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Full text of "Les Médecins bretons du XVIe au XXe siècle: biographie et bibliographie"

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L.ES 

MÉDECINS BRETONS 

DU XVI' AU XX' SIÈCLE 
BIO- BIBLIOGRAPHIE 



lANE MID\CKV.VWIIMN 



DU MÊME AUTEUR 

titude physiologique et thérapeutique sur !*acide carbonique 

(tbëse inaugurale), 136 pages, format in-4'*, 1867. 

Secours aux noyés (nouvel appareil de respiration artificielle, 1871), Lepelle- 
lier, rue Séry, Havre. Prix, 1 franc. Mémoire récompensé par plusieurs Sociétés 
de sauvetage. 

Nouveau forceps asymétrique. — Mémoire récompensé par la Société 
médico-chirurgicale de Liège (Belgique), 1875, Paris, 0. Doin. 8, place de 
rOdéon. Prix, 2 francs (avec gravures). 

Dystocie par allongement hypertrophique congénital du col de 
rutérus. — 1877, Paris, 0. Doin, 8, place de rOdéon. Prix, 1 fr. 50. 

Accidents de Tusine et de Tatelier. « Dieppe, Paul Leprêtre, 1879. 

Essai critique sur le traitement chirurgical des kystes hyda- 
tiques du foie. — Paris, 1880, 0. Doin, 8, place de TOdéon. 

De la nécessité de Tinstruction. — Brochure de 50 pages, 1875, J. Bre- 
nier et C', Havre. 

Éducation et instruction. — Discours fait au cercle Sainte-Marie, 25 sep- 
tembre 1877, Albert Mignot, Havre. 

L^enseignement religieux dans rÉcole. — Lettre adressée au rédacteur 
du Courrier du Havre. 

Souvenirs d^ItaUe. — In-8" de 300 pages. Y. Palmé, 76, rue des Saints-Përes, 
Prix, 3 fr. — 1879, Paris. 

La solution du problème. — Brochure de 40 pages, 1880, Dusseaux, Bolbec. 

Voltaire malade. — Étude historique et médicale (avec gravure), Marpon et 
Flammarion, 25, rue Racine. Prix, 3 fr. 50. — 1883, Paris (épuisé). 

Des réformes sociales (Lettre à un ami). — Brochure de 16 pages, 1883, 
Brenier et C% Havre. 

Syndicats ouvriers et régime corporatif. — In-8o de 94 pages, 1884, 
Â. Mignot, Havre. 

Quelques considérations sur la liberté du travail. — Discours pro- 
noncé au cercle Saint-Joseph. — In-8<> de 19 pages, Besnard-Bribre, rue des 
Pincettes, 57. — 1888, Havre. 

D*un cas de ftracture intra-utérine du fémur pendant Taccou- 
chement (6 juin 1886), par traction digitale dans une présentation du siëge, 
guérison sans claudication. — Société des sciences médicales de Lille, 1888. 

Hecquet, docteur, régent et ancien doyen de la Faculté de médecine de Paris, 
Sa vie, ses œuvres, avec un portrait d'Hecquet et une vignette (sceau de Tan- 
cienne Faculté de médecine). ~ Paris, Retaux-Bray, 82, rue Bonaparte, 1889. 
Prix, 1 fr. 50. 



Fracture du fémar chez une feinme &sèede93 ans (appareil TUIjiu^), 
j^iiérison» dècës cinq ans Après* — Journal dfM Sciences médicuUm de UUe, 

Les Médecins normands du XII* au XIX* siècle. T. 1. (Seine- 
Inréricure). Oiogr^pbie et bibliographie ;iv»'t! 5 portrails. lu-8' raisin^ Psiri», 
Sleinheii, 1890, Prii, 7 francs. 

Les Médecins normands du XII* au XIX- siècle. T. II. (Eure. Cul- 
vailos, Mancbts Orne). Itiograpbie l'I iMbliaffraphie avec 5 fxjrlraira Jn-8* misin, 
Paris, Steinheil, î 893. Prix, 7 fr 

Chaque volume »p vend sèpnrénieiit 7 n-ancs : h*» deux valume» enti^itible 
sool vend a s 10 francs. 

Appel aux conservateurs (Pourquoi ta Itepiibliqu^), brocbtire, A, Brin- 
deaii, 1891. 

Liberté et syndicats médicaux. — Urothure iu-H^ fie 16 ii;iRt'(*, ir:ivr«\ 
RrÎQdeau» \mi. 

Edouard Le Héricher, en-rt'fffnt de rbét«riqui\ :niclen pr^^si dent dr i:i ^.^cit?lè 
d'artbi*ciliïgie d'Avniiiehe^(Sotivi*nirs itUimcs), avec ^an \Hn\riiiL AviancbfS, 1893. 

Médecins, Chirurgiens etBarblers* PsiHs, Steiiaiei!, IHîM, frix^i framis. 

Madame de Sévigné malade, — Eiudi* historique el médicafe (gravure), 
Paris, Steiiibi'iU 181)5. Prix, 3 fr, Ml. 

Questions politiquesi s. n* - llâvro, Lcpellelier, I808t io*8<» de 16 j^ges. 

Etude psyoho-physlologique sur Tamour, Paris, J.-D. Bai)liL«r<«, 1890. 
Priï, 1 freine. 

L^Hygiène par r Hydrothérapie. - Oes bains-duueh&s. — Des bains de 
mer. ~ Elude • liraalérique des sUilions balnéaires mnHlimi^a de la France, 
de Ounkerque à Hiarrilz ; avec gravures^ carton cl plan» J -U, Biiillière, ParU» 
ÏBm Pri*. 3 tr. SiO. 



EN PRÉPARATION 



Médecins et Chirurgiens Français illustres 

l/aulcuf «e propûiM» d'écriri» les bioj^rapbiefl des mèiiccins et chirurRJcns îHusIres 
depuifi h* tiii* iiiiteie. Le prf'mier volume, qui s'étendra du xiir au %\n' sVech, 
coinpreniJra environ 30 biographies qui seront toutes accompagni»»^* dt>s portraits de 
ehacQn de ces niédt^ciOH : Jean l'iiard. Guy de Chaidiac, Henri de Monde ville» 
Bofidelel, Ha balais, de Bailinu, Itelon, l^attbln, lliolan, Gui Patin, Dodart, Miurleetu, 
Hfry, Marescbul, Le I*ran, Sllva, Astruc, Bayer, J'\MTeïO, elv,^ etc. 

l^^ second volufne sera consacré aui nièd«;cias illuHlres du xviii* siéck. 



LES 



MÉDECINS BRETONS 



DU XVl" AU XX« SIECLE 



BIOGRAPHIE ET BIBLIOGRAPHIE 

PAR 

le Docteur Jules ROGER 

CBXTAUKB D> BADrr-OHAOOXKX-LK-ORÂKD 



- Perpétuer lo souvenir des hommei qui 
ont été utiles à l'humanité, c'est tout à \k 
fois acquitter la dette de la reconnaissance 
et faire une Ixmne action. » 

NBPrxuii. 



Ouvrage orné des portraits de Broussais, Laënnec, 
Johert (de Lamballe), Alphonse Guértn, Maisonneuve. 



FA. RIS 
J.-B. BAILLIÈRE, Editeur 

19, RUE HAUTEFEUÏLLE, I9 

1000 



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ABRÉVIATIONS 



B. B. L. — Biographie Bretonne Levot. 

N. B. G. — Nouvelle biographie générale, dir. Hœfer. 

B. U. M. — Biographie universelle ancienne et moderne, Michaux 
éditeur. 

B. M. E. — Biographie médicale, Eloy et D. Leclerc. 

B. M. P. — Biogr. méd. du Dict. des se. méd., Panckouke éditeur. 

D. M. D. — Dictionnaire historique de la médecine ancienne et 
moderne par Dezeimeris, etc., Béchet éditeur. 

P. — Publications. 

S. — Sources. 



Nota. — La date de la naissance est précédée d'une étoile ^; celle 
de la mort d'une croix + . 

J'ai suivi l'ordre chronologique. Il n'est fait mention que des 
médecins décédés. 



AVANT-PROPOS 



II y a vingt ans, en lisant VIndex funcreus de Quesnay 
(Recherches sur les origines de la chirurgie), Tidée me vint 
de prouper dans un même ouvrage les Médecins qui, nés en 
Normandie, ont laissé leur nom dans Thistoirc. 

Après un labeur de plusieurs années j'ai pu mener h bien ce 
travail, et, malgré nos tendances modernes qui nous font 
donner à l'actualité une part prédominante dans notre vie 
intellectuelle, mes Médecins normands ont trouvé près du 
public éruditet lettré un bienveillant accueil. 

Qui aime vraiment Tétude ne s'en peut départir, et c'est 
un besoin de l'intelligence d^avoir toujours devant soi un ali- 
ment qui entretienne son activité. 

C'est ainsi que depuis mon second volume des Médecins 
normands^ paru en 1895, j*aî publié un travail sur Mada^ne 
de Sévigné malade^ et que je viens de terminer, et non sans 
un sérieux labeur, mon Ilygitne sur V hydrothérapie, Paris, 
Baillière, 1899, 

L'habitude devient, dit-on, une seconde nature; je me 
suis soumis à ses lois, et j'ai reporté sur Les Médecins bretons 
mes heures d*étude habituelles. On ne se rend pas compte, si 
Ton n'en a pas fait l'expérience, de la somme de travail que 
roo peut produire avec deux à trois heures de labeur quoti- 
dien. Habitué à une grande régularité dans la vie qui en 
double la durée, j'ai pu ainsi avoir toujours le loisir de Tétude 
sans négliger en rien le devoir prolesBionneK 



XII AVANT-PROPOS 

De mes nombreux ouvrages que restera-t-il après moi? 

Alphonse Guérin écrivait à sa femme en 1863 : c Je laisserai 
un nom honoré, mais qui sera bien vite oublié. Je me dis cela, 
et pourtant je ne puis pas me décider à préférer la vie d'un 
sybarite à celle du travailleur. Le travail est dans la destinée 
des hommes qui ont reçu du ciel quelque aptitude aux tra- 
vaux de l'esprit ». Comme lui je pense, et comme lui j'agis. 

Puis encore, le meilleur moyen d'employer le temps que 
nous laissent les nécessités de la vie n'est-il pas de le consa- 
crer au culte des sciences, des lettres et des arts, trînité sainte 
qui séduit et captive toutes les âmes qui ont le sentiment de 
leur élévation. Que d'amertumes de la vie sont ainsi adoucies! 

De tous les hommes, le médecin est, peut-être, celui chez 
lequel s'harmonisent le mieux ces trois facteurs de la vie 
humaine : le cœur, l'intelligence et les sens. 

Moins que d'autres, il ne peut s'abstraire dans une pensée 
systématique, ou s'absorber dans l'idéal, car les faits de chaque 
jour le rappelleraient à la réalité et aux nécessités de la vie, 
que nul ne connaît autant que lui. 

Nul, par ses études, n'arrive à une aussi grande généralisa- 
tion; aussi quelle question n'aborde-t-il pas? 

En face de faits que le monde est prompt à juger, il reste 
indulgent, car, mieux que d'autres, il en saisit l'origine et la 
cause. Mieux que personne il sait que ce que, par euphémie, 
on appelle « faiblesse » n'est pas vice, parce qu'il a étudié la 
nature et connaît ses besoins. 

Si tels sont ces hommes, n'y a-t-il pas intérêt à les bien 
connaître, à les suivre dans leurs luttes, leurs eflforts, leurs 
travaux. Ainsi ai-je pensé. 

Si c'est appeler par là, vers eux, le respect de tous, n'est-ce 
pas aussi les rappeler eux-mêmes à la grandeur de leur rôle 
social si particulier. De telles pensées ne sufBraient-elles pas 
pour déterminer de tels travaux. 



AVANT-PROPOS Xlli 

J'aime encore à rappeler ces paroles du professeur Verneuil, 
en 1865, à l'ouverture des conférences historiques : « Nous 
nous proposons surtout, disait-il, de prévenir et de combattre 
un préjuge qu'on inculque à la jeunesse et qu'elle adopte 
volontiers, un peu par ignorance et beaucoup par paresse, 
préjuge qui consiste à traiter avec dédain les études médicales 
historiques et, par conséquent, ceux qui en font l'objet de 
leurs veilles. 

€ Il faut vous démontrer que l'érudition dont on vous dit 
du mal, ou du moins peu de bien, est bonne, équitable, 
morale, attrayante, utile enfin à la pratique même, aussi bien 
que la science pure >. 

C'est guidé par ces convictions que nous avons écrit nos 
Médecins normands et bretons. 

Pour les Médecins bretons^ la tâche sera moins longue, mais 
non pas plus facile. En effet, si pour les Médecins normands 
j'ai pu relever plus de cinq cents noms de médecins qui ont 
laissé par leurs travaux quelque sillon dans l'histoire, je n'ai 
pu, pour la Bretagne, que recueillir soixante noms environ; 
et ce n'est encore qu'à partir du xvi° siècle que nous les 
trouvons mentionnés. 

La vie si différente des deux provinces, due à tant de causes 
spéciales, l'explique peut-être. Par contre, et c'est ici où la 
tâche sera plus malaisée, la Bretagne a des hommes d'une 
originalité plus complète, plus puissante; les Broussais, les 
Laennec, les Alphonse Guérin, les Jobert de Lamballe, les 
Chassaignac, n'ont pas d'émulé en Normandie; et c'est ce qui 
fera, sans conteste, l'attraction de ces biographies bretonnes. 
Puissé-je réussir dans ce labeur et n'être pas trop en-dessous 
d'aussi remarquables figures. 

Havre, Mars 1899. 



LES 



MEDECINS BRETONS 



ILLE-ET-VILAINE 

MARTIN (François). 

* 15.., ?... Vitré. 
t 16..,?... ?... 

Figure peu intéressante, et dont nous ne saurions rien sans 
doute, sans une expédition aventureuse que lit aux Indes occi- 
dentales, Martin, en qualité de chirurgien. 

11 fit, en effet, partie de l'expédition envoyée aux Grandes- 
Indes, et qui partit de Saint-Malo, en 1601, sous les ordres de 
Protêt de la Bardelière, un de ces hardis Malouins comme 
rhistoire en compte beaucoup. Deux vaisseaux composaient la 
flottille, le Croissant et le Corhin. 

Le Croissant, sur lequel Martin était embarqué, coula devant 
l'île de Tercère à son retour des Moluques, et il fut sauvé par 
un vaisseau hollandais témoin du sinistre. 

11 a laissé une relation qui concerne Sumatra. Cette relation, 
reconnue exacte, dénote un esprit observateur. 

P. — Description du premier voyage fait aux Indes Orientales par 
les Français, contenant les mœurs, les lois, façon de vivre, religions 
et habits des Indiens; une description et remarque des animaux, 
épiceries, drogues aromatiques et fruits qui se trouvent aux Indes ; 
un traité du scorbut, qui est une maladie étrange qui survient à 
ceux qui voyagent en ces contrées. Paris, 1609, in-12. 

S. — B. B. L. — N. B. G. — Histoire générale des voyages. 



2 LES MÉDECINS BRETONS 

BERTRAND (Nicolas). 

* 15.., ?.. Supp. Breton. 
Vl6..,?.. 

Bertrand exerçait h Rennes la profession de médecin et y 
jouissait à juste litre d'une grande réputation. 

P. — Nova philosophandi ratio de urinis, accessit dissortatio singu- 
laris de paralysi biliosâ; Uhedonis, apud Durantum, 1630, in-12. 

S. - B. B. L. 

6ARENGE0T (René-Jacques-Croissant de). 

^ 1688, 16 juin ou 30 julHot, à Vitré (supposé). 
f 1759, 10 décembre, Cologne. 

Nous lisons au Vitréen du 6 janvier 1839 : « C'est vainement 
que, sur les registres de Tancien état-civil de cette ville, nous 
avons fait des recherches pour y trouver Pacte de baptême de 
Garengeot. Dans l'examen du registre de Saint-Aubin-des- 
Landes, où est située la terre de Garengeot, nous n'avons pas 
été plus heureux. Dans le xvn« siècle, on trouve une famille du 
nom de Croissant, de laquelle naquirent deux garçons, Hervé et 
Jean ». Ce dernier pourrait bien être celui qu'on désigne sous 
le nom de René-Jacques. Malgré le vague de ces renseignements, 
nous regarderons, avec Levot, Garengeot comme Breton et né 
à Vitré. 

Garengeot père exerçait probablement la chirurgie à Vitré, ce 
qui a porté à donner au fils Vitré comme lieu de naissance, il 
initia celui-ci à l'art chirurgical. 
Reçu maître ès-arts, René Garengeot étudia la médecine à 
I Angers, puis dans les hôpitaux de la marine. Après deux cam- 

i pagnes sur mer, il avait 23 ans, il vint à Paris, plus riche de 

savoir que d'écus. Il fut obligé de se loger chez un chirurgien 
j qui exerçait la chirurgie et la barberie, et qui jouissait, lui et 

( ses élèves, de la faveur d'assister au cours de Técole de méde- 

i cine. 11 sut par son zèle fixer l'atlenlion de l'anatomiste Wins- 

j low, et il obtint, en 1725, grâce à l'assistance de Mareschal, 

premier chirurgien du roi, dont la générosité éclairée savait 
aller au devant du mérite (car Garengeot sans fortune n'eût pu 



GàREKGEOT 



payer les frais de la maîtrise), l'af^Ti^gation h la communfiut<^ 
des chirurgiens de l*aris. 11 put ensuUe exercer librement. 
C'est h cotte époque qu'il lit avec succès un cours d'analomie, 
Arnaud. Tliiliaud elMery furent ses maures en chirurgie. 

Ses travaux nombreux ot impnrlanls, maigre quelques légi- 
times critiques faites à 1 époque, jusliliérent sa ré|>ulatïon. La 
Société royale de Londres et TAcadémie royale de chirurgie 
l'admirent dans leur sein. 

En 17W, il obtint la place de chirurgicn-major du régiment 
du roi. 

U n'échappa pas, avons-nous dit, h la critique; elle fut juste 
parfois. On lui reproclia de ne s'être pas toujours renferma 
dans les bornes de la modération, et d'avoir plus d'une fois 
gacriflé la vérité à son amour-propre, et d'avoir soutenu les 
assertions les plus fausses. 

Sa crédulité et son amour du merveilleux lui ont suscité 
bien des ennuis. r*armi les histoires portées îi son acquit, celle 
qui a le plus contribué à lui donner le titre de menteur a pour 
objet un nez arraché, tombé dans la boue, lavé dans du vin 
chaud, remis et maintenu en place au moyen d'un bandage 
approprié et si parfaitement réuni que la cicatrice était entiè- 
rement terminée au bout de quatre jours. 

On ne doit pas d*uno manière absolue porter cette liistoire 
au rang des fables, d'aulres faits le prouvent; et si la guérison 
n'était pas complète au bout de quatre jours, la réunion des 
parties pouvait être commencée. 

En chirurgie, il rappela dos préceptes importants, relatifs 
aux cas qui nécessitent l'application dti trépan, et au procédé 
opératoire le plus méthodique pour exécuter celte o(»éralion. 
La flstule lacrymale, les polypes des fosses nasales, le bec de 
lièvre, la liernie étranglée, riiydrocèle, rcmpyème. sont autant 
d'aflections pour lesquelles il proposa de nouveaux procédés 
opératoires. 

On ne connaît pas le véritable inven'eur île la clef à la Garen* 
geot, instrument destiné îi l'extraction des dents. On sait seule- 
ment que Garengeot lui a fait subir de légères et heureuses 



4 LES MÉDECINS BRETONS 

modifications qui, en rendant plus facile l'usage de cet utile 
instrument, y a irrévocablement attaché son nom. 

Garengeot fut un de ceux qui contribuèrent à relever la pro- 
fession chirurgicale que les médecins voulaient toujours tenir 
en déconsidération (Voir mon travail : Médecins, chirurgiens et 
barbiers). 

En qualité de chirurgien-major du régiment du roi, il fit plu- 
sieurs campagnes, et c'est au cours de l'une d'elles qu'il mou- 
rut à Cologne d'une attaque d'apoplexie, le 10 décembre 1759, 
et non en 1739, comme le disent par erreur certains bio- 
graphes. 

P. — Traité des opérations de chirurgie, Paris, 1720, 2 vol. in-8* ; 
2* édit,, 1731, 3 vol. in-8*. — Traité des instruments de chirurgie, 
1723, 2 vol. in-8*; 2* édit., 1727, 2 vol. in-8*. Splanchonologie ou traité 
d'anatomie concernant les viscères, 1728-1739, in-12; 2' édit., 1742, 
2 vol., suivi d'une dissertation sur l'origine de la médecine et de la 
chirurgie. — De l'opération de la taille par l'appareil latéral ou la 
méthode du frère Jacques corrigée de tous ses défauts, 1730, in-12.— 
Myologie française, 1750, in-12. — Myotomie humaine et canine ou 
manière de disséquer les muscles de l'homme et du chien, suivie 
d'une myologie ou histoire abrégée des muscles, 1750, 2 vol. in-12. 
— Divers mémoires dans le recueil de l'Académie des sciences. 

S. — La France littéraire de 1769. — Desessarts, Les siècles litté- 
raires. — Morand, Éloge de Garengeot. — M. B. G. — D. M. D. — B. 
M. E.-D. M.P. — B. B. L. 

DES PORTES (Jean-Baptiste-René-Poupé). 

^ 1704, 28 Septembre, Vitré. 

f 1748, 15 Février, Saint-Domingue. 

Issu d'une famille originaire de la Flèche et livrée depuis 
plusieurs générations à la pratique de la médecine, Des Portes 
suivit celte noble tradition. Il étudia la médecine pendant six 
années à Paris, se lit recevoir docteur à Reims, et fut nommé 
presqu'aussitôl médecin du roi à Saint-Domingue. 

Arrivé au cap Français, il constata le déplorable état dans 
lequel était le service sanitaire, et qu'aucune description des 
maladies des Antilles n'avait été jusqu'ici faite. Il s'y adonna 
avec suite et laissa des observations bien étudiées. Il est exact 



ALLOUEL n 

et fidèle lorsqu'il décrit ce dont il a été témoin. Aussitôt arrivé 
il s*empressa de restaurer l'hôpital et Taccrut de 80 lits. 

11 s'adonna avec zèle à lï^ude de l'histoire naturelle de Saint- 
Domingue, mais ses travaux prouvent des connaissances 
insutrisantes. Il reconnut ripécacuanha qu'il rapporta le pre- 
mier au genre des violelles. Jussieu a donût> le nom de portésia 
h un genre de plantes de la famille des méUacées. 

Il avait rangé les plantes indigènes suivant leur utilité dans 
la médecine et dans les difli^rentes brandies de l'économie 
domeslique. Il donne aussi des renseignements précis sur la 
culture et la préparation du sucre et sur Findigo, le cacao, le 
café, le coton. 

Vingt-deux ans après sa mort, on recueillit les divers docu- 
ments écrits qu'il avait laissés et on en fit trois volumes. Les 
deux premiers ne sont guère qu'une compilation de remèdes 
populairesqu'îl avait reproduite lui-même d'après un empirique, 
nommé Minguet; ils sont sans valeur et n'ont qu'un intérêt 
de curiosité. Le troisième volume est consacré à l'étude de 
plantes indigènes de Saint-Domingue. 

Son zèle, ses mémoires envoyés à Paris, lui valurent, en 
1738, le titre de membre correspondant de TAcadémie des 
sciences, et il justifia toute sa vie la devise qu'il avait adoptée : 
Non nobis, sed reipnblicœ îiali sunm. 11 raoui'ut après seize ans 
de séjour, victime lui-même des fléaux qu'il avait cherchés à 
combattre, au quartier Moren, sur la côte de Saint-Domingue. 

P* — Histoire des maladies de Saint-Domingue, Paris» 1770, 3 vol. 
iii-12. — QuaisL physiol. : aa vita et mors mechanice flaût? (llièse). 

8. - B. B. L. - N. B. G. - B. M, P. - B, M, E, - D, M. D, - 
B. U. M. — Chaudon et Delaudine, Dict. hist. et erit. 



ALLOUEL .... 

^ I70t», \ FvvTÏGr, La-Guen!he. 
t 17S8, ? Nantes. 



Deizemeris, dans son dictionnaire historique de la méde- 
cine, dit : a AJlouel, maître en chirurgie et docteur en méde- 



6 LES MÉDBCmS BRETONS 

cine, a publié deux ouvrages depuis longtemps oubliés et qui 
ne méritent pas qu'on les rappelle. » 

Levot,danssa biographie bretonne, en parle autrement : « Il 
enseigna, dit-il, avec succès, l'analomie à Paris, et ses cours 
furent suivis même par des étrangers. Appelé à Gênes par le 
Sénat de cette ville, il y ouvrit des cours publics qui n'eurent 
pas moins de succès qu'à Paris. A son retour h Paris, il fut 
nommé prévôt des chirurgiens et présenta à l'Académie, dont 
toutefois il n'était pas membre, plusieurs observations. On dit 
que celle-ci le tenait éloigné parce qu'on redoutait sa fran- 
chise et ses lumières. Il revint à Nantes où il exerça la méde- 
cine avec zèle et habileté ». 

p. — Étymographie ou véritable origine des mots d'usage en ana- 
tomie et en chirurgie, avec un tableau des maladies en général, Paris, 

1776, in-12; Monaco et Paris. — Abrégé d'ostôologie, Paris, , 

in-12. — Diverses observations insérées dans les mémoires de TAcad. 
de chirurgie. 

S. — B. B. L. — D. M. P. — Ersch, La France littéraire. 

LA METTRIE (Jullen-Ofh^ay de). 

^ 1709, 24 Décembre, Saint-Malo. 
f 1751, 11 Novembre, Berlin. 

Fils d'un riche négociant de Saint-Malo, La Metlrie devait, 
selon le désir de ses parents, embrasser l'état ecclésiastique. 
Mais La Mettrie ne tarda pas à montrer que, pour un tel état, il 
n'était guère fait. 

Après de brillantes études h Caen, terminées à Paris sous la 
direction de l'abbé Cordier, fameux janséniste dont il embrassa 
avec ardeur les idées, il revint à Saint-Malo et obtint de son 
père qu'il lui rendît sa liberté. 

Sur le conseil d'un ami, il embrassa la carrière médicale, 
plus conforme à ses goûts et en rapport avec des connaissances 
d'histoire naturelle déjà acquises. 

Reçu docteur à Reims, en 1733, il se rendit aussitôt après à 
Leyde auprès de Boerhaave dont il traduisit plusieurs ouvrages ; 
mais son maître meurt et il se décide à revenir à Saint-Malo. 



LA MBTTRIE 



Là, pendant quatre ans, il s'occupe de la Iraduclion on de la 
composition de divers ouvrages. Il fréquente la maison d'une 
convulsionnaire, la veuve Duval, chez qui se renouvelaient h 
huis-clos les folies mystiques dont le tombeau du diacre Paris 
avait déjh éti^ le Iht^Atre dans le cimetière de Saint-Médai'd. 
De telles extravagances ne purent que fâcheusement retentir 
sur celte imagination vive et raotiile. 

Hais il va quitter Saint-Malo, appelé par Morand qui obtint 
pour lui, grâce ?i la protection du duc de Grammont, la place 
de médecin du régiment des gardes-lraneaises. Nous sommes 
en 1742. 

Il suit son régiment et assiste à la bataille d'Etlingen, puis 
âu siège de Fri bourg. Jusque-là sa vie a été calrae et régulière; 
de ce jour elle va devenir un tissu de divagations et d'incohé- 
rences pour finir d'une manière honteuse. 

Il tombe malade à Fribourg, et sentant, pendant sa maladie, 
l'afikiblisscmeïït de ses facultés morales et hiteîlectuelles, il en 
conclut que la pensée n*est que le produit de Torganisme, 
« une sécrétion du cerveau >s suivant la formule moderne; et 
de cette remarque, il fera la base de tous ses écrits, mécon- 
naissant, comme tant dantres, consciemment ou non, de dis- 
tinguer les rapports qui existent entre le physique et le moraL 

11 se plaît a refaire la vieille et banale objection de tous les 
malèriahstes depuis Épicure et Lucrèce, « Erreur commune à 
tous ceux qui n'ont point su analyser rentcndcmcnt humain; 
ce n'est pas le moi, en efTet, ce n'est pas resprit indivisible de 
sa nature qui tombe ainsi en ruine avec le corps ; ce sont nos 
facultés secondaires, c'est la sensibilité avec tous ses modes, 
la sensibilité auditive, olfactive et visuelle ; c'est la mémoire, 
ce sont les passions ; niais tout cela n*est pas le moi; les [ms- 
sions agitent le moi, elles Tentravent, elles Taveuglcnt, mais 
elles ne le constituent pas, Linlellîgence elle-même ne doit 
pas être confondue avec le moi; elle réelairc, elle le guide, 
mais le moi en est tellement distinct qu'il a la conscience do 
toutes ses incertitudes et de toutes ses faiblesses; il sent par- 
fois que ce flambeau va s'éteindre ou qu'il va l'entraîner dans 



8 LES MÉDECINS BRETONS 

les abîmes de la démence ». Dubois d'Amiens, Éloge de Brous- 
sais. 

Et pour défendre ses idées, on le voit aussitôt publier son 
Histoire naturelle de Vâme, où il arrive « par une suite de déduc- 
tions, à conclure qu'une société d'athées se soutiendrait mieux 
qu'une société de dévots; que la morale au lieu de découler de 
lois immuables, est le fruit arbitraire de la politique ». 

Ce n'est pas assez pour lui d'écrire un ouvrage qui outrage 
la raison, il va s'en prendre à ses confrères, et il publie bientôt 
après une violente satyre : Politique des médecins. 

L'opinion se lève contre lui ; il est privé de sa place de méde- 
cin des gardes et de médecin des hôpitaux des armées, et il 
doit songer, pour éviter la Bastille, à s'exiler. 11 se réfugie à 
Leyde(i746). 

Son imagination dévergondée ne s'arrêtera pas; il écrit une 
nouvelle satyre contre les médecins et presque en même temps 
son Homme-machine, le plus important de ses ouvrages, où il 
ravale l'homme au niveau de la brute, formés, dit-il, l'un et 
l'autre d'une même pâte dont la nature a seulement varié le 
levain. 

Il va de nouveau être exilé. Les Réformés de la Hollande 
s'indignent de tels écrits et les magistrats de Leyde lui 
intiment l'ordre de s'éloigner, et ordonnent de brûler son livre. 

Mais où va-t-il aller? 11 est accueilli à Berlin (1748) par Fré- 
déric II qui lui donne asile comme à une victime de l'intolé- 
rance politique et religieuse. Celui-ci le nomme son lecteur et 
le fait admettre h l'Académie de Berlin. 11 y aura à la cour 
(( l'athée du roi », comme autrefois les monarques avaient 
leurs « fous ». Mais, ceux-ci, honneur à nos rois francs, 
avaient plus noble attitude à la cour. 

La Mettrie sut divertir le monarque prussien par sa gour- 
mandise ainsi que par ses propos obscènes ou irréligieux. « Il 
entrait dans son cabinet, comme chez un ami. En tout temps 
il se jetait et se couchait sur les canapés quand il faisait chaud, 
il ôtait son col, déboutonnait sa veste et jetait sa perruque par 
terre ». 



lA ItETTHlS 



^ 



Mais qui Teût cruî Au milieu de cette orgie de parades et de 
botîibances, La Mettrie s'ennuyait; il pleurait! « La Mcltrie 
brûle de relourner en France, rcril Voltaire. Cet hoinmcsi gai, 
et qui passe pour rire de tout, pleure quelquefois comme un 
enlant d'être ici »). 

Mais cette triste existence va avoir un tenue et les démarches 
de Vollaire auprès du duc de Hiulielieu. pour obtenir sa grâce, 
ne seront pas nécessaires. 

L'arbre, dit-on, tombe du colé où il penche, cl La MeLtrie va 
mourir comme il avait vécu ; « Ce La MelLrie, écrit Voltaire au 
duc de Richelieu, cel homme-machine, ce jeune médecin, cette 
vigoureuse santé, cette folle imagination, tout cela vient de 
mourir pour avoir mangé, par vanité, tout un pâté de faisans 
aux truffes ». 

«c II s était avisé, écrit Frédéric à sa sœur, de se faire saigner 
pour prouver aux médecins allemands qu'on pouvait saigner 
dans une indigestion; cela lui a mal réussi, n 

Frédéric 11 fit son Élùge, et s*il faut en croire Voltaire, faisant 
violence à sa parcimonie, le monarque accorda une pension 
de six cents livres a une fille que La Metlrie avait emmenée de 
Paris, quand il avait ahandoTiné sa femme cl ses enfants 1 

La Mettrie a été jugé sévèrement et» vraimcntjl y a quelques 
raisons, et non seulement par les « Dévots », mais aussi par les 
a Philosophes « eux-mêmes qui Font renié et ont montré son 
ignorance. 

Sesœuvres scientifiques ou médicales n'ont aucune valeur, et 
ses œuvres littéraires et philosophiques sont plus médiocres 
encore et réprouvées par tous, u 11 est regretlé de tous ceux 
qui Tonl connu, écrivait Frédéric. Il était gai. bon diable, bon 
médecin et très mauvais auteur, mais en ne lisant pas ses 
livres, il y avait moyen d*en être très content w. 

Bouffon, gouailleur cl gourmand, cet homme a été singuliè- 
rement surfait, « Les circonstances plus qu'un mérite réel, dit 
Jourdan, ïnvciil la source de sa célébrité. Dans un autre temps, 
La Mettrie if aurait été remarqué ni parmi les savants ni même 
dans les cercles frivoles de la liaule société; homme d'esprit. 



10 LES MÉDBCmS BRETONS 

mais sans goût, sans instruction solide et frondeur par carac- 
tère, il fut matérialiste parce que son siècle avait la dévotion ». 

a Ses raisonnements, dit d'Argens, sont faux, inconséquents 
et d'un frénétique. » 

Diderot le peint comme un auteur sans jugement « dont on 
reconnaît la frivolité de Tesprit dans ce qu'il dit, et la corrup- 
tion du cœur dans ce qu'il n'ose dire dont les sophismes 

grossiers mais dangereux par la gaieté dont il les assaisonne, 
décèlent un écrivain qui n'a pas les premières idées des vrais 

fondements de la morale dont la tête est si troublée et les 

idées sont à tel point décousues, que, dans la même page, 
une assertion sensée est heurtée par une assertion folle, et une 
assertion folle par une assertion sensée ». 

« Il est mort comme il devait mourir, victime de son intem- 
pérance et de sa folie; il s'est tué par ignorance de l'état qu'il 
professait. » Pauvre médecin, triste philosophe! Déséquilibré, 
certes La Mettrie Tétait. Y avait-il ici de Talavisme, et dans sa 
famille y eut-il des névrosés? 11 est permis de se le demander. 

p.— Traité du vertige avec la description d'une catalepsie hystérique, 
Rennes, 1737, in-12; Paris, 1738, in-12. — Lettres de M. D. L. M., doc- 
teur en médecine, sur l'art de conserver la santé et de prolonger la vie, 
Paris, 1738, in-12. — Nouveau traité des maladies vénériennes, 1739, 
in-12. — Traité de la petite vérole, avec le traitement des plus habiles 
médecins, Paris, 1740, in-12. — Essai sur l'esprit et les beaux esprits, 
Amsterdam, s. d., 1740, in-12. — Observations de médecine pratique, 
Paris, 1743, in-12. — Saint-Come vengé ou critique du traité d'Astruc, 
de Morbis venereis, Strasbourg, 1744, in-8*. — Histoire naturelle de 
l'ûme, traduite de l'anglais do Scharp, par feu H..., La Haye, 1745, 
in-8'; Oxford, 1747, in-12. (Cet ouvrage n'est pas une traduction, 
mais de La Mettrie). — Politique du médecin, do Machiavel, ou le 
chinois de la fortune ouvert aux médecins, ouvrage réduit en forme 
de conseils, par le docteur Fum Iloc-IIam, et traduit sur l'original 
chemin par un nouveau maltre-ès-arts de Saint-Como, première par- 
tie qui contient les portraits des plus célèbres médecins de Pékin, 
Amsterdam, s. d., 1746, in-12. (Ouvrage condamné, par arrêt du parle- 
ment de Paris, du 9 juillet 1746, à être lacéré et brûlé en place de 
Grève). — La Faculté vençjée, comédie en trois actes par M..., docteur, 
régent de la Faculté de Paris, Paris, 1747, in-8*; édit. posth. sous ce 
titre : Les charlatans démasqués ou Pluton vengeur de la société 



BERTIN 



1! 



de môdecino, coniédio ironique oa trois actes, Paris ai Goncvo, 1762, 
in-8*. — Lliomme machine, Loydo, 1748, in-12. (Ouvragô brûlé par 
ordre desma0istrats «le Leydo et expulsion de lauLeur), — L'iiomme 
plante, Poslrtani. s, d., 1748, in- 12, — Ou\Ta(jt> do l'êatîiope ou le 
Machiavel en ui**<le(:ica\ (Il aLtaf|in^ \i}H uiédeeins les plus illustres). 

— Lés animaux plua qu<> inanhiueH, Herliïi, 1750, iu-8*, — Hi^Uèxious 
phil«jsùphi(iues yur ruri^ine des auiuiuux, Berlin, n'iO, iû'4*. — 
'Inuto tie l'usthme et di» la dysï4enterii% 1750, in-8'. — L'art de jouir, 
Berlin, 1751, in-i2. — Vénus mètaphy.sique ou essai sur Tonyine de 
l'Ame humaine, Berlin, 1752, in-12* — Epttre à mon esprit ^ Paris, 
1774, in-8\ (Les œuvres rOunies ont été publiées; l'édition la plus 
complète est celle de 1796; elle contient l'éloge de la Mettrie par Fré- 
déric le Grand). Les œuvres de médecine ont été publiées à Berlin, 
1755, in-4\ Il a traduit en outre sept ouvrages de Boerhaave. 

S,— Frédéric II, Éloge de la Mettrie et correspondance.— Diderot, 
Essai sur les règnes de Claude et do Xeron. — Voltaire, Correspon- 
dance. — Thiùbûut, Souvenirs d'un séjour à Berlin. — Virey, 
Dict. de la convers. — Artaud, Encyclopédie des gens du monde. 

— Damiron, Mémoires pour servir à rtiistoire de la philosophie 
du dis-huitième siècle, T, L — Querard, La Franco littéraire. — 
Damiron, Séances et trav^aux de TAcad, des sciences morales 
et politiques, T. Vil, 2 Ser. — L'abbé Doniua, Prusse littéraire, 
T. IIL — D, M, D. - N. B. G. — B. B, L. 



BERTIN (Exupère-Joseph). 

* 1712, 21 Septembre, Tremblay, 
t 1781, 21 Février, Gahard. 

Issu d'une famille distinguée de Bretagne, Berlin perdit à 
Tàgc de truis ans, suo père, médecin 1res éclairé. Resté orphe- 
lin, presque sans fortune, Berlin dut commencer chez lui ses 
éludes et vint les achever à Rennes. Après sa pliilusupliie, il 
sentit naître en lui le goût des sciences pliysiques et il résolut 
d'être médecin. Mais, sans ressources sutlisantes, il retourna 
au Tremblay où il passa une année. 

Ce fut alors que, s'étanl procuré une anatomie de Verheyen, 
il l'apprit si coniplètemeot qu'ayant eu l^occasion d'assister à 
une autopsie, il étonna les iiiédecius qui la faisaient et qui 
recoururent à ses lumières. 

Peu après, il se rendit à Paris et se livra à rélude avec uno 



12 LES MÉDECINS BRETONS 

infatigable ardeur. Humaud ne tarda pas à le distinguer et 
l'associa à ses travaux. 11 le chargea même, quoiqu'il ne fut 
encore que simple bachelier, de présider avec lui aux examens 
des autres bacheliers. 

Berlin fut reçu docteur à Reims, en 1737, et à Paris, en 1740; 
ses vesperies sont du 24 octobre, son doctorat du 26 du même 
mois, et sa pastillaire du 23 novembre. Mais, sans ressources, 
il se vit obligé d'accepter la place de premier médecin de 
THospadar de Valachie et de Moldavie. Ce prince est rappelé à 
Constantinople environ deux ans après; mais Bertin, eflFrayé 
par les actes de despotisme aveugle et sanguinaire dont il avait 
été le témoin, doué en outre d'une nature sensible et faible, 
refusa les offres brillantes qui lui furent faites et revint à Paris. 
Après avoir heureusement traversé la Hongrie, il se rendit à 
Vienne, où il obtint de l'impératrice, alors en guerre avec la 
France, un sauf-conduit. Quelques auteurs prétendent qu'en 
traversant ainsi l'Allemagne, il fut volé et poursuivi par des 
assassins, et peut-être même par son escorte. D'autres pré- 
tendent qu'il se persuada pendant le trajet que ses gardes, 
dont le langage lui était inconnu, tramaient un complot contre 
sa vie; il s'échappa et fut chercher sa sûreté dans un marais 
où il resta longtemps plongé jusqu'au cou. Après bien des 
recherches, ses gardes le retrouvèrent; on parvint à le rassu- 
rer, et il arriva en France sain et sauf. 

11 se livre alors au travail avec une ardeur infatigable, mais 
cet excès l'épuisa; des disputes scientifiques retentissent sur 
sa nature débile et il tombe sérieusement malade en 1747. Ce 
fut au sein de l'Académie des sciences qu'il sentit la première 
atteinte de sa maladie. Buffon, à côté duquel il était assis, lui 
porta les premiers soins. La maladie débuta par un accès de 
délire, suivi d'un accès de léthargie qui dura trois jours et qui 
se répéta ensuite à des intervalles plus ou moins longs. 

En 1750, cette maladie disparut complètement; son esprit 
reprit toutes ses forces et sa mémoire, très heureuse, toute son 
acuité. Quelques auteurs ont prétendu qu'il fut atteint de mono- 
manie, caractérisée par un état habituel de crainte et de 



BERTIN 



n 



frayeur; ne doit-on pas plutôt voir là un accès de neurasthénie. 
Lissue de la maladie Lend certes à donner raison à cette opinion. 

Enfin, un jour, ses forces le traliireol et il revint à Gahard, 
près de Rennes, où rédocation de ses entants fut la plus douce 
occu[)ation de sa vieillesse, et i! y mourut d'une pneumonie, le 
SI février 1781, âgé de G9 ans. 

Ses œuvres sont imiiortaïites et légitiment sa réputation» Ce 
fut un anatomiste distingué. 

Le principal ouvrage de Bertin est un traité d'ostéologie 
imprimé à Paris, en !75i, quatre volumes in-!2. Il a décrit et 
examiné les os secs et les os frais avec beaucoup d^exactitude. 
Il a découvert deux sinus dans les racines des petites ailes 
du sphénoïde, desconduilscreusés dans les os maxillaires supé- 
rieurs qui reçoivent quelques vaisseaux sanpîuins et quelques 
nerfs des dents. 

En 1737, il avait communiqué à TAcadémie des sciences ses 
recherches sur les nerfs récurrents et sur raoastomose des 
veines épigaslriqucs et mammaires. 

Dans le mémoire qu'il lui soumit, en 1716, il explique Torga- 
nisation de l'estomac du cheval, el reconnaît que Timpossibi- 
Uté de vomissement chez cet animal n'est pas due h une val- 
vule, mais a un sphincter qui s'oppose à la sortie des aliments, 
et que les plans musculeux de son estomac offrent la même 
disposition que chez T homme. H aller confirma plus tard ces 
observations judicieuses; ce fut lobjet d'une contestation 
entre bii et ce physiologiste, mais llalier ne put enlever à Ber» 
tin la gloire de la première découverte. 

Son mémoire sur la circulation du sang dans le fœtus, est 
Tun de ceux où il a fait preuve de plus de talent. Ses remarques 
relatives aux efléts de la respiration sur les veines du foie, 
renferment des vues dignes d'attention. 

11 consacra un autre travail à prouver que, dans un grand 
nombre d'animaux, les points et les conduits lacrymaux 
n'existent pas, et que les larmes aiYivent dans le sac par une 
simple ouverture. Cette disposilion explique la l'areté des fis* 
Iules lacrymales chez un grand nombre d'animaux. 



14 ixs n^iwims Barras 

Bertio souleva aussi one dismssîOD qui ne fat pas résotoe à 
son aTaotage : il s'agissait de déterminer le terme de Taficoa- 
chement 11 prétendit que sll j a des ports de sept mc«s, c'est 
parce qae te fœtus est, dans ce cas, plus capable d'atteindre 
âa [»erfecli»»n en p^u de tem(.s, recevaiit Je sa mère une plus 
grande quaritiu* de ■• sucs nourriciers *»; mais, D>maie il y a 
des m*;rrrs et des fœtus qui n'ont i»as cette disposition a un 
aussi haut degré, il en résulte que les gr«. ssesses sont prolon- 
gées et les accouchements retardés jusqu'au onzième mois, et 
même plus tard; ainsi s'expliquaient les naissances précoces 
ou tardives. 

Une telle théorie était inadmissible, et BouTart réfuta solide- 
ment ces opinions et prouva qu'il nj a pas de grossesse pro- 
longée au delà du terme normal. 

Cet a[>erçu de ces principaux travaux ne peut mieux se ter- 
miner que par la saine appréciation qui en a été faite : « On 
trouve, en effet, dans tous les ouvrages de Bertin, une érudi- 
tion exacte et profonde, el l'art si important de décrire avec 
métiiode et avec clarté, porté au plus haut degré; des vues 
grandes, mais Ujujours sages, et qui ne s'étendent jamais au 
delà de ce qu'il est possible de savoir et de prouver. 11 se livra 
souvent à une critique un peu sévère des travaux des" autres, 
mais cette critique lut toujours dictée par rimpartialité et 
l'amour du vrai. Toutes ses recherches prouvent une attention 
scrupuleuse a laquelle les plus petits détails ne peuvent échap- 
I>er, une adresse singulière dans les moyens de forcer les 
parties qui semblent les plus imperceptibles à découvrir et à 
laisser voir les secrets de leur organisation ». dualités qui dis- 
tinguent ranalomisle; et c'est là où il lit ses meilleurs travaux. 
La science a gardé son nom. C'est à lui qu'est due la première 
description exacte des cornets sphénoidaux, connus depuis 
sous le nom de Cornets de Berlin. 

En 1744, Berlin fut élu associé-analomiste de l'Académie des 
sciences, sans passer par le grade d'adjoint; en 1748, il en fut 
nommé associé- vétéran. 

p. — Krgo causa motùs alterni cordis multiple, Paris, 1740, in-4*. 



BUSSON 15 

— Collection des thèses anatomiques de Hallcr. — Ergo non datur 
imaginationis matornaî in fœtum actio, Paris, 1741, in-4*. — Lettre 
à M. D... sur le nouveau sjstème de la voix, La Haye et Paris, 1745, 
in-8". — Lettre sur le nouveau système de la voix et sur les artères 
lymuliatiques, Paris, 1748, in-12. — Ergo specificum morsùs viperas 
antidotuni alcali volatile, Paris, 1749, in-4". — Ergo condimenta 
sanitnti noxia, Paris, 1751, in-4". - Traité d'ostéologie, Paris, 1754, 
in-12; trad. en allemand, Copenhague, 1777-1778, 4 vol. in-8* (impor- 
tant ouvrage). — Consultation sur la légitimité des naissances tar- 
dives. 

Nombreux travaux dans les mémoires de l'Acad. des sciences et dans 
le Journal de Médecine ; voici les titres des principaux : Nouvelles 
découvertes en anatomie; Conséquences relatives à la pratique 
déduites de la structure des os pariétaux ; Description des cornets 
sphénoïdaux; Recherches sur la structure des reins; Mémoire sur 
la structure de l'estomac du cheval ; Mémoires sur la circulation du 
sang dans le fœtus ; Mémoire sur le cours des esprits animaux ; 
Mémoire sur l'eilet de la respiration sur les veines du foie; 
Remarques sur la circulation du sang dans le foie ; Mémoire sur la 
comparaison de l'appareil lacrymal chez l'homme et les animaux. 

S. — Condorcet, Éloge de Bertin. — Le Bas, Dict. encyclop. de la 
France. - N. B. G. — B. B. L. - B. U. M. - D. M. D. - B. M. P. 

- B. M. E. 



BUSSON (JuUen). 

^ 1717, il Mai, Dinan. 
f 1781, 7 Janvier, Paris. 

Issu d'une famille de négociants aisés, Busson, ses éludes 
classiques terminées, renonça à l'état ecclésiastique que Ton 
désirait qu'il embrassa et commença ses études médicales. 

U fut reçu docteur de la faculté de Paris en 1742. 11 avait 
cette aisance facile que donne une bonne éducation, une élo- 
cution naturelle et aisée, une très heureuse mémoire, aussi 
devint-il promptement un médecin instruit et recherché. 

La duchesse du iMaine lui fait épouser une de ses demoiselles 
d'honneur et le nomme en même temps son lecteur et son 
médecin ordinaire; mais la vie active qu'il mène altère sa 
santé et il est obligé de revenir à Rennes pour prendre du 
repos. 

a 



IG LES MÉDECINS^BRETONS 

Lk aussi, ses mérites sont appréciés, et il est nommé méde- 
cin des mines de Pont-Pean, inspecteur des hôpitaux, secré- 
taire de la société d'agriculture et médecin du duc d'Aiguillon 
qui commandait la province. 

Des troubles parlementaires éclatant à Rennes, en 1769, il 
est obligé de s'éloigner et revient à Paris, et la comtesse 
d'Artois le nomme son médecin (1773). Il meurt huit ans après, 
atteint d'un polype au nez qui résista à tous les efforts de Tart. 

Parmi ses travaux, nous n'avons qu'à noter son travail sur les 
maladies de l'oreille qui sont restées si longtemps mal connues. 

P. — Ergo absque membranas tympani aportura topica in concham 
injicipossunt, Paris, 1742, in-8'. — Non ergo ab origine raonstra, 
Paris, 1743, in-4*. — Ergo in resectis artubus carin sogmina reservare 
satius, Paris, 1764, in-4*. — Busson a revu et corrigé le Dict. univ. 
de méd. et de chirur., etc., traduit de l'anglais, 1746-1748, 3 vol. 

S. — Eloy, Dict. de la Méd. — Quérard, La France littéraire. — 
N. B. G. - B. B. L. - B. U. M. - B. M. P. 



REVER D'HERMONT (Bonaventure-Bernard). 

^ 1738 ? Dol. 

f an IV, 9 Frimaire, Dol. 

Reçu docteur en médecine de la faculté de Paris, il vint se 
fixer dans sa ville natale. U devint, en 1789, membre de la 
communauté de sa ville natale, puis ensuite membre de 
l'administration départementale d'Ue-et-Vilaine et du direc- 
toire de Dol. En mourant, il légua à cette ville ses livres et ses 
manuscrits. 

P. — Des maladies des yeux par Ferrein, annotées par Rêver. 

S. — B.B.L. 

BLIN (François-Pierre)- 

^ 1756, ?..., Rennes. 

f 1834, 4 novembre, Chantenay. 

Reçu docteur à Montpellier, Blin vint se fixer à Nantes; mais 
il dut compter avec le collège de médecins Nantais qui ne per- 



BLIN 



raetlaient pas le libre exercice professionnel sans avoir passé 
Tagrégalion. Blin dut se soumeltre. C'était allenlatoire au 
pnucj|)e de la libertés mais la mesure était favorable aux prati- 
eiens qui ne voyaient pas ainsi s'accroître dans la même 
Incaiitt' le nombre des confrères. Le môme casse présentera 
pour Laennec (Guillaume); mais il fallut plaider devant le 
Parlement qui donna gain de cause h Blin, sous cette reserve 
qu il soutiendrait aux écoles de Rennes, une thèse probatoire. 

Elu, au mois de Mars 1789, député de Nantes aux Etats-Géné- 
raux, il se mit au rang des libéreurs les plus avancés. Pendaîit 
qu'il siégea à rAssemblée constituante, il travailla à plusieurs 
journaux, notamment à VAmi des Patriotes, feuille bebdoma- 
daire dans le sens de la constitution de 179!* 

L'Assemblée constituante s'étaot séparée, il revînt à Nantes 
où il continua d'exercer la médecine. En 1793, il se lit fédéra- 
liste. Comme tel et comme ex-constituant, il fut forcé de cher- 
cher un asile contre la Terreur et se réfugia îi Noirmoutiers. 
Charrette s'empara de cette ile. et il fut conduit il Rouen avec 
les prisonniers qui, au nombre de 180, lurent lusillés par les 
ordres de Charrette. Cette exécution eut lieu au mois d'Octobre 
et précéda, par conséquent, les re]>résailles exercées à Nantes. 

Ce fut après que Blin écrivit ii Robespierre la lettre (incom- 
prise) d'un ex-constituant; et il fut. peu après, nommé médecin 
en chef de l'armée de 1 Uuest. Puur obtenir, a TéjKjquc, une 
> place semblable, il fallait cire, comme on disait, dans ks 
jMoHdes principes. 

Lors de rétablissement de rhùpital militaire de la Visitation, 
fondé GO 1795 et supprimé en 1801, Blio y fut chargé du service 
médical. 

Admis l'un des premiers à Tlnstitut départemental des 
sciences et arts de Loire-lnférleure, il lut, le G Décembre 1800» 
un travail sur la maladie épidémique qui régnait h Cadix. Ce 
travail plein de vue neuve et intéressante fui imprimé dans les 
Mémoires de llnstitut, 

Blin, à celle époque^ possède la plus belle clientèle de Nantes. 
Il est nommé administrateur des hôpitaux et professeur d1iy* 



18 LES MÉDECINS BRETONS 

giène et de thérapeutique h Técole secondaire de médecine de 
Nantes (1808). Il fit ce cours jusqu'en 1822. 

En 1815, devenu royaliste réactionnaire, il fut nommé aux 
fonctions de conseiller de préfecture de la Loire-Inférieure, 
qu'il remplit jusqu'en 1830. Lors de l'établissement des cours 
prévôtales, ce fut sur son instigation que Tlnstitut départe- 
mental fut fermé sous prétexte qu'il recelait dans son sein des 
idées libérales défavorables au nouveau pouvoir. 

Il eut, à la même époque, des démêlés regrettables avec le 
chirurgien Darbefeuille et avec Laennec qui, exaspéré d'une 
injuste destitution, reprocha publiquement à Blin d'avoir 
retourné le bonnet rouge qu'il portait pendant la Révolution, 
Blin en convenait et quand on lui objectait sa conduite passée, 
en contradiction avec ses actes actuels, il répondait en riant 
qu'il avait bien mérité d'être pendu. 11 affecta, vers la fin de sa 
vie, une iferveur religieuse non moins vive que sa ferveur 
politique ; mais lorsque près de mourir on s'adressa à un prêtre 
qu'on croyait son confesseur, celui-ci répondit qu'il ne l'était 
pas. On s'adressa à un second, puis à un troisième qui firent 
la même réponse, et on en conclut que Blin n'avait pas de 
directeur spirituel. Girouette et comédien. 

Blin avait la réputation d'un médecin habile. Il était fort 
instruit, lisait continuellement Horace et possédait les langues 
anglaise, italienne et espagnole. Disciple émérite de Brillât 
Savarin, il vivait grandement. Aussi a-t-il justifié le proverbe : 
(( Quand la cuisine est grasse, le testament est sec »; mais il 
éleva ses enfants. 

Blin était chevalier de la Légion d'honneur. 

p. — Lettre à M. Moussier, député du Dauphiné, sur l'ouvrage 
intitulé : « Considérations sur les gouvernements et particulière- 
ment sur celui qui convient à la France. » Paris, Beaudoin, 1789, 
in-8* de 46 pages. ■— Opinion sur les réclamations adressées à 
l'Assemblée nationale par les députés extraordinaires du commerce 
et des manufactures do France, relativement aux colonies. Paris. 
1790, ln-8* de 39 pages. — Quelques remarques sur l'épidémie va- 
rioleuse qui a régné à Nantes, en l'an IV, par F.-P. Blin, docteur en 
médecine. Recueil périodique de la Société de médecine do Paris, 



LE HARDY 



19 



T. \T, p. i36 et siiîv., an VIT de la R/^p* — Rapport sur la maladie 
épidêmique. Cadix, traduit de rKspïnjnol, in-S" de 54 p, — Troitô 
complet du clioléru luurbus do l'Inde, ou rapport sur le choléra 
Ltpidéniif|ULS etc, traduit do riiuybiis par F^-P. BUn, Nautes, Mer- 
von, IHiU. 

S. — B, B. L. — Juurnal royalistû Vlkrm'uie, 1 novombro 1834, 



LE HARDY (Pierre). 

* 1758, 10 Février, Dinan, 
t 1793, 31 Octobre, Paris. 

Le Hardy esL un de ceux que les événements poliliques arra- 
chiTent il leur vie professionnelle et qui en furent la victime. 

Nommc'î député du Morbilian h la Convention nationale, à 
l'unanimité et par acclamation, comme le plus hooirae de 
bien» Le Hardy sut montrer la noblesse et la fermeté de son 
caractère. 

n combattit Manuel qui attaquait la constitution du clergé, 
et déclara que u sans les évéquesja Réiiublique sérail perdue». 
Il souleva les murmures de la Convention lorsqull osa dénon* 
cer le ministre Pache comme la principale cause de la désor- 
panisation de Tarmée. 

Lors du procès de Louis XVI, il vota rappel au peuple après 
avoir fait entendre co noble et ferme langage : <t Je regarderais 
la liberté de mon pays comme anéantie, si nous étions à !a 
fois accusateurs, jurés, juges et législateurs. Non, nous ne 
Sûniuîcs pas juges. Si Je considérais la Convention comme 
juge, je demanderais qu'elle exclut au moins soixante de ses 
membres. La njallieui-eo^e liistoirc de tous les peuples nous 
apprend que la mort des rois n*a jamais été utile à la liberté. 
Je demande que Louis soit mis en état de détention tant que 
la République courra quelques risques ou jusqu'au moment 
où ie peuple aura accepté la Constitution, alors, et seulement 
alors, vous décréterez le bannissement », 

Le 2(5 février, il demanda l'accusation de Maiat, comme 
ayant (»réché le |ûllage. Il lut bientôt en butte aux attaques 
dirigées contre les Girondins et son expulsion fut nominative- 



ment dercand'ée !«e 15 ittU pv S sectioQS de Puis. Le 31 mai 
1793, à l'occ^ion de Li 5ap;:-fe§£îoa des Dooie, fl demanda 
qu'on fit corir-altre ij f^^î^P^^ -im^ qad état se trooTait la 
représenUtion HitioLile. 

Il fat niis en élit d'ân^stali«>n le 2 join et dêcrêlé d'accusa- 
tion le 3 *>:*• bre suiranf. Le grief le plus sérieux articulé 
contre lui fut d'avoir montré le p»:»ing à la Montagne dans une 
réunion tumultueuse. Traduit devant le tribunal révolution- 
naire le 30 oclotre, il fat condamné à mort et exécuté le lende- 
main. II subit !a mort avec courage. 

S. — Moait^rjr (j^n-rsî. 1792, a^ IL an III. — B;o.jr. mod., 1806. — 
Biogr œuvtLX.. ISiô. — B. B. L. — N. B. G. 

DUVAL. (François-Louis). 

♦ 1760, 21 Septembre, La Teurtrais. 
t i^2:'f, 11 Juillet, Rennes. 

Le quatorzième enfant d'une honnête famille de cultivateurs, 
Duval fit ses éludes à Rennes et y commença celles de la méde- 
cine. Il se fit recevoir maître ès-arts de l'Université de Nantes, 
en 1780, et vint continuer ensuite ses études médicales à Paris. 
En 1788, il remporta au concours un prix consistant en une 
médaille d'or et fut reçu maître en chirurgie dans la même 
année. Il vint ensuite se fixer à Rennes et fut agrégé au collège 
de chirurgie, en 1789, après quatorze épreuves soutenues de 
la manière la plus brillante. Il fit alors des leçons d'anatomie 
et de chirurgie que ne tardèrent pas à remplacer les cours du 
collège de chirurgie. 

En 1803, quelques-uns de ses confrères, la plupart de ses 
anciens élèves, s'étatit réunis à lui, fondèrent sous le nom de 
société libre d'enseignement médical, une école de médecine 
qui fut autorisée par M. Mounier, préfet d'ille-et- Vilaine. Duval 
fut chargé de la chaire d'opérations, de pathologie et de clinique 
externes, qu'il continua de remplir jusqu'à sa mort. C'est 
celte société d'enseignement médical, dont Duval futprésident 
qui, reconnue plus tard par l'Université, devint école secon- 



DlfVAL 



21 



dairc de médecine et a reçu» qu ISiO. le titre d'école prépara- 
toire de médecine et de pharmacie. 

Chargé, des le drbut de sa carrière, d*un service de chirurgie 
dans les hôpitaux de Bennes, il ne larda pas ti y acquérir cette 
dexlénlé et ce sang-froid qui lui ont valu tant de succès et une 
si légitime notoriété. Elle fut telle que les orages de la Révolu- 
lion n'ont pu [^atteindre tant il était estimé et respecté I Et 
pourtant, 11 ne dissimula jamais ni son attachement a la reli* 
gion de ses pères, ni son aversion pour les excès qu^enfan- 
tèrent nos discordes civiles. 

11 fut appelé à remplir les fonctions de chirurgien en chef 
de l'avant-garde de Farraée républicaine qui combattait les 
Vendéens à Dol et à Antrain; et, dans une foule d'occasions, il 
ne craignit pas d'exposer sa vie pour porter des secours aux 
blessés des deux partis. 

Dès Tannée 1794, il avait été nommé par la municipalité de 
Rennes, chirurgien en chef des prisons et de rhopilal de 
VUnité (Mpital Saint-Yves); il continua ses fonctions jusqu'à la 
fin de sa vie. 

La croix de chevalier de la Légion d'honneur, vint, en 1824, 
consacrer la juste légitimité de sa réelle valeur* Quand des 
clients de cette région allaient à Paris, ils entendaient plus 
d'une fois de Dupuytren, de Boyer, cette parole : « Pourquoi 
venez-vous ici? N'avez-vous pas Du val h Rennes », 

Duval n*a pas laissé d'écrits. Il communiqua nombre d'obser- 
vations ou mémoires divers, à la Société des sciences et des 
arts de Rennes, dont il fut un des membres-fondateurs, soit à 
la Société de l'école de médecine de Paris, dont il avait été 
nommé, en 1800, membre correspondant. L*Académje royale 
de médecine llionora du même titre peu de temps après sa 
création. 11 contribua à la gloire de la chirurgie militaire fran- 
çaise par les nombreux élèves qu'il forma et que les guerres de 
la Révolution et de TEmpire répandirent dans tous les pays 
qu'occupèrent nos armées, 

It succomba, à Tàge de Go ans, à une affection de Feslomac» 
le II juillet 1823. La foule se pressa à ses obsèques, ses élèves 



22 LES MÉDECINS BRETONS 

voulurent porter son cercueil. Le docteur Poirier, directeur de 
l'école, prononça un discours qui fut imprimé. 

C'est avec la biographie de Levot que nous avons rédigé 
cette notice. Son nom n'est cité dans aucune autre biographie; 
on peut s'en étonner. 

S. - B. B. L. 

FRÉTEAU (Jean-Marie-Nicolas). 

^ 1765, ? Messac. 
t 1823, 9 Avril, Nantes. 

Fils d'un avocat au Parlement de Rennes, Frétcau com- 
mença ses études médicales à Rennes et les termina à l^aris 
(1788). Faute de ressources, il ne put prendre le titre de docteur 
etvint à Nantes où il soigna d'abord les maladies des dents. 
Nommé, le 16 février 1794, chirurgien-major h la suite des 
ambulances de l'armée des côtes de Brest, il sut se faire appré- 
cier dans la cure des plaies. Le l^' avril 1705, il fut élu chirur- 
gien-major du bataillon des volontaires de la Loire-Inférieure. 
Il put ainsi acquérir quelques ressources et se rendit h Paris 
pour [)asser sa thèse de doctorat (27 septembre 1803). ce qui, 
par la loi nouvelle, était obligatoire pour continuer à exercer 
la médecine. Il revint à Nantes aussitôt après et ne cessa d'y 
exercer la médecine et la chirurgie jusqu'à sa mort, survenue 
à la suite d'une attaque d'apoplexie. 

Il ne dut pas seulement sa réputation à ses succès en chirur- 
gie et en obstétrique, mais il s'occupa avec un égal bonheur 
d'agriculture. Élu membre de l'Institut départemental de la 
Loire-Inférieure en 1800, il en devint le président en 1815, et 
assura l'existence de celte société sous le nouveau titre de 
Société académique de la Loire-Inférieure. Ami sincère des 
idées libérales, Fréleau s'employa partout où il put pour les 
faire prévaloir. 

Le docteur Pcrson, son neveu, a prononcé son Éloge htsto- 
rigue le 19 décembre 1823. (Dezeimeris le fait naître en 1755 et 
lixe la date de sa mort au 9 août 1823). 

P. — Essai sur l'asphyxie de l'enfant nouveau-né, Paris, an XII 



BERTIN 23 

(1803), in-4' de 48 p. (thèse de doctorat). — Mémoire sur les moyens 
de guérir facilement et sans dançror les vieux ulcères des jambes, 
môme chez les vieillards, Paris, 1803, in-8°. — Considérations pra- 
tiques sur le traitpmont do la (jonorrhée virulente et sur celui de la 
vérole, Paris, Le Normand, 1813, in-8" do 300 p. — Considérations 
sur l'asphyxie de l'enfant nouveau-né, 1816. — Traité élémentaire 
sur l'emploi légitime et méthodique des émissions sanguines dans 
l'art de guérir, avec application des principes à chaque maladie, 
Paris, Gabon, 1816, in-8* de 400 p., travail couronné le 5 juillet 1814 
par la Société de médecine de Paris. — Observations sur la section 
du cordon ombilical, etc.. Soc. de Méd., 1799, T. I. — Réflexions 
sur une petite vérole volante, etc,. Journal de Corvisart, T. II. 
— Tumeur sarcomateuse du nez. Soc. méd. d'émuL, 1810, T. VI. — 
Hydrothorax survenu spontanément douze heures après l'accouche- 
ment. Journal rj^hiér. du mrd., T. XLIl. — Conformation vicieuse 
des organes do la génération de la femme, Journal qénér. de méd., 
T. XLIII. — Opération de l'ompyôrne, suivi de la sortie de cinq 
cents hydatides, Journ. qénér. de mêri., T. XLIÏl. — Observation qui 
constate los heureux effets de l'allaitomont artificiel, T. XLIII. — 
Preuves d'identité de nature ontre le virus de la gonorrhée virulente 
et celui de la vérole, T. XLÏV, — Mémoire sur une opération 
d'empyème, etc., T. XLVÏI. — Extirpation d'une tumeur volumi- 
neuse aux parties génitales d'une fille; T. XLVIII. — Ligature d'un 
polype utérin, T. XLVIII. — Quoiquos rapprochements sur la circu- 
lation du sang do la mère et de l'enfant, T. LI. — Quelques considé- 
rations sur une hémorrhagie très sérieuse, etc., T. LI. — Quelques 
considérations sur la doctrine des névroses, etc., T. LUI. — Observa- 
tions sur une intumescence de la langue, T. VII. 

S. — B. B. L. — D. M. D. — Journ. génér. do méd. — Mahul, 
Annuaire nécrol. 



BERTIN (René-Joseph-Hyacinthe). 

* 1767, 10 Avril, Gahard. 
•{• 18^27, . . Août, Fougères. 

Berlin, fils du célèbre anatomiste Berlin, fit ses humanités à 
Rennes et ses études médicales à Paris. Il fut reçu docteur en 
médecine à Montpellier en 1791. En 4793, il servit à l'armée 
des côtes de Brest, d'où il passa à celle d'Italie. En 1798, il fui 
envoyé en Anjj^lelerre comme inspecteur-général du service de 
santé des prisonniers français et rendit là de nombreux ser- 



Tiees à ses compatriotes. En 1807, fl soirit qodqiie temps les 
armées firançaises en Presse et en Pologne. De retour en 
n^nee, il reçut la décoration de la Légion dltODoenr et fut 
nommé médecin en chef de Iliôpital Cocfain ei de celui des 
Vénériens. En 1822, il dut à son ami M. de Corbière, d'être 
nommé titulaire de la chaire dliygiène Tacante par la mort de 
Halle, et, lors de la dissolution Tiolente et imprêrue de ce 
corps savant, l'année suivante, le ministre qui Tavait nommé 
le déroba à la proscription qui frappa Pinel, Tauquelin, Chaus- 
sier, Desgenettes. 

SouflDrant depuis quelque temps, U se retira à Fougères et 
fut atteint d'une encéphalite aigué à laquelle il succomba en 
très peu de Jours. 

P. — Quelques obsenrations critiques, philosophiques et médicales 
sur r Angleterre, les Anglais et les Français détenus dans les prisons 
de Plymouth, Paris, 1801. in-i2. — Traité de la maladie rénérienne 
chez les enfants nouveau-nés. les femmes enceintes et les nourrices, 
Paris, 1817, in-8'. — Traitement des maladies du cœur et des gros 
raisseaux, rédigé par Bouillaud, Paris, 1824. — Dissertation sur 
remploi des incisions dans les plaies d'armes à feu. Paris, 1802, in-S*. 

8. — Quérard, La France littéraire. — Biogr. méd. — B. B. L. — 
N. B. G. - B. M. D. - B. M. P. 

LE GAULOIS (César-Julien-Jean). 

♦ 1770, 1* Février, Cherrueix. 
t 1814, i*' Février, Paris. 

Quoique fils de cultivateurs peu fortunés, il reçut une bonne 
éducation et se distingua au collège de Dol, où il fit ses études 
classiques; puis à Caen, ses premières éludes médicales. Il 
jj'unit aux fédéralistes contre la Convention, et après la défaite 
de son parti, il dut se cacher. Il se rendit à Paris et suivit les 
visites des hôpitaux. Dénoncé par l'un de ses parents, démo- 
crate exalté, il ne dut son salut qu'à une heureuse témérité. 
Le comité des poudres et salpêtres avait besoin d'hommes 
instruits et actifs qui sussent diriger la fabrication de la 
poudre. Après un examen sérieux, Le Gallois fut admis et 



LE GALLOIS 



envoyé dans son déparlement, où il rendit d'éminents services 
en simplifiant les procédés de la fabrication. 

En 1793» les écoles de médecine sont rouvertes et il y est 
envoyé par son district a Paris. A la suite de brillantes 
épreuves, il est reçu docteur en 1801. Sa thèse est des plus 
remarquables. 

En !8I3, Le Gallois fut nommé médecin de Bicètre* Il 
allait ordinairement à pied chaque matin y faire sa visite. 
A la suite d'une de ces courses, il fut pris d'une pneumonie 
et refusa de se faire soigner, disant quil était atteint d'une 
pneumonie adynaraique (février 1814). 

Le Gallois, très érudit, possédait la connaissance des langues 
latine, italienne, grecque et anglaise; mais son véritable 
mérite a été d'être un des physiologistes les plus distingués de 
)n époque. Il est vraiment le précurseur des Brown-Séquard 
et des Claude Bernard. 

Bien qu'une myopie très prononcée et des doigts gros et 
courts semblassent concourir à le rendre peu propre aux 
expériences, il les répéta pourtant avec habileté sur une foule 
d'animaux, et en tira des conclusions toutes remarquables 
parleur variété, Tesprit inventif qui dénotait une rare intel- 
ligence. Ce mérite se renouvela dans tous ses ouvrages. 
S'abandonnant moins que Btchat aux entraînements de 
rimagirjation, il sut voir plus juste. De ses expériences il 
sut tirer d'habiles conclusions pour divers cas de médecine 
pratique et légale, tels que les acciilents de plaies de tète avec 
déperdition de la substance cérébrale, les phénomènes de 
Tapoplexie, des mouvements du cœur, de la respiration dans 
les maladies, etc* 

Il rectifia, après des expériences longtemps réitérées sur 
une foule d'animaux vivants, la théorie des deux vies admise 
par Ualler, en prenant le siège du principe de la vie qu1l 
plaça dans la contiruiité de la moelle épiniére. Le rapporteur 
de la coinniission des sciences de Tlostitut terminait ainsi : 
« L'opinion de vos commissaires est que le travail de M. Le 
Gallois est Tun des plus beaux et certainement des plus impor- 



26 LES MÉDEaNS BRETONS 

tanls qui aient été faits en physiologie depuis les expériences 
de Hallep ». 

Cet habile physiologiste, enlevé prématurément à la science, 
joignait à une instruction solide et variée une élocution aussi 
claire que facile et une extrême modestie qui lui avait valu 
d'illustres et nombreuses amitiés. 

Flourens a dit de lui : « Le Gallois, que n'entourait ni le pres- 
tige de l'éloquence familière, ni les facilités du succès que 
vaut la camaraderie, précurseur modeste des éludes modernes 
sur le système nerveux, mourut à la tâche, n'obtenant de la 
renommée qu'une bien stricte justice ». 

p. — Le sançy est-il identique dans tous les vaisseaux qu'il parcourt? 
Paris, an XIII (1803), in-8° (thèse). — Recherches sur la contagion de 
la fièvre jaune, Paris, 1805. — Expérience sur le principe de la vie, 
notamment sur celui des mouvements du cœur et sur le siège de ce 
principe, Paris, 1812, in-8°. — Sur les dents des cobiais et des lapins. 

— Sur la durée de la gestation chez ces animaux. — Sur la section 
de la huitième paire de nerfs. — Sur le relâchement des symphises et 
du bassin dans les cobiais à l'époque du part. (Mémoires lus à l'Ins- 
titut, passim). — Fragments d'un mémoire sur le tenips durant 
lequel les jeunes animaux peuvent être sans danger privés de la res- 
piration, soit ù l'époque de l'accouchement lorsqu'ils n'ont point 
encore respiré, soit à différents Ages après leur naissance, Paris, 1834, 
in-4'; ouvrage réimprimé sous le titre de : Expériences physiolo- 
giques sur les animaux, tendant à faire connaître, etc. — Œuvres de 
Le Gallois avec des notes do Pariset, 1824, 2 vol. in-8". 

S. — Biogr. méd. — Dict. de la convcrs. — Ëloge de Magendie par 
Flourens. - N. B. G. -B. B. L. — B. M. P. - D. M. D. - B. M. E. 

— Revue bretonne, T. III, p. 124-131. 

BROUSSAIS (François-Joseph- Victor). 

* 1772, 17 décembre, Saint-Malo. 

f 1838, 17 novembre, Vitiy, près Paris. 

(( Il est des hommes qui, dans le cours de leur vie, ont su 
exciter dans l'esprit de leurs contemporains une telle faveur, 
un tel enthousiasme, je dirai mùme un tel fanatisme, que, 
si Ton veut en parler avec impartialité, il faut attendre que 



BROUSSAT!^ 



27 



le temps ait calmi* celle première entrvescencc, qu'il ait 
refroidi ces passions lumultueuses, » 

Notre lîiclic ne semble-i-elle pas encore, aiijuurti liui, plus 
aisée qu'il l'heure où Dubois, d'Amiens, écrivait ces belles 
paroles. Il y a beau jour» en effet, que le nom de Broussais 
n'évoque plus qu'un souvenir, et mil ne viendra, pour soulever 
la gloire de son nom, apporter une parole violente ou passion- 
née. Plus on s'éloigne de certains hommes, mieux rhistoire 
peut les juger, et c'est leur honneur et leur véritable titre de 
gloire de laisser h leur biographe assez de faits et d'idées per- 
sonnelles pour qu'on puisse encore parler d'eux, après un 
demi^siécle écoulé, el prouver à tous qu'ils ont laissé des tra- 
vaux qui allîrmcnt la rare distinction de leur intelligence. 
Lcuj*s err'eurs ou leurs exagérations ne sauraient TinUrmer. 

On montre encore à Saint-Malo, près du marché, la maison 
dans laquelle naquit Broussais, le 17 décembre 1772. 

C'est u Pleurtuit, sur le bord de la mer, que s'écoula renfonce 
de Franchm, diminutif de François. 11 lut soumis, la, il un 
rude apprenlissage. Son père, homme d*un caractère grave et 
austère, exerçait la médecine dans cette conlréc. 11 visitait ses 
malades dans la journée el, quand le soir était venu, il filaçait 
son jeune lits sur un clieval et l'envoyait purler à ses malades 
les raédicamcnLs qu'il leur avait prescrits. Franchin trouvait 
cela tout sinjple et il chevauchait intrépidement la nuit a Ira- 
vers les bruyères et les landes, s'inquiélant peu des légendes 
de loup-garuu. 

Son enfance un peu rude sut Loutelbis jouir de quelque dou- 
ceur qui laisse pour toujours d*inci!açables souvenirs gn^ce à 
sa mère, fenniie vive, impressionnable, aimable et spirituelle. 
11 n'oublia pas davantage une tante religieuse, sœur de son 
père, qui avait bercé sou enfance avec les vieilles chansons du 
pays. 

H fut aussi témoin de scènes de famille qui, sur une vive 
imagination comme la sienne, ne furent pas sans laisser de 
pénibles souvenirs* 

« Un jour, un frère de sa mère, homme d un caractère 



28 LES MÉDECUCS BRETOKS 

sombre et violent, allait se porter à des voies de fait envers son 
aïeule : son jeune cœur en frémit, il s'arme d'un bâton et se 
jette intrépidement entre la mbre et ce fils dénaturé. Ce 
sublime spectacle d'un enfant à peine âgé de six ans qui brave 
ainsi sa colère, arrête ce furieux ; il n'ose passer sur le corps 
de ce généreux enfant et se retire, m 

C'est au collège de Dinan qu'il fut envoyé à l'âge de douze 
ans pour faire ses humanités; il y resta huit ans. Ses études 
furent couronnées de succès, et doué d'une heureuse mémoire 
et d'un goût prononcé pour les classiques latins, il sut se for- 
mer ainsi à l'art d'écrire « avec pureté, parfois avec une véri- 
table véhémence ». C'est donc à tort que Peisse lui reproche 
d'avoir manqué d'éducation littéraire. 

Ce fut un écolier au caractère bouillant et emporté, provo- 
quant, querelleur; mais son cœur n'en était pas moins essen- 
tiellement bon et généreux. Ce fut le trait de toute sa vie. 11 fut, 
nous le verrons, violent, sarcaslique, injuste même dans sa 
chaire de professeur; mais dans la vie privée, c'était un homme 
simple, bon, indulgent et affable. 

11 était homme lorsqu'éclata le grand drame de la Révolu- 
tion, dont ses parents avaient salué avec enthousiasme l'avéne- 
menl et dont ils furent si tragiquement les victimes. Il termi- 
nait sa pliilosophie lorsque TAssemblée législative décréta la 
fameuse levée en masse de 171)2. 11 fut incorporé dans la com- 
pagnie franche de Dinan, et Broussais se distingua parmi les 
plus braves et les plus impétueux, valeur confirmée par le 
grade de sergent. 

« La compagnie franche de Dinan eut à prendre part aux 
douloureux événements de la guerre civile en Bretagne. Dans 
une rencontre elle fut surprise et battue. Fuyant devant une 
force supérieure, le sergent Broussais voit un de ses cama- 
rades, blessé, tomber à côté de lui. Au risque d'être pris lui- 
môme et fusillé immédiatement, Broussais sarrête, charge son 
compagnon sur ses épaules et reprend sa fuite nécessairement 
ralentie par son lourd mais précieux fardeau. On tire sur lui, 
son chapeau est percé d'une balle. 11 a le bonheur d'échapper 



BR0USSA1S 



29 



n 






sans blessure, et il dépose son compagnon en un lieu de 
sûreté* Le mallieureux était mort. Le dévouement du coura- 
rageux sergent n'en était pas moins un acte du plus glorieux 
héroïsme. » 

Atteint d'une maladie grave, il dut revenir au foyer palerneL 
Il y retrouva ses parents déjà âgés, 11 était leur fils unique. Ils 
le conjurèrent d'embrasser la profession médicale, héréditaire 
dans sa famille (son bisaïeul avait été médecin, son père 
letail, et son grand-père pharmacien); il se rendit à leurs 
instances. 

Il commença ses études médicales à Fliùpital de Sainl-Malo, 
puis il se rendit à Brest, où il fui bientôt pourvu du titre 
d eluve chirurgien de la marine. 

D'abord chirurgien à bord d'un bâtiment niarctiand, il ne 
tarda pas à se faire recevoir cliirurgien de seconde classe, car 
la vie des camps ne Tempècha jamais de poursuivre ses études 
et c'est là un trait de sa ferme volonté. Il passa alors sur la cor- 
vette Viiirondetie, puis sur le corsaire le BougainvUle, 

« Entre les hardis aventuriers qui, dans les guerres mari^ 

limes parcouraient le vaste Océan, sous la protection de ces 

atentes que le code des nations appelle des lettres de marque, 

ux de Saint-Malo se sont toujours distingués par lintrépidilé 
de leurs équipages et rhabileté de leurs commandants. A la 
suite d'une course favorisée faite à bord du BougainvUle, la 
part du butin du chirurgien-major s élevait à I4.ÛÛ0 francs, 
somme considérable pour ces temps-là, » 

Broussais se trouva riche, il résolut de venir à Paris pour 
compléter ses éludes {ll^d). 

Ce fut, pendant son temps de service, comme chirurgien de 

larine, que survint cet événement terrible qui laissa pour 
:oujours dans son esprit le plus cruel des souvenirs. 

Broussais était en rade de Brest, prêt à pailir sur la frégate la 

lenommée, lorsqu'il reçut du maire de Saint-Malo une lettre qui 
débutait ainsi ; « Citoyen, frémis en recevant celte lettre! »• 
ille lui annonçait, en ellct, un affreux malheur. Grâce h la 

jTiiiivpncc» d'iinn domestique inlidele, la demeure de ses 



30 LES MÉDECINS BRETONS 

parents avait été envahie par les chouans; son père avait 
essayé vainement de se défendre. 11 avait été égorgé ainsi que 
sa femme. Leur corps avait été mutilé, la maison dévastée, puis 
incendiée. 

Broussais supporta cette épreuve avec courage, mais il en 
conserva un souvenir déchirant et un ressentiment implacable 
contre un parti qui, s'il n'avait pas armé ces assassins, avait 
du moins servi de prétexte h leur attentat. 

On rapporte qu'un jour se promenant dans son pays avec 
Tun de ses amis, celui-ci lui fit remarquer une femme assez 
âgée qui venait vers eux; Broussais reconnut celle qui avait 
introduit les assassins dans la maison de ses parents; il pâlit 
afl'reusement et fut pris de mouvements convulsifs. 

De 1795 à 1798, Broussais resta chargé d'un service impor- 
tant à rhôpital de Brest. En 1799, il vint à Paris pour compléter 
son éducation médicale et descendit dans un petit hôtel de la 
rue de Cluny. 

Broussais passe quatre années à Paris; il a pour maîtres : 
Chaussier, Halle, Sabatier, Boyer, Corvisart, Bichat, presque 
du même âge; le maître a vingt-huit ans, le disciple vingt- 
sept. 

En Tan XI, le 5 frimaire, il soutient sa thèse inaugurale sur 
la Fièvre hectique « considérée comme dépendante d'une lésion 
d*actio7i des différents systèmes, sam vice organique, affirmation 
qui, plus tard, dut paraître fort étrange et en contradiction 
flagrante avec les principes qui ont donné tant d'éclat à son 
nom ». 

Reçu docteur, il alla s'établir dans la rue du Bouloy, pour y 
exercer la médecine. 11 n'était pas destiné à s'y faire un nom, 
soit comme savant, soit comme praticien. 11 devait exercer sur 
un champ plus vaste et plus périlleux. 11 écoula les conseils de 
Desgeneltes, médecin de l'armée d'Orient, qui jouissait alors 
d'un grand crédit; il reçoit un brevet et est envoyé à l'armée 
des côtes de l'Océan, 17 brumaire an XUI. Vers la lin du mois, 
il entrait en fonction avec le grade d'aide-major, au camp 
d'Utrecht. 



fiROUSSAlS 



31 



Cesl en celte qualité qu'il parcourut la Belgique et la Hol- 
lande; puis, avec la grande armée, il quitta Boulogne pour 
palier prendre part à la guerre d'Allemagne, tantôt attaché aux 
Hambulances et assistant ainsi aux grandes balailtes comme 
Bbelle d^Austerlitz, tantôt aux hôpitaux, et travaillant toujours et 

partout pour la science. 
^m El de fait, où le médecin peut-il trouver une plus ample mois- 
^^0 que dans la guerre? Il la dit lui-même. Elle entraîne a sa 
suite toutes les misères humaines, et ces misères engendrent 
1 toutes les maladies, 

L^ On a parlé de riuUuence des climats, mais le médecin mi!i- 
Hbiro les connaît toutes, a Broussais va passer des hôpitaux 
"d'Utrecht dans ceux de Mayence; puis il s'arrêtera en Bohème, 
^pour, de là, aller en Aloravie ; puis il ira en Dahiiatie, puis dans 
^^Bes gorges du Frioul; puis il ira vivre dans cette péninsule 
^p^pagDole qui, k elle seule, résume tous les climats du monde, 
i depuis la molle Andalousie jusqu'au rigoureux plateau de Cas- 
Llille >». 

^P Constitutions atmosphériques, constitutions médicales, 

^inlluence des excès ou des privations, toutes causes de mala- 

^dies que le médecin militaire est mieux à même d'observer 

^^^Biue tout autre, et dont Broussais avec son génie observateur 

saura tirer un immense profit, 
H Ce lut vraiment la que Broussais amassa « h la fois les maté- 
^^viaux d'un grand ouvrage et les éléments d*unc grande révo- 
Hhilion scientiiique n, 

[ Les six années consécutives que Broussais passa en Espagne 
et dans les conditions particulières uù la guerre était faite, 
^plus d'Iiôpitaux, plus de services importants à uiganiser ou 
Hb suivre, un ciel de feu, une terre dévastée, el partout des gué- 
^Villas, n'étaient pas, ce semble, favorables pour poursuivre 
^dcs éludes sérieuses; el pourtant Broussais sut encore se livrer 
h de nombreuses recherches scientifiques. « Outre sa lettre, 
datée de Xérès de la Fontera, sur te service des armées, il trouva 
aoyen de composer deux mémoires importants : Tun sur /a 
rculadon capillaire, tendant à mieux faire connaître les fonc» 

é 



32 LES MÉDECINS BRETONS 

tions du foie, de la raie et des glandes lymphatiques; l'autre 
sur les particularités de la circulation avant et après la nais- 
sance ». 

Quelques biographes ont affirmé que Napoléon, pendant 
cette guerre d'Espagne, aurait distingué Broussais parmi tous 
les médecins militaires, et qu'il l'aurait choisi, à raison de son 
mérite, pour le mettre à la tête de tout le service médical de 
l'expédition . 

C'est une erreur. M. Fée était sur les lieux; or il affirme que 
le médecin en chef de cette armée était M. Gorey, et lorsque 
le corps expéditionnaire qui s'empara de l'Andalousie devint 
distinct, M. Brassier fut appelé aux fonctions de médecin en 
chef de l'armée du Midi; voilà la vérité. 

Pour justifier cette assertion, M. Fée ajoute : « Lorsque je vis 
Broussais pour la première fois à Xérès, il avait trente-neuf ans; 
quoiqu'il eut la réputation d'un homme de mérite, personne 
ne soupçonnait qu'il dut être un jour l'une de nos gloires 
nationales.il vivait avec ses camarades sans recevoir et même 
sans attendre aucun témoignage de satisfaction du gouverne- 
ment impérial, qui lui donna cependant, en 1812, la décoration 
éphémère de la Réunion. 

» Au milieu des préoccupations de la guerre, ajoute encore 
M. Fée, Broussais pratiquait l'ouverture des corps de presque 
tous les malades qu'il perdait, examinait soigneusement les 
grandes cavités, les viscères abdominaux et l'encéphale; 
lui-même faisait les autopsies ; c'était le feu de la science 
qui l'animait; l'empressement, je dirais presque l'avidité avec 
laquelle il cherchait à lire dans les débris humains la confir- 
mation ou le démenti de son diagnostic, donnait à ses traits 
une expression indéfinissable, que des personnes étrangères 
à la médecine auraient pu prendre pour de la cruauté, ce qui 
n'était autre que le génie de l'observation éclairant une belle 
intelligence ». 

Mais l'Empire allait s'écrouler; les débris de notre armée 
durent repasser les Pyrénées, et Broussais revint à Paris en 
1814. Il fut nommé second professeur au Val-de-Grâce, et dès 



BROUSSMS 



83 



celle même année, il ouvrit un cours de médecine pratique. 
Un peu plus tard il fut nomncié médecin en chef et remplaça 
DesgeQCLtes» nommé inspecteur général de la médecine mili- 
taire. 

Son amphitljéatre de la rue du Four ne tarda pas à devenir 
trop petit, il se transporta à 1 École pratique, puis dans la rue 
des Grés. Le succès dépassa ses espérances. Et pourtant ce 
n'était ni « paj^ la l)eaulé de ses paroles, ni par le charme de sa 
diction » quil attirait à lui* « Broussais n*a jamais fait une 
leçon d'abondance; il était obligé de s'aider de notes, il 
s'exprimait avec une certaine diBiculté, et ses cours étaient 
rétribués Mais il avait une conviction profonde, des mou- 
vements passionnés; on sentait le feu de ses inspirations. 
Tantôt il s^arrélait pour donner cours k son impatience, à sa 
colère ; tantôt a son ironie et a ses sarcasmes. C'étaient de vio- 
lentes apostrophes, des mouvements d'indignation qui débor- 
daient son àmc; sa voix puissante faisait retentir les murs de 
son amphithéâtre, et ceux qui n'avaient pu trouver place 
n'avaient que plus de désir d'entendre ce hardi novateur. 

ï) Parfois, à Tissue de ses leçons, on le voyait s'arrêter sur la 
place de riîcolc, entouré d*un groupe d'élèves fanatisés; il sem* 
blait menacer du geste cet orgueilleux édifice, apostrophant ses 
professeurs^ tonnant à la fois contre leurs fausses doctrines, 
leur pourpre et leur hermine! On aurait cru voir un pliilosophe 
du Portique ou plulùt un tribun de la science. Que fallait-il de 
plus pour exciter les sympaltiies de cette ardente jeunesse de 
la Restauration qui courait ijartout où elle croyait entrevoir 
des tentatives d'opposition ? *> 

Lorsque, dit Lecadre, j'arrivai h Paris h la fin de 1825, pour 
moi, comme pour tous les homaies de mon âge, Broussais était 
un oracle, 

« Rue des Grès, dans une sorte de magasin en planches, bien 
enfumé, éclairé à peine par quelques quinquels, est un grand 
nombre de bancs envahis de bonne heure par des gens. Jeunes 
pour la plupart, auxquels se joignent d autres d'un âge plus 
raùr. Au bas de Vestrade est une table recouverte d'un tapis 



34 LES MÉDECINS BRETONS 

vert, sur laquelle se trouve une lampe, et d'un côté de la table, 
en face des auditeurs, un fauteuil entouré à droite et à gauche 
de plusieurs chaises. A sept heures, lorsque quelque signe pré- 
curseur annonce Tarrivée du bouillant réformateur, les bancs, 
si bruyants auparavant, deviennent tout à coup silencieux, et 
de chaleureux applaudissements ont lieu lorsqu'il franchit le 
seuil de la porte. 11 s'avance enveloppé dans un lourd vête- 
ment, généralement de couleur bleue, ayant sur la tête une 
toque noire recouvrant des cheveux grisonnants, qui com- 
mençaient à n'être plus abondants. 

)) Broussais s'assied. On ne peut dire qu'il soit précisément 
éloquent, il lit ses leçons et son débit est parfois embarrassé. 
Mais lorsque dans le cours de sa lecture, il lui arrive, ce qui a 
lieu à tout instant, que certaines propositions émises par lui 
ont eu à subir de nombreuses contradictions, il abandonne 
alors son cahier, sa voix s'élève et devient sonore, on l'entend 
souvent hors de l'enceinte; ses yeux s'animent, on en voit sor- 
tir, par-dessus ses lunettes à verres azurés qui restent toujours 
accrochées sur le cartilage du nez, le feu du génie et de la 
conviction. Ce n'est plus alors un simple professeur dictant ses 
leçons, c'est un maître, c'est un tribun, c'est un dictateur qui 
entraîne les volontés, qui commande l'enthousiasme. » 

Un jour, à la fin d'une de ses leçons, il s'écria : a Le messie 
de la science est arrivé, et les aveugles et les malheureux ne 
l'aperçoivent pas ». Un tonnerre d'applaudissements accueillit 
ces paroles. C'était toujours au milieu d'une de ces sorties, 
ajoute Lecadre, qu'il levait la séance. 

Oui, ses succès furent dus, pour une partie, à cette lutte de 
l'esprit moderne contre l'esprit ancien, et en mettant pour ainsi 
dire sa doctrine sous la protection des idées et des passions 
politiques, il leur assura pour un moment le triomphe. 

Mais là n'était pas seulement la cause de ses succès : il les 
dut h des idées géniales dont nous discuterons la valeur, qui 
dénotaient l'intelligence d'élite; mais il les dut encore h sa 
personne même I 

Recevons encore une fois ici le témoignage de M. Fée, pro- 



BROUSSAIS 



35 



fesseurîi Strasbourg : « Broussais. dil-il, était d*une taille un 
pôu au-dessus de la moyenne, sa tête avait une beauté peu 
commune ; quand il s'animait, ses yeux lançaient des éclairs 
el sa ptiysionomie habituelleincnt calme, pouvait, dans cer- 
tains moments, devenir sombre et menaçante. Sa bouche 
sV>uvrait dédaigneusement lorsqu'il parlait d'adversaires 
indignes de lui, mais elle était cimrmante quand il s'adressait 
à de» amis; cette mobilité d'expression se retrouvait dans le 
son de sa voix, éclatante comme la temptïte s'il cédait à 
l'emportement/puis, douce et caressante s'il fallait persuader; 
il employait avec succès Tironie, et le trait acéré du sarcasme 
perçait à jour ses adversaires, lorsqu'il daignait la leur lancer, 

*) Les ressources de son esprit se montraient inépuisables, 
sa dialectique était pressante et son jugement j-apide; il aimait 
les comparaisons et donnait à son style quelque chose de la 
vigueur de sa propre constitution. » 

Son caractère était grand el son cœur généreux, dit un de 
ses biographes; il s'est peint lui-même dans plusieurs endroits 
de ses ouvrages : « Je ne suis point haineux, a-t-il dit, quoique 
par instant vif et même un peu colère >i, La haine n'entrait 
point dans son àme; ce sentiment n^appartient qu'aux médiO' 
criti^s. 11 ne s'emportait pas contre les personnes, mais contre 
les mauvais systèmes, les mauvais livres, les réputations 
fausses et usurpées; et encore sa colère uù durait pas long- 
temps. 

« Je ne me flatte point, disait-il, d'être pris pour un génie, 
mais un jour viendra que je serai jugé avec plus d'impartia- 
hlé que je ne puis rétre aujourdlmi, et ma mémoire n'en 
souffrira pas ». Et Broussais ne s*est point bercé d'une vainc 
illusion. 

Broussais n'était pas moins suivi à Thùpital. A sept lieores 
du malin, en été, a huit heures» en hiver, Broussais arrivait 
dans les sullts militaires oii rattendait un grand nombre 
d'élèves, el même de praticiens, la phiparl étrangers. Avec une 
grande clarté, avec un grand soin, il intejrogeait ses malades» 
les palpait et les auscultait avec beaucoup d'allcntion, se ser- 



Tint avec cne lunin^se itir^^sse. Ivrsiyie cela était nécessaire, 
du âtêthOïC» {:e ii^eit- :ar >:l rliil. Afin, d'éclairer sôd dia- 
gnostic, âuour. i-rtil l' tilt liisic iar.s IV ibli. car il avait dit : 
*< O? c est f<î:.t iir.s les ..vr>?s. mis la Lit du malade qu'il 
faut vérifier les :i::s • : ziiis c-iiit surt: ut i ramphithéàlre qu'il 
était supert«, lorsiue L'aut- :sie ver. lit c»:aûrmer la vérité de 
son diagnostic. * Ou Sijnt-ils. s -criait il dune voix tonnante, 
ces ontMlogîstes enragés, q-d'ûs vier.r.erit et que j'assiste à leur 
Ojnfusion i*. 

Broussais venait dlnaugurer, en IS36, l'enseignement de la 
phrénologie. et sa forte constitution semblait lui promettre 
de longs jours, lorsqu'il fut atteint d'une grave lésion orga- 
nique dont l'origine et la cause restèrent fort obscures. On 
parla mè.Tie d"emp«jis*jnnement, ce qui fut démenti par 
l'autopsie. 

Lonjrtomps il se fit illusion et ne suspendit point ses tra- 
vaux. En ocloLre 1838, il lut à l'Académie des sciences morales 
et politiques un mémoire d'une grande étendue sur rinditû 
dualité; mais chaque jour la maladie s'aggravait, il se fit trans- 
[lorter au village de Vitry, près Paris. U y passa les six Jours 
qui précédèrent sa mort. Dans la journée du 16 novembre, les 
douleurs étaient devenues inlulérables; elles lui arrachaient 
des cris perçants. Vers la onzième heure du soir, il se leva tout 
d'un coup sur son séant, ouvrit les bras qu'il éleva en Tair 
en agitant les mains, sa figure avait un air d'effroi et d'horreur 
difficile à peindre; il se sentait mourir. Une demi-heure après, 
il rendit un dernier soupir. 

i( 11 tenait un journal de sa maladie, dont il connaissait toute 
la gravité et dont il suivait la marche sur lui-même avec plus 
de sagacité et de sang-froid qu'il n'en eut mis à l'étudier sur 
un autre. Malgré son extrême faiblesse, il ne cessa pas de tra- 
vailler; il dictait encore un mémoire quelques jours avant 
d'expirer. 

» Sa vie avait été un long combat, et il semble qu'un homme 
deccite trempe ne devait point se résigner et attendre paisi- 
blement la mort; il semble qu'à ce dernier acte de la vie il 



BROUSSAIS 



37 



(If^vfiit encore n'^sister, opposer en quelque sorte la force à la 
force, et jeter sa poignée de poussière contre cette inexo- 
rable et fatale puissance qui l'entraînait au tombeau! » 

Une foule innombrable suivit son convoi; les élèves traî* 
nèrenl le char funèbre; on lui lit traverser les grandes lignes 
de Paj'is. A ceux qui demandaient d "où venait ce grand concours 
de peuple, il suffisait de répondre : C'est Broussais. 

Le ministre de la guerre écrivit îi sa veuve : « Votre illustre 
èpuux laisse parmi ses cullègues un vide immense, et dans 
l'ârmèe un souvenir qui ne périra pas ». 

La vie si agitée, si militante de Broussais, n'avait pas été 
pour lui sans résultats personnellement utiles» Sa carrière pro- 
fessionnelle fut des plus brillanles à partir de 181G. Sa carrière 
littéraire dut aussi lui être infiniment profltable, car le succès 
de ses ouvrages fut immense. Sa carrière publique ne lui laissa 
pas davaota^^e à désirer : il était Coiiimandeur de la Légion 
d'honneur, professeur h la Faculté de médecine de Paris, 
membre de rAcadémie des sciences morales et politiques et 
de l'Académie royale de médecine, inspecleor-général du ser- 
vice de santé des armées, etc. 

Nous nous sommes attachés à l'appeler à grands traits la vie 
de ce médecin illustre, il semble que nous serions incomplets 
si nous n^ajoutions à cette notice biographique une page tout 
entière de la main de Broussais. 

11 n'est nul homme ici-bas qui, à un moment de sa vie, ne se 
soit arrêté devant ces problèmes : Y a-t-il ou non une intelli- 
gence au sein de ce vaste univers? Si Dieu existe, estil diclioct 
et agissant ou plongé dans un repos éternel? Est-il à la fois le 
créateur et le suprême ordonnateur des mondes? Qu'est-ce que 
Time humaine? Estelle ou non distincte de Forganisation? 
Est-elle inmiorlelle et responsable? Quelle est la destinée de 
l'homme? Qu*est-ce que le libre-arbitre, la volonté, la cons- 
cience? 

Quelle réponse donner k ces redoutables énigmes qui 
revienîient si souvent dans le cours de la vie, à l'heure de 
rinjusUce, de la douleur et de la maladie. Sans doute elles 



38 LES MÉDECINS BRETONS 

pèsent plus ou moins, suivant la nature de chacun, suivant le 
développement de Tintelligence, mais elles ne sauraient échap- 
per à ceux que le génie a touché et qui, par retendue de leur 
esprit, ne connaissent pas d'horizon. 

Broussais moins que d'autres y échappa et il a laissé cet 
écrit : 

Ceci est pour mes amis et mes seuls amis. 

Développement de mon opinion et expression de ma foi. 

(( Je sens, comme beaucoup d'autres, qu'une intelligence a 
tout coordonné ; je cherche si j'en peux conclure qu'elle a tout 
créé, mais je ne le puis pas, parce que l'expérience ne me 
fournit point la représentation d'une création absolue; je n'en 
conçois que de relatives, et ce ne sont que des modifications 
de ce qui existe, dont la seule cause appréciable pour moi est 
dans les molécules ou atomes et dans les impondérables qui 
fontvarier leurs activités; mais je ne sais ce que c'est que les 
impondérables, ni en quoi les atomes en diffèrent, parce que 
le dernier mot sur ces choses n'a été dit ni par les physiciens 
ni par les chimistes, et que je crains de me représenter des 
chimères. 

» Ainsi, sur tous les points, j'avoue n'avoir que des connais- 
sances incomplètes dans mes facultés intellectuelles ou mon 
intellect, et je reste avec le sentiment d'une intelligence 
coordonnatrice, que je n'ose pas appeler créatrice, quoiqu'elle 
doive l'être (ces derniers mois ajoutés en surcharge à la marge) ; 
mais je ne sens pas le besoin de lui adresser un culte extérieur 
autre que celui d'exercer, par l'observation, le raisonnement, 
l'intelligence pour Tenrichir de nouveaux faits, et les senti- 
ments supérieurs, parce qu'ils aboutissent au plus grand bien 
de l'homme forcé de vivre avec ses semblables, c'est-à-dire, 
social. Je crois aussi que ce culte exige que les premiers 
besoins soient satisfaits, sans nuire aux autres hommes, soit 
dans la même satisfaction, soit dans celle des sentiments supé- 
rieurs, et un de mes sentiments me pousse à les seconder de 
tout mon pouvoir dans cette double satisfaction, parce que j'y 



BROUSSAIS 



39 



trouve le plus doux et le plus pur de mes plaisirs. J'applique 
cela aux animaux voisins de nous* 

» Tello est ma foi, et je ne crois pas pouvoij^ en changer, car 
toutes les personnifications anlhroporaorphiques d'une cause 
générale pour Tunivers, et d'une cause particulière pour 
rhomme, m'ont toujours inspiré une répugnance invincible 
que je rae suis en vain efforcé de méconnaître et de vaincre 
pendant longtemps. 

)> Je ne crains rien et n^espère rien pour une autre vie, parce 
que je ne saurais me la représenter. 

» Je ne crains pas d'exprimer mon opinion, ni d'exposer 
ma profession de foi, parce que je suis convaincu qu'elle ne 
détruira le bonheur de personne. Ceux-là seuls adopteront 
mes opinions qui étaient organisés pour les avoir, et je 
n'aurai été pour eux qu'une occasion de les formuler. Les 
gens nés pour l'anthropomorphisme n'en seront pointcliangés. 
Les personnes affectueoses et IMenveillantes qui trouvent leur 
bonheur dans cet anthropomorphisme me plaindront ; et celles 
qui sont en mémo temps dominées par ranthropomorphisme et 
la méchanceté m*anat!iémiseront, pendant que les athées par 
consUluUon se moqueront de moi. Tout cela m'est indifférent, 
parce que je ne suis point haineux, quoique, par instant, vif et 
même un peu colère; inais [)[us je vis, plus Fintelligence 
réprouve ces mouvements qu'elle condamne: c'est parce que 
je rai beaucoup exercée k cela. 

» Avant diivoir les représentations que j'ai des feits chi- 
miques et physiques sur la causalité accessible, ma répngnai^ce 
pour ranthropomor[fhisnie existait déjà, et j'étais aussi déiste 
que je le suis. On avait l)eau me dire : ^ La nature ne peut 
s'èlre faite elle-même, donc une puissance intelligente l'a faite, 
— Je répondais : oui, mais je ne puis me faire une idée de 
celte puissance u. — Dés que je sus par la chirurgie que du pus 
accuniulé à la surface du cèï'veau détruisûit nos facultés, et 
que Tévacuation du |jus leur [permettait de reparaître, je ne fus 
plus uuiître de les concevoir autrement que comme des actes 
d'un cerveau vivant, quoique je ne susse ni ce que c'est 



40 LES MÉDECINS BRETONS 

qu'un cerveau, ni ce que c'est que la vie. Ainsi les études ana- 
toraiques, physiques et chimiques ne m'ont rendu ni plus ni 
moins croyant, c'est-à-dire capable de me figurer, avec convic- 
tion, un Dieu opérant comme un homme multiplié et une âme 
faisant mouvoir un homme, parce que cette âme me paraissait 
un cerveau agissant et rien de plus, sans que je puisse dire 
comment il agissait. 

» Beaucoup d'autres hommes sont comme moi; le senti- 
ment ne suffit donc pas pour prouver les faits extérieurs k 
toutes les intelligences parce qu'il ne démontre rien que sa 
propre existence. On l'a en soi, c'est chose sûre, puisqu'on le 
sent, mais on ne l'a que pour agir sur l'extérieur, et cet exté- 
rieur n'est montré que par l'intelligence d'après les formules 
des sens. Si l'on croit sur un autre extérieur, on se trompe, on 
ne peut voir que celui-là. Telle est ma croyance. » 

Nous écrivons une biographie, toutes discussions philoso- 
phiques sortiraient de ce cadre; nous voulons toutefois faire 
deux remarques : 

Ces pages dénotent une nature droite et loyale ; et leur sincé- 
rité est de toute évidence. Le caractère de Broussais n'en 
ressentira aucune atteinte. Qu'il nous soit néanmoins permis 
de relever cette phrase : « Je ne crains et n'espère rien d'une 
autre vie, parce que je saurais me la représenter ». Pourquoi 
Broussais n'a-t-il pas dit aussi : je ne saurais admettre l'exis- 
tence d'une intelligence coordonnatrice et créatrice, car je ne 
saurais me la représenter ; et pourtant il l'admet et il est, hélas I 
de toute évidence qu'une telle chose est impossible à l'homme. 
Se refusera-t-on à admettre l'existence de Dieu parce qu'il est 
non moins impossible à l'homme de se le « représenter ». 
Voilà des contradictions que les plus belles intelligences ne 
savent pas toujours éviter. Foi en Dieu, foi au Néant, voilà pour 
l'humanité le terrible dilemme; et jamais, jamais elle ne 
l'évitera. Elle ne pourra jamais que croire, jamais l'homme, ici- 
bas, ne pourra aller au delà. 

« Le monde allait entrer dans un nouveau siècle; le dix- 
neuvième allait s'ouvrir, et sous quels auspices I » L'astrono- 



BROVSSAIS 



41 



ie, la physique, la chimie, l'histoire naturelle allaient explo 

"per « des coiitroes n"^ijulées jusque-la inaccessibles » et pr/^parer 

par des faits nouveaux dont senor^^^ueillit. et ii juste titre, 

notre époque, ce mouvement scientilique moderne si fécond 

en résullals. 

Dans lamédeci ne, IMnel et Bichats'efïorçaicnt alors de prendre 
part à ce gratid renouveau. Au sein de IV'Cole de santé, oji 
comptait de grandes illustrations médicales : Chaussier ensei- 
gnait la physiologie; Halle, Thygiéne; Sabatier; la médecine 
opératoire; Boyer, Ûupuytren, la chirurgie; Corvisart, la cli- 
nique interne. 

A recelé de ces grands maîtres, Broussais passa quatre 
années. Le 5 frimaire an XI. il soutenait sa thèse inaugurale, I! 
traitait de la fièvre hectique ; et admettait resseiitialité des 
lièvres, ilétaitontologiste, Use contredira plus tard^ car les prin- 
cipes qu1l a ihHenduselqui oiitdoinié tant d'éclat ù son nom, 
étaient en opposition llagrante avec ceux qu'il soutint alors. 
Toutefois, sur certains points, Bruussaîs est resté conforme h 
ses premières idées, il est toujours resté vitaliste. <^ En 1829, il 
puhha un ouvrage pour prouver que toute maladie est vitale 
dans son principe, et qu'on est malade avant que les tissus 
soient altérés n; remarque d'une profonde justesse et d'une 
haute portée de philosophie médicale. 

Grâce a la protection de Desgcnctles, Broussais va quitter la 
rue du Bouloy pour devenir médecin des armées impériales. 11 
entrait dans sa voie. 

Quelles étaient alors ses idées médicales? u J étais parti, dit- 
il, iudju de la doctrine de Piiiel sur les lièvres, c'est-à-dire, ne 
les raj^porlant que d'une manière très vague et très générale 
aux altérations des organes; j*en suis revenu avec la convic- 
tion que celte doctrine était fausse. Tobservalion m'avait 
inspiré d'autres idées ». 

« La fièvre hectique avait été Tobjet des recherches de toute 
sa vie. Attaché à riiopital d Udine, it est frappé du grand 
nombre de jiames malades qui lui arrivent, pâles, silencieux, 
amaigris, perdant chaque jour leurs forces. Chez les uns, il 



42 LES MÉDEONS BRETONS 

trouve une fièvre hectique bien prononcée; chez d'autres, il 
n'y a pas de mouvement fébrile appréciable. » 

Il poursuit avec persévérance l'étude de ces intéressants 
malades et constate l'existence de ces nombreuses Phlegmasies 
chroniques qui vont devenir pour lui la base d'un des plus 
beaux ouvrages qui soient sortis de la main d'un médecin. 
« C'était l'œuvre d'un praticien consommé. 11 aurait pu mettre 
le sceau à la réputation d'un autre, il commençait la sienne ». 

Ce livre ne fut pas apprécié, lors de sa publication, comme il 
aurait dû l'être. Broussais s'estima heureux de trouver un 
libraire qui voulut bien lui en donner 800 fr. 

Le grand mérite de ce livre a été, non pas de marquer le 
début d'une grande guerre contre l'essentialité des fièvres, 
mais surtout de ramener les médecins à l'observation des 
organes malades et à la thérapeutique, l'une et l'autre trop 
négligées jusqu'alors. 

Dans cet excellent ouvrage, Broussais a rendu à la science 
un immense service ; il est venu dire aux médecins de son 
temps : Si vous voulez faire avancer la science, interrogez les 
cadavres, voyez quel est après la mort l'état des organes, et 
vous saurez ainsi ce qu'on doit faire pendant la vie. 

Pour comprendre ces paroles qui, aujourd'hui paraissent 
étranges, il faut se reporter à l'époque où elles furent écrites. 
L'observation rigoureuse des faits, l'expérimentation faisaient 
alors leur premier pas. Depuis de longs siècles, on vivait trop 
de cet esprit d'argutie, de chicanes, né de la philosophie sco- 
lastique et de l'abus du syllogisme. Dieu sait aussi ce que 
furent dans ce passé les thèses de l'école de Paris C) où 
l'argumentation était parfois d'une grotesque puérilité; on 
allait quitter ces errements, et Broussais, avec la pénétration, 
la sagacité de son esprit observateur, son indépendance, 
ouvrait une voie nouvelle qui, depuis, a été si féconde. 

Ce fut là l'œuvre maîtresse de Broussais, celle qui fit beau- 
coup de bien, sans beaucoup de bruit, et qui contribua à 

(I) Voir noire ouvrage : Médecins^ Chirurgiens et Barbiers^ Paris, Steinheil, 18ÎM 



RnOlîSSAlS 



43 



donner un réel cssorl au mouvement scienliûqiie. Celle œ^vre 
est encore admirée et mérite de Tètre; seule elle eut suffi pour 
qiic Brousfais laissa un nom estimé dans la science. 

Il se lança pins lard dans des dissertations médicales qui 
firent beaucoup do bruit, mais linalement pou de bien. Elles 
ont vécu ce qu'à vécu leur auteur; elles ont mis à nu le tempé- 
rament, la lournure d'esprit de Bronssais ; mais encore une 
fois, rinsloire n a plus ù les enrej^islrer que comme une épi- 
sode et non comme un progrés sérieux. 

Quelles étaient donc les idées de Bronssais? Quel but pour- 
suivait-il? Haller avait fait ressortir la propriété qu'a la fibre 
musculaire de s'irriter et de se contracter. Celte irritabilité 
qui, selon Broussais, était restée stérile dans la science, devint 
lu point de départ de sa doctrine, le phénomène fondamental 
dont il fil dériver toutes les fonctions organiques; par l'irrita- 
lalioii il voulut expliquer tous les désordres de l'économie, et 
sur ce système reposa sa physiologie, sa palholoj^ie, sa théra- 
peutique, et même sa philosophie. 

Broussais a voulu ériger en principe un système conçu à 
priori. C'est Ik Técueil de tous les théoriciens qui, passionnés 
par leur concept, ne s*aperçoivcnt pas ou ne se rendent pas 
compte que la science n^a pas encore assez progressé pour 
qu*une théorie solide puisse Ôtrc mise en avant. Pas plus hier 
qu*aujourd"hui, nous ne pouvons mettre en avant une théorie 
générale de la médecine; mais nous avons quelques théories 
partielles qui, approfondies, nous amèneront on jour h des 
idées plus générales, et nous ferons alors de la véritable 
science. Celle-ci, malgré les progrés sérieux faits depuis un 
siècle, vit encore dans l'attente de ce jotir ou une théorie géné- 
rale pourra s'imposer, et il n'est guère près de luke; mais cela 
ne découragera pas ies esprits aventureux qui se passionne- 
ront encore d un certain idéal scientitique. Toutefois recon- 
naissions que rheure semblait propice h une nouvelle éclosion 
de systématisation, lorsqu'apparut Broussais. 
La Nosographie philosophique, cette application exagérée de la 

méthode analytique à l'étude des maladies, ce système où le 



K\ 



v\%^^^^^ 



44 LES MÉDECINS BRETONS 

solidisme règne à peu près exclusivement, commençait à 
vieillir. 

D'un autre côté, l'école de Pinel, dite de la Salpêtrière, l'école 
philosophique avait pour antagoniste celle de Corvisart ou de 
la Charité, Técole hippocratique ou de l'observation . Celle-ci 
était restée fidèle aux doctrines du médecin de Cos, de Stall,de 
Cullen; elle était à la fois humoriste, solidiste et vitaliste, et 
elle s'occupait avec ardeur d'analomie pathologique; mais 
toutes les théories médicales régnantes offraient des lacunes 
et laissaient à désirer aux esprits les plus sérieux; il suffisait 
d'un homme audacieux pour entraîner les masses incertaines 
dans leur évolution, et Broussais apparut. 

Avant d'aller plus loin, il nous paraît intéressant de rappeler 
ici un épisode de sa vie. 

De faits secondaires, de prime abord insignifiants, découlent 
parfois des conséquences imprévues. Broussais, de retour à 
Paris en 1814, lança sa fameuse doctrine de la médecine phy- 
siologique qui fut, dit Mignet, peut-être due, pour une partie au 
moins, à un incident personnel. Voici le fait : 

Pendant que Broussais était k Nimègue, il avait été saisi par 
une fièvre grave. Il reçut la visite et les conseils de deux méde- 
cins de ses amis. L'un recommanda les cordiaux et le quin- 
quina pour échapper à une fièvre adynamique; l'autre pensa 
qu'il fallait recourir aux purgatifs pour combattre une fièvre 
putride. Embarrassé entre ces deux avis et ces deux traite- 
ments contradictoires, Broussais n'en fit aucun. Se voyant en 
danger, il quitta son lit avec une fièvre brûlante et s'assit 
presque nu devant son secrétaire pour mettre ordre à ses 
papiers. C'était au mois de janvier et les rues de la ville étaient 
couvertes de glace. Pendant le temps que Broussais resta devant 
son bureau, les ardeurs de la fièvre s'apaisèrent, un sentiment 
de fraîcheur et de bien-être pénétra dans tout son corps. Frappé 
d'un résultat si imprévu, Broussais, pour qui tout était objet 
de réflexion, changea son imprudence en expérience. Devenu 
téméraire par esprit d'observation, il ouvrit la fenêtre et res- 
phra longtemps l'air froid du dehors. Il s'en trouva mieux, et 



BHOUSSAIS 



4» 



il conclut qu*unc boisson rafraîchissante serait aussi salutaire 
h son estomac brûlant que Tair glacé Tavait été pour sa poi- 
trine embrasée, et il s'inonda de limonade- En moins de qua- 
rante-huit heures, il était guéri. Ce tait le frappa beaucoup et 
ne fut pas sans inQuciice sur sa Lhérapcutiquc future, mais 
resta sans conséquence i^our ses idées doctrinales. 

Elablir un twaveau système en médecine, une théorie géné- 
rale que lui et ses partisans désignèrent sous le nom théorie de 
Virritation; tel fut donc le but de Broussais. Pour lui, Firrita- 
lion, c'est le grand agent vita!, c est ce qui détermine toutes les 
Ibnctions de la vie. Si Tirrilation se maintient dans de justes 
limites, les fonctions s'exécutent librement et harmonique- 
ment: c'est Ik la santé, Tétat normal. Si Tirritation est en 
moins, il y a faiblesse; si elle est en plus» il y a intlamraation. 

Toute maladie commence par excès ou par défaut d'irrita- 
tion* L'excès est plus fréquent que le défaut. 

Nulle dilférence essentielle entre les maladies. Leurs dissem- 
blances sont fondées sur le degré d'irritation, excès ou défaut, 
et aussi sur les symi»athies particuhèrcs qui existent entre 
Torgane primitivement lésé et les autres organes. En consé- 
quence, le médecin doit s'occuper surtout de la recherche de 
l'organe ou de Tappareil organique primitivement lésé* 0\\ 
comme dit Bryussais, c'est Testumac ou Tun des points du 
tube digestif qui est sauvent la cause initiale; on comprend 
pourquoi la gastrite et la gastro-entérite ont joué un si gratid 
rùle dans \^ pathologie phijaioiogique. 

Plus de causes spéciûques, plus de virus, iis n'ont point 
d*existence réelle, ce sont de pures créations des ontologistes 
des temps passés, 

Kergaradec, dans son étude sur Broussais, cite le fait suivant 
qui prouve jusqu^où ses adeptes poussaient la conséquence 
(Je ces doctrines; l'issue en est terrible * 

u Un étudiant en médecine, bon et honnête jeune homme, 
18 laissa persuader, sur la parole du maître, que le 
virus syphilitique était une chimère. 11 voulut le prouver 
par une ex(véricnce directe et personnelle. En conséquence, il 



46 LES MÉDECINS BRETONS 

S'inocula au bras du pus d'un bubon , recueilli sur la pointe d'une 
lancette. Un chancre se déclara. Irritation locale, pensa l'impru- 
dent expérimentateur, et que des antiphlogistiques employés 
localement auront bientôt dissipé I Vain espoir I l'ulcère de mau- 
vaise nature prenait de l'accroissement. Alors le malheureux 
ne crut plus à une affection locale, mais nous ne pûmes réta- 
blir sa confiance en l'eflicacité d'un traitement éprouvé par 
plusieurs siècles de succès! Sa tête s'égara; il se vit, dans 
l'avenir, voué à toutes les horreurs d'une syphilis constitution- 
nelle. 11 se donna la mort pour se soustraire au sort que son 
imagination lui représentait comme inévitable. » 

La médecine nouvelle se réduisait en quelque sorte aux 
trois points suivants : une maladie (rinilammation); une indi- 
cation (débiliter); un traitement (sangsues, eau de gomme, 
diète). Tous les auteurs anciens devenaient inutiles ; il fallait 
les brûler, car ils professaient des principes dangereux ou 
faux. Aussi vit-on des élèves, à la sortie d'une leçon de Brous- 
sais, arrêtés à lire des annonces de librairie, s'écrier avec un 
ton emphatique ; Bouquins! et ils s'éloignèrent. 

Sur quoi se fondait Broussais pour étayer sa doctrine? « Sur 
de prétendues conditions organiques qu'il n'avait jamais vues, 
et que personne n'avait pu voir, qu'il décrivait avec complai- 
sance, auxquelles il revenait sans cesse, et qui étaient de 
pures abstractions, constituant ainsi rortfo%te la plus flagrante. 
C'était tantôt une accélération ou un ralentissement des mouve- 
ments moléculaires; tantôt une condensation ou un relâchement 
de trois ordres de libres I D'où l'irritation, la subirritation, 
l'abirritation 1 L'on arrivait ainsi à cette étrange conclusion 
que rirritation qui préside ainsi aux fonctions d'un organe, 
(l'acte digestif, par exemple) est la même que celle qui produit 
l'inflammation (la gastrite). Elle n'en diflérerait que par le 
mode ou le degré. 

Cette théorie n'était, au fond, a qu'un prétendu rationalisme 
systématisé, correspondant de tout point au méthodisme des 
anciens ». C'était le retour au dualisme pathologique professé 
dans l'antiquité par Thémistocle (de Laodicée), Thessalies (de 



BROUSSAtS 



4t 



Tralles), etc.; et dans les temps modernes par Sylvîus, Hecquet, 
Brown, clc; pure hypothèse qui n'a abouti qu'aux conclusions 
pratiques les plus opposées. 

Qui ne sait, par exemple, que si, d'après Bro^vn. 97 malades 
sur 100 sont asthéniqties, pour Broussais, îa proportion est 
diamétralement opposée? De telle sorte que, suivant le pre* 
mîer, c'est aux toniques qu'il faut avoir recours; tandis qu'avec 
Broussais» c'est aux débilitants qu'il faut donner la préférence. 
Voilà où mène la systématisation I 

Broussais crut attacher sa gloire à la doctrine de rirrilation, 
il se trompa étranKemenl; elle ne résista pas à des critiques 
serrées, à la stricte observation des faits, et le bruyant nova- 
teur» le tribun médical assista lui-même à sa défaite; peu à 
peu il se vit abandonné. 

Les abstractions ne peuvent guère vivre à côté des faits sans 
ti^ahir leur côté faible. Les résultats cliniques n'avaient pas 
répondu aux fastueuses promesses du théoricien. Les disciples 
les plus brillants de la nouvelle école manifestèrent hautement 
eux-mêmes leurs dissidencesen plusieurs points ; ce fui l'aurore 
de la débâcle de la médecine physiologique qui, je le répète, 
n'est plus aujourd'hui qu'un souvenir. 

Le coup d^tat de 1823 le chassa de l'école; telle fut alors la 
politique de la Restauration, 

Mais il se vit, en 1830, rappelé et pourvu de la chaire de 
ptfr/i(?%te^éwerafe; les auditeurs n'étaient plus là, Topposition 
n'avait plus de raison d'être, elle silence et le vide se firent 
autour du bruyant orateur, et nulle chaire pourtant ne sem- 
blait mieux lui convenir. N'est-ce pas, en elfet» dans le pro- 
gramme de la pathologie générale qu'on peut aborder toutes 
les théories, tous les systèmes, en délermiticr les bases, en 
sonder les profondeurs? « Son désappointement fut cruel. Le 
chagrin qu'il en éprouvait se trahissait sur sa belle figure i). 

Broussais, nature ardente et énergique, voulut ressaisir la 
popularité qui lui échappait, il lui fallait la lutte, la résistance. 
Bien que comblé d'honneurs et de distinctions, il voulut de 
nouveau agiter les esprits, et désespérant d'y parvenir, il se 



48 LES MÉDEaNS BRETONS 

jeta dans une science qu'en dautres temps il avait lui-même 
attaquée et condamnée : l^phrénologie. 

Mais, avant de le suivre dans cette dernière étape de sa vie, 
arrêtons-nous quelques instants sur cei*taines doctrines où on 
l'avait déjà vu préluder dans son livre De Virritation et de la folie. 
Broussais allait aborder Texamcn du principe des facultés 
intellectuelles. 

C'était en 1828; mais Broussais allait trouver à ses opinions 
des opposants formidables. Des hommes d'un incomparable 
talent, écrivains de premier ordre, habiles surtout dans l'art de 
manier la parole, avaient établi une nouvelle école en philoso- 
phie, ils se posaient comme des réformateurs, et la jeunesse les 
écoutait. Elle avait salué leur retour dans leur chaire par de 
longs applaudissements. 

Cette nouvelle philosophie s'attaquait ouvertement aux doc- 
trines sensualistes du dix-huitième siècle. Elle venait de soule- 
ver ces graves questions, éternel problème pour l'humanité : 
Dieu, l'âme, la destinée de l'homme, la conscience, le libre- 
arbitre. 

Nous n'avons pas à entrer dans le débat de la question qui 
mit aux prises, théologiens, philosophes, médecins même, 
nous n'avons ici qu'une tâche: rapporter les opinions de 
Broussais. Sa réponse était simple : « Ne savez-vous pas, disait- 
il, que toutes les facultés intellectuelles sont attachées à l'encé- 
phale, qu'elles naissent, se perfectionnent, s'altèrent, s'amoin- 
drissent et se détruisent avec ce grand instrument matériel? 
Ne voyez-vous pas, reprenait-il, que ces facultés sont graduées, 
fractionnées, inégales, variables comme les organes qui les 
accomplissent? donc elles ne peuvent dépendre d'un Tout invi- 
sible, identique et toujours sibi constans. Il y a plus, continuait 
Broussais, suspendez pendant un moment l'action des agents 
extérieurs sur l'homme, et vous anéantirez toute action ner- 
veuse, vous ferez disparaître avec la vie ce qu'il vous plaît 
d'appeler pompeusement la seule partie noble et subhme de 
notre être, l'âme, l'immatériel I » 

£n s'appuyant sur les rapports entre le développement et le 



BROUSSAIS 



4â 



dépérissement des facultés intellectuelles, Broussais ne faisait 
que remettre en avant la vieille et iHernelle objection des 
matérialistes de tous âges. 

t Erreur commune à tous ceux qui n'ont point su analyser 
Tenlendement humain; ce n'est pas le moi, en effet, ce n'est 
pas Tesprit indivisible de sa nature qui tombe ainsi en ruines 
avec le corps; ce sont des facultés secondaires, c'est la sensibi- 
lité avec tous ses modes, c est la mémoire, ce sont les passions, 
mais tout cela n'est pas le moi; les passions agitent le moi\ 
elles Tentraîncnt, elles l'aveuglent, mais elles ne le constituent 
pas. 

» L'intelligence elle-même ne doit pas être confondue avec 
le mot; elle Téclaire, elle le guide, mais le moi en est tellement 
distinct qu'il a la conscience de toutes ses incertitudes et de 
toutes ses faiblesses; il sent parfois que ce flambeau va 
s'éteindre ou qu'il va rentrai ner dans les abîmes de la 
démence! » 

Broussais ne voulait rien entendre, il Irailail toutes ces 
distinctions de « subtilités »; sa pliilosopliie élait celle du dix- 
huitième siècle» il n'en voulait pas sortir 

Broussais cédait ici plus h la pente naturelle de son esprit 
qu'à des convictions nées de fortes études et de longues 
réflexions. Broussais avait peu d Vrodition, même en médecine, 
et quant à Thistoire de la philosopliie, il Tignorail à peu près 
complètement. A combien de savants de nos jours ne pourrait 
s'appliquer une telle remarque? Comme Broussais, ils cèdent 
plus à la pente naturelle de leur esprit qu'aux convictions nées 
de fortes études philosophiques. 

Ce fut deux ans après l'apparition de son Traité de Virrifation 
et de la folie, où Broussais attaquait les philosophes spiritua» 
listes, qu'il fut nommé professeur de pathologie générale, et vit 
son amphithéâtre devenir presque désert. Cest alors, nous 
l'avons dit, qu'il voulut reconquérir cette popularité qui lui 
échappait, en inaugurant l'enseignement de la localisation des 
tacullés intellectuelles. 11 se jeta alors dans cette science qui 
fit, elle aussi, plus de bruit que de bien : \^ phrénologie. 



50 IXS SCÉDCCCrS wmsToss 

£d 1807, ipparot à Piris qd docteur allemand d'une faconde 
inépuisable et d une présomption sans limite. Le docteur Gali 
se donnait comme ayant fait la découTerte d'une véritable 
carte cramiùl^tfifwe où chaque département révélait le penchant 
bon ou mauvais de chaque individu, où chaque faculté avait 
ses limites et ses frontières distinctes ; et pour connaître la 
valeur d'un homme, il sufllsait d'explorer la surface de son 
crine« on y trouvait la raison de ses crimes ou de ses vertus, 
de ses bassesses ou de ses grandeurs. Broussais se fit le défen- 
seur d'aussi étranges aflirmations. 

« Ses leçons attirèrent un grand concours d'élèves et de 
gens du monde; il put se croire un moment revenu aux pre- 
miers jours de sa gloire; le vaste amphithéâtre de la Faculté, 
naguère si calme et si désert, était encombré d'auditeurs; 
Broussais avait repris toutes ses allures de tribun; sa voix 
dominait cette foule bruyante et compacte. Cest qu'aussi il y 
avait là un attrait particulier : on avait fait courir le bruit que 
Broussais, dans ce cours de phrénologie, se proposait d'attaquer 
ouverlenienl, et avec une hardiesse jusque-là inconnue, les 
deux grands dogmes de toute société humaine : le spiritua- 
lisme de rame et Texislence de Dieul On promettait en son 
nom des doctrines incendiaires, et le gouvernement, disait-on, 
intei'viendrait ». 11 en eut fallu moins pour attirer la foule. Les 
portes de ramphithéâtre étaient assiégées longtemps avant 
riieure de ses leçons et il s'y passait des scènes bruyantes 
qu'il raconte ainsi lui-même : 

(( A ma première leçon, afflux immense; à la deuxième, pire 
encore; à la troisième, bien pire encore; les portes sont brisées 
comme si elles étaient de verres; plus, rupture de la grille 
d'enceinte réservée, qui n*est pas de bois comme celle de mes 
poules, mais de bel et bon fer; enfin, pression telle que je 
risque d'étouffer pour arriver à ma chaire ». Broussais exul- 
tait. 

La police intervint, son cours fut suspendu. On transigea* 
L'autorité lui permit de continuer son cours dans un local loué 
par les auditeurs, sous cette réserve qu'il déclarerait qu'il 



BKOUSSAIS 



fit 



croyait en Dieu, « non du fond do cœur, comme le com- 
mun des hommes, mais comme le doit faire un savant par la 
partie antérieure de son cerveau ï 

m Quant à Iiime, il se montra plus récalcitrant; il déclara 
qu'il ne prenait nullement rengagement de la protéger contre 
les inductions de la phrénologieî n II put alors continuer son 
cours, mais la foule n'y vint plus. 

Un polémiste pareil ne pouvait se contenter de ses ouvrages 
didactiques, il lui fallait un périodique oii chaque jour il pou- 
irail venir défendre sa doctrine. Il fonda les Annaies de la méde- 
cine physiologique qui durèrent treize ans, trois ans de plus que 
la persévérance de ses abonnés, dit Kergaradec. 

« Broussais y développa un grand talent d'écrivain, se mon- 
trant redoutable dans ses arguments, prompt dans ses répliques, 
habile dans la dialectique, toujours abondant, vigoureux, clair, 
facile, méthodique et souvent très brillant; de tous les ouvrages 
qu'il publia, son journal est peut-être le plus étonnant, » 

L'histoire ne pourra contester à Broussais, d'avoir entre- 
pris, avec la vive conscience de la nécessité et de limporlance 
de Tœuvre, une critique régulière des principes de la médecine, 
considérée comme science et comme art, et d'avoir essayé 
d'élever Tédifice médical sur une base rationnelle. Pour y arri- 
ver pleinement (ul lui manqua surtout rintelligence pliiloso- 
phique,etil arriva de là que son plan dinvestigation, qu'il avait 
conçu vaguement dans sa grandeur par une sorte dinslinct, 
se réduisit trop souvent, dans l'exécution, aux mesquines pro- 
portions d'une hoslililê tracassiére et passionnée contre tout 
ce qui ne s'ajustait pas à ta courte mesure de son propre sys- 
tème. Il rapetissait ainsi sa mission réformatrice en la concen- 
trant dans cet étroit horizon », 

Si ces critiques sont vraies, il faut affirmer que Broussais 
n'hésita |)as h proclamer « hautement qu'on ne saurait rien en 
médecine tant qu'on ignorerait le grand art d'explorer les 
organes et d^inierpréfer les symptômes, ce qu'on ne faisait 
guère avant lui, et c'est vers ce double but, qu'usant de sa 
force, pour ne pas dire de sa violence, il a poussé ou plutôt 



précipité les esprits; c'est en ce secs qvH est resté le promo- 
teor de toos les ptfjçrH accomplis de dos jours en médecine ; 
c'est à loi qall faat en npfofier llK>Q!ieor •. Toilà sa ^oire la 
plas pore, et elle lai restera. 

Cne cérémonie mémorable derait an joor consacrer la 
mémoire de cet homme éminent dont € Fesprit plein de har- 
diesse, d'intelligence et de c»:»njeciares. eat une àme ardente et 
foaguease, inégale, emportée, mais pourtant sans haine et 
sans fiel ». Il attaquait les systèmes, mais sut toujours respec- 
ter les hommes. 

Une statue lui fut élcTée à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, 
le 21 août 1811. Pariset fut chargé de prononcer le discours 
d'inauguration, et il termina [>ar ces paroles : « Broussais était 
déiste et animiste; et il m'est doux de le proclamer à haute 
voix, à la face d'un public auquel on avait inculqué d'autres 
idées. Oui, je le répète, Broussais est mort dans ces sentiments 
d'autant plus respectables qu'ils ont été le fruit d'une médita- 
tion approfondie et d'un long travail de l'esprit. Cet ami des 
hommes et de la vérité a jugé qu'il devait, en faveur de la 
morale, consacrer par son témoignage le double dogme qui la 
sanctifie; ne méconnaissant pas que l'homme n'a de prix sur 
la terre et ne peut aspirer à une solide et vraie gloire que par 
la vérité et surtout par la vertu. » 

Historien, nous devons consigner cette autre parole de 
Mignet : « 11 se présenta, dit-il, comme le restaurateur de 
l'école expérimentale et analytique de Bacon, de Locke, de 
Condillac, de Tracy, et comme le continuateur des travaux de 
Cabanis. Engagé dans ces voies, il s'y avança plus loin que tout le 
monde. A ses yeux l'homme physique est l'homme tout entier. 
Broussais ne reconnaît pas en lui un principe spirituel distinct 
de rélément matériel. C'est par ses nerfs qu'il sent, c'est dans 
SCS viscères que se forment ses instincts et ses passions, c'est 
dans son cerveau que s'élabore sa pensée, c'est dans son orga- 
nisme que réside sa personnalité. Mais ces appareils matériels 
ne sont pas seulement le siège de ces phénomènes, ils en sont 
la cause. Ainsi la sensibilité est un produit nerveux, la passion 



fiROUSSAlS 



58 



est un acte viscéral, rintelUgence est une sécrétion cérébrale, 
et le moi est une propriété générale de la matière )), 

Ces affirmations de Mignet sont corroborées par certaines 
pages de son Traité de l'irritation et de la folie. Elles semblent 
toutefois en contradiction avec d'autres afflrraations. En 
reconnaissant, comme il Ta fait, un souverain auteur à FUni- 
vers, Broussaisn'aurait'il pas dû s'apercevoir que le corps ne 
peut pas plus se passer que le monde d'un ordonnateur spiri- 
tuel, Broussais» nous Tavons dit, manquait d'érudition, il 
n*avail fait aucune i^tudc pliilosophique, ainsi s^expliquenl on 
partie ces contradictions. 
11 céda, ce fut Vécueil de toute sa vie, et dont il ne sut 

pas se garder, beaucoup plus 
à la pente naturelle de son 
esprit fougueux , intempé- 
rant^ irréfléchi, qu'à des con- 
victions nées de fortes études 
et de longues et sages ré- 
flexions. Et c'est là le juge- 
ment que peut porter riiis- 
toire sur cet liomme érainent 
et qui a rendu d'immenses 
services à la science et à son 
pays. (1) 

P. — Recherches sur la fièvre hcctiquo considérée comnie dépen- 
dante d'une lésion d*arlion des différents systèmes, sans tîcô orga- 
nique, Paris, an XIÏ, in-8' de 130 p, (thèse du doctoral). — Histoire 
des phlegmasies ou inflammîitions chroniques, fondée sur de nou- 
TeUes observations de clinique et d'anatomîo pathologique, Paris, 
Gabon, 1808, 2 vol. in-S'; cinq éditions, 1816, 1822, 1826, 1838, — 
Lettre sur le service de santé inlvrieuro des corps d'arniéc, XtTès de 
la Fonteru, 1811, in-4' de 50 p. — Examen de la doctrine médicale 
généralement adoptée et des systèmes modernes de nosologie, dans 

(1) Lecacire. qui avait assisté an cours de Broussais» et qui copiait, dîMi, dans une 
aorte dr ravis^frtit'nl, la substance iJu cours dt* Iîi rue dfs Gro^, nou* a lai&^é un 
fa|NHM* sommaire «Fune (rfsgmnde elarlè dt' la palhnlugM' pliysiologriq»^ de Hrous- 
nis; il nous a paru trop Inlcrcssant pour ne pa^i le rt^proituiri*. 

• Rue des Grùs, rirrilation est la cause de toute maladie. — Seuls, les solide 




54 LES MÉDECINS BRETONS 

lequel on détermine, par les faits et par le raisonnement, leur 
influence sur le traitement et sur la terminaison des maladies, Paris, 
Gabon, 1813, in-8* (plusieurs éditions). —Traité de physiologie appli- 
quée à la pathologie, Paris, Delaunay, 1822-1824, 2 vol. in-8*; 2*édit., 
1834. — Le cathéchisme de la médecine physiologique ou Dialogue 
entre un savant et un jeune médecin, Paris, Delaunay, 1824. — 
L'irritation considérée sous le rapport pathologique et physiologique, 
en Encyclopédie progressive, Paris, Coste, in-8* de 64 p. — De Tirri- 
tation et de la folie, ouvrage dans lequel les rapports du physique et 
du moral de l'homme sont établis sur les bases de la médecine phy- 
siologique, Paris, Delaunay, 1828; 2* édit., Paris, S. B. Baillière, 
1839, 2 vol. in-8*. — Réponse à une brochure intitulée : Observations 
sur les attaques dirigées contre le spiritualisme, etc., Paris, 1828, 
in-8* de 44 p. — Réponse aux critiques de l'ouvrage du docteur 
Broussais sur l'irritatiou et la folie (Annales de médecine physiolo- 
gique), Paris, Delaunay, 1829, in-8* de 128 p. — Quelques notes sur 
les attaques du livre de l'irritation, Paris, La Chevardière, 1829, in-8* 
de 4 p. — Commentaire des propositions de pathologie considérée 
dans l'examen des doctrines médicales, Paris, Delaunay, 1829, 2 vol. 
in-8*. — Mémoire sur l'influence que les travaux des médecins phy- 
siologistes ont exercé sur l'état de la médecine en France (Acad. des 
sciences), Delaunay, 1832, in-8* de 24 p. — Mémoire sur la philoso- 
phie de la médecine (Acad. des sciences), Paris, Lachevardière, 1832, 
in-8* de 24 p. — Do la meilleure méthode de philosophie en méde- 
cine et des obstacles qui en retardent les progrès (Ann. de méd. phys.), 
1832, in-8* de 48 p. — Le choléra-morbus épidémique observé et traité 
selon la médecine physiologique, Paris, Delaunay, 1832, in-8* de 211 p. 

sont susceptibles de devenir malades. — Aussitôt que l'irritation locale s'élève ^ un 
certain degré, elle se répète dans d'autres systèmes ou dans d'autres appareils plus 
ou moins éloignés. — Plus la sensibilité de Torgane irrité et celle de Tindividu sont 
considérables, plus les sympathies sont multipliées. — De tous les organes, Testomac 
et le duodénum étant les plus accessibles à Taclion des agents intérieurs sont aussi 
ceux qui sont le plus souvent atteints par Tirritation. — Les sympathies de Testo- 
mac sur le cœur et sur le cerveau étant de tous les instants, il s'ensuit que l'irrita- 
tion de Testomac réagit d'une manière morbide sur le cerveau et sur le cœur. — 
L'inflammation de l'encéphale est plus souvent l'effet sympathique des inflammations 
de l'estomac que leur cause. — L'inflammation altère toujours les fluides de la 
partie enflammée, et quelquefois la masse entière des humeurs. — L'inflammation 
laisse toujours à sa suite un mode d'irritation qui porte un nom différent du sien, 
et produit une cacochynise que l'on a crue essentielle. — La fièvre n'est jamais que 
le résultat d'une irritation primitive de cœur, primitive ou sympathique. - Toute 
irritation est assez intense pour produire la fièvre, est une des nuances de l'inflam- 
mation. — L'inflammation de la membrane muqueuse de l'estomac s'appelle gastrite; 
mais elle n'est jamais vérifiée sur le cadavre qu'avec celle de la membrane muqueuse 
des intestins grêles. Il vaut donc mieux leur donner le nom de gcutro-etUérite, — 



BR0US5AIS 



55 



— ÉditioQ authentique des îeçons professées par Broussais à rhôpilal 
du Val'dè'Grâce. — Lettre sur le t*ho!/^ra-morbus, Lyon, Perrin, 
1S32, iii-8* de 2 p* — Cours de pathologie et de th^^ra peu tique qAniV 
Taies professé ù la Farult*^ de nu'^dpcine de Paris, Paris, J.-B. Bail- 
lière, 183M^:^5, 5 voL in-ft". — Cours do phrénologie, Paris, J,-B. 
Boillii^re, 1^36, ln-8' de 850 p — Société phrénologique do Paris, 
Paris* Dezauche, 1837, in-*** de 20 p. — Annales de médecine physio- 
logique, Paris, Delaunay, 1822-183i, 26 voL in-^*. — Mémoire sur la 
circulation eapîlîiiire tendant h mieux faire connaître les fonctions 
du foie, de la rate et des glandes lymphatiques, Soc. méd. d'Émula- 
tiôB. T, VIL p. A. — Mémoire sur les particularités de la circulation 
avant et après la naissance (même recueiL T. VIIl). — Mémoire sur 
Vassociation du physique et du moral (Acad. des se. morales et polit., 
T, ï, p- 75), — Du sentiment de rindividualité, du sentiment person' 
nel el du moi, considéré chez l'homme et les animaux, T. III, p. 91. — 
Plusieurs articles dans le journal des sciences médicales, 

S.— N. B. G. - B. B. L. — Éloqcs par Dubois, d*AmîensJus A 
l'Académie de méderrine, Paris, Didier, — Notice historique sur Brous- 
sais. par le Docteur de Montégre, Paris, 1849; in-8' de 156 p, — Notice 
historique par Priou, Nantes, ISii, în-8*. — Notice historique par M. Mi' 
floel (Mémoire de TAt^ad, des se, morales et polit,, T. IV; réimprimée 
dans la Revuedesdeux Mondes Juillet 1^40.— Élof]e prononcé :\ Faculté 
de médecine de Paris, par Ph. Br^rard. — Éïoqe prononcé par Michel 
Lévy, professeur au Val-de-GrAco (Recueil des mémoires do méde- 
cine, etc., T. XLVL p. 363-392), — Discours de Pariset à l'inaugura- 
tion de la statue de Broussais au Val-de-Grâce, — Broussais et Laônner, 
étude comparative par le docteur Lecadre, Soc. Havr. d"Él. div. 1868. 

Toutes les fièvres e»senUelles des auteura se rapportent h h gastro-entèHle simple 
ou compliquée, — La plupart des dyspepsies, (^aslrodynie», Rpslralgies, pyrosis^ 
car(!iA)gie«, ti toutes les bouïiruies soi! l'i^JTcl d*ime ijaalro-en'.érite chronique. — 

— Point de lut>f^rcules de poumon sans une inflaTinnadon aniécéd»*urc. — Les gra- 
nubUons cartMaiîineu^eSf osseu«cs, calcaires; les mêlanies, les gqnirrcs» les cancers 
du poumon, soal des productions engendrées de la même manière que les tuber- 
eitle» ordinaires. — Les scrofules sont des irrilalions des tissus extérieurs oti prêdo- 
raini» la partie alltumineuse du sang. — Les névroses actives et passives ont le plus 
souvent pour cauî^e une phlegmaste sUuéo dans l'appareil cérébral ou dans les autres 
Tisc^rv:*. — Les fièvres inltTroittentea et rèmîttpnleî» sont des gastro-entèrilea f>ériu- 
diqiiei^ — LsL plupart des poisons végétaux on animaux tirent i^ur la gastro-entérite 
qu*il tlélernûnent. — La débilité est souvent le prcduil de rirrilation, et quelquefois 
conMi lue seule la maladie. — Pour pratitiuer ta médecine av^^c succès, il ne sufOl pas 
de rapporter les symptômes à des organes, il tant déterminer encore en quoi ces 
orgativs diflTerent de Tétat de santé, c'esl-â^dirt- la nature de la maladie, n 

Ce résumé Ir^ clair vaut mieux que de longues dissertations pour eiposer la doc» 
trine de Broua&ais, 



56 LES MÉDBCaNS BRETONS 

DEGLAND (Jean- Vincent- Yves). 

* 1773, 20 janvier, Rennes, 
t 1841, 19 février, Rennes. 

Fils d'un médecin, Degland alla faire ses études à Montpellier 
où il subit sa thèse inaugurale le 14 Mai 1800. 

Un goût très prononcé pour la botanique l'amena k faire 
dans les déparlements du Midi, des recherches qui valurent à 
la Flore française quelques espèces nouvelles. 

Nommé en 1803 professeur de mathématiques et d'histoire 
naturelle au lycée de Rouen, sur la recommandation de Cuvier, 
il revint à Rennes vers la fin de 1807. On le chargea de recréer 
le jardin botanique de celte ville, et il fit, pendant Tété, un 
cours de botanique et. pendant Thiver, un cours de minéralo- 
gie. Il continua ce double enseignement jusqu'en 1818, époque 
où fui formé le muséum de Rennes. 

P. — l.n 8i»vo oiroulo-t-elle dans les plantes à l'instar du sang 
cIiuiH rortninoa rlassrs d'animaux (thèse inaugurale). — De carnibus 
(InlllH^ iiuligonis t(Mitamcn (inst^rô dans la Flore de Loiseleur-Des- 
loiMP'lumïpH ; on y trouve mentionne^ une monographie restée iné- 
dlto doM ^iramliu^os do hi France, par Degland. 

S. - n, 1^ L. - N. B. G. 

BBRTIN (Joseph-Marie). 

^ 1774, 18 Janvier, Fougères, 
t 1H39, {\ Novembre, Fougères. 

Apn'^s avoir lorminé ses études au collège de Rennes, Berlin 
coiinnonça, dans colle môme ville, ses éludes médicales. En 
1703, il dul les inlerrompre pour prendre part, comme sergent- 
major, h Tcxpédilion dirigée contre la majorilé oppressive de 
la Convenlion. Celle Icnlalivc échoua el Berlin reprit à Rennes 
ses éludes. Il oblinl au concours une place d'élève en chirurgie 
à rhôpilal militaire de Rennes, el à ce litre il accompagna un 
convoi de malades dirigé sur Nantes. Il dirigea, à Monlargis, à 
litre d'oflicier de 3^ classe, une ambulance, puis fut envoyé à 
Ponlroy, à Thospice de TEgalité ; el en 1798, il fui, par ordre, 
envoyé au quartier général établi dans le Morbihan. Nommé 



COUTANCEAU 



57 



en 1796 à remploi de chirurgien de 2* classe dans la division 
de Touest des côlcsde TOcéan, il se relira à Fougères après son 
licenciement. 11 se rendit presque aussitôt après à Paris où il 
termina sesiHudes modicales. Il obtint, en 1801. le premier prix 
de l*Ecole de Mi*decine, et soutint sa th^se, en 1802, sur rem- 
ploi des incisions dans le traitement des plaies d'armes à feu. 
U donna peu après des leçons de latin, de chimie et de mathé- 
matiques, dans le pensionnat de l*école Poiymatique. 

Il vint se fixer k Rennes en 1804, et tut, en cette même an- 
née, nommé médecin des hospices civils, puis, en 1808» attaché 
k rHôtel-Dieu et aux Incurables. Dés lors il se livra à rensei- 
gnement de la clinique qu*il ne cessa de professer pendant 
trente années. Il y donna aussi des leçons de chimie qui furent 
1res appréciées des élèves* 

En Î8^3. il fut nomme associé regnicolc de l'Académie royale 
de médecine, et en 1827, membre du jury pour la réception des 
officiers de santé. En 1833, il reçut la croix de clievalier de la 
Légion d\honneur, et en 1834, le titre de membre honoraire de 
la Société des Sciences et des Arts de Heiuies; en 1837, la Ibnc- 
Uon de directeur de l'école secondaire de l'Ecole de Médecine 
de Rennes. Il fut pendant plusieurs années membre du Conseil 
municipal et du Conseil général, où la sûreté de son jugement 
lui assurait une juste itiDuence. 

P, — Dissertation sur remploi des incisions dans les plaies d*armes 
à feu, Paris, 1802, iû-8* (thèse inaugurale), 

S* — B. B. L. — Notice biographique par le D' Aussant, Rennes, 
18é6, MartôviUe, in-S" de El pages. 



COUTANCEAU (GodeCpoy-Barthélemy- Ange). 
^ 1775, 28 décembre, Rennes. 
t 1837, 25 juin. Paris. 

A l'heure où Coutanceau termina ses humanit^^s h Bordeaux, 
les Facultés n'étaient plus, la Révolution les avait supprimées, 
et se faisait o^ciVre/ô sanlé qui voulait. Toutefois, Coutanceau 
s'instruisit assez poursuivre les armées de la République, en 
guerre contre l'Europe coalisée, au titre de chirurgien militaire. 



58 LES MÉDECINS BRETONS 

Son instruction et le zèle qu'il montra toujours dans Taccom- 
plissement de ses devoirs, lui valurent un avancement rapide; 
il parvint au grade de chiruigien major. 

Il fut attaché sous l'Empire, en cette qualité, à un régiment 
de la Garde, fit les campagnes glorieuses de Napoléon et reçut 
de lui la croix de la Légion d'honneur. 

Nommé médecin ordinaire deTarmée, les événements de 18i4 
ne portèrent aucune atteinte à sa position personnelle ; et lors 
de l'organisation de la Garde royale, il devint médecin de l'hôpi- 
tal militaire de Gros-Caillou. 

Coutanceau avait été nommé professeur à l'hôpital du Val-de- 
Grâce et lorsqu'en i820, Louis XVIil créa l'Académie royale de 
médecine, Coutenceau fut inscrit sur la liste des célébrités 
médicales qui devaient constituer cette Académie. 

Coutanceau, dit Kergaradec qui Ta connu, avait une instruc- 
tion solide, un jugement sûr, une nature bienveillante et douce. 
Coutanceau méritait l'estime et l'affection vraie que ce méde- 
cin honnête homme sut inspirer à tous ceux qui le connurent. 

En 1830, il fut porté au nombre des agrégés institués près de 
la Faculté de médecine. 

En 1809, Coutanceau avait publié une notice sur une épidé- 
mie de fièvres pernicieuses qui avait sévi à Bordeaux quelques 
années auparavant. Coutanceau appartenait à l'école de Pinel, 
dite école philosophique, qui s'attachait à l'observation sévère 
des faits et rejetait les faiseurs de système. Coutanceau voulut 
donc combattre les doctrines mises en avant par plusieurs 
théoriciens de son temps qui prétendaient réduire à la condi- 
tion de simples opérations chimiques les modifications appor- 
tées dans nos solides et dans nos humeurs par la respiration, 
la nutrition et les diverses sécrétions. Dans ce dessein, il fit de 
nombreuses expériences sur la respiration et fit paraître, en 
1814, un travail sous ce titre : Révision des nouvelles doctrines 
chimico-physiologiqueSy suivies d'expériences sur la respiration. 
L'ouvrage était parfaitement au niveau de la science; mais, 
néanmoins, il ne reçut pas les honneurs d'une publicité très 
répandue. Toutefois, il en parut une seconde édition en 1821. 



L0UVER'\1LLEBMAY 



m 



Il avait, àThôpital du A^al-dc-Grace, pour collègue, Broussais, 
son compatriote et son auii. Il adopta les idées nouvelles et dut 
être compté parmi les partisans les plus déclarés de la méde- 
cine simplidi^e, Toutefois, son expérience et la solidité de 
son jugement le préservèrent de toutes les exagérations de la 
doctrine. 

P, Révision des nouvelles doctrines chimico-pbysîologigues, sui- 
vis d'expériences sur la respiration, Paris, MaradoOt io-S, 1814 ; 2' 
édit, 1821, Paris, J.-B. Baillière. 

S. --B. B. H. — N. B. O, 



LOU YER- VILLERMAY (Jean-Baptiste ) . 

* 1776, ?..., Rennes. 

t 1837, 24 Décembre. Paris. 

Louyer-Villermay fit ses premières études médicales à Rennes, 
et de bonne heure fut chargé d'un service chirurgical II eut là 
l'occasion, en soignant des blessés pris les armes à laniaîn 
dans les rangs des Vendéens, non seulement de les guérip, 
mais de lacililer leur évasion, sachant que beaucoup d'entre 
eux, en sortant de Thôpilal, iraient h la mort, sans craînlcd en 
assumer la redoutable responsabilité; ses actes de générosité 
furent découverts, et les fers aux mains, il fut conduit et em- 
prisonné à Rennes. 

Rendu à la liberté, il vint à Paris en 1707, terminer ses éludes 
médicales. Il devint l'un des élèves les plus distingués de PineU 
Sa thèse sur YH^pùcondrie, très remarquée, fut le point de 
départ de travaux remarquables sur le système nerveux. Les 
vingt dernières années furent une lutte presque constante 
contre la mort ; mais il n'inlenompit point, grâce à une éner- 
gique volonté, ni ses travaux, ni sa profession. Il succomba à 
une attaque d'apoplexie. Son caractère droit, sa franchise, sa 
nature ouverte et loyale, surent lui conquérir bien des amitiés. 

Fabret eut im jour Toccasion de critiquer les assertions de 
Louyer-Villermay sur les maladies nerveuses. « Je nvétais 
Eervi, dit M, Fabret, de ses observations détaillées pour sou- 
tenir une opinion différente à la sienne sur le siège de la 



60 LBS M ÉD E C mS BRETOKS 

maladie. M. Louyer-Villermay, m'apercevant un jour dans la 
rue, descend de voiture, me félicite sur mon livre, sur la ma- 
nière dont je l'avais traité. Il me dit qu'à la prochaine édition, 
son opinion serait modifiée dans le sens de celle que j'avais 
soutenue. Lors de la nomination des adjoints à l'Académie, ce 
digne confrère a été spontanément mon plus puissant appui. » 
Aussi a-t-on pu justement dire après lui qu'il fut « toute lu- 
mière et toute droiture ». 

Il fut médecin d'un des dispensaires de la Société philantro- 
pique, puis successivement membre de la Société médicale 
d'émulation, de celle de la Faculté, de l'Académie royale de 
médecine, et chevalier de la Légion d'honneur. 

p. — Recherches historiques et médicales sur rhypocondrie iso- 
lée, sur l'observation et Tanalyse de l'hystérie et de la mélancolie, 
Paris, Méquignon, 1802, in-8* (thèse inaugurale). — Traité des ma- 
ladies nerveuses ou vapeurs, et particulièrement de Thystérie et de 
rhypocondrie, Paris, Méquignon, 1816, 2 vol. in-8*; 2* édit., 1832, 
Baillière. — Considérations sur Tictère et la jaunisse considérée 
comme une affection toujours symptomatique et jamais essentielle ; 
observation d'apoplexie gastrique; observation d'hémiplégie; Afé- 
moires de la Société Médicale d'Emulation, t. v. — Cas d'angine de 
poitrine ; Discours prononcé sur la tombe de Jeanroy, Bulletin de 
la Faculté de Médecine. — Dict. des Sciences médicales, articles : 
Hypocondrie, Hystérie, Nymphomanie, Somnambulisme. — Divers 
articles dans VEncyclopédie méthodique et dans le Recueil de la Soc. 
des Méd, du départ^ de la Seine. 

S. - B. B. L. - N. B. G. 

BERTRAND (Alexandre-Jacques-Franpois). 

:¥ 1795, 25 Avril, Rennes, 
t ?..., Paris. 

Bertrand fut un exemple qui n'est pas rare d'un mauvais 
écolier qui devint un jour un homme remarquable. Il se révéla 
lorsqu'il commença à étudier les mathématiques et fut admis 
à TEcole Polytechnique, en 18i4. Après les Cent Jours, une 
conviction politique fortement arrêtée faisant obstacle, dans sa 
pensée, à ce qu'il suivit aucune des carrières dépendant du 
gouvernement, il résolut d'étudier la médecine. 



BSRTRAJIB 



61 



Bertrand fut reçu docioiir à la suite d'une thi^so brillanlc : 
Examen de Vapinion généralement admise mr ia manière dont nous 
recevons par la vue ta connaissance des corps, 

«t Peu aprèî^ sa réception il ouvrit des cours où, bravant les 
analhèmes des savants consUlués. comme les railleries des 
esprits forts, il expliqua éloqueinmcnt les ptiénomi'oes, soit 
de l'extase, soit du magnétisme. La profondeur métaphysique, 
sa science, son érudition, la vivacité de ses attaques contre les 
incrédules, commencèrent à faire revenir bien des esprits sur 
une cause que Ton croyait jugée sans retour, » Mais sa santé 
s'altéra, deux violentes liémoptysies mirent deux fois sa vie 
en danger, etalïaiblirent pour toujours sa constitution ; il n'en 
continua pas ninins ses travaux. Le Traité de Somnambulisme, 
qui parut en 18â:i. fut le résultat de cet enseignement. 

Forcé de travailler pour nourrir sa famille» Bertrand écrivit 
alors ses lettres sur Les Révolutions du Globe, en 1825; il les fit 
suivre de ses lettres sur La Phfjsique; les unes et les autres 
eurent plusieurs éditions. L'un des fondateurs du journal Le 
Globe, il en fut un des écrivains les plus estimés. C'est lui qui 
le premier donna dans ce journal le compte rendu des séances 
des Académies. 

Le noble caractère de Bertrand et son profond savoir lui 
avaient volu l'estime de tous, et des relations suivies avec 
Maine de Biran dont il était le médecin, et avec Fourier qui 
lassocia ii ses travaux. 

Toutefois, ni ses travaux divers, ni les soins qu'exigeait sa 
clientèle, ne lui faisaient perdre de vue l'objet principal de 
toute sa vie, son Traité de rextase, qui ne devait pas embrasser 
moins de huit volumes. 

Souffrant, depuis 1830, des suites d*une luxation occasionnée 
par une chule, ïiertrand vil sa santé s^allérer de plus en plus. 
Mais conservant intactes ses facultés intellecluelles, il ne cesse 
de travailler, dictant ses feuilletons qu'il ne pouvait plus 
écrire, et s'êleint prématurément à Fùge de 37 ans, 

P* — Examen de Fûpinioii gônéralemeût admise sur la manière 
doûl nous recevons par la vue la connaissance des corps, Paris, 



62 u 

Didot, 1819 (thèse inanguimle). — Tniié au gomiMmbolisine et des 
dlUérentes modifications qu'il {««sente. Puis, Dento, 1823, in-8* — 
Lettres sur les rérolations dn Globe, Paris, Bossange, 1824, in-18 
avec planches; 2* édit., Paris. 18âS, in>18; 3*édlt. reme et augmen- 
tée par Arago, Beamont, etc., Paris, Teissier, 1836, in-* avec trois 
planches, — Lettres sur la physique, Paris, Bossange, 1836, in-8* 
avec trois planches ; traduit en espagnoL — De Textase, in-Encycio- 
pégte progressire^ Paris, 1829, in-8* de Si pages. — Du magnétisme 
en France et des jugements qu'en ont porté les sociétés savantes, 
avec le texte des divers rapports faits en 1874 par les commissaires 
de TAcadémie des Sciences, de la Faculté et de la Société royale de 
Médecine, et du rapport de M. Uusson ; suivi de considérations sur 
l'apparition de l'extase dans les traitements magnétiques, Paris, 
J.-B. Baillière, 1826, in-fc*. 

S* ^ B. B. L. 



BROUSSAIS (Casimir-Aime-lCarie). 

* 1803, 10 février, Saint-Malo. 
t 1847, 5 juillet, Paris. 

L'atavisme devait avoir ici ses droits, et de fait. Ton eut été 
étonné, d'une part que le fils de Broussais ne fut pas médecin, 
et d'autre part qu'il n'épousa pas les idées, les doctrines de 
son père. 

Son caractère sage, modéré, studieux, a su le préserver 
« de cette rudesse de forme, de cette violence d'argumen- 
tation, de ces écarts de mauvais ton dont il avait l'exemple 
sous les yeux. » 

C. Broussais entra de bonne heure dans l'armée qui lui fut 
certes, utile dans sa carrière; mais sérieux et laborieux, le 
jeune chirurgien militaire s'appliqua à mériter l'estime de ses 
chefs et les grades qu'il obtint grâce k sa valeur personnelle. 
11 remplissait avec exactitude et fidélité ses devoirs d'oflBcier. 

Détaché dans sa jeunesse près le gymnase militaire, il puisa 
là l'idée d'un mémoire sur la gymnastique appliquée au traite- 
ment des maladies. 

En 1843, il se servit des renseignements recueillis par le 
conseil des santés des armées, pour publier la relation d'une 



C. BROUSS/ltS 



épidérale de méningite-cérébro-spinale, qui régna dans diverses 
casernes, de 1837 h 1812. 

Envoyé en Afrique en 184S, il inséra dans le Beaml de Méde- 
cine, Chirunjie et Pharmacie militaircy une notice sur l'Algérie 
considérée sous le rapport de la météorologie, de la physiologie 
et de la pathologie. 

En 1829^ il se présentait au coiicuurs pour Tâgrégation ; il se 
lira avec honneur de ces difficiles épreuves et fut nommé 
agrégé en exercice prés de la Faculté de médecine de Paris. 

Il fut moins heureux en 1833, lorsqullse présenta au concours 
de clinicat* Cette fois, rinfurtune trafiit ses elîorts- 

C. Broussais, en 1846, fut chargé de suppléer Tillustre profes- 
seur Broussais. 

Atavisme encore, sans doute, et comme son père, il se livra 
avec ardeur a Télude de la phrénologie, M prit celle science 
pour base et pour enseignement à la Faculté, Plus tard, il fit 
imprimer son cours sous le titre àlitjgiêne morale. Au point de 
vue de la philosnptïio et de la religion, dit Kcrgaradec, nous 
voudrions pour C. Broussais qu il ne Tout pas donné au public. 

D'une manière générale les écrits de C. Broussais sont la 
reproduction des théories et des principes de son père : la loca- 
lisation des maladies, la prédominance de l'appareil gaslro- 
iutestinal, Texclusion à peu près absolue des maladies générales 
(essentielles), la malérialisslion plus timide, moins explicite, 
il est vrai, de rintelligenee et de la vie; tout cela se retrouve 
dans les écrits de C. Broussais. 

11 avait ii ans» il était médecin eu chef de lliopital militaire 
du GroS'Caillou; il était en outre professeur à l*hùpilal de per- 
fectionnement, il avait déjà donné divers ouvrages remarqués 
et l'avenir lui souriait, lorsque la mort vint brusquement inler* 
rompre sa belle mais trop courte carrière. 

p. — Sur la duodéfiik^ ulu-KJcique» thèse présentée et soutenue îk 
la Fuculté de Médecine de raris, le 9 avril 1825 ; J'aris, Ik'launayt 
1825, iû'8 de 5 feuilles, — Comple-renUu delà clinique de M, Brous- 
sais pendant le premier semestre de l'année scolaire 182t>-lh27 ; 
Paris, Delaunay, 1827, in*8 de 104 p. — De la yyninaslit|Uo, egnsi- 



64 LES MÉDECINS BRETONS 

dérée comme moyen thérapeutique et hygiénique ; Paris, Delaunay, 
1827, ln-8* de 24 p. également paru dans les Annales de Physiologie, 
de Broussais. — Atlas historique et bibliographique de la médecine, 
composée de tableaux sur l'histoire et l'anatomie, de la physiologie, 
de l'hygiène, de la médecine, de la chirurgie et de l'obstétrique; 
Paris, Delaunay, 1829, in-folio. — Thèse sur cette question : Existe- 
t-il des maladies générales primitives ou consécutives (concours de 
clinicat) ; Paris, Lechevardière, 1833, in-4* de 28 pages. — An certis 
signis distingui possunt, in cadaveribus, organorum alterationes, 
quaB cum morbo incaepere, quae per morbi de cursum, quae in agoniâ, 
quae post mortem accessere ? (thèse d'agrégation). — Hygiène mo- 
rale ou application de la physiologie à la morale et à l'éducation ; 
Paris, J.-B. Baillière, 1837, in-8*. — Plan d'un cours d'hygiène ; 
Paris, J.-B. Baillière, 1838, in-8* de 40 p. — De la statistique appli- 
quée à la pathologie et à la thérapeutique ; Paris, J.-B. Baillière, 
1840, in-8* de 103 p. — Lettre de M. le baron Michel sur l'emploi du 
tartre stibie à haute dose, les fièvres pernicieuses et l'affection 
typhoïde ; Paris, J.-B. Baillière, 1842, in-8* de 32 p. — Histoire des 
méningites cérébro-spinales qui ont régné épidémiquement dans 
diverses garnisons en France, depuis 1837 jusqu'en 1842 ; Paris, 
Muguet et Hauquelin, 1843, in-8* de 216 p. — Notice sur le climat et 
les maladies de l'Algérie, et compte-rendu des maladies traitées à 
l'hôpital de la Salpétrière à Alger, pendant l'année 1846 ; Recueil 
de Méd., de Chir. et de Pharm. militaire, T. 60, 1846. 

S. - B. B. L. 



BAGOt 



05 



COTES-DU-NORD 



BAGOT (Jean-Louis). 

* 1728 ../?... Meauchamps. 
t 1794, 28 février, Saint-Brieuc. 

Ses parents, peu fortunés, liabilaient dans la maison d'un 
pharmacien qui leconriut les aptitudes spéciales de Bagot aux 
études naturelles. Il lui donna quelques nolions générales et 
renvoya ensuite à riiûpital de la Garaye. Il y resta quelque 
temps et servit ensuite dans les hojjitaux de la marine h Brest, 
et fut assez heui'cux pour échapper à une maladie peslilen- 
liellc importée du Levant. 11 fut ensuile embarqué en qualité 
de chirurgien et lit diverses eanijja^nes dans l'Iiide et sur les 
côtes de Guinée, sur un navire employé ii la traite des nègres. 
Ceux-ci s^éiant révollés, il descendit dans la cale poi^r les 
calmer et reçut trois coups de couteau h la gorge. De retour en 
France, il poursuivit ses études et fut reçu docteur en 1772, Il 
vint se fixer à Saint-Urieuc,el fut nommé, par Louis XV, méde- 
cin des épidémies de Bretagne, Il reçut, pour ses services, une 
médaille dor. 

De 1765 à 1789, il fut élu trois fois maire de Saint Brieuc, 
Grâce à ses eH'orls persistants, le port du Légué fut mis en état 
de recevoir des navires d'un plus tort tonnage. En 1770, il put 
obtenir la francîiise de ce port et la liberté d'armer pour les 
Iles et les colonies françaises. 

Nommé membre de l'adminisl ration départementale des 
Cùles-du-Nord en 1790, il lut, rannée suivante, élu député ù 
rAssemblée léfçislalive, où il se fil remarquer par la modération 
de ses ofunions. La mort de sa femme, en 1792, celle de Louis 
XVI, l'attristèrent profondément et altérî'îent sa santé. Il 
moiu'ut, lc28 février 1704, d'une fièvre putride. Bagol était 
droit, juste, foncièrement religieux, ami du bien et ennemi 
des abus. 



66 LES MÉDBaNS BRETONS 

Il était médecin de l'hôpital civil et militaire de Saint-Brieuc, 
et membre associé de l'Académie royale de médecine. 

S. — B. B. L. — Annuaire des Côtes-du-Xord de 1847, notice par 
de Garabv. — N. B. G. 



LAVERGNE (Louis). 

* 1756, 25 mars, Loudéac. 
+ 1831, 4 octobre, Lamballe 

Ses études terminées au collège de Saint-Brieuc, Lavergne 
fit aussitôt ses premières armes en soignant les typhiques dans 
cette ville. Il vint aussitôt après à Paris et y fut reçu docteur. 
Il obtint, en i787, de la Société royale de médecine, le premier 
accessit au concours, avec ce sujet : Topographie médicale du 
Royaume, 

Revenu en Bretagne, il se fixa à Lamballe, qu'il ne quitta 
plus. Médecin des épidémies et de l'hospice civil et militaire, 
Lavergne a publié, sur l'hydrophobie, la vaccine et les épidé- 
mies locales, des écrits répandus dans le pays et renfermant 
de sages conseils que l'auteur eut la satisfaction de faire pré- 
valoir lorsqu'il fut appelé à exercer les fonctions de maire de 
Lamballe. 

Mais l'histoire n'eut peut-être point gardé son nom sans ses 
travaux persévérants pour améliorer l'agriculture. Lavergne 
qui, dès 1783, avait cultivé la pomme de terre, exposa, en 1799, 
dans un mémoire réimprimé l'année suivante, ce que l'expé- 
rience lui avait appris sur les précieux avantages de ce tuber- 
cule. Lu aux prônes des grand'messes, ce mémoire, riche de 
faits pratiques, servit de guide aux cultivateurs et les déter- 
mina à propager une substance alimentaire dont ils avaient 
fait, jusque-là, trop peu de cas. Toutes les parties de l'agri- 
culture furent l'objet de ses soins persistants. Il s'attacha par- 
ticulièrement à faire des semis considérables sur toutes ses 
terres et dans ses jardins à Lamballe. Il a recouvert aussi 
d'arbres verts les landes de la Morinais et de Saint-André, en 
Pédéliac, landes qui contiennent plus de cent hectares, et qui, 



MIRIEL 



61 



aujourd'hui, forment une pelile forêt connue sous le nom de 
lioiS'Lavergne, 

S, — B» B, L* — Mémoires de la Soc. d'Agriculture, 1820. 

BIGEON {Louis-François), 

* 1773, 1 i septeml>re» La Villée. 
t 1848, 20 aoùU Diuan, 

Il commença ses éludes médicales à Rennes et vint les ter- 
miner a Paris, où il fut reçu ilocleiir en 1799. En 1805, il vint 
se fixer à Dinan, où il exerça jusqu'à sa mort. Il a laissé» pour 
un praticien, un assez grand nombre d*ouvrages> Plusieurs 
eont intéressants et prouvent la valeur de son intelligence. 

P, — Essai sur rhemnplysie essentielle, Paris, an VJI (1799), Uiî-se 
inauguralo* — Lettre sur répiilémie observée en Tan X!l, à Dinan 
et dans les campagnes voisines, et abrégé de la lopographi:^ de 
Plûuer, Dinan, an XIII (1805), in-8. — Observations qui prouvent 
que i'ahus des reniLnlis, sni tuut de la saitpiée et des évacuants du 
canal alimentaire^ est la cause la [il us puissante lîe notre destruc- 
lion prèmaturée, des maux et des inlïrmitôsqui la précèdent; Dinan, 
1812, in-8, — Uecherches sur les propriétés physiques, chimiques et 
niMicinales des eaux de Dinan, avec deux vues de Dinan; Dinan, 
1812, in-8. — Instruction sommaire sur les causes et le traitement 
de la dyssenterie épidéniiquedans rarrondissement de Dinan; Dinao, 
1815, tu-î4. — Nouvelle instruction sur les causes et le (niitement, 
etc., tn réponse aux cnliques de M. Bodinicr. — Recherches sur 
ritinuence que les évacuants exercent sur la population, et réilexions 
sur l'abns que Ton a fait de ces remèdes pendant l'épidémie dyssen- 
térique de iHiri; Dinan, I81<>. in-8, — L'utilité de la médei-ine démon- 
trée par les faits ; Dinan, Î818, in-8. — Kinix minérales de Dinan, 
des syslématiques et do leurs adeptes; Dinan et l^aris, 1821, in-8. — 
Médecine pbysiukHjique, observations qui prouvent que l'abus de la 
saignée, etc., i*aris, 1845, in-8. 

S, — N.B. G. 



MIRIEL (Jean-Joseph-Yves-Louis). 

* 1779, 7 mars, Droons, 
t 1829, 2G février» Brest. 

Après ses premières études médicales, î! servit dans la ma* 



68 LES MÉDEaNS BRETONS 

Fine en qualité de chirurgien de 2* classe. Reçu docteur en 
1810, Miriel se préparait à concourir pour le grade de chirur- 
gien de 1"^ classe, lorsque des obstacles réglementaires qui lui 
furent opposés le déterminèrent à quitter la marine et à se 
vouera Texercice de la pratique civile. L'année suivante, une 
polémique s'engagea entre lui et M. Delaporte, au sujet de la 
ligature de Tiliaque externe, dont Miriel réclamait la priorité. 
Après débats et explications, il en résulta que c'est Delaporte 
qui, le premier, appliqua sur le vivant son procédé, différent à 
la fois de celui de Cowper et de celui de Miriel. Ce dernier se 
fit une réputation méritée de chirurgien habile et prudent, et 
ses heureux succès dans Tanus contre nature, les abcès au foie, 
la ligature d'artère dans les anévrismes, etc., le prouvent d'une 
manière certaine. Il mourut prématurément à l'âge de f)0 ans. 
Ce chirurgien distingué avait recueilli, dans sa pratique 
très étendue, nombre d'observations curieuses sur l'anus 
contre nature, les abcès au foie, la hernie, les amputations, 
la ligature des artères dans les cas d'anévrismes des veines, 
etc., lorsque la mort le surprit et ne lui permit pas de donner 
connaissance de ces faits. Mais il avait été néanmoins, peu de 
temps avant sa mort, honoré des suffrages de l'Académie royale 
de Médecine. 

p. — Sur l'iinportance du diagnostic et sur les difTiculti^s qu'il 
offre dans certains cas (Tlirse inaugurale). — Réflexions théoriques 
et pratiques sur ranévrysnie inguinal, Brest, Hinard, 1812, in-4' de 
37 p.— Réplique faisant suite aux réflexions théoriques et pratiques, 
Brest, Malassis, 1812. — Notice nécrologique sur M. Duret, Brest, 
Lejournier, 1825, in-4" de 22 pages. 

S. - B. B. L. 

JOBERT (Antoine- Joseph). 

* 1802, 17 décembre, Matignon. 
t 1867, 25 avril, Paris. 

Issu d'une modeste famille, son père, ancien soldat au régi- 
ment de Berry, exerçait à Lamballe la profession de chapelier. 
Jobert ne connut ni les douceurs de l'aisance familiale, ni le 



JOBËRT 



71 



bienfait d*une éducalioa première complète, et ce fait pesa 
sur toute sa vie. La misère régnait dans la maison, si profonde 
même que la mère de Jobert. lorsqu'il vint au monde, dut 
accoucher sur une bolle de paille. Lorsque la situation de son 
fds put un jour lui assurer Taisance, elle aimait à rappeler ce 
fait et elle ajoutait même qu'il y avait si peu de paille, qu'elle 
sentait riiumidité du soL 

Installé tout d'abord h Lamballc, où il ne réussissait pas, le 
père Jobert alla s'établir à Matignon, où naquit Jobert (Vape- 
reau commet une erreur de date en le faisant naître en 1790, 
et de lieu en !e faisant naître à Laniballe); puis, il se décida à 
revenir à Laaiballe où il mourut; et c'est ainsi que fut connu 
nilustre chirurgien sous le nom de Jobert (de Lamballe), quoi- 
qu'il n'y fût pas né. 

Eh bien! cet homme, né sur la paille humide, va devenir une 
de nos célébrités chirurgicales, et il mourra chirurgien de 
rUùlel-Dicu, professeur cL la Faculté de Jlédecinc, membre de 
l'Institut et de rAcadémie impériale, cliirurgicn de l'euipereur, 
commandeur de la Légion dlionneur, membre du Conseil 
général des Cùtes-du-Nord et trois fois millionnaire, 

La Providence qui a marqué certains hommes pour jouer 
un rôle important dans la société les doue, eu naissant, de 
qualités particulières qu'eux-mêmes, plus lard, sauront habi- 
lemecjt exploiter, mais elle met toujours à rongine sur leur 
route, quelques personnes charitables et dévouées qui les 
aideront à franchir les premiers degrés de leur instruction. 
C'est ainsi qu'une cttatilable deniuiselle fil de Jobert son éco- 
lier de choix et, à 7 ans, il savait lire et écrire. Un vénérable 
ecclésiastique, Tabbé Micault, de Souleville, s'occupail de 
instruction des enfants pauvres, et Jobert était de ceux-ci; et 
il ne lui fallut pas de longs jours pour s'apercevoir des dispo- 
sitions heureuses du jeune Antoine-Juseph. Il en fit pari h son 
médecin, le docteur Bédcl, qui mande aussilùl le jeune élève 
et, à brûle-pourpoint, lui dit : a Que veux-tu faire un jour? o — 
n Etre médecin comme vous » répondit, sans hésiter, Jobert, 
— El, aussitôt, celui-ci reçoit du docteur Bédel les premières 



72 LES MÉDEaNS BRETONS 

notions d anatomie. Jobert, alors âgé de 14 ans, se livre avec 
une telle ardeur au travail que le bon abbé répétait : « Si je ne 
me trompe, le petit Berry fera son chemin », sobriquet qu'on 
lui donnait souvent, en souvenir du régiment dans lequel 
avait servi son père. 

11 eut une qualité naturelle singulièrement précieuse pour 
le travail intellectuel : la puissance de concentration. Elle 
émerveillait ses maîtres. Bien des fois, ses camarades, en le 
voyant plongé dans les travaux de la classe, prenaient un malin 
plaisir à le distraire; ils y perdaient leur temps. 

L'excellent abbé se mourait ; il voulut assurer l'éducation 
médicale de son pupille et il lui légua par testament une sonune 
de 6,000 francs. Les héritiers voulurent faire opposition, mais 
la somme avait été remise à Jobert et le tribunal, fort heureu- 
sement, débouta les requérants et les renvoya des fins de 
leurs plaintes. Mais il fallut plaider et il ne resta à Jobert que 
4,700 francs. 11 avait 19 ans; il partit à Paris pour compléter 
son instruction médicale et aussi son instruction littéraire, 
jusque-là très sommaire. Cette détermination était un peu irré- 
fléchie, téméraire, mais il est courageux, opiniâtre, persévé- 
rant, il est Breton, et Dieu fera le reste. A peine débarqué, il se 
rend à Thôpital Saint-Louis, où Richerand, alors chirurgien, 
ne tarda pas à le remarquer. 

Par une étrange coïncidence, il allait trouver, dans le même 
hôpital, un autre étudiant, à peine dégrossi, à la physionomie 
bizarre, éveillée, originale, au regard perçant et plein de feu, 
rempli d'ardeur pour la science, et qui, lui aussi, venait de son 
village où il ferrait les chevaux : c'était Velpeau. Velpeau et 
JobertI quel rapprochement! quelle singulière destinée! tous 
les deux tils d artisan, tous deux venus à Paris presque sans 
ressources, et tous deux destinés à marcher parallèlement 
Jusqu'aux plus hauts degrés de la hiérarchie médicale I 

Laborieux à Texcès, il se mêlait peu à ses camarades qui 
venaient sans cesse le tourmenter dans sa chambre. Alors, il 
ferma sa porte â double tour; mais ses amis la défoncèrent à 
coups de pied, il ^^^ ^^^^^ recours à une ruse qui lui réussit à 



JOBERT 



73 



merveillo : il se fit désormais enfermer dans sa chambre par 
le concierge, qui remportait la clef dans sa loge ; et lorsqu'on 
venait le demander : « M. Jobert est sorti, r<!*pondail le con- 
cierge; voyez plutôt sa clef suspendue k son numéro ». 

BienliM, malgré une limidité qu'il conserva toute sa vie et 
une difficulté d*éloculion qu'il ne put jamais vaincre, il se pré- 
senta, en 1821, au concours de llnternat et fut nommé. 

Sombre et taciturne, son caractère ne plaisait guère, et 
obligé un jour de coucher k la salle de garde, on lui fit une 
cruelle plaisanlerîe. Ses camarades prirent, dans la cour de 
riiôpital, un soliveau destiné h la conslruction, remportèrent 
dans la chambre de Jobert, en mirent l'une des extrémités 
dans le feu, laissant l'autre sortir de la chambre dans le cor- 
ridor. L'ouvrier cherche en vain son soliveau; il porte plainte 
au directeur qui, en parcourant les corridors pour le chercher, 
se heurte au morceau de bois qui est ainsi retrouvé. Furieux, 
le directeur appelle Jobert et le chasse de rhôpitaL Ses cama- 
rades, comprenant enfin leur soUise, avouent leur faute et 
Jobert est réintégré dans son service. 

Le temps des épreuves n'était pas achevé pour lui. A la fin 
de ses quatre années d'internat, pendant lesquelles il avait 
travaillé avec un véritable acharnement, il se trouva tellement 
dénué de ressources, ayant épuisé son petit héritage de l'abbé 
de Souleville, que, s'il n'eut rencontre le généreux appui 
d'Alphée Cazenave, il aurait couru grand risque de ne pouvoir 
terminer ses éludes. 

Cette situation précaire, qui dura jusqu'à sa nomination 
d'aide d'anatomic, en 1827, fut, à ce qu'il paraît, la plus pénible 
de sa vie : il n'en parlait jamais sans une certaine émotion et 
il aimait a rappeler les bontés des Sœurs qui lui envoyaient 
régulièrement une partie des aliments que leur accordait à 
elles-mêmes rAdministralion, 

En 1828, il soutint sa thèse de doctorat sur les Hémorrfio'rks, 
A partir de ce moment, sa situation va changer ra[)idement. 
Nommé au concouj'S chirurgien du bureau central en ISâti, il 
est reçu agrégé de la Faculté en I83U. 



74 LES MÉDEaNS BRET05S 

En 1831, il est nommé chirurgien de Thôpital Saint- Louis et 
chirurgien consultant de Louis-Philippe. En 1841, il est élu 
membre de TAcadémie de Médecine, et en 1853, il accepte la 
place de chirurgien de THôtel-Dieu ; en 1854, à la mort de Roux, 
il est nommé professeur à la Faculté de Médecine; enfin, il 
remplaça Magendie, en 1850, à l'Académie des Sciences. 

Dès 1832, il avait été attaché comme chirurgien à la per- 
sonne de l'empereur, qui le nomma bientôt commandeur de 
la Légion d'honneur. Ce fut vers celte époque qu'il fut nommé 
conseiller général des Côles-du-Nord. 

A rhôpilal, Jobert faisait son service avec une grande régu- 
larité et ses visites aux malades de sa riche clientèle passaient 
toujours après celles des pauvres, a Dans de graves circons- 
tances, dit le professeur A. Richet, j'ai été témoin de son zèle, 
de son empressement à se rendre à ses devoirs, malgré de sé- 
rieux périls : c'était un malin de février 1848, il était chirurgien 
de rhôpilal Saint-Louis. Depuis la veille au soir, les barricades 
s'étaient élevées de toutes parts, principalement dans le quar- 
tier du Temple, et la fusillade devenait à chaque instant de 
plus en plus vive. A travers mille obstacles, j'avais réussi, 
harassé de fatigue, à gagner le boulevard, lorsque j'aperçus 
Jobert, sa trousse h la main, dont il se servait comme d'un sauf- 
conduit, haletant, trempé de sueur, et suivi par une troupe 
d'ouvriers qui Tavaient reconnu et lui faisaient escorte. Jobert, 
obligé d'abandonner sa voilure, n'avait pu gagner l'hôpital 
Saint-Louis qu'après avoir escaladé plus de vingt barricades^ 
dont quelques-unes avaient la hauteur d'un deuxième étage. 
11 dut séjourner trente-six heures à Saint-Louis, sans cesse oc- 
cupé h faire des pansements ou des opérations; et on Tenten- 
dail se lamenter sur les suites de cette révolution qui allait lui 
faire perdre son titre de chirurgien du roi et de Madame Adé- 
laïde. 11 se trompait étrangement. Les concours du professorat 
allaient élre supprimés et il fut ainsi nommé professeur de 
clinique chirurgicale à riIôlel-Dieu. Et de fait, en 1836, lorsque 
la chaire de Dupuytren fut déclarée vacante, il se fit inscrire à 
côté de L.- J. Sanson, de Blandin, de A. Berard, de Lepellelier, 



JÔBERT 



75 



de la Sarthe, et de Laugîer. Apres des épreuves hors ligne, 
Sanson fui noninio Ji uneonorme majoriié. 

)) Que d'efforts, ajoute Rictiet, ne dut pas faire Jobert pour se 
maintenir au niveau de pareils athlètes! combien il dut gémir 
de son impuissance à vaincre sa rebelle naturel Ses amis le 
pressèrent vivement de renoncer à ces grandes luttes pour 
lesquelles il n'était pas fait et qui ne pouvaient que diminuer 
le prestige d'une réputation déjà considérable, 11 sut les écou- 
ter. Il éprouvait, en effet, une gène prononcée et qu'il ne put 
jamais vaincre, lorsqu'il s'agissait de manifester sa pensée en 
public par la parole. 11 réprouvait même dans sa chaire de 
clinique, au milieu de ses élèves attentifs et bien disposés. Son 
débit, souvent monotone, devenait parfois, lorsqu'il s'animait, 
pittoresque et saccadé; mais il suffisait, pour le troulUer, d'un 
visage inconnu ou qu'il supposait malveillant, et sa phrase 
redevenait pénible, embarrassée. Joberl avait d'autres sérieuses 
qualités, mais il notait ni orateur, ni professeur; toutefois, on 
ne doit pas oublier qu*il dut tous ses litres au concours, sauf 
le clinicat, et que le concours demande en première ligne Fart 
de bien dire et d'exposer méthodiquement ce que l'on sait ». 

Sa rudesse avec ses malades était connue, mais cVHait pour 
lui un procédé d'intimidation pour obtenir leur complète sou- 
mission, mais non défaut de bons sentiments. On était bien 
entre ses mains pour guérir, son diagnostic était prompt et 
sûr; dans raction opératoire, nul ne le surpassait: il avait Télé- 
gance, la sûreté, la dextérité et un sang-froid à toute épreuve. 
Son génie inventif savait toujours lui fournir les moyens de se 
tirer heureusement d'une situation difficile et il ne conliait à 
personne le soin de faire ses grands pansements. 

Les efforts persévérants et continuels contre son ingrate 
nature n'étaient pas sans réagir sur son caractère, A ses pre- 
mières années d'étude, tous le connurent bon, bienveillant, 
obligeant; plus tard, malgré ses premiers succès, son humeur 
devint bizarre, cfiagrine; un changement profond s'opéra dans 
ses habitudes et dans se8 sentiments, ombrageux, fantasques, 
j^t Ton se demandait avec inquiétude quelles pouvaient être la 



76 LES MÉDECDfS BRETONS 

cause de ces changements; on pourrait mieux dire les causes. 

A ces efforts soutenus, persévérants dans le travail, dans les 
concours, à cette lutte dans la diflSculté de vivre, et le souci du 
lendemain, vint s'ajouter une épreuve plus cruelle et irré- 
parable. 11 avait cru trouver le bonheur dans une nouvelle 
famille, et le bonheur, hélas ! l'avait fui pour toujours. L'union 
qu'il venait de contracter en était le motif. 11 avait été trompé 
indignement. 11 dut chasser celle qui venait de Toutrager en 
usurpant son nom. 

Jobert pouvait porter en lui le germe de la cruelle maladie 
qui devait l'emporter; le système cérébro-spinal était peut-être 
en lui à l'état d'équilibre instable, mais s'il eut pu trouver dans 
les joies du foyer celte détente dont il avait besoin après tant 
de luttes, venir répandre sur les siens tous les bienfaits qu'il 
retirait de sa haute situation, tout certes permet de croire que 
son organisme eut résisté au mal qui l'emporta. 

11 avait, on ne saurait le nier, une organisation maladive. 
Tantôt affectueux jusqu'à l'expansion, il était le lendemain, 
sans que rien put l'expliquer, dur, hautain, dédaigneux; on le 
taxait de bizarre, d'excentrique; il y avait, hélas I plus que de 
la singularité dans le caractère; et ses inégalités d'humeur 
apparaissaient d'autant plus que l'on a de lui des traits où sa 
délicatesse et sa bonté se révèlent tout entières. 

Jobert avait pour collègue et ami, à l'Académie de médecine, 
un confrère qui était dans une situation des plus précaires. Cet 
académicien, d'une grande dignité de caractère, n'eut accepté 
aucun don. Pour vaincre Taustérilé de son ami et lui faire du 
bien malgré lui, Jobert supposait qu'il avait besoin de conseils 
médicaux, et une fois tous les huit jours il l'appelait en consul- 
tation. Le prix de cette consultation (50 francs), toujours sorti 
de la poche de Jobert sans qu'il en coulât un sou à ses clients, 
était le jour même envoyé à l'académicien, qui est mort sans 
se douter de l'action généreuse de Jobert. Ce petit commerce 
d'affection confraternelle a duré plus de vingt ans. 

Dans une autre circonstance, Jobert, après avoir sauvé la vie 
à un de ses opérés, lui fit une pension. Ce faux rentier venait 



JOBRKT 



71 



tous les trimestres loucher chez Jobert une pen&ion qu'il devait 
à sa cliarilé. Ce vieillard, dénué de ressources et accablé d1n- 
firmités, lui dut d'être h Tahri de la misi'^re et de la faim. 

On l'accusa toutefois d'aimer l'argent et d exiger quelquefois 
des honoraires très élevés. Les faits précédents infirment celle 
assertion; mais le suivant est aussi probant : Richerand l*in- 
vUe un jour à se rendre en loute haie avec lui prés d'un riche 
banquier qu'il fallait opérer d'un anthrax; Jobert se préparait 
à y aller, lorsqu'au même moment» on vint le chercher pour 
Thupilal Sainl-Louis, où sa présence, dit-on, était indispen- 
sable- Sans hésiter, il court à Hiopital et, pour une hémorrha- 
gie, suite de fraclure de cuisse, pratiqua la ligature de l'artère 
fémorale. Le lendemain. Richerand lui adresse des reproches 
sur son inexactitude, lui disant qu'il avait manqué de gagner 
500 francs, (c C'est vrai, répondit Jobert J^aurais gagné 500 francs, 
mais j'ai fait mieux encore: j'ai sauvé pour rien la vie d'un 
malheureux père de famille ». Or, Jobert n'était alors qu'au 
t^début de sa carrière. Btcherand prit la main de son élève et la 

rra affectueusement. 

Le trait suivant n'est pas moins à son éloge* <« De grand matin, 
sur le boulevard, revenant d*une soirée tardive, je ne fus pas 
peu surpris de voir mon ami, le docteur Jobert, nVinviter à 
prendre place h côté de lui. Bientôt la voiture s'arrêta devant 
une de ces maisons oii s'entassent les familles ouvrières. Nous 
montâmes jusqu^au cinquième étage, et Va nous vhnes une 
femme éplorée, arrosant de ses larmes un petit bébé de 4 ans 
atteint du croup. Après lui avoir donné les soins nécessaires, 
il laissa quelque espoir à la mère et un louis de vingt francs 
sur la table. L'enfanl guérit et, tous les dimanches, il allait avec 
sa mère rendre visite il Jobert, et celui-ci lui donnait toujours 
quelques dragées et une petite pièce t). 

Par un sentiment des plus louables, il fit remettre au maire 
de Lamballc une somme de 6,000 francs pour être distribuée 
aux pauvres, leur remettant ainsi la somme qu'il avait reçue 
de son généreux bienfaiteur et grâce à laquelle 11 put achever 
ses études médicales. 



7S us nÉoeass BftFrr>!vs 

A sa mort, on troova chez lui, en billets et en argent, presque 
on million. Parmi ses lettres, plusieurs n'étaient même pas 
ouvertes et contenaient des râleurs importantes. Il fit une pen- 
sion à sa vénérée mère et c'est elle qui dut lui dire un jour 
qu'elle trouvait le chiffre de la pension très suffisant. 

Non, un tel homme n'était pas un homme d'argent, et lliis- 
toire, faits en mains, peut venger sa mémoire de bien des 
calomnies. S'il exigeait de sa clientèle riche des honoraires 
très élevés, c était pour attester sa réelle supériorité et ne pas 
rester en infériorité vis-à-vis des autres. Il avait k sauvegarder 
ainsi sa légitime réputation. 

En 1864, sa santé s'altéra. Dans une opération, il se fit une 
piqûre au doigt; quelque temps on fut indécis sur son issue, 
mais au bout de peu de temps le doute ne fut plus possible : 
Jobert s'était inoculé la s\i)bilis. Quelle fut la part de cette 
affection sur son état futur, nul n'a pu le préciser. 

Mais on reconnut, hélas ! bientôt, que Jobert était atteint 
d'aliénation mentale. Cette intelligence si remarquable allait 
sombrer pour toujours ! 

On le voyait se promener dans le parc de l'asile, où 11 avait 
été reçu, un grand portefeuille sous le bras, allant de l'un à 
Tautre de ses compagnons d'infortune, leur tàtant le pouls et 
leur donnant, sur leur santé, des conseils toujours écoutés avec 
plaisir. D'autres fois, on le voyait se promener, silencieux et 
grave, puis s'arrêter brusquement et demander à ceux qui 
rcntouraient si tout était prêt pour l'opération. 

Après une longue agonie, il s'éteignit à l'âge de 69 ans. 

Jobert était d'une taille au-dessus de la moyenne; sa figure 
régulière était agréable et il en lirait toujours une certaine 
vanité. Sa démarche était remarquablement altière, et sa tenue 
toujours irréprochable; toutes ces qualités naturelles lui ou- 
vrirent ainsi plus facilement l'accès de la grande société pari- 
sienne. Il n'était pas jusqu'à sa bizarrerie, jusqu'à ses excen- 
tricités, qui ne lui eussent fait dans le monde une certaine 
célébrité. Malheureusement son manque d'éducation première 
le rendait pou propre à jouer un rôle marquant dans cette 



JOBBKT 



TO 



société, et il s*attira ainsi quelquefois de cruels mécomptes; 
pour n'y point tomber il élait, dans la conversation, obligé à 
mine grande réserve qui le rendait méfiant et un peu gauche, et 
explique cette défiance de Ini-môme dans laquelle Jobert a tou- 
jours vécu. 

Intelligence remarquable unie à une énergique volonté, 
tel nous apparaît Jobert, et ce fut la véritable raison de ses 
succès. Il put vouloir grâce h une intelligence hors ligne capable 
de s'assimiler merveilleusement la science médicale, mais aussi 
il sut vouloir. 

Ses traits de caractère nous le font connaître bon et géné- 
reux, mais au fond bizarre, fantasque, et cruellement frappé 
un jour, a riieure où les joies du foyer allait apporter à cette 
nature ardente et un peu iîîquiète la suavité de son charme, 
et calmer cet esprit tourmenté, et qui devait finalement un 
jour, si tristement finir; mais, disons-le, ces bizarreries, ces 
excentricités, son attitude altière poussée iiarfois jusqu'au 
ridicule, et nous qui Tavons aussi connu à rHotel*Dieu, nous 
pouvons Tattester, ont été, et avec une certaine raison pour 
beaucoup, pris comme des indices révélateurs des troubles 
psychiques qui surgirent plus tard. 

Si Jobert n'a point révolutionne, par quelques faits particu- 
cuHers, la science chirurgicale, celle-ci lui doit des travaux très 
légitimement estimés, et c'est ce qui nous reste h résumer 
brièvement* 

Jobert, dit le professeur Richet, a beaucoup écrit : dès 1826, 
tout h fait au début de sa carrière, étant encore interne, il 
publia un premier travail, sur les plaies de rinleslin, très 
remarquable. Il fut lujur lui le point de départ d'une série de 
recherches sur l'organisation des plaies. 

Ce mémoire est reproduit en parlicdans son Traité théorique 
et pratique des maladies chirurgicales du canal intesUnaL L'auteur, 
s'appuyant sur des viviseclions, démontre que, si on réunit les 
plaies incoraplèles de Tintestin comme celles des autres or- 
ganes, c'est-àHl ire parle simple affronlement de leurs bords, 
on échoue constamment, et qull en est de même alors que 



SO LES MÉDECINS BRETONS 

l'intestin, étant complètement coupé en travers, on introduit 
le bord supérieur dans Tinférieur, par le procédé de l'invagi- 
nation. Il cherche la cause de ces échecs et croit l'entrevoir 
dans la différence de structure et des fonctions des membranes 
mises en contact. Deux membranes dissimilaires, disait-il, ne 
sauraient se réunir; il fallait donc, ajoutait-il, pour obtenir la 
cicatrisation, opposer séreux à séreuse, et non point muqueuse 
à séreuse. 

Jobert désigna ces diverses opérations sous le nom d'auto- 
plastie par inflexion. La théorie n'était pas juste : si les plaies 
intestinales rapprochées ne se réunissent pas aussi facilement 
que celles des autres tissus, ce n'est point parce que des mem- 
branes dissimilaires et des fonctions différentes sont en pré- 
sence, c'est simplement parce que les membranes muqueuses 
recouvertes de leur épithelium sont, en général, impropres à 
l'adhésion, et qu'ici particulièrement, celle de l'intestin se 
boursouile et s'interpose entre les leurs et la saturation. Les 
chirurgiens ont môme tiré un utile profit, dans certains cas, 
de cette difUcuIté d'adhésion; et, fait enfin qui infirme la 
théorie de Jobert, c'est que l'on a pu, la muqueuse enlevée, 
réunir bord à bord les plaies intestinales. 

Mais si la théorie était fausse, et on ne peut savoir si les 
résultats obtenus par Jobert furent dus soit à l'expérience, soit 
à la théorie, la pratique était excellente ; et la méthode de trai- 
tement des plaies intestinales par adossement ou inflexion 
a été un grand progrès. Aussi, la méthode Jobert, car c'est ainsi 
qu'il faut la nommer, a-t-elle été universellement adoptée, et 
elle lui sera comptée comme un de ses titres de gloire les plus 
sérieux. 

Son Traité des Maladies chirurgicales du canal intestinal est de 
18i9. En 1833, il publia son Traité des plaies d'armes à feu. On 
reste étonné de voir traiter dans ce travail des Cautérisations du 
col de rutérusy et une description d'un nouveau spéculum à bas- 
cule. L'auteur démontre que le col de l'utérus peut être détruit 
par les caustiques ou les maladies sans que les malades en 
aient conscience. Plus tard, en 1843, dans un mémoire corn- 



jodeut 



81 



muniqué à TAcadémie des Sciences, T. XIII, 1811, il fait voir 
que celle insensibilité est due à une disposition particulière 
des nerfs de l'ateriis qui n'arrivent pas jusqu'au museau de 
tanche. 

Frappé des diflicultés qu'on éprouve h réprimer certaines 
fongosités saignantes du col, Jobert proposa d^ porter le fer 
rouge, en protégeant les parois vaginales à l'aide d*un spécu- 
lum plein. Sa méthode parut, tout d'abord, hardie, téméraire, 
fut vivement attaquée, mais le succès couronna sa hardiesse, 
et il eut bientôt des imitateurs. 

Ses études sur le système nerveux passèrent inaperçues. 
Vingt ans plus tard, en 1858, il publia un mémoire important 
sur les Appareils électriques des poissons éiedriques. Onze magni- 
fiques planches Taecompagnent et font bien comprendre la 
disposition des appareils foudroyants de la torpille, de la gym- 
note, de la raie, du maleptésure, mais on n'y voit aucune vue 
originale. 

C'est surtout du cùté de la chirurgie réparatrice que semble 
s'être dirigé Tesprit original et investigateur de Jobert. Depuis 
son premier mémoire, en 1820, sur les plaies du canal intesti- 
nal, jusqu'à la fin de sa carrière, il ne cessa de travailler dans 
cette direction. 11 afltctionnait particulièrement les opérations 
anaplasliques, et il a créé un grand nombre de procédés dont 
quelques-uns resteront dans la pratique comme d'heureuses 
innovations. Ce n'est pourtant qu'en I81D qu'il publia son 
Traité de chirurgie plastique, dans lequel se trouvent décrits ses 
procédés pour l'oj)ération de la fistule vésico-vaginale. En 
1852, il fit paraître son Traité spécial des fistules vésico utérines, 
ésico-utéro'vaginales, eutéro vaginales et recto-vaginaks. En 
1864, paraît son Traité de ta réunion, où il reprend encore une 
fois ces grandes questions. 

C'est, dit très justement Richct, dans ces divers Traités qu'il 
faut chercher Jobert ; c>st lïi qu1l a rencontré sa véritable 
voie. \h quil a pu déployer ses brillantes qualités d^opérateur 
tiardi et ingénieux. 

Grande dextérité dans la main, longue habitude des opéra- 



8S us XÉDfD35 

lions, sang-froid, patience inépoisaUe, ffjsoium dans Tes- 
prit, connaissance approfondie des régk»» que Jobert arait 
acquise pendant son prosectorat : tootes ces qualités, Jobert les 
possédait à on baat degré. 

Aussi il procédait arec on calme et une sàreté que n ont ja- 
mais pu soupçonner ceux qui ne l'ont point tu à TceoTre : 
quinze à vingt minutes à peine lui suflBsaient pour mener à 
bien des opérations que d'autres mettaient le double ou le 
triple à accomplir. 11 lui revient une légitime part de gloire 
dans cette magnifique conquête de la chirurgie moderne. 11 
fut un des promoteurs des opérations des fistules vésico- vagi- 
nales, et c'est, avec ses opérations sur les plaies du canal intes- 
tinal, les travaux qui laisseront pour toujours son nom dans 
l'histoire. 

Nous ne r>ensons pas utile d'exposer ici les procédés de Jo- 
bert, et de les mettre en parallèle avec d'autres, de Manon 
Sims ou d'autres ; et, pour apprécier ce que fût ici Jobert, nous 
estimons que ces paroles de Ricbet suflSsent : c L'histoire im- 
partiale commence, et elle dira : que, grâce à ses efforts opi- 
niâtres, à son talent, Jobert était arrivé à créer une méthode 
de traitement qui lui avait donné, sur 137 opérés, 82 guérisons, 
dans une affection réputée, avant lui, incurable; elle dira que 
si ses procédés opératoires sont aujourd'hui, sous quelques 
rapports, inférieurs à ceux qui ont été imaginés depuis; sous 
d'autres, ils leur sont encore préférables, et que, sans eux 
peut-être, ces derniers n'auraient peut-être jamais vu le jour. » 

Depuis 4840, Jobert appartenait à l'Académie de Médecine; 
en 1850, il était entré h l'Académie des Sciences où il avait rem- 
placé Magendie. Il était assidu aux séances et fit un assez 
grand nombre de communications, ou des présentations 
d'opérés guéris. Les Bulletins en font foi. Il s'exprimait, nous 
l'avons dit, difficilement en public et montait rarement à la 
tribune. Il cherchait en vain à masquer, par un air d'assurance, 
rémolion qui paralysait son éloculion. Aussi renonça-l-il aux 
communications orales et présenta par écrit ses rapports, 
simples dans la forme, mais substantiels dans le fond. 



JOBERT 



83 



Parfois, le don de la parole nous manque, mais le style nous 
reste; il n'en était pas tout à l'ait ainsi pour Jobert, et si ses 
écrits sont précis, clairs, on sent en le lisant qu'il a du vaincre 
sa nature et faire des efforts considérables pour arriver h pro- 
duire autant. Sa phrase est entrecoupée, brusque, heurtée, et, 
au moment où l'on s*y attend le moins, tout h coup surgit une 
de ces expressions bizarres qui vous font involontairement 
penser au caracLére de Técrivain. 

Jobertfut surtout un tenace et un laborieux; c'est le beau 
côté de ce chirurgien distingué. Avec une intelligence sans 
éclat, il arriva à se faire un nom justement honoré et à con- 
quérir d'éminenles positions, l! est bon de le redire, pour ne 
pas accepter sans réserves cette épiltiètc dliomme heureux, 
que d'aucuns lui ont lancée. SU fut heureux, c'est qu*il tra- 
vailla avec acliarnement et toujours ; il ne connaissait le repos 
que dans la diversité du travail. 

Deux choses lui mauquorcnl : une éducation et une instruc- 
tion premières, et la base lui manquant, il s'en ressentit toute 
sa vie; s'il eut eu le bonlieur de les avoir, il eût conquis on 
autre nom, bien que le sien soit à juste tilre honoré. Puis» 
enfin, le bonheur du foyer domestique qui le fuya au jour qu*il 
l'avait espéré; et. dés lors, il vécut dans un isolement absolu 
qui était mauvais pour cette nature d une impressionnabilitè 
maladive et qui contribua, pour une part au moins — peut-ôtre 
faut-il aussi en accuser Texcés de travail, — à sa mort dans la 
maison de santé du docteur Blanche. 

Broussais, Laënnec. xilphonse Guérin, Jubert (de Lamballe), 
"yoilà quatre enfants de cette terre bretonne, u celte terre de 
granit recouverte de chênes n, qui peut encore s'enorgueillir 
de les avoir vus naître. 

P. — Mémoire sur les plaies du canal iGtestinal, Paris, ViUeret, 
1828. — Sur les hémorrhoïdes et quiîlques observations. Th. Paris, 
1828, W t%* — Traité théorique et pratique des maladies chirurgi- 
cales du canal inteslitial. l^aris, M"' Auger-Mèquigoon, 1829, in-8» 
S voL — Ampulaticmis artuum diversas melhodos exponere ac inter 
se comparare. Th* Parisiis, Dondey-Dupr^S 1830, in-4'. {Thùse de 
coucûurs). — Plaies d'armes à feu, 1830. Mémoire sur la cautérisa- 



84 LES MÉDECINS BRETONS 

tion et description d'un spéculum à bascule. Paris, Béchet, 1833, 
in-8. — Des collections de sang et de pus dans Tabdomen. Th. de 
concours. (Paris, 1836). — Etudes sur le système nerveux. Paris, 
Dévenois, 1838, in-8, 2 vol. — Traité de chirurgie plastique, et atlas, 
18 pi. in-fol. Paris, J.-B. Baillière, 1849, in-8, 2 vol. — Traité des 
fistules vésico-utérines, vésico-utéro- vaginales, entéro-vaginales et 
recto- vaginales. Paris, 1852, in-8. — De la réunion en chirurgie. Paris, 
J.-B. Baillière, 1864, in-8. — De Larrey : rapport sur une observa- 
tion de tumeur du sein... Paris, in-8, n. d. — Des appareils électriques 
des poissons électriques. Paris, J.-B. Baillière, 1858, in-8. — Rapport 
sur les traitements orthopédiques de M. Jules Guérin. — Mémoires 
lus à l'Académie des Sciences : Recherches sur la disposition des 
nerfs de l'utérus et application de ces connaissances à la physiologie 
et à la pathologie de cet organe (1844) ; Recherches sur l'application 
de l'électricé pour détruire les effets délétères de l'éthérisation (1853) ; 
Considérations anatomiques et thérapeutiques sur les fistules vésico- 
vaginales (mém. Acad. des sciences, t. XIV). — Articles dans la 
Gazette médicale, le Journal thérapeutique, le Bull, thérapeutique, 
la Gazette des Hôpitaux, etc. 

S. — Eloge par le professeur A. Richet, Union médicale, 1858. — 
Legouest, Bulletin de l'Acad. de Méd., 1866-1867. — Gaffe, Revue de 
thérapeutique médico-chirurgicale, Paris, 1867. — Ribell, éloge de 
Jobert (de Lamballe). — Cloquet (J.), discours à ses funérailles. — 
Brtlhl, Wiener med. Wochensrhrift, 1867. 



G0UH31ELEN 



85 



FINISTÈRE 



GOURMELEN (Etlenae). 
* 1538 ,..?-.., Cornouaillcs. 
t 1593, 12 août, Melun. 

Quoique peu favorisé par la fortune et malgré Topposition 
de ses parents, Gourmelen, ses humanités terminées, vint h 
Paris pour étudier la médecine. Reçu bachelier le 2 avril 1558, 
il fut admis au doctorat le 5 mars !5Ij1, après avoir paru avec 
éclat dans toutes ses épreuves. Professeur en 15G7, il fit, sur 
Hippocrate, des leçons qui lui attirèrent un grand nombre d'au- 
diteurs. La Faculté l'élut pour doyen en 1574 et le confirma 
dans cette charge en 1573. 11 y eut, sous son décanati une peste 
qui ravagea Paris et fut souvent l'objet des délibérations de la 
Faculté, et Tamcna à écrire son ouvrage ^( Avertissements et con- 
seils à Messieurs de Parts pour se préserrer de la peste, etc. » 

H fit, pour Tépoque, un acte d'indépendance réelle. On sait 
combien alors les médecins avaient en mépris Part manuel de 
la chirurgie. Ils se seraient crus déshonorés s'ils eussent même 
pratiqué une saignée, et laissaient ce soin aux barbiers. Or, 
comme les médecins seuls avaient alors une instruction d'une 
certaine étendue, et qu'ils n'admettaient pas dans leur sein les 
chirurgiens, « ces médecins en robe courte », il en résultait 
que la chirurgie était à cette époque dans un état d'infériorité 
lamentable. 11 ne craignit donc pas d'enseigner la chirurgie. 
Henri II jeta les yeux sur ce médecin et, en 158S, le nomma 
lecteur et professeur de chirurgie, à la place d'A-Ka-Kia. Sa 
j*éputation s'accrut encore dans ce nouvel enseignement. 

ûuesnay, dans ses lleeherchcs sur l'origine de la chirurgie, a dit 
vainement que Gourmelen a donné des préceptes d'un art qu1l 
ignorait, et Laénnec a rectifié ce jugement par ses notes écrites 
de sa main sur le premier feuillet des opuscules inédits de 
Gourmelen, dont il a fait don à la bibliothèque de Quimper : 



M us MÉMULÀMS 

«r Le SfMpêeoi ekirurgim met Goarmelen iq premier rang des 
médecins qui ont le plus contribué à créer û chirurgie fran- 
çaise ». L'ouvrage de Gourmelen, emtûr, fut désigné par la 
Faculté, en 1606, parmi les ouvrages destinés à renseignement 
de la chirurgie. La partialité de Quesnay est un reflet de la 
lutte et de Tanimosité des médecins et des cbiru^ens. 

P. — Synopseos chirurgiae libri sex : Lnietis apnd iEgidîam 
corbinum, 11566, in-8, Irad. fr. par A. Malézieu : le sommaire de 
toute la chinjrgie contenant six livres composés en latin par E. 
Gourmelr»n ; Paris, 1571. in-8 ; et puis celui de Guide des Chinir- 
(îienH, translaté f*n français par Germain Courtin, Paris 1654 et 1637, 
ln-8. — Hipporrat^îS LifKîllus de alimento, à graeco in latinum con- 
versuM, fît comrn'»nt'iriis illustratus; Paiisiis, 1572, in-8. — Chirur- 
(fiaî arti** ex liippocrat^'S et aliorum veterum medicorum décrètes 
nrl ratiocinji normam redactae, libri sex; Luleliae, apud Gallium, 
1580, in-8 (2r Mit. du Synopseos), et il se trouve au septième livre 
du trait/î du Pcnlulcis : Universa medicinae; Parisiis, J. Bessin, 
16'J9, in-4*. — Avertissements et consoils à Messieurs de Paris, tant 
pour sr; pr/îsorvor do la poste, comme aussi pour nettoyer la ville et 
les maisons qui en ont ('Xit infectées. Paris, 1581, in-8'. — Réponse à 
l'Apologio, sous le pseudonyme de Comparât. — Divers opuscules 
restés inédits. — La Hibliothéque nationale, sous le numéro 6879, 
possède un manuscrit important sur la Pharmacie. — On a de lui 
aussi des mémoires sur l'histoire do la Bretagne. 

S. - B. B. L. - B. M. P. - X. B. U. - B. M. - B. M. D. - 

Goujf^t, mémoin» sur le eollérjo royal do France. — Moreri, supp. au 
dict.; Andry, Knryrloi)édie méthodique. — Hazon, notice des hom- 
m<*s les pins eélébn's de la Faculté de méd. de Paris, depuis 1110 
Jusqu'iîU 1750, Paris, 177H, in-4*. 

HAGQUET (Balthazard). 

^ 1739 ou 1740 ...?... Conquet. 
+ 1815, 10 janvier, Vienne. 

Hacquct est un exemple, toujours trop rare, de Français qui 
ont su se faire un nom h l'étranger, et une légitime réputation 
dans la science qu'il cultivait. 

Parti jeune de France, sans que ses biographes laissent soup- 
çonner le motif de son départ, il étudia la médecine en Autri- 
cho, et prit part, en qualité de chirurgien, à la guerre de sept 



G. LAENNEC 



OT 



ïs. Ses connaissances étendues en médecine le firent nommer 
professeur de chirurgie au lycée de Laybach, en Carniole, et 
secrétaire perpétuel de la Société impériale d'agriculture et des 
arts de cette ville. En 1788, l'empereur le nomma professeur 
d'histoire naturelle à rUniversité de Lemberg, et membre du 
conseil des raines à Vienne. 

Il parcourut à pied la plus grande partie de rempire d'Au- 
triche» et fit paraître un assez grand nombre d'ouvrages qui 
méritérenl, dans le temps, les sulTrages des savants. Ces tra- 
vaux sont nombreux, mais ils n*onl trait qu'aux sciences natu- 
relles et géographiques. 

P. — Géotjraplîïe physique ûe la Cnrinlhîe, de fis trie (*t d*un6 
pnrliè des contrée liniitrophes ; Leipzig, 1778-1789, 4 voL avec cartes 
et planches (en allemand).— PlaiiU^ Alpinœ CarnioliiN'B ; Vienne, 
1782, Ui-i\ — Voj^age minéralotjic|ue et botanique sur Le mont Ter- 
glou en Gorinthie, et sur le mont Glockner, en Tyrol, fait en 1779 
et en 1781 ; Vienne, 1781, in-8 (en allemand). — Voyages physîco- 
politiques dans les Alpes, faits en 178! et 1783; Leipzîfî, 17H5-1787, 
4 vol, (en alleniand). — Compte-rendu d'un voya<je d'exploration de 
Tétat physique des Alpe-s noriciues fait en 1781 et en 178B, Nurem- 
berg, 1790, 2 vol, in-8 (en allemand) — De quelques piUriflca lions 
qui se trouvent dans les volcans éteints ; 171)0, in-8 (en allemand). 
— Nouveau voyage physico-politique fait dans les années 1794 et 
1795 dans les monts Carpathes septeutrionaux ; Nuremberg, 1796, 
4 vul. in-S, avec 6 i]ravurt's(ea allemand). Description dm Vandales, 
Illyrîens et Slaves du sud-ouest et de Test, etc.; Leipzig, 1801-180^, 
4 vol. (en allemand). — Enlin un grand nombre d'articles insérés 
dans des revues ou journaux allemands. 

S. — N. B. G. - B. B. L. - B. M. P. — Vaterland, Blatten, 
1815. — Nekrolog. Allgem* Litorat* Zeitg, — Ersch et Grub. Allg. 
Encyclopaidie. 



LAENNEC (Guîllaume-Franpois). 
* 1748, 11 novembre, Quimper. 
t 1822, 8 février, Nantes. 

La famille de Laëniiec jouissait d'une nolorîi^lô juslifioc en 
Bretagne. Le pt'^re de LaiMinec, Guillanme. avait rté sénéchal 
de Locmaria, maire de Quimper et députe de celte ville aux 



S8 LES MÉDECINS BRETONS 

Etats de Bretagne tenus à Nantes en 1763. Son éducation et 
son instruction ne laissèrent rien à désirer, et il put donner 
ainsi à son intelligence naturelle tout son essor. 

Il fit ses études médicales à Paris, mais se rendit à Montpel- 
lier pour y prendre le grade de docteur, en 1773. Aussitôt après, 
il se rend en Angleterre et y passe deux ans pour parfaire ses 
connaissances médicales. 

Le 6 juillet 1775, il revient à Quimper, avec le titre de méde- 
cin conseiller ordinaire du roi. Sa réputation ne tarde pas à 
s'établir, et en 1779, il est appelé à Brest comme médecin 
auxiliaire de la marine. Il vit rentrer au port les débris de La 
Surveillante, et prodigua ses soins au commandant Ducouëdic 
et à ses rares survivants de ce brillant fait d'armes. 

Conscient de sa propre valeur, très heureusement posé par 
un brillant mariage, LaCnnec conçut le projet de quitter Quim- 
per et de venir se fixer à Nantes. L'exécution de ce projet ne 
fut pas sans rencontrer de sérieuses difficultés. 

11 y avait alors à Nantes une Université ayant pouvoir de 
conférer des grades, et nul ne pouvait exercer dans cette ville 
sans son autorisation. Il fallait acquérir l'agrégation, comme 
on disait alors; et nous avons vu, dans notre histoire des Méie- 
cim Normands, que le collège des Médecins de cette ville exi- 
geait aussi cette formalité pour avoir le libre exercice. 

Laënncc se soumit donc aux épreuves de l'agrégation; mais 
en vain il soutint avec éclat, devant la Faculté Nantaise, une 
thèse aussi remarquable par la nouveauté du sujet que par 
Texcollente latinité du style; il se vit refuser. 

Il dut plaider, soutenir un procès devant le Parlement et, 
finalement, présenter une nouvelle thèse, développée en 
pleine Chambre des Requêtes. Le savoir de Laënnec. sa remar- 
quable facilité d'élocution, enlevèrent plus d'une fois les ap- 
plaudissements de l'assistance, et la Faculté Nantaise en fut 
pour sa courte honte. Elle sut toutefois réparer sa faute en 
nommant, en 1787, Laënnec son procureur général, et Tannée 
suivante, elle le choisit pour son recteur. 

Partisan d'une sage liberté, frappé, comme tout esprit droit 



G. LA EN NEC 



8Ô 



et juste, des abus de raneien régime — et son épisode de ré- 
ception n'en élait-elle pas une preuve — Laënnec, en 1789, 
fut envoyé par ses concitoyens à la muiucipalilé nanlaise. 

On a de lui un rapport remarquable sur le budget de la com- 
mune, lu le 1*' décembre i790. Il semble destine aux fondions 
électives, mais, esprit sage et modéré, Laënnec, en présence 
de» excès de Carrier, a Nantes, et de ceux qui se commellaient 
ailleurs, se retirades affaires politiques et ne s*occupa que de 
ses affaires professionnelles» En 1792, il accepta les fonctions 
de médecin en chef de rnûtel-Dieu, fonction qu'il garda toule 
sa vie. 

Laënnec fut l'un des premiers professeurs de FEcoIe de 
médecine de Nantes, créée en 1808. De son discours prononcé 
à rinauguralion de TEcole de Nantes, on peut citer ce passage : 
(( Dieu de mes pères, si l'élude de mon art ne doit me conduire 
qu'à douter de ta puissance; s'il faut que, dans ce corps fra- 
gile et périssable, je ne trouve plus cet instrument céleste de 
ma pensée, cette âme immortelle et libre que je liens de la 
bonté, s'il faut qu'assimilé à la brute slupide, dégradé dans 
tout mon être, je reconnaisse des penchants irrésistibles dans 
mon crâne et la cogilabilité dans une huître; atit rends-moi 
mon ignorance t ne permet pas que je blasphème ton nom î je 
n'étudierai plus t n Noble langage que, sous une autre forme, 
nous retrouvons sous la plume de notre illustre Pasteur. 

Pendant huit ans, il fut professeur de clinique interne et de 
matière médicale. 

(( Au début de ses éludes médicales, dit A. Lecadre (Brous- 
saiset Laénnec, étude comparative. Soc. d'Et. div,, 1868, p. 53), 
j*ai suivi, h Thôpital de la ville de Nantes, les visites de ce 
médecin distingué. Celait un médecin de la vieille roche, bon, 
mais un peu brusque, parlant par sentences, d'une érudition 
profonde, ayant dans les cases de son cerveau tout son Horace^ 
tout son Virgile, tout son Ovide» et, à brûle pourpoint, vous en 
récitant des tirades à faire rougir des humanitaires beaucoup 
plus jeunes, mai» non doués comme lui de cette grande faci* 
Uté. )i 



90 LES MéDECIXS BRETOKS 

Laënnec s'était pris de passion pour Napoléon, qu'il avait 
accueilli un jour comme le sauveur de Tordre public. A sa 
chute, il ne sut pas dissimuler ses regrets et fut, lors de la 
Restauration, écarté de l'enseignemenL C'était une insigne 
maladresse, car qu'avait-on en vérité à redouter d'un tel 
homme ? C'était vraiment un retour à l'ancien régime. 11 se 
résigna avec peine, et ne se consola jamais complètement de 
ce quil regardait, et à juste titre, en effet, comme une grande 
injustice à son égard, il fut en outre membre correspondant 
de la Société de l'Ecole de médecine (Académie de Médecine), 
membre du jury de médecine du département de la Loire- 
Inférieure, et Tun des fondateurs de la Société Académique de 
la Loire-Inférieure et son premier secrétaire-général. 

P. — Tantamen medico-forense sistens quasstionem à facultati 
Nannetensi propositam : utrûm in jure, cilrà erroris periculum, 
medicinaB légales auctoritate ûdes adhibenda (chef-d'œuvre de latinité 
et de science, dit Kergaradec). — Positiones ex omnibus medicins 
pariibus collectanae quas ex auctoritate et decreto supremi Senatus 
Armorici, coram sapientissimis Rhedonensis collegii doctoribus medi- 
ci» et sociis, publici propugnebit G. -F. Laënnec de la Renardais, cori- 
8opit«u8, Rennes, 1796 (Thèse soutenue par décret du Parlement, en 
la chambre des requôtes. — Résumé des demandes de la ville de 
NantfîH et de ses moyens, par G. -F. Laënnec, P. M. et J. C^antin, 
ofIlcif;rH municipaux, députés extraordinaires du conseil général de 
la commune de Nantes, Paris, 1790, in-8*. — Premier compte public 
rendu â la commune de Nantes par ses officiers municipaux, im- 
primé par ordre de son conseil général, Nantes, Malassez, 1790. — 
InMtallation de l'école de médecine de Nantes, le T' août 1808. Dis- 
courH d'inauguration prononcé par G.-F. Laënnec, médecin de 
rilôtel-l)ieu ; Nantes, Brun, 1808. — Compte rendu des cours d'ins- 
truction médicale et du service de santé à l'Hôtel-Dieu de Nantes ; 
Nantes, Forest, 1815. 

8. - B. B. L. 



GILBERT (Nicolas-Pierre). 

* 1761 ...?... Brest. 

t 1814, 19 décembre, Paris. 

Gilbert est un des exemples nombreux de ces hommes que 



GILBEfiT 



^1 



la Révolution a amené à jouer un rôle, mais qui, sans elle, 
fussent très certainement restés inconnus. 

Après ses humanités faites à Quimper et h Vannes, il vint à 
Brest étudier la chirurgie, et fut, îi dix-huit ans, nommé élève 
chirurgien. Il embarqua, en celle qualité, à destination des 
Indes Orientales. A son retour à Brest, il obtint un prix de 
chirurgie, mais toujours malade à la mer et atteint de scorbut, 
il dut renoncer à la navigation, et vint îi Paris pour achever 
ses éludes. Peu fortuné, il dut, pour s'aider à vivre, donner des 
leçons de mathématiques. Il fut même obligé, pour diminuer 
ses frais de réception, d'aller à Angers pour obtenir le grade 
de docteur eti médecine. 11 se rendit aussitùl après h Lander- 
neau. Il y avait peu de temps qu'il y exerçait, lorsqu'il envoya 
à la Société royale de médecine un mémoire sur la topogra- 
phie de cette ville et de ses environs. Ce mémoii'e lui valut une 
médaille d'or et le titre de membre corresi)ondant de cette 
Société. Voilà certes des débuts modestes, et qui ne laissaient 
préjuger de l'avenir de Gilbert; mais les événements vont 
marclier, et Gilbert va sortir de son obscurité. 

En 1779, une épidémie de fièvre typhoïde désole Tarmée 
navale franco-espagnole qui est obligée de rentrer à Brest. 
Ancien médecin de la marine. Gilbert est appelé pour com- 
battre le Uéau, Il en est atteint lui-même et recouvre diflicilc- 
mcnt la santé» mais Gilbert ne peut néanmoins obtenir le titre 
de médecin de 1 hôpital de la marine a Brest, et nï»btient que 
le titre de médecin de la marine à Landerneau, et une grati- 
fication de !,20{} francs. 11 se rend ensuite à Morlaix, où il ne 
reste que peu de temps, puis à Bennes, h riicure où la 
Révolution éclate. Il racclame, et est appelé à pi-ésider Tad- 
minislration départementale d'Ille-et-Vilaine. en 179i et ÏTM- 
Esprit modéré, il signe Tun des premiers une protestation 
contre les mesures de la Convention, et refuse d*y remplacer 
Lanjuînais. Il est arrêté et détenu pendant huit mois. 

Aussitôt rendu à la liberté, il est nommé médecin de l'hô- 
pital militaire de Saint- Polde-Léon. et huit mois après, médecin 
en chef de Tarmée de Sambre-et-Meuse, En 17%, on créoles 



£ LES MÉDECINS BRETONS 

hôpitaux militaires d'instruction, el il est appelé comme pro- 
fesseur à rhôpital du Valide-Grâce. Nommé, en 1802, médecin 
en chef de Tarmée de Saint-Domingue, il y contracte la fièvre 
jaune et sa santé, gravement compromise, Toblige à revenir 
en France. En 4806, il est nommé médecin en chef de la Grande- 
Armée, et en 1808, de celle du Rhin. En 1812, sa santé oblige 
Desgenettes à le laisser à Kœnigsberg; mais en 1813, Desge- 
nettes est fait prisonnier à Wilnas et Gilbert prend la direction 
de la santé des armées; mais ses infirmités Tobligcnt peu après 
à rentrer en France. Vers le mois de mai 1813, il reprend son 
service h Thôpilal militaire du Val-de Grâce, et le continua 
jusqu'à sa mort, déterminée par une inflammation chronique 
du foie. Il mourut dans une honorable pauvreté. 

On a critiqué Tadministration médicale de Gilbert; mais on 
doit tenir compte de sa santé altérée par la fièvre typhoïde et 
la fièvre jaune dont il fut atteint; il manquait d'énergie pour 
surveiller tous les services, il eut été préférable de le laisser au 
Val-de-Grâce. 

P. — Mémoire sur la concordance entre les nouveaux et les 
anciens poids et mesures (1793-1794). — Les théories médicales mo- 
dernes comparées entre elles, rapprochées de la médecine d'obser- 
vation, suivies du plan d'un cours de médecine pratique sur les 
maladies les plus fréquentes des gens de guerre, Paris, an VII, in-8. 

— Du pacte social, ou examen raisonné de la constitution de l'an 
VIII, IfcOO, in-8. — Histoire médicale de l'armée française à Saint- 
Domingue, en 1802, ou mémoire sur la fièvre jaune (Gilbert se dé- 
clare anti-contagionniste). — Tableau historique des maladies in- 
ternes de mauvais caractères qui ont affligé la Grande-Armée dans 
la campagne de Prusse et de Pologne, et notamment de celles qui 
ont été observées dans les hôpitaux militaires et les villes de Thorn, 
Bromberg, Fordon et Culm, dans l'hiver do 1806 à 1807, le prin- 
temps de l'été 1807, suivi de réflexions sur les divers modes de 
traitement de ces maladies adoptés par les médecins français et 
allemands ; Berlin, l^O"*, in-8. — Mémoires sur la fièvre de Pologne. 

— Divers articles à l'Encyclopédie méthodique et au Dictionnaire 
Encyclopédique ; diverses brochures politiques. 

S. — B. B. L. — B. M. P. — M. B. U. — Quérard, la France lit- 
téraire. — Journal de 3/éci., T. LU : Notice historique sur Gilbert. 




LA EN NEC (Rknè-Thkodore-Hvacîxthk) 

♦ 1781, 17 Février, QjittDper. — -f 1816, ij Août, Pkoiè 

Professeur de Clociqub ÏAèdicjlvb. a ll Faculté de MéoEcniE us Ï^amk 

Lecteur Royal et Professeur au Collège ut Frakce 

Médecin ue la Duciiesse t>£ Berry 

MeMARL de L*ACAOiMlE I>E MiDICl>'E 
CURVAULR DE LA LtGtON 1>'Uoi«î«ltfR 



LAENNEd 



S& 



AMIC (Jean-Marie). 

* 1752 ...?.., Brest 

f 1819» 15 Janvier, La Goadelotipe. 

Reçu docteur k Monlpellier, Amie fut aussitôt après nommé 
médecin extraordinaire des liôpitaux de Dinan et de Fougèn?s 
et eut à soigner des prisonniers anglais atteints de fièvre 
lyplioïde. En 4781, il est attaclié aux hôpitaux de la marine, à 
Brest, et il enseigne la botanique jusqu'en 1788, époque à la- 
quelle il reçut le brevet de médecin do gouvernement h la 
Guadeloupe. Son dévouement, son zèle, sa générosité, lui 
méritèrent Testime de tous. Trente années d^^bservation lui 
avaient appris à connaître la physionomie particulière des 
maladies des Antilles et il n'admettait la contagion de la fièvre 
jaune que dans certaines circonstances. M oniurut d'une fièvre 
rémittente avec dysenterie» h Yàge de 07 ans. 

Amie n*a point laissé d'écrits, mais il sut lù-bas former des 
médecins capables, grâce à son intelligence et à sa grande 
expérience. 

S* — 0. M. P. — (Lcvot a oublié de mentionner ce médecin dans 
sa Biograptiie Bretonne). 



LAÊNNEC(René*Tliéodore-Hyacmme). 

* 1781, 17 février, Qulmpen 
t 18Î6, la août, Ploarô. 

« La perfection n'est pas de ce monde )>. L'adage dit vrai; et 
pourtant, n'est-il pas donné d'en constater parfois dans la vie, 
sinon fa réalisation sans réserves, tout au moins une telle 
approximation» pour employer une expression mathématique, 
que Ton serait presque tenté de dire qu'une fois en sa vie Ton 
a pu la contempler. 

Ces remarques me viennent à Tespril au moment d'écrire la 
biographie de Laénncc (René-Théodore-llyacinthe), né à 
Quimperle 17 février 1781, Et de fait, s'il nous est facile d'é- 
numérer ses qualités, il Tesl moins de trouver ses défauts. 
Douceur, bonté, exquise complaisance, simplicité extrême. 



9t> LES MÉDECINS BRETONS 

aucune suffisance, religieux dans toule l'étendue du mot, 
mais avec quelle iargeur de vue et quelle tolérance; jamais 
sa science profonde n'ol)scurcit en lui le sentiment de la 
vérité, parce qu'elle fut complète, sans passion et sans parti- 
pris; la raison le guida toujours autant que la foi. 

Savant, il le fut à un degré éminent, et ses connaissances 
furent aussi variées qu'étendues. Il a laissé après lui une 
œuvre géniale, Tauscultation, qui lui a valu a sa gloire », et le 
temps ici n'a fait que justifier, confirmer lexcellence de ses 
ingénieuses découvertes. De ce chef, aucuns savants n'ont 
depuis rien ajouté à sa méthode. 

Essayons, après tant d'autres, de redire les mérites de ce 
médecin breton éminent, dont on ne parlera jamais trop. 

Issu d'une famille honorable, dont plusieurs membres rem- 
plissaient des « magistratures locales », il eut le malheur de 
perdre jeune sa mère, enlevée par la phtisie pulmonaire, à 
laquelle il devait lui-même succomber un jour. 

Son père, homme d'esprit et fort instruit, cultivait avec bon- 
heur les lettres, et <( son talent pour la poésie rappelait un de 
ses compatriotes, Desforges-Maillard ». Mais, a ce père, homme 
d'esprit et de goût, n'était point homme de conduite; et, soit 
nécessité, soit sagesse, il abandonna l'éducation de ses enfants 
à son frère, médecin distingué de la ville de Nantes ». 

Il avait six ans lorsque sa mère mourut, et il fut alors recueilli 
par un grand-oncle, l'abbé Laënnec, et séjourna quelques an- 
nées au presbytère d'Elliant. « 11 eut le bonheur d'être douce- 
ment acheminé par une main ferme et sûre vers les austères 
labeurs de la grande science. La maison du pieux recteur pré- 
sentait d'ailleurs un merveilleux ensemble des conditions hygié- 
niques dont le cliétif enfant avait besoin ». Cette existence grave 
et réglée, au milieu d'une belle campagne, était singulièrement 
propre « à dilater progressivement, sans écarts et sans vio- 
lentes secousses, les riches facultés d'un esprit droit et d'une 
intelligence active ». 

Son séjour à Elliant fut court et il fut décidé que le jeune 
Laënnec irait achever ses études chez l'un des frères de son 



LAEN^EC 



« 



père, le docteur LaOnnec, qui a laissi* un nom juslemeiU honoré 
et qui mourut, en 1823, directeur de FEcole de médecine de 
Nantes, 

Le jeune homme fit de brillantes éludes et les palmarès de ce 
temps ont gardé le souvenir de ses succès. 11 avait appris Tan- 
glais et l'allemand et il était vraiment prêt k aborder Tétude de 
ta haute science. 

Il arriva à Nantes aux jours mauvais de la Révolution. « Tout 
était discorde, haine, délation ». u Accablés de tant de maux 
et combattant nuit et jour, les Nantais avalent fermé les 
écoles ». L*oncle Laënnec, absorbé par tant de soucis, ne put 
donner à son jeune neveu qu'une instruction imparfaite. De 
plus, la santé de Laënnec, très chancelante déjà, ne lui per- 
meltait pas des efforts soutenus, et le résultat final eût été fort 
mauvais sans rextréme facilité naturelle de Laënnec. 

Malgré tout» Laénnec suit assidûment son oncle, soit en 
ville, soit dans les liôpitaux militaires, et il ajoute l'étude assi- 
due de Tanalomie; bientôt, il fut nommé interne dunsTun des 
hôpitaux militaires, puis, peu après, désigné pour accompa- 
gner Texpédilion militaire résolue dans le Morbihan; là, il 
recueillit des notes dont il tirera un jour parti dans ses ou- 
vrages. 

En 1800, il vint h Paris ; il avait 19 ans. Ses études premières 
se ressentaient singulièrement de ces temps troublés; aussi 
Laënnec sent-il la nécessité de les compléter. M reprit donc 
Tétudc de la langue latine et il parvint à récrire avec élégance 
et pureté. Laënnec ne s*en tint pas là : a prenant à cœur la 
gloire de sa Bretagne, il s'engagea dans Fexamen scrupuleux 
de ce singulier idiome ». Mais, loin de nuire à ses éludes essen- 
tielles, ces éludes subsidiaires en accéléraient les progrès. Tl 
savait se délasser de Tune par Tautre» 

En 1801, Laënnec eut au concours les deux premiers prix de 
chirurgie et de médecine. En !80i, deux Ihèses se suivirent de 
près sur Hippocrate : Tune en latin, Fautre en français. 

Cette même année, 1804, rautorilé créa, dans le sein dp, Fé- 
, COie, la Soc»^(^ de t' Ecole, sorte de cons^eil qui devait éclairer 



98 LES MÉDECINS BRETONS 

des questions d'intérêt public. Cette société, composée de 
28 membres, se choisit des auxiliaires et Laënnec fut un de 
ses premiers adjoints. 

L'Ecole de Médecine avait alors deux chefs : Corvisart, qui 
professait le culte des traditions hippocratiques; Pinel, la mé- 
decine philosophique. L'une avait pour base l'observation, 
l'autre procédait par l'analyse. L'une était humorale dans cer- 
taines limites; l'autre enseignait le solidisme presque exclusi- 
vement. 

Laënnec entra dans le camp de la médecine dite « d'obser- 
vation » et y resta toujours fidèle. 

C'est à la clinique de Corvisart que Laënnec, doué lui-même 
d'un esprit très observateur, puisa Tidée de la science jusqu'a- 
lors inconnue de l'anatomie pathologique. Dupuytren fut ici 
son rival. Des cours publics furent ouverts par ces deux maî- 
tres et leur émulation, comme l'importance du sujet, y attira 
la jeunesse studieuse. 

Déjà connu par ses travaux. Laënnec est nommé, en 1812, 
médecin de l'hôpital Beaujon; en 1816, il passa à l'hôpital 
Necker, où il poursuivit ses recherches sur l'auscultation et où 
affluèrent tant de médecins désireux de se mettre au courant 
de ses découvertes. 

Malgré une santé toujours débile, Laënnec remplissait avec 
une scrupuleuse exactitude tous ses devoirs de médecin et de 
professeur. 

A une heure, dit Lecadre qui assista à ses leçons, arrivait 
dans la cour du collège de France un cabriolet, voiture dont 
se contentait alors Boyer et même Dupuytren. En descendait, 
dit Lecadre, témoin oculaire, un petit homme bien maigre, 
affublé d'un large manteau qui recouvrait un vêtement com- 
plètement noir, portant encore la culotte courte, et la tête sur- 
montée d'un chapeau à larges bords. Il montait dans sa chaire, 
en face d'une quarantaine d'auditeurs tout au plus, mais audi- 
teurs de choix, hommes d'études, et dont l'attention n'était 
jamais en faute. Il commençait par lire le sujet qu'il devait 
traiter, mais il s'en écartait souvent pour citer des obser- 



LAENNEC 

valions, pour raconter avec originalité quelques anecdotes 
médicales, pour se livrer à quelques saillies, pour décocher 
quelques traits à l'endroit de la doctrine physiologique à la- 
quelle il contestait ce titre. Son ton devenait ticnlôt acéré et 
ironique et ses yeux lançaient des éclairs à travers des lunelles 
montées en écailles qu1l portait toujours. Le sourire général 
accueillait ses paroles piquanîes. A la fin de la leçon, on n'ap- 
plaudissait pas au cours charmant et éminemment instructif 
auquel on venait d'assister, mais on se promettait bien d'y 
revenir. 

Un autre contemporain ajoute: 

a Laénnec avait la parole facile. Il s'exprimait avec méthode, 
clarté et simplicité. Dédaignant les artifices de Fart oratoire, il 
savait néanmoins donner du charme à son enseignement. Il 
semblait converser avec son auditoire qu'il inléressaiten même 
temps qu*il instruisait. » 

Tant de travaux avaient miné sa constitution débile; il dut 
se re[)0ser* il vint à Phmré, dans sa terre patrimoniale de Ivcr- 
louarnec. Les œuvres charitables, les longues promenades au 
bord de la mer, la cliasse qu'il aimait beaucoup, furent les 
auxiliaires de son traitement, il y joignit Fétude de la langue 
bretonne qui présentait pour lui un vif intérêt. 

Ce séjour de près de deux ans à Kerlouarnec laissa de longs 
souvenirs de reconnaissance, car pendant tout ce temps « il fit 
généreusement Faumône do son temps et de sa science aux 
habitants des campagnes voisines»). Le repos de l'ermite de 
Rerlouarnec n'était pas Foisivelé. 

• La satisfaction du cœur^ le repos du corps, le calme de 
Fesiprit» ne tardèrent pas à exercer sur sa santé leur influence 
bienfaisanle. Les forces lui revenaient. Il se sentait renaître. » 
Tout le rappelait à Paris, il en reprit courageusement le chemin. 

Il est facile de coinirreinlre que Lannuec, devenu convales- 
cent, ait éprouvé une sorte de a nostaigie de la chaire n et du 
grand mouvement scienlilique de son temps. 

Lacnnec, dit un de ses biographes, était vraiment un homme 
extraordinaire. 



100 LES MÉDECINS BRETONS 

Son service d'hôpital, son enseignement, sa part dans les 
concours et dans les examens, ses très nombreuses recherches 
personnelles, sa collaboration aux travaux des sociétés sa- 
vantes, ses écrits immortels, suffisaient évidemment à remplir 
la vie d'un homme actif. Sa façon de s'en acquitter formait 
Tadmiralion de ses contemporains. 

€ En le voyant, on était étonné qu'il put suffire à lous les 
travaux dont il était chargé depuis quelques années. Il avait 
dans la physionomie, et surtout dans les yeux, un air de finesse 
et de malignité. Doué d'un esprit profondément observateur, il 
possédait une immense quantité de connaissances, non seule- 
ment sur la médecine, mais aussi sur les autres sciences et sur 
une foule d'arts. On eut dit que la nature avait grandi son 
esprit aux dépens de son corps, et qu'en le créant, elle avait 
voulu prouver que la force et la puissance ne sont pas toujours 
proportionnelles à la maison. Il était d'un caractère froid 
comme son tempérament. Les passions expansives lui étaient 
peu familières. Il avait de la fermeté, delà sévérité et beaucoup 
de piété. Il était tenace dans ses opinions; il y croyait pour 
ainsi dire. » 

Nommé médecin de la duchesse de Berry, après la mort 
d'Halle, il prit sa place au collège de France, et il développa là 
les principes lumineux de la science, insistant sur l'analomie 
pathologique, et sur les altérations des fluides, dont le solidisme 
avait négligé létude. 

Professeur de clinique interne, il commença, en novembre 
1822, un enseignement dont la renommée lui valut l'auditoire 
le plus distingué qui se soit jamais vu à cette école. 

Il prit celle charge dans des conditions difficiles. Corvisart 
venait de mourir et nul ne pouvait songer à faire oublier son 
grand nom; de plus, la suppression de l'ancienne Faculté de 
médecine, acte d'autorité, avait été mal accueillie, et l'opposi- 
tion grandissait par le nombre des mécontents, des désillu- 
sionnés, des révoqués et de tout leur bruyant entourage. 

Laënnec, membre de la Commission chargée de l'organisa- 
tion de la nouvelle Faculté, fit preuve d'un profond esprit de 



LAENNEC 



101 



justice et de tolérance, et beaucoup lui durent la conservation 
de leur chaire. La^nnec portait en lui un autre sentiment qui 
raidait à rester juste et tolérant: I1ndt'*pendance. « L'indépen- 
dance et niumililé, a dit on jour Laségue» voilà les pierres de 
touclie du médecin. — L'indépendance, parce que. respon- 
sable devant sa conscience, — Thumililé, parce que la tache 
est pesante. >\ L*indépendance. il la veut dans la science, et il 
écrivait dans sa thèse (Il juin 1804)* Liberam profiteur medicû 
nam ; nec ab autiguis sum, nec à nom; utrosque ubi veritatem 
coluit sequor; mais il sut la vouloir aussi pour les hommes, et 
sa conduite au sein du conseil de la Faculté 3e prouve haute- 
ment. 

Nul ne comprit mieux que loi la responsabilité de rensei- 
gnement; ainsi s'expliquent ses succès comme professeur. 
Partout il apporte Tordre et la règle dans sa vie simple et pai- 
sible. Il fait son service d'hôpital, s'acquitte des autres fonc- 
tions de sa charge, et ne voit plus de malades qu*en consul- 
tation. Il le fait u avec une simplicité de mœurs pleine de 
charme et une modestie qui semble ne pas même soupçonner 
sa renommée ». 

Savant distingué, professeur disert et remarquable, homme 
simple et bon pour tous, inventeur de la méthode d'auscul- 
tation, Laënnec, par tous ses titres, mérite assurément riiom- 
mage de la postérité; mais Thistorien a le devoir de pénétrer 
plus avant dans Fintime pensée de cet homme éminent 
k tant de titres. « La vieille Armoriiiue, celte terre de granit 
recouverte de chênes, porte une forte race, aux vivaces croyan- 
ces, au cœur fidèle; le sol garde les antiques débris du passé 
le plus lointain et les fils sont encore animés de Tâme des 
aïeux ». Le professeur ilcnri Roger disait vrai, et le iils était 
• anime de Tàrae des aïeux » ; Laonnec ne fut pas seulement 
un médecin spiritualisle : il fut toujours et partout « un chré- 
tien de la forme antique et invariable, un ferme et docile (ils 
de riiglisc calholique, vivant de sa vie, priant de ses prières, 
tenant, sans ostentation, mais sans faiblesse, sa place dans 
toutes ses fêtes •« 



102 LES MÉDEaNS BRETONS 

Un trait, d*une grande simplicité, prouve sa foi simple et 
naïve. Sa chaise de poste, près de Nantes, fut précipitée dans 
un fossé et il se trouva enfoui sous la masse des bagages. 
Sorti sans blessure de dessous cet amas de débris, il dit tran- 
quillement à sa femme : t Nous en étions à ora pro nobis •. 
L'illustre professeur était en train de réciter le chapelet. 

Sa dévotion n'était Teffet ni de l'ignorance, ni de la décrépi- 
tude, A 30 ans, il était un des princes de la science, et à 45 ans, 
il rendait à Dieu sa belle âme. 

D'un regard ferme et sûr, il constatait, jour par jour, heure 
par heure, ce qui lui restait de temps à vivre et tournait, sans 
se troubler, toute son âme vers les espérances de Téternité. 

Un jour, sa femme le vit retirer Tune après Tautre toutes les 
bagues qu'il portait et les poser doucement sur sa table; et 
comme elle l'interrogeait : « 11 faudrait, dit-il, que bientôt un 
autre me rendît ce service; je ne veux pas qu'on en ait le cha- 
grin ». Deux heures après, sans que son intelligence parût un 
instant voilée, le savant, le grand chrétien avait rendu son 
âme à Dieu. 

« 11 s'éteignit, emporté par cette phtisie qu'il avait si profon- 
dément étudiée. Homme rare, que recommandaient, avec tant 
de talents, tant de qualités respectables, surtout la justice et la 
tolérance ; homme singulier, d'une petite stature et d'une com- 
plexion frêle qui, dédaignant l'intelligence subtile et forte dont 
l'avait doué la nature, mettait son orgueil à exceller dans les 
exercices du corps, dans des arts d'agrément et dans quelques 
industries mécaniques. Laënnec n'était qu'un souffle et se 
croyait un Hercule. Il transposait les choses ; la vigueur de son 
esprit, il la mettait dans ses muscles. Faiblesses innocentes, 
et qui ne sont pas rares chez des hommes de génie, taches im- 
perceptibles qui disparaissent dans l'éclat de ces grandes 
existences, exemplaires d'ailleurs, et pleines de gloire parce 
qu'elles sont utiles. » 

Nous venons d'étudier l'homme, attardons-nous maintenant 
à l'examen des œuvres de ce savant. 

Ses premiers travaux datent de 1801. Il avait, nous l'avons 



LA EN NE t. 



wi 



dit, remporté au concours les deux premiers prix de chirurgie 
et de médecine. Il prouvait ainsi sa singulière lacililé natu- 
relle de s'assimiler les études en apparence les plus disparates. 

En 1804. il donne deux llièses; Tune eu latin, où il met en 
doute Texistence d'Hippocraie. Il insinue que les ouvrages 
qu'on lui attribue sont en partie de plusieurs siècles antérieurs 
îi la guerre de Péloponése; et qu'enfin le nom d^Iippocrale 
n'est probablement qu'un nom générique comme celui des 
Hercules et des Pharaons. 

La thèse en français a pour titre : Proposiiions sur la doctrine 
d'fUppocrate, relativement à la médecine pratitiue. 11 établit que, 
possesseur de lails multiples» jamais Hrppocrate n'en a re- 
cherché les affinités, n'a cherché îi conslruire un système de 
nosologie. Il s'attache à démontrer combien la séméiolngie 
w cette branche Iranscendante de la science *>, a dans Hippo- 
craie une supériorité marquée. Enfin, Laënncc, autorisé par 
Hippoorate et par sa propre expérience, admettait des fièvres 
essenlielles, et des maladies luut à la fois organique? et humo- 
rales. Enfin, il répond atiîrmativemenl à celte question : « Hip- 
pocrale at-il ouvert des cadavres? *> Jetez les yeux, dit-il» sur 
les livres où HippocrtUe décrit avec tant d*ordre et d'exactitude 
les luxations diverses, et osez conclure, à Texemple de Lassus, 
qu'un si beau travail a étô fait sans aoatomie? 

En !80i» il lut à la Société de TEcole, un mémoire sur les 
Uydatides, ou vers vésiculaires. Les Hydalides étaient autre- 
fois assimilées à des kystes formés aux dépens du tissu cellu- 
laire. Laénoec démontre, d'une manière péremptoire, que ces 
productions sont de véritables vers vésiculaires, ayant leur 
organisation et leur vie propre. Il en donna une description 
exacte, fil connaître plusieurs espèces nouvelles, ainsi que les 
altérations pathologiques auxquelles leur présence donne lieu 
dans le genre humain (l). 

Dans la seconde partie, il propose un tableau systématique 
de tous les vers vésiculaires trouvés dans Hiomme et dans les 



(1) Essai critir|ue sur le tmilement chinfr^ncul des kystes hydatiques du foie, par 
k« docteur Jules Eog«r. Purls, 0. Dota, l»80. 



104 LES MÉDECINS BRETONS 

animaux. Divers dessins représentant les vers soit dans leur 
état nalurel, soit par leurs parties principales grossies, accom- 
pagnaient ce travail. 

A l'époque où se forma la Société de TEcole, Tanatomie pa- 
thologique était la passion dominante. Corvisart était alors 
dans toute sa gloire, et Ton était émerveillé de raccord de son 
diagnostic avecles ouvertures cadavériques; la voie était ou- 
verte, tous voulurent la suivre, et l'on vit se former, au sein de 
l'école pratique, la Société anatomique. 

Laënnec y fut convié ; et s'enrichissant des recherches de ses 
collègues comme il les enrichissait des siennes, il acquit des 
connaissances étendues, et le Dictionnaire des Sciences médicales 
reçut-il de Laënnec une série d'articles remarquables et des vues 
générales sur l'anatomie pathologique. 

Avec la même originalité d'esprit, il décrit les cartilages 
accidentels, les encéphaloïdes, les dégénérescences diverses. 
Pénétration étendue, jugement droit et sage, telles étaient les 
éminentes qualités qui guidaient Laënnec dans ses recherches 
et dans ses travaux. Il eût laissé le souvenir d'un professeur 
disert, d'un médecin distingué, et il eût comme tant d'autres, 
mais sans plus, contribué à maintenir l'honneur de l'école et 
la réputation de la science médicale française. La postérité 
n'en parlerait pas autrement, sans un fait fortuit qui l'amena 
sur la voie qui devait contribuer à lui donner un nom impé- 
rissable dans l'histoire. 

Laënnec s'était particulièrement attardé à l'étude des affec- 
tions de la poitrine. La percussion, invention d'Avenbrugger, 
était alors en grand honneur à l'hôpital de la Charité, mais 
cette méthode était insuffisante et exposait même à des erreurs. 
Laënnec en était frappé; il cherchait à la compléter. 

Des faits insignifiants ont conduit des hommes de génie à 
des résultats merveilleux et ce fut ainsi pour Laënnec. Il pas- 
sait un jour dans la cour du Louvre, lorsqu'il vit des enfants 
qui, Toreille appliquée aux deux extrémités d'une longue 
poutre, s'amusaient à se transmettre réciproquement le léger 
son provenant du choc du doigt contre le bout opposé. Une 



LAB.VNEC 



expérience de plvysîqoe bien connue Tavait mis sur la voie, 
rauscuUation élail trouvée, 

Laënnecemployad'abord un rouleau de papier fortement fice- 
lé; puis, il tourna de sa main un instrument qu1l appela d'abord 
pecloritotjue, et peti Rprl^ssîéfhoscope, dénomination qui a survécu. 

Centre où la vie se consume avec une intensité énorme, la 
cage tlioracique qui protège la plèvre, le cœur et les poumons, 
est le centre des affections les plus variées, ies plus fréquentes 
et souvent les plus graves. Toute l'antiquité a connu les mala- 
dies de poitrine; elles sont de tous les pays et de tous les cli- 
mats, tristes compagnes de notre fragile existence, t Pour 
discerner toutes ces maladies, pour en découvrir le nombre, 
les caractères, rorigine, te diWeloppenient, la marcIie, les acci- 
denlsqui la traversent ou la favorisent, etc., la médecine a 
développé de bonne lieure toute la patience et la sagacité de 
son génie. La séméiotique dlrlippocrate sur les principales 
maladies de cette nature, les pleurésies cirempyème, la pneu- 
monie, IppIUisie, lavomique, etc., forme un corps de doctrine 
où il semble que rien n'est omis ». Malgré tout, jusqu'à Laen- 
nec, le diagnostic des affections de la poitrine était rempli 
d'incertitude et d'obscurité, et pourtant, de tous les symptômes 
et de tous les signes soumis à rinvestigation des sens et aux 
calculs de l'esprit, il n'en est pas un qu*tlippocrate ail négligé, 
11 écoute même le bruit qui résonne quelquefois dans une poi- 
trine malade. On connaît la succnssion liippocratique, hyda- 
lisme de Coelus Aurélianus. t/oreilte longtemps appliquée sur 
la poitrine, Hi|)pocratc «^ entend gronder les viscères quelle 
renferme n. Il saisit dans les poumons comme une sorte de 
chant. Il perçoit certain bruit et !e compare au bruit de cuir 
neuf. 1! a connu le raie bronchique et le raie crépitant, produit 
parle passage de l'air sur les mucosités; mais, depuis deux 
mille ans, tout cela restait confus, nul n^avait su en tirer de 
conclusions pratiques, précises, qui permissent au diagnostic 
de s'affirmer sans crainte. Le diagnostic des affections respira- 
toires se faisait par déduction, par conjoncture. « C'était Tlty- 
pothèse, c'était la confusion ». 



106 LES MÉDEUNS BRETONS 

Muni de son stéthoscope, Laënnec reprit la voie qu'Hippo- 
crate avait ouverte et poursuivit celte étude jusqu'à ses limites. 

Laënnec sut distinguer les bruits perçus par l'oreille dans 
l'état sain des organes, et ceux qui sont liés à Télat maladif. 
« Ces deux ordres se serviront entre eux de contî*eépreuves ; 
mais rétat sain est un^ pour ainsi dire, au lieu que Tétat mala- 
dif se diversiDe. Les modiflcalions correspondantes vont donc 
se multiplier dans la même proportion, et il est visible que la 
gravité de ces dernières modilications, considérées comme 
signes, se mesurera sur la diflerence qu'elles auront avec les 
premières. C'est sous ce point de vue que Laënnec envisageait 
le diagnostic qu'il allait établir et associer pour jamais aux 
créations d'Hippocrate. 

« Ces recherches l'occupèrent trois années. Chaque jour était 
marqué par des découvertes inattendues et de la plus singu- 
lière originalité. C'était un nouveau monde que l'oreille, cette 
fois, ouvrait à l'esprit. » L'auscultation, tel était le nom de la 
méthode. Elle était médiate ou immédiate. Cette dernière, je 
le répète, est la méthode courante, car l'oreille, appliquée sur 
la poitrine, sera toujours le meilleur instrument d'acoustique. 

Musicien d'un nouveau genre, Laënnec allait avoir à mettre 
de l'ordre dans tous ces bruits confus qui, jusqu'à notre au- 
teur, n'était qu'une abominable cacophonie, t L'oreille perce- 
vait les bruits les plus étranges, des retentissements de caverne 
ou d'amphore; des murmures, des gazouillements, des ronfle- 
ments, des sons de basse, des tintements de métaux, des râles, 
des soufiles, des raclements et des cris de râpe ; et si vous 
faites parler les malades, vous entendrez des voix incertaines, 
entrecoupées, chevrotantes, et contrefaisant ainsi, par leur 
timbre, les cris de certains animaux ; vous entendrez des éclats 
de voix qui viendront vous frapper brusquement comme s'ils 
avaient percé la poitrine, les bruits de toux prendront les 
mêmes caiactères. » Tels étaient ces accords bruyants, discor- 
dants, qu'il était donné à Laënnec de mettre à leur point, en 
donnant à chacun la place qui lui était due, le sens qu'il com- 
portait, et mettre ainsi une sorte d'accord parfait là où il n'y 



LAEKS-fiC 



107 



avait avanl lui que bruits confus, discordants, sans portée ou 
conclusion. 

Cestlà la véritable gloire de LaiMmec. Nul ne la lui a con- 
testée et ne la lui contestera jamais, 

« Il est certain que celte méthode était en principe dans 
quelques paroles d'Htppocrate* D'autres, parmi les modernes 
ouïes contemporains, Tavaient connue et môme pratiquée; 
mais les paroles d41ippocrale étaient mal comprises, contro- 
versées et mémo rejetées par quelques commentateurs. Les 
modernes n'avaient qu*ébauclié la métliode sans en soupçon- 
ner rétendue. Laénnec seul en a eu la gloire, u le Til de la tra- 
dition s'était rompu, et ce l'ut Laënncc qui le renoua vingt- 
deux siècles plus tard, n 

Et ainsi, grâce à cet observateur génial on put poser d'une 
manière évidente, irréfutable, le diagnostic de la pleurésie, de 
la pneumonie, du pneumothorax, de la dilatalion des bron- 
ches, de Tœdème et de Te m ph y sème du poumon, de la conges- 
tion pulmonaire, de la phtisie en ses diverses périodes, et 
mettre ainsi Tordro, la clarté, la précision, là où il n'y avait que 
trouble, incertitude» confusion : plus d'ombre, mais la pleine 
lumière. Désormais, grâce à rauscultation, Fœil suivra pas à 
pas, jour par jour, révolution de toutes ces maladies; et le cri 
de désespérance de Baglivi ira plus de raison d'élrc: « quam 
difficile est morbos thoracis cognoscere, i Ce sera, au contraire, 
les maladies les plus faciles à connaître, celles dont le diagnos- 
tic sera le plus lumineux, 

Mais cette gloire, quels efforts, quels travaux, quelles fatigues 
elle lui a coûtés î Que de persévérance cl de courage ! lui qui 
luttait contre sa faiblesse naturelle et contre une fièvre qui se 
rallumait sans cesse, lui qui bravait Tinlempérie des saisons 
les plus rigoureuses, s'arrachait k sa paisible retraite pour 
courir à son tiOpilal, h. son amphithéâtre, où rappelaient, 
parmi des débris de mort, tant de vérités nouvelles u heu- 
reux toutefois de sentir qu1l agrandissait ainsi la science, 
qu'il se donnait de plus en plus droit h Testime des hommes 
et à l'immortel honneur dinscrire un jour son nom entre 



m 



LES MÉDECINES BR^TONâ 



les noms dllippocrate et d'Aven b ru gger I » Ces travaux firent 
revivre même la métliode de ce dernier, 

yauscullalion a fail revivre la percussion un moment dt^lais- 
s6c;on peut aRlrmer qu'elles se complètent IHine et Tautre, 
sans oser touLelbis prendre le pas sur la première, infiniment 
pUis précieuse, plus précise* 

En 1819, Laënnec publia deux volumes sur rauscuUalion, Il 
y exposait sa miHliode et ses résultats. Partout surprise et 
curiosité. Cest à [aeine si quelques vuix s élevèrent, mais la 
iiiéUiode était Irop précise, trop sûre, elles durent se laire, et 
le nom de Laënnec passa les frontières. D^Allemagne, d'Angle* 
terre, des Etats-Unis» les médecins accoururent à Paris pour 
étudier la méthode sous la direction du maître, et apprendre 
de lui 1 "auscultation, et Touvrage fut traduit en plusieurs lan* 
gucs. Les services rendus par la métliode étaient admirables 
et l'engouement était légilime. Seul dans notre siècle* les tra- 
vaux de Pasteur ont eu un pareil retentissement. Nom saurions 
difficilement nous figurer Tenthousiasme qui surgit h l'époque 
où Laènnec apprit au inonde à diagnostiquer par Tauscultation 
les affections de la poitrine. Nous pratiquons la méthode avec 
rinsouciancc que Ton met à accomplir des actes quotidiens, 
mais, en 181G, c'était une nouveauté extraordinaire. Le pro- 
cédé était en lui- môme fort simple, il était dans quelques pages 
des anciens, mais il fallait l'observation géniale pour lui donner 
son coté pratique, et c'est là, encore une fois, la gloire impéris- 
sable de Laéniiec, 

Très justement, Booilland a dit: <( Un sens manquait h la 
médecine, et je dirais, si je losais, que, créateur par une sorte 
de délégation divine, Laënnec le lui a donné 1 

(( Or, ce sens dont la médecine était dépourvue, n'était rien 
moins que Touïe, laquelle, comme la vue et le toucher, cons- 
titue un des trois sens les plus éminemment intellectuels. 
(( en nous le donnant, Laënnec a découvert un nouveau monde 
de connaissances en éclairant la science du diagnostic, n 

n Laënnec, dit Henri Roger, appuyant Toreillcsur la poitrine 
des malades, entend le premier cri des organes souffrants, le 



I 



I 



LAENNEC 



109 



premier il comprend, il note ces plaintes variées, ces modula- 
tions expressives des tubes aérifères et des orifices du cœur ; 
le premier il saisit et fait connaître ce langage pathologique 
jusqu'alors incompris et même inentendu. Désormais» le pra- 
ticien, doué d'un sens de plus, et avec une puissance d'inves- 
tigation singulièrement augmentée, pourra lire, pour ainsi 
dire couramment, les altérations qui se cachent dans les pro- 
fondeurs de rorganisnie; et ainsi Toreille ouvre àTespritun 
monde nouveau, n 

Admirable et heureuse révolution dans le diagnostic des 
maladies que la médecine, après plus de trente siècles d'exis- 
tence, proclamait impossible à reconnaître. Trois ou quatre 
années avaient suffi k Laënnec pour opérer ce prodige qui 
allait servir aux maladies de la cavité thoracique, mais aussi 
à bien d'autres. 

Sans doute, au fond, c'était un procédé que Lai:*nnec venait 
de découvrir, plus qu'une méthode, mais quelle heureuse suc- 
cession de découvertes sa découverte a enfantée. 11 a été par 
lui Tiniliateur d'un mouvement scientifique qui dure encore, 
et qui a jeté une gloire incomparable sur Técole de Paris. 

Un tel homme eut-il des jaloux, des envieux? Intègre et juste 
en toutes circonstances, il n'en pouvait avoir, et bien qued'une 
nature froide et réservée, où ne pouvaient guère siéger les 
passions expansives, il eut toujours assez d'aménité dans le 
caractère pour être bien vu de tous. Nous avons vu son attitude 
si loyale et si correcte, lors de la révolution de Técole en 1823; 
et s1l accepta des charges que nul mieux que lui ne pouvait 
remplir, il ne brigua jamais les honneurs. S'ils lui vinrent, ils 
furent dus à son réel mérite* 

Mais il eut des rivaux, et le nom de Laënnec est associé à 
ceux de Dupuytren et de Broussais. « A peine reçu docteur, 
Laëonec se livra avec ardeur à des rechiirches d'anatomie 
patliologique. Dans le même temps, Dupuytren s'occupait de 
recherches de même nature. Il les poursuivait avec la ténacité 
de 800 caractère. Se trouver sur le chemin de Dupuytren 
n*était pas chose de mince conséquence* Les succès de Télève 



110 LES MltDECINS fiRETONS 

de Corvisart effarouchèrent le chirurgien de THôtei-Dieu. 
Dupuytren alla jusqu'à accuser Laënnec de s'être attribué ses 
travaux. Celui-ci se défendit avec une fermeté calme. Il repoussa 
surtout le reproche de plagiat qui ne pouvait Tatleindre en 
aucune façon. » Le temps effaça ces discordeset, lorsque la for- 
tune vint à lui, Laënnec eut la générosité d'oublier les suscep- 
tibilités et les emportements de son ombrageux rival. 

BroussaisI Laënnec! Bretons tous deux, mais quelle distance 
entre eux, et n'importe sous quel angle I L'un fougueux, impé- 
tueux, violent; l'autre calme, doux, froid, et dans chacun une 
intelligence d'élite; l'un croyant et toujours fils docile et sou- 
mis de l'Eglise catholique; l'autre, au fonds sceptique, organi- 
cien et rejetant toute idée de religion révélée; l'un continuant 
la vieille médecine hippocratique, l'autre inaugurant la doctrine 
physiologique; le premier voyant sa science sage porter ses 
fruits et laissant une découverte qui, à tout jamais, préserve 
son nom de l'oubli ; l'autre, orateur bruyant, tribun par tempé- 
rament, ne laissant presque à la postérité que le souvenir de 
ses erreurs doctrinales, mais ayant toutefois marqué un sillon 
par un livre qui a remis sur la voie des études médicales saines 
et sérieuses : VHistoire des phlegmasies chroniques. 

L'on ne s'étonnera pas d'apprendre la rivalité, l'hostilité dé- 
clarée entre la clinique du Valde-Grâce et celle de la Charité. 

« A l'hôpital du Val-de-Grâce, le malin, le soir, à son amphi- 
théâtre de la rue de l'Observance, le fougueux Broussais ton- 
nait chaque jour avec la plus grande violence contre le doux 
et pacifique Laënnec. Il n'avait pas assez de foudres en parti- 
culier contre l'audace criminelle de ces médecins téméraires 
qui administrent à leurs malades, à doses fabuleuses, des 
substances dont la moindre parcelle suffit souvent pour donner 
la mort. Les épithètes d'empoisonneurs et d'assassins étaient 
des amœnitates academicœ réservées au jour de calme relatif. 

» Laënnec opposait à toutes ces fureurs le calme et la modé- 
ration de sa nature. 11 se bornait à faire ressortir dans ses 
leçons les exagérations, les erreurs et les dangers de la doctrine 
physiologique, à montrer toute l'inanité et le ridicule des pré- 



tAENNKi: 



m 



tentions de celte réforme médicale à la domination univer- 
selle ». 

Si, par la différence de leur doctrine, ces deux hommes 
étaient certes loin l'un de Tautre, on peut dire aussi qoe leur 
mésintelligence naquit d'un défaut d^entente. Ils se jugèrent 
mal, ils furent injustes l'un à l'égard de Taulre. 

« Broussais n'a voulu voir dans le Traité de l'aiisctdtation 
qu'un sombre et triste roman, qu'un amas fastidieux de faits 
indigestes ou de curiosités inutiles. Uc son côté, Laënnec a 
méconnu le vrai mérite de Broussais; il n'a vu en lui que le 
théoricien exclusif et jamais le grand praticien. 

» Laënnec trouvait que lui et Broussais cultivaient des 
sciences toutes difl'érenles, sinon dans le but. du moins dans 
leur objet immédiat : i! se félicitait de s'être uniquement atta- 
ché h constater la valeur de quelques i^ï^m-^ purement physi- 
ques et d'avoir négligé les symptômes; Broussais, au contraire, 
se faisait gloire d*avoir chcrclié de préférence à interpréter les 
symptômes; et c'est la peut-être, dans ce débat, ce qui lui 
donne la supériorité sur son rivaU 

» De quel côté, en effet, se trouve, après tout, la maladie? 
est-ce, comme le voulait Laënnec, dans les lésions matérielles, 
ou bien, comme le prétendait Broussais, dans la succession 
des symptômes? 

)) S'il fallait opter, le choix ne serait pas douteux : Broussais, 
du moins, s'attaque à la vie, à rexcrcice même des fonctions; 
tandis que Laënnec s'attache à la matière, ou plutôt au ca- 
davre ï). 

Et de fait, sans vouloir diminuer la gloire de chacun, ne 
pourrait-on se poser cette question : celui qui a découvert les 
lois de la gravitation n'estai pas un génie plus élevé que celui 
qui a inventé le télescope le mieux construit? La réponse ne 
saurait être douteuse. Broussais avait une envergure intellec- 
tuelle plus large, jilus liante, que celle de Laénnec, Nulle part, 
on ne trouve sous la plume de Laënnec ces admirables paroles 
de Broussais : « Débrouillez-moi, s'écriait-il, débrouillez-moi 
par une savante analyse, les cris souvent confus des organes 



112 LES MÉDECINS BRETONS 

souffrants; failes-moi connaître leurs influences réciproques; 
dirigez habilement mon attention vers le douloureux mobile 
du désordre universel qui frappe mes sens, afin que j'aille y 
porter le baume consolateur qui doit terminer cette scène 
déchirante; et alors j'avouerai que vous êtes un homme de 
génie ». C'est la pensée profonde qui montre toute la puis- 
sance de conception de Broussais. Laënnec ne la possédait pas 
au même degré : c'était un esprit exact, mais peu porté à la 
généralisation. Dubois (d'Amiens) a dit très justement : 

a Ces deux hommes étaient nés pour se compléter l'un par 
l'autre; ils ne l'ont pas voulu; l'un était impatient du joug, dé- 
sireux de la gloire, et il a voulu la chercher dans un système 
conçu a prion ; l'autre, plus modeste, a cherché la science dans 
un nouveau mode d'observation, et cette gloire, non plus, ne 
lui a pas fait défaut ». Tous deux sont de grandes figures médi- 
cales françaises qui ont assuré à 1 école des gloires incontestées. 

Lecadre qui, dans son étude comparative de Broussais et de 
Laënnec, nous avait donné un très net exposé de la doctrine 
physiologique, résume avec non moins de précision la doctrine 
de Laënnec. 

f Les éléments des maladies, dit cet auteur, sont très nom- 
breux, les liquides comme les solides ont leurs altérations pro- 
pres. —De toutes les maladies locales, les affections des organes 
contenus dans la cavité Ihoracique sont, sans contredit, les 
plus fréquentes. — Le cœur et les poumons forment avec le 
cerveau, suivant l'expression de Borden, le trépied de la vie, 
et aucun de ces viscères ne peut altéré d'une manière un peu 
forte ou étendue, sans qu'il y ait péril de mort. — La formation 
des tubercules, des cancers et autres productions accidentelles, 
peut être attribuée à une perversion d'action, mais ne doit pas 
être attribuée aune irritation. — Certains poisons minéraux, 
comme certains acides fermentes, comme les boissons alcooli- 
ques, comme les différents narcotiques, la syphilis, le scorbut, 
la goutte, l'hypocondrie invétérée, etc., donnent souvent lieu 
k des affections du système cérébral ou au rachidien (rachial- 
gies). — La texture de nos organes peut être altérée de quatre 



LA.ENKEC 



113 



manières diflérentes. savoir: l*^ par simple solution de conli- 
nuilé, comme dans les plaies et les fractures; :à° par Taccumu- 
lalion ou rexlravasalion d'un liquide naturel, comme dans 
Tanasarque. Tapoplexie, les tumeurs graisseuses; S'* par Tin- 
flammation et ses suites; 4" par le développement accidentel 
d'un tissu ou d*une matière qui n'existait point avant Fétat de 
maladie, comme les tissus squirheux, tuberculeux, osseux, 
accidentels, etc^ » 

Combien cet expose doctrinaire s'éloigne de celui que Le- 
cadre nous a donné de Broussais, mais nous ne saurions le 
méconnaître, la science moderne a plus confirmé les idées 
doctrinales de Laënnec qu*elle ne s'est approchée de celles de 
Broussais. Celui-ci partait d'une unité, rirrilation, Laënnec a 
des vues plus larges, plus étendues, moins systématiques, et 
les théories partielles, hmitées et les seules auxquelles la 
science aujourd'hui puisse prétendre, s'accordent mieux avec 
une doctrine qui ne se confine pas dans un unique concept. 

Pas plus que Broussais, un tel homme ne pouvait être oublié 

ella postérité lui devait, au moins autant quà Broussais, de 

perpétuer à toujours sa mémoire, et l'idée de lui élever un mo- 

lumenl dans sa ville natale fut partout, en France et à l'étran- 

^ger, accueillie avec enthousiasme. 

« C'est à rAssocialion générale de prévoyance et de secours 
mutuels des Médecins de France que M. le docteur Lediberder 
(de JLorient) a eu Theureuse pensée d'apporter Tidée et de 
confier le soin d'élever un monument à la gloire de Laënnec », 
Ainsi s'exprimait son président, le professeur Tardieu, dans 
son discours, lors de l'inauguration de la statue de Laënnec â 
Quimper, sur la place Sanit-Corentin, le 15 août 1808. Et de 
toutes parts Ton avait répondu à cet appel, et promptemeul 
la souscription dépassa le chiifre de ^0,000 francs. 

Ce dut être une journée inoubliable pour a cet excellent et 
honorable confrère lorientais » que celle du 15 auùt. Sa géné- 
reuse pensée recevait la plus éclatante démonstration de l'es- 
time profonde en laquelle était tenu lillustre médecin breton. 
Autour de la statue Toa voit des membres de la famille Laèn* 



tl4 



LES HÉDBCrNS BRETONS 



nec, des aulorilés civiles, militaires el religieuses, le préfet, 
révèque, des dépulaUons du Conseil général, do TAssodation 
des Médecins de France» de TAcadémie de médecine et de la 
Faculté de médecine, des magistrats et des médecins bretons, 
français et étrangers en grand nombre. 

Tous sont là au pied de la statue; bientôt, le voile qui la 
couvre tombe, et les applaudissements d'éclater de toutes parts. 
Huit discours furent prononcés : par le préfet, le maire de 
Ûuimper, le professeur Tardieu, M. de Kergaradec, M. Henri 
Roger, M. Bouillaud, le docteur Lediberder et le docteur UaU 
leguen, au nom des médecins de la Bretagne. 

Mocquard, le plus intime serviteur el le plus fidèle ami de 
Napoléon lU, était gravement malade, et Fempereur interro- 
geait anxieusement les médecins. « Sire, lui dit Rayer, si nous 
pouvons suivre avec certitude dans la poitrine de M. Mocquard, 
la marche du mal que nous nous efforçons de combattre, nous 
le devons à un médecin français, à Laénnec, à qui rAssocialion 
générale des Médecins de France serait fiére d'élever une 
statue ». Aussitôt l'empereur signa le décret d*autorisation. 

Mais, hélas ! Rayer, k qui Lediberder avait le premier confié 
son projet, n'était plus là; la mort l'avait pris avant Theure. 
Et comme le disait judicieusement Tardieu dans son discours : 
« Ce n'était pas à moi de vous parler de Laënnec, Rayer l'eût 
fait avec autorité, avec bonheur; il lavait connu, il s'était 
formé à son école, et cette belle journée lui souriait par avance.» 

Deux hommes éminents devaient le remplacer : Henri Roger 
et Bouillaud, 

« Talent éprouvé et familiarisé avec les luttes oratoires, dit 
A. Latour, Bouillaud n*a pas craint d'aborder cette grande et 
belle assistance par l'improvisation. Très habilement, M. Bouil- 
laud s*est garé de toute difficulté en se sauvant vers Tépisode, 
par l anecdote, par des récits, par des parallèles, par le souve» 
venir des luttes entre ces deux grands noms médicaux, Brous^ 
sais et Laënnec, ces deux esprits de granit, aux discussions 
desquels la mort seule pouvait mettre un terme. Dans une 
brillante prosopopée, où il invoquait Tune et Taulre de ces 



LAfiNNEC 



lis 



deux grandes gloires médicales, il les a conjurés de s'unir dans 
un éternel embrassement dans le séjour éternel de la paix et 
du bonheur. » 

Le docteur Henri Roger termina ainsi son discours, si plein 
de finesse et de sentiraenl; « Dans ce jour solennel qui sera 
une date pour le corps médical français, nous conduisons le 
triomphe d'un héros pacifique; nous couronnons Laënnec dans 
sa Bretagne aimée, cl Quimper, qui revoit avec orgueil et joie 
ce glorieux enfant, lui donne dans la cité la place d'honneur. 

n Serrons-nous, Messieurs, avec respect, autour du monu- 
ment élevé par TAssociation générale des Médecins de France, 
par la Bretagne, parles médecins français et étrangers; saluons 
de notre reconnaissance Timage du médecin breton. Laënnec 
figurera dignement dans la haute compagnie des meilleures 
illustrations de France, car ce fut un de ces savants privilégiés 
qui ont été les maîtres de leurs siècles, et qui seront les pré- 
cepteurs des générations futures; car ce fut un des bienfaiteurs 
de Thumanité : sa gloire utile et pure n'aura coûté ni sang ni 
larmes; il est de ceux qui, semblables aux héros de TElysée de 
Virgile, vivait par des bienfaits dans la mémoire des hommes, w 

Le professeur Chauffard, en £865, s'exprimait ainsi: t Sans 
exagération, on peut appeler nationale la gloire que la décou- 
verte de Tauscultation a value à la médecine française. 11 faut le 
reconnaître, depuis longtemps les hautes figures, celles à qui 
il est donné d'imprimer les fortes impulsions, ne nous appar- 
tenaient pas. Harvey, Haller, Morgagni, avaient fait surgir sur 
une autre terre que la notre la circulation du sang, la physio- 
logie expérimentale, Tanatomie pathologique. Les initiatives 
hardies et fécondes nous semblaient refusées; Tauscultalion, 
sortant parfaite des mains de Laënnec, nous valut une écla- 
tante revanche. Elle a rendu la médecine du monde notre tri- 
butaire de tous les jours, de tous les instants pour ainsi dire; 
création immortelle, elle sera de tous les temps, et n'en viendra 
jamais à descendre honorablement dans le pur domaine histo- 
rique comme un progrès utile au moment où il parut, mais 
que d'autres progrés ont effacé, pour n*en plus laisser le sou* 



116 LES MÉDECINS BRETONS 

venir qu'aux érudits du passé. Non, rauscullation ne pourrait 
disparaître qu'avec la science elle-même^ et avec la civilisation 
qui la mène, guide et éclaire. » (Laënnec, confér. hist.). 

C'est près de la cathédrale, sur la belle place de Saint-Coren- 
tin, que s'élève la statue de Laënnec due au sculpteur Duquesne. 
Laënnec est représenté assis, recouvert de son costume de 
professeur, tenant dans sa main droite un stéthoscope, le bras 
gauche élevé, le doigt indicateur tourné vers l'oreille, comme 
pour saisir la signification des bruits que l'instrument vient de 
lui faire percevoir. 

Le piédestal, du plus beau granit breton, porte gravé, en 
lettres d'or, sur la face antérieure simplement le nom de 

LAËNNEC 

Sur la face opposée, on lit l'inscription suivante : 

A rinyenteur de rauscultation, 

Laënnec, René-Théophile-Hyacinthe, 

Né à Quimper le 17 février 1781, 

Mort à Ploaré en 1826. 

Professeur à la Faculté de Médecine de Paris 

Et au Collège de France 

Membre de l'Académie de Médecine 

Ce monument a été élevé 

Par l'Association générale des Médecins de France 

Par la Bretagne 

Et par les Médecins français et étrangers 

le 15 Août 1868. 

Une grille en fer doré entoure le monument. Piédestal et 
grille sont d'un fort bel effet. 

A l'Académie de médecine, il est un des rares qui soit le 
sujet d'une sorte de culte, de souvenir. Son buste y a été érigé 
aux frais de l'Académie, et son nom est Tun de ceux dont 
l'inscription domine le fauteuil présidentiel et la tribune aca- 
démique, dans la salle des séances publiques. 

Son nom a été donné à l'hôpital de la rue de Sèvres fondé 
par le Cardinal de Larochefoucauld. 



LABNNEC 



m 



A la FacuUt5 de Paris, Tune des salles de conférences et 
d'examen porte le nom de Latmnec. 

Nous avons encore h rappeler un aalre fait. Sur rinitiative 
et grâce au zèle du docteur Le Bêle, du Mans, rAssociation 
confraternelle des médecinscalholiqucsde Fr^ince aélé fondée. 
En 1890, elle a pris rinitiative de faire reproduire les traits de 
celui qui restera comme Vun des modèles les plus incontestés 
des médecins catholiques français, sous la forme d'un buste 
de dimension demi-oature. 

Cette œuvre artistique est de M. A. Maillard. Elle a été 
exposée au salon de 1892. 11 exprime à la fois la profondeur et 
retendue de la pensée, la finesse des traits n'exclue pasTéner- 
gie dans la physionomie; mais Tauleur nous adonné un Laën- 
nec au Irait juvén il et gracieux.et ce portrait n'est certes pas en 
concordance avec le portrait aullien tique, austère et grave, 
que nous avons reproduit. 11 ne lui ressemble nullement. 

Ce buste a été inaugure le 28 février 1892, dans une fête 
intime où se sont rencontrés des médecins venus de divers 
points de ta France, pour la remise du premier exeioplaîre de 
ce buste à M, le docteur Ferrand, alors médecin de riiôpital 
Laënnec, et président général de la Société Saint-Luc. 

Personne n'était mieux préparé à recevoir dignement le sou- 
venir de ce médecin illustre qui. certes, peut être pi'oposé en 
exemple à tous. <( Des convictions profondément catlioliques, 
sans forfanterie comme sans faiblesse ; une coïncidence très 
remarquée d études («articulièrcs suivies sur les maladies des 
voies respiratoires; une constante préoccupation du but essen- 
tiel de la médecine, c*est-à-dire la thérapeutique », tels sont 
les motifs qui établissent une similitude profonde entre ces 
deux médecins distingués. C était comme un dernier hommage 
à la mémoire de Latinnec, nul ne pouvait mieux le lui rendre 
lue rAssociation catholique des médecins de France qui, dans 
leurs luttes, leurs efforts, leurs travaux, devront l'avoir tou- 
jours présent à leur pensée. Cest, en eiïet. parmi les contem- 
porains, la plus haute et la plus incontestable personnification 
de cette union de la Science et de la Foi, dont Timmorlel Pas- 



118 LBS MâDSaNS BRETONS 

leur a donné un si réconfortant et si magnifique exemple ; 
Pasteur et Laënnec I quelle réponse aux tenants de la libre 
pensée. 

P, — Propositions sur la doctrine médicale d'Hippocrate, rela- 
tivement à la médecine pratique, Paris, 1804, thèse, in-4*. — 
Mémoire sur les vers vésiculaires et principalement sur ceux qui se 
trouvent dans le corps humain, lu à la Société de la Faculté do 
médecine en 1804. (Mémoires de la Société de la Faculté de médeciue 
de Paris, in-4% pages 1 à 178, avec 4 planches. — Exposition du 
système du docteur Gall, extraite de plusieurs ouvrages relatifs à 
ce système. (Bibliothèque médicale, T. XIV, p. 312 et suiv.). — Sur 
une nouvelle espèce de hernie (intra-pelvienne), in-Traitô des her- 
nies par Scarpa. — Traité de l'auscultation médiate et des maladies 
des poumons et du cœur, Paris, 1819, 2 vol. in-8 ; 4« édition, avec 
notes et additions, de M. Môriadec-Laënnec, et augmentée par 
Andral, Paris, 1837, 3 vol. in-S avec planches. ~ Laënnec a fourni 
des mémoires, rapports et observations au Journal de Médecine, de 
Chirurgie et de Pharmacie, par Corvisart, Leroux et Boyer; T. IV, 
V, VI, VII, IX, XI, XII, XIV, XXII, au Bulletin de la Faculté de 
Médecine; à la Bibliothèque médicale, T. XIV, XV ; au Dictionnaire 
des Sciences Médicales ; art. Anatomie Pathologique, Ascaride, 
Encéphalocèle. — Discours prononcé à l'ouverture du cours de 
médecine du Collège de France, Archives de Médecine (janvier 1823). 

S. — N. B. G. — B. B. L. — Pariset, Eloge de Laënnec, hist. des 
membres de l'Académie Royale de Médecine, T. II. — Laënnec, par 
le docteur Lallouer, revu par le docteur Guermonprez, prof, à la 
Faculté catholique de Médecine de Lille (portraits), Desclée et C% 
Lille, 1892. — Dict. complémentaire des Sciences médicales (por- 
trait de Laënnec). — Union médicale 1868, T. V. 



POULLIOT (Louis-Mathurin). 

^ 1790, 27 septembre, Landerneau. 
f 1848, 15 novembre, Paris. 

Après de bonnes éludes faites à Paris, Foullioy vinl à Brest, 
en 1808, et entra, comme aspirant canonnier, au 1°^ régiment 
d'artillerie. Le colonel lui donna les moyens de suivre les cours 
de l'Ecole de Santé et, le !•'' février 1810, il obtint au concours 
le grade de chirurgien de 3* classe de la marine, passa après 
il la 2^ classe, puis à la V\ le i*'' septembre 1817. 



BOISSEAU 



110 



Le V' mai 1821, il fut attaché au port de Lorient comme 
professeur de chirurgie, avec le grade de second médecin en 
chef; puis, en 1826, il fut envoyé à Brest en qualité de second 
chirurgien en chef. Le 4 janvier 1829, il fut promu premier 
chirurgien en chef, et en 1835, il devint président du conseil 
de santé de la marine. 

11 fut appelé à Paris, le 29 décembre 1843, avec le titre d'ins- 
pecteur général adjoint du service de santé de la marine, pour 
suppléer son oncle, M. Keraudren, Il lui succéda le 7 février 1845* 

<( FouUioy avait des ennemis, dit Kergaradec, mais quel est 
rhomme arrivé si haut qoi n'ait eu -i froisser des compétiteurs 
et des rivaux? Quel est le chef qui n'ait eu à exercer des ri* 
gueurs dont la passion s'empare et qu'elle est disposée à 
arguer de partialité et dinjustice? » 

FouUioy a laissé la réputation d'un chirurgien très habile et 
très hardi, mais aussi très prudent. 

On lui doit une méthode pour Tamputation de la cuisse, qui 
a reçu le nom de procédé mixte; il avait aussi imaginé des mo- 
difications ii la méthode communément employée pour Topé- 
ration de la taille. 

Il a laissé inédit un travail sur Tîle de Madagascar, au point 
de vue hygiénique, physique et historique. 

En 1846, il fut nommé, par ordonnance royale, membre du 
conseil supérieur de santé du royaume. 

En 1847, il faisait partie de la commission des hautes études 
médicales pour préparer un projet de loi sur Forganisation 
delà médecine en France; il continua à s'occuper très acti- 
vement, jusqu'à sa mort inopinée, du service de santé de la 
marine, dont il était inspecteur général, 

S. — B. B. L. 



BOISSEAU {François Gabriel). 

♦ 1791, il octobre, Brest, 
t 1836, 2 janvier, Metz. 

Boisseau est un de ces médecins encore nombreux qui. 



120 LES MÉDECINS BRETONS 

malgré leur haute intelligence et leur savoir étendu et indis- 
cutable, n'ont pas su arriver et n'ont laissé à leurs enfants 
qu'un nom justement honoré. Des amis durent en effet pour- 
voir, après sa mort, aux besoins de sa famille. 

Tout jeune, Boisseau est à Tarmée d'Espagne et sert en qua- 
lité de sous-aide. En 1813, il est attaché au même titre aux 
ambulances de la vieille garde impériale. Retenu prisonnier 
avec la garnison de Dresde, il revit la France en 1814, prit part 
au drame sanglant des Cent-Jours, puis entra comme sous- 
aide au Val-de-Grâce, après le désastre de Waterloo. 

En 1817, il remporta des prix au Valde-Grâce, et le 8 août 
de la même année, il soutenait sa thèse doctorale sur les 
Classifications en médecine, où il montrait cet esprit judicieux 
et cette finesse d'analyse qui, depuis, caractérisèrent tous ses 
travaux. 

Il prit, sous le voile de l'anonyme, une part active et féconde 
aux luttes que souleva la doctrine de Broussais, et saisit 
avec une rare sagacité le vrai point du débat. On crut 
même, tant Fauteur se faisait remarquer par ses vues larges, 
sa clarté d'expression, sa vigueur de logique et son style, que 
ses travaux étaient dus à de hautes notabilités médicales. 

Ennemi de toute intrigue et de tout industrialisme littéraire 
ou scientifique, Boisseau nepactisajamais avec ses convictions, 
et satisfait de la position, malheureusement précaire, que son 
labeur procurait à sa famille, il ne prostitua jamais sa plume 
ni à la flatterie, ni à la complaisance. 

Après la révolution de 1830, il vit des jours meilleurs. Il fut 
alors, sans sollicitation aucune, nommé professeur et médecin 
adjoint à Thôpital militaire d'instruction de Metz. Il y ôuc- 
comba prématurément à une congestion cérébrale. 

Une des illustrations de la France médicales, et en particu- 
lier du corps des oflSciers de santé militaire, Boisseau comp- 
tait alors vingt et une années de services, dont sept campagnes. 
Tout entier à la science et à ses amis, qui invoquaient souvent 
ses conseils, il avait négligé la fortune, et laissait dans la plus 
profonde détresse une veuve et trois enfants. 



BOISSEAU 



m 



Boisseau était chevalier de la Légion fFhonneiîr, secrôtaire- 
général de la Société médicale d'émulation de Paris, membre 
de TAcadéraie royale de Médecine de Paris, de celle de Madrid, 
et de phisieurs sociétés savantes, 

P, — Notice sur les écrits de J. Feyjoo Monténégro, moine espa- 
gnol du xvm' siècle, in-journal des Sciences méd. T. VI, 1817. — 
Réflexions sur la nouvelle doctrine médicale. Ibid.,T. VII, VIII, X et 
XL 1817. — Considérations générales sur les classifications en méde- 
cine, Paris, Dichet, 1817 (thèse inaugurale). — Réflexions sur les 
principes généraux de Paul-ios. Barthez, in-Dict. abr, des Se. méd., 
Paris» 1819, in-S*. — Notice sur S. Darwin, Biogr. méd,, Paris, 
1821» — Recherches historiques et considérations générales sur les 
fièvres ; Dict. abr. des Se. méd., Paris, 1822, in-8\ — Inductions 
physiologiques et pathologiques sur les difîé renies espèces d'eicila- 
bilité et d'eicitemenl, sur Tirritation et sur les puissances irritantes, 
par H. Balando, professeur a rUniv. de Turin, traduit, a%^ec uue 
introduction et des notes, par A.-L. Jourdan et E.-G. Boisseau ; Pa- 
ris, Gailliet-Ravier, 1822. — Pyrétologie physiologique, Paris, 1823, 
in-8% 4* édit., Paris, J.-B* Baillière, 1831, in-8. — Notice historique 
et critique sur la vie, les écrits et la doctrine d'ilippocrate, Biogr. 
méd, Paris, 1823, in-8. — Sur la nature et Itj traitement de la 
goutte; Paris, J,-B. Baillière, 1823, in-8. — Do rinflammation ; dict. 
abr. des Se. méd., Paris, J.-B. Baillière, 1824, in-8. — Nosographie 
organique ou Traité complet de médecine pratique. Paris, J.-B. Bail- 
lière, 1823-1830, 4 vol. in-8. — Traité médico-chirurgical de llnflam- 
mation, par J, Thomson, trad. de l'anglais par Jourdan et Boisseau; 
Paris, J.«B. Baillière, 1827, in-S. — Notice sur le professeur Chaus- 
sier; Paris, Thuau, 18E8, in-4% — Traité du choléra morbus, Paris, 
BaiUière, 1831, in-8. 

Robinson-Cfusoé, trad. de Tanglais par Boisseau ; Paris, Creout, 
1825, 2 voL in-12, avec titres gravés et figures, édition rare et cu- 
rieuse (10 fr. sur papier vélin, flg. avant la lettre, 16 fr. et 2 vol, in-8 
sur pap. gr. raisin, 18 fr.; sur papier gr. raisin superflu, Ûg. avant 
la le Lire, et eaux-fortes, in-4* sur papier de Ciiine, 60 fr,). — Œuvres 
de médecine pratique de Poujol, Paris, 1823, 4 vol. in-8. ^ Anatomie 
pathologique, dernier cours de Xavier Hic ha t, avec une notice sur 
la vie et les œuvres de Bichat, par réditeur ; J.-B. BaiUière, in-S* 
avec 5 planches. — De la santé des gens de lettres, par S.-A.-D. Tis- 
»ot, avec une notice sur Tauteur et des notes, Paris, J.-B. Baillière* 
1825, in-i8. — Un nombre considérable do bio-hibliographies dans la 
Biographie médicale, 1820-1825, 7 vol. in-8, — Boisseau fut aussi l'un 
des principaux rédacteurs du Journal universel des Sciences médi- 




122 LES MÉDECINS BRETONS 

cales, fondé en 1816, par J.-B.-B. Regnault; également l'un des 
rédacteurs du Dictionnaire abrégé des Sciences médicales ; Paris, 
1821-1826, 15 volumes, in-8, et à divers recueils médicaux et scien- 
tifiques. 

S. — B. B. L. — N. B. G. — Quérard, La France littéraire, suppl. 
T. IL 



RAOUL (Etienne-Louis). 

:¥ 1815, 23 juillet, Brest. 
t 1852, 30 avril, Brest. 

Orphelin dès son bas âge — il n'avait que neuf mois lorsqu'il 
perdit son père — il sut comprendre la sollicitude dont il fut 
entouré par sa mère et sembla puiser dans celte situation cette 
énergie calme qui Ta conduit à faire tant et si bien dans sa 
trop courte carrière. 

Nommé chirurgien auxiliaire de 3® classe, au port de Cher- 
bourg, le 20 janvier 1836, il fut entretenu le 20 mars suivant, 
puis embarqué comme second sur La-Triomphante. Son début 
fut une rude épreuve. Pendant la longue station de La-Triom- 
phante aux côtes occidentales d'Afrique, il fut témoin et acteur 
dans une épidémie terrible de fièvre jaune, qui ravagea le 
Sénégal et les bâtiments de la station. 11 fut, par son habileté 
et son courage, à la hauteur de la situation. 

Chargé, après moins d'un an de grade, d'un double service 
important, celui de La-Malouine et de l'hôpital de Corée, il fit 
preuve d'aptitudes remarquables et qui étonnèrent chez un si 
jeune praticien. 

Il échappa aux atteintes du typhus et put revenir en France, 
où il reçut la croix de la Légion d'honneur. 

Ce fut là qu'il commença cette longue et savante série d'ob- 
servations des maladies des côtes occidentales d'Afrique, et ce 
fut lui qui démontra le mieux les désastreuses conséquences 
de la médecine physiologique appliquée au traitement des 
maladies des pays chauds et qui travaillera le plus activement 
à une réforme thérapeutique devenue nécessaire. 

Promu chirurgien de 2® classe le 18 juin 1839, il embarqua, 



ftAOUt 



m 



le 14 juillet suivant, sur VAube; fit au Brésil et à la Nouvelle-Zé- 
lande, sur celle corvette et sur VAllier, une campagne termi- 
née le 13 novembre 1843, 

Il vint alors à Paris pour coordonner les matériaux qu'il 
avait recueillis pendant celte longue campagne. Ses travaux 
d'histoire naturelle de la Nouvelle-Zélande étaient considérables. 
Il avait dressé la Ûore complète de la Nouvelle-Zélande en 
deux parties, dont Tune est déposée au muséum de Brest, 
l'autre à celui de Paris. Ces collections reçurent des félicita- 
tions de Jussieu» et ont fit, aux frais de la marine, la publica* 
tion du choix des plantes. 

Pendant son séjour à Paris, Raoul se fit recevoir docteur, et 
peu après chirurgien de 3* classe (18 novembre 184i). Embar- 
qué le 28 août i84o sur le Caraïbe, à destination des côtes 
occidentales d^Afrique, il renouvela les observations qull avait 
déjà faites liuit ans auparavant. 

Il les réunit sous forme de lettres adressées à ses caoïarades 
du corps de santé de la marine. Ce sont de véritables mono- 
graphies, La mort ne lui permit pas de terminer ce travail. 

Revenu à Brest, il lut norarné médecin professeur et fut 
chargé par le ministère de rédiger une instruction destinée 
aux capitaines des navires qui fréquentent ces parages mal- 
sains. Il sut faire un livre clair, précis, k la portée de tous, 
lâche ici délicate, et son Manuel rendit les plus grands services 
au Sénégal. 

Il succomba prématurément, enlevé par une maladie céré- 
brale due, certes, en partie à ses labeurs et b. ses longs voyages, 
le 30 avril 1852. 

« Enlevé dans la force de Tâge, et toute la sève du talent à 
ses élèves qu'il captivait par Toriginalité et la solidité de ses 
leçons, il laisse dans Técole de médecine navale de Brest les 
souvenirs d'une durable et profonde sympathie, méritée par 
son ardeur continue au travail, sa sagacité remarquable et 
Télendue de ses connaissances, tant en médecine qu*eo his- 
toire naturelle. » 

F, — Choix de plaates de la Nouvelle-Zélande, recueillies et pu* 



124 LES MÉDEUNS BRETONS 

bliées par M. E. Raoul, chirurgien de 1" classe de la marine royale; 
Paris, Fortin-Masson, 1846, in-4* de 58 pages et 30 planches. — Ma- 
nuel de Médecine intertropicale. 

S. - B. B. L. 




GUÉRIN (Alphonsk-Mabie) 

^ jSiép 9 Août, Plocnncl. — f 189;, ai Février, Pari*. 



CHIflURGtEîi SE L*H6TEL-Dlfia 

MsMBttE DE L* Académie de MéoECiNii 

C0MMANt)£Uft DE Uk LEGION D*HoNKEUft 

Commandeur de i.'OnDHt de Pie IX. 



GUÉRIN 127 



MORBIHAN 



AUBRY (Jean-Charles-Gilles). 

3|c 1751, 23 septembre, Vannes. 
f 1810, 14 avril. Vannes. 

Praticien modeste, Aubry a laissé son nom dans Thisloire 
médicale Morbihannaise, bien pauvre, puisque nos recherches 
ne nous ont amené à relever que les noms d'Aubry et d'Al- 
phonse Guérin, grâce à ses travaux botaniques. 

A l'époque où furent créées les écoles centrales départemen- 
tales, il fut nommé professeur d'histoire naturelle et de bota- 
nique. 

Quelques erreurs se sont glissées dans son travail, mais il a 
le mérite d'être le premier essai d'une Flore Morbihannaise qui 
fut certes utile, quoique incomplète. 

Lorsque de Candolle vint visiter la Bretagne, il parcourut le 
littoral du Morbihan en compagnie du docteur Aubry, et les 
indications de ce dernier firent découvrir au botaniste de Ge- 
nève un nombre considérable de plantes nouvelles pour la 
Flore française ou que Ton croyait spéciales aux provinces mé- 
ridionales. 

P. — Exercices d'histoire naturelle à l'école centrale du départe- 
ment du Morbihan, an IX et an XI (Catalogues de plantes). 

S, — B. B. L. 

6UËRIN (Alphonse-Marie). 

1816, 9 Août, Plotîrmel. 
1895, 21 Février, Paris. 

L'année terrible finissait : « Les plus émincnts maîtres de la 
chirurgie, épouvantés, arrivaient à douter de leur art. Trélat 
fuyait rbôpital SaintiLouis après y avoir perdu tous ses blessés ; 

10 



lis LES MÉDECINS BRETONS 

Gosselin, Verneuil, Nélaton fermaient leurs salles, Broca dépo- 
sait son bistouri. » (D'^ Reclus). 

Nélaton, désespéré d'avoir perdu soixante-dix malades sur 
soixante-dix opérés, disait qu'il faudrait élever une statue d'or 
à celui qui trouverait le moyen de prévenir l'infection puru- 
lente. 

Quand, tout à coup, un bruit se répandit qui causa une stu- 
peur indicible : le chirurgien Alphonse Guérin, dans son service 
à Saint-Louis, avait obtenu dix-neuf guérisons sur trente-quatre 
opérés, et tous ceux qu'Alphonse Guérin avait pansés lui- même, 
avaient échappé à la mort. « Trois jours après l'opération on 
les voyait déjà se dresser sur leur moignon, courir avec leurs 
béquilles. C'était vrai. C'était la Révolution pour la chirurgie, 
l'aurore d'une ère triomphante, favènement de la méthode anti- 
septique en France. » (Z)'' Reclus). 

Alphonse Guérin en était le précurseur; il devançait et Lister 
et Pasteur; il a droit à l'hommage de la postérité. 11 n'est que 
juste de grandir son nom. Pour cela, il suflBt de le faire con- 
naître et la tâche est aisée, car l'homme et le savant sont à la 
fois dignes d'éloge. 

Alphonse-Marie Guérin naquit à Ploërmel, le 9 août 1816. Il 
avait à peine six ans, lorsque mourut son père. Celui-ci laissait 
sa jeune veuve presque sans ressources avec deux garçons en 
bas âge. Elle se mit à broder et à coudre pour les nourrir 
d'abord et les instruire ensuite. 

Notre jeune Alphonse était d'humeur batailleuse et peu 
laborieux : u 11 ne rêvait que batailles et combats singuliers ; 
son plus grand bonheur était de jouer à la guerre : Une vieille 
diligence, échouée dans un coin des halles, lui servait de for- 
teresse ; il en organisait la défense contre ses petits camarades, 
aidé de Frédéric, son frère, d'un an plus âgé que lui. » 

On raconte que dans une mêlée de ce genre, voyant la partie 
perdue, il s'écria : a Courage, mon frère, ou l'honneur des 
Guérin est perdu. » 

Quant au travail, le désir du succès ne l'aiguillonnait pas 
encore; on lui demandait un jour s'il avait eu des prix à la 



fWN 



dîsirîbntion du collège* « Non, répondil-il, maïs mon frère en 

Il grandit, vit sa mère travailler pour subvenir à ses besoins ; 
il comprit, el la pit*tt5 filiale dompta aussitôt celle nature un peu 
primesaulierc, maïs généreuse. Ce fut îi Vannes que Guérin fit 
ces études. II y trouva Jules Simon, alors surnommé par ses 
camarades, le pieux. L'amitié formée au collège ne se démentit 
jamais, et nos deux Bretons furent les tieureux témoins de leur 
gloire grandissante. 

Les goûts batatUeurs de Guérin ne se dissipaient point* II 
voulait être soldat ou marin. Il se présenta à l'école navale et 
fut seulement déclaré admissible. 

Une circonstance fortuite le mit sur la voie qui devait le 
mener à de si brillants et féconds résultats. Une de ses parentes, 
religieuse à riïùpital de Bourbon, lui proposa une place dlnterne 
pour étudier la médecine. Alphonse n'avait jamais pensé à 
celle carrière, mais un de ses oncles lui lit cujnprendre que, 
par là, il pourrait venir plus efllcacement au secours de sa mère. 
La piélé filiale triomphait encore et Guérin partit pour Bourbon. 

II garda toujours un souvenir profond de ses premiers rêves 
de gloire. Pendant la guerre de 1870, il disait à un ami : « J'ai 
cinquante-quatre ans, à cet âge on est généra!, et si je rélais, 
je suis Breton, persévérant et tenace, je Taurais tant désiré, 
tant voulu, que je Taurais peut-être gagnée, la bataille ! » Ne 
le regrettons pas, il était desliîjé à en remporter une non moins 
éclatante, aussi glorieuse et, quoiqu'on veuille, aussi bien fai- 
sante, puisqu'elle était obtenue en sauvant de précieuses 
existences. 

De cette religieuse Ion a un trait qui Thonore certes, bien 
qu'irréUécliL même téméraire. 

« Il faut, lui dit-elle, savoir son métier. Prends celle lancette 
et saigne-moi, » 

Elle tend son bras droit, Alphonse pique au pli du coude 
d'une main tremblante et sans résultat. 

— u Ça» dit-elle, c*est une saignée blanche, recommence* » 
Cette fois, il ouvre la veine. 



130 LES MÉDECINS BRETONS 

— (' C'est bien... Mais la saignée est plus difiBcile du côté 
gauche, w Elle lui présente Taulre bras. 

(( Je ne voulais pas, racontait le docteur Guérin, mais elle 
avait trente-cinq ans et mol dix-sept, elle avait autorité sur 
moi, il fallut obéir. » 

Le sang jaillit une seconde fois et la bonne religieuse ban- 
dant ses bras : a Va, tu sais ton métier, tu peux saigner un 
soldat. )) 

A la première opération que Guérin vit, à l'hôpital, il se 
trouva mal ; ce qui n'empêcha pas le chirurgien, témoin du 
zèle et de Taltention d'Alphonse, de lui dire : « Vous irez loin, 
jeune homme. » 

Un épisode de sa vie de jeune homme montre la loyauté et 
la bonté de son cœur. A Vannes, un individu dont il s'était 
moqué, l'avait provoqué en duel. Sur le terrain, les pistolets 
chargés et chacun à sa place, Tinsulté laisse entendre à son 
témoin qu'il est prêt à tout oublier et à s'excuser d'avoir pris 
tropfacilement la mouche; et le combat n'eut pas lieu. L'ad- 
versaire n'était autre qu'un cordonnier. Monsieur, dit-il k 
Alphonse, d'un air piteux, je pars ce soir pour Lorientet je n'ai 
pas d'argent pour mon voyage, vous seriez bien aimable si 
vous vouliez me prêter cinq francs. 

Beaucoup, certes, lui eussent tourné le dos; Alphonse lui 
remit aussitôt la pièce demandée. Il ne démentit jamais, dans 
sa longue et belle carrière, celle générosilé native. Il s'attacha 
à sa profession « si noble, disait-il, quand elle n'est pas cupide.» 

Ses talents étaient variés : un jour, il sul tellement bien se 
grimer, qu'au milieu des siens, il put jouer un soir la comédie 
sans que personne ne put le reconnaître : « Vous avez manqué 
voire vocalion, lui dit un de ses amis, vous éliez fait pour le 
théâtre. Vous y auriez été au moins l'égal de Potier et de 
Vernet. » 

11 avait prouvé son bon cœur, les ressources de son esprit 
ingénieux, il ne devait pas, dans l'avenir, tromper les espé- 
rances que ses amis avaient de lui. Ses succès furent grands, 
mais aussi son labeur persévérant. 



GUÉRI M 



131 



H II passait ses matinées à rhôpital, déjeunait à peine, puis 
gagnait ramphilliéâtre et n'interrompait la dissection que pour 
assister à quelques cours. Le soir, dans sa chambre ou h la 
bibliothèque, il rédi«;eait les notes prises aux leçons, ou se 
plongeait dans des livres d'analomie ou de pathologie, Ctiaque 
semaine, le samedi soir, il allait chez des amis, à la campagne, 
et n'en revenait que le lundi malin. Mais il emportait avec lui 
quelques débris dérobés à ramphithéatrc et les étudiait à la 
grande indignation de ses hôtes, » (W Reclus), 

Il conquit bientôt son titre d'externe et assista, en celle 
qualité, à une double ampulalinn de cuisses, sur un mallieU' 
reux sourd-muet, et cela sans chloroforme, alors inconnu, a Ce 
fut. dit-il, une lutte terrible enlrc les dix élèves chargés du 
service et le pauvre sourd-muet. Vainement il s'efTorrait de se 
débarrasser de ses ennemis. La face rougie, les yeux sorlant de 
leurs orbites, une espèce de rugissement, indiquaient ses 
souffrances. Les cœurs les plus endurcis ne pouvaient se dé* 
fendre d'une profonde pitié. »De telles scènes sont inconnues 
maintenant, mais combien terribles parfois elles devaient être. 
Quel service rendu à l'humanité par celte merveilleuse décou- 
verte du chloroforme* Il semble que, seule, elle suflirait à illus- 
trer une époque. 

Sa nature impétueuse et bouillante ne perdit jamais ses droits. 
Interne des hôpitaux en 1810, il est attaché au service de Jobert 
(de Lamballe), cet autre Breton, violent et fougueux. Après une 
opération grave, Jobert, sans raison, apostrophe Alpîionsc. Fier 
et peu endurant, Guérin jette son tablier aux pieds de son 
maître : « Voici ma démission» dit-il ; maintenant, je suis libre 
et je vous demande raison de Tinjurc que vous venez de me 
faire. » 

— « S.... Breton ! mauvaise tête, s*écrîa Jobert, il ne sait donc 
pas que je Taime t Puisque le mot que je viens de prononcer 
vous blesse, effaçons-le et venez ce soir dîner avec moi. » Chose 
assez bizarre, trente ans plus tard, la même scène se renouve- 
lait entre Guérin, chirurgien de l'hôpital Saint-Louis, et l'un de 
ses internes; le dénouement fut le même. 



132 LES MÉDECINS BRETONS 

En 1842, Alphonse Guérin était lauréat des hôpitaux et rem- 
portait le premier prix de Tinternat. En 1843, il obtenait au 
concours la place d^aide d'anatomie; il avait vingt-sept ans et 
commençait avec un ^rand succès, un cours de médecine opé- 
ratoire. A trente-trois ans il était prosecteur de la Faculté. 

Leur digne mère était admirablement récompensée de ses 
dures veilles : Alphonse suflBsait à ses besoins, tandis que son 
autre fils qui faisait son droit, devait, lui aussi, avoir une bril- 
lante carrière dans la magistrature. 

Il soutenait sa thèse de doctorat le 30 janvier 1847 où il trai- 
tait de la Fièvre purulente. C'est dans ce travail que se trouve 
ridée géniale qui devait un jour le placer parmi les bienfaiteurs 
de Thumanité. 

Le 5 avril 1847, il concourut pour l'agrégation, mais il échoua. 
Il se présenta alors au bureau central des hôpitaux, et en 1850, 
il était chirurgien des hôpitaux de Paris. 

Il a trente-quatre ans. A une érudition solide, il joint une 
certaine facilité de parole. Dorénavant il marchera seul, jugeant 
tout dans son indépendance, cherchant des vérités nouvelles, 
découvrant des procédés opératoires pour avoir de meilleurs 
résultats et pour épargner des souffrances; c'est, disait-il lui- 
même, « pour un jeune savant le bonheur d'un prisonnier qui 
vient de recouvrer la liberté. » C'était la moisson après le dur 
labeur des semailles. 

Alphonse Guérin fut nommé Membre de l'Académie de Mé- 
decine en 1868; sur 63 votants, il eut 51 voix. Il avait pour 
compétiteurs Verneuil, Lefort, Voillemier, Perrin et Giraldès. 
Chevalier de la Légion d'honneur le 12 août 1864. il fut nommé 
oflBcier en 1871, puis commandeur en 1884. La mairie du X* ar- 
rondissement lui donna une médaille destinée à rappeler le 
dévouement patriotique dont il avait fait preuve pendant le 
siège de Paris et pendant la Commune. 

Voilà des qualités, des titres, qui prouvent sa valeur, qui 
l'honorent, mais Guérin intime n'est pas moins intéressant. 

(( Il aimait beaucoup ses élèves, mais n'avait pas pour eux 
d'indulgence coupable, il savait reprocher les fautes, les né- 



gu€rin 



133 



gligcnces et donner Texemple de la pilié pour les malades. » 
Il ^e plaisait, chaque année, à recevoir les élèves de son ser- 
vice : « Amusez-vous, leur disait il, madame Alphonse n'est 

pas là, »ï Ce qui signiflait qu'ils pouvaient prendre leurs ébats 
dans toutes les piî'ces de la maison. 

Plein de vivacité, il lui arrivait parfois de les apostropher 
d'une manière assez rude, mais ses élèves sentaient bien quand 
m(>me qu'ils étaient suivis et aimés véritablement, 

llinvilait les jeunes gens, étudiants ou littérateurs, h venir 
le voir, leur donnant des conseils, et les jeunes gens de s'en 
aller réconfortés et charmés, presque surpris que ce vieillard 
très savant s'intéressât si pateinellement à leurs débuts. 

« Vis-à-vis de ses malades, il mettait en œuvre, non seule- 
ment sa science, mais son cœur. Il savait les encourager, rele- 
ver leur moral, les égayer par ses plaisanteries, tirer parti 
d'eux-mêmes, pour les soulager, et il pouvait» lui si vif, se 
rendre le témoignage de ne s'ôlre jamais mis en colère contre 
eux* Sa sensibilité était si profonde qu'on Ta vu, plus d'une fois, 
pleurer au chevet de ses malades, s'il les faisait trop soufTrirou 
s1l fallait renoncer à tout espoir de guérison. 

«J'ai vieilli, disait-il, et j'ai fail un grand nombre d* opéra- 
lions, je ne me suis jamais blasé; j'ai toujours les émotions qui 
précédent un grand événement. Cela me fait mal et je ne 
voudrais pas être aulrcment; il rne semble quel on est bien prêt 
d^étre un scélérat, quand on peut être indifférent aux dangers 
auxquels les opérés sont exposés, i^ {Lettre à madame Guenn.) 

a L*lioa)me. disait<jl encore, qui tient en sa maitî la vie de ses 
semblables, doit avant tout être au-dessus des mauvaises pen- 
sées du lucre et de raniour-propre. Ce serait un scélérat, s1l 
pratiquait une opération qu*il ne conseillerait ni à sa mère, ni 
à son enfant. Pour moi, je n'ai pas donné un coup de bistouri 
qui ne fut indispensable* » Grande et noble parole que r>our- 
raient peut-être méditer el mettre en pratique de trop audacieux 
chirurgiens contemporains. 

Quand il était en Bretagne, à son chàleau du Fresne, la grille 
du parc restait ouverte pour permettre le déûlé presqulninter- 



4 



134 LES MÉDECINS BRETONS 

rompu de Bretons qui, le sachant là, venaient chercher des 
conseils et des secours médicaux, toujours donnés avec géné- 
rosité par leur illustre compatriote. 

Sa bonté n'excluait pas une grande fermeté de caractère. Il 
écrivait à sa femme : « Les délégués de la Commune ont mis la 
main sur plusieurs hôpitaux ; ils ont voulu inspecter mon ser- 
vice. Tu sais combien je suis peu endurant : un jour, on m'an- 
nonça à l'hôpital qu'un inspecteur de la Commune était venu 
prendre des renseignements sur les soins que les malades de 
mon service recevaient. Je me fâchai tout rouge, je dis aux 
ofiSciers que leur inspecteur était un drôle, puisqu'il avait pu 
croire qu'un médecin manquerait aux devoirs de sa profession. 
Vous entendez, c'est une provocation à toute la Commune qui 
ne me fait pas peur. 

» Personne ne revint et notre hôpital est peut-être le seul 
établissement dont on n'ait pas remplacé le drapeau tricolore 
par le drapeau rouge. » 

La Commune finie, la police, à son tour, vînt envahir les 
salles de son service ; il en barra résolument la porte en disant : 

(( Si vous approchez de leur lit, vous les tuez ! Au nom de 
l'humanité, je vous somme de vous retirer. » 

Et la police se retira devant le courageux chirurgien qui vou- 
lait guérir ses blessés avant de les laisser juger. Plusieurs lui 
durent leur salut. 

Un jour, il vint à Rome où sa réputation l'avait précédé ; 
Pie IX voulut le consulter. Le pape était atteint d'ulcères vari- 
queux qu'augmentait la présence très inopportune d'un cautère 
que Guérin ne put arriver à faire supprimer. 

A la dernière visite, le pape, tendant les bras au chirurgien 
français, lui dit devant son entourage : 

« Docteur Guérin, vous êtes le plus grand médecin de la 
chrétienté. » 

— - Cela me fit bien plaisir, racontait Alphonse Guérin, et il 
ajoutait avec un fin sourire : 

— « Vous comprenez, j'ai bien été obligé de le croire : Il est 
infaillible. » 



OUléRIN 



135 



Puis, se souvenant de sa cousine religieuse, Tinitiatrice de 
sa carrière : «* La sainte fcranie î Qu'elle eût ét<> heureuse de me 
savoir médecin du pape. » 

Il refusa tout présent, se disant trop récompensé d'avoir sou- 
lagé le Sainl-Pére, 11 ne voulut pas davantage accepter le litre 
de comte Romain, que le Saint-Père lui offrit. Il n'accepta qu'un 
magnifique etiapelet en cornaline pour madame Guérin et le 
titre de commandeur de l'ordre de Pie IX. 

Au lendemain de la Commune, Guérin écrivait à sa femme : 
(i Je relis en ce moment rilisloire Romaine, je la lis avec un 
vif intérêt. La maison de Ciceron, rasée comoie celle de M. 
Thiers, me prouve que 1rs mêmes passions ont toujours agité 
les liommes. C'est folie que de se jeter dans les luttes de parti, 
la sagesse consiste à se contenter d'une vie modeste et à ne 
pas courir après les honneurs qui rendent bien peu de gens 
heureux et inspirent tant de jalousies. » Ce chirurgien distin- 
gué, tout entier h son labeur professionnel, savait s'en dis- 
traire en lisant rilistoire Piomnine; quelle belle leçon et quel 
bel exemple; est-il possible, d'autre part, de ne pas admirer le 
bon sens de cet esprit éminent, portant sur les choses de ce 
monde un jugement aussi droit et aussi vrai. 

Guérin fut un instant pour briguer les palmes vertes de Tlns- 
titut, mais il écrit à sa ieinme : a Ces nominations se font par 
camaraderie ; ayant peu d*amis et ne faisant rien pour entrer 
dans les petites églises qui font les grands liommes, je suis 
rentré sous ma tente, aimant mieux y rester la tète haute, que 
d'acheter les palmes vertes par des démarches dont ma dignité 
soulTriraiL » 

Ces traits épars peipjnent Thomme, nous pourrions les multi- 
plier, mais ce seraient des redites. Gyp (comtesse de Martel) a 
dit de lui : « C'est de tous mes amis, celui que j'ai le plus aimé ; 
il était dans son enveloppe bourrue, le plus doux, le plus exquis 
des êtres et aussi le plus varié ; croyant comme un Breton, 
sceptique comme un Pari^ien. 

}} ...Profondément humain et pitoyable, il savait être pour 
les hommes» d'une bonté, d'une indulgence infinie. Jamais la 



136 LES MÉDECINS BRETONS 

pensée ne lui vint de se venger du mal qu'on lui faisait, il le 
pardonnait sans effort. Politiquement, il n'a jamais varié: répu- 
blicain sous TEmpire, il Test resté sous la République, ce qui 
montre une conviction tenace. » 

Savant distingué, chirurgien remarquable, homme essen- 
tiellement bon et dévoué, autant de traits de caractère qui 
l'honorent, mais qui ne feraient pas sortir Guérin de la vulga- 
rité si, par une découverte géniale, il n'avait à jamais illustré 
son nom. 

Remettre en lumière ce laborieux, cet inventif de la première 
heure, donner à la science française la priorité qui lui est due, 
est faire acte de justice. L'histoire oublie parfois trop aisément 
ces pionniers modestes; les regards ne sont que pour les der- 
niers qui, profitant des travaux de leur devancier, ont pu 
ainsi leur donner plein essor. 

Alphonse Guérin fut le promoteur delà doctrine microbienne, 
le premier il affirma et prouva la nocivité des microbes, le premier 
en Europe, il appliqua le pansement antiseptique; il en fit une 
méthode. Il en faudrait moins pour laisser un nom dans This- 
toire et mériter les hommages de la postérité. 

Il nous faut élayer de preuves toutes ces affirmations. 

Le chloroforme avait donné aux chirurgiens nn auxiliaire 
incomparable. Il fallait autrefois des indications très pressantes 
pour opérer; les grandes opérations devenaient un drame em- 
poignant. Grâce à cet agent merveilleux, les diflBcultés opéra- 
toires allaient être singulièrement réduites, Topérateur jouis- 
sant d'une grande liberté. 

Aussi, vit-on les opérations se multiplier; mais hélas I le 
sort des opérés, quels que fussent les soins et la sollicitude 
dont on les entourait, était à la merci de Tinfection purulente, 
ce cauchemar des chirurgiens. 

Nous nous rappelons, nous, les anciens, les anxiétés de nos 
maîtres; la jeune génération médicale ne connaît plus cette 
obsession, c Ce fléau se jouait de tous les efforts; il défiait la 
science et l'habileté des plus expérimentés, et le découragement 
étreignait souvent les plus énergiques. » 



GiîéntNT 



137 



Dans sa th^sedr? dnclorat, en 1817, Alphonse Gurrin soutenait 
déjà que celui-ci iMait la conséquence de miasmes infectietix 
conlcnusdans TalmospliiTe, « Si, disait-il, dans la fièvre paru* 
lente on trouve du pus dans les veines et dansles lymplialiques, 
cela dépend que ces vaisseaux ont absorbé directement les 
émanations almospliériques. L'on aura donc chance, ajoulait- 
il. d*échâpperàrinfection purulente toutes les fois qu'on ne 
laissera pas une plaie au contact de Fair. » 

Voilîi ridée géniale de Guéri n. Sans doute^ avant lui. on ne 
contestait pas Icxistonce d^'s miasmes, mni^ le premiur, il écri- 
vait celte phrase qui l'immortalisera : a Von aura donc chance 
d échapper à i infection purulente toutes les fois qu'on ne laissera pas 
une plaie au contact de rair. a 

a Concluons donc, ajoulait-il. que Hnfection purulente est 
une maladie analogue à la peste et aux autres fièvres graves, 
que, comme elles, elle a sa cause dan? Fabsorption des miasmes 
el que si, dans la fièvre purulente, on trouve du pus dans les 
veines et dans les lymphatiques, cela dépend de ce que ces 
vaisseaux ont absorbé directement les émanations atmosphé- 
riques* )> 

Dans sa thèse, il terminait par ces mots : « Je n'ajoute rien 
îi cette observation prophylactique que je viens dénoncer el 
qui me seml)lo devoir êlre leconde en bons résullats, pourvu 
qu'elle ait quelque retentissement. » (Thèse de Paris 18'i7j. 

Ce retentissement qui a été si grand, devait se faire longtemps 
attendre. Le pus était alors considéré comme une évolulion 
nécessaire^ comme la lerminaisoii naturelle de toute plaie, et 
lorsque le pus était reconnu « louable n tout était dit. 

On ne savait pas alors que ce pus ne se forme que sous Fin- 
fluence de vibrions, de bactéries, t< émanations atmosphériques, 
miasmes de Guérin » déposés à la surface de la plaie. 

La vieille école tenait pour la suppuration, regardée alors 
comme nécessaire, mais Fopposition très vive qui lui fut faite 
ne tint pas de longues années. 

Le 8 juin 1860, seul il soutînt à rAcadémie de médecine 
Tempoisonncment miasmatique des plaies. 



138 LES MÉDECINS BRETONS 

« J'étais loin de penser, a-t-il écrit, que peu d'années plus 
tard, lout le monde se serait rallié à cette manière de voir et 
que Ton se souviendrait à peine du promoteur des idées qui ont 
fait adopter unanimement la chirurgie antiseptique. Faut-il me 
plaindre de cet oubli ? J'en serais bien tenté, mais à quoi bon ? 
Qu'importe la source d*où vient la vérité, il n'y a qu'une chose 
importante, c'est que ce qui est vrai soit connu et devienne utile. » 
Ou'une telle pensée révèle de grandeur d'âme. 

» M. Pasteur, ajoule-t-il, avait démontré que l'air est filtré 
par l'ouate qui garde dans ses fibrilles tout ce qui n'est pas le gaz 
atmosphérique. C'est à ce filtrage de l'air que je pensai pour 
préserver les plaies des blessés. 

)) Nous étions arrivés à la fin de novembre 1870. Le !•' dé- 
cembre, deux blessés me furent apportés à l'hôpital militaire 
Saint-Martin. Comment les soustraire à l'action des poussières 
de l'air ? 

)) Je résolus de filtrer l'air et de faire en sorte qu'il n'arrivât 
sur les plaies que dépouillé de toutes ses impuretés. Mais com- 
ment filtrer l'air. 

» Je me souvins que M. Burgraeve, médecin belge, nous avait 
appris à faire la compression élastique avec l'ouate. Je compris 
de suite que, par cette compression, j'arriverais à appliquer 
l'ouate assez exactement sur les parties voisines de la plaie 
pour m'opposer au passage des poussières sur la limite du pan- 
sement. 

» Ayant donc lavé avec une solution d'acide phénique, les 
plaies de mes amputés (l'un de la cuisse, l'autre de la jambe), 
je les couvris d'une couche d'ouate assez épaisse pour que je 
puisse exercer de toutes mes forces la compression qui était 
indispensable. 

» De ces deux blessés, l'un, déjà infecté avant l'opération, 
mourut ; l'autre, non infecté, guérit rapidement. Filtrage de 
l'air, compression élastique, incubation ou température cons- 
tante, telles étaient les conditions essentielles de ma méthode.» 

L'ouate, sans doute, avait été avant Guérin employée en 
chirurgie, mais c'est bien à lui « qu'appartient l'idée de 



GtréHiN 



139 



remploi fîystématiquc et rationnel de l'ouate dans les panse- 
ments. » A Tempirisnie succédait une dontrine et une méthode 
scientifiques. 

* Quelle fui notrestupeur, dit Reclus, lorsque le bruit courut 
dans les lïùpitaux que, dans son service de Saint-Louis, 
Alphonse Guérin avait obtenu dix-neuf guérisons sur trente- 
quatre opérés pansés à Touate, Quoi ! plus de la moitié aurait 
échappé àla mort! iMais c'était impossible. L*inrection puru- 
lente était devenue pour nous une maladie fatale, nécessaire, 
attacliée comme par un secret divin à tout acte chirurgical 
important. Et sous le pansement merveilleux, nous pouvions 
voir celte chose mémorable : des réunions primitives, des 
cicatrisations de plaie sans inflammation et sans pus. 

)) Cétaitun 89 cliirurgical et sans 93, Dieu merci; c'était 
vraiment ravènement de la mélliode antiseptique en France. 

1) C'était une découverte clinique prodigieuse ; une sorte de 
chef-d'œuvre d*expérimentalion , inaugurée par un inspirateur 
de génie. • 

Avec quelle ctiarmante simplicité Alphonse Guérin parle de 
sa méthode. « C'est une véritable jouissance pour moi. écrivait- 
il à sa femme, de penser que j'aurai rendu la chirurgie opéra- 
toire possible à Paris. Les résultats du siège étaient tellement 
déplorables que nous nous demandions tous s*il ne valait pas 
mieux laisser les malades mourir sans opérations, que de les 
envoyer à une mort presque certaine, en les opérant. Dieu 
merci, tout cela va clianger. Celte pensée me rend plus lieureux 
qu'on ne peut le deviner. Je ne pense pas. je l'assure, au béné- 
fice que j*en pourrais tirer. Je renoncerais volontiers à toute 
rémunération pour que mes collègues retirent de mon panse» 
ment les mômes avantages que moi. 

» Je ne connais pas, continuait-il, de découverte moderne, 
en médecine, qui soit aussi importante. J excepte, bien entendu, 
remploi du ctdoroforme qui aurait dû immortaliser ses inven* 
leurs. » 

Lister, dans sa méthode, n'avait eu en vue que l'explication 
de la production de rinfeclion purulente ou pyohémie, par 



140 LES MÉDECINS BRETONS 

racUon seplique des ferments; Pasleur avait trouvé les fer- 
ments dans Talmosplière, les miasmes de Guérin, en 1847, 
mais « Tai seul, disait Guérin, découvert le rôle que ceux-ci jouent 
dans la production des accidents auxquels les blessés succombent. 
11 faut bien que je le rappelle, car je serais tenté parfois de me 
demander si c'est bien moi qui eus le premier Tidée que les 
ferments ou corpuscules vivants, contenus dans Tair, sont les 
agents de la production de l'infection purulente, tant il y a 
unanimité pour oublier mes travaux, quand on parle des ma- 
ladies engendrées par des microbes. » 

Ailleurs, il est encore plus explicite: a Les ferments contenus 
dans Tatmosplière d'une salle de blessés qui suppurent, en 
pénétrant dans nos veines, engendrent la pyohémie; en péné- 
trant dans nos vaisseaux lymphatiques, ils donnent naissance 
à Terysipèle. 

» Jamais Pasteur et Lister n'avaient rien dit de semblable, 
quant au commencement de 1871, je formulai cette idée. » 

(( Sans doute, dit Guyon, nous le savons aujourd'hui d'une 
façon positive, l'air que tous accusaient au début, n'est pas, 
tant s'en faut, le véhicule principal des agents pathogènes qui 
arrivent à la plaie. Mais ce que nous avons appris, aussi bien 
au point de vue scientifique que du côté pratique, n'amoindrit 
pas la valeur de l'œuvre d'Alphonse Guérin. 

» Les acquisitions nouvelles et précieuses que nous avons 
faites, la somme plus étendue de nos connaissances, ne font 
que mieux préciser son rôle dans la révolution, maintenant 
accomplie. Elle y a contribué dans une mesure telle que ceux 
qui écriront l'œuvre de la chirurgie contemporaine considé- 
reront Alphonse Guérin comme l'un de ses fondateurs. » 

Sa méthode donna lieu à de longues discussions, à des con- 
troverses vives ; mais un fait certain, c'est que, lorsqu 'Alphonse 
Guérin revendiqua devant l'Académie de médecine et devant 
la Société de chirurgie, l'invention delà doctrine microbienne, 
il ne rencontra aucun contradicteur et ses deux discours furent 
vigoureusement applaudis. 
(( Laissons donc à chacun sa gloire I à Guérin l'honneur de 




GUÉRIX 



144 



rinitialion cl de la première application de la doctrine; k Pas- 
leur, celui d^avoir largement étendu colle apfilication par des 
inspiralions de g(înîc et les féconds travaux qui assurent à sa 
mémoire la reconnaissance du monde entier. » 

Pasleur avait constaté rexistcnce des ferments, montré dans 
certains cas leurs résultats, mais c'est Guérin à qui revient la 
gloire d'avoir le premier signalé et défini l'action des microbes 
dans les maladies contagieuses : c esti'idée géniale du clinicien, 
c'est son bien. c*esl sa gloire. 

Enûn, et les dates ont ici leur imporlarce, le pansement 
ouaté date de 1870. Il a été la pi emiére manifestation de la doc- 
trine microbienne, le premier acte de la grande révolution 
médicale et chirurgicale du xir siècle. H a mis Pasleur sur 
la voie des brillantes découvertes qu'il a faites en médecine, 
mais il importe de faire remarquer quelles sont posîérieures à /^77, 
Que Ton ne dise doue pas que Guérin s'est inspiré des idées de 
Pasteur; et c'est évideniment ce dernier qui a profite des tra- 
vaux et découvertes de Guérin, Il est ici le premier en date et 
mérite absolument le titre de promoteur de la doctrine micro- 
bienne. 

Avec beaucoup de raison, il disait le 18 novembre 18î>3 à la 
Société de cliirurgie : « De ce que Pasteur nous avait appris le 
rùle des ferments, il ne sembie pas de cette notion qu'U avait 
pensé que ces corpuscules pmtent , dans certaines conditions, engen- 
drer rffl^ maladies. )> 

t La supériorité de la doctrine de Guérin se manisfeslait par 
ses résultats pratiques, et la fécondité de son principe devait 
8'accuser par les merveilleux travaux de Pasteur, qui en ont 
été la suite* 

» Le pansement ouaté ayant été le point de départ de la révo- 
lution accomplie dans Tart de guérir, concluons en disant, avec 
le docteur Verneuil, qu'il a été la plus importante découverte 
chirurgicale du xix" siècle. » {0. de la Porte), 

Nous sera-t-il permis, en terminant, de manifester notre pro- 
fond élonnement en voyant d'une part, combien souvent le 
nom d'Alphonse Guérin est laissé dans Toubll lorsqu il s'agit de 



142 LES MÉDECINS BRETONS 

rappeler qu'il fut le promoteur vrai de la doctrine microbienne, 
et de voir sans cesse mettre en avant et Lister et Pasteur qui 
n'ont pas eu le bénéfice de la priorité, mais qui ont su profiter 
des idées génialesd'AlphonseGuérin ; et d'ajouter enfin combien 
il est triste et regrettable de voir contester la priorité et les dé- 
couvertes géniales de Tillustre chirurgien breton. Or, chaque 
jour nous sommes témoin de pareilles erreurs. Est-ce ignorance 
ou mauvaise foi ? Tantôt Tune, tantôt Tautre, et parfois les deux 
réunies. 

Nous avons vu avec regret que le nom d'Alphonse Guérin 
n'est pas une seule fois cité dans l'ouvrage de M. Valéry Radot : 
Pasteur, histoire d'un savant par un ignorant. Le nom de Guérin 
devait y être à côté de celui de Lister; c'est une lacune. Nous 
voulons croire que ce n'est qu'un oubli : il ne devrait pas 
exister dans de tels ouvrages. 

Simple interne, Guérin collabora à la Feuille du Village, jour- 
nal agricole. Il y donna des articles des plus intéressants sur 
l'hygiène dans les campagnes. En 18W, il commença à profes- 
ser à l'Ecole pratique un cours de chirurgie opératoire qu'il 
continua jusqu'en 1854, et il se décida à faire paraître le résumé 
de ses leçons. Son t Elément de chirurgie opératoire » eut un 
tel succès que son livre atteignit sept éditions. 

Nommé chirurgien de Lourcine en 1858, il s'occupa des ma- 
ladies des femmes, puis à Cochin. Il fit paraître, cinq ans après, 
ses Leçons cliniques sur les maladies des femmes, ouvrage, disait 
Velpeau, « éminemment judicieux et intègre ». Sa clientèle 
féminine en reçut un notable accroissement. En 1863, il pas- 
sait à Saint-Louis, et continua les mêmes études, et fit paraître 
en 1878, la deuxième partie des Leçons cliniques sur les maladies 
des femmes. 

Nous devons aussi rappeler ses travaux et ses expériences 
sur une nouvelle méthode de transfusion du sang que le docteur 
Guérin appelait la communauté de circulation. 

Qui l'avait amené à faire ses recherches? « Dans la transfu- 
sion ordinaire, on ouvre la veine d'un moribond, on y injecte 
le sang d'un sujet vigoureux. La pratique a des difficultés. U 



OUéRIlf 



148 



faut s'être servi bien rarement des instruments spéciaux pour 
ignorer combien il est facile d'injecler un peu d'air. Or, un 
peu d'air% c>st la mort inslanlanêe ou presque immédiale. 
D'un autre coté, le sang veineux a une grande tendance à la 
coagulation, or un caillot arrête le cœur et la respii alion. On 
d»3fibnne le sang il est vrai, mais il ne suffit pas de donner un 
sang qui ne tue pas, mais qui ait aussi de la fibrine dissoute, 
bien que seuls à la rigueur, les globules sanguins soient in- 
dispensables, 

(t On a songé à aboucher une artère h une veine, mais le sang 
déjà transformé, arrivait inutilement dans le poumon, aussi 
les animaux mouraient, * 

Guérin proposait d'aboucher une artère à une artère. « Il 
divise, ii cet effet, les artères similaires chez deux animaux et 
fait communiquer, au moyen d'un tube de caoutchouc, le bout 
central de Tarière de ranimai vigoureux avec le bout péri- 
phérique de l'artère de ratiimal malade. Mais celui-ci va tout- 
à*coup recevoir trop de sang et mourir pléthorique. Pour y 
obvier. M, Guérin relie, par un second tube en caoutchouc, 
le bout périphérique de rarlère de Tanimal vigoureux au 
bout central de rarlère de l'animal moribond. On peut, 
de celte manière, faire passer lilléralemenl tout le sang 
d'un animal dans le système de Tautre et réciproquement, il 
y a donc véritable communauté de sang, {Gazette médicale^ 
1872 et 1874). 

Ces expériences, faites sur des animaux et qui ont pleine- 
ment réussi, n'ont jamais été faites sur l'homme, 

H Tel fut Alphonse Guérin, telle fut sa vie simple, droite, géné- 
reuse et lière et que marqua une découverte de génie. Lorsqu'à 
travers les temps, les historiens futurs écriront cette révolution 
prodigieuse qui fit de la chirurgie meurtrière de jadis, ta mer- 
veilleuse science d'aujourdliui, ils auront à réunir dans leur 
admiration et dans leur recunnaissance, ces trois noms pour 
nous à jamais inséparables : Pasteur, Lister et A. Guérin. » (Doc- 
teur Bccltis), 

Suivant sa volonté^ le corps du doclcur Alphonse Guérin fut 



144 LES MÉDBO^fS BaFTONS 

emmené en Bretagne* où il repose dans la lande da Cerisier où 
Pavait devancé M** Gaérin. 

Dans an élan de toociiante ananimité, TAssoGiation des 
Bretons de Paris résolut, au lendemain de sa mort, de perpé- 
taer son souvenir, et une souscription fut ouverte pour élever 
à Piûérmel un monument eooimémoratif au chirurgien breton. 

Le 13 septembre 1896, la petite cité bretonne était en fête : 
on allait inaugurer le monument d* Alphonse Guérin. 

Une stèle à quatre cotés, de proportions harmoniques» sup- 
porte le buste en brome du grand chirurgien, et au-dessous 
nnscription : 

Au docteur A. Gaérla 
Ses coUègnes, ses compatriotes et ses amis. 

Une Gloire, an visage tranquille, repose, assise sur une 
avancée du socle; elle tient un parchemin — de bronze 
comme elle — sur lequel elle inscrit ces mots symboliques : 

Pansement ouaté. 

Sur le piédestal, un bas relief représente Alphonse Guérin 
appliquant son pansement dans une salle dliùpital militaire. 
Des deux côtés sont gravées les inscriptions suivantes ! 

Alphonse Guérin 

applique le pansement ouaté 

à lliôpital Saint-Loais. en mai 1871. 

Jusqu'alors les blessés et les opérés 

du siège de Paris et de la Commune 

araient succombé à l'infection pomlente. 

Aussitôt toat change d'aspect 

Et le terrible fiéau 

est victorieusement combattu 

grâce à 

cette découverte géniale. 

Dès 1847. Alphonse Guérin 

songeait à combattre le fléau qui décima 

longtemps les blessés et les opérés. 

Dans sa thèse inaugurale il attribuait 

rinfection purulente à la contamination 



GUÉRIN 



itë 



des plaies par les miasmes contenus 

dans Tairimpurdes salles d'hôpital. 

Cette idée le conduisit ù la découverte 

du pansement ouaté et assure ù son nom 

une place glorieuse dans riilstoire 

de l'aolisepsie clùrurgicalo. 

P, — De la lièvre purulente (thèse du doctorat, 1847). — De l'in- 
lluenco dé la pesanteur sur le dùvfluppenient et le traitement des 
maladies chirurfficales (thèse dagréyation, 1847). — Eléments de 
cMrurgie opératoire, 1" édition, 1855, in-lH, avec ligures. — 7' édit, 
in-18, 315 ligures. Baillièrt\ Paris. — Leçons cliniques sur les mala- 
dies des femmes, 1863, in-8, Baiilière. — Leçons cliniques sur les 
maladies des femmes, 2* itartie, iii-8% avec ligures et 2 planches 
en chromolithugraphie, 1878, Baiilière. — Mèrmiires sur le trai- 
tement des fractures qui se consolident vicieusement, 1845; 
Mémoire sur le traitement do Tanthrax, 1864 ; Mémoire sur les 
fractures du maxillaire supérieur. Signe nouveau pour le recon- 
naître, 1866 ; Mémoire sur la luxation de l'avant-bras en avant; 
Mémoire sur le rùle des vaisseaux lymphatiques, etc. (Communica- 
tions diverses). — Notice sur Desault; Eloye do Vidal (de Cassis); 
art. div. de Dict. et d'Encyclopédie. — Conférences aux Dames fran- 
çaises, pansement ouaté. — Discours au Congrès de chirurgie, 1871, 
Pansement ouaté, origine de la doctrine mieroljienne, — Sur l'action 
des réflexes nasaux sur l'arrêt du coeur pendant la clUoroformisation, 
notice lue ^i TAcad. de Méd-, juillet 1873. — Du pansement ouaté, 
exposé théorique et pratique; 1885, in-16, avec 10 figures, Baiilière. 
— Origine de la doctrine microbienne, brochure in-8', Levé, 1893 et 
Gazette des Hôpitaux, 21 nuveml>re 189:j. — Kluge de Ulysse Irrlal, 
à TAcad. de Méd., tléc. 18915. — Les pajiseiut'nts modernus (cLUifé- 
rence faite ù l'Ass» des Dames françaises), brach. in- 8* de 20 pages, 
1888, 



S» — Alphonse Guérin, sa vie, ses œuvres, par M. Orieuîx de la 
Porte (portraits et gravures). Chailhmd, Laval, s. d. — L'Ouest ar- 
tistique et littt^raire, n" 97, 15 mai 1898, Paris. — La Ruche médi- 
cale, n* 2, 25 mai 1898. — Gazette des hi^pitaux, 21 novembre 1893. 
— Revue du clenjé français. — Discours du docteur P. Reclus. — 
Discours du docteur Guyon. — Gazette médicale, 28 mars 1874. Doc- 
teur F. de Ranse* — Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 30 
mai*s 1874 et 18 mai 1874. — Bulletin de IMcadémie de Médecine, 17 
mai 1870, p. 474. — Bulletin de l'Académie de Médecine, 1805, — 
Société de chirurgie, 19 février 1879. — Semaine médicale, 10 août 



146 LES MÉDECINS BRETONS 

1890. — Congrès de chirurgie, 19 octobre 1896, docteur Félix Terrier. 
— Gazette médicale, 1872 et 1874. — Année scientifique, 1872. — 
Tribune médicale, 27 février 1895. 



HUNAPLD 



141 



LOIREaNFÉRIEURE 



HUNAULD (François-Joseph). 

Hf 1701, 24 février, Châteaubriant. 
7 1742, 15 décembre, Paria. 

D'une famille dont tous les membres, depuis un siècle, 
s'étaient consacrés à la médecine, Hunauld suivit la même 
voie. Reçu maître iVarts, à Angers, à dix-huit ans, il vint aus- 
sitôt après à Paris. Trois ans après il prit le grade de docteur 
en médecine à Reims, puis il revint à Paris pour se livrer aux 
études anatoraiques dont il surmtmta les ennuis, malgré une 
répulsion très prononcée. Grâce à W inslow et à Duverney dont 
il suivit les leçons, il entra à TAcadémie des Sciences, en 1721, 
comme chimiste adjoint, puis, en 1728, au titre d'anatomiste. 
En 1730, H. Duverney meurt et Hunauld le remplace dans la 
chaire d'anatomie du Roi, et attire à ses cours un public d'élile. 
« C'est la que se faisaient les plus fines démonstrations et les 
dissections les plus délicates. » liunauld joignait aux qualités 
essentielles îi son art, une grande facilité d'élocution et ces 
qualités extérieures qui n'avaient pas peu contribué au succès 
de son prédécesseur. Le duc de Richelieu, nommé ambassa- 
deur à Vienne, remmena en qualité de médecin, de 17:24 à 
17i8. 

Mais, malgré son savoir et sa légitime notoriété, Hunauld ne 
pouvait exercer la médecine à Paris sans s'être fait préalable- 
ment recevoir docteur par la Faculté de médecine de cette 
ville. Il subit donc de nouveaux examens, entra à THôtel-Dieu 
en qualité do médecin expectant, et pourvu du titre de docteur 
régent (1730), il acquit prompteinent une nombreuse clientèle. 
Les consullalions a Rambouillet, où il fui appelé pendant la 
maladie du comte de Toulouse, furent si généralement goûtées 
que le roi en parla au duc de Richelieu. 

C'est vers ce temps qu'il fit un voyage en Angleterre, où il 



118 LES MÉDECINS BRETONS 

fit une communication sur la fistule lacrymale, et fut nommé 
membre de la Société royale de Londres. Il se rendit égale- 
ment en Hollande où il sut acquérir Testime de Boerhaave. 

L'Académie l'avait vu avec plaisir monter à la place d'asso- 
cié en 1741, et lui avait confié Texamen de plusieurs importants 
travaux, entre autres la fameuse question « de raccourcisse- 
ment ou de rallongement du cœur dans la systole. » 

Hunauld mourut le dixième jour d'une fièvre maligne, dans 
la nuit du li au 15 décembre 1742. Il laissa la réputation d'un 
anatomiste habile et d'un professeur disert. Il s'adonna surtout 
à l'étude de l'ostéologie et des maladies des os. L'Académie 
fit l'acquisition de sa bibliothèque d'anatomie très remar- 
quable, et de nombreuses préparations anatomiques, grâce au 
système des injections, invention alors nouvelle. 

Cette acquisition fut d'autant plus consentie qu'elle fut une 
ressource pour son vieux père qui était dans le besoin, et 
qu'Hunauld, pendant toute sa vie, avait secouru. 

P. — Discours sur les fièvres qui ont régné les années dernières ; 
Paris, 16%, in-12. (Ce travail est porté à tort à l'actif de Hunauld; il 
est de son oncle.) — Le chirurgien-médecin, ou lettres contre les chi- 
rurgiens qui exercent la médecine; Paris, 1726, in-12. — Dissertation, 
en forme de lettres, au sujet des ouvrages de l'auteur du livre sur 
les maladies des os (anonyme) ; Paris, 1726, in-12. — Nouveau 
traité de physique sur toute la nature ; Paris, 1742, 2 vol. in-12. — 
In-Mémoires de l'Académie des Sciences (recherches anatomiques 
sur les os du crâne de Thomme); 1730. — Examen de quelques par- 
ties d'un singe , 1735. — Mémoire dans lequel on examine si l'huile 
d'olive est un spécifique contre la morsure des vipères ; 1737. — Re- 
cherches sur les causes de la structure singulière qu'on rencontre 
quelquefois dans différentes parties du corps humain ; 1740. — Ré- 
flexions sur l'opération de la fistule lacrymale; in-Philosophical 
transaction. 

S. - B. B. L. — N. B. G. - B. M. - B. M. P. 

BERNARD (Jean). 

^ 1702, 14 mai, Nantes. 
t 1781, ...?... Douai. 

Bernard fit ses études à Montpellier et fut reçu docteur à 



BONAMY 



U9 



Vâge de trente ans. Nommé peu après professeur d'humanités 
h Saumup. emploi qujl n^occupa que peu de temps, il se rendit 
à la Rochelle, n'y resta point, et vint à Paris. Il prit du goût 
pour raiialomie et devint préparateur du célèbre Ferrein. Il 
songea à se fixer à Nantes, mais n'ayant pu se faire admettre à 
l'agrégation du collège des médecins de celte ville, il revint à 
Paris et reprit ses travaux aoalomiques. Le ministre d*Argen- 
8on le nomma peu après proresseur d'anatomie à la Faculté do 
Douai, en 17V't, 11 enseigna cette science durant de longues 
années, devint membre correspondant de la Société royale de 
médecine de Paris et de Londres, et mourut vraisemblablement 
dans cetltî villti, des suites d'une hernie élranglée. 

Peu dliommcs, dit Vicq d'Azyr, ont eu l'esprit plus délié, la 
tôle plus philosophique; il fut peu connu parce qu1l n'a pas 
regardé la gloire comme le plus grand bonheur de la vie. 

P, — Dissertatio de vimix varionim ingerendorum et egerendo- 
rum vera via, nec noa do vera ttgprtorum ad ingesta rationo hacte- 
nus ignota. — Dissertatio do ratione etaslica fibrorum omnium 
nostrî corporis, nec non du uclione rnusrolari saHo fi bris carnets 
propria. — Dissertatio de saïKininis circuit ii in homine recens nato. 

— Dissertatio de chylo de lacLo sanguiserorum, — Dissertatio de 
fabrica cellulari. — Dissertatw de lacté mammarum et plngnedine. 

— Dissertatio de soliUione qiiaistinnis in physiotogicis diiricilîime 
circà motus niusculares contisucos musculorum vîtaUtates quasi 
Indefessorum, quales sicut cor. diapliragoia, etc. — Problema phy* 
siologicuni cum tabula ligurativa ipsius salutionem exhibente, pro- 
positum ac solutum in scholis Académie Duaceuae» sen hydraulice 
corporis humani, variis tabulis llguraliouis» demoustrata ; pars 
prima» Douai» 17»i8» iri-4' ; pars secuuda, Douai» 1759» mA\ — Lettre 
A M. Needham, Douai» 1756. 

S. — B, Il L, — B. M. P. — Lebas, dict. Encycl. do la France. 

— Carrère, Bibtioth. de la médecine. 



BONAMY (François). 

* 1710, 10 mai, Xantes. 
f 1786» ...?..., Naûtes. 

Issu d'une famille patricienne de Florence qui élaît venue 
s'établir à Nantes au commencement du xv!** siècle, Bonamy, 



150 LES MÉDECINS BRETONS 

après avoir fait ses premières études médicales à Montpellier, 
se rendit à Paris pour les perfectionner, et revint à Nantes, en 
1735, où il fut reçu docteur. 

Passionné pour la botanique, il ouvrit des cours publics et 
gratuits, et n'eut d'autre récompense que les compliments 
banaux des Etats de la province. S'étant marié en 1754 à une 
riche héritière, il put donner libre essor à ses goûts. 

Bonamy avait naturalisé un grand nombre de plantes étran- 
gères dans un jardin qu'il entretenait à ses frais. Bonamy avait 
consacré une partie de sa fortune à cet établissement qui, 
malheureusement, fut détruit pendant la Révolution. 

Vicq d'Azyr a rendu un hommage mérité à la mémoire de 
ce savant modeste et généreux, dont M. du Petit-Thouars a 
donné le nom Bonamia à un nouveau genre de plantes décou- 
vert par lui h Madagascar. 

. P. — Florae nansietensis prodromus, Nantes, 1782, in-12. — Ad- 
denda ad Florae nansietensis prodromum, Nantes, 1785, in-12. — 
Observations sur une jeune fille qui, après avoir perdu la langue à 
la suite de la petite vérole, parle, avale et fait toutes les autres 
fonctions qui dépendent de cet organe ; in-journal de médecine, T. 
XXIII, p. 37. 

S. — B. B. L. 

LEMBIGNEN (Ferdinand). 
^ 1732, ...?... Machecoul. 
t 1803, 18 avril, Nantes. 

Reçu docteur de la Faculté de Médecine de Montpellier, 
Lemeignen revint aussitôt après exercer à Guérande. Il n'y fit 
qu'un court séjour et vint à Machecoul, où son père venait de 
mourir. Il ne fit pas un long séjour dans cette seconde rési- 
dence. En 1790, nommé membre du Conseil du département 
de la Loire-Inférieure, il se rendit à Nantes et ne quitta plus 
cette ville. Malgré les graves préoccupations de cette époque 
et ses occupations sociales, Lemeignen n'abandonna point ses 
études favorites et, dès celte époque, il présenta à Fadminis- 
tration municipale de Nantes un mémoire tendant à obtenir 



GRtMAUD 



151 



TÎon d'un jardin botanique; il demanda encore, à la 
même administration, rautorisation d'ouvrir un cours de 
démonstration des plantes. Les événements terribles qui sui- 
virent roblig^renl à tout abandonner et il ne put s'adonner 
qu'à la pratique m«'^dicale. Durant la période de 1793, il fut 
cliargé de la direction d'une de ces nombreuses succursales de 
Hujpital militaire, improvisées pour les besoins de l'armée. 

Le l'' messidor an IV, le gouvernement ayant ouvert à 
Nantes une Ecole centrale, Lemeignen fut designé pour y pro- 
fesser le cours d'histoire naturelle. Payé par le gouvernement 
en assignats, dt'pouillé de sa petite fortune imraobili(>re de 
Machecoul pendant la guerre civile, malgré sa situation hono- 
rable, Lemeignen vivait dans la gène et fut forcé d'accepter 
un logement dans le couvent des Ursulines, local délabré où 
se faisaient les cours. Ce fut dans cet établissement qu'il mou- 
rut, le 28 germinal an XI. Il n'a laissé aucun ouvrage imprimé, 
mais un gros manuscrit in-4^ qui renferme un résumé com- 
plet d'histoire naturelle, objet de ses leçons. 

S- - B. B. L. 



GRIMAUD (Jean-Charles-Guillaume de), 

* 1750, ?,,,, Nantes. 
f 1789, 5 août, Nantes, 

Docteur de la Faculté de Montpellier en J776, Grimaud passa, 
sur rirritabîlité, une thèse fort remarquée; érudition très 
étendue, grande profondeur de pensées, idées f\irt saines sur 
plusieurs points, telles furont les qualités qu'on y releva et 
qui laissaient pressentir un médecin éminent. 

Grimaud se plongea pendant quatre années dans Tétude 
exclusive du cabinet ; il vint ensuite à Paris pour compléter 
ges études, et non pour inlriguer, comme l'ont écrit quelques- 
uns. 

En 1781, sur les sollicitations toutes-puissantes de Barthez, 
près de la cour, Grimaud fut nommé adjoint et survivancier 
de ce célèbre professeur. Grand émoi à TEcole, vives réclama- 
tions de la Faculté contre une nomination qui brisait Tinsti- 



152 LES MÉDECINS BRETONS 

tution du concours, mais en vain ; Grimaud entra en exercice 
par un cours de physiologie et son enseignement eut un 
éclat propre à désarmer la Faculté. La doctrine qu'il professa 
sur la physiologie et sur les fièvres devint le fondement d'une 
réputation qui franchit bientôt les bornes de TUniversité et se 
répandit dans toute la France et dans diverses parties de 
TEurope. 

Epuisé par le labeur et par certains excès qu'il ne sut pas 
maîtriser, d'une santé naturellement délicate, Grimaud com- 
prit le danger qui le menaçait, quitta Montpellier et revint 
dans sa ville natale, où il mourut le 5 août 1789. 

Grimaud occupe dans les fastes de la Faculté de Montpellier 
une place des plus honorables; mais, incessamment livré au 
travail du cabinet, et n'ayant ni observé les malades, ni inter- 
rogé la nature au moyen des expériences sur les animaux 
vivants ou des investigations anatomiques, Grimaud erra sans 
boussole et sans guide assuré au milieu des théories qui se 
disputaient alors l'empire de la médecine. Il n'avait pas le 
génie qui crée des systèmes nouveaux et il manquait de l'ex- 
périence et de la pratique à l'aide desquelles on renverse les 
doctrines erronées. Grimaud n'accordait qu'une médiocre con- 
fiance à la direction suivie par les modernes dans l'étude de la 
médecine, et l'anatomie pathologique surtout lui paraissait 
d'une importance secondaire. Aussi a-t-il fréquemment sub- 
stitué une métaphysique obscure au langage simple et sévère 
de l'observation, et ses ouvrages sont un composé méthodique 
des résultats d'une vaste érudition, de quelques vérités bien 
démontrées et d'un grand nombre d'explications puisées chez 
les anciens et dont le temps avait déjà fait justice. 

Grimaud essaya, sans résultats heureux, de concilier l'ani- 
misme de Stahl avec le vitalisme de Bordeu. La pathologie de 
Grimaud est le résultat d'une alliance bizarre entre l'animisme, 
le solidisme et l'humorisme. On lui doit toutefois des préceptes 
judicieux concernant la manière d'étudier les maladies. En 
lisant cette partie du cours des fièvres, il semblerait que l'on 
parcourt les pages écrites par Pinel sur le même sujet. 



MlaMTOîLLB 



153 



La vie nous est absolument inconnue dans sa nature; tout 
ce que nous en savons se ivduil aux nlienomènes que nous 
avons pu saisir Le progrès de la science ne consiste pas à 
explifjuer ces pht^Miom^nes. mais h ies connaître et à connaHre 
toutes les conditions nécessaires h leur production. Mais c'est le 
propre des lliêoriciens de ne pas vouloir se connaître, mais 
de vouloir expliquer; elGriniaud n*y a p^^ <^chappè. La forme 
métaphysique de ces livres en rend la lecture pénible et auto- 
rise à dire que Grimaud n'était pas un praticien. On ne sau- 
rait, en médecine, se contenter de Tétudc du cabinet. 

P. — Teritamen de irrîtabilitato, Montpellier, 1776» in-i* (thèse 
inaug.)— Mt^moire sur la nutrition, Montpellii^r, 1787 et 1789; réim- 
primé sous ce titre : Mémoire sur la nutrition, présimté h rAcodémio 
dos Sciences do St-Pétershounj, pour servir de réponse t\ la qrieslioQ 
physiûloijique proposée p<>nr le prix de 1784, et renvoyé pour la 
seconde fois en 17K8; 8t-Fétersbourfj, imprimerie impériale des 
sciences, 1789, iu-i*, (Ces deux écrits, devenus fort rares, renferment 
les basas fondamentales de la doctrine physioldgîque de Grimînid). 
— Cours de fièvres, Montpellier, 1791, 3 vol. in-8; 2* édition, 4 vol. 
par Dumas, précédé d'un discours préiîmiuMirc, 1791. — Cours de 
Fièvres (augmenté d'ufie introduction et de suppléments qui rendent 
ce cours complet, par J.-B.-E. Demorcy-Delettre; Montpellier, Se- 
nable, 1815, 4 vol. in-8' (avec une notice sur Grimaud). — Cours 
complet de physiologie, distribué en leçons (ouvraqe posthume), pu- 
blié par Lanthois; Paris, Patris, 1818, 2 vol. in-8; les éditions de 
1819 et 182i ne sont que l'édition de 1818, dont on a seulenaent chan- 
gé les litres. 

S, - B. B. L. - N. B. G. — B, M. E. - B. M, P. - B. U. M. 
-D, M, IX 



DARBEFEtTILLE (Jean-Baptiste-Augustin). 

* 1756, 27 août, Nantes, 

f 1831, 17 novembre, Nantes. 

Ses «éludes achevées au collège d'Amiens, [larbefeiiille entra 
en 1776, chez M, Guicliani maître eu cliirurgie et jjrofesseur 
d'opérations à rétablissemeul de Nantes connu sous le nom de 
Saint-Come* Il y resta trois ans, puis se rendit h Paris où il 
suivit pendant six ans les cours de Desault, Revenu à Nantes 



154 LES MÉDECINS BRETONS 

en 178o, il subit, au collège de chirurgie, les examens voulus 
pour obtenir le titre de maître en chirurgie. Deux ans après, il 
fut, à la suite d'un brillant concours, nommé professeur de 
pathologie et de thérapeutique. 

Dans un local retiré rue du Calvaire, il ouvrit une école de 
médecine et ne tarda pas à voir ses leçons suivies par un très 
grand nombre d'élèves. 

Nommé, en 1793, chirurgien de l'Hôpital, il y transporta son 
école et partagea les différentes branches de l'enseignement 
entre ses adjoints. 

Malgré son zèle et son dévouement, il ne put échapper aux 
troubles politiques, fut incarcéré et détenu pendant dix jours. 
Rendu à la liberté grâce aux sollicitations du peuple lui-même, 
il fut renvoyé à son hôpital, où il dut rester prisonnier pendant 
un mois. 

En février 1794, lorsque le typhus sévissait sur les victimes 
entassées par le comité révolutionnaire, Darbefeuille osa se 
présenter devant lui et obtint la nomination d'une commission 
de salubrité dont il choisit les membres. Le premier soin de 
cette commission fut de faire sortir de l'entrepôt quinze cents 
spectres décharnés, et elle fit inhumer quatre mille cinq cents 
cadavres jetés, sans être couverts d'un pouce de terre, dans 
une carrière située à l'entrée de la ville. Huit de ses membres 
furent atteints du typhus et Darbefeuille n'échappa qu'après 
être resté trente-deux jours au lit. 

En 179S, Darbefeuille, alors officier municipal, fut élu, par 
arrêté du Conseil général de la commune de Nantes, député 
auprès de la Convention, avec pleins pouvoirs pour en solli- 
citer des secours en troupes et en argent, et ses démarches 
furent couronnées de succès. 

Le gouvernement ayant créé à Nantes, en 1797, une école 
centrale, la chaire de physique et de chimie lui fut confiée. Il 
l'occupa jusqu'à la suppression de l'école. Depuis celte époque 
jusqu'en 18i7, il continua dans un local particulier son cours 
de physique. 

En l'an VII, une dépêche du 27 nivôse le nomma chirur- 



DABBHFEUILLB 



155 



gien entretenu de 3" classe au port de Brest, et le chargea k ce 
titre du service de santé de la marine au port de Nantes. 

11 était depuis seize ans directeur de Técole médicale qu'il 
avait créée dans 1 hôpital, lorsqu'il fut nommé professeur de 
clinique et de palhulugie chirurgicale à Técole secondaire de 
médecine, instituée en vertu du décret du 4 mars 1808. II subit 
alors les tracasseries d'envieux, on Texpulsa de Thôpital où il 
avait son logement, et on lui contesta son titre de chirurgien 
en chef. A la fin de celte année il se rendit à Paris et s*y fit 
recevoir docteur médecin. Le 8 mai 1810, sa thèse : Propositions 
de médecim, oflre le sommaire de !a méthode analytique qu^l 
suivit dans ses cours, fidole aux classiflcations, suivant la me- 
Ihode du temps, et fidèle aussi aux idées de Condillac, Le 10 
mai 1810, il était également re(;y licencié ès-letlres. 

Dénoncé par de lâches ennemis en 1815, il fut dépouillé, le 
7 mai 181G, de ses places de chirurgien en chef de Thùpital 
civil et militaire, de médecin de la marine et de professeur. Le 
23 septembre 1819, justice lui fut en partie rendue. 11 fut réin- 
tégré dans sa place de chirurgien en chef, fonctions qu'il rem- 
phljusqu au 30 septembre 1830, oii il donna sa démission, il 
avait lrenle4mil ans de service. Il avait opéré a l'hospice plus 
de cent cinquante aveugles atteints de cataractes, avec les 
trois quarts de succès, et vingt-six calculeux dont cinq seule- 
meut avaient succombé. 

Membre de la Société Académique de la Loire-Inférieure, dont 
il fut i'un des fondateurs en Tan VI, membre de ^Académie 
royale de médecine, il était aussi membre de plusieurs sociétés 
savantes départementales. 

Darbefeuille était doué d*une imagination ardente qui le por* 
tait à la contemplation des idées générales plutôt qaà l'obser» 
vation des faits de détail. Il refit, pour lui et ses élèves, la phy- 
sique, la chimie, la médecine, la clurui gie et la thérapeutique* 
Toutes ces sciences sont liées dans ses leçons par un système 
d'analyse et de méthode qui ne manque ni de clarté ni de 
vérité, 

p^ _ ProposUious do médecine» thèse de Paris, 1808, n* 132. — 



156 LES MÉDECINS BRETONS 

Notice sur la cause des incendies et les moyens de les prévenir et 
d*en arrêter les progrès ; dans les Annales maritimes coloniales et 
Journal univers, des Se. méd., 1816. — Notice sur les pansements, 
Nantes, Mangin, 1821, in-8 de 16 p. — Programme d'un cours de 
physique chimique appliquée à l'étude de l'anatomie physiologique, 
Nantes, Mangin, 1823-26, in-8 de 108 p. — Un petit mot sur quelques 
formules pharmaceutiques, Nantes, Mangin, 1824, in-8 de 24 p. — 
Opuscules sans dates : La médecine est-elle une science exacte ou 
conjecturale ? — Essai sur l'application des méthodes analytiques et 
synthétiques à l'étude de la médecine, suivi d'un essai de méthode 
de clinique chirurgicale (impr. à Nantes). 

S. — B. B. L. — N. B. G. — D. M. D. — Annales de la Société 
Académique de Nantes, T. II et 1831, T. III, p. 64-67. 



FLAMANT (Plerre-René). 

^ 1762, 29 avril, Nantes. 
t 1833, 7 juillet, Strasbourg. 

Reçu à dix-huit ans chirurgien aide-major du régiment du 
roi, en résidence à Caen, Flamant put dans cette ville complé- 
ter ses éludes. Il obtint ensuite raulorisalion de se rendre à 
Paris, et pendant deux ans suivit les cliniques de Desaull. De 
retour à son régiment alors à Nancy, il fut presque aussitôt 
nommé démonstrateur d'anatomie h TEcole de Médecine de 
cette ville, récemment créée par le roi. Nommé chirurgien- 
major en 1791, il rejoignit à Besançon le 105° régiment et il fit, 
en cette qualité, les premières campagnes dans les armées du 
Rhin et de la Moselle. A la réorganisation de l'enseignement 
médical, en 1795, il fut nommé professeur d'accouchement k 
l'Ecole de Strasbourg, et en 1808, lors de la création de TUni- 
versilé dans cette ville, il fut maintenu dans cette chaire. Il 
vint à Paris, en 1811, prendre part au concours qui fut ouvert 
pendant un mois pour la chaire d'accouchement. Malgré de 
brillantes épreuves, il succomba dans la lutte et ce fut Désor- 
meaux qui l'emporta. Revenu à Strasbourg, il y continua son 
enseignement et mourut dans cette ville. 

• Esprit novateur et hardi, il entreprit d'ajouter aux perfec- 
tionnements dont Levret et Baudelocque avaient enrichi la 



GOGUÉ 



m 



science, S*il fut un professeur éloquent, il fut encore un habile 
praticien. Jamais le forceps ne fut mieux manié que par lui* 
Dans un temps où des professeurs de Paris enseignaient que 
cet instrument ne pourrait pas saisir la liMc au-dessus du dé- 
troit supérieur» il montrait lui, chaque année» à ses élèves, 
dans les salles de clinique, que cette applicalion était non-seu- 
lement possible, mais même fncile et sans danger. Placé sur 
les confins de la France, il représenta avec éclat, aux yeux 
des étrangers, la science des Levret et des Baudelocque. » 

Flamant a peu écrit. Ce n'est qu'en parcourant les thèses de la 
Faculté deStrasbourgqu'onpeutprendre une idée deses travaux* 

P* — Eloge de Joseph Noël, professeur et directeur de PEcoIe spé- 
ciale de Strasbourg, 4 novembre 1808; Slrasbourij. Levi'ault, 1808, 
in-4- de 27 p.; iaJournal de Gorvisarl» 1809, L. XVIIL — Qualités et 
obUgatioasdu mùdocia accoucheur, Strasbourg, 1809, ia-i'. — Dis- 
sertatiûQ sur l'op*^ ration césarienne» thèse pour le concours ; Paris, 
1811, in-4% — Mémoire pratique sur le fonn^ps, Strasbourg, 18tG, 
iii'Sde 7 f. 1/2 (inséré dans le Dictionnaire dei* Sciences médicales). 
— Mémoire sur la version du fcetus dans l^accouchement; premier ar- 
iicle» JouHK compL des Se. Méd., 1827, t. XX Vil, p. 21)3 ; deuxième 
article, ibid., t. XXVllI, p. l'J3. — Mémoire sur un bandage pour la 
fracture de la clavicule, Méni. de la Soc. des Se. Agr. et Arts de 
Strasbourg, t, I, sciences, p. 371; Journ, compl. du dict. compL des 
Se. méd., p. 113; ûi- Archives génêr. de méd., t, XXlll, p. 126. — 
Notice historique sur l'état actuel de l'art des accouchements, rela- 
tivement à hi version sur la tête; Journ. compl. du dict. des Se, 
niéd., 1827. t. XXX, p. 3. — Réllexions critiques sur la pratique des 
accouchements à rbospice dn la Maternité de Paris; l"^ art. Journ. 
compl. du dict. des Se. méd., 1827. t. XXX, p. 142; 2* art. ibid., t 
XXXI, p. 171 ; 3' art. ibid, t. XXXïl, p. lt>5; 4' art. ibid, t. XXXII. 
p. 246. — Guérison d'une fistule vésico-vaginale (avec Erhmann), in- 
Hépert. géu. d'aaat. et de physioL pathoL, , t. V, p. 2, p. 17i. — Arti- 
cles : lactation, abortif, accoucheur, accoucheuse, hystérotorae, 
In-Dict. des Se. méd, 

S. — B. B. L. ~ D. M D. 

60GUÉ (Jean^Bapti9te)< 

♦ 1769 (Vers),?..., Cliâson. 
f 1805, 15 décejïibre^ Nantes* 

Médecin et royal isle, Gogué, né de parents qui étaient dans 



158 LES MÉDECINS BRETONS 

le commerce de draperie, étudia la médecine et Ty exerça à 
Boussay. Son caractère doux et bon, son cœur noble et géné- 
reux, en avaient lait la providence des malheureux. Gogué, 
royaliste comme son père et son frère, qui avaient péri dans 
rinsurrection vendéenne, marcha sous le drapeau de Charetle. 
Son courage et sa capacité lui valurent le commandement de 
la division de la Chapelle-Heulin. Ce fut en cette qualité de 
chef de division qu'il signa (17 février 1795) la paix de la Jau- 
nais, et jugeant alors la cause royale irrévocablement perdue, 
il revint à Boussay exercer sa profession de médecin. 

Plus tard, quelques imprudents ayant fait luire à ses yeux 
Tespoir de rétablir la famille déchue, Gogué entra dans une 
conspiration. Traduit à Nantes devant une commission mili- 
taire, il fut condamné et fusillé. 

S. — B. B. L. — N. B. G. 

BRUNET (Pierre). 

* 1770, 12 avrU, Nantes. 

f 1832, 22 novembre, Pontanézen. 

Issu d'une famille modeste, son père était boulanger, Brunet, 
reçu maître ès-arts après de bonnes études faites au collège de 
l'Oratoire, commença à étudier l'anatomie à Kantes avec 
Bagna et Robin, chirurgiens nantais très distingués. En juillet 
1792, il s'embarqua pour Saint-Domingue accompagnant les 
troupes que Ton y envoyait. Dès son arrivée au Cap, Brunet 
fut attaché, à titre de chirurgien auxiliaire, à l'hôpital des Pères, 
où il se trouvait lors de l'incendie qui, le 29 juin 1793, réduisit 
en cendres cette belle ville. On dirigea sur New-York une 
partie des habitants, et Brunet s'embarqua sur le vaisseau Le- 
Jupiter. Il fut attaché à l'hôpital français installé par le consul 
français. Enfin, il revint en France le 3 juin 179i. 11 entra alors 
dans les hôpitaux militaires de l'armée de l'ouest, puis, en 1799, 
se rendit à Paris pour suivre les cours de l'Ecole de médecine. 

Pressé par les circonstances de quitter Paris, Brunet revint 
à Nantes et continua ses études avec Darbefeuille (voir ce nom). 
Au mois de janvier 1803, après la signature de la paix d'Amiens, 



&RUNEt 



159 



Brunel s'embarqua à Nantes, comme chirurgien, sur le bâti- 
ment de commerce La-Céleuine. Parti de Nantes le 14 janvier, 
il arriva k l'île de France le 28 mai. Son navire désarmé, 
il se propose de se fixer dans celte colonie, mais la guerre se 
rallume entre la France et rAngletcrro, il s'embarque sur un 
corsaire qui tombe entre les mains des Anglais (décembre i803). 
Conduit à Madras, Brunet, après quelques jours de captivité» 

tobtint de résider, sur parole, à Pounamalie, jolie résidence des 

environs. II y séjourna trois années. 11 sut mettre à profit ses 

loisirs et recueillit sur les mœurs, la géographie, la eiétéoro- 

5gie, des renseignements précieux. Après ce temps, il est em- 

^ barque sur lin vaisseau de la Compagnie, s*arrele à Sainte- 
Hélène et est conduit en Angleterre où il est enfermé dans un 
ponton; mais, grâce à sa connaissance faite dans Tlnde du 
général Clinton, il obtient d'être prisonnier sur parole dans la 
petite ville de Thame, 

Revenu en France vers les Cent-Jours^ Brunet se fit recevoir 
officier de santé et fut employé, k ce titre, à Tusine d'Indret, 11 
alla peu après se fixer à Pontchâleau* En 1820, il se rendit à 
Paris, passa ses examens et se fit recevoir docteur, le 20 juillet, 
avec cette thèse; Dissertaiion médico-philosophique sur le sommeil 
et sur les songes. Il retourna à PonlctuUeau, mais n'y resta que 
peu de temps et vint se fixer définitivement à Nantes qifil 
quitta bientôt pour habiter Paris, afin d'y soigner réducalion 
musicale de sa fille (1825). Sur ce temps, il obtint du ministre 
de la marine une commission de chirurgien auxiliaire do se- 
conde classe et lut envoyé, en celte qualité, au port de Brest. 
Lors de Tinvasion du choléra, en 1832, la marine ouvrit riiôpi* 
tal de Pontanezen, à quatre kilomètres de Brest, et Brunet y 
fut détaché ; c'est Ui qu'il succomba le 22 novembre 1832, vic- 
time du fléau qu'il allait combattre. 

Homme d'honneur et de probité, Brunel, quoique très ins* 
truit, était modeste et très défiant de lui-même, ce qui lui don* 
nait une contenance timide et embarrassée. 

P. — Dissertation médico-philosophiquo sur le somraefi et Ica 
songes, thèse do Paris, 20 juinet 1820. ~ Voyage à iHe de France^ 

13 



160 LES MÉDECINS BRETONS 

dans rinde et en Angleterre, etc., Paris, Mongie, 1825, in-8 de iv et 
390 p. — Bninet, dit Quérard, a laissé en manuscrit : Notice sur la 
vie et les ouvrages d'E. Swedenborg ; nouveau dict. des correspon- 
dances ; Clef pour l'interprétation spirituelle des nombres et des 
poids et mesures. 

S. — B. B. L. — N. B. G. — Quérard, La France littéraire, T. I, 
p. 540. — Archives de la marine. 

PALOIS (François- Vincent). 

* 1771, septembre, Nantes. 
t 1847, 8 juillet, Nantes. 

Palois commença, après ses humanités, ses études médicales 
à TEcole de Nantes et s'embarqua peu après, comme chirur- 
gien auxiliaire, sur la flûte U Ile-de-France. II. se trouvait à 
Saint-Domingue lors de la première insurrection des noirs. 
Ce fut là qu'il reçut, sur le champ de bataille, une balle à l'é- 
paule, en soignant les blessés. 

Une seconde campagne qu'il fit en Tan II, sur le vaisseau 
V Aquilon, lui donna de continuer ses études sur le scorbut, 
dont il avait déjà vu de nombreux cas sur L Ile-de-France, Il 
réunit ses judicieuses observations et en fit l'objet de sa thèse 
inaugurale. Elle lui valut les félicitations publiques du grand 
Halle. 

Palois s'était lié d'amitié avec Récamier, Larrey, Bichat, et 
dire que ces amitiés lui restèrent toujours fidèles, c'est déjà 
faire de lui un éloge suflBsant. Malgré cette puissante attraction, 
Palois, dont les ressources étaient des plus modestes, revint à 
Nantes, près de ses deux sœurs, en 1802. 

Les observations de fièvre jaune qu'il avait faites dans les 
colonies et à bord des navires de l'Etat, lui firent prendre parti 
pour la non-contagion de la fièvre jaune, lorsqu'il soutint ses 
opinions devant l'Académie. 

Par ses opinions libérales et indépendantes, par son érudi- 
tion, son intelligence des langues mortes et vivantes, son élo- 
culion facile, son infatigable activité et son inépuisable charité, 
Palois rappelait le digne et savant Laënnec, l'oncle de René 
Laënnec. 



LBCAOHB 



161 



Il était membre correspondant de l'Académie de llédeeine 
et de plusieurs autres sociétés savantes nationales et étran- 
gères, 

p. — Essai sur l'Hygiène Davalo ou l'Hygiône appliquée à préser- 
ver du scorbut les équipages des vaisseaux pendant les voyages au 
lûiig-cours, Paris, J.-A, Brusson, an IX (1801), in-8, — Plan de tra- 
vail pour rétablissement de lu topographie métHcalo de Nantes et du 
département de la Loire-Inférieure (Journ. delà Section de rnéd, de 
Nanl.es» 1826), — Rapport sur un mt^moire de M. le docteur Lefort, 
întilulé : « De la saignée ot du quinquina dans le 'traitement do la 
flùvro jaune (ibid., 1827J. — Observation pour servir k l'histoire de 
Farachnitis de la base du crâne et du conduit rachidien (ibid, 1827), 
— Accouchement de la princesse de Galles et réflexions h co sujet 
(ibîd, 1828). — Observalionsdepuberlé hâtive, traduites do langlais, 
etc. tibid, 1830^: — Opinion de la tSociété de Médecine de Rio-Janeiro 
sur la nialadie régnant épidémiqueoient dans la villa du Mage, etc. 
(ibid, 1832), — Rapport sur un inémoiro de M. Cholet, relatif à la 
peste qui a régné épidémiquement à Constaiitinoplo en 1831, etc. 
(ibid. 1836). — Cas d^empoisonnoment de plusieurs membres d*une 
famille résidant à la campagne, auprès de Nantes, pour avoir mangé 
des champignons, etc. (ibid, 1839). — Notice nécrologique sur le 
baron Larrey tibid, 1842). — Observations de polypes vaginaux et 
internes (ibid, ISU). — De la parturition provoquée artificiellement 
(ibid. 1844). 

S. — B. B. L. — Journal de la Section de Médecine do la Société 
Académique de la Loire-Inférieure. 



LECADRE (Adolphe-Aimé). 

♦ 1803, 15 mai, Nantes. 

t 1883, 20 novembre. Le Havre. 

Issu d'une famille riche ruinée par la Révolution, Lccadre 
(Adolphe-Aimé), né à Nantes le 15 mai 1803, dut, de bonne 
heure, songer à son avenir. Il fit à Nantes ses humanités et 
fut l*un des meilleurs éR-vcs du collège royal 

Bachelier en 1821, il commence aussilût ses éludes médicales, 
el il obtient le premier prix de la première année. 

En 1823, il est reçu oflicier de ganté, et part avec ce litre, en 
juin 1824, pour les ïndes, comme médecin de bord sur le 
navire Vlle-de- France. 11 visite successivement le Cap, Tlle de 



162 LES MÉDECINS ÈRETONâ 

France, Tlle Bourbon, Calcutta : au retour, il s'arrête à Sainte- 
Hélène et aux Iles du Cap-Vert. Son voyage dure 16 mois ; il 
revient en septembre 1825 et se repose quelque temps au 
Havre, chez un oncle qui avait été toujours un père pour lui. 

11 est bientôt après h Paris pour achever ses études médi- 
cales, et passe sa thèse de doctorat le 2 mai 1827. 

Le 15 mai suivant, Lecadre s'installait au Havre, et le 
20 novembre 1883, Dieu le rappelait à lui. Il mourut d'une 
broncho-pneumonie. Il ne fut que cinq jours alité, et il visitait 
encore ses malades la semaine qui a précédé sa mort. Il a donc, 
pendant 56 ans et 8 mois, vaqué à son devoir professionnel, et 
nous verrons comment il le comprit. 

A peine arrivé, il est nommé secrétaire-adjoint d'une société 
de médecine qui se fonda au Havre en 1828. 

Il est, en ce temps, désigné pour remplacer le médecin du 
parquet empêché par la maladie. 

Le choléra de 1832 exerce ses ravages au Havre. Lecadre est 
au premier rang. Le D"" Penquer est emporté par le fléau. 
Lecadre le remplace comme médecin du Bureau de bienfai- 
sance. 11 est également nommé médecin adjoint des épi- 
démies et, peu après, de Ylntendance (commission sanitaire). 

Le Havre voit son commerce se développer rapidement; des 
travaux urgents s'imposent : les Ponts et Chaussées vont avoir 
un personnel considérable d'ouvriers à conduire. Lecadre est 
désigné comme médecin à la place du D' Bettencourt. Il trou- 
vera là Toccasion de Tun de ses meilleurs mémoires. 

Le docteur Suriray quitte le Havre, et Lecadre le remplace 
au conseil de salubrité. Il en devient le secrétaire ; et en 1848, 
il sera élu vice-président. 

Il épuisera toutes les récompenses du comité de vaccine, et 
en 1836, il est nommé membre du Comité central de vaccine 
du département. 

En récompense de son dévouement pendant l'épidémie cho- 
lérique de 1848, il est, en 1849, nommé chevalier de la Légion 
d'honneur. 

Le gouvernement, en 1883, lui décerna une médaille 4'ot 



tJSGADHE 



ir»:i 



pour son mémoire sur uno épidémie de variole; il reçoit 
éBalcmenl, en 186i, de rAcadémie de médecine, une médaille 
d*or pour ses nombreux et excellents rapports de médecine et 
de statistique médicale. Le 11 juin 1867, rAcadémie de méde- 
cine le nomme son correspondant. 

Le conseil central d'hygiéne,pour les mêmes raisons, lui dé- 
cerne une médaille d'argent. 

De 1836 c^ 1873, il fut élu correspondant de 14 sociétés 
savantes pour ses mémoires ou communications. 

En 1856, une nouvelle société de médecine se fonde au 
Havre, il en est aussitôt nommé le président. 

A la mort de Lallemand (1802), il est cliargé de rinspection 
des coffres à médicaments embarqués à bord des navires. 

En 1859, il est nommé inspecteur des pharmacies de Tarron- 
dissement. 

Médecin du collège du Havre depuis 1818, il continua ses 
fonctions lors de l'érection du lycée en I86o. 

En 18tî6, i! est désigné pour présider les séances de l'Associa* 
lion normande. 

En 1868, il prit une part active à Torganisation de l'Expo- 
sition maritime, présenta un mémoire sur les quarantaines, 11 
obtînt une médaille d*argent. 

En 18G9, il fut le promoteur de la Société protectrice de 
rEn!ancc;et c'est un de ses meilleurs titres à la reconnais- 
sance de la cité Ilavraise. 

En 1877, il organisa la réception de la session française pour 
Tavancement des sciences qui eut lieu au Havre, 

En 1871, il fut élu vice-président du Groupe havraîs de la 
Ligue de l'enseignement, et correspondant de la Société de 
médecine légale. La guerre éclate,, il est chargé du service des 
ambulances établies au lycée, et, le 15 octobre 1871, il reçoit, en 
récompense de ses services, la rosette d*ofEcier de la Légion 
d'tinnneur. 

La Société protectrice de l'Enfance de Paris lui envoie îi cette 
époque une médaille de bronze, et ]a Société libre du com- 
merce cl de industrie de Rouen, une médaille d'or. 



164 UES MÉDECINS BRETONS 

En 1872, il fait aux élèves du lycée un coups élémentaire d'hy- 
giène, et reçoit peu après du ministre de l'Instruction pu- 
blique la rosette d'officier de l'Instruction publique. 

Lecadre avait été nommé vice-président de l'Association des 
médecins de la Seine-Inférieure, et avait, en cette qualité, pré- 
sidé la 26" assemblée générale annuelle, tenue au Havre le 
16 juin 1883. 

« Ce fut, disait-il dans son allocution, une grande et féconde 
idée, celle de réunir dans une association, comme dans une 
sorte de faisceau, tous les membres du corps médical, afin 
que, de cette réunion de volontés portées vers le bien, ressor- 
tissent l'honneur de la médecine, la force de réagir contre la 
fraude et le sentiment charitable envers des confrères souffre- 
teux et infortunés ». Ces lignes suffisent pour montrer avec 
quelle élévation d'idées, Lecadre comprenait la haute et bien- 
faisante portée de notre Association générale des médecins de 
France. 

N'a-t-on pas le droit de se demander comment un homme a 
pu suffire à un tel labeur, comment il a pu toujours le remplir 
au mieux des intérêts de tous. Or, non seulement Lecadre l'a 
fait, ne rencontrant partout qu'estime et sympathie, mais il 
a laissé de nombreux mémoires toujours intéressants, quelques- 
uns vraiment importants, et c'est ce que nous allons main- 
tenant exposer. 

Les travaux de Lecadre sont nombreux. Tous font preuve de 
connaissances sérieuses, variées, étendues, ils attestent un 
esprit observateur et philosophique. Plusieurs de ces travaux 
lui ont valu des mentions académiques. 

La thèse de Lecadre : Dissertation sur le siège et la nature de 
l'hypocondrie, révèle déjà l'aptitude de son esprit à la généra- 
lisation et prouve la solidité de ses études médicales. 

Comme conclusion du sujet qu'il traitait, il disait : « Si, à 
ces raisons, l'on joint celles dont nous nous sommes servi 
dans le courant de cette dissertation pour prouver la véritable 
nature de l'hypocondrie, on verra sur quoi nous sommes 



LECADRC 



163 



fondé à ne pas admettre l'hypocondrie comme une névrose, 
mais bien comme une gastro-entérite chronique qui agit avec 
énergie sur le cerveau prédisposé h Tirri talion. )) C'est du 
Broussainisme pur; mais 1 hypocondrie est beaucoup plus que 
cela : un syndrome complexe qui relève de la psychologie, 
de la physiologie et de la pathologie. 

En lisant à la Société Havraise d'Études diverses son 
mémoire sur VUtilité des études anatomiques, il veut montrer 
que, de nos jours, Fadage « le maître l'a dit » n'est plus une 
raison suffisante et que le terrible «pourquoi)) force le savant 
à s'appuyer sur des preuves. De Ih, dit-il, Tobligation pour tout 
homme du monde d'acquérir une foule de notions générales, 
jadis réservées aux savants. 

C'est dans une mémo pensée qu'il étudie la rage, dit ce 
qu'elle est, montre ce qu1l faut faire et ce qu'il faut éviter. 
A celle époque, un tel travail pouvait rendre de réels services, 
mais, grâce aux travaux de Pasteur, la rage n'est plus aujour- 
d'hui une affection fatale et la thérapeutique d'alors n'est plus 
qu*un souvenir. 

Non moins utile et fécond en résultats, son travail sur le 
Suicide^ cette plaie grandissante des temps présents. S'il n'ap- 
porte aucune idée nouvelle et particulière, ses conclusions 
valent d'être citées : « Les développements de notre civilisation 
ont contribué à multiplier les causes du suicide ; les înstincls 
naturels ont disparu peu h peu, et lorsqu'à ce fatal changement 
vient se joindre Toubli de principes religieux et moraux, 
l'homme ne connaît plus de (rein, et le suicide ne tarde pas h 
lui paraître le seul remède à bien des misères, à bien des 
déceptions, a Parole d'une profonde justesse, et les tables de 
mortalité depuis un demi-siècle viennent apporter h cette 
affirmation une cruelle autorité. Les temps sont sévères, les 
esprits inquiets, les croyances s'estompent et les suicides se 
multiplienL 

Son récit sur Vépidémie de colique qui régna au Havre, en 1817 
et 1818, est une jiage d'histoire locale intéressante. Quelle en 
fut ta cause, dit-il ? Le public voulut voir un empoisonnement 



166 LES MÉDECINS BRETONS 

OÙ il n'y avait qu'une affection névralgique des deux systèmes 
nerveux, le ganglionnaire et le cérébro-spinal. 

Fort curieuse est son observation d'un cas de Tératologie, 
présentée par une femme privée de Pavant-bras gauche et des 
extrémités abdominales et qui trouva, malgré cela, à se marier 
et eut sept enfants. 11 se livre, à ce sujet, à quelques digressions 
sur la genèse de ces monstruosités. Il y fait preuve d'une saine 
et vaste érudition et conclut avec les auteurs que la cause ou 
les causes de ces monstruosités restent inconnues. 

Nous pourrions critiquer, si nous ne savions que Lecadre 
n'était pas chirurgien, sa relation d'une Hernie inguinale avec 
symptôme (^étranglement et sphacéle du scrotum. Mais l'on n'avait 
point alors nos procédés modernes d'antisepsie, l'on redoutait 
les opérations et l'on confiait plus volontiers à la nature médi- 
catrice le soin de tout mener à bien, ce qui fut du reste ici le 
cas. 

Nous n'avons que des éloges k donner à son étude sur la 
Névralgie intercostale, véritable monographie : il est difficile 
d'être plus exact, plus précis, plus complet. Il y émet une idée 
fausse: «L'angine de poitrine, dit-il, n'est qu'une névralgie. » 
On sait aujourd'hui qu'elle est due à une maladie des artères 
coronaires (Huchard). 

Il y avait déjà vingt ans que Lecadre était médecin des Ponts 
et Chaussées, lorsqu'il publia ses Etudes sociales hygiéniques et 
médicales sur les ouvriers employés au port du Havre. 

Cette élude est un véritable modèle du genre. Il expose tout 
d'abord les travaux qui sont à exécuter, et les catégories 
diverses des ouvriers qui doivent y correspondre; il donne 
le prix des salaires pour chacun ; il examine ensuite la durée 
du travail, la fatigue, les dangers particuliers à chacun, 
les inconvénients ou les avantages de leur habitation ou de 
leur genre de vie. 11 ne craint pas de s'arrêter à Tâge, la consti- 
tution, les habitudes, les nationalités diverses des ouvriers, et 
il sème son récit d'observations et de conseils les plus prati- 
ques, les plus judicieux. 

Il aborde ensuite l'examen des maladies des ouvriers occupés 



LBCÂDRB 



m 



par les Ponts et Chaussées : affections médicales et chirurgi- 
cales. Le savoir et le dévouement rivalisent à Tenvi; et nous 

dirons la bonté elle-même, car il est tel récit d'accidents graves 
où le médecin laisse voir sa généreuse pitié. 

Il la compléta en décembre 1857, dans un second mémoire 
intitulé : a Nouveau chapitre aux études sociales, hygiéniques et 
médicales, n Vous ne faites point voir, lui avait-on dit, le moyen 
de remédier aux nombreux inconvénients qui entourent le 
logis de Touvrîer; vous ne cherchez pas assez comment on 
pourrait arriver h quelque chose de mieux î 

En montrant le mal, c'était indiquer quel remède devait être 
employé, et cette seconde partie ne le cède en rien k la pre- 
mière. Beaucoîip a été fait depuis, dans ce but d'hygiène 
sociale, mais il ne faut pas oublier ceux qui en ont été les 
promoteurs. 

Toujours en éveil pour recueillir les faits Intéressants de 
sa pratique, Lecadre nous rapporte ce cas curieux de Mutité 
spontame survenue chez un ouvrier âgé de seize ans, sans 
cause apparente et qui guérit du reste spontanément. 

Les questions d'hygiène ont été de la part de Lecadre robjet 
d'études spéciales et qui furent remarquées, et c*est ainsi qu'il 
pose ces trois intéressantes questions i « 1^ Peut-on abolir sans 
inconvénients les quarantaines ? 2** Par quels moyens pour- 
rait-on empêcher la sophistication des denrées alimentaires? 
3* Comment pourrait-on, dans les grandes cités coupées de 
rivières et de canaux, utiliser les matières fécales au profit de 
ragriculture et sans nuire à la santé des habitants ? » 

Le sujet est vaste ; mais Lecadre en suit l'étude avec méthode 
et clarté. 11 affirme * quxm peut, sans inconvénients, abolir 
les quarantaines dans tous les ports autres que ceux de la 
Méditerranée )>. Les idées de Lecadre n*ont point prévalu, les 
quarantaines et les cordons sanitaires sont reconnus de toute 
nécessité, u L'éparpillement. dit-il ailleurs, est la garantie la 
plus sûre contre la propagation du choléra, » Les pavillons 
disolement sont au contraire la formule moderne et partout 
ils existent. 



168 LES MÉDECINS BRETONS 

11 demande contre la sophistication des aliments « de la part 
de l'autorité, de l'énergie, de la suite dans les déterminations, 
une juste application des mesures et quelques sacrifices d'ar- 
gent » ; toutes propositions des plus sages, des plus pratiques. 

Quant aux matières excrémentitielles, Lecadre demande que 
ces déchets organiques soient utilisés par Tagricullure ; il 
rejette le système du tout à Tégout, et demande des tinettes 
ou des fosses fixes bien étanches; ces questions sont encore 
aujourd'hui débattues. 

C'est encore de l'hygiène qu'est née cette œuvre qui restera 
comme un des titres les meilleurs de Lecadre à la reconnais- 
sance de la postérité, j'ai noinmé la Société protectrice de Ven- 
fance dont il fut le promoteur. Qui donc avait déterminé, en 
1868, cet excédent des décès sur les naissances ? Le chiffre 
s'élevait à 240. « Surpris d'un pareil résultat, dit-il, j'ai voulu 
faire une étude à cet égard », et il nous a donné ce long et 
consciencieux travail, qui ne comprend pas moins de cinq 
chapitres et 69 pages. Frappé de la mortalité du jeune âge, il 
dit : (( Mais l'enfant qui vient au monde, qui le préservera 
contre l'ignorance, contre l'incurie, contre la négligence, la 
mauvaise volonté ? ^) Sa parole fut entendue, et il a laissé cette 
société qui devient Tauxiliaire dévouée, intelligente, des 
mères de familles, et qui est là pour lutter contre l'incurie ou 
la mauvaise volonté. Encore une fois, honneur à Lecadre. 

Cette esquisse des travaux de Lecadre nous paraît suffire 
pour montrer son indiscutable valeur médicale et profession- 
nelle. Elle se révèle peut-être plus encore dans une œuvre qui 
forme un tout complet, alors que tous les travaux cités n'ont 
entre eux aucun lien direct, j'ai nommé son Histoire des Epi- 
démies qui ont régné au Havre et dans son arrondissement de 4348 
à 4885. C'est l'œuvre maîtresse de Lecadre, elle surpasse de 
beaucoup en intérêt et en valeur toutes ses autres publications. 

Il s'était en quelque sorte préparé depuis longtemps à ce 
travail. Dès 1835, il donnait son essai de Topographie statistique 
et médicale de la ville du Havre. C'était à l'époque un travail 
neuf, original. Très peu en ce genre avait été fait avant lui. 



LECADRE 



m 



Il ne cessa chaque année de présenter ce tableau statistique, 
et à la séance de la SocicHé ïlavraise d'Etudes diverses, il lisait 
encore un chapitre le 15 janvier 1883. 

Qu'on nous permette de rappeler ce qu'est son Histoire des 
épidémies. Ce travail^ resté manuscrit (X* 270 du fonds de la 
Bibliothèque de la ville du Havre)» tout entier de la main de 
son auteur, comprend deux volumes reliés in-4*, le premier 
de 90O pages, et le second de 688 et xvin pages de table des 
matières. Lecadre Ta divisée en cinquante-quatre chapitres. 
Dèsle premier, il s'arrête sur quelques considérations sur les 
épidémies, leur éUologie, leur pronostic et leur traitement, 
et débute dès le second par riiistoire de la peste de 13i8. De 
celle date, il nous conduira josqu'en 1882, en faisant riiis- 
torlque de toutes les épidémies urbaines et suburbaines de la 
\ille et de l*arrondissement du Havre. Il y fait preuve d esprit 
critique et d'une instruction sérieuse et étendue. 

Combien il est regrettable qu'un travail d'un tel intérêt n*ait 
pas été publié. Ne serait-ce pas le devoir de nos assemblées 
communales et départementales qui, avec le secours de l'Etat, 
pourraient, sanslourdes charges faire imprimer ces documents 
précieux, auxquels beaucoup do savants souscriraient 

Telles furent ses œuvres médicales. Elles suffiraient certes à 
légitimer sa notoriété, contiruiée au reste par des honneurs 
pubhcs* ainsi que nous Favons rappelé. 

Mais Lecadre a encore un autre litre îi la reconnaissance de 
la cité havraise. Le 16 novembre 1833, dans le salon vert d'un 
très bel appartement, rue de la Communauté, n" IS, seize per- 
sonnes se réunissaient pour fonder au Havre une société 
académique où Ton étudierait les sciences, lesleltres et les arts, 
et celte réunion était l'œuvre de Lecadre et de Ballazard. La 
Société Havraise d'Etudes diverses était, des ce jour, officiel- 
lement fondée. 

En novembre 1883, uous fêtions les noces d'or de notre Société 
dont Lecadre était alors président. Amertume delà vie! Retenu 
au lit par la broncho-pneumonie qui remporta, il ne put assister 
à cette réurtion et, alors secrétaire-général, je dus lire son dis- 



170 LES MÉDEaNS BRETONS 

cours où il retraçait, avec quelle satisfaction et quel talent, les 
diverses phases de la Société pendant ces cinquante années. 
Rappelons pour mémoire qu'il en fut président de 1853 à 1855, 
de 1866 à 1868, de 187i à i874, et de i880 à 1883. 

Dans les assemblées générales où il prit la parole, il a pro- 
noncé divers discours extra-médicaux dont quelques-uns sont 
remarquables et qui tous prouvent l'étendue et la variété de 
ses connaissances. 

Dans son discours de 1853, il nous montre révolution de la 
science, des lettres et des arts depuis Moïse jusqu'aux temps 
modernes. 

Avec quelle heureuse ingéniosité il traitera plus tard de la 
sociabilité « ce penchant, dit-il, prononcé pour la transmission 
des idées et de l'expression par le langage, résultat d'un don 
naturel dévolu à l'homme sur la terre ». Lecadre apporte à sa 
thèse les plus heureux développements. Il termine en mon- 
trant que c'est ce besoin de sociabilité dont est sortie, ainsi 
que tant d'autres, la Société Havraise d'Etudes diverses. 

Sans le cœur, la tête et l'intelligence seules ne suffiraient 
pas ; et dans ses notices sur Baltazard, Millet-St-Pierre, et 
son ami et confrère, son émule du collège de Nantes, le 
docteur Lucas-Championnière, il révèle sa sensibité. 

N'oublions pas encore son intéressante étude comparative 
sur Broussais et Laënnec, sur Lesueur et Dicquemare, où sa 
plume alerte et judicieuse sait ici faire revivre de précieux 
souvenirs de scolarité médicale. Quel intérêt en lisant ces 
lignes écrites par un élève de Broussais et de Laënnec ; nul 
aussi n'a mieux que lui parlé de ces deux flgures havraises : 
Dicquemare et Lesueur, gloire de notre cité. 

Citons encore son éloge de Tingénieur Frissard, premier 
président de la Société Havraise d'Etudes diverses, auquel 
Le Havre a dû d'importants travaux. 

C'est avec un égal intérêt qu'on lira cette triste histoire d'un 
Aéronaute Haïrais, le docteur Le Berrier, qui eut l'étrange 
Tdée de construire un ballon dirigeable. 11 déserta une belle 
clientèle pour poursuivre son idée malheureuse, vit un jour. 



LECADRE 



171 



ôur le Champ de Mars, à Paris, son ballon déchiré par la foule, 
et mourut ruiné à riiôpilaL 

Kon moins heureux son discours sur la Yulgamation, pro- 
noncé en séance générale du 2 août 1868, lors de TExposition 
marilime. Ce l'ut un discours remarquable, et certes, de la 
plus heureuse inspiration. 

Quel intéressant épisode rappelé par Lecadre sous le titre : 
La première conférence au Havre, en 1828, faite par M. Charles 
Durand, avocat, u C'était îi 1 époque, dit-il, où la science don- 
nait la main k la littérature et celle-ci aux beaux-arts, pour 
s'élancer à la conquête du beau et du grand* . . Le succès de 
cette conférence fut, ajoute-t-il, immense », 

Intelligence distinguée, travailleur persévérant, esprit très 
élevé, cœur humain et généreux, quels dons heureux reçus de 
la nature et avec quel soin cultivés! Vice-Président de TAsso- 
ciation départementale des Médecins de la Seine-Inférieure, 
fondateur de la Société Havraise d'Ëtudes diverses dont il fut 
quatre fois, en cinquante ans, le président, fondateur de la 
Société protectrice de TEnfance, recherché par les pouvoirs 
publics qui lui conférèrent de hautes charges et de hautes 
dignités, Lecadre a laissé partout des souvenirs qui lui sur- 
vivront. 

Lecadre représente bien le médecin instruit et dévoué, le 
savant de province, laborieux et modeste, qui, sans éclat, 
sans bruit, htit autour de lui beaucoup de bien, et c'est 
encore, ce nous semble, le plus bel éloge que Ton puisse 
faire de Lecadre. 

P. — De l'utilité des études anatomiques et physiologiques, 1834 
(manuscrit). — Note sur le rùccnt abaissement du baromètre (27 mars 
1835) (manuscrit)* — Sur quelques vues géoéraks sur le choléra, 
1836 (manuscrit). — Notice sur la rage, 18^37 (manuscrit)* — Rapport 
sur les travaux du Comité de salubrité de l'arrondissement du Ha- 
vre, pendant les annùes 1838 et 1839, Soc, d'ét. div., 1840, p. 77, — 
Impressions du moment, ibifl., 1840. p. D(î. — Sur la constitutioa 
niistéorologiquo des mois do juin et juillet 1841, ibid», 1842, p, 35, — 
Lettre sur l'état sanitaire do Gravillo, ibid., 1841, p. 21. — Rapport 
sur tes travaux du Comité de salubrité de l'arrondissemeQt du Havre, 



172 LES MÉDECINS BRETONS 

années 1840-1841, ibid., 1844, p. 21. — Dissertation sur le suicide, 
ibid., 1844, p. 91. — Rapport sur les travaux du Conseil de salubrité, 
années 1842-1843, ibid., 1846, p. 88. — Dissertation sur la rigidité 
des articulations à la suite de fractures et de certaines plaies, ibid., 
1846, p. 104. — Notice sur une môle pochée récemment dans les 
eaux de la rade du Havre, ibid., 1846, p. 106. — Notice nécrologique 
sur le docteur Suriray, ibid., 1848, p. 83. — De la cholérine qui a 
régné au Havre et dans ses environs, dans Tété de 1846, ibid., 1848, 
p. 61. — Rapport sur les travaux du Conseil de salubrité, années 
1844 et 1845, ibid., 1848, p. 63. — Rapport sur le mémoire du docteur 
Maire : « De l'influence de la moelle sur la santé des femmes en par- 
ticulier », ibid., 1850, p. 117. — Histoire du choléra épidémique dans 
l'arrondissement du Havre en 1849-1847, ibid., 1850, p. 132. — Ré- 
sumé analytique des travaux de la 18* année, 1850-1852, ibid., p. 5. 

— Tératologie, monstruosité par défaut des extrémités abdominales 
et de l'avant-bras gauche, 1850-1852, p. 161. — Clique épidémique 
au Havre en 1817 et 1818, ibid., 1850-1852, p. 201. — Rapport sur le 
mémoire du docteur Derome : « Epistaxis », nouvelle méthode de 
tamponnement des fosses nasales, ibid., 1850-1852, p. 249. — Hernie 
inguinale, symptômes d'étranglement, sphacèle du scrotum, résul- 
tat d'un accident, ibid, 1850-1852, p. 222. — Notice sur Théodore 
Balthazard, ibid., 1850-1852, p. 256. — Discours d'ouverture de la 
20* année, ibid., 1852-1854, p. 51. — Essai sur la névralgie intercos- 
tale, ibid., 1852-1854, p. 118. — Rapport sur le mémoire du docteur 
Maire : « Asphyxie des nouveau-nés », ibid., 1852-1854, p. 175. — 
Rapport sur un mémoire de M. de Lajonkaire : « Recherches histo- 
riques sur les douanes dans l'antiquité », ibid., 1852-1854, p. 276. — 
Notice biographique sur M. Frissard, ibid., 1852-1854, p. 368. — Ré- 
sumé analytique des travaux de la 22* année, ibid., 1855-1856, p. 5. 

— Fragments d'une histoire des épidémies qui ont régné dans l'ar- 
rondissement du Havre, ibid, 1855-1856, p. 222. — Etudes sociales, 
hygiéniques et médicales sur les ouvriers employés aux travaux du 
port du Havre, ibid., 1855-1856, p. 249. — Un nouveau chapitre aux 
études sociales, hygiéniques et médicales sur les ouvriers employés 
aux travaux du port du Havre, ibid., 1857-1858, p. 263. — Rapport 
sur un mémoire de M. E.-P. Duchesne : « Des chemins de fer et de 
leur influence sur la santé des mécaniciens et des chauffeurs, ibid., 
1857-1858, p. 283. — Nécrologie : le docteur Lucas-Championnière, 
ibid., 1857-1858, p. 503. — Rapport sur les affections épidémiques 
qui ont régné dans l'arrondissement du Havre, année 1859, ibid., 
1859, p. 139. — Le choléra morbus en 1832, ibid., 1860-1861, p. 167. 

— Rapport sur le concours pour l'étude biographique et littéraire 
sur Grainville, ibid., 1862, p. 81. — Le choléra morbus en 1848 et 



GIIASSAIGNAC 



173 



1849, 1853 et 1854, ibid,, 1862, p. 151. — Observation d'uû cas de mu- 
tité spontanée (Aphasie), ibid., 18G3, p. 67. — Un aeronaute ha- 
vrais, ibid,, 1863, p. 371. — Description d*un météore lumineux 
qui apparut au Havre, dans la soirée du 20 juin 1865, ibid., 1864- 
18fô, p. 39. ^ Questions d'hygiène publique, ibid,, 1864-1865, p. 
131, — Discours prononcé dans la séance publique du 26 juillet 
1866, ibid., 1861-1865, p. 605. — Le choléra morbus épidômique au 
Havre en 18(ï5 et 1866, ibid., 1866, p. li;t. — Broussais et Laënnec, 
étude comparative, ibid., 1867, p. 51. — Notice sur Georfies-Edouard 
Paravey, ibid., 1867, p. 385. — De la vulgarisation. Soc. d et. div. — 
Etude statistique et médicale, ibid., 1868, p. 45. — Notice sur MM. 
Marie, d'IIoudetot et Charma, ibid., 1868, p. 437, — Mouvement de 
la population et constitution médicale, année 1869, ibid., 1869, p. 41, 

— Dupuytren en 1826, ibid., 1869, p. 169. — Exposé du mouvement 
de la population et des maladies dominantes au Havre, en 1870, 
ibid,, 1870-1871, p. 1. — La première conférence au Havre, ibid., 
1870-1871, p. 399. — Etude biographique sur J.-B. Millet-Saint- 
Pierre, ibid., 1870487L p. 507. — Etude sur le mouvement de la 
population et sur les allections épidémiquos au Havre en 1871 et 
1872, ibid-, 1872, p. 83. Discours prononcé en séance publique du 
24 juillet 1873, ibid., 1872, p. 573. — Le Havre en 1873 au point de vue 
Statistique et épidémique. ibid,, 1873, p. 21. — Une panique (souve- 
nir du choléra du 1832), ibid., 1873. p. 497. — Considérations statis- 
tiques et médicales relatives au Havre, années 1874 et 1873, ibid., 
1874'187I), p, 87. — Statistique et constitution médicales eu 1876, ibid., 
1876, p. 39. — L'année 1877 au Havre, ibid., 1877-1878, p. 47. — L'an- 
née 1878 au Havre, ibid., 1877-1878, p. 361. — L'année 1879, ibid., 
1879, p. 75. — Les années 1880-1881 au Havre, ibid., 1880-1883, p. 59. 

— Histoire des épidémies qui ont régné au Havre et dans son arron- 
dissement de 1348 à 1883, 2 vol. in-4' reliés do 906 et 688 et xviii p. 
(manuscrit u" 270 fond de la Bibliothèque de la ville du Havre.) 

S. — Société Havraise d'Etudes diverses (passim). — Notice né- 
crologique par Ch. Grieu et Lécureur. — Bulletin de l'Association 
des médecins de la Seine-Inférieure. — Le IJavre^ Journal du Havre, 
Courrier du Havre, novembre 1883. — Notice par Ch, Quint, 



CHASSA IGNAG (Edouard-Pierre-Marie). 

* 1804, 24 décembre, Nantes, 
t 1879, 26 août, VersaiUos. 

Ce lui une existence bien tourmentée que celle de Cliassal- 
gnac, et il lui fallut toutes les qualités de la race bretonne^ 



i?4 LÈS MÉDEaKS BllETONâ 

ténacité quand même, pour ne pas défaillir en face d'épreuves 
imméritées. 

Aux hommes de science qui veulent suivre leur voie et qui 
rejettent le convenu, il en coûte parfois, et il faut avoir une âme 
fortement trempée pour ne pas faiblir; et puis, ces hommes k 
idées géniales sont souvent des personnels; ils ne plient pas 
et alors ils échouent. Ils ont le mérite, ils n'ont pas la 
faveur; mais, bien souvent aussi, ceux qui les dépassent ne 
vivent qu'un jour dans la mémoire des hommes, tandis que 
les autres ont la postérité pour eux. Leur nom est un jour 
remis en honneur — c'est justice, — et ils ne seront plus 
oubliés; Chassaignac, né à Nantes le 24 décembre 1804 (et 
non en 1805, comme l'ont écrit quelques biographes), fut un 
de ceux-là. 

Tout jeune, le père de Chassaignac avait quitté la France 
pour aller chercher fortune aux Antilles. Marié une première 
fois à la Martinique, 11 y avait perdu sa femme et ses enfants 
dans une épidémie de fièvre jaune. 11 avait, en secondes noces, 
épousé une jeune créole de Saint-Domingue, échappée avec sa 
mère au massacre des Européens, lors de l'insurrection de 1793; 
elle fut la mère de Chassaignac. 

Son père revint à Nantes; Chassaignac y naquit et il fut 
élevé dans un milieu choisi où la distinction des manières, le 
goût de la littérature et des arts lui donna l'habitude des bonnes 
compagnies et des jouissances délicates de l'esprit. 

A l'âge de 11 ans, il perdit sa mère; ce fut pour lui un pro- 
fond chagrin; mais le malheur ne tombe jamais en vain dans 
les âmes nobles et bien trempées, et d'écolier insouciant et 
léger, il devint un élève laborieux et sérieux. Dès lors, il 
commença cette vie de travail qu'il soutiendra de si longues 
années, sans trêve ni repos. 

Lorsque vint l'âge de choisir une carrière, il songea un ins- 
tant à l'Ecole Polytechnique. Un ami de la famille, le docteur 
Sue, le détourna de cette voie qui semblait peu convenir h sa 
vive imagination. Il lui remit un livre d'anatomie ; cela suffit 
pour le faire renoncer à sa première idée, et Chassaignac en- 



CriASSAIGNAC 



17 



trait» comme ôlève, à l'Hôtcl-Dîeu de Nantes, sous la direction 
du docteur Fouré. 

Il avait été au collège un élève très distingué, et sa veuve 
montrait avec orgueil les nombreux prix qui avaient aËTirmé 
sa valeur; il fut également uo des plus remarqués parmi les 
étudiants de Nantes. 

Après cinq ans d'études à Nantes, il vint à Paris; aussitôt 
arrivé, il songea à concourir pour Tinteroat, mais un règle- 
ment fixait à 23 ans la limite d'âge pour le concours, et il avait 
25 ans et 8 Jours. Première déconvenue qui ne se répèlera, 
pour des raisons différentes, que trop dans sa vie. Il ne songea 
plus alors qu'à terminer promplcment ses études, dans Tin- 
tentîon de revenir aussitôt à Nantes. 

Un ami, Robert, qui avait su apprécier sa valeur en travail- 
lant en commun à l'école pratique, le détourna de cette réso- 
lution. Il réconforta Chassaignac, lui fit comprendre ce qu'il 
valait et lui montra la Faculté comme but de ses efforts. Le 
conseil fut suivi et le futur chirurgien de Lariboisière oblint, 
au concours, la place d'aide d*analomie. 

En quelques années, il fut nommé prosecteur de la Faculté, 
docteur en médecine et agrégé de la Faculté. Il obtint le grand 
prix de Técole pratique et devint Tun des membres les plus 
actifs de la Société d'Anatomie qui rappela deux fois à la vice- 
présidence. Entre temps, il avait traduit la Névrologie de Swann 
et publié ses recherches sur la distribution des nerfs dans les 
muscles, sur l'analomie de Tappareil circulatoire, sur la frac- 
ture du col du fémur, et sur le mécanisme de la résistance des os. 

II avait alors 31 ans; docteur depuis un an, agrégé depuis 
quelques mois, Tavenir lui apparaissait souriant. En 1836, 
Cruvcilhier quittait la chaire d'analomie descriptive pour 
prendre la cliaire d*anatomie pathologique qu'avait fondée 
Dupuytron; et il se présenta au concours du professorat. Mal- 
gré le talent, le savoir qu1l déploya et que la presse fut una- 
nime à constater, Breschet remporta. Il s'en consola, reprit 
son cours libre h Técole pratique, pour se préparer à de nou- 
velles luttes. 



176 LES MÉDECINS BRETONS 

Un nouveau concours s'ouvrit en 1837 ; il dura un mois. Sur 
dix candidats inscrits, la lutte se concentra entre Chassaignac 
et Blondin. Ce fut ce dernier qui l'emporta. Le jury, toutefois, 
accorda à Chassaignac une mention honorable et 1,200 francs 
pour ses pièces anatomiques remarquables. 

Ce fut à cette époque que Cruveilhier, qui avait distingué 
son mérite, lui confia la refonte entière de son Traité d'anatomie 
descriptive. Richerand meurt le 25 juin 1840 et laisse un vide 
dans renseignement chirurgical ; quatre candidats, élite des 
élèves de Dupuytrcn, se présentent. Le concours, commencé 
le 9 novembre 1840, ne se termina que le 25 mars 1841. Chas- 
saignac eut la supériorité dans toutes les épreuves; il ne fut 
pourtant pas nommé, ce fut encore Blondin qui l'emporta. 

La chaire d'anatomie descriptive n'est qu'une impasse et ne 
conduit pas à grand'chose ; il n'en est pas de même de la chaire 
de chirurgie opératoire, et tout lui échappait. 

Chassaignac ne fit pas entendre une plainte. Il se replia sur 
lui-même et se recueillit. Dix mois après, il entrait de nouveau 
dans la lutte pour disputer une seconde fois la place de chef 
des travaux anatomiques de la Faculté, laissée vacante par la 
nomination de Blondin. Il avait pour compétiteurs : Lenoir, 
Huguier et Denouvilliers. Ce fut ce dernier qui l'emporta (27 
janvier 1842). 

Le 17 mars 1842, la chaire de clinique chirurgicale fut décla- 
rée vacante. Chassaignac se remit sur les rangs. Les épreuves 
de Bérard furent celte fois très remarquables et, k une grande 
majorité, il fut nommé. 

Mais rien ne pouvait lasser cette nature énergique qui tenait 
de sa Bretagne, celte ténacité que rien ne pouvait ébranler ; 
il se présenta encore à un nouveau concours, où de honteux 
dénis de justice — et, dit Rochard, j'ai eu les pièces en main — 
furent commis à son égard, et il ne fut pas plus heureux. 

Le décret du 9 mars 1852, qui abolissait le concours pour le 
professorat, était pour lui un bienfait, car, avec le parti pris 
contre lui, eût-il jamais réussi? 

Ce fut un bienfait, car il retrouvait ainsi son repos ; mais le 



CIIASSAIGNAC 



177 



bienfait fat plus réel encore, car il lui rendait sa liberté, et 
Chassaignac allait pouvoir diriger vers d'autres travaux^ d'au- 
tres recherches, son activité laborieuse et son intelligence 
ingénieuse el féconde. Une nouvelle voie va s'ouvrir pour lui ; 
celle-ci sera beureu£e, féconde, et c'est dans cette période qull 
a vu sa réputation grandir el qu1l a donné ces procédés ingé- 
nieux, véritable conception géniale, qui ont immortalisé son 
nom. 

Le chloroforme avait rendu les opérations faciles, l'on pou- 
vait agir avec plus de lenteur et de sécurité; mais deux écueils 
étaient toujours qui menaçaient tout opéré : la perte du sang el 
rinfection purulente. Un accusa Tinstrument tranchant. « Il 
était devenu le bouc émissaire des conquêtes de la chirurgie ». 

Comment empêcher, dans une opération, les vaisseaux de 
s'ouvrir et, ouverts, d*aspirer la matière putride? Tels sont les 
deux problèmes que Chassaignac essaya de résoudre. Long- 
temps il y songea. Chassaignac chercha un procédé qui lui 
permît de diviser les tissus en une seule séance, en obturant 
les bouches des vaisseaux, de façon que le sang ne pût pas en 
sortir et que la matière putride ne put pas y entrer. 

Après bien des essais et des tâtonnements, il présenta le 
28 août 1850, à la Société de Chirurgie, sous le nom de ligature 
métallique articulée, son premier instrument qu'il avait essayé 
sur le cadavre et sur les animaux. Ce ne fut que deux ans 
après que les premiers essais furent fentes sur Thomme, après 
des perfectionnements qui ont fait ce qu*est à l'heure présente 
Vécrasmr linéaire de Chassaignac, Cet instrument coupe et broie, 
il scie et écrase, grâce au mouvement de va-et-vient de la cré- 
maillère. 

Son Traité de l'écrasement linéaire fut couronné par l^lnstitut 
en 1863; et, en 1865. TAcadémie lui décerna le prix Barbier, 
L'hémostase recherchée par tous les chirurgiens, et obtenue 
d'une manière si remarquable par A, Paré, est obtenue avec 
rinstrumentde Cliassaignac; et lorsqu*on a à opérer sur des 
parties très vasculaires, il reste encore un très précieux ins* 
trument 



178 LES MÉDECINS BRETONS 

Les procédés d'antisepsie moderne en ont diminué la valeur 
et indication aussi fréquente; aussi l'instrument de Chas- 
saignac est-il moins employé de nos jours; mais, nous avons 
dit que si Chassaignac Tavait inventé pour éviter les pertes de 
sang, il avait eu aussi la pensée qu'en fermant ainsi l'orifice 
des vaisseaux, il préviendrait Tinfection purulente. 

Si Chassaignac, avec son écraseur linéaire, a fait œuvre 
vraiment géniale, on n'en peut dire autant de son procédé de 
drainage chirurgical. Découverte éminemment française, elle 
fut prônée par Guy de Chauliac, qui se servait de tubes de 
plomb pertuisés; puis remis en honneur par Cloquet, qui se 
servait de sondes en gomme. Mais d'un procédé précieux, on 
n'avait su tirer qu'un mauvais ou insufiSsant parti, et Chas- 
saignac a perfectionné, méthodisé le procédé, et il rend encore 
d'appréciés services. 

Préoccupé de soustraire les plaies au contact de l'air, il con- 
çut la méthode dite « par occlusion » et sa cuirasse de spara- 
drap de diachylon était une ébauche de ce que devait faire, 
mais avec infiniment plus de succès, Alphonse Guérin avec 
son pansement ouaté. 

La trachéotomie pratique en un seul temps chez l'adulte, 
l'emploi des douches froides dans Tophtalmie purulente des 
nouveau-nés, l'application de la glace en permanence sur l'œil 
cataracte, la description de l'ostéo-myélite et son traitement, 
sont autant de travaux qui afiSrment sa réelle valeur. 

11 est peu de chirurgiens qui aient autant écrit. Le catalogue 
de ses ouvrages, dressé à l'occasion de sa candidature à l'Aca- 
démie, ne comprend pas moins de 800 articles. Tous ces ou- 
vrages se font remarquer par l'abondance et l'originalité des 
idées. 

Professeur disert, clair et habile à l'école pratique, il était 
encore plus goûté à sa clinique de Lariboisière. On se plaisait 
à regarder cette figure intelligente et énergique, son sourire 
fin, son front large et puissant qu'encadrait une abondante 
chevelure. 11 avait une passion un peu abusive pour ses instru- 
ments : manie d'inventeur. 



CUASSAIGNAC 



170 



Malgré Fon habileté, son savoir. Chassaîgnac fut sans noto- 
riété, quoique assez connu à l'étranger. La clientèle ne vint 
pas à lui et il a laissé une fortune modeste. 

Chassaîgnac avait un savoir étendu, indiscutable et de bon 
aloi; mais il n'avait pas le savoir-faire, dont il ne faut pas 
abuser, certes, mais qui est un facteur essentiel dans la vie 
pour réussir. Il connut bien des déboires et des ennuis \ il les 
dut, pour une partie, à la raideur de son caractère- t II avait 
une aversion invincible pour le métier do solliciteur; les 
plus simples démarches lui répugnaient. Ombrageux et sus- 
ceptible, passionné pour la vérité, il nliésitait jamais h sacri- 
fier ses intérêts à ses convictions, et laissait à ses ennemis la 
liberté de calomnier. Impressionnable à Texcès, il élevait ses 
contrariétés à la hauteur de vérilables chagrins, il dévorait 
en silence les affronts comme les perfidies» mais il ne récri- 
minait jamais ï). A la fin de sa vie,, rendu moins maître de lui 
par la maladie, l'amertume parfois lui montait aux lèvres. 

Au foyer, il n'était plus le même. Il fit, à 4i ans, un mariage 
dlnclinalion, et là on le trouvait doux et expansif. affectueux 
et tendre. 11 gardait pour les siens !es trésors de son esprit fin 
et cultivé. L'âge accroît la tendresse pour les enfants et, im- 
puissant lui-même devant celte cruelle maladie, il eut la dou- 
leur de perdre une fille du croup, Son âme en conserva une 
ameiiume profonde et ce ne fut qu'en s'occupanl sans cesse 
de son fils quMl put dissiper un peu retendue de son chagrin. 

Diabétique depuis longtemps, il connut bien des misères et 
succomba à une angine de poitrine, le 26 août £879. 

€ Maître accompli par son savoir et sa vaste expérience, au- 
teur génial puisqull fut assez heureux pour faire des décou- 
vertes, opérateur habile en même temps qu'inventeur de mé- 
thodes opératoires nouvelles, Chassaignac fut un érudil et un 
professeur éloquent et convaincu. Travailleur infatigable, il a, 
pendant quarante ans, instruit la jeunesse et fait progresser 
la science i. L'on peut affirmer que Chassaignac restera une 
des grandes figures cliirurgicales de notre époque. 

U était membre de TAcadémie de Médecine depuis 1868. 



180 LES MÉDBCINS BRETONS 

P. — Etudes d'anatomio et de pathologie chirurgicale, 2 vol., Pa- 
ris, 1851. — Traité de Técrasement linéaire, Paris, 1858. — Leçons 
Sûr la Trachéotomie, Paris, 1855. — Clinique chirurgicale de l'hô- 
pital de Lariboisière, Paris, 1854. — Traité pratique de la suppura- 
tion et du drainage, 2 vol., Paris, 1859. — Traité clinique et prati- 
que des opérations chirurgicales, Paris, 2 vol., 1861. — De Tempoi- 
sonnement du sang par les matières orgaaiques, Paris, 1873. — Titres 
antérieurs de Chassaignac, Paris, s. d., in-4* ; exposé des titres de 
Chassaignac, Paris, 1854, in-4* ; exposé des travaux de Chassaignac, 
Paris, 1856, in-4*. — Traductions : Œuvres chirurgicales complètes 
d'Arsthley Cooper, Paris, 1835-1837. — Traité de Tanatomie des nerfs 
de Swann, Paris, 1838. 

S. — Panas, discours prononcé sur la tombe de Chassaignac : 
Bulletin de l'Acad. de Méd., 2* série, T. VIII, 1879, p. 924. — Corlieu, 
France médicale, 1879 ; Progrès médical, 1879. — Lachaise, les Méde- 
cins de Paris, 1845.— Tribune médicale, 1879. — Eloge par Rochard, 
15 décembre 1885, Bulletin de l'Acad. de Méd., 2* série, T. XIV, 
p. 1659. — Horteloup, éloge de Chassaignac, Vapereau, Dict. des 
Contemporains. 



MAISONNEUVE (Jacques-Gilles). 

* i809, 10 novembre, Nantes. 

f 1897, 9 avril, château de la Roche-Hervé, à Mimillac. 

Vraiment ces Bretons ont grande allure; ils ont dans le sang 
je ne sais quelle vibrance qui en fait des hommes d'une incom- 
parable, mais parfois trop rude énergie. Ils ont dans Tintelli- 
gence des lumières transcendantes, dans le cœur un grand 
courage, dans la volonté ce ressort qui, au besoin, soulèverait 
les montagnes : Broussais, Jobert (de Lamballe), Laënnec, 
Alphonse Guérin, Chassaignac, Maisonneuve enfin, tels furent 
en médecine et en chirurgie ces Bretons illustres, gloire 
incomparable de la vieille Armorique. 

Maisonneuve, qui clôt cette étude des Médecins Bretons, fut 
peut-être le plus brillant de cette pléiade magnifique. Il va 
nous apparaître avec quelques traits identiques : caractère 
presque intraitable, mais en revanche quelle lumineuse intelli- 
gence, quelle puissance de volonté I Voyons donc ce que fut 
la vie de cet homme, nous jugerons après ses œuvres. 



MAISONNKUVE 



183 



Avec une éloquence émue et uv rare bonheur irexprossion, 
le docteur Paul Reclus a prononco le 31 janvier 1900. à la So- 
ciété de Chirurgie, son éloge; nous le suivrons pas h pa&, et 
nous nous efforcerons en le résumant, de ne pas trop le dé- 
florer. 

Issu d'une vieille bourgeoisie qui resta fidt>le à sa bonne 
roture, Maîsonneuve eut pour p(>re un avoué, membre du 
Conseil municipal de Nantes, esprit fin et délicat, d'une hon- 
nêteté scrupuleuse; plulosophe aimable et bonhomme, heu- 
reux délaisser à sa femme très énergique les décisions et les 
responsabilités. C'est bien du sang de sa mère dont fut 
imprégné Maisonneuve. 

Jeune, il se montra intelligent, décidé, d'un imperturbable 
sang-froid. En jouant, un de ses frères tombe à Tcau, tous 
courent affolés vers la maison paternelle ; lui, calme, tend une 
perche à rimprudent et le ramène sain et sauf au bord. En 
pension on rimmilied^un coup de férule, il refuse sec et net 
d'y retourner. Sa mère, qui s'y connaissait en entêtement, 
comprit quUI fallait céder au têtu, et on renvoie à Vannes. Il y 
terminait h seize ans d'excellentes études. Il revint alors à 
Nantes et entra h TEcole de médecine dont les palmarès sont 
pleins de ses succès: la première et la deuxième année, il 
obtint le premier prix ; la troisième, il est nommé premier 
expectant; la quatrième, on le voit premier externe et premier 
interne. En 1829, il a vingt ans, il débarque h Paris. 

En 1830. il est interne des hôpitaux, et conquiert, en 1831, 
le premier prix; et ceLle même année le voit interne, le cin- 
quième, avec Barth premier. Grisolle troisième, et Nélaton 
sixième. En 183i, il est prosecteur des hùpitaux ; en 183G, il 
concourt pour le Bureau central, mais ce no fut qu'en 18W 
qu'il fut nommé. En vain concourt-ii pour l'agrégation en 
1836 et en 18i4, poiu^ le professorat en 1845 et en 1849. et cY»st 
sans pouvoir réussir qu'il se présente h l'Institut, h. l'Académie 
de médecine : toujours et partout il échoue, et il restera simple 
chevalier de la Légion d'honneur. Sans cliercher à être des 
salons, les Académies aiment h voir dans leur sein des hom- 



184 LES MÉDECINS BRETONS 

mes de bonne compagnie, et Maisonneuve ne l'était guère ; rap- 
pelons quelques anecdotes. 

11 fut membre de la Société de chirurgie, comme par hasard. 
A son début, œuvre d*opposition, dédaignée par les maîtres, 
peu voulurent compter parmi ses fondateurs. Maisonneuve fut 
un des seize. Bientôt la jeune école avec Broca, Verneuil, Fol- 
lin, Lefort et Trélat pénétrèrent dans le cénacle et firent la vie 
dure h Maisonneuve et bientôt elle lui devint insupportable ; il 
finit par déserter les séances et ne fut jamais élu président. 11 
refusa même de payer ses cotisations, et ce membre fondateur, 
seul survivant en 1894, ne fut pas convoqué au cinquantenaire 
de la Société de chirurgie. 

C'est souvent le fait de tels esprits d'être extrême en tout : 
on dit que dans sa jeunesse il fut ardent au plaisir comme au 
travail. Au commencement du mois, quand arrivait la pension 
paternelle, il s'amusait jusqu'à son dernier sou, puis retour- 
nait, la bourse vide, à son opiniâtre labeur et au restaurateur 
Rousseau a l'aquatique ». 

11 ne faisait rien h demi, quitte aussi à ne pas savoir garder 
la mesure. Sa conduite pendant le choléra de 1832 fut vaillante : 
on dit même qu'il coucha dans le lit d'un cholérique pour 
donner du cœur aux lâches. Ses rapports avec ses camarades 
étaient parfois étranges : l'un d'eux fut pris d'une fièvre ty- 
phoïde ; il le soigna jour et nuit, sans repos, mais le ^malheu- 
reux mourut. (( Eh bien ! maintenant, s'écria Maisonneuve, di- 
vertissons-nous ». Dans cet acte et dans cette parole quelle 
étrange opposition. 

A un maître éminent qui se plaignait de la mortalité noso- 
cosmale, il répondit sèchement : « Il n'y a pas de mauvais hô- 
pitaux, il n y a que de mauvais chirurgiens ». Au jeune Guyon 
qui lui demandait quel service il fallait suivre : « Paris n'a 
que deux chirurgiens, Chassaignac et moi, encore Chassaignac 
n'est-il qu'un imbécile ». Dans ses cUniques, Maisonneuve 
s'écrie « qu'il faudrait pressurer bien des siècles pour y trouver 
une telle récolte de découvertes de premier ordre » et c'est la 
liste de ses propres inventions qu'il déroule. 



MAIS05NEUVB 



Petit de taille^ gros et trapu, Maisonneuve avait une figure 
ouverte et expressive. Sans un nez trop court, aplati, la pointe 
retroussée, sa figure eût eu graûd caractère. Il lui valut un jour 
une innocente plaisanterie : il venait d'éternuer dans un salon; 
Dieu vous garde. . . la vue, lui dit une voisine. — Et pourquoi, 
Madame ? — Parce que, docteur, vous n*avez pas un nez h 
porter des lunelles. L'œil était vif, intelligent, la bouche fine- 
ment mordante, tout en sa physionomie respirait la volonté 
indomptable. 

Il y avait une lacune évidente dans le jugement, dans le bon 
sens de cet homme ; et ce fut là le malheur de sa vie. M eut, 
et le fait n*est pas rare, une intelligence transcendante, mais 
un esprit mal pondéré. Avec rintelligence on peut faire des 
découvertes géniales, sans le jugement, on n'en recueille pas 
tous les bienfaits. Esprit sans cesse tourmenté par la pire des 
plaies de Tàme, la jalousie, il trouva lu la vraie cause des dé- 
boires de sa vie. Ce fut un solitaire, dit Reclus. Ce fut un étu- 
diant sans amis, un maître sans élevés. Tel il fut dans sa 
jeunesse, tel dans sa vieillesse, retiré à la Roche-Hervé comme 
un sanglier, dans ses chênaies bretonnes. Il ne comprit pas 
qu'il n'est pas bon à Ttiomme de vivre seul, et que c'est un 
grand art de conquérir la bienveillance, sinon rafTection des 
hommes, et que seule leur estime ne suffit pas pour parcourir 
les degrés de la vie; il faut aussi leur sympathie, leur aflection 
môme, et c'est le propre des jaloux de vivre ainsi. Ils ne peu- 
vent supporter l'éclat d^aut^ui qui blesserait leur orgueil 

De maîtres comme d'élèves il n'en eut que deux: les pre- 
miers furent Dupuylren et Récamier, les seconds, Reliquet et 
Saint-Germain. La mort précoce de Dupuytren prévint les 
conséquences d'une jalousie qui n*eût pas tardé à naître entre 
ces deux hommes d'esprit trop personnels. Récamier laissa 
dans celui de Maisonneuve une profonde empreinte, 11 prit de 
cet homme la conviction rélléchie qu on doit avant tout clier- 
cher à guérir, et que c*était là le dernier mol de la science. Sa 
vie fut une lutte jamais lasse contre toutes les agressions de la 
vie. On sait tout ce que la science moderne lui est redevable. 



186 LES MÉDECINS BRETONS 

On comprend Tinfluence d'un tel homme sur l'esprit à la fois 
ardent et pratique du jeune Breton. 

Rejeté hors du monde officiel, il devint, sans le vouloir, le 
leader des ratés ou des mécontents. On l'opposa avec orgueil 
aux mattres de l'Ecole. L'aristocratie du faubourg, qu'offen- 
saient les doctrines libérales de la Faculté, lui ouvrit les succès 
de clientèle;; il devint le chirurgien des congrégations. 

« Saint Germain raconte que, dans un dîner du noble fau- 
bourg, un convive hasarda quelques réserves sur le séjour de 
Jonas dans le ventre de la baleine. « Hais c'est là le miracle, 
aurait répondu Veuillot. » Maisonneuve, lui, défendit la légende 
biblique avec tant de verve que Tarchevêque de Paris voulut 
voir le controversiste et, dès ce jour, le monde religieux lui fut 
d'autant plus ouvert que Nélaton avait été appelé auprès de 
Garibaldi, le triomphant ennemi du pouvoir temporel du pape. 
Pourtant Maisonneuve ne fut pas comme Récamier, son maître, 
un vrai catholique ; il n'eut pas le rare bonheur d'une vie dont 
les actes reflètent les croyances ; épris d'autorité et partisan 
du trône, il admirait la discipline et la puissante organisation 
de l'Eglise, mais il ne pratiquait pas, et jamais il n'entendit la 
messe pendant les dix-huit ans de son séjour à la Roche-Hervé. » 

Pendant la guerre de 1870, il fit bravement son devoir, et 
malgré les boulets qui labouraient la route, il continua d'aller 
soigner ses blessés à Vaugirard et ne déserta point Paris pen- 
dant la Commune. C'est seulement la veille de l'entrée des 
troupes qu'il se décida à quitter ses salles. « Chaque matin, il 
entrait dans son service d'un pas militaire, son éternelle ca- 
lotte de velours violet sur la tête ; il fendait la foule de ses 
auditeurs, confrères et élèves de province, étudiants cosmo- 
polites, médecins de tous les pays; il ne parlait guère à ses 
élèves qu'il écartait pour faire place aux étrangers ; il accueil- 
lait mal ses internes, il fut même parfois brutal avec eux et ne 
les conservait pas longtemps. * Il lui arriva une petite aven- 
ture, assez analogue dans le fond à celle que nous avons 
racontée dans la biographie de Jobert (de Lamballe) et d'Al- 
phonse Guérin. Labadie-Lagrave, alors son interne, dut le 



MATSONNEUVE 



187 



premier jour, au premier lit, rapporter riiistoire du malade. 
Son accent et son attitude amusèrent Maisooneuve, qui lui 
dit d'un air narquois : * Mon petit cadet de Gascogne, savez* 
vous ce qui distingue l'ijommc do singe ? — Oui, répondit le 
cadet très crâne, mais prêt à entendre éclater le tonnerre, oui, 
Monsieur, c'est la politesse. » Comme avec Jobert et Alphonse 
GuLTin^ le tout se termina par une invitation en forme, et 
Labadie-Lagrave devint le lils adoptif de Maisonneuve, Lors 
d'un concours au Bureau central, il vit ce dernier qui venait 
de se fracturer le péroné, arriver à Texamen, maigre ses souf- 
frances, avec sa fameuse attelle plâtrée, pour assurer le succès 
de son protégé. 

En I87Î, il atteignit la limite d'âge, mais soit ignorance, ou 
plutôt par mépris des règlements que de telles natures veulent 
imposer aux autres, mais n'acceptent point pour eux-mêmes, 
ilprétendît continuer son service; le jour où son successeur 
vint en prendre possession, le directeur de Illotel-Dieu se tint 
devant la porte pour Tempèdier d'entrer : t Vous voulez donc 
me mettre dehors par la force ? dit Maisonneuve, — Non, je 
vous rappelle simplement la loi commune. 

En 1845, il épousait M'^° iulie Cartier, fille de François Car- 
tier, Tinventeur de raéronaute, et descendant par une branche 
latérale de l'illustre Breton qui découvrit le Canada. Femnie 
d'une réelle distinction, elle reçut avec une grâce charmante 
tous ces nombreux savants, artistes, qui fréquentèrent son 
salon de 1860 à î87o, et sut exercer une heureuse inûuence sur 
son mari. Elle mourut en 1875. Ce fut un coup terrible pour 
Maisonneuve. 11 eut alors une parole bien étrange et qui dénote 
la singularité de son esprit* A un visiteur qui lui parlait avec 
émotion de cette perte nTéparable, il répondit sèchement ; « Ce 
n*est pas pour cela. J'espère, que vous êtes venu me parier, n 
stoique orgueilleux ï qu'une larme et un serrement de mains 
eussent mieux valul 

Quatre enfants naquirent de ce mariage : deux garçons, dont 
un seul survécut, Tingénieur Similien Maisonneuve, l'un des 
défenseurs de Châteaudun, et deux filles, une seule, M"** Terrien 



188 LES MÉDEaNS BRETONS 

de la Haye, lui restait. Elle était poitrinaire. En octobre 1879, 
il apprend que la maladie s'aggravait. 11 quitte Paris, sa clien- 
tèle, ses travaux, et du premier regard en arrivant, il voit 
qu'elle est perdue. Au terme prévu, sans souffrances, heureuse 
et consolée, elle s'endormit pour toujours entre ses bras. 

Bien qu'encore en pleine possession de ses facultés, il resta 
dans son château de la Roche-Hervé pendant les dix-huit ans 
que devait durer son existence. 

Il n'y vit personne, il n'y reçut ni ami, ni châtelain des en- 
virons, et il ne se révéla à ses voisins que pour leur prodiguer 
les secours de son art, mais aussi pour leur faire apprécier son 
étrange et difficile humeur : un riverain exerçait, sur une 
lande, un vieux droit féodal de couper, une fois l'an, quelques 
charretées de bruyère ; Maisonneuve contesta ce droit ; un 
jour, il apprend que malgré sa défense, trois vigoureux gars 
avaient fauché et chargé le foutrage ; il accourut, s'approcha 
de la charrette qu'on faisait démarrer malgré lui : « Je vous ai 
dit que vous ne l'emporteriez pas 1 » s'écria-t-il, et d'un coup 
de couteau, il trancha la sous-ventrière du cheval. Ce fut l'ori- 
gine d'un procès qu'il perdit. 

Les malades furent mieux accueillis. 11 en vint de partout; 
les malheureux attendaient dans la cour du château ; Maison- 
neuve pansait et opérait tout. Un jour, on lui amena un nou- 
veau-né atteint d'un double bec-de-lièvre, à fente palatine. 
Ses quatre-vingt-deux ans hésitent une seconde, puis sa vieille 
ardeur se rallume et, avec le seul aide d'une femme, il taille, 
il coupe, il coud et refait le nez, les lèvres et le palais; l'enfant 
cria, téta et vécut; et il vit encore, récitant ses prières en sou- 
venir du grand chirurgien. 

Pendant dix-huit ans, quels que fussent le temps et la saison, 
il sortait en voiture découverte, et plusieurs fois, en hiver, il 
fallut lui frayer un chemin dans la neige; il saluait les piétons 
sur la route, mais ne leur parlait jamais. 

c A 88 ans, ses forces diminuèrent tout à coup : son cœur 
faiblit, sa parole s'embarrassa et, de ses facultés d'antan, il ne 
conserva que sa prodigieuse volonté. 11 se sentit mourir et fixa. 



MAtSONWEUVB 



189 



à quelques heures pn'^s, le terme de sa vie; une dernière fois, 
il se pencha pour embrasser sa petile-fille, puis il parut s'en- 
dormir dans son fauteuil et ce fut son dernier sommeil. Au 
bruit de sa mort, la foule des paysans accourut et, pendant 
trois jours et trois nuits, ils entourèrent son lit funèbre; ils 
venaient par groupes des hameaux voisins, ils entraient dans 
la chambre, aspercjeaient le corps avec des branches de buîs 
bénit et alternaient îi voix lente la récitation des prières; puis, 
un vieillard commençait Thistoire des actions étonnantes de 
cet homme silencieux et fort, aux ordres brefs, au geste prompt, 
par qui tant d'entre eux avaient été sauvés. Voilà Thomme; 
voyons maintenant ce que furent ses œuvres chirurgicales. 



Maisonneuve était un anatomiste consommé et un opérateur 
hors ligne. Cela lui eût suffi pour devenir un chirurgien célè- 
bre, mais il y joignit une invention géniale, et son nom ne 
périra pas. Son internat sous les grands chefs Tavaient rompu 
à Texamen des malades, et aussitôt en possession d'un service 
chirurgical, il voulut être son maitre et il le fut. Il ne se laissa 
Jamais guider par les idées des autres, fussent-ils les princes 
de la science ou les maîtres de l'Ecole et « il livra, dès les pre- 
miers jours, de terribles batailles où il ne daigna jamais comp- 
ter les coups donnés ou reçus. » 

Il commença ses travaux par des expériences sur le cadavre 
pour établir les mécanismes et les diverses variétés des frac- 
tures du péroné, et fit ensuite rhistoire encore inconnue des 
luxations du sternum. Dès 1845, il imagina l'anastomose intes- 
tinale, qu'il pratiqua sur des animaux mais qu'il n'exécuta 
jamais sur Hiomme, Maisonneuve pratiqua la première blé- 
pharoraphie, et son idée a depuis fait un rapide chemin, 

Récamier avait proposé, pour combattre la fissure anale « le 
massage cadencé. » Maisonneuve reconnut vite que ni la 
cadence, ni le massage du sphincter n'avaient eu rien h faire 
et que les bons résultats étaient dus par le passage successif 
des doigts : de là son procédé de dilatation forcée, aujourdliui 
employée par tous les chirurgiens. « Il montre aussi les béné- 



190 LES MÉDECINS BRETONS 

fices que Ton relire de la ligature de la carotide interne : il lie, 
le premier, l'artère vertébrale ; s'il ne sectionne qu'après Rhéa 
Bartou le col du fémur dans l'ankylose angulaire, il substitue 
Tostéoclasie à l'ostéotomie, manœuvre admirable puisqu'elle 
remplace par une fracture fermée, à peu près innocente, la 
fracture ouverte si meurtrière en ces temps de septicémie. Men- 
tionnons encore ses thèses sur le périoste, la coxalgie, les 
kystes de Tovaire, les tumeurs de la langue, la cautérisation 
en flèche pour l'ablation du cancer, au Heu d'employer le cou- 
teau, ses statistiques sur près de 12,000 cas de hernies. » Une 
seule de ces découvertes, dit justement P. Reclus, eût suffi 
pour consacrer la célébrité du chirurgien que ne consacrèrent 
pourtant pas les Sociétés savantes, et nous en avons dit les 
raisons. 

Cette hostilité motivée, hélas I ne le découragea pas ; il mul- 
tiplia ses découvertes et nous arrivons k la plus merveilleuse, 
Turétrotome : « Porter le fer à l'aveugle, au fond d'un canal 
mobile, long, irrégulier, étroit, couper les tissus malades, à 
foyer unique ou multiplié, ne couper qu'eux seuls; ne pas 
blesser la trame saine, » tels étaient les termes redoutables du 
problème qu'avait à résoudre Maisonneuve. « L'urétrotorae de 
Maisonneuve est simple, élégant, rapide, innocent, même dans 
les mains inhabiles; c'est la perfection, c'est l'idéal », il ré- 
pond à toutes les exigences opératoires. L'urétrotome exigea 
dix ans de recherches. 

On ne peut que flétrir la conduite de l'Académie de médecine 
qui, en 1863, ayant à distribuer le prix d'Argenteuil, de 20,000 
francs, pour récompenser qui « aurait trouvé le meilleur trai- 
tement du rétrécissement de l'urètre », ne lui décerna à titre 
de récompense, que 1,500 francs, comme à Malhieu, fabricant 
de chirurgie. Il eut été plus digne de le passer sous silence. 

Dès lors, dit Reclus, « ce fut la guerre au couteau. Mais Mai- 
sonneuve ne fut pas toujours heureux, et souvent trop confiant 
dans son outil, il fut imprudent. 11 ordonnait, à la consulta- 
tion, aux malades de s'opérer eux-mêmes, puis il les renvoyait 
et longue fut la liste des accidents. Un de ses opérés s'était, en 



' MAISONNEUVB 



191 



retournant chez lui, arrêté dans un édicule des Champs- 
Elysées, mais il fut pris de fièvre urincuse et mourut » llor- 
teloup le sutcirimprima tout chaud dans un opuscule qu'il 
leruîinaitpar celle phrase que i^tténue : a Je ne demanderai 
pas à M. Maisonneuvc dans quels Champs-Elysées son malade 
est allé. . , . se soulager, » Ces attaques n'ont pas nui h l'urétro- 
tome : il estaujourdiiui dans toutes les mains, et son fabricant,, 
M. Colin, évalue à plus de cent mille ceux qui, de Paris, ont 
été emportés dans toutes les parties du monde, » 

On autre litre, dit l\ Reclus, sa lutte contre Tinfeclion puru- 
lente, lui assure une grande place dans la cliirurgie de ce 
siècle. 11 fut le précurseur qui reconnut le mieux la nature du 
mal. 

Alphonse Guérin a toujours réclamé celte priorité, et nous 
croyons qu'elle lui est due. Nous renvoyons le lecteur à la 
biographie d'AIi)honse Guérin. Ce qui est cerlain, cesl que 
3laisonneuve affirmait aussi l'origine infectieuse des complica- 
tions des plaies, El sur cette étîologie, il édifia » une thérapeu- 
tique souvent brutale, mais dominée par la hantise de la sopU- 
cémic. Il ne veut plus du bistouri : il énuclée, il écrase, il 
broie, il morcelle, il déchire, il brûle les tissus vivants; il 
invente des ligateurs, des écraseurs, des garrots, des dia- 
clastes, des ostéoclasles, elc, pour qye les vaisseaux ne 
fussent plus béants et ne pussent plus ainsi résorber le virus 
se|Jlique. Il eût voulu procéder ainsi à Tampulation des mem- 
bres, mais TAssislance publique, épouvanlée à la vue de tous 
ces engins qui terrorisaient les malades, le pria de les pros- 
crire. 

Ce fut encore pour lutter contre la septicémie et pour neu- 
traliser reffet du poison venu du dehors qu'il employa Talcool 
et plus lard l'acide phénique. 

On sait sa fureur opératoire, et il élait connu de tous sous 
les noms d*as?assin, de boucher de rilOtel-Dicu, et Ton con- 
naît celle macabre plaisanterie faite au malade qui devait être 
opéré : « Monsieur, demande rinterne, quelle est la partie du 
malade qu'il faut rapporter dans son lit, » 

11 



192 LES MÉDECINS BRETONS 

Maisonneuve en efTet ne reculait jamais : il désarticulait la 
mâchoire inférieure en conservant le périoste et en laissant 
les dents suspendues à leurs gencives et flottant comme 
les grains d'un chapelet; les deux maxillaires supérieurs, 
enlevait Tethraoïde lui-même, atteignait avec ses flèches 
caustiques les néoplasmes de Tamygdale et du pharynx; il 
appliquait son urétrotome agrandi au rétrécissement de Tœ- 
sophage, il réséquait le poignet, le coude, le genou, il 
coupait tout, largement et sans hésitation, on aurait pu dire 
presque sans scrupules. Sa hardiesse opératoire fut efl'rayante 
pour répoque. 

Certains journaux ne craignaient pas de vanter trop souvent 
ses cures merveilleuses. Certaine résection sous-périoste 
courut toute la presse et on put lire partout Thistoire de ce 
jeune homme qui avait trois tibias, deux à ses jambes et un 
dans sa poche. Pour se protéger contre ses fureurs opératoires, 
il ne craignit pas de fausser ses statistiques et d'écrire que 
« sa mortalité opératoire était de 2 à 3 pour cent », alors que 
les registres du service de la Pitié et pour la seule urétrotomie 
interne, donnaient un décès sur trois opérés. 

L'amphithéâtre était son vrai milieu; et à cette époque où 
les graves interventions étaient rares, on assistait à ses opéra- 
tions comme on assiste au drame le plus poignant. Seul, pres- 
que sans aide, il saisit le patient qu'il endort à peine ; de sa 
rude main il maîtrise toute révolte, et, sans s'arrêter aux cris, 
il pénètre dans le vif, il tenaille les os et les tranche d'un coup 
de ses cisailles longues d'une coudée; pas une manœuvre man- 
quée, pas un mouvement inutile, pas un efi*ort exagéré ; le sang 
cache la plaie, le patient va défaillir et le spectateur s'émeut, 
mais un nouveau coup ébranle la tumeur, un dernier l'abat, 
et Maisonneuve, dont le visage impassible s'éclaire de la flamme 
des yeux, la jette à ses pieds sans que l'accident le plus im- 
prévu, la complication la plus grave aient altéré un instant la 
lucidité de son regard, la sûreté de sa main, étonné son audace 
ou déconcerté celte présence d'esprit qui répare ce qu'elle ne 
peut prévoir. Aussi ceux-là mômes qui le nommaient le bou- 



MAlSONSrUVK 



inn 



cher (le THôtel-Dieu, Tassassin du boni de l'eau, devaient pro- 
clamer son incomparable maîlrise. *> 

On le nommait le Paracelse de la chirurgie, dit Reclus ; ce 
que ces liomnies ont eu de vraiment commun, ajoute-t-il, c'est 
la conscience de leur valeur, un large orgueil, leur ardeur 
révolutionnaire, le mépris des sentiers battus, Tliorreur du 
joug, — et les magnifiques découvertes dont ils ont enrichi 
la science. 

Comme professeur, Maisonneuve laissait à désirer; sa phrase 
était lourde, embarrassée, obscure, difficile; mais en revanche. 
c'était un écrivain remarquable, séduisant, correct» clair, précis. 

L'heure de la retraite avait sonné pour Maisonneuve, et elle 
dut lui être bien pénible. Nous avons dit rinlervention du 
directeur de rhûpital pour lui imposer Tobligation du règle- 
ment; mais rinvcnlenr de Furétrotomie quilta les hôpitaux à 
l'heure raôme où Ton allait en chasser l'infection purulente. 
Imagine*t-on, ajoute très judicieusement lieclus, ce qui fut 
arrivé si, au lieu d'en sortir, il y fut rentré en ce moment pro- 
pice?— Il eût alors tout osé, tout entrepris et, sans aucun 
doute, tout réussi. 

Tel fut cet homme qui pansa les plaies, guérit les blessures, 
fit marcher les boiteux, rendit la vue aux aveugles, et dans une 
gueule d'animal sut pétrir les traits d'une figure de chrétien. 
Certes. Maisotmeuve n'était point un saint, mais il a fait au 
moins un miracle, rurétrotome, et c'est un des plus grands 
chirurgiens du siècle qui finit- » — P. R. 

P, — Mémoire sur remploi du seigle erçiolé dans la mt^norrhagie. 
en collabora tioa de M. io professeur Trousseau. Journal de théra- 
peutique, 1833. — Mémoire sur les calculs biliaires, DuUetiû do la 
Société anutumï<iue, WM, p. 54. — Thèse sur ïo périoste et ses ma- 
ladies, Ihtso d'agri'^t^tion* 18*19* — Mémoire sur la fracture du pé- 
roné, Archives, 1840, t. I, p. i6&-iïi;i, — Mêmoiie mr In luxation des 
deux premières pièces du sternum, Archiven, iHï% l. IL^ Mémoirfl 
sur le dragonneau. Archives, 1844, Archives, 1841, t. IIL —Mémoire 
sur i'enlérolomie de rintestin ç|réle, Archives 1844, t. IH, p. 174, Ar- 
chives 1845, t. I, p. 448* — Thèse sur la coxuhjie, thèse d'aflnHiation, 
1844. — Mémoire sur l'anastomose intestinale, ArchivA, It^, Aca- 



19i LES MÉDECINS BRETONS 

demie des Sciences, 1844. — Mémoire sur les déplacements en géné- 
ral, Annales de chirurgie, 1845. — Mémoire sur le cathétérisme dans 
les cas difficiles. Académie des Sciences, 13 janvier 1845. — Mémoire 
sur la fréquence relative des hernies, statistique de 11,644 cas, Ga- 
zette des hôpitaux, p. 161, 1845. — Mémoire sur la section du col du 
fémur dans les cas d'ankylose angulaire. Gaz. des hôpitaux, p. 98, 
1847. — Mémoire sur la blépharoraphie, nouveau moyen d'assurer le 
succès des opérations autoplastiques des paupières, Gaz. des hôpi- 
taux, p. 7-44, 1847, — Mémoire sur la taille rectale, nouvelle mé- 
thode, Acad. de méd., archives, p. 112, 1847. — Mémoire sur la res- 
tauration de la luette dans la staphyloraphie, Gaz. des hôpitaux, 
p. 449, 1847. — Thèse sur les tumeurs de la langue, thèse pour le 
professorat, 1848. — Mémoire sur la luxation médio-carpienne, mé- 
moire de la Soc. de chirurgie, 1849. — Mémoire sur un nouveau 
procédé pour Textirpation des tumeurs fibreuses interstitielles de 
l*utérus, Arch., t. III, 1849. — Mémoire sur la dilatation forcée de 
Tanus pour le traitement des fissures à l'anus. Gaz. des hôpitaux, 
p. 220, 1849. — Mémoire sur la ligature de l'artère carotide externe, 
Acad. des se. Gaz. des hôpitaux, p. 506, 1849. —Thèse sur les kystes 
de l'ovaire, thèse pour le professorat, 1850. — Mémoire sur de nou- 
veaux pour le traitement des fistules vésico-vaginales, Mém. de la 
Soc. de chirurgie, 1851. — Mémoire sur la luxation médio-carpienne, 
Mém. de la Soc. de chirurgie, 1851. — Mémoire sur la simplification 
de l'opération de la hernie étranglée. Abeille médicale, 1852. — 
Traité pratique des maladies vénériennes (en collaboration de M. le 
docteur Montanier), 1853. — Mémoire sur la gangrène foudroyante 
avec développement du gaz putride dans les veines, Acad. des Se, 
1853. — Leçons cliniques sur les affections cancéreuses, 1853-1854. — 
Mémoire sur une nouvelle méthode d'urôthrotomie pour la cure ra- 
dicale des rétrécissements do l'urèthre, Acad. de méd., 1854. — Mé- 
moire sur une nouvelle méthode pour le traitement de l'ozène et de 
plusieurs autres affections des fosses nasales, Acad. de méd., 10 jan- 
vier 1854. — Mémoire sur un nouveau procédé pour la cure radicale 
des hernies, Acad. de méd., 6 juin 1854. — Mémoire sur l'extirpation 
d'une tumeur fibreuse profonde du cou, par la méthode du morcelle- 
ment, Acad. des se, 7 août 1854. — Mémoire sur un nouveau pro- 
cédé pour pénétrer dans les sacs herniaires vides, Acad. des se, 9 
octobre 1854. — Mémoire sur une absence congénitale du nez et sur 
un nouveau procédé de rinoplastie. Mon. des hôpitaux, p. 1169, 1855. 
— Mémoire sur une nouvelle méthode de cathétérisme, Mon. des 
hôpitaux, p. 484, 491, 1855. — Mémoire sur la désarticulation de la 
mûchoiro inférieure appliquée à l'extirpation des tumeurs profondes 
du pharynx, du larynx et du voile du palais, Mon. des hôp., p. 375, 



MAISONNEUVB 



195 



1856. — Mémoire sur une nouvelle espèce do suture dite suture en 
broche. Mon. des hôp,, p, 939, 1856. — Mémoire sur un nouveau 
procédé pour la euro de 1 hjrpospadias, Gaz. des hôp., p. 543, 1856. — 
Ménaoire sur la désarticulation toluïe do la milchoire inférieure, avec 
planches, in4% 1857. — Mémoire sur la diaclasie; nouvelle méthode 
pour l'amputation des membres, Acad, des Se.» 1858. — Mémoire 
sur la cautérisation en flèches, Acad. des Se, 20 septembre 1858. — 
Mémoire sur la ligature extemporanêe, Clinique européenne, 1859. 

— Mémoire sur le taxis prolotiffé au moyen de la bande do caout- 
chouc, permettant d'obtenir la réduction des hernies dans un grand 
nombre de cas où le taxis et les autres moyens de réduction restent 
impuissants. Thèse n* 220, Paris, 1859. — Mémoire sur la bouton- 
nière palatine comme moyen d'extirper les polypes naso-phnryn- 
giens, Acad. des Se, 1860. — Mémoire surun nouveau procédé pour 
rœsophatjotomie interne, permettant d'opérer avec sécurité tous les 
rôlrécissemonts de ce conduit quelle que soit leur position» Clinique 
chirurgicale, t. II, 1860, — Mémoire sur les opérations sous-périos- 
tîques, Acad. des Se, 1861. — Mémoire sur un nouveau procédé de 
trachéotomie et sur un nouvel instrument dit trachéotome, 1861. — 
Mémoire sur la luxation do la mi^choiro inférieure, 1862. — Leçons 
cliniq^ues sur les progrés de la chirurgie contemporaine, où se trou- 
vent exposées des vues générales sur les plus hautes questions do la 
chirurgie, 1862. — Mémoire sur la diaclasie appliquée à Tankylose 
coxo-fémorale (Revue môd., t. II, p. 298), avec des faits démontrant 
la supériorité de cette méthode sur celle dite de Rhéa-Barton, 1862. 

— Mémoire sur une nouvelle méthode d'uréthrotomie interne^ dite 
à lame découverte, Acad, de méd,, 1862* — Clinique chirurgicale» 
Paris, 2 vol. in-8 de 800 pages, 1863-1864. — Mémoire sur les into- 
xications chirurgicales, Paris, in-8, 1867, — Méthode d'aspiration 
continue et ses avantages pour la cure des grandes amputations. 
Paris, in-8, 1 pL, 1867. — Dorniers perfectioniiemonts apportés i\ 
Turéthrotomie interne pour la cure radicale et instantanée des rétré- 
cissements de Turôthre. Paris, in-8, 1879. — Un très grand nombre 
de notes publiées dans la Gazette médicale, la Gazette des hôpitaux, 
les Archives gén. de médecine, les Annales do chirurgie^ le Moni- 
teur des hôpitaux, le Moniteur des Sciences, la Revue médicale, 
l'Abeille médicale, le Cosmos, etc. 

S. — Revue scientifique, 3 février 1900, Maisonneuve, par Paul 
Reclus, éloge prononcé à la Société de chirurgie le Ml janvier 1900, 

— Revue encyclopédique, n* 29, 1897, art. nécrol, par le D' Poirier. 

— Archives biographiques, 1859, portrait et notice. — Union médi- 
cale, 1855, n* 62, notice par A Latour — Labarthe, les Médecins do 
Paris, 1868. 



TABLE CHRONOLOGIQUE 



pages 

Avant propos xi 

ILLE-ET-VILAINE 

Martin, François (15. .-16. .) 1 

Bertrand, Nicolas (15.. -16..) 2 

Oarenqeot, René-Jacques-Croissant de (1688-1769) 2 

Des Portes, Jean Baptisto-René-Poupé (1704-1748) 4 

Allouel (1766-1788) 5 

La Mettrie, Julien-Offray de (1709-1751) 6 

Bkrtin, Exupère-Joseph (1712-1781) 11 

BussoN, Julien (1717-1781) 15 

Rêver d'Hermont, Bonaventure-Bemard (1738-an IV) 16 

Blin, François-Pierre (1756-1834) 16 

Le Hardy, Pierre (1758-1793) 19 

Duval, François-Louis (1760-1825) 20 

Freteau, Jcan-Marie-Nicolas (1765-1823) 22 

Bertin, René-Joseph-Hyacinthe (1767-1827) 23 

Le Gallois, Gésar-Julien-Jean (1770-1814) 24 

Broussais, François-Joseph-Victor (1772-1838 26 

Degland, Jean- Vincent- Yves (1773-1841) 56 

Bertin, Joseph-Marie (1774-1839) 56 

Ojutanceau, Godefroy-Barthélemy-Ange (1775-1837) 57 

LouYER-ViLLERMAY, Jeau-Baptiste (1776-1837) 59 

Bertrand, Alexandre-Jacques-François (1795-.') 60 

Broussais, Gasimir-Anno-Marie (1803-1847) 62 

COTES-DU-NORD 

Bagot, Jean-Louis (1728-1794) 65 

Lavergne, Louis (1756-1831) 66 

Bigeon, Louis François (1773-1848) 67 

MiRiEL, Jean-Joseph-Yves-Louis (1779-1829) 67 

Jobert, Antoine-Joseph (1802-1867) 68 

FINISTÈRE 

GouRMELEN, Etienne (1538-1593) 85 

llAcyrET, Baltazard (1739-1815) 86 

Laknnec, Guillaume-François (1748-1822) * ♦ 87 



198 TABLE CHRONOLOGIQUE 

Gilbert, Nicolns-Pierre (1751-1814) 90 

Amic, Jeon-Marie (1752-1819) 95 

Laônnec, René-Théodore-Hyacinthe (1781-1820) 95 

FouLLiOY, Louis-Muthurin (1790-1848) 118 

Boisseau, François-Gabriel (1791-1836) 119 

Raoul, Etienne-Louis (1815-1852) 122 

MORBIHAN 

AuBRY, Jean-Charles-Gilles (1751-1810) 127 

Guérin, Alphonse-Marie (181(5-1895) 127 

LOIRE-INFÉRIEURE 

HuNAULD, François-Joseph (1701 1742) 147 

Bernard, Jean (1701-1742) 148 

BoNAMY, François (1710-1786) 149 

Le Meignen, Ferdinand (1732-1803 150 

Grimaud, Jean-Charlcs-Guillaume de (n50-l'<î5i>) 151 

Darbepeuille, Jean-Baptiste- Augustin (1750-lî^31) 153 

Flamant, Pierre René (1762-1833) 156 

GoGUÉ, Jcan-Bapti£te (1709-1805) 157 

Brunet, Pierre (1770-1832) 158 

Palois, François-Vincent (1771-1847) 160 

Lecadre, Adolplie-Aimé (1803-18^^3) 101 

Chassai^ac, Edouard-Pierre-Marie (1804-lb''^l)j 173 

Maisonneuve, Jacques-Gilles (1809-1897) 180 



PORTRAITS 

Broussais VI 

JoBERT (de Lamballe) 09 

Laennec, René 94 

Guérin, Alphonse 120 

Maisonneuve 181 



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Havre. — Imprimerie Mlcaox, rue Jules-Lecesne, 20