l'accu- 
sation de  «  contre  -  révolution- 
naire» contre  les  ministres  du  Sei- 
gneur, pour  les  envoj'er  à  Pécha- 
faud.  C'est  ainsi  que  le  fut  ce 
vicaire  ,  par  une  sentence  du  8 
nivose  an  II  (28  décembre  1793). 

BONAVENTURE  (Dom), 
Chatreux.  (  V .  B.  Froment.  ) 

BOTNFILS  (/V...),  curé  de 
Droup ,  dans  le  diocèse  de  Troyes , 
persécuté,  maltraité  pour  n'avoir 
pas  fait  le  serment  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  mou- 
rut en  1 792  des  suites  de  ces  mau- 
vais traitemens  ;  et  nous  ne  nous 
croyons  pas  téméraires,  en  met- 
tant son  nom  parmi  ceux  des 
Martyrs,  en  conséquence  de  ce 
qui  a  été  dit  dans  notre  tome  I, 
page  38  ;  et  d'ailleurs  ,  nous  le 
trouvons  sur  une  liste  qui ,  regar- 
dée comme  celle  de  nos  Martyrs, 
fut  publiée  à  Rome  en  1794,  à  la 
suite  de  la  traduction  française  du 
discours  latin  de  M.  J.  Marotti, 
ex-jésuite,  alors  professeur  au  col- 
lège Romain,  et  depuis  secrétaire 
des  lettres  latines  de  Pie  VI.  Nous 
en  avons  déjà  parlé ,  pag.  55. 
(  V.  Augier  ,  de  Montmorillon.  ) 

BONIJOL,  et  non  BOUYOL, 
comme  on  peut  s'en  convaincre 
aisément  par  la  France  Ecclé- 
siastique de  1 790 ,  étoit  chanoine 
de  l'église  cathédrale  d'Lzès.  Né 
dans  la  ville  de  Nismes,  il  y  re- 
vint en  1791,  lors  de  la  suppres- 
sion des  chapitres,  et  y  montra 
un  grand  zèle  pour  prémunir  les 


BON 

fidèles  contre  les  erreurs  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Les  partisans  de  cette  œuvre  de 
schisme  et  d'hérésie  s'en  vengè- 
rent d'abord,  en  l'accablant  de 
coups  de  nerfs  de  bœuf.  Forcé  de 
s'éloigner  de  Nismes,  et  de  s'en- 
fuir vers  un  lieu  paisible  où  il  pût 
servir  Dieu,  et  remplir  ses  devoirs 
de  prêtre  avec  plus  de  tranquil- 
lité, il  vint  se  réfugier  dans  la 
paisible  paroisse  de  Naves,  au  dio- 
cèse d'Uzès.  Il  y  fut  pris  avec  sept 
autres  ministres  de  J.-C. ,  retirés 
comme  lui  dans  cet  endroit  ;  et , 
conduit  avec  eux  aux  Vans,  il  y 
subit  la  même  mort  qu'eux  pour 
la  cause  de  la  Foi,  le  14  juillet 
1792.  Son  martyre  est  ample- 
ment raconté  à  l'article  Bravard. 
{V.  Clemenceau.) 

BONIN  (Louise),  femme.  (V. 
L.  Landinet.  ) 

BONNAIRE  (Claude),  prêtre, 
Bénédictin ,  prieur  de  la  maison 
de  Saint-Arnoult,  congrégation  de 
Saint-Vannes  et  Saint-Hidulphe, 
dans  le  diocèse  de  Metz ,  étoit  né 
à  Flavigny  dans  celui  de  Nanc3r. 
Quand  il  fut  expulsé  de  son  cloître , 
par  les  réformes  anti- religieuses 
de  1791,  il  vint  habiter  sa  pro- 
vince natale,  et  y  montra  un  in- 
vincible attachement  à  la  Foi  ca- 
tholique lors  du  schisme  consti- 
tutionnel. Effrayé  ensuite  par  les 
terribles  événemens  d'août  et  de 
septembre  1792,  il  fit  le  serment 
&  égalité-liberté  prescrit  à  cette 
époque.  Cet  acte  équivoque  ne  le 


BON  247 

mit  point  à  l'abri  de  la  persécu- 
tion. Il  fut  arrêté  en  1795  ;  et  les 
autorités  du  département  de  la 
Meuse  le  condamnèrent  à  être  dé- 
porté au-delà  des  mers.  Il  fut  en- 
voyé pour  cet  effet  à  Rochefort, 
où  on  l'embarqua  sur  le  navire  les 
Deux  Associés  (  V .  Rochefort). 
A  la  vue  de  tant  d'autres  prêtres 
de  J.-C.  qui  ne  s'étoient  souillés 
d'aucun  serment,  il  sentit  de  vifs 
remords  de  celui  qu'il  avoit  prêté, 
avec  le  tort  au  moins  de  n'avoir 
pas  su  ce  qu'il  promettoit,  et  le 
rétracta  avec  édification.  Les  souf- 
frances de  sa  situation  l'accablè- 
rent ;  et  il  mourut  le  8  septem- 
bre 1794*  à  l'Age  d'environ  60 
ans.  Son  corps  fut  enterré  dans 
l'île  Madame.  (  V.  Bomay,  cha- 
noine, et  C.  J.  Bonnefonds.) 

BONNAUD  (Jacques- Jules), 
né  en  Amérique  l'an  1740,  et  ame- 
né fort  jeune  en  France ,  y  fut  élevé 
au  collège  de  La  Flèche.  A  l'âge  de 
18  ans,  il  entra  au  noviciat  des 
Jésuites;  et,  quand  leur  société  fut 
dissoute  en  1767,  il  étoit  régent 
d'une  basse  classe  à  Quimper. 
Animé  d'un  grand  zèle,  pénétré 
d'une  ardente  piété ,  ctdéjà  pourvu 
de  beaucoup  de  connoissances  ec- 
clésiastiques,  il  se  consacra  aux 
fonctions  du  saint  ministère  ,  et 
les  exerça  avec  fruit  dans  plusieurs 
diocèses.  Fixé  définitivement  à 
Paris,  il  y  fit  et  publia  divers  ou- 
vrages utiles  et  d'un  mérite  re- 
marquable, tels  que  i°.  le  Tartufe 
épistolairc  démasqué,  ou  Epî- 


248  BON 

tre  très- familière  au  marquis 
Caraccioli,  dans  laquelle  est  dé- 
voilée l'imposture  de  ses  préten- 
dues lettres  de  Ganganelli  (Clé- 
ment XIV) ,  in-8°,  1 777  ;  2°.  Exa- 
men critique  des  Observations 
sur  l'A  tlantide  de  Platon,  far 
Bailly,  in-12,  1779-  Le  premier 
de  ces  ouvrages  avoit  paru  sans 
nom  d'auteur,  et  le  second  sous 
celui  de  V 'Abbé  de  Crey***  ;  mais 
bien  des  gens  étoient  dans  la 
confidence.  Comme  le  style  de 
l'abbé  Bonnaud  avoit  de  la  cha- 
leur, que  son  zèle  pour  la  religion 
étoit  celui  d'un  apôtre ,  il  fut 
chargé ,  par  quelques  catholiques, 
de  combattre  les  prétentions  des 
protestans,  lorsqu'on  1787,  ils  ré- 
clamoient  avec  tant  de  force  l'état 
civil.  L'abbé  Bonnaud  fit  en  con- 
séquence un  assez  volumineux 
Mémoire  où  il  démontra  par  des 
faits  et  des  raisonnemens ,  qu'une 
telle  concession  exposeroit  le  trône 
et  la  France  à  de  grands  malheurs. 
Ce  Mémoire,  devenu  fameux, 
étoit  intitulé  :  Discours  à  lire  au 
conseil,  en  présence  du  roi,  par 
un  ministre  patriote,  sur  le 
projet  d'accorder  l'état  civil 
aux  protestans.  L'auteur  n'y 
étoit  point  nommé  ;  et  comme  la 
duchesse  de  Noailles ,  dans  les 
sentimens  et  les  vues  de  laquelle 
il  étoit  écrit,  en  faisoit  elle-même 
ladistribution  avec  beaucoup  d'ac- 
tivité, et  que  personnellement  elle 
alloit  le  porter  chez  les  membres 
du  conseil  et  du  parlement,  on 


BON 

l'appela  le  Mémoire  de  Mme  de 
Noailles.  Le  public  le  crut  d'abord 
fait  par  l'abbé  Lenfant,  aussi  ex- 
jésuite ,  et  non  par  l'abbé  Bonnaud 
qui  n'étoit  point  encore  assez 
connu.  Il  le  devint  davantage  par 
son  nouvel  ouvrage,  intitulé:  Hé- 
rodote, historien  du  peuple  hé- 
breu sans  le  savoir,  ou  Réponse 
à  la  critique  de  l'histoire  des 
temps  fabuleux  de  l'abbé  Gué- 
rin  du  Bocher  [V .  ce  nom),  in-8% 
1786.  Le  ministre  de  la  feuille  des 
bénéfices, M.  de  Marbeuf,  évêque 
d'Autun,  récompensa  le9  travaux 
de  l'auteur,  en  lui  faisant  conférer 
parle  roi,  en  1788,  deux  petits 
bénéfices  qui  lui  donnèrent  l'ai- 
sance nécessaire  au  travail,  savoir, 
le  prieuré  de  Sermaise  et  Ann, 
dans  le  diocèse  de  La  Bochelle ,  et 
le  prieuré  de  Harnicourt ,  dans 
le  diocèse  de  Beauvais.  Ce  prélat 
prit  même  en  lui  tant  de  confiance , 
que  lorsque  le  roi  l'eut  nommé 
archevêque  de  Lyon,  en  1788, 
l'abbé  Bonnaud  fut  un  des  trois 
ecclésiastiques  qu'il  s'empressa  d'y 
envoyer  comme  grands-vicaires 
pour  gouverner  ce  diocèse  en  son 
nom.  Bonnaud  y  étoit  plus  spé- 
cialement chargé  des  choses  pu- 
rement spirituelles ,  telles  que  la 
rédaction  des  lettres  pastorales  et 
des  mantlemens.  Il  se  logea  très- 
modestement  au  séminaire  que 
dirigeoient  les  Sulpiciens  ,  et  y 
fut  un  nouveau  sujet  d'édifica- 
tion pour  leurs  élèves.  Un  mande- 
ment qu'il  composa  et  publia  au 


BON 

nom  de  l'archevêque  pour  le  ca- 
rême de  178g,  et  dont  le  public 
ne  dotitoit  point  qu'il  ne  lût  l'au- 
teur, lui  attira  d'une  manière  écla- 
tante l'animadversion  des  impies. 
C'étoit  l'époque  où  commençoit 
avec  un  essor  effrayant  le  soulève- 
ment du  tiers-état  contre  la  no- 
blesse et  le  clergé ,  à  la  veille  des  as- 
semblées de  sénéchaussées  ou  bail- 
liages qui  alloient  nommer  leurs 
députés  aux  Etats-Généraux;  et  le 
mandement  tonnoit  avec  un  esprit 
évangéliqueconlrece  soulèvement 
révolutionnaire.  Il  lui  appliquoit 
le  passage  du  chapitre  III  d'Isaïe, 
où  il  est  dit  :  «Le  Seigneur  va 

ôter  de  Jérusalem,         tous  les 

gens  de  cœur,  les  juges,  les  pro- 
phètes et  les  vieillards  :  il  y  aura 
une  irruption  du  peuple,  funeste 
pour  lui-même  ;  l'homme  se  dé- 
clarera contre  l'homme,  chacun 
sera  en  guerre  contre  son  pro- 
chain ,  l'ami  se  soulèvera  contre 
son  ami,  l'enfant  contre  le  vieil- 
lard, les  derniers  du  peuple  contre 
les  nobles  ;  et  l'on  dira  bientôt  : 
Jérusalem  est  tombée,  Juda  est 
renversé  parce  que  leurs  paroles  et 
leurs  œuvres  se  sont  élevées  contre 
le  Seigneur»  :  EcceenimDomi- 
nator  Dominus  auferet  à  Jé- 
rusalem et  à  Juda  validum  et 
fortem ,  fortem  et  judicem,  et 
prophetam,  et  senem  :  et  dabo 
pueros  principes  eorum  :  et  ef- 
feminatidominabuntur eis.  Et 
irruet  populus ,  viradvirum, 
et  unusquisque  ad  proximum 


BON  »4g 

suum  ;  tumultuabitur  puer 
contra  senem,  et  ignobius  contra 
NoitiLEM.  Apprehendet  enim  vir 
domesticum  patris  sui  :  vesti- 
mentum  tibi  est;  Princeps  eslo 
noster.  Ruit  enim  Jérusalem  et 
Judas  concidit,  quia  lingua 
eorum  et  adinventiones  eorum 
contra  Dominum  ut  provoca- 
rentocutos  majestatisejus.  L'au 
teur  prophétique  du  mandement 
étoit  cependant  encore  bien  dis- 
cret ;  car  sans  doute  il  voyoit  as- 
sez loin  dans  l'avenir,  pour  savoir 
que  la  suite  de  la  menace  d'Isaïe 
se  réaliseroit  également.  C'étoit 
aussi  notre  histoire  qu'Isaïe  avoit 
écrite,  en  quelque  sorte,  quand  il 
avoit  dit  :  «Les  exacteurs  du  peu- 
ple vont  le  dépouiller.  Oh  !  mon 
peuple!  ceux  qui  te  vantent  la  ré- 
volution comme  devant  faire  ton 
bonheur,  te  trompent  et  t'égarent 
dans  les  voies  du  crime  et  de  l'in- 
fortune. Les  hommes  les  plus  il- 
lustres par  leurs  noms  ou  par 
leurs  vertus  te  seront  enlevés  par 
le  glaive  ;  les  femmes  se  verront 
couper  ces  chevelures ,  et  ravir  ces 
ornemens  dont  elles  sont  si  vaines  ; 
et  dans  ces  villes  ,  où  l'on  ne  res- 
pire que  des  parfums,  on  ne 
sentira  plus  que  l'odeur  du  crime 
et  l'infection  des  cadavres  :  la  pa- 
trie dévastée  tombera  dans  la  dé- 
solation »  :  Poputum  exactores 

sui  spoliaverunt   Popute 

meus ,  qui  te  beatum  dicunt , 
ipsi  te  decipiunt,  et  viam  grès- 
suum  tuorum  dissipant. . .  Put- 


25o  BON 

cherrimi  viri  lui  in  gladio  ca- 

dent        Decalvaùit  Dominas 

verticem  filiarum  Sion...  Au- 
feret  Dominas  ornamentum. . . 
et  erit  prosuavi  odorefœtor... 
Et  desotata  in  terra  sedebit.  Ce 
que  l'auteur  du  inandementdisoit, 
pou  voit  su  Hire  alors  pour  dessiller 
les  yeux  du  peuple  égaré  ;  mais  sa 
prophétie  si  malheureusement  vé- 
rifiée dans  la  suite,  dévoiloit  trop 
les  perfides  vues  des  révolution- 
naires pour  ne  pas  exciter  leur  fu- 
reur contre  le  mandement.  11  avoit 
été  publié  le  dimanche  de  la  Quin- 
quagésime ,  suivant  l'usage  ;  et 
deux  jours  après,  c'est-à-dire  le 
mardi  gras  de  nos  païennes  extra- 
vagances, ces  impies  vinrent  en 
masques,  revêtus  de  chapes,  et 
coiffes  de  mitres,  brûler  cet  écrit 
pastoral  sur  la  place  du  Séminaire , 
sous  les  fenêtres  mêmes  de  l'abbé 
Bonnaud.  Ce  prudent  ecclésias- 
tique ,  à  qui  l'avenir  sembloit  ré- 
vélé, montra  néanmoins  ensuite 
autant  de  sagesse  que  de  fermeté 
dans  la  chambre  du  clergé  de  Lyon 
où,  pendant  le  carême,  non  sans 
beaucoup  d'orages  et  d'intrigues, 
se  rédigèrent  ses  cahiers  ,  et  se  fit 
la  nomination  de  ses  quatre  dépu- 
tés aux  Etats-Généraux.  Bientôt 
appelé  à  Paris  par  l'archevêque  qui 
y  ctoit  retenu  ,  l'abbé  Bonnaud 
défendit  les  intérêts  de  l'Eglise  par 
des  écrits  solides,  entre  lesquels 
on.compte  celui  qui  parut  sous  le 
titre  de  Réclamations  pour  l'E- 
glise gallicane  contre  i'inva- 


BON 

sion  des  biens  ecclésiastiques  : 
Paris,  1791.  Si  ce  fut  lui  qui  ré- 
digea  Y  Instruction  pastorale 
de  l'archevêque  de  Lyon  à  ses 
diocésains ,  contre  la  Constitu- 
tion civile  du  clergé ,  et  la  lettre 
du  même  prélat  aux  administra- 
teurs de  Lyon ,  contre  l'envahis- 
sement de  son  siège,  il  doit  avoir 
sa  part  dans  l'honneur  que  ces 
deux  pièces  firent  au  prélat,  à  qui 
Pie  VI  lui-même  en  adressa  des 
félicitations  par  un  bref  particulier 
du  2 1  mars  1 792,  lui  disant  :  Quid 
itlamnovis  acceptius....  te  cu- 
rasse ut- . .  celer  rimé  per  singu- 
las  tuœ  provinciœ  diœceses,... 
fidèles,  tais  hortationiêus ,  ac 
multô  ma  gis  tuo  exemplo  com- 
moti ,  apostoticis  monitis  ac 
prœceptis  quàm  citissimè  pa- 
rèrent? On  n'a  pas  besoin  de  pré- 
venir que  l'abbé  Bonnaud  regar- 
doit  comme  un  acte  trop  illicite 
la  prestation  du  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
pour  consentir  jamais  à  s'en  ren- 
dre coupable.  Odieux  aux  im- 
pies, pour  tant  de  raisons,  il  ne 
put  échapper  à  leurs  recherches 
après    la  fatale  journée   du  10 
août  1792.  Conduit  d'abord  au 
comité  civil  de  la  section,  où  il 
refusa  le  serment  civique,  il  fut 
traîné  de  là  à  l'église  des  Car- 
mes pour  y  être  prisonnier  avec 
tant  d'autres   prêtres  vertueux 
[V.  Dui.au).  Enfin,  il  subit, 
comme  eux,  pour  sa  Foi ,  la  mort 
qu'on  leur  donna  si  inhumaine- 


BON 

nient  le  2  septembre  suivant.  (  V. 
Septembre.) 

BONNAY  (Ar...  de),  prêtre, 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Ma- 
çon, et  vicaire-général  du  diocèse, 
né  à  Bourbon-Lancy  dans  celui 
d'Autun ,  étoit  resté  en  France , 
quoiqu'il  n'eût  pris  aucune  part 
au  schisme  de  1791,  et  malgré  la 
loi  d'expulsion  du  26  août  1792. 
Lorsqu'à  cette  dernière  époque , 
on  imagina  d'exiger  des  prêtres  un 
serment  équivoque  de  liberté- 
égalité,  le  chanoine  de  Bonnay 
qui  crut  n'y  voir  aucun  piège,  le 
prêta  ;  mais  cette  lâche  condes- 
cendance ne  le  sauva  point  des  ri- 
gueurs de  la  persécution  en  1793. 
Il  fut  arrêté  dans  le  département 
de  Saône  et  Loire ,  où  il  a  voit  con- 
tinué de  résider;  et,  condamné 
ensuite  à  la  déportation  maritime, 
il  fut  conduit  à  Rochefort  pour  y 
être  embarqué  [V.  Rochefort). 
On  le  plaça  sur  le  bâtiment  te 
Washington,  où  il  rétracta  son 
serment  de  liberté-égalité  ,  dont 
on  est  fondé  à  penser  qu'il  avoit  fait 
précédemment  une  rétractation 
moins  notoire.  Les  souffrances  de 
l'entrepont  de  ce  navire  devin- 
rent plus  fortes  que  le  tempéra- 
ment du  chanoine  dr  Bonnay.  Il 
succomba  en  septembre  1794,  à 
l'âge  de  46  ans ,  et  fut  enterré  dans 
l'île  Madame.  (  V.  F.  Boissière 
et  C.  Bonnaire.) 

BONNEFONDS  (Claude -Jo- 
seph Jouffret  de),  prêtre  de  la 
congrégation  de  Saint-Sulpiee ,  et 


BON  aîn 

supérieur  du  petit  séminaire  d'Au- 
tun, étoit  né  à  Gannat,  dans  le 
diocèse  de  Clermont.  Homme 
plein  de  mérite  et  de  vertu,  il  se 
garda  bien  de  faire  le  serment  de 
(a  constitution  civile  du  clergé, 
et  s'abstint  avec  le  même  soin  de 
celui  de  liberté-égalité.  Il  conti- 
nua d'habiter  le  diocèse  d'Autun, 
où  son  ministère  étoit  d'un  grand 
secours  pour  les  catholiques.  Les 
agens  de  la  persécution  l'y  arrê- 
tèrent en  1790,  et  le  destinèrent 
à  être  déporté  au-delà  des  mers. 
On  l'envoya  pour  cet  effet  à  Ro- 
chefort; et  il  y  fut  embarqué  sur 
le  navire  les  Deux  Associés  [V • 
Rochefort).  Les  exemples  de 
vertu  qu'il  donna  à  ses  compa- 
gnons de  martyre ,  se  prolongèrent 
jusqu'à  son  dernier  instant.  Il  ex- 
pira le  10  août  1794?  à  l'âge  de 
42  ans,  et  fut  inhumé  dans  l'île 
A'Aix.  (  V.  C.  Bonnaire  et  J.  M. 
Bonnet.  ) 

BONNEFONT  (iV...),  prêtre 
de  la  congrégation  de  la  Doctrine 
chrétienne  ,  avoit  été  traîné  en 
1794,  comme  insermenté,  de  sa 
province  à  Bordeaux ,  pour  en  être 
déporté  au-delà  des  mers  (V.  Bor- 
deaux). Il  y  fut  enfermé  dans  le 
fort  du  Ha,  en  attendant  que  le 
jour  de  l'embarquement  arrivât  ; 
et  dans  cette  attente,  qui  ne  com- 
mença à  se  réaliser  pour  d'autres 
prêtres  que  vers  la  fin  de  l'au- 
tomne ,  trois  mois  après  la  mort 
de  Roberspierre ,  le  prêtre  Bonne- 
font,  succombant  sous  le  poids 


25a  BON 

de  ses  longues  et  cruelles  souf- 
frances, devint  si  malade  qu'on  se 
vit  obligé  de  le  transporter  à  l'hô- 
pital de  Saint-André  où,  sans  ces- 
ser d'être  captif  de  J.-C. ,  il  rendit 
son  dernier  soupir  le  19  août  1794. 
[V .  C.  Bos  et  E.  Boudes.) 

BONNERET  (  Marguerite  ) , 
qu'ailleurson  trouve  nommée  Bon- 
net, née  à  Sérignan  en  1720,  reli- 
gieuse du  Saint-Sacrement,  sous  le 
nom  de  Sœur  Saint-Augustin , 
dans  le  couvent  de  Bonlène,  près 
le  Pont-Saint-Esprit,  conlinuoit, 
après  la  suppression  des  cloîtres, 
à  vivre  en  commun,  avec  beaucoup 
d'autres  religieuses,  à  Boulène. 
Elle  fut  du  nombre  des  quarante- 
deux,  qu'en  179/4  les  révolution- 
naires amenèrent,  le  2  mai,  dans 
les  prisons  d'Orange  pour  y  être 
immolées  par  la  cruelle  commis- 
sion populaire  de  cette  ville  , 
et  des  trente-deux  qu'elle  fit  pé- 
rir {V.  Orange).  On  verra  à 
l'article  d'ALBARÈDE,  comment  la 
sœur  Bonneret  se  préparoitau  mar- 
tyre avec  ses  compagnes.  Elle  fut 
appelée  le  8  thermidor  an  II  (26 
juillet  179/i),  au  farouche  tribunal 
qui ,  la  trouvant  aussi  ferme  que  les 
autres  religieuses  dans  sa  Foi,  et 
dans  le  refus  du  serment  de  li- 
berté et  d'égalité  que  sa  cons- 
cience repoussoit,  la  condamna  à 
la  peine  de  mort  «comme  fana- 
tique, comme  réfraclaire  »,  et, 
suivant  la  formule  d'alors,  comme 
«  contre-révolutionnaire)»,  à  l'âge 
de  74  ans*  l"3  même  sentence  por- 


BON 

toit  la  même  peine  contre  quatre 
autres  religieuses  qui,  partageant 
le  sort  de  Marguerite  Bonneret ,  ne 
furent  pas  moins  dignes  qu'elle 
de  la  palme  du  martyre.  {V .  A. 
Cartier  ,  M.  C.  Dubac  ,  M.  de 
Justamont,  tante,  T.  Consolier; 
et ,  pour  la  série  alphabétique 
d'Orange,  Ae  Cartier.) 

BONNET  (Catherine),  née  à 
Bordeauxen  1 7 18,  et  religieuse  du 
couvent  de  l'Annonciade  en  cette 
ville  ,  étant  affligée  du  spectacle 
d'impiété  qu'elle  présentoit ,  sur- 
tout depuis  1790,  consulta  le  Sei- 
gneur sur  le  lieu  de  retraite  qu'elle 
pourroit  choisir  pour  être  le  plus 
à  l'abri  du  scandale  général ,  et 
exercerpluslibrementsespratiques 
de  religion.  La  grâce  lui  indiqua 
l'hôpital  de  Saint-André  où  elle 
pourroit  en  outre  exercer  les  œu- 
vres de  miséricorde,  surtout  en- 
vers les  prêtres  confesseurs  de  la 
Foi ,  qui  des  diverses  prisons  de 
la  ville  venoient  y  expirer.  Cette 
religieuse  y  mourut  elle-même 
dans  les  exercices  de  la  charité,  à 
l'âge  de  77  ans,  en  1795,  et  put 
être  comptée  au  nombre  des  Mar- 
tyrs de  cette  vertu ,  comme  de  son 
attachement  à  la  religion.  (/'.  A. 
Boissenade  et  C.  Bos.) 

BONNET  (Jean-Marie),  curé 
de  Saint-Martin-Hars,  dans  le  dio- 
cèse de  Poitiers,  et  né  à  Château- 
Garnier,  près  Chaunay,  en  Bas- 
Poitou  ,  avoit  mérité  par  son  re- 
fus du  serment  schismatique  de 
1791,  que  les  autorités  révolu- 


BON 

tionnaires  le  dépouillassent  de  son 
titre  de  curé.  Ne  s'en  croyant  pas 
inoins  redevable  de  son  zèle  à  ses 
paroissiens,  il  étoit  resté  dans  le. 
canton.  Les  agens  de  la  persécu- 
tion l'y  découvrirent  en  1795,  et  le 
jetèrentdans  les  prisonsde  Poitiers. 
Bientôt  il  fut  décidé  ,  le  28  ven- 
tôse an  II  (18  mars  >79'[)i  par  le 
tribunal  criminel  du  déparlement 
de  la  Vienne,  siégeant  en  cette 
ville  ,  qu'on  déporteroit  ce  curé 
au-delà  des  mers  ;  et  on  l'envoya , 
pour  cet  effet,  à  Bochefort,  où  il 
fut  embarqué  sur  le  navire  les 
Deux  Associés  {T\  Bochefort). 
Sa  foible  santé ,  encore  moins  que 
son  âge  avancé,  ne  purent  sou- 
tenir les  maux  de  ce  séjour.  Il 
succomba  bientôt,  et  mourut  le 
26  avril  1794  ?  âgé  de  59  ans. 
On  l'enterra  près  du  fort  Vaseux, 
sur  les  rives  de  la  Charente.  (  V. 
C.  J.  Bonnefonds  et ...  Borderie, 
curé.  ) 

BONNET  (Louis),  prêtre  et  re- 
ligieux, vi  voit  modestement  à  Par- 
thenay  en  Poitou.  On  ne  pouvoit 
lui  faire  un  crime  de  n'avoir  pas 
prêté  le  serment  de  la  constitu- 
tion civiledu  clergé,  ni  de  n'être 
pas  sorti  de  France  d'après  la  loi 
du  26  août  1792,  non  qu'il  eut 
fait  ce  serment,  mais  parce  qu'il 
n'y  avoit  point  été  obligé  par  la 
loi,  attendu  qu'il  n'étoit  pas  fonc- 
tionnaire public.  Mais  c'étoit  un 
bon  religieux,  fidèle  à  ses  devoirs  ; 
et  cette  considération  suffit  aux 
persécuteurs  pour  l'arrêter,  et  le 


BON  253 

traîner  dans  les  prisons  de  Poi- 
tiers. Le  28  ventôse  an  II  (18  mars 
1 794) ,  il  fut  condamné ,  comme 
«  prêtre  réfractaire  »,  à  la  peine 
de  mort,  et  se  trouva  du  nombre 
des  dix-sept  prêtres  que  ce  tribu- 
nal fit  immoler  ensemble  ce  jour- 
là,  en  haine  de  la  religion.  (  y. 
L.  M.  Blondet  et  C.  Brunet.) 

BONNET-DE-BADAL,  et  non 
PBADAL  (Jean-François),  né  à 
Ax ,  dans  le  diocèse  de  Pamiers , 
le  4  septembre  1^38,  entra  dans 
la  congrégation  dos  Génovéfains, 
le  4  septembre  1 758,  et  y  fit  pro- 
fession le  21  novembre  1759.  Il 
avoit  passé  de  longues  années  dans 
la  pratique  de  toutes  les  vertus  de 
son  état,  lorsqu'arriva  la  révolu- 
tion. La  charité  pour  les  pauvres 
étoit  portée  chez  lui  à  un  degré  si 
éminent ,  qu'il  ne  calculoit  jamais 
ce  qui  étoit  nécessaire  à  ses  be- 
soins, quand  il  voyoit  les  leurs 
plus  grands  que  les  siens.  Dans  le 
terrible  hiver  de  1788  à  1789,  il 
leur  avoit  donné  tout  ce  dont  il 
pouvoit  rigoureusement  se  dispen- 
ser ;  et,  dans  cette  généreuse  dis-- 
tribution  de  ce  qu'il  avoit,  il  s'é- 
toit  réduit  lui-même  à  une  sorte 
d'indigence.  Après  la  fatale  jour- 
née du  10  août  1792,  et  surtout 
après  la  loi  de  déportation  rendue 
le  26  de  ce  mois ,  Bonnet-de-Ba- 
dal ,  étant  compté  au  nombre  des 
prêtres  non-assermentés ,  fut  dé- 
signé aux  révolutionnaireschargés 
de  les  arrêter.  Ils  vinrent  chez  lui , 
à  Sainte -Geneviève,  suivis  de  la 


m,  BON 

stupide  populace  qui  avoit  cou- 
tume de  les  suivre  avec  !e  plaisir 
de  la  curiosité.  Quand  elle  recon- 
nut dans  cet  ecclésiastique  celui 
dont  tantde  gensdupcuple  avoient 
reçu  des  secours,  elle  s'opposa  à 
ce  qu'il  fût  arrêté.  On  y  revint ,  et 
elle  lit  la  même  opposition.  Dans 
l'une  de  ces  visites  .  quelques 
femmes  lui  demandèrent  encore 
l'aumône.  Il  leur  répondit  qu'il  ne 
lui  restoit  plus  rien  ,  et  il  disoit 
vrai.  Cette  femme  avide  lui  ré- 
pliqua :  «  Mais  il  vous  reste  encore 
votre  mouchoir  de  poche ,  puis- 
que vous  le  tenez  à  la  main  »  !  — 
«  Eh  bien,  le  voilà  :  prenez-le;  je 
pourrai  dire  désormais,  avec  une 
entière  vérité ,  que  je  n'ai  plus 
rien  à  moi  ».  Ce  ne  fut  que  le  5i 
août  que  les  persécuteurs  purent 
enlever  ce  vénérable  prêtre  de  son 
domicile ,  à  Sainte-Geneviève.  Il 
fut  conduit  avec  précipitation  , 
malgré  ses  soixante  ans ,  au  comité 
civil  de  la  section  ,  où  on  lui 
proposa  de  faire  le  serment  ci- 
vique. L'abbé  Bonnet-de-Radal 
aima  mieux ,  en  lerefusant,  s'expo- 
ser à  la  mort.  Il  fut  aussitôt  cons- 
titué prisonnier  dans  le  séminaire 
de  Saint-Firmin  où  étoient  déjà 
captifs  tant  de  prêtres  dont  on 
n'avoit  pu  ébranler  la  fidélité. 
Dans  cette  réunion  de  saints  con- 
fesseurs qui  se  préparoient  à  mou- 
rir pour  la  Foi ,  l'abbé  Bonnet-dc- 
Radal  se  disposa  à  sacrifier  sa  vie 
pour  la  même  cause  ;  et  ce  sacri- 
fice fut  consommé  le  3  septembre , 


BOR 

lorsque  les  assassins  soudoyés  à 
cet  effet  vinrent  massacrer  les  prê- 
tres enfermés  dans  cette  prison , 
pour  n'avoir  pas  voulu  compro- 
mettre leur  croyance  par  un  ser- 
ment qu'elle  réprouvoit.  {V.  Sep- 
tembre. ) 

BONNET  ( Marguerite),  reli- 
gieuse. [V.  MS"=  BoNNERET.) 

BONZÉ  (Pierre),  prêtre  du 
séminaire  de  Saint-Firmin ,  et  âgé 
de  7  3  ans,  n'avoit  pas  vieilli  dans 
les  vertus  du  sacerdoce  pour  les 
flétrit'  par  la  prestation  du  serment 
de  la  constitution  civile,  du 
clergé.  On  savoit  qu'il  ne  la  regar- 
doit  pas  moins  que  le  supérieur 
Le  François,  comme  une  œuvre 
de  l'impiété  [V .  Le  François).  Le 
jour,  i3  août,  où  celui-ci  fut  dé- 
claré prisonnier  dans  la  maison 
même  de  Saint-Firmin ,  Bonzé 
y  fut  aussi  mis  en  captivité.  Dans 
ce  lieu  de  détention  où  l'on  amena 
tant  d'autres  prêtres  non-asser- 
mentés ,  il  se  prépara  avec  eux  à 
faire  à  Dieu  le  sacrifice  de  sa  vie 
pour  conserver  sa  Foi  pure  et  in- 
tacte ;  et  le  3  septembre  il  fut  mas- 
sacré avec  eux  pour  la  cause  de  la 
religion.  (  V.  Septembre.) 

BOPiDERIE  (N...  de  la),  curé 
de  la  Péruse  dans  le  diocèse  de 
Limoges,  repoussa  comme  un 
crime  contre  la  Foi,  le  serment  de 
la  constitution  civile  du  clergé. 
La  persécution  le  força  de  quitter 
le  Limousin;  et  il  étoit  en  179a 
dans  l'Angoumois,  alors  appelé 
département  de  la  Charente-  Il 


BOR 

y  fut  arrêté  et  bientôt  condamné 
à  être  déporté  au-delà  des  mers. 
On  le  fit  partir  pour  Rochefort  où 
il  fut  embarqué  sur/e  IVasiihuj- 
ton  [V.  Rochefort).  En  proie 
aux  souffrances  de  toute  espèce , 
dont  les  déportés  y  étoient  acca- 
blés ,  il  succomba  en  octobre  1 79^, 
à  l'âge  de  5g  ans  ,  et  fut  enterré 
dans  l'île  d'Aix.  {V.  J.  M.  Bcuvînet 
et  P.  Y.  Bordehie.  ) 

BORDERIE- DE-FÉRIGNAC 

(PlERRK-YpiEIX.-LADr.Ol  HE  DE  L.t), 

chanoine  de  la  collégiale  de  Sainl- 
Yrieix-la-Perche ,  dans  le  diocèse 
de  Limoges,  né  au  même  lieu  ,  y 
étoit  resté  après  la  suppression  de 
son  chapitre.  Quoiqu'il  eût  bien 
formellement  manifesté  son  éloi- 
gnementdu  schisme  constitution- 
nel, il  ne  crut  pas  devoir  sortir  de 
France  lors  de  la  loi  qui,  le  26 
août  1792,  expulsa  les  prêtres 
non-assermentés.  Son  zèle  pour  la 
religion  le  fit  rester  dans  la  pro- 
vince pour  les  besoins  des  catho- 
liques ;  et  sa  conscience  timorée 
repoussa  le  serment  de  iiberté- 
égalilépresvAit  à  la  même  époque. 
Les  persécuteurs  l'atteignirent  en 
1793.  Après  quelques  mois  de 
prison  ,  il  fut  envoyé  à  Roche- 
fort  pour  être  déporté  au-delà 
des  mers  (  V.  Rochefort).  On 
l'embarqua  sur  le  navire  tes  Deux 
Associés.  Il  y  souffrit  beaucoup, 
mais  avec  une  grande  résignation. 
«  Borderie-de-Férignac ,  nous  a 
écrit  un  de  ses  compagnons  de 
déportation  ,  étoit  un  jeune  prêtre 


BOR  255 

fort  vertueux  et  rempli  de  piété». 
Il  succomba  dans  ce  long  mar- 
tyre,  le  1"  juillet  1794?  à  l'âge 
de  58  ans ,  et  fut  enterré  dans  l'île 
d'Aix.  ( lr .  Bouderie ,  curé,  et 
A.  Boisdier.) 

BORDIER  (Alexandre), 
vicaire  de  Montignac ,  dans  le 
diocèse  de  Sarlat,  et  né  à  Ber- 
gerac, dans  le  même  diocèse,  ne 
prêta  point  le  serment  de  la  cons- 
titution civile,  du  clergé.  Cette 
conduite  louable  le  voua  à  la  pros- 
cription comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  »  ;  et,  quand  survint  la  loi 
d'expulsion  rendue  le  26  août 

1792,  il  crut  pouvoir  rester  tran- 
quillement dans  sa  province,  en 
faisant  le  serinent  de  liberté-éga- 
lité prescrit  alors.  Cet  acte  de  foi- 
blesse  ne  pouvoit  sauver  un  prêtre 
déjà  compris  dans  la  classe  des  in- 
sermentés ,  et  qui  se  montroit  at- 
taché à  la  religion  et  à  l'exercice 
de  son  ministère.  Il  fut  arrêté  en 

1793,  et  jeté  dans  les  prisons  de 
Périgueux.  On  l'en  lit  partir  en 
février  179^,  pourRochefort,  d'où 
il  devoit  être  envoyé  au-delà  des 
mers  (  V.  Rochefort).  Arrivé  dans 
cette  ville  ,  il  y  fut  embarqué  sur 
le  navire  les  Deux  Associés.  Les 
maux  qu'on  souffroit  dans  l'entre- 
pont de  ce  bâtiment  devenoient 
pour  lui  un  supplice  auquel  il  ne 
pouvoit  résister.  Sa  patience  étoit 
grande  ;  il  donna  à  ses  compa- 
gnons, entre  autres  exemples  êdi- 
fians,  celui  de  rétracter  son  ser- 
ment de  liberté  -  égalité  ;  et  iî. 


I 


-..">«  BOR 

mourut  dans  la  paix  du  Seigneur, 
à  l'âge  de  58  ans ,  durant  l'été  de 
1794.  Ses  ossemens  reposent  dans 
l'île  Madame.  {V.  P.  Y.  Borde- 
rie  et  B.  Boucher.) 

BORIE  (Joseph)  ,  simple  011- 
vriercordonnier  en  la  ville  de  Caus- 
sade ,  où  il  étoit  né ,  mérita  d'être 
compris  avec  son  curé ,  parmi  les 
dix-huit  habilans  de  cet  endroit 
qu'on  y  arrêta  en  1794?  et  <lue 
l'on  conduisit  à  Paris,  comme  au- 
tant de  conspirateurs.  Le  tribunal 
révolutionnaire  l'envoya  à  l'é- 
chafaud  avec  eux,  en  qualité  fie 
fanatique,  le  3  messidor  an  II 
(21  juin  1794)  ;  et  Borie  périt  le 
même  jour,  à  l'âge  de  19  ans.  (  V. 
J.  P.  Clavière.  ) 

BORIE  (Jean-Elie),  prêtre  de 
la  congrégation  de  la  Mission , 
dite  de  Saint- Lazare,  supérieur 
du  séminaire  de  Sarlat,  et  vicaire- 
général  de  ce  diocèse ,  fut  un  des 
phi  s  zélés  défenseurs  de  la  Foi  lors 
de  l'introduction  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé.  Il  fut  donc 
loin  d'en  prêter  le  schismatique 
serment,  et  ne  sortit  point  de 
France  après  la  loi  de  déportation 
du  26  août  1792.  La  tranquillité 
dont  jouissoit  sa  province,  faisoit 
que  ce  saint  prêtre  s'applaudissoit 
d'y  être  resté  pour  l'utilité  des  ca- 
tholiques ;  mais  cette  tranquillité 
fut  troublée  d'une  manière  vio- 
lente vers  la  fin  de  1795.  On  ar- 
rêta le  lazariste  Borie  ;  et ,  après 
plusieurs  mois  de  séjour  dans  les 
prisons  de  Périgueux  où  il  avoit 


BOS 

été  conduit,  on  le  traduisit  devant 
le  tribunal  criminel  du  départe- 
ment de  la  Dordogne,  siégeant 
en  cette  ville,  le  14  messidor  an  II 
(2  juillet  1794).  Les  juges  l'en- 
voyèrent ce  même  jour  à  l'écha- 
faud  comme  «  prêtre  réfractaire  » . 
(  V.  F.  Artensie  et  P.  Capelle.  ) 

BORIE  (André  Portefaix-), 
prêtre  de  la  congrégation  des  La- 
zaristes, et  supérieur  du  séminaire 
d'Albi,  s'étoit  retiré,  lors  de  l'a- 
bolition des  anciennes  institutions 
ecclésiastiques ,  dans  le  bourg  de 
Paulhac,  près  Saint-Chely-d'Ap- 
cher,  diocèse  de  Mende.  Modèle 
de  piété  et  des  vertus  de  son  état, 
il  n'avoit  point  fait  le  serment 
schismatique ,  et  avoit  cru  pouvoir 
se  dispenser  d'obéir  à  l'inique  loi 
de  la  déportation.  On  l'arrêta  au 
commencement  de  1794;  et  il  fut 
traîné  dans  les  prisons  de  Mcnde , 
déjà  chef- lieu  du  département  de 
la  Lozère.  Le  tribunal  criminel 
de  ce  département  le  condamna  à 
la  peine  de  mort  comme  «  prêtre 
réfractaire  »,  le  12  floréal  an  II  (2 
mai  1794)-  Sa  sœur,  Marie  Porte- 
faix ,  chez  laquelle  il  demeuroit ,  fut 
condamnée  ensuite ,  le  3  prairial 
an  II  (22  mai  1 794) ,  à  la  déporta- 
tion pour  toute  sa  vie,  comme 
«  recéleuse  de  prêtres  réfrac- 
taires  ».  (  V.  i'  Alix.) 

BOS  (Charles),  prêtre,  né  à 
Verargues ,  dans  le  département  de 
Y  Hérault  ou  du  Cantal,  comme 
il  est  dit  sur  le  registre  de  l'hôpi- 
tal de  Saint-André  de  Bordeaux , 


BOS 

Où  il  mourut,  étoit  un  de  ces  in- 
nombrables ministres  des  autels 
qui,  pour  conserver  leur  Foi  in- 
tacte, avoient  refusé  le  serment 
de  1791 ,  et  s'étoient  exposés  aux 
plus  grands  périls  pour  la  gloire 
de  la  religion  et  les  besoins  spiri- 
tuels de  ses  disciples.  Arrêté  dans 
sa  province  par  les  persécuteurs  en 
1793,  il  avoit  été  conduit  en  1794 
à  Bordeaux,  où  il  devoit  être  em- 
barqué pour  la  déportation  à  la 
Guiane.  Les  embarquemens  ne 
commencèrent  qu'en  automne  , 
trois  mois  après  la  chute  de  Ro- 
berspierre  (  V.  Bordeaux)  ;  et  le 
prêtre  Bos,  restant  enfermé  dans 
le  fort  du  Ha,  attendoit  que  son 
tour  de  partir  arrivât,  lorsqu'il 
succomba  sous  le  poids  de  ses  lon- 
gues et  cruelles  souffrances.  Avant 
qu'il  expirât,  on  le  fit  transporter 
dans  l'hôpital  de  Saint-André,  où 
il  ne  cessoit  pas  d'être  captif  de 
J.-C.  Il  y  rendit  son  dernier  sou- 
pir le  25  novembre  1794*  à  l'âge 
de  49  ans.  (  V.  Ce  Bonnet  et  Bon- 

NEFONT.) 

BOSCAULT  (Victor),  prêtre, 
né  à  Cordes,  dans  l'Albigeois,  en 
1768,  et  religieux  Bernardin  à 
Albi,  n'avoit  prêté  aucun  des  ser- 
niens  de  la  révolution;  et  les  per- 
sécuteurs des  années  179^  et  1794 
n'avoient  pu  l'atteindre.  Il  n'é- 
chappa point  à  ceux  que  mit  en 
œuvre  la  cruelle  loi  de  déportation 
à  la  Guiane,  rendue  le  lendemain 
du  18  fructidor  an  V  (4  sep- 
tembre 1797).  Ils  le  firent  con- 

2. 


BOS  a57 

duire  à  Rochefort  >  où  il  fut 
embarqué  sur  la  corvette  la 
Bayonnaise,  le  1"  août  1798 
[V.  Guiane).  Arrivé  à  Cayenne, 
à  la  fin  de  septembre,  il  fut  relé- 
gué dans  un  canton  non  moins 
pestilentiel  que  les  autres;  et  il  y 
mourut  dans  le  courant  de  dé- 
cembre I799.  {V.  L.  BoiLERET 
et  M.  Boterf.  ) 

BOSCUS  (Jean-Joseph)  ,  prê- 
tre du  diocèse  de  Rodez,  dont  la 
vie  et  la  mort  furent  amplement 
racontées  avec  celles  de  son  frère, 
dans  les  Annales  catholiques  de 
1797,  ensuite  dans  les  Mémoires 
four  servir  à  l'Histoire  de  la 
Religion,  à  la  fin  du  XVI H' 
siècle,  publiés  en  i8o3,  et  des- 
quels le  récit  a  été  depuis  lors 
souvent  copié,  ne  sera  présenté 
par  nous  ici  que  sous  le  rapport 
des  actions  qui  le  préparèrent  à  la 
couronne  du  martyre.  Profitant 
pour  cela  de  la  notice  que  nous 
en  reçûmes  en  1799,  nous  recti- 
fierons en  passant  quelques  erreurs 
de  noms  des  précédentes  narra- 
tions. Jean-Joseph  et  son  frère 
André  étoient  nés  dans  la  pa- 
roisse de  Flanjac ,  près  d'Espa- 
lion.  Le  premier,  qui  étoit  l'aîné, 
y  avoit  vu  le  jour  en  1756;  et, 
fait  prêtre  vers  1781,  il  avoit  été 
placé  comme  vicaire  dans  la  pa- 
roisse de  Naussac,  près  de  Bi- 
gnac.  Son  frère,  plus  jeune,  qu'il 
avoit  lui-même  formé  à  l'état 
ecclésiastique,  n'étoit  encore  que 
sous-diacre  lorsque  la  révolution 

*7 


258  BOS 
éclata.  Ne  pouvant  être  avancé 
dans  les  ordres  en  sa  province, 
il  alla  se  faire  ordonner  diacre 
et  prêtre  en  Espagne.  Les  su- 
périeurs ecclésiastiques  l'établi- 
rent alors  vicaire  en  la  paroisse  de 
Saint  -Julien-  de  -Pigagnol ,  près 
Rignac  qu'il  vint  desservir.  Voisin 
de  son  frère  Jean-Joseph,  et  encore 
plus  intimement  uni  avec  lui  par 
sa  Foi  et  sa  piété  nue  par  les  liens 
du  sang,  il  montra  comme  lui  un 
égal  éloignement  du  serment  de 
la  eoiiatïtittion  civile  du  clergé. 
Resté  dans  le  pays  après  la  loi  de 
déportation,  et  voyant  s'accroître 
de  jour  en  jour  la  persécution , 
ces  deux  prêtres  qui,  chacun  de  son 
côté,  travailloient  ardemment  au 
salut  des  âmes,  se  rapprochèrent 
ensemble  pour  délibérer  sur  ce 
qu'ils  feroient  en  de  si  critiques 
conjonctures.  Le  résultat  de  leur 
conférence  fut  qu'ils  retourne"- 
roient,  l'un  et  l'autre,  exercer  leur 
ministère  dans  leur  canton  res- 
pectif. Ils  bravèrent  tous  les  pé- 
rils, et  supportèrent  toutes  sortes 
de  fatigues  pour  procurer  les 
secours  spirituels  aux  mourans , 
aux  malades ,  à  tous  ceux  qui 
réclamoient  les  soins  de  leur  sa- 
cerdoce. Quand  des  païens,  des 
amis  ,  les  supplioicnt  de  ne  pas 
tant  s'exposer ,  ils  leur  répon- 
doient  :  «  Ce  n'est  pas  pour  nous 
seuls  que  nous  sommes  prêtres  ; 
et  c'est  surtout  dans  ce  temps  de 
calamité  que  nous  devons  être 
disposés  à  nous  immoler  pour  le 


BOS 

salut  des  fidèles  ».  Le  28  mai 
i?g4j  veille  de  l'Ascension,  ils  se 
trouvèrent  tous  les  deux  a  Flan- 
jac  pour  y  entendre  les  confes- 
sions des  catholiques ,  et  les  dis- 
poser à  la  fête  du  lendemain.  La 
nuit  même  fut  consacrée  à  ces 
fonctions  ;  et  les  exercices  du  jour 
de  la  fête  ne  furent  pas  moins 
pénibles  pour  eux.  Epuisés  de  fa- 
tigues, ils  venoient  de  se  coucher, 
et  dormoient  à  peine,  lorsque, 
vers  minuit,  la  maison  où  ils 
étoient  fut  investie  par  une  sol- 
datesque impie  qui  ,  ayant  forcé 
les  portes,  s'empara  de  leur  per- 
sonne, les  accabla  d'injures,  et 
frappa  même  l'aîné  de  plusieurs 
coups  de  sabre  qui  le  mirent  tout 
en  sang.  Ils  furent  liés  l'un  à  l'autre 
par  le  cou  avec  une  grosse  chaîne 
de  fer,  et  traînés  à  Espalion  où  sié- 
geoit  l'administration  du  district 
sur  lequel  on  les  avoit  arrêtés. 
Dans  la  route,  ils  s'exhortoient  mu- 
tuellement à  ne  se  laisser  abattre 
par  aucune  espèce  d'épreuve.  En 
entrant  dans  la  ville,  ils  sont  ren- 
contrés par  leur  sœur  qui  s'éva- 
nouit en  les  voyant  ainsi  garrottés  ; 
et  ils  la  consolent  en  la  conjurant 
de  ne  pas  s'affliger  de  leur  bonheur. 
Interrogés  avec  insolence  et  du- 
reté par  les  membres  du  district, 
qui  cependant  étoient  tous  leurs 
parens  ou  leurs  anciens  amis,  ils 
font  leur  profession  de  Foi  avec 
autant  de  douceur  que  de  fermeté  ; 
mais  ils  sont  inébranlables  dans  le. 
refus  des  aveux  qu'on  vouloit  leur 


BOS 

arracher  pour  associer  à  leur  sort 
une  foule  d'autres  victimes.  Leur 
compatriote  M.  Dubruel,  depuis 
lors  membre  du  Corps  Législatif  en 
1797,  et  de  la  Chambre  des  Députes 
en  181 5  et  1820,  accourt  pour  sol- 
liciter en  leur  faveur,  essayant  au 
moins  de  sauver  le  plus  jeune  des 
deux  ;  et  il  obtient  presque  l'as- 
surance qu'André  qui  n'avoit  été 
ordonné  prêtre  que  depuis  la  ré- 
volution ,  et  pouvoit  n'être  pas 
censé  fonctionnaire  public,  ne  se- 
roit  pas  considéré  «  comme  réfrac- 
taire  » .  Quand  il  en  a  obtenu  la 
promesse ,  il  vient  avec  émotion 
dire  au  plus  jeune  des  Boscus  : 
«Cher  ami,  vous  êtes  sauvé,  si 
vous  voulez  dire  que  vous  n'étiez 
pas  fonctionnaire  public».  Celui- 
ci]  jette  alors  sur  M. ^Dubruel  un 
regard  plein  de  reconnoissance , 
et  lui  répond  avec  l'accent  de  la 
Foi  la  plus  vive  :  «  Ah  !  Monsieur, 
la  vie  la  plus  heureuse  vaut -elle 
assez  pour  être  rachetée  par  un 
mensonge  »  ?  En  lisant  cette  ré- 
ponse ,  on  se  croit  reporté  aux  plus 
beaux  temps  de  l'Eglise,  lorsque, 
sous  les  persécutions  de  Galère  et 
de  Maximin  en  5o6,  on  vit  Phi- 
léas, évêque  de  Thmuis,  et  Philo- 
romus,  magistrat  d'Alexandrie, 
résister  aux  sollicitations  de  leurs 
parens,  de  leurs  amis,  des  juges 
mêmes  qui  les  pressoient  de  pour- 
voir à  leur  conservation  par  quel- 
que condescendance  qui  auroit 
obscurci  leur  Foi  (  Eusèb.  Hist. 
1.  8).  Ne  croit-on  pas  entendre  ce 


BOS  259 

Philéas,  lorsque  son  frère  le  sup- 
posoit  appelant  de  la  sentence  de 
mort,  avec  l'intention  de  revenir 
sur  sa  profession  de  Foi  pour  l'al- 
térer, s'écrier:  «Ne  Pécoutez  pas; 
bien  loin  de  souhaiter  qu'on  ré- 
voque l'arrêt  qui  me  condamne  à 
mourir,  j'ai  aucontraire  de  grandes 
actions  de  grâces  à  rendre  au  pré- 
sident qui  va  me  faire  co-héritier 
de  J.-C.  »  ?  (Rufin,  Hist.  ceci. 
1.  vin,  c.  10.)  Frater  Phileù? 
qui  erat  unus  ex  advocatis,  ex- 
clamavit  dicens  :  PhUeas  abo- 
iitionem  petit.  Culcianus  re~ 
vocans  eum  dixit  :  Quid  ap- 
peUasti  ?  PhUeas  respondit  : 
non  appeUavi  ;  ahsit.  Haie 
noii  intendere  ;  ego  autem 
magnas  ago  gratias  prœsidi 
quoniam  cohœres  factus  sum 
Jesu  Christi.  Quelques  heures 
après,  ces  deux  prêtres  toujours 
enchaînés ,  sont  conduits  à  pied 
à  Rodez,  chef- lieu  du  dépar- 
tement de  YAvcyron.  Dès  leur 
arrivée,  ils  comparaissent  devant 
le  tribunal  criminel  où  ils  montrent 
la  même  sérénité ,  la  même  dou- 
ceur, la  même  fermeté.  Ils  sont 
jetés  dans  un  affreux  cachot,  où. 
ils  restent  deux  jours,  et  n'ont  de 
communication  qu'avec  leur  géo- 
lier.  Les  deux  frères  se  firent  alors . 
Fini  à  l'autre,  une  confession  gé- 
nérale, et  employèrent  le  reste  du 
temps  à  réciter  ensemble  leur  of- 
fice, à  chanter  alternativement  le 
Miserere  mei ,  Deus ,  le  Stahat , 
le  Vexiila  Régis  prodeunt ,  et  à 


2(io  BOS 

se  dire  réciproquement  les  prières 
des  agonisans.  Ils  chantoient  sur- 
tout avec  transport  ce  verset  du 
psaume  cxxxii  :  Ecce  quàm  bo- 
num,  et  quàm  jucundum ,  ka- 
éitare  fralres  in  unum  !  Le 
lundi  matin ,  14  prairial  an  II 
(2  juin  1794),  on  les  ramène 
au  tribunal,  où  la  peine  de  mort 
est  prononcée  contre  eux  :  ils 
sont  condamnés  comme  «  prêtres 
réfractaires  ».  Leur  visage  n'en 
éprouve  aucune  altération  :  ils 
s'embrassent  de  nouveau  ,  en 
se  félicitant  mutuellement  «  de 
partir  ensemble  pour  la  céleste 
Jérusalem  ».  Conduits  à  l'écha- 
faud ,  ils  y  marchent  avec  au- 
tant de  dignité  que  d'assurance. 
Arrivés  au  lieu  du  supplice ,  l'un 
dispute  sérieusement  à  l'autre  l'a- 
vantage de  lui  donner  l'exemple 
du  courage  ;  et  le  bourreau  les  met 
d'accord,  en  décidant  que  ce  sera 
le  plus  jeune.  Celui-ci  transporté 
de  joie  pour  cette  préférence,  em- 
brasse encore  son  frère  ;  il  em- 
brasse même  ensuite  l'exécuteur, 
en  s'écriant  <(  qu'il  pardonne  à  ses 
ennemis,  et  qu'il  meurt  satisfait 
de  verser  son  sang  pour  sa  reli- 
gion » .  Il  continue  en  adressant  au 
peuple  des  exhortations  édifiantes  ; 
c'étoit  encore  ce  même  Philéas 
qui,  parvenu  à  l'endroit  de  l'exé- 
cution, étendant  les  mains  vers 
l'orient,  disoit  à  haute  voix  aux 
assistans  :  «  Mes  chers  frères , 
vous  qui  cherchez  Dieu ,  soyez  at- 
tentifs aux  préceptes  de  JNotre  Sei- 


BOS 

gneur  J.-C;  invoquons  ce  Dieu 
incompréhensible  et  sans  tache 
qui  est  assis  sur  les  Chérubins,  qui 
a  tout  créé,  qui  est  le  commence- 
ment et  la  ûn  de  toutes  choses,  et 
auquel  appartient  la  gloire  dans 
tous  les  siècles  ».  Filioti  met 
carissimi ,  quicumque  Deum 
quœritis  ,  vigUate  ad  corda 
vestra.  Carissimi ,  attendite 
prœceplis  Domini  nostriJesu- 
Christi.  Invocemus  immacu- 
iatum  ,  incomprehensibilem 
qui  sedet  super  Cherubim,  f'ac- 
torem  omnium,  qui  est  initium 
et  finis,  cui  gloria  in  secula 
secutorum  (  Ruin. ,  Jeta  Sanc- 
torum  Phiieœ  et  PhUoromi). 
Le  bruit  du  tambour  vient  cou- 
vrir la  voix  d'André  Boscus,  et  il 
reçoit  le  coup  de  la  mort.  Jean- 
Joseph  qui,  pendant  celte  scène 
douloureuse,  avoit  toujours  les 
yeux  levés  et  les  bras  tendus  vers 
le  ciel ,  imite  en  tout  les  dernières 
actions  de  son  frère ,  et  meurt 
avec  les  mêmes  démonstrations 
de  Foi  et  de  charité.  C'est  de  la 
mort  de  ces  deux  héroïques  Mar- 
tyrs que  vouloit  parler  M.  Du- 
bruel  dans  son  rapport  fait  au 
Corps  Législatif  le  8  messidor  an  V 
(26  juin  1797),  sur  ies  lois  por- 
tées contre  ies  prêtres;  il  citoitee 
fait  pour  confondre  les  accusations 
d'hypocrisie  portées  contre  eux,  et 
concluoit  en  disant  d'André  Bos- 
cus: «  Cet  infortuné,  à  l'âge  de  28 
ans,  marcha  à  l'échafaud,  comme 
au  théâtre  de  la  gloire....  Est-ce 


BOS 

ainsi  que  se  conduit  l'hypocri- 
sie ?  » 

BOSCUS  (André),  frère  du 
précédent,  né  au  même  lieu,  en 
j  766 ,  el  vicaire  aussi  dans  le  dio- 
cèse de  Rodez,  conduit  au  sup- 
plice avec  son  frère  ,  fut  immolé 
avec  lui  pour  la  Foi  le  14  prairial 
an  II  (2  juin  1794),  à  l'âge  de 
28  ans.  Les  circonstances  de  son 
martyre  se  trouvent  dans  l'article 
de  J.  J.  Boscus. 

BOSSAN  (Louise),  religieuse 
de  l'abbaye  royale  de  Saint-Pierre 
de  Lyon ,  et  née  dans  cette  ville ,  y 
prit  un  asile  modeste  et  retiré 
du  monde,  lorsqu'elle  se  vit  ex- 
pulsée de  son  cloître  par  les  dé- 
crets de  l'Assemblée  Constituante. 
Déjà  avancée  en  âge ,  et  ayant  con- 
tracté avec  joie  toutes  les  saintes 
habitudes  du  cloître,  elle  conti- 
nuoit  à  vivre  en  religieuse  fort 
attachée  à  sa  règle.  Cette  conduite 
ne  pouvoit  qu'offusquer  les  impies 
révolutionnaires  ;  ils  la  dénoncè- 
rent à  la  féroce  commission  que  les 
représenlans  avoient  établie  dans 
cette  ville ,  à  la  fin  de  1 793  ,  pour 
envoyer  à  la  mort  le  plus  de  Lyon- 
nais qu'elle  pourroit  (  V.  Lyon). 
La  religieuse  Bossan,  alors  âgée 
de  60  ans,  est  amenée  devant  cet 
horrible  tribunal  ;  les  juges  l'in- 
terrogent sur  sa  Foi,  et  elle  en 
fait  une  courageuse  confession.  Ils 
lui  demandent  le  serment  de  li- 
berté -  égalité  ;   elle  le  refuse 
comme  une  sorte  d'apostasie ,  et 
le  tribunal  la  condamne  à  la  peine 


BOT  261 
de  mort  comme  «  fanatique,  con- 
tre-révolutionnaire ,  et  refusant 
de  reconnoître  les  lois  de  la  répu- 
blique ».  Ce  jugement  fut  rendu 
le  18  pluviôse  an  II  (6  février 
1794),  et  Louise  Bossan  fut  im- 
molée le  lendemain.  (  V .  Blin  et 
Boxjbée.  ) 

BOTERF,  ditBODU  (Marc), 
prêtre,  né  en  1758  dans  le  dio- 
cèse de  gantes,  où  il  étoit  vicaire 
en  la  ville  de  la  Roche-Bernard, 
avoit  été  forcé  de  sortir  de  France 
en  1 792  par  suite  de  son  refus  du 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé.  Il  y  revint,  guidé  par 
son  zèle ,  et  encouragé  par  l'esprit 
de  tolérance  dont  paroissoit  em- 
preinte la  loi  du  7  fructidor  an  V 
(24  août  1797).  Mais  bientôt  sur- 
vint la  crise  du  18  fructidor  sui- 
vant (  4  septembre  )  ;  et  la  loi  de 
déportation  rendue  le  lendemain, 
ayant  excité  les  persécuteurs  à  re- 
chercher de  nouveau  les  prêtres 
non-assermentés ,  Boterf  fut  ar- 
rêté, et  envoyé  à  Rochefort,  pour 
être  déporté  a  la  Guiane  (  V. 
Guiane).  On  l'embarqua,  le  12 
mars  1798  sur  la  frégate  la  Cha- 
rente,  d'où  il  passa  le  25  avril 
sur  la  Décade,  qui  le  déposa 
vers  le  milieu  de  juin  dans  le  port 
de  Cayenne.  Il  fut  relégué  dans  le 
désert  de  Ronanama,  où  atteint 
bientôt  de  peste  et  de  dyssenterie, 
il  en  mourut  le  1 1  de  septembre 
1798,  à  l'âge  de  40  ans.  (  V.  V. 
Boscault  et  P.  A.  Bouchard.) 
BOTTEX  (Jean -Baptiste), 


262  BOT 

curé  de  Neuville-sur-Ain,  dans  le 
diocèse  de  Lyon ,  en  la  province  de 
Bresse,  où  il  avoit  vu  le  jour  vers 
iy5i,  étoit  un  des  prêtres  les  plus 
vertueux,  les  plus  instruits  et  les 
plus  modestes  de  ce  diocèse.  Quoi- 
que jeune  encore ,  il  s'étoit  conci- 
lié non  seulement  la  vénération  et 
l'amour  de  ses  paroissiens,  mais 
encore  l'estime  générale.  En  j  789, 
lors  de  l'assemblée  du  clergé  du 
bailliage  de  Bourg-en-Bresse  pour 
le  choix  de  ses  députés  aux  Etats- 
Généraux  ,  le  curé  Bottex  attira 
sur  lui,  sans- le  vouloir,  presque 
tous  les  suffrages  de  ses  confrères. 
Arrivé  à  Paris,  il  fut  dans  l'assem- 
blée des  Etats- Généraux,  et  de 
l'Assemblée  Nationale  en  laquelle 
ils  se  convertirent,  le  même  saint 
prêtre  qu'on  adiniroit  dans  sa 
paroisse.  M.  l'abbé  Baruel  qui 
le  connut  particulièrement  dans 
la  Capitale,  a  dit  de  lui,  Histoire 
de  ta  conduite  du  clergé  [etc.)  : 
«  Un  novice  dans  toute  sa  fer- 
veur ,  n'avoit  pas  la  conscience 
plus  délicate  que  cet  excellent 
prêtre.  Les  maîtres  les  plus 
versés  dans  l'art  d'approfondir 
une  question ,  n'apnortoient  pas 
à  la  discussion  une  logique  plus 
exacte,  un  jugement  plus  droit, 
une  métaphysique  plus  profonde, 
et  surtout  un  désir  plus  sincère  de 
sacrifier  ses  premières  idées  à  la 
vérité.  Sa  modestie  alors  sembloit 
prendre  tout  des  lumières  des  au- 
tres, quand  ils  prenoient  tout  des 
tiennes.  Je  l'ai  vu  bien  des  fois 


BOT 

flottant  péniblement  entre  le  désir 
d'aller  rejoindre  ses  chers  parois- 
siens, etl'obligation  où  ilsecroyoit 
de  rester  à  l'Assemblée  pour  ne 
pas  priver  d'un  suffrage  la  cause 
des  amis  de  la  religion  et  de  la 
monarchie  ».  Ses  affections  pas- 
torales furent  sacrifiées  à  ce  de- 
voir; mais  il  ne  négligea  pas  pour 
cela  ses  ouailles  :  il  leur  envoyoit 
les  ouvrages  qui  leur  convenoient 
le  plus  pour  se  maintenir  dans  la 
Foi ,  et  les  leur  faisoit  distribuer  à 
ses  frais.  Les  honoraires  qu'il  re- 
cevoit  comme  député,  ne  lui  pa- 
roissant  pas  assez  légitimement 
acquis  dans  leur  entier,  il  en 
distribuoit  la  moitié  aux  pau- 
vres. La  maison  qu'il  avoit  choisie 
pour  sa  demeure ,  indiquoit  bien 
ses  inclinations  apostoliques  :  il 
habitoit  le  séminaire  des  Missions 
Etrangères.  Comme  il  refusa  de 
prêter  le  serment  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé ,  et 
que  de  plus  il  avoit  signé  le  19 
novembre  1790,  avec  vingt-six 
autres  prêtres,  l'adhésion  à  Y  Ex- 
position des  principes  des  évê- 
ques  contre  cette  constitution 
civile  du  clergé,  il  ne  lui  étoit 
plus  permis  de  retourner  dans  sa 
paroisse  après  la  fin  des  séances 
de  l'Assemblée  Constituante.  Ses 
goûts  le  portèrent  à  rester  en 
pension  dans  le  même  séminaire, 
où  il  s'adonnoit  paisiblement  aux 
saints  exercices  de  son  état.  Vers 
la  fin  d'août  1793  ,  les  agens  de  la 
persécution  contre  les  prêtres  vin- 


BOT 

rent  troubler  sa  retraite,  sous  le 
prétexte  d'une  perquisition  à  faire 
dans  ses  papiers  :  une  lettre  de 
l'abbé  Maury  qu'ils  y  trouvèrent, 
leur  l'ut  un  motif  suflisant  pour 
l'arrêter.  Ils  le  conduisirent  dans 
la  prison  appelée  laForce.  Le  curé 
Bottex  y  conserva  le  calme  d'une 
bonne  conscience;  mais  il  auroit 
mieux  aimé  avoir  été  arrêté  for- 
mellement pour  la  cause  de  la  re- 
ligion, que  pour  cette  correspon- 
dance trop  facile  à  justifier.  «  Je 
sais  bien,  disoit-il  avec  regret, 
que  cette  lettre  de  l'abbé  Maury 
est  loin  de  rien  contenir  contre 
l'Etat  ;  je  mourrai  innocent  de  ce 
crime  ;  mais  je  n'aurai  pas  le  bon- 
heur de  mourir  pour  la  Foi  !  »  Il 
étoit  trop  digne  du  martyre  pour 
que  Dieu  lui  en  refusât  la  gloire. 
L'Assemblée  Législative  venoit 
d'en  fournir  les  moyens,  en  pres- 
crivant le  serment  de  maintenir 
la  liberté  et  l'égalité ,  de  mou- 
rir même  pour  tes  défendre. 
Ce  serment  alarma  la  conscience 
du  curé  Bottex.  En  vain  un  autre 
ecclésiastique,  compagnon  de  sa 
captivité,  et  qui,  en  le  prêtant, 
échappa  ensuite  au  carnage  dans 
lequel  notre  curé  succomba,  lui 
alléguoit  que  par  ce  serment  au- 
cun dogme  n'étoit  blessé  ,  qu'il 
ne  contenoit  rien  de  ce  que  celui 
de  la  constitution  civile  du 
clergé  avoit  en  vue  :  «  ce  serment, 
à  la  vérité,  n'est  pas  clair,  conti- 
nuoit-il  ;  mais  s'il  a  un  double 
sens,  l'un  bon  et  l'autre  mauvais, 


BOT  a63 
nous  pouvons  le  faire  dans  le  sens 
qui  est  bon  ».  Le  curé  Bottex  re- 
jetait ce  raisonnement,  comme 
très  -  condamnable  ,  parce  qu'il 
savoit  qu'un  serment  se  fait  tou- 
jours suivant  l'intention  de  la  per- 
sonne qui  le  demande,  ad  sensu  m 
petentis ;  et  en  supposant  même 
que  les  vues  de  l'Assemblée  Lé- 
gislative ne  fussent  pas  connues, 
il  croyoit  devoir  se  décider  d'a- 
près ce  principe  incontestable, 
qu'il  vaut  mieux  s'exposer  à  la 
mort  que  prononcer  un  serment 
équivoque,  parce  que  la  crainte 
de  prendre  Dieu  à  témoin  d'une 
promesse  vague  et  captieuse  ,  doit 
l'emporter  sur  la  terreur  de  la 
mort  (  V.  ci-devant  au  tom.  I, 
pag.  5o  et  as  j).  Ce  serment  enfin 
parut  au  curé  Bottex  une  der- 
nière épreuve  à  laquelle  Dieu 
avoit  permis  que  fût  livrée  la  fidé- 
lité de  ses  ministres,  afin  que  ce 
qui  restoit  d'ivraie  parmi  le  bon 
grain  en  fût  séparé  par  ce  crible 
décisif  {y.  Fontaine,  Lazariste). 
Se  voyant  destiné  à  la  mort,  il 
s'y  encourageoit  saintement  avec 
l'abbé  Bertrand  ,  conseiller  au 
grand-conseil ,  frère  de  l'ex-mi- 
nistre  de  Louis  XVI,  et  l'abbé  de 
la  Gardette  {V.  ce  dernier  nom). 
Us  se  lisoient  les  prières  des  ago- 
nisans,  s'exhortant  à  pardonner  à 
leurs  bourreaux,  priant  pour  eux, 
et  se  donnant  l'absolution.  Les 
meurtriers  qui  vinrent  à  laForce  , 
y  demandèrent  aux  virlimes  ce 
serment  de  liberté  et  d'égalité 


264  BOU 
Quand  le  curé  Bottex  fut  appelé 
devant  les  municipaux  qui  s'y 
étoiènt constitués  ses  juges,  ceux- 
ci  ne  lui  parlèrent  d'abord  que  de 
la  lettre  de  l'abbé  Maury  ;  et  il  les 
eut  bientôt  convaincus,  par  cette 
lettre-là  même,  que  sa  correspon- 
dance n'avoit  pour  but  aucun 
complot  contre  l'Etat.  Il  étoit  ren- 
voyé absous  ;  mais  à  la  porte  de  la 
prison  étoient  les  assassins  ayant 
déjà  les  mains  teintes  de  sang;  et 
à  leurs  pieds  gisoient  les  cadavres 
des  victimes  qu'ils  venoient  d'im- 
moler. Quand  le  curé  Bottex  se 
présente  pour  sortir,  ils  lui  de- 
mandent le  fatal  serment,  lui  of- 
frant sa  liberté  au  prix  de  cette 
prestation;  le  curé  Bottex  refuse 
de  le  prêter,  et  il  est  égorgé  sur-le- 
champ,  à  l'âge  d'environ  l\i  ans. 
(  V.  Septembre.  ) 

BOTTOT  (Philippe),  curé  de 
Villemoiron ,  dans  le  diocèse  de 
Troyes,  avoit  refusé  le  serment  de 
i  791  ;  et  l'attachement  à  ses  pa- 
roissiens l'a  voit  détourné  d'obéir 
à  l'inique  loi  de  la  déportation. 
Il  fut  découvert,  pris  et  jeté  dans 
les  prisons  de  Troyes  en  1793.  Le 
tribunal  criminel  du  département 
del^w^e,  siégeant  en  cette  ville , 
et  jugeant  d'après  les  lois  d'alors, 
condamna  ce  curé,  comme  «prê- 
tre réfractaire  » ,  à  la  peine  de 
mort,  le  9  messidor  an  II  (27 
juin  1794)-  L'exécution  eut  lieu 
le  lendemain. 

BOU  ART)  (iV...),  chanoine  de 
la  cathédrale  de  Nevers ,  avoit  ac- 


BOU 

cepté  par  goût  la  charge  d'aumô- 
nier d'un  hôpital,  et  sacrifioit  sa 
fortune,  comme  son  temps,  au  ser- 
vice des  pauvres.  Les  éloges  qu'on 
a  faits  des  vertus  de  cet  ecclésias- 
tique, sont  aussi  nombreux  que 
bien  fondés  ;  et  il  n'est  pas  néces- 
saire de  dire  que  sa  Foi  vive  et 
pure  rejeta  le  serment  de  l'hété- 
rodoxe constitution  civile  du 
clergé.  L'âge  de  7 1  ans  qu'il  avoit, 
lors  de  la  loi  du  26  août  1792 
qui  condamna  les  prêtres  non- 
assermentés  à  se  déporter  eux- 
mêmes,  ne  l'en  dispensoit  comme 
vieillard,  qu'à  la  condition  de  vivre 
en  une  maison  de  réclusion  sous 
la  surveillance  des  autorités  dé- 
partementales. Il  fut  donc  ren- 
fermé avec  beaucoup  d'autres  à 
Nevers,  souffrant  tout  ce  que  les 
ennemis  de  la  religion  pouvoient 
se  permettre  de  vexations  contre 
eux  (  V .  Nevers  ).  La  loi  sembloit 
les  mettre  à  l'abri  du  danger  d'une 
déportation  homicide.  Cependant 
il  fut  enlevé  avec  tous  ses  véné- 
rables compagnons  de  réclusion , 
pour  être  conduit  à  Nantes  {V. 
Nantes).  «  Ce  vieillard,  dit  le  curé 
de  Château  -  Chinon  ,  Moreau 
jeune,  qui  partagea  leur  sort,  et 
n'y  succomba  pas;  ce  vieillard, 
dit-il  dans  sa  lettre  de  Nantes,  le 
17  avril  1794?  étoit  malade  d'une 
hernie,  et  son  bandage  s'étoit  dé- 
rangé quand  nous  arrivâmes  à  An- 
gers. Pendant  les  onze  jours  que 
nous  y  passâmes  au  cachot,  nous 
ne  pûmes  obtenir  d'avoir  un  chi- 


BOU 

rurgien  qui  vînt  le  secourir.  La 
gangrène  déjà  se  manifestait,  et 
elle  fit  de  grands  progrès  pen- 
dant les  trois  jours  de  navigation 
jusqu'à  Nantes  ».  II  fut,  ainsi  que 
le  curé  Robillard  [V .  ce  nom), 
maltraité  d'une  manière  particu- 
lière et  barbare ,  par  les  eoldats  du 
78e  régiment  de  ci-devant  Pen- 
thièvre,  qui,  depuis  Angers  jus- 
qu'à Nantes,  escortèrent  lès  dé- 
portés ,  sous  le  commandement 
d'un  nommé  Marquet.  Lorsqu'en- 
suite  on  les  fit  descendre  dans  le 
bourbier  infect  du  fond  de  cale  de 
la  galiote  hollandaise  qui,  à  Nan- 
tes, heur  servit  de  prison  de  mort, 
Bouard  étoit  agonisant;  et  les  sol- 
dats en  le  transportant  du  bateau 
à  la  galiote ,  profitèrent  de  sa  situa- 
tion pour  achever  de  le  dépouiller, 
et  ne  lui  laissèrent  qu'un  gilet  avec 
ses  bas.  Il  y  expira  le  lendemain  sur 
les  planches,  «le  seul  lit  que  nous 
eussions  pu  lui  procurer  » ,  dit  en- 
core le  curé  de  Château-Chinon. 
Le  jour  de  sa  mort  (17  mars  1794) 
fut  aussi  celui  de  la  fin  du  curé 
Robillard.  Un  autre  compagnon 
de  leurs  souffrances  qui  put  en- 
suite revenirdansses  foyerscomme 
le  curé  Moreau ,  nous  voulons  dire 
M.  Imbert,  nomme  dans  une  de 
ses  lettres  le  chanoine  Bouard,  à 
la  tète  de  ceux  des  déportés  de 
Nevers,  dont  les  vertus  l'ont  frappé 
davantage.  Il  regrette  qu'on  n'ait 
pu  consacrer  à  chacun  d'eux  une 
histoire  particulière,  parce  que 
«  ceux  qui  doivent  nous  succé- 


BOU  jG5 

der,  ajoute-t-il,  y  trouveroient 
d'amples  sujets  d'admiration  et 
d'édification» .  Les  traits  de  vertu  , 
de  patience  et  de  sainteté  du  vieil- 
lard Bouard,  remplissent  encore 
le  prêtre  Imbert  d'un  saint  enthou- 
siasme ;  et  nou9  n'en  sommes 
point  surpris  :  car,  suivant  qu'il 
le  remarque  lui-même,  ce  véné- 
rable chanoine  «  étoit  déjà  pro- 
posé pour  modèle  à  tous  les  ecclé- 
siastiques du  diocèse  de  Nevers, 
bien  des  années  avant  qu'il  passât 
au  creuset  des  tribulations  » .  [V . 
Berthaut,  d'Arleuf,  et  Bouchet, 
d'Angers.  ) 

BOUBÉE  (Jacques -François 
de  ) ,  loyal  gentilhomme  du  Forez, 
néàMontbrisonetrésidantàFeurs, 
étoit  capitaine  d'un  régiment  au 
service  du  Roi  à  l'époque  de  la  ré- 
volution. Attaché  à  la  monarchie 
par  la  sainteté  de  ses  sermens  au- 
tant que  par  penchant,  il  donna 
sa  démission  de  capitaine  quand  il 
vit  qu'en  restant  au  service  mili- 
taire il  ne  serviroit  plus  que  d'im- 
pies factieux.  Les  principes  de  la 
religion  catholique  dont  il  avoit 
été  profondément  pénétré  dès  sa 
première  éducation,  lui  firent  re- 
pousser avec  horreur  toutes  les 
innovations  sacrilèges  des  révolu- 
tionnaires. Lorsqu'après  le  siège 
de  Lyon,  vers  la  fin  de  les 
proconsuls  de  la  Convention  eu- 
rcntétabli  dans  cetteville  leursan- 
gu inaire  commission  révolution- 
naire. (  V.  Lyon)  ,  Boubée  y  fut 
amené  de  Feurs;  et,  quand  il  y 


266  BOU 

comparut,  ce  fut  avec  la  fermeté 
d'un  guerrier  fidèle  à  sa  religion 
comme  à  son  Roi.  Royaliste  par 
principe  de  religion,  il  fut  con- 
damné à  la  peine  de  mort  le  26 
■ventôse  an  II  (16  mars  •79/1), 
comme  «ayant  donné  sa  démission 
d'odicier  à  l'époque  de  l'organi- 
sation des  troupes  de  la  républi- 
que, et  comme  ayant  eu  chez  lui 
des  lettres  qui  témoignoient  son 
indignation  (toute  chrétienne)  de 
ce  qu'il  la  voyoit  exister».  (  V. 

BOSSAN  et  BoUCHABLAT.  ) 

BOCBERT  (Louis-Alexis-Ma- 
thias  de),  né  dans  le  Forez ,  étoit 
venu  faire  ses  études  ecclésias- 
tiques à  Paris ,  dans  le  séminaire 
de  Saint-Sulpice.  Il  y  avoit  été 
déjà  promu  à  l'ordre  du  diaconat, 
Iorsqu'en  1791,  ses  maîtres  dans 
la  carrière  du  sacerdoce,  expulsés 
de  leur  maison  de  Paris  ,  se  reti- 
rèrent dans  celle  qu'ils  avoient  à 
Issy,  village  près  de  Paris,  non 
loin  de  la  rive  gauche  de  la  Seine. 
Cette  maison  qui  avoit  appartenu 
à  la  reine  Marguerite,  femme  de 
saint  Louis,  étoit  un  vrai  sémi- 
naire où  les  charmes  de  ce  local 
champêtre  étoient  eux-mêmes  de 
nature  à  porter  à  la  piété.  Un  poëtc 
latin  du  dernier  siècle  ,  l'abbé  Co- 
ger,  alors  simple  clerc  de  la  pa- 
roisse de  Saint-Roch  à  Paris,  et  qui 
fut  ensuite  professeur  d'éloquence 
au  collège  Mazarin,  puis  en  1775 
vecteur  de  l'Université,  avoit  ex- 
primé les  sentimens  qu'inspiroit  la 
yue  de  cette  retraite,  par  des  vers 


BOU 

qui  peuvent  servir  en  quelque  sorte 
à  faire  juger  ce  que  devoit  être  le 
jeune  Boubert,  sous  le  rapport  de 
l'esprit  ecclésiastique.  Ilyétoitdit  : 

Quis  toc  us  Me  sacer ,  vitce  melioris  imago  .' 
Ownia  tlninos  afjlant  pietatii  adores  : 
Nimir'uni  hic  teJem  posait  stnerabtle  Numen , 
Et  nuincrosa  cohors  virtutum  tas  pra-sidet  oris. 

Prortcrea  Christo  surgit  numerosa  /'uventus . 
Magna  vetut  segetis  fwcundœ  semina,  tœtus 
Productura ,  jurante  T)co  t  cura  farnoie  messes . 

Frondosœ  arrident  tranquitta  sitentia  syL'œ  , 
Bfitiut  hic  lumen  sublustn  julgct  in  umbrd  ; 
Hic  pietali  addunt  stimulas  ars  et  locut  ipse  , 
Sanctaque  formido  ,  et  secretus  corripit  horror 
Intrantes  ,  pacidisque  sacras  inspirât  amores  , 
Et  replet  attorulam  prœsenli  Numine  mentem. 

(Poy.  Mkhcurede  France,  avril  i<jb,2.} 

Boubert  étoit  donc  dans  cette 
sainte  maison,  lorsqu'arriva  le  ter- 
rible événement  du  10  août  1 792, 
et  que  les  persécuteurs  firent  re- 
chercher les  prêtres  non-assermen- 
tés pour  se  débarrasser  d'eux  par 
quelques  moyens  violens.  Il  ne 
fut  pas  épargné  ;  les  impies  redou- 
toient  le  zèle  de  ces  apôtres  nais- 
sans  qui  pourroient  relever  les  an- 
tels  qu'on  alloit  abattre.  Amené  au 
comité  de  la  section  du  Luxem- 
bourg, il  y  montra  par  ses  ré- 
ponses qu'il  étoit  capable  d'être  un 
des  héros  de  la  Foi  :  c'en  fut  as- 
sez pour  que  le  comité  l'envoyât 
comme  prisonnier,  dans  cette 
église  des  Carmes,  où  tant  de  vé- 
nérables ministres  du  Seigneur 
étoient  déjà  captifs  pour  la  cause 
de  J.-C.  [V.  Dulait  ).  Il  regarda 
comme  un  double  honneur  de  la 
sceller  avec  eux  desonpropresang; 


BOU 

et  il  fut  aussi  massacré  pour  elle, 
à  l'âge  de  23  ans,  le  2  septembre 
1792.  (  V.  Septembre.  ) 

BOUBET  (Jean),  religieux, 
simple  frère  lai  d'Avignon,  mais 
directeur  des  Ecoles  -  Chrétiennes 
pour  les  enfans  des  pauvres ,  à  qui 
elles  enseignoient  la  religion  avec 
l'art  de  lire  et  d'écrire ,  étoit  odieux 
sous  ce  premier  rapport,  aux  per- 
sécuteurs athéistesde  1793  et  1794  ; 
ils  le  firent  arrêter  et  jeter  dans  les 
prisons.  Le  29  pluviôse  an  II  (17 
lévrier  1794),  on  le  fit  compa- 
roître  devant  le  tribunal  criminel 
du  département  de  Vaucluse, 
siégeant  à  Avignon;  et  les  juges, 
trouvant  en  lui  un  homme  inva- 
riable dans  sa  Foi ,  le  traitèrent 
comme  un  curé  ou  vicaire  qui, 
n'ayant  pas  fait  le  serment  de  1 791 , 
ne  s'étoit  pas  soumis  à  la  loi  de  la 
déportation.  Il  fut  condamné  à 
la  peine  de  mort,  comme  «prêtre 
réfractaire  »,  et  la  subit  le  même 
jour.  (  V.  E.  F.  Botjhalier.) 

BOUCHARD  (Pierre-André), 
curé  dans  la  ville  de  Lille,  diocèse 
de  Tournai,  et  né  à  Rumigny  en 
1752,  n'ayant  fait  aucun  des  ser- 
mens  anti-religieux  de  la  révolu- 
tion, avoit  été  obligé  de  fuir  pour 
éviter  les  persécuteurs.  La  perfide 
tolérance  du  gouvernement  en 
1796  le  séduisit  ;  il  revint  en 
France  par  la  Bretagne ,  et  s'ar- 
rêta dans  la  ville  de  Nantes  ,  où  il 
ne  put  résister  à  l'essor  de  son  zèle. 
Quand  la  catastrophe  du  18  fruc- 
tidor (4  septembre  1797)  fut  ar- 


BOU  2G7 

rivée ,  et  que  le  directoire  exé- 
cutif eut  fait  rendre  contre  les 
prêtres  soi-disant  rêfractaires  sa 
loi  de  déportation  à  la  Guiane  (  V. 
Guiane)  ,  Bouchard  qui  avoit  été 
signalé ,  fut  mis  en  prison.  Peu  de 
temps  après ,  on  l'envoya  à  Roche- 
fort  pour  y  être  embarqué.  Il  le  fut 
le  1 2  mars  1 798  sur  la  Charente , 
d'où,  le  25  avril  suivant,  il  passa 
sur  la  Décade ,  qui  le  déposa  dans 
le  port  de  Cayenne,  au  milieu  de 
juin.  On  le  repoussa  presqu'aussi- 
tôt  dans  la  contrée  pestilentielle 
de  Konanama,  où  la  contagion 
l'eut  bientôt  atteint.  Il  en  mourut 
le  21  brumaire  an  VII  (  11  no- 
vembre 1798),  à  l'âge  de  46  ans. 
Les  nègres  qui  étoienl  préposés  au 
service  des  prêtres,  dérobèrent  à 
Bouchard  une  ceinture  qui  renfer- 
moit  900  livres,  argent  de  France , 
une  montre  d'or,  et  des  bardes 
pour  la  valeur  de  i5o.  Après  sa 
mort,  ils  en  demandèrent  24  aux 
autres  prêtres  pour  l'enterrer , 
prétendant  qu'il  ne  laissoit  rien  ; 
et  les  prêtres  se  cotisèrent,  pour 
donner  cette  somme.  Ces  nègres, 
après  l'avoir  reçue,  enlevèrent  à 
la  vérité  le  cadavre  ;  mais  bientôt 
après  ils  le  rapportèrent  nu  au 
carbet,  d'où  ils  l'avoient  em- 
porté. II  fallut  donner  en  outre 
à  ces  rapaces  fossoyeurs  tout  ce 
qu'ils  exigeoient  encore  ,  pour 
enterrer  le  corps  de  cet  ecclé- 
siastique. [V.  M.  Boterf  et  J. 

B-  BOUGEARD.  ) 

BOUCHARELLE  (Jean -An- 


2G8 


BOU 


BOU 


toine-Hyacinthe)  ,  prêtre  sur  le- 
quel nous  n'avons  pu  trouver  au- 
cun autre  renseignement  que  celui 
qui  nous  est  fourni  par  le  registre 
de  Yétatcivit,  copié  sur  celui  des 
écrous  de  l'église  des  Carmes,  y 
avoit  été  enfermé  après  le  10  août 
1792,   comme  insermenté.  Ce 
qu'on  sait  des  procédés  des  persé- 
cuteurs d'alors  ,  nous  est  garant 
que  Boucharelle  fut  arrêté  comme 
tel ,  et  que ,  devant  le  comité  civil 
de  la  section  du  Luxembourg ,  il 
donna  avec  fermeté  une  nouvelle 
preuve  de  son  invariable  cons- 
tance dans  la  Foi  catholique  (  V. 
Dulatj  ).  On  est  loin  d'avoir  le 
moindre  doute  sur  la  persévérance 
de  ce  prêtre  au  lieu  de  sa  déten- 
tion, parmi  tant  d'autres  illustres 
confesseurs  de  la  Foi  ;  et,  comme 
il  fut  massacré  avec  eux  pour  la 
même  cause,  il  a  droit  d'être  mis 
au  rang  des  Martyrs  qui  furent  im- 
molés dans  l'église  ou  le  jardin 
des  Carmes,  le  2  septembre  1792 
(  V .  Septembre).  Des  listes  impri- 
mées le  nomment  Boucharette. 

BOUCHARLAT  (Jean),  prêtre 
catholique,  résidant  à  Lyon  en 
1790,  et  âgé  de  70  ans,  étoit  né 
à  Moulins.  Trop  attaché  à  la  Foi 
et  à  la  sainteté  de  son  ministère, 
pour  adhérer  aux  erreurs  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
il  remplissoit  les  devoirs  du  sacer- 
doce envers  les  fidèles,  avec  un 
zèle  sincère  pour  la  religion  de 
J.-C.  ,  dans  la  ville  où  il  avoit  fixé 
sa  résidence.  Il  v  fut  dénoncé  en 


ces  temps  où  l'on  étoit  digne  de 
mort  par  cela  seul  qu'on  étoit 
chrétien.  Traduit  à  la  commission 
révolutionnaire ,  établie  vers  la 
fin  de  1790,  à  Lyon,  par  les  re- 
présentai de  la  Convention  (  V. 
Lyon)  ,  il  s'y  entendit  condamner 
à  périr  sur  l'échafaud  le  20  nivose 
an  II  (  12  janvier  1794)5  comme 
«prêtre  fanatique  et  contre -révo- 
lutionnaire» ;  et  le  lendemain  il  fut 
décapité.  (V .  Bocbée  et  Bourbon.  ) 

BOLCHER  (René),  curé  de 
Châteaudun ,  dans  le  diocèse  de 
Chartres,  et  né  àDrouai,  paroisse 
du  même  diocèse,  ne  prêta  point 
le  serment  schismatique  de  1791, 
et  fut  dépouillé  de  sa  cure  parles 
autorités  révolutionnaires.  Il  resta 
néanmoins  dans  le  pays  pour  l'u- 
tilité spirituelle  de  ses  paroissiens  ; 
et  il  ne  put  même  se  décider  à  les 
abandonnerlorsqu'intervintlame- 
naçante  loi  d'expulsion  rendue  le 
26  aofit  1795.  Il  demeura  encore 
près  d'eux,  et  y  fut  arrêté  en 
1793.  Les  autorités  qui  désoloient 
ce  pays,  alors  appelé  département 
d'Eure  et  Loir,  condamnèrent  ce 
bon  pasteur  à  la  déportation  à  la 
Guiane,  et  le  firent  conduire  à 
Rochefort  pour  y  être  embarqué 
(  V.  Rochefort).  Le  curé  Bou- 
cher fut  mis  sur  le  navire  les  Deux 
Associés.  Les  souffrances  qu'il  y 
éprouva  abrégèrent  ses  jours.  II 
mourut  dans  les  bras  du  Seigneur 
le  1 1  août  1794,  à  l'âge  de  55  ans, 
et  fut  enterré  dans  l'île  iVAix. 

[V .  A.  BoRDIER  et  C.  BOIICAREL.) 


BOU 

BOUCHER  (Loris -Joseph), 
prêtre.  {V .  Folquin-Boucher.) 

BOUCHET  (IV...),  aumônier 
des  Carmélites  d'Angers,  ancien 
curé  de  Saint  -  Gemme  ,  près 
Ségré  ,  même  diocèse  ,  méri- 
toit,  par  la  constance  de  sa  Foi, 
d'être  compris  parmi  les  prêtres 
que  la  constitution  civile  du 
clergé  n'avoit  pu  séduire.  Son 
grand  âge  lui  parut  devoir  l'au- 
toriser à  profiter  de  la  liberté 
que  la  loi  de  déportation  du  26 
août  1792  laissoit  aux  sexagé- 
naires et  aux  infirmes  de  ne  pas 
s'exiler,  pourvu  qu'ils  s'enfermas- 
sent dans  une  maison  de  réclusion , 
sous  la  surveillance  des  adminis- 
trations départementales.  Il  étoit 
ainsi  reclus  avec  beaucoup  d'au- 
tres ecclésiastiques  de  la  même 
classe,  dans  une  maison  de  déten- 
tion à  Angers.  L'enlèvement  qu'on 
fit  de  cinquante-huit  d'entre  eux 
qui  furent  bientôt  noyés  à  Nantes, 
au  commencement  de  novembre 
1793  [V .  Nantes),  donna  lieu  aux 
quinze. qui  restoient,  de  présumer 
qu'un  sort  plus  cruel  que  celui 
qu'ils  enduroient  dans  leur  état  de 
réclusion ,  les  attendoit  ailleurs. 
On  les  réunit, en  mars  1 79^  ,  aux 
soixante  et  un  prêtres  du  départe- 
ment de  la  Nièvre  qui  passoient 
par  Angers  pour  aller  à  Nantes 
\V .  Nevers)  ;  et  Bouchet  partagea 
leurs  souffrances  et  leur  affreuse 
destinée.  Ses  quatorze  confrères 
Angevins  périrent  de  misère  et  de 
souffrance ,  ainsi  que  trente  de  la 


BOL1  269 

Nièvre,  dans  l'horrible  fond  de 
cale  de  la  galiote  hollandaise  du 
port  de  Nantes,  où  ils  furentcomme 
ensevelis.  Des  circonstances  poli- 
tiques ayant  obligé  les  tyrans  à  se 
donner  l'air  de  vouloir  adoucir  leur 
sort,  et  ces  tyrans  faisant  alors 
passer  à  Brest  ceux  qui  survivoient, 
le  18  avril  1794?  Bouchet,  cassé 
d'âge  et  d'infirmités ,  préféra  rester 
dans  la  galiote  hollandaise,  et  il 
ne  tarda  pas  à  y  mourir  à  son  tour 
comme  les  quarante-quatre  autres 
confesseurs  de  J.-C.  qui  l'avoient 
précédé  dansla  vie  éternelle.  «  Vers 
le  20  de  ce  mois  d'avril  1794, 
nous  écrivoit,  en  i8i5,  Mst  l'é- 
vêque  d'Angers  ,  on  eut  de  ses 
nouvelles  (ce  furent  les  dernières); 
et  l'on  apprit  qu'il  étoit  sur  un 
vaisseau,  manquant  de  tout.  On 
n'avoit  pas  même  permis  à  ces 
prêtres  de  prendre  de  quoi  se  ga- 
rantir du  froid,  et  l'on  poussa  la 
barbarie  jusqu'à  leur  dire  qu'ils 
n'avoient  besoin  de  rien.  Ce  qui 
est  certain,  c'est  qu'aucun  d'eux 
n'a  reparu  » .  Nous  en  avons  donné 
la  triste,  mais  glorieuse  explica- 
tion; et,  en  racontant  le  genre  et 
le  jour  de  leur  mort ,  nous  avons 
suffisamment  détrompé  ceux  qui 
les  ont  çrus  submergés  dans  les 
bateaux  de  Carrier.  (  V .  Bouard, 
chanoine;  et  le  P.  Bouffechou.  ) 
Mais  nous  ne  pouvons  nous  em- 
pêcher de  dire  qu'en  lisant  ce  qui 
vient  d'être  rapporté  de  la  lettre 
du  vénérable  prélat  d'Angers, 
nous  avons  cru  entendre  saint 


a^o  une 

Denys ,  evêque  d'Alexandrie,  lors- 
que, parlant  dus  prêtres  qui,  mis 
en  fuite  par  la  persécution  de  Dio- 
clétien ,  étoient  morts  de  maladie , 
de  faim  ou  de  soif,  il  préconisoit 
entre  autres  ce  saint  Chaeremon 
qu'on  n'avoit  plus  revu,  et  dont 
on  n'avoit  pu  découvrir  la  fin,  ni 
retrouver  les  ossemens,  non  plus 
que  ceux  des  autres,  quelque  re- 
cherche qu'on  eût  pu  faire  :  Chœ- 
remon....  montem  fugâ  o'eia- 
tus ,  non  ultcriàs  revenus  est  ; 
et  f mires ,  quamvis  accuratè 
omnia  perscrutati ,  nec  ipsos 
posthac  nec  ipsorum  cadavera 
reperire  potuerunt.  (  S.  Dion. 
Alex.  Epist.  ad  Fah.  Antioch. 
in  Euseb.  Hist.  Ecctes.  L.  VI, 
c.  xlii.  )  L'Eglise  romaine  l'ho- 
nore avec  ses  compagnons  comme 
Martyr,  le  12  décembre. 

BOUCQLART  (  Guillaume- 
François),  prêtre,  religieux  de  la 
Belgique ,  fait  prisonnier  de  guerre 
avec  dix  autres  religieux,  et  cinq 
religieuses,  lors  de  la  conquête  de 
cette  province  par  les  troupes  de  la 
Convention,  fut  amené  comme  eux 
avec  ces  pieuses  filles  à  Arras , 
dans  le  temps  que  le  convention- 
nel Lebon  y  exerçoit  son  féroce 
proconsulat  [V .  Arras).  Parmi 
ces  vénérables  religieux,  dont 
quatre  étoient  des  Piécollets  pris  à 
Ypres  ,  se  trouvoient  un  Père  dé- 
finiteur,  et  plusieurs  Pères  gar- 
diens, notamment  celui  du  cou- 
vent de  Casse!.  Ils  arrivèrent  avec 
les  habits  de  leur  ordre  ;  Lebon  les 


BOU 

lit  promener  dans  la  ville  d'Arras  au 
milieu  d'une  populace  effrénée,  qui 
les  couvroit  de  boue  et  les  accabloit 
d'injures.  Il  voulut  ensuite  qu'on 
les  lui  amenât  dans  son  temple  de 
l'athéisme,  appelé  temple  de  la 
liaison ,  où ,  comme  nous  l'avons 
dit  à  l'article  de  R"e  Becs,  les  ayant 
fait  monter  sur  une  estrade  dressée 
exprès,  il  les  insulta  en  présence 
d'une  multitude  d'impies  révolu- 
tionnaires, vomissant  les  plus  hor- 
ribles blasphèmes  contre  l'état  mo- 
nastique. De  là ,  il  les  envoya  à  son 
tribunal  avec  les  cinq  religieuses. 
Confondus  ensemble  sur  la  ban- 
quette des  coupables,  et  compre- 
nant à  peine  le  français,  ils  s'enten- 
dirent demander  s'ils  étoient  les 
auteurs  des  sermons  qu'ils  avoient 
prêches.  Oui,  répondirent- ils  ; 
et  sur  cette  réponse ,  ils  furent  en- 
voyés à  I'échafaud,  le  12  messi- 
dor an  II  (5ojuin  1794)-  Les  cinq 
religieuses  étoient  condamnées 
avec  eux  à  la  même  peine  comme 
«  leurs  complices  ».  On  les  fit 
aller  tous  processionnellenlent,  de 
la  prison  au  lieu  du  supplice  , 
pour  leur  attirer  les  railleries 
de  l'impie  populace  ;  et  au  travers 
des  insultes  et  des  imprécations 
qu'elle  proféroit,  ces  saints  per- 
sonnages chantoient  ensemble  l'of- 
fice des  morts.  Ils  moururent  avec 
le  courage  et  la  résignation  des  an- 
ciens Martyrs.  Leurs  noms  se  trou- 
vent indiqués  à  l'article  de  Tieinc 
Beck.  Guillaume- François  Bouc- 
quai  test  inscritsurle  registre  moi- 


BOU 

tuaire  d'Arias,  comme  âgé  de  4» 
ans,  né  à  Zudtquerque,  fils  de 
Guillaume-François  Boucquart  et 
de  Marie  Pétronillc  Piens.  (  V .  V. 
A.  Blin  de  Rullecomte  et  P.  H. 
Boi;quel-de-Lagnicoi}rt.  ) 

BOUCQUFL  DE  LAGNI- 
COURT  (Pierre-Henri),  prêtre 
et  chanoine  de  l'église  cathédrale 
d'Arras,  né  dans  cette  ville,  vers 
1729,  avoit  refusé  comme  la  plu- 
part des  prêtres  du  même  diocèse, 
de  prêter  le  serment  de  la  consti- 
tu tion  civile  du  clergé ,  et  même 
celui  de  liberté-égalité.  Son  âge 
avancé  le  dispensoit  de  s'exiler 
d'après  la  loi  de  déportation.  Mais 
vers  la  fin  de  mai  1 795 ,  il  fat  mis  en 
réclusion  avec  beaucoup  d'autres. 
Quand  le  proconsul  athée,  J'1  Le- 
bon,  venant  ravager  l'Artois  et  le 
Cambresis  {V .  Arras),  jura  de 
n'y  l'aire  grâce  à  aucun  prêtre 
fidèle,  la  mort  de  Boucquel  se 
trouva  résolue,  comme  celle  de 
tous  les  autres.  Lebon  n'avoit  pas 
de  prétexte  tant  soit  peu  légal 
contre  celui-ci  ;  mais  les  visites 
domiciliaires  firent  découvrir  (.liez 
un  autre  chanoine  (  V ' .  A.  C.  Mal- 
eaux), une  protestation  de  leur 
chapitre,  faite  le  21  décembre 
1790,11  l'exemple  de  celle  du  cha- 
pitre métropçlitain  de  Paris  (i), 

(1)  Depuis  que  nous  avons  dit,  ci- 
devant,  page  110,  que  ces  protesta- 
tions étoient  l'ouvrage  de  M.  l'abbé 
Roux  de  Honneval,  nous  avons  ap- 
pris qu'il  est  décédé  le  Ier  mars  de  la 
présente  année  (1830).  Comme  il  fut 


BOU  271 

contre  les  innovations  anti-  reli- 
gieuses de  l'Assemblée  Consti- 
tuante [V .  Autichamp).  Plusieurs 
des  signataires  étoient  ou  morts 
ou  sortis  de  France  ;  mais  Bouc- 
quel  et  quelques  autres  encore 
vivans  y  étoient  restés.  J'1  Lebon , 
voyant  cette  pièce ,  rendit  aussitôt, 
le  14  germinal  an  II  (5  avril  1 794)» 
une  ordonnance  portant  que  ceux 


un  de  ces  honorables  membres  du 
clergé  de  France  qui ,  lors  de  la  révo- 
lution, défendirent  avec  plus  d'élo- 
quence ,  de  lumières  et  de  courage ,  dans 
les  postes  les  plus  avancés,  la  double 
cause  de  la  religion  et  du  trône  ,  nous 
croyons  devoir  à  sa  mémoirè  de  rap- 
peler ses  travaux  et  ses  services.  Nous 
le  devons  d'autant  mieux ,  qu'on  sem- 
ble les  avoir  oubliés ,  et  que  le  journal 
qui  paroît  plus  spécialement  dévoué  à 
ces  deux  causes ,  est  resté  dans  un 
profond  silence  sur  la  perte  que 
viennent  de  faire  la  religion  et  la 
monarchie.  M.  l'abbé  de  Bonneval 
étoit  fortement  attacbé  à  la  doctrine 
de  Bossuet;  et,  selon  qu'il  nous  Técri- 
voit  lui-môme,  le  4  juillet  1818,  il 
ne  vouloit  pas  plus  en  France  «  une 
Eglise  suburbicaire,  qu'une  Eglise  ul- 
irti-gallicane  ».  Il  avoit,  d'un  autre 
cûlé ,  grandement  à  cœur  que  «  le  sou- 
venir de  l'ancienne  Eglise  de  Paris  ne 
pérît  pas  entièrement».  Les  nionu— 
mens  littéraires  qu'il  nous  a  laissés,  sc- 
roient  propres  eux  seuls  à  le  conserver, 
si  elle  en  manquoit  d'ailleurs.  Mais  le 
tribut  que  mérite  sa  mémoire,  exi- 
geant quelques  détails  qui  seroient 
trop  longs  ici,  nous  renverrons  à  la 
fin  de  notre  ouvrage  l'hommage  bio- 
graphique qu'on  ne  sauroit,  sans  in- 
justice, refusera  ses  vertus  comme  i 
ses  talens. 


2-2  BOU 

qui  étoient  en  réclusion,  au  nom- 
bre de  cinq ,  et  un  autre  arrêté 
comme  suspect  (  V.  P.  G.  A.  Har- 
duin),  seroient  aussitôt  traduits 
à  son  tribunal  révolutionnaire 
pour  y  être  jugés.  Cet  ordre  dic- 
toit  lui-même  la  sentence  ;  car  il 
les  disoit  «  auteurs  ou  complices 
de  la  conspiration  qui  avoit  existé 
contre  la  nation  française,  en  pro- 
testant contre  les  décrets  de  l'As- 
semblée Nationale,  et  en  cher- 
chant à  soulever  le  peuple  contre 
ces  mêmes  décrets,  sous  le  spé- 
cieux prétexte  que  la  religion  étoit 
compromise  dans  leur  exécution» . 
Comme  un  des  chanoines  signa- 
taires qu'on  croyoit  encore  en 
France  n 'étoit  point  à  Arras,  Jh  Le- 
bon  ordonnoit  en  même  temps 
«  qu'il  seroit  écrit  au  comité  de  sur- 
veillance de  Tours  (où  l'on  pré- 
sumoit  que  cet  ecclésiastique  se 
trouvoit  )  pour  qu'il  le  fit  arrêter 
et  conduire  à  Arras,  afin  d'être 
également  traduit  au  même  tribu- 
nal » .  Cette  dernière  partie  de  l'ar- 
rêté ne  put  avoir  son  exécution. 
Mais  les  cinq  autres  chanoines 
signataires,  qui  étoient  alors  en 
réclusion  avec  Boucquel- de -La- 
gnicourt ,  furent  de  suite  ame- 
nés comme  lui  devant  le  féroce 
tribunal  qui,  le  17  germinal  (6 
avril  1-94)»  les  condamna  à  la 
peine  de  mort  pour  les  motifs  dic- 
tés par  Lebon.  Boucquel ,  âgé  de 
64  ans,  fut  immolé  avec  eux  le 
même  jour.  (  F.  F.  L.  Buissy,  C. 
L.  G.-De  France  ,  P.  G.  A.  Har- 


BOU 

duin,  A.  A.  S.  Leroux,  A.  C. 
Malbatjx  ;  et  pour  la  série  alpha- 
bétique des  Martyrs  d' Arras,  F.  G. 
Boucquel  de  la  Comté.) 

BOUCQUEL  DE  LA  COMTÉ 
(François  Guislain),  né  à  Arras 
en  1727,  parent  du  chanoine  de 
ce  nom,  et  chevalier  de  l'ordre 
royal  et  militaire  de  Saint-Louis, 
s'étoit  associé  par  esprit  de  reli- 
gion à  la  bonne  œuvre  de  la  v*  Ba- 
taille, en  laveur  des  prêtres  catho- 
liques proscrits ,  chassés  et  dé- 
pouillés de  tout  {V.  M.  J.  D. 
Bataille).  Lorsque  le  registre  sur 
lequel  elle  écrivoit  les  dons  et  les 
noms  des  contribuans,  eut  été 
découvert,  en  1794,  parles  in- 
quisiteurs de  Jh  Lebon  pendant 
son  féroce  proconsulat  à  Arras  (  V . 
Arras)  ,  le  chevalier  Boucquel  de 
la  Comté  fut  arrêté  comme  tous 
les  autres  membres  de  cette  cha- 
ritable association  ;  le  tribunal  ré- 
volutionnaire, du  proconsul  l'en- 
voya à  la  mort  avec  dix- neuf 
d'entre  eux,  le  25  germinal  an  II 
(14  avril  1794»  II  avoit  alors  67 
ans.  Son  épouse,  aussi  emprison- 
née, échappa  par  une  protection 
particulière  du  Ciel  pour  veiller  à 
l'éducation  de  ses  enfans  ;  mais  la 
sœur  de  celle-ci,  qui  étoit  céliba- 
taire, périt  (  V .  Lejosne-Contay). 
Le  chevalierBoucquel  de  la  Comté 
ayant  été  membre  de  l'académie 
des  sciences  et  belles-lettres  d'Ar- 
ras,  nous  fournit  l'occasion  d'é- 
claircir  un  fait  très-simple  que  des 
préventions  justement  défiantes 


BOU 

avoient  rendu  très -grave,  même 
en  le  rendant  fort  équivoque. 
La  plupart  des  archevêques  et  évê- 
ques  de  France  avoient  reçu  en 
1792  une  lettre  écrite  au  nom 
de  l'académie  d'Arras,  qui  étoit 
censée  leur  demander  un  exem- 
plaire de  leurs  mandemens  et 
instructions  pastorales  d'alors , 
«  comme  autant  de  monumens 
dignes  d'être  conservés  à  l'his- 
toire, dont  cette  académie  faisoit  sa 
principale  occupation».  Plusieurs 
mandemens  et  instructions  pas- 
torales des  évêques  ayant  été  dé- 
noncés alors  à  l'Assemblée  Cons- 
tituante, notamment  ceux  de  l'é- 
vêque  de  Tréguier,  le  i5  et  le  22 
octobre  1789,  de  l'archevêque  de 
Paris,  le  3  avril  1791,  et  ensuite 
ceux  des  archevêques  d'Arles,  de 
Rouen  ,  des  évêques  de  Mendc  , 
d'Uzez,  de  Senez,  etc.  etc. ,  l'au- 
teur des  Mémoires  déjà  cités ,  im- 
primés à  Rome  en  1795,  raison- 
nant sur  cette  circulaire  à  une 
époque  bien  postérieure,  et  lors- 
que, depuis  le  fameux  neuf  ther- 
midor,  on  cédoit  généralement 
dans  l'étranger  comme  en  France, 
à  l'illusion  qui  faisoit  rejeter  sur 
Roberspierre  aba  ttu,toutes  les  hor- 
reurs comme  toutes  les  perfidies 
de  la  révolution  ;  M.  d'Auribeau, 
en  un  mot,  crut  le  voir  aussi  dans 
cette  circulaire.  Déférant  au  sen- 
timent de  plusieurs  prélats  avec 
lesquels  il  correspondoit  pour  son 
ouvrage  ,  il  pensa  que  les  écrits 
de  nos  premiers  pasteurs  avoient 
2. 


BOU  275 

pu  n'être  demandés  par  les  acadé- 
miciens d'Arias ,  que  pour  les 
dénoncer  à  l'Assemblée  Nationale. 
«  Le  piège  étoit  d'autant  plus  évi- 
dent, ajoutoit-il,  que  Roberspierre 
avoit  plus  d'un  complice  dans  la 
ville  d'Arras  (pag.  666)  ».  Mais 
ceux  des  académiciens  d'Arras 
qui  vivent  encore,  ayant  été  con- 
sultés par  nous  sur  cette  particu- 
larité, nous  ont  assuré  qu'il  ne  fut 
rien  envoyé  de  semblable  par  l'aca- 
démie; que  Roberspierre  qui  en 
étoit  membre,  se  trouvant  alors  à 
Paris,  s'occupoit  fort  peu  d'elle  ; 
et  que  tout  porte  à  croire  que  la 
circulaire  fut  l'oeuvre  du  chevalier 
Boucquel  de  la  Comté  ,  lequel , 
très-pieux,  et  s'intéressant  vive- 
ment au  sort  de  l'Eglise  gallicane, 
auroit  imaginé  cet  expédient  pour 
obteni  r  plus  facilement  tout  ce  qui , 
dans  ce  genre  ,  pouvoit  flatter  ses 
goûts  et  satisfaire  sa  piété.  (  V . 
pour  la  série  alphabétique  des 
Martyrs  d'Arras,  B.  P.  Boucqtjei. 
de  Lagnicourt,  et  P.  Briffoeuil.) 

BOUDES  (Etienne),  prêtre  du 
diocèse  de  Rodez,  né  à  la  Peyre 
de  Sorgues,  en  Rouergue,  et  curé 
de  Saint-Paulet,  avoit  été  retenu 
dans  sa  province  par  les  besoins 
spirituels  des  catholiques,  lors  de 
la  loi  de  déportation  du  26  août 
1792,  contre  les  prêtres  non- 
assermentés.  En  1793,  il  tomba 
dans  les  mains  des  persécuteurs 
qui,  après  l'avoir  tenu  quelque 
temps  emprisonné ,  l'envoyèrent 
en  1794  à  Bordeaux,  où  il  devoit 
18 


2;4  BOU 

Gtre  embarqué  pour  la  Guianc  [V . 
Bordeaux).  Enfermé  dans  le  fort 
du  Ha ,  en  attendant  le  jour  de 
l'embarquement  qui  n'arriva  qu'à 
la  fin  de  l'automne,  trois  moisaprès 
la  mort  de  Robcrspierre ,  il  vit  ses 
forces  défaillir  avant  cette  époque. 
Le  Ciel  trouvoit  qu'il  avoit  assez 
souffert;  et,  sa  fin  approebant, 
on  le  transporta  dans  l'hôpital  de 
Saint- André ,  où ,  restant  toujours 
captif  de  J.-C. ,  il  expira  le  25 
août  1794?  à  l'âge  de  5o  ans.  (  V. 
Bonnefont  et  L.  Boudon.  ) 

BOUDON  (Louis),  jeune  prê- 
tre ,  né  à  Saint-George ,  départe- 
ment de  VAvcyron,  n'avoit  point 
fait  le  serment  schismatique  de 
1791  ;  et  l'ardeur  de  son  zèle  poul- 
ies catholiques  de  son  canton  l'a- 
voit  porté  à  braver  les  dangers 
auxquels  l'exposoit  la  loi  de  dé- 
portation du  26  août  J792.  Il 
devint  enfin  la  proie  des  agens  de 
la  persécution  en  1793;  et,  après 
l'avoir  retenu  plusieurs  mois  dans 
les  cachots,  on  l'envoya ,  en  1794  5 
à  Bordeaux,  où  il  devoit  être  em- 
barqué pour  la  Guiane  [V .  Bor- 
deaux). Enfermé  dans  le  fort  du 
Ha ,  il  ne  fut  pas  compris  dans  les 
premiers  embarquemens, qui  n'eu- 
rent lieu  qu'à  la  fin  de  l'automne, 
trois  mois  après  le  neuf  thermi- 
dor, époque  de  la  chute  de  Ro- 
berspierre.  Dieu  jugea  que  sa  vertu 
étoit  assez  éprouvée  par  les  souf- 
frances. La  fin  de  sa  vie  appro- 
choit  sensiblement.  Il  fut  trans- 
porté ù  l'hôpital  de  Saint-André , 


BOU 

sans  cesser  d'être  captif  de  J.-C.  ; 
et  il  y  mourut  le  24  décembre 
1794,  à  l'âge  de  5i  ans.  (  V .  E. 
Boudes,  et  P.  Bourdette.  ) 

BOUFFECHOL  (iV...) ,  prêtre 
et  religieux  Capucin ,  retiré  depuis 
la  suppression  des  cloîtres,  dans 
la  ville  de  Château-Chinon ,  dio- 
cèse de  Ne  vers,  et  ayant  60  ans 
lorsque  fut  rendue  la  loi  de  dé- 
portation du  26  août  1792,  crut 
qu'il  suiïisoit  de  se  soumettre  à  la 
réclusion  prescrite  aux  vieillards 
et  aux  infirmes  par  cette  loi,  pour 
ne  pas  encourir  la  vengeance  des 
tyrans.  Il  fut  associé  aux  autres 
vétérans  du  sacerdoce  qui  étoient 
reclus  à  Nevers.  Sansprévoir  qu'ils 
seroient  trouvés  dignes  d'un  sort 
plus  cruel,  le  P.  Bouffechou  étoit 
résigné  à  tout  ce  que  la  Providence 
pourroit  permettre,  afin  d'éprou- 
ver davantage  leur  Foi  et  purifier 
encore  leurs  vertus.  Il  fut  inopiné- 
ment enlevé  avec  eux  pour  être 
conduit  à  Nantes  ,  où  déjà  tant  de 
prêtres  avoient  été  submergés.  Ce 
qu'il  eut  à  souffrir  dans  le  trajet 
est  raconté  à  l'article  Nevers.  Le 
Père  Bouffechou,  opposant  sa  Foi 
et  sa  résignation  aux  cruelles  souf- 
frances du  voyage  de  Nevers  à 
Nantes ,  en  supporta  assez  bien 
le  poids  énorme  jusqu'à  Nantes 
(V.  Nantes);  mais  le  fond  de  cale 
bourbeux  et  infect  de  la  galiote 
hollandaise ,   dans  lequel  il  fut 
comme  enseveli  avec  ses  con- 
frères ,  ne  pouvoit  que  devenir  son 
tombeau  (  V.  J.  Bourdon).  Dans 


BOU 

cet  horrible  lieu  où  l'on  souffroit 
toutes  les  horreurs  de  la  faim,  de 
la  soif  même  et  du  froid,  il  expira 
le  1"  avril  1794»  'e  même  jour 
que  le  Bernardin  Fromont.  (  V . 
Fhomont,  Bouchet,  d'Angers,  et 
Boulnoy,  chanoine.) 

BOUGAREL  (Charles),  curé 
de  Biozat ,  paroisse  du  diocèse  de 
Clermont ,  étoit  né  à  Gannat ,  dans 
le  même  diocèse.  Il  fut  écarté  de 
sa  cure  par  les  autorités  révolu- 
tionnaires ,  en  1791 ,  à  cause  de 
son  refus  du  serment  schismatique 
de  cette  époque.  Cependant  il  con- 
tinua de  donner  les  secours  spiri- 
tuels à  ses  paroissiens,  et  de  les 
maintenir  dans  l'unité  catholique. 
La  menaçante  loi  du  26  août  1792 
ne  le  détourna  même  pas  de  ce 
soin  pastoral  ;  mais  les  circons- 
tances devenoient  de  plus  en  plus 
fâcheuses  pour  la  religion  et  ses 
ministres.  Le  curé  Bougarel,  ar- 
rêté en  1793,  et  conduit  dans  les 
prisons  de  Moulins,  fut  envoyé  à 
llochefort  pour  y  être  embarqué 
[V .  Rochefort).  Son  âge  de  63 
ans,  et  sa  santé  déjà  fort  afïbiblie 
par  ses  malheurs ,  ne  lui  permirent 
pas  de  soutenir  le  voyage  qu'on  le 
forçoit  à  faire  de  la  manière  la  plus 
douloureuse.  11  mourut  en  passant 
par  Angoulême  pour  se  rendre  au 
lieu  de  l'embarquement.  Sa  mort 
arriva  le  2  janvier  1794?  et  il 
fut  enterré  à  Angoulême  [V .  R. 
Boucher  et  F.  Bourdet).  Ainsi 
étoit  mort  dans  son  voyage  de  dé- 
portation, cet  Héliodore,  évêque 


BOU  275 
de  Beth  -  Zabde  en  Perse  ,  que 
l'Eglise  grecque  honore  comme 
Martyr,  le  9  avril,  avec  ses  com- 
pagnons ,  Darsan ,  Mariabus ,  etc. , 
mis  à  mort  par  le  glaive  :  Eo 
in  itinere  (deportationis)  in 
quadam  mansione  quam  Sta- 
cartam  incolœ  nuncupant  , 

œgrotare  cœpit;  et  obiit , 

ibidemque  sepulturœ  quaiem- 
cunque  honorcm  consecutus 
est.  Il  est  compris  dans  les  neuf 
mille  Martyrs  de  Perse  que  l'Eglise 
romaine  invoque  le  4  août ,  et 
même  le  22  avril.  (  Voyez  dans 
Asseman  leurs  actes ,  extraits  des 
archives  du  Vatican  :  Acta  Mar- 
tyr. Orient.  Pars  I*,  pag.  i3i 
et i34.) 

BOUGEARD  ( Jean-Baptiste)  , 
prêtre  du  diocèse  de  Rennes,  né 
vers  1 7645  étoit  vicaire  dans  l'une 
des  paroisses  de  la  ville  épiscopale, 
à  l'époque  du  serment  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé ,  qu'il 
refusa.  Après  avoir  échappé  à  nom- 
bre de  persécutions,  il  fut  surpris 
parcelle  qu'excita  la  loi  du  1 9  fruc- 
tidor (5  septembre  1797).  On  l'ar- 
rêta ;  il  fut  dévoué  à  la  déporta- 
tion, et  embarqué  le  12  mars  1798 
sur  la  frégate  (a  Charente,  d'où 
il  passa  le  25  avril  sur  la  Décade. 
Le  scorbut  et  la  gale  l'assaillirent 
pendant  la  traversée  :  il  ne  put  ja- 
mais en  guérir.  Arrivé  à  Cayenne, 
au  milieu  de  juin  suivant ,  il  se  vit 
destiné  à  aller  habiter  le  désert  de 
Konanama,  où  vint  se  joindre  à 
ses  précédeus  maux,  une  fièvre 

18. 


276  BOV 
putride  qui  l'enleva  du  nombre 
des  vivans ,  à  l'âge  de  34  ans , 
le  22  septembre  1798.  {V.  P. 
A.  Bouchard  et  M.  E.  E.  Bour- 
dois.  ) 

BOUHALIER  (Etienne-Fran- 
çois), simple  frère-lai,  membre  de 
la  congrégation  des  Ecoles  Chré- 
tiennes dont  il  étoit  sous-directeur 
à  Avignon,  avoit  aux  yeux  des 
persécuteurs  le  tort  de  faire  ins- 
truire lesenfans  du  peuple  dans  les 
choses  de  la  religion,  comme  dans 
l'art  de  lire  et  d'écrire.  Il  fut  em- 
prisonné en  1795;  et  le  29  plu- 
viôse an  II  (  17  février  1794),  on 
le  fit  comparoître  devant  le  tribu- 
nal criminel  du  département  de 
Vaucluse,  siégeant  à  Avignon, 
les  juges  l'assimilant  aux  prêtres 
qui,  fonctionnaires  publics,  n'a- 
voient  pas  prêté  le  serment  de 
1791,  et  ne  s'étoient  point  exilés 
à  la  fin  de  1792,  le  condamnèrent 
ù  la  peine  de  mort,  en  qualité  de 
«  réfractaire  »  ;  et  le  lendemain  il 
fut  décapité.  (  V.  J.  Boubet.  ) 

BOUILLARD  (  François  -De- 
nis ) ,  laïc  exerçant  la  profession 
de  libraire  et  de  relieur  à  Epernay, 
dans  le  diocèse  de  Pieims ,  né  à 
Orchilly  ,  près  Châtillon  -  sur- 
Marne ,  en  1 757,  et  ayant  un  grand 
attachement  à  la  religion  catho- 
lique ,  montra  pour  elle  un  zèle 
courageux  que  la  persécution  ne 
pouvoit  intimider.  Il  fut  arrêté 
pour  ce  motif  au  commencement 
de  1794  ;  et,  après  être  resté  quel- 
que temps  dans  les  prisons  de  son 


BOU 

département,  il  fut  envoyé  à  Pa- 
ris, où  le  tribunal  révolution- 
naire ,  l'ayant  fait  comparoître 
devant  lui,  le  24  prairial  an  II  (  12 
juin  1794),  le  condamna  de  suite 
à  la  peine  de  mort,  comme  «fa- 
natique ».  Il  fut  exécuté  immé- 
diatement après  la  sentence,  à 
l'âge  de  5y  ans.  (  V.  J.  B.  Bac- 

DENET.  ) 

BOULANGER  (Jean-Baptiste- 
Joseph  ) ,  prêtre  du  diocèse  de 
Saint  -  Brieuc  ,  resté  en  France 
malgré  la  loi  de  déportation ,  quoi- 
qu'il n'eût  pas  fait  le  serment  de 
1791,  avoit  été  déterminé  par  les 
besoins  spirituels  des  catholiques 
de  sa  province ,  à  ne  pas  les  aban- 
donner. Il  fut  arrêté  en  1793.  On 
le  traduisit  devant  le  tribunal  cri- 
minel du  département  des  Côtes- 
du-Nord,  siégeant  à  Saint-Brieuc. 
Les  juges  le  condamnèrent  comme 
«  prêtre  réfractaire  »,  à  la  peine 
de  mort,  le  27  nivose  an  II  (16 
janvier  1794);  et  la  sentence  fut 
exécutée  le  lendemain. 

BOULARD  (Nicolas),  curé 
d'une  paroisse  du  diocèse  de  Tours, 
s'étant  réfugié  en  Angleterre ,  par 
suite  de  la  loi  de  déportation  ,  fut 
de  cette  trentaine  de  prêtres  dépor- 
tés qui,  par  zèle  pour  les  besoins 
de  l'Eglise  de  France,  revinrent, 
avec  le  vénérable  évêque  de  Dol, 
débarquera  Quiberon,  en  juillet 
1795  (  V.  U.  R.  Hekcé,  Vendée 
et  Vannes).  Dévoué  comme  lui 
au  martyre ,  il  en  reçut  la  palme 
à  ses  côté»,  le  3o  juillet  1795. 


BOU 

(  V.  le  R.  P.  Légal,  et  P.  F. 
Breherec.  ) 

BOULAY  (Jeanne),  v*.  {V.  J» 
Chadaigne.) 

BOULNOY  (IV...),  prêtre,  cha- 
noine de  la  cathédrale  d'Angers , 
fut  regardé  avec  raison  comme  un 
prêtre  insermenté,  quoiqu'on  ne 
le  comptât  point  au  nombre  des 
fonctionnaires  publics  assujétis  au 
serment  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé.  Mais  il  abhorroit 
le  schisme  qu'elle  avoit  introduit 
dans  l'Eglise ,  et  se  montroit  ferme 
dans  la  Foi  catholique,  en  même 
temps  qu'il  se  faisoit  vénérer  par 
ses  vertus  ,  encore  plus  que  par 
son  âge  déjà  très-avancé.  La  loi 
de  la  déportation  rendue  le  26 
août  1792,  en  avoit  dispensé  les 
prêtres  insermentés  qui  avoient 
passé  60  ans ,  exigeant  toutefois 
qu'ils  fussent  mis  dans  une  maison 
de  réclusion.  Le  chanoine  Boul- 
noy  y  étoit  avec  quatorze  autres 
prêtres  septuagénaires,  lorsqu'en 
mars  i794passèrent  par  Angers  les 
soixante-un  prêtres  de  la  Nièvre 
que  l'on  traînoit  à  Nantes,  sous 
prétexte  de  les  y  embarquer  pour 
la  Guiane  (F.  Nevers).  Les  ré- 
volutionnaires d'Angers  enlevè- 
rent alors  leurs  quinze  vénérables 
reclus  pour  les  associer  au  sort  des 
prêtres  de  Nevers  ;  et  Boulnoy 
partit  avec  eux  et  ses  autres  con- 
frères pour  Nantes.  On  peut  voir 
aux  Tableaux  historiques  de  ces 
deux  villes,  ce  qu'il  eut  à  souf- 
frir pendant  ce  voyage.  Arrivé  à 


BOU  277 

Nantes,  il  fut  jeté  avec  ses  con- 
frères dans  l'infect  et  putride  fond 
de  cale  de  la  galiote  hollandaise 
qui  leur  servit  de  prison.  Privé  de 
tout ,  en  proie  à  la  faim ,  à  l'humi- 
dité ,  au  froid,  à  la  peste  même, 
il  succomba  vers  le  commence- 
ment d'avril  1794  (f«  «L  Bour- 
don). L'on  croyoit  à  Angers  qu'il 
avoit  été  du  nombre  de  ceux  que 
le  féroce  Carrier  avoit  fait  noyer 
dans  ses  bateaux  à  soupape  ;  mais , 
par  ceux  des  prêtres  de  Nevers 
que  la  Providence  a  ramenés  de 
cette  déportation,  et  qui  avoient 
assisté  à  la  mort  du  chanoine 
Boulnoy,  nous  savons  d'une  ma- 
nière certaine  qu'il  mourut  comme 
nous  venons  de  le  raconter.  (  V. 
le  P.  Bouffechou  et  Boussière, 
de  Challot.) 

BOUQUIER  (Marie),  femme. 
(  V.  W  Trolonge.) 

BOURBON  (Jacques),  véné- 
rable pasteur  de  la  paroisse  rurale 
de  Saint- Laurent  d'Agny,  dans  le 
diocèse  de  Lyon,  refusa  sans  hé- 
siter le  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé,  et  fut 
pour  celte  raison  expulsé  de  son 
église.  Il  n'abandonna  pas  pour 
cela  son  troupeau  aux  dangers  du 
schisme  ;  et,  restant  dans  sa  pa- 
roisse toujours  catholique ,  il  con- 
tinua de  lui  procurer  les  secours 
de  la  religion ,  sans  en  être  dé- 
tourné par  les  menaces  de  la  bar- 
bare loi  du  26  août  1793,  qui  for- 
çoit  à  l'exil  les  prêtres  non-asser- 
mentés. Le  curé  Bourbon pouvoil, 


27»  BOL1 
il  est  vrai,  comme  sexagénaire, 
profiter  de  la  faculté  qu'elle  accor- 
doit  aux  vieillards  et  aux  infir- 
mes, de  ne  pas  sortir  de  France, 
pourvu  qu'ils  y  fussent  en  ré- 
clusion ;  mais  le  bon  pasteur 
étoit  détourné  de  remplir  cette 
condition ,  par  le  môme  motif  qui 
l'avoit  retenu  au  milieu  de  ses  pa- 
roissiens. L'attachement  qu'il  a  voit 
pour  eux  l'entraîna  à  faire  le  ser- 
ment de  liberté-égalité  qui  pa- 
roissoit  devoir  l'autoriser  à  ne  pas 
les  abandonner  ;  mais,  éclairé  sur 
la  nature  de  ce  serment,  il  en  eut 
des  remords ,  et  en  envoya  la  ré- 
tractation aux  vicaires-généraux, 
administrateurs  du  diocèse  de 
Lyon.  Agé  de  66  ans ,  lorsque 
la  terreur  fut  portée  au  plus  haut 
degré  dans  ce  pays ,  à  la  suite  du 
siège  que  cette  ville  soutint,  et 
lorsqu'y  fut  établie  vers  la  fin  de 
1793  cette  sanguinaire  commis- 
sion révolutionnaire  qui  décima 
les  Lyonnais  (  V.  Lyon  ) ,  Bour- 
bon fut  arrêté  dans  sa  paroisse, 
et  amené  dans  les  prisons  de 
Lyon.  Frappé  d'une  terreur  ex- 
trême ,  il  souscrivit  à  la  demande 
que  les  officiers  municipaux  lui 
firent  de  ses  lettres  de  prêtrise  ; 
mais  revenu  de  son  effroi,  et  voyant 
aussitôt  l'énormité  de  l'apostasie 
arrachée  à  sa  faiblesse,  il  se  hâta 
de  réclamer  ses  lettres  sacerdo- 
tales, et  elles  lui  furent  rendues. 
Fendant  sa  détention  ,  il  édifia 
beaucoup  ses  compagnons  de  cap- 
tivité. L'un  d'eux  que  la  mort  épar- 


BOL 

gna,  M.  De  Landine  (1) ,  parloit 
de  lui  en  ces  termes,  dans  son  Ta- 
bleau des  frisons  de  Lyon,  pu- 
blié en  1 797  :  «  Ce  vertueux  prêtre 
qui  avoit  passé  quarante  années 
dans  l'exercice  de  toutes  les  ver- 
tus, et  au  milieu  des  pauvres  dont 
il  fut  le  père ,  étoit  tranquille 
dans  sa  prison ,  et  bien  résigné  à 
périr.  Il  ne  regrettoit  la  vie  que 
pour  le  bien  qu'il  pouvoit  faire 
encore.  Dans  une  nuit  que  plu- 
sieurs prisonniers  avoient  choisie 
pour  écrire  à  leurs  proches,  et 
leur  faire  les  derniers  adieux ,  ce- 
lui qui  le  premier  venoit  de  rem- 
plir ce  devoir  du  cœur  sur  le  seul 
pupitre  où  l'on  pût  écrire,  fut  rem- 
placé par  le  curé  Bourbon.  Après 
qu'il  eut  achevé  sa  lettre,  illabénit  ; 
puis  joignant  avec  force,  les  mains , 
et  les  levant  au  ciel ,  il  lui  adressa 
une  prière  fervente.  Un  des  pri- 
sonniers qui  de  son  lit  voyoit  cette 
action ,  et  en  étoit  tout  ému  , 
osa  demander  au  vénérable  curé, 
quand  il  revint  se  coucher  près 
de  lui,  car  leurs  lits  étoient  voi- 
sins ,  quel  étoit  le  sujet  de  sa  lettre. 
Bourbon  refusoit  de  s'expliquer  ; 
mais  l'autre  insistant,  il  lui  répon- 
dit avec  douceur  :  Mon  ami, 


(1)  L'un  des  plus  vertueux  et  des 
plus  savans  littérateurs  de  notre  âge. 
Il  vient  de  terminer  son  honorable 
carrière,  le  5  mai  1820;  et  l'amitié 
qui  nous  unissoit  à  lui  depuis  huit 
lustres,  ne  peut  s'abstenir  de  déposer 
sur  sa  tombe  ,  ce  témoignage  de  notre 
estime  et  de  nos  regrets. 


BOU 

mon  sacrifice  est  fait  ;  j'attends 
sans  crainte  qu'Use  consomme. 
Depuis  plus  de  trente  ans,  j'ai 
eu  le  bonheur  de  méditer  sur  la 
mort  et  de  m'y  préparer.  Irais- 
je  acheter  quelques  faibles  jours 
qui  me  resteroitnt  à  vivre ,  en 
rejetant  publiquement  despr  in- 
cipes que  j'ai  annoncés  toute 
ma  vie  aux  hommes,  et  qui 
m'ont  paru  dignes  de  les  rendre 
bans  et  de  les  consoler?  Avant 
de  finir  ma  carrière,  j'avois 
oublié  un  devoir  ;  je  viens  de 
le  remplir  avec  transport  :  j'ai 
écrit  à  celui  qui  m'a  fait  ar- 
rêter, qui  m'a  dénoncé.  L'in- 
fortuné !  il  est  b  ienplus  à  plain- 
dre que  moi.  J'ai  songé  à  ses 
tourmens  ;  j'ai  voulu  les  adou- 
cir,  lui  pardonner.  J'ai  béni 
son  existence  ;  j'ai  souhaité 
qu'elle  fût  heureuse  et  surtout 
tranquille  à  son  dernier  jour. 
Bientôt  j'irai  demander  moi- 
même  cette  grâce  pour  lui  au 
Dieu  clément ,  au  Dieu  des  mi- 
séricordes. Bourbon  parloit  ainsi, 
poursuit  le  dépositaire  même  de 
cette  confidence,  et  un  rayon  de 
la  gloire  divine  sembloit  étinceler 
sur  son  front.  Quelques  jours  après, 
il  me  força  d'accepter  son  lit  qui 
étoit  plus  commode,  et  voulut 
coucher  sur  un  simple  banc.  Je 
l'ai  vu  malgré  le  poids  de  l'âge, 
aider,  servir  à  chaque  instant  le 
paralytique  abbé  Rey,  ci-devant 
aumônier  des  religieuses  de  l'ab- 
baye  de  Saint  -  Pierre  ,  et  notre 


,     BOU  279 

compagnon  de  captivité  {V .  Rey); 
je  l'ai  vu  le  soutenir  avec  courage , 
en  allant  avec  lui  au  tribunal  et  à 
la  mort.  Ombre  vertueuse  !  ombre 
sainte  !  depuis  que  tu  nous  a  quit- 
tés, je  t'ai  appelée  dans  mes  en- 
nuis, et  ils  ont  disparu  ;  j'ai  osé  for- 
mer des  vœux,  et  ils  n'ont  point 
été  sans  succès.  Ne  seroit-ce  point 
toi  qui  les  aurois  remplis?»  [V . 
Soubry.  )  Les  juges  de  la  commis- 
sion révolutionnaire  le  firent 
comparoître  devant  eux.  Il  y  mon- 
tra une  fermeté  plus  grande  que 
n'avoit  été  sa  foiblesse.  Un  d'eux 
lui  demanda  s'il  avoit  prêté  le  ser- 
ment de  liberté-  égalité  :  «  J'ai 
eu  cette  lâcheté,  répondit  le  curé 
Bourbon;  mais  je  l'ai  rétracté,  et 
je  le  rétracte  encore  en  ce  mo- 
ment ».  Le  juge,  en  lui  montrant 
un  crucifix,  lui  dit  :  «Connois-tu 
cette  effigie  ?  »  —  «  Oui ,  répliqua- 
t-il,  j'ai  ce  bonheur;  c'est  celle 
de  J.-C. ,  mort  pour  tous  les  hom- 
mes ,  et  pour  qui  je  désire  verser 
jusqu'à  la  dernière  goutte  de  mon 
sang  » .  D'après  ces  réponses ,  il 
fut  condamné  à  la  peine  de  mort, 
le  24  ventôse  an  II  (14  mars  1794)» 
comme  «prêtre  fanatique  et  contre- 
révolutionnaire  » .  A  peine  étoit-il 
retourné  dans  la  prison,  pour  at- 
tendre l'heure  du  supplice,  qu'il 
écrivit  à  sa  famille  :  «  L'éternité 
me  tend  les  bras  ;  j'aurai  le  bon- 
heur d'aller  à  la  procession  des 
Martyrs».  Il  mourut  avec  autanl 
de  joie  que  de  courage.  (  V.  Bor 

CHAULAT  et  BOURDELY.  ) 


aSo  BOU 

BOURDELY  (François),  qu'un 
Supplément  à  ia  Liste  des  vic- 
times de  Lyon,  imprimé  comme 
elle  dans  cette  ville  en  1795,  qua- 
lifie de  curé,  et  dont  le  Diction- 
naire des  Individus  condam- 
nés à  mort  pendant  la  révolu- 
tion (par  Prudhomme)  ne  fait 
qu'un  «  contre -révolutionnaire 
laïc  »,  étoit  l'un  des  plus  anciens 
membres  d'un  très-vénérable  col- 
lège de  prêtres  qu'avoit  établi  en 
1466,  dans  la  principale  église 
paroissiale  de  Saint- Etienne-en- 
Forez ,  et  pour  les  seuls  natifs 
de  cette  ville ,  l'archevêque  de 
Lyon  à  cette  époque,  Charles  de 
Bourbon,  cardinal.  Ils  avoicnt  le 
titre  de  Sociétaires.  Une  partie 
de  cette  société  ,  devenue  fort 
nombreuse,  vint  en  1669,  avec 
l'approbation  de  l'archevêque 
d'alors ,  Camille  de  Neuville , 
s'attacher  au  service  d'une  nou- 
velle église  paroissiale  de  la  même 
ville,  celle  de  Notre-Dame;  et 
c'étoit  celle  -  là  que  desservoit 
François  Bourdely,  en  qualité  de 
sociétaire  :  il  étoit  en  même 
temps  premier  vicaire  de  la  pa- 
roisse. On  ne  put  jamais  obtenir 
de  lui  qu'il  prêtât  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé; 
et  il  avoit  déjà  5g  ans  quand  fut 
rendue,  en  août  1792,  la  loi  de 
la  déportation  des  prêtres  non- 
assermentés.  Malgré  son  âge,  il 
seroit  néanmoins  sorti  de  France, 
s'il  n'eût  été  retenu  par  le  désir 
de  continuer  à  consacrer  son  mi- 


BOU 

nistère  aux  catholiques  de  sa  pa- 
roisse. Les  dangers  qu'il  couroit 
dans  la  ville  de  Saint -Etienne 
l'obligèrent  à  se  retirer  dans  un 
bourg  du  voisinage  ,  celui  de  la 
Fouillouse  d'où  il  pouvoit  encore 
assister  les  fidèles  dont  il  s'étoit 
éloigné.  II  y  fut  saisi  pour  cette 
raison-là  même  au  commence- 
ment de  l'année  1794;  et  on 
l'amena  à  Lyon,  où  bientôt  il 
comparut  devant  la  commission 
révolutionnaire  (  V.  Lyon).  Les 
juges  le  pressèrent  vainement  de 
prêter  le  nouveau  serment  de 
liberté-égalité ,  et  de  livrer  ses 
lettres  de  prêtrise.  Il  refusa  l'un 
et  l'autre,  se  montrant  un  digne 
confesseur  de  Jésus-Christ  ;  et  il 
fut  condamné  à  la  peine  de  mort 
le  27  pluviôse  an  II  (  i5  février 
1794) ,  comme  «prêtre  fanatique, 
ne  voulant  pas  se  conformer  aux 
lois».  (  V.  Boubbon  et  Bour- 
din.) 

BOURDET  (François),  prêtre, 
ayant  le  titre  de  clerc-du-trésor 
dans  la  paroisse  de  Saint-Lô,  en 
la  ville  de  Bouen,  et  né  à  Beau- 
frêne,  même  diocèse,  se  montra 
d'une  Foi  invariable  lors  du 
schisme  constitutionnel,  et  n'en 
voulut  point  prêter  le  serment.  Il 
ne  fit  pas  davantage  celui  de  li- 
berté-égalité, prescrit  en  août 
1792,  et  ne  crut  point  devoir  sortir 
de  France  après  la  loi  de  dépor- 
tation rendue  le  26  de  ce  mois.  Il 
resta  pour  l'utilité  des  fidèles  et 
la  gloire  de  l'Eglise.  Les  persé- 


\ 


BOU 

euteurs  le  Crent  arrêter  en  1793; 
et  on  le  mit  bientôt  au  rang  des 
prêtres  dont  on  vouloit  se  dé- 
faire par  une  déportation  mari- 
time. François  Bourdet,  envoyé 
avec  eux  à  Rochefort  pour  y  être 
embarqué  ,  le  fut  sur  le  navire 
les  Deux  Associés  {V.  Roche- 
fort  ).  Il  ne  résista  pas  long- 
temps au  supplice  de  l'entrepont 
de  ce  bâtiment;  la  mort  vint  le 
délivrer  de  ses  souffrances  le  6 
août  1794-  H  étoitâgé  de  48  ans; 
et  son  corps  fut  enterré  dans  l'île 
à'Aix.  [V.  C.  Bourgarel  et  J. 
Bourdon.  ) 

BOURDET  (  Nicolas-Louis), 
curé  de  Verbrude ,  au  diocèse  de 
Senlis,  étoit  né  à  Soissons,  en 
1706.  Resté  en  France  pour  les 
besoins  spirituels  des  fidèles,  il 
fut  arrêté ,  et  envoyé  à  Paris  pour 
y  être  jugé  par  le  tribunal  révo- 
lutionnaire. Ce  tribunal,  devant 
lequel  il  comparut  le  9  messidor 
an  II  (27  juin  1794),  le  con- 
damna de  suite  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  complice  d'un  (  pré- 
tendu )  complot  de  fanatiques  » 
{V.  ci -devant,  pag.  16).  Il  fut 
décapité  le  jour  même,  à  l'âge  de 
58  ans. 

BOURDETTE  (Pierre  de 
la),  prêtre  du  diocèse  de  Dax, 
né  à  Baigts ,  près  d'Orthez ,  dans 
le  Béarn,  en  1747»  mérita  d'être 
mis  par  les  persécuteurs  au  rang 
des  prêtres  insermentés.  De- 
meuré dans  sa  province ,  après 
la   loi   de   déportation  rendue 


BOU  281 

contre  eux  le  26  août  1792, 
il  fut  recherché  comme  eux  pour 
être  envoyé  au-delà  des  mers. 
On  l'arrêta;  et  il  fut  conduit 
en  1794  à  Bordeaux  pour  y  être 
embarqué  {V-  Bordeaux). 
Quand  on  y  commença  les  em- 
barquemens  de  prêtres,  vers  la 
fin  de  l'automne,  trois  mois  après 
la  chute  de  Roberspierre ,  cet 
ecclésiastique  resta  encore  dans 
le  fort  du  Ha  où  il  étoit  enfermé. 
Les  souffrances  qu'il  y  enduroit 
n'étoient  pas  moindres  que  celles 
de  l'entrepont  des  navires;  il  suc- 
comboit  sous  le  poids  de  ses  maux  : 
on  le  porta  dans  l'hôpital  de  Saint- 
André  de  Bordeaux;  et  il  y  rendit 
son  dernier  soupir  le  1 5  novembre 
1794,  à  l'âge  de  47  ans.  [V.  L. 
Bourdon  et  J.  Boyer.  ) 

BOURDIN  (Pierre),  prêtre  vé- 
nérable, âgé  de  70  ans,  et  rési- 
dant à  Lyon  en  1 793,  avoit  été  re- 
tenu en  France  par  son  âge  autant 
que  par  son  zèle  ,  lorsque  la  loi  de 
déportation  du  26  août  1792  vint 
forcer  à  s'exiler  eux-mêmes  tous 
les  ecclésiastiques  qui,  comme  lui, 
ne  s'étoient  pas  rendus  coupables 
du  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé.  On  pouvoit 
bien  ,  suivant  l'esprit  d'alors ,  lui 
faire  un  crime  de  son  attachement 
à  la  Foi  catholique  et  aux  devoirs 
de  son  état  ;  mais  son  grand  âge 
devoit  rendre  absurde  toute  accu- 
sation de  conspiration  contre-ré- 
volutionnaire. Cette  absurdité  ne 
déconcerta  pas  les  ennemis  des 


t 


282  BOU 

prêtres  après  le  siège  de  Lyon, 
dès  que  fut  établie  la  commis- 
sion révolutionnaire  chargée 
de  décimer  les  généreux  Lyonnais 
{y.  Lyon).  Pierre  Bourdin,  tra- 
duit devant  l'impie  tribunal,  s'y 
montra  invincible  dans  sa  Foi,  en 
refusant  le  serment  de  liberté- 
égalité.  11  fut  des  premiers  prêtres 
que  cet  infâme  tribunal  envoya  à 
la  mort.  Les  juges  le  condamnè- 
rent au  dernier  supplice  le  i"  ni- 
vôse an  II  (21  décembre  1792) 
«comme  prêtre  réiractaire  et  con- 
tre-révolutionnaire ».  ('7.  Bour- 

DELY  et  BoUTELlER.) 

BOURDOIS  (  Marie  -Edme), 
prêtre  du  diocèse  de  Sens,  vi- 
caire en  la  paroisse  de  Fleury,  et 
né  à  Joigny  en  1 755 .  ne  se  rendit 
coupable  d'aucun  des  sermens 
prescrits  en  1791  et  1792.  La  Pro- 
vidence le  sauva  des  dangers  de  la 
persécution  en  1790  et  179^  Se 
livrant  à  l'illusion  que  la  persécu- 
tion étoit  toute  entière  dans  Ro- 
berspierre ,  abattu  le  neuf  ther- 
midor ,  trompé  d'ailleurs  par  la 
perfide  tolérance  que  les  tyrans 
de  la  France  professoient  les  an- 
nées suivantes ,  il  ne  prit  plus 
assez  de  précautions  contre  leurs 
pièges,  et  s'abandonna  librement 
aux  penchans  de  son  zèle.  Noté 
parles  persécuteurs  comme  un  mi- 
nistre zélé  pour  la  Foi,  il  ne  pou- 
voit  manquer  de  devenir  une  des 
victimes  de  la  crise  politique  du 
18  fructidor  an  V  (4  septembre 
1 797  ).  Le  serment  de  haine  à  la 


BOU 

royauté,  alors  exigé  des  prêtres, 
n'étoit  pas  moins  que  les  précé- 
dens,  repoussé  par  sa  conscience. 
Bourdois,  ami  de  l'étude  dans  la- 
quelle il  avoit  acquis  une  grande 
connoissance  de  l'antiquité  ecclé- 
siastique ,  crut  qu'en  retournant 
tout  entier  à  cette  occupation  ché- 
rie, dans  le  secret  de  la  retraite, 
il  échapperoit  à  la  persécution  re- 
naissante. On  vint  ly  surprendre; 
il  fut  arrêté.  La  belle  et  respectable 
physionomie  que  l'auteur  de  la  na- 
ture lui  avoit  donnée,  et  qui  a  fait 
dire  à  l'un  de  ses  compagnons 
d'infortune  «  qu'il  ressembloit  sous 
ce  rapport  à  saint  Pierre»,  n'im- 
prima pas  plus  de  respect  que  ses 
vertus  et  son  savoir  aux  farouches 
exécuteurs  de  la  loi  de  déporta- 
tion rendue  le  19  fructidor  [V. 
Guiane).  Bourdois  fut  traîné  à 
Rochefort  pour  y  être  embarqué. 
On  le  fit  monter  le  12  mars  1798 
sur  la  frégate  la  Charente,  d'où , 
le  25  avril,  il  passa  sur  la  frégate 
la  Décade,  qui  alla  le  jeter  dans 
la  rade  de  Cayenne  vers  le  milieu 
de  juin.  Relégué  brusquement  à 
Konanama,  il  tomba  gravement 
malade.  On  le  conduisit  à  l'espèce 
d'hôpital  qui  s'y  trouvoit;  mais 
il  ne  fut  pas  mieux  soigné  que 
les  ajutres  prêtres  souffrans.  Les 
bourreaux  qui  y  avoient  le  titre 
d'infirmiers ,  sembloient  n'être 
là  que  pour  voir  arriver  la  mort 
des  victimes.  Bourdois,  tourmenté 
par  une  fièvre  convulsive,  et  cou- 
chant comme  les  autres  dans  un 


■ 


BOU 

hamac,  en  tomba  dans  la  nuit  de 
telle  manière  que  les  pieds  res- 
tèrent engagés  dans  les  cordages 
du  hamac,  tandis  que  son  front 
frappoit  sur  le  pavé.  Il  resta  sans 
secours  dans  cette  déplorable  si- 
tuation ;  et  quand  le  jour  parut, 
les  infirmiers  trouvèrent  Bourdois 
mort  d'apoplexie  [V.  J.  Bourdon). 
Ce  fut  ainsi  qu'il  périt  le  19  oc- 
tobre 1798,  à  l'âge  de  45  ans, 
laissant  ses  gardes  furieux  de  n'a- 
voir rien  à  lui  dérober.  Depuis  quel- 
que temps,  ses  foibles  ressources 
pécuniaires  étoient  épuisées;  et  il 
n'avoit  pas  une  obole  pour  sub- 
venir à  ses  besoins.  (  V.  J.  B.  Bou- 
geard  ,  et  J.  F.  Bourgeois.  ) 

BOUBDON  (Jean),  prêtre, 
religieux  Capucin ,  et  gardien  de 
la  maison  de  Sotteville,  en  Nor- 
mandie, vis-à-vis  de  Rouen,  étoit 
né  à  Séez  en  1 74^-  Homme  d'un 
mérite  distingué,  il  jouissoit  de  la 
plus  haute  estime  dans  son  ordre ,  à 
cause  de  ses  vastes  connoissances 
et  de  sa  vertu  peu  commune.  Sa 
figure  d'ailleurs  étoit  imposante, 
et  annonçoit  une  rare  grandeur  de 
caractère.  Il  prouva  ses  lumières 
et  sa  Foi  par  sa  conduite,  lors  de 
l'établissement  du  schisme  consti- 
tutionnel ;  et  son  caractère  se  mon- 
tra d'une  manière  fort  noble  dans 
les  persécutionsqu'il  eutàessuyer. 
Malgré  la  loi  du  26  aofit  1792  qui 
expulsoit  les  prêtres  non-asser- 
mentés, il  resta  dans  la  Norman- 
die ,  quoiqu'il  fût  connu  pour  un 
excellent  religieux,  très-attaché  à 


BOU  285 

la  Foi  catholique.  Mais  en  janvier 
1794,  les  agens  des  persécuteurs 
s'emparèrent  de  sa  personne,  et  il 
fut  bientôt  condamné  à  la  déporta- 
tion à  la  Cuiane.  On  le  fit  traîner  à 
Roche  for  t  p  o  u  r  y  ê  t  r  e  e  mb  arq  u  é  ;  e  t 
il  le  fut  sur  le  navire  les  Deux  As- 
sociés {V.  Rochefort).  Les  maux 
divers  que  les  déportés  éprou- 
voient  dans  l'entrepont  de  ce  bâti- 
ment, procurèrent  au  P.  Bourdon, 
en  août  1794?  une  fièvre  violente 
qui  le  rendit  si  agité  que  ses  con- 
frères se  virent  obligés  de  l'atta- 
cher avec  leurs  mouchoirs  ,  pour 
se  garantir  de  la  violence  de  ses 
transports.  Un  perfide  chirurgien 
qui  fut  appelé,  déclara  que  le  ma- 
lade étoit  sans  fièvre,  et  que  les 
discours  extraordinaires  qu'il  te- 
noit  dans  son  délire ,  étoient  l'in- 
dice d'une  conspiration  tramée  par 
les  déportés.  Le  jury  militaire  fut 
aussitôt  convoqué  par  le  capi- 
taine :  on  y  proposa  de  fusiller 
tous  les  ecclésiastiques  qui  étoient 
à  bord  du  vaisseau.  Un  seul  offi- 
cier eut  la  sagesse  d'observer  qu'il 
falloit  auparavant  constater  la  réa- 
lité du  complot ,  en  accordant  tou- 
tefois qu'il  convenoit  de  mettre 
préalablement  aux  fers  le  P.  Bour- 
don. Ce  bon  religieux  fut  aussitôt 
chargé  de  chaînes  ;  et,  après  avoir 
passé  le  reste  du  jour  à  se  meur- 
trir avec  ses  liens ,  il  expira  pen- 
dant la  nuit  en  d'affreux  tourmens , 
le  22  août  1794-  II  étoit  âgé  de 
49  ans,  et  fut  enterré  dans  l'île 
Madame  (  V.  F.  Bourdet  et  M. 


^84  bou 
Boirgoin).  Il  est  lion  de  rappeler 
ici  que  les  trois  saintes  femmes, 
Ammonarion,  Mercurie  et  De- 
nyse ,  dont  parle  saint  Denys 
d'Alexandrie  dans  son  épître  à 
Fabius  d'Antioche,  et  que  l'Eglise 
honore  comme  Martyres  le  12 
décembre ,  étoient  déjà  si  acca- 
blées des  maux  qu'elles  avoient 
soufferts  pour  la  Foi  quand  la 
mort  vint  les  délivrer  de  la  vie, 
qu'elles  n'en  sentirent  pas  le  coup 
décisif.  Nous  ajouterons  que  saint 
Denys  d'Alexandrie  regardoit 
aussi  comme  Martyrs  ce  saint 
Chaerémon  ,  évêque  de  Nilopolis , 
et  beaucoup  d'autres  qui  étoient 
morts  de  quelques  maladies  occa- 
sionnées par  la  persécution  :  qui 
in  montibus  ac  per  solitudi- 
nem  oberranles ,  faîne  et  siti, 
frigoreet  morbis,  et  latronum 
aut  bestiarum  incur.m  oppressi 
interiêre  (Epist.  ad  Fab.  in  Eu- 
seb.  Hist.  Eccl.  L.  VI,  c.  xli  et 
xlii).  L'Eglise  célèbre  leur  fête 
le  22  décembre. 

BOURGEOIS  (Jean-François), 
prêtre,  né  en  1752,  et  religieux 
Bénédictin  du  diocèse  de  Besan- 
çon, avoit  évité  les  fureurs  des 
persécuteurs  de  1795  et  1794*  qui 
n'auroient  pas  manqué  de  le  faire 
périr  comme  non-assermenté.  Pre- 
nant quelque  confiance  dans  la 
perfide  modération  des  tyrans  de 
la  France  en  1796,  il  se  chargea 
de  desservir  la  paroisse  de  Ville- 
neuve dans  le  département  de  la 
Haute-Saône.  La  crise  politique 


BOU 

du  18  fructidor  (4,  septembre 
1797)  ayant  réveillé  la  persécu- 
tion, et  la  loi  du  lendemain  ayant 
prononcé  la  déportation  des  prê- 
tres soi-disant  réfractaires  à  la 
Guiane  {V .  Guiane),  Dom Bour- 
geois fut  arrêté  ,  et  conduit  à  Ro- 
chefort.  Il  ne  put  y  arriver  pour 
le  premier  embarquement  qui  se 
fit  le  12  mars  1798;  mais  le  1" 
d'août  suivant,  on  le  fit  monter 
sur  la  corvette  la  Bayonnaise  , 
qui  le  jeta  dans  le  port  de  Cayenne 
le  29  septembre.  Il  en  fut  de 
suite  envoyé  dans  le  désert  de  Ko- 
nanama.  La  contagion  qu'exhale 
cette  terre  brûlante,  investit  bien- 
tôt ce  religieux  :  il  mourut  de  la 
peste  le  8  novembre  1798,  à 
l'âge  de  46  ans,  n'ayant  plus  que 
49  Hv.  14  sous  pour  toute  res- 
source contre  l'indigence.  (  V.  M.- 
E.  E.  Bourdois  et  A.  Bremont.) 

BOURGOIN  (Mathurin), 
prêtre ,  l'un  des  chapelains  de 
l'hospice  de  Notre-Dame  de  la 
Pitié,  à  Paris,  et  né  à  Pausac, 
en  Périgord,  s'étant  vu  expulsé 
de  l'hospice ,  parce  qu'il  n'avoit 
pas  voulu  prêter  le  serment  schis- 
matique  de  1791,  étoit  retourné 
dans  son  pays  natal.  Il  s'y  ren- 
doit  utile  aux  catholiques  de  sa 
province.  Quand  il  apprit  que  les 
massacres  du  2  septembre  1792 
avoient  moissonné  à  Paris  ses  con- 
frères ,  chapelains  du  même  hos- 
pice ,  la  terreur  des  événemens  de 
cette  époque  le  porta  à  faire,  pour 
échapper  à  la  persécution,  le  ser- 


BOU 

ment  Je  liberté-égalité  prescrit 
alors.  Mais  cet  expédient  de  la  fol- 
blesse  ne  pouvoit  sauver  un  prêtre 
qui  se  montroit  attaché  à  la  reli- 
gion. Il  tut  arrêté  en  1790,  et  jeté 
dans  les  prisons  de  Périgueux. 
Bientôt  les  autorités  du  départe- 
ment de  la  Dordogne  l'envoyèrent 
à  Rochefort  pour  être  déporté  à  la 
Guiane  {V .  Rochefort).  Il  fut 
embarqué  sur  les  Deux  Associes. 
Quoiqu'on  eût  lieu  de  croire  que 
déjà  il  avoit  rétracté  son  serment 
de  liberté-égalité ,  il  en  fit  néan- 
moins une  solennelle  rétractation 
devant  ses  confrères ,  déportés 
avec  lui.  Les  souffrances  qu'ils 
enduroient  dans  l'entrepont  l'ac- 
cablèrent comme  tant  d'autres  ;  et 
il  mourut  le  6  août  1794?  à  l'âge 
de  53  ans.  On  l'enterra  dans  l'île 
d'Jix.  [V.  J.  Bourdon  et — 
Bourry.  ) 

BOURJUGE  (René),  prêtre  du 
diocèse  d'Angers,  vicaire  en  la 
paroisse  de  Saint-Léonard-lès- 
Angers,  y  éprouva  beaucoup  de 
chagrin  de  voir  son  curé  prêter 
le  serment  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé,  malgré  ses  efforts 
pour  l'en  empêcher.  Obligé  par 
le  refus  qu'il  en  fit  lui-même ,  de 
s'éloigner  de  cette  paroisse  ,  il  ne 
la  quitta  point  sans  avoir  prémuni 
les  paroissiens  contre  les  dangers 
du  schisme,  et  sans  avoir  fortifié 
contre  eux  la  jeunesse  de  Saint- 
Léonard,  surtout  en  faisant  faire 
la  première  communion  aux  en- 
fans  qui  n'avoient  pas  encore  eu 


BOU  a85 

ce  bonheur.  Il  vint  exercer  son 
ministère  à  Angers,  et  dans  quel- 
ques autres  paroisses  voisines , 
sans  négliger,  toutefois,  les  ca- 
tholiques de  Saint -Léonard.  Les 
persécuteurs  se  saisirent  de  sa 
personne  ;  mais  quand  l'armée 
catholique  et  royale  s'approcha 
d'Angers  {V.  Vendée),  il  sortit 
de  la  prison  dans  laquelle  on  l'a- 
voit  enfermé.  Ne  trouvant  plus  de 
sûreté  que  sous  la  protection  de 
cette  armée ,  il  se  réunit  aux  prê- 
tres, religieuses  et  vieillards  qui 
étoient  obligés  de  la  suivre  ;  mais 
lorsqu'elle  fut  défaite  au  Mans  le 
1 2  décembre  1 793,  le  vicaire  Bour- 
juge  restant  sans  protection,  et 
errant  au  hasard  dans  sa  fuite, 
tomba  dans  les  mains  des  soldats 
de  la  persécution.  Il  fut  conduit 
par  eux  à  Angers ,  et  livré  à  la 
commission  militaire  de  cette 
ville  [V .  Angers).  Cette  commis- 
sion le  condamna  à  la  peine  de 
mort,  non  en  1795,  mais  le  16 
nivose  an  II  (5  janvier  1794)-  Le 
motif  apparent  de  sa  condamna- 
tion fut  qu'il  éloit  un  «  brigand  de 
la  Vendée  »  :  accusation  banale 
portée  par  les  juges  contre  tous 
ceux  qu'ils  vouloient  immoler  sans 
en  dire  le  vrai  motif.  René  Bour- 
juge  n'en  fut  pas  moins  un  des 
nombreux  Martyrs  de  cette  épo- 
que. [Pr.  L.  Bâtard,  et  Briant.  ) 

BOURLA  (Hyacinthe),  reli- 
gieuse Lrsuline  de  Valenciennes , 
étoit  née  dans  la  ville  de  Condé  en 
174O.  Quoique  les  religieuses  de 


286  BOU 

cet  ordre  rendissent  de  grands  ser- 
vices à  la  société,  en  enseignant 
gratuitement  toutes  les  filles  pau- 
vres de  la  ville  qui  se  présentoient 
à  leur  école,  elles  n'en  furent  pas 
inoins  chassées  de  leur  cloître  par 
les  impies  réformateurs  de  1791. 
Au  chagrin  d'être  rejetée  dans  le 
monde,  se  joignit  pour  ces  ver- 
tueuses filles  celui  de  voir  la  reli- 
gion catholique  attaquée  dans  ses 
fondemens  par  les  innovations  de 
cette  époque.  Ne  pouvant  plus  la 
pratiquer  sans  péril ,  elles  prirent  le 
parti  de  se  retirer  à  Mons,  qui  n'est 
qu'à  huit  lieues  de  Valenciennes, 
rmis  qui  se  trouvoit  au-delà  de  la 
frontière  ;  et  la  sœur  Bourla  fut  de 
ce  voyage.  Elle  revint  avec  ses 
compagnes ,  quand  les  Autrichiens 
eurent  soustrait  cette  dernière  ville 
à  la  tyrannie  de  la  Convention  le 
1" août  1793  {V.  Valenciennes); 
et ,  de  concert  avec  ses  sœurs ,  elle 
se  remit  à  rendre  aux  pauvres  de  la 
ville  les  mêmes  services  qu'aupa- 
ravant. Lorsque  les  Autrichiens  fu- 
rent forcés  d'évacuer  la  place,  le 
1"  septembre  i  79/j,  la  sœur  Bourla 
se  retira  dans  sa  famille  à  Condé. 
Mais  les  proconsuls  de  la  Conven- 
tion arrivés  à  Valenciennes ,  et  or- 
donnant aussitôt  d'arrêter  les  prê- 
tres et  les  religieuses  ,  se  firent 
amener  celle-ci,  qui  fut  emprison- 
née avec  les  autres.  Ils  voulurent 
qu'elle  comparût  des  premières  le 
16  octobre  au  soir,  avec  quatre  de 
ses  compagnes,  devant  une  com- 
mission militaire  qu'ils  avoient 


BOU 

établie.  Comme  les  proconsuls, 
suivant  le  système  de  la  faction 
thermidorienne  alors  régnante , 
masquoient  leur  haine  de  la  reli- 
gion sous  le  prétexte  hypocrite  de 
la  prétendue  émigration  de  leurs 
victimes  ,  on  demanda  seulement 
à  ces  religieuses  si  elles  étoient  sor- 
ties de  France  (  V.  M.  M.  J"e  De- 
jardin,  G.  Dijcrez,  J.  B.  Prin  et 
M.  L.  Vanot).  Ces  saintes  filles, 
incapables  de  vouloir  sauver  leur 
vie  par  un  mensonge,  dirent  la 
vérité,  et  furent  à  l'instant  con- 
damnées à  la  peine  de  mort  comme 
«  émigrées-rentrées  » .  Bamenées 
ensuite  à  la  prison  jusqu'au  len- 
demain où  leur  sacrifice  devoit 
être  consommé,  elles  vinrent  en 
silence  auprès  de  leur  supérieure 
(  V.  M.  C.  Jne  Paillot)  autour  de 
laquelle  se  réunirent  aussi  les  au- 
tres religieuses  prisonnières.  La 
supérieure  félicitant  celles  qui  ve- 
noient d'être  jugées,  de  ce  qu'elles 
a  voient  préféré  mourir  plutôt  qu'of- 
fenser Dieu  par  un  mensonge, 
exhorta  les  autres  à  imiter  ce  bel 
exemple.  Elles  le  lui  promirent; 
et  alors  elle  ne  s'occupa  plus  qu'à 
préparer  à  paroître  devant  Dieu 
celles  qui  dévoient  périr  le  lende- 
main. Toute  la  nuit  elles  récitèrent 
ensemble  l'office  des  défunts,  les 
prières  des  agonisans  ;  après  quoi . 
la  supérieure  leur  fit  de  nouvelles 
exhortations  à  la  mort,  les  assu- 
rant qu'elle  regrettoit  de  ne  pou- 
voir y  marcher  devant  elles ,  et 
recevoir  avec  elles  la  palme  du 


BOU 

martyre.  Ces  touchantes  occupa- 
tions durèrent  jusqu'au  moment 
où  l'on  vint  les  prendre  pour  les 
mener  au  supplice.  Alors  se  pros- 
ternant aux  pieds  d'un  crucifix , 
elles  reçurent  la  bénédiction  de 
leur  supérieure  ,  s'embrassèrent 
ensuite,  et  allèrent  avec  le  plus 
grand  calme  au  guichet  où  l'exé- 
cuteur les  attendoit.  Elles  le  virent 
sans  effroi ,  lui  présentèrent  tran- 
quillement les  mains  qu'il  devoit 
leur  lier,  se  laissèrent  en  silence 
couper  les  cheveux  qui  sortoient 
de  dessous  un  bandeau  qu'elles  s'é- 
toient  fait  exprès  pour  cette  cir- 
constance. Elles  ne  rompirent  le 
silence  que  lorsque  l'exécuteur 
voulut  leur  découvrir  la  poitrine  ; 
et  ce  fut  pour  le  prier  en  grâce  de 
leur  laisser  jusqu'au  dernier  instant 
le  mouchoir  qui  couvroit  l'espèce 
de  chemise  exactement  fermée  jus- 
qu'au dessus  des  épaules,  qu'elles 
s'étoient  ajustée  de  manière  à  ce 
que  le  cou  seul  pût  être  à  décou- 
vert sous  le  fer  de  la  guillotine. 
On  peut  les  comparer  à  cette 
sainte  vierge  potamienne  ,  mar- 
tyre d'Alexandrie  ,  sous  Maxi- 
mien, laquelle  dit  au  juge  qui  or- 
donnoit  de  la  dépouiller  entière- 
ment pour  la  jeter  dans  une  cuve 
de  poix  bouillante  :  «  De  grâce,  n'y 
plongez  mon  corps  que  peu  à  peu  , 
à  mesure  que  je  me  déshabillerai, 
afin  que  ma  pudeur  n'ait  rien  à 

I souffrir,  et  que  vous  connoissiez 
en  même  temps  jusqu'où  va  la 
vertu  de  patience  que  J.  -C.  m'ac- 


BOU  287 

corde  »  :  Ne  jusserîs  me  exui  : 
non  simul  totam,  sed  jube  me 
pautatim  in  picem  ferventem 
demitti ,  ut  videas  quanlam 
mihi  largitus  est  patientiam 
Christus  (Pallad.  Hist.  ad  Lau- 
sium.  C.  III).  Trois  prêtres  con- 
damnés avec  les  cinq  religieuses 
étoient  compagnons  de  leur  mar- 
tyre (  V.  L.  P.  Cagnot,  L.  A. 
Jh  Dannier,  et  C.  M.  J.  Vienne). 
L'un  d'eux  leur  dit,  entre  autres 
paroles  encourageantes  :  «Allons 
donc  sans  crainte  paroître  devant 
l'Eternel  ;  nous  mourons  inno- 
cens».  Elles  partirent  en  récitant 
à  haute  voix  les  litanies  jusqu'à  l'ê- 
chafaud  ;  et  il  en  fut  de  même, 
lorsque  leurs  compagnes  subirent 
le  même  sort,  six  jours  après  [V. 
J.  L.  Barrez,  L.  Lacroix,  M.  M. 
Jne  Leroux,  A.  Jne  Leroux,  M.  C. 
Jne  Paillot).  Cette  première  exé- 
cution de  religieuses  àValenciennes 
eut  lieu  deux  mois  et  vingt-un 
jours  après  la  chute  de  Bobers- 
pierre.  La  sœur  Bourla  avoit  48 
ans  lorsqu'elle  périt  ainsi  martyre 
de  la  vérité  comme  de  la  Foi.  {V . 
D.  Betremieux  et  Breuvart.) 

BOUBBET  (Jean -Antoine), 
simple  frère-laide  l'ordre  des  Trap- 
pistes ,  s'étoit  retiré  à  Langogne, 
dans  le  diocèse  de  Mende,  après 
la  suppression  des  ordres  monas- 
tiques. La  loi  qui,  en  1791,  avoit 
exigé  des  curés,  vicaires,  etc.  le 
serment  schismatique,  et  celle  par 
laquelle  étoient  condamnés  à  la 
déportation  ceux  qui  l'avoient  re- 


•>8S  BOli 

fusé,  ne  pouvoient  être  alléguées 
contre  ce  religieux.  Mais  sa  piété 
et  son  précédent  état  devenoient 
un  tort  irrémissible  ;  il  fut  empri- 
sonné, et  traduit  ensuite  devant  le 
tribunal  criminel  du  département 
de  VArdèclie  siégeant  à  Privas. 
Les  juges  n'eurent  pas  honte  de  le 
condamner  comme  «  prêtre  ré- 
fractaire  »,  à  la  peine  de  mort,  le 
18  germinal  an  II  (7  avril  1794)- 
Le  lendemain  il  fut  décapité. 

BOURRY  (2V...)>  prêtre,  vi- 
caire de  la  paroisse  de  Brabans, 
dans  le  diocèse  de  Toul,  et  né  à 
Lel ,  dans  le  même  diocèse ,  devint 
si  odieux  aux  persécuteurs  de 
1795,  que,  ne  pouvant  plus  sou- 
tenir sa  présence ,  ils  le  firent 
arrêter  et  jeter  dans  les  prisons  de 
Saint-Mihiel,  chef-lieu  du  dépar- 
tement de  la  Meuse.  Le  tribunal 
criminel  de  ce  département  le 
condamna  à  être  déporté  à  la 
Guiane;  et  il  fut  envoyé  à  Roche- 
fort  pour  son  embarquement,  il 
y  arriva  à  travers  bien  des  souf- 
frances, comme  beaucoup  d'au- 
tres prêtres,  et  fut  mis  sur  le 
navire  le  W ashington  {V .  Ro- 
chefort).  Les  supplices  divers  de 
l'entrepont  dans  lequel  ils  étoient 
renfermés,  altérèrent  progressi- 
vement la  santé  du  vicaire  Bourry. 
11  mourut  dans  le  courant  d'oc- 
tobre 1794?  à  l'âge  de  56  ans; 
et  on  l'enterra  dans  l'île  Ma- 
dame. Le  compagnon  de  sa  dé- 
portation, de  qui  nous  reçûmes, 
en  1800,  les  notices  dont  nous 


BOU 

faisons  usage  pour  les  victimes 
de  cette  embarcation,  y  mit  une 
telle  conscience,  que,  n'ayant  pu 
obtenir  une  connoissance  positive 
de  la  manière  dont  le  vicaire 
Bourry  s'étoit  conduit  en  1791  et 
1792,  il  se  crut  obligé  de  nous 
prévenir  «  qu'on  ignoroit  s'il  étoit 
assermenté  ou  non.  »  Mais  il  ne 
le  retranchoit  pas  du  nombre 
des  Martyrs  ;  et  il  avoit  raison , 
comme  on  peut  s'en  convaincre 
par  l'épître  !\i  de  saint  Jérôme  à 
Pammachius,  et  par  les  principes 
exposés  dans  notre  Discours  pré- 
liminaire, pag.       {V.  M.  Bocr- 

GOIN  et  J.  BoETOCTE.) 

BOURSICAUD  (Pierre), 
prêtre.  (V.  P.  Le  Botjrsicacd.  ) 

BOUSQUET  (Jean-François), 
prêtre  de  Paris,  demeurant  dans 
la  maison  des  Eudistes,  sans  être 
de  leur  congrégation,  s'y  délas- 
soit  de  l'exercice  du  sacerdoce  par 
l'étude  de  l'histoire  ecclésiastique 
et  des  conciles.  Quoique  jeune, 
il  avoit  donné  lieu  d'espérer,  par 
ses  premiers  essais  sur  les  matières 
canoniques,  qu'on  auroit  en  lui 
un  des  hommes  les  plus  versés 
dans  les  lois  de  l'Eglise.  Avec  les 
lumières  dont  il  étoit  amplement 
pourvu ,  et  avec  la  Foi  sincère  dont 
il  étoit  animé,  il  n'avoit  pu  que 
repousser  la  constitution  civile 
du  clergé.  Son  opposition  aux 
maximes  qui  en  faisoient  la  base, 
étoit  si  notoire,  qu'il  fut  un  des 
premiers  prêtres  que  les  novateurs 
firent  arrêter,  après  la  fatale  jour- 


BOU 

née  du  10  août  1792  [V.  Sep- 
tembre). Conduit  au  comité  de  la 
section  du  Luxembourg ,  il  s'y 
montra  décidé  à  tout  souffrir, 
plutôt  que  de  faire  aucun  ser- 
ment contraire  à  sa  conscience, 
et  fut  enfermé  dans  l'église  des 
Carmes  [V .  Dulac).  C'étoitune 
consolation  pour  lui,  de  s'y  voir 
avec  tant  d'autres  généreux  con- 
fesseurs de  la  Foi,  parmi  lesquels 
se  trouvèrent  bientôt  le  digne  su- 
périeur des  Eudistes,  et  huit  de 
ses  prêtres  (  V.  Hébert  et  Beaxj- 
Iieu).  Dans  cette  réunion  aussi 
sainte  que  nombreuse  de  captifs 
de  Jésus- Christ,  il  se  sentit  un 
accroissement  de  forces  pour  scel- 
ler sa  Foi  de  son  sang;  et,  le  2 
septembre ,  il  eut  la  gloire  de 
le  mêler  à  celui  de  tous  les  nou- 
veaux Martyrs  que  cette  journée 
donnoit  à  l'Eglise. 

BOUSSIÈRE  {m..),  curé  de 
la  paroisse  de  Challot,  dans  le  dio- 
cèse d'Autun,  fut  dépouillé  de  sa 
cure  à  cause  de  son  refus  du  ser- 
ment. La  loi  de  déportation  du  26 
août  1792  le  dispensoit  de  s'exiler , 
parce  qu'il  avoit  61  ans;  mais  elle 
le  condamnoit  à  se  confiner  dans 
une  maison  de  réclusion,  sous  la 
surveillance  de  l'administration 
départementale.  Comme  il  se 
trouvoit  dans  le  département  de 
la  Nièvre,  il  devint  un  des  reclus 
de  Nevers,  et  se  trouva  compris 
dans  les  soixante  et  un  prêtres  de 
ce  département  qui ,  en  février 
1794)  furent  inopinément  emme- 

3, 


BOU  289 

nés  à  Nantes,  pour  y  être  sub- 
mergés {V .  Nevers  et  Nantes). 
Après  avoir  essuyé  tous  les  mau- 
vais traitemens  auxquels  étoient 
en  butte  ces  prêtres,  presque  tous 
vieillards  ou  infirmes  ,  il  fut 
jeté  comme  ses  confrères,  avec 
une  santé  fort  alîoiblie,  dans  le 
fond  de  cale  pestilentiel  de  la  ga- 
liole  hollandaisedu  port  de  Nantes, 
qui  devoit  leur  servir  de  prison. 
Dévoré  par  la  faim ,  glacé  par  le 
froid,  asphyxié  par  la  putridité  de 
ce  cachot ,  il  y  périt  le  5  avril  1 794. 
(  V .  Boulnot, chanoine, etBRiTTE, 
d'Angers.) 

BOUTILIER  (Antoine),  et  non 
Boutelier.rù  Le  Routelier.  comme 
on  l'a  écrit  dans  une  compilation 
récente  ,  étoit  un  prf  tre  du  dio- 
cèse de  Besançon,  auquel  la  pe- 
tite ville  de  Louhans  avoit  donné  le 
jour,  en  1756.  A  l'âge  de  18  ans, 
il  étoit  allé  à  Vienne  en  Dauphiné 
pour  entrer  dans  l'ordre  des  cha- 
noines réguliers  de  Saint-Antoine , 
qui ,  établi  dans  cette  province  sous 
la  forme  d'ordre  religieux  hospita- 
lier en  1095,  avoit  été  confirmé 
vers  1218,  par  le  pape  Hono- 
rais III ,  et  changé  au  XVIIe  siècle 
en  communauté  de  chanoines  régu- 
liers. Boutilier  fut  le  derniernovice 
qu'ils  reçurent  :  car,  en  1755,  il 
leur  fut  défendu  d'en  admettre; 
et  l'ordre,  ensuite,  supprimé  par 
une  bulle  de  Pie  VI,  en  date  du 
17  septembre  177^,  fut  réuni  à 
celui  de  Malte,  par  une  autre  bulle 
du  même  pape ,  en  date  du  7  mai 

*9 


290  BOL 

•777»  e* nùn  en  l77&»  comme  il  a 
été  dit  dans  la  compilation  citée. 
Boutilier  revint  alors  dans  sa  ville 
natale,  où  il  entra  dans  une  sorte 
de  congrégation  de  prêtres  sécu- 
liers, au  milieu  desquels  il  se  dis- 
tingua par  son  assiduité  à  la  prière 
publique,  et  surtout  par  une  très- 
généreuse  charité  envers  les  pau- 
vres. Il  leur  consacroit  la  majeure 
partie  du  revenu  que  lui  procuroit 
son  affiliation  à  l'ordre  de  Malte. 
Quoique  deux  de  ses  amis,  mem- 
bres de  cette  congrégation,  prê- 
tassent, en  1791 ,  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
sans  en  être  requis  par  l'autorité 
civile,  et  quoique  ces  deux  amis 
fissent  tous  leurs  efforts  pour  en-, 
gager  Boutilier  à  les  imiter,  il  ne 
se  laissa  vaincre  ni  par  leurs  sol- 
licitations ,  ni  par  leur  exemple. 
S'étant  alors  attaché  davantage  aux 
autres  confrères  qui  repoussoient 
comme  hérétiques  et  schisma- 
tiquesles  innovations  de  celle  pré- 
tendue constitution  du  clergé, 
il  ne  fut  point  ménagé  dans  les 
injures  et  les  persécutions  qui  les 
assaillirent.  Pour  s'y  soustraire, 
il  se  crut  obligé,  comme  eux,  de 
sortir  de  France,  surtout  après 
la  loi  de  déportation.  Lorsqu'à  Ja 
suite  des  deux  années  de  terreur 
qu'elle  venoit  de  subir,  les  chefs 
de  son  gouverneuient  républicain 
firent  croire  qu'ils  revenoient  à 
des  sentimens  équitables,  Bouti- 
lier rentra,  et.se  fixa  à  Lyon,  où 
l'on  accueillait  avec  plus  de  bien-. 


BOb 

veillance  qu'ailleurs  les  prêtres  ei 
même  les  émigrés  qui  revenoient 
de  l'étranger.  Un  vénérable  catho- 
lique d'un  très-grand  âge,  ancien 
chirurgien,  nommé  Claude  Bal- 
lyat,  dont  la  mémoire  sera  long- 
temps précieuse  aux  Lyonnais , 
engagea  Boutilier  à  demeurer  chei 
lui.  Cet  arrangement  convenoit 
d'autant  plus  à  l'un  et  à  l'autre ,  que 
ce  vieillard  se  procuroit,  par  ce 
moyen,  à  toute  heure,  les  secours 
de  la  religion,  en  même  temps 
qu'il  faisoit  une  œuvre  d'éminente 
charité,  et  que  Boutilier  pouvoit, 
dans  cette  maison,  dire  la  messe 
et  remplir  ses  devoirs  de  prêtre , 
sans  cette  publicité  qui  ranimoit 
les  fureurs  des  révolutionnaires. 
Homme  instruit  et  d'une  agréable 
société,  il  étoit  cher  à  son  hôte  sous 
tous  les  rapports.  La  persécution 
s'étant  ranimée  à  l'époque  connue, 
sous  le  nom  du  18  fructidor  (4 
septembre  1 797  ) ,  et  ayant  alors 
choisi  les  formes  perfides  de  la 
déportation,  en  regrettant  toute- 
fois de  ne  pas  oser  en  revenir  a 
faire  couler  par  torrent  le  sang  des 
prêtres,    ne   laissoit  cependant 
pas  échapper  une  seule  occasion 
de  le  répandre.,  Boutilier  ayant  été 
dénoncé,  peu  de  temps  ensuite , 
comme  prêtre,  exerçaut  secrète- 
ment son  ministère,  fut  arrêté  le 
8  décembre  1797.  Occupé  sans 
cesse ,  dans  sa  prison ,  de  tout  ce 
qui  pouvoit  entretenir  la  piété,  il 
s'ainusoit  paisiblement  à  faire  des 
chapelets  avec  les  seules  matières 


BOU 

convenables  qui  pouvoienttomber 
sous  sa  main  :  c'étoientles  noyaux 
des  petits  fruits  qui  lui  étoient 
apportés  parmi  ses  alimens;  et  il 
donnoit  ces  chapelets  aux  per- 
sonnes pieuses  qui  venoient  le 
visiter.  Plusieurs  d'entre  elles  en 
conservent  encore  avec  vénéra- 
tion, comme  de  précieuses  reli- 
ques. Il  resta  plusieurs  mois  en 
prison,  sans  que  son  sort  parût 
devoir  se  décider.  Si  on  l'eût  jugé 
comme  prêtre,  on  n'auroit  pu, 
suivant  la  loi  du  19  fructidor,  que 
le  condamner  à  la  mort  lente  de 
la  Guiane  ;  mais  comme  on  trouva 
un  prétexte  de  l'immoler  de 
suite ,  en  le  faisant  passer  pour 
émigré  -  rentré ,  on  le  traduisit 
comme  tel  devant  une  commission 
militaire.  Elle  le  condamna,  sous 
cette  qualification,  à  être  fusillé 
«n  même  temps  qu'un  jeune  mili- 
taire, gentilhomme  d'Auvergne, 
nommé  Amable  de  Ligondez-de- 
Rochefort,  qui  étoit  effectivement 
revenu  de  l'émigration.  La  sen- 
tence fut  prononcée  le  23  prairial 
an  VI  (11  juin  1798).  Boutilier, 
associé  au  sort  du  jeune  officier, 
le  réconcilia  avec  Dieu,  le  consola, 
l'exhorta  à  la  mort  avec  la  ten- 
dresse d'un  père ,  et  la  charité 
d'un  ministre  de  Jésus  -  Christ. 
Lorsqu'en  allant  ensemble  au  lieu 
où  ils  dévoient  être  fusillés ,  ils 
passèrent  devant  l'hôtel-de-ville , 
Boutilier,  avec  le  calme  d'un  élu, 
regarda  le  cadran  de  l'horloge  ; 
et,  sachant  l'heure  fixée  pour  leur 


BOU  291 

supplice ,  il  dit  à  son  compagnon, 
en  faisant  remarquer  celle  que 
marquoit  l'aiguille  :  «Allons,  en- 
core un  instant  de  courage  ;  dans 
un  quart-d'heure,  nous  serons, 
je  l'espère ,  dans  le  ciel.  »  On  a 
lu,  avec  une  grande  édification, 
dans  les  Actes  des  anciens  Martyrs, 
le  trait  de  ce  saint  Maximilien 
d'Afrique,  qui,  conduit  an  sup- 
plice pour  la  Foi ,  et  inspirant  à 
tous  les  chrétiens  qu'il  rencontroit 
le  désir  du  martyre ,  dit  à  son 
père  qui  se  trouvoit  près  de  lui  : 
«  Je  vous  prie  de  donner  mon 
habit  neuf  à  cet  honnête  homme 
qui  va  me  couper  la  tête  »  :  Da 
huic  spicuialori  vestem  meam 
novam  quam  miiii  prœpara- 
veras  (Ruinait  :  Acta  S.  Maxi- 
mii.  Martyris).  Le  prêtre  Bou- 
tilier fait  encore  mieux,  quoiqu'il 
ait  moins  à  donner  :  animé  d'une 
céleste  reconnoissanceenvers  ceux 
qui  vont  le  fusiller,  il  détache  sa 
cravate ,  le  meilleur  de  tous  ses 
vêtemens,  et  l'offre  à  un  des  sol- 
dats, en  lui  exprimant  le  regret 
bien  sincère  de  n'avoir  rien  de 
mieux  à  lui  présenter ,  pour  lui 
témoigrier  surtout ,  dit-il ,  «  qu'en 
suivant  l'exemple  de  Jésus-Christ, 
il  pardonne  de  tout  son  cœur  à 
ceux  qui  vont  le  faire  mourir.  »  Il 
reçut  la  palme  du  martyre  sacer- 
dotal le  12  juin  1798,  à  l'âge  de 
62  ans.  On  pourra  encore  juger 
des  sentimens  de  cet  ecclésiastique 
par  la  lettre  que  son  jeune  néo- 
phyte, compagnon  de  son  sort, 

'9- 


292  BOU 

écrivit  à  sa  sœur  Clotilde  d'Orset, 
avant  de  marcher  au  supplice. 
.<  Dans  peu  d'heures ,  lui  disoit- 
il,  je  n'existerai  plus,  ma  tendre 
sœur.  Rassemblez  toutes  vos  forces 
pour  consoler  ma  pauvre  mère. 
J'ai  imploré  la  miséricorde  de 
Dieu;  et  j'espère  qu'elle  sera  plus 
grande  que  l'immensité  de  mes 
fautes.  Je  vous  prie  de  donner 
vingt-cinq  louis  aux  pauvres,  et 
de  vous  charger  de  payer  mes 
dettes.  Je  vous  recommande,  ma 
chère  amie,  de  ne  conserver  au- 
cun ressentimentcontre  lesauteurs 
de  ma  mort.  Je  leur  pardonne 
entièrement,  et  ne  leur  veux  au- 
cun mal.  Il  me  reste  à  vous  re- 
commander de  rappeler  de  toutes 
vos  forces  la  religion  à  votre  se- 
cours. Dieu,  maître  de  tout,  a  dé- 
cidé de  mon  sort;  et  nous  devons 
nous  soumettre  sans  murmurer. 
Adieu,  ma  chère  Clotilde;  adieu, 
ma  bonne  mère.  Vous  êtes  les 

seuls  objets  que  je  regrette  

Adieu  :  on  m'attend  pour  aller  à  la 
mort.  »  (  V .  Bourdin  et  Bridet.) 

BOUTET  (  Pierre  ) ,  curé  de 
Gua,  près  Saujon,  dans  le  diocèse 
de  Saintes,  étant  resté  dans  sa 
paroisse,  comme  presque  tous  les 
prêtres  catholiques  du  Poitou  et 
de  la  Saintonge  (  V.  Vendée)  ,  fut 
arrêté  vers  la  fin  de  1793.  Le  tri- 
bunal criminel  du  département  de 
la  Charente-Inférieure,  devant 
lequel  il  comparut,  le  12  nivose 
on  II  (  1"  janvier  1794  )?  et  qui 
fiégeoit  à  Saintes,  ne  voyant  que 


BOli 

conspiration  dans  la  pratique  de  la 
religion  catholique  ,  condamna  ce 
curé  à  la  peine  de  mort,  comme 
«  conspirateur  »  ;  et  cet  ecclésias- 
tique périt  sur  l'échafaud  le  jour 
même  de  sa  condamnation. 

BOUTHIER(Mathurin-Louis), 
prêtre  du  diocèse  de  Nantes,  étant 
né  à  Gevèze,  en  17^2,  fut  long- 
temps vicaire  en  la  paroisse  de  la 
Mezières,  située  à  trois  lieues  de 
Rennes.  Son  âge  déjà  avancé 
l'ayant  fait  céder  à  un  autre  les 
fonctions  pénibles  du  vicariat,  il 
ne  desservoit  plus  cette  paroisse 
que  comme  auxiliaire.  On  ne  lui 
en  demanda  pas  moins  le  serment 
de  la  constitution  civile  du 
ciergé,  en  1791  ;  il  le  refusa,  et 
ne  crut  pas  ensuite  devoir  sortir 
de  France ,  après  la  loi  de  dépor- 
tation. La  persécution  s'augmen- 
tant  de  plus  en  plus,  il  fut  obligé 
de  se  cacher;  et  ceux  qui  le  cher- 
choient,  ne  pouvant  réussir  à  le 
trouver,  se  saisirent  de  son  frère, 
laboureur,  établi  à  la  Mezières,  et 
l'amenèrent  prisonnier  à  Rennes, 
lui  déclarant  qu'il  ne  recouvreroit 
sa  liberté, que  lorsque  le  prêtre  qu'ils 
voudraient  tenir  se  serait  livré  lui-, 
même.  Celui-ci ,  apprenant  cette 
barbare  résolution,  sort  de  sa  re- 
traite ;  et ,  pour  délivrer  son  frère , 
en  se  sacrifiant  lui-même ,  il  vient  se 
remettre  entre  les  mains  des  juges 
du  tribunal  criminel  du  départe- 
ment CCllle-et-ViUaine,  siégeant 
à  Rennes.  Ce  tribunal  le  con- 
damna à  la  peine  de  mort,  comme 


BOU 

«prêtre  jréfractaire»,  le  12  floréal 
an  II  (1"  mai  1 794)'  I'  et0't  ^gé 
de  62  ans.  En  allant  an  lien  du 
supplice,  qui  devoit  être  le  cime- 
tière de  la  paroisse  de  Saint- 
Etienne  ,  il  chanta  les  Litanies  de  la 
Sainte-Vierge,  et  les  prières  que 
l'Eglise  fait  à  l'enterrement  de 
ceux  qui  meurent  dans  ses  bras. 

Comme  on  sait  que  les  amis 
du  prêtre  Bouthier  s'efforcèrent 
de  le  détourner  d'aller  se  livrer 
lui-même,  en  lui  objectant  qu'on 
ne  doit  pas  s'exposer  au  martyre , 
et  provoquer  en  quelque  sorte  les 
juges  à  un  nouveau  meurtre,  nous 
devons,  tout  èn  professant  aussi 
nous-mêmes  ce  principe,  faire 
observer,  1°.  qu'il  ne  doit  pas 
s'appliquer  généralement  à  tous 
les  cas  ;  2°.  que  son  applica- 
tion particulière  à  celui-ci  pou- 
voit  rendre  Bouthier  coupable 
contre  la  justice  et  la  charité. 
Quoique  saint  Augustin,  dans 
son  livre  De  Civitate  Dei , 
prouve  en  plusieurs  manières 
qu'il  n'est  pas  permis  de  se  con- 
damner soi-même  à  la  mort,  lors 
même  que  ce  seroit  pour  conser- 
ver sa  chasteté  ,  il  y  affirme  néan- 
moins au  chap.  xxvi  qu'on  le  peut 
et  qu'on  le  doit,  quand  Dieu  l'or- 
donne. Nous  avons  déjà  examiné 
cette  question  a  l'article  du  prêtre 
Avignon ,  ci-devant,  pag.  1 1 4 ;  et 
il  nous  sufïiroit  peut-être  ici  de 
rappeler  que  l'Eglise  honore 
comme  Martyrs,  i".  le  17  novem- 
bre, saint  Romain  d'Antioche , 


BOU  293 

qui,  voyant  la  défection  de  quel- 
ques chrétiens  devant  un  juge- 
païen,  vint  se  présentera  lui,  en 
lui  disant  :  «  N'en  soyez  pas  si 
fier;  car  vous  allez  trouver  dans 
moi  un  de  ces  athlètes  que  l'on 
ne  peut  vaincre  »  :  Non  recèdes 
iœtus,  kaêet  enim  Deus  mili- 
tes qui  superari  non  possunl 
(Euseb.  DeResurreclione,  1.  II); 
et  2°.  le  9  décembre,  avec  saint 
Barsabias  de  Perse,  un  sage  du 
paganisme,  qui,  converti  subite- 
ment, vint  lui  dire  au  milieu  de. 
son  supplice  :  «  Présentez -moi 
vous-même  aux  licteurs  pour 
qu'ils  m'immolent  avec  vous  et 
vos   compagnons  »  (Voyez  ci- 
après,  pag.  3o5)  :  Meque ,  si- 
cuti  cœteros,  adprehensa  manu 
lictoribus  necandum  tradito  , 
utpotè  qui  voluntariam  vobis- 
cum  mortem  subir e  etiam  at~ 
que  etiam  percupiam ,  vobis- 
cum ,  inquam ,  qui  estis  popu- 
tus  sanctus,  verus  et  fidelis. 
(Asseman  :  MartyriumSS.  Bar- 
sabiœ,  etc.,  pars  P,  pag.  95.) 
«  Quand  c'est  par  une  inspiration 
de  l'Esprit-Saint  que  l'on  va  s'of- 
frir au  Martyre ,  dit  le  savant 
Asseman,  cette  démarche  est  un 
acte  de  force  et  non  de  témérité  » 
(Ibid. ,  pag.  g3).  Or,  quelle  plus 
certaine  inspiration  de  l'Esprit- 
Saint,  en  ce  qui  concerne  le  prê- 
tre Bouthier,  que  le  commande- 
ment de  Dieu  qui  ne  veut  pas 
qu'un  chrétien  occasionne  la  mort 
de  son  prochain,  surtout  quand 


-9  j  BOU 
le  prochain  ne  périroit  que  pour 
lui;  qui  veut  encore  moins  qu'il 
le  laisse  exposé  au  danger  de  com- 
promettre sa  Foi,  lorsqu'il  ne  s'y 
trouve  qu'à  cause  de  lui,  et  qu'il 
se  sent  muni  lui-même  de  la 
force  nécessaire  pour  la  faire 
triompher  devant  hs  impies?  Ne 
doit- il  pas  prendre  la  place  qu'il 
se  voit  d'ailleurs  assignée  par 
la  Providence,  lorsqu'elle  n'est 
occupée  que  par  un  chrétien  de 
la  constance  duquel  il  est  peu 
sûr?  Quum  Deus  jubet ,  seque 
jubere  sine  utlis  ambagibus 
intimât,  quis  obedientiam  in 
crimen  vocel  ?  quis  obsequium 

-pictatis  adeuset?  Qui  ergà 

audit,  non  iicere  se  occidere, 
faciat ,  si  jussit  cujus  non  ii- 
cetjussa  contemnere ,  tantum- 
vnodo  videat  utrum  divina 
jussio  nullo  nutet  incerto. 
(  S.  Aug.  ut  swprà,  c.  xxvi.  ) 

BOUTIN  (Catherine),  femme. 
(  V.  C.  Clavel.) 

BOUTOUTE  (Jean),  curé  de 
Braize  .  près  Saint- Amand ,  dans 
Je.  diocèse  de  Bourges ,  étoit  né  à 
Murât -le-  Vicomte,  dans  le  dio- 
cèse de  Saint- Flour.  Il  ne  prêta 
point  \e  serment  schismatique  de 
1791;  et  le  refus  qu'il  en  fit,  le 
mit  dans  le  cas  d'être  expulsé  de 
sa  paroisse  par  les  autorités  civiles 
d'alors.  Il  continua  néanmoins  de 
résider  dans  le  pays,  pour  l'utilité 
des  catholiques;  et  les  lois  mena- 
çantes qui  furent  ensuite  rendues 
contre  les  prêtres  insermentés,  ne 


BOU 

le  détournèrent  point  d'y  exercer 
encore  son  ministère.  Il  fut  arrêté 
dans  le  courant  de  179^;  et, 
comme  la  paroisse  où  il  étoit, 
dépendoit  du  département  de 
F Allier ,  on  le  conduisit  dans  les 
prisons  de  Moulins,  qui  en  étoit 
le  chef-lieu.  Bientôt  il  fut  con- 
damné à  la  déportation  maritime, 
à  laquelle  on  dévouoit  soixante- 
quinze  autres  prêtres  du  même 
département.  On  le  fit  partir  avec 
eux  pour  Rochefort.  Il  y  fut  em- 
barqué sur  le  navire  les  Deux 
Associés  (  V.  Rochefort).  Les 
souffrances  qu'ils  y  éprouvoient 
finirent  par  lui  arracher  la  vie.  Il 
mourut  dans  la  nuit  du  24  au  25 
novembre  1794?  à  l'âge  de  53  ans, 
et  fut  enterré  près  du  fort  Vaseux, 
sur  les  rives  de  la  Charente. 
(V.  Boerry  et  P.  Branhel.) 

BOUVIER  (Yves),  curé  de  la 
paroisse  de  Maumusson ,  près 
d'Ancenis,  dans  le  diocèse  du 
Nantes,  étoit  né,  en  1719,  au 
Bourg-Diré,  près  Segré,  en  An- 
jou. Formé  à  l'état  ecclésiastique 
dans  le  petit  séminaire  d'Angers , 
il  fut  élevé  au  sacerdoce  en  1744? 
et  envoyé  vicaire  en  la  paroisse  de 
Brain-sur-l'Authion,  près  d'An- 
gers. Sa  santé  s'y  étant  affoiblie 
par  les  fatigues  qu'ils'étoit  données 
pour  remplir,  avec  ses  fonctions, 
celles  du  curé  qui  étoit  infirme , 
l'évêque  l'envoya,  comme  aumô- 
nier, dans  l'hôpital  de  Candé.  Sa 
conduite  étoit  si  digne  d'un  saint 
ministre  de  l'Eglise,  qu'elle  dis- 


BOU 

posa  le  curé  de  Mawnusson  à  lui 
résigner  sa  cure.  Cette  paroisse  se 
trouva  dès  lors  avoir  le  pasteur  le 
plus  jaloux  d'être  le  père  des  pau- 
vres, et  le  plus  actif  pour  ramener 
•ii  Dieu  les  âmes  égarées  ;  mais 
son  zèle  lui  attira  des  tracasseries 
de  la  part  des  mauvais  chrétiens, 
qui  cependant  ne  pouvoient  s'em- 
pêcher encore  de  l'estimer  et  de 
le  respecter.  Ils  s'en  dispensèrent , 
quand  la  révolution  les  eut  déli- 
vrés de  tout  frein.  Bouvier  ne 
voulut  point  faire  le  serment 
schismatique,  ni  même  sortir  de 
France ,  après  la  loi  de  déporta- 
tion. Pour  continuer  à  veiller  au 
salut  de  ses  paroissiens,  sans  trop 
s'éloigner  d'eux,  il  alla  vivre  dans 
les  bois  et  les  genêts  voisins;  et 
les  catholiques  de  sa  paroisse  s'y 
rendoient ,  pour  entendre  sa  messe 
et  recevoir  les  sacremens.  Néan- 
moins, il  ne  pouvoit  se  résoudre 
à  ne  pas  les  visiter  chez  eux,  quand 
ils  étoient  malades.  Une  nuit  qu'il 
étoit  accouru  à  Maumusson,  pour 
remplir  ce  devoir  pastoral ,  et  qu'il 
s'y  reposoit  chez  son  beau-frère, 
les  agens  de  la  persécution,  qui 
l'avoient  épié  ,  vinrent  forcer  la 
maison,  le  saisirent,  et  l'entraî- 
nèrent, en  lui  disant,  avec  une 
impie  férocité  :  «  Va  ,  calotin  , 
tu  ne  confesseras  plus  ;  tu  vas  y 
passer».  Par  une  dérision  plus 
sacrilège  encore,  ils  se  revêtirent 
d'ornemens    sacerdotaux  qu'ils 
avoientdécouverts  dans  un  champ, 
etinsultèrentplus  horriblement  en- 


BOU  29r> 

core  la  religion,  dans  la  personne 
de  son  ministre.  Ils  brûlèrent 
même,  devant  lui,  un  grand  cru- 
cifix en  bois  qui  étoit  dans  son 
église.  Son  beau  -  frère ,  nommé 
Desmas ,  avoit  été  arrêté  avec  lui  ; 
et,  le  lendemain,  tous  les  deux 
furent  liés ,  garrottés  par  cette 
horde  impie  qui  les  conduisit  à 
la  Petite  Rouxière,  près  Ancenis, 
en  chargeant  le  curé  de  coups  de 
crosse  de  fusil.  Elle  le  fit  entrer , 
avec  son  beau-frère,  dans  le  jar- 
din de  la  cure  de  cette  paroisse , 
pour  les  y  fusiller.   Le   curé  , 
voyant  le  dessein  des  hommes 
pervers  qui  les  entraînoient,  leur 
dit  hautement  «  qu'il  leur  pardon- 
noit  sa  mort,  et  qu'il  prioit  pour 
eux;  mais  il  demanda  à.  périr  le 
dernier  ,  voulant   exhorter  son 
beau-frère  à  mourir  saintement  » . 
Il  obtint  cette  triste  faveur;  mais, 
pendant  qu'il  exhortoit  celui-ci  t 
un  des  assassins  lui  asséna  un 
coup  de  sabre  sur  le  poignet  de  la 
main  qui  donnoit  l'absolution.  A 
peine  Desmas  fut -il  immolé  par 
eux,  qu'ils  firent  sur  le  curé  trois 
décharges  de  fusils  ;  et  il  tomba 
mort,  à  l'âge  de  j5  ans,  le  14  mars 
1794.  Les  corps  de  ces  deux  vic- 
times furent  d'abord  enterrés  dans 
le  lieu  même  où  elles  avoient 
péri;  mais,  le  18  mai  1795,  de 
vertueux  prêtres ,    qui  avoient 
connu  la  sainteté  du  curé  Buu- 
vicr,  exhumèrent  son  corps,  qu'ils 
trouvèrent  encore  exempt  de  cor- 
ruption, et  aussi  reconnoissable 


3ç)6  BOU 
que  s'il  eût  été  vivant.  Ils  en  iirent 
la  translation  solennelle  dans  l'é- 
glise de  Maumusson,  où,  le  lende- 
main, ils  l'enterrèrent,  vis-à-vis  et 
près  l'entrée  du  sanctuaire.  L'un 
de  ces  prêtres  fut  lui- même  aussi 
massacré ,  pour  la  même  cause , 
peu  de  temps  après  (  V*  Plouzin). 
N'ayant  pas  de  raisons  suffisantes 
pour  croire  que  le  beau-frère  du 
curé  Bouvier,  tué  avec  lui,  pour 
lui  avoir  donné  l'hospitalité,  y 
eût  été  engagé  par  un  autre  motif 
que  celui  de  ses  rapports  de  pa- 
renté ,  ni  qu'au  sentiment  de  la 
nature,  se  fût  joint  celui  que  la 
Foi  pouvoit  lui  inspirer  (  V.  Jc 
Aux),  nous  avons  cru  devoir  nous 
abstenir  de  le  compter  au  nombre 
de  nos  Martyrs. 

BOUVRET  (Jean  -  Baptiste)  , 
prêtre  et  chanoine  de  la  collégiale 
de  Brinon -l'Archevêque ,  au  dio- 
cèse de  Sens,  étoit  né  à  Brinon 
même,  en  1762.  Lorsqu'en  1791, 
l'Assemblée  Constituante  eut  aboli 
les  anciens  chapitres,  Bouvrct, 
prêtre  depuis  1786  seulement,  et 
plein  de  l'ardeur  sacerdotale,  se 
voua  au  service  spirituel  de  la  pa- 
roisse de  Bouilly,  où  il  continua 
d'exercer  le  ministère  sacerdotal 
avec  assez  de  bonheur,  jusqu'en 
1794;  mais  alors  il  ne  lui  fut  plus 
possible  d'échapper  au  déborde- 
ment d'impiété -féroce  qui  distin- 
gua cette  époque.  Arrêté  à  l'âge 
de  32  ans,  et  transféré  à  Paris, 
jl  y  fut  solennellement  accusé  de- 
vant le  trib  unal  révolutionnaire. 


BOY 

le  18  fructidor  an  II  (4  septembre 
1794),  «d'avoirtenu  ,  dans  la  com- 
mune de  Bouilly,  une  conduite 
fanatique  et  des  propos  contre- 
révolutionnaires  ,  et  d'avoir  eu 
des  intelligences  avec  les  prêtres 
réfractaires  ».  Quoique  Robers- 
pierre  eût  cessé  de  vivre  depuis 
six  semaines,  et  que  la  Conven- 
tion affectât  de  rejeter  sur  lui  seul 
toutes  les  horreurs  dont  elle  avoit 
été  complice,  le  tribunal,  par  le 
jugement  qu'il  rendit  ce  jour-là 
même  contre  Bouvret ,  d'après  les 
principes  qu'elle  professoit,  mon- 
tra qu'elle  n'avoit  rien  perdu  de  sa 
férocitécontrelesprêtres.  Les  juges 
condamnèrent  sa  personne  à  la 
peine  de  mort,  et  ses  biens  à  la 
confiscation.  Evitant  toutefois  avec 
perfidie  de  paroître ,  dans  cette  sen- 
tence ,  aussi  acharnés  contre  le 
caractère  sacerdotal,  ils  ne  purent 
la  motiver  qu'en  disant  assez  va- 
guement «qu'il  avoit  tenu,  dans  la 
commune  de  Bouilly,  en  1 792  (où 
commencèrent  les  persécutions 
contre  les  prêtres  non-assermen- 
tés), des  propos  tendant  à  provo- 
quer la  dissolution  de  la  représen- 
tation nationale  et  le  discrédit  des 
assignats  ;  comme  encore  de  l'avoir 
fait  dans  des  intentions  contre- 
révolutionnaires».  Cette  sentence 
fut  exécutée  le  même  jour,  sur  la 
place  de  Grève. 

BOYER  (  Antoine  ),  prêtre  , 
religieux  Augustin  du  diocèse 
d'Albi ,  né  dans  la  ville  de  ce  nom , 
y  demeuroit  encore  après  la  sup- 

é 


BOY 

pression  de  son  cloître.  Il  ne  fit 
point  le  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé,  et  ne  parut 
pas,  néanmoins,  atteint  directe- 
ment par  la  loi  de  déportation. 
Les  dangers  croissant  de  plus  en 
plus,  il  se  décida  enfin  à  sortir  de 
France,  avec  quatre  autres  prêtres 
de  la  même  ville,  et  fut  massacré 
avec  eux,  comme  «prêtre  réfrac- 
taire  »  ,  en  passant  à  Saint-Ghi- 
nian  ,  et  dans  la  salîe  même  de  la 
municipalité  de  ce  lieu,  le  9  niai 
1793.  Le  récit  de  cet  assassinat  se 
trouve  à  l'article  de  F.  Albic. 

BOYEPi  (Jacques),  prêtre,  né 
àMarmignac,  près  Peyrac,  dans  le 
diocèse  de  Cahors,  méritoit,  en 
1795,  aux  yeux  des  persécuteurs, 
la  peine  portée  contre  les  prêtres 
insermentés  qui  ne  s'étoient  point 
exilés  eux-mêmes,  depuis  la  fin 
d'août  1792.  L'année  suivante,  il 
fut  découvert ,  et  jeté  dans  les 
cachots;  et,  en  1794 ,  on  le  fit 
conduire  à  Bordeaux,  où  il  devoit 
être  embarqué  pour  la  Guiane 
(  V.  Bordeaux).  Quand  on  com- 
mença les  embarquemens,  vers 
la  fin  de  l'automne,  trois  mois 
après  la  chute  de  Boberspierre, 
le  nombre  des  embarqués  étant 
déjà  trop  considérable,  le  prêtre 
Boyer  fut  laissé  dans  le  fort  du 
Ha,  où  il  avoit  été  renfermé. 
Une  maladie  grave ,  fruit  d'une 
longue  persécution,  alloit  le  déli- 
vrer de  ses  bourreaux  :  on  le  trans- 
porta dans  l'hôpital  de  Saint-An- 
dré ;  et,  sans  cesser  d'être  captif 


B<)\  207 
de  Jésus-Cluist.  il  y  expira,  le 
1 6  janvier  1 795 ,  à  1  âge  de  47  ans. 
(  V.  P.  Bourdette,  et  G.  Broiîil- 
i.r.  i .  ) 

BOYEB  (Jean-Pierre),  prêtre 
du  diocèse  d'Orange,  oùilétoitné 
en  172G,  et  fut  grand-vicaire  pen- 
dant trente  ans ,  avoit  été  forcé  par 
ses  infirmités,  plus  encore  que  par 
son  âge  avancé  ,  de  renoncer  au 
saint  ministère.  Il  résidoit  à  Roche- 
gude,  près  d'Orange,  alors  com- 
pris dans  le  département  de  la 
Drâme ;  et  atteint  d'une  goutte 
cruelle  qui  avoit  fini  par  le  rendre 
complètement  paralytique ,  il  étoit 
dans  ce  triste  état,  lorsqu'en  vertu 
de  la  loi  de  déportation  du  2G  août 
1792,  qui  se  contentoit  de  con- 
damner à  la  réclusion  les  prêtres 
sexagénaires  ou  infirmes,  on  vint, 
en  1 790,  pourlesaisiret  le  conduire 
dans  les  prisons  de  Valence.  Deux 
de  ses  beaux -frères  implorèrent 
alors ,  en  faveur  de  ce  vénérable 
ecclésiastique,  lapitié  d'unmembre 
de  la  Convention  qu'ils  connois- 
soient,  et  obtinrent  qu'il  resteroit 
avec  eux  à  Montelimart ,  où  il  rece- 
vroitde  leur  compatissante  amitié, 
les  secours  qu'exigeoit  sa  doulou- 
reuse situation.  Quoiqu'il  eût  joui 
d'un  patrimoine  suffisant  pour  le 
faire  subsister  sans  les  revenus  d'au- 
cun bénéfice  ecclésiastique ,  il  avoit 
tant  sacrifié  de  sa  fortune  patri- 
moniale au  soulagement  des  pau- 
vres, que,  lorsque  son  revenu 
ecclésiastique  lui  fut  enlevé  par 
les  décrets  de  l'Assemblée  Consti- 


/ 


aj)8  BOY 

tuante,  ils'étoitvu  forcé  de 'vendre 
les  effets  de  son  mobilier  pour 
vivre.  La  découverte  que ,  dans  son 
zèle  pour  l'humanité,  ilâvoit  laite 
d'un  remède  infaillible  contre  le 
charbon  et  les  chancres,  tout  en 
procurant  de  grandes  jouissances  à 
son  5me  charitable ,  diminua  beau- 
coup, pour  lui,  celles  de  la  for- 
tune. Il  avoit  lui-même,  person- 
nellement et  à  ses  frais ,  guéri 
quatorze  cents  personnes  pauvres, 
atteintes  de  cette  maladie,  indé- 
pendamment de   celles  qui  en 
avoient   été   délivrées  ailleurs , 
jusque  dans  les  colonies,  par  les 
médecins  et  chirurgiens  auxquels 
il  s'étoit  fait  un  plaisir  de  donner 
la  recette  de  sa  découverte,  et 
même,  non  moins  gratuitement, 
d'amplespro  visions  de  son  remède. 
Ceux  qui  connoissent  les  forfaits 
dont    l'ingratitude   s'est  rendue 
coupable  dans  la  révolution,  ne 
s'étonneront  point  que,  parmi  les 
persécuteurs  du  prêtre  Boyer,  à 
cette  époque,  il  se  soit  trouvé  des 
misérables  qu'il  avoit  guéris  cha- 
ritablement; et  il  eut  la  douleur 
de  les  reconnoître  aux  seules  traces 
que  cette  maladie  avoit  nécessai- 
rement laissées  sur  leur  visage. 
Qu'avoient-ils  donc  à  reprocher  à 
ce  vieillard  accablé  d'infirmités , 
qui,  souffrant  ses  maux  avec  pa- 
tience ,  s'abstenoit  de  tout  discours 
capable  d'irriter  les  ardens  parti- 
sans de  la  révolution,  et  donnoit 
l'exemple  d'une  paisible  résigna- 
tion aux  funestes  événemens  de 


BOY 

cette  époefue  ?  Mais  il  étoil  prêtre  ; 
il  n'avoit  pas  fail  le  serment  de  la 
constitution  civile,  du  clergé  ; 
et,  sans  qu'on  eût  égard  à  ce  que  , 
n'étant  plus  dans  les  fonctions 
ecclésiastiques ,  lorsqu'on  l'exigea 
des  fonctionnaires  publics  ,  puis- 
qu'il éloit  alors,  depuis  plusieurs 
années,  perclus  de  tous  ses  mem- 
bres ,  et  gisant  sur  un  lit  de  dou- 
leur ,  le  cruel  Maignet ,  que  la  Con- 
vention envoya  proconsul  dans 
le  département  de  Vaucluse ,  se 
hâta  d'ordonner,  au  printemps 
de  1794»  que  l'abbé  Boyer  fut 
arrêté.  Un  gendarme  est  envoyé 
pour  s'emparer  de  sa  personne  ;  et , 
à.  peine  arrivé  à  Montelimart,  il 
lui  notifie  que,  le  lendemain,  à 
quatre  heures  du  matin,  il  l'em- 
mènera dans  les  prisons  de  la 
terrible  commission  populaire 
d'Orange.  Ce  respectable  ecclé- 
siastique entend  cet  ordre  farouche 
avec  soumission  ;  mais  il  repré- 
sente que,  se  trouvant  dans  l'im- 
possibilité de  marcher,  et  même 
de  se  soutenir  sur  ses  jambes ,  il 
auroit  besoin  d'une  voiture.  Le 
gendarme  en  fait  préparer  une,  et 
vient  annoncer  au  saint  prêtre 
qu'elle  l'attend.  La  perspective  du 
martyre  se  présentant  à  sa  Foi 
dans  la  plus  grande  évidence,  il  en 
ressent  une  joie  indicible  ;  et  cette 
joie  produit  sur  lui  une  sorte  de 
miracle  où  l'on  reconnoît  la  main 
de  la  Divinité.  L'abbé  Boyer,  vive- 
ment ému  du  bonheur  qui  l'attend, 
a  retrouvé  ses  forces  :  le  voilà  qui 


BOY 

se  lève,  sans  avoir  besoin  d'aucun 
aide  humain  ;  il  repousse  les  ma- 
telas qu'on  avoit  préparés  pour  le 
porter  dans  la  voiture ,  descend 
lui  seul,  sans  aucun  appui,  l'esca- 
lier. Ceux  qui  le  voient  arriver 
ainsi  à  sa  porte,  en  sont  émer- 
veillés ;  ils  ne  peuvent  s'empêcher 
de  lui  demander  comment  il  a 
pu  descendre  ,  et  où  il  va.  «  Je 
vais,  répond  -  il  ,  je  vais  à  mes 
noces  ;  l'idée  de  la  félicité  à  la- 
quelle je  me  vois  destiné,  m'a 
rendu  mes  premières  forces;  elle 
m'a  guéri  radicalement,  elle  m'a 
rajeuni  :  je  n'ai  plus  besoin  de  per- 
sonne ».  Les  amis  qu'il  avoit  sur 
la  route  venoient  lui  témoigner  la 
douleur  vive  et  profonde  qu'ils 
ressentoient  de  le  voir  ainsi  traîné 
à  la  mort;  et  ils  s'en  retournoient 
édifiés  de  la  sérénité  avec  laquelle 
Boyer  la  voyoit  s'approcher.  Dès 
qu'il  fut  arrivé  a  Orange ,  on  le  mit 
dans  un  cachot,  sans  aucune  pré- 
caution ,sansaucun  égard  pour son 
âge  et  ses  infirmités  {V.  Orange.) 
Elles  n'étoient  plus,  au  reste,  pour 
lui,  que  comme  si  elles  n'avoient 
pas  existé;  tant  étoit  vive  la  soif 
qu'il  a  voit  du  martyre  !  Cette  sainte 
ardeur  ne  tarda  pas  d'être  satisfaite: 
bientôt  il  fut  amené  devant  ces 
bourreaux  de  la  commission  po- 
pulaire ,  qu'on  appeloit  des  juges  ; 
et  il  ne  vit  en  eux  que  des  bienfai- 
teurs ,  surtout  lorsqu'ils  le  condam- 
nèrent à  la  peine  de  mort.  Boyer 
entendit  cette  sentence  barbare 
avec  la  résignation  d'un  saint  :  et 


BRA  299 

il  en  subit  la  peine  avec  le  cou- 
rage imperturbable  des  Martyrs  de 
la  primitive  Eglise.  C'estainsi  qu'il 
devint  la  523*  victime  de  ce  tribu- 
nal de  sang,  le  16  thermidor  an  1J 
(5  aofit  1794)-  Le  lendemain ,  qui 
fut  le  dernier  jour  de  ses  hécatom- 
phonies ,  en  vit  périr  encore  cinq, 
après  lesquels  ce  tcibunal  cessa 
ses  fonctions.  {V.  Msle  Bonneret 
et  Alr  Chancelle.) 

BRAGELOGNE  (  Marie  -  Ni- 
cole) ,  religieuse  d'un  couvent  de 
Paris,  avoit  continué  d'habiter 
cette  ville  où  elle  étoit  née.  Retirée 
dans  sa  famille,  rue  Saint- Avoie, 
n°  5,  elle  y  pratiquoitavec  édifica- 
tion ses  devoirs  de  chrétienne  et  de 
religieuse.  Au  mérite  d'être  con- 
sacrée à  Dieu ,  elle  réunissoit  l'a- 
vantage d'être  fille  d'un  honorable, 
conseiller  du  parlement  de  Paris. 
C'étoit,  aux  yeux  des  persécu- 
teurs ,  deux  torts  dignes  de  la  peine 
capitale.  Comme  ils  surent  qu'elle 
entendoit  la  messe  en  des  réu- 
nions secrètes  de  catholiques,  ils 
la  firent  arrêter.  Traduite  ensuite 
au  tribunal  révolutionnaire  , 
le  9  floréal  an  II  (28  avril  1794)' 
elle  y  fut  condamnée  à  la  peine 
de  mort ,  comme  «  complice  de 
rassemblemens  (qu'on  qualifioit) 
de  complots  et  de  conspirations 
tendans  à  opprimer  le  peuple  » . 
La  sœur  Bragelogne  avoit  alors 
67  ans;  elle  fut  de  suite  conduite 
a  l'échafaud. 

BRANDEL  (Philippe),  simple 
frère  convers  de  l'ordre  des  Bcr- 


r>oo  RUA 

riardins,  servoit  clans  leur  maison 
«le  Freistret,  au  diocèse  fie  Metz, 
sous  le  nom  de  Frère  Philippe. 
Le  lieu  de  sa  naissance  fut  le  village 
d'Ottonville ,  dans  le  même  dio- 
cèse; il  y  avoit  vu  le  jour  en  1722. 
Dans  son  humble  qualité  de  frère 
convers,  il  ne  pouvoit  être  répré- 
hensible  aux  yeux  des  révolution- 
naires, pour  n'avoir  pas  prêté  le 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé;  et,  dans  la  condition  à 
laquelle  il  se  trouvoit  réduit,  de- 
puis la  suppression  des  ordres 
monastiques,  n'étant  même  rien 
dans  la  hiérarchie  du  sanctuaire , 
il  ne  pouvoit  faire  ombrage  aux 
impies,  que  par  la  Foi  et  la  piété 
qui  l'avoient  accompagné  dans  le 
monde.  Ces  vertus  les  offusquè- 
rent à  tel  point  que,  sans  avoir 
plus  d'égards  pour  son  grand  âge 
que  pour  sa  pauvre  condition,  ils 
l'arrêtèrent  en  1793,  et  le  jetèrent 
dans  les  prisons  de  Metz.  Leur  rage 
sacrilège  n'étoit  point  encore  as- 
souvie ;  ils  firent  envoyer  le  bon 
Frère  Brandel  à  Rochefort  , 
pour  y  être  compris  dans  la  dé- 
portation maritime  des  prêtres 
dits  ré fractair es  (  V.  Rochefort). 
On  l'embarqua  sur  le  navire  le 
TV ashington;  et  les  maux  qu'on 
y  éprouvoit  terminèrent  sa  vie.  Il 
mourut  dans  le  courant  d'août 
1793,  à  l'âge  de  72  ans,  et  fut 
enterré  dans  l'île  tfAix.  {y.  J. 
Boi'tocte  et  P.  N.  Breton.) 

BRANDOUIN  (Victor), prêtre 
du  diocèse  de  Toulouse ,  étoit  du 


BRA 

nombre  de  ceux  qui  avoient  re- 
poussé, comme  une  oeuvre  de 
ténèbres,  la  constitution  civile 
du  clergé.  Il  crut  pouvoir  se  dis- 
penser de  sortir  de  France ,  lors 
de  la  loi  de  déportation,  et  resta 
paisible  à  Toulouse.  On  l'y  arrêta 
en  1793;  et,  le  j4  floréal  an  II 
(3  mai  1794)5  il  fut  traduit  devant 
le  tribunal  criminel  du  départe- 
ment de  la  Haute  -  Garonne, 
siégeant  en  cette  ville.  Les  juges 
le  condamnèrent,  comme  «prêtre 
réfractaire»,  à  la  peine  de  mort; 
et,  le  lendemain,  il  fut  décapité. 

BRANELLÉE  (Jean  -  Marie), 
prêtre  du  diocèse  de  Saint-PoI-de- 
Léon,  né  à  Guisseny  en  basse 
Bretagne ,  étoit  vicaire  dans  la 
ville  même  de  Saint-Pol-de-Léon. 
Il  refusa  le  serment  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  et  resta 
dans  le  diocèse  pour  les  besoins 
des  catholiques.  Les  persécuteurs 
l'arrêtèrent  en  1793;  et  le  tribunal 
révolutionnaire  de  Brest,  auquel 
il  fut  conduit  (  V .  J.  Abasqtje)  ,  le 
condamna  à  la  peine  de  mort , 
comme  «prêtre  réfractaire  » .  Il 
fut  décapité  le  jour  même  de  son 
jugement,  le  28  germinal  an  II 
(i5  avril  1794)-  Son  âge  étoit 
alors  de  37  ans.  (V .  B.  Jago  et 
A.  Ceech.) 

BRARD  (Marie  -  Catherine  - 
Charlotte)  ,  l'une  des  seize  reli- 
gieuses Carmélites  de  Compiègne, 
qui,  amenées  prisonnières  à  Paris 
en  juillet  1794?  y  furent  immo- 
lées ensemble  sur  l'échafaud  révo- 


BRA 

lutionnaire  ,1e  1 7  du  même  mois , 
étoit  née  à  Broué,  dans  le  pays 
Martrois,  diocèse  de  Chartres,  en 
mai  1756.  Elle  entra  le  i5  juin 
1756,  comme  postulante,  dans  la 
maison  de  l'ordre  de  Sainte-Thé- 
rèse, récemment  établie  à  Com- 
piègne ;  prit  l'habit  le  i5  août 
suivant,  en  recevant  le  nom  de 
sœur  Euphrasie;  et  y  prononça 
ses  vœux  de  religion  le  i5  août 
1737.  Lorsqu'en  1792,  toutes  les 
religieuses  furent  chassées  de  leurs 
cloîtres ,  la  sœur  Euphrasie 
partagea  les  sentimens  et  les  dé- 
terminations de  ses  compagnes  du 
même  monastère.  Le  jour  qu'on 
les  força  d'en  sortir  se  trouvant 
être  le  14  septembre ,  fête  de 
l'Exaltation  de  la  Sainte-Croix, 
elles  se  dirent  l'une  à  l'autre  que 
sur  chacune  d'elles  retomboit 
alors  une  portion  de  la  croix  du 
Sauveur,  dont  l'Eglise  célébroit 
le  triomphe  ;  et  il  fut  convenu 
entre  quatorze  d'entre  elles ,  aux- 
quelles se  réunirent  les  deux  tou- 
rières ,  qu'elles  continueroient  à 
suivre  leur  règle  aussi  ponctuel- 
lement que  les  circonstances  pour- 
roient  le  permettre.  Comme  elles 
ne  pouvoient  demeurer  toutes  en- 
semble dans  la  même  maison,  sans 
donner  prétexte  de  dire  qu'elles 
étoient  rebelles  au  décret  qui 
avoit  dissous  les  communautés 
religieuses,  elles  se  divisèrent  en 
quatre  associations  particulières, 
qui  dévoient  conserver  l'unité  d'o- 
béissance ù  leur  règle  et  à  la  même 


BRA  5oi 

supérieure.  Ce  fut  ainsi  qu'elles 
s'établirent  dans  quatre  maisons 
différentes,  situées  en  divers  quar- 
tiers de  la  ville  de  Compiègne. 
Leur  ferveur,  loin  de  s'aflbiblir 
par  celte  division  matérielle  qui  les 
privoit  cependant  du  concours  des 
bons  exemples  de  toutes  à  la  fois, 
sembla  prendre  un  accroissement 
dans  les  circonstances  périlleuses 
où  se  trouvoient  la  religion  et  la 
France.  Leur  règle  étoit  observée 
en  même  temps  dans  ces  quatre 
endroits  séparés,  avec  une  exacti- 
tude et  une  ferveur  égales  et  simul- 
tanées qui  les  tenoienttoutesen  une 
parfaite  harmonie  de  sentimens  et 
d'actions  de  piété.  Observant  aussi 
leur  loi  du  silence  avec  la  même 
rigueur,  elles  ne  sortoient  de  leur 
demeure  que  lorsqu'elles  ne  pou- 
voient pas  absolument  s'en  dis- 
penser. En  toutes  choses,  elles 
ne  cessoient  pas  d'être  ,  pour 
les  habitans  de  Compiègne  , 
comme  elles  l'avoient  été  dans 
leur  cloître ,  un  admirable  sujet 
d'édification,  et  comme  un  gage 
de  la  protection  divine  ,  à  l'é- 
gard de  cette  ville.  On  les  re- 
gardoit  comme  les  dix  justes  qui 
auroient  sauvé  Sodome,  s'ils  s'y 
fussent  trouvés.  Les  démarches 
qu'elles  étoient  obligées  de  faire 
quelquefois  dans  la  ville,  étoient 
autant  de  bénédictions  du  Ciel 
qu'elles  répandoient  où  elles  pas- 
soient,  au  thoyen  des  impressions 
de  vertu  qu'on  éprouvoit  en  les 
yoyant.  Le  démon,  trop  jaloux  du 


3oà  CPiA 

bien  qui  en  résultait,  et  surtout 
irrité  de  leur  persévérance  dans 
cette  vie  religieuse  et  sainte,  par 
laquelle  ses  précédens  stratagèmes 
étaient  déconcertés,  ne  pou  voit  les 
épargner,  lorsque,  dans  l'excès  de 
ses  fureurs,  il  lit  vouer  à  la  mort 
tout  ce  qu'il  n'avoitpu  séduire  et 
corrompre.  Au  moment  où  ces 
saintes  filles  s'y  attendoient  le 
moins,  vers  le  18  juin  1794?  le 
barbare  et  stupide  comité  révolu- 
tionnaire de  Compiègne  ,  vint 
faire  à  la  même  heure,  dans  cha- 
cune de  leurs  quatre  habitations , 
une  perquisition  rigoureuse,  et  y 
saisit,  avec  leurs  papiers,  divers 
objets  qui  servoient  à  leurs  saints 
exercices.  Le  lendemain ,  elles 
lurent  toutes  conduites  en  prison. 
Le  procès-verbal  de  ltfur  empri- 
sonnement les  accusa  «  de  tenir 
des  assemblées  nocturnes  ;  d'être 
en  correspondance  avec  cette  trop 
fameuse  sectaire  Théos,  qui  se 
faisoit  appeler  mère  de  Dieu  »  ,  et 
dont  nous  avons  parlé  dans  notre 
premier  tome ,  page  240  et  sui- 
vantes. On  les  accusoit  encore 
«  d'avoir  recelé  les  manteaux  de  la 
couronne» .  C'est  ainsi  qu'on  appe- 
loit  des  ornemens  dont  elles  revê- 
toient  les  figures  des  rois  mages, 
qui  intervenoient  dans  les  per- 
sonnages de  la  représentation  de 
la  crèche  de  Jésus-Christ,  qu'elles 
faisoient  dans  leur  cloître ,  au 
temps  de  Noël  et  de  l'Epiphanie. 
La  municipalité  de  Compiègne  , 
par  un  obligeant  subterfuge ,  et 


BRA 

pour  leur  tranquillité  ,  leur  avoit 
fait  signer,  à  la  fin  de  1792, 
sans  qu'elles  s'en  doutassent,  une 
formule  déguisée  du  serment  de 
liberté- égalité ,  exigé  par  un 
décret  du  il\  août  1792.  Lors- 
qu'étant  emprisonnées,  elles  ap- 
prirent que,  pour  les  délivrer, 
on  faisoit  valoir  en  leur  faveur 
cette  signature,  comprenant  alors 
ce  qu'elles  avoient  autrefois  signé 
sans  le  savoir,  elles  se  scanda- 
lisèrent de  leur  aveugle  complai- 
sance; et,  désolées  dépasser  pour 
avoir  fait  ce  serment ,  elles  réso- 
lurent sur-le-champ  d'en  envoyer 
une  rétractation  formelle  aux 
officiers  municipaux.  Des  per- 
sonnes mondainement  compatis- 
santes s'efforcèrent  de  les  en  dé- 
tourner, leur  représentant  que  si 
les  municipaux  acceptaient  cette 
rétractation ,  ils  ne  pourroient 
s'abstenir  de  la  rendre  notoire , 
et  qu'elles  seroient  ,  par  cela 
même,  livrées  à  la  mort.  «  Notre 
conscience ,  répondirent  -  elles  « 
est  au-dessus  de  tout;  et  nous 
préférons  mourir,  plutôt  que  res- 
ter coupables  d'un  tel  serment  »  : 
il  en  fallut  recevoir  le  désaveu 
solennel.  Dans  leur  prison ,  elles 
s'estimoient  heureuses  d'avoir  pu 
reprendre  en  commun  les  exer- 
cices de  leur  règle,  que  pré- 
cédemment elles  ne  pouvoient 
faire  que  par  compagnies  séparées. 
Toutes,  ayant  alors  à  leur  tête  la 
supérieure,  Thérèse  de  Saint-' 
Augustin  (  V.  Lidoine  ) ,  va- 


BRA 

quoient   ensemble  à  l'exercice 
de  l'oraison  mentale,  chantoient 
leurs  matines,  disoient  aux  heures 
prescrites  les  autres  parties  de 
leur  office ,  et  récitoient  leurs 
prières  accoutumées.  C'étoit  avec 
délices   qu'elles   se  rappeloient 
cette    révélation  qu'immédiate- 
ment après  la  fondation  de  la 
communauté  de  Compiègnc,  au 
milieu  du   dix-huitième  siècle, 
une  religieuse  avoit  eue  en  songe. 
Cette  révélation  faisoit  qu'elles 
envisageoient  comme  un  jour  de 
fête  celui  où  elles  perdroientla  vie 
pour  la  cause  du  divin  époux.  La 
fervente  religieuse  avoit  vu  ,  près 
de  cinquante  ans  auparavant ,  ses 
sœurs  de  Compiègne  monter  au 
ciel,  tenant  en  main  la  palme  du 
martyre  ;  et  sa  vision  étoit  consi- 
gnée dans  les  procès-verbaux  de  la 
fondation,  conservés  encore  main- 
tenant chez  les  Carmélites  qui  vi- 
vent en  communauté  à  Versailles. 
Nous  ne  trouvons  pas ,  dans  les 
Actes  des  anciens  Martyrs,  une  pro- 
phétie aussi  positive,  faite  aussi 
long-temps  d'avance,  et  surtout 
qui  ait  été  si  ponctuellement  ac- 
complie. Les  visions  qu'ils  eurent 
:  ne  leur  furent  accordées  que  lors- 
i  qu'ils  étoient  déjà  dans  les  tour- 
mens,  et  pour  les  y  soutenir,  telles 
que  celles  de  saint  Flavicn ,  de  saint 
!  Pionius,  et  même  de  sainte  Perpé- 
i  tue,   dont  saint   Augustin  par- 
loit  avec  tant  de  respect ,  les 
a  tenant  pour  vraiment  divines.  Il 
I  n'y  a  pas  de  raison  qui  empêchu 


BRA  3or> 

d'appliquer  à  la  vision  de  l'une 
des  fondatrices  de  la  maison  de 
nos  religieuses  ce  qu'il  disoit  des 
visions  de  sainte  Perpétue  :  «  En 
entendant  lire  les  exhortations 
qu'elles  renferment,  et  que  la  lu- 
mière céleste  rend  si  frappantes 
d'une  clarté  divine,  nous  les  ho- 
norons d'un  culte   religieux  »  : 
Exhortatione  earum,  in  di- 
vinis  relata  revelationibus , 
triumphos  passionum  mente 
spectavimus,  rciigione  hono- 
ravimus  (Serm.  Ier,  In  nataU 
SS.  Perpétuai  et  Felicitatis). 
Nos  Carmélites  avoient  aussi  dans 
la  révélation  qui  les  concernoit , 
un  présage    de    leurs  propres 
triomphes  au  milieu  des  sup- 
plices.   Cette   pensée  soutenoit 
leur  courage  et  enflammoit  leurs 
espérances.    Elles  étoient  dans 
la  même  disposition  d'àme  que 
le  saint  Martyr  Schiaduste  de 
Séleucie,  après  qu'il  eut  vu  en 
songe  un  magnifique  escalier  qui 
alloit  de  la  terre  au  ciel,  et  au 
sommet  duquel  étoit  plein  de  gloire 
son  saint  évêque  Siméon  de  Bar- 
Saboë  ,  lui  disant  :  «  Courage., 
montez  donc  sans  rien  craindre  : 
c'est  votre  tour  d'arriver  où  je 
suis  »   :  M  acte,  Schiadustes , 
agedum  hue  conscendito...  Tu 
hodic  hune  in  locum  es  subi- 
turus.  (  Asseman ,  pars  I" ,  p.  88  : 
Martyrium  S.  Schîadustis  et 
sociorum.  )  Après  deux  semaines 
de  séjour  dans  les  prisons  de  Com- 
piègne, et  vers  la  fin  de  juin, 


5o4  BRA 

nos  religieuses  en  furent  enle- 
vées pour  être  jugées  par  le 
tribunal  révolutionnaire  de  Pa- 
ris. On  les  fit  monter  sur  des 
charrettes  en  les  y  liant  comme 
des  malfaiteurs  :  ce  qui  révolta  les 
habitans  de  Compiègne.  Ceux 
même  d'entre  eux  qui  étoicnl  des 
plus  ardens  révolutionnaires,  ne 
pouvoient  s'empêcher  de  dire  ,  en 
les  voyant  aller  si  évidemment  à 
la  mort  :  «  C'est  dommage  de  faire 
mourir  des  femmes  comme  celles- 
là  » .  Déjà  les  chars  sont  en  marche. 
Elles  n'ont  pour  auberges ,  sur  la 
roule ,  que  des  prisons  encombrées 
de  détenus.  A  Paris,  il  n'y  a  de 
place  pour  elles  que  dans  celle  de 
la  Conciergerie ,  où  elles  vont 
se  trouver  de  suite  sous  la  main 
du  tribunal  rèvolutiomuiire. 
Dans  le  peu  de  temps  qui  s'écoula 
avant  qu'elles  y  fussent  appelées, 
elles  continuèrent  les  exercices  de 
leur  règle  ainsi  que  dans  la  prison 
de  Compiègne.  Enfin  elles  com- 
parurent devant  lui,  le  17  juillet, 
c'est-à-dire  le  lendemain  de  l'une 
des  grandes  fêtesde  leur  ordre,  celle 
de  Notre-Dame  du  Mont-  Car- 
iiul.  Le  président  fit  lire  leur  acte 
d'accusation ,  dans  lequel  il  étoit 
dit,  «  i°.  qu'elles  avoient  caché 
dans  leur  monastère ,  des  armes 
pour  les  émigrés;  2°.  qu'elles  met- 
toient  au  Saint-Sacrement ,  lors- 
qu'elles le  faisoient  exposer  les 
jours  de  fête ,  un  pavillon  qui 
avoit  la  forme  d'un  manteau  royal  ; 
5°.  qu'elles  avoient  des  correspon- 


BRA 

dances  avec  les  émigrés,  et  qu'elles 
leur  faisoient  passer  de  l'argent», 
La  supérieure  répondit  avec  autant 
de  fermeté  que  de  sagesse  ,  au 
nom  de  ses  soeurs ,  à  de  si  ridicules 
inculpations.  L'on  trouvera  ses 
réponses  à  l'article  Lidgine.  Le 
président,  sans  aucune  réplique 
sur  aucun  point,  ordonna  qu'on 
lût  à  ces  seize  héroïnes  de  la  Foi 
leur  arrêt  de  mort,  qui  sembloit 
avoir  été  rédigé  d'avance ,  et  par 
lequel  elles  étoient  condamnées  à 
la  peine  capitale  comme  «  con- 
vaincues de  s'être  déclarées  les 
ennemies  du  peuple  ,  et  d'avoir 
conspiré  contre  sa  souveraineté, 
en  entretenant  des  intelligences 
avec  les  ennemis  de  la  république  ; 
en  conspirant  dans  l'intérieur  de 
la  France;  en  formant  des  conci- 
liabules et  rassemblemens  contre- 
révolutionnaires  ;  en  conservant 
des  écrits  liberticides  (c'est-à- 
dire  religieux  ou  monarchiques)  » . 
Aucune  de  ces  religieuses  ne  pa- 
rut émue  ni  surprise  à  la  lecture 
de  cette  sentence  ;  et  même  on 
remarquoit  sur  leur  visage  un  air 
de  sérénité  et  de  paix,  qui  mani- 
fesloit  de  la  manière  la  plus  ravis- 
sante l'innocence  et  la  vertu  de 
ces  victimes  de  l'impiété.  Les 
bourreaux  les  firent  enfin  monter 
sur  les  charrettes  destinées  à 
les  transporter  à  la  barrière  du 
Trône  où  elles  dévoient  périr  {V. 
ci-devant  pag.  217,  col.  2  )  ;  et 
elles  se  mirent  à  réciter  ensemble 
les  prières  des  agonisans.  Pendant 


BRA 

le  trajet',  elles  chantèrent  le  Salve , 
Regina,  et  le  TeDeum  lauda- 
inus.  La  foule  immense  qui  sui- 
vent le  convoi,  et  les  gens  arrêtés 
dans  les  rues  pour  le  voir  passer, 
gardoient  un  morne  silence ,  quoi- 
que l'usage  fût  d'accompagner  les 
condamnés  du  même  tribunal 
avec  des  cris  barbares  et  de  bru- 
tales insultes.  On  remarquoit,  non 
sans  quelque  charme ,  qu'elles 
étoient  toutes  vêtues  en  blanc,  et 
que  ce  vêtement,  analogue  à  leur 
candeur,  devenoit  l'image  sensible 
de  la  pureté  de  leur  âme.  Quand 
elles  furent  arrivées  au  pied  de  Pé- 
chafaud ,  elles  entonnèrent  le 
Veni,  creator  S piritus  ;  et  les 
bourreaux  n'eurent  pas  le  courage 
de  leur  empêcher  de  l'achever, 
tant  leur  vertu  commandoit  le 
respect  !  Elles  répétèrent  ensuite 
toutes  ensemble  ,  à  voix  haute , 
leurs  vœux  de  religion ,  tels  que , 
lors  de  leur  profession,  elles  les 
avoient  prononcés.  Une  d'elles 
ajouta  d'une  voix  pénétrante  :  «Je 
serois  trop  heureuse,  ô  mon  Dieu , 
si  ce  léger  sacrifice  que  je  fais  de  ma 
vie,  pouvoit  apaiser  votre  colère, 
et  faire  diminuer  le  nombre  des 
victimes  »!  Enfin,  comme  s'il  ne 
leur  restoit  plus  rien  à  faire  sur  la 
terre ,  elles  s'avancèrent  l'une 
après  l'autre  vers  l'instrument  de 
Inort,  en  passant  devant  leur  su- 
périeure ,  qui  avoit  demandé  et 
obtenu  comme  une  grâce  de  n'être 
immolée  que  la  dernière,  afin  de 
pouvoir  soutenir  le  courage  de 

2. 


BRA  3o5 

toutes  ses  compagnes,  et  les  pré- 
senter elle  -  même  au  suprême 
distributeur  des  couronnes.  On 
croyoit  voir  en  elle  ce  saint  Martyr 
cénobite  de  Perse,  le  vénérable 
Barsabias  qui,  en  43 1,  «  étant  allé 
avec  dixde  ses  disciples  au  supplice, 
en  louant  Dieu  par  des  hymnes 
et  des  psaumes ,  non  seulement 
les  encourageoit  à  la  mort,  mais 
encore ,  prenant  chacun  d'eux  par 
la  main  quand  son  tour  de  périr 
étoit  venu,  le  présentoit  au  bour- 
reau qui  devoit  le  délivrer  de  la 
vie  » .  Ad  supplicii iocum  rapti, 
inter  circumf 'usampopuli  mul- 
titudinem,  inter  lictorum  ma^ 
nus,  hymnis  et  psalmis  Dcum 

jugiter  coltauda'bant  Suos- 

que  aiurnnos  ( Barsabias)  non 
modo  ad  necem  adeendebat  ; 
sed,  ut  quisque  ad  supplicium 
destinabatur  ,  ipsum  manu 
adprehensum  camificibus  ju- 
gulandum  tradebat  (Asseman , 
Jeta  Martyr,  orient. ,  pars  1 , 
pag.  g4).  Ainsi  périt  le  17  juillet 
1 794,  Marie-Cathciine-Charlotte 
Brard,  recevant,  avec  ses  quinze 
compagnes,  la  palme  du  martyre, 
à  l'âge  de  58  ans  {V.  Brideac, 
Crétien,  Croisy,  Dufour,  Ha- 

NISSET,   LlDOINE  ,  MeUXIER  ,  PlÉ- 

decourt,  Pellerat,  Roussee  ,  L. 
SOIROTÎ,  Th.  Soiron,  Thourat, 
Treselle  et  Vezotat).  Si  des  trois 
religieuses  de  la  même  commu- 
nauté de  Compiègne  qui ,  ne  se 
trouvant  point  avec  leurs  sœurs 
quand  celles-ci  furent  arrêtées. 

20 


5oG  BUA 

ont  échappé  à  leur  sort,  savoir  :  la 
Sœur  Saint-Stanislas ,  la  Sœur 
Thérèse -de-  Jésus ,  et  la  Sœur 
de  €  Immaculée  Conception,  il 
est  encore  quelqu'une  de  vivante, 
elle  attestera  la  vérité  de  ce  que 
nous  avons  dit  et  de  ce  que  nous 
dirons  encore  ailleurs  de  leurs 
sœurs  Martyres. 

BRASCHI  (Jean-Ange),  Sou- 
verain Pontife,  (ff.  Pie  VI.) 

BRASSAC  (Alexandre  Fermer 
ne),  prêtre  du  diocèse  de  Pamiers , 
docteur  de  Sorbonne,  vicaire- 
général  ,  et  officiai  de  ce  diocèse, 
avait  été  élu,  à  l'unanimité, 
doyen  du  chapitre  de  Notre-Darne- 
du-Camp.  Il  prouva,  par  son  sa- 
voir etsa conduite,  qu'il étoitdigne 
de  toutes  ces  dignités.  Un  cœur 
excellent,  des  mœurs  douces,  une 
affabilité  constante,  le  rendoient 
cher  à  tous  ceux  qui  avoient  le 
bonheur  de  le  connoître.  Au  mi- 
lieu des  travaux  auxquels  ses  dif- 
férentes charges  l'obligeoient,  il 
trouvoit  chaque  jour  assez  de 
temps  pour  entendre  les  confes- 
sions et  visiter  les  malades.  Il 
animoit,  par  son  exemple,  les 
autres  chanoines  de  son  église,  à 
remplir  les  mêmes  fonctions;  et 
tous  à  l'envi,  exerçant  avec  zèle 
le  saint  ministère,  rivalisoient 
îe  respectable  doyen ,  sans  pou- 
voir néanmoins  l'éclipser.  Tant  de 
vertus  lui  attirèrent  des  persécu- 
tions. Il  fut  emprisonné  en  1793, 
comme  non  -  assermenté  ,  avec 
beaucoup  d'autres  prêtres  restés 


BRA 

également  fidèles  à  l'Eglise  catho- 
lique; et,  dans  sa  captivité,  non 
seulement  il  les  consoloit,  mais 
encore,  malgré  la  vigilance  de 
ses  gardes,  il  trouvoit  le  moyen 
d'exercer  son  ministère  à  l'égard , 
non  seulement  des  autres  prison- 
niers ,  mais  encore  des  personnes 
du  dehors.  Dans  le  courant  de 
1795,  il  recouvra  sa  liberté,  et 
revint  dans  sa  famille,  en  une 
paroisse  où  se  trouvoit  un  intrus 
qui  lui  suscita  de  violentes  tracas- 
series. Les  menaces  qui  lui  furent 
faites,  les  désagrémens  qu'il  es- 
suyoit  ù  chaque  instant,  et,  plus 
que  tout  cela ,  le  chagrin  que  lui 
causoit  l'avilissement  de  la  reli- 
gion ,  comme  encore  les  germes 
mortels  qu'il  avoit  rapportés  de  sa 
captivité ,  lui  occasionnèrent  une 
maladie  des  plus  cruelles.  Il  en 
endura  les  vives  souffrances  avec 
toute  la  patience,  tout  le  courage 
d'un  confesseur  de  la  Foi  ca- 
tholique pour  laquelle  il  désiroit 
mourir.  Son  vœu  fut  exaucé.  11 
quitta  la  terre  comme  un  saint  (pie 
le  Ciel  réclame.  Tout  ce  que  nous 
venons  de  dire  est  extrait  d'une 
lettre  imprimée  de  M.  Font,  curé , 
constamment  et  invariablement 
catholique,  adressée  de  Pamiers, 
le  1"  mai  1804,  à  l'évêque  cons- 
titutionnel nouvellement  placé 
sur  le  siège  de  Toulouse  ,  en  vertu 
du  concordat  de  180 1.  Si  l'on  nous 
demandoit  de  justifier  l'inscrip- 
tion du  nom  de  Brassac  parmi 
ceux  de  nos  Martyrs,  nous  ren- 


BRA 

verrions  aux  pages  58  et  5g  de 
notre  Discours  préliminaire. 

BRAVARD  (N...),  prêtre  de  la 
congrégation  de  Saint  -  Sulpice, 
né  dans  l'Auvergne,  en  1714 5  et 
l'un  des  directeurs  du  séminaire 
de  Saint- Charles,  à  Avignon, 
avoit  fui  de  cette  ville,  lors  des 
troubles  qui  y  eurent  lieu,  en 
1791  [V.  Avignon);  et  il  s'étoit 
réfugié  près  du  curé  de  la  paroisse 
de  Naves,  dans  le  diocèse  d'Usez, 
non  loin  de  la  petite  ville  appelée 
Les  Vans.  Comme  cette  contrée , 
dont  les  habitans  étoient  en  géné- 
ral de  bons  et  pieux  catholiques , 
offroit  plus  de  tranquillité  que 
beaucoup  d'autres  aux  prêtres 
persécutés  alors  pour  leur  refus 
du  serment  schismatique ,  il  en 
vint  plusieurs,  tant  d'Uzez  et  de 
Nismes  que  d'Avignon,  chercher 
un  refuge  dans  le  canton  de  Naves. 
Là,  paisibles  et  résignés,  ils  rem- 
plissoient  avec  édification  les  de- 
voirs de  leur  état ,  et  s'attiroient  les 
bénédictions  comme  la  vénération 
des  habitans,  lorsque,  dans  l'été 
de  1792,  quelques  royalistes  ar- 
dens  formèrent,  en  faveur  de  la 
monarchie,  cette  tentative  que 
l'histoire  de  la  révolution  nomme 
«  le  complot  du  camp  de  Jatès» . 
Ce  fut  un  prétexte  suffisant  aux 
impies  de  se  déchaîner  contre  les 
prêtres  non-assermentés,  en  les 
supposant  impliqués  dans  ce  coin- 
flot  (Z7 '.  Pradojn).  Informés  qu'il 
y  en  avoit  plusieurs  réfugiés  dans 
la  paroisse  de  Naves,  ils  y  cou- 


BRA  007 

rurent  pour  s'emparer  de  leurs 
personnes  :  à  l'heure  où  ils  arri- 
vèrent, le  lundi  9  juillet,  ces  prê- 
tres étoient  occupés ,  dans  l'église, 
à  célébrer  les  saints  mystères.  Ne 
les  trouvant  pas  dans  les  maisons 
qu'on  leur  avoit  indiquées  ;  et,  ap- 
prenant où  ils  étoknt,  ils  viennent 
assiéger  l'église  et  le  presbytère. 
Le  curé  du  lieu ,  vieillard  de  80  ans, 
est  d'abord  arrêté;  mais  un  des 
oITiciers  de  la  troupe  parvient  à  le 
faire  évader.  Tous  les  autres,  au 
nombre  de  huit,  tombent  bientôt 
entre  les  mains  des  furieux.  Pen- 
dant six  jours,  ils  restent  enfermés 
dans  la  maison  -  commune  de 
Naves.  Le  procureur  -  général- 
syndic  du  département  de  X Ar~ 
dèche  y  survient  pour  informer 
contre  eux.  Ne  trouvant  aucune 
charge,  il  repart,  mais  eu  disant  : 
«  Il  faut  des  victimes  ;  le  peuple  est 
juste,  même  dans  ses  fureurs»  : 
et  les  prêtres  captifs  sont  tbnduits 
aux  Vans.  Dans  la  roule  ,  on  les 
accable  de  mauvais  traitemens  çt 
d'injures.  Ils  sont  déposés  dans  la 
prison  de  cette  ville,  où  ils  restent 
dépourvus  des  choses  les  plus  né- 
cessaires à  leur  subsistance.  Le  jour 
de  leur  sacrifice  est  prochain  : 
c'étoit  le  fameux  i/j  juillet  que  les 
assassins  avoient  choisi,  comme 
étant  l'anniversaire  de  la  première 
des  grandescrises  de  la  révolution. 
Vers  une  heure  de  l'après-midi  de 
ce  jour,  Bravard ,  apercevant  de  la 
prison  ces  furieux  qui  aiguisoient 
leurs  sabres  sur  une  fenêtre,  ét 
20. 


1 


3o8  BRA 
crioient  :  «  La  tête  des  calolinn  va 
tomber»,  avertit  ses  confrères  Je 
la  proximité  de  leur  mort.  Us 
reçoivent  sans  trouble  cette  ter- 
rible annonce,  à  laquelle  ils  étoient 
préparés,  se  confessent  les  uns  aux 
autres,  et  attendent  avec  courage 
leur  dernière  heure.  Bientôt  les 
portes  de  la  prison  sont  forcées  ; 
on  les  traîne  trois  à  trois  à  la 
municipalité.  Bravard  est,  avec 
Clémenceau  et  Lejeune,  dans  le 
premier  groupe  ;  on  leur  y  dit 
d'opter  entre  la  prestation  du  ser- 
ment schismatique  et  la  mort. 
Bravard  répond,  au  nom  de  tous  : 
«  que  la  crainte  de  la  mort  ne  leur 
fera  point  trahir  leur  conscience  ; 
qu'ils  seront  toujours  fidèles  à  leur 
Dieu,  à  leur  religion,  à  leur  roi  et 
à  leur  patrie  ;  que,  par  rapport  à 
ces  deux  derniers  objets,  ils  fe- 
ront, tant  qu'on  voudra,  le  ser- 
ment de  fidélité;  mais  que  jamais 
ils  n'en  prêteront  d'autre  » .  A 
l'instant  les  assassins  fondent  sur 
eux,  et  les  traînent  sur  la  place 
publique ,  appelée  la  Grave. 
Bravard  n'avoit  pas  cessé  de  tenir 
son  bréviaire  ;  et  il  le  récitoit  en- 
core en  allant  à  la  mort.  Les  impies 
se  donnent  le  barbare  plaisir  de 
le  lui  faire  tomber  des  mains;  et 
il  le  ramasse  paisiblement ,  leur 
disant  avec  douceur  :  «  Laissez- 
moi  m'exhorter  moi  -  même  ù 
mourir,  puisque  je  n'ai  personne 
qui  m'y  exhorte  ».  Avant  d'immo- 
ler ces  prêtres  ,  les  scélérats  ,  se 
tenant  par  la  main  ,  dansèrent  en 


BRA 

rond  autour  d'eux;  ensuite ,  com- 
mençant par  Bravard,  ils  le  frap- 
pèrent à  coups  de  sabres,  évitant 
en  quelque  sorte  de  le  faire  mou- 
rir de  suite;  et  il  leur  disoit,  avec 
un  céleste  contentement  :  «Faites- 
moi  bien  souffrir  » .  Déconcertés 
partant  de  patience,  ils  lui  an- 
noncent enfin  qu'ils  vont  lui  porter 
le  coup  de  la  mort.  «  Quand  vous 
voudrez»,  répond-il  avec  résigna- 
tion. Les  huit  autres  prêtres  furent 
ensuite  tués  de  même  à  coups  de 
sabres  (  V.  Bonijols  ,  Clemenceau, 
Drome,  Faure,  Lejeune,  Monta- 
gnon,  Nadal,  et  Novy).  Les  dif- 
férentes relations  que  nous  avons 
eues  sur  leur  mort ,  s'accordent 
à  dire  que  tous  montrèrent  une 
fermeté  héroïque,  une  généreuse 
résignation,  et  même  une  sainte 
joie,  dans  le  supplice  qu'on  leur 
fit  subir  ;  mais  elles  remarquent 
que  Bravard  étonna  davantage  les 
assistans,  sous  ces  admirables 
rapports,  et  qu'un  des  assassins, 
qui  étoit  calviniste,  ne  put  s'em- 
pêcher d'avouer  qu'il  avoit  re- 
connu dans  ce  vieillard  quelque 
chose  d'extraordinaire  et  de  sur- 
naturel. Il  avoit  environ  79  ans 
quand  il  périt;  et  les  écrivains 
révolutionnaires,  sans  être  em- 
barrassés par  les  invraisemblances, 
n'en  prétendirent  pas  moins,  afin 
de  justifier  ces  massacres,  «  que 
Bravard  et  les  huit  autres  prêtres 
étoient  du  nombre  des  conspira- 
teurs du  camp  de  J ails ,  et  qu'on 
ne  les  saisit  à  Naves,  que  parce 


BRE 

qu'on  avoit  trouvé  des  cartouches 
chez  eux,  et  jusque  dans  le  clocher 
de  cette  paroisse  »  (  Histoire  des 
Crimes  de  ia  Révolution,  p.  56 
du  tom.  IV).  L'administration  du 
département  de  YArdèche,  ani- 
mée du  même  esprit  que  ces 
écrivains ,  ne  fut  pas  plus  vé- 
ridique  dans  le  rapport  qu'elle 
envoya  à  l'Assemblée  Nationale- 
Législative  ,  sur  cette  affaire.  Ce 
rapport  afïirmoit  calomnieuse- 
ment  que  «  les  prêtres  retirés  à 
Navesemployoient  tous  les  moyens 
possibles  pour  détourner  les  ci- 
toyens de  s'attacher  à  la  constitu- 
tion décrétée  et  sanctionnée  en 
1791  ».  Mais  les  prétextes  politi- 
ques dont  s'étoient  servis  les  enne- 
mis de  Jésus-Christ,  pour  mettre 
à  mort  les  chrétiens,  dans  les  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise,  n'em- 
pêchèrent jamais  qu'elle  ne  plaçât 
les  noms  de  ces  confesseurs  de  la 
Foi  parmi  ceux  des  Martyrs.  (V . 
Bastide,  et  Bonijol.  ) 

BREHEREC  (  Pierre  -  Fran- 
çois), curé  clans  le  diocèse  d'An- 
gers, s'étoit  retiré  en  Angleterre  , 
lorsque  la  loi  de  déportation  l'eut 
banni  de  France ,  comme  prêtre 
insermenté.  Il  soupiroit  après  le 
moment  où  il  pourroit  revenir, 
pour  les  besoins  de  l'Eglise,  et  fut 
des  premiers  à  s'offrir  au  généreux 
évêque  de  Dol,  pour  raccompa- 
gner dans  un  semblable  dessein 
(  V.  U.  R.  Hercé,  Vendée,  et 
Vannes  ).  Débarqué  avec  lui  et 
plusieurs  confrères'  à  Quiberon , 


BRE  309 

en  juillet  1 795,  il  vit  douloureuse- 
ment échouer  les  vœux  de  son 
zèle  ;  mais  il  trouva  leur  glorieuse 
récompense  dans  le  martyre,  qu'il 
subit  le  3o  du  même  mois,  avec 
ce  vénérable  prélat.  (  V .  N.  Bou- 
lard,  et  F.  D.  Castin.) 

BREISSE  (Claude),  curé  dans 
le  diocèse  de  Mende,  n'avoit  point 
fait  le  serment  de  1791 ,  et  n'éloit 
pas  sorti  de  France  à  la  (in  de  1 792. 
II  vivoit  caché  à  Grailouse,  près 
Langogne,  d'où  il  alloit  rendre  des 
services  spirituels  aux  catholiques 
de  la  province.  Il  fut  découvert 
par  les  agens  de  la  persécution , 
au  commencement  de  1  794;  et  ils 
le  menèrent  dans  les  prisons  de  la 
ville  de  Privas,  où  siégeoit  le  tri- 
bunal criminel  du  département 
de  YArdèche.  Traduit  devant  lui , 
le  27  messidor  an  II  (i5  juillet 
1794),  le  curé  Breisse  fut  con- 
damné ,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  »,  à  la  peine  de  mort  ;  et  la 
sentence  s'exécuta  le  lendemain. 

BRELUCQUF  (Jean-Baptiste), 
curé  dans  le  diocèse  de  Besanç.on, 
n'avoit  pas  fait  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
et  ne  s'étoit  point  soumis  à  la  bar- 
bare loi  de  la  déportation.  De 
Changey,  près  de  Gray  et  Cham- 
plitte,  où  il  vivoit  caché,  il  alloit 
rendre  son  ministère  utile  aux 
catholiques  du  canton.  On  le  dé- 
couvrit, et  on  l'arrêta.  Le  tribu- 
nal criminel  du  département  de  la 
Haute-Saône,  auquel  il  fut  livré, 
et  qui  siégeoit  à  Vesoul,  le  con- 


3io  BRÉ 

damna,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire»,  à  la  peine  de  mort,  le 
16  mai  1  79J  ;  et  la  sentence  fut 
exécutée  le  lendemain.  (  V .  Cor- 
nibert.  ) 

BRÉMONT  (Antoine)  ,  né  à  La 
Valette,  au  diocèse  de  Tulles,  vers 
1  ?4°  »  étoit ,  à  l'époque  de  la  révo- 
lution, curé  de  Surey,  dans  le  dio- 
cèse de  Bourges.  11  ne  fit  aucun 
des  sermens  anti-religieux  pres- 
crits en  1791  et  1792.  Quoiqu'il 
ne  sorlît  point  de  France  ensuite, 
il  obtint  grâce  des  agens  de  la  per- 
sécution en  1793  et  1794?  à  rai- 
son d'une  grave  incommodité  qui 
excusoit  sa  permanence  en  la  ville 
de  Bourges  où  il  résidoit.  C 'étoit 
au  genou  une  loupe  monstrueuse 
qui  l'empèchoit  de  marcher  facile- 
ment. Ayant  traversé  avec  ce  dou- 
loureux sauf-conduitles  tempsde  la 
persécution  qu'on  regarde  comme 
les  plus  affreux  ,  il  se  croyoit  tout- 
à-fait  en  sûreté  pendant  les  années 
1795, 1 796  et  1797,  où  le  gouverne- 
ment, toujours  entre  les  mains  des 
tyrans  de  la  même  faction  athéiste , 
sembloit  adopter  un  système  de  to- 
lérance pour  rendre  plus  croyable 
l'imputation  qu'elle  faisoit  de  ses 
propres  forfaits  à  Roberspierre, 
après  l'avoir  abattu.  Ces  tyrans 
revinrent  à  leurs  procédés  persé- 
cuteurs au  18  fructidor  (4  sep- 
tembre 1797)  :  une  loi  cruelle  de 
déportation  a  la  Guiane  futrendue 
le  lendemain  (  V.  Guiane)  ;  et  les 
agens  des  chefs  de  la  persécution 
vinreut  arrêter  le  curé  Brémont 


BRÉ 

qui,  dans  l'intervalle,  avoit  exercé 
son  ministère  pastoral  avec  tout  le 
zèle  que  son  infirmité  lui  permet- 
toit  de  déployer.  Ils  le  firent  trans- 
porter à  Rochefort,  où  il  fut  em- 
barqué sur  la  frégate  la  Charente, 
le  12  mars  1798,  et  ensuite  le  25 
avril,  sur  la  frégate  ia  Décade, 
qui  devoit  le  jeter  sur  les  côtes  de. 
Cayenne.  Pendant  cette  doulou- 
reuse traversée,  qui  dura  près  de 
trois  mois,  la  loupe  du  curé  Bré- 
mont devint  grosse  comme  sa  tête. 
Un  des  déportés  lui  ayant  demandé 
pourquoi  il  ne  s'étoit  pas  fait  ex- 
tirper cette  excroissance  en  France, 
où  il  auroit  trouvé  des  opérateurs 
plus  habiles  qu'il  ne  pouvoit  y  en 
avoir  à  Cayenne,  ce  curé  répon- 
dit assez  gaiement:  «Je  n'avois 
garde  de  songer  à  me  faire  délivrer 
de  cette  loupe  ;  elle  m 'avoit  sauvé 
la  vie  en  179D  et  1794:  on  eut 
alors  pitié  de  moi  ;  et  comme  en- 
suite j'avois  lieu  de  croire  que  les 
prêtres  seroient  encore  persécu- 
tés, je  conservai  ma  loupe  comme 
un  préservatif;  mais  on  est  au- 
jourd'hui plus  cruel  envers  nous 
qu'on  ne  l'étoit  à  cette  époque  ; 
car  vous  voyez  que  ma  loupe  ne 
m'a  pas  garanti  de  la  déportation  »  : 
il  eût  pu  dire  de  la  mort  à  Cayenne. 
Il  y  débarquoit  vers  le  milieu  de 
juin  ;  et  on  le  déposa  dans  l'hospice 
de  cette  ville.  La  loupe  lui  fut  ex- 
tirpée assez  heureusement;  et, 
après  quelque  temps  il  parut  guéri. 
Il  obtint  d'être  placé  chez  un  colon 
nommé  Poulain,  père,  qui  avoit 


BRE 

son  habitation  aux  cataractes  de  la 
rivière  d'Oyapok.  Industrieux  et 
spirituel,  le  curé  Brémont  Irouvoit 
d'ailleurs,  dans  sa  piété  et  sa  rési- 
gnation ,  autant  de  moyens  qu'on 
pouvoit  en  avoir  pour  supporter 
les  peines  d'un  aussi  barbare  exil. 
Cependant  les  fléaux  du  climat  le 
minoient  sourdement;  et  le  cha- 
grin, fruit  d'une  décomposition 
interne  plus  que  des  causes  mo- 
rales auxquelles  la  religion  appor- 
toit  un  remède  efficace,  le  détrui- 
soit  chaque  jour  de  plus  en  plus  : 
il  mourut  en  novembre  1  798 ,  âgé 
de  52  ans.  Les  compîignons  de  sa 
déportation  nous  ont  particulière- 
ment attesté  que  «Brémont,  plein 
de  douceur  et  de  bonté,  supporta 
ses  maux  arec  une  patience  angé- 
lique  ;  et  que  toute  sa  conduite 
étoit  celle  d'un  saint  » .  [V.  J.  F. 
Bourgeois,  et  P.  Brétault.) 

BBET  (François),  libraire  à 
Lyon,  et  né  à  Grenoble  en  1745, 
fut  condamné,  comme  fanatique, 
c'est-à-dire  comme  homme  reli- 
gieux ,  par  la  commission  révo- 
lutionnaire de  Lyon  [V.  Lyon), 
le  23  frimaire  an  II  (  i3  décembre 
1  ng5  ).  On  peut  juger  du  zèle  de 
ce  pieux  laïc  pour  la  Foi,  par  la 
lettre  que  la  veille  de  sa  mort  il 
écrivit  à  sa  femme.  Dans  cette 
lettre  touchante,  oiï  il  lui  faisoit 
ses  derniers  adieux,  ne  se  bornant 
point  à  la  consoler  de  sa  perte  par 
l'espérance  de  se  retrouver  en- 
semble dans  le  sein  de  la  Divinité , 
illuiordonnoit  «de  faire,  parmi  les 


BRE  5 1 1 

livres  de  son  magasin,  une  revue 
sévère  pour  en  retirer  ceux  qui 
pouvoient  y  rester  encore  contre 
la  religion  ou  les  bonnes  mœurs,  et 
de  les  brûler».  Sa  femme,  obéis- 
sant de  grand  cœur  à  d'aussi  saintes 
volontés,  en  livraauxflammespour 
la  valeur  de  dix  mille  francs  ;  et 
François  Bret  mourut  avec  la  paix 
d'un  généreux  chrétien,  satisfait 
de  sacrifier  tout ,  et  jusqu'à  sa  vie, 
pour  la  cause  de  la  religion. 

BRÉTAULT  (Pierre),  curé  de 
la  Pouère,  dans  le  diocèse  d'An- 
gers, et  né  à  Alençon  en  1742, 
ne  fit  aucun  des  coupables  sermens 
de  la  révolution ,  et  parvint  à  se 
soustraire  aux  terribles  persécu- 
tions de  1795  et  1794»  Dans  les 
trois  années  qui  suivirent ,  croyant 
que  l'Eglise  avoit  recouvré  un  peu 
de  véritable  paix,  il  donna  plus 
d'essor  à  son  ministère.  C'étoit  un 
pasteur  digne  des  premiers  siècles 
de  l'Eglise;  et  son  zèle  comme  ses 
vertus,  notamment  sa  charité,  ne 
l'abandonnèrent  jamais,  pas  même 
quand  les  exécuteurs  de  la  cruelle 
loi  du  19  fructidor  an  V  (5  sep- 
tembre 1797)5  se  furent  emparés 
de  sa  personne ,  à  la  fin  de  cette 
année,  pour  le  faire  déporter  à  la 
Guiane  (  V.  Guiane).  Il  fut  con- 
duit à  Rochefort,  où  le  12  mars 
1798,  on  l'embarqua  sur  la  fré- 
gate la  Charente,;  et  le  25  avril 
il  passa  sur  la  frégate  la  Décade. 
qui  le  déposa  dans  le  port  de 
Cayenne  au  milieu  de  juinsuivanl. 
De  là,  il  fut  aussitôt  relégué  dans 


3i2  BRE 

le  désert  de  Konanama,  où  ,  étant 
bientôt  atteint  d'une  maladie  pu- 
tride ,  il  fut  transporté  à  la  cabane 
qu'on  appeloit  hôpital.  Comme 
on  savoit  qu'il  ne  lui  restoit  pour 
toute  fortune  que  3  fr. ,  aucun  des 
infirmiers  ne  faisoit  attention  à 
lui;  et  depuis  trois  jours  il  étoit 
dévoré  d'une  fièvre  brûlante  :  la 
voix  lui  manquoit  ;  et  il  faisoit  signe 
de  la  main  à  tous  ceux  qui  pas- 
soient,  de  venir  étancher  sa  soif. 
Un  militaire,  sensible  à  ce  geste 
dont  il  comprend  la  signification, 
va  partout  chercher  de  l'eau;  et  il 
n'en  trouve  que  de  très-malpropre 
chez  le  garde-magasin  ,  dans  un 
grand  bassin  où  l'on  avoil  lavé  de  la 
vaisselle.  Ce  bassin  est  apporté  au 
moribondqui  le  saisit  àdeux  mains, 
boit  deux  ou  trois  gorgées,  et  s'é- 
crie :  «Ah  !  mon  Dieu,  que  cela 
me  soulage  !  vous  me  faites  re- 
vivre »  .  Il  reprend  le  vase ,  aspire 
avidement  ce  qui  y  reste;  et,  se 
sentant  étouffer  par  cette  eau  : 
«Au  moins,  dit-il,  j'ai  encore 
vécu...  mais...  Ah  !  mon  Dieu  ». 
Il  retombe  dans  son  hamac  ,  et 
expire ,  à  l'âge  de  56  ans,  le  4  no- 
vembre 1798.  (  V.  A.  Brémont,  et 
F.  J.  Broly.) 

BRETEUIL  (Anne -François- 
Victor  Le  Tonnelier  de)  ,  évêque 
de  Monlauban  depuis  1763,  après 
avoir  été  successivement  vicaire- 
général  de  Soissons  et  de  Narbonne, 
étoit  né  à  Paris,  en  1726.  Suivant 
ce  qu'il  a  confessé  lui-même  pu- 
bliquement dans  ses  derniers  jours, 


BRE 

la  conduite  de  ce  pasteur  du  premier 
ordre  n'auroit  pas  été  absolu- 
ment irréprochable;  mais  c'est  la 
Foi  que  Dieu  considère  dans 
ceux  qui  meurent  pour  elle.  Les 
aumônes  prodigieuses  que  l'évê- 
que  de  Montauban  avoit  faites , 
pendant  tout  le  cours  de  son  épis— 
copat,  pouvoient  elles  seules  lui 
avoir  mérité  la  grâce  de  la  conduite 
héroïquement  évangélique  par  la- 
quelle il  se  distingua  dans  la  révo- 
lution. Il  fut  d'abord  le  seul  député 
ecclésiastique  des  pays  etjugeries 
de  Rivierres-Verdun,  Gaure,  Léo- 
nac  et  Marestaing,  en  bas  Arma- 
gnac, aux  Etats-Générauxde  1789  ; 
et  lorsque  ces  Etats,  après  s'être 
transformés  en  Assemblée  Natio- 
nale ,  portèrent  de  si  graves  at- 
teintes à  la  religion ,  ce  prélat,  s'af- 
fermissant  de  plus  en  plus  dans 
l'amour  de  ses  devoirs,  mérita  l'a- 
nimadversion  des  impies  réforma- 
teurs. Le  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé  fut  refusé 
par  lui  avec  beaucoup  de  fermeté 
dans  la  mémorable  séance  du  4 
janvier  1791.  H  signa  aussi  la  cé- 
lèbre Exposition  des  principes, 
etc.  ;  et  son  zèle  pour  la  cause  de 
l'Eglise  alla  toujours  en  s'augmen- 
tant.  Quand  l'Assemblée  Consti- 
tuante fut  dissoute,  le  prélat  se 
relira  en  Normandie;  et,  déjà  âgé 
de  66  ans  lorsque  fut  rendu  le  dé- 
cret de  déportation  ,  il  ne  sortit 
pas  de  France,  espérant  se  sous- 
traire par  une  retraite  sévère  à  la 
peine  de  réclusion  que  cette  loi 


BRE 

portoit  contre  les  sexagénaires  dis- 
pensés de  s'exiler.  Les  temps  de- 
venant de  plus  en  plus  fâcheux  , 
en  1795  et  1 79^  ,  le  prélat  ne  pou- 
voit  plus  espérer  de  trouver  un 
asile  que  chez  des  personnes  obs- 
cures et  de  la  plus  courageuse 
charité.  Cet  asile  lui  fut  offert  par 
deux  pieuses  dames  de  Rouen, 
Edon  Duteurtre  et  Rose  Solo,  qui 
vivoient  ensemble,  et  à  la  bonne 
œuvre  desquelles  s'associa  un  sim- 
ple garde  -  forêts ,  nommé  Remi 
Hervieux.  3Iais  la  persécution  fut 
si  active ,  que  ses  agens  parvinrent 
à  découvrir  le  refuge  de  l'évêque 
de  Moutauban.  On  l'arrêta  avec  les 
trois  autres  personnes,  le  4  juillet 
1794;  et  il  fut  d'abord  jeté  avec 
elles,  ce  jour-là  même,  dans  la 
maison  des  Frères  des  Ecoles 
chrétiennes  de  Saint-Yon,  trans- 
formée en  prison.  L'accusateur 
public  du  tribunal  criminel  du  dé- 
partement de  la  Seine-Inférieure 
siégeant  à  Rouen ,  s'applaudissant 
d'avoir  à  provoquer  la  condam- 
nation de  ces  quatre  honorables 
victimes,  se  hûta  de  les  faire  ame- 
ner dans  la  prison  de  ce  tribu- 
nal, qui  étoit  celle  de  l'ancien  par- 
lement. Le  mandat  qu'il  donna  en 
cette  occasion,  et  qui  fut  transcrit 
en  entier  sur  le  registre  d'écrou, 
dont  nous  avons  un  extrait  léga- 
lisé ,  est  ainsi  conçu  :  «  Olivier 
Leclerc,  accusateur  public  près  le 
tribunal  de  Rouen,  mande  et  or- 
donne à  tous  exécuteurs  de  man- 
demens  de  justice,  de  conduire  à 


BRE  3i3 

la  maison  du  tribunal  criminel  de 
Rouen,  François  Tonnelier,  ci- 
devant  évêque  de  Montauban ,  les 
nommées  Edon  Duteurtre,  Rose 
Solo,  commensale  de  la  dame  Du- 
teurtre, et  Remi  Hervieux,  garde 
de  forêts  nationales,  prévenus, 
savoir  :  le  ci -devant  évêque  de 
Montauban ,  d'être  resté  sur  le  ter- 
ritoire de  la  République  contre  la 
disposition  des  lois;  (d'être  prêtre 
réfractaire  )  ;  et  la  dame  Duteurtre, 
Rose  Solo  et  Remi  Hervieux  , 
d'avoir  caché  et  recélé  le  ci-devant 
évêque.  Fait  à  Rouen  ,  le  26  mes- 
sidor an  II  (23  juillet  1794)  : 
Signé  Leclerc».  Les  quatre- cap- 
tifs de  J.-C.  furent  amenés  et 
écroués  le  lendemain,  à  la  maison 
d'arrêt  du  tribunal,  par  un  huis- 
sier nommé  Gommé.  Dans  le  ca- 
chot où  l'on  jeta  l'évêque,  se  trou- 
voit  un  vénérable  prêtre  auquel, 
prévoyant  sa  mort  prochaine ,  il 
demanda  les  sacremens  de  l'Eglise , 
et  celui-ci  les  lui  administra.  Le 
prélat  en  acquit  une  nouvelle  force 
pour  supporter  les  horreurs  de  sa 
situation.  Là ,  étoient  encore  en- 
tassées avec  lui  beaucoup  d'autres 
victimes  :  comme  elles,  il  n'avoit 
pour  se  coucher  que  de  la  paille 
pourrie,  et  pour  toute  nourriture 
que  du  pain  noir  et  de  l'eau.  L'évé- 
nement du  neuf  thermidor  (  27 
juillet)  étant  bientôt  survenu,  et 
la  faction  triomphatrice  ayant ,  par 
son  air  de  modération  ,  occasionné 
la  suspension  des  hécatompho- 
nies,  l'accusateur  public  n'eut  pa* 


."i  i  nr.K 

le  temps  de  faite  immoler  celte 
victime  épiscopale.  Un  agent  na- 
tional de  la  commune  de  Rouen, 
voulant,  conséqucmmentauxappa- 
rences  de  justice  qu'adichoit  alors 
la  Convention  ,  faire  un  recense- 
ment des  prisonniers,  vint,  le  14 
août,  à  la  maison  d'arrêt  du  tri— 
bunal.  En  y  entrant,  il  prit  deux 
factionnaires  de  la  garde  .natio- 
nale qui  étoient  à  la  porte  ;  et  l'un 
d'eux  se  trouvoit  être  un  négo- 
ciant de  Rouen  avec  qui  l'évêque 
avoit  eu  des  relations.  Ce  négo- 
ciant ne  put  retenir  une  doulou- 
reuse exclamation  de  surprise  en 
reconnaissant  le  prélat  parmi  ces 
nombreux  prisonniers  dont  la  si- 
tuation en  général  l'avoit  d'abord 
pénétré  d'attendrissement.  A  ce 
cri,  le  prélat  succombant  sous  le 
poids  de  ses  maux,  et  presque  sur 
le  point  d'expirer,  se  ranime;  et, 
avec  l'accent  d'une  âme  un  peu 
soulagée  par  l'exclamation  qu'il 
vient  d'entendre,  il  s'écrie  :  «Que 
je  suis  heureux  !  Avant  que  je 
meure,  le  Ciel  m'envoie  du  dehors 
une  âme  compatissante!»  Il  re- 
connoît  celui  qui  lui  parle  ;  et  pour 
lui  répondre,  il  se  soulève  sur  sa 
paille  vermoulue,  laissant  voir  à 
travers  des  vêtemens  qui  tom- 
bent en  lambeaux ,  son  corps  dé- 
charné et  couvert  d'ulcères.  Le 
négociant  ne  peut  s'empêcher  d'en- 
gager avec  lui  une  conversation 
sur  son  sort.  L'agent  national  veut 
leur  imposer  silence  ;  mais  les 
cœurs  étoient  trop  émus  pour  s'ar- 


rêter.  Le  négociant,  voyant  que, 
dans  un  si  misérable  état,  l'évêque 
manque  de  tout,  lui  annonce  avec 
empressement  qu'il  va  lui  envoyer 
des  secours.  «Ah!  reprend  l'évê- 
que expirant,  quoique  je  sois  privé 
du  nécessaire,  je  n'ai  besoin  de 
rien  ;  Dieu  m'a  fait  la  grâce  de 
bien  connoître  la  vanité  des  choses 
de  ce  monde  ;  et  je  regarde  comme 
un  effet  de  la  bonté  divine,  la  force 
que  j'ai  de  souffrir  patiemment  les 
humiliations  et  les  maux  dont  je 
suis  accablé.  Je  mourrois  content 
si ,  par  ce  moyen  ,  je  pouvois  ex- 
pier les  fautes  que  j'ai  commises 
dans  l'exercice  de  mon  ministère, 
et  si  je  réparois  le  scandale  que 
j'ai  donné.  Je  ne  cesse  d'implorer 
la  miséricorde  divine,  dans  la  ferme 
espérance  de  trouver  en  elle  de 
puissans  motifs  pour  apaiser  sa 
justice.  Je  la  prie  également  pour 
mes  ennemis,  afin  que  le  Seigneur 
daigne  les  convertir,  et  leur  faire 
la  grâce  de  mourir  dans  le  sein 
d'une  religion  aussiconsolante  que 
celle  dans  les  bras  de  laquelle  j'ai 
le  bonheur  de  mourir».  Le  négo- 
ciant vivement  ému  par  ce  dis- 
cours, et  suffoqué  d'autre  part  par 
la  mauvaise  odeur  du  cachot,  se 
trouva  mal  :  on  fut  obligé  de  le 
transporter  au  grand  air;  et,  deux 
heures  après,  le  vénérable  évêque 
expira ,  âgé  de  68  ans.  En  marge 
de  son  écrou  est  écrit  :  «  François 
Tonnelier,  mort  le  27  thermidor 
an  II  de  la  République  française 
(14  août  1 794)  »  •  La  sainteté  de  sa 


BRE 

mort  laissa  ses  compagnons  d'in- 
forlune  et  le  géolier  même  péné- 
trés de  respect  et  d'admiration.  N  u  1 
doute,  d'après  le  témoignage  de 
saint  Cyprien ,  que  ce  prélat  ne 
doive  être  mis  au  rang  de  nos  Mar- 
tyrs, à  côté  des  six  autres  Evêques 
de  l'Eglise  gallicane  qui,  pendant 
la  même  persécution,  lurent  im- 
molés pour  ta  cause  de  la  Foi  (  V . 
Castellane,  Dulau,  IIercé,  Ro- 
chefoucauld-Bayers  ,  Rochefou- 
cauld, et  Sandricourt).  Les  cha- 
ritables Duteurtre  et  Solo ,  avec 
Hervieux ,  lurent  mises  en  liberté , 
par  un  jugement  du  25  vendé- 
miaire an  III  ()6  octobre  1 794)- 
BRETON  (Pierre -Nicolas), 
prêtre ,  religieux  de  l'ordre  des  Ca- 
pucins, en  leur  maison  de  Rouen, 
et  né  dans  cette  ville  en  1756, 
continua  d'habiter  lu  Normandie, 
après  la  suppression  des  ordres  mo- 
nastiques. Bon  prêtre,  excellent 
religieux,  suivant  que  nous  l'at- 
testent quelques  uns  de  ses  con- 
frères, et,  entre  autres,  le  père 
Chalembert,  desservant  actuel  de 
la  cure  de  Vaucresson,  près  Ver- 
sailles ,  il  n'adhéra  en  aucune 
manière  au  schisme  constitution- 
nel, et  crut  que  ,  n'ayant  point  été 
fonctionnaire  public,  il  pourroit, 
sans  même  prêter  le  serment  de 
liberté- égalité  prescrit  en  août 
1792,  se  dispenser  avec  sûreté  de 
sortir  de  France.  Sa  bonne  foi  l'in- 
duisit en  erreur.  Il  fut  arrêté  en 
1795,  pour  cela  seul  qu'il  étoit 
prêtre ,  attaché  à  son  état  et  à  la 


BRE  5*5 

Foi  catholique.  Les  autorités  qui 
régissoieut  le  département  de  la 
Seine-Inférieure,  condamnèrent 
le  P.  Breton  à  être  déporté  à  la 
Guiane.  On  l'envoya,  pour  cet  ef- 
fet, avec  beaucoup  d'autres,  àRo 
chefort,  pour  y  être  embarqué.  11 
le  fut  sur  le  navire  les  Deux  As 
sociés  (  V .  Rochefort)  ;  et,  après 
bien  des  souffrances  inouïes,  il 
expira  le  27  août  1794»  à  l'âge  de 
58  ans.  Ses  confrères  l'inhumè- 
rent dans  l'île  Madame.  {V.  P. 
Brandel  et...  J.  F.  Breuil.) 

BREUIL  (Jean-François  de  la 
Morei.ie  du),  prêtre  et  chanoine 
de  la  collégiale  de  Saint-Yrieix  de 
la  Perche  ,  dans  le  diocèse  de  Li- 
moges, né  dans  la  ville  même  de 
Saint-Yrieix,  très -proche  parent 
de  l'ex-Cluniste  du  même  nom 
[V .  Biards)  ,  et  neveu  du  doyen  du 
même  chapitre  (  V.  Puvredon), 
repoussa  comme  une  énorme  at- 
teinte à  la  doctrine  et  à  l'unité  de 
l'Eglise  catholique,  la  constitu- 
tion civiledu  clergé.  Mais,  étant 
d'une  santé  foible  et  même  souf- 
frante ,  il  ne  put  se  décider  à  sor- 
tir de  France,  lors  de  la  loi  d'ex- 
pulsion rendue  le  2G  août 1 792,  et 
crut  se  procurer  le  droit  d'y  rester 
en  prêtant  le  serment  de  liberté- 
égalité,  prescrit  a  cette  époque  par 
des  législateurs  qui  avoient  déjà 
donné  tant  de  preuves  d'une  im- 
piété sanguinaire.  Le  chanoine 
Du  Breuil  ne  tarda  pas  à  s'en  re- 
pentir ;  il  rétracta  bientôt  ce  ser- 
ment avec  une  notoriété  qui  irrita 


3iG  r.r.E 

îes  agens  des  principaux  persécu- 
teurs dans  le  département  de  la 
Haute- Vienne  où  se  trouvoit 
Saint- Yrieix ,  lieu  de  son  domi- 
cile. Quoiqu'il  fût  valétudinaire, 
ils  le  firent  arrêter,  et  se  conten- 
tèrent d'abord ,  à  raison  de  son 
état  d'infirmité,  de  le  mettre  sim- 
plement en  réclusion  à  Limoges. 
Mais  bientôt  ils  voulurent  se  dé- 
barrasser de  lui  ;  et  ils  l'envoyèrent 
à  Rochefort  pour  y  être  compris 
dans  la  déportation  maritime  des 
prêtres  non-asserinentés  (T.  Ro- 
chefort). Du  Breiiil  fut  embarqué 
sur  le  navire  {es  Deux  Associés; 
et  les  tortures  qu'il  y  éprouva  sur- 
passèrent en  lui  les  forces  de  la 
nature.  Il  succomba  le  3i  juillet 
1794,  à  l'âge  de  4'  ans.  La  notice 
annexée  à  la  relation  de  M.  Gré- 
goire de  la  Biche,  porte  que  cet 
ecclésiastique  mourut  «  dans  les 
sentimens  d'une  parfaite  résigna- 
tion chrétienne  » .  Ses  confrères 
l'enterrèrent  dans  l'île  d'Aix. 
{V.  P.  N.  Breton,  et  P.  Brie.) 

BREUIL  (Jean)  ,  prêtre  du 
diocèse  deClermont  en  Auvergne , 
et  vicaire  d'Alègre ,  près  le  Puy, 
y  étoit  resté ,  sans  sortir  de  France , 
malgré  la  loi  de  déportation ,  quoi- 
qu'elle l'y  obligeât  comme  prêtre 
insermenté.  Il  fut  bientôt  saisi  par 
les  agens  de  la  persécution ,  et 
traduit  le  1"  nivose  an  II  (21  dé- 
cembre 1793),  devant  le  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
Haute-Loire ,  siégeant  au  Puy. 
Les  juges  le  condamnèrent  ce  jour- 


BRE 

là  même  à  la  peine  de  mort  comme 
«  prêtre  réfractaire  ».  La  sentence 
s'exécuta  le  lendemain.  [V .  J.  B. 
Abeillon.  ) 

BRELVABT  (IV...  )>  prêtre, 
vicaire  de  la  paroisse  de  Saint-Jac- 
ques, en  la  ville  de  Valenciennes, 
né  à  Arras,en  1760,  a  voit  la  Foi 
trop  pure  et  trop  vive  pour  faire 
le  serment  exigé  par  les  novateurs 
de  1791.  En  butte  dès  lors  à  la 
persécution ,  il  se  vit  obligé  de  sor- 
tir de  France,  lors  de  la  loi  de  dé- 
portation rendue  le  26  août  1792. 
Son  zèle  le  ramena  à  Valenciennes, 
quand  les  Autrichiens  eurent  sous- 
trait cette  ville  aux  fureurs  im- 
pies de  la  Convention  le  1"  août 
1793  [V.  Valenciennes).  Lors- 
qu'ils furent  forcés  de  l'évacuer  le 
1"  septembre  1791?  le  vicaire 
Breuvart,  tropconfiantdansle  lan- 
gage hypocrite  de  modération  et 
d'humanité  dont  relentissoit  la 
Convention ,  n'évita  point  assez 
les  perquisitions  des  proconsuls. 
Ils  le  firent  arrêter,  et  le  livrèrent 
à  une  commission  militaire.  Elle 
étoit  chargée  de  condamner  les 
prêtres  et  les  religieuses,  sous  le 
prétexte  de  leur  simple  passage  à 
Mons.  Breuvart,  traduit  devant 
les  juges  avec  cinq  autres  ministres 
du  Seigneur  {V.  Lecerf,  Hanne- 

QUANT,  BrISSON,  PREUXet  RlCKER), 

le  6  brumaire  an  III  (27  octobre 
1794)?  trois  mois  et  deux  jours 
après  la  chute  de  Roberspierre , 
vit ,  comme  eux ,  que  son  sort 
alloit  dépendre  de  l'aveu  de  sa 


BRI 

sortie  de  France.  Il  n'en  rendit  pas 
niuins  témoignage  à  la  vérité;  et 
aussitôt  il  fut  condamné  avec  les 
autres  à  la  peine  de  mort ,  comme 
«émigré-rentré»  {V .  Auchin).  Le 
lendemain ,  il  marcha  au  supplice 
de  même  que  ces  cinq  confrères, 
en  bénissant  Dieu  de  ce  qu'il  l'a- 
voit  trouvé  digne  de  mourir  pour 
sa  sainte  loi.  {V.  H.  Bourla,  et 
Brisson.) 

BRIANÇON  (iV...),  est  l'un  des 
prêtres  que  le  conventionnel  Car- 
rier, proconsul  à  Nantes,  fit  périr 
dans  sa  première  noyade,  au  com- 
mencement de  novembre  1790,  ou 
dans  la  seconde ,  le  g  décembre 
(F.  Nantes).  Tous,  ou  presque 
tous,  étoient  des  vieillards  qui  ne 
se  trouvoient  condamnés  qu'à  la 
réclusion  par  la  loi  du  26  août 
1792,  et  qu'on  avoit  l'air  de  vou- 
loir déporter  sur  les  côtes  d'Afri- 
que. Beaucoup  étoient  venus  des 
départemens  voisins  de  Nantes ,  et 
surtout  de  ceux  de  la  Vendée.  Nous 
n'avons  pu  découvrir  le  nom  de 
tous,  à  raison  de  la  précipitation 
de  ces  exécutions,  et  du  soin  que 
les  proconsuls  ont  eu  de  détruire 
la  trace  écrite  de  ces  forfaits.  Brian- 
çon,  Garnier,  Lacombe,  Leroy, 
et  quelques  autres  dont  nous  par- 
lerons, ne  nous  sont  connus  que 
par  les  déclarations  des  témoins 
qui  ont  déposé  contre  Carrier  dans 
son  procès,  en  décembre  1 794* 
Nous  y  voyons  que  Briançon  et 
Lacombe,  après  avoir  été  submer- 
gés, purent,  malgré  leur  grand 


BRI  317 

âge,  aborder  une  frégate  dont 
le  capitaine,  nommé  Laflorie,  les 
recueillit  ;  que  ce  généreux  capi- 
taine les  fit  cacher  pour  les  sous- 
traire à  la  rage  des  exécuteurs  ; 
que  le  comité  révoiutiomiaire , 
l'ayant  su ,  manda  ce  capitaine  de- 
vant lui,  et  qu'il  le  menaça  de  la 
prison,  s'il  ne  livroit  ces  véné- 
rables prêtres.  C'étoitle  menacer 
de  la  mort,  puisque  tous  ceux  qui 
étoient  emprisonnés  alloient  suc- 
cessivement et  sans  exception  au 
supplice.  Briançon  et  Lacombe  lui 
furent  donc  enlevés  ;  et,  de  l'aveu 
même  de  deux  des  complices  de 
Carrier,  ils  furent  précipités  de 
nouveau  dans  la  Loire  où  ils  pé- 
rirent, comme  ces  deux  jeunes 
frères,  Ulpien  et  Acdesius,  que 
l'Eglise  honore  comme  Martyrs, 
le  5  et  le  8  avril.  {V.  Bertry, 
Beurrier,  de  Durtal,  et  Charbon- 
nier, d' A viré.  ) 

BRIANT  (N...),  prêtre  octo- 
génaire du  diocèse  d'Angers,  ne 
pouvoit  être  condamné  pour  n'être 
pas  sorti  de  France,  d'après  la 
barbare  loi  du  26  août  1792. 
Celte  loi  même  l'en  avoit  dis- 
pensé ,  à  raison  de  son  âge  ;  mais 
la  présence  d'un  prêtre  dont  la  vie 
avoit  été  passée  dans  la  pratique 
des  vertus  sacerdotales,  et  dont 
les  cheveux  blanchis  honoroient 
infiniment  la  religion,  étoit  insup- 
porlable  aux  féroces  athées  de  1 793 
et  1794  [V.  Vendée,  et  Bâcher). 
Livré  à  la  commission  militaire 
d'Angers,  le  vieillard  Briant  fut 


5i8  BRI 

envoyé  ù  la  mort,  le  2  janvier 
î^g^j.  En  marchant  au  supplice, il 
recouvra  la  vigueur  fie  sa  jeunesse, 
parce  qu'il  pensoit  qu'il  alloit  scel- 
ler sa  Foi  de  son  sang;  et  il  mou- 
rut avec  un  courage  extraordinaire, 
que  n'avoit  point  surpassé  celui 
des  Martyrs  de  l'Eglise  naissante. 
Son  nom  ne  se  trouve  point  sur 
les  listes  générales  imprimées  des 
victimes  de  la  révolution.  Nous 
n  oyons  en  avoir  donné  la  raison 
à  l'article  de  Bâcher;  mais  nous 
ne  l'avons  pa's  inscrit  dans  nos 
diptyques,  sans  y  être  autorisé  par 
lés  plus  respectables  témoignages. 
(V.  R.  Bourjuge,  et  N.  C.  Ches- 

NEAl. ) 

BRICHE  (Clément),  prêtre  du 
diocèse  de  Rouen,  étoit  resté  à 
Dieppe,  sans  obéir  à  la  loi  de 
déportation  ,  quoiqu'il  fût  prêtre 
insermenté.  On  l'y  arrêta,  vers  la 
lin  de  179^;  et  on  le  traîna  dans 
les  prisons  de  la  ville  de  Rouen  , 
où  siégeoit  le  tribunal  criminel  du 
département  de  la  Seine  -  Infé- 
rieure. Ce  tribunal  prononça 
contre  lui  la  peine  de  mort,  en 
le  qualifiant  de  «  prêtre  réfrac- 
taire  » .  Cette  sentence ,  en  date  du 
2  floréal  an  II  (  21  avril  1794  )> 
fut  exécutée  le  lendemain. 

BRICOGNE  (  Louis  -  Joseph- 
Samson  ) ,  prêtre  du  diocèse  de 
Paris,  qui  demeuroit,  en  1790,  à 
Marly,  où  il  avoit  été  curé ,  même 
depuis  la  constitution  civile  du 
cferc/é ,  montra,  dans  l'exercice 
de  son  ministère  «  un  amour  de  la 


BRI 

religion  qui  ne  pouvoit  que  lui 
mériter,  aux  yeux  de  Dieu,  la 
grâce  du  repentir  et  de  la  récon- 
ciliation. Sa  faute  devoit  finir  par 
être  entièrement  lavée  dans  son 
sang  ,  suivant  la  pensée  de  saint 
Jérôme  ,  par  rapport  ù  Pamphile 
{V,  Discoubs  prélim.,  pag.  42)- 
Arrêté  par  les  ennemis  de  la  Foi , 
il  fut  amené  à  Paris,  et  traduit,  le 
25 messidor  an  II  (i5  juillet  1794)» 
devant  le  tribunal  révolution- 
naire, avec  sept  autres  prêtres 
(  V.  Benaut,  Boismaicre,  Gran- 
gean,  Lambert,  Rossignac,  La- 
croze,  Suzanne).  On  le  condamna, 
comme  eux,  à  la  peine  de  mort, 
pour  avoir ,  disoit  -  on ,  «  voulu 
exciter  la  guerre  civile ,  par  le 
fanatisme  »  ,  c'est-à-dire  par  la 
prédication  et  la  pratique  de  la 
religion.  II  fut  exécuté  le  même 
jour,  avec  eux,  à  l'âge  de  62  ans. 

BR  I  DE  A  U  (  Marie  -  Antoi- 
nette), l'une  des  seize  religieuses 
Carmélites  de  Compiégne,  immo- 
lées ensemble  à  Paris,  le  11  juillet 
1794,  avoit  vu  le  jour  à  Befort, 
le  6  décembre  1752.  Elle  étoit 
entrée  dans  l'ordre  des  Carmélites, 
comme  postulante ,  à  Compiégne, 
le  4  mai  1770,  y  avoit  pris  l'habit 
de  l'ordre,  le  1"  septembre  sui- 
vant, et  fait  profession  le  5  sep- 
tembre 1771.  Tout  ce  que  nous 
avons  dit  de  la  ferveur  de  ces  reli- 
gieuses, et  de  leur  édifiante  con- 
duite, pendant  la  révolution,  dans 
les  prisons  et  sur  l'échafaud  (  V . 
Brard  ) ,  est  eonmiun  à  Marie- 


BRI 

Antoinette  Brideau,  connue  dansée 
cloître  sous  le  nom  à&  sœur  Saint- 
Louis.  Elle  étoit  sous-prieure  à 
cette  époque,  et  secondoit  admi- 
rablement la  digne  prieure  de 
cette  communauté  [V .  Lidoine). 
Ce  fut  elle  qui  fournit  le  moyen 
de  procurer  à  toutes  ces  reli- 
gieuses la  légère  réfection  d'une 
tasse   de  chocolat,  lorsqu'étant 

,  descendues  dans  la  prison,  après 
leur  sentence,  et  se  trouvant  en- 
core à  jeun,  leurs  deux  courageuses 
supérieures  craignoient  qu'elles 
n'éprouvassent  quelque  défail- 
lance d'inanition,  que  les  médians 
auroient  pu  regarder  comme  un 
affoiblissement  de  Foi,  en  voyant 
arriver  l'heure  du  supplice.  La 
Mère  Saint- Louis,  à  qui  il  res- 
toit  une  pelisse ,  la  donna  pour 
faire  les  frais  de  cette  réfection. 
Elle  étoit  âgée  de  42  ans  ?  quand 
elle  reput  la  couronne  du  martyre. 

BRIDET  (François),  jeune 
prêtre,  vicaire  dans  une  paroisse 
rurale  du  diocèse  de  Lyon,  s'étoit 
retiré  dans  son  pays  natal,  la  ville 
de  Beaujeu,  depuis  que  la  persé- 
cution, proscrivant  toute  appa- 
rence de  culte  religieux,  vouqit  à 
la  mort,  indistinctement,  tous  les 
prêtres.  Il  avoit  montré  un  zèle 
très-ardent  dans  la  paroisse  où  il 
étoit  vicaire,  comme  on  11-  verra 
tout  à  l'heure  par  les  motifs  rie 
son  jugement.  Il  fut  donc  arrêté 

j  en  1794?  et  amené  dans  les  pri- 
sons de  Lyon.  Le  16  germinal 
an  II  (  5  avril  1794)5  on  le  »l 


BRI  519 

comparoître  devant  la  féroce  com- 
mission révolutionnaire  de  cette 
ville  (F.  Lyon);  et  il  y  fut  con- 
damné à  la  mort,  comme  «con- 
tre-révolutionnaire, et  pour  avoir 
dit  que,  si  on  empêchoit  son  curé 
d'exercer,  il  feroit  sonner  le  toc- 
sin » . 

S'il  avoit  réellement  fait  cette 
menace,  nous  nous  serions  abste- 
nus de  le  compter  parmi  nos  Mar- 
tyrs, parce  qu'elle  lui  auroit 
donné  quelque  fâcheuse  ressem- 
blance avec  ces  chrétiens  violens 
que  le  concile  d'Elvire  ne  vouloit 
pas  qu'on  reconnût  pour  Martyrs. 
Si  quis  idola  freyerit ,  et  ibi- 
dem fuerit  occisus;  quatenùs 
inEvanyeiio  scriptum  non  est, 
neque  invenitur  suit  Apostotis 
nunquam  j'actum  ,  placuil  in 
numéro  eum  non  recîpi  Mar- 
tyrum  (can.  LX)  ;  mais  le  v  icaire 
Bridet  avoit  seulement  dit  en  1791 
que,  malgré  la  haine  des  impies 
contre  l'exercice  du  culte  catho- 
lique, il  n'en  feroit  pas  moins 
convoquer  les  fidèles  ,  dans  l'é- 
glise ,  par  le  son  de  la  cloche. 
(  V.  Boutf.lier  et  Brierey.  ) 

BRIE  (Pierre Sousmacnac de). 
vicaire  -  général  ,  arehipretre- 
dignitaire,  et  chanoine  d'Arles, 
étoit  né  à  Sousmagnac,  dans  la 
paroisse  de  Gorre,  au  diocèse  de 
Limoges.  Depuis  les  réformes  anti- 
catholici  ues  de  l'Assemblée  Cons- 
tituante, il  étoit  venu  demeurer 
en  Limousin ,  au  sein  de  sa  famille. 
Il  y  gemissoit  des  atteintes  portée 


3ao  BRI 

à  la  religion,  consacrant  encore 
ses  vœux  et  son  ministère  à  la  ser- 
vir. Aucun  des  sermens  exigés  ne 
souilla  sa  conscience.  Il  fut  arrêté 
en  1 793 ,  et  jeté  dans  les  prisons 
de  Limoges,  d'où  les  persécuteurs 
l'envoyèrent,  en  février  1794?  à 
Rocheforl ,  pour  être  déporté  au- 
delà  des  mers.  On  l'embarqua  sur 
le  navire  les  Deux  Associés;  et  il 
succomba  sous  le  poids  des  maux 
de  cette  déportai  ion  (  V.  RocnE- 
fort).  Il  expira  le  12  août  1794» 
à  l'âge  de  55  ans,  et  fut  enterré 
dans  l'île  d'Jix.  {V.  J.  F.  Brecil, 
et  Bkigeat,  d'Avranches.) 

BRIELLE  (Sébastien  de), laïc, 
attacbé  au  service  de  l'hôpital  de 
ta  Pitié,  à  Paris,  y  exerçoit,  à 
L'âge  de  54  ans,  les  devoirs  de  son 
emploi,  avec  toute  l'ardeur  de  la 
jeunesse ,  et  toute  la  tendresse  de 
la  charité.  Ses  vertus  éloient  trop 
pures  et  trop  actives  pour  n'être 
pas  animées  par  la  religion  ,  et 
pour  ne  pas  faire  ombrage,  par 
cela  même,  aux  ennemis  de  la 
Foi.  Les  pauvres  enfans  qu'on  y 
élevoit  en  très -grand  nombre, 
avoient,  dans  ses  soins ,  ses  exem- 
ples et  ses  discours,  de  trop  puis- 
santes excitations  à  la  piété ,  pour 
qu'il  n'en  devînt  pas  très-odieux  à 
ceux  qui  vouloient  rendre  impie  la 
génération  naissante.  Considéré 
malignement,  par  eux,  comme 
un  fonctionnaire  public  qui  n'avoit 
pas  prêté  le  serinent  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé,  ils 
l'arrêtèrent  comme  tel,  dans  les 


BRI 

jours  qui  suivirent  le  fatal  10  août 
1 792.  Il  le  fut  le  1 3  de  ce  mois.  Le 
comité  de  la  section  hideusement 
dite  des  Sans-Culottes,  devant 
lequel  on  le  traîna,  ne  put  obtenir 
de  lui  ce  serment;  et  ce  nouveau 
refus,  manifestation  courageuse 
d'une  Foi  inébranlable,  lui  valut 
d'être  assimilé  aux  confesseurs 
de  J.-C.  qu'on  enfermoit  dans  le 
séminaire  de  Saint- F ir min.  Ce 
chrétien  généreux  vit  sans  foi- 
blesse  la  mort  qu'il  alloil  parta- 
ger avec  tant  de  héros  du  sacer- 
doce. Le  martyre  qui  lui  étoit 
réservé  lui  sembla  la  récompense 
de  sa  charité  comme  de  sa  Foi  ; 
et  il  succomba  sous  les  coups  des 
assassins,  le  3  septembre  suivant, 
sans  cesser  de  vouloir  mourir 
pour  lu  gloire  de  la  religion,  aux 
œuvres  de  laquelle  il  avoit  con- 
sacré sa  vie.  [V.  Septembre.) 

BRIEN  (  Jeanne  ) ,  pieuse  fille 
du  diocèse  de  Vannes ,  demeurant 
en  la  paroisse  de  Saint-Vincent, 
vivement  attachée  à  la  religion 
catholique,  et  douloureusement 
affectée  des  persécutions  faites  à 
ses  ministres,  retira  chez  elle  un 
d'entre  eux  que  l'on  poursuivoit 
pour  le  mettre  à  mort.  Cette  sainte 
générosité  fut  connue;  la  pieuse 
Brien  fut  arrêtée  et  traduite  devant 
le  tribunal  criminel  du  départe- 
ment du  Morbihan ,  siégeant  à 
Vannes.  Ce  tribunal,  devant  le- 
quel elle  comparut  le  17  floréal 
an  II  (G  mai  1794),  la  condamna 
aussitôt  à  la  peine  de  mort, 


BRI 

comme  «  receleuse  de  prêtres  ré- 
fractaires  »  [V .  V  Alix).  Elle  fut 
immolée  le  lendemain. 

BRIEN  (Noël),  prêtre  du  dio- 
cèse de  Vannes ,  vicaire  à  Saint- 
Serent,  près  d'Auray,  n'avoit 
point  eu  la  foiblesse  de  faire  le 
serment  de  1791;  et,  demeuré 
dans  le  pays,  pour  les  besoins 
spirituels  des  catholiques,  malgré 
l'inique  loi  de  déportation ,  il  y 
travailloit  avec  ardeur  au  salut  des 
âmes.  On  l'arrêta  au  commen- 
cement de  1794»  et,  traduit,  le 
17  floréal  an  II  (6  mai  1794)? 
devant  le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement du  Morbihan,  sié- 
geant à  Vannes ,  il  y  fut,  ce  jour- 
là  même,  condamné  à  la  peine  de 
mort ,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  ».  Le  lendemain,  il  subit 
cette  impie  et  cruelle  sentence. 
(  V.  l'article  précédent.  ) 

BRIÈRE  (  Jacques  -  Louis  )  , 
prêtre  du  diocèse  de  Chartres, 
vicaire  en  la  paroisse  de  Coltain- 
ville,  près  Chartres,  avoit  refusé 
le  serment  schismatique  de  1791  ; 
et,  resté  dans  le  pays  après  la  loi 
de  déportation,  pour  y  subvenir 
aux  besoins  spirituels  des  catho- 
liques, il  y  fut  arrêté  en  1794^ 
Le  tribunal  criminel  du  départe- 
ment d'Eure  et  Loir,  siégeant  à 
Chartres ,  devant  lequel  il  fut  tra- 
duit, le  condamna  à  la  peine  de 
mort ,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  »  ,1e  5  fructidor  an  11(22  août 
1794),  c'est-à-dire  un  mois  envi- 
ron après  la  chute  de  Roberspierre. 

o 


BRI  5ai 

BRIERY  (Claude),  curé  de  la 
paroisse  de  Pavesin,  village  dû 
Forez,  près  la  ville  de  Saint- 
Etienne  ,  dans  le  diocèse  de  Lyon, 
étoit  né  dans  la  paroisse  de  Cre- 
meaux,  en  la  même  province,  et 
avoit  été  destitué  de  sa  cure  par 
les  autorités  révolutionnaires,  en 
1791  ,  pour  n'avoir  pas  voulu 
prêter  le  serment  hérétique  et 
schismatique  de  cette  époque. 
Néanmoins ,  il  n'avoit  pas  cessé 
de  résider  à  Pavesin,  pour  con- 
tinuer à  travailler  au  salut  des 
catholiques  de  sa  paroisse  ;  et  il 
n'avoit  pu  être  détourné  de  ce 
soin  paternel  par  la  loi  de  dépor- 
tation du  26  août  1792.  Il  ne  fut 
pas  oublié  lors  des  plus  grandes 
fureurs  de  l'impiété ,  après  le  siège 
de  la  ville  de  Lyon ,  quand  s'éta- 
blit en  cette  ville  la  sangui- 
naire commission  révolution- 
naire à  laquelle  il  falloit  tant  de 
victimes  [V.  Lyon).  Les  explora- 
teurs de  ce  tribunal  arrêtèrent  le 
curé  Briery,  le  traînèrent  à  Lyon. 
Il  fut  traduit  devant  les  juges,  à 
l'âge  de  59  ans,  le  27  pluviôse 
an  II  (  1 5  février  1794)-  On  lui 
demanda  le  serment  de  liberté- 
égalité,  et  la  tradition  de  ses 
lettres  de  prêtrise.  Briery  refusa 
l'un  et  l'autre  avec  la  fermeté  d'un 
intrépide  confesseur  de  Jésus- 
Christ,  et  fut  condamné  aussitôt 
à  la  peine  de  mort ,  comme  «  prê- 
tre fanatique,  et  refusant  de  se 
conformer  aux  lois  ».  (  V .  Bridet, 
et  E,e  Brunet.)  *' 

21 


522  BRI 

BRIFFOEUIL  (Philippine 
Han'.n écart  de),  née  à  Douai,  et 
abbessc  de  l'abbaye  royale  d'An- 
nay  -  Brailles ,  dans  le  diocèse 
d'Arras,  s'étoit  retirée  en  cette 
ville  après  son  expulsion  ducloître, 
en  1791.  Elle  en  conservoit  les 
vertus  et  la  piété  au  milieu  du 
monde  ;  et  sa  Foi  resta  ferme  au 
milieu  du  schisme  constitutionnel. 
Elle  avoit  atteint  l'âge  de  68  ans, 
lorsqu'on  1794?  le  proconsul  J1' 
Lebon  ensanglantoit  la  province 
de  l'Artois  par  la  décapitation  des 
catholiques  [}r .  Arras).  Il  la  fit 
d'abord  arrêter  comme  suspecte; 
et ,  après  plusieurs  mois  d'un  cruel 
emprisonnement,  elle  comparut, 
le  7  messidor  an  II  (a5juin  1794)» 
devant  le  tribunal  révolution- 
naire d'Arras.  Ce  ne  fut  que  pour 
s'y  entendre  condamner  à  mourir 
sur  l'échafaud,  comme  «  coupable 
de  conspiration  et  de  fanatisme  » . 
{V .  F.  G.  Bouquel  de  la  Comté 
et  A.  I.  Briois.) 

BRIGEAT  (iV...),  chanoine, 
doyen  de  l'église  cathédrale  d'A- 
vranches,  vicaire-général  et  offi- 
ciai du  diocèse,  membre  du  bu- 
reau diocésain,  étoit  né  à  Ligny, 
dans  le  diocèse  de  Toul.  Il  re- 
vint en  cette  province  après  la 
suppression  des  chapitres  ;  et  , 
ferme  dans  sa  Foi,  il  s'abstint  de 
tout  acte ,  de.  tout  serment  qui 
auroit  pu  compromettre  sa  Foi  et 
son  état.  Il  fut  arrêté  en  1795. 
Les  autorités  du  département  de 
la  Meuse  le  condamnèrent  à  la, 


BRI 

déportation  au-delà  des  mers,  et 
le  firent  traîner  à  Rochefort  pour 
y  être  embarqué  (  V .  Rochefort). 
Il  le  fut  sur  le  navire  le  Washing- 
ton ,  et  il  y  souffrit  beaucoup. 
Cependant ,  conservant  plus  de 
force  que  la  plupart  de  ses  con- 
frères, il  se  fit,  bien  volontaire- 
ment, l'un  des  infirmiers  de  l'hô- 
pital en  tentes  élevé  pour  eux 
dans  l'île  Madame;  et  il  les  y 
servit  avec  la  plus  sainte  compas- 
sion et  la  plus  charitable  activité. 
Désolé  de  manquer  de  remèdes, 
de  boissons  même  qu'il  pût  leur 
donner  selon  leurs  besoins,  il  y 
suppléoit  toujours  eiïîcacement 
par  des  invitations  à  la  résignation 
et  à  l'esprit  de  pénitence  (V.  N.Ta- 
bouillot).  Enfin,  il  succomba  lui- 
même  ,  méritant  une  double  palme 
de  martyre  :  et  celle  qu'on  acquiert 
en  mourant  pour  la  Foi,  et  celle 
qu'on  obtient  en  mourant  au  ser- 
vice des  pestiférés.  Il  expira  vers 
la  fin  de  l'été  de  1 794?  à  l'âge  de 
66  ou  70  ans.  On  l'enterra  dans 
l'île  même  où  il  avoit  rendu  tant 
de  services  aux  malades.  (  V.  P. 
Brie  et  P.  Brin.) 

BRIN  (Pierre),  curé  de  Cre- 
miltes ,  dans  le  diocèse  de  Poitiers , 
étoit  né  à  Ayron  ,  paroisse  du 
même  diocèse.  Son  amour  pour 
ses  paroissiens  lui  fit  illusion  sur 
l'hétérodoxie  de  la  constitution 
civile  du  clergé;  et  il  en  prêta 
le  serinent  pour  rester  au  milieu 
d'eux.  Le  temps  arriva  où  les  ré- 
formateurs se  crurent  dispeusés 


BRI 

de  dissimuler  l'impiété  qui-les  ani- 
inoit;  et  le  curé  Brin  fut  arrêté  en 
1793,  parce  qu'il  restoit  toujours 
attaché  à  la  religion  et  à  l'Evan- 
gile, malgré  sa  précédente  faute. 
La  haine  des  persécuteurs  pour 
tout  culte  qui  se  rattachoit  à  Jé- 
sus-Christ ,  porta  les  autorités  ré- 
volutionnaires ,  qui  tyrannisoient 
le  département  de  la  Vienne,  à 
condamner  ce  curé,  le  28  ventôse 
an  II  (  18  mars  1794)  >  à  la  peine  de 
la  déportation  maritime,  pronon- 
cée contre  les  prêtres  non-asser- 
mentés. On  le  fit  aussi  partir  pour 
Rochefort,  où  il  de  voit  être  em- 
barqué avec  eux.  Il  le  fut  en  effet 
sur  le  navire  les  Deux  Associés 
[V.  Rochefort).  Au  milieu  de 
tant  de  confrères,  généreux  con- 
fesseurs de  la  Foi ,  qui  souffroient 
pour  ne  l'avoir  point  trahie ,  il 
sentit  plus  vivement  sa  faute,  la 
pleura  amèrement ,  et  rétracta 
solennellement  le  serment  qu'il 
avoit  prêté.  Digne  d'eux  ensuite, 
il  partagea  leur  gloire  comme  il 
partageoit  leurs  souffrances;  et  il 
fut  du  nombre  de  ceux  à  qui  ces 
souffrances  pour  Jésus-Christ  ar- 
rachèrent la  vie.  Il  expira  le  7 
août  1794?  à  l'âge  de  52  ans;  et 
ses  confrères  l'enterrèrent  dans 
l'île  d'Aix.  C'est  à  tort  que  Pru- 
dhomme ,  dans  son  Diction- 
naire,  l'a  mis  parmi  ceux  qui 
périrent  sur  l'échafaud.  {V .  Bri- 
geat,  d'Avranches,  etC.  D.  Bro- 
chères.) 

BRIOIS  DE  SABLEUX  (Ai- 


BRI  523 
bertine-Isabeiie)  ,  pieuse  demoi- 
selle d'Arras,  née  dans  cette  ville 
en  1 73 1 ,  avoit  passé  sa  vie  à  secou- 
rir les  pauvres  honteux ,  et  surtout 
les  mères  de  famille  qui  étoient  dans 
l'indigence.  Sa  charité  éclairée  et 
prudente,  sentant  la  nécessité  de 
former  leurs  filles  au  travail,  et  de 
les  y  accoutumer,  leur  fournis- 
soit  même  de  l'ouvrage  et  tous  les 
moyens  d'y  travailler.  La  piété 
connue  de  cette  vertueuse  per- 
sonne ne  laissoit  pas  douter  que 
la  religion  n'ani  mât  cette  charitable 
et  sainte  prévoyance.  Providence 
visible  des  malheureux  d'Arras, 
elle  avoit  63  ans  lorsque  le  pro- 
consul Lebon  la  fit  emprisonner, 
et  ensuite  conduire  à  son  tribunal 
révolutionnaire  [V.  Arras). 
Elle  y  fut  condamnée,  le  24  mes- 
sidor an  II  (12  juillet  1794)5  à  la 
mort  de  l'échafaud,  comme  «  fa- 
natique et  conspiratrice.  »  [F. 
P.  Briffoecii  et  A.  Briois.) 

BRIOIS  (Albertine),  reli- 
gieuse, supérieure  de  la  commu- 
nauté des  Ursulines  d'Arras,  vint, 
après  la  suppression  des  ordres 
monastiques,  en  1791,  chercher 
un  asile  chez  son  frère,  où  se  ren- 
doit  aussi  leur  sœur,  abbesse  des 
Chartreuses  de  Gounay.  «  La  pre- 
mière, a  dit  le  président  du  tri- 
bunal d'Amiens  qui,  plus  tard, 
condamna  Jh  Lebon,  le  5  octobre 
1795,  Albertine  Briois,  de  la  mai- 
son des  Ursulines  d'Arras,  y  avoit 
consacré  trente  années  de  sa  vie 
à  l'instruction  de  la  jeunesse.  Sous 


5a4  BRI 
le  prétexte  que  leur  père  éloit 
noble ,  et  qu'elles  ne  se  trouvoient 
point  à  trente  lieues  des  frontières, 
Le  bon  les  mit  hors  de  la  loi,  et 
leur  fit  subir  la  mo^t  {V.  Arras)  » . 
La  sentence  alléguoit  un  autre 
motif  dont  ce  président  s'abstint 
de  parler,  parce  qu'étant  encore 
alors  sous  la  domination  des  ther- 
midoriens ,   qui  n'avoient  rien 
perdu  de  leur  haine  contre  la  re- 
ligion ,  il  falloit  n'en  rien  dire  pour 
ne  pas  leur  déplaire.  La  religieuse 
étoit  condamnée  principalement, 
suivant  les  termes  mêmes  de  cette 
sentence ,  comme  «  fanatique  et 
contre -révolutionnaire  ».  Ce  fut 
le  9  messidor  an  II  (27  juin 
1794)»  que  le  tribunal  révolu- 
tionnaire d'Arras  envoya  cette 
sainte  fille  à  l'échafaud.  Elle  avoit 
alors  67  ans.  Il  est  resté  constant 
dans  toute  la  ville  qu'Albertine  et 
sa  sœur  [V.  l'article  suivant)  ne 
périrent  qu'en  haine  de  la  religion 
qu'elles  avoient  pratiquée,  et  de 
la  Foi  qu'elles  professoient.  {V . 
A.  I.  Briois  de  Sarleux  ,  et  F. 
M.  Briois.) 

BRIOIS  (  Françoise-Margue- 
rite ) ,  religieuse  et  prieure  du 
monastère  des  Chartreuses  de 
Gounay,  près  Béthune  en  Artois, 
sœur  de  la  précédente,  Albertine 
Briois,  ayant  été  obligée  de  sortir 
de  son  cloître  envahi,  s'étoit  reti- 
rée avec  elle  chez  leur  frère,  à 
Arras.  Ensemble  ,  elles  s'entre- 
tenoient  dans  l'esprit  de  la  vie 
monastique;  et,  avec  une  sainte 


BRI 

émulation  ,  elles  servoient  Dieu 
non  moins  fervemment  que  dans 
leur   monastère.    Le  proconsul 
J1'  Lebon,  étant  venu  dans  leur 
ville ,  avec  toutes  les  fureurs  de 
l'athéisme ,  bien   résolu   de  ne 
laisser  subsister  aucune  personne 
qui  n'auroit  pas  renoncé  à  la  Foi 
de  son  baptême  (  V.  Arras),  ne 
pouvoit  pas  plus  épargner  Fran- 
çoise-Marguerite que  sa  sœur  Al- 
bertine.   Elles    furent  arrêtées 
comme  suspectes;  et  la  seconde 
fut  envoyée  à  la  mort  avec  la  pre- 
mière, le  9  messidor  an  II  (27  juin 
1794  )•  Le  délit  politique  pour 
lequel  elles  étoient  immolées , 
consistoit,  au  dire  de  la  sen- 
tence ,   en    ce  qu'elles  étoient 
«  fanatiques  et  contre  -  révo- 
lutionnaires »    (  parce  qu'elles 
étoient  pieuses)  :  à  quoi  l'on 
ajoutoit   «  qu'elles   étoient  nées 
d'un  père  noble,  et  qu'elles  ne  se 
trouvoient  pas  à  trente  lieues  des 
frontières  »  ,  suivant  qu'une  loi 
l'avoit  prescrit  aux  hommes  qui, 
attachés  au  gouvernement  monar- 
chique ,   pouvoient  prendre  les 
armes  pour  seconder  les  étrangers 
coalisés  qui  sembloient  vouloir 
la  rétablir.   On  a  vu  que  l'âge 
d'Albertine  étoit  de  67  ans  ;  et 
Françoise-Marguerite  n'avoit  pas 
moins  de  60  ans.  (  V .  A.  Briois, 
et  II.  Buchy.) 

BRIOLET  (iV...),  vicaire  de 
Ménil-lez-Lunéville ,  dans  le  dio- 
cèse de  Toul ,  ayant  obéi  à  la  loi 
de  la  déportation,  en  1792,  s'é- 


BRI 

toit  réfugié  dans  les  Etats  de  l'Au- 
triche. Le  sort  des  armes  ayant 
fait  tomber  au  pouvoir  de  cette 
puissance,  comme  prisonniers  de 
guerre,  beaucoup  de  soldats  fran- 
çais, ces  prisonniers  ayant  été 
relégués  en  Hongrie ,  et  une  épi- 
démie désastreuse  s'étant  mani- 
festée parmi  eux,  il  ne  s'y  trouvoit 
presque  plus  personne  qui  voulût 
les  assister.  Leur  délaissement 
dans  une  aussi  déplorable  situa- 
tion étant  parvenu  à  la  connois- 
sance  de  l'un  de  nos  évêques  qui 
résidoit  alors  à  Vienne,  et  cet 
évêque  étant  celui  de  Nancy,  M6t 
Anne-Louis-Henri  de  La  Fare, 
maintenant  aumônier  de  S.  A.  R. 
Madame,  duchesse  d'Angoulême, 
nommé  en  1817  à  l'archevêché 
de  Sens,  il  ne  craignit  point  de 
parler  sans  succès  en  invitant 
les  prêtres  Lorrains  qui  étoient 
réfugiés  en  Autriche  à  courir  au 
6ecours  de  ces  infortunés  soldats 
que  la  peste  moissonnoit  en  Hon- 
grie. Le  vicaire  Briolet  fut  du 
nombre  de  ceux  qui  s'y  rendirent 
aussitôt  pour  les  assister;  et, 
n'écoutant  que  son  zèle  pour  ser- 
vir ses  compatriotes  pestiférés, 
il  fut  atteint  de  leur  mal,  et  en 
mourut  victime ,  ainsi  que  le 
prêtre  Dieudonné ,  et  plusieurs 
autres  (  V.  ce  nom  et  celui  de 
Frennes).  Ils  sont  dans  le  cas 
de  ceux  en  faveur  desquels  le 
père  Théophile  Raynaud  fit  son 
traité  De  Martyrio  per  pestent. 
{V.  Cl  Castellane.) 


BRI  325 

BRIOLLE  (Jeanne),  religieuse 
d'un  couvent  de  Bordeaux ,  née  en 
cette  ville,  continuoit  à  l'habiter 
après  la  suppression  de  son  cloître. 
Rejetée  dans  le  monde  ,  elle  n'en 
pratiquoit  pas  moins  avec  ferveur 
les  devoirs  de  sa  profession.  On 
la  dénonça  aux  persécuteurs , 
vers  la  fin  de  1 793 ,  pour  avoir 
assisté ,  dans  une  maison  particu- 
lière, avec  plusieurs  personne* 
pieuses,  à  la  messe  d'un  prêtre  ca- 
tholique ;  et  les  persécuteurs  la 
firent  emprisonner ,  avec  cinq 
d'entre  elles.  La  sœur  Briolle, 
traduite  comme  elles  devant  la 
commission  militaire  établie  à 
Bordeaux  (  V.  Bordeaux),  y  mon- 
tra une  fermeté,  une  douceur  et 
une  discrétion  dignes  des  anciens 
Martyrs  les  plus  célèbres.  C'est  la 
sentence  même  prononcée  contre 
elle  qui  en  fait  foi.  Dans  cette  sen- 
tence, portée  le  19  messidor  an  II 
(7  juillet  1794)»  on  ht  que,  «mal- 
gré les  efforts  du  tribunal ,  et  les 
moyens  de  persuasion  qu'il  a  em- 
ployés, la  religieuse  Briolle  a  dé- 
claré, avec  ses  compagnes,  en 
pleine  audience ,  «qu'elles  ont  en- 
tendu la  messe  de  ces  prêtres  (  ap- 
pelés réfractaires)  ;  qu'elles  savent 
où  ils  sont ,  mais  qu'elles  ne  le 
diront  pas  » .  On  voit  par  là  qu'elles 
avoient  la  promesse  d'être  acquit- 
tées ,  si  elles  les  dénonçoient  ;  mais 
qu'elles  imitèrent  admirablement 
l'exemple  de  saint  Cypvien ,  qui 
refusa  d'indiquer  au  proconsul 
Paterne,  la  retraite  de  ses  prè- 


326  BRI 

très  (1),  et  de  ce  saint  Achalius, 
qui  fit  le  même  refus ,  en  disant  : 
«  Ce  secret,  connu  du  Ciel,  n'est 
pas  fait  pour  l'être  par  des  hommes 
indignes  de  lui  (2)  »  ;  comme  aussi 
de  cette  sainte  Irène  de  Thessalo- 
nique,  non  moins  héroïque,  en 
une  semblable  rencontre  (5).  Ces 
cinq  pieuses  victimes  de  la  com- 
mission militaire  ne  pou  voient, 
suivant  la  loi  du  Seigneur,  discon- 
venir qu'elles  ne  connussent  ces 
prêtres,  et  qu'elles  ne  sussent  où 
ils  étoient  cachés,  puisque,  si 
elles  l'eussent  nié,  elles  se  seroient 
rendu  coupables  de  mensonge  aux 
yeux  de  Dieu.  Elles  le  décla- 
rèrent donc  avec  sincérité;  mais 
elles  refusèrent  héroïquement 
d'indiquer  leur  asile.  D'après  cela, 
poursuit  la  sentence ,  «  Jeanne 
Briolle  doit,  avec  ses  compagnes, 
être  rangée  dans  la  classe  des 
contre-révolutionnaires  et  des 


(1)  Voy.  ci-devant,  à  l'article  Alix, 
pag.  64. 

(2)  Marlianus  (  Consularis  Prœfectus) 
ait  tlli  :  Omnium  trade  mihi  nomina. 
Re.apondit  A  châtias  :  Nomina  eorum 
cœlesti  Lïbro  et  dwinis  paginis  sunt  an- 
notata.  Quomodo  ergo  oculi  mortales 
aspicicnt ,  quod  immortalis  virtus  Dei 
et  invisibiàs  annotavit  ?  (  Ruinart  : 
A  et  a  Disputationis  S.  A chatu  Martyr. 
n«  V.) 

(3)  Tum  Prœses  :  Quisnam ,  inquit, 
conscius  erat  hoec  in.  domo  il/a  esse  ? 
JRespondit  Irène  :  Ifœc  vidit  Deus  om- 
nipotens  qui  omnia  scit  ;  prcetereà 
nemo.  (Baronius:  Annal,  ann.  3o4, 
n»  40.) 


BRI 

complices  de  ces  prêtres  perfides, 
les  plus  cruels  et  les  pli*6  dange- 
reux ennemis  de  la  patrie  ».  C'é- 
loit  ainsi  que  les  persécuteurs 
qualifioient  ces  dignes  ministres 
d'un  Dieu  de  paix  et  de  charité. 
La  sentence  concluoit  par  con- 
damner la  religieuse  Briolle,  avec 
ses  cinq  compagnes,  à  la  peine  de 
mort  (If.  Dumeau,  Maret,  Gas- 
siot,  Lebrest  et  Giratjd).  Elle  fut 
immolée  le  lendemain,  à  l'âge  de 
4o  ans. 

BRIQUET  (Pierre), prêtre,  né 
dans  le  diocèse  de  Laon,  profes- 
seur de  théologie  et  bibliothécaire 
dans  la  maison  de  Navarre ,  à  Paris, 
en  1789,  avoit  été  long-temps 
préfet  des  études  dans  la  célèbre 
communauté  de  Sainte-Barbe.  Le 
naturel  ferme  et  prompt  de  cet 
ecclésiastique ,  à  qui  l'on  trouvoit, 
dans  le  comtnerce  de  la  vie ,  quel- 
que originalité  et  même  de  l'obs- 
tination dans  ses  idées ,  ne  nui- 
soit  en  rien  d'essentiel  à  ses  vertus 
sacerdotales.  Cétoit  d'ailleurs  un 
homme  fort  instruit,  et  un  pro- 
fond théologien.  Aucune  chaire 
de  théologie  ne  fut  remplie  avec 
plus  de  savoir  que  celle  de  l'abbé 
Briquet.  Il  demeuroit  au  collège  de 
Boncourt,  dépendant  de  la  maison 
de  Navarre,  lorsqu'aprèsle  sinistre 
événement  du  10  août  1792,  les 
tyrans  de  la  France  firent  recher- 
cher et  saisir  les  prêtres  qui  n'ap- 
prouvoient  pas  leurs  impiétés;  et 
on  l'y  arrêta,  le  23  août.  Le  pro- 
fesseur Briquet,  amené  devant  le 


BRI 

comité  de  la  section,  y  refusa  avec 
fermeté  le  serment  qu'on  lui  de- 
mandoit  ;  et  on  l'enferma ,  pour 
ce  motif,  dans  le  séminaire  de 
Saint  -  Firmin.  Quoiqu'il  s'y 
préparât ,  avec  ses  vertueux  com- 
pagnons de  captivité,  à  donner  sa 
vie  pour  la  Foi ,  cependant ,  le 
3  septembre ,  effrayé  à  la  vue  du 
massacre ,  il  voulut  s'enfuir  par 
les  toits.  Un  Irlandais,  affidé  des 
assassins,  et  qui  avoit  été  élevé 
sous  lui  à  Sainte  -  Barbe ,  l'aper- 
çut, et  le  fît  reprendre.  Alors  Bri- 
quet, toujours  constant  dans  sa 
Foi,  reconnut  que  Dieu  vouloit 
expressément  qu'il  mourût  pour 
elle  ,  et  reçut  la  mort  avec  ce  sen- 
timent qui  fait  les  31artyrs.  Son 
âge  alors  étoit  de  5o  ans  (  V.  Sep- 
tembre ).  Ceux  qui  croiroient  que 
sa  fuite  devoit  nous  empêcher  de 
le  regarder  comme  tel,  n'auroient 
sans  doute  pas  connoissance  du 
culte  que  l'Eglise  rend,  le  16  juin  , 
à  ce  saint  Martyr  Ferréol  qui , 
vers  3o4,  s'étant  évadé  des  prisons 
de  Vienne  en  Dauphiné,  après 
avoir  confessé  la  Foi  devant  un 
juge  païen  ,  fut  assassiné  dans  sa 
fuite,  par  ceux  qui  le  poursui- 
voient  pour  le  ramener  en  prison  : 
Percussus  occubuit  in  eo  loco 
ubi  sepuicrum  corporis  ejus 
veneramur.  (Ruinait  :  Passio 
sancti  Ferreoli.  ) 

BRISSE  (Pierre), prêtre,  cha- 
noine et  grand-pénitencier  de  la 
cathédrale  de  Beauvais,  s'étoit 
retiré  au  séminaire  de  Saint- Fir- 


BRI  327 

min ,  à  Paris,  après  la  suppression 
des  chapitres.  Dans  ce  temps,  où 
il  étoit  si  difficile  à  tout  occlésias- 
tiqtie  qui  n'adhéroit  pas  aux  er- 
reurs de  la  constitution  civiie  du 
clergé,  de  continuer,  seulement 
pour  la  satisfaction  de  sa  propre, 
piété,  les  fonctions  du  sacerdoce, 
le  chanoine  Brisse  se  trou  voit  heu- 
reux d'être  dans  une  sainte  mai- 
son, où  il  pouvoit  vivre  paisible- 
ment en  bon  prêtre.  Il  y  résidoit 
encore,  lorsqu'elle  fut  subitement 
transformée  en  une  prison  pour 
ceux  qui  n'avoient  point  fait  et  ne 
vouloient  point  faire  le  serment  de 
maintenir  cette  constitution  ci" 
vite  du  clergé.  Ecrouéle  1 3  août, 
dans  ce  séminaire ,  avec  le  supé- 
rieur et  d'autres  prêtres  [V .  Le 
François)  ,  il  ne  se  dissimuloit 
point  qu'il  y  étoit  destiné ,  comme 
eux ,  à  périr  pour  la  cause  de 
la  Foi.  Il  s'affermit  avec  eux  dans 
la  résolution  de  mourir  pour  elle; 
et  le  3  septembre ,  qui  les  vit  mas- 
sacrer ,  le  trouva  digne  de  rece- 
voir, avec  eux,  la  récompense  du 
martyre  (  V.  Septembre).  Il  avoit 
alors  59  ans. 

BRISSON  (IV...  L  prêtre,  bé- 
néficier dans  le  Hainaut,  et  né  à 
Gomignies,  près  le  Quesnoi,  vers 
1  ^36 ,  fut  considéré ,  comme  les 
prêtres  non-assermentés,  à  raison 
de  son  notoire  attachement  à  la 
doctrine  catholique ,  lors  des  in- 
novations sdiismatique»  de  1791. 
Comme  eux ,  obligé  de  fuir  la 
France,  à  l'époque  de  la  loi  du 


3a8  BRI 

26  août  1792,  qui  les  forçoit  à 
s'exiler,  il  y  rentra,  et  vint  à 
Valenciennes ,  lorsque  les  Autri- 
chiens eurent  soustrait  cette  ville 
à  la  tyrannie  de  la  Convention,  le 
j"  août  î^gS.  Il  fut  surpris  par 
ses  proconsuls,  quandl'armée  Au- 
Irichienne  évacua  cette  ville  ,  le 
1"  septembre  1794  (  V  •  Valen- 
ciennes ).  Traduit  devant  leur 
commission  militaire ,  le  6  bru- 
maire an  II  (  27  octobre  1794  )» 
avec  cinq  autres  prêtres  (  V.  Le- 
cerf,  Hanneqtjant  ,  Preux,  Ric- 
eez  ,  et  Breuvart  ) ,  il  y  fut  con- 
damné ,  comme  eux ,  à  la  peine  de 
mort,  sous  le  prétexte  hypocrite 
qu'il  étoit  un  «  émigré-rentré  »  , 
n'ayant  pas  voulu  nier  qu'il  avoit 
passé  la  frontière.  Immolé  le  len- 
demain, avec  ses  compagnons, 
il  périt  ainsi  Martyr  de  la  vérité 
comme  de  la  religion,  à  l'âge  de 
58  ans,  trois  mois  et  deux  jours, 
après  ce  fameuxnew/* thermidor, 
depuis  lequel  les  factieux  triom- 
phateurs ne  se  lassoient  pas  de 
crier  qu'ils  avoient  ramené  la  jus- 
tice et  la  paix  en  France.  (  V .  Breu- 
vart, et  Brxislé.) 

BRITTE  (N...  )  étoit  un  des 
prêtres  infirmes  ou  septuagénaires 
d'Angers  qui  furent  enfermés,  d'a- 
près le  décret  de  déportation  du  26 
août  1792,  parce  qu'ils  n'avoient 
point  voulu  compromettre  leur  Foi 
par  la  prestation  du  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé,  et 
que  leur  âge  les  dispensoit  de  se 
déporter  eux-mêmes  dans  l'étran 


BRO 

ger.  Il  fut  un  des  quinze  que  l'on 
adjoignit  aux  soixante  et  un  de  la 
Nièvre  ,  lorsqu'ils  passèrent  par 
cette  ville,  pour  aller  s'embar- 
quer ou  périr  à  Nantes,  en  mars 
1794  (y.  Nevers  et  Nantes).  Lié 
à  leur  sort ,  le  1 3  de  ce  mois  ,  il 
partagea  leurs  peines  ,  et  les  en- 
dura avec  les  mêmes  sentimens  de 
piété.  Après   avoir  soutenu  les 
maux  de  cette  translation  barbare  , 
il  ne  put  supporter  long  -  temps 
ceux  de  la  galiote  hollandaise  , 
dans  le  fond  de  cale  de  laquelle  on 
cherchoit  à  les  faire  périr  de  faim  , 
de  froid ,  d'humidité  et  de  peste. 
Il  y  mourut  vers  la  fin  de  mars  ou 
au  commencement  d'avril  1794* 
C'est  à  tort  qu'on  a  cru  que  Britte 
avoit  été  noyé  dans  un  des  bateaux 
à  soupapes  de  l'infernal  Carrier  ; 
nous  savons  positivement,  par  le 
témoignage  de  ceux  des  prêtres  de 
la  Nièvre  qui  revinrent  de  cette 
déportation ,  que  Britte  est  mort 
ainsi  que  nous  l'avons  raconté. 
(  V.  Boussière  ,  de  Challot ,  et 
Bruneau,  d'Angers.) 

BROCHÈRES  (Charles-Denis 
pes),  prêtre,  et  religieux  Char- 
treux, sous  le  nom  de  Dom  Denis, 
dans  le  monastère  de  Bosserville, 
près  Nancy,  étoit  venu  après  la 
suppression  dos  ordres  monasti- 
ques ,  habiter  son  pays  natal ,  Ain- 
ville-aux-Jards,  dans  Je  diocèse 
de  Nancy.  Les  persécuteurs  du 
département  de  la  Meurthe,  sous 
la  tyrannie  desquels  il  étoit,  ne  lui 
pardonnerentpas  son  éloignement 


BRO 

du  schisme  constitutionnel  de  179 1, 
ni  ses  vertus,  ni  son  attachement 
invariable  à  la  religion  catholique. 
Ils  le  firent  enfermer  dans  la  pri- 
son de  Nancy  en  1793,  et  traîner 
bientôt  à  Rochefort  pour  y  être 
compris  dans  une  déportation  de 
prêtres  non-assermentés  (  V .  Ro- 
chefort). Dom  Denis  fut  em- 
barqué sur  le  navire  ies  Deux 
Associés;  et  les  tortures  de  l'en- 
trepont de  ce  bâtiment  eurent 
bientôt  mis  fin  à  ses  jours.  Il  ex- 
pira, le  17  août  1794?  à  l'âge  de 
45  ans.  Son  corps  fut  inhumé 
dans  l'île  d'Aix.  [V .  P.  Brin,  et 
J.  Bru.) 

BROCHOIS  (iV...),  prêtre  mis- 
sionnaire de  la  congrégation  de 
Saint-Lazare ,  et  l'un  des  direc- 
teurs dp  sémiuaire  d'Amiens ,  n'a- 
voit  point  compromis  sa  Foi  par 
la  prestation  du  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé.  II 
continuoit  dans  cette  ville,  en 
1792,  et  même  1793,  l'exercice 
du  ministère  sacerdotal  pour  les 
catholiques  demeurés  fidèles.  Les 
révolutionnaires  le  jetèrent  en  pri- 
son, se  proposant  bien  de  le  faire 
succomber  juridiquement  sous  la 
hache  homicide.  Le  Seigneur  ne 
leur  permit  point  cette  féroce 
jouissance  :  il  appela  à  lui  M.  Bro- 
chois ,  lorsqu'il  étoit  encore  dans 
les  fers ,  sans  le  priver  néanmoins 
de  ses  droits  à  la  palme  du  mar- 
tyre. Il  y  mourut  captif  de  J.-C. 
pour  sa  défense,  en  1793,  après 
une  longue  détention.  Ces  rensei- 


BRO  329 

gnemens  donnés  à  Rome  en  ^g'i, 
viennent  de  M.  de  Cayla  de  la 
Garde,  supérieur- général  de  la 
congrégation  des  Missions  de 
Saint-Lazare. 

BROCHU  (  Pierre  -Frinçois- 
Symphorien),  prêtre  du  diocèse 
de  La  Rochelle,  vicaire  en  la  pa- 
roisse de  Fors-sur-Sèvres,  canton 
de  la  Châteigneraye ,  se  garda  bien 
de  faire  le  serment  schismatique 
de  1791  ;  et  la  généreuse  Foi  des 
habitans  de  la  contrée  n'auroit  pas 
permis  qu'il  se  soumît  à  la  loi  de 
déportation.  D'ailleurs ,  son  atta- 
chement à  ses  devoirs  le  retenoit 
au  milieu  d'eux  pour  subvenir  à 
leurs  besoins  spirituels  (  V .  Ven- 
dée). Il  y  fut  saisi  par  les  agensde 
la  persécution,  qui  le  traînèrent  à 
Fontenay-Ie-Comte ,  où  siégeoit 
le  tribunal  criminel  du  départe- 
ment de  la  Vendée;  et  ce  tribunal 
l'envoya  à  la  mort  comme  «ré- 
fractaire  à  la  loi  »,  le  6  ventôse 
an  II  (24  février  1794)- 

BROLY  (François-Joseph),  néà 
Hittenheim  dans  la  Haute-Alsace , 
en  1753, et  curé  de  Montfeinhem, 
dans  le  diocèse  de  Strasbourg,  à 
l'époque  de  la  révolution ,  resta 
fidèle  à  la  Foi  et  à  ses  devoirs.  Il 
échappa  aux  sanguinaires  persé- 
cuteurs qui  ensanglantoient  sa 
province  en  1793  et  1794-  Lors- 
que le  gouvernement  lui-même 
sembloit  dire  que  toutes  les  per- 
sécutions étoient  finies  depuis  la 
mort  de  Roberspierre,  Broly  le 
crut,  et  reprit  ostensiblement  les 


33o  BRO 

fonctions  de  son  ministère  à  Stras- 
bourg ;  mais  l'explosion  impie  du 
i8  fructidor  (4  septembre  1797) 
produisit  le  lendemain  une  loi  de 
déportation  à  la  Guiane  contre  les 
prêtres  soi-disant  réfractaires  (  V . 
Guiane).  Broly  fut  arrêté,  et 
traîné  à  Rochefort.  On  l'y  embar- 
qua le  12  mars  i7g8,sur  la  frégate 
la  Charente,  d'où  le  25  avril  on 
le  fit  passer  sur  la  frégate  ta  Dé- 
cade ,  qui  le  jeta  dans  le  port  de 
Cayenne  au  milieu  de  juin.  De 
suite  on  le  relégua  dans  le  canton 
de  Sinnamary.  Il  y  trouva  un 
asile  plus  commode  qu'un  simple 
carbet  dans  l'habitation  de  Konra- 
Lillebat  ;  et  néanmoins  il  y  fut 
bientôt  assailli  par  une  fièvre  pu- 
tride qui  l'enleva  le  6  septembre 
1798,  à  l'âge  de  45  ans.  {V .  P. 
Brétault  et  P.  Brunégat.) 

BROSSE  (iV...  Allard  de  la), 
prêtre,  né  à  Lassay,  dans  le  dio- 
cèse du  Mans,  y  faisoit  sa  rési- 
dence avec  son  frère ,  également 
prêtre.  Tous  deux  y  étoient  révé- 
rés comme  des  saints.  Il  fut  du 
nombre  des  ecclésiastiques  que  les 
administrateurs  du  département 
firent  enfermera  Rambouillet  pour 
qu'ils  en  fussent  envoyés  à  Nantes 
ou  à  Rochefort  (  V.  ces  deux 
mots).  Ils moururentl'unet l'autre 
en  1793,  dans  la  maison  de  leur 
réclusion,  avec  la  disposition  de 
souffrir  le  martyre  qui  leur  étoit 
réservé.  {V.  Bodereac,  du  Pré, 
Brosse,  de  Lassay.) 

BROSSE  (iV...  Allard  de  la), 


BRO 

prêtre  de  Lassay,  né  dans  cette 
paroisse,  et  frère  du  précédent, 
objet  comme  lui  d'une  grande  vé- 
nération dans  le  pays ,  partagea 
son  sort,  et  mourut  en  détention 
l'an  1793,  avec  la  résolution  de 
souffrir  pour  sa  Foi  le  martyre 
qui  l'attendoit.  (  V.  Brosse,  de 
Lassay,  et  J.  R.  Bruneau.) 

BROUILLET  (  Guillaume  )  , 
prêtre  du  diocèse  de  Rodez,  né 
a  Milhau  en  Rouergue,  et  curé  de 
Monna,  département  de  l'Avey- 
ron ,  y  fut  retenu  par  les  besoins  des 
fidèles ,  malgré  la  loi  de  déporta- 
tion rendue  à  la  fin  d'août  1792, 
contre  les  prêtres  insermentés.  Les 
agens  de  la  persécution  l'ayantdé- 
couvert  en  1793,  le  firent  jeter 
dans  les  cachots;  et,  en  1794?  il 
fut  envoyé  à  Bordeaux,  où  il  de- 
voit  être  embarqué  pour  une  dé- 
portation au-delà  des  mers  (  V. 
Bordeaux).  Enfermé  dans  le  fort 
du  Ha ,  en  attendant  le  jour  de 
l'embarquement,  qui  n'arriva  que 
vers  la  fin  de  l'automne ,  trois  mois 
après  la  chute  de  Roberspierre,  il 
fut  trouvé  bien  plutôt  mûr  pour 
le  Ciel.  La  Providence  voulut  ter- 
miner son  martyre  dans  les  souf- 
frances de  sa  détention,  par  les- 
quelles déjà  ses  forces  étoient  épui- 
sées. On  le  transporta  à  l'hôpital 
de  Saint-André ,  où  il  mourut  le 
9  août  1794»  à  l'âge  de  5g  ans. 
(  V .  J.  Boyer  et  A.  Bohaud.) 

BROUSSIN  (ZV...),  prêtre  res- 
pectable auquel  des  historiens  du 
temps  qui  l'ont  connu ,  rendent  les 


BBO 

plus  honorables  témoignais,  f:it 
arrêté  à  Paris  le  24  août  1793,  à 
cette  époque  où  les  ennemis  de  la 
religion  ,  encouragés  par  les  évé- 
nemens  du  10  de  ce  mois,  se  dé- 
chaînèrent avec  tant  de  fureur 
contre  les  prêtres  non-assermen- 
tés. Brouss-in,  animé  d'une  Foi 
vive  autant  qu'éclairée,  et  pénétré 
d'une  piété  profonde,  méritoit  la 
même  persécution,  parce  qu'il  n'a- 
voit  pas  voulu  faire  le  serment  de 
la  constitution  civile  du  clergé. 
Il  fut  d'abord  conduit  à  la  prison 
provisoire  de  la  Mairie;  et  on  le 
tranféra,  le  27  du  même  mois,  à 
celle  de  la  Force.  Dès  le  moment 
où  il  s'étoit  vu  arrêté  ,  il  avoit 
pressenti  que  bientôt  il  seroit  im- 
molé par  les  persécuteurs.  Quand 
il  partit  de  la  première  de  ces  pri- 
sons, les  compagnons  de  captivité 
qu'il  y  avoit ,  et  dont  le  plus  grand 
nombre  secomposoit  de  prêtres  fi- 
dèles ,  ne  pouvoient  lui  cacher  l'im- 
pression douloureuse  que leurcau- 
ooit  sa  translation  à  la  Force,  ils 
lui  faisoient  d'une  âme  fort  émue 
des  adieux  que  tous  regardoient, 
ainsi  que  lui ,  comme  les  derniers. 
Broussin  leur  répondit  en  des 
termes  qui  montroient  combien  il 
étoit  plein  des  sentimens  de  pa- 
tience, de  résignation,  que  la  reli- 
gion inspire  aux  prédestinés.  «La 
chanté  chrétienne,  disoit-il,  ne 
peut  nous  empêcher  de  voir  que  les 
ennemis  de  la  Foi  ont  choisi  parm  i 
nous  bien  des  victimes;  mais  sou- 
venez-vous qu'il  ne  tombera  pas 


UTIO  7>5i 

un  cheveu  de  noire  tête,  que  la 
Providence  ne  l'ait  permis  pour 
notre  plus  grand  bien.  Adieu  : 
nous  ne  nous  rejoindrons  peut- 
être  que  dans  l'éternité».  L'abbé 
Broussin  resta  à  la  Force  jusqu'au 
a  septembre  ;  le  féroce  comité  de 
surveillance  de  la  commune  l'en 
fit  extraire  au  moment  où  alloient 
commencer  les  massacres  à  la  pri- 
son de  V Abbaye,  pour  qu'il  en 
fût  une  des  premières  victimes. 
On  l'y  conduisit  en  même  temps 
que  les  abbés  Danois,  Fontaine  et 
Martin  [V.  ces  noms).  A  peine 
Broussin  étoit  entré  dans  la  cour 
de  Y  Abbaye,  qu'en  descendant 
de  voiture  avec  ses  compagnons , 
il  fut  massacré ,  pour  cela  même 
qu'il  étoit  prêtre  ,  et  que  rien  n'a- 
voit  pu  ébranler  sa  Foi.  (  V .  Sep- 
tembre.) 

BROUSSIN  (Jean -Baptiste), 
prêtre  du  diocèse  d'Auch,  né  en 
1760,  à  Mareil,  aujourd'hui  com- 
pris dans  le  département  des  Bas- 
ses -Pyrénées,  et  demeurant  à 
Bordeaux,  en  1795,  y  fut  arrêté 
comme  «  prêtre  non-assermenté  » , 
et  qui  même  n'avoit  pas  voulu 
prêter  le  serment  de  liberté-éga- 
lité. Traduit  pardevant  la  com- 
mission militaire  de  Bordeaux, 
le  1"  nivose  an  II  (21  décembre 
1793)  ,  il  y  fut  solennellement 
accusé,  comme  le  porle  son  juge- 
ment «  d'avoir  refusé  le  serment 
civique  ;  de  ne  s'être  pas  soumis  à 
la  loi  de  la  déportation;  d'avoir 
tâché  d'inspirer  à  plusieurs  jeunes 


332  BRO 

gens  qu'il  instruisoit,  des  senti- 
mens  bien  contraires  aux  intérêts 
de  leur  patrie  (c'est-à-dire  des 
sentimens  religieux  )  ;  d'avoir,  au 
mépris  de  la  loi ,  dil  la  messe  dans 
des  maisons  particulières,  et  d'a- 
voir contribué  à  égarer  les  esprits 
en  les  fanatisant  »  (  V.  Bor- 
deaux). La  commission  militaire, 
se  disant  convaincue  de  tous  ces 
faits,  ordonna  que  J.  B.  Broussin 
subiroit  la  peine  de  mort,  et  il  fut 
décapité  le  même  jour. 

BROYAT  (Jean-Baptiste), curé 
de  Marsillac ,  dans  le  diocèse  de 
Bordeaux,  où  il  étoit  né  en  17  53, 
fut  arrêté  en  1790,  et  amené  à 
Paris  pour  y  être  jugé  parle  grand 
tribunal  révolutionnaire.  Il  y 
comparut  le  29  messidor  an  II 
(17  juillet  1794)  ?  ce  jour-là  même 
où  furent  condamnés  à  mort  les 
seize  religieuses  de  Compiègne, 
et  d'autres  personnes  consacrées 
à  Dieu  [V.  M.  C.  C.  Brard).  Le 
dispositif  seul  de  la  sentence  pro- 
noncée contre  le  curé  Broyât , in- 
dique la  sainte  cause  pour  laquelle 
on  l'immola.  Il  y  étoit  dit  «con- 
vaincu de  s'être  déclaré  l'ennemi 
du  peuple,  en  faisant  des  baptêmes, 
des  mariages  et  des  prières  funè- 
bres, comme  encore  en  portant  des 
gravures  et  signes  de  la  royauté  » . 
Non  seulement  ce  prêtre  ^toit  zélé 
pour  les  devoirs  de  son  ministère, 
il  étoit  encore  royaliste  par  prin- 
cipe de  religion  et  de  conscience. 
Il  périt  le  même  jour,  à  l'âge  de 
4i  ans. 


BRU 

BRU  (Jean)  ,  vicaire  dans  la  pa- 
roisse de  Saint-Laurent,  au  dio- 
cèse de  Sarlat,  et  né  en  1761,  à 
Urval  dans  le  même  diocèse,  ne 
prêta  point  le  serment  schisma- 
tiquede  1791, et  repoussademême 
celui  de  liberté-égalité.  Il  resta 
avec  courage  dans  le  canton ,  pour 
y  consacrer  son  zèle  aux  besoins 
des  catholiques.  Les  persécuteurs 
le  leur  enlevèrent  en  1793;  et, 
après  être  resté  quelque  temps 
dans  les  prisons  de  Périgueux,  il 
fut  envoyé  à  Rochefort  pour  être 
déporté  au-delà  des  mers  {V .  Ro- 
chefort). On  l'embarqua  avec  une 
multitude  d'autres  prêtres  inser- 
mentés sur  le  navire  les  Deux 
Associés.  En  vain  le  jeune  âge  de 
cet  ecclésiastique  lutta  contre  les 
maux  qu'on  éprouvoit  dans  l'hor- 
rible entrepont  de  ce  bâtiment  :  il 
succomba.  Ses  confrères  reçurent 
son  dernier  soupir  dans  la  nuit  du 
18  au  19  septembre  1794-  U  n'a- 
voit  que  33  ans  ;  et  ses  restes  pé- 
rissables furent  inhumés  dans  l'île 
Madame.  (V.  C.  D.  Brochères, 
et  M.  L.  Brclard.) 

BRUGES  (Michel-Benoît  de), 
vicaire -général  de  l'évêché  de 
Mende,  prévôt  de  la  cathédrale 
et  président  du  bureau  diocésain, 
né  à  Vallabrègues  près  Beaucaire , 
dans  le  diocèse  d'Arles,  fut  en- 
voyé par  le  clergé  du  bailliage  de 
Mende  aux  Etats-Généraux.  Son 
âme  droite  et  pure  commença 
d'être  vivement  affligée  quand  ils 
se  donnèrent  un  pouvoir  si  fu- 


BRU 

neste  à  l'autorité  du  Roi,  en  se 
constituant  Assemblée  Nationale. 
Mais  il  fut  bien  plus  amèrement 
contristé  quand  parut  la  constitu- 
tion civile  du  clergé  qui  a  causé 
tant  de  mal  à  l'Eglise.  Aussitôt 
que  les  trente  évêques ,  membres 
de  l'Assemblée ,  eurent  fait  contre 
cette  œuvre  de  schisme ,  leur  ad- 
mirable et  courageux  Exposé  des 
Principes,  le  vicaire-général  de 
Bruges  s'empressa  d'y  adhérer  so- 
lennellement par  sasignature,  avec 
26  autres  prêtres  aussi  membres 
de  l'Assemblée.  Cette  protestation 
étoit  un  grief  digne  de  mort  aux 
yeux  des  novateurs.  Cependant  ce 
vertueux  ecclésiastique  ne  sortit 
pas  de  France  lors  de  la  loi  de  dé- 
portation ;  et  même  il  resta  à  Pa- 
ris, croyant  pouvoir  y  être  oublié 
dans  un  pauvre  domicile  de  la  rue 
Fromenteau.  Il  y  fut  découvert  en 
179J,  et  on  le  jeta  dans  les  pri- 
sons. Il  se  trouvoit  dans  celle  qu'on 
appeloit  des  Carmes  ,  lorsque , 
pour  en  expédier  plus  prompte- 
ment  les  prisonniers,  on  imagina 
perfidement  de  leur  imputer  une 
conspiration  contre  la  Convention. 
Le  chanoine  de  Bruges,  traduit 
devant  le  tribunal  révolution- 
naire avec  quarante-quatre  autres, 
le  5  thermidor  an  II  (  23  juillet 
1794),  y  fut  condamné  à  mort 
sous  ce  prétexte,  mais  pour  la  vé- 
ritable raison  qu'il  étoit  prêtre  ca- 
tholique. On  l'immola  le  même 
jour  à  l'âge  de  52  ans  ;  et,  en  al- 
lant à  Péchafaud,  il  encourageoit 


BRU  335 

ses  compagnons  de  supplice,  leur 
disant:  «Ne  nous  affligeons  point, 
mes  amis  ,  de  perdre  une  vie  tou- 
jours mêlée  de  tant  de  misères, 
soit  corporelles,  soit  spirituelles. 
Nous  contractons  tous  en  naissant 
la  nécessité  de  mourir;  et  la  seule 
manière  dont  les  Chrétiens  doivent 
souhaiter  de  terminer  leurs  jours , 
c'est  de  finir  par  une  mort  pré- 
cieuse aux  yeux  du  Seigneur». 

BRUGIÈRE  (Jean),  prêtre  du 
diocèse  de  Clermont  en  Auvergne, 
exercoit  paisiblement  le  saint  mi- 
nistère en  1793,  à  Sauve,  entre 
Clermôat  et  Aurillac.  Il  y  fut  dé- 
couvert par  les  persécuteurs,  qui 
l'amenèrent  dans  les  prisons  de  la 
première  de  ces  villes  où  siégeoit 
le  tribunal  criminel  du  départe- 
ment du  Puy-de-Dôme.  Comme 
le  prêtre  Brugière  n'avoit  point  fait 
le  serment  de  1791,  et  ne  s'étoit 
pas  exilé  suivant  la  loi  de  dépor- 
tation ,  ce  tribunal ,  devant  lequel 
il  comparut  le  12  floréal  an  II 
(1"  mai  j  794)5  le  condamna  à  la 
peine  de  mort,  comme  «réfrac- 
taire  »  ;  et  il  fût  décapité  le  len- 
demain. 

BRUGIÈRES  (Charles),  cha- 
noine. (  V.  C.  Serre.) 

BRLGNIERE  (Jean-Baptiste), 
curé  de  Gabriac,  dans  le  diocèse 
de  Mende ,  crut  pouvoir  échap- 
per à  la  persécution  dans  les  mon- 
tagnes de  sa  province.  Elle  vint 
l'y  atteindre  a  la  fin  de  1793  ;  il 
fut  arrêté ,  et  conduit  dans  les  pri- 
sons de  Mende ,  où  siégeoit  le  tribu- 


334  bru 
nal  criminel  du  département  de  la 
Lozère,  devant  lequel  il  comparut 
le  5  prairial  an  II  (22  mai  1 794}  ; 
et,  parce  que  la  religion  et  ses 
ministres  étoient  regardés  comme 
ennemis  par  la  Convention  et  ses 
proconsuls,  le  curé  Brugnièrc  fut 
condamné  comme  «  contre-révo- 
lutionnaire »,  à  lu  peine  de  mort 
qu'il  subit  le  lendemain. 

BRULARD  (Michel -Louis), 
prêtre,  et  religieux  de  l'ordre  des 
Carmes -Déchaussés  ,  dans  leur 
maison  de  Charenton,  près  Paris, 
établie  seulement  depuis  1772, 
étoit  né  à  Chartres  en  17^.  Après 
la  destruction  des  cloître?  ,  il  se 
retira  dans  son  pays  natal ,  et  y 
porta  les  vertus  cénobitiques  qu'il 
possédoit  à  un  degré  très-éminent. 
On  n'a  pas  besoin  de  dire  qu'il 
repoussa  les  innovations  schisma- 
tiques  de  1791,  et  les  autres  plus 
impies  que,  par  la  suite,  imagi- 
nèrent les  persécuteurs.  Il  fut  ar- 
rêté en  1790;  et  les  autorités  du 
déparlement  d'Eure  et  Loir , 
dont  Chartres  étoit  le  chef-lieu,  le 
condamnèrent  à  être  déporté  au- 
de  là  des  mers.  On  l'envoya  pour 
cet  effet,  à  Rochefort,  et  il  y  fui 
embarqué  sur  le  navire  les  Deux 
Associés.  Nous  avons  dit  ailleurs 
tout  ce  que  les  prêtres  de  cette 
déportation  eurent  à  souffrir  (  V . 
Rochefort).  L'undes  compagnons 
du  supplice  du  P.  Brulard,  et  gui 
n'y  a  point  succombé ,  l'auteur  de 
la  Relation  de  cette  déportation, 
publiée  en  1796.  s'est  exprimé 


BRU 

ainsi  au  sujet  de  ce  religieux  : 
«Digne  disciple  de  sainte  Thé- 
rèse, le  P.  Brulard  ne  vivoit  que 
de  sacrifices.  Il  ne  pensoit  qu'au 
Ciel,  ne  s'entretenoit  que  du  Ciel. 
On  ne  croiroit  jamais,  sans  en 
avoir  été  le  témoin,  qu'un  corps 
vivant  pût  arriver  au  point  de 
maigreur  où  je  l'ai  vu  réduit  ; 
mais  on  croiroit  encore  moins 
que  l'âme  qui  animoit  un  pareil 
squelette  ,  pût  être  remplie  de 
l'amour  de  Dieu  au  degré  où 
l'étoit  celle  de  cet  ange  de  la 
terre».  La  mort  du  P.  Brulard 
arriva  le  25  juillet  1794»  H  n'a- 
voit  que  56  ans  ;  et  son  corps  fut 
enterré  dans  l'île  à'Aix.  {V.  J. 
Bru  et  A.  F.  Brvlon.  ) 

BRÛLÉ.  {F.  Bruslé.) 

BRULON  (  André-François  ) , 
prêtre  de  Vannes,  né  dans  cette 
ville,  ne  céda  point  à  la  tentation 
de  prêter  le  serment  schismatique 
de  1791,  ni  ceux  qu'imaginèrent 
ensuite  les  impies  persécuteurs , 
pour  avoir  des  prétextes  de  tour- 
menter les  prêtres  fidèles.  Le 
désir  d'être  utile  aux  catholiques 
de  sa  contrée  ,  le  détourna  de 
sortir  de  France  lors  de  l'expul- 
sion des  prêtres  non-assermentés, 
en  août  1792.  Il  fut  arrêté;  et  le* 
autorités  du  département  du  Mor- 
bihan le  condamnèrent  à  être 
déporté  au-delà  des  mers.  Elles 
le  firent,  en  conséquence,  con- 
duire à  Rochefort  pour  y  être  em- 
barqué. Il  le  fut  en  effet  sur  le 
navire  ics  Deux  Associés  (  V. 


BRU 

Rochefort).  Les  maux  que  les 
prêtres  éprouvèrent  dans  celte  dé- 
portation ,  et  qui  arrachèrent  la 
vie  à  la  plupart  d'entre  eux,  acca- 
bloient  tellement  cet  ecclésiasti- 
que ,  qu'il  y  succomba.  Il  mourut 
dans  la  nuit  du  28  au  29  août  179,45 
et  fut  enterré  dans  l'île  Madame. 
{V.  M.  L.  B ii  1; lard  et  G.  Brl-nel.) 

BRUMAT  (Pierre-  Antoine)  , 
prêtre.  {V.  P.  A.  Lebrtimat.) 

BRUN  (Joseph),  citoyen  de 
Nismes  ,  avoit  signé  les  profes- 
sions de  Foi  catholique  comprises 
dans  les  pétitions  des  20  avril  et 
1"  juin  1790  [V.  Nismes).  Lors 
de  la  vengeance   cruelle  qu'en 
tirèrent  les  religionnaires ,  le  14 
juin  de  la  même  année,  il  fut  pour- 
suivi, sans  être  sous  les  armes, 
jusque  dans  l'antique  amphithéâtre 
de  cette  ville,  où  ils  lui  tirèrent 
plusieurs  coups  de  fusil.  Poussé 
ensuite  avec  des  fourches  sur  la 
place ,  il  alloit  y  être  fusillé  lorsque 
des  volontaires  dirent  que  sa  mort 
seroit  trop  douce.  On  le  frappa 
avec  des  sabres,  et  on  le  jeta  dans 
le  fossé  du  rempart.  Il  restoit 
encore  vivant  au  bord  de  l'eau  : 
on  acheva  de  l'exterminer  à  coups 
de  pierres.  Les  deux  frères  Guerin? 
signataires  aussi  des  mêmes  pro- 
fessions de  Foi,  étant  accourus 
pour  le  sauver ,  furent  tués  à 
coups  de  sabres  et  de  fourches. 
[V.  Auzeby  et  Castanier.) 

BRUN  (IV...),  curé,  doyen  de 
l'église  paroissiale  de  Saint-Lau- 
rent-du-la-Plaine  ou  de  Lia,  dans 


BRU  335 

le  diocèse  d'Angers ,  y  étant  resté 
pour  l'utilité  des  catholiques  ,  fut 
massacré  ,  comme  prêtre  inser- 
menté,  sur  les  bords  de  la  Loire, 
par  les  troupes  impies  de  la  Con- 
vention, en  179J.  (  V.  Vendée.) 

BRUNEAU   (Jacques -René), 
prêtre  du  diocèse  du  Mans,  né  en 
1757,  à  Monsœurs,  près  Laval, 
dans  le  Maine,  fut  d'abord,  pen- 
dant huit  ans,  vicaire  en  la  pa- 
roisse de  Saint-Céneré,  près  Laval, 
où  son  zèle  devint  aussi  efficace 
que  sa  conduite  y  étoit  édifiante. 
La  cure  de  la  Bazoge-Montpinson, 
près  Mayenne  ,  lui  fut  conférée  la 
première  année  de  la  révolution  ; 
mais  le  serment  schismatique  que 
l'Assemblée  Constituante  exigea 
des  prêtres,  et  que  Bruneau  ne 
vouloit  point  faire,  l'empêcha  de 
prendre  possession  de  cette  cure. 
Compté  parmi  les  prêtres  inser- 
mentés, il  fut  obligé  comme  eux, 
en  1 792  ,  de  se  rendre  à  Laval  , 
pour  y  être  sous  la  surveillance 
immédiate  des  administrateurs  du 
département  de  la  Mayenne  [F. 
Laval).  Bientôt  on  l'y  enferma 
dans  le  couvent  des  Capucins, 
transformé  en  prison;  mais  il  s'en 
évada  de  peur  d'y  être  égorgé,  et 
alla  se  réfugier  chez  de  bons  ca- 
tholiques de  la  ville,  où  il  disoit 
la  messe,  et  d'où  il  alloit  secrè- 
tement porter  les  secours  de  la 
religion  à  ceux  qui  ne  pouvoient  y 
venir.  Quand  l'armée  cathoiiqus- 
et  royale  passa  par  Laval  (  V. 
Vendée),  il  abandonna  sa  retraite 


536  BRU 
pour  se  joindre  aux  prêtres  du 
Poitou  que  cette  armée  avoit  sous 
sa  protection.  Mais  bientôt  elle 
fut  mise  en  déroute  au  Mans  : 
Bruneau  chercha  son  salut  dans  la 
fuite  ,  en  se  rapprochant  de  sa 
famille.  Une  indisposition  grave 
lui  survint  lorsqu'il  passoit  dans 
la  paroisse  de  Vages,  à  quatre  lieues 
de  Laval  ;  et  il  fut  obligé  de  se 
retirer  dans  une  petite  ferme  ap- 
pelée Closerie  de  Lorrière.  On 
eût  dit  que  les  soldats  des  persé- 
cuteurs avoient  suivi  ses  pas  :  ils 
entrèrent  dans  la  ferme ,  et  se  sai- 
sirent de  sa  personne.  Bruneau 
les  pria  de  le  conduire  à  Laval,  et 
ils  le  lui  promirent;  mais  quand 
ils  furent  arrivés  dans  un  champ 
de  la  paroisse  de  la  Bazouge-de- 
Chémeré,  ils  prononcèrent  l'arrêt 
de  sa  mort  comme  devant  être 
exécuté  à  l'instant.  Bruneau  avoit 
trop  souvent  parlé  uses  confrères 
et  à  ses  amis  du  bonheur  de  don- 
ner sa  vie  à  Jésus-Christ,  pour 
ne  pas  le  ressentir  en  cette  cir- 
constance. Il  entendit  sans  trouble 
la  déclaration  des  soldats,  et  ne 
leur  demanda  d'autre  grâce  que 
celle  d'avoir  encore  un  quart- 
d'heure  pour  offrir  à  Dieu  son 
sacrifice.  Us  le  lui  accordèrent;  et 
ces  courts  instans  furent  employés 
par  Bruneau  à  prier  pour  ses  bour- 
reaux autant  que  pour  lui-même , 
suivant  ce  que  nous  écrivent  et 
le  respectable  curé  d'Entrannes , 
près  Laval,  et  l'un  des  plus  dignes 
curés  du  Mans.  Le  quart-d'heure 


BRU 

étant  expiré,  il  se  tourna  vers  le» 
soldats ,  et  leur  dit  :  «  Faites  de 
moi  ce  qu'il  vous  plaira.  »  A  l'ins- 
tant un  coup  de  fusil  lui  fit  sauter 
le  crâne,  et  il  tomba  mort.  Son 
corps  fut  dépouillé  par  les  assas- 
sins :  on  l'enterra  dans  l'endroit 
même  où  il  avoit  perdu  la  vie.  Ce 
meurtre  eut  lieu  vers  le  milieu  de 
décembre  1793.  Les  précieux  osse- 
mens  de  ce  Martyr  ont  été  exhu- 
més par  la  piété  publique ,  en 
avril  1817,  et  transportés  reli- 
gieusement dans  la  paroisse  de 
Saint -Céneré,  où,  pendant  que 
Bruneau  y  étoit  vicaire ,  on  le  con- 
sidéroitdéjà  comme  un  saint.  {V. 
Brosse,  de  Lassay,  et  Burin,  de 
Conné.) 

BRUNEAU  (IY...),  prêtre  plus 
que  sexagénaire  du  diocèse  d'An- 
gers, n'avoit  pas  voulu  compro- 
mettre sa  Foi  par  la  prestation  du 
serment  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé.  La  loi  du  26  août 
1792,  qui  forçoit  à  se  déporter 
eux-mêmes  les  non-assermentés, 
condamnoit  à  la  réclusion  ceux 
d'entre  eux  qui  étoient  sexagé- 
naires. Bruneau  étoit ,  en  consé- 
quence ,  enfermé  dans  un  lieu  de 
réclusion  à  Angers,  avec  quatorze 
autres  prêtres  d'un  grand  âge  , 
quand  les  soixante  et  un ,  non 
moins  vénérables,  que  de  Nevers 
on  traînoit  à  Nantes  pour  les  y  faire 
périr,  en  mars  1794»  passèrent  à 
Angers.  Le  comité  révolution- 
naire imagina  de  se  débarrasser 
alors  de  ce  qui  restoitde  ceux  de  ce 


BRU 

diocèse,  en  les  associant  au  sort 
des  prêtres  de  la  Nièvre  {V.  Ne- 
vers  )  ;  et  Bruneau  ,  ainsi  que 
ses  quatorze  collègues ,  fut  em- 
barqué avec  eux,  le  1 3  mars  1794- 
Les  maux  atroces  qu'on  leur  fit 
éprouver  dans  le  voyage ,  et  en- 
suite dans  le  fond  de  cale  de  la 
galiote  hollandaise  du  port  de 
Nantes ,  furent  supportés  par 
Bruneau  avec  un  égal  courage,  et 
la  même  volonté  de  mourir  plutôt 
que  de  trahir  sa  Foi.  Ces  maux 
étoient  si  affreux,  qu'en  vingt-six 
jours,  il  y  périt  trente  prêtres  de 
la  Nièvre,  et  tous  les  prêtres  An- 
gevins ,  excepté  un  seul  :  Bruneau 
fut  du  nombre.  Il  expira  vers  le 
commencement  d'avril  1794-  {V- 
Britte,  d'Angers,  et  Cantat,  de 
la  Nocle.)  , 

BRUNEAUD  (  LÉonarde  ), 
femme.  [V .  L.  Lito.) 

BRUNÉGAT  (  Pierre  ) ,  né  en 
1746  à  Soni,  paroisse  du  diocèse 
de  Luçon,  comprise  maintenant 
dans  le  département  de  la  Loire- 
Inférieure,  étoit,  au  commen- 
cement de  la  révolution,  vicaire 
dans  le  bourg  de  Bazoches,  même 
diocèse,  dans  la  Vendée.  D'une 
Foi  inébranlable  et  d'un  zèle  très- 
ardent  ,  il  avoit  repoussé  avec 
indignation  les  sermens  de  1791 
et  1792.  Les  catholiques  de  la 
contrée  reçurent  de  grands  ser- 
vices spirituels  de  l'apostolat  qu'il 
exerça  parmi  eux,  dans  les  temps 
affreux  de  1795  et  1794-  Les  per- 
sécuteurs n'avoient  pu  l'atteindre  ; 

2. 


BRU  337 
et  le  calme  trompeur  qui  succéda 
pendant  les  années  suivantes, 
donna  de  la  sécurité  au  vicaire 
Brunégat.  Il  fut  enfin  surpris  dans 
l'exercice  de  son  ministère  parles 
exécuteurs  de  la  farouche  loi  de 
déportation,  rendue  le  lendemain 
de  la  catastrophe  du  18  fructidor 
(4  septembre  1797)-  s'empa- 
rèrent de  sa  personne  à  Luçon,  et 
l'envoyèrent,  au  commencement 
de  1798,  àRochefort,  pour  qu'il  en 
fût  déporté  à  la  Guiane  (V.  Guiane). 
On  l'embarqua,  le  12  mars,  sur 
la  frégate  la  Charente ,  d'où,  le 
25  avril,  on  le  fit  passer  sur  la 
frégate  la  Décade.  La  douleur 
d'être  arraché  à  ses  ouailles,  et 
la  considération  de  la  perfidie 
avec  laquelle  on  violoit  cette  paix 
promise  à  la  Vendée,  de  la  sincé- 
rité de  laquelle  il  n'avoit  point  eu 
de  défiance  (  V.  Vendée ) ,  exal- 
tèrent sa  sensibilité ,  et  enflam- 
mèrent son  imagination,  au  point 
que  ses  confrères  lui  proposèrent 
de  permettre  qu'ils  le  taxassent  de 
démence ,  pour  obtenir  qu'il  fût 
remis  à  terre  et  soustrait  à  la  dé-- 
portation.  II  répondit,  avec  une 
fermeté  inébranlable,  qu'il  étoit 
résigné  au  sort  que  la  Providence 
paroissoitlui  avoir  destiné.  Arrivé 
à  Cayenne  vers  le  milieu  de  juin, 
il  fut  aussitôt  relégué  dans  le  désert 
de  Konanama.  Comme  si  ce  séjour 
n'eût  pas  été  assez  cruel  pour  lui, 
il  s'enfonça  dans  les  bois,  et  y 
périt  à  peu  près  comme  ce  saint 
Martyr  de  Perse ,  Maharsapor , 

22 


338  BRU 
dontAssemnn  rapporte  les  actes, 
et  qui ,  en  42 1  ?  jeté  dans  une  fosse 
ténébreuse  où  les  tyrans  eroyoient 
qu'il  y  avoit  un  dragon  féroce  par 
lequel  il  seroit  dévoré,  y  fut  trouvé 
mort,  à  genoux,  et  ayant  l'air  de 
prier  :  Illico  judici  nunliârunt 
reperlum  fuisse  veatum  Mar- 
fyrem  in  genua  procunthen- 
tem,  cxlinctum  tamen  et  exam- 
inent, etsi  orantis  axHiuc  spe- 
ciem  prœberet.  (Pars  1%  p.  256  : 
Martyriunt  B.  Maharsaporis.) 
Une  lettre  écrite  de  Konanama, 
par  un  déporté,  le  9  septembre 
1798,  racontait  ainsi  la  mort  de 
Brunégat  :  «  Un  prêtre  qui ,  depuis 
plusieurs  jours,  ne  paroissoit  point 
aux  appels,  a  été  trouvé  mort 
dans  une  forêt  voisine.  Il  y  avoit 
succombé  d'inanition.  Ses  mains 
étoient  jointes  ;  et  sur  ses  lèvres 
inanimées  reposoit  un  crucifix.  Des 
nègres  nous  l'ont  apporté  en  cet 
état  ;  et  nous  avons  rendu  les 
derniers  devoirs  à  ce  Martyr  » . 
C'était  encore  ainsi  qu'avoit  cessé 
de  vivre,  dans  la  persécution 
Vandalique,  le  saint  prêtre  Cres- 
conius  ,  que  l'Eglise  honore 
tomme  Martyr  le  28  novembre  ; 
Sic  eninx  Cresconius  presbyte r 
Myzentinœ  civitatis,  in  spe- 
lunca  Ziquensis  montis  reper- 
tus  est,  putrescente  jam  solu- 
tus  cadavere  (Vict.  De  Perse- 
cutione  Vandalica.  L.  III). 
La  mort  du  vicaire  Brunégat  est 
inscr  ite ,  dans  le  registre  de 
Guyenne,  au  2a  fructidor  an  VI 


BRU 

(8  septembre  1798)  :  son  Age. 
était  de  58  ans.  {V.  F.  J.  Broly, 
et  Bûcher.  ) 

BRUNEL  (Gervais),  prieur  de 
la  Trappe,  ordre  et  réforme  de 
Citeaux,  dans  le  diocèse  de  Séez, 
étoit  né  à  Magnières,  dans  celui 
de  Nancy.  Après  la  suppression 
de  son  ordre  et  son  expulsion  de 
la  sainte  solitude  de  la  Trappe,  il 
vint  résider  en  son  pays  natal,  au 
sein  de  sa  famille.  «Fervent  reli- 
gieux, homme  de  piété  et  d'une 
grande  vertu»,  comme  nous  l'a  écrit 
un  de  ceux  qui  reçurent  ses  der- 
niers soupirs ,  il  se  garda  bien  d'ad- 
hérer en  rien  au  schisme  de  1 79 1  et 
1792.  L'habitude  de  modestie,  de 
paix  et  d'obscurité  qu'il  avoit  con- 
tractée dans  la  retraite ,  ne  pou- 
voit  que  tranquilliser  les  réforma- 
teurs politiques  ;  mais  ces  réfor- 
mateurs étoient  impies,  et  faisoient 
la  guerre  à  Dieu  et  à  ses  Saints. 
Le  prieur  de  la  Trappe  ne  pou- 
voit  donc  être  épargné  par  eux  ; 
ils  l'arrêtèrent  en  1790,  et  le 
firent  jeter  dans  les  prisons  de 
Nancy,  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent 
décidé  s'ils  le  feroient  périr  sur 
l'échafaud  ou  dans  un  navire  de 
déportation.  Le  premier  parti  au- 
roit  soulevé  les  nombreux  admi- 
rateurs de  sa  sainteté  pure  ,  calme 
et  céleste.  Ils  prirent  donc  le  parti 
de  l'envoyer  à  Rochcfort,  pour 
être  déporté  au-delà  des  mers  ; 
et  on  l'embarqua  sur  ics  Deux 
Associés  {V.  Rochefort).  Les 
vœux  des  impics  furent  comblés. 


BRU 

Le  saint  religieux  succomba  sous 
le  poids  des  souffrances  de  cette 
déportation,  dans  la  nuit  du  19 
au  20  aoiït  1 79/i)  à  l'âge  de  5o  ans. 
Ses  cendres  reposent  dans  l'île 
Madame.  (  V.  A.  F.  Brulon,  et 
Ph.  Brislé.) 

BRUNEI  (CnARLEs), prêtre, ex- 
Jésuite  ,  résidant  à  Châtellerault , 
dans  le  diocèse  de  Poitiers,  n'a- 
voil  rien  vu  dans  les  lois  qui  l'o- 
bligeât à  sortir  de  France,  quoi- 
qu'il se  fût  tenu  éloigné  du 
schisme  constitutionnel.  Mais  o'é- 
toit  un  bon  prêtre;  et  les  persé- 
cuteurs avoient  résolu  de  détruire 
toute  la  famille  sacerdotale.  L'ex- 
Jésuite  Brunet  fut  donc  arrêté  ;  et 
on  le  traîna  dans  les  prisons  de 
Poitiers.  Le  tribunal  du  départe- 
ment de  la  Vienne ,  siégeant  en 
celte  ville ,  le  fit  comparoître  de- 
vant lui,  le  28  ventôse  an  II 
(  1 8  mars  1 794  )  >  et  le  condamna 
à  la  peine  de  mort,  comme  «  prê- 
tre réfractaire  » .  Il  fui  ainsi  l'un  des 
dix-sept  prêtres  que  les  juges  en- 
voyèrent à  l'échafaud,  ce  jour-là, 
en  haine  de  la  religion.  (  V .  3.  M. 
Bonnet,  et  F.  A.  D.  de  Branne- 

VAL.) 

BRUNET  (Etienne),  né  à  Lyon, 
vers  1700,  et  curé  de  Grézieu-la- 
Varenne ,  bourg  du  diocèse  de 
Lyon ,  avoit  été  expulsé  de  sa 
cure  pour  n'avoir  pas  voulu  prê- 
ter le  serinent  de  la  constitution 
civile  du  clergé.  Ils'étoit  réfugié 
dans  celte  ville,  depuis  que  la 
persécution  l'avoit  encore  plu* 


BRU  339 

rigoureusement  écarté  de  sa  pa- 
roisse ;  et  il  rendoit  néanmoins 
son  ministère  très-utile  aux  ca- 
tholiques de  la  cité  où  il  se  trou- 
voit.  Lors  de  la  recherche  rigou- 
reuse qu'on  fit  des  prêtres  dans 
tous  les  domiciles,  après  le  siège 
de  Lyon  ,  pour  fournir  une  ample 
pâture  à  l'impie  commission  révo- 
lutionnaire qui  y  étoit  établie 
depuis  novembre  1 793  (  V.  Lyon)  , 
le  curé  Brunet,  saisi  et  livré  à 
cette  espèce  de  tribunal,  y  fut 
condamné  à  la  peine  de  mort,  le 
1 8  pluviôse  an  II  (G  février  1 794)  ? 
à  l'âge  de  44  ans  ?  comme  «  contre- 
révolutionnaire  ,  et  prêchant  le 
fanatisme  »,  c'est-à-dire  la  Foi 
de  l'Eglise  catholique.  [V .  Briery, 
et  Brtjyas.) 

BRUNET  (Françoise),  femme. 
{V.  F«  Bédée.) 

BRUNEVAI,  (François-  Amable 
Danckl  de),  vicaire -général  de 
l'évêquedc  Poitiers,  et  promoteur 
de  l'officialité  du  diocèse  de  ce 
nom,  y  avoit  contribué  à  main- 
tenir la  Foi  pure,  lors  de  l'éta- 
blissement de  la  constitution 
civile  du  clergé.  L'attachement 
inviolable  du  Poitou  à  la  croyance 
de  ses  pères,  avoit  semblé  à  cet 
ecclésiastique,  une  garantie  suffi- 
sante contre  les  fureurs  de  la 
persécution;  et  il  n'étoit  point 
sorti  de  France,  malgré  la  loi  du 
26  août  1792.  Continuant  l'exer- 
cice de  son  ministère  à  Poitiers,  il 
y  fut  enfin  arrêté  en  1790.  Apiès 
quelques  mois  de  séjour  dans  les 
22. 


34o  BRU 
prisons,  on  le  traduisit,  le  28  ven- 
tôse an  II  (18  mars  1794)5  devant 
le  tribunal  du  département  de  la 
Vienne,  siégeant  en  cette  ville; 
et  les  juges  le  condamnèrent  à  la 
peine  de  mort ,  comme  «  prêtre 
réfractaire  ».  Avec  lui  marchèrent 
à  l'échal'aud  seize  autres  victimes 
sacerdotales,  que  ce  tribunal  fai- 
sait immoler  de  même  en  haine 
de  la  religion.  (  V.  C.  Brunet,  et 
.1.  B.  Car.) 

BRUNO  (Dom),  Chartreux. 
[V.  J*  Sage.) 

BRUSLÉ  (iV...),  prêtre,  né  à 
Evreux  ,  en  i?38,  ne  nous  est 
guère  connu  que  par  son  martyre, 
subi  à  Valenciennes,  près  de  trois 
mois  après  la  chute  de  Robers- 
pierre ,  sous  la  tyrannie  de  la  fac- 
tion Thermidorienne.  Déporté, 
sans  doute  comme  insermenté , 
par  la  loi  du  26  août  1 792 ,  il  étoit 
venu,  dans  cette  ville,  avec  les 
prêtres  de  Valenciennes ,  quand 
les  Autrichiens  l'eurent  soustraite 
aux  fureurs  impies  de  la  Conven- 
tion, le  i"août  1795  {V.  Valen- 
ciennes). Il  les  aida  dans  les  fonc- 
tions du  saint  ministère,  pendant 
ies  treize  mois  qu'il  leur  fut  pos- 
sible de  l'exercer  avec  sécurité. 
Les  Autrichiens  ayant  été  obligés 
d'évacuer  cette  place,  le  1"  sep- 
tembre 1794  ?  et  les  proconsuls  de 
la  Convention  étant  venus  y  réta- 
blir la  persécution,  le  prêtre  Bruslé 
fut  arrêté  avec  tous  les  autres  et 
plusieurs  religieuses.  On  le  tradui- 
sit devant  une  commission  mili- 


BRU 

luire,  avec  huit  personnes  con- 
sacrées à  Dieu  (  V.  Laisney  , 
Druez,  J.  Saudeur,  M.  C.  Jh 
Paillot,  M.  M.  Leroux,  A.  J. 
Leroux,  J.  L.  Barrez,  et  L.  La- 
croix ) ,  le  2  brumaire  an  III 
(23  octobre  1794)-  Comme  la 
faction  régnante  croyoil  devoir  à 
son  système  hypocrite,  de  dis- 
simuler sa  haine  de  la  religion, 
en  faisant  périr  les  prêtres  et 
les  confesseurs  de  la  Foi,  comme 
tels  ,  elle  s'applaudit  d'avoir 
contre  eux ,  en  cette  circons- 
tance, le  prétexte  de  leur  émigra- 
tion. Les  juges  demandèrent  seu- 
lement au  prêtre  Bruslé  s'il  étoit 
sorti  de  France  ;  la  loi  de  Dieu  ne 
vouloit  pas  qu'il  cherchât  à  sau  ver 
sa  vie  par  un  mensonge.  Il  répon- 
dit, en  rendant  un  généreux  té- 
moignage a  la  vérité ,  et  fut  aussitôt 
condamné,  comme  les  huit  autres 
personnes,  à  la  peine  de  mort, 
en  qualité  «d'émigré-rentré»  [V . 
Auchin).  Il  marcha  à  l'échafaud 
avec  les  mêmes  sentimens  de 
piété,  avec  la  même  ferveur  et  la 
même  confiance  en  Dieu  que  ses 
compagnons  de  martyre,  récitant 
en  route  ,  et  jusqu'à  ce  que  sa  tête 
tombât,  les  prières  que  lui  suggé- 
roient  sa  Foi ,  sa  charité ,  et  l'espé- 
rance d'une  vie  éternellement 
glorieuse  dans  le  Ciel.  Il  avoit 
alors  56  ans.  (  V.  Brisson,  et  L. 
P.  Cagnot.) 

BRUSLÉ  (Philippe),  prêtre  du 
diocèse  de  Langres ,  né  à  Au- 
mont,  en  1755,  desservoit,  en 


BRU 

qualité  de  vicaire ,  la  paroisse  de 
Sarry ,  près  la  ville  de  Noyers  ,  lors 
de  la  révolution.  Prudhomme, 
dans  son  Dictionnaire  des  vic- 
times qu'elle  a  faites,  a  dit  que 
cet  ecclésiastique  fut  condamné  au 
supplice  de  la  guillotine,  comme 
«prêtre  réfractaire  »,  le  8  germi- 
nal an  II  (  28  mars  1 794  ) ,  par  le 
tribunal  criminel  du  département 
de  la  Haute- Marne.  Cette  indi- 
cation est  fautive  quant  à  la  peine 
qui  lui  fut  infligée  ;  car  Philippe 
Bruslé  fut  condamné  à  être  déporté 
à  la  Guiane  ;  mais  elle  est  exacte 
quant  à  la  date  et  aux  motifs  de 
la  sentence.  Il  est  bien  évident . 
par  elle ,  que  ce  vicaire  avoit  refusé 
le  serment  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé,  en  1791,  même 
ceux  qui  furent  exigé?  en  1792  ; 
et  qu'il  n'étoit  point  sorti  de 
France  après  la  loi  d'exil  portée 
le  26  août  de  cette  dernière  année. 
La  constance  de  sa  Foi,  et  même 
l'inflexibilité  de  son  zèle ,  furent 
donc  la  cause  de  sa  déportation, 
de  ses  souffrances,  et  enfin  de  sa 
mort.  Ce  zèle,  il  l'avoit  encore 
exercé ,  avec  une  grande  utilité 
pour  l'Eglise,  dans  le  diocèse  de 
Langres,  pendant  la  terrible  année 
1793.  Il  ne  fut  arrêté  qu'en  dé- 
cembre ;  mais  ,  après  l'avoir  con- 
damné à  la  déportation,  l'on  ne 
tarda  pas  à  le  faire  conduire  par 
des  gendarmes  à  Rocheforl  ;  et  il 
y  fut  embarqué  sur  le  W ashing- 
ton[y.  Rochefort).  Son  martyre 
dura  plus  long -temps  que  celui 


BRU  541 

de  tous  les  autres  prêtres  qui  pé- 
rirent en  si  grand  nombre  dans 
cette  circonstance;  car  il  ne  mou- 
rut qu'en  février  179a,  après 
qu'on  eut  débarqué  sur  les  côtes 
de  la  Saintonge  les  deux  cents 
vingt-huit  qui  vivoient  encore. 
Il  semble  que  Dieu  le  réseryoil, 
avec  deux  autres  (  V.  F.  Jourdain, 
et  P.  Talmeuf),  pour  récompen- 
ser ,  par  les  reliques  de  trois  Mar- 
tyrs, la  ville  de  Saintes  dont  les 
habitans,  animés  de  cette  Foi  vive 
qui  se  manifeste  par  les  œuvres» 
fides  ex  operibus,  se  signalèrent 
dans  cette  rencontre  d'une  ma- 
nière si  généreuse  euvers  «  ce  petit 
reste  échappé  aux  ravages  de  la 
mort  »  ,  suivant  l'expression  de 
l'un  d'eux  [V .  Récit  abrégé  des 
Souffrances  de  près  de  huit 
cents  ecclésiastiques ,  etc.  etc. , 
par  un  curé  du  diocèse  de  Pa~ 
ris).  Philippe  Bruslé,  l'un  des 
trois  qui  alloient  mourir  à  Sain- 
tes ,  étant  déjà  près  de  succom- 
ber, lors  du  débarquement  à 
Tonnay- Charente,  fut  du  nom- 
bre des  malades  et  infirmes  que 
l'on  amena  à  Saintes ,  sur  quinze 
charrettes  lentement  conduites 
par  des  bœufs ,  et  escortées  par 
trente  gendarmes.  Ceux  qui  pou- 
voient  encore  marcher  firent  la 
route  à  pied  ;  et  les  premiers , 
comme  les  seconds ,  eurent,  pen- 
dant le  trajet,  un  surcroît  de  peine 
dans  la  pluie  abondante  qui  ne 
cessa  de  tomber  sur  eux,  sans 
qu'ils  pussent  s'en  garantir.  Lu 


342  BRU 
nuit  qu'ils  furent  obligés  de  passer 
à  Saint-Porchaire ,  ils  n'eurent 
pour  lit  que  le  pavé  d'une  église. 
La  pluie  les  accabla  encore  le  len- 
demain ,  jusqu'à  Saintes,  où  ils 
n'arrivèrent  qu'à  onze  heures  du 
matin.  Le  seul  d'entre  eux  qui 
pût  y  être  connu,  et  inspirer  aux 
Santongeois  quelque  intérêt  par- 
ticulier, étoit  M.  Du  Pavillon,  âgé 
de  55  ans,  l'un  des  dignes  grands- 
vicaires  de  leur  saint  évêque, 
massacré  le  2  septembre  1792 
{V.  P.  L.  D.  L.  Rochefoucauld). 
Mais  on  ne  s'attendoit  pas  à  le  trou- 
ver parmi  ces  déportés,  d'autant 
mieux  que  c'étoit  de  Périgucux, 
où  il  résidoiten  1795,  qu'il  a  voit 
été  envoyé  à  Rochefort  pour 
l'embarquement.  On  ne  le  recon- 
nut pas  d'abord,  en  les  voyant 
arriver  à  Saintes  dans  l'état  le 
plus  déplorable.  Pour  bien  juger 
de  cet  état,  il  faut  entendre  l'un 
d-'eux,  ce  curé  du  diocèse  de 
Paris  que  nous  avions  encore  cité 
au  tom.  I",  pag.  556  (1),  et 
qui  n'étoit  pas  des  plus  malades. 
«Nos  baillons,  dit-il,  nos  hail- 
lons dont  la  pluie  avoit  détrempé 


(1)  Son  nom  que  nous  venons  de 
découvrir  est  Marie  -  Bon  -  Philippe 
Bottin  :  il  étoit  curé  de  Saint-Sauveur 
de  Lagny,  en  Brie,  et.ee  fut  le  seul 
pr6tre  du  diocèse  de  Paris  qui  se 
trouva  dans  cette  affreuse  déporta- 
tion. Il  y  avoit  été  condamné  le  16 
octobre  1793  par  le  tribunal  criminel 
du  département  de  Seine  et  Oise,  sié- 
geant à  Versailles. 


BRU 

tous  les  lambeaux  ,  noire  teint 
livide,  nos  joues  creuses,  notre 
corps  décharné,  tout  en  nous  at- 
testoit  l'extrême  misère  à  laquelle 
nous  avions  été  réduits.  Ce  triste 
spectacle  émut  vivement  tous  ceux 
qui  en  étoient  témoins  :  ils  ne 
purent  retenir  leurs  larmes,  en 
voyant  arriver  parmi  eux  des 
hommes  à  demi  morts,  des  sque- 
lettes qui  ne  conservoient  plus 
qu'une  peau  desséchée  et  collée 
sur  les  os,  des  cadavres  qu'animoit 
à  peine  un  souffle  de  vie.  Nous 
fûmes  déposés  dans  la  vaste  mai- 
son qu'habitoient  les  ci  -  devant 
religieuses  Bénédictines  de  Notre- 
Dame  ,  pour  y  demeurer  reclus 
tant  qu'il  plairoit  au  Seigneur  de 
le  permettre.  Là,  un  lit  de  paille 
étoit  préparé  pour  chacun  de  nous  ; 
mais  la  divine  Providence,  qui 
vouloit  faire  cesser  nos  maux  , 
nous  avoit  conduits  dans  une  terre 
bénite  où  la  charité,  cette  fdle  du 
Ciel,  a  établi  son  séjour  de  pré- 
dilection » . 

Avant  de  décrire  les  prodiges 
qu'elle  fit,  et  les  secours  qu'elle 
prodigua,  il  est  juste  de  penser  à 
l'influence  que,  du  haut  du  ciel, 
le  saint  martyr  évêque  de  Saintes 
dut  avoir,  dans  cette  rencontre, 
sur  la  piété  solide  que,  de  son 
vivant,  il  avoit  inspirée  à  ses  dio- 
césains. «  Les  habitans  de  cette 
ville,  reprend  le  même  curé, 
vinrent  à  notre  secours  avec  un 
empressement  si  vif,  avec  un  con- 
cert si  unanime,  qu'en  peu  de 


BRU 

temps  nous  fûmes  tous  pourvus 
de  couchettes,  de  matelas,  de 
draps,  couvertures,  tables,  chaises, 
etc.  Iious  manquions  de  vête- 
mens  et  de  linge  :  on  se  hâta  de 
nous  en  fournir.  Après  que  ces 
précieux  services  nous  curent  été 
rendus  avec  le  désintéressement 
le  plus  parfait ,  on  établit ,  en 
notre  faveur ,  une  distribution 
journalière  et  copieuse  d'alimens 
de  la  meilleure  qualité;  on  y  joi- 
gnit les  médicamens  dont  nos 
malades  avoient  besoin  » .  M.  Du 
Pavillon  étoit  constitué  d'un  con- 
cert unanime,  par  ses  confrères 
comme  par  leurs  bienfaiteurs,  le 
régulateur  de  tous  ces  divers  se- 
cours ,  suivant  le  besoin  de 
chacun  ;  et  leur  accroissement 
progressif  sembla  provenir  de  la 
sagesse  de  ses  dispensations. 
«  Une  émulation  générale,  pour- 
suit le  même  curé,  animoit  tous 
les  citoyens  à  nous  faire  du  bien  ; 
et  les  plus  pauvres  étoient  jaloux 
de  concourir  à  la  sainte  pro- 
digalité dont  nous  étions  l'ob- 
jet. Pour  en  sentir  le  prix,  il  faut 
savoir  que  les  vivres  étoient  alors 
très-rares  et  très-chers  à  Saintes  ; 
mais  les  généreux  habitans  fai- 
soient  tous  les  sacrifices  nécessaires 
pour  nous  en  procurer  abondam- 
ment :  ils  se  privoientmème  d'une 
partie  de  leur  subsistance,  pour 

que  la  nôtre  fût  complète   » 

Parmi  eux  se  distinguoit,  après 
les  avoir  enhardis  par  la  préve- 
nance, le  zèle  et  la  générosité  de 


BRU  343 

ses  services  envers  les  prêtres  souf- 
frans,  un  honorable  médecin  qui, 
par  une  de  ces  dispositions  de  la 
Providence  que  les  gens  de  peu 
de  Foi  n'attribuent  qu'au  hasard, 
portoit  le  même  nom  que  notre 
vicaire  de  Sarry,  le  plus  ignoré 
d'entre  eux.  C'est  de  ce  protec- 
teur que  parloit  M.  de  la  Biche  , 
regrettant  de  n'oser  encore  le 
nommer,  quand  il  disoit  dans  sa 
Relation  imprimée  en  179G  : 
«  Nos  malades  étoient  bien  soi- 
gnés ;  ils  avoient  un  habile  mé- 
decin, homme  d'esprit,  plein  de 
douceur  et  d'aménité  ,  qui  prenoit 
autant  d'intérêt  à  notre  sort  que 
si  nous  eussions  été  ses  proches  ou 
ses  amis  particuliers».  Ajoutons 
à  cekt ,  pour  l'honneur  de  tous 
ceux  qui  furent  sauvés  par  ses 
soins ,  qu'ils  n'ont  cessé  de  le 
chérir  autant  qu'il  en  est  estimé. 

Dieu  voulut  que ,  malgré  tant  de 
secours  et  d'attentions  ,  trois  de 
ces  prêtres  donnassent  aux  pieux 
Santongeois,  le  spectacle  d'une 
mort  sainte  dans  les  bras  du  Sei- 
gneur, et  que  le  vicaire  Bruslé 
fût  de  ce  nombre.  Tout  ce  qu'on 
put  faire  pour  lui  ne  réussit  qu'à 
prolonger  sa  vie  près  d'un  mois. 
11  expira  dans  la  nuit  du  0  au  7 
mars  1795,  à  l'âge  de  40  ans. 

Quant  aux  deux  cent  vingt-six 
autres ,  il  est  bon  de  connoitre 
les  senlimens  qu'ils  emportèrent 
de  Saintes,  et  toute  l'étendue  des 
bienfaits  qui  leur  y  furent  prodi- 
gués encore  à  leur  départ. 


344  BRU 

«  Nos  bienfaiteurs  nous  avoient 
soulagés  en  toute  manière,  ditenfin 
le  curé  de  Lagny;  ils  couronnèrent 
tous  leurs  bienfaits ,  en  obte- 
nant du  comité  de  sûreté  géné- 
rale ,  que  la  liberté  nous  fût 
rendue....  Quand  le  moment  de 
nous  séparer  d'eux  arriva,  ils  ne 
■voulurent  pas  nous  laisser  aller 
sans  nous  avoir  donné  l'argent 
qui  nous  étoit  nécessaire  pour  les 
dépenses  de  la  route.  Vertueux 
habitans  de  Saintes,  peuple  com- 
patissant et  généreux  !  telles  sont 
les  œuvres  de  miséricorde  que 
yous  avez  pratiquées  à  notre 
égard   Rien  n'a  pu  vous  em- 
pêcher de  suivre  jusqu'à  la  fin  les 
mouvemens  de  la  charité  de  Jésus- 
Christ  qui  vous  pressoit  de  secou- 
rir ses  ministres.  Les  railleries  , 
les  injures,  les  menaces  des  enne- 
mis de  l'Eglise,  n'ont  pas  été  ca- 
pables de  refroidir  votre  zèle  ,  ni 
de  ralentir  le  cours  de  vos  bonnes 
œuvres.  Ces  hommes  sans  pitié 
marquoientvos  noms  sur  des  listes 
de  mort  ;  mais  le  Dieu  de  toute 
bonté  les  inscrivoit  sur  le  livre  de 
vie.  Vous  tous  qui  avez  été  nos 
consolateurs,  nos  bienfaiteurs,  nos 
libérateurs ,  que  vous  rendrons- 
nous  pour  la  tendre  commiséra- 
tion que  vous  nous  avez  témoi- 
gnée ,  pour  les  charitables  soins 
que  vous  nous  avez  prodigués  , 
pour  les  abondantes  largesses  dont 
vous  nous  avez  comblés  ?  Ah  !  nous 
ne  pouvons  pas  répondre  à  votre 
générosité  par  des  bienfaits  réci- 


BRU 

proques,  puisque  Dieu  nousaôte 
toutes  nos  possessions  ence  monde. 
Mais,  dans  notre  dépouillement, 
il  nous  reste  le  cœur  pour  vous 
aimer  d'une  affection  éternelle, 
une  voix  pour  vous  bénir  à  la  face 
du  ciel  et  de  la  terre.  Puisse  toute 
l'Eglise  catholique  être  informée 
des  aumônes  que  vous  avez  ver- 
sées avec  tant  de  profusion  dans  le 
sein  de  ces  prêtres  souffrans,  et  les 
célébrer  à  jamais  avec  nous  !» 

BRU  S  LÉ  (  Jean  -  Baptiste  ) , 
jeune  prêtre  du  diocèse  de  Char- 
tres, né  près  de  Chûteaudun,  se 
laissa  séduire  par  les  apologistes  de 
la  constitution  civile  du  clergé , 
et  en  fit  le  serment.  Cet  acte  de 
foiblesse  coupable  lui  valut  d'être 
porté  par  les  profanes  à  la  cure  de 
Saint-Laurent,  dans  Nogent-le- 
Rotrou.  Mais,  au  commencement 
de  1793,  ses  yeux  se  dessillèrent; 
il  vit  que  toutes  les  prétendues 
réformes  auxquelles  il  avoit  ad- 
héré ne  produisoient  que  la  ruine 
de  la  religion.  Les  progrès  de 
l'impiété  autorisée  par  la  Con- 
vention, ne  lui  permettoient  plus 
de  restera  Nogent,  sans  danger 
pour  sa  personne  ;  il  vint ,  au  mois 
d'août,  à  Paris;  et,  un  jour  qu'il 
alla  dans  un  bureau  d'administra- 
tion où  il  étoit  appelé ,  il  ne  put 
s'empêcher  de  se  montrer  indigné 
de  tout  ce  que  la  Convention  fai- 
soit  pour  la  ruine  entière  de  la 
religion.  Cette  franchise  de  son 
amour  pour  elle  le  fit  arrêter  et 
jeter  dans  les  prisons ,  où  il  se 


trouva  avec  l'édifiant  curé  Pastou- 
relle (  V.  ce  nom).  II  y  rétracta 
son  serment ,  et  en  fut  absous. 
Le  tribunal  le  fit  comparoître  de- 
vant lui,  le  2  brumaire  an  II  (25 
octobre  1793  ) ,  avec  le  curé  Pas- 
tourelle ,  et  le  condamna  aussi  à 
la  peine  de  mort,  sous  le  prétexte 
qu'il  avoit  «  tenu  des  propos 
contre-révolutionnaires,  et  pro- 
voqué le  rétablissement  de  la 
royauté».  Il  n 'avoit  que  58  ans. 

BRUSTIER  (  François  ) ,  prê- 
tre ,  et  religieux  de  l'ordre  des 
Grands-Carmes ,  né  dans  le  dio- 
cèse de  Toulouse ,  n'étoit  point 
sorti  de  France,  quoique  proscrit 
comme  insermenté,  par  la  loi  du 
26  août  1792.  Il  fut  arrêté  en 
1795;  et,  après  plusieurs  mois 
d'emprisonnement,  on  le  fit  traî- 
ner, en  1794?  à  Bordeaux,  où  il 
devoit  être  embarqué  pour  une 
déportation  au-delà  des  mers  (  V. 
Bordeaux).  En  attendant  le  jour 
de  l'embarquement ,  qui  n'arriva 
que  vers  la  fin  de  l'automne  ,  trois 
mois  après  la  chute  de  Robers- 
pierre  ,  le  P.  Brustier  fut  enfermé 
dans  la  maison  du  Petit-Séminaire, 
où  la  Providence,  voulant  qu'il  ter- 
minât son  martyre  à  Bordeaux, 
permit  qu'il  succombât  sous  le 
poids  de  ses  souffrances.  Quand  on 
le  vit  près  d'expirer,  on  le  trans- 
féra dans  l'hôpital  de  Saint-André. 
Il  y  rendit  son  dernier  soupir,  le 
23  août  1794  ,  à  l'âge  de  55  ans. 
(  V.k.  Bohaud,  et  P.  Cabanel.  ) 

BRUXELLES  aîné  (Jean-Baf- 


BRU  545 

tiste),  prêtreetchanoine  del'é  glise 
collégiale  de  Saint  -  Léonard  -  lc- 
Noblet,  dans  le  diocèse  de  Limo- 
ges, né  à  Saint-Léonard,  en  173  j? 
étoit  un  «  homme  vertueux  et 
savant».  Il  fut  loin  d'adhérer  à  la 
constitution  civiie  du  clergé, 
et  en  regarda  le  serment  comme 
un  grand  crime  contre  la  Foi. 
«  Recommandable  par  son  zèle 
comme  par  ses  lumières  »  ,  il  ne 
négligea  rien  pour  maintenir  dans 
l'unité  catholique,  les  fidèles  ainsi 
que  les  prêtres  de  sa  province,  où 
il  resta,  malgré  la  loi  du  26  août 
1792  ;  mais  il  y  fut  arrêté  l'année 
suivante.  Sa  perte  fut  jurée  par  le» 
impies  ,  qui  l'envoyèrent  à  Ro- 
chefort,  pour  être  déporté  au-delà 
des  mers  (  V.  Rochefout).  Em- 
barqué sur  les  Deux  Associés, 
il  succomba  sous  les  maux  qu'on 
y  enduroit.  Sa  mort  arriva  le 
18  juillet  1794;  il  avoit  alors 
60  ans ,  et  il  fut  enterré  dans  l'île 
d'Aix.  (  F.  Ph.  Brlslê  ,  et  P. 
Bruxelles.) 

BRUXELLES  jeune  (Pierre), 
frère  du  précédent,  prieur -cure 
de  Champnetery,  dans  le  diocèse 
de  Limoges,  et  né  à  Saint-Léo- 
nard -  le  -  Noblet ,  dans  le  même 
diocèse ,  repoussa  avec  indigna- 
tion la  proposition  de  faire  le  ser- 
ment schismatique  de  1791.  Voué 
dès  lors  à  la  persécution ,  il  ne 
foiblit  point  devant  elle  ;  et  elle  ne 
put  lui  arracher  aucun  acte  capable 
de  compromettre  sa  vertu.  Après 
la  loi  d'expulsion  du  26  août  1792, 


r»4G  BRU 

il  ne  sortit  point  de  France,  et 
resta  dans  sa  province  pour  l'uti- 
lité des  catholiques.  Il  y  fut  ar- 
rêté en  1793;  et  les  persécuteurs 
l'envoyèrent  à  Rochefort ,  pour 
qu'il  y  fût  compris  dans  la  dépor- 
tation maritime  d'une  multitude 
de  prêtres  (  V.  Rochefort  ).  On 
embarqua  ce  curé  sur  les  Deux 
Jssociés,  où,  par  les  charmes  de 
son  esprit,  la  gaîté  de  son  carac- 
tère, l'amabilité  de  sa  personne, 
autant  que  par  ses  vertus,  il  se  fit 
chérir  de  tous  ses  compagnons 
d'infortune,  dont  il  adoucissoit  les 
maux.  Ces  heureuses  dispositions, 
soutenues  d'un  bon  tempéra- 
ment ,  l'aidèrent  à  résister  aux 
souffrances  mortelles  de  cette  dé- 
portation ;  mais  il  ne  put  se  dé- 
fendre d'y  gagner  le  germe  de  la 
mort;  et,  s'il  n'y  consomma  pas 
son  martyre,  comme  la  plupart 
des  autres  prêtres  déportés,  il  n'en 
acquit  pas  moins  le  droit  de  par- 
tager leur  gloire.  Il  fut,  à  la  vérité 7 
du  petit  nombre  de  ceux  qu'on 
débarqua  vivans ,  en  février  1  795  ; 
mais  c'étoit  pour  être  mis  à  de 
nouvelles  épreuves.  On  le  laissa 
quelque  temps  jouir  de  sa  liberté  ; 
et  il  en  profita  pour  contribuer  au 
maintien  de  la  religion  et  aux  be- 
soins des  fidèles.  Mais  on  l'arrêta 
de  nouveau  ,  en  novembre  de  la 
même  année;  et  on  le  mit  en  ré- 
clusion à  Limoges ,  dans  le  cloître 
qu'avoient  occupé  les  religieuses 
de  la  Visitation  de  cette  ville.  La 
modération  que  crut  devoir  exer- 


BRU 

cer  le  gouvernement,  au  com- 
mencement de  l'année  1797,  ou- 
vrit enfin  à  ce  vénérable  prêtre 
les  portes  de  sa  prison ,  dans  le 
mois  de  février;  et  il  se  remit  à 
exercer  son  zèle  ,  de  manière  que 
la  catastrophe  du  18  fructidor 
(4^plembre  suivant),  qui  ramena 
l'usage  des  déportations,  ne  l'au- 
roit  point  épargné,  s'il  n'eût  pas 
alors  très-soigneusement  fui  les 
impies  qui  le  recherchoient  pour 
l'envoyer  à  la  Guiane.  La  vie  pé- 
nible et  dure  qu'il  mena  pour  se 
soustraire  aux  recherches  des  per- 
sécuteurs, fut,  en  quelque  sorte , 
une  continuation  de  son  premier 
martyre.  Il  mourut  dans  sa  doulou- 
reuse retraite,  près  d'Eymoutiers , 
en  mai  1800,  à  l'âge  d'environ 
61  ans,  et  fut  enterré  dans  le  lieu 
où  il  étoit  décédé.  (  V .  J.  B. 
Bruxelles,  et  J.  J.  N.  Bucquet.) 

BRUYAS  (Antoine-Marie),  prê- 
tre et  bénéficier  perpétuel  de  l'é- 
glise primatiale  de  Saint-Jean  de 
Lyon  ,né  dans  cette  ville,  s'y  étoit 
toujours  montré  comme  un  ecclé- 
siastique attaché  auxdevoirs  deson 
état.  N'étant  point  fonctionnaire 
public ,  il  n'avoit  pas  été  astreint 
à  la  prestation  du  serment  de  la 
constitution  civile,  du  clergé; 
mais  il  ne  la  regardoit  pas  moins 
comme  une  œuvre  hérétique  et 
schismatique.  Sa  condition  de  prê- 
tre sans  fonctions  lui  parut  un 
titre  pour  se  dispenser  de  s'exiler, 
d'après  la  loi  du  36  aofit  1792;  et 
il  continua  de  résider  dans  sa  pa- 


BRU 

■  trie.  Le  siège  qu'elle  soutint  contre 
les  troupes  de  la  Convention,  en 
1793  ,  et  la  fureur  que  les  persé- 
cuteurs exercèrent  contre  elle , 
quand  elle  se  fut  rendue,  rendit 
la  situation  de  Bruyas  extrême- 

,  ment  fâcheuse  ;  mais  sa  Foi  ne  se 
démentit  point.  La  commission 
révolutionnaire  établie  a  la  fin 

;  de  cette  année  ,  pour  envoyer  à  la 
mort  le  plus  de  Lyonnais  qu'elle 

<  pourroit  {V.  Lyon),  avoit  pour 
instruction  de  ne  laisser  plus  sub- 
sister aucun  prêtre.  Bruyas  fut 
arrêté  ;  et ,  parce  qu'il  étoit  prêtre, 
qu'il  bonoroit  son  état,  elle  le 
condamna  à  mourir  sur  l'écha- 
faud,  à  l'âge  de  5a  ans,  comme 

i  «  ci-devant  prêtre  réfractaire  »  ,  et 
comme  «contre-révolulionnaire». 
Ce  fut  le  16  nivose  an  II  (5  jan- 
vier 1794),  qu'elle  rendit  cette 
sentence,  uniquement  dictée  par 
la  haine  de  la  religion  et  de  ses 
ministres.  (  V.  Ete  Brunet,  et  C. 
Buiilat.) 

BRUYÈRES  (Pierre),  prêtre 
du  diocèse  de  Lyon,  chanoine  et 
maître  de  chœur  dans  l'église  col- 
légiale de  Montbrison ,  en  Forez, 
avoit  une  piété  douce,  indulgente 
et  pure,  qui  le  faisoit  comparer  ù 
saint  François  de  Sales.  Comme 
sa  douceur  n'étoit  point  foiblesse 
de  caractère,  et  qu'il  étoit  pénétré 
du  sentiment  de  ses  devoirs ,  il 
montra  la  plus  invincible  fermeté 
contre  les  innovations  schistna- 
tiques  de  la  constitution  civile 
du  clergé.  Devenu  odieux  aux 


BRU  547 

réformateurs,  il  crut  prudent  de 
se  soumettre  à  la  loi  qui  expulsa 
de  France  les  prêtres  non-asser- 
mentés, le  26  août  1792;  mais 
ensuite  ,  l'espèce  de  triomphe  que, 
la  raison  et  la  sagesse  obtinrent , 
par  la  résistance  des  Lyonnais  à 
l'athéisme  et  à  l'anarchie ,  le  29  ma  i 
1795,  et  les  mois  suivans,  parut 
au  chanoine  Bruyères  rouvrir  à 
son  zèle  les  barrières  de  la  France  : 
il  revint  dans  sa  province.  Les 
administrateurs  en  chefdu  diocèse 
de  Lyon  l'associèrent  à  leurs  solli- 
citudes, en  lui  faisant  donner,  par 
l'archevêque ,  des  lettres  de  grand- 
vicaire  ;  et,  en  cette  qualité,  il 
dirigea  les  travaux  des  ouvriers 
évangéliquesdu  Forez.  La  ville  de 
Lyon  ayant  succombé,  en  octo- 
bre, sous  les  hordes  delà  Conven- 
tion ,  et  les  proconsuls  envoyés 
par  elle  ayant  établi ,  en  novem- 
bre, pour  immoler  des  victimes, 
une  commission  révolutionnaire 
à  Lyon  [V.  Ltoh),  et  un  tribunal 
de  justice  révolutionnaire  à 
Feurs,  le  chanoine  Bruyères,  ar- 
rêté et  traduit  devant  ce  second 
tribunal,  y  fut  de  suite  condamné 
à  la  peine  de  mort,  i°  comme 
«  émigré»  ,  quoiqu'il  ne  lût  sorti 
de  France  que  pour  obéir  à  la  loi 
de  déportation  ;  et  20  comme 
«  chef  de  fanatiques  » ,  c'est-a« 
dire  de  prêtres  zélés,  et  de  fidèles 
constans  dans  leur  attachement  à 
la  religion  de  Jésus- Christ.  Ce 
jugement ,  prononcé  le  1 2  frimaire 
an  II  (  2  décembre  1793  ),  s'exé- 


548  BUC 
cuta  le  même  jour,  ù  Feurs  [V.  J. 
M.  Mollin).  Quand  le  vertueux 
Bruyères  fut  monté  sur  l'écha- 
faud  de  la  guillotine ,  avant  de 
livrer  sa  tête  à  cet  instrument  de 
mort,  il  le  baisa  avec  des  trans- 
ports de  reconnoissance ,  comme 
celui  qui,  en  lui  procurant  l'avan- 
tage de  répandre  son  sang  pour  la 
cause  de  la  religion  ,  alloit  lui  ou- 
vrir infailliblement  les  portes  de  la 
gloire  éternelle.  On  croyoit  revoir 
saint  André,  lorsqu'il  embrassa 
plein  d'ardeur  la  croix  à  laquelle 
on  alloit  l'attacher.  Bruyères , 
tressaillant  comme  lui  d'allé- 
gresse à  la  vue  de  l'instrument 
homicide ,  sembloit  dire  égale- 
ment :  «O  toi  que  j'ai  si  long-temps 
désiré  ,  et  que  l'on  accorde  à  mes 
vœux,  je  viens  à  toi  si  satisfait, 
que  tu  ne  peux  que  me  recevoir 
avec  joie  dans  tes  bras  !  Oh  ! 
combien  je  suis  heureux  de  te 
serrer  dans  les  miens  et  de  te 
presser  contre  mon  cœur!  «Cùm 
paratum  sibi  eminùs  patibu- 
lum  conspexisset ,  o  crux,  in- 
quit ,  diù  desiderata,  et  jam 
concupiscenti  animo  prœpa- 
rata!  Securus  et  gaudens  ve- 
nio  ad  te ,  ita  ut  et  tu  exsultans 

suscipias  me        Amator  tuus 

semper  fui,  et  desideravi  am- 
plecti  te....  (S.  Bern.,  In  vigi- 
fia  S.  Andreœ  apostoli,  n°  3.) 
(  V.  Carton.) 

BUCHER  (2V...),  néen Franche- 
Comté  ,  et  curé  dans  le  diocèse 
de  Besançon,  resta  pur  de  tous  les 


BUC 

sermons  anti- religieux  exigés  en 
1791,  1792  et  1790.  La  persécu- 
tion des  temps  de  la  terreur  ne  put 
l'atteindre  ;  mais  le  bonheur  qu'il 
avoit  eu  d'échapper  à  la  faulx  ré- 
volutionnaire, ne  fut  point  un  ga- 
rant pour  lui,  quand  sur  vint  l'atroce 
loi  du  19  fructidor  (  5  septembre 
1 794)-  S'étant  fait  remarquer  par 
son  zèle ,  dans  les  mois  qui  avoient 
précédé,  il  fut  arrêté  et  conduit  à 
Rochefort,  pour  être  déporté  à  la 
Guiane  (  V .  Gi  iane).  On  l'embar- 
qua, le  1"  août  1798,  sur  la  cor- 
vette la  Bayonnaise ,  dont  le 
séjour  devint  mortel  pour  lui, 
dans  la  traversée.  Il  y  mourut;  et 
son  corps  fut  jeté  à  la  mer.  (  V .  P. 

BBTNÉGAT,  et  C.  CaILHIAT.  ) 

BUCHY  (Henriette  de),  reli- 
gieuse Ursuline  de  Cassel ,  fut  une 
des  cinq  religieuses  de  la  Belgique 
amenées  à  Arras,  pendant  le  pro- 
consulat qu'y  exerçoit  le  féroce 
Lebon,  en  1791-  Elles  avoient  été 
saisies  par  les  troupes  de  la  Con- 
vention, avec  onze  religieux,  lors 
de  la  conquête  de  cette  province. 
Henriette  de  Buchy  étoit  encore 
au  printemps  de  sa  vie.  Les  ou- 
trages qu'elle  eut  à  souffrir,  ainsi 
que  ses  compagnes,  durent  être 
infiniment  pénibles  pour  sa  pu- 
deur comme  pour  sa  Foi.  Nous  les 
avons  racontés  à  l'article  de  Reine 
Beck.  auquel  nous  renvoyons  « 
ainsi  qu'à  celui  de  leur  supérieure, 
Barbe  Grison.  Henriette  de  Buchy 
comparut ,  avec  elle  ei  deux  autres, 
religieuses,  devant  l'impie  tribu- 


BUI 

nal  révolutionnaire  d'Arras,  le 

12  messidor  an  II  (3o  juin  1794) 
(F.  Arras)  ;  et  elle  fut  envoyée  à 
l'échafaud,  le  même  jour,  comme 
•<  fanatique  »  ,  avec  ses  compa- 
gnes. Elle  n'étoit  Agée  que  de  5o 
ans.  Née  à  Lille ,  elle  avoit  eu  pour 
père  Jean -Baptiste  de  Buchy,  et 
pour  mère,  Angélique  d'Anneu- 
lin.  (  V.  A.  I.  Briois  de  Sarleux, 
et  F.  L.  Buissy.) 

BUCQUET  (Jean-Jacques-Ni- 
colas) ,  prêtre,  chapelain  de  l'ab- 
baye de  Saint-Amand  de  Piouen , 
et  né  dans  cette  ville,  mérita  par 
sa  constance  dans  la  Foi  la  même 
persécution,  à  laquelle  étoient  en 
proie  tous  les  prêtres  qui  n'avoient 
pas  voulu  faire  le  serment  schis- 
matique  de  1791.  H  n'en  resta  pas 
moins  dans  sa  province  pour  l'uti- 
lité des  fidèles,  et  y  fut  arrêté  en 
1 ,  lorsque  la  persécution  deve- 
noit  de  plus  en  plus  meurtrière, 
lorsqu'elle  en  vint  jusqu'à  ne  pou- 
voir plus  souffrir  la  présence , 
l'existence  même  d'aucun  prêtre, 
le  chapelain  Bucquet  fut  envoyé 
avec  beaucoup  d'autres  à  Roche- 
fort,  pour  être  déporté  au-delà  des 
mers  (F.  Rochefort).  On  l'em- 
barqua sur  la  flûte  les  Deux  Asso- 
ciés; et  il  finit  par  succomber  sous 
les  maux  affreux  qu'on  y  enduroit. 
Il  rendit  son  dernier  soupir  le 

13  septembre  1794»  à  l'âge  de 
40  ans ,  et  fut  enterré  dans  l'île 
Madame.  (  V.  P.  Bruxelles,  et 
G.  M.  Cajah.  ) 

BUISSON  (Victor),  curé  de 


BUI  349 

la  paroisse  de  Neoulles,  près  Bri- 
gnolles ,  dans  le  diocèse  d'Aix, 
n'étoit  point  sorti  de  France  à  la 
fin  de  1792;  et,  comptant  sur  le 
bon  esprit  de  la  Provence,  en  1790. 
il  continuait  d'habiter  sa  paroisse. 
Mais  la  persécution  ayant  fait  su- 
bitement une  vive  irruption  dans 
le  pays,  ce  curé  fut  arrêté  et  con- 
duit dans  les  prisons  de  Dragui- 
gnan ,  où  résidoit  le  tribunal  cri- 
minel du  département  du  Var. 
On  le  traduisit  devant  ce  tribunal 
le  24  ventôse  an  II  (i4mai  1794)  î 
et  comme  les  juges,  empressés  de 
condamner,  avoient  imaginé,  pour 
simplifier  et  accélérer  les  procé- 
dures contre  les  victimes,  de  les 
qualifier  indistinctement  de  «  con- 
tre-révolutionnaires »,  ce  fut  avec 
cette  vague  accusation  qu'ils  en- 
voyèrent à  la  mort  le  curé  Buisson, 
pour  la  seule  véritable  raison  qu'il 
étoit  ministre  de  J.-G. 

BUISSY  (François  Lamorai 
de),  né  à  Douai,  vers  1730,  prêtre, 
et  l'un  des  anciens  chanoines  de  la 
cathédrale  d'Arras,  avoit  donné  des 
témoignages  de  son  opposition  aux 
erreurs  constitutionnelles  ,  dans 
une  déclaration  de  son  chapitre  à 
la  fin  de  1790.  Son  âge  ne  le  dis- 
pensoit  de  sortir  de  France ,  lors 
de  la  loi  de  déportation  du  26  août 
1792,  qu'à  la  condition  qu'il  seroit 
mis  en  réclusion.  Cinq  autres  cha- 
noines de  la  même  église  étoient 
dans  le  même  cas  {V .  P.  H.  Bouc- 
quel)  ;  et  il  fut  enfermé  avec  eux 
Le  proconsul  J1'  Lebon  étant  venu 


3iio  BIN 

lavager  la  province  [V .  Arras)  , 
et  s'effbrcant  d'anéantir  la  religion 
par  la  destruction  des  prêtres,  se 
donnoit  quelquefois  la  peine  d'al- 
léguer contre  eux  des  motifs  poli- 
tiques ;  mais ,  à  l'égard  de  Buissy, 
il  ne  pouvoit  en  trouver  qui  lus- 
sent étrangers  à  la  religion  ;  et 
celui  qu'il  ne  put  se  dispenser  de 
choisir,  devoit  nécessairement  at- 
tester sa  haine  pour  elle.  La  dé- 
claration du  chapitre  d'Arras , 
signée  le  21  décembre  1790  par 
le  chanoine  de  Buissy,  devint 
le  prétexte  de  sa  mort,  comme 
de  celle  de  ses  cinq  confrères, 
suivant  ce  que  nous  avons  ra- 
conté à  l'article  de  P.  H.  Borc- 
qvel.  Il  fut  condamné  avec  eux 
au  dernier  supplice,  le  17  ger- 
minal an  II  (6  avril  1794)?  et 
périt  ainsi  pour  la  cause  de  la  reli- 
gion ,  à  l'âge  de  64  ans.  [V .  H. 
Bcchy  ,  et  H.  W.  Caron.  ) 

BUNEL  (Jean)  ,  prêtre  du  dio- 
cèse de  Bennes,  n'en  étoit  pas 
sorti ,  quoiqu'il  fût  insermenté  , 
imaginant,  sur  la  foi  des  lois,  que , 
n'ayant  point  été  fonctionnaire 
public,  il  ne  pouvoit  être  puni 
pour  ne  s'être  pas  conformé  à 
celle  de  la  déportation.  On  l'arrêta 
en  1793;  et  le  12  germinal  an  II 
(1"  avril  1794)?  il  fut  traduit  de- 
vant le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement à' l  lie- et -V  Haine , 
qui  le  condamna  à  la  peine  de 
mort  comme  «  réfractaire  ».  11 
subit  sa  sentence  le  lendemain. 

BUNNEVILLE  (Emilie), 


BtlV 

demoiselle.  (  Voy.  E«  et  A.  Le- 
roy. ) 

BÛQUET  (  François ) ,  curé  de 
Gagny,  près  Livry,  diocèse  de 
Paris,  né  à  Congis,  en  Brie,  fut 
pris  à  la  fin  de  179^,  et  enfermé 
à  Paris  dans  la  prison  dite  de  Saint- 
Lazare.  Comme ,  depuis  le  mois 
de  prairial ,  on  é  vitoit,  autant  qu'on 
le  pouvoit,  d'alléguer  des  motif» 
anti-religieux  en  faisant  périr  les 
prêtres,  on  imagina,  pour  attein- 
dre le  même  but  à  l'égard  du 
curé  Buquet,  de  l'impliquer  dans 
une  prétendue  conspiration  des 
prisonniers  de  Saint  -  Lazare  ; 
et  ce  fut  sous  ce  prétexte  que  le 
tribunal  révolutionnaire  l'en- 
voya à  l'échafaud  le  7  thermidor 
an  II  (25  juillet  1794)?  avec  sept 
autres  prêtres  {V .  J.  Baoul).  Il 
avoit  46  ans,  lorsque  sa  tête 
tomba  sous  le  fer  de  la  guillo- 
tine. 

BUBEL  (Micuel-George-Fran- 
çois  d'Anfernet  de)  ,  prêtre  du 
diocèse  de  Bouen,  s'étoit  retiré, 
pour  éviter  la  persécution ,  dans 
la  paroisse  de  Boumare,  en  Nor- 
mandie. Il  y  fut  atteint  par  les 
agens  de  la  persécution ,  en  1 794  ; 
et  011  le  conduisit  à  Rouen  comme 
un  insermenté  qui  n'avoit  pas  obéi 
à  la  loi  de  déportation.  Il  y  avoit 
un  mois  et  demi  que  Roberspierre 
n'existoit  plus,  lorsque  le  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
Seine-Inférieure  fit  comparaître 
devant  lui  le  prêtre  Burel,  le 
2i  fructidor  an  II  (7  septembre 


BUR 

1 794)  ;  et  'e9  juges  ne  '  en  con_ 

damnèrent  pas  moins  à  la  peine 
de  mort  comme  «  réfractaire  ». 
Il  fut  immolé  le  lendemain. 

BURIN  (N...),  curé  de  Saint  - 
Martin-de-Conné,  dans  le  diocèse 
du  Mans,  étant  poursuivi  comme 
insermenté,  en  1794  •  Laval), 
fut  pris  par  un  détachement  de 
soldats  révolutionnaires,  qui ,  en 
l'emmenant,  le  fusillèrent  sur  la 
paroisse  de  Saint  -  Thomas  -  de- 
Courceriers ,  près  de  Mayenne. 
[V.  J.  R.  Brcneau,  et  L.  Cha- 

DAIONE.  ) 

BURLAT  (Camille),  prêtre  et 
chanoine  de  l'église  collégiale  de 
la  ville  de  Saint  -  Chamont ,  près 
celle  de  Saint-Etienne,  en  Forez, 
dans  le  diocèse  de  Lyon,  s'étoit  re- 
tiré à  Lyon  où  il  étoit  né  ,et  près  de 
son  frère  qui  y  exerçoit  le  com- 
merce. La  suppression  des  cha- 
pitres, en  1791,  l'avoit  décidé  à 
ce  parti;  et,  dans  cette  ville,  il 
rendoit  encore  son  ministère  utile 
aux  catholiques.  Son  frère  ayant 
été  obligé  de  prendre  les  armes , 
pendant  le  siège  de  Lyon  par  les 
troupes  de  la  Convention,  afin  de 
défendre  contre  elles  sa  patrie  , 
rendit  fort  périlleuse  la  situai  ion 
du  chanoine  ,  comme  la  sienne 
propre,  au  moment  où  les  assic- 
geans  alloient  entrer  dans  la  ville. 
11  engagea  cet  ecclésiastique  à  se 
sauver  avec  lui ,  parmi  les  assiégés 
qui  fuyoient  en  armes  :  le  négo- 
ciant, blessé  dans  cette  fuite,  put 
néanmoins  échapper  aux  assié- 


BUR  55» 

geans  ;  mais  le  chanoine  tomba 
entre  leurs  mains.  Traduit  en- 
suite, comme  prêtre,  à  l'affreuse 
c  0  m  m  i  s  s  i  o  n  ré  v  0  lut  io  nnai  re  é  t  a  - 
blie  vers  la  fin  de  l'année ,  pour 
décimer  les  Lyonnais  [V.  Lyon), 
il  fut  condamné  au  dernier  sup- 
plice, à  l'âge  de  57  ans,  le  12 
pluviôse  an  II  (5i  janvier  1794)? 
en  qualité  de  «  prêtre  réfractaire», 
et  comme  s'il  eût  été  «  pris  les 
armes  à  la  main,  lors  de  la  sor- 
tie ».  Son  frère,  père  d'une  nom- 
breuse famille,  mourut  des  suites 
de  sa  blessure,  et  avec  les  dispo- 
sitions d'un  Martyr,  au  village 
de  Saint-Cyr,  près  de  Lyon.  Pen- 
dant sa  maladie  ,  qui  ne  dura  que 
trois  jours,  il  demanda  souvent  à 
connoître  ses  assassins,  pour  leur 
déclarer  qu'il  leur  pardonnoit,  et 
qu'il  s'empresscroit  de  leur  don- 
ner des  secours  pécuniaires,  s'ils 
en  avoient  besoin.  Il  refusa  les 
soins  des  prêtres  schismatiques , 
et  fit  connoitre  à  ceux  qui  l'entou- 
roient ,  qu'il  étoit  consolé  de  toutes 
ses  peines  terrestres ,  par  des 
grâces  extraordinaires  et  particu- 
lières. Il  reçevoit  ainsi  la  récom- 
pense de  sa  Foi ,  qui  lui  avoit 
fait  déclarer,  au  commencement 
dos  troubles,  que,  lors  même  que 
tous  ses  amis  céderoient  aux  er- 
reurs du  temps,  et  voudroient  l'y 
entraîner,  il  leur  résisteroit  cons- 
tamment,  voulant  toujours  obéir 
aux  décisions  de  l'Eglise  catho- 
lique. {V .  Bruyas,  et  Castillon.) 
B  U  R  L  O  T  (  iV. . .  ),  prêtre  de 


352  BU  11 

l'une  de  ces  paroisses  du  diocèse  de 
Quimper,  qui  se  trouvent  main- 
tenant enclavées  dans  celui  de 
Saint-Brieuc ,  fut  l'une  des  vic- 
times sacerdotales  qu'en  haine  de 
la  religion,  le  tribunal  criminel 
du  département  des  Côtes  -  du- 
Nord,  siégeant  en  cette  ville,  fit 
décapiter.  Burlot  le  fut  le  1"  jour 
complémentaire  an  II  (17  sep- 
tembre 1794)»  Près  de  deux  mois 
après  le  neuf  thermidor.  La 
cause  de  sa  mort ,  exprimée  dans 
la  sentence,  montre  que  nous  ne 
devons  pas  l'exclure  du  nombre  de 
nos  Martyrs  :  il  périt  pour  avoir 
«refusé  de  prêter  le  serment,  et 
n'être  pas  sorti  de  France».  Le 
tribunal  étoit  trop  pressé  de  sacri- 
fier un  prêtre  fidèle,  pour  mettre 
d'autres  formalités  dans  la  sen- 
tence. 

BURTÉ  (Le  Père,  Jean-Fran- 
çois) ,  prêtre  et  docteur  de  la  mai- 
son de  Sorbonne ,  religieux  de 
l'ordre  des  Frères  Mineurs  con- 
ventuels, et  procureur  de  la  mai- 
son des  Cordeliers ,  à  Paris,  signa, 
avec  le  P.  Besson,  ex-gardien,  le 
P.  d'Haisen,  ex  -  provincial ,  le 
P.  Dujardin,  professeur  de  théo- 
logie, le  P.  Devoysins,  et  trois 
autres,  le  20  avril  1790,  une  lettre 
latine  au  Père  Général  de  leur 
ordre  ,  à  Rome  ,  dans  laquelle  , 
déplorant,  comme  eux,  la  sup- 
pression des  ordres  monastiques , 
faite  par  l'Assemblée  Constituante, 
ils  imploroient  ses  conseils  et  ses 
consolations.  Mais,  ensuite,  le  27 


BUR 

septembre  1790,  il  lui  écrivit  en 
son  nom  seul  dans  la  même  langue , 
pour  «  exprimer  sa  douleur  per- 
sonnelle de  ce  qu'il  ne  lui  étoit 
plus  permis  de  porter  l'habit  de 
son  ordre,  comme  encore  pour  de- 
mander la  permission  de  se  retirer 
dans  quelque  paroisse  où  il  pour- 
roit  servir  Dieu  tranquillement , 
et  y  exercer  les  fonctions  du  mi- 
nistère pastoral  qui  lui  seroient 
confiées  par  l'Ordinaire ,  à  la 
charge,  toutefois,  de  retourner  à 
la  vie  commune  du  cloître ,  dès 
que  les  circonstances  pourroient 
le  permettre  ».  Le  texte  de  ces 
deux  lettres,  dont  les  originaux 
furent  déposés  dans  les  archives  du 
Père  Général ,  Médici ,  aux  Saints 
A  pâtres,  à  Rome,  se  trouve  dans 
les  Mémoires  de  M.  d'Auribeau, 
p.  52i.  Connu  à  Paris,  par  de 
telles  dispositions,  ainsi  que  par 
son  opposition  aux  principes  hété- 
rodoxes de  la  constitution  civile 
du  clergé,  il  sembloit  donner  à 
ceux  de  l'Eglise  catholique,  une 
sorte  de  relief,  avec  ses  vertus, 
ses  lumières  et  la  considération 
dont  il  jouissoit.  Témoin  impor- 
tun de  la  Foi  aux  yeux  des  im- 
pies ,  il  ne  tarda  pas  à  être  saisi 
par  eux,  après  ce  funeste  10  août, 
qui  leur  donna  tout  pouvoir  sur 
les  prêtres  fidèles.  Amené  de- 
vant le  comité  de  la  section  du 
Luxembourg ,  le  père  Burté  y 
parut  plus  ferme  que  jamais , 
dans  son  refus  du  serment  ;  et 
il  fut  emprisonné  dans  l'église 


CAB 

des  Carmes.  Digne  de  figurer 
honorablement  parmi  les  illus- 
tres vétérans  du  sacerdoce  qui  s'y 
trouvoient  avec  lui,  il  égala  les 
plus  généreux  d'entre  ces  con- 


CAB  555 
fesseurs  de  la  Foi,  quand  son  tour 
fut  venu  de  marcher  au  martyre; 
et  il  fut  massacré  pour  cette  cause 
le  2  septembre  suivant.  (  V.  Sep- 
tembre.) 


CABANEL  (Pierre),  prêtre, 
né  à  la  Canne,  dans  le  diocèse  de 
Castres,  département  du  Tarn, 
n'étoit  point  sorti  de  France  d'après 
la  loi  de  déportation  rendue  contre 
les  prêtres  non-assermentés,  du 
nombre  desquels  il  se  trouvoit. 
Son  âge  avancé,  et  plus  encore 
l'utilité  dont  pouvoit  être  son  mi- 
nistère dans  la  province,  l'y  firent 
rester.  Il  y  fut  arrêté  en  1 790  ;  et , 
l'année  suivante ,  on  le  fit  traîner 
à  Bordeaux ,  pour  qu'il  en  fût 
déporté  au-delà  des  mers,  lors  du 
premier  embarquement  desprêtres 
[V '.  Bordeaux^.  On  ne  le  mit  ce- 
pendant pas  au  nombre  de  ceux 
que  l'on  commençoit  a  embarquer 
vers  la  fin  de  l'automne ,  trois  mois 
après  la  chute  de  Roberspierre. 
Il  resta  enfermé  dans  le  couvent 
des  Catherinettes ,  transformé 
en  prison  ;  et  ses  souffrances  arri- 
vant au  point  où  elles  surpassoient 
ses  forces  exténuées  par  tant  de 
persécutions ,  il  tomba  dans  un 
état  qui  annonçoit  la  fin  de  sa  vie. 
On  le  porta  dans  l'hôpital  de  Saint- 
André,  et  il  y  mourut  le  8  no- 
vembre 1794»  à  l'âge  de  61  ans. 
(  V.  F.  Brustier  et  F.  Cambon.  ) 

2. 


C 

CABRIER  (  Bernard  -Guil- 
laume ) ,  prêtre  du  diocèse  de  La- 
vaur,  né  au  bourg  de  Mazamets, 
en  1 75g ,  y  étoit  vicaire  à  l'époque 
de  la  révolution.  Les  circonstances 
édifiantes  de  sa  vie  jusqu'alors  n'é- 
tant pas  indispensables  au  but  que 
nous  devions  avoir,  celui  de  le  faire 
reconnoître  pour  Martyr,  nous  en 
laissons  le  récit  à  d'autres.  Il  con- 
fessa généreusement  la  Foi  de  J.  C. 
par  le  refus  du  serment  de  hcons- 
titution  civile  du  cieryé  ;  et 
obligé,  d'après  cela,  de  s'éloigner 
de  Mazamets,  il  vint  à  Castres, 
où  il  rendit  d'éminens  services 
aux  catholiques  de  cette  ville,  sans 
négliger  ses  paroissiens,  qu'il  visi- 
toit  souvent  avec  la  prudence  que 
les  temps  rendoient  nécessaire.  Le 
bien  qu'il  faisoit  dans  l'un  et  l'autre 
endroit  l'y  attacha  si  fortement, 
que  la  loi  de  déportation  ne  put 
l'en  séparer.  Sans  s'exposer  témé- 
rairement à  la  persécution,  il  con- 
tinua pendant  toute  l'année  1795, 
et  jusqu'au  mois  de  novembre 
1794,  à  fournir  aux  fidèles  de  ces 
deux  cantons  tous  les  encouraee- 
mens  et  tous  les  secours  de  la  re- 
ligion.  Les  révolutionnaires  de 

23 


554  CAB 
Castres  furent  sans  doute  mis  alors 
dans  le  secret  des  thermidoriens 
qui  vouloient  ranimer  la  persécu- 
tion ,  qu'avec  une  perfide  politique 
ils  paroissoient  avoir  suspendue 
depuis  qu'ils  avoient  renversé  Ro- 
berspierre  ,  en  juillet  précédent. 
L'asile  de  Cabrier  fut  dénoncé  aux 
agens  des  persécuteurs  par  un  de 
ses  parens  qui  vint  avec  une  troupe 
armée  pour  le  saisir  dans  la  nuit 
du  24  au  25  novembre.  Le  tribu- 
nal criminel  du  département  du 
Tarn,  siégeant  à  Castres,  le  con- 
damna presque  de  suite  à  la  peine 
de  mort ,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  »,  le  G  frimaire  an  II  (2G  no- 
vembre 1794)-  Un  de  ses  amis, 
étant  venu  le  voir  à  la  prison  après 
ce  jugement,  ne  pouvoit  s'empê- 
cher de  répandre  des  larmes  :  «Tu 
as  tort  de  t'affliger,  répliqua  dou- 
cement Cabrier;  songe  que  c'est 
aujourd'hui  le  plus  beau  jour  de 
ma  vie  ».  Tel  autrefois  le  saint 
Martyr  Cyrille  de  Césarée  qui , 
allant  au  supplice ,  disoit  à  ceux 
qui  pleuroient  sur  son  sort  :  «  Vous 
devez  bien  plutôt  vous  en  réjouir, 
et  me  présenter  vous-mêmes  avec 
joie  au  supplice;  ne  savez-vous 
pas  quelle  patrie  je  vais  habiter,  et 
la  sainte  confiance  qui  me  trans- 
porte d'allégresse?  laissez -moi 
donc  sacrifier  ainsi  ma  vie  »  ;  et  en 
parlant  de  la  sorte,  il  alloit  mourir  : 
Debetis  delectari ,  debetis  me 
producere  yaudentes  ad  patien- 
dum  ;  nescitis  quam  civitatem 
'hobitabo? 'nescitisquaicm  fidu- 


CAB 

ciam  habeo  ?  concedite  sic  ex~ 
pendere  vilam.  H œcdicens,ibat 
mori.  (Bollandist.  ad  29  niaii.  ) 
Cabrier ,  avant  de  partir  pour 
l'échafaud,  écrivit  dans  le  même 
esprit  à  son  père  et  à  sa  mère  une 
lettre  d'adieux  dans  laquelle  il  leur 
disoit  :  «  On  vient  de  me  condam- 
ner à  mort  ;  l'arrêt  aura  été  exé- 
cuté lorsque  vous  recevrez  cette 
lettre.  Je  me  soumets  avec  plaisir , 
parce  que  je  connois  tout  le  prix 
du  martyre.  Quoique  je  ne  doive 
plus  m'occuper  du  monde,  j'em- 
ploie ce  moment  à  vous  retracer 
ici  mes  sentimens,  et  à  vous  pro- 
poser tous  les  motifs  de  la  Foi  pour 
essuyer  vos  larmes.  Ne  vous  at- 
tristez pas  :  celte  mort  ne  m'ôte 
point  la  vie;  elle  ne  fait  que  la 
changer  en  un  meilleur  sort  » 
(  V .  J'is  Barthe  et  J.  B.  Imbert). 
En  allant  au  lieu  du  supplice,  il 
récita  le  psaume  Miserere  et  les 
prières  des  agonisans.  Monté  sur 
l'échafaud ,  il  obtint  de  l'exécuteur 
quelques  instans  pour  adresser 
d'ici-bas  au  Seigneur  une  dernière 
prière,  se  mit  à  genoux,  et  offrit 
à  Dieu  le  sacrifice  de  sa  v  ie  pour  la 
cause  de  la  religion.  S  étant  ensuite 
livré  à  l'instrument  de  mort,  il 
périt  à  l'âge  de  55  ans,  le  28  no- 
vembre 1 794- 

CABRON  (Marie  Héraud^ 
femme  ) ,  surprise  par  les  agens  de 
la  persécution  dans  l'exercice  de 
ses  devoirs  de  piété ,  fut  livrée  à  la 
commission  militaire  d'Angers , 
qui,  pour  cette  seule  cause,  la 


CAG 

condamna  à  la  peine  de  mort , 
comme  fanatique  ,  en  1 7g4- 

CAGNOT  (Louis-Philippe), 
prêtre,  né  en  i  j55à  Valenciennes, 
où  il  étoit  attaché  à  l'église  collé- 
giale de  Saint- Céry,  après  avoir 
été  préfet  du  séminaire  de  Douai, 
montra  une  Foi  inébranlable  lors 
de  l'innovation  de  la  schismatique 
constitution  civile  du  clergé. 
Zélépour  le  maintien  des  principes 
de  l'Eglise  catholique,  il  s'attira 
la  persécution  dirigée  contre  les 
prêtres  insermentés  ;  et  frappé 
comme  eux  par  la  loi  de  déporta- 
tion du  26  août  1792,  il  passa  un 
peu  au-delà  de  la  frontière  ;  mais, 
après  que  les  Autrichiens  eurent 
soustrait  Valenciennes  à  la  tyran- 
nie de  la  Convention,  cet  ecclé- 
siastique revint  pour  y  exercer  son 
ministère  ;  et  il  tomba  sous  la 
main  des  persécuteurs,  quand  les 
troupes  de  la  Convention  et  ses 
proconsuls  entrèrent  dans  cette 
ville  ,  le  1"  septembre  1794  (V. 
Valenciennes).  Arrêté,  jeté  dans 
les  prisons,  il  fut  livré  le  26  ven- 
démiaire an  III  (17  octobre  1 794  ) 
à  une  commission  militaire  qui 
devoit  cacher  en  celle  circons- 
tance sa  haine  pour  la  religion, 
.sous  le  prétexte  de  ne  juger  que 
des  «  émigrés -rentrés  >>.  Telle 
étoit  alors  l'hypocrisie  de  cette 
faction  tfwnnidorienne,  qui, 
depuis  deux  mois  et  vingt -deux 
jours,  avoit  abattu  Roberspierre. 
Lorsque  les  juges  demandèrent  au 
prêtre  Cagnot  s'il  avoit  émigré,  il 


CAI  355 

ne  le  cacha  point,  quoiqu'il  eût  pu 
espérer  de  sauver  sa  vie  par  une 
réponse  négative.  Se  dévouant 
pour  la  gloire  de  la  sainte  vérité, 
de  même  que  deux  autres  prêtres 
et  cinq  religieuses  jugées  en  même 
temps  par  la  commission  (f.  C. 
M.  J.  Vienne,  L.  A.  JJ  Dalnier, 
L.  Vanot,  J.  R.  Prin,  H.  Rourla, 
G.  Ducrez,  M.  M.  Jl,e  Dejardin), 
il  fut  frappé  d'une  sentence  de  mort 
comme  ces  sept  autres  victimes 
(  V.  Auchin  et  IL  Burla).  Il  mar- 
cha à  l'échafaud  avec  le  courage, 
la  Foi  et  l'espérance  d'un  vrai  Mar- 
tyr, à  l'âge  de  5g  ans.  {V.  Bruslé 
et  Danjon.  ) 

CAILHIAT  (Calixte),  né  k 
Cahors  en  1762,  piètre  d'une 
profonde  érudition ,  qui  avoit 
été  professeur  à  l'Université  de 
cette  ville,  ne  fit  aucun  des  ser- 
mens  coupables  de  la  révolu- 
lion  ,  et  put  néanmoins  se  sous- 
traire aux  ardentes  recherches  des 
impies  dans  les  terribles  années  de 
1793  et  1794.  Le  calme  trompeur 
qui  leur  succéda  le  séduisit;  il 
exerça  son  ministère  sacerdotal  à 
Cahors,  sans  retourner  s'établir 
à  Lauzerte,  dont  il  avoit  précé- 
demment desservi  l'église.  Peu  de 
temps  après  la  funeste  loi  du 
19  fructidor  (  5  septembre  1797), 
<ju'avoit  enfantée  la  crise  politique 
de  la  veille  [V.  Guiane),  Cailhiat 
fut  arrêté  pour  être  déporté  à  la 
Guiane.  On  le  fit  conduire  à  Ro- 
cliel'ort,  et  le  12  mars  1798  on 
le  força  de  s'embarquer  sur  la  fré- 

23. 


35(5  CAI 

gâte  ta  Charente,  d'où,  le  2  5  avril 
suivant,  il  passa  sur  la  frégate  la 
Décade,  qui,  vers  le  milieu  de 
juin  ,  le  déposa  sur  la  rive  de 
Cayenne.  Il  obtint  de  n'être  en- 
voyé ni  à  Konanama,  ni  à  Synna- 
mari ,  cl  il  fut  placé  chez  un  colon 
d'Approuague ,  nommé  Tourna- 
chon,  qui  lui  offrit  généreusement 
un  asile.  Mais,  pour  les  prêtres 
déportés,  il  n'étoit  pas  de  refuge 
assuré  contre  les  fléaux  du  climat. 
Cailhiat  mourut  en  octobre  1798, 
à  l'âge  de  56  ans.  {V.  Bûcher, 
curé,  et  P.  Campfort. ) 

CAILLAUD  (Daniel),  curé  de 
Boismé,  près  Bressuire,  dans  le 
diocèse  de  Poitiers,  se  garda  bien 
de  faire  le  serment  schismatique 
de  1791  ;  et  lors  même  qu'il  auroit 
voulu  abandonner  ses  paroissiens 
pour  obéir  à  la  loi  de  déporta- 
tion, ceux-ci  l'en  auroient  em- 
pêché. Il  étoit,  en  quelque  sorte, 
sous  la  protection  de  l'armée  ca- 
tholique et  royale  {V.  Vendée)  ; 
mais,  dans  les  vicissitudes  qu'elle 
éprouva ,  le  curé  Caillaud  fut  pris 
par  les  révolutionnaires,  qui  le 
livrèrent  au  tribunal  criminel  du 
département  des  Deux-Sèvres , 
siégeant  à  Niort.  Ce  tribunal,  de- 
vant lequel  il  comparut  le  1 5  nivose 
an  II  (2  janvier  1794),  ayant 
l'usage  de  condamner  alors  tous 
ceux  qui  lui  étoient  livrés  de  cette 
manière  ,  comme  «  brigands  de  la 
Vendée  »,  n'employa  pas  d'autre 
motif  de  condamnation ,  en  en- 
voyant de  suite  ce  curé  à  la  mort. 


CAI 

CAILLOT  (Jean- Jacques), 
prêtre  du  diocèse  de  Bodez,  né  à 
Bodez  même  ,  étoit  venu  vivre 
obscurément  à  Paris  dans  un  mo- 
deste asile,  rue  de  Bichelieu.  Son 
caractère  sacerdotal  fut  connu,  et 
on  l'arrêta  au  commencement  de 
1794.  Ce  motif  d'emprisonnement 
sulïisoit  pour  le  vouer  à  la  mort; 
mais,  comme  on  se  croyoit  obligé 
d'en  employer  d'analogues  aux 
lois,  et  qu'on  ne  pouvoit  pas 
prouver  que  le  prêtre  Caillot  eût 
été  astreint  à  la  déportation 
comme  non  -  assermenté  ,  on  at- 
tendoit  un  prétexte  à  peu  près  lé- 
gal pour  le  condamner. Celui  d'une 
prétendue  conspiration  parmi  les 
prisonniers  de  la  maison  des 
Carmes  où  il  étoit  détenu ,  se 
présenta;  et  c'est  comme  com- 
plice de  cette  conspiration,  qu'il 
fut  envoyé  à  Péchafaud  le  5  ther- 
midor an  II  (25  juillet  1794)5  à 
l'âge  de  5i  ans. 

CAÏBAS  ( Louis -Dominique  ), 
prêtre  du  diocèse  de  Marseille , 
prenant  confiance  dans  l'opposi- 
tion que  la  Provence  montroit  aux 
décrets  iniques  de  la  Convention , 
crut  pouvoir  rester  sans  danger  à 
Marseille,  après  la  loi  de  dépor- 
tation. Mais  la  persécution ,  ayant 
subjugué  cette  province  dans  l'au- 
tomne de  1793;  et  les  tribunaux 
de  cette  contrée  n'ayant  besoin  que 
d'accuser  de  contre-révolution  les 
victimes  qui  lui  étoient  livrées  {V. 
Orange),  le  prêtre  Caïras,  traduit 
devant  celui  des  Bouches -du- 


CAI 

Rhône  siégeant  à  Marseille ,  y  fut 
condamné  comme  «  contre-révo- 
lutionnaire »,  à  la  peine  de  mort, 
le  7  septembre  1795.  La  sentence 
fut  exécutée  dans  les  vingt-quatre 
heures. 

CAIX  (Jean-Baptiste),  curé  de 
Paunac  en  Quercy,  dans  le  diocèse 
de  Cahors ,  et  né  à  Martel ,  dans 
le  même  diocèse,  en  1728,  s'étoit 
retiré  dans  ce  lieu  de  sa  naissance , 
depuis  que  son  refus  du  serment 
schismatique  de  1791  l'avoit  fait 
exclure  de  sa  paroisse.  Quand 
survint,  en  août  1792  ,  la  loi  de 
déportation  ,  Caix  ne  quitta  point 
Martel  :  on  vint  l'y  saisir  ,  dans 
l'été  de  1 793  ;  et  on  le  conduisit  à 
Bordeaux,  pour  qu'il  en  fût  déporté 
à  la  Guiane.  Mais  comme  son  âge 
l'a  voitdispensé  de  sortir  de  France, 
et  qu'alors  il  ne  devoit  être  soumis 
qu'à  la  peine  de  la  réclusion  ,  on  le 
ramena  dans  sa  province  ;  et  il  fut 
enfermé  dans  la  prison  de  Cahors. 
Il  yétoit  depuis  près  d'une  année, 
lorsque  tout  à  coup  les  agens  de  la 
persécution  imaginèrent  de  venir 
fouiller  les  prisonniers.  Us  trou- 
vèrent ,  dans  la  poche  de  Caix,  la 
copie  d'un  passage  du  Mercure  de 
France  de  1 792 ,  dirigé  contre  les 
ennemis  de  l'autel ,  ainsi  que  du 
trône  :  c'en  fut  assez  pour  accu- 
ser ce  curé ,  âgé  de  66  ans  ,  d'a- 
voir conspiré  contre  la  république. 
On  l'envoya,  avec  vingt-six  pré- 
tendus complices ,  à  Paris  ;  et  il 
y  comparut,  avec  eux,  devant  le 
tribunal  révolutionnaire.  Cetri- 


CA.T  357 

bunal  le  condamna  ,  avec  eux ,  à 
la  peine  de  mort,  le  17  messidor 
an  II  (  5  juillet  1794  )?  comme 
«  convaincu  de  s'être  déclaré  l'en- 
nemi du  peuple ,  en  entretenant 
des  relations  avec  les  brigands  de 
la  Vendée,  et  enprovoquant,  par 
des  écrits ,  l'anéantissement  du 
gouvernement  républicain  ».  Le 
curé  Caix  fut  exécuté  le  même 
jour.  On  a  écrit  quelque  part 
qu'un  de  ses  frères,  ex-Jésuite, 
arrêté  à  Issy,  près  Paris ,  avoit  été 
massacré  aux  Carmes,  le  2  sep- 
tembre 1792;  mais  nous  n'avons 
trouvé  son  nom ,  ni  sur  les  regis- 
tres d'écrou  (  V.  Septembre),  ni 
sur  les  listes  que  Peltier  et  Pru- 
dhomme  ont  publiées  chacun  de 
son  côté.  Peut-être  portoit-il  alors 
un  autre  nom  ,  suivant  que  les 
Jésuites  le  pratiquoient  assez  gé- 
néralement, depuis  l'abolition  de 
leur  société. 

CAJAN  (  Guillaume  -  Marie  ) , 
religieux  Capucin  de  la  maison  de 
Nantes,  sous  le  nom  de  frère  Ca- 
simir, né  à  Quimper,  et  n'étant 
encore  que  diacre,  sembloitdevoir 
échapper  à  la  persécution  excitée 
contre  les  prêtres  dès  1790.  Ren- 
voyé par  elle  du  cloître  où  l'avoit 
fait  entrer  sa  vocation  ,  il  n'en 
étoit  pas  moins  fidèle  à  ses  devoirs, 
et  surtout  à  la  croyance  catho- 
lique ,  pour  laquelle  il  avoit  un 
attachement  à  toute  épreuve.  Se 
rendant  utile  à  l'Eglise ,  avec 
beaucoup  de  zèle  ,  suivant  le  rang 
qu'il  avpit  dans  sa  hiérarchie,  il 


558  CAL 

passa  dans  le  département  des 
Côtes -du -Nord,  où  ses  vertus 
édifiantes  devinrent  insupporta- 
bles aux  agçns  de  la  persécution. 
Ils  l'arrêtèrent  comme  prêtre  in- 
sermenté, en  1793,  et  le  firent 
conduire  au  port  de  Nantes ,  où 
Carrier  faisoit  noyer  les  prêtres 
{V.  Nevers  et  Nantes).  De 
Nantes  ,  on  l'envoya  à  Rochefort, 
où  il  fut  mis  décidément  sur  un 
navire  de  déportation.  Ce  navire 
étoit  celui  qu'on  nommoit  les 
Deux  Associés  {V.  Rochefort). 
Quand  il  fut  en  mer,  les  souf- 
frances que  l'on  éprouvoit  dans 
l'entrepont  de  ce  bâtiment  ne  l'ac- 
cablant pas  d'abord  autant  que 
bien  d'autres,  il  se  dévoua  à  les 
servir  en  qualité  d'infirmier.  «Vrai 
Breton  par  la  bonté  du  cœur  et  la 
fermeté  de  caractère ,  ajoute  M.  de 
La  Biche,  il  montra  un  zèle  et  une 
activité  admirables  dans  le  pénible 
emploi  d'infirmier.  Atteint  de  la 
maladie  contagieuse,  en  servant 
ses  frères,  il  s'efforça  vainement, 
durant  plusieurs  jours,  de  sur- 
monter son  mal  à  force  de  cou- 
rage. Il  périt  après  une  agonie  des 
plus  longues  et  des  plus  cruelles  » , 
à  l'âge  de  27  ans,  le  26  juillet 
1 794.  On  l'enterra  dans  l'ile  d'J ix. 
Un  autre  de  ses  compagnons  de 
déportation  nous  a  écrit  que  «  ce 
jeune  religieux,  plein  de  vertu, 
promettoil  beaucoup  à  l'Eglise  ». 
{V.  J.  J.  N.  B acquêt,  et  J.  Cal- 

VEZ.) 

CALMARD  (Benoît),  curé 


CAL 

dans  le  diocèse  de  Clermont  en 
Auvergne  ,  et  probablement  à 
Plauzat,  près  Clermont,  où  il  ré- 
sidoit  quand  il  fut  arrêté ,  en  1 790, 
n'avoit  point  fait  le  serment  de 
1791.  Son  attachement  à  ses  pa- 
roissiens i'a  voit  retenu  près  d'eux , 
malgré  les  dangers  auxquels  l'ex- 
posoit  l'inique  loi  de  la  déporta- 
tion. Il  fut  atteint  par  les  per- 
sécuteurs, et  enfermé  dans  les 
prisons  de  Clermont,  vers  la  fin 
de  1795.  Le  tribunal  criminel  du 
département  du  Puy-de-Dôme, 
siégeant  en  cette  ville,  ayant  fait 
comparoître  devant  lui  le  curé 
Calmard ,  le  28  nivose  an  II 
(  17  janvier  1794),  l'envoya, 
comme  «  prêtre  réfractaire  »,  à 
l'échafaud;  et,  le  lendemain,  il 
fut  décapité. 

CALME  LTE  (Matjffré)  ,  mar- 
chand chandelier  à  Caussade ,  en 
Quercy,  ayant  participé  à  des  actes 
de  religion,  avec  son  curé  et  seize 
autres  Caussadois  ,  fut  enlevé , 
comme  eux,  en  1794-  Amené  à 
Paris,  avec  eux,  il  fut  aussi  con- 
damné, «  comme  fanatique» ,  à 
la  peine  de  mort,  par  le  tribunal 
révolutionnaire,  le  3  messidor 
an  II  (  21  juin  1794  )'■>  et  sa  tête 
tomba  le  même  jour,  sur  l'écha- 
faud, à  l'âge  de  56  ans.  [V .  J.  P. 
Clavière.) 

CALVEZ  (Jean)  ,  curé  de  Tré- 
guennec ,  dans  le  diocèse  de  Quim- 
per,  né  à  Plozvet,  dans  le  même 
diocèse,  résista  avec  constance  à 
la  proposition  de  faire  le  serment 


GÂm 

schisinatique  de  1791-  En  vain  les 
autorités  révolutionnaires  du  dé- 
partement du  Finistère  le  décla- 
rèrent déchu  de  son  titre  de  curé; 
il  n'abandonna  pas  pour  cela  ses 
paroissiens  ;  et  les  lois  rigoureuses 
qui  furent  rendues  ensuite  contre 
les  prêtres  insermentés,  ne  décon- 
certèrent point  son  zèle  pastoral. 
Il  fut  enfin  arrêté,  en  1795,  et 
condamné  à  être  déporté  sur 
quelque  plage  lointaine.  On  le 
traîna,  en  conséquence,  à  Roche- 
fort  ,  ou  il  fut  embarqué  sur  le 
navire  te  IV ashington.  Ses  souf- 
frances étoient  extrêmes  ;  il  y  suc- 
comba ,  et  rendit  son  dernier  sou- 
pir dans  le  courant  de  septembre 
1 794 ,  à  l'âge  de  60  ans.  Ses  cen- 
dres reposent  dans  l'île  Madame. 
{V.  G.  M.  Cajan,  et  J.  F.  Car- 
canot.  ) 

CAMBON  (François),  prêtre, 
né  à  Cahors,  n'étoit  point  sorti  de 
France, quoiqu'il  eût  été  condamné 
à  l'exil  comme  non-assermenté , 
par  la  loi  de  déportation  rendue  le 
26  août  1792.  Découvert  dans  le 
courant  de  1795  ,  il  fut  jeté  dans 
les  prisons,  et  conduit  en  1794 
à  Bordeaux,  d'où  il  devoit  être  dé- 
porté à  la  Guiane  (V .  Bordeaux). 
Les  embarquemens  n'y  commen- 
cèrent que  vers  la  fin  de  l'automne, 
trois  mois  après  la  chute  de  Ro- 
berspierre;  et  le  prêtre  Cambon 
resta,  pour  les  sui vans,  dans  le  fort 
du  Ha,  où  il  étoit  renfermé.  Il  ne 
supporta  pas  plus  long-temps  les 
rigueurs  d'un  tel  sort.  Accablé 


CAM  r.5«) 

par  le  poids  des  souffrances  ,  il 
alloit  y  succomber,  lorsqu'on  le 
transporta  dans  l'hôpital  de  Saint- 
André  ,  où,  sans  cesser  d'être  cap- 
tif de  Jésus-Christ ,  il  mourut  le 
25  novembre  1794?  il  l'%e  ue 
56  ans.  {V.  P.  Cabanel,  et  P.  J. 
Cayron.) 

CAMPFOKT  (Paul),  né  à  Pol- 
Mignac  ,  dans  le  diocèse  de  Saint- 
Flour,  vers  174^  ?  étoit  curé  de  la 
paroisse  de  Bussol,  en  celui  de 
CIcrmont.  Il  n'avoit  prêté  aucun 
des  sermens  des  premières  années 
de  la  révolution,  et  s'étoit  sous- 
trait heureusement  aux  persécu- 
tions de  1795  et  1794»  Etabli  à 
Clermont,  en  1797,  il  y  exerçoit 
son  ministère  avec  une  confiance 
que  sembloit  autoriser  la  modéra- 
tion du  gouvernement,  lorsqu'é- 
clata  la  catastrophe  du  1 8  fructidor 
(4  septembre  1797).  Soumis  à  la 
cruelle  loi  de  déportation  rendue 
le  lendemain,  et  s'étant  trop  laissé 
connoître  des  agens  du  gouverne- 
ment, il  fut  recherché.  On  parvint 
enfin  à  l'arrêter;  et,  au  printemps 
de  1798,  on  l'envoya  à  Roche- 
fort  ,  pour  y  être  embarqué  (  V. 
Guiane).  Il  le  fut  le  ier  août,  sur 
la  corvette  ta  Bayonnaise  qui 
le  déposa,  le  29  septembre,  à 
Cayenne.  On  l'en  repoussa  pres- 
que aussitôt  dans  le  désert  de 
Konanama.  Les  fléaux  de  cette 
contrée  dévorante  le  minant  inté- 
rieurement, il  en  résulta,  pour 
lui ,  un  état  de  chagrin  naturel  qui , 
s'accroissant  chaque  jour,  à  me- 


36o  CAN 

sure  que  Je  mal  interne  faisoit  des 
progrès,  le  jeta  dans  une  con- 
somption dont  il  mourut,  le  g  no- 
vembre 1798  ,  à  l'âge  de  55  ans. 
{V.  C.  Cailhiat,  et  J.  B.  Car- 
dine.) 

CAMUS  (SiMON-JosEPn) ,  curé 
de  la  paroisse  de  Thonarsaiz,  près 
La  Châteigneraye ,  dans  le  diocèse 
de  La  Rochelle ,  né  à  Fontenay , 
même  diocèse,  ne  pouvoit  plus 
trouver  de  sûreté  contre  la  persé- 
cution, qu'en  suivant  ses  parois- 
siens enrôlés  dans  l'armée  catho- 
lique et  royale  (  V .  Vendée). 
Lors  de  la  déroute  qu'elle  éprouva 
au  Mans,  vers  le  milieu  de  dé- 
cembre 1795,  le  curé  Camus  fut 
pris  et  ramené  dans  cette  ville, 
où  les  vainqueurs  le  massacrèrent 
vers  la  fin  du  même  mois. 

CANTAT  (N...  ),  curé  de  la 
Nocle ,  diocèse  d'Autun  ,  avoit 
été  dépouillé  de  sa  cure,  et  ex- 
pulsé de  sa  paroisse,  pour  avoir 
refusé  le  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé.  Quoiqu'il 
n'eût  que  45  ans,  lorsque  la  loi  du 
26  août  1792  vint  forcer  les  non- 
assermentés  à  s'exiler,  cette  loi 
sembla  l'en  dispenser,  parce  qu'il 
étoit  infirme  ;  mais  elle  le  con- 
damnoità  vivre  en  réclusion,  avec 
d'autres  prêtres  sexagénaires  ou 
perclus  d'infirmités,  sous  la  sur- 
veillance de  l'administration  dé- 
partementale. Cantat,  se  trouvant 
dans  le  département  de  la  Nièvre, 
fut  donc  reclus  à  Nevers  (  V.  Ne- 
vers).  Si  les  lois  eussent  pu  donner 


CAN 

alors  quelque  sécurité  ,  Cantat 
n'auroit  pas  dû  craindre  d'autre 
supplice  que  celui  des  vexations 
qu'on  éprouvoit  dans  le  lieu  de 
sa  détention.  Mais  les  tyrans  vou- 
loient,  à  tout  prix,  qu'il  ne  restât 
pas  un  prêtre  dans  toute  l'étendue 
de  la  France.  C'étoit  comme  au 
temps  de  la  persécution  des  Van- 
dales en  Afrique  :  on  vouloit  que 
les  ecclésiastiques  qu'on  n'osoit 
pas  égorger  fussent  poussés  dans 
un  cruel  exil  :  Addiditadhuc  ut 
et  pars  clericorum  qute  reman- 
serat,  pœnali  exilio  trudere- 
tur  (Vict.  De  Persecutione  V an~ 
dalica.  L.  I).  Cantat  fut  donc 
enlevé,  avec  ses  compagnons  de 
réclusion,  et  conduit,  comme  eux, 
à  Nantes,  pour  y  être  submergé 
{V .  Nantes).  Les  tourmensque  les 
conducteurs  féroces  des  prêtres 
de  la  Nièvre  leur  firent  éprouver, 
dans  le  trajet,  nepurent  pas  mieux 
que  les  infirmités  du  curé  Cantal, 
vaincre  le  courage  que  lui  donnoit 
sa  Foi.  Jeté ,  à  Nantes ,  dans  le 
fond  de  cale  infect  de  la  galiote 
hollandaise  qui  devint  leur  prison, 
sa  Foi  ne  lui  servit  plus  qu'à  méri- 
ter une  glorieuse  compensation  à 
ses  maux.  Il  ne  put  résister  à  ceux 
de  tous  genres  qui ,  dans  ce  lieu 
abominable,  faisoient  mourir  les 
prêtres  plus  cruellement  que  par 
le  glaive.  Il  y  succomba,  le  6  avril 
1794  ,  le  même  jour  que  l'ex- 
Jésuite  Philippe-Gaspard  Moreau , 
et  l'héroïque  pénitent  Chézeau 
(  V.  ces   noms ,  avec  ceux  de 


CaP 

Bauneac ,  d'Angers ,  et  Casf.au ,  de 
Ne  ve  rs) .  Le  m  arty  re  d  u  eu  ré  C  an  tat 
et  de  ses  compagnons ,  ne  différa 
guère,  quant  aux  souffrances,  de 
celui  des  quarante  soldats  de  Cap- 
padoce ,  qui  furent  jetés  nus  sur  un 
étangglaeé,  et  que  l'Eglise  invoque 
le  9  mars.  Privés  de  la  majeure 
partie  de  leurs  vêtemens ,  dans  une 
situation  non  moins  cruelle,  ces 
prêtres  méritent,  à  beaucoup  d'é- 
gards, l'éloge  que  S.  Basile  faisoit 
des  Martyrs  précédons.  Comme 
eux ,  ils  s'écrioient  :  «  C'est  a  vous , 
Seigneur,  que  nous  faisons  le  sa- 
crifice de  notre  vie;  et  vous  nous 
recevrez  près  de  vous,  comme  des 
victimes  qui  s'immolent  pour  Cire 
admises  dans  le  scinde  votre  misé- 
ricorde »  :  Fiat  sacrificium  nos- 
trum  coram  te ,  Domine;  et  ve- 
lut  iioslicb  viventes  nosmet  im- 
molantes abs  te  récif  iamnr. 
(Homilia  :  DeSS.  Qiiadraginta 
Martyrifrus.) 

CAPON  (Anne-Pierre)  ,  prêtre 
du  diocèse  de  Besançon,  né  dans 
cette  ville,  en  1769,  eut,  pour 
le  sacerdoce,  une  vocation  telle 
qu'on  auroit  pu  la  regarder  comme 
l'indice  de  ses  dispositions  pro- 
chaines au  martyre.  Les  dangers 
qui  déjà  menaçoient  les  ministres 
do  l'Eglise,  en  179»,  lorsqu'il 
n'étoit  encore  que  diacre,  ne  l'ef- 
frayèrent point;  et,  se  dévouant 
aux  besoins  de  l'Eglise  dans  ces 
périlleuses  circonstances  ,  il  alla 
demander  lui-même  l'ordre  de  la 
prêtrise  à  son  archevêque,  Ray- 
o* 


CAP  36i 

motul  de  Durfort.  Le  prélat,  ravi 
de  ce  dévoueriient  presque  sur- 
naturel-, serra  dans  ses  bras  le 
jeune  lévite,  en  l'arrosant  de  ses 
larmes,  et  lui  conféra  la  dignité 
sacerdotale,  il  l'envoya  de  suite  , 
comme  vicaire  ,  dans  la  paroisse 
de  Lanthène  ,  près  Marnay,  et 
non  loin  de  Besançon.  Comme  ce 
jeune  vicaire,  en  refusant  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du  clergé,  déployoit  un  zèle  par- 
ticulier contre  les  erreurs  qu'elle 
alloit  répandre  dans  la  province, 
il  fut  plus  spécialement  persécuté 
par  les  autorités  du  département 
du  Donbs.  Un  décret  de  prise  de 
corps  fut  porté  contre  lui;  et  il  ne 
putsedispenserde  sortirde  France, 
dès  le  mois  de  juin  1792.  Pas- 
sant au  comté  de  Neuchâtcl ,  en 
Suisse,  il  se  fixa  dans  le  bourg  du 
Landeron  ,  qui  étoit  catholique. 
Le  curé  de  ce  bourg  profita  de  son 
zèle,  en  l'associant  aux  fonctions 
de  sa  charge  pastorale.  Mais  le 
jeune  prêtre  conservoit  une  affec- 
tion de  préférence  pour  les  parois- 
siens de  Lanthène ,  dont  le  curé 
avoit  été  pareillement  mis  en  fuite  ; 
et  il  brûloit  du  désir  de  revenir 
près  deux ,  afin  qu'ils  ne  res- 
tassent pas  plus  long-temps  privés 
des  secours  de  l'Eglise.  Avec  l'a- 
grément des  grands-vicaires  ,  iî 
rentra  eu  Fiance ,  vers  la  fin  d'avril 
1793,  et  s'arrêta  quelques  jours 
dans  la  montagne,  chez  de  pauvres 
habitans  auxquels  il  procura  la 
consolation  d;cntendre  la  messe  . 


362  cap 

et  de  recevoir  la  sainte  Eucharis- 
tie. Partant  de  là  pour  la  portera 
des  malades,  il  fut  arrêté  en  tra- 
versant une  forêt  voisine  du  vil- 
lage de  l'Hôpital  de  Grosbois,  à 
trois  lieues  de  Besancon;  et  ce 
furent  de  stupides  bûcherons  qui 
le  saisirent.  Les  représentations 
qu'il  leur  fit  pour  qu'ils  le  laissas- 
sent en  liberté,  furent  moins  dic- 
tées par  l'intention  de  ménager  sa 
vie ,  que  par  celle  de  soustraire 
à  de  sacrilèges  profanations  la 
sainte  Eucharistie  qu'il  avoit  sur 
la  poitrine.  Amené  a  Besançon , 
il  y  fut  jeté  dans  les  prisons  du 
tribunal  criminel  du  département 
du  Doubs;  et,  le  7  novembre,  il 
comparut  devant  ce  tribunal  pour 
être  jugé.  Le  président  ayant  com- 
mencé par  lui  demander  si  les 
hosties  que  renfcrmoit  la  boîte 
trouvée  sur  lui  étoient  consacrées , 
et  le  jeune  vicaire  ayant  répondu 
affirmativement ,  il  donna  l'ordre 
d'aller  chercher  un  prêtre,  pour 
qu'il  vînt  en  surplis  les  prendre. 
Elles  ne  purent  être  enlevées  que 
par  un  prêtre  sehismalique,  mais 
enfin  elles  le  furent  avec  un  grand 
respect;  et  l'on  doit  des  éloges 
au  magistrat  qui  en  prévint  ainsi 
une  plus    scandaleuse  profana- 
tion. Dans  la  suite  de  l'interroga- 
toire du  jeune  vicaire,  qui  décla- 
roit  avoir  exercé  son  ministère, 
malgré  les  décrets  de  la  Conven- 
tion, le  président  lui  dit  :  «Vous 
saviez  bien  que  vous  désobéissiez 
aux  lois.  »— -  «Je  l'avoue,  répon- 


CAP 

dit  le  jeune  prêtre  ;  mais  je  ne 
pouvois  m'y  soumettre  sans  en- 
freindre une  loi  bien  supérieure.» 
—  «  Mais,  puisque  vous  parlez 
d'une  loi  supérieure,  c'est-à-dire: 
de  la  religion ,  ne  vous  presci  ivoil- 
clle  pas  de  respecter  et  de  suivre 
les  lois  de  votre  pays?»  —  «Non, 
quand  elles  sont  contraires  aux  lois 
établies  par  Dieu  même.»  —  «Vous 
êtes  i-eslé  quelque  temps  dans  les 
montagnes  ;  chez  qui  étiez- vous  ?» 
■ — «Je  ne  puis  vous  satisfaire  sur 
ce  point,  ne  devant  compromettre 
personne  :  »  réponse  non  moins 
admirable  que  celle  de  la  sainte 
Martyre  Irène  de  Tbessalonique 
à  pareille  question  !  «  Où  vous 
êtes-vous  cachée  »?  lui  disoit  son 
juge.  «  Où  Dieu  l'a  voulu  ,  ré- 
pondit-elle ;  il  le  sait ,  et  cela  suf- 
fit ».  —  «  Mais  qui  sont  ceux  qui 
vous  fournissoient  des  alimens?» 
—  «  Dieu,  qui  en  fournit  à  tontes  ses 
créatures  » .  Ubinam  vos  laluis- 

tis? — Ubi  Deus  voluit   in 

montibus  ;  scit  Dominas.  — 
Quinam  erant  gui  vobis  pa- 
nem  suppeditabant  ?  —  Deus , 
qui  omnibus  escani  suppedi- 
tat  (  Rumart  :  Acta  S.  I renés  , 
ex  Baronio  cl  Surio).  Quand 
l'interrogatoire  de  notre  vicaire 
fut  achevé,  et  que  l'accusateur 
public  eut  renuis  ta  peine  de  mort 
contre  lui,  le  président  troublé 
hésitoit  à  la  prononcer  ;  et  la 
douleur  dont  le  pénétroit  l'obli- 
gation que  lui  en  imposoit  sa 
charge,  se  manifestoit  par qutlques 


CAP 

Jarmes.  «  Rassurez-vous  ,  lui  dit 
le  jeune  ministre  de  Jésus-Christ-, 
je  connoissois  la  loi  avant  de  ren- 
trer en  France  :  c'est  elle  qui  me 
condamne;  vous  n'en  êtes  que 
l'organe;  n'hésitez  plus  ».  —  Un 
écrivain  qui  nous  a  devancés  dans 
la  publication  de  cette  circons- 
tance, blûmoit  ce  discours,  pré- 
tendant que  «  le  jeune  apôtre  l'ut, 
dans  cet  instant ,  égaré  par  son 
zèle  ;  et  qu'il  ne  de  voit  pas  même , 
par  cette  seule  parole ,  paroître 
encourager  ses  juges  au  plus  lâche, 
au  plus  injuste  homicide».  Mais, 
d'abord,  le  censeur  ne  prenoit  pas 
garde  que  «le  lâche  attentat, 
l'injuste  homicide  »,  étoient  le 
crime  de  la  loi  plutôt  que  des 
juges  ;  que  les  juges  n'étoient  plus 
les  maîtres  de  ne  pas  le  commettre, 
dès  qu'ils  n'avoient  pas  la  vertu 
d'abdiquer  leurs  fonctions  ;  et 
que,  tout  coupables  qu'ils  étoient 
de  les  exercer,  ils  ne  se  trou  voient 
ici  que  les  instrumens  forcés  d'une 
législation  atroce  autant  que  sa- 
crilège, à  laquelle  ils  s'étoient  cri- 
minellement engagés.  Le  jeune 
apôtre  ne  penchoit  donc  point  vers 
l'erreur  des  Marcionites  :  il  ne 
disoit  au  président  que  ce  que 
saint  Cyprien,  dans  un  cas  sem- 
blable, avoit  dit  au  proconsul  Pa- 
terne. Celui-ci  lui  ayant  cité  l'édit 
impérial  qui  Pobligeoit  à  le  punir 
de  mort  :  «  Si  quis  itaque  hoc 
prœceptum  non  oùservaverit , 
capite  plectetur  ;  saint  Cyprien 
lui  répliqua  sur-le-champ  :  Cy- 


CAP  365 

prianus  episcopus  respondit  : 
Fac  quod  tibi  prœceptum  est  : 
«Faites  ce  qui  vous  est  ordonné». 
{Acta  proconsuiaria  sancti  Cy~ 
priant  apost.  et  Martyris). 

Quel  magnifique  éloge  saint  Ba- 
sile-le-Grand  n'a-t-M  pas  fait  de 
ce  courageux  saint  Gorde  de 
Césarée,  qui,  en  présence  du 
supplice ,  et  lorsqu'on  cherchoit 
encore  à  faire  plier  sa  Foi ,  pour 
le  soustraire  aux  souffrances,  se 
mit  à  les  invoquer  lui-même ,  en 
disant  aux  juges  comme  aux 
bourreaux  :  «  Pourquoi  tardez- 
vous  ?  Que  rien  ne  vous  arrête. 
Déchirez  mon  corps ,  disloquez 
mes  membres;  faites-moi  souffrir 
tous  les  tourmens  que  vous  pour- 
rez inventer;  mais,  de  grâce,  ne 
m'enviez  pas  ma  bienheureuse  es- 
pérance ,  en  retardant  son  accom- 
plissement» .  Tantùmqueahfuit 
ut  intentatas  horreret  pœnas , 
ut  cas  uitrà  in  se  provocaret , 
suppliciique  moras  vehemen- 
ter  increparet  :  Quid ,  inquit , 
tardatis?  Quidstatis?  Corpus 
ianielur ,  memhra  torquean- 
tur  :  denique  quodcunque  de 
me  supplicium  volueritis ,  su- 
mite.  Nolitemihi  beatam  spem 
invidere ,  etc.  etc.  (  S.  Basil, 
magn.  :  Oratio  de  S.  Gordio , 
Martyre).  Notre  jeune  vicaire 
étoit  animé  du  même  esprit  que 
le  saint  Martyr  Maharsapor  ,  de 
Perse,  lequel,  voyant  le  regret 
que  le  juge  avoit  de  le  condamner, 
lui  dit  :  «  Je  ne  suis  point  effrayé 


364  CAP 

des  supplices ,  puisqu'il  doit  en 
résulter,  pour  moi,  le  salut  <'e 
mon  âme  et  une  très  -  grande 
gloire.  Vous  êtes  esclave  ,  et  forcé 
d'obéir  ;  vous  êtes  soumis  au 
commandement  d'un  maître  ter- 
restre ;  quant  à  moi ,  je  n'en  ai 
pas  d'autre  parmi  les  hommes 
en  cette  circonstance,  que  le  Sei- 
gneur qui  est  dansles  cieux,  et  pour 
le  nom  duquel  je  souffre;  ache- 
vez de  faire  ce  qui  vous  est  pres- 
crit »  :  Non  me  perturbât  quàd 
supplicio  addicor,  quando  qui- 
dem  hac  pœna  salus  mihi ,  et 
ingens  gloria  trihuitur...  Ser- 
vies enim  es,  et  heriii  imperio 
subjeclus  ;  mihi  vero  adest  in 
cœto  Dominus ,  pro  cujus  Fide 
et  nomine  patior ,  alium  prœ- 
ter  hune  inter  homines  domi- 
num  non  habeo. . .  Tu  verb  im- 
perata perfice  (Asseman. ,  pars  i , 
pag.  255.  Martyrium  heati  at- 
que  inclyti  Maharsaporis  ). 
L' Histoire  Ecclésiastique  nous 
fourniroit  quantité  d'autres  exem- 
ples ,  si  nous  en  avions  besoin 
(  V.  encore  Asseman. ,  pars  1 , 
pag.  91,  pars  2,  pag.  62).  Nous 
avons  déjà  traité  ce  sujet  aux 
pages  1 14?  1 19  et  123. 

Il  est  temps  de  revenir  à  notre 
jeune  vicaire ,  contre  lequel  enfin , 
et  quoique  à  regret ,  le  président 
du  tribunal  prononça  une  sen- 
tence de  mort,  attendu  qu'aux 
yeux  de  ce  qu'on  appeloit  la  loi, 
il  étoit  «  prêtre  réfractaire  ,  et 
même  encore  émigré  -  rentré  » . 


CAP 

Après  que  ce  jugement  eut  été 
rendu ,  le  vicaire  Capon ,  adressant 
la  parole  aux  juges  et  à  l'audi- 
toire, témoigna  qu'il  se  faisoit 
honneur  d'être  immolé  pour  la 
cause  de  la  Foi.  «  Dans  cette  com- 
mune proscription  de  la  monar- 
chie et  de  la  religion  ,  dit-il ,  le 
prêtre  doit  mourir  pour  son  Dieu, 
comme  le  soldat  pour  son  roi». 
Il  fut  ramené  en  prison ,  pour  y 
attendre  l'heure  d'être  conduit  au 
supplice.  Vers  trois  heures  de 
l'après-midi,  on  le  fit  marcher 
vers  le  lieu  de  l'exécution.  En  y 
allant  à  pied ,  il  étonna  les  spec- 
tateurs par  le  calme  et  l'assurance 
de  sa  démarche  ;  et  il  monta  sur 
l'échafaud  de  la  même  manière. 
De  là,  comme  d'une  chaire  évan- 
gélique  ,  il  voulut  adresser  au 
peuple  quelques  paroles  d'édifi- 
cation; mais  le  tambour  qu'on 
battit  aussitôt  pour  couvrir  sa 
voix,  le  fit  renoncer  à  parler;  et, 
livrant  sa  tête  au  bourreau ,  il 
périt  à  l'âge  d'environ  27  ans,  le 
17  brumaire  an  II  (  7  novembre 
1 795),  et  non  le  8  octobre,  comme 
on  le  dit  ailleurs  (  V.,  pour  la 
série  des  Martyrs  du  diocèse  de 
Besançon,  G.  F.  Coper-Schmit.) 

CAPPEAU  (iV...),  prêtre,  atta- 
ché au  service  de  l'une  desparoisses 
de  Paris,  en  fut  écarté  ,  par  suite 
de  son  refus  du  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Lorsqu'après  le  fatal  10 août  1792, 
les  ennemis  des  prêtres  firent  re- 
chercher tous  ceux  qu'ils  appe- 


CAR. 

loient  réfractaires ,  l'abbé  Cap- 
peau  fut  arrêté  ,  conduit  d'abord  â 
la  prison  de  la  Mairie,  et  ensuite 
jeté  dans  celle  de  X Abbaye ,  ie 
i"  septembre  1792.  Il  prévit  dès 
lors ,  ainsi  que  les  confrères  avec 
lesquels  il  s'y  trouvoit,  que  tous 
étoient  destinés  à  une  mort  pro- 
chaine ,  à  raison  de  leur  fidélité  à 
la  cause  de  la  religion.  Il  se  pré- 
para ,  avec  eux ,  au  sort  qui  l'at- 
tendoit  (  V.  Royer  ),  et  fut 
massacré,  comme  eux,  le  lende- 
main. (F.  Septembre.) 

CAP  Y  (  N. . .  )  ,  prêtre  du 
diocèse  de  Meaux,  retiré  en  cette 
ville,  et  odieux  aux  révolution- 
naires ,  parce  qu'il  n'avoit  pas 
voulu  prêter  le  serment  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé,  fut  en- 
fermé ,  comme  réfractaire  ,  dans 
la  prison  de  Meaux,  en  aoftt  1792. 
Dans  la  nuit  du  3  au  4  septembre 
1792  [V.  Septembre),  des  scélé- 
rats de  la  ville ,  que  les  commis- 
saires de  la  Commune  de  Paris 
étoient  venus  s'adjoindre  ,  pour 
répéter  à  Meaux  les  massacres 
exécutés  par  ses  ordres  dans  la 
capitale,  égorgèrent  Capy  avec 
six  autres  prêtres.  Cet  événe- 
ment et  leurs  noms  se  trouvent 
à  l'article  de  P.  Duciiesne,  l'un 
d'eux. 

CAR  (Jean-Baptiste),  chanoine 
de  l'une  des  collégiales  du  diocèse 
de  Poitiers,  résidoiten  cette  ville, 
en  >793,  sans  avoir  cru  qu'il  dût 
sortir  de  France  ,  en  vertu  de  la 
loi  de  déportation  du  26  août  1 792, 


CAR  365 

quoiqu'ileût repoussé  notoirement 
les  erreurs  et  le  schisme  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
On  se  saisit  de  sa  personne  en 
1795,  et  on  le  jeta  dans  les  pri- 
sons. Le  28  ventôse  an  II  (  18  mars 
1794),  il  fut  traduit  devant  le 
tribunal  du  département  de  la 
Vienne,  siégeant  à  Poitiers;  et 
les  juges  le  condamnèrent,  comme 
«  prêtre  réfractaire  »,  à  la  peine 
de  mort.  Il  la  subit,  avec  les  seize 
autres  prêtres  que  le  tribunal  lit 
périr  le  même  jour,  pour  cause 
de  religion.  [V .  F.  A.  O.  de  Bkun- 
neval,  et  Me  Chemiheau.) 

CARANTILLY  (François- 
Louis  de  Montz  de),  prêtre,  cha- 
noine de  la  cathédrale  de  Cou- 
tances ,  né  à  Carantilly ,  près 
Saint-Lo ,  en  Normandie  ,  l'an 
1 760 ,  ne  crut  pas  devoir  sortir  de 
France ,  lors  de  la  loi  de  déporta- 
tion, quoiqu'il  n'eût  fait  aucun  des 
coupables  sermens  exigés  par  les 
assemblées  dites  nationales.  11 
tomba,  vers  la  fin  de  1793,  entre 
les  mains  des  agens  de  la  persé- 
cution ,  lesquels ,  au  printemps  de 
l'année  suivante,  l'envoyèrent  au 
tribunal  révolutionnaire  de  Pa- 
ris. Ce  tribunal,  devant  lequel  il 
comparut,  le  3  thermidor  an  II 
(21  juillet  1794)3  suivi  de  M.  L. 
L.  Cussy,  grand-chantre  hono- 
raire ,  et  archidiacre  de  la  même 
église,  le  condamna  de  suite,  avec 
lui,  à  la  peine  de  mort,  comme 
«ennemi  du  peuple  »,  sans  autre 
accusation  plus  précise;  et  il  fut 


SGG"  CAR 

exécuté  le  même  jour,  à  l'âge  de 

34  ans. 

CARBONNIÈRES(Jean-Char- 
ies  de),  prêtre  du  diocèse  de  Li- 
moges, né  à  Boussac,  en  1736,  et 
chanoine  de  l'une  des  collégiales  de 
ce  diocèse,  ne  se  voyant  pas  ex- 
pressément compris  dans  le  nom- 
lire  des  prêtres  qui  dévoient  sortir 
de  France,  comme  non-assermen- 
tés ,  quoiqu'il  le  fût  lui-même, 
resta  dans  sa  province.  Son  carac- 
tère sacerdotal ,  et  sa  conduite 
éminemment   ecclésiastique ,  le 
lirent  arrêter  en  1793.  Quand  la 
Convention  eut  ordonné  que  les 
prisonniers,  soi-disant  politiques 
des  départemens,  seroient  envoyés 
au  tribunal  révolutionnaire  de 
Paris,  le  chanoine  Carbonnières 
y  fut  amené.  Il  languit  long-temps 
dans  les  prisonsde  la  capitale,  parce 
qu'on  ne  pouvoit  alléguer  contre 
lui  aucun  prétexte  autorisé  par  les 
lois.  Comme  il  se  trouvoit  détenu 
au  Luxembourg,  lorsqu'on  sup- 
posa une  conspiration  des  prison- 
niers de  cette  maison  de  déten- 
tion ,  il  fut  condamné  à  mort,  en 
qualité  de  «  complice  de  cette  cons- 
piration »  ,  à  l'âge  de  58  ans.  La 
sentence,  rendue  le  21  messidor 
an  II  (f)  juillet  1 794)?  fut  exécutée 
le  même  jour. 

CARCANOT  (Jean-François), 
jeune  prêtre  ,  chanoine  de  l'une 
des  collégiales  de  Verdun  ,  sentit 
sa  Foi  se  raffermir  lors  de  l'éta- 
blissement de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé ,  en  1791  ;  et  il  lui 


CAR 

dit  anathème.  Mais  sa  vertu  man- 
qua de  courage ,  en  voyant  les 
massacres  de  septembre  1792:  il 
prêta  le  serment  de  liberté-éga- 
lité, prescrit  à  cette  époque  ,  par 
des  législateurs  dont  les  intentions 
anti  -  religieuses  n'étoient  point 
équivoques.  Cet  acte  de  foiblesse 
ne  le  sauva  point  des  persécutions 
ultérieures.  On  l'arrêta  en  1793  ; 
et,  après  quelques  mois  de  séjour 
dans  les  prisons  de  Verdun,  étant 
envoyé  à  Rochefort  pour  être 
déporté  sur  quelque  plage  loin- 
taine (  V.  Rochefort  )  ,  il  fut 
embarqué  sur  le  navire  les  Deux 
Associés.  Au  milieu  des  maux 
que  souffroient,  dans  l'entrepont 
de  ce  bâtiment,  tant  de  confesseurs 
de  Jésus-Christ,  qui  n'avoientpas 
à  se  reprocher  ce  serment  léga- 
lité -liberté ,  dont  le  chanoine 
Carcanot  ne  se  dissimuloit  plus  le 
sens  criminel ,  il  le  rétracta  avec 
beaucoup   d'édification.  Il  suc- 
comba enfin  sous  le  poids  des 
souffrances ,  et  mourut  avec  le 
même  honneur  que  la  plupart  de 
ses  confrères  de  déportation.  Sa 
mort  arriva  le  16  août  1794.  H 
n'a  voit  alors  que  34  ans  :  son  corps 
fut  inhumé  dans  l'ile  d'Aix.  [V. 
J.  Calvez,  et  F.  de  Cardaillac.) 

CARDAILLAC  (  Florent  Dv- 
montel  de  ) ,  chanoine  et  vicaire- 
général  de  Castres,  aumônier  de 
Monsieur  (  maintenant  roi  de 
France) ,  avoit  vu  le  jour  à  Echiza- 
dour,  dans  la  paroisse  de  Saint- 
Mers,  au  diocèse  de  Limoges.  Il  s'é- 


CAR 

toit  retiré  dans  sa  famille,  lors  des 
réformes  anti-religieuses  de  1792  ; 
et  plein  de  l'esprit  ainsi  que  des 
connoissances  de  son  état,  il  avoit 
repoussé,  comme  un  énorme  pé- 
ché contre  la  Foi,  le  serment  de 
h  constitution  civile  du  clergé. 
Fermement  attaché  à  l'Eglise  ca- 
tholique ,  il  se  montroit  digne  d'elle 
en  tout.  Ses  vertus  furent  insup- 
portables aux  impies  qui  régis- 
soient  sa  province,  devenue  le  dé- 
partement de  la  Haute. -Vienne; 
et  ils  le  firent  mettre  en  réclusion 
à  Limoges,  comme  insermenté  , 
en  1795.  Sa  famille  sollicita  son 
élargissement,  et  espéroit  l'obte- 
nir au  commencement  de  1794- 
Mais,  au  moment  où  il  sembloit 
près  de  recouvrer  sa  liberté ,  les 
persécuteurs  prétextèrent  qu'ayant 
été  attaché  à  la  cour ,  il  en  étoit 
plus  dangereux;  et,  ce  jour-là 
même,  ils  le  firent  partir,  avec 
beaucoup  d'autres,  pour  Roche- 
fort.  Il  y  fut  embarqué,  pour  la 
déportation ,  sur  le  navire  les 
Deux  Associés.  Deux  de  ses 
compagnons  d'infortune  qui  en 
sont  revenus,  lui  ont  rendu,  cha- 
cun en  particulier,  des  témoi- 
gnages bien  honorables  ;  l'un  nous 
a  écrit ,  en  parlant  de  lui  :  «  C'é- 
toit  un  homme  d'esprit ,  et  qui 
avoit  le  cœur  excellent.  Comme  il 
avoit  trouvé  moyen  de  sauver 
quelques  fonds  de  la  rapacité  des 
spoliateurs ,  il  les  employa  tous 
aux  besoins  les  plus  pressans  des 
malades  ,  se  privant  pour  lui- 


CAR  567 

même  de  ceux  qui  auroient  pu  lui 
être  le  plus  nécessaires.  Il  mourut 
victime  de  sacliarité  et  de  son  zèle 
pour  le  secours  de  ses  confrères, 
au  soulagement  desquels  il  s'étoit 
sacrifié,  en  qualité  d'infirmier, 
d'abord  sur  les  v  aisseaux,  et  ensuite 
dans  l'hôpital  qu'on  avoit  établi 
pour  eux,  sous  des  tentes  ,  dans 
L'île  Madame  » .  M.  de  la  Biche, 
de  son  côté ,  en  parle  en  ces  termes  : 
«  Cet  ecclésiastique  sembloit  être 
né  pour  faire  aimer  la  vertu ,  et 
pour  réconcilier  les  gens  du  monde 
avec  la  piété,  dont  sa  conduite 
toute  seule  étoit  une  apologie 
complète  » .  Il  expira  le  5  sep- 
tembre 1794?  à  l'âge  de  4/  ans, 
et  fut  enterré  dans  l'île  Madame. 
{V.  J.  F.  Carcanot,  et  J*  B.  Car- 
quey.  ) 

CARDINE  (Jean-Baptiste),  né 
à  Coumion  ,  dans  le  diocèse  de 
Caen,  vers  175G,  étoit,  à  l'époque 
de  la  révolution,  curé  de  Vilaine, 
dans  celui  de  Paris.  Il  se  laissa 
séduire  par  la  constitution  civile 
du  clergé,  et  en  fit  le  serment, 
en  1791.  Cette  coupable  condes- 
cendance aux  vues  des  réforma- 
teurs ,  peut  expliquer  pourquoi  il 
échappa  aux  terribles  persécutions 
de  1790.  Il  n'évita  celles  de  l'année 
suivante,  qu'en  se  cachant  avec 
beaucoup  de  soin  ;  et,  dans  sa  re- 
traite ,  il  eut  le  temps  de  com- 
prendre comment  l'athéisme  qui 
régnoit  alors  avoit  été  introduit 
par  le  schisme  constitutionnel  de 
1791.  Uuaud  l'Eglise  parut  jouir 


5*38  CAR 

<!e  quelque  paix,  en  1796,  Car- 
dine rétracta  solennellement  son 
serment,  que  déjà  il  avoit  rétracté 
dans  son  cœur;  et  il  donna  coura- 
geusement à  sa  rétractation  ,  la 
plus  grande  publicité.  L'évêque 
'chismatique  de  Versailles  ,  en 
'797'  s'obstinant  néanmoins ,  par 
besoin  de  sujets,  à  regarder  le 
curé  Cardine  comme  étant  tou- 
jours des  siens ,  lui  écrivit  une 
lettre  de  convocation  ,  pour  un 
soi-disant  synode,  où  de  voit 
être  nommé  le  député  ecclésias- 
tique de  son  prétendu  diocèse,  à 
une  espèce  de  concile  que  les 
évêques  constitutionnels  alloient 
tenir  dans  l'église  de  Notre-Dame, 
à  Paris.  Cardine  lui  fit  une  réponse 
noblement  catbolique,  dans  la- 
quelle il  lui  disoit ,  entre  autres 
choses  :  «  J'ai  été  surpris  de  la 
lettre  que  vous  m'avez  écrite ,  pour 
me  faire  part  de  votre  prétendu 
synode ,  et  m'inviter  à  m'y  ren- 
dre... J'ai  eu  le  malheur  de  faire 
le  serment  constitutionnel;  mais, 
pressé  par  les  remords,  je  me  suis 
hâté  de  le  rétracter.  Il  faut  donc 

vous  l'apprendre   Je  prends 

cette  occasion  pour  donner  ici 
une  nouvelle  authenticité  à  la  con- 
damnation que  je  fais  de  la  cons- 
titution prétendue  civile  du 
clergé,  par  laquelle  vous  existez; 
et,  pour  que  vous  ne  veniez  plus 
me  fatiguer  de  vos  documens  et 
de  vos  circulaires,  je  vous  déclare 
que  votre  prétendu  synode ,  ainsi 
que  vos  prétendus  conciles  natio- 


CAIl 

naux,  me  seront  toujours  étran- 
gers, comme  ils  seront  toujours 
étrangers  à  l'Eglise».  Cette  lettre , 
beaucoup  plus  étendue,  fut  insé- 
rée en  entier  dans  le  n°  19  de  la 
Politique  Chrétienne  de  1797, 
le  12  juillet,  avec  une  décla- 
ration de  divers  curés,  portant 
que  «  la  rétractation  de  Cardine 
étoit,  depuis  plusieurs  années, 
entre  les  mains  des  supérieurs  lé- 
gitimes, dépositaires  de  l'autorité 
spirituelle  de  M.  de  Juigné ,  encore 
alors  archevêque  de  Paris.  La 
catastrophe  anti-religieuse  du  18 
fructidor  (4  septembre  1791)  ar- 
riva ;  et ,  par  une  loi  du  lendemain , 
les  prêtres  dits  réfractaires  furent 
condamnés  à  être  déportés  à  la 
Guiane  [V .  Guiane).  Cardine  fut 
bientôt  arrêté;  on  l'envoya,  dès 
le  commencement  de  1798,  à 
Rochefort  pour  y  être  embarqué. 
Il  le  fut  le  12  mars,  sur  la  frégate 
la  Charente,  d'où,  le  2  5  avril, 
il  passa  sur  la  frégate  la  Décade, 
qui  le  jeta  dansleport  de  Cayenne, 
vers  le  milieu  de  juin.  De  là,  il  fut 
de  suite  relégué  dans  le  désert  pes- 
tilentiel et  brûlant  de  Ronanama. 
Doué  d'une  grande  activité,  il  se 
plut  à  croire  que  l'état  d'inertie 
donnoit  beaucoup  de  prise  aux 
fléaux  du  climat ,  et  il  obtint  de 
s'établir,  avec  six  autres  déportés, 
au  canton  de  Corou ,  dans  une  case 
de  deux  colons,  Trabaudet  Bon- 
nefoi,  pour  y  vivre  du  commerce 
qu'ils  y  feroient.  Ils  n'avoienl 
aucuns  fond*  pour  le  commencer; 


CAR 

cl  déjà,  en  septembre,  Cardine, 
trompé  par  ses  calculs ,  étoit  d'ail- 
leurs atteint  cruellement  par  les 
fléaux  du  climat.  Transporté  chez 
un  colon  nommé  Colin  ,  il  y  mou- 
rut après  un  mois  de  maladie,  le 

10  octobre  1798,  à  l'âge  de  42  ans. 
{V.  P.  Campfort,  et  J.  C.  Car- 
uet.) 

CAREL  (Bertrand),  prêtre  du 
diocèse  de  Vannes,  vicaire  à 
Guegon  ,  près  Josselin ,  ne  lit 
point  le  serment,  et  brava  l'impie 
loi  de  déportation  pour  continuer 
à  rendre  son  ministère  utile  aux 
catholiques  du  canton.  Il  échappa 
aux  persécuteurs  jusqu'au  com- 
mencement de  1 794  ;  mais  a'ors 

11  fut  arrêté  et  livré  au  tribunal 
criminel  du  département  du  Mor- 
bihan, siégeant  à  Vannes.  Ce 
tribunal  le  condamna  à  la  peine 
de  mort  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  »,  le  25  prairial  an  II  (n 
juin  1794);  et  la  sentence  s'exé- 
cuta le  même  jour. 

CÀRON  (Jean -Hyacinthe ) , 
prêtre  du  diocèse  de  Troyes ,  né 
a  Ruvigny,  près  Troyes,  et  curé 
de  Moulins,  près  Mouzon,  dans 
le  diocèse  de  Nancy,  y  résidoit 
encore  en  179^,  lorsqu'on  fit 
une  guerre  d'extermiriation  contre 
les  prêtres.  Il  fut  amené  à  Pari9 
en  avril  1794,  pour  être  jugé  par 
le  tribunal  révolutionnaire  qui, 
le  faisant  comparoître  devant  luij 
le  12  prairial  an  II  (5i  mai  1794), 
le  condamna  sur-le-champ  à  périr 
sur  l'échafaud.  Le  vague  des  mo- 

2. 


CAR  S69 
tifs  de  la  sentence  montre  qu'il  no 
fut  condamné  qu'à  raison  de  son 
sacerdoce.  Elle  porte  qu'il  étoit 
convaincu  d'être  «auteur  ou  com- 
plice de  complots  contre-révolu- 
tionnaires propres  à  opérer  la  dis- 
solution de  la  représentation  na- 
tionale, et  le  rétablissement  de  la 
royauté  ».  Le  prêtre  Caron  fut 
immolé  le  même  jour,  à  l'âge  du 
56  ans. 

CARON  (  Hippolyte  "Wacon  , 
femme  de  Pierre- Roger -Eloi 
Josse)  ,  dont  le  mari  étoit  mar- 
chand à  Arras,  cù  elle  résidoit 
avec  lui,  avoit,  de  son  aveu,  et 
par  principe  de  religion,  pris  part 
à  la  bonne  œuvre  de  la  veuve 
Bataille ,  en  faveur  des  prêtres 
catholiques  dépouillés  et  proscrits 
{V.  M.  J.  D.  Bataille).  Inscrite, 
sur  le  registre  dès  contribuables , 
elle  fut  livrée  par  le  proconsul 
Jh  Lebon  à  son  tribunal  révolu- 
tionnaire [V.  Arras);  et,  le  2  5 
germinal  an  II  (14  avril  1794)? 
ce  tribunal  l'envoya  à  la  mort 
avec  les  dix-neuf  autres  prétendus 
complices  de  la  charitable  et  pieuse 
veuve.  Ainsi,  Hippolyte  "Wagon 
périt  pour  une  œuvre  de  charité 
faite  bien  formellement  en  vue 
de  Dieu,  et  par  attachement  à  la 
Foi  catholique.  La  sentence  qui 
la  condamnoit  portoit  encore  ce 
motif  :  «  Qu'elle  éloït  ennemie 
du  gouvernement,  puisqu'elle  lui 
avoit  résisté ,  en  ce  qu'elle  avoit 
reçu  en  outre  des  sommes  don- 
nées par  des  aristocrates  (c'est-à- 


5;o  CAR 

dire  des  catholique») ,  pour  l'ac- 
quisilion  d'un  autel  et  de  l'église 
de  Saint-Géry,  afin  d'y  faire  cé- 
lébrer les  saints  mystères  et  les 
ollices  divins  ».  Elle  n'avoit  que 
59  ans  lorsqu'elle  périt.  {V .  F. 
L.  Biissy,  et  A.  V.  Cary.) 

CARON  (iV....),  prêtre  de  la 
congrégation  des  Missions  de 
Saint-Lazare  et  de  la  maison  de 
Versailles,  fut  emprisonné  comme 
insermenté  dans  le  bâtiment  ap- 
pelé les  Ecuries  de  la  Reine, 
après  la  catastrophe  du  10  août 
1792  [V.  Septembre,  vers  la  fin). 
11  ne  fut  pas  libre  d'obéir  à  la 
funeste  loi  de  la  déportation  ;  et 
le  8  septembre  suivant,  on  l'as- 
sassina au  lieu  de  sa  captivité , 
de  la  même  manière  que  son 
confrère  J.  Gallois ,  et  pour  la 
même  cause.  [V.  Collin.) 

CARON  (Jean-Charles),  prê- 
tre du  séminaire  (Je  Saint-Firmin, 
partagea  le  sort  de  son  supérieur 
comme  il  avoit  partagé  ses  senti- 
mens  religieux  (F.  Le  François).' 
Lorsque  le  comité  civil  de  la  sec- 
tion où  se  trouvoit  le  séminaire, 
en  voulut  faire  une  prison  de  mort 
pour  les  prêtres  qui  ne  s'étoient 
pas  souiljés  par  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
c'est-à-dire  j  le  i3  août  1792, 
J.  C.  Caron  y  fut  constitué  pri- 
sonnier avec  soli  supérieur  et 
plusieurs  autres  prêtres.  Il  s'y 
prépara  comme  eux  à  perdre  la 
vie  pour  la  Foi  de  Jésus-Christ, 
et  y  fut  massacré  avec  eux  le  3 


CAR 

septembre  suivant.  11  avoit  alors 
5g  ans. "(F'.  Septembre.) 

CARQUEY  (Jean- Baptiste), 
prêtre  de  Limoges,  sa  patrie,  et 
professeur  d'humanités  au  collège 
royal  de  cette  ville,  regarda  comme 
indigne  d'un  bon  catholique  de 
prêter  le  serment  schismatique  de 
1 79 1 ,  et  ne  sortit  point  de  France 
lors  du  décret  qui,  en  août  1792, 
chassa  lesprêtres  non  assermentés. 
Les  révolutionnaires  de  la  Haute- 
Vienne  l'arrêtèrent  en  1793,  et 
l'envoyèrent  ensuite  à  Rochefort, 
où  il  devoit  être  embarqué  pour 
la  déportation.  Il  y  fut  mis  comme 
en  prison  sur  le  navire  ie  Bon- 
homme Richard,  qui  étoit  en 
station  devant  le  port  de  cette 
ville  [V.  Rochefort)  ;  et  quoi- 
qu'il y  souffrît  beaucoup ,  il  n'y 
consomma  pas  son  martyre.  Re- 
mis à  terre  comme  tous  ceux  qui 
viv oient  encore  en  février  1795, 
il  obtint  sa  liberté  en  avril  suivant. 
La  persécution  s'étant  rallumée 
vivement  en  novembre ,  J.  B. 
Carquey  évita  d'abord  ses  coups 
en  se  cachant;  mais  lorsque  vint 
la  catastrophe  impie  du  18  fruc- 
tidor (4  septembre  1797)5  et  que 
l'on recommença  à  rechercher  les 
prêtres  pour  les  envoyer  à  la 
Guiane,  il  passa  en  Espagne,  où, 
succombant  enfin  sous  une  si  lon- 
gue chaîne  de  maux,  il  mourut  le 
24  octobre  1797,  à  l'âge  d'environ 
38  ans.  Sa  mort  fut  comme  celle 
de  ce  saint  lléliodore  dont  nous 
avons  parlé  à  l'article  de  Ch.  Botn 


CAR 

c.AREt.  «Le  prêtre  Carquey,  nous 
a  écrit  notre  correspondant,  étoit 
un  homme  d'esprit,  et  qui  pro- 
inettoit  beaucoup  à  l'Eglise  comme 
aux  lettres  »  .  [V.  F.  de  Cardail- 
xac,  et  IV....  Castillard.) 

CARRET  (Joseph -Charles), 
né  à  La  Courbe,  dans  le  départe- 
ment du  Calvados,  en  1700, 
piètre  et  religieux  de  l'ordre  des 
Dominicains,  dans  leur  monastère 
de  Metz,  ne  fit  point  les  sermens 
révolutionnaires  de  1791  et  1792. 
Dans  les  années  suivantes ,  il 
échappa  à  la  férocité  des  persé- 
cutions, et  reparut  ensuite  dans 
Metz  où  il  exerça  son  ministère. 
Les  exécuteurs  de  la  cruelle  loi  de 
déportation,  rendue  le  lendemain 
du  funeste  18  fructidor  (4  sep- 
tembre 1797),  l'arrêtèrent  poul- 
ie faire  déporter  à  la  Guiane  [V . 
Guiane).  Ils  l'envoyèrent  à  Ro- 
chefort,  où  il  fut  embarqué  le  12 
mars  1798,  sur  la  frégate  la  Cha~ 
■rente,  et,  le  2  5  avril  suivant,  sur 
la  frégate  la  Décade,  qui,  vers 
le  milieu  de  juin,  le  déposa  dans 
le  port  de  Cayenne.  II  s'y  vit 
assigner  pour  habitation  le  désert 
de  Synnamari.  Dans  ce  lieu  mor- 
tel, une  fièvre  maligne  vint  s'em- 
parer de  lui.  On  le  transporta  à 
l'hospice  ;  et  il  y  mourut  à  l'âge 
de  48  ans,  le  29  novembre  1798. 
[F.  J.  R.  Cardine,  et  J.  Chapuis.) 

CARTIER  (Joseph)  ,  prêtre  du 
diocèse  d'Aix ,  et  non  d'Aire  , 
etoit  né  au  bourg  de  Trets ,  près 
d'Aix.  Il  fut  vicaire  en  cette  ville, 


CAR  57i 

dans  la  paroisse  de  Sainte-Made- 
leine. Par  une  dévotion  particu- 
lière aux  saints  anges  gardiens,  il 
y  fonda  une  association  de  prêtres 
sous  leur  protection  spéciale.  L'ar- 
deurde  son  zèle  s'augmenta  comme 
la  ferveur  de  sa  piété ,  quand  il 
vit  la  religion  ébranlée  dans  ses 
fondemens  par  les  innovations  de 
l'Assemblée  Constituante.  Doué 
du  don  de  la  parole  de  Dieu,  il  la 
prêchoit  sur  toutes  sortes  de  ma- 
tières ,  sans  autre  préparation 
qu'une  méditation  dans  le  recueil- 
lement; et  ses  discours,  à  la  portée 
du  peuple  comme  des  gens  d'une 
classe  plus  relevée,  répandaient 
la  persuasion  dans  l'esprit,  et  le 
goût  de  la  vertu  dans  les  cœurs. 
Il  avoit  refusé  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé; 
et,  trop  signalé  à  la  haine  des  im- 
pies pour  rester  à  Aix  après  la  loi 
de  déportation,  il  se  crut  obligé, 
afin  de  leur  épargner  l'assassinat 
de  sa  personne,  de  s'acheminer 
vers  la  frontière,  pour  sortir  de 
la  France  (  V.  Déportation).  Diri- 
geant sa  marche  vers  l'Italie,  et 
passant  par  Antibes,  il  y  fut  re- 
connu pour  être  un  prêtre  inser- 
menté :  on  le  massacra  comme 
tel ,  dans  cette  ville ,  aux  premiers 
jours  de  septembre  1792. 

CARTIER  (Anne),  religieuse 
Lrsuline  du  couvent  du  Pont- 
Saint-Esprit,  sous  le  nom  de  sœur 
Saint-Basile,  s'étoit  réunie  avec 
les  religieuses  de  Roulène,  depuis 
la  suppression  des  cloitres.  Jille 


Sya  CAR 

vivoit  en  communauté  avec  elles  , 
dans  cette  dernière  ville,  conti- 
nuant à  remplir  les  devoirs  de  sa 
profession.  Parvenue  à  l'âge  de  68 
ans ,  elle  ne  vouloit  que  mourir 
paisiblement  dans  la  pratique  des 
saintes  règles  de  son  état,  sans 
être  néanmoins  effrayée  du  mar- 
tyre que  les  événemens  de  1793 
scmbloient  lui  annoncer.  L'année 
suivante,  elle  fut  traînée,  les  pre- 
miers jours  de  mai ,  avec  quarante 
et  une  autres  religieuses,  dans  les 
prisons  d'Orange  ,  pour  y  être 
sacrifiée  par  l'atroce  commission 
révolutionnaire  qui  s'établissoit 
dans  cette  cité  {V .  Orange).  Elle 
se  prépara  saintement  au  sort  qui 
l'attendoit ,  en  participant  avec 
ferveur  aux  pieux  exercices  de  ses 
compagnes  [V.  M6"  ù'Albarède). 
Enfin,  le  8  thermidor  an  II  (26 
juillet  1794)?  elle  fut  appelée  de- 
vant le  féroce  tribunal  avec  quatre 
autres  religieuses  [V .  M.  C.  Du- 
dac ,  M?"  de  Justamont,  tante, 
T.  Consouer  et  M5'«  Bonneret). 
La  sœur  Saint-Basile  s'y  montra 
aussi  intrépide  qu'elles  dans  sa  Foi, 
et  dans  le  refus  du  serment  qu'on 
leur  demandoit.  Elle  fut  en  consé- 
quence condamnée ,  comme  elles , 
à  la  peine  de  mort.  Sa  sentence 
devint  pour  elle ,  ainsi  que  pour 
les  autres,  un  sujet  d'actions  de 
grâces;  et  elle  partagea  avec  elles 
la  même  couronne  du  martyre. 
(fr.  M.  Th.  Charansol.) 

CARTIER  (Françoise)  ,  pieuse 
fille  dont  la  condition  étoit  de 


CAR 

scn  ir  comme  simple  cuisinière 
chez  une  marchande  mercière ,  à 
Dieppe ,  où  elle  concourut  à  cacher 
dans  un  asile  secret  un  ministre 
de  J.  C. ,  dont  les  persécuteur!» 
avoient  mis  la  tête  a  prix.  Cette 
œuvre  sainte  ayant  été  décou- 
verte, Françoise  Cartier  fut  em- 
prisonnée d'abord  à  Dieppe  avec 
sa  maîtresse  (  V.  M.  F.  E.  Cau- 
chois) ,  etcnïuite  amenée,  comme 
elle,  à  Rouen,  pour  y  être  jugée 
sur  ce  prétendu  délit  par  le  tri- 
bunal criminel  de  la  Seine-Infô- 
rieure.  Elle  comparut  devant  les 
juges ,  avec  sa  maîtresse ,  le  2  flo- 
réal an  II  (21  avril  1794);  et  ils 
la  condamnèrent  aussitôt  comme 
elle  à  la  peine  de  mort,  en  la  disant 
«  complice  d'un  recèlement  de 
prêtres réfractaires  » .  (  V.  Je  Aux.  ) 

CARTON  (Guillaume),  prêtre 
du  diocèse  de  Clermont-Ferrand, 
sortit  de  France  comme  y  étant 
forcé  par  la  loi  de  déportation 
rendue  le  26  août  1792,  contre 
les  prêtres  qui  n'avoient  point 
voulu  compromettre  leur  cons- 
cience par  la  prestation  du  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du,  clergé.  Il  étoit  de  ce  nombre  ; 
et  c'étoit  à  la  constance  de  sa  foi 
qu'il  devoitson  exil.  Ce  fut  à  cette 
constance ,  et  même  encore  à  son 
zèle  pour  la  religion,  qu'il  dut  sa 
mort.  Le  triomphe  des  Lyonnais 
sur  l'anarchie  et  l'athéisme  en  mai 
179a,  lui  avoit  paru  favorable  à 
son  désir  de  revenir  en  France 
consacrer  son  ministère  au  salut 


CAR 

des  Ames.  Il  étoit  rentré;  et  de 
Lyon  il  alla  dans  le  Forez  se- 
conder les  ouvriers  évangéliques , 
par  qui  la  religion  florissoit  alors 
dans  cette  province.  Mais  les 
Lyonnais  ayant  succombé  en  oc- 
tobre, et  les  proconsuls  de  la  Con- 
vention ,  pour  immoler  le  plus 
qu'ils  pourroient  de  victimes  à  sa 
vengeance,  ayant  établi  un  tri- 
bunal de  justice  révolutionnaire 
à  Feurs ,  en  même  temps  qu'ils 
formèrent  à  Lyon  leur  commis- 
sion révolutionnaire {V .  Lyon), 
le  prêtre  Carton,  déjà  arrêté  et 
mis  dans  les  fers,  fut  livré  au  pre- 
mier de  ces  tribunaux,  qui  porta 
de  suite  contre  lui  une  sentence 
de  mort  (F.  J.  M.  Molun).  Il  fut 
donc  condamné  au  dernier  sup- 
plice ,  le  1 5  frimaire  an  II  (  5  dé- 
cembre 1790),  comme  prêtre  émi- 
gré-déporté (  V .  Lois,  article  17 
de  celle  des  21  et  22  octobre 
1790).  Ceux  qui  le  connurent 
dans  ses  derniers  jours,  nous  attes- 
tent qu'il  «  mourut  en  vrai  martyr 
delà  Foi  ».  {V.  P.  Bruyères.) 

CARVOISIN  (  Marie  -  Elisa- 
beth-Eléonore  )  ,  religieuse  Car- 
mélite d'un  couvent  de  Paris,  étant 
mise  hors  de  son  cloître,  en  1791, 
par  les  réformateurs  de  cette  épo- 
que, s'étoit  retirée  dans  un  modeste 
domicile,  où  elle  pratiquoit  avec 
ferveur  ses  devoirs  de  religion. 
Lorsqu'à  la  fin  de  1 795 ,  l'athéisme 
se  déchaîna  avec  tant  de  fureur 
contre  la  piété,  la  religieuse  Car- 
voisin  fut  enlevée  de  sa  retraite,  et 


CAS  5-5 

jetée  dans  les  prisons.  Le  21  plu- 
viôse an  II  (9  février  179/1),  'e 
tribunal  révolutionnaire  la  fil 
comparoîlre  devant  lui  ;  et  elle  y 
répondit  avec  tout  le  courage  des 
anciens  confesseurs  de  la  Foi ,  aux 
demandes  et  propositions  anti- 
religieuses des  juges.  Ils  la  con- 
damnèrent aussitôt  à  la  peine  de 
mort  comme  «  fanatique  et  con- 
tre-révolutionnaire ».  Le  même 
jour  elle  fut  conduite  à  l'éshafaud. 

CARY  (  Adrien -Vincent  ) ,  né 
à  Péronne ,  curé  de  la  paroisse  de 
Collines ,  dans  le  diocèse  d'Arras, 
avoit  été  expulsé  de  sa  cure  pour 
son  refus  du  serment  schismatique 
de  1791.  Il  ne  sortit  point  de 
France ,  lors  de  la  loi  de  dépor- 
tationdu  26aoftt  ;  et  quand  l'impie, 
autant  que  féroce  proconsul  Le* 
bon,  fut  venu  remplir  sa  mission 
à  Arras ,  en  1 790  et  1 794  (  f- 
Arras)  ,  il  le  fit  arrêter  et  envoyer 
à  la  mort  par  son  tribunal  révo~ 
lutionnaire,  le  2  germinal  an  II 
(22  mars  1794)»  comme  «réfrac- 
taire  etfaimtique» .  Cary  avoit  54 
ans,  lorsqu'il  fut  ainsi  sacrifié  en 
haine  de  sa  Foi.  (  V.  II.  W.  Caron  , 
et  M.  C.  Caudron  de  Fricheux.) 

CASEAU  (iV....),  prêtre  sep- 
tuagénaire de  Nevers ,  fut  en- 
fermé comme  non -assermenté 
dans  celte  ville ,  conformément  à 
la  barbare  loi  de  déportation  du 
26  août  1792.  Une  maladie  cruelle 
dont  il  étoit  atteint ,  toucha  ses 
compagnons  de  réclusion ,  au 
point  de  les  porter  à  demander 


3^4  CAS 
ensemble  plusieurs  l'ois  aux  admi- 
nistrateurs qu'il  fût  transporté  , 
sinon  chez  ses  parens  qui  demeu- 
roient  dans  la  ville,  du  moins  à 
l'Hôtel  -  Dieu.  Mais  c'étoil  une 
proie  livrée  par  les  administrateurs 
au  cruel  et  rapace  géolier  de  cette 
prison,  et  ils  la  lui  laissèrent.  Ce 
géolier  fit  éprouver  au  vénérable 
Caseau  tout  ce  qu'il  pouvoit  ima- 
giner de  vexations;  il  lui  enlevoit 
tout  ce  qui  tentoit  sa  cupidité  {V . 
Pue  vers).  Un  des  confrères  de  cet 
ecclésiastique ,  feu  Gaspard-Fran- 
çois Moreau ,  curé  de  Château- 
Chinon,  compagnon  de  sa  capti- 
vité, lui  a  rendu  un  témoignage 
bien  honorable  dans  un  écrit  pré- 
cieux que  nous  avons  entre  les 
mains.  «Caseau,  disoit-il,  est 
singulièrement  digne  de  notre  vé- 
nération par  ses  héroïques  vertus  » . 
Il  mourut,  captif  de  J.-C.  et  pour 
sa  Foi,  à  Ne  vers  même,  les  pre- 
miers jours  de  juillet  1793,  quel- 
ques mois"  avant  que  ses  confrères 
fussent  transportés  à  Nantes.  (  V . 
Cantat,  de  La  Nocle,  et  Chail- 
lot  ,  chanoine.  ) 

CASAN  {Le  Frère),  Récollet. 

{V.  P*  COSTE.) 

CASAUX  (Jean),  prêtre  et  re- 
ligieux, Récollet  de  Rordeaux,  ex- 
provincial de  son  ordre ,  et  né 
dans  le  Rordelais,  en  1729,  est  le 
ministre  du  Seigneur  dont  nous 
avons  déjà  parlé  aux  articles  Alix, 
Beauretour  et  Blutel.  Directeur 
de  la  conscience  d'un  grand  nom- 
bre de  fervens  catholiques .  il  étoit 


CAS 

resté  à  Bordeaux  après  la  destruc- 
tion des  cloîtres.  La  loi  qui  pres- 
crivit aux  prêtres,  fonctionnaires 
publics,  le  serment  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  ne  pou- 
voit concerner  ce  religieux;  et  il 
se  trouvoit  légalement,  par  cela 
même,  à  l'abri  des  rigueurs  de  la 
loi  de  déportation,  sans  même 
être  obligé  à  se  mettre  en  réclu- 
sion. Cette  considération  l'affermit 
dans  la  résolution  de  ne  pas  aban- 
donner les  fidèles  qui  avoient  un 
si  grand  besoin  de  son  ministère  ; 
et  il  ne  quitta  point  Bordeaux.  La 
persécution  s'animant  contre  tous 
les  prêtres  en  général ,  le  Père 
Casaux  avoit  besoin  d'un  asile  se- 
cret qui  le  dérobîit  aux  recherches 
des  persécuteurs.  Plusieurs  saintes 
femmes  lui  procurèrent  cet  asile 
dans  la  maison  religieuse  du  Bon- 
Pasteur,  où  elles  le  cachèrent  dès 
le  mois  de  mai  1793.  Il  n'y  fut 
pas  notablement  inquiété  pendant 
le  reste  de  cette  année,  au  moyen 
des  précautions  que  ces  pieuses 
femmes  prenoient  pour  qu'il  n'y 
fût  point  découvert.  Elles  avoient 
associé  à  leur  bonne  œuvre  un 
porteur  d'eau  qui  en  fut  récom- 
pensé comme  elles  par  le  martyre 
(  V .  Pause)  ;  car  lorsque  la  persé- 
cution fut  devenue  extrêmement 
violente  au  commencement  de 
j  794  (  V .  Bordeaux  ) ,  les  explo- 
rateurs des  proconsuls  parvinrent 
à  découvrir  le  Père  Casaux  ;  et  ses 
dévotes  bienfaitrices,  avec  le  por- 
teur d'eau,  furent  arrêtées.  Nous 


CAS 

nvons  déjà  rendu  compte  de  leur 
jugement;  il  ne  nous  reste  à  parler 
que  de  ce  qu'il  y  eut  de  particulier 
dans  celui  de  leur  guide  spirituel. 
Amené  avec  elles,  le  16  messidor 
an  II  (4  juillet  1794)»  devant  la 
commission  militaire,  le  Père 
Casaux  y  fut  aussi  condamné  à  la 
peine  de  mort.  La  sentence  portoit 
ces  mots  :  «  La  commission,  con- 
vaincue que  Casaux,  prêtre  inser- 
menté ,  s'est  réfugié  dans  une 
cachette  construite  dans  la  maison 
du  ci-devant  Bon-Pasteur,  pour 
se  soustraire  à  la  loi  de  la  dépor- 
tation ,  ordonne  que  ,  d'après  la 
loi  du  18  mars,  il  subira  la  peine 
de  mort  » .  II  périt ,  à  l'âge  de 
G5  ans ,  avec  onze  pieuses  femmes 
et  le  porteur  d'eau.  (V.  Je  Alix.) 

CASIMIR  (Le  Frère),  Capu- 
cin. (V.  Gn,c  M'  Cajan.  ) 

CASSAN(Antoinette-Adrienne 
Rabaudy,  femme),  domiciliée  à 
Toulouse,  fut  accusée  d'avoir  fait 
passer  de  l'argent  à  son  fils  émigré. 
Les  juges  cherchant  même  à  lui 
faire  déguiser  l'aveu  de  cette  ac- 
tion ,  défendue  par  la  loi  sous 
peine  de  mort,  elle  aima  mieux 
périr  pour  l'amour  de  la  vérité , 
que  de  la  trahir  ;  et  elle  fut  con- 
damnée à  mort,  «  comme  conspi- 
ratrice» ,  par  le  tribunal  criminel 
du  département  de  la  Haute-Ga- 
ronne ,  le  12  ventôse  an  II 
(2  mars  1794)-  Son  droit  aux 
honneurs  du  martyre  est  fondé  sur 
ce  que  nous  avons  dit  ci-devant , 
pag.  86,  et  tom.  I",  pag.  55. 


CAS  57"» 

CASSEGRAIN  (François-Clé- 
ment), prêtre  du  diocèse  d'Or- 
léans, né  à  Pithiviers,  en  1718, 
étant  fort  avancé  en  âge ,  lors  de 
nos  grandes  persécutions,  vivoit 
paisiblement  dans  sa  ville  natale. 
Ses  soixante -seize  ans  ne  purent 
obtenir  grâce  aux  yeux  des  persé- 
cuteurs ,  jaloux  d'exterminer  tous 
les  prêtres.  Il  fut  arrêté  et  amené 
a  Paris  pour  y  être  jugé  par  le 
tribunal  révolutionnaire  ;  et  ce 
tribunal  l'ayant  fait  comparoître 
devant  lui ,  le  27  germinal  an  II 
(  16  avril  1 794) ,  l'envoya  de  suite 
sous  la  hache  de  la  guillotine,  en 
le  disant  «  convaincu  de  manœu- 
vres contre-révolutionnaires  pour 
rétablir  la  royauté  en  France  »> 

CASSEIGNE  (Jacques),  né  à 
Caussade  en  Quercy,  et  y  étant 
commis  chez  un  négociant,  par- 
ticipa aux  actes  pour  lesquels  plu- 
sieurs autres  habitans  de  cette  ville 
furent,  avec  leur  curé,  traités  de 
fanatiques  et  de  conspirateurs  en 
1794.  On  le  conduisit  avec  eux 
à  Paris  ;  et  le  5  messidor  an  II 
(21  juin  1794),  il  fut,  comme 
eux,  envoyé  à  l'échafaud,  à  l'âge 
de  28  ans.  (  V ,  J.  P.  Clavière.  ) 

CASSEIGNE-CAUVIN  (Jean). 
ouvrier  tourneur  à  Caussade  où 
il  étoit  né,  mérita,  ainsi  que  son 
frère ,  d'être  du  nombre  des  habi- 
tans de  cette  ville  qu'en  1794  on 
transformoit  en  conspirateurs  , 
parce  qu'ils  avoient  fait  des  acte? 
de  religion.  Amené  comme  eux . 
et  avec  son  curé  ,  à  Paris ,  il  fut  pa- 


3;6  CAS 

reillement  envoyé  à  l'échafaud, 
en  qualité  de  fanatique ,  par  le 
tribunal  révolutionnaire ,  le  5 
messidor  an  II  (21  juin  179'});  et 
il  périt  le  même  jour,  à  l'âge  de 
27  ans.  [V.  J.  P.  Claviere.) 

CASTANIER  (iV....),  citoyen 
de  Nisrnes,  avoit  signé  la  cou- 
rageuse et  solennelle  profession 
de  Foi  catholique  de  plusieurs 
Nisniois ,  dans  leur  adresse  du 
20  avril  1790,  et  leur  déclaration 
du  1"  juin  suivant  [V.  Nismes). 
Il  en  périt  victime,  dans  l'insur- 
rection des  religion naires ,  le  1 4 
du  même  mois.  Non  seulement 
sa  maison  fut  pillée  et  dévastée, 
mais  lui-même  y  fut  massacré  au 
milieu  de  ses  enfans  et  de  sa  femme 
enceinte  de  sept  mois.  [V .  Au- 
zéby,  et  Chas  fils.  ) 

CASTANIER  (François),  prê- 
tre du  diocèse  de  Rodez ,  né  à 
Saint-Félix-de-Lunel,  le  2  juillet 
1 762  ,  parvint  au  sacerdoce  en 
1789,  et  fut  envoyé  par  son 
évêque,  pour  assister,  en  qualité 
de  vicaire,  le  curé  de  Saint-Félix. 
11  échappa  à  la  persécution  jusqu'à 
l'an  1798,  quoiqu'il  n'eût  pas  cessé 
de  rendre  avec  zèle  et  courage 
tous  les  services  de  son  ministère 
aux  catholiques  de  la  contrée , 
pendant  les  années  précédentes. 
Mais ,  le  29  janvier  de  cette  année , 
au  moment  où  il  venoit  de  donner 
la  bénédiction  nuptiale  à  deux 
nouveaux  époux,  il  fut  surpris 
par  des  gendarmes  qui  le  condui- 
sirent aux  prisons  de  la  ville  d'En- 


CAS 

traigues,  dans  le  Rouergue.  Des 
catholiques  indignés,  et  n'écou- 
tant que  la  passion,  vinrent  armés 
au  nombre  de  plus  de  quatre  cents 
pour  le  délivrer  des  mains  de  ses 
gardes ,  sur  la  route.  Dès  qu'il  en 
eut  avis,  il  leur  fit  dire  «  de  se 
retirer  paisiblement,  parce  que, 
là  comme  ailleurs,  il  étoitsous  la 
main  de  Dieu,  à  qui  ils  dévoient 
s'en  rapporter  pour  son  sort  ». 
C'étoit  ainsi  que  Jésus -Christ 
avoit  dit  à  Pierre  de  remettre  dans 
le  fourreau  le  glaive  que,  dans  un 
excès  de  zèle ,  il  tiroit  contre  ceux 
qui  venoient  pour  enlever  son 
divin  maître.  Le  brigadier  de  la 
troupe  de  gendarmerie  n'en  char- 
gea pas  moins  ses  pistolets  d'arçon, 
en  menaçant  Castanier  de  les  dé- 
charger sur  lui  à  la  moindre  tenta- 
tive d'enlèvement  que  pourroient 
faire  ces  insurgés.  «  Vous  voyez , 
dit  alors  ce  jeune  prêtre  à  celui  qui 
le  menaçoit ,   vous  voyez  que 
j'ordonne  de  tout  mon  pouvoir  à 
cet  attroupement  de  se  disperser. 
Si  vous  craignez  encore ,  gardez- 
moi  à  vue  pendant  que  vous  en- 
verrez chercher  des  renforts  :  ces 
personnes  égarées  rentreront  dans 
l'ordre;  et  vous  me  conduirez  où 
la  loi  veut  que  je  sois  déposé.  » 
Sans  égard  pour  ces  paroles  de 
paix ,  les  gendarmes  garrottent 
Castanier,  et  l'attachent  à  un  de 
leurs  chevaux.    En  approchant 
d'Entraigues ,  ils  voient,  ou  plu- 
tôt ils  feignent  de  voir  un  homme 
aposté  pour  l'enlever;  et  aussitôt 


CAS 

le  brigadier  lui  lire  à  bout  portant 
son  pistolet  à  la  tète  :  la  balle  sort 
par  l'œil  gauche;  Castanier  tombe 
inondé  de  son  sang  ;  les  gen- 
darmes le  détachent,  et  s'enfuient. 
Des  personnes  charitables  le  por- 
tèrent expirant  au  village  le  pins 
voisin  pour  le  secourir.  Le  peu 
de  signes  de  vie  qu'il  put  donner, 
consistèrent  à  manifester  qu'il 
étoit  content  de  mourir  pour  la 
Foi  catholique,  et  qu'il  pardon- 
noit  de  grand  cœur  à  ses  assassins. 
Il  expira  le  3i  janvier  1798,  deux 
jours  seulement  après  être  tombé 
dans  les  mains  des  gendarmes. 

CASTELLANE  (Jean  Arnaud 
de),  évêque  de  Mende  depuis  le 
14  février  1768  (1),  précédem- 
ment aumônier  du  Roi,  vicaire- 
général  de  Reims,  et  né  au  Pont- 
Saint-  Esprit ,  le  11  décembre 
1733,  fut  toujours  si  rigoureux 
observateur  des  devoirs  de  l'épis- 
copat,  que,  bien  qu'il  eût  sa  fa- 
mille à  Paris,  il  n'abandonna  ses 
diocésains  pour  y  venir,  pendant 
ses  vingt-quatre  ans  d'épiscopat, 
que  lorsqu'il  y  étoit  impérieuse- 
ment appelé  pour  les  affaires  do 
l'Eglise  de  France.  L'esprit  ecclé- 
siastique qu'il  ranima  dans  son 
clergé  ,  les  immenses  aumônes 
qu'il  répandit  dans  tout  son  dio- 

(1)  On  a  ajouté  quelque  part  à  son 
nom  de  famille  celui  de  Ville audrie  ; 
mais  il  ne  le  prenoit  pas  dans  son 
diocèse,  et  ne  l'a,  ni  dans  Y  A  Inumach 
Royal,  ni  dans  \&  France  Ecclésias- 
tique de  son  temps. 


CAS  077 

cèse,  l'y  firent  vénérer  à  l'égal 
des  évèques  de  la  primitive  Eglise. 
Quand  la  révolution  survint,  avec 
ses  réformes  anti-religieusement 
philosophiques ,  il  recueillit  les 
fruits  de  sa  vigilance  pastorale  ,  et 
des  soins  qu'il  avoit  toujours  pris 
pour  l'instruction  des  prêtres  qt 
des  fidèles  de  son  diocèse.  Il  eut 
la  consolation  de  les  voir  se  défier 
des  pièges  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé,  au  point  qu'il  ne 
s'y  trouva,  en  1791  et  1792,  que 
deux  prêtres  qu'elle  pût  séduire. 
Un  obstacle  aussi  imposant  aux 
progrès  des  doctrines  anti-catho- 
liques des  réformateurs,  ne  pou- 
voit  que  les  irriter  contre  le  saint 
évêque,  qui,  après  avoir  refusé 
formellement  aux  administrateurs 
du  département  de  la  Lozère 
la  prestation  du  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
et  fait  contre  elle  un  mande- 
ment très  -  apostolique  ,  vouloit 
continuer  à  résider  dans  sa  ville 
épiscopale.  On  le  fit  dénoncer  en 
1792  à  l'Assemblée  Législative, 
d'une  manière  si  pressante  qu'elle 
rendit  contre  lui  un  décret  de 
prise  de  corps,  supposant  qu'il 
entretenoit  à  ses  frais  une  armée 
de  quarante  mille  hommes  contre- 
révolutionnaires,  aux  environs  de 
Chanac.  11  étoit  si  attaché  à  son 
troupeau,  que,  malgré  le  danger 
imminent  qui  le  menaçoit ,  la 
crainte  des  suites  de  ce  décret 
n'auroit  pas  suffi  pour  l'en  éloi- 
gner, si  ses  amis  ne  l'eussent  con- 


378  CAS 
juré  de  leur  épargner  la  douleur 
de  le  voir  arrêter  comme  un  cri- 
minel. Il  part  de  Mende  en  fuyant 
à  travers  des  chemins  peu  fré- 
quentés ,  et  arrive  à  Lyon  pour  pas- 
ser en  Suisse.  Son  neveu  l'engage 
à  venir  se  réfugier  chez  lui ,  a 
Pans.  Il  y  va  ;  on  l'y  découvre  ; 
il  est  dénoncé  ;  fuit  de  nouveau  ;  et 
on  l'arrête  à  Dormans  en  Cham- 
pagne. L'Assemblée  Nationale  dé- 
crète qu'il  sera  traduit  devant  la 
Haute-Cour  nationale  établie  à 
Orléans.  11  y  est  conduit  :  sa 
résignation  dans  les  liens  fut  à 
toute  épreuve ,  pendant  les  huit 
mois  qu'il  y  resta  ;  et  un  asthme 
violent  dont  il  étoit  tourmenté , 
n'altéra  jamais  son  admirable 
patience.  Le  prétendu  crime  d'E- 
tat pour  lequel  il  étoit  ainsi  traité, 
et  devoit  être  jugé,  ne  consis- 
tant que  dans  les  soins  avec  les- 
quels il  s'étoil  opposé  à  ce  que  la 
Foi  de  ses  diocésains  fût  ébran- 
lée :  c'étoit  pour  la  Foi  qu'il  étoit 
captif,  et  déterminé  à  souffrir  tous 
les  maux  qui  l'attendoient.  Lors- 
qu'après  le  10  août  1792,  l'As- 
semblée Législative  eut  décidé  que 
les  prisonniers  de  la  Haute-Cour 
seroient  transportés  ailleurs  {V . 
Septembre,  vers  la  fin.),  l'évêque 
de  Mende ,  âgé  de  5g  ans ,  fut  mis 
avec  d'autres  sur  une  charrette  que 
dans  la  route  on  fit  tourner  du 
côté  de  Versailles ,  où  des  assassins 
étoient  chargés  de  les  égorger  à 
leur  arrivée.  A  peine  ils  y  par- 
a  iennent,  le  9  septembre,  comme 


CAS 

pour  y  être  enfermés  dans  l'oran- 
gerie du  château  ,  qu'en  suivant 
la  rue  qui  y  conduit,  plusieurs 
d'entre  eux  sont  déjà  massacrés. 
Le  prélat,  qu'une  sorte  de  hasard 
avoit  empêché  de  l'être  des  pre- 
miers, attendoit  paisiblement  un 
pareil  sort  au  milieu  de  tant  de 
meurtres;  et,  debout  près  de  la 
grille  de  l'orangerie ,  il  faisoit  à 
Dieu  le  sacrifice  de  la  vie  qu'il 
alloit  perdre  pour  sa  sainte  cause. 
Prenant  pour  modèle  ce  divin 
Sauveur  qui  fut  devant  ses  bour- 
reaux comme  un  agneau  soumis 
au  couteau  qui  va  l'égorger,  notre 
évêque  ,  entre  les  mains  de  ses 
assassins ,  imita  le  silence  de  J.-C, 
et  reçut  la  mort  tranquillement, 
sans  proférer  aucune  plainte,  et  re- 
gardant le  coup  qui  l'aiîranchissoit 
du  joug  de  ce  corps  mortel,  comme 
un  bienfait  qui  le  mettoit  en  pos- 
session de  la  céleste  béatitude.  Son 
corps  mutilé  fut  jeté  le  lendemain 
avec  ceux  des  autres  victimes , 
dans  une  tranchée  destinée  à  l'é- 
coulement des  eaux  du  cimetière 
de  la  paroisse  de  Saint-Louis  de 
Versailles. 

CASTELLANE-MAZAUGUES 
(EttÉON  de),  évêque  de  Toulon 
depuis  1786,  après  avoir  été  vi- 
caire-général dans  le  diocèse  de 
Soissons,  et  aumônier  du  Roi, 
étoit  né  en  1746  au  château  de 
Mazaugues,  dans  le  diocèse  d'Aix. 
Quoiqu'il  soit  mort  sans  effusion 
de  sang  dans  le  pays  étranger  où 
la  persécution  Ta  voit  forcé  de  fuir, 


CAS 

il  n'en  a  pas  moins  un  droit  in- 
contestable a  la  place  que  nous 
lui  donnons  ici.  Il  pouvoit  dire 
comme  saint  Denys  d'Alexandrie  : 
«  Des  maux  innombrables  et 
cruels  nous  avoient  accablés  dans 
notre  patrie  :  on  nous  en  bannit 
ensuite  ;  et  la  guerre ,  la  famine  , 
la  peste,  sont  venues  accabler  nos 
frères  dans  notre  exil  :  Multa  qui- 
dem  et  aeerba  ante  hanc  cala- 
mitatem  nobis  contigerunt  ; 
primùm  enim  nos  urbe  expu- 

terunt        Post  hœc  bellum  et 

famés  [et  lues)  excepit  (  Epis  t. 
in  Euseb.  Hist.  Eccl.  L.  VII, 
c.  xxn).  Notre  évêque  de  Toulon 
pouvoit  être  aussi  comparé  d'ail- 
leurs a  saint  Atbanase ,  dans  la  fer- 
meté de  son  zèle  pour  la  défense 
de  la  Foi.  Nous  nous  rappelons 
encore  le  courage  vraiment  apos- 
tolique par  lequel  il  se  montra 
supérieur  à  la  dénonciation  qui 
fut  faite  contre  lui  dans  l'Assem- 
blée nationale -constituante,  au 
sujet  de  sa  Lettre  Pastorale  du 
î"  juillet  1790  aux  fidèles  de 
son  diocèse  [V.  Boucqcel).  Les 
orages  élevés  dès  lors  contre  sa 
personne  ne  lui  permirent  plus  de 
rester  au  milieu  de  ses  diocésains. 
Il  s'enfuit  d'abord  à  Nice,  d'où  il 
continua  de  les  instruire  et  de  les 
prémunir  contre  le  schisme.  La  loi 
du  26  aofit  1792  ne  lui  laissa  plus 
d'espoir  de  revenir  au  milieu 
d'eux  ;  et  l'envahissement  de  la 
Savoie  ,  vers  la  fin  de  septembre, 
l'obligea  dè  pénétrer  plus  avant 


CAS  579 

dans  l'Italie.  11  fut  l'un  des  deux 
prélats  que  le  très-vénérable  arche- 
vêque de  Ferrare,  digne  des  plus 
beaux  siècles  de  l'Eglise,  le  cardi- 
nal Mattéi,  parut  le  plus  jaloux 
de  posséder  à  titre  de  confesseurs 
de  la  Foi.  Il  lui  écrivit  de  même 
qu'à  l'archevêque  de  Lyon,  Yves- 
Alexandre  de  JUarbeuf,  pour  l'en- 
gager à  venir  partager  sa  table  et 
sa  fortune;  mais  des  circonstances 
impérieuses  empêchèrent  les  deux 
prélats  d'accepter  des  offres  si  ho- 
norables (1)  ;  et  l'évêque  de  Tou- 


(1)  Observateur  sublime  du  pré- 
cepte de  saint  Paul  :  Oportet  episco- 
puin  hospitalem  esse,  l'illustre  arche- 
vêque ne  put  d'abord,  pendant  deux 
ans,  exercer  sa  généreuse  hospitalité 
qn'envers  des  ecclésiastiques  français 
du  second  ordre  ;  mais  aussi  le  nombre 
de  ceux  qu'il  avoit  accueillis  n'était 
pas  moindre  de  trois  cents;  et,  non 
content  de  les  loger,  de  les  nourrir, 
de  les  vêtir  même,  il  présidoit  à  leur 
table ,  les  visitoit  dans  leurs  chambres, 
et  prodiguoit  les  soins  les  plus  affec- 
tueux aux  malades  et  aux  vieillards. 
Lorsqu'en  avril  1794  Msr  l'évêque  de 
Fréjus,  Emmanuel-François  de  Bans- 
set  de  Roquefort ,  obligé  de  quitter 
le  Piémont  alors  menacé  d'envahisse- 
ment, vint  à  la  tête  de  plus  de  quatre- 
vingts  prêtres  se  réfugier  auprès  de 
l'archevêque  de  Ferrare,  celui-ci  fut 
au  comble  de  la  joie.  «  Mes  vœux  sont 
satisfaits,  s'écrioit-il ,  puisque  je  pos- 
sède enfin  l'un  de  ces  prélats  de 
l'Eglise  gallicane  qui  ont  mieux  aimé 
abandonner  leur  fortune ,  leur  patrie  , 
et  s'exposer  à  toutes  les  rigueurs  de  la 
persécution,  plutôt  que  de  manquer 
à  la  Foi  de  Jésus -Christ  ».  L'ingé- 


"<So  CAS 

Ion  se  relira  ver?  le  Frioul.  Dans 
son  exil,  il  ne  perdoil  pas  de  vue 
le  clergé  et  les  fidèles  de  son  dio- 
cèse. Pendant  la  longue  durée  de 
la  persécution,  il  leur  faisoit par- 
venir des  instructions  propres  à 
les  affermir  dans  la  saine  doc- 
trine ,  et  à  ramener  ceux  que  le 
schisme  avoit  égarés.  II  se  trou- 
voit  encore  à  Udine,  lorsqu'on 
1806  la  guerre  fut  portée  par  les 
Français  dans  celle  partie  de  l'Ita- 


iiiense  charité  du  cardinal  sut  encore 
procurer  la  même  hospitalité  à  quatre 
cents  de  nos  prêtres,  en  sus  du  nom- 
bre fixé  pour  son  diocèse.  Parmi  les 
hôtes  d'une  charité  si  paternelle  ,  Son 
Eminence  établit  des  conférences 
présidées  par  elle-même ,  et  encoura- 
gées par  l'évêquc  de  Fréjus.  On  y 
traitoit  les  matières  les  plus  impor- 
tantes relativement  aux  circonstances 
difficiles  dans  lesquelles  se  trouvoit 
l'Eglise ,  et  celles  dont  elle  étoit 
menacée.  Chaque  prêtre  français  ap- 
portait le  tribut  de  son  travail  :  le 
résultat  de  ces  discussions  théolo- 
giques ,  rédigé  avec  autant  de  préci- 
sion que  de  clarté  ,  et  connu  sous  le 
nom  de  Conférences  ecclésiastiques  de 
Ferrure ,  étoit  régulièrement  envoyé  à 
Rome ,  à  la  congrégation  spécialement 
déléguée  par  Pie  VI  pour  les  affaires 
ecclésiastiques  de  France  ;  et  plus  d'une 
fois  elle  a  jugé  devoir  s'y  conformer 
dans  la  sagesse  de  ses  décisions.  C'est 
par  des  traits  si  dignes  de  notre  admi- 
ration que  ce  vénérable  cardinal ,  doyen 
du  Sacré-Collége  auquel  la  mort  vient 
de  l'enlever ,  mérita  l'éternelle  recon- 
noissance  de  l'Eglise  gallicane  :  In 
emm  ore ,  quasi  mel ,  indulcabitur  ejus 
tnemoria.  (Eccb.49) 


CAS 

lie.  Elle  y  laissoit  les  hôpitaux 
encombrés  de  soldais  infirmes  on 
blessés  ;  et  des  maladies  conta- 
gieuses venoien  t  les  y  moissonner , 
en  écartant  d'autour  d'eux  la  plu- 
part des  personnes  qui  pouvoient 
leur  procurer  les  consolations  de 
la  religion,  et  même  les  services 
de  l'humanité.  L'évèqne  de  Tou- 
lon, qui  alloit  quitter  Udine  pour 
sa  sûreté,  voyant  leur  infortune, 
y  reste  pour  eux.  Il  vole  à  leur 
secours,  et  sacrifie  sa  vie  au  soula- 
gement temporel  comme  au  salut 
éternel  de  ces  soldats  qu'il  re- 
garde comme  des  brebis  de  son 
propre  bercail,  par  cela  seul  qu'ils 
sont  en  général  les  enfans  de  cette 
Eglise  gallicane  dispersée  dont  il 
se  regarde  encore  comme  un  des 
principaux  pasteurs.  Quoique  le 
pape  Pie  VII  l'eût  repoussé  de 
son  siège,  et  même  de  tous  les 
sièges  de  France ,  parce  qu'il  n'a- 
voit  pas  cru  devoir  souscrire  par 
une  démission  obséquieuse  aux 
arrangemens  du  concordat  de  Sa 
Sainteté  avec  Puonaparte  en  1801, 
le  saint  prélat  ne  s'en  considéroit 
pas  moins  comme  le  père  de  ces 
soldats  en  proie  â  la  douleur  et  à 
la  mort,  loin  de  leur  patrie  et  de 
leur  famille.  Ne  voyant  qu'eux, 
leurs  besoins  spirituels  et  corpo- 
rels ,  il  s'oublie  lui-même  dans 
les  soins  qu'il  leur  rend  ;  et  la 
contagion,  sans  égard  pour  son 
héroïque  charité,  infiltre  la  mort 
dans  ses  veines  :  Ncque  enim  à 
nohis  abstinuit  lues  Ma ,  pou- 


CAS 

voit-il  dire  encore  avec  S.  Denys 
d'Alexandrie  (ibid.).  Après  avoir 
langui  plusieurs  jours  dans  un  lit 
de  douleur,  en  regrettant  de  ne 
pouvoir  plus  assister  ses  compa- 
triotes inourans ,  il  meurt  lui- 
même  victime  de  son  zèle  pour 
eux,  nous  laissant  le  soin  de  lui 
appliquer  ce  que  le  même  saint 
Denys  disoit  de  ceux  qui,  de  son 
temps,  étoient  morts  au  service 
des  pestiférés.  «  Une  charité  pres- 
qu 'excessive  leur  faisoit  dédaigner 
tout  soin  de  leur  propre  conserva- 
tion ;  et  tandis  qu'ils  visitoient  les 
malades  avec  une  sécurité  qui  ap- 
prochoit  de  l'audace  ;  tandis  qu'ils 
les  servoient  assidûment  pour  les 
ramènera  Jésus-Christ  en  les  ra- 
menant à  la  vie,  ils  mouroient 
avec  eux;  ou  bien,  après  s'être 
volontairemeut  imprégnés  de  leur 
maladie,  et  avoir  volontiers  trans- 
porté dans  eux-mêmes  les  maux 
de  ceux  qu'ils  soulageoient ,  ils 
périssoient  après  les  avoir  rendus 
à  la  santé.  La  constance  de  leur 
piété  et  de  leur  Foi  dans  ce  genre 
de  mort,  en  rend  la  gloire  égale  à 
celle  qu'on  acquiert  dans  le  mar- 
tyre (  1)  » .  Ainsi  donc  le  charitable 


(0  Ob  nimiam  caritatem,  curam 
omnem  proprice  salulis  abjicientes ,  dùm 
œgros  sèctiré  atque  audactev  irwisunt , 
eisipte  assidue  ministrant ,  et  curatio- 
ncm  adhibenl  in  Christo ,  una  cuin 
Mis  mortui  sunt;  aliorum  œgritudine 
libenlissimè  sese  implentes  ,  et  pro'xi— 
morUfn  morbum  in  scuutipsos  quodam- 
tnodu  atlrahentes ,  dotoresque  eorum 


CAS  38 1 

évêque  de  Toulon  est  dans  la  classe 
de  ces  Martyrs  que  I*£glùse  invoque 
le  18  février,  et  dont  il  est  dit  dans 
le  Martyrologe  romain  :  Comme* 
tnoratio  sauctorum  presbytero- 
rum ,  diaconorum  et  alioru  m 
plurimorum  qui,  tempore  Va- 
ler ia  ni  imper atoris,  càm  pes- 
tis  sœvissima  grassaretur , 
morbo  laborantibus  rninis- 
trantes,  iïbentissimè  mortem 
oppetiére;  quos  vetut  Marty- 
res religiosa  piorum  Fides  ve- 
nerari  consuevit.  Les  écrits  de 
ce  prélat  pour  la  défense  et  le 
maintien  de  la  Foi,  ont  à  bon 
droit  une  place  distinguée  dans 

sponte  sua  exprimentes  atque  extergen- 
tes  :  muitique  adeo  qui  alios  œgrotan- 
tes  curaverant  et  in  pristinam  valetudi- 
nern  restitueront ,  ipsi  intericrunt  , 
mortem  illorum  in  se  ipsos  traducentes  , 
verbumque  iÛud  bulgare  quod  ojjiciosœ 
duntaxat  comitalis ,  hactenùs  uisum 
Juerat,  reipsa  adimplentes  ,  cum  alio- 
rum peripsema  eJJ'ecli  ex  hac  vita  mi- 
grurent.  Et  hoc  quidem  pacto,  optimi 
quique  ex  fratribus  nostris ,  quorum 
nonnulli  presbyteri  erant  ac  diaconi , 
et  ex  populo  luudatissimus  quisque , 
mortem  oppetierunt  :  adeà  ut  genus 
hoc  mortis ,  ob  pietatem  Fideique  cou- 
stantiam  ,  nequaquam  itiferius  martr— 
rio  censeatur  (  Euseli. ,  Hist.  Eccles.  , 
L.  VII,  c.  xxu  ).  Voyez  encore  Ja 
même  doctrine  confirmée  par  Pon- 
tius  ,  diacre  de  saint  Cyprien ,  dans  sa 
vie  de  cet  illustre  évéque  de  Cartilage , 
nu  IX.  Cette  doctrine  a  été  reconnue 
pour  constante  dans  l'Eglise  par 
D.  Ruinart(//<//Mon/ï/b  inEpist.  sancti 
Dioriysii  Alex.  n°.  XIV;  par  Asse- 
mau.  Acta  Martyr.  Pars  IIa  pag.  44)- 


58»  CAS 
les  archives  de  l'Eglise  gallicane. 
Les  principaux  sont  :  i".  Lettre 
pastorale  du  1"  juillet  1790  aux 
fidèles  de  son  diocèse;  20.  Aver- 
tissement (aux  mêmes) ,  daté  de 
Nice,  12  octobre  1790;  3°.  Lettre 
à  MM.  les  curés  de  son  diocèse, 
Nice,  i5  octobre  1790;  4°-  nou" 
velle  Lettre  à  MM.  les  curés 
et  vicaires  du  même  diocèse. 
—  Le  nom  de  Castellane  s'illustra 
donc  bien  dans  l'Eglise  gallicane  à 
la  même  époque;  car,  indépen- 
damment des  deux  évêques  dont 
nous  venons  de  parler  avec  un  si 
juste  éloge,  il  y  eut  encore,  vers 
le  même  temps,  deux  autres  Cas- 
tellane également  recommanda- 
blés  par  leurs  vertus  épiscopales , 
leurs  lumières,  et  leur  apostolique 
fermeté,  savoir  :  Jean -Joseph- 
Victor  de  Castellane  -Adhémar, 
évêque  de  Sénez,  mort  dans  son 
diocèse  en  1788;  et  Jean-Antoine 
de  Castellane  -  Saint  -  Maurice , 
évêque  de  Lavaur,  qui  ne  donna 
sa  démission,  d'après  le  concor- 
dat de  1801,  qu'en  écrivant  au 
pape  :  «  Votre  Sainteté  ne  trou- 
vera pas  un  seul  exemple  ni  un 
seul  canon  qui  aient  pu  l'autori- 
ser à  nous  la  demander.  Tous  vos 
prédécesseurs  ont  mis  leur  gloire 
à  défendre  les  évêques  exilés  pour 
la  Foi...  Quels  malheurs  préparent 
à  l'Eglise  des  arrangemens  qu'on 
semble  avoir  craint  de  proposer  à 
notre  acceptation  ;  tandis  qu'on 
n'auroit  pas  dû  les  prendre  sans 
notre  participation»  !  (Jr.  ci-devant 


CAS 

notre  Disc,  prél.,  p.  19.  Il  mourut 
peu  de  temps  après,  à  Florence, 
en  1802  ;  et  Pépitaphe  gravée  sur 
sa  tombe  dans  l'Eglise  de  Saint- 
Félix,  porte  entre  autres  éloges 
mérités ,  ces  mots  bien  remar- 
quables :  Episcoj)atum  dimisit 
ne  ipsius  occasione  novum 
scklsma  orirelur  :  sleque  pacis 
Ecciesiœ  factus  Victima,  cujus 
unitatis  et  Fidei  conf essor  an- 
teà  extiterat. 

CASTILLARD  (IV...),  prêtre, 
chapelain  àVigneul,  dans  le  dio- 
cèse de  Verdun,  et  né  à  Oinville  , 
au  même  diocèse,  fut  du  nombre 
des  prêtres  dont  la  présence  impor- 
tunoit  beaucoup  les  impies  réfor- 
mateurs, et  contrarioit  davantage 
leur  dessein  de  faire  dominer  l'a- 
théisme où  la  Foi  avoit  abondé. 
Il  fut  arrêté  par  leurs  agens,  en 
1793  ;  et  ,  après  l'avoir  tenu 
quelque  temps  dans  les  prisons  de 
Verdun ,  ils  l'envoyèrent  à  Roche- 
fort  ,  pour  qu'il  y  fût  compris 
dans  la  prochaine  déportation  ma- 
ritime des  prêtres  non-assermen- 
tés. On  l'y  embarqua  sur  le  na- 
vire les  Deux  Associés  (  V. 
Rochefort  ).  Le  supplice  de  l'en- 
trepont de  ce  bâtiment  fit  périr 
graduellement  cet  ecclésiastique , 
âgé  de  61  ans.  Il  mourut  dans  le 
courant  de  septembre  1794»  et 
fut  enterré  dans  l'île  Madame. 

CASTILLON  (  Thomas  Merle 
de),  né  à  Aiguillon,  dans  I'Agé- 
nois,en  1747,  vint  faire  ses  études 
à  Paris,  et  y  devint  licencié  en 


CAS 

théologie  de  la  maison  et  société 
de  Navarre.  L'archevêque  de 
Lyon,  Antoine  de  Mal  vin  de  Mon- 
tazet, appréciateur  éclairé  du  mé- 
rite ,  ayant  connu  ce  jeune  ecclé- 
siastique, lui  conféra  des  lettres 
de  grand-vicaire  ,  et  l'amena  dans 
son  diocèse,  où,  bientôt  après ?  il 
lui  confia  la  charge  de  promoteur- 
général  de  la  plus  essentielle  des 
trois  oflicialités  de  son  siège  pri- 
înatial  et  métropolitain  (1).  L'abbé 


(1)  Comme  la  sainte  gloire  acquise 
par  cet  ecclésiastique,  au  temps  de  la 
persécution  ,  fait  penser  avec  quelque 
reconuoissance  au  prélat  qui  le  trans- 
planta dans  ce  diocèse  ;  et  comme  celte 
gloire  va  même  reporter  en  arrière 
dans  le  passé  ,  trop  obscurci  ,  des 
rayons  qui  éclairent  sur  les  vues  qu'eut 
ce  prélat  dans  le  choix  des  hommes 
ainsi  que  des  moyens,  l'on  ne  sau- 
roit  être  surpris  de  ce  que  l'illustre 
Benoît  XIV  écrivit  de  si  honorable 
à  M.  de  Montazet,  lorsqu'en  1768 
celui-ci  monta  sur  le  premier  siège  des 
Gaules  ,  après  avoir  été  dix  ans  tvéque 
d'Autun.  Cegrand  pape  trouvant  cette 
promotion  très  -  satisfaisante  pour  la 
tendre  affection  et  la  haute  estime  qu'il 
vouoit  à  la  nation  française,  sans  en 
(!tre  nullement  détourné  par  nos  ar- 
ticles de  1682,  en  fit  la  déclaration  la 
plus  formelle  dans  son  bref  du  21  avril 
a  ce  prélat.  Après  lui  avoir  dit  :  «Nous 
chérissons  beaucoup  et  très-certaine- 
ment d'un  amourpaternel  cette  nation, 
et  nous  l'estimons  infiniment  »,  il  ajou- 
tbit  :  «  Nous  vous  félicitons  donc  ,  à 
plusieurs  reprises ,  de  ce  que  le  Roi  très- 
chrétien  a  confié  à  vos  soins  l'insigne 
Eglise  de  Lyon.  La  dignité  Primatiale 
ne  pouvoit  être  déférée  à  aucun  autre 


CAS  583 

de  Castilîon  fut  donc  promoteur 
de  l'ollicialité  diocésaine,  et  il  s'y 
distingua  par  des  réquisitoires  où 
la  sagesse  étoit  réunie  au  courage, 
et  où  l'esprit  de  tolérance  se  conci- 
lioil  heureusement  avec  la  sévérité 
des  règles  ecclésiastiques.  Un  bre- 
vet de  joyeux  avènement ,  accordé 
lorsque  Louis  XVI  étoit  rnontésur 
le  trône,  en  17^4  5  procura,  l'an- 
née suivante,  à  l'abbé  de  Castil- 
lon,  un  canonicat  vacant  dan* 


qui  la  méritât  mieux  que  vous,  à  qui 
seul  il  ne  manque  pour  la  soutenir  avec 
honneur  aucune  des  vertus  épisco- 
pales,  ni  aucun  dos  dons  de  la  na- 
ture »  :  Nos  equidem  Gallorum  na- 
tionem  et  putertio  amore  niulliwi  dili— 
gimus ,  et  pluriniijacimus...  Juin  verà 
gralulamur  tibi  eliam  alque  eliaiu  de 
amplissima  Lugdunensi  Mc.clesia  curce 
tuœ  à  hristiano  Hege  demandala  :  Pri- 
mutialis  enim  dignàas  in  nullo  altero 
meliiis  collocari  poterat  qiùun  in  te 
uno}  cui  nulla  desunt  mit  naturœ  attt 
virlulum  ornamenta ,  ad  liane  dignita- 
tem  cum  laiide  suscipiendam  (  Romœ , 
apud  Sunctam  Mariant  Majorent ,  die 
il  aprilis  1758).  Quand  on  réfléchit 
que  M.  de  Montazet  gouverna  l'Eglise 
de  Lyon  jusqu'à  la  veille  de  la  persé- 
cution ,  puisqu'il  ne.  nicurut  qu'en. 
1788;  on  se  demande  s'il  ne  doit  lui 
revenir  aucun  honneur  de  la  conduite 
admirable  du  clergé  de  ce  diocèse ,  dans 
les  années  d'épreuves  qui  suivirent 
(F.  Lyon).  L'état  déplorable  dans 
lequel  la  discipline  et  l'instruction 
ecclésiastiques  se  tro;ivoient  quand  ce 
prélat  monla  sur  le  siège  de  cette  mé- 
tropole, n'auroit  certes  pu  fournir  des 
résultats  aussi  gif  lieux  pour  l'Eglise. 
Leur  cause  heureuse  ne  sera-t-elle  pus 


384  CAS 
l'église  collégiale  et  baronnie  de 
Sahit-Just  de  Lyon.  Comme  il 
étoit  versé  dans  les  belles-lettres, 
ainsi  que  dans  les  matières  ecclé- 
siastiques, l'académie  de  cette  ville 
se  fit  un  honneur  de  l'admettre  au 
nombre  de  ses  membres  ,  en 
1778.  Déjà  il  étoit  associé  de  celles 


entrevue  dans  les  mesures  que  le  nou- 
vel archevêque  avoit  prises  ,  dès  son 
début ,  pour  faire  refleurir  dans  son 
clergé  l'instruction  et  la  discipline  ? 
D'abord,  au  lieu  d'un  an,  ou  plutôt 
de  neuf  mois  seulement  d'études  théo- 
logiques dont  son  prédécesseur  se  con- 
tentoit  pour  admettre  les  clercs  au 
sacerdoce,  il  en  exigea  trois  auxquels 
it  ajoutoit  de  très-sérieux  examens. 
D'un  autre  côté,  il  s'empressa,  dès  la 
première  année ,  de  rétablir  l'usage  des 
synodes  annuels  ,  duquel  s'ensuivit 
celui  des  congrégations  de  chaque  mois 
dans  chaque  archiprêtré.  On  ne  peut 
que  louer  les  intentions  de  ce  prélat, 
«juandona,  comme  nous,  sous  les  yeux 
la  lettre  de  convocation  par  laquelle 
il  annonça  aux  archiprétres  de  son 
diocèse  le  premier  de  ces  synodes, 
fixé  au  3o  avril  1760.  «  Qui  sommes- 
nous,  disoit-il  en  parlant  de  lui  seul; 
qui  sommes-nous,  pour  cultiver  une 
terre  arrosée  des  sueurs  de  tant  d'a- 
pôtres et  du  sang  de  tant  de  Martyrs? 
iVous  sentons  à  chaque  pas  notre  foi- 
blesse  :  c'est  pour  y  suppléer  que  nous 
vous  demandons  en  tout  temps  le  se- 
cours de  vos  prières  et  de  vos  travaux, 
et  que  nous  vous  prierons  de  nous 
aider,  dans  des  synodes  annuels,  de 
vos  lumières  et  de  vos  conseils.  Qui 
n'admire  pas  ces  beaux  siècles  de 
l'Eglise  où  l'on  voyoit  l'évôque  en- 
touré de  son  presbytère,  suivre  le  dé- 
tail des  fonctions  de  chaque  ministre  , 


CAS 

de  Villefranche  et  de  Marseille. 
Son  caractère  conciliateur ,  et 
l'exactitude  de  sa  doctrine,  lut 
méritèrent,  à  la  mort  de  l'arche- 
vêque Malvin  de  Montazet ,  eu 
1788,  une  distinction  que  son 
successeur,  Yves  -  Alexandre  de 
Marbeuf,  n'accorda  qu'à  deux  de? 


partager  les  sollicitudes  de  tous,  tra- 
vailler au  milieu  d'eux  comme  leur 
semblable ,  les  diriger  comme  leur 
chef,  les  consulter  comme  ses  égaux  ? 
Cette  heureuse  intelligence  faisant  la 
gloire  de  l'Eglise;  et  la  tenue  fré- 
quente des  synodes  étant  le  moyen  le 
plus  propre  à  la  conserver,  ils  furent 
ordonnés  par  les  conciles....  La  con- 
fiance ,  l'unanimité,  l'émulation  même 
entre  le  premier  pasteur  et  ceux  qui 
lui  sont  subordonnés ,  sont  en  effet 
une  des  conséquences  les  plus  natu- 
relles de  cette  salutaire  pratique.  S'il 
étoit  permis  à  chacun  de  suivre  ses 
idées  particulières  combien  de  bi- 
zarreries, de  contradictions  et  de 
maux  ne  naîtroient  pas  de  cette  fu- 
neste liberté  !  Pour  éviter  ces  désor- 
dres, il  n'y  a  pas  d'autre  moyen  que 
de  connottre  et  de  suivre  fidèlement 
les  maximes  invariables,  les  saintes 
règles  de  l'Eglise.  A  Dieu  ne  plaise 

que  nous  prétendions  y  ajouter!  

Nous  en  rappellerons  la  mémoire , 
nous  en reconnoîtrons  l'autorité;  nous 
les  comparerons  avec  notre  pratique 
présente  ;  nous  travaillerons  ensemble 
à  les  rétablir  ou  à  les  conserver... Que 
d'objets  réelameroient  en  vain  notre 
vigilance  ,  si  vous  ne  joigniez  vos  ins- 
tructions à  nos  lumières  !  Vous  voyez 
tous  les  jours  de  près  le  troupeau  dis- 
persé loin  de  nos  yeux....  Venez  con- 
certer arec  nous  les  remèdes,  les  se- 
cours, les  consolations  qu'il  a  droit 


CAS 

grands  vicaires  de  son  prédéces- 
seur. L'abbé  de  Castillon  le  fut 
encore  du  nouveau  prélat;  et  il 
justifia  sa  confiance  de  la  manière 
la  plus  honorable  et  la  plus  hé- 
roïque. Dès  1789,  il  prévit  les 
malheurs  qu'alloit  attirer  sur  la 
France,  cette  révolution  que  l'on 
désiroit  de  toutes  parts  ;  et  sou- 

d'attendre  de  noire  zèle  Si  nous 

prenions  sur  nous  seuls  les  réglemens , 
les  avis  que  l'intérêt  de  l'ordre  et  de 
la  discipline  pourroient  rendre  néces- 
saires, peut-être  seroit-on  tenté  de 
les  attribuer  à  un  esprit  de  domina- 
tion, à  un  premier  mouvement  de 

zèle,  â  des  vues  trop  arbitraires  

Nous  savons  qu'un  évôque,  selon  la 
doctrine  de  saint  Pierre  ,  n'est  point 
un  chef  impérieux  qui  domine  au  gré 
de  ses  caprices;  que  si  Dieu  nous  a 
élevés  à  un  plus  haut  degré  de  dignité 
et  de  puissance,  nous  n'en  sommes 
que  plus  obligés  d'être  au  milieu  de 
vous  comme  l'un  de  vous;  que  la  jus- 
tice, la  sagesse  et  la  douceur  doivent 
régler  toutes  nos  démarches  ,  et  que 
nous  avons  infiniment  plus  de  bien  à 
attendre  de  votre  confiance  que  de 
notre  autorité.  La  tenue  des  synodes 
vous  persuadera  de  plus  en  plus,  N. 
T.  C.  F. ,  que  tels  sont  nos  véritables 
sentimens  :  chacun  y  sera  admis,  in- 
vité à  faire  ses  observations,  à  pro- 
poser ses  doutes.  La  prudence  et  la 
connoissance  des  lois  y  corrigeront  ce 
que  le  zèle  auroit  de  trop  vif,  de 
moins  régulier  :  tout  s'y  traitera  de 
concert.  Eh!  quels  prétextes  pourroit- 
il  rester  à  la  désobéissance,  lorsque 
l'autorité  ne  se  montrera  que  pour 
donner  plus  de  force  à  ce  que  le  vœu 
commun  aura  décidé  ?  »  (Lyon  ,  chez 
Valfray,  1760.) 


CAS  385 

vent  nous  l'avons  entendu  prou- 
ver dès  lors  à  un  ancien  magis- 
trat ,  homme  de  bien  et  fort  con- 
sidéré ,  Palerne  de  Savy ,  qui , 
la  voyant  arriver  sans  défiance , 
en  adoptoit  de  bonne  foi  les  prin- 
cipes ,  que  c'étoit  dire  :  «  Vive  le 
Roi  !  vive  la  Ligue  »  !  Continuant  à 
résider  à  Lyon ,  d'où  l'archevêque 
étoit  éloigné ,  et  d'où  s'étoient 
retirés  ceux  des  autres  grands- 
vicaires  qui  étoient  plus  person- 
nellement attachés  au  prélat  (  V. 
Bonnaud),  l'abbé  de  Castillon  vit 
avec  satisfaction  qu'il  n'avoit  pas 
de  grands  efforts  à  faire  pour  main- 
tenir la  pureté  de  la  Foi  dans  le 
diocèse ,  lorsque  parut  la  consti- 
tution civile  du  cierge.  Les 
défections  y  furent  peu  nom- 
breuses; et  ceux  qui  en  donnèrent 
le  scandale  ne  pouvoient  contre- 
balancer, par  aucune  réputation 
de  savoir  ou  de  bonne  conduite, 
la  considération  dont  jouissoient , 
parmi  les  fidèles,  le  grand  nombre 
d'ecclésiastiques  qui  refusèrent  le 
serment  (  V .  Lyon  ).  L'abbé  de 
Castillon,  se  faisant  gloire  d'être 
à  leur  tête,  les  rendit  également 
fermes  contre  les  innovations  im- 
pies toujours  croissantes ,  par 
lesquelles  la  révolution  venoit 
tourmenter  leur  constance.  Lors- 
qu'à la  suite  de  l'effroyable  catas- 
trophe du  10  août,  l'Assemblée 
Législative  eut  prescrit  le  serment 
de  liberté  -  égalité  ,  l'abbé  de 
Castillon  le  réprouva  formelle- 
ment, comme  un  acte  aussi  con- 


586  CAS 

traire  à  la  religion  qu'à  la  monar- 
chie :  le  clergé  de  Lyon  fut  du 
même  avis.  Les  hommes  de  la 
révolution  en  devinrent  plus  ani- 
més contre  le  grand-vicaire  ;  et 
les  massacres  qui  se  firent  en  cette 
ville,  le  8  septembre,  par  suite 
de  ceux  qui  venoient  de  s'exécuter 
à  Paris,  ces  massacres  auxquels 
il  n'échappa  qu'avec  peine ,  le  dé- 
cidèrent a  éviter  l'effet  des  me- 
naces de  la  loi  de  déportation 
pendue  le  26  août,  contre  les  prê- 
tres non-assermentés.  Il  s'ache- 
mina vers  la  frontière,  et  parvint, 
quoique  difficilement,  à  Cham- 
béry.  Là,  voyant  bientôt  les  trou- 
pes de  la  révolution  se  répandre 
en  Savoie,  le  21  septembre,  et 
sentant  le  besoin  que  le  diocèse  de 
Lyon  avoit  de  sa  présence ,  de 
son  ministère  et  de  ses  conseils, 
il  offrit  à  Dieu  le  sacrifice  de  sa  vie, 
pour  le  salut  des  fidèles  qui  lui 
étoient  spécialement  confiés,  et 
revint  courageusement  à  Lyon  , 
bien  déterminé  â  souffrir  le  mar- 
tyre, plutôt  que  d'abandonner  le 
diocèse.  S'y  trouvant  alors  le  seul 
des  grands- vicaires  de  l'arche- 
vêque, de  qui  il  avoit  reçu  les  plus 
amples  pouvoirs,  et  ne  pouvant 
cependant  seul  régir  un  aussi  vaste 
diocèse  ,  il  associa  aux  travaux 
pénibles  de  son  grand- vicariat, 
quelques  ecclésiastiques  capables 
de  le  seconder,  tant  sous  le  rapport 
du  courage  que  sous  celui  des  lu- 
mières et  de  la  vertu  ;  capables 
même  de  le  remplacer  convena- 


CAS 

blement,  s'il  venoit  à  tomber  lui- 
même  sous  le  fer  des  persécuteurs. 
On  ne  sauroit  dire  tout  le  bien 
qu'il  fit  avec  eux,  pendant  la  ter- 
rible année  1793;  avec  quel  zèle 
il  alloit  ranimer  les  foibles ,  sou- 
tenir les  forts  ;  combien  il  ramena 
de  chrétiens  égarés,  et  quels  soins 
il  donnoit  aux  timides  religieuses 
expulsées  de  leurs  cloîtres.  La 
terreur  que  répandirent  à  Lyon  , 
après  le  siège  de  cette  ville,  les 
proconsuls  de  la  Convention  ,  et 
leur  atroce  commission  révolu- 
tionnaire ,  ne  déconcerta  point 
la  sainte  ardeur  de  l'abbé  de  Cas- 
tillon.  Quand  la  prudence  l'em- 
pêchoit  d'aller  encourager  les  ca- 
tholiques intimidés,  il  leur  écrivoit 
des  lettres  propres  à  les  forti- 
fier par  le  langage  de  la  religion  , 
et  leur  envoyoit  ceux  des  prêtres 
qui,  moins  connus,  pouvoient 
aller  encore  par  la  ville  avec  plus 
d'assurance.  Lapuissante  influence 
de  son  administration  spirituelle 
se  faisoit  trop  ressentir,  pour  qu'il 
ne  fût  pas  l'objet  de  recherches 
très-opiniâtres  de  la  part  despersé- 
cuteurs. Ils  découvrirent  enfin  son 
asile ,  au  commencement  de  dé- 
cembre 1795,  et  le  jetèrent  de 
suite  dans  les  caves  de  l'hôtel-de- 
ville,  prison  où  la  commission  ré- 
volutionnaire prenoit  plus  or- 
dinairement ses  victimes.  Coram» 
il  s'y  trouva  avec  beaucoup  d'au- 
tres captifs ,  dont  la  plupart  étoient 
des  gens  du  monde  ,  ce  lieu  fut 
encore  pour  son  zèle  apostolique 


CAS 

le  champ  d'une  ample  moisson 
pour  le  Ciel.  Bien  secondé  par 
un  autre  prêtre,  compagnon  de 
sa  captivité  {V .  Le  Brumat), 
il  y  opéra  d'éclatantes  conver- 
sions ;  et  c'est  à  eux  qu'on  dut , 
en  grande  partie ,  le  spectacle 
admirable  de  tant  de  Lyonnais 
qui  marchèrent  à  la  mort  avec 
cette  joie  que  donne  l'espoir  fondé 
d'une  vie  immortelle.  Parmi  les 
prisonniers  ,  se  trouvoient  aussi 
des  prêtres  qui  étoient  tomhés 
dans  le  schisme  ,  par  la  presta- 
tion du  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé;  et,  tel 
que  ce  saint  Martyr  Pionius  de 
Smyrne ,  lequel ,  dans  sa  capti- 
vité ,  consoloit  ceux  de  ses  com- 
pagnons qui,  ayant  abandonné 
Jésus-Christ,  s'affligeoientde leur 
sort ,  l'abbé  de  Castillon  disoit 
à  ces  prêtres  schismatiques  :  «  O 
mes  frères  !  vous  me  faites  éprou- 
ver un  nouveau  genre  de  sup- 
plice ;  et  je  souffre  comme  si  l'on 
m'eût  arraché  mes  propres  mem- 
bres, quand  je  vois  les  pierres  pré- 
cieuses du  sanctuaire  tombées  aux 
pieds  des  animaux  immondes,  et 
la  vigne  que  la  droite  du  Seigneur 
avoit  plantée  ,  détachée  de  son 
tronc,  et  déchirée  par  les  passans, 
suivantlcurs caprices.  Venez  donc, 
que  je  vous  enfante  de  nouveau  au 
Seigneur;  et  vous  ne  serez  pas  les 
premiers  à  qui ,  malgré  la  précé- 
dente mollesse  de  leur  Foi,  j'aurai 
fait  traverser  les  voies  épineuses 
et  cruelles  par  lesquelles  on  par- 


CAS  38? 

vient  à  la  gloire  céleste  (i). 
L'abbé  de  Castillon  eut  les  mêmes 
succès  que  Pionius;  et,  par  ses 
soins,  les  assermentés  se  rétrac- 
tèrent; ils  rentrèrent  dans  le  sein 
de  l'Eglise,  et  moururent  comme 
de  vrais  Martyrs  de  sa  Foi.  Mais 
qu'allons  -  nous  chercher  nos 
comparaisons  dans  l'Eglise  de 
Smyrne ,  puisque  celle  de  Lyon 
avoit  elle-même  fourni,  dès  les 
commencemens  du  christianisme, 
le  plus  mémorable  exemple  de  ce 
que  notre  postérité  admirera  pour 
la  seconde  fois ,  en  elle ,  à  l'é- 
poque récente  dont  nous  parlons  ? 
Tout  ce  qu'elle  vient  d'offrir  à 
notre  édification  se  trouvoit  déjà 
raconté  dans  l'admirable  épître  des 
fidèles  de  Lyon  et  de  Vienne,  à  ceux 
d'Asie  et  de  Phrygie,  en  177,  sur 
le  martyre  de  saint  Pothin  et  de 
s*es  compagnons  (2).  C'étoit  aussi 

(1)  Hos  ut  vidit  in  jugi  luctu  et  do- 
lore  maximo  constitutos ,  talia  cum  la- 
crymis  verba  prolulil  :  Novum  sttppli— 
ciorum  genus  patior,  et  ità  excrucior; 
quasi  videam  me  devulsâ  membrorum 
compage  lacerari,  cùm  adspicio  marga- 
ràas  Ecclesiœ  porcorum  pedibus  sub- 
jacere,  et  stellas  cœli  draconis  caudâ 
usque  ad  terram  fuisse  pertraclcis  ; 
l'item  quam  Dei  dexiera  plantavcrat  a 
sue  unico  dissipari ,  et  transeuntem 
unumquemqtie  ,  ut  suascrit  libido  ,  de- 
cerpi.  Liberi ,  quos  iterùm  parturio  do- 
uée Christus  jbrmelur  in  vobis ,  alumni 
mei  molles  aspera  transierunt  itincra 
(Ruinart:  Acta  Martyr.  Passio  SS. 
Pionii  et  sociorum  ejus.  ) 

(a)  Renvoyant  aux  traductions 
françaises  ceux  qui  ne  pourraient  pas 

25. 


588  CAS 
une  bien  douce  consolation  pour 
notre  grand-vicaire,  et  pour  le 
prêtre  compagnon  de  ses  travaux, 
dans  la  même  captivité,  «de  reti- 
rer de  l'abîme  du  schisme  et  de  la 
perdition,  tant  d'aines  que  le  dé- 
mon croyoit  y  avoir  englouties  à 
jamais.  Le  pardon  qu'elles  avoient 
demandé  pour  aller  à  Dieu,  leur 


lire  dans  les  traductions  latines  cette 
épt tre  écrite  en  grec ,  nous  ne  citerons 
que  l'une  de  ces  dernières  versions  , 
préférant  à  celle  de  Valois  la  plus  an- 
cienne ,  qui  est  de  Ruflin ,  parce  qu'elle 
nous  semble  mieux  peindre  ce  que 
nous  avons  à  représenter. 

Per  idem  tempus  immensa  quœdam 
Dei  dispensatio  procuratur,  et  mise- 
ricordia  ex  insperato  Christi  Dornini 

arte  conquiritur   Omnes  hi  qui 

primà  negaverant  Fidern ,  correpti  tru- 
duntiir  in  carcercm  ;  et  quà  injelicibus 
ne  solamen  quidempœnalis prœstaretnr 
exitii,  non  quasi  christiani  jam  ,  sed 
tanquam  homicidœ  et —  detinebantur, 
habenles  miseri  duplicem  pœnam.  Quo- 
niam  quidem  cœterorum  supplicia  mi- 
tigabat  spes  et  corona  martyrii  :  Christi- 
que  charitas,  et  Sancti  Spirilûs  gratia 
relevabat  afflictos.  Istos  autein  ipsis 
pœnalibus  catenis  et  pondère  carceris 
graviàs  conscientia  cruciabat,  ità  ut 
vultu  ipso  et  aspectu  discernerentur  à 
eœteris  >  quàd  ilii  producebanlur  de 
suppliais  lœti,  et  divinum  nescio  quid 
in  ipsis  vuhibus  prœferentes,  vincula 
sua  monilia  pretiosu  ducebant ,  per 
squalorem  carceris ,  Christi  bonus  odor 
affecli,  ità  ut  viderenlur  sibi  non  in 
ergastulo ,  sed  in  myrotheca  conclusi  : 
at  illi  alii  tristes ,  demersi ,  ipsis  qtio- 
que  conspectibus  horridi,  et  omni  tur- 
pitudinis  deformitate  fœdioras .  Sed  et 
iptis  gentilibus  in  multo  opprobrio  ex- 


CAS 

étoit  accordé.  Ils  auroient  Con- 
servé quelque  peine  en  allant  eux- 
mêmes  avec  joie  au  martyre,  s'ils 
n'avoient  pu  attacher  à  leur  cou- 
ronne ,  comme  des  trophées ,  ces 
membres  de  l'Eglise,  que  l'Enfer 
avoit  usurpés  (1)».  Cependant  le 
cœur  de  l'abbé  de  Castillon  con- 
servoit  un  chagrin  dont  il  parloiî 


posili  erant,  tanquam  dégénères  et 
ignavi ,  qui  Fidem  perdiderint  et  cri- 
men  invenerint,  et  qui  christianorum 
quidem  nomine  carueriiil ,  homicida- 
rum  tamen  pœnas  non  effiigerinl.  Quœ 
cùm  ilà  geri  vidèrent  cceteri,  incredibi- 
liter  corroborati  sunt ,  ilà  ut  com- 
prehensi  absque  ullâ  animi  nutalione  , 
constanler  se  nihil  aliud  quam  chris- 
tianos  esse Jàterenlur. .  ■  ■  Post  liœc  jam 
per  diversas  species  martyrii  eorum  , 
velul  coronam  quamdam  variis  jloribus 
compositam  Dominus  Jésus  Christus 
intexens  offerebat  Patri,  ut  ab  eo  velut 
victores  magni  agonis  remuneratione* 
œternonun  sumerentprœmiorum.  (Eu- 
sèl).  Ecclés.  Hist.  L.  V,  ci,  édition 
de  Bâle,  i535.) 

(i)  Adversùm  quos  eà  vehementiora 
Diubolus  prœlia  concilabai  quàd  per 
nimiam  caritalem  quam  habebant  in 
Chrislo  Je.su ,  eliam  eos  qui  lapsi filt- 
rant,  et  quos  jam  se  immanis  Ma  bes- 
tia  absorbuisse  crediderat ,  rursùm 
vivos  de  internis  ejus  visceribus  educe- 
bant  :  et  velut  maires  ergà  parvulos 
suos ,  ilà  ergà  eos  totis  profusi  misera- 
tionum  visceribus  inhœrebant ,  omni- 
potenti  Deo  effundenles  pro  ipsis  fontes 
et  flumina  lacrymarum  :  vilam  pete- 
bant  eis  à  Deo  ,  et  tribuebatur  eis  ;  nec 
sibi  gratum  iter  ducebant  eundi  ad 
Dominum ,  vel  lœtam  putabant  marty  - 
rii fore  coronam ,  si partern  membrorum 
suorum  de  ecclesiis  raptam  velut  spolia 


CAS 

avec  toute  la  douleur  d'une  ami- 
tié flétrie  :  c'étoit  de  voir  qu'un 
évêquede  l'Eglise  gallicane,  qui, 
depuis  ses  études ,  étoit  un  de  ses 
amis  les  plus  intimes,  faisoit  cir- 
culer une  apologie  qu'il  avoit  écrite 
de  ce  serment  de  liberté  -  éga- 
lité (1),  qu'à  Lyon,  comme  ail- 
leurs {V.  Fontaine ,  Lazariste  ) , 


queedam  detentari  a  Diabolo  permisis- 
sent.  Super  omnia  autem  pacem  et  ipsi 
diligebant,  et  nobis  serva.re  manda— 
bant;  nec  aliam  sibi  nisi  per  pacem 
viarn  ad  martyrium  construebant ,  ca- 
ventes  ne  ullam  post  se  dissensionem 
fratribus ,  nec  Ecclesiœ  matri  mœsti- 
tiam  derelinquerent ,  sed  pacem  semper 
habendam ,  pacem  fratribus  custodien- 
dam  ,  et  caritatem  prœcipue  tenendam , 
quœ  est  unitatis  et  concordiœ  vincu- 
lum ,  commonebant.  Hœc  non  inutiliter 
{ut  opinor)  à  nobis  in  œdijicationem 
legentium  memoriœ  tradita  sunt,  quœ 
ex  tanlorum  virorum  auctoritale  des- 
cendunt,  propter  eos  qui  tumidi  et 
inflali  adversùm  fratres  feruntur  ;  et 
si  qui  forte  titubaverint ,  miserationum 
Christi  viscera  ab  eis  putant  penitùs 
excludenda.  (  Eusèb.  E celés.  Hisl, 
L.  V,  c.  i,  édition  de  Bile,  i535.) 

(  i  )  Exposé  des  Principes  sur  le  Ser- 
ment de  Liberté-Egalité  ,  et  sur  la 
Déclaration  exigée  des  Ministres  du 
culte  par  la  loi  du  7  vendémiaire 
an  IV  :  Paris,  chez  Gucrbart,  1796, 
et  Adr.  Leclère.  —  On  y  répliqua 
fortement  par  un  écrit  intitulé 
Réfutation  des  Principes  erronés  de 
Msr  l'évéque  à" Al. . .  sur  le  Serment 
de  Libekté-Ecalité  ;  sur  la  Recon- 

NOISSANCE    DE    LA    SOUVERAINETE  DU 

Peuple,  etc.  Maliues,  1797.  Il  en 
avoit  été  fait  une  autre  à  Paris,  par 
l'un  des  plus  savans  canonisU-s  qui 


CAS  3Sg 
on  tenoit  pour  si  criminel  ;  et  il 
regrettoit  amèrement  de  ce  que 
cette  dissidence  rompoit  de  si  res- 
pectables liens  d'affection.  Mais 
cette  douloureuse  pensée  ,  qui 
occupoit  beaucoup  notre  grand- 
vicaire,  et  ses  nombreux  travaux 
apostoliques  dans  l'intérieur  de  la 
prison ,  ne  lui  faisoient  pas  oublier 

existassent  alors  en  France,  M.  l'abbé 
Dalléas,  avocat  au  parlement  depuis 
1775,  officiai  de  la  Sainte-Chapelle  , 
et  mort  en  1818,  étant  depuis  1814 
membre  du  conseil  de  Monsieur  , 
frère  du  Roi  ,  en  qualité  d'avocat 
consultant  (  V oy.  Calendrier  de  la 
Cour  pour  i8i5).  Consulté,  en  1795 
et  les  années  suivantes ,  par  des  prê- 
tres et  môme  des  évoques  sur  ce  ser- 
ment, et  ensuite  sur  la  déclaration 
de  soumission  ;  sur  celui  de  haine  à  la 
royauté;  sur  la  célébration  delà  messe 
dans  les  églises  de  Paris  que  profa- 
noit  le  prétendu  culte  des  déistes  appe- 
lés théophilanthropes , il  condamna  tous 
ces  actes  dans  des  réponses  motivées , 
dont  l'érudition  comme  les  principes 
et  la  logique  ne  permettoient  aucune 
réplique.  Il  existe  de  lui  quelques 
lettres  où  il  poursuit ,  jusque  dans  leurs 
derniers  retranchemens ,  les  ministres 
de  l'Eglise  constitutionnelle.  Parmi  ses 
écrits  de  cette  époque  ,  l'un  des  plus 
remarquables  est  celui  qui  a  pour 
titre  :  Les  véritables  Devoirs  du  Chré- 
tien dans  les  Révolutions  publiques ,  on 
Examen  d'un  écrit  intitulé  :  Devoirs 
du  Chrétien  envers  la  Puissance 
publique,  etc.  Il  y  démontroit  pé- 
remptoirement l'ignorance  ou  la  mau- 
vaise foi  de  ces  partisans  de  la  doc- 
trine du  Roi  défait ,  qui  se  prévaloienfc 
des  sentimens  et  de  la  conduite  des 
premiers  chrétiens  envers  un  empe- 


3go  CAS 

les  prêtres  et  les  fidèles  qui  étoient 
au  dehors ,  et  avoient  échappé 
jusque-là  aux  recherches  des  per- 
^écuteurs.  Il  leur  écrivoit  fré- 
quemment des  lettres  comparables 
à  celles  des  premiers  confesseurs 
dans  les  fers ,  et  leur  envoyoit  , 
comme  un  autre  Cyprien,  de  tou- 

reur  quelconque ,  mis  par  une  sédition 
à  la  place  de  son  prédécesseur,  pour 
obliger  les  fidèles  de  notre  temps  à  la 
môme  obéissance  active  envers  un 
usurpateur  qu'envers  le  souverain  lé- 
gitime. L'auteur  pulvérisoit  ce  so- 
phisme de  l'adulation,  en  faisant, pour 
ainsi  dire ,  toucher  au  doigt  l'énorme 
différence  qu'il  y  avoit  entre  les  cons- 
titutions politiques  de  Rome,  à  cette 
époque,  et  celle  de  notre  monarchie. 
Suivant  les  premières  ,  un  empereur 
devenoit  légitime  dès  que  son  élec- 
tion, faite  par  l'armée,  étoit  recon- 
nue par  le  sénat;  tandis  qu'en  France 
aucune  usurpation  quelconque  ne 
nouvoit  priver  de  ses  droits  le  souve- 
rain légitime,  ni  délier  ses  sujets  du 
serment  de  fidélité  {Voy,  tom.  I", 
pag.  274  ). 

Le  contraste  que  ces  notions  for- 
ment avec  l'opinion  très-désavanta- 
geuse qu'a  voulu  donner  de  l'abbé 
Dalléas,  peu  de  jours  après  sa  mort , 
un  journal  qui  s'intitule  V Ami  de  la 
Religion  et  du  Roi,  exige,  pour  leur 
justification  plus  complète,  non  pas 
que  nous  le  réfutions,  mais  seulement 
que  nous  rapportions  ses  paroles  :  et 
peut-ôtre  sera-ce  trop  encore,  parce 
qu'on  pourroit  en  conclure,  contre 
notre  intention,  qu'elles  semblent  lui 
avoir  été  dictées  par  un  besoin  violent 
de  venger  des  protégés  et  des  protec- 
teurs. Niant  que  ce  canoniste  eût 
«  rendu  des  services  à  l'Eglise  et  à 
l'Etat»,  il  aflirmoit  que  l'abbé  Dal- 


CAS 

chantes  exhortations  au  martyre 
{V.  A.  M.  Vial).  Dans  la  lettre 
que,  de  sa  prison  ,  il  écrivit,  deux 
jours  avant  son  supplice,  à  l'un 
de  ses  coopérateurs  dans  le  saint 
ministère  ,  il  disoit  :  «  Je  suis 
tranquille ,  quoique  je  m'attende 
à  la  mort.  Priez  le  Seigneur,  et 

léas  «  n'a  rien  laissé  de  durable,  qu'on 
ne  connoît  rien  de  lui  qui  puisse  lui 
faire  donner  le  titre  de  théologien  »  ; 
et  ce  rédacteur  concluoit,  peu  chré- 
tiennement sans  doute,  par  ces  mots 
plus  que  dénigrans  :  «  L'abbé  Dalléas 
a  rédigé  peut-être  quelques  Mémoires 
oubliés;  il  faisait  les  affaires ,  ou  étoit 
le  conseil  de  quelques  jansénistes  : 
voilà  tout  ce  qu'on  sait  de  lui,  etc.  » 
Mais  abrégeons  la  méprisante  et  scan- 
daleuse notice,  pour  lui  opposer  l'es- 
time non  commune  qu'avoient  pour 
les  lumières  de  l'abbé  Dalléas  les  érê- 
ques  de  France  députés  aux  Etats- 
Généraux  de  1989.  Ce  fut  au  nom 
de  l'Eglise  gallicane  que  les  prélats 
de  Clermont  et  du  Mans,  auxquels 
s'adjoignoient  le  saint  archevêque 
d'Arles,  les  évôqucs  de  Condom,  de 
Limoges,  de  Luçon  ,  de  Montpellier, 
deNancy,  deNismes,  de  Poitiers,  de 
Saintes  et  d'Uzez,  demandèrent  en 
1790  à  ce  canoniste  ainsi  qu'à  d'autres 
non  moins  célèbres,  Maultrot,  Mey, 
Meunier ,  Vauquelin ,  Mauclerc ,  Blon- 
del,  Bayard,  un  jugement  solennel 
de  la  constitution  civile  du  clergé. 
Dans  ce  recours,  ils  disoient  très-for- 
mellement qu'ils  s'advessoient  à  eux 
comme  à  «  des  jurisconsultes  instruits 
des  matières  canoniques  et  des  règles 
de  la  hiérarchie  ecclésiastique  ».  Avec 
quel  avantage  la  décision  de  ceux-ci, 
qui  réprouvèrent  dans  tout  cette 
œuvre  de  schisme  et  d'hérésie ,  ne 
fut -elle  pas  opposée  par  nos  évâques 


CAS 

faites-le  prier  par  les  catholiques  , 
pour  qu'il  me  donne  la  force  de 
confesser  ma  Foi.  Dieu  répand  les 
bénédictions  les  plus  abondantes 
sur  mon  ministère  ;  je  travaille 
beaucoup  à  ramener  à  Dieu  mes 
compagnons  d'infortune.  Je  vais 
laisser  le  gouvernement  du  dio- 

aux  autres  jurisconsultes,  canonistes 
infidèles  par  qui  la  constitution  civile 
du  clergé  avoit  été  produite  ?  La  con- 
sultation dont  il  s'agita  mérité  d'ôtre 
conservée  comme  un  monument  pré- 
cieux pour  l'Eglise  de  France ,  dans 
la  Collection  ecclésiastique  de  M.  l'abbé 
Barruel,  tom.  Ier,  pag.  253  jusqu'à 
■276.  Parmi  les  savantes  consultations 
du  môme  canoniste,  plus  jaloux  d'é- 
clairer sans  bruit  les  consciences  que 
de  publier  des  volumes,  il  en  est  une 
fort  lumineuse  sur  les  mariages  con- 
tractés cùm  tutus  non  esset  recursus 
ad  parochurn.  Elle  se  trouve  d'accord 
en  tout,  i°.  avec  l'instruction  envoyée 
par  ordre  de  Pie  VI,  le  26  septembre 
1791 ,  dans  laquelle  il  appliquoit  à  la 
France  les  décisions  deBenoit  XIV 
sur  les  mariages  du  môme  genre  con- 
tractés en  Belgique,  en  Servie  et  dans 
les  Indes  orientales;  2°.  avec  les  ré- 
ponses du  cardinal  Zéloda  à  un  prêtre 
du  comtat  Venaissin  ,  du  a5  juillet 
1793,  et  celles  du  cardinal  Antonelli 
à  l'évôque  de  Genève,  du  5  octobre 
suivant ,  ainsi  que  M.  l'abbé  de  Cambis, 
vicaire -général  et  grand -archidiacre 
de  Chartres,  le  i4  du  môme  mois; 
3*.  avec  la  consultation  du  P.  Joseph 
Vaser,  consulteur  de  la  congrégation 
de  l'Index,  en  date  du  17  décembre, 
môme  année  ;  4°.  à  l'avis  des  meilleurs 
théologiens  et  canonistes  cités  en  grand 
nombre  par  ce  dernier,  entre  lesquels 
on  remarque  avec  plaisir  l'auteur  de 
nos  Conférences  d'Angers. 


CAS  391 

cèse  à....  ;  car  je  crois  que  ma  fin 
approche  (1).  Adieu  ;  recomman- 
dez-moi aux  prières  des  prêtres 
catholiques».  Cette  lettre  étoitson 
testament  spirituel  :  par  elle  ,  il 
pourvoyait  aux  besoins  du  diocèse 
après  lui  ;  et,  comme  si  sa  mission 
étoit  consommée ,  comme  s'il 
avoit  acquis  assez  de  mérite  pour 
recevoir  la  récompense  suprême, 
il  fut  bientôt  appelé  devant  la  fa- 
rouche commission  révolution- 
naire. Il  confessa  devant  elle  sa 
Foi  avec  une  rare  intrépidité,  et 
fut  condamné,  le  2 5 frimaire  an  H 
(  i5  décembre  1794),  a  la  peine 
de  mort,  comme  «prêtre  réfrac- 
taire  à  la  loi ,  et  contre-révolution- 
naire ».  11  la  subit  ce  jour-là 
même.  L'auteur  du  Tableau  des 
Prisons  de  Lyon ,  M.  Delandine, 
qui  partagea  sa  captivité,  dit  : 
«  Nous  avions  parmi  nous  M.  de 
Castillon ,  dont  le  cœur  étoit  bon, 
l'imagination  brillante,  l'entretien 
toujours  semé  de  traits  piquans  et 


(1)  Dans  une  circonstance  sem- 
blable, en  3G2,  le  saint  Martyr  Hélio- 
dore,  qui  étoit  évôque  en  Perse  , 
voyant  arriver  l'heure  de  sa  mort  ,  et 
ne  voulant  pas  que  les  fidèles  man- 
quassent après  lui  de  premier  pas- 
teur, conféra  lui  seul  l'ordre  de  l'épis- 
copat  au  prôtre  Dausas,  en  le  dési- 
gnant pour  son  successeur  :  Quamob-' 
rem  Dausan  adpcllans ,  hune  per  ini— 
positionnent  manûs  episcopum  créât,  et, 
christianis ,  quolquot  supremœ  urbis 
calamitali  supererant ,  prœsidere jubet . 
(  Asseman  :  Act.  Martyr.  Pars  I*  , 
pag.  134.) 


39a  CAS 

d'anecdotes  intéressantes.  Son  dis- 
cours, à  sa  dernière  heure,  fut  un 
chef-d'œuvre  de  raison,  de  piété, 
de  courage  et  de  véritable  philo- 
sophie (1)  ».  Que  de  regrets  nous 
devons  avoir  que  cet  écrivain  n'ait 
rien  cité  de  ce  discours,  ou  que, 
d'ailleurs,  un  ne  nous  l'ait  pas 
transmis,  quoiqu'il  doive  exister 
dans  les  pièces  enfouies  de  l'admi- 
nistration du  diocèse  de  Lyon,  à 
cette  époque!  Le  grand-vicaire  de 
Castillon  avoit  47  ans  quand  il 
reçut  la  couronne  du  martyre. 
{V .  Btjrlat,  et  Chalïer.  ) 

CASTIN  (  François-  Domi- 
nique), curé  dans  le  diocèse  de 
Saintes,  se  reprochoit,  dans  l'exil 
auquel  la  loi  de  déportation  l'avoit 
obligé,  cette  vie  inutile  qu'il  mc- 
noit  à  Londres,  tandis  que  ses 
paroissiens,  faisant  partie  de  l'ar- 
mée catholique  et  royale,  expo- 
soient  leur  vie  pour  la  cause  de  la 
religion.  Il  brûloit  d'impatience 
de  Tenir  s'exposer  lui-même ,  pour 
leur  salut,  aux  dangers  de  la  per- 
sécution ;  et  il  profita  de  l'expédi- 
tion de  Quiberon ,  pour  se  rappro- 
cher de  ses  ouailles  (  V.  Vendée 
et  Vannes  ).  Embarqué  avec  le 
vénérable  évêque  de  Dol ,  et  trente 
autres  prêtres  environ,  il  partagea 
leur  sort  (  V.  U.  R.  Hercé  ),  et 
reçut  en  même-temps  la  palme  du 
martyre,  le  3o  juillet  1795.  {V.  P. 
F.  Breherec  ,  et  F.  Flattin.) 

(1)  foy.  ci -devant,  y>ag.  378, 
pol.  a. 


CAL 

CASTION  ( Henri -Bt aise), 
prêtre  du  diocèse  d'Orange,  exer- 
çoitles  fonctions  de  son  sacerdoce 
à  Caderousse,  sans  avoir  fait  au- 
cun des  sermens  illicites  demandés 
par  la  révolution.  Le  bon  esprit 
qui  dominoit  dans  sa  province,  à 
la  fin  de  1792  et  en  1793,  lui 
avoit  paru  le  dispenser  d'obéir  à 
l'inique  loi  de  la  déportation;  mais 
le  proconsul  qui  vint  désoler  cette 
contrée,  vers  la  fin  de  1793  {V . 
Orange),  ayant  mis  les  prêtres 
dans  le  plus  grand  danger,  Cas- 
tion  fut  bientôt  une  des  victimes 
marquées  pour  sa  féroce  commis- 
sion populaire  d'Orange.  Cet  ec- 
clésiastique comparut  devant  elle, 
le  14  messidor  an  II  (2  juillet 
1 794  ).  Comme  cette  commission 
ignare  autant  qu'impie,  se  dis- 
pensant de  toute  formalité ,  n'avoit 
besoin  que  d'une  vague  accusation 
pour  envoyer  les  victimes  à  l'écha- 
faud ,  le  prêtre  Castion  y  fut  con- 
damné de  suite,  comme  «contre- 
révolutionnaire».  La  sentence  fut 
exécutée  le  lendemain. 

CASTOR  (Antoine),  prêtre. 

(  V.  A.  BOCTILIER.  ) 

CATHELANY  (Joseph)  ,  curé. 
(  V.  Benezet.  ) 

CATHERINE  DE  JÉSLS 
{Sœur  Sainte) ,  religieuse.  (  V. 

Mne  JllSTAMONT.  ) 

CAUCHOIS  (  Marie- Fran- 
çoise-Eulalie)  ,  pieuse  fille ,  mar- 
chande mercière  à  Dieppe,  fournit 
dans  sa  maison  un  asile  secret  à 
un  prêtre  catholique,  dont  les  per- 


CAU 

sécuteurs  avoient  mis  la  tête  à 
prix,  et  qui  n'avoit  aucun  autre 
refuge.  Elle  fut  admirablement 
secondée  en  cette  bonne  œuvre 
par  sa  domestique  (  V.  F*  Car- 
tier). Les  agens  de  la  persécution  , 
ayant  eu  connoissance  d'une  si 
belle  action,  les  arrêtèrent  toutes 
deux  ensemble.  Traduites  dans 
les  prisons  de  Rouen,  et  ensuite 
devant  le  tribunal  du  département 
de  la  Seine  -  Inférieure ,  elles 
furent  condamnées  à  la  peine  de 
mort,  comme  «  recéleuses  de  prê- 
tres réfractaircs  ».  Marie -Eulalie 
Cauchois ,  s'estimant  heureuse  de 
perdre  la  vie  pour  une  aussi  sainte 
action  {V .  Je  Aux) ,  n'eut  d'autre 
chagrin,  en  mourant,  que  celui 
de  voir  sa  domestique  frappée 
comme  elle,  croyant  être  la  cause 
de  sa  mort.  Cette  sentence ,  rendue 
le  2  floréal  an  II  (21  avril  1794)» 
fut  exécutée  dans  les  vingt-quatre 
heures. 

CAUDRON  DE  FRICHEUX 
(Marie-Claire),  née  à  Arras  en 
1720,  avoit  passé  sa  longue  vie 
dans  le  célibat,  et  l'avoit  sancti- 
fiée par  la  pratique  des  vertus 
évangéliques.  Sa  Foi  étant  restée 
intacte,  lors  de  la  constitution 
civile  du  clergé,  elle  n'avoit  pas 
vu  sans  douleur  les  prêtres  catho- 
liques persécutés  et  bannis  ,  dé- 
pouillés de  tout.  Elle  s'associa  bien 
volontiers  à  la  bonne  œuvre  de 
la  ve  Bataille  en  leur  faveur  (  J  . 
M.  J.  D.  Bataille).  Le  registre 
de  celle-ci  ayant  été  découvert 


CAU  5<)3 

par  les  satellites  du  proconsul  Le- 
bon,  dans  le  temps  de  sa  mission 
à  Arras  (  V.  Arras)  ,  Marie-Claire 
Caudron,  dont  le  nom  s'y  trou- 
voit  inscrit,  fut  associée  au  sup- 
plice de  la  charitable  veuve.  Con- 
damnée avec  elle  et  dix-huit  autres 
prétendus  complices,  le  25  ger- 
minal an  II  (14  avril  1794),  elle 
fut  envoyée  avec  eux  à  la  mort 
pour  cette  action  de  Foi  et  de 
charité.  Son  âge  alors  éloit  de 
74  ans.  {V.  A.  V.  Cary,  et  P.  J. 

CnARLET.  ) 

CALÎLLE  (Amand),  prêtre  du 
diocèse  de  Rouen ,  habitué  de 
l'église  paroissiale  de  Saint- Ma- 
clou,  et  professeur  de  mathéma- 
tiques à  Rouen,  où  il  étoit  né  en 
1761,  ecclésiastique  «  très -dis- 
tingué par  sa  science  et  sa  vertu  » , 
se  garda  bien  de  prêter  le  serment 
schismatique  de  1791.  Quoique 
voué  par  cela  même  à  la  pros- 
cription, il  ne  sortit  point  de 
France,  voulant  consacrer  son 
ministère  à  l'Eglise  dans  un  temps 
où  tout  l'enfer  sembloit  déchaîné 
contre  elle.  Il  fut  arrêté  en  1 790 
par  les  autorités  révolutionnaires 
qui  subjuguoient  sa  province,  alors 
devenue  le  département  de  la 
Seine-Inférieure.  Elles  l'envoyè- 
rent à  Rochefort,  pour  périr  dans 
la  déportation  maritime  qui  s'y 
préparoit  [V.  Rochefort).  On  le 
fit  monter  le  navire  tes  Deux  As- 
sociés. Le  séjour  mortel  de  l'entre- 
pont de  ce  bâtiment  avança  son 
niai  lyre.  11  mourut  le  7  juin  1794» 


3(>4  CAU 
à  l'âge  de  35  ans,  et  fut  inhumé 
dans  l'île  d'Aix.  {V....  Castil- 
iard,  et  J.  Causse.) 

CAUSSE  (Jean)  ,  curé  de  la  pa- 
roisse de  Châtel-de-Neuvre,  au 
diocèse  de  Clermont,  et  né  vers 
1753,  à  Saint-  Pourçain  ,  en  Au- 
vergne ,  sur  la  frontière  du  Bour- 
bonnais, refusa  généreusement  le 
sermentschismatiquede  1791.  Les 
administrateurs  révolutionnaires 
du  département  le  chassèrent  de  sa 
cure  pour  cette  raison  ;  et  il  vint 
habiter  son  pays  natal ,  d'où  il  pou- 
voit  encore  êlre  utile  à  ses  parois- 
siens. Son  zèle  pour  eux  le  dé- 
tourna de  sortir  de  France,  lors 
de  l'expulsion  des  prêtres  non- 
assermentés,  vers  la  fin  d'août 
1792.  Il  fut  arrêté,  comme  tel, 
l'année  suivante.  Son  âge  ne  per- 
mettoit,  suivant  la  loi  d'alors,  que 
do  le  mettre  en  réclusion.  Il  le  fut 
en  effet,  d'abord  à  Moulins;  mais 
bientôt  on  voulut  se  débarrasser 
de  lui,  et  on  le  fit  partir  pour  Ro- 
chefort,  d'où  il  devoit  être  trans- 
porté au-delà  des  mers.  On  l'em- 
barqua sur  le  navire  tes  Deux 
Associés  {F.  Rochefobt).  Il  ne 
put  supporter  long  -  temps  les 
maux  dont  les  prêtres  y  étoient 
accablés,  et  mourut  à  l'âge  de 
61  ans,  le  7  juillet  1794-  On 
l'enterra  dans  l'île  d'Aix.  (  V.  A. 
Caulle,  et  T.  Cauvin.) 

CAUVEL  (François),  pieux 
laïc ,  et  simple  menuisier  dans 
le  village  de  Plémet ,  près  Lou- 
iîeac,  au  diocèse  de  Saint-Brieuc, 


CAU 

donna  chez  lui,  par  principe  de 
religion  autant  que  d'humanité, 
un  asile  généreux  à  un  prêtre  ca- 
tholique, dont  les  persécuteurs 
avoient  juré  la  perte  [V.  J"  Alix). 
Cette  œuvre  héroïque  de  charité 
fut  connue;  ils  firent  arrêter  Cau- 
vel,  que  l'on  conduisit  prisonnier 
à  Saint-Brieuc,  pour  y  être  jugé 
par  le  tribunal  criminel  du  dépar- 
tement des  Côtes -du -Nord.  Ce 
tribunal  prononça,  le  1 1  thermi- 
dor an  II  (29  juillet  1794),  la 
peine  de  mort  contre  lui ,  en  le 
qualifiant  de  «  recéleur  de  prêtres 
réfractaires  »  ;  et  Cauvel  fut  pres- 
qu'aussitôt  décapité. 

CAUVIN  (Jean),  ouvrier.  {V . 
J.  Casseigne.) 

CAUVIN  (Toussaint),  ecclé- 
siastique du  diocèse  de  Rouen ,  où 
il  étoit  né  sur  la  paroisse  de  Guer- 
baville- la- Maillera ye  ,  en  1763, 
n'étoit  encore  que  sous  -  diacre 
lorsque  la  révolution  éclata.  Les 
inquiétantes  vicissitudes  de  cette 
époque  et  des  années  suivantes  sus- 
pendirent son  avancement  dans  la 
hiérarchie  sacrée ,  où  il  auroit  été 
un  prêtre  fort  utile  à  l'Eglise,  car 
il  sut  dédaigner  cet  autre  avan- 
cement qui  lui  étoit  assuré  par  les 
usurpateurs  du  siège  de  Rouen, 
Charrier,  et  ensuite  Gratien ,  s'il 
eût  fait  le  serment  schismatique. 
Ne  s'être  pas  laissé  séduire  par 
des  intrus  vantés  alors,  devenoit, 
aux  yeux  des  impies  ,  un  délit 
à  jamais  irrémissible.  Il  leur  parut 
digne  du  supplice  de  la  dépor- 


CAY 

tation  en  1794-  Le  sous -diacre 
Cauvin,  ayant  été  arrêté  par  eux, 
fut  envoyé  à  Rochefort  pour  y 
être  embarqué  (  V.  Rochefort)  ; 
et  on  l'y  fit  monter  le  navire  les 
Deux  Associés.  Les  tortures 
diverses  qu'il  y  éprouva  mirent 
le  comble  aux  vœux  des  persé- 
cuteurs, jaloux  d'enlever  à  l'E- 
glise jusqu'à  l'espoir  d'une  nou- 
velle génération  de  bons  ministres 
du  Seigneur.  Toussaint  Cauvin 
succomba  le  2  août  1794?  à  l'âge 
de  3i  ans,  et  fut  enterré  dans  l'île 
d'Jix.  (  V.  J.  Causse,  et  P.  Ce- 
rindat.) 

CAYRON  (Pierre-Jean), 
prêtre ,  né  dans  le  diocèse  de 
Piodez,  y  étoit  curé  de  la  paroisse 
d'Oi  tizel.  Il  ne  fit  point  le  serment 
schismatique  de  1791;  et  quoique 
la  loi  du  26  août  1792  fût  venue 
le  condamner  à  se  déporter  lui- 
même  comme  non -assermenté, 
il  étoit  resté  dans  sa  province  pour 
les  besoins  spirituels  de  ses  ouail- 
les. Les  agens  de  la  persécution  le 
firent  emprisonner  en  179^;  et 
l'année  suivante  il  fut  traîné  à 
Bordeaux,  d'où  il  devoit  être  dé- 
porté au-delà  des  mers  [V .  Bor- 
deaux). On  ne  le  comprit  cepen- 
dant pas  dans  le  grand  nombre  de 
prêtres  qu'on  y  fit  embarquer  des 
premiers ,  vers  la  fin  de  l'automne , 
trois  mois  après  la  cbute  de  Ro- 
berspierrc  ;  et  il  resta  enfermé 
dans  le  fort  du  Ha.  L'excès  de 
ses  maux,  bien  plus  forts  que  son 
âge,  le  jela  dans  une  maladie  qui 


,      CEK  3(j5 

alloit  terminer  ses  jours.  On  le 
transporta  dans  l'hôpital  de  Saint- 
André,  où  il  ne  cessa  pas  d'être 
captif  de  J.-C.  ;  et  il  y  rendit  son 
dernier  soupir,  le  1"  novembre 
1 794 ,  à  l'âge  de  60  ans.  (  V.  F. 
Cambon,  et  G.  Çhapteuil.) 

CELESTIN  [Le  Frère),  Ca- 
pucin. (  V.  Clat.) 

CERINDAT  (Pierre),  prêtre, 
chanoine  de  l'église  collégiale  de 
Cusset,  dans  le  diocèse  de  Cler- 
mont,  et  né  en  1742?  a  Saint- 
Loup-de-Job,  au  même  diocèse, 
repoussa  comme  hétérodoxe  la 
constitution  civile  du  clergé, 
et  n'en  fit  point  le  serment  schis- 
matique. Il  crut  ensuite  se  mettre 
à  l'abri  des  rigueurs  de  la  loi  d'ex- 
pulsion, rendue  le  26  août  1792, 
en  prêtant  le  serment  de  liberté- 
égalité,  prescrit  à  cette  époque 
par  des  législateurs  dont  les  vue» 
anti  -  religieuses  n'étoient  point 
incertaines.  L'effroi  causé  par  les 
massacres  de  septembre  n'avoit  pas 
peu  contribué  à  l'entraîner  dans 
cet  acte  de  foiblessc.  Il  n'y  trouva 
point  la  sûreté  qu'il  s'en  étoit 
promise;  et  Dieu  le  voulut  ainsi 
pour  l'amener  à  dissiperlui-même 
les  nuages  dont  il  avoit  obscurci 
sa  précédente  fidélité.  Le  chanoine 
Cerindat  fut  arrêté  en  1 793 ,  et 
jeté  dans  les  prisons  de  Moulins. 
On  l'envoya  dès  le  commencement 
de  l'année  suivante  à  Rochefort , 
pour  être  déporté  sur  des  rives 
lointaines  [V .  Rochefort).  Il  fut 
embarqué  mr  le  navire  les  Deux 


5g6  CHA 

Associés,  où,  partageant  le  sort 
cruel  de  tant  de  glorieux  confes- 
seurs de  J.  C,  dont  la  vertu  étoit 
pure  de  ce  serment-là  même,  il 
voulut  partager  cette  gloire  en  le 
rétractant.  Digne  alors  d'eux  et  de 
la  religion  pour  laquelle  il  souf- 
f'roit,  il  put  espérer  de  trouver 
dans  sa  mort  la  couronne  im- 
mortelle ;  et  il  rendit  son  dernier 
soupir  le  18  août  1794»  à  l'âge 
de  52  ans.  Ses  ossemens  reposent 
dans  l'île  à'Aix.  {V.  T.  Cativin, 
et  Charbonnier,  d'Ingrande.  ) 

CERON  (Pierre),  curé.  (  V. 
P.  Rousseau.) 

CHARANEL  (François),  prê- 
tre et  religieux  de  l'ordre  de  Saint- 
Renoit,  prieur  du  monastère  d'An- 
gers, étoit  resté  dans  sa  province 
après  la  suppression  des  cloîtres, 
et  même  après  la  loi  de  déporta- 
tion, rendue  le  2G  août  1792  con- 
tre les  prêtres  non- assermentés, 
dans  le  nombre  desquels  il  méri- 
toit  d'être  compris.  Les  persécu- 
teurs le  recherchèrent  et  le  sai- 
sirent en  1794.  H  fut  traduit  de- 
vant le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement de  Maine  et  Loire, 
siégeant  à  Angers  ;  et,  le  23  mes- 
sidor an  II  (11  juillet  1794)»  'es 
juges  de  ce  tribunal  l'envoyèrent 
à  l'échafaud,  comme  «  prêtre  ré- 
fracta ire  » . 

CIIARANIER  (Jean),  prêtre 
du  diocèse  de  Marseille ,  retiré  à 
Saint  -  Canat  -  de  -  Sauzet ,  près 
Lambcsc ,  en  Provence ,  sans  avoir 
fait  aucun  serment  criminel,  n'y 


CHA 

jouit  pas  long-temps  de  la  sûreté 
que  sembloit  lui  promettre  le  bon 
esprit  de  celte  contrée.  Au  com- 
mencement de  1793,  des  procon- 
suls de  la  Convention  étant  venus 
y  allumer  vivement  la  persécution, 
il  fut  saisi  et  conduit  à  Marseille 
poury  être  jugé,  ou  plutôt  immolé 
par  le  tribunal  criminel  du  dépar- 
tement des  Bouches-du-Rhône. 
Tout  prêtre  catholique  étant  censé 
en  état  de  contre-révolution  aux 
yeux  des  persécuteurs ,  Jean 
Chabanier  fut  condamné,  le  26 
ventôse  an  II  (16  mars  1794) s 
à  périr  sur  l'échafaud,  comme 
«  contre  -  révolutionnaire»  ;  et  sa 
tête  y  fut  abattue  le  lendemain. 

CHABIRAN  (Jean-Raftiste)  , 
prêtre  du  diocèse  d'Angers,  vicaire 
en  la  paroisse  des  Cerqueux-sous- 
Passavant ,  non  loin  de  Maule- 
vrier,  étoit  resté  exposé,  comme 
non-assermenté,  à  tous  les  périls, 
en  continuant  à  subvenir  aux  be- 
soins spirituels  des  catholiques. 
Dans  une  de  ses  courses  aposto- 
liques, il  fut  rencontré,  en  179^, 
dans  la  forêt  de  Maulevrier,  par  les 
troupes  révolutionnaires,  années 
contre  les  Vendéens  {V .  Vendée)  ; 
et  les  soldats  ,  l'ayant  reconnu 
pour  un  prêtre,  l'y  massacrèrent 
à  l'instant. 

CHARRAL  (François),  prêtre 
du  diocèse  de  Limoges,  vicaire  à 
Trouget ,  près  le  Montet ,  ne 
sortit  point  de  France,  quoiqu'il 
fut  proscrit,  comme  non-asser- 
meulé ,  par  la  loi  du  2C  août  1 792. 


CHA 

Il  coniiauoit  à  rendre  son  minis- 
tère utile  aux  catholiques,  dans 
les  temps  difficiles  de  179^;  mais 
il  fut  découvert  et  arrêté.  Ori  le 
traîna  dans  les  prisons  de  Mou- 
lins; et  le  tribunal  criminel  du 
département  de  Y Ailier ,  sié- 
geant en  cette  ville,  ayant  fait 
comparaître  devant  lui  ce  zélé 
vicaire,  le  4  prairial ,  an  II  (s3 
mai  1794),  le  condamna,  comme 
«  prêtre  réfractaire  »,  à  la  peine 
de  mort  qu'il  subit  le  lendemain. 

CHABRIER  (iV....),  prêtre  du 
Puy,  en  Velay,  n'avoit  point  voulu 
faire  le  serment  schismatique  de 
1 79 1  ;  et  néanmoins  il  ne  sortit  pas 
de  France  après  la  barbare  loi  de 
déportation  {V .  J.  B.  Abeillon). 
Retenu  par  les  besoins  spirituels 
des  catholiques  du  diocèse  du 
Puy,  il  exerçoit  son  zèle  au  milieu 
d'eux,  lorsqu'au  commencement 
de  1 794?  '1  fut  arrêté,  jeté  dans  les 
prisons,  et  livré  au  tribunal  cri- 
minel du  département  de  la 
Haute-Loire ,  siégeant  au  Puy. 
On  l'y  condamna  à  la  peine  de 
mort  comme  «prêtre  réfractaire»  ; 
et  il  périt  en  mars  1794-  Nous 
avons ,  pour  le  mettre  au  rang  des 
Martyrs,  le  suffrage  même  de  son 
évêque ,  l'un  de  nos  prélats  les 
plus  distingués  sous  tous  les  rap- 
ports ,  feu  M.  J.  de  Galard  de  Ter- 
raube,  alors  réfugié  à  Saint-Mau- 
rice-en- Valais.  En  annonçant,  par 
une  circulaire  du  mois  d'avril  sui- 
vant, aux  prêtres  de  son  diocèse 
qui  étoient  comme  lui  en  exil,  la 


CHA  3g? 

mort  d'un  de  leurs  confrères  im- 
molé après  Chabrier,  et  un  autre 
de  ses  prêtres ,  il  leur  disoit  : 
«  Un  nouveau  forfait  aussi  barbare 
que  sacrilège  souille  notre  patrie, 
et  illustre  notre  Eglise.  Vous  l'ap- 
prendrez comme  moi  avec  une  pro- 
fonde douleur,  mêlée  d'une  sen- 
sible consolation.  M.  de  Touches, 
prêtre  d'Issengeaux,  vient  de  su- 
bir avec  le  même  héroïsme  chrétien 
le  sort  glorieux  de  MM.  Vacher 
et  Chabrier.  Il  s'est  montré  digne 
d'augmenter  le  nombre  des  Mar- 
tyrs qu'on  invoque  déjà  avec 
succès.  Nous  ne  manquerons  pas 
de  protecteurs  et  de  modèles. 
Puissent-ils  obtenir  enfin  le  salut 
de  la  France  ;  et  puissions-nous 
mériter  nous-même  le  bonheur 
d'y  concourir  sous  leurs  auspices  ! 
S'il  ne  nous  estpas  donné  de  mêler 
notre  sang  au  leur,  puisse  au 
moins  celui  de  ces  généreux  con- 
fesseurs de  notre  Foi ,  féconder 
nos  travaux,  et  en  assurer  à  ja- 
mais le  succès  »  !  (  Pag.  1 1 5  de  la 
traduction  du  Discours  de  Ma- 
rotti,  déjà  cité  :  V.  Atjgier). 

CHADAIGNE  (Louis) ,  culti- 
vateur, demeurant  au  bourg  de 
Neuillé-sur-Ouelte ,  près  Laval , 
dans  le  diocèse  du  Mans;  homme 
plein  de  Foi,  et  qui,  resté  veuf 
avec  une  fille  née  de  son  mariage , 
avoit  accueilli  dans  sa  maison  sa 
sœur  devenue  veuve  elle-même, 
vivoit  patriarcalement,  avec  elles 
deux,  en  son  modeste  domicile.  Il 
s'applaudissoitde  les  voir  partager 


3cj8  CIIA 

les  gentimens  religieux  dont  il 
«toit  animé  ,  et  s'associer  à  toutes 
ses  bonnes  œuvres.  Sa  maison 
devint  l'asile  où  se  réfugioit,  dans 
le  repos  de  ses  courses  aposto- 
liques, un  prêtre  zélé  qui,  pour 
les  besoins  spirituels  des  peuples 
du  canton,  étoit  resté  en  France 
dans  les  temps  les  plus  horribles 
de  la  persécution  (  V.  Dorgueil). 
La  fille  et  la  sœur  de  Chadaigne  le 
secondoient  admirablement  dans 
les  soins  de  cette  généreuse  hos- 
pitalité dont  la  religion  étoit  le 
motif  et  le  but  (  V.  J*  Alix  ). 
Quand  le  prêtre  fut  arrêté ,  Cha- 
daigne le  fut  également  ;  et,  avec 
eux,  on  emmena  aussi  dans  les 
prisons  sa  fille  et  sa  sœur.  En  y 
allant,  ces  trois  derniers  se  félici- 
toient  mutuellement  de  la  bonne 
action  pour  laquelle  on  les  emme- 
noit.  Tous  quatre  furent  traduits 
ensemble  devant  la  commission 
révolutionnaire  de  Laval ,  le 
9  messidor  an  II  (27  juin  1794)* 
Le  président  proposa  à  Chadaigne 
de  faire  le  serment  de  liberté- 
égalité.  —  «  ÎNon,  répliqua-t-il , 
avec  une  sévère  franchise:  point 
de  serment  ;  menez-moi  plutôt  à 
la  guillotine  » .  Le  président  ajouta  : 
<i  Pourquoi  as- tu  caché  ce  cafo- 
tin-là  »  (en  montrant  Dorgueil)  ? 
Chadaigne  répliqua  :  «  Si  c'étoit 
encore  à  faire,  je  le  ferois  ».  Il 
n'en  falloit  pas  tant  pour  être  digne 
de  mort  :  les  réponses  des  deux 
femmes  correspondirent  aux  sien- 
nes; et  celles  du  prêtre  Dorgueil 


CHA 

ne  furent  pas  moins  généreuses. 
La  même  sentence  les  condamna 
tous  les  quatre  à  périr  sur  l'écha- 
faud  :  on  la  trouvera  ù  l'article  de 
Dorgueil.  Ce  bon  prêtre,  désolé 
d'avoir  occasionné  la  mort  de  ses 
hôtes,  leur  en  témoignoit  sa  dou- 
leur; Chadaigne  et  sa  fille,  avec 
sa  sœur,  l'interrompirent,  en  lui 
disant  :  «  Pourquoi  vous  affligez- 
vous  de  ce  qui  fait  notre  bonheur 
et  notre  gloire  ?  Cessez  de  nous 
plaindre  :  c'est  une  bien  grande 
consolation  pour  nous  de  mourir 
avec  vous  ,  et  d'être  associés  à 
votre  martyre  :  c'est  nous  plutôt 
qui  vous  avons  obligation  » .  Tous 
les  trois  voulurent  encore  être  con- 
fessés par  lui  avant  d'aller  au  sup- 
plice ;  et  en  s'y  rendant,  ils  s'en- 
tretenoient  avec  lui  du  bonheur  de 
mourir  pour  la  cause  de  J.-C. 
Chadaigne,  choisi  le  premier  pour 
être  immolé,  monta  sur  l'éeha- 
faud  sans  proférer  une  seule  pa- 
role ;  mais  le  calme  et  la  sérénité 
qui  briiloient  sur  son  visage  attes- 
toient  sa  confiance  dans  la  Divi- 
nité qui  couronne  à  l'instant  ceux 
qui  meurent  pour  sa  sainte  cause. 
Sa  fille  fut  appelée  immédiatement 
après  lui  pour  subir  la  même  peine, 
et  recevoir  la  même  récompense. 
(V.  Louise  Chadaigne.) 

CHADAIGNE  (Louise),  de- 
meurant avec  son  père  ,  à  Neuillé- 
sur-Ouette,  participa  à  ses  mérites 
aux  yeux  de  la  religion ,  et  à  ses 
torts  aux  yeux  des  persécuteurs, 
dans  l'asile  qu'il  donnoit  au  prêtre 


CHA 

Dorgueil,  comme  dans  ses  autres 
bonnes  œuvres.  On  a  vu  à  l'article 
précédent  qu'elle  lut  arrêtée  avec 
eux  et  avec  sa  tante  dont  il  va  être 
parlé  :  l'on  sait  déjà  comment  tous 
les  quatre  furent  condamnés  le 
9  messidor  an  II  (27  juin  1794)  & 
périr  sur  l'échafaud  de  Laval,  et 
avec  quelle  piété,  quel  courage, 
tous  les  quatre  marchèrent  au  sup- 
plice. Mais  ce  qu'il  y  a  de  parti- 
culier dans  la  mort  de  Louise  Cha- 
daigne ,  et  dont  il  importe  de 
conserver  la  mémoire ,  c'est  qu  'ap- 
pelée sur  l'échafaud  immédiate- 
ment après  son  père,  et  pendant 
que  le  bourreau  l'attachoit  sur  la 
planche  fatale,  devenue  son  lit  de 
mort,  elle  disoit  d'un  ton  affec- 
tueux :  «  Jésus,  ayez  pitié  de  moi  ! 
Jésus,  pardonnez  -  moi  !  Jésus, 
mon  amour!  Jésus,  Jésus,  Jé- 
sus.... »  Elle  prononçoit  encore 
cette  douce  invocation,  quand  le 
fer  de  la  guillotine  fit  tomber  sa 
tête.  (  V.  l'article  suivant.) 

CHADAIGNE  (Jeanne),  sœur 
de  Louis,  et  tante  paternelle  de 
Louise  (V.  les  deux  précédons), 
ayant  perdu  son  mari ,  appelé 
Boulay,  étoit  venue  demeurer  avec 
son  frère;  et,  de  concert  avec  sa 
jeune  nièce,  elle  partageoit  ses 
travaux  et  adoucissoit  ses  peines. 
Non  moins  pieuse  que  lui,  elle 
«toit  pour  la  jeune  Louise  une 
seconde  mère,  de  qui  celle-ci  re- 
cevoit  autant  de  bons  exemples 
que  de  soins  maternels.  Comme , 
dans  cette  famille  patriarcale,  il 


CHA  S99 

n'y  avoit  qu'un  cœur  et  qu'une 
âme,  Jeanneconcourut  autant  que. 
Chadaigne  et  Louise,  à  procurer 
une  généreuse  hospitalité  au  prêtre 
Dorgueil,  dont  la  tête  étoit  me- 
nacée par  les  impies.  Quand  il  fut 
découvert  en  cette  sainte  maison, 
et  qu'on  l'y  arrêta  avec  Louis  Cha- 
daigne et  sa  fille,  Jeanne  Boulay 
eut  le  même  sort.  Les  circons- 
tances de  son  emprisonnement  et 
de  sa  condamnation  au  dernier 
supplice,  comme  «  recéleuse  de 
prêtres  réfractaires  » ,  ont  été  déjà 
racontées.  Jeanne  marcha  à  la 
mort  avec  la  même  fermeté  que 
les  trois  autres.  Elle  vit  immoler 
avant  elle  son  frère  et  sa  nièce. 
Quand  son  tour  fut  venu  de  monter 
a  l'échafaud,  dès  la  première  mar- 
che elle  se  mit  à  chanter  d'une  voix 
angélique  un  cantique  très-connu 
dans  le  pays  en  l'honneur  de  la 
Sainte-Vierge;  et  elle  le  chanta 
ayec  une  telle  présence  d'esprit, 
qu'elle  y  fit  des  variantes  analogues 
ù  la  circonstance  où  elle  se  trou- 
voit.  Il  y  avoit  dans  un  des  cou- 
plets de  ce  cantique  d'invocation  : 

«  Et  quand  ma  dernière  heure 
Viendra  fixer  mon  sort,  » 

Jeanne  dit  : 

«  Voici  la  dernière  heure 
Qui  va  fixer  mon  sort.  » 

On  remarqua  avec  une  sorte  de 
consolation  que  sa  voix  étoit  aussi 
assurée',  que  si  elle  eût  chanté  dans 
une  paisible  et  sainte  réunion  de 
ses  amies.  Le  jour  de  sa  mort  fut 


4oo  C1ÎA 

le  27  juin  1794-  Le  prêtre  Dor- 
gueil  périt  immédiatement  après 
elle  ;  et  ces  quatre  exécutions  fu- 
rent aussitôt  suivies  de  celles  de 
deux  jeunes  gens  du  même  bourg 
de  Neuillé-sur-Ouette,  quiétoient 
condamnés  à  la  même  peine  pour 
n'avoir  pas  voulu  faire  le  serment 
de  liberté  -  égalité ,  ni  se  ranger 
sous  les  drapeaux  de  l'armée  ré- 
publicaine :  actions  qui  leur  sem- 
bloient  également  contraires  à  la 
religion  [V.  P.  Jh Daucher).  Aus- 
sitôt après  avoir  entendu  leur  sen- 
tence, ils  avoient  entonné  le  Te 
Deum  laudamus ,  et  l'avoient 
chanté  jusqu'au  lieu  du  supplice. 
Ils  achevoient  cette  hymne  d'ac- 
tion de  grâces ,  quand  leur  tête 
tomba  sous  le  fer  de  la  guillotine  : 
circonstance  mille  fois  admirable, 
qu'on  retrouvera  souvent  dans  la 
mort  de  nos  Martyrs,  et  que  les 
anciens  auteurs  ecclésiastiques  ra- 
contaient de  quelques  uns  des 
leurs  avec  un  enthousiasme  propre 
à  faire  croire  que  leurs  imitateurs 
ne  seroient  pas  nombreux  dans  la 
suite  :  Nec  verà  cantus  Me  con- 
tinenter  audiri  desiit ,  donec 
accepto  ielhali  vuinere  marty- 
rium  consummârunt.  (Asse- 
man.  Pars  ia,  page  91 ,  in  mar- 
tyrio  SS.  Schiadhustis  et  So- 
ciorum,.  )  Nous  aurions  consigné 
leurs  noms  dans  notre  Martyro- 
loge, si  nous  ayions  pu  les  dis- 
cerner dans  la  multitude  des 
victimes  que  fit  périr  la  commis- 
sion révolutionnaire  de  Laval. 


CHA 

{V.  Burin  ,  de  Conné ,  et  P. 
Convole.) 

CHAICNEAU  (  Gullaume ) , 
prêtre.  [V.  G.  Graviere.) 

CHAILLOT  (2Y...),  chanoine 
de  Nevers,  méritoit  par  la  cons- 
tance de  sa  Foi  d'être  compté 
parmi  les  ecclésiastiques  dont  la 
constitution  civile  du  clergé 
n'avoit  pu  séduire  lu  conscience. 
La  loi  de  déportation  du  26  août 
1 792  l'auroit  forcé  à  s'exiler,  si  son 
âge  de  soixante  ans  ne  lui  avoit 
semblé  devoir  l'en  dispenser,  à  la 
condition  toutefois  de  rester  en- 
fermé sous  la  surveillance  des  ad- 
ministrateurs de  son  département , 
qui  étoit  celui  de  la  Nièvre. 
Les  révolutionnaires  n'en  jugèrent 
pas  d'abord  ainsi.  Chaillot  fut 
arrêté  pour  être  envoyé  à  l'écha- 
faud  comme  «  réfractaire  »  à  la 
loi  de  déportation.  Cependant , 
ayant  égard  à  son  âge  ,  on  le  ré- 
serva pour  l'associer  au  sort  des 
sexagénaires  ou  infirmes  reclus  à 
Nevers.  Lorsque  ceux-ci  furent 
brusquement  enlevés ,  en  février 
1 794  ,  pour  être  envoyés  à  Nantes , 
on  leur  adjoignit  le  chanoine 
Chaillot  (F.  Nevers).  Il  fut  donc 
transporté  avec  eux  à  Nantes,  oiï 
l'on  présumoit  qu'ils  périroient 
bientôt  (F.  Nantes).  La  Foi  de 
cet  ecclésiastique  le  soutint  dans 
les  peines  du  voyage,  et  même 
encore  parmi  les  tourmens  du  fond 
de  cale  de  la  galiote,  où  ils  furent 
comme  ensevelis  dans  le  port  de 
cette  ville.  Survivant  à  trente  de 


CHA 

ses  confrères,  lorsque,  pour  avoir 
l'air  d'user  de  moins  de  rigueur 
envers  ceux  qui  restoient,  on  les 
fit  passer  à  Brest ,  le  chanoine 
Chaillot  n'y  vint  que  pour  y  mou- 
rir. Les  forces  de  son  tempérament 
se  trouvoient  épuisées  par  des 
tourmens  de  tout  genre  :  on  ne 
put  se  dispenser  de  le  transporter 
à  l'hôpital  de  Saint-Louis ,  où  il 
expira  dans  les  hras  du  Seigneur 
le  25  novembre  1794  {V.  Caseau, 
de  Nevers,  Cantat,  de  La  Nocle, 
et  Chapeaii,  d'Angers.) 

CHAILLOU  (Louise),  sœur 
Converse  d'un  couvent  de  Vezin, 
près  Rennes  ,  conservoit  au  milieu 
du  monde  la  ferveur  de  son  cloître, 
d'où  l'avoit  exclue  la  suppression 
des  ordres  monastiques.  Elle  fut 
surprise  par  des  impies,  dans  le 
temps  de  l'atroce  guerre  qu'ils  fai- 
soient  aux  Vendéens  [V .  Vendée). 
Ils  massacrèrent  cette  pieuse  fille 
à  Vezin  même  ;  et  non  contens  de 
lui  avoir  porté  des  coups  mortels, 
ils  lui  arrachèrent  les  yeux,  et  la 
coupèrent  en  morceaux. 

CHALENDAS  (Marie-Anne), 
femme.  [V .  M.  A.  Abrial.) 

CHALYER  (Michel),  simple 
ouvrier  à  journées  du  Bourg- 
Argental,  dans  le  Forez,  au  dio- 
cèse de  Lyon,  né  dans  le  terri- 
toire de  Tiranges  ,  même  dio- 
cèse ,  et  parvenu  ,  dans  sa  pauvre 
et  pénible  condition,  à  l'âge  de 
53 ans,  avoit  conservé  un  profond 
attachement  à  la  Foi  catholique  , 
au  milieu  des  impiétés  révolu- 


CHA  401 

tionnaires.  Indigné  de  ce  qu'en 
même  temps  qu'on  profanuit, 
qu'on  démolissoit  les  églises,  on 
renversoit  les  croix  des  chemins 
et  des  places  ,  et  on  leur  sub- 
stituoit  des  arbres  de  liberté,  re- 
gardés avec  justice  comme  des 
étendards  d'irréligion  ,  il  en  té- 
moigna son  indignation  à  deux  de 
ses  amis,  voués  aux  mêmes  tra- 
vaux (V.  Francon,  et  Lacuaux). 
D'un  commun  accord,  ils  allèrent 
abattre  un  de  ces  arbres  dans 
la  paroisse  de  Véranne ,  où  ils 
travailloient ,  et  rétablirent  à  sa 
place  la  croix  qui  y  étoit  aupara- 
vant. Cet  acte  solennel  de  re- 
ligion irrita  extrêmement  les 
agens  des  persécuteurs;  ils  arrê- 
tèrent Chalyer  avec  ses  deux 
amis.  Amené  comme  eux  à 
Lyon  ,  il  y  fut  condamné  par 
la  commission  révolutionnaire, 
à  la  peine  de  mort,  pour  cette 
action-  là  même  ,  et  comme  émi- 
nemment a  fanatique  » .  Le  juge- 
ment est  du  25  ventôse  an  H 
(i5  mars  1794):  ils  furent  exé- 
cutés le  même  jour.  On  ne  peut 
alléguer  contre  eux  ce  canon  60' 
du  concile  d'Elvire,  en  ooô,  por- 
tant que  «  Quiconque  briseroit  les 
idoles  et  seroit  tué  dans  cette  ac- 
tion ,  ne  seroit  point  admis  au 
nombre  des  Martyrs  ,  parce  qu'on 
ne  voyoit  pas  que  les  apôtres  eus- 
sent jamais  fait  de  pareils  actes  de 
violence  »  .  Ici  la  religion,  régnant 
depuis  des  siècles  dans  ces  con- 
trées, devoit  y  avoir  pour  déftn- 
26 


402  CHA 

seurs  de  ses  droits,  tous  ceux  qui 
lui  dévoient  le  bonheur  de  leur 
conscience  et  de  leur  pays.  Ces 
trois  généreux  hahitans  ne  firent 
que  replacer  au  lieu  d'où  l'impiété 
l'avoit  exclu  par  violence ,  pour 
y  dresser  son  infâme  étendard  , 
un  signe  religieux  qui  leur  apparte- 
noit.  Seroient-ils  donc  moins  de 
vrais  Martyrs  que  ce  zélé  chrétien 
de  Nicomédie,  honoré  comme  tel 
par  l'Eglise ,  parce  qu'il  fut  envoyé 
à  la  mort  pour  avoir  arraché  un 
édit  impie  de  Dioclétien,vers  298? 
Eusèbe  l'a  célébré  comme  Martyr 
dans  son  Hist.  EccL ,  1.  VIII  (1)  ; 
et  on  le  trouve  dans  les  Martyro- 
loges d'Adon,  d'Usuard  et  autres , 
tantôt  sous  le  nom  de  Jean,  au  7 
septembre,  tantôt  sous  celui  de 
George,  au  23  avril  (2).  Lactance 
loue  aussi  beaucoup,  non  préci- 
sément son  action,  mais  son  zèle 
et  les  sentimens  qui  la  lui  firent 


(1)  Zelo  quidem  dwino  commotus , 
et  ardore  Fidci  incitalus ,  edictum  illud 
in  publico  et  illustri  urbis  loco  ajjixum 
detraxit,  et  tanquam  impium  ttc  sce- 
lestum  manibus  suis  discerpsit...Statim 
ea  supplicia  perpessus  quœ  post  tein- 
tant audaciam  ei  injligenda  esse  credi- 
bde  erat ,  lœtitiam  ac  tranquillitatem 
animi  usque  ad  ultimwn  spiriluni  con- 
servuvit  (cap.  v). 

(2)  Nicomediœ  ,  natalis  bcali  Joan- 
nis  Martjris ,  qui  cùm  videret  crudelia 
edicta  adversùs  christianos  in  foro 
penderc ,  Fidei  ardore  accensus ,  in- 
jecta manu  Ma  detraxit  atque  discerp- 
sit  (  Martyrologium  Romanum  ,  die 
septimd  septembris). 


ClIA 

entreprendre  (5).  Chalyer  et  ses 
deux  compagnons  eurent  un  mé- 
rite de  plus,  et  un  mérite  plus 
explicitement  évangélique,  puis- 
qu'ils n'arrachèrent  l'arbre  impie 
que  pour  rétablir  le  signe  de  la 
rédemption  dont  il  avoit  usurpé 
la  place.  {V .  Castillon,  et  Cha- 
puis.  ) 

CHAMBEAU  (ZV...),  curé  de 
Saint-Jouin-sous-Mauléon  ,  près 
Châtillon,  dans  le  diocèse  de  La 
Rochelle,  y  ayant  été  retenu  par 
la  piété  de  ses  paroissiens,  mal- 
gré la  loi  qui  l'avoit  proscrit , 
comme  prêtre  insermenté  ,  fut 
atteint  en  1790  par  les  troupes  de 
la  Convention,  pendant  la  cruelle 
guerre  qu'elles  faisoient  aux  Ven- 
déens [V.  Vendée).  Elles  le  mas- 
sacrèrent de  la  manière  la  plus 
barbare,  se  vengeant  ainsi  sur  sa 
personne,  de  la  Foi  des  habitans, 
comme  de  la  sienne  propre. 

CHAMBELLAN D  DE  LA  SO- 
RINIÈRE  (iV...),  pieuse  demoi- 
selle du  Poitou  ,  vivant  avec  sa 
belle-soeur  dans  la  pratique  de  ses 
devoirs  de  religion,  fut,  pour  ce 
motif,  enlevée  avec  elle  par  les 
soldats  de  la  Convention.  On  l'en- 
voya ensuite  à  Nantes,  où  elle  fut 


(3)  Quod  edictum  quidam  (  de 
plcbe)  etsi  non  reclè,  magno  tamen 

animo  diripuit  et  conscidit  stalim  - 

queproductus ,  non  modo  extorlus  ,  sed 
etiam  lentissùnè  coctus,  cum  admira- 
bili  patientia  postremà  exustus  est 
(  Liber  de  Mortibus  Persecutorum , 
c.  xciii  ). 


CHA 

noyée  avec  sa  belle-sœur  et  quatre 
des  autres  victimes,  le  lendemain 
des  fêtes  de  Noël,  1795.  [V . 
Nantes.  ) 

CHAMBELLAN D  DE]  LA  SG- 
RINIÈRE  (IV...),  pieuse  dame  du 
Poitou,  fut  enlevée  de  son  domi- 
cile avec  sa  belle-sœur,  comme  fa- 
natique, c'est-à-dire  professant  la 
religion  catholique,  et  en  remplis- 
sant les  devoirs  avec  beaucoup 
d'édification.  Les  impies  qui  les 
avoientainsi  arrachées  à  leur  sainte 
retraite,  les  envoyèrent  à  Nantes, 
où  le  proconsul  Carrier  faisoit 
noyer  toutes  les  victimes  que  la 
guillotine  et  les  fusillades  ne  suf- 
lisoientpasa détruire  (  V.  Nantes). 
Il  la  fit  submerger  avec  sa  sœur 
<et  quatre  cents  autres  dans  ses 
bateaux  à  soupapes,  le  lendemain 
des  fêtes  de  Noël,  1793. 

CHA  M  BON,  chanoine.  (  V. 

R.  DuCHAMBON.) 

CHAMBORAN  (Marie-Cathe- 
bine-Gadrielle  de),  religieuse, 
Carmélite  du  couvent  de  Saint- 
Denys  ,  née  à  Confolens ,  aux  con- 
fins de  la  Marche  et  du  Poitou, 
en  1735,  s'étoit  retirée  paisible- 
ment dans  une  maison  particulière 
de  la  ville  de  Saint-Denis,  après 
la  suppression  des  clôtures  reli- 
gieuses en  1791.  Elle  continuoit 
d'y  observer  la  règle  de  sainte 
Thérèse,  autant  que  les  circons- 
tances pouvoient  le  lui  permettre. 
Elle  avoit  été  l'une  des  plus  fer- 
ventes religieuses  de  son  couvent  ; 
et  son  âge  de  5g  ans,  comme  ses 


CHA  403 
inclinations  et  ses  habitudes ,  ne  lui 
permettoient  aucunement  de  se 
livrera  des  complots  contre-révo- 
lutionnaires. Mais  elle  étoit  vouée 
à  Dieu  ;  elle  persévéroit  dans 
les  sentimens  et  les  vertus  de  son 
état  :  il  n'en  falloit  pas  davantage 
pour  que  les  impies  agens  de  la 
Convention  lavouassentàlamort. 
Elle  fut  donc  arrêtée,  amenée  à 
Paris;  et,  après  l'avoir  laissée 
quelques  semaines  dans  les  pri- 
sons, on  la  traduisit  devant  le  tri- 
bunal révolutionnaire.  Les  pré- 
textes ne  manquoientpasaux  juges 
pour  condamner  leurs  victimes. 
Tout  vagues  et  invraisemblables 
qu'ils  éloient,  la  sentence  de  mort 
n'en  étoit  pas  moins  prononcée. 
Quand  les  juges  avoient  assez  em- 
ployé la  qualification  de  fana- 
tique, ils  en  mettoient  d'autres 
en  usage  avec  la  même  intention  , 
sans  s'inquiéter  de  leur  invraisem- 
blance. Ils  condamnèrent  la  car- 
mélite de  Chamboran  à  la  peine 
de  mort,  comme  «  convaincue 
d'avoir  fourni  des  sommes  im- 
menses aux  puissances  coalisées 
contre  la  république  ».  Le  juge- 
ment fut  rendu  et  exécuté  le  même 
jour  (  7  germinal  an  II  ) ,  27  mars 
1794.  Cette  religieuse  étoit  restée 
liée  d'amitié  et  d'inclination  avec 
la  prieure  des  Carmélites  de  Com- 
piègne,  Marie-Charlotte  Lidoine. 
Celle-ci,  apprenant  que  la  sœur  de 
Chamboran,  malgré  la  faiblesse 
inséparable  de  son  grand  âge , 
étoit  allée  à  la  mort  avec  tout  le 


4<>4  CHA 

courage  des  anciens  Martyrs,  en 
témoigna  sa  joie  à  ses  filles  par  un 
discours  propre  à  les  exciter  de 
plus  en  plus  à  la  gloire  du  mar- 
tyre. {V.  Lidoine.) 

C  H  A  31 P  A  G  N  E  (  Antoine- 
Louis),  prêtre,  chanoine  et  grand- 
chantre  de  l'église  cathédrale  de 
Troyes,  n'ayant  point  fait  le  ser- 
inent de  1 79 1 ,  et  ne  se  croyant  pas 
soumis  à  la  loi  de  la  déportation  , 
n'étoit  point  sorti  de  France.  La 
persécution  lui  donnant  cependant 
des  alarmes  à  Troyes,  il  s'en  éloi- 
gna, et  vint  se  réfugier  à  la  Ferté- 
Gaucher,  chez  une  nièce  qui,  par 
principe  de  religion,  lui  donna 
chez  elle  un  asile  secret  (  V.  Nar- 
ket).  Il  y  fut  découvert,  dans  une 
visite  domiciliaire  qu'y  faisoient 
les  agens  de  la  persécution  ;  et 
ils  la  saisirent  avec  lui.  Tous  les 
deux  furent  amenés  à  Paris ,  et 
traduits  devant  le  tribunal  révolu- 
tionnaire. Les  juges  condamnè- 
rent le  chanoine  Champagne  à  la 
peine  de  mort,  comme  «  con- 
vaincu d'avoir  composé  et  distri- 
bué des  écrits  (religieux  et  catho- 
liques) tendans  au  rétablissement 
de  la  royauté,  et  à  la  dissolution 
de  la  Convention  nationale,  les- 
quels étoient  attentatoires  à  la  sou- 
veraineté du  peuple«.  La  sentence 
fut  prononcée  le  14  nivose  an  II 
(  3  janvier  1794) :  elle  condamna 
la  généreuse  hôtesse  du  chanoine 
à  la  même  peine  ;  et  tous  les  deux 
périrent  ensemble  le  même  jour. 
CHAMPAGNE  (Auccste), 


CHA 

curé  de  Vic-de-Chassenay ,  près 
Semur,  dans  le  diocèse  d'Autun, 
aima  mieux  être  expulsé  violem- 
ment de  sa  cure ,  que  de  faire  le 
serment  coupable  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé.  En  butte 
dès  lors  aux  persécutions  des  im- 
pies réformateurs,  il  se  trouva, 
comme  prêtre  insermenté ,  dans  le 
cas  de  ceux  que  la  loi  de  déporta- 
tion du  26  août  1792  vint  con- 
damner à  sortir  de  France.  11  en 
pwoissoit  néanmoins  dispensé  par 
cette  loi  même,  à  raison  de  son 
âge  et  de  ses  infirmités;  mais  elle 
le  condamnoit  alors  à  la  réclusion, 
sous  la  verge  des  persécuteurs.  H 
fut  traîné  dans  une  maison  de 
détention,  à  Dijon.  Enfermé, 
comme  «  réfractaire  » ,  c'est-à-dire 
comme  confesseur  de  la  Foi ,  il 
ne  manqua  pas  au  martyre,  sui- 
vant l'expression  de  saint  Cyprien  ; 
et,  quoique  les  derniers  tourmens 
du  martyre  lui  aient  manqué,  il 
n'en  mérita  pas  moins  la  récom- 
pense, quand  il  mourut  dans  les 
fers,  le  01  décembre  1790.  (  V. 
C.  ViOT,  et  P.  Donneux.) 

CHAMPIGIN Y  (Charles),  curé 
dans  le  diocèse  de  Poitiers ,  et 
peut-être  à  Rémeneuil,  près  Châ- 
tellerault ,  où  il  fut  arrêté  en  1 793 , 
avoit  généreusement  refusé  le  ser- 
ment de  1 79 1  ;  et ,  pour  continuer 
de  remplir  son  devoir  pastoral  à 
l'égard  de  ses  paroissiens ,  il  ne 
s'étoit  point  soumis  à  l'inique  loi 
de  la  déportation.  Jeté  d'abord 
dans  les  prisons  de  Poitiers,  il  fut 


CHA 

traduit ,  le  28  ventôse  an  II 
(sSmars  1794)5  devant  le  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
Vienne,  siégeant  en  cette  ville; 
et,  ce  jour-là  même,  les  juges  le 
condamnèrent  à  la  peine  de  mort, 
comme  «prêtre  réfractai  re  » .  Il 
fut  décapité  de  suite,  à  l'âge  de 
5g  ans. 

CHANCELLE  (Alizier),  né  à 
Châtillon,  dans  le  comtat  Venais- 
sin  ,  et  curé  de  Visan  ,  près  de 
Valréas,  même  comtat,  y  étoit 
resté  avec  une  confiance  que  sem- 
bloit  justifier  le  bon  esprit  des  habi- 
tans.  Elle  fut  cruellement  trompée 
au  commencement  de  1794?  lors- 
que la  persécution  fit  une  irrup- 
tion si  sanglante  dans  cette  pro- 
vince (  V.  Orange  ).  Le  curé 
Chancelle ,  traîné  dans  les  prisons 
d'Orange,  fut  traduit,  le  9  mes- 
sidor an  II  (27  juin  1794)?  devant 
la  farouche  commission  'populaire 
qui  jugeoit  en  cette  ville;  et  elle 
l'envoya  à  l'échafaud ,  comme 
«  contre-révolutionnaire» .  (  V.  J. 
P.  Boyer ,  et  Mc  Th*  Charransoi.) 

CHANSOLLE  (  Marie  ),  reli- 
gieuse. {V.  Genès.) 

CHANTEGRAUD  (Joseph), 
chanoine.  {V.  JhPAiGNON.) 

CHANTEMERLE  (  Amabie- 
Benoît),  prêtre  du  diocèse  de 
Clermont  en  Auvergne ,  né  à 
Thiers,  près  Clermont,  en  1757, 
avoit  cru  trouver  à  Paris  un  asile 
sûr  contre  la  persécution ,  en 
&'y  renfermant,  aux  yeux  des  per- 
eécuteurs,  dans  la  condition  d'ins- 


CHA  4o5 

tituteur  et  d'homme  de  lettres.  On 
n'avoit  nulle  raison  de  le  proscrire 
comme  non  -  assermenté  ,  puis- 
qu'on ne  pouvoit  dire  qu'il  eût  été 
dans  les  catégories  des  prêtres 
astreints  au  serment  de  1791  ; 
mais  on  avoit  contre  lui  le  grief 
de  son  sacerdoce.  Il  fut  donc  ar- 
rêté et  jeté  dans  les  prisons  du 
tribunal  révolutionnaire,,  devant 
lequel  il  comparut  le  12  prairial 
an  II  (5i  mai  1794)-  C'étoitdéjà 
l'époque  où  les  juges,  sans  prendre 
la  peine  de  faire  des  procédures, 
et  cachant,  autant  qu'ils  le  pou- 
voient,  sous  de  vagues  accusa- 
tions ,  leur  haine  contre  les  prê- 
tres ,  les  envoyoient  à  la  mort 
comme  «  conspirateurs  et  contre- 
révolutionnaires  »,  par  cela  seul 
qu'ils  étoient  restés  prêtres  catho- 
liques. Tel  fut  donc  le  prétexte 
avec  lequel,  ce  jour-là  même,  le 
prêtre  Chantemerle  fut  condamné 
à  périr  sous  le  fer  de  la  guillotine  ; 
et  l'exécution  suivit  de  près  la 
sentence. 

CHANTEREL  (Germain),  curé 
dans  le  diocèse  d'Angers ,  et  pro- 
bablement à  Saint  -  Poix  ,  près 
Craon ,  où  il  résidoit  lorsqu'il  fut 
arrêté  en  1795,  n'avoit  point  fait 
le  serment  schismatique.  Son  atta- 
chement aux  devoirs  de  sa  charge 
pastorale  l'avoit  détourné  d'obéir 
à  l'inique  loi  de  la  déportation  ;  et , 
quand  il  fut  traduit  devant  la  com- 
mission militaire  établie  à  Ren- 
nes ,  le  3  nivose  an  II  (  23  dé- 
cembre 1793),  il  fut  condamné 


4o6  CHA 

par  elle  à  la  peine  de  mort,  comme 
«  prêtre  réfractaire  » .  L'exécution 
eut  lieu  le  même  jour. 

CHAPEAU  (IV...),  prêtre  plus 
que  sexagénaire  d'Angers,  y  étoit 
enfermé  dans  une  maison  de  ré- 
clusion, d'après  la  loi  de  dépor- 
tation du  26  août  1792,  comme 
s'étant  refusé  à  prêter  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du  clergé,  et  ayant  passé  l'âge 
où  il  falloit  se  déporter  soi-même. 
Paisible  et  résigné,  avec  soixante 
et  douze  autres  prêtres  septuagé- 
naires ou  infirmes  qui  parta- 
geoient  sa  captivité ,  il  com- 
prit qu'il  étoit  destiné  à  de  plus 
grandes  épreuves,  quand  il  vit 
disparoître  cinquante-huit  d'entre 
eux,  vers  la  fin  de  l'automne 
1795.  Lorsqu'ensuite  passèrent  en 
cette  ville  les  soixante  et  un  prêtres 
de  la  Nièvre,  presque  tous  vieil- 
lards, que  l'on  traînoit  à  Nantes, 
en  mars  1794?  Ie3  révolution- 
naires d'Angers  imaginèrent  tout 
à  coup  de  se  débarrasser  de  ce  qui 
leur  restoit  des  leurs,  en  les  faisant 
partir  avec  ceux  de  Nevers  (  V. 
Nevers).  Chapeau  leur  fut  brus- 
quement réuni,  ainsi  que  les  qua- 
torze confrères  qui  étoient  encore 
dans  le  même  lieu  dedétention.Les 
douleurs  extrêmes  qu'ils  eurent  à 
souffrir  dans  le  voyage,  et  ensuite 
au  fond  de  cale  de  la  galiote  hol- 
landaise du  port  de  Nantes,  où  ils 
furent  enfermés  au  nombre  de 
soixante-seize ,  étoient  suppor- 
tées par  Chapeau  avec  tout  le 


CHA 

courage  que  peuvent  donner  la 
Foi  la  plus  vive  et  la  ferme  ré- 
solution de  mourir  plutôt  que 
de  manquer  aux  devoirs  de  sa 
conscience.  Il  succomba  sous  tant 
de  peines,  dans  la  galiote,  vers  le 
commencement  d'avril  1794-  {V • 
Bruneac,  et  Ganault;  Chaillot, 
de  Nevers ,  et  Chezeac  ,  Béné- 
dictin.) 

CHAPELAIN  (IV...),  prêtre 
du  diocèse  de  Poitiers,  vicaire  en 
la  paroisse  des  Epesses  ,  canton 
des  Herbiers ,  défenseur  infati- 
gable de  la  Foi,  et  zélé  pour  les 
devoirs  de  son  ministère,  fut  sur- 
pris par  les  soldats  de  la  Conven- 
tion, lors  de  la  guerre  impie  qu'ils 
faisotent  aux  Vendéens  ;  et  ces 
soldats  le  massacrèrent  dans  la 
paroisse  même  des  Epesses  ,  vers 
la  fin  de  1793.  (V.  Vendée.) 

CHAPELLE  (IV...  ),  prêtre 
du  diocèse  de  Saint-Brieuc ,  habi- 
tant de  Plémet,  et  desservant  l'é- 
glise de  ce  bourg,  conservoit,  à 
l'âge  de  plus  de  60  ans,  le  même 
zèle  par  lequel  son  ministère  s'é- 
toit  fait  distinguer,  dans  une 
longue  carrière  apostolique.  Non 
seulement  il  refusa  le  serment  de 
la  constitution  civile  du  clergé, 
il  la  blâmoit  encore  très  -  haute- 
ment, et  prêchoit  sans  pusilla- 
nimité contre  les  erreurs  des 
novateurs  du  temps.  Us  le  dé- 
noncèrent à  l'administration  du 
district  de  Loudeac ,  et  à  celle 
du  département  des  Côtes-du- 
Nord  y   séant  à  Saint-Brieuc. 


CHA 

Elles  le  firent  arrêter  et  conduire 
à  la  tour  de  Dinan,  où  étoient 
détenus  des  prêtres  qu'elles  appe- 
loient  suspects.  Lorsqu'en  sep- 
tembre 1792,  elles  se  mirent  à 
faire  exécuter  le  décret  de  la  dé- 
portation des  prêtres  fidèles ,  Cha- 
pelle qui,  à  raison  de  son  âge, 
s'en  trouvoit  excepté  ,  se  croyant 
libre  par  cela  même,  aima  mieux 
revenir  dans  la  paroisse  de  Plé- 
met ,  que  de  suivre  ses  confrères 
de  détention,  qui  se  rendoient 
à  Jersey.  L'église  paroissiale  de 
Plémet  avoit  été  dévastée  par  les 
impies  dans  l'intervalle  :  il  ne  put 
y  reprendre  ses  fonctions  ;  mais 
son  zèle  n'en  fut  point  déconcerté. 
Une  chapelle  dédiée  à  saint  Lu- 
bin,  dans  le  voisinage,  lui  parut 
suffisante  pour  l'exercice  de  son 
ministère  :  en  cela,  cependant,  il 
gardoit  les  mesures  que  prescri  voit 
la  prudence,  pour  n'être  point 
surpris ,  craignant  bien  davan- 
tage qu'on  ne  privât  les  habitans 
d'un  ministre  de  salut,  que  d'être 
lui-même  la  proie  des  persécu- 
teurs. Un  jour  qu'il  traversoit  un 
champ,  tenant  un  livre  à  la  main, 
des  soldats  révolutionnaires  l'ayant 
aperçu  ,  fondirent  sur  lui.  Re- 
connoissant  bientôt  que  ce  livre 
étoit  un  bréviaire,  ils  en  conclu- 
rent que  celui  qui  le  lisoit  étoit 
un  prêtre ,  et  l'assommèrent  aussi- 
tôt à  coups  de  crosse  de  fusil, 
'fous  les  catholiques  du  pays  le 
regrettèrent,  non  seulement  à 
cause  des  services  spirituels  qu'il 


CHA  407 

leur  rendoit,  mais  encore  pour 
ses  bons  exemples.  Sa  mort,  qui 
eut  lieu  dans  les  derniers  mois  de 
1793,  laissa  un  grand  vide  parmi 
les  prêtres  dévoués  au  salut  de? 
âmes  dans  ce  canton. 

CHAPOT  (iV...),curé  de  Mon- 
tagni,  dans  le  diocèse  de  Châlons- 
sur-Saône,  fut  si  violemment  per- 
sécuté à  cause  du  refus  qu'il  avoit 
fait  du  serment  de  la  constitution 
civiledu  clergé,  qu'il  mourut  en 
1792,  des  suites  des  cruels  traite- 
mens  dont  on  l'avoit  accablé  pour 
ce  motif.  Son  nom  est  dans  une  liste 
des  nouveaux  Martyrs  de  la  France, 
qui  fut  publiée  à  Rome ,  en  1794 
{V.  Augier,  de  Montmorillon). 
Telle  avoit  été  la  mort  de  ce 
saint  Nestor  que  l'Eglise  honore 
comme  Martyr  le  8  septembre  (1). 

C  H  A  P  T  (  Armand  ),  vicaire- 
général.  (V.  A.  Rastignac.) 

CHAPTEUIL  (Ciacde),  prêtre, 
né  à  Saint- Jax,  dans  le  diocèse 
du  Puy,  n'étoit  point  sorti  de 
France ,  malgré  la  loi  du  26  août 
1792,  contre  les  prêtres  inser- 


(  1  )  Qui  cum  consobrinis  suis  dàm 
i'ii'eret  f'amiliariter  vcrsalus ,  et  unà 
cum  illis  h  populo  comprehensus ,  vin- 

cula  ac flagella  cum  cis  pertulerat  

sed  inter  trahendum  qui  ewn  raptu- 

bant  extra  urbis  portas  projecerunl 

adhuc  spirantem   Inde  quidam 

eum  tollcntes ,  ad  Zenonem  deportd- 
runt,  apud  quem  dàm  ulceribus  ac 
plagis  medicina  adliiberetur,  amman' 
exhalavit.  (Sozom.  Hislor.  Eccles. 
L.  V,  c.  ix.) 


408  CHA 

mentés,  du  nombre  desquels  il  se 
trouvoit  :  son  zèle  pour  les  catholi- 
ques de  ce  diocèse  l'y  avoir  retenu. 
Il  fut  arrêté  par  les  agens  de  la  per- 
sécution, dans  le  courant  de  1 793  ; 
et,  au  printemps  de  17945  ils  le 
firent  conduire  à  Bordeaux,  où  il 
dcvoit  être  embarqué  pour  une 
déportation  à  la  Guiane.  Les  em- 
barquemens  n'y  commencèrent 
que  vers  la  fin  de  l'automne  , 
trois  mois  après  la  chute  de  Ro- 
berspierre  ( V.  Bordeaux);  et  le 
piètre  Chapteuil  resta  encore  en- 
fermé dans  le  fort  du  Ha,  jusqu'à 
ce  qu'il  se  fit  un  nouvel  embar- 
quement. La  maladie  qui  condui- 
soit  tant  d'autres  prêtres  aux 
portes  de  la  mort,  atteignit  gra- 
vement celui-ci;  on  le  fit  passer 
dans  l'hôpital  de  Saint-André  ;  et 
il  y  rendit  son  dernier  soupir,  le 
•2  S  janvier  1795,  à  l'âge  de  39  ans. 
[V\  P.  J.  Cayron,  et  C.  Char- 

REYBAS.) 

CHAPUIS  (  Jacques  ) ,  prêtre 
de  l'église  collégiale  de  Saint-Paul 
de  Lyon,  né  dans  cette  ville,  en 
1  7G7 ,  et  promu  au  sacerdoce  de- 
puis un  petit  nombre  d'années , 
possédoit  les  vertus  qu'il  exige  de 
ceux  qui  en  sont  honorés.  Il  se 
garda  bien  de  souiller  sa  cons- 
cience et  de  compromettre  sa  Foi 
par  la  prestation  du  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Voué  dès  lors  à  la  persécution  } 
comme  prêtre  réfractaire,  et  privé 
des  principales  ressources  de  son 
état,  par  son  expulsion  de  son 


CHA 

église  envahie  par  des  prêtre* 
sebismatiques ,  il  trouva  un  asile 
charitable  et  religieux  près  de  la 
veuve  Ponson,  qui  avoit  chez  elle 
un  oratoire  secret  où  il  pouvoit  dire 
la  messe.  Il  s'y  trouva  avec  une 
vertueuse    religieuse   que  cette 
veuve  avoit  aussi  recueillie  par 
esprit  de  charité ,  lors  de  la  dis- 
persion des  communautés  monas- 
tiques (  V .  Ponson, et  M*  Corbeau)  . 
Pendant  la  plus  grande  terreur,  il 
procuroit  à  ces  deux  saintes  fem- 
mes les  secours  de  la  religion,  et 
s'encourageoit  avec  elles  au  mar- 
tyre ,  dont  elles  prévoyoient  que 
l'honneur  leur  seroit  accordé.  Tous 
les  trois  soupiroient  ensemble  avec 
ardeur  après  l'occasion  de  répan- 
dre leur  sang  pour  la  cause  de  la 
religion.  Un  accident  singulier  fit 
connoître  leur  sainte  réunion;  et 
les  agens  des  persécuteurs  vinrent 
envahir  leur  retraite.  Ils  emmenè- 
rent avec  ces  deux  dames,  le  prêtre 
Chapuis  qui  eut  l'heureuse  adresse 
de  soustraire  alors  aux  recherches 
des  sacrilèges,  un  petit  ciboire 
dans  lequel  étoient  des  hosties  con- 
sacrées; et  il  l'emporta.  Comme  , 
dans  la  première  prison  où  l'on 
jeta  ces  trois  victimes,  on  ne  son- 
gea point  à  les  séparer,  il  pro- 
fita de  cet  avantage  pour  partager 
avec  elles,  pendant  la  nuit,  le 
pain  de  vie  dont  il  étoit  déposi- 
taire (  V.  Donadieu  ,  et  Reck  )  ; 
et  il  trouva  pour  le  moins  autant 
qu'elles,  dans  cette  divine  nour- 
riture ,   une  nouvelle   foire  et 


CHA 

même  une  sérénité ,  un  calme 
■vraiment  célestes.  Tous  les  trois 
éprouvoient  la  vérité  de  ce  qu'a- 
voit  dit  saint  Jean-Chrysostùme  : 
«  Le  sang  de  J.-C.  écarte  les  dé- 
mons, attire  à  nous  les  anges,  et 
le  maître  des  anges  »  :  Hic  mys- 
ticus  sanguis  dœmones  procul 
petlit,  angelos  autem  et  ange- 
iorum  Dominum  ad  nos  alli- 
cit  (  Hom.  in  f.  44  •>  capitis  vi 
S.  Joan).  Le  lendemain,  notre 
vertueux  prêtre  fut  conduit,  avec 
les  deux  saintes  femmes,  devant 
les  juges,  auxquels  il  refusa  bien 
énergiquement  le  serment  de  li- 
berté-égalité, et  la  tradition  de 
ses  lettres  de  prêtrise.  Ils  le  con- 
damnèrent, le  2  germinal  an  II 
(22inars  i794),àlapeirae  de  mort, 
comme  «prêtre  fanatique ,  et  re- 
fusant de  se  conformer  aux  lois  » . 
Chapuis  fut  ensuite  mis  dans  celte 
prison  sinistre  qu'on  appeloit  la 
cave  de  mort,  située  sous  le  rez- 
de-chaussée  de  l'hôtel -de -ville. 
Il  s'y  rencontra  avec  beaucoup 
d'autres  Lyonnais  qui,  destinés  au 
dernier  supplice  pour  avoir  porté 
les  armes  contre  les  troupes  de  la 
Convention ,  pendant  le  siège  de 
leur  ville,  attendoient  l'heure  de 
leur  mort  (  V.  Lyon).  Plusieurs 
d'entre  eux  manquoient  de  rési- 
gnation et  de  courage  :  le  prêtre 
Chapuis  parut  envoyé  à  leur  se- 
cours. Il  les  disposa  tous  à  mourir 
en  chrétiens ,  les  confessa ,  et  leur 
fil  trouver  dans  son  absolution  la 
force  nécessaire  pour  subir  sainte- 


CRA  409 

ment  leur  sort.  Depuis  son  juge- 
ment ,  il  étoit  séparé  des  deux 
dames  dont  nous  avons  parlé,  et 
qui  avoient  été  condamnées  avec 
lui;  mais  il  les  retrouva  quand  on 
le  fit  marcher  à  l'échafaud.  On  crut 
prolonger  son  supplice,  en  ne  le 
fa isant  périr  qu'après  elles  ;  mais  en 
cela  les  bourreaux  servirent,  sans 
le  savoir,  aux  desseins  de  la  Provi- 
dence ,  qui  vouloit  que  le  prêtre 
Chapuis  fût  témoin  de  leur  émi- 
nente  vertu ,  et  continuât  de  leur 
dispenser  les  grâces  de  la  reli- 
gion ,  jusqu'à  leur  dernier  soupir. 
Avant  de  mettre  sa  tête  sous 
le  fatal  instrument ,  il  prononça 
d'un  voix  très-élevée  sa  pro- 
fession de  Foi.  Jacques  Chapuis 
n'avoit  que  27  ans ,  lorsqu'il  per- 
dit ainsi  la  vie  pour  la  cause  de 
Jésus-Christ.  (  V.  Chalyer,  et 
L.  Chataigner,) 

CHAPUIS  (Joseph),  né  à  Serre, 
dans  le  Viennois,  en  i?52,  étoit 
curé  de  Saint-Julien ,  paroisse  du 
diocèse  de  Vienne  en  Dauphiné. 
Il  ne  prêta  point  le  serment  schis- 
matique  de  1791,  et  parvint  à 
se  soustraire  aux  persécutions 
homicides  que  son  titre  de  prêtre 
réfractaire  devoit  lui  attirer.  Dans 
les  jours  de  paix  que  la  religion 
parut  avoir  en  1796  et  1797,  il  se 
montra  dans  Vienne ,  très  -  zélé 
pour  le  service  des  catholiques; 
mais  la  crise  politique  du  1 S  fruc- 
tidor (  4  septembre  1797),  étant 
survenue  ,  et  ayant  produit ,  le 
lendemain,  une  loi  de  déportation 


4io  CHA 

à  la  Guiane,  pour  tous  les  prêtres 
non-assermentés  qu'on  pourroit 
saisir  encore,  le  curé  Chapuis  fut 
arrêté.  On  l'envoya,  le  printemps 
de  1798,  à  Rochefort,  pour  y 
être  embarqué  {V .  Gciane).  Il  le 
fut  le  1"  août,  sur  la  corvette  ia 
Bayonnaise ,  qui  le  jeta  dans  le 
port  de  Cayenne,  le  29  septembre. 
L'agent  de  la  persécution  en  cette 
colonie  le  relégua  de  suite  dans  le 
désert  de  Ronanama  ;  et  bientôt 
la  contagion  qu'exhale  cette  terre 
homicide  s'empara  de  sa  personne. 
Il  mourut  de  la  peste,  le  18  no- 
vembre 1798,  à  l'âge  de  46  ans, 
et  fut  un  de  ceux  sur  le  cadavre 
desquels  les  nègres  trépignèrent  et 
sautèrent  avec  violence,  en  bri- 
sant leurs  membres,  pour  les  faire 
entrer  dans  la  fosse  qu'ils  avoient 
creusée  trop  courte  et  trop  étroite. 
[V .  J.  C.  Carret,  et  Chevalier, 

dit  LE  JEUNE.) 

CHAPUS  (Alexis -Gaspard), 
curé  dans  le  diocèse  de  Nismes, 
espéra  vainement  d'échapper  à  la 
persécution,  en  vivant  obscuré- 
ment dans  une  paroisse  du  même 
diocèse,  qui  probablement étoit  la 
sienne.  On  le  découvrit  enfin  en 
1794;  et  on  le  livra  au  tribunal 
criminel  du  département  du  Gard, 
qui  siégeoit  à  Nismes.  Ce  tribunal 
avoit  une  telle"  aversion  de  la 
religion  ,  qu'il  évitoit  d'en  rap- 
peler le  moindre  souvenir  dans 
ses  sentences  de  mort  contre  les 
ministres  de  la  Foi  catholique.  Il 
les  condamnoit  comme  «  contre- 


CHA 

révolutionnaires  »  :  et  c'est  ainsi 
que  le  curé  Chapus  fut  envoyé  à 
l'échafaud,  le  9  thermidor  an  II 
(37  juillet  1794). 

CHARBONNIER  (N...),  cha- 
noine régulier,  prieur-curé  d'A- 
viré ,  dans  le  diocèse  d'Angers , 
étoit  en  réclusion  dans  cette  ville  , 
en  1795,  avec  quantité  d'autres 
prêtres  sexagénaires  comme  lui. 
C'étoit  la  seule  peine  que  la  loi  de 
déportation  du  26  août  1792  eût 
prononcée  contre  les  non-asser- 
mentés qui,  à  raison  de  leur  âge 
ou  de  leurs  infirmités ,  ne  pou- 
voient  alors  sortir  de  France. 
Mais,  lorsqu'arriva  ce  moment  ter- 
rible où  les  persécuteurs  ne  vou- 
lurent plus  souffrir  l'existence 
d'aucun  ministre  de  la  religion, 
le  curé  Chàrbonnier  fut  envoyé, 
avec  ses  compagnons  de  captivité  , 
à  Nantes  où  Carrier  venoit  déjà 
de  submerger  quatre-vingt-seize 
prêtres  (  V.  Nantes  ).  Il  partit , 
comme  ses  confrères ,  en  no- 
vembre, et  se  trouva  avec  eux 
dans  la  barque  à  soupapes  que  ce 
proconsul  et  les  siens  firent  sub- 
merger dans  la  nuit  du  9  au  10  dé- 
cembre [V.  ci-devant,  pag.  20 5). 
La  mort  du  curé  Charbonnier  ne 
différa  guère  de  celle  de  ce  saint 
Apphien  dont  parle  Eusèbe  (  De 
Martyribiis  Patœstinœ,  c  IV)  : 
Licèt  semivivus,  in  profun- 
dum mare demersus est.  L'Eglise 
en  célèbre  la  mémoire  le  3  avril. 
(  V .  Briançon  ,  et  Chativigné  , 
chanoine.) 


CIIA 

CHARBONNIER  (Pierre), 
prêtre  et  aumônier  d'une  commu- 
nauté de  religieuses,  à  Vezins , 
dans  le  diocèse  de  Rennes,  s'étoit 
retiré  chez  son  frère ,  après  la 
suppression  des  ordres  monas- 
tiques ;  et,  trop  attaché  à  l'Eglise 
catholique  pour  faire  le  serment 
de  1791,  il  préservoit  encore  les 
fidèles  des  pièges  de  cette  cons- 
titution civile  du  clergé,  qui  en 
étoit  l'objet.  Les  troupes  de  IaCon- 
vention  le  saisirent  dans  la  guerre 
qu'elles  faisoicnt  aux  Vendéens 
(  V.  Vendée  )  ,  et  les  soldats  le 
fusillèrent ,  comme  fanatique  , 
vers  la  fin  de  1 795. 

CHARBONNIER  (Jean),  frère 
du  précédent,  et  vivant  avec  lui, 
professoit  notoirement  son  atta- 
chement à  l'Eglise  catholique. 
Saisi  en  même  temps  que  son 
frère,  il  fut  condamné  et  fusillé 
avec  lui  comme  également  «  con- 
vaincu de  fanat  isme  » . 

CHARBONNIER  (A'-),  curé 
d'Ingrande  ,  près  Saint -Savin, 
dans  le  diocèse  de  Poitiers,  et  né 
à  Saint- Savin,  en  1758,  laissa 
séduire  son  inexpérience  par  la 
constitution  civile  du  clergé, 
et  en  fit  le  serment,  pour  rester 
parmi  ses  paroissiens.  Bientôt 
éclairé  sur  la  faute  qu'il  avoit 
faite,  il  le  rétracta  avec  toute  la 
publicité  nécessaire  pour  en  répa- 
rer le  scandale  ,  et  s'attira ,  de  la 
part  des  impies ,  plus  de  haine 
encore  que  s'il  eut  d'abord  re- 
fusé de  prêter  ce  serment  schis* 


CIIA  41» 
matique.  En  ne  sortant  point  de 
France,  lors  de  l'expulsion  des 
prêtres  insermentés  ,  à  la  fin 
d'août  1794»  il  restoit  à  la  dis- 
position des  persécuteurs  qui 
étoient  habiles  à  découvrir  des 
victimes.  Le  curé  Charbonnier  fut 
arrêté  dans  sa  province  même,  et 
jeté  dans  les  prisons  de  Poitiers , 
chef-lieu  du  département  de  la 
Vienne.  Dès  le  commencement 
de  1794?  on  'e  fit  partir  pour  Ro- 
chefort,  où  se  préparoit  une  mor- 
telle déportation  maritime  de 
ministres  du  Seigneur  {V.  Roche- 
fort).  Il  y  fut  embarqué  sur  le 
Washington,  où  Dieu  le  trouva 
digne  d'être  appelé  à  lui.  Il  mou- 
rut pendant  l'été,  à  l'âge  de  36 
ans,  et  fut  enterré  dans  l'île  Ma- 
dame. {V.  P.  Cerindat,  et  P.  J. 
Charles.) 

CHARDON  (Jean -Antoine), 
prêtre  du  diocèse  de  Mende,  vi- 
caire en  la  paroisse  d'Arzène,  près 
Mende,  n'étoit  point  sorti  de 
France ,  quoique  obligé  à  l'exil  par 
la  loi  du  26 août  1792,  en  sa  qua- 
lité d'insermenté.  Son  zèle  pour 
les  catholiques  I'avoit  retenu  dans 
cette  paroisse  ;  et  il  y  fut  bientôt" 
arrêté.  Traduit  dans  les  prisons  de 
Mende,  et  ensuite  devant  le  tri- 
bunal criminel  du  département  de 
la  Lozère,  siégeant  en  cette  ville, 
il}r  futeondamné ,  le  14  juin  1795, 
à  la  peine  de  mort,  comme  «prêtre 
réfractaire  ». 

C  H  ARLES  (Dom),  Chartreux. 
(  V.  J.  F.  Lecoutre.  ) 


4 12  CITA 

CHARLES  (P\bi.-Jean),  prieur 
claustral  de  Sept -Fonts,  réforme 
de  l'ordre  de  Citeaux  ,  sur  le 
diocèse  d'Autun ,  et  né  à  Chavi- 
gny,  dans  le  même  diocèse, 
garda  sa  Foi  pure,  lors  du  schisme 
constitutionnel  de  1791.  En  l'ex- 
pulsant inhumainement  de  son 
cloître ,  par  la  suppression  des 
ordres  monastiques,  on  ne  fit  que 
rendre  plus  édifiantes  pour  le 
monde  les  vertus  éminentes  de 
ce  religieux.  Les  impics  en  rugi- 
rent, et  le  firent  arrêter  en  1793. 
Ils  le  retinrent  dans  les  prisons  de 
Moulins,  jusqu'à  l'époque  où  ils 
résolurent  de  se  débarrasser  des 
ministres  delà  religion,  par  une 
déportation  maritime.  Le  prieur 
Charles  fut  envoyé,  comme  beau- 
coup d'entre  eux,  à  Rochefort , 
pour  y  être  embarqué.  On  le  mit 
sur  le  navire  les  Deux  Associés 
(  V .  Rochefort).  Les  souffrances 
qu'il  y  éprouva  lui  arrachèrent  la 
vie.  Il  expira  dans  la  nuit  du  24 
au  25  août,  à  l'âge  de  5o  ans,  et 
fut  inhumé  dans  l'île  Madame. 
Des  deux  compagnons  de  sa  dé- 
portation qui  nous  ont  laissé  des 
notices  sur  ceux  qui  y  ont  péri , 
l'un  d'eux,  notre  correspondant 
particulier,  nous  a  peint  le  prieur 
Charles  comme  «  un  homme  ai- 
mable en  société,  et  comme  un 
excellent  religieux  ».  D'un  autre 
côté,  M.  de  la  Riche,  en  confir- 
mant ce  témoignage,  dit  que  «ce 
prieur  de  Sept- Fonts,  plein  de 
l'esprit  de  son  état ,  en  parloit 


CHA 

souvent,  et  toujours  de  manière  à 
le  faire  envier  ;  qu'à  la  tendre  piété 
d'un  religieux ,  il  joignoit  l'ins- 
truction, et  même  une  douceur  et 
une  aménité  qui  contrastoient  ad- 
mirablement avec  la  rigueur  de  sa 
règle  et  l'austérité  de  son  ordre  ». 
(  V.  Charbonnier,  d'Ingrande, 
et...  Chauvex.) 

CHARLES  (Dom),  Chartreux. 
(  V.  Cn.  Rambour.) 

CHARLET  (Pierre- Joseph), 
prêtre,  religieux  Belge,  saisi  par 
les  soldats  de  la  Convention,  lors 
de  la  conquête  delà  Belgique,  fut 
envoyé,  avec  dix  autres  et  cinq 
religieuses,  à  Arras,  pour  y  être 
immolé  par  le  proconsul  Lebon 
{V.  Arras).  On  peut  voir,  à  l'ar- 
ticle de  l'un  d'eux  (  V.  J.  F. 
Boucquàrt)  ,  tout  ce  qu'ils  y  souf- 
frirent d'outrages  ,  avant  d'être 
livrés  à  son  tribunal  révolution- 
naire. Il  condamna  le  P.  Charlet 
à  mourir,  avec  ses  confrères  et  les 
cinq  religieuses ,  le  1 2  messidor  an 
an  II  (3o  juin  1794)-  Ce  religieux 
avoit  alors  5g  ans  ,  étoit  natif  de 
Lille  en  Flandres,  et  fils  de  Pierre- 
Joseph  Charlet,  et  de  Marie-Claire 
Leplat.  {V.  M.  C.  Caudron,  de 
Fbicheux,  et  Saikt-Chartrel.) 

CHARLONIER,  curé.  {V . 
Charbonnier.) 

CHARRANSOL  (Marie-Thé- 
rèse ) ,  née  à  Richerenches ,  près 
Valréas ,  dans  le  comtat  Vonais- 
sin,  en  1759,  étoit  religieuse  de 
l'ordre  du  Saint-Sacrement,  sous 
le  nom  de  Sœur -de-  Jésus ,  à 


CHA 

Boulène,  près  le  Pont-Saint-Es- 
prit. Elle  méritoit  bien  d'avoir 
pour  parent  l'ecclésiastique  rc- 
commandable  du  même  nom ,  qui 
étoit  doyen  du  chapitre  de  Bou- 
lène, situé  sur  le  diocèse  de  Saint- 
Paul -Trois -Châteaux.  Après  la 
suppression  des  cloîtres,  la  sœur 
Charransol  continuoit  à  vivre  en 
communauté  avec  d'autres  reli- 
gieuses ,  dans  la  même  ville.  Elle 
y  fut  arrêtée  avec  elles  en  1794, 
par  les  impies  révolutionnaires,  et 
ils  les  amenèrent,  le  2  mai,  dans 
les  prisons  d'Orange ,  pour  y  être 
immolées  par  la  commission  po- 
pulaire qui  alloit  s'y  établir 
(F.  Orange).  Prévoyant  qu'elle 
seroit  bientôt  dans  le  cas  de  don- 
ner sa  vie  pour  J.-C. ,  elle  parta- 
gea avec  ses  compagnes ,  dans  leur 
commune  captivité,  les  pieux 
exercices  par  lesquels  elles  se  dis- 
posoient  au  martyre  (  V.  d'Alba- 
rede).  On  l'appela  devant  le  fa- 
rouche tribunal,  le  28  messidor 
an  II  (16  juillet  1794)?  ainsi  que 
six  autres  religieuses  (  V.  M.  A. 
Doux,  M.  Laye,  J.  D.  M.  Justa- 

MONT,   M.    F.    JuSTAMONT,  M.  A. 

Béguin,  et  M.  R.  Gourdon).  Elle 
n'y  fut  pas  moins  ferme  qu'elles 
dans  son  attachement  à  la  Foi,  et 
dans  le  refus  du  serment  de  liberté- 
égalité.  En  conséquence  ,  elle 
fut  condamnée,  avec  elles,  à  la 
peine  de  mort,  comme  «  fana- 
tique, comme  réfractaire  »,  et, 
suivant  la  logique  des  tribunaux 
d'alors,  comme  «  contre -révolu- 


CIIA  4i3 

tionnaire  ».  Cette  inique  sentence 
s'exécuta  le  même  jour,  dans  la 
soirée;  et,  jusqu'à  son  dernier 
soupir,  la  sœur  Charransol,  âgée 
seulement  de  35  ans,  se  montra 
digne  de  la  palme  du  martyre. 
{V.  A.  Chancelle,  et  J.  Chieze.) 

CHARREYRAS  (Claude), 
sous-diacre  du  diocèse  de  Cler- 
mont-Ferrand,  né  à  Durthal,  près 
de  Clermont,  justifioit  trop  bien, 
par  sa  Foi  et  ses  vertus,  sa  voca- 
tion au  sacerdoce,  pour  n'être  pas 
haï  des  persécuteurs  de  1790.  Ils 
le  firent  jeter  dans  leurs  cachots, 
avec  beaucoup  de  prêtres  inser- 
mentés, et  l'envoyèrent,  comme 
eux,  en  1794»  à  Bordeaux,  on  ils 
dévoient  être  embarqués  pour  une 
déportation  au-delà  des  mers  {V . 
Bordeaux  ).  Cependant  Charrey- 
ras  ne  fut  pas  compris  dans  le 
grand  nombre  de  ceux  par  qui  les 
embarquemens  commencèrent , 
vers  la  fin  de  l'automne  seulement, 
trois  mois  après  la  chute  de  Ro- 
berspierre.  Il  resta  enfermé  dans 
la  maison  du  Petit-Séminaire,  où 
bientôt ,  accablé  par  le  poids  des 
souffrances,  il  approcha  du  terme 
de  sa  vie.  On  le  transporta  dan» 
l'hôpital  de  Saint-André  ,  où  il 
mourut  le  24  décembre  1794?  à 
l'âge  de  32  ans.  {V.  C.  Chapteuil, 
et  G.  Collin.) 

CHARRIER  (Antoine),  curé 
de  Malbouson,  près  Marvejols, 
dans  le  diocèse  de  Mende,  a  voit 
préféré  de  veiller  au  salut  de  ses 
paroissiens,  même  en  exposant  ses 


4i4  CHA 
jours ,  plutôt  que  de  sortir  de 
France,  conformément  à  la  loi  de 
déportation  rendue  contre  les 
prêtres  insermentés,  du  nombre 
desquels  il  étoit.  On  l'arrêta  bien- 
tôt, et  on  le  traîna  dans  les  pri- 
sons de  Mende.  Le  tribunal  crimi- 
nel du  département  de  la  Lozère , 
qui  siégeoit  en  cette  ville ,  fit 
«:omparoître  devant  lui ,  pour  être 
jugé,  ce  curé  de  Malbouson;  et, 
le  27  vendémiaire  an  II  (19  oc- 
tobre 1793  ),  il  le  condamna  à 
périr  sur  l'échafaud,  en  le  quali- 
fiant de  «contre-révolutionnaire»  : 
accusation  vague,  trop  souvent 
employée  contre  les  personnes 
consacrées  à  Dieu,  et  fermes  dans 
leur  attacbement  à  la  religion  ca- 
tholique. 

Il  est  bon  ici  de  rappeler,  une 
fois  pour  toutes ,  que  ,  lors  du 
schisme  de  l'Angleterre,  on  y  dif- 
fama de  la  même  manière  les  ca- 
tholiques ,  afin  de  tromper  la  popu- 
lace, toujours  facile  à  induire  en 
erreur;  que,  pour  envoyer  le  pape 
Silvère  en  exil ,  et  proscrire  son 
clergé,  l'impératrice  Théodore  les 
accusa  d'avoir  invité  les  Goths  à 
s'emparerde  Rome  et  de  l'Empire  ; 
que  les  Vandales ,  dans  la  persé- 
cution qu'As  exercèrent  en  Afri- 
que ,  prétendoient  que  les  catho- 
liques y  avoient  conspiré  contre 
eux,  avec  les  Romains;  que  Julien 
l'apostat  eut  toujours  soin  d'im- 
puter faussement  aux  chrétiens, 
des  délits,  des  séditions,  en  les 
faisant  mourir;  que  le  président 


CHA 

du  Pont,  officier  de  l'empereur 
Valens,  s'autorisa  de  ses  propres 
calomnies  contre  saint  Basile  de 
Césarée  ,  pour  le  persécuter  ;  et 
enfin  que  saint  Atbanase  ne  le  fut 
qu'avec  le  stratagème  des  accusa- 
tions calomnieuses  de  trahison , 
que  les  empereurs  ariens  et  leurs 
évêques  portoient  contre  lui.  En 
considérant  tous  ces  faits  dans 
leurcnsemble,  les  écrivains  ecclé- 
siastiques affirment  que  tous  ces 
vertueux  personnages,  ayant  reçu 
de  leurs  persécuteurs  une  double 
honte ,  sont  récompensés  d'une 
double  gloire ,  à  savoir  :  i°.  pour 
leur  confession  de  la  Foi  ;  et  20. 
pour  les  calomnies  répandues 
contre  eux.  (  V.  notre  Discours 
prélim.,  pag.  47.  ) 

CHART1ER  (François-Louis), 
prêtre  du  diocèse  d'Angers ,  et  y 
exerçant  les  fonctions  de  vicaire  . 
en  la  paroisse  de  Seurdres,  non 
loin  de  la  ville  épiscopale,  devint 
d'autant  plus  cher  à  ses  parois- 
siens, qu'il  avoit  refusé  le  serment 
de  la  constitution  civile  du 
clergé.  Son  attachement  pour 
eux  le  fit  rester  à  Seurdres,  mal- 
gré la  loi  de  déportation;  et,  se 
dérobant,  autant  qu'il  le  pou  voit , 
aux  yeux  des  impies,  il  put  en- 
core exercer  avec  fruit  son  minis- 
tère dans  le  canton, pendant  toute 
Tannée  1793.  Lorsque  les  troupes 
de  l'armée  catholique  et  royale 
{V .  Vendée)  eurent  été  repous- 
sées d'Angers,  et  dispersées  au 
Mans  et  à  Savcnay,  les  persécu- 


CHA 

teurs,  plus  actifs  dans  leurs  re- 
cherches, parvinrent  à  découvrir 
le  vicaire  Chartier.  II  fut  amené 
à  Angers  pour  y  être  jugé  par  la 
féroce  autant  qu'impie  commis- 
sion militaire,  qui  faisoit  tant 
de  victimes  ;  et  cette  commission 
le  condamna  à  la  peine  de  mort, 
«  comme  partisan  des  Vendéens , 
comme  traître  à  la  patrie  »  :  ce 
qui  emportoit,  en  la  surpassant, 
la  qualification  de  «  prêtre  réfrac- 
taire»,  qu'il  méritoit.  Cette  sen- 
tence fut  rendue  le  2  germinal 
an  II  (22  mars  1794)-  En  par- 
tant de  la  prison  pour  aller  au 
lieu  du  supplice,  Chartier  ne  cessa 
presque  de  chanter  des  psaumes 
et  des  hymnes.  Les  compagnons 
de  son  sort ,  qu'il  avoit  réconci- 
liés avec  Dieu,  étant  encouragés 
par  son  exemple ,  mêloient  leurs 
chants  aux  siens  ,  et  rendoient 
grâces  à  Dieu  de  les  délivrer  de 
ce  monde  corrompu  pour  les  ad- 
mettre en  sa  présence  :  ils  res- 
sembloient  à  ces  saints  martyrs 
de  Séleucie  que  l'Eglise  grecque 
honore  le  20  février,  et  l'Eglise 
latine  le  21,  lesquels,  se  voyant 
entre  les  mains  des  licteurs  qui  les 
menoient  au  supplice,  chantoient 
avec  joie  le  psaume  42'  •  Judica 
me,  Deus,  et  discerne  causant 
meam  de  gentenonsanctâ ,  etc. , 
et  s'exhortoient  ensuite ,  les  uns  les 
autres,  à  remercier  Jésus -Christ 
de  ce  qu'il  les  attiroit  a  lui,  en 
achevant  de  les  purifier  par  leur 
propre  sang  :  U  tinter  tictorum 


CHA  4i5 

maints  raptos  sese  ad  suppli- 
cium  viderunt ,  lœtantium 
more ,  consonâ  et  suavi  modu- 
iatione  hune  psalmum  occi- 
nere  cœpcrunt  :  Judica,  etc.; 
alii  aiios  sese  invicem  cohor- 

tantes          Laudes,  aiehant , 

Christo  tribuamus  qui  nos  ait 
hujus  seculi  fœce  secretos,  ad 
se  accersivit,  nosque,  nostro 
cruore  expiatos ,  suo  conspectu 
dignos  effecit.  (Asseman.  Pars  1, 
p.  91 .  In  Martyrio  SS.  Schiah- 
dustis  et  atiorum.)  Arrivé  au 
lieu  de  l'exécution  ,  le  prêtre 
Chartier  se  prosterna  la  face  con- 
tre terre ,  pour  offrir  au  Seigneur 
le  sacrifice  de  sa  vie  ;  et  il  resta 
dans  cette  posture  jusqu'au  mo- 
ment d'être  placé  sous  le  couteau 
de  la  guillotine,  qui  fit  tomber  sa 
tête  à  l'instant. 

CHARTON-DE-MILLOU 
(Jean-Ciiari.es),  né  à  Lyon ,  d'une 
famille  commerçante,  vers  1742  5 
étoitentré,  dèsson  jeune  âge,  dans 
la  compagnie  de  Jésus.  Jusqu'alors 
il  n'avoit  porté  que  le  nom  de  ses 
pères,  et  s'étoit  appelé  simple- 
ment Charton  ;  mais  à  l'époque 
de  la  dissolution  de  la  société  des 
Jésuites,  en  1767,  afin  de  se  mé- 
nager plus  de  liberté  pour  exercer 
son  zèle  non  loin  de  la  capitale, 
il  changea  de  nom  comme  plu- 
sieurs de  ses  confrères,  et  se  fit 
appeler  Millou.  Cette  ruse  que  leur 
proscription  rendoit  à  peu  près 
nécessaire,  seconda  les  bonnes 
intentions  de  leurs  protecttws 


416  CKA 

L'archevêque  de  Paris,  Christophe 
de  Beaumont,  le  chargea  de  la 
direction  du  second  couvent,  que 
les  religieuses  du  Saint-Sacre- 
ment a  voient  en  cette  ville,  dans 
la  rue  Cassette,  où  elles  faisoient 
indépendamment  des  trois  vœux 
ordinaires ,  celui  de  V Adoration 
perpétuelle.  11  y  étoit  rempli 
avec  beaucoup  de  fidélité;  et  son 
accomplissement  entretenoit  dans 
cette  communauté  une  ferveur 
toute  particulière,  une  dévotion 
tendre  et  ardente  qui  étoit  celle-là 
même  de  l'ahbé  de  iUillou.  Il  re- 
prit dans  la  suite  son  premier  nom , 
sans  qu'on  cessât  de  lui  donner 
l'autre;  et  de  là  est  venue  la  double 
dénomination  sous  laquelle  il  c^t 
connu  dans  les  annales  de  la  ré- 
volution. L'abbé  Charton-de-Mil- 
lou,  qui  avoit  autant  de  respect 
pour  le  ministère  de  la  prédica- 
tion que  de  succès  en  l'exerçant , 
étoit  d'autant  mieux  placé  dans 
l'église  du  Saint-Sacrement  de  la 
ru£  Cassette,  que,  tous  les  jeudis, 
il  y  étoit  prêché  par  quelqu'un 
des  prédicateurs  les  plus  estimés 
de  la  capitale,  un  sermon  choisi, 
auquel  assistoit  ce  qu'elle  posséduit 
de  plus  recommandable  par  les 
connoissances  et  par  la  piété.  Au- 
cun de  ces  orateurs  n'y  attiroit 
plus  de  monde  que  l'abbé  Charton 
lorsqu'il  y  prêchoit  à  son  tour, 
car  aucun  ne  pouvoit  se  flatter  de 
le  surpasser  en  véritable  éloquence 
évangélique.  Un  de  ses  contem- 
porains ,   juge  bien  compétent 


CHA 

en  pareille  matière,  a  dit  de  lui 
avec  raison  :  «Il  ne  lui  manquoit 
qu'une  santé  plus  robuste  pour 
être  le  Bourdaloue  de  son  siècle» . 
L'abbé  Charton  ,  d'une  foible  poi- 
trine, avoit  un  tel  l'eu  de  composi- 
tion et  de  diction ,  il  prêchoit  avec 
tant  d'âme,  de  conviction  et  de 
zèle,  qu'il  ne  descendoit  jamais 
de  chaire  sans  être  souffrant;  et 
c'est  ce  qui  l'empêcha  de  prêcher 
des  stations  entières  d'avent  ou 
de  carême.  Parmi  ses  sermons 
qui  sont  devenus  sans  doute  l'héri- 
tage de  quelque  jeune  lévite  de  nos 
jours,  il  en  étoit  un  surtout  qui 
transportoit  son  auditoire  dans  le 
sein  même  de  la  Divinité  :  c'étoit 
son  sermon  sur  le  Ciel.  Il  surpas- 
soit  de  beaucoup  par  la  grandeur 
des  idées,  et  l'espèce  d'inspiration 
qui  paroissoit  l'a  voir  dicté,  les  dis- 
cours analogues  qu'on  admiroit 
davantage ,  c'est-à-dire  ceux  du  P. 
Mobilier  de  l'Oratoire  et  de  l'abbé 
Poulie.  On  ne  tenoit  plus  à  la  terre , 
quand  on  entendoit  le  directeur 
spirituel  des  religieuses  de  Y  Ado- 
ration perpétuelle  parler  de  la 
patrie  céleste  avec  l'enthousiasme 
de  Foi,  d'espérance  et  de  charité, 
qui  l'animoit.  II  ne  paroissoit  pas 
moins  bien  inspiré  dans  un  autre 
sermon  d'un  mérite  presque  égal, 
sur  la  dévotion  à  la  sainte 
Vierge.  On  croyoit  entendre  saint 
Bernard  parler  de  la  mère  de 
Dieu,  pour  laquelle  il  avoit  une 
si  tendre  dévotion.  Celle  de  l'abbé 
Charton  pour  Marie  étoit  si  vive, 


CHA 

qu'il  s'attira  quelques  critiques 
pour  l'extension  que,  dans  ce  ser- 
moe-là  même,  il  donnoit  à  un 
passage  de  saint  Anselme  de  Can- 
torbéry  ,  et  dans  laquelle  les 
théologiens  trouvoient  une  exa- 
gération de  sentiment  qui  dépas- 
soit  les  bornes  de  l'exacte  doctrine, 
en  ce  qu'il  sembloit  rendre  la 
sainte  Vierge  auss;.  puissante  par 
elle-même  que  le  Fils  de  Dieu  (1). 
Mai?  ce  reproche,  en  le  supposant 
fondé,  prouvoit,  comme  toute  la 
conduite  de  ce  prédicateur ,  la 
ferveur  de  la  piété  qui  animoit 
ses  discours  comme  ses  actions. 


(i)  La  môme  sévérité,  sur  le  même 
point  de  doctrine  ,  vient  d'être  exercée 
à  Paris ,  d'une  manière  très-remar- 
quable ,  par  une  dame  d'un  nom  qui 
rappelle  une  famille  où  l'on  a  toujours 
joint  à  la  pratique  de  la  religion  une 
instruction  chrétienne  des  plus  exactes. 
Associée  zélée  et  très-charitable  de 
l'administration  d'un  hospice  nouvel- 
lement établi  pour  ramener  à  Dieu 
ces  personnes  du  sexe  que  l'infortune 
et  l'ignorance  avoieut  seules  entraî- 
nées dans  la  débauche,  elle  leur  avoit 
distribué,  à  ses  frais  particuliers,  plu- 
sieurs centaines  d'une  Journée  du 
Chrétien,  achetées  par  elle  avec  une 
aveugle  confiance  que  justittoit  l'ap- 
probation qu'on  y  attribue  à  Mf  le— 
vêque  de  Versailles,  en  date  du  i5 
décembre  l8i5  (à  Versailles,  chez 
Lebel  ;  et  à  Paris,  chez  Lcclère  ). 
Faisant  ensuite  usage  de  ce  livre  de 
méditations  et  de  prières ,  et  arrivant  à 
la  page  172  où  il  est  question  de  la 
Sainte-Vierge,  cette  dame  crut  devoir 
le  retirer  bien  vile  des  mains  des  per- 
sonnes à  qui  elle  l'avoit  donné  ;  et 


CHA  417 

Il  étoit  trop  vertueux,  trop  édi- 
fiant ;  il  avoit  porté  trop  d'âmes 
à  Dieu,  soit  dans  le  ministère  de 
la  chaire ,  soit  dans  ceî'ui  du 
tribunal  de  la  pénitence,  pour  ne 
pas  s'être  attiré  la  haine  ,  et 
toutes  les  fureurs  des  ennemis  de 
la  religion.  Il  fut  recherché  et 
arrêté  par  eux,  comme  tant  d'au- 
tres prêtres,  à  la  suite  de  l'épou- 
vantable journée  du  10  août  179a 
(^.DriAii). L'église  des  Carmes , 
destinée  à  devenir  un  lieu  de  car- 
nage, fut  la  prison  où  on  ren- 
ferma; et,  trop  digne  de  la  palme 
du  martyre  au  jour  affreux  du 

elle  ne  le  leur  a  rendu  qu'après  y 
avoir  corrigé  à  la  plume  ce  qu'elle  y 
trouvoit  d'hétérodoxe.  11  n'est  plus 
possible  d'y  lire  que  ces  aspirations  : 
«  O  mère  de  miséricorde!  ô  ma  bonne 
mère!  Ah!  nous  sommes  en  pos- 
session de  sa  bonté  depuis,  etc.  »,  au 
lieu  de  cette  phrase,  pour  le  moins 
inexacte ,  que  porte  l'imprimé  :  «  La 
mère  de  miséricorde,  et  ma  bonne 
mère  pourroit-elle  se  résoudre  à  signer 
la  sentence  de  ma  condamnation  ?  » 
La  dévotion  à  la  Sainte -Vierge ,  qui 
a  sans  doute  inspiré  cette  phrase,  est 
très-louable,  sans  que  la  phrase  puisse 
être  tolérée.  Il  faut  que  nos  jeunes 
écrivains  ascétiques  se  défient  beau- 
coup de  leur  imagination  et  de  leur 
ferveur,  en  parlant  de  choses  qui  tou- 
chent aux  dogmes  de  notre  Foi. 
C'est  pécher  grièvement  contre  elle  do 
donner  occasion  de  croire  que  le  sou- 
verain Juge  soumette  les  arrêts  de  sa 
justice  à  la  signature ,  à  la  sanction  de 
Marie  :  ce  qui  induiroit  à  penser  que 
Marie  est  en  quelque  sorte  supérieure 
à  Dieu  même. 


418  CHA 

massacre  des  prêtres  {V .  Septem- 
bre), il  marcha  à  la  mort  comme 
saint  Cyprien,  en  rendant  grûce 
à  Dieu  de  ce  que  le  séjour  de  la 
gloire  éternelle  lui  étoit  ouvert, 
d'une  manière  aussi  certaine,  par 
les  ennemis  même  de  la  Divinité. 

CHÂRTREL  (Simon),  prêtre, 
religieux  de  la  Belgique,  fut  arra- 
ché de  son  couvent ,  à  l'âge  de 
81  ans,  parles  soldats  de  la  Con- 
vention lorsqu'ils  envahirent  cette 
contrée.  Ils  l'associèrent  aux  dix 
autres  moines  et  aux  cinq  reli- 
gieuses, saisies  en  même  temps 
dans  le  même  pays,  qu'ils  en- 
voyèrent à.  Arras,  où  le  proconsul 
Lebon  faisoit  périr  tout  ce  qui 
croyoit  en  Dieu  (V .  Auras).  Ces 
religieux  et  ces  religieuses,  dont 
on  peut  voir  tous  les  noms  aux 
articles  de  G.  F.  Boucqi'art  et  de 
R.  Beck,  furent  d'abord  insultés 
de  la  manière  la  plus  impie,  et 
livrés  à  la  dérision  la  plus  sacri- 
lège par  Lebon,  comme  nous  l'a- 
vons déjà  dit  dans  ces  deux  ar- 
ticles auxquels  il  faut  recourir. 
Envoyés  ensuite  à  son  tribunal 
révolutionnaire ,  ces  seize  pieux 
personnages  y  furent  condamnés 
à  la  peine  de  mort,  en  haine  de  la 
religion,  le  12  messidor  an  II 
(5o  juin  1794);  et  ils  marchèrent 
tous  ensemble  le  même  jour  à 
l'échafaud,  avec  la  résignation  et 
le  courage  des  Martyrs  de  la  pri- 
mitive Eglise.  Le  vieillard  Char- 
trel  étoit  lié  en  1713,  à  Florin- 
gheim ,  de  Jean-François  Chartrel 


CHA 

et  de  Marie -Marguerite  Ledain. 
{V.V.3.  Charlet,  et  P.  J.  Cleys.) 

CHAS  fils  (  N...  ) ,  jeune 
avocat  de  Nismes,  y  avoit  si- 
gné la  généreuse  profession  de 
Foi  catholique  contenue  dans  l'a- 
dresse des  Nismois  du  20  avril 
1 790,  et  leur  déclaration  du  2  juin 
suivant  {F.  Nismes).  Il  fut  dès 
lors  en  butte  aux  fureurs  des  cal- 
vinistes; et  lors  de  leurs  attaques 
des  i3et  14  juin,  pendant  qu'il  con- 
versoit  paisiblement  sur  sa  porte 
avec  deux  de  ses  amis,  il  reçut 
un  coup  de  fusil  dont  il  mourut 
vingt-quatre  heures  après  [V.  Au- 
zÉby  et  C.  Daudet  ).  Cet  avo- 
cat donnoit  les  plus  belles  es- 
pérances au  barreau  ,  et  il  parti- 
cipoit  à  la  considération  dont 
jouissoit  son  père,  ancien  con- 
sul de  la  ville. 

CHASSAIGNE,  chanoine. 
[V.  Lachassaigne.) 

CHATAIGNER  (Elisabeth)  , 
pieuse  Lyonnaise  ,  qui ,  vivant 
saintement  avec  ses  deux  sœurs 
Louise  et  Jacqueline,  dans  un 
domicile  commun  (V.  les  deux 
articles  suivans  )  ,  conservoient 
leur  Foi  pure  au  milieu  des  scan- 
dales de  l'impiété  et  de  la  per- 
sécution des  schismatiques.  A 
l'exemple  de  ces  saints  athlètes 
de  Jésus-Christ ,  qui ,  dans  la  ville 
de  Samosate,  en  297,  pendant  la 
persécution,  s'étoientfaitdans  l'in- 
térieur de  leur  maison  tin  temple 
où  s'offroit  le  saint  sacrifice ,  et 
où  s 'administraient  les  sacrement 


CHA 

(  V.  Bauquis  ) ,  les  soeurs  Cha- 
taigner se  trouvoient  presque  en 
adoration  perpétuelle  devant  l'au- 
guste sacrement  des  autels;  et, 
recevant  chez  elles  des  ministres 
du  Seigneur  qui  venoient  y  dis- 
penser les  mystères  célestes  aux 
catholiques  à  qui  ce  temple  se- 
cret étoit  accessible,  elles  repré- 
sentoient  presqu'en  tout  les  saintes 
diaconesses  de  la  primitive  Eglise. 
Lors  des  visites  domiciliaires  que 
les  persécuteurs  ordonnèrent  chez 
les  habitans  à  la  fin  de  1793  et 
au  commencement  de  1794 ?  l'ora- 
toire sacré  des  sœurs  Chataigner 
fut  découvert  et  profané  par  eux. 
Elles  furent  elles-mêmes  traînées 
en  prison  pour  être  livrées  à  l'a- 
troce commission  révolution- 
naire,  dont  la  plus  grande  jouis- 
sance étoit  d'immoler  des  per- 
sonnesvouéesàlapiété  (f  .Lyon). 
Toutes  trois  comparurent  ensem- 
ble devant  le  sanguinaire  tribunal, 
le  22  pluviôse  an  II  (10  février 
1794).  Elies  s'y  montrèrent  im- 
mobiles dans  leur  Foi,  s'estimant 
heureuses  de  mourir  pour  elle , 
et  furent  aussitôt  condamnées  à  la 
peine  de  mort,  comme  «  contre- 
révolutionnaires  ,  comme  fana- 
tiques, et  recevant  chez  elles  des 
prêtres  réfractaires  »  (  V .  Je  Alix). 
Elisabeth  Chataigner  avoit  47  ans 
quand  elle  périt  ainsi  avec  ses 
sœurs  pour  la  cause  de  Jésus- 
Christ.  {F.  Chapuis  ,  et  L.  Cha- 
taigner. ) 

CHATAIGNER  (Louise), 


CHA  419 

vertueuse  Lyonnaise ,  Sgée  de 
46  ans ,  fut  immolée  avec  ses  deux 
sœurs,  le  io  février  1794?  pour 
la  cause  de  la  Foi.  (  V.  l'article 
précédent  et  le  suivant.) 

CHATAIGNER  (Jacqueline)  , 
Sgée  de  45  ans,  et  sœur  des  deux 
précédentes ,  fut  condamnée  à  la 
peine  de  mort  en  même  temps 
qu'elles,  et  pour  la  cause  de  J.-C. 
Elle  reput  avec  elles  la  palme  du 
martyre ,  en  février  1 794 ,  dans  la 
ville  de  Lyon  où  elle  étoit  née,  et 
n'avoit  pas  cessé  d'être,  comme 
ses  sœurs ,  un  exemple  de  la  plus 
douce  comme  de  la  plus  fervente 
piété.  (  V.  L.  Châtaignier,  et  B. 
M.  Corbeau.  ) 

CHATELET  (Alexis- Augus- 
tin-Stanislas) ,  chanoine.  [V .  A. 
A.  Leroux.) 

C BATELIER  (Arnaud),  prêtre 
du  diocèse  de  Bordeaux,  étoit  resté 
dans  cette  ville,  bien  que  proscrit 
comme  non-assermenté,  et  quoi- 
que la  loi  de  déportation  l'eût 
condamné  à  sortir  de  France.  Il 
fut  arrêté  en  1793;  et  le  i5  fri- 
maire an  II  (5  décembre  1793), 
on  le  fit  comparoître  devant  Iacom- 
mission  militaire  de  Bordeaux, 
siégeant  ce  jour-là  à  Libourne. 
Cette  commission  le  condamna  à 
la  peine  de  mort,  le  disant  «  con- 
vaincu d'aristocratie  depuis  le  com- 
mencement de  la  révolution  ,  et 
d'être  resté  ,  quoique  prêtre  non- 
assermenté  ,  sur  le  territoire  de 
la  république ,  au  mépris  de  la 
loi».  Le  président,  qui  levitpalir 


420  CHA 

et  verser  quelques  larmes  à  la  lec- 
ture de  la  sentence,  lui  dit,  en 
élevant  la  voix  :  «  Tu  crains  donc 
la  mort  ?  »  puis  se  tournant  vers  le 
peuple ,  il  ajouta  :  «  Voilà  ces  fa- 
natiques qui  se  vantent  de  braver 
la  mort!  »  Le  prêtre  Chatelier 
répondit  aussitôt  :  «  Si  je  pâlis, 
si  je  verse  des  larmes  ,  ce  n'est 
point  que  je  la  craigne  ;  c'est 
que  je  pense  à  ma  pauvre  mère 
octogénaire  que  je  laisse  après 
moi ,  et  qui  n'a  que  moi  pour  sou- 
tien ».  Cette  particularité  nous  a 
été  certifiée  en  1818  par  M.  l'abbé 
Moutardier,  vicaire  -  général  de 
Bordeaux ,  qui  en  fut  presque 
témoin  auriculaire.  Chatelier,  âgé 
seulement  de  57  ans ,  périt  le  jour 
même  de  la  sentence. 

C BAUDET  [N..i)9  curé  dans 
le  diocèse  de  Rouen,  ayant  été 
chassé  de  sa  paroisse,  parce  qu'il 
n'avoit  pas  voulu  prêter  le  serment 
schismatique,  et  éprouvant  d'au- 
tres persécutions  dans  saprovince, 
s'étoit  retiré  à  Paris.  Il  y  fut,  dans 
l'été  de  1792,  la  première  victime 
sacerdotale  que  les  impies  firent 
massacrer  par  la  populace,  pour 
cause  de  refus  du  serment.  D'abord 
ils  avoient  voulu,  pour  un  service 
tout-à-fait  innocent,  rendu  par 
lui  à  un  parent  chez  lequel  il  étoit 
logé ,  le  faire  condamner  par  un 
tribunal.  5a  condamnation  étant 
impossible  à  motiver  en  ce  cas  par- 
ticulier, Cbaudetavoit  été  renvoyé 
absous.  Quelques  jours  après ,  la 
populace ,  de  plus  en  plus  excitée , 


CHA 

se  porta  avec  fureur  à  sa  demeure , 
en  enfonça  les  portes ,  le  jeta  par 
la  fenêtre ,  et  l'assomma  dans  la 
rue. 

CHAUDET  (IV...),  prêtre  de 
la  paroisse  de  Saint-Nicolas-des- 
Champs,  à  Paris,  y  exerçoit  des 
fonctions  relatives  au  salut  des 
âmes.  Il  fut  exclu  de  sa  place  au 
commencement  de  1792,  parce 
qu'il  ne  vouloit  pas  trahir  sa  Foi 
par  la  prestation  du  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Son  zèle  pour  l'exercice  du  saint 
ministère  en  faveur  des  catholi- 
ques ne  se  laissa  pas  déconcerter 
par  la  persécution  qui  alloit  tou- 
jours croissant,  contre  la  religion 
et  ses  ministres.  Signalé  comme 
un  prêtre  qui  continuoit  d'exercer 
son  sacerdoce ,  sans  avoir  fait  le 
serment,  ii  ne  tarda  pas  à  être 
arrêté  par  les  agens  des  persécu- 
teurs, après  le  10  août  qui  leur 
donna  tant  de  facilités  pour  exter- 
miner les  ministres  du  Seigneur. 
Conduit  devant  le  comité  de  sa 
section,  il  s'y  montra  invincible 
dans  sa  Foi;  et,  condamné  au 
sort  des  captifs  de  Jésus -Christ, 
déjà  confinés  en  grand  nombre 
dans  l'église  des  Carmes  (  y.  Di- 
lai  )  ,  il  y  fut  massacré  avec  eux 
le  2  septembre  suivant.  (F.  Sep- 
tembre. ) 

CIIAUSSY  (  Louis- Joseph  )  , 
prêtre  du  diocèse  de  Mende,  ne 
fit  point  le  serment  de  1791,  et  ne 
se  soumit  pas  à  l'inique  loi  de 
déportation.  Son  domicile  étoit 


CIU 

à  Beaulieu  -  la  -  Grange  ,  près 
Joyeuse,  où  nous  croyons  qu'il 
avoit  charge  d'âmes.  Dans  une  de 
ses  courses  apostoliques ,  vers  la 
fin  de  1793,  il  fut  saisi  par  des 
agensde  la  persécution,  sur  le  ter- 
ritoire du  département  du  Gard, 
dont  le  tribunal  criminel  siégeoit 
à  Nisines.Ily  futeonduit;  et,  après 
y  être  resté  quelque  temps  dans 
les  prisons ,  il  comparut  devant  ce 
tribunal ,  qui  le  condamna  de  suite 
à  la  peine  de  mort,  comme  «  prêtre 
réfractaire  »,  le  17  pluviôse  an  II 
(5  février  1794)-  Cette  sentence 
fut  exécutée  dans  les  vingt-quatre 
heures. 

CHAUVEX  (N...),  curé  de 
Charrières,  paroisse  du  diocèse  de 
Limoges  où  il  étoit  né ,  dans  celle 
de  Ahun,  en  1758,  refusa  le  ser- 
ment schismatique  de  1791.  Ne 
s'éloignant  pas  de  sa  paroisse,  il 
se  trouvoit  dans  une  portion  de  sa 
province  qui  faisoit  partie  du  dé- 
partement de  la  Creuse.  Les  auto- 
rités anti-religieuses  qui  l'oppri- 
moient,  firent  arrêter  ce  pasteur 
en  1793,  et  l'envoyèrent  au  com- 
mencement de  1794  à  Rochefort 
pour  qu'il  fût  déporté  sur  des  rives 
lointaines.  On  embarqua  le  curé 
Cliauvex  sur  le  navire  le  Wa- 
shington, dont  il  ne  put  sup- 
porter le  supplice  ,  malgré  son 
jeune  âge  (  V.  Rocdefort).  Il 
n'avoit  que  36  ans,  lorsqu'il  mou- 
rut cette  année -là  même.  Nous 
n'avons  pu  savoir  le  jour  précis 
de  sa  mort,  ni  le  lieu  où  il  fut 


CHA  421 

inhumé.  [V .  P.  J.  Charles ,  et 
A.  Chédez. ) 

CIIALVIGNÉ(]V...  de),  prê- 
tre, docteur  en  théologie,  et  cha- 
noine de  la  cathédrale  d'Angers , 
suivant  ce  qu'on  nous  écrit  de  cette 
ville,  n'avoit  point  compromis  sa 
Foi  par  une  adhésion  quelconque 
à  la  constitution  civitedu  clergé. 
Son  âge  avancé  ne  lui  permit 
pas  de  sortir  de  France,  lors 
de  la  loi  du  26  août  1792;  et  il 
subit  la   peine  de  la  réclusion 
que  cette  loi  avoit  infligée  aux 
non-assermentés  sexagénaires  ou 
infirmes.  Le  moment  arriva  où 
les  persécuteurs  ne  voulurent  pas 
qu'il  existât  un  seul  prêtre  en 
France,  et  où,  pour  parvenir  plus 
efficacement  à  leur  but,  ils  réso- 
lurent de  les  faire  tous  périr.  Le 
chanoine  de  Chauvigné  fut  alors 
envoyé ,  avec  ses  confrères  reclus, 
à  Carrier  qui  venoit  déjà  de  faire 
noyer  quatre-vingt-seize  prêtres  à 
Nantes  (  V.  Nantes).  Il  y  arriva 
au  commencement  de  décembre 
1793,  avec  ses  cinquante  -  sept 
compagnons  de  supplice  ;  et  il  fut 
noyé  commeeux,  dans  la  nuit  du 
9  au  10  de  ce  mois.  Son  martyre 
ne  différa  pas  de  celui  de  saint 
Nicostratc,  el  autres  ,  que  l'Église 
romaine  honore  comme  Martyrs  : 
Romœ  :  Sanctorum  Marty- 
rumNicostrali,  etc.  Qui  primo 
in   carcerem  missi '•■ ,  deinde 
scoypionibus  gravissimè  etv-si, 
cùm  à  pde  Chrisli  mut  a  ri  non 
passent ,  jussi  sunt  à  Diode- 


422  CHA 

tiano  in  fluvium  prœcipites 
dari.  (Martyrol.  roman.,  8  nov.) 
(  V.  Charbonnier,  d'Aviré,  et 
Ciavreul,  d'Angers.  ) 

CHAUVIN  (Le  Père) ,  prêtre 
et  religieux  Dominicain  de  la  ville 
^l'Arles ,  est  cité  comme  l'un  de 
nos  Martyrs,  dans  les  Mémoires 
recueillis  et  imprimés  à  Rome, 
en  1794»  par  (es  ordres  de  N. 
T.  S.  P.  ie  pape  Pie  VI.  On  y 
dit  que  le  P.  Chauvin  «  résista 
jusqu'à  la  mort  pour  la  défense  de 
la  religion  catholique;  qu'ayant 
été  enfermé  dans  les  prisons  de 
Marseille  (en  1793),  il  y  disposoit 
tous  ses  compagnons  de  captivité 
au  sacrifice  de  leur  vie,  les  con- 
fessoit ,  les  exhortoit  ;  et  qu'il  périt 
avec  eux».  Ces  faits  étoient  attes- 
tés par  d'autres  Dominicains  de 
la  même  province  ,  réfugiés  à 
ïlome,  et,  entre  autres,  par  le 
P.  Bouchon,  qui  avoit  fui  de  Mar- 
seille même ,  comme  y  courant 
des  dangers  particuliers  ,  parce 
qu'on  s'y  ressouvenoit  trop  de  ce 
qu'il  y  avoit  dit  en  chaire,  quelques 
jours  après  cette  affreuse  journée 
du  6  octobre  1790,  où  le  Roi 
avoit  été  si  violemment  amené  de 
Versailles  à  Paris.  «  Peuples  !  s'é- 
loit-il  écrié,  par  une  sorte  d'ins- 
piration, écoutez  la  voix  du  Sei- 
gneur :  Un  glaive  exterminateur 
ravage  le  sanctuaire  ;  des  mains 
sacrilèges  minent  le  trône  de  vos 

rois  pour  le  renverser   Vous 

faites  trembler,  par  vos  attentats, 
reux  qui  ont  le  courage  de  rester 


CHE 

encore  dans  vos  cités  On  vous 

dit  qu'on  travaille  à  votre  bon- 
heur.... On  vous  trompe,  et  vous 
ne  le  voyez  pas  !  C'est  au  nom  de 
Dieu  même,  c'est  comme  ministre 
de  sa  religion,  que  je  vous  le  ré- 
pète :  on  vous  trompe....  En  vous 
reprochant  votre  fatal  aveugle- 
ment, je  ne  fais  que  mon  devoir. 
Maintenant,  si  vous  voulez  une 
victime ,  me  voici.  Si  mes  discours 
vous  déplaisent,  frappez  :  voilà 
ma  tête.  Je  mourrai  sans  regrets , 
martyr  de  mon  ministère  ;  et  je 
n'aurai  pas  la  douleur  de  survivre 
à  la  ruine  de  ma  religion,  et  aux 
malheurs  de  la  France»  (Ibid. 
pag.  535). 

CHAZERAY  (iV-..), chanoine. 
(V.  Sigorne.) 

CHEDEZ  (Antoine),  prêtre  et 
prieur-économe  de  l'hôpital  de  la 
Charité,  à  Màcon,  s'étoit  attiré 
la  haine  des  impies  révolution- 
naires, par  ses  bonnes  œuvres, 
dont  la  religion  étoit  le  principe, 
et  par  l'exercice  de  son  ministère 
sacerdotal.  lisse  saisirent  enfin  de 
«a  personne,  en  1793,  et  le  dé- 
vouèrent au  supplice  d'une  dépor- 
tation au-delà  des  mers.  11  fut, 
à  cet  effet ,  envoyé  à  Rochefort , 
pour  y  être  embarqué  (V .  Roche- 
fort).  On  l'y  fit  monter  le  navire 
(es  Deux  Associés.  11  mourut  des 
souffrances  auxquelles  les  déportés 
étoient  en  proie,  dans  l'entrepont 
de  ce  bâtiment.  Sa  mort  arriva 
dans  la  nuit  du  5o  au  5i  août 
l?94j  et  *es  confrères  l'enter- 


CHE 

rerent  dans  l'île  Madame.  (  V. 
Chabvex,  et  ChÉrier.) 

CHEMINEAU  (Marie),  simple 
domestique  à  Loudun ,  en  Poitou , 
avoit,  par  un  principe  de  reli- 
gion, contribué  à  cacher,  dans 
une  maison  particulière,  un  de  ces 
prêtres  fidèles  contre  lesquels 
s'acharnoient  les  persécuteurs,  en 
1793.  Le  mérite  d'un  tel  acte 
d'hospitalité  a  été  développé  à 
l'article  d'Aux.  Le  prêtre  ayant 
été  découvert,  Marie  Chemineau 
fut  arrêtée  avec  lui,  et  conduite 
comme  lui  dans  les  prisons  de 
Poitiers.  Les  juges  du  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
Vienne ,  siégeant  en  cette  ville , 
tirent  comparoître  devant  eux 
cette  courageuse  chrétienne ,  le 
i4  thermidor  an  II  (1"  août 
1794),  et  la  condamnèrent  à  périr 
sur  l'échafaud,  comme  «  recè- 
le use  de  prêtres  réfractaires  » . 
(  V.  P.  Cherbonnier.  ) 

CHENET  (  Thérèse-Julienne- 
Hélène)  ,  religieuse  d'un  couvent 
de  la  Visitation,  à  Paris,  se  voyant 
expulsée  de  son  cloître  par  les 
impies  réformateurs  de  1791,  n'en 
continua  pas  moins ,  dans  le 
monde,  à  remplir  avec  ferveur 
les  devoirs  de  son  état.  Sa  piété, 
trop  éminente  pour  n'être  pas 
aperçue,  irrita  contre  elle  les  en- 
nemis de  la  religion.  Elle  fut  jetée 
dans  les  prisons  de  Paris  ;  et  le 
tribunal  révolutionnaire  l'appela 
devant  lui,  le  21  pluviôse  an  II 
(9  février  1794)-  Elle  y  répondit 


CHE  423 

en  chrétienne  intrépide  aux  im- 
pies interpellations  qui  lui  étoient 
faites.  La  constance,  le  courage 
de  sa  Foi,  confondirent  les  juges 
sans  les  désarmer.  Ils  s'en  ven- 
gèrent en  la  condamnant ,  comme 
«fanatique»  et  comme  «contre- 
révolutionnaire  »,  à  la  peine  de 
mort.  Elle  la  subit  le  même  jour, 
avec  la  même  fermeté. 

CHENU  (  Jacques  -Marie  ), 
prêtre  du  diocèse  de  Saint-Malo. 
et  pur  du  serment  schismatiquê 
de  1791,  exerpoit,  dans  la  pa- 
roisse de  Paramé  et  aux  environs , 
les  fonctions  du  saint  ministère , 
pour  les  catholiques  de  cette  con- 
trée. La  persécution  atteignit  sa 
personne  ;  et  il  fut  mené  prison- 
nier à  Rennes,  où  siégeoit  le  tri- 
bunal criminel  du  département 
d' Ille  et  Villaine.  Ce  tribunal , 
l'ayant  fait  comparoître  pour  être 
jugé,  le  1 1  germinal  an  II(3i  mars 
1794),  le  condamna  à  la  peine 
de  mort ,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  »  ;  et  la  sentence  fut  exécutée 
le  lendemain. 

CHERBONNIER  (  Pierre  ) . 
curé  de  Mezeaux,  dans  le  diocès»- 
de  Poitiers,  à  deux  lieues  de  cettr 
ville ,  ne  s'éloigna  pas  de  sa  pa- 
roisse, quoiqu'il  n'eût  pas  voulu 
taire  le  coupable  serment  de  1791. 
Restant  a  la  portée  de  se,s  parois- 
siens ,  il  continuoit  de  les  mainte- 
nir dans  la  pureté  de  leur  Foi  et: 
la  pratique  de  leur  religion ,  lors- 
qu'il fut  arrêté,  en  179a.  On  le 
jeta  dans  les  prisons  de  Poitiers; 


424  CHE 
et  le  tribunal  du  département  de 
la  /  ienne,  siégeant  en  cette  ville, 
fit  comparoître devant  lui  ce  curé, 
le  23  ventôse  an  II  (  i3  mars  1  794)- 
Les  juges  ne  manquèrent  pas  de  le 
condamner  à  périr  sur  Péchafaud, 
comme  «  prêtre  réfractaire  »  , 
c'est-à-dire  inébranlable  dans  la 
Foi  catholique.  (A.  M 'Chemin  eau, 
et  N.  E.  Chevalier.) 

CHERCHOULY  (  Jean),  curé 
de  la  paroisse  de  la  Chapelle-Fau- 
chier,  non  loin  de  Bourdeilles, 
dans  le  diocèse  de  Périgueux,  resta 
près  de  ses  paroissiens,  quoiqu'il 
n'eût  pas  fait  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Son  amour  pour  eux  l'empêcha 
même  de  sortir  de  France,  lors 
de  la  déportation  du  26  août  1792. 
Dans  le  courant  de  l'année  sui- 
vante, il  fut  arrêté  par  les  explo- 
rateurs des  persécuteurs;  et,  tra- 
duit ensuite  devant  le  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
Dordogne,  siégeant  à  Périgueux , 
il  y  fut  condamné  à  la  peine  de 
snort,  le  9  prairial  an  II  (  28  mai 
1 79'j  ) ,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire »,  et  fut  immolé  le  même 
jour. 

CHÉRIER  (Antoine),  prêtre, 
secrétaire  particulier  de  l'arche- 
vêque de  Toulouse  (  François 
de  Fontanges  )  et  né  à  Lune- 
ville  en  Lorraine,  persévéra  dans 
sa  Foi  avec  beaucoup  de  di- 
gnité ,  lors  du  schisme  cons- 
lituiionnel.  Etant  passé  ensuite 
dans  ie  département  de  V  Allier, 


CHE 

où  sans  doute  il  croyoit  avoir 
moins  à  redouter  de  la  persécu- 
tion suscitée  contre  les  prêtres, 
il  y  fut  arrêté  en  179^;  et  on  le 
jeta  dans  les  prisons  de  Moulins. 
Peu  de  temps  après ,  vers  le  com- 
mencement de  1794,  on  le  condui- 
sit à  Rocbefort,  pour  être  déporté 
au-delà  des  mers;  et  on  l'embar- 
qua, pour  cet  effet ,  sur  la  flûte  les 
Deux  Associés  {V.  Rochefort). 
Les  maux  qu'on  enduroit  dans 
l'entrepont  de  ce  navire,  et  les 
autres  souffrances  de  cette  dépor- 
tation, l'emportèrent  enfin  sur  son 
courage  et  sa  santé.  Attaqué  de  la 
contagion,  il  mourut  subitement 
dans  la  nuit  du  1"  au  2  septembre 
179^,  à  l'âge  de  3g  ans,  et  fut 
enterré  dans  l'ile  Madame.  M.  de 
la  Biche  dit  de  Chérier  :  «  C'étoii 
un  homme  d'esprit  et  de  talent, 
d'un  caractère  bien  prononcé,  et 
plein  de  courage  ».  [V.  A.  Ché- 
dez  ,  et  J.  Chevresson.  ) 

CHERNY  (Guillaume)  ,  prêtre 
et  religieux  Bénédictin  du  mo- 
nastère de  Reims,  étoit  resté  dans 
cette  ville  après  la  suppression  de 
son  cloître.  Sa  fidélité  aux  prin- 
cipes de  l'Eglise  catholique,  et  à 
ses  devoirs  de  religieux  et  de 
prêtre,  l'exposoit  à  des  per- 
sécutions :  il  crut  les  éviter  en 
allant  dans  la  Franche  -  Comté. 
Elles  l'y  atteignirent  ;  il  fut  arrêté 
et  jeté  dans  les  prisons  de  Besan- 
çon. Le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement du  Doués,  siégeant  en 
cette  ville,  le  fit  comparoitre  de- 


CHE 

vant  lui  le  j5  fructidor  an  II 
(5i  août  1 794 ) ,  trente-six  jours 
après  la  chute  de  Robespierre. 
Les  juges  lui  demandèrent  s'il 
avoit  t'ait  le  serment  du  schisme 
de  1791  ;  il  répondit  en  prêtre 
catholique  ;  et  comme  il  n'étoit 
pas  sorti  de  Fiance  d'après  la  loi 
de  déportation  rendue  contre  les 
insermentés  ,  le  tribunal  le  con- 
damna à  la  peine  de  mort  en  qua- 
lité de  «  prêtre  réfractaire  ».  Sa 
tête  fut  abattue  le  lendemain  sur 
l'échafaud.  {V.  Capon.  ) 

CHÉROMTE  (Claude), notaire 
royal  au  bourg-  de  Renay,  diocèse 
de  Blois,  né  dans  la  paroisse  de 
Villetrun,  près  Vendôme,  en  1 752  ; 
homme  d'une  grande  piété  et  d'une 
Foi  éclairée,  professa  publique- 
ment sa  fidélité  à  l'Eglise  catho- 
lique, lors  des  innovations  schis- 
matiques  de  1791.  Persistant,  de 
la  manière  la  plus  édifiante  et 
même  la  plus  courageuse,  dans  son 
attachement  à  la  sainte  Eglise ,  il 
s'attira  de  plus  en  plus  la  haine  des 
impies  partisans  de  la  révolution. 
Une  assemblée  civile ,  dite  assem- 
blée primaire ,  devant  avoir  lieu 
A  la  fin  d'août  1792,  à  Morée, 
chef-lieu  de  canton,  près  Cloye, 
pour  nommer  des  députés  à  la 
Convention,  on  força  ce  bon  ca- 
tholique de  s'y  rendre.  Cette 
assemblée  voulut  l'obliger  à  adhé- 
rer à  la  constitution  civile  du 
cleryé,  et  à  suivre  les  exercices 
de  son  clergé  schismatique ,  ana- 
thématisé  par  le  souverain  pon- 


CHE  4ai> 
tife.  Chéronte  répondit  qu'il  ne 
le  pouvoit  pas,  suivant  sa  cons- 
cience; qu'il  aimoit  mieux  mourir 
et  sauver  son  âme  que  de  parti- 
ciper au  schisme.  A  ces  mots . 
des  furieux  se  jetèrent  sur  sa  per- 
sonne ;  et  les  saints  Evangiles 
qu'ils  trouvèrent  dans  sa  poche , 
parce  qu'il  les  portoit  toujours 
avec  lui,  ayant  augmenté  la  rage 
des  impies,  ils  le  traînèrent  par 
les  rues  en  le  massacrant.  Ensuite 
ils  lui  coupèrent  la  tête  à  coups  de 
sabre,  et  la  portèrent  en  triomphe 
au  bout  de  la  baïonnette  d'un 
fusil.  Non  contens  d'avoir  offert 
un  pareil  spectacle  dans  tout  le 
bourg  de  Morée,  ils  marchèrent 
vers  Vendôme  pour  y  promener 
aussi  cette  tête  sanglante.  Mais  la 
garde  nationale  de  cette  ville,  aver- 
tie à  temps,  vint  à  leur  rencontre 
avec  des  canons,  et  les  ayant  par 
là  forcés  à  se  retirer,  ils  se  dissi- 
pèrent. Cet  événement  eut  lieu  le 
26  août  1792. 

CHESNEAU  (Nicolas- 
Charles),  curé  de  Montreuil- 
Belfroi  ,  près  d'A vrillé  ,  dans  le 
diocèse  d'Angers,  y  étoit  resté 
malgré  sa  proscription  comme 
prêtre  insermenté.  Les  progrès  de 
l'armée  catholique  et  royale  de 
la  Vendée  {V .  Vendée)  remplis- 
soient  de  confiance  son  zèle  pour 
le  salut  des  âmes.  La  tentative 
infructueuse  que  cette  armée  fil 
sur  Angers  ne  servit  qu'à  rendre 
la  persécution  plus  active  dans  la 
province.  Ce  curé  fut  arrêté  et  livré 


4^6  CHE 

à  la  commission  militaire  établis 
dans  cette  ville.  Expédiant  sans 
procédure  les  victimes  qui  lui 
étoient  amenées,  elle  se  contcn- 
toit  de  les  qualifier  de  «  brigands  de 
la  Vendée  » ,  en  les  envoyant  à  la 
mort  ;  et  ce  fut  ainsi  que  le  1 1  ni- 
vôse an  II  (3i  décembre  1794)? 
elle  fit  périr  le  curé  Chesneau. 
(V.  Briant ,  et  F.  L.  Chevalier.) 

CHEVALIER  (François- 
Louis),  jeune  prêtre,  vicaire  de 
la  paroisse  de  Seurdres,  dans  le 
diocèse  d'Angers ,  étoit  un  excel- 
lent ecclésiastique.  L'évêque  ac- 
tuel d'Angers  en  rend  lui-même 
à  sa  mémoire  l'honorable  témoi- 
gnage. La  commission  atroce,  que 
l'impie  Convention  avoit  établie 
dans  cette  ville  vers  la  fin  de  1 793 , 
ne  pouvoit  pardonner  au  jeune 
Chevalier  sa  Foi ,  ses  vertus  et  son 
zèle.  Elle  l'envoya  à  l'échafaud 
comme  «  brigand  de  la  Vendée  » , 
dans  le  courant  de  mars  1794 
{V .  Vendée).  C'est  à  lui  que  paroît 
se  rapporter  ce  que  nous  lisons 
dans  le  mémoire  manuscrit  de  l'un 
des  prêtres  de  la  déportation  de  Ne- 
vers  {V.  Nevers),  lequel,  revenu 
de  ce  supplice ,  a  écrit  son  voyage , 
ses  rencontres  et  ses  souffrances. 
En  parlant  de  son  passage  à  An- 
gers, et  du  séjour  qu'il  y  fit  dans 
/es  cachots  du  château  ,  «  Le  cin- 
quième jour  que  nous  y  étions 
enfermés  9  dit -il,  on  nous  per- 
mit de  prendre  l'air  pendant  deux 
heures  dans  une  cour  étroite  et 
très-infecte.  En  y  entrant,  nous 


CHE 

avons  été  abordés  par  un  grand 
jeune  homme  qui  peut  avoir  au 
plus  3o  ans,  et  nous  a  dit  :  J'ai 
le  bonheur  d'être  comme  vous 
prêtre  insermenté  ;  et  du  ton 
le  plus  assuré  et  avec  l'air  le  plus 
serein,  il  a  ajouté  :  Je  me  recom- 
mande à  vos  prières  ;  dans  quel- 
ques heures  on  doit  venir  me 
prendre  pour  me  conduire  à  (a 
guillotine.  Jugez,  poursuit  l'his- 
torien, jugez  de  l'impression  qu'a 
faite  sur  nous  cette  annonce.  Oh! 
que  la  grâce  est  donc  puissante  ! 
ce  jeune  héros  nous  a  consolés. 
Son  exécution  n'a  cependant  pas 
été  faite  le  même  jour  ;  mais  le 
lendemain ,  à  la  même  heure  que 
la  veille,  on  nous  a  ouvert  ntjs 
cachots  pour  prendre  l'air  dans  la 
même  cour;  et  nous  avons  eu  la 
douleur  de  voir  arriver  le  bourreau 
avec  une  charrette  ;  il  a  lié  notre 
vertueux  confrère ,  et  il  l'a  em- 
mené. Une  demi-heure  après,  cet 
ecclésiastique  a  succombé  sous  le 
fatal  couteau.  Nous  sommes  aussi- 
tôt rentrés  dans  nos  cachots,  où 
tous  ensemble  nous  nous  sommes 
mis  en  prières  pour  remercier 
Dieu  des  grâces  qu'il  a  faites  à 
notre  généreux  Martyr.  »  A  ce 
récit  édifiant,  nous  ajouterons  ce 
que  nous  écrit  le  vénérable  prélat 
d'Angers,  sur  François-Louis  Che- 
valier :  «  Arrivé,  dit- il,  au  pied 
de  l'échafaud,  il  donna  l'absolu- 
tion à  ceux  qui  alloient  périr  avec 
lui;  et  il  resta  prosterné  jusqu'à 
ce  que  son  tour  fût  venu  :  alors  i! 


CHE 

monta  sur  l'échafaud  avec  une 
grande  tranquillité  ;  et  sa  mort 
toucha  môme  ses  bourreaux  ». 
Tel  étoit  ce  vertueux  prêtre  que  la 
commission  venoit  de  condamner 
comme  «  brigand  de  la  Vendée  » . 
Il  périt  à  l'âge  de  32  ans.  (  V.  N. 
C.  Chesneau,  et  P.  II.  Dogue- 

REAU.  ) 

CHEVALLIER  (Benoît), 
prêtre  du  diocèse  de  Chambéry, 
né  aux  Marches,  près  Montmeil- 
lant,  d'une  famille  aisée,  vers 
1700,  a  voit  d'abord  été  militaire 
dans  l'ancienne  gendarmerie  de 
Luné  ville,  bien  différente  de  la 
nouvelle  quant  à  son  service.  Il 
entra  dans  l'état  ecclésiastique . 
vers  1777,  et,  ordonné  prêtre ,  il 
fut  envoyé  comme  vicaire  dans  la 
paroisse  de  Saint -Léger,  près 
d'Aiguebelle.  Il  devint  ensuite 
chanoine  de  la  cathédrale  de 
Chambéry,  où  il  résidoit  quand 
les  troupes  de  la  révolution 
pénétrèrent  dans  la  Savoie ,  le 
21  septembre  1792  {V.  Savoie). 
La  proclamation  du  8  février  1 793, 
qui  tendoit  à  établir  le  schisme 
constitutionnel  dans  le  départe- 
ment du  Mont-Blanc,  alarma  la 
conscience  plus  que  le  courage  du 
chanoine  Chevallier  ;  et  il  s'enfuit 
en  Piémont,  d'où  il  ne  revint  en 
Savoie  que  dans  le  courant  de 
1796.  La  catastrophe  du  18  fruc- 
tidor (4  septembre  1797)  ayant 
rallumé  la  persécution  contre  ics 
prêtres ,  le  chanoine  Chevallier 
fut  recherché  ;  on  l'arrêta  l'hiver 


CHE  427 
suivant  dans  la  paroisse  de  Saint- 
Alban,  près  Chambéry,  où  il  s'étoit 
caché.  Les  persécuteurs  le  fin  nt 
traîner  avec  beaucoup  d'autres 
prêtres  de  la  même  province  à 
Rochefort,  pour  être  déporté  à  la 
Guiane  {V.  Guiane)  ;  et  il  fut  em- 
barqué sur  la  Bayorinaise  le 
1"  août  J798,  sans  être  bien  ré- 
tabli d'une  maladie  qu'il  avoit 
contractée  dans  les  prisons.  Sa  ré- 
signation sembloit  augmenter  avec 
ses  souffrances.  Il  consomma  son 
sacrifice  pendant  la  traversée  ,  cru 
i"août  au  29  septembre;  et  son 
corps  fut  jeté  à  la  mer.  (  V.  )k 
Chapuis,  et  A.  Chollet.  ) 

CHEVALLIER  (Noei- 
Etienne),  premier  chanoine  de 
Saint- Pierre-le-Puellier,  dans  le 
diocèse  de  Poitiers,  et  membre 
du  bureau  diocésain,  étoit  resté 
dans  la  ville  de  ce  nom  après  la 
suppression  des  chapitres.  Quoi- 
qu'il eût  été  loin  de  prêter  le  fatal 
serment  de  1791,  il  n'étoit  pas 
sorti  de  France ,  parce  que  la  loi 
de  déportation  du  26  août  1792, 
ne  lui  avoit  semblé  regarder  que 
les  fonctionnaires  publics,  et  parce 
que  d'ailleurs  la  Foi  courageuse  des 
Poitevins  paroissoit  devoir  le  ras- 
surer contre  la  persécution  des 
conventionnels.  Cependant  il  fut 
atteint  en  1 792  ;  et  on  le  jeta  dans 
les  prisons  de  Poitiers.  Le  tribunal 
du  département  de  la  Vienne , 
siégeant  en  cette  ville,  le  fit  cora- 
paroître  devant  lui  le  28  ventôse 
an  II  (  18  mars  1794)-  H  y  fut 


428  CHE 

condamné  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  prêtre  réfractaire  »  ;  et 
alla  mêler  son  sang  à  celui  des 
seize  antres  victimes  que  les  juges 
firent  aussi  périr  le  même  jour,  en 
haine  de  la  religion.  {V .  P.  Cher- 
bonnier,  et  A.  Dechartre.  ) 

CHEVRESSON  (Jean-Bap- 
tiste), prêtre,  chanoine  régulier 
de  la  congrégation  de  Notre  Sau- 
veur, et  supérieur  de  la  maison 
qu'elle  avoit  à  Dommarlin-les- 
Villee,  dans  le  diocèse  de  Saint- 
Diez,  étoit  né  à  llloud,  près  de 
Bourmont,  paroisse  de  celui  de 
TouL  II  refusa  très -courageuse- 
ment de  prêter  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
cl  fut  dès  lors  voué  à  la  persécu- 
tion. Elle  s'acharna  d'autant  plus 
contre  lui ,  qu'il  se  montroit  ferme 
dans  ses  devoirs  et  dans  son  atta- 
chement à  la  religion.  Il  s'étoit 
retiré  dans  son  pays  natal,  faisant 
alors  partie  du  département  de  la 
Meurthe;  et  il  y  fut  saisi  en  1 795. 
Après  l'avoir  condamné  à  être  dé- 
porté au-delà  des  mers,  on  l'en- 
voya à  Rochefort  pour  y  être  em- 
barqué. Il  le  fut  en  effet  au  prin- 
temps de  1794?  sur  le  navire  tes 
Deux  Associés,  où  il  ne  résista 
pas  aux  maux  sous  lesquels  tant 
d'autres  prêtres  succomboienfa  II 
expira  le  17  août  de  cette  même 
année,  à  l'âge  de  55  ans,  et  fut 
enterré  dans  l'île  d'Aix.  (  V.  A. 
Chérier,  et....  Chironceau.  ) 

CHEVREUX  {Dom  Antoine), 
Général  de  l'ordre  des  Bénédic- 


GHE 

tins  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur,  dont  les  maisons,  à  Paris, 
étaient  celle  de  Saint  -  Germain- 
des-Prés ,  et  celle  de  la  rue  des 
Blancs-Manteaux,  n'auroit  presque 
eu  besoin  que  de  son  titre  pour  faire 
comprendre  l'étendue  de  ses  con- 
noissances  et  la  sublimité  de  ses 
vertus.  L'éloge  de  son  ordre ,  sous 
ces  deux  rapports,  est  encore  dans 
tous  les  cœurs ,  et  même  dans 
toutes  les  bouches.  Tant  que  l'on 
conservera,  je  ne  dis  pas  seule- 
ment en  France,  mais  chez  toutes 
les  nations  éclairées,  le  goût  de 
l'instruction,  et  quelque  amour 
pour  la  vertu  ,  on  parlera  de  la 
congrégation  de  Saint-Maur  avec 
autant  d'admiration  que  de  res- 
pect. Ces  sentimens  se  réunissent 
ici  en  l'honneur  de  Dom  Che- 
vreux,  qui  en  fut  le  dernier  supé- 
rieur-généraL  La  haute  considéra- 
tion dont  il  jouissoit  à  Paris  le  fit 
nommer,  par  le  clergé  de  cette 
capitale,  un  de  ses  députés  aux 
Etats  -  Généraux  de  1789.  Dire 
qu'il  y  fut  fidèle  aux  principes  de 
la  religion  et  de  l'honneur,  en  , 
exposant  même  sa  vie,  lorsque  ces 
Etats,  s'étant convertis  en  Assem- 
blée Nationale,  firent  tant  de  dé- 
crets subversifs  de  la  religion 
catholique,  comme  de  l'ancienne 
monarchie,  seroit  une  chose  su- 
perflue. La  conduite  de  ce  véné- 
rable religieux,  dans  ces  occasions 
si  critiques,  fut  si  pure  et  si  chré- 
tiennement héroïque,  qu'il  mérita 
d'être  compris  dans  la  liste  des 


CHE 

prêtres  à  massacrer  ,  lorsque  la 
fatale  journée  du  10  août  eut 
donné  à  l'Enfer  tout  pouvoir  sur 
les  Saints  du  Seigneur.  Dom  Che- 
vreux  fut  arrêté  et  conduit  dans 
l'église  des  Carmes,  subitement 
transformée  en  prison  de  mort 
(  V .  DutAU  )  ;  et  l'on  y  enferma 
avec  lui  son  neveu,  aussi  Béné- 
dictin (  V.  Barreau  ).  Le  2  sep- 
tembre ,  ce  digne  général  de 
l'illustre  congrégation  de  Saint- 
Maur  fut  appelé,  comme  les  plus 
simples  prêtres,  devant  ce  com- 
missaire de  police  qui,  dans  l'é- 
glise, régularisant  le  massacre, 
les  envoyoit  deux  à  deux  à  la  porte 
de  l'immolation.  Il  vint  avec  la 
docilité  d'un  enfant,  et  marcha  à 
la  mort  avec  la  résignation  d'un 
Saint ,  et  la  fermeté  d'un  Martyr. 
(V .  Septembre.) 

CHEVRIEfi.  (Jean-Baptiste), 
prêtre  du  diocèse  d'Annecy,  né  à 
Rumilly,  près  Bonne  ville,  voulant 
éviter  les  persécutions  faites,  dans 
sa  province,  aux  prêtres  qui  re- 
fusoicnt  de  prêter  le  serment 
criminel  exigé  par  des  proconsuls 
de  la  Convention  (F.  Savoie), 
étuit  venu  se  réfugier  à  Paris. 
Ne  s'y  croyant  cependant  pas  en- 
core en  sûreté ,  il  alla  se  cacher 
dans  le  bourg  d'Auteuil ,  où  il  fut 
bientôt  découvert.  On  le  jeta  dans 
les  prisons  de  Paris,  pour  y  at- 
tendre son  tour  d'être  envoyé  à 
l'éphafaud.  Ne  sachant  pas  s'ilavoit 
eu ,  dans  la  Savoie,  quelque  charge 
sacerdotale,  et  n'ayant  d'autre 


CHE  429 
grief  contre  sa  personne  que  son 
état  de  prêtre,  le  tribunal  révo- 
lutionnaire- différoit  à  le  faire 
comparaître  devant  lui.  Maiscnfm, 
lorsque  ce  tribunal  se  contenta  de 
prétextes  pour  envoyer  des  vic- 
times à  la  mort,  il  condamna  le 
prêtre  Chevrier  à  périr,  le  5  ther- 
midor an  II  (  23  juillet  1794  ), 
comme  complice  d'une  prétendue 
conspiration  des  prisons  de  la  mai- 
son des  Carmes,  où  il  étoit  en- 
fermé. Il  fut  guillotiné  le  même 
jour,  avec  plusieurs  autres  prêtres 
accusés  de  la  même  conspiration. 
Son  âge  étoit  de  5o  ans.  (V.  De- 

LAUNE.) 

CHÉZEAU  (.#...,  Dom), 
jeune  Bénédictin  de  la  maison  de 
Bourges,  ayant  eu  le  malheur  de 
faire  le  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé,  avoil  même 
porté  le  scandale  jusqu'à  devenir 
vicaire  épiscopal  de  l'évêqive  intrus 
de  Nevers.  A  l'abri  des  rigueurs 
de  la  loi  de  déportation  du  26  août 
1792,  il  sembloit  devoir  échapper 
aux  fureurs  des  révolutionnaires, 
dont  il  avoit  embrassé  les  premiers 
systèmes.  Mais,  à  la  Gn  de  1793, 
ils  ne  vouloienl  pas  plus  de  prêtres 
constitutionnels  que  de  prêtres 
catholiques;  et  dom  Chézeau  fut 
jeté  dans  une  prison  ,  comme 
ecclésiastique.  Il  y  resta  jusqu'au 
mois  de  février,  qu'il  fut  associé 
au  sort  des  vénérables  inasser- 
mentés de  Nevers,  qu'on  envoyoit 
à  Nantes,  pour  qu'ils  y  périssent 
{V.  Nevers  et  Nantes).  Ce  fut  là. 


430  CHE 

pour  dom  Chézeau,  une  insigne 
faveur  du  Ciel.  Il  avoit  alors  37 
ans.  Un  de  ses  compagnons  de 
déportation,  du  petit  nombre  de 
ceux  qui  sont  revenus  dans  leurs 
foyers,  nous  dit,  en  racontant  la 
généreuse  rétractation  et  la  sincère 
pénitence  de  ce  jeune  Bénédictin, 
dans  cette  rencontre  :  «  Il  sembla 
ne  nous  avoir  été  associé  que  pour 
nous  faire  rougir  nous-mêmes  de 
notre  tiédeur,  par  la  ferveur  de 
sa  piété ,  et  nous  faire  presque 
envier  sès  fautes,  si  nous  eussion? 
dû  avoir  le  bonheur  de  l'imiter 
dans  son  repentir,  et  de  mourir 
comme  lui  et  avec  lui  ».  Dom 
Chézeau,  qui  avoit  trouvé,  dans 
l'esprit  de  pénitence  dont  il  étoi': 
pénétré ,  le  courage  de  supporter 
les  tourmens  auxquels  les  prêtres 
furent  en  proie  pendant  le  voyage , 
succomba  sous  ceux  qu'ils  eurent 
à  souffrir  dans  l'horrible  fond  de 
cale  de  la  galiote  hollandaise ,  à 
Nantes.  Il  y  mourut  le  6  avril,  le 
même  jour  que  Philippe  Gaspard 
Moreau,etle  curé  Cantat(^.  Ne- 
vers).  La  sainte  mort  qu'il  fit  con- 
sola ses  compagnons  du  chagrin 
que  leur  avoit  causé,  le  27  mars, 
celle  d'un  autre  vicaire  del'évêque 
intrus  de  la  Nièvre.  Obstiné  dans 
son  schisme  et  ses  erreurs,  ce 
constitutionnel,  âgé  de  63  ans,  et 
qui  avoit  été  long-temps  curé  lé- 
gitime de  Saint-Sauveur,  dans  le 
diocèse  de  Nevers ,  ne  voulut 
point  les  rétracter,  et  mourut 
hors  du  sein  del'Eplise  catholique, 


CRI 

sans  être  digne  d'en  recevoir  les 
dernières  bénédictions.  {V .  Cha- 
peau, d'Angers;  et  Custode,  cha- 
noine.) 

CHIEZE  (Jérôme  de),  prêtre, 
chanoine  de  l'église  cathédrale 
d'Orange ,  et  vicaire-général  du 
diocèse,  ayant  continué  d'habiter 
cette  ville ,  après  la  suppression 
des  chapitres,  et  y  vivant  avec  son 
frère,  aussi  prêtre,  dont  il  va  être 
parlé,  n'étoit  pas  sorti  de  France, 
d'après  la  loi  de  déportation  , 
quoiqu'il  n'eût  pas  fait  le  serment 
de  1791.  L'esprit  d'opposition 
que  le  midi  de  la  France  montroit 
à  la  Convention,  en  1793,  les 
rassuroit  contre  les  dangers  de  la 
persécution.  Quand  ellese déploya 
avec  fureur  sur  cette  contrée,  au 
commencement  de  1794?  Jérôme 
Chièze  fut  arrêté  avec  son  frère  ; 
et  tous  les  deux  furent  livrés  à  la 
féroce  commission  populaire  éta- 
blie dans  leur  ville  [V.  Orange). 
Suivant  l'usage  adopté  par  cette 
ignare  autant  que  sanguinaire 
commission,  celui  de  se  dispenser 
de  toute  procédure  en  envoyant 
les  victimes  à  la  mort,  sous  pré- 
texte de  contre -révolution,  Jé- 
rôme Chièze,  qui  comparut  devant 
elle ,  avec  son  frère ,  le  5  messidor 
an  II  (  23  juin  1794),  fut  con- 
damné, à  l'âge  de  72  ans ,  comme 
«contre-révolutionnaire»,  à  périr 
sur  l'échafaud  ;  et  ils  y  périrent 
effectivement  ensemble ,  le  len- 
demain. Trois  jours  après,  un 
monstre  qui  faisoit  partie  de  cette 


cm 

ec-pèce  de  tribunal,  en  qualité  de 
greffier,  le  nommé  Benêts,  écri- 
voit  (  le  9  messidor — 27  juin  )  à 
un  autre  monstre  nommé  Payan  : 
«  Les  deux  Chièze,  prêtres,  sont 
au  nombre  des  conspirateurs 
punis.  Cela  va  bien,  et  ça  ira. 
Depuis  primidi  (  18  juin  ),  plus 
de  soixante  scélérats  ont  courbé 
la  tête.  La  guillotine  est  placée 
devant  la  Montagne  (  emblème 
figuratif  du  parti  le  plus  féroce  de 
la  Convention  )  :  et  l'on  diroit  que 
toutes  les  têtes  lui  rendent,  en 
tombant,  l'hommage  qu'elle  mé- 
rite. Allégorie  précieuse  pour  de 
vrais  amis  de  la  liberté  !  »  {A.  J. 
F.  Chièze.) 

CHIÈZE  (Joseph-Frédéric de), 
prêtre ,  et  chanoine  régulier  de 
l'ordre  de  saint  Pmf,  s'étoit  retiré 
à  Orange ,  où  il  vivoit  avec  son 
frère  dont  il  vient  d'être  parlé. 
Quoiqu'il  n'eût  pas  plus  que  lui 
prêté  le  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé ,  il  ne  sortit  pas 
de  France ,  et  fut  arrêté  avec 
lui,  au  commencement  de  1794. 
Traduit,  encore  avec  lui,  devant 
la  barbare  commission,  le  5  mes- 
sidor an  II  (23  juin  1794)?  il  fut 
de  même  envoyé  à  la  mort,  sous 
la  vague  accusation  de  «  contre- 
révolutionnaire  »,  à  l'âge  de  69  ans. 
Sa  tête  tomba  le  lendemain,  sur 
l'échalnud,  avec  celle  de  son  frère. 
{V .  J.  Chièze,  et  M"  Cluze.) 

CHILON  (Michel),  prêtre  du 
diocèse  de  Rennes  ,  vivoit  fort 
1   retiré  a  Romillé ,  près  Montfort- 


CHI  45 1 

sur-Men.  II  n'avoit  pas  cru  devoir 
se  soumettre  à  l'inique  loi  de  la 
déportation  ,  quoiqu'il  n'eût  pas 
fait  le  schismatique  serment  de, 
1791,  et  qu'il  repoussât,  comme 
contraire  à  la  Foi,  la  constitution 
civile  du  clergé.  Les  agens  de  la 
persécution  l'atteignirent  ,  et  le 
jetèrent  dans  les  prisons  de  Rennes. 
Le  tribunal  criminel  du  départe- 
ment d'Ille  et  V Maine',  siégeant 
en  cette  ville  ,  et  devant  lequel  il 
comparut  le  7  thermidor  (25  juil- 
let 1794)?  'e  condamna,  comme 
«  prêtre  réfractaire  » ,  à  la  peine  de 
mort  ;  et  il  fut  décapité  le  même 
jour ,  avec  un  autre  prêtre  du 
même  diocèse,  immolé  pour  la 
même  cause,  et  deux  vertueuses 
catholiques  de  qui  ils  avoient  reçu 
une  pieuse  hospitalité.  [A.  J.  R. 
Toslivint,  A'Bedée,  et  F"  Be- 
dée.) 

CHIRON  (Joseph),  habitant  du 
village  d'Yzernay ,  non  loin  de 
Saumur,  diocèse  d'Angers,  con- 
servoit  sa  Foi  pure  et  constante 
au  milieu  des  persécutions.  Tou- 
jours exact  dans  la  pratique  de  ses 
devoirs  religieux,  il  les  pratiquolt , 
et  ne  craignoit  pas  de  manifester 
ses  pieux  sentimens,  lors  même 
qu'il  savoit  qu'il  n'en  falloit  pas 
tant  pour  être  conduit  au  dernier 
supplice.  Entraîné,  parles  événe- 
niens  de  la  guerre  de  la  Vendée , 
jusque  vers  Noirmoutiers  (  V. 
Vendée),  il  tomba  dans  les  mains 
des  féroces  ennemis  de  la  religion , 
qui  le  fusillèrent  comme  «fana- 


CHO 

tique  »,  dans  cette  ville,  à  la  fin 
de 

C  H  1 R  0  TN  C  EAU  (  François- 
Laurent  Drouellet  de),  chanoine 
de  l'église  collégiale  de  Guéret , 
dans  le  diocèse  de  Limoges  ,  et  né 
à  Guéret,  y  étoit  resté,  quoique 
son  opposition  au  schisme  de  1791 
eût  irrité  contre  lui  les  impies  ré- 
formateurs de  cette  époque.  Leurs 
successeurs,  voulant  absolument 
détruire  ce  qui  restoit  de  la  reli- 
gion catholique,  s'animèrent  en- 
core plus  contre  ce  chanoine,  qu  i  en 
étoit  un  digne  ministre,  fidèle  à  la 
Foi  primitive.  Us  l'arrêtèrent  ;  et, 
après  l'avoir  retenu  quelques  mois 
en  prison,  ils  l'envoyèrent,  vers 
le  commencement  de  1794?  à 
Rochefort ,  pour  être  ,  de  là , 
transporté  sur  des  plages  loin- 
taines. Le  chanoine  Chironceau 
fui  embarqué  sur  le  navire  le 
Washington  (  V.  Piochefort)  , 
et  mourut  bientôt  dans  le  supplice 
de  cette  déportation,  à  l'âge  de 
Go  ans,  en  1794-  Nous  n'avons  pu 
savoir  où  son  corps  fut  inhumé. 
(  V.  J.  B.  Chevresson,  et  Cn.  A. 
Cholet.) 

CHOLET  (Charles  -  Alexan- 
dre), prêtre  et  chanoine  de  la 
collégiale  de  Ligny,  dans  le  dio- 
cèse de  Toul ,  y  étoit  resté  après 
la  suppression  des  chapitres  ,  et 
même  après  la  loi  de  déportation. 
Quoique  non-assermenté,  il  n'étoit 
pas  obligé  à  sortir  de  France ,  non- 
seulement  parce  qu'il  n'avoit  pas 
été  fonctionnaire  public  dans  le 


CHO 

clergé,  mais  encore  parce  qu'il 
étoit  plus  que  sexagénaire  (  V. 
Déportation).  Malgré  la  sécurité 
que  la  loi  semblait  lui  promettre, 
il  fut  arrêté  par  les  ordres  des  ad- 
ministrateurs du  département  de 
la  Meuse,  dans  lequel  Ligny  se 
trouvoit  compris;  et  le  tribunal 
criminel  du  département,  siégeant 
à  Saint-MihieJ ,  le  condamna  à 
être  déporté  au-delà  des  mers. 
Envoyé  pour  cet  effet  à  Roche- 
fort,  au  commencement  de  1794» 
il  y  fut  embarqué  sur  le  navire  le 
Washington  (  V.  Rochefort  )  ; 
et  il  mourut  dans  cette  doulou- 
reuse déportation ,  à  l'âge  de  64 
ans  ,  en  aofit  de  la  même  année. 
Ses  confrères  l'inhumèrent  dans 
l'île  à'Aix.  (  V.  F.  L.  Chiron- 
ceau,  et  P.  H.  Cholet.) 

CHOLET  (Pierrf-Hifpolyte), 
prêtre,  chanoine  de  l'église  collé- 
giale de  Montfaucon,  dans  le  dio- 
cèse de  Reims ,  et  natif  de  Dam- 
vilet,  paroisse  de  celui  de  Verdun , 
resta  dans  le  premier  après  la 
suppression  des  chapitres ,  en 
1791.  Sa  conduile  religieuse  et 
sacerdotale  lui  attira  la  haine  des 
impies  ;  et  il  fut  mis  en  réclusion 
à  Reims  dans  le  courant  de  1793. 
Bientôt  on  le  dévoua  au  supplice 
de  la  déportation  maritime;  et  on 
le  fit  partir  pour  Rochefort,  afin 
d'y  être  embarqué.  Il  le  fut  sur  le 
navire  le  W ashington,  au  prin- 
temps de  1794  ( V.  Rochefort); 
et  il  mourut  en  octobre  suivant, 
à  l'âge  d'environ  62  ans.  On  l'en  - 


CHO 

terra  dans  l'île  Madame.  (F.C.A. 
Cholet,  et...  Christiani.) 

C  HOLLET(  Antoine),  né  en  An- 
jou vers  1755,  prêtre  et  chanoine 
de  l'une  des  congrégations  ré- 
gulières du  diocèse  d'Angers,  a  voit 
échappé  à  toutes  les  persécutions 
précédentes  de  la  révolution ,  lors- 
qu'il fut  atteint  parles  exécuteurs 
de  la  loi  du  19  fructidor  (5  sep- 
tembre 1797)-  On  l'envoya  à  Ro- 
chcfort  où  il  fut  embarqué  le  icr 
août  sur  ta  Bayonnaisc,  qui  de- 
voit  le  transporter  à  Cayenne 
[V.  Guiane).  Il  y  arriva  le  29 
septembre ,  et  fut  relégué  dans  le 
désert  de  Synnamari ,  où  bientôt 
la  dyssenterie  et  les  vers  s'empa- 
rèrent de  sa  personne.  Le  supplice 
auquel  onyétoiten  proie,  ressem- 
bloit  à  celui  dont  Baronius  parle 
au  jour,  28  juillet,  de  son  Mar- 
tyrotogium ,  et  que  Cœlius  de 
Rhodes,  ainsi  qu'Apulée,  avoit 
décrit  en  disant  :  Vermibus  ex 
■putredine  exortis  intùs  infelix 
depascebatur  (Anliq.  lect.  L.  X, 
c.  v).  On  transporta  le  chanoine 
Chollet  à  l'hospice ,  où  il  ne  tarda 
pas  à  mourir.  Il  expira ,  âgé  de 
45  ans,  le  9  décembre  1798. 
{V.  B.  Chevallier,  et  J.  Co- 
lard. ) 

CHOUILLAGUET  (François- 
Gilbert),  prêtre,  religieux  Capu- 
cin du  second  des  deux  couvens 
de  son  ordre  à  Lyon ,  sous  le  nom 
de  Père  Augustin,  avoit  conti- 
nué d'habiter  cette  ville  depuis  la 
destruction  de  sou  cloître.  La  red- 


CHR  455 

dition  de  Lyon ,  après  le  siège 
qu'en  avoient  fait,  dans  l'été  de 
1795,  les  troupes  de  la  Conven- 
tion, ayant  été  suivie  de  la  re- 
cherche des  prêtres,  le  P.  Augus- 
tin fut  jeté  dans  les  prisons  (  V. 
Lyon).  Cette  farouche  commis- 
sion révolutionnaire,  par  la- 
quelle tout  prêtre  qui  ne  vouloit 
pas  livrer  ses  lettres  de  prêtrise, 
et  abdiquer  par  là  son  sacerdoce, 
étoit  envoyé  à  la  mort,  y  con- 
damna ce  religieux,  en  l'accusant 
d'être  «  contre-révolutionnaire  »  ; 
et  il  avoit  alors  60  ans.  La  sen- 
tence, rendue  le  20  nivose  an  II 
(9  janvier  1794)?  fut  exécutée  le 
même  jour. 

CHRÉTIEN,  femme  Narret. 
{V.  M.  M.  Narret.) 

CHRISTIANI  (N...  ) ,  curé 
d'Inglange,  près  Thion ville,  au 
diocèse  de  Trêves,  et  né  à  En- 
trange en  1731,  avoit  été  porté  par 
son  affection  naturelle  pour  le  lieu 
de  sa  naissance  a  se  faire  illusion  sur 
le  crime  du  serment  schismatique 
de  1 791.  Voulant  rester  au  milieu 
de  ses  paroissiens  et  près  de  sa  fa- 
mille, il  fit  ce  coupable  serment  : 
le  même  motif  humain  le  dé- 
termina aussi  à  prêter,  a  la  fin  de 
1 792 ,  le  serment  de  liberté-éga- 
lité. Cependant,  Christiani  ai- 
moit  la  religion,  et  en  conservoit 
la  Foi  au  fond  de  son  cœur.  Les 
pratiques  religieuses  auxquelles  il 
se  livroit,  ne  purent  lui  être  par- 
données  par  les  impies;  ils  l'arrê- 
tèrent en  lj^3,  et  le  confondant 


434  CIS 

avec  les  honorables  insermentés  , 
ils  le  condamnèrent  à  être  déporté 
comme  eux  au-delà  des  mers.  Il  fut 
donc  envoyé  à  Rochefort  pour 
être  embarqué  (  V .  Rochefort  ). 
On  l'y  fit  monter  le  navire  le  Wa- 
shington. Quand  il  se  vit  au  mi- 
lieu de  tant  de  prêtres,  illustrés 
par  la  fermeté  de  leur  Foi  et  de 
leur  vertu  ,  il  rougit  de  ses  foi- 
blesses,  en  fit  une  sincère  péni- 
tence, rétracta  ses  deux  sermens. 
Devenu  par  là  dès  lors  semblable 
en  tout  à  ses  compagnons  de  souf- 
frances, il  en  fut  sans  doute  ré- 
compensé par  le  Ciel,  quand  il 
mourut  dans  le  courant  d'octo- 
bre, à  l'âge  d'environ  63  ans.  On 
l'inhuma  dans  l'île  Madame. 
{V.  P.  H.  Cholet,  et  N.  Claude.) 

CHRISTOPHE  (Le  Frire), 
des  Ecoles  chrétiennes.  (  V .  Ch 
Schair.) 

CÏSSON  (Henri),  curé  de 
Berre,  dans  le  diocèse  d'Aix,  y 
étoit  encore  en  1793,  sous  les 
auspices  de  l'esprit  anti- conven- 
tionnel qui  distinguoit  alors  la 
Provence.  Elle  fut  bientôt  subju- 
guée ;  et  tous  ceux  que  les  procon- 
suls de  la  Convention  y  vouoient 
à  la  mort,  étoient  vaguement  qua- 
lifiés par  eux  de  «  contre-révolu- 
tionnaires». Ce  fut  sous  ce  titre 
que  le  curé  Cisson  fut  envoyé  à 
l'échafaud,  le  27  frimaire  an  II 
(  1 7  décembre  1 793),  par  le  tribu- 
nal criminel  du  département  des 
Bouches-du-Rhôns ,  siégeant  à 
Marseille 


CLA 

CL  Aï  {Le  Frère  Cèlestin) , 
né  à  Nismes,  en  1766,  attaché 
à  l'ordre  des  Capucins  dans  le- 
quel il  étoit  clerc  tonsuré,  et 
n'ayant  encore  que  24  ans,  fai- 
soit  son  noviciat  dans  leur  mai- 
son de  Nismes  ,  lorsqu'eut  lieu 
dans  cette,  ville,  le  14  juin  1790, 
cette  insurrection  sanglante  qui 
coûta  la  vie  à  tant  de  catholiques. 
On  a  pu  voir  à  l'article  du  P.  Be- 
noît comment  leurs  ennemis  fon- 
dirent sur  le  couvent  des  Capucins, 
le  carnage  qu'ils  y  firent,  et  les 
dévastations  dont  ils  s'y  rendirent 
coupables.  Le  frère  Cèlestin  fut 
un  des  cinq  qui,  se  rencontrant 
sur  les  pas  de  ces  furieux,  reçu- 
rent la  mort  pour  prix  de  leur 
attachement  à  la  Foi  catholique  , 
de  leur  fidélité  à  leur  règle  et  de 
leur  zèle  pour  le  salut  des  âmes  [V . 
Benoît,  Fidèle,  Reboul,  Siméon 
et  Glas).  Ramenés  souvent  aux 
massacres  de  Nismes,  il  nous  est 
bien  difficile  de  n'être  pas  reporté 
par  la  mémoire  à  ce  que  Nicolas 
Coeffeteau,  savant  Dominicain, 
évêque  de  Dardanie ,  et  nommé 
à  l'évêché  de  Marseille,  disoit  au 
xviic  siècle ,  dans  la  préface  de 
sa  Monarchia  Ecclesiœ  Catho- 
licœ.  On  ne  peut  se  dispenser 
que  de  le  traduire  \  Successif  Lu- 
thero  Calvinus,  proceila  Gal- 
liœ,  turbo  pacis....  Sanguina- 
riam  Me  condidit  sectam ,  <juaz 
florentihus  Gattiœ  rébus  cris- 
tas  erigere  haud  av.sa ,  tandem 
ver  teneram  Francisai  II  et 


CLA 

Caroli  IX  œtatem  grassandi 
occasioncm  nacta ,  christianis- 
simum  regnum  bellis  civUi- 
bus  attrivit.  Vbi  enim  in  flo- 
rentissimo  regno  illa  desœviit 
tempcstas,  œquata  solo  tem- 
pia ,  eversa  altarla,  effossa 
ae-pulchra,  trucidati  Dei  sa- 
verdoies,  stupratœ  suer  ce  Vir- 
gines,  supplicia  catlwlicis  il- 
iota,  strages  editœ ,  ctrexipse 
Carotus  IX,  non  sotùm  in- 
sidiis  appetitus,  sed  et  apertâ 
vi  oppugnatus  est. 

CLAUDE  (Nicolas),  prêtre, 
prébende  de  la  cathédrale  de 
Nanci,  né  dans  cette  ville,  se 
garda  bien  d'adhérer  en  aucune 
"Bianière  au  schisme  constitution- 
nel. Très-conséquent  aux  prin- 
cipes de  sa  Foi,  il  montra  dans  la 
suite  que  rien  ne  pourroit  le  dé- 
tacher de  ses  devoirs  ecclésias- 
tiques. Cette  constance,  qui  sem- 
bloit  se  fortifier  à  mesure  que  les 
épreuves  devenoient  plus  terri- 
bles, lui  valut  d'être  arrêté  en 
1 795.  D'abord  jeté  dans  les  prisons 
de  Nanci,  il  fut  ensuite  envoyé 
à  Rochefort  pour  y  être  déporté 
au-delà  des  mers  (  V .  Rochefort). 
On  l'embarqua  sur  le  navire  (es 
Deux  Associés;  et  il  succomba 
dans  les  souffrances  de  cette  dé- 
portation ,  le  16  août  1 794 ,  à  l'âge 
de  49  ans-  Ses  confrères  l'inhu- 
mèrent dans  l'île  d'Jix.  (  V. 
Christiani,  et  P.  Cluny. ) 

CLAUDEL  (Dominique-Nico- 
las) ,  prêtre  du  diocèse  de  Saint- 


CLA  455 

Diez  où  il  avoit  vu  le  jour,  dans 
la  paroisse  dite  La  Bresse ,  étoit 
vicaire  en  celle  du  Mesnil,  près 
Remiremont.  Il  fut  obligé  de 
s'en  éloigner,  parce  qu'il  avoit 
refusé  le  schismatique  serment  de 
1791.  Les  vexations  qu'il  éprou- 
voit  pour  cette  cause ,  allant  tou- 
jours en  croissant,  et  contrariant 
de  plus  en  plus  son  zèle,  il  sortit 
de  France ,  lors  de  la  barbare  loi 
de  déportation,  en  août  1792. 
Jlais  son  ardeur  pour  le  salut  des 
ûmes  ,  ne  tarda  guère  à  l'y  rame- 
ner; et  il  s'associa  aux  travaux 
apostoliques  d'un  vénérable  curé 
du  même  diocèse  [V .  N.  Antoine). 
Lorsqu'en  1794,  dans  une  de  leurs 
saintes  courses  par  les  montagnes, 
ils  entrèrent  pour  prendre  quelque 
repos  dans  une  auberge  à  Plom- 
bières, il  y  fut  arrêté  avec  lui, 
le  6  avril,  vers  sept  heures  du 
soir.  On  a  écrit  quelque  part , 
avec  un  éloge  sans  réserve ,  que  les 
agens  de  persécution  qui  les  sai- 
sirent ,  ayant  voulu  faire  subir 
le  même  sort  à  l'aubergiste  et  à 
sa  femme ,  leur  servante  s'offrit 
pour  l'un  et  l'autre,  disant  qu'elle 
seule  étoit  coupable  d'avoir  logé 
ces  deux  prêtres,  et  que  ses  maî- 
tres n'en  avoient  nulle  connois- 
sance.  Le  dévouement  de  cette 
fille  est  magnanime  ;  mais  elle 
offensoit  Dieu  par  un  mensonge. 
Le  vicaire  Claudel  fut  conduit 
avec  l'autre  prêtre,  à  Mirecourt; 
et  le  tribunal  criminel  du  dépar- 
tement des  Vosges,  qui  siégeoit 

28. 


/ 


436  CLA 

en  celte  ville,  l'ayant  fait  compa- 
roître  devant  lui  avec  son  con- 
frère, qu'il  alloit  faite  mourir 
comme  «prêtre  réfractaire  »,  con- 
damna celui-ci  comme  «  émigré- 
rentré  »,  à  la  même  peine  de 
mort  qu'il  subit  avec  lui  le  même 
jour,  en  déployant  la  même  séré- 
nité et  le  même  héroïsme.  L'exé- 
cution, comme  la  sentence,  eut 
lieu  le  24  germinal  an  II  (i5  avril 
1794),  qui,  cette  année -là,  se 
trouvait  être  le  dimanche  des 
Rameaux. 

CLAVEL  (Antoine)  ,  prêtre  du 
diocèse  du  Puy,  où  il  étoit  vicaire, 
étant  écarté  de  son  poste  à  cause 
de  son  refus  du  serment  de  1791, 
s'étoit  retiré  chez  son  frère,  cul- 
tivateur à  Craponne,  près  de  la 
ville  du  Puy;  et  de  là,  il  alloit 
porter  les  secours  de  son  minis- 
tère aux  catholiques  de  la  contrée 
{V.  J.  B.  àbeillon).  Il  fut  épié 
dans  ses  courses  apostoliques  par 
les  agens  de  la  persécution;  et  l'on 
sut  que  son  asile  étoit  chez  son 
frère.  Celui-ci  et  sa  femme  furent 
arrêtés  en  même  temps  que  lui. 
On  les  conduisit  tous  les  trois 
dans  les  prisons  du  Puy.  Le  tri- 
bunal criminel  du  département 
de  la  Haute-Loire,  siégeant  en 
celte  ville ,  les  fit  comparoître 
ensemble ,  le  2  messidor  an  II 
(20  juin  1794);  et  'a  même 
sentence  qui  condamna  les  deux 
autres  comme  nous  allons  le 
voir  ci -après,  envoya  le  prêtre 
Clayel    périr    sur    l'échafawd  , 


CLA 

comme  «réfractaire».  {V.  J.  B. 
Abeielon.) 

CLAVEL  (Jean  -  Baptiste)  , 
simple,  mais  pieux  cultivateur, 
en  la  paroisse  de  Craponne  ,  dans 
le  diocèse  du  Puy,  contribua  beau- 
coup, en  ce  qui  le  concernoit,  à 
la  gloire  que  ce  diocèse  acquit  sous 
le  rapport  de  la  piété  en  1795  et 
i?94(^.  J-B.  Abeillon).  Il  donna 
asile  chez  lui ,  non  seulement  à 
son  frère,  vicaire,  poursuivi  par 
les  persécuteurs,  mais  encore,  en 
passant,  à  d'autres  prêtres  dont  la 
tête  étoit  menacée.  Cette  géné- 
reuse et  sainte  hospitalité ,  dont 
sa  femme  partageoit  le  mérite 
avec  lui ,  fut  découverte  aux  per- 
sécuteurs. Ils  firent  arrêter,  et 
conduire  dans  les  prisons  du  Puy, 
le  cultivateur  Clavel  ,  avec  sa 
femme  «t  son  frère.  Tous  les  trois 
furent  appelés  ensemble  ,  le  2 
messidor  an  II  (20  juin  1794), 
devant  le  tribunal  criminel  de  la 
Haute- Loire,  siégeant  au  Puy; 
et,  tandis  que  les  juges envoyoient 
le  vicaire  à  la  mort  comme  «  prê- 
tre réfractaire  »  ,  ils  prononçoient 
aussi  la  peine  capitale  contre  son 
frère  et  sa  belle -sœur,  les  quali- 
fiant de  «  recéleurs  de  prêtres  ré- 
fractaires».  [V.  J'Aeix.) 

CLA\EL  (Catherine  Boutjn, 
femme  du  cultivateur),  demeurant 
avec  lui  à  Craponne  ,  dans  le  dio- 
cèse du  Puy,  égaloit  son  mari  en 
zèle  pour  la  religion,  et  en  cha- 
rité comme  en  respect  envers  les 
prêtres  sans  asile  et  poursuivis  de 


CLA 

toutes  parts  pour  être  mis  à  mort. 
Elle  n'eut  pas  moins  de  mérite 
que  lui  dans  l'asile  qu'il  leur  offrit 
en  sa  maison.  Quand  on  arrêta 
le  brave  Clavel ,  pour  cette  bonne 
œuvre ,  sa  femme  partagea  son 
sort  comme  elle  partageoit  ses 
vertus.  Traduite  avec  lui  et  son 
beau  -  frère  ,  le  vicaire  Antoine 
Clavel,  devant  le  tribunal  crimi- 
nel du  département  de  la  Haute- 
Loire,  le  2  messidor  an  II  (20 
juin  1794)»  elle  y  fut  condamnée 
aussi  à  la  peine  de  mort,  comme 
«  receleuse  de  prêtres  réfractaires» . 
Sa  tête  tomba  avec  celle  de  son 
mari  et  celle  du  vicaire  Clavel , 
sous  la  hache  de  la  guillotine.  [V. 
J"  Aux.) 

CLAVEL  (Lotiis),  prêtre  du 
diocèse  d'Avignon ,  vicaire  en  la 
paroisse  du  Thor,  près  d'Avignon , 
ne  s'étoit  laissé  ni  séduire  par  la 
constitution  civile  du  clergé, 
ni  déconcerter  dans  l'exercice  du 
saint  ministère  par  la  loi  de  dé- 
portation. Il  continuoit  à  le  ren- 
dre profitable  anx  catholiques  de 
la  contrée,  lorsque  la  persécution 
y  devint  si  violente  ,  à  la  fin  de 
179J  [V.  Orange).  Cette  vio- 
lence s'augmentant  chaque  jour, 
le  vicaire  Clavel  fut  arrêté  et  livré 
au  tribunal  criminel  du  départe- 
ment de  V  au  ci  use  ,  siégeant  à 
Avignon.  Ce  tribunal  le  condamna, 
le  i4  prairial  an  II  (2  juin  1794), 
à  périr  sur  l'échafuud,  en  qualité 
de  «  prêtre  réfraclaire  »  ;  et  le 
jour  même  il  fut  décapité. 


CLA  4^7 

CLAVIÈRE  (Jean  -  Pierre  )  , 
curé  de  la  ville  de  Cau^ade ,  en 
Quercy,  diocèse  de  Montauban , 
né  en  1700,  à  Castelnau-de-Morit- 
Ra  t  i  ici* ,  également  en  Quercy, 
mais  au  diocèse  de  Cahors,  avoit 
acquis  par  ses  vertus  et  par  un 
long  exercice  des  fonctions  pas- 
torales, l'amour  et  la  vénération 
de  ses  paroissiens.  Ils  ne  lui  per- 
mirent pas  de  s'éloigner  d'eux , 
lors  de  la  loi  de  déportation  ;  et  il 
continuoit  encore ,  en  179^,  à  leur 
administrer  les  secours  de  son  mi- 
nistère. Un  concert  très- coura- 
geux de  piété  entre  le  curé  et  les 
habitans  ,  devenoit  un  spectacle 
aussi  révoltant  pour  les  révolu- 
tionnaires, qu'il étoit  édifiant  pour 
les  amis  de  la  religion.  Dans  une 
tristesse  commune  de  l'assassinat 
de  Louis  XVI,  les  paroissiens  du 
curé  Clavière  avoient  arboré  la 
cocarde  noire,  en  déposant  celle 
de  la  révolution  et  de  l'impiété. 
C'étoit  plus  qu'il  n'en  falloit  pour 
que  les  persécuteurs  les  accu- 
sassent d'être  en  état  de  contre- 
révolution  ;  et  ils  firent  arrêter  le 
curé  avec  dix-sept  de  ses  parois- 
siens. Ces  dix-huit  victimes  fu- 
rent amenées  à  Paris,  d'après  la 
loi  du  27  germinal  (16  avril  1794)' 
pour  être  jugées  sur  leur  préten- 
due conspiration  par  le  tribunal 
révolutionnaire  de  la  capitale. 
Toutes  comparurent  ensemble  de- 
vant lui,  le  5  messidor  an  II  (21 
juin  1794  );  elles  furent  de  suite 
condamnées  à  périr  le  même  jour 


438  CLA 

sur  l'éehafaud.  La  sentence,  com- 
posée des  formules  du  temps, 
porte  que  ces  dix-huit  individus 
étoient  «  tous  convaincus  de  s'être 
rendus  les  ennemis  du  peuple,  en 
provoquant  l'avilissement  et  la 
dissolution  de  la  représentation 
nationale,  et  le  rétablissement  de 
la  royauté  ;  en  arrachant  la  co- 
carde tricolore  ,  la  déchirant  et  la 
foulant  aux  pieds,  y  substituant 
la  cocarde  noire,  et  voulant  forcer 
des  citoyens  à  l'arborer;  en  exci- 
tant par  leurs  discours,  propos  et 
manœuvres  ,  à  la  guerre  civile  ;  en 
faisant  des  rassemblemens  de  ci- 
toyens sous  prétexte  de  cérémo- 
nies religieuses,  et  se  servant  du 
fanatisme  pour  appitoyer  sur  le 
sort  du  tyran ,  etc.  etc.  »  Les 
dix-sept  autres  victimes  furent: 
L.  Lacroix,  R.  et  J.  Delpèche  de 
Saint  -Ton,  J.  Savit-Labat,  J. 
Boiris  ,  B.  Genibre,  P.  Moules, 
A.  Tursan-d'Espagnay  ,  J.  F.  Pi- 

CHOLIER,  F.  FoL'SSAGRIVE,  11.  Bo- 
RIE  ,   J.   RlETTE  ,    M.    Calmette  , 

A.  A.  Bastie,  J.  et  Jîs  Casseigne 
dit  Cabvin  ,  J.  Forien  {V.  ces 
noms).  Il  en  fut  de  l'indignation 
avec  laquelle,  à  cette  époque,  ils 
déchirèrent  leur  cocarde  natio- 
nale ,  comme  de  l'action  de  ce 
«aint  Martyr  de  Nicomédie ,  dont 
parle  Eusèbe  (  Histor.  Ecctes. , 
1.  VIII,  c.  5),  et  qui,  mû  par  un 
zèle  divin,  arracha,  mit  en  pièces 
un  édit  impie  de  Dioclétien,  fut 
pour  cela  mis  à  mort,  et  se  trouve 
Honoré  par  l'Eglise,  le  7  septem- 


CLA 

bre ,  comme  on  peut  le  voir  dans 
les  Martyrologes  d'Adon,  d'U- 
suard,  etc.,  sous  le  nom  de  Jean 
dans  les  uns,  et  de  Georges  dans  les 
autres.  Ce  trait  est  encore  cilé  par 
Laclance  :  De  Mortibus  Perse- 
cutorum,  c.  xm,  et  par  Baluze: 
Notœ  ad  Lactantium.  Quand 
les  administrateurs  et  juges  du 
département  du  Lot  avoient  été 
forcés  par  la  loi  du  27  germinal, 
de  se  dessaisir  des  dix -sept  vic- 
times dont  nous  venons  de  parler, 
ils  avoient  déjà  fait  périr  des  prê- 
tres sur  leur  échafaud  de  Cahors 
{V.  F.  Bergon  ,  Jammes)  ,  et  ils 
en  avoient  envoyé  cent  quatre- 
vingts  du  seul  diocèse  de  Cahors, 
à  Bordeaux  et  à  Blaye,  pour  être 
déportés  à  la  Guiane.  Ceux  -  là 
furent  non  seulement  maltraités , 
mais  encore  dévalisés  en  route 
par  leurs  conducteurs.  L'embar- 
quement de  tous  ne  put  avoir  lieu, 
quand  il  s'en  fit  un,  qui  fut  le  pre- 
mier et  l'unique,  à  la  fin  de  l'au- 
tomne suivant.  Il  en  mourut  trojs 
à  Blaye  [V.  J1'  Bessière.  Ee  Hel- 
vert,  P.  Larnatjdy),  et  dix  à  Bor- 
deaux {V.  J.  Bessier,  J<!s  Boyer, 
F.  Cambon,  P.  Delsol,  F.  Gayet, 
J.  P.  Hauteribe,  P.  Larribe,  J. 
Laiîredon,  J.  Malet,  H"  Viseav. 
—  V .  aussi  H.  Ju  Gm*  Baudcs, 
J.  Molinier,  etc.)  Les  juges  de 
Cahors  immolèrent  encore  un 
prêtre  dans  leur  ville  ,  deux  mois 
après  la  chute  de  Roberspierre. 
(F.  J.  P.  MÉAiET.) 

CLAVREUL  (N...  ),  ancien 


CLA 

curé  de  la  paroisse  de  la  Trinité  , 
dans  la  ville  d'Angers,  et  frère  de 
Clavreul,  curé  de  Saint-Pierre-de- 
Pressigné  (  V.  l'article  suivant), 
s'étoit  retiré  des  fonctions  pasto- 
rales, à  cause  de  son  grand  âge  , 
en  1791.  S'il  ne  fut  pas  appelé, 
comme  curé,  à  prêter  le  serinent 
scikismatique  de  cette  époque ,  il 
n'en  étoit  pas  moins  fortement 
détourné,  par  sa  Foi,  d'adhérer 
aux  maximes  hétérodoxes  qui  s'y 
rattachoient;  et  l'on  n'eut  pas  tort 
de  le  compter  au  nombre  des 
prêtres  insermentés.  Etant  plus 
que  sexagénaire,  lors  de  la  loi 
de  déportation  du  26  août  1792, 
il  se  trouvoit  dispensé  de  sor- 
tir de  France;  mais  il  restoit 
condamné  à  la  réclusion.  Il  su- 
bissoit  cette  peine  avec  beau- 
coup d'autres  prêtres  Angevins , 
vieillards  ou  infirmes,  lorsqu'en 
novembre  1 790 ,  les  persécuteurs , 
ne  pouvant  plus  souffrir  la  pré- 
sence, l'existence  même  d'un  mi- 
nistre de  la  religion  [V .  Angers), 
apprirent  que  Carrier,  proconsul  à 
Nantes,  avoit  trouvé  un  moyen 
expéditif  d'en  faire  périr  un  grand 
nombre  d'une  seule  fois  [V .  Nan- 
tes). Le  vénérable  Clavreul  lui 
fut  envoyé,  avec  ses  compagnons, 
vers  la  fin  de  novembre  ;  et  il  les 
noya  tous  ,  au  nombre  de  cin- 
quante-huit, avec  seize  autres, 
dans  la  nuit  du  9  au  10  décembre 
suivant.  Ainsi  périrent  tant  de 
Saints  dont  parle  Eusèbe,  Hist. 
Eccles-,  1.  VIII,  c.  xv  ),  et  que 


CLA  4S9 
l'Eglise  honore  comme  Martyrs. 
C'étoit  le  supplice  que  les  Romains 
avoient  autrefois  imaginé  pour 
les  parricides.  Cicéron  en  parle 
dans  son  Oratio  proRosc.  Amer. 
Ils  y  renoncèrent,  à  cause  de  sa 
trop  grande  atrocité  ;  et  cepen- 
dant, ajoute  Gallonius  :  (Decru- 
cialibus  Martyrum  ,  pag.  204 
de  l'édition  in-4°  de  Paris,  1659)  : 
C  hrislianorum  tamea  aliqui, 
eo  iterùm  adhibito ,  martyrii 
coronâ  donati  fuére. 

CLAVREUL  (iV...  ),  curé  de 
Saint-Etienne-de-Pressigné ,  dans 
le  diocèse  d'Angers ,  et  frère  du 
précédent  ,  ne  sortit  point  de 
France  ,  après  la  menaçante  loi  du 
26  août  1792,  quoiqu'il  n'eût  pas 
fait  le  serment  schismalique  de 
1791.  Se  trouvant,  par  son  âge  ou 
ses  infirmités,  dans  le  cas  de  la 
réclusion  infligée  par  cette  loi, 
aux  vieillards  et  aux  infirmes,  il 
fut  enfermé ,  avec  son  frère  et 
nombre  d'autres  prêtres,  à  An- 
gers. On  l'en  fit  partir  avec  eux, 
vers  la  fin  de  novembre  1795, 
pour  aller  périr  dans  une  de  ces 
submersions  dont  Carrier  venoi  t  de 
faire  l'essai  à  Nantes,  sur  quatre- 
vingt-seize  prêtres  {V .  Nantes). 
Il  fut  compris  dans  la  seconde 
noyade,  qui  eut  lieu  la  nuit  du  9 
au  10  décembre;  et  sa  mort  devint 
celle  de  ces  confesseurs  de  la  Foi 
que  l'Eglise  honore  comme  Mar- 
tyrs, le  5septembre.  [V .  ci-devam . 
pag.  2o5  et  3 1 7;  Chahvigné,  d'An- 
gers, et  Y.  Coat.) 


44»  CLE 

CLECH  (Augustin),  prêtre  du 
diocèse  de  Tréguier,  né  à  Ples- 
tein ,  exerçant  ses  fonctions  sa- 
cerdotales dans  la  petite  ville  de 
Lannion  ,  ne  voulut  point  souiller 
sa  conscience  par  le  serment  de 
la  constitution  civile  du  clergé. 
La  persécution  que  ce  refus,  joint 
à  sa  conduite  édifiante  et  zélée , 
lui  attira,  ne  l'empêcha  point 
de  rester  dans  la  contrée  où  il 
s'etoit  dévoué  aux  besoins  spi- 
rituels des  catholiques.  Au  plus 
fort  des  violences  exercées  contre 
les  prêtres,  étant  recherché  avec 
fureur ,  il  trouva  un  asile  secret 
chez  une  charitable  femme  du 
peuple,  à  Morlaix(^.  Ae  Leblanc). 
Il  y  fut  découvert;  on  l'arrêta, 
avec  cette  pieuse  femme  et  sa  fille. 
Tous  les  trois  furent  traînés  à 
Brest  ;  et  le  tribunal  révolution- 
naire de  cette  ville  (  V .  J.  Abas- 
qce)  condamna  comme  «  réfrac- 
taire  »  cet  ecclésiastique ,  avec  ses 
deux  généreuses  hôtesses,  le  i3 
messidor  an  II  (1"  juillet  1794)-  Ll 
fut  exécuté ,  comme  elles,  le  même 
jour,  à  l'âge  de  56  ans.  [V.  J.  M. 
Brunellée,  et  M.  E.  Forçan.) 

CLEMENCEAU  (IV...),  curé 
de  l'église  paroissiale  de  Saint- 
Castor,  à  Nismes,  et  vicaire-gé- 
néral du  diocèse,  étoit  né  en  Bre- 
tagne. Dépouillé  de  sa  cure ,  parce 
qu'il  avoit  refusé  le  serment  de 
la  constitution  civile  du  clergé, 
il  devenoit  d'autant  plus  odieux 
aux  novateurs,  qu'indépendam- 
ment de  ce  qu'il  ne  cessoit  d'en- 


CLff 

tretenir  les  fidèles  du  diocèse , 
dans  la  Foi  catholique,  il  affer- 
missoit  la  constance  des  prêtres 
qui  ne  l'avoient  point  trahie  par 
ce  serment.   La  persécution  le 
força  de  sortir  de  Nismes;  et  il 
vint  se  réfugier  dans  la  paisible  et 
dévote  paroisse  de  Naves.  Il  y  fut 
arrêté  le  9  juillet  1792,  avec  sept 
autres  qui  s'étoient  retirés  comme 
lui  dans  ce  village,  pour  le  même 
motif.  Le  récit  de  ce  qui  leur  ar- 
riva ,  dans  cette  rencontre ,  est 
ailleurs  {V .  Bravard).  On  y  voit 
que  ces  prêtres  venoient  de  célé- 
brer les  saints  mystères,  quand  ils 
furent  saisis ,  et  transférés  ensuite 
dans  la  prison  des  Vans.  Une  âme 
compatissante  déplorant  en  leur 
présence  les  mauvais  traitemens 
qu'on  leur  faisoit  éprouver,  et  pa- 
roissant   surprise   de   ce  qu'ils 
avoient  la  force  de  les  soutenir , 
Clémenceau  lui  dit  aussitôt  :  «Ne 
soyez  pas  étonnée  de  notre  cou- 
rage :  nous  sortions  de  dire  la 
messe  quand  on  nous  a  arrêtés»  : 
Ab  Ula  mensa  tanguam  icônes 
ignem   spirantes  surgamus , 
facti  diabolo  formidolosi.  (  S. 
Joan.  Chrvsost-  ,  m  cap.  v  1,  J oan. 
Hom.  45).  Le  pain  eucharistique 
suffisoit  pour  leur  donner  l'ardent 
courage  dont  ils  avoient  besoin. 
Enfin,  le  14  juillet  1792,  le  curé 
Clémenceau  fut  massacré,  à  l'âge 
de  5o  ans,  avec  les  sept  autres 
prêtres,  sur  la  place  des  Vans ,  pour 
la  cause  de  la  Foi.  (F.  Bonijol,  et 
Drome.  ) 


CLE 

CLEMENT  (Le Père),  Canne. 
[V .  C.  J.  Lallemand.) 

CLÉMENT  (Jeanne  Tregarot, 
femme  ),  animée  d'une  Foi  vive 
et  courageuse ,  ne  s'étoit  point 
laissé  ébranler  par  les  apôtres  de 
l'erreur  ;  et ,  touchée  des  malheurs 
qu'éprouvoient  les  ministres  ca- 
tholiques ,  poursuivis  de  toutes 
parts ,  sans  trouver  où  reposer 
leur  tête ,  elle  en  accueillit  un 
dans  sa  maison,  à  Serent,  près  de 
Ploermel  ,  dans  le  diocèse  de 
Vannes.  Cette  action  admirable  et 
courageuse  fut  découverte  ;  et  la 
pieuse  femme  Clément  fut  arrêtée. 
On  la  conduisit  à  Vannes,  où  sié- 
geoit  le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement du  Morbihan.  Tra- 
duite devant  lu/  pour  être  jugée, 
le  7  prairial  an  II  (26  mai  1794), 
elle  fut  de  suite  condamnée  à  la 
peine  de  mort,  comme  «recéleuse 
de  prêtres  réfractaires  » .  (  V.  J" 
Aux.  ) 

CLÉMENT  (Etienne)  ,  prêtre 
du  diocèse  de  Lyon,  né  à  Saint- 
Bonnet-des-Bruyères,  en  Beaujo- 
lais ,  n'ayant  point  fait  le  serment 
schismatique  ,  exerçoit  encore  , 
en  1795,  le  saint  ministère  dans 
la  paroisse  d'Aigueperse  en  Beau- 
jolais. Il  y  fut  arrêté  immédiate- 
ment après  le  siège  de  Lyon  {V . 
Lyon).  On  le  conduisit  dans  les 
prisons  de  cette  ville  ;  et ,  le 
16  germinal  an  II  (5  avril  1794), 
il  fut  amené  devant  l'impie  et  san- 
\  guinaire  commission  qui  décimoit 
ries  Lyonnais.   En  vain  clic  le 


CLE  441 
somma  de  prêter  le  serment  de 
liberté-égalité,  et  de  livrer  ses 
lettres  de  prêtrise,  pour  être  brû- 
lées, c'est-à-dire  d'abdiquer  son 
sacerdoce  :  le  prêtre  Clément  se 
montra  un  intrépide  confesseur  de 
Jésus-Christ ,  et  un  courageux 
ministre  de  son  Evangile.  Il  fut 
condamné  à  la  peine  de  mort , 
comme  «prêtre  fanatique,  qui 
ne  vouloit  pas  se  conformer  aux 
lois  »  ;  et  il  périt  le  lendemain,  à 
l'âge  de  l\Q>  ans. 

CLÉMENT  (Jacques),  curé  de 
Vervant  ,  dans  le  diocèse  de  La 
Bochelle,  et  né  dans  une  paroisse 
voisine,  en  1754,  n'abandonna 
point  ses  paroissiens  aux  dangers 
du  schisme,  quoique  son  refus 
du  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé  l'eût  fait  priver 
de  son  titre  de  curé.  Son  atta- 
chement pour  eux  le  détourna 
de  se  soumettre  à  l'inique  loi 
de  la  déportation.  Mais  il  fut 
arrêté  et  amené  dans  les  prisons 
d'Angoulême.  Quand  la  Conven- 
tion ,  supprimant  les  tribunaux 
extraordinaires  de  province ,  au 
printemps  de  1794?  c,Jt  ordonné 
que  tous  ceux  que,  dans  les  dé- 
partemens ,  on  accuseroit  de  quel- 
que délit  contre  la  révolution , 
seroient  conduits  à  Paris  ,  le  curé 
Clément  y  fut  traîné.  Le  tribu- 
nal révolutionnaire,  devant  le- 
quel il  comparut ,  le  16  prairial 
an  II  (4  juin  1794)?  le  condamna 
à  la  peine  de  mort,  smis  I'accusa- 
lion  vague,  alors  employée  contre 


442  CLE 
presque  toutes  ses  victimes,  celle 
«  d'avoir  conspiré  contre  le  peuple 
français,  en  provoquant  la  disso- 
lution de  la  représentation  natio- 
nale ,  et  le  rétablissement  de  la 
royauté».  C'étoil  ainsi  que,  sous 
l'empereur  Maximien ,  les  chré- 
tiens avoient  été  envoyés  à  la 
mort  comme  ennemis  des  lois  , 
et  perturbateurs  de  la  tranquillité 
publique.  Le  curé  Clément  périt 
le  même  jour. 

CLÉMENT  (René),  prêtre  du 
diocèse  d'Angers ,  et  vicaire  à 
Breil,  y  resta  pour  l'utilité  spiri- 
tuelle des  catholiques,  quoiqu'il 
lût  proscrit,  comme  insermenté, 
par  la  loi  de  déportation.  On  l'ar- 
rêta au  commencement  de  1794» 
et  il  fut  conduit  dans  les  prisons 
de  Rennes.  Le  tribunal  criminel 
iVItte  et  Villaine,  siégeant  en 
cette  ville,  le  fit  comparoître  de- 
vant lui  pour  le  juger,  le  16  ger- 
minal an  II  (  5  avril  1794),  en 
même  temps  qu'à  Paris,  le  tribu- 
nal révolutionnaire  envoyoit  à 
l'échafaud,  Danton  et  d'autres 
ennemis  des  plus  furieux  du  sacer- 
doce. Le  vicaire  Clément  fut  con- 
damné, le  même  jour,  à  la  même 
peine  ,  en  qualité  de  «  prêtre  ré- 
fractaire  »  ;  et  la  sentence  s'exécuta 
le  lendemain. 

CLERET  (IV...),  que  les  listes 
imprimées  ne  nous  font  connoître 
que  comme  aumônier  d'un  hôpital 
de  la  capitale ,  massacré  dans  la 
maison  des  Carmes,  le  2  sep- 
tembre 1792,  nous  laisse  le  regret 


CLE 

de  n'avoir  pu  trouver  d'autre? 
renseignemens  sur  son  compte. 
L'humble  poste  dans  lequel  il 
exerçoit  son  ministère  ne  lui  per- 
mettoit  pas  d'acquérir  de  la  célé- 
brité ;  mais  il  lui  fournissoit  plus 
d'occasions  que  bien  d'autres 
d'acquérirbeaucoup  de  mérite  aux 
yeux  de  Dieu.  Ce  qui  devient  cer- 
tain par  le  sort  qu'il  eut,  c'est  qu'il 
n'avoit  pas  voulu  charger  sa  cons- 
cience du  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé ,  et  que , 
ferme  dans  sa  Foi  devant  les  ty- 
rans du  comité  de  la  section  aux- 
quels il  fut  amené  par  les  satellites 
des  persécuteurs,  il  mérita,  par 
sa  constance  invariable  dans  son 
refus  du  serment,  et  par  consé- 
quent dans  l'intégrité  de  sa  Foi, 
d'être  compris  au  nombre  de  ceux 
qui  alloient  en  être  les  Martyrs. 
(V .  Dblad  et  Septembre.) 

CLEYS  (  Pierre  -  Jacques  ), 
prêtre,  l'un  de  ces  dix  religieux 
de  la  Belgique  dont  nous  avons 
déjà  parlé,  et  que  nous  avons  tous 
nommés  à  l'article  de  G.  F.  Bouc- 
quart,  l'un  d'eux,  fut  enlevé, 
comme  eux,  de  son  couvent,  par 
les  soldats  de  la  Convention,  lors- 
qu'ils envahirent  cette  contrée. 
Cinq  religieuses  {V .  R.  Beck)  ,  ar- 
rachées de  même  à  leur  cloître, 
furent  réunies  à  ces  captifs  de 
Jésus-Christ;  et  on  les  envoya  au 
proconsul  Lebon ,  qui  déployoit 
toutes  les  fureurs  sanguinaires  de 
l'athéisme  dans  la  ville  d'Arras 
{V.  Arkas  ).  Il  se  plut  à  les  acca- 


CLI 

J)ler  d'outrages,  avant  de  les  en- 
voyer à  la  mort.  Son  tribunal 
révolutionnaire  condamna  à 
cette  peine  le  vénérable  Cleys  , 
alors  5gé  de  60  ans,  avec  ses  dix 
confrères  et  les  cinq  religieuses, 
le  i2messidoran  II  (3ojuin  ) 794)- 
Le  touchant  spectacle  d'édification 
qu'ils  donnèrent  en  allant  au  sup- 
plice ,  égala  ceux  qu'avoient  offerts 
les  Martyrs  de  la  primitive  Eglise. 
Le  P.  Cleys  étoit  né  à  Turde- 
gheim.  Son  père  se  nommoit  Jean- 
Baptiste  Cleys  ;  et  sa  mère ,  Marie- 
Jeanne  Dewicque.  (  V.  S.  Chah- 
trel,  et  M.  A.  Danel.) 

CLINCIIAMP  (Antoine- Jean 
de),  prêtre  insermenté  du  dio- 
cèse du  Mans,  prieur  de  Saint- 
André,  à  Clisson  près  Nantes,  et 
demeurant  depuis  la  révolution 
à  Beaumont-sur-Sarthe,  venu  à 
Paris  en  1792,  condamné  à  mort 
comme  «  contre-révolutionnaire» 
par  le  tribunal  révolutionnaire, 
de  la  capitale  ,  le  20  avril  1795 ,  et 
exécuté  le  même  jour,  mérite  une 
place  dans  nos  diptyques,  en 
qualité  de  prêtre  catholique,  et 
comme  attaché  à  la  royauté  par 
principe  de  religion.  Il  étoit 
si  vivement  affecté  des  malheurs 
de  l'une  et  de  l'autre,  que,  sans 
penser  aux  dangers  qu'il  cou- 
roit,  il  fit  imprimer  et  publier  un 
écrit  dans  lequel  il  étoit  dit  que  «  la 
religion  relèveroit  le  trône  comme 
elle  l'avoit  élevé  sous  Clovis  ;  que 
l'impiété  étoit  un  torrent  qui  en- 
traîneroit  les  impies  dans  une  mer 


CLU  443 

de  douleurs,  et  que  Dieu  ,  tôt  ou 
tard ,  mettroit  fin  aux  calamités 
publiques».  Cette  brochure  avoit 
pour  titre  :  Aux.  amis  de  la  vé- 
rité. On  ne  sait  pas  au  juste  si 
l'abbé  de  Clinchamp  en  étoit  l'au- 
teur ;  mais  on  sait  bien  qu'il  en 
avoit  les  sentimens,  qu'il  en  pro- 
clamoit  les  principes,  et  qu'il  vou- 
loit  qu'elle  se  répandît  pour  la 
gloire  de  la  religion  et  le  salut  de 
la  France.  Arrêté  à  raison  de  cet 
écrit ,  dicté  par  la  Foi  la  plus  vive, 
il  en  professa  la  doctrine  devant 
ses  juges.  Comme  un  des  témoins, 
appelés  pour  déposer  en  sa  cause , 
tâchoit  de  justifier  ses  intentions, 
il  l'interrompit  avec  dignité,  en 
disant  :  «  Ce  sont  des  impies  qui 
jugent  les  chrétiens ,  comme  au- 
trefois des  misérables  ont  jugé  le 
Fils  de  Dieu  »;  et  aussitôt  la  sen- 
tence de  mort  fut  portée  contre 
lui.  Il  marcha  avec  le  courage 
d'un  Martyr  au  lieu  du  supplice  ; 
et  quand  il  fut  monté  sur  l'écha- 
faud,  il  leva  les  yeux  au  ciel ,  fai- 
sant très -ostensiblement  à  Dieu 
le  sacrifice  de  sa  vie. 

CLUNY  (Pierre  de)  ,  prêtre  et 
religieux,  Minime,  de  la  maison 
de  Moulins ,  province  monastique 
de  Lyon,  et  diocèse  d'Autun ,  étoit 
né  à  Moulins  en  1736.  Il  résista 
aux  séductions  du  schisme  consti- 
tutionnel ;  mais  les  épouvantables 
événemens  d'août  et  de  septembre 
1 792 ,  ébranlèrent  son  courage  ;  et 
croyant  acquérir  par  la  un  moyen 
de  sûreté,  il  fil  le  serment  de  fi~ 


44  i  CLU 
t>erté -  égalité ,  prescrit  à  cette 
époque.  Son  illusion  se  dissipa 
lorsque  les  persécuteurs,  voyant 
qu'il  n'avoit  pas  entendu  sacrifier 
sa  croyance ,  l'arrêtèrent  en  1 793 , 
et  le  condamnèrent  à  être  déporté 
au-delà  des  mers.  On  le  traînoit  à 
Rocliefort,  où  il  devoit  être  em- 
barqué {V.  Rochefort),  lorsqu'il 
tomba  dangereusement  malade  a 
Saintes.  Ce  voyage  étoit  déjà  un 
cruel  martyre.  Pour  en  mériter 
pleinement  la  palme,  il  rétracta 
le  serment  qu'il  avoit  fait,  et  mou- 
rut en  digne  confesseur  de  Jé- 
sus-Christ, le  16  janvier  179^1 
dans  la  maison  de  réclusion  où  il 
étoit  resté.  Ses  ossenaens  reposent 
k  Saintes  (  V.  pag.  2^5).  11  avoit 
alors  58  ans.  {V .  N.  Claude,  et  J. 

P.  G.  F.  CoLLAS-DU-LoNGCHAMPS.) 

CLUZE  (LonsE) ,  née  en  1765, 
dans  le  comtat  Venaissin,  voulant 
se  consacrer  à  la  vie  monastique , 
sans  que  sa  famille  pût  faire  les 
frais  de  son  admission  comme  re- 
ligieuse dans  un  cloître,  étoit  en- 
trée en  qualité  de  sœur  converse 
dans  le  couvent  des  religieuses  du 
Saint-Sacrement,  à  Boulène.  Elle 
y  reçut  le  nom  de  Sœur  du  Bon- 
Ange;  et,  après  la  suppression 
des  ordres  monastiques,  elle  resta 
avec  les  religieuses  qui  conti- 
nuoient  à  vivre  en  communauté 
dans  la  pratique  de  leurs  saintes 
règles.  Elle  partagea  leur  sort, 
quand  celles-ci,  en  1794?  furent 
amenées  le  2  mai,  au  nombre  de 
quarante-deux,  dans  les  prisons 


COA 

d'Orange,  pour  y  être  immolées 
par  l'impie  commission  popw 
taire  qui  alloit  s'établir  en  cette 
ville  (V.  Obange).  La  sœur  Cluze 
ne  fut  pas  moins  fervente  que  les 
autres  religieuses  dans  leurs  dé- 
votes préparationsau  martyre.  Ap- 
pelée devant  le  féroce  tribunal,  le 
24  messidor  an II  (  12  juillet  179^)» 
avec  trois  de  ces  pieuses  filles  [V . 
T.  M.  Talliend,  E.  Justamont, 
M.  Roussillon),  malgré  son  jeune 
âge  de  29  ans ,  elle  y  fut  aussi 
ferme  qu'elles  dans  la  profession 
de  la  Foi  et  le  refus  du  serment 
de  liberté- égalité.  Les  juges  la 
condamnèrent  pour  cette  raison , 
comme  ces  trois  religieuses ,  à  la 
peine  de  mort,  qu'elle  subit  le 
même  jour,  avec  la  même  cons- 
tance et  les  mêmes  sentimens.  (  V . 
B.  Collet.  ) 

COAT  (Yves)  ,  curé  de  la  pa- 
roisse de  Saint-Donatien  de  la  ville 
de  Nantes,  né  dans  le  diocèse  de 
Saint-Pol  de  Léon ,  à  Saint-Thé- 
gonée,  près  Morlaix,  en  1727, 
avoit  été  précédemment  vicaire 
dans  le  village  de  Mauves ,  au 
diocèse  de  Nantes,  puis  dans  la 
paroisse  de  Saint-Clément  de  cette 
ville,  où  il  avoit  fait  ses  études 
ecclésiastiques,  et  reçu  les  ordres 
sacrés.  Depuis  trente  ans,  il  étoit 
curé  de  Saint-Donatien,  lorsque 
la  révolution  exigea  de  lui  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du  clergé.  Il  le  refusa  ;  et  ce  pas- 
teur, jusqu'alors  béni  des  pauvres, 
et  vénéré  partout,  fut  voué  à  la 


COA 

persécution.  Quand  sui'vint  la  loi 
de  la  déportation ,  ses  amis  le  pres- 
sèrent de  passer  en  Espagne  : 
«  Non,  leur  répondit-il;  j'ai  plus 
de  60  ans  ;  la  loi  me  laisse ,  à  raison 
de  mon  âge,  la  liberté  de  demeurer 
ou  de  partir,  et  je  reste  parmi  vous. 
Je  descendrois  avec  quelques  re- 
mords au  tombeau  dans  l'exil,  si, 
étant  sorti  pour  conserver  un  mi- 
sérable reste  de  vie,  j'y  apprenois 
qu'un  seul  de  mes  paroissiens  fût 
mort  sans  avoir  reçu  les  sacre- 
mens  ».  Cependant  la  persécution 
devint  si  alarmante  ,  qu'il  crut 
devoir  ensuite  se  retirer  chez  une 
de  ses  parentes,  sans  cesser  d'être 
compté  par  les  administrateurs  du 
département  de  la  Loirc-Infé- 
ricure ,  au  nombre  des  prêtres 
qui  dévoient  être  mis  en  réclusion. 
On  l'enferma  bientôt,  avec  d'au- 
tres sexagénaires,  dans  l'ancien 
couvent  des  Carmélites  de  Nantes. 
Lorsqu'en  juillet  1790,  il  eut  élé 
décidé  qu'on  l'embarqueroit  avec 
ses  confrères  pour  la  déportation 
{V.  Rochefort),  on  le  mit  avec 
eux  sur  un  misérable  navire  où  il 
eut  beaucoup  à  souffrir.  La  navi- 
gation ne  pouvant  s'effectuer ,  on 
le  ramena  dans  les  prisons  où  il 
resta  jusqu'à  l'arrivée  du  proconsul 
Carrier  en  celte  ville  {V.  Nantes). 
Ce  proconsul  le  fit  retourner  avec 
ses  confrères  au  même  navire;  et, 
après  quelques  jours  employés  à 
les  dépouiller  successivement  de 
tout ,  et  à  leur  faire  pressentir  leur 
fin  prochaine,  ce  barbare  le  fit 


coc  445 

submerger  avec  tous  les  autres , 
dans  la  nuit  du  i5au  16  novembre 
1793.  {V .  pag.  20D  et  217;  Cla- 
vreul,  d'Angers,  et  Daconneaii, 
de  Saint-André.) 

COCHON  (iY-..),  vicaire  de  la 
paroisse  de  la  Trinité  dans  le  dio- 
cèse de  Saint  -  Brieuc  ,  âgé  de 
45  ans ,  n'avoit  pas  voulu  prêter 
le  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé.  Un  jour  qu'il 
étoit  allé  dans  la  paroisse  de  Plu- 
mieux,  près  Pontivy,  il  fut  sur- 
pris par  des  soldats  d'une  colorme 
mobile  révolutionnaire,  auprès 
du  lit  d'un  malade  auquel  il 
administroit  les  secours  de  la 
religion.  Les  soldats  le  saisirent 
et  l'emmenèrent  aux  prisons  de 
Loudéac ,  où  il  fut  chargé  de 
fers  et  jeté  dans  un  cachot.  Le  len- 
demain, on  l'en  tira  pour  le  con- 
duire au  tribunal  de  Saint-Brieuc  ; 
mais,  avant  de  le  faire  partir,  un 
serrurier  vint  lui  mettre  les  me- 
nottes. Celui-ci  les  serroit  avec 
tant  de  force,  que  le  sang  de  notre 
vicaire  couloit  de  ses  poignets 
avec  abondance  ;  il  ne  put  s'empê- 
cher de  lui  dire  :  «  Ne  serrez  pas 
tant  ;  je  ne  veux  pas  m'échapper.  » 
Sur  cette  remontrance ,  faite  avec 
résignation  et  douceur,  le  serru- 
rier lui  répliqua  :  «  Pourquoi  te 
plaindre  ?  lu  en  verras  bien  d'au- 
tres sur  la  route.  »  C 'étoit  an- 
noncer qu'il  y  seroil  assassiné  ;  et 
dès  lors  il  disposa  son  âme  à  une 
mort  aussi  prochaine.  En  passant 
par  le  village  de  Pontgaut ,  les 


440  coi 

soldats  qui  le  conduisoient  le  firent 
entrer  chez  un  prêtre  assermenté 
des  plus  fameux  du  pays,  qui  lui 
dit  :  «  Faites  le  serment,  et  je  vous 
assure  la  vie.  »  —  «  Non ,  non  , 
répliqua  notre  saint  prêtre,  je  n'ai 
pas  tant  souffert  jusqu'à  cette  heure 
pour  me  damner  à  ce  moment  » . 
Les  soldats  l'emmènent  ;  et  à  quel- 
que distance  de  là,  ils  le  criblent 
de  coups  de  fusil.  Son  corps  fut 
porté  au  cimetière  de  Plémy  :  les 
habitans  de  cette  paroisse  et  ceux 
des  paroisses  voisines  avoient  tant 
de  vénération  pour  lui ,  qu'ils  vin- 
rent prier  et  l'invoquer  sur  la  fosse 
où  il  étoit  déposé.  (  V.  Nuirate.  ) 

COEUR -DE -JÉSUS  (Sœur 
du) ,  religieuse.  (  V .  Th.  Con- 
solier.  ) 

COEUR-  DE  -  MARIE  (Sœur 
du),  religieuse.  (V .  M*  Ae  Ha- 

NISSET.  ) 

COEUR-DE- MARIE  (Sœur 
du),  religieuse.  (V.  Me  F"  Jt?s- 

TAMONT.  ) 

COING  (Jean-Antoine), prêtre 
du  diocèse  de  Mende,  vicaire  en 
la  paroisse  de  Coux-Lubillac,  près 
Privas,  y  étoit  resté,  quoiqu'il 
fût  dans  le  cas  des  prêtres  inser- 
mentés que  la  loi  du  26  août  1792 
avoit  bannis  de  France.  Les  agens 
de  la  persécution  s'emparèrent  de 
sa  personne  au  printemps  de  1 794 , 
et  le  livrèrent  au  tribunal  criminel 
du  département  de  VArdcche , 
établi  dans  la  ville  de  Privas.  Ce 
tribunal,  devant  lequel  on  l'amena 
avec  son  frère  (V .  l'article  sui- 


COL 

vant),  le  27  messidor  an  II  (  1 5  juil- 
let 1794)  ?  le  condamna  ainsi  que 
lui  à  la  peine  de  mort,  comme 
«  prêtre  réfractaire  »  ;  et  Jean- 
Antoine  Coing  fut  décapité  le  len- 
demain. 

COING  (Jean-Louis) ,  prêtre 
Auf  diocèse  de  Mende ,  frère  du 
précédent ,  et  vicaire  en  la  paroisse 
de  Mirabel-des-Granges,  près  Vil- 
leneuve-de-Berg,  n 'avoit  pas  quitté 
sa  paroisse,  malgré  la  loi  de  dé- 
portation rendue  contre  les  prêtres 
insermentés,  du  nombre  desquels 
il  étoit.  Surpris  dans  l'exercice  de 
son  ministère  au  printemps  de 
179^,  en  même  temps  que  son 
frère  l'étoit  à  Coux-Lubillac,  il 
lui  fut  réuni  dans  les  prisons  de 
Privas.  Le  tribunal  du  départe- 
ment de  l'Ardèche  ,  siégeant  en 
cette  ville,  les  fit  comparoître  tous 
les  deux  devant  lui,  le  27  messi- 
dor an  II  (i5  juillet  1794)  ;  et  il 
le  condamna  comme  son  frère  à 
la  peine  de  mort,  en  qualité  de 
«prêtre  réfractaire  ».  Le  lende- 
main ,  ils  reçurent  ensemble  la 
récompense  de  leur  fermeté  dans 
la  Foi ,  et  de  leur  zèle  pour  les 
devoirs  du  saint  ministère. 

COLARD (Jean),  né  vers  1708, 
à  Dornan,  en  Franche  -  Comté  , 
étoit  curé  de  Chambornay,  dans 
le  diocèse  de  Besançon.  Il  refusa 
le  serment  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé,  en  1791;  et  les 
persécutions  que  ce  refus  lui  attira 
le  forcèrent  à  sortir  de  France. 
Par  là  il  échappa  aux  supplice* 


COL 

de  1795  et  1794;  mais  rappelé 
par  son  zèle  pour  ses  parois- 
siens, et  mettant  trop  de  con- 
fiance dans  la  modération  feinte 
du  gouvernement,  en  1796  et 
1797,  il  vint  a  Besançon.  La  ca- 
tastrophe du  18  fructidor  (4  sep- 
tembre 1797)  éclata  bientôt;  et, 
en  vertu  de  la  barbare  loi  de  dé- 
portation qu'elle  produisit  le  len- 
demain, le  curé  Colard  fut  ar- 
rêté pour  être  déporté  a  la  Guiane 
(  V.  Guiane  ).  On  l'envoya  au 
printemps  de  1798  à  Rochefort , 
où  il  devoit  être  embarqué.  Il  le 
fut ,  le  1"  août ,  sur  la  corvette  la 
Bayonnaise,  qui  le  jeta  dans  le 
port  de  Cayenne  le  29  sep- 
tembre. Dès  son  arrivée  dans  cette 
ville,  on  le  relégua  dans  le  dé- 
sert de  Konanama.  La  contagion 
qu'exhale  cette  terre  dévorante 
investit  presque  aussitôt  ce  curé. 
Il  expira  le  21  octobre  1798,  à 
l'ûge  de  60  ans.  {V.  A.  Chollet, 
et  J.  N.  Colus.  ) 

COLLAS-DU-LONGCHAMPS 
(  Jacques  -  Philippe  -  Guillaume- 
François),  prêtre  de  la  ville  de 
Vimoutiers,  en  Normandie,  dans 
le  diocèse  de  Lisieux,  étant  né  à 
Vimoutiers  même,  continua  d'y 
demeurer  après  l'établissement  du 
schisme  de  1791.  Comme  il  en 
repoussoit  les  principes ,  et  n'en 
partageoit  pas  les  actes,  il  fut  si- 
gnalé auxpersécuteurs  qui,  voyant 
en  lui  une  Foi  invincible,  se  dé- 
terminèrent à  l'arrêter  en  179^, 
et  ensuite  à  l'envoyer  à  Rochefort 


col  44; 

pour  être  déporté  sur  des  plages 
lointaines.  Il  fut  embarqué  sur  le 
navire  les  Deux  Associés  {V . 
Rochefoht).  Les  souffrances  qu'on 
y  enduroit  surpassèrent  ses  forces, 
quoiqu'il  se  trouvât  dans  la  vigueur 
de  l'âge.  Il  mourut  à  36  ans  ,  le  8 
septembre  1794-  Ses  confrères 
l'inhumèrent  dans  l'île  Madame. 
{V .  P.  Cluny, et...  CoLLiGNON,de 
Grimaucourt.  ) 

COLLET  (N...),  curé  de  Voi- 
nemont,  dans  le  duché  de  Lor- 
raine, au  diocèse  de  Nanci ,  fut 
expulsé  de  sa  cure  pour  avoir 
refusé  de  prêter  le  serment  sché- 
matique de  1791.  La  loi  du  26 
août  1792  le  fit  ensuite  sortir  de 
France ,  comme  insermenté.  Il 
crut  pouvoir  y  rentrer  sans  trop  de 
risque,  pour  exercer  son  zèle, 
après  ce  fameux  événement  du 
neuf  thermidor  (27  juillet  1 794), 
à  la  suite  duquel  les  factieux  triom- 
phateurs se  vantoient  d'avoir  dé- 
truit l'auteur  de  toutes  les  tyran- 
nies et  de  toutes  les  persécutions. 
A  la  faveur  de  la  feinte  modération 
qu'ils  affichèrent,  le  curé  Collet  put 
s'occuper  du  salut  de  ses  parois- 
siens ,  et  de  beaucoup  d'autres 
catholiques  des  environs;  mais  la 
modération  étant  trop  pénible  aux 
dominateurs,  ils  revinrent  à  leur 
précédente  fureur  contre  les  prê- 
tres non-assermentés,  et  la  léguè- 
rent au  Directoire,  qui  la  ranima 
d'une  manière  affreuse  après  son 
18  fructidor  (4  septembre  1797). 
Le  curé  Collet  fut  alors  arrêté  et 


448  COL 

livré  au  tribunal  criminel  du  dé- 
partement de  la  Mcurlhe,  sié- 
geant à  Nanci,  qui  sembloit  ne 
vouloir  le  condamner  que  comme 
«émigré-rentré  ».  Une  sorte  de 
voix  publique ,  officieusement 
mensongère,  lendoit  à  faire  croire 
aux  juges  qu'il  n'étoit  pas  sorti  do 
France  ;  mais  on  exigeoit  qu'il 
trahît  de  même  la  vérité.  Ici  l'on 
vit  se  renouveler  ce  qui  s'étoit 
passé  à  la  condamnation  de  saint 
Fia  vieil,  que  le  juge  de  Carthage 
ne  deyoit  condamner  qu'autant 
qu'il  seroit  certain  que  Flavien 
étoit  diacre.  Plusieurs  citoyens, 
qui  vouloient  le  sauver,  signèrent 
une  déclaration  par  laquelle  ils 
attestoient  le  contraire.  «  Avouez 
la  vérité,  dit  le  juge.  — La  vérité, 
reprit  aussitôt  Flavien,  est  que  je 
suis  diacre  » .  Et  il  Tut  sur-le-champ 
condamné  à  la  mort  (  Ruinai  t , 
Acta  Martyr.  ).  Tels  furent  la 
conduite  et  le  sort  du  curé  Collet. 
{F.  Anecd.  Chrét.,  2e  édition  , 
1801.)  La  peine  capitale  fut  por- 
tée contre  lui  le  1 1  nivose  an  VI 
(5i  décembre  1797);  et  il  la  su- 
bit le  1er  janvier  1798.  (  V.  An- 
grand  d'Alleray.) 

COLLET  (Bernard),  prêtre, 
religieux  Récollet  du  diocèse  d'O- 
range ,  retiré ,  depuis  l'abolition  de 
gon  ordre,  dans  la  paroisse  de 
Camaret,  près  de  la  ville  épisco- 
pale ,  y  pratiquoit  sa  religion  , 
et  exerçoit  encore  son  sacerdoce, 
lorsqu'à  la  fin  de  1795,  la  persé- 
cution fondit  avec  toutes  ses  fu- 


COL 

reurs  sur  le  comtat  Venaissin.  Le 
P.  Collet  fut  saisi  et  amené  dans 
les  prisons  d'Orange.  La  sangui- 
naire commission  populaire  qui 
s'établit  bientôt  dans  cette  ville 
(  V .  Orange  ) ,  ayant  fait  compa- 
roîlre  devant  elle  ce  religieux,  âgé 
de  66  ans,  l'accusa  vaguement 
d'être  un  «  contre  -  révolution- 
naire » ,  par  cela  seul  qu'il  étoit 
prêtre;  et  le  condamna,  comme 
tel,  à  périr  sur  l'échafaud.  Cette 
condamnation,  portée  le  ^ther- 
midor an  II  (  1"  août  1794)  ■>  fut 
exécutée  le  lendemain.  (  V .  A. 
Combette.) 

COLLET  (  Jean  -  Marcellin)  , 
curé  de  la  paroisse  de  Montfaucon, 
près  d'Issengeaux ,  dans  le  diocèse 
du  Puy,  ayant  été  dépouillé  de  sa 
cure  pour  son  refus  du  serment 
de  1791  ;  et  se  trouvant  trop  per- 
sécuté dans  sa  province ,  où  ,  mal- 
gré la  loi  de  la  déportation,  il  étoit 
resté  pour  les  besoins  spirituels  de 
ses  paroissiens,  vint  à  Lyon,  où 
la  contenance  de  cette  ville  contre 
la  Convention  promettoit  quel- 
que sûreté  aux  prêtres  catho- 
liques. Mais ,  lorsque  Lyon  suc- 
comba ,  et  que  la  Convention 
en  fit  décimer  les  habitans  (  V. 
Lyon),  le  curé  Collet  fut  arrêté, 
comme  tant  d'autres  prêtres  et 
personnes  consacrées  à  Dieu.  Tra- 
duit, le  5  pluviôse  an  II  (24  jan- 
vier 1794),  devant  la  farouche 
commission  révolutionnaire,  il 
y  fut  de  suite  condamné  à  périr 
sur  l'échafaud  ,  comme  «  fana- 


COL 

tique,  et,  comme  contre-révolu- 
tionnaire »  ,  suivant  l'esprit  des 
persécuteurs  de  cette  époque. 

COLLIGNON  (iV...),  curé  de 
Grimaucourt,  paroisse  du  diocèse 
de  Verdun ,  natif  des  environs 
d'Etaing,  dans  le  même  diocèse, 
conserva  l'amour  de  ses  devoirs, 
lors  des  persécutions  de  1791,  et 
resta  près  de  ses  paroissiens,  dans 
la  même  province ,  alors  nommée 
le  département  de  la  Meuse.  Il 
devint  la  victime  de  son  zèle  pas- 
toral, en  1795.  On  le  jeta  dans 
les  prisons  de  Verdun  ;  et ,  quand 
les  prêtres  non -assermentés  qui 
y  éloient  avec  lui  furent  envoyés 
à  Rocliefort  pour  être  déportés 
à  la  Guiane  ,  Collignon  par- 
tit forcément  avec  eux.  Il  fut 
embarqué  sur  le  navire  le  Wa- 
shington {V.  Rochefort);  mais 
il  ne  put  supporter  long  -  temps 
les  maux  qu'on  y  enduroit.  Il 
mourut  le  5i  août  1794»  «  l'âge 
de  45  ans ,  et  fut  enterré  dans  l'île 
Madame.  [V .  J.  P.  G.  F.  Collas- 

DU-LoNCCHAMPS,   et    COLLIGNON  , 

d'Heudicourt.) 

COLLIGNON  {N...),  oncle  du 
précédent,  curé  d'Heudicourt, 
paroisse  du  diocèse  de  ïoul , 
et  né  aux  environs  d'Etaing , 
dans  le  diocèse  de  Verdun , 
en  1711,  ne  pouvoit,  à  raison 
de  son  grand  âge ,  être  condamné 
qu'à  la  réclusion  par  les  ennemis 
de  la  Foi  et  de-  son  ministère. 
Après  être  resté  quelque  temps 
enfermé  à  Verdun  ?  il  n'en  fut  pas 

2. 


COL  449 

moins  condamné  à  être  déporté 
au-delà  des  mers;  et,  vers  la  fin 
de  1793,  on  le  fit  partir  à  cet  effet 
pour  Rochefort  {V .  Rochefort). 
Il  y  fut  embarqué,  au  printemps  de 
1794»  sur  le  navire  le  Washing- 
ton, et  ne  put  résister  aux  souf- 
frances de  l'entrepont  de  ce  bâti- 
ment. Il  rendit  son  dernier  soupir 
dans  le  mois  d'août  suivant,  à  l'âge 
de  82  ou  84  ans  ;  et  son  corps  fut 
inhumé  dans  l'île  d'Aix.  (  V . 
Collignon,  de  Grimaucourt,  et 
J.  Collin,  curé.) 

COLLIN  (iV...),  curé  dans  le 
diocèse  de  Langres ,  dont  on  ne 
trouve  que  le  nom  de  famille  sur 
le  registre  de  l'état  civil  de  Paris, 
où  il  est  inscrit  parmi  les  victimes 
sacerdotales  immolées  dans  la 
maison  des  Carmes,  le  2  sep- 
tembre 1792,  nous  paroît  s'être 
réfugié  dans  la  capitale ,  après 
avoir  été  expulsé  de  sa  cure  pour 
le  refus  du  serment  de  la  consti* 
tution  civile  du  clergé.  Il  est 
évident,  par  la  marche  connue 
des  persécuteurs  d'alors,  qu'à  Pa- 
ris même  il  étoit  connu  pour  n'a- 
voir pas  voulu  trahir  sa  Foi  par 
un  tel  acte ,  puisqu'il  fut  arrêté 
comme  prêtre  insermenté,  dans 
les  jours  qui  suivirent  le  fatal 
10  août  1792.  Comme  on  n'em- 
pi-isonnoit,  les  prêtres  qu'après  le 
nouveau  refus  qu'ils  faisoient  du 
serment  devant  le  comité,  il  de- 
vient certain  que  le  curé  Collin  y 
donna  cette  seconde  preuve  de  la 
fermeté  de  sa  Foi,  puisqu'il  fut 

29 


4jo  COL 
ensuite  enfermé  dans  l'église  des 
Cannes  {V.  Dulau).  Le  motif  de 
son  emprisonnement  fut  celui  de 
sa  mort;  et  il  est  justement  présu- 
mable  que,  lorsqu'il  fut  massacré 
par  les  assassins,  avec  tant  d'autres 
confesseurs  de  Jésus  -  Christ,  le 
a  septembre  suivant,  il  mourut 
avec  la  volonté  de  périr  plutôt 
que  de  trahir  sa  Foi.  (f .  Sep- 
iembpe.) 

COLLIN  (Jean),  curé  de  Lan- 
dremont,  paroisse  du  diocèse  de 
Trêves,  dans  le  cercle  du  Bas- 
Rhin,  ayant  refusé  le  serment 
schismatique  de  1791,  et  n'étant 
point  sorti  de  France  après  la  loi 
de  déportation  ,  fut  arrêté  en 
1^95.  On  l'envoya  de  suite  dans 
les  prisons  de  Metz.  Après  y 
être  resté  quelques  mois,  il  fut 
condamné  à  être  déporté  au-delà 
des  mers  ;  et  on  le  fit  traverser 
péniblement  toute  la  France ,  pour 
l'embarquer  à  Rochefort.  Il  y  fut 
mis  sur  le  navire  le  H^ashington, 
au  supplice  duquel  il  ne  résista  pas 
long-temps  (V.  Rochefort).  Dans 
le  courant  de  septembre  1794?  il 
rendit  son  dernier  soupir,  à  l'âge 
de  4-5  ans,  et  fut  enterré  dans' 
l'île  Madame.  {F.  Collignon, 
d'Heudicourt,  et  J.  Colon,  Cor- 
delier.  ) 

COLLIN  '  ( N...),  prêtre  de 
la  congrégation  des  Missions  de 
Saint- Lazare,  dans  la  maison  de 
Versailles ,  ayant  conservé  sa  cons- 
cience pure  des  erreurs  schisma- 
tiques  et  du  serment  de  1791,  fut 


COL 

arrêté  inhumainement  comme 
prêtre  réfraclaire,  après  l'horrible 
attentat  du  10  août  1792.  On 
l'enferma,  avec  huit  autres,  dans 
le  bâtiment  des  écuries  de  la  Reine 
[V.  J.  Gallois,  et  Gruyer)  ,  et,  le 
8  septembre  suivant ,  les  assas- 
sins chargés  d'immoler  les  prêtres 
vinrent  l'y  massacrer,  ainsi  que  ses 
confrères,  de  la  même  manière 
que  l'avoient  été,  quelques  jours 
auparavant,  les  prêtres  de  Paris 
qui  avoient  refusé  le  serment. 
(  V .  Septembre.  ) 

COLLIN  (Gabriel),  prêtre,  né 
à  Clermont  en  Auvergne,  n'étoit 
point  sorti  de  France  à  la  fin  de 
1 792 ,  malgré  la  loi  de  déportation 
rendue  contre  les  prêtres  non- 
assermentés,  du  nombre  desquels 
il  étoit.  Les  besoins  des  fidèles 
l'avoient  retenu  dans  son  diocèse. 
Il  y  fut  arrêté  en  i?93;  et,  l'an- 
née suivante,  on  le  fit  conduire 
à  Bordeaux,  d'où  il  devoit  être 
déporté  à  la  Guiane  (  V .  Bor- 
DEArx).  Le  fort  du  Ha  fut  la  prison 
dans  laquelle  on  l'enferma  pendant 
que  se  faisoient  les  préparatifs  de 
l'embarquement,  qui  ne  furent 
achevés  que  vers  la  fin  de  l'au- 
tomne. Dans  l'intervalle,  le  prêtre 
Collin  dont  le  Ciel  vouloit  abréger 
les  souffrances ,  approcha  du  terme 
de  la  vie  ;  et,  quand  on  le  vit  ex- 
pirant, on  le  transporta  à  l'hôpital 
de  Saint-André,  où,  continuant 
d'être  captif  pour  la  cause  de 
Jésus-Christ,  il  cessa  de  vivre,  à 
l'âge  de  57  arts,  le  26  août  1794- 


COL 

{V.  C.  Charreyras  ,  et  J.  B.  Com- 
paq.) 

COLL1N  (Jean),  prêtre,  reli- 
gieux Cordelier  du  couvent  de 
ïoul,  définiteur  perpétuel  de  sou 
ordre,  et  custode  en  la  province 
de  Lorraine,  y  donna  l'exemple 
de  la  constance  dans  la  Foi  catho- 
lique ,  en  refusant  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Malgré  la  persécution  dont  il  avoit 
attiré  par  là  sur  lui  les  regards, il 
n'en  resta  pas  moins  dans  le  dé- 
partement de  la  Meurt  fie,  où  il 
rendoit  son  ministère  et  ses  lu- 
mières fort  utiles  aux  fidèles.  En- 
lin  il  fut  arrêté  ;  et  on  le  jeta  dans 
les  prisons  avec  d'autres  prêtres 
qu'on  se  proposoit  d'exposer  aux 
périls  mortels  d'une  déportation 
maritime.  Il  partit  en  effet  avec 
eux  pour  Rochefort  ;  et  il  y  fut 
embarqué ,  en  1794  >  sur  le  navire 
ies  Deux  Associés  [V.  Roche- 
fort).  Déjà  épuisé  par  les  souf- 
frances de  la  route,  il  ne  put  sou- 
tenir que  peu  de  temps  celles  de 
l'entrepont  de  ce  bâtiment  :  i! 
expira  le  19  août  1794  >  à  l'âge 
de  5i  ans.  On  l'enterra  dans  l'île 
Madame.  Il  étoit  né  à  Beaufre- 
mont,  dans  le  diocèse  de  ïoul. 
(  V.  Collin,  curé,  et  J.  Co- 
lorer.) 

COLLIN-DE-GENEVRIÈRES 
(Nicolas),  prêtre  du  séminaire 
de  Saint-Firmin ,  étoit  resté  aussi 
ferme  dans  sa  Foi  que  le  supé- 
rieur de  cette  maison  [V .  Le  Fran- 
çois), lors  des  épreuves  aux- 


COL  451 

quelles  les  prêtres  furent  mis  en 
1791  par  l'innovation  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé.  Il  se 
montra  aussi  constant  que  lui  dans 
le  refus  du  serment  par  lequel  on 
exigea,  le  i3  août  1792,  qu'il 
s'engageât  à  la  maintenir,  ne  vou- 
lant pas  même  y  adhérer  ;  et  on 
le  réduisit  à  la  condition  de  pri- 
sonnier dans  ce  séminaire-là  même 
qu'il  habitoit.  Dès  lors,  il  prévit 
comme  beaucoup  d'autres  prêtres 
qu'on  y  enferma  pour  la  même 
cause  ,  qu'il  étoit  destiné  à  sceller 
la  Foi  de  son  sang,  et  se  prépara 
au  sacrifice  de  sa  vie  pour  elle.  Il 
fut  immolé  avec  ses  confrères  en 
sacerdoce,  et  ses  égaux  en  vertus, 
le  3  septembre,  à  l'âge  de  60  ans. 
[V .  Septembre.) 

COLLI1N  (Thomas),  prêtre  du 
diocèse  de  Séez,  vicaire  à  Avril- 
ley,  près  Domfront,  étoit  resté 
ferme  dans  sa  Foi ,  en  refusant  le 
serment  de  1 79 1  ;  et ,  bravant  la  loi 
de  la  déportation  pour  continuer 
d'être  utile  aux  catholiques  de  sa 
province,  il  exercoit  encore  à  la 
fin  de  1793,  son  ministère  dans 
la  paroisse  d'Avrilley.  Il  y  fut  saisi 
parles  troupes  qui  luttoient  contre 
l'armée  royale  et  catholique 
de  la  Vendée  {V.  Vendée).  Ces 
troupes  le  conduisirent  à  Saint- 
Malo ,  où  une  commission  mili- 
taire le  fit  fusiller,  sous  le  vague 
prétexte  qu'elle  employoit  contre 
toutes  ses  victimes,  celui  de  les 
qualifier  indistinctement  de  «  bri- 
gands de  la  Vendée  ».  La  sen- 

29. 


45a  COL 

tence  est  du  21  nivose  an  II  (  10 

janvier  1794)- 

COLLOT  ou  COLLOZ  (Jean- 
Marie),  prêtre,  religieux  Béné- 
dictin du  monastère  de  Verdun , 
archiviste  et  bibliothécaire  de  cette 
ville,  prieur  de  Saint-Héry,  et  né 
dans  le  duché  de  Bouillon,  en 
1 722 ,  étoit  trop  attaché  à  l'Eglise 
catholique  pour  n'être  pas  accusé 
d'avoir  regardé  comme  un  événe- 
ment qui  lui  seroit  favorable,  la 
marche  de  l'armée  prussienne 
contre  celle  de  la  révolution,  en 
septembre  1792-  Les  prêtres  et 
chanoines  du  diocèse  de  Verdun 
furent  alors  forcés  à  peu  près  mi- 
litairement par  le  roi  de  Prusse 
et  ses  officiers ,  à  reprendre  leurs 
fonctions  ;  et  ils  les  reprirent  avec 
zèle.  Mais  cette  protection  les 
abandonna  bientôt  ;  et  la  Con- 
vention rendit,  le  9  frimaire  an  II 
(29  novembre  1793),  un  décret 
qui  les  expulsoit  formellement  de 
France  ,  ne  leur  laissant  que  trois 
jours  pour  en  sortir,  et  pronon- 
çant d'avance  contre  eux  la  peine 
de  mort,  si,  après  ce  terme,  ils 
y  étoient  découverts.  Dom  Collot 
et  quelques  autres  le  furent  [V.K. 
E.  Corbière,  J.  Gosscrx,  G.  Le- 

FEVRE,  Ch   HERBILLON,   N.  MaR- 

tin).  On  l'arrêta,  et  on  l'amena 
comme  eux  à  Paris,  pour  y  être 
jugé  par  le  tribunal  révolution- 
nuire.  Il  comparut  avec  eux  de- 
vant lui,  le  5  floréal  an  II  (24 
avril  1794)  >  et>  à  l'âge  de  72  ans, 
il  s'y  entendit  condamner,  ainsi 


COL 

qu'eux,  à  la  peine  de  mort,  comme 
«  complice  de  manœuvres  ten- 
dantes à  livrer  aux  ennemis  la 
place  de  Verdun  ».  Il  périt  «e 
jour-là  même.  [V.  Septembre.) 

COLOBER  (Julien),  prêtre, 
aumônier  du  monastère  des  reli- 
gieuses Lrsulines  de  la  ville  de 
Vannes,  et  natif  d'Arzano  ,  pa- 
roisse du  diocèse  de  Vannes,  se 
garda  bien  de  compromettre  sa 
Foi  en  prêtant  le  serment  schis- 
matique  de  1791.  Sa  conduite  ul- 
térieure fut  en  tout  celle  d'un  mi- 
nistre zélé  pour  l'Eglise  catholique 
et  le  salut  ses  enfans.  Les  persécu- 
teurs se  saisirent  de  sa  personne 
dans  sa  province,  dite  le  départe- 
ment du  Morbihan,  où  il  étoit 
resté ,  et  le  firent  conduire  à  Ro- 
chefort,  pour  qu'il  fut  déporté  au- 
delà  des  mers.  On  l'embarqua  sur 
le  navire  les  Deux  Associés 
(P.  Rociiefort)  ;  et  il  succomba 
sous  le  poids  des  souffrances ,  à 
l'âge  de  56  ans,  le  22  août  1794» 
Son  corps  fut  inhumé  dans  l'île 
d'Aix.  {F.  J.  Collin,  Cordelier, 
et...  Comcs.) 

COLOMB  AN  {Le  Père),  reli- 
gieux Franciscain.  {V .  Jh  J.  B.  F. 
Guérik.) 

COLOMNE  (Athanase  de), 
prêtre  ,  religieux  Capucin  ,  de 
Franche-Comté,  ne  voulut  point 
trahir  sa  Foi  par  la  prestation  du 
serment  schismatique  de  1791. 
Son  zèle  pour  le  maintien  de  la 
doctrine  catholique  lui  attira  de 
violentes  persécutions.  Il  fut  ar- 


COL 

rt'té,  et  jeté  dans  les  prisons  de 
Dôle,  où  il  mourut,  en  1793, 
avant  que  d'être  conduit  à  Pécha- 
faud.  Saint  Cyprien ,  d'après  ce 
que  nous  avons  cité  de  lui ,  auto- 
rtsoit  à  le  regarder  comme  Mar- 
tyr; et  il  fut  mis  dans  une  liste 
qu'on  publia  de  ceux  de  la  France, 
à  Rome,  en  1794,  avec  l'autori- 
sation du  souverain  pontife.  {V . 
Augier,  de  Montmorillon.) 

COLLS  (J ean- Nicolas)  ,  né  à 
Vomecours»  dans  le  diocèse  de 
Nanci,  en  175 1  ,  étoit  curé  dans 
son  pays  natal,  à  l'époque  de  la 
révolution.  Il  mérita  la  haine  des 
impies  réformateurs,  par  son  re- 
fus de  leurs  sermens  anti  -  reli- 
gieux de  1791  et  1792;  mais  il 
put  échapper  à  leurs  grandes  fu- 
reurs de  1793  et  1794-  Trompé 
par  la  tolérance  manifestée  les 
années  suivantes,  il  se  livra  à  son 
zèle,  fut  remarqué;  et  lorsque  la 
catastrophe  du  18  fructidor  (4 
septembre  1797)  eut  éclaté,  et 
que  le  lendemain  eut  produit  la 
loi  de  déportation  à  la  Guiane , 
Colus  fut  recherché  :  on  l'arrêta; 
et,  dans  l'hiver,  on  le  fit  conduire 
à  Rochefort  pour  y  être  embarqué 
[V .  Guiane).  Il  le  fut  sur  la  fré- 
gate la  Charente,  le  12  mars 
1798,  d'où,  le  25  avril  suivant, 
il  passa  sur  la  frégate  la  Décade. 
Durant  la  traversée,  et  dans  le  lieu 
de  son  exil,  il  conserva  une  sérénité 
etune  égalité  de  caractère  inexpri- 
mables. Arrivé  dans  le  port  de 
Cuyennc,  au  milieu  de  juin,  U 


COM  455 

fut  relégué  dans  le  canton  d'Ap- 
prouague,  où  la  contagion,  l'at- 
taquant intérieurement,  le  jeta 
dans  un  état  de  tristesse  qui  s'ac- 
crut à  mesure  que  ses  besoins 
augmentoient.  Il  mourut  de  cha- 
grin et  de  misère,  en  décembre 
1794,  à  l'âge  de  47  ans.  [V .  J. 

COLARD,  et  J.  CoMBAUT.) 

COMBAUT  (Jean),  né  en  1754, 
à  Saint-PoI-de-Léon,  en  Basse- 
Bretagne  ,  étoit  vicaire  dans  cette 
ville,  à  l'époque  de  la  révolution. 
Il  ne  se  souillad'aucun  serment  ré- 
volutionnaire ,  et  continua  d'exer- 
cer son  zèle  avec  succès  dans  la 
province,  sans  que  les  persécu- 
teurs pussent  s'emparer  de  sa 
personne.  La  paix  trompeuse  dont 
jouit  l'Eglise  en  1796  et  1797  fut 
un  piège  mortel  pour  le  vicaire 
Combaut,  qui  ne  se  croyoit  plus 
obligé  de  se  cacher.  La  crise  poli- 
tique du  18  fructidor  (4  sep- 
tembre 1797)  survint;  et,  le  len- 
demain, tous  les  prêtres  non-asser- 
menlés  furent  condamnés  à  la  dé- 
portation par  une  loi  {V.  Guiane). 
Combaut,  après  avoir  échappé  à 
tous  les  dangers  des  terribles  an- 
nées 1 793  et  1 794  ,  finit  par  deve- 
nir une  des  victimes  de  la  nou- 
velle persécution.  Il  fut  arrêté  ; 
on  le  conduisit  à  Rochefort,  où, 
le  12  mars  1798,  on  l'embarqua 
sur  la  frégate  la  Charente ,  de 
laquelle  il  passa  sur  la  frégate  la 
Décade,  le  2  5  avril.  Celle-ci  le  dé- 
posa dans  le  port  de  Cayenne ,  vers 
le  milieu  de  juin  ;  et  de  Cayenne  « 


454  COM 

on  l'envoya  de  suite  dans  le  désert 
de  Konanama.  Parmi  les  fléaux 
innombrables  de  cette  terre  ho- 
micide, celui  qui  s'attacha  au 
vicaire  Combaut  fut  le  scorbut, 
auquel  se  joignit  une  bydropisie 
formée  presqu'à  l'instant.  Il  mou- 
rut de  l'une  et  de  l'autre  maladie  , 
le  9  octobre  suivant,  1798.  Son 
.Ige  n'étoit  que  de  44  ans-  (P-  J«  N. 
Colus,  et.l.  B.  Covrctère.) 

COMBETTE  (Antoine),  prêtre 
et  religieux  Bécollet  d'Embrun, 
exempt  du  tort  d'avoir  fait  le 
schisinatique  serment  de  1791, 
étoit  venu  ,  après  la  destruction 
de  son  ordre  ,  exercer  le  saint  mi- 
nistère dans  le  diocèse  d'Orange. 
Quand  la  persécution  s'y  déchaîna 
avec  toutes  ses  fureurs  au  com- 
mencement de  1794?  ^  fut  arrêté, 
et  amené  dans  les  prisons  d'O- 
range (  V.  Orange).  La  féroce 
commission  'populaire  qui  s'y 
établit,  le  ût  comparoître  devant 
elle  le  6  thermidor  an  II  (24  juil- 
let 1794),  avec  un  prêtre  plus 
qu'octogénaire  (  V.  Sylvestre). 
Conformément  au  parti  qu'elle 
avoit  pris  de  se  dispenser  de  toute 
formalité,  en  accusant  vaguement 
de  contre  -  révolutionnaires  la 
plupart  des  victimes  qu'elle  en- 
voyoit  à  la  mort ,  le  religieux 
Combette  fut  condamné  comme 
«  contre-révolutionnaire  »  ,  à  périr 
sur  I'échafaud  ;  et,  le  lendemain, 
il  périt  à  l'âge  de  69  ans.  {F.  A. 
Délaye.) 

COMPAN  (Jean -Baptiste), 


COM 

prêtre  du  diocèse  de  Pamiers,  né 
à  Dallon ,  et  vicaire  à  Gudas ,  près 
Pamiers,  ne  fit  point  le  serment 
schismatique  de  1791,  et  y  resta 
pour  les  besoins  spirituels  des  ca- 
tholiques ,  malgré  la  loi  de  dé- 
portation rendue  le  26  août  1792 
contre  les  prêtres  insermentés. 
Les  agens  de  la  persécution  l'ar- 
rêtèrent; et,  au  printemps  de 
1794,  ils  l'envoyèrent  à  Bordeaux 
pour  en  être  déporté  au-delà  des 
mers  (V.  Bordeaux).  Les  embar- 
quemens  n'y  commencèrent  que 
vers  la  fin  de  l'automne,  trois 
mois  après  la  chute  de  Robers- 
pierre  ;  et  le  nombre  des  prêtres 
embarqués  alors  étoit  si  grand, 
qu'on  fut  obligé  d'en  laisser  en- 
core beaucoup  à  Bordeaux.  Com- 
pan  resta  dans  le  fort  du  Ha,  où 
il  étoit  détenu  ;  mais  le  Ciel  sem- 
bla venir  à  son  secours  pour  tei- 
miner  son  martyre.  Ses  forces 
affoiblies  le  rapprochoient  de  sa 
fin.  On  le  transporta  dans  l'hôpital 
de  Saint-André;  et  il  y  rendit  son 
dernier  soupir,  à  l'âge  de  56  ans, 
le  14  décembre  1794.  {V .  G.  Col- 
lin,  et  B.  Conbret.) 

COMTE  (IV...),  l'un  des  plus 
jeunes  chanoines  de  l'église  ca- 
thédrale de  Montpellier,  n'étant 
même  encore  que  sous -diacre, 
en  1791,  promettoit  aux  autel6 
un  digne  prêtre  en  sa  personne. 
11  fui  retardé  dans  son  avance- 
ment vers  le  Saint  des  saints,  par 
le  trouble  que  le  schisme  de  la 
constitution  civile-  du  clergé 


COM 

vint  mettre  dans  le  sanctuaire, 
La  loi  du  serment  ne  le  concer- 
noit  pas  ;  et  il  ne  pouvoit  être 
soumis  a  celle  de  la  déportation 
des  insermentés.  Il  resta  donc  à 
Montpellier,  sans  avoir  un  juste 
motif  d'en  craindre  les  formida- 
bles menaces.  L'attachement  qu'il 
manifestoit  pour  la  Foi  catholi- 
que le  rendit  d'autant  plus  odieux 
aux  impies  que,  dans  une  occa- 
sion oi'i  ils  l'en  pressèrent,  il  avoit 
refusé  ce  serment.  Après  que  l'a- 
théisme se  fut  débordé  avec  toutes 
ses  fureurs,  en  novembre  1793, 
le  sous- diacre  Comte  fut  enlevé 
de  sa  demeure,  le  26  décembre, 
et  livré  au  tribunal  criminel  du 
département  de  Y  Hérault ,  sié- 
geant à  Montpellier  [V.  v*  Bal- 
lard).  Quatre  jours  après,  on  le 
traduisit  devant  les  juges,  qui  le 
condamnèrent  à  la  mort,  comme 
«prêtre  réfractaire » ,  le  i3  nivose 
an  II  (2  janvier  1794)-  Ce  jeune 
confesseur  de  la  Foi  se  montra 
vivement  animé  par  elle,  en  mar- 
chant à  l'échafaud.  Il  y  périt  à 
l'âge  de  26  ans,  et  fut  le  premier 
des  ecclésiastiques  que  les  persé- 
cuteurs firent  immoler  dans  cette 
ville.  Si  les  vétérans  du  sacerdoce 
qui  le  suivirent  purent  envier  à 
ce  jeune  lévite  l'honneur  de  leur 
avoir  ouvert  àinsi  la  marche  au 
martyre ,  celui-ci  put  regretter  de 
n'avoir  pas  été  le  premier  à  don- 
ner à  Montpellier,  le  spectacle 
d'un  catholique  allant  a  la  mort 
avec  un  saint  héroïsme.  Il  y  avoit 


COM  455 

été  précédé  de  cette  admirable 
manière  par  un  jeune  officier  de 
marine  que  nous  avons  connu , 
dont  nous  avions  admiré  plus 
d'une  fois  la  piété,  et  qui  s'appe- 
loit  Ferrary  de  Romans.  Il  étoit 
de  Lyon,  et  sembloit  avoir  hérité 
des  vertus  d'un  frère ,  prêtre  et 
chanoine,  mort  en  réputation  de 
sainteté  onze  ans  auparavant.  Le 
jeune  marin  avoit  embrassé  le 
bourreau  avec  douceur,  et  même 
reconnoissance  ;  et  quand  il  avoit 
été  au  moment  de  porter  sa  tête 
sous  l'instrument  de  mort,  il  avoit 
déclaré  hautement  qu'il  mouroit 
pour  sa  religion  comme  pour  son 
roi.  {V.  Bernardon,  et  le  P.  Ga- 

LABEET.) 

COMTÉ  (  François  Guislain 
de  la)  ,  laïc.  {V.  F.  G.  Boxjcquel.) 

COMUS  (iV...),  curé  de  Bam- 
bercourt- aux- Pots,  paroisse  du 
diocèse  de  Toul,  près  Bar-le- 
Duc,  s'attira,  par  sa  conduite 
sacerdotale ,  la  haine  des  im- 
pies réformateurs.  Besté  dans  sa 
province,  devenue  le  départe- 
ment de  la  Meuse,  il  fut  mis  en 
prison;  et,  vers  la  fin  de  1793. 
tout  figé  qu'il  étoit,  les  persécu- 
teurs l'envoyèrent  à  Bochefort, 
pour  y  subir  la  peine  d'une  dé- 
portation maritime  (  V .  Boche- 
fort). A  peine  arrivé  dans  cette- 
ville,  il  tomba  dangereusement 
malade  ,  et  ne  put  être  embarqué. 
Ce  fut  là  que  se  consomma  soîj 
martyre.  Il  y  mourut  à  l'âge  de 
70  ans,  comme  ce  vénérable  Hé- 


456  CON 

liodore  de  Perse,  dont  l'article  de 
Ch  Botgarel  nous  a  donné  l'occa- 
sion de  parler.  (  V.  J.  Colober, 
et  P.  A.  Constant.) 

CONBRET  (Benoît),  prêtre  du 
diocèse  de  Clermont  en  Auvergne, 
né  à  Chaurîat ,  près  de  Billom  , 
n'avoit  point  fait  le  serment  de 
1791  ;  et  les  besoins  spirituels  du 
diocèse  l'y  avoient  retenu,  malgré 
l;i  terrible  loi  delà  déportation  des 
prêtres  insermentés.  On  le  fit  jeter 
dans  les  prisons  en  1795;  et,  au 
printemps  de  1794,  on  l'envoya 
à  Bordeaux  pour  en  être  déporté 
au-delà  des  mers  [V .  Bordeaux). 
Il  y  fut  enfermé  dans  le  fort  du  Ha, 
en  attendant  le  jour  de  l'embar- 
quement, qui  n'arriva  que  vers  la 
fin  de  l'automne,  trois  mois  après 
la  chute  de  Roberspierre.  Cepen- 
dant cet  ecclésiastique  ne  fut 
pas  compris  alors  dans  le  grand 
nombre  de  prêtres  qu'on  fit  mon- 
ter sur  les  navires  de  la  déporta- 
tion. II  resta  dans  le  même  fort, 
où  ses  souffrances  ne  furent  pas 
moindres  que  celles  des  déportés. 
Elles  l'accablèrent  ;  et  l'on  fut 
obligé  de  le  transporter  à  l'hôpital 
de  Saint-André,  où,  sans  cesser 
d'être  captif,  il  expira  ie  14  dé- 
cembre 1794*  à  l'âge  de  48  ans. 
(  V.  J.  B.  Compan,  et  J.  M. 
Coitixon.) 

CONDAMINE  (  Antoine- 
Pierre),  vicaire-général.  (  V.  A. 
P.  Lescure.) 

CONGRÉTELLE  (  Oiivier  ) , 
simple  laboureur,  mais  excellent 


CON 

catholique  de  laparoisse de  Plemec, 
dans  le  diocèse  de  Saint-Brieuc , 
rcndoit  abondamment  à  sa  famille 
les  exemples  de  religion  qu'il  en 
recevoir.  Lorsqu'il  vit  son  curé 
chassé  en  1791,  par  suite  du  re- 
fus que  celui-ci  avoit  fait  de  prêter 
serment  à  la  constitution  civile, 
du  clergé,  il  accourut  pour  lui  de- 
mander comment  il  devoit  se  con- 
duire en  son  absence,  dans  les  cir- 
constances d'alors.  Le  curé  lui 
répondit  :  «  Votre  devoir  est  de  ne 
jamais  assister  à  aucune  fonction 
d'un  prêtre  jureur;  de  ne  prendre 
aucune  part  aux  affaires  civiles;  et 
surtout  d'éviter  de  faire  aucun  des 
sermens  qu'on  vous  proposera.  » 
—  «  Mais ,  reprit  l'ingénu  Congré- 
telle,  s'il  y  va  de  ma  vie  ,  que  faut- 
il  que  je  fasse  ?»  —  «  Mourir , 
répliqua  le  curé  ;  mourir  plutôt 
que  de  pécher.  »  —  «  Eh  bien  , 
ajouta  ce  bon  paysan,  Dieu  nous 
en  donnera  la  force.  »  On  verra 
qu'en  effet  Dieu  la  lui  donna.  Con- 
grételle  étoit,  par  sa  piété,  par 
son  inflexible  attachement  à  la 
Foi  catholique ,  le  modèle  de  tout 
le  canton.  Ce  fut  par  principe  de 
religion  qu'il  se  rendit  utile  aux 
royalistes  qui  faisoient  la  guerre 
aux  républicains, dans  cette  partie 
de  la  Bretagne.  En  servant  la 
cause  du  Roi,  il  croyoit  servir 
celle  de  Dieu.  Congrételle  étoit  en 
prières  dans  un  champ ,  lorsqu'une 
colonne  de  soldats  républicains, 
qui  passoit  dans  le  voisinage , 
donna  perfidement  un  signal  qui  la 


CON 

fit  prendre  pour-royaliste.  Congré- 
telle  se  lève ,  et  se  rapproche  d'elle. 
Il  ne  s'est  pas  encore  aperçu  de  sa 
méprise,  que  déjà  les  soldats  l'ont 
saisi ,  et  l'emmènent.  A  peine  est-il 
sous  la  halle  de  Plemec,  qu'ils  l'y 
fusillent.  Trois  balles  l'ont  frappé 
sans  le  l'aire  mourir.  Les  assas- 
sins le  portent  dans  un  jardin  du 
voisinage,  et  le  jettent  dans  un 
fossé  où  son  corps,  posant  inéga- 
lement, souffre  de  cruelles  dou- 
leurs. Il  les  supplie  de  lui  étendre 
les  jambes  ;  et,  au  lieu  de  lui 
rendre  ce  service,  les  monstres 
les  lui  cassent  à  coups  de  bêches , 
et  le  couvrent  de  terre.  Pendant 
ce  dernier  supplice ,  il  ne  cessoit 
de  demander  à  Dieu  miséricorde 
pour  lui-même,  et  grâce  pour  ses 
bourreaux.  Le  curé  de  Plemec,  de 
qui  il  avoit  si  généreusement  suivi 
les  conseils  jusqu'à  la  mort,  re- 
grette encore  aujourd'hui  ce  digne 
paroissien.  Quand  même  Congré- 
telle  sembleroit  à  quelques  roya- 
listes, n'avoir  été  victime  que  de 
leur  cause,  il  ne  l'est  pas  moins, 
au  fond ,  et  très  -  essentiellement 
de  celle  de  la  religion ,  qu'il  eut 
en  vue  dans  toute  sa  conduite. 

CONIN  (Louis -Marie),  cha- 
noine. {V.  L.  M.  Counan.) 

CONSOLIER  (Thérèse), 
qu'ailleurs  on  trouve  nommée, 
tantôt  Consolen,  et  tantôt  Con- 
solon,  étoit  née  en  173g,  à  Cour- 
tezon,  non  loin  d'Orange,  et  s'é- 
toit  fait  religieuse  dans  la  maison 
.des  Ursulines  de  Sistéron,  où  son 


CON  457 
nom  de  religion  étoit  sœur  du 
Cœur-de- Jésus.  Après  la  dissolu- 
tion vandalique  des  établissemens 
de  ce  genre,  la  sœur  Consolier 
alla  se  réunir  aux  religieuses  de 
Boulène  ,  qui  continuoient  d'y 
vivre  en  communauté.  Elle  y  fut 
arrêtée ,  avec  toutes  ses  com- 
pagnes, au  nombre  de  quarante 
et  une,  en  1794;  et  les  quarante- 
deux  religieuses  furent  amenées 
dans  les  prisons  d'Orange,  le  2  mai, 
pour  y  être  immolées  par  la  féroce 
commission  -populaire  qui  alloit 
se  former  en  cette  ville  (  V. 
Orange  ).  Thérèse  Consolier  , 
prévoyant,  ainsi  que  ses  com- 
pagnes ,  le  sort  qui  l'attendoit,  se 
préparoit  avec  elles  au  martyre , 
dans  leur  commune  captivité ,  par 
de  pieux  exercices  faits  avec  la 
plus  vive  ferveur  {V.  d'Aibarède). 
Elle  comparut  devant  l'impie  tri- 
bunal ,  le  8  thermidor  an  II 
(26  juillet  1794),  avec  quatre 
autres  religieuses.  Dès  la  première 
question  que  le  président  lui 
adressa  ,  il  dut  comprendre ,  par 
la  réponse  de  cette  sainte  fille , 
qu'elle  remporteroit  sur  lui  la 
victoire  de  la  Foi.  «  Qui  es-tu  »  ? 
lui  demanda-t-il.  Thérèse  Conso- 
lier, à  l'exemple  des  premiers 
Martyrs ,  qui  étoient  empressés 
de  faire  gloire  de  leur  croyance  , 
se  hâta  de  manifester  la  sienne  en 
disant,  pour  toute  réponse:  «  Je 
suis  fille  de  l'Eglise  catholique  ». 
Il  n'en  fallut  pas  davantage  pour 
la  comprendre  dans  la  sentence 


4  à8  CON 

par  laquelle  ses  quatre  compagnes 
furent  condamnées  à  la  peine  de 
mort,  comme  fanatiques;  et  elle 
fut  décapitée  le  même  jour,  à 
l'Age  de  55  ans,  avec  les  quatre 
autres  religieuses.  (V.  A.  Cartier, 
M.  E.  Dubac,  M.  Justamont  tante, 

et  Ms,e  BoNNERET.) 

C  O  N  ST A  N  C  E  (Sœur  Sainte) , 
religieuse  Carmélite.  (F.  M'  J* 
Meunier.) 

CONSTANT  (Pacl-Antoine)  , 
prêtre  du  diocèse  de  Cahors ,  né 
à  Manorre,  dans  la  paroisse  de 
Sainte  -  Fajole  ,  au  diocèse  de 
Cahors ,  refusa  courageusement 
d'adhérer  en  aucune  manière  au 
schisme  de  1791.  Sa  Ftii  ne  se 
montra  pas  moins  ferme  et  moins 
invincible  ,  lorsque  la  persécution 
de  vint  de  jour  en  jour  plus  ardente. 
Il  se  trou  voit,  en  1793,  dans  le 
département  de  la  Dordogne  :  les 
autorités  révolutionnaires  le 
firent  arrêter.  On  le  jeta  dans  les 
prisons  de  Périgueux  ;  et  de  là 
on  le  conduisit  à  Rochefort ,  pour 
être  déporté  au  -  delà  des  mers 
(V.  Rochefort);  enfin  on  l'y 
embarqua  sur  le  navire  les  Deux 
Associés.  Jeune  encore ,  il  ne 
fut  pas  des  premiers  qui  tonii- 
bèrent  malades  dans  l'horrible 
entrepont  de  ce  bâtiment,  mais 
l'un  des  premiers  qui  se  sa-? 
enflèrent  pour  leurs  confrères , 
dans  le  périlleux  emploi  d'infir- 
mier. Leur  mal  contagieux  l'attei- 
gnit bientôt  ;  et  il  mourut  le  16 
juin  1794?  à  l'âge  de  5o  ans, 


CON 

méritant  ainsi  la  double  palme  du 
martyre,  accordée  à  ceux  qui 
meurent  victimes  de  leur  Foi,  et 
à  ceux  qui  périssent  victimes  de 
leur  charité,  en  servant  les  pesti- 
férés (V .  En  Castellase).  On  l'en- 
terra dans  l'île  d'Jix.  (  ^.Comcs, 
et  J.  B.  Corbet.) 

CONSTANTIN  (Joseph-Marc), 
prêtre  du  diocèse  de  Carpentras, 
dans  le  comlat  Venaissin,  parla- 
geoit  la  confiance  qu'y  inspiroit 
aux  catholiques  le  bun  esprit  de 
la  province ,  et  leur  prodiguoit 
les  soins  de  son  ministère.  Mais  la 
persécution  ayant  fondu  avec  vio- 
lence sur  cette  contrée,  vers  l'au- 
tomne de  179^;  et  les  agens  des 
persécuteurs  en  chef  ayant  adopté 
le  système  commode  d'accuser  de 
conspiration  tous  ceux  qu'ils  vou- 
droient faire  périr,  le  prêtre  Cons- 
tantin ,  arrêté  à  Bédouin,  où  il 
résidoit ,  et  qu'un  proconsul  ré- 
duisoit  en  cendres  [V .  Orakge), 
fut  condamné  à  la  peine  de  mort , 
comme  «  conspirateur  ».  Alors 
n'étoit  pas  encore  établie  la  fa- 
rouche commission  populaire 
d'Orange.  Cette  sentence  fut  ren- 
due le  9  prairial  an  II  (  28  mai 
1794),  par  le  tribunal  criminel  du 
département  de  Vaucluse»  sié- 
geant à  Avignon. 

CONTANT  DE  LA  MOLETTE 
(Philippe  du),  prêtre  du  diocèse 
de  Vienne,  en  Dauphiné,  ayant 
vu  le  jour  en  1758  à  la  Côte- 
Saint- André,  fut  élevé  en  17G5 
au  grade  de  docteuï  de  Sosbonne  s 


CON 

et  soutint  ensuite  la  réputation 
qu'il  s'y  étoit  acquise  par  ses 
Thèses  sur  l'Ecriture- Sainte 
en  six  langues,  lesquelles  for- 
mulent un  volume  in-l\".  Il  publia 
successivement  dans  le  cours  de 
sa  vie  divers  ouvrages  du  même 
genre,  et  très-estimés  des  savans, 
tels  que  Essai  sur  l'Ecriture 
Sainte  ;  —  Nouvelle  méthode 
pour  entrer  dans  le  vrai  sens  de 
l'Ecriture;  —  la  Genèse  expli- 
i  j    quée; —  le  Lévitiquc  expliqué  ; 
t  ■ —  les  Psaumes  expliqués ,  avec 
i   .   un  Traité  de  la  poésie  des  Hé- 
breux, formant  un  total  de  qua- 
torze vol.  D'autres  ouvrages  sur  des 
i       siijets  analogues  sortirent  encore 
t       de  sa  plume  savante  et  féconde  : 
e      la  liste  s'en  trouve  dans  les  biblio- 
graphies modernes.  Par  la  nature, 
la  difficulté  et  la  multiplicité  de 
il      ses  travaux,  l'on  peut  juger  de 
i-      son  zèle  pour  les  intérêts  de  la 
,      religion,  ainsi  que  de  l'ardeur  de 
t,       sa  Foi ,  de  laquelle  dérivoit  tant 
ri      de  courage  pour  la  plus  grande 
a-      illustration  des  livres  sacrés.  Lors- 
re      que  M6r  Charles-François  d'Àviau, 
j.      du  Bois  de  Sanzay ,  en  Poitou ,  fut 
iai      placé  en  1789  sur  le  siège  archi- 
du      épiscopal  de  Vienne  (  1) ,  il  ne  crut 
jf      pouvoir  rien  faire  de  mieux  que 
d'y  avoir  pour  un  de  ses  vicaires- 
E      généraux  l'abbé  du  Contant  ;  mais 
:se  i   la  révolution  étant  survenue  à  la 
int  ,   

(1)  Archevêque  de  Bordeaux  depuis 
(jî  le  concordat  fait  en  1801,  entre  le 
IH)  i    pape  Pie  Y  II  et  Buonaparte 


CON  4% 
même  époque,  empêcha  celui-ci ., 
comme  son  archevêque,  de  fair<: 
dans  le  Viennois  tout  le  bien  donlt 
ils  étoient  capables.  Les  temps  de- 
venant de  plus  en  plus  fâcheux,  il 
revint  habiter  l'ancien  domicile 
solitaire  qu'il  avoit  à  Paris,  dans 
la  rue  des  Postes,  au-delà  de 
l'église  de  Sainte-Geneviève.  Tout 
en  y  remplissant  paisiblement, 
au  milieu  des  circonstances  les 
plus  alarmantes,  ses  devoirs  sa- 
cerdotaux, il  s'occupoit  encore  de 
nouveaux  ouvrages  utiles  à  la  re- 
ligion. Sa  retraite  fut  violée  vers 
la  fin  de  1790  par  les  satellites  de 
la  persécution ,  qui  le  jetèrent  dans 
les  fers  comme  suspect.  II  y  resta 
jusqu'au  6  thermidor  an  II  (a/j  juil- 
let 1794),  jour  où  le  tribunal 
révolutionnaire  le  lit  compa- 
roître  devant  lui;  et  les  juges  le 
condamnèrent  à  la  peine  de  mort, 
sous  le  prétexte  «  qu'il  étoit  en- 
nemi du  peuple,  et  qu'il  avoit 
provoqué  le  rétablissement  de  la 
royauté  ».  Il  fut  décapité  peu 
d'heures  après  ce  jugement.  Qua- 
torze ans  plus  tard,  c'est-à-dire 
en  1808,  un  hommage  solennel 
fut  rendu  au  savoir  de  l'abbé  du 
Contant,  par  la  classe  des  ins- 
criptions et  belles  -  lettres  de 
l'Institut  de  France,  dans  le  ta- 
bleau que  son  secrétaire  perpétuel 
présenta  sur  les  progrès  de  l'his- 
toire au  chef  du  gouvernement 
d'alors,  qui  avoit  voulu  qu'on  lui 
en  rendît  compte. 

CONVOLE  (Pierre),  ancien; 


46o  COP 

curé  de  Montfurt,  dans  le  diocèse 
du  Mans,  forcé,  malgré  son  âge 
avancé,  de  sortir  de  France, 
Comme  prf  tre  non  -  assermenté  , 
par  suite  de  la  loi  impie  du  26  août 
1792  ,  mourut  en  route  pour 
l'exil.  Angers  est  la  ville  qui  reçut 
les  derniers  soupirs  de  ce  véné- 
rable ecclésiastique  banni  pour 
sa  Foi ,  et  dont  la  mort  fut  la 
tnême  que  celle  du  saint  Martyr 
Héliodore  ,  évèque  de  Beth- 
Zabde  ,  à  laquelle  nous  avons 
déjà  comparé  celle  de  Ch.  Bou- 
garel.  {V.  R.  Duchambon,  et  F. 
J.  Coi  asnon.  ) 

COPENjSE  (Bertrand-Antoine 
de),  né  dans  la  Guienne,  et  d'une 
famille  en  qui  revivoit  toute  la 
loyauté  de  l'antique  chevalerie  , 
étoit  simple  vicaire  d'une  pa- 
roisse du  diocèse  de  Paris.  Ilavoit 
î'âme  trop  droite  et  l'esprit  trop 
éclairé  pour  faire  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Son  refus  le  mit  dans  la  nécessité 
de  s'éloigner  de  son  poste  ;  et  il 
vint  habiter  Paris  ,  dans  le  quar- 
tier retiré  de  la  montagne  Sainte- 
Geneviève.  Quand  des  amis  dont 
la  conscience  étoit  peu  timorée 
lui  conseilloient  de  prêter  le  ser- 
ment, il  répondoit  avec  énergie: 
«Jamais  les  Copenne  n'ont  man- 
qué à  leur  parole  d'honneur;  j'ai 
donné  la  mienne  à  Dieu  et  au  roi  » . 
II  avoit  d'autant  plus  de  mérite 
dans  sa  fidélité,  que,  dénué  de 
fortune,  il  manquoit  même  de 
moyens  de  subsistance,  et  setrou- 


COP 

voit  dans  une  disette  absolue. 
Lorsqu'on  arrêta  les  prf  très  inser- 
mentés ,  après  le  10  août  1792» 
et  qu'on  vint  chez  lui ,  pour  le 
saisir  comme  tel ,  le  5o  du  même 
mois,  il  étoit  malade  d'une  fièvre 
violente.  A  la  vue  de  la  horde  ar- 
mée de  piques  qui  entroit  pour 
l'enlever,  son  inflexible  courage 
ranima  ses  forces;  et  il  dit  à  ces  sa- 
tellites de  l'impie  tyrannie:  «C'est 
donc  pour  m'enfermer  avec  les 
prêtres,  que  vous  venez  me  cher- 
cher! allons,  je  vais  vous  suivre; 
il  convient  à  Copenne  de  mourir 
au  poste  de  l'honneur».  Cepen- 
dant les  forces  du  corps  ne  corres- 
pondoient  pas  en  lui  à  celles  de 
l'âme.  Il  étoit  si  aifoibli  par  la 
misère  et  par  sa  maladie,  qu'il  ne 
pouvoit  marcher  qu'avec  une  peine 
extrême.  Les  satellites  impatiens 
le  traînèrent;  et  il  fut  si  fatigué 
du  trajet  qu'il  eut  à  faire  de  chea 
lui  à  l'église  de  Saint-Firmin  „ 
où  siégeoit  le  comité  civil  de  la 
seclion  auquel  il  devoit  être  livré , 
qu'il  fallut  l'y  mettre  aussitôt  sur 
un  lit.  Il  y  respira  avec  un  véri- 
table contentement ,  en  pensant 
que  son  dernier  soupir  seroit  pour 
son  Dieu  et  pour  son  roi.  Le  co- 
mité le  trouva  inflexible  dans  le 
refus  du  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé,  et  le  cons- 
titua prisonnier  dans  le  séminaire 
de  Saint-Firmin,  où  il  trou  voit 
tant  de  compagnons  d'héroïsme 
sacerdotal.  Tout  malade  qu'il  étoit, 
il  auroit  été  capable ,  par  son  gé- 


COP 

néreux  caractère,  de  fortifier  leur 
courage ,  s'ils  en  eussent  eu  be- 
soin. Lorsqu'on  vint  les  massacrer, 
le  5  septembre ,  les  assassins ,  obli- 
gés de  l'aller  chercher  dans  son 
lit  où  il  gisoit  encore,  se  con- 
tentèrent de  l'en  enlever  et  de  le 
jeter  par  la  fenêtre  ,  du  haut  de 
l'étage  élevé  qu'il  habitoit.  Quand 
il  tomba,  des  femmes  armées  de 
massues  accoururent  sur  lui  , 
pour  lui  porter  les  derniers  coups 
de  mort ,  et  le  frappèrent  avec 
d'autant  plus  de  rage,  qu'elles 
étoient  imbues  de  la  persuasion 
générale  qu'il  ne  varicroit  jamais 
dans  sa  détermination  de  mourir 
pour  son  Dieu  comme  pour  son 
roi  {V.  Septembre).  11  avoit  alors 
4o  ans. 

COPER-SCHMIT  (Claude- 
François),  dit  Renel,  prêtre  du 
diocèse  de  Besançon,  né  à  Dôle 
en  Franche- Comté,  vers  1759, 
et  vicaire  au  lieu  de  sa  naissance , 
resta  ferme  dans  sa  Foi  parmi  la 
défection  de  plusieurs  ecclésias- 
tiques plus  âgés  que  lui,  qui  prê- 
toient  lâchement  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  cleryé. 
Sacrifiant  sa  vie  à  Dieu  pour  le 
maintien  de  la  Foi  dans  ces  con- 
trées, il  y  resta  malgré  la  loi  de 
déportation.  Les  précautions  que 
la  prudence  lui  fit  prendre,  purent 
le  soustraire  aux  recherches  des 
persécuteurs  j  usqu'â  la  fin  de  1 7Ç)3; 
mais  enfin  il  fut  découvert  et  ar- 
rêté ,  les  derniers  jours  de  dé- 
cembre. Dans  une  lettre  qu'il  écri- 


COP  461 

vit  bientôt  de  la  prison  à  sa  mère, 
il  lui  disoit  :  «  Nous  commençons 
l'année  (1794)  d'une  manière  fort 

amère        Mais  quelque  dures  que 

soient  les  circonstances  présentes, 
j'espère  qu'elles  nous  seront  utiles 
et  favorables ,  parce  que  c'est  la 
volonté  de  Dieu;  et  jamais,  peut- 
être,  année  n'aura  été  plus  heu- 
reuse, plus  abondante  en  grâces, 
en  mérites,  en  sainteté,  que  celle- 
ci....  Faisons  donc  généreusement 
à  Dieu  tous  les  sacrifices  qu'il  de- 
mande de  nous....  Pour  moi,  il 
me  demanderoit  ma  vie ,  je  la  lui 
dois  ;  et  je  suis  prêt  à  la  lui 
rendre  ».  Il  fut  presque  aussitôt 
traduit  devant  le  tribunal  criminel 
du  département  du  Jura,  sié- 
geant à  Dôle  ;  et  le  matin  du  1 4  ni- 
vôse an  II  (5  janvier  1794),  ce 
tribunal  le  condamna  à  la  peine 
de  mort,  sous  le  faux  prétexte 
qu'il  étoit  «émigré-rentré  ».  Ra- 
mené dans  la  prison  pour  y  at- 
tendre l'heure  du  supplice ,  à 
l'exemple  de  saint  Flavien  ,  il 
écrivit  à  sa  mère  une  nouvelle 
lettre  dans  laquelle  il  lui  adressoit 
ces  paroles  :  «  Dieu  demande  de 
vous  de  grands  sacrifices,  et  vous 
avez  trop  de  religion  pour  les  lui 
refuser....  Toutes  les  fois  que  la 
nature  en  frémira ,  vous  trouverez 
dans  votre  parfaite  résignation  à 
la  volonté  de  Dieu,  la  paix  et  la 
tranquillité.  Voila  ,  ce  me  semble, 
â  quoi  je  crois  devoir  attribuer  le 
calme  dont  je  jouis  moi-même. 
Je  puis  dire  que  je  n'ai  jamais  osé 


4o2  cup 

demanderai!  Seigneur  la  cessation 
des  peines  qu'il  nous  envoyoit  ; 
mais  seulement  qu'il  remplit  en 
nous  sa  volonté,  et  qu'il  nous 
donnât  la  force  de  l'accomplir 
nous-mêmes  avec  résignation  et 
générosité.  Aujourd'hui  qu'il  nous 
la  fait  connoître,  n'hésitons  pas  à 
nous  y  soumettre.  Nous  trouve- 
rons dans  notre  soumission  un 
contentement  réel,  et  l'assurance 
de  notre  salut.  Mère  de  douleur, 
votre  affliction  vous  paroît  bien 
grande;  mais,  pour  vous  con- 
soler, envisagez  la  mère  des  Mac- 
chabées. Avec  quelle  joie ,  quel 
empressement,  elle  envoyoit  elle- 
même  tous  ses  enfans  au  ciel , 
avant  elle,  par  la  voie  des  tour- 
mens!...  Point  de  ressentiment 
contre  personne  :  souvenez-vous 
que  le  coup  vient  de  Dieu  plutôt 
que  des  hommes;  et  ceux  qui  s'en 
montrent  ici-bas  les  instrumens, 
sont  plutôt  la  cause  de  notre  bon- 
heur que  de  nos  maux  » .  {V .  ci- 
devant,  pag.  i65,  colonne  rc) 
Ensuite  il  écrivit  son  testament 
qui  fut  presqu'entier  un  testament 
spirituel.  II  y  disoit  :  «  C'est 
maintenant,  ô  divin  Jésus,  que 
vous  me  demandez ,  comme  aux 
deux  enfans  de  Zébédée  :  Pouvez- 
vous  boire  le  calice  dont  je  boi- 
rai ,  et  être  baptisé  du  baptême 
dont  je  suis  baptisé?  Oui,  Sei- 
gneur, je  m'y  soumets,  je  l'ac- 
cepte. Vous-même  l'avez  bu  le 
premier,  ce  calice  de  votre  mort, 
et  vous  me  l'avez  rendu  salutaire. 


COP 

Je  le  reçois  donc  avec  respect  de 
votre  main  adorable.  Dans  les 
jugemens  des  hommes,  j'adore 
vos  décrets  sur  moi.  l  oiciqueje 
viens  pour  accomplir  votre  vo- 
lonté. J'espère  en  vous,  Seigneur; 
et  je  ne  serai  pas  confondu  dans 
l'éternité.  Faites -les  servir,  ces 
desseins  de  votre  sagesse,  faites- 
les  servir  à  votre  gloire  et  à  mon 
salut  ;  ù  la  conversion  et  à  la  sancti- 
fication de  tout  votre  peuple.  Ac- 
ceptez la  destruction  de  mon  être , 
comme  un  hommage  que  je  veux 
rendre  à  votre  justice.  Je  m'y  sou- 
mets avec  une  parfaite  résignation 
à  votre  sainte  volonté.  Vous-même , 
ô  mon  Sauveur,  vous  vous  êtes 
tant  de  fois  immolé  entre  mes 
mains!  Heureux  de  pouvoir  au- 
jourd'hui unir  mon  sacrifice  au 
vôtre  !  Ainsi  donc .  pour  qu'il  vous 
soit  plus  agréable,  je  l'unis  à  vos 
souffrances  ,  à  votre  agonie  ,  à 
votre  passion  et  à  votre  mort. 
Pourrai-je  enfin  être  délivré  de  ce 
corps  de  boue  et  de  péché,  et. 
par  ce  moyen ,  vous  être  plus 
promptement  réuni  dans  la  bien- 
heureuse éternité  !  O  mon  Dieu  , 
ma  béatitude  et  ma  vie,  je  sou- 
pire après  vous!  Quand  viendrez- 
vous,  Seigneur;  et  quand  appa- 
roîtrai-je  devant  votre  face?  (Ps. 
XLI)  ».  Telles  étoient  les  évi- 
dentes dispositions  au  martyre 
avec  lesquelles  Coper-Schmit  mar- 
cha le  même  jour  à  l'échafaud  ; 
et  cet  héroïsme  céleste  ne  l'aban- 
donna pas  même  sous  la  hache  de 


COR 

la  guillotine.  Son  fige  n'étoit  que 
d'en\ir<n35ans.  {V .  A.  P.  Cavon, 

et  P.  .1  '  CoRNIBERT.  ) 

CORBEAU  (  Benoîte-  Marie 
de),  née  d'une  famille  noble,  à 
Saint-Beron,  dans  la  Savoie,  en 
J7G6,  étoit  religieuse  professe 
dans  le  monastère  de  l'abbaye 
royale  de  Saint- Pierre,  à  Lyon. 
N'ayant  presque  point  de  fortune 
patrimoniale,  elle  se  trouva  sans 
ressources  suffisantes  pour  vivre, 
quand  les  religieuses  furent  chas- 
sées de  leur  cloître  en  1791.  La 
haute  vertu  qui  la,  dislinguoit  la 
rendit  chère  à  la  veuve  Ponson, 
qui  pouvoit  lui  donner  asile  chez 
elle;  et  cette  pieuse  veuve  l'ac- 
cueillit avec  d'autant  plus  de  satis- 
faction, qu'une  telle  compagne  ne 
pouvoit  que  contribuer  a  soutenir, 
à  augmenter  sa  propre  ferveur  dans 
le  temps  d'épreuves  où  l'on  se  trou- 
voit.  Un  prêtre  vertueux,  que  la 
veuve  Ponson  recueillit  aussi  pour 
le  même  motif,  devenoit  le  direc- 
teur spirituel  de  celte  petite  com- 
munauté. On  verra  aux  articles 
Chapcis  et  Ponson,  comment  elles 
rivalisèrent  de  piété  avec  lui,  et 
avec  quelle  ardeur  ces  trois  saintes 
âmes  soupiroient après  le  bonheur 
de  verser  leur  sang  pour  la  cause 
de  J.-C.  La  religieuse  de  Corbeau 
parut  même  avoir  des  révélations 
divines  sur  le  sort  qui  les  atten- 
doit.  La  fille  aînée  de  la  Ve  Ponson , 
ayant  demandé  dans  leur  conver- 
sation à  ce  sujet,  si  elle-même 
auroit  ce  bonheur,  la  fervente  re- 


COR  465 

ligieuse ,  encore  plus  favorisée 
sans  doute  alors  que  sainte  Per- 
pétue, qui,  interrogée  sur  un  point 
semblable  par  son  frère,  fit  at- 
tendre   jusqu'au    lendemain  sa 
réponse,  parce  qu'elle  avoit  en- 
core besoin  de  consulter  le  Ciel  (1), 
notre  religieuse  en  avoit  déjà  reçu 
assez  de  lumières  pour  déclarer 
de  suite  à  la  jeune  Ponson  qu'elle 
ne  périroit  point  dans  cette  circons- 
tance. Marie  de  Corbeau  fut  arrê- 
tée avec  sa  charitable  hôtesse,  et 
le  prêtre  Chapuis,  par  suite  d'un 
incident  qui  avoit  déjà  conté  la 
perte  de  la  liberté  à  la  fille  de  la 
charitable  veuve.  Elle  eut  part  à  la 
distribution  que  ,  la  première  nuit 
dans  la  prison,  cet  ecclésiastique 
leur  fit  des  hosties  consacrées  qui 
éloienldans  le  saint  ciboire,  sous- 
trait par  lui  aux  recherches  des 
agens  de  la  persécution;  et  son 
courage  en  devint  plus  intrépide. 
Le  lendemain,  avec  une  sérénité 
angélique  ,  elle  annonça  à  une 
personne  qui  étoit  parvenue  à  la 
voir  et  à  lui  parler,  que  ce  jour-là 
même,  contre  l'usage  ordinaire, 
elle  marcheroit  à  la  mort  avec  la 
veuve  Ponson  et  le  prêtre  Cha- 
puis.  En  effet,  vers  onze  heures, 


(1)  Tune  dixit  mihi frater  meus: 
Domina  soror,  jam  in  magna  digna- 
tione  es  tanta  ut  postules  an  passio 
sit  an  commeatus?  El  ego  quœ  me 
sciebam  fubuluri  cum  Domino  Jidenter 
repvomisi ,  ei  dicens  :  Crastind  die  tibi 
renuntiabo.  (Holstenius  :  Passio  SS. 
Peiyetux  et  Felicitaiis ,  etc.  ) 


464  COR 
elle  fut  menée  avec  eux  devant  la 
farouche  commission  révolution- 
naire (fr.  Lyon).  On  l'y  somma 
de  prêter  le  serment  de  liberté- 
égalité,  qu'elle  regardoit  comme 
une  implicite  apostasie;  et  elle  le 
refusa  avec  fermeté.  Aussitôt  on 
la  condamna  à  la  peine  de  mort, 
comme  u  fanatique,  refusant  de 
se  conformer  aux  lois  de  la  répu- 
blique, et  comme  contre-révo- 
lutionnaire», parce  qu'elle  étoit 
religieuse,  et  qu'elle  avoit  craint 
de  trahir  sa  Foi.  La  veuve  Ponson 
et  le  prêtre  Chapuis  furent  con- 
damnés en  même  temps  à  la 
même  peine  ;  mais ,  en  atten- 
dant l'heure  du  supplice,  on  n'en- 
voya pas  ces  deux  femmes  dans 
le  cachot  qu'on  appeloit  la  cave 
de  mort,  parce  qu'on  y  mettoit 
les  victimes  condamnées.  Les 
juges  en  cela  servoient  d'instru- 
ment à  la  Providence,  qui  voulut 
exaucer  les  prières  que,  ces  deux 
pieuses  femmes  lui  avoient  sou- 
vent adressées  pour  obtenir  la 
grâce  de  n'être  point  déposées 
tlans  cet  endroit.  Les  prisonniers, 
parmi  lesquels  elles  se  trouvèrent, 
rie  pouvoient  croire  qu'elles  fus- 
sent condamnées,  ou  que  leur 
condamnation  ne  fût  pas  l'évo- 
quée, puisque  le  lieu  où  ils 
étoient  renfermés  n'étoit  point 
le  vestibule  ordinaire  de  la  mort. 
«  Vous  ne  périrez  pas  »,  leur  di- 
soient-ils  ,  avec  toute  la  consola- 
tion de  l'espérance.  Mais  la  reli- 
gieuse de  Corbeau,  et  même  la 


COR 

veuve  Ponson,  leur  répliquoient 
avec  l'air  du  contentement  :  «Vous 
êtes  dans  l'erreur  ;  une  voix  que 
vous  n'entendez  pas,  nous  dit  in- 
térieurement et  d'une  manière 
infaillible  ,  que  nous  ne  tarderons 
point  à  mourir;  et  nous  nous  en 
applaudissons  » .  Les  prisonniers 
leur  proposèrent  de  partager  leur 
dîné  :  «  Oh!  non,  répliquèrent- 
elles,  nous  allons  dîner  avec  les 
anges  ».  Demi -heure  après,  on 
vint  les  prendre  pour  les  réunir 
aux  autres  victimes  qu'on  alloit 
conduire  à  l'échafaud.  Elles  s'y 
rendirent  avec  des  transports  d'al- 
légresse ,  qui  ravirent  tous  ceux  qui 
en  furent  témoins  :  en  marchant 
au  supplice,  elles  réciloient  le 
psaume  Miserere  met,  Deus.  La 
religieuse  de  Corbeau  ne  fut  dé- 
capitée qu'après  la  veuve  Ponson  ; 
et  elle  le  lui  avoit  prédit  long-temps 
auparavant.  Elle  lui  avoit  même 
annoncé  qu'elle  mourroit  avec 
joie  :  ce  que  vérifia  l'état  de  la 
physionomie  de  cette  sainte  veuve, 
après  même  que  sa  tête  eut  été  dé- 
tachée de  son  corps  (  V .  Ponson  ). 
Le  jugement  qui  les  envoya  au  sup- 
plice de  la  guillotine  est  du  2  ger- 
minal an  11(22  mars  179^).  La 
religieuse  Benoîte-Marie  de  Cor- 
beau n'avoit  que  38  ans  lorsqu'elle 
se  montra  si  digne  de  la  palme  du 
martyre  dont  on  ne  douta  point  que 
Dieu  ne  l'eût  favorisée.  (  V.  Châ- 
taignier ,  et  Corneille.  ) 

CORBET  (Jean-Baptiste),  prê- 
tre et  religieux  de  l'ordre  des  Ca- 


COR 

pucins,  dans  leur  maison  de 
Forges-lès-Eaux,  bourg- du  diocèse 
de  Rouen  ,  y  étoit  connu  sous  le 
nom  de  Père  Gratien.  Il  resta 
dans  celte  ville  après  la  suppres- 
sion des  ordres  monastiques;  et, 
disant  anathème  aux  principes 
de  la  constitution  civile  du 
clergé ,  il  se  garda  bien  d'en 
faire  le  scbismatique  serment.  Zélé 
pour  le  salut  des  âmes  et  le 
triomphe  de  l'Eglise,  il  continuoit 
d'exercer  le  saint  ministère  dans 
le  même  diocèse,  lorsqu'il  y  fut 
arrêté  en  1794.  Les  autorités  du 
département  de  la  Seine- Infé- 
rieure achevèrent  de  se  débarras- 
ser d'un  si  bon  prêtre ,  qui  étoit 
en  même  temps  un  excellent  reli- 
gieux, en  l'envoyant  à  Rochefort , 
pour  en  être  déporté  au-delà  des 
mers  (  V .  Rochefort  ).  Il  fut 
embarqué  sur  le  navire  les  Deux 
Associés,  et  mourut  dans  le  sup- 
plice de  cette  déportation,  le  16 
juillet  1794 •>  à  l'âge  de  42  ans. 
Ses  cendres  reposent  dans  l'ile 
d'Aix.  Il  étoit  né  à  Caranlilles, 
dans  le  diocèse  de  Coutances. 
(F.  P.  A.  Constant,  et  Cordier. 
ex-Jésuite.) 

CORBIÈRE  (  Alexandre-Eli- 
sabeth delà),  vicajre-général  du 
diocèse  de  Verdun ,  chanoine  et 
doyen  de  la  cathédrale ,  né  à  Ju- 
vigny,  près  Stenay,  en  1735, 
avoit,  pour  l'intérêt  de  la  reli- 
gion, ainsi  que  plusieurs  autres 
prêtres  et  chanoines  de  Verdun  , 
manifesté  l'espoir  qu'elle  seroit 

o 


COR  465 

rétablie  dans  sa  pureté ,  lorsque 
les  années  coalisées  de  l'étranger 
approchèrent  de  cette  ville ,  au 
commencement  de  septembre 
1792  {V.  J.  Gossuin,  J.  M.  Col- 
lot  ,  G.  Lefevre,  Chr.  Herbil- 
LOk).  Tous,  d'ailleurs  insermen- 
tés, fuient  saisis  quelques  mois 
après  la  retraite  de  ces  armées , 
et  amenés  à  Paris ,  pour  y  être, 
jugés  par  le  tribunal  révolution- 
naire. Le  chanoine  de  la  Cor- 
bière y  fut  condamné  le  5  floréal 
an  II  (  24  avril  1794  )>  avec 
quatre  autres  prêtres  de  Verdun, 
à  la  peine  de  mort.  La  sentence 
les  disoit  «  convaincus  d'être  au- 
teurs et  complices  des  manœuvres 
employées  pour  livrer  aux  enne- 
mis la  place  de  Verdun  » .  Ils  furent 
exécutés  le  même  jour. 

CORBILLÉ  (#....),  prêtre  du 
diocèse  de  Nantes ,  vicaire  en  la 
paroisse  de  Bouvron,  près  Save- 
nay  [V .  Delamare),  y  refusa, 
comme  son  curé,  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé; 
et,  comme  lui,  il  brava  les  me- 
naces de  la  loi  de  déportation , 
pour  continuer  à  fournir  les  se- 
cours de  la  religion  à  leurs  pa- 
roissiens. Il  étendoit  ses  soins  sur 
les  paroisses  voisines ,  et  portoit 
les  secours  de  l'Eglise,  de  village 
en  village.  Dans  l'un  d'eux,  il  fut 
saisi  chez  une  pieuse  veuve  qui , 
de  concert  avec  sa  fdlc ,  lui  don- 
noit  une  sainte  hospitalité.  Les 
gardes  qui  le  prirent,  lui  lièrent 
les  mains  derrière  le  dos,  et  l'em- 

3o 


460  COR 

inclurent,  avec  ses  deux  chari- 
tables hôtesses  {V.  Guiton).  Ils 
les  conduisirent  tous  les  trois  dans 
la  cour  du  presbytère  de  Bouvron. 
Corbillé  ,  profitant  d'une  distrac- 
tion de  ses  gardes,  franchit  le  mur, 
et  s'évada  ;  mais,  à  peu  de  distance, 
il  fut  arrêté  par  deux  soldats  qui  le 
ramenèrent  au  presbytère  ,  et  le 
traînèrent,  avec  ses  deux  hôtesses, 
dans  le  cimetière.  Corbillé  leur 
demanda  pourquoi  ils  vouloient 
le  faire  périr,  et  de  quel  crime  ils 
l'accusoient.  «C'est,  répliquèrent- 
ils  ,  que  tu  es  un  prêtre  réfrac- 
taire  » .  Ils  le  placèrent  aussitôt 
entre  les  deux  femmes,  et  l'y  fu- 
sillèrent sous  leurs  yeux.  Ce 
meurtre  se  commit  en  décembre 
179a;  ainsi  fut  autrefois  mas- 
sacré saint  .Ferréol  de  Vienne, 
lorsque ,  évadé  de  sa  prison ,  et 
après  avoir  passé  le  Rhône  à  la 
nage,  il  s'enfuyoitsur  le  territoire 
de  la  rive  droite.  L'Eglise  l'honore 
comme  Martyr,  le  18  septembre. 

CORDILR  (Nicolas)  ,  prêtre, 
ex-Jésuite  et  aumônier  des  reli- 
gieuses Annonciades  de  la  ville  de 
Saint-Mihiel ,  au  diocèse  de  Ver- 
dun, né  en  1710,  dans  le  duché 
de  Lorraine,  opposa  toute  la  vi- 
gueur d'une  Foi  inébranlable  aux 
erreurs  de  la  constitution  civile 
dit  clergé.  Les  impies  lui  en  con- 
servèrent une  rancune  implaca- 
ble ,  et  s'en  vengèrent  lorsqu'en 
1793,  l'enfer  sembla  avoir  acquis 
tout  pouvoir  sur  les  Saints.  Mal- 
gré son  grand  âge  ,  accablé  d'in- 


COR 

lirmités  ,  l'ex  -  Jésuite  Cordier 
fut  mis  en  prison  à  Verdun  ;  et, 
quoiqu'il  ne  put  mareber  qu'à 
l'aide  d'un  bâton,  le  tribunal  cri- 
minel du  département  de  la 
Meuse  le  condamna,  comme 
«  prêtre  réfractaire  »,  à  être  déporté 
au-delà  des  mers.  On  le  conduisit 
à  Rochefort ,  pour  être  embarqué 
(  V.  Rochefort).  Ce  fut  avec  peine 
qu'il  monta  sur  le  navire  le  Wa- 
shington ,  tant  son  corps  étoit 
affoibli  :  il  avoit  alors  84  ans. 
Lorsque  le  capitaine  du  bâtiment, 
Guibert,  le  fit  fouiller,  comme 
tous  les  autres  prêtres,  à  son  ar- 
rivée sur  le  pont,  il  ne  voulut  pas 
qu'on  lui  laissât  plus  d'une  che- 
mise et  plus  d'un  mouchoir  de 
poche.  Il  lui  arracha  même  non 
seulement  son  bréviaire ,  mais 
encore  le  bâton  dont  il  se  ser- 
voit  pour  soutenir  sa  caducité, 
et  le  jeta  à  la  mer,  en  lui  disant  : 
«  Scélérat,  tu  n  'en  a  vois  pas  besoin 
pour  courir  contre  les  patriotes, 
lorsque  tu  étoisdans  la  Vendée  »  ;et 
ce  vénérable  prêtre  venoit  de  Ver- 
dun :  il  n'étoit  pas  sorti  de  Saint- 
Mihiel.  Guibert  ajouta  :  «  Vieux 
scélérat,  si  je  t'eusse  laissé  ton 
bâton,  tu  aurois  été  capable  de 
t'en  servir  pour  faire  la  contre- 
révolution  à  mon  bord».  Il  l'en- 
voya ensuite  vers  les  autres  ;  mais . 
comme  ce  vieillard  avoit  de  la 
peine  à  marcher,  il  lui  donnoit, 
pour  le  faire  avancer,  des  coups 
de  plat  de  sabre  sur  les  épaules  , 
en  l'accablant  en  même  temps 


COR 

d'horribles  invectives.  L'ex-Jé- 
suite  Cordier  mourut  en  octobre, 
dans  une  des  tentes  qui  servoient 
d'hôpital,  et  fut  enterré  dans  l 'île 
Madame.  [V.  J.  B.  Corbet,  et 

J.  CoRNELLY.  ) 

CORDULE  (  Sœur  Marie  de 
Sainte).  {V.  Je  Le  Barrez.) 

CORM  EÀ  U  X  (  François  - 
Georges)  ,  curé  de  la  paroisse  de 
Plaintel,  dans  le  diocèse  de  Saint- 
Brieuc ,  avoit  d'abord  été  vicaire 
dans  la  petite  paroisse  de  Meslin , 
près  Lamballe,  où  il  étoit  né  en 
1746.  Les  loisirs  que  lui  laissoient 
ses  devoirs  furent  dès  lors  consa- 
crés à  la  prédication  en  d'autres 
paroisses.  Dans  son  désir  de  se 
livrer  plus  généralement  au  salut 
des  âmes,  il  vouloit  aller  s'agréger 
à  la  communauté  des  prêtres  mis- 
sionnaires de  Saint- Laurent,  en 
Poitou  {V.  ci-dev. ,  tom.  I,pag. 
029).  Mais  les  grands-vicaires  de 
son  é  vêque  le  retinrent  ;  et ,  pour  le 
fixer  dans  le  diocèse  ,  ils  exigèrent 
qu'il  se  présentât  au  concours 
pour  l'une  des  deux  cures  qui 
étoient  alors  vacantes  :  celle  de 
Plaintel,  près  Saint-Brieuc ,  qui , 
pénible  à  desservir,  étoit  d'un  très- 
modique  revenu  ,  et  celle  de  Plu- 
duno,  près  Lamballe,  beaucoup 
plus  lucrative,  d'une  administra- 
tion facile,  et  voisine  du  lieu  de  sa 
naissance.  Cormeaux  préféra  la 
première,  et  y  fit  tant  de  bien, 
que  son  peuple  devint  bientôt  l'é- 
dification de  tout  le  diocèse.  Sans 
cesser  de  s'occuper  de  ses  ouailles. 


COR  467 

il  y  devint  le  chef  des  missions  et 
des  retraites,  malgré  la  faiblesse 
de  son  tempérament,  et  la  déli- 
catesse de  sa  santé.  Il  n'écoutoit 
que  son  zèle ,  et  les  fatigues  des 
missions  ne  pouvoient  ralentir  son 
ardeur.  Toujours  il  étoit  prêt  à 
monter  en  chaire;  et  il  parloitavec 
une  égale  facilité  sur  tous  les  sujets 
de  la  religion.  Souvent  on  l'a  vu 
faire ,  dans  un  seul  jour,  trois  et 
même  quatre  conférences  ou  ser- 
mons. Tous  les  ans ,  il  alloit  don- 
ner une  retraite  dans  les  collèges 
ou  séminaires  de  chacun  des  dio- 
cèses voisins,  tels  que  ceux  de 
Tréguier  et  de  Saint-Malo,  où  il 
procuroit  encore  le  même  avan- 
tage à  des  communautés  reli- 
gieuses; mais  il  n'y  alloit  jamais 
sans  avoir  consulté  ses  supérieurs, 
comme  sans  avoir  pourvu  aux 
besoins  de  sa  paroisse.  Le  vicaire 
qu'il  y  laissoit,  étoit  cligne  de  le 
remplacer,  et  capable  de  le  sup- 
pléer en  son  absence.  Tant  de 
travaux  faits  avec  ardeur  lui  atti- 
rèrent de  graves  indispositions; 
les  médecins  lui  conseilloient  de 
prendre  quelques  mois  de  repos  : 
«  Non,  non,  leur  répondit -il; 
prêcher,  parler  de  mon  Sauveur, 
voilà  le  meilleur  remède  à  mes  souf- 
frances :  un  sermon  me  fait  plus 
de  bien  que  toutes  vos  potions  et 
que  tous  vos  conseils  de  délasse- 
ment». Ce  zèle  si  ardent  fut  sé- 
duit par  l'espoir  du  bien,  quand 
la  révolution  déb-ita  par  pro- 
mettre le  soulagement  des  peine? 

JO. 


468  COR 
sous  le  poids  desquelles  il  avoit 
vu,  non  sans  douleur,  gémir  les 
campagnes.  Dans  cette  illusion, 
qui  ne  lui  pennetloit  pas  d'entre- 
voir ce  que  la  religion  auroit  à 
souffrir  de  ce  nouvel  ordre  de 
choses,  il  se  laissa  conférer  par 
l'estime  publique  une  des  places 
d'administrateur  du  département 
des  Côtcs-du-Nord.  et  fit  en 
conséquence,  avec  des  intentions 
droites  et  pures ,  dans  son  er- 
reur ,  le  serment  auquel  étoient 
alors  obligés  ces  administrateurs 
en  entrant  en  exercice,  celui 
«  d'être  fidèle  à  la  nation ,  à  la  loi  et 
au  roi  » .  La  preuve  de  la  droiture 
de  ses  intentions  est  fournie  par 
le  discours  qu'il  prononça  le  g 
juin  1790,  dans  la  cathédrale  de 
Saint- Brieuc ,  lors  de  la  messe 
d'actions  de  grâces  et  du  Te  Deum 
que  les  électeurs  firent  chanter, 
après  avoir  terminé  certaines  opé- 
rations qui  n'étoient  pas  en  elles- 
mêmes  formellement  répréhensi- 
bles.  Dans  ce  discours  qui  fut 
imprimé  presqu'aussitôl,  on  vit 
le  curé  C ormeaux ,  parlant  au 
nom  des  administrateurs,  attes- 
ter leur  attachement  à  la  reli- 
gion catholique ,  et  inviter  les 
jeunes  clercs  qui  l'écoutoient,  à 
la  prêcher,  à  la  soutenir.  «Le  mi- 
nistère sacré,  disoit-il,  sera  tou- 
j  ours  parmi  nous  aussi  respecté 
qu'il  est  salutaire.  Nous  voulons 
vivre,  nous  voulons  mourir  catho- 
liques. Nous  renouvelons  au  pied 
de  l'autel,  le  vœu  de  notre  hap- 


COR 

tême,  le  serment  d'être  fidèle  a 
Jésus -Christ  jusqu'à  notre  der- 
nier soupir» .  Le  temps  d'épreuves 
commença  pour  Cormeaux,  plus 
tôt  que  pour  beaucoup  d'autres, 
lorsqu'étoit  encore  discutée  dans 
le  sein  de  l'Assemblée  Consti- 
tuante cette  constitution  civile 
du  clergé,  qui  alloit  produire  en 
France  le  schisme  et  l'hérésie. 
Il  en  vit  les  pièges  ;  et  de  peur  de 
coopérer  en  rien,  comme  admi- 
nistrateur ,  à  son  établissement 
qu'il  ne  pouvoit  empêcher,  il  dé- 
clara au  conseil  de  l'administra- 
tion qu'il  ne  vouloit  plus  en  faire 
partie.  Dans  la  nécessité  où  il  se 
trouvoit  de  justifier  sa  démission 
aux  yeux  de  ses  concitoyens ,  il 
n'en  fit  l'apologie  qu'en  montrant 
combien  sa  conscience  étoit  juste- 
ment alarmée  des  entreprises  de 
l'Assemblée  contre  les  lois  de 
l'Eglise,  et  combien  étoient  per- 
nicieux les  principes  hétérodoxes 
que  l'on  s'efforçoit  d'accréditer. 
Cette  justification  de  sa  conduite 
fut  imprimée,  et  servit  beaucoup 
à  prémunir  tous  les  bons  catho- 
liques du  pays  contre  le  schisme 
qui  se  préparoit.  L'attaque  qu'il 
lui  faisoit  d'avance,  recevoit  trop 
de  force  de  la  considération  dont 
il  jouissoit  à  raison  de  ses  lumières 
comme  de  ses  vertus ,  pour  ne 
pas  irriter  les  partisans  des  idée* 
nouvelles.  Il  devint  aussitôt  l'ob- 
jet d'une  persécution  violente  :  un 
décret  de  prise  de  corps  fut  lancé 
contre  lui  ;  la  maréchaussée  se  mit 


COR 

à  sa  recherche  ;  des  récompenses 
furent  promises  par  l'administra- 
tion du  département,  à  qui  pour- 
roil  le  livrer.  Il  s'étoit  réfugié 
clandestinement  aux  environs  de 
la  ville  de  Quintîn  ,  d'où,  pendant 
les  huit  mois  qu'il  y  resta  caché , 
il  ne  cessa  de  donner  à  sa  paroisse 
tontes  les  instructions  qui  pou- 
voicnt  lui  être  nécessaires  pour 
conserver  sa  Foi  intacte  et  pure. 
Craignant  enfin  d'être  atteint  par 
des  persécuteurs  qui  connoissoient 
trop  hien  sa  personne,  il  céda  aux 
instances  d'un  ami  qui  l'appeloit 
à  Paris,  et  arriva  le  10  novembre 
1791  dans  cette  ville.  S'y  trou- 
vant plus  en  liberté  pour  exer- 
cer son  zèle ,  attendu  celle  dont 
le  culte  des  catholiques  jouissoit 
encore  dans  la  capitale,  il  con- 
sentit bien  volontiers  ,  sur  la  de- 
mande d'un  directeur  du  collège 
des  Lombards,  à  y  donner  des  re- 
traites publiques  ;  il  en  donna  aussi 
dans  plusieurs  communautés  de 
Paris  et  des  environs  :  chez  les 
Annonciades  de  Chaillot,  les  Visi- 
tandines  et  les  Carmélites  de  Saint- 
Denis.  Pendant  tout  le  carême  de 
1792,  il  prêcha  dans  plusieurs 
églises ,  passant  d'une  chaire  à 
l'autre  pour  faire  entendre  par- 
tout la  parole  de  Dieu.  Le  mer- 
credi, le  jeudi  et  le  vendredi  de 
la  Semaine-Sainte  principalement 
furent  en  entier  consacrés  par  lui 
à  ce  saint  ministère,  p^arce  qu'il 
ne  pouvoit  se  lasser  de  parler  de 
l'amour  de  Jésus-Christ  pour  nous 


COR  4G9 

dans  sa  passion  et  sur  la  croix. 
Tant  de  fatigues  altérèrent  su  santé 
au  point  qu'à  son  grand  regret  il 
fut  obligé ,  par  une  grave  indis- 
position ,  de  renoncer  à  ses  travaux 
évangéliques.  Il  étoit  à  Saint-De- 
nis pour  son  rétablissement,  lors 
du  10  août  et  du  massacre  des 
prêtres  le  2  septembre.  Quand  il 
apprit  ce  dernier  événement,  il 
crut  que  la  Providence  ne  Pavait 
pas  sans  doute  jugé  digne  de  périr 
avec  eux  pour  la  Foi,  et  s'en  affli- 
gea. Ses  amis  le  forcèrent  alors 
à  se  tenir  bien  caché;  et  il  fallut 
qu'ils  le  gardassent  à  vue,  pour 
ainsi  dire  ,  afin  de  l'empêcher 
d'aller  au  dehors  exercer  les  fonc- 
tionsdesonministère.  Cependant, 
ne  se  bornant  pas  à  confesser  les 
personnes  que  l'affaire  de  leur 
salut  amenoit  dans  son  asile,  à 
les  prêcher,  à  leur  distribuer  tous 
les  autres  dons  de  la  religion,  il 
se  transportoit  souvent  en  d'autres 
pieuses  réunions  pour  le  même 
objet.  Tous  les  jours,  il  faisoit 
avec  ces  saintes  âmes  des  prières 
en  expiation  des  sacrilèges  qui 
se  commettoient  en  France  ;  et  il 
s'offroit  lui-même  en  holocauste 
à  Dieu,  se  préparant  d'ailleurs  au 
martyre  auquel  un  secret  pressen- 
timent l'avertissoit  qu'il  étoit  des 
tiné.  Jusqu'au  9  du  mois  d'août 
1795,  il  fit,  sans  fâcheuse  ren- 
contre, ses  courses  sacerdotales; 
mais ,  oc  jour  -  lù  ,  revenant  de 
Pontoise  où  il  avoit  été  appelé 
pour  administrer  les  secours  de  la 


47«  COR 
religion  à  des  malades ,  il  fut  ar- 
rêté à  Franconville  comme  voya- 
geant sans  passeport.  Amené  de- 
vant le  maire,  il  s'empressa  de  se 
déclarer  prêtre  et  curé. —  «Pour- 
quoi cette  déclaration  ?  lui  dit  le 
maire  par  un  sentiment  d'huma- 
nité ;  je  ne  vous  demandois  pas 
votre  état,  et  je  voulois  vous  sau- 
ver». Ce  magistrat  ne  put  s'em- 
pêcher de  le  faire  conduire  à  Pon- 
toisc,  mais  ce  fut  avec  la  pré- 
caution de  ne  pas  le  désigner 
comme  prêtre  aux  autorités  de 
ce  lieu.  Cormeaux  interrogé  par 
elles ,  crut  qu'il    trahirait  im- 
plicitement sa  Foi  et  l'honneur 
du  sacerdoce,  s'il  ne  se  faisoit  pas 
gloire  de  son  état.  Cette  géné- 
reuse déclaration  lui  valut  d'être 
jeté  dans  la  prison  des  criminels, 
et  d'y  être  mis  au  pain  et  à  l'eau. 
Quatorze  jours  après,  c'est-à-dire 
le  23  août,  il  fut  transporté  avec 
d'autres  prisonniers  sur  une  char- 
rette ,  à  Versailles.  Chaque  fois 
que,  sur  la  route,  il  rencontroit 
des  personnes  à  qui  il  croyoit  pou- 
voir parler  de  Dieu,  il  ne  man- 
quoit  pas  de  les  exhorter  à  le  bien 
servir.  Comme  ses  paroles  ins- 
piroient  beaucoup  d'intérêt  à  ceux 
quil'entendoient,  dans  son  passage 
à  Saint-Germain,  et  comme  on  y 
manifestoit  un  peu  vivement  des 
alarmes  sur  son  sort,  il  fut  accusé 
par  ses  gardes  d'avoir  voulu  pro- 
voquer une  émeute  pour  se  faire 
délivrer.  Arrivé  à  Versailles,  le 
2  5  août .  il  fut ,  dés  le  lendemain  , 


COR 

soumis  à  un  interrogatoire.  Les 
magistrats  furent  étonnés  de  la 
sainte  hardiesse  de  ses  réponses , 
dans  lesquelles  il  leur  prou  v  oit 
qu'il  étoit  toujours  le  vrai  curé 
de  Plaintel,  que   celui  qui  l'y 
avoit  remplacé  ne  pouvoit  être 
qu'un   sacrilège  et   un  intrus, 
que  de  pareilles  substitutions  dé- 
truisoient  la  religion  et  l'Eglise  de 
Jésus-Christ.  Touchés  de  sa  Foi, 
ces  magistrats ,  en  l'envoyant  dans 
leur  prison,  lui  laissèrent  la  con- 
solation de  retenir  le  crucifix  qu'il 
portoit  sur  lui.  Dans  un  second 
interrogatoire,  où  ils  espéroient 
le  voir  plus  circonspect  par  amour 
de  la  vie,  il  parla  plus  éloquem- 
ment  encore  de  sa  Foi  que  dan> 
le  premier.  Les  juges,  ne  voyant 
point  en  lui  un  contre-révolution- 
naire, mais  un  prêtre  pénétré  de- 
là sainteté  et  des  devoirs  de  son 
état,  auroient  voulu  le  mettre  à 
l'abri  de  tout  danger;  mais  ils  dé- 
voient ,  sous  peine  de  la  vie , 
adresser  les  procès -verbaux  de 
leurs  interrogatoires  au  comité  de 
salut  public,  séant  à  Paris;  et 
bientôt  les  ordres  qu'ils  en  re- 
çurent les  obligèrent  d'y  envoyer 
le  curé  Cormeaux.  Après  y  avoir 
passé  successivement  d'une  prison 
à  l'autre,  il  fut  définitivement  con- 
duit à  la  Conciergerie,  qui  étoit 
la  prison  immédiate  du  tribunal 
révolutionnaire.  On  l'y  fit  com- 
paroître,  le  9  juin  1794»  en  l'ac- 
cusant d'être   un  conspirateur , 
paire  qu'il  avoit  parlé  de  Dieu 


COK 

aux  habitans  de  Saint  -  Germain. 
Pour  cire  jugé  digne  de  mort, 
il  lui  suffisoit  de  son  titre  de 
prêtre,  et  de  la  qualification  de 
réfractaire,  qu'on  donnoit  aux 
non -assermentés  qui  n'étoient 
pas  sortis  de  France  depuis  la 
loi  de  déportation;  mais,  le  tri- 
bunal révolutionnaire  qui  avoit 
un  autre  système  de  condam- 
nation ,  évitant,  autant  qu'il  le 
pouvoit,  d'établir'  ses  jugemens 
sur  des  prétextes  ouvertement 
anti-religieux,  et  voulant  passer 
pour  ne  punir  que  des  conspira- 
teurs, ne  dit  que  transitoirement, 
en  condamnant  à  la  peine  de  mort 
le  curé  Cormeaux ,  qu'il  étoit 
«  prêtre  réfractaire  » .  La  sentence 
qui  l'envoya  au  dernier  supplice, 
le  21  prairial  an  II  (9  juin  1794)? 
affecta  surtout  de  le  présenter 
comme  s'étant  montré  «  complice 
de  la  conspiration  qui  avoit  existé 
contre  le  peuple  français ,  en  tenant 
des  propos  contre  -  révolution- 
naires, et  en  provoquant  la  disso- 
lution de  la  représentation  natio- 
nale, et  le  rétablissement  de  la 
royauté».  Cormeaux  marcha  au 
supplice  le  même  jour  ;  et  il  y  alla 
plein  des  sentimens  qui,  depuis 
plusieurs  années ,  lui  faisoient  dire 
si  ardemment,  avec  saint  Paul  : 
Cupio  dissolvi,  et  esse  cum 
Christo.  «  Je  brfile  du  désir  de 
me  voir  dégagé  de  mon  corps 
pour  être  réuni  à  Jésus-Christ  ». 
A  l'exemple  de  saint  André ,  il  en- 
visagea l'instrument  du  supplice 


COR  47 

avec  des  transports  de  reennnois- 
sance  et  de  joie ,  parce  que  cet 
instrument  de  mort  alloit  le  faire 
vivre  uniquement  pour  son  Sau- 
veur. On  l'exécuta  sur  la  place  où 
avoit  existé  la  Bastille;  et  il  périt 
à  l';ige  de  47  a'is.  Sa  vie  a  été 
écrite  et  publiée  par  M.  l'abbé  La- 
sausse,  prêtre  de  la  communauté 
de  Saint-Sulpice,  lequel  y  a  joint 
nombre  d'écrits  pieux  qu'il  lui  attri- 
buait. L'éditeur  paroissoit  avoir 
appris  du  prêtre  Cormeaux  lui- 
même  toutes  les  circonstances  de 
sa  vie,  lorsqu'il  avoit  été  prisonnier 
avec  lui  pendant  quelques  jours  à 
Versailles  ;  mais  les  ecclésiastiques 
du  diocèse  de  Saint- Brieuc  qui 
ont  connu  particulièrement  ce 
saint  prêtre ,  pensent  que  plu- 
sieurs des  discours  qui  lui  sont 
attribués  dans  cette  édition ,  ne 
sont  pas  de  lui,  parce  qu'ils  n'y 
trouvent  point  l'exactitude  ,  la 
facilité ,  la  noble  simplicité  qu'ils 
lui  connoissoient.  «  Son  genre 
étoit,  disent-ils,  d'aimer  mieux 
toucher  les  cœurs  que  plaire  à 
l'esprit.  Il  avoit  une  diction  affec- 
tueuse et  pure.  Ses  phrases  étoient 
sentencieuses  et  courtes.  Les  aspi- 
rations et  les  apostrophes  reve- 
noient  fréquemment  dans  ses  dis- 
cours; et  presque  tout  son  style 
se  composoit  de  pensées  de  l'E- 
criture sainte  :  nous  l'assurons, 
parce  que  nous  l'avons  entendu 
fréquemment.  Il  n'avoit  Blême 
écrit  que  très  -  peu  de  pTÔnes  . 
d'instructions  et  de.  conférence-;. 


47a  COR 

Presque  toujours  i!  parloit  d'abon- 
dance  et  comme  d'inspiration  : 
quand  il  étoit  parli  pour  Paris, 
comme  en  fugitif,  il  n'avoit  point 
songé  à  emporter  les  manuscrits 
de  ce  genre  qu'il  pouvoit  avoir. 
Les  seuls  discours  qui  pourroient 
être  authentiques  parmi  ceux  que 
l'éditeur  a  publiés,  seroient  ceux- 
là  seulement  qu'à  la  page  ia5  de 
la  Vie  du  curé  Cormcaux ,  l'on 
prétend  avoir  été  dictés  par  lui- 
même  en  prison  aux  jeunes  prê- 
tres, avec  lesquels  il  étoit  détenu. 
Là,  se  retrouvent  en  effet  son  ar- 
dent amour  pour  Jésus  -  Christ, 
sa  tendre  confiance  en  la  sainte 
Vierge,  sa  vive  dévotion  pour  les 
9aints  Anges  gardiens ,  les  Apôtres 
et  les  Martyrs  de  la  France  » . 
CORMIER  (Jean)  ,  curé.  (  V. 

J.  B.  DuCORMIER.) 

CORNEILLE  (Alexandre), 
prêtre  de  Lyon,  né  dans  cette 
ville  en  1726,  et  que  les  listes  des 
victimes  de  1 795  qualifient  inexac- 
tement de  chanoine  de  Saint-Paul, 
étoit  seulement  bénéficier  perpé- 
tuel de  cette  collégiale.  Ferme  dans 
sa  Foi,  il  avoit  repoussé  la  cons- 
titution civile  du  clergé,  malgré 
les  persécutions  auxquelles  étoient 
en  butte  les  prêtres  qui  vouloient 
rester  catholiques.  Son  âge  déjà 
avancé  le  dispensoit  de  sortir  de 
France,  lorsque  la  loi  du  26  août 
1792  vint  en  bannir  les  non- 
assermentés;  et  la  protection  que 
ceux  de  Lyon  trouvèrent  dans  les 
événemcn5  qui   eurent  lieu  en 


COR 

i^j5  (  V.  Lyon),  dispensèrent  le 
sexagénaire  Corneille  de  la  réclu- 
sion qui  lui  étoit  prescrite  par  cette 
loi.  La  persécution  ayant  acquis 
une  plus  grande  fureur  après  le 
siège  de  cette  ville,  et  le  tribu- 
nal appelé  commission  révolu- 
tionnaire, que  les  proconsuls  de 
la  Convention  y  créèrent  en  no- 
vembre ,  ne  voulant  faire  grâce  à 
aucun  prêtre  fidèle,  le  chanoine 
Corneille  fut  arrêté.  Traduit  de- 
vant les  juges,  il  refusa  coura- 
geusement les  sermens  impies  qui 
lui  furent  demandés  ;  et  on  le 
condamna ,  le  9  nivôse  an  II 
(  29  décembre  1793  ),  à  la  peine 
de  mort,  comme  «  prêtre-réfrac- 
taire  et  contre-révolutionnaire  ». 
Il  avoit  alors  67  ans.  (  V.  Cor- 
beau, et  Cortès.) 

CORNELLY  (Jacques)  ,  prêtre 
irlandais  et  religieux  Récollet,  son  s 
le  nom  de  Père  Jacques,  étoit 
gardien  de  la  maison  des  Récol- 
lets irlandais  de  Boulay,  dans  le 
diocèse  de  Metz.  Il  repoussa , 
comme  un  crime  contre  la  Foi,  le 
serment  «chismatique  de  1791  ; 
et,  mis  hors  de  son  cloître  par  la 
suppression  des  ordres  monas- 
tiques, il  continua  d'habiter  la 
province  de  Metz,  où  il  exerça  le 
ministère  sacerdotal  avec  beau- 
coup de  fruit.  Les  impies  persé- 
cuteurs le  firent  emprisonner  à 
Metz,  en  1790,  et  bientôt  l'en- 
voyèrent à  Rochefort,  pour  être 
déporté  au-delà  des  mers  (V.  Ro- 
chefori).  Mais  il  avoit  tant  souf- 


COR 

fertdans  le  voyage,  qu'en  arrivant 
dans  cette  ville,  il  tomba  grave- 
ment malade.  On  l'y  déposa  dans 
l'hôpital,  où  il  mourut  le  4  août 
1764?  à  l'âge  de  40  ans.  Sa  mort 
peut  être  comparée  à  celle  du 
saint  Martyr  Héliodore,  de  Perse, 
dont  l'article  de  C1'  Bougarel 
nous  a  fourni  l'occasion  de  parler. 
(V.  Cordier,  ex -Jésuite,  et  P. 
Cornette.  ) 

CORNETTE  (Philippe  de), 
prêtre,  chanoine  et  grand-chantre 
de  l'église  collégiale  de  la  ville  de 
Dorât,  dans  le  diocèse  de  Limoges, 
étoit  né  en  ij45,  à  Brigneul-Ie- 
Chantre ,  paroisse  du  même  dio- 
cèse. Il  manifesta  de  la  manière 
Ja  plus  formelle,  son  éloignemcnt 
du  schisme  constitutionnel  de 
1791,  et  fut  loin  d'en  faire  le 
serment.  Ayant  continué  d'habiter 
sa  province,  devenue  le  départe- 
ment de  la  Vienne,  et  ne  cessant 
pas  de  s'y  montrer  zélé  pour  la 
religion  catholique,  il  tomba  dans 
les  mains  des  persécuteurs,  et  fut 
emprisonné  a  Limoges.  Quelques 
mois  après,  ils  le  condamnèrent  à 
être  déporté  au-delà  des  mers,  et 
le  firent  traîner,  pour  cet  effet,  à 
Rochefort.  Il  y  fut  embarqué  sur 
le  navire  {es  Deux  Associés  {V. 
Rochefort).  Les  souffrances  qu'on 
y  enduroit  l'eurent  bientôt  acca- 
blé. Il  expira  le  24  avril  1794? 
à  l'âge  de  49  ans  ;  et  son  corps  fut 
enterré  près  du  fort  Lupin,  sur 
les  rives  de  la  Charente.  {V .  J. 
Corsellï,  et  J.  M.  COIRVAISIER.) 


COR  475 
CORNIBERT  (Pierre-Joseph)  , 
prêtre  et  religieux  Capucin  du 
couvent  de  Vesoul,  en  Franche- 
Comté,  diocèse  de  Besançon,  y 
étoit  né  dans  Va  paroisse  de  Saint- 
Loup,  près  Dôle,  en  1760.  II 
prit  l'habit  de  saint  François ,  dans 
le  couvent  de  Dôle,  en  1780,  fit 
ses  vœux  deux  ans  après ,  dans 
celui  de  Lons-Ie-Saulnier  ;  et  il 
eut  pour  nom  de  religion,  celui 
de  Grégoire  de  Saint-Loup.  Ses 
supérieurs  lui  firent  passer  quelque 
temps  dans  leur  maison  de  la  ville 
de  Saint-Claude,  d'où  il  vint  rési- 
der en  celle  de  Vesoul,  à  l'époque 
où  l'Assemblée  Nationale  pronon- 
çoit  l'abolition  des  ordres  monas- 
tiques.   Les  vœux  sacrés  qu'il 
avoit  faits  lui  en  devenoient  plus 
chers  ;  et  les  entreprises  de  cette 
assemblée  contre  laFoiranimoient 
le  zèle  qui  l'avoit  porté  précé- 
demment à  se  consacrer  tout  en- 
tier à  la  direction  des  âmes  et  à  la 
prédication.  11  se  multiplioit,  en 
quelque  sorte,  pour  aller  de  toutes 
parts  prémunir  les  fidèles  contre 
les  pièges  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé;  et,  craignant 
qu'elle  ne  séduisît  les  habitans  du 
village  où  il  étoit  né,  il  s'y  trans- 
porta avant  qu'y  fût  arrivé  le  curé 
intrus  qui  devoit  en  remplacer  le 
pasteur  légitime.  Il  y  affermit  plu- 
sieurs familles  contre  les  dangers 
du  schisme,  et  resta  dans  ce  vil- 
lage, malgré  la  venue  de  l'intrus, 
ne  voulant  pas  que  les  catholiques 
de  Saint- Loup  manquassent  des 


474  COR 
secours  de  la  véritable  Eglise. 
Celui-ci  cependant,  après  bien 
des  injures,  le  contraignit  à  s'é- 
loigner; et  il  vint  habiter  la  pa- 
roisse de  Villefrie,  près  Vesoul, 
d'où  il  pouvoit  étendre  les  soins 
de  son  ministère  à  plusieurs  pa- 
roisses voisines ,  et  spécialement 
à  celle  de  Saint -Loup.  Il  s'étoit 
enfin  résigné  depuis  peu  de  temps 
à  quitter  l'habit  de  son  ordre  ; 
et  celui  qu'il  portoit  contribua 
beaucoup  à  lui  donner  la  facilité  de 
satisfaire  son  zèle,  que  ne  décon- 
certa point  la  loi  de  la  déporta- 
tion. Le  P.  Grégoire  continua, 
pendant  1793,  1794»  «795>  à 
rendre  aux  fidèles  de  cette  partie 
de  la  Franche-Comté ,  les  mêmes 
services,  malgré  les  plus  grands 
dangers.  Plus  d'une  fois  il  fut 
poursuivi  par  les  agens  de  la  per- 
sécution, à  Breuch-lès- Fauco- 
gney  ,  à  Villers-lès-Luxeuil,  à 
Meurecourt  près  Lure ,  à  Con- 
flans  près  Luxeuil  ;  et  même  le 
mari  d'une  femme  malade ,  qu'il 
venoit  de  confesser,  lui  tira  un 
coup  de  fusil  qui  le  blessa  à  la 
main.Lorsqu'après  lefameuxnettf 
tfiermidor,  plusieurs  prêtres  dé- 
portés furent  ramenés  en  France 
par  le  désir  du  salut  des  âmes, 
cette  augmentation  d'ouvriers 
évangéliques  donnant  au  P.  Gré- 
goire la  facilité  de  porter  plus 
loin  son  ministère ,  il  quitta  Vil- 
lefrie ,  alla  fixer  sa  demeure  ail- 
leurs; mais,  un  jour  qu'il  s'étoit 
transporté  à  Villedieu-en-Fonte- 


COR 

nellc,  à  quatre  lieues  de  Vesoul, 
l'agent  de  la  Commune  le  fit  arrê- 
ter pendant  la  nuit,  dansla  maison 
où  il  reposoit.  On  le  conduisit  le 
lendemain  à  Vesoul,  chef-lieu  du 
département  de  la  Haute-Saône. 
C'étoit  là  que  résidoit  le  tribunal 
criminel  par  qui  le  P.  Grégoire 
devoit  être  jugé.  Dans  le  premier 
interrogatoire  qu'un  des  juges  lui 
fit  subir,  il  lui  demanda  quel  cloit 
son  domicile  ;  et  le  P.  Grégoire 
répondit  «qu'il  n'en  avoit  plus  de 
fixe,  depuis  qu'au  nom  de  (a 
nation,  on  avoit  dispersé  sa  com- 
munauté ;  et  qu'il  alloit  partout  où 
l'appeloient  les  besoins  spirituels 
de  ses  frères  » .  Telle  avoit  été  la 
réponse  de  saint  Justin  à  une  ques- 
tion semblable,  dans  une  circons- 
tance analogue  (1).  L'interrogateur 
lui  dit  ensuite  :  «  Avez-vousprêté  le 
serment  de  liberté-égalité  »?  — 
«  Non  »  ,  répliqua  ce  bon  reli- 
gieux, et  ses  réponses  furent  les 
mêmes  dans  un  second  interroga- 
toire qui  précéda  immédiatement 
la  mise  en  accusation.  Les  juges 
cependant  répugnoient  â  le  con- 
damner ;  et  le  défenseur  qu'ils 
lui  nommèrent  d'office,  fut  chargé 
de  l'engager  à  laisser  croire  qu'il 
avoit  prêté  ce  serment.  II  se 
laissa  séduire  un  moment  par  les 
sophismes  de  l'avocat,  et  se  con- 

(1)  Neque  alium  quempium  locum , 
nisi  qaem  dixi  cognosco  :  ac  si  quis  nd 
me  venire  voluil ,  communicavi  cutti 
Mo  verilatis  doclrinam.  (  Ruin.  :  Acla 
sancti  Justini  et  sociorwn.) 


COR 

duisit  en  conséquence  lorsqu'il 
comparut,  le  lendemain,  devant 
le  tribunal;  niais  Dieu  se  servit 
alors  de  l'impie  rigueur  de  l'accu- 
sateur public,  pour  redresser  la 
fausse  conscience  que  le  P.  Gré- 
goire s'étoit  faite.  Ce  magistrat 
lui-même  l'accusa  d'imposture  sur 
ce  point,  exigeant  que,  sous 
vingt-quatre  heures,  il  justifiât  de 
sa  prestation  du  serment  de  li- 
berté-égalité y  et  le  fit  renvoyer 
dans  un  cachot.  Là ,  il  se  reprocha 
bien  amèrement  sa  condescen- 
dance aux  conseils  de  l'avocat;  et 
ses  remords  furent  fortifiés  par  un 
billet  que  lui  firent  parvenir  les 
supérieurs  ecclésiastiques  du  dio- 
cèse de  Besançon.  Ils  lui  disoient  : 
«  Votre  persévérance  à  déclarer 
faussement  que  vous  avez  prêté 
un  serment  illicite,  scandaliseroit 
beaucoup  les  fidèles  ,  et  feroit 
triompher  les  ennemis  de  l'Eglise  ; 
ceux  qui  vous  en  ont  donné  le 
conseil  n'y  ont  été  portés  que  par 
une  injuste  compassifci ,  sem- 
blable à  celle  des  amis  du  véné- 
rable Eléazar.  Il  faut  pouvoir 
dire,  avec  le  grand  apôtre  :  J'ai 
dignement  combattu  jusqu'à  la 
fin  ;  et,  arrivant  au  terme  de 
ma  course,  après  avoir  toujours 
conservé  la  Foi,  j'en  attends  la 
couronne.  Le  moyen  de  l'obtenir 
est  une  rétractation  publique  et 
solennelle,  comme  la  pénitence 
de  Pierre  :  Egressus  foras  flevit 
arnarè  r- .  Le  P.  Grégoire ,  dis 
lors  bien  déterminé  à  eette  rétrac- 


COR  /|75 

tation .  ne  céda  point  aux  nouvelles 
instances  de  son  avocat,  pour  le 
faire  persisterdans  sa  supercherie. 
«  L'intérêt  que  vous  prenez  à  moi 
excite  mes  craintes,  lui  répondit- 
il,  comme  S.  Ignace  d'Antioche 
aux  chrétiens  qui  vouloient  acheter 
sa  délivrance;  votre  affection  tend 
à  blesser  mon  âme  »  :  Timeo  enim 
caritatem  vestram,  ne  if  sa  me 
iœdat  (  Epist.  ad  Romanos  ). 
Ramené  devant  les  juges  le  len- 
demain ,  il  leur  parla  en  ces 
termes,  devant  le  public  :  «  Vous 
avez  pu  croire ,  d'après  ce  que 
vous  dit  hier  mon  défenseur,  et 
d'après  mon  silence ,  que  j'avois 
prêté  le  serment  de  liberté-éga- 
lité. Ce  silence  de  ma  part  est 
une  coupable  foiblesse,  une  faute 
que  je  me  reproche  ,  et  que  je 
dois  réparer  aux  yeux  de  tous 
ceux  qui  en  ont  été  les  témoins. 
Je  déclare  donc  aujourd'hui  que 
je  n'ai  prêté  aucun  serment  depuis 
la  révolution,  et  que,  si  j'ai  con- 
senti à  vous  laisser  croire  le  con- 
traire ,  ce  n'est  point  la  crainte  de 
la  mort  qui  m'y  a  engagé ,  mais 
uniquement  celle  de  voir  outrager 
la  religion  et  l'humanité  :  la  pre- 
mière ,  par  l'effroi  que  causeroit 
mon  supplice  à  beaucoup  de  mi- 
nistres de  l'Eglise  dont  elle  a  un 
extrême  besoin,  et  qui  les  disper- 
seroit  ;  la  seconde ,  parle  nouveau 
meurtre  auquel  seroit  entraîné  le 
tribunal.  Dieu  m'est  témoin  de  la 
pureté  de  mon  intention,  et  de  la 
droiture  de  mon  cœur.  Toute  ma 


h:^  COR 

vie,  j'ai  désiré  le  sort  de  ceux  qui 
àvoient  eu  le  bonheur  de  donner 
leur  sang  pour  la  religion  ;  et  je 
m'estimerai  heureux  si  je  suis 
trouvé  digne  de  verser  le  inien 
pour  elle ,  à  leur  exemple.  Je 
n'ignore  pas  ce  qui  m'est  réservé , 
après  un  tel  aveu  :  je  sais  que  la 
loi  prononce  la  peine  de  mort 
contre  moi,  et  je  m'y  attends  ». 
Son  avocat,  prenant  ensuite  la 
parole  ,  et  voulant  soutenir  que 
son  client  avoit  réellement  fait  le 
serment  de  liberté-égalité,  pré- 
tendoitque  son  désaveu  provenoit 
d'une  tête  dérangée  par  sa  situa- 
tion. «Non,  elle  ne  l'est  point, 
s'écria  vivement  le  P.  Grégoire  ; 
c'est  avec  toute  la  raison ,  la  ré- 
flexion dont  je  suis  capable,  que  , 
ne  voulant  point  sacrifier  ma  cons- 
cience aux  intérêts  de  ma  tran- 
quillité terrestre,  je  déclare  haute- 
ment que  je  n'ai  pas  plus  fait  ce 
serment  que  celui  de  la  constitu- 
tion civiiedu  clergé.  Si  cette  con- 
duite vous  paroît  criminelle;  si, 
à  vos  yeux,  elle  mérite  la  mort , 
me  voici  prêt  à  la  subir».  Ce  lan- 
gage différoit-il  donc  beauc@up  de 
celui  du  même  saint  Ignace  d'An- 
tioche,  écrivant  de  sa  prison  aux 
chrétiens  :  «  Pardonnez  ,  mes 
frères,  et  ne  vous  opposez  plus  à 
ce  que  j'aille  vivre  dans  Jésus- 
Christ  :  ce  seroit  vouloir  que  je 
mourusse  véritablement  ;  dès  que 
je  dédaigne  la  vie  d'ici  bas,  laissez- 
moi  recevoir  la  pure  lumière  de  la 
Divinité;  j'en  jouirai,  si  vous  n'y 


COR 

mettez  plus  l'obstacle  d'une  com- 
passion purement  humaine  »  : 
Ignoscite  mihi ,  fratres  ;  non 
im/pediatis  me  viverc;  non  ve- 
iitis  me  mort;  dimittite  me 
purum  lumen  accipere  :  illuc 

adveniens,  homo  ero   Non 

ampliùs  volo  secundàm  homi- 
nes  vivere  :  hoc  autem  erit  si 
vos  velitis.  (  Id.  ibid.  )  L'accu- 
sateur public  se  mit  alors  à  dé- 
clamer  violemment   contre  les 
prêtres  en  général;  et  il  conclut 
par  requérir  contre  le  P.  Grégoire 
la  sentence  de  mort.  Le  président 
n'auroit  pu  se  dispenser  de  la  pro- 
noncer,  qu'en   renonçant  à  sa 
charge.  Mais  qui  est  capable  d'un 
tel  acte  de  probité,  depuis  la  ré- 
volution ?  En  la  prononçant,  ce 
magistrat  dit  au   P.  Grégoire, 
comme  pour  s'en  excuser  lui- 
même  :  «  Vous  avez  toujours  eu 
le  désir  de  donner  votre  sang  pour 
la  Foi  ;  vous  allez  avoir  cette  con- 
solation ».  Le  P.  Grégoire,  qui 
s'étoit  nfea  genoux  pour  entendre 
la  sentence ,  dit  alors  aux  juges  : 
«  Je  vous  remercie  ;  vous  me 
procurez  le  bonheur  après  lequel 
en  effet  j'ai  soupiré  long-temps. 
Oui,  ce  jour  est  le  plus  beau  de 
ma  vie ,  puisque  j'ai  l'avantage 
d'avoir  réparé  ma  faute  ,  et  de 
pouvoir  la  laver  dans  mon  sang  » . 
Se  tournant  ensuite  vers  le  peuple, 
il  ajouta  :  «  Et  vous,  mes  frères, 
que  j'ai  eu  le  malheur  de  scanda- 
liser par  une  espèce  d'aveu  qui 
répugnoit  à  ma  conscience ,  par- 


COR 

donnez-moi  ce  scandale,  que  je 
vous  ai  donné  involontairement; 
car,  je  dois  le  dire  pour  ma  justi- 
fication, et  pour  conserver  votre 
estime  dont  je  suis  jaloux  :  non, 
ce  n'est  pas  la  crainte  de  la  mort 
qui  m'a  porté  à  feindre  quelques 
instans.  Ma  principale  crainte  étoit 
de  voir  mes  juges  se  rendre  cou- 
pables du  crime  de  ma  mort; 
mais  je  ne  dois  pas  perdre  mon 
âme  pour  les   sauver.  Oubliez 
donc  ma  faute,  et  ne  vous  rappe- 
lez que  mon  repentir  » .  Les  juges 
avoient  déjà  quitté  leurs  sièges  : 
les  soldats  se  hâtèrent  de  recon- 
duire le  P.  Grégoire  en  prison. 
En  entrant ,  il  dit  aux  confrères 
qu'il  y  retrouva  :  «Je  suis  plus  heu- 
reux que  vous  :  j'aurai  bien  certai- 
nement le  bonheur  de  mourir 
pour  notre  sainte  religion».  En- 
suite il  se  mit  à  genoux,  remercia 
Dieu  de  cette  faveur,  comme  aussi 
de  la  grâce  qu'il  lui  accordoit  de 
faire  avec  joie  le  sacrifice  de  sa 
vie.  Tout  cela  se  passa  le  25  ni- 
vôse an  IV  (vendredi,  i5  janvier 
inç)5),  suivant  les  renseignemens 
positifs  que  nous  avons  demandés 
à  Vesoul  même,  et  non  le  i5  jan- 
vier 1796,  comme  il  a  été  dit  dans 
un  autre  ouvrage ,  en  affirmant 
avec  raison  que  le  P.  Grégoire  étoit 
mort  un  vendredi,  sans  observer 
que  le  1 5  janvier  de  cette  dernière 
année  fût  un  samedi.  Le  saint  reli- 
gieux censacra  le  reste  du  temps 
à  se  préparer  à  la  mort  :  il  se  fit 
réciter  les  prières  des  agonisans, 


COR  47; 

auxquelles  il  répondoit  avec  beau- 
coup de  ferveur.  Comme  ses  con- 
frères ne  pouvoient  lui  cacher  leur 
attendrissement  :  «Ne  vous  affligez 
pas,  leur  dit-il,  nous  nous  re- 
verrons un  jour.  N'est-ce  pas 
beaucoup   de   grâces  qu'on  me 
fait,  en  m'envoyant  au  supplice 
le  jour  et  à  l'heure  où  notre  divin 
modèle  est  mort  ?  Courons  au 
combat  qui  nous  est  proposé  ; 
courons-y  les  yeux  fixés  sur  J.-C, 
l'auteur  et  le  consommateur  de 
notre  Foi,  lequel  se  fit  une  joie 
d'endurer  le  supplice  de  la  croix  , 
et  d'en   mépriser  l'ignominie». 
On  tardoit  à  venir  le  prendre  pour 
le  conduire  à  l'échafaud,  parce 
que,  la  guillotine  n'ayant  pas  en- 
core été  employée  dans  cette  ville , 
les  préparatifs  en  furent  longs  ;  et 
il  disoit  avec  regret  :  «  On  pro- 
longe bien  mon  agonie  !  »  Enfin 
il  fut  mené  au  supplice ,  les  mains 
liées  derrière  le  dos,  comme  un 
malfaiteur.  Son  magnanime  cou- 
rage ne   se  démentit  point  ;  et 
quand  sa.  tête  eut  été  abattue  par 
l'instrument  de  mort,  nombre  de 
personnes  vinrent  recueillir  son 
sang  avec  des  mouchoirs,  qu'ils 
conservent  encore   avec  véné- 
ration (  y.  J.  I.  Lessus).  Il  im- 
porte d'observer  que  l'immolation 
de  ce  saint  prêtre  eut  lieu  vingt 
mois  environ  après  la  chute  de 
Roberspierre  (  V.  C.  F.  Coper- 
Schmit,  et  Cortot,  Cordelier.  ) 

CORNOT  (N...),  curé  de  Cm- 
gey,  dans  le  diocèse  d'Autun,  fut 


4;8  COR 

si  persécuté,  si  maltraité,  u  cause 
de  son  refus  du  serment  schisma- 
tique  de  1791,  mie  les  mauvais 
traitemens  dont  on  l'accabla  abré- 
gèrent ses  jours  ;  et  il  en  mourut 
en  179a  (  V,  ci-dev. ,  pag.  4°7)- 
Son  nom  s'est  trouvé,  en  1794 , 
sur  une  liste  des  Martyrs  récens 
de  la  France ,  imprimée  à  Rome , 
cette  année-là,  sous  les  yeux  et 
avec  l'approbation  de  Pie  VI. 
(V.  Augier,  de  Montmorillon.) 

CORNUAULT  (Charles),  curé 
de  Noireterre ,  dans  le  district  de 
Bressuire  et  le  diocèse  de  La  Ro- 
chelle, ayant  refusé  avec  tout  le 
courage  des  anciens  confesseurs 
de  la  Foi ,  le  serment  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé,  fut, 
dès  1791,  chassé  de  son  église 
par  les  administrateurs  du  district 
de  Rressuire ,  qui  mirent  de  force 
à  sa  place  un  prêtre  assermenté. 
Le  curé  Cornuauît  vint  alors  dans 
sa  famille  ,  où  il  éprouva  de  nou- 
velles et  bien  amères  peines,  à 
cause  de  sa  constance  dans  la  Foi 
catholique.  Elles  vont  être  ra- 
contées par  une  bouche  bien 
plus  capable  que  la  nôtre  de  faire 
apprécier  le  mérile  de  cet  ecclé- 
siastique. Obligé  de  s'éloigner  de 
la  maison  paternelle ,  il  se  vit  bien- 
tôt forcé  de  quitter  même  la  France 
pour  obéir  à  la  loi  de  déportation  ; 
et  il  se  réunit  avec  deux  autres 
curés  également  bannis  par  la 
même  loi,  pour  en  subir  les  ri- 
gueurs ,  en  s'exilant  de  leur  patrie. 
Mais  quand  ils  se  mirent  en  route  , 


COR 

le  terme  du  délai  accordé  par  cette 
loi  barbare,  étoit  expiré  \  V.  Dé- 
portation). Cornuauît  est  arrêté 
avec  eux,  et  le  district  de  Bres- 
suire veut  qu'ils  soient  déportés  à 
la  Guiane.  Il  les  fait  conduire  à 
La  Rochelle  pour  y  être  embar- 
qués. En  attendant  qu'ils  puissent 
l'être,  ils  restent  dans  les  prisons 
de  cette  ville,  où  ils  ont  pour  com- 
pagnon de  captivité  un  autre  prê- 
tre, destiné  au  même  sort,  pour 
les  mêmes  motifs.  On  a  pu  voir 
à  l'article  Rochefort,  que  l'on  ne 
put  commencer  à  embarquer  des 
prêtres  pour  la  Guiane,  que  dans 
le  printemps  de  1794;  et  l'on  n'en 
étoit  encore  qu'au  mois  de  mars 
1793,  lorsqu'un  des  généraux  des 
troupes  républicaines  qui  com- 
battoient  contre  les  Vendéens , 
étant  arrêté  comme  suspect  de  tra- 
hison, pour  avoir  été  mis  en  dé- 
route par  eux,  fut  amené  dans  la 
prison  où  se  trouvoient  ces  quatre 
prêtres.  Les  administrateurs  du 
cfistrict  de  La  Rochelle,  ombra- 
geux jusqu'à  la  cruauté,  craigni- 
rent qu'ils  n'eussent  des  intelli- 
gences avec  ce  général  ;  et  pour 
qu'ils  ne  communiquassent  pas 
avec  lui,  ils  ordonnèrent  de  les 
transférer  à  l'île  de  Ré  ,  quoiqu'on 
dût  bien  prévoir  qu'ils  n'y  arri- 
veroient  pas  vivans,  attendu  la 
fureur  que  la  déroute  des  troupes 
républicaines  avoit  excitée  parmi 
les  scélérats  de  La  Rochelle.  Des 
soldats  sont  chargés  de  conduire 
ces  prêtres  au  port,  le  21  mars 


COR 

1 795  ;  et,  comme  pour  attendre  le 
moment  de  les  embarquer,  ils  les 
font  entrer  dans  le  corps-de-garde 
qui  s'y  trouve.  A  peine  y  sont- 
ils,  qu'une  populace  furibonde  y 
pénètre  avec  rage,  et  les  y  mas- 
sacre. Elle  en  immole  aussi  deux 
autres  qui  tombent  sous  sa  main, 
et  dont  il  sera  parlé  tout  a  l'heure. 
Leurs  têtes  sont  coupées  et  por- 
tées en  triomphe  sur  des  piques 
préparées  à  cet  effet;  leurs  corps 
sont  traînés  en  même  temps  dans 
les  rues  de  La  Rochelle.  Un 
juge  de  paix ,  indulgent  pour  les 
meurtriers,  vient  verbaliser  sur 
cet  atroce  événement,  mais  avec 
toute  la  légèreté  qu'ils  pouvoient 
exiger;  et  son  procès-verbal,  où 
ne  sont  mentionnés  ni  l'âge  des 
victimes,  ni  les  noms  de  bap- 
tême de  deux  d'entre  elles,  cons- 
titue lui  seul  tout  leur  acte  de 
mort  dans  le  registre  mortuaire 
de  l'état  civil  de  La  Rochelle.  On 
y  lit  simplement,  à  la  date  du 
24  mars  1793,  que  «  d'après  les 
procès-verbaux  du  juge  de  paix 
de  La  Rochelle,  il  résulte  de  l'évé- 
nement qui  a  eu  lieu  le  21  dans 
celte  ville,  que  les  dénommés  ci- 
après  (au  nombre  de  six)  y  sont 
décédés  par  suite  d'émeutes  popu- 
laires. Les  quatre  premiers  (Cor- 

NUAtJLT  ,  L.  HULÉ  ,  Chr.  VlOLLGAU  , 

et  M.  J.  M.  Ogeard  ,  qui  y  est 
écrit  Auceard)  ,  étoient  détenus 
dans  la  prison  de  La  Rochelle  ;  et 
c'est  an  moment  de  s'embarquer 
pour  Pile  de   Ré,  qu'ils  furent 


COR  479 

massacrés  sur  le  port.  Les  deux 
derniers  (Dauche  et  A.  Vergé) 
eurent  le  même  sort,  au  moment 
où  ils  alloient  descendre  d'une 
barque  qui  les  auroit  transférés 
des  sables  d'Olonnc  à  La  Rochelle. 
Ils  ont  été  inhumés  dans  le  cime- 
tière de  Saint-Jean,  réuni  à  celui 
de  Saint-Barthélemi,  paroisse  de 
cette  ville  ». 

Le  digne  évêque  de  La  Rochelle , 
Msr  Jean-Charles  deCoucy,nommé 
dans  la  suite,  en  1817,  à  l'arche- 
vêché de  Reims,  alors  exilé,  et 
connoissant  le  mérite  des  curés 
Cornuault ,  Violleau  et  Ogeard 
(les  trois  autres  n'étoient  point  de 
son  diocèse  ) ,  ayant  appris  com- 
ment ses  troiscoopérateursavoient 
péri,  n'hésita  point  à  les  consi- 
dérer comme  de  vrais  Martyrs;  et 
la  lettre  pastorale,  que,  dès  le 
8  mai  suivant,  il  adressa  sur  ce 
sujet  à  son  clergé,  les  lui  propo- 
sant pour  modèles,  peut  être  re- 
gardée comme  une  de  ces  canoni- 
sations que  les  évêques  avoient  le 
droit  de  faire  dans  les  douze  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise.  Mo- 
nument précieux  pour  l'histoire 
ecclésiastique  de  notre  temps  , 
cette  lettre  pastorale  mérite  d'au- 
tant mieux  d'être  conservée  , 
qu'elle  atteste  la  sainteté  de  ces 
trois  victimes  de  l'irréligion,  et  la 
piété  éclairée,  comme  la  sollici- 
tude épiscopale  du  prélat. 

«  Notre  sensibilité,  disoit-U, 
est  mise  à  une  nouvelle  épreuve. 
Pasteurs,  s'écrioit  le  prophète. 


48o  COR 

chefs  du  troupeau ,  faites  retentir 
les  airs  de  vos  gémisscmens  :  les 
jours  sont  arrivés  où  vous  devez 
périr  sous  le  glaive ,  et  où  vous 
serez  brisés  comme  des  vases 
précieux  (  1). 

«  Le  crime  poursuit  la  vertu 
avec  l'acharnement  de  l'enfer;  et, 
parmi  une  infinité  de  victimes  de 
tout  âge,  de  tout  sexe,  de  toute 
condition,  nous  comptons  trois 
de  nos  vénérables  coopérateurs , 
dignes  Martyrs  de  J.-C. ,  qui, 
après  trois  années  de  combats,  et 
six  mois  de  chaînes,  ont  scellé 
leur  glorieuse  confession  de  leur 
sang,  dans  notre  ville  épiscopale, 
le  21  du  mois  de  mars  dernier. 
A  cette  nouvelle,  nos  très-chers 
frères,  nous  avons  été  saisis  d'ef- 
froi  

«  Mais,  si  notre  premier  senti- 
ment a  été  l'émotion  déchirante 
de  Jacob,  lorsqu'on  lui  annonça 
la  mort  de  Joseph  son  fils  bien- 
aimé,  trahi  et  vendu  par  ses  frères; 
la  vive  douleur  de  David,  lors- 
qu'il perdit  l'ami  de  son  cœur,  le 
fidèle  Jonathas  ;  le  saisissement 
et  la  consternation  des  frères  de 
l'illustre  Macchabée,  immolé  par 
les  ennemis  du  peuple  de  Dieu; 
ranimés  par  la  Foi  et  prosternés 
au  pied  du  vainqueur  de  la  mort 


(l)  Ulttlate,  pastores ,  et  clamate; 
et  aspergite  vos  cinere,  optimates  gré- 
ais ,  quia  complcli  sunt  dies  vestri  ut 
inlerficiamini  ;  et  cadetis  quasi  çasa 
pretiosa  (Jei'cm.  C.xxv,  34). 


COR 

et  du  péché,  en  lui  offrant  le  juste 
tribut  de  nos  larmes,  nous  lui 
avons  en  même  temps  rendu  des 
actions  de  grâces,  pour  le  don 
précieux  qu'il  fait  à  notre  Eglise, 
à  notre  diocèse ,  dans  ces  dignes 
ministres  des  saints  autels. 

«  Dans  cette  vallée  de  larmes, 
ils  étoient  comme  vous,  nos  très- 
chers  frères  ,  nos  enfans  ,  nos 
frères  ,  nos  coopérateurs  bien- 
aimés ,  nos  amis  les  plus  ten- 
dres. Aujourd'hui,  que  la  palme 
du  martyre  le  plus  glorieux 
leur  a  été  décernée ,  nous  les 
regardons  comme  des  modèles  , 
et  de  nouveaux  protecteurs  au- 
près du  Père  des  miséricordes. 
Oui ,  ils  solliciteront  le  retour 
de  tant  de  brebis  égarées  :  leur 
sang ,  leurs  plaies  réclameront 
en  faveur  même  de  leurs  bour- 
reaux  Ils  uniront  leurs 

vœux  elficaces  à  ceux  que  nous 
ne  cessons  de  former  pour  notre 
Eglise ,  notre  cher  diocèse ,  et  pour 
cette  ville  criminelle  qu'ils  ont 
sanctifiée  par  leur  mort ,  qu'ils 
ont  édifiée  par  la  générosité  de 
leur  sacrifice,  et  à  laquelle ,  jusque 
dans  les  liens ,  ils  ont  cherché  à  se 
rendre  constamment  utiles... 

«  Qu'avoient  donc  fait,  nos  très- 
chers  frères,  ces  dernières  vic- 
times, immolées  par  des  monstres 
plus  cruels  que  des  sauvages?... 
Nous  n'avons  pas  été  témoins  nous- 
mêmes  de  leurs  premiers  travaux, 
dans  la  portion  de  la  vigne  du  Sei- 
gneur qui  leur  avoit  été  confiée 


COR 

par  l'Eglise  (1)  ;  mais  nous  avons 
recueilli  les  principaux  traits  qui 
caractérisent  leun  vie  sacerdo- 
tale, et  nous  aimons  à  nous  en 
édifier  avec  vous,  nos  vénérables 
frères,  qui  avez  partagé  leur  sol- 
licitude, imité  leur  Foi,  et  que 
la  divine  miséricorde  a  daigné 
conserver  à  notre  chère  Eglise, 
pour  la  régénérer. 

«  Nous  savons  que  MM.  Charles 
Cornuault,  curé  de  Noirelerre, 
Michel-Jean-Marie  Ogeard,  curé 
de  Noirlieu ,  Christophe  Viol- 
leau,  çuré  de  La  Chapelle-Gau- 
din ,  jouissoient  dans  leurs  pa- 
roisses de  l'estime, de  la  confiance 
et  de  la  vénération  publiques. 
Nous  savons  qu'ils  étoient  fidèles 
dans  le  ministère  de  la  parole  et 
de  l'instruction.  Nous  savons  qu'ils 
donnoient  l'exemple  des  vertus 
pastorales,  et  d'un  zèle  vraiment 
apostolique.  Nous  savons  que  rien 
de  ce  qui  pou  voit  être  utile  à  leurs 
ouailles  n'échappoit  à  leur  tendre 
et  active  sollicitude.  Leur  temps, 
leurs  veilles,  leurs  biens  étoient 
consacrés  aux  besoins  spirituels  et 
temporels  du  troupeau.  S'élevoit- 
il  une  contestation  dans  l'intérieur 
des  familles?  disciples  d'un  Dieu 
de  paix,  ils  venoient  concilier  les 
intérêts  divisés,  et  y  rétablir  le 
calme  et  l'harmonie.  Trouvoient- 
ils  des  malheureux? pères  tendres, 
et  remplis  de  charité,  ils  essuy  oient 


(  i  )  M?r  de  Coucy  n'etoit  monté  sur 
le  siège  de  La  Rochelle  qu'eu  1790. 

2. 


COR  481 

leurs  larmes,  se  privoient  du  né- 
cessaire pour  les  soulager,  et  les 
soustraire  souvent  à  des  pour- 
suites rigoureuses.  Ah  !  de  tels  mi- 
nistres du  sanctuaire  ne  pouvoient 
être  ébranlés  par  l'orage  qui  s'est 
élevé  sur  l'Eglise  de  France.  Aussi, 
à  l'époque,  du  serment  impie  qui 
a  précipité  le  royaume  dans  le 
schisme  le  plus  déplorable  ,  ils 
s'expliquèrent  avec  le  courage  et 
la  simplicité  de  la  Foi.  En  ren- 
daut  à  l'autorité  ce  qui  lui  est  dû, 
ils  se  sont  montrés  fidèles  enfans 
de  la  sainte  Eglise  catholique  , 
apostolique  et  romaine,  inviola- 
blement  unis  à  leur  évêque  légi- 
time, et,  par  lui  et  avec  lui,  à  la 
chaire  de  saint  Pierre. 

«  On  nomma  pour  les  rempla- 
cer trois  de  ces  apostats,  entrés 
par  la  violence  dans  l'héritage  du 
Seigneur.  Deux  de  ces  indignes 
usurpateurs  eurent  encore  assez 
de  pudeur,  pour  refuser  d'accep- 
ter la  dépouille  forcée  des  pasteurs 
légitimes. 

«Au  plus  fort  de  la  tempête,  et 
des  fureurs  inouïes,  exercées  de- 
puis long -temps  contre  les  mi- 
nistres fidèles,  MM.  Violleau  et 
Ogeard  restèrent  à  la  tête  de  leur 
troupeau,  jusqu'au  moment  du 
décret  barbare  qui  condamna  les 
prêtres  catholiques  à  l'exil ,  à  la. 
prison  ou  à  la  mort. 

«  M.  Cornuault  fut  privé,  dès 
le  premier  instant,  de  l'exercice 
de  ses  fonctions,  et  de  la  conso- 
lation de  communiquer  avec  9on 

3i 


4»2  COR 

peuple,  et  Je  lui  être  utile.  Le 
prévaricateur ,  nommé  pour  lui 
succéder  de  son  vivant,  vint,  au 
nom  de  l'impiété  et  avec  l'au- 
dace de  l'hérésie,  semer  le  blas- 
phème, la  corruption  et  l'erreur 
dans  sa  paroisse.  A  cette  épreuve 
si  pénible  au  cœur  du  vertueux 
pasteur,  s'en  joignit  une  autre  bien 
sensible  à  la  nature.  Après  avoir 
fait  au  devoir,  à  la  conscience, 
à  la  Foi,  le  plus  grand,  comme 
le  plus  nécessaire  de  tous  les  sa- 
crifices, il  de  voit  espérer  de  trou- 
ver au  moins,  dans  le  sein  de  sa 
famille, des  ressources  contre  l'in- 
digence, et  ces  consolations  que 
les  liens  du  sang  sembloient  lui 
assurer.  Mais  non  :  un  père  et 
une  mère  barbares  et  dénaturés 
repoussent  de  leur  présence  le  fils 
qui  fait  leur  gloire.  Il  est  obligé 
de  fuir,  et  de  pleurer  à  la  fois, 
dans  le  secret  d'un  asile  offert  par 
l'amitié,  et  la  cruauté  impie  de 
ses  parens ,  et  les  malheurs  dont  est 
menacé  son  peuple,  et  les  maux 
publics  de  l'Eglise  et  de  l'Etat. 

«  Enfin,  réunis  tous  les  trois 
pour  obéir  à  l'ordre  tyranniquc 
qui  les  chassoit  de  leur  patrie  ,  ils 
sont  arrêtés;  et,  sous  le  prétexte 
que  le  terme  fixé  par  cette  loi  de 
sang  est  expiré  ,  on  les  traîne  dans 
les  prisons  de  La  Rochelle ,  pour 
y  attendre  la  facilité  du  passage  à 
une  terre  lointaine  ,  séjour  des 
sauvages,  qui  l'eussent  été  moins 
encore  que  ces  Français  coupa- 
bles de  tant  de  crimes. 


COR 

«  Quel  contraste ,  nos  très-chers 
frères  ,  entre  leur  zèle  pur  et 
éclairé,  et  le  fanatisme  de  leurs 
persécuteurs!  Soutenir  la  Foi  par 
des  leçons  sublimes  et  des  exem- 
ples héroïques  de  vertu  ;  mon- 
trer une  constance  et  une  fermeté 
à  toute  épreuve  ,  une  patience 
invincible  dans  les  souffrances  ; 
n'avoir  d'autre  but  que  de  se  sanc- 
tifier, en  sanctifiant  les  autres  : 
telle  est  la  voie  qu'ont  suivie  nos 
glorieux  Martyrs. 

<«  Pleurons  donc  sur  tant  de  cou- 
pables... plutôt  que  sur  ces  trois 
saintes  victimes  ,  qui  ont  rendu 
un  si  beau  témoignage  à  la  Foi 
catholique  par  leur  résignation, 
leur  énergie  et  leur  constance  iné- 
branlables dans  les  fers.  Ces  dignes 
coopérateurs ,  associés  à  notre 
ministère ,  sont  dans  le  sein  de  la 
Divinité.  Ils  ont  consommé  leur 
course  en  généreux  athlètes,  et 
la  couronne  de  justice  leur  est 
assurée. 

«Heureux,  vous  dirons-nous 
avec  le  pape  saint  Clément,  heu- 
reux les  prêtres  qui  ont  achevé 
leur  carrière  saintement  et  avec 
fruit  ;  car  ils  ne  craignent  point 
d'être  privés  de  la  place  qui  leur 
est  acquise  !  Félicitons-les  d'être 
délivrés  de  cette  prison  mortelle , 
et  à  l'abri  de  tous  les  dangers  qui 
nous  environnent  dans  ce  siècle 
de  crimes  et  d'impiétés. 

«  L'âme  est  saisie  d'horreur,  en 
parcourant  le  tableau  des  ruines 
de  notre  temps,  pouvons- nouî 


COR 

dire  avec  saint  Jérôme,  dans  sa 
lettre  au  saint  vieillard  Héliodore, 
sur  la  mort  du  prêtre  Népotien, 
auquel  il  étoit  lui-même  si  ten- 
drement attaché  (1)  :  «  Chaque 
jour  le  sang  coule  et  ruisselle 
de  toute  part.  Que  de  femmes 
respectables,  de  vierges  du  Sei- 
gneur ont  été  exposées  aux  ou- 
trages et  aux  cruautés  de  ces 
hommes  changés  en  bêtes  féroces  ! 
Combien  d'évêques  captifs ,  de 
saints  prêtres  mis  à  mort ,  d'églises 
renversées,  d'autels  profanés,  de 
reliques  de  saints  Martyrs  souil- 
lées !  partout  le  deuil ,  la  désola- 
tion et  l'image  de  la  mort.  Le 

monde  s'écroule!  Heureux 

celui  qui  n'est  pas  témoin  de  ces 
secousses  terribles  !  heureux  celui 
qui  n'en  a  jamais  entendu  parler  ! 
Et  que  nous  sommes  à  plaindre , 
sinon  pour  les  maux  que  nous 
souffrons,  au  moins  pour  ceux 


(i)  «  Horrct  animus  temporum  nos- 

tronim  ruinas  persequi   Quotidiè 

sanguis  effunditur.  Quot  matronœ , 
quot  virgines  Dei,  et  ingen.ua  nobiliu- 
que  corpora  lus  belluis  fuére  ludibrio  ! 
Capti  episcopi ,  inter/ecti  presbyteri ,  et 
dispersa  officia  clericorum  ;  subi>ersœ 
ecclesiœ;  ad  allaria  Chrisci  slabulati 
equi  ;  Marlyrum  efj'ossœ  reliquiœ  ;  ubi- 
que  Inclus ,  ubique  gcrnitus  et  plurima 
mortis  imago.  Orbis  mit  :  et  tamen  cer- 
vix  nostra  erecta  non  flectitur. . .  Félix 
qui  hœc  non  videl  !  jelix  qui  hœc  non 
audit!  nos  miser i,  qui  aut.  palimur, 
tint  patientes  frutres  nostros  tanta  per- 
spicimiis  »  (S  Hycroii.  de  Morte  Ne~ 
poliani) 


COR  483 

dont  nos  frères  sont  la  proie  et 
les  victimes  !. ..  » 

Disons  encore  avec  le  même 
saint  :  «  Ne  pieurons  point 
d'avoir  perdu  ces  vénérables  Mar- 
tyrs (i).  Rendons  grâces  à  la  di- 
vine bonté  qui  nous  les  a  donnés 
pour  modèles  ici-bas,  et  nous  les 
donne  pour  intercesseurs  uans  le 
Ciel.  Car  tous  sont  vivans  devant 
Dieu  ;  et  en  retournant  au  Sei- 
gneur, ils  ne  sont  point  sortis  de 
notre  famille  » . 

Nous  ajoutons  avec  S.  Ambroise, 
nos  très-chers  et  vénérables  frères, 
ces  expressions  qui  conviennent 
si  bien  à  nos  glorieux  coo- 
pérateurs  et  saints  Martyrs  (2)  : 
«  Ce  sont  là  ceux  qui,  en  obéis- 
sant aux  avis  de  leurs  pères  dans 
la  Foi,  ont  sacrifié  leurs  biens  et 
leurs  possessions  pour  suivre  les 
traces  de  notre  Seigneur  Jésus- 
Christ.  Rien  de  terrestre,  rien  de 


(1)  «  Non  mœremus  quod taies  ami- 
sirnus  ;  sed  gratias  agimus  quod  habui- 
mus ,  itno  habemus.  Deo  enim  vivunt 
omnia  ;  et  quidquid  reverlitur  ad  Do- 
minum  ,  in  familiœ  numéro  computa- 
lur  »  (  S.  Hyer.  ad  Eustoch.  ). 

(2)  «  Isti  sunt  qui  monitis  meis  ob- 
tempérantes ,  prœdia  et  dii  itias  res— 
puentes,  secuti  sunt  Domini  nostii 
Jesu  Christi  vesligia.  Nihil  terrenum  , 
nihil  carnale  concupiscentes  in  inedia 
hac  urbe ,  in  Dei  seivitio  perdurantes  , 
ad  hoc  pertigere  ut  Christi  Martyi'es 
jierent  Non  eos  sœcularis  illecebra , 

sed  difini  opert's  gratia  ad  firmamen- 
tum  sacralissimœ  passionis  evexit  , 
multàque  unie  rnorum  virlutumque 

3i. 


484              COR  COR 

charnel  n'a  ébranlé  leur  âme  ;  et ,  Que  d'autres  mettent  leur  con- 
tenues jusqu'à  la  fin  dans  le  ser-  fiance  dans  la  force  et  le  hombre 
\ice  de  Dieu,  ils  ont  obtenu  la  des  armées  :  pour  nous,  c'est  au 
palme  du  martyre.  Heureux  d'à-  nom,  et  parla  vertu  du  Seigneur 
voir  résisté  aux  prestiges  trom-  notre  Dieu ,  que  nous  serons  glo- 
peurs  du  siècle,  et  d'avoir  ton-  rifiés(i)». 

jours  été  fidèles  à  la  voix  de  la  Donné  dans  le  lieu  de  notre 

i;râce,  ils  ont  mérité  qu'elle  les  exil,  le  8  mai  i?g3.  Signé,  Jean- 

soutînt  dans  les  angoisses  du  der-  Charles,  évêque  de  La  Rochelle, 

nier  supplice;  et  la  preuve  comme  {V.  Dacche,  missionnaire.  ) 

la  récompense  de  leurs  vertus  ,  CORTEY  (  François  ) ,  prêtre 

c'est  le  martyre  même  qu'ils  ont  du  diocèse  de  Lyon,  né  à  Ampie- 

souflert,  plutôt  que  de  se  laisser  puis,  en  Beaujolais  vers  1729, 

1  aincre  par  les  tentations  de  la  étoit   préhendier  -  chapelain  du 

terre  (1).  Oh  !  que  d'actions  de  château  de  ce  bourg.  Pendant 

grâces  nous  vous  devons ,  Sci-  de  longues  années  ,  il  en  avoit 

gneur  Jésus  !  de  nous  avoir  donné  secondé  le  curé  et  le  vicaire, 

tant  de  confesseurs  et  de  Martyrs  dans    leurs   fonctions  sacerdo- 

dans  ces  temps  d'impiété  et  d'ir-  taies.  Repoussant,  comme  une 

religion,  où  votre  Eglise  a  besoin  œuvre  de  ténèbres,  la  constilu- 

d'un  aussi  grand  secours!  Voila  lion  civile  du  clergé ,  il  s'étoit 

ses  vrais  soldats ,  ses  véritables  tenu  a  l'écart  du  schisme  qu'elle 

défenseurs;  et  leur  protection  est  introduisoit,  et  n'en  voulut  jamais 

d'autant  plus  sûre  qu'elle  est  plus  prêter  le  serment.  Plus  que  sexa- 

grande.  Nous  ne  voulons  point  génaire  quand  la  loi  du  26  août 

d'autres  armes  que  leurs  mérites,  i^ga  vint  bannir  de  France  les 


Jocumentis  amtuntitwit  in  his  marty- 
rium ,  quàd  adversùs  lubricum  sceculi 
hujus  stubiles  permanserunt  »  (  S.  Am- 
bres. Epist.  lui  ). 

(1)  «  Grattas  tibi,  Domine  Je.su, 
qui  hoc  tempore  taies  nobis  sanctorum 
Jh 'art/ non  spiritus  excildsti,  quo  Eccle~ 

sia  tua  prœsidia  majora  desiderat  

Taies  ergà  ambio  defensores ,  taies 
milites  habeo ,  quorum  quà  majora , 

<-t>  tutiora  patrocinia  sunt   Talibus 

me  armis  ambiii  non  nego.  Hi  in  cur— 
ribus  et  lii  in  equis ,  nos  autern  in  110- 
im'ue  liomini  Dei  nostri  invocabinius  » 
'S.  Aral>ros.  Epist.  iiv). 


(1)  «  Vos  autem,  carissimi,  super- 
œdijicantes  i>osmetipsos ,  sanctissima; 
vestrœ  Fidei  in  spirilu  orantes ,  uos- 
metipsos  in  dilectione  Dei  sernate , 
expectantes  misericordiam  Domihi 
nostri  Jesu  Christi  in  vilam  œternam. 
Ei  autem  quipotens  est  vos  conseivarr. 
sine  peccato  ,  et  conslituere  ante  con- 

spectum  glorix  suœ  immaculalos  

Soli  Deo  Sulvatori  nostro ,  per  Jesum 
Christum  Dominum  noslnim  ,  gloria  et 
magnificentia ,  imperium ,  et  potes- 
tas  ante  omne  sœculum  ,  et  nunc,  et 
in  omnia  sœcula  sœculorum  :  amen  > 
(S.  Jud.  Ep.  cath. — ir.  20 ,  ai ,  .25.1. 


COR 

prêtres  insermentés  ,  il  ne  s'exila 
point ,  et  se  retira  au  hameau  de 
Ronno,  dans  la  même  province. 
Alors ,  comme  en  Afrique  ,  au 
temps  de  la  persécution  des  Van- 
dales ,  «  les  prêtres  accablés  de 
chagrin  depuis  qu'on  leur  avoit 
enlevé  leurs  églises,  et  qu'on  vou- 
loit  encore  les  enlever  eux-mêmes 
aux  fidèles,  alloient  mettre  leurs 
personnes  en  sûreté ,  et  célébrer 
les  saints  mystères  où  ils  espéroienl 
le  pouvoir.  »  Cortey  fut  décou- 
vert, surpris  et  arrêté,  peu  après 
le  siège  de  Lyon.  Les  agens  de  la 
persécution  le  traînèrent  en  cetle 
ville  ,  pour  qu'il  fût  envoyé  à 
l'échafaud  par  la  terrible  com- 
mission révolutionnaire  qui  ve- 
noit  de  s'y  établir  {V.  Lyon). 
Amené  devant  elle,  son  président 
lui  demanda  non  seulement  le  ser- 
ment de  iiberté- égalité,  mais 
encore  la  tradition  de  ses  lettres 
de  prêtrise,  c'est-à-dire  l'abdica- 
tion de  son  sacerdoce.  Il  refusa  ce 
serment  de  l'impiété ,  plus  forte- 
ment encore  qu'il  n'avoit  refusé 
celui  du  schisme;  et  comme  on 
supposoit  que  s'il  ne  livroit  pas  ses 
lettres  d'ordination,  c'étoit  parce 
qu'il  ne  les  avoit  pas  (i)  :  «Non, 
dit-il,  comme  autrefois  S.  Félix  à 


(i)  Tnm  prœfeclus —  dixit  :  Félix, 
rjiiare  scripturas  Dominicas  non  dus  ? 
Atit  forsitan  non  habes?  Cui  respon- 
dit  :  llubeo  quidem ,  sed  non  do.  Prce- 
t  velus  dixit  :  Felicc.in  çludio  intcvficilc. 
(  Ruin.  :  Jet.  S.  FelifSis  ,  £p.  et  Mari.) 


COR  48! 
qui  le  préfet  demandoit  la  tradi- 
tion des  Saintes-Ecritures,  je  les 
aurois,  que  je  ne  vous  les  remet- 
trois  pas».  De  même  qu'alors  le 
préfet  donna  l'ordre  aussitôt  de 
mettre  Félix  à  mort,  la  commis- 
sion condamna  Cortey  à  cette 
peine,  comme  «prêtre  réfractaire 
à  la  loi  »,  le  8  nivose  an  II  (20 dé- 
cembre i  ^qS),  il  avoit  alors  64  ans. 
C'est  à  tort  que ,  dans  toutes  les 
listes  des  victimes,  on  l'a  nommé 
Cortès.  (V.  Corneille,  et  Cot- 

TON.) 

CORTOT  (iV...),  prêtre,  reli- 
gieux Cordelier,  conventuel  de  la 
ville  de  Ceintrey,  en  Franche- 
Comté,  dans  le  diocèse  de  Besan- 
çon ,  ne  doit  pas  être  oublié  dans 
nos  diptyques,  malgré  le  silence 
qu'ont  gardé  sur  lui  tous  les  ou- 
vrages analogues  au  nôtre,  qui 
ont  été  publiés  en  France,  Le 
souvenir  de  sa  mort  glorieuse, 
nous  a  été  heureusement  con- 
servé par  des  Mémoires  impri  - 
més à  Rome,  en  1795,  d'après 
des  pièces  authentiques,  recueil- 
lies par  les  ordres  du  S.  P.  Pie  VI. 
On  y  lit,  pag.  5a4 ,  que  le  P.  C01- 
tot ,  en  butte  à  la  rage  des  persé- 
cuteurs, s'éloit  caché  dans  la  ville 
de  Besançon  ;  que ,  cette  rage 
n'étant  pas  amortie  après  le  fa- 
meux g  thermidor  (  27  juillet 
'/O-t)?  U  fut  arrêté;  que  le  tribu- 
nal criminel  du  département  du 
Doubs ,  siégeant  à  Besançon,  le 
condamna  à  la  peine  de  mort , 
comme  «  prêtre  réfractaire  ,  et 


486  COR 

émigré-rentré  »  ;  que  la  sentence 
s'exécuta  le  29  frimaire  an  III 
(19  décembre  1794)?  près  de  cinq 
mois  après  la  chute  de  Robers- 
picrre;  et  finalement  que  le  Père 
Cortot  s'approcha  de  l'instrument 
de  son  supplice  avec  la  sérénité 
d'une  âme  pure,  et  présenta  sa 
tête  au  bourreau  avec  le  courage 
des  vrais  disciples  de  saint  Fran- 
çois. Son  Sge  étoit  de  46  ans.  {V . 

P.  Jh  CoRNIBERT,  et  C.  F.  CxALS 
MICHE.  ) 

CORVAISIER  (Joseph-Marie), 
curé  de  Hervilluc ,  paroisse  du 
diocèse  de  Quimper ,  natif  de 
Quimper,  ne  prêta  point  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du  clergé;  et  son  zèle  pastoral 
brava,  pour  le  salut  de  ses  parois- 
siens ,  les  lois  impies  qui  vouloient 
l'éloigner  d'eux.  Il  fut  enfin  arrêté 
en  1795;  et  les  autorités  révolu- 
tionnaires qui  subjuguoient  le 
département  du  Finistère,  en- 
voyèrent ce  pasteur  à  Rochefort 
d'où  il  devoit  être  jeté  sur  des 
plages  lointaines.  II  fut  embarqué 
sur  le  navire  le  Washington, 
où  il  souffrit  tellement  qu'il  suc- 
comba, en  septembre  1794?  sous 
le  poids  des  maux  qu'il  y  enduroit. 
Il  avoit  5g  ans  quand  il  mourut  : 
une  violente  tempête  qui  s'étoit 
élevée,  nepermettantpas  de  mettre 
en  mer  un  canot  qui  pût  seconder 
le  désir  que  ses  confrères  avoient 
de  lui  donner  la  sépulture,  les 
matelots  jetèrent  son  corps  à  la" 
mer;  mais  il  fut  le  seul  des  morts 


COS 

de  cette  déportation  qui  ne  reçut 
pas  la  sépulture.  (  V .  P.  Cor- 
nette, et  P.  Coste,  Récollet.) 

COSSIN  (Jean-René),  prêtre, 
et  l'un  des  plus  anciens  chanoines 
de  l'église  cathédrale  de  La  Ro- 
chelle, étoit,  cemme  insermenté 
sexagénaire,  soumis  à  la  peine  de 
la  réclusion,  par  la  loi  du  26  aofit 
1792.  Ce  n'étoitpas  assez  pour  la 
rage  des  impies  révolutionnaires 
contre  les  prêtres  :  le  chanoine 
Cossin  fut  envoyé  à  Nantes,  pour 
être,  de  là,  déporté  à  la  Guiane; 
et  le  proconsul  Carrier  l'y  fit  sub- 
merger dans  la  Loire,  avec  l'a- 
troce stratagème  de  ses  bateaux  à 
soupapes.  (  V.  Nantes  ,  et  ci-de- 
vant, pag.  1 55,  2o5,  317,  etc.) 

COSTA  (Sauveur),  prêtre  sici- 
lien d'une  famille  patricienne, 
établi  à  Paris  depuis  huit  ans, 
y  remplissoit  avec  une  religieuse 
simplicité  les  devoirs  de  son  état, 
sans  être  desservant  obligé  d'au- 
cune église.  Venu  d'un  pays  où  les 
aînés  absorboient  les  successions 
des  pères,  et  n'étant  que  cadet, 
sans  fortune ,  il  ne  l'avoit  quitté 
que  pour  ne  pas  exciter  par  sa  pré- 
sence quelqu'jndignation  contre 
le  frère  qui  l'y  laissoit  en  proie  à 
la  misère.  Aussi  industrieux  que 
modeste,  il  se  créa  dans  notre  ca- 
pitale une  ressource  dont  il  n'eut 
pas  cru  pouvoir  faire  usage  en 
Sicile,  et  se  mit  à  travailler  chez 
lui  à  l'horlogerie.  Dans  les  inter- 
valles que  lui  laissoient  la  récita- 
lion  de  Mm  bréviaire,  ses  lectures 


cos 

spirituelles  et  la  célébration  de  la 
sainte  messe,  il  racommodoit  les 
montres  des  particuliers  de  sa 
connoissance ,  moyennant  un  lé- 
ger salaire.  Prêtre  vertueux  et 
tranquille ,  habitant  une  rue  plus 
(pie  modeste,  appelée  le  Passage 
des  Bernardins ,  il  avoit  quelque 
droit  d'être  oublié  par  les  persé- 
cuteurs; mais  il  étoit  prêtre;  et, 
après  le  10  août  1792,  on  ne  vou- 
loit  faire  grâce  à  aucun  de  ceux 
qui,  par  leur  édifiante  conduite , 
pouvoient  mériter  d'être  assimilés 
aux  insermentés.  Ce  fut  seulement 
le  27  de  ce  mois  qu'on  découvrit 
Costa  :  on  le  traîna  de  suite  au 
comité  civil,  où  vainement  il 
lui  fut  proposé  de  prêter  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile  du 
clergé.  D'après  son  refus ,  on 
l'emprisonna  dans  le  séminaire  de 
Saint-Firmin.  Il  se  rendit  de 
plus  en  plus  digne,  avec  les  autres 
victimes  sacerdotales  qu'il  y 
trouva,  de  faire  agréer  à  Dieu  le 
sacrifice  de  sa  vie  pour  Jésus- 
Christ;  et  il  fut  massacré ,  comme 
eux,  le  3  septembre,  n'ayant 
encore  que  59  ans.  (  V.  Sep- 
tembre. ) 

COSTE  (Pierre),  frère  convers 
de  l'ordre  des  Piécollets,  dans  leur 
maison  de  Périgueux,  où  il  étoit 
connu  sous  le  nom  de  frèreCasan, 
devint  odieux  aux  persécuteurs, 
parce  qu'il  persévéra  dans  les 
vertus  du  cloître,  et  dans  son  at- 
tachement à  l'Eglise  catholique. 
C'en  étoit  assezpour  le  comprendre 


COS  48; 

dans  la  proscription  des  prêtres 
insermentés.  Le  frère  Casan  fut 
mis  en  prison  à  Périgueux,  et 
ensuite  envoyé  à  Rochefort,  pour 
être  déporté  avec  eux  sur  des 
plages  lointaines.  P.  "rivé  dans  le 
port  de  cette  ville  [V.  RocheIc-rt), 
il  tomba  malade,  par  suite  des 
mauvais  trailemens  qu'il  avoit 
éprouvés.  On  se  vit  obligé  de  le 
porter  à  l'hôpital  ;  et  il  y  mourut 
bientôt,  à  l'âge  d'environ  57  ans 
{F.  ci-devant,  pag.  275).  Il 
étoit  né  à  llibérac,  dans  le  dio- 
cèse de  Périgueux.  (  V.  J.  M. 
Corvaisier,  et  C.  Joudert.) 

COSTE  (  N...  )  ,  prêtre  nona- 
génaire, et  religieux  Dominicain- 
à  Béziers,  considéré,  de  son  vi- 
vant et  à  sa  mort,  comme  un  saint, 
mourut  en  février  1 794 ,  dans  les 
prisons  de  Montpellier,  où  il  avoit 
été  enfermé  pour  la  pureté  de  sa 
Foi.  Tels  étoient  alors  en  France, 
comme  en  Numidie  en  259,  les 
seuls  hospices  que  les  justes  eus- 
sent chez  les  infidèles  :  Eos  car- 
ccr  accepit  :  hœc  enim  sota 
sunt  apud  gentiles  hospitia 
justomm.  (  Rolland.  :  Passio 
SS.  Jacohi,  Mariani,  etc. 
n"  IX.  )  Le  P.  Coste  fut  regardé 
comme  Martyr  à  Rome  même  . 
dès  1794;  car  son  nom  se  trouve 
sur  une  liste  qui  s'y  fit  alors  de 
ceux  que  la  France  venoit  de  don- 
ner à  l'Eglise.  Cette  liste  s'im- 
prima sous  les  yeux  et  avec  l'au- 
torisation du  Souverain  Pontife. 
{V.  Acoiek,  de  Montmorillon. ) 


/ 


488  COS 

COSTE  (Elisabeth),  mar- 
chande à  Montpellier,  fille  très- 
pieuse,  a  voit  montré  un  invincible 
éloignement  pour  l'Eglise  consti- 
tutionnelle. Elle  bravoit  même, 
pour  rester  fidèle  à  sa  religion , 
et  fréquenter  les  pieux  exercices 
des  prêtres  catholiques,  les  me- 
naces et  les  mauvais  traitemens 
d'une  horde  de  révolutionnaires 
qui,  armés  de  bâtons,  et  prenant 
le  titre  de  pouvoir  exécutif , 
parcouroient  les  rues,  pénétroient 
de  force  dans  les  maisons  ,  pour 
forcer  les  fidèles  à  se  rendre  aux 
réunions  des  prêtres  schismatiques . 
Ce  n'étoit  même  qu'avec  peine  que 
le  frère  d'Elisabeth ,  Louis-Antoine 
Coste  ,  prêtre  invariable  dans  son 
attachement  à  l'Eglise  catholique, 
a  voit  échappé  à  ces  espèces  d'assas- 
sins. Un  soirqu'ils  étoient  entrés  de 
force  à  dix  heures,  dans  la  maison 
où  Elisabeth ,  alors  dangereuse- 
ment malade  ,  avoît  près  d'elle  son 
frère  pour  l'assister,  ils  l'avoient 
arraché  avec  violence  des  bras  de 
ceLJe  sœur,  et  traîné  à  une  grande 
distance  de  la  ville,  sur  le  chemin 
de  Toulouse  ,  en  l'accablant  des 
injures  les  plus  révoltantes,  et  des 
traitemens  les  plus  atroces.  Mais 
enfin  cet  ecclésiastique,  pour  évi- 
ter les  effets  de  la  loi  de  déportation, 
plus  terribles  encore ,  passa  en 
Italie  ;  et  sa  sœur  prodiguoit  à 
ceux  des  prêtres  catholiques  qui 
restoient  dans  la  contrée  pour  le 
salut  des  âmes,  tous  les  secours 
qu'elle  pouvoit  leur  procurer.  Elle 


COS 

étoit  d'un  comité  de  charitable* 
personnes  qui  se  chargeoient  de 
pourvoir  a  leurs  besoins,  etmême 
aux  besoins  de  ceux  qui  étoient 
fugitifs.  La  Foi  de  cette  sainte 
fille  étoit  si  active ,  et  ses  vertus 
étoient  si  imposantes,  qu'elle  seule 
ramena  à  l'unité  catholique  un 
olficier  municipal  de  Montpellier 
qui  avoit  favorisé  l'installation  du 
clergé  sebismatique  ,  et  même 
pris  si  vivement  et  si  notoirement 
parti  pour  lui,  qu'il  s'étoit  fait 
l'un  de  ses  fabriciens  dans  l'église 
de  INotre-Dame.  Cet  officier  mu- 
nicipal ,  nommé  Bouché  ,  tombé 
malade  et  au  lit  de  mort,  avoit 
été  déterminé,  par  Elisabeth  Coste, 
seule ,  à  renoncer  au  schisme  de 
la  manière  la  plus  édifiante.  Loi  s 
de  la  plus  grande  terreur,  vers 
le  commencement  de  1794?  elle 
faisoit  fabriquer,  de  concert  avec 
les  autres  membres  du  charitable 
comité ,  une  certaine  quantité  de 
ces  petits  gâteaux  qu'on  appelle  fja- 
ietles ,  pour  servir  à  la  nourriture 
des  prosciits  qui  étoient  cachés, 
et  qu'on  ne  pouvoit  guère  ali- 
menter autrement.  Les  surveillans 
chargés  de  les  découvrir  épioient 
trop  rigidement  les  vivres  qui  en- 
troient  dans  telle  ou  telle  maison  , 
en  les  calculant  sur  le  nombre  de 
ses  habitans  connus  ,  pour  que 
l'industrieuse  charité  ne  cherchât 
pas  à  déjouer  leurs  calculs  par  un 
stratagèmesemblable.  Ces  gâteaux 
étoient  déposés,  par  les  fabrica- 
teurs,  chez  des  membres  du  co- 


cos 

mité  qui  en  faisoicnt  ensuite  une 
distribution  clandestine.  Les  ex- 
plorateurs de  la  persécution  étant 
venus  faire  une  visite  domiciliaire 
chez  Elisabeth  Coste,  dans  l'es- 
poir d'y  saisir  des  prêtres  ,  trou- 
vèrent environ  trente  livres  de  ces 
gâteaux.  Néanmoins ,  cette  dé- 
couverte n'auroit  peut  -  être  pas 
été  pour  eux  un  motif  d'arrêter 
cette  pieuse  fille,  s'ils  n'avoient 
aussi  découvert,  dans  un  réduit 
fort  secret  de  sa  demeure  ,  une 
quantité  considérable  d'ornemens 
sacerdotaux  et  de  vases  sacrés.  Par 
là  surtout,  elle  leur  sembla  digne 
de  mort  ;  mais ,  d'après  la  résolu- 
tion déjà  prise  par  les  juges ,  d'évi- 
ter, autant  qu'ils  le  pourroient,  de 
réveiller  aucune  idée  de  religion 
dans  leurs  procédures  ,  devinant 
aisément  la  destination  de  ces 
gâteaux  ,  et  présumant  qu'il  y  en 
avoit  également  chez  d'autres  ca- 
tholiques, ils  imaginèrent  de  sup- 
poser une  conspiration  dans  ces 
galettes.  Tous  ceux  qui  leur  pa- 
rurent être  du  comité  de  charité,  et 
chezlesquelsilsen  trouvèrent  effec- 
tivement,  ou  qu'ils  reconnurent 
pour  avoir  travaillé  à  les  faire  ou  à 
les  cuire  ,  furent  arrêtés  comme 
Elisabeth.  Nous  avons  déjà  dit,  à 
l'article  Ballard  ,  que  les  juges 
poussoient  à  tel  point  les  précau- 
tions pour  écarter  des  esprits  tout 
souvenir  de  la  religion,  que,  dans 
leur  signature ,  ils  substituoient 
a  leur  nom  de  baptême,  celui  de 
la  plante  ou  du  fruit  qui ,  sur  îe 


COS  4^9 
calendrier  républicain  d'alors , 
remplaçait  le  nom  de  saint  qu'ils 
a  voient  porté.  L'acte  d'accusation, 
présenté  par  Raisin  Pages,  le 
16  germinal  an  II  (5  avril  1794)» 
réclama  la  sévérité  du  tribunal 
contre  Elisabeth  Coste  et  ses  asso- 
ciés en  bonnes  œuvres  ,  les  di- 
sant «  prévenus  d'un  complot 
tendant  à  favoriser  les  projets  hos- 
tiles des  émigrés  -  déportés  ,  et 
autres  ennemis  de  la  république». 
Cette  vertueuse  fille,  respectée  de 
tous  les  honnêtes  gens  de  Mont- 
pellier, et  qui  donnoit,  à  l'égard 
de  son  père,  âgé  de  77  ans, 
l'exemple  de  la  plus  héroïque  piété 
filiale  ,  étoit  le  principal  ob- 
jet de  l'animad version  des  juges. 
L'accusateur  public  s'expliquoit 
en  ces  termes  sur  son  compte  : 
«  Elisabeth  Coste  ,  sœur  d'un 
prêtre  déporté  que  la  loi  assimile 
à  un  émigré,  dans  l'objet  d'aider 
ou  favoriser  les  projets  hostiles  de 
ce  frère  et  de  ceux  qui,  comme 
lui,  n'ont  quitté  leur  patrie  que 
pour  y  revenir,  le  fer  et  la  flamme 
à  la  main,  rétablir  la  tyrannie,  a 
conçu  l'abominable  dessein  d'afr 
famer  le  peuple,  ou  de  créer  une 
disette  factice ,  propre  à  faire  re- 
gretter l'ancien  régime,  el  à  ame- 
ner des  mouvemens  séditieux,  en 
dérobant  à  la  circulation  le  plus 
nécessaire  et  le  plus  essentiel  des 
comestibles.  Pour  l'exécution  de 
son  dessein,  elle  faisoit  faire  des 
galettes, sorte  de  pain  inusité  dans 
la  présente  commune,  et  excitoif 


4o°  cos 

les  autres  citoyens  qu'elle  connois- 
soit  dans  les  mêmes  principes 
qu'elle,  à  faire  de  ce  même  pain. 
Elle  a  été  aidée  et  assistée,  dans 
cette  exécution,  par,  etc.  etc.  ». 
On  voit,  sans  que  nous  le  fassions 
remarquer  en  détail,  tout  ce  qu'il 
jade  venin,  de  perfidie,  et  même 
d'absurdité  dans  cette  accusation. 
Cette  union  frauduleuse  des  mots 
ém  igrés  et  déportés ,  manifeste  le 
dessein  de  poursuivre  à  outrance 
les  prêtres  ,  sans  parler  d'eux. 
Elisabeth  comparut  enfin  ,  le  19 
germinal  suivant  (8  avril  1794)5 
avec  ses  prétendus  complices ,  de- 
vant les  juges  qui  tenoient  leurs 
séances  dans  la  salle  de  specta- 
cles ;  leur  jury  spécial  prononça 
qu'il  étoit  constant  «  que,  depuis 
le  commencement  de  l'année  cou- 
rante ,  il  avoit  été  formé  ou  trans- 
mis, dans  Montpellier,  un  com- 
plot tendant  à  aider  ou  favoriser 
les  projets  hostiles  des  émigrés- 
déportés,  et  autres  ennemis  de  la 
république,  en  donnant  à  facturer, 
en  recevant  pour  facturer ,  en 
facturant,  en  coopérant  à  la  fac- 
ture d'une  quantité  de  galettes;  en 
cachant  ou  conservant  cette  espèce 
de  pain  que  les  coupables  desti- 
noient  à  l'aliment  exclusif  des 
contre-révoluti  nnaires ,  et  à  oc- 
casionner la  famine  des  patriotes; 
qu'Elisabeth  Coste  étoit  convain- 
cue d'avoir  donné  à  facturer,  ca- 
ché ou  conservé  une  partie  de  ces 
galettes  ;  qu'elle  étoit  convaincue 
.<!e  l'avoir  fait  dans  l'intention  du 


cos 

complot  susdit,  etc.  etc.».  Parce 
moyen  tortueux,  l'accusation  li- 
vroit  les  accusés  à  une  loi  du  code 
pénal  qui  disoit  :  «  Toute  ma- 
nœuvre ,  toute  intelligence  avec 
les  ennemis  de  la  France ,  tendant, 
soit  à  faciliter  leur  entrée  dans  les 
dépendances  de  l'Empire  français, 
soit  à  leur  livrer  des  villes,  forte- 
resses, ports,  vaisseaux,  maga- 
sins ou  arsenaux  appartenant  à  la 
France,  soit  à  leur  fournir  des  se- 
cours en  soldats,  argent,  vivres 
ou  munitions,  soit  à  favoriser, 
d'une  manière  quelconque ,  le  pro- 
grès de  leurs  armes  sur  le  terri- 
toire français,  ou  contre  nos  forces 
de  terre  ou  de  mer,  soit  à  ébranler 
la  fidélité  des  officiers,  soldats, 
et  des  autres  citoyens ,  envers  la 
nation  française,  seront  punis  de 
mort».  En  conséquence,  le  tri- 
bunal, comme  s'il  agissoit  léga- 
lement ,  condamna  «  Elisabeth 
Coste  ,  fille  et  marchande  ,  à  la 
peine  de  mort,  avec  Louise  Hue, 
veuve  Ballard  ;  Jacques  Lazcttes, 
boulanger -fournier;  et  Antoine- 
François-Alexandre  Rolland,  né- 
gociant (  V .  ces  noms)  ;  ordonnant 
que  ces  quatre  personnes  seroient 
conduites  sur  la  place  publique 
de  ta  Révolution ,  à  Montpellier, 
y  auroient  la  tête  tranchée  ;  dé- 
clarant, en  outre,  leurs  biens  ac- 
quis et  confisqués  au  profit  de  la 
république».  Les  autres  accusés , 
au  nombre  de  huit  ,  ayant  été 
moins  inculpés  par  l'accusateur 
public,  furent,  les  uns  acquittés, 


COT 

et  les  antres  condamnés  à  la  dé- 
tention jusqu'à  la  paix.  La  sen- 
tence ,  que  nous  avons  copiée  sur 
l'imprimé  «de  l'imprimerie  révo- 
lutionnaire de  Montpellier,  chez 
Bonnariq  »  ,  y  est  signée,  comme 
sur  le  registre  :  «  Salsifis  Gas  , 
président  ;  Betterave  Dévié  ; 
Tournesol  Escudier  ;  Raisin 
Peytal,  juges;  et  Junius  Jean- 
jean  ,  greffier».  Elisabeth  Coste 
entendit  sa  sentence  avec  la  rési- 
gnation d'une  chrétienne,  et  alla 
au  supplice  avec  le  courage  d'une 
Sainte  qui  va  recevoir  sa  récom- 
pense, ne  pouvant  se  dissimuler, 
malgré  son  humilité,  qu'elle  éloit 
immolée  à  cause  de  ses  bonnes 
œuvres  et  de  sa  piété.  Il  ne  fut  pas 
un  habitant  de  la  ville  qui  ne  la 
regardât  comme  une  vraie  Mar- 
tyre de  la  religion. 

COTINEAU  (Anne -Claire), 
femme.  (  V.  A.  Ce  Billiais.  ) 

COTTIRE  (Thomas)  ,  prêtre  du 
diocèse  de  Rennes,  et  qui  nous 
paroit  avoir  été  vicaire  en  la  pa- 
roisse de  Pipriac,  près  Rédon,  y 
étoit  resté,  malgré  la  loi  de  dé- 
portation ,  quoiqu'il  eût  généreu- 
sement refusé  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
L'utilité  dont  son  ministère  étoit 
aux  catholiques  du  canton,  l'a  voit 
décidéàne  pas  sortir  de  France.  Il 
fut  arrêté  et  conduit  dans  les  pri- 
sons de  Rennes.  Le  tribunal  cri- 
minel ô.,lile-et- F  illaine,  qui  sié- 
geoit  en  cette  ville,  le  fit  compa- 
roitre  devant  lui  pour  le  juger;  et 


COT  49» 
le  16  thermidor  an  II  (3  août 
1794),  sept  jours  après  la  chute; 
de  Roberspierre ,  il  le  condamna 
à  la  peine  de  mort .  comme  «  prêtre 
réfractaire  » .  La  sentence  fut  exé- 
cutée le  même  jour. 

COTTON  (Simon  de)  ,  l'un  des 
prêtres  les  plus  édifians  et  les  plus 
modestes  de  la  ville  de  Lyon,ap- 
partenoit  à  une  famille  recomman- 
dable  qui  faisoit  une  profession 
particulière  de  piété  ,  et  sembloit 
toute  entière  consacrée  à  la  reli- 
gion. Deux  de  ses  soeurs  étoient 
religieuses  de  la  Visitation ,  et  deux 
autres,  restées  dans  le  monde,  y 
vivoient,suivantlelangagede  saint 
Paul,  comme  n'y  étant  pas.  Réuni 
avec  celles-ci ,  l'abbé  de  Cotton ,  ù 
qui  sa  santé  n'avoitpas  permis  de 
porterdes  charges  ecclésiastiques, 
paroissoit  être  dans  leur  commun 
domicile ,  comme  le  chef  d'une  as- 
sociation de  saints  dont  la  conver- 
sation étoit  toute  dans  les  cieux. 
Il  exerçoit  cependant  le  ministère 
de  la  confession  dans  une  église 
de  la  ville,  autant  que  ses  forces 
pouvoient  le  lui  permettre.  Sans 
fonctions  publiques  obligées  ,  il 
n'étoit  point  astreint  à  la  presta- 
tion du  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé  ,  qu'au 
reste  il  n'auroit  jamais  fait,  tant 
il  étoit  attaché  à  la  Foi  catholique. 
Lors  de  la  loi  du  2C  août  1792* 
qui  forcoit  à  l'exil  les  prêtres  non- 
assermentés,  l'abbé  de  Cotton  se 
retira  avec  la  seule  sœur  qui  lui 
restoit  ,   dans   une   maison  de 


4  9*  COU 
campagne  qu'il  avoit  au  village 
d'Irigny,  près  Lyon.  On  -vint  l'y 
arrêter  peu  après  que  la  féroce  com- 
mission révolutionnaire  de  cette 
ville  ,  établie  au  commencement 
de  novembre  1793,  fut  mise  en 
exercice.  Elle  l'envoya  à  la  mort , 
le  26  frimaire  an  II  (16  décembre 
1794),  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  à  la  loi  et  contre- révolu- 
tionnaire». Il  avoit  alors  5i  ans, 
{V,  Cortey,  et  Crozet.  ) 

COUASNON  DE  LA  BARIL- 
LERE  (  François  -  Jérôme  de), 
vicaire-général  du  diocèse  de  Li- 
moges ,  et  prévôt  du  chapitre  de 
Saint-Junien ,  dans  le  même  dio- 
cèse (  V .  J.  B.  Auzanet  ) ,  né  à  La 
Croisille,  près  Ernée,  dans  celui 
du  Mans,  le  i5  juin  1756,  s'y  étoit 
retiré  auprès  de  sa  mère,  depuis  la 
suppression  des  chapitres.  Comme 
il  étoit  inassermenté,  et  que  sa 
fermeté  dans  la  Foi  catholique 
étoit  connue,  des  agens  de  la  per- 
sécution vinrent  d'Ernée  à  Croi- 
sille pour  le  saisir  en  février  1 794. 
Quoiqu'il  fût  alors  malade ,  et 
gisant  dans  son  lit,  ils  l'en  tirè- 
rent avec  brutalité ,  et  le  condui- 
sirent à  Ernée  devant  une  commis- 
sion révolutionnaire ,  qui  tenoit 
ses  infâmes  et  sacrilèges  séances 
dans  l'église  paroissiale  de  ce  lieu. 
Il  y  fut  condamné  à  la  peine  de 
mort  comme  «prêtre  réfractaire  » , 
etencore commenoble,  le  3o ven- 
tôse an  II  (22  mars  1794)-  Ea 
sentence  fut  exécutée  de  suite. 
L'endroitoùl'onenterra  soncorps, 


COU 

ayant  été  bien  remarqué  par  de 
pieux  habitans,  ils  obtinrent,  dix 
ans  après,  la  permission  d'exhu- 
mer les  précieux  restes  de  cet  ec- 
clésiastique,  et  les  transportèrent 
dans  la  chapelle  de  Charné-Ernée, 
te  iG  juillet  1814.  Leurs  pasteurs 
leur  disoient  alors  avec  saint  Am- 
broise  (1)  :  «  Voilà  donc  qu'enfin 
d'illustres  reliques  sonltirées  d'une 
tombe  abjecte  ,  et  que  nous  pou- 
vons les  présenter  au  Ciel  comme 
des  trophées  de  notre  Foi.  Elles 
ont  été  reconnues  telles  qu'elles 
dévoient  être  dans  le  lieu  oû  elles 
avoient  été  enfouies,  la  tête  s'y 
trouvant  détachée  des  épaules,  et 
les  signes  de  la  victoire  acquise  au 
prix  du  sang  s'y  montrant  évi- 
demment à  vos  yeux.  La  victime 
arrive  où  J. -C.  s'offre  en  holo- 
causte; mais,  puisqu'il  y  règne 
sur  l'autel  par  ce  qu'il  a  souffert 
pour  tous,  la  place  de  celui  qu'il 
a  racheté  par  sa  Passion  ,  doit  être 
à  ses  pieds  » .  (  F.  P.  Convole,  et. 
R.  Dangré.  ) 

COUDERT  (Joseph),  prêtre, 
religieux  de  l'ordre  des  Carmes , 

(1)  Eruuntur  nobiles  reliquiœ  è  se— 
pulcrn  ignobili  ostenduntiu  cœlo  tro- 
phœa  j  apparent  cruoris  triumphalis 
noter  ■  ini'ialatre  reliquiœ  loco  suo  et 
ordine  reperta*  ,  avulsum  humeris  ca- 
put  :  succedunt  victimee  triumphates 
ubi  Cliristus  hostia  est  :  sed  Me  super 
allare  qui  pro  omnibus  passas  est  ;  isli 
sub  ahuri  qui  illius  redempti surit  Pas- 
sione  (  S.  Ambr.  :  De  SS.  Gcrvas.  et 
Prêtas.  ,  in  Epist.  12  ad  Maru  llinam 
sororem.  ) 


cou 

dans  leur  maison  d'Angoulême , 
né  en  1751 ,  à  Ambazat  ou  Grain- 
mont,  au  diocèse  de  Limoges  , 
revint  dans  son  pays  natal  après 
la  suppression  des  ordres  monas- 
tiques. Sa  Foi  ne  Lui  permit  point 
de  faire  le  serment  schismatique 
de  la  constitution  civile  du 
clergé;  et  il  se  montra  zélé  pour 
l'Eglise  catholique.  Les  persécu- 
teurs s'en  vengèrent  pleinement 
en  1793.  Ils  l'arrêtèrent  et  le  jetè- 
rent dans  les  prisons  de  Limoges, 
d'où,  peu  de  temps  après,  ils  le 
firent  partir  pour  la  déportation 
maritime  qui  se  préparoit  à  Ro- 
chelbrt.  Le  P.  Coudert  y  fut  em- 
barqué sur  le  navire  tes  Deux 
Associés  (  V.  Rochefort).  L'air 
infect  que  les  déportés  respiroient 
dans  l'entrepont  de  ce  bâtiment, 
alluma  dans  le  sang  de  ce  religieux 
une  fièvre  chaude  extrêmement 
violente,  qui  autorisa  les  officiers 
de  l'équipage  à  le  mettre  aux  fers. 
Malgré  cet  état  de  gêne,  il  donna 
encore  à  ses  confrères  une  alarme 
terrible,  que  M.  de  La  Biche  ra- 
conte en  ces  termes  dans  sa  Rela- 
tion de  la  déportation  :  «  Déjà  le  P. 
Condert,  d'ailleurs  religieux  plein 
de  zèle,  se  trouvant  en  proie  a 
cette  horrible  fièvre,  avoit  causé 
dans  notre  cachot  un  désordre 
épouvantable,  malgré  ses  fers,  et 
s'étoit  fait  à  lui-même  d'horribles 
meurtrissures.  On  profita  de  l'un 
de  ses  moinens  de  calme,  pour  le 
porter  à  l'hôpital.  Je  l'entendis  en 
confession  ,  et  même  avec  une 


COU  4q5 

consolation  très  -  sensible  :  il  se 
trou  voit  parfaitement  revenu  à  lui- 
même,  sans  aucuu  vestige  de  son 
état  précédent ,  si  ce  n'est  un  peu 
d'exaltation ,  et  beaucoup  de  crainte 
de  retomber  dans  un  accès  pareil 
au  premier.  Cette  crainte  n'étoit 
que  trop  bien  fondée.  En  effet, 
quelque  temps  après  ,  il  me  fait 
appeler  derechef.  Je  me  traîne  , 
comme  je  peux ,  auprès  de  lui  ;  et 
m'agenouillant  à  ses  côtés,  je  me 
penche  vers  sa  tête  pour  entendre 
ce  qu'il  avoit  à  me  dire  Mais, 
hélas  !  déjà  le  délire  du  mal  s'en 
emparoit  de  nouveau,  et  je  con-' 
nus  bientôt  au  désordre  extrême 
de  ses  paroles,  qu'on  n'y  pouvoit 
pas  remédier.  Pour  ne  point  le 
chagriner  ,  j'eus  l'air  d'écouter 
quelque  temps  un  langage  que  je 
ne  pouvois  comprendre  ;  mais 
enfin  je  crus,  après  lui  avoir  pro- 
mis de  revenir  dans  un  autre  mo- 
ment, pouvoir  prendre  congé  de 
lui  :  Oh!  mon  ami,  s'écria-t-il, 
tu  ne  t'en  iras  pas  ;  et  en  même 
temps  il  me  saisit  la  main  avec  un 
poing  d'autant  plus  vigoureux, 
qu'il  jouissoit  d'un  tempérament 
extrêmement  robuste  ,  et  que  sa 
force  naturelle  étoit  prodigieuse- 
ment augmentée  par  celle  que  lui 
donnoit  la  fièvre  ardente  dont  il 
étoit  dévoré.  Je  fis  quelques  ef- 
forts pour  me  débarrasser  ;  mais- 
ils  furent  impuissans,  et  ne  ser- 
virent qu'à  l'irriter  et  à  le  rendre 
furieux.  Ses  yeux,  qui  portoient 
encore  les  marques  des  coups  qu'il 


494  cou 

s'étoit  donnés,  s'enflammèrent  el 
parurent  se  remplir  de  sang.  Toute 
sa  figure  prit  un  caractère  ef- 
froyable.... J'appelai  quelques  in- 
firmiers que  la  Providence  avoit, 
ce  semble,  envoyés  exprès  à  deux 
pas  de  là.  Ils  accoururent  :  alors 
eux  et  moi ,  nous  raisonnâmes  , 
nous  flattâmes  tellement  le  ma- 
lade ,  que  je  sentis  enfin  ses  nerfs 
se  détendre  insensiblement,  et  son 
poing  s'entr'ouvrir  » .  Nous  n'a- 
vons donné  ces  détails  aflligeans, 
que  pour  faire  comprendre  toute 
l'horreur  de  la  situation  des  dé- 
portés. Elle  leur  procuroit  des 
maladies,  qui  devenoient  pour  eux 
des  tourmens  égaux  à  ceux  par 
lesquels  avoient  été  longuement 
torturés  les  anciens  Martyrs.  Nous 
avons  déjà  montré,  à  l'article  de 
Bourdon  ,  que  de  pareils  accès 
d'un  si  violent  délire  ne  pou- 
voient  altérer  en  rien  le  mérite  de 
celui  qui  n'étoit  réduit  à  cet  af- 
freux état ,  qu'à  cause  de  sa  Foi 
et  de  ses  vertus.  Enfin  le  père 
Coudert  y  succomba  :  il  rendit 
son  dernier  soupir  le  29  juillet 
1 794 ,  a  l'âge  de  43  ans.  Son  corps 
fut  inhumé  dans  l'île  ftAix.  (  V. 
P.  Coste  ,  frère  Récollet  ;  et  Coir- 
bin,  curé.  ) 

COULLON  (Joseph-Mathieu), 
prêtre  ,  inscrit  sur  les  registres 
mortuaires  de  Bordeaux,  comme 
chanoine  ,  et  natif  de  Tours,  sous 
le  nom  de  Couioum,  étoit  sous- 
doyen  du  chapitre  de  Saint-Martin 
de  cette  ville.  Il  avoit  été  amené 


COU 

prisonnier,  dèâ  1793,  comme 
prêtre  insermenté ,  et  destiné  à 
la  déportation  au-delà  des  mers 
[V .  Bordeaux).  En  attendant  que 
les  préparatifs  de  l'embarquement 
se  fissent,  il  fut  enfermé  dans  l'an- 
cien cloître  des  religieuses  Car- 
mélites ,  transformé  en  prison. 
Comme  les  embarquemens  ne 
commencèrent  que  vers  la  fin  de 
l'automne  de  l'année  suivante , 
trois  mois  après  la  chute  de  Robers- 
pierre  ;  et  comme  la  Providence 
vouloit  le  soustraire  à  de  nou- 
veaux supplices,  elle  permit  que 
ses  forces  achevassent  de  s'épui- 
ser dans  celui  qu'il  enduroit.  On 
le  transporta  dans  l'hôpital  de 
Saint-André  ;  et  il  y  cessa  de  souf- 
frir et  de  vivre ,  le  28  septembre 
«793,  à  l'âge  de  5i  ans.  (  V.  B. 
Conbret,  et  Couturier.) 

COUNAN  DES  JARDINS 
(Louis-Marie),  prêtre,  chanoine 
de  l'église  de  Notre  -  Dame -dn- 
Mur,  à  Morlaix,  dans  le  diocèse 
de  Tréguier,  étant  forcé  de  fuir 
de  Morlaix  ,  son  pays  natal ,  à 
raison  des  persécutions  qu'alloit 
lui  susciter  son  attachement  à  la 
Foi  lors  de  l'établissement  ds  la 
constitution  civile  du  clergé , 
se  réfugia  dans  la  paroisse  de  Bo- 
thoa  ,  près  de  la  petite  ville  de 
Quinlin.  Il  y  fut  accueilli  par  une 
dame  respectable  ,  qui  le  logea 
dans  sa  maison,  et  lui  rendit  tous 
les  services  que  sa  situation  pou- 
voit  exiger.  Bientôt,  persécutée 
elle-même  ,  cette  bienfaitrice  fut 


cou 

obligée  de  fuir;  et  le  chanoine 
Counan  se  vit  réduit  à  chercher 
tin  autre  asile.  Il  se  rapprocha 
davantage  de  Saint  -Brieuc,  et  se 
fixa  au  village  de  Plaintel.  Les  au- 
torités révolutionnaires  de  Quin- 
tin  auxquelles  il  fut  dénoncé  peu 
de  temps  après  ,  envoyèrent  un 
détachement  de  la  garde  nationale 
de  cette  ville  pour  le  saisir.  Lors- 
qu'elle entra  dans  la  maison  où 
il  étoit,  il  la  vit  sans  émotion,  la 
reçut  avec  affabilité,  et  partit  avec 
elle  pour  Saint-Brieuc ,  causant 
pendant  la  route  d'un  ton  calme 
et  même  amical.  Il  n'ignoroit  ce- 
pendant pas  qu'il  étoit  conduit  à  la 
mort.  Les  gardes  admiroient  sa  sé- 
rénité et  sa  résignation ,  dont  la 
cause  ne  pou  voit  leur  échapper, 
car  il  suspendoit  la  conversation 
parintervalle  pour  adresser  au  Ciel 
quelques  prières,  et  offrir  son  âme 
à  Dieu.  Arrivé  à  Saint-Brieuc,  il 
fut  liientôt  traduit  au  tribunal  cri- 
minel du  département  des  Câtes- 
du-Nord,  siégeant  en  cette  ville  , 
et  qui  n'aroit  point  encore  en- 
voyé  de  prêtre   à   l'échafaud  : 
c'étoit  la  première  victime  sacer- 
dotale qu'on  lui  amenoit.  Counan 
fut  néanmoins  condamné  sans  dé- 
lai à  la  peine  capitale  ,  comme 
«  prêtre  réfractaire »,  le  2  pluviôse 
au  II  (  5i  janvier  1794  )•  Mais 
les  juges  craignirent  que  l'exécu- 
tion ne  portât  l'indignation  pu- 
blique à  quelque  émeute.  Pour  ne 
pas  courir  ce  danger  et  contenter 
les  impies,  les  diverses  autorités 


COU  495 

de  Saint-Brieuc  décidèrent,  après 
quelques  jours  de  délai,  que  l'exé- 
cution du  chanoine  Counan  se 
feroit  à  huit  heures  du  soir, 
attendu  qu'en  janvier  la  nuit 
alors  est  déjà  avancée  ,  et  que 
dans  cette  ville,  les  habitans  sont 
tous  à  cette  heure  rentrés  et  ren- 
fermés chez  eux.  Cette  exécu- 
tion qu'ils  n'avoient  point  pré- 
vue, fut  tellement  faite  sans  qu'ils 
s'en  doutassent,  qu'ils  n'en  eurent 
connoissance  que  le  lendemain. 
Tous  ceux  qui  avoient  connu  le 
chanoine  Counan  ,  s'accordoient 
à  louer  ses  vertus  apostoliques  et 
ses  qualités  sociales.  Partout  où  il 
avoit  passé  ,  il  avoit  laissé  de  très- 
édifians  souvenirs.  On  y  raconte 
encore  les  actes  de  son  zèle  et  de 
sa  piété  ;  et  la  mémoire  que  l'on  y 
conserve  de  ce  Martyr  de  la  Foi, 
ne  contribue  pas  médiocrement  à 
faire  chérir  la  religion  aux  habi- 
tans de  cette  contrée. 

COURANDE  (Rosalie),  reli- 
gieuse d'un  couvent  de  Bordeaux, 
née  à  Gournac,  près  d'Ambès, 
en  1706,  étant  mise  hors  de  son 
cloître  par  les  réformateurs  de 
1791,  resta  avec  quelques  unes  de 
ses  compagnes  dans  la  ville  de  Bor- 
deaux. Comme  elle  persévéroit 
dans  ses  pratiques  de  religion,  elle 
n'en  étoit  que  plus  odieuse  aux 
persécuteurs.  Sa  charité  l'ayant 
portée  a  donner  un  asile  secret 
à  des  prêtres  catholiques  pour- 
suivis par  eux;  et  celte  action, 
généreuse    autant   que   sainte  . 


4<jC  cou 

ayant  été  découverte  {V .  Je  Alix), 
elle  fut  arrêtée  avec  deux  de  se» 
compagnes ,  complices  de  la  même 
bonne  œuvre  [V .  M«l*  et  Mrie  Gi- 
kaud).  Traduite  avec  elles  devant 
la  commission  militaire  établie 
à  Bordeaux  {V .  ce  mot),  elle  y 
fut  condamnée  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  convaincue  d'être  fa- 
natique,  et  d'avoir  recèle  des 
prêtres  réfractaires  ».  Le  même 
jour ,  elle  périt ,  avec  les  deux  au- 
tres religieuses ,  sous  le  fer  de  la 
guillotine. 

COURBIN  (Etienne),  curé 
d'Igneville,  près  Arpajon ,  dans 
le  diocèse  de  Sens ,  fut  éloigué 
de  sa  paroisse ,  et  n'avoit  pu  l'être 
qu'à  raison  du  refus  du  serment 
schismalique  de  1791-  11  ne  se 
réfugia  point  à  Paris  où  il  étoit 
né,  sur  la  paroisse  de  Saint-Eus- 
tache,  parce  que  les  persécuteurs 
l'auroient  trop  facilement  dé- 
couvert :  il  s'étoit  retiré  dans  la 
basse  Normandie,  au  département 
du  Calvados.  La  sûreté  qu'il  crut 
trouver,  lui  manqua  en  1790. 
Son  ministère,  qu'il  y  exerçoit, 
le  fit  reconnoître  ;  il  fut  arrêté  et 
envoyé  à  Rochefort  pour  être  dé- 
porté au-delà  des  mers  {V.  Ro- 
chefort). On  l'embarqua  sur  le 
navire  le  JVashinglon.  11  sou- 
tint d'abord  avec  assez  de  succès 
les  souffrances  qu'on  y  enduroit; 
mais  elles  finirent  par  l'accabler. 
11  mourut  le  10  décembre  179/f 
à  l'âge  de  58  ans,  et  fut  enterré 
près  du  fort  Vaseux,  sur  les 


COU 

bords  de  la  Cbarenle.  {V.  .1.  Cou- 

DERT,  et  P.  E.  CoLRVOISlER.) 

COURCIÈRE  (Jean-Baptiste), 
né  en  ij58,  à  Champagnay,  dans 
le  diocèse  d'AIbi,  étoit  vicaire  à 
Valence,  en  Albigeois.  Il  ne  fit 
aucun  des  sermens  anti-religieux 
de  la  révolution  ,  et  put  échap- 
per au  fer  des  persécuteurs , 
quoiqu'il  se  rendît  toujours  utile 
aux  catholiques  de  la  contrée  dans 
les  terribles  années  de  1795  et 
1794.  Il  continuoit  d'exercer  son 
ministère  avec  plus  d'assurance 
en  1797,  dans  la  ville  d'AIbi  . 
quand  futrendue  l'impie  etbarbare 
loi  du  19  fructidor  (5  septembre 
1797).  On  l'arrêta;  il  fut  conduit  à 
Rochefort,  et  embarqué  pour  la 
déportation  sur  la  corvette  la 
Bayonnaise ,  le  1"  août  1798 
(  V .  Guiane  ).  A  son  arrivée  à 
Cayenne,  vers  la  fin  de  septem- 
bre, on  le  relégua  dans  le  désert 
de  Synnamari ,  où  bientôt  il  se 
trouva  en  proie,  à  la  peste  et  à  lu 
consomption.  Transporté  à  l'hos- 
pice ,  il  y  mourut  le  17  janvier 
1799,  à  l'âge  de  4°  ans.  {V .  J. 
Combact,  et  H.  Darmant.) 

COURT1N  (Jean -Baptiste), 
prêtre  et  religieux  de  l'ordre  de 
saint  Benoît,  dans  la  maison  de 
Saint  -  Martin  -  des  -  Champs  ,  à 
Paris,  né  en  171 5,  à  Rouanne, 
en  Forez,  se  voyant  jeté  hors  de 
son  cloître  par  la  suppression  des 
ordres  monastiques  ,  demanda  , 
conjointement  avec  deux  autres 
Bénédictins,  à  demeurer  dans  le 


cou 

monastère  en  payant ,  et  ils  y 
louèrent  quelques  chambres  pour 
en  taire  leur  domicile  purement  ci- 
vil. Là,  en  dépit  des  manœuvres  de 
l'athéisme,  ilspratiquoient  la  règle 
de  leur  ordre,  se  procuraient  la 
consolation  de  célébrer  le  saint 
sacrifice,  et  admetloicnt  à  leur 
messe,  dans  les  temps  les  plus 
critiques,  ceux  des  catholiques  du 
quartier  qui  désiroient  d'y  assister. 
Us  furent  dénoncés  et  jetés  dans 
les  prisons  de  Paris,  vers  la  fin  de 
1790.  Le  tribunal  révolution- 
naire* les  fit  comparoître  devant 
lui,  le  9  germinal  an  II  (29  mars 
179/1),  et  'cs  envoya  à  l'écha- 
faud ,  comme  «  convaincus  de  ma- 
nœuvres fanatiques,  pratiquées  à 
Paris  en  1792  et  179^,  rue  Saint- 
Martin  ».  Us  furent  immolés  quel- 

I  ques  heures  après  la  sentence.  [V. 
.1.  N.  Adam  ,  et  A.  Meffre.) 

COURVOISIER  (Pierrk- 
'      Etienne)  ,  prêtre ,  né  à  Besançon , 

II  en   1750,  étoit  un  religieux  de 
l'ordre  de  saint  Benoît,  qui  avoit 

1  la  charge  de  procureur  en  la  mai- 
son-abbaye de  Saint  -  Léopold , 
congrégation  de  Saint-Vannes  et 
|i  de  Saint-Ilidulphe,  à  Nanci.  Il 
Ie  ne  tergiversa  nullement  dans  sa 
'È  Foi,  lors  du  schisme  de  1791. 
*  I  Aucun  intérêt  mondain  ne  put  le 
fi  :  faire  flotter  entre  le  parti  qui  dis- 
^  1  tribuoit  des  faveurs  ,  et  celui  qui 
ei  ne  procuroit  que  la  jouissance 
ii  dont  se  contente  l'âme  droite  et 
^  loyale  d'un  vrai  chrétien.  Il  per- 
'e     sévéra  dans  sa  conduite  honorable 

2. 


COU  497 
de  prêtre  fidèle  à  l'Eglise  catho- 
lique ,  dont  il  étoit  le  ministre. 
Les  persécutions  furent  à  la  vérité 
tout  le  prix  qu'il  en  retira;  mais 
ce  prix  étoit  pour  sa  piété  bien 
au-dessus  des  récompenses  révo- 
lutionnaires. Il  fut  arrêté  dans  la 
province  même  où  avoit  existé  sa 
congrégation,  et  qui  s'appeloil 
déjà  le  département  de  la  Mcur- 
thc.  On  décida  bientôt  qu'il  se- 
roit  livré  aux  chances  cruelles 
d'une  déportation  maritime  qui 
devoit  s'effectuer  à  Rochefort  ;  et 
on  le  fit  traîner  dans  cette  ville 
pour  y  être  embarqué.  Il  le  fut 
sur  le  navire  les  Deux  Associés 
(  V.  Rochefort).  Les  premiers 
mois  de  son  séjour  dans  l'entre- 
pont de  ce  bâtiment  ne  purent 
abattre  entièrement  se6  forces; 
mais  ce  mois  d'août  179I  qui  vit 
périr  la  plupart  des  prêtres  de  la 
même  déportation ,  mit  le  der- 
nier sceau  au  martyre  de  do  m 
Courvoisier.  Il  mourut  dans  la 
nuit  du  21  au  22,  à  l'âge  de  44 
ans>  et  fut  enterré  dans  l'île  Ma- 
dame. [V.  Courbin,  curé,  et  M. 
Cramouzeacd.) 

COUTURIER  (iV...),  prêtre, 
religieux  à  La  Réole ,  près  Bor- 
deaux, n'échappa  point  aux  per- 
sécuteurs de  1793.  Us  le  firent 
arrêter  comme  attaché  à  sa  Foi  et 
à  ses  devoirs  ,  et  l'envoyèrent  à 
Blaye  pour  y  être  compris  dans 
une  déportation  de  prêtres  à  la 
Guiane  {V.  Bordeatx).  Quand 
l'embarquement  se  fit  à  la  fin  ùt 

3a 


498  CRA 
l'automne  1794  seulement,  trois 
mois  après  le  neuf  thermidor , 
le  nombre  des  déportés  étoit  si 
considérable  ,  qu'on  ne  put  les 
embarquer  tous.  Le  religieux  Cou- 
turier fut  de  ceux  qu'on  lais- 
soit  emprisonnés;  et  il  étoit  dans 
cet  affreux  souterrain  du  fort  de 
l'île  du  Pâté -de- Blaye ,  où  tous 
les  tourmens  se  trouvoient  réunis 
sur  la  tête  des  prisonniers.  Quoi- 
que avancé  en  âge  ,  il  les  supporta 
avec  une  fermeté  égale  à  sa  rési- 
gnation ;  niais  enfin  les  forces  na- 
turelles lui  manquèrent.  On  le  fit 
transporter  mourant  à  l'hôpital  de 
Blaye;  et  il  y  expira  le  1"  ven- 
tôse an  II  (19  février  1793),  à 
l'âge  de  62  ans.  (  V.  J.  M.  Coul- 
10s  ,  et....  Culture.  ) 

COUVECEILLE(2V...),  prêtre 
et  chanoine  de  Sillé,  dans  le  dio- 
cèse du  Mans,  n'ayant  point  fait 
le  serment  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé,  et  manifestant 
son  attachement  invariable  à  la 
Foi  catholique,  fut  du  nombre  de 
ces  prêtres ,  que  les  zélateurs  du 
schi>me  et  de  l'impiété  firent  en- 
fermer en  1792.  Il  mourut  dans 
les  prisons  d'Angers ,  en  septembre 
de  cette  même  année.  [V.  An- 
gers, et  Discours  prél.,  pag.  54-) 

CRAMOUZEAUD  (Melchior 
de),  prêtre,  chanoine  théologal 
de  l'église  collégiale  de  Saint- 
Martial,  en  la  ville  de  Limoges, 
où  il  avoit  vu  le  jour,  ne  voulut 
adhérer  en  rien  à  la  constitution 
civile  du  clergé ,  et  il  en  repoussa 


CRA 

les  principes  et  le  serment  avec  la 
fermeté  d'un  bon  catholique.  Sa 
conduite  fut  celle  d'un  zélé  mi- 
nistre de  la  véritable  Eglise  ,  mal- 
gré les  dangers  toujours  croissans  ; 
et  il  ne  se  départit  point  de  ses 
sentimens,  lorsqu'il  se  vit  arrêté 
et  jeté  dans  les  prisons  de  Li- 
moges, en  1793.  La  même  cons- 
tance évangélique  l'accompagna 
dans  la  déportation  maritime  à 
laquelle  il  fut  condamné.  On  l'en- 
voya à  Rochefort  pour  être  em- 
barqué, et  il  le  fut  sur  la  flûte  les 
Deux  Associés  [V.  Rochefort). 
Ses  souffrances  y  furent  grandes  : 
elles  l'accablèrent  tout-à-fait,  après 
quelques  mois  d'embarquement; 
et  il  mourut  le  5i  juillet  1794?  à 
l'âge  de  52  ans.  Son  corps  fut  in- 
humé dans  l'île  d'Jix.  (  V .  P.  E. 
Courvoisikr  ,  et  L.  J.  Cramov- 

ZEAUD. ) 

CRAMOUZEALD  (  Léonard- 
Joseph  de),  chanoine  d'Eymou- 
tiers,  dans  le  diocèse  de  Limoges, 
et  natif  d'Eymoutiers ,  n 'étoit, 
dans  la  hiérarchie  de  l'Eglise , 
que  simple  clerc  tonsuré ,  lors- 
qu'arriva  la  révolution.  Son  âge 
déjà  avancé  comportoit  cepen- 
dant un  grade  bien  supérieur:  et 
il  l'eût  mérité  ,  si  l'on  en  juge  par 
l'attachement  vraiment  sacerdotal 
qu'il  montra  pour  la  Foi  catho- 
lique, lors  du  schisme  de  1791» 
et  des  systèmes  de  plus  en  plus 
impies  qu'accréditèrent  les  per- 
sécuteurs de  la  religion.  Le  cha- 
noine  d'Eymoutiers   fut  arrêté 


CRA 

pour  cela  même  en  ijg5  ;  et  après 
l'avoir  retenu  quelque  temps  dans 
les  prisons  de  Limoges ,  on  le  fit 
partir  pour  Rochei'ort,  d'où  il 
devoit  être  déporté  sur  des  plages 
lointaines  {V.  Rochefort).  Il  fut 
embarqué  sur  le  navire  ies  Deux 
Associés,  et  succomba  dans  le 
supplice  de  l'entrepont  de  ce  bâti- 
ment. Il  expira  le  29  juillet  1794? 
à  l'âge  de  55  ans  ;  et  fut  enterré 
dans  l'île  d'Aix.  (  V.  M.  Cra- 
moizeaud,  et —  Creitte.  ) 

CRAMOUZEAUD  (Psalmet), 
curé  de  Beaumont,  dans  le  dio- 
cèse de  Limoges ,  n'avoit  point 
fait  le  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé  ;  et  la  loi  de 
déportation  du  26  août  1792  le  fit 
sortir  de  France.  Le  besoin  des 
catholiques  l'y  ramena  bientôt,  et 
il  fut  arrêté  dans  sa  paroisse  en 
1793.  Le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement de  la  Haute-  Vienne , 
siégeant  à  Limoges,  le  traita 
comme  «émigré-rentré»;  mais 
ce  n'en  fut  pas  moins  en  haine  de 
la  religion  et  des  prêtres,  qu'il  le 
condamna  à  la  peine  de  mort,  le 
1"  frimaire  an  II  (21  novembre 
1 793).  {V .  P.  Cornette  ,  et  P.  Es- 
moiry.  ) 

CRAN  (Pierre),  prêtre  du  dio- 
cèse de  Nantes ,  né  dans  la  paroisse 
de  Cambon,  près  Pont-Château, 
en  1758,  étoit,  à  l'époque  de  la 
révolution,  vicaire  dans  la  paroisse 
deBoué,  près  Savenay.  11  n'y  fit 
point  le  serment  de  la  constitu- 
tion civiledu  clergé;  et,  malgré 


CRA  499 

la  loi  de  déportation,  il  resta  dans 
cette  paroisse  pour  les  besoins  des 
fidèles.  Afin  de  se  conserver  pour 
eux,  il  s'étoit  ménagé  une  retraite 
inconnue  à  tous  les  autres.  Les 
chefs  de  l'armée  catholique  et 
royale  (  V .  Vendée)  le  forcèrent 
d'en  sortir  au  printemps  de  1795 
pour  venir  à  Savenay  bénir  un 
drapeau  blanc ,  et  exhorter  la 
jeunesse  qui  y  étoit  réunie  sous 
leurs  ordres,  à  ne  pas  perdre  de 
vue  la  loi  de  Dieu  dans  leurs  ex- 
péditions militaires.  Il  les  engagea 
en  effet  très-pathétiquement  à  ne 
pas  souiller  par  une  mauvaise  con- 
duite la  cause  pour  laquelle  ils 
étoient  armés  ;  à  se  dépouiller  avec 
le  plus  grand  soin  de  tout  senti- 
ment de  vengeance,  et  à  se  faire 
une  douce  habitude  du  pardon. 
Après  la  bénédiction  du  drapeau, 
il  revint  dans  sa  retraite.  Ses  traces 
étoient  devenues  faciles  à  suivre; 
et  lorsque  les  Vendéens  se  fuient 
éloignés,  on  le  saisit  chez  sa  sœur, 
qu'on  arrêta  avec  lui.  Pendant 
qu'on  les  conduisoit  aux  prisons 
de  Savenay,  cette  sœur  ne  pou- 
vant dissimuler  ce  qu'elle  crai- 
gnoit  pour  lui,  il  répondoit  à  ses 
alarmes  par  ce  discours  :  «  Ne 
vous  livrez  point  tant  à  la  douleur. 
Nous  souffrons  bien  injustement, 
il  est  vrai;  mais  J. -C.  n'a-l-il 
donc  pas  souffert  pour  nous,  et 
tout  aussi  injustement  ?  C'est  par 
les  souffrances  que  nous  lui  deve- 
nons semblables;  et  c'est  aussi  par 
cette  voie  que  nous  parviendrons 


5oo  CRË 

au  ciel.  ITenreux  si  nous  pouvons 
le  mériter  par  quelques  instans  de 
peines!  Mettons  toute  notre  con- 
fiance en  Dieu  ;  et  ne  perdons  pas 
de  vue,  que,  si  ce  n'est  pas  dans 
cette  vie,  ce  sera  du  moins  dans 
l'autre,  qu'il  changera  nos  larmes 
en  joie,  et  notre  humiliation  en 
triomphe  ».  Le  vicaire  Cran  fut 
abreuvé  d'outrages  et  de  mauvais 
traitemens  dans  la  prison  de  Sa- 
venay;  mais  il  n'y  resta  pas  long- 
temps. On  le  conduisit  bientôt  a 
Nantes  pour  le  l'aire  juger  par  le 
tribunal  criminel  du  département 
de  la  Loire-Inférieure ,  siégeant 
en  cette  ville.  Ce  tribunal,  s'em- 
parant  de  suite  de  la  cause  de  cet 
ecclésiastique,  le  condamna  à  la 
peine  de  mort,  comme  «prêtre 
réfractaire,  instigateur  de  révol- 
tés, et  pour  avoir  béni  des  dra- 
peaux de  l'armée  vendéenne  » . 
Ce  jugement  fut  prononcé  ,  non 
en  1794  5  comme  on  l'a  écrit 
ailleurs,  mais  le  1"  juin  179^;  et 
le  vicaire  Cran  périt ,  le  même 
jour,  a  l'âge  de  55  ans. 

CREITTE  (2V...),  curé  d'E- 
taing,  paroisse  du  diocèse  de  Ver- 
dun, et  natif  de  Metz,  ne  prêta 
point  le  serment  schismatique  de 
1791.  Quoique  la  loi  d'alors  le 
chassât  de  sa  cure ,  il  n'en  resta 
pas  moins  près  de  ses  paroissiens 
pour  continuer  à  s'occuper  de 
leur  salut.  Ce  motif  le  décida 
même  au  commencement  de  sep- 
tembre 1792,  a  faire  le  serment 
de  {iiterté  -  égalité ,  prescrit  par 


CRE 

des  législateurs  qui  renversoient 
les  autels, et  provoquoient le  mas- 
sacre des  prêtres.  Cette  faiblesse 
ne  le  sauva  point,  parce  qu'on  ne 
vouloit  plus  de  religion  et  de  mi- 
nistres des  autels.  Le  curé  Creitte 
fut  donc  emprisonné  à  Verdun  ;  et 
bientôt  on  le  fit  traîner  à  Roche- 
fort  pour  en  être  déporté  au-delà 
des  mers  {V.  Rochefort).  Arrivé 
dans  cette  ville ,  il  y  fut  embarqué 
sur  le  navire  le,  Washington, 
où ,  entouré  de  confesseurs  de 
J.-C. ,  qui  n'avoient  pas  plus  à  se 
reprocher  le  second  serment  que  le 
premier,  il  rougit  de  celui  qu'il 
avoit  fait,  et  le  rétracta.  Dieu,  le 
trouvant  alors  digne  de  lui,  abrégea 
ses  souffrances  :  le  curé  Creitte 
mourut  dans  le  courant  d'aodt 
1794,  à  l'âge  de  58  ans,  et  fut 
enterré  dans  l'île  û'Aix.  (V.  L,  J. 
Cramovzeacd  ,  et  Jh  Cugnières.  ) 

CREM1ÈRE(Geneviève-Char- 
lotte),  pieuse  fille  de  Bourges, 
montra  avec  beaucoup  de  courage 
et  de  constance,  par  ses  actions  et 
par  ses  discours,  un  attachement 
invariable  à  la  Foi  catholique, 
en  1791  et  1792.  Elle  fut  pour 
cela  même  jetée  dans  les  prisons 
de  Bourges,  où  elle  mourut,  en 
1793,  captive  de  Jésus-Christ, 
avec  la  disposition  de  souffrir  la 
mort  même  sur  l'échafaud  pour 
sa  sainte  cause. 

C  REPEL  (iV...),  prêtre  du 
diocèse  de  Saint-Malo,  se  distin- 
gua dans  le  cours  de  la  persécu- 
tion ,  par  une  Foi  éminente,  et 


CRE 

par  un  zèle  courageux  qui  savoit 
braver  tous  les  dangers  pour  le 
salut  de  ses  frères.  Non  seulement 
il  refusa  le  serment  schismatique 
de  1791,  mais  encore,  afin  de 
subvenir  aux  besoins  des  catho- 
liques, il  resta  dans  sa  province 
malgré  la  loi  de  déportation.  II 
avoit  un  asile  assez  sûr  dans  le 
bourg  de  Médréac,  près  Montau- 
ban,  en  Bretagne,  au  même  dio- 
cèse; et,  avec  lui,  s'y  trouvoit 
retiré  un  vénérable  prêtre  septua- 
génaire (  V.  Tiengon),  duquel  il 
assistoit  la  vieillesse ,  en  retour 
des  vertus  sacerdotales  dont  ce- 
lui-ci lui  offroit  le  tableau  dans 
sa  personne.  L'un  et  l'autre,  grâce 
au  bon  esprit  des  habitans,  pas- 
sèrent assez  heureusement  les  ter- 
ribles années  1 795  et  1 794 ,  qu'on 
a  regardées  comme  les  plus  af- 
freuses de  la  révolution ,  parce 
qu'elles  le  furent  effectivement 
pour  les  laïcs.  Mais  les  suivantes 
ne  l'ont  pas  moins  été  pour  les 
ministres  de  l'Eglise.  Cependant, 
Crepel  et  son  vénérable  compa- 
gnon échappèrent  encore  au  dan- 
ger de  la  mort  pendant  1795; 
mais  ,  vers  le  milieu  de  février 
1 796 ,  une  de  ces  hordes  qu'on 
appeloit  colonnes  mobiles ,  arri- 
vant à  Médréac,  aperçoit  Crepel 
qui  marche  dans  le  bourg  sans 
défiance  ;  et  ,  le  reconnoissant 
pour  prêtre,  un  des  soldats  lire  sur 
lui  un  coup  de  fusil,  dont  la  balle 
lui  traverse  le  corps,  et  l'abat.  11 
se  relève ,  en  demandant  sans 


CRÉ  Soi 

aucun  accent  de  plainte  :  «  Qui 
est-ce  qui  m'a  blessé?  sont -ce 
les  républicains  ou  les  chouans 
(  V .  Vendée  )  »  ?  Les  soldats  de 
cette  colonne  étoient  déguisés  en 
chouans;  et  Crepel  pou  voit  s'y 
tromper.  Des  femmes  indignées  , 
et  qui  avoient  reconnu  la  troupe, 
s'écrièrent  :  «  Ce  sont  les  répu- 
blicains ».  Le  saint  prêtre  reprit 
aussitôt  avec  douceur  :  «  Peu 
m'importe ,  après  tout,  de  savoir  ce 
qu'ils  sont  :  je  leur  pardonne  ma 
mort,  quels  qu'ils  soient».  Ces 
femmes,  profilant  de  ce  que  les 
soldats  étoient  encore  à  quelque 
distance  ,  l'emmènent  derrière 
un  monceau  de  paille,  pour  le 
soustraire  à  leur  fureur;  mais, 
l'y  voyant  baigné  dans  son  sang, 
elles  ne  peuvent  retenir  des  excla- 
mations d'attendrissement  ;  à  ces 
cris,  un  des  soldats  accourt,  tire 
son  sabre  ;  l'une  de  ces  femmes , 
dans  la  pensée  que  le  respect 
qu'elle  a  pour  les  ministres  du 
Seigneur  peut  exister  aussi  dans 
le  cœur  de  tous  les  hommes,  croit 
retenir  son  bras  en  lui  disant  avec 
force  :  «  Ne  frappe  pas  ;  c'est 
un  prêtre  »  !  L'assassin  répond  : 
«  Je  le  sais  bien  »;  et  a  l'instant, 
il.  fend  d'un  coup  de  sabre  la  tête 
du  prêtre  Crepel. 

CRÉTIEN  DE  LA  NEUVILLE 
(Rosalie)  ,  l'une  des  seize  reli- 
gieuses Carmélites  deCoiupiègne» 
dont  nous  avons  raconté  les  actes 
de  vertu  ,  les  persécutions  et  le 
martyre  à  l'article  de  Brard  ,  pé- 


5o2  CRE 

rit  avec  elles  pour  la  même  cause, 
le  17  juillet  1794-  Elle  étoit  née 
à  Loreau,  près  d'Epernon,  dans 
le.  diocèse  de  Chartres,  le  3o  dé- 
cembre 174*9  e*  "voit  épousé, 
à  J'âge  de  19  ans ,  le  sieur 
Crétien  ,  dont  elle  devint  veuve 
après  quelques  années  de  ma- 
riage. La  grâce  ayant  décidé  sa 
vocation  à  l'état  religieux,  et  lui 
facilitant  les  moyens  de  la  suivre, 
elle  fut  reçue  comme  postulante 
chez  les  religieuses  de  Com- 
piègne,  le  14  juin  1776,  prit  l'ha- 
bit de  leur  ordre  le  12  septembre 
suivant,  et  reçut  pour  nom  de 
religion  ,  celui  de  sœur  Sainte- 
Julie.  L'année  d'après ,  le  14 
septembre  1777,  elle  lit  profes- 
sion. Elle  avoit  la  charge  de  sa- 
cristine, à  l'époque  de  la  suppres- 
sion des  ordres  religieux  en  1791. 
Alors ,  elle  fut  sollicitée  avec  beau- 
coup d'instance  par  sa  mère  qui 
vivoil  encore,  et  avoit  80  ans, 
comme  aussi  par  ses  autres  pa- 
rens,  de  venir  vivre  près  d'elle; 
mais  la  soeur  Sainte-Julie  crut 
devoir  rester  avec  ses  compagnes , 
puisque  celles-ci  pouvoient  conti- 
nuer en  commun  la  pratique  de 
la  règle  de  sainte  Thérèse.  Cette 
détermination  étoit  d'autant  plus 
généreuse  que  la  sœur  Sainte- 
Julie  ne  se  dissimuloit  point  les 
dangers  qui  les  menaçoient  ,  et 
qu'elle-même,  touten  prévoyant  le 
sort  qu'elles  ont  eu,  ressentoit  une 
crainte  extrême  de  la  mort,  et 
surtout  du  supplice  de  la  guiilo- 


CRO 

tine.  Sa  piété  néanmoins  triom- 
phoit  de  cette  terreur.  Dans  ses 
fréquentes  aspirations  dont  quel- 
ques unes,  écrites  de  sa  main, 
sont  en  notre  possession,  elle  di- 
soit  :  «Nous  sommes  comme  les 
victimes  du  siècle ,  et  nous  de- 
vons nous  immoler  pour  sa  ré- 
conciliation avec  Dieu.  —  Une 
éternité  de  bonheur  m'attend!... 
Hâtons-nous  donc,  courons  vers 
ce  terme,  et  souffrons  volontiers 
pendant  les  courts  momens  de 
cette  vie.  Aujourd'hui  la  tem- 
pête gronde  ;  mais  demain  nous 
serons  dans  le  port  » .  Cette  fer- 
vente religieuse  y  parvint  avec 
gloire ,  à  l'âge  de  67  ans.  (  V . 
Brard.  ) 

CROISET  (Jean),  qu'on  trouve 
sur  le  registre  de  l'état  civil  de 
Paris,  parmi  les  prêtres  qui  furent 
massacrés  dans  l'église  ou  le 
jardin  des  Carmes  de  cette 
ville,  le  2  septembre  1792,  nous 
laisse  le  regret  de  n'avoir  pu  ob- 
tenir aucun  autre  renseignement 
à  son  égard.  On  peut  néanmoins 
se  tenir  pour  assuré  qu'il  avoit 
refusé  le  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé,  et  qu'il  le 
refusa  encore  devant  le  comité  de 
la  section  auquel  l'amenèrent  ceux 
qui  l'avoient  arrêté  pour  cette 
cause,  après  le  10  août  ;  puisqu'il 
ne  fut  enfermé  dans  l'église  des 
Carmes  que  parce  qu'il  étoit  in- 
sermenté, ainsi  que  le  registre  le 
prouve.  C'est  donc  comme  tel, 
c'est-à-dire  parce  qu'il  n  avoit  pas 


CRO 

voulu  abandonner  la  Foi  catho- 
lique ,  qu'il  fut  immolé  avec  tant 
d'autres  généreux  confesseurs  de 
Jésus-Christ.  {V .  Duiatj  ,  et  Sep- 
tembre. ) 

CROISY  (Louis),  curé  dans  le 
diocèse  de  Rouen ,  expulsé  de  sa 
cure  pour  n'avoir  pas  voulu  faire 
le  serment  schismatique  de  1791» 
s'étoit  retiré  dans  sa  famille,  au 
Havre  où  il  étoit  né ,  et  n'avoit 
pas  cru  devoir  obéir  à  l'injuste  loi 
de  la  déportation.  Il  y  fut  saisi , 
et  on  l'amena  à  Paris  au  printemps 
de  «794?  pour  y  être  jugé  par  le 
tribunal  révolutionnaire.  Alors 
ce  tribunal,  évitant,  autant  qu'il 
le  pouvoit,  de  montrer  sa  haine 
pour  la  religion  dans  les  jugemens 
qu'il  prononçoit  contre  les  prê- 
tres, se  contentoit  de  les  traiter 
vaguement  de  conspirateurs,  en 
les  envoyant  à  la  mort.  Ce  fut 
comme  tel  que,  le  21  prairial 
an  II  (9  juin  1794)?  les  juges 
condamnèrent  le  curé  Croisy  à 
la  peine  de  mort  qu'il  subit  le 
même  jour. 

CROISY  (Françoise  de),  l'une 
des  dix-sept  religieuses  Carmé- 
lites de  Compiègne,  qui,  le  17 
juillet  1794  ?  furent  égorgées  à 
Paris  pour  la  cause  de  la  Foi , 
étoit  née  dans  cette  capitale,  le  18 
juin  1745.  File  n'avoit  encore  que 
16 ans,  lorsque  l'évêque d'Amiens, 
M.  d'Orléans  de  la  Motte ,  de 
sainte  mémoire,  frappé  de  la  vo- 
cation qu'il  avoit  découverte  en 
elle  pour  l'étal  religieux,  fa  mena 


CRO  5o3 

lui  -  même  à  la  supérieure  des 
Carmélites  de  Compiègne ,  pour 
qu'elle  la  reçût  dans  son  cloître 
en  qualité  de  postulante.  La  su- 
périeure s'y  refusoit ,  alléguant 
que  M"e  de  Croisy  étoit  trop 
jeune  pour  supporter  les  austé- 
rités de  la  règle  de  sainte  Thé- 
rèse :  elle  jugeoit  convenable  d'at- 
tendre que  la  vocation  de  la  pré- 
tendante fut  plus  décidée.  Le 
prélat,  entrevoyant  d'avance  ce 
qu'elle  seroit  un  jour,  insista  en 
disant  :  «  Recevez -la,  recevez- 
la  :  c'est  un  ange  dans  un  corps 
terrestre».  La  supérieure  enfin, 
après  quelques  mois  de  résis- 
tance, céda  aux  désirs  de  l'évê- 
que ;  et  vers  l'âge  de  1 7  ans  , 
Françoise  de  Croisy  entra  comme 
postulante  dans  ce  monastère  , 
le  21  octobre  1762.  Il  lui  fut 
permis  de  prendre  leur  habit  le 
12  février  suivant;  et  elle  reçut 
alors  le  nom  de  sœur  Hen- 
riette -de- Jésus.  Un  an  après, 
le  22  février  1764  »  elle  pro- 
nonça solennellement  ses  vœux. 
Autant  la  ferveur  qui  l'animoit 
transportoit  d'admiration  ses  com- 
pagnes ,  autant  elle  les  charmoit 
par  la  vivacité  de  son  esprit,  le 
brillant  de  son  imagination  et 
l'amabilité  de  son  caractère.  Ces 
qualités  la  firent  bientôt  porter, 
d'une  commune  voix,  à  la  charge 
de  prieure.  Elle  la  remplit  à  la 
satisfaction  de  toutes,  pendant  les 
sept  ans  d'usage,  et  fut  placée 
ensuite  dans  celle  de  maîtresse 


5o4  CRO 

des  novices.  Nulle  ne  pouvoit 
mieux  qu'elle  leur  rendre  déli- 
cieux le  joug  du  Seigneur  et  de  la 
règle.  Et  toutes  celles  qu'elle  for- 
nioit  à  la  vie  religieuse,  conser- 
vèrent pour  leur  maîtresse  de 
noviciat  après  leur  profession , 
la  même  tendresse  et  la  même 
reconnoissance  que  si  elle  eût 
été  leur  mère  naturelle.  Cette 
place  étoit  encore  occupée  par 
la  mère  Henriette -de -Jésus, 
lorsqu'en  1791?  les  ordres  mo- 
nastiques furent  supprimés ,  et 
!e  cloître  de  Compiègne  envahi 
par  les  hommes  de  la  révolution. 
Non  seulement  Françoise  deCroisy 
repoussa  la  liberté  qui  lui  étoit 
offerte  de  rentrer  dans  le  monde  ; 
non  seulement  elle  fut  des  pre- 
mières à  proposer  à  ses  com- 
pagnes de  vivre  en  quatre  petites 
communautés  séparées ,  sous  la 
direction  de  leur  prieure  d'alors 
(  V.  Lidoine)  ;  elle  composa  même, 
pour  l'apologie  de  son  refus  et 
de  la  détermination  que  ses  sœurs 
prenoient  de  concert  avec  elle, 
un  cantique  que  toutes  chantèrent 
avec  un  saint  transport.  La  fer- 
veur religieuse  qui  le  dicta,  n'en 
exclut  pas  l'esprit  que  Françoise 
de  Croisy  ne  pouvoit  s'empêcher 
de  mettre  dans  tout  ce  qu'elle 
éerivoit ,  comme  dans  tout  ce 
qu'elle  disoit.  Nos  lecteurs  trou- 
veront quelque  édification  à  lire  ce 
cantique.  La  sœur  Henriette  s'ex- 
primoit  donc  ainsi  dans  la  cir- 
constance où  elle  a  voit  à  choisir 


CRO 

entre  la  liberté  du  monde ,  et  la 
servitude  de  sainte  Thérèse. 

«  Qu'ils  .sont  faux  les  jugemens 
Que  de  nous  porte  le  monde  ! 
Son  ignorance  profonde 
Blâme  nos  engagemens  ; 
Tout  ce  dont  il  se  décore 
N'est  que  pure  vanité  : 
Il  n'a  de  réalité 
Que  les  chagrins  qu'il  dévore. 

«  Je  méprise  sa  fierté  , 
Je  m'honore  de  sa  haine  ; 
Et  je  préfère  ma  chaîne 
A  sa  fausse  liberté. 
Jour  d'une  éternelle  fête, 
Jour  à  jamais  solennel, 
Où,  me  vouant  au  Carmel, 
De  Dieu  je  fus  la  conquête 

«  Nœuds  chéris  et  précieux, 
Chaque  jour  je  vous  resserre  -, 
Tout  ce  que  m'offre  la  terre 
N'est  d'aucun  prix  à  mes  yeux. 
Vos  sarcasmes  par  ma  joie, 
Mondains,  sont  bien  démentis  ; 
Qu'elle  vaut  bien  les  soucis 
Auxquels  votre  àme  est  en  proie! 

«  Ici-bas  notre  partage 
Est  la  croix ,  l'adversité  ; 
Mais  elles  nous  sont  le  gage 
D'une  heureuse  éternité. 
Du  Ciel  encore  exilées , 
Nous  y  lançons  des  soupirs  ; 
Et  nos  âmes  consolées 
Goûtent  ses  divins  plaisirs. 

«  Jérusalem,  cité  sainte, 
Quand  viendra-t-il  le  moment 
D'éprouver  dans  ton  enceinte 
Le  céleste  enchantement  ? 
Trop  désirable  existence , 
Hélas!  pour  vous  obtenir, 
Il  nous  faut  avec  constance 
Prier,  aimer,  et  souffrir. 


CRO 

«  Armons-nous  donc  de  courage, 
Comme  de  braves  soldats; 
Le  grand  Roi  qui  nous  engage 
A  bravé  bien  des  combats. 
Que  de  béros  à  sa  suite! 
On  les  compte  par  milliers  : 
Sur  leurs  pas  volons  bien  vite 
Pour  partager  leurs  lauriers  ». 

Déjà,  comme  on  le  voit,  la 
sœur  Henriette  prévoyoit  les 
épreuves  cruelles  auxquelles  sa 
piété  seroit  mise ,  et  faisoit  pres- 
sentir la  force  d'âme  avec  laquelle 
elle  triompheroit  de  ces  épreuves. 
Dans  l'association  particulière  où 
elle  se  trouva,  suivant  la  division 
que  d'un  commun  accord  les  reli- 
gieuses avoient  faite  de  la  commu- 
nauté, en  sortant  de  leur  cloître 
{V.  Brard),  la  sœur  Henriette 
eut  pour  compagnes  d'habitation 
quelques  unes  des  religieuses  pro- 
fesses dont  elle  avoit  été  la  maî- 
tresse de  noviciat.  En  1795,  le 
jour  de  sa  fête,  elles  lui  donnè- 
rent un  bouquet,  dans  lequel  étoit 
un  emblème  analogue  à  leur  situa- 
tion, et  des  vers  qui  lui  disoient: 

«  Du  sein  môme  du  malheur 
Tu  vas  renaître  immortelle 
Pour  combler  notre  bonheur  ». 

Une  d'entre  les  religieuses  dé- 
sapprouva cette  pensée  dans  la 
circonstance  où  l'on  se  trouvoit , 
parce  que  ces  vers  sembloient 
annoncer  des  choses  sinistres. 
«  Eh  bien  !  répliqua  vivement  la 
sœur  Henriette,  ne  serois-je  pas 
trop  heureuse  de  mourir  dans  le 


CRO  5o5 

sein  du  Seigneur?»  Cette  destinée 
ne  tarda  pas  à  s'accomplir  pour 
elle  comme  pour  ses  compagnes  : 
elle  fut  arrêtée  avec  elles  en  mai 
1794.  Conduite  ensuite  comme 
elles  à  Paris ,  elle  n'en  fut  pas 
séparée  dans  les  prisons  de  la 
Conciergerie ,  où  elle  les  excitoit 
à  l'héroïsme  de  la  piété  par  ses 
cantiques  presqu'autant  que  par 
ses  exemples.  L'avant- veille  du 
jour  où  elle  fut  appelée  avec  d'au- 
tres religieuses  au  cruel  tribunal, 
prévoyant  bien  que  l'heure  de  son 
martyre  étoit  proche ,  elle  com- 
posa un  nouveau  cantique ,  en  cinq 
couplets,  dans  lequel  elle  paro- 
dioit  chrétiennement  la  farouche 
chanson  républicaine  d'alors ,  con- 
nue sous  le  nom  de  ta  Marseil- 
laise. Un  seul  de  ces  couplets 
suffit  pour  faire  bien  connoître  les 
sentimens  que  la  sœur  Henriette- 
de-  Jésus  porta  sur  l'échafaud. 
Elle  y  disoit  à  tous  les  prisonniers 
en  général  : 

«  Livrons  nos  cœurs  à  l'allégresse; 
Le  jour  de  gloire  est  arrivé  : 
Loin  de  nous  la  moindre  foiblesse; 
Le  glaive  sanglant  est  levé  (  bis). 
Préparons-nous  à  la  victoire; 
Sous  les  drapeaux  d'un  Dieu  mou- 
rant, 

Que  chacun  marche  en  conquérant; 
Courons  tous  ,  volons  à  la  gloire  : 
Ranimons  notre  ardeur, 
Nos  corps  sont  au  Seigneur  : 
Montons , 
Montons  à  l'échafaud  ;  et  Dieu  sera 
vainqueur  ». 

Il  n'est  pas  nécessaire  de  dire 


ùob  CRO 

que  Françoise  de  Croisy  subit  son 
martyre  comme  les  plus  illustres 
héros  de  la  Foi  aux  temps  de  la 
primitive  Eglise.  Elle  avoit  49  ans 
lorsque  sa  tête  fut  abattue  par  la 
hache  de  l'impiété. 

CROSSON  (Joseph),  prêtre  du 
diocèse  de  Reunes ,  vicaire  en  la 
paroisse  de  Corps-]Nud-les-Trois- 
Maris ,  y  étoit  resté  en  1793, 
malgré  la.  loi  de  déportation ,  et 
quoiqu'il  eût  refusé  le  serment  de 
1 79 1 .  11  fut  arrêté  et  conduit  dans 
les  prisons  de  Rennes.  Le  tribunal 
criminel  du  département  d'Hle- 
et-Villaine  qui  siégeoit  en  cette 
ville,  le  lit  comparoître  devant 
lui,  et  le  condamna  le  28  messi- 
dor an  II  (16  juillet  1794)  à  la 
peine  de  mort ,  comme  «  prêtre 
réfractaire  » .  Cette  sentence  fut 
exécutée  dans  les  vingt  -  quatre 
heures. 

CROUZET  (Jean -Joseph), 
prêtre  du  diocèse  de  Saint-Flour, 
vicaire  en  la  paroisse  de  Saint-Pre- 
geix,  près  Brioude ,  retiré  à  Va- 
zeilles  sous  Langeac ,  avoit  montré 
la  fermeté  de  sa  Foi  en  refusant  le 
serment  de  1791»  et  le  courage 
de  son  zèle  en  restant  près  de  ses 
paroissiens,  malgré  la  loi  de  dé- 
portation. Il  fut  saisi  par  les  per- 
sécuteurs dans  l'été  de  1793,  et 
conduit  dans  les  prisons  du  Puy, 
où  siégeoit  le  tribunal  criminel  du 
département  de  la  Haute-Loire 
{V.  J.  B.  Abeillon).  Ce  tribunal, 
devant  lequel  il  comparut,  le  19 
brumaire   an   II  (  9  novembre 


CRO 

*793)j  le  condamna  à  la  peine 
de  mort,  comme  «prêtre  réfrac- 
taire »;  et  la  sentence  fut  exécu- 
tée le  lendemain. 

CROZET  (Claude),  curé  de  la 
paroisse  rurale  de  Vandranges ,  sur 
les  confins  du  Beaujolais  et  du  Fo- 
rez, dans  le  diocèse  de  Lyon ,  étoit 
né  près  de  cet  endroit,  dans  le 
village  de  Crémeaux,  en  Forez. 
Le  refus  qu'il  fit  du  serment  de 
la  constitution  civile  du  clergé , 
lui  valut  d'être  dépossédé  de  son 
titre  de  curé  :  mais  il  ne  s'en  crut 
pas  moins  obligé  de  rester  dans  sa 
paroisse,  pour  y  maintenir  la  Foi 
catholique  dans  toute  sa  pureté. 
Il  n'abandonna  pas  même  ses 
paroissiens,  dans  les  temps  affreux 
de  1790;  l'attachement  pastoral 
qu'il  avoit  pour  eux  n'avoit  pas 
été  déconcerté  par  la  barbare  loi 
de  déportation  du  26  août  1792. 
Ce  pasteur  qui  exposoit  ainsi  sa 
vie  pour  son  troupeau,  n'échappa 
point  aux  persécuteurs,  lorsqu'ils 
eurent  établi  à  Lyon  leur  sangui- 
naire commission  révolution- 
naire (  V.  Lyon).  Crozetfutarrêté 
dans  sa  paroisse,  et  traîné  à  Lyon  , 
devant  l'impie  tribunal  auquel  il 
refusa ,  avec  la  fermeté  de  la  Foi 
la  plus  vive ,  le  serment  de  liberté- 
égalité.  D'après  ce  refus,  les  juges 
le  condamnèrent  à  la  peine  de 
mort,  le  28  nivose  an  II  (17  jan- 
vier 1794),  comme  «prêtre  fa- 
natique et  contre  -  révolution- 
naire » .  Quand  son  sacrifice  se 
consomma   sur   l'échafaud ,  il 


cm 

avoit  4^  ans.  (  V .  Coitop»  ,  et 
Debront.  ) 

CUGNIÈRES  (Joseph),  prêtre, 
chanoine  de  l'une  des  églises  col- 
légiales de  Verdun,  se  déclara 
contre  le  schisme  constitutionnel 
de  1791,  et  resta  fidèle  à  la  Foi 
de  l'Eglise  catholique.  Mais,  étant 
d'un  âge  fort  avancé  lorsque  les 
législateurs  -  tyrans  de  la  France 
exigèrent,  en  août  1792,  un  ser- 
ment de  liberté-égalité ,  pendant 
qu'ils  provoquoient  le  massacre  des 
prêtres,  et  faisoient  renverser  les 
autels,  le  chanoine  Cugnières  , 
effrayé,  prêta  ce  serment.  Une 
telle  condescendance  ne  le  garan- 
tit pas  mieux  que  sa  vieillesse  de 
la  férocité  des  persécuteurs,  parce 
qu'il  étoit  prêtre ,  et  restoit  atta- 
ché de  cœur  et  d'âme  à  son  sacer- 
doce. Il  fut  arrêté,  jeté  dans  les 
prisons  de  Verdun ,  et  ensuite 
traîné  à  Rochefort ,  pour  y  être 
déporté  au-delà  des  mers  (  V .  Ro- 
chefort). On  l'y  embarqua  sur  le 
navire  les  Deux  Associés;  et, 
comme  si  son  esprit  eût  alors 
été  plus  calme  et  plus  clairvoyant, 
il  se  repentit  hautement  d'avoir 
fait  ce  serment  de  liberté-égalité, 
et  le  rétracta  à  la  grande  édification 
de  ses  confrères.  11  mourut  le  3i 
juillet  1794,  à  l'âge  de  70  ans, 
et  fut  enterré  dans  l'île  (VAix. 
(  V ...  Creitte,  et  J.  CtNi.) 

CUISARI)  (/V...  de),  l'une  des 
innombrables  victimes  de  la  vir- 
ginité que  la  guerre  de  la  Vendée 
a  mise  dans  les  fastes  de  la  rcli- 


CUI  507 

gion,  périt  pour  n'avoir  pas  voulu 
racheter  sa  vie  par  le  sacrifice 
même   non    coupable  de  cette 
vertu  :  et  voici  comment  M.  Bour- 
niseaux  raconte  le  fait,  dans  son 
Histoire  des  Guerres  de  la  Ven- 
dée ,  tom.  III ,  pag.  239  :  «  Un 
officierpasse  troisheures  aux  pieds 
de  cette  jeune  et  intéressante  de- 
moiselle ,  pour  la  supplier  d'agréer 
qu'il  lui  sauve  la  vie,  en  lui  don- 
nant sa  main.  L'officier  étoit  jeune 
et  sensible  ;  il  n'avoit  rien  de 
commun  avec  ces  farouches  répu- 
blicains, ivres  de  sang  et  de  fureur. 
On  étoit  sur  le  bateau  à  soupapes 
[V.  Nantes)  :  il  fallait  prendre  un 
parti  ;  alors  elle  dit  à  l'officier  : 
Pouvez -vous  sauver  aussi  la 
vieilieparentequiest  avec  moi? 
Celui-ci  répondit  :  La,  loi  ne  me 
permet  que  de  vous  sauver 
seule;  je  ne  puis  épouser  deux 
personnes.  —  Eh  bien  !  adieu , 
reprit  la  généreuse  demoiselle.  La 
victime  est  précipitée,  et  disparoît 
au  milieu  des  flots  ».  C'est  à  peu 
près  ainsi ,  mais  avec  moins  de 
mérite  qu'obtinrent  la  couronne 
du  martyre,  cette  sainte  Domnine 
et  ses  deux  filles  ,  dont  l'Eglise 
célèbre  la  fête  le  l\  octobre  ,  et 
à  la  louange  desquelles  saint  Jean- 
Chrysostôme  a  consacré  une  si 
belle  homélie  (  Tom.  I ,  Homit. 
5i).  Pour  échapper  ;\  la  brutale 
passion  des  soldats,  elles  se  pré- 
cipitèrent dans  un  fleuve.  «  La 
mère,  disoit-il,  souffrit  un  triple 
martyre,  le  sien  et  celui  de  ses 


5o8  CUL 

filles  (  i  )  »  ;  et  nous  pouvons 
dire  ici  que  la  demoiselle  de  Cui- 
sard  en  souffrit  deux ,  le  sien 
et  celui  de  sa  parente.  Quelque 
chère  que  lui  fût  sa  virginité,  elle 
en  auroit  fait  encore  le  sacrifice 
par  un  héroïque  sentiment  dont 
la  charité  étoit  le  principe  ,  et  dont 
la  parenté  seule  fixoit  naturelle- 
ment l'objet.  Quoiqu'elle  n'eût 
pas  formellement  promis  à  Dieu  de 
rester  vierge  ,  comme  cette  sainte 
Tharbe  à  qui  le  préfet  offrit  non 
seulement  sa  délivrance  ,  mais 
encore  celle  de  ses  deux  com- 
pagnes, si  elle  consentoit  à  l'é- 
pouser, elle  n'en  a  pas  moins  ré- 
pondu :  «  Je  resterai  l'épouse  de 
Jésus-Christ  à  qui  je  remets  ma 
vie;  car  je  ne  crains  pas  la  mort  : 
et  vos  supplices  ne  feront  que 
m'introduire  dans  le  lieu  du  repos 
et  du  bonheur  suprême  (2).  » 

CULTURE  (N...  de), chanoine, 
archidiacre  de  la  cathédrale  de 
Bazas,  vicaire-général  et  officiai 
du  diocèse  de  ce  nom  ,  fut  du 
nombre  des  prêtres  insermentés 
de  sa  province  qu'en  1793,  on 
arrêta,  et  que  l'on  fit  conduire  à 


(  1  )  Itaque  duplex fuit  mtilieris  mar- 
tyrium ,  imà  t-crà  triplex  ;  nam  per  se 
ipsam  sernel,  per  fi lias  suas  bis  mai — 
tyrium  passa  est.  Cette  remarque  peut 
encore  être  appliquée  à  Anne-Claire 
Gotineau  ,  dame  de  La  Billiais  (  V.  ci- 
devant,  pag.  221  ). 

(2)  Prœféctus  rogat  an  sili  uclit 
nubere.  Si  udnual ,  et  sociabusque 
liberlalern  à  rege  impelraturum  se  pol- 


CUL 

Bordeaux,  et  de  la  à  Blaye,  pour 
être  déportés  à  la  Guiane  (  V. 
Bordeaux).  On  l'enferma  dans  le 
souterrain  du  fort  de  l'Ile-du-Pâté, 
en  attendant  l'époque  encore  éloi- 
gnée de  l'embarquement.  Lors- 
qu'il eut  lieu,  vers  la  fin  de  l'au- 
tomne 1794  5  trois  mois  après  le 
renversement  de  Pioberspierre,  le 
grand  nombre  des  prêtres  à  dépor- 
ter excédant  la  capacité  des  na- 
vires ,  on  fut  obligé  de  laisser  le 
chanoine  Culture  dans  son  cachot. 
Les  maux  qu'on  y  enduroit  sur- 
passoient  de  beaucoup  ceux  de 
l'entrepont  des  vaisseaux  ;  et  ce 
respectableecclésiastiqueen  tomba 
gravement  malade.  On  le  trans- 
porta à  l'hôpital  de  Blaye ,  où  il 
resta  long-temps  sans  pouvoir 
recouvrer  entièrement  la  santé. 
Lorsqu'en  1796,  il  eut  la  liberté 
de  retourner  dans  sa  famille,  il  y 
porta  le  germe  de  mort  qu'avoient 
infiltré  dans  ses  veines,  ses  souf- 
frances pour  la  cause  de  la  reli- 
gion ;  et  il  ne  tarda  pas  à  en  périr. 
Ses  compagnons  de  captivité,  les 
habitans  de  Blaye  qui  purent  le 
voir  à  l'hôpital ,  les  sœurs  hospi- 


licetur  Ad  hase  nobilis  virgo:  fir- 

ginitatem  meam  Christo  servo  illibu- 
lam  :  ipsi  me  vilamque  meam  corn— 
mitto  ..  .....  ffîorlem  utique  non  nieLuo, 

uec  supplicia  cxhvrren  :  \>iam  illa  mihi 
palfj'aeiunl  qud  pevt>eniam  ad  sum— 
mam  qui  et  cm  alque  solatiurn  (  Asse— 
mail,  pars  I3,  pag.  56  :  Marlyriunt 
sanclœ  Tharbœ  virginis  ejusque  soro- 
ris  cl  aacilltv). 


eus 

ialières  qui  l'assistèrent,  quelques 
uns  même  de  ses  persécuteurs, 
parlent  encore  «  de  su  douceur 
dans  les  souffrances,  et  du  tendre 
respect  qu'il  inspiroit  à  ceux  qui 
l'appr ochoient » .  {V.  Couturier, 
et  G.  Daguerre.) 

CUNI  (Jean  de),  prêtre  et  cha- 
noine de  la  cathédrale  de  Metz , 
né  à  Dompaire-lez- Vosges,  dans 
le  diocèse  de  Saint-Diez,  se  garda 
bien  de  faire  le  serment  schisma- 
tique  de  1791,  et  montra,  dans 
cette  circonstance,  que  rien  ne 
pouvoit  le  détacher  de  la  Foi  de 
l'Eglise  catholique.  Déjà  sexagé- 
naire lorsqu'intervint  la  loi  d'ex- 
pulsion portée  contre  les  prêtres 
insermentés,  le  26  août  179a,  il 
ne  sortit  point  de  France;  et  l'on 
pouvoit  taut  au  plus  l'astreindre 
à  la  peine  de  réclusion.  Mais  les 
athées  qui  régnoient  en  1795  vou- 
lurent effacer  absolument  toute 
trace  de  religion ,  et  se  débarras- 
ser entièrement  de  ses  ministres. 
Le  chanoine  Cuni  fut,  en  consé- 
quence ,  envoyé  à  Rochefort,  pour 
être  jelé  de  là  sur  une  rive  loin- 
taine et  sauvage.  On  l'embarqua 
sur  le  navire  ie  Washington 
{V.  Rochefort).  Les  souffrances 
inouïes  qu'il  éprouva  dans  l'entre- 
pont de  ce  bâtiment,  lui  arrachè- 
rent  graduellement   la   vie.  Il 
mourut  en  octobre  1794?  à  l'âge 
de  62  ans,  et  fut  enterré  dans  l'île 
Madame.  (  V.  J1'  Cugnières,  et 
J.  Dardant.  ) 

CUSSAC  (#...),  prêtre  de  la 


CUS  509 

communauté  de  Saint-Sulpice,  à 
Paris ,  étoit  supérieur  de  leur 
collège  des  étudians  en  philoso- 
phie. On  a  lieu  de  croire  qu'a- 
près la  dissolution  de  cet  établis- 
sement, opérée  parles  événemens 
du  commencement  de  1792,  il 
s'étoit  retiré,  avec  ses  confrères, 
dans  leur  maison  d'Issy  [V.  Rou- 
bert).  Il  fut  arrêté,  comme  quel- 
ques uns  d'entre  eux ,  peu  de  jours 
après  la  fatale  journée  du  10  août. 
Amené  devant  le  comité  de  la  sec- 
tion du  Luxembourg,  il  y  re- 
poussa la  proposition  de  sauver  sa 
vie  en  prêtant  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
et  fut  envoyé ,  pour  cette  cause , 
dans  la  prison  qu'on  venoit  de 
former  en  l'église  des  Carmes 
{V.  Dulau).  Six  autres  prêtres, 
saisis  également  à  Issy  ,  et 
dont  cinq  étoient  Sulpiciens , 
furent  emprisonnés  en  même 
temps  que  lui,  dans  cette  église 
(F.  Gallet,  Goguin,  Hourrier, 
Psalmon,  Rousseau,  et  Savines). 
Quand  l'heure  de  leur  immolation 
arriva  ,  le  2  septembre  suivant , 
Gussac  ne  se  présenta  pas  aux 
assassins  avec  moins  de  Foi  et  de 
courage  que  ses  confrères.  (  V. 
Septembre.) 

CUSSY  (Marie-Louis  de), 
prêtre  de  Coulantes,  chanoine  de 
la  cathédrale  où  il  avoit  la  dignité 
d'archidiacre,  étoit  né  dans  cette 
ville,  en  1706.  Amené  à  Paris, 
avec  un  autre  chanoine  de  la 
même  église  (  V.  F.  L.  Garan- 


5  io  CÏJS 

tilly),  il  méritoit,  ainsi  que  lui, 
toute  la  haine  que  les  persécu- 
teurs avoient  vouée  aux  fidèles 
ministres  de  la  religion  catholique. 
Après  être  resté  plusieurs  mois 
dans  les  prisons,  le  chanoine  de 
Cussj  fut  appelé,  le  3  thermidor 
an  II  (21  juillet  179/1),  devant  le 
tribunal  révolutionnaire,  qui  se 
contentoit  alors  de  prétextes  va- 
gues pour  envoyer  ses  victimes  à 
l'échafaud.  Cet  archidiacre  fut 
condamné  à  la  peine  de  mort , 
comme  «ennemi  du  peuple,  et 
comme  contre -révolutionnaire» . 
Il  périt,  le  même  jour,  à  l'âge  de 
58  ans. 

CUSTODE  (IV...),  prêtre  et 
chanoine  de  Nevers ,  que  l'on  avoit 
bien  pu  dépouiller  de  son  béné- 
fice ,  mais  dont  on  ne  pouvoit 
ébranler  la  Foi ,  avoit  64  ans 
lorsque  fut  rendue  la  loi  du  26  aofit 
1792,  qui  condamnoit  tous  les 
prêtres  insermentés  à  se  déporter 
eux-mêmes,  à  moins  qu'ils  ne 
fussent  sexagénaires  ou  infirmes. 
La  condition  rigoureuse  par  la- 
quelle la  loi  compensoit  cette 
exemption ,  étoit  la  réclusion  sous 
la  surveillance  des  autorités  dépar- 
tementales ;  et  le  chanoine  Custode 
reinplissoitbien  péniblement  cette 
condition ,  avec  plusieurs  autres 
vétérans  du  sacerdoce  ,  dans  la 
maison  où  ils  étoient  véritable- 
ment prisonniers  (  V.  Nevers  ). 
L'apprentissage  du  martyre  qu'ils 
y  faisoient  chaque  jour  et  à  chaque 
instant  du  jour,  les  disposoit  a 


eus 

de  plus  grands  maux,  dont  cepen- 
dant la  même  loi  seinbloil  les  avoir 
exemptés.  Mais  il  n'en  est  aucune 
qui  puisse  retenir  les  ennemis  de 
la  religion ,  jaloux  d'exterminer 
jusqu'au  dernier  de  ses  ministres. 
En  février  1794  ■>  chanoine. 
Custode  est  enlevé  ,  avec  ses  com- 
pagnons de  captivité,  et  envoyé, 
comme  eux,  à  Nantes  où  déjà 
tant  de  prêtres  avoient  été  sub- 
mergés {V .  Nantes).  Leur  voyage 
fut  un  horrible  supplice,  que  sur- 
passa néanmoins  encore  celui  du 
fond  de  cale  de  la  galiote  hollan- 
daise du  port  de  Nantes ,  dans  la- 
quelle ils  furent  enfermés ,  ou  plu- 
tôt ensevelis.  En  peu  de  jours, 
quarante -quatre  prêtres  y  mou- 
rurent de  peste  et  de  misère. 
Cependant  le  chanoine  Custode 
put  résister  à  tant  de  maux;  et  il 
fut  du  nombre  des  snrvivans  que 
les  tyrans ,  forcés ,  par  des  circons- 
tances politiques,  à  prendre  quel- 
que air  de  compassion,  envoyèrent 
à  Brest.  Le  chanoine  Custode  n'a- 
voit  plus  assez  de  forces  pour  y 
parvenir;  l'insalubre  gabarre  à  sel 
sur  laquelle  il  se  trouva  au  moment 
de  débarquer,  mit  fin  u  sa  dou- 
loureuse existence.  Il  y  mourut 
sur  la  fin  d'avril  ;  et  les  conduc- 
teurs ,  en  jetant  son  corps  à  la 
mer,  imitèrent  encore  ceux  des 
anciens  persécuteurs  qui  pous- 
soient  leur  haine  de  la  religion 
jusqu'à  priver  les  chrétiens  de  la 
consolation  d'honorer  la  cendre 
de  leurs  Martyrs.  (  V.  CnczEAU. 


DAG  DAG  5n 

Bénédictin;  et  Deschamps,  curé  CYRILLE  (Le  Père),  Capu- 
ile  Thianges.)  cin.  (V.  Rotjlle.) 


D 


DADON VILLE  (Auguste), 
prêtre  et  chanoine  de  Lille,  né 
en  i?5q  à  Roinvilliers  ,  près  d'E- 
tampes,  au  diocèse  de  Sens,  étoit 
venu ,  après  la  suppression  des 
chapitres,  habiter  Paris,  au  sein  de 
sa  famille.  Il  y  fut  arrêté  en  1794; 
mais,  quoiqu'il  n'eût  pas  fait  le 
serment  de  1791,  on  ne  pouvoit 
se  prévaloir  contre  lui  de  la  loi  de 
déportation,  parce  qu'il  n 'étoit  pas 
assez  évidemment  compris  parmi 
ceux  qu'elle  forçoit  à  s'exiler. 
D'autres  expédiens  ne  manquoient 
pas  au  tribunal  révolutionnaire 
pour  envoyer  les  prêtres  à  l'écha- 
faud.  Quand  celui-ci  comparut 
devant  les  juges,  le  7  messidor 
an  II  (25  juin  179^),  considérant 
qu'il  étoit  prêtre  catholique,  ils 
trouvèrent  tout  simple  de  le  con- 
damner à  la  peine  de  mort  comme 
«  contre-révolutionnaire  »;  et  la 
sentence  fut  exécutée  le  même 
jour. 

DAGONNEAU  (N...),  curé  de 
Saint  -André  de  Châteauneuf,  dans 
le  diocèse  d'Angers,  subissait  en 
179^  la  peine  de  réclusion  que  le 
décret  du  26  août  1702  a  voit  in- 
fligée aux  prêtres  sexagénaires  ou 
infirmes  qui,  n'ayant  pas  fait  le 
serinent  de  1791,  ne  pouvoient 
sortir  de  France.  Si  les  lois  eus- 


sent été  respectées ,  Dagonneau 
seroit  resté  dans  sa  réclusion  jus- 
qu'à de  meilleurs  temps;  mais  on 
vouloit  qu'il  n'existât  plus  un  mi- 
nistre de  la  religion.  Carrier,  pro- 
consulà  Nantes,  venoit d'imaginer 
un  moyen  de  faire  périr  les  prêtres 
en  masse,  en  ayant  l'air  de  les  em- 
barquer pour  la  déportation  sur 
des  plages  lointaines  (V .  Nantes). 
Dagonneau  et  d'autres  prêtre? 
reclus  d'Angers,  lui  furent  en- 
voyés. Il  les  fit  submerger  pen- 
dant la  nuit  du  9  au  10  décembre, 
au  nombre  de  cinquante  -  huit , 
avec  seize  autres  des  diocèses  voi- 
sins (F.  ci-devant,  pag.  200). 
Ainsi  donc  ce  curé  mourut  pour 
sa  Foi ,  de  la  même  manière  que 
ces  Martyrs  de  la  primitive  Eglise, 
dont  on  célèbre  la  fête  les  3  et 
5  avril ,  le  10  juin  ,  et  le  5  de  sen- 
tembre.  [V.  Y.  Coat,  et  Delaage  , 
de  Champleussé.  ) 

DAGUERRE(Gracian),  prêtre 
du  diocèse  de  Dax  ou  d'Acqs,  né 
à  Saint- Martin ,  près  d'Orthez, 
n'exerçoit  aucune  charge  ecclé- 
siastique lors  de  la  révolution,  et 
résidoit  au  lieu  de  sa  naissance. 
Il  n'étoit  donc  point  tenu  au 
serment,  qu'en  1791  l'Assemblée 
Constituante  avoit  exigé  des  prê- 
tres fonctionnaires  publics.  Mai-, 


5i2  DAL 

obligé  de  manifester  sa  Foi  dans 
ces  temps  de  schisme ,  il  s'éloit  fait 
considérer  par  les  persécuteurs 
comme  digne  de  la  haine  vouée 
aux  prêtres  inassermentés.  Ainsi 
que  tous  ceux  qu'on  put  découvrir 
en  France  dans  l'année  179J,  il 
fut  arrêté  ;  et  pour  le  faire  déporter 
à  la  Guiane,  on  l'envoya  à  Bor- 
deaux, où  dévoient  se  faire  des 
embarquemensde  déportation  (  V . 
Bordeaux).  En  attendant  qu'ils 
pussent  avoir  lieu ,  cet  ecclé- 
siastique resta  enfermé  dans  le 
fort  du  Ha.  Comme  les  embar- 
quemens  ne  commencèrent  à  s'ef- 
fectuer que  vers  la  fin  de  l'au- 
tomne 1794»  tro's  mois  après  la 
chute  de  Roberspierre  ;  et  comme 
la  Providence  vouloit  épargner  ce 
nouveau  supplice  au  prêtre  Da- 
guerre,  et  abréger  son  martyre, 
elle  permit  à  la  maladie  de  termi- 
ner ses  souffrances  en  terminant 
sa  vie.  Gravement  malade,  il  fut 
porté  à  l'hôpital  de  Saint-André, 
où,  sans  cesser  d'être  captif  de 
J.-C.,  il  expira  le  i5  août  1794? 
à  l'âge  de  58  ans.  {V.  Culture, 
et  J.  F.  Dangeyron.  ) 

DALLEMAND  (Pierre-Fran- 
çois ) ,  curé  de  la  paroisse  de 
Saint- Julien  de  Vocancel ,  près 
d'Annonay,  au  diocèse  de  Vienne  r 
n'avoit  que  27  ans,  Iorsqu'en 
1 79 1 ,  l'on  exigea  de  lu  i  le  serment 
de  la  constitution  civile  du 
cierge.  Il  le  prêta,  mais  avec  des 
restrictions  qui  pouvoient  empê- 
cher que  sa  Foi  n'en  fût  compro- 


DAL 

mise  ;  et  il  crut  être  ensuite  à  l'abri 
des  peines  dont  la  loi  de  déportation 
vint  menacer  les  prêtres  non-as- 
sermentés. Pour  s'affermir  dans 
cette  confiance,  il  céda  volontiers 
à  la  sollicitation  qui  lui  fut  faite 
en  décembre  1 792 ,  de  prêter  le 
serment  de  It ber lé-égalité ,  qu'on 
lui  disoil  approuvé  à  Paris  par  des 
ecclésiastiques  fort  prônés;  mais 
l'illusion  queleur  décision  lui  avoit 
faite  ne  put  tenir  contre  la  force 
des  principes  et  la  candeur  de  son 
âme.  Le  5o  avril  179J  «  il  envoya 
au  maire  de  Saint-Julien  qui  avoit 
inscrit  son  serinent  sur  les  re- 
gistres de  la  commune,  la  ré- 
tractation qu'il  en  faisoit,  lui  écri- 
vant en  même  temps  :  «  Je  vous 
requiers  de  lire  à  la  municipalité, 
dans  votre  prochaine  assemblée , 
la  lettre  que  j'envoie ,  et  d'appuyer 
beaucoup  vous-même  pour  que  ce 
serment  soit  rayé ,  et  la  présente 
rétractation éciile.  Vous  ne  pouvez 
le  refuser  sans  injustice —  C'est 
un  droit  qui  appartient  à  tout  ci- 
toyen de  se  rétracter  sur  les  re- 
gistres, et  d'en  prendre  acte  ».  Le 
texte  de  cette  rétractation  se  verra 
à  la  fin  du  présent  article  ;  mais 
nous  ne  pouvons  renvoyer  de 
même  la  lettre  au  corps  muni- 
cipal, à  qui  Dallemand  écrivoit  : 
«  Ce  qui  m'engage  à  la  démarche 
que  je  fais  auprès  de  vous,  ce  sont 
les  malheurs  multipliés  de  nos 
jours;  c'est  la  religion  persécutée; 
c'est  encore  le  souvenir  que  je 
conserve,  qu'à  l'époque  de  la  près- 


DAL 

talion  du  serment,  l'explication 
«jue  j'en  fis,  et  ma  profession  de 
Foi  ne  furent  point  écrites.  Peut- 
être  que  cette  démarche  m'attirera 
de  nouvelles  persécutions  ;  mais  je 
vous  avoue,  dans  la  sincérité  île 
mon  cœur ,  que  je  n'en  crains 
point  de  la  part  d'une  paroisse  que 
j'aime  et  que  je  bénis.  Au  reste, 
s'il  faut  en  éprouver,  mon  sacrifice 
est  fait  ;  et  je  donne  volontiers  tout 
mon  sang  pour  la  cause  de  la  reli- 
gion... C'est  avec  regret  que  je 
vais  quitter  cette  paroisse  pour 
quelques  jours  » .  Les  municipaux, 
loin  d'obtempérer  à  la  demande 
exprimée  dans  la  lettre  de  Dalle- 
mand, décidèrent  «qu'attendu que 
sa  déclaration  tendoitàinfluencer 
dans  leur  commune  un  fanatisme 
propre  à  corrompre  la  majeure 
partie  des  habitans ,  et  à  les  porter 
à  une  contre-révolution,  la  force 
armée  de  la  commune  et  de  celles 
d'alentour,  seroit  employée  pour 
faire  la  recherche,  partout  où  be- 
soin seroit ,  et  de  la  personne  dudit 
Dallemand,  et  de  ceux  qui  l'avoient 
retiré  chezeux» .  Le  curé  de  Saint- 
Julien,  ainsi  proscrit,  n'espérant 
pas  trouver  d'asile ,  ou  ne  voulant 
point  exposer  les  personnes  cha- 
ritables qui  l'auroient  accueilli,  se 
relira  dans  une  forêt  voisine;  et 
ses  paroissiens,  demeurés  catho- 
liques, s'y  rendoient  pour  entendre 
ses  instructions ,  et  recevoir  de  ses 
mains  les  sacremens  de  l'Eglise. 
Il  continua  d'y  exercer  ainsi  son 
ministère,  jusqu'en  juillet  1794» 


DAL  5.3 

sans  que  les  persécuteurs  pussent 
réussir  à  l'en  empêcher ,  paire 
que  le  lieu  précis  de  la  forêt  où  il 
se  tenoit,  étoit  ignoré  d'eux,  et 
que  souvent  il  passoit  en  d'autres 
forêts  des  environs  :  tels  ces  pro- 
phètes que  l'apôtre  saint  Paul 
nous  représente  manquant  de  tout, 
affligés,  persécutés,  dont  le  monde 
n'étoit  pas  digne ,  errant  sur  les 
montagnes,  se  retirant  dans  les 
antres  et  les  cavernes  de  la  terre(  1  ). 
Cependant  les  municipaux  qui  le 
poursui voient,  sachant  qu'il  étoit 
le  plus  souvent  dans  ces  bois,  et 
n'ayant  pu  le  découvrir,  ordon- 
nèrent une  battue  générale  de  la 
forêt,  le  17  messidor  an  XI  (5  juil- 
let 1794)-  Lorsqu'il  en  sortoit  pour 
échapper  à  cette  mesure ,  il  fut 
saisi  par  un  nommé  Sausse,  capi- 
taine de  la  garde  nationale  de 
Saint-Julien;  et  le  lendemain  on 
le  conduisit  dans  les  prisons  d'An- 
nonay.  Ce  jour-là  même,  (j  juil- 
let ,  il  y  fut  interrogé  par  un  direc- 
teur de  jury,  auquel  il  déclara  d'a- 
bord son  nom,  sa  qualité ,  ajoutant 
qu'il  erroit  sans  domicile  depuis 
le  11  janvier  :  c'étoit  la  réponse 
même  du  saint  Martyr  Euple  au 
préfet  Calvisien  :  Non  habeo  do- 
mum;  hoc  et  Dominus  meus 
Jésus  Christus  novil  (Ruinait  : 
Acla  S.  Eupli  diaconi  et  Mm'~ 

(1)  Cirmierunt  egentes ,  angustiati, 
afflicti,  quibus  dignus  non  erut  nmti- 
dus;  in  solitudinibus  crrtiritcs .  in  mon- 
tibus  et  spetundls ,  et  in  cavernis  teirce. 
(  Hcebr.,  c.  XI,      3:,  etc.  ) 

33 


54  DAL 

tyris  ).  Le  juge  lui  ayant  dit 
ensuite  .  «  Puisque  tu  étois  fonc- 
tionnaire public,  t'es-tu  conformé 
à  la  loi  qui  exigeoit  de  toi  divers 
sermens,  surtout  celui  de  iibertè- 
égaiité?  »  Dallemand  répondit: 
«  Je  m'y  suis  conformé  autant  que 
ma  conscience  et  ma  religion  me 
l'ont  permis».  —  «Ne  fis-tu  pas 
une  rétractation  de  tous  ces  ser- 
mens,  le  22  avril?» — «  Ma  rétrac- 
tation concernoit  le  serment  de 
liberté-égalité  » .  —  «  Q  u  els  f  u  re  n  t 
tes  motifs  ?  »  —  «  Mes  motifs  furent 
la  tranquillité  de  ma  conscience 
et  l'entière  pureté  de  ma  Foi  ». — 
«  Connois-tu  les  lois  qui  te  pres- 
crivoient  ce  serment,  et  qui  pro- 
noncent des  peines  contre  les 
prêtres  qui  avoient  refusé  de  le 
prêter,  ou  qui  l'ont  rétracté?» 
—  «  Je  les  connois  très-bien  » . 
Après  quelques  autres  questions , 
pour  connoître  les  personnes  qu'il 
voyoit ,  qui  le  recevoient  cbez 
elles,  ou  qui  lui  portoient  de  la 
nourriture  dans  les  bois,  questions 
auxquelles  il  répondit  avec  la  cou- 
rageuse discrétion  de  saint  Cy- 
prien ,  et  la  fermeté  de  sainte 
Irène ,  déjà  cités  ailleurs  (  V.  ci- 
dev.,  pag.  64,  326, 562).  On  le  fit 
aussitôt  conduire  à  Privas  pour  y 
être  jugé  par  le  tribunal  criminel 
du  département  de  YArdèchc, 
siégeant  en  cette  ville.  Il  comparut 
devant  ce  tribunal  le  22  messi- 
dor (10  juillet  ),  à  onze  beuresdu 
matin.  Sa  condamnation  y  fut  pré- 
cédée d'un  second  interrogatoire, 


DAL 

dans  lequel  il  confessa  d'abord 
franchement  qu'il  n'avoit  point  eu 
de  domicile  fixe  depuis  le  1 1  ni- 
vôse (3i  décembre  1793).  Le 
président  lui  dit  ensuite  :  «  As-tu 
prêté  les  sermens  prescrits  par  le* 
lois  aux  fonctionnaires  publics  et 
autres?  »  —  Dallemand  répondit 
avec  franchise:  «J'ai  prêté  le  pre- 
mier serment,  mais  avec  les  ré- 
serves et  restrictions  que  ma  cons- 
cience et  ma  religion  m'obligeoient 
d'y  insérer  ;  et  je  croyois  que  cela 
m'étbit  permis.  Je  prêtai  le  se- 
cond, qui  étoit  celui  de  la  liberté 
et  de  Y  égalité  y  mais  avec,  à  peu 
près,  les  mêmes  restrictions,  et 
par  les  mêmes  motifs».  —  «  N'as- 
tu  pas  rétracté  ces  deux  sermens  le 
22avril  1793  ?»  —  «J'ai  laissé  sub- 
sister le  premier  avec  les  restric- 
tions que  j'y  avois  apposées  ».  — 
«Tu  connoissois  cependant  les  lois 
qui  prononçoient  des  peines  contre, 
les  ecclésiastiques  qui  n'avoient 
pas  prêté,  ou  qui  avoient  rétracté 
leurs  sermens  ?  » —  «  Je  les  connois- 
sois; et  alors  elles  n'infligeoient 
d'autre  peine  que  la  privation  de 
leur  traitement» . — «Tu  as  dû  con- 
noître aussi  celle  des  29  et  5o  ven- 
démiaire, qui  prononce  la  dépor- 
tation contre  les  prêtres  réfrac- 
taires»  ?  —  «Je  ne  l'ai  pas  connue  ; 
et  d'ailleurs  je  ne  me  suis  pas  cru 
dans  le  cas  d'être  déporté  » . — «  Tu 
devois  savoir  au  moins  que  tu  ne 
pouvois  continuer  tes  fonctions  »  ? 
Dallemand  avoit  continué  de  les 
exercer  en  secret  pour  les  catho- 


DAL 

liques  qui  recouroient  à  son  mi- 
nistère, comme  nous  l'avons  dit; 
mais  l'interrogateur  ne  savoit  rien 
de  positif  à  cet  égard  ;  et  le  sage 
curé,  dispensé  de  l'en  instruire, 
se  borne  à  lui  répondre  :  «  Je  me 
tais  là -dessus  ».  Le  perfide  ma- 
gistrat ,  déconcerté ,  dit  alors  : 
«  Puisque  tu  ne  croyois  pas  être 
sujet  à   la  déportation ,  pour- 
quoi quittois-tu  ta  commune  ?»  — 
«  N'ayant  plus  de  poste  fixe,  j'étois 
obligé  de  me  retirer  et  de  passer 
où  je  pouvois.  »  —  «Quelles  sont 
les  maisons  que  tu  as  fréquentées 
depuis  cette  époque?»  —  «Je  n'ai 
rien  à  dire  là-dessus ,  parce  que  je 
ne  veux  compromettre  personne.  » 
— «N'as -tu  pas  passé  plusieurs 
jours  et  plusieurs  nuits  dans  les 
bois  ?»  —  «  J'y  ai  passé  plusieurs 
jours  et  plusieurs  nuits  ;  et  je 
çhangeois  souvent  de  position». 
—  «Comment  te  procurois  -  tu 
alors  les  alimens  nécessaires  à 
ta  nourriture?» — «Je  ne  peux 
pas  dire  comment ,  ni  par  quel 
moyen.  »  C'eût  été  indiquer  à  la 
persécution  les  fidèles  qui  le  se- 
couroient;  et  Dallemand  répon- 
doit  dans  son  âme,  ce  que  jadis 
le  Martyr  Achatius  disoit  sur  une 
question  analogue,  qui  avoit  pour 
but  de  lui  faire  dénoncer  des 
chrétiens  :  «  Leurs  noms  sont 
écrits  dans  les  pages  divines  du 
Livre  céleste  :  des  yeux  profanes, 
comme  les  vôtres,  sont- ils  faits 
pour  voir  ce  que  l'invisible  main 
du  Dieu  immortel  a  écrit  lui- 


DAL  5i5 

même»  ?  (  V.  ci-devant,  pag.  526 
et  362.  )  L'interrogateur  ne  sachant 
plus  que  demander  à  un  confesseur 
de  la  Foi,  aussi  prudent  qu'il  étoit 
invincible  ,  ne  tarda  pas  à  pro- 
noncer contre  lui  une  sentence  de 
mort.  La  voici  copiée  sur  l'alfiche 
que  le  tribunal  en  fit  placarder  : 
«  Vu  l'interrogatoire  de  Pierre- 
François  Dallemand,  ci-devant 
curé  de  Vocancel,  âgé  de  5o  ans, 
traduit  hier  dans  la  maison  de 
justice,  et  celui  prêté  le  18  mes- 
sidor (6  juillet)  devant  le  direc- 
teur du  jury,  à  Annonay;  la  ré- 
tractation par  lui  faite,  le  22  avril 
1793  style  esclave  :  l'accusateur 
public  entendu  ;  considérant  que 
non  seulement  ledit  Dallemand 
avoit  apposé  des  restrictions  au"x 
deux  sermens  par  lui  prêtés,  mais 
qu'il  fit  encore  une  rétractation 
le  22  avril  1793,  style  esclave, 
le  tribunal  déclare ,  en  conformité 
de  l'article  10  de  la  loi  des  29  et 
3o  vendémiaire,  et  autres  l"is 
antérieures  ,  que  ledit  Dallemand 
étoit  sujet  à  la  déportation;  et, 
attendu  qu'il  ne  s'est  pas  rendu 
(au  département  pour  être  em- 
barqué) dans  la  décade  portée  par 
l'article  \!\  de  la  loi  des  29  et  3o 
vendémiaire ,  et  qu'il  a  encouru  les 
peines  portées  par  les  articles  5  et 
i5  de  ladite  loi,  le  tribunal  or- 
donne que  ledit  Pierre -François 
Dallemand  sera  livré  à  l'exécuteur 
des  jugemens  criminels,  pour  être 
mis  à  mort  sur  la  petite  place  de 
cetts  commune  (Privas)  dans  le 


5i6  DAL 

délaide  vingt-quatre  heures;  dé- 
clare ses  biens  confisqués  au  profit 
de  la  république,  etc.  ».  Ce  juge- 
ment, rendu  le  22  messidor  an  II 
(10  juillet  1794),  ne  fut  mis  à 
exécution  que  le  8  thermidor 
(  26  juillet  1794)  ?  afin  que  le  curé 
Dallemand  pérît  en  même  temps 
que  quatre  autres  prêtres  que  ce 
tribunal  avoit  à  faire  mourir  pour 
la  même  cause  {V.  Bac,  Gardés, 
Montblanc,  et  Rouville).  Il  de- 
voit  concourir  au  spectacle  tou- 
chant d'édification  qu'ils  donnè- 
rent a  la  ville  de  Privas,  recevoir 
avec  eux,  coinmeégalement  digne, 
la  couronne  du  martyre,  et  par- 
tager après  la  mort  les  mêmes 
honneurs  que  le  public  rendit  à 
leur  tombe.  Le  récit  des  derniers 
instans  de  ce  ministre  de  Jésus- 
Christ  se  trouve  avec  celui  de  la 
mort  de  tous  les  autres,  au  pre- 
mier des  articles  que  nous  venons 
d'indiquer. 

Dans  l'intervalle  de  son  juge- 
ment à  celui  de  sa  mort,  il  écrivit 
à  ses  paroissiens,  le  19  juillet,  une 
lettre  affectueuse  autant  qu'édi- 
fiante, dans  laquelle  il  leur  disoit  : 
«Vous  tous,  mes  frères,  qui  êtes 
restés  fidèles  à  J.-C,  s'il  fut  un 
temps  où  vous  avez  besoin  d'être 
rappelés  aux  grands  principes  de 
la  Foi  et  de  la  religion,  c'est  sur- 
tout dans  ces  circonstances  mal- 
heureuses, où,  arraché  d'entre 
vos  bras,  je  vous  vois  plus  exposés 
à  déchoir  de  l'auguste  qualité 
d'enfans  de  Dieu  et  d'héritiers  du 


DAt 

Père  céleste.  A  Dieu  ne  plaise  que 
vous  suiviez  jamais  une  autre  doc- 
trine que  celle  que  je  vous  ai  en- 
seignée !  Votre  perte  seroit  irré- 
parable.... Les  croix  et  les  tri- 
bulations sont  inséparables  d'un 
chrétien  et  d'un  disciple  de  J.-C... 
Je  suis  séparé  de  vous;  mais  ce 
n'est  que  de  corps  :  mon  cœur  est 
toujours  au  milieu  de  vous  ;  et 
Dieu  m'est  témoin  que  je  vous 
porte  tous  dans  les  entrailles  de 
J.-C.  Les  fers,  la  prison,  la  mort 
même  ne  me  sont  rien.  Je  bénis 
le  Père  de  Notre  Seigneur  J.-C. 
de  m'a  voir  jugé  digne  de  souffrir 
pour  lui,  et  de  confesser  publi- 
quement la  Foi,  sans  laquelle  nul 
chrétien  ne  peut  être  sauvé....  Ne 
craignez  pas  les  hommes ,  dit 
J.-C.  ;  ils  peuvent  tuer  le  corps, 
mais  n'ont  aucun  pouvoir  sur 
l'âme  :  craignez  plutôt  celui  qui 
peut  perdre  le  corps  et  l'âme,  et 
les  précipiter  dans  l'enfer.  En  ces 
jours  malheureux,  la  crainte  et  la 
lâcheté  seroient  un  crime.  Appré- 
hender de  confesser  J. -C. ,  c'est 
s'exposer  à  le  renier;  et  le  re- 
nier ,  c'est  se  damner.  Gardez- 
vous,  mes  frères,  d'une  pareille 
lâcheté  ;  la  perte  de  la  Foi  seroit 
le  plus  grand  châtiment  dont  Dieu 
pourroit  vous  punir.  Adieu,  mes 
chers  enfans  :  je  vous  ai  laissé  fidè- 
lement attachés  à  la  sainte  doc- 
trine ;  je  mourrai  content,  puisque 
Dieu  le  veut....  Je  mourrai,  en 
vous  donnant  à  tous  l'exemple  de 
mourir  aussi  pour  la  belle  cause 


< 


DAL 

fie  la  religion  Je  pardonne  de 

très-grand  cœur  à  mes  ennemis , 
si  j'en  ai  quelques  uns....  Je  par- 
donne surtout  à  la  personne  qui 
est  la  cause  de  ma  mort;  et  je 
prie  J.-C,  le  père  et  le  vrai  méde- 
cin des  âmes,  de  la  guérir  et  de  la 
laver  de  la  tache  affreuse  qu'elle  a 
faite  à  la  sienne,  et  de  ne  pas  lui 
imputer  le  crime  qu'elle  a  commis 
à  mon  égard,  etc. ,  etc.  ».  On  ne 
trouve  rien  de  plus  édifiant  et  de 
plus  touchant  dans  les  exhorta- 
tions des  anciens  Martyrs  au  mo- 
ment de  leur  mort. 

L'acte  de  la  rétractation  que 
Dallemand  avoit  faite  du  serment 
de  liberté-égalité,  et  dont  nous 
avons  promis  de  donner  le  texte, 
est  un  autre  monument  précieux 
pour  l'histoire  ecclésiastique  de 
cette  époque.  En  voici  la  copie 
littérale  : 

Aux  Officiers  municipaux  de 
Saint- J  ulien. 

«  Je  soussigné,  prêtre,  curé  de 
la  paroisse  de  Saint-Julien  de  Vo- 
cancel ,  déclare  qu'ayant  appro- 
fondi de  plus  en  plus  les  principes 
renfermés  dans  le  serment  d'éga- 
lité et  de  liberté,  et  en  ayant  re- 
connu plus  que  jamais  les  suites 
funestes,  tendant  à  détruire  direc- 
tement la  religion  sainte  que  tout 
catholique  doit  nécessairement 
professer ,  et  que  je  professerai 
moi-même  jusqu'à  la  mort,  je 
rétracte  formellement  pour  l'édi- 
lication  publique,  le  préambule 


DAL  5iy 

que  je  fis  ,  et  le  serment  que  je 
prêtai  au  mois  de  décembre  1  703  : 
le  préambule ,  comme  contraire 
en  partie  à  mes  devoirs  les  plus 
essentiels  et  les  plus  sacrés,  que  j'ai 
toujours  remplis  sous  vos  yeux  ,  et 
que  je  remplirai  toujours  de  tout 
mon  pouvoir;  etle serment,  quoi- 
que prêté  avec  une  restriction  ou 
addition  qui  ne  me  paroît  pas  suf- 
fisante. Dans  ces  circonstances  , 
je  déclare,  peur  la  plus  grande 
gloire  de  la  sainte  Eglise,  et  la 
pureté  de  la  Foi ,  que  je  me  refuse 
absolument  à  la  prestation  dudït 
serment  ;  vous  requérant  de  le 
biffer  sur  les  registres ,  et  d'y  in- 
sérer la  présente  rétractation  dont 
je  demande  acte ,  que  je  ferai 
prendre  entre  les  mains  du  secré- 
taire-greffier :  déclarant  en  outre 
que,  pour  une  plus  grande  pu- 
blicité, j'adresse  de  suite  copie 
conforme  au  présent  acte ,  à  l'agent 
national ,  près  le  district  de  Mé- 
zène,  à  Tournon.  Signé,  Dalle- 
mand, curé.  »  En  annotateur, 
rapportant  cet  acte,  a  dit  :  «  Ne 
nous  arrêtons  pas  aux  expressions 
naïves  dont  se  sert  le  pieux  mi- 
nistre de  J.-C.  »  Mais  on  ne  voit 
rien  là  de  naïf  dans  le  sens  de 
Panriolateùr;  et  les  expressions  y 
sont  tellement  celles  que  Dalle- 
mand devoit  employer  pour  dire 
ce  qu'il  vouloit ,  que  l'on  ne  satire it 
leur  en  substituer  de  plus  conve- 
nables. D'autres  historiens  de  la 
mort  de  ce  Martyr  ont  passe  boiïs 
silence  cet  acte  de  rétractation 


5i8 


DAM 


DAM 


Aucune  raison  ne  pouvoit  nous 
porter  à  le  supprimer,  ni  à  le 
iraiter  avec  dédain ,  dans  un  récit 
que  l'on  trouvera  plus  complet 
quant  aux  faits,  comme  plus  exact 
quant  aux  dates.  [V.  Fontaine, 
Lazariste.) 

DAMASE  (Le  Père),  religieux 
Récollet.  (V .  Beltrémietjx.) 

DAMASE  (Le  Père),  Capu- 
cin.  (  V.  C.  DlDELOT.  ) 

DAMBORGES  (Jacques),  qu'en 
quelques  listes  on  trouve  mal  à 
propos  nommé  Ambourge  ,  étoit 
un  jeune  prêtre  du  diocèse  d'Acqs, 
ou  de  Dax,  né  dans  la  ville  de  Salies, 
en  Béarn ,  vers  1 762;  et ,  àl'époque 
de  la  révolution,  vicaire  en  la  pa- 
roisse de  Labatut-Hignière ,  près 
de  Pau.  Il  refusa,  avec  une  Foi 
très -généreuse,  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé; 
et ,  quoique  ce  refus  l'exposât  à 
bien  des  persécutions,  il  voulut 
rester  dans  la  paroisse  où  il  étoit 
vicaire,  pour  continuer  à  veiller 
au  salut  des  habitans.  Il  y  étoit 
encore  tout  occupé  des  soins  du 
saint  ministère,  lorsque  le  pro- 
consul Pinel  vint ,  à  la  fin  de  1 790 , 
désoler  cette  contrée.  Damborges 
fut  arrêté  et  jeté  dans  les  prisons 
de  Tartas  ,  d'où  bientôt  il  fut 
traîné  dans  celles  de  Dax  ou  Acqs, 
chef  -  lieu  du  département  des 
Landes  ,  dont  le  tribunal  crimi- 
nel, jugeant  révolutionnairement, 
l'envoya  à  la  mort,  comme  «  ré- 
fractaire  à  la  loi  »,  le  1 5  ventôse 
an  II  (20  février  1794)?  à  l'âge  de 


32  ans.  Le  récit  des  dernières  cir- 
constances de  la  vie  de  ce  saint 
prêtre,  et  de  son  martyre,  fut 
écrit  par  un  autre  prêtre  qui  étoit 
avec  lui  dans  la  prison  de  Tartas, 
et  qui  lui-même  termina  sa  vie  un 
mois  après,  sur  le  même  écha- 
faud  (  V.  Dibayie).  Ce  récit,  en- 
voyé par  celui-ci,  de  la  prison,  à 
un  ami,  le  11  mars  1794*  pour 
l'édification  et  l'encouragement 
des  fidèles  de  la  contrée,  nous  fut 
transmis,  dès  1797,  par  cet  ami 
même.  Nousn'avonsriendemieux 
à  faire  que  de  le  transcrire  reli- 
gieusement. C'est  l'histoire  d'un 
Martyr,  écrite  par  un  autre  Mar- 
tyr, comme  celle  de  la  mort  glo- 
rieuse des  saints  Lucius,  Montan, 
etc.,  par  le  saint  Martyr  Flavien, 
et  dans  les  mêmes  intentions  (1). 
«  Damborges,  disoit-il,  ce  héros 
chrétien  de  52  ans ,  avoit  été 
amené,  la  chaîne  au  cou,  des  pri- 
sons de  Dax,  ou  il  étoit  resté  six 
jours;  et  l'on  avoit  indignement 
choisi  les  derniers  jours  du  carna- 
val pour  cette  translation.  Il  entra 
dans  notre  prison,  le  Mardi-Gras, 
4  mars  ;  et  il  témoigna  beaucoup 

(  1  )  El  nobis  est  apud  vos  certamen  , 
Fratres  dileclissi/ni  ,  ut  nihil  aliud 
ugenduin  Dei  senis  et  Christo  ejus 
dicatis  ,  quàm  de  multitudine  fratrum 
cogitare  ,  qud  vi ,  qud  ratione  ,  hic 
aotor,  hnc  qfficium  ad  lias  nos  impulil 
àtteras  ,  ut  fratribus  postf Mûris ,  et 
inagnijicentiœ  Dei  fidèle  lestùnonium  , 
et  tabores  ac  tolcrariliam  nosiripro  Do- 
mino rnemoriœ  relinqueremus.  (Ruin.  ; 
Passio  SS.  Montant  .  Lurii .  etB.  ,  etc.) 


DAM 

de  joie  d'y  trouver  deux  prêtres  : 
cette  maison  sembla  ,  par  cela 
même  ,  devenir  pour  lui  un  lieu 
de  délices.  Il  nous  embrassa  avec 
une  tendresse  qui  ne  peut  s'ex- 
primer. Son  air ,  ses  manières  , 
ses  discours ,  ne  permettoient  pas 
de  douter  un  instant  de  la  pureté 
de  ses  motifs,  et  de  la  générosité 
de  ses  sentimens.  11  étoit  impatient 
d'être  appelé  pour  subir  un  inter- 
rogatoire, parce  que  ce  seroit  une 
occasion  de  professer ,  de  la  ma- 
nière la  plus  authentique,  sa  Foi 
et  sa  religion.  Ses  vœux  ne  tar- 
dèrent pas  à  être  remplis  :  le  len- 
demain dans  la  matinée  ,  il  fut 
appelé  devant  le  tribunal  ;  et  il  y 
comparut  avec  une  assurance 
presque  surnaturelle.  Interrogé 
sur  les  choses  qui  concernoient 
sa  Foi ,  les  seules  pour  lesquelles 
il  avoit  été  arrêté ,  il  répondit  d'un 
ton  si  ferme  et  si  décisif,  que  les 
juges  le  condamnèrent  aussitôt  à 
la  peine  de  mort ,  comme  «  fana- 
tique et  contre-révolutionnaire  » . 
Il  entendit  cette  sentence  avec  au- 
tant de  fermeté  qu'il  en  avoit  mis 
dans  ses  réponses  :  que  dis-je?  ce 
fut  pour  lui  le  sujet  d'une  joie 
indicible.  Quand  on  le  renvoya 
du  tribunal ,  il  en  sortit  avec  une 
sorte  de  précipitation,  parce  qu'il 
étoit  impatient  de  venir  nous  dire 
qu'il  étoit  condamné  pour  sa  Foi. 
«  Oh  !  ta  bonne,  nouvelle  que  je 
vous  apporte!  s'écria-t-il  en  nous 
abordant.  Mes  chers  amis,  mon 
procès  est  vidé;  je  suis  cou- 


DAM  5 19 

damné  à  mort  ;  j'en  suis 
charmé.  Dieu  soit  béni;  j'espère 
qu'il  voudra  recevoir  mon  sa- 
crifice ».  Si  vous  aviez  vu,  comme 
moi ,  la  joie  qui  brilloit  sur  son 
visage,  vous  auriez  partagé  mon 
admiration.  Mais  il  n'y  avoit  point 
de  guillotine  ni  d'exécuteur  à 
Tartas  ,  où  l'on  vouloit  absolu- 
ment donner  le  spectacle  d'un 
prêtre  égorgé  pour  sa  Foi  ;  et  il 
fallut  sept  jours  pour  les  y  faire 
venir  d'ailleurs.  Le  saint  prêtre 
mit  à  profit  ce  délai,  qui  eût  été 
si  cruel  pour  un  autre.  Il  n'en 
perdit  pas  un  instant  pour  se  pré- 
parer de  plus  en  plus  au  grand 
sacrifice  qu'il  alloit  faire  à  Dieu. 
Les  sentimens  d'amour  dont  il 
étoit  pénétré  pour  lui ,  ne  peuvent 
se  rendre  par  la  parole.  Nous  le 
voyions  passer  des  journées  en- 
tières dans  une  suite  d'exercices 
dilïérens,  qui  avoient  tous  pour 
objet  l'adoration  de  son  créateur, 
et  l'intention  de  lui  rendre  agréa- 
ble l'holocauste  qu'il  alloit  lui 
offrir.  Dès  son  lever,  il  faisoit  une 
longue  oraison  mentale  ;  ensuite 
il  lisoit  la  vie  des  Saints  et  l'Ecri- 
ture-Sainte.  Tous  ses  momens 
étoient  aussi  religieusement  rem- 
plis. Ceux  des  repas  et  de  la  con- 
versation avec  ses  confrères  .  ne 
leur  offroient  pas  moins  de  sujet!- 
d'édification  que  ceux  qu'il  passoit 
en  prières.  Souvent  il  s'écrioil . 
avec  une  sainte  impatience 
L'instant  de  ma  détivranct 
n'arrivera-t-it  donc  jamais  ? 


Ô2o  DAM 

L'instrument  de  mort  et  Vexé- 
;  l'tcar  tardent  'bien  à  venir  »! 
Tous4és  soirs,  lorsqu'il  se  mettoit 
au  lit,  nous  l'entendions  répéter 
ces  paroles  :  Voici,  j'espère, 
ma  dernière  nuit;  et  il  s'en- 
dormoit  paisiblement,  en  réci- 
tant quelque  passage  de  l'Ecri- 
ture- Sainte.  La  femme  du  géo- 
lier ,  ne  pouvant  s'empêcher 
d'admirer  sa  tranquillité  ,  lui  en 
témoigna  de  la  surprise  ;  il  lui 
répondit  avec  douceur,  et  comme 
en  souriant  :  «  Peux-je  n'être  pas 
satisfait  de  quitter  ce  misérable 
monde,  puisque  je  vais  aller 
dansun  autre où  iln'y  a  ni  Con- 
vention, ni  comité  de  surveil- 
lance ,  ni  tribunal  révolution- 
naire? Là,  je  serai  exempt  de 
toute  crainte,  et  je  n'aurai 
rien  à  redouter  des  menaces 
des  hommes.  Que  je  plains  bien 
ceux  qui  restent  parmi  eux  ! 
je  ne  leur  céderois  pas  mon 
sort  ».  Dans  une  autre  occasion, 
voyant  cette  même  femme  s'attris- 
ter sur  la  peine  à  laquelle  il  avoit 
été  condamné  ,  il  lui  dit  :  «  Ne 
vous  affligez  point:  les  hoinmes 
m'ont  jugé  bien  sévèrement  ; 
mais  j'espère  de  Dieu  un  juge- 
ment plus  doux.  Je  vous  prie 
de  faire  savoir  à  mes  juges  que 
je  leur  pardonne  la  sentence 
qu'ils  ont  prononcée  contre 
moi,  quoiqu'elle  soit  injuste. 
Il  est  vrai  qu'ils  ont  suivi  la 
loi  ;  mais  cela  ne  les  justifie 
point,  parce  qu'en  méjugeant, 


DAM 

ils  ont  obéi  à  une  loi  inique. 
Je  désire  que  Dieu  leur  par- 
donne comme  je  le  fais  moi- 
même  :  je  prierai  pour  eux  ». 
Quand  il  sut  que  le  jour  de  l'exé- 
cution étoit  arrivé,  la  joie  qui 
brilla  sur  son  visage  nous  parut 
être  celle  que  doit  produire  la  vi- 
sion intuitive  de  Dieu.  Quelques 
prisonniers  répandoient  des  larmes 
sur  sa  destinée  ;  il  leur  dit  :  «  Votre 
affliction  est  la  seule  chose  qui 
m'afflige;  prenez  courage,  mes 
amis  ,  l'heure  de  mon  repos 
approche.  Dieu  va  accepter  le 
sacrifice  de  ma  vie;  et  alors  je 
serai  plus  heureux  que  vous  » . 
Dès  qu'il  comprit,  par  le  bruit  qui 
se  faisoit  au  dehors  de  la  prison, 
qu'on  venoit  le  chercher  pour  le 
conduire  à  l'échafaud ,  il  se  mit 
en  prières,  et  se  fit  à  haute  voix  la 
recommandation  de  l'âme,  avec 
tant  de  ferveur  et  d'onction,  que 
tous  les  assistans  en  furent  atten- 
dris profondément.  A  peine  l'avoit- 
il  achevée,  que  la  porte  de  la 
chambre  où  il  étoit,  s'ouvrit.  Un 
guichetier  venoit  le  chercher. 
Damborges  s'avança  de  suite  , 
et  descendit  avec  lui  dans  une 
chambre  basse  ,  où  le  bourreau 
l'attendoit.  En  y  entrant,  il  le  salua 
avec  douceur,  et  lui  présenta  sa 
tête,  pour  que  ,  suivant  l'usage, 
il  en  coupât  les  cheveux  qui  pou- 
vaient contrarier  l'exécution.  Cela 
fini,  il  dit  à  l'exécuteur:  «Allons 
maintenant  »  ;  et  aux  assistans  : 
«  Adieu,  mes  amis;  priez  pour 


DAM 

moi».  11  marcha  vers  le  lieu  du 
supplice  avec  le  courage  d'un  vrai 
soldat  de  Jésus  -  Christ.  Etant 
arrive  au  pied  de  l'échafaud,  il 
y  monta  avec  une  fermeté  qui 
étonna  tous  les  spectateurs.  Il 
voulut  parler  au  peuple;  mais  le 
bruit  du  tambour,  que  l'on  fit 
battre  à  l'instant,  couvrit  sa  voix. 
On  ne  put  entendre  que  ces  mots: 
Je  meurs  pour  ma  religion  ». 
Tel  fut  le  récit  du  saint  prêtre 
Du'oayle.  Que  pouvons  -  nous  y 
ajouter,  si  ce  n'est  la  réflexion 
par  laquelle  l'écrivain  qui  acheva 
celui  de  saint  Flavicn  le  termiuoit, 
en  considérant  que  Flavien  avoit 
péri  de  la  même  manière;  ce  qui 
est  arrivé  à  l'historien  de  Dam- 
borges  :  «  Oh  !  qu'elles  sont  admi- 
rables les  leçons  que  nous  donnent 
ces  Martyrs  !  Combien  ils  sont 
glorieux  les  modèles  qu'ils  nous 
offrent  !  Notre  devoir  n'étoit  -  il 
pas  d'en  transmettre  la  mémoire 
à  la  postérité,  afin  que,  de  même 
que  nous  avons  appris,  dans  les 
exemples  offerts  par  les  anciennes 
écritures,  comment  nous  devions 
nous  conduire  en  des  cas  sem- 
blables ,  nos  neveux  apprennent 
quelque  chose  de  pareil  dans 
les  écrits  de  notre  âge  ?  ()  Mar- 
tyrum  gloriosa  documenta  ! 
O  testium  Dei  expérimenta 
prœclara,  quœ  ad  memoriam 
posteroram  scripta  sunt  me- 
ritô ,  ut  quemadmodum  de 
scripturis  veleribus  exem- 
pta i  dum  discimus ,  sumi- 


DAN  5ai 

mus;  etiam  de  novis  a  tiqua 
discamus.  (  Ruin.  :  Passio  sanc- 
torum  Montant ,  Lucii ,  etc.  ) 

DANCEL  (François-Amable) , 
vicaire-général.  (  V.  F.  A.  Brine- 

VAL.  ) 

DANEL  (Marie  -  Anne),  reli- 
gieuse Hospitalière  d'Arras,  re- 
fusa*, comme  sa  supérieure,  et  de 
concert  avec  deux  autres  sœurs, 
le  serment  schismatique  de  1791. 
L'hospice  où  elles  servoient  les 
pauvres  étoit  la  maison  de  cha- 
rité; et  elles  rendoient  encore  ù 
ceux  de  la  ville  ,  les  services  les 
plus  essentiels.  Le  proconsul 
,Ih  Lebon ,  au  milieu  de  ses  plus 
grandes  fureurs  athéistes  et  san- 
guinaires dans  la  ville  d'Arras,  en 
1794  {V-  Arras),  n'osa  pas  d'abord 
frapper  ces  quatre  généreuses 
filles.  Il  craignoit  d'irriter  le 
peuple ,  qui  conservoit  encore  de 
l'estime  et  de  la  reconnoissance 
pour  elles.  Cependant  il  brûloit 
du  désir  de  les  immoler,  à  cause 
de  leurs  vertus.  Lorsqu'il  alla 
transporter  a  Cambrai  son  tribu- 
nal révolutionnaire,  semblable 
à  cet  Antoine ,  évêque  arien  d'A- 
frique ,  lequel  ,  «  comme  une 
bêle  féroce  insatiable,  ayant  une 
inextinguible  soif  du  sang  des 
catholiques ,  couroit  de  part  et. 
d'autre  pour  s'en  repaitre  (  1)  » .  il 
se  fit  envoyer  d'Arras  à  Cambrai, 

(1)  (Jui,  ut  beslia  insatiqbilis ,  c.i- 
thdlicorUm   sitiens    sdngiàneiti  ,  hùc 

itlùn/uc  fxrurrebtU  (  Xkt.de  Pers. 

fondai.  L.  111). 


522  DAN 

les  quatre  pieuses  Hospitalières  ; 
et ,  d'après  ses  ordres,  son  tribu- 
nal les  condamna  toutes  au  dernier 
supplice  (  V .  G.  Fontaine,  M.  Fac- 
lon,  et  B.  Gebard).  Elles  allèrent 
à  la  mort  avec  des  sentimens  hé- 
roïques de  Foi  et  d'amour  de  Dieu. 
En  montant  sur  l'échafaud,  elles 
prièrent,  surtout  pour  obtenir  de 
Dieu  qu'il  daignât  disposer  les 
événemens  de  manière  à  ce  qu'elles 
fussent  les  dernières  victimes  des 
fureurs  du  proconsul.  En  mourant 
avec  résignation ,  elles  deman- 
doient  ainsi  grâce  pour  leurs  com- 
patriotes. Ces  prières  furent  exau- 
cées, du  moins  pour  Cambrai; 
car,  à  peine  le  sacrifice  de  ces 
saintes  filles  étoit-il  achevé ,  que 
Jh  Lebon  délivra  cette  ville  de 
sa  présence  sanguinaire.  Marie- 
Anne  Danel avoit  5oanslorsqu'elle 
fut  immolée,  dans  l'été  de  1794- 
(  V .  P.  J.  C  LETS  ,  et  P.  A.  D AUCHEZ.  ) 

DANGEYRON  (  Jean  -  Fran- 
çois ) ,  prêtre ,  né  à  Aloc ,  près 
Saint-Girons,  dans  le  diocèse  de 
Couserans,  département  de  YAr- 
riècje  ,  méritoit  la  haine  des  per- 
sécuteurs ,  et  parce  qu'il  n'avoit 
pas  fait  le  serment  de  1791,  et 
parce  qu'il  avoit  mieux  aimé 
exposer  sa  vie  pour  le6  besoins 
des  fidèles ,  que  de  sortir  de 
France  ,  après  la  loi  de  déporta- 
tion rendue  le  26  août  1792.  Les 
agens  de  la  persécution  l'arrêtè- 
rent et  le  firent  conduire ,  en  1 794 , 
li  Bordeaux,  pour  en  être  déporté, 
avec  une  infinité  d'autres,  au-delà 


1 

DAN 

des  mers  (  V.  Bobdbadx  ).  II  ne 
fut  cependant  pas  compris  dans  le, 
grand  nombre  de  ceux  qu'on  em- 
barqua vers  la  fin  de  l'automne 
seulement ,  trois  mois  après  la 
chute  de  Roberspierre.  Il  restoit 
enfermé  dans  la  prison  qu'on  ap- 
peloit  le  dépôt  -  national.  Une 
maladie  mortelle  vint  l'assaillir; 
et  on  le  fit  passer  dans  l'hôpital  de 
Saint-André  où  il  mourut,  tou- 
jours captif  pour  la  Foi  de  .T.-C.  , 
le  19  janvier  1795,  à  l'âge  de 
3G  ans.  (  V.  G.  Dagcerre  ,  et  F. 
Dauss^n.) 

DANGRAI  (René),  prêtre  du 
diocèse  du  Mans,  né  à  Auvers-le- 
Hamon,  près  Sablé,  étoit  vicaire 
en  cet  endroit-là  même.  Il  refusa 
constamment  le  serment  de  la  con- 
stitution civile,  du  clergé;  et, 
pour  continuer  à  veiller  au  salut 
des  catholiques  de  la  paroisse,  il 
ne  se  soumit  point  à  la  loi  de  dé- 
portation. Il  se  tint  caché  dans  les 
environs  du  bourg  ;  et  sa  retraite 
n'étoit  connue  que  des  fidèles. 
Cependant  un  impie  la  découvrit; 
et  le  vicaire  Dangrai  y  fut  arrêté 
par  des  soldats,  le  19  septembre 
1790.  Us  le  conduisirent  dans  les 
prisons  de  Sablé.  Le  tribunal  cri- 
minel du  département  de  la  Sar- 
the  s'étoit  transporté  du  Mans  à 
Sablé  ;  et  le  proconsul  qui  étoit  en 
mission  dans  ces  contrées  ,  lui 
ordonna  de  condamner  ce  vicaire. 
Il  comparut  devant  le  tribunal, 
pour  être  jugé,  le  22  septembre, 
et  y  plaida  sa  cause  de  telle  ma- 


DAN 

Qière ,  que  les  juges  mêmes  en 
parurent  émus  un  instant.  On  crut 
voir,  dans  chacun  de  ces  hommes 
naguère  si  terribles,  ce  gouver- 
neur Félix  qui  trembla  au  discours 
de  saint  Paul.  Mais  bientôt,  reve- 
nus à  leur  cruelle  impiété  ,  ils 
condamnèrent  Dangrai  à  la  peine 
de  mort,  comme  «prêtre  refrac- 
taire».  Quand  on  alloit  le  recon- 
duire en  prison,  il  vit,  à  peu  de 
distance,  celui  qui  l'avoit  dénoncé 
et  livré  :  aussitôt  il  s'avança  et 
vint  l'embrasser,  en  lui  protestant 
qu'il  lui  pardonnoit  de  tout  son 
cœur,  et  qu'il  prieroit  %'\eu  pour 
lui.  Rentré  dans  la  prison,  pour  y 
attendre  l'exécution  de  la  sentence, 
il  fit  son  testament  spirituel ,  et 
quelques  lettres  d'adieux  touchans 
à  sa  famille ,  la  conjurant  de  par- 
donner à  ses  persécuteurs,  et  lui 
faisant  considérer  sa  mort  comme 
le  triomphe  de  sa  Foi.  Le  lende- 
main, à  trois  heures  après  midi, 
il  fut  conduit  à  l'échafaud.  Il  y 
marcha  et  monta  avec  une  par- 
faite assurance,  et  une  résignation 
courageuse  que  l'exécuteur  lui- 
même  ne  put  s'empêcher  d'admi- 
rer. Son  corps  fut  inhumé  dans  le 
cimetière  de  la  ville  de  Sablé.  [V . 
F.  J.  Coxjasnon  ,  et  David,  du 
Mans.) 

DANJON(iY...),  prêtre,  vicaire 
en  la  ville  de  Condé,  néâ  Montai, 
près  Cambrai,  en  1760,  n'ayant 
point  consenti  à  faire  le  serment 
schismatique  de  1791,  fut,  pour 
cela  même,  écarté  de  l'église  qu'il 


DAN  5a3 

desservoit,  et  obligé  de  s'exiler,  en 
vertu  du  décret  du  26  août  1792. 
Il  revint,  pour  exercer  son  mi- 
nistère dans  la  province,  quand 
les  troupes  autrichiennes  l'eurent 
délivrée  des  fureurs  impies  de  la 
Convention  ,  en  prenant  Valen- 
ciennes ,  le  1"  août  1793.  Mais, 
quand  ils  furent  forcés  de  l'éva- 
cuer ,  le  1"  septembre  1794»  et 
que  les  proconsuls  de  la  Conven- 
tion y^ntrèrent,  le  vicaire  Danjon 
fut  recherché ,  arrêté  et  amené 
dans  les  prisons  de  Valenciennes 
(  V .  ce  mot).  Livré  à  une  com- 
mission militaire ,  il  comparut 
devant  elle  ,  avec  quatre  autres 
personnes  consacrées  à  Dieu  (  V . 
Lancicn,  P.  Hansart,  Levecqtje, 
et  Huvelle),  le  iGbrumaire  an  III 
(6  novembre  1794)5  trn's  mois  et 
douze  jours  après  la  chute  de  Ro- 
berspierre.  Docile  aux  vues  hypo- 
crites de  la  faction  Thermido- 
rienne,, alors  régnante,  la  com- 
mission, certaine  de  pouvoir  faire 
périr  Danjon  comme  émigré-ren- 
tré ,  se  félicita  de  n'avoir  pas  à 
rendre  manifeste  ,  par  la  procé- 
dure, sa  haine  de  la  religion,  déjà 
bien  assez  évidente  par  le  choix 
des  victimes.  Les  juges  deman- 
dèrent  à  cet  ecclésiastique  s'il 
étoit  sorti  de  France;  et,  loin  de 
chercher  à  sauver  sa  vie  par  un 
mensonge,  il  rendit  un  généreux 
témoignage  à  la  vérité  ,  et  fut 
aussitôt  condamné, comme  «émi- 
gré-rentré »,  à  la  peine  de  mort 
(  V.  Avchin  ).  Son  supplice  eut 


5a4  DAN 

lieu  le  lendemain;  et  il  y  marcha 
avec  la  Foi  et  l'espérance,  comme 
avec  le  courage  des  anciens  Mar- 
tyrs. Son  âge  étoit  de  54  ans  , 
lorsqu'il  périt  ainsi  pour  la  cause 
de  la  vérité  et  de  la  religion.  [V . 
L.  P.  Cagnot,  et  M.  M.  J'«  DE- 
JARDIN.) 

DANNIER  (Luc-Antoine-Jo- 
seph  ),  curé.  {V.  L.  A.  Jh  Pan- 

NIER.) 

DANOIS  (iV...),  prêtre  atta- 
ché à  une  église  paroissiale  de 
Paris,  avoit  perdu  la  plupart  des 
ressources  qu'il  tiroit  de  son  mi- 
nistère pour  subsister  ;  et  il  ne 
devoit  sa  détresse  qu'à  sa  fidélité 
à  la  Foi  de  Jésus  -  Christ,  qu'il 
n'avoil  pas  voulu  trahir  par  la 
prestation  du  serment  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé.  Sa 
pénible  situation  étoit  encore  de- 
venue plus  fâcheuse  par  une  mala- 
die très -grave.  Deux  confrères 
alors, pour  subvenirà ses  besoins, 
suivant  leurs  facultés  ,  le  firent 
apporter  au  logement  qu'ils 
avoient  pris  en  commun  ,  dans 
la  rue  de  la  Heaumerie,  près  de 
l'Apport-Paris.  (  V.  Fontaine,  et 
Martin).  Ils  y  vivoient  comme 
dans  un  séminaire.  Tandis  que,  le 
•i  septembre,  vers  deux  heures  de 
l'après-midi ,  ils  faisoient  ensemble 
un  modeste  dîner,  leurs  portes 
furent  forcées  par  les  frénétiques 
envoyés  à  la  recherche  des  prêtres  ; 
et  Danois  fut  conduit ,  avec  ses 
deux  confrères,  à  Y  Abbaye  {V . 
Septembre).  Déjà  l'on  y  égorgeoil 


DAN 

des  prêtres ,  que  le  comité  de 
surveillance  de  la  Commune  ve- 
noit  d'y  envoyer.  L'abbé  Danois 
et  ses  deux  confrères ,  en  descen- 
dant de  voiture  dans  une  cour  du 
cloître ,  éprouvèrent  aussitôt  le 
même  sort ,  et  partagèrent  avec 
eux  la  même  couronne. 

DANTHENY  (Louis),  prêtre  et 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Laon , 
étoit  né  à  Brissy,  près  de  La  Fère, 
en  1704.  Il  fut,  pendant  plusieurs 
années ,  trésorier  et  directeur- 
général  de  la  chapelle  de  Notre- 
Dame  de  J%sse ,  â  trois  lieues  de 
Laon ,  chapelle  célèbre  par  les 
pèlerinages,  et  qui  reçut  de  lui 
plusieurs  embellissemens.  Il  en  fit 
aussi  dans  l'église  dont  il  étoit 
chanoine.  On  n'avoit  pas  de  motif 
légal  d'exiger  de  lui  le  serment  de 
la  constitution  civile  du  clergé; 
mais  le  ferme  attachement  qu'il 
montroit  alors  pour  la  Foi  le  fit 
regarder  comme  un  prêtre  non- 
assermenté,  des  plus  zélés  pour 
la  défense  de  l'Eglise  catholique. 
Sa  généreuse  conduite  à  cet  égard 
porta  les  administrateurs  du  dé- 
partement de  Y  Aisne  à  le  bannir 
de  la  ville  de  Laon,  dès  le  prin- 
temps de  1792.  II  n'alla  d'abord 
qu'à  Lille  ;  mais ,  quand  la  loi  de 
déportation  eut  été  rendue  ,  il  se 
réfugia  dans  la  Belgique.  L'armée 
française  étant  bientôt  entrée  dans 
cette  province,  il  s'enfuit  au-delà 
du  Rhin  ,  et  y  resta  jusque  vers  la 
fin  de  l'hiver  de  1795.  Séduit  par 
les  apparences  de  justice  et  de 


DAN 

modération  que  la  Convention 
avoit  prises  depuis  la  chute  de 
Roberspierre,  il  crut  que  la  persé- 
cution étoit  finie  ,  et  revint  en 
France,  pour  y  travailler  à  réparer 
les  maux  que  la  religion  avoit 
soufferts.  Pendant  environ  huit 
mois,  il  exerça,  dans  le  diocèse 
de  Laon  ,  les  fonctions  de  son  mi- 
nistère de  la  manière  la  plus  heu- 
reuse ,  sous  tous  les  rapports; 
mais  enfin,  le  24  décembre  1795, 
il  fut  arrêté  dans  une  paroisse  où 
il  venoit  de  faire  communier , 
pour  la  première  fois,  plusieurs 
enfans.  On  l'amena  dans  la  ville 
de  Laon.  A  son  entrée  dans  le 
faubourg,  il  fut  assailli  par  les 
outrages  et  les  blasphèmes  d'une 
populace  impie  qu'on  y  avoit 
ameutée  contre  lui.  Ce  jour -là 
même  ,  on  le  fit  comparoître  de- 
vant le  tribunal  criminel  du  dé- 
partement  de  l' Aisne;  et  il  y 
subit  un  premier  interrogatoire, 
après  lequel  on  le  mit  au  cachot. 
Le  lendemain  ,  25  décembre ,  il 
fut  ramené  devant  les  juges ,  qui 
le  condamnèrent  de  suite  à  la 
peine  de  mort,  comme  «émigré- 
rentré».  A  cinq  heures  du  soir, 
on  le  conduisit  au  supplice.  Arrivé 
au  pied  de  l'échafaud ,  il  y  monta 
avec  assurance,  embrassa  cordia- 
lement l'exécuteur,  en  lui  disant 
qu'il  lui  pardonnoit  sa  mort ,  et 
le  lui  prouva  en  lui  donnant  tout 
ce  que  des  spoliateurs  lui  avoient 
laissé.  Quand  sa  tête  eut  été  abat- 
tue,'plusieurs  fidèles  vinrent  trem- 


DAll  5a5 

per  des  mouchoirs  dans  son  sang,; 
et  la  vénération  pour  lui  étoit  si 
grande ,  qu'après  qu'il  eut  été 
inhumé  dans  le  cimetière  com- 
mun ,  de  pieuses  femmes  en  en- 
levèrent sa  tête,  pour  la  con- 
server religieusement.  Elle  est 
encore  un  objet  de  culte  particu- 
lier pour  tous  ceux  qui  le  regar- 
dent avec  raison  comme  un  Mar- 
tyr. Nous  avons  déjà  fait  connoître, 
ci-devant,  pag.  127,  combien  ce 
culte  empressé  étoit  loué  dans  les 
beaux  jours  de  l'Eglise.  Les  actes 
du  martyre  de  sainte  Stratonice 
et  de  saint  Séleucus  nous  en  olfrent 
une  nouvelle  preuve.  «  Tandis 
que  parmi  les  témoins  de  leur  mort 
les  uns  cédoient  à  une  douleur  na- 
turelle, d'autres,  animés  d'une  Foi 
plus  active ,  prenoient  d'autres 
soins  :  ceux-ci  ramassoient  et  em- 
portoient  la  terre  sur  laquelle  leurs 
pieds  avoient  posé  ;  ceux-là  ravis- 
soient  à  l'envi  le  sang  qui  décou- 
loit  encore  de  leurs  blessures  (1)». 
Le  chanoine  Dantheny  périt  à  l'âge, 
de  61  ans,  dix-sept  mois  après 
la  chute  de  Roberspierre. 

DARDAN  (Pierre)  ,  prêtre  de 
la  congrégation  des  Eudistes  de 
Paris,  homme  très-doux  et  fort 


(1)  Erant  plurimi  prnmiscui  scxùs  , 
qui  multipliai  quesiu  acerbam  eorum  ■ 
dem  marient  deflebant  et  lamentaban- 
fur  :  alii  pulverem  ipsorum  pedîbus 
calcul  uni  adsportpBant  :  sànguinèrh  alii 
adhiic  viltnere  munanteni  certaiim  ru- 
pieb'ahi  (  Asaemari ,  pars  II*,  pag.  1 19  : 
fllartrrium  SS.  StratOlUCéO  et  Seleuçi j. 


$26  DÀ.R 

pieux,  avoit  mérité,  comme  ses 
confrères  ,  la  haine  des  impies 
novateurs  de  1791?  auxquels  on 
devoit  l'hétérodoxe  constitution 
civile  du  clergé  {V.  Hébert). 
Il  ne  leur  échappa  point ,  lorsque 
le  10  août  1792  eut  donné  un 
libre  cours  à  leur  fureur.  Dardan 
fut  pris,  avec  une  multitude  de 
prêtres  insermentés  :  comme  eux  , 
il  refusa ,  devant  le  comité  de  la 
section,  de  faire  ce  serment  pré- 
tendu civique;  et  il  fut  empri- 
sonné avec  eux,  dans  l'église  des 
Carmes  (  V .  Dulau  ).  Il  y  vit 
amener  aussi  son  supérieur  et 
huit  de  ses  confrères  [V.  Beau- 
lieu  ).  Ensemble  ,  ils  se  prépa- 
rèrent à  la  mort  violente  qui  me- 
naçoit  tous  les  confesseurs  de  la 
Foi  enfermés  dans  cette  église  ;  et 
Dardan  s'encourageoit  avec  eux  à 
la  sceller  de  son  sang.  L'heure  du 
sacrifice  étant  arrivée ,  il  ne  fut 
pas  celui  de  tous  qui  marcha  au 
martyre  avec  moins  de  ce  courage 
céleste  qui ,  en  de  pareilles  circons- 
tances ,  obtient  les  palmes  éter- 
nelles (  V.  Septembre  ).  Il  étoit 
âgé  de  63  ans;  et,  pendant  5o 
ans ,  il  avoit  été  le  confesseur  des 
élèves  de  la  communauté  de 
Sainte-Barbe.  (  V.  Briquet.  ) 

DARDANT  (Jean),  prêtre,  vi- 
caire de  la  paroisse  de  Bénévent , 
dans  le  diocèse  de  Limoges,  où 
il  étoit  né,  à  Bançon  ,  en  1767, 
résista,  avec  toute  la  fermeté  d'un 
généreux  confesseur  de  la  Foi ,  à 
la  proposition  de  faire  le  serment 


DAR 

schismatique  de  1791.  «  C'étoît, 
nous  a-t-on  écrit,  un  jeune  homme 
fort  vertueux ,  et  très  -  instruit 
pour  son  âge  :  aussi  fut-il  toujours 
ferme  dans  la  Foi ,  malgré  les 
dures  persécutions  qu'il  éprouva  » . 
Ses  tourmens  furent  en  effet  plus 
longs  et  plus  variés  que  ceux  de 
beaucoup  d'autres  prêtres.  Indé- 
pendamment des  vexations  que 
lui  attira  son  zèle,  en  1791  et 
1792,  il  fut  emprisonné  à  Li- 
moges en  1793.  Traîné  en  179/j 
à  Rochefort ,  pour  être  déporté 
au-delà  des  mers  (  V.  Rochefort), 
on  l'embarqua  sur  les  Deux  As- 
sociés; et  il  souffrit  dans  l'entre- 
pont de  ce  navire  ,  des  peines 
inconcevables  sous  lesquelles 
cependant  il  ne  succomba  point. 
Le  Ciel  le  réservoit  à  d'autres 
épreuves,  pour  faire  éclater  da- 
vantage sa  Foi.  Remis  à  terre , 
lorsqu'en  février  1795  les  prêtres 
qui  n'étoient  pas  morts  en  mer 
furent  débarqués,  il  obtint,  à  la 
vérité ,  d'être  libre  en  av  ril  sui- 
vant; mais,  après  le  3  brumaire, 
en  novembre  de  la  même  année, 
il  fut  arrêté  de  nouveau  ,  et  jeté 
dans  la  prison  de  Guéret,  au  dé- 
partement de  la  Creuse,  pour 
l'unique  raison  qu'il  exerçoit  le 
saint  ministère.  Le  système  de 
modération  que  le  gouvernement 
sembla  essayer  au  commencement 
de  1 797 ,  le  fit  remettre  en  liberté  ; 
et  il  vint  à  Limoges  en  mai  de  cette 
année.  Le  germe  de  la  mort,  qu'il 
avoit  rapporté  de  l'entrepont  des 


DAR 

Deux  Associes ,  éclata  d'une 
manière  violente.  L'hôpital  de 
Limoges  fut  sa  seule  ressource  : 
Dieu  trouva  qu'il  en  avoit  assez 
fait  pour  sa  gloire  ;  Dardant  mou- 
rut accablé  d'infirmités,  dans  la 
nuit  du  8  au  9  mars  1798,  âgé 
seulement  de  3i  ans,  et  fut  en- 
terré dans  le  cimetière  de  cet 
hôpital,  (js.  J.  CtJNi,  et  G.  Dar- 

DOUKEAUD.) 

DARDOUNEAUD  (  Guil- 
laume), curé  d'Aubessaignes,  pa- 
roisse du  diocèse  de  Limoges,  où 
il  avoit  vu  le  jour,  dans  celle  de 
Masséré,  étoit ,  au  rapport  de  tous 
ceux  qui  l'ont  connu,  un  très-bon 
prêtre.  Se  laissant  séduire  par  les 
écrits  des  apologistes  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé ,  et  pro- 
bablement aussi  par  son  attache- 
ment à  ses  ouailles,  il  fit  le  serinent 
schismatique  de  1791.  La  seconde 
de  ces  séductions  l'entraîna  faci- 
lement à  prêter,  vers  la  fin  de  1 792, 
le  serment  de  liberté  -  égalité , 
prescrit  à  cette  époque.  Cepen- 
dant ces  gages  qu'il  avoit  donnés 
aux  persécuteurs  ne  leur  suffirent 
point,  parce  qu'ils  vouloient  une 
apostasie  complète  ,  et  que  Dar- 
douneaud  restoit  attaché  à  son  sa- 
cerdoce. Ils  lui  refusèrent  ce  cer- 
tificat de  civisme  sans  lequel, 
en  1793,  on  étoit  suspect;  et, 
comme  tel,  il  fut  mis  en  prison 
et  voué  à  la  mort.  Captif  à  Li- 
moges, il  reconnut  alors  les  inten- 
tions de  ceux  qui  avoient  exigé 
les  deux  sermens  ,  vit  ce  qu'ils 


DAR  527 

avoient  de  funeste  à  la  religion, 
et  les  rétracta  d'abord  entre  les 
mains  d'un  ministre  de  l'Eglise 
autorisé  à  l'en  absoudre.  Mais  , 
voulant  donnera  ses  rétractations 
autant  de  publicité  qu'en  avoit 
eu  son  double  scandale,  il  les  fit 
solennellement  devant  un  des  ad- 
ministrateurs du  département  , 
lorsqu'il  eut  occasion  de  lui  être 
présenté.  Aussitôt  sa  déportation 
au-delà  des  mers  fut  résolue.  On 
l'envoya  à  Rochefort.  pour  être 
embarqué  ;  et  il  le  fut  sur  le  navire 
les  Deux  Associés  (  V.  Roche- 
fort  ).  Content  de  souffrir  pout 
Jésus  -  Christ ,  il  ne  se  plaignit 
point  des  maux  dont  on  étoit  acca- 
blé dans  l'entrepont  de  ce  bâti- 
ment. Il  en  perdit  la  vie  le  14  sep- 
tembre 1794?  à  l'âge  de  44  ans  > 
et  fut  enterré  dans  l'île  Madame. 
(  V.  J.  Dardant,  et  S.  Darten- 
sec) 

D  ARM  AND  (Humbert),  prêtre, 
né  en  1757,  à  Saint-Gireau,  dans 
le  diocèse  d'Annecy,  y  étoit  cha- 
noine de  la  collégiale  de  Samoëns. 
Après  avoir  échappé  à  la  sangui- 
naire moisson  que  la  révolution  y 
fit  des  prêtres,  en  1793  et  1794? 
Darmand,  conservant  toujours  sa 
Foi  pure,  exerçoit,  avec  autant 
de  sécurité  que  de  zèle  ,  son  mi- 
nistère à  Annecy,  lorsqu'éclata  la 
crise  du  18  fructidor  (4  septembre 
1797),  et  que,  le  lendemain,  fut 
rendue  la  loi  de  la  déportation  de 
ce  qui  restoit  de  prêtres  inser- 
mérités  (  V.  Gviane).  Les  persé- 


5»8  DAR 

«uleurs  le  firent  arrêter  et  l'en- 
voyèrent, en  mars  1798,  à  Ro- 
chefort, pour  y  être  embarqué.  Il 
le  fut  sur  la  frégate  la  Bayon- 
naise,  le  1"  août  suivant.  Elle  le 
jeta  clans  le  port  de  Cayenne ,  le 
29  septembre.  Presque  aussitôt, 
on  lui  signifia  l'ordre  d'aller  habi- 
ter le  désert  de  Konanama.  A  peine 
y  fut-il  arrivé,  que  la  contagion 
exhalée  par  cette  terre  brûlante 
commença  à  le  miner  intérieure- 
ment; et  il  en  résulta  pour  lui  un 
état  de  tristesse  croissante  qui  le 
conduisit  au  tombeau.  Il  parut 
mourir  de  consomption  :  sa  mort 
eut  lieu  le  7  novembre  de  la  même 
année.  Il  avoit  4 1  ans  ;  et  il  ne  lui 
restoit ,  pour  tout  secours  ,  que 
peu  de  hardes,  évaluées  à  21  livres 

12  SOUS.    [V.    J.    B.  CoiIRCIERE, 

et  P.  David.) 

DARON  (femme).  (  V.  C.  Atjg. 

NoTTAIEE.) 

DARTENSEC  (Sicaire),  jeune 
prêtre ,  vicaire  d'une  paroisse  du 
diocèse  de  Périgueux,  où  il  étoit 
né,  dans  celle  de  Saint-Fond-de- 
Mucidan,  laissa  séduire  son  inex- 
périence par  les  apologistes  de  la 
constitution  civile,  du  clergé, 
et  en  fit  le  serment.  Ce  premier 
pas  l'entraîna  aisément  à  faire  en- 
core ,  vers  la  fin  de  1792,  celui 
de  liberté-égalité  ;  mais  l'amour 
de  la  religion  et  l'attachement  à 
la  Foi  catholique,  restant  au  fond 
de  son  cœur ,  le  détournèrent 
des  actes  formels  d'apostasie 
auquel  les  persécuteurs  se  flat- 


DAR 

toienl  que  les  deux  sermens 
dévoient  naturellement  le  con- 
duire. Trompés  dans  leurs  espé- 
rances à  l'égard  du  jeune  vicaire  , 
ils  le  firent  arrêter  et  jeter  dans  les 
prisons  de  Périgueux.  Bientôt  ils 
le  condamnèrent  à  être  déporté 
au-delà  des  mers.  Déjà  les  remords 
tourmentaient  cruellement  l'âme 
de  cet  ecclésiastique,  etaltéroient 
visiblement  sa  santé.  Il  partit  enfin 
pour  Rochefort ,  où  il  devoit  être 
embarqué  [V .  Rochefort)  ;  mais, 
quand  il  arriva  dans  celte  ville, 
il  se  trouva  si  malade  qu'il  fallut 
le  porter  à  l'hôpital.  Il  n'y  eut  rien 
de  plus  pressé  que  de  rétracter  ses 
deux  sermens  avec  tous  les  sen- 
timens  de  la  plus  amère  et  plus 
sincère  contrition;  et,  se  félicitant 
d'avoir  été  voué  à  la  mort  en  haine 
de  la  Foi ,  il  mourut  en  confesseur 
de  Jésus-Christ ,  digne  de  la  palme 
du  martyre.  Sa  mort  eut  lieu  le 
20  avril  1794-  (  V.  ci -devant, 
pag.  275.)  Il  n'avoit  que  3i  ans; 
et  son  corps  fut  inhumé  dans 
le  cimetière  de  Rochefort.  [V.  G. 
Dardouneatjd  ,  et  Daru,  Bénédic- 
tin.) 

DARTHEZ  (Ambroise),  prêtre 
et  chanoine  de  Mauléon-en-Soulé, 
diocèse  de  Bayonne  ,  ne  voulut 
adhérer  en  aucune  manière  à  la 
constitution  civile  du  clergé; 
et  il  continua  d'habiter  Mauléon. 
Quoiqu'il  ne  fût  point  compris 
directement  dans  la  loi  de  dépor- 
tation ,  il  importunoit  trop  les 
ennemis  de  la  Foi  pour  qu'ils 


PAU 

souffrissent  sa  présence.  Ils  le 
firent  emprisonner  en  i7g3;  et  le 
livrèrent  au  tribunal  criminel  du 
département  des  Basses  -  Pyré- 
nées 3  siégeant  à  Pau.  Ce  tribu- 
nal le  condamna,  le  10  pluviôse 
an  II  (29  janvier  1794)  ?  à  la  peine 
de  mort,  comme  «prêtre  réfrac- 
taire  »  ;  et  il  fut  immolé  dans  les 
vingt-quatre  heures. 

DARU  (iY...),  prêtre  ,  religieux 
de  l'ordre  de  saint  Benoît,  et  con- 
ventuel de  la  maison  de  Cluny, 
dans  le  diocèse  de  Mâcon,  avoit 
continué  d'habiter  cette  province 
après  la  suppression  des  ordres 
monastiques.  Comme  il  n'avoit 
point  été  fonctionnaire  public 
avant  la  révolution,  les  persécu- 
teurs n'eurent  pas  de  prétexte  poul- 
ie tourmenter  en  1791  et  1792; 
mais,  attaché  à  la  religion  et  au 
sacerdoce ,  il  ne  put  qu'être  im- 
portun à  ceux  qui  vouloient  ache- 
ver de  détruire  l'un  et  l'autre  ,  en 
1 793.  Us  firent  donc  emprisonner 
ce  religieux,  et  le  condamnèrent 
à  être  déporté  au-delà  des  mers. 
On  le  traîna  bientôt  à  Rochefort, 
où  il  fut ,  à  cet  effet ,  embarqué 
sur  le  navire  le  W  ashington  [V . 
Rochefort).  Les  souffrances  qu'on 
y  enduroit  surpassèrent  en  lui  les 
forces  de  la  nature.  Il  expira  en 
septembre  1794,  à  l'âge  d'environ 
47  ans,  et  fut  enterré  dans  l'île 
Madame  (F.  Dartensec,  et  P. 
J.  Davergne.) 

DAUCHE  (iV...),  prêtre  de  la 
congrégation  des  Missionnaires 
2. 


DAU  529 

de  Marie,  établie,  depuis  1706, 
à  Saint-Laurenl-sur-Sèvres ,  près 
Mortagne,  en  Poitou,  diocèse  de 
Luçon  {V.  Vendée),  avoit,  aux 
yeux  des  révolutionnaires,  le  tort 
de  n'avoir  pas  voulu  trahir  sa  Foi 
en  prêtant  le  serment  de  la  cons- 
titution civile  du  clergé.  La  loi 
du  26  août  1792  vint  autoriser  les 
administrateurs  républicains  du 
district  des  Sables  d'Olonne  à  le 
faire  saisir  et  transférer  à  l'île  d'O- 
lonne ,  d'où  il  devoit  passer  à  La 
Rochelle,  afin  d'y  être  embarqué 
pour  la  Guiane,  avec  un  confrère 
destiné  au  même  sort ,  pour  la 
même  cause  [V.  Yergé).  Il  abor- 
doit,  le  21  mars  179^,  au  port 
de  La  Rochelle,  où  quatre  prêtres 
également  purs  du  coupable  ser- 
inent étoient  massacrés  pour  cette 
raison  ,  lorsqu'il  le  fut  lui-même, 
avec  son  compagnon  ,  de  la  ma- 
nière la  plu?  atroce  ,  au  moment 
où  il  descendent  de  la  barque  pour 
mettre  pied  à  terre.  Son  corps  fut 
traîné  dans  les  rues  ,  et  sa  tête 
promenée  sur  une  pique.  On  l'in- 
huma ensuite  dans  le  cimetière  de 
Saint-Jean,  réuni  à  celui  de  Saint- 
Barthélerni,  paroisse  de  La  Ro- 
chelle ;  et  le  juge  de  paix,  dont  le 
procès-verbal  fut  consigné  deins  le 
registre  mortuaire  Je  l'état  civil, 
se  contenta  d'écrire  «  qu'il  étoit 
condamné  à  la  déportation ,  et 
qu'il  étoit  décédé  à  La  Rochelle  , 
par  suite  d'une  émeute  populaire  » . 
11  ne  se  donna  pas  même  la  peine 
de  consigner,  dans  son  acte,  le 

S/} 


55o  DAL 

nom  de  baptême  ni  l'âge  du  res- 
pectable prêtre  Dauche.  Les  cir- 
constances de  ce  massacre  sont 
racontées  à  l'article  de  C.  Cor- 
kuault.  Si  le  missionnaire  Daucbe 
n'est  pas  cité  dans  la  belle  lettre 
pastorale  de  M6'  l'évêque  de 
La  Rochelle ,  qu'on  y  a  lue ,  c'est 
qu'il  n'étoit  pas  de  son  diocèse. 
{V.  L.  Hulé.) 

DAUCHEZ  (Pierre- Adrien), 
simple  jardinier,  né  àWailly,  non 
loin  de  Soissons,  et  y  exerçant 
son  humble  profession ,  nous  re- 
trace ce  saint  Martyr  Phocas ,  de 
la  ville  de  Synope,  dont  tout  le 
patrimoine  consistoit  en  un  jardin 
qu'il  cultivoit,  et  dont  il  partageoit 
les  fruits  avec  les  pauvres  (1). 
«  Sa  condition  peu  relevée  et  sa 
profession  de  jardinier,  dit  l'his- 
torien ,  ne  purent  le  dérober  à 
la  connoissance  des  délateurs:  il 
lut  dénoncé  ,  enlevé  et  condamné 
au  dernier  supplice  ,  comme  dis- 
ciple de  Jésus-Christ.  Quœreba- 
turautem  quilibet  christianus , 
tanquam  maiefîcus ,  ac  qui 
propb  erat  puniebatur  ;  qui 
vero  procul  erat,  investigaba- 
tur.  Quam  où  rem  Phocam 
quoque  nequidem  vile  studiurn , 
horlutanique  conditio  celavit, 
atd  is  quoque  ut  verus  Christi 
discipulus  denuntiatus  est  :  ac 

(i)  V.Encomium  in  sanctum  Marty  - 
rem  Phocam  ,  auclore  beato  Aslerio  , 
episco/H)  Amaseno  (ex  tomo  1°  Auc- 
Luurii  biblioth.  Palrum  Grœcoruin 
a*  III). 


DAU 

mnèadeumvenerunt  qui  nuiiâ 
judicii  forma ,  nullâ  defen- 
sione ,  à  misera  hac  fluxâqut 
vitâ  jussi  erant  abducere. 
Père  d'une  famille  nombreuse 
qu'il  élevoit  dans  la  loi  du  Sei- 
gneur, Pierre  -  Adrien  Dauchez 
ne  pouvoit  consentir  à  ce  que  son 
fils  ,  âgé  de  22  ans,  lui  fût  enlevé 
par  la  réquisition  des  convention- 
nels, pour  aller  combattre  sur  les 
frontières ,  en  faveur  d'une  assem- 
blée qui  inondoit  la  France  de 
crimes  et  de  sang.  Par  divers  stra- 
tagèmes, il  l'avoit  soustrait  à  cette 
odieuse  obligation.  Mais,  quand  le 
proconsul  Jb  Lebon  vint  déployer 
ses  fureurs  à  Arras,  il  fit  enfin 
enlever  le  jeune  homme,  et  vou- 
lut qu'on  lui  amenât  en  même 
temps  son  père,  sa  mère  et  ses 
deux  jeunes  sœurs.  Suspendant 
ici  la  narration  de  ce  qui  se  passa 
d'horrible  en  cette  occasion,  nous 
en  renvoyons  la  suite  à  l'article 
du  jeune  Dacchez,  qui  va  suivre. 
Il  nous  suffit,  pour  le  moment, 
de  dire  que  le  tribunal  du  procon- 
sul envoya  le  vénérable  jardinier, 
âgé  de  55  ans,  avec  sa  femme, 
son  fils  et  ses  deux  filles,  à  l'écha- 
faud.  Cette  abominable  exécution, 
faite  en  haine  de  leur  Foi  ,  eut 
lieu  le  5o  prairial  an  II  (  18  juin 
1794).  Tous  les  cinq  furent  immo- 
lés comme  fanatiques.  (  V.  M. 
A.  Danel  ,  et  P.  J.  Dacchbz.) 

DAUCHEZ  (  Pierre  -  Joseph  ) 
fils,  né  àWailly,  en  1772,  d'un 
jardinier   de  cette  petite  ville  , 


DAU 

Pierre-Adrien  Dauchez,  ayant  été 
élevé  suivant  la  loi  de  Dieu  et  les 
préceptes  de  l'Evangile,  «  s'éloi- 
gnoit  des  enrôlemens  de  la  réqui- 
sition par  principe  de  religion»  , 
comme  Prudhomme  lui  -  même 
en  convient  (Hist.  des  Crimes 
de  la  Révol.,  tom.  VI,  pag.  36o). 
Toute  sa  famille,  c'est-a-dire,  son 
père ,  sa  mère ,  avec  les  deux 
sœurs  de  ce  jeune  homme ,  était 
animée  des  mêmes  sentimens. 
Ce  n'est  pas  qu'un  catholique  ne 
doive ,  lorqu'il  en  est  requis , 
prendre  les  armes  pour  la  défense 
de  sa  patrie  ;  mais  quand  le  mé- 
tier de  la  guerre  entraîne  néces- 
sairement la  nécessité  d'offenser 
Dieu  et  de  compromettre  sa  Foi, 
le  refus  d'aller  dans  les  camps  est 
louable ,  il  est  même  de  devoir. 
Ainsi  le  décidoit  le  grand  pape 
Benoît  XIV  (1),  à  propos  de  la 
résistance  de  ce  génie  faite  par  le 
martyr  saint  Maxitnilien  de  Te- 
geste  ,  en  Numidie,  l'an  295.  Le 
préfet  des  enrôlemens  vouloit  qu'il 
fût  toisé,  pour  être  envoyé  dans 
les  armées  d'un  empereur  païen 
et  persécuteur  du  christianisme: 
— «Non,  répondit  Maximilien,  il 
ne  m'est  pas  permis  de  combattre 
sous  ses  étendards». —  «  Enrôlez- 
vous  ,  si  vous  ne  voulez  pas  périr» , 
répliqua  le  préfet;  et  Maximilien 

(1)  Non  quiu  censebat  milàiani  i>e— 

titam  chrislianis  Sed  ob  occasinnes 

peccandi  qnas  ipsi  militantes  Jre~ 

quenler  erperiebantur  (de  Serv.  Dei 
BeatiGc.  L.  11  ,  c.  1111 ,  n°  6  ad  4m)- 


DAU  53 1 

répartit  :  «Coupez -moi  la  tête, 
je  ne  combats  point  pour  le  siècle  ; 
ma  milice  est  celle  du  Dieu  que 
je  sers  »  .Dion  [proconsul)  dixit: 
Milita  ne  pereas.  Maximilia- 
nus  respondit  :  Non  milito  ; 
caput  mihi  prœcide;  non  mi- 
lito sœculo  ,  sed  milito  Deo 

meo  Christianus  sum,  et 

non  possum  mata  facere.  Dion 
dixit  :  Qui  militant,  quœ  mata 
faciunt?  Maximitianus  res- 
pondit :  Tu  enim  sds  quœ  fa- 
ciunt. Dion  proconsul  dixit: 
Milita,  ne,  conlemptâmilitiâ , 
incipias  maté  interire.  Maxi- 
mitianus respondit  :  Ego  non 
pereo;  et  si  de  sœculo  exiero, 
vivit  anima  mea  cum  Ckristo 
Domino  meo.  (Mubillon  :  Ana- 
lect. ,  tom.  IV,  in  appendice.) 
L'antiquité  ecclésiastique  offre 
d'autres  exemples  de  ce  genre, 
tels  que  celui  de  saint  Martin  dans 
le  récit  de  Sulpice  Sévère  (1), 
ceux  de  saint  Marcel ,  de  saint 
Taraque,  de  saint  Mennas  l'Egyp- 
tien (2). 

Reprenant  maintenant  notre 
récit,  et  disant  que  le  proconsul 
Lebon  fit  arrêter  avec  le  jeune 


(t)  Ait  {Martinus)  :  Christ/  ego 
miles  sum  ;  puçnare  mihi  non  licet. 

(2)  Voy.  Acla  S.  M 'arcelli  centu/io- 
nis  et  Marlyris.  —  Acla  SS.  Marty~ 
rum  Tarachi,  Probi  et  Andronici.  — 
Et  dans  Mttnpbraste,  tom.V,  de  Mi- 
raculis  S.  Timnthei. —  Voy.  encore  le 
Martyrologe  Romain  aux  11  et  3o  oc- 
tobre ,  au  11  novembre. 

34; 


55a  DAU 

Dauchez ,  5gé  de  22  ans,  son 
père,  sa  mère  et  ses  deux  sœurs, 
nous  continuerons  en  nous  ser- 
vant des  paroles  mêmes  du  pré- 
sident du  tribunal  d'Amiens,  par 
qui  ce  proconsul  fut  enfin  con- 
damné le  5  octobre  1790.  «  Le 
jeune  homme,  disoit-il  aux  as- 
sistans  en  présence  de  Lebon  , 
le  jeune  homme  ,  ses  père  et 
mère  et  ses  sœurs,  furent  traînés 
de  Wailly  à  Arras.  Lebon  fit  une 
convocation  solennelle  du  peuple 
dans  le  temple  dit  de  la  Raison. 
Il  y  parut  armé  de  son  grand  sabre 
et  de  deux  pistolets  à  la  ceinture, 
et  suivi  de  ses  satellites  affreuse- 
ment costumés.   Ces  infortunés 
furent  exposés  aux  regards  du 
peuple  ,  sur  une  estrade  élevée , 
et  y  subirent  un  interrogatoire. 
Lebon  commença  par  apostro- 
phen  le  jeune  homme,  en  lui  di- 
sant :  F  oyons,  si  ton  Jésus  - 
Christ  te,  sauvera  de  cette  af- 
faire ;  et,  en  l'interrogeant,  il  le 
qualifioit  ironiquement  de  saint. 
La  mère  du  jeune  homme  gar- 
doit   le  silence ,   et   levoit  les 
yeux  au  Ciel,  sans  daigner  ré- 
pondre aux  questions  blasphéma- 
toires du  proconsul.  On  eût  dit 
qu'elle  avoit  perdu  l'usage  de  la 
parole:  Jevais  faireun  miracle, 
s'écria  Lebon  ;je  vais  faire  par- 
ter  cette  vieille.  Il  tire  un  de  ses 
pistolets,  et  le  dirigeant  sur  elle, 
il  lui  crie  :  Parie  ;  ou  je  te  brûle 
ta  cervelle.  Elle  se  taisoit,  re- 
portant ses  regards  vers  Dieu  à 


DAU 

qui  elle  faisoit  le  sacrifice  de  sa 
vie  :  V  oyez  -vous ,  ajoute  le  pro- 
consul ,  voyez-vous  cette  fana- 
tique qui  ose  lever  les  yeux  au 
Ciel!  Voilà  comme  ILS  SONT 
TOUS  (Magnifique  témoignage 
rendu  par  l'enfer  à  toutes  les  vic- 
times d'Arras  !).  Et  Lebon  achève 
en  disant  :  Quand  Us  sont  dans 
l'embarras,  Us  s'adressent  tou- 
jours là  -  haut ,  comme  s'ils 
■pouvoient  en  obtenir  quelque 
chose.  Le  lendemain  de  cet 
odieux  interrogatoire ,  il  fait  pu- 
blier à  son  de  trompe  que  toute 
la  famille  Dauchez  sera  guillo- 
tinée dans  la  journée;  et  en  effet, 
le  3o  prairial  an  II  (  1 8  juin  1  ?94)> 
son  tribunal  révolutionnaire  en- 
voya le  pieux  jeune  homme,  sa 
mère,  son  père  et  ses  deux  jeunes 
sœurs,  au  supplice».  L'exécution 
se  fit  le  soir  même  aux  flambeaux, 
pour  qu'elle  eût  toute  l'infernale 
solennité  que  l'athéisme  du  pro- 
consul pouvoit  lui  donner.  {V .  P. 
A.  Dafcbez  ,  et  F.  Dauchez.) 

DAUCHEZ  (Françoise Patou, 
épouse  de  Pierre-Adrien) ,  avoit 
5o  ans  lorsque  le  proconsul  Lebon 
la  fit  arrêter  avec  son  mari ,  son 
fils,  ses  deux  filles,  à  Wailly,  la 
fit  traîner  à  Arras,  et  lui  tint  les 
propos  outrageans  et  sacrilège* 
dont  nous  venons  de  parler.  Elle 
fut,  comme  nous  l'avons  déjà  dit , 
envoyée  a  l'échafaud,  le  3o  prairial 
an  II  (18  juin  1794),  avec  son 
mari  et  ses  trois  enfans,  parce 
qu'elle  les  avoit  élevés  dans  les 


DAU 

principes  de  la  religion,  qu'elle 
en  avoit  l'ait  en  quelque  sorte  des 
saints.  Douée  du  même  courage 
que  la  mère  des  Machabées,  elle 
eut  le  mérite  des  Félicité  et  des 
Symphorose  (i).  Saint  Jean  Chry- 
sostôme  disoit  que  sainte  Dom- 
nine ,  périssant  avec  ses  deux  filles, 
avoit  souffert  un  triple  martyre. 
La  pieuse  mère  Dauchez  en  a 
souffert  un  quintuple,  puisqu'elle 
a  vu  périr  avec  elle  et  ses  deux 
filles,  et  son  fils  et  son  mari  :  Ita- 
que  duplex  fuit  mulieris  mar- 
tyrium,  immo  verô  triplex, 
nam  per  se  ipsam  semel,  per 
filiassuaséismartyrium  passa 
est.  (Homil.  DeSS.  Domninâ, 
Bemice  et  Prodesce ,  Marty- 
ribus.  )  Le  martyre  des  deux 
filles  de  cette  sainte  femme  sera 
l'objet  des  deux  articles  suivans. 
{V .  P.  J.  Dauchez,  et  M.  S.  Dau- 
chez. ) 

DAUCHEZ  (  Marie  -  Séra- 
phine  ) ,  sœur  du  pieux  jeune 
homme  Pierre-Joseph  Dauchez, 
et  non  moins  pieuse  que  lui,  avoit 
27  ans  lorsqu'elle  fut  arrachée  à 
la  maison  paternelle  avec  lui,  son 
père ,  sa  mère  et  sa  sœur.  On  a 
vu  dans  les  trois  articles  précé- 
dens  ,  tout  ce  que  le  proconsul 
Lebon  lui  fit  souffrir  d'insultes,  et 
combien  il  outragea  sa  piété.  Elle 
expira  sur  l'échafaud  avec  toute 


(1)  Voy.  Ruinart  :  Fassio  sanclce 
Symphorosœ  et  filiorum  ejûs.  —  Pa.s- 
sio  sanctœ  Felicitatis  et  jiliorwn  e.jus. 


DAU  555 

sa  famille,  le  3o  prairial  an  II 
(18  juin  1794).  [V.  P.  A.  Dau- 
chez, P.  J.  Dauchez,  F.  Dauchez, 
et  M.  A.  Dauchez.) 

DAUCHEZ  (  Marie -Aucus- 
tine),  sœur  de  la  précédente, 
et  conservant  comme  elle  dans 
son  cœur  les  principes  de  re- 
ligion que  leurs  père  et  mère 
avoient  inculqués  à  leurs  enfans , 
les  manisfestoit  dans  toute  sa  con- 
duite. Nous  avons  déjà  dit  qu'en- 
semble ils  formoient  une  famille 
de  saints  dans  une  condition  peu 
relevée.  Marie-Augustine  atteig- 
noit  à  peine  sa  24e  année ,  lorsque 
le  proconsul  Lebon  la  fit  enlever 
av.ee  son  père,  sa  mère,  sa  sœur 
et  son  frère  de  la  maison  pa- 
ternelle, et  l'envoya  avec  eux  à 
l'échafaud  comme  fanatique.  Le 
martyre  de  cette  jeune  fille  eut 
donc  lieu  le  00  prairial  an  II  (  18 
juin  1794)-  Les  témoins  honnêtes 
et  sensibles  s'attendrissoient  sur 
son  sort  ;  mais  dans  son  âme ,  elle 
leur  disoit,  ainsi  que  sa  sœur, 
avec  le  jeune  Cyrille  de  Césarée  : 
«  Vous  devez  bien  plutôt  vous 
réjouir  que  vous  attrister  en  me 
voyant  marcher  au  supplice,  si 
vous  pensez  à  ty  patrie  céleste 
que  je  vais  habite^'  (1)».  On  peut 
appliquer  à  la  rrjort  de  ces  deux 
vertueuses  filles  ce  qu'Eusèbc  écri- 
voit  à  propos  de  ces  deux  vierges 
d'Antioche,  qu'en  5o5  les  tyrans 


(1)  Ruinart  :  Martyrium  S.  CyriUi 
pucri ,  n'  3. 


534  DAU 
firent  jeter  dans  la  mer  (i)».  «  Il 
étoit  tout  simple  que  des  hommes 
adonnés  au  culte  des  démons  fis- 
sent ainsi  disparoître  ces  deux 
sœurs,  dont  il  sembloit  que  la 
terre  ne  pouvoit  plus  supporter 
l'honneur  et  les  vertus  ».  (  V.  M. 
S.  Dadchez  et  L.  Delahaye.  ) 

DAUDET  (Claude),  citoyen 
de  Nîsmës,  et  simple  ouvrier  en 
taffetas,  âgé  de  28  ans,  avoit  cou- 
rageusement signé  la  profession 
de  Foi  catholique,  contenue  dans 
l'adresse  des  Nismois,  du  20  avril 
1790,  et  leur  déclaration  du  1" 
juin  suivant  [V .  Nismes).  Les  cal- 
vinistes qui  s'en  vengèrent,  le  \t\ 
du  même  mois,  ne  pardonnèrent 
point  a  Daudet.  Dans  la  nuit  du 
14,  on  pénétra  violemment  dans 
sa  maison  :  il  fut  arraché  de  son 
lit,  et  traîné  sur  l'Esplanade,  où 
on  le  massacra,  après  lui  avoir 
crevé  les  yeux  et  l'avoir  mutilé 
comme  Deymond  (  V.  ce  nom  ). 
Pierre  et  Jean  Maurin  ,  frères  , 
amis  et  voisins  de  Daudet ,  furent 
traités  comme  lui,  pour  la  même 
cause,  pendant  celte  nuit  désas- 
treuse. Le  premier  coup  lui  avoit 
été  porté  par  un  homme  à  qui  la 
veille  il  avoit  sauvé  la  vie ,  et 
qui  s'est  ensuite  vanté  d'avoir  lui 
seul  tué  dix-neuf  catholiques  dans 

(1)  Gravitate  montm,  mentis  pis— 
tute  ,  studioque  et  industrie  clariores  ; 
perinde  ac  si  terra  tantum  decus  ferre 
non  posset ,  à  cultoribus  dœmonum 
jussœ  sunt  in  mare  prœcipitari  (  Euseb. 
Ilist.  Ecctes.  L.  VJI,  c.  xii,  n°  16). 


DAU 

cette  occasion.  [V .  Auzéby,  et  P. 
Froment.  ) 

DALDIN  (Nicolas)  ,  prêtre  du 
diocèse  de  Poitiers,  vivoit  paisible 
à  Richelieu,  quoiqu'il  n'eût  pas 
fait  le  serment  de  1 79 1  ,  et  il  y 
conservoit  son  domicile  en  1795  , 
malgré  la  loi  de  la  déportation  des 
prêtres  insermentés.  Mais,  quand 
l'athéisme  déploya  ses  fureurs  sur 
toute  la  France  à  la  fin  de  cette 
année,  Daudin  fut  atteint  par  les 
agens  de  la  persécution.  Après 
lavoir  arrêté,  ils  le  traînèrent  à 
Poitiers  pour  être  jugé  par  le 
tribunal  criminel  du  département 
de  la  Vienne,  qui  y  résidoit.  Ce 
tribunal  prononçant  sur  son  sort, 
le  29  germinal  an  II  (18  avril 
1794),  l'envoya  périr  sous  le  fer 
de  la  guillotine,  comme  «prêtre 
réfractaire  » . 

DAUSSUN  (François)  ,  prêtre 
du  diocèse  de  Toulouse  ,  né  dans 
la  ville  de  ce  nom,  et  regardé  à 
juste  titre  comme  un  prêtre  non- 
assermenté  qui,  pour  continuer 
à  exercer  p*  fonctions  envers  les 
catholiques ,  n'avoit  pas  obéi  à  la 
loi  de  déportation  du  26  août 
1792,  fut  arrêté  en  1790,  et  en- 
voyé en  1794»  à  Bordeaux,  d'où 
il  devoit  être  déporté  au-delà  des 
mers  (  V.  Bordeaux).  On  ne  put  le 
comprendre  dans  le  grand  nombre 
de  ceux  qu'on  y  embarqua  vers  la 
fin  de  l'automne  seulement,  trois 
mois  après  la  chute  de  Robers- 
pierre  ;  et  il  resta  enfermé  dans 
le.fort  du  Ha.  Le  séjour  de  cette 


DAV 

prison ,  aggravant  le  poids  de  ses 
précédentes  souffrances,  le  ré- 
duisit à  la  dernière  extrémité.  On 
le  fit  porter  à  l'hôpital  de  Saint- 
André  où  il  mourut  le  L\  février 
1795,  toujours  captif  de  Jésus  - 
Christ,  à  l'âge  de  5y  ans.  (  V.  J.  F. 
Danceyron,  et  P.  Delsol.) 

DAVAINE  (IV...),  religieuse 
Ursuline  d'un  monastère  de  Nan- 
tes, et  supérieure  de  sa  commu- 
nauté ,  continuant  à  vivre  selon 
sa  règle ,  avec  cinq  autres  du  même 
ordre,  ne  pouvoit  échapper  aux 
recherches  des  agens  de  l'impie 
Carrier  {V.  Nantes.  )  Toutes  les 
six  furent  arrêtées,  et  jetées  avec 
une  infinité  d'autres  captifs  dans 
une  prison  où  l'on  ne  respiroit 
qu'un  air  empesté.  Les  alimens 
même  les  pluscommunsleurman- 
quoient;  et  toutes  enduroient  leurs 
souffrances  avec  résignation ,  et 
même  avec  une  sainte  joie ,  re- 
gardant comme  un  bonheur  de 
souffrir  pour  J.-C.  Elles  étoient 
disposées  au  martyre,  lorsqu'une 
épidémie  mortelle  vint  terminer1 
leurs  jours  dans  les  fers.  Jalouses 
en  mourant  de  mériter  ia  palme 
réservée  à  ceux  qui  confessent 
leur  Foi  devant  les  tyrans ,  elles 
en  faisoïent  encore  une  coura- 
geuse profession1,  quand  leur  âme 
abandonna  leur-c^-rps  pour  passer 
dans  le  sein  de  l'Eternel.  Ainsi 
avoit  acquis  la  palme  du  mdrtyre 
le  plus  jeune  dès  fils  de  S.  Satur- 
nin ,  c'est-à-dire  S.  Hijarien 
«  Jeté  dans  les  fers,  après  avoir 


DAV  535 

confessé  la  Foi,  il  s'écria  lorsqu'il 
y  mourut  :  J'en  rends  grâces  à 
Dieu;  et  par  là,  dit  l'historien, 
son  combat  fut  couronné  de  la 
victoire  (1).  L'Eglise  la  célèbre 
le  1 1  février. 

DA VANNE  (IV...)  ,  curé  de 
Remilly- sur- Meuse  ,  avoit  eu  la 
foiblesse,  en  1791,  de  prêter  le 
serinent  de  la  constitution  civile 
du  clergé,  par  attachement  pour 
ses  ouailles,  et  par  zèle  pour  son 
ministère.  Comme  un  abîme  in- 
voque un  autre  abîme,  suivant 
l'expression  de  l'Ecriture -Sainte  , 
cette  première  faute  disposoit  ce 
pasteur  à  une  seconde  encore  plus 
grave;  et  c'étoit  par  la  gravité  de 
celle-ci,  ou  plutôt  par  la  vio- 
lence des  remords  que  la  seconde 
ajouteroit  à  ceux  de  la  première  , 
que  la  Providence  devoit  le  Faire 
rentrer  dans  le  chemin  de  la  Foi 
et  du  devoir.  En  1794,  les  auto- 
rités civiles  de  son  canton .  se 
conformant  à  ce  qui  se  pratiquoit 
dans  presque  toute  la" France,  de- 
mandèrent à  cë  curé  la  remise 
impie  de  ses  lettres  de  prêtrise  : 
sijme  convenu  de  l'abdication  du 
sacerdoce.  Effrayé  par  les  atro- 
cités d'alors  contre  les  prêtres ,  il 
fit  ce  qu'on  voulut.  Mais  sa  cons- 

cièn'ce  fut  aussitôt  en  proie  à  des 

_j  )i  

'(  1  )  Mo  t  in  carcerem  recipi  etùan 
ipse  jubetur  ;  irigentiqiie  curn  gattdio 
i'iu  HJlarUmi  anditur,  dicentis  f)e.o 
gratias  :  Hic  certaminis  magni  pugna 
peijicilur.  (Ruinait'.  Acl.SS.  Marlt  r. 
SuCurnùu  ,  Dativi ,  Hilariuni ,  etc. } 


55G  DAV 


DAV 


tourmens  qui  ne  lui  permirent 
même  plus  de  supporter  le  regret 
d'avoir  fait  le  serment  de  1791. 
Plein  d'un  vif  repentir  de  toutes 
ces  infidélités,  il  veut  courir  à 
l'étranger  pour  s'y  réconcilier  avec 
Dieu  et  son  devoir.  Conduit  p;ir 
un  guide  qui  connoissoit  mal  la 
ligne  des  frontières  de  France,  il 
y  arrive  pendant  la  nuit ,  espérant 
qu'à  la  faveur  des  ténèbres,  il 
franchira  cette  ligne  avec  plus  de 
sûreté.  Une  sentinelle  l'entend, 
et  crie  le  qui  vive  d'usage  ;  Da- 
vaune ,  qui  se  croit  déjà  dans 
l'étranger,  répond  avec  confiance 
par  le  mot  émigré.  Malheureuse- 
ment la  sentinelle  faisoit  partie 
d'une  troupe  révolutionnaire  cam- 
pée dans  les  environs.  Elle  ap- 
pelle; on  le  saisit:  il  est  entraîné. 
Après  l'avoir  outragé  de  toutes  les 
manières,  comme  prêtre,  on  lui 
met  du  feu  sous  les  pieds,  et  on 
les  lui  brûle  progressivement. 
Ce  supplice  cruel  auroit  conti- 
nué jusqu'à»  ce  que  le  reste  de 
son  corps  eût  été  consumé ,  si 
un  homme  de  la  troupe,  moins 
inhumain  peut-être  que  les  au- 
tres, ne  lui  eût  tiré,  un  coup  de 
fusil  qui  mit  fin  à  ses  souffrais  •es , 
en  terminant  sa  \ie.  Les  disposi- 
tions d'âme  dans  lesquelles  il,  é  toit , 
le  plapoient  dans  la  situation  de 
ces  nouveaux  convertis  de  la  pri- 
mitive Eglise,  qui,  n'ayant  pas 
encore  été  baptisés  ,  trouvoient 
dans  le  baptême  de  sang,  dont 
les  païens  punissoient  leur  con- 


version à  la  Foi,  la  gnlce  et  la 
gloire .  du  martyre.  Saint  Jean- 
Chrysostôme ,  parlant  de  saint 
Lucien,  auquel  il  avouoit  qu'on 
pou  voit  faire  quelques  reproches, 
et  qui  mourut  pour  la  Foi ,  s'écrioit 
le  jour  de  sa  fête  :  Hodie  servus 
(  peccati J  sanguine  baptiza- 
tur  ;  inferorum  portée  sunt 
conculcalœ. . . .  quemadmodum 
ii  qui  baptizantur  aquis  ,  ita 
qui  martyrium  patiunlur  t 
proprio  sanguine  abluuntur  : 
quod  vtique  et  in  isto  evenit. 
(  Ilomil  de  S.  Luciano  presby- 
tero  Antiocheno.  ) 

DAVERGNE  (Pierre-Jérôme), 
prêtre,  né  en  Picardie,  dans  la 
paroisse  de  Feuquère,  au  diocèse 
d'Amiens,  et  admis  dans  celui  de 
Sarlat,  y  exerçoit  le  saint  minis- 
tère avec  beaucoup  de  zèle  et  de 
fruit.  La  constitution  civile  du 
clergé  le  trouva  inébranlable  dans 
sa  Foi  ;  il  en  refusa  généreusement 
le  serment  schismatique ,  et  con- 
tinua de  se  rendre  utile  aux  ca- 
tholiques de  ce  diocèse.  Le  mo- 
ment arriva  en  1  |-q3  où  les  impies 
s'en  vengèrent  :  Davergne  fut  ar- 
rêté et  jeté  dans  , les  prisons  du 
département  de  ,1a  Dordogne , 
dont  les  administrateurs  le  vouè- 
rent  .bientôt  à  la  déportation  ma- 
ritime qui  se  pr,éparoit  à  Roche- 
fort  pour,  Jes  prèires  non -asser- 
mentés. On  y  traîna  Davergne  au 
commencement  de  1794  '■>  et  il 
fut  embarqué  sur.la  flûte  les  Deux 
Associés  (Tr.  Rochefort).  Les 


DAV 

souffrances  qu'on  y  éprouvoit 
étoient  si  cruelles,  que,  malgré 
son  jeune  âge,  il  ne  put  les  sup- 
porter. Il  expira  le  21  juin  1794» 
Agé  de  5i  ans,  et  fut  enterré  dans 
l'île  d'Jix.  [V.  Darxi,  Bénédic- 
tin, et  P.  David,  curé  de  Molles.  ) 

DAVI  (Jacques)  ,  curé  de  For- 
ges, près  Doué,  dans  le  diocèse 
d'Angers,  étoit  resté  dans  sa  pa- 
roisse ,  sous  les  auspices  de  l'armée 
catholique  et  royale  (  V.  Ven- 
dée). Dans  un  des  échecs  qu'elle 
essuya  vers  la  fin  de  1793,  ce 
curé  fut  pris  par  les  soldats  de  la 
république.  On  le  conduisit  à  An- 
gers, pour  y  être  une  des  victimes 
de  la  commission  militaire  de 
cette  ville.  Employant  à  l'égard 
de  Davi  la  même  formule  d'accu- 
sation qu'à  l'égard  de  toutes  ses 
victimes,  celte  commission  l'en- 
voya à  la  mort  comme  «  brigand 
de  la  Vendée  »,  le  16  nivose  an  II 
(5  janvier  179/4). 

DAVID  (Louis-George)  ,  curé 
de  Villers-sur-Marne ,  obligé  de 
s'éloigner  de  sa  paroisse,  pour 
n'avoir  pas  voulu  se  souiller  du 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé,  s'étoit  retiré  à  Meaux, 
où  il  vaquoit  paisiblement  aux 
devoirs  de  son  état.  Il  y  fut  em- 
prisonné comme  réfractairc,  à  la 
suite  du  dix  août  1 792 ,  et  devint 
dans  les  prisons  de  cette  ville  une 
des  victimes  que  lei  assassins,  en- 
voyés par  la  Commune  de  Paris, 
y  massacrèrent  le  4  septembre 
suivant  (  V .  Septembre  ).  Sept 


DAV  5-7 

autres  prêtres,  que  les  munici- 
paux avoient  emprisonnés  avec 
lui ,  sous  le  même  prétexte  ,  et 
comme  pour  les  soustraire  à  la 
fureur  du  peuple,  eurent  le  sort 
de  Louis-George  David  {V .  P. 
Duchesne,  L.  P.  Gaïdin,  J.  Hé- 
bert, J.  L.  Meignein,  H.  Pas- 
quier).  Leurs  lettres  de  prêtrise 
furent  portées,  en  triomphe  de 
leur  immolation ,  dans  les  rues 
de  Meaux ,  et  particulièrement 
dans  le  faubourg  de  Saint-Nicolas , 
«  quartier  considérablement  peu- 
plé ,  et  presque  entièrement  de 
protestans  »,  selon  la  remarque 
de  L.  Prudhomme. 

DAVID  (N...),  prêtre  zélé  du 
diocèse  d'Angers,  né  à  Château- 
Gonthier ,  étoit  resté  dans  son 
pays  pour  le  salut  des  catholiques , 
quoiqu'il  raison  de  son  refus  du 
serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé,  il  eût  été  condamné 
à  sortir  de  Fiance  par  l'horrible 
loi  du  26  août  1792.  Au  milieu 
des  dangers  innombrables  que  les 
prêtres  couroient  dans  cette  con- 
trée, David  continuajusqu'en  1798 
à  se  rendre  où  la  piété  des  fidèles 
pouvoit  l'appeler.  Un  jour  de  cette 
année ,  qu'il  se  trouvoit  pour  cette 
fin  dans  le  bourg  de  Quelaines, 
près  de  Château  -  Gonthier ,  et 
qu'une  de  ces  hordes  qu'on  ap- 
peloit  colonnes  mobiles  passoit 
pi'ès  de  là,  un  infâme  transfuge 
de  l'armée  catholique  cl  royale 
le  dénonça  aux  soldats  de  cette 
horde.  Us  vinrent  l'enlever,  et  le 


538  dav 

taillèrent  en  pièces  à  l'instant. 
Nous  ajouterons  à  ce  martyre , 
celui  d'un  autre  prêtre,  dont  le 
nom  nous  est  encore  inconnu,  et 
qui ,  après  le  passage  de  l'armée 
royale  au  Mans ,  vers  Pâques 
de  la  même  année,  fut  saisi  par 
un  révolutionnaire  armé.  Il  le 
traîna  à  la  municipalité  des  Mués, 
près  le  Mans.  D'autres  assassins 
s'étant  joints  au  premier,  ils  con- 
duisirent le  lendemain  ce  prêtre 
à  peu  de  distance  du  bourg,  et  l'y 
fusillèrent.  [V .  Dangrai,  d'Au- 
vers-Ie-Hamon,  et  Defay,  du 
Mans.) 

DAVID  (Antoine),  prêtre,  bé- 
néficier de  l'église  cathédrale  de 
Mâcon,  natif  de  cette  ville,  resta 
attaché  à  la  religion  et  à  son  sa- 
cerdoce après  la  suppression  de 
son  chapitre ,  malgré  les  impié- 
tés toujours  croissantes  qu'auto- 
risoient  les  législations  de  1792  et 
1  793.  II  fut  en  conséquence  mis 
en  prison;  et  les  administrateurs 
du  département  de  Saône- et  - 
Loire,  le  condamnèrent  à  cette 
déportation  maritime  qui  se  pré- 
paroit  à  Rochefort  pour  la  perte 
des  prêtres  non- assermentés.  Il 
est  à  présumer  qu'il  étoil.  de  ce 
nombre,  quoique,  dans  sa  crainte 
d'affirmer  ce  qu'il  ne  savoit  pas 
très-positivement ,  notre  corres- 
pondant revenu  de  cette  dépor- 
tation nous  ait  écrit  qu'il  igno- 
roit  si  cet  ecclésiastique  «  éloit 
assermenté  ou  non».  Notre  con- 
fiance à  cet  égard  se  fonde  sur  ce 


DAV 

que  nous  disons  des  déportés  d<t 
Mûcon,  dans  l'article  Rochefort. 
Le  prêtre  David,  arrivé  à  Roche- 
fort, fut  embarqué  sur  le  navire 
le  Washington ,  où  les  souf- 
frances qu'on  y  éprouvoit  le  firent 
périr  graduellement.  Il  rendit  son 
dernier  soupir  le  6  octobre  1794» 
à  l'âge  de  49  afis,  et  fut  enterré 
dans  l'île  Madame.  Notre  Dis- 
cours prélim.  ,  pag.  43  »  achè- 
vera de  justifier  l'inscription  de 
cet  ecclésiastique ,  parmi  ceux  que 
l'impiété  fit  périr  en  haine  de  la 
religion.  [V .  P.  David,  et  P.  Da- 

VILET.) 

DAVID  (Marguerite),  reli- 
gieuse Carmélite  de  Bordeaux, 
née  en  cette  ville,  y  étoit  restée 
après  la  suppression  des  ordres 
religieux.  Rendue  malgré  elle  à 
la  société  ,  elle  fut  un  sujet 
d'édification  dont  la  présence  ne 
pouvoit  qu'être  odieuse  aux  en- 
nemis de  la  Foi.  Son  grand  âge 
ne  la  rendit  pas  plus  respectable 
à  leurs  yeux;  et,  décidés  à  l'im- 
moler comme  fanatique ,  ils 
commencèrent  par  la  faire  ren- 
fermer dans  la  maison  des  Or- 
pfielines  ,  transformée  en  prison 
de  mort.  Ils  n'eurent  pas  le  temps 
de  l'égorger  :  une  maladie  grave 
la  vint  assaillir;  on  ne  put  se  dis- 
penser de  la  porter  à  l'hôpital  de 
Saint -André,  où  elle  mourut 
bientôt,  le  28  janvier  1795,  à 
l'âge  de  70  ans.  [V.  B.  Andran^ 

et  P.  AiNGLADE.) 

DAVID  (Pierbe),  curé  de 


DAV 

Molles,  paroisse  du  diocèse  de 
Clermont  en  Auvergne  ,  natif 
de  Champeaux ,  près  Moulins, 
dans  le  même^fciocèse ,  a  fourni 
la  plus  éclatante  preuve,  que,  de 
nos  jours  encore,  le  Seigneur  fait 
surabonder  la  grâce  où  le  crime  a 
surabondé.  La  pusillanimité  du 
caractère  de  ce  curé  le  fit  céder  à 
tout  ce  que  les  persécuteurs  exi- 
gèrent successivement  de  lui.  Il 
prêta  d'abord  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé , 
ensuite  celui  de  liberté- égalité  ; 
et  il  ne  sut  pas  braver  la  menace 
qu'on  lui  fit  de  le  traiter  comme 
suspect,  c'est-à-dire  de  le  vouer  à 
la  mort  s'il  ne  se  marioit  pas.  Ce- 
pendant, même  après  s'être  ma- 
rié, il  étoit  encore  suspect  aux 
impies;  et  leur  suspicion  n'étoit 
pas  sans  honneur  pour  lui  :  elle 
tourna  à  la  gloire  de  l'Eglise  et  au 
salut  de  ce  curé  si  coupable.  Il 
fut  jeté  par  ces  impies  dans  les 
prisons  de  Moulins,  et  même  en- 
core condamné  par  eux  à  la  dépor- 
tation maritime,  imaginée  pour  la 
perte  des  prêtres  dont  rien  n'a- 
voit  pu  ébranler  la  fidélité  et  la 
vertu.  On  l'envoya  avec  eux  à 
Roehefort,  et  on  l'embarqua  sur 
le  navire  les  Deux  Associés 
{V .  Rochefort).  Notre  corres- 
pondant, qui  fut  un  de  ses  com- 
pagnons de  déportation  ,  nous 
écrivoit  au  sujet  de  ce  prêtre  infi- 
dèle, mêlé  parmi  tant  d'autres  que 
l'on  punissoit  ainsi  de  leur  fidé- 
lité :  «  Dieu,  sans  doute,  le  per- 


DAV  5% 

mit  afin  que  vexatio  darct 
intetlectum  ;  car,  étant  sur  le 
vaisseau,  les  bons  exemples  qu'il 
eut  sous  les  yeux,  et  la  mort  qui 
l'environnoit  de  toutes  parts,  le 
firent  rentrer  en  lui-même.  Il 
rétracta  tous  ses  sermens  aussi 
publiquement  qu'il  fût  possible , 
fit  la  plus  édifiante  pénitence  de 
son  mariage,  et  mourut  comme 
tous  les  autres  incorruptibles  con- 
fesseurs de  la  Foi.  Sa  mort  arriva 
le  7  septembre  1794-  H  avoit  alors 
44  a»s  ;  et  son  corps  fut  enterré 
dans  l'île  Madame.  Que  si  quel- 
qu'un plus  sévère  qu'instruit  s'é- 
tonnoit  de  nous  voir  regarder 
comme  Martyr  cet  ecclésiastique 
naguère  si  coupable,  qu'il  lise  ce 
que  nous  avons  dit  aux  pages  3g 
et  4°  de  notre  Discours  prélim. 
{V.  P.  J.  Davergue,  et  A.  Davjd  , 
de  Mâcon.) 

DAVID  (Pierre),  prêtre  du 
diocèse  d'Angoulême,  et  né  dans 
cette  ville,  en  i?53,  y  étoit  cha- 
noine régulier  de  la  congrégation 
de  Sainte-Géneviève.  Après  avoir 
échappé  aux  terribles  dangers  des 
plus  affreuses  années  de  la  révo- 
lution sans  avoir  fait  aucun  de 
ses  sermens,  il  exerçoit  avec  une 
sorte  de  sécurité  son  ministère  à 
Angoulême ,  en  1797,  lorsque 
survinrent  et  la  catastrophe  du 
18  fructidor  (4  septembre  1797) 
et  la  terrible  loi  de  déportation , 
rendue  le  lendemain  [V .  Guiane). 
Ses  exécuteurs,  dans  le  dépar- 
tement de  la  Clwrcnte ,  par- 


54o  DAV 

■vinrent  à  se  saisir  du  chanoine 
David  ,  au  commencement  de 
1798,  et  l'envoyèrent  à  Roche- 
fort  pour  être  embarqué.  On  l'y 
fit  monter  la  corvette  la  Bayon- 
ivaise,  le  1"  août  suivant.  Dans 
la  traversée,  il  fut  atteint  de  l'épi- 
démie qui  se  manifesta  sur  cette 
frégate  ;  et,  quoiqu'il  en  fût  malade 
encore  à  son  arrivée  à  Cayenne, 
le  29  septembre  ,  on  le  relégua 
dans  le  désert  de  Synnamari.  Il 
eut  cependant  l'avantage  d'y  être 
reçu  dans  l'habitation  du  colon 
Konrad-Lillebat  ;  mais  il  n'y  mou- 
rut pas  moins  des  suites  de  l'épi- 
démie qui  s'étoit  amalgamée  avec 
son  existence,  abord  de  ta B ayon- 
naise.  Sa  mort  arriva  le  2  février 
179g.  II  avoit  alors  45  ans.  {V .  H. 
Darmand,  et  3.  F.  Daviot.) 

DAVILET  (Piebre),  prêtre, 
religieux  de  l'ordre  des  Prémon- 
trés, dans  leur  maison  de  l'Etan- 
che ,  en  Benoîtveaux  ,  près  de 
Saint-Mihiel ,  au  diocèse  de  Ver- 
dun ,  étoit  destiné  à  devenir  un 
vase  de  miséricorde  et  de  gloire , 
lors  même  qu'il  se  seroit  dégradé 
jusqu'à  être  momentanément  un 
vase  d'ignominie  et  de  colère  : 

Quod  si  Deus        sustinuit  in 

multâ  patientiâ,  vasairœ,  apta 
in  interitum ,  ut  ostenderct  di- 
vitias  gloriœ  suœ  in  vasa  mi- 
sericordiœ,  quœ  prœparavit  in 
gloriam  (Ad  Rom.  c.  9).  II  fit 
d'abord  le  serment  schismatique 
de  1791  ,  consentit  à  être  vicaire 
constitutionnel  du  curé  intrus  de 


DAV 

la  paroisse  d' A  viller,  dans  le  même 
diocèse,  et  ne  se  fit  nul  scrupule 
de  prêter,  en  septembre  1792,  le 
serment  de  libéré- égalité.  Il 
crut  pouvoir,  malgré  cela,  con- 
server les  honneurs  du  sacerdoce; 
et  ce  fut  par  les  impies  eux-mêmes 
qu'il  apprit  que  ces  honneurs 
étoient  incompatibles  avec  le  sys- 
tème anti  -  religieux ,  d'après  le- 
quel ils  avoient  exigé  de  lui  ces 
divers  actes  de  dégradation  sacer- 
dotale. Davilet  ne  voulut  pas  la 
consommer,  et  fut  arrêté  par  eux 
en  1793.  Jeté  dans  les  prisons  de 
Verdun  avec  d'autres  prêtres  dont 
rien  n'avoit  obscurci  la  glorieuse 
fidélité,  et  qu'on  se  disposoit  à 
faire  déporter  au-delà  des  mers , 
il  fut  envoyé  comme  eux  à  Roche- 
fort  pour  être  embarqué.  Le  na- 
vire qu'il  y  monta  étoit  celui  des 
Deux  Associés  {V.  Rochefort). 
Ici,  nous  laisserons  parler  les  té- 
moins de  sa  conversion  et  de  son 
repentir  dans  l'entrepont  de  ce 
bâtiment,  au  milieu  de  ses  con- 
frères, et  lorsqu'il  jouissoit  encore 
d'une  pleine  santé.  «C'étoit,  dit 
M.  de  Labiche,  un  homme  simple 
et  droit.  Ayant  été  vivement  tou- 
ché de  la  grâce  à  la  vue  d'un  si 
grand  nombre  de  confesseurs  de 
la  Foi,  mourant  avec  joie  pour  le 
maintien  des  vrais  principes  dont 
il  avoit  eu  le  malheur  de  mécon- 
noître  l'autorité ,  il  nous  édifia 
singulièrement  par  ses  rétracta- 
tions et  son  esprit  de  pénitence». 
Davilet  venoit  d'être  envoyé  pour 


BAV 

servir  d'infirmier  aux  prêtres  ma- 
lades qu'on  avoit  mis  sur  un  petit 
bâtiment  qui  tenoit  lieu  d'hôpital. 
<-  Là,  poursuit  notre  correspon- 
dant particulier,  Davilet  se  pros- 
terna avec  ferveur  au  milieu  de 
l'entrepont,  où  étoient étendus  les 
malades  et  les  mourans ,  et  fit  à 
haute  voix  la  rétractation  de  tous 
les  sermens  qu'il  avoit  prêtes, 
demandant  pardon  à  Dieu  et  à  ses 
confrères  présens  ,  de  tous  les 
scandales  qu'il  avoit  donnés  jus- 
qu'alors. J'en  ai  été  le  témoin  ocu- 
laire». Quelques  jours  plus  tard, 
il  tomba  malade  lui-même,  et  fut 
transféré  à  l'île  Madame,  dans  les 
tentes  qu'on  y  avoit  construites 
pour  jouir  d'un  hôpital  moins  in- 
commode ;  et,  après  quelques 
semaines  de  souffrances,  il  expira 
dans  les  mêmes  sentimens,  en 
partageant  la  gloire  comme  la  Foi 
de  ses  confrères.  Sa  mort  arriva 
le  22  août  1794:  d  avoit  alors  5o 
ans;  et  son  corps  fut  enterré  dans 
l'île  Madame.  {V.  David,  de 
Mâcon  ,  et  de  Bets.) 

DAVIOT  (Denis)  ,  prêtre,  né  à 
Villeneuve,  près  Besançon,  en 
1^49?  étoit  religieux  de  la  maison 
des  Bernardins  de  cette  ville.  Pur 
de  tous  les  sermens  anti-religieux 
de  la  révolution ,  il  avoiteependant 
échappé  à  ses  plus  grandes  fureurs 
en  1793  et  1794  ;  mais  il  finit  par 
devenir  la  proie  des  exécuteurs  de 
la  farouche  loi  du  19  fructidor 
(5  septembre  1797).  Ils  l'arrêtè- 
rent, ainsi  que  son  cousin  dont 


DAV  54i 

nous  allons  parler,  et  le  firent 
conduire  à  Rochefort  pour  être 
déporté  à  la  Guiane  [V ,  Guiane). 
On  l'embarqua  le  12  mars  1798 
sur  la  frégate  la  Charente;  puis, 
le  25  avril,  sur  la  frégate  la  Dé- 
cade, qui  le'  jeta  à  Cayenne  au 
milieu  de  juin.  Il  fut  de  là  envoyé 
au  canton  d'Yrocoubo ,  non  moins 
homicide  que  les  autres  ;  et  il  y 
mourut  bientôt  des  effets  meur- 
triers du  climat,  le  5  décembre 
de  la  même  année.  Son  âge  étoit 
de  49  ans.  {V .  P.  David  ,  et  J.  F. 
Daviot.) 

DAVIOT  (Jean -François), 
prêtre,  cousin  du  précédent,  étoit 
né  à  Besançon,  en  1748.  Il  entra 
dans  l'ordre  des  Capucins  ;  mais 
la  révolution  le  priva  d'un  état 
cher  à  sa  piété,  quand  elle  sup- 
prima les  ordres  monastiques.  Il 
put  se  soustraire  aux  fureurs  im- 
pies de  1795  et  1794?  sans  avoir 
fait  aucun  des  sermens  anti-reli- 
gieux exigés  par  les  réformateurs; 
et  en  1797,  il  exerçoit  paisible- 
ment le  ministère  sacerdotal  à 
Besançon  ,  lorsque  la  loi  du  19 
fructidor  an  V  (5  septembre  1797) 
vint  donner  prétexte  aux  ennemis 
de  la  religion  de  le  faire  déporter 
avec  son  cousin  Denis,  et  un  autre 
cousin,  Nicolas  Daviot,  Bénédic- 
tin à  Besançon  même  {V .  Guiane). 
Il  fut  traîné  avec  eux  à  Roche- 
fort,  et  embarqué  sur  la  frégate 
ta  Charente,  le  12  mars  1798, 
d'où  il  passa,  le  2  5  avril,  sur  la 
frégate  la  Décade.  Celle-ci  le  dé- 


54  a  DEA 

posa  dans  le  port  de  Cayenne  vers 
le  milieu  de  juin.  De  suite,  on  le  re- 
légua dans  le  désert  de  Synnamari , 
où  il  souffrit  beaucoup  et  très-long- 
temps. Succombant  enfin  à  ses 
maux,  il  fut  porté  à  l'hospice;  et 
il  y  expira,  âgé  de  5i  ans,  le 
28  octobre  1800.  Nicolas  Daviot, 
plus  jeune  qu'eux  ,  n'y  mourut 
point,  et  revint  en  France  par  la 
Martinique,  en  1801.  {V ■  D.  Da- 
viot, et  J.  B.  Debrutne.) 

DAZUZ,  Bénédictin.  {Voy. 
Dard.) 

DE  AU  (  Marie  -  Madeleine- 
Jeanne)  ,  religieuse  du  couvent  de 
Notre-Dame,  à  Fontenay,  dio- 
cèse de  La  Rochelle  ,  et  née  à 
Bourgneuf,  même  diocèse,  étant 
mise  hors  de  son  cloître  par  les 
réformes  philosophiques  de  1 79 1 , 
tâchoit  de  s'en  consoler  en  prati- 
quant dans  le  monde  toutes  ces 
vertus  de  la  retraite  qui  conduisent 
à  la  perfection  chrétienne.  Elle  les 
rendoit  même  utiles  à  la  société , 
en  instruisant  des  enfans.  Sa  piété 
et  ses  bonnes  œuvres  offusquèrent 
les  impies  révolutionnaires ,  armés 
contre  les  Vendéens  (f.  Vendée). 
Elle  fut  accusée  d'avoir  brodé  , 
pour  eux ,  des  images  du  sacré 
cœur  de  Jésus  ;  et  le  tribunal 
criminel  du  département  de  la 
Vendée,  siégeant  à  Fontenay ,  la 
fit  périr  sur  l'échafaud ,  comme 
fanatique,  vers  la  fin  de  1793. 

DEAU  (/V...  ),  jeune  ecclésias- 
tique du  diocèse  de  La  Rochelle , 
et  probablement  neveu  de  la  reli- 


DEB 

gieuse  Marie  -  Madeleine  -  Jeanne 
Deau,  se  montra  digne  d'elle  par 
son  zèle  pour  la  Foi,  et  les  autres 
dispositions  sacerdotales  dont  il 
étoit  pourvu.  Il  fut  arrêté  en  1793, 
et  jeté  dans  les  prisons  de  La  Ro- 
chelle, où  le  tribunal  criminel  du 
département  de  la  Charente-In- 
férieure le  condamna  ,  comme 
«  réfractaire  et  contre-révolution- 
naire »,  à  périr  sur  l'échafaud  de 
la  guillotine. 

DE  BETS  (Pierre),  que  nous 
trouvons  dans  nos  notices  des  dé- 
portés de  1794»  avec  le  titre  de 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Lom- 
bez  ,  ne  se  voit  point  parmi  les 
membres  du  chapitre  de  cette 
église,  dans  la  France  Ecclêsias~ 
tique  de  1 789 ,  à  moins  que  ce  ne 
soit  lui  qu'on  y  ait  incorrectement 
désigné  sous  le  nom  de  Dubech , 
ou  qu'il  ne  fût  l'un  des  quatre 
hebdomadiers  de  cette  cathédrale. 
Quoi  qu'il  en  soit,  l'ecclésiastique 
dont  il  s'agit  ici,  étoit  né  à  Exi- 
deuil,  dans  le  diocèse  de  Péri- 
gueux,  en  1763,  et  revint  ha- 
biter les  lieux  de  sa  naissance , 
après  la  destruction  de  son  cha- 
pitre,  en  1791.  Il  repoussa  avec 
une  fermeté  sacerdotale  la  cons- 
titutioix  civile  du  clergé;  mais , 
jugeant  ensuite  plus  légèrement 
le  serment  de  liberté  -  égalité , 
demandé  en  septembre  1792,  il 
le  prêta  avec  facilité.  Cet  acte  de 
condescendance  aux  vues  des  im- 
pies législateurs  ne  le  sauva  point 
des  dangers  de  la  persécution.  II 


DEB 

se  le  reprochoit  déjà,  quand  il  fut 
arrêté,  vers  la  fin  de  1793,  et 
envoyé,  dès  les  premiers  mois  de 
1794,  à  Rochefort,  pour  en  être 
déporté  au-delà  des  mers,  avec 
beaucoup  de  prêtres  insermentés 
{V.  Rochefort).  On  l'embar- 
qua sur  le  navire  les  Deux  Asso- 
ciés. Nos  deux  historiens  de  cette 
déportation  parlent  avantageuse- 
ment de  ce  jeune  chanoine.  L'un 
d'eux  le  représente  comme  «rem- 
pli des  plus  heureuses  qualités  de 
l'esprit  et  du  cœur  »  .  L'autre , 
notre  correspondant  particulier, 
après  avoir  dit  qu'il  avoit  fait  le 
serment  de  liberté  -  égalité  , 
ajoute  :  «Mais  il  le  rétracta  avant 
sa  mort,  et  peut-être  même  avant 
sa  déportation  (  V.  Fontaine  , 
Lazariste).  Il  étoit  bon  ecclésias- 
tique ,  et  de  grande  espérance  ». 
Sa  mort  arriva  le  3  septembre 
1794;  il  n'avoit  alors  que  3i  ans, 
et  fut  enterré  dans  Pile  Madame. 
«  La  douceur,  l'honnêteté,  l'affa- 
bilité de  son  caractère,  dit  M.  de 
La  Biche,  le  faisoient  chérir  de 
tous  ses  confrères.  A  ces  qualités 
aimables  il  joignoit  des  lumières 
et  un  grand  fond  de  piété.  Atteint 
de  la  maladie  sur  le  vaisseau,  il 
tomba  dans  les  plus  étranges  con- 
vulsions; et  on  eut  d'abord  quel- 
que peine  à  calmer  les  frayeurs 
que  lui  causoient  les  approches 
de  la  mort  :  mais,  comme  ce  n'é- 
toit  guère  que  l'effet  d'une  vio- 
lente fièvre  chaude ,  son  esprit 
rentra  dans  son  assiette  naturelle, 


DEB  543 

quand  l'accès  eut  diminué  ;  et 
alors  l'abbé  de  Bets  manifesta  les 
sentimens  ordinaires  de  son  cœur, 
qui  étoient  tous  dirigés  vers  la 
confiance  en  Dieu.  Il  expira  pai- 
siblement dans  cette  heureuse 
disposition».  {V.  P.  Dayilet,  et 
P.  Defer.) 

DEBRONT  (  Antoine  ) ,  laïc 
plein  de  piété,  né  à  Mâcon,  et 
marchand  épicier  à  Lyon ,  sur  la 
place  du  Change ,  étoit  parvenu  à 
l'âge  de  60  ans,  avec  un  grand 
zèle  pour  la  religion  catholique. 
Elle  étoit  l'âme  de  l'attachement 
politique  qu'il  manifesta  pour 
l'antique  monarchie  française  , 
lors  du  siège  de  la  ville  de  Lyon, 
en  1793.  Ce  fut  par  son  conseil 
que  ses  fils,  élevés  chrétienne- 
ment ,  prirent  les  armes  dans  le 
même  esprit ,  pour  défendre  la 
ville  contre  les  hordes  de  l'impie 
Convention,  en  cette  rencontre. 
Quand  elle  eut  asservi  la  cité, 
et  que  ses  proconsuls  y  eurent 
établi  leur  féroce  commission  ré- 
volutionnaire (  V .  Lyon  ) ,  ce 
respectable  père  de  famille  fut 
arrêté.  L'atroce  tribunal  le  con- 
damna à  la  peine  de  mort,  le 
3  pluviôse  an  II  (2a  janvier  1.794)3 
comme  «royaliste  et  fanatique  ». 
(  V .  Crozet,  et  C.  Delorme.  ) 

DEBRUYINE  (Jean-Baptiste), 
curé  de  la  paroisse  de  Saint-Quen- 
tin, à  Louvain  où  il  étoit  né,  en 
1^54,  ne  fit  point  les  sermens 
exigés  par  la  révolution  française, 
lorsqu'elle  eut  envahi  la  Belgique 


544  DEC 
[V .  Belgique).  Echappé  aux  per- 
sécutions homicides  que  le  refus 
de  ces  sermens  attiroit  aux  prêtres , 
il  étoit  en  hutte  à  celles  qui  s'éle- 
vèrent contre  eux,  en  1  796  et  1 797. 
'Elles  frappèrent  leur  coup  décisif 
après  le  18  fructidor  (4  septemhre 
1797  ) ,  à  la  faveur  de  la  barhare 
loi  du  lendemain  {V .  Guiane).  Le 
curé  Debruyne  ,  qui  repoussoit 
avec  horreur  le  serment  de  haine, 
prescrit  à  cette  époque,  fut  em- 
prisonné ,  et  bientôt  conduit  à 
Rochefort ,  d'où  il  devoit  être 
déporté  à  la  Guiane.  On  l'em- 
barqua,  le  12  mars  1798,  sur 
la  frégate  la  Charente  ;  et,  le 
25  avril,  on  le  flt  passer  sur  la 
frégate  la  Décade,  qui  alla  le  jeter 
dans  le  port  de  Cayenne  ,  vers  le 
milieu  de  juin.  Presque  aussitôt 
il  en  fut  repoussé  dans  le  désert 
de  Ronanama.  La  peste  exhalée 
par  cette  terre  meurtrière  l'eut 
bientôt  investi  :  il  en  mourut  le 
2 1  septembre  de  la  même  année  , 
à  l'âge  de  52  ans.  [V.  J.  F.  Da- 
viot,  et  J.  de  La  Croix.) 

DECAIX  (Pierre -François), 
curé  d'Avernes ,  dans  le  diocèse 
de  Rouen,  et  né  à  In  val  en  1735, 
a  voit  son  âge  pour  justification  de 
sa  non  sortie  de  France,  lors  de 
la  loi  de  la  déportation ,  quoique 
réellement  il  ne  fut  pas  encore 
tout-à-fait  sexagénaire.  On  l'arrêta 
bientôt  dans  le  cours  de  179^; 
et,  après  être  resté  plusieurs  mois 
dans  les  prisons  de  Rouen ,  il 
lut  envoyé  à  Paris  ,  au  printemps 


DEC 

de  1794»  suivant  la  loi  du  27  ger- 
minal. On  l'y  laissa  long-temps 
encore  emprisonné ,  n'ayant  pas 
de  motifs  bien  évidens  de  le  faire 
juger  sans  parler  de  son  sacerdoce. 
Enfin  ,  le  8  thermidor  an  II  (  26 
juillet  1794),  le  tribunal  le  fit 
comparoître  devant  lui ,  avec  un 
évêque  et  trois  autres  prêfïes  (  V. 
Sandricourt,  L.  Janthia,  J.  Mar- 
tin, J.  L.  Moineau).  Il  fut  con- 
damné ,  comme  eux,  à  la  peine 
de  mort,  sous  le  même  prétexte, 
le  tribunal  se  disant  «  convaincu 
qu'ils  s'étoient  déclarés  les  enne- 
mis du  peuple,  en  préparant,  de 
complicité  avec  le  tyran  (le  roi), 
et  tous  les  chefs  des  conspirations, 
l'anéantissement  de  la  liberté ,  et  le 
rétablissement  de  la  tyrannie  ». 
II  périt  le  jour  même  de  la  sen- 
tence, à  l'âge  de  5g  ans,  avec 
les  quatre  autres  ministres  de 
Jésus-Christ. 

DECHARTRE  (Ambroise), 
vicaire  dans  le  bourg  de  Chau- 
nay,  près  Loudun,  au  diocèse  de 
Poitiers ,  n'avoit  pas  fait  le  ser- 
ment de  1791 ,  et  s'étoit  dispensé 
de  sortir  de  France  ,  après  la  loi 
de  déportation  du  26  août  1792. 
Les  besoins  des  fidèles  l'attachoient 
à  sa  paroisse.  Il  en  fut  enlevé  en 
1795,  par  les  explorateurs  de  la 
Convention,  qui  le  traînèrent  dans 
les  prisons  de  Poitiers.  Le  tribunal 
du  département  de  la  Vienne, 
siégeant  en  cette  ville  ,  fit  compa- 
roître ce  vicaire  devant  lui ,  le 
il)  germinal  an  II  (  1 2  avril  1 794)» 


DEC 

et  le  condamna  aussitôt  à  la 
peine  de  mort,  comme  «prêtre 
réfractaire  » ,  c'est-à-dire  fidèle  à 
sa  Foi  et  à  sa  conscience.  {V . 
N.  E.  Chevalier,  et  J.  De- 

CHARTRE.  ) 

DECHARTR.E  (Jean),  prêtre 
du  diocèse  de  Poitiers,  et  vicaire 
de  Braye ,  en  Saumurais ,  près 
Richelieu  ,  dans  le  même  diocèse, 
parent,  frère  peut-être  du  précé- 
dent ,  n'avoit  pas  abandonné  sa 
paroisse9  et  ne  fit  point  le  serment 
sohismatique  de  1791.  On  l'arrêta 
en  1793;  il  fut  conduit  dans  les 
prisons  de  Poitiers.  Le  tribunal  du 
département  de  la  tienne,  sié- 
geant en  cette  ville,  l'appela  pour 
le  juger,  le  même  jour  qu'Am- 
broise  Dechartre,  le  23  germinal 
an  II  (  1 2  avril  1 79';) ,  et  l'envoya 
avec  lui  à  la  mort,  comme  «prêtre 
réfractaire».  {V .  À.  Dechartre, 
et  J.  S.  Doré.  ) 

DECOUS  (Jean),  curé  du  bourg 
de  Nenvic,  dans  le  diocèse  de 
Limoges,  expulsé  de  sa  cure 
par  les  ante  rites  révohition- 
naires ,  à  cause  de  son  refus  du 
serment  de  1791,  éloit  venu  de- 
meurera Limoges.  Agé  de  70  ans  , 
il  ne  pou  voit  sortir  de  France ,  lors 
de  la  loi  de  déportation  ;  et  sa  vieil- 
lesse sembloit  devoir  le  mettre  à 
l'abri  des  coups  que  l'impiété  vou- 
loit  lui  porter  à  cause  de  sa  Foi 
et  de  son  sacerdoce.  Il  étoit  déjà 
en  réclusion  dans  cette  ville  , 
quand  la  Convention  exigea  que 
tous  les  détenus  des  départemens 

2.  ^ 


DEF  545 

seroient  envoyés  au  tribunal  ré- 
volutionnaire, de  Paris.  On  y 
traîna  donc  ce  vétéran  du  sacer- 
doce ;  et  ce  fut  le  Jeudi- Saint, 
28  germinal  an  II  (17  avril  1794)» 
que  ies  juges  le  firert  comparoitre 
devant  eux  pour  le  juger,  c'est-à- 
dire  pour  l'envoyer  à  l'échafaud. 
Le  prétexte  de  sa  condamnation 
fut  qu'il  avoit  «  entretenu  des  cor- 
respondances avec  les  ennemis  de 
la  république»;  et,  peu  d'heures 
après ,  sa  tète  tomba  sous  le  fer 
de  la  guillotine.  II  étoit  né  ,  en 
1724,  à  Treiguac,  dans  le  diocèse 
de  Tulles. 

DECR.OY  (François-Phiuppe- 
Maucellin),  curé  dans  le  diocèse 
de  Nismes,  ou  d'Uzès ,  s'éloit  retiré 
en  la  paroisse  de  Malcap,  près 
Saint -Ambroise,  dans  le  diocèse 
de  Nismes.  Comme  insermenté,  il 
avoit  été  condamné ,  par  la  loi  de 
déportation,  à  sortir  de  France. 
II  restoit  à  Malcap  pour  l'utilité 
spirituelle  de  ses  paroissiens  ;  mais 
on  l'y  arrêta  vers  la  fin  de  1795. 
Conduit  dans  les  prisons  de 
Nismes ,  pour  être  jugé  par  le 
tribunal  criminel  du  département 
du  Gard,  siégeant  en  cette  ville, 
il  fut  envoyé  par  lui  à  l'échafaud, 
comme  «  prêtre  réfractaire  » ,  le 
10  pluviôse  an  II  (  29  janvier 

i;o4  )• 

DliFAY  (N...),  prêtre  du  dio- 
cèse du  Mans,  remplissoit  encore, 
dans  les  temps  les  plus  affreux, 
les  fonctions  de  son  ministère  en 
cette  contrée.  Passant  un  jour  dans 

35 


346  DE  F 

le  bourgde  Chassillé,  sur  la  Vègre, 
route  du  Mans  à  Laval,  où  des 
bandes  révolutionnaires  s'étoient 
retranchées,  il  y  fut  ar.Gté  par 
elles.  Un  honnête  et  pieux  habi- 
tant de  Chemiré-en-Charnie ,  qui , 
ne  le  voyant  pas  arriver  selon  sa 
promesse,  vint  dans  son  inquié- 
tude le  réclamer  auprès  de  ces 
bandes,  en  reçut  la  réponse  que 
ce  prêtre  lui  seroit  rendu  le  len- 
demain ;  et  le  lendemain  elles  l'as- 
sassinèrent :  après  quoi  elles  cachè- 
rent son  cadavre  dans  un  buisson 
d'épines  fort  épais.  Quand  l'habi- 
tant de  Chemiré  revint,  elles  lui 
dirent  que  Def'ay  s'étoit  évadé  pen- 
dant la  nuit  ;  mais  le  chien  du  bon 
paysan  suffit  pour  leur  donnerpres- 
que  aussitôt  un  démenti  bien  hon- 
teux, en  découvrant  le  cadavre 
de  ce  prêtre  Martyr;  et  le  pieux 
villageois  lui  rendit  les  devoirs 
de  la  sépulture.  Cet  attentat  fut 
commis  dans  un  temps,  où  il 
y  avoit  un  armistice  convenu 
entre  les  troupes  de  la  Con- 
vention et  l'armée  vendéenne , 
dans  l'année  1795.  {V .  David, 
de  Château  -Gonthier,  et  P.  De- 
nais.) 

DEFER  (Pierre),  né  à  la  Gou- 
vière ,  dans  la  paroisse  de  la  Neuve- 
VilIe-sous-Châtenois ,  au  diocèse 
de  Toul,  en  1767,  avoit  embrassé 
l'état  ecclésiastique.  11  étoit  par- 
venu à  l'ordre  du  diaconat,  lorsque 
l'Eglise  de  France  fut  désolée  par 
le  schisme  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé,  en  1791.  Cette 


DEF 

circonstance  contraria  son  avan- 
cement dans  le  sanctuaire;  mais, 
en  restant  dans  le  rang  de  diacre, 
il  ne  s'en  montra  pas  moins  digne 
du  sacerdoce  par  sa  constance  dans 
la  Foi  catholique  ;  et  les  persécu- 
teurs le  rangèrent  avec  raison  dans 
la  classe  des  prêtres  insermentés. 
On  se  plut  à  le  regarder  comme 
tel  après  la  loi  du  26  août  1792, 
qui  les  avoit  bannis  de  France. 
Attendu  qu'il  y  étoit  resté,  on  l'ar- 
rêta, et  on  le  jeta  dans  les  prisons 
d'Epinal,  chef-lieu  du  départe- 
ment des  Vosges,  où  il  faisoil  sa 
résidence.  Associé  de  plus  en  plus 
au  sort  des  prêtres  fidèles,  il  fut 
envoyé  à  Rochefort  pour  être  dé- 
porté au-delà  des  mers.  Le  voyage 
devint  aussi  cruel  qu'il  étoit  long; 
mais  enfin  le  diacre  Defer  arriva 
dans  cette  ville.  On  l'y  embarqua 
sur  le  navire  les  Deux  Associés 
{V.  Rochefort).  La  vigueur  de  la 
jeunesse  le  soutint  au  milieu  des 
souffrances  qu'on  enduroit  dans 
l'entrepont  de  ce  bâtiment  ;  mais 
il  étoit  déjà  gravement  malade, 
lorsqu'en  février  1795,  on  débar- 
qua le  peu  de  déportés  qui  vivoient 
encore.  Ne  pouvant  aller  jusqu'à 
ses  foyers,  il  fut  mis  dans  l'hôpital 
de  Rochefort,  où  il  consomma 
presque  aussitôt  son  martyre,  à 
l'âge  de  28  ans.  Son  corps  fut 
inhumé  dans  le  cimetière  de  cette 
ville.  (  V.  P.  de  Bets  ,  et  J.  De- 

LA  HATE.  ) 

DEFORIS  (Jean-Pierre)  ,  prê- 
tre, né  en  1732  dans  le  diocèse 


DEF 

de  Lyon ,  à  Montbrison ,  en  Forez , 
fut  l'un  des  religieux  Bénédictins 
de  la  congrégation  de  Saint-Maur 
qui  se  distinguèrent  davantage  par 
leurs  lumières,  et  par  l'observance 
des  devoirs  de  leur  état.  Né  de 
païens  qui  élevoient  leurs  eufang 
dans  la  pratique  des  préceptes,  et 
même  des  conseils  de  l'Evangile  , 
il  entra,  dès  l'Age  de  20  ans,  dans 
l'ordre  de  saint  Benoît ,  en  l'abbaye 
de  Saint  -  Allyre ,  à  Clermont- 
Ferrand,  et  y  prononça  ses  vœux 
en  i;?53.  Un  de  ses  frères  y  fit 
aussi  profession  dans  le  même 
temps;  et  ce  frère,  qui  fut  un 
prêtre  et  un  religieux  d'un  très- 
grand  mérite  ,  passa  dans  l'abbaye 
que  son  ordre  avoit  au  diocèse  de 
Saintes,  en  la  ville  de  Saint-Jean- 
d'Angely,  à  laquelle  ce  monastère 
«voit  donné  son  nom.  Devenu  curé 
de  celte  ville ,  «ans  cesser  d'être  Bé- 
nédictin ,  il  fut  l'édification  de  ses 
paroissiens ,  comme  le  modèle  de 
ses  confrères.  Tous,  au  nombre 
de  douze  à  quinze,  excepté  pour- 
tant un  septuagénaire  dont  la  tête 
étoit    aflbiblie  ,    refusèrent  ,  à 
l'exemple  du  curé  Deforis ,  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile  du 
clergé;  et,  lors  de  la  loi  de  la  dé- 
portation, étant  allé  en  Espagne, 
avec  les  trois  religieux  qui  lui 
servoient  de  vicaires,  il  mourut 
à  Burgos.  Son  frère  Jean-Pierre, 
auquel  cet  article  est  spécialement 
consacré  ,  avoit  été  appelé ,  dès 
j  760 ,  à  Paris ,  par  ses  supérieurs , 
qui,  appréciant  son  savoir  et  ses 

2*. 


DEF  547 

talens ,  vouloient  l'y  faire  travail- 
ler, avec  do  m  De  Coniac,  à  une 
édition  des  Conciles  des  Gaules , 
pour  laquelle ,  depuis  le  commen- 
cement du  dix-huitième  siècle  ,  de 
savans  Bénédictins  rassembloient 
des  matériaux.  Mais ,  quand  il 
vit,  eu  1762,  le  préjudice  qu'al- 
loit  causer  à  la  religion  ,  VEmiie 
de  Rousseau  ,  récemment  publié 
avec  tant  d'éclat,  l'Eglise  lui  pa- 
roissant  avoir  des  besoins  plus 
urgens  que  celui  de  la  Collection 
des  Conciles,  il  se  mit  à  réfuter 
les  principes  d'incrédulité  accrédi- 
tés par  YEmite,  et  publia  son 
travail  dès  1762,  sous  ce  titre: 
Réfutation  d'un  nouvel  ou- 
vrage de  J.  J.  Rousseau ,  inti- 
tulé Emile  ,  ou  De  l'Education 
(volume  in-8°).  Ily  ajouta,  l'année 
suivante,  de  concert  avec  le  Père 
André,  prêtre  de  l'Oratoire,  un 
autre  volume  en  deux  parties , 
dont  la  seconde  appartenoit  toute 
entière  à  dom  Deforis.  Ce  volume 
étoit  intitulé  :  La  divinité  de  la 
religion  chrétienne  vengée  des 
sophismes  de  J.  J.  Rousseau 
(in-12).  On  a  dit  avant  nous  «que 
l'ouvrage,  en  général,  est  écrit 
avec  autant  de  force  que  de  clarté  ; 
et  que  les  grandes  vérités  de  la 
religion  y  sont  bien  prouvées  ». 
L'ardeur  de  dom  Deforis  pour  la 
défendre  n'étoit  point  épuisée  ;  il 
publia,  en  17G4,  deux  nouveaux 
volumes  (in-12)  dont  le  but  se 
comprend  par  leur  titre ,  ainsi 
conçu  :  Préservatif  pour  (es 

35. 


5^8  DEF 

fidèles,  contre  les  sophismcs  et 
ies  impiétés  des  incrédules  ;  où 
i'on  développe  les  principales 
preuves  de  la  religion,  et  oit 
i'on  détruit  les  objections  for- 
mées contre  elle  :  avec  une  ré- 
ponse à  ta  Lettre  deJ.  J.  Rous- 
seau à  il/,  de  Bcanmont ,  arche- 
véquede  Parts.  Dom  Deforis  alloit 
ajouter  un  nouveau  volume  aux 
précédens,  en  les  refondant  pour 
une  seconde  édition ,  lorsqu'en 
1760,  il  fut  détourné  de  cette  oc- 
cupation par  la  requête  de  vingt- 
huit  Bénédictins  de  l'abbaye  de 
Saint  -  Germain  -  des  -  Prés  ,  qui 
demandoient  au  Roi  d'être  auto- 
risés à  quitter  l'habit  de  leur  ordre, 
d'être  affianrhis  de  l'obligation  de 
venir  au  chœur  la  nuit ,  et  de  faire 
maigre  toute  l'année.  Le  scandale 
d'un  tel  relâchement  alluma  le  zèle 
de  dom  Deforis  pour  l'état  monas- 
tique. Résidant  alors  dans  le  mo- 
nastère dit  des  Blancs  -  Man- 
teaux, à  Paris,  non  seulement  il 
fut  des  premiers  à  signer,  avec 
ses  confrères  de  cette  maison, une 
forte  réclamation  contre  la  de- 
mande des  vingt-huit  de  Snint- 
Germain;  mais  encore  ,  pour  ob- 
vier au  mal  qu'allait  causer  leur 
exemple,  il  composa  un  ouvrage 
antidotique,  qui  parut  en  1768, 
sous  ce  titre  :  Importance  et 
obligation  de  la  vie  monasti- 
que ;  son  utilité  dans  l'Eglise 
et  dans  L'Etal  :  pour  servir  de 
préservatif  aux  moines,  et  de 
réponse  aux  ennemis  de  l'ordre 


DEF 

monastique  (2  vol.  in- 12). L'abbé 
Lequeux,  par  qui  avoit  été  entre- 
prise l'édition  complète  des  Œu- 
vres de  Bossuet,  et  qui  en  avoit 
déjà  imprimé  trois  volumes,  étant 
mort  cette  année-là  même ,  la 
pontinualion  de  son  travail  fut 
déférée  à  dom  Deforis,  qui,  dans 
les  recherches  et  les  voyages  qu'il 
fit  pour  découvrir  tout  ce  qui  avoit 
été  écrit  par  ce  grand  homme, 
trouva  la  belle  collection  de  ses 
serinons ,  et  beaucoup  d'autres 
pièces  non  moins  précieuses.  Il 
publia,  en  1772,  avec  les  trois 
volumes  imprimés  par  son  prédé- 
cesseur, trois  nouveaux  volumes  ; 
et,  en  1778,  six  autres,  qui  dé- 
voient être  suivis  de  quatre  dont 
l'arrangement  étoit  déjà  fort 
avancé.  Mais  il  faut  convenir  que 
l'éditeur  avoit  mis,  dans  les  vo- 
lumes imprimés  par  lui,  des  notes, 
des  préfaces  et  des  analyses  où, 
tout  en  combattant  les  critiques 
ultramontaines  de  quelques  ou- 
vrages de  l'immortel  évêque  de 
Meaux,  il  inclinoit  vers  le  Ques- 
nellisme.  Le  clergé,  mécontent 
de  ce  genre  de  travail,  le  dénonça 
au  garde  des  sceaux,  qui,  voyant 
que  la  plainte  n'étoit  pas  moti- 
vée, et  que  les  morceaux  désignés 
avoient  reçu  l'approbation  légale 
des  censeurs  royaux,  dont  l'un 
étoit  le  syndic  de  la  Faculté  de 
théologie ,  et  l'autre  un  ancien  pro- 
fesseur de  Sorbonne,  jugea  qu'il 
n'y  avoit  pas  lieu  de  suspendre 
l'édition.  L'on  a  eu  tort  d'écrire , 


DEF 

quelque  part ,  que  les  supérieurs  de 
doin  Deforis  lui  défendirent  de  la 
continuer,  puisque  ce  religieux, 
ami  pratique  de  sa  règle,  prépara 
ensuite  trois  des  quatre  nouveaux 
volumes  de  Bossuet;  savoir  :  ceux 
qui  contiennent  le  resto  des  lettres 
de  cet  illustre  prélat.  S'ils  n'ont 
pas  été  publiés  avant  la.  révolu- 
tion, avec  le  quatrième  qui  de  voit 
être  la  seconde  partiedu  tome  VII , 
et  contenoit  les  panégyr  iques  ; 
c'est  que  toutes  les  grandes  entre- 
prises de  ce  genre  furent  nécessai- 
rement interrompues  à  cette  dé- 
plorable époque.  Dès  le  commen- 
cement de  nos  troubles  civils,  dom 
Deforis,  connoissant  bien  l'esprit 
irréligieux  qui  les  excitoit,  avoit 
prévu  les  maux  qu'ils  alloient  faire 
à  l'Eglise  :  il  en  réprouvoit  haute- 
ment les  audacieux  systèmes;  et 
cependant,  quand  s'exécuta  la 
constitution  civile,  du  clergé, 
les  mêmes  gens  qui  Pavoicnt  déjà 
poursuivi,  osèrent  publier,  par  le 
moyen  de  la  Gazette  de  Paris , 
qu'il  étoit  un  des  principaux  arti- 
sans de  cette  œuvre  de  schisme  et 
d'hérésie.  Une  telle  calomnie  , 
d'autant  plus  noire  qu'elle  étoit 
plus  solennelle,  fut  bientôt  con- 
fondue par  dom  Deforis,  dans  un 
écrit  public,  de  vingt- huit  pages 
in-8",  intitulé  :  Lettre  à  l'au- 
teur de  ia  Gazette  de  Paris 
(2  juillet  1791),  où  ,  non  content 
de  repousser  l'odieux  mensonge, 
îl  s'élevoit  avec  autant  de  courage 
que  d'orthodoxie  contre  la  cons- 


DEF  54() 

titution  civile  du  clergé ,  et 
donnoit  ainsi  la  plus  héroïque 
preuve  de  son  invariable  attache- 
ment à  l'Eglise  catholique.  On  doit 
regretter  (pie  l'auteur  des  Mé- 
moires pour  servir  à  l'histoire 
ecclésiastique  du  dix-huitième 
siècle ,  en  parlant  de  ce  religieux, 
n'ait  fait  aucune  mention  de  cette 
lettre,  d'autant  plus  qu'elle  devint 
la  principale  cause  de  sa  mort. 
Toute  la  justice  qu'il  lui  rend, 
après  avoir  décrié  son  travail  sur 
Bossuet,  en  disant  que  «ses  pré- 
faces sont  assommantes,  et  ses 
notes  du  bavardage»,  se  réduit  à 
lâcher  enfin,  comme  par  grâce, 
sans  aucun  développement  ,  et 
d'une  manière  presque  impercep- 
tible ,  ces  mots  un  peu  légers  : 
«  Il  étoit  du  moins  attaché  à  son 
étal».  Etoit-ce  donc  n'y  être  que 
simplement  attaché,  d'avoir  signé 
la  protestation  de  ses  confrères  des 
Blancs  -  Manteaux,  et  d'avoir 
fait  son  ouvrage  suri' 'Importance/ 
de  la  vie  monastique  ?  11  est 
même  singulier  que  l'auteur  des 
Mémoires ,  en  les  publiant  depuis 
la  restauration  du  trône  des  rois 
très- chrétiens ,  savoir,  en  18 iG, 
se  soit  abstenu  de  parler  de  la. 
lettre  de  dom  Deforis  ,  contre  la 
constitution  civile  du  clergé  ; 
tandis  que,  bien  antérieurement, 
sous  la  tyrannie  même  de  Buona- 
parte ,  l'auteur  de  l'article  qui  con- 
cerne ce  religieux,  dans  la  Bio- 
graphie Universelle,  au  tome  X . 
publié  en  18 15,  lui  en  avoit  fait  un 


55o  DEF 

grand  îTiérile  ,  en  ajoutant  même  : 
«  Dom  Deforis  ne  tarda  pas  à  scel- 
ler de  son  sang  la  profession  de 
Foi  que  cette  lettre  conlenoit  ». 
Ce  biographe  nous  a  prévenus,  de 
sept  ans  au  moins ,  dans  le  récit 
des  circonstances  de  la  persécution 
meurtrière  qu'elle  valut  à  son 
auteur.  «  Dom  Deforis, continuoit- 
il  t  fut  traduit  devant  le  comité  ré- 
volutionnaire de  la  section  sur 
laquelle  il  demeuroit  ;  et,  transféré 
successivement  dans  les  prisons 
de  lu  Force,  du  Luxembourg 
et  de  la  Conciergerie ,  son  zèle 
ne  l'abandonna  jamais  dans  au- 
cune :  il  ne  cessa  d'exhorter,  de 
soutenir  par  toutes  les  ressources 
de  son  ministère,  ceux  qui  s'y 
trouvoient  détenus.  Quand  le  7 
messidor  an  II  (25  juin  1794), 
après  avoir  été  condamné  par  le 
tribunal  révolutionnaire ,  il  fut 
monté  avec  plusieurs  femmes  sur 
la  fatale  charrette  qui  devoit  le 
conduire  avec  elles  au  supplice  , 
il  les  encouragea  jusqu'au  moment 
de  périr  ».  Apercevant  dans  le  tra- 
jet une  personne  de  sa  connois- 
i?ance ,  à  qui  sa  vue  causoit  subi- 
tement une  émotion  de  douleur, 
impossible  à  cacher,  «  Rassurez- 
vous  ,  lui  cria-t-il,  c'est  au  Ciel  que 
nous  allons  » .  Ainsi  l'avoient  dit  à 
leurs  païens  affligés,  les  SS.  Mar- 
tyrs dontparloit  S.  Augustin  (1). 

(t)  Diccbant  :  in  domitm  Dnmini 
ibimus  :  nolitc  plangere  gaudia  nostra. 
'Scrm.  à'.d ,  in  nalali  Martyrum.) 


DEF 

«  Arrivé  au  pied  de  l'échafaud,  il 
demanda  et  obtint  de  n'être  exé- 
cuté que  le  dernier,  afin  de  pou- 
voir exhorter  toutes  les  victimes 
qui  dévoient  être  sacrifiées  avec 
lui».  On  ne  voit  rien  de  plus  gé- 
néreux, de  plus  apostolique  dans 
les  actes  des  anciens  Martyrs,  où 
même  les  exemples  en  sont  rares. 
Le  saint  vieillard  Siméon  Bar- 
Saboë  avoit  bien  été  réservé  pour 
le  dernier  des  fidèles  qui  périrent 
avec  lui  ;  mais  ce  n'étoit  pas  de  son 
choix  :  ainsi  l'avoit  voulu  celui 
qui  l'avoit  condamné  (i).  Au  sur- 
plus, c'étoit  comme  lui  que  dom 
Deforis,  présent  au  supplice  des 
personnes  qui  ne  faisoient  que  le 
précéder  de  quelques  instans  dans 
le  sein  de  l'éternité,  leurdisoit: 
«  Ayez  confiance  en  Dieu  ,  mes 
Frères ,  et  bannissez  toute  crainte , 
parce  que  la  résurrection  vous 
attend  dans  le  lieu  de  votre  sé- 
pulture (2)».  Cette  immolation 

(1)  Edixerat  rex  ut  in  hune  sanc- 
tonim  choruin ,  Simone fortissimo  duce 
udstuiUe  ac  t'idente,  animadverteretur, 
ipsum  pressentis  •forte  supplicii  horrorc 
deterritum ,  metugue  fraction  in  suant 
sentenliam  concessurum  existimans. 
(Assemnn,  pars  I*,  pag.  33  :  Mar- 
tyrium  SS.  Simonis  Bar-Saboi ebalio- 
rum.) 

(2)  Citm  ergô  cœtus  iste  inclj'torum 
Marlyriun  carderetur ,  adttnbal  Si— 
meon ,  costpic  hac  oralione  exhortaba- 
tur  :  Conf'ortamini ,  Fratrcs ,  in  Dco  , 
etc.  (  Assemaii  j  pars  Ia,  pag.  33  : 
Jlfar/yriu/n  SS.  Simonis  Bar-Saboe  et 
aliorum.) 


DEF 

6e  fit  à  la  barrière  du  Trône 
{Voy.  ci-devant,  pag.  217),  le 
jour  même  de  la  sente-nce  qui 
disoit  ce  religieux  «convaincu  de 
s'être  déclaré  l'ennemi  du  peuple, 
1°  en  refusant  le  serment  prescrit 
par  la  loi  d'alors  (celui  de  li- 
'bertè-êgalité ,  après  celui  de  la 
constitution  civile  du  clergé); 
2"  en  abusant  de  son  âge  (de  G2 
ans  )  pour  rester  en  France  ,  où 
son  fanatisme  ne  pouvoit  que 
le  rendre  très-dangereux  ;  5°  en 
servant  de  diverses  manières  les 
complots  des  prêtres,  et  tous  les 
exc^s  dont  se  sont  souillés  les 
fanatiques».  Dans  les  archives 
des  tribunaux  de  la  persécution, 
il  n'est  pas  de  jugement  plus  ho- 
norable suivant  les  principes  de 
l'Evangile;  il  n'en  est  pas  qui  au- 
torise mieux  à  décerner  au  con- 
damné le  titré  de  Martyr.  Que  si, 
pour  le  disputer  à  dom  Deforis ,  on 
objecte  qu'il  passoit  dans  l'esprit 
de  beaucoup  de  personnes  pour 
être  partisan  d'erreurs  condam- 
nées, nous  répondrons,  comme 
saint  Jérôme,  à  ceux  qui  refu- 
soient  ce  beau  litre  à  saint  P;im- 
pbile  de  Césarée,  parce  qu'ils  lui 
attrjbuoient  une  Apologie  d'O- 
rigine, et  de  sa  doctrine  :  «  Eh! 
quand  même  cela  seroit,  répli- 
quoit  le  6aint  docteur,  il  seroit 
encore  plus  vrai  qu'il  l'auroit  écrite 
avant  de  souffrir  le  martyre  ;  et,  si 
vous  me  demandez  comment  il  a 
pu  en  être  digue,  je  vous  répon- 
drai :  Le  martyre  suiïisoit  pour 


DEG  55i 

effacer  son  erreur;  et  cette  faute 
unique  n'a  pu  qu'être  expiée  par 
l'effusion  de  son  sang  » .  Sed  con- 
cedimus  ut  (  Apologia  Orige- 
nis)  Pamp/iilisit,  sed  needum 
Martgris  ;  antè  euim  scripsit 
quàm  tnartyrium  perpefrrare- 
tur.  Et  quomodà  ,  inquies , 
martyrio  dignus  fuit  ?  Scilicct 
ut  martyrio  dpieret  errorem; 
ut  unam  culpam  sanguinis  sui 
efpusione  purgatei.  (Epist.  4'» 
ad  Pammachium  et  Ocea- 
nmn.  ) 

DEG  ANS  (Aisne),  ouvrière  cm- 
peseuse ,  dans  la  ville  de  Bor- 
deaux,  où  elle  étoit  née,  y  exer- 
çoit  son  humble  profession  avec 
honneur,  et  pratiquoit  en  même 
temps  avec  fidélité  les  devoirs  de 
sa  religion.  Sa  Foi ,  loin  d'être 
ébranlée  par  l'établissement  de 
l'Eglise  constitutionnelle,  en  1 791, 
n'en  parut  que  plus  affermie  ;  et  ia 
Charité  la  plus  généreuse  vint  ani- 
mer ses  vertueuses  dispositions. 
D'accord  avec  sa  sœur  et  leur  com- 
pagne ,  Glaire  Garry  (  V .  leurs 
noms),  elle  ne  craignit  pas  d'ex- 
poser sa  vie  en  donnant  secrète- 
ment chez  elle  un  asile  à  un  prêtre 
fidèle  de  l'Eglise  catholique,  dont 
la  têle  étoit  mise  à  prix  (  V.  .1. 
B.  Du  no  gnon).  11  y  fut  décou- 
vert dans  l'été  de  1794;  et  quand 
on  l'arrêta  ,  ses  trois  charitables 
hôtesses  furent  aussi  emmenées 
pour  subir  le  même  sort.  La  com- 
mission militaire  de  Bordeaux, 
a  laquelle  Anne  Dégans  fut  livrée 


5j3  deg 

avec  lui  et  ses  deux  compagnes, 
!c  G  messidor  an  II  (  24  juin 
la  condamna  connue  les 
Irois  autres  a  la  peine  de  mort ,  uni- 
quement «  parce  qu'elles  avoient 
Caché  chez  elles  ce  ministre  du 
Seigneur  ;  qu'elles  avoient  par- 
tagé ses  sentimens  religieux  ;  et 
pratiqué  avec  lui  tous  les  exer- 
cices de  la  religion».  Elle  fut 
exécutée  le  même  jour,  à  l'âge 
de  3(5  ans. 

DEGA1NS  (Maiue),  ouvrière 
cropeseuse  à  Bordeaux,  née  dans 
cette  ville,  en  1702,  exerçant 
son  état  avec  sa  sœur  Aune,  et 
avec  Claire  Garry,  dans  un  do- 
micile commun ,  eut  le  même  mé- 
rite, et  partagea  leur  sort.  Elle 
fut  immolée  le  même  jour,  à  l'âge 
de  [\%  ans.  [V .  Ae  Dégans,  et  C. 
Garry.  ) 

DEGAS  (  Paul)  ,  prêtre  et  reli- 
gieux de  l'ordre  des  Feuillans , 
dans  le  diocèse  de  Limoges,  habi- 
toit  le  bourg  de  Felletin ,  depuis 
l'abolition  de  son  cloître.  Il  n'avoil 
pas  prêté  le  serment  de  1791,  et 
lie  crut  pas  devoir  se  soumettre 
ù  la  loi  de  déportation  :  mais  il 
\ivoit  en  bon  religieux  ;  et  son 
sacerdoce,  qu'il  exerçoit,  lerendoit 
digne  de  mort  aux  yeux  des  impies. 
|ls  le  firent  arrêter  et  conduire 
dans  les  prisons  de  Guéret ,  chef- 
Sien  du  département  de  la  Creuse, 
sur  lequel  se  trouvoit  Felletin. 
J;e  tribunal  criminel  de  ce  dépar- 
tement, qui  siegeoit  à  Guéret,  fit 
tfomparoitre  dcvitnlluidoui  Degas, 


DEJ 

le  1 1  ventôse  an  II  (1"  mars  1794)» 
et  le  condamna  de  suite  à  la  peine 
de  mort,  comme  «prêtre  réfrac- 
ta ire  » . 

D  E  J  A  R  DIN  (  M  a  m  E-M  ad  E  LE  in  e - 
Josepiie),  religieuse  Ursuline  de 
Valenciennes,  née  à  Cambrai  en 
1759,  prit  l'habit  monastique  le 
22  août  1779,  et  prononça  se* 
vœux  après  le  temps  prescrit  par 
la  règle  de  son  ordre.  Trop  atta- 
chée à  cette  règle  et  aux  beaux 
exemples  de  vertus  et  de  ferveur 
que  lui  donnoient  ses  compagnes, 
elle  ne  se  sépara  d'elles  que  peu 
de  temps ,  lors  de  la  suppreséion 
des  cloîtres,  en  17g!  ;  et  ce  fut 
pour  aller  voir  sa  famille  à  Cam- 
brai. S'étant  bientôt  réunie  avec 
ses  sœurs,  elle  passa  comme  elle» 
chez  l'étranger,  pour  mettre  sa 
piété  à  l'abri  de  la  persécution, 
toujours  croissante  en  France. 
Comptant  ensuite  sur  la  durée  de 
la  paix  que  les  Autrichiens ,  en 
prenant  Valenciennes,  le  1"  août 
179J,  y  avoient  rétablie  {F.  Va- 
lenciennes), la  sœur  Dejardin 
revint  avec  ses  compagnes»;  mais 
les  troupes  de  la  Convention  et 
ses  proconsuls  étant  rentrés  dans 
cette  ville ,  le  1  "  septembre  1 794 , 
notre  religieuse  ne  fut  pas  plus 
épargnée  que  les  ministres  des 
autels.  On  l'arrêta;  et,  le  26 
vendémiaire  an  III  (17  octobre 
•79  l)'  e"e  mt  traduite  devant  une 
commission  militaire  chargée  de 
l'envoyer  à  la  mort,  sous  le  pré- 
texte frauduleux  de  son  émigra- 


DEJ 

tion.  Quoiqu'elle  pCit  croire  qu'en 
répondant  négativement  à  la  ques- 
tion des  juges  sur  ce  point,  elle 
sauveroit  sa  vie,  elle  ne  voulut 
pas  en  devoir  la  conservation  à 
un  mensonge  ;  et  elle  déclara 
qu'elle  étoit  sortie  de  France. 
Quatre  autres  religieuses  du  môme 
couvent,  et  trois  prêtres  jugés  avec 
elles  ,  se  signalèrent  par  une 
aussi  généreuse  franchise  {V .  L. 
Vanot,  J.  R.  Prin,  H.  Boubia,  Gve 
Ducrez,  L.  P.  Cagnot,  C.  M.  J. 
Viesne  ,  L.  A.  Jh  Dannier).  La 
sœur  Dcjurdin  fut  immolée  avec 
ces  sept  victimes ,  deux  mois 
vingt-deux  jours  après  la  chute  de 
Roberspierre  (  V.  H.  BouRLA,et 
M.C.  JIicPajllot).  Enmarchantau 
supplice,  la  sœurDejardin,  péné- 
trée d'une  joie  indicible,  récitoît , 
avec  ses  compagnes,  les  Litanies 
des  Saints.  Déjà  trois  d'entre  elles 
ar oient  subi  leur  martyre,  lorsque 
cette  religieuse  ,  impatiente  de 
verser  son  sang  pour  Jésus-Christ , 
et  voyant  qu'elle  ne  seroil  exécu- 
tée que  la  cinquième,  s'élança  sur 
l'échafaud  avec  précipitation ,  et 
disputa  le  pas  à  la  quatrième 
(Geneviève  Ducrez).  Cette  ému- 
lation généreuse  fut  aussitôt  ré- 
primée ,  dans  la  sœur  Dejardin , 
par  le  bourreau  qui  la  força  de  des- 
cendre pour  attendre  que  la  tête  de 
sa  dernière  compagne  de  martyre 
ffit  tombée.  Sa  résignation  et  son 
attente  donnèrent  un  nouveau 
prix  à  son  sacrifice ,  quand  elle  en 
reçut  enfin  la  récompense,  à  l'âge 


DEL  553 

de  35  ans.  [V.  Danjon,  et  C.  E. 
Delplace.  ) 

DEIRIT  (Jean-Baptiste),  curé. 
(  V.  J.  B.  Desris.) 

DELAAGE  (IV...),  curé  de 
Champleussé  ,  dans  le  diocèse 
d'Angers,  avoit  été  déclaré,  par 
les  autorités  révolutionnaires  de 
1791,  inhabile  à  continuer  ses 
fonctions  pastorales ,  à  raison 
de  son  refus  du  serment  schisma- 
tique  de  cette  époque.  Le  décret 
de  déportation  rendu  le  2G  août 
1792^  exceptant  les  sexagénaires 
et  les  infirmes  dont  il  commuoit 
la  peine  en  celle  de  la  réclusion, 
le  curé  Delaage,  que  sa  vieillesse 
ou  ses  infirmités  empêchoient  de 
sortir  de  France ,  fut  enfermé 
dans  une  maison  claustrale  de  la 
ville  d'Angers ,  avec  les  autres  prê- 
tres Angevins  infirmes  ou  vieil- 
lards. C'étoit  déjà  pour  lui  un  assez 
pénible  supplice  ;  mais  on  voulut 
bientôt  faire  disparoître  entière- 
ment la  trace  du  sacerdoce  en 
France.  Le  conventionnel  Carrier, 
qui  étoit  proconsul  à  Nantes,  ve- 
noit  d'imaginer  un  moyen  pour 
faire  périr  un  grand  nombre  de 
prêtres  à  la  fois,  en  paraissant 
les  embarquer  pour  des  îles  loin- 
taines (  V.  Nantes).  Le  ciuré  De- 
laage lui  fut  envoyé  ,  avec  cin- 
quante -  sept  de  ses  compagnons 
de  réclusion  ;  et  Carrier  les  fit 
submerger  avec  seize  autres,  dans 
la  nuit  du  9  au  10  décembre  1793. 
Delaage  périt  donc  de  la  même 
mort  qu'avoient  subie  ,  aux  pré- 


55/  \  DEL 

mic?rs  temps  du  christianisme, 
bei  mcoup  de  Martyrs  dont  il  a  déjà 
été  parlé  ci-devant,  pag.  2o5  et 
3i  7,  etc.  etc.  (  V.  Dagonneau  ,  de 
Saint-André,  et  Delamarre  ,  de 
Bo  uvron.  ) 

DELACROIX  (Julie*), prêtre, 
né  en  Bretagne,  vers  1763,  et 
principal  du  collège  de  Dol  à  l'é- 
poque de  la  révolution,  fut  dé- 
pouillé de  sa  charge,  parce  qu'il 
n' avoit  pas  voulu  faire  le  serment 
se  hisinatique  de  1791.  Il  échappa 
ai  ix  terribles  fureurs  de  la  persé- 
cution, en  1790  et  1794 '■>  ft,  sé- 
duit par  le  masque  de  tolérance 
que  le  gouvernement  prit  dans  les 
trois  années  suivantes,  il  reparut 
li  brement,  en  bon  prêtre,  dans  la 
•v  ille  de  Dol.  L'événement  sinistre 
d  u  18  fructidor  {\ septembre  1797) 
arriva;  et  une  loLqai  condamnoit 
à  être  déporté  à  la  Guiane  tout  ce 
q  u'on  pourroit  découvrir  encore 
cle  prêtres  dits  réfractaires 
siyant  été  rendue  le  lendemain  , 
lOclacroix  fut  saisi  et  envoyé  à 
Iclocheforl ,  pour  être  embarqué 
{V.  Guiane).  Il  le  fut  le  12  mars 
j  798 ,  sur  la  frégate  la  Charente, 
et  ensuite,  le  25  avril,  sur  la  fré- 
gate la  Décade,,  qui  le  déposa 
dans  le  port  de  Cayenne ,  vers  le 
milieu  de  juin.  Les  compagnons 
de  sa  déportation  le  peignent 
comme  «  un  homme  instruit  , 
dont  les  mœurs  étoient  douces , 
et  qui  étoit  plein  d'indulgence  pour 
les  autres  ».  Après  avoir  été  relé- 
gué dans  les  déserts  de  Konanama 


DEL 

et  de  Synnamari ,  il  obtint  de 
venir  habiter  l'île  de  Cayenne , 
où  il  vécut  du  travail  de  ses  mains. 
Quand  les  déportés  qui  restoient 
eurent  la  permission  de  retourner 
en  France,  en  1801,  Delacroix, 
ayant  le  pressentiment  que  la  per- 
sécution n'étoit  pas  finie,  aima 
mieux  rester  dans  son  exil  que  de 
courir  le  risque  d'y  être  renvoyé. 
Le  travail  pénible  auquel  il  étoit 
forcé  de  se  livrer,  et  plus  encore 
la  mortelle  inclémence  du  pays, 
mirent  fin  à  ses  jours.  Il  mourut 
dans  le  courant  de  1802,  à  l'âge 
de  09  ans.  [V.  J.  B.  Debruynes, 
et  F.  Delaitre.) 

DELAGE  (  Susanne-Agathe  ) , 
appelée  dans  quelques  listes  Dé- 
laye ,  et  dans  une  autre,  Deloye  , 
religieuse  de  l'ordre  des  Bernar- 
dines, en  leur  couvent  de  la  ville 
de  Caderousse  ,  au  diocèse  d'O- 
range ,  née  en  17/46?  au  bourg 
de  Sérignan ,  près  d'Orange,  fut 
du  nombre  des  trente-deux  reli- 
gieuses que  la  commission  'popu- 
laire de  cette  ville  fit  périr  en 
haine  de  la  Foi  de  Jésus-Christ, 
dans  le  courant  de  juillet  1794-  Si 
elle  n'étoit  pas  de  la  famille  de  ce 
curé  Delage  qui,  député  de  la 
sénéchaussée  de  Bordeaux ,  aux 
Etats  -  Généraux  de  1789  trans- 
formés bientôt  en  Assemblée  Na- 
tionale, non  seulement  y  refusa 
le  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé,  mais  encore 
adhéra  solennellement ,  par  sa 
signature,  le  19  novembre  1790, 


DEL 

i  avec  vingt-six  autres  prêtres  éga- 
lement députés,  à  Y  Exposition 
des  principes  des  évêques  sur 
cette  œuvre  de  schisme  et  d'héré- 
sie ;  si,  disons-nous,  la  sœur 
Agathe  ne  fut  pas  sa  parente ,  elle 
honora  bien  autant  que  lui  le  nom 
qui  leur  étoit  commun.  Après  la 
suppression  de  son  cloître  ainsi 
que  de  tous  les  autres,  elle  s'étoit 
retirée  dans  sa  famille,  à  Séri- 
gnan  ;  mais  elle  en  fut  enlevée 
vers  la  fin  d'avril  1794?  en  même 
temps  que  les  religieuses,  réunies 
à  Boulène,  étoient  amenées  cap- 
tives à  Orange.  Jetée  avec  elles 
dans  la  même  prison,  elle  n'y  fut 
pas  moins  admirable  qu'elles  par 
sa  piété ,  et  par  sa  généreuse  dis- 
position à  sacrifier  sa  vie  pour 
Jésus-Christ  [V .  Orange).  Desti- 
née par  le  Ciel  à  leur  ouvrir  la 
voie  du  martyre ,  elle  les  y  pré- 
céda de  la  ma  avère  ta  plus  héroïque. 
Les  juges  l'appelèrent  la  première , 
et  seule  à  leur  tribunal,  le  16 
messidor  an  II  (4  juillet  1794)  > 
espérant  que ,  n'étant  soutenue 
dans  cette  effrayante  épreuve,  par 
aucun  exemple  de  courage ,  elle 
en  donneroit  un  de  foiblesse  ;  mais 
il  n'en  fut  point  ainsi.  Quand  le 
président  lui  enjoignit  de  prêter 
le  serment  de  liberté  -  égalité , 
elle  le  refusa  avec  une  fermeté 
invincible,  disant  qu'elle  le  regar- 
doit  comme  une  véritable  aposta- 
tasie  (  V.  Fontaine  ,  Lazariste  )  ; 
et  ce  refus  devint  le  principal 
motif  de  sa  condamnation  à  la 


DEL  555 

peine  de  mort,  comme  «contre- 
révolutionnaire  ».  Elle  la  subit  le 
lendemain  ,  à  l'âge  de  58  ans ,  avec 
un  prêtre  également  condamné 
pour  la  même  cause  (  V.  A.  Jh  Lv- 
signan).  Leur  émulation  pour 
mourir  en  dignes  Martyrs  fut  telle , 
qu'on  ne  sauroit  dire  si  c'est  la 
religieuse  qui  contribua  le  plus  au 
courage  du  ministre  du  Seigneur, 
ou  le  ministre  du  Seigneur  à  celui 
de  la  religieuse.  {V .  M.  A.  Doux.) 

DELAHAYE  (Louis-François- 
Joseph),  huissier  à  Aire,  oiï  il 
étoit  né ,  en  1 76^ ,  fut  envoyé  à  la 
mort  le  2  prairial  an  II  (21  mai 
1794)5  par  le  tribunal  révolu- 
tionnaire de  J'1  Lebon  ,  siégeant 
alors  à  Arras,  parce  qu'il  avoit 
fait  un  acte  éminent  de  catholi- 
cisme (  V.  Arras).  En  1791, 
lorsque  l'Assemblée  Constituante, 
tout  en  établissant  le  schisme  en 
France  ,  accorda  la  liberté  de 
culte,  quelques  catholiques  d'Aire 
demandèrent,  au  nom  de  tous, 
qu'on  leurcéd;1t  l'église  de  Notre- 
Dame  de  cette  ville  ,  pour  va- 
quer aux  devoirs  de  leur  Foi,  et 
pour  y  faire  célébrer  les  saints 
n^stères  par  des  prêtres  non-as- 
sermentés, Delahaye  étoit  un  de 
ceux  qui  avoient  signé  la  requête  ; 
et  ce  fut  à  cause  de  cette  signature 
que  Lebon  le  fit  immoler  trois  ans 
après.  {V.  M.  A.  Dauciiez,  et  P. 
L.  Demazières.) 

DELAHAYE  (Jean),  jeune 
prêtre  de  lloncn ,  né  à  Beaunay, 
paroisse  du  diocèse  de  Rouen  ,  en. 


556  DEL 

1767,  montra  la  fermeté  d'un 
athlète  de  Jésus  -  Christ  longue- 
ment exercé ,  lorsque  fut  demandé 
le  serment  sehismatique  de  1791. 
II  le  refusa  constamment,  et  resta 
immobile  dans  sa  Foi.  On  ne  put 
d'abord  s'en  venger ,  parce  qu'il 
n'avoit  point  été  fonctionnaire 
public;  mais,  quand  l'impiété  se 
vit  dégagée  de  tout  frein  ,  en 
1793,  on  arrêta  le  jeune  Dela- 
haye  ,  et  on  l'envoya  <à  Roche- 
fort,  pour  être  déporté  au-delà 
des  mers  (  V.  Rochefort).  11  fut 
embarqué  sur  le  navire  les  Deux 
Associés;  et  les  souffrances  qu'on 
enduroit  dans  l'entrepont  de  ce 
bâtiment  furent  aggravées  pour 
lui ,  par  un  accident  particulier 
dont  le  récit  peut  contribuer  à  faire 
connoître  de  plus  en  plus  l'état  de 
supplice  où  se  trouvoient  les  dé- 
portés. Delahaye,  dépourvu  de 
vêteinens,  avoit  surtout  un  ex- 
trême besoin  d'un  haut-de-chaus- 
ses ,  et  le  demanda  au  commandant 
du  navire.  L'officier  chargé  de 
l'en  pourvoir  lui  en  offrit  un  qui , 
plein  de  vermine,  étoit  dégoû- 
tant sous  bien  d'autres  rapports. 
C'étoit  celui  d'un  prêtre  décédé 
dans  les  souffrances.  Delahaye  , 
voyant  le  danger  de  s'en  servir, 
et  s'abandonnant  trop  aux  mou- 
vemens  de  sa  répugnance,  jeta  ce 
vêtement  à  la  mer.  Une  telle  ac- 
tion ,  si  naturelle ,  et  même  juste 
peut-être,  lui  valut  d'être  mis  aux 
fers  sur  le  pont  du  bâtiment. 
Enfin,  il  succomba  sous  le  poids 


Del 

de  ses  maux,  et  mourut  à  l'âge  de 
27  ans,  dans  la  nuit  du  22  au  23 
septembre  179^.  H  fut  inhumé 
dans  l'île  Madame.  {V.  B.  Defer, 
et  E.  Delari'e.) 

DEL  AIRE  (Marie- Jeanne  Gi-es- 
don,  veuve),  simple  marchande 
de  fil,  à  Falaise,  en  Normandie, 
fit  connoître  toute  la  vivacité  de  sa 
Foi  dans  les  malheurs  qu'éprou- 
voit  l'Eglise  depuis  1791.  Sa  Foi 
doublant  son  courage  pour  les  plus 
hautes  vertus,  à  mesure  que  la 
persécution  augmentoit  en  fureur, 
elle  offrit  chez  elle  un  asile  à  un 
de  ces  prêtres  catholiques  ,  dont 
les  persécuteurs  avoient  mis  la 
tête  à  prix  [V .  J"  Alix).  Cette 
action  généreuse,  inspirée  par  la 
religion,  est  découverte;  et  la 
charitable  hôtesse  des  ministres  de 
J.-C.  est  arrêtée.  On  la  conduit 
dans  les  prisons  de  la  ville  de 
Caen,  où  siégeoitle  tribunal  cri- 
minel du  département  du  Cal- 
vados ,  pour  qu'elle  soit  jugée 
par  lui ,  suivant  la  rigueur  des 
lois  ;  et  le  24  thermidor  an  II 
(11  août  1794),  il  la  condamne 
à  la  peine  de  mort,  comme  «  re^ 
céleuse  de  prêtres  réfractaires  ». 
Elle  fut  donc  immolée  pour  cette 
bonne  œuvre,  quinze  jours  après 
la  chute  de  Roberspierre. 

DELAITRE  (François),  prê- 
tre, né  à  Neufchâtel  en  Norman- 
die, vers  1761,  étoit,  à  l'époque 
de  la  révolution  ,  principal  du  col- 
lège de  cette  ville.  Le  refus  qu'il 
fit  du  serment  sehismatique  de 


DEL 

1791,  !e  mit  dans  le  cas  d'être 
dépouillé  de  sa  charge  ;  et  la  per- 
sécution le  menaça  de  maux  bien 
plus  graves.  Il  les  évita  en  obéis- 
sant à  la  loi  d'expulsion,  portée 
le  26  août  1792;  et  il  sortit  de 
France.  Lorsqu'en  1796  et  1797 
l'Eglise  parut  jouir  de  quelque 
paix,  Delaitre  y  revint  pour  êtie 
utile  aux  catholiques.  Mais  la  ca- 
tastrophe du  i(S  fructidor  (4  sep- 
tembre 1797)  éclata;  et  le  lende- 
main, une  loi  vint  condamner  les 
piètres  dits  rtfractaires  à  être 
déportés  à  la  Guiane  [V .  Guiane). 
Cet  ecclésiastique  fut  pris  et  en- 
voyé à  Roehefort.  On  l'embar- 
qua sur  la  frégate  la  Charente-, 
le  12  mars  1798,  et  sur  la  frégate 
la  Décade,  le  2  5  avril  suivant. 
Celle-ci  l'ayant  déposé  à  Cayenne 
vers  le  milieu  de  juin,  il  en  fut 
relégué  dans  le  canton  de  Makou- 
ria,  où  il  obtint  d'être  placé  chez 
le  colon  Lane.  Il  n'y  évita  pas 
mieux  la  mort  que  prodiguoit  cette 
terre  homicide.  Une  fièvre  putride 
ayant  presque  aussitôt  dévoré  ses 
entrailles,  il  mourut  le  6  août  de 
la  même  année  ,  à  l'âge  de  37 
ans.  {V.  Delacroix,  et  F.  De- 
mals.) 

DELAMAR11E  (iV...) ,  curé  de 
la  paroisse  de  Bouvron  ,  près  Sa- 
venay,  dans  le  diocèse  de  Nantes  , 
étoit  né  dans  celui  de  Rennes  , 
vers  1731.  Il  refusa  le  serment  de 
la  constitution  civile  du  clergé; 
I  et,  quoique  exclus  de  sa  cure  par 
i  ce  généreux  refus,  il  n'y  resta  pas 


DEL  557 

moins  pour  le  salut  de  ses  ouailles. 
Les  administrateurs  du  départe- 
ment de  la  Loire- Inférieure  le 
firent  arrêter  au  commencement 
de  1792.  On  le  conduisit  dans  les 
prisons  de  Nantes,  d'où,  quel- 
que temps  après,  il  fut  amené  dans 
celles  de  Savenay.  En  y  venant,  et 
lorsqu'il  passoit  le  Vendredi-Saint 
par  le  bourg  du  Temple,  un  pieux 
catholique  voyant  que  ,  dans  l'au- 
berge où  il  étoit  pour  prendre  une 
réfection  indispensable  ,   il  n'y 
avoit  ni  poisson,  ni  légumes,  lui 
offrit  une  botte  d'asperges  qu'il 
portoit;  Delamarre  l'en  remercia  , 
et  les   refusa  ,  en  lui  disant  : 
«  Ce  jour  est  trep  saint  pour  que 
je  prenne  une  nourriture  aussi 
délicate.  Jésus-Christ  meurt  au- 
jourdhui  pour  nous;  il  est  bien 
juste  que  je  me  prive  pour  lui  de 
quelque  chose».  La  loi  de  dépor- 
tation fut  rendue;  et  l'on  ramena 
Delamarre  à  Nanles  pour  l'y  te- 
nir en  réclusion,  comme  sexa- 
génaire, avec  d'autres  vétérans 
du  sacerdoce  (F.Nantes).  Il  par- 
tagea aussi  leur  sort ,  quand  le  pro- 
consul Carrier  les  fit  noyer  dans 
un  de  ses  bateaux  à  soupapes,  la 
nuit  du  9  au  10  décembre  1793. 
N'Oublions  pas  ce  qui  a  été  dit 
ci-devant,  pages  2o5  et  317,  sur 
le  droit  que  ce  genre  de  mort  don- 
noit  au  titre  de  Martyr.  (F.  De- 
là ace,  d'Angers,  et  G.  (J.  Docand.  ) 

DISLARUE  (Etienne),  prêtre 
de  l'église  de  Saint-Eloi,  dans  la 
ville  de  Roucu,  et  né  à  la  Haye- 


Ï58 


DEL 


en  -  Bray  ,  dans  le  diocèse  de 
Rouen ,  se  garda  bien  d'adhérer 
au   schisme   constitutionnel  de 
1791  ,  et  en  refusa  le  serment. 
On  ne  put  d'abord  s'en  venger, 
parce  qu'il  n'étoit  pas  fonction- 
naire public  ;  mais,  dans  la  suite, 
quand  la  persécution  eut  plein 
pouvoir  sur  les  prêtres,  les  per- 
sécuteurs ,  voyant  la  constance 
du  zèle  sacerdotal  de  cet  ecclé- 
siastique ,  le  firent  amener  dans 
les  prisons  de  Rouen,  d'où  ils 
l'envoyèrent  à  Rochefort  pour  en 
«Hre  déporté  au-delà  des  mers.  Il 
fut  embarqué  sur  le  navire  (es 
Deux  Associés  [V .  Rochefort). 
Ses  souffrances  surpassèrent  en 
lui  les  forces  de  la  nature  :  il  mou- 
rut le  i3  août,  1794?  à  l'âge  de 
62  ans,  et  fut  enterré  dans  l'île 
d'Aix.  {V.i.  Delaii aye  ,  et  N.  De- 

LATRE.) 

DELA  T  RE  (Nicolas),  curé 
d'Ornes,  dans  le  diocèse  de  Ver- 
dun, attaché  à  sa  paroisse  depuis 
long-temps,  se  laissa  séduire  par 
la  constitution  civile  du  clergé, 
et  en  fit  le  serment.  Son  attache- 
ment pour  ses  paroissiens  le  porta 
dans  la  suite  avec  plus  de  facilité  à 
prêter  le  serment  de  liberté-éga- 
lité, qui  fut  demandé  en  août  et 
septembre  1792.  Sa  conscience  se 
faisant  illusion  sur  ce  que  ces 
deux  actes  dévoient,  suivant  l'es- 
prit de  la  législation  d'alors,  en- 
traîner la  cessation  de  l'exercice 
de  son  ministère,  il  voulut  con- 
tinuer à  l'exercer ,  par  un  effet 


DEL 

de  cet  amour  de  la  religion  qu'il 
portoit  au  fond  de  son  cœur,  et 
que  des  intérêts  humains  avoient 
si  fort  égaré.  Les  persécuteurs 
le  jetèrent  dans  les  prisons  de 
Verdun,  et  bientôt  l'envoyèrent 
à   Rochefort  pour   partager  la 
peine  de  la  déportation  maritime 
qui  s'y  préparoit  pour  les  prêtres 
insermentés  (  V.  Rochefort). 
II  y  fut  embarqué  sur  le  navire 
les  Deux  Associés.  Quand  il  se 
vit  au  milieu  de  tant  d'intrépides 
confesseurs  de  la  Foi,  toutes  ses 
illusions  s'évanouirent  ;  les  plus 
vifs  remords  assiégèrent  son  âme 
(  V.   Fontaine,   Lazariste).  11 
rétracta  solennellement  ses  deux 
sermens,  et  devint  comme  ses  res- 
pectables confrères  un  Martyr  de 
la  religion  ,  en  haine  de  laquelle 
il  avoit  été  réellement  dévoué  à 
la  mort.  Ses  souffrances  augmen- 
tèrent par  la  situation  horrible  où 
se  trouvoient  les  déportés  dans 
l'entrepont  du  bâtiment.  Il  suc- 
comba le  4  septembre  1794?  à 
l'âge  de  55  ans,  et  fut  enterré 
dans  l'île  Madame.  [V.  Delarde, 
et  Delattke,  de  W'oimbey.  ) 

DELAÏTRE  {N...),  curé  de 
Woimbey,  daris  le  diocèse  de  Ver- 
dun ,  fut  une  des  victimes  de  la  dé- 
portation exécutée  à  Rochefort  en 
1794.  Nos  notices  portent  «  qu'on 
ignoroit  s'il  étoit  assermenté  ou 
non».  Nous  n'affirmerons  rien  à 
cet  égard  ;  mais  il  est  bien  évi- 
dent que ,  si  ce  curé  n'avoit  pas 
conservé   du  respect  pour  so 


DEL 

caractère  sacerdotal  ;  s'il  n'avait 
pas  montré  aux  impies  persécu- 
teurs de  1795  qu'il  conservoit 
l'amour  de  la  religion,  et  que  la 
Foi  régnoit  au  fond  de  son  cœur, 
ils  ne  Pauroient  point  arrêté  et 
envoyé  à  llochefort  pour  être  dé- 
porté au-delà  des  mers  avec  tant 
de  prêtres  inébranlables  dans  leur 
fidélité.  Le  curé  de  Woimbey  fut 
bien  réellement  sacrifié  en  baine 
de  la  religion  et  de  l'Evangile  de 
Jésus  -  Cbrist  ;  et  ce  que  nous 
avons  dit  dans  notre  Discours 
préliminaire  ,  pag.  43  ?  achève 
de  justifier  l'inscription  de  cet 
ecclésiastique  dans  notre  Marty- 
rologe. Dclattre  fut  embarqué  sur 
le  navire  leJV askinylon  {V .  l\o- 
chefort).  Il  mourut  dans  le  sup- 
plice de  cette  déportation ,  en  sep- 
tembre 1794»  à  l'âge  de  70  ans, 
et  fut  enterré  dans  l'île  Madame 
{V.  N.  Delatre,  et  Delphieex, 
de  Brie.) 

DELA  UN  AY  (IV...),  prêtre, 
ancien  professeur  au  collège  de 
Rennes,  fut  arrêté  à  Paris  comme 
non  -  assermenté ,  quelques  jours 
après  le  10  août  1792,  et  massa- 
cré dans  la  maison  des  Carmes, 
le  2  septembre  suivant.  Il  avoit 
jusque  là  regardé  le  séjour  de  la 
capitale  comme  plus  sûr  pour  lui 
que  celui  de  sa  province,  où  son 
opposition  aux  impies  innovations 
d'alors  l'exposoit  davantage ,  en 
raison  de  ce  qu'il  y  étoit  plus  gé- 
néralement connu.  Mais,  à  Paris 
même,  il  fut  noté  par  les  révolu- 


DEL  5  59 

tionnaires  comme  un  ecclésia  s- 
tique  dont  on  ne  pouvoit  ébranl  er 
la  Foi,  puisqu'on  l'arrêta  avec  1  es 
prêtres  insermentés,  à  la  suite  à\u 

10  août  1792;  et  le  fait  de  soin 
emprisonnement  dans  l'église  des 
Carmes  atteste  que,  devant  Je 
comité  qui  l'y  fit  enfermer,  ilavo  it 
refusé  de  prêter  le  serment  de  I  a 
constitution  civile  du  clergfé 
[F.  Dulau  ).  Ce  refus,  qui  lui 
attira  la  mort  le  jour  du  massacre 
de  tous  les  captifs  de  Jésus-Chri  >l 
contenus  dans  celle  sainte  prison 
étoit  une  généreuse  confession  d  e 
la  Foi  devant  les  tyrans;  et  l'on 
n'a  point  lieu  de  penser  qu'il  l'a  it 
démentie  sous  le  fer  des  bou  r- 
reaux.  [V.  Septembre.) 

DELALNE  (Charles- Louim- 
François),  prêtre,  né  à  Paris,  en 
174°>  y  étoit  chanoine  régulier  clic 
l'abbaye  de  Saint- Victor,  dans  la- 
quelle il  eut  la  charge  de  cham- 
brier  ou  procureur.  Il  fut  nommé  , 
en  1785,  prieur  de  la  maison  de 
Braye  ,  près  Crespi  ,  prieuré 
simple  ,  dépendant  de  cette  ab- 
baye. Au  commencement  de  la  ré- 
volution, il  résidoit  encore  à  Braye; 
mais  les  réformes  de  l'Assemblée 
Constituante  l'en  ayant  expulsé  , 

11  vint  habiter  un  modeste  loge- 
ment qu'il  loua  dans  la  ville  de 
Chantilly,  se  réservant  toutefois 
à  Paris  une  obscure  retraite  dans 
une  humble  maison  delà  rue  Saint- 
Denis  ,  pour  les  occasions  où  la 
nécessité  I'amèneroit  dans  la  ca- 
pitale. Unévénementdepeu  dïm- 


5ôo  DEL 

portance  ayant  autorisé  d'ombra- 
geux révolutionnaires  à  s'enquérir 
des  noms  de  tous  les  habitans  de 
cette  maison,  où  il  n'étoit  point 
alors,  et  où  même  il  n'étoit  pas  venu 
depuis  long-temps  en  1794  :  ce  ne 
fut  point  indifféremment  qu'ils  ap- 
prirent son  nom  et  sa  qualité  sa- 
cerdotale. S'informant  aussitôt  du 
lieu  de  sa  résidence  à  Chantilly, 
ils  l'en  firent  enlever;  et  Delaune  , 
amené  à  Paris,  fut  d'abord  jeté  dans 
la  prison  deBicétre ,  d'où  il  passa 
quelque  temps  après  dans  celle  des 
Carmes.  11  ne  tarda  pas  à  être  tra- 
duit devant  le  tribunal  révolution- 
naire. On  ne  pouvoit  reprocher 
à  Delaune  de  n'avoir  pas  obéi  à  la 
loi  de  déportation,  puisque  tout 
insermenté  qu'il étoit,  elle  n'avoit 
pu  le  concerner,  même  dans  ses 
plus  vagues  dispositions.  Les  pré- 
textes néanmoins  ne  manquèrent 
pas  pour  le  faire  périr.  Le  tribunal 
le  condamna  à  la  peine  de  mort ,  le 
5  thermidor  an  II  (a5  juilleti  794), 
avec  huit  autres  prêtres,  et  un 
erand  nombre  de  laïcs,  comme 
«  convaincu  d'avoir  participé  aux 
conspirations  de  Capet  (le  roi 
Louis  XVI),  de  sa  sœur,  de  ses 
ministres,  et  à  la  conspiration  de 
l'étranger,  en  tentant  d'ouvrir  la 
maison  d'arrêt,  dile  desCarmes, 
pour  anéantir  la  Convention  na- 
tionale » .  L'absurdité  d'un  tel  pré- 
texte masquoit  bien  maladroite- 
ment le  motif  véritable  de  la  mort 
de  cet  ecclésiastique.  Suivant  une 
notice  particulière  qui  nous  est 


DEL 

transmise,  Delaune  auroitété  con- 
damnécomme  «prêtre incendiaire 
et  turbulent  ».  Un  de  ses  plus  vé- 
nérables compagnons  de  captivité, 
M.  Dulondel ,  prêtre  de  l'Oratoire, 
atteste  que,  dans  la  prison  il  les 
édifia  beaucoup  par  sa  piété ,  et 
surtout  par  sa  disposition  à  mourir 
pour  la  cause  de  la  religion.  11  fut 
conduit  à  l'échafaud  le  jour  même 
de  sa  condamnation ,  et  il  périt  en 
digne  confesseur  de  la  Foi,  à  l'âge 
de  54  ans.  [V .  J.  C.  M.  Bernard.) 

DELBÉE  (  Pierre),  prêtre  du 
diocèse  de  Rodez,  demeurant  à 
Saint -Remy,  près  Milhaud,  où 
il  avoit  charge  d'âmes,  puisqu'on 
y  exigea  de  lui  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé, 
refusa  de  le  prêter,  et  ne  sortit 
point  de  France,  lors  de  la  loi 
de  déportation.  Cependant  la 
persécution  le  força  de  fuir  du 
Rouergue ,  et  il  vint  se  réfugier  à 
Bordeaux,  où  il  ne  fut  connu  que 
des  catholiques  de  cette  ville.  Mais 
les  actes  de  religion  qu'il  exerça 
comme  prêtre,  l'y  firent  recon- 
noître  par  les  agens  de  la  per- 
sécution. Il  fut  arrêté  au  com- 
mencement de  1794,  et  la  com- 
mission militaire  de  Bordeaux, 
a  laquelle  on  le  livra ,  le  condamna, 
le  \  4  germinal  an  II  (3  avril  179 +), 
à  la  peine  de  mort,  comme  «  prêtre 
réfractaire  »,  convaincu  de  fana- 
tisme, et  par  conséquent  «de  cons- 
piration contre  la  république  », 
suivant  l'impie  logique  des  juges. 

DELBÈS  (Marie-Joseph), curé 


DEL 

de  Saint-Urcize,  près  Saint-FIour, 
resta  parmi  ses  paroissiens,  quoi- 
qu'il y  fût  exposé  à  de  cruelles 
persécutions,  après  la  loi  de  dé- 
portation ,  parce  qu'il  avoit  refusé 
le  serment  de  1791.  Attaché  à 
son  devoir  pastoral,  il  continuoit 
d'en  remplir  les  fonctions,  lorsque 
la  persécution  l'atteignit  dans  ses 
montagnes  ,  vers  l'automne  de 
179J  ;  et  on  l'amena  dans  les  pri- 
sons d'Aurillac.  Le  tribunal  cri- 
minel du  département  du  Cantal, 
qui  siégeoit  en  cette  ville,  le  fit 
comparoître  devant  lui,  le  11  ni- 
vôse an  II  (ji  décembre  1795), 
et  l'envoya  à  l'échafaud  comme 
«  prêtre  réfractaire  ». 

DELFAUT  (/W..  ),  ex-Jésuite , 
et  archiprêtre ,  curé  de  Daglan , 
dans  le  diocèse  de  Sarlat,  fut  l'un 
des  deux  députés  ecclésiastiques 
de  la  sénéchaussée  de  Péiigord 
aux  Etats  -  Généraux.  Il  étoit  en 
outre  membre  du  bureau  diocé- 
sain de  Sarlat.  Si,  dans  ces  Ftats- 
Généraux,  bientôt  transformés  de 
leur  propre  autorité  en  Assemblée 
Constituante ,  il  eut  beaucoup  à 
gémir  des  maux  qu'elle  fit  à  la  re- 
ligion, il  put  du  moins  se  rendre 
le  témoignage  cju'il  la  défendnit 
de  tous  ses  moyens.  L 'archiprêtre 
Delfaut  resta  toujours  uni  de  cœur 
et  d'action  à  ce  grand  nombre 
d'évèques  fidèles  qui  y  monlroient 
la  fermeté  des  Albana.se  et  des 
Ghrysostôme.  De  Paris,  il écrivoit 
a  ses  paroissiens  et  aux  curés  de 
son  archiprêlré,  pour  les  pré- 


DEL  56 1 

munir  contre  les  dangers  auxquels 
leur  Foi  alloit  être  exposée.  On 
connoissoit  trop  son  zèle  et  sa  Foi 
pour  l'épargner,  quand  on  eut 
trouvé  dans  les  événemens  du 
îoaoût  1792,  une  si  grande  faci- 
lité pour  détruire  les  prêtres  in- 
flexiblement attachés  à'I'Eglise  ca- 
tholique. Il  fut  saisi  avec  tant 
d'autres,  et  traduit  comme  eux 
devant  le  comité  de  la  section  du 
Luxembourg.  Leur  exemple  ne 
lui  étoit  pas  nécessaire  pour  re- 
pousser avec  fermeté  le  serinent 
de  la  conutilution  civile  du 
clergé,  que  derechef  on  lui  pro- 
posa de  prêter.  D'après  ce  nou- 
veau refus,  on  l'emprisonna  dans 
l'église  des  Carmes  (  V.  Dih.au). 
Il  ne  s'y  dissimula  pas  plus  que 
les  compagnons  de  sa  captivité, 
le  sort  qui  les  menacoit  ;  et  le 
2  septembre,  lorsque  beaucoup 
d'indices  leur  annoncèrent  que 
l'heure  de  leur  mort  arproehoit,  il 
la  vit  venir  avec  sérénité ,  et  même 
avec  une  joie  vraiment  surnatu- 
relle. Une  demi-heure  avant  l'ar- 
rivée des  bourreaux,  ayant  reçu 
de  ses  amis  du  dehors  quelques 
alimens  apportés  par  une  personne 
qui  avoit  leur  confiance,  il  la  char- 
gea de  leur  dire  que  «  jamais  il 
n'avoitété  si  heureux  ».  Déjà,  sans 
doute  ,  il  jouissoit  en  espérance 
d'une  portion  de  la  félicité  céleste 
dont  le  martyre  alloit  le  mettre 
en  pleine  possession.  Il  semblait 
avoir  la  \ision  de  Flavien,  qui 
crut  entendre  saiul  Cyprien  lui 

36 


50a  DEL 

dire  :  «  La  chair  ne  souffre  point, 
quand  l'esprit  est  dans  le  ciel  ; 
et  le  corps  ne  sent  aucune  dou- 
leur, quand  l'âme  est  dévouée 
tonte  entière  à  Dieu  »  :  Aiia 
caro  patitur  cùm  animus 
in  cœto  est;  nequaquam  cor- 
pus hoc  sentit,  cùm  se  Deo 
tota  mens  devovit  (  Ruinart  ; 
Passio  SS.  Montant,  Fta- 
viani,  etc.  n°  XXI).  L'archi- 
prêtre  Delfaut  se  présenta  aux 
coups  des  assassins  avec  une 
sorte  d'impassibilité,  en  se  félici- 
tant néanmoins  de  mourir  pour  la 
cause  de  J.-C.  [V.  Septembre.) 

DELHÉRUS  (Jean),  curé  dans 
le  diocèse  du  Puy,  et  probable- 
ment à  Laussonne,  où  il  demeu- 
roit  quand  il  fut  arrêté  en  1794  ? 
n'avoit  point  voulu  faire  le  ser- 
ment schismatique  ;  et  la  piété 
des  habitans  l'avoit  empêché  de 
sortir  de  France,  suivant  la  bar- 
bare volonté  de  la  loi  du  26  août 
1792.  La  persécution  devint  d'au- 
tant plus  violente  dans  cette  con- 
trée ,  que  la  Foi  y  étoit  fort  vive 
et  très-florissante  (  V.  J.  B.  Abeil- 
lon).  Elle  n'avoit  pas  cessé  d'être 
éclairée  et  soutenue  par  les 
instructions  et  les  exemples  du 
digne  évêque  de  ce  diocèse,  même 
pendant  son  exil  [V .  Chabrier). 
Le  curé  Delhérus  fut  arrêté  et  con- 
damné à  la  peine  de  mort,  comme 
«  prêtre  réfractaire  »,  le  12  ther- 
midor an  II  (5o  juillet  1794), 
par  le  tribunal  criminel  du  dépar- 
tement de  la  Haute-Loire ,  sié- 


DEL 

géant  au  Puy.  La  sentence  s'exé- 
cuta dans  les  vingt-quatre  heures. 

DE  L'ISLE  (Jacques),  prêtre. 
{V.  Jis  Poujol.  ) 

DELISLE  (  Jean  -  Baptiste- 
Joseph),  curé  dans  le  diocèse 
de  Bayonne ,  dépouillé  de  sa 
cure,  à  cause  de  son  refus  du  ser- 
ment de  1 79 1 ,  et  retiré  à  Bellerive- 
sur-Sarre,  qui  se  trouvoit  alors 
compris  dans  le  département  de 
la  Haute -Garonne,  restoit  ex- 
posé au  dernier  supplice  pour 
ce  refus-là  même,  puisqu'il  ne 
s'étoit  pas  soumis  à  l'inique  loi 
de  la  déportation.  Il  fut  arrêté , 
jeté  dans  les  prisons  de  Toulouse  ; 
et  le  tribunal  criminel  du  dépar- 
tement ,  siégeant  en  cette  ville , 
l'envoya  périr  sur  l'échafaud, 
comme  «prêtre  réfractaire  »,  le 
27  pluviôse  an  II  (i5  février 
»794)- 

DELORME  (Claude),  prêtre, 
qui,  sur  les  registres  où  la  commis- 
sion révolutionnaire  de  Lyon 
inscrivoit  ses  jugemens  et  les  noms 
de  ses  victimes ,  est  dit  «  natif  de 
Girassimon,  dans  le  département 
du  Rhône,  et  domicilié  à  Cour- 
neaux,  dans  celui  de  la  Loire  », 
étoit  curé  d'une  paroisse  rurale 
de  la  province  du  Forez.  Il  ne 
voulut  point  prêter  le  serment 
coupable  de  la  constitution  ci- 
vite  du  clergé;  et  son  âge  avancé 
le  détourna  de  s'exiler,  lors  de  la 
déportation  prononcée  par  la  loi 
du  ?.G  août  1792.  Il  continuoit  de 
rendre  son  ministère  utile  aux  ca- 


DEL 

tholîques  du  lieu  où  il  résidoit, 
lorsque  les  révolutionnaires  le  sai- 
sirent ,  à  la  fin  de  1795.  Ils  le  traî- 
nèrent ,  à  l'âge  de  62  ans .  à  Lyon , 
pour  y  être  envoyé  à  l'échafaud 
par  la  terrible  commission  établie 
en  cette  ville  vers  la  fin  de  cette 
année  [V.  Lyon).  Quand  le  prêtre 
Delorme  se  trouva  devant  l'impie 
tribunal,  il  s'y  montra  inébran- 
lable dans  les  devoirs  de  la  religion 
et  du  sacerdoce.  Il  fut  d'après 
cela  condamné ,  le  23  nivôse  an  II 
(12  janvier  1794)?  à  la  peine  de 
mort,  comme  «prêtre  réfraetaire  à 
la  loi,  et  contre-révolutionnaire  » . 
[F.  Debront,  et  Déroche.) 

DELOUCHE  (Jean- George 
Agrève),  prêtre  du  diocèse  de 
Gap  ,  et  vicaire  en  la  ville  épis- 
copale ,  étant  obligé  de  fuir  ce 
pays,  parce  qu'il  y  étoit  en  danger 
pour  n'avoir  pas  fait  le  serment 
de  1791  ,  et  ne  pouvant  sortir 
de  France  par  la  frontière  des 
Alpes  ,  où  de  plus  grands  pé- 
rils l'attendoient ,  après  la  loi 
de  déportation,  vint  dans  la  pro- 
-vince  du  Velay.  Le  diocèse  du  Puy, 
où  la  religion  étoit  si  florissante, 
sembloit  tout  à  la  fois  lui  pro- 
mettre, en  ces  lieux,  un  asile  sûr, 
et  offrir  à  son  zèle  île  saintes  et 
douces  jouissances.  Mais  la  per- 
sécution y  déploya  bientôt  tic  ter- 
ribles fureurs  J.B.  Abeiixon)  ; 
et  il  fut  arrêté  à  Issengoaux.  ou 
il  s'étoit  fixé.  Traîné  dans  les  pri- 
sons de  la  ville  du  Puy,  où  sié- 
geoit  le  tribunal  criminel  du  dé- 


DEL  565 

partement  de  la  Haute-Loire ,  il 
y  fut  condamné  à  mort,  comme 
«prêtre  réfraetaire  »,  le  12  fri- 
maire an  II  (2  décembre  1793). 

DELPÈCHE  DE  SAINT-TGU, 
père  (Raimond)  ,  habitant  aisé  de 
la  ville  de  Caussade,  en  Quercy, 
diocèse  de  Montauban ,  arrêté 
avec  son  fils,  et  amené  à  Paris,  fut 
immolé  pour  cause  de  religion , 
avec  lui ,  son  curé ,  et  quinze 
autres  babitans  de  Caussade,  par 
le  tribunal  révolutionnaire  de  la 
capitale ,  le  3  messidor  an  II  (2 1 
juin  179^),  à  l'âge  de  63  ans.  (  V. 
J.  P.  Clavière.  ) 

DELPÈCHE  DE  SAINT-TOU 
(Jean),  fils  du  précédent,  amené 
prisonnier  a  Paris  en  1794?  avec 
son  père,  son  curé,  et  quinze 
autres  Caussadais,  pour  cause  de 
religion ,  s'y  vit  condamner  pa- 
reillement comme  fanatique, 
par  le  tribunal  révolutionnaire , 
le  3  messidor  an  II  (21  juin 
1794).  et  fut  exécuté  le  même 
jour,  à  l'ûge  de  38  ans.  {V.  J.' P. 
Clavière.) 

DELPHIEUX  (/V...),  curé  de 
Brie ,  paroisse  du  diocèse  de 
Saintes,  comprise  dans  le  dépar- 
tement de  la  Charente,  fut  un 
des  ecclésiastiques  sur  lesquels  se 
manifesta  davantage  la  miséricorde 
divine.  Attaché  à  sa  cure  peut- 
être  plus  par  des  motifs  humains 
que  par  esprit  sacerdotal,  il  fit, 
pour  y  rester,  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé  ; 
et  le  même  motif  le  porta  dans  la 

3G. 


564  DEL 
suite  à  prêter  le  serinent  de  libtvlè- 
éy  alité,  prescrit  par  les  impies  et 
perfides  législateurs  d'août  1792. 
Comme  il  conservoit  au  fond  de 
son  cœur  la  Foi,  et  ne  pouvoit 
s'empêcher  de  montrer  du  zèle 
pour  la  religion,  Dieu,  voulant 
qu'il  en  fût  un  véritable  confes- 
seur, se  servit  des  persécuteurs 
eux-mêmes  pour  arriver  à  ses  lins. 
Ces  persécuteurs  l'arrêtèrent;  et, 
après  l'avoir  retenu  quelque  temps 
dans  leurs,  prisons,  ils  l'envoyè- 
rent, au  commencement  de  1794» 
à  Rochefort ,  d'où  il  devoit  être 
déporté  au-delà  des  mers,  avec 
quantité  de  prêtres  ainsi  punis 
pour  ne  s'être  pas  rendus  cou- 
pables de  semblables  défections 
(:  V.  Rochefort).  Quand  il  se 
vit  au  milieu  de  cette  sainte  so- 
ciété, dans  l'entrepont  du  navire 
ic  W askinyton ,  où  il  avoit  élé 
embarqué ,  il  voulut  devenir  digne 
d'eux,  eti  rétracta  ses  deux  ser- 
mens.  Acceptant  en  esprit  de  pé- 
nitence les  maux  qu'il  enduroit, 
il  se  félicita  de  souffrir  et  de  mou- 
rir pour  la  cause  de  la  religion. 
Le  curé  Delphieux  expira  en  sep- 
tembre 1794?  à  l'âge  de  5r>  ans, 
et  fut  enterré  dans  l'île  cVAix. 
(P.  N.  Deeattre,  et  D.  Delïoi  r,) 
DELPLACE  (Dont  Cijrys©- 
cone-Honoré)  ,  prêtre  et  religieux 
de  l'ordre  de  saint  Bruno,  dans  la 
chartreuse  de  Valenciennes,  étoit 
né  à  Vermeille,  en  Artois,  près 
Bélhune,le  i5  mars  1 755;  il  avoit 
pris  l'habit  de  Chartreux  le  12  juin 


DEL 

1754,  et  prononcé  ses  vœux  le 
i5  juin  1755.  Ses  vertus  et  ses 
lalens  l'avoient  fait  élever  à  la 
charge  de  vicaire  dans  son  ordre. 
Expulsé  de  son  cloître,  comme  tous 
les  autres  religieux,  parles  réfor- 
mateurs impies  de  1791,  il  eut  en 
outre  la  douleur  de  voir  qu'ils 
attaquoient  dans  ses  bases  la  reli- 
gion catholique  ;  et  il  se  montra 
zélé  pour  la  soutenir.  Méritait, 
comme  les  prêtres  non-assermen- 
tés ,  la  haine  des  novateurs,  il  se 
crut  voué  au  même  sort  qu'eux 
par  la  loi  du  26  août  1792, 
qui  les  forçoit  à  se  déporter  eux- 
mêmes.  La  prise  de  Valenciennes 
par  les  Autrichiens  ,  le  1"  août 
1793  (  V .  Valenciennes)  ,  et  sur- 
tout i'avantage  que  cette  ville  avoit 
d'être  soustraite  à  la  tyrannie  de 
l'impiété,  le  décidèrent  à  y  reve- 
nir, pour  y  rendre  utile  aux  habi- 
tansson  ministère  sacerdotal.  lise 
donnoit  avec  ardeur  à  cette  sainte 
occupation  ,  quand  tout  à  coup 
Jes  troupes  et  les  proconsuls  de  la 
Convention  rentrèrent  dans  Va- 
lenciennes. Bientôt  arrêté  par 
leurs  ordres,  il  fut  livré  à  une 
commission,  militaire  chargée 
d'envoyer  à  la  mort  les  ministres 
du  Seigneiuf  et  les  religieuses  , 
sous  le  prétexte  frauduleux  de 
leur  prétendue  émigration  (  V. 
AtcriiN  ).  DïJm  Cbi  ysogone-Ho- 
lioré  fut  immolé  à  l'âge  de  59  ans 
et  sept  mois,  avec  six  autres  prê- 
tres (/''.  M.  Licert,  J).  B.  Se- 

CLOSSE,  BEI.TRÈMJEUX  ,  L.  GtïOT, 


DEL 

J.  F.  Lecot  tre,  et  A.  Jh  Ledoux)  , 
le  24  vendémiaire  an  III  (iô  oc- 
tobre 1794)5  deux  mois  et  vingt 
jours  après  que  les  Thermido- 
riens eurent  abattu  Roberspierre. 
[V .  M.  M.  J1,e  Dejardin,  et  J.  B. 
Dubois.) 

DELPY  (Antoine)  ,  curé  de  la 
paroisse  rurale  de  la  Chapelle- 
d'Aubareil ,  dans  le  diocèse  de 
Périgueux ,  n'ayant  pas  voulu 
prêter  le  serment  schismatique  de 
1791,  fut  chassé  de  sa  paroisse. 
Il  vint  habiter  la  ville  épiscopale  , 
où  il  se  rendit  utile  aux  catholiques. 
Les  impies  ne  le  lui  pardonnoient 
pas;  et,  comme  la  menaçante  loi 
du  26  août  1793  ne  put  le  déter- 
minera s'éloigner  de  son  pays,  et 
qu'il  resta  sous  la  main  des  persé- 
cuteurs, ils  le  firent  arrêter.  Après 
plusieurs  mois  de  prison ,  Delpy 
fut  traduit  devant  le  tribunal  cri- 
minel du  département  de  la  Dor- 
dogne,  siégeant  à  Périgueux  ;  et 
le  17  thermidor  an  II  (  4  août 
i  794) ,  on  l'y  condamna  à  la  peine 
de  mort,  comme  «prêtre  réfrac- 
taire».  (  V.  F.  P.  Demoy,  et  J. 
Dereis.) 

DELSOL  (  Pierre  ),  curé  de 
Mérichau-le-Francat,  près  Saint- 
Céré,  dans  le  diocèse  de  Montau- 
ban,  y  étoit  né  à  Cresse  ,  ou  Cres- 
sens.  Il  ne  prêta  point  le  serment 
de  1791;  et  son  amour  pour  ses 
ouailles  l'empêcha  de  s'éloigner 
d'elles ,  conformément  à  la  loi  du 
26  août  1792.  Les  agens  de  la 
persécution  le  découvrirent  en 


DEL  565 

179J,  et  le  jetèrent  dans  leurs 
prisons.  L'année  suivante,  ils  l'en- 
voyèrent à  Bordeaux,  où  il  devoit 
être  embarqué  pour  une  déporta- 
tion au-delà  des  mers  [V .  Bor- 
deaux). II  s'en  falloit  encore  de 
beaucoup  que  les  préparatifs  de 
l'embarquement  fussent  achevés; 
car  il  ne  put  commencer  que  vers 
la  fin  de  l'automne  ,  trois  mois 
après  la  chute  de  Roberspierre  ; 
et ,  dès  son  arrivée  à  Bordeaux,  le 
curé  Delsol,  enfermé  dans  le  fort 
du  Ha ,  succomboit  déjà  sous  le, 
poids  des  persécutions.  Sa  santé 
défaillante  annonçoit  la  fin  de  sa 
vie  ;  on  le  fit  transporter  à  l'hôpital 
de  Saint -André,  ou,  ne  cessant 
point  d'être  captif  de  J.-C,  il 
rendit  le  dernier  soupir  ,  à  l'âge  de 
5o  ans,  le  29  mars  1794-  {V .  F. 
Daissun,  et  P.  Depaxj.) 

DELTOLR  (Denis),  curé  de 
Saint-Allyre-de- Valence ,  paroisse 
du  diocèse  de  Clermont-Ferrand, 
et  natif  de  Cheylade.  dans  le  même 
diocèse  ,  aima  mieux ,  quoique 
très-âgé ,  s'exposer  à  la  persécu- 
tion ,  que  de  faire  le  serment  schis- 
matique de  1791.  Il  n'en  resta  pas 
moins  à  la  portée  de  ses  parois- 
siens, pour  les  maintenir  dans  la 
Foi  catholique.  Les  persécuteurs 
l'arrêtèrent  en  1793,  dans  le  dé- 
partement de  V  A  llier ,  et  le 
mirent  en  réclusion  à  Moulins  ; 
ensuite  ils  l'envoyèrent  à  Roche- 
but,  pour  être  déporté  sur  des 
rives  lointaines  et  sauvages.  Il  lut 
embarqué  sur  le  navire  {es  Deux 


566  DEM 

Associés  (V.  Roci;efort),  et  y 
souffrit  tant  de  maux  que  bientôt 
il  succomba  :  son  âge  alors  étoit 
de  ?3  ans.  Il  mourut  le  5  août 
1794?  et  fut  enterré  dans  l'île 
(YAix.  (  V.  Delphiecx,  et  F. 
De.moy.) 

DELZERS  (Emmancei),  prêtre 
du  diocèse  de  Monde,  où  il  étoit 
•vicaire,  aima  mieux  courir  toutes 
les  chances  de  la  persécution  que 
de  faire  le  serment  schismatique. 
De  la  paroisse  de  Saint-Laurent- 
de-Muret,  près  Maruéjols,  où  il 
résidoit,  il  continuoit  à  porteraux 
catholiques  les  secours  de  la  reli- 
gion ;  et  cette  occupation  le  dé- 
tourna de  sortir  de  France ,  lors 
de  la  loi  de  la  déportation.  Pen- 
dant plusieurs  mois,  il  échappa 
aux  persécuteurs;  mais  enfin  il 
tomba  dans  leurs  mains,  et  fut 
conduit  aux  prisons  de  Mende. 
Le  tribunal  criminel  du  dépar- 
tement de  la  Lozère,  qui  sié- 
geoiten  cette  ville,  le  condamna, 
comme  «  prêtre  réfractaire  »,  à 
la  peine  de  mort,  le  20  messidor 
an  II  (  i5  juillet  î^c/i). 

DEMALS  (François),  prêtre, 
né  à  Verrebroëk  ,  en  Belgique  , 
vers  1706,  et  religieux  Bernardin 
à  Anvers,  y  signala  sa  Foi  et 
son  zèle  ,  lors  de  l'invasion  de 
la  Belgique  par  les  réformateurs 
fiançais.  Il  ne  fit  aucun  de  leurs 
sermons  anti-religieux  ;  et ,  ayant 
échappé  à  leurs  premières  persé- 
cutions, il  profitoit  de  la  tolérance 
de  1797  pour  donner  un  nouvel 


DEM 

essora  son  zèle  (  V.  Belgique). 
La  crise  politique  du  18  fructidor 
(  4  septembre  1 797  ) ,  et  la  loi  de 
déportation  rendue  le  lendemain 
[V .  Guiane), exposèrent leBernar- 
din  Demals  à  de  nouveaux  dangers. 
Il  fut  arrêté  et  envoyé  à  Roche- 
fort,  pour  être  déportéàla  Guiane. 
On  l'embarqua  sur  la  corvette 
ta  Bayonnaise ,  le  icraoût  1798  : 
elle  le  déposa  ,  le  29  septembre, 
dans  le  port  de  Cayenne.  De  là,  il 
fut  aussitôt  relégué  dans  le  désert 
de  Konanama  ,  dont  il  ne  put 
supporter  long-temps  les  fléaux 
mortels.  Il  expira  le  12  novembre 
de  la  môme  année ,  à  l'âge  de  42 
ans.  Comme  il  ne  laissoit  aucune 
succession ,  les  Nègres  refusèrent 
de  l'enterrer:  et  ce  furent  ses  con- 
frères Belges  qui  creusèrent  sa 
fosse ,  et  lui  donnèrent  la  sépulture. 
{V .  F.  Delaitre  ,  et  A.  Denoin- 

V1ELE.) 

DEMOY  (François),  prêtre, 
chanoine  régulier  de  la  congréga- 
tion de  Chancelade,  et  prieur  de 
la  communauté  d'Aubrac,  dans  le 
diocèse  de  Rodez,  étoit  revenu 
dans  son  pays  natal  après  la  sup- 
pression des  ordres  religieux.  Ce 
pays  étoit  Mucidan,  petite  ville 
du  diocèse  de  Périgueux  ;  et  le  cha- 
noine Demoy  n'y  dissimula  point 
son  attachement  invariable  à  la 
Foi  de  l'Eglise  catholique.  Les 
autorités  du  département  de  la 
Dordogne ,  sous  la  tyrannie  parti- 
culière desquelles  il  étoit,  épioient 
l'occasion  de  s'en  venger.  Dès 


DEN 

qu'elles  le  purent,  en  17905  elles 
le  firent  jeter  dans  les  prisons  de 
Périgueux,  et  l'envoyèrent  ensuite 
à  Rochefort,  pour  en  être  déporté 
au-delà  des  mers.  Demoy  fut  em- 
barqué sur  le  navire  les  Deux 
Associés  [V.  Rochefort),  et  ne 
tarda  pas  à  périr  des  maux  qu'on 
y  enduroit.  Il  rendit  son  dernier 
soupir  le  29  juillet  1794?  'A  l'âge 
de  5i  ans,  et  fut  enterré  dans  l'île 
à'Aix.  (  V.  D.  Deltoub,  el  L. 
Depons.  ) 

DEMOY  (  François  -  Pierre  )  , 
curé  et  chanoine  de  l'église  pa- 
roissiale de  La  Roche-Reaucourt, 
dans  le  diocèse  de  Périgueux , 
s'étoit  réfugié  au  bourg  de  Neuvic , 
près  Grignols,  non  loin  de  sa  pa- 
roisse d'où  la  persécution  l'avoit 
éloigné  en  1791.  Inébranlable 
dans  sa  Foi ,  et  attaché  aux  catho- 
liques de  sa  province ,  il  ne  sortit 
point  de  France,  lors  de  la  loi  de 
déportation ,  rendue  contre  les 
prêtres  non-assermentés ,  le  26 
août  1792.  Dans  le  courant  de 
1793,  il  fut  découvert  en  sa  re- 
traite ;  et  on  le  mit  en  prison. 
Traduit  devant  le  tribunal  du  dé- 
partement de  la  Dordogne ,  sié- 
geant à  Périgueux,  il  y  fut  con- 
damné le  18  germinal  an  II  (7 
avril  1794)  à  la  peine  de  mort, 
comme  «  prêtre  réfractaire  ».  {V . 
J.  Cherchoijly,  et  A.  Delpy.) 

DENAIS  (Pierre),  prêtre  du 
diocèse  du  Mans,  né  à  Grcnouzc  , 
près  Laval,  en  1756,  et  vicaire 
en  cette  ville  ,  après  l'avoir  été 


DEN  56; 

dans  la  paroisse  de  Nuillé-Ie- 
Vicoin ,  avoit  acquis  une  heu- 
reuse expérience  dans  la  direction 
des  âmes  au  tribunal  de  la  péni- 
tence ,  et  dans  la  manière  d'ensei- 
gner à  la  jeunesse  les  principes  et: 
les  préceptes  de  la  religion.  La  loi 
du  serment  de  la  constitution 
civile  du  clergé  le  trouva  iné- 
branlable dans  sa  Foi.  Il  souffrit 
avec  beaucoup  de  ses  confrères  la 
réclusion  dont  nous  avons  parlé 
à  l'article   Laval,  et  sortit  de 
France  à  la  fin  de  1792 ,  en  vertu 
de  la  loi  de  déportation.  Après 
cinq  ans  de  séjour  en  Angleterre , 
impatient  de  revenir  pour  les  be- 
soins spirituels  de  ses  compa- 
triotes, il  rentra  clandestinement 
en  août  1797,  et  vint  reprendre 
les  fonctions  de  son  ministère  à 
Laval.  La  catastrophe  du  18  fruc- 
tidor, qui  arriva  bientôt  (le  4  sep- 
tembre 1797)»  redonna  aux  per- 
sécuteurs leur  précédente  activité  ; 
et  le  vicaire  Denais,  que  d'écla- 
tantes conversions  avoient  déjà  si- 
gnalé, fut  recherché  par  les  impies 
révolutionnaires.  Des  gendarmes 
vinrent  l'arrêter  le  1 4  février  1 798 , 
dans  la  maison  où  il  s'étoit  caché. 
Le  matin  de  ce  jour -là  même,  il 
y  avoit  célébré  les  saints  mystères  ; 
et  le  pain  des  forts,  dont  il  s'étoit 
nourri,  le  rendit  imperturbable 
au  milieu  des  furieux  qui  l'entraî- 
nèrent dans  les  prisons  de  la  ville. 
Cependant   quelques  personnes 
charitables,  après  s'être  assurée-; 
qu'avec  de  l'argent  elles  détenui- 


568  DEN 

neroient  les  gendarmes  qui  dé- 
voient le  conduire  à  le  laisser 
échapper,  lorsqu'ils  le  transféré6- 
voient  a  Tours  pour  être  jugé,  lui 
en  firent  part  ;  mais  Denais,  crai- 
gnant que  son  évasion  faite  ainsi 
ne  les  compromît,  et  qu'ils  ne 
pussent  se  justifier  que  par  des 
mensonges  et  de  faux  sermens, 
rejeta  la  proposition.  Dans  ce 
magnanime  refus  que  lui  com- 
mandèrent tout  à  la  fois  et  sa 
crainte  que  la  Divinité  ne  fût  en- 
core plus  offensée  par  la  menson- 
gère justification  des  gendarmes, 
et  sa  chanté  pour  eux  qu'une  sé- 
vère punition  frapperoit  si  leur 
condescendance  étoit  découverte, 
il  eut  bien  plus  de  mérite  que  le 
saint  Martyr  Sabas  de  Gotthie , 
lorsqu'il  ne  voulut  pas  consentir 
à  être  sauvé  par  les  soldats  même 
qui  étoient  chargés  de  le  noyer. 
Quand  ils  lui  en  firent  la  propo- 
sition ,  ils  n'avoient  rien  à  craindre 
pour  eux-mêmes.  «  Pourquoi 
perdre  le  temps  en  vains  projets, 
disoit  comme  lui  notre  prêtre 
Denais;  qu'ils  remplissent  l'ordre 
qui  leur  est  donné  :  vous  n'aper- 
cevez donc  pas  ce  que  je  vois! 
On  ne  m'attend  à  Tours  que  pour 
me  faire  entrer  dans  la  gloire  de 
l'éternité(i)  ».  Ainsi  donc,  quand 


(  i  )  Jnler  se  :  Cur  non  ,  inqniunt , 
dimiitimus  hominem  hune  innocentent  :' 
nunquam  enim  Alhàridus  hoc  rescitu- 
rus  est .  Sèd  heatits  Sabas  dixit  ad  eos  : 
y  nid  nugamirii?  ac  unit  potiùs  facitis 


DEN 

les  gendarmes  vinrent  le  prendre  le 
17  février  pour  le  mener  à  Tours, 
il  partit,  entièrement  résigné,  à 
son  sort.  On  le  conduisent  à  une 
commission  militaire  ,  formée 
par  le  général  divisionnaire  Vi- 
meux  ;  et  cette  commission  le  con- 
damna, le  8  ventôse  an  VI  (26  fé- 
vrier 1798),  à  être  fusillé,  comme 
«émigré-rentré  ».  La  sentence  fut 
exécutée  le  lendemain  :  le  vicaire 
Denais,  à  l'âge  de  4a  ans,  périt  donc 
trois  ans  et  six  mois  après  la  chute 
de  Robcrspierre.  On  doit  peut- 
être  rapporter  à  cet  héroïque 
prêtre  de  J.-C,  la  note  de  la 
page  34,  d'un  écrit  (in-S°de  128 
pages)  ,  composé  et  publié  en  An- 
gleterre, l'an  1799,  par  feu  l'abbé 
Coulon ,  vicaire -général  de  Ne- 
vers,  et  prédicateur  ordinaire  du 
Roi,  à  l'honorable  mémoire  du- 
quel nous  consacrerons  quelques 
lignes,  en  terminant  notre  ou- 
vrage. Cet  écrit  a  pour  titre  : 
La  voix  de  la  religion,  et  te 
cri  de  i 'honneur  pour  la  res- 
tauration de  Louis  XVI II  et 
de  ta  monarchie  française ,  ou 
Paraphrase  de  la  prière  pu- 
blique pour  le  Roi  :  Exau- 
diat ,  etc.  appliquée  aux  va  ux 
des  Français  royalistes  et  cJi  re- 
tiens. L'auteur  ne  en  >yarit  pas  pru- 


quod  i'obis  imperatum  est?  Ego  vidso 
ijtiod  vos  non  potestis  intueri.  Eccc 
stant  è  vegione  (/ni  me  suscepturi  sunt. 
(  Ruinart  :  Eprstota  Ecclesiœ  Gotihùr , 
ti«  V.) 


DEN 

dent,  en  ces  temps  encore  si  cri- 
tiques, de  nommer  les  personnes 
et  les  lieux,  disoit  dans  la  note 
dont  il  s'agit  :  «  Deux  Itères  ec- 
clésiastiques,  du  diocèse  d...., 
forcés  de  se  mettre  à  l'abri  de  la 
persécution  qui  se  ralluma  vers  la 
fin  de  1797,  se  cachèrent  en- 
semble dans  une  retraite  obscure. 
L'aîné  y  mourut  ;  et  le  cadet  fut 
obligé  de  donner  lui-même  la 
sépulture  à  son  frère,  de  crainte 
d'Otre  reconnu  par  les  barbares  du 
dix-huitième  siècle,  s'il  s'étoit 
confié  à  quelque  autre  personne, 
pour  remplir  ces  tristes  devoirs. 
Peu  de  temps  après  il  n'en  fut 
pas  moins  découvert;  on  le  con- 
duisit et  on  le  fusilla  dans  la 
ville  de  ***.  Après  sa  mort , 
on  lui  trouva  un  ciliée  sur  le 
corps  ;  et  les  habitans  de  celte 
ville,  pénétrés  de  respect  pour  le 
confesseur  de  la  Foi,  se  partagè- 
rent ses  vêtemens.  Ce  digne  ec- 
clésiastique,  doué  de  toutes  les 
vertus  de  son  état,  et  du  caractère 
le  plus  doux,  ne  m'étoil  point  in- 
connu; et  ces  détails  m'ont  été 
communiqués  d'après  des  lettres 
authentiques  ».  (V.  Defay,  du 
Mans;  et  Deschamps  ,  d'Aim- 
brières.  ) 

DENIS  (Le  Pire),  Récollet. 
{V.  J.  L.  IIeidebert.  ) 

DEN OIN VILLE  (Albert),  né 
en  Normandie  vers  175^,  curé  de 
Vincy,  dans  le  diocèse  de  Laon, 
ne  lit  aucun  des  sermens  anti-re- 
ligieux de  la  révolution.  Il  échappa 


DEN  TjÔo, 

aux  fureurs  des  persécuteurs  de 
1790  et  1794;  mais  il  ne  put  éviter 
les  pièges  de  la  perfide  tolérance 
de  ceux  de  1796  et  1797.  Quand 
ils  eurent  produit  leur  crise  poli- 
tique du  18  fructidor  (4  septembre 
1797)?  pour  faire  le  lendemain 
leur  loi  de  déportation  à  la  Guiane 
(V.  Guiane),  le  curé  Denoinville 
fut  arrêté.  On  l'envoya  bientôt  à 
Rochefort  où  il  fut  embarqué  sur 
la  frégate  la  Charente ,  le  12  ou 
i3  mars  1798,  et  ensuite  sur  la 
frégate  la  Décade,  le  i5  avril. 
A  peine  arrivé  à  Cayenne,  vers  le 
milieu  de  juin,  il  se  vit  relégué 
au  canton  de  Makouria,  où  le 
colon  Vidier  le  reçut  dans  son  ha- 
bitation. Cet  avantage  ne  put  le 
faire  échapper  aux  mortelles  in- 
fluences du  climat.  Il  mourut  en 
décembre  1798  ,  à  l'âge  de  40  ans. 
(V.  F.  Demals,  et  G.  Desma- 
zures.  ) 

DEN  OU  AL  (Marc)  ,  simple  tis- 
serand du  village  de  Saint-Vin- 
cent-sur-Oust ,  dans  le  diocèse  de 
Vannes  ,  fut  un  de  ces  chrétiens 
dont  la  Foi ,  abondante  en  bonnes 
œuvres,  ne  redoutoit  aucun  dan- 
ger, lorsqu'il  s'agissoit  de  faire 
celles  qui  pou  voient  être  les  plus 
agréables  à  Dieu  et  les  plus  utiles  à 
son  Eglise.  Il  donna  asile  chez  lui  à 
un  de  ces  prêlrcs  catholiques  qui 
Festoient  exposés  à  tous  les  périls 
pour  les  besoins  spirituels  des 
fidèles,  et  dont  les  persécuteurs 
avoient  mis  la  tête  à  prix.  Celte 
hospitalité  généreuse  ayant  été 


5yo  DEP 

découverte  par  lesespionsde  ceux- 
ci,  le  bon  Dénouai  fut  arrêté,  et 
traîné  dans  les  prisons  de  Vannes. 
Le  tribunal  criminel  du  départe- 
ment du  Morbihan,  l'ayant  fait 
comparoître  devant  lui ,  le  17  flo- 
réal an  II  (6  mai  1794)  •>  l'envoya 
mourir  sur  l'éctiafaud ,  comme 
«  recéleur  de  prêtres  réfractaires  » 
(  V .  J"  Aux.  ) 

DE  PAU  (Pierre),  prêtre  et 
religieux  Barnabite,  du  diocèse 
d'Aire ,  né  à  Saint-Sever,  province 
des  Landes,  mérita  par  la  cons- 
tance de  sa  Foi  et  l'édification  de 
sa  conduite ,  la  même  haine  que 
les  persécuteurs  avoient  vouée 
aux  prêtres  insermentés.  En  1795, 
il  fut  enlevé  pour  être  déporté 
comme  eux  au-delà  des  mers  ;  et 
on  le  conduisit  à  cet  effet  dans  la 
ville  de  Bordeaux,  où  il  fut  en- 
fermé dans  le  fort  du  Ha,  en  at- 
tendant le  jour  de  l'embarquement 
{V.  Bordeaux).  Cependant  on  ne 
le  comprit  point  dans  le  grand 
nombre  de  prêtres  que  l'on  com- 
mença d'embarquer  vers  la  fin  de 
l'automne  de  1794?  tl'°is  mois 
après  la  chute  de  Roberspierre. 
Notre  religieux,  restant  encore 
dans  sa  prison,  y  succomboitsous 
le  poids  de  ses  maux.  Lorsqu'on 
vit  approcher  |p*terme  de  sa  vie, 
on  le  transporta  dans  l'hôpital  de 
Saint- André,  où  il  mourut,  le  16 
décembre  1794,  à  l'âge  de  44  ans- 
[¥.  P.  Delsol,  et  J.  M.  Jh  Dé- 
molîmes. ) 

DEPONS  (Loris) ,  ancien  curé 


DEP 

de  Ghâtel-de-iVIontagne ,  paroisse 
du  diocèse  de  Clermont,  et  né  à 
Brughat ,  dans  le  même  diocèse  , 
ayant  résigné  sa  cure  avant  la  ré- 
volution, ne  put  être  sommé, 
comme  fonctionnaire  public,  de 
faire  le  serment  schismatique  de 
1791.  L'attachement  invariable 
que  ,  dans  celte  occasion  et  par  la 
suite,  il  montra  pour  la  religion 
catholique ,  donna  lieu  de  penser 
qu'il  auroit  mieux  aimé  perdre  sa 
cure  que  de  prêter  ce  serment. 
Cependant  le  désir  de  la  tranquil- 
lité ,  si  naturel  à  l'âge  de  60  ans, 
auquel  il  étoit  parvenu ,  le  porta, 
vers  la  fin  de  1792 ,  à  faire  aveu- 
glément le  serment  pour  le  moins 
équivoque  de  iiherté-égadté.  Il 
n'en  acquit  pas  plus  de  sécurité, 
parce  qu'un  prêtre  ne  pouvoil  y 
avoir  droit  que  par  une  formelle 
apostasie,  et  le  vénérable  Depons 
en  étoit  incapable.  11  fut  arrêté 
et  jeté  dans  les  prisons  de  Mou- 
lins. Quoiqu'à  la  rigueur  il  ne 
dût  être  soumis,  suivant  les  lois 
d'alors,  qu'à  la  peine  de  réclu- 
sion, à  raison  de  son  âge,  il  fut 
néanmoins  envoyé  à  la  dépor- 
tation maritime  qui  se  préparoit 
à  Rochefort.  Embarqué  sur  le 
navire  les  Deux  Associes,  avec 
une  multitude  de  confesseurs  de 
Jésus-Christ  qui  avoient  repoussé 
le  second  serment  comme  le  pre- 
mier {V.  Bochefort),  il  se  hâta 
de  rétracter  celui  qu'il  avoit  prêté 
(  V.  Fontaine,  Lazariste);  et  il 
mourut  avec  la  même  gloire  que 


DE  il 

ses  confrères,  le  4  juillet  1794» 
à  l'âge  de  62  uns.  Son  corps  fut 
enterré  dans  l'île  à'Aix.  (  V.  F. 
Demoy,  et  P.  M.  N.  Deschamps.) 

DEREIS  ou  DERCIS  (Jean), 
curé  de  la  paroisse  de  Saint-Par- 
dons de  Mareuil,  dans  le  diocèse 
de  Périgueux ,  refusa  le  serment 
de  la  constitution  civile  du 
clergé.  Voulant  maintenir  sa  pa- 
roisse dans  la  pureté  de  la  Foi, 
il  continua  d'y  habiter,  sans  en 
être  détourné  par  la  loi  de  dépor- 
tation du  26  août  1792.  Malgré 
les  moyens  de  sécurité  qu'ilcroyoit 
avoir,  il  fut  arrêté  dans  le  courant 
de  l'année  suivante.  On  le  tradui- 
sit devant  le  tribunal  criminel  du 
département  de  la  Dordogne , 
siégeant  à  Périgueux  ;  et ,  le  9 
prairial  an  II  (28  mai  1794),  ce 
tribunal  l'envoya  au  dernier  sup- 
plice, comme  «  prêtre  réfraclaire». 
{V .  A.  Delpy,  et  J.  Ferrière.) 

DEROCHE  (Benoît),  prêtre  et 
chanoine  de  Vilîefranche ,  en  Beau- 
jolais, étoit  né  dans  cette  ville,  et 
avoit  un  grand  zèle  pour  le  salut 
des  âmes,  comme  pour  la  Foi  sans 
laquelle  on  ne  peut  être  sauvé.  Ce 
zèle  alloit  toujours  croissant,  à 
mesure  qu'il  la  voyoit  de  plus  en 
plus  en  péril  dans  la  contrée  qu'il 
habituit.  Empressé  de  repousser 
l'hérésie  constitutionnelle ,  et  de 
mainten  ir  les  catholiques  dans  l'an- 
cienne croyance,  il  ne  bornoit  pus 
l'exercice  de  son  ministère  à  la 
ville  où  il  demeuroit  :  il  alloit 
l'exercer  encore  dans  les  campa- 


DER  571 

gnes  d'alentour.  L'impiété  rugis- 
soit  contre  lui  ;  et,  quand  elle  eut 
à  sa  disposition  la  farouche  com- 
mission révolutionnaire  que  les 
proconsuls  de  la  Convention  éta- 
blirent à  Lyon ,  en  novembre  1793 
{V .  Lyon),  le  chanoine  Déroche 
fut  saisi  et  amené  prisonnier  de- 
vant ce  tribunal  sanguinaire.  Il 
s'y  comporta  en  digne  confesseur 
de  Jésus-Christ,  et  fut  condamné 
à  la  peine  de  mort,  le  14  pluviôse 
an  II  (  2  février  1794  ),  comme 
«ayant  prêché  le  fanatisme  dans 
les  campagnes  ».  Il  avoit  48  ans 
lorsqu'il  perdit  ainsi  la  vie  pour  la 
cause  de  la  religion.  [V.  Delorme, 
et  Drivon.) 

DERUELLE  (N...  ) ,  prêtre  de 
l'église  paroissiale  de  Saint-Ger- 
vais ,  à  Paris ,  massacré  dans 
l'église  des  Carmes,  le  2  sep- 
tembre 1792,  se  trouve  sans  nom 
de  baptême  sur  le  registre  mor- 
tuaire de  Yétat  civil  de  la  capi- 
tale ,  où  cependant  il  vivoit.  Ce 
qu'il  y  a  de  notoire,  et  ce  qui  suffit 
pour  nous  autoriser  à  le  citer 
dans  nos  pieuses  matricules,  c'est 
qu'il  fut  saisi  par  les  impies  révo- 
lutionnaires ,  peu  de  jours  après 
le  fatal  10  août  de  cette  année,  et 
pour  l'unique  raison  qu'il  n'avoit 
pas  voulu  manquer  à  sa  Foi  par 
la  prestation  du  serinent  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
La  demande  en  étant  faite  alors  de 
nouveau  par  les  comités  de  sec- 
tions, devant  lesquels  les  prêtres 
non-assennenlés  étoient  traduits; 


072  DES 

et  ces  comilé.s  faisant  emprisonner 
aussitôt  ceux  qui  persévéroient 
dans  leur  premier  refus,  il  est 
bien  évident  que  le  prêtre  De- 
ruelle  montra,  dans  cette  circons- 
tance extrêmement  critique,  qu'il 
étoit  résolu  de  mourir  plutôt  que 
de  manquer  à  sa  Foi  ,  puisqu'il 
fut  envoyé  prisonnier  dans  l'église 
des  Carmes.  (  V.  Dut, au).  La 
cause  de  sa  captivité  devint  bien- 
tôt celle  de  sa  mort,  dans  laquelle 
on  ne  vit  point  foiblir  la  fermeté 
de  son  attachement  à  la  doctrine 
catholique.  {V .  Septemrre.) 

DERVILLÉ  (Julien),  ex-Jé- 
suite. (  V.  J.  Hervillé.  ) 

DE  SÀRTRET  (Jacques),  prê- 
tre. [V.  Jis  Sartret.) 

DESCHAMPS  (N...)  ,  vi- 
caire dans  le  diocèse  du  Mans,  en 
la  petite  ville  d'Ambrières ,  au 
doyenné  de  Passays ,  avoit  été 
cédé  à  ce  diocèse  par  celui  de 
Coutances ,  dans  lequel  il  étoit  né , 
au  bourg  de  Courson,  près  de 
Villedieu.  Digne  d'être  associé 
aux  prêtres  du  Mans,  dont  la  Foi 
se  manifesta  d'une  manière  si  glo- 
rieuse pendant  la  persécution  , 
Deschamps,  non  seulement  refusa 
le  serment  schismatique  de  1791, 
et  repoussa  même  celui  de  iiùertc- 
égatifé;  il  voulut  encore,  malgré 
la  loi  de  déportation,  rester  près 
rie  ses  paroissiens,  pour  continuer 
à  leur  procurer  les  grâces  de  l'E- 
glise. Mais  ce  but  de  son  zèle  ne 
pouvoil  plus  être  atteint  qu'avec 
des  dangers  infiniment  plus  grands 


DES 

que  ceux  dont  il  avoit  été  menacé 
depuis  que  son  refus  du  serment 
l'avoit  fait  expulser  de  son  église. 
Cependant ,  grâce  aux  soins  et 
aux  bons  offices  des  catholiques 
du  canton,  comme  aux  précau- 
tions de  prudence  dont  il  usoit, 
il  put  y  fournir  les  secours  de 
la  religion  pendant  les  terribles 
années  1793  et  179').  Les  fati- 
gues de  ses  courses  apostoliques, 
les  anxiétés  cruelles  dont  elles 
étoient  accompagnées  ,  ne  ralen- 
tirent jamais  son  ardeur  pour 
la  sanctification  des  âmes.  Les 
mêmes  peines  rendirent  encore, 
dans  les  années  179.^,  1796, 
l'exercice  de  son  ministère  aussi 
pénible  ,  et  par  conséquent  aussi 
méritoire  ,  quoique  l'on  publiât 
dans  les  journaux  de  Paris,  que, 
depuis  la  chute  de  Roberspierre  , 
le  27  juillet  1794 ,  la  religion 
avoit  recouvré  le  droit  de  son  culte 
libre  et  public.  Elle  en  jouissoit 
si  peu,  même  en  1797,  que  le 
curé  d'Ambrières  ,  M.  Desnos  , 
étoit  toujours  obligé ,  sous  peine 
de  la  vie,  de  se  tenir  soigneuse- 
ment caché  dans  la  maison  d'une 
de  ses  paroissiennes  ,  Mllc  de  la 
Rougère  ,  dont  le  courage  pour 
les  actes  de  la  Foi  égaloit  la  fer- 
vente piété.  Le  vicaire  Deschamps 
y  étoit  venu  secrètement,  le  di- 
manche des  Rameaux ,  9  avril 
1797,  pour  la  consolation  réci- 
proque de  leurs  consciences  ,  et 
pourse  concerter  avec  son  curé  sur 
leurs  travaux  de  la  Semaine-Sainte. 


DES 

Le  soir,  pendant  qu'ils  s'entre tc- 
noient  ensemble,  un  peu  tard, 
dans  la  chambre  de  celui-ci,  la 
lumière  par  laquelle  ils  éloient 
éclairés  éveilla  les  soupçons  de 
quelques  soldats  du  bataillon  d'Ju- 
nis  qui,  passant  près  de  là,  cou- 
roient  à  la  recherche  des  prêtres, 
sachant  qu'à  cette  époque  de  l'an- 
née, leur  ministère  les  exposoit 
davantage.  Présumant  que  celte 
lumière  indiquent  la  présence  de 
quelqu'un  de  ces  prêtres,  ces  sol- 
dais s'arrêtent  et  viennent  frapper 
à  la  porte.  On  tardoit  à  leur  ou- 
vrir, afin  que  le  curé  et  son 
vicaire  eussent  le  temps  de  se 
cacher  :  les  furieux  enfoncent  les 
portes;  et,  dans  leurs  perqui- 
sitions, que  l'impiété  rend  indus- 
trieuses autant  qu'actives,  ils  dé- 
couvrent Deschamps  dans  le  gre- 
nier, sous  un  amas  de  fagots  de 
genêts  ,  et  lui  tirent  à  l'instant 
un  coup  de  fusil  qui  le  blesse 
grièvement.  Les  soldats  veulent 
achever  de  le  tuer  ;  mais  ,  par 
une  combinaison  barbare,  imagi- 
nant de  le  dépouiller  auparavant, 
pendant  qu'il  respire  encore  ,  ils 
lui  arrachent  ses  habits,  et  le 
mettent  presque  nu.  Deschamps 
vit,  comme  autrefois  notre  divin 
Sauveur,  les  bourreaux  se  parta- 
ger ses  vêteinens  avant  de  le  faire 
mourir.  Les  assassins  de  noire 
vicaire  eurent  pourtant  un  senti- 
ment de  respect,  lorsqu'ils  décou- 
vrirent un  cilice  de  pénitence  sur 
son  corps  ;    mais  ,  leur  fureur 


DES 

impie  reprenant  son  cours ,  ils  le 
percèrent  de  leurs  baïonnettes  ;  et 
Deschamps  mourut  en  s'écriant  : 
«  Mon  Dieu  !  je  remets  mon  âme 
entre  vos  mains  » . 

Le  curé  Desnos  ne  fut  point 
découvert  par  ces  féroces  explora- 
teurs ,  gui  cependant  visiioienî  fort 
rigoureusement  toute  la  maison. 
C'étoit  peut-être  assez  pour  eux 
d'avoir  tué  un  prêtre  dans  celte 
nuil-là  ;  et  ils  ne  présumoient  pas 
qu'il  en  fût  un  second  caché  dans 
le  même  asile.  Ce  qu'il  y  eut  de 
plus  remarquable  dans  l'ineffica- 
cité de  leurs  recherches  ultérieures, 
c'est  que,  passant  et  repassant  plu- 
sieurs fois  devant  une  armoire 
close,  dans  laquelle  étoit  un  petit 
ciboire  qui  contenoit  des  hosties 
consacrées ,  ils  ne  s'aperçurent 
seulement  pas  de  l'armoire,  et  ne 
demandèrent  point  qu'on  la  leur 
ouvrît.  Dieu  les  aveugla  sans  doute, 
pour  soustraire  la  sainte  Eucha- 
ristie à  leurs  profanations.  Se  se- 
roit-il  donc  renouvelé  ,  dans  celte 
occasion,  le  miracle  qui  se  lit 
quand  saint  Tharsicius ,  ayant  sur 
lui  cet  auguste  sacrement,  et 
rencontrant  des  païens  qui  lui 
demandèrent  ce  qu'il  portoit  , 
n'ayant  pas  voulu  s'expliquer, 
périt  sous  leurs  coups?  Lorsqu'ils 
le  dépouillèrent,  la  sainte  Eucha- 
ristie disparut  à  leurs  yeux,  et  ne 
put  être  profanée  :  miracle  dont 
l'Eglise  fail  honneur  à  l'interces- 
sion de  saint  Tharsicius,  et  dont 
la  répétition,  en  1797,  ne  cou- 


574  DES 
tribue  peut-être  pas  moins  à  la 
gloire  du  Martyr  Deschamps  :  Et 
revoluto  rjus  corpore,  sacrilegi 
discussores  nihil  sacramento- 
vumChristiinventrunt.  (Beda  : 
Martyrolog.  ;  et  Martyrolog. 
Rom.  ad  diem  i5  augusti).  {V. 
P.  Denais.) 

DESCHAMPS-DE-PRAVIER 
(Maurice),  prêtre  et  ancien  tré- 
sorier de  la  Sainte-Chapelle  de 
Bourbon-l'Archambault,  conserva 
sa  Foi  intacte  ,  lors  du  schisme 
constitutionnel  de  1791.  11  s'étoit 
retiré  à  Meillet,  son  pays  natal, 
compris  alors  dans  le  département 
del  Allier.  Le  serment  de  liberté- 
égalité,  prescrit  à  la  fin  de  1792, 
parmi  les  massacres  du  10  août 
et  du  2  septembre  de  cette  année, 
lui  parut  un  moyen  plausible  d'é  - 
chapper à  la  persécution  ;  et  il  le 
prêta.  Cet  acte  de  condescendance 
ne  pouvoit  le  sauver ,  parce  qu'en- 
suite on  auroit  voulu  qu'il  aposta- 
siât d'une  manière  formelle.  Il  fut 
jeté  dans  les  prisons  de  Moulins, 
et  traîné  vers  Rochefort,  pour  en 
être  déporté  au-delà  des  mers  {V . 
Rochefort).  Les  traitemens  qu'on 
faisoit  éprouver  aux  prêtres ,  dans 
le  trajet,  leur  étoient  bien  pé- 
nibles. Celui-ci  tomba  malade  si 
grièvement  en  route,  qu'on  fut 
obligé  de  le  laisser  dans  les  prisons 
d'Angoulême.  Déjà  il  avoit  ré- 
tracté son  serment  de  liberté- 
égalité  {V.  ci-après  Fontaine, 
Lazariste  ).  Il  mourut  en  digne 
confesseur  de  Jésus  -  Christ ,  le 


DES 

11  décembre  179Ô,  à  l'âge  de 
5o  ans  (  V .  ci-devant,  pag.  275); 
et  il  fut  enterré  à  Angoulême. 
{V.  E.  G.  M.  Deschamps,  et  J. 
Desessard.) 

DESCHAMPS  aîné  (  Pierre- 
Martin-Nicolas),  prêtre,  et  reli- 
gieux Capucin  du  couvent  de 
Dieppe ,  dans  le  diocèse  de  Rouen , 
et  connu  sous  le  nom  de  Père  A n- 
tonin,  étoit  né  à  Rouen.  Il  mon- 
tra, de  la  manière  la  plus  formelle , 
son  éloigneraient  du  schisme  de 
1791,  et  consacra  son  ministère 
aux  fidèles  restés  fermes  dans  la 
Foi.  Son  zèle  pour  la  religion  ne 
se  ralentit  point  au  milieu  des 
dangers  toujours  croissans  en 
1792  et  179^;  et  il  fut  arrêté. 
Jeté  dans  les  prisons  de  Rouen , 
il  y  resta  jusqu'au  commencement 
de  1794?  ou  'es  persécuteurs  en- 
voyèrent quantité  de  prêtres  à 
Rochefort ,  afin  qu'ils  en  fussent 
déportés  au-delà  des  mers.  Le  P. 
Antonin  fut  aussi  traîné  en  cette 
ville,  et  on  l'y  fil  embarquer  sur 
le  navire  les  Deux  Associés  (  V. 
Rochefort).  C'étoit  là  qu'il  alloit 
subir,  pour  sa  Foi,  le  supplice 
par  lequel  devoit  se  consommer 
son  martyre.  Il  mourut  dans  la 
nuit  du  7  au  8  août  1794?  à  l'âge 
de  45  ans  ,  et  fut  enterré  dans  l'île 
d'Aix.  (  V.  L.  Depons  ,  et  E.  G. 
M.  Deschamps  ) 

DESCHAMPS  jeune  (Emma- 
nuel-Guillaume- Michel  ) ,  frère 
du  précédent,  né  dans  la  même 
ville,  et,  comme  lui ,  prêtre  et  rcli- 


DES 

gieux  du  même  ordre ,  sous  le  nom 
de  Père  Marceilin,  appartenoit 
au  monastère  du  Havre-de-Grâce. 
Il  montra  la  même  fermeté  dans 
sa  Foi,  lors  du  schisme  constitu- 
tionnel de  1791 ,  et  le  même  zèle 
pour  l'Eglise  catholique,  dans  les 
années  suivantes.  Arrêté  en  1795, 
il  fut  envoyé,  dès  les  premiers 
mois  de  1794»  a  Rocliefort,  pour 
être  déporté  au-delà  des  mers  (  V . 
Rochefort).  On  l'embarqua  sur  le 
navire  les  Deux  Associés.  Il  mou- 
rut au  milieu  de  cette  déportation , 
deux  mois  après  son  frère ,  c'est-à- 
dire  le  9  octobre  1794-  Son  âge 
étoit  alors  de  42  aiis  ;  et  il  fut 
enterré  dans  l'ile  Madame.  {V. 
P.  M.  N.  Deschamps  ,  et  M.  Des- 
champs-de-Pravier.  ) 

DESCHAMPS  (N...),  curé  de 
Thianges ,  diocèse  de  Nevers  , 
avoit  été  expulsé  de  sa  cure  par  les 
autorités  profanes  ,  attendu  qu'il 
n'avoit  pas  voulu  compromettre 
sa  Foi  en  prêtant  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  clergé. 
Son  âge  de  68  ans  le  dispensa  de 
la  déportation  prescrite  aux  non- 
assermentés  par  la  loi  du  26  août 
1 792  ;  mais  les  sexagénaires  et  les 
infirmes,  à  qui  cette  loi  accordoit 
une  telle  dispense  ,  étoient  con- 
damnés par  elle  à  la  réclusion , 
sous  la  surveillance  des  mêmes 
autorités  civiles.  Le  curé  Des- 
champs subissoit  à  Nevers  cette 
peine,  que  chaque  jour  de  nou- 
velles vexations  venoient  aggra- 
ver {V .  Nevers).  Elle  le  fut  bien 


DES  575 

davantage  par  la  plus  révoltante 
violation  de  la  même  loi,  lorsque  , 
en  février  1794  5  pour  se  dé- 
barrasser des  prêtres  infirmes  ou 
sexagénaires  qu'on  tenoiten  réclu- 
sion, on  les  fit  partir  brusquement 
pour  Nantes,  où  déjà  tant  d'autres 
venoient  d'être  submergés  (  V. 
Nantes).  Les  maux  de  tout  genre 
que  le  vieillard  Deschamps,  ainsi 
que  ses  soixante  compagnons  de 
voyage,  eut  à  souffrir  dans  la 
roule,  et  ensuite  dans  la  galiote 
du  port  de  Nantes ,  où  ils  fuient 
comme  ensevelis ,  étoient  pour 
eux  un  cruel  martyre.  Quarante- 
quatre  y  avoient  déjà  succombé  en 
peu  de  temps,  lorsque  la  politique 
des  tyrans  exigea  qu'ils  fissent 
passer  à  Brest  ceux  des  prêtres  qui 
n'avoient  pas  encore  expiré.  Une 
insalubre  gabarre  à  sel,  où  le  curé 
Deschamps  se  trouva  placé,  dans 
cette  nouvelle  navigation,  mit  fin 
à  son  existence,  à  la  fin  d'avril 
1794.  On  ne  pourra  pas  rendre  à 
sa  cendre  les  honneurs  que  les 
premiers  chrétiens  décernoient 
avec  tant  d'empressement  à  celles 
de  leurs  Martyrs  :  son  corps  fut 
jeté  à  la  mer.  [V .  Custode,  cha- 
noine, et  Ducrot,  de  Bazoches.) 

DESESSARD  (Jean-Baptiste), 
prêtre,  curé  de  Cheval-Rigou , 
dont  il  étoit  natif,  dans  le  diocèse 
de  Clermont-Ferrand,  fut  un  des 
exemples  de  la  manière  dont  la 
grâce  relève  ceux  qui  sont  tombés 
dans  les  temps  de  persécution. 
Etant  déjà  d'un  âge  fort  avance 


5?G  DES 

lorsqu'on  exigea  de  lui  le  serment 
de  la  constitution  civile  du 
clergé,  sous  peine  d'être  expulsé 
de  sa  cure,  ù  laquelle  il  étoit  at- 
taché par  sa  naissance  comme 
par  sa  charge ,  il  le  prêta  ;  et  le 
même  attachement  l'entraîna  dans 
la  suite  à  l'aire  encore  le  serment 
de  liberté -égalité,  prescrit  à  la 
fin  de  1792.  Cependant  Deses- 
sard,  conservant  au  fond  de  son 
cœur  la  Foi  de  Jésus-Christ,  et 
le  zèle  du  sacerdoce,  ne  pouvoit 
que  s'attirer  toute  la  haine  de  ceux 
qui  vouloient,  en  1795,  achever 
de  détruire  la  religion.  Il  fut  ar- 
rêté par  leurs  agens,  et  jeté  dans 
les  prisons  de  Moulins.  Les  auto- 
rités qui  tyrannisoient  le  départe- 
ment de  r  Allier ,  où  il  avoit  été 
surpris  ,  le  dévouèrent  à  la  dépor- 
tation maritime  qui  se  préparoit  à 
Rochefort ,  pour  les  prêtres  non- 
assermentés.  Associé  à  leur  sup- 
plice, il  fut  envoyé  avec  eux  en 
cette  ville  ,  pour  y  être  embarqué 
[V.  Rochefort).  On  le  fit  monter 
le  navire  les  Deux  Associés.  A  la 
vue  de  tant  de  ministres  fidèles 
qui  étoient  tourmentés  comme 
lui,  pour  n'avoir  prêté  aucun  ser- 
ment, ilsentit  vivement  ses  fautes, 
et  rétracta  authentiquement  les 
deux  qu'il  avoit  faits.  Redevenu 
digne  confesseur  de  Jésus-Christ , 
et  sacrifié  en  haine  de  la  religion  , 
il  mourut  le  27  juillet  179/4?  et 
fut  enterré  dans  l'île  d'Aix.  [F. 
M.  Desciumps-de- Pbavier  y  et 
J'1  Descai\di>s.) 


DES 

DESGARDINS  (Joseph), frère 
convers  et  chirurgien  de  l'abbaye 
de  Sept-Fonds ,  réforme  de  l'ordre 
de  Citeaux,  dans  le  diocèse  d'Au- 
tun,  où  il  portoit  le  nom  de  Frère 
FAie,  avoit  toutes  les  vertus  d'un 
bon  religieux.  Après  la  suppres- 
sion de  son  couvent,  cédant  au 
désir  qu'on  avoit  de  le  conserver 
dans  cette  contrée  qui  faisoit 
alors  partie  du  département  de 
Y  A  ll  ier  ,  il  ne  retourna  pas  en 
son  pays  natal,  qui  étoit  Hénin- 
Liétard ,  dans  le  diocèse  d'Arras. 
Son  éluignement  du  schisme  de 
1791,  et  son  attachement  invin- 
cible à  la  religion  catholique , 
étoient  connus.  Les  persécuteurs 
le  firent  arrêter  en  1 790  ;  et , 
après  l'avoir  tenu  quelque  temps 
dans  leur  prison  de  Moulins,  ils 
l'envoyèrent  à  Rochefort ,  pour 
être  déporté  sur  des  plages  loin- 
taines et  sauvages  {V .  Rochefort). 
Il  fut  embarqué  sur  le  navire  les 
Deux  Associés ,  où  il  se  rendit 
fort  utile  aux  malades.  Lui-même 
succomba  sous  les  mêmes  maux, 
le  6  juillet  1794;  et  il  fut  enterré 
dans  l'île  d'Aix.  Un  compagnon 
de  sa  déportation  parle  de  lui  en 
ces  termes  :  «  Le  frère  Elie  étoit 
un  religieux  fervent  et  plein  de 
vertus  :  la  douceur  et  la  bonté  de 
son  caractère  soutenoient  sa  cha- 
rité pour  les  malades,  il  fut  aussi 
un  admirable  modèle  de  patience, 
et  sut  s'attirer  l'amitié  de  tons  les 
déportés  de  son  bord  ».  Dans  un 
autre  récit  de  la  même  déporta- 


DES 

tion,  on  Ht  :  «  Le  Frère  Elie, 
après  avoir  obtenu  de  son  supérieur 
(  V.  P.  J.  Charles)  la  permission 
de  se  consacrer  au  service  des  ma- 
lades, disoit  :  Je  me  dévoue  à  cet 
honorable  ministère.  Je  sais  que 
ma  santé  ne  résistera  pas  aux 
peines  et  aux  fatigues  qu'il  va  me 
causer;  mais  je  sacrifie  volontiers 
mes  jours  pour  sauver  ceux  de  mes 
frères;  et  je  mourrai  content,  si 
je  puis  racheter  leur  vie  par  ma 
mort  ».  [V.  J.  B.  Desessard,  et 
Desgranges, 

DES  GRANGES  (Joseph),  prê- 
tre. {V.  Jh  Dusolier.) 

DESGRANGES  (Ciaitde- 
François),  ex-Jésuite.  [V .  C.  F. 
Gagnières.) 

DESGRANGES  (iV...),  prêtre, 
religieux  de  l'ordre  des  Minimes, 
dans  leur  maison  de  Mâcon,  étant 
né  dans  cette  ville,  y  demeura 
après  la  suppression  des  ordres 
monastiques.  Son  caractère  sacer- 
dotal et  l'attachement  qu'il  con- 
servoit  notoirement  aux  principes 
de  la  religion,  le  rendirent  im- 
portun aux  impies.  Us  le  firent 
emprisonner  en  1793*,  et,  peu  de 
temps  après ,  ils  l'envoyèrent  à 
Rochefort ,  pour  en  être  déporté 
au-delà  des  mers  {V .  Rochefort). 
Il  fut  embarqué  sur  le  navire  l& 
Washington y  et  mourut  dans  le 
supplice  de  cette  déportation  , 
commandée  par  la  haine  de  la 
Foi.  Sa  mort  arriva  en  octobre 
1794.  Il  avoil  alors  !\f\  ans;  et  il 
fut  enterré  dans  l'île  Madame. 

2. 


DES  577 

{V.  Descardins,  et  N.  L.  Des- 
prés. ) 

DESGRÈS  (Jean),  habitant  de 
la  paroisse  de  Limerzel,  près  Ré- 
don,  dans  le  diocèse  de  Vannes, 
y  avoit  été  choisi  pour  secrétaire- 
greffier  d'une  administration  ou 
d'un  tribunal;  emploi  qu'il  ne  put 
remplir  qu'en  compromettant  sa 
Foi  parla  prestation  d'un  serment 
illicite,  sans  lequel  on  ne  pou  voit 
l'exercer.  Il  le  prêta,  sans  en  con- 
noître  tous  les  pièges  ;  mais  il 
trouva  l'expiation  de  cette  faute 
dans  la  courageuse  hpspitaliîé  qu'il 
donna  à  un  prêtre  catholique  voué 
à  la  mort ,  ce  qui  étoit  une  bien  ef- 
fective rétractation,  et  plus  encore 
dans  le  baptême  de  sang  que  lui 
valut  cette  action  généreuse.  Elle 
avoit  été  découverte  par  les  agens 
de  la  persécution  ;  et  Desgrès  fut 
traîné  dans  les  prisons  de  Vannes. 
Le  tribunal  criminel  du  départe- 
ment du  Morbihan ,  qui  siégeoit 
en  cette  ville,  l'ayant  fait  com- 
paroître  devant  lui,  le  21  nivose 
an  II  (10  janvier  1794),  le  con- 
damna à  la  peine  de  mort,  comme 
«  recéleur  de  prêtres  réfractaires  ». 
{V.  J"  Alix.) 

DES-HÉRIS  (  Jean  ),  prêtre. 
[V.  J.  Gilbert.) 

DES  JARDINS(Lotjis-Marie), 
chanoine.  {V .  L.  M.  Counan.) 

DESLANDES  (  Jacques  -  Jo- 
seph le  Jardinier),  curé  dans  le 
diocèse  de  Coutances,  étoit  Acnu 
chercher  un  asile  a  Paris,  après 
avoii  été  expulsé  de  sa  paroisse  par 

^7 


y 


5;8  DES 

les  autorités  révolutionnaires , 
pour  n'avoir  pas  voulu  compro- 
mettre sa  Foi  en  prêtant  le  ser- 
ment de  la  constitution  civile 
du  clergé.  La  persécution,  qui 
neperdoitpointde  vue  ce  ministre 
fidèle,  nevouloitpas  lui  faire  grâce 
quand  elle  auroit  acquis,  par  le 
terrible  événement  du  10  août 
1792  ,  tout  pouvoir  sur  les 
prêtres  non-assermentés.  Le  curé 
Deslandes  fut  saisi  ;  le  comité  de 
la  section  devant  lequel  on  le  con- 
duisit ,  et  auquel  il  refusa  de  nou- 
veau le  même  serment,  l'empri- 
sonna dans  l'église  des  Carmes; 
et ,  comme  tous  les  autres  con- 
fesseurs de  Jésus  -  Christ  qui  y 
étoient  captifs  au  2  septembre  {V . 
Dulau),  il  fut  massacré  pour  la 
même  cause.  {V.  Septembre.) 

DESLONGRAIS,  prêtre.  (V. 
Dutertbe.  ) 

DESMARAIS  (Angélique)  ,  re- 
ligieuse du  couvent  des  Filles  de 
Saint-Thomas,  à  Paris,  étoit  déjà 
avancée  en  âge,  quand  elle  fut  mise 
hors  de  son  cloître  par  les  réformes 
anti-catholiques  de  1791.  Restée 
dans  cette  ville,  où  elle  étoit  née 
en  1735,  et  s'étant  retirée  dans  un 
modeste  domicile  avec  une  de  ses 
compagnes  (  V.  A.  C.  Aubert), 
elle  continuoit  à  servir  Dieu  avec 
la  ferveur  du  cloître.  Sa  Foi  pa- 
roissoit  plus  vive,  plus  héroïque, 
à  mesure  que  la  persécution  rrois- 
soit  en  fureur.  Elle  fut  arrêtée  ainsi 
que  sa  compagne  ;  et  toutes  deux , 
;jprès  quelques  mois  passés  dans 


DES 

les  prisons,  furent  appelées  au  tri- 
bunal révolutionnaire ,  le  22  flo- 
réal an  II  (11  mai  1794)-  Avec 
elles  se  trouvoient  un  prêtre  qui 
avoit  été  vicaire  de  la  paroisse  de 
Saint -Paul  ,  à  Paris  (  V.  A.  L. 
Desmonceaux),  et  trois  autres 
femmes.  La  même  sentence  les 
envoya  ensemble  à  l'échafaud,  les 
disant  «  convaincus  d'être  auteurs 
ou  complices  des  conspirations  qui 
avoient  existé  depuis  le  commen- 
cement de  la  révolution  ,  de  la 
part  des  ennemis  du  peuple  et  de 
la  liberté  ,  lesquelles  tendoient  à 
allumer  le  feu  de  la  guerre  civile, 
à  fanatiserles  citoyens ,  et  anéan- 
tir le  nouveau  gouvernement  ». 
La  sœur  Desmarais  avoit  5q  ans  , 
lorsqu'elle  périt,  le  même  jour, 
sous  ce  prétexte  ridicule,  avec  les 
cinq  autres  victimes. 

DESMARÊT  (Julie),  veuve. 
{V.  S'  Ruvilly.) 

DESMARÊT  (Perrine- Eugé- 
nie), demoiselle.  {V .  P.  E.  Le- 

COANT.  ) 

DESMAZES  (Antoine)  ,  prêtre 
du  diocèse  de  Vabres,  et  vicaire 
à  Sorgues,  près  Milhau,  y  étoit 
resté  pour  les  besoins  des  fidèles, 
après  la  loi  de  déportation ,  à  la- 
quelle il  étoit  sujet ,  comme 
ayant  refusé  de  faire  le  serment 
schismatique  de  1791.  Il  continua 
d'y  exercer  son  zèle  av  ec  fruit  pen- 
dant le  cours  de  1793;  mais  les 
agens  de  la  persécution  le  décou- 
vrirent vers  l'automne.  Il  fut  saisi 
et  amené  dans  les  prisons  de  Ro- 


DES 

dez,  chef-lieu  du  département  de 
Y  Aveyron ,  dans  lequel  la  géo- 
graphie révolutionnaire  de  1 790 
avoit  compris  Sorgues  et  Milb.au. 
Le  tribunal  criminel  de  ce  dé- 
partement, siégeant  à  Rodez,  fit 
comparoître  devant  lui  ce  zélé  vi- 
caire pour  le  condamner,  le  28  fri- 
maire an  II  (18  décembre  1793); 
et  il  le  fut,  à  la  peine  de  mort, 
comme  «prêtre  réfractaire » ,  avec 
le  vénérable  curé  de  Saint-Hilaire 
[V.  P.  Durand).  Il  le  précéda 
sur  l'échafaud;  et  ce  curé  auroit 
pu  lui  dire  ce  qu'en  Perse,  l'an 
343,  le  Martyr  Narsès  avoit  dit  au 
jeune  Joseph,  son  disciple,  im- 
molé avant  lui  :  «  Que  vous  êtes 
heureux  d'entrer  avant  moi  plein 
d'allégresse  dans  le  royaume  cé- 
leste !  »  O  tebeatum,  quoniam 
nunc  lœtâ  fronte  cœlcstis  rcgni 
angustam  portant  intrasti  ! 
(Asseman  :  Acta  Mart.  Orient., 
pars  I»,  pag.  99.) 

DESMAZIERES  (Pélagie  Li- 
cer,  veuve),  dont  le  mari,  Fran- 
çois-Xavier, avoit  été  avocat  très- 
distingué  au  conseil  d'Artois , 
l'étoit  beaucoup  elle-même  par  sa 
piété.  Chargée  d'une  nombreuse 
famille ,  elle  l'avoit  élevée  dans 
la  crainte  et  l'amour  de  Dieu,  sui- 
vant les  préceptes  et  les  conseils 
de  l'Evangile.  Modèle  des  mères, 
comme  des  femmes  chrétiennes, 
et  parvenue  à  l'âge  de  5s  ans, 
elle  fut  constamment  dans  toute  sa 
conduite  un  exemple  d'édilication. 
Sans  porter  aucun  préjudice  aux 


DES  5;9 

intérêts  de  ses  enfans ,  elle  con- 
courut, par  quelques  secours,  a 
la  bonne  œuvre  de  la  veuve  Ba- 
taille, en  faveur  des  prêtres  catho- 
liques ,  persécutés  ,  proscrits ,  et 
dépouillés  de  tout,  depuis  179a 
[V.  M.  J.  D.  Bataille).  Son  nom 
se  trouva  sur  le  registre  des  con- 
tribuables ,  lorsqu'il  fut  découvert, 
sous  le  proconsulat  de  JL  Lebon  , 
à  Arras  (  V .  Arras  )  ;  et  ce  pro- 
consul la  fit  envoyer  à  la  mort  par- 
son  tribunal  révolutionnaire,  le 
25  germinal  an  II  (14  avril  1794)» 
avec  la  ve  Bataille  et  les  dix-huit 
autres  prétendus  complices  d'une 
bonne  œuvre,  inspirée  par  la  Foi 
et  commandée  par  la  charité.  (K. 
L.  F.  J.  Delahaye  ,  et  J.  Doudan.) 

DESM AZURES  (Gaspaud),  né 
à  Caen,  curé  de  Couantré,  dans 
le  diocèse  de  Chartres ,  mérita 
d'être  persécuté,  puisqu'il  avoit 
rejeté  les  principes  schismatiques 
de  la  constitution  civile  du 
clergé.  Cependant  il  put  se  sous- 
traire à  la  rage  homicide  des  per- 
sécuteurs de  1793  et  1794.  Ayant 
trop  compté  sur  la  tolérance  éphé- 
mère du  gouvernent  nt,  en  17975 
il  se  remit  à  exercer  son  ministère 
avec  une  sainte  liberté.  Par  là  il 
tomba  sous  les  coups  de  la  fatale 
loi  du  19  fructidor  (5  septembre 
1797) ,  qu'avoit  produite  la  catas- 
trophe politique  de  la  veille  [V . 
Guiane).  On  se  saisit  de  sa  per- 
sonne ;  et  il  fut  conduit  a  Roche- 
fort  pour  être  déporté.  Embarqué 
sur  la  frégate  la  Charente,  le 

37- 


58o  DES 

12  mar9  1798,  et  ensuite  sur  la 
frégate  (a  Décade,  le  25  avril 
suivant,  il  arriva  dans  la  rade  de 
Cayenne  vers  le  milieu  de  juin. 
A  peine  y  étoit-il  débarqué,  qu'on 
l'envoya  habiter  la  contrée  pesti- 
lentielle de  Konanama,  où  il  fut 
à  la  vérité  reçu  dans  l'habitation 
d'un  colon  nommé  Pintre  ;  mais 
la  peste  ne  l'en  épargna  pas  da- 
vantage. Il  y  succomba,  et  mourut 
le  2  5  septembre  1798,  a  l'âge  de 
5i  ans.  [V .  A.  Denoinville,  et  F. 
Desprès.  ) 

DESMONCEAUX  (Antoine- 
Louis  ) ,  prêtre  du  diocèse  de  Char- 
tres ,  né  à  Nogent-le-Rotrou ,  mais 
attaché  à  celui  de  Paris,  comme 
vicaire ,  dans  la  paroisse  de  Saint- 
Paul  de  cette  ville  ,  en  fut  écarté 
à  cause  de  son  refus  du  serment 
schismatique.  Il  vint  prendre  un 
domicile  dans  l'obscure  rue  du 
Paon ,  où  il  crut  qu'il  ne  lui  seroit 
pas  nécessaire  de  sortir  de  France 
pour  échapper  à  la  persécution. 
Mais  elle  l'atteignit,  et  il  fut  em- 
prisonné. Le  tribunal  révolution' 
ixair&  le  fit  comparoître  devant 
lui  avec  les  deux  religieuses,  A. 
C.  Aubert,  et  A.  Desmarais  {V. 
ces  noms),  le  22  floréal  an  II 
(  1 1  mai  1794)-  I'  y  fut  condamné 
comme  elles  à  la  peine  de  mort , 
sous  le  ridicule  prétexte  qu'il  étuit 
aussi  «  convaincu  d'être  auteur 
ou  complice  des  conspirations  qui 
avoient  existé  depuis  le  commen- 
cement de  la  révolution ,  de  la 
part  des  ennemis  du  peuple  et  de 


DES 

la  liberté ,  tendantes  à  allumer  le 
feu  de  la  guerre  civile,  à  fana- 
tiser les  citoyens ,  et  anéantir  le 
nouveau  gouvernement  ».  On 
l'exécuta  peu  d'heures  après  la 
sentence ,  à  l'âge  de  37  ans. 

DESOLMES  (Jean-Marc-Jo- 
seph), prêtre  du  diocèse  de  Vi- 
viers, vicaire  en  la  paroisse  de 
Saint  -  Montant ,  près  du  bourg 
Saint-Andéol,  est  mal  à  propos 
dans  les  listes  de  Prudhotnme, 
comme  condamné  à  la  peine  de 
mort  par  le  tribunal  criminel  du 
département  de  YArdèche,,  en 
qualité  de  «  prêtre  réfractaire  »  , 
le  27  germinal  an  II  (16  avril 
1794  )•  Il  le  fut  à  la  dépor- 
tation ;  car  nous  le  retrouvons 
sur  les  registres  de  l'hôpital  d6 
Saint-André  de  Bordeaux,  comme 
y  ayant  été  apporté  malade  du 
fort  du  Ha ,  et  y  étant  mort , 
toujours  captif  de  Jésus-Christ,  le 
19  janvier  1 795 ,  à  l'âge  de  48  ans. 
Le  nombre  des  victimes  de  l'im- 
piété ,  pendant  notre  persécution , 
est  déjà  bien  assez  nombreux  pour 
que  nous  consentions  à  croire  qu'il 
y  eut  deux  prêtres,  de  noms  abso- 
lument semblables  ,  sacrifiés  en 
haine  de  la  religion ,  l'un  périssant 
sur  l'échafaud  de  Privas,  et  l'autre 
mourant  prisonnier  pour  sa  Foi, 
à  Bordeaux.  Nous  observons  seu- 
lement que  ,  sur  le  registre  mor- 
tuaire de  cette  dernière  ville  ,  J. 
M.  J1'  Desolines  est  dit  natif  de  la 
paroisse  de  Sillac,  qui  est  à  une 
lieue  de  Tournon ,  et  qu'il  avoit 


DES 

clé  envoyé  au  fort  du  Ha  (V.  Bor- 
deaux), pour  en  être  déporté  à 
la  Guiane ,  comme  «  prêtre  ré- 
fractaire  ».  {V .  P.  Depau,  et  L. 
P.  Dubois.) 

DESPAILLIÈRES  (  Nicolas- 
François-Paxtl),  vicaire-général. 
(V.  N.  F.  O.  Paillières.) 

DESPARTZ  (Victor),  simple 
menuisier  qui,  né  à  Civray,  en 
Touraine,  et  ayant  pour  cela  le 
nom  de  Tourangeau,  dans  la  ville 
de  Bordeaux  où  il  exerçoit  son 
métier,  montroit  un  grand  zèle 
pour  la  religion  qu'il  voyoit  si 
fort  persécutée.  Ne  se  bornant  pas 
à  la  pratiquer  avec  une  Foi  vive , 
il  se  chargeoit  encore  de  distribuer 
des  imprimés,  par  lesquels  des 
écrivains  zélés  pour  elle  excitoient 
les  Français  à  ne  pas  abandonner 
la  croyance  et  le  culte  de  leurs 
pères.  Il  fut  arrêté  pour  ces  mo- 
tifs ;  et  la  commission  militaire 
de  Bordeaux  ,  devant  laquelle  il 
comparut  le  24  germinal  an  II 
(i5  avril  1794)  5  le  condamna  à  la 
peine  de  mort,  comme  «  fana- 
tique et  colporteur  d'écrits  contre- 
révolutionnaires  ».  La  sentence 
s'exécuta  le  même  jour. 

DESPLANTES  (IV....),  curé 
de  Lechaux ,  dans  le  diocèse 
d'Annecy ,  s'enfuit  en  Piémont 
lorsqu'après  la  conquête  de  la 
Savoie,  des  proconsuls  voulurent 
y  faire  prêter  aux  prêtres  un  ser- 
ment illicite  (  V.  Savoie).  Il  revint 
dans  sa  paroisse  en  179O,  quand  , 
sur  la  foi  de  l'hypocrite,  gouver- 


DES  58i 

nement  des  Thermidoriens,  on 
croyoit  la  persécution  finie  depuis 
le  g  thermidor  (27  juillet  1794)- 
Mais  la  crise  politique  du  18  fruc- 
tidor an  V  (4  septembre  1797), 
l'ayant  ranimée ,  le  curé  Des- 
plantes fut  arrêté  pour  être  déporté 
à  la  Guiane.  Il  attendoil,  dans  les 
prisons  de  Chambéry,  le  moment 
d'être  envoyé  à  Rochefort ,  afin  d'y 
être  embarqué,  lorsqu'il  tomba 
dangereusement  malade  ;  et  il 
mourut  captif  de  Jésus  -  Christ , 
dans  le  courant  de  1798.  De  l'avis 
des  vicaires-généraux  du  diocèse 
d'Annecy  ,  administrateurs  pen- 
dant la  vacance  du  siège  épiscopal, 
«le  curé  Desplantes  n'a  pas  moins 
de  titres  à  la  gloire  du  martyre 
que  ceux  qui  sont  morts  pour  la 
Foi,  sous  le  fer  de  la  guillotine». 
Ce  jugement  est  consigné  dans 
leurs  Etrennes  Religieuses  aux 
fidèles  du  diocèse  de  Genève, 
pour  l'année  1800,  pag.  65. 
(  V.  ci-devant,  pag.  275.  ) 

DESPOMERAY  (IV...),  prêtre 
attaché  au  service  d'une  paroisse 
de  Paris,  avoit  refusé  le  serment 
de  la  constitution  civile  du 
clergé.  Forcé  par  cela  même  de 
s'éloigner  de  son  église ,  il  n'en 
continuoit  pas  moins  à  pratiquer 
ses  devoirs  sacerdotaux,  et  à  rendre 
aux  catholiques  tous  les  services 
de  son  ministère.  Signalé  comme 
réfractairc  et  fanatique ,  il  fut 
arrêté  à  la  suite  de  la  funeîl<; 
journée  du  io  août  1792.  Apres 
l'avoir  fait  passer  quelques  jours 


582  DES 

dans  la  prison  provisoire  de  l'hôtel 
de  la  Mairie,  on  le  conduisit  à 
celle  de  YAb'baye{y .  Septembre). 
II  fut  écroué  le  i"  septembre  ; 
et  il  trouva  une  grande  consola- 
tion dans  la  société  des  autres 
prêtres  qui  étoient  destinés  au 
même  sort.  Animé  d'une  sainte 
émulation,  il  se  disposa  comme 
eux  au  martyre  [V .  M.  L.  Royer). 
L'abbé  Despomeray  fut  massacré 
dans  la  soirée  du  lendemain , 
2  septembre. 

DESPRÉS  (François-Claude), 
■vicaire-général.  (  V.  F.  G.  Faire). 

DESPRÈS  (Nicolas  -  Louis)  , 
curé  de  Soupin-et-Verrières,  dans 
le  diocèse  de  Châlons-sur-Marne , 
étoit  resté  dans  le  département  de 
la  Marne,  malgré  la  haine  que 
les  persécuteurs  portoient  à  son 
ministère.  Il  en  attira  les  traits 
sur  sa  personne,  puisqu'il  fut  ar- 
rêté en  179.3  ;  et  ce  ne  put  être 
que  parce  qu'il  ne  vouloit  pas  aban- 
donner sa  croyance  et  renoncer  à 
son  sacerdoce.  Le  tribunal  cri- 
minel du  département  de  la 
Marne,  devant  lequel  il  compa- 
rut le  21  floréal  an  II  (  10  mai 
170/1),  le  condamna  de  suite  a 
être  déporté  à  la  Guiane,  comme 
«  prêlre  réfractaire  ».  On  le  fit 
partir  pour  Rochefort ,  où  il  de- 
voit  être  compris  dans  la  déporta- 
tion des  prêtres  insermentés.  Il 
fut  embarqué  sur  le  navire  ie 
Washington  t  et  ne  tarda  pas  à 
succomber  sous  les  maux  qu'on  y 
endtirèit.  Sa  mort  arriva  le  17 


DES 

août  1794;  et  l'île  d'Aix  est  le 
lieu  de  sa  sépulture.  (  V .  Des- 
cranges,  Minime,  et  A.  Detibe.) 

DESPRÉS  (Gabriel),  que 
quelques  listes  imprimées  disent 
vicaire-général  de  Paris  ,  et  dont 
cependant  on  ne  voit  point  le  nom 
sur  la  liste  des  vicaires-généraux 
de  ce  diocèse  ,  dans  la  France 
Ecclésiastique  de  1789,  est  du 
nombre  des  confesseurs  de  la  Foi 
qui  périrent  aux  Carmes ,  le 
2  septembre  1792.  Nous  avons 
des  raisons  pour  croire  qu'il  est 
ce  Després-là  même  qui,  dans  le 
diocèse  de  Nevers,  étoit  vicaire- 
général,  second  archidiacre,  et 
promoteur.  Il  avoit  été  saisi  à 
Paris  comme  prêtre  insermenté  , 
en  même  temps  que  le  vénérable 
Hébert  (  V .  ce  nom),  l'un  des  pre- 
miers jours  qui  suivirent  la  fatale 
journée  du  10  août.  Le  comité  ci- 
vil, devant  lequel  on  l'a  voit  amené, 
ne  parvint  point  à  lui  arracher  le 
coupable  serment  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé  ;  et  ce  fut 
parce  qu'on  ne  put  le  faire  varier 
dans  sa  Foi,  qu'ensuite  on  l'en- 
ferma dans  l'église  des  Carmes, 
où ,  réuni  avec  trois  prélats  et 
une  multitude  d'autres  prêtres 
non  moins  intrépides  dans  leur 
croyance  (  V .  DuLAu),il  fut  mas- 
sacré comme  eux  .  pour  la  même 
cause.  (  V.  Septembre.) 

DESPRÈS  (François),  né  en 
1755,  à  Marsilly,  dans  le  diocèse 
de  Rourges,  étoit  chanoine  de  la 
collégiale  de  Dun-le-Roi.  Calho- 


DES 


DET 


583 


liquement  opposé  aux  erreurs  de 
la  constitution  civiledu  clergé, 
il  s'attira  la  haine  des  novateurs; 
et  les  persécuteurs  athéistes  de 
1793  et  1794  ne  l'auroient  pas 
épargné  davantage,  s'il  ne  se  fut 
dérobé  à  leurs  fureurs.  La  feinte 
modération  du  gouvernement,  en 
1796  et  1797,  le  séduisit.  Il  se 
montra  de  nouveau  prêtre  zélé 
pour  la  Foi,  dans  Bourges.  S'étant, 
pour  ainsi  dire ,  livré  par  là  aux 
persécuteurs  qu'alloit  mettre  en 
œuvre  la  loi  de  déportation  pro- 
duite par  la  crise  politique  du  18 
fructidor  (4  septembre  1797)»  il 
fut  saisi  peu  de  temps  après ,  pour 
être  déporté  à  la  Guiane  (  V . 
Guiane  ).  On  le  fit  bientôt  partir 
pour  Rochefort,  où  il  fut  embar- 
qué ,  le  i3  mars  1798,  sur  la 
frégate  la  Charente  ;  puis  ,  le 
25  avril,  sur  la  frégate  la  Décade , 
qui  le  jeta  dans  le  port  de  Cayenne 
vers  le  milieu  de  juin.  Il  se  vit 
aussitôt  relégué  dans  le  désert  de 
Synnamari,  où  il  trouva  un  asile 
chez  le  colon  Duchêne.  Les  fléaux 
homicides  dont  le  climat  abonde , 
vinrent  l'y  accabler;  et  il  mourut 
le  2  octobre  1798,  à  l'âge  de  45 
ans.  (  V.  G. .  Desmazures  ,  et  F. 
Doazan.  ) 

DESRIT- DU-TEIL  (Jean- 
Baptisté),  curé  de  Mazeyrat,  pa- 
roisse du  diocèse  de  Limoges  ,  sur 
lequel  il  étoit  né,  en  1730,  dans 
celle  d'Auzers  ,  fut  «  un  homme 
vertueux  et  un  très-bon  pasteur  » . 
Il  craignit  moins  d'être  enlevé  à 


ses  ouailles  chéries  que  de  les  éga- 
rer en  adhérant  au  schisme  cons- 
titutionnel ;  et  il  refusa  le  ser- 
ment de  la  constitution  civiledu 
clergé.  En  vain  les  autorités  du 
département  de  la  Creuse,  dans 
lequel  se  trouvoit  comprise  sa  pa- 
roisse, l'en  expulsèrent;  vaine- 
ment les  lois  vinrent  ensuite  le 
menacer  des  plus  grandes  peines , 
s'il  ne  sortoit  pas  de  France  :  il 
se  tint  toujours  rapproché  de 
ses  paroissiens.  Mais,  à  la  fin, 
il  leur  fut  totalement  enlevé  en 
1 793  ;  et ,  après  quelques  mois  de 
réclusion,  il  se  vit  traîné,  vers  le 
commencement  de  1794»  à  Ro- 
chefort, pour  être  déporté  sur 
des  rives  sauvages  {V.  Rochefort)  . 
Embarqué  sur  le  navire  les  Deux 
Associés ,  il  y  souffrit  beaucoup  , 
et  succomba  sous  le  poids  de  ses 
maux,  le  25  juillet  1794*  à  l'âge 
de  64  ans.  Son  corps  fut  enterré 
dans  l'île  d'Jix.  [V .  P.  De  fer  ,  et 
J.  Delahate.) 

DES  ROLANDS  (Jean -Jac- 
ques) ,  chanoine.  (  V .  J.  Jis  Ra- 
uaud.) 

DETIRE  (Antoine)  ,  prêtre,  et 
chanoine  du  second  ordre  de  l'é- 
glise collégiale  de  Vézelay,  dans 
le  diocèse  d'Autun,  resta  à  Véze- 
lay ,  où  il  étoit  né.  La  persécution 
que  lui  firent  essuyer  les  autorités 
du  département  de  VYonne, 
dans  lequel  cette  ville  étoit  com- 
prise ,  prouve  assez  que  cet  ec- 
clésiastique ne  pou  voit  être  déta- 
ché de  la  Foi  catholique.  Il  fut 


584  DET 

arrêté,  jeté  d'abord  dans  les  pri- 
sons de  Sens,  et  ensuite  envoyé  à 
Rochefort ,  pour  subir  la  peine 
de  la  déportation  maritime,  ima- 
ginée contre  les  prêtres  non-as- 
sermentés (V.  Rociiefort ).  On 
l'embarqua,  avec  un  grand  nombre 
d'entre  eux,  sur  le  navire  te  Wa- 
shington jet  il  périt  dans  ce  genre 
de  supplice,  en  octobre  1794  5 
ayant  alors  52  ans.  Ses  ossemens 
reposent  dans  l'île  Madame.  (  V. 
N.  L.  Després,  et  C.  Didelot.) 

DE  TOUCHES  (N...),  prêtre 
du  diocèse  du  Puy,  en  Velay, 
exerçant  le  saint  ministère  à  Is- 
sengeaux  ,  n'ayant  pas  voulu 
faire  le  serment  schismatique ,  et 
se  trouvant  par  la  persécution 
obligé  de  sortir  de  France ,  lors 
do  la  loi  de  déportation,  voulut  y 
rester  pour  les  besoins  spirituels 
des  catholiques.  11  fut  interrompu 
dans  les  travaux  de  son  zèle  par 
les  persécuteurs,  qui  parvinrent 
à  le  saisir  vers  la  fin  de  1793.  Ils 
le  livrèrent  au  tribunal  du  dépar- 
tement de  la  Haute-Loire ,  sié- 
geant dans  la  ville  du  Puy  (  V . 
J.  B.  Abeillon);  et  ce  tribu- 
nal, au  commencement  de  1794» 
le  condamna  à  la  peine  de  mort  , 
comme  «  prêtre  réfractaire  » .  Il 
fut  immolé  dans  les  vingt-quatre 
heures.  Son  picuxet  savant  évêque, 
alors  réfugié  à  Saint-Maurice ,  en 
Valais,  feu  M.  J.  de  Gallard  de 
ïerraube ,  n'hésitoit  point  à  le 
regarder  comme  Martyr,  en  fai- 
sant part  de  sa  mort  aux  prêtres 


DEY 

de  son  diocèse  qui  éloient  comme 
lui  dans  l'exil.  On  peut  en  voir  la 
preuve  à  l'article  Ciiabbier. 

DE  TURUÉNIES  (Pierre- 
Jacques),  prêtre.  (V.  P.  Jis  Tur- 

MENIES.  ) 

DE  VÉRIN  E  (Jacques),  curé. 

(  V.  iV  VÉRINE.  ) 

DEVÈZE  (Jean-Joseph),  prêtre. 
(  V.  J.  J!l  Ladevèze.) 

DEYMOND  (Louis),  citoyen 
de  Nismes,  avoit  signé  la  célèbre 
profession  de  Foi  contenue  dans 
la  requête  des  Nismois,  du  20  avril , 
et  leur  déclaration  du  1"  juin  sui- 
vant (  V .  Nismes).  Le  dimanche 
i3  du  même  mois,  veille  du  jour 
fixé  par  les  protestans,  pour  en 
tirer  vengeance ,  lorsque  Dey- 
mond  revenoit  de  la  campagne  , 
à  neuf  heures  du  soir,  il  fut  arrêté 
dans  une  rue ,  par  un  groupe  de 
gens  armés  qui  l'assaillirent  et  le 
désarmèrent.    Comme   il  s'en- 
fuyoit ,  on  lui  donna  un  coup  de 
baïonnette  dans  les  reins ,  un  coup 
de  sabre  sur  la  tête;  et,  en  lui  tirant 
plusieurs  coups  de  fusil,  on  lui 
cassa  le  bras  à  quatre  endroits 
différons.  Il  fut  laissé  pour  mort 
sur  la  place.  Cependant,  quelques 
instans  après,  i!  se  traîna  chez  lui 
avec  la  plus  grande  peine.  Mais  on 
apprit  qu'il  y  étoit  encore  vivant  ; 
et,  le  mardi  i5,  vers  les  quatre 
heures  du  soir,  des  religionnaires 
vinrent  l'en  enlever,  et  l'empor- 
tèrent à  l'Esplanade,  où  ,  apt  e?  l'y 
avoir  promené  dans  cet  état  dou- 
loureux, pour  amuser  leurs  par- 


D1D 

tisans,  on  lui  coupa  les  poignet» 
et  les  pieds  à  coups  de  sabre.  Ce 
ne  fut  que  lorsqu'on  l'eut  ainsi 
mutilé  ,  qu'on  lui  donna  la  mort. 
{V .  Al'zéby,  et  Dn.MAS.) 

D'HAUZENNE  (Joseph),  cha- 
noine. [V.  Jh  Hauzenne.  ) 

DIDELOT  (Nicolas-Antoine), 
prêtre  du  diocèse  de  Saint-Diez , 
né  dans  la  ville  de  Bruyères,  en 
Lorraine,  l'an  1763,  étoit  en  1791 
troisième  vicaire  de  la  paroisse  de 
Remiremont.  Sa  Foi,  sa  piété, 
qui  vont  lui  faire  tenir  la  conduite 
la  plus  héroïque  dans  la  persécu- 
tion ,  seront  d'autant  plus  méri- 
toires, que  son  père  à  qui  il  de- 
voit  l'éducation  de  ses  premières 
années,  étoit  un  homme  fort  peu 
religieux.  Ce  fut  le  Cîel  qui  se 
chargea  de  le  former  aux  vertus 
chrétiennes;  et  sa  vocation  à  l'état 
ecclésiastique  ne  pouvoit  être  ve- 
nue que  du  Ciel.  Quand  la  muni- 
cipalité de  Remiremont  se  présenta 
dans  l'église  paroissiale,  le  diman- 
che 23  janvier  1 791 ,  pour  deman- 
der au  vicaire  Nicolas-Antoine  Di- 
delot,  ainsi  qu'a  ses  deux  collègues 
et  à  son  curé  ,  le  serment  de  la 
constitution  civile  du  ctergo, 
le  curé  et  les  deux  autres  vicaires 
le  refusèrent,  sans  que  les  révo- 
lutionnaires qui  étoient  présens 
en  manifestassent  trop  de  colère , 
espérant  que  Didclot,  qui  étoit  le 
plus  jeune,  ne  résisteroit  pas  à 
leurs  désirs.  Mais,  dès  son  début, 
il  leur  parut  vouloir  imiter  son 
curé;  et  tout  à  coup  ils  éclatèrent 


DID  585 

en  cris  de  fureur  qui  l'effrayèrent 
à  tel  point,  que,  pensant  qu'on 
alloit  le  tuer,  il  s'enfuit  dans  la 
sacristie.  Remis  un  peu  de  sa 
frayeur,  il  revint  avec  l'intention 
de  paroitre  céder,  sans  manquer 
néanmoins  à  la  Foi  ;  et  après 
avoir  dit  qu'il  vouloit  lui  demeurer 
fidèle,  il  ajouta  :  «  Je  jure  de 
maintenir  de  tout  mon  pouvoir  la 
constitution  décrétée  par  l'Assem- 
blée Nationale,  et  sanctionnée  par 
le  roi  » .  Les  officiers  municipaux 
et  les  autres  révolutionnaires  pré- 
sens crurent  qu'il  avoit  complète- 
ment satisfait  à  la  loi ,  et  que  cela 
suflîsoit.  Le  peuple  en  resta  per- 
suadé ;  et  les  fidèles  qui  connois- 
soient  la  vertu  de  cet  ecclésiastique, 
en  étoient  profondément  scanda- 
lisés. Il  avoit  donc  manqué  le  but 
qu'il  s'étoit  proposé  par  son  strata- 
gème :  des  remords  très-vifs  assail- 
lirent sa  conscience  ;  et,  impatient 
de  réparer  le  scandale  qu'il  avoit 
donné,  précisément  en  voulant  l'é- 
viter, il  monta  en  chaire  le  diman- 
che suivant,  3o  janvier,  et  déclara 
qu'il  n'avoit  point  eu  l'intention  de 
faire  le  serment  dans  le  sens  qu'on 
l'entcndoit,  et  que  sa  conscience 
ne  le  lui  permettroit  jamais,  parce 
que  ce  serment  étoit  en  opposition 
avec  la  Foi.  Il  requit  ensuite  les 
officiers  municipaux  de  venir  dans 
l'église ,  le  dimanche  G  février,  re- 
cevoir sa  déclaration  :  ils  s'y  ren- 
dirent, et  Didelot  dit  en  leur  pré- 
sence qu'il  avoit  juré  la  constitu- 
tion, quant  aux  effets  civils  seule- 


586  PID 

ment,  mais  qu'il  ndhéroit  solen- 
nellement à  l'Exposition  des 
principes,  publiée  parlesévêques 
de  l'Assemblée  Nationale.  Dès  lors 
en  butte  à  la  persécution,  Didelot 
ne  pouvoit  plus,  sans  courir  évi- 
demmentlerisquede perdre  la  vie, 
se  soustraire  à  la  loi  de  déporta- 
tion ,  rendue  le  26  août  1 792.  Vou- 
lant néanmoins  rester  dans  la  pa- 
roisse pour  les  besoins  des  catholi- 
ques ,  il  obtint  un  asile  secret  dans 
la  maison  d'une  cbanoinesse  du 
chapitre  de  Remiremont,  quiétoit 
absente;  et  il  s'y  retira  avec  un 
curé  sexagénaire  {V.  Rivât).  Ils  y 
étoient  gardés,  plutôt  que  servis  , 
par  deux  pieuses  filles  de  la  domes- 
ticité de  cette  chanoinesse  {V ■  A. 
Fi  Petit-Jean,  et  J.  M.  Durtjpt). 
Là ,  pendant  la  nuit ,  des  fidèles  de 
l'un  et  l'autre  sexe  venoient  par- 
ticiper aux  sacremens  de  l'Eglise  ; 
et  la  prudence  fut  si  bien  observée , 
qu'ils  purent  encore  y  faire  leur 
communion  pascale  en  1794-  Mais 
une  mère  de  famille,  qui  s'y  rendoit 
depuis  dix-huit  à  vingt  mois,  se 
laissa  surprendre  son  secret  par 
l'hypocrisie  d'un  indigne  fils,  très- 
ardent  pour  les  impiétés  révolu- 
tionnaires. La  retraite  de  Dide- 
lot étant  dénoncée  par  ce  jeune 
homme ,  on  vint  y  arrêter  notre 
vicaire  avec  son  confrère  et  les 
deux  servantes,  le  3  juin  17941 
et  tous  quatre  furent  jetés  en  d'hor- 
ribles cachots.  La  maison  fut  vi- 
sitée rigoureusement  :  on  y  prit 
non  seulement  des  calices  ,  niais 


Dît) 

encore  un  petit  ciboire  qui  conte- 
noit  des  hosties  consacrées.  Les 
municipaux  de  Remiremont,  à  qui 
les  gens  de  leur  police  les  apportè- 
rent, alloient  s'en  servir  pour  ca- 
cheter des  lettres,  lorsqu'un  catho- 
lique pieusement  industrieux  se  fit 
céder  le  ciboire  avec  les  hosties, 
moyennant  un  présent  du  goût  des 
profanateurs.  Elles  furent  ainsi 
soustraites  à  des  profanations  ulté- 
rieures. Le  4  juin ,  des  gendarmes 
venant  mettre  les  fers  aux  mains 
de  Didelot,  ainsi  que  de  son  con- 
frère ,  et  enchaîner  en  même  temps 
les  deux  femmes  ,  conduisirent 
sur  une  méchante  charrette  ces 
quatre  victimes  à  Mirecourt ,  où 
siégeoit  le  tribunal  criminel  du 
département  des  Vosges.  Dès  le  6, 
les  juges ,  couverts  de  bonnets 
rouges,  firent  comparoître  devant 
eux  ces  quatre  personnes.  Didelot, 
qui  fut  amené  le  premier,  leur  dit 
avec  une  fermeté  vraiment  sacer- 
dotale, que,  dans  les  actes  qu'on  lui 
reprochoit,  il  n'avoit  fait  que  son 
devoir  ;  qu'il  n'en  devoit  compte 
qu'à  Dieu  seul;  et  qu'il  étoit  prêtre 
catholique-romain.  La  procédure 
dura  trois  jours  :  Didelot  et  ses 
compagnons  les  employèrent  à  se 
préparer  à  la  mort.  11  s'occupa 
même  encore  des  fidèles  qui  lui 
avoient  donné  la  direction  de  leur 
conscience.  Le  10  au  matin,  on 
vint  l'avertir  que  ce  jour-là  il  se- 
roit  jugé  avec  les  trois  autres  per- 
sonnes. Ne  doutant  pas  qu'il  ne 
fût  condamné  à  la  peine  de  mort, 


DID 

il  en  tressaillit  d'allégresse,  et  alla 
bien  vite  porter  cette  nouvelle  aux 
trois  autres,  non  moins  bien  dis- 
posés à  mourir  pour  J.-C.  Vers 
trois  heures  de  l'après-midi ,  un 
des  juges  se  présenta  pour  lire 
la  sentence  par  laquelle  ils  étoient 
condamnés  tous  les  quatre  au  der- 
nier supplice,  comme  «  convain- 
cus d'avoir  caché  des  ornemens 
d'église  ,  des  vases  sacrés  ,  des 
cierges ,  des  hosties  et  autres  signes 
de  superstition;  d'avoir  été  por- 
teurs de  plusieurs  imprimés  pro- 
pres à  répandre  le  poison  du  fana- 
tisme; d'avoir  (Didelot  et  Rivât) 
exercé  clandestinement  les  fonc- 
tions de  prêtre  pendant  les  années 
1 795  et  îjg'i;  de  n'avoir  cessé  de 
tromper  un  grand  nombre  d'es- 
prits foibles ,  en  leur  inspirant  des 
'  principes  de  contre-révolution,  au 
1  nom  d'une  religion  dont  ils  fai- 
soient  l'instrument  de  leurs  pro- 
jets criminels;  de  n'avoir  cessé 
non  plus  d'être  revêtus  du  costume 
de  prêtre  ».  Les  deux  servantes 
furent  condamnées  particulière- 
ment, comme  «  recélcuses  de  prê- 
tres réfractaires  ».  Cette  sentence 
est  du  22  prairial  an  II  (10  juin 
1704)-  Quand  la  lecture  en  fut 
achevée,  les  quatre  victimes  di- 
rent :  «  Nous  mourons  tous  iriho- 
cens,  et  avec  la  plus  grande  joie  : 
c'est  pour  Dieu  que  nous  sacri- 
fions notre  vie  ;  c'est  pour  sa  reli- 
gion sainte  que  nous  combattrons 
jusqu'au  dernier  soupir  ».  Mlles 
,  se  mirent  ensuite  à  réciter  les 


DID  5»7 

prières  des  agonisans;  après  quoi 
Didelot  écrivit  aux  fidèles  de  Re- 
miremont  une  lettre  datée  expres- 
sément du  jour  de  sa  mort,  et 
dans  laquelle  il  leur  disoit  :  «  Nous 
attendions  le  moment  de  notre 
sentence  avec  une  grande  tran- 
quillité ;  et  j'ose  dire  même  avec 
des  sentimens  intérieurs  de  joie. 
Qu'il  est  grand  le  moment  où  nour 
avons  le  bonheur  de  verser  notre 
sang  pour  avoir  rendu  témoi- 
gnage à  la  vérité  de  la  religion  ! 
Avant  de  terminer  cette  vie  de 
misères,  nous  vous  faisons  nos 
derniers  adieux.  Goûtez  notre  bon- 
heur, et  soyez  persuadés  que,  si 
j'ai  quelque  accès  auprès  de  mon 
Dieu ,  comme  j'en  ai  la  juste  con- 
fiance, vous  n'y  serez  pas  ou- 
bliés—  Nous  pardonnons  du  plus 
profond  de  nos  cœurs  aux  per- 
sonnes qui  nous  ont  livrés.  Notre 
sacrifice  ne  sera  pas  bien  géné- 
reux ;  car  nous  n'avons  pas  res- 
senti la  moindre  répugnance  de 
la  nature  ».  Il  écrivit  aussi  à  sa 
famille  une  lettre  d'adieux  qui  res- 
piroit  le  même  désir  de  se  réunir 
à  J.-C.  Vers  six  heures  du  soir, 
l'exécuteur  vint  couper  les  cheveux 
aux  quatre  victimes;  elles  furent 
conduites  à  l'échafaud,  les  mains 
liées  par  derrière,  et  le  cou  dé- 
côûvert.  Leur  physionomie  étoit 
calme;  et  les  regards  baissés,  ils 
alloientàu  supplice  en  récitant  des 
prières  avec  une  dévotion  angé- 
lique.  Didelot  avoit  demandé 
comme  nue  faveur,  de  mourir  le 


588  D1D 

dernier,  voulant  soutenir  le  cou- 
rage des  trois  autres  [V.  J.  P.  De- 
foris).  Des  cannibales  assistèrent 
à  celle  quadruple  exécution,  en 
buvant  et  criant,  à  la  chute  de 
chaque  tête  :  «  Vive  la  République  ! 
vive  la  Convention  ».  Ainsi  périt 
Didelot,  à  l'âge  de  3i  ans.  L'habit 
ecclésiastique,  avec  lequel  il  a  voit 
voulu  mourir,  fut  demandé  par 
des  catholiques  qui  se  le  partagè- 
rent comme  une  précieuse  relique. 
Ils  accoururent  même  invoquer 
ces  quatre  Martyrs  à  l'endroit  du 
cimetière  de  Mirecourt,  où  les 
avoit  t'ait  inhumer  un  oncle  de 
Didelot,  religieux  Capucin  de  cette 
ville.  (  V.  J.  I  Lesscs.) 

DIDELOT  (Claude),  autre- 
ment dit  le  Père  Damas ,  prêtre 
religieux  de  l'ordre  des  Capucins  , 
dans  leur  maison  de  Commercy, 
en  Lorraine,  diocèse  de  ïoul, 
ne  quitta  point  cette  province 
après  la  suppression  des  ordres 
monastiques.  Né  vers  1724»  il 
avoit  dû  acquérir  en  1 79 1  une  lon- 
gue habitude  des  vertus  de  sa  pro- 
fession. Il  résista ,  avec  toute  la 
fermeté  d'une  Foi  invincible,  aux 
principes  du  schisme  constitu- 
tionnel. Mais  les  terribles  événe- 
mens  d'août  et  de  septembre  1 793 
troublèrent  la  droiture  de  son 
âme  ;  et  dans  sa  frayeur  il  prêta  le 
serment  de  liberté-égalité  ,  pres- 
crit en  ces  temps  affreux.  Il  n'en  fut 
pas  moins  arrêté  en  1  793  ,  et  jeté 
dans  une  maison  de  réclusion ,  à 
Verdun.  Bientôt  ensuite,  malgré 


DID 

ses  soixante-dix  ans  qui  com- 
mandoient  tant  de  respect  et  d'é- 
gards ,  il  fut  traîné  au  travers  de 
toute  la  France  jusqu'à  Roche- 
fort  ,  pour  en  être  déporté  au-delà 
des  mers  (  V.  Rochefort).  On 
l'embarqua  sur  le  navire  tes  Deux 
Associés;  et  environné  de  tant 
de  généreux  confesseurs  de  J.-C. 
qui  ne  s'étoient  pas  même  laissés 
aller  au  serment  qu'il  avoit  prêté, 
il  voulut  partager  toute  leur  gloire 
comme  il  partageoit  leurs  souf- 
frances, et  rétracta  ce  serment. 
Accablé  sous  le  poids  de  ses  maux, 
que  son  grand  âge  ne  pouvoit 
soutenir,  il  mourut  le  5o  août 
1 794»  âgé  de  70  ans  ;  son  corps  fut 
inhumé  dans  l'île  à'Aix.  {V.  A. 
Detire,  et  Jh  Diec-Donné.  ) 

DIDIER  (Jean-Fkançois)  ,  prê 
tre  du  diocèse  de  Grenoble  ,  cha- 
noine de  la  cathédrale  ou  de  la 
chapelle  Delphinale  de  Saint-An- 
dré ;  et  condamné  à  Paris  par  le 
tribunal  révolutionnaire  à  la 
peine  de  mort,  le  21  messidor 
an  II  (  9  juillet  1 794) ,  y  avoit  été 
amené  depuis  que  ce  tribunal  se 
trouvoit  seul  juge  de  tous  les  délits 
vrais  ou  supposés  de  contre-révo- 
lution, dans  toute  l'étendue  de  la 
république.  Sa  qualité  de  prêtre ,  et 
de  prêtre  non-assermenté,  l'avoit 
seule  fait  arrêter  dans  son  départe- 
ment, où  l'on  n'avoit  pu  le  con- 
damner de  ce  qu'il  n'avoit  pas  obéi 
à  la  loi  de  déportation,  puisqu'il 
avoit  65  ans.  Pour  le  faire  périr  à 
Paris,  les  persécuteurs  imaginé- 


DIE 

rent  de  l'impliquer  dans  une  cons- 
piration supposée  des  prisonniers 
du  Luxembourg  où  il  étoit  en- 
fermé ;  et  il  fut  conduit  à  l'écha- 
l'aud  avec  les  vénérables  Fénélon, 
et  dom  Nonau.  (  V.  ces  noms.  ) 

DIEU-DONNÉ  (IV...),  vicaire 
à  Brouville,  dans  le  diocèse  de 
Toul,  avoit  obéi  à  la  loi  de  la  dé- 
portation ,  en  1792.  Il  étoit  ré- 
fugié dans  les  Etats  de  l'Autriche, 
lorsqu'une  peste  mortelle  se  dé- 
clara, en  1799,  parmi  les  soldats 
fiançais  qui ,  prisonniers  de  cette 
puissance,  avoient  été  relégués  en 
Hongrie.  Sur  l'invitation  de  M6rde 
La  Fare ,  évêque  de  Nanti ,  qui 
se  trouvoit  à  Vienne ,  en  Autriche , 
le  prêtre  Dieu-Donné,  avec  plu- 
sieurs au  très  de  la  Lorraine ,  vola  au 
secours  des  pestiférés ,  et  y  périt 
de  la  contagion  même,  à  laquelle 
il  auroit  voulu  faire  échapper  les 
prisonniers  français.  Les  théolo- 
giens sont  d'accord  pour  consi- 
dérer comme  Martyrs  les  confes- 
seurs de  la  Foi,  qui  ont  péri  en  admi- 
nistrant les  secours  de  la  religion 
aux  pestiférés.  Le  prêtre  Dieu- 
Donné  ne  fut  pas  le  seul  qui  mou- 
rut de  cette  manière  ,  en  remplis- 
sant ce  charitable  et  généreux  mi- 
nistère. (  V.  El"  de  Castellane  , 
Briolet,  Fontaine,  et  Fresnes.) 

DIEU-DONNÉ  (Joseph),  prêtre 
et  religieux  Cordelier,  à  Etaing, 
dans  le  diocèse  de  Verdun,  né  à 
Brey,  dans  celui  de  Metz,  résista 
en  bon  ministre  de  l'Eglise  catho- 
lique à  la  proposition  de  faire  le 


DIL  589 

serment  de  la  constitution  civile 
du  clergé.  Il  resta  néanmoins  en 
France,  et  dans  la  même  province 
devenue  le  département  de  la 
Meuse.  La  frayeur,  causée  par 
les'  événemens  de  la  fin  de  1792, 
l'entraîna  à  faire  le  serment  de 
liberté- égalité ,  prescrit  à  cette 
époque  ;  mais  il  n'en  fut  pas  mieux 
à  l'abri  des  persécutions  toujours 
croissantes.  On  l'arrêta  dans  le 
courant  de  iJ93;  et  bientôt  on  le 
fit  traîner  à  Bochefort  pour  être 
déporté  en  des  contrées  sauvages 
{V.  Bochefort).  Il  fut  embarqué 
sur  le  navire  le  Washington,  où, 
pour  se  rendre  digne  de  ses  con- 
frères de  déportation ,  dont  il  par- 
tageoit  les  souffrances,  et  qui  n'a- 
voient  pas  plus  à  se  reprocher  ce 
serment  &  égalité -liberté  que  le 
précédent,  il  le  rétracta.  Les  maux 
qu'il  éprouvoit  comme  eux,  le 
firent  succomber  à  son  tour.  Il 
mourut  dans  la  nuit  du  28  au  29 
janvier  1 795 ,  à  l'âge  de  70  ans ,  et 
fut  enterré  près  du  fort  Vaseux, 
sur  les  rives  de  la  Charente.  (  V.  C. 

V.  DlDELOT,  et  J.  J.  DlNCAMPS.) 

DILLY  (Pierp.e)  ,  prêtre  du  dio- 
cèse de  Vannes ,  y  exerçant  le 
saint  ministère,  vivoit  retiré  dans 
un  petit  domaine  de  sa  propriété  , 
a  Bubry,  près  d'IIennchon.  Quoi- 
qu'il ffit  insermenté,  il  espéroit 
dans  cette  retraite  éviter  les  maux 
dont  le  menaçoit  la  loi  du  2(5  août 
1792,  par  laquelle  avoient  dé 
chassés  de  France  tous  les  prêtres 
qui  n'avoient  point  fait  le  serment 


5go  DIN 

de  1791.  11  fut  arrêté  vers  la  fin 
de  1795,  et  traduit  devant  le  tri- 
bunal criminel  du  département  du 
Morbihan ,  siégeant  à  Vannes. 
Les  juges  le  condamnèrent  le  28 
nivose  an  II  (  17  janvier),  à  la  peine 
de  mort,  comme  «  prêtre  réfrac- 
taire  »  ;  et  il  la  subit  le  même  jour. 

DINCAMPS  ( Jean-  Joseph ) , 
prêtre  et  religieux,  Hospitalier  de 
la  maison  de  Sepl-Fonds,  réforme 
de  Citeaux  ,  dans  le  diocèse  d'Au- 
tun,  en  Bourbonnais,  né  à  Cou- 
serans,  et  connu  sous  le  nom  de 
Père  Macaire,  resta  dans  la  con- 
trée de  Sept-Fonds,  après  la  sup- 
pression des  ordres  monastiques. 
Cette  contrée  faisoit  alors  partie 
du  département  de  Y  Allier.  Les 
exemples  de  fidélité  à  l'Eglise  ca- 
tholique, que  le  Père  Macaire  y 
donna,  irritèrent  les  autorités  qui 
gouvernoient  le  pays.  Ce  religieux 
vénérable  fut  arrêté  par  leurs  or- 
dres, en  1795.  Comme  il  étoit 
plus  que  sexagénaire ,  elles  se  bor- 
nèrent d'abord  à  le  tenir  en  réclu- 
sion ;  mais  bientôt  elles  voulurent 
se  débarrasser  de  l'importunité  de 
ses  vertus  religieuses.  Il  fut  traîné 
à  Rochefort  pour  en  être  déporté 
à  la  Guiane.  (  V.  Rochefort  ). 
On  l'embarqua  sur  le  navire  les 
Deux  Associés.  11  ne  tarda  guère 
à  succomber  dans  les  souffrances 
de  l'entrepont  de  ce  bâtiment.  Le 
P.  Macaire  mourut  le  i9juin  1794, 
à  l'âge  de  67  ans,  et  fut  enterré 
dans  l'île  d'Aix.  {F.  Jb  Dieu- 
Donné,  et  J.  P.  Diville, ) 


DIV 

DIVILLE  (Jean-Pierre),  prêtre 
de  la  cathédrale  de  Rouen,  où  il 
a  voit  la  charge  de  sacriste,  ayant 
sa  famille  dans  cette  ville ,  continua 
de  l'habiter  après  la  dispersion 
du  chapitre,  en  1791.  Mais  il 
n'en  fréquenta  plus  l'église,  usur- 
pée successivement  par  les  é  vêques 
schismatiques ,  Charrier  et  Gra- 
tien,  parce  qu'il  ne  vouloit  point 
se  rendre  coupable  du  serment  de 
la  constitution  civile  du  clergé, 
malgré  les  spécieuses  apologies 
qu'en  firent  ces  intrus,  soutenus 
d'une  réputation  ecclésiastique 
imposante.  Ils  y  ajoutoient  des 
sophismes  hardis  et  presque  me- 
naçans,  pour  justifier  l'expulsion 
du  véritable  archevêque,  le  véné- 
rable cardinal  de  La  Rochefou- 
cauld, et  prouver  la  légitimité  de 
leur  installation  à  sa  place  (1). 

(1)  Pour  bien  apprécier  le  mérite 
des  prêtres  de  ce  diocèse  qui  restèrent 
fidèles  à  l'Eglise  catholique,  dans  ces 
circonstances,  il  faut  savoir  que  le 
premier  de  ces  intrus ,  dans  un  ou- 
vrage intitulé  :  Questions  sur  les 
Affaires  présentes  de  l'Eglise  de 
F ronce ,  avec  des  Réponses  propres  à 
tranquilliser  les  consciences  (Paris  , 
chez  Leclère  ,  1791  )  ,  se  proposant  la 
demande  qu'on  va  lire,  y  avoit  fait 
les  réponses  suivantes  :  —  «  D.  Un 
évôque  destitué  de  son  poste  par  le 
décret  qui  prononce  l'incompatibilité 
de  sa  place  avec  la  non -prestation  du 
serment ,  est-il  légitimement  desti- 
tué? —  R.  Oui  »  (  pag.  4  )  ;  et  la  con- 
clusion étoit  (pag.  7  )  •  "Si  donc  un 
évOquc,  et  j'en  dis  autant  d'un  curé, 
s'obstine  à  rester  dans  son  poste,  il- 


DOA 

Le  prêtre  Diville  ,  néanmoins  , 
constamment  fidèle  à  l'Eglise  ca- 
tholique, fut  arrêté  en  1790  par 
les  administrateurs  du  départe- 
ment de  la  Seine-Inférieure  ,  et 
bientôt  envoyé  par  eux  à  Roche- 
fort,  pour  être  déporté  au-delà 
des  mers  (f.  Rochefort).  On 
l'embarqua  sur  le  navire  les  Deux 
Associés.  Son  martyre  fut  long  : 
il  n'expira  que  le  7  septembre 
1794,  à  l'âge  de  58  ans;  et  son 
corps  fut  inhumé  dans  l'île  Ma- 
dame. {V.  J.  J.  Dincamps,  et  P. 
F.  Doré.  ) 

DOAZAN  (François),  prêtre 
du  diocèse  de  Poitiers,  né  à  Poi- 
tiers même,  en  174^  étoil  curé 
de  Landron,  dans  le  même  dio- 
cèse. 11  put,  quoique  non-asser- 
menté ,  se  soustraire  aux  recher- 
ches des  terribles  agens  de  la  ré- 

résisle  à  la  loi  constitutionnelle  de 
l'Etat  ;  il  viole  par  cela  mûme  la  loi  de 
l'Eglise;  et  dès  lors  il  devient  cou- 
pable devant  Dieu  et  devant  les 
hommes,  indigne  de  son  ministère, 
responsable  des  suites  funestes  de  sa 
résistance,  et  déchu  de  tous  les  avan- 
tages du  titre  qu'il  réclame   On 

pourroit  lui  faire  son  procès ,  et  le 
poursuivre  comme  perturbateur  du 
repos  public  ».  —  Quant  au  second 
intrus  qui  sortoit  de  la  congrégation 
de  Saint-Lazare,  et  avoit  été  supé- 
rieur du  séminaire  de  Chartres,  il 
avoit  coutume  de  dire  avec  une  feinte 
admiration  en  parlant  de  la  constitu- 
tion civile  du  clergé  :  «  Elle  est  si 
belle,  que  nous  n'en  étions  pas  dignes, 
ni  assez  parfaits  pour  la  recevoir  »  ;  il 
fil  pour  sa  détende,  1'.  Exposition  de 


DOA  591 

volution,  qui  firent  périr  tant  de 
prêtres  de  sa  province  en  1793 
et  1794»  Il  y  reparut  avec  quel- 
que confiance  pour  exercer  son 
ministère  en  1796;  mais  la  fer- 
meté de  ses  principes,  et  la  per- 
sévérance de  son  zèle,  faisoient 
désirer  aux  ennemis  de  la  religion 
une  occasion  pour  se  débarrasser 
de  lui.  Elle  se  présenta  dans  l'exé- 
cution de  la  loi  du  19  fructidor  (5 
septembre  1797).  Ils  l'arrêtèrent, 
et  le  firent  conduire  à  Rochefort 
pour  en  être  déporté  sur  des  plages 
lointaines  {V.  Guiane).  Embarqué 
sur  la  frégate  la  Charente,  le  12 
mars  1 798 ,  puis  sur  la  frégate  ia 
Décade,le  20  avril,  il  arriva  dans  le 
port  de  Cayenne  vers  le  milieu  de 
juin.  De  là,  il  fut  presque  aussitôt 
relégué  dans  le  désert  brûlant  de 
Synnamari.  Un  colon  lui  fit  trou- 

mes  sentimens  sur  les  vérités  aux- 
quelles on  prétend  que  la  constitution 
civile  du  clergé  donne  atteinte ,  et  Re- 
cueil d'autorités  et  de  réflexions  qui 
la  favorisent  ;  2°.  Lettre  pastorale  j 
3°.  Contraste  de  la  Réformation  d'An- 
gleterre par  Henri  VIII ,  et  de  la 
Réformation  gallicane  par  l'Assemblée 
Nationale  :  ouvrages  solidement  réfu- 
tés par  M.  Laurent,  curé  de  Frétigny, 
au  diocèse  de  Chartres  ,  et  par  M. 
François,  de  la  congrégation  de  Saint- 
Lazare  ,  massacré  au  séminaire  de 
Saint- Fin/lin,  le  2  septembre  1792. 
On  peut  voir  aux  pages  58,  ^5  ,  70'  de 
la  préface  des  Mémoires  cités  ci-de- 
vanl ,  tom.  Ier,  pag.  i5,  ce  qui  en  a  été 
déposé  à  Rome  en  1  ^y4  >  par  le  supé- 
rieur-général de  la  congrégation  de 
Saint-Lazare,  M.  Cayla-de-La-Garde. 


592  DOB 

ver  un  asile,  où  il  pouvoit  échap- 
per du  moins  à  quelques  uns  des 
maux  innombrables  de  cette  terre 
dévorante  ;  mais  il  n'y  pouvoit 
éviter  également  tous  les  autres. 
Une  fièvre  putride,  effet  du  cli- 
mat, vint  l'assaillir;  et  il  en  mou- 
rut le  14  février  1799,  à  l'âge  de 
55  ans.  (V.  F.  Desprès,  et  J.  Do- 
rival.  ) 

DOB  Y  (Pierre- François), 
prêtre  du  diocèse  de  Cambrai , 
chanoine  de  la  collégiale  de  Wa- 
lincourt,,  près  Cambrai,  avoit 
mérité  par  l'opposition  de  sa  Foi  à 
la  constitution  civile  du  clergé, 
d'être  compris  dans  le  nombre  des 
insermentés ,  que  la  loi  du  26  août 
1792  chassa  de  France.  Il  en  sor- 
tit ;  mais  ,  après  que  Roberspierre 
eut  été  renversé ,  le  chanoine  Doby 
trompé  par  l'opinion  que  répan- 
doient  les  Thermidoriens ,  en 
imputant  à  lui  seul  les  crimes  dont 
eux-mêmes  étoient  aussi  cou- 
pables, crut  la  persécution  finie, 
et  se  mit  en  route  pour  revenir 
dans  sa  patrie.  Il  fut  arrêté  en 
Belgique,  près  de  nos  frontières, 
et  livré  de  suite  à  une  commission 
militaire,  établie  à  Bruxelles. 
Cette  commission  le  condamna 
sans  délai  à  la  peine  de  mort , 
comme  «  émigré  -  rentré  »  ;  et, 
le  lendemain,  on  le  fusilla.  La 
sentence  fut  rendue  le  27  plu- 
viôse an  III  (>5  février  179!}), 
c'est-à-dire  plus  de  six  mois  et 
demi  après  le  fameux  neuf  ther- 
midor. 


DON 

DOET  (  Marccerite),  demoi- 
selle. [V.  M,e  BoiRor.) 

DOGUEREAU  (Pierre- 
Raoul),  curé  de  la  ville  de 
Saint- Aignan ,  dans  le  diocèse 
de  Bourges  ,  étoit  encore  près 
de  ses  paroissiens  après  la  loi 
de  déportation ,  rendue  contre 
les  prêtres  insermentés.  Quand 
l'armée  catholique  et  royale  de 
la  Vendée  s'avança  sur  le  Mans, 
vers  la  fin  de  179^  ,  et  qu'elle 
y  éprouva  une  cruelle  déroute 
(  V.  Vendée),  ce  triomphe 
des  soldats  de  la  révolution  en- 
hardit au  dernier  point  leur  rage 
et  celle  de  leurs  chefs.  Dans  les 
recherches  actives  qu'ils  firent  de 
toutes  parts ,  ils  atteignirent  le 
curé  Doguereau ,  et  le  traînèrent 
à  Angers  pour  être  jugé  par  la 
commission  militaire  qu'ils  ve- 
noient  d'y  établir.  Ce  curé,  com- 
paraissant devant  elle,  le  11  ni- 
vôse an  II  (3i  décembre  1790), 
fut  accablé  de  l'accusation  vague 
que,  dans  sa  fureur,  elle  portoit 
contre  toutes  ses  victimes  :  elle 
le  condamna  à  la  peine  de  mort , 
en  le  qualifiant  de  «  brigand  de 
la  Vendée  » .  (  V.  F.  L.  Chevalier, 
et  P.  Hermenot.) 

DOMINIQUE  (Le  Frère), 
Chartreux.  [V .  L.  P.  J.  B.  Vi- 
vien.) 

DOMINIQUE  [Sœur  de  S.) , 
religieuse.  [V.  3°  L'  Barrez.) 

DONADIEU  (iV...),  l'un  des 
trois  prêtres  séculiers  qui  diri- 
geoicnt  le  petit  séminaire  de  Mar- 


î)ON 

veille  (i)  ,  avoit  depuis  environ 
trente  ans ,  consacré  les  efforts  de 
son  zèle  à  cette  ville  qu'il  édilioit 
par,  ses  vertus,  en  même  temps 
qu'il  y  ramenoit  les  âmes  a  Dieu  , 
soit  eu  chaire ,  soit  dans  le  tribunal 
de  la  pénitence.  Les  persécutions 
qui  s'excitèrent  contre  lui ,  dès 
1790  ,  parce  qu'il  prémunissoit 
les  lévites  du  Seigneur  contre  les 
pièges  du  serment  de  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  déjà 
décrétée,  et  parce  que  lui-même 
donnoit  l'exemple  de  le  refuser,  le 
décidèrent  à  passer  en  Italie.  Il  se 
rendit  à  Rome  ;  et  le  cardinal ,  vi- 
caire du  Pape,  le  chargea  de  la  di- 
rection spirituelle  des  religieuses 
françaises  qui  déjà  s'étoient  réfu- 
giées dans  cette  capitale  du  monde 
chrétien.  Il  y  exerça  son  ministère 
avec  beaucoup  d'édification  et  de 
fruit  jusqu'au  printemps  de  1797» 
où  il  crut  que  la  Providence  le  rap- 
peloit  dans  sa  patrie.  Depuis  que 
Roberspierre  avoit  été  renversé , 
le  27  juillet  1794?  l'opinion  s'é- 
toit  introduite  à  Rome  comme 
ailleurs ,  que  la  persécution  avoit 
cessé  en  France  :  Donadieu  qui, 
soit  à  cause  de  son  grand  âge,  soit 
à  raison  d'une  congrégation  du 
Sacré-Cœur-de-Jésus,  formée  à 
Marseille  ,  et  dont  il  fut  l'un  des 

(1)  Il  s'étoil  appelé  le  Bon  Pasteur , 
jusqu'à  l'époque  où  ,  consacrant,  la  nou- 
velle église ,  l'immortel  évôque  de  Bel- 
zunce  la  dédia  au  Sacré-Cœur-de-Jésus 
pour  obtempérer  aux  vœux  de  quelques 
personnes  pendant  la  peste  de  1 720. 

2. 


DON  5g5 

chefs ,  étoit  appelé  le  Père  Do- 
nadieu, se  refusa  d'autant  moins 
à  une  illusion  si  consolante  ,  que 
des  personnes  pieuses  de  cette 
ville,  séduites  aussi  par  la  même 
erreur,  lui  écrivoient  pour  l'en- 
gager à  y  revenir.  Beaucoup  de 
prêtres  d'Aix  et  de  Marseille,  éga- 
lement réfugiés  à  Rome,  rece- 
vant de  semblables  invitations,  et 
ressentant  la  même  ardeur  pour  le 
salut  des  âmes,  résolurent  d'ac- 
compagner ce  vertueux  ecclésias- 
tique. Cependant  le  Pape  Pie  VI, 
informé  de  leur  projet,  ne  par- 
tageoit  pas  entièrement  la  con- 
fiance de  ces  nouveaux  mission- 
naires. Sa  Sainteté  adressa  pater- 
nellementauxévèquesde  ses  Etats 
une  circulaire  par  laquelle  ,  en 
donnant  des  éloges  au  zèle  des 
prêtres  exilés  qui  vouloient  ren- 
trer en  France,  elle  les  exhortoit  à 
ne  pas  le  leur  permettre  légère- 
ment, et  mettoit  sous  leurs  yeux 
les  dangers  auxquels  ils  alloient 
s'exposer  pour  un  travail  peut- 
être  encore  trop  incertain.  Le 
P.  Donadieu  et  ses  compagnons 
n'en  étoient  point  déconcertés  ; 
et  quand  le  Pape  les  vit  bien  dé- 
terminés à  sacrifier  leur  vie  au 
salut  des  âmes  et  au  rétablisse- 
rrrent  de  la  religion,  il  souscrivit 
à   leur   courageux  dessein  ,  et 
leur  accorda  la  consolation  d'une 
audience  particulière  pour  rece- 
voir avant  leur  départ  sa  bé- 
nédiction pontificale.  Ce  fut  un 
spectacle  fort  touchant  que  cette 

38 


5g4  DON 
généreuse  cohorte  de  confesseurs 
de  la  Foi ,  aux  pieds  du  Saint- 
l'ère,  ayant  à  leur  tête  le  véné- 
rable Donadieu  qui  lui  exprimoit 
leurs  vœux  avec  leurs  sentimens; 
et  Pie  VI,  plein  d'une  affectueuse 
sensibilité  ,  leur  témoignant  ses 
inquiétudes  sur  leur  sort,  les  en- 
gageant à  revenir  près  de  lui  au 
inoindre  péril.  Ils  partirent  :  le 
P.  Donadieu  étoit  dépositaire  de 
grâces  particulières  du  Souverain 
Pontife,  pour  ceux  quircleveroient 
les  signes  de  la  rédemption  que  les 
impies  avoient  abattus  partout  en 
France.  Arrivé  a  Marseille ,  il  s'y 
livra  aux  fonctions  de  son  minis- 
tère avec  toute  l'activité  de  la  jeu- 
nesse ,  faisant  ici  des  catéchis- 
mes, ailleurs  des  instructions  plus 
relevées,  administrant  les  sacre- 
niens,  et  ranimant  partout  la  fer- 
veur de  la  piété.  La  persécution 
jeta  tout  à  coup  son  masque  hy- 
pocrite dans  la  crise  politique  du 
18  fructidor  (4  septembre  1797)  ? 
et  surprit  le  P.  Donadieu  publi- 
quement engagé  dans  ces  saints 
exercices.  Il  fut  arrêté  avec  plu- 
sieurs des  prêtres  qui  étoient  re- 
venus de  Rome  avec  lui.  Après 
l'avoir  laissé  quelques  jours  dans 
la  prison  d'un  bureau  central 
de  police ,  on  l'enferma  dans  le 
fort  Saint-Jean,  où  il  se  trouva 
avec  neuf  d'entre  eux  et  beau- 
coup de  laïcs ,  emprisonnés  aussi 
pour  la  cause  de  la  religion.  Les 
beaux  jours  de  la  primitive  Eglise 
avoient  refleuri  dans  Marseille.  Il 


DON 

s'y  étoit  formé  une  société  de  de- 
moiselles, aussi  recommandables 
par  leur  naissance  que  par  leur 
piété,  sous  le  nom  de  Filles  de  la 
Croix.  Leurprincipale  occupation 
étoit  de  porter  dans  les  hôpitaux, 
et  ensuite  dans  les  prisons,  sous 
l'humble  costume  de  sœurs  Hos- 
pitalières qu'elles  avoient  adopté, 
les  secours  de  la  charité  et  les  con- 
solations de  la  Foi.  Comme ,  dans 
ces  lieux  de  souffrances,  ainsi  que 
dans  les  oratoires  secrets  des  ca- 
tholiques, revivoit  avec  toute  sa 
pureté  la  ferveur  des  beaux  siècles 
du  christianisme  ;  et ,  comme  d'au- 
tre part,  la  rigueur  de  la  persécu- 
tion avoit  autorisé  le  retour  à  celles- 
là  mêmes  de  leurs  saintes  pra- 
tiques dont  une  discipline  posté- 
rieure avoit  aboli  l'usage  en  des 
temps  ordinaires,  les  fidèles  et  les 
prêtres  se  conformoient  a  ce  que 
saint  Cyprien  écrivit  aux  Thiba- 
ri  tains  dans  des  circonstances  sem- 
blables ,  et  peut-être  moins  fâ- 
cheuses. «Puisque  vous  êtes,  leur 
disoit-il,  à  la  veille  d'un  combat 
plus  terrible  que  les  précédens, 
vous    devez   vous  y  présenter 
comme  de  dignes  athlètes  de  J.-C, 
avec  une  valeur  aussi  grande  que 
votre  Foi  est  incorruptible  ;  et 
vous  savez  que  le  calice  du  sang 
de  Jésus-Christ  vous  donnera  la 
force  de  répandre  le  vôtre  pour 
lui  (1)  ».  Mais,  en  même  temps, 


(1)  Gravior  hUhcetJèrodàrpitgn^ 
imminet,  ad  tfukm  fuie  iricorruplâ  et 


DON 

ils  savoient  que  saint  Cyprien 
avoit  recommandé  à  ceux  de  ses 
prêtres  et  de  ses  diacres  qui 
étoient  libres  encore,  de  ne  pas 
s'exposer  à  tout  perdre,  en  allant 
eux  -  mêmes  sans  une  extrême 
réserve  porter  la  s^ainte  Eucha- 
ristie aux  prisonniers  (1)  ;  et  voilà 
pourquoi,  dans  Marseille,  cette 
auguste  commission  fut  confiée 
aux  pieuses  Filles  de  la  Croix. 
Les  catholiques  avoient  pour  eux 
l'exemple  de  ce  prêtre  dont  parle 
S.  Denis  d'Alexandrie  dans  son 
épître  à  Fabius ,  lorsqu'il  raconte 
avec  édification  que  S.  Sérapion 
étant  à  l'agonie ,  et  lui  ayant 
envoyé  un  enfant  pour  le  prier  de 
lui  apporter  le  saint  Viatique,  ce- 
lui-ci ne  pouvant  y  aller  parce 
qu'il  étoit  malade,  confia  le  pain 
des  forts  au  jeune  messager,  en 
le  chargeant  de  le  porter  lui  - 

virlutt  robusiâ  parare  se  debent  mili- 
tes Christi,  considérantes  ideired  se 
qUOtidiè  calicem  sanguinis  Christi  bi- 
bere ,  ut  possint  et  ipsi  propter  Chris- 
tian sanguinem  fundere.  (  S.  Cypr. 
ad  Thibarit.  Epist.  LVI,  dans  1  edit. 
de  Baluzc.  ) 

(i)  Nam  etsi  fr aires  pro  dileclione 
sud  cupidi  sunt  ad  conveniendum  et 
visîtandum  conf'essores  bonos  ,  quns  //- 
lustravit  jam  gloriosis  initiés  divina 
dignatio ,  tamen  caute  hoc ,  et  non.  glo- 
ineralirn  ,  nec  per  multiludineni  sinutl 
junctain  pulo  esse  faciendum  ,  ne  ex 
hoc  ipso  invidia  concitelur ,  et  in- 
troeundi  aditus  denegetur,  et  dùm  insa- 
liabiles  lotiim  volumus ,  totum  perda- 
mus.  (  S.  Cypr.  ad  Presbyteros  et 
D.'aconos.  Epist.  IV,  «dit.  de  Bahue.) 


DON  5fv". 

même  au  vénérable  ermite  (1). 
Néanmoins  quelques  consciences 
méticuleuses  de  Marseille,  conce- 
vant des  scrupules  sur  cette  pra- 
tique dans  laquelle  on  croyoit  voir 
quelque  chose  de  téméraire  et 
d'indiscret,  le  Pape  Pie  VI  fut  con- 
sul té  ;  mais,  trop  édifié  de cè  qu'elle 
étoit  remise  en  usage  alors  par 
l'entremise  des  ferventes  vierges 
de  la  Croix,  il  l'autorisa  formel- 
lement en  faisant  l'éloge,  et  de  la 
candeur  de  leurs  vertus  ,  et  de  la 
vivacité  de  leur  Foi,  les  comparant 
à  sainte  Claire  d'Assise ,  qui ,  pour 
soustraire  l'auguste  Sacrementaux 
infidèles  par  lesquels  sa  religieuse 
clôture  alloit  être  envahie,  le  prit 
elle-même,  et  s'en  fit  une  dé- 
fense miraculeuse  contre  leur  au- 
dacieuse entreprise.  Le  père  Do- 
nadieu,  qui  leur  avoit  fait  con- 
noitre  que  le  secours  dont  il  avoit 
le  plus  urgent  besoin  étoit  celui 
du  pain  des  Anges,  leur  éçri  voit  : 
«  Tirez  au  sort  pour  savoir  qui 
de  vous  me  l'apportera  ;  niais  au- 
paravant, implorez  les  lumières 
de  l'Esprit  Saint  » .  Elles  obéirent  ; 
le  choix  tomba  sur  M"6  Camille 
de  Glandcvès  ,  qui,  avant  de  rem- 
plir ce  ministère  des  diacres  de  I.' 
primitive  Eglise,  se  confessa,  passa 
une  partie  de  la  nuit  en  prières , 
et  communia  d'abord  elle-même. 
Le  prêtre  de  qui  elle  vendit  de  rece- 
voir la célestenourritui  c ,  lui  passa 


(i)  Eufeéb.  :  Hùtt.  Ëcclés.  L.  VI,  m 
Epist.  S.  Dion.  Alex,  ad  Fabium. 


596  DON 

respectueusement  au  cou  un  cor- 
don auquel  étoit  suspendue  une 
bourse  de  drap  d'or,  contenant 
une  boîte  d'or  à  double  fond,  qui 
renfermoit  six  parcelles  de  la 
sainte  Eucharistie,  attendu  que 
le  P.  Donadieu  en  avoit  demandé 
une  pour  chacun  des  six  jours  de 
la  semaine.  Il  lui  en  fut  ensuite 
porté  plusieurs  autres  à  diverses 
reprises  :  la  pieuse  vierge  qui  rem- 
plit cette  commission ,  la  veille  de 
la  Purification  de  la  sainte 
Vierge,  le  1"  février  1798,  fut 
M"'  Lazarine  du  Demaine  ;  et  elle 
apportoit  une  plus  grande  quan- 
tité d'hosties  consacrées.  En  la 
voyant  entrer,  les  prêtres  infor- 
més de  l'adorable  dépôt  dont 
elle  étoit  chargée,  se  prosternè- 
rent. Le  P.  Donadieu,  prenant  la 
Mute,  en  donna  la  bénédiction  à 
celle  qui  la  lui  remettoit,  et  la 
congédia.  Il  avoit ,  de  concert 
avec  ses  confrères ,  excité  dans  la 
prison  une  telle  Foi  et  une  telle 
piété  ,  que  les  laïcs  comme  les 
prêtres  passèrent  la  nuit  en  ado- 
ration devant  le  Saint-Sacrement  ; 
et ,  après  s'être  confessés ,  ils  com- 
munièrent tous,  le  jour  de  la  Pu- 
rification. Deux  jours  après,  le 
P.  Donadieu  fut  conduit  devant  la 
commission  militaire,  de  qui  son 
sort  dépendoit.  Non  seulement  ses 
paï  ens ,  maig  encore  tout  ce  qu'il 
y  avoit  de  gens  honnêtes  dans  la 
ville ,  cherchoient  à  le  sauver.  On  y 
srroit  parvenu  en  disant  qu'il  n:a- 
voit  pas  émigré,  si  lui-même  eQt 


DON 

consenti  à  le  laisser  croire.  On 
n'exigeoit  même  de  lui  que  son 
silence  sur  ce  point;  mais  ce  si- 
lence auroit  été  un  mensonge  im- 
plicite, ou  la  confirmation  indi- 
directe  d'un  mensonge  formel  :  et 
le  P.  Donadieu,  incapable  de  dé- 
guiser en  aucune  manière  la  vé- 
rité ,  refusa  de  se  prêter  à  cet  ex- 
pédient. Interrogé  devant  la  com- 
mission militaire ,  il  répondit 
avec  toute  la  candeur  d'une  cons- 
cience pure  (1).  On  le  renvoya 
dans  sa  prison  ;  et  la  commission  , 
procédant  à  son  jugement  d'après 
ses  réponses ,  prononça  qu'il  seroit 
fusillé,  comme  «émigré-rentré». 
Il  eut  avis  de  cette  sentence  avant 
que  le  greffier  de  la  commission 
vint  la  lui  notifier;  et,  lorsqu'il 
en  reçut  la  notification,  le  jour 
même  où  elle  devoit  être  exécutée , 
il  s'étoit  encore  nourri  dès  le  matin 
du  pain  eucharistique,  et  en  avoit 
fait  part  à  deux  prêtres  qui  de- 


(1)  Ce  trait  du  P.  Donadieu  fit 
dans  Marseille  une  impression  si  vive 
et  si  profonde,  que,  maintenant  en- 
core, parmi  les  vrais  chrétiens,  dans 
ces  situations  difficiles  où  quelque 
dissimulation  pourroit  tirer  d'embar- 
ras ,  le  souvenir  toujours  présent  de 
l'exemple  de  ce  saint  prûtre  la  fait 
;iussitdt  repousser  avec  une  généreuse 
franchise.  Nous  ne  paraîtrons  pas  trop 
minutieux,  en  ajoutant  que  les  mères 
Marseillaises ,  quand  elles  voient  leurs 
enfans  tentés  de  mentir,  sont  dans 
l'usage,  pour  les  en  empêcher,  de  pro- 
noncer par  exclamation  le  nom  seul 
du  P.  Donadinu, 


DON 

voient  périr  avec  lui  (V.  Batt- 
din,  et  A.  Emeric).  Quand  il  par- 
tit avec  eux  pour  le  lieu  du  sup- 
plice, on  eût  dit,  à  voir  la  dignité 
de  sa  démarche,  ce  que  l'histo- 
rien de  la  passion  des  saints  Mar- 
tyrs Montan,  Lucius,  l\lavien,  a 
raconté  de  l'un  d'eux  en  pareille 
circonstance.  «  Toute  sa  conte- 
nance attcstoit  qu'il  alloit  par- 
tager effectivement  la  royauté  de 
J.-C. ,  avec  qui  déjà  il  régnoit  par 
la  pensée  et  les  sentimens  (1)». 
Le  P.  Donadieu  étoit  suivi  par 
une  des  ferventes  Filles  de  la 
Croix,  MUc  Mélanie  Gouverne, 
qui  imploroithautement  le  secours 
de  ses  prières.  Elle  lepouvoit,sans 
doute,  avec  autant  de  fondement 
que  les  fidèles  accourus  pour  être 
témoins  de  la  mort  des  anciens 
Martyrs  que  nous  venons  de  nom- 
mer, et  qui  leur  disoient  :  «  Dai- 
gnez, daignez  vous  souvenir  de 
nous  auprès  de  Dieu  » .  C'étoit  uni- 
quement par  un  profond  sentiment 
d'humilité,  que  saint  Lucien  leur 
répliquoit  :  «  Veuillez  aussi  vous 
ressouvenir  de  moi  ».  Le  P.  Dona- 
dieu ayant  fait  la  même  réplique, 
nous  pouvons  nous  écrier  avec  le 
même  historien,  qui  ne  douloit 
point  que  les  Sainls  dont  il  paiioit 
n'eussent  été  couronnés  dans  le 
ciel  à  l'instant  de  leur  mort  : 

(l)  Sic  régnât ttruin  cum  J)co  Mar- 
lyrem  jam  spiràu  uc  nicnte  regnanteni , 
etiam  itineris  Iota  dignitas  exprime- 
bat.  (Ruinart  :  Passio  SS.  Martyr. 
Montant',  Lucii ,  Flaviani,  etc..  ) 


DON  597 

«  Oh  !  qu'elle  étoit  grande  l'humi- 
lité de  notre  Martyr,  puisque  dans 
sa  passion  même,  il  s'abstenoit  de 
présumer  de  sa  gloire,  toute  cer- 
taine qu'elle  étoit  (1)  ».  Enfin  le 
P.  Donadieu  fut  frappé  du  plomb 
ineurtrier  ;  la  cervelle  jaillit  de 
sa  tête  fracassée,  en  se  disper- 
sant sur  la  terre;  mais  la  pieuse 
Filledeia  Croix,  qui  avoit  voulu 
l'assister  jusqu'à  sa  mort,  s'em- 
pressa de  la  recueillir  avec  res- 
pect. Elle  trempa  même  un  mou- 
choir dans  son  sang ,  et  remit 
aussitôt  ces  précieuses  reliques  à 
un  prêtre  qui ,  selon  ses  conven- 
tions avec  elle ,  s'étoit  mêlé  dans 
la  foule,  sous  un  travestissement 
qui  l'empêchoit  d'être  reconnu 
des  soldats  et  du  peuple  (2).  Le 
P.  Donadieu  avoit  ?5  ans ,  quand 


(1)  Cui  cùm  dicerent  fratres  Me- 
mentote  nostri;  vos,  inhuit,  mei  me- 
menlole....  Quanta  Martyris  humilitas 
de  glorid  sud  nec  sub  ipsd  passione 
prœsumere!  (Ruinart  :  Passio  SS. 
Martyr.  Motxtani,  Lucii,  Flaviani,  etc.) 

(2)  Voy.  ci-dev.,  tom.  II,  pag.  190. 
Dans  une  lettre  de  ce  prétre-lâ  même, 
adressée  à  Rome  en  septembre  1798, 
nous  trouvons,  relativement  à  l'associa- 
tion des  Filles  de  la  Croix ,  des  détails 
infiniment  touclians,  que  nos  lecteurs 
seront  charmés  de  connoître.  «  Dans 
cette  petite  société ,  disoit-il ,  on 
compte  les  demoiselles  de  Glandcvès- 
Nioselle. ,  dont  le  père  fut  guillotiné 
en  1794»  les  demoiselles  Rotix-dc- 
Pepin ,  qui  sacrifient  à  la  gloire  de 
Dieu  et  au  soulagement  des  infortunés 
les  avantages  que  leur  ont  prodigués 
la  nature  et.  la  fortune;  les  demoiselles 


5g8  DON 

il  périt  ainsi  pour  la  cause  de  la 
religion ,  plus  de  deux  ans  et 
demi  après  la  chute  de  Ilobers- 
pierre. 

DONATIEN  (Le  Père),  Capu- 
cin. {V.  Jean  Gréabd.) 

DONNEUX  (Phjlippe),  prêtre 
et  religieux  de  l'ordre  des  Bernar- 
dins ,  dans  le  diocèse  de  Besan- 
çon ,  n'étant  point  fonctionnaire 
public,  n'avoit  pas  été  astreint, 
par  la  loi  de  la  constitution  ci- 
vile du  clergé,  à  en  faire  le  ser- 


t/M Demaine ,  dont  un  oncle  a  été 
pareillement  guillotiné  en  1794,  et  qui 
sont  à  la  veille  de  perdre,  d'une  ma- 
nière aussi  cruelle,  un  autre  oncle, 
prêtre,  ex-professeur  de  théologie  en 
Sorbonne,  et  grand-vicaire  de  Mar- 
seille où  il  ne  cesse  de  rendre  les  plus 
grands  services  à  la  religion  ;  une 
jeune  personne  du  peuple ,  appelée 
Gouverne ,  et  quelques  autres  demoi- 
selles. Deux  fois  par  semaine,  le  di- 
manche et  le  mercredi,  elles  vont, 
aidées  de  quelques  dames  charitables, 
peigner,  approprier  les  femmes  ma- 
lades à  1' '  Hotel-Dieu ,  et  leur  prodi- 
guer tous  les  autres  soins  dout  elles 
sont  capables.  Quoique  la  haine 
contre  la  religion  de  Jésus-Christ  ait 
porté  les  desservans  de  l'Hôpital  à 
enlever  les  crucifix  qui  étoient  au  lit 
des  malades,  et  qu'ils  les  aient  brûlés 
avec  de  sacrilèges  démonstrations  de 
joie,  ces  nouvelles  hospitalières  ont  le 
coulage  de  donner  aux  malades  les 
consolations  de  la  religion,  et  de  leur 
parler  de  Dieu  jusqu'à  leur  dernier 
soupir.  Elles  leur  suggèrent  des  sen- 
îimens  de  contrition,  de  résignation, 
et  leur  disent  môme  les  prières  des 
.igonisans.  Jusqu'à  l'époque  où  le  P. 


DON 

ment ,  qu'il  auroit  refusé  ;  mais 
son  attachement  manifeste  à  la 
pureté  de  la  Foi,  et  le  zèle  qu'il 
montroit  pour  elle,  le  firent  regar- 
der, parles  impies  réformateurs , 
du  même  œil  que  les  prêtres  in- 
sermentés. Son  âge  ou  ses  infir- 
mités, qui  formoient  pour  lui  un 
second  titre  d'exemption  de  la 
peine  de  l'exil,  portée  par  la  loi 
de  déportation  du  26  août  1792, 
ne  purent  que  le  faire  commuer  en 
une  captivité  indéterminée,  sous 


Donadieu  fut  arrêté,  il  ne  leur  a  pas 
été  permis  d'entrer  dans  les  prisons  ; 
mais  alors  elles  ont  pu  y  exercer  le 
même  zèle  qu'elles  portent  dans  YH6- 
tel-Dieu.  Tous  les  jours,  ces  intéres- 
santes hospitalières  y  distribuent  des 
secours  à  cent  trente  prisonniers , 
parmi  lesquels  sont,  depuis  six  mois, 
des  pères  de  famille  et  des  jeunes  gens 
de  qualité  dont  tout  le  crime  étoit 
leur  probité,  leur  religion,  et  qui 
restoient  sans  vêtemens,  au  pain  et  à 
l'eau.  —  Le  7  juin  1798,  jour  de  la 
Fête-Dieu ,  un  prêtre  fut  arrêté  dans 
une  maison  particulière  où  il  avoit 
célébré  les  saints  mystères,  et  où  la 
sainte  Eucharistie  étoit  respectueuse- 
ment conservée.  Les  satellites  s'em- 
parent du  tabernacle  qui  la  contient, 
et  le  portent  chez  le  commandant  de 
la  place.  Mllc  Lazarine  du  Demaine , 
qui  est  la  plus  âgée,  quoiqu'elle  n'ait 
que  a5  ans,  ayant  eu  conuoissance  de 
cette  profanalion,  et  impatiente  d'en 
empêcber  une  plus  grande,  vole  avec 
Mllc  Julie  de  Glandeves  chez  ce  mili- 
taire ,  l'aborde  en  lui  disant  :  «Vous 
pouvez  nous  faire  arrêter;  mais  saches 
que  nous  ne  craignons  rien  ,  parce  que 
Dien  est  avec  nous  ».  Il  est  touché  de 


DON 

la  verge  des  persécuteurs.  Ils  le 
firent  arrêter  et  traîner  dans  une 
maison  de  réclusion  à  Dijon.  Il  en 
supporta  les  rigueurs  avec  une 
résignation  qui  s'étendoit  jusqu'à 
la  peine  de  mort,  infligée  alors  à 
tant  d'autres  généreux  confesseurs 
de  la  Foi.  C'est  dans  ces  sentirnens 
qu'il  mourut  captif  de  J.-C.  ,  le 
6  mai  1794-  (f.  A.  Champagne, 
et  J.  C.  Gonier.) 

DONON  (  Anne  )  ,  religieuse 
Carmélite  de  Paris,  se  voyant 

leur  vertu,  les  admire,  cède  à  leurs 
instances.  Lazarinc  ouvre  le  saint  ta- 
bernacle, verse  avec  respect  sur  un 
papier  préparé  les  parcelles  sacrées 
contenues  dans  la  réserve,  les  place 
sur  son  cœur;  et,  toujours  accompa- 
gnée de  Julie,  elle  les  apporte  au  lieu 
où,  réuni  avec  un  confrère ,  nous  les 
attendions.  En  arrivant,  elles  se  pros- 
ternèrent, et  nous  reçûmes  à  genoux 
l'auguste  Sacrement.  Beaucoup  de 
chrétiens,  supérieurs  à  toute  crainte, 
vinrent  l'adorer;  et,  après  quarante 
heures  d'exposition,  je  communiai  les 
deux  saintes  vierges  avec  ces  parcelles 

sacrées        Non  soumissionnaire  (  V. 

tom.  Ier,  pag.  52),  il  m'a  fallu  lutter 
contre  les  prudens  du  siècle  et  quel- 
ques uns  de  mes  confrères  qui  ont  re- 
connu la  souveraineté  du  peuple,  con- 
damnée par  la  presqu'unanimité  des 
évÛques.  Le  refus  du  serment  de  haine 
à  la  royauté  (  Ibid. ,  pag.  52  et  44'  )  > 
et  tous  les  moyens  que  j'ai  employés 
pour  empêcher  la  chute  de  plusieurs 
prêtres,  m'ont  attiré  de  grandes  per- 
sécutions; mais  omnia  posswn  in  co 
tjiii  me  confortât.  Ils  ont  le  bras  de 
l'homme,  et  j'ai  le  bras  de  Dieu  :  Si 
Vins  pru  Mois  ,  (fuis  contra  nus!'  >< 


DOR  599 

mise  hors  de  son  cloître  par  les 
philosophiques  réformes  de  1791, 
ne  se  crut  pas  pour  cela  moins 
engagée  à  Dieu  par  ses  vœux  de 
religion.  Dans  le  modeste  domicile 
qu'elle  s'étoit  choisi,  elle  prati- 
quoit  ses  devoirs  avec  ferveur. 
Quand  vint  le  temps  où  la  piété 
étoit  un  crime  d'Etat,  la  religieuse 
Donon  fut  enlevée  de  son  domi- 
cile, et  jetée  dans  les  prisons.  Le 
tribunal  révolutionnaire  la  fit 
comparoître  devant  lui,  le  21  plu- 
viôse an  II  (9  février  1794) ,  et  la 
condamna  à  la  peine  de  mort , 
comme  «  fanatique  et  contre- 
révolutionnaire  «.Immédiatement 
après,  elle  fut  conduite  à  Técha- 
faud. 

DORAT  (  Elisabeth  ,  ou  Isa- 
beau),  sœur  de  l'ordre  de  saint 
Dominique,  s'étoit  retirée,  depuis 
la  suppression  des  ordres  monas- 
tiques ,  au  village  de  Sauvessan- 
ges  ,  près  Ambert,  dans  le  diocèse 
de  Clermont.  Là,  occupée  d'œu- 
vres  de  piété  ,  elle  mettoit  au 
nombre  de  ses  devoirs  de  donner 
asile  à  des  prêtres  catholiques , 
contre  lesquels  la  persécution 
déployoit  une  extrême  fureur  {V . 
J.  B.  Abeillon).  Cette  généreuse 
hospitalité,  inspirée  par  la  reli- 
gion, fut  découverte,  et  Elisabeth 
Dorât  jetée  dans  les  fers.  On  la 
I raina  dans  les  prisons  du  Puy  où 
siégeoit  le  tribunal  de  la  Haute- 
Loire ,  qui  ne  faisoit  grâce  à 
aucun  acte  religieux  ;  et  ce  tribu- 
nal la  condamna,  le  la  messidor 


Goo  DOR 

an  II  (3o  juin  1794)»  à  la  peine  de 
mort,  comme  «receleuse  de  prê- 
tres réfractaires  »  (V.  J'  Aux). 
Elle  fut  décapitée  dans  les  vingt- 
quatre  heures. 

DORÉ  (  Pierre  -  François  ) , 
prêtre  et  religieux  Chartreux , 
du  diocèse  de  Soissons,  sous  le 
nom  de  Dom  Benoit ,  dans  le 
monastère  de  Bourg- Fontaine , 
où  il  avoit  la  charge  de  sacris- 
tain,  étoit  né  à  Saint -Vigor- 
d'Ymonvillc,  dans  le  diocèse  de 
Rouen,  en  1756.  Les  réforma- 
teurs de  1791  purent  bien  le  chas- 
ser de  son  cloître,  mais  non  le 
faire  trahir  sa  Foi  par  la  prestation 
du  serment  schismatique  de  cette 
époque.  Dom  Benoît,  se  condui- 
sant toujours  en  bon  religieux, 
devint  si  importun  aux  impies, 
qu'ils  l'arrêtèrent  en  179^,  et 
l'envoyèrent  à  Rochefort ,  pour 
en  être  déporté  sur  des  plages 
lointaines  {V.  Rochefort).  Il 
fut  embarqué  sur  le  navire  tes 
Deux  Associés.  Les  souffrances 
de  cette  déportation  étoient  trop 
cruelles.  Dom  Benoît  succomba , 
et  rendit  son  dernier  soupir  le 
18  août  1794?  à  l'âge  de  58  ans. 


DOR 

Il  fut  enterré  dans  l'île  d'Aix. 
[V .  J.  P.  Diville,  et  Douté,  de 
Rouen.) 

DORÉ  (Jérôme-Silvain),  curé 
de  Saint-Léger,  dans  le  diocèse 
de  Poitiers ,  à  l'exemple  de  la  plu- 
part des  curés  du  Poitou  ,  qui  ne 
voulurent  point  faire  le  coupable 
serinent  de  la  constitution  civile 
du  clergé,  et  que  leurs  parois- 
siens obligèrent  de  rester  au  mi- 
lieu d'eux,  n'abandonna  pas  plus 
sa  paroisse  qu'il  ne  compromit  sa 
Foi.  Les  soldats  des  persécuteurs 
ayant  triomphé  dans  le  pays  {V. 
Vendée  ) ,  ce  curé  fut  arrêté  et 
traîné  dans  les  prisons  de  Poitiers. 
Le  tribunal  du  département  de  la 
Vienne,  siégeant  en  cette  ville, 
le  fit  comparoître  pour  être  jugé, 
le  28  ventôse  an  II  (i8mars  1794)? 
et  le  condamna  sur-le-champ  à  la 
peine  de  mort ,  comme  «  prêtre 
réfractaire  ».  II  se  trouva  du 
nombre  des  dix-sept  ministres  du 
Seigneur  que  les  juges  de  Poitiers 
y  firent  périr  ce  jour-là,  en  haine 
de  la  religion.  [V.  A.  Dechar- 
tres,  et  P.  L.  Drtet.) 

DOREL  (Pierre  de)  ,  chanoine. 
{V .  P.  Aurelle.) 


FIN  DU  SECOND  VÔiUME. 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS 

AU  SECOND  VOLUME. 


Pag.  45,  col.  i,  let,  Usez  tel. 

Pag.  82,  col.  supérieur  géné- 
ral à  l'époque,  lisez  supérieur 
à  l'époque  ;  et  col.  2 ,  le  général 
Andrieux ,  lisez  le  supérieur 
Andrieux. 

Pag.  116,  col.  2,  porta,  lisez 
portèrent. 

Pag.  1 18  ,  col.  1 ,  lig.  i2,Azaert, 
lisez  Hazart,  curé  de  Haeringen 
en  Flandres. 

Pag.  167,  col.  2,  lig.  6,  pour  ne 
pas  être,  lisez  pour  être. 

Pag.  i85,  col.  2,  accordé  en  fa- 
veur, lisez  accordé  ta  faveur. 

P;ig.  2o3,col.  i,lig.  9,  ajoutez  : 
BERTIN  (Pierre-Matilde), 

prêtre  du  diocèse  de  Besançon. 

{V.  P.  M.  Mobrot.) 

Page  244?  col.  1,  lig.  23,  d'une 
manière  différente  que,  lisez.: 
différente  du  reste. 

Pag.  281,  col.  1,  curé  de  Ver- 
brude  ,  lisez  curé  de  Verberic. 

Pag.  294?  col.  1,  lig.  24,  mettez 
BOÙTILIER  (  Antoine  ),  qu'il 
faut  reprendre  à  la  paxj.  289. 

Page  3oo,  col.  1,  BRAlNDOUIN 
(Victor) , lisez:  BRANDOUIN 
DE  BliAUFORT,  prêtre  de  l'O- 
ratoire; et,  col.  2,  après  ces 
mots:  il  tut  décapité ,  ajoutez  : 
Le  P.  Brandouin  de  Beaufort 

éloit  frère  du  comte  de  Beaufort, 

capitaine  au  régiment  du  Roi,  i'u- 

2. 


sillé  à  Quiberon,  en  juillet  1795. 
Après  avoir  d'abord  professé  la 
philosophie  au  collège  d'Arles,  il 
étoit  devenu  directeur  delà  maison 
d'institution,  ou  noviciat  de  sa 
congrégation  ,  à  ^yon.  Ceux  de 
ses  confrères  qui  ont  eu  le  bonheur 
de  le  connoître ,  ne  cessent  de 
parler  avec  admiration  et  respect 
de  son  éminente  piété  et  de  son 
courage.  «  C'éloit  vraiment  un 
ange  de  vertu  ;  et  sa  foi  fut  tou- 
jours si  vive,  que,  même  long- 
temps avant  ces  jours  déplorables 
où  elle  a  été  mise  à  une  si  grande 
épreuve,  il  avoit  plusieurs  fois 
témoigné  à  ses  amis  un  ardent 
désir  du  martyre.  C'est  bien  de 
lui ,  ajoute  notre  fidèle  corres- 
pondant, que  l'on  peut  dire  avec 
vérité ,  comme  des  apôtres  et  de» 
disciples  du  Sauveur,  dont  il  avoit 
toujours  voulu  suivre  les  traces  : 
Ibant  gaudentes...  quoniam 
digni  habiti  sunt  pro  nomine, 
Jesu  cantum^liam  pati.  »  {V. 
Latovr,  prêtre  de  l'Oratoire.  ) 

Pag.  325 ,  col.   1  ,   dcrn.  lig.  , 

(  V.  C  Castellane.  ) ,  Usez 

(  V.  Eln  Castellane;) 
Pag.  352,  col.  i,  docteur  de  lu 

maison ,  Usez  docteur  de  Sor- 

bonne. 

Pag.  388  ,  col.  1  (note  ),  lig.  3o, 

affccli ,  lisez  e/jecti. 
Pag.  391  (note),  lig.  23,  Zéloda , 

liiez.  Z,élada. 

3(j 


\ 


6o2 


Jùid.,  lig.  27,  ainsi  que,  Usez 
ainsi  qu'à. 

J£ïc/. ,  lig.  23,  à  l'avis,  lisez  avec 
l'avis. 

Pag,  392,  col.  1,  Castin  (F.  D.) 
curé...  Usez  Castin  de  la  Ma- 
deleine (F.  D.  ) ,  chanoine  et 
-vicaire-général  de  Saintes. 

Pag.  401>  col.  1,  Forez,  au  dio- 
cèse de  Lyon ,  Usez  Forez ,  au 
diocèse  de  Vienne. 

Ibidl,  Tiranges,  même  diocèse, 
■fo'sezTiranges,  diocèse  du  Puy. 

Pag-  422?  col.  1,  octobre  1790, 
Usez  octobre  1789. 

Pagi  5i8,col.  1,  lig.  9,  {V .  Bel- 
trémieux  ) ,  Usez  (  V.  D.  Betré- 
Minrx.  ) 

Pag.  528, col.  i,dern.  lig. ,  actes... 
auquel,  Usez  actes...  auxquels. 

F;ig.  545,  col.  a,  lig.  35,  De- 
bruyne  ,  Usez  De  Bruyn  ;  et 
ajoutez  (  en  note  )  : 
Dans  un  Recueil  de  quelques 
iritres   de   prêtres  déportés , 
i>  rites  de  la  Guiane  Fmn- 
(aise  ,  traduit  du  flamand ,  et 
imprimé  à  Louvain,  en  1799,  on 
en  trouve  une  de  ce  pasteur  4 
son  père,  en  date  du  4  fructidor 
an  VI  (21  aoot  1798).  Après  y 
avoir  très-brièvement  exposé  les 
maux  du  séjour  de  Konanama,  il 
conclut  par  ces  mots  :  «  J'espère 


que  Dieu  qui  m'a  fait  surmonter 
les  difficultés  passées,  me  don- 
nera aussi  la  force  de  braver  les 
dangers  futurs  » . 

Pag.  566,  col.  1,  lig.  3o,  DE- 
MALS,  Usez  DE  MAELS. 

Pag.  582,  col.  2,  disent  vicaire- 
général  de  Paris,  lisez  disent, 
avec  raison ,  vicaire-général  de 
Paris  (il  I'étoit  depuis  1791). 

Page  5g2,  col.  2,  lig.  38,  ajou- 
tez (  en  note  )  : 
Dans  nos  recherches  pour  savoir 
le  nom  de  baptême  du  P.  Dona- 
dieu,  nous  n'avons  pas  aussi  bien 
réussi  qu'en  une  multitude  d'au- 
tres occasions.  M.  l'abbé  Florent, 
vicaire-général  du  diocèse  d'Aix, 
dans  lequel  se  trouve  actuelle- 
ment comprise  la  ville  de  Mar- 
seille, en  a  vainement  compulsé 
pour  nous  les  registres  ;  ils  ne 
constatent  pas  même,  en  aucune 
manière ,  la  mort  de  ce  vénérable 
personnage  ;  et  les  païens  du  res- 
pectable M.  de  Sinéty,  aumônier 
(de  quartier)  de  S.  A.  R.  Monsieur, 
n'ont  pas  eu  plus  de  succès  dans 
leurs  enquêtes  chez  les  habitans 
de  Marseille  pour  connoître  le  nom 
de  baptême  de  ce  Martyr.  C'est 
ainsi  que  tout  s'oublie,  tout  se 
perd.  Heureux  de  pouvoir  sous- 
traire à  l'impitoyable  voracité  du 
temps  les  faits  contenus  dans  notre 
ouvrage  ! 


FIN  DES  ADDITIONS  ET  CORRECTIONS- 


i 


TABLE 

DU  SECOND  VOLUME. 


RÉCAPITULATION  explicative  des  divers  prétextes  qui  servirent 
de  motifs  pour  donner  la  mort  à  nos  Martyrs,  soit  tumultuairement, 

soit  juridiquement,  ou  légalement  Page  i 

Du  reproche  A' aristocratie  fait  aux  prêtres  et  aux  (idèles,  dans  les 

deux  premières  années  de  la  révolution   2 

Des  qualifications  de  refractaires  ,  données  en  haine  de  la  Foi  aux 

victimes  sacerdotales  des  années  1791  et  1792   4 

Des  prêtres,  et  môme  des  laïcs  attaches  à  la  Foi,  qui,  clans  la  suite, 
furent  sacrifiés,  i°.  comme  ennemis  du  peuple  et  de  sa  liberté,  c'est- 
à-dire,  du  gouvernement  de  la  Convention   11 

2°.  Comme  brigands  de  la  Vendée   13 

3".  Comme  contre-révolutionnaires   ibi\ 

4°.  Comme  conspirateurs   ibi- 

5°.  Comme  refractaires  de  1 7g3  et  1794  

6°.  Comme  fanatiques ,  ou  provocateurs  au fanatisme  et  à  la  super- 
stition, ou  comme  fauteurs  de  manoeuvres  fanatiques   1  ; 

7°.  Des  fidèles  de  l'un  et  l'autre  sexe  qu'on  faisoit  périr  comme 

recéleurs ,  ou  recéleuses  de  prêtres  refractaires   2  3 

8°.  Des  Martyrs  de  la  Foi  condamnés  comme  émigrés-rentrés . . .      2  j 
Le  titre  de  Martyr  hautement  décerné  à  Rome  même ,  et  dans  toute  la 
catholicité,  comme  en  France ,  aux  personnes  que  la  révolution  fran- 
çaise faisoit  mourir  à  cause  de  leur  Foi   23 

Des  motifs  plus  que  suspects  qui  le  leur  firent  contester  chez  l'étranger 

par  quelques  honteux  détracteurs  de  l'Eglise  gallicane   3.. 

L'Eglise  gallicane  vengée  des  détracteurs,  par  les  suffrages  unanimes 
des  évêqués  de  V  II  a  lie ,  de  l'Allemagne  ,  des  Espagncs ,  de  la  Belgique , 
de  l'Angleterre ,  de  l'Irlande ,  etc. ,  comme  par  le  Souverain-Pontife..  Z 
Les  félicitations  de  saint  Cypricn  à  l'Eglise  de  Carthage,  reveudiquées 

à  bon  droit  par  l'Eglise  de  France   3; 

MARTYRS  DE  LA  FOI ,  pendant  t.a  révolution  française  (Alphabet 
historique  de  leurs  noms,  de  leurs  actes  et  de  leur  mort  )  : 

Lettre  A   4 : 

Lettre  B   11; 

Lettre  C   3  ; 

Lettr  •  D  (  jusqu'à  DOR  )   5; 

Additions  et  Corrections   60: 


FIN   DE    LA   TABLb    DU    SECOND  VOLUME.