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Full text of "Les merveilles de la locomotion"

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'^3 


BIBLIOTHÈQUE 

DES  MERVEILLES 


PUBLIEE  SODS  LA  DIRECTION 

DE    M.    EDOUARD    CHARTON 


LES  MERVEILLES 
DE   LA  LOCOMOTION 


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21960.  —  TARIS,  TYPOGRAPHIE  LAIIU!!E 
Rue  (If  FJeurus,  9 


BIBLIOTHÈQUE    DES    MERVEILLES 


LES  MERVEILLES 


DE 


LA    LOCOMOTION 


E.    DEHARME 


Deuxième  édition 


ILLUSTRÉE    DE    77    VIGNETTES  DESSINÉES  SUR  BOlb 

i  PAR 

B.    BONNAFOUX,   A.   JAHANDIER  ET   A.    MARIE 


PARIS 

LIBRAIRIE   HACHETTE    ET  C'« 

79,   BOULEVARD   SÂINT-GERMAIN,    79 

1878 

3roiU  de  propriété  et  de  traduction  réservé» 


LES  MERVEILLES 


LA    LOCOMOTION 


CHAPITRE    PREMIER 


Le  mouvement  et  l'attraction  universels.  —  Mouvements  des  minéraux,  des 
végétaux  et  des  animaux.  — Carinère  offerte  au  mouvement  de  l'homme, 
—  L'air  indispensable  à  tous  ses  mouvements. 


Tout  est  mouvement  dans  la  nature.  Que  nos  yeux 
se  dirigent  sur  la  terre  ou  s'élèvent  vers  le  ciel,  ils  ne 
voient  que  mouvement  et  progrès.  Ici,  des  transfor- 
mations géologiques,  des  îles  qui  s'abîment  et  des 
volcans  qui  jaillissent,  une  mer  immense  montant 
soir  et  matin  ;  des  graines  qui  germent  et  des  forêts - 
qui  s'élèvent  ;  et,  pour  régner  sur  ce  monde,  des  ani- 
maux qui  s'y  agitent  sans  cesse  ;  le  tout  emporté  dans 
l'espace  d'un  mouvement  régulier,  dont  nous  ne  pou- 
vons prévoir  la  fin.  Là  haut,  ce  sont  des  mondes  dont 


2  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

les  révolutions  s'exécutent  avec  la  môme  régularité  et 
dont  les  mouvements  sont  liés  à  celui  de  notre  planète 
comme  celui-ci  Test  aux  leurs,  tous  ces  mouvements 
enchaînés  par  cette  loi  fatale  que  la  chute  d'une 
pomme  a  révélé  au  génie  de  Newton  et  qui  s'appelle 
V attraction  universelle. 

Mais  tous  ces  mouvements  ne  sont  pas  de  même 
nature.  Des  différences  marquées  existent  entre 
eux  et  nous  font  apparaître  la  vie  sous  ces  divers 
aspects. 

Nous  voyons  les  corps  du  règne  minéral  (ils  sont 
70  à  peine)  s'unir  les  uns  aux  autres,  en  obéissant  à 
leurs  affinités  réciproques,  —  ces  affections  de  la  ma- 
tière, —  et  constituer  l'infmie  variété  de  corps  que  la 
chimie  et  la  minéralogie  apprennent  à  connaître. 
Nous  les  voyons  changer  de  forme  et  se  mouvoir, 
passer  d'un  état  d'équilibre  à  un  autre,  jaillir  en  gerbe 
au-dessus  du  sol,  bondir  en  cascades  ou  s'écouler  pai- 
siblement vers  rOcéan,  en  se  soumettant  aux  lois 
physiques  sur  lesquelles  repose  l'harmonie  de  l'uni- 
vers. Tous  ces  mouvements,  les  uns  passagers,  les 
autres  permanents,  ont  lieu  avec  une  passivité  abso- 
lue de  la  part  des  corps  qui  les  exécutent. 

Ce  caractère  se  modifie  dans  le  règne  végétal,  et  les 
mouvements  de  certaines  plantes  deviennent  instinc- 
tifs. C'est  ainsi  que  les  feuilles  se  dirigent  du  côté 
d'où  leur  viennent  l'air  et  le  soleil,  que  les  racines  se 
cramponnent  au  morceau  d'engrais  qui  leur  apporte 
une  nourriture  plus  riche  ;  qu'au  moment  de  la  flo- 
raison, les  étamines  embrassent  le  pistil  et  que  cer- 


I>TRODUCTION.  3 

taines  plantes  quittent  le  fond  des  eaux  pour  venir 
éclore  leur  fleur  à  la  surface. 

L'intelligence  enfin,  s'élevant  au-dessus  de  l'instinct 
aveugle,  se  révèle  chez  les  animaux,  et  c'est,  non-seu- 
lement dans  leurs  rapports  avec  l'homme,  mais  encore 
dans  leur  vie  privée  qu'on  en  voit  des  preuves  écla- 
tantes. Leurs  mouvements  ne  sont  plus  automatiques, 
ni  instinctifs,  ils  sont  raisonnes,  conscients. 

Au-dessus  de  ces  êtres  des  trois  règnes,  dont  les  dé- 
placements ne  sont  que  des  infiniment  petits  auprès 
des  mouvements  accomplis  dans  l'espace  par  les 
mondes  qui  les  portent,  s'élève  l'homme,  soumis  comme 
eux  aux  forces  naturelles  et  à  l'instinct  qui  les  guide, 
mais  possédant  à  un  degré  supérieur  l'intelligence  qui 
règle  chacun  de  ses  pas. 

Mais  cette  intelligence,  qui  étend  son  empire,  rend 
en  même  temps  ses  membres  impuissants  à  lui  en 
faire  parcourir  les  différentes  parties.  Ses  seuls  efforts 
ne  peuvent  le  conduire  bien  loin.  11  use  de  sa  supé- 
riorité sur  tous  les  êtres  de  la  création  pour  les  sou- 
mettre à  ses  volontés,  et,  si  les  animaux  eux-mêmes 
ne  le  servent  pas  assez  selon  ses  désirs,  il  asservit  les 
forces  naturelles,  les  dompte  comme  il  a  fait  de  ces 
animaux,  s'en  fait  souvent  un  levier  sur  lequel  il  s'ap- 
puie pour  courir  sur  la  terre  ou  pénétrer  dans  son 
sein,  pour  franchir  l'Océan  ou  s'enfoncer  dans  ses 
eaux,  ou  bien  enfin  pour  s'élever  dans  l'air. 

Être  supérieur  vis-à-vis  de  tous  les  autres  êtres  de 
la  création,  c'est,  il  est  vrai,  un  pygmée  vis-à-vis  du 


4  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Créateur  lui-même,  mais  un  pygmée  grandissant  sans 
cesse  et  pour  qui  le  progrès  est  une  loi  aussi  fatale 
que  le  mouvement  est  un  besoin  inné. 

Nous  nous  proposons  de  faire  connaître  dans  ce 
livre  les  moyens  les  plus  remarquables  employés  par 
l'homme  pour  se  mouvoir  sur  la  terre  ou  dans  la  terre. 

Tandis  que  la  plupart  des  animaux  ne  peuvent  vivre 
que  dans  un  milieu  spécial  el  peu  étendu,  l'homme 
est  moins  qu'aucun  d'eux  l'esclave  de  ses  habitudes. 
S'il  aime  ses  dieux  lares  et  le  ciel  de  sa  patrie,  il  peut 
cependant  changer  de  gite  et  de  climat  pour  son  in- 
térêt, pour  ses  plaisirs  même. 

Les  insectes  ont  chacun  leur  loge  secrète,  ceux-ci 
dans  la  terre,  ceux-là  dans  le  tissu  des  végétaux  ou 
des  animaux  ;  les  poissons  ne  peuvent  vivre  que  dans 
l'eau  :  froide  pour  ceux-ci,  tempérée  pour  ceux-là, 
douce  pour  les  uns,  salée  pour  les  autres,  calme  au 
sein  des  lacs,  açjitée  au  cours  des  torrents,  coulant  en 
mince  filet  dans  les  petits  ruisseaux,  dormant  en 
grande  masse  dans  les  bas-fonds  de  TOcéan.  Le  lion  et 
la  panthère  se  plaisent  au  désert,  l'ours  blanc  au  mi- 
lieu des  glaces  des  mers  polaires,  le  serpent  et  la 
chauve-souris  dans  l'atmosphère  lourde  et  viciée  des 
cavernes,  le  condor  dans  l'air  raréfié  des  plus  hauts 
pics  de  la  Cordillère  des  Andes;  c'est  enfin  pour  vivre 
toujours  dans  une  atmosphère  plus  douce  que  l'hiron- 
delle regagne  à  l'approche  de  l'hiver  les  pays  du  soleil 
et  revient,  avec  les  feuilles,  faire  son  nid  sous  le  toit 
qui  l'a  abritée  pendant  ses  premières  années. 


I^'TRO  DICTION.  5 

Les  grandes  agglomérations  humaines  se  sont  fixées 
dans  les  pays  tempérés,  mais  les  régions  équatoriales 
et  polaires  sont  aussi  habitées,  et  si  l'Abyssin  et  le 
Lapon  ne  quittent  pas  leur  pays,  ils  sont  visités  sou- 
vent par  les  Européens.  L'homme  se  lance  sans  crainte 
sur  l'Océan,  et  s'il  ne  peut,  comme  les  sirènes,  vivre 
avec  la  même  facilité  dans  l'eau  que  dans  l'air,  il  sait 
plonger  au  sein  de  la  masse  liquide  pour  y  cueillir  le 
corail  et  les  huîtres  perlières  aussi  aisément  qu'il  s'en- 
fonce dans  la  terre  à  la  recherche  du  charbon  et  des 
métaux  précieux.  Grâce  aux  procédés  ingénieux  qu'il 
emploie  pour  varier  ses  vêtements  et  sa  demeure,  il 
vit  dans  l'air  humide  des  mines  comme  dans  l'air  com- 
primé du  scaphandre  ou  dans  l'air  raréfié  des  hautes 
régions  de  l'atmosphère  ^ 

Avec  de  l'air  en  provision,  il  peut  tout  braver  :  les 
miasmes  délétères  des  exploitations  souterraines,  l'in- 
connu des  vallées  sous-océaniques,  le  feu  même. 


*  Hauteur  comparée  de  quelques  lieux  habiles  : 


mèlres. 

nièlrcs. 

.    .    .         âMi 

Quito  (Am.  Sud)  .    .    . 
Bogota  (.\m.  Sud).  .    . 

29'5 

Maison  de  poste  d' 

Apo  (Am 

.    .     2601 

Sud) 

4382 

Hosnirp  rlii  rirnii(l-*sn!nf-Tîpr- 

Tacora  (Am.  Sud). 

4175 

nanl  (Europe)  .    .    . 

.    .     2475 

Gya  (Asie).   .    .    . 

4129 

Sainl-Veran  (rranco)  . 

.    .     2040 

Potosi(Am.  Sud). 

4105 

Zermatt  (Europe^ .    .    . 

.   .     1618 

Mouktinath  (Asie). 

, 

4012 

Gavarnie  (Franco).  .    . 

.    .     1555 

La  Paz  (Am.  Sud  . 

3726 

Briançon  (France).  .    . 

.    .     1521 

L'Hassa  (Asie)  .    . 

. 

5563 

Madrid  (Europe)  .    .    . 

.    .       608 

Ouadula  (Al'riqun). 

. 

2026 

Vr.ih  (Scir.e,  à  l"cli:!gf) 

.    .        20 

6  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

I.    —   LA    LOCOMOTION    SUR    LA  TERRE. 

A.  —  Insuffisance  de  l'appareil  locomoteur  de  l'homme.  —  Les  animaux 
moteurs.  —  Origine  de  la  voilure.  —  Le  traîneau. 

Pour  des  courses  lono^ues  et  souvent  aventureuses, 
les  jambes  de  l'homme  sont  trop  fragiles  et  trop 
courtes,  et  celles  des  animaux  doivent  lui  venir  en 
aide.  Le  chameau  sert  de  monture  et  de  bête  de 
somme,  le  bœuf  est  béte  de  trait,  et  le  cheval  sert  à 
la  fois  aux  deux  usasses. 

A  côté  de  ces  animaux  viennent  s'en  placer  quel- 
ques autres,  utilisés  seulement  en  certains  pays,  ou 
consacrés  à  des  usages  spéciaux  :  l'àne  et  le  mulet 
auxiliaires  du  cheval,  mais  moins  forts  et  rendant  de 
moindres  services;  l'hémione  remplaçant  ce  dernier 
dans  rinde  ;  le  yack  et  le  bison,  parents  du  bœuf  et 
qui  peuvent  le  suppléer  dans  certains  cas  ;  l'éléphant 
servant  de  monture  dans  l'Inde,  le  chameau  dans  le 
désert  et  l'autruche  dans  quelques  parties  de  l'Afrique; 
le  renne  et  le  chien  enfin,  les  bêtes  de  trait  des  pays 
glacés. 

Tels  sont,  en  résumé,  les  animaux  dont  l'homme  a 
emprunté  le  secours.  Les  plus  puissants  d'entre  eux 
ne  portant  encore  que  des  charges  bien  faibles,  il  a 
fallu,  pour  le  transport  des  lourds  fardeaux,  recourir  à 
la  voiture. 

C'est  à  Cyrus  que  l'invention  en  est  généralement 
attribuée  ;  mais  il  est  très-permis  de  croire  que  l'emploi 
des  roues  est  de  beaucoup  antérieur  à  lui  et  l'on  peut 


LA  LOCOMOTION  SUR  LA  TERRE.  9 

rechercher  quels  ont  été  les  faits  ou  les  idées  qui  ont 
dû  conduire  à  cette  simple  découverte.  Il  est  vraisem- 
blable que,  ne  pouvant  charger  telle  bête  de  somme 
de  tout  le  fardeau  qu'il  avait  à  lui  imposer,  l'homme 
aura  imaginé  de  le  lui  faire  tirer.  De  là  le  traîneau, 
qui,  selon  toute  probabilité,  a  été  le  point  de  départ 
de  la  voiture.  Quelques  pierres  auront  été  placées  sous 
le  véhicule  improvisé,  peut-être  même  des  pièces  de 
bois  de  forme  arrondie,  des  rouleaux  enfin,  différant 
peu  de  ceux  qui  servent  dans  nos  chantiers  de  con- 
struction actuels  pour  le  transport  des  lourds  maté- 
riaux, pierre,  bois  ou  fer;  et  des  rouleaux  à  la  roue, 
la  transition  est  simple.  La  roue  n'est  qu'une  tranche 
du  rouleau,  rendue  plus  légère  par  des  évidements 
intelligemment  ménagés,  et  plus  résistante  par  la  fer- 
rure destinée  à  la  garantir  de  l'usure  et  des  chocs  pro- 
duits par  les  inégalités  du  chemin. 

Cette  série  d'hypothèses,  d'ailleurs  très-naturelles, 
se  trouve  parfaitement  justifiée  par  la  forme  des  roues 
des  premiers  chars  dans  l'antiquité,  forme  rudimen- 
taire  que  l'on  retrouve  encore  aujourd'hui,  dans  toute 
sa  simplicité,  aux  roues  des  chariots  catalans.  Ces 
roues  sont  de  simples  disques  ferrés,  ayant  4  ou  5  cen- 
timètres de  largeur,  assujettis  d'une  façon  grossière 
au  véhicule  qu'ils  supportent  et  produisant  dans  les 
chemins  montueux  des  Pyrénées  un  bruit  strident  et 
criard  que  prolonge  encore  la  lente  allure  des  bœufs 
qui  y  sont  attelés. 

Le  traîneau,  cet  état  primitif  du  plus  somptueux  de 
nos  carrosses  ou  de  nos  wagons  d'aujourd'hui,  est 


40  LES  MEUYEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

d'ailleurs  utilisé  avec  avantage  dans  plusieurs  pays,  et 
notamment  dans  les  contrées  septentrionales  et  dans 
les  pays  de  montagnes. 

Dans  les  contrées  septentrionales ,  deux  raisons 
principales  en  ont  maintenu  et  en  maintiendront 
l'usage  :  la  dureté  de  la  terre  glacée  et  l'absence  ou 
la  rareté  des  voies  de  communication.  Quel  que  soit 
l'objet  qu'on  ait  à  faire  mouvoir  sur  le  sol,  on  favori- 
sera son  mouvement  en  réduisant  le  frottement  qui  se 
produit  lorsqu'on  cherche  à  ie  déplacer,  frotlement 
qui  dépend  tout  d'abord  de  la  nature  des  surfaces  en 
contact.  Le  sol  glacé  des  pays  du  Nord  se  prête  mer- 
veilleusement à  ce  déplacement.  Les  surfaces  du  patin 
et  du  sol  acquièrent  par  l'usage  un  poli  essentiellement 
favorable  au  mouvement.  Qu'arriverait-il  si  des  roues 
étaient  substituées  aux  longs  patins  de  gUssemcnt? 
Elles  pénétreraient  dans  la  neige  au  lieu  de  rester  à  la 
surface  et  deviendraient  un  obstacle  à  la  marche.  Le 
véhicule  procéderait  par  ressauts  et  par  saccades,  se 
fatigant  lui-même,  fatigant  ceux  qui  y  seraient  placés 
et  la  bête  qui  le  tirerait.  Le  traîneau,  en  abaissant 
le  centre  de  gravité  du  véhicule  presque  au  niveau 
du  sol,  et  en  lui  fournissant  une  large  base  de  sus- 
tentation, empêche  ces  accidents  de  se  produire.  Le 
traîneau  passe  partout,  la  roue  sur  les  bons  chemins 
seulement. 

Tout  le  monde  connaît  le  sabot  qu'employaient  nos 
anciennes  diligences.  A  la  montée  d'une  côte,  tous  le^ 
voyageurs  descendaient  et  suivaient  au  pas  le  véhicule 
pesamment  chargé.  Au  sommet,  on  remontait  en  voi- 


Il 


LA  LOCOMOTION  SUR  LA  TERRE.  13 

ture,  le  Soibot  était  assujetti  sous  l'une  des  roues  de 
derrière  pour  descendre  le  versant  et  les  chevaux  par- 
taient. La  voiture  devenait  momentanément  un  traî- 
neau :  trois  des  roues  con'ê'ervaient  leur  liberté  et  le 
frottement  de  roulement  de  la  quatrième  était  trans- 
formé en  frottement  de  glissement.  C'est  en  traîneau 
qu'on  faisait  une  partie  de  la  traversée  du  Mont-Cenis, 
avant  que  le  chemin  de  fer  de  Fell,  qui  a  précédé 
l'ouverture  du  souterrain,  fût  établi. 

Les  forêts,  dans  les  pays  de  montagnes,  sont  exploi- 
tées de  la  sorte.  De  jeunes  arbres,  ou  même  des  bran- 
ches à  peine  dégrossies,  réunis  par  quelques  liens 
tordus,  servent  à  improviser  un  traîneau,  qui  est  dé- 
membré à  l'arrivée  ou  que  le  charbonnier  remonte 
sur  ses  épaules.  Le  lit  d'un  ravin  est  le  chemin  suivi; 
les  pierres  roulent  sous  le  véhicule  et  descendent  avec 
lui. 

D'autres  fois,  ce  sont  des  rondins  de  sapin  couchés 
en  travers  de  la  percée  ouverte  au  milieu  du  bois  et 
fixés  au  sol  par  des  piquets  placés  à  leurs  deux  extré- 
mités. Tels  sont  les  chemins  de  schlitt  qui  servent  à 
l'exploitation  des  forêts. 

C'est  en  traîneau  qu'on  fait  parcourir  aux  touristes 
certains  passages  rapides  des  Alpes  ou  des  Pyrénées. 
Une  de  ces  descentes  renommées  est  celle  de  Brame- 
Farine,  près  d'AUevard,  dans  le  département  de 
l'Isère. 

A  Madère,  la  circulation  s'effectue  de  la  manière  la 
plus  pittoresque  :  toujours  à  cheval  ou  en  traîneau. 
Quand  il  s'agit  de  monter,  les  traîneaux  sont  tirés  par 


14  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

des  bœufs;  pour  descendre,  les  frêles  véhicules  sont 
lancés  sur  les  pentes,  conduits  et  à  peine  retenus  à 
l'arrière  à  l'aide  de  cordes  par  un  ou  plusieurs  guides 
dont  les  principaux  efforts  consistent  à  éviter  les 
chocs  aux  tournants,  parfois  très-brusques. 

Avant  de  décrire  la  première  de  ces  voitures  à  roues 
dont  l'invention  a  été  un  progrès  considérable  demeuré 
sans  date  dans  l'histoire  de  la  locomotion,  arrêtons- 
nous  pour  esquisser  rapidement  les  faits  si  intéressants 
qui  expliquent  l'avantage  de  la  voiture  sur  le  traîneau, 
puis  du  wagon  de  nos  chemins  de  fer  sur  la  voiture 
elle-même. 


B.  —  Frottement  entre  le  véhicule  et  la  voie  qui  le  porte.  —  Le  dé  et  la 
bille  d'ivoire.  —  Frottement  de  glissement  et  de  roulement.  —  Ce  qu'on 
sait  des  lois  du  frottement.  —  Difficultés  inhérentes  aux  observations.  — 
hnpressionnabililé  de  la  matière.  —  Moyens  de  diminuer  le  frottement. 
—  Lubrifaction  des  parties  frottantes.  —  Accroissement  du  diamètre  des 
roues. 


Tous  les  progrès  de  la  locomotion  reposent  sur  les 
améliorations  apportées  aux  deux  surfaces  en  contact 
durant  le  mouvement  :  patin  et  roue  d'une  part, 
chaussée  ou  rail  d'une  autre.  Les  améliorations  intro- 
duites dans  la  construction  du  véhicule  lui-même 
n'ont  été  que  la  conséquence  des  premières.  L'emploi 
de  la  vapeur  comme  moteur  a  marqué  une  nouvelle 
étape  que  nous  décrirons  avec  tous  les  développements 
qu'elle  comporte. 

Lorsqu'on  examine  à  la  loupe  les  objels  les  mieux 
polis,  on  aperçoit  à  leur  surface  une  innombrable 
quantité  d'aspérités  et  de  cavités,  qui  forment,  entre 


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/  / 


LA  LOCOMOTION  SUR  L.\  TERRE.  17 

deux  objets  rapprochés,  comme  autant  de  petites  dents 
d'engrenage  s'enchevêtrant  les  unes  dans  les  autres. 
Chacun  des  deux  objets  agit  sur  celui  qui  lui  est  opposé 
comme  un  morceau  de  pierre  ponce  sur  la  main.  Il  y  a 
entre  eux  : 

1°  Production  d'une  résistance  au  mouvement  qu'on 
veut  déterminer  et  qui  est  le  frottement; 

2°  Destruction  des  aspérités  existantes ,  polissage 
des  surfaces,  d'où  usure. 

C'est  l'effet  qui  se  produit  lorsqu'on  pousse  un  dé 
d'ivoire  sur  le  drap  d'un  billard.  L'impulsion  cessant, 
le  dé  s'arrête  ;  mais  si  nu  ^é  on  substitue  une  bille,  la 
moindre  impulsion  produit  un  mouvement  qui  se  pro- 
longe encore  après  que  l'action  a  cessé  d'être  exercée. 
Le  frottement  n'est  pas  détruit,  il  est  seulement  ré- 
duit par  le  changement  de  forme  de  la  surface.  Dans 
le  premier  cas,  û -^  Si\àii  frottement  de  glissement  ; 
dans  le  second,  il  y  a  frottement  de  roulement. 

Si,  au  lieu  de  placer  cette  bille  d'ivoire  sur  une 
table  recouverte  de  drap,  nous  la  plaçons  sur  une  table 
polie  de  bois  ou  de  métal,  une  impulsion  bien  moindre 
que  la  première  suffira  à  lui  faire  parcourir  le  même 
chemin. 

Ces  faits,  tout  simples  et  tout  familiers,  que  nous 
venons  d'observer  sur  une  petite  échelle,  se  produisent 
en  grand. 

Qu'un  traîneau  glisse  sur  le  sol,  qu'une  voiture 
roule  sur  une  chaussée,  ou  un  wagon  sur  des  rails, 
qu'un  bateau  se  meuve  sur  l'eau  ou  un  ballon  dans 
l'air,  il  y  a  frottement.  Une  force  se  développe,  au 

2 


18  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

moment  où  le  mouvement  commence,  de  la  part  du 
sol,  de  Teau  ou  de  l'air  avec  lequel  le  véhicule  est  en 
contact.  Elle  est  faible,  presque  insignifiante  dans 
l'air,  elle  est  plus  grande  dans  l'eau  ou  à  sa  surface, 
et  prend  des  valeurs  très-diverses  et  parfois  considé- 
rables sur  le  sol.  En  somme,  on  peut  dire,  d'une  ma- 
nière générale,  que  toutes  les  fois  que  deux  corps,  en 
contact,  viennent  à  être  animés  de  vitesses  variables, 
—  ou  l'un  d'une  certaine  vitesse,  l'autre  restant  à 
l'état  de  repos,  —  il  se  produit  une  force  retardatrice 
du  mouvement,  et  il  y  a  frottement. 

Quelles  sont  les  lois  du  frottement?  Les  géomètres 
et  les  ingénieurs  ont  cherche  beaucoup  et  longtemps, 
et  cherchent  encore,  car  les  opinions  les  plus  opposées 
se  sont  produites.  Nous  n'avons  pas  l'intention  de  les 
relater  toutes  ici  ;  mais  il  convient  d'indiquer  les  faits 
principaux,  ceux  sur  lesquels  on  est  généralement 
tombé  d'accord  et  qui  sont,  par  suite,  hors  de  con- 
teste. 

Amontons  est  le  premier  qui  s'occupa  de  la  recherche 
des  lois  du  frottement.  Il  se  servait,  pour  ses  expé- 
riences, d'un  plan  mobile  autour  d'une  charnière 
et  dont  il  faisait  varier  l'inclinaison.  Mais  les  résultats 
auxquels  il  fut  conduit  paraissent  contradictoires. 
Coulomb,  en  1781,  reprit  ces  recherches. 

Sur  deux  madriers  horizontaux  juxtaposés  il  fixait 
un  troisième  madrier  en  chêne,  long  de  8  pieds,  large 
de  16  pouces.  Un  traîneau,  en  forme  de  caisse,  de 
18  pouces  de  large,  qu'il  chargeait  de  poids,  pouvait 
glisser  sur  ce  dernier  madrier,  et  le  parcourir  dans  sa 


LA  LOCOMOTION  SUR  LA  TERRE.  l'J 

longueur.  Une  corde  flexible,  «ntlachée  au  traîneau, 
venait,  dans  une  direction  horizontale,  s'enrouler  sur 
la  gorge  d'une  poulie  très-mobile.  Un  plateau  attaché 
à  son  extrémité  recevait  des  poids  et  pouvait  descendre 
dans  un  puits  de  4  pieds  de  profondeur.  Les  poids, 
successivement  placés  dans  le  plateau,  déterminaient 
le  mouvement  du  traîneau.  Un  pendule,  battant  les 
demi-secondes,  permettait  d'étudier  ainsi  la  loi  du 
mouvement.  La  nature  et  l'étendue  des  surfaces  frot- 
tantes, modifiées  tour  à  tour,  donnaient  le  moyen  de 
varier  à  l'inhui  les  conditions  de  ces  expériences. 

Le  général  Morin,  en  1851,  M.  J.  Poirée,  en  1851, 
M.  Bochet,  en  1856  d'abord,  puis  en  1861,  ont  repris 
et  étendu  les  études  commencées  par  Coulomb. 

On  admettait,  avant  les  travaux  de  ces  deux  der- 
niers ingénieurs,  que  le  frotlement  était  proportion- 
nel à  la  pression  normale  que  les  surfaces  exercent 
l'une  sur  l'autre,  qu'il  variait  selon  la  nature  et  l'état 
des  surfaces  en  contact,  et  qu'il  était  indépendant  de 
la  vitesse  et  de  l'étendue  de  ces  surfaces. 

M.  Poirée  a  démontré  que,  pour  des  vitesses  supé- 
rieures à  4  ou  5  mètres  par  seconde,  le  frottement  di- 
minuait à  mesure  que  la  vitesse  augmentait. 

Dans  un  mémoire  fort  intéressant,  et  à  la  suite  de 
nomb  euses  expériences  exécutées  sur  le  chemin  de 
fer  de  l'Ouest  avec  un  wagon-traîneau  du  système 
Didier,  M.  Bochet  a  réfuté  les  premières  lois  admises 
et  a  conclu  : 

1"  Que  le  frottement  diminue  à  mesure  que  la  vi- 
tesse augmente  ; 


20  LES  :.IERV£ILLES  DE  LA  LOCO:,IOTIO>'. 

2°  Que  le  frottement  n'est  plus  proportionnel  à  la 
pression  et,  par  suite,  n'est  plus  indépendant  de  I'q- 
tendue  des  surfaces  frottantes,  dès  que  la  pression 
cesse  d'être  petite  ; 

o*'  Qu'il  n'y  à  pas,  en  général,  de  frottement  spé- 
cial au  départ. 

Ces  nouvelles  lois  viennent  renverser  les  opinions 
précédemment  admises.  Est-ce  à  dire,  pour  cela, 
qu'elles  sont  la  dernière  expression  de  la  vérité  et 
qu'elles  ne  souffriront  pas  de  modifications?  Nous 
n'oserions  pas  l'aftirmer. 

On  ne  peut  se  faire  une  idée  exacte  des  difficultés 
qui  entourent  l'exécution  de  ces  expériences  :  les 
circonstances,  qui  semblent  les  plus  insignifiantes, 
exercent  souvent  une  influence  considérable,  qui 
échappe  même  aux  yeux  les  plus  perspicaces,  à  l'at- 
tention la  plus  vigilante.  L'observation  de  ces  phé- 
nomènes, où  la  constitution  moléculaire  des  corps  est 
immédiatement  en  jeu,  présente  bien  autrement  d'ob- 
slacles  que  celle  des  faits  chimiques  où  les  qualités  et 
les  aftînités  particulières  de  ces  mêmes  moliécules  se 
révèlent. 

Nombre  d'opérations,  exécutées  dans  des  condi- 
tions en  apparence  complètement  identiques ,  don- 
nent des  résultats  différents  et  déroutent  l'expérimen- 
tateur ;  nous  disons  :  en  apparence  identiques,  car  nos 
yeuxod  nos  moyens  de  mesure  ou  de  contrôle  doivent 
nous  égarer.  Les  deux  morceaux  de  fer  que  nous  fai- 
sons frotter  l'un  contre  l'autre,  bien  qu'ils  soient  pris 
dans  une  masse  que  nous  croyons  homogène  et  qui  a 


LA  LOCOMOTION  Sl'R  LA  TERRE.  21 

subi  les  mêmes  opérations  préparatoires,  peuvent  pré- 
senter, et  présentent  sans  cloute,  des  différences  de  con- 
texture  que  nous  ne  pouvons  saisir.  Les  fibres  de  tel 
morceau  de  bois  ne  sont  pas  dirigées  comme  celles  de 
tel  autre;  les  parties  tendres  sont  plus  nombreuses 
dans  celui-ci  que  dans  celui-là  ;  l'état  hygroscopique 
des  deux  échantillons  est  différent.  En  somme,  17<o- 
mogénéite\  Videntité,  dans  le  sens  le  plus  absolu  et 
le  plus  général  que  l'on  accorde  à  ces  deux  mots, 
n'existent  pas.  Les  différences  constatées  n'offrent 
donc  rien  de  surprenant. 

Il  en  est  absolument,  de  ce  qui  se  passe  entre  ces 
deux  morceaux  de  matière,  comme  de  ce  qui  se  pro- 
duit entre  deux  individus  de  mœurs,  de  caractères 
et  d'esprits  bien  définis  et  entraînés  dans  une  action 
commune.  Il  n'est  pas  douteux  que  les  circonstances 
les  plus  inappréciables  peuvent  agir  sur  l'un  et  l'autre 
ou  sur  l'un  des  deux  seulement,  et  modifier  d'une 
manière  très-sensible  le  résultat  qu'ils  poursuivent 
de  concert?  Est-il  déraisonnable  de  croire  que  des 
influences  d'une  autre  nature,  mais  tout  aussi  bien 
modificatrices,  aient  pu  agir  sur  la  constitution  molé- 
culaire des  deux  échantillons  mis  en  contact,  et  n'est- 
il  pas  permis  de  supposer  à  ces  atomes  matériels  et 
inertes  une  impressionnabilité  que  nous  constatons 
chez  les  êtres  vivants  et  matériels  aussi? 

Lorsque  nous  modifions,  par  l'interposition  d'un 
nouveau  corps  ou  par  une  altération  quelconque  des 
surfaces  en  contact,  les  conditions  de  ces  expériences, 
nous  obtenons  les  résultats  les  plus  divers.  Des  aspé- 


22  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

rites,  des  stries,  l'application  sur  l'une  des  surfaces 
de  bandes  de  cuir  ou  de  caoutchouc,  en  multipliant 
les  points  de  connexion  et  d'enclievètrement,  créent 
un  obstacle  au  mouvement,  tandis  que  l'interposition 
d'un  corps  gras,  de  plombagine  ,  de  suif  ou  de  telle 
ou  telle  huile,  en  unissant  et  en  polissant  les  surfaces 
rapprochées,  diminue  le  frottement.  De  là,  l'avantage 
que  l'on  retire  de  l'emploi  des  matières  lubrifiantes. 

Le  cri  strident  des  chars  catalans,  dont  nous  avons 
parlé,  celui  de  toutes  les  voitures  dont  les  roues  sont 
insuffisamment  graissées,  résultent  d'une  attaque  plus 
ou  moins  profonde  des  surfaces  en  contact.  Ce  grin- 
cement est  accompagné  d'un  échauffement  de  ces  sur- 
faces, qui,  s'il  n'y  est  porté  remède,  peut  avoir  les 
conséquences  les  plus  graves. 

Les  faits  que  l'on  constate  dans  l'étude  du  frotte- 
ment de  glissement  s'observent  dans  celle  du  frotte- 
ment de  roulement,  mais  avec  cette  différence  qu'ils 
sont  moins  accusés.  Les  aspérités  de  la  surface  rou- 
lante s'engagent  dans  les  cavités  de  la  surface  fixe  et 
réciproquement,  et  le  mouvement  s'opère  sans  déter- 
miner ces  arrachements  et  ces  érosions  particulaires 
qui  constituent,  en  grande  partie,  le  frottement  et  qui 
exigent  sans  cesse,  de  la  part  du  moteur,  une  produc- 
tion de  force  additionnelle.  Les  deux  surfaces  s'épou- 
sent successivement  l'une  l'autre,  les  petites  aspérités 
abandonnent  leur  mutuelle  étreinte  avec  d'autant  plus 
de  facilité  qu'elles  se  sont  plus  facilement  réunies, 
et  que  la  pénétration  a  eu  lieu  dans  une  direction 
plus  normale  à  la  surface  fixe,  ou  que  le  diamètre 


LA  LOCOMOTION  SUR  LA  TERRE.  23 

de  la  surface  roulanle  a  été  choisi  de  plus  grande 
dimension. 

L'accroissement  du  diamètre  des  roues  des  véhi- 
cules, est,  en  effet,  le  but  vers  lequel  tendent  les 
constructeurs ,  mais  divers  obstacles  les  arrêtent, 
entre  autres  l'instabilité  de  la  machine  de  transport, 
accrue  par  l'élévation  de  son  centre  de  gravité.  Ils 
cherchent  alors  des  artifices  pour  abaisser  la  charge, 
ils  la  placent  parfois  en  dessous  des  essieux,  ainsi  que 
cela  s'est  fait  pour  certaines  voitures  et  pour  quelques 
fardiers,  destinés  au  transport  des  matériaux  de  con- 
struction :  ils  réalisent  ainsi  des  combinaisons  plus  ou 
moins  ingénieuses,  et  qui  répondent  d'une  manière 
plus  ou  moins  satisfaisante  à  des  besoins  déterminés. 


C.  —  La  voie.  —  Chaussées  empierrées,  pavées,  à  ornières  de  bois  et  de 
mélaL  —  Les  anciennes  voies  de  communication.  —  Les  chaussées  ro- 
maines, les  chaussées  de  Brunehaut.  —  Les  rues  sous  Philippe  Auguste 
et  les  voies  sous  Colbcrt.  —  Les  routes  impériales,  départementales;  les 
chemins  vicinaux  et  ruraux.  —  Importance  de  la  circulation.  —  Le  per- 
sonnel des  ponts  et  chaussées  et  celui  des  chemins  de  fer.  —  Ce  que 
coûte  un  ingénieur  des  ponts  et  chaussées  et  des  mines,  d'après  M.  Fia- 
chat. 


Des  préoccupations  de  l'ingénieur,  la  principale  est 
celle  qui  a  pour  objet  la  diminution  des  aspérités  des 
deux  surfaces  en  contact.  Tel  est  le  but  que  remplis- 
sent les  cercles  garnissant  les  roues  des  véhicules, 
les  semelles  métalliques  fixées  aux  patins  des  traî- 
neaux. Pour  diminuer  les  aspérités  de  la  surface  de 
roulement,  on  emploie  les  pavés  de  granit  ou  de  grès, 
ou  les  cailloux  fichés  dans  une  forme  incompressible^ 
en  sable  et  que  les  lourdes  charges  et  les  temps  aller- 


24  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

nalivcment  secs  et  pluvieux  ne  peuvent  facilement 
déformer.  On  choisit  les  cailloux  de  la  meilleure  qua- 
lité pour  les  chaussées  empierrées  ou  macadamisées, 
et  avant  de  les  livrer  à  la  circulation  des  voitures, 
on  a  soin  d'en  comprimer  la  surface  à  l'aide  de  ces 
rouleaux  tantôt  en  pierre,  tantôt  en  métal,  chargés 
de  sable,  de  pavés  ou  d'eau  et  que  remorquent  péni- 
blement de  longs  attelages  de  chevaux,  ou,  plus  aisé- 
ment, une  machine  à  vapeur  superposée.  A  cette 
chaussée  imparfaite,  aux  ornières,  aux  aspérités  ou 
aux  dépressions  plus  ou  moins  profondes,  on  substitue 
des  poutres  ou  longrines  en  bois,  des  morceaux  de 
fonte  ou  des  lames  de  fer  et  d'acier,  et  on  a  le  merveil- 
leux moyen  de  transport  qui  s'appelle  un  chemin  de  fer. 

Adieu  les  durs  cahots  avec  les  vieilles  pataches 
dans  les  mauvais  chemins  !  adieu  la  musique  des 
grelots  au  collier  des  chevaux,  interrompue  de  temps 
en  temps  par  les  coups  de  fouet  du  postillon  ou  par  la 
trompette  du  conducteur!  adieu  ces  relations  qui  se 
nouaient  au  cours  du  voyage  et  se  prolongeaient  par- 
fois après  lui!  On  ne  met  plus  que  dix  heures  au  lieu 
de  onze  jours,  pour  aller  de  Paris  à  Strasbourg.  Quel- 
ques coups  de  sifflet  et,  comme  en  un  songe,  durant 
une  nuit,  on  passe  du  Nord  au  Sud  ou  du  Levant  au 
Couchant. 

Yoyez-vous  ce  tombereau  qui  ne  contient  qu'une 
tonne  de  cailloux?  Un  cheval  a  peine  à  le  tirer  sur 
cette  route  bien  entretenue.  Voyez  à  côté  :  un  même 
cheval  fait  avancer  sur  ces  rails  un  wagon  chargé  de 
8  à  10  tonnes. 


U  LOCOMOTION  SUR  LA  TERRE.  25 

Mais  les  rails  de  fer  n'offrent  pas  de  garanties  de 
durée  suffisantes  lorsque  la  voie  est  très-inclinée  et 
doit  résister  à  l'usage  réitéré  des  freins  ou  au  passage 
fréquent  de  lourdes  charges.  Dans  ce  cas,  on  les  rem- 
place par  des  rails  d'acier. 

Les  progrès  de  la  carrosserie  et  du  charronnage, 
nous  le  verrons  plus  loin,  sont  contemporains  des 
progrès  apportés  à  la  construction  des  chemins  et  des 
routes,  et  le  degré  de  civilisation  d'un  peuple  est  en 
rapport  intime  avec  l'état  de  ses  voies  de  communi- 
cation. Que  l'on  considère  les  pays  excentriques  de 
notre  Europe  :  la  Russie,  la  Turquie,  et,  sans  aller 
chercher  si  loin,  l'Espagne,  dont  nous  connaissons  les 
chemins  par  les  récits  de  Théophile  Gautier  et  les 
dessins  de  Gustave  Doré.  Ne  Irouve-t-on  pas  les 
mêmes  ornières  à  l'esprit  qu'à  la  chaussée  ?  Le  chemin 
de  fer  a  contribué  à  faire  le  dix-neuvième  siècle.  Sans 
lui,  nous  n'aurions  pas  accompli  ces  progrès  rapides 
que  tout  le  monde  admire. 

Qu'on  ne  se  méprenne  pas  cependant  sur  l'impor- 
tance du  rôle  que  peut  jouer  un  chemin  de  fer  et 
qu'on  ne  le  croie  pas  capable  d'opérer  des  transfor- 
mations dans  un  pays  qui  n'offre  des  ressources  ni  par 
l'esprit  ou  l'industrie  de  ses  habitants  ,  ni  par  la 
richesse  ou  la  fertilité  de  son  sol.  C'est  pour  avoir 
cru  à  la  possibilité  de  semblables  transformations  que 
de  nombreux  chemins  de  fer,  construits  en  pays 
étranger,  n'ont  produit  d'autre  résultat  que  la  ruine 
de  ceux  qui  les  avaient  entrepris,  sans  changer  d'une 
manière  notable  la  face  des  pays  déshérités  qui  en 


23  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

avaient  été  dotés.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas,  d'ail- 
leurs, à  cette  question  économique  qui  nous  ferait 
sortir  de  notre  sujet  et  n'a  d'ailleurs  rien  que  de  très- 
facile  à  expliquer. 

Les  anciens  avaient  bien  compris  tout  l'intérêt  que 
peuvent  offrir  de  bonnes  voies  de  communication.  Ils 
employaient  à  leur  construction  les  peuples  vaincus, 
et  les  établissaient  avec  une  telle  solidité  qu'on  en 
retrouve  encore  aujourd'hui  quelques-unes  en  parfait 
état  de  conservation.  Les  Voies  Romaines  étaient  re- 
marquables par  leur  beauté  et  leur  solidité.  Elles 
étaient  formées  de  blocs  énoi  mes  de  pierre  de  taille, 
parfois  superposés,  reposant  sur  une  couche  épaisse 
de  béton,  c'est-à-dire  de  pierres  cassées  réunies  entre 
elles  par  un  ciment  très-résistant.  Si  nos  pères  ne 
connaissaient  pas  les  causes  de  l'hydrauhcité  des 
chaux  et  des  ciments  révélées  par  Yicat,  ils  connais- 
saient du  moins  les  mélanges  capables  d'acquérir  par 
le  temps  une  dureté  comparable  à  celle  de  la  pierre 
la  plus  dure. 

En  première  ligne,  étaient  les  voies  consulaires, 
prétoriennes  ou  militaires  destinées  au  passage  des 
armées  ;  puis  les  voies  secondaires.  Leur  largeur, 
d'ailleurs  variable,  atteignait  60  pieds  romains 
(17  mètres).  Les  voies  secondaires  étaient,  à  propre 
ment  parler,  les  routes  du  commerce.  Leur  largeur 
excédait  rarement  5  mèlres.  Tenaient  ensuite  Vactus, 
dont  la  largeur  moyenne  était  moindre  de  moitié, 
Viter,  per  quod  itur^  à  pied  ou  à  cheval ,  enfin  le 
semi  iter,  semila,  simple  sentier  de  piétons. 


LA  LOCOMOTION  SUR  LA  TERRE.  27 

Les  plus  célèbres  voies  qui  nous  restent  de  l'anti- 
quité sont  celles  qu'on  connaît  sous  les  noms  de  voies 
Appienne,  Aurélienne,  Flaminienne,  etc.  La  voie 
Appienne  doit  son  nom  au  censeur  Appius  Claudius 
(511  avant  J.-C),  qui  la  prolongea  jusqu'au  delà  de 
Capoue ,  sur  une  longueur  de  142  milles.  La  voie 
Aurélienne,  la  première  qui  ait  été  conduite  d'Italie 
en  Gaule,  menait  de  Rome  à  Arles  en  longeant  la 
Méditerranée.  Elle  desservait  Nice  j)ar  le  col  de  l'Es- 
carène,  en  empruntant  la  route  actuelle  du  Col  de 
Tende.  La  voie  Flaminienne  allait  de  Rome  à  Arimi- 
num  (aujourd'hui  Rimini).  Elle  avait  560  milles  de 
longueur.  Commencée  par  le  consul  Flaminius,  en 
222  avant  J.-C,  elle  fut  prolongée  ensuite  jusqu'à 
Aquilée,  au  fond  de  l'Adriatique.  Comme  la  voie  Au- 
rélienne, elle  aboutissait  à  Arles,  mais  elle  passait  par 
Milan,  Turin  et  Suse  pour  atteindre  Briançon  et 
Embrun  par  le  mont  Genèvre.  De  Gap,  une  bifurca- 
tion se  dirigeait  sur  Lyon  par  Die,  Valence  et  Vienne. 

Quelques  autres  voies  romaines  existent  encore 
au  travers  des  Alpes.  Deux  documents  d'une  grande 
valeur  donnent  sur  ces  routes  des  renseignements 
pleins  d'intérêt.  «  Ce  sont  l'Itinéraire  des  provinces, 
dressé  au  deuxième  siècle  par  les  ordres  d'Antonin  le 
Pieux  et  la  Table  de  Théodore,  datant  de  la  fin  du 
douzième  siècle  et  plus  communément  appelée  Table 
de  Peutinger,  du  savant  antiquaire  qui  en  prépara  la 
publication  ^  » 

*  Charles  Duiier,  Journal  officiel,  1875. 


28  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Ces  documents  étaient  l'Indicateur  Cliaix  de  cette 
époque  ! 

Dans  le  nord  de  la  France,  en  Belgi(jue  et  en  Bour- 
gogne, on  rencontre  encore  de  belles  chaussées,  aux- 
quelles on  a  donné  le  nom  de  Brunehaut,  mais  dont 
la  construction  remonte  sans  doute  aux  Romains.  Il 
est  peu  probable  que  cette  reine ,  au  milieu  des 
troubles  qui  ont  agité  son  règne,  ait  pu  donner  ses 
soins  à  l'exécution  •  des  grands  travaux  qu'on  lui 
attribue. 

Ce  qui  est  certain,  c'est  que  les  chaussées  dont 
nous  venons  de  parler,  dues  ou  non  à  Brunehaut,  re- 
montent à  une  date  très-ancienne.  Leur  existence  ac- 
tuelle ne  fait  que  mieux  prouver  l'excellence  de  leur 
construction. 

Mais  ce  qu'ont  pu  faire  les  Romains,  grâce  aux 
armées  dont  ils  disposaient  et  malgré  des  moyens 
d'exécution  grossiers,  est  devenu  après  eux,  et  pour 
longtemps,  tout  à  fait  impossible. 

A  la  lin  du  douzième  siècle,  Philippe  Auguste  a 
amélioré  les  rues  et  les  routes  de  son  royaume. 

Plus  tard,  Colbert  a  créé  de  nouveaux  moyens  de 
communication.  Il  s'est  occupé  de  la  réparation  des 
routes  existantes  et  de  la  construction  de  voies  nou- 
velles. C'est  lui,  rappelons-le  en  passant,  qui  a  fait 
construire  le  célèbre  canal  du  Languedoc  et  projeté 
celui  de  Bouro^oa^ne. 

A  cette  époque,  le  corps  des  ponts  et  chaussées 
était  déjà  créé.  Sa  fondation  remonte  à  Louis  XIII, 
mais  c'est  seulement  à  dater  de  1759,  époque  de  son 


LA  LOCOMOTION  SUR  LA  TERRE.  29 

organisation  par  Trudaine  et  Perronnet,  que  les  Ira- 
vaux  do  viabilité  reçurent  une  impulsion  considérable  : 
les  grands  ponts  de  Neuilly,  de  Mantes  et  d'Orléans 
furent  construits.  Toutefois ,  le  corps  des  ponts  et 
chaussées  ne  reçut  sa  constitution  définitive  qu'à  dater 
du  décret  impérial  du  7  fructidor,  an  XII  (25  août 
1804},  complété  par  les  décrets  des  15  octobre  1851 
et  17  juin  1854. 

Dès  lors ,  on  s'occupa  de  la  construction  de  ces 
routes  magnifiques,  à  chaussée  entièrement  pavée, 
mesurant,  y  compris  les  accotements  destinés  aux 
piétons,  jusqu'à  14  mètres  de  largeur. 

A  côté  des  routes  nationales,  réparties  en  trois 
classes,  selon  qu'elles  unissent  Paris  à  un  Etat  voi- 
sin ou  à  un  port  militaire,  —  à  une  des  principales 
villes  de  France,  —  ou  qu'elles  établissent  une  com- 
munication transversale  entre  plusieurs  départements, 
—  se  placent  les  routes  départementales  construites 
et  entretenues  avec  les  fonds  votés  par  les  conseils 
généraux  des  départements,  —  puis,  les  chemins  vici- 
naux, qui  relient  les  routes  aux  villages  ou  les  vil- 
lages entre  eux,  et  enfin  les  chemins  ruraux  destinés 
à  faciliter  les  travaux  de  l'agriculture  et  entretenus, 
comme  les  précédents,  par  les  communes  intéressées. 
Nous  comptons  : 

Roules  nalionales  el  dùparleiuciitales.    .       80,028  Lilom. 
Chemins  vicinaux 518,000     — 

La  circulation  sur  les  routes  nationales  a  été  l'objet 
de  comptages  qui  permettent  d'en  apprécier  l'impor- 


30  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

tance.  Elle  est  de  5,200  millions  de  colliers  à  1  kilo- 
mètre ce  qui  signifie  qu'elle  est  représentée  par  envi- 
ron i  800000  tonnes  transportées  à  la  même  distance. 

Quant  au  nombre  des  inspecteurs  généraux,  ingé- 
nieurs en  chef,  ingénieurs  ordinaires  et  élèves-ingé- 
nieurs chargés  des  travaux  de  construction  et  d'entre- 
tien des  routes  nationales,  il  est  de  575.  Indépendam- 
ment du  service  des  routes  nationales,  ces  ingénieurs 
ont  encore  celui  des  rivières,  des  canaux,  des  ports 
et  des  travaux  maritimes,  etc.,  et  sont,  d'ordinaire, 
chargés  des  travaux  à  exécuter  pour  les  routes  dépar- 
tementales. 

On  peut  se  faire  une  idée  des  sacrifices  que  fait 
l'État  pour  la  construction  et  l'entretien  des  voies  de 
communication,  par  les  sommes  énormes  qu'il  con- 
sacre à  V enseignement  du  personnel  auquel  il  confie 
la  direction  des  travaux.  Un  ingénieur  des  ponts  et 
chaussées,  à  sa  sortie  de  l'école,  se  trouve  avoir  coûté 
à  l'État  20  000  francs  ;  un  ingénieur  des  mines  plus 
du  triple  :  61  000  francs  ^  • 

Les  voies  de  terre  perdant  de  leur  importance,  de- 
puis l'impulsion  donnée  à  la  construction  des  voies 
ferrées,  les  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées  passent 
au  service  des  compagnies  et  contribuent  avec  les 
ingénieurs  sortis  de  l'École  Centrale  et  de  quelques 
autres  écoles  à  la  construction  et  à  l'exploitation  de 
ces  nouvelles  voies. 

Le  personnel   qui  appartient  aux  compagnies  de 

*  Compte  rendu  de  la  société  des  ingénieurs  civils.  —  Séance  du 
8  janrier  18G9. 


LA  LOCOMOTION  SUR  L'EAU.  31 

chemins  de  fer  est  considérable.  Peu  de  personnes 
s'en  font  une  idée  exacte.  Voici,  à  cet  égard,  les  ren- 
seignements que  nous  extrayons  de  l'ouvrage  de 
M.  Jacqmin,  Directeur  de  la  Compagnie  de  l'Est. 

Le  seul  personnel  de  l'exploitation  de  la  Compagnie 
de  l'Est  se  composait,  au  51  décembre  1865,  de  : 

5517  hommes  commissionnés.    .   )   _„^, 

o//n  1  '  •  1  ^S^t)  agents. 

2449  nommes  en  régie )  ° 

Ce  chiffre  étant  pris  comme  base,  le  nombre  des 
agents  attachés  à  l'exploitation  des  voies  ferrées,  en 
France,  serait  de  60  000  environ. 


DE   LA    LOCOMOTION    SUR    L  EAU. 


La  feuille,  la  branche,  le  tronc  d'arbre  et  le  ])atoau.  —  Rivières,  fleuves, 
canaux,  lacs,  mers,  océan.  —  Les  ondulations.  Les  marées,  les  courants 
et  les  vents.  —  Les  vagues,  la  tempête  et  les  navires  transatlantiques.  — 
Le  réseau  des  voies  navigables  en  France. 


La  sécurité  de  la  locomotion  sur  le  sol,  sur  cette 
terre,  qui  est  notre  élément,  cesse  au  moment  où  nous 
l'abandonnons  pour  nous  lancer  sur  l'eau.  Nous  n'a- 
vons plus  cette  base  ferme  et  solide  sur  laquelle  nos 
pieds,  malgré  leur  faible  étendue,  trouvaient  un  appui 
suffisant,  et,  poumons  soutenir  sur  l'eau,  nous  devons 
nous  développer  de  tout  notre  corps  et  fournir  la  plus 
grande  surface  possible. 

Encore  ne  nous  éloignons-nous  jamais  du  rivage  au- 
quel nos  forces  épuisées  nous  rappellent  bientôt.  Pour 
tenter  de  longs  voyages,  nous  devons  emprunter  un 


32  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION- 

vélîiculc  et  nous  demandons  à  nos  bras,  au  flot  lui- 
même,  au  vent,  à  la  vapeur,  enfin,  un  secours  indis- 
pensable. Il  est  impossible  de  dire,  avec  Gessner,  quel 
fut  le  «  premier  navigateur.  »  Le  premier  homme  qui 
tenta  l'aventure  vit-il  une  feuille  tombée  dans  Peau, 
emportée  par  le  vent,  ou  bien  une  branche,  un  roseau 
peut-être,  ou  un  tronc  d'arbre  entraîné  par  un  courant, 
et  l'idée  lui  vint-elle  de  faire  comme  la  fourmi  sur  la 
feuille  ou  l'oiseau  sur  la  branche?  On  ne  sait  :  mais 
bientôt  il  creusa  l'arbre  pour  le  rendre  plus  léger,  se 
fit  une  voile  d'un  morceau  de  toile,  ima^jina  la  rame 
et  le  gouvernail. 

Qui  saurait  dire  ce  que  le  sombre  gouffre  a  en- 
glouti de  victimes  et  de  combien  de  vies  a  été  payé 
chaque  progrès  accompli  dans  l'art  de  la  navigation  ! 

Les  rivières,  les  fleuves  et  encore  moins  les  canaux 
n'offrent,  eu  égard  à  leur  faible  largeur  et  à  leur  fai- 
ble profondeur,  aucun  danger  sérieux  dont  la  naviga- 
tion ne  se  soit  rendue  maîtresse  depuis  longtemps.  Un 
cours  plus  ou  moins  rapide,  un  lit  plus  ou  moins 
profond,  pas  plus  de  vent  que  sur  la  terre  et  un  abor- 
dage presque  toujours  facile  à  tout  moment  du  par- 
cours, telles  sont  les  conditions  générales  de  la  navi- 
gation fluviale,  qui  n'a  d'autre  inconvénient  que  sa 
lenteur  ;  telles  sont  aussi  les  conditions  de  la  naviga- 
tion sur  les  lacs,  à  cela  près  que,  sur  quelques-uns 
d'entre  eux,  le  vent  soulève  parfois  des  bourrasques, 
devant  lesquelles  les  légères  embarcations  doivent  fuir 
et  regagner  la  rive. 

Mais,  il  en  est  tout  autrement  de  celte  grande  éten- 


LA  LOCOMOTION  SUR  L'EAU.  53 

due  d'eau  salée  qui  couvre  les  trois  quarts  de  uotre 
globe,  de  l'Océan  et  des  mers  secondaires. 

Combien  diffère  du  sol  qui  conserve  la  trace  éternelle 
des  travaux  de  l'homme,  cette  masse  liquide  inces- 
samment mobile,  incessamment  agitée,  plissée  d'on- 
dulations que  le  moindre  zéphir  gonfle,  grossit,  et  que 
le  vent  grandissant  fait  éclater  en  tempêtes,  vaste  champ 
d'observations  que  l'homme  ne  connaît  pas  encore, 
vaste  corps  insondé  dont  les  savants  n'ont  pu  mesurer 
encore  les  capricieuses  pulsations  ! 

Le  problème,  que  nous  avons  indiqué,  de  la  recher- 
che des  lois  du  frottement  entre  deux  corps  solides, 
problème  dont  la  solution  dernière  n'a  pas  encore  été 
donnée,  paraît  bien  simple  à  côté  de  celui  du  dépla- 
cement d'un  corps  solide  à  la  surface  des  eaux.  Les 
plus  grands  géomètres  ont  cherché  à  le  résoudre  : 
Newton,  Lagrange,  Laplace,  Cauchy,  Airy,  Fronde, 
Macquorne  Rankine,  etc.;  et  cette  question,  si  elle  a 
été  quelque  peu  éclaircie,  ne  laisse  pas  que  d'être  en- 
core enveloppée  de  ténèbres  épaisses. 

Une  pierre  jetée  dans  l'eau  donne  naissance  à  des 
courbes  dessinant  à  sa  surface  des  cercles  concentri- 
ques d'un  rayon  croissant.  L'eau  paraît  fuir  le  centre 
frappé,  et  pourtant  elle  ne  se  déplace  pas.  Ce  phéno- 
mène n'est  autre  que  celui  qu'on  produit  avec  une 
corde  étendue  sur  le  sol,  puis  relevée  et  abaissée  brus- 
quement. Les  divers  points  de  la  corde  montent  et 
descendent  et,  l'action  cessant,  reprennent  sensible- 
ment leur  position  première.  Les  cercles  concentriques, 
qui  se  sont  produits  sur  l'eau,  sont  le  résultat  de  l'in- 

5 


34  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

compressibilité  du  liquide,  de  son  élasticité.  Com- 
primées par  la  chute  de  la  pierre,  les  molécules 
aqueuses,  placées  sous  celle-ci,  ont  soulevé  celles  qui 
étaient  à  l'entour  en  un  cercle. saillant.  Celles-ci,  s'a- 
baissant  en  vertu  de  leur  poids,  ont  déterminé  la  for- 
mation d'un  second  cercle,  celui-ci  d'un  troisième  et 
ainsi  de  suite  ;  les  saillies  diminuant,  les  intervalles 
augmentant,  les  ondulations  se  sont  éteintes  et,  après 
une  série  d'oscillations,  le  calme  s'est  rétabli. 

Quelles  sont  les  lois  de  ces  ondulations  dues  à  la 
chute  d'un  corps  dans  l'eau,  dues  aussi  à  la  progres- 
sion d'un  corps  solide  à  sa  surface  ? 

Il  n'y  a  que  trouble  dans  l'esprit  des  savants  sur  la 
nature,  la  direction  et  l'amplitude  du  mouvement 
moléculaire  dans  l'ondulation. 

Ils  sont  à  peu  près  d'accord  sur  ce  fait  :  que  la  di- 
rection du  mouvement  est  verticale  ou  sensiblement 
verticale  ;  mais  sur  ce  point  seul  ils  s'entendent. 

Indépendamment  de  ces  mouvements  que  prend  la 
masse  liquide  sous  l'action  du  navire  qui  progresse  à 
sa  surface,  il  s'en  produit  encore  d'autres  qui  sont  dus 
aux  attractions  de  la  lune  et  du  soleil  combinées,  au 
mouvement  de  rotation  de  la  terre,  aux  différences  de 
densité  résultant  des  différences  de  température  et  de 
salure  des  eaux,  enfin  aux  courants  et  aux  vents. 

Le  soleil  et  la  lune  exercent  sur  les  eaux  une  attrac- 
tion d'autant  plus  sensible  que  l'étendue  des  mers  est 
plus  considérable.  Telle  est  la  cause  du  phénomène 
des  marées. 

La  surface  des  mers  se  trouve,  dans  son  immense 


LA  LOCOMOTION  SUR  L'EAU.  35 

étendue,  soumise  à  des  différences  de  température,  — 
élévation  dans  les  régions  équatoriales,  abaissement 
dans  les  régions  tropicales,  —  à  des  différences  de 
salure  qui  déterminent  des  différences  de  densité. 
L'équilibre  cesse  tous  les  jours  d'exister  dans  la  masse 
des  eaux,  les  mêmes  causes  amenant  les  mêmes  varia- 
tions de  densité.  Les  parties  les  plus  denses  gagnent 
l'équateur,  sous  l'influence  du  mouvement  de  rotation 
de  la  terre  ;  les  parties  les  moins  denses  ou  les  plus 
légères  se  dirigent,  au  contraire,  vers  les  pôles,  où 
elles  se  refroidissent  de  nouveau. 

La  masse  d'air,  qui  règne  au-dessus  des  mers,  est 
soumise  aux  mêmes  causes  de  perturbation  que  celle 
des  eaux.  L'air  enlève  des  quantités  de  vapeur  consi- 
dérables, qui  gagnent  les  parties  supérieures  de  l'at- 
mosphère où  elles  se  condensent.  Les  mêmes  varia- 
tions de  densité  déterminent,  à  des  degrés  divers,  les 
mêmes  mouvements  dans  la  masse  gazeuse  et  donnent 
naissance  aux  vents,  d'intensité  et  de  direction  fixes  ou 
variables. 

Ainsi  donc,  trois  causes,  incessamment  reciaissantes, 
troublent  la  surface  des  eaux  :  les  marées  ^  les  cou- 
rants eVles  vents.  ^ 

Les  marées  ne  produisent  d'action  sensible  sur  la 
navigation  que  dans  le  voisinage  des  côtes  et  passent 
inaperçues  au  milieu  de  l'Océan.  Les  marins  doivent 
cependant  avoir  égard  aux  mouvement»  d'élévation 
et  d'abaissement  des  eaux  qui  se  produisent  dans  cer- 
taines mers.  «  La  Manche  et  la  mer  du  Nord  se  vident 
et  se  remplissent.  L'Adriatique  subit  une  différence 


56  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCO:.IOTIO>'. 

de  niveau  à  laquelle  la  Méditerranée  semble  ne  partici- 
per que  faiblement,  La  mer  Rouge  subit  des  différences 
de  niveau  de  un  à  deux  mètres,  et  dans  le  golfe  Per- 
sique  ces  différences  sont  beaucoup  plus  fortes  K  » 

Les  courants,  aussi  bien  que  les  vents,  sont  des  auxi- 
liaires ou  des  entraves  pour  la  navigation.  Aussi,  les 
navires  à  voile,  qui  se  rendent  dans  certains  pays,  ont- 
ils  soin  de  faire  coïncider  l'époque  de  leur  voyage  avec 
celle  des  courants  et  des  vents  favorables  dans  les  mers 
qu'ils  doivent  parcourir.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que 
les  navires  à  voile  parcourant  la  mer  Rouge,  allant  de 
Suez  aux  Indes,  exécutent  ce  voyage  en  avril  et  mi- 
septembre,  —  période  durant  laquelle  soufflent  les 
vents  du  nord,  —  et  reviennent  du  détroit  de  Bab-el- 
Mandeb  à  Suez  entre  octobre  et  avril,  époque  à  laquelle 
les  vents  ont  changé  de  direction  et  soufflent  du  sud. 

La  vitesse  des  courants  généraux  varie,  en  mer, 
entre  0^,25  et  0'",75  par  seconde  ;  les  courants  locaux, 
dus  aux  marées,  dépassent  rarement  2  mètres.  En  cer- 
tains points,  cependant,  cette  vitesse  peut  atteindre 
5  mètres  par  seconde. 

Mais  la  principale  cause  d'agitation  de  la  mer  est 
l'action  du  vent,  dont  l'intensité  varie  depuis  la  brise 
jusqu'à  l'ouragan,  depuis  une  vitesse  nulle  jusqu'à 
45  mètres  par  seconde  et  peut  exercer,  dans  cet  inter- 
valle, des  pressions  variables  deO  à277kilogram.  par 
mètre  carré  ;  c'est  alors  l'ouragan  qui  déracine  les  ar- 
bres, renverse  les  édifices,  et  que  les  navires  doivent  fuir. 

*  Flachat. 


LA  LOCOMOTION  SUR  L'EAU.  57 

Jusqu'à  quelle  profondeur  s'étend  cette  agitation  de 
la  mer  sous  l'action  du  vent?  On  ne  sait.  La  vie  ani- 
male se  maintient  à  160  mètres.  L'extraction  du  fond 
de  la  mer  de  tronçons  de  câbles  sous-marins  a  prouvé 
qu'elle  avait  lieu  à  2,000  et  5,000  mètres,  mais  il 
est  peu  probable  que  l'agitation  de  la  mer  atteigne 
ces  grandes  profondeurs,  et  l'on  doit  plutôt  attribuer  les 
mouvements  qui  ont  été  constatés  à  des  différences 
de  densité  dont  la  fonction  est  de  maintenir  un  équi- 
libre de  composition,  une  homogénéité  constante 
entre  les  diverses  parties  des  Océans. 

L'agitation  de  la  mer  se  traduit  à  sa  surface  par  la 
formation  des  ondulations  que,  dans  le  langage  ordi- 
naire, on  nomme  des  vagues.  Tant  que  le  vent  reste 
faible,  les  va^^ues  sont  peu  accusées,  et  il  ne  se  pro- 
duit qu'un  phénomène  de  soulèvement  et  d'abaisse- 
ment alternatifs  de  la  surface  liquide,  phénomène 
absolument  semblable  à  celui  que  l'on  constate,  au 
moment  de  la  moisson,  à  la  surface  d'un  grand  champ, 
de  blé  ;  les  épis  s'inclinent,  se  relèvent,  puis  s'incli- 
nent encore  et  se  relèvent  de  nouveau,  par  zones  plus 
ou  moins  étendues  ;  les  o^illations  se  succèdent  à 
intervalles  plus  rapprochés,  quand  la  violence  du  vent 
augmente  ;  les  épis  semblent  fuir  et  cependant  restent 
fixés  au  sol.  Il  faut  une  tempête  violente  pour  les  en 
arracher  et  les  transporter  au  loin.  De  même,  quand 
sur  la  mer  les  ondulations  grandissent  et  les  vagues 
s'élèvent,  le  vent  qui  frappe  leur  crête  la  brise  et  la 
rejette  en  une  volute  d'écume  sur  le  flanc  de  la  vague. 
Il  y  a,  dans  ce  cas,  un  réel  mouvement  de  translation. 


58  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Les  vagues  ne  sont  pas,  d'ailleurs,  ces  montagnes 
liquides  qu'a  cru  voir  une  imagination  trop  vive  au 
fort  de  la  tempête.  Les  navigateurs  les  plus  expéri- 
mentés, dont  les  observations  méritent  le  plus  de 
créance,  n'ont  pas  constaté  de  hauteurs  supérieures  à 
15  mètres.  C'est  le  quart  du  chiffre  indiqué,  d'une 
manière  approximative,  par  certaines  personnes  dont 
les  yeux  seuls  ont  servi  d'instrument  de  mesure.  Les 
dangers  auxquels  on  est  exposé  au  milieu  d'une  tem- 
pête, sont  assez  nombreux  pour  qu'on  cherche  à  dé- 
truire les  préjugés  que  l'ignorance  ou  la  frayeur  ont 
fait  naître. 

11  ne  faut  pas  juger  non  plus  des  secousses  que 
ces  vagues  peuvent  produire  sur  la  coque  d'un  bâti- 
ment, par  les  effets  qui  résultent  de  leur  choc  contre 
les  falaises,  les  jetées  ou  les  murs  de  quais,  obstacles 
immobiles  opposés  à  la  fureur  de  la  mer.  Sous  un 
effort  trop  violent,  le  bâtiment  s'incline,  puis,  l'effort 
cessant,  se  redresse.  Mais  si  la  falaise  est  de  roche  peu 
résistante,  si  le  mur  n'est  pas  fait  de  bons  matériaux, 
reliés  par  le  meilleur  mortier,  s'il  n'est  pas  suffisam- 
ment épais,  la  vague  l'ébranlé  et  bientôt  le  détruit. 

La  seule  condition  à  remplir  pour  que  le  navire  ré- 
siste, c'est  qu'il  constitue  une  masse  parfaitement  indé- 
formable et  de  dimensions  assez  grandes  pour  rester 
insensible  aux  agitations  de  l'Océan.  Ces  dimensions 
sont  celles  des  bâtiments  qui  font  aujourd'hui  le  ser- 
vice de  l'Amérique  et  de  l'Australie. 

Résumons  les  quelques  indications  qui  précèdent  : 


LA  LOCOMOTION  SUR  L'EAU.  59 

L'immense  plaine  nue  de  l'Océan  est  la  carrière  libre 
des  vents,  et  les  véhicules  ou  les  navires  qui  se  lancent 
à  sa  surface  n'ont  ni  un  sol  solide  comme  appui,  ni 
une  atmosphère  calme  comme  milieu;  instabilité 
constante  au-dessous,  instabilité  constante  au-dessus, 
toutes  deux  indissolublement  unies,  mais  non  pas  sans 
limites  dans  leurs  ébranlements  et  dans  leurs  fureurs. 

Au-dessus  de  ces  tempêtes  de  l'air  et  des  eaux  s'é- 
lève l'homme,  plus  fort  de  son  expérience  que  de  ses 
calculs,  car  c'est  à  peine  s'il  a  entrevu  la  vérité  dans 
tous  ces  phénomènes  qui  le  frappent  et  pénétré  l'un 
des  innombrables  mystères  qui  se  passent  au  sein  des 
eaux. 

Peut-on  chiffrer  l'importance  des  moyens  de  com- 
munications maritimes  offerts  à  l'activité  des  nations? 

Le  réseau  des  voies  navigables  intérieures  qui  sillon- 
nent notre  pays,  comprend  : 


500  kilom.  de  rivières  flottables: 
JOOO  liilom.  de  rivières 
4800  kilom.  de  canaux. 


7000  kilom.  de  rivières  navigables  : 


Soit,  en  totalité,  12,300  kilomètres. 

La  mer  appartient  à  tous  les  peuples,  et  l'on  peut  dire 
que  sa  surface,  presque  tout  entière,  est  ouverte  à  leur 
commerce  et  à  leur  industrie. 

Les  cinq  Océans  ont  une  surface  de  plus  de  575  mil- 
lions de  kilomètres  carrés  ainsi  répartis  : 


40 


LES  .MERVEILLES  DE  LA  LOGOMOTIO>'. 


Océan  glacial  du  KorcI 

—            du  Sud   

Océan  Atlantique 

Océan  Indien 

Superficie 

en  millions 

de 

kilomètres  carrés. 

Rapport 

surface  totale 
du  globe. 

11.0 
20. -0 

100.0 
67.8 

175.0 

1.2 

5.9 

19.0 

45.5 

55.0 

Grand  Océan  ou  Océan  Pacifique . 
Les  cinq  océans 

Europe 

575.8 

75.0 

10.0 
50.2 
41.8 
10.9 
24.2 
19.1 

2.0 
5.9 

8.2 
2.2 
4.9 
5.8 

Afrique 

Asie 

Occanie  

.     ,  .         i  du  ^ord 

•^■"^'■■"I"»  î  du  Sud 

Les  cinq  parties  du  monde  . 

Continents  et  Océans.  .   .    . 

15(3.2 

27.0 

510 

100 

Grâce  à  la  navigation  à  vapeur,  le  voyage  autour  du 
monde  est  devenu  chose  facile.  On  compte  : 


milles. 

De  San  Francisco  à  Yokohama 4700 

De  Yokohama  à  Hong-Kong  ......  1600 

De  Hong-Kong  à  Calculla 5500 

De  Calcutta  à  Bombay 1400 

De  Bombay  à  Suez 5600 

De  Suez  à  Alexandrie 225 

D'Alexandrie  à  Brindisi 850 

De  Brindisi  à  Londres 1200 

De  Londres  à  ]Se\v-York 5200 

De  >'e\v-York  à  San-Francisco 5294 


milles. 

25  500 


LA  LOCOMOTION  DAMS  L'AIK.  41 

Ce  voyage  peut  être  effectué  en  moins  de  5  mois, 
82  jours,  dit-on,  etmoyennant  la  somme  de  1145  dol- 
lars (monnaie  d'or). 

D'Europe,  aussi  bien  que  d'Amérique,  le  voyage  est 
entrepris.  Il  offre  trop  d'attraits  pour  que  nous  ne 
croyions  pas  au  succès  de  ces  nouveaux  trains  de 
plaisir.au  long  cours.  Heureux  ceux  qui  peuvent  y 
prendre  part  l 


III.    —   DE    LA    LOCOMOTION    DANS   LAIR. 


Les  vonls.  —  La  chute  d'un  corps  dans  Tair  et  dans  le  vide.  —  Les  oiseaux 
et  les  ballons.  —  La  direction  des  ballons  paraît  une  utopie.  —  Invention 
d'un  moteur  à  poudre. 


Nous  connaissons  déjà  l'air  par  ce  que  nous  en  avons 
dit  à  propos  des  tempêtes  qu'il  soulève  à  la  surface 
des  mers,  et  nous  n'avons  pas  besoin  d'insister  de 
nouveau  sur  la  violence  des  mouvements  dont  sa  masse 
est  souvent  agitée  pour  faire  comprendre  les  difficultés 
que  trouve  l'homme  à  s'y  mouvoir  dans  une  direction 
déterminée.  En  passant  de  la  terre  sur  l'eau,  du  corps 
solide  sur  le  corps  liquide,  les  points  d'appui  qui 
doivent  servir  de  base  à  la  locomotion  perdent  de  leur 
fixité,  et  le  véhicule  ne  devient  stable  qu'en  intéressant 
à  ses  mouvements  une  grande  masse  de  liquide  ;  dans 
l'air,  dont  les  propriétés  essentielles  sont  la  mobilité 
s  et  la  compressibilité,  les  points  d'appui  manquent 
presque  absolument,  nous  disons  presque,  car  le  vide 
seul  admet  dans  ce  cas  l'absolu  :  un  morceau  de  pa- 


42  .    LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

picr,  que  nous  laissons  tomber  dans  l'air  tranquille, 
ne  descend  jamais  verticalement  ;  il  est  dévié  de  cette 
direction  par  Tair  qui  presse  sa  surface  ;  dans  un  tube, 
où  nous  aurons  fait  le  vide,  ce  même  morceau  de  pa- 
pier tombera  dans  une  direction  qui  se  rapprochera 
d'autant  plus  de  la  verticale  que  le  vide  aura  été  fait 
d'une  manière  plus  parfaite,  et  il  suivra  rigoureuse- 
ment la  verticale,  si  le  vide  est  absolu. 

C'est  seulement  en  comprimant  la  masse  gazeuse 
environnante  que  le  véhicule  aérien  se  crée  un  appui 
et  peut  se  mouvoir  dans  telle  ou  telle  direction. 

L'air  est  le  lieu  de  locomotion  de  tous  les  animaux 
ailés  qui  le  parcourent  en  dépit  du  vent  —  tant  que 
ce  vent  n'est  pas  tempête  —  avec  une  vitesse  qui 
varie  selon  l'espèce,  et  dans  toutes  les  directions,  en 
demeurant  toutefois  dans  une  zone  qui  ne  s'étend  pas 
au  delà  de  7  000  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 
C'est  à  la  limite  des  neiges  éternelles  au  sommet  de  la 
Cordillère  des  Andes,  entre  5500  et  4800  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  que  le  condor  fixe  d'or- 
dinaire sa  demeure.  La  frégate  s'avance  en  mer  à  des 
distances  de  plus  de  400  lieues,  saisissant  au  vol  à  la 
surface  de  l'eau  les  poissons  dont  elle  fait  sa  nour- 
riture. 

Mais  quels  appareils  merveilleux  que  ces  ailes  qm 
servent  aux  oiseaux  à  se  soutenir  et  à  progresser  dans 
l'air!  Voyez  d'abord  leur  charpente,  la  solidité  des 
points  d'attache  de  leurs  os  au  thorax,  la  construction 
de  ces  os,  tubes  creux  et  cellulaires,  unissant  la  force 
à  la  légèreté,  voyez  maintenant  les  rémiges,  les  barbes, 


LA  LOCOMOTION  DANS  L'AIR.  45 

rames  à  large  surface,  capables  de  prendre  des  incli- 
naisons diverses  et  de  concourir  avec  les  pennes  rec- 
trices  de  la  queue  à  gouverner  leur  vol  I  Et  quelle 
force  dans  l'oiseau,  eu  égard  à  la  petitesse  de  sa  taille, 
pour  faire  mouvoir  ces  instruments  si  simples  et  si 
complets  ! 

Qu'on  rapproche  maintenant  cette  admirable  struc- 
ture de  la  construction  grossière  des  appareils  avec 
lesquels,  jusqu'à  présent,  on  s'est  élevé  dans  l'air.  Un 
globe  énorme  de  forme  sphéroïdale,  gonflé  d'un  gaz 
plus  léger  que  l'air,  dont  la  force  ascensionnelle  croît 
en  raison  de  son  volume  et  de  la  différence  des  den- 
sités, voilà  l'appareil.  On  a  donné  à  l'aérostat  jusqu'à 
6000  mètres  cubes  de  capacité,  avec  une  surface 
exposée  au  vent  d'environ  400  mètres  carrés;  telles 
sont  les  dimensions  du  Géant;  tel  est  l'appareil  que 
les  aéronautes  ont  eu  parfois  la  pensée  de  gouverner, 
à  l'aide  de  trois  ou  quatre  palettes  d'une  surface  rela- 
tivement insignifiante,  à  l'aide  d'une  ou  de  plusieurs 
hélices,  d'une  ou  de  plusieurs  roues  ! 

Il  n'est  personne  qui  n'ait  éprouvé  l'effet  d'un  vent 
un  peu  violent  et  qui  ne  se  soit  senti  entraîné  par  lui. 
Et  cependant  la  plus  grande  surface  que  notre  corps 
offre  au  vent  n'est  guère  que  de  1  mèire  carré.  Qu'on 
juge  par  là  de  la  pression  que  produit  sur  la  surface 
400  fois  plus  grande  d'un  corps  qui  ne  repose  sur 
aucun  point  solide,  un  vent  dont  la  direction  peut 
changer  à  chaque  instant  et  dont  la  vitesse  est  va- 
riable, depuis  50  mètres  par  minute  pour  le  vent  le 
plus  faible,  jusqu'à  2700  mètres  pour  l'ouragan,  ce 


44  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCUMOTIO^' 

qui,  dans  ce  dernier  cas,  représente  16'2  kilomètres  à 
l'heure,  c'est-à-dire  trois  fois  environ  la  vitesse  du 
train  rapide  de  Paris  à  Marseille  ! 

M.  Babinet  a  dit  à  l'Association  polytechnique  : 
«  La  théorie  de  la  direction  des  ballons  est  absurde. 
Comment  faire  ? 

«  Comment  faire  résister  et  manœuvrer,  contre  les 
courants j  des  ballons  comme  leFlesselles,  par  exemple, 
qui  mesurait  120  pieds  de  diamètre?  Il  faudrait  une 
force  de  400  chevaux  pour  mettre  en  lutte  à  peu  près 
égale  avec  le  vent  une  voile  de  vaisseau.  Supposez,  ce 
qui  est  impossible,  qu'un  ballon  pût  emporter  avec  lui 
une  force  de  400  chevaux  ;  ce  grand  effort  ne  servi- 
rait  absolument  à  rien,  car  nous  apprécions  tout  de 
suite  que,  sous  cette  pression,  votre  ballon  s'écraserait 
dans  sa  fragile  enveloppe. 

«  Supposez  tous  les  chevaux  d'un  régiment  attachés 
par  une  corde  à  la  nacelle  d'un  ballon,  vous  obtiendriez 
pour  tout  résultat  de  voir  voler  en  éclats  votre  ballon. 

«  C'est  tout  à  fait  ailleurs  que  l'homme  doit  cher- 
cher les  moyens  de  s'élever,  ce  qui  veut  dire  en  même 
temps  de  se  diriger  dans  l'air.  » 

Les  faits  qui  précèdent  sont  si  simples  qu'on  ne  s'ex- 
plique pas  comment  un  si  grand  nombre  d'inventeurs 
n'en  ont  pas  été  frappés  et  ont  vainement  poursuivi  la 
recherche  de  la  direction  des  ballons. 

Le  problème  de  la  navigation  aérienne,  comme 
celui  de  la  navigation  maritime,  est  double.  Le  véhicule 
doit  trouver  sa  base  de  sustentation  sur  le  milieu,  eau 
ou  air,  qu'il  doit  parcourir;  il  doit,  en  outre,  être  di- 


LA  LOCOMOTION  DANS  L'AIR.  45 

rigeable.  Les  ballons  satisfont  à  la  première  partie  de 
la  question,  mais  leur  volume  rend  incompatibles  les 
deux  parties  du  problème.  La  seule  ressource  de  l'aé- 
ronaute  est  de  s'élever  ou  de  s'abaisser  dans  l'air,  à  la 
recherclie  d'un  courant  soufflant  dans  la  direction  qu'il 
veut  suivre.  S'il  ne  le  trouve  pas,  il  doit  abandonner 
la  lutte,  car  il  ne  pourra  que  s'éloigner  de  sa  destina- 
tion. En  résumé,  la  direction  des  ballons  est  entourée 
de  telles  difficultés  qu'on  peut  la  considérer  comme 
irréalisable. 

La  question  nous  paraît  donc  devoir  se  poser  de  la 
manière  suivante  :  Trouver  un  înoteur  qui^  sous  un 
volume  restreint,  réunisse  une  très-grande  puis- 
sance à  une  très-grande  légèreté.  On  peut  être  cer- 
tain que  le  jour  où  ce  moteur  sera  trouvé,  la  direction 
des  ballons  le  sera  du  même  coup,  car  il  ne  s'agira 
plus  que  de  l'application  d'une  force  à  un  appareil  ailé 
dont  la  nature  nous  offre  un  assez  grand  nombre  de 
spécimens  et  que  l'homme  pourra  construire  de  toutes 
pièces  dans  un  temps  certainement  limité.  La  question 
du  gouvernement  de  l'appareil  deviendra  l'objet  d'une 
étude  pratique  dont  un  certain  nombre  d'expériences 
fourniront  la  solution. 

Il  est  incontestable  que  l'une  des  voies  qui  pourraient 
conduire  à  la  découverte  du  moteur  nécessaire  est  celle 
qui  reposerait  sur  l'utilisation  d'une  des  propriétés 
physiques  ou  chimiques  de  l'air,  ou  de  l'un  de  ses  gaz 
constituants,  oxygène  ou  azote,  et  plutôt  du  premier, 
source  de  combustion  et  de  vie,  que  du  second,  qui 
n'a  que  des  propriétés  négatives.  Le  moteur  aurait  ain§i 


46  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

son  aliment  au  sein  de  la  masse  même  où  il  se  meut. 

Il  y  a  des  corps  que  l'homme  a  trouvé  le  moyen  de 
lancer  et  de  diriger  dans  l'air,  avec  une  vitesse  qui  défie 
celle  des  vents,  au  plus  fort  de  l'ouragan.  Ce  sont  les 
projectiles  qui  sortent  des  armes  à  feu  et  qui  ont  été 
utilisés  comme  moyens  de  transport,  comme  porte- 
amarres,  etc.  La  poudre  vient  d'élre  appliquée  récem- 
ment aux  sonnettes  qui  servent  à  enfoncer  les  pieux. 
La  charge  d'un  fusil  suffit  pour  actionner  un  mouton 
de  180  kilogrammes.  Que  le  lecteur  ne  sourie  pas! 
Nous  n'avons  pas  l'intention  de  le  mettre  à  cheval  sur 
un  boulet  ou  sur  un  javelot  ailé  et  de  le  lancer  ainsi 
dans  l'air,  à  la  vitesse  vertigineuse  que  produit  l'explo- 
sion de  la  poudre  ou  celle  d'un  picrate  quelconque  ; 
mais,  en  raison  des  effets  foudroyants  dus  à  la  com- 
bustion instantanée  et  à  l'explosion  de  certaines  ma- 
tières fulminantes,  n'cst-il  pas  permis  de  supposer  que 
l'homme  pourra  fixer  le  régime  de  ces  sources  de  for- 
ces, en  rendre  l'action  continue  et  la  régler  enfin  selon 
le  but  particulier  qu'il  se  propose  ? 

L'homme  doit-il  prétendre  lutter  contre  toutes  les 
tempêtes  de  l'atmosphère?  Nous  ne  le  croyons  pas. 
Ses  efforts  doivent  tendre  à  triompher  du  vent,  tant 
que  son  intensité  ne  dépasse  pas  certaines  limites,  à 
tirer  parti  des  courants  naturels  de  l'air,  comme  il  le 
fait  de  ceux  de  la  mer  ou  des  rivières,  ces  chemins 
qui  marchent,  ainsi  qu'a  dit  Pascal;  mais  il  doit  se 
résigner,  quant  à  présent,  à  fuir  les  ouragans  de  l'air 
comme  il  fuit  ceux  de  l'Océan,  se  rappelant  sans  cesse 
son  infimité  vis-à-vis  du  grand  maître  de  la  nature. 


CHAPITRE  II 


LES   ANIMAUX    MOTEURS 


I.   —   LHOMME   MARCHEUR,    COUREUR,    PATINEUR,    ÉCHASSIER 

Quelle  a  dû  être  la  situation  de  notre  premier  père 
à  sa  sortie  des  mains  du  Créateur,  et  quel  ressort  a  pu 
le  pousser  à  se  mettre  sur  ses  jambes  et  à  quitter  la 
place  où  Dieu  l'avait  fait  naître?  Est-ce  la  faim,  est-ce 
le  désir  de  contempler  les  beautés  du  monde  terrestre 
qui  lui  était  donné  comme  séjour?  Est-ce  une  sensa- 
tion, est-ce  un  sentiment  qui  a  parlé  le  premier?  L'être 
matériel  s'est-il  révélé  avant  l'être  moral?  Les  philo- 
sophes résoudront,  s'il  leur  plaît,  cette  question.  Pour 
nous,  nous  supposerons  tout  simplement  que  les  mus- 
cles de  la  locomotion  ont  bien  pu  être  impressionnés 
par  ceux  de  l'estomac  et  que,  la  manne  ne  tombant 
pas  du  ciel,  l'homme  alla  chercher  des  fruits  pour  sa- 
tisfaire son  appétit. 

Quant  à  ses  descendants,  ils  suivirent  l'exemple  de 
leur  père,  à  cela  près  que  peut-être  ils  commencèrent 


48  LES  MERVEILLES  DE  L.\  LOCOMOTION. 

à  marcher  à  quatre  pattes,  pour  ne  plus  marcher 
bientôt  que  sur  deux  et  pour  finh'  avec  trois,  comme 
l'a  fait  remarquer  le  fils  de  Laïus  et  de  Jocaste. 

'Mais  nous  laissons  l'enfance  et  la  vieillesse  de 
l'homme  pour  ne  nous  occuper  que  de  son  âge  mûr  et 
de  l'individu  à  l'état  parfait. 

Tandis  que  la  plante  meurt  où  elle  a  poussé,  que  la 
bête  broute  le  sol  qui  l'a  vu  naître,  l'homme  seul  va 
chercher  bien  loin  les  aliments  nécessaires  à  sa  vie 
matérielle,  à  sa  vie  intellectuelle.  Aussi  comprend-on 
bien  que  les  anciens  aient  tenu  en  si  grand  honneur 
les  exercices  de  la  marche  et  de  la  course,  les  seuls 
moyens  qu'avait  l'homme,  aux  époques  primitives, 
d'entretenir  les  forces  de  son  corps  et  de  pourvoir  à 
l'activité  de  son  cerveau. 

On  sait  que  des  couronnes  étaient  réservées  aux 
vainqueurs  des  courses  aux  jeux  olympiques.  C'est 
qu'alors  on  attachait  plus  d'importance  qu'on  n'en 
donne  aujourd'hui  à  la  forte  constitution  de  l'homme. 
La  guerre  était  le  but  principal  dans  lequel  on  formait 
des  jeunes  gens  vigoureux,  mais  les  travaux  de  la  paix 
bénéficiaient  aussi  des  exercices  du  gymnase,  et  la 
santé  du  corps,  l'équilibre  maintenu  dans  l'accom- 
plissement de  toutes  ses  fonctions  n'étaient  pas  sans 
influence  sur  les  productions  du  cerveau  :  Athènes  et 
Rome  resteront  le  berceau  toujours  admiré  des  lettres, 
des  sciences  et  des  arts. 

La  jeunesse  tout  entière  était  formée  aux  exercices 
du  corps,  les  hommes  étaient  généralement  bon  mar- 
cheurs (on  se  rappelle  l'usage  qui  existait  à  Sparte  de 


LES  ANIMAUX  MOTEURS.  40 

sacrifier,  dès  leur  naissance,  les  enfants  difformes). 
Mais,  parmi  tous  ces  hommes,  quelques-uns  se  sont 
trouvés  doués  de  cette  poitrine  plus  large,  de  ces 
jambes  mieux  musclées  et  plus  longues,  dont  les  mé- 
dailles où  les  vases  anciens  nous  ont  laissé  l'image  et 
dont  les  historiens  et  les  poètes  nous  ont  raconté  les 
hauts  faits. 

Sans  parler  d'Achille  aux  pieds  légers,  que  tout  le 
monde  connaît,  on  peut  citer  Hermogène,  de  Xante 
(en  Lycie) ,  qui  remporta  huit  victoires  en  trois  olym- 
piades, Lasthine  le  Thébain,  qui  battit  un  cheval  à  la 
course,  et  Polymestor,  jeune  chevrier  de  Milet,  qui 
attrapait  un  lièvre  à  la  course. 

Au  moyen  âge,  on  trouve  des  coureurs  émérites  au 
service  de  la  noblesse.  De  grands  gaillards  «  foy^t  bien 
fendus,  »  à  l'haleine  longue,  au  costume  léger,  ornés 
de  plumes,  de  clochettes,  de  rubans,  s'en  allaient  en 
avant  du  carrosse  de  leur  maître  pour  annoncer  son 
arrivée.  Tantôt  ils  étaient  pieds  nus,  tantôt  ils  n'a- 
vaient que  des  chaussures  légères.  Ils  portaient  à  la 
main  une  longue  canne  terminée  par  une  pomme  d'ar- 
gent, dans  laquelle  ils  enfermaient  leur  repas.  Inutile 
de  dire  que  ces  hommes  vivaient  peu  et  que,  du  jour 
où  leurs  membres  épuisés  réclamaient  le  repos,  le 
corps  tout  entier  cédait  à  l'excès  de  la  fatigue,  et  ils 
succombaient. 

De  ces  coureurs,  il  n'est  guère  resté  que  le  nom;  il 
existe  encore  des  valets  de  pied  en  France  et  des 
footmen  en  Angleterre;  mais  l'aristocratie  a  très- 
heureusement  renoncé  au  privilège  qu'elle  tenait  de 

4 


50  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

la  féodalité  d'avoir  à  son  service  des  hommes  dont 
elle  faisait  des  esclaves,  honteusement  soumis  à  tous 
ses  caprices.  Les  valets  de  pied  usent  maintenant  des 
voitures  comme  leurs  maîtres,  et  ce  n'est  plus  qu'aux 
cortèges  des  rois,  à  des  occasions  solennelles,  qu'on 
les  voit  cheminer  à  côté  des  chevaux  d'apparat,  dont 
ils  servent  à  régler  l'alhu-e  et  à  diriger  la  marche. 

On  rencontre  encore  des  coureurs  dans  quelques 
pays  primitifs,  où  ils  sont  chargés  du  service  de  la 
poste,  chez  les  Cafres,  par  exemple.  Munis  du  message 
de  leur  maître  pour  un  chef  voisin,  les  coureurs  par- 
tent dans  le  plus  simple  appareil,  mâchant  seulement 
quelques  feuilles  de  tabac,  dont  le  jus  sert  à  tromper 
leur  soif.  Dès  qu'ils  ont  la  réponse  attendue,  ils  re- 
partent en  courant. 

Les  plus  singuliers  coureurs  sont  ces  petits  négril- 
lons, à  peine  vêtus  de  lambeaux,  qui  se  cramponnent 
à  la  queue  des  chevaux  arabes  et  les  suivent  à  la  course. 
Le  cheval  arrêté,  ils  vont  de  la  queue  à  la  tête  et  gar- 
dent le  coursier  pendant  que  le  maître  vaque  à  ses 
plaisirs  ou  à  ses  affaires. 

Mais  s'il  n'y  a  plus  d'autres  coureurs  que  ceux  que 
l'on  voit  paraître  en  maillot,  de  temps  en  temps,  dans 
les  villes  de  province  et  qui  en  font  le  tour  pour 
quelques  pièces  de  monnaie,  il  y  a  encore  des  mar- 
cheurs. 

Ceux  que  j'admire  le  plus  sont  ces  soldats  qui,  avec 
des  charges  de  15  à  20  kilogrammes,  des  vêtements 
étouffants  et  une  coiffure  aussi  pesante  que  ridicule, 
font  des  étapes  variables  de  50  à  40  kilomètres  pen- 


LES  ANIMAUX  MOTEURS.  51 

(laiit  quinze  à  vingt  jours  consécutifs;  et  je  mets  au 
nombre  des  faits  les  plus  remarquables,  les  marches 
forcées  des  armées  en  campagne.  Les  distances  par- 
courues en  un  jour,  durant  les  guerres  du  premier 
empire,  ont  atteint  48  et  même  60  kilomètres.  Qu'on 
se  rappelle  le  passage  des  Alpes  ou  la  retraite  de 
Russie  :  dans  un  cas,  un  faîte  à  franchir  avec  des 
canons  et  tout  un  matériel  de  guerre;  dans  l'autre, 
une  longue  marche  à  fournir  dans  la  neige  ou  dans  la 
boue,  en  dépit  du  froid  et  de  la  faim.  Il  faut,  chez  les 
hommes  qui  accomplissent  de  semblables  hauts  faits, 
une  force  physique  doublée  d'une  force  morale  excep- 
tionnelle, comme  peuvent  seuls  en  faire  naître  des 
événements  extraordinaires.  Mais  fallait-il  exciter  tant 
de  vertu  pour  verser  tant  de  sang  ? 

Le  soldat  rentrant  au  village  devient  souvent  facteur 
rural  ;  nous  le  voyons,  dans  certaines  parties  monta- 
gneuses de  la  France,  faire,  pour  un  salaire  des  plus 
modestes,  un  service  des  plus  fatigants.  Les  véloci- 
pèdes, dont  nous  parlerons  plus  loin,  viendront-ils 
quelque  jour  rendre  leur  tâche  moins  rude?  Nous  n'o- 
sons l'espérer;  car,  tandis  que  le  facteur  passe  partout, 
à  travers  champs,  dans  les  sentiers,  sur  les  rochers, 
le  vélocipède  ne  passe  que  sur  les  chemins  frayés,  sur 
les  chaussées  unies  et  peu  inclinées.  Combien  de  nos 
chemins  vicinaux  ne  pourraient  convenir  à  ces  légers 
véhicules  ! 

Indépendamment  de  ces  marcheurs  de  profession, 
il  apparaît  de  loin  en  loin  quelque  marcheur  hors  li- 
gne. L'un  des  plus  remarquables  est  le  capitaine  Bar- 


52  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

clay.  C'était  en  juillet  1809;  il  paria  3000  livres  ster- 
ling (75000  francs),  qu'il  parcourrait  en  1000  heures 
consécutives  un  espace  de  1000  milles.  Les  paris 
s'élevèrent  même  jusqu'à  100  000  livres  sterling 
('2  500  000  francs)  :  41  jours  et  41  nuits  de  marche 
non  interrompue  !  La  distance  de  1000  milles  corres- 
pond à  1609  kilomètres  ou  402  lieues.  Le  pari  fut 
gagné,  et  le  retour  du  capitaine  Barclay  salué  par  les 
cloches  sonnant  à  toute  volée. 

Mais  qu'importent  ces  tours  de  force,  aussi  dépour- 
vus d'utilité  pour  celui  qui  les  exécute  que  d'intérêt 
réel  pour  celui  qui  les  observe?  La  marche  des  Landais 
dans  les  pays  marécageux  qui  s'étendent  entre  la  Ga- 
ronne et  l'Adour,  depuis  la  Gélise  jusqu'aux  dunes  de 
l'Océan,  ou  des  Hollandais  sur  le  miroir  glacé  de  leurs 
canaux,  nous  paraît  plus  digne  de  fixer  l'attention. 

C'est  du  haut  de  ses  échasses,  qui  l'élèvent  de 
1  mètre  à  1°',60  au-dessus  du  sol,  que  le  berger  lan- 
dais garde  son  troupeau.  Un  bourrelet  de  bois,  de  corne 
ou  d'os,  appelé  cret  ou  'pedis,  garnit  la  partie  infé- 
rieure de  ces  échasses  et  les  empêche  de  pénétrer  dans 
la  vase.  Le  pâtre  porte  à  la  main  un  long  bâton,  appelé 
yaou  tchanqueij,  et  qui  lui  sert  de  balancier  quand  il 
marche  ou  de  point  d'appui  quand  il  veut  se  reposer. 
Ainsi  perché  sur  ces  chanquesy  il  domine  la  bruyère, 
traverse  les  marais,  garde  ses  troupeaux  et  se  garde 
lui-même  des  attaques  des  loups.  Il  s'en  va  ainsi  tous 
les  jours,  insoucieux,  entre  ciel  et  terre,  et  tricotant 
quelque  paire  de  bas  de  laine  couleur  de  bête. 

C'est  au  moment  où  l'hiver  semble  ralentir  l'acli- 


pisIllIglSilll' 


LES  ANIMAUX  MOTEURS.  55 

vite  de  tous  les  êtres  que  les  Hollandais  se  livrent 
au  plaisir  tant  aimé  de  Klopstock  et  de  Goethe.  La 
surface  polie  des  canaux  qui  sillonnent  la  Hollande 
forme  comme  autant  de  chemins  propres  à  la  circula- 
tion. Ce  sont,  non-seulement  des  champs  ouverts  à 
leurs  jeux  et  sur  lesquels  ils  se  livrent,  hommes  et 
femmes,  à  des  courses  de  vitesse,  ce  sont  encore  des 
voies  de  communication  rapide,  que  les  femmes  sui- 
vent pour  aller  au  marché,  les  hommes  pour  se  rendre 
à  leurs  travaux.  Le  patin  est  aussi  appliqué  à  l'art  mi- 
litaire, et  il  s'est  formé,  dans  différents  pays  du  Nord, 
des  corps  de  patineurs,  armés  à  la  légère,  et  qui, 
grâce  à  la  rapidité  de  leur  course,  peuvent  rendre, 
dans  certains  cas,  de  très-utiles  services. 

Mais  le  patin  et  Péchasse  ne  s'emploient  que  dans  ces 
cas  particuliers  où  la  surface  du  sol  est  fangeuse  ou 
glacée.  Hors  de  là,  l'homme  retombe  sur  ses  jambes, 
c'est-à-dire  sur  des  organes  qui  ne  doivent  fournir, 
d'une  manière  normale,  qu'une  course  de  peu  d'éten- 
due. Que  l'on  rapproche,  en  effet,  la  constitution  ana- 
tomique  de  l'homme  de  celle  des  animaux  le  mieux 
doués  pour  la  marche,  ou  pour  la  course,  et  l'on  re- 
marque qu'il  manque  de  ces  deux  qualités  essentielles, 
qui  font  le  mérite  de  ces  animaux  :  la  foi^ce  des  mus- 
cles des  membres  locomoteurs,  le  développement  de 
la  capacité  thoracique  et  des  organes  respiratoires  qui 
y  sont  renfermés. 


56  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 


II.    —    LE    CHEVAL,    LANE,    LE    MULET,    LHEMIONE, 

LE    BCEUF,    LE  YACK,    LE    BISON,    LE   CHAMEAU,    l'ÉLÉPHANT,    LE    RENNE, 

UE   CHIEN,    l'autruche. 


L'homme  s'est  emparé  du  cheval  et  l'a  dompté. 

«  La  plus  noble  conquête  que  l'homme  ait  jamais 
faite  est  celle  de  ce  fier  et  fougueux  animal...  »,  a  dit 
Buffon.  «  Non-seulement  il  fléchit  sous  la  main  de 
celui  qui  le  guide,  mais  il  semble  consulter  ses  désirs  ; 
et,  obéissant  toujours  aux  impressions  qu'il  en  reçoit, 
il  se  précipite,  se  modère  ou  s'arrête  et  n'agit  que  pour 
y  satisfaire.  C'est  une  créature  qui  renonce  à  son  être 
pour  n'exister  que  par  la  volonté  d'un  autre  ;  qui  sait 
même  la  prévenir,  qui,  par  la  promptitude  et  la  pré- 
cision de  ses  mouvements,  l'exprime  et  l'exécute;  qui 
gent  autant  que  l'on  désire  et  ne  rend  qu'autant  qu'on 
veut;  qui,  se  livrant  sans  réserve,  ne  se  refuse  à  rien, 
sert  de  toutes  ses  forces,  s'excède  et  même  meurt  pour 
mieux  obéir.  » 

Selon  la  Fable,  les  dieux  s'en  servaient  comme 
de  monture  ordinaire  ou  l'attelaient  à  leurs  chars. 
La  Bible,  dans  Esther,  raconte  «  que  l'on  envoya  des 
lettres  par  des  courriers  à  cheval  sur  des  coursiers 
rapides,  sur  des  dromadaires  issus  de  juments  ». 

Le  cheval  semble  avoir  toujours  été  l'auxiliaire  de 
l'homme.  Chez  tous  les  peuples,  on  le  rencontre  à  l'é- 
tat domestique.  Dans  le  nord  de  l'Afrique,  on  trouve  le 
cheval  arabe,  le  kochlané  ou  pur  sang,  le  type  de  la  race, 


LES  AMMAUX  MOTEURS.  57 

OU  le  kadisclié  provenant  de  croisements  inconnus, 
tous  deux  reniarquables  par  l'élégance  de  leurs  for- 
mes et  la  rapidité  de  leur  course.  Dans  la  Barbarie,  on 
emploie  des  chevaux  pour  le  manège  ;  en  Espagne,  des 
chevaux  pour  le  manège  ou  la  cavalerie;  en  Angle- 
terre, des  chevaux  de  course,  et  dans  les  différentes 
régions  de  la  France,  des  chevaux  pour  tous  les 
usages.  En  Normandie,  ce  sont  des  chevaux  de  trait  et 
de  manège;  dans  le  Limousin,  des  chevaux  de  selle; 
dans  la  Franche-Comté,  des  chevaux  de  trait;  en 
Auvergne,  on  élève  le  bidet  et  dans  le  Poitou  le  mulet. 

Le  cheval  se  plie  à  tous  les  travaux  qu'on  lui  im- 
pose, prend  le  pas,  le  trot,  l'amble  ou  le  galop,  selon 
le  bon  plaisir  de  celui  qui  le  dirige.  C'est  avec  la  même 
allure  résignée  qu'il  suit  le  sillon  de  la  charrue,  l'or- 
nière du  chemin,  la  piste  du  champ  de  courses  ou  du 
manège.  Il  ira  en  ligne  droite  le  long  d'une  voie  ferrée, 
tournera  en  cercle  pour  élever  l'eau  du  maraîcher,  ou 
marchera  sur  lui-même  sans  avancer,  comme  l'écu- 
reuil dans  sa  cage,  ou  comme  le  chien  du  cloutier. 
C'est  enfin  le  premier  instrument  de  l'agriculture  et 
de  l'industrie. 

Sans  vitesse,  il  peut  produire  un  effort  de  360  ki- 
logrammes; à  la  vitesse  moyenne  de  1  mètre  par 
seconde,  cet  effort  n'est  plus  que  de  80  à  90  kilo- 
grammes ;  encore  faut-il  que  le  travail  ne  soit  pas  trop 
prolongé.  Aussi  ne  compte-t-on  d'ordinaire  que  sur 
70  kilogrammes  seulement. 

Des  expériences  très-nettes  ont  permis  de  comparer 
le  travail  de  l'homme  et  celui  du  cheval  :  tandis  que 


58  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

l'homme,  qui  roule  un  fardeau  sur  une  voiture  à  deux 
roues  et  revient  au  point  de  départ  chercher  un  nou- 
veau chargement,  peut  travailler  durant  dix  heures, 
avec  une  vitesse  de  50  centimètres  par  seconde  et  exer- 
cer un  effort  moyen  de  100  kilogrammes,  le  cheval 
peut,  travaillant  le  même  temps,  mais  avec  une  vi- 
tesse de  60  centimètres  par  seconde,  exercer  un  effort 
moyen  de  700  kilogrammes.  La  quantité  de  travail 
journalière  est  représentée,  pour  l'homme,  par 
1800  000  kilogrammètres\  et  pour  le  cheval,  par 
15  120  000  kilogrammètres .  —  Tandis  que  le  porte- 
faix peut  exercer,  durant  une  journée  de  7  heures,  et 
à  une  vitesse  de  75  centimètres  par  seconde,  un  effort 
moyen  de  40  kilogrammes,  le  cheval  chargé  sur  le 
dos,  peut,  durant  10  heures  de  travail  et  en  marchant 
avec  une  vitesse  de  l'",1 0  par  seconde.,  développer  un 
effort  moyen  de  120  kilogrammes. 

Ces  chiffres  représentent,  hien  entendu,  des  résul- 
tats moyens;  car  le  poids  que  l'homme  peut  porter 
s'élève  jusqu'à  150  kilogrammes.  Il  a  même  atteint  le 
chiffre  de  450  kilogrammes.  Les  portefaix  de  Rive-de- 
Gier,  qui  chargent  les  bateaux,  portent  un  hectolitre 
de  houille  de  85  kilogrammes  à  56  mètres,  et  font  de 
290  à  500  voyages  par  jour. 

Il  est  assez  intéressant  de  comparer  aussi  les  vitesses 
que  peuvent  prendre  l'homme  et  le  cheval  à  la 
course. 

La  vitesse  du  coureur  peut  être  de  13  mètres  par 

*  Le  kilogrammèlre,  ou  unité  de  travail,  est  le  travail  dû  au  poids 
de  1  kilogramme  élevé  à  1  mètie  de  hauteur. 


LES  ANIMAUX  MOTEURS.  59 

seconde  pendant  quelques  instants;  la  vitesse  ordi- 
naire est  de  7  mètres.  (Le  marcheur  ne  s'avance  qu'a- 
vec une  vitesse  de  2  mètres,  et  le  voyageur  ne  parcourt 
que  1"\60  par  seconde.) 

La  plus  grande  vitesse  que  puisse  prendre  un  cheval 
dans  une  course  d'un  quart  d'heure,  ne  dépasse  pas  14 
à  15  mètres.  La  vitesse  au  galop  est  de  10  mètres,  au 
trot  de  5'", 50  à  4  mètres,  au  grand  pas  de  2  mètres  et 
au  petit  pas  de  1  mètre. 

Il  y  a  quelques  années,  le  service  des  postes  em- 
ployait un  grand  nombre  de  chevaux  de  choix,  que 
les  chemins  de  fer  ont  presque  complètement  dis- 
persés. Les  chevaux  des  malles-postes  traînaient 
500  kilogrammes  à  la  vitesse  de  4"", 44,  et  parcouraient 
20  kilomètres  par  jour;  ceux  des  diligences  allant 
moins  vite  (3"\55  par  seconde),  traînaient  800  kilo- 
grammes et  parcouraient  24  kilomètres  par  jour.  En- 
fin, les  chevaux  des  chasse-marée,  qui  parcourent 
52  kilomètres  par  jour,  avec  une  vitesse  de  2™, 20  par 
seconde,  ne  traînent  que  560  kilogrammes. 

Moins  vif,  moins  valeureux,  moins  beau  que  le  cheval, 
L'àne  est  son  suppléant  et  non  pas  son  rival. 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  le  coursier  de  Silène, 
qui  l'emporte  sur  son  maître  par  sa  sobriété,  rend, 
comme  porteur,  de  précieux  services  à  l'agriculture. 

Les  petites  exploitations  Tutilisent  avec  avantage 
pour  les  transports  à  faible  distance,  et  les  gens  pau- 
vres le  préfèrent  à  raison  de  la  facilité  qu'ils  ont  à  le 


60  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

nourrir  et  à  le  loger.  C'est  le  souffre-douleur  de  la 
famille  domestique,  c'est  pour  lui  que  sont  tous  les 
coups.  Qui  n'a  pris  en  pitié  le  sort  de  ces  pauvres 
bêtes,  en  Espagne  et  en  Afrique,  où  on  leur  voit  suivre 
par  troupes  nombreuses  des  chemins  à  peine  tracés. 


Fig.  5.  —  Éléphant  portant  un  a'méry. 


pliant  sous  la  charge  de  lourds  sacs  de  blé  ou  sous  le 
faix  de  longs  Arabes,  aux  jambes  traînantes? 

Le  mulet  est  le  cheval  du  montagnard.  A  lui  les 
chemins  étroits  dans  les  rochers,  et  le  transport  du 
bois  réduit  en  charbon.  Bon  pied,  bon  œil,  tête  sûre, 


LES  ANIMAUX  MOTEURS.  01 

à  l'abri  du  vertige  et  défiant  les  précipices  ;  mais  al- 
lure lente,  justifiée  par  l'ampleur  de  sa  taille. 

Plus  vite  que  les  meilleurs  chevaux  arabes  court 
l'hémione,    et   nous    nous    demandons   pourquoi  le 


0.  —  Éléphant  portant  un  hauclah. 


Dziggetai,  très-répandu  dans  le  pays  des  Katch,  au  nord 
de  Guzzerat,  dans  l'Inde,  et  dont  on  se  sert  à  Bombay 
comme  cheval  de  selle  et  de  trait,  n'a  pas  encore  été 
acclimaté. 

Puisque  nous  sommes  dans  l'Inde,  nous  parlerons 


62  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTIO^^ 

de  l'éléphant,  le  géant  des  bêtes  de  transport,  sinon  la 
plus  utile,  et  dont  on  se  sert  dans  diverses  contrées 
de  l'Asie.  L'éléphant  peut  parcourir  80  kilomètres  par 
jour,  en  portant  un  poids  de  1000  kilogrammes. 
D'après  le  chev.  P.  Armandi,  auteur  d'un  ouvrage 
fort  intéressant  sur  l'histoire  militaire  des  éléphants, 


Fig.  7.  —  Petits  éléphants  du  Jardin  d'acclimatation. 


ces  animaux  ne  pouvaient  faire,  avec  une  semblable 
charge,  que  12  à  15  lieues  par  jour  (48  à  60  kilomè- 
tres). «  La  marche  ordinaire  de  l'éléphant,  dit  cet 
écrivain,  n'est  guère  plus  rapide  que  celle  du  cheval; 
mais,  quand  on  le  pousse,  il  prend  une  sorte  de  pas 
d'amble,  qui,  pour  la  vitesse,  équivaut  au  galop.  11  a 
le  pied  très-sûr,  il  marche  avec  circonspection  et  il 


fcc 


LES  ANIMAUX  MOTEURS.  C5 

lui  arrive  rarement  de  broncher.  Malgré  cela,  c'est 
toujours  une  monture  incommode,  à  cause  de  son  ba- 
lancement continuel  et  de  son  allure  saccadée.  » 

L'éléphant  était  autrefois  employé  dans  les  combats 
et  portait  sur  son  dos  une  tour  abritant  cinq  ou  six 
soldats  au  plus,  armés  de  piques  ou  de  traits.  Plus 
tard,  le  sénat  romain  attela  deux  éléphants  aux  chars 
des  empereurs  revenant  vainqueurs  de  l'Orient.  Au- 
jourd'hui, l'éléphant  sert  aux  voyages  dans  l'Inde. 
On  lui  met  sur  le  dos  soit  une  galerie  découverte,  de 
construction  légère,  simplement  garnie  de  coussins, 
appelée /lot^da/i  ou  haudafi,  et  qui  peut  contenir  deux 
ou  trois  voyageurs,  ou  bien,  pour  les  dames  ou  les 
grands  personnages,  une  galerie  couverte  de  rideaux 
de  soie,  ornée  de  banderoles  et  connue  sous  le  nom 
à'crmery. 

Mais  l'éléphant  ne  se  reproduit  pas  dans  la  vie  do- 
mestique ;  il  lui  faut  la  profondeur  et  le  silence  des 
forêts  ;  aussi  n'y  a-t-il  guère  à  espérer  qu'il  se  répande 
jamais  en  Europe. 

Le  chameau,  de  taille  plus  modeste,  l'emporte  sur 
l'éléphant  par  les  services  qu'il  rend  aux  populations 
africaines.  C'est  le  navire  du  désert,  a-t-on  dit  avec 
beaucoup  de  vérité.  Et,  en  effet,  les  sables  sahariens 
ne  forment-ils  pas  une  vaste  mer  mouvante  qui  a  ses 
tempêtes,  quand^souffle  le  Simoun  (les  poisons),  ou 
comme  les  Arabes  le  nomment  :  le  Kamsin,  «  qui 
sèche  l'eau  des  puits  » .  «  Dans  le  désert,  l'homme 
redevient  promptement  un  animal  féroce  ;  le  soin  de 
son  propre  salut  le  préoccupe  à  ce  point  qu'il  ne  se 


66  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION, 

retournerait  seulement  pas  pour  secourir  son  semblable 
en  danger ^  »  Si  l'Arabe  n'avait  le  chameau,  quel 
autre  animal  pourrait  lui  faire  parcourir  le  désert? 
Admirable  prévoyance  de  Dieu  qui,  à  côté  de  la  vaste 
plaine  brûlante,  a  rais  la  monture  propre  à  en  faciliter 
l'accès  ! 

Tout  le  monde  connaît  la  sobriété  du  chameau.  11 
peut  marcher  pendant  des  semaines  entières,  à  raison 
de  16  à  18  heures  par  jour,  avec  un  fardeau  de  400  ki- 
logrammes en  moyenne,  sans  demander  autre  chose 
qu'un  litre  d'eau  chaque  jour,  et  une  livre  d'une 
nourriture  quelconque  :  paille,  orge,  chardons,  lier- 
bes  ou  noyaux  de  dattes.  Pour  une  traversée  de  40  à 
50  heures,  comme  celle  du  Caire  à  Suez,  il  peut  se 
passer  de  toute  boisson  et  de  toute  nourriture. 

La  soumission  du  chameau,  sa  patience,  sont  égales 
à  celles  du  bœuf;  mais  tandis  que  l'un  rentre  dans 
la  catégorie  des  bétes  de  somme,  l'autre  appartient 
plus  spécialement  à  celle  des  bétes  de  trait.  De  même 
que  le  cheval,  le  bœuf  se  trouve  dans  tous  les  pays  et 
partage  avec  lui  les  rudes  travaux  de  l'agriculture. 
C'est  dans  les  régions  montagneuses  et  dans  les  pays 
chauds  que  l'usage  du  bœuf  est  le  plus  répandu.  Là, 
il  tire  la  charrue  et  fait  tous  les  transports  qui  ne 
réclament  pas  de  vitesse.  Attelé  au  manège  d'une 
noria,  il  peut  développer  un  effort  moyen  de  60  kilo- 
grammes, tandis  que  le  cheval  n'est  capable  de  pro- 
duire qu'un  effort  de  45  kilogrammes  ;  sa  vitesse,  il 
€st  vrai,  n'est,  dans  ce  cas,  que  de  0'",60  par  seconde, 

*  M.  du  Camp,  Orient  et  Italie, 


LES  ANIMAUX  MOTEURS,  69 

tandis  que  celle  du  cheval  est  de  moitié  plus  grande, 
ou  de  0"\90  dans  le  même  temps. 

A  côté  du  bœuf  viennent  se  ranger  les  membres  de 
la  même  famille  :  le  yack,  des  montagnes  du  Thibet, 
qui  se  monte,  et  dont  l'agilité  est  supérieure  à  celle 
du  bœuf;  le  bison,  qui  abonde  dans  l'Amérique 
septentrionale,  et  que  M.  Lamare-Picquot  a  proposé 
d'acclimater  en  1849,  comme  bête  de  trait  et  de  bou- 
cherie. 

Les  usages  que  l'on  tire  du  bœuf,  lorsque  l'âge  ne 
lui  permet  plus  de  fournir  un  service  actif,  sont  plus 
nombreux  encore  que  ceux  que  l'on  obtient  des  diffé- 
rentes parties  du  corps  du  chameau.  Sa  chair,  sa  peau, 
sa  graisse,  son  poil,  ses  cornes,  ses  os,  ses  nerfs,  ses 
intestins,  son  sang,  ses  issus  même,  sont  utilisés. 
Aussi,  en  pensant  au  culte  public  que  les  Egyptiens 
rendaient  au  bœuf  Apis,  est-on  surpris  qu'il  n'ait  pro- 
duit de  nos  jours  que  l'insignifiante  et  ridicule  masca- 
rade du  bœuf  gras,  où  les  grands  prêtres  sont  rem- 
placés par  des  garçons  bouchers,  travestis  en  hercules 
assommeurs. 

L'homme  n'a  pas  d'autres  auxiliaires  dans  les  pays 
chauds  et  dans  les  pays  tempérés  que  les  animaux  dont 
nous  venons  de  parler. 

Dans  les  contrées  septentrionales,  en  Russie,  en 
Norwége,  le  renne  remplace  avantageusement  le 
cheval.  Il  sert  à  la  fois  de  bête  de  trait  et  de  somme 
et  peut  faire  jusqu'à  120  kilomètres  par  jour,  se  con- 
tentant seulement  de  quelques  bourgeons,  d'écorces 
ou  de  lichen  qu'il  déterre  sous  la  neige. 


70  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Comme  le  renne,  le  chien  se  met  au  traîneau  et 
rend  au  voyageur  qui  se  lance  sur  les  glaces  des  mcjrs 
polaires  de  précieux  services.  Le  docteur  J.-J.  Hayes, 
chirurgien  de  la  marine  des  États-Unis,  raconte  ainsi 
la  dernière  partie  de  son  voyage  à  la  mer  libre  du 
pôle  arctique  :  «  Notre  traversée  n'a  pas  eu  sa  pareille 
dans  les  aventures  arctiques....  Les  soixante-quinze 
derniers  kilomètres,  où  nous  n'avions  plus  que  nos 
chiens,  nous  ont  pris  quatorze  journées  ;  et  l'on  com- 
prendra mieux  combien  la  tâche  était  rude,  si  l'on  se 
rappelle  qu'une  semblable  étape  peut  être  parcourue 
en  cinq  heures  par  un  attelage  de  force  moyenne  sur 
de  la  glace  ordinaire,  et  ne  le  fatiguerait  pas  moitié 
autant  qu'une  seule  heure  de  tirage  au  milieu  de  ces 
hummocks  qui  semblaient  se  multiplier  sous  nos  pas. 
—  Le  chien  de  cette  race  court  plus  volontiers  sur  la 
glace  unie  avec  un  fardeau  de  cent  livres  qu'il  n'en 
traîne  vingt-cinq  sur  une  route  qui  le  force  à  marcher 
à  pas  lents.  » 

Nous  avons  parlé  de  la  plupart  des  quadrupèdes  que 
l'homme  emploie  à  le  porter  ou  à  le  traîner.  Mais  il 
est  un  bipède  que  certains  peuples  de  l'Afrique  em- 
ploient aussi  comme  coursier  :  l'autruche.  Sa  force  ne 
le  cède  en  rien  à  la  rapidité  de  sa  course.  Il  semble 
voler  ;  et  l'on  se  fera  une  idée  de  sa  vitesse  quand  on 
saura  que  le  chasseur  qui  la  poursuit  est  souvent  forcé 
de  courir  huit  à  dix  heures  avant  de  l'atteindre. 

Ainsi  qu'on  le  voit,  dans  quelque  pays,  sous  quel- 

*  que  latitude  que  l'homme  se  place,  il  trouve  à  ses 

côtés  l'animal  capable  de  suppléer  à  sa  faiblesse  et  de 


LES  ANIMAUX  MOTEURS.  73 

prolonger  sa  course  aussi  loin  qu'il  le  désire  :  mers 
de  glaces  ou  de  sables  brûlants,  il  peut  tout  aborder. 
Est-il  seul  à  voyager?  il  enfourche  une  monture?  a-t-il 
lourd  à  porter?  il  attelle  la  bête  à  un  véhicule.  Le 
repos  du  corps  laisse  entière  l'activité  de  l'esprit. 


CHAPITRE  III 

LES   VÉHICULES   DANS   L'ANTIQUITÉ 


BIGA,    CARPENTUM,    CISIUM,    PILENTUr/l,    BENNA,    CHARS    D  HÉLIOGABALE, 
CHAR    FUNÈBRE    d'aLEXANDRE,    LITIÈRES    ET    BASTERNES. 


Les  véhicules  le  plus  en  usage  dans  les  temps  an- 
ciens, ceux  dont  les  bas-reliefs  de  la  Grèce  ou  de 
Rome  nous  ont  conservé  l'image,  et  dont  les  histo- 
riens nous  font  le  récit,  sont  les  chars  à  deux  roues 
qui  servaient  dans  les  combats,  dans  les  courses  du 
cirque,  dans  les  fêtes  triomphales  ou  dans  les  céré- 
monies religieuses. 

La  biga  était  une  sorte  de  caisse  montée  sur 
deux  roues,  ouverte  à  l'arrière  et  sans  aucun  siège. 
Elle  était  tirée  par  deux  chevaux  attelés  de  front  de 
chaque  côté  d'une  flèche  unique  ou  timon.  Cette 
caisse  était  tantôt  en  bois,  tantôt  en  métal  et  plus 
ou  moins  ornée  suivant  les  circonstances.  Dans  les 
jeux  du  cirque,  le  lutteur  conduisait  lui-même  l'atte- 
lage ;  à  la  guerre ,  un  conducteur  spécial  dirigeait 


LES  YËIIIGULES  DANS  L'ANTIQUITE.  77 

les  chevaux  pour  laisser  au  combattant  le  libre  usage 
de  ses  armes. 

Nous  ne  voyons  plus  ces  chars  qu'aux  courses  de 
l'Hippodrome,  à  Paris.  Tous  les  ans  aussi,  Florence  a 
ses  courses  de  chars.  Des  cocchi,  vêtus  à  la  romaine, 
montés  sur  leur  t/ieda,  soulèvent  des  nuages  de  pous- 
sière dans  des  courses  de  vitesse  aux  applaudisse- 
ments de  la  foule  qui  entoure  la  place  Sainte-Maric- 
Nouvelle. 

Ces  chars  s'appelaient  autrefois  bigœ,  trigœ^  qua- 
drigœ,  suivant  qu'ils  étaient  traînés  par  deux,  trois 
ou  quatre  chevaux  de  front.  Il  y  avait  aussi  des  sejugœ, 
ou  chars  à  six  chevaux,  et  des  septijugœ  ou  chars  à 
sept  chevaux. 

On  attribue  l'invention  des  chars  à  Erichthonius, 
roi  d'Athènes,  qui  institua  les  fêtes  des  Panathénées, 
si  célèbres  dans  toute  la  Grèce.  D'autres  historiens 
croient  pouvoir  en  faire  remonter  la  découverte  jus- 
qu'à Triptolème,  ou  même  jusqu'à  Pallas  ou  à  Nep- 
tune. Nous  ne  chercherons  pas  à  vider  le  différend 
qui  les  divise  à  ce  sujet.  L'invention  des  chars  date 
de  la  plus  haute  antiquité,  c'est  incontestable;  mais 
nous  doutons  fort  que  les  dieux  de  la  Fable  aient  fait, 
de  leurs  mains,  les  chars  sur  lesquels  on  les  repré- 
sente si  souvent  montés  et  à  l'aide  desquels  ils  voya- 
gent au  milieu  de  l'éther  ou  sur  les  vagues  de  l'Océan, 
tirés  par  des  coursiers  ardents,  des  dauphins  moitié 
chevaux,  moitié  poissons,  ou  même  de  simples 
papillons. 

Le  carpentum  était  la  riche  voiture  à  deux  ou  à 


78  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

quatre  roues  et  à  deux  ou  à  quatre  chevaux,  attelés  de 
front,  la  voiture  de  cérémonie.  Le  carpentum  était 
d'ordinaire  couvert  et  servait  aux  prêtres  et  aux  dames 
romaines.  C'était  la  voiture  de  la  mariée,  celle  qu'en 
Grèce  on  appelait  apène. 

Notre  cabriolet  moderne  portait  autrefois  le  nom 
de  cisium,  mais  il  différait  notablement  de  celui  que 
nous  connaissons.  Il  s'ouvrait  par  devant  et  avait  un 
siège  ;  la  caisse  n'était  pas  suspendue ,  le  siège 
seul  était  porté  par  des  courroies  destinées  à  adoucir 
les  chocs  des  chemins,  à  cette  époque  très  imparfaits. 
On  sait,  en  effet,  qu'à  part  les  quelques  voies  straté- 
giques qui  furent  faites  de  bonne  heure  en  Italie,  et 
qui  réunissaient  Rome  aux  principales  villes  de  la  pé- 
ninsule, les  voies  de  communication  manquaient  pres- 
que complètement.  Le  cisium,  n'ayant  que  deux  roues, 
pouvait,  plus  facilement  que  le  carpentum,  passer 
dans  tous  les  chemins  :  aussi  l'employait-on  comme 
voiture  de  voyage. 

La  voiture  de  ville  des  matrones  romaines,  celle 
des  vestales,  dont  la  loi  interdisait  l'usage  aux  cour- 
tisanes, s'appelait  puentum.  Elle  était  découverte,  à 
deux  places,  à  deuîL  ou  à  quatre  roues.  Des  colonnettes 
en  bois,  en  cuivre,  ou  même  en  argent  ou  en  ivoire, 
richement  sculptées,  soutenaient  la  toiture  de  la  voi- 
ture. Les  arabas  des  dames  du  sérail  et  des  patri- 
ciennes musulmanes  d'aujourd'hui  ont  quelque  res- 
semblance avec  le  pilentum.  Les  arabas  sont  les  voi- 
tures dans  lesquelles  l'aristocratie  féminine  musul- 
mane va  se  promener,  à  certains  jours  de  liesse,  aux 


LES  VEHICULES  DANS  L'ANTIQUITE.  79 

Eaux  douces  d'Europe  ou  d'Asie,  sur  la  rive  orientale 
du  Bosphore  de  Thrace  :  lourds  carrosses,  tirés  par  des 
bœufs  à  la  lente  allure,  et  conduits  par  des  eunuques  ^ 
Un  diminutif  de  ces  voitures,  destiné  à  être  traîné 


Fig.  12.  —  L'Aruba. 

par  des  chèvres,  est  au  musée  de  Trianon  à  Versailles. 
11  a  été  donné  par  le  sultan  au  prince  impérial. 

Une  voiture  très  à  la  mode  depuis  quelques  années, 
le  panier^  la  voiture  de  campagne,  était  aussi  très  en 
vogue  autrefois.  On  la  trouve  chez  les  Romains  où 
elle  s'appelle  sirpea,  chez  les  Spartiates  où  elle  se 
nomme  canathra,  chez  les  Grecs  où  elle  porte  le  nom 


Voyage  Illustré  des  Deux  Mondes,  Mornand  et  Vilboit. 


80  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTIO>\ 

de  jylecta,  et  enfin  chez  les  Gaulois  qui  l'appellent 
benna.  La  benna  servait  à  la  guerre  au  transport  des 
personnes  et,  durant  la  paix,  au  transport  des  per- 
sonnes et  des  choses. 

Telles  étaient  les  principales  voitures  en  usage  dans 
l'antiquité  ;  mais,  à  côté  de  ces  voitures  dont  chacun 
se  servait  suivant  ses  fonctions  ou  dans  telle  ou  telle 
circonstance,  il  s'en  est  trouvé  de  particulièrement  re- 
marquables par  le  luxe  de  leur  construction. 

«  Héliogabale,  le  Sardanapale  de  Rome,  nous  dit 
M.  Ramée,  dans  son  histoire  des  chars,  carrosses,  etc., 
d'apl'ès  rhistorien  Lampride,  avait  des  voitures  cou- 
vertes de  pierres  précieuses  et  d'or,  ne  faisant  aucun 
cas  de  celles  qui  étaient  garnies  d'argent,  d'ivoire  ou 
d'airain.  Il  attelait  parfois  à  un  char  deux,  trois  et 
quatre  femmes  des  plus  belles,  ayant  le  sein  découvert, 
et  par  lesquelles  il  se  faisait  traîner.  Cet  empereur, 
n'étant  encore  que  particulier,  ne  se  mettait  jamais 
en  route  avec  moins  de  soixante  chariots.  Empereur, 
il  se  faisait  suivre  de  six  cents  voitures,  alléguant  que 
le  roi  des  Perses  voyageait  avec  dix  mille  chameaux 
et  Néron  avec  cinq  cents  carrosses.  » 

Le  même  Héliogabale  avait  pour  son  dieu  Elégabale 
un  char  orné  d'or  et  de  pierres  précieuses,  traîné  par 
six  chevaux  blancs  richement  caparaçonnés.  Le  dieu 
conduisait  ou^  mieux  semblait  conduire.  Héliogabale 
allait  en  avant  du  char  à  reculons.  Le  chemin  à  par- 
courir était  couvert  de  poudre  d'or  pour  prévenir  ses 
faux  pas  et  l'empêcher  de  glisser  sous  les  pieds  des 
chevaux  dont  il  réglait  l'allure. 


LES  VÉHICULES  DANS  L'ANTIQUITÉ.  81 

L'un  des  chars  les  plus  remarquables  est  celui  dont 
Diodore  de  Sicile  donne  la  description,  et  qui  transporta 
le  corps  d'Alexandre  deBabylone  en  Egypte.  La  voûte 
était  d'or,  recouverte  d'écaillés  en  pierres  précieuses 
au  sommet.  Le  trône  et  les  ornements  placés  sur  ce 
char  étaient  en  or  ;  les  raies  et  les  moyeux  des  roues 
étaient  dorés.  Soixante-quatre  mules,  par  seize  de  front, 


Fig.  13.  —  Litière  à  deux  porteurs. 

portant  des  couronnes  d'or  et  des  colliers  de  pierres 
précieuses,  traînaient  ce  char,  dont  la  construction 
avait  exigé  deux  années  de  travail. 

Indépendamment  des  chars  de  différents  genres  qui 
sont  venus  jusqu'à  nous  plus  ou  moins  transformés,  les 
anciens  avaient  encore  les  litières  et  les  basternes,  qui 
ont  donné  naissance  aux  palanquins  et  aux  chaises 
à  porteurs. 


82  LES  MERVEILLES  DE  L\  LOCOMOTION- 

La  litière  était  le  plus  souvent  portée  par  des  hom- 
mes, mais  quelquefois  on  la  plaçait  sur  un  chameau 
ou  sur  un  éléphant.  Elle  subit,  avec  le  luxe  croissant, 
les  modifications  des  autres  moyens  de  transport.  Elle 


Fig.  14.  —   Litière  à  quatre  porteurs. 

fut  d'abord  découverte  et  très-simple.  On  la  couvrit 
plus  tard,  et  on  l'orna. 

La  basterne  n'était  autre  chose  qu'une  grande  chaise 
à  porteurs  à  deux  places  portée  par  deux  chevaux, 
deux  mules  ou  deux  bœufs. 

La  litière  employée  aujourd'hui  dans  le  Dahomey 
n'est  pas  plus  primitive  que  la  litière  des  anciens.  Aux 
extrémités  d'une  longue  perche  sont  fixées  les  attaches 
d'un  hamac  dans  lequel  le  promeneur  est  étendu.  Une 


LES  VÉHICULES  DANS  L'ANTIQUITE,  83 

draperie  tendue  sur  un  cadre,  relié  lui-même  à  cette 
perche,  fait  tente  au-dessus  de  la  litière  et  garantit  des 
ardeurs  du  soleil.  Deux  nègres  vigoureux  la  portent  en 
courant.  De  temps  en  temps,  deux  hommes  se  déta- 
chent de  la  petite  troupe  d'esclaves  qui  sert  d'escorte 


Fisr.  15.  —  Litière  au  Dahomev. 


et  viennent  les  remplacer,  de  manière  que  l'allure  ne 
soit  jamais  ralentie. 

Ce  moyen  de  transport  primitif,  où  l'homme  rem- 
place la  bête  et  porte  l'homme,  rappelle  ce  qui  se 
passait  au  temps  de  la  domination  romaine  où  les  es- 
claves étaient  forcés  de  se  plier  honteusement  aux  vo- 
lontés et  aux  caprices  de  leurs  maîtres. 


CHAPITRE  IV 


LES    VEHICULES    DEPUIS    L'ANTIQUITE 
JUSQU'AU    DIX-HU  ITIÈME  SIÈCLE 


Les  moyens  de  transport  se  perfectionnent  avec  une 
lenteur  extrême.  Le  cheval  est  celui  qu'on  emploie  de 

préférence. 

Éginhard,  le  premier 
de  nos  historiens,  nous 
raconte  commentles  prin- 
ces de  la  famille  des  Mé- 
rovingiens s'en  allaient 
en  voyage.  «  S'il  était 
nécessaire  que  l'un  d'eux 
allât  quelque  part,  dit-il, 
il  voyageait  monté  sur  un 
chariot  traîné  par  des 
bœufs  qu'un  bouvier  con- 
duisait à  la  manière  des 
paysans.  C'est  ainsi  qu'il  se  rendait  à  l'Assemblée  gé- 
nérale de  la  nation,  qui  se  réunissait  une  foischaque 


Un  abbé  en  vova-ïe 


LES  VEHICULES  DEPUIS  L'A>TIQUITE.  85 

année  pour  les  affaires  du  royaume.  »  Il  nous  faut  aller 
aujourd'hui  en  Turquie  et  dans  l'Inde  pour  trouver  des 
attelages  du  même  genre. 

On  peut  juger  de  la  manière  dont  voyageaient  les 
simples  citoyens  par  la  manière  dont  voyageaient  les 
rois.  Les  routes  étaient  rares,  et  celles  qui  existaient 


^5" 


Fig.  17.  —  Voiture  de  promenade  dans  l'Inde. 


étaient  en  très  mauvais  état.  Les  seigneurs  féodaux,  qui 
auraient  dû  les  faire  entretenir  par  leurs  vassaux,  ne 
s'en  occupaient  nullement.  Ils  concédaient  le  droit  de 
conduite  sur  les  routes  pour  escorter  les  marchands, 
«mais  on  n'entendait  parler  que  de  brigandages  sur  les 
voies  publiques  ».  «  Des  brigands,  ceints  du  glaive,  ra- 
conte Guillaume,  archevêque  de  Tyr,  assiégeaient  les 


86  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

routes,  dressaient  des  embûches  et  n'épargnaient  ni 
les  étrangers  ni  les  hommes  consacrés  à  Dieu.  Les 
villes  et  les  places  fortes  n'étaient  pas  même  à  l'abri 
de  ces  calamités;  des  sicaires  en  rendaient  les  rues  et 
les  places  dangereuses  pour  les  gens  de  bien.  »  Cet 
état  de  choses  dura  plusieurs  siècles,  pendant  lesquels 
la  sécurité  ne  régna  nulle  part.  Au  douzième  siècle,  ce 
sont  les  Routiers,  Brabançons  et  Gottereaux;  au  qua- 
torzième, les  Malandrins  et  lesEcorcheurs,  qui  pillent 
et  dévalisent.  «  Tout  le  pays  en  était  rempli,  et  per- 
sonne n'osait  sortir  des  villes  et  châteaux,  par  crainte 
de  ces  mécréants  qui  n'avaient  nul  souci  de  Dieu.  »  On 
pouvait  être  tranquille  à  l'intérieur  des  villes  ou  dans 
leur  voisinage,  mais  les  paysans  n'osaient  se  risquej 
dans  la  campagne,  loin  des  châteaux  forts  et  des  mo- 
nastères. Durant  la  belle  saison,  ils  restaient  aux 
champs;  mais,  à  l'approche  de  l'hiver,  ils  rentraient 
avec  le  bétail  dans  les  faubourgs.  Le  marchand,  le 
commis  voyageur  d'autrefois  devaient  payer  un  droit 
d'escorte  à  chaque  seigneur  dont  il  traversait  les  terres 
pour  être  garantis  de  toute  rapine. 

Les  seigneurs  ne  dédaignaient  pas  de  s'associer  par- 
fois à  ces  détrousseurs  de  grands  chemins.  C'est  ainsi 
que  Richard  Cœur-de-Lion,  n'étant  encore  que  duc 
d'Aquitaine,  se  fit  le  compagnon  de  Mercadier,chef  de 
routiers  célèbre,  et  lui  donna  plus  tard  les  biens  d'un 
seigneur  du  Périgord.  L'archevêque  de  Bordeaux  lui 
même  fit  ravager  sa  province  par  le  même  Mercadier, 
à  ce  que  rapporte  le  pape  Innocent  III 

Les  rois  de  France,  à  différentes  époques,  s'efforce- 


LES  VÉHICULES  DEPUIS  L'ANTIQUITÉ.  87 

rent  de  porter  rem|de  à  cette  déplorable  situation. 
Louis  VI  était  toujours  à  cheval  et  la  lance  au  poing 
pour  châtier  les  nobles  qui  pillaient  les  voyageurs. 
Philippe  Auguste,  jaloux  de  relever  la  France  au  point 
où  Charlemagne  l'avait  placée,  continua  la  lutte.  Il 
réprima  les  brigandages  des  grands  seigneurs,  fit  paver 
les  rues  et  les  places  de  Paris,  qui  étaient  en  tel  état 
que  les  chevaux  et  les  voitures,  remuant  la  boue,  en 
faisaient  sortir  des  odeurs  insupportables.  On  se  fait 
une  idée  de  ce  que  pouvaient  être  les  routes  de  la 
France,  à  cette  époque,  par  ce  qu'étaient  les  rues  de 
sa  capitale. 

Saint  Louis  remit  en  vigueur  un  capitulaire  de  Char- 
lemagne qui  forçait  les  seigneurs  prenant  péage  à  en 
tretenir  les  routes  et  à  garantir  la  sûreté  des  voya- 
geurs. 

Qui  donc  aurait  osé  entreprendre  de  longs  voyages 
en  ces  temps  de  troubles  et  de  force  brutale  ?  Les  sei- 
gneurs seuls  pouvaient  courir  ces  aventures,  et  encore 
ne  sortaient-ils  guère  de  leurs  domaines  ou  de  ceux  de 
leurs  voisins  amis.  Allaient-ils  à  quelque  fête,  c'était 
sur  des  palefrois ,  richement  caparaçonnés.  Leurs 
dames  les  accompagnaient,  chevauchant  à  leurs  côtés 
sur  des  haquenées  ou  des  mules  encore  plus  brillam- 
ment ornées. 

Certaines  de  ces  montures  sont  restées  célèbres  dans 
les  annales  de  la  chevalerie.  Les  quatre  fils  Aymon, 
Renaud,  Guichard,  Alard  et  Richardet,  combattaient 
sur  un  seul  cheval  qui  s'appelait  Bayard. 

Le  légendaire  paladin  Roland,  avec  sa  Durandal  qui 


88  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

fendait  roc  et  granit,  son  olifant  (cor  enchanté),  dont 

Bruient  li  mont  et  li  vauls  resona  ; 
Bien  quinze  lieues  li  oies  en  ala. 

montait  Bride  d'or. 

Oger  le  Danois,  immortalisé  par  nos  jeux  de  cartes 
sous  le  nom  d'Hogier,  avait  Beiffror  et  Flori. 

Charlemagne  avait  deux  palefrois  :  Blanchard  et  En- 
tencendur.  Enfin  le  Cid  avait  sa  Babiera,  et,  plus 
tard,  don  Quichotte  a  eu  Rossinante. 

Les  chariots  ne  servaient,  au  moyen  âge,  que  pour 
le  transport  des  choses  et  peu  pour  celui  des  gens. 

Lorsque  Thomas  Becket,  plus  tard  archevêque  de 
Cantorbéry,  vint  en  France  demander  la  main  de  Mar- 
guerite, fille  de  Louis  VII,  pour  le  fils  aîné  de  Henri  II, 
roi  d'Angleterre,  il  se  fit  suivre  de  deux  cents  cava- 
liers, tant  soldats  que  serviteurs,  tous  habillés  à  ses 
couleurs  et  richement  vêtus.  Quand  il  entrait  dans  les 
villes  et  les  villages,  tout  le  monde  se  pressait  pour 
voir  défiler  le  long  cortège  du  chancelier,  son  armée 
de  serviteurs,  ses  chariots  qui  faisaient  retentir  les 
pierres,  ses  écuyers,  ses  chiens,  ses  oiseaux,  ses  singes. 
Il  avait  douze  chariots  pour  les  présents  destinés  au 
roi,  un  pour  ses  tapis,  un  pour  sa  vaisselle,  un 
pour  sa  cuisine,  un  pour  sa  chapelle  et  ses  livres, 
Qije  ne  sais  combien  pour  ses  bagages  et  ceux  de  ses 
gens. 

Les  litières  n'étaient  employées  que  pour  les  per- 
sonnes malades  et  pour  les  dames  à  certaines  cérémo- 
nies d'apparat.  C'est  ainsi  que  le  comte  de  Toulouse 


LES  VÉHICULES  DEPUIS  L'ANTIQUITÉ.  89 

Raymond  VI,  étant  malade  en  Aragon,  se  fit  construire 
une  litière  pour  aller  à  Toulouse. 

Isabelle  de  Bavière  fit  son  entrée  à  Paris  le  20  août 
1389.  La  cérémonie  surpassa  en  magnificence  tout  ce 
qu'on  avait  vu  jusqu'alors.  Le  cortège  se  forma  à  Saint- 
Denis.  Les  seigneurs  et  les  dames  s'étaient  portés  dans 
celte  ville  à  la  rencontre  de  la  princesse  :  les  plus  hauts 
barons  rivalisaient  de  luxe  et  tenaient  à  honneur  d'es- 
corter les  litières  des  duchesses  de  Berry,  de  Bour- 
gogne, d'Orléans  et  de  la  reine  Isabelle....  La  suite 
de  la  fête  fut  un  vrai  triomphe.  Les  litières  dont 
il  est  question  dans  ce  récit  étaient-elles  portées 
par  des  hommes  ou  par  des  bêtes  de  somme, 
mules  ou  chevaux?  C'est  ce  que  l'histoire  ne  nous 
dit  pas. 

Les  Houspilleurs,  les  Ecorcheurs  et  les  Retondeurs, 
qui  avaient  continué  l'œuvre  de  déprédation  des  Rou- 
tiers, furent  poursuivis  par  Charles  VII,  qui  réorga- 
nisa l'armée  et  protégea  enfin  les  bourgeois  et  les 
paysans. 

Louis  XI  rendit  les  routes  plus  sûres  que  n'étaient 
les  environs  de  son  redoutable  château  de  Plessis-les- 
Tours.  Le  service  des  postes  fut  organisé  par  lui,  le 
19  juin  1464.  Un  grand  maître  était  nommé  par  le 
roi,  avec  des  maîtres-coureurs  royaux  sous  ses  ordres, 
et  deux  cent  trente  courriers  pour  agents.  La  circula- 
tion devenait  donc  plus  facile.  Des  nuntii  volantes, 
qui  se  chargeaient  du  transport  des  lettres,  des  pa- 
quets et  des  personnes,  avaient  bien  été  établis  précé- 
demment par  l'Université  pour  les  relations  des  éco- 


90  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

liers  avec  leurs  familles,  mais  aucun  service  d'ensemble 
n'avait  été  organisé. 

Sous  le  règne  de  Louis  XII,  «  les  poules  couraient 
aux  champs  hardiment  et  sans  risques  »,  car  les  pil- 
lards étaient  exécutés  ;  mais  sous  François  I",  le  pil- 
lage recommença  dans  les  campagnes,  et  les  Mauvais 
Garçons  et  les  Bandouliers  continuèrent  les  exploits 
des  Routiers  et  autres  Malandrins  des  siècles  précé- 
dents. Le  fds  du  roi,  lui-même,  le  duc  d'Orléans,  s'en 
allait,  par  partie  de  plaisir,  ferrailler  contre  les  laquais 
sur  les  ponts  de  Paris.  Les  bons  chemins  et  les  voi- 
tures étaient  rares.  Charles-Quint,  le  10  mai  1552, 
malade  de  la  goutte  et  poursuivi  par  Maurice  de  Saxe, 
fut  forcé  de  fuir  dans  une  litière  au  milieu  d'un  affreux 
orage,  par  des  sentiers  impraticables,  à  la  lueur  des 
torches. 

Les  moyens  de  transport  les  plus  vulgaires  étaient 
alors  employés  par  les  gens  riches. 

On  rapporte  que  Gilles  le  Maître,  premier  président 
du  Parlement  sous  Henri  II,  stipula,  dans  un  bail  avec 
un  de  ses  fermiers,  qu'aux  «  quatre  bonnes  fêtes  de 
l'année  et  aux  vendanges,  on  lui  amènerait  une  char- 
rette couverte  et  de  la  paille  fraîche  dedans,  pour  y 
asseoir  sa  femme  et  sa  fille,  et,  de  plus,  un  ànonou  une 
ànesse  pour  sa  chambrière,  lui  se  contentant  d'aller 
devant,  sur  sa  mule,  accompagné  de  son  clerc  à  pied.  » 

Cependant  la  France  s'unitiait  ;  les  gens  d'armes, 
de  création  récente,  faisaient  la  guerre  aux  pillards  ; 
la  Renaissance  s'ouvrait  comme  une  ère  d'apaisement 
favorable  à  la   fois  au  commerce,  à  l'industrie,  au 


LES  VÉHICULES  DEPUIS  L'ANTIQUITÉ.  91 

développement  des  voies  de  communication,  leurs 
auxiliaires  naturels,  des  moyens  de  transport,  enfin, 
leurs  instruments  indispensables. 

C'est  sous  le  règne  de  François  P""  que  l'on  voit  ap- 
paraître les  premiers  carrosses.  Isabelle,  la  détestable 
femme  de  Charles  VI,  s'était  bien  montrée,  en  1405, 
dans  un  chariot  branlant,  la  première,  ou  du  moins 
l'une  des  premières  voitures  suspendues.  Mais  ce  n'est 
qu'un  fait  isolé  et  sans  portée. 

Les  chroniqueurs  font  surtout  mention  des  car- 
rosses qui  ont  appartenu  à  Diane,  fille  naturelle 
de  Henri  II,  et  à  Jean  de  Laval  Bois-Dauphin,  homme 
obèse  et  qui  ne  pouvait  monter  achevai.  Les  uns  pré- 
tendent que  les  voitures  restèrent  en  petit  nombre  ; 
d'autres,  au  contraire,  «  que  les  dames  les  plus  qua- 
lifiées ne  tardèrent  pas  à  s'en  procurer.  Le  faste,  ajou- 
tent-ils, fut  porté  si  loin  qu'en  1565,  lors  de  l'enre- 
gistrement des  lettres  patentes  de  Charles  IX  pour  la 
réformation  du  luxe,  le  Parlement  arrêta  que  le  roi 
serait  supplié  de  défendre  les  coches  par  la  ville.  Les 
conseillers  et  présidents  continuèrent  d'aller  au  Palais 
sur  des  mules  jusqu'au  commencement  du  dix-sep- 
tième siècle.  » 

Les  voitures  n'étaient  certainement  pas  encore  en 
grand  nombre  à  cette  époque. 

Le  passage  suivant,  extrait  de  Brantôme,  le  montre 
d'ailleurs  bien  nettement.  Il  nous  fait  connaître  ce 
qu'était  un  maître  général  des  postes  sous  Henri  III. 

Brusquet  avait  une  centaine  de  chevaux  dans  ses 
écuries,  et  «  je  vous  laisse  à  penser  le  gain  qu'il  pou- 


92  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

voit  faire  de  sa  poste,  n'y  ayant  point  alors  de  coches, 
de  chevaux  de  rclays,  ny  de  louage  que  peu,  comme 
j'ay  dict,  pour  lors  dans  Paris,  et  prenant  pour  chas- 
que  cheval  vingt  solz,  s'il  estoit  françois,  et  vingt-cinq 
s'il  estoit  espagnol,  ou  autre  étranger  ». 

Les  voitures  étaient  encore  peu  nombreuses  sous  le 
règne  de  Henri  IV;  on  peut  en  juger  par  ce  qu'en  avait 
le  bon  roi  :  «  Je  ne  sçaurois  vous  aller  voir  aujour- 
d'hui, parce  que  ma  femme  se  sert  de  ma  coche.  »  Il 
n'eut  donc,  à  une  certaine  époque,  qu'une  voiture  pour 
lui  et  la  reine.  Le  nombre  de  ses  équipages  augmenta 
sans  doute  par  la  suite,  car  on  trouve  dans  les  Estampes 
de  la  Bibliothèque  les  dessins  de  plusieurs  carrosses 
armoriés  aux  initiales  royales  et  qui  ont  dû  appartenir 
à  la  cour. 

Ces  voitures  diffèrent  notablement  de  celles  que 
nous  voyons  aujourd'hui.  Elles  se  composent  d'une 
caisse  rectangulaire  non  suspendue,  pouvant  recevoir 
quatre  personnes  sous  une  toiture  ou  impériale  que 
supportent  des  colonnettes  en  quenouilles  sculptées. 
De  simples  rideaux,  ordinairement  relevés  sous  la  toi- 
ture ou  contre  les  colonnes,  servent  à  garantir  des 
injures  du  temps  ou  de  l'ardeur  du  soleil.  —  Cette 
voiture  primitive  ne  peut  mieux  se  comparer  qu'à  nos 
tapissières  modernes,  enrichies,  mais  moins  légères. 

Sully,  qui  réunissait  dans  ses  mains  les  charges  les 
plus  importantes  du  royaume,  qui  était  à  la  fois  c<  su- 
perintendant des  fortifications,  bâtiments,  ouvrages 
publics,  ports,  havres,  canaux  et  navigations  des  ri- 
vières, grand  maître  de  l'artillerie  et  grand  voyer  de 


LES  VÉHICULES  DEPUIS  L'ANTIQUITÉ.  95 

France,  etc.  »,  prenant  en  aussi  grand  souci  les  inté- 
rêts de  l'agriculture  que  ceux  du  commerce  et  de  l'in- 
dustrie, améliora  les  moyens  de  communication,  fit 
planter,  le  long  des  routes,  ces  ormes  qui,  suivant 
les  uns,  devaient  servir  à  réparer  les  affûts  brisés  des 
canons,  mais,  suivant  d'autres,  à  abriter  les  voya- 
geurs. 11  se  connaissait  en  chevaux  et  ne  dédaignait 
pas  d'en  faire  commerce,  encourageant  ainsi  l'élève  des 
auxiliaires  les  plus  indispensables  de  l'agriculture. 
N'a-t-il  pas  dit  «  que  le  labourage  et  le  pâturage 
étaient  les  deux  mamelles  qui  nourrissaient  la  France, 
les  vrais  mines  et  trésors  du  Pérou  ».  A  l'Assemblée 
du  commerce,  qui  fut  réunie  en  1604,  le  roi  proposa 
la  fondation  d'un  haras,  pour  éviter  l'achat  des  che- 
vaux à  l'étranger.  Les  postes,  aussi  bien  que  l'artil- 
lerie, devaient  profiter  de  cette  nouvelle  création,  car 
ce  service  prenait  une  importance ^proissante. Les  che- 
vaux de  poste  faisaient  partie  du  domaine  royal  et 
étaient  marqués  de  l'H  fleurdelisée. 

Le  ministre  de  Henri  IV,  malgré  son  horreur  pour 
les  superfluités  et  les  excès  en  habits,  pierreries  et 
festins,  bâtiments  et  carrosses,  ne  laissait  pas  que 
d'avoir  de  touchants  regrets  pour  la  cour  du  roi 
Henri,  lorsqu'il  la  quitta,  après  la  mort  de  son  maî- 
tre. Nous  ne  pouvons  résister  au  désir  de  rappeler 
les  jolis  vers  dans  lesquels  il  peint  son  chagrin.  Le 
ministre  se  fait  poète  : 

Adieu  maison,  chasteaux,  armes,  canons  du  roy; 
Adieu  conseils,  trésors,  déposez  à  ma  foy; 


94  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Adieu  munitions;  adieu  grands  équipages; 
Adieu  tant  de  rachapis,  adieu  tant  de  mesnages; 
Adieu •    . 

Adieu  soin  de  l'Estat,  amour  de  ma  patrie; 

Laissez-moi  en  repos  finir  aux  champs  ma  vie. 

Sur  tout  adieu,  mon  maistre,  ô  mon  cher  maistre,  adieu; 


Nous  arrivons  au  règne  de  Louis  XIIÏ  et  de  Louis  XIV, 
de  Richelieu  et  de  Mazarin. 

Les  voitures  se  multiplient,  aussi  bien  à  Paris  qu'en 
province.  Le  maréchal  de  Bassompierre  rapporte  d'Ita- 
lie, en  1599,  le  premier  carrosse  avec  des  glaces*. 
L'ancien  chariot  branlant  d'Isabelle  est  devenu  un 
carrosse  suspendu  sur  des  soupentes,  avec  cocher  au 
devant  et  laquais  par  derrière.  Les  rues  de  Paris,  celles 
de  plusieurs  villes  du  royaume,  sont  pavées  et  bien 
entretenues  :  la  sécurité  y  règne  durant  le  jour,  et  si, 
la  nuit,  quelques-unes  sont  encore  obscures,  le  guet 
aide  à  les  franchir.  Les  lanternes  de  la  Reynie  ont  suc- 
cédé aux  flambeaux  à  chandelle  de  Laudati,  aux  fa- 
lots alimentés  de  goudron  ou  de  résine  de  Pierre  des 
Essarts,  et  Paris  devient  la  grand'ville,  la  ville  du 
Roi-Soleil. 

L'ancien  coche,  appelé  corbillard,  assez  semblable 
d'ailleurs  aux  voitures  actuelles  des  pompes  funèbres, 
a  fait  place  au  carrosse.  La  forme  est  devenue  plus 


*  Selon  d'autres,  cette  importation  serait  postt^rieure  et  daterait  de 
1660  ;  eLle  aurait  été  faite  par  le  prince  de  Condé,  au  retour  de  son 
exil  à  Bruxelles. 


LES  VÉHICULES  DEPUIS  L'ANTIQUITÉ.  95 

gracieuse.  Les  côtés  de  la  voiture,  le  devant  et  le  fond 
ne  sont  plus  fermés  de  leurs  mantelets  de  cuir  ou 
d'étoffe,  mais  de  parties  pleines,  ajourées  par  des 
glaces.  La  saillie  des  portières  n'existe  plus.  Celles-ci 
ont  toute  la  hauteur  de  la  voiture  et  sont  garnies  de 
glaces  mobiles.  Le  carrosse  a  sept  pieds  de  longueur 
sur  quatre  pieds  quatre  pouces  de  largeur  à  la  ceinture 
et  cinq  pieds  neuf  pouces  de  hauteur  à  la  portière.  Sa 
construction  est  solide,  mais  il  est  lourd  et  convient 
mieux  aux  grands  attelages  de  la  cour  qu'à  ceux  plus 
modestes  des  petits  seigneurs.  Les  uns  ont  quatre  ou 
six  chevaux,  les  autres  en  ont  huit. 

Tels  étaient  les  carrosses  dans  lesquels  on  allait  se 
promener  au  Cours-la-Reine,  à  l'extrémité  des  Tuile- 
ries. On  y  faisait  assaut  de  plumes,  de  rubans,  de  ca- 
nons..., de  toilettes,  enfin,  comme  on  fait  aujourd'hui 
aux  Champs-Elysées  ou  au  Bois.  Ou  bien,  on  allait  à  la 
foire  Saint-Germain,  qui  durait  deux  mois,  à  partir  du 
5  février.  Dans  les  ruelles  obscures  de  ce  marché,  où 
Ton  vendait  toutes  choses,  comme  dans  celles  de 
lliôtel  Rambouillet,  ou  dans  la  maison  du  Baigneur, 
les  «  raffinés  »  d'alors,  devenus  les  «  petits  crevés  » 
ou  les  c<  gommeux  »  d'aujourd'hui,  étalaient  leurs 
dentelles  et  leur  esprit.  On  y  causait,  un  masque  au 
visage,  en  jouant  à  la  loterie,  au  profit  des  religieux 
du  couvent  voisin. 

Les  riches  n'étaient  pas  seuls  à  user  de  la  faculté 
d'aller  en  voiture.  Nicolas  Sauvage  avait  établi  rue 
Saint-Martin,  à  l'enseigne  de  Saint-Fiacre,  des  remises 
de  carrosses  qu'il  louait  à  l'heure  ou  à  la  journée. 


96  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

L'enseigne  donna  son  nom  anx  voitures.  C'est  ainsi 
que  les  Meritor ia  véhicula  des  Romains  se  sont  ap- 
pelés des  fiacres  sous  la  minorité  de  Louis  XIV. 

D'autres  industriels  suivirent  l'exemple  de  Sauvage. 
Après  Charles  Yillerme,  M.  de  Givry,  en  mai  1657, 
puis  les  frères  Francini,  en  septembre  1666,  se  firent 
entrepreneurs  de  voitures  publiques. 

M.  de  Givry  avait  obtenu  «  la  faculté  de  faire  établir 
dans  les  carrefours,  lieux  publics  et  commodes  de  la 
ville  et  faubourgs  de  Paris,  tel  nombre  de  carrosses, 
calèches  et  chariots  attelés  de  deux  chevaux  chacun, 
qu'il  jugerait  à  propos,  pour  y  être  exposés  depuis  les 
sept  heures  du  matin  jusqu'à  sept  heures  du  soir  et 
être  loués  à  ceux  qui  en  auraient  besoin,  soit  par  heure, 
demi-heure,  journée  ou  autrement,  à  la  volonté  de 
ceux  qui  voudraient  s'en  servir  pour  être  menés  d'un 
lieu  à  un  autre  où  leurs  affaires  les  appelleraient,  tant 
dans  la  ville  et  faubourgs  de  Paris  qu'à  quatre  et  cinq 
lieues  aux  environs;  soit  pour  les  promenades  des  par- 
ticuliers, soit  pour  aller  à  leurs  maisons  de  campagne.  » 

Un  règlement  de  1688  fixa  l'emplacement  des  sta- 
tions, et  une  ordonnance  du  20  janvier  1696  le  tarif 
des  fiacres  ;  on  payait  25  sous  pour  la  première  heure 
et  20  sous  pour  les  suivantes. 

Ce  qui  nous  semble  si  naturel  aujourd'hui  était  à 
cette  époque  l'objet  d'un  grand  étonnement.  «  Ce  fut 
en  ce  temps-là,  dit  Voltaire,  qu'on  inventa  la  commo- 
dité magnifique  de  ces  carrosses,  ornés  de  glaces  et 
suspendus  par  des  ressorts  ;  de  sorte  quun  citoyen 
de  Paris  se  promenait  dans  cette  grande  ville  avec 


LES  VÉHICULES  DEPUIS  L'ANTIQUITÉ.  97 

plus  de  luxe  que  les  citoyens  romains  n'allaient  au- 
trefois au  Capitole.  » 

Le  Catéchisme  des  courtisans  de  la  cour  de  Mazarin 
(1649)  n'est  pas  moins  expressif:  «  Qu'est-ce  que 
Paris?  —  Le  paradis  des  femmes,  le  purgatoire  des 
hommes  et  l'enfer  des  chevaux  !  » 

A  côté  des  fiacres,  les  carrosses  à  cinq  sols,  les  om- 
nibus circulent.  Pascal  en  est  l'inventeur.  Ils  furent 
inaugurés  le  18  mars  1662,  ainsi  que  le  constate  Jean 
Loret,  poète  normand,  dans  sa  muse  historique  : 

L'élablissement  des  carrosses, 
Tirez  par  des  chevaux  non  rosses 
(  Mais  qui  pourraient  à  l'avenir 
Par  le  travail  le  devenir). 
A  commencé  d'aujourd'hui  même. 
Commodité  sans  doute  extrême, 
Et  que  les  bourgeois  de  Paris, 
Considérant  le  peu  de  prix 
Qu'on  donne  pour  chaque  voyage, 
Prétendent  bien  mettre  en  usage. 


Le  dix-huit  de  mars,  notre  veine, 
D'écrire  cecy  prit  la  peine. 


Mais  ce  ne  fut  pas  l'auteur  des  Provinciales  qui  tira 
parti  de  sa  découverte.  Des  lettres  patentes  de  jan- 
vier 1662  confèrent  au  duc  de  Roanès  et  aux  marquis 
de  Sourches  et  de  Crenan  la  faculté  d'établir  des  car- 
rosses, en  tel  nombre  qu'ils  jugeront  à  propos,  aux 
lieux  qu'ils  trouveront  le  plus  commodes,  à  des  heures 
déterminées  pour  chaque  route,  chaque  voyageur  ne 
payant  qu'un  prix  modique. 

7 


98  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

L'administration  laissait  plus  de  latitude,  à  cette 
époque,  aux  concessionnaires  d'entreprises  de  ce  genre 
qu'elle  n'en  donne  aujourd'hui.  Le  prix  des  places  fut 
fixé  à  cinq  sols  ;  le  nombre  des  voyageurs,  qui  n'était 
primitivement  que  de  six,  fut  porté  à  huit.  Ce  n'était 
pas  la  grande  voiture  démocratique,  égalitaire  de  nos 
jours,  où,  moyennant  payement,  quiconque  peut  pren- 
dre place.  Il  était  interdit  à  tous  soldats,  pages,  laquais 
et  tous  autres  gens  de  livrée,  manœuvres  et  gens  de 
bras,  d'y  entrer,  pour  la  plus  grande  commodité  et  li- 
berté des  bourgeois,  lit-on  sur  un  placard,  —  pour  la 
plus  grande  commodité  et  liberté  des  gens  de  mérite, 
lit-on  à  côté. 

Les  voitures  n'étaient  autres  que  ces  lourds  carrosses 
que  nous  avons  déjà  décrits.  Il  y  en  avait  sept  par 
ligne  ou  par  route,  comme  on  les  appelait  alors,  et  cinq 
routes  furent  successivement  créées  du  18  mars  au 
5  juillet  1662.  Les  armes  de  la  ville  étaient  peintes  sur 
les  voitures.  Des  ûeurs  de  lis,  en  plus  ou  moins  grand 
nombre,  servaient  à  les  distinguer.  Les  cochers  étaient 
aussi  vêtus  aux  couleurs  de  la  ville,  et  galonnés  de 
différentes  nuances  selon  les  routes  qu'ils  desser- 
vaient. 

Les  innovations  de  la  capitale  furent  promptement 
connues  en  province.  Le  service  des  postes  devenait 
plus  parfait  et  s'étendait  chaque  jour.  Le  port  d'une 
lettre  de  Paris  à  Lyon  n'était  que  de  deux  sous  (au- 
jourd'hui quinze  centimes).  En  1655,  la  petite  poste 
fut  établie  à  Paris,  pour  l'intérieur  de  la  ville.  On  se 
fait  d'ailleurs  une  idée  de  l'importance  croissante  prise 


LES  VÉHICULES  DEPUIS  L'ANTIQUITE.  99 

par  les  postes  en  rapprochant  le  prix  des  baux  payés 
par  les  contrôleurs  généraux  à  différentes  époques. 
En  1602,  la  ferme  des  postes  était  de  97,800  livres; 
en  1700,  elle  s'élevait  à  2,500,000  livres. 

Louis  XIV,  en  1676,  voulut  réunir  en  une  seule  et 
même  administration  les  divers  services  des  coches, 
des  carrosses,  des  messageries  et  des  postes. Mais  cette 
tentative  de  centralisation  n'aboutit  pas,  et,  au  bout 
de  quelques  années,  les  services  de  voitures  publiques 
furent  donnés  à  bail,  à  prix  débattu,  à  divers  entre- 
preneurs. 

Tandis  qu'en  1517  il  n'existait  qu'un  service  public 
de  carrosses  de  Paris  à  Orléans,  les  coches,  en  1610, 
cent  ans  après  environ,  desservaient  Orléans,  Châlons, 
Yitry,  Château-Thierry  et  quelques  autres  villes.  Sous 
l'administration  de  Richelieu  et  de  Mazarin,  de  nou- 
veaux services  étaient  établis,  et  à  la  fin  du  dix-sep- 
tième siècle  les  principales  villes  du  royaume  étaient 
en  relation  avec  la  capitale. 

La  France  n'était  pas  seule  à  se  servir  de  carrosses. 
En  Allemagne,  en  Angleterre,  en  Espagne,  en  Italie, 
les  voitures  se  répandaient. 

Selon  Andersen,  les  premières  voitures  auraient  été 
importées  d'Allemagne  en  Angleterre  par  Fitz  Allan, 
comte  d'Arundel.  Certains  commentateurs  prétendent, 
au  contraire,  qu'un  Hollandais,  Guylliam  Boonen,  au- 
rait introduit  l'usage  des  voitures  en  Angleterre, 
vers  1564.  D'autres  enfin  indiquent  une  date  plus 
récente  et  rapportent  que  Walter  Ripon  fabriqua 
en  1555  un  carrosse   pour   le  comte  de   Rutland, 


400  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

carrosse  ayant  un  train  de  devant  mobile  et  tour- 
nant. 

Mais  si  la  date  de  l'apparition  du  premier  carrosse 
est  incertaine,  il  n'est,  du  moins,  pas  douteux  que 
l'usage  des  voitures  se  répandit  promptement.  L'Italie, 
où  la  France  alla  chercher  ces  artistes  de  tous  genres 
qui  firent  briller  la  Renaissance  d'un  si  vif  éclat, 
l'Italie  était  au  premier  rang  par  le  luxe  qu'elle  dé- 
ployait dans  la  construction  de  ses  voitures. 

Dans  le  récit  de  la  solennité  organisée  à  Rome,  le 
8  janvier  1687,  en  rhormeurducomtedeCastelmaine, 
ambassadeur  extraordinaire  de  Jacques  II,  roi  d'An- 
gleterre, auprès  du  pape  Innocent  XI,  se  trouvent  la 
description  et  les  dessins  des  voitures  dans  lesquelles 
l'ambassadeur  se  rendit  à  l'audience  du  saint-père. 

Nous  traduisons  cette  description  de  l'italien  de  l'é- 
poque, en  l'abrégeant  et  en  ne  laissant  qu'une  partie 
des  nombreux  superlatifs  qui  s'y  trouvent.  «  La  ma- 
chine doit  sa  grandeur  et  sa  merveilleuse  majesté  tant 
aux  étranges  et  très  remarquables  ciselures  qui  l'or- 
nent et  l'enrichissent  qu'aux  grandes  proportions,  au 
goût,  à  la  bonne  direction  qui  ont  été  donnés  à  ce  grand 
ouvrage.  Il  n'y  a,  dans  toute  la  voiture,  aucune  partie 
qui  ne  soit  majestueusement  enrichie  de  figures  d'un 
dessin  parfait,  de  grandeur  naturelle,  de  feuillages  ri- 
ches et  gracieux,  de  ferrements  ciselés  et  contournés 
en  merveilleuses  arabesques.  Tout  est  recouvert  d'or 
et  fait  avec  tant  de  richesses  qu'il  semble  à  l'œil  que 
la  masse  ait  été  coulée  d'une  seule  pièce  avec  du 
métal  pur. 


LES  VÉHICULES  DEPUIS  L'ANTIQUITÉ.  103 

«  Le  grand  coffre  et  le  plafond  du  carrosse  sont  dou- 
blés extérieurement  du  plus  riche  et  du  plus  remar- 
quable velours  cramoisi  qu'il  soit  possible  de  trouver. 
Sur  cette  doublure,  qui  sert  de  fond,  ressortent  de  nom- 
breuses et  somptueuses  arabesques  de  broderies  d'or, 
entièrement  en  relief,  fixées  d'une  manière  nouvelle 
et  splendide  avec  les  clous  les  plus  riches,  sur  les 
arêtes,  les  panneaux,  les  portières  et  les  autres  par- 
ties du  carrosse.  De  grandes  et  magnifiques  volutes 
naissent  des  replis  d'une  riche  coquille  placée  au  mi- 
lieu de  la  bordure  du  haut  et  vont  en  grandissant  vers 
les  quatre  coins,  dans  les  proportions  indiquées  par  le 
dessin.  Elles  se  détachent  de  cette  bordure  et  viennent 
former,  avec  un  arrangement  de  feuillage  des  plus 
somptueux,  de  riches  fleurons  brodés  d'or,  se  dressant 
en  grandes  gerbes  à  plusieurs  palmes  de  hauteur  et 
retombant  sur  le  plafond  du  carrosse  qu'elles  recou- 
vrent en  grande  partie,  de  façon  à  produire  un  bel  et 
pompeux  effet. 

«  La  richesse  de  l'ornementation  ne  nuit  pas,  comme 
il  arrive  souvent,  aux  proportions  du  dessin  et  à  la  va- 
leur de  la  matière,  grâce  aux  petits  espaces  de  couleur 
qui,  de  distance  en  distance,  ont  été  laissés  à  découvert 
pour  ne  pas  aveugler  les  regards  par  une  trop  grande 
vivacité. 

«  A  l'intérieur,  le  plafond  est  caché,  sur  cinq  palmes 
de  longueur  et  quatre  de  largeur,  par  les  armoiries  de 
Son  Excellence,  brodées  en  relief  en  argent  et  en  or  et 
nuancées  selon  les  règles  de  la  science  héraldique. 

«  Les  arabesques  des  quatre  coins  se  raccordent  à 


104  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

ces  armoiries.  En  dedans  comme  en  dehors,  une  grande" 
frange  d'argent  et  d'or  garnit  la  bordure  et  se  développe 
comme  une  dentelle  en  flocons  et  cascades,  d'un  éclat 
éblouissant.  L'intérieur  du  coffre  est  doublé  du  plus 
riche  brocart.  Les  rideaux  sont  faits  d'une  superbe 
bande  semée  de  fleurs. 

«  La  partie  postérieure  du  carrosse  est  merveilleu- 
sement ornée  de  feuillages  et  de  figures  d'une  compo- 
sition et  d'une  exécution  remarquables,  exprimant  la 
grandeur  de  la  puissance  de  la  Grande-Bretagne.  La 
possession  des  vastes  royaumes  soumis  à  la  couronne 
d'Angleterre  est  symbolisée  par  la  déesse  Cybèle  et 
par  Neptune,  le  souverain  de  la  mer. 

«  Ces  personnages,  à  l'attitude  majestueuse,  sou- 
tiennent chacun  d'une  main  la  couronne  royale,  s'ap- 
puyant  de  l'autre  sur  deux  grands  tritons,  enlacés  de 
gracieux  feuillages.  La  licorne  et  le  lion,  soutien  des 
armes  d'Angleterre,  paraissent  entraîner  toute  la  ma- 
chine. Entre  eux  s'agitent  deux  gracieux  enfants. 

«  Du  côté  du  timon,  éclate  la  richesse  de  ferrements 
refouillés  de  la  manière  la  plus  variée  et  la  plus  riche, 
recouverts  d'or  comme  le  reste.  Au  milieu,  le  siège 
soutenu  par  deux  tritons.  Deux  dauphins  supportent 
une  coquille  remarquablement  grande,  qui  sert  d'ap- 
puie-pieds  pour  le  cocher,  et  en  avant  de  laquelle  un 
enfant  semble  indiquer  la  route. 

«  Tout,  au  dedans  comme  au  dehors  de  la  voiture, 
est  si  parfaitement  et  si  complètement  achevé  qu'une 
simple  description  et  un  dessin  peuvent  difficilement 
le  faire  concevoir.  Il  faudrait  voir  de  près.  » 


LES  VÉHICULES  DEPUIS  L'ANTIQUITÉ.  105 

Ainsi  qu'on  le  comprend  par  la  profusion  des  épi- 
thètes  qu'aemployées  Giovanni  Michèle,  majordome  du 
comte  de  Castelmaine,  auteur  de  ce  récit,  ce  carrosse 
devait  être  tout  ce  que  l'art  du  temps  pouvait  produire 
de  plus  beau  et  de  plus  achevé.  La  richesse  du  texte  et 
des  gravures  destinées  à  faire  passer  à  la  postérité  le 
souvenir  de  si  grandes  merveilles  montre  que  rien  ne 
pouvait  être  trop  beau  pour  une  voiture  si  rare. 

Nous  le  verrons  bientôt  :  les  plus  riches  carrosses  de 


Fig.  19.  —  Voiture  d'apparat. 


nos  jours  ne  sont  pas  plus  remarquables  par  leurs  or- 
nements que  celui  dont  nous  venons  de  rapporter  la 
description,  mais  ils  l'emportent  tous  sans  exception 
sur  celui-ci  par  la  légèreté  de  leurs  formes  et  la  grâce 
de  leurs  contours.  Le  fer  et  l'acier  prennent  sous  la 
main  de  nos  ouvriers  les  formes  les  plus  diverses  et  les 
plus  contournées.  Les  bois  les  plus  précieux  se  travail- 
lent et  se  découpent  comme  de  fines  dentelles.  Les 
étoffes  enfin  sont  plus  riches  et  plus  remarquables 
qu'elles  n'ont  jamais  été. 


106  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTIO>'. 

Les  voitures  ressemblent  aux  habitations.  Les  dé- 
tails de  leur  construction  exigent  le  concours  d'artistes 
nombreux,  qui  poursuivent  tous  isolément  ce  même 
but,  dont  ils  approchent  de  plus  près  chaque  jour, 
sans  jamais  l'atteindre,  la  perfection. 


CHAPITRE  V 


LES  VÉHICULES  AU  DIX-HUITIÈME  SIÈCLE  ET  LEURS  PROGRÈS 
JUSQU'A  NOS  JOURS 


Le  faste  du  règne  de  Louis  XIV,  le  luxe  et  les 
plaisirs  du  règne  de  Louis  XV  développent  au  dix- 
huitième  siècle  le  goût  des  carrosses  et  déterminent 
leurs  nombreuses  variétés. 

A  côté  des  voitures  de  la  cour  qui  se  distinguent 
par  la  richesse  de  leur  ornementation,  l'ampleur  de 
leurs  formes,  mais  aussi  par  leur  poids,  circulent  les 
caî^rosses  modejmes,  les  berlines,  les  diligences. 

Les  voitures  qui  donnent  l'idée  la  plus  exacte  de 
ce  qu'étaient  les  berlines  d'autrefois  sont  nos  fiacres 
actuels.  Les  berlines  (on  prétend  qu'elles  furent  in- 
ventées à  Berlin)  étaient  d'abord  portées  par  des  sou- 
pentes de  cuir  attachées  aux  deux  extrémités  du  train  ; 
ces  soupentes  ont  été  plus  tard  remplacées  par  des 
ressorts.  Elles  contenaient  quatre  personnes  assises 
sur  deux  sièges.  Au-dessous  de  la  voiture  était  souvent 
un  coffre  appelé  cave,  où  l'on  plaçait  les  provisions 
de  voyage. 


108  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

La  berline  ne  contenait  parfois  que  deux  places    et 
prenait  alors  le  nom  de  vis-à-vis. 

Les  diligences,  carrosses-coupés  ou  berlingots  ne 


ô</-A. 


Fig.  20.  —  Coupé. 


sont  autres  que  des  berlines  rendues  plus  légères  par 
la  suppression  de  la  partie  située  en  avant  de  la  por- 


Berline. 


tière.  Ces  voitures  ne  contiennent  plus  alors  que  deux 
personnes  placées  sur  le  siège  de  derrière,  ou  trois 
lorsqu'il  existe  un  strapontin.  La  désobligeante  n'est 


PROGRÈS  DES  VÉHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.        109 

autre  que  la  diligence  réduite  de  moitié  dans  le  sens 
de  la  largeur  ou  que  le  vis-à-vis  coupé  au  milieu  de 
sa  longueur.  Il  ne  donne  place  qu'à  une  personne. 

Telles  sont  les  voitures  de  ville,  qui  ont  donné  nais- 
sance à  nos  élégantes  voitures  modernes  :  la  berline^ 
le  coupé,  le  coupé  trois-quarts  et  leurs  variétés.  Les 
longues  soupentes  et  leurs  moutons,  les  ressorts  qui  se 
remontaient  avec  des  crics,  ont  été  remplacés  par  les 


"if  277^7 

Fig.  22.  —  Landau. 

ressorts  en  col  de  cygne  et  par  les  ressorts  à  pincettes. 
La  caisse  est  devenue  plus  légère  ;  les  formes  massives 
commandées  par  le  mauvais  état  des  voies  publiques 
ont  disparu;  les  roues  d'autrefois,  dont  nos  paysans 
voudraient  à  peine  aujourd'hui  pour  leurs  voitures  de 
foire,  débarrassées  d'un  trop  lourd  fardeau,  se  font 
remarquer  maintenant  par  cette  exquise  finesse  dont 
V araignée  offre  le  plus  remarquable  spécimen. 

Les  voitures  de  campagne,  on  l'a  déjà  pressenti, 
étaient  encore  plus  lourdes  que  les  voitures  de  ville. 


110  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

On  avait  la  gondole,  qui  pouvait  contenir  douze  per- 
sonnes assises.  C'était  un  grand  coffre,  avec  banquette 
sur  les  quatre  faces,  éclairé  par  huit  petites  fenêtres, 
trois  de  chaque  côté,  une  à  l'avant,  une  à  l'arrière. 
•  Au-dessous  du  plancher  se  trouvait,  comme  dans  la 
plupart  des  voitures  de  cette  époque,  la  cave  destinée 
à  contenir  les  provisions  et  les  hardes.  D'ailleurs 
cette  voiture  était  extrêmement  lourde,  d'un  accès 
difficile,  et  semblait  refuser  aux  voyageurs,  par  la 
petitesse  de  ses  ouvertures,  l'air  qu'ils  allaient  cher- 
cher à  la  campagne. 

La  berline  à  quatre  portières,  ou  berline  allemande, 
était  aussi  voiture  de  campagne.  Le  roi  et  les  princes 
s'en  servaient  bien  à  la  ville,  mais  elle  s'employait  spé- 
cialement pour  les  promenades.  Elle  ne  contenait  que 
six  personnes,  disposées  tout  autrement  que  dans  la 
gondole  :  au  lieu  d'un  siège  circulaire,  il  y  avait  trois 
banquettes  parallèles,  deux  contre  les  fonds,  une  au 
milieu.  11  y  avait  donc  deux  ruelles  desservies  cha- 
cune par  deux  portières,  une  sur  chaque  face  latérale. 

La  gondole  mesurait  8  pieds  sur  4  pieds  5  pouces 
en  movenne  à  la  ceinture.  La  berline  allemande  était 
un  peu  plus  petite  :  6  pieds  1/2  de  longueur  sur 
44  à  46  pouces  de  largeur. 

On  le  voit,  la  différence  est  grande  de  ces  voitures 
dans  lesquelles  nos  arrière-grands-pères  allaient  res- 
pirer Tair  des  champs,  à  celles  que  nous  avons  au- 
jourd'hui. Quel  sentiment  de  gêne  et  de  malaise 
n'éprouverions-nous  pas  s'il  nous  fallait  changer  notre 
calèche  découverte,  qui  permet  de  respirer  librement, 


PROGRÈS  DES  VÉHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.  111 

de  s'allonger,  de  jouir  à  l'aise  de  la  vue  de  la  cam- 
pagne, pour  une  de  ces  grandes  et  lourdes  boîtes 
fermées,  privées  d'air  et  de  lumière,  et  où  l'on  ne 
pouvait  s'étendre  pour  dormir  qu'à  la  condition  d'en 
défoncer  les  parties  antérieure  et  postérieure,  pour 
y  passer  la  tête  et  les  jambes  !  Dans  les  dormeuses 
d'autrefois,  le  fond  et  le  devant  de  la  voiture,  au  lieu 
d'être  fixes  comme  dans  les  voitures  ordinaires,  étaient 
rendus  mobiles  à  l'aide  de  cbarnières.  Le  fond  s'abais- 
sait sous  les  reins  du  voyageur,  une  petite  niche 
creuse  se  formait  à  l'avant,  dans  laquelle  il  pouvait 
loger  ses  pieds  ! 

Ces  artifices  de  construction  ne  seraient  plus  admis 
aujourd'hui  que  dans  les  voitures  de  malades. 

Notre  landau  moderne,  pouvant  s'ouvrir  et  se  fer- 
mer à  volonté,  servir  à  la  ville  ou  à  la  campagne,  par 
le  beau  ou  par  le  mauvais  temps,  l'emporte  de  beau- 
coup sur  toutes  les  voitures  anciennes  dépourvues  de 
grâce  et  de  légèreté,  aussi  bien  que  de  confortable. 
11  peut  servir  à  mesurer  les  progrès  qu'a  faits  la  car- 
rosserie depuis  l'époque  où  Roubo,  le  fils,  écrivait 
son  Arl  du  menuisier-carrossier,  c'est-à-dire  depuis 
cent  ans. 

Ces  progrès  sont  encore  plus  appréciables  dans  la 
carrosserie  de  voyage  que  dans  la  carrosserie  de  ville 
ou  de  campagne. 

Les  voitures  de  voyage  du  siècle  dernier  s'appelaient 
coches.  Les  codées  qui  faisaient  le  service  de  Paris  à 
Lyon  étaient  composés  d'une  caisse,  mesurant  7  pieds 
de  longueur  sur  5  pieds  de  largeur  à  la  ceinture, 


112  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

éclairée  par  trois  fenêtres  étroites  sur  chaque  face  et 
suspendue  à  l'aide  de  soupentes  sur  un  train  portant 
à  l'avant  le  c§cher  et  à  l'arrière  les  bagages.  Le  coche 
de  Lyon  avait  reçu  le  nom  de  diligence,  ce  qui  tend  à 
montrer  la  rapidité  du  trajet  :  cinq  jours  l'été  et  six 
jours  l'hiver  !  Douze  personnes  pouvaient  prendre  place 
dans  la  diligence,  à  raison  de  100  livres  par  voyageur, 
nourriture  comprise. 

Aujourd'hui,  la  distance  de  Paris  à  Lyon  est  fran- 
chie en  dix  heures,  moyennant  65*, 05,  47^o0,  ou 
54S70,  selon  qu'on  prend  place  en  l",  en  2*^  ou  en 
5^  classe. 

Pour  aller  à  Strasbourg,  le  coche  mettait  douze 
jours!  La  vapeur  met  douze  heures. 

La  voiture  de  Lille  mettait  deux  jours.  Le  voyage 
coûtait  55  livres,  y  compris  la  nourriture,  ou  48  livres 
sans  nourriture.  Aujourd'hui,  on  va  à  Lille  en  4*^50™, 
moyennant  50*, 80  en  l""^  classe. 

La  voiture  de  Rouen  partait  trois  fois  par  semaine 
et  mettait  un  jour  et  demi  à  faire  le  trajet.  Le  prix 
des  places  était  de  12  livres.  Aujourd'hui,  le  prix  des 
places  pour  Rouen  est  de  16^75,  12^50,  9*,20,  et  la 
durée  du  trajet  en  train  rapide  est  de  ^''IQ'". 

Il  y  avait  aussi  des  coches  ou  des  carrosses  pour 
Chartres,  Rennes,  Orléans,  Angers,  Arras,  etc.,  par- 
tant à  des  heures  régulières  et  accomplissant  leur 
service  dans  une  durée  plus  ou  moins  longue  suivant 
le  temps,  les  accidents  de  la  route,  la  promptitude  des 
hôteliers  et  des  aubergistes  chez  lesquels  on  s'ar- 
rêtait pour  prendre  les  repas  et  passer  les  nuits. 


PROGRÈS  DES  VÉHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.        115 

Les  mauvaises  voitures  publiques  qui  existent  encore 
sur  quelques  routes  de  la  France  et  qui  font  le  service 
de  la  correspondance  des  cliemins  de  fer  sont  des  mo- 
dèles de  perfection  à  côté  de  celles  qui  existaient  au 
siècle  dernier.  C'est  seulement  en  1775  que  les  Messa- 
geries royales  s'établirent  rue  Notre-Dame  des  Victoires, 


oii  elles  sont  encore,  après  avoir  changé  de  nom  sous 
les  divers  régimes  qu'elles  ont  traversés,  s'appelant 
tantôt  royales,  tantôt  nationales,  tantôt  impériales.  Les 
grandes  entreprises  de  transport  perfectionnent  leur 
matériel,  grâce  aux  capitaux  importants  dont  elles  dis- 
posent :  après  la  turgotine  des  Messageries  qui  vécut 
de  longues  années,   on  vit  apparaître,  en  1818,  les 

8 


114  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

grandes  diligences  à  trois  compartiments  :  coupé,  in- 
térieur, rotonde,  surmontés  d'une  impériale  pour  les 
bagages  avec  banquette  pour  les  fumeurs.  Ces  diligen- 
ces disparaissent  tous  les  jours,   ou  sont    refoulées 
loin  des  grands  centres  et  dans  les  pays  de  montagnes. 
Là,  elles  se  modifient  pour  répondre  à  de  nouvelles 
exigences.  Le  plus  souvent,  leurs  dimensions  dimi- 
nuent, et  au  lieu  des  cinq  chevaux  d'autrefois,  deux 
ou  trois  restent  au  véhicule  amoindri.  Sur  les  routes 
accidentées  de  la  Suisse,  il  faut  augmenter  leur  stabi- 
lité, sans  réduire  leurs  dimensions.  Les  bagages  sont 
placés  à  la  base  de  l'édifice  roulant,  les  voyageurs 
sont  élevés  pour  mieux  jouir  des  beautés  du  paysage, 
et,  le  centre  de  gravité  étant  abaissé,  le  véhicule  court 
moins  de  risques  de  rouler  au  fond  des  précipices  ou 
de  verser  sur  les  talus  rapides  des  voies  do  montagne. 
Nous  nous  rappelons  avoir  vu,  il  y  a  une  vingtaine 
d'années,  une  modification  assez  curieuse  du  train  des 
grandes  diligences  des  Messageries  royales.  Elle  con- 
sistait dans  l'adjonction  d'un  troisième  essieu  aux  deux 
essieux  primitifs.   La  charge  placée  sur  ces  grandes 
dilisfences  aux  abords  de  Paris  était  devenue  telle- 
ment  considérable  que,  pour  attribuer  à  chaque  essieu 
une  charge  moindre,  pour  moins  fatiguer  les  chaussées, 
et  donner  enfin  plus  de  stabililé  à  ces  grands  édifices 
roulants,  on  avait  cru  devoir  augmenter  le  nombre 
des  supports  et  créer  un  troisième  essieu.  Mais  cette 
tentative  n'eut  pas  de  suite.  Les  inconvénients  qu'elle 
présentait  la  firent  promptement  abandonner,  et  l'on 
revint  à  l'ancienne  diligence  à  quatre  roues. 


PROGRÈS  DES  VEHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.        115 

A  côté  des  diligences  destinées  au  public,  circu- 
laient il  y  a  quelques  années  les  chaises  de  poste, 
devenues  bien  rares  aujourd'hui.  Le  postillon  est  une 
espèce  disparue.  Les  fourgons  du  Petit  Journal  à 
Paris,  les  voitures  de  quelque  fils  de  famille,  qui  veu- 
lent faire  du  bruit....  avec  des  grelots,  nous  en  mon- 
trent seuls  de  rares  spécimens.  Mais  disons  d'abord 
ce  qu'étaient  les  chaises  en  général. 

c(  Ces  voitures,  dit  Roubo,  sont  à  une  ou  deux  places 
et  diffèrent  des  carrosses-coupes  ou  diligences  en  ce 
que  leur  caisse  descend  plus  bas  que  les  brancards  de 
leur  train,  de  sorte  qu'il  ne  peut  y  avoir  de  portières 
par  les  côtés,  puisqu'elles  ne  pourraient  pas  s'ouvrir, 
mais  qu'au  contraire  il  n'y  a  qu'une  portière  par  de- 
vant, dont  la  ferrure  est  placée  horizontalement,  de 
sorte  que  la  portière  se  renverse  au  lieu  de  s'ouvrir. 
Ces  espèces  de  chaises  sont  d'une  nouvelle  invention 
(1771);  les  plus  anciennes,  que  l'on  nomme  chaises 
de  poste,  n'ont  été  construites  dans  l'état  où  nous  les 
voyons  maintenant  qu'en  1664.  Celles  qui  existaient 
auparavant,  quoique  peu  antérieures  à  ces  dernières, 
n'étaient  qu'une  espèce  de  fauteuil  suspendu  entre 
deux  brancards  supportés  par  deux  roues.  »  On  attri- 
bue l'invention  des  chaises  de  poste  à  un  certain 
de  la  Grugère.  Le  privilège  exclusif  en  fut  accordé  au 
marquis  de  Crenan,  qui  les  nomma  chaises  de  Crenan. 

Les  chaises  de  Crenan  furent  trouvées  trop  pesantes, 
et  on  leur  substitua  une  autre  espèce  de  voiture  rou- 
lante, faite  sur  le  modèle  de  celles  dont  on  se  servait 
en  Allemagne  depuis  longtemps  et   qui  subsistaient 


116  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

encore,  au  milieu  du  siècle  dernier,  sons  le  nom  de 
soufflets . 

Les  chaises  de  poste,  encore  très  en  usage  au  com- 
mencement de  ce  siècle,  disparaissent  tous  les  jours. 
Elles  ne  peuvent  offrir  ni  la  rapidité  ni  le  confor- 
table de  nos  chemins  de  fer,  et  il  faut  aimer  l'isole- 
ment, les  secousses  et  les  aventures,  plus  que  déraison, 
pour  les  préférer  aux  avantages  d'un  coupé  ou  d'un 
wagon-salon,  qu'une  bourse  bien  garnie  peut  toujours 
se  donner. 

Une  autre  voiture  de  voyage,  très  employée  en  An- 
gleterre, et  dans  la  construction  de  laquelle  les  carros- 
siers anglais  ont  montré  un  art  tout  particulier,  est  le 
coach-mall  :  c'est  l'ancienne  voilure  des  postes.  Une 
grande  caisse  centrale,  dans  laquelle  prennent  place  les 
domestiques,  est  précédée  et  suivie  de  plusieurs  ban- 
quettes destinées  aux  maîtres  de  l'équipage.  Deux 
grands  coffres  servent  à  loger  les  paniers  ou  les  caisses 
qui  contiennent  les  vivres  et  les  ustensiles  de  service 
nécessaires  pour  faire  un  repas  en  plein  air  ou  sur  le 
turf.  On  pourrait  parfaitement  leur  conserver  le  nom 
de  caves  des  voitures  d'autrefois,  car  les  vins  gêné 
reux  y  sont  toujours  en  abondance.  Quatre  chevaux 
ornés  de  rubans,  de  fleurs,  de  grelots  ou  de  clochettes, 
conduits  en  poste  ou  à  grandes  guides,  traînent  le 
véhicule  et  lui  donnent  cet  air  de  noblesse  qui  con- 
vient à  l'aristocratie  britannique.        ; 

C'est  là,  à  notre  avis,  la  vraie  voiture  de  voyage,  la 
vraie  voilure  de  touriste.  Toute  une  famille,  avec  ses 
serviteurs,  peut  y  prendre  place  et  entreprendre  le 


PROGRÈS  DES  VÉHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.  117 
plus  grand  voyage  continenlal.  Par  le  beau  temps,  les 
maîtres  sont  au  dehors,  sur  les  banquettes;,  s'il  vient 
à  pleuvoir,  ils  rentrent.  Les  chevaux  se  reposent  pen- 
dant les  repas  et  l'heure  de  la  sieste  ;  et  l'on  va  ainsi, 
par  monts  et  par  vaux,  libre  de  tous  soucis,  oublier 
bien  loin  l'énervante  activité,  l'atmosphère  accablante 


Fig.  24.  —  Volante  havanaise. 


de  la  grande  ville  et  se  replonger  dans  le  sein  de  la 
mère  nature,  sous  les  ombrages  frais  et  l'air  du  ciel 
qui  vivifient. 

Mais  différons  encore  ces  longues  et  attrayantes  en- 
treprises, et  revenons  à  nos  chaises. 

Nous  ne  pouvons  donner  une  meilleure  idée  de  ces 


118  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

voitures  qu'en  les  comparant  à  notre  cabriolet  à  deux 
roues,  ou  tilbury  moderne,  à  cela  près  que  la  caisse 
de  la  cbaise  était  fermée,  comme  celle  d'un  coupé. 
Fixée  en  avant  de  l'essieu,  elle  pesait  lourdement  sur 
le  cheval,  lorsqu'elle  n'était  pas  équilibrée  par  le  poids 
des  laquais  ou  des  bagages  placés  sur  la  plate-forme 
d'arrière.  Les  conditions  d'équilibre  étaient  aussi  mal 
observées  que  dans  la  volante  havanaise,  vaste  cabrio- 
let découvert,  pesant  lourdement  sur  le  petit  cheval 
qui  y  est  attelé  et  sur  le  dos  duquel  on  a  placé, 
comme  par  surcroit,  un  postillon  nègre,  en  grande 
livrée. 

Les  chaises  à  porteurs  sont  assez  semblables,  pour 
la  forme  de  la  caisse,  aux  chaises  dont  nous  venons 
de  parler,  mais  l'usage  en  est  tout  différent.  La  chaise 
proprement  dite  est  une  voiture,  tandis  que  la  chaise 
à  porteurs  dérive  du  palanquin,  de  la  litière.  Le  palan- 
quin, usité  encore  dans  les  Indes,  en  Chine,  dans  les 
pays  chauds  et  dans  quelques  parties  de  l'Amérique, 
convient  aux  habitudes  indolentes  et  paresseuses  des 
Orientaux.  Un  dais  et  des  éventails  garantissent  des 
ardeurs  du  soleil  ;  la  pluie  est  rarement  à  redouter. 
L'air  peut  circuler  autour  des  colonnettes  et  des  ten- 
tures de  ce  léger  édifice. 

Dans  nos  climats,  on  doit  prendre  d'autres  précau- 
tions. Les  litières  et  les  chaises  à  porteurs  sont  fer- 
mées. Les  premières  peuvent  contenir  deux  personnes, 
elles  sont  portées  par  des  chevaux  ou  des  mulets  au 
moyen  de  brancards  passant  de  chaque  côté  de  la  caisse, 
qui  mesure  d'ordinaire  24  à  26   pouces  de  largeur, 


PROGRÈS  DES  VÉHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.        121 

5  pieds  de  long  et  4  pieds  8  pouces  de  hauteur.  Les 
secondes,  ne  contenant  qu'une  personne,  ont  seule- 
ment 22  pouces  à  2  pieds  de  largeur,  50  pouces  de 
longueur,  4  pieds  6  pouces  de  hauteur. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  les  chaises  à 
porteurs,  aussi  bien  que  les  litières,  ont  complète- 
ment disparu.  Elles  pouvaient  convenir  à  une  époque 
où  la  circulation  était  moins  active  qu'elle  ne  l'est 
aujourd'hui,  à  une  époque  où  le  temps  avait  moins  de 
prix  et  la  vitesse  moins  de  valeur  qu'au  temps  où  nous 
vivons.  On  n'en  voit  plus  de  spécimen  que  dans  quel- 
ques opéras  et  au  musée  de  Trianon  à  Versailles.  Là, 
on  conserve  précieusement  deux  chaises  à  porteurs, 
dont  les  panneaux  enrichis  de  peintures  sont  de 
vraies  œuvres  d'art  :  l'une  a  appartenu  à  Marie 
Leczinska,  elle  est  peinte  par  Watteau  ;  l'autre,  celle 
de  Marie-Antoinette,  est  peinte  par  Boucher. 

D'autres  voitures  étaient  en  usage  à  la  même  époque 
que  la  chaise  à  porteurs.  Les  brouettes  étaient  montées 
sur  roues  et,  au  lieu  de  deux  porteurs,  avaient  un 
traîneur,  ce  qui,  malgré  V usage ^  ne  faisait  pas 
beaucoup  dlionneur  à  Vurbanité  française. 

Il  y  avait  aussi  des  chaises  de  jardin,  à  une  seule  ou 
à  plusieurs  banquettes,  mais  ces  voitures  sont  sans 
intérêt.  C'est  le  type  qui  s'est  maintenu  jusqu'à  nos 
jours,  et  qui  a  fourni  la  voiture  de  malade,  \a  voiture- 
invalide,  avec  ou  sans  leviers,  pédales  ou  manivelles. 
Nous  ne  nous  y  arrêterons  donc  pas. 

Une  seule  de  ces  nombreuses  voitures  du  siècle 
dernier  s'est  conservée,  nous  a-t-on  dit,  sans  modifi- 


m  LES  MERVEILLES  DE  L\  LOCOMOTION. 

cation  notable.  Le  woiirst  ou  wource,  voiture  de 
chasse,  importée  d'Allemagne,  se  retrouve  encore 
dans  les  montagnes  de  la  Savoie.  Le  wourst  est  une 
voiture  à  quatre  roues,  qui  se  compose  essentielle- 
ment d'une  longue  banquette  sur  laquelle  les  chas- 
seurs se  placent  à  califourchon.  Une  banquette  à  deux 
places,  à  l'avant,  reçoit  le  conducteur.  Une  banquette 
semblable  est  placée  à  l'arrière.  Enfin  une  large  ta- 
blette, reposant  sur  l'essieu  de  derrière,  reçoit  les 


Fig.  20.  —  "Wourst. 


paquets  et  les  provisions  que  les  chasseurs  emportent 
avec  eux.  La  voiture  est  très-effilée,  les  roues  sont 
aussi  rapprochées  que  possible,  de  manière  à  passer 
facilement  dans  les  sentiers  étroits  des  forêts. 

La  calèche,  le  char  à  bancs,  le  break,  sont  généra- 
lement employés  aujourd'hui  comme  voitures  de 
chasse.  Le  wourst  pouvait  satisfaire  à  certaines  exi- 
gences, mais  il  n'avait  pas  les  avantages  recherchés 
dans  toutes  les  voitures  modernes. 

A  mesure  que  les  peuples  se  civilisent,  leur  goût 
pour  le  confortable  et  pour  le  luxe  augmente.  En  gé- 
néral, pour  qu'une  nouvelle  voiture  obtienne  quelque 
s  uccès,  il  faut  que  ses  formes  extérieures  aient  la  grâce 


PROGRÈS  DES  VÉHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.  125 

qui  convient  aux  choses  de  luxe  et  que  son  aménage- 
ment intérieur  offre  le  confortable  auquel  nos  habi- 
tations modernes  nous  ont  accoutumés. 

M.  Brice  Thomas,  dans  son  Guide  du  Carrossier 
nous  dit  avoir  connu  un  inventeur  qui  avait  trouvé 
le  moyen  de  transformer  une  voiture  à  deux  roues  et  à 
deux  places,  en  voiture  à  quatre  roues  et  à  six  ou  huit 
places.  La  voiture  à  deux  roues  était  un  tilbury  monté 
sur  quatre  ressorts  en  châssis.  On  la  transformait  en 
phaéton,  et  il  n'y  avait  plus  qu'à  rapporter  un  avant- 
train  mobile;  le  tilbury  à  deux  roues  devenait  ainsi 
voiture  à  quatre  roues  et  à  quatre  places.  Voulait-on 
obtenir  deux  places  de  plus  :  on  sortait  un  second 
tiroir  du  premier,  pour  recevoir  un  autre  siège,  et 
ainsi  de  suile. 

Une  autre  disposition  permet  de  changer  le  cocher 
en  groom  et  vice  versa,  en  plaçant  le  siège  tantôt 
devant,  tantôt  derrière  la  voiture,  sans  s'inquiéter 
des  modifications  qui  en  résultent  pour  la  suspen- 
sion, ou  bien  à  faire  du  cocher  un  postillon,  ou  du 
postillon  un  cocher,  en  supprimant  le  siège  de  devant 
ou  en  le  maintenant. 

11  est  certain  qu'il  faut  des  ressorts  complaisants 
pour  se  plier  ainsi  à  tous  les  caprices  du  maître,  et  que 
ce  n'est  pas  sans  porter  gravement  atteinte  à  la  soli- 
dité de  la  voiture  qu'on  peut  tour  à  tour  la  charger  en 
avant  ou  en  arrière,  selon  son  bon  plaisir. 

Les  voitures  de  luxe  varient  donc  à  l'infmi  :  le  goût 
du  constructeur,  le  pays,  le  climat  et  la  saison  où  on 
les  emploie,  le  but  auquel  on  les  destine,  modifient 


124  LES  MERVEILLES  DE  LÀ  LOCOMOTION. 

complètement  leurs  dispositions;  mais  c'est  toujours 
une  caisse  montée  sur  roues  et  supportée  par  des  res- 
sorts. Le  génie  des  inventeurs  ou  le  caprice  des  gens 
riches  a  modifié  de  mille  manières  les  diverses  parties 
de  la  voiture,  les  roues  seules  ont  résisté  ;  on  n'a  pas 
su  encore  faire  autre  chose  qu'un  cercle. 

Dans  cette  foule  de  voitures  de  toute  espèce  qui 
sillonnent  Paris  dans  tous  les  sens,  on  retrouve  tou- 
jours en  plus  grand  nombre  ces  fiacres  à  l'aHure  mo- 
deste, avec  leurs  deux  chevaux  trottinant  lentement, 
—  plus  lentement  à  l'heure  qu'à  la  course,  —  et  leur 
cocher  sorti  de  la  Lorraine,  de  la  Normandie,  de 
l'Auvergne  ou  de  la  Savoie  ou  du  sein  même  de  Paris, 
de  celte  classe  à  part  qui  se  recrute,  dit-on,  parmi 
les  huissiers  sans  contrainte  et  les  photographes  sans 
ouvrage. 

Tels  sont  les  descendants  de  Sauvage,  qui  ont  tour 
à  tour  conduit  dans  la  grande  ville  les  citadines,  les 
urbaines,  les  lutéciennes,  les  mylords,  les  thérèses, 
les  cabs  et  toutes  ces  variétés  plus  ou  moins  disparues 
qui  ont  fait  place  aux  petites  voitures  de  la  Compagnie 
générale  et  de  quelques  autres  entrepreneurs. 

Paris  grandissant,  les  exigences  de  la  circulation  se 
sont  accrues.  Le  nombre  des  voitures  de  louage,  qui 
n'était  que  de  170  en  1755,  était  de  4487  en  1855.  Il 
est  en  ce  moment  de  plus  de  9000,  dont  un  tiers  de 
voitures  de  grande  remise.  Ces  voitures  appartiennent 
à  dix-huit  cents  entrepreneurs  et  à  la  Compagnie  gé- 
nérale, qui,  en  1855,  a  racheté  tous  les  numéros  rou- 


TROGUES  DES  VEHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.  425 

larits  des  entrepreneurs  qui  ont  consenti  à  se  retirer. 

Elle  seule  présente  des  types  de  voitures  convena- 
bles, aux  formes  étudiées,  sans  luxe,  à  la  vérité,  mais 
ayant  le  confortable  qui  convient  au  public,  ouvrier 
ou  bourgeois,  habitué  à  s'en  servir.  L'ancien  cabriolet 
a  complètement  disparu,  ce  cabriolet  à  deux  roues  où 
l'on  avait  \e  plaisir  de  causer  avec  le  cocher.  Il  n'y  a 
plus  que  des  voitures  à  quatre  roues,  ouvertes  ou  fer- 
mées ;  les  unes  et  les  autres  sont  à  quatre  places  ou  à 
deux  places,  et  valent  en  moyenne  1,007  fr.  66. 

La  Compagnie  les  construit  elle-même.  Elle  a  ses 
ateliers,  ses  machines,  ses  ouvriers,  et  produit  annuel- 
lement environ  500  de  ces  voitures,  dont  la  durée 
varie  de  10  à  12  ans. 

En  1866,  la  Compagnie  générale  avait  mis  en  cir- 
culation 5,200  voitures,  desservies  par  10,741  che- 
vaux, d'une  valeur  moyenne  de  650  à  800  francs,  et 
d'une  valeur  totale  de  près  de  8  miUions. 

Les  grandes  industries  parisiennes  méritent  d'être 
étudiées  d'une  manière  spéciale  :  il  faut  pénétrer  au 
sein  de  leur  organisation  et  se  rendre  un  compte 
exact  de  leur  importance  pour  comprendre  les  exigen- 
ces de  cette  population  dont  la  lièvre  est  l'état  normal. 
M.  Maxime  du  Camp,  dans  son  ouvrage  intitulé  Paris, 
ses  organes,  ses  fonctions  et  sa  vie  dans  la  seconde 
moitié  du  dix-neuvième  siècle,  décrit  de  main  de 
maitre  ce  grand  Paris  incessamment  agité. 

Dans  son  chapitre  des  fiacres,  auquel  nous  emprun- 
tons quelques-uns  des  renseignements  qui  précèdent, 
il  nous  dit  encore  :  «  Les  fourrages  consommés  en  1866 


120  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

ont  représenté  la  somme  de  9,115,750  fr,  88  c.,  soit 
près  de  25,000  francs  par  jour,  7  fr.  64  par  voitm^e 
et  2  fr.  42  par  ration. 

Les  seuls  dépôts,  non  compris  les  stations  de  re- 
mise louées  dans  divers  quartiers,  représentent  une 
valeur  de  plus  de  15  millions. 

Les  contributions  de  toute  sorte  montent  à  plus  de 
2  millions. 

Le  personnel  se  compose  de  6,800  agents  envi- 
ron. 

Ces  charges  sont  énormes,  et  il  arrive,  quand  les 
fourrages  sont  chers,  que  les  recettes  n'équilibrent  pas 
les  dépenses.  Enl864,  chaque  voiture  coûtait  15  fr.  42 
par  jour  et  rapportait  14  fr.  55  :  bénéfice  1  fr.  60. 
En  1865,  au  contraire,  bien  que  la  recette  se  soit 
élevée  à  14  fr.  67,  la  dépense  a  été  de  15  fr.  27  et  a 
entraîné  une  perte  de  0  fr.  60  par  voiture,  ou  de  700 
à  800  francs  pour  l'année. 

On  comprend  ce  qu'il  faut  de  science  dans  la  di- 
rection d'une  semblable  entreprise,  où  les  petites  dé- 
penses sont  multipliées  par  de  si  gros  coefficients, 
pour  équilibrer  les  recettes  et  les  dépenses,  et  pour 
faire  en  outre  que  les  actionnaires,  aux  assemblées 
générales,  ne  s'entendent  pas  dire  quelque  phrase  de 
ce  genre  :  «  Messieurs,  Tannée  que  nous  avons  eu  à 
traverser  n'a  pas  été  heureuse  pour  notre  entreprise  ; 
nous  avons  eu  à  lutter...,  etc.  »  Quand  le  mot  de  lutte 
apparaît,  la  défaite  n'est  pas  loin. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  ne  peut  que  rendre  hommage 
au  mérite  des  hommes  qui  conduisent  ces  grandes 


PROGRÈS  DES  VÉHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.  129 

affaires.  Il  faut  connaître  les  difficultés,  sans  cesse  re- 
naissantes qu'ils  ont  à  vaincre,  et  l'énergie  qu'ils 
niettent  à  les  combattre,  pour  les  apprécier  comme  il 
convient. 

La  Compagnie  des  Omnibus  n'est  pas  moins  intéres- 
sante que  celle  desPetites  Voitures.  Les  services  qu'elle 
rend  à  la  population  parisienne  ne  méritent  pas  moins 
l'attention  que  les  détails  intimes  de  son  excellente 
organisation. 

En  1872,  la  Compagnie  des  Omnibus  a  transporté 
près  de  109  millions  de  voyageurs,  c'est-à-dire  plus 
de  cinquante  fois  la  population  de  Paris,  et  ces  trans- 
ports ont  eu  lieu  à  l'aide  de  644  voitures. 

Leur  trajet  annuel  est  de  22  millions  de  kilomètres 
environ,  ou  plus  de  65  fois  la  distance  de  la  terre  à  la 
lune. 

Il  faut  considérer  les  voitures  de  la  Compagnie  au 
point  de  vue  de  l'ingénieur  pour  bien  comprendre  la 
valeur  de  chacune  des  dispositions,  quelquefois  insi- 
gnifiantes en  apparence,  qui  ont  été  adoptées.  Les  amé- 
liorations apportées  à  la  construction  de  ces  voitures 
depuis  leur  création  sont  considérables.  La  plus  impor- 
tante est  la  création  de  l'impériale.  C'est  par  là  que 
l'omnibus,  presque  exclusivement  réservé,  à  cause  du 
prix  de  ses  places,  à  la  classe  bourgeoise,  est  devenu 
aussi  la  voiture  du  peuple.  Tandis  qu'au  dedans  on 
trouve  souvent  des  toilettes  parfumées,  on  voit  sur 
l'impériale  des  ouvriers  en  blouse,  la  pipe  à  la  bouche. 
On  pourrait  presque  dire  que  l'agrandissement  de  Paris 


130  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTIO:^. 

a  eu  pour  conséquence  la  création  des  impériales,  sans 
lesquelles  la  population  ouvrière,  reléguée  dans  les 
quartiers  éloignés,  n'aurait  pu  venir  au  centre  où  ses 
travaux  l'appellent. 

Ces  impériales  ont  aujourd'hui  12  places;  à  l'ori- 
gine, elles  n'en  avaient  que  10.  lia  fallu,  pour  placer 
deux  nouveaux  voyageurs,  avancer  le  cocher,  établir 
le  passage  d'arrière  un  peu  en  porte-à-faux.  Le  centre 
de  gravité  du  véhicule  s'est  élevé  lorsque  le  charge- 
ment a  été  réparti  entre  le  dedans  et  le  dehors.  On  ne 
pouvait  abaisser  les  pssieux  sans  diminuer  le  diamètre 
des  roues  :  on  les  a  coudés. 

Les  sièges  ont  été  améliorés  ;  les  marchepieds,  les 
mains  courantes  sont  mieux  établis.  11  n'est  pas  jus- 
qu'aux écriteaux,  jusqu'au  moindre  boulon,  qui  n'ait 
été  l'objet  d'études  spéciales,  et  que  l'on  n'ait  modifié 
et  perfectionné  conformément  aux  indications  de  la 
pratique. 

Les  omnibus  ont  donc  aujourd'hui  26  voyageurs  : 
14  au  dedans,  12  sur  l'impériale,  soit  28  avec  le  co- 
cher et  le  conducteur.  La  voiture  pesant  1,700  kilog., 
et  les  voyageurs  70  kilog.  en  moyenne,  l'ensemble 
pèse  5,660  kilog.,  c'est-à-dire  1,850  kilog.  par  che- 
val. 

Il  faut,  pour  remorquer  de  telles  charges,  dans  les 
conditions  difficiles  delà  circulation  parisienne,  des 
chevaux  d'une  vigueur  exceptionnelle  :  la  Normandie, 
le  Perche,  les  Ardcnnes,  la  Bretagne  les  fournissejit, 
et  leur  ration  revient  à  2  fr.  55  par  jour.  Aussi  bien 
que  les  voitures,  les  chevaux  sont  examinés  avec  soin 


PROGRÈS  DES  VÉHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.         loi 

et  doivent  nvoir,  pour  êlrc  admis,  des  qualités  spé- 
ciales, et  surloiit  de  bonnes  jambes  de  devant,  capa- 
bles de  résister  longtemps  à  la  fatigue  de  ces  arrêts 
prompts  et  répétés  de  la  voiture  à  laquelle  ils  sont 
attelés. 

La  Compagnie  des  Omnibus  possède  environ  8,500 
chevaux.  Son  matériel  roulant  et  sa  cavalerie  sont 
répartis  dans  40  dépôts  qui  occupent  une  surface  con- 
sidérable. Il  faut  des  cours  très-vastes  pour  laver  les 
voitures,  des  remises  très-étendues  pour  les  garer  et 
des  écuries  très-spacieuses  pour  que  les  chevaux  qui 
desservent  (par  dix)  cliajue  voiture,  s'y  trouvent  â 
l'aise  et  sainement  :  certaines  écuries  sont  à  deux 
étages.  Il  faut  enfin  des  hangars,  des  greniers,  des 
magasins  considérables  pour  contenir  les  approvision- 
nements de  grains  et  de  fourrages  nécessaires  à  la 
nourriture  de  tous  ces  animaux. 

Leurs  repas  sont  réglés,  aussi  bien  que  la  durée  de 
leur  travail  quotidien,  qui  est  de  16  kilomètres  en 
moyenne,  —  aussi  bien  que  leur  fatigue,  car  on  leur 
adjoint  des  renforts  pour  gravir  les  rues  trop  rapides,  — 
aussi  bien  que  la  vitesse  de  leur  marche,  car  les  co- 
chers sont  surveillés  attentivement. 

Comme  la  Compagnie  des  Petites  Voitures,  la  Com- 
pagnie des  Omnibus  fabrique  elle-même  ses  voitures. 
Elle  se  les  procure  ainsi  à  meilleur  marché  et  est  plus 
sûre  de  les  avoir  solides  et  bien  construites.  Chaque 
voiture  revient  à  5,500  francs  environ. 

Le  tableau  suivant  donne,  d'une  manière  succincte, 
une  iilée  de  l'importance  de  l'entreprise  : 


132  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Établissements  immobiliers,  écuries, 

greniers 19  567  000  fr. 

Chevaux 7  700  000 

Fourrage  en  approvisionnement.    .    .  1760  000 

Matériel  roulant  (voitures,  harnais).    .  4120  000 

Ateliers,  outillage,  rechange,  mobilier 

industriel 5  599  000 

Voie  ferrée  et  son  matériel  d'exploi- 
tation   2144  000 

Divers,  fonds  de  roulement 2  510  000 


Total 41  000  000  fr. 

Le  public  réclame  parfois  la  mise  en  service  d'une 
voilure  nouvelle  ou  la  création  d'une  ligne.  Les  chif- 
fres qui  précèdent  lui  apprendront  qu'une  voiture 
nouvelle  exige  un  capital  de  56,810  francs,  et  une 
ligne  de  20  voitures  une  somme  de  1,100,000  francs. 

L'existence  d*une  aussi  vaste  entreprise  au  dedans 
du  mur  d'octroi  élève  dans  de  très-fortes  proportions 
les  dépenses  annuelles. 

En  1872,  la  recette  a  été  de  .    .    .    .     21  802  297  fr. 
et  la  dépense,  de 19  898146 


D'où  résulte  un  produit  net  de.    .    .    .       1  904 151  fr. 
Auquel  correspond,  par  journée  de  voiture, 

un  produit  de 89  fr.  74 

Or,  chaque  voiture  coûte,  par  jour  ....     84      40 

Reste  comme  produit  net      ...       5  fr.  54 

Qui  croirait,  à  voir  ces  omnibus  si  souvent  complets, 
que  le  revenu  soit  aussi  faible?  Les  choses  sont  telles 
cependant  et,  fait  remarquable,  mais  que  le  calcul  dé- 


PROGRÈS  DES  VÉHICULES  JUSQU'A  NOS  JOURS.         153 

montre  nettement,  l'omnibus  serait-il  complet  tout  le 
jour  de  la  station  de  départ  à  la  station  d'arrivée,  la 
Compagnie  serait  en  perte.  Le  renouvellement  du 
voyageur  durant  le  trajet  produit  seul  un  bénéfice. 

La  Compagnie  des  Omnibus  possède  encore  une 
partie  importante  du  réseau  des  tramways.  Nous  y 
reviendrons  dans  un  chapitre  spécial. 

Nous  allons  aborder  maintenant  la  description  de  la 
locomotive  sur  les  voie  ferrées.  A.u  lieu  des  rues  limi- 
tées d'une  cité,  nous  allons  parcourir  le  territoire  d'un 
pays  tout  entier;  au  lieu  du  souffle  borné  du  cheval, 
nous  aurons  le  souffle  puissant  d'une  machine  qui 
travaille  presque  aussi  longtemps  qu'elle  a  du  charbon 
et  de  l'eau  à  digérer;  au  lieu  de  l'industrie  de  quel- 
queshabitants,  nousallons  servirl'industried'unpeuple 
ou  d'uncontinent.  Les  frontières  s'abaissent  et  la  civili- 
sation étend  ses  limites. 


CHAPITRE  VI 


LES  CHEMINS   DE    FER 


IMPORTANCE    DES    CHEMINS    DE    FER. 


De  toutes  les  découvertes  de  ce  siècle  qui  comptera 
certainement  parmi  les  plus  féconds  en  productions 
nouvelles,  il  n'en  est  aucune  qui  soit  plus  importante 
dans  son  application,  plus  considérable  dans  ses  résul- 
tais que  celle  des  chemins  de  fer.  Les  rails  sont  aux 
produits  de  l'industrie  humaine  ce  que  les  caractères 
de  l'imprimerie  sont  à  ceux  de  la  pensée.  Les  noms  de 
Stephenson  et  de  Séguin  doivent  être  incrits  à  côté  de 
celui  de  Gutenberg. 

Tout  instrument  qui  contribue  à  rendre  le  travail  de 
l'homme  plus  parfait  en  multipliant  les  ressources  dont 
il  dispose  et  en  associant  de  la  manière  la  plus  favo- 
rable les  mérites  et  les  aptitudes  variés  des  peuples 
répandus  à  la  surface  de  la  terre,  est  certainement  ap- 
pelé à  en  accroître  la  valeur  dans  de  très-grandes  pro- 
portions. Or,  tel  est  le  résultat  des  chemins  de  fer  que 


LES  CHEMINS  DE  FER.  155 

leur  développement  rapide  rend  chaque  jour  plus  re- 
marquable. Ces  nouvelles  voies  unissent  les  intérêts 
des  nations  comme  en  un  même  faisceau  et  font  entre- 
voir la  base  d'une  alliance  universelle.  Ils  effacent  les 
frontières  et  contribuent  bien  plus  que  les  traités  de 
paix,  —  œuvres  essentiellement  fragiles,  —  à  resserrer 
les  liens  sur  lesquels  repose  l'union  des  membres  de  la 
grande  famille  humaine.  Les  pays  déshérités  changent 
de  face  sous  leur  influence  régénératrice.  L'ignorance 
disparaît  et,  où  régnait  la  misère,  apparaît  le  bien-être. 
La  communauté  des  intérêts  entraîne  la  commuante 
des  affections  :  élévation  matérielle,  intellectuelle  et 
morale,  tel  est  le  triple  résultat  de  l'invention  des 
chemins  de  fer. 

Quelques  chiffres  suffisent  à  donner  la  mesure  du 
développement  actuel  des  voies  ferrées  (1"  janvier 
1876) : 

295 159  kilomètres  dans  le  monde  entier,  74  milliards  dépensés; 
143  758        —        en  Europe,  57  — 

[21596         —        en  France,  10  — 

Près  de  5000  millions  de  francs  de  recette  brute  annuelle. 

—  13000  millions  de  francs  d'économie  annuelle  sur  les  an- 

ciens transports. 

—  2540  millions  de  francs  d'économie  annuelle  sur  les  an- 

ciens transports  pour  la  France  seulement. 

On  compte  :  en  Amérique.  .    .    .   133,920  kilomètres  exploités. 


—  en  Europe.   .  . 

—  en  Asie.    ,    .  . 

—  en  Afrique.  .  . 

—  en  Océanie  .  . 

Soit  dans  le  monde  entier. 


143,758 

12,302 

2,339 

2,820 


295,139  kilomètres  exploités. 


156 


LES  MERVEILLES  DE  LA.  LOCOMOTION. 


Le  tableau  suivant  indique  la  situation  des  chemins 
de  fer  exploités  dans  les  différents  États  de  l'Europe. 


STTCATION    DES   CHEMINS   DE   FER  EX   EXPLOITATION   DAKS   LES   DIVERS   ETATS 
DE   l'eUROPE. 

(Annuaire  officiel  des  chemins  de  fer,  année  1876. 


EXPLOITEES. 


j  kilom. 

Belgique 5.499 

Gr.-Bretasne  et  Irlande.  26.870 

Pays-Bas  et  Luxembourg  1 .  894 

Allemagne 27.956 

Suisse 2.081) 

France  21.596 

Danemark 1.260 

Autriche-Hongrie..    .    .  17.368 

Italie 7.688 

Espagne 5.796 

Portugal 954 

Suède  et  Norwége  .    .   .  4.466 
Turquie ,      Roumanie  , 

Grèce 2.781 

Russie 19.550 

Totaux  et  movennes.  145,758 


kilom.  c. 

29.455 
515.640 

52.840 
530.567 

41.418 
545. OSl 

58.250 
620.400 
284.225 
494.946 

89.555 
758.585 

566.089 
4.973.786 


9.518.585 


POrCLATIOîî. 


habitants. 

4.897.794 
50.000.000 

5.628.468 
58.525.8.58 

2.510.494 
58.19-2.064 

1.755.787 
51.550.002 
25.527.915 
15.752:607 

5.927.592 

5.874.856 


kil. 
10.18 
8-51 
5 

5.27 
5.02 
3.97 
3.50 
2.80 


kil. 
714 
892 
77  522 
7-29 
830 
565 
717 
550 
2.70  501 
1.16,567 
1.07  242 
0.591 760 


17.786.052  0.49  156 
61.251.523  0.59  519 


281.938.775 


1.54  509 


Ces  résultats  nous  rappellent  les  paroles  que  pro- 
nonçait un  ministre,  à  la  tribune,  après  une  visite  qu'il 
venait  de  faire  au  chemin  de  Liverpool.  «  Il  n'y  a  pas 
aujourd'hui,  disait-il,  huit  ou  dix  lieues  de  chemins 
de  fer  eu  France,  et,  pour  mon  compte,  si  l'on  venait 
m'assurer  qu'on  en  fera  cinq  par  année,  je  me  tiendrais 
pour  fort  heureux...  Il  faut  voir  la  réalité  ;  c'est  que, 
même  en  supposant  beaucoup  de  succès  aux  chemins 


LES  CHEMINS  DE  FER.  157 

de  fer,  le  développement  ne  serait  pas  ce  que  l'on  avait 
supposé. —  Vous  voulez  que  je  propose  aux  Chambres 
de  vous  concéder  le  chemin  de  Rouen,  disait  le  même 
ministre  un  ou  deux  ans  plus  tard,  je  ne  le  ferai  certai- 
nement pas  ;  on  me  jetterait  en  bas  de  la  tribune  !....» 
On  pouvait  alors  penser  ainsi,  mais  heureusement, 
les  économistes,  les  ingénieurs,  les  capitalistes,  les 
Michel  Chevalier,  les  Séguin,  les  Talabot,  les  Didion, 
les  Clapeyron,  les  Flachat,  les  Perdonnet,  les  Pereire 
et  les  Rothschild  entrevoyaient  l'avenir  réservé  aux 
chemins  de  fer. 


LA  CONSTRUCTION. 


L'étude  d'un  chemin  de  fer  comprend  deux  parties 
distinctes  :  la  voie,  qui  est  le  moyen  de  transport  ;  le 
matériel  roulant,  véhicules  et  machines,  qui  sont  les 
instruments  du  transport.  L'un,  en  diminuant  le  frot- 
tement, produit  l'économie  ;  l'autre  donne  la  vitesse  ; 
tous  deux  concourent  d'ailleurs  à  ce  double  résultat  : 

Economie  de  temps  et  d'argent, 
et  par  suite  : 

Accroissement  de  vie  et  de  capital. 

A  ces  deux  parties  constitutives  d'un  chemin  de  fer 
se  rapportent  deux  périodes  distinctes  de  son  exis- 
tence :  la  construction  et  V exploitation,  toutes  deux 
pleines  du  plus  vif  intérêt  par  les  problèmes  multiples 
qu'elles  donnent  tous  les  jours  à  résoudre. 

Nous  passerons  rapidement  en  revue  les  faits  qui  se 
rapportent  à  la  construction. 


138  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 


A.  —  Études.  —  Évaluation  des  dépenses  et  des  produits. 

Une  première  période,  période  d'incubation,  pré- 
cède toujours  le  premier  coup  de  pioche.  C'est  celle  des 
études.  Lorsque  les  deux  points  extrêmes  d'une  ligne 
ont  été  déterminés,  il  reste  à  fixer  les  points  intermé- 
diaires qu'elle  doit  desservir.  Les  considérations  les 
plus  diverses  interviennent  dans  la  solution  de  ce  pro- 
blème; les  unes  sont  de  l'ordre  purement  moral,  les 
autres  de  l'ordre  matériel,  en  ce  qui  touche,  du  moins, 
à  la  science  de  l'ingénieur,  et  si  la  nature  du  sol  est 
l'un  des  premiers  éléments  du  problème  à  résoudre,  il 
n'est  pas  tel  du  moins  qu'il  impose  d'une  manière  ab- 
solue le  tracé  qui  doit  être  adopté. 

Le  tracé  sera-t-il  direct,  sera-t-il  indirect?  Quelles 
sont  les  limites  d'inclinaison  et  de  courbure  qu'il  con- 
vient d'imposer  à  son  exploitation;  aura-t-il  deux  voies, 
ou  n'en  aura-t-il  qu'une  seule  et  quelle  sera  la  largeur 
de  cette  voie  ou  de  ces  voies?  Quel  sera  le  moteur? 
Toutes  ces  questions  qui  se  rattachent  à  la  question 
capitale  du  tracé  exigent  de  la  part  de  l'ingénieur  une 
série  d'études  préliminaires  très-délicates,  qui  sont  la 
base  de  ce  qu'on  appelle  un  avanl-projet.  Après  avoir 
reconnu  le  terrain  et  construit  le  futur  chemin  sur  le 
papier,  il  doit  se  transporter  par  l'esprit  au  temps  de 
l'exploitation,  chiffrer  les  revenus,  estimer  l'impor- 
tance du  trafic  et  rapprocher  la  recette  probable  des 
dépenses  approximatives  de  construction  et  d'exploi- 
tation. Ce  n'est  jamais  qu'après  de  longs  tâtonnements 


LKS  CHEMINS  DE  FER.  159 

qu'il  arrive  à  tracer  la  ligne  qui  répond  de  la  manière 
la  plus  satisfaisante  aux  intérêts  des  populations  tra- 
versées et  à  ceux  des  actionnaires  qui  ont  engagé 
leurs  capitaux  dans  l'entreprise. 

Les  études  de  chemins  de  fer,  en  France,  où  nous 
avons  la  superbe  carte  de  l'état-major,  et  dans  les  pays 
dont  la  topographie  a  été  bien  représentée,  sont  géné- 
ralement faciles  ;  mais,  dans  les  pays  neufs,  en  Russie, 
en  Espagne,  en  Afrique  et  dans  tant  d'autres  qu'on  a 
abordés  sans  aucun  guide  sûr,  le  travail  est  plein  de 
difficultés.  On  part  comme  le  soldat  à  la  recherche  de 
l'ennemi,  bagages  et  intrumenls  sur  le  dos,  on  campe 
en  plein  champ,  on  mange  comme  on  peut,  on  boit 
quand  on  a  de  l'eau,  on  se  repose  quand  on  tombe  de 
fatigue  et  on  dort  souvent  à  la  belle  étoile.  On  lance 
des  lignes  d'opération  dans  différentes  directions  et 
souvent,  après  avoir  laissé  sa  peau  et  ses  vêtements  aux 
ronces  du  chemin,  on  vient  se  butter  contre  une  mon- 
tagne que  les  rampes  les  plus  rapides  ou  les  souterrains 
les  plus  longs  ne  pourront  fianchir.  Force  est  de  re- 
brousser chemin  et  de  chercher  un  passage  dans  une 
nouvelle  direction.  Les  pays  de  montagnes  fournissent 
souvent  des  accidents  de  ce  genre.  Nous  pourrions  citer 
telle  cbaîne  dans  l'Andalousie  contre  laquelle  trois 
brigades  d'études  dirigées  par  des  ingénieurs  différents 
sont  venues  successivement  se  heurter  et  qu'une  qua- 
trième enfin  a  réussi  à  forcer  ;  travaux  pénibles,  longs 
et  difficiles,  réclamant  un  coup  d'œil  juste,  une  préci- 
sion rigoureuse  et  une  grande  persévérance. 

Cette  étude  du  sol  qui  doit  porter  l'édifice,  n'exige 


140  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

pas  des  soins  moins  délicats  que  la  recherche  des  élé- 
ments qui  doivent  servir  à  l'évaluation  des  produits  de 
la  future  ligne.  Partout  où  la  circulation  des  gens  et 
des  choses  aété  notée  d'une  manière  exacte,  le  travail 
est  facile  ;  mais,  ailleurs,  il  faut  se  lancer  dans  le 
champ  des  tâtonnements  et  des  hypothèses.  En  France, 
l'administration  des  ponts  et  chaussées  a  fait  constater 
par  des  comptages,  opérés  à  différentes  époques  de 
l'année,  l'importance  de  la  circulation  sur  les  routes. 
Les  relevés  des  contributions  indirectes  sont  une  autre 
source  de  renseignements  précieux.  Les  octrois  des 
villes  et  des  communes  sont  aussi  d'un  puissant  secours. 
Enfin,  les  indications  fournies  par  les  industriels,  les 
grands  négociants,  complètent  la  série  des  documents 
sur  lesquels  on  peut  baser  une  évaluation  sérieuse. 
Mais,  si  les  premiers  éléments  d'information  méritent 
une  confiance  absolue,  les  seconds,  plus  ou  moins  in- 
téressés, réclament  un  contrôle  minutieux  et  attentif. 
L'intérêt  général  disparait  devant  l'intérêt  privé  chez 
l'usinier  qui  compte  sur  l'établissement  du  chemin  de 
fer  pour  obtenir  ses  matières  premières  à  meilleur 
marché  et  revendre  ses  produits  à  plus  haut  prix  ;  chez 
l'agriculteur  qui  voit  par  avance  monter  le  prix  de  ses 
propriétés  et  celui  de  ses  récoltes.  Luttes  de  villes,  de 
communes,  d'individus,  réclamations  de  toutes  sortes 
s'élèvent  durant  l'étude  du  tracé  et  au  moment  des  en- 
quêtes. L'ingénieur  doit  tout  entendre  et  se  constituer 
juge  suprême  du  débat.  L'administration  souveraine 
prononce,  mais  sur  les  rapports  qui  lui  sont  fournis 
par  les  ingénieurs. 


LES  CHEMINS  DE  FER.  141 

B.  —  Infrastri'ctuke.  —  Installations  préliminaires.  —  Travaux.  —  Terras- 
sements :  l'homme,  le  cheval,  la  machine,  les  principales  tranchées.  — 
Ouvrages  d'art  :  souterrains,  tracé,  percement,  accidents  ;  les  principaux 
souterrains;  le  tunnel  des  .\ipes.  —  Viaducs  en  pieri-e,  en  bois,  en  fer,  en 
fonte.  Principaux  viaducs.  —  Principaux  ponts.  Pont  du  Niagara. 

Aux  avant-projets  généralement  étudiés  dans  diffé- 
rentes directions,  succèdent  les  projets  ;  à  l'esquisse, 
le  tracé  définitif.  Les  balises,  les  jalons,  les  piquets 
sont  plantés,  et  sur  le  coteau  ou  dans  la  plaine  on 
voit  se  dessiner  la  ligne  future.  Les  études  d'ensem- 
ble sont  suivies  des  études  de  détail.  Les  ouvrages 
destinés  au  maintien  de  la  circulation  et  à  l'écoule- 
ment des  eaux  sont  projetés  à  la  rencontre  des  che- 
mins et  des  cours  d'eau.  Les  souterrains  et  les  viaducs 
sont  projetés.  Les  variantes  du  tracé,  sont  étudiées  et 
comparées  au  tracé  primitif,  les  terrains  sont  recon- 
nus par  des  sondages  dans  l'emplacement  des  tran- 
chées à  ouvrir,  des  souterrains  à  percer  ou  des  ponts 
à  établir,  les  matériaux  de  construction  sont  recher- 
chés, les  carrières  ouvertes,  les  briqueteries  et  les 
fours  à  chaux  mis  en  feu. 

L'œuvre  se  prépare  :  l'appareilleur  dresse  l'aire  sur 
laquelle  il  dessine  ses  épures  de  coupes  de  pierre,  le 
charpentier  approvisionne  ses  bois,  élève  les  baraques, 
entreprend  la  construction  des  brouettes,  des  wagons 
de  terrassement,  des  chariots,  des  chèvres,  des  grues, 
des  engins  et  des  échafaudages  de  toutes  sortes,  né- 
cessaires à  l'exécution  des  travaux  de  terrassement  et 
des  ouvrages  en  maçonnerie.  Les  magasins  se  garnis- 
sent, le  fer  .'irrive  ;  voici  df^s  rails  pour  l'établissement 


142  LES  MERVEILLES  TE  LA  LOCOMOTION 

des  voies  provisoires,  puis  des  pompes  pour  les  épui- 
sements, des  ventilateurs,  des  machines  d'extraction 
pour  le  percement  des  souterrains,  des  locomobiles 
pour  la  mise  en  marche  de  ce  gros  matériel,  enfin  des 
locomotives  pour  le  transport  rapide  des  terres  dé- 
blayées. 

Le  travail  va  commencer.  Les  contre-maîtres  en- 
voyés dans  différentes  directions  pour  raccoler  des  ou- 
vriers, reviennent  avec  de  nombreuses  recrues  :  ce 
sont  des  terrassiers  belges,  des  mineurs  piémontais, 
des  maçons  ou  des  tailleurs  de  pierre  d'Ivrée  ou  de 
Bielle  (dans  les  États  Sardes),  des  Limousins  pour  la 
construction  des  stations  et  des  maisons  de  garde.  Il  a 
fallu  prévoir  l'arrivée  de  toute  cette  armée  d'ouvriers. 
Les  auberfjes  des  localités  situées  dans  le  voisinaf]^e  du 
tracé  sont  ou  trop  rares,  ou  insuffisantes  pour  abriter 
tout  ce  monde.  Des  cantines  sont  construites,  des  ba- 
raquements installés,  des  magasins  de  vivres  appro- 
visionnés, des  ambulances  fournies  de  leur  matériel 
et  de  leur  personnel  d'iniirmiers,  de  sœurs  de  charité 
et  de  médecins,  pour  les  premiers  soins  à  donner  en 
cas  d'accidents,  ou  pour  suppléer  à  l'absence  ou  à  l'in- 
suffisance des  maisons  de  secours  existantes.  Enfin, 
on  a  dû  penser  aux  besoins  de  la  religion,  construire 
une  chapelle  pour  le  culte  le  plus  répandu  et  lui  don- 
ner un  desservant.  Et  comme  le  représentant  du  Dieu 
de  paix  est  souvent  impuissant  à  maintenir  la  bonne 
harmonie  entre  ces  ouvriers  venus  de  tous  les  pays 
et  qui  trouvent  dans  l'alcool  et  dans  des  liqueurs  fre- 
latées le  sou  Lien  de  leurs  forces,  —  à  coté  de  la  cha- 


LES  CHEMINS  DE  FER.  443 

pelle,  on  a  installé  un  corps-de-garde  pour  le  cas  où 
l'on  serait  forcé  de  recourir  à  des  moyens  plus  persua- 
sifs, à  des  arguments  plus  énergiques  que  la  parole. 

Telles  sont,  en  résumé,  les  installations  que  néces- 
site la  construction  d'un  chemin  de  fer,  installations 
préliminaires  et  qui  ne  laissent  pas  que  d'avoir  une 
influence  notable  sur  la  bonne  et  la  prompte  exécution 
des  travaux. 

Les  tranchées  sont  attaquées  et  nos  Belges  à  la  grande 
encolure  poussent  la  brouette.  Dans  un  bon  chan- 
tier, jamais  la  brouette  pleine  ne  touche  terre.  Lors- 
qu'un rouleur  arrive  au  relai,  il  ralentit  sa  marche, 
son  camarade  se  présente  de  côté,  prend  la  brouette 
pleine,  fléchit  les  reins,  souvent  découverts  jusqu'à 
la  ceinture,  ei  reçoit  de  la  main  de  son  camarade  l'im- 
pulsion du  départ.  Même  reprise  au  relai  suivant,  et 
ainsi  de  suite  jusqu'à  la  décharge. 

Lorsque  la  distance  de  transport  atteint  100  mètres, 
les  brouettes  cèdent  la  place  aux  tombereaux,  qui  bien- 
tôt sont  remplacés  par  des  wagons  traînés  par  des  che- 
vaux ou  par  la  locomotive.  Une  plus  grande  activité 
se  déploie  sur  le  chantier,  des  pentes  sont  ménagées 
pour  faciliter  le  transport  des  déblais,  personne  ne 
chôme.  Depuis  l'enfant  qui  porte  le  bidon  à  l'eau  aro- 
matisée de  vinaigre,  de  café  ou  d'eau-de-vie,  qui  ma- 
nœuvre l'aiguille  et  s'occupe  du  graissage  des  wagons 
jusqu'au  cheval  au  large  poitrail,  à  la  croupe  solide 
et  brillante,  tout  le  monde  rivalise  d'ardeur.  i\.vez- 
vous  remarqué  jamais  l'intelligence  de  ces  chevaux 
qui,  sur  les  grands  chantiers,  leur  a  fait  attribuer 


144  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

des  fonctions  spéciales  ?  Attelés  au  tomberau,  ils 
vont  sans  guide  de  la  charge  à  la  décharge,  sans 
jamais  abandonner  le  chemin  tracé  sur  l'étroit  rem- 
blai qu'ils  doivent  parcourir.  Arrivés  au  but,  ils  tour- 
nent; un  homme  ou  un  enfant  culbute  le  véhicule  et 
la  bête  revient  chercher  une  nouvelle  charge.  Attelé 
au  wagon,  le  cheval  prend  le  nom  de  lanceur.  A  quel- 
que distance  de  la  décharge,  il  fait,  sur  un  cri  du  char- 
retier, un  effort  énergique,  tend  ses  traits,  raidit  ses 
muscles,  fléchit  ses  jarrets,  et  de  tout  son  corps  élevé 
sur  ses  jambes  de  derrière  et  buté  sur  les  traverses  de 
la  voie,  il  entraine  sa  lourde  charge.  Pendant  quelques 
secondes,  il  chemine  entre  les  deux  rails.  Mais  l'im- 
pulsion donnée  est  déjà  suffisante  pour  que  le  wagon 
atteigne  seul  les  traverses  formant  barrage  à  l'extré- 
mité de  la  voie  ;  l'attelage  est  rompu  au  moyen  d'une 
ficelle  et  d'une  attache  à  ressort.  D'un  bond,  le  cheval 
escalade  le  rail  et  les  traverses  saillantes  qui  le  por- 
tent, et  se  range  sur  le  côté  du  remblai.  Le  wagon 
vidé,  il  se  retourne  et  l'entraîne  à  quelques  pas  sur 
une  voie  d'évitement.  Tout  cela  se  passe  en  moins  de 
temps  que  nous  n'en  mettons  à  le  dire.  Le  cheval  en- 
tend, voit,  suit  toutes  ces  manœuvres  et  les  exécute 
avec  une  intelligence  merveilleuse. 

Même  docilité,  même  soumission  dans  les  travaux 
souterrains.  Une  lanterne  fixée  à  la  joue  de  son  collier, 
il  passe  dans  les  galeries  les  plus  étroites,  sur  un  sol 
constamment  inégal,  tantôt  rocher,  tantôt  terre,  tan- 
tôt poussière,  tantôt  boue;  il  se  ghsse,  tourne  au  mi- 
lieu des  étais,  se  heurte  parfois,  mais  sans  jamais 


LES  CHEMINS  DE  FER.  145 

refuser  ses  services.  Il  se  met  au  manège,  s'attelle  à 
la  corde  d'une  grue,  se  meut  en  ligne  droite  ou  en 
cercle  avec  la  même  facilité.  Admirable  animal,  que 
ne  protègent  pas  assez  nos  lois  contre  la  brutalité  de 
ses  gardiens  ! 

Ne  voulant  pas  faire  de  la  technologie,  nous  n'en- 
trerons dans  aucun  détail  sur  l'installation  des  grands 
chantiers  de  chemins  de  fer  ;  nous  nous  conten- 
terons de  dire  que,  tandis  qu'aujourd'hui  l'exécution 
d'une  voie  ferrée  est  devenue  familière  à  nos  entrepre- 
neurs, elle  était  à  l'origine  chose  complètement  neuve. 
L'ouverture  d'un  canal,  que  l'on  mettait  des  années  à 
creuser,  s'opérait  à  de  si  rares  intervalles  et  dans  des 
conditions  si  différentes,  qu'elle  n'avait  formé  aucun 
ouvrier  expert  ;  aussi,  les  ingénieurs  qui  eurent  à  cons- 
truire les  premiers  chemins  de  fer  durent-ils  se  façon- 
ner eux-mêmes  à  ce  nouveau  genre  de  travaux,  en 
dressant  leurs  entrepreneurs  comme  leurs  propres  em- 
ployés. Aucune  difficulté  n'existe  plus  de  ce  côté  de- 
puis longtemps.  L'expérience  est  faite  désormais. 

Rappelons  seulement  les  noms  des  plus  grandes 
tranchées  donnant  passage  à  des  voies  ferrées  : 

La  tranchée  de  Tring  sur  le  chemin  de  Birmingham, 
mesurant  1 100  000  mètres  cubes  ; 

Gadelbach,  sur  le  chemin  d'Ulm  à  Augsbourg,  un 
million  de  mètres  ; 

Tabatsofen  :  860  000  mètres  cubes  ; 

Cowran,  sur  le  chemin  de  Carliste  :  700  000  mètres 
cubes  ; 


146  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTIO>'. 

Blisworth,  sur  le  chemin  de  Birmingham  :  620  000 
mètres  cubes  ; 

Poincv,  au  chemin  de  Strasbourcf  :  500  000  mètres 
cubes  ; 

Pont-sur- Yonne,  au  chemin  de  Lyon  :  470  000  mè- 
très  cubes  ; 

Clamart,  sur  le  chemin  de  Versailles,  rive  gauche  : 
400  000  mètres  environ. 

Les  tranchées  n'ont  jamais  plus  de  ]  h  mètres  de 
profondeur,  à  moins  qu'elles  ne  soient  très-courtes. 

Si  la  voie  doit  être  placée  plus  profondément  dans 
le  so],  on  perce  un  souterrain  :  il  y  a  économie.  Quant 
aux  talus  des  tranchées,  leur  inclinaison  varie  entre 
la  verticale  et  une  ligne  inclinée  à  45*^  sur  l'horizon. 
On  ne  descend  au-dessous  de  ce  chiffre  qu'à  la  traver- 
sée des  terrains  d'une  très-mauvaise  nature,  sans  con- 
sistance et  dont  les  éboulements  fréquents  nécessite- 
raient un  entretien  trop'coùteux. 

Les  remblais  s'élèvent  aux  deux  extrémités  des  tran- 
chées avec  les  déblais  qui  en  sont  sortis.  Si  ces  déblais 
sont  en  excès,  on  les  met  en  dépôt;  si,  au  contraire, 
ils  sont  insuffisants,  on  a  recours  à  un  emprunt,  qui 
se  fait,  suivant  les  cas,  en  élargissement  dans  la  tran- 
chée ou  sur  les  côtés  du  remblai  à  construire.  La  hau- 
teur des  remblais  n'excède  pas  20  mètres  et  l'incli- 
naison des  talus  est  le  plus  souvent  de  1  1/2  de  base 
pour  1  de  hauteur. 

L'ingénieur  ne  cherche  pas,  comme  il  le  fait  pour 
la  construction  d'une  route,  à  équilibrer  rigoureuse- 
ment les  volumes  des  déblais  et  des  remblais.  Les  con- 


LES  CHEMINS  DE  FER.  147 

ditions  de  tracé  d'un  chemin  de  fer  sont  autrement 
impérieuses.  Les  questions  de  pente  et  de  courbure  do- 
minent toute  autre  considération,  et  la  compensation, 
même  approximative,  des  terres  à  déblayer  et  à  rem- 
blayer n'est  pour  lui  qu'une  préoccupation  secondaire. 

L'un  des  premiers  travaux  attaqués  et  celui  qui 
exige  de  la  part  de  l'ingénieur  les  soins  les  plus  assidus 
au  point  de  vue  du  tracé,  au  point  de  vue  de  la  con- 
duite des  travaux,  est  le  percement  des  souterrains. 
Qu'on  se  figure  un  trou  de  plusieurs  kilomètres  de  lon- 
gueur parfois,  d'une  section  de  50  à  50  mètres  carrés, 
percé  sous  le  sol,  tantôt  en  ligne  droite,  tantôt  suivant 
une  courbe  régulière  au  moyen  d'attaques  multipliées 
dont  le  nombre  a  varié  depuis  2  jusqu'à  50,  et  instal- 
lées au  fond  d'une  autre  série  de  trous  verticaux  ou  de 
puits,  dont  la  profondeur  atteint  souvent  200  mètres, 
et  au  fond  desquels  on  trouve  tout  d'abord  un  air  vi- 
cié par  la  fumée  de  la  poudre  et  par  la  respiration  des 
ouvriers,  des  infiltrations  plus  ou  moins  abondantes, 
qu'une  pierre,  un  caillou  qui  tombe  peut  faire  dégé- 
nérer en  ruisseaux  envahissants. 

Une  ligne  droite  ou  une  courbe  est  dessinée  à  l'aide 
de  jalons,  de  pieux  au  travers  du  faite  à  franchir.  Tan- 
tôt elle  monte  sur  un  mamelon,  tantôt  elle  descend 
dans  une  crevasse  ;  là  elle  traverse  un  bois,  là  elle 
plonge  dans  une  source  voilée  sous  un  bouquet  d'ar- 
bres, et  ne  ménage  aucune  habitation.  Tous  les  points 
bas  qu'elle  a  touchés,  sont  notés,  espacés  régulière- 
ment, plus  ou  moins,  selon  les  difficultés  présumées 
du  percement  et  la  durée  probable  de  leur  exécution. 


148  LES  MERVEILLES  DE  L\  LOCOMOTION. 

Eii  chacun  de  ces  points  se  trouve  l'ouverture  d'un 
puits.  On  se  met  à  l'œuvre.  Le  puits  descend  ;  le  ma- 
nège ou  la  locomobile  s'installe,  fait  marcher  le  ven- 
tilateur et  le  treuil.  Tout  va  bien  :  les  premières  cou- 
ches tendres  sont  traversées  sans  difficultés  ;  on  blinde 
avec  quelques  planches,  un  peu  de  foin,  des  étais  ; 
parfois  on  a  recours  au  cuvelage  en  maçonnerie  ;  mais 
de  légers  suintements  se  produisent,  il  est  nécessaire 
d'installer  des  pompes;  on  descend,  l'eau  augmente, 
les  pompes  sont  insuffisantes,  on  en  installe  de  nou- 
velles, la  locomobile  est  doublée;  on  continue.  Un 
caillou,  comme  une  noix,  se  détaclie  de  la  paroi  du 
puits,  un  homme  tombe  pour  ne  plus  se  relever,  pre- 
mière victime  ;  —  un  éboulement  survient,  l'eau  en- 
vahit le  puits,  plusieurs  hommes  sont  ensevelis;  du 
secours  au  plus  vile,  on  ne  retire  que  des  cadavres. 
C'est  une  alerte  permanente,  qui  se  répète  en  dix, 
quinze,  vingt  points  différents. 

Enfin  on  arrive  à  la  profondeur  voulue.  Il  faut  in- 
diquer la  direction  des  attaques  :  nouvelle  opération 
et  Tune  des  plus  délicates,  sinon  la  plus  délicate,  à 
accomplir.  Les  ouvriers  sont  écartés.  La  locomobile 
reste  en  feu,  quelques  hommes  sont  au  fond  du  puits, 
quelques  autres  à  la  surface.  On  trace  à  l'orifice  un 
petit  élément,  une  petite  fraction  de  cette  grande  li- 
gne dessinée  sur  le  faite,  et,  à  l'aide  de  plombs  sus- 
pendus à  de  légers  fils,  on  reproduit  au  fond  du  puits 
cette  petite  ligne  tracée  à  son  ouverture.  Le  plus  grand 
calme,  le  plus  grand  silence  règne  autour  des  opéra- 
tions. H  semble  que  le  bruit  seul  de  la  voix  va  trou- 


LES  CHEMINS  DE  FER.  .  149 

hier  le  repos  attendu  de  ces  deux  fils  ou  agiter  l'air 
au  milieu  duquel  ils  sont  suspendus.  Le  plomb  est 
trop  léger,  on  en  augmente  le  poids;  le  fil  se  rompt, 
et  Ton  recommence  :  les  heures  se  passent  et  les  ou- 
vriers attendent.  On  fait  plonger  le  grave  dans  un 
vase  plein  d'eau.  Enfin  les  deux  fils  sont  immobiles, 
ou  leurs  oscillations  d'assez  peu  d'étendue  pour  qu'on 
puisse  en  prendre  aisément  la  mesure  et  partager 
leur  amplitude.  Les  points  sont  fixés  et,  sur  ce  petit 
tronçon  de  ligne  comme  base,  on  va  construire  toute 
une  nouvelle  ligne,  la  vraie  cette  fois,  que  maintes 
opérations  nouvelles  viendront  encore  contrôler,  car 
la  certitude  en  pareil  cas  ne  résulte  que  de  la  multi- 
plicité des  tracés. 

Souvent,  la  difficulté  est  augmentée  par  la  situation 
des  puits  en  dehors  de  l'axa  du  souterrain,  disposition 
adoptée  pour  faciliter  les  manœuvres  futures;  mais 
poursuivons  notre  description. 

Les  ouvriers  reprennent  possession  de  leur  chantier 
souterrain,  qui  présente  désormais  deux  attaques  di- 
rigées en  sens  contraire.  L'activité  s'accroît.  La  pou- 
dre et  les  bois  descendent,  les  déblais  remontent;  les 
hommes  se  remplacent  toutes  les  six  heures,  le  travail 
ne  chôme  pas  un  instant.  En  avant,  marche  la  petite 
galerie  que  le  tracé  accompagne  et  dirige.  Derrière, 
vient  le  battage  au  large,  l'ouverture  à  grande  section. 
Un  muraillement  ou  un  revêtement  général  est  à  faire  ; 
on  procède  alors  par  tronçons  ou  par  chambres  alter- 
natives, les  éventails  sont  établis,  les  cintres  sont 
dressés,  les  maçons  suivent  les  boiseurs,  et  chaque 


150  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

jour,  à  pas  lents,  au  milieu  d'incidents  sans  gravité 
ou  d'accidents  épouvantables,  le  travail  avance.  C'est 
un  yrai  trou  de  taupe,  car  dans  certains  terrains  l'hom- 
me le  creuse  avec  ses  mains,  tantôt  sur  le  ventre,  tan- 
tôt sur  le  côté,  tantôt  sur  le  dos.  L'ouvrier  des  souter- 
rains s'identifie  à  sa  besogne;  h  la  lumière  du  soleil, 
il  préfère  celle  de  sa  lampe,  au grandair  l'atmosphère 
humide,  fumeuse  et  parfois  fétide  de  son  chantier. 
Son  visage  a  pris  une  teinte  pâle  uniforme;  ses  yeux, 
ses  narines  et  ses  lèvres  sont  d'un  rose  maladif  et  ses 
cheveux  sont  parfois  décolorés.  On  croirait  à  la  souf- 
france, si  le  soleil,  l'air  vivifiant  du  dehors,  une  nour- 
riture plus  forte  et  plus  substantielle,  ne  venaient  le 
transformer  et  lui  donner  la  force  brutale  qu'il  montre 
dans  ces  rixes  qu'amène  parfois  la  jalousie  ou  la  co- 
lère, et  que  termine  trop  souvent  le  couteau. 

Les  souterrains  les  plus  remarquables  sont  : 

La  Nerthe,  entre  Avignon  et  Marseille,  d'une  lon- 
gueur de  4,600  mètres  ; 

Blaisy,  entre  Tonnerre  et  Dijon,  de  4100  mètres; 

Le  Credo,  sur  le  chemin  de  Lyon  à  Genève,  de  50.00 
mètres  ; 

Rilly,  sur  l'embranchement  deReims,  de  5500  mè- 
tres ; 

Le  tunnel  dos  Alpes  ou  du  Mont-Cenis,  de  12  220 
mètres  de  longueur. 

L'un  des  tunnels  les  plus  connus  est  celui  de  Blaisy, 
à  288  kilomètres  de  Paris.  Il  est  percé  sous  les  monts 
de  la  Côte-d'or,  à  la  limite  du  bassin  de  la  Seine  et  de 
celui  de  la  Saône.  Voici  quelques  détails  sur  la  cons- 


LES  CHEMINS  DE  FER.  151 

truction  de  ce  remarquable  ouvrage  :  sa  longueur, 
avons-nous  dit,  est  de  4100  mètres,  sa  largeur  entre 
les  pieds-droits  de  8  mètres  et  sa  hauteur  sous  clef  de 
8  mètres  également.  On  a  percé  22  puits  pour  sa  con- 
struction; le  plus  profond  a  197  mètres  de  hauteur. 
Quinze  de  ces  puits  sont  conservés  pour  l'aérage  du 
souterrain.  L'ensemble  des  22  puits  a  coûté  deux  mil- 
lions. Le  cube  des  déblais  extraits  du  souterrain  est 
évalué  à  550  000  mètres  et  celui  des  matériaux  de 
construction  à  150  000.  On  a  employé  plus  de 
150  000  kilogrammes  de  poudre.  Ce  souterrain  a 
coûté,  sans  les  puits,  1900  francs  par  mètre  courant, 
soit  7  900000  francs  pour  l'ensemble. 

Disons  quelques  mots  encore  du  tunnel  des  Alpes. 
Ce  qui  distingue  essentiellement  cet  ouvrage  des  au- 
tres souterrains  construits  jusqu'à  présent,  c'est  sa 
grande  longueur  (12''*\220)  et  l'impossibilité  où  l'on 
a  été,  en  raison  de  la  i:frahde  hauteur  de  la  calotte  su- 
perposée,  de  l'attaquer  par  des  puits.  Il  n'y  a  donc  eu 
que  deux  chantiers  partis  des  deux  têtes,  de  Modane  et 
de  Bardonèche,  et  allant  à  la  rencontre  l'un  de 
l'autre.  L'ouverture  à  l'exploitation  remonte  au  mois 
d'octobre  1871.  Il  a  fallu,  en  raison  du  nombre  res- 
treint des  attaques,  employer  les  moyens  de  perforation 
les  plus  rapides.  Yoici  ce  qu'on  a  fiût.  On  a  appliqué 
à  la  compression  de  l'air  la  force  produite  par  la  chute 
des  cours  d'eau  descendant  du  faite.  L'air  comprimé, 
à  son  tour,  a  servi  à  mettre  en  mouvement  de  petites 
machines  perforatrices  qui  remplacent  le  travail  lent 
et  pénible  des  ouvriers.  MM.  Grandis,  Grattone  etSom- 


152  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

meiller  sont  les  inventeurs  de  ces  machines.  Aujour- 
.  d'hui,  une  voie  nouvelle,  qui  réduit  la  durée  de  la  tra- 
versée à  20  ou  25  minutes,  remplace  l'ancienne  route 
de  la  montagne,  que  les  chevaux  de  poste  mettaient 
10  à  12  heures  à  parcourir  et  que  le  chemin  de  fer 
Fell^  dont  nous  aurons  bientôt  à  parler,  a  fait  franchir 
en  5  heures  seulement.  Maintenant,  nne  communion 
plus  intime  peut  s'établir  entre  la  France  et  l'Italie  et 
permettre  à  notre  industrie  d'aller  puiser  de  nouvelles 
et  vivifiantes  inspirations  dans  la  péninsule;  —  à  nos 
voisins  de  venir  étudier  nos  procédés  rapides  ef  perfec- 
tionnés de  fabrication. 

La  nécessité  de  traverser  de  larges  fleuves  et  des 
vallées  profondes,  imposée  par  le  tracé  des  grandes 
voies  ferrées,  a  donné  naissance  à  des  ouvrages  dont 
nos  pères  n'abordaient  la  construction  qu'à  de  rares 
intervalles  et  qu'ils  mettaient  de  longues  années  à  éle- 
ver. Nous  voulons  parler  d'abord  de  ces  imposants 
viaducs  en  maçonnerie  qui  l'emportent  bien,  à  notre 
avis,  sur  les  aqueducs  tant  vantés  des  Romains  et  des 
Sarrazins,  puis  de  ces  ouvrages  en  tôle  portés  sur  pi- 
les en  maçonnerie  ou  sur  piles  métalliques,  dont  la 
construction  remonte  à  quelques  années  seulement  et 
qui  a  déjà  reçu  de  nombreuses  applications,  tant  elle 
fournit  un  moyen  économique  et  facile  de  franchir 
les  vallées  profondes. 

Les  viaducs  en  maçonnerie,  construits  pour  le  pas- 


*  Un  chemin  de  fer,  d'un  système  analogue,  permet  de  monler  au 
sommet  du  Righi. 


LES  C1IE3IINS  DE  FER.  155 

sage  des  chemins  de  fer,  sont  remarquables  à  divers 
titres  :  leur  longueur,  leur  hauteur,  la  mauvaise  na- 
ture du  terrain  qui  les  supporte,  augmentent  les  dif- 
ficultés de  leur  construction  et  en  élèvent  le  prix  de 
revient.. 

Parmi  les  viaducs  les  plus  longs,  on  cite  surtout  ce- 
lui qui  a  été  construit  sur  les  lagunes  de  Venise  pour 
le  passage  du  chemin  de  Yicence,  et  qui  a  5,598  mè- 
tres de  longueur  ; 

Celui  qui  traverse  la  ville  de  Nîmes  de  1 ,670  mètres 
de  longueur,  sur  le  chemin  de  Tarascon  à  Cette  ; 

Celui  de  AVittemberg,  qui  a  1,147  mètres  de  lon- 
gueur; 

Enfin  celui  d'Arles,  sur  le  chemin  de  Lyon  à  Mar- 
seille, et  qui  a  769  mètres  de  longueur. 

La  hauteur  la  plus  grande  de  ces  viaducs  ne  dépasse 
pas  15  mètres. 

Les  viaducs  les  plus  remarquables  par  leur  grande 
longueur  et  par  leur  grande  hauteur,  sont  :  celui  de 
Nogent-sur-Marne,  qui  a  une  longueur  totale  de  850 
mètres  et  une  hauteur  de  29  mètres.  Ce  viaduc  fran- 
chit la  rivière  au  moyen  de  trois  arches  de  50  mètres 
d'ouverture.  Il  a  été  construit  en  dix-huit  mois.  Le 
viaduc  de  l'Indre  mesure  751  mètres  de  longueur  to- 
tale et  25  mètres  de  hauteur  maxima. 

L'un  des  ouvrages  les  plus  renommés  par  sa  légè- 
reté est  le  viaduc  de  Chaumont,  sur  le  chemin  de  Mul- 
house à  Gray.  Sa  longueur  est  de  600  mètres  et  sa  plus 
grande  hauteur  de  50  mètres.  Il  a  été  exécuté  en  quinze 
mois. 


154  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

L'un  des  viaducs  les  plus  remarquables  par  ses  di- 
mensions et  le  plus  grand  de  ceux  construits  en  Alle- 
magne pour  le  jDassage  d'un  chemin  de  fer,  est  celui 
du  Goeltzschthal,  sur  le  chemin  de  fer  saxo-bavarois, 
entre  Reichenbach  et  Plauen.  Il  a  579  mètres  de  lon- 
gueur et  sa  hauteur  maxima  est  de  SO"",^! ,  c'est  à  peu 
|)rès  la  même  que  celle  de  notre  aqueduc  de  Roquefa- 
vour,  qui  a  81  mètres.  C'est  la  hauteur  des  tours  de 
Notre-Dame. 

Nous  pourrions  citer  encore  plusieurs  ouvrages  en 
maçonnerie  dignes  de  fixer  l'attention;  la  France,  les 
environs  de  Paris  même  en  offrent  de  nombreux,  mais 
nous  devons  indiquer  maintenant  quelques-uns  des 
magnifiques  travaux  en  charpente  construits  en  Amé- 
rique, en  Allemagne  et  en  Russie,  et  qui,  forêts  sus- 
pendues, sont  de  véritables  merveilles  d'assemblage. 
Les  uns  sont  à  poutres  droites,  comme  celui  de  Peacok, 
celui  du  Connccticut  (584  mètres  de  longueur,  avec 
des  travées  de  54  mètres). 

Celui  de  Landore  (496  mètres  de  longueur)  ; 

Celui  delà  Mesta,  sur  le  chemin  de  Saint-Pétersbourg 
à  Moscou  (547  mètns  de  longueur,  avec  des  travées  de 
GO  mètres  et  une  hauteur  maxima  de  5'2  mètres); 

Les  autres  sont  en  arc  de  cercle,  comme  celui  de 
Williugton  (519  mètres  de  longueur  avec  des  arcs  de 
59  à  55  mètres  de  largeur)  : 

Celui  de  la  rivière  PEtherow  (long  de  158  mètres, 
avec  une  arche  de  54  mètres  d'ouverture  et  une  hau- 
teur maxima  de  41  mètres)  ; 

Celui  de  la  cascade -Glen  (présentant  un  arc  de  cer- 


ii>uL?;- 


Fijî.  22. 


Yiaduc  de  Secrellown  (Califoniie).  UuO  piedà  de  Ion. 
sur  le  chemin  de  fer  Central-racific. 


LES  CHEMINS  DE  FER.  157 

cle  de  84  mètres  d'ouverture,  le  plus  grand  qu'on  ait 
encore  construit,  et  55  mètres  de  hauteur). 

Mais  le  plus  remarquable  de  ces  ouvrages  est  le 
pont  du  Haut-Portage  sur  le  chemin  de  Bulfalon  à 
New- York;  sa  longueur  est  de  267  mètres  et  sa  hau- 
teur de  79"\50! 

Le  fer  vient  parer  d'une  manière  avantageuse  aux 
inconvénients  des  constructions  en  charpente.  On  peut 
dire  que  la  construction  des  chemins  de  fer  a  produit 
les  ponts  en  tôle,  de  môme  aussi  que  ces  combles  lé- 
gers abritant  nos  grandes  gares  et  une  foule  de  con- 
structions métalliques  de  différents  genres. 

Les  ponts  en  tôle  sont  ou  à  poutres  droites,  pleines 
ou  à  treillis,  ou  en  arc  de  cercle.  Les  plus  remarqua- 
bles, parmi  les  premiers,  sont  :  le  grand  pont  Bri- 
tannia,  sur  le  détroit  de  Menai,  dont  l'ingénieur  est 
Robert Stephenson  (longueur  entre  culées  :  455  mètres 
en  quatre  travées  ;  hauteur  de  la  pile  du  milieu 
67  mètres)  ; 

Le  viaduc  de  Crumlin,  pour  le  chemin  de  fer  de 
Pontypool  à  Swansea  (longueur  ;  498  mètres,  10  tra- 
vées de  45™, 75,  hauteur  du  rail,  au-dessus  du  fond  de 
la  vallée  :  58",56)  ; 

Le  grand  pont  sur  la  Vistule,  à  Dirschau  (chemin 
de  fer  de  l'Est  de  la  Prusse  :  six  travées  de  158'", 40  de 
long  chacune  ;  longueur  totale,  882  mètres)  ; 

Le  pont  sur  le  Sitter  (165  mètres  de  long  en  trois 
travées,  62  mètres  de  hauteur)  ; 

Le  pont  de  Marienbourg  (en  deux  travées  de  106 
mètres  chacune). 


158  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Le  premier  pont  en  tôle  construit  en  France  est 
celui  d'Asnières,  sur  le  chemin  de  l'Ouest,  qui  est  dû 
à  M.  Eug.  Flachat  ;  il  a  remplacé  le  pont  de  bois  brûlé 
en  1848  (sa  longueur  est  de  168  mètres  en  cinq  tra- 
vées). 

D'autresponts  dumême  genre  se  sont  succédé  bientôt 
en  grand  nombre.  On  remarque  surtout  le  pont  deLan- 
gon  (228  mètres  en  trois  travées)  et  celui  de  Bordeaux 
(629"',11),  sur  la  Garonne.  —  Dans  ces  dernières 
années,  on  a  c-onstruit  sur  le  Rhin  le  fameux  pont  de 
Kehl  (255  mèt^^es  de  longueur),  qui  réunit  le  duché 
de  Bade  à  la  France,  et  que  ses  fondations,  sur  un  sol 
de  gravier  d'une  profondeur  indéfinie,  rendent  par- 
ticulièrement remarquable.  Il  a  coûté  8  millions. 

Nous  ne  citerons,  comme  type  de  légèreté  des  ponts 
en  arc,  que  le  pont  d'Arcole,  construit  à  Paris,  en  face 
de  l'Hôtel  de  ville,  pour  remplacer  l'ancien  pont  sus- 
pendu, qui  donnait  seulement  passage  aux  piétons. 

Mentionnons  aussi  le  fameux  pont  de  Saltash,  sur 
le  bras  de  mer  de  Hamoaze,  près  de  Plymouth,  et  dont 
Brunel  est  l'ingénieur  (deux  travées  de  158™, 68  cha- 
cune, laissent  aux  navires,  au  moment  de  la  haute 
mer,  un  passage  libre  de  50°^, 48  de  hauteur). 

Mais  un  des  ouvrages  construits  avec  le  plus  de  har- 
diesse est  celui  quia  été  lancé  par  l'ingénieur  Rœbling 
au-dessus  des  chutes  du  Niagara  (249™,  75  de  longueur 
en  une  seule  travée,  à  74  mètres  nu-dessus  de  la  ri- 
vière). Ce  pont  est  à  la  fois  en  treillis  et  suspendu. 
Quatre  câbles  s'appuient  sur  les  piles  élevées,  placées 
sur  les  deux  rives  ;  deux  supportent  le  tablier  supé- 


LES  CI1E:.IINS  de  fer.  159 

rieur  sur  lequel  passe  la  voie  unique  de  fer,  deux  au- 
tres supportent  le  tablier  inférieur  qui  sert  au  pas- 
sage des  voitures  et  des  piétons.  Mais,  comme  les 
grands  vents,  qui  soufflent  dans  ces  parages,  auraient 
pu  soulever  le  tablier,  des  haubans,  partant  des  parois 
de  la  roche,  viennent  s'attacher,  en  divergeant,  à  dif- 
férents points  du  tablier  et  lui  donner  une  rigidité 
considérable.  Cet  ouvrage  n'a  coûté  que  deux  mil- 
lions. 

Parmi  les  ponts  en  fonte,  nous  ne  citerons  que  le 
beau  pont  de  Tarascon  (592  mètres  de  longueur,  sept 
arches  de  60  mètres  d'ouverture),  et  le  viaduc  de 
Newcastle  (408  mètres  de  longueur,  six  travées  de 
59  mètres).  Tous  les  ouvrages  en  fonte,  dès  qu'ils  at- 
teignent une  portée  de  8  à  10  mètres,  sont  en  arc; 
les  défauts  inhérents  à  la  fabrication  de  la  fonte,  ne 
permettent  pas  son  emploi  en  grandes  poutres  droites. 

On  vient  d'entreprendre  en  Ecosse  les  fondations 
d'un  pont  de  9  kilomètres  de  longueur  sur  le  Forth, 
ce  pont  a  une  hauteur  maxima  de  30  mètres  et  sa 
construction,  qui  doit  durer  cinq  ou  six  ans,  entraî- 
nera une  dépense  d'une  trentaine  de  millions. 

Tels  sont  les  plus  remarquables  des  grands  ouvra- 
ges dont  les  chemins  de  fer  ont  nécessité  l'exécution. 
Ils  occupent,  dans  la  construction  des  vois  ferrées, 
une  place  si  importante  et  ils  excitent  à  un  si  haut 
point  l'admiration,  que  nous  n'avons  pas  cru  devoir 
négliger  de  faire  connaître  au  moins  leurs  noms  et 
leurs  principales  dimensions. 


160  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 


C.  —  SupERsTRiCTCRE.  —  Slatioiis  et  maisons  de  garde.  —  La  voie  :  Les  or- 
nières des  mines  de  ^'ewcaslle.  Ornières  creuses  et  saillantes.  Roues  plates 
et  à  rebords.  —  Rails  méplats,  à  champignon  simple,  à  double  champignon, 
Vignole,  Brunel,  Barlow,  Hartwitcli;  i^ails  en  acier.  —  Traverses  en  bois  et 
métilliques.  —  Coussinets,  coins,  éclisses,  boulons,  crampons,  chevil- 
lettes,  etc. 


La  plate-forme  du  chemin  est  dressée,  Vinfrastruc- 
ture  est  maintenant  terminée.  Les  stations  et  les 
maisons  de  garde  s'élèvent,  depuis  l'humble  halte, 
qui  n'a  parfois  qu'une  femme  pour  tout  personnel, 
jusqu'à  la  f^rande  gare  avec  ses  centaines  d'agents.  Les 
rails  et  les  traverses  sont  en  dépôt  aux  extrémités,  de 
la  ligne  et  sur  divers  points  de  son  parcours.  La  pose 
commence,  les  wagons,  les  locomotives  la  suivent  ;  le 
ballast,  cette  matière  perméable  et  élastique  qui  doit 
former  son  lit,  est  apporté,  et  la  commission  adminis- 
trative peut  procéder  à  la  réception  du  chemin. 

Avant  de  parler  des  machines  et  des  wagons,  du 
matériel  locomoteur,  en  un  mot,  —  aiTêtons-nous  au 
matériel  fixe,  à  ces  humbles  barres  de  fer  couchées  sur 
la  poudre  des  chemins,  comme  on  les  a  nommées. 

C'est  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle  que  l'on  fait 
remonter  l'emploi  des  premières  ornières  saillantes 
en  bois,  et  c'est  dans  le  voisinage  des  mines  de 
Newcastle  que  ces  rails  furent  employés  pour  la  pre- 
mière fois.  Les  wagonnets,  ou  chaldrons,  pleins  de 
houille,  allaient  sur  les  voies  artificielles  de  l'orifice 
du  puits  aux  bords  de  la  Tyne,  où  ils  déchargeaient 
leur  contenu  dans  les  bateaux.  Mais  ces  bois  s  usaient, 
se  fendillaient  et  exigeaient  un  remplacement  fréquent 


LES  CHEMINS  DE  FER.  161 

et  coûteux.  L'action  alternative  du  soleil  et  delà  pluie 
hâtait  leur  lin.  C'est  alors  qu'on  eut  l'idée  de  les 
recouvrir,  pour  en  prolonger  la  durée,  de  bandes  de 
fer  dans  les  parties  les  plus  sujettes  aux  détériorations. 
Cette  amélioration  partielle  de  la  voie  de  transport  de- 
vint bientôt  générale  :  le  bois,  enfin,  fut  écarté  comme 
rail  et  remplacé  par  la  fonte.  Cette  application  est  due 
à  l'ingénieur  William  Reynolds  et  date  de  cent  ans 
environ.  Elle  remonte  à  l'année  1768,  selon  les  uns, 
à  l'année  1780,  selon  les  autres.  Mais  les  rails  n'a- 
vaient pas  la  forme  qu'ils  ont  aujourd'hui  ;  ils  étaient 
plats,  avec  un  rebord  saillant  intérieur,  la  roue  était 
semblable  à  colle  des  voitures  ordinaires.  Vers  1789, 
Jessop  transforma  la  jante  des  roues  et  leur  donna 
le  rebord  qu'on  voit  aujourd'hui  aux  roues  des  wa- 
gons ;  les  rails  se  réduisirent  alors  à  de  simples  barres 
de  fer  fixées  sur  des  traverses  en  bois. 

Pour  utiliser  toute  la  résistance  du  fer,  ces  barres  ou 
mieux  ces  lames  de  fer  étaient  placées  sur  leur  tran- 
che ou  de  champ,  comme  disent  les  ouvriers,  et 
maintenues  dans  cette  position  par  le  serrage  d'un  coin 
en  bois  dans  l'entaille  d'une  traverse.  La  voie  était 
donc  bien  simple  :  rails,  traverses  et  coins,  c'était 
tout.  Los  petites  voies  de  terrassement  ne  sont  pas 
autres  encore  aujourd'hui.  Les  rails  en  fer  s'obtenaient 
par  le  laminage  ;  c'était  la  méthode  appliquée  depuis 
plus  de  deux  siècles  à  la  fabrication  des  monnaies,  à 
Paris,  et  que  l'Angleterre  pratiquait  depuis  l'année 
1665. 

Les  améliorations  de  la  voie  actuelle  de  nos  chemins 

11 


162  LES  MERVEILLES  DE  LA  L0C0MOTIO>'. 

de  fer  résultent  principalement  des  perfectionnements 
qui  ont  été  apportés  à  la  confection  de  ses  parties 
essentielles.  On  reconnut  bientôt  que  les  rails  méplats, 
sous  les  fortes  charges,  creusaient  des  sillons  dans 
la  jante  des  roues  et  les  mettaient  promptement  hors 
de  service,  qu'au  passage  des  courbes  et  sous  l'action 
de  la  force  centrifuge  ils  se  déjetaient  en  dehors  de 


Fi^'.  29. 


Rail  à  (jouldc  chaiU|.rigiif!ii. 


la  courbe  et  faisaient  ventre  entre  leurs  supports.  De 
là,  la  nécessité  d'abandonner  la  forme  méplate,  pour 
donner  aux  rails  une  saillie  latérale,  capable  à  la  fois 
d'empêcher  .ces  déformations  et  de  fournir  une  sur- 
face de  roulement  bombée  et  non  plus  tranchante.  Le 
champignon  du  rail  était  inventé.  Le  désir  d'utiliser  le 
rail  après  l'usure  de  son  champignon  supérieur,  donna 
l'idée  de  lui  ajouter  un  champignon  inférieur,  symé- 


LES  GlfEMlNS  DE  TEF.. 


163 


trique  du  premier,  permettant  son  retournement  dans 
ses  supports  et  donnant  un  nouveau  service. 

Notre  rail  actuel,  à  double  champignon,  n'est  autre 
que  celui  que  nous  venons  de  décrire.  C'est  le  propre 
des  grandes  inventions  d'atteindre  dès  le  début  le 
degré  de  perfectionnement  qu'elles  ne  doivent  guère 
dépasser.  Tantôt  Vâme  du  rail  est  plus  haute  et  plus 


T 


F'm.  50.  —  Rail  Yisnoles. 


étroite,  le  champignon  plus  ou  moins  bombé,  plus  ou 
moins  large;  mais  ces  variations  se  chiffrent  par  mil- 
limètres ou  par  fractions  de  millimètre.  La  forme 
et  les  dimensions  générales  varient  peu.  Il  en  est  de 
môme  du  coussinet  ou  chair,  de  cette  main  de  Ibnte 
dans  laquelle  on  serre  le  rail  à  Taide  d'un  coin  en  bois, 
et  de  ce  coin  lui-même. 

La  traverse  est  une  bille  de  bois,  de  forme  quadran- 
gulaire,  triangulaire  ou  semi-circulaire,  dont  la  nature 
varie  suivant  les  pays.  En  France  et  en  Belgique,  en 
Allemagne,   en  Angleterre,  on  emploie  le  chêne,  le 


164  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

hêtre,  le  sapin  elle  pin  préparé.  En  Suisse,  on  emploie 
le  mélèze;  en  Amérique,  on  a  employé  le  gaïae. 

Les  coins  sont  en  chêne  et  ne  présentent  rien  de 
particulier. 

Une  autre  espèce  de  rail  est  employée  en  Amérique, 
en  Allemagne,  et  sur  quelques-unes  de  nos  lignes 
françaises.  C'est  le  riï'ûàpatin^  américain,  ouVignoles, 
du  nom  de  l'ingénieur  anglais  qui,  le  premier,  J'a 
employé  en  Angleterre.  Il  ne  diffère  du  rail  à  douhle 


.^^ 


Fi;r.  ol.  —  Rail  RiuneL  Fij?.  52.  —  Rail  Rarlow. 

champignon  qu'en  ce  que  le  champignon  inférieur  a 
été  remplacé  par  un  patin  qui  lui  sert  d'appui  sur  la 
traverse,  à  laquelle  il  est  relié  par  des  crampons  en 
fer.  Ce  rail  ne  peut  donc  pas  être  retourné  comme  le 
premier,  mais  l'avantage  dont  il  est  privé  est  diverse- 
ment apprécié  par  les  ingénieurs  et  contesté  par  cer- 
tains d'entre  eux. 

?y'Ous  indiquerons  encore  deux  sortes  de  rails,  dont 
l'usage  tend  de  plus  en  plus  à  disparaître  et  que  les 
Compagnies  utilisent  seulement  aujourd'hui  pour  l'é- 
tablissement de  leurs  voies  de  garage;  ce  sont  :  le  rail 
Brunel  (bridge-rail),  qui  a  la  forme  d'un  U  renversé. 


LES  CHEMLNS  DE  l'EK.  165 

se  posant  sur  longrines,  et  le  nul  Bariow,  dant  la  sec- 
tion est  celle  d'un  V  renversé,  s'appuyant  directement 
sur  le  ballast. 

L'Exposition  universelle  de  1867  a  fait  connaître 
une  nouvelle  espèce  de  rail  employée  en  Allemagne, 
et  qui  présenterait  des  avantages  notables  sur  les  pré- 
cédents, c'est  le  rail  lïartwich,  essayé  sur  les  chemins 
de  fer  de  Goblentz  à  Oberlahustein  et  de  Enskirchen  à 
Mechernich.  Ce  rail  n'est  autre  que  le  rail  Vignoles 
dont  l'àme  a  augmenté  de  hauteur,  et  dont  le  patin 
s'est  élargi.  Il  se  pose  directement  dans  le  ballast  sans 
aucun  intermédiaire.  Mais  il  pèse  60  kilogr.  environ  le 
mètre  courant  :  il  coûte  par  conséquent  fort  cher.  Et, 
comme  le  temps  seul  permet  de  porter  un  jugement 
sur  les  mérites  de  ce  rail,  on  doit,  avant  d'aban- 
donner les  systèmes  déjà  essayés,  attendre,  pour 
l'adopter,  que  l'expérience  ait  fait  connaître  sa  véri- 
table valeur. 

Les  charges  imposées  aux  véhicules  des  chemins  de 
fer,  wagons  et  machines,  ont  tellement  augmenté  de- 
puis leur  origine,  que,  pour  nepas voiries  rails  s'écraser 
et  se  déformer  promptement,  on  a  dii  en  augmenter 
aussi  la  résistance  en  en  forçant  les  dimensions  et  par 
conséquent  le  poids.  Les  premiers  rails  employés  au 
chemin  de  Saint-Etienne  à/ Lyon,  pesaient  15  kilogr. 
le  mètre  coui'ant.  Bientôt  ce  poids  dut  être  porté  à 
25  kilogr.,  et  aujourd'hui,  sur  nos  grandes  lignes,  il 
est  de  50  à  58  kilogr.  Ce  poids  s'élève  même  parfois 
à  46  kilogr.  Encore  les  rails  ne  durent-ils  guère  qu'ime 
quinzaine  d'années  !  On  comprend  que  ce  chiffre  varie 


106  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

dans  d'assez  grandes  limites,  suivant  la  qualité  des 
rails,  leur  position  en  plaine,  en  rampe  ou  en  courbe, 
et  la  circulation  qui  s'opère  à  leur  surface.  Au  bout 
de  ce  temps,  ils  ont  perdu  environ  1 00  francs  par  tonne 
de  leur  valeur,  repassent  à  la  forge,  où  ils  sont  em- 
ployés à  fabriquer  des  rails  neufs,  qui  rentrent  dans 
les  parcs  de  la  voie  et  bientôt  après  sont  utilisés  sur  de 
nouvelles  lignes. 

Malgré  l'économie  qui  résulte  de  ce  réemploi  des 
vieux  rails,  l'opération  de  la  réfection  des  voies  ne 
laisse  pas  que  d'être  très-coûteuse  :  aussi  a-t-on  cherché 
à  employer  des  rails  capables  de  résister  plus  long- 
temps aux  causes  de  destruction  rapide  auxquelles  ils 
sont  soumis  dans  certains  cas.  On  a  associé  le  fer  à 
l'acier,  celui-ci  occupant  la  surface  des  tables  de  rou- 
lement, qui  s'altèrent  par  le  frottement,  mais  on  a  été 
peu  satisfait  du  résultat  obtenu,  le  fer  et  l'acier  ne  se 
soudant  que  diflicilement.  On  en  est  venu  à  fabriquer 
des  rails  exclusivement  en  acier  fondu  Bessemer.  Plu- 


*  Le  nombre  de  tonnes  de  rails  en  fer  et  en  acier  aclietées  par  les  clie- 
niinsde  fer  françtus  aux  usines  françaises,  pendant  le  cours  des  années 
1870  et  1877.  est  le  suivant  : 


Année  1870 

—     1877     

r.AILS 

•      eu  fer. 

KAILS 

en  acior. 

TOTAL. 

57.950 
.      48.889 

150.081 
157.149 

188.017 
180.058 

Par  rapport  ij  Augmentation  .    . 
à  1870       (  Diminution  .    .    , 

9.047 

0.i08 

» 

» 
2.579 

LliS  CHEMINS  DE  FER.  167 

sieurs  Compagnies  en  ont  fait  drjà  des  commandes  im- 
portantes pour  les  parties  les  plus  fatiguées  de  leur 
réseau.  Aujourd'hui,  cet  usage  se  généralise,  et  le 
prix  de  l'acier  diminuant,  on  peut  entrevoir  l'époque 
où  toutes  les  grandes  lignes  seront  exclusivement  pour- 
vues de  rails  d'acier. 

Quant  aux  traverses,  on  cherche  de  plus  en  plus  à 
substituer  la  tôle  au  bois.  La  durée  et  la  résistance  du 
fer,  qualités  si  précieuses  pour  des  travaux  dont  l'exis- 
tence doit  être  indéfinie,  justifient  ces  recherches  ;  mais 
des  difficultés  sérieuses,  telles  que  le  mode  de  fixation 
du  lail  sur  la  traverse,  le  bourrage  facile  de  celle-ci, 
retardent  la  solution  du  problème. Onne  peut, d'ailleurs, 
contrairement  à  un  préjugé  asîez  répandu,  adopter 
promptement  toutes  les  innovations  qui  sont  proposées 
pour  l'amélioration  des  voies.  Les  Compagnies  tra- 
vaillent sans  cesse  à  perfectionner  ce  qui  existe  ;  leurs 
essais  sont  constants,  mais  elles  sont  trop  soucieuses 
delà  sécurité  des  voyageurs  (elles  savent  ce  que  coûtent 
les  bras  ou  les  jambes  cassés),  elles  sont  trop  sou- 
cieuses aussi  des  intérêts  qui  leur  sont  confiés  (l'em- 
ploi d'un  rail,  trop  promptement  adopté,  a  coûté  à 
une  Compagnie  14  millions  et  a  entraîné  une  perte  de 
8  millions),  pour  s'engager  à  la  légère  dans  des  inno- 
vations d'une  valeur  incertaine  et  que  leur  application 
sur  une  grande  échelle  peut  rendre  des  plus  compro- 
mettantes. 

On  se  fera  une  idée  de  l'importance  de  ces  questions 
quand  on  saura  qu'au  cours  de  200  francs  la  tonne, 
la  valeur  des  rails  du  réseau  exploité  était  représentée. 


168  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

en  1876,  par  une  somme  de  ioO  millions  de  francs 
environ. 

Mais  revenons  aux  traverses  métalliques.  Les  essais 
continuent,  les  Compagnies  font  des  commandes,  con- 
statent leurs  avantages  et  leurs  inconvénients.  Elles 
procèdent  avec  la  prudence  qu'exige  le  renouvellement, 
au  fur  et  à  mesure  des  besoins,  de  '25  millions  de 
traverses  en  bois,  qui,  au  prix  variable  de  5  à  6  francs, 
représentent  un  capital  de  115  millions  de  francs.  En 
comptant  les  traverses  en  tôle  à  180  francs  la  tonne, 
leur  ensemble  coûterait  180  millions,  soit  67  millions 
de  plus.  Quelle  en  serait  la  durée?  Là  est  la  question 
L'avenir  répondra . 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux  pièces  accessoires, 
éclisses,  selles,  boulons,  chevillettes,  crampons,  etc., 
qui  servent  à  réunir  deux  rails  qui  se  suivent,  à  leur 
fournir  un  appui  sur  la  traverse  ou  à  les  fixer  à  celle-ci. 
Ce  sont  choses  de  détail.  Nous  parlerons  maintenant 
des  véhicules  des  chemins  de  fer. 


LES    WAGONS. 


A.  —  Les  wagous  en  général.  —  Voilures  à  2,  i,  G  cL  S  roues.  —  Consliuc- 
tion  d'un  wagon  :  chàs'-i';,  caisse. 

La  construction  de  la  ])remière  voiture  de  chemin 
de  fer  n'a  pas  été  aussi  simple  qu'on  serait  tout  d'abord 
tenté  de  le  croire.  Il  semble,  en  effet,  a  priori,  qu'il 
y  a  bien  moins  de  difficulté  à  faire  suivre  aux  roues 
munies  de  boudins  d'un  véhicule,  deux  ornières  sail- 
lantes ou  deux  ornières  creuses,  qu'à  les  faire  courir 


LES  CHEMINS  LE  FER.  109 

sur    un  chemin  semé   d'obstacles.  Il  n'en  est  rien. 

On  a  reconnu,  dès  le  début,  que  l'emploi  des  voi- 
tures à  deux  roues  était  absolument  impossible. 

On  a  essayé  alors  des  voitures  à  quatre  roues,  en 
laissant  aux  essieux  la  faculté  de  se  placer  dans  une 
direction  normale  aux  courbes  parcourues,  et  aux 
roues  la  mobilité  sur  ces  essieux  qu'on  regardait 
aussi  comme  indispensable  au  parcours  de  chemins 
de  différentes  longueurs  sur  les  deux  files  de  rails. 
Mais  la  pratique,  ainsi  qu'il  arrive  parfois,  a  renversé 
ces  prévisions,  et  l'on  a  bientôt  reconnu  que  le  véhi- 
cule ne  pouvait  être  maintenu  sur  le  rail  qu'à  la  double 
condition  d'avoir  ses  essieux  toujours  parallèles  et  so- 
lidaires du  châssis  du  véhicule,  et  les  roues  jumelles 
invariablement  fixées  sur  l'essieu  qui  les  porte. 

On  a  créé  ainsi  des  résistances  accessoires,  mais  on 
a  assuré  le  maintien  du  véhicule  sur  la  voie. 

Du  wagon  à  quatre  roues,  on  est  passé  au  wagon  à 
six  roues,  l'un  des  essieux  pouvant  se  déplacer  d'une 
petite  quantité  dans  un  plan  parallèle  à  celui  de  la 
voie,  de  manière  à  prendre,  au  passage  d'une  courbe, 
la  direction  de  son  rayon;  les  roues  restant,  d'ailleurs 
toujours  calées  sur  les  essieux. 

Enfin,  on  a  fait  des  wagons  à  huit  roues,  en  grou- 
pant les  essieux  deux  par  deux  et  composant  deux 
trucks  indépendants,  reliés  à  la  caisse  du  véhicule  au 
moyen  de  chevilles  ouvrières,  comme  celles  qui  sont  à 
l'avant-train  des  voitures  ordinaires. 

Ces  premières  expériences  achevées,  on  s'est  occupé 
de  la  construction  proprement  dite  du  wagon,  en  fai- 


170  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

sant  de  chacune  de  ses  parties  appelées  à  répondre  à 
des  besoins  nouveaux,  une  étude  minutieuse. 

Il  fallait  établir  les  aitachcs  des  wagons  les  uns 
aux  autres,  parer  aux  chocs  des  wagons  entre  eux,  à 
la  suspension  du  véhicule  sur  les  roues,  aux  moyens 
de  modérer  la  vitesse  à  certains  moments  de  la  marche. 
On  composa  un  cJiàssis,  sorte  de  cadre  en  charpente, 
rendu  indéformable  par  des  pièces  mises  en  croix  et 
des  ferrures  convenablement  disposées;  on  eut  une 
carcasse  s'appliquant,  d'une  manière  à  peu  près  géné- 
rale, à  tous  les  véhicules  quelle  que  fût  leur  destination 
spéciale,  et  portant,  à  ses  extrémités,  les  crochets  d'at- 
telage et  les  tampons  de  choc,  les  premiers  reliés  à  la 
partie  centrale,  les  seconds  aux  extrémités  des  ressorts 
disposés  au  centre  du  châssis;  sur  les  côtés,  les  plaques 
de  garde  qui  assurent  le  parallélisme  des  essieux  tout  en 
permettant  les  mouvements  d'oscillation  des  boîtes  à 
graisse  sous  l'action  des  ressorts  de  suspension. 

A  ces  parties  essentielles,  on  ajouta  quelques  pièces 
accessoires,  des  chaînes  de  sûreté  et,  selon  la  desti- 
nation du  wagon,  des  marchepieds,  un  frein,  etc. 


U.    —   W.\GO>S     A     MAHClIAMil^F.>  ,     A     Bt-UALX     LT     MVKUS.     —     WagOnS    pOlll'     Ip 

transport  du  ballast,  du  coke,  du  charbon,  des  inarihandises,  du  Init,  des 
l)estiaux.  —  Transport  dos  filets  de  bœuf,  du  gibier,  du  vin  de  Cham- 
pagne, des  fraises,  des  fromages.  —  ^Vagons  à  écurie,  à  bagages,  ih's 
postes. 

Sur  le  châssis,  que  nous  avons  décrit,  se  place  une 
caisse  appropriée  au  transport  auquel  le  véhicule  est 
destiné.  On  a  des  wagons  pour  le  transport  des  dé- 
blais, du  ballr.st,  de  la  bouille,  du  coke,  du  charbon 


LES  CIIEMIINS  DE  FEU.  171 

de  bois,  des  marchandises  de  diverses  natures,  des 
voitures  de  rouliers  et  des  voitures  ordinaires,  montées 
sur  leurs  roues,  des  diligences,  des  bestiaux  de  grande 
et  de  petite  taille,  des  chevaux,  du  lait,  des  bagages, 
des  pièces  de  charpente,  et  enQn  des  voyageurs. 

Leswai^onsde  terrassement  sont  d'une  construction 
grossière,  ainsi  qu'il  convient  à  l'usage  auquel  ils  sont 
destinés.   Leur  caisse  est  placée  en  porte-à-faux,  de 


Diligence  montée  sur  un  truck. 


manière  à  pouvoir  basculer  aisément  et  se  vider  d'elle- 
même.  Les  ^vagons  à  ballast  sont,  d'ordinaire,  des  wa- 
gons plats  que  l'on  vide  à  la  pelle. 

Pour  le  transport  des  houilles,  on  a  employé  long- 
temps des  wagons  de  forme  trapézoïdale  se  vidant  par 
le  fond  au  moyen  d'une  trappe  ;  on  y  a  renoncé  et  on 
n'emploie  plus  que  des  ^vagons  de  forme  prismatique 
se  vidant  par  les  portes.  Le  transport  du  coke  s'effectue 


17-2  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

souvent  à  l'aide  de  caisses  posées  sur  le  wagon  et  que 
de  puissantes  grues  élèvent  et  basculent  au  lieu  de  dé- 
chargement. La  quantité  des  houilles  et  cokes  trans- 
portés, en  1865,  parles  six  Compagnies  françaises  a  été 
de  9,548,540  tonnes.  Elle  augmente  tous  les  jours. 

Le  transport  du  charbon  de  bois  s'opère  parfois  de 
la  même  manière,  au  moyen  de  caisses  qui  peuvent 
tenir,  au  nombre  de  quatre,  sur  un  wagon,  (-'est  la 
même  caisse  qui  passe  de  la  voiture  du  charbonnier 
en  forêt  sur  le  wagon  qui  la  mène  à  l'usine.  Lorsque 
le  transport  du  charbon  se  fait  dans  des  sacs,  on 
dispose  ceux-ci  sur  des  plates-formes  qui  viennent  de 
la  meule  au  dépôt  de  la  ville  et  qui  sont  transbordées 
successi N'ornent  de  la  charrette  sur  le  wagon,  et  de 
celui-ci  sur  la  charrette. 

Les  voitures  de  rouliers  se  chargent  sur  des  wagons 
plats  appelés  maringottes.  Les  chaises  de  poste  passent 
avec  leurs  roues  sur  des  wagons  plates  formes,  de  même 
que  les  diligences,  mais  les  roues  de  celles-ci  sont  en- 
levées au  départ  et  remises  à  l'arrivée.  Ce  transport  a, 
d'ailleurs,  beaucoup  perdu  de  l'importance  qu'il  avait 
à  l'origine  des  chemins  de  fer,  alors  que  les  voies  fer- 
rées présentaient  de  nombreuses  discontinuités.  On  se 
rappelle  les  émotions  qu'on  éprouvait  en  arrivant  sous 
la  Lime  charorée  d'enlever  le  lourd  véhicule,  et  chacun 
de  se  dire  :  «  Si  l'une  des  chaînes  cassait  !^  »  Une 
fois  séparée  de  ses  essieux,  la  diligence  était  em- 
portée latéralement  par  le  treuil  roulant  auquel  elle 
était  suspendue,  puis  redescendue  sur  le  wagon  qui 
devait  l'emporter.  A  l'arrivée,  c'était  une  manœuvre 


LES  CHEMINS  DE  FER.  175 

inverse.  Les  chaînes  ne  cassaient  pas,  mais  les  cra- 
quements qu'elles  faisaient  entendre  en  s'enroulant 
ou  en  se  déroulant,  ne  contribuaient  pas  peu  à  aug- 
menter les  craintes  qu'on  avait  à  cette  époque  sur  les 
voyages  en  chemin  de  fer. 

Quant  aux  wagons  destinés  au  transport  des  mar- 
chandises, ils  sont  généralement  de  deux  formes.  Ce 
sont  des  wagons  plais,  munis  de  bâches  en  toile  ou  en 
bourre  de  soie  et  recouvertes  d'un  enduit  dont  la  base 
est  le  caoutchouc  ;  ou  bien  des  wagons  à  parois  laté- 
raies,  les  uns  couverts,  les  autres  découverts.  Ces  wa- 
gons, à  l'origine  des  chemins  de  fer,  ne  recevaient  que 
de  faibles  charges,  cinq  tonnes  seulement;  aujourd'hui, 
ce  poids  a  beaucoup  augmenté  ;  il  est  généralement 
porté  au  double,  soit  dix  tonnes,  et  le  rapport  du 
poids  mort  au  poids  utile  s'est  ainsi  abaissé  de  0,90 
à  0,47. 

Le  transport  du  lait  s'effectue  dans  de  grandes  boîtes 
en  fer-blanc  de  vingt  litres,  qui  peuvent  se  charger 
au  nombre  de  deux  cents  dans  une  caisse  à  claire- 
voie. 

La  ville  de  Paris  a  reçu  en  moyenne,  chaque  jour  de 
l'année  1865,  260,621  litres  de  lait.  On  estime  la  con- 
sommation journalière  à  520,000  litres.  Les  quatre 
cinquièmes  sont  donc  fournis  par  les  chemins  de  fer, 
et  si  leur  service  venait  à  manquer  subitement,  fait 
remarquer  M.  Jacqmin,  Directeur  de  la  Compagnie  de 
l'Est,  au  livre  duquel  nous  empruntons  ces  chiffres, 
700  à  800  mille  personnes  seraient  chaque  matin 
privées  de  leur  tasse  de  café  au  lait. 


174  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Les  bestiaux  se  transportent  dans  des  wagons  qu 
diffèrent  peu  des  wagons  à  marchandises  couverts, 
nous  parlons  des  bestiaux  de  grande  taille;  quant  aux 
moutons,  on  les  superpose  et  on  les  fait  voyager  dans 
des  voitures  à  deux  étages,  munies  de  planchers  étan- 
ches.  Aux  prix  des  tarifs  généraux,  les  moutons,  les 
brebis,  les  agneaux  et  les  chèvres  payent  en  petite 
vitesse  0  fr.  02  par  kilomètre  et  par  tète;  les  veaux  et 
les  porcs  payent  le  double  ;  les  bœufs,  les  vaches,  les 
taureaux,  les  chevaux,  les  mulets  et  les  bêtes  de  trait 
payent  0  fr.  10.  Les  tarifs  spéciaux  sont  pour  eux  de?, 
tarifs  de  faveur,  mais  le  transport  en  grande  vitesse 
double  le  prix  de  leur  place.  Lorsque  ces  animaux  sont 
envoyés  aux  concours  agricoles  pour  y  faire  admirer 
la  rondeur  de  leurs  formes  ou  leurs  belles  proportions, 
les  Compagnies  leur  accordent  encore  une  réduction 
de  50  ])Our  100  sur  les  prix  des  tarifs  généraux. 
Veut-on  savoir  maintenant  à  quel  chiffre  énorme  s'est 
élevé  le  transport  des  bestiaux  en  1865  sur  les  six 
grands  réseaux  français?  A  4145  287.  Les  moutons 
seuls  entrent  dans  ce  chiffre  pour  2  loi  956. 

Les  transports  de  bestiaux,  amenés  à  Paris  seule- 
ment, ont  nécessité  dans  la  même  année  79  054  wa- 
gons, ce  qui  donne  environ  1  500  000  têtes. 

Quant  aux  filets  de  bœuf  nmenés  par  la  Compagnie 
de  LEst,  de  la  Suisse  allemande  et  du  grand-duché  de 
Bade,  le  poids,  qui  n'était  que  de  602  6 1 5  kilogrammes 
en  1865,  s'est  élevé  à  1421050  kilogrammes  en 
1866. 

De  même  qu'on  a  aménagé  un  navire,  le  Frigo- 


LES  CIlEMirs'S  DE  FER.  175 

rifîque,  pour  le  transport  on  Europe  des  viandes  à 
l'état  frais  provenant  de  l'Amérique,  de  même  on  a 
fabriqué  des  wagons  spéciaux  avec  coffres  à  glace  et 
ventilateur  actiomié  par  le  mouvement  des  roues,  pour 
permettre  le  transport  par  voies  ferrées  et  à  de 
grandes  distances  des  viandes  abattues,  dans  une 
atmosphère  incessamment  rafraîchie. 

A  l'époque  de  la  chasse,  les  arrivages  de  gibier  se 
sont  élevés,  certains  jours,  jusqu'à  50000  kilogram- 
mes, soit  :  6,000  lièvres  et  500  chevreuils. 

Oui  aurait  deviné,  il  y  a  trente  ans,  que  les  chemins 
de  fer  donneraient  lieu  à  des  transports  d'une  telle 
nature  et  d'une  telle  importance? 

Et  puisque  nous  parlons  du  transport  des  choses 
délicates  au  goût,  nous  dirons  ce  qu'il  sort  de  vins 
mousseux  par  le  chemin  de  fer,  de  la  seule  Cham- 
pagne :  17  940  000  bouteilles  en  1866;  ce  chiffre 
n'était  que  de  9  210000  bouteilles  en  1845,  et  tandis 
que  l'Amérique  ne  nous  en  enlevait  que  4  580000 
bouteilles  en  1 845,  elle  en  a  pris  10  415  000  en  1866. 
Je  laisse  à  penser  si  le  tout  est  du  pur  jus  de  la  vigne  ! 

La  bière  arrive  d'Alsace  et  des  pays  d'Outre-Rhin 
dans  des  wagons  spéciaux,  à  double  enveloppe,  ga- 
rantie de  la  chaleur  extérieure  par  une  couche  de  glace 
interposée.  Il  existe  aussi,  pour  le  transport  des  vins 
en  provenance  des  régions  du  Midi,  des  wagons- 
citernes  :  la  forme  extérieure  est  celle  d'un  wagon 
ordinaire  ;  l'intérieur  renferme  un  ou  plusieurs  grands 
réservoirs  de  métal  avec  pompe,  tuyaux,  etc.,  destinés 
à  oi)érer    le   remplissage  dans  les  pays  vignobles  et 


176  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTIO>'. 

le  transvasement  dans   les  lieux  de   consommation. 

Le  transport  des  fromages  de  Brie,  venant  de  Meaux 
seulement,  chaque  samedi,  exige  douze  ou  quinze  wa- 
gons ;  parfois  trente  wagons  ont  été  nécessaires. 

Les  chevaux  se  transportent  dans  des  wagons  spé- 
ciaux, appelés  ivagons'écuriesy  qui  ne  diffèrent  des 
wagons  à  bestiaux,  employés  souvent  à  cet  usage,  que 
par  une  division  de  la  caisse  en  stalles  isolant  ces 
animaux  les  uns  des  autres.  Les  portes  sont  placées 
sur  les  parois  extrêmes,  l'une  s'abat  pour  servir  de 
pont,  l'autre  se  relève  en  forme  de  toit;  les  cloisons 
étant  mobiles  sur  charnières,  les  portes  livrent  toutes 
deux  accès  aux  chevaux  dans  toute  la  longueur  du 
wagon.  Un  compartiment  spécial  est  réservé  au  pale- 
frenier qui  les  accompagne. 

Les  wagons  à  bagages  sont  de  grands  w^agons  fermés, 
à  portes  roulantes,  ayant,  d'ordinaire,  une  guérite  de 
vigie  pour  le  conducteur  du  train,  quelques  petites  ar- 
moires ou  casiers  pour  le  rangement  des  petits  colis, 
pour  les  valeurs,  pour  la  boîte  de  secours  et  deux  ou 
trois  niches  à  chiens.  La  Compagnie  du  Midi  a  fait 
construire  des  fourgons  à  bagages  destinés  au  service 
des  trains  express  et  qui  contiennent  des  water- 
closets,  avec  deux  petits  compartiments  d'attente, 
dans  lesquels  un  voyageur  peut  se  tenir  durant  le 
trajet  entre  deux  stations. 

Le  service  des  postes,  depuis  l'ouverture  de  nos 
grandes  voies  ferrées,  a  lieu  dans  les  wagons  mêmes 
qui  servent  au  transport  des  dépêches.  Toutes  les  opé- 
rations de  classement,  de  triage,  qui  se  faisaient  au- 


12 


LES  CHEMINS  DE  FER.  171) 

Irelois  avant  le  départ  du  courrier,  se  font  maintenant 
durant  le  trajet.  Les  postes  ont,  dansée  but,  de  grands 
wagons,  appelés  bureaux  ambulants,  garnis  de  ta- 
blettes et  de  casiers,  cbaut'fés  et  éclairés  comme  le 
seraient  des  bureaux  ordinaires. 

Ces  voitures,  en  Angleterre,  ])résentent  latéralement 
des  filets  destinés  à  prendre  les  dépèches  et  à  les 
laisser  au  passage  des  stations.  Lorsque  le  transport 
des  dépêches  exige  plusieurs  wagons,  des  ponts  vo- 
lants s'abaissent  sur  les  tampons,  abrités  par  des 
espèces  de  cages  à  soui'tlet,  en  cuir,  qui  s'appliquent 
exactement  contre  les  parois  des  baies  de  communi- 
cation. En  Prusse,  on  a  aussi  un  filet  pour  les  dépèches 
à  prendre  en  marche;  mais  poiu*  celles  qu'on  doit 
laisser,  on  se  contente  de  les  jeter  sur  le  trottoir.  En 
France,  nous  n'avons  rien  ni  pour  prendre  les  dépèches, 
ni  pour  les  laisser  ! 


C.  —  Wago.ns  a  voyageurs.  —  Maléiiel  français,  anglais,  allcniand,  améri- 
cain. —  Voilures  spéciales  des  chemins  du  Grand-Tronc ,  du  Mont-Ceuis 
de  Sceaux.  —  Valeur  du  matériel  roulant.  —  Nombre  de  véhicviles  sur 
tous  les  diemins  du  "lol)e. 


Nous  arrivons  enfin  à  la  description  des  voitures  à 
voyageurs,  mais  les  détails  de  leur  agencement  sont 
tellement  connus  aujourd'hui  que  nous  nous  borne- 
rons à  appeler  l'attention  sur  les  innovations  récentes 
introduites  dans  leur  construction. 

On  apprécie  les  progrès  déjà  réalisas  quand  on  se 
rappelle  les  anciennes  voitures  de  troisième  classe, 
ouvertes  à  l'origine  et  sans  toiture,  des  chemins  de 


180  LES  5IERYEILLES  DE  LA  L0C0M0T10>-. 

Rouen,  d'Orléans  et  d'Alsace.  Plus  tard,  ces  voitures 
ont  été  couvertes  ;  elles  n'avaient  pour  parois  que  de 
légers  fdets  en  ficelle  livrant  passage  au  soleil,  durant 
l'été,  auvent  et  à  la  pluie,  durant  l'hiver.  Les  voitures 
de  troisième  classe,  sans  être  aujourd'hui  tout  ce  que 
l'on  peut  désirer,  sont  néanmoins  complètement 
exemptes  des  défauts  de  leur  origine  et,  ce  qui  prouve 
qu'elles  ne  sont  pas  si  désagréables  qu'on  le  dit  bien 
souvent,  c'est  qu'elles  sont  fréquentées,  pour  tous  les 
petits  parcours,  par  une  foule  de  personnes  qui  pré- 
fèrent une  économie  à  un  plus  grand  confortable. 

En  France,  le  matériel  le  plus  répandu  se  compose 
de  voitures  de  première,  de  seconde  et  de  troi:ïième 
classe,  montées  sur  quatre  roues  (le  nombre  des  voi- 
tures à  six  roues  est  très-limité),  de  voitures  mixtes 
contenant  des  compartiments  de  différentes  classes  et 
qui  servent  spécialement  au  transport  sur  les  petites 
lignes.  Toutes  ces  voitures  n'ont  qu'un  élage  et  con- 
tiennent de  24  à  50  voyageurs. 

Les  lignes  de  banlieue,  établies  dans  le  voisinage 
des  grandes  villes,  qui  ne  servent  [qu'à  de  petits  par- 
cours, ont  des  voitures  à  impériale  couverte.  On  accède 
à  ces  impériales  au  moyen  d'escaliers  placés  aux  extré- 
mités du  véhicule.  La  voiture  contient  alors  72  places. 
La  Compagnie  de  l'Est  avait  exposé,  en  1867,  une  voi- 
ture à  deux  étages,  de  78  ploces  (système  Vidard  et 
Bournique),  dont  l'impériale  était  fermée  et  réservée 
a^ix  voyageurs  de  troisième  classe.  Au  rez-de-chaussée 
dr  la  voiture  se  trouvaient  les  compartiments  de  pre- 
mière, de  deuxième  classe  et  un  compartiment  de  troi- 


LES  G11E:,I1>S  de  1ER.  185 

sième  classe  pour  les  personnes  peu  valides.  Ces  voi- 
tures sont  aujourd'hui  nombreuses  sur  son  réseau. 
Ainsi  qu'on  le  voit,  les  recherches  des  ingénieurs, 
chargés  de  la  carrosserie  dans  les  Compagnies  de  che- 
mins de  fer,  tendent  toujours  à  diminuer  le  rapport 
du  poids  mort  au  poids  utile;  ces  recherches  abou- 
tissent, mais  ce  n'est  pas  évidemment  sans  porter  plus 
ou  moins  atteinte  au  confortable  que  les  voyageurs  de 
toutes  classes  réclament  avec  tant  d'insistance. 

On  construit  en  Angleterre,  et  on  commence  à 
construire  en  France,  des  wagons  qui  contiennent 
des  compartiments  dos  trois  classes  et,  en  outre,  un 
compartiment  pour  les  bagages.  Ces  wagons  sont  des- 
tinés à  faire  le  service  des  lignes  d'embranchement  : 
ils  permettent  de  faire  passer  voyageurs  et  bagages,  sans 
transbordement,  de  ces  lignes  sur  les  lignes  princi- 
pales et  vice  versa,  de  simplifier  les  manœuvres  et  de 
réduire  la  durée  des  arrêts  aux  points  de  raccordement. 

Les  personnes  qui  ont  voyagé  en  Angleterre  et  en 
France  s'accordent  généralement  à  reconnaître  la  su- 
périorité de  notre  matériel  sur  celui  de  nos  voisins.  Si 
les  voitures  de  première  classe  se  valent,  celles  de 
deuxième  et  de  troisième  classe  sont  assurément 
moins  bonnes  que  leurs  similaires  françaises.  Les 
sièges  laissent  à  désirer,  les  dossiers  manquent  dans 
les  secondes  classes,  les  rideaux  sont  absents  dans 
les  secondes  et  dans  les  troisièmes  classes.  C'est  le  né- 
cessaire, mais  rien  de  plus. 

Les  Compagnies  françaises  travaillent  incessamment 
à  l'amélioration  du  matériel  roulant  de  leurs  lignes. 


184  LES  MERVEILLES  DE  L.\  LOCOMOTION. 

La  création  de  trains  rapides  sur  les  grandes  artères 
a  donné  lieu  à  la  construction  de  voitures  plus  spa- 
cieuses, mieux  suspendues,  pourvues  d'annexés  (ca- 
binets de  toilette,  water-closets)  et  de  menus  acces- 
soires divers  propres  à  en  augmenter  la  commodité  et 
le  confortable. 

Le  chauffage,  limité  d'abord  aux  voitures  de  pre- 
mière classe,  a  été  étendu  aux  voitures  des  trois  classes 
pour  les  parcours  d'une  certaine  importance. 

Enfin,  l'iutroduction  des  wagons-lits,  sleeping-cars, 
dans  la  composition  des  trains  de  nuit  circulant  sur 
qwelques-unes  de  nos  grandes  lignes  et  la  faculté  ac- 
cordée aux  voyageurs  dans  certains  cas,  de  rester  cou- 
chés dans  le  wagon  en  attendant  Theure  à  laquelle  ils 
pourront  vaquer  à  leurs  affaires  sont  des  améliorations 
de  nature  à  rendre  les  voyages  chaque  jour  plus  faciles 
et  plus  nombreux. 

On  trouve  en  Allemagne  des  voitures  à  quatre,  six 
et  huit  roues.  Les  voitures  à  huit  roues  se  rapprochent 
parleur  construction  des  voitures  américaines  ;  les  au- 
tres ressemolent  à  nos  voitures  françaises.  Les  grandes 
voitures  à  huit  roues  tendent,  d'ailleurs,  à  disparaître 
et  le  matériel  à  s'uniformiser.  Ces  longs  véhicules  avec 
portières  extrêmes,  couloir  central,  banquettes  trans- 
versales ne  sont  plus  en  usage  que  dans  le  Wurtem- 
berg, et  les  voitures  parties  du  centre  de  l'Autriche  ou 
de  l'Allemagne  peuvent  arriver  et  arrivent  chaque  jour 
dans  la  gare  de  l'Est.  Mieux  que  les  montages,  les 
barrières  qui  séparent  les  peuples  s'abaissent,  et  les 
chemins  de  fer,  en  nivelant  le  sol,  effacent  ou  tendeni 


LES  ClIEMmS  DE  FER. 

à  effacer  les  jalousies  et 
les  vieilles  rancunes,  et 
à  faire  naître  entre  eux 
de  ))ons  rapports  et  des 
amitiés  durables  ^ 

En  Amérique,  ce  pays 
de  la  liberté,  sinon  de 
l'égalité,  il  n'y  a  qu'une 
seule  classe  de  voitures, 
mais  les  crens  de  couleur 

cl 

sont  placés  dans  les  wa- 
gons à  bagages  !  Les  véhi- 
cules, portes  sur  deux 
trucks  de  quatre  roues 
chacun,  ont  jusqu'à  d8 
mètres  de  longueur.  Un 
couloir  règne  au  centre, 
les  banquettes ,  recou- 
vertes en  crin  noir,  sont 
disposées  transversale- 
ment, et  les  voyageurs 
peuvent  passer  d'une  voi- 
ture à  l'autre  et  se  pro- 
mener dans  toute  la  lon- 
gueur du  train.  Ces  wa- 


*  Ces  lignes  étaient  écrites 
avant  la  guerre  désastreuse  que 
nous  venons  de  soutenir  contre 
l'Âllennasne.     Pvien    ne     faisait 


187 


^ 


pressentir   à    ce    moment    les    événenicn'.s   ([i:i   se    soi;t    accomplis. 


188  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

gons  peuvent  contenir  jusqu'à  quatre -vingts  per- 
sonnes. Autre  pays  !  autres  mœurs  î 

Le  plus  remarquable  modèle  que  les  Américains 
nous  aient  donné  de  leurs  voitures  est  celui  qui  figu- 
rait à  l'Exposition  dernière  et  qui  était  destiné  au 
chemin  du  Grand-Tronc.  On  a  réuni  dans  cette  voi- 
ture, comme  dans  ces  superbes  paquebots  qui  font  le 
service  des  deux  continents,  tout  ce  qui  est  nécessaire 
à  la  vie.  Le  chemin  qui  va  de  ?s'ew-York  à  San- 
Francisco  et  traverse  l'Amérique  septentrionale  dans 
toute  sa  largeur,  n'a  pas  moins  de  5000  kilomètres 
de  longueur,  au  milieu  de  pays  déserts  et  parfois 
habités  par  des  peuplades  sauvages;  le  trajet  dure 
.sept  jours.  Les  voyageurs  qui  font  ce  long  parcours 
ont  besoin  d'être  logés,  chauffés,  éclairés,  nourris. 
Ils  le  sont  presque  aussi  convenablement  que  dans 
nos  meilleurs  hôtels. 

Avec  les  moyens  de  locomotion  en  usage  aujour- 
d'hui, on  peut  faire  le  tour  du  monde  en  quatre-vingts 
jours.  C'est  le  temps  qu'autrefois  un  grand  seigneur 
aurait  mis  à  faire  le  voyage  de  Paris  à  Saint-Pétersbourg. 

Voici  quelques  nouvelles  indications  sur  ce  voyage 
dont  nous  avons  déjà  parlé  précédemment  : 

De  Pmms  à  New-Xorlv 11  jours. 

De  New- York  à  San-Fr;incisco  (  chemin  de 
fer) ,    .    .    .       7     — 

De  San-Francisco  à  Yokohama   (bateau    à 

vapeur) 21     — 

De  Yokohama  ii  Hong-Kong  (bateau  à  va- 
peur)         Ct     — 


LKS  CIIEMLNS  1>E  ITJl.  l'Jl 

De  Iloiig-Kang  à  Calcutiii  (biUcau  à  v.ipeurK  1^2  — 

De  CàlcuUa  îi  Bombay  (cliemiii  de  fer).  .  .  ô  — 
De  Bombay  au  Caire   (bateau  à  vapeur  et 

chemin  de  fer) \  ï  — ■ 

Du  Caire  à  Paris  (baloau  à  vapeur  et  chemin 

de  fer) (i  — 

Total.    . 80  jours. 

Sur  cet  immense  parcours  il  n'y  n  c[iie  140  milles 
niiglais,  enlre  Alahabad  et  Bombay,  cjue  l'on  soit 
obligé  de  parcom^ir  sans  le  secours  de  la  vapeur; 
mais  cette  lacune  sera  bientôt  comblée,  car  on  tra- 
va  lie  à  l'établissement  d'un  cliemin  de  fer. 

Nous  avons  parlé  de  la  voilure  de  nos  grandes  li- 
gnes, de  la  voiture  Vidard  à  deux  étages  pour  les  che- 
mins départementaux,  de  la  voiture  américaine  pour 
les  longs  trajets  dans  des  pays  sans  ressources,  faisons 
connaître  rtiaintenant  la  voiture  du  chemin  de  fer  de 
montagjie.  MM.  Chevalier,  Cheylus  ont  construit  pour 
le  chemin  de  fer  Fell  du  Mont-Cenis  une  voilure  qui 
présente  les  dispositions  de  nos  omnibus  :  un  couloir 
central  de  chaque  côté  duquel  peuvent  se  ranger  .-ix 
])ersonnes.  Ces  voitures  communiquent  entre  elles  au 
moyen  de  ponts  jetés  sur  les  tampons,  d'où  les  voya- 
geurs peuvent  aller  contempler  les  forets  de  sapins  et 
les  âpres  beautés  du  paysage.  Ces  voitures  sont  surtout 
remarquables  par  les  freins  spéciaux  qui  leur  sont  ap- 
pliqués. Ce  sont  des  espèces  de  mâchoires  qui  étreignent 
le  rail  central  et  viennent  en  aide  aux  freins  ordinaires 
à  sabots  dont  ces  véhicules  sont  également  pourvus. 

L'aménarrement  du  train  d'ambulance  de  la  Société 

a 


1U2  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

de  secuius  aux  blessés  montre  les  heureuses  dispo- 
sitions que  permet  de  réaliser  le  matériel  des  grandes 
voies  ferrées. 

Depuis  de  longues  années,  un  petit  chemin  des  en- 
virons de  Paris,  construit  dans  des  conditions  excep- 
tionnelles, fait  son  exploitation  avec  un  matériel  d'une 
construction  particulière.  C'est  le  chemin  de  Sceaux, 
dont  le  tracé  présente  une  série  de  courbes  de  très- 
petits  rayons  ;  le  matériel  employé  a  été  inventé  par 
M.  Arnoux,  cl  pcii'cctionné  par  son  fils,   auquel  il  a 


Fiu.  o'J.  —  Svstôme  de  wagons  arliciilcs  de  M.  Ainoux. 


valu  le  grand  prix  de  mécanique,  décerné  par  l'Aca- 
démie. Les  dispositions  spéciales  du  wagon  Arnoux 
consistent  dans  le  montage  des  essieux  sur  chevilles 
ouvrières  et  dans  la  mobilité  laissée  aux  roues  sur  ces 
essieux.  L'essieu  de  la  première  voiture  est  assujetti  à 
un  système  de  quatre  gros  galets  inclinés  sur  les  rails, 
qui  servent  à  donner  à  cet  essieu  une  direction  nor- 
male à  la  courbe  et  à  annihiler  le  frottement  qui  se 
produit,  en  pareil  cas,  avec  les  wagons  ordinaires.  La 
même  direction  est  donnée  aux  essieux  des  voitures 
.suivantes  au  moyen  de  chaînes  croisées  dans  le  sys- 
tè:iie  de  M.  Arnoux  père,  et  à  l'aide  de  tringles  rigides^ 


LES  CHEMINS  DE  FER  193 

OU  bielles  dans  le  système  perfectionné  de  M.  Arnoux 
fils.  C'est  une  très-remarquable  invention,  mais  que 
sa  complication  rend  d'un  usage  incommode  et  qui 
ne  paraît  pas  devoir  se  répandre. 

Ainsi  donc,  selon  le  pays,  selon  les  produits  à  trans- 
porter, selon  le  tracé  de  la  ligne,  le  véhicule  de  che- 
min de  fer  varie.  On  se  fait  une  idée  des  études  qu'a 
exigées  la  construction  de  ce  matériel  dans  des  condi- 
tions si  variées.  Il  faut  avoir  ^uivi  les  travaux  des  bu- 
reaux techniques  de  nos  chemins  de  fer  pour  savoir 
avec  quel  soin  chaque  menu  détail  est  étudié,  est  cal- 
culé, est  représenté  :  le  moindre  boulon,  la  plus  petite 
ferrure  sont  refaits  bien  des  fois  avant  d'être  défini- 
tivement adoptés.  Il  n'y  a,  en  effet,  dans  tous  ces  tra- 
vaux, aucun  détail  insignifiant,  tant  l'application  est 
étendue,  tant  le  but  h  atteindre  est  élevé. 

Donnons  quelques  chiffres. 

On  évalue,  en  France,  à  25  000  francs,  en  moyenne, 
là  dépense  kilométrique  de  premier  établissement 
afférente  au  matériel  roulant  des  chemins  de  fer.  Pour 
les  21596  kilomètres  exploités  en  1876,  c'est  une 
dépense  de  540  millions. 

Et,  si  Ton  prend  seulement  20000  francs  comme 
moyenne  pour  tous  les  chemins  du  globe,  la  dépense 
ressort  à  5  milliards  900  millions  pour  les  295  000  ki- 
lomètres environ,  aujourd'hui  exploités. 

A  quel  nombre  de  véhicules  correspond  celle 
énorme  dépense?  Le  calcul  en  est  facile.  On  compte, 
en  France,  par  kilomètre  de  chemin  exploité,  un  nom- 

15 


194  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

bre  moyen  de  voitures  représenté  par  0,75  (soit  3  voi- 
lures pour  4  kilomètres),  et  un  nombre  moyen  de 
fourgons  et  wagons  représenté  par  7,25  (soit  29  par 
4  kilomètres)  ;  ces  chiffres  étant  pris  comme  bases,  on 
trouve  pour  les  295  000  kilomètres  de  voies  ferrées 
du  globe  : 

J^^*"^^^-  •. ^lillil^  \  soit  2,360,000  véhicules. 

Fourgons  el  wagons.  .     2,139,000  )  ' 


IV.   —   LA  TRACTION.   —    LES    MOTEURS  ANIMES    ET   INANIMES. 
LA   VAPEUR. 


Nous  arrivons  à  la  partie  la  plus  intéressante  de 
riiistoire  des  chemins  de  fer,  à  celle  où  les  découvertes 
se  pressent,  fécondes  en  résultats  inattendus  et  mer- 
veilleux. De  grands  travaux  ont  été  exécutés,  des  ou- 
vrages gigantesques  ont  été  élevés  pour  supporter  cette 
voie  de  fer,  peu  différente  aujourd'hui,  après  ses  qua- 
rante ans  d'existence,  de  ce  qu'elle  était  à  son  ori- 
gine, pour  donner  passage  à  ces  véhicules  de  formes 
diverses. 

La  découverte  de  la  machine  à  vapeur  et  son  appli- 
cation à  la  locomotion  ouvrent  une  ère  nouvelle  aux 
chemins  de  fer.  L'avenir  se  révèle,  et  c'est  avec  un 
véritable  respect  que  nous  écrivons  les  noms  de  Cu- 
gnot,  de  Stephenson,  de  Séguin,  les  inventeurs  de  la 
locomotive. 


LES  CHEMINS  DE  FER.  195 


A.  —  MoTEUKS  ANIMÉS  ET  INANIMÉS.  —  Lc  cheval  et  les  chemins  de  fer  dans 
les  villes  et  dans  les  mines.  —  La  pesanteur  et  les  plans  automoteurs.  — 
L'eau,  la  machine  à  vapeur  fixe  et  les  plans  inclinés.  —  L'air  et  le  système 
atmosphérique.  —  Papia,  Medhurst,  Vallance. 


Qu'étaient  les  chemins  de  fer  avant  l'invention  de 
la  locomotive?  Ce  qu'on  les  voit  aujourd'hui  encore  sur 
presque  tous  les  points  où  un  autre  mode  de  traction 
a  été  adopté  ou  conservé  :  des  instruments  imparfaits, 
coûteux,  et  par-dessus  tout  lents  et  d'un  usage  incom- 
mode. 

Au  lieu  d'une  locomotive  aux  entrailles  de  fer,  à  la 
respiration  active  et  pressée,  on  n'a,  comme  moteur, 
qu'un  coursier  dont  les  poumons  sont  fragiles,  et  qui, 
malgré  ses  jambes  aux  sabots  ferrés,  se  fatigue  et  s'use 
vite,  rendant  des  services  assurément,  mais  incompa- 
rablement moindres  que  ceux  de  la  locomotive,  s'al- 
telant  aux  wagons  des  mines,  aux  wagons  à  voyageurs 
dans  certains  cas  particuliers,  mais  toujours  res- 
treints. 

Dans  l'intérieur  des  villes  d'Amérique,  les  stations 
sont  placées  le  plus  près  possible  du  centre  des  affaires. 
Les  wagons  en  partent  tirés  par  des  chevaux  pour 
aller,  dans  une  partie  moins  populeuse  de  la  cité, 
former  des  trains  qui  sont  alors  remorqués  par  des 
locomotives. 

A  New-York,  le  chemin  de  Hudson-River  et  le 
New-York  and  Alem-Bahn  ont  leur  station  de  voya- 
geurs dans  le  voisinage  de  la  Maison  de  Ville,  tandis 
que  le  point  de  départ  des  locomolivcs  a  lieu  à  4  ki- 


196  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

lomèlres  de  là.  A  Philadelphie,  au  contraire,  les  loco- 
motives pénètrent  jusqu'au  centre  de  la  ville. 

Tandis  qu'à  New-York  on  comptait,  en  1858,  42  ki- 
lomètres de  chemin  à  double  voie,  il  y  en  avait  96  en 
exploitation  à  Philadelphie.  Boston,  qui  n'a  que 
200000  habitants,  avait  40  kilomètres,  et  sur  une 
portion  de  ces  chemins  de  27  kilomètres  seulement,  la 
circulation,  cette  même  année,  était  de  huit  millions 
de  voyageurs. 

Il  faut  dire  que  le  tracé  des  rues  dans  les  villes,  en 
Amérique,  permet  ce  large  développement  des  voies 
ferrées,  qui  serait  à  peu  près  impossible  dans  les  villes 
françaises,  en  dépit  des  grandes  voies  rectilignes  ou- 
vertes par  nos  municipalités  modernes.  Notre  esprit 
national,  àl'encontre  de  celui  des  Américains,  se  prête 
peu  à  l'introduction  des  chemins  de  fer  au  centre  de* 
villes,  et  ce  n'est  pas  sans  lutter  que  les  Compao^nies 
obtiennent  l'établissement  de  voies  ferrées  sur  les 
quais  de  nos  principaux  ports  et  leur  exploitation  au 
moyen  de  locomotives.  Là  encore,  le  cheval  prévaut 
et  le  temps  seul  peut  amener  à  dissiper  les  craintes  des 
populations  trop  promptes  à  s'effrayer. 

L'homme  s'est  appliqué  à  tirer  parti  de  toutes  les 
forces  qui  s'offrent  naturellement  à  lui  avant  d'en 
chercher  de  nouvelles.  Avant  d'imaginer  la  locomo- 
tive, il  avait  inventé  les  plans  automoteurs,  ces  voies 
inclinées  le  long  desquelles  un  train  de  wagons  pleins 
fait,  à  l'aide  d'un  cable  et  d'une  poulie,  et  par  la  seule 
action  de  la  pesanteur,  remonter  un  train  de  wagons 
vides. 


LES  CHEMINS  DE  FER.  197 

Le  système  des  plans  automoteurs  est  très  en  usage 
dans  les  mines,  où  il  fournit  un  moyen  économique 
d'opérer  les  transports.  Dans  certains  cas,  le  poids  de 
l'eau  est  employé  comme  moteur.  On  en  remplit,  au 
sommet  du  plan  incliné,  des  chariots  en  tôle  dont  le 
poids  fait  remonter  des  wagons  chargés  de  charbon  et 
de  minerai. 

Robert  Stephenson  pensait  même  que  ce  système 
pourrait  être  appliqué  au  service  des  plans  automo- 
teurs dans  les  régions  montagneuses  de  la  Suisse  ;  mais 
le  système  funiculaire  ne  laisse  pas  que  de  présenter 
toujours  de  graves  inconvénients,  et,  à  notre  connais- 
sance, il  n'a  pas  été  appliqué  dans  ces  conditions  au 
transport  des  voyageurs. 

Les  chevaux,  la  pesanteur,  agissant  sur  le  corps 
transporté  utilement,  ou  sur  l'eau,  tels  ont  été  les  seuls 
moteurs  appliqués  aux  voies  ferrées  avant  l'invention 
de  la  machine  à  vapeur.  On  conçoit  que  les  inventeurs 
n'aient  pas  eu  recours  à  l'action  du  vent,  qui  est  trop 
irrégulière  et  trop  variable  pour  pouvoir  être  toujours 
employée  utilement. 

C'est  après  l'application  de  la  machine  à  vapeur  à 
l'élévation  des  eaux,  à  l'épuisement  des  mines,  et  vers 
l'année  1786,  aux  différents  usages  de  l'industrie, 
que  l'on  a  pensé  à  l'employer  au  remorquage  des  wa- 
gons. Les  bennes  remontaient  dans  les  puits  d'extrac- 
tion :  il  ne  paraissait  pas  plus  difficile  de  remonter 
des  wagons  sur  un  plan  incliné. 

On  a  fait  plusieurs  applications  remarquables  de  ce 
mode  de  traction  ;  les  principales  sont  les  suivantes  : 


198  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Le  chemin  de  Biide  ;  longueur  :  80  mètres;  hau- 
teur à  racheter:  50  mètres;  rampe:  0",62  par  mètre. 

Le  chemin  du  Leopoldsberg;  longueur:  725  mè- 
tres; hauteur 343  mètres;  rampe  :  0'",54  par  mètre; 
trajet  effectué  en  5  minutes;  vitesse  145  mètres  par 
minute  ;  5000  personnes  transportées  par  jour. 

Le  chemin  de  Pittsburg;  longueur:  192  mètres; 
hauteur  :  111  mètres;  rampe  :  0°',58  par  mètre; 
trajet  effectué  en  1  minute  1/2;  vitesse  128  mètres 
par  minute.  Ce  chemin  est,  sur  presque  toute  sa  lon- 
gueur, un  pont  en  fer  supporté  par  des  piles  en  fer. 

Le  chemin  de  la  Croix  Rousse  à  Lyon  ;  longueur  : 
489  mètres;  hauteur  :  70  mètres;  rampe  :  O'^^O  par 
mètre;  trajet  effectué  en  3  minutes;  vitesse  143  mè- 
tres par  minute;  30  000  personnes  transportées  par 
jour. 

Les  plans  inclinés  de  Liège,  longeur:  1980  mètres 
chacun  ;  hauteur  :  55  mètres,  rampes  variables  de 
0'",14  à  0",30  par  mètre. 

Dans  les  exploitations  des  environs  de  Newcastle, 
de  Sunderland,  de  Manchester,  .etc.,  dans  les  comtés 
de  Northumberland  et  de  Durham  et  dans  le  Lancas- 
hire,  on  trouve  de  même  de  nombreuses  applications 
du  système  funiculaire. 

Une  ou  plusieurs  machines  à  vapeur  mettent  en 
mouvement  de  grands  tambours,  ou  cylindres  hori- 
zontaux, sur  lesquels  s'enroule  un  câble  en  chanvre, 
en  fer  ou  en  acier,  rond  ou  plat,  dont  les  extrémités 
sont  réunies  ou  laissées  libres'.  A  ce  câble  on  attache 
le  wagon  de  tête  d'un  train  et  les  autres  wagons  sui- 


LES  CHEMINS  DE  FER.  199 

vent.  Des  freins  puissants  sont  appliqués  aux  tambours 
et  aux  wagons  eux-mêmes  pour  modérer  la  vitesse 
qu'ils  tendent  à  prendre  au  moment  de  la  descente 
du  train,  sous  l'action  de  la  pesanteur.  Ces  derniers 
sont,  d'ordinaire,  construits  de  telle  sorte  qu'ils  peu- 
vent agir  automatiquement  en  cas  de  rupture  du  câ- 
ble, étreindre,  comme  des  mâchoires,  les  rails  de  la 
voie  ou  transformer  instantanément  le  wagon  en  un 
traîneau  en  rendant  immobiles  les  roues  qui  le  por- 
tent. 

MM.  Riggenbach  et  Tschokke  ont  proposé  de  faire 
agir  le  câble  moteur  sur  une  poulie  fixée  à  chaque 
véhicule  et  actionnant  par  l'intermédiaire  d'un  engre- 
nage une  roue  dentée  portant  sur  une  crémaillère 
placée  au  milieu  de  la  voie;  mais  ce  système  n'a  pas 
encore  reçu  d'application. 

Un  autre  mode  de  traction  a  été  encore  imaginé 
pour  le  remorquage  des  véhicules  avant  l'invention  de 
la  locomotive.  C'est  le  système  atmosphérique.  Chacun 
sait  que  l'atmosphère  exerce  sur  les  objets  qui  y  sont 
plongés  une  pression  dont  le  baromètre  donne  la 
mesure  ;  chacun  sait  que  si  l'on  vient  à  extraire,  au 
moyen  d'une  pompe,  l'air  contenu  dans  un  tuyau  en 
dessous  d'un  piston  mobile,  ce  piston  se  déplacera 
sous  la  pression  de  l'air  agissant  sur  l'autre  face  et 
entraînera  avec  lui  une  charge  plus  ou  moins  consi- 
dérable, selon  le  diamètre  plus  ou  moins  grand  du  pis- 
ton et  le  vide  plus  ou  moins  complet  qui  aura  été  fait 
dans  le  tuyau.  L'existence  de  l'atmosphère  constitue 


200  ILES  MERVEILLES  UE  LA  LOCOMOTION. 

donc  une  force.  Et,  l'aurait-on  soupçonné?  l'idée  d'uti- 
liser cette  force  revient  précisément  à  l'homme  qui 
montra  le  parti  qu'on  pouvait  tirer  de  la  production 
et  de  la  condensation  de  la  vapeur  d'eau,  à  Papin. 
Les  savants  de  la  fin  du  dix-septième  siècle  s'étaient 
vivement  préoccupés  des  moyens  d'utiliser  la  pression 
de  l'atmosphère,  les  uns  pour  en  faire  un  moteur  mé- 
canique d'une  application  générale  à  l'industrie,  les 
autres  uniquement  pour  répondre  au  désir  du  grand 
roi,  qui  voulait  doter  ses  jardins  de  Versailles  de  nou- 
veaux charmes,   en  y  amenant  les  eaux  de  la  Seine. 

Papin  essaya  du  vide  obtenu  au  moyen  de  pompes 
pneumatiques  et  expérimenta  sa  machine,  en  1687, 
devant  la  Société  royale  de  Londres;  plus  tard,  il  se 
servit  de  la  poudre  à  canon  dans  le  même  but  (mais 
cependant  après  l'abbé  d'Hautefeuille)  ;  en  1690,  en- 
fin, il  publia  dans  les  Actes  de  Leipsick  la  descri])tion 
de  son  cylindre  à  vapeur,  où  il  obtenait  encore  le  vide 
(vide  relatif)  au  moyen  de  la  production  et  de  la  con- 
densation successives  de  la  vapeur,  découverte  qui  à 
elle  seule  immortalisera  son  nom.  Les  expériences  de 
Papin  sur  le  vide,  faites  à  l'aide  de  pompes  aspi- 
rantes, ne  réussirent  qu'imparfaitement,  et  l'idée  resta 
dans  l'oubli  jusqu'en  1810,  époque  à  laquelle  parurent 
les  premières  locomotives. 

Un  ingénieur  danois,  Medhurst,  proposa  d'appli- 
quer la  pression  atmosphérique  au  transport  des  mar- 
chandises, des  lettres  et  des  journaux  à  l'intérieur 
d'un  tube.  (Disons,  en  passant,  que  c'est  au  moyen  de 
la  pression  de  l'air,  comprimé  dans  un  tuyau,  que 


LES  CHEMINS  DE  FER.  '201 

s'opère  à  Londres  et  à  Paris,  —  entre  certaines  sta- 
tions, —  le  transport  des  dépêches.)  L'idée  de  Medlmrst 
fut  reprise,  en  18*24,  par  Vallance,  qui  proposa  de 
substituer  les  voyageurs  aux  marchandises  et  qui  fit 
l'essai  de  son  système  sur  la  route  de  Brighton.  Se 
confier,  vivant,  à  une  machine  pénétrant  dans  un  sou- 
terrain,  où  l'air  manquait,  où  la  lumière  pouvait 


Fig.  40.  —  Coupe  transversale  du  tube  atmosphérique. 

manquer,  n'était  pas  du  goût  du  public  du  temps.  La 
tentative  de  Vallance  demeura  sans  succès.    . 

Trois  ans  après,  Medhurst  proposa  de  substituer  au 
grand  tube  de  Vallance  un  tube  de  plus  petit  diamètre, 
couché  entre  les  rails  ;  le  tube  contenant  le  piston  loco- 
moteur et  les  rails  portant  les  wagons  à  voyageurs.  Une 
fente  longitudinale  ménagée  sur  le  tube  devxiit  servir  au 
passage  d'une  tige  reliant  les  wagons  au  piston.  La 
difficulté  était  de  trouver  une  soupape  pouvant  fermer 
hermétiquement  cette  fente  et  se  soulever  aisément 
au  passage  du  train.  Après  des  essais  nombreux  et 


202 


LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION, 
infructueux,  on  expérimenta,  en  1858,  la  soupape  de 
MM.  Clegg  et  Samiida,  qui  donna  de  bons  résultats. 
En  1845,  on  fit  une  épreuve  en  grand  sur  le  chemin 
de  Kingstown  à  Dalkey,  en  Irlande.  L'expérience 
réussit,  la  France  s'en  émut  et,  sur  le  rapport  fa- 
vorable de  M.  Mallet,  inspecteur  général  des  ponts 
et  chaussées,    il  fut   décidé  que  la  traction   sur  le 


t'ig.  41.  —  Coupe  loii£i;iliidiuale  du  tube  atmosphérique. 


chemin  de  Saint-Germain,  dans  la  partie  comprise 
entre  Nanterre  et  Saint-Germain,  s'effectuerait  suivant 
le  système  de  l'ingénieur  danois.  On  voit  encore  à 
Nanterre  et  à  Çhatou  les  bâtiments  destinés  à  recevoir 
les  pompes  qui  devaient  faire  le  vide  dans  le  tuyau 
atmosphérique.  Les  pompes  magnifiques,  les  machines 
à  vapeur  et  la  batterie  de  chaudières  placées  pn  haut 
de  la  rampe  (0",055  par  mètre)  qui  mène  du  Pecq  à 
Saint  Germain,  ont  disparu  et  cet  énorme  attirail,  su- 


LES  CHEMINS  DE  FER.  203 

perbe  agencement  de  forces  impuissantes,  objet  de 
j'attention  et  de  l'admiration  de  tant  de  visiteurs, 
n'a  plus  fourni  qu'un  amas  de  pièces  inutiles,  bonnes 
à  renvoyer  à  la  fonderie  ou  à  la  forge. 

Le  système  atmosphérique,  après  quatorze  années 
d'essai,  a  été  abandonné  entre  le  Pecq  et  Saint- 
Germain.  Les  locomotives  remontent  seules  tous  les 
trains,  et  le  prix  de  la  traction  par  train  et  par  kilo- 
mètre est  descendu  de  o  fr.  80  ou  4  fr.  à  1  fr.  32. 
C'est  dire  que  le  système  atmosphérique  est  mort,  et 
sans  chances  de  revivre. 


B.  —  Invention  de  la  locomotive.  —  Voilures  de  Ciignot,  d'Oliver  Evans.  — 
Locomotive  do  Trewithick  et  Vivian,  de  Blenkir-sop,  de  Brunton,  de  Sle- 
phenson.  —  Séguin  invente  la  chaudière  tubulaire  et  Stephenson  le  je: 
de  vapeur. 


C'est  vers  l'année  1759,  nous  apprend  le  célèbre 
Watt,  que  le  docteur  Kobinson,  alors  élève  à  l'Univer- 
sité de  Glascow,  eut  l'idée  d'appliquer  la  vapeur  au 
mouvement  des  roues  des  véhicules.  Watt  lui-même, 
en  1784,  a  décrit  une  machine  inventée  par  lui  dans 
le  même  but  ;  mais  les  idées  de  Robinson,  aussi  bien 
que  celles  de  Watt,  n'ont  reçu  aucune  réalisation, 

L'honneur  d'avoir  le  premier  construit  une  voiture 
se  mouvant  à  l'aide  de  la  vapeur,  appartient  au  Fran- 
çais Cugnot.  Les  premiers  essais  deCugnot  eurent  lieu 
en  1765.  A  lui  revient  l'idée,  —  au  maréchal  deSaxe, 
au  général  de  Gribeauval,  au  duc  de  Choiseul,  mi- 
nistre de  la  guerre  de  Louis  XV,  revient  l'honneur 
d'avoir  contribué  à  sa  réalisation. 


ti04  LES  MERVEILLES  LE  LA  LOCOMOTION. 

La  voiture  de  Ciignot  était  un  fardier  à  trois  roues, 
destiné  au  transport  des  canons.  La  vapeur  produite 
dans  une  chaudière  placée  en  porte-à-faux,  agissait 
dans  deux  cylindres  en  bronze  dont  les  pistons,  alter- 
nativement soulevés  et  abaissés,  actionnaient  un  petit 
arbre  à  manivelle  relié  au  moyen  d'engrenages  à  la 
roue  d'avant.  Cette  roue  était  garnie  d'uri  large  cercle 
faisant  prise  sur  le  sol  au  moyen  de  fortes  saillies  et 
pouvait,  à  l'aide  d'engrenages  placés  sous  la  main  du 


Fi-."42. 


Voilure  (le  Cu^not. 


conducteur,  se  déplacer  sur  elle-même  de  manière  à 
faire  prendre  au  véhicule  les  directions  variées  de  la 
route  à  parcourir. 

Mais  la  voiture  de  Cugnot  ne  pouvait  faire  que 
quatre  kilomètres  à  l'heure,  —  c'est  la  vitesse  d'un 
cheval  au  pas  ;  —  au  bout  de  peu  de  temps,  l'eau 
manquait  et  elle  s'arrêtait.  Elle  était  bien  imparfaite, 
à  la  vérité,  mais  elle  laissait  deviner  l'avenir.  Il  appar- 
tient aux  hommes  de  génie  de  lever  le  voile  qui  couvre 
certaines  découvertes  et  de  voir  dans  un  embryon 
toute  une  destinée,  ^apoléon,   à  son  retour  d'Italie, 


LES  CHEMINS  DE  FER.  205 

apprend  Texistence  de  la  voiture  de  Cugnot  et  ex- 
prime l'avis  qu'on  peut  en  tirer  im  grand  parti!  Le 
génie  de  la  guerre  a  entrevu  l'instrument  de  la  paix 
à  venir. 

Le  Conservatoire  des  Arts-et-Métiers  et  le  Ministère 
de  la  guerre  se  disputèrent  longtemps  la  machine  de 
Cugnot;  le  premier  finit  par  l'obtenir.  C'est  dans 
une  des  salles  de  ce  musée  qu'elle  est  encore,  donnant 
la  mesure  des  progrès  accomplis  depuis  70  ans. 

Quant  à  Cugnot,  qui  avait  eu,  sur  la  proposition  du 
général  de  Gribeauval,  une  pension  de  600  livres  et 
qui  en  avait  été  privé  au  moment  de  la  Révolution, 
il  serait  mort  de  misère  si  une  dame  charitable  de 
Bruxelles  ne  lui  ftit  venue  en  aide.  11  avait  soixante- 
quinze  ans  quand  Bonaparte,  premier  consul,  lui  ren- 
dit sa  pension  et  en  éleva  le  chiffre  à  1,000  livres. 
11  vécut  encore  quatre  ans  et  mourut  en  1804,  pauvre, 
mais  heureux  comme  on  doit  l'être,  après  une  vie  de 
labeur,  en  voyant  grandir  l'œuvre  dont  il  avait  été  le 
premier  artisan.  A  ce  moment,  les  locomotives  com- 
mencent à  fonctionner  dans  les  mines  de  Newcastle. 

C'est  en  Amérique  et  en  Angleterre  que  se  pour- 
suivent dès  lors  les  essais  d'application  de  la  vapeur  à 
la  locomotion. 

Oliver  Evans,  en  1800,  construit  une  voiture  à. 
vapeur  qu'il  fait  circuler  dans  les  rues  de  Philadelphie. 
Trewithick  et  Yivian,  mécaniciens  de  Cornouailles, 
prennent,  en  1802,  un  brevet  pour  une  voiture  du 
même  genre,  et  font  marcher  leur  première  locomo- 
tive, on  1804,   sur  les  rails  du  chemin  de  Merthyr- 


206  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Tydwill,  dans  le  pays  de  Galles.  Mais  il  semble  que 
l'adhérence  manque  :  on  croit  devoir  recourir  à  l'em^ 
ploi  de  stries  sur  la  jante  des  roues. 

En  1811,  parait  la  locomotive  de  M.  Blenkinsop, 
directeur  des  houillères  de  Middleton.  Cette  machine 
avait  quatre  roues  porteuses  et  s'avançait  sur  les  rails 
à  l'aide  d'une  roue  dentée  s'engrenant  dans  une  cré- 
maillère couchée  entre  les  deux  rails.  Deux  cylindres 


Fig.  45.  —  Macliine  de  Blenkinsop  (18M). 

verticaux,  placés  au-dessus  de  la  chaudière  transmet- 
taient, au  moyen  de  bielles,  de  manivelles  et  de  pi- 
gnons, le  mouvementé  cette  roue  dentée.  La  chaudière 
était  un  corps  cylindrique  traversé  par  un  gros  tube 
ayant  à  l'une  de  ses  extrémités  le  foyer  et  à  l'extrémité 
opposée  la  cheminée. 

En  1815,  un  ingénieur,  du  nom  de  Brunton,  rem- 
place la  roue  dentée  et  la  crémaillère  par  des  béquilles 
s'appuyant  sur  les  rails,   comme  la  gaffe  du  batelier 


LES  CHEMINS  DE  FER.  207 

sur  le  fond  de  la  rivière  à  la  surface  de  laquelle  che- 
mine son  bateau  *. 

M.  Blackett  étudie  dans  le  courant  de  cette  même 
année  la  question  de  l'adhérence  qui,  jusque-là  insuf- 
fisamment approfondie,  avait  paralysé  tout  progrès.  Il 


Fig.  44.  —  Machine  de  G.  Stephenson  (1814). 

reconnaît  que  Te  frottement  qui  s'exerce  entre  la  roue 
de  fonte  de  la  locomotive  (car,  à  cette  époque,  les 
roues  étaient  entièrement  en  fonte)  et  les  rails,  est 


*  MM.  Fortin-Hermann  construisent  en  ce  moment  (1878),  pour  les 
chemins  de  fer  à  fortes'rampes,  une  locomotive  à  patins  qui  paraît  avoir 
certaine  analogie  avec  celle  de  Brunton. 


208  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

suffisant  pour  produire  la  progression  de  celle-ci  el  des 
wagons  à  remorquer. 

L'année  suivante,  George  Stephenson  utilise  toute 
l'adhérence  des  roues  de  sa  machine  en  réunissant 
ces  roues  par  une  chaîne  sans  fin,  qui  rend  leurs  mou- 
vements solidaires.  Le  mode  de  suspension  de  cette 
machine  mérite  de  fixer  l'attention  :  la  chaudière 
repose  sur  les  roues  par  l'intermédiaire  de  tiges  reliées 
à  des  pistons  sur  lesquels  agissent  l'eau  et  la  vapeur 
contenues  dans  la  chaudière.  On  rapporte  que  cette 
locomotive  a  remorqué  50  tonnes  à  une  vitesse  de 
0500  mètres  à  l'heure. 

En  1815,  G.  Stephenson  perfectionne  sa  machine. 
Les  cylindres  de  suspension  sont  remplacés  par  des 
ressorts.  A  la  chaîne  sans  fin,  M.  Hackworth  substitue, 
en  1825,  une  bielle  d'accouplement.  Ce  n'est  pas  en- 
core notre  locomotive  actuelle,  mais,  telle  qu'elle  est, 
la  machine  de  Stephenson  rend  déjà  des  services  pour 
le  transport  des  charbons. 

Jusqu'en  1827,  il  n'y  a  pas  de  progrès  nouveau 
dans  la  construction  des  locomotives.  Cependant,  le 
chemin  de  Saint-Etienne  à  Lyon  s'achève  ;  en  vue 
d'une  prochaine  exploitation,  on  fait  venir  deux  des 
locomotives  inventées  par  Stephenson  et  en  usage  en 
Angleterre.  Le  directeur  du  chemin  de  Saint-Etienne, 
Marc  Séguin,  les  examine.  Il  est  tout  d'abord  frappé 
de  leur  faible  production  de  vapeur  et,  pour  y  remé- 
dier, il  leur  applique  le  perfectionnement  qu'il  venait 
d'apporter  aux  chaudières  servant  à  la  navigation  du 
Rhône  :  au  gros  tube  faisant  foyer  de  ces  machines,  il 


LES  CHEMINS  DE  FER.  209 

substitue  uu  grand  nombre  de  petits  tubes.  La  chau- 
dière tubulaire  est  inventée  ;  mais  cette  grande  division 
des  produits  de  la  combustion  ralentit  le  tirage.  Pour 
obvier  à  cet  inconvénient  capital,  Seguin  a  recours  au 
ventilateur  à  force  centrifuge;  il  arrive  ainsi  à  pro- 
duire jusqu'à  1200  kilogrammes  de  vapeur  par  heure, 
avec  des  chaudières  de  5  mètres  de  longeur  et  de 
0'",80  de  diamètre,  renfermant  45  tuyaux  de  0™,04  de 
diamètre.  Ce  moyen  d'opérer  artificiellement  le  tirage 
du  foyer  n'a  pas  toute  la  simplicité  nécessaire.  Ste- 
phenson,  adoptant  la  chaudière  tubulaire,  se  trouve 
en  face  du  même  problème  et,  pour  le  résoudre,  il 
imagine  de  conduire  dans  la  boite  à  fumée  la  vapeur 
qui,  après  son  action  dans  les  cylindres,  se  perd  dans 
l'air.  L'idée  n'est  pas  nouvelle,  elle  remonte  aux  temps 
les  plus  reculés,  mais  l'application  est  neuve  et  détrône 
le  ventilateur  de  Séguin. 

La  locomotive  est  désormais  inventée.  En  octobre 
1829,  un  concours  est  organisé  sur  le  chemin  de 
Liverpool  à  Manchester  ;  le  prix  est  décerné  à  la  Fusée 
(the  Rocket),  sortie  des  ateliers  de  Stephenson,  qui 
remorque,  avec  une  vitesse  de  six  lieues  à  l'heure,  une 
charge  de  près  de  15,000  kilogrammes.  Sans  charge, 
elle  fournit  une  course  de  dix  lieues  à  l'heure. 

A  partir  de  cette  époque,  de  nombreux  perfection- 
nements viennent  chaque  jour  s'ajouter  à  ceux  dont 
la  nouvelle  machine  a  été  dotée  :  Des  foyers  ingénieu- 
sement disposés  sont  inventés  en  vue  de  mieux  utiliser 
le  combustible  employé.  Des  coulisses  de  changement 
de  marche  de  dispositions  variées  sont  adoptées  par  les 

14 


210  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

divers  constructeurs.  Dans  ces  dernières  années, 
M.  Giffard  remplace  la  pompe  d'alimentation  par  l'in- 
jecteur  qui  porte  son  nom,  M.  Lechàtelier  applique 
la  contre-vapeur  au  ralentissement  de  la  vitesse  des 
trains;  des  inventeurs  sans  nombre  poursuivent  avec 
ardeur  la  recherche  du  frein  le  meilleur.  Et  l'Exposi- 
tion de  1878  nous  montre,  se  disputant  la  palme,  le 
frein  par  le  vide  et  le  frein  à  air  comprimé,  qui  mettent 
dans  la  main  du  mécanicien  le  moyen  d'agir  sur  les 
freins  de  tous  les  véhicules  d'un  train  et  d'obtenir 
l'arrêt  le  plus  rapide  qu*on  ait  eu  jusqu'à  présent. 

Mais  ces  perfectionnements  n'ont  qu'une  importance 
secondaire  vis-à-vis  des  inventions  premières  de  Séguin 
et  de  Stephenson. 

L'usage  de  la  locomotive  s'étend  de  plus  en  plus.  Sa 
vitesse  et  sa  puissance  augmentent,  ses  dimensions  s'ac- 
croissent. Les  différentes  parties  du  mécanisme  se  per- 
fectionnent en  même  temps  que  le  travail  dans  les 
ateliers  et,  grâce  à  des  études  plus  sérieuses  et  plus 
approfondies,  à  des  expériences  plus  nombreuses  et 
plus  précises,  on  est  parvenu  à  construire  une  ma- 
chine qui,  si  elle  n'est  pas  parfaite,  dans  le  sens  absolu 
du  mot,  touche  de  bien  près  à  la  perfection. 


G.  —  La  locomotive.  —  Différents  types.  —  Machines  à  voyageurs  à  moyenne 
et  à  grande  vitesse;  Crampton.  —  Machines  mixtes.  —  Machines  à  mar- 
chandises de  moyenne  et  de  grande  puissance  :  Engerth,  Beugnot.  —  Pro- 
grès accomplis  dans  la  construction  des  locomotives;  leur  puissance. 


Des  types  sont  créés  pour  les  divers  services  effec- 
tués par  ces  nouvelles  machines.  Les  uns  servent  au 


LES  CHEMINS  DE  FER.  211 

transport  des  voyageurs,  les  autres  au  transport  des 
marchandises,  d'autres  enfin,  dans  les  gares  ou  sur 
les  lignes  de  faible  longueur. 

Il  ne  faut  pas  s'attendre  à  trouver  un  ou  deux 
types  spéciaux  pour  chacun  des  services  que  nous 
venons  d'indiquer.  Il  n'en  est  pas  des  choses  de  la 
science  appliquée  comme  de  celles  de  la  science  pure, 
et  l'on  est  bien  loin  de  s'entendre  sur  un  fait  de  mé- 
canique comme  on  s'entend  sur  un  théorème  de  géo- 
métrie ou  sur  une  question  d'algèbre.  Aussi,  suivant 
les  Compagnies,  les  types  varient-ils,  et,  à  part  certains 
caractères  généraux,  il  serait  assez  difficile  d'indiquer 
les  différences  qui  existent  entre  les  divers  modèles 
adoptés.  Ces  différences  sont,  d'ailleurs,  en  partie  légi- 
timées par  les  conditions  variées  où  se  trouve  placée 
l'exploitation  de  chaque  chemin  :  tracé  de  la  voie  en 
plan  et  en  profil,  fréquence  des  stations,  tonnage  à  re- 
morquer, nature  du  combustible,  etc.,  il  faut  avoir 
un  moteur  dont  la  construction,  —  qu'on  nous  per- 
mette la  comparaison,  —  dont  les  entrailles,  dont  les 
jambes  répondent  à  la  nourriture  qu'on  lui  donne,  à 
la  course  qu'il  doit  fournir,  au  travail  enfin  qu'on  lui 
demande. 

Les  machines  à  voyageurs  sont  destinées  à  un  ser- 
vice de  moyenne  vitesse  (trains  omnibus)  ou  à  un  ser- 
vice de  grande  vitesse  (trains  express). 

Dans  le  premier  cas,  elles  sont  construites  pour 
marcher  à  55  ou  40  kilomètres  ;  dans  le  second,  à 
70  kilomètres  à  l'heure.  Ce  qui  distingue  essentielle- 
ment ces  deux  types,  c'est  la  dimension  des  roues  mo- 


212  LES  iMERYEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

trices,  qui  ont,  dans  le  second,  jusqu'à  2", 60  de  dia- 
mètre, et  leur  position  assez  générale  en  arrière  du 
foyer,  l'essieu  passant  sous  les  pieds  du  mécanicien. 
On  conçoit  que  pour  un  même  nombre  de  coups  de 
piston  ou  de  tours  de  roue,  elles  parcourent,  grâce  au 
grand  développement  de  leur  circonférence,  un  plus 
grand  espace  que  les  premières,  dont  les  roues  n'ont 
jamais  un  diamètre  supérieur  à  l'",80.  —  On  peut 
dire  de  ces  machines,  dont  l'ingénieur  Crampton  est 
l'inventeur,  qu'elles  courent  ventre  à  terre.  La  marche 
rapide  qu'elles  doivent  fournir  exigeait  un  puissant 
organe  respiratoire  et  digestif,  une  longue  chaudière, 
par  conséquent  ;  elle  demandait  encore  une  grande 
stabilité;  aussi,  le  centre  de  gravité  a-t-il  été  placé 
le  plus  bas  possible,  les  différentes  parties  du  méca- 
nisme étant  groupées  de  chaque  côté  du  corps  cylin- 
drique et  rendues  ainsi  d'une  surveillance  plus  facile. 

Entre  les  machines  à  voyageurs  et  les  machines  à 
marchandises  se  placent  les  machines  mixtes,  desti- 
nées à  faire  un  service  commun  sur  les  lignes  de  peu 
d'importance  et  à  remorquer  des  trains  composés  de 
wagons  à  voyageurs  et  de  wagons  à  marchandises.  Il 
faut,  pour  ce  service  spécial,  des  locomotives  d'une 
vitesse  supérieure  à  celle  des  trains  de  marchandises 
ordinaires,  et  d'une  puissance  plus  considérable  que 
celle  des  locomotives  destinées  spécialement  aux  trains 
de  voyageurs. 

L'indépendance  des  roues,  qui  était  le  caractère  pro- 
pre des  machines  précédentes,  n'est  plus  possible.  11 
faut,  comme  on  dit,  faire  feu  des  quatre  pieds  et  ob- 


LES  CHEMINS  DE  FER.  215 

tenir  une  adhérence  plus  grande.  On  arrive  à  ce  résul- 
tat en  rendant  le  mouvement  d'une  des  deux  paires 
de  roues,  précédemment  laissées  libres,  solidaire  de 
celui  des  roues  motrices.  On  conjugue  les  essieux, 
c'est-à-dire  qu'on  les  réunit  au  moyen  de  tiges  ou  de 
bielles  à' accouplement,  ce  qui  nécessite,  comme  point 
de  départ,  qu'elles  aient  le  même  diamèlre.  Ainsi 
donc  :  deux  paires  de  roues  d'égal  diamètre,  reliées 


Fig.  40.  —  Machine  Petict  (Nord 


entre  elles,  tel  est  le  caractère  essentiel  de  la  ma- 
chine mixte.  Une  troisième  paire  de  roues  d'un  dia- 
mètre plus  petit  (  l'^jOO,  tandis  que  les  grandes  ont  jus- 
qu'à J"\,74  de  diamètre)  accompagne  celles-ci  et  con- 
tribue avec  elles  à  porter  le  lourd  véhicule.  La  vitesse 
des  trains  mixtes  résulte  du  diamètre  des  roues  mo- 
trices de  la  locomotive  qui  les  remorque  ;  leur  résis- 
tance au  mouvement  est  surmontée,  grâce  à  l'accou- 
plement de  ces  mêmes  roues. 


216  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

On  pressent  déjà  les  dispositions  que  doivent  pré- 
senter les  machines  à  marchandises.  Qui  ne  connaît 
le  scolopendre^  ce  myriapode,  vulgairement  appelé 
mille-pieds,  au  corps  allongé,  divisé  en  nombreux  seg- 
ments, aux  pieds  terminés  par  un  crochet,  qui,  dans 
nos  climats,  n'a  pas  plus  de  5  à  8  centimètres  et  qui, 
dans  l'Inde,  a  jusqu'à  ôO  centimètres  de  longueur? 
Cet  animal  repoussant  est  cependant  remarquable  par 
la  puissance  de  son  appareil  locomoteur  :  74  paires 
de  pattes  !  La  machine  Beugnot,  l'un  des  types  les  plus 
puissants,  l'une  de  celles  qui  en  a  le  plus,  en  a  dix 
fois  moins  :  7  paires  de  roues  seulement. 

Les  machines  à  petite  vitesse  sont  de  deux  espèces, 
celles  de  moyenne  puissance,  qui  font  le  remorquage 
des  trains  ordinaires  de  marchandises  sur  les  lignes 
peu  accidentées  et  peu  sinueuses,  et  celles  de  très- 
grande  puissance,  qui  doivent  circuler  sur  des  lignes 
d'un  tracé  difficile,  en  traînant  après  elles  des  convois 
lourdement  chargés. 

Les  machines  de  moyenne  puissance  ont  d'ordi- 
naire trois  paires  de  roues  de  même  diamètre  accou- 
plées. Le  diamètre  de  ces  roues  est  toujours  faible  et 
ne  dépasse  guère  1"S50.  Elles  sont  généralement  ra- 
massées, de  forme  trapue,  comme  ces  hommes  qui  sont 
capables  de  fournir  de  leurs  reins  et  de  leurs  jambes 
de  grands  efforts. 

Dans  les  machines  de  grande  puissance,  spéciale- 
ment destinées  à  remorquer  de  lourdes  charges  sur 
des  chemins  rapides  et  à  courbes  de  petit  rayon,  le 
corps  cylindrique  s'allonge,  car  il  faut  une  abondante 


LES  CHEMINS  DE  FER.  219 

production  de  vapeur;  le  nombre  des  roues  augmente, 
car  il  faut  user  de  toute  l'adhérence  ;  le  mécanisme 
enfin  se  complique,  car  il  faut  donner  à  ce  grand 
corps  de  métal  la  souplesse  nécessaire  à  une  marche 
sinueuse. 

C'est  pour  franchir  la  montagne  du  Sommering, 
avec  des  pentes  de  25  millimètres,  que  l'ingénieur 
autrichien  Engerth  a  construit  la  puissante  locomo- 
tive qui  porte  son  nom  et  dans  laquelle  il  a  réuni  sur 


Fig.  48.  —  Machine  Jefterson. 

dix  roues  le  tender  et  la  machine,  de  manière  à  pro- 
fiter de  toute  l'adhérence  possible,  en  laissant  aux 
deux  parties  du  système  la  possibilité  de  se  mouvoir 
et  de  s'inscrire  dans  des  courbes  de  190  mètres  de 
rayon. 

Le  problème  de  la  locomotion,  dès  qu'il  s'agit  de 
fortes  pentes,  en  courbes  de  faible  rayon,  présente  les 
plus  grandes  difficultés.  Chaque  jour  les  ingénieurs 
font  un  nouveau  pas  vers  la  solution,  mais  celle-ci 


220  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

n'est  point  encore  atteinte  et  on  ne  peut  prévoir  l'épo- 
que où  la  machine  de  montagne,  celle  qui  se  rappro- 
chera le  plus  de  notre  scolopendre,  par  sa  force  et  sa 
souplesse,  sera  trouvée. 

A  côté  de  ces  lourdes  machines,  aux  formes  massi- 
ves et  athlétiques  auxquelles  incomhent  les  transports 
les  plus  importants,  se  trouvent  des  machines  plus 
légères,  plus  rapides  à  la  course  :  les  machine s-tender s, 
qui  portent  avec  elles  leur  provision  d'eau  et  de  com- 
bustihle  pour  les  courts  trajets  qu'elles  doivent  accom- 
plir. Les  machines-tenders  servent  à  la  traction  sur  les 
lignes  de  banlieue,  et  sont  utilisées  dans  les  gares  pour 
les  manœuvres  de  composition  et  de  décomposition  des 
trains ,  trop  lentes  avec  des  chevaux  ou  à  hras 
d'hommes. 

Mais  au  fur  et  à  mesure  que  s'étend  le  réseau  des 
voies  ferrées,  l'importance  des  transports  fournis  par 
les  régions  nouvellement  desservies  diminue,  et  la 
nécessité  d'arriver  à  une  construction  plus  économi- 
que se  fait  plus  vivement  sentir.  On  commence  à 
comprendre  que  le  système  de  la  voie  étroite  peut 
présenter  dans  des  cas  nombreux  des  avantages  mar- 
qués sur  le  système  de  la  voie  actuellement  employée 
de  l"s50  de  largeur. 

L'Exposition  de  1878  nous  montre  de  remarquables 
spécimens  des  machines  construites  pour  les  voies  ré- 
duites de  l'^OO,  de  0'"60  et  même  de  0'"50  de  largeur. 

La  Société  des  BatignoUes  a  exposé  une  locomotive- 
tender  pour  la  voie  de  1"^00,  qui  pèse  15  tonnes  600, 
en  ordre  de  marche,  et  qui  est  étudiée  pour  permettre 


LES  CIIEMLNS  DE  FER.  221 

des  modifications,  soit  dans  la  chaudière  (surface  de 
grille,  surface  de  chauffe,  pression),  soit  dans  le  dia- 
mètre des  roues,  soit  dans  la  capacité  des  caisses  à 
eau  ;  pour  permettre,  en  résumé,  de  modifier  son  al- 
lure comme  vitesse,  sa  puissance  de  traction  et  de  va- 
porisation. Les  roues  de  0'",80,  peuvent  être  rempla- 
cées par  des  roues  de  0'"96.  Les  surfaces  de  chauffe  et 
de  grille  et  la  puissance  de  traction  peuvent  être 
augmentées  de  0.50  7o-  ^^  poids  sur  les  roues  peut 
être  ainsi  porté  à  16  ou  17  tonnes,  suivant  la  capacité, 
modifiée  ou  non,  des  caisses  à  eau. 

On  comprend  l'intérêt  que  présente  la  possibilité 
d'effectuer  ces  transformations.  Le  trafic  d'un  chemin 
étant  peu  important  à  ses  débuts,  une  machine  d'une 
faible  puissance  suffit.  Ce  trafic  augmentant,  la  puis- 
sance de  traction  doit  augmenter.  Le  mode  de  con- 
struction de  la  machine  permet  de  parer  à  cette  né- 
cessité, sans  qu'il  y  ait  lieu  de  recourir  à  la  construc- 
tion d'une  machine  nouvelle. 

La  maison  Cail  a  exposé  des  types  de  machines- 
tender  de  10  tonnes,  à  6  roues  couplées,  de  5  tonnes 
à  4  roues  couplées,  enfin  de  1  tonne  500  à  4  roues 
couplées  pour  la  voie  de  0'",60.  Dans  cette  dernière,  la 
chaudière  est  verticale  et  la  machine  n'a  qu'un  cylin- 
dre vertical  dont  le  piston  actionne  un  pignon  engre- 
nant avec  une  roue  dentée  placée  sur  l'essieu  d'avant. 
Enfin,  MM.  Corpet  et  Bourdon  ont  exposé  une  petite 
machine  :  Liliput,  pour  la  voie  de  0'",50,  qui  est  une 
véritable  merveille  de  construction  mécanique.  La 
voie  de  0'",50  tend  de  plus  en  plus  à  se  répandre.  C'est 


222  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

ccUe  qui  se  prête  le  mieux  par  sou  bas  prix  d'établis- 
sement, par  sa  flexibilité  aux  difterentes  applications 
industrielles.  Les  résultats  donnés  par  le  remarquable 
chemin  du  Festinio^  (voie  de  60  centimètres),  en  An- 
gleterre, dont  les  recettes  annuelles  dépassent  28,000 
francs  par  kilomètre  et  qui  rapporte  12.5  "/q  du  capi- 
tal dépensé,  sont  bien  faits  pour  convaincre  les  adver- 
saires les  plus  opposés  de  la  voie  étroite.  Aux  machi- 
nes England  ctC'''  de  8  tonnes,  à  4  roues  couplées,  em- 
ployées dès  1865,  ont  succédé,  en  1869,  les  machines 
Fairlie,  de  19  tonnes,  5,  montées  sur  deux  trucks 
ayant  chacun  4  roues  couplées,  consommant  25  7o  ^^ 
moins  que  les  autres  machines  et  qui  ont  permis 
d'atteindre  des  vitesses  de  56  kilomètres  à  l'heure.  Le 
nom  de  Little  AVonder  donné  à  la  première  de  ces  ma- 
chines n'est  pas,  comme  on  le  voit,  une  usurpation. 

La  souplesse  de  la  voie  étroite  est  telle,  disons-le 
en  passant,  qu'elle  permet  de  triompher  de  difficultés 
jugées  insurmontables  avec  la  voie  ordinaire.  C'est 
ainsi  qu'on  a  pu  récemment  prolonger  le  Colorado 
Central  Railroad  de  Black-Haw  à  Central  en  Améri- 
que. Ces  deux  villes  ne  sont  distantes  que  de  1600  mè- 
tres ;  mais  leur  raccordement  ferré  a  exigé  la  construc- 
tion d'un  chemin  en  zig-zag  de  6  kilom.,  rachetant 
une  hauteur  de  171  met.,  et  en  pente  de  près  de 
0,27  par  mètre. 

Tels  sont,  très  en  résumé,  les  divers  types  de  ma- 
chines nécessaires  à  l'exploitation  des  voies  ferrées,  et 
que  l'on  trouve  dans  le  matériel  de  toutes  les  Compa- 


LES  CHEMINS  DE  FER.  225 

gnies  (le  France  ou  de  l'étranger,  avec  les  différences 
naturelles  que  les  conditions  locales  leur  imposent. 

Nous  avons  dit  déjà  plusieurs  fois  que  l'instrument 
de  transport  sur  les  \oies  ferrées,  si  parfait  qu'il  soit 
déjà,  n'est  pas  encore,  dans  tous  les  cas,  tout  ce  que 
l'on  peut  désirer.  Il  ne  faut  pas  que  le  chemin  qui  est 
à  parcourir  nous  empêche  de  reconnaître  les  amélio- 
rations accomplies. 

On  sait  que  la  puissance  d'une  machine  dépend  des 
dimensions  de  ses  entrailles,  nous  voulons  dire  de 
rétendue  de  sa  surface  de  chauffe.  A  l'origine,  les 
machines  du  chemin  de  Versailles  mesuraient  56  mè- 
tres carrés  ;  ce  chiffre  a  été  à  peu  près  quadruplé  ;  les 
grosses  machines  du  chemin  de  fer  du  Nord  ont  jus- 
qu'à 215™  %55  de  surface  de  chauffe.  Au  lieu  de 
450  kilogrammes  d'eau,  elles  digèrent  ou  évaporent 
dix  fois  plus,  et  jusqu'à  5,000  kilogrammes  d'eau  par 
heure.  Le  corps  cylindrique,  qui  n'avait  que  2'", 45  de 
longueur  dans  les  anciennes  machines  Sharp,  a  au- 
jourd'hui jusqu'à  4'",89  dans  les  Engerth. 

L'augmentation  de  poids  est  la  conséquence  natu- 
relle de  l'augmentation  des  dimensions.  La  Fusée 
pesait  4  tonnes  50  et,  sans  remonter  si  loin,  les  an- 
ciennes machines  Buddicom  pesaient  1 7  tonnes  ;  au- 
jourd'hui ,  les  Engerth ,  avec  leur  tender ,  pèsent 
62  tonnes  80.  L'adhérence  a  augmenté  avec  le  poids 
et,  tandis  que  la  charge  remorquée  par  les  anciennes 
machines  n'était  que  de  40  tonnes,  à  la  vitesse  de 
10  kilomètres  à  l'heure,  elle  est  aujourd'hui  :  de 
700  tonnes,  à  une  vitesse  de  25  kilomètres  pour  les 


t>24  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Engeiih,  ou  de  88  tonnes,  à  une  vitesse  de  80  kilo- 
mètres pour  les  Crampton. 

A  rencontre  de  ce  qui  arrive  pour  les  chevaux,  cpii 
produisent  en  raison  de  la  nourriture  qu'on  leur 
donne  (parce  que  nous  n'avons  pas  encore  trouvé  le 
moyen  de  diminuer  leurs  facultés  digestives  et  assi- 
milatrices,  sans  réduire  leur  quantité  de  travail,  l'œu- 
vre de  Dieu  étant  parfaite),  la  consommation  des  ma- 
chines s'est  améliorée  :  par  de  meilleures  proportions 
données  au  foyer,  à  la  chaudière  et  aux  différentes 
parties  du  mécanisme ,  la  quantité  de  combustible 
brûlée  pour  transporter  une  tonne  à  1  kilomètre  a  été 
réduite  de  0^,45  à  O^'^OSS,  c'est-à-dire  dans  la  propor- 
tion de  14  à  1.  ' 

Le  travail  des  ateliers  s'est  perfectionné,  le  prix  des 
machines  s'est  notablement  abaissé,  et  cela  en  dépit 
du  prix  de  la  main-d'œuvre,  qui  va  constamment  en 
croissant.  L'unité-cheval  a  notablement  baissé.  Et 
quelle  perfection  plus  grande  dans  la  construction  ! 

Or,  ce  cheval,  pris  pour  unité  de  la  mesure  des  lo- 
comotives et  des  machines  à  vapeur  en  général,  et 
qu'on  appelle  cheval-vapeur,  n'est  pas  l'équivalent  du 
cheval  ordinaire  de  nos  voitures.  Le  cheval-vapeur 
équivaut  à  75  kilogrammètres  (c'est-à-dire  à  la  force 
nécessaire  pour  élever ,  par  seconde  ,  un  poids  de 
75  kilogrammes  à  1  mètre  de  hauteur),  tandis  que  la 
force  du  cheval  ordinaire  est  évaluée  à  45  kilogram- 
mètres seulement).  Et,  comme  ce  dernier  ne  peut  tra- 
vailler que  huit  heures  environ  sur  vingt-quatre,  il  en 
résulte  qu'il  faudrait  5,  5  chevaux  ordinaires  pour 


LES  CHEMINS  DE  FER.  225 

l'équivalent  d'un  cheval-vapeur,  ou  mieux  11  chevaux 
ordinaires  pour  remplacer  2  chevaux-vapeur. 

Cette  définition  étant  donnée,  nous  serons  compris 
en  disant  que  les  locomotives  aujourd'hui  en  usage 
développent  un  travail  soutenu  de  200  à  500  chevaux- 
vapeur,  ou  de  1,100  à  1,650  chevaux  ordinaires. 

Les  Compagnies  françaises  avaient,  au  51  décembre, 
11,725  locomotives  ,  et  les  Compagnies  anglaises 
8,619. 

On  compte,  en  général,  pour  l'exploitation  des  che- 
mins de  fer,  0,54  locomotives  par  kilomètre  (ou  une 
machine  environ  pour  5  kilomètres),  ce  qui  donne, 
pour  les  295,000  kilomètres  exploités  aujourd'hui, 
environ  100,500  locomotives,  produisant  un  travail  de 
25,075,000  chevaux-vapeur,  ou  de  157,912,000  chc 
vaux  ordinaires.  L'esprit  se  rend  difficilement  compte 
des  quantités  que  ces  chiffres  représentent.  Cependant, 
si  l'on  suppose  que  tuus  ces  chevaux  soient  attelés  en 
flèche  et  n'occupent  chacun  qu'une  longueur  de  2  mè- 
tres, l'attelage  aura  comme  longueur  520  fois  la  dis- 
tance de  Paris  à  Marseille,  ou  sera  les  f  environ  de 
la  distance  moyenne  de  la  terre  à  la  lune! 

Nous  ne  pouvons  mieux  finir  cette  courte  analyse 
du  chemin  de  fer  qu'en  transcrivant  ici  les  lignes  par 
lesquelles  deux  des  rapporteurs  de  la  classe  65  (ma- 
tériel du  chemin  de  fer),  à  l'Exposition  universelle  de 
1867,  MM.  E.  Flachat  et  de  Goldschmidt,  terminaient 
leur  exposé  économique. 

«  Quelque  découverte  qui  puisse  être  faite  dans 
linduslrie  et  dans  les  arts,  il  n'y  en  a  pas  qui  vaille 


!i26  LES  MEUVEÏLLKS  DE  LA  LOCOMOTION. 

celle  qui  a  abaissé  de  4  à  1  le  prix  du  transport  de 
toutes  choses,  en  augmentant  la  vitesse  dans  le  rap- 
port de  1  à  5. 

«  Il  y  a  dix  années  au  plus  que  ce  nouvel  état  de 
choses  exerce  son  influence  sur  l'industrie  générale,  et 
déjà  l'Exposition  universelle  nous  montre  une  égalité 
menaçante  pour  les  uns,  consolante  pour  les  autres 
providentielle  pour  tous,  dans  les  moyens  de  produc 
tion.  C'est  comme  une  abondance  qui  monte  et  qu 
doit  enrichir  l'humanité  sur  tous  les  points  du  globe 
A  voir  l'ardeur  qui  nous  entraîne  et  qui  nous  unit 
pour  améliorer  demain  ce  qui  a  été  fait  hier,  qui  dou- 
terait du  mieux  qui  va  suivre  et  n'aurait  confiance 
dans  ce  que  l'avenir  prépare?  »  ' 

Cette  prédiction  se  réalise  tous  les  jours. 

V.   —    SYSTÈMES    DIVERS. 

A  côté  des  locomotives  dont  nous  venons  d'esquisser 
l'histoire  et  de  faire  connaître  les  principaux  types,  se 
placent  un  certain  nombre  de  machines  diverses  :  les 
unes  fonctionnent  encore  au  moyen  de  h  vapeur,  les 
autres  au  moyen  de  l'air  ou  de  l'eau  comprimés,  d'au- 
tres enfin  au  moyen  de  l'électricité  :  nous  allons  en 
faire  connaître  les  dispositions  principales. 

A.   —  Multiplication  m  nombre  hks  (Ylindres.  —  Système   Vorpilloui.  — 
Machines  du  Nord,  Meyer,  Dupleix,  Flacliat. 

Nous  parlerons  d'abord  de  quelques  locomotives  re- 
marquables par  le  nombre  de  leurs  organes  propul- 
seurs. 


LES  CHEMINS  DE  FER  227 

La  difficulté  qu'éprouvent  les  constructeurs  à  conju- 
guer le  mouvement  de  plusieurs  paires  de  roues  sur 
les  lignes  à  courbes  de  petit  rayon,  les  a  conduits  à 
transmettre  d'une  manière  indépendante  aux  roues  de 
la  machine  le  mouvement  de  va-et-vient  produit  par 
l'action  de  la  vapeur  dans  les  cylindres  et,  par  suite,  à 
multiplier  le  nombre  de  ces  derniers,  —  une  paire  de 
cylindres  agissant,  comme  à  l'ordinaire,  sur  les  roues 
d'avant  de  la  machine,  une  seconde  paire  agissant  sur 


Fig.  49.  —  jlachine  Peliet  (Nord),  à  quatre  cylindres. 

les  roues  d'arrière,  sur  celles  du  tender  ou  même  sur 
celles  des  divers  véhicules.  Tel  est  le  système,  en  prin- 
cipe. 

Il  a  été  appliqué  pour  la  première  fois  sur  le  chemin 
de  Sainl-Étienne,  par  M.  Verpilleux  qui  disposait  deux 
cylindres  sous  le  tender  ;  puis,  au  chemin  de  fer  du 
Nord,  où  de  superbes  loromotives  ont  été  construites 
pour  les  services  de  petite  et  de  grande  vitesse. 

La  machine  à  marchandises  du  Nord  est  montée 
sur  douze  roues,  groupées  et  accouplées  par  six.  Chaque 


2t>8  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTIO'. 

groupe  est  commandé  par  deux  cylindres,  les  uns  pla- 
cés en  tète,  les  autres  en  queue  de  la  machine.  Une 
longue  chaudière,  surmontée  d'un  dessiccateur,  est 
couchée  sur  les  six  essieux.  Autour  de  ses  flancs  se 
trouvent  l'eau  et  le  charhon  nécessaires  à  son  alimen- 
tation, et  le  tout  pèse  59,7  tonnes  et,  est  capable  de 
remorquer  des  charges  de  655  tonnes,  brutes  en 
rampe  de  0,005  avec  une  vitesse  moyenne  de  25  ki- 
lomètres à  l'heure,  ou  de  80  tonnes,  en  rampe  de 
0,05  par  mètre.  Ces  grandes  dimensions,  cette  grande 
puissnnce  ont  fait  donner  parfois  à  cette  machine  le 
nom  de  machine-chameau. 

Une  machine  du  même  système  (4  cylindres),  mais 
avec  une  paire  de  roues  de  moins  (5  au  lieu  de  6),  a 
été  construite  pour  le  service  des  express  du  Nord, 
qui  sont  très-chargés.  Les  deux  paires  de  roues  mo- 
trices d'i'tvant  et  d'arrière  ont  un  diamètre  de  1™,60, 
ce  qui  ne  pourrait  suffire  à  un  service  de  grande  vi- 
tesse, si  Ton  n'avait  pris  soin  d'augmenter  le  nombre 
des  coups  de  piston  et,  par  suite,  celui  des  tours  de 
roues  par  unité  de  temps. 

La  locomotive  de  M.  Meyer  ne  diffère  de  la  locomo- 
tive à  marchandises  du  Nord  que  par  l'isolement  des 
deux  groupes  de  six  roues,  montés  sur  deux  trucks  in- 
dépendants et  non  plus  sur  un  même  châssis.  La  chau- 
dière repose  sur  les  deux  trucks,  comme  la  caisse  des 
Avagons  américains  sur  les  trains  qui  la  portent;  des 
tuyaux  articulés  servent  à  la  distribution  de  la  vapeur 
dans  les  quatre  cylindres  et  à  son  échappement  dans  la 
cheminée.  Cette  disposition  donne  à  la  machine  la  sou- 


LES  CHEMINS  DE  FER.  220 

plesse  nécessaire  à  son  passage  dans  les  courbes  de 
petit  rayon,  sans  lui  ôter  la  rigidité  et  la  solidité  qui 
sont  la  condition  vitale  de  ces  grands  corps  métalli- 
ques. 

La  machine  Queensland,  du  système  Fairlie,  en  usage 
aux  colonies  anglaises,  résout  le  même  problème  d'une 
manière  différente. 

M.  Ilaswell  a  construit  une  machine,  à  grande  vi- 
tesse, diteDupleix,  dans  laquelle  les  quatre  cylindres, 
au  lieu  d'être  isolés,  comme  dans  les  machines  précé- 


Fiff.  50.  —  Machine  Fairlie. 


dentés,  sont  superposés  deux  par  deux  et  agissent  sur 
une  manivelle  à  deux  bras,  de  manière  à  éviter  l'em- 
ploi des  contre-poids  :  disposition  compliquée  et  in- 
suffisamment justifiée. 

Enfin  M.  Eugène  Flachat,  qui  a  si  puissamment,  et 
pendant  de  si  longues  années,  contribué  à  la  construc- 
tion et  au  perfectionnement  de  nos  voies  ferrées,  a 
proposé  non  plus  quatre  paires  de  cylindres,  mais  au- 
tant de  cylîridres  que  de  trucks  porteurs  de  véhicules. 
La  chaudière  destinée  à  engendrer  la  vapeur  nécessaire 
à  tous  ces  cylindres  est  placée  en  avant  du  train  sur 


230  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

deux  trucks,  et  des  tuyaux  articulés  la  répartissent 
dans  toute  la  longueur  du  train.  Le  poids  et,  par  suite, 
les  dimensions  de  chaiiue  véhicule  peuvent  être  aug- 
mentés. L'emploi  des  voitures  du  système  américain 
à  long  couloir  intérieur  se  trouve  naturellement  in- 
diqué. 

On  emploie  depuis  deux  ans  sur  le  petit  chemin  de 
fer  de  Bayonne  à  Biarritz  des  machines  du  systèm.e 
Compound,  dans  lesquelles  la  vapeur  agit  à  pleine 
pression  dans  un  premier  cylindre,  puis  par  sa  dé- 
tente dans  un  cylindre  spécial  de  plus  grande  dimen- 
sion. C'est  d'après  ce  système  que  sont  établies  les 
machines  marines.  Jusqu'à  présent  ces  machines  ont 
donné  des  résultats  satisfaisants.  Il  faut  attendre  qu'une 
expérience  plus  complète  et  plus  longue  en  soit  faite 
pour  pouvoir  se  prononcer  sur  leur  réelle  valeur. 


B.  —  Sv.'îTÈMES  DIVERS.  —  Locomolivc  lie  Jouffroy.  —  Système  Séguier.  — 
Loconiolive  Fell,  du  mont  Cénis.  —  Machines  rotatives.  —  Système  Agudio, 
l'uniculaire  et  à  rail  central.  —  Systèmes  Larmanjat,  Saint-Pierre  etGoudal. 


La  locomotive  de  M.  de  Jouffroy  diffère  complète- 
ment des  précédentes,  et  c'est  d'une  tout  autre  ma- 
nière que  cet  inventeur  a  cherché  à  résoudre  le  même 
problème  de  la  locomotion  en  pays  de  montagnes.  Il 
place  la  chaudière  sur  un  châssis  porté  par  deux 
grandes  roues  à  jante  plate,  et  le  mécanisme  sur  un 
autre  chcàssis  supporté  en  son  milieu  par  une  roue 
unique  en  fer,  garnie  d'une  jante  en  bois  destinée  à 
se  mouvoir  sur  un  rail  strié,  qui  occupe  le  milieu  de 


LES  CIIEMENS  DE  FER 

la  voie.  Cette  roue 
est  la  roue  motrice. 
Elle  est  comme  la 
roue  d'avant  d'un 
tricycle,  portant  sur 
ses  deux  roues  de 
derrière  la  chau- 
dière et  ses  acces- 
soires. Les  deux  par- 
ties dont  se  compose 
le  châssis  de  ce  tri- 
cycle sont  réunies  au 
moyen  d'une  articu- 
lation verticale,  qui 
augmente  encore  sa 
souplesse  propre.  On 
voit  que  l'inventeur 
a  cherché  à  obtenir 
une  grande  adhé- 
rence ,  en  même 
temps  qu'une  grande 
légèreté  et  une 
grande  flexibilité  de 
son  matériel.  D'ail- 
leurs, son  système 
de  i^randes  roues  à 
jante  plate,  mobiles 
sur  des  rails  à  re- 
bords, n'est  pas  ex- 
clusif à  sa  machine. 


251 


232  LES  MERVEILLES  DE  LA  L0C03I0TI0N. 

Sos  voitures  sont  aussi  montées  sur  un  seul  essieu 
porté  par  deux  grandes  roues  et  réunies  les  unes  aux 
autres  au  moyen  d'articulations  à  axe  vertical  qui 
permettent  un  facile  déplacement  dans  le  plan  de  la 
voie.  C'est  là  assurément  une  conception  ingénieuse, 
une  solution  du  problème,  mais  elle  emprunte  des 


Fi  g.  52.  —  Voiture  Jouffroy. 


moyens  dont  la  pratique  a  révélé  les  défauts  et  n'a 
pu  consacrer  l'usage.  Aussi  n'est-il  pas  appliqué. 

Nous  retrouvons  encore  le  rail  central  dans  une 
autre  invention,  mais  non  plus  ce  rail  avec  ses  stries 
et  ses  dentelures,  qui  le  font  ressembler  à  une  cré- 
maillère, mais  un  rail  semblable  à  ceux  de  la  voie  or- 
dinaire, à  la  hauteur  près  à  laquelle  il  se  trouve  placé 
au-dessus  du  ballast.  Il  ne  sert  plus  au  passage  d'une 
roue  verticale  comme  celle  de  M.  de  Jouffroy,  mais  au 


LES  CHEMINS  DE  FER.  '2Ô5 

passage  de  deux  couples  de  roues  horizontales  qui  le 
pressent  entre  elles,  comme  feraient  les  extrémités  de 
tenailles  dont  les  mâchoires  tranchantes ,  devenues 
circulaires,  seraient  animées  d'un  mouvement  de  ro- 
tation.  Tel  est  le  système  de  M.  le  haron  Séguier,  que 
différents  inventeurs,  MM.  Duméry,  Giraud  et  Fedit, 
et  enfin  M.  Fell,  ont  cherché  à  rendre  pratique. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  la  description  des  ma- 
chines proposées  par  les  premiers,  mais  nous  dirons 
quelques  mots  de  celle  de  M.  Fell,  en  raison  de  l'a- 
venir que  des  essais  heureux  paraissent  lui  réserver. 

«  On  se  fera  une  idée  sommaire,  mais  exacte  de 
cette  machine,  dit  M.  Couche  dans  son  rapport  sur  les 
locomotives  exposées  en  1867,  en  concevant  une  lo- 
comotive à  huit  roues  couplées  dont  quatre  verticales 
et  porteuses  et  quatre  horizontales  commandées  par  les 
mêmes  pistons,  au  moyen  de  hielles  motrices  distinctes 
et  pinçant  entre  elles  un  rail  central.  On  a  donc,  d'une 
part,  l'adhérence  ordinaire  due  au  poids  entier  de  l'ap- 
pareil; et,  de  l'autre,  l'adhérence  facultative,  en  quel- 
que sorte  illimitée,  due  à  la  pression  exercée  par  des 
ressorts,  et  que  le  mécanicien  règle  à  volonté.  » 

La  machine  de  M.  Fell  a  fait  le  service  de  la  li- 
ane de  80  kilomètres  étahlie  sur  la  route  du  mont 
Cénis,  en  attendant  le  percement  du  souterrain.  Elle 
mettait  cinq  heures  à  opérer  ce  trajet,  franchissant  des 
rampes  de  0'",08  par  mètre,  et  passant  dans  des  courhes 
de  40  mètres  de  rayon,  avec  un  train  de  trois  wagons 
attelés  à  sa  suite.  Rien  de  plus  pittoresque  que  ce  voyage 
tantôt  à  ciel  ouvert,     ntôt  sous  les  longs  souterrains 


234  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

en   charpente  destinés  à  garantir  la  voie  des  avalan- 
ches. 

MM.  Riggenbach  et  Zschokke  ont  établi  pour  gravir 
la  montagne  du  Righi,  si  aimée  des  touristes,  un  che- 
min de  fer  avec  crémaillère  centrale  sur  laquelle  agit 
un  pignon  denté  placé  sous  la  machine.  Les  rampes  à 
franchir  atteignent  0",20  par  mètre.  Chaque  train 
peut  contenir  quatre-vingts  personnes.  Les  voyageurs 
prenant  le  chemin  de  fer  jouissent  de  l'avantage  de 
voir  les  deux  côtés  de  la  montagne,  qu'ils  abordent 
par  Yitznau,  du  côté  du  lac  de  Lucerne  et  qu'ils  redes- 
cendent par  Goldau  et  Arth,  sur  les  bords  du  lac  de 
Zug,  après  avoir  admiré  la  ravissante  beauté  du  pa- 
norama du  Kulm.  En  1874,  le  nombre  des  voyageurs 
a  atteint  54  000.  Le  nombre  des  machines  de  ce  che- 
min, qui  n'était  que  de  5  au  début,  est  de  50  aujour- 
d'hui. 

Deux  systèmes  ont  été  proposés  pour  l'établissement 
des  chemins  de  fer  à  bon  marché,  au  moyen  d'un  seul 
rail  :  l'un  est  le  système  Larmanjat,  l'autre  le  système 
uno-rail  de  MM.  Saint-Pierre  et  Goudal.  Tous  deux  s'é- 
tablissent sur  les  accotements  des  routes,  le  premier  en 
terrain  plat,  le  second  en  pays  de  montagnes  plus 
spécialement. 

Les  véhicules  de  M.  Larmanjat  sont  à  quatre  roues, 
deux  sur  l'axe  longitudinal  ;  l'une  à  l'avant,  l'autre  à 
l'arrière  et  portant  sur  le  rail  ;  deux  latérales  :  une  à 
droite,  l'autre  à  gauche,  reposant  sur  le  sol  et  fonc- 
tionnant comme  roues  d'équilibre.  Les  premières  por- 
tent la  plus  grande  partie  de  la  charge,  et,  placées 


mim 


LES  ClIEMl^'S  DE  FER.  237 

sur  le  rail,  elles  réduisent  le  frottement  et,  par  suite, 
l'effort  de  traction. 

On  voit  que  la  chaussée  parcourue  par  les  trains  de 
M.  Larmanjat  doit  être  parfaitement  de  niveau  pour 
que  les  voyageurs  ne  soient  pas  soumis  à  des  oscilla- 


Fig.  54.  —  Système  Larmanjat. 

tions  qui  ne  manqueraient  pas  de  devenir  fatigantes  et 
désagréables.  Un  essai  de  ce  système  a  été  fait  entre 
le  Raincy  et  Montfermeil,  sur  une  longueur  de  5  kilo- 
mètres, et  a  paru  donner  d'assez  bons  résultats. 

D'après  M.  Larmanjat,  le  kilomètre  de  rail  placé 
sur  le  côté  de  la  route  macadamisée  reviendrait  à 
7000  francs;  placé  sur  l'un  des  bas  côtés,  avec  maca- 


258  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

dam  à  droite  et  à  gauche,  à  10  000,  et  enfin  avec  lon- 
grines  en  bois,  à  14  000  francs. 

Le  matériel  roulant  est  aussi  à  très-bas  prix  :  les 
machines  coûtent  de  10  000  à  20  000  francs  et  les 
wagons  de  2  oOO  à  5  500  francs.  Ces  prix  peuvent  donc 
rendre  possibles  un  grand  nombre  de  petites  lignes  à 
trafic  restreint. 

M.  Larmanjat  a  exposé  en  1878  une  machine  spé- 
ciale destinée  pu  remorquage  des  trains  sur  des  voies 
ferrées  à  forte  déclivité.  Dans  le  système  proposé  par 
cet  ingénieur,  la  locomotive  utilise,  indépendamment 
de  Tadhéreiice  des  roues  porteuses  sur  les  rails,  la 
résistance  due  à  l'action  d'une  roue  dentée  spéciale 
sur  une  crémaillère  latérale  au  rail.  Ainsi  qu'on  le 
voit,  ce  système  a  quelque  analogie  avec  différents 
systèmes  dont  nous  avons  déjà  parlé.  Jl  demande  à  un 
organe  spécial  le  supplément  d'adhérence  qui  lui  est 
nécessaire  pour  gravir  des  rampes  exceptionnelles. 
L'avenir  nous  apprendra  les  avantages  que  présente 
cette  nouvelle  disposition. 

Les  voitures  et  la  locomotive  de  MM.  Saint-Pierre  et 
Goudal  sont  portées  sur  quatre  roues  à  large  jante  qui 
se  meuvent  sur  des  bandes  en  asphalte  comprimé  ; 
ces  roues  n'ont  rien  de  particulier.  En  dessous  des 
véhicules  j^e  trouvent  deux  paires  de  roues  presque 
horizontales,  étreignant  entre  elles  le  rail  central, 
connue  dans  le  système  Fell.  Ces  roues  ont  même  dia- 
mètre que  les  premières  :  leur  pression  sur  le  rail 
peut  être  graduée.  Les  huit  roues  reçoivent  leur  mou- 
vement de  deux  cylindres  placés  à  l'avant. 


LES  CIIEMIî^S  DE  FER. 


259 


D'après  les  inventeurs,  cette  locomotive-tender,  du 
poids  de  10  tonnes,  d'une  force  normale  de  50  clic- 


Fig.  55.  —  Machine  Saint-Pierre  et  Goudal  (élévation). 


Fis.  5G. 


Uacliinc  Saint-Pierre  et  Goudal  (coupe  transversale). 


vaux,  peut  traîner  un  poids  utile  de  20  à  22  tonnes, 
en  rampe  de  0'",05  par  mètre,  à  une  vitesse  de  6  à  8 
kilomètres. 


240  LES  MERVEILLES  DE  L\  LOCOMOTION 

Il  ne  nous  est  pas  possible  de  nous  prononcer  sur 
la  valeur  de  ce  pystème.  Nous  n'avons  pas  ouï  dire 
qu'il  ait  encore  reçu  d'application.  Quelle  sera  la  durée 
des  bandes  asphaltées?  Quelle  sera  la  durée  des  ma- 
chines elles-mêmes,  dont  le  mécanisme  est  compliqué? 
Comment  résisteront-elles  aux  secousses  produites  par 
les  imperfections  de  la  voie,  si  difficile  à  réparer.  Il 
est  impossible  de  répondre  à  toutes  ces  questions. 

Les  inventeurs  et  les  ingénieurs  ne  se  sont  pas  seule- 
ment préoccupés  des  améliorations  à  apporter  au  mé- 
canisme locomoteur,  ils  ont  cherché  aussi  à  simplifier 
le  mode  d'action  de  la  vapeur.  C'est  ainsi  qu'on  a  es- 
sayé d'appliquer  des  machines  rotatives  à  la  mise  en 
mouvement  des  roues  des  locomotives.  Ces  tentatives 
n'ont  pas  réussi  jusqu'à  présent,  et  l'on  a  renoncé  à  cette 
application,  malgré  la  simplicité  et  l'attrait  qu'elle 
présentait.  Peut-être  faut-il  attendre  que  les  machines 
rotatives  se  soient  perfectionnées;  la  science,  de  ce 
côté,  n'a  pas  dit  son  dernier  mot. 

Nous  avons  parlé  déjà  des  plans  inclinés  et  des  ma- 
chines  fixes  placées  à  leur  sommet  qui  opèrent  à  l'aide 
d'un  câble  le  remorquage  des  wagons  sur  ces  plans. 
De  grands  inconvénients  existent  dans  l'emploi  de  ce 
système.  C'est  par  des  modifications  profondes  que 
M.  Agudio  les  a  surmontés. 

Chacun  connaît  le  touage  en  usage  sur  les  rivièi  es 
et  les  canaux  :  une  chaîne  couchée  dans  le  fond  de  la 
rivière  sert  d'amarre  à  un  bateau  sur  le  pont  duquel 
de  gros  tambours  sont  disposés.  Une  machine  à  vapeur 


LES  CHEMINS  DE  FER.  241 

fait  tourner  ces  tambours,  sur  lesquels  la  chaîne  s'en- 
roule deux  ou  trois  fois,  pour  retomber  ensuite  dans 
l'eau  à  l'arrière  du  bateau.  Cette  chaîne,  comme  on  le 
voit,  présente  une  grande  analogie  avec  le  rail  central 
Séguier.  M.  Agudio  a  remplacé  la  chaîne  de  touage  par 
un  câble  métallique  fixé  à  ses  deux  extrémités  ;  ce  câble 
s'enroule  deux  fois  sur  les  gorges  de  deux  tambours 
disposés  sur  le  train  du  locomoteur.  La  machine  à 
vapeur  du  bateau-toueur  est  remplacée  par  deux  ma- 
chines fixes,  l'une  en  haut,  l'autre  en  bas  du  plan  in- 
cliné. Chacune  de  ces  machines  tire  un  des  brins  du 
second  câble,  dont  les  extrémités  ont  été  réunies  après 
avoir  été  passées  sur  deux  nouveaux  tambours  du  loco- 
moteur. On  comprend  le  jeu  de  l'appareil  :  le  câble 
sans  fin  transmet,  par  ses  deux  brins,  aux  tambours 
qui  le  portent,  le  mouvement  qu'il  a  reçu  des  machi- 
nes. Ces  tambours  le  transmettent  à  leur  tour  au  tam- 
bour qui  porte  le  câble  toueur,  immobile  sur  le  sol  et 
le  long  duquel  il  s'avance,  entraînant  à  sa  suite  le 
train  tout  entier. 

Le  locomoteur  est  porté  sur  deux  trucks  munis  de 
freins  puissants. 

Ce  système,  tel  que  nous  venons  de  le  décrire,  pré- 
sente déjà  de  sérieux  avantages  :  flexibilité  et  légèreté 
de  la  machine,  simplicité  des  organes  de  transmission, 
sécurité  à  la  montée  comme  à  la  descente.  Mais  M.  Ac^u- 
dio  l'a  encore  perfectionné  en  remplaçant  son  Ccàble 
toueur  fi«e  par  le  rail  central  du  système  Séguier  ou 
Fell.  Les  poulies  du  locomoteur,  dans  le  nouvel  appa- 
reil, sont  disposées  horizontalement  et  étreignent  for- 

16 


242  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

tement  le  rail.  Enfin  le  poids  du  locomoteur,  qui  est 
de  12  tonnes  et  qui  se  répartit  sur  les  roues  porteuses, 
donne  lieu  à  une  certaine  adhérence  dont  il  a  aussi 
tiré  parti. 

On  étudie,  en  ce  moment,  l'application  du  système 
Agudio-Fell  à  la  traversée  du  Simplon.  Sur  le  versant 
nord,  où  se  trouvent  des  rampes  de  0",10  par  mètre, 
on  se  propose  d'employer  le  locomoteur  Agudio,  et 
sur  le  versant  sud,  beaucoup  moins  abrupt,  la  loco- 
motive Fell. 


G.  —  L*EAC  ET  l'air  coMi'RiMÉ.  L'ÉLECTRICITÉ.  —  Locomolivcs  Andraud,  Pec- 
queur.  —  Chemins  coliques  Andraud.  —  L'air  comprimé  et  rarélié  :  le 
chemin  de  Sydenhara.  Tunnel  sous  la  Manche.  —  L'air  chaud.  —  L'eau 
comprimée  :  système  Girard.  —  Machines  électro-magnétiques. 

Jusqu'à  présent,  la  vapeur  d'eau  a  été  le  seul  agent 
employé  dans  les  machines  fixes  ou  locomotives  dont 
nous  avons  parlé,,  mais  elle  n'a  pas  été  le  seul  agent 
essayé. 

Nous  vivons  dans  une  atmosphère  gazeuse,  compres- 
sible, élastique,  que  nous  pouvons  utiliser  comme 
moyen  de  propulsion.  Nous  pouvons  profiter  des  chutes 
ou  des  cours  d'eau  improductifs  pour  comprimer  l'air, 
faire  provision  de  la  masse,  ainsi  réduite  à  un  faible 
volume,  et  le  faire  agir  dans  les  cylindres  de  la  loco- 
motive, au  lieu  de  la  vapeur  d'eau.  C'est  le  système 
proposé  par  M.  Andraud. 

Deux  chiffres  font  saisir  immédiatement  les  diffi- 
cultés que  présente  l'emploi  de  l'air  comprimé  dans 
les  locomotives  :  1  mètre  cube  d'air  et  1  mètre  cube 


LES  CHEMINS  DE  FER.  243 

de  vapeur,  à  môme  pression,  produisent  le  même  effet 
dans  le  cylindre  de  la  machine,  mais  cette  vapeur,  à 
l'éttit  d'eau,  n'occupe  dans  le  tender  qu'un  volume  de 
5  litres  50,  qui  est  les  0,0053  de  celui  qu'occuperait 
l'air  :  il  faudrait  donc  des  réservoirs  d'une  capacité 
considérable  pour  emmagasiner  l'air  comprimé. 

M.  Andraud  propose  de  comprimer  l'air  à  50  atmo- 
sphères, mais  il  faut  alors  un  récipient  très-résistant 
et,  par  conséquent,  très-lourd  :  nouvelle  difficulté. 

L'addition  d'un  foyer  et  l'emploi  de  l'air  chaud  ne 
conduisent  pas  à  de  meilleurs  résultats.  On  a  constaté 
sur  les  machines  fixes  qu'on  ne  peut  guère  dépasser 
la  force  de  quatre  chevaux  sans  augmenter  démesu- 
rément la  masse. 

M.  Pecqueur,  reprenant  les  idées  de  M.  Andraud,  a 
eu  l'idée  de  disposer,  le  long  de  la  voie,  un  long  tube 
servant  de  réservoir  où  la  machine  en  marche  puise- 
rait l'air  comprimé.  Mais  il  suffit  d'énoncer  un  sem- 
blable projet  pour  faire  entrevoir  toutes  les  difficultés 
attachées  à  sa  réalisation.  M.  Pecqueur,  indépendam- 
ment de  cette  locomotive  à  air  comprimé,  a  inventé 
aussi  un  piston  locomoteur  comme  celui  que  nous 
avons  décrit  en  parlant  du  système  atmosphérique, 
mais  qu'il  fait  mouvoir  au  moyen  de  Pair  comprimé, 
au  lieu  de  l'air  raréfié. 

M.  Andraud,  à  qui  revient  l'idée  de  la  locomotive  à 
air  comprimé,  a  proposé  des  chemins  éoliques,  dont 
le  succès  nous  paraît  encore  plus  problématique.  Voici 
la  disposition  qu'il  propose  :  Entre  les  deux  files  de 
rails  se  trouve  un  madrier  et,  de  chaque  côté  de  ce 


244  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

madrier,  un  tube  en  étoffe  flexible  et  imperméabl-e  à 
l'air,  une  sorte  de  gros  boyau.  Ces  deux  boyaux  sont 
accompagnés  d'un  gros  tube  latéral  résistant,  qui  sert 
de  réservoir  d'air  comprimé. 

Que  l'on  suppose  vides,  un  moment,  les  deux  tubes 
placés  au  milieu  de  la  voie,  et  qu'après  les  avoir  saisis 
à  l'aide  de  deux  rouleaux  opposés,  faisant  mâchoires, 
on  introduise  l'air,  celui-ci  gonflera  les  tubes  flexibles, 
pressera  les  rouleaux  et  les  fera  avancer.  On  n'a  plus 
qu'à  disposer  sur  les  tubes  autant  de  paires  de  rou- 
leaux ou  de  mâchoires  qu'on  voudra,  au-dessus  de  ces 
rouleaux  des  wagons  reliés,  et  le  système  progressera. 
Théoriquement,  il  n'y  a  rien  à  dire  ;  mais  pratique- 
ment, c'est  autre  chose.  Que  coûtera  l'ensemble?  Et, 
sans  même  aborder  la  question  de  prix,  que  dure- 
ront ces  tubes?  A'oit-on  les  fuites  se  produire  et  les 
cantonniers,  transformés  en  couturières,  chargés  de 
mettre  des  pièces.  Tout  cela  nous  paraît  inabordable. 
Aussi  préférons-nous  l'obscurité  du  tunnel  de  Sy- 
denham  à  l'insécurité  de  semblables  systèmes. 

Nous  résumons  un  article  du  Railway  News,  du 
5  septembre  1864,  qui  rend  compte  de  l'expérience, 
nouvelle  application  de  l'idée  de  A  allance,  faite  entre 
Londres  et  Sydenham. 

La  voie  est  établie  dans  un  tunnel  circulaire  en  bri- 
ques de  5"\20  de  diamètre,  capable  de  recevoir  les 
grandes  voitures  du  Great- Western.  Le  véhicule  res- 
semble à  un  long  omnibus  et  porte  un  disque  au  mi- 
lieu duquel  il  se  trouve  placé,  comme  le  serait  l'acro- 
bate retenu  au  centre  du  cerceau  garni  de  papier  qu'il 


LES  CHEMINS  DE  FER.  245 

traverse  clans  les  jeux  du  cirque.  Ce  disque  ferme  la 
section  du  tunnel  et  fonctionne  comme  piston.  La  force 
qui  le  fait  mouvoir  est  produite  par  un  grand  ventila- 
teur ou  éjecteur,  à  surface  concave,  de  6"\70  de  dia- 
mètre, mis  en  mouvement  par  une  petite  machine  à 
vapeur. 

La  voiture  doit-elle  descendre?  Ses  freins  sont  des- 
serrés, elle  s'engage  dans  le  tunnel  en  passant  sur  une 
longue  ouverture  grillée  par  laquelle  l'air  arrive.  Le 
ventilateur  tourne.  Une  porte  en  tôle  ferme  l'entrée 
du  tunnel,  et  la  voiture  descend,  poussée  par  l'air  in- 
troduit. Le  ventilateur  s'arrête  avant  l'arrivée  du 
wagon,  la  vitesse  acquise  suffit  à  le  conduire  à  la  fin 
de  sa  course;  les  freins  sont  serrés,  il  s'arrête.  — 
Doit-il  remonter?  C'est  alors  par  aspiration  que  fonc- 
tionne l'appareil,  et  le  véhicule  s'avance  dans  le  sou- 
terrain, comme  l'eau  s'élève  aspirée  dans  un  cha- 
lumeau. 

On  voit  l'avantage  que  présente  ce  système  sur  le 
système  atmosphérique  que  nous  avons  décrit  précé- 
demment. Au  lieu  d'un  petit  piston,  dont  la  faihle  sur- 
face réclame,  pour  produire  un  effet  voulu,  une  pres- 
sion élevée  en  chacun  de  ses  points,  on  n'a  plus  besoin 
que  d'une  faible  pression  répartie  sur  la  grande  surface 
du  nouveau  piston.  Par  suite,  les  fuites  si  redoutées 
dans  le  premier  cas  sont  bien  moindres  et  bien  moins 
à  craindre  dans  celui-ci.  Enfin,  —  et  cet  avantage  ne 
sera  pas  sans  intérêt  pour  certains  voyageurs  délicats, 
—  l'air  circule  et  se  renouvelle  dans  l'intérieur  du 
souterrain,  de  manière  à  dissiper  les  craintes  de  ceux 


246  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

qui,  comme  le  grand  Arago,  redouteraient  encore  les 
maladies  causées  par  l'air  humide  des  souterrains. 

Quel  sera  le  sort  de  cette  nouvelle  application  de 
Fair  à  la  locomotion?  Construira-t-on  des  souterrains 
sur  le  versant  des  montagnes  pour  les  franchir  plus 
aisément?  Fera-t-on  un  tunnel  sous  la  Manche,  et  Fair 
comprimé  sera-t-il  le  moteur  adopté?  On  ne  peut  rien 
affu'mer,  mais  il  résulte  évidemment  de  l'expérience 
que  nous  venons  de  rapporter  qu'un  nouveau  moyen, 
aussi  puissant  que  simple,  a  été  mis  à  la  disposition 
des  ingénieurs,  qui  sauront  l'utiliser  dans  les  circon- 
stances les  plus  avantageuses. 

Uu  système,  qui  a  fait  beaucoup  de  bruit  dans 
ces  dernières  années,  est  le  système  hydraulique  de 
M.  Girard. 

Un  sentiment  inné  porte  l'ingénieur  à  imiter  ce 
qu'il  voit  dans  la  nature,  et  à  tirer  parti  des  forces 
inutilisées  qu'il  ne  faut  que  dompter  pour  les  rendre 
utiles  et  productives.  C'est  à  un  sentiment  de  ce 
genre  qu'a  ohéi  M.  Girard  en  imaginant  son  chemin 
de  fer  hydraulique. 

Le  frottement  des  véhicules  sur  les  rails  est  déjà  bien 
faible  dans  les  chemins  de  fef  :  M.  Girard  a  cherché  à 
le  réduire  encore  et  à  le  rapprocher  de  ce  qu'il  est 
entre  le  bateau  et  l'eau  qui  le  porte.  Des  chutes  d'eau, 
d'une  puissance  considérable,  se  précipitent  des  mon- 
tagnes dans  les  vallées  sans  que,  le  plus  souvent,  on 
en  tire  le  moindre  parti.  M.  Girard  a  voulu  les  uti- 
liser. Pour  cela,  il  dispose,  le  long  de  la  voie,  une 
conduite  d'eau  qui,  au  passage  des  wagons,  fournit  le 


LES  CHEMINS  DE  FER. 


247 


liquide  nécessaire  à  leur  mise  en  mouvement.  Deux 
groupes  de  turbines  agissent  sur  les  roues.  Selon  que 
l'eau  frappe  les  turbines  de  l'un  onde  l'autre  groupe, 
la  progression  a  lieu  dans  un  sens  ou  en  sens  contraire. 
Tel  est  le  premier  système  proposé  par  M.  Girard.  Plus 


Fif 


Svstème  Girard. 


tard,  il  est  revenu  sur  cette  première  conception  et  a 
remplacé  les  roues  par  des  patins  cannelés  portant  sur 
un  rail  plat.  C'est  alors  entre  le  patin  et  le  rail  qu'il 
introduit  de  l'eau  comprimée,  de  manière  à  adoucir 
le  frottement  des  deux  surfaces,  et  à  le  réduire,  a-t-il 
prétendu,  au  millième  de  la  charge. 


248  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCO:,IOTIO>'. 

Mais  pourquoi  faut-il  que  la  pratique  se  trouve  si 
souvent  en  désaccord  avec  la  théorie,  et  que  les  faits 
les  plus  simples  en  apparence  rencontrent  dans  l'appli- 
cation de  si  grandes  difficultés?  Le  système  de  M.  Girard 
a  été  essayé  à  la  Jonchère,  près  de  Rueil  ;  une  commis- 
sion a  été  nommée  pour  constater  les  résultats  obtenus, 
et  son  rapport  n'a  pas  été  favorable  à  cette  nouvelle 
invention.  Aux  chances  de  fuites  que  les  moindres  mou- 
vements de  la  voie  peuvent  produire,  et  qu'une  forte 
pression,  donnée  à  Teau  pour  obtenir  de  grandes  vi- 
tesses peut  aggraver,  s'ajoute  la  difficulté  d'avoir  tou- 
jours une  grande  quantité  d'eau  et  de  la  conserver 
liquide  dans  les  conduites  en  dépit  des  grands  froids. 
Nous  ne  croyons  donc  pas  que  le  système  Girard  soit 
appelé  à  renverser  les  locomotives. 

Nous  en  dirons  autant  des  machines  électro-magné- 
tiques qui,  en  l'état  de  la  science,  doivent  élre  exclues 
du  domaine  de  la  pratique.  Les  savants  sont,  à  cet 
égard,  d'un  avis  unanime.  Un  cheval  de  force,  obtenu 
au  moyen  de  la  vapeur,  coûte  environ  10  centimes  par 
heure  ;  obtenu  par  un  courant  électrique,  il  coûte 
20  francs,  disait  M.  Aristide  Dumont  à  l'Académie  des 
sciences,  en  1851.  Depuis  cette  époque,  la  construction 
des  machines  électro-motrices  a  fait  des  progrès,  mais 
ils  ne  sont  pas  tels  qu'on  puisse,  d'ores  et  déjà,  prévoir 
leur  application  prochaine  à  l'industrie  des  transports. 

Tel  est,  à  cette  heure,  l'état  des  découvertes  rela- 
tives à  la  locomotion  sûr  les  voies  ferrées.  D'immenses 


LES  CHEMINS  DE  FER.  249 

efforts,  on  le  voit,  ont  été  faits  depuis  l'origino,  de  la 
part  de  tous  les  hommes  et  de  tous  les  peuples  qui 
marchent  à  l'avant-garde  de  la  science.  Tous  y  ont 
contribua  dans  la  mesure  de  leur  génie  et  de  leurs 
intérêts;  nous  ne  chercherons  pas  à  qui  revient  lapins 
large  part  de  gloire  :  devant  la  grandeur  du  résultat 
s'efface  la  petitesse  des  amours-propres.  Et  cependant 
nous  ne  touchons  pas  certainement  au  terme  des  pro- 
grès qui  doivent  s'accomplir  :  les  grandes  voies  sont 
faites,  les  petites  restent  à  faire,  à  chacun  leur  mo- 
teur; celui  des  premières  continuera  à  se  perfection- 
ner, celui  des  secondes  est  presque  à  créer.  Enfin  il 
faudra  trouver  un  moteur  spécial  pour  nos  routes  or- 
dinaires, qui  nous  permette  de  tirer  de  celles-ci  le 
meilleur  parti  possible. 


CHAPITRE   Vil 

LES    TRAMWAYS 

I.     —   CONSTRUCTION    DES   CHEMINS    DE    FER   SUR    LES   CHAUSSÉES. 

A.  —  Période  préliminaire.  —  Chemin  américain  Loubat  :  Versailles,  Saint- 
Cloud,  Rueil.  — Chemin  de  fer  intra  muras  du  siège  de  Paris. 

Les  avantages  que  présente  la  traction  sur  voie  fer-, 
rée  comparés  à  la  traction  sur  chaussée  empierrée  ou 
pavée  ont  depuis  longtemps  porté  à  rechercher  les 
moyens  de  transformation  compatibles  avec  le  main- 
tien de  la  circulation  ordinaire.  Les  voies  publiques 
présentent  une  plate-forme  tout  établie;  l'infrastruc- 
ture n'est  plus  à  faire  :  il  n'y  a  plus  ni  terrassements 
ni  ouvrages  d'art  à  exécuter  ;  il  ne  reste  que  la  su- 
perstructure, la  pose  ce  la  voie  seulement. 

Le  mot  de  tramway  vient  de  tram  (rail  plat)  et  est 
appliqué  aujourd'hui  à  tous  les  chemins  de  fer  établis 
sur  routes,  quelle  que  soit  d'ailleurs  la  forme  du 
rail,  quel  que  soit  aussi  le  mode  de  traction  employé. 
Il  est  opposé  à  celui  de  railway  réservé  par  les  An- 
glais aux  chemins  à  rail  saillant,  qui,  d'ordinaire,  ne 


LES  TRAMWAYS.  251 

permettent  pas  la  circulation  de  niveau  des  véhicules 
ordinaires. 

Le  premier  tramway  établi  en  France  date  de  d85o. 
Il  est  dû  à  M.  Loubat,  qui,  après  un  long  séjour  en 
Amérique,  installa  à  Paris  le  chemin  à  ornière  de  la 
place  de  la  Concorde  à  Passy,  auquel  on  donna  tout 
d'abord,  à  cause  de  son  origine,  le  nom  de  chemin  de 
fer  américain.  Ce  premier  tronçon  fut  prolongé  ensuite 
jusqu'à  Versailles  d'un  côté,  et  jusqu'au  rond-point 
de  Boulogne  de  l'autre,  à  la  porte  de  Samt-Cloud,  aidant 
ainsi  au  transport  des  nombreux  promeneurs  qui  affec- 
tionnent les  parcs  de  ces  deux  résidences  princières. 
Le  chemin  de  la  station  de  Rueil  à  Bougival  et  à 
Port-Marly  date  à  peu  près  de  la  même  époque.  La 
traction  sur  ces  deux  lignes  s'opérait  au  moyen  de 
chevaux,  ainsi  que  cela  a  lieu  encore  aujourd'hui  sur 
celles  de  Versailles  et  de  Saint-Cloud.  Plusieurs  années 
s'écoulèrent  sans  qne  la  longueur  des  tramways  aug- 
mentât en  France.  On  semblait  redouter  l'établisse- 
ment de  chemins  de  fer  sur  les  voies  publiques  des 
grandes  villes,  on  appréhendait  la  gène  que  la  circu- 
lation de  véhicules  de  grandes  dimensions  suivant 
une  direction  obligée  imposerait  aux  autres  voitures. 
Il  fallut  que  la  guerre  et  l'investissement  de  Paris 
vinssent  détruire  les  craintes  mal  fondées  qui  exis- 
taient dans  les  esprits  pour  que  l'on  se  décidât  à  sui- 
vre les  Américains  dans  la  voie  où  ils  étaient  entrés 
avec  tant  d'ardeur  depuis  de  longues  années. 

Pendant  le  siège  de  Paris,  une  voie  de  fer  avec  rails 
ordinaires  avait  été   placée  sur  le  boulevard   intra 


252  DES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

muros  qui  entoure  les  fortifications.  Cette  voie  servit 
à  des  transports  nombreux;  des  trains  de  matériel, 
d'approvisionnements  de  différentes  natures  y  circu- 
lèrent pendant  plusieurs  mois,  traversant  les  grandes 
artères  qui  pénètrent  dans  la  ville  et  qui,  pour  être 
moins  fréquentées  à  cette  époque  qu'elles  ne  le  sont 
aujourd'hui,  ne  laissaient  pas  que  de  présenter  encore 
une  circulation  très-importante.  On  s'accoutuma  à 
voir  ainsi  aller  et  venir  des  trains  au  milieu  des  voies 
publiques,  et  l'on  remarqua  que  si  à  ces  trains  on 
substituait  des  voitures  isolées,  à  ces  machines  des  che- 
vaux, on  pourrait,  sans  plus  d'inconvénient,  pénétrer 
plus  avant  dans  la  ville,  faciliter  les  relations  avec  la 
banlieue,  les  déplacements  même  à  l'intérieur.  Un 
conseil  municipal  nouveau,  désireux  de  se  faire  bien 
venir  de  la  population  qui  l'avait  appelé  aux  affaires, 
se  montra  favorable  aux  désirs  du  public,  et  Ton  vit 
surgir,  comme  par  enchantement,  une  quantité  de 
projets  d'établissements  de  tramways.  De  Paris,  cette 
fièvre  gagna  la  province,  puis  bientôt  l'étranger,  et  la 
longueur  des  tramways  alla  se  développant  avec  ra- 
pidité. 

B.  —  Développement  des  U^amways  à  Paris,  en  province  et  à  l'étranger. 

La  longueur  actuelle  des  tramways  en  exploitation 
à  Paris  se  subdivise  de  la  manière  suivante  : 

Chemins  de  fer  parisiens  (t^amways-^'ord)  .    .     57  kilomètres. 

Tramways  de  Paris  (réseau  Sud) 60        — 

Compagnie  générale  des  omnibus 67        — 

(non  compris  les  voies  ferrées  provenant  de  la  con- 


LES  TRA:>nVAYS.  253 

cession  Loubat,  et  qui  compt^ennent  les  lignes  de  Bou- 
logne et  de  Saint- Cloud,  de  Sèvres  et  du  Louvre  à 
Vincennes.)  C'est-à-dire  près  de  200  kilomètres  (in- 
tra  et  extra  mu7^os) . 

Il  est  hors  de  doute  que  cette  longueur  s'accroîtra 
encore  et  que  de  nouvelles  lignes  et  de  nouveaux 
raccordements  de  lignes  existantes  entre  elles  vien- 
dront s'ajouter  à  celJes-ci. 

Les  principales  villes  de  province,  suivant  cet 
exemple,  sont  déjà  pourvues  de  tramways;  Lille  a  été 
l'une  des  premières.  Rouen  emploie  la  traction  à  va- 
peur. D'autres  villes  sont  déjà  sillonnées,  ou  sont  à  la 
veille  d'être  sillonnées  de  voies  de  fer  :  Versailles, 
Roubaix,  Tourcoing,  Montpellier,  Bordeaux.  Stras- 
bourg vient  d'autoriser  la  circulation  des  machines  au 
travers  de  la  ville. 

A  l'étranger  :  Londres,  Bruxelles, Vienne,  Edimbourg 
ont  été  dotées  de  tramways  dès  l'origine  de  l'importa- 
tion en  Europe  de  ces  nouvelles  voies  de  communi- 
cation. Berlin,  Hambourg,  Wiesbaden,Cassel,  Genève, 
Zurich,  Milan,  Naples,  Turin,  Gènes,  Constantinople 
même,  ont  aussi  ou  vont  avoir  leurs  -tramways. 

Ce  grand  mouvement  date  de  six  ou  sept  ans  à 
peine.  11  a  été  lent  à  se  produire,  mais  à  voir  la  fa- 
veur qui  l'accueille,  on  a  tout  lieu  de  supposer  qu'il 
n'est  pas  prêt  de  s'arrêter.  Et  l'on  peut  prévoir  qu'a- 
près avoir  satisfait  aux  intérêts  des  villes,  il  s'étendra 
aux  campagnes  et  donnera  naissance  à  l'organisation 
sur  les  routes  de  services  mixtes  de  vovas^eurs  et  de 
marchandises. 


254  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

G.  —  Construction  proprement  dite  des  tramways,  —  Rails  en  fer,  en  fonte, 
en  acier. 

Le  mode  de  construction  des  tramways  varie  peu. 
Il  consiste,  en  général,  dans  l'emploi  d'un  rail  à  or- 
nière en  fer  fixée  sur  une  pièce  de  chêne  longitudi- 
nale, enchâssée  dans  le  cailloutis  ou  entre  les  pavés 
de  la  chaussée.  Les  deux  files  de  rails  sont  maintenues 
à  distance  constante  l'une  de  l'autre  au  moyen  d'en- 
tretoises  en  bois.  La  largeur  de  l'ornière  varie  de 
0™,052  à0™,04  de  manière  à  permettre  le  passage, 
sans  trop  de  frottement  dans  les  courbes,  du  boudin 
des  roues,  sans  que  les  roues  des  voitures  ordinaires 
puissent  y  pénétrer. 

La  largeur  de  la  voie  est  la  mémo  que  celle  des 
voies  ferrées  ordinaires  :  l'",44  ;  cependant  on  a  em- 
ployé aussi  l'écartement  de  1"\54,  dans  le  but  de  fa- 
ciliter le  passage  entre  les  deux  rails  des  deux  chevaux 
qui  traînent  la  voiture. 

La  plupart  des  tramways  sont  à  deux  voies.  Les  li- 
gnes dont  la  fréquentation  est  faible  n'ont  qu'une 
seule  voie,  avec  des  évitements  de  distance  en  dis- 
tance, de  manière  à  permettre  le  croisement  des  véhi- 
cules, s'il  y  a  lieu. 

L'emplacement  qu'occupe  la  voie  unique,  ou  les 
deux  voies,  sur  la  chaussée,  est  variable.  Lorsque 
celle-ci  est  très-large,  la  voie  de  fer  est  placée  au  mi- 
lieu, de  manière  à  laisser  aux  toitures  ordinaires  le 
libre  accès  des  habitations  qui  la  bordent.  Lorsqu'au 
contraire  elle  est  très-étroite,  il  d^ïvient  indispensable 


LES  TRAMWAYS.  257 

(le  la  placer  latéralement,  de  manière  à  ménager  sur 
le  côté  opposé  une  largeur  suffisante  pour  le  passage 
des  autres  voitures. 

Les  rails  des  tramways  pèsent  généralement  de  18  à 
'20  kilogrammes  le  mètre  courant.  Pour  des  lignes  do 
peu  d'importance,  on  peut  admettre  des  rails  de  15 
kilogrammes. 

Le  prix  de  revient  des  tramways  est  assez  variable. 
La  voie  Loubat  coûtait  à  l'époque  à  laquelle  elle  a  été 
établie  27  000  francs  le  kilomètre.  Ce  prix  peut  être 
abaissé  à  20  000  francs,  et  même  à  15  000  francs 
dans  des  conditions  faciles  et  en  employant  des  rails 
très-légers.  On  conçoit,  en  effet,  que  la  nature  de  la 
chaussée  dans  laquelle  le  tramway  doit  être  placé 
peut  entraîner  pour  son  rétablissement  des  dépenses 
très-élevées. 

La  ligne  de  l'Etoile  au  Trône,  appartenant  à  la 
Compagnie  générale  des  Omnibus,  revient  à  76  468 
francs  le  kilomètre  de  voie  double,  soit  à  38  254  francs 
le  kilomètre  de  voie  simple,  y  compris  les  raccorde- 
ments des  dépôts. 

Nous  avons  indiqué  le  mode  de  construction  le  plus 
habituel  des  tramways.  Il  en  est  un  autre  de  beau- 
coup préférable,  quoique  un  peu  plus  coûteux,  et  dont 
l'application  a  été  faite  à  Lille,  par  M.  Coulanghon. 
Il  consiste  dans  l'emploi  d'un  rail  Yignole  ordinaire, 
pesant  14  kilogrammes  le  mètre  courant,  et  auquel 
on  juxtapose  un  contre-rail  de  11  kilogrammes  dont 
le  champignon  est  déjeté  sur  un  des  côtés,  de  telle 
sorte  qu'en  le  tournant  dans  un  sens  ou  dans  l'autre 

17 


258  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

on  obtient  à  volonté  un  écartement  de  3  centimètres 
pour  les  voies  à  voyageurs,  ou  de  45  millimètres  pour 
les  voies  mixtes  sur  lesquelles  les  wagons  pesant  14 
tonnes  peuvent  être  admis.  Ce  vide  permet  l'échappe- 
ment facile  des  poussières  et  des  eaux.  L'ornière  reste 
plus  aisément  libre  et  ne  s'encombre  pas  des  détritus 
de  la  chaussée  qui  nuisent  à  la  circulation  du  véhicule 
en  augmentant  le  frottement  au  passage  des  roues. 
Les  rails  peuvent  être  placés  sur  traverses  ou  sur 
longrines  ad  libitum;  et  la  chaussée  établie  dans  l'in- 
tervalle comme  dans  l'autre  système.  Ce  n'est  autre 
chose  que  la  disposition  adoptée  aux  passages  à  ni- 
veau des  voies  ferrées  ordinaires.  Elle  permet  la  tran- 
sition facile  de  la  voie  établie  sur  une  chaussée  à  celle 
qui  se  place  sur  son  accotement,  en  supprimant  le 
contre-rail  et  en  laissant  à  la  voie  une  saillie  de  0'",05 
à  0'",04  au-dessus  de  son  ballast.  Cette  voie  revient  à 
25  000  francs  par  kilomètre,  y  compris  un  mois  d'en- 
tretien du  pavage  à  la  charge  de  l'entrepreneur. 

On  a  expérimenté  un  rail  en  fonte,  ayant  la  forme 
d'un  U  renversé,  et  porté  par  des  longrines,  sur  l'une 
des  lignes  de  tramv^ay  les  plus  fatiguées  de  la  ville 
d'Anvers.  Il  ne  présente  qu'une  demi-ornière  à  la  par- 
tie supérieure.  L'avenir  dira  ce  qu'il  faut  attendre  de 
cet  essai. 

Par  contre,  on  a  mis  en  service,  à  Glasç^ow,  un  rail 
en  acier,  imaginé  par  MM.  Aldred  et  Spielmann  de 
Londres.  Ce  rail  peut  se  retourner,  se  poser  facilement 
et  les  remplacements  peuvent  être  effectués  sans  in- 
terrompre  la  circulation   des   voitures.   Ce  rail    est 


LES  TRAinVAYS.  259 

maintenu  au  moyen  d'un  renflement  venu  de  fonle 
avec  le  coussinet  qui  sert  de  support  et,  du  côté  op- 
posé au  moyen  d'un  coin  en  bois,  qui  fonctionne 
avec  le  coussinet  comme  une  éclisse  ;  il  n'y  a  pas  de 
trous  à  percer. 

Pour  effectuer  les  retournements,  il  n'y  a  que 
quelques  pavés  à  enlever  de  part  et  d'aulre  des  cous- 
sinets. 

II.    —   VOITURES    DES   TRAMWAYS. 

A.  —  Différents  modèles  adoptés  par  les  Compagnies  de  tramways. 

Les  véhicules  employés  sur  les  tramways  sont  gé- 
néralement de  deux  espèces,  dont  les  types  nous  son 
fournis  :  pour  l'un,  par  les  grandes -voitures  de  la 
Compagnie  générale  des  Omnibus  de  Paris  ;  pour 
l'autre,  par  les  petites  voitures  de  la  Compagnie  des 
chemins  de  fer  parisiens  (Tramw^ays-Nord). 

La  différence  essentielle  consiste  dans  le  nombre 
des  places,  qui  est  de  26  à  l'intérieur  ou  sur  la  plate- 
forme, et  de  22  sur.  l'impériale  des  voitures  de  la 
Compagnie  des  Omnibus,  soit  48  places,  et  qui  n'est 
que  de  16  à  l'intérieur  et  de  8  sur  chacune  des  plates- 
formes  des  voitures  des  tramways  Nord,  dépourvues 
d'impériale,  soit  52  places.  Les  premières  n'ont 
qu'une  plate-forme  et  un  escalier  à  l'arrière;  le  siège 
du  cocher  étant  placé  à  la  partie  supérieure  comme 
dans  les  voitures  ordinaires.  Les  secondes  sont  abso- 
lument symétriques  :  une  plate-forme  est  ménagée  à 
chaque  extrémité  ;  le  cocher  se   tient  généralement 


260  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

debout,  il  a  devant  lui  la  manivelle  du  frein.  Il  résulte 
de  cette  disposition  qu'à  chaque  extrémité  de  ligne 
les  grandes  voitures  doivent  être  tournées,  tandis  que 
les  petites,  attelées  dans  un  sens  pour  l'aller,  sont 
attelées  en  sens  inverse  pour  le  retour. 

Les  voitures  de  la  Compagnie  des  tramways  de 
Paris  (réseau  Sud)  sont  un  peu  plus. petites  que  les 
premières  décrites  et  plus  grandes  que  les  secondes. 
Comme  les  unes,  elles  ont  une  impériale  ;  comme  les 
autres,  elles  sont  complètement  symétriques  et  le  co- 
cher, qui  se  tient  à  la  partie  inférieure,  alterne  à  cha- 
que voyage  avec  le  conducteur  chargé  de  la  percep- 
tion. Elles  ont  46  places,  dont  12  de  plate-forme  au 
lieu  de  6  seulement. 

En  Amérique,  où  la  tendance  est  toujours  de  sim- 
plifier, où  l'on  cherche  sans  cesse  à  supprimer  les 
organes  inutiles,  le  conducteur  fait  défaut.  Une  boîte 
spéciale  est  disposée  à  proximité  du  cocher.  Le  voya- 
geur y  dépose,  ou  y  fait  déposer  par  un  voisin  le  prix 
de  sa  place  ;  l'argent,  en  trébuchant  sur  une  ta- 
blette métallique,  est  compté  par  le  cocher.  Il  n'y  a 
pas  de  monnaie  à  rendre,  pas  de  correspondance  à 
donner,  et  les  fraudes,  dit-on,  sont  très-rares.  Pour- 
rions-nous nous  flatter  d'en  faire  autant? 

Quel  est  celui  des  deux  types  de  voitures  :  grand  ou 
petit,  avec  ou  sans  impériale,  qui  est  le  meilleur? 

Cette  question  a  donné  lieu  aux  plus  vives  contro- 
verses. D'une  manière  générale,  on  peut  dire  que  le 
choix  doit  être  déterminé  par  les  circonstances  dans 
lesquelles  on  est  placé,  par  les  habitudes  des  popula- 


LES  TRAM^VAYS.  261 

lions  à  desservir.  La  Compagnie  des  trannways-Nord  a 
défendu  longtemps  le  système  de  la  voiture  de  petite 
contenance  :  elle  se  fondait  sur  l'inconvénient  de  traî- 
ner un  poids  mort  plus  considérable  aux  heures  creuses 
de  la  journée  et  sur  les  exemples  tirés  de  l'étranger. 
Certaines  personnes  sont  d'avis  qu'il  est  préférable 
d'avoir  un  plus  grand  nombre  de  voitures  que  d'avoir 
des  voitures  de  plus  grandes  dimensions.  Aujourd'hui, 
la  Compagnie  des  tramways-Nord  revient  sur  sa  ma- 
nière de  voir  et  reconnaît  que  l'inconvénient  de  traî- 
ner inutilement  un  poids  mort  à  certaines  heures  est 
plus  que  racheté  par  l'avantage  d'enlever  à  d'autres 
heures  des  masses  plus  considérables  de  voyageurs. 
Elle  a  reconnu  qu'à  certains  jours  elle  laissait  aux 
stations  un  grand  nombre  de  personnes  que  l'exiguité 
des  voitures  ne  permettait  pas  de  transporter,  et  elle 
est  maintenant  convaincue  que  la  voiture  à  impériale 
est  dans  les  vœux  de  la  population  parisienne.  Elle  a 
constaté  enfin  sur  une  de  ses  lignes  des  augmentations 
de  18  à  50  pour  100,  soit  de  o6  pour  100  en  moyenne, 
dans  ses  recettes  obtenues  au  moyen  des  voitures  à 
impériales.  Les  chevaux  doivent  être  plus  forts  à  la  vé- 
rité, et  naturellement  plus  chers  sous  le  rapport  du 
prix  d'achat  et  de  la  nourriture  ;  mais,  tout  compte 
fait,  r.ivantage  que  présente  l'emploi  des  grandes  voi- 
tures est  certain. 

La  construction  des  voitures  de  tramways  n'offre, 
d'ailleurs,  aucune  particularité  très-remarquable.  Elle 
tient  à  la  fois  de  celle  des  omnibus  ordinaires  et  de 
celle  des  wagons.  Appelées  à  circuler  à  des  vitesses 


262  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

moindres  que  ceux-ci,  elles  sont  construites  plus  légè- 
rement :  les  roues,  les  essieux  qui  les  portent  sont 
beaucoup  plus  faibles.  Le  frein  mis  à  la  portée  du 
cocher  est  plus  puissant  et  d'une  action  plus  prompte 
que  celui  des  omnibus  ordinaires.  La  Compagnie  des 
omnibus  a  laissé  à  l'essieu  d'avant  de  ses  voitures  la 
faculté  de  se  mouvoir  au  passage  des  courbes  de  petit 
rayon.  Elle  a  obtenu  ce  résultat  au  moyen  de  deux 
petits  segments  de  cercle  disposés  sous  les  longerons 
de  caisse  de  chaque  côté  de  la  voiture  et  contre  les- 
quels glissent  deux  pièces  reliées  aux  ressorts  de  sus- 
pension et  à  l'essieu  lui-même.  Le  timon  de  la  voi- 
ture,  à  l'entrée  de  la  courbe  et  sous  l'action  des 
chevaux  qui  la  suivent  décrit  un  angle;  le  mouvement 
est  transmis  à  l'essieu  qui  se  déplace  à  son  tour,  et  ce 
déplacement  empêche  la  production  du  frottement  qui 
résulterait  du  maintien  du  parallélisme  des  essieux. 

Quant  à  l'intérieur  des  voitures,  il  présente  plus 
de  confortable  que  celui  des  omnibus  :  places  plus 
spacieuses,  couloir  plus  large  et  plus  élevé,  ouver- 
tures ménagées  pour  un  aérage  facile,  stores  pour  ga- 
rantir du  soleil,  dispositions  de  nature  à  gagner  com- 
plètement la  faveur  du  public. 


B.  —  Résultats  de  l'exploitation  des  tramways  par  la  Compagnie  des  om- 
nibus. —  Importance  du  mouvement  parisien  en  omnibus,  sur  terre  et 
sur  rails. 

Il  y  a  lieu  de  faire  connaître  par  quelques  chiffres 
l'importance  d'une  des  exploitations  de  tramways  de 
Paris,  de  la  Compagnie  des  Omnibus. 


LES  TUA^nVAYS.  'iOô 

Le  nombre  maximum  des  voitures  de  tramways 
mises  en  service  par  cette  compagnie  en  d877  a  été 
de  88. 

Chacune  de  ces  voitures  a  parcouru  en  moyenne, 
par  jour,  92  kilomètres  815  mètres.  Les  48  voitures 
employées  journellement  ont  fourni  4451  kilomètres 
par  jour  et  1624  789  kilomètres  pendant  l'année 
entière. 

L'effectif  moyen  des  chevaux  présents  dans  les  écu- 
ries a  été  de  685  par  jour,  et  le  travail  moyen  des 
chevaux  de  rang  et  de  relais  a  été,  par  jour,  de  14  ki- 
lomètres 950  mètres.  Pour  chaque  journée  de  voiture 
de  tramway,  le  nombre  moyen  de  chevaux,  y  com- 
pris ceux  d'infirmerie,  de  labour,  de  corvée  et  d'ins-y 
pection,  a  été  de  14,65. 

Le  nombre  des  voyageurs  transportés  par  les  seuls 
tramways  de  la  Compagnie  des  Omnibus  a  été,  en 
1877,  de  14  859  570,  soit  40656  par  jour,  847  par 
voiture  et  50  par  course. 

La  recette  moyenne  par  voyageur  a  été  de  046  65. 

La  recette  moyenne  réalisée  par  chaque  kilomètre 
parcouru  par  les  voitures  a  été  de  1  fr.  52. 

11  est  intéressant  de  se  rendre  compte  de  l'accrois- 
sement réalisé  par  l'exploitation  (omnibus  et  tramways) 
de  la  Compagnie  des  Omnibus  depuis  l'origine.  Les  chif- 
fres suivants  permettent  d'en  faire  la  comparaison  : 


264 


LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 


Nombre  maximum  de  voitures  en  service. 

—             de  chevaux 

Nombre  de  voyageurs  transportés  ,    .    . 

ANNÉES 

1854 

1877 

400 

3.728 

3i.000 

793 

10.352 

129.511.105 

Près  de  150  millions  de  voyageurs!  Ce  chiffre  est 
presque  double  du  nombre  de  voyageurs  transportes 
par  tous  les  chemins  de  fer  français  réunis. 

La  Compagnie  des  Tramways-Nord  a,  de  son  côté, 
transporté  21  678176  voyageurs.  Ce  qui  donne  envi- 
ron 150  millions  pour  ces  deux  Compagnies.  Quoique 
ce  nombre  ne  comprenne  pas  celui  des  voyageurs 
transportés  par  la  Compagnie  des  Tramways-Sud,  il 
permet  de  se  faire  une  idée  de  l'importance  du  mou- 
vement de  la  population  parisienne  :  il  correspond  à 
plus  de  4  fois  la  population  de  la  France! 


c.  —  Traction  des  tramways.  —  Omnibus  à  vapeur  d'Edimbourg.  —  Wagon- 
machine  Evrard,  Cabany  et  C'^  —  Machine  Loubat.  —  Locomotive  à  va- 
jieur  des  Trannvays-Sud,  de  Winterthur.  —  Locomotive  à  air  comprime 
3Iékarski. —  Locomotive  à  eau  surchauffée,  sans  foyer,  Franck.  —  Chemin 
de  fer  aérien  de  New-York. 

La  plupart  des  tramways  en  exploitation  fonction- 
nent au  moyen  de  chevaux.  Dans  les  pays  agricoles  et 
à  faible  trafic,  il  peut  y  avoir  intérêt  à  employer  la 
traction  animale.  Mais  dès  que  les  transports  ont  une 
certaine  importance,  et  que  le  charbon  n'est  pas  grevé 
de  frais  exceptionnels,  l'emploi  des  machines  devient 
plus  avantageux. 


TRAMWAYS.  265 

L'un  des  premiers  essais  qui  ait  été  fait  dans  ce 
sens  est  celui  d'un  omnibus  à  vapeur  employé  à  Edim- 
bourg. La  chaudière  du  système  Field,  le  combustible 
et  le  mécanicien  étaient  placés  dans  un  compartiment 
spécial  à  l'avant.  Le  mécanisme,  formé  de  5  cylin- 
dres, était  à  l'arrière.  L'échappement  de  la  fumée 
avait  lieu  par  une  cheminée  qui  passait  sous  la  ban- 
quette de  l'impériale  et  débouchait  à  l'arrière,  de  ma- 
nière à  éviter  la  projection  des  escarbilles  sur  les 
voyageurs. 

L'Exposition  de  1878  nous  montre  plusieurs  spé- 
cimens de  grandes  dimensions  de  wagons-machines  de 
cette  espèce,  mais  qui  sont  plutôt  destinés  à  des  che- 
mins de  fer  à  faible  trafic  en  rase  campagne,  ou  à  des 
voyages  d'inspection  sur  les  grandes  lignes  qu'à  un 
service  de  tramways  urbain  ou  suburbain.  Ces  voitures 
n'en  sont  pas  moins  remarquables,  car  elles  offrent 
une  solution  intéressante  du  problème  de  l'associa- 
tion du  moteur  et  du  véhicule,  problème  qui  ne 
peut  manquer  de  se  présenter  lors  de  l'exploitation 
d'un  grand  nombre  de  lignes  dont  on  prévoit  déjà  la 
construction. 

On  peut  augmenter  les  dimensions  de  la  voiture 
jusqu'à  lui  donner  la  longueur  des  wagons  améri- 
cains, couvrir  et  fermer  l'impériale,  établir  des  com- 
partiments de  différentes  classes,  faire  porter  la  voi- 
ture sur  des  trucs,  de  manière  à  faciliter  le  passage 
dans  les  courbes  de  petit  rayon. 

Les  wagons-machines  Evrard  (Compagnie  belge)  et 
Cabany  et  Cie  sont  composés  de  deux  grands  compar- 


266  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

timents,  l'un  de  première  classe,  l'autre  de  deuxième 
classe  et  d'un  compartiment  pour  les  bagages.  La  chau- 
dière, avec  foyer  latéral,  est  placée  à  l'avant.  Le  mé- 
canisme est  disposé  au-dessous  du  véhicule  dans  une 
sorte  de  bâche  en  tôle,  amovible  de  manière  à  facili- 
ter les  réparations.  On  peut  arriver,  avec  des  voitures 
de  ce  genre  qui  n'exigent  qu'un  personnel  restreint, 
à  établir  dans  certains  cas  un  service  de  voyageurs 
économicjue. 

Dans  d'autres  cas,  il  y  a  avantage  à  maintenir  une 


Fig.  59.  —  Wagons-machines  Evrard  et  Cabany  et  G'"'. 


complète  indépendance  entre  le  véhicule  remorqueur 
et  le  véhicule  porteur.  Une  avarie  se  produit  à  la  ma- 
chine ou  à  la  chaudière,  il  importe  que  le  wagon  ne 
soit  pas  paralysé. 

L'une  des  expériences  les  plus  anciennes  qui  ait  été 
faite,  d'une  machine  capable  d'être  appliquée  au  re- 
morquage des  trains  sur  les  tramways  et  les  chemins 
de  fer  sur  routes,  est  celle  de  M.  Loubat  sur  la  route 
Nationale  du  pont  de  Neuilly  à  Courbevoie.  Une  voie 
fut  établie  sur  un  des  accotements  de  la  chaussée,  et 
pendant  plusieurs  mois  on  circula  sur  cette  portion  de 


LES  TRAMWAYS.  ,267 

route  qui  présente  des  déclivités  dépassant  parfois 
0,04  par  mètre.  La  machine  ne^  présentait  comme 
disposition  particulière  qu'un  jeu  d'engrenages  qui 
permettait  de  réduire  la  vitesse  au  profit  de  la  puis- 
i^ance  lorsqu'on  gravissait  une  rampe  exceptionnelle. 
Tout  le  mécanisme  était  enfermé  dans  un  wagon 
destiné  à  le  soustraire  à  la  vue  des  chevaux.  Nous 
n'avons  pas  ouï  dire  que  cette  machine  ait  été  em- 
ployée sur  aucune  ligne. 

Mais  l'expérience  la  plus  importante  qui  ait  été 
faite  est  celle  de  la  Compagnie  des  Tramways-Sud  de 
Paris  sur  les  lignes  de  la  Bastille  à  Montparnasse  et  à 
Saint-Mandé  (ouvertes  les  9  août  1876  et  15  septem- 
bre 1877)  et  sur  celle  de  l'Étoile  à  Montparnasse  (ou- 
verte le  12  avril  1876).  L'exploitation  par  la  vapeur 
sur  ces  liones  a  duré  jusqu'au  28  février  J878,  soit 
près  de  deux  années.  Elle  n'a  été  supprimée  que  parce 
que  la  Société  qui  avait  entrepris  la  traction  à  la  va- 
peur réclamait  une  augmentation  de  prix  qui  n'a  pas 
paru  pouvoir  être  acceptée. 

La  machine  se  composait  d'une  chaudière  montée 
sur  un  petit  truc  à  quatre  roues,  entièrement  couvert, 
et  la  partie  basse  garantie  par  des  écrans  protecteurs. 
Elle  ne  présentait  d'ailleurs  aucune  particularité  re- 
marquable. Le  sifflet  était  remplacé  par  une  corne 
placée  entre  les  mains  du  chauffeur,  qui  fonctionnait 
aussi  comme  aiguilleur  aux  changements  de  direc- 
tion. Cette  expérience  a  démontré  la  possibilité  de  se 
servir  de  la  vapeur  pour  remorquer  des  voitures  de 
tramways.  Quelques  accidents  ont  eu  lieu,  mais  il  est 


268  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

habituel  qu'ils  se  produisent  au  début  de  toutes  les 
entreprises  nouvelles,  et  les  chevaux  se  sont  vite  ha- 
bitués, comme  les  gens,  à  voir  circuler  au  milieu 
d'eux  des  véhicules  de  forme  nouvelle,  dépourvus  des 
moteurs  animés  qui  jusque-là  avaient  été  seuls  em- 
ployés à  les  remorquer. 

D'après  la  Compagnie  des  Tramways-Sud,  il  y  aurait 
lieu  de  tenir  compte,  dans  l'établissement  de  la  trac- 
tion à  vapeur,  de  l'augmentation  d'usure  de  la  voie  et 
du  matériel  qui  serait  très-considérable,  et  l'emploi 
des  machines  ne  serait  avantageux  qu'à  la  condition 
que  le  prix  soit  suffisamment  inférieur  à  celui  de  la 
traction  animale  pour  compenser  cette  augmentation 
de  dépenses. 

Cette  expérience  de  deux  années,  bien  qu'elle  n'ait 
pas  été  continuée,  a  cependant  porté  ses  fruits. 

La  Compagnie  des  Tramways-Nord  vient  d'organiser 
un  service  nouveau  sur  la  ligne  de  Courbevoic  à  l'E- 
toile, au  moyen  des  petites  machines  de  Winterlhur 
(Suisse),  établies  sur  les  brevets  Brown,  par  MM.  L. 
Corpet  et  Ch.  Bourdon,  constructeurs  à  Paris.  Ces 
machines  présentent  cette  disposition  remarquable 
d'un  cylindre  placé  au-dessus  des  roues  et  qui  leur 
communique  le  mouvement  par  l'intermédiaire  d'un 
balancier  vertical  placé  entre  elles.  On  évite  ainsi  les 
inconvénients  qui  résultaient  dans  les  machines  où  les 
cylindres  sont  placés  à  la  hauteur  des  roues  toujours 
très-basses,  c'est-à-dire  à  quelques  centimètres  au- 
dessus  du  sol,  de  la  poussière  et  de  la  boue  des  chau!^- 
sées  sur  lesquelles  ces  machines  sont  appelées  à  cir- 


LES  TRAMWAYS. 


269 


Ciller.  Ces  machines  sont  légères,  d'une  marche  régu- 
hère,  faciles  à  arrêter  et  à  mettre  en  marche,  ne 
donnent  ni  bruit,  ni  fumée.  Une  expérience  de  plu- 
sieurs mois  les  a  rendues  populaires  à  Genève,  oii 
elles  fonctionnent  sur  les  tramways  de  la  ville.  Aux 
jours  de  fêles,  elles  enlèvent  de  six  en  six  minutes 
deux  voitures  attelées,  à  impériale  couverte,  et  conle- 


Fig.  60.  —  Locomotive  de  Winterlhur. 


nant  92  voyageurs  :  un  train  en  miniature,  qui  a  déjà 
conquis  la  faveur  des  nombreux  promeneurs  du  Bois 
de  Boulogne  et  du  Jardin  d'acclimatation. 

La  Compagnie  des  Tramways-Nord  ne  doit  pas  limi- 
ter à  cette  ligne  la  substitution  des  moteurs  mécani- 
ques aux  moteurs  animés.  Elle  a  traité  avec  M.  Mé- 
karski  pour  l'établissement  de  la  traction  au  moyen 


270  LES  .MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

(les  machines  à  air  comprimé  de  son  invention  sur  les 
lignes  de  Saint-Denis  à  la  place  Moncey  et  à  la  place 
Jessaint  et  sur  leurs  prolongements  éventuels. 

L'air  comprimé  au  moyen  des  machines  fixes  (50 
chevaux  sont  nécessaires  par  locomotive  à  charger  en 
une  heure  :  5  kilogrammes  de  houille  par  kilomètre 
parcouru)  est  emmagasiné  dans  un  réservoir  en  tôle 
de  0™,014  d'épaisseur  éprouvé  à  55  atmosphères  et 
porté  sur  un  truc  à  4  roues.  Il  faut  5500  litres  d'air 
pour  remorquer  45  à  50  voyageurs.  Cet  air  est  distri- 
hué  aux  cylindres  par  un  détendeur  automatique,  qui 
rend  la  puissance  développée  indépendante  de  la  dé- 
croissance de  la  pression  et  permet  de  faire  varier 
cette  pression  suivant  la  résistance  à  vaincre.  L'air 
comprimé  barhotte,  au  sortir  du  réservoir,  dans  de 
l'eau  portée  à  \Q0'^  au  départ  et  arrive  aux  cylindres 
chaud  et  saturé  de  vapeur,  ce  qui  permet  de  le  faire 
agir  avec  détente.  La  dépense  d'air  comprimé  est  de 

1  kilogramme  par  tonne  de  train  et  par  kilomètre  par- 
couru, et  l'approvisionnement  au  départ  sous  une 
pression  de  50  atmosphères,  à  15*^,  pèse  200  kilo- 
grammes. Le  poids  du  train  est  de  12  tonnes  et  la 
machine  peut  faire  15  kilomètres  sans  être  chargée  de 
nouveau.  Elle  peut  gravir  des  rampes  de  0™,05  par 
mètre  avec  une  voiture  et  de  0'",05  par  mètre  avec 

2  voitures.  Elle  ne  donne  ni  bruit,  ni  vapeur,  ni  fu- 
mée; elle  se  trouve  donc  exempte  des  inconvénients 
que  présente  la  plupart  des  machines  à  vapeur  em- 
ployées au  centre  des  villes.  Elle  est,  en  outre,  mu- 
nie d'un  frein  à  vapeur  et  à  eau  combinées  agissant 


LES  TRAMWAYS. 


271 


sur  les  quatre  roues  et  qui  assure  un  arrêt  aussi 
prompt  qu'on  puisse  le  désirer,  même  en  \itesse  et 
sur  les  déclivités  prononcées. 

Le  difficile  problème  de  la  traction  mécanique  sur 
les  tramways  et  les  chemins  de  fer  routiers  a  reçu  une 
autre  solution  et  donné  naissance  à  de  nouvelles  ma- 
chines, dans  lesquelles  on  s'est  proposé  d'éviter  tous 


Fig.  01.  —  Locomotion  sans  foyer,  système  Franck. 


les  inconvénients  résultant  du  chauffage  en  cours  de 
route  :  projection  de  fumée,  d'escarbilles,  lueur  pen- 
dant la  nuit,  etc.  Ces  machines  ont  reçu  le  nom  de 
locomotives  sans  foyer. 

L'invention  du  docteur  Lamm,  qui  a  servi  de  point 
de  départ  aux  perfectionnements  de  M.  Franck,  est 
appliquée  à  la  Nouvelle-Orléans  depuis  1872,  et  pro- 
duit, dit-on,  une  économie  de  55  pour  100  sur  l'em- 
ploi des  chevaux.  Elle  consiste  dans  l'emmagasinement 
de  la  force  motrice  dans  l'eau  surchauffée.  Cette  eau 


272  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

se  transforme  en  vapeur  pendant  le  trajet  et  la  pres- 
sion s'abaisse  de  15  à  5  atmosphères,  chaque  kilo- 
gramme d'eau  fournissant  1790  kilogrammètres  à  la 
jante  des  roues.  L'eau  est  réchauffée  rapidement  du- 
rant l'arrêt  par  l'injection  d'un  courant  de  vapeur  à 
haute  pression  débité  par  un  générateur  fixe. 

«  Avec  ce  système,  dit  M.  Malézieux,  ingénieur  en 
chef  des  ponts  et  chaussées,  il  n'y  a  plus  d'explosions 
à  craindre,  pas  de  chances  d'avaries  pour  la  chau- 
dière, pas  de  variations  dans  la  température  occasion- 
née par  l'inexpérience  du  chauffeur,  point  de  foyer 
lumineux,  ni  d'escarbilles  incandescentes  pour  effrayer 
les  chevaux  le  soir  dans  les  rues  fréquentées,  pas  de 
flammèches  ni  de  fumée,  arrêts  immédiats  sans  se- 
cousse, démarrage  rapide.  Un  cocher  quelconque  peut 
remplir  les  fonctions  de  mécanicien.  » 

Les  machines  de  ce  système  ont  été  adoptées 
par  le  chemin  de  fer  routier  de  Rueil  à  Marly  et 
les  tramways  de  Paris,  Sèvres,  Yersailles,  Montpel- 
lier, etc.  ^ 

On  voit  donc  que,  née  depuis  quelques  années  seu- 
lement, la  question  de  la  traction  mécanique  sur  les 
tramways  a  rapidement  progressé.  Les  difficultés  que 
l'on  considérait  au  début  comme  des  obstacles  infran- 
chissables ont  été  vaincues,  ou  n'ont  plus  arrêté  quand 
le  but  a  été  presque  atteint.  Aujourd'hui  les  muni- 
cipalités, désireuses  de  marcher  à  l'avant-garde  du 
progrès,  vont  même  jusqu'à  faire  de  l'emploi  d'un 
moteur  spécial  l'objet  d'une  obligation  pour  les  Com- 


LES  TRÂM^YAYS.  273 

pagnies  auxquelles  elles  concèdent  l'établissement  des 
tramways. 

C'est  ce  qui  vient  de  se  produire  à  Zurich,  ville  po- 
puleuse et  à  rues  étroites.  C'est  ce  qui  a  lieu  à  Ge- 
nève, où,  aux  jours  de  fête,  on  attèle  jusqu'à  trois 
voitures  derrière  une  petite  locomotive.  La  traction 
mécanique  va  être  adoptée  à  Strasbourg,  à  Rouen,  à 
Cassel,  et  bientôt  à  Berlin. 

D'ailleurs,  lorsque  les  chaussées  elles-mêmes  des 
villes  ne  suffiront  plus  à  l'établissement  des  tramways, 
lorsque  le  sous-sol  ne  permettra  pas,  à  moins  de  trop 
grandes  difficultés,  l'établissement  de  chemins  sou- 
terrains, comme  ceux  qui  existent  à  Londres,  on  pro- 
cédera comme  on  l'a  fait  à  New-York  et  on  fera  un 
chemin  au-dessus  de  la  chaussée.  L'essai  du  Métro- 
politan  elevated  railroad^  ou  chemin  de  fer  aérien 
métropolitain  établi  dans  cette  ville,  date  du  1^'^  mai 
1878.  Une  locomotive  a  été  hissée  sur  la  voie.  On  a 
atteint  une  vitesse  moyenne  de  24  kilomètres  à  l'heure 
dans  les  parties  en  ligne  droite  ;  dans  les  courbes,  cette 
vitesse  a  été  réduite  à  9'^,500.  L'ouverture  à  l'exploi- 
tation a  eu  lieu  au  commencement  de  juin  1878,  et, 
depuis  cette  époque,  les  trains  se  succèdent  à  des 
intervalles  de  o,  5  et  6  minutes,  de  six  heures  du 
matin  à  huit  heures  du  soir.  Plus  tard,  les  trains  cir- 
culeront jusqu'à  minuit  et  même  au  delà. 

Comme  on  le  voit,  nous  sommes  en  France  moins 
avancés  qu'on  ne  l'est  en  Amérique  ! 


18 


CHAPITRE  VIII 


LES    VOITURES    A    VAPEUR 


A.  —  Les  voitures  à  vapeur  avant  l'époque  actuelle.  —  Opinion 
des  ineénieurs  sur  la  locomotive  routière. 


Nous  avons  tu,  au  commencement  du  chapitre  pré- 
cédent, que  l'honneur  des  premiers  essais  tentés  pour 
remorquer  un  véhicule  sur  une  route  ordinaire  à  l'aide 
de  la  vapeur,  revient  à  Tofficier  français  Cugnot.  Ces 
essais  datent  de  1765.  Nous  avons  rapidement  décrit 
sa  machine  et  fait  connaître  ses  nombreuses  imperfec- 
tions. !1  était  impossible,  en  effet,  de  construire,  à 
cette  époque,  une  machine  ne  laissant  rien  à  désirer. 
En  supposant  que  l'inventeur  ait  eu  cette  puissance 
créatrice  supérieure,  qui  sait  triompher  des  plus 
grands  obstacles,  il  n'aurait  pas  possédé  l'art  de  tra- 
vailler les  métaux,  de  les  forger,  de  les  tourner,  de 
les  limer,  de  les  approprier  par  des  manipulations 
diverses  aux  usages  auxquels  ils  sont  destinés,  ce  que 
la  pratique  seule  peut  donner.  Cugnot  ne  pouvait  donc 
construire  qu'une  voiture  imparfaite. 


LES  VOITURES  A  VAPEUR.  '275 

Trente  ans  se  sont  écoulés,  et  c'est  seulement  en 
1 801  que  Trewithick  et  Vivian  ont  repris  la  question 
de  la  locomotion  sur  les  routes. 

La  voiture  pour  l'invention  de  laquelle  ces  con- 
structeurs ont  pris  un  brevet,  était  un  tricycle  comme 
celle  de  Cugnot.  Entre  les  roues  de  derrière,  de 
grand  diamètre,  se  trouvait  le  foyer  entouré  d'eau 
de  tous  côtés.  La  vapeur  agissait  dans  îin  long  cylin- 
dre, dont  le  piston  mettait  en  mouvement  un  système 
de  bielles,  de  manivelles  et  de  roues  dentées,  reliées, 
à  l'essieu  d'arrière.  Un  volant,  monté  sur  l'arbre  de  la 
première  roue  dentée,  aidait  à  surmonter  les  obstacles 
du  chemin;  un  frein,  appuyé  contre  la  jante  de  ce 
volant,  servait  à  ralentir  la  marche  du  véhicule  aux 
descentes  rapides. 

La  roue  d'avant  était  montée  sur  une  fourche  à 
laquelle  s'attachait  un  levier  faisant  fonction  de  gou- 
vernail. 

La  caisse,  destinée  à  contenir  des  voyageurs,  était 
placée  entre  les  deux  roues  d'arrière,  au-dessus  du 
mécanisme. 

Mais  cette  voiture  n'était  appelée,  comme  celle  de 
Cugnot,  qu'à  marquer  une  nouvelle  étape  dans  la  voie 
qui  devait  conduire  à  l'invention  des  locomotives.  On 
ne  put  en  tirer  parti  ;  il  fallut  l'abandonner.  Les  con- 
structeurs trouvèrent  plus  commode  de  triompher  des 
difficultés  du  problème  en  les  négligeant  et  de  sur- 
monter les  aspérités  des  routes  en  plaçant  leurs 
nouveaux  véhicules  sur  une  voie  ferrée,  unie  et  ré- 
sistante. 


276  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

On  alla  presque  jusqu'à  déclarer  le  problème  im- 
possible, et  c'est  avec  un  étonnement  toujours  nou- 
veau que  nous  relisons  ces  lignes  par  lesquelles 
M.  Perdonnct,  qui  a  si  puissamment  aidé  aux  progrès 
des  voies  ferrées,  termine  son  Traité  des  Chemins  de 

fer: 

«  Il  faudrait,  pour  qu'on  pût  se  servir  avec  quelque 
avantage  des  locomotives  sur  les  routes  ordinaires  : 
1°  que  le  tracé  en  remplît  à  peu  près  les  mêmes  con- 
ditions que  celui  des  chemins  de  fer,  ce  qui  en  ren- 
drait l'établissement  excessivement  coûteux  ;  '2"*  qu'on 
les  maintînt  dans  un  état  d'entretien  tel,  que  la  sur- 
face en  restât  presque  aussi  unie  que  celle  d'un  che- 
min de  fer,  ce  qui  serait  aussi  fort  dispendieux,  si  ce 
n'était  absolument  impossible. 

«  Aussi  a-t-on  définitivement,  en  Angleterre  comme 
en  France,  abandonné  les  essais  tentés  dans  le  but 
d'employer  les  locomotives  sur  les  routes  ordinaires.  » 

Il  est  incontestable  que  si  les  locomotives  routières 
ne  pouvaient  exister  qu'aux  conditions  posées  par^ 
M.  Perdonnet,  on  ne  devrait  pas  prétendre  les  voir 
jamais  autre  chose  qu'un  objet  de  curiosité;  mais  rien 
n'implique  que  le  problème  de  la  locomotion  routière 
ne  puisse  recevoir  une  autre  solution  que  celui  de  la 
locomotive  sur  voie  ferrée,  et  nous  croyons  qu'il  faut 
bien  se  garder  de  poser  des  barrières  aux  conquêtes 
du  génie  industriel  :  ce  qui  est  impossible  aujour- 
d'hui peut  être  reconnu  possible  demain. 


LES  VOITURES  A  YAPEl'U.  277 

B,  —  La  question  r(^priso.  — Nouvelles  recherches.  —  Les  machines  Lolz, 
Aveling  et  Porter,  Larmanjat,  Fougères,  BoHée  et  Le  Cordier, 

Il  y  a  des  problèmes  qui  s'imposent  naturellement 
et  dont  la  solution,  pour  être  tardive,  ne  demeure  pas 
moins  assurée.  Le  réseau  des  grandes  voies  ferrées, 
dites  de  premier  ordre,  est  achevé  en  France  et  dans 
les  pays  avancés  du  centre  de  l'Europe  ;  celui  des  che- 
mins de  second  ordre  est  également  terminé  ou  sur  le 
point  de  l'être  ;  enfin,  on  a  mis  la  main  d'une  ma- 
nière très-active  à  l'exécution  des  lignes  du  troisième 
réseau.  On  connaît  les  facilités  que  la  loi  avait  créées 
pour  la  construction  de  ces  nouvelles  lignes,  destinées 
à  répondre  plus  spécialement  aux  besoins  intercom- 
munaux du  pays. 

Les  résultats  n'ont  pas  répondu  complètement  à 
l'espoir  qu'elle  avait  fait  concevoir  ;  mais  il  n'est  pas 
douteux  que  des  dispositions  nouvelles  ne  viennent 
avant  peu  donner  un  nouvel  essor  au  parachèvement 
du  réseau  ferré,  si  impatiemment  désiré. 

Il  reste  encore  à  satisfaire  aux  besoins  locaux,  aux 
besoins  de  l'agriculture  et  de  l'industrie,  aux  par- 
cours à  petite  distance  ;  il  reste  à  utiliser,  de  la  ma- 
nière la  plus  profitable,  un  réseau  de  voies  de  com- 
munication empierrées,  que  les  voies  ferrées  ont  rem- 
placées sur  certains  points  et  qui  sont  appelées  désor- 
mais à  devenir  leurs  auxiliaires. 

Tel  est  le  problème  que  les  locomotives  routières 
doivent  servir  à  résoudre. 

Les  transports  ne  s'opéreront  jamais,  on  ne  peut  y 


278  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

prétendre,  à  des  prix  aussi  bas  que  ceux  en  vigueur  sur 
les  chemins  de  fer,  mais  il  est  permis  d'espérer  des  prix 
inférieurs  à  ceux  du  roulage,  attendu  que  si  l'on  dé- 
couvrait un  moteur  nouveau  applicable  aux  routes  et 
préférable  aux  locomotives,  ce  moteur  serait  immé- 
diatement placé  sur  des  rails  et  rendrait  aux  chemins 
de  fer  la  supériorité  qui  leur  est  propre.  ' 

Au  moment  où  l'on  commençait  les  travaux  de  fon- 


Fig.  02.  —  Locomotive  routière  Lotz  remorqueuse. 


dation  du  palais  de  l'Industrie,  au  Champ  de  Mars, 
en  novembre  1865,  une  machine  routière  sortit  des 
ateliers  de  MM.  Lotz,  constructeurs  à  Nantes,  et  vint  à 
Paris. 

Yoici  comment  elle  était  construite  : 

La  machine  présentait  trois  parties  distinctes  :  1°  la 
chaudière  avec  son  foyer  et  sa  cheminée  ;  T  le  méca- 
nisme moteur  ;  o"  le  train  destiné  à  porter  l'ensemble. 


LES  VOITURES  A  VAI'EUR.  279 

1°  La  chaudière  était  tabulaire  comme  celle  des 
locomotives,  le  tirage  était  produit  par  le  jet  de  vapeur 
dans  la  cheminée. 

2"  Le  mécanisme  moteur  se  composait  essentielle- 
ment de  deux  cylindres  placés  à  la  partie  supérieure 
de  la  chaudière,  comme  dans  les  locomobiles,  et  agis- 
sant sur  un  arbre  transversal  portant  les  excen- 
triques de  distribution,  le  volant  et  enfin  un  pignon 


Fis.  05.  —  W.'i 


ngon  a  voyageurs  pour  tram  roulier 


denté  qui  transmettait  le  mouvement  à  la  roue  de 
droite  au  moyen  d'une  chaîne  de  Gall.  Contrairement 
à  ce  qui  a  lieu  dans  les  locomotives,  les  roues  étaient 
mobiles  sur  les  essieux,  condition  indispensable  pour 
que  la  machine  puisse  tourner.  Une  des  roues  pouvait 
être  rendue  solidaire  de  son  essieu  au  moyen  d'un 
mécanisme  spécial. 

5°  A  l'avant  de  la  machine,  sur  la  partie  antérieure 
du  train  qui  forme  la  charpente  de  l'édifice  locomo- 
teur, se  trouvait  le  gouvernail.  11  consistait  en  une 


280  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

paire  de  petites  roues  (0'",50  environ  de  diamètre), 
indépendantes  sur  un  petit  essieu  relié  au  véhicule  au 
moyen  d'une  cheville  ouvrière.  L'ensemble  de  ces 
deux  roues  était  gouverné  par  un  pilote  à  l'aide  d'un 
système  de  pignon  et  de  vis  sans  fin,  et  servait  à  diri- 
ger le  véhicule. 

Telle  était  la  première  machine  routière  de  MM.  Lotz. 

Un  wagon-omnibus  à  impériale  s'attelait  à  la  suite 


Fig.  64.  —  "SVa;;on  à  iiiaich<inili<îL's  pour  tiMin  loiitier. 

et  recevait  les  voyageurs.  Nous  avons  assisté  à  un 
voyage  d'essai  de  cette  locomotive. 

Ce  train,  composé  de  la  machine  et  de  son  wagon, 
partit  du  pont  de  l'Aima  et  alla  bravement  franchir  la 
montée  du  Trocadéro,  en  rampe  de  0'",04  environ  par 
mètre.  Il  se  dirigea  vers  la  gare  de  Passy,  s'arrêta  au 
puits  artésien  de  l'Arc  de  l'Étoile  et  redescendit  par 
l'avenue  des  Champs-Elysées.  Là,  quelques  chevaux, 
d'une  nature  trop  nerveuse,  s'effrayèrent  au  bruit  de 
la  machine,  mais  le  plus  grand  nombre  accueillirent 
en  ami  leur  nouveau  camarade,  V Avenir. 


LES  VOITURES  A  VAPEUR.  281 

Comme  on  le  voit,  il  y  a  loin  déjà  de  ce  véhicule  au 
fardier  de  Cugnot  et  à  la  voiture  de  Trewithick  et  Vi- 
vian. Si  le  temps  écoulé  n'a  pas  produit  d'œuvre  nou- 
velle, il  a  du  moins  servi  à  la  préparation  des  perfec- 
tionnements qui  vont  suivre. 

La  machine  V Avenir  avait  encore  de  nombreux  dé- 
fauts :  elle  était  trop  lourde,  faisait  trop  de  bruit, 
projetait  de  petits  débris  de  charbons  incandescents, 
tournait  plus  volontiers  à  gauche  qu'à  droite,  etc., 
mais  on  ne  pouvait  plus  dire  que  les  locomotives  rou- 
tières étaient  impossibles,  et  le  gouvernement,  con- 
vaincu des  services  qu'elles  pouvaient  rendre,  prenait, 
le  20  avril  1866,  un  Arrêté  concernant  la  circulation 
des  locomotives  sur  les  routes  ordinaires. 

Les  locomotives  routières  avaient  à  peine  vu  le  jour, 
qu'on  reconnut  la  nécessité  de  créer  des  types,  ainsi 
qu'on  a  fait  pour  les  locomotives.  MM.  Lotz  ont  con- 
struit trois  types  de  machines  : 

1°  La  locomotive  routière  remorqueuse  ; 

2"  La  locomotive  routière  mixte  porteuse  ; 

5°  La  locomotive  routière  à  voyageurs. 

La  première  peut  marcher  à  des  vitesses  variables 
de  4  à  8  kilomètres,  en  charge,  et  de  8  à  12  kilomè- 
tres, à  vide.  ' 

La  seconde  peut  prendre  les  mêmes  vitesses.  Ses 
dispositions  ne  diffèrent  de  celles  de  la  précédente 
qu'en  ce  qu'elle  peut  recevoir  directement  une  charge 
variable  de  5,000  à  6,000  kilogrammes. 

Enfin,  la  dernière  est,  à  proprement  parler,  la  voi- 
ture à  vapeur,  et  porteries  voyageurs  en  même  temps 


282  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

que  le  moteur.  Sa  vitesse  est  variable,  suivant  les  con- 
ditions, de  10  à  20  kilomètres. 

En  trois  ou  quatre  ans,  MM.  Lotz  ont  considérable- 
ment modifié  leur  système  primitif  de  locomotive  rou- 
tière. Ils  ont  remplacé  la  chaudière  horizontale  par 
une  chaudière  verticale  et  les  deux  cylindres  à  vapeur 
par  un  seul.  Ils  ont  ainsi  reporté  la  plus  grande  partie 
de  la  charge  sur  les  roues  motrices  et  laissé  au  méca- 
nicien une  plate-forme  étendue  par  laquelle  il  com- 
munique aisément  avec  le  pilote,  ce  qui,  dans  la 
première  machine,  était  presque  impossible.  Trois  pi- 
gnons, de  diamètres  variables,  peuvent  donner  trois 
vitesses  différentes  ;  un  volant  régularise  la  marche 
de  la  machine.  Ces  dispositions  permettent  de  triom- 
pher des  inégalités  du  chemin  et  des  obstacles  acci- 
dentels et  de  gravir  les  parties  en  rampe. 

Indépendamment  de  la  pompe  et  de  l'appareil 
Giffard,  qui  assurent  l'alimentation,  une  pompe  à  eau 
spéciale  peut  être  mise  en  mouvement  par  le  cylindre 
moteur,  la  machine  étant  au  repos,  et  servir  à  son 
approvisionnement  en  un  point  quelconque  de  sa 
route.  Au  départ  ou  à  l'arrivée,  la  force  de  la  machine 
peut,  de  même,  être  appliquée  à  la  manœuvre  de 
grues  ou  d'appareils  de  chargement,  et,  en  cas  de 
chômage  des  transports,  à  la  mise  en  mouvement  d'un 
atelier  mécanique  ou  de  machines  agricoles. 

Il  est  très-remarquable  assurément  qu'à  peine  la  lo- 
comotive routière  construite,  alors  qu'elle  ne  satisfait 
encore  qu'incomplètement  aux  données  du  problème 
qu'elle  est  appelée  à  résoudre,  on  cherche  à  en  faire 


IE6  VOITURES  A  VAPEUR. 


283 


un  instrument  aussi  souple  que  le  cheval,  dont  la  force 
se  prête  à  des  usages  si  divers.  Le  moyen  est  à  coup 
sûr  excellent  pour  lutter  contre  les  préjugés  que  ren- 
contre toujours  une  machine  nouvelle.  Mais  ne  vau- 
drait-il pas  mieux  chercher  tout  d'abord  la  locomotive 


Fig.  65.  —  Locomotive  routière  à  voyageurs. 


routière  parfaite,  ce  qui  doit  être  le  desideratum  des 
constructeurs,  pour  l'approprier  ensuite  aux  exigences 
nouvelles  et  spéciales  auxquelles  il  conviendra  de  la 
soumettre. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux  détails,  et  nous  ne 
dirons  rien  des  roues,  des  freins,  des  leviers  de  sûreté 
ou  de  reculement  placés  à  l'arrière  de  la  machine  et 


284  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

destinés  à  arrêter  le  mouvement  de  recul  de  celle-ci, 
s'il  venait  à  se  produire  par  suite  de  la  rupture  d'un 
de  ses  organes  ou  de  la  négligence  de  ceux  qui  la  di- 
rigent, alors  qu'elle  gravit  une  rampe. 

Nous  mentionnerons  seulement  la  substitution  qui 
a  été  faite  d'une  roue  unique  directrice  au  système  des 
deux  roues  de  la  première  locomotive.  Cette  roue  est 
plus  solidement  fixée  au  bâti  de  la  machine,  sa  ma- 
nœuvre est  plus  facile  et  les  tournants  ou  les  coudes 
sont  franchis  aisément. 

Telles  sont  les  dispositions  principales  des  machines 
routières  remorqueuses  de  MM.  Lotz. 

Disons  ce  qu'elles  coûtent  ;  tandis  que  le  prix  des 
premières  varie  de  11,000  à  19,000  francs,  celui  des 
dernières  n'est  que  de  4,000  à  5,000  francs. 

La  comparaison  des  frais  de  transport  par  locomotive 
routière  et  par  chevaux  s'établit  aisément.  Voici  les 
chiffres  fournis  par  MM.  Lolz,  en  supposant  un  trans- 
port journalier  de  50  kilomètres  par  locomotive  rou- 
tière et  de  50  kilomètres  par  chevaux  (ce  qu'il  est 
possible  de  faire  sans  relai). 

MATÉRIEL    DE    TRACTION. 

Une  locomotive  routière  avec  tous 

ses  accessoires 15,000  fr.  » 

Quatre    voitures    ou    wagons ,    à 

1200  fr.  l'un 4,800  4,800  fr. 

Installations  diverses 500  » 

Seize  chevaux,  à  700  fr.  l'un.    .    .  »  11,200 

Seize  harnais  et  accessoires.  ...  »  2,800 

Total  du  prix  du  matériel.    .    .     20,500  fr.     18,800  fr. 


LES  VOITURES  A  VAPEUR.  285 

Le  prix  de  premier  établissement  de  la  locomotion 
mécanique  est  plus  élevé  que  celui  de  la  locomotion 
animale,  mais  l'économie  ressort  de  la  comparaison 
des  frais  annuels  :  il  faut  nourrir  les  chevaux  tous  les 
jours  et  à  peu  près  aussi  confortablement  les  jours  de 
repos  que  les  jours  de  travail,  tandis  qu'il  n'y  a  rien 
à  dépenser  pour  la  locomotive  lorsqu'elle  est  sous  la 
remise.  Elle  ne  coûte  donc  que  lorsqu'elle  marche. 

Voici  les  chiffres  : 

FRAIS    ANNUELS. 

25  p.  100  amorlissemont  et  entre- 
lien du  matériel 5,075  fr.       4,700  fr. 

6  p.  100  intérêt  du  capital  .    .    .  1,218  1,128 

Un  mécanicien  à  Tannée 1,800  » 

Un  conducteur  et  un  chef  de  train 

serre-frein 2,500  » 

Nourriture    de    16    chevaux,     à 

1000  fr.  l'un »  10,000 

Quatre  charretiers  à  1200  fr.  l'un .  »  4,800 

Total  des  frais  annuels.   .    .     10,593  fr.     26,628  fr. 

Pour  la  traction  à  vapeur,  il  faut  ajouter  par  jour  de 
marche  : 

500  kilogr.  de  charhon  à  56  fr.    .    .     18  fr. 
Huile,  suif,  coton,  etc 5 

Total 25  fr. 

Les  données  qui  précèdent  conduisent  aux  chiffres 
suivants  : 


28C 


LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 


NOMBRE   DE   JOLRS 

DE    SERVICE 
PEMiANT    l'a>.\ÉE. 

A    VAPEUR. 

20  tounes,  50  kilomètres. 

PAR    CHEVAUX. 

20  tonnes,  ôOkiloni. 

Par  jour. 

Pjf  tonne 
et  par  kiloni. 

Par  joor. 

Par  tonne 
et  parkilom. 

150  jours,  soit  3000 f. 
250  jours,  soit  cOOOf. 

70f,62-+-25f  =  93f,62 
i-2,ô7+-25  =65,57 

Of,00-i 
0,065 

177f.52 
106  ,51 

0^,295 
0  ,177 

Il  résulte  de  ce  tableau  que  pour  un  service  de  1 50 
jours  (o  mois)  seulement  par  an,  et  pour  un  transport 
de  20  tonnes  par  jour,  ce  qui  correspond- au  charge- 
ment de  2  à  5  de  nos  wagons  de  chemins  de  fer,  le 
prix  de  revient  de  la  traction  à  vapeur  est  plus  de  trois 
fois  moindre  que  celui  de  la  traction  par  chevaux. 

Pour  un  travail  de  250  jours,  le  prix  est  encore  près 
de  trois  fois  moins  élevé. 

Les  Anglais  ne  se  sont  pas  laissés  devancer  par  nous 
dans  la  construction  des  locomotives  routières  ;  l'usage 
de  ces  machines  est  aujourd'hui  beaucoup  plus  ré- 
pandu  en  Angleterre  qu'il  ne  l'est  en  France  :  le  char- 
bon, chez  nos  voisins,  remplace  les  pâturages  et  le  métal 
se  trouve  à  meilleur  compte  que  les  bêtes  de  traction. 

MM.  Aveling  et  Porter,  de  Rochester  (Kent),  se  sont 
spécialement  occupés  de  la  construction  des  machines 
routières  et  des  appareils  de  culture  à  vapeur. 

Leur  machine  diffère  notablement  de  celle  de 
MM.  Lotz,  et  nous  devons  en  donner  la  description.  Ce 
n'est  plus  un  tricycle,  mais  une  voiture  à  cinq  roues. 
La  chaudière  n'est  plus  verticale,  elle  est  horizontale 
et  porte  à  la  fois  sur  les  roues  motrices  placées  à  Par- 


LES  VOITURES  A  VAPEUR.  287 

rière  et  sur  l'avant-train.  Un  double  système  d'engre- 
nages lui  permet  de  marcher  à  deux  vitesses  diffé- 
rentes :  5  à  4  kilomètres  à  l'heure  en  charge  et  5  à 
6  kilomètres  à  l'heure  à  vide.  Elle  n'a  qu'un  seul  cy- 
lindre comme  celle  des  constructeurs  français,  mais  il 
est  horizontal  et  se  trouve  placé  à  l'avant  de  la  chau- 
dière. Les  roues  motrices  ont  r",974  de  diamètre  et 
0'",457  de  largeur  de  jante.  On  a  ménagé  sur  ces  der- 
nières des  trous  pour  y  placer  au  besoin  des  chevilles- 
crampons  qui  aident  à  passer  sur  les  terrains  mous. 
Les  mouvements  de  rotation  des  deux  roues  motrices 
sont  indépendants,  ce  qui  facilite  le  passage  des  tour- 
nants très-courts.  Un  frein  puissant  se  trouve  sous  la 
main  du  mécanicien  et  un  pilote,  ])lncé  sur  l'avant- 
train  formant  tricycle,  tient  la  tige  directrice  à  l'aide 
de  laquelle  il  oriente  le  disque  d'avant.  Celui-ci  ne 
porte  sur  le  sol  que  par  son  poids,  et  sa  manœuvre  est 
à  ce  point  facile  qu'un  enfant  peut  en  être  chargé. 

D'après  MM.  Aveling  et  Porter,  l'économie  résultant 
de  l'emploi  de  leur  machine  est  de  près  des  deux  tiers 
de  la  dépense  de  la  traction  par  chevaux,  tout  en 
admettant  50  pour  100  par  an,  pour  intérêt,  amortis- 
sement et  entretien  du  matériel. 

Nous  venons  de  faire  connaître  sommairement  deux 
des  principales  locomotives  routières,  l'une  franraiso, 
l'autre  anglaise,  qui  ont  été  l'objet  des  expériences  les 
plus  sérieuses  de  la  part  des  ingénieurs  des  deux  pays 
et  qui  ont  fourni  les  meilleurs  résultats.  Un  grand 
nombre  d'autres  constructeurs  ont  exposé,  en  1867  et 
dans  les  concours  de  ces  dernières  années,  des  ma- 


288  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTIO>\ 

chines  de  leur  fabrication,  qui  se  rapprochent  plus  ou 
moins  de  celles  que  nous  avons  décrites.  Ce  sont 
M.  Pilter,  MM.  Clayson,  Shuttleworth  et  C'%  M.  Ran- 
somes,  M.  Underhill  et  MM.  Albaret  et  Calla.  Nous  ne 
nous  y  arrétei'ons  donc  pas. 

Mais  nous  ne  devons  pas  passer  sous  silence  la  ma- 
chine de  M.  Larmanjat,  en  raison  des  particularités 
qu'elle  présente  et  qui  consistent  essentiellement  dans 
un  système  de  leviers,  à  l'aide  duquel  on  peut  faire 
porter  à  volonté  le  véhicule  sur  les  roues  du  premier 
ou  sur  les  roues  du  second  essieu,  de  différents  dia- 
mètres. Les  roues  qui  ne  sont  pas  en  prise  à  un  mo- 
ment donné  fonctionnent  comme  volants.  Il  résulte  de 
cette  ingénieuse  disposition  que  lorsqu'on  est  en 
palier,  on  utilise  les  roues  de  grand  diamètre  et  on 
marche  à  la  vitesse  de  16  à  18  kilomètres  à  l'heure. 
Lorsqu'au  contraire  on  gravit  une  rampe  ou  un  pas- 
sage difficile,  on  emploie  les  petites  roues  et  on  marche 
avec  une  vitesse  de  7  à  8  kilomètres  seulement.  Mais 
cette  disposition  n'est  applicable,  on  le  conçoit,  qu'à 
uns  machine  de  faible  poids,  remorquant,  par  consé- 
quent, de  faibles  charges.  On  ne  peut  donc  l'utiliser 
que  dans  la  construction  des  locomotives  routières, 
destinées  au  transport  des  voyageurs. 

Un  autre  constructeur,  M.  Victor  Feugères,  a  ima- 
giné une  locomotive  routière,  dite  :  moteur-porteur, 
qui  diffère  essentiellement  des  précédentes  par  les 
principes  qui  ont  présidé  à  sa  conception.  D'après  cet 
inventeur,  l'adhérence  doit  toujours  être  en  rapport 
avec  la  charge  à  remorquer,  eu  égard  aux  rampes  à 


LES  VOITURES  A  VAPEUR.  289 

franchir  ;  la  vitesse  de  la  machine  doit  être  en  raison 
inverse  de  cette  charge  et  le  mouvement  doit  être 
donné  aux  roues  directrices  de  l'avant-train  et  non  à 
celles  de  l'arrière-lrain. 

M.  Feugères  compose  un  avant-train  suspendu  sur 
ressorts  et  porté  sur  deux  roues  motrices  à  action  so- 
lidaire, ou  indépendantes  à  volonté,  qui  reçoivent  le 
mouvement  de  quatre  cylindres,  groupés  deux  à  deux, 
disposés  à  effet  contraire  et  actionnant  deux  arbres 
contigus,  à  mouvements  indépendants.  Selon  la  vitesse, 
à  laquelle  on  veut  marcher,  la  transmission  est  directe, 
ou  s'opère  au  moyen  d'une  chaîne.  Signalons  enfin  la 
chaudière,  qui  est  verticale  et  à  système  inexplosible, 
avec  retour  de  flamme  et,  comme  détail  intéressant, 
les  barres  à  crémaillères  que  le  conducteur  tient  de  son 
siège  et  manie  comme  le  cocher  d'une  voiture  ordi- 
naire, selon  qu'il  veut  avancer,  s'arrêter,  reculer  ou 
tourner. 

Celte  machine  est  certainement  l'une  des  plus  inté- 
ressantes de  celles  qui  ont  été  produites  pour  résoudre 
l'intéressant  problème  de  la  locomotion  routière.  Et  si 
elle  ne  triomphe  pas  de  toutes  les  difficultés  qu'il  pré- 
sente, elle  met  au  jour  des  idées  nouvelles,  dont  la 
pratique  ne  peut  manquer  de  tirer  un  parti  avanta- 
geux. 

M.  A.Bollée  a  présenté  à  l'Exposition  de  1878  deux 
machines  :  VObëissante  (1875),  grand  break  de  pro- 
menade à  14  places,  et  la  Mancelle  (1878),  calèche  à 
0  banquettes  pouvant  porter,  outre  le  mécanicien, 
8  personnes,  dont  une  sert  de  pilote, 

19 


200 


LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 


Le  mécanicien  se  lient  à  l'arrière  et  s'occupe  de  la 
chaudière  et  donne  ses  soins  à  la  machine.  Le  pilote, 
placé  à  l'avant,  a  sous  la  main  le  gouvernail,  un 
robinet  régulateur  de  vitesse,  lo  volant  du  frein,  le 
levier  de  changement  de  marche,  les  leviers  de  change- 
ment de  vitesse  ou  de  débrayage  aux  arrêts  pour  l'ali- 
mentation, enfin  les  clefs  de  purge  des  cylindres.  Sous 


i'  i|,^  00.  —  Calèche  à  viipeur  BoUée, 

les  pieds,  il  a  deux  pédales  qui  commandent  l'intro- 
duction de  la  vapeur  dans  les  cylindres  de  droite,  ou 
dans  ceux  de  gauche,  ou  dans  les  4  cylindres  à  la  fois. 

La  chaudière  est  du  système  Field. 

Chaque  paire  de  cylindres,  dans  la  première  ma- 
chine, actionne  une  des  roues  folles  sur  l'essieu.  Des 
chaînes  de  Gall  servent  à  la  transmission  des  mouve- 
ments et  un  système  d'engrenages  à  obtenir  une  aug- 


LES  VOITURES  A  VAPEUR.  291 

mentation  de  vitesse  aux  dépens  de  la  puissance,  ou 
inversement. 

Les  roues  de  devant  sont  directrices.  Elles  sont 
montées  sur  deux  petits  essieux  indépendants,  et  peu* 
vent  pivoter  sur  elles-mêmes  comme  la  roue  d'avant 
d'un  vélocipède.  Les  organes  qui  les  commandent  sont 
construits  de  telle  façon  que  la  roue  de  gauche,  —  si 
l'on  veut  aller  à  gauche,  —  devient  plus  oblique,  par 
rapport  à  Taxe  longitudinal  du  véhicule,  que  la  roue 
de  droite.  Les  positions  prises  simultanément  par  ces 
deux  roues  sous  la  main  du  pilote  sont  telles,  que  les 
petits  essieux  qui  les  portent,  supposés  prolongés, 
\ont  concourir  en  un  même  point  de  l'essieu  d'ar- 
rière, qui  devient  pour  un  instant  le  centre  général 
de  rotation  de  tout  le  véhicule. 

Grâce  à  la  complète  indépendance  des  quatre  roues, 
il  n'y  a  ni  ripage,  ni  torsion,  ni  patinage  ;  la  ma- 
nœuvre est  facile  et  les  mouvements  parfaitement 
souples,  aussi  bien  dans  la  marche  en  avant  que  dans 
la  marche  en  arrière. 

La  dépense  de  la  première  machine  est  de  4'', 500 
de  charbon  et  de  20  litres  d'eau  par  kilomètre. 

La  seconde  machine  est  un  perfectionnement  de  la 
précédente.  Sa  consommation  n'est  que  de  '2  kilo- 
grammes de  charbon  par  kilomètre.  Les  roues  d'ar- 
rière sont  actionnées,  non  plus  par  quatre  pistons, 
mais  par  un  seul,  dont  la  manivelle  franchit  le  point 
mort  sous  l'influence  d'un  petit  volant  et  grâce  à  un 
système  d'engrenages  coniques,  produisant  le  mouve 
ment  différentiel  dit  de  Pecqueur,  chacune  des  roues 


292  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

d'arrière,  sans  cesser  d'être  indépendante  de  l'autre, 
reste  motrice  en  courbe  comme  en  ligne  droite. 

Tout  le  mécanisme,  ainsi  réduit  à  un  très-petit  vo- 
lume, est  renfermé  dans  une  caisse  en  tôle,  située  à 
l'avant  de  la  voiture  et  soustrait  à  la  poussière.  Les 
caisses  et  les  chaînes  du  gouvernail  de  la  première 
voiture  sont  remplacées  par  des  bielles. 

M.  Le  Cordier  cherche,  en  ce  moment,  à  mettre  à 
profit  les  perfectionnements  remarquables  apportés 
par  M.  Bollée  dans  la  construction  des  machines  rou- 
tières, en  organisant  sur  les  chaussées  ordinaires  des 
services  pour  le  transport  des  voyageurs  et  des  mar- 
chandises. 

Il  est  à  souhaiter  que  ses  tentatives  soient  couron- 
nées de  succès. 

C.  —  L'avenir  de  la  locomotion  routière  à  vapeur.  —  Usages  actuels 
eu  agriculture,  en  industrie. 

Nous  avons  fait  connaître  sommairement  les  prin- 
cipales machines  routières  aujourd'hui  employées 
et  décrit  rapidement  les  organes  dont  ces  machines 
se  composent.  Il  nous  reste  à  indiquer  maintenant  les 
principaux  usages  auxquels  elles  ont  été  jusqu'ici  ap- 
pliquées et  ceux  auxquels  elles  conviennent  le  mieux, 
puis  à  faire  connaître  les  causes  qui  arrêtent,  en  ce 
moment  leur  perfectionnement  et  s'opposent  à  leur 
prompte  adoption  par  l'industrie. 

En  général,  les  lourds  transports  à  de  longues  dis- 
tances sont  ceux  qui  conviennent  le  mieux  aux  locomo- 
tives routières.  Aussi  les  a-t-on  employées  avec  succès 


LES  VOITURES  A  VAPEUR.  293 

au  remorquage  des  bateaux  sur  les  canaux.  Des  ma- 
chines ont  circulé  ainsi  le  long  des  canaux  qui  réu- 
nissent Saint-Omer  et  Caen  à  la  mer  et  ont  fait  un 
excellent  service. 

Les  briqueteries,  les  sucreries,  les  papeteries  et  gé- 
néralement les  industries  qui  mettent  en  œuvre  ou  pro- 
duisent une  grande  quantité  de  matières  lourdes,  ont 
intérêt  à  se  servir  de  ces  machines,  qu'elles  utilisent 
fréquemment,  au  départ  ou  à  l'arrivée,  pourle  charge- 
ment ou  le  déchargement  des  matières  transportées .  Les 
mines,  les  houillères  peuvent  encore,  dans  certaines 
circonstancesparliculières,  uliliser  ces  précieux  engins. 
En  Angleterre,  en  Irlande,  les  machines  routières  sont 
employées  avec  avantage  pour  les  travaux  d'empierre- 
ment de  routes.  La  machme  prend  dans  la  carrière  les 
matériaux  qu'elle  va  répandre  aux  points  voulus  et 
dont  elle  règle  ensuite  la  surface  par  son  passage.  Les 
roues  sont  alors  de  larges  cylindres  compresseurs, 
placés  deux  à  l'avant,  deux  à  l'arrière  du  véhicule  et 
suivant  des  frayées  différentes. 

Les  locomotives  routières  ont  été  appliquées  à  l'en- 
lèvement des  vidanges.  La  môme  force,  qui  enlève  If^s 
matières  de  la  fosse  et  les  fait  monter  dans  les  ton- 
neaux, est  employée  à  remorquer  ceux-ci  et  à  les  con- 
duire en  rase  campagne.  La  désinfection  est  même 
rendue  inutile  par  un  procédé  ingénieux  de  combus- 
tion des  gaz  méphitiques.  L'économie  considérable  et 
les  avantages  de  ce  système  contribueront,  il  faut 
l'espérer,  à  en  étendre  l'usage. 

Malheureusement,  les  vieilles  habitudes  ont  de  telles 


294  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

racines  qu'on  ne  peut  les  détruire  qu'avec  le  temps 
et  à  force  de  persévérance.  Aussi,  les  transports  agri- 
coles s'exécuteront-ils  pendant  longtemps  encore  au 
moyen  des  bêtes  de  trait.  Dans  ia  ferme,  en  effet,  on 
doit  le  reconnaître,  le  matériel  existe  et  on  ne  peut  at- 
teler une  locomotive  routière  à  une  charrette,  comme 


Fig.  07. _ —  Machine  routière  avec  grue, 

on  fait  d'un  cheval,  d'un  àne  ou  d'un  mulet  que  Ton 
tient  à  l'écurie,  pour  lequel  on  a  toujours  un  peu  de 
fourrage,  et  qui,  en  échange,  donne  un  fumier  pré- 
cieux. Tout  petit  agriculteur  a,  au  moins,  l'un  de  ces 
animaux  à  son  service,  mais  une  locomotive  routière 
ne  peut  convenir  qu'à  une  grande  exploitation,  qui  a 


LES  VOITURES  A  VAPEUR.  295 

de  vastes  champs  à  labourer,  d'importants  transports, 
des  travaux  de  battage  ou  d'une  autre  nature  à  opé- 
rer. Aussi,  croyons-nous  que  la  locomotive  routière 
ne  viendra  sérieusement  en  aide  à  la  petite  culture 
que  le  jour  où,  dans  les  campagnes,  circuleront  des 
entrepreneurs  qui  loueront  leur  matériel  pour  un 
temps  ou  pour  un  travail  déterminé,  comme  ils  louent 


Rouleaux  compresseurs. 


déjà  des  machines  à  battre,  des  pressoirs  ou  des  appa- 
reils de  distillation  portatifs  durant  le  temps  néces- 
saire à  chacune  de  ces  opérations. 

Ainsi  donc,  en  admettant  la  locomotive  routière 
actuelle  parfaite,  nous  voyons  tous  les  obstacles  qu'il 
lui  faudra  vaincre  pour  l'emporter  sur  les  moteurs  ani- 
més, utilisés  en  agriculture  et  en  industrie.  Et  comme 


296 


LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 


elle  est  loin  de  la  perfection  !  Que  de  difficultés  en- 
core à  surmonter  î  Nous  en  ferons  connaître  quelques- 
unes  en  raison  de  leur  importance  spéciale. 

Les  locomotives  routières  sont  destinées  à  remplacer 
le  cheval  et  les  autres  bêtes  de  trait  que  nous  con- 
naissons, c'est-à-dire  ^une  grande  variété  d'animaux 
appartenant  à  des  races  aux  aptitudes  diverses,  capa- 


Fig.  69.  —  Labourage  à  vapeur. 


bles  de  prendre  les  uns  une  allure  rapide  en  remor- 
quant une  charge  légère,  les  autres  une  marche  lente 
en  traînant  une  lourde  charge,  ceux-ci  ne  pouvant 
marcher  que  sur  une  route  en  bon  état,  ceux-là  ha- 
bitués aux  traverses  et  aux  mauvais  chemins,  enfin 
quelques-uns  ne  pouvant  travailler  que  peu  d'heures 
par  jour,  d'autres  capables,  au  contraire,  de  fournir 
un  travail  prolongé.  Et  pour  remplacer  tous  ces  ani- 
maux, que  propose-t-on  ?  Le  plus  souvent,  une  seule 


LES  VOITURES  A  VAPEUR.  299 

et  même  machine,  munie  parfois  d'engrenages  qui 
permettent  l'emploi  de  deux  ou  trois  vitesses  diffé- 
rentes et  de  roues  dont  la  jante  a  une  largeur  cons- 
tante et  peut  être  garnie  de  nervures  destinées  à  faci- 
liter la  prise  avec  le  sol.  Quelques  constructeurs 
présentent  différents  types  de  machines.  Tous  com- 
pliquent le  problème  en  construisant  une  machine 
capable  de  servir  à  d'autres  usages  qu'à  la  traction 
proprement  dite,  et  la  mettent  souvent  par  cela 
même  hors  d'état  de  répondre  d'une  manière  sa- 
tisfaisante à  la  principale  des  fonctions  qu'elle  doit 
remplir. 

Simplifier,  c'est  résoudre.  Que  l'on  considère,  en 
effet,  les  progrès  accomplis  dans  la  construction  des 
machines  à  vapeur,  ou  mieux  encore,  dans  celle  des 
locomotives,  et  l'on  reconnaît  que  c'est  du  jour  où 
l'on  a  créé  des  types  de  machines  pour  telle  ou  telle 
nature  de  transport,  sur  une  voie  au  profil  plat  ou  ac- 
cidenté, au  tracé  rectilicrne  ou  tourmenté,  enfin  sur 
un  programme  simple  et  nettement  défini,  qu'on  a 
perfectionné  les  machines  employées  jusqu'alors.  Et 
combien  le  problème  des  locomotives  routières  est 
plus  difficile  à  résoudre  que  celui  des  locomotives  des 
des  voies  ferrées;  quelle  complication  résulte  de  la 
substitution  de  la  route  rugueuse  et  accidentée  à  la 
voie  unie  des  chemins  de  fer!  Aussi,  tandis  que  les 
types  de  locomotives  sont  nombreux,  doit-on  consi- 
dérer comme  très-considérable  le  nombre  des  types 
de  locomotives  routières  à  créer? 
.    D'où  il  suit  que  l'on  ne  doit  attendre  de  perfection- 


500  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

nements  dans  la  construction  de  ces  nouvelles  ma- 
chines que  des  compagnies  assez  puissantes  pour 
entreprendre  ces  essais  multipliés  et  coûteux  qui  seuls 
permettent  d'arriver  à  un  résultat  sérieux. 

Que  des  compagnies,  comme  les  Messageries  à  va- 
peur, poursuivent  la  création  du  type  de  locomotives 
routières  propres  au  transport  des  voyageurs  ;  que  la 
compagnie  des  Omnibus  recherche  le  type  tout  parti- 
culier de  locomotive  routière  capable  de  s'accom- 
moder à  la  circulation  dans  les  grandes  villes,  que 
des  compagnies  de  transport  encore  à  créer  perfec- 
tionnent le  type  de  la  locomotive  routière  à  marchan- 
dises, et,  dans  quelques  années,  la  question  sera 
résolue  ;  mais  il  n'est  pas  possible  que  des  industriels 
risquent  des  ressources  souvent  très-limitées  dans  des 
essais  dont  la  durée  est  illimitée. 

Voilà,  croyons-nous,  de  quelle  manière  il  faut  es- 
pérer voir  des  améliorations  sérieuses  se  produire. 
Passant  de  cette  considération  générale  aux  questions 
de  détail,  qu'il  nous  soit  permis  d'appeler  l'attention 
sur  certaines  dispositions  adoptées  d'ordinaire  par  les 
constructeurs  et  qui  nous  semblent  défectueuses. 

L'une  des  plus  grandes  difficultés  de  la  construction 
des  locomotives  routières  consiste  dans  l'établisse- 
ment des  deux  mécanismes  directeur  et  propulseur. 
Sur  les  locomotives  des  voies  ferrées,  ce  dernier  seul 
existe,  l'action  des  rails  sur  les  boudins  des  roues  rem- 
plaçant le  premier.  Les  moteurs  animés,  attelés  à  une 
voiture,  en  dirigent  la  marche  en  même  temps  qu'ils 
en  produisent  le  mouvement.  Il  y  a,  de  la  part  des 


LES  VOITURES  A  VAPEUR.  301 

moteurs,  simultanéité  des  deux  actions  directrice  et 
propulsive.  Pourquoi  le  plus  grand  nombre  des  loco- 
motives routières  ne  satisfait-il  pas  à  cette  condition 
et  comment  prétend-on  obtenir  une  action  efficace  d'un 
système  de  roues  si  légèrement  chargées  que  la  main 
du  mécanicien  seule  suffît  à  le  déplacer  ?  Pourquoi  ne 
pas  chercher  à  commander  ces  deux  roues  du  train 
d'avant  comme  un  cocher  commande  ses  chevaux,  en 
leur  imprimant  à  volonté  des    vitesses  variables  ;  et 
pourquoi  ne  pas  faire  des  roues  d'arrière,  jusqu'ici 
motrices,  de  simples  roues  porteuses,  comme  celles 
des  véhicules  ordinaires?  Nous  posons  une  question, 
et  nous  ne  la  résolvons  pas,  mais  nous  croyons  qu'a- 
vant d'abandonner  un  système  généralement  suivi,  il 
faut  voir  s'il  ne  satisfait  pas  mieux  que  toute  concep- 
tion nouvelle  au  problème  qu'on  s'est  donné,  sauf  à  y 
renoncer  définitivement  si  la  pratique  le  démontre 
inacceptable. 

Un  fait  qui,  a  priori,  ne  frappe  pas  l'attention, 
constitue  cependant  une  des  principales  difficultés 
du  problème  à  résoudre  :  nous  entendons  parler  de 
la  différence  des  nombres  de  tours  effectués  par  les 
quatre  roues  du  véhicule,  qui  oblige  à  l'indépen- 
dance complète  des  organes  transmettant  le  mou- 
vement et  multiplie  le  nombre  de  ces  organes. 
Ces  quatre  roues,  faisant  des  nombres  de  tours 
différents,  marchent  avec  des  vitesses  différentes, 
qu'elles  reçoivent,  en  général,  d'organes  animés  des 
mêmes  vitesses,  concourant  tous  à  produire  comme 
résultat  unique  :  la  progression  du  véhicule  suivant 


502  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

une  ligne  qui  varie  à  chaque  instant  avec  les  obstacles 
rencontrés. 

Que  l'on  ajoute  à  cette  première  difficulté  toutes  les 
autres,  moins  graves  à  la  yérité,  de  changement  de  vi- 
tesse suivant  le  profil  du  chemin  ou  l'état  de  sa  sur- 
face, de  maintien  du  niveau  de  l'eau  dans  la  chaudière 
sur  une  pente  quelconque,  d'alimentation  de  la  ma- 
chine, d'arrêt  rapide  de  celle-ci  et  du  train  qu'elle 
remorque,  au  moment  de  la  rupture  subite  d'une  des 
pièces  du  mécanisme,  de  bruit  produit  par  le  tirage  dû 
au  jet  de  vapeur,  d'échappement  des  escarbilles  par 
la  cheminée,  et  on  se  fera  une  idée  des  efforts  que 
doivent  encore  faire  nos  constructeurs  pour  perfec- 
tionner la  machine  routière. 

Et  encore,  quelle  masse  énorme  à  remuer  pour  faire 
avancer  un  train  relativement  peu  chargé  !  Quelle 
quantité  de  métal,  de  charbon  et  d'eau  pour  produire 
l'effet  nécessaire  !  L'esprit  admet  avec  peine  que  la 
production  de  la  puissance  exige  l'accumulation  et 
l'association  de  si  grandes  quantités  de  matières. 


CHAPITRE    IX 


LES  VELOCIPEDES 


Insl ruinent  raide 
En  1er  battu, 
Qui  dépossède 
Le  char  tortu  ; 

Vélocipède, 
lîail  impromptu. 
Fils  d'Archiméde, 
D'où  nous  viens-lu': 
Ch.  Monselet. 


Nous  ne  pouvons  terminer  ce  petit  livre  sans  dire 
quelques  mots  des  véloces  en  général,  qui  ont  été 
l'objet  d'un  si  grand  engouement,  pour  lesquels  on  a 
monté  des  ateliers  considérables,  engagé  des  sommes 
folles,  comme  s'il  s'agissait  d'un  véhicule  capable  de 
modifier  profondément,  ou  de  remplacer  l'un  de  ceux 
dont  nous  nous  servons  depuis  longtemps. 

Un  écrivain,  qui  s'appelle  le  Grand  Jacques  et  dont 
la  plume  célèbre  les  prouesses  du  vélocipède,  écrit  : 

«  Le  vélocipède  est  un  des  signes  du  temps. 

«  Après  le  coche,  la  diligence  ;  —  après  la  dili- 
gence, le  chemin  de  fer  ;  —  après  le  chemin  de  fer, 
le  vélocipède....  » 


304  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Si  cette  phrase  n'était  qu'un  simple  énoncé  chrono- 
logique, nous  n'aurions  rien  à  dire,  mais  elle  vise  plus 
haut.  Elle  indique  plus  qu'un  perfectionnement  dans 
l'art  de  la  carrosserie,  elle  annonce  un  progrès  dans 
la  science  des  moyens  de  transport. 

Notre  avis  est  qu'il  ne  faut  pas  attribuer  à  ces  légers 


^^?^s5>^^SÏ^ 


^'^^^"-^^'^^m-xli^^^m^^^- 


Fig.  71.  —  Yélocipcde  Michaux. 


appareils  une  vertu  si  grande.  On  ne  pourra  nous  con- 
tester qu'un  véhicule  est  d'autant  plus  parfait  qu'il 
réclame  pour  se  mouvoir  une  arène  ou  une  voie  moins 
parfaite.  Or,  la  condition  première  d'emploi  du  vélo- 
cipède et  des  véloccs,  en  général,  est  l'existence  d'une 
route  bitumée  ou  macadamisée  en  bon  état.  Le  pavé, 
qui  convient  si  bien  aux  voitures,  cause  une  fatigue 


LES  VÉLOCIPÈDES.  305 

insupportable  aux  velocemen  par  les  cahots  iitces- 
sants  qu'il  produit.  Les  ornières  rendent  la  marche 
impossible.  —  Quelle  est  la  cause  de  l'infériorité  des 
locomotives?  C'est  qu'on  n'a  réussi,  jusqu'à  présent, 
à  les  employer  avantageusement  que  dans  les  pays  plats 
ou  peu  accidentés.  Quelle  est  la  cause  de  l'infériorité 
des  locomotives  routières?  C'est,  entre  autres  choses, 
qu'elles  exigent  une  voie  solide  et  durcie  pour  se 
mouvoir  dans  de  bonnes  conditions. 

Nous  avons  commencé  par  faire  le  procès  du  véloci- 
pède, disons  maintenant  ce  qu'il  a  de  bon. 

Chacun  sait  qu'il  est  plus  facile  de  rouler  un  fardeau 
que  de  le  porter  sur  ses  épaules.  L'homme  est  à  lui- 
même  son  propre  fardeau.  S'il  marche,  il  se  porte  ; 
s'il  est  monté  sur  un  véloce,  il  se  roule. 

L'homme  pèse,  en  moyenne,  de  65  à  70  kilo- 
grammes et  marche  avec  une  vitesse  de  linjSO  par  se- 
conde. Il  développe  donc  un  travail  de  100  kilogram- 
mètres  environ  (nous  avons  dit  précédemment  le  sens 
de  ce  mot.)  Si  l'homme  pouvait  se  rouler  sans  aucun 
intermédiaire,  l'effort  de  traction  qu'il  aurait  à  fournir 
sur  une  route  ordinaire,  en  bon  état,  serait  le  j^  de 
son  poids  ou  2*'s'",14  à  2»^s",31,  et  le  travail  corres- 
pondant, en  admettant  la  même  vitesse  de  l'^SO  par 
seconde,  varierait  de  3''s»s21  à  5*'°'",46. 

Mais  il  faut  tenir  compte  du  travail  absorbé  par  le 
vélocipède  lui-même.  Nous  l'évaluerons  à  2  kilogram- 
mètres,  la  vitesse  étant  de  l'^'iSO,  ou  à  8  kilogram- 
mètr€s,  la  vitesse  étant  de  6  mètres  par  seconde,  vi- 
tesse normale  du  vélocipède. 

20 


:06  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTIOK. 

Dans  cette  nouvelle  hypothèse,  le  travail  que  doit  dé- 
velopper le  voyageur  pour  son  propre  déplacement,  la 
vitesse  étant  quadruplée,  devient  12'^8'^,84  àl5'^8'",84. 

Ces  chiffres  ajoutés  aux  8  kilogrammètres,  travail 
du  vélocipède,  donnent  :  lO'^s^'^Sé  à  21>'S'",84. 

Rapprochant  ces  chiffres  du  premier  que  nous  avons 
posé:  100  kilogrammètres,  travail  de  l'homme  en 
marche,  —  nous  voyons  que  le  vélocipède  bicycle  a 
pour  effet  de  réduire  le  travail  dans  le  rapport  de  20 
à  100  ow  f/e  1  à  0,  en  quadruplant  V effet  produit^ 
c'est-à-dire  la  vitesse  obtenue. 

On  admet  dans  tout  ce  qui  précède  un  terrain 
horizontal  et  en  bon  état.  Si  la  route  présente  des 
montées  ou  des  accidents,  l'avantage  du  vélocipède 
disparaît  promptement.  Par  contre,  il  est  vrai,  le 
véhicule  devient  automoteur  aux  descentes  et  le  voya- 
geur se  laisse  entraîner  sans  fatigue. 

Nous  bornerons  à  ces  quelques  lignes  la  théorie  du 
vélocipède,  ajoutant  seulement  que,  lorsque  du  bi- 
cycle on  passe  au  tricycle,  on  perd  en  force  dépensée 
ce  que  l'on  gagne  en  stabilité. 

A  quelle  époque  remonte  l'invention  du  vélocipède  ? 

Nous  n'irons  pas,  comme  on  l'a  fait,  fouiller  les 
monuments  égyptiens  ou  passer  en  revue  les  fresques 
des  villes  enfouies  sous  la  lave,  à  la  recherche  des 
trénies  ailés  ou  des  amours  à  cheval  sur  un  bâton 
monté  sur  des  roues.  Autant  vaudrait  parler  de  la 
Fortune,  qui,  plus  adroite  que  nos  velocemen  modernes, 
a  résolu  depuis  longtemps  le  problème  tant  cherché  du 
monocycle. 


LES  VÉLOCIPÈDES.  307 

Il  nous  suffira  de  dire  que  le  vélocipède  est  le  per- 
fectionnement du  célérifère,  construit  pour  la  pre- 
mière fois  en  1818.  Le  célérifère  consiste  en  un  bloc 
de  bois  de  forme  allongée,  monté  sur  deux  roues  en 
flèche,  d'assez  faible  diamètre  pour  que  le  cavalier 
puisse  avoir  ses  pieds  sur  le  sol.  Celui-ci  enfourche 
sa  monture  de  bois  et,  poussant  à  droite,  poussant  à 


gauche,  il  s'avance  à  grandes  enjambées  ou  à  grands 
tours  de  roue. 

Le  tricycle  est  beaucoup  plus  ancien  que  le  véloci- 
pède. Depuis  bien  des  années,  on  voit  des  amateurs 
de  promenade,  désireux  défaire  l'économie  d'un  che- 
val, parcourir  les  abords  des  grandes  villes  sur  ces 
légers  véhicules,  formés  essentiellement  d'un  essieu 
doublement  coudé,  mis  en  mouvement  par  les  pieds 
ou  par  les  mains,  et  d'une  roue  dont  le  plan,  mobile 
à  volonté,  forme  l'avant-train.  Ce  n'est  pas  autre  chose 
que  la  voiture  dont  se  servent  les  invalides  ou  les  para- 


508  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

lytiques  et  qu'ils  actionnent  à  la  main  au  moyen  de 
deux  leviers. 

On  nous  a  raconté  qu'un  jour  un  de  ces  tricycles 
fut  apporté  à  la  maison  Michaux,  moins  connue  alors 
qu'elle  ne  l'était  il  y  a  quelques  années,  pour  y  être 
réparé.  Le  fils  de  la  maison  joue  avec  l'appareil.  Au 
lieu  de  trois  roues,  il  n'en  met  que  deux,  et  il  actionne 
la  roue  d'avant  avec  les  pieds.  Il  essaye,  il  se  lance,  il 
tombe.  Use  lance  encore,  sa  course  devient  plus  sûre. 
Chaque  chute  excite  son  courage.  Le  véhicule  n'a  plus 
que  deux  roues.  L'homme  court  sur  cet  appareil,  qui 
ne  peut  se  tenir  droit  au  repos,  et  le  vélocipède  est  in- 
venté. La  maison  Michaux  se  fonde,  puis  donne  nais- 
sance à  la  Compagnie  parisienne.  Des  vélocipèdes  se 
fabriquent  et  s'expédient  de  tous  côtés.  Des  machines 
sont  inventées  pour  les  fabriquer  plus  promptement 
et  d'une  manière  plus  parfaite.  Aussi,  ce  qui  existe 
aujourd'hui  de  véloces  suffira-t-il  à  tous  les  besoins 
pour  de  longues  années  et  cette  industrie  est-elle  en 
ce  moment  dans  le  marasme  ! 

La  vitesse  que  l'homme  peut  atteindre,  monté  sur 
un  vélocipède,  est  la  cause  de  l'enthousiasme  dont 
on  s'est  pris  pour  ce  nouveau  moyen  de  transport. 

Cette  vitesse  varie,  on  le  comprend,  avec  la  force  du 
veloceman,  avec  la  nature  et  l'inclinaison  de  la  voie 
parcourue,  et  selon  la  plus  ou  moins  bonne  construc- 
tion de  l'appareil.  Le  club  Bernois  évalue  à  10  kilo- 
mètres la  vitesse  à  l'heure  des  vélocemen  sur  les  routes 
qui  entourent  Berne.  A  Paris,  sur  les  bonnes  prome- 
nades, dit  le  Vélocipède  illustré^  la  vitesse  normale 


LES  VÉLOCIPÈDES.  509 

est  de  15  kilomètres.  Dans  une  grande  quantité  de 
courses  et  sur  des  pistes  accidentées,  les  "vélocipé- 
distes  exercés  parcourent  1  kilomètre  en  2  minutes, 
soit  50  kilomètres  à  l'heure.  Et  sur  une  piste  asphaltée, 
d'un  niveau  parfait,  la  vitesse  peut  atteindre  40  kilo- 
mètres. 

Ces  derniers  chiffres  constituent,  en  réalité,  des 
exceptions.  Car  50  kilomètres  à  l'heure  pour  un  vélo- 
cipède à  roue  motrice  d'un  mètre  de  diamètre  repré- 
sentent près  de  10,000  tours  de  pédales  :  5  tours  en- 
viron par  seconde  !  On  conçoit  qu'il  faut  un  jarret  doué 
d'une  vigueur  exceptionnelle  pour  fournir  pendant  un 
certain  temps  un  semblable  travail. 

De  longs  voyages  ont  été  entrepris  sur  des  véloci- 
pèdes. On  cite,  entre  autres,  celui  de  deux  véloci- 
pédistes  qui  ont  accompli  en  six  jours  une  course  de 
150  lieues:  la  distance  de  Paris  à  Bordeaux;  ce  qui 
donne  une  vitesse  moyenne  de  25  lieues,  ou  100  kilo- 
mètres par  jour. 

On  trouve  encore  dans  les  annales  de  la  vélocipédie 
qu'une  course  de  250  kilomètres  a  été  faite  en  vingt 
heures  consécutives,  y  compris  le  temps  du  repos. 
C'est  500  mètres  par  minute  ou  \'2^'\h  à  l'heure. 

Citons  encore  le  suivant  : 

Un  jeune  homme  partit  de  Bordeaux  le  15  juin,  en 
compagnie  de  trois  amis  ;  il  passa  par  Angoulême, 
Poitiers,  Tours,  où  il  resta  deux  jours,  et  Orléans; 
enfin  il  arriva  à  Paris  le  21.  Après  une  semaine  dans 
cette  ville,  il  se  dirigea  seul  sur  Lille,  d'où  il  repartit 
le  14  juillet  au  matin.  Il  traversa  successivement  Bé- 


510  LES  MERVEILLES  DE  L.\  LOCOMOTION. 

thune,  Abbeville,  Rouen,  Alençon,  Le  Mans,  La  Flèche, 
où  il  passa  un  jour  chez  ses  amis;  Angers,  Saumur, 
Niort,  Saintes  ;  et  enfin  il  rentra  à  Bordeaux  le  20  au 
soir,  après  avoir  parcouru  environ  à  son  retour  900  ki- 
lomètres en  six  jours,  en  moyenne  150  kilomètres  par 
jour. 

Mais  ces  tours  de  force,  si  remarquables  qu'ils 
soient  d'ailleurs,  au  double  point  de  vue  de  la  vitesse 
obtenue  et  de  la  durée  de  la  course,  ne  doivent  être 
considérés  que  comme  des  faits  exceptionnels,  dus  à 
des  circonstances  spéciales,  et,  en  premier  lieu,  à  l'ex- 
cellence du  véloceman. 

Nous  ne  saurions  trop  le  répéter  :  le  véloce,  d'une 
manière  générale,  ne  deviendra  un  véhicule  réelle- 
ment pratique  que  le  jour  où  il  n'exigera  plus  des 
voies  parfaites.  Alors,  le  facteur  rural  s'en  servira 
pour  faire  ses  tournées  quotidiennes  :  plusieurs  facteurs 
s'en  servent  dès  à  présent  d'une  manière  régulière  ; 
des  percepteurs,  des  employés  des  contributions  les 
ont  aussi  adoptés;  le  maraîcher,  la  laitière,  pour 
porter,  celui-ci  ses  légumes  et  celle-là  son  lait  à  la 
ville.  Le  véloce  pourra  détrôner  l'àne,  ce  cheval  du 
pauvre,  car,  si  élevé  que  soit  resté  son  prix  d'achat, 
sa  nourriture  préoccupera  moins  encore  que  les  char- 
dons, les  ronces  ou  l'herbe  vaine  qui  pousse  dans  les 
fossés  des  chemins. 


LES  VÉLOCIPÈDES.  511 


DES  VARIÉTÉS   DU   VÉLOCE. 


Il  y  n  peu  d'inventions  aussi  simples  que  celle  du 
vélocipède  ;  il  y  en  a  peu  qui  aient  été  l'objet  déplus 
de  brevets  pris  dans  un  temps  plus  court. 

Ce  que  l'on  a  inventé  de  soi-disant  perfectionnnc- 
ments  qui  ne  sont,  pour  la  plupart,  que  des  complica- 
tions inutiles,  est  inimaginable.  Ces  inventions  ont  trait 
les  unes  à  la  forme  générale  du  véloce,  les  autres  à 
telle  ou  telle  de  ses  parties.  On  a  cherché  enfin  à  em- 
ployer des  moteurs  autres  que  la  force  de  l'homme  : 
le  vent,  la  vapeur,  l'électricité.  Nous  dirons  rapide- 
ment quelques  mots  des  idées  les  plus  curieuses  qui  se 
sont  produites. 

Mille  moyens  ont  été  proposés,  chaque  constructeur 
a  le  sien  pour  réunir  les  deux  roues  du  bicycle  et  poser 
sur  la  pièce  qui  les  assemble  la  selle  du  cavalier.  La 
roue  d'avant  est  généralement  motrice,  directrice  et 
porteuse.  Certains  vélocipèdes  reçoivent,  au  contraire, 
leur  direction  par  l'arrière,  tel  est  celui  dont  le  dessin 
est  donné  ci-dessous.  Nous  ne  croyons  pas  que  cette 
solution  soit  avantageuse. 

Les  tricycles  varient  à  l'infini,  tantôt  ils  sont  à  une 
place,  tantôt  à  deux  places,  mus  par  les  pieds  ou  par 
les  mains,  ou  par  les  pieds  et  les  mains  à  la  fois.  De  là 
des  variétés  innombrables. 

Nous  ne  parlerons  pas  des  quatricycles,  nous  retom- 
berions dans  la  voiture  ordinaire. 

Quant  au  monocycle,  on  est  encore  à  le  chercher. 


312  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

Placer  le  véloceman  au-dessus  de  la  roue,  nous  doutons 
que  son  équilibre  soit  bien  stable.  Le  placer  au  centre, 
il  ne  nous  semble  pas  beaucoup  plus  solide  :  la  roue  se 
trouve  réduite  à  une  jante  assez  facilement  déforma- 
ble,  et  la  transmission  de  mouvement  ne  paraît  pas 
devoir  être  simple.  On  dit  cependant  que  le  problème 


Vélocipède-raquette. 


serait  résolu.  M.  Jackson  aurait  fait  un  voyage  de 
Paris  à  Versailles  ou  à  Saint-Cloud  sur  un  monocycle 
Dans  ce  cas,  le  véloceman,  placé  au  milieu  du  cercle, 
était  porté  par  une  circonférence  concentrique  à  la 
roue,  et  qui  frotte  sur  des  galets.  C'est  en  incli- 
nant le  corps,  à  droite  ou  à  gauche,  qu'il  dirigeait 
l'appareil.  Il  n'y  a  là  rien  d'impossible,  assurément, 


LES  VELOCIPEDES.  515 

mais  l'adresse  de  l'homme  nous  paraît  merveil- 
leuse. 

Néanmoins,  nous  aimons  la  simplicité  du  monocycle 
du  Vélocipède  illustré  :  la  sphère  ! 

Le  mode  d'actionnement,  s'il  ne  donne  pas  toute 


Fig.  74.  —  Monocycle-sphère. 

satisfaction,  est  du  moins  tellement  primitif,  qu'il  ne 
le  cède  à  aucun  autre. 

Le  champ  reste,  d'ailleurs,  ouvert  aux  inventeurs. 

Les  perfectionnements  des  différentes  parties  des 
véloces  ont  été  généralement  plus  heureux  que  ceux 
qui  ont  porté  sur  l'ensemble. 

Les  manivelles,  ou  les  pédivelles  (comme  on  devrait 
les  nommer),  ont  été  améliorées.  Le  frein,  le  gouver- 


514  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

nail,  la  lanterne,  les  burettes  de  graissage,  la  selle,  se 
font  aujourd'hui  avec  un  soin  et  une  perfection  qui 
seront  difficilement  dépassés. 

La  jante  a  été  d'abord  garnie  d'un  boudin  plein, 
rond  ou  rectangulaire ,  en  caoutchouc ,  servant 
à  empêcher  les  chocs  produits  par  les  inégalités 
et  les  aspérités  du  chemin.  Aujourd'hui,  ce  boudin 
est  creux  et  contient  un  fil  de  fer  dont  les  extrémités 
sont  réunies  au  moyen  d'un  écrou  à  deux  pas  con- 
traires et  serrant  le  caoutchouc  contre  la  jante  de 
la  roue. 

Les  inventeurs  ont  souvent  cherché  à  simplifier 
le  moyen  de  transmission  du  moteur  à  l'appareil. 
Ils  ont  proposé  des  pédales  disposées  de  diverses 
manières,  dans  le  but  de  remplacer  le  mouvement 
de  rotation  des  pieds  par  un  simple  mouvement  de 
va-et-vient.  Aucun  de  ces  moyens  n'a  réussi.  Tous 
ont  été  trop  compHqués  et  ont  absorbé  une  telle 
fraction  de  la  force  motrice  qu'il  n'y  avait  plus  avan- 
tage à  les  employer. 

Les  métaux  de  la  meilleure  fabrication  et  les  plus  lé- 
gers ont  été  appliqués  à  la  fabrication  des  vélocipèdes. 
Le  fer  a,  de  bonne  heure  remplacé  le  bois,  puis  on 
s'estservi  de  l'acier.  Enfin,  on  a  employé  le  bronze  d'alu- 
minium. Le  but  que  tous  les  constructeurs  se  sont  pro- 
posé a  été  de  fabriquer  un  appareil  qui  unisse  la  plus 
grande  légèreté  à  la  plus  grande  solidité.  On  a  succes- 
sivement diminué  les  dimensions  des  différentes  par- 
ties du  véhicule  jusqu'au  moment  où  elles  sont  deve- 
nues si  faibles  qu'on  a  dû  s'arrêter,  dans  la  crainte  de 


LES  VÉLOCIPÈDES.  315 

ne  pas  les  voir  résister  aux  efforts  auxquels  elles  peu- 
vent être  soumises. 

L'un  des  changements  les  plus  importants  (on  ne 
saurait  dire  encore  si  c'est  un  perfectionnement)  con- 
siste  dans  la  substitution  des  roues  métalliques  à  ten- 


Fig.  75.  —  Vélocipède  à  voile. 


sion  auxrouesen  bois.  Chaque  rais  se  trouve  tendu  par 
un  écrou  rattaché  au  moyeu  et  dont  l'action  se  règle  à 
volonté.  Les  roues,  entièrement  métalliques,  sont  gar- 
nies de  caoutchouc  coulé  à  chaud  et  \ulcanisé  sur  le 
fer.  Les  roues  en  bois,  qu'on  ne  peut  introduire  dans 


olG  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

les  chaudières  à  vulcaniser,  sont  cerclées  de  bandages 
en  caoutchouc  ordinaire. 

Emprunter  à  un  agent,  autre  que  le  cavalier,  la 
force  nécessaire  à  la  mise  en  mouvement  de  l'appareil, 
présentait  un  vif  intérêt.  Le  problème  était  difficile. 
On  s'est  donné  libre  carrière  et  on  a  proposé  pour  le 
résoudre  les  moyens  les  plus  excentriques. 

La  vapeur  tout  d'abord  î  Et  comme  le  véloceman  au- 
rait du  remplir  ses  poches  de  charbon,  on  a  proposé  de 
remplacer  ce  combustible  par  le  pétrole,  d'un  trans- 
port plus  facile.  Nous  avons  vu  à  l'Exposition  de  1878 
un  vélocipède  et  un  tricycle  à  vapeur,  dont  la  puissance, 
au  dire  de  l'inventeur,  était  de  4  à  6  kilogrammètres, 
et  qui  pouvaient  donner  des  vitesses  de  5  à  6  lieues  à 
l'heure.  L'emploi  delà  vapeur  ne  nous  paraît  pas  plus 
possible  que  celui  de  l'air  comprimé  ou  de  l'air 
chaud.  On  n'installe  pas  aisément  sur  un  de  ces  légers 
appareils,  tout  le  lourd  attirail  de  cylindres,  de  bielles, 
de  générateurs,  de  pièces  mécaniques  qu'exige  l'em- 
ploi d'un  de  ces  agents.  Autant  vaudrait  charger  un 
canon  sur  des  araignées. 

Nous  devons  dire  cependant  qu'un  vélocipède  à 
vapeur  a  fonctionné  à  Marseille  :  joujou  curieux,  mais 
nullement  pratique.  C'est  peut-être  un  de  ceux  dont 
nous  venons  de  parler,  car  les  spécimen  sont  rares. 

L'électricité,  que  les  Américains  ont  appliquée  à  la 
mise  en  mouvement  des  locomotives,  deviendra-t-elle 
quelque  jour  le  moteur  des  véloces?  On  ne  peut  rien 
aflîrmer,  mais  les  résultats  obtenus  jusqu'à  présent  ne 
font  pas  entrevoir  cet  événement  comme  prochain. 


LES  VÉLOCIPÈDES.  517 

Un  essai  a  été  fait  dans  les  ateliers  de  la  Compagnie 
parisienne.  Le  projet  semblait  promettre  un  bon  résul- 
tat ;  mais  l'appareil,  construit  à  moitié,  était  déjà  d'un 
poids  inadmissible.  Il  a  fallu  y  renoncer. 

Le  vent  reste  le  seul  moteur  facilement  applicable  au 
vélocipède.  Une  voile  légère  peut  être  ajoutée  à  l'in- 
strument, sans  qu'il  en  résulte  aucun  inconvénient 
pour  le  cavalier,  lorsque  le  calme  ou  une  direction 
contraire  le  force  à  la  laisser  fermée.  Le  Vélocipède 
illustré,  que  nous  avons  déjà  cité  plusieurs  fois,  rap- 
porte qu'une  vitesse  de  25  kilomètres  à  l'heure  a  pu 
être  obtenue  sans  fatigue,  à  l'aide  d'une  voile,  surun 
terrain  plat  ;  3  kilomètres  ont  été  parcourus  sans  que 
les  pieds  touchent  les  pédales. 

C'est  là,  croyons-nous,  un  auxiliaire  précieux  qui 
pourra  rendre,  dans  certains  cas,  d'utiles  services. 

Et  l'homme  désormais  suivant  les  hirondelles, 
PomTa  dire  aux  oiseaux  :  Me  voici,  j'ai  des  ailes! 


CHAPITRE   X 


LOCOMOTION    AU-DESSUS    ET    AU-DESSOUS    DU    SOL 
ET    DANS    DIVERS   SENS 


A.  —  Locomotion  au-dessus  du  sol  et  a  faible  hauteur. 

a.  —  Les  cordes.  —  Les  échelles.  —  Les  escaliers.  —  Les  ascenseurs. 
Les  échelles  et  les  machines  de  sauvetage  des  incendies. 

Nous  n'avons  parlé  jusqu'à  présent  que  des  moyens 
employés  par  l'homme  pour  se  mouvoir  à  la  surface 
de  la  terre,  et  nous  n'avons  rien  dit  de  ceux  qu'il 
emploie  pour  s'élever  au-dessus  ou  pour  s'abaisser  au- 
dessous  de  sa  surface.  Tel  va  être  le  sujet  de  ce  chapi- 
tre, qui  comprendra  trois  divisions. 

Nous  raconterons,  dans  un  premier  paragraphe,  les 
procédés  employés  pour  atteindre  aux  plus  hauts  points 
de  la  terre;  puis,  dans  un  second,  les  moyens  en  usage 
pour  pénétrer  dans  son  sein,  aux  plus  grandes  profon- 
deurs connues  et  pour  en  rapporter  les  matières  pré- 
cieuses qui  y  sont  cachées. 

Enfin,  dans  une  troisième  division,  nous  décrirons 
le  moyen  de  locomotion  tantôt  aérien,  tantôt  souter- 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      519 

rain,  tantôt  sous-marin,  employé  dans  quelques  cas 
particuliers  au  transport  des  menus  objets  et,  en  parti- 
culier, au  transport  des  dépèches. 

Nos  pères  n'avaient  que  des  moyens  primitifs  pour 
s'élever  au-dessus  du  sol.  De  leur  temps,  il  est  vrai, 
les  habitations  n'avaient  pas  huit  étages  !  Les  maisons 
ressemblaient  aux  temples,  et  le  grenier,  qui  régnait 
au-dessus  du  rez-de-chaussée,  n'était  pas  habité.  L'é- 
chelle était  le  seul  moyen  de  communication.  Elle 
s'est  conservée  dans  les  campagnes,  où  le  confortable 
des  escaliers  est  trop  coûteux.  Son  invention  remonte 
aux  temps  les  plus  reculés.  Elle  servait  dans  l'antiquité, 
non-seulement  aux  usages  domestiques,  mais  encore  à 
la  guerre  pour  franchir  les  remparts  ennemis  ou  pour 
gravir  les  passages  difficiles.  Les  hommes  des  habita- 
tions lacustres  l'employaient  pour  monter  de  leurs  ba- 
teaux dans  leurs  demeures,  comme  certaines  peuplades 
sauvages  l'emploient  pour  atteindre  leurs  cases  con- 
struites sur  les  arbres  ou  sur  de  hautes  perches. 

L'homme  des  bois  a  pour  s'élever  la  liane  qui  pend 
aux  branches  du  cocotier,  le  pauvre  des  campagnes  a 
l'échelle;  l'homme  aisé,  l'escalier  aux  marches  en 
pente  douce  ;  le  riche,  l'ascenseur. 

Nous  ne  parlons  pas  du  plan  incliné.  A  part  quel- 
ques cas  particuliers,  il  n'est  pas  employé.  Nous  n'en 
connaissons  que  deux  exemples  remarquables,  celui 
de  la  Giralda  de  Séville,  maravilla  octava  !  et  celui  de 
la  Tour  de  la  Trinité,  à  Copenhague.  Une  rampe  douce, 
pavée  en  briques,  interrompue  par  vingt-huit  paliers, 
conduit  jusqu'à  la  plate-forme  de  la  vieille  tour  de 


520  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

lluever,  haute  de  250  pieds  au-dessus  du  Patio  de  los 
Naranjos.  Deux  cavaliers,  marchant  de  front,  peuvent, 
à  cheval,  arriver  au  sommet.  Œuvre  curieuse,  admi- 
rable, comme  toute  la  cathédrale  qui  s'étend  à  ses 
pieds,  mais  absolument  dépourvue  d'utilité. 

L'église  de  la  Trinité,  à  Copenhague,  est  flanquée 
de  cette  tour  célèbre,  la  Toui^  ronde ^  haute  de  38 
mètres  et  demi,  que  a  servi  d'observatoire.  L'inté- 
rieur est  disposé  en  spirale,  de  manière  à  permet- 
tre d'y  monter  en  voiture,  comme  l'a  fait  Pierre  le 
Grand. 

Les  escaliers  n'ont  rien  de  remarquable,  au  point 
de  vue  qui  nous  occupe,  que  leur  grande  hauteur.  Les 
plus  hauts  monuments  sont  donc  pour  nous  les  plus 
intéressants.  Au  premier  rang  se  place  la  cathédrale 
de  Rouen;  dont  la  flèche  a  150  mètres  de  hauteur, 
puis  vient  le  munster,  la  tour  de  la  cathédrale  de 
Strasbourg.  Ce  monument  a  142™,!  12  de  hauteur  (deux 
mètres  de  moins  que  la  plus  haute  pyramide  d'Egypte) , 
et  l'escalier,  qui  se  termine  à  la  base  de  la  flèche, 
compte  560  marches. 

La  flèche  des  Invalides  a  une  hauteur  de.  105  mètres. 

Le  sommet  du  Panthéon 79       — 

La  balustrade  de  la  tour  Notre-Dame  .    .  66       — 

La  colonne  de  la  place  Vendôme  ....  45      — 

L'ascenseur  vient  enfin  prêter  son  aide  aux  boiteux 
et  aux  paralytiques,  aussi  bien  qu'aux  gens  riches.  Les 
ascenseurs  sont  d'espèces  variées.  Tout  moyen  de  trac- 
tion mécanique  appliqué  à  une  corde  ou  à  une  chaîne, 


LOCO:,IOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      Ô21 

portant  un  plateau  guidé  verticalement,  donnera  un 
ascenseur.  Que  l'agent  producteur  du  mouvement  soit 
la  vapeur  d'eau  ou  l'air  dilaté,  qu'il  soit  la  pression  de 
l'eau  ou  toute  autre  force,  ce  sera  toujours  le  même 
ascenseur. 

Les  premiers   appareils  de    ce    genre,   établis  eu 


Fig.  76.  —  Ascenseur  méi-aniijue. 


France,  étaient  mis  en  mouvement  par  des  moteurs  à 
gaz.  On  connaît  ces  ingénieuses  petites  machines,  in- 
ventées par  M.  Lenoir,  où  la  force  est  produite  par  la 
dilatation  d'un  mélange  d'air  et  de  gaz  d'éclairage 
enflammé  par  une  étincelle  électrique.  Le  gaz  circule 
aujourd'hui  dans  toutes  les  grandes  villes;  il  suffit 
d'un  hrauchenient  et  d'une  pile  de  quelques  éléments 

21 


522  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTIO'. 

pour  donner  la  vie  à  cette  machine.  En  arrivant  sur 
le  plateau  de  l'ascenseur,  on  pousse  le  bouton  et  l'on 
s'élève.  Yeut-on  s'arrêter  à  un  étage  quelconque,  on 
tire  une  corde,  le  robinet  se  ferme  et  l'on  quitte  l'ap- 
pareil. Yeut-on  descendre,  on  s'abandonne  à  la  pesan- 
teur en  modérant  son  action  par  l'usage  d'un  frein. 

Toutes  ces  manœuvres  ont  l'inconvénient  d'être 
compliquées  et  de  ne  pouvoir  être  faites  par  qui  con- 
que, sans  une  instruction  préalable.  Le  concierge  de 
la  maison  où  est  établi  l'ascenseur  ou  mieux  un  méca- 
nicien attitré,  ainsi  que  cela  a  lieu  dans  les  hôtels 
importants,  est  chargé  de  la  direction  de  l'appareil, 
mais  on  comprend  qu'une  semblable  sujétion  équi- 
vaut souvent  à  une  impossibilité,  et  qu'une  telle  ma- 
chine devient  plutôt  une  charge  et  une  gêne  qu'un 
auxiliaire  avantageux. 

L'exposition  de  1867  a  fait  faire  un  pas  notable  aux 
ascenseurs,  et  a  vu  surgir  de  nouveaux  appareils,  au- 
trement pratiques  que  c^ux  qui  les  avaient  précédés. 
M.  Édoux  en  est  l'inventeur.  (Ju'on  se  fii^ure  une  Ion- 
gue  tige  cylindrique  de  métal,  de  la  hauteur  d'une 
juaison,  et  pouvant  disparaître  dans  un  cylindre  qui 
l'enveloppe  et  s'enfonce  dans  le  sol.  L'eau  des  conduites 
urbaines  est  introduite  en  dessous  de  cette  grande  tige 
cylindrique  faisant  piston,  et  sa  pression  détermine 
l'ascension  du  plateau  superposé  et  des  personnes  qui 
y  sont  placées.  Ce  plateau,  guidé  dans  ses  mouvements, 
e<t  surmonté  d'une  cage  portant  les  ascensionnistes  et, 
au  besoin,  garnie  de  sièges.  Une  corde  passe  dans 
l'angle  de  la  cage  ;  elle  s'étend  du  haut  en  bas  de  la 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      523 

tourelle  parcourue  par  l'appareil.  Il  suffit  de  la  tirer 
de  bas  en  haut  ou  de  haut  en  bas,  selon  qu'on  veut 
monter  ou  descendre.  Dans  un  cas,  on  ouvre  le  robi- 
net d'accès  de  l'eau:  dans  l'autre,  le  robinet  d'échap- 
pement. La  fermeture  des  deux  robinets,  amenée  par 
un  état  de  tension  convenable  de  la  corde,  détermine 
l'arrêt. 

Comme  on  le  voit,  cet  appareil  est  d'une  manœuvre 
infiniment  plus  simple  que  celui  que  nous  avons  dé- 
crit tout  d'abord,  mais  son  emploi  ne  laisse  pas  que 
d'être  encore  assez  coûteux.  Paris  possède  aujourd'hui 
un  grand  nombre  de  ces  appareils. 

Deux  ascenseurs  ont  été  établis  dans  les  tours  du 
Trocadéro,  à  l'occasion  de  l'Exposition  de  1878,  l'un 
par  M.  Édoux,.  l'autre  par.  MM.  Bon  et  Lustrement. 
La  hauteur  parcourue  est  de  70  mètres,  la  plate-forme, 
esta  120  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  Seine,  soit 
à  1  40  mètres  environ  au-dessus  de  niveau  de  la  mer.  Il 
est  remarquable  d'avoir  pu  construire  une  tige  parfai- 
tement verticale  et  cylindrique  d'une  pareille  longueur. 
La  cage  est  guidée  par  4  colonnes  et  son  poids,  ainsi 
que  celui  du  piston,  sont  constamment  équilibrés  par 
des  chaînes  formant  conlre-poids;  de  sorte  que  l'effort 
à  vaincre  est  seulement  celui  que  nécessitent  les  voya- 
geurs qui  opèrent  cette  ascension.  Et  ils  sont  nom- 
breux :  On  en  a  compté  100  000  à  l'ascenseur  Edoux 
pendant  le  mois  d'août! 

Indépendamment  de  ces  ascenseurs,  deux  escaliers 
de  400  marches  permettent  l'ascension  des  tours. 

Il  y  a  loin  de  ces  moyens  d'ascension  perfectionnés 


5'24  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

à  la  corde  à  nœuds  du  badigeonneur,  à  l'échelle  de 
corde  du  ravaleur,  du  marin  ou  du  pompier.  Chacun 
de  CCS  engins  suffit  à  la  tâche  qu'il  sert  à  accomplir, 
et  sa  simplicité  fait  son  plus  grand  mérite.  Et  puisque 
nous  parlons  du  pompier,  disons  un  mot  des  instru- 
ments de  sauvetage  qui  servent  à  fuir  le  haut  des  ha- 
bitations dont  l'escalier  est  devenu  inaccessible. 

C'est  à  l'aide  d'une  simple  petite  échelle  brisée  en 
deux  segments,  de  2  mètres  chacun,  et  dont  les  mon- 
tants se  terminent  en  forme  de  grands  crochets,  capa- 


Fig.  77.  —  Échelles  de  pompier. 

bles  (l'embrasser  l'épais.-^eur  d'un  appui  de  fenêtre, 
que  les  pompiers  montent  d'étage  en  étage  jusqu'au 
sommet  des  habitations.  Mais  souvent  les  murs  eux- 
mêmes  ne  peuvent  fournir  un  appui  :  la  base  brûle  et 
il  faut  arriver  au  quatrième,  au  cinquième  étage  ou 
au  comble.  On  fait  usage  alors  d'appareils  mobiles  que 
l'on  dresse  aussi  près  que  possible  des  lieux  à  atteindre, 
et  au  sommet  desquels  on  peut  rapidement  monter. 

Ces  appareils  sont  de  différentes  sortes.  Nous  don- 
•  nerons  une  idée  de  leur  construction. 

On  connaît   ces  croisillons  en  bois,  figurant  une 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SUL.      525 

série  de  losanges  juxtaposés,  dont  les  articulations  sont 
formées  par  de  petites  chevilles  sur  lesquelles  les  en- 
fants fixent  des  soldais.  Selon  qu'on  rapproche  ou 
qu'on  éloigne  deux  sommets  opposés  de  l'un  des  lo- 
sanges, on  allonge  ou  l'on  raccourcit  le  petit  appareil, 
et  l'on  groupe  ou  l'on  fait  marcher  en  avant  le  corps 
d'armée  qu'il  supporte. 

Il  en  est  de  même  de  l'échelle  à  incendie  de  Jan- 
deau.  Deux  systèmes  de  losanges,  dont  les  plans  sont 
disposés  à  angle  droit  pour  donner  à  l'ensemhle  la  ri- 
gidité voulue,  sont  portés  sur  un  chariot.  Les  losanges, 
formés  de  pièces  de  charpente  articulées,  sont  refermés 
sur  eux-mêmes.  Ils  s'entr'ouvrent  et  leur  squelette  s'é- 
lève vers  la  maison  embrasée,  lorsque  les  extrémités 
des  deux  branches  inférieures  sont  rapprochées  l'une 
de  l'autre.  Une  plate-forme  et  une  cage,  disposées  à  la 
partie  supérieure,  reçoivent  les  incendiés. 

Un  autre  appareil,  qui  nous  semble  beaucoup  plus 
pratique,  consiste  en  une  série  d'anneaux  de  char- 
pente, entrés  les  uns  dans  les  autres  comme  les  an- 
neaux d'un  télescope,  et  dont  la  succession  forme  une 
haute  tourelle  qui  peut  atteindre  jusqu'au  sommet  des 
habitations.  Une  cage,  devant  laquelle  s'abaisse  un 
petit  pont-levis,  donne  accès  aux  incendiés,  qui  sont 
ensuite  descendus  à  terre.  Telle  est  l'échelle  à  incen- 
die, inventée  par  Kermarec,  maître  de  la  compagnie 
des  pompiers  de  la  marine,  au  port  de  Brest. 

Ce  sont  là  les  moyens  lents  de  descente,  mais  il  en 
est  de  rapides  et  de  beaucoup  plus  simples  dont  l'em- 
ploi, quand  il  est  possible,  est  assurément  préférable. 


526  LES  MERVEILLES  DE  L.\  LOCOMOTION 

Un  long  boyau  en  fort  treillis  de  toile,  attaché  au  bal- 
con d'une  fenêtre,  descend  sur  le  sol  en  s'infléchissanl. 
Les  gens  et  les  choses  y  sont  successivement  engagés 
et  descendent  à  l'extrémité  inférieure,  convenable- 
ment soutenus  pour  éviter  tout  choc  dangereux.  Tous 
les  objets  précieux  sont  ainsi  rapidement  enlevés  et 
soustraits  au  fléau  destructeur. 

On  a  inventé  récemment  un  petit  appareil  fort 
simple,  appelé  descenseur  à  spirale  destiné  à  per- 
mettre la  descente  rapide  des  habitants  d'une  maison 
incendiée.  Cet  appareil  se  compose  d'une  corde  que 
l'on  altacbe  au  balcon  d'une  fenêtre  ou  au  pied  d'un 
lit  et  qui  pend  le  long  du  mur  de  la  maison.  Celte 
corde  s'enroule  sur  une  gorge  creusée  en  hélice  à  la 
surface  d'un  petit  cylindre  en  fer  de  0'",10  à  O'",!^ 
delongeur,  dans  laquelle  elle  est  maintenue  au  moyen 
d'une  plaque  métallique  enveloppatitc.  Un  crochet  est 
placé  à  la  partie  iiiférieure  de  ce  petit  appareil.  Les  ob- 
jets à  descendre  y  sont  attachés;  les  personnes  y  sont 
suspendues  au  moyen  de  bretelles  en  lisières;  aban- 
données à  elles-mêmes,  elles  descendent  lentement, 
grâce  au  frottement  qui  s'excerce  entre  la  corde  et  le 
cylindre  qui  la  porte. 

Après  unepremière  descente,  l'appareil  estremonté, 
retourné  et  piêt  à  servir  à  un  second  sauvetage. 

Ce  petit  aj)pareil  serait  très-répandu  si  nous  étions 
plus  accontumés  que  nous  ne  le  sommes  généralement 
aux  exercices  <Mmnastiuucs. 


Fig-.  78.  —  Les  échelles,  le  boyau  de  toile  des  incendie; 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.       ."29 


b.  —  Les  chèvres  et  les  grues  à  bras,  à  manège,  à  vapeur,  à  eau  (système 
Armstrong) .  —  Les  tourelles.  —  Les  monle-charges  à  vapeur,  hydrauliques . 
—  La  toile  sans  lin.  —  La  chaîne  à  godets.  —  La  vis  d'Archimède.  —  Le 
tii)  hydraulique  et  à  contre-poids.  —  Le  dro}}. 


Il  faudrait  un  énorme  volume  pour  décrire  les  prin- 
cipaux systèmes  employés  pour  élever,  non  plus 
l'homme,  dont  le  transport  impose  des^conditions  spé- 
ciales, mais  les  fardeaux  de  toutes  sortes.  Aussi  n'a- 
vons-nous pas  la  prétention  de  les  faire  connaître  tous 
dans  les  quelques  pages  qui  vont  suivre.  Nous  dirons 
seulement  quelques  mots  des  appareils  les  plus  remar- 
quables. 

Le  poids,  le  volume,  la  nature,  le  nombre  des  far- 
deaux qu'on  peut  avoir  à  soulever  varient  à  l'infini.  La 
hauteur  à  laquelle  on  doit  monter  ou  descendre  est 
aussi  très-variable.  Il  en  est  de  même  de  la  distance 
horizontale  à  laquelle  le  transport  doit  avoir  lieu  et  de 
la  vitesse  avec  laquelle  les  mouvements  doivent  s'ac- 
complir. C'est  donc  un  problème  très-complexe  et  in- 
finiment varié  que  celui  de  la  construction  de  ces  ap- 
pareils locomoteurs. 

Les  chèvres  et  les  grues  sont  des  assemblages  de 
pièces  de  charpente,  ou  de  métal,  quelquefois  de  bois 
et  de  métal  en  même  temps,  tantôt  fixes,  tantôt  mo- 
biles, tantôt  roulant,  à  portée  constante,  à  portée  va- 
riable, à  une,  à  deux  ou  à  plusieurs  vitesses  et  mus 
par  l'homme,  par  les  animaux,  par  la  vapeur  ou  par 
l'eau. 

Les  grues  sont  les  bras  de  l'industrie.  Si  ces  appa- 


550 


LES  MERVEILLES  DE  ]A  LOCOMOTION. 


reils  venaient  à  manquer,  on  verrait  en  même  temps 
tous  les  chantiers,  tous  les  ateliers  s'arrêter.  Les  ports 
se  fermeraient,  car  les  bateaux  pleins  conserveraient 
leurs  chargements  et  les  bateaux  vicies  n'en  pourraient 
recevoir  de  nouveaux;  les  gares  de  chemins  de  fer  ne 
pourraient  livrer  les  marchandises  arrivées,  et  n'en 
pourraient  expédier  de  nouvelles;  les  chantiers  de 
construction,  les  ateliers  où  se  forgent  ces  énormes 
pièces  de  machines  qui  excitent  à  un  si  haut  point  l'ad- 


.:^^^^55^^^-N^;\\^x;.    . .  ..  ...........  .V.      .      .  .      . 

Fig.  79.  —  Grue  roulante,  à  double  volée. 


miration,   devraient   suspendre  lenrs  travaux.   Tout 
s'arrêterait,  les  bras  disparaissant. 

C'est  tantôt  la  vapeur  et  tantôt  l'eau  qui  les  anime. 
Dans  les  grandes  machines,  des  batteries  de  chau- 
dières, monstres  de  métal  allonges  sur  la  flamme,  pro- 
duisent la  vapeur  qu'un  ensemble  de  canaux  distribue 
à  tous  les  appareils,  prêts  à  marcher  à  chaque  instant. 
Dans  les  ports  importants,  dans  les  docks,  indépen- 
damment des  grues  qui  poitent  elles-mêmes  leur  ma- 


l'iii'.  NO.  —  Grue  roulaïUe. 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      555 

chines  à  vapeur,  il  existe  souvent  une  circulation  d'eau 
à  haute  pression  qui  alimente  toutes  les  grues  em- 
ployées au  chargement  et  au  déchargement  des  navi- 
res. M.  Armstrong  est  l'inventeur  de  cet  ingénieux 
système. 

Dans  Victoria-dock,  MM.  William  Cory  et  C%  mar- 
chands de  charbons  à  Londres,  ont  fait  une  installa- 
tion de  six  grues  au-dessus  du  niveau  du  quai.  La  tra- 
vail de  décliargement  des  charbons  amenés  par  les 
navires  se  continue  jour  et  nuit  ;  la  cale  du  steamer 
est  éclairée  au  moyen  du  gaz  que  des  tubes  flexibles 
en  caoutchouc  conduisent  dans  toutes  les  directions. 
En  douze  heures,  une  grue  décharge  500  tonnes, 
c'est-à-dire  le  contenu  de  cinquante  wagons,  à  Taide 
de  7ieuf  hommes,  dont  six  occupés  au  remplissage 
des  bennes  et  trois  à  la  manœuvre  de  la  grue  et  à 
celle  des  wagons.  Aussi  le  prix  de  revient,  par  tonne 
débarquée,  n'est-il  que  de  0',1'27. 

Dans  certaines  gares  de  chemins  de  fer,  à  Paris, 
par  exemple,  aux  deux  gares  de  l'Ouest,  et  dans  les 
usines  métallurgiques,  à  côlé  des  hauts-fourneaux,  on 
trouve  des  appareils  appelés  monte -charges  et  qui 
sont  destinés  à  monter  les  bagages  à  la  hauteur  des 
voies,  ou  les  matières  premières  :  charbon,  minerai, 
castine,  au  niveau   du  gueulard^  du  haut-fourneau. 

Le  monte-charge  de  la  gare  Montparnasse  a  été  éta- 
bli par  M.  Baude.  Les  wagonnets  chargés  de  bagages 
sont  amenés  sur  un  grand  plateau,  qui  est  élevé  par 

*  C'est  ainsi  qu'on  appelle  lonlice  supérieur  de  ces  grands  appaieils. 


354  LES  :.IERVEILLES  DE  LÀ  LOCOMOTION. 

une  chaîne  s'enroiilant  sur  une  poulie  à  gorge  héliçoi- 
dale.  Tandis  qu'un  plateau  monte  les  bagages  au  ni- 
veau du  quai  du  départ,  un  autre  descend  à  la  salle 
des  bagages  un  wagonnet  qui  doit  recevoir  un  nou- 
veau chargement.  Chacun  des  plateaux  est  équilibré 
par  un  contre-poids  en  fonte  relié  au  piston  d'un  cy- 
lindre dans  lequel  on  introduit  Teau  de  la  ville.  L'ar- 
rivée du  liquide,  en  détruisant  l'équilibre,  détermine 
le  mouvement  de  l'appareil. 

Le  monte-charge  de  la  gare  Saint-Lazare,  établi  par 
M.Flachat,  fonctionne  d'une  manière  différente.  Dans 
un  cylindre  se  meut  un  piston  à  double  tige.  Selon 
que  l'eau  est  introduite  sur  l'une  ou  sur  l'autre  des 
faces  du  piston,  le  mouvement  a  lieu  dans  un  sens  ou 
en  sens  contraire.  Il  en  est  de  même  des  deux  plateaux 
qui  sont  attachés  à  chaque  extrémité. 

Les  monte-charges  hydrauliques  établis  pour  le 
montage  des  matériaux  des  maisons  en  construction, 
à  Paris,  sont  plus  simples  que  les  précédents.  Les 
deux  plateaux  du  monte-charge  sont  des  caisses  en  tùle 
qui  se  font  équilibre.  Quand  on  veut  élever  les  maté- 
riaux placés  sur  l'un  des  plateaux,  on  remplit  l'autre 
de  l'eau  prise  aux  conduites  de  la  ville.  La  descente  de 
ce  plateau,  devenu  plus  lourd,  détermine  Tascension 
de  l'autre.  C'est  une  véritable  balance  hydraulique. 

Dans  les  usines  métallurgiques  où  Teau  est  abon- 
dante, on  l'utilise  pour  faire  mouvoir  les  monte-char- 
ges. Dans  les  établissements  où  elle  est  rare,  on  a  re- 
cours à  la  vapeur.  Voici  comment  on  procède  :  on  re- 
cueille, au  gueulard  du  haut-fourneau,  les  gaz  prove- 


LOCOMOTIOiN  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      ô5o 

nant  des  actions  chimiques  qui  s'y  produisent  et 
qu'on  laissait  perdre  autrefois,  et  on  les  dirige  vers 
des  générateurs  de  vapeur.  Cette  vapeur  à  son  tour, 
est  conduite  à  de  puissantes  machines  qui  mettent  à 
la  fois  en  mouvement  les  souffleries  et  les  monte-char- 
ges. 

A  Pont-â-Mousson,  on  a  réuni  dans  un  même  bâti- 
ment (le  18  mètres  de  hauteur,  l'escalier  qui  sert  à  la 
montée  et  à  la  descente  des  ouvriers,  les  deux  tou- 
relles pour  le  montage  des  wagonnets  de  houille  et  de 
minerai,  et  enfin  un  monte-charge  à  plateaux. 

Ce  dernier  appareil  est  semblable,  aux  dimensions 
près,  à  celui  qu'on  emploie  dans  les  briqueteries  pour 
monter  les  briques  et  les  poteries  fraîches  dans  les 
séchoirs  disposés  au-dessus  des  fours.  Il  est  semblabi 
aussi  à  ces  appareils  qui  servent,  dans  les  raffineries, 
au  transport  des  pains  de  sucre.  Deux  chaînes  sans  fin, 
disposées  dans  des  plans  parallèles,  ont  leurs  chaînons 
réunis  deux  à  deux  par  des  tiges  transversales  qui  font 
articulation  et  auxquelles  on  accroche,  par  des  moyens 
divers,  les  objets  à  transporter  ou  les  caisses  destinées 
à  les  recevoir.  Les  chaînes  s'enroulent  sur  des  tam- 
bours auxquels  on  donne  un  mouvement  de  rotation 
au  moyen  d'une  machine  quelconque. 

S'il  s'agit  d'une  drague,  c'est  une  puissante  ma- 
chine à  vapeur  ;  s'il  s'agit  simplement  d'un  monte- 
plats,  c'est  un  contre-poids  ou  même  une  hélice  en 
tôle  placée  dans  la  cheminée  de  la  cuisine  et  que  l'é- 
chappement des  produits  de  la  combustion  anime 
d'un  mouvement  rapide  ;  s'il  s'agit  dune  noria,  c  e^t 


Ô50  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

un  cheval,  un  bœuf  ou  un  âne  :  selon  les  applications, 
le  moteur  varie. 

Un  moyen  de  transport  fréquemment  employé  dans 
la  construction  des  machines  et  pour  le  transport  des 
matières  premières  ou  des  produits  entre  deux  étages 
d'une  usine,  est  la  vis  d'Archimèdc  :  une  hélice  enfer- 
mée dans  un  cylindre  et  qui  reçoit  un  mouvement  de 
rotation.  C'est  au  moyen  d'appareils  de  ce  genre  qu'on 
opère  le  transport  des  grains  dans  les  silos  et  celui  du 
tabac  dans  les  manufEictures. 

Nous  avons  déjà  parlé  des  grues  hydrauliques  em- 
ployées à  l'embarquement  des  charbons  dans  les  ports 
anglais.  Ce  ne  sont  pas  les  seuls  appareils  en  usage. 

Il  n'était  certainement  pas  facile  défaire  passer,  du 
^vagon  dans  le  fond  de  la  cale  des  bâtiments,  le  cliar- 
bon  qui,  sans  être  une  matière  précieuse,  perd  nota- 
blement de  sa  valeur  lorsqu'il  se  divise,  ce  qui  arrive 
à  chacune  des  manipulations  qu'on  lui  fait  subir. 

On  a  imaginé  des  appareils  appelés  drops,  à  l'aide 
desquels  le  charbon  est  pris  dans  le  wagon  et  descen- 
du jusqu'au  fond  du  bâtiment,  Qu'on  se  figure  une 
longue  bigue  ou  flèche  en  bois,  articulée  à  sa  base  et 
portant  une  poulie  à  sa  partie  supérieure.  C'est  le  bras 
qui  prend  sur  le  wagon  la  caisse  pleine  de  charbon, 
la  soulève,  l'abaisse  et  la  descend  au  fond  du  navire. 
A  son  arrivée  dans  la  cale,  deux  volets  à  charnières, 
qui  forment  le  fond  de  la  caisse,  s'entr'ouvrent  et 
laissent  tomber  son  contenu.  On  réduit  ainsi  la  hau- 
teur de  chute  à  son  mininmm  et  on  évite  les  déchets 
autant  qu'il  est  possible. 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      057 

A  côté  des  drops,  s'élèvent  souvent  d'autres  ma- 
chines appelées  Hps^  et  qui  servent  aussi  à  l'embar- 
quement des  charbons.  Le  travail  de  ces  machines  est 
encore  plus  rapide  que  celui  des  drops.  Un  wagon  ar- 
rive sur  la  plate-forme  du  tip,  il  est  soulevé,  puis  ren- 
versé, et  le  charbon  glisse  par  l'extrémité  ou  par  le 
fond  du  wagon  dans  un  long  couloir  qui  s'avance  au- 
dessus  du  navire.  Le  Avagon  reprend  sa  position  hori- 
zonta-le,  redescend  et  s'en  va.  Un  autre  le  remplace, 
et  toutes  ces  manœuvres  s'opèrent  avec  une  vitesse  de 
1000  tonnes  en  douze  heures,  soit  plus  de  85  tonnes 
à  l'heure  et  au  prix  surprenant  de  0*,0'2d  par  tonne. 

Tous  ces  mouvements  s'exécutent  au  moyen  de  ces 
moteurs  hydrauliques  dont  nous  avons  parlé  précédem- 
ment. Pour  faire  avancer  les  wagons  sur  les  voies  de 
garage,  on  ouvre  un  robinet  :  un  cabestan  se  met  à 
tourner  et  tire  la  chaîne  fixée  au  crochet  d'attelage 
du  wagon.  L'eau  comprimée  distribue  la  vie  à  tous 
les  appareils  et  toutes  les  manœuvres  s'opèrent  sans 
bruit,  sans  déploiement  apparent  de  force  et  comme 
par  enchantement. 


B,  —  Locomotion  au-dessous  du  sol  et  a  toute  profondeur. 


a.  —  Les  sentiers.  —  Les  échelles.  —  La  corde.  —  Le  panier.  —  La  benne. 
—  La  Caisse.  —  Les  Fahrkunst. 


Lorsque  la  tarière  ou  le  trépan  sont  descendus  aux 
profondeurs  où  l'on  trouve  les  métaux  et  la  houille, 
après  avoir  creusé  pendant  des  mois  ou  des  années,  il 

22 


558  LES  .MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

reste  à  organiser  l'extraction  des  produits  de  la  mine 
et  tout  d'abord  le  transport  des  ouvriers. 

Si  l'exploitation  est  peu  profonde  et  à  flanc  de  co- 
teau, c'est  par  des  sentiers,  en  pentes  plus  ou  moins 
rapides,  ou  par  des  échelles  que  \ont  et  viennent  les 
ouvriers.  Mais  dès  que  l'exploitation  atteint  une  cer- 
taine profondeur,  et  lorsqu'aucune  galerie  horizon- 
tale ou  peu  inclinée  n'aboutit  aujour,  il  faut  avoir  re- 
cours aux  moyens  d'ascension  verticale  les  plus  sim- 
ples, les  plus  sûrs  et  les  plus  prompts  à  la  fois. 

Que  l'on  suppose,  en  effet,  un  puits  de  400  mètres 
de  profondeur,  et  500  ouvriers  nécessaires  à  l'exploi- 
tation. A  la  vitesse  de  5  mètres  par  seconde,  il  faudra 
2  minutes  pour  le  trajet  et,  en  comptant  le  temps  né- 
cessaire au  départ  et  à  l'arrivée  pour  monter  et  des- 
cendre, 2  minutes  et  demie,  ce  qui  permet  20  voyages 
par  lieure.  Il  faudra  donc  une  heure  et  demie  pour 
descendre  les  500  ouvriers  au  fond  du  puits,  en  admet- 
tant qu'on  en  descende  10  à  la  fois.  Et  si,  comme  le 
fait  remarquer  M.  Burat,  la  machine  d'extraction  mar- 
che 1 1  heures  par  jour,  il  ne  restera  que  8  heures 
pour  l'extraction  des  produits  de  la  mine. 

On  organise  donc  à  l'orifice  des  puits  de  puissantes 
machines  à  vapeur  qui  mettent  en  mouvement  de 
grandes  bobines  sur  lesquelles  s'enroule  la  corde,  la 
chaîne  ou  le  câble  d'extraction.  On  a  des  cables  plats, 
formés  de  câbles  ronds  juxtaposés,  et  qui  pèsent  de  4 
à  7  kilogrammes  le  mètre  couiant.  Un  câble  de  500 
mètres  pèse  environ  5500  kilogrammes,  bien  qu'il  ne 
doive  pas  enlever  de  chargp  supérieure  à  5000  kilo- 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      559 

grammes.  Et  comms  le  câble  doit  être  d'autant  plus 
résistant  qu'il  est  plus  rapproché  de  l'orifice,  on  le 
fait  parfois  de  forme  conique,  de  sorte  qu'il  devient 
plus  mince  et  plus  léger  à  sa  partie  inférieure.  On  peut, 
avec  de  tels  câbles,  atteindre  des  profondeurs  de  700 
mètres. 

C'est  tantôt  le  fil  de  fer,  tantôt  le  chanvre,  tantôt  le 
fer  et  le  chanvre  associés,  qui  servent  à  leur  fabrication. 
Enfin,  on  s'est  servi  de  fer  feuillard  dans  une  mine  de 
Belgique.  On  désigne  sous  ce  nom  ce  fer  en  mince  ru- 
ban, semblable  à  celui  dont  on  cercle  les  tonneaux. 

A  l'extrémilé  du  câble  on  attache  le  panier,  la  benne 
ou  la  caisse  qui  doit  recevoir  les  mineurs,  et,  comme 
il  faut  prévoir  le  cas  de  la  rupture  de  ce  câble,  on  in- 
terpose ce  qu'on  appelle  un  parachute^  ingénieux  ap- 
pareil dont  l'action  inslantanée  immobilise  la  benne 
dans  le  puits,  en  produisant  l'enfoncement  dans  ses 
parois  ou  dans  les  guides  de  puissantes  grilles  de  fer 
aciérées. 

Que  d'accidents  et  que  de  morts  ont  déjà  été  évités 
parées  parachutes  !  Nous  n'en  citerons  qu'un,  qui  mon- 
tre tout  le  soin  que  réclament  la  construction  et  l'em- 
ploi de  ces  appareils  :  «  Le  20  juillet  1856,  un  câble 
se  rompit  au  puits  du  Magny,  près  Blanzy,  la  cage 
étant  un  peu  au-dessus  de  l'accrochage,  en  un  point 
où  les  guides  en  bois  étaient  doublés  de  tôle;  l'appa- 
reil ne  put  mordre  sur"  cette  tôle  et  la  cage  tomba 
avec  une  vitesse  effrayante;  mais,  dès  qu'elle  arriva 
sur  un  point  où  le  bois  des  guides  était  à  nu,  l'appa- 
reil agit  et  la  cage  s'arrêta  après  5  mètres  de  cette  ac- 


540  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

tion  et  malgré  le  poids  de  260  mètres  de  câble  tombé 
sm-la  cage.  Sm-  cette  hauteur  de  5  mètres,  l'épaisseur 
du  bois  des  guides  a  été  réduite  de  moitié,  sans  qu'au- 
cune pièce  du  parachute  se  soit  faussée.  » 

Les  câbles  et  les  bennes  sont  les  moyens  le  plus  com- 
munément adoptés  pour  le  transport  dans  les  puits  de 
mine.  Cependant,  on  a  imaginé  une  machine  à  monter, 
appelée  échelles  mobiles  ou  fahrkunst,  et  qui  sert  aux 
mouvements  du  personnel  des  mines.  Qu'on  se  figure 
deux  échelles  placées  en  regard  l'une  de  l'autre  et  ani- 
mées toutes  deux  d'un  mouvement  d'oscillation  alter- 
natif, de  sorte  que  quand  Tune  monte,  l'autre  descend. 
Supposons  qu'un  homme  monté  sur  la  première,  l'a- 
bandonne, alors  qu'elle  va  descendre,  pour  passer  sur 
la  seconde  qui  va  monter.  Il  montera  avec  elle.  Suppo- 
sons encore  qu'au  moment  où  celle-ci  s'arrête,  il  la 
quitte  pour  repasser  sur  la  première  qui  va  maintenant 
s'élever.  Il  montera  avec  cette  seconde  échelle  et,  con- 
tinuant ainsi  cette  manœuvre,  s'élevant  tantôt  avec 
Tune  tantôt  avec  l'autre,  il  arrivera  à  la  surface.  Des 
ouvriers  peuvent  ainsi  se  placer  sur  toute  la  hauteur 
des  échelles  et  monter  d'une  manière  continue. 

Les  premiers  fahrkunst  datent  de  1855.  Ils  se  com- 
posaient de  pièces  de  bois  équilibrées,  suspendues  à 
des  balanciers  et  portant  de  petits  marchepieds.  Puis, 
on  fit  des  échelles  en  fil  de  fer  au  moyen  de  câbles 
dont  le  diamètre  allait  en  diminuant,  à  mesure  qu'on 
s'enfonçait.  On  est  descendu  ainsi  jusqu'à  500  mètres 
de  profondeur. 

M.  Warocquéde  Mariemont  a  construit  un  appareil 


Fig.  81    _  Les  échelles  mobiles  [fahrkumt]. 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      543 

qui  se  compose  de  deux  longues  tiges  en  bois,  descen- 
dant dans  le  puits  et  portant  des  paliers  à  balustrade, 
de  trois  mètres  en  trois  mètres.  Des  tiges  métalliques 
terminent  ces  échelles  à  leur  partie  supérieure  et  por- 
tent chacune  un  piston  mobile  dans  un  cylindre  dont 
la  longueur  est  égale  â  la  course  des  échelles.  Les  mou- 
vements des  deux  pistons  sont  rendus  solidaires  l'un 
de  l'autre  au  moyen  d'un  certain  volume  d'eau  qui 
passe  d'un  cylindre  dans  l'autre  tantôt  par  le  haut, 
tanlôt  par  le  bas.  Il  suffit  tlonc  d'imprimer  un  mouve- 
ment de  va-et-vient  à  l'un  des  deux  pistons  pour  que 
l'autre  fasse  les  mêmes  mouvements  en  sens  contraire. 
Le  résultat  est  obtenu  au  moyen  d'un  cylindre  à  va- 
peur placé  au-dessus  de  Lun  des  cylindres  à  eau.  Les 
échelles  font  12  à  14  oscillations  par  minute,  et  un 
ouvrier  remonte  en  6  minutes  les  212  mètres  qui  sé- 
parent l'exploitation  de  l'orifice. 


b.  —  La  roue  à  chc^villos  —  La  machine  à  molettes.  —  Chevalets  et  bobines. 
—  Chariot,  bennes  roulantes,  berlines,  wagonnets  et  wagons. 

Tout  le  monde  connaît  la  cage  où  tourne  l'écureuil, 
la  roue  à  l'intérieur  de  laquelle  se  meut  le  chien  de 
l'aiguiseur  ou  du  cloutier,  pour  tourner  la  meule  ou 
souffler  !a  forge.  C'est  au  dedans  d'une  roue  semblable 
que  tourne  le  carrier  pour  élever  au  jour  les  pierres 
employées  â  la  construction.  La  roue  à  chevilles  est 
très-fréquemment  employée  aux  environs  de  Paris, 
mais  elle  ne  peut  servir  que  pour  une  exploitation  peu 
importante  et  peu  profonde. 

Dès  que  l'extraction  prend  une  certaine  activité  et 


344  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

que  les  produits  sont  tirés  d'une  grande  profondeur,  la 
force  de  Fliomme  devient  insuffisante  ;  il  faut  employer 
celle  des  chevaux,  de  la  vapeur  ou  des  chutes  d'eau. 
Au  lieu  d'un  simple  treuil  à  axe  horizontal,  on  éta- 
blit une  machine  à  moletles  avec  bobines  ou  tam- 
bours (V  enroulement. 

Au-dessus  du  puits  d'extraction,  deux  grandes  pou- 
lies de  renvoi,  appelées  molettes^  portent  les  deux 
brins  du  câble  :  l'un  montant,  l'autre  descendant,  et 
les  dirigent  vers  deux  cônes  tronqués  rapprochés  par 
leur  grande  base,  mobiles  sur  un  axe  vertical  et  qui 
servent  l'un  à  l'enroulement,  l'autre  au  dévidage  du 
câble.  Deux  chevaux  donnent  le  mouvement  à  cet  arbre 
et  complètent  la  machine,  qui  a  une  entière  ressem- 
blance avec  les  manèges  des  maraîchers. 

Les  tambours  dont  nous  venons  déparier  sont  sou- 
vent remplacés  par  des  bobines.  Ces  bobines  sont  des 
tambours  de  la  largeur  du  càb!e  et  sur  les(juels  les 
spires  se  superposent,  au  lieu  de  se  juxtaposer,  dispo- 
sition essentiellement  favorable  à  la  régularité  de  l'ex- 
traction. 

Telles  sont,  en  abrégé,  les  dispositions  adoptées  dans 
les  mines  pour  le  montage  des  produits.  Les  véhicules 
qui  servent  au  transport  varient  presque  à  l'infini  et 
si,  dans  une  môme  localité,  on  trouve  parfois  des  cha- 
riots, des  bennes,  des  berlines,  des  wagonnets  ou  des 
wagons  de  la  même  forme,  il  est  rare  que  cette  res- 
semblance ait  lieu  dans  deux  pays  un  peu  éloignés. 
Un  grand  nondjre  de  raisons  motivent  ces  différences 
et  les  justifient  :  en  premier  lieu,  l'allure  de  la  cou- 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.       545 

che-  ou  du  gisement,    sa    direction,    son  épaisseur, 
puis  le  mode  d'exploitation  adopté,  la  hauteur,  la  lar- 


Fig.  82.  —  Roues  à  chevilles  des  carriers. 


geur  des  galeries,  etc..  L'ingénieur  a  le  champ  libre 
pour  le  choix  des  moyens  les  meilleurs  à  employer. 


546  LES  MERVEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

A  Blanzy,  on  fait  usage,  pour  le  transport  de  la 
houille,  de  chariots  en  bois  de  14  hectolitres,  se  vi- 
dant à  l'avant  par  un  panneau  mobile  sur  charnière. 
Dans  les  mêmes  mines  on  se  sert  aussi  de  la  benne  rou- 
lante ;  c'est  un  tonneau  avec  un  seul  fond  et  monté  sur 
roues  en  fonte.  A  Anzin,  on  emploie  le  wagon  en  tôle 
de  M.  Cabany,  monté  bas  sur  les  rails  et  dont  la  caisse 


¥ig.  83.  —  Pliin  automoleur  dans  une  mine. 


évasée  permet  un  bon  chargement,  eu  égard  au  poids 
mort;  dans  le  pays  de  Liège,  des  berlines  moins  per- 
fectionnées portant  des  crochets  à  leur  partie  supé- 
rieure, à  l'aide  desquels  on  peut  les  superposer  et  les 
accrocher  les  unes  aux  autres  pour  les  élever  au  jour. 
Lorsque  cet  accrochage  immédiat  des  bennes  entre 
elles  n'a  pas  lieu  et  que  la  machine  est  assez  puis- 
sante pour  remonter  plusieurs  véhicules  à  la  fois,  on 
réunit  ceux-ci  par  deux  ou  par  quatre  dans  une  cage 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      347 

en  bois  ou  en  métal,  ayant  deux  ou  quatre  étages. 
Pour  empêcher  les  chocs  contre  les  parois  du  puits, 
les  bennes  ou  les  cages  sont  guidées  par  des  câbles  en 
fil  de  fer  ou  par  des  longrines  verticales  en  bois  de 
chêne,  qu'elles  embrassent  au  moyen  de  coulisses  en 
fer  ou  en  fonte. 

Outre  les  manèges  et  les  machines  à  vapeur  desti- 
nés à  la  mise  en  mouvement  des  appareils  d'extraction, 
on  emploie  encore  les  moteurs  hydrauliques  et  l'on 
crée,  dans  certains  cas,  des  chutes  d'eau  d'une  grande 
puissance,  C'est  ce  qui  a  lieu  dans  le  Hartz  et  dans  la 
Saxe.  Qu'on  suppose  un  cours  d'eau  amené  près  du 
puits.  A  quelques  mètres  au-dessous  de  l'orifice,  on 
creuse  une  chambre,  où  l'on  installe  une  première 
roue  ;  quelques  mètres  plus  bas,  on  en  installe  une  se- 
conde; plus  bas  encore,  une  troisième,  et  l'eau  qui  est 
introduite  passe  successivement  d'une  roue  à  la  sui- 
vante et  sert  d'abord  à  l'extraction  des  produits,  puis 
à  l'épuisement  des  eaux  de  la  mine.  Les  eaux  motrices 
s'échappent  par  une  galerie  latérale  et  s'écoulent  en- 
suite dans  la  vallée.  De  la  sorte,  l'extraction  a  lieu  dans 
les  conditions  économiques  les  plus  avantageuses. 

Les  moyens  usités  pour  les  transports  dans  les  gale- 
ries très-inclinées  des  mines  sont  les  mêmes  que  ceux 
qu'on  emploie  dans  les  puits  verticaux  :  mais,  toutes 
les  fois  qu'on  le  peut,  on  s'arrange  de  manière  à  faire 
descendre  les  wagons  chargés  pour  n'avoir  à  remonter 
que  les  wagons  vides  et  l'on  organise  alors  des  plans 
automoteurs,  le  wagonnet  roulant  directement  sur  les 
rails,  si  l'inclinaison  n'est  pas  trop  forte,  ou  étant 


548  LES  MERVEILLES  DE  L.V  LOCOMOTION. 

porté  sur  un  châssis  roulant  ou  berceau,  qui  le  main- 
tient horizontal  et  empêche  le  chargement  de  se  ré- 
pandre. 


LoCOMOirON  SUIVANT  UNE  LIGNE  HOIilZONT.M.E   01    INCLINÉE  AL-DESSIS   DL'   SOL. 

Chemin  à  la  Palincr.  —  Chemins  funiculaires. 


Certaines  circonstances  ont  conduit  parfois  à  l'éta- 
blissement de  transports  au-dessus  du  sol  suivant  une 
ligne  horizontale  ou  inclinée,  par  exemple  :  la  mau- 
vaise nature  du  sol  sur  lequel  on  aurait  dû  établir  une 
voie,  des  accidents  de  terrains  trop  prononcés,  elc. 
On  a  adopté,  suivant  les  cas,  différents  systèmes,  des 
chemins  de  fer  à  un  rail,  appelés  chemins  à  la  Pal- 
mer,  du  nom  de  leur  inventeur  et  des  chemins  funi- 
culaires^ où  le  rail  est  remplacé  par  un  câble  en  fd  de 
fer. 

Le  chemin  à  la  Palmer  se  compose  d'un  rail  porté 
par  une  longrine  qui  repose  elle-même  sur  des  poteaux. 
Une  roue  à  gorge  se  meut  sur  le  rail  et  porte  à  droite 
et  à  gauche  deux  caisses  entre  lesquelles  la  charge 
doit  se  répartir  également.  Nous  ne  pouvons  mieux 
donner  une  idée  de  la  manière  dont  le  véhicule  repose 
sur  la  voie  qu'en  comparant  ces  deux  caisses  aux  deux 
paniers  du  bât  qu'on  met  sur  le  dos  des  bêtes  de  somme 
et  qui  doivent  être  également  chargés  pour  qu'il  y  ait 
équilibre.  Ce  moyen  de  transport  n'a  été  employé  que 
dans  l'intérieur  d'un  petit  nombre  d'établissements  in- 
dustriels (chemin  du  bureau  des  navires  à  Deptfort, 
près  de  Londres)  ;  transport  de  marchandises  peu  im- 


LOCOMOTIOiN  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      549 

portant  (chemin  des  fonrs  à  chaux  et  de  la  briqueterie 
de  Cheshunt  au  canal  de  Lee),  service  de  la  brique- 
terie de  Posen  ;  mines  de  houille  (à  Rive-de-Gier)  et 
travaux  de  terrassements  (fortifications  de  Paris  au  bois 
de  Boulogne) . 

Les  cadres  en  charpente  des  galeries  de  mines  ont 
permis  de  simplifier  ce  moyen  de  transport  à  l'inté- 
rieur des  exploitations  souterraines  et,  en  soutenant 


¥ig.  84.  —  Chemin  à  la  Palmer  (au  jour). 


latéralement  la  longrine  et  le  rail,  de  placer  la  caisse 
au-dessous  de  la  voie,  ce  qui  rend  inutile  la  division 
de  la  charge.  Les  bennes,  en  arrivant  au  jour,  glissent 
sur  leurs  patins,  ou  sont  transportées  au  moyen  de 
trucks  sur  des  voies  ordinaires. 

Dans  certaines  exploitations  à  cielouvert,  on  a  par- 
fois à  transporter  d'un  côté  à  l'autre  de  la  carrière 
des  matières  sans  valeur,  des  terres  provenant  de  la 
découverte,  ou  des  détritus.  On  pourrait  avec  un  che- 
min de  fer  opérer  ces  transports,_mais  il  faudrait  dres- 


550  LES  MERVEILLES  DE  L\  LOCOMOTION. 

ser  une  plate-forme,  faire  de  grands  détours,  ce  qui 
deviendrait  coûteux.  On  tend  un  câble  au  travers  de 
Texploitation.  Avec  trois  petites  poulies  assemblées  en 
triangle,  on  fait  une  chape,  comme  celle  des  bacs  à  la 
traversée  des  rivières,  et  à  la  chape  on  suspend  un  pe- 
tit bateau,  chargé  des  matières  à  transporter.  Une 
corde  attachée  à  chacune  des  extrémités  du  batelet 


Fi^  85.  —  Chemin  à  la  Palmer  (dans  une  galerie  de  fiiine]. 

règle  sa  course  et  les  transports  s'opèrent  rapidement 
et  à  peu  de  frais. 

Cet  emploi  du  câble  métallique  a  été  généralisé  ré. 
cemmentparM.  Hodgson,  pour  le  transport  du  granit 
sortant  des  carrières  de  Bardon-Hill,  à  trois  lieues  de 
Leicester,  qui  s'opérait  entre  les  carrières  et  le  chemin 
de  fer,  sur  une  distance  d'une  lieue,  au  moyen  de  char- 
rettes et  réclamait  un  nombreux  personnel.  Une  corde 
métallique  sans  fin  et  soutenue  sur  des  poulies  qui  sont 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.      553 

portées  par  de  forts  poteaux,  éloignés  ordinairement 
de  50  mètres  les  uns  des  autres.  Celte  corde  passe  à 
une  extrémité  sur  une  poulie  mise  en  mouvement  par 
une  locomobile  et  reçoit  une  vitesse  de  6  à  9  kilomè- 
tres à  l'heurp.  Des  caisses  sont  suspendues  au  cable 
par  un  crampon  de  forme  particulière,  qui  maintient 
la  charge  en  équilibre  et  permet  le  passage  des  points 
d'appui  sans  difficulté. 

Dans  le  cas  où  on  a  de  fortes  charges,  on  met  deux 
cordes  pour  soutiens  et  une  corde  sans  fin  comme 
moyen  de  transmission.  On  conçoit  que  la  nature  du 
terrain  sur  lequel  on  passe  importe  peu,  le  cable  peut 
se  poser  aussi  aisément  que  le  fil  du  télégraphe. 

Le  prix  d'établissement  pour  une  ligne  à  une  corde 
portant  50  tonnes  par  jour  (l'équivalent  de  5  grands 
wagons  de  chemins  de  fer)  dans  des  boîtes  pesant  25 
kilogrammes  n'est  que  de  5,900  francs  par  kilomètre. 

On  pressent  tous  les  avantages  que  l'on  pourra  tirer 
de  ce  nouveau  moyen  de  transport. 

D.  —  Locomotion  en  tous  sens,  dans  toute  direction  et  dans  tout  milieu. 

C'est  vers  1560,  à  ce  que  l'on  rapporte,  que  Gutter 
de  Nuremberg  inventa  le  fusil  à  air  comprimé.  Philon 
de  Bysance  parle  même  d'un  tube  construit  par  Cté- 
sibius,  dans  lequel  l'air  comprimé  lançait  un  trait  et 
qu'il  nomme  aérotone.  Peut-être  n'est-ce  tout  simple- 
ment que  la  sarbacane  qu'emploient  les  écoliers  pour 
lancer  des  boules  d'argile  aux  oiseaux. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'invention  dont  nous  voulons 

25 


554  LES  MERVEILLES  DE  L\  LOCOMOTIO>'. 

parler  Lemonte,  quant  à  son  principe,  aux  temps  les 
plus  reculés.  Les  effets  qu'on  peut  obtenir  de  l'air 
comprimé  comme  propulseur,  sont  connus  depuis 
longtemps  ;  mais  c'est  d'une  époque  toute  récente 
que  date  son  application  au  transport  des  petits 
paquets. 

L'Angleterre  nous  a  précédés  dans  cette  voie,  nous 
avons  déjà  eu  l'occasion  de  le  constater.  Après  avoir 
rendu  hommage  à  son  esprit  d'initiative,  nous  expli- 
querons de  quelle  manière  s'opère  à  Paris  le  trans- 
port des  dépèches  télégraphiques  au  moyen  de  l'air 
comprimé. 

Un  tube  de  six  centimètres  et  demi  de  diamètre  in- 
térieur, suspendu  à  la  voûte  des  égouts,  réunit  entre 
eux  les  six  bureaux  télégraphiques  de  la  rue  de  Gre- 
nelle-Saint-Germain (Administration  centrale),  de  la 
rue  Boissy-d'Anglas,  du  Grand-Hôtel,  de  la  Bourse,  de 
l'Avenue  de  l'Opéra  (près  du  Théâtre-Français)  et  de 
la  rue  des  Saints-Pères,  formant  un  polygone  fermé  de 
6718'°. 80  de  longueur.  Chacun  des  côtés  de  ce  poly- 
gone a  de  900  à  1400  mètres  de  longueur  et  se  com- 
pose d'éléments  droits  ou  courbes,  horizontaux,  in- 
clinés, parfois  même  verticaux.  Le  rayon  le  plus  petit 
à  l'angle  de  deux  rues  est  de  12  mètres  et  la  pente  la 
plus  forte  de  O^SOo  par  mètre,  sauf  aux  abords  des  bu- 
reaux, où  ce  rayon  atteint  o  mètres  et  où  le  tube  de- 
vient vertical.  Telle  est  la  voie. 

Le  matériel  de  transport  se  compose  d'étuis  en  fer 
garnis  de  cuir,  ayant  0'",06  de  diamètre  et  0'",12  à 
G'", 15  de  longueur.  Chacun  d'eux  porte  gravé  le  nom 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.       557 

de  la  station  à  laquelle  il  est  destiné.  Ce  sont  les  iva- 
gons. 

Le  propulseur  est  des  plus  simples.  11  est  renfermé 
dans  deux  cylindres  en  tôle,  mesurant  chacun  4  à  5 
mètres  cubes  et,  dans  lesquels  on  comprime  de  l'air. 
Nous  avons  déjà  vu  quelle  ressource  offrent  les  con- 
duites de  Paris,  dont  l'eau  peut  s'élever  à  unehauteur 
de  15  mètres  et  possède,  par  conséquent,  une  pression 
représentée   par  une  colonne  d'eau  équivalente.  Un 


Fig.  89.  — Piston  et  boîte  à  dépêches  du  télégraphe  atmosphérique. 


troisième  cylindre  reçoit  l'eau  de  la  ville  et  chasse  l'air 
dans  les  deux  premiers  cylindres  où  on  le  puise  quand 
on  en  a  besoin. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  les  robinets,  niveaux, 
manomètres,  qui  sont  le  complément  indispensable  de 
ces  appareils  et  qui  servent  à  en  suivre  la  marche,  à 
en  régler  le  fonctionnement.  Disons  seulement  que  les 
moyens  employés  pour  comprimer  l'air  varient.  Nous 
en  avons  indiqué  un,  c'est  le  plus  simple.  On  fait 
usage  aussi  de  petites  turbines  et  on  emploiera  bien- 
tôt une  machine  à  vapeur,  actionnant  des  pompes  à 


558  LES  :.IERYEILLES  DE  LA  LOCOMOTION. 

air.  Enfin,  on  a  imaginé  un  appareil  d'entraînement, 
dont  le  principe,  qui  rappelle  l'injecteur  Giffard,  ser- 
vant cà  l'alimentation  des  locomotives,  est  celui  de  la 
trompe  ou  soufflerie  des  forges  catalanes.  C'est  un  jet 
d'eau  arrivant  au  centre  d'un  tuyau  en  communication 
avec  l'air  extérieur  et  sur  lequel  il  agit  mécanique- 
ment pour  l'entraîner  et  le  comprimer. 

Nous  avons  décrit  le  réseau  principal.  A  ce  réseau 
se  rattachent  des  réseaux  secondaires  ;  deux  d'entre 
eux  sont  reliés  à  la  Bourse,  et  forment  un  réseau  de 
18  kilomètres.  Le  réseau  de  Paris,  avant  peu  d'années, 
sera  porté  à  50  kilomètres.  Nous  avons  fait  connaître 
le  matériel  et  le  propulseur.  Assistons  au  départ  d'un 
train  du  bureau  central. 

La  station  de  départ  prévient  par  le  télégraphe  la 
station  voisme,  qu'un  train  est  prêt  à  partir.  Celle-ci 
répond  par  trois  coups  frappés  sur  le  timbre  qu'elle 
l'attend.  Une  petite  porte  est  ouverte  sur  le  tuyau. 
Les  wagons  y  sont  engagés  :  un  ou  plusieurs  pour 
chaque  station,  selon  le  nombre  de  dépèches,  et  un  ou 
plusieurs  wagons  omnibus  pour  les  dépêches  de  sta- 
tion à  station.  A  leur  suite,  on  met  le  piston,  qui  ne 
diffère  des  wagons  que  par  une  rondelle  en  cuir  em- 
boutie à  Tune  de  ses  extrémités.  On  ferme  la  porte, 
et  l'air  est  introduit  par  un  robinet.  11  siffle  et  le  train 
part.  Un  ronflement  a  lieu,  une  minute  se  passe,  puis 
plus  rien  ;  le  train  est  à  destination.  On  referme  le 
robinet  d'air  et,  en  manœuvrant  les  robinets  du  cy- 
lindre à  eau,  on  prépare  une  nouvelle  provision  d'air 
comprimé. 


LOCOMOTION  AU-DESSUS  ET  AU-DESSOUS  DU  SOL.  559 
Au  bureau  central,  il  part  et  il  arrive  un  train  tous 
les  quarts  d'hevu^e.  Les  dépêches  à  destination  de  la 
province  ou  de  l'étranger  sont  remontées  immédiate- 
uient  à  l'aide  d'une  corde  et  d'un  panier  dans  la 
grande  salle  du  départ  et  réparties  entre  les  différents 
appareils,  qui  communiquent  avec  le  réseau  télégra- 
phique. 

Tout  cela  est  bien  simple,  mais  ce  résultat  si  mer- 
veilleux n'a  été  obtenu  qu'après  de  longs  efforts  et  des 
essais  multipliés.  On  a  essayé  au  moins  vingt  wagons 
d'espèces  différentes  avant  de  s'arrêter  à  celui  qui  est 
employé  1  Aujourd'hui,  si  tous  les  essais  ne  sont  pas 
terminés,  —  car  on  travaille  toujours  et  on  perfec- 
tionne, —  ils  sont,  du  moins,  en  si  bonne  voie  que 
toute  incertitude  est  levée  et  que  le  système  qui  fonc- 
tionne depuis  plusieurs  années  peut  être  considéré 
comme  ayant  reçu  du  temps  la  sanction  qui  le  con- 
sacre. 

Le  tube  peut  passer  dans  l'air,  sous  le  sol  et  dans 
l'eau  ;  il  suffît  que  les  joints  soient  hermétiques  pour 
que  son  fonctionnement  soit  parfait.  C'est  assurément 
l'un  des  moyens  de  locomotion  les  plus  remarquables, 
un  de  ceux  qui  rendent  déjà  et  pourront  rendre  dans 
l'avenir  les  plus  grands  services. 


F  iX 


TABLE  DES  FIGURES 


J.  Traîneau  impérial  à  Sainl-Pétorsl)onrîr 7 

2.  Traîneaux  à  Now-Yorlv Il 

3.  Brouetle  primitive  (marclianil  forain  en  Cliine).    .                       .    .  15 

A.  Habitants  des  Landes fô 

5.  Éléphant  portant  un  a'méry GU 

(3.  Élcpliant  portant  un  haudaii 61 

7.  Petits  éléphants  du  Jardin  d'acdinialion 62 

8.  Chameau  du  nord  de  la  Chine 65 

9.  Caravane  dans  le  désert 67 

10.  Traîneau  tiré  par  des  chiens. 71 

11.  Chariot  primitif  (cultivateur  en  Chine). 75 

12.  L'araba 79 

13.  Litière  à  deux  porteurs 81 

14.  Litière  à  quatre  porteur? 82 

15.  Litière  au  Dahomey 83 

16.  Un  abbé  en  voyage 84 

17.  Voiture  de  promenade  daus  l'Inde 85 

18.  Voiture  du  comte  de  Castelmaine,  ambassadeur  extraordinaire  de 

Jacques  II 101 

19.  Voiture  d'apparat 105 

20.  Coupé 108 

21.  Berline ; 108 

22.  Landau 109 

25.  Diligence 113 

24  Volante  havanaise 117 

25.  Chaise  à  porteurs  en  Chine 119 

26.  Wourst 122 


TABLE  DES  FIGURES. 


27.  L'omnibus  des  boulevards 127 

28.  Viaduc  de  Secrettown  (Californie) I55 

29.  Rail  à  double  champiguou -162 

50.  Rail  Vignoles 165 

51.  Rail  Bruncl 164 

52.  Rail  Barlow ^64 

55.  Diligence  nionlée  sur  un  truck 171 

54.  Wagon-salon  américain  (Palace-car) I77 

55.  Intérieur  d'un  wagon  américain,  dit  Pulman's  car 181 

56.  Sleeping  car I85 

57.  Wagon  américain Ig7 

58.  Train  dambulance 189 

59.  Système  do  wagons  articulés  de  M.  Arnoux.   ; 192 

40.  Tube  atmosphérique  (coupe  transversale) 291 

41.  Tube  atmosphérique  (coupe  longitudinale)  et  voiture  de  lête.   .   .   .  202 

42.  Voiture  de  Cuguot 204 

45.  Machine  de  Blenkinsop  (1811) 206 

44.  Machine  de  G.  Stephenson  (181  i) • 207 

45.  Machine  Crampton 215 

46.  Machine  Petiet 21o 

47.  Une  station  en  Amérique 217 

48.  Machine  Jefferson 219 

49.  îlachine  Petiet  (.Nord),  à  quatre  cylindres 227 

50.  Machine  Fairlie 229 

51.  Machine  Jouffroy 251 

52.  Voiture  Jouffroy 252 

55.  Le  chemin  de  fer  du  Righi 253 

54.  Système  Larmanjat 257 

55.  Machine  Saint-Pierre  et  Goudal  (élévation) 259 

56.  La  même  (coupe  transversale) 259 

57.  Système  Girard 247 

î)8.  Tramway  à  Vienne 235 

59.  Wagon-machine  Evrard  et  Cabany  et  Cie 266 

60.  Locomotive  de  Winterthur 269 

61.  Locomotive  sans  foyer,  système  Franck 271 

62.  Locomotive  routière  Lotz  remorqueuse 278 

65.  Wagon  à  voyageurs  pour  train  routier 279 

64.  Wagon  à  marchandises  pour  train  routier 280 

63.  Locomotive  routière  à  voyageurs 285 

66.  Calèche  à  vapeur  Bollée 290 

67.  Machine  routière  avec  grue 294 

68.  Rouleau  compresseur 295 

69.  Labourage  à  vapeur 296 

70.  Les  messageries  à  vapeur 297 


TABLE  DES  FIGURES.  563 

71.  Vélocipède  Michaux 304 

72.  Célérifère  de  1818 507 

75.  Vélocipède-raquette 512 

7-i.  Monocycle-sphère 515 

70.  Vélocipède  à  voile 515 

76.  Ascenseur  mécanique 321 

77.  Échelle  de  sauvetage 524 

78.  Sauvetage  opéré  au  moyen  des  échelles  et  du  hoyau  en  treillis  de 

toile 527 

79.  Grue  roulante,  à  douhle  volée 550 

80.  Grue  à  vapeur 551 

81.  Les  échelles  mobiles,  ou  Fohrkunsi 541 

82.  Roues  à  chevilles  des  carriers 543 

85.  Plan  automoteur  dans  une  raine 546 

84.  Chemin  à  la  Palmer  (au  jour) 549 

80.  Chemin  à  la  Palmer  (dans  une  galerie  de  mine) 530 

86.  Transport  par  câble  métallique  (système  Hodgson) 531 

87.  Boites,  supports,  poulies  extrêmes  du  système  Hodgson 531 

88.  Appareil  de  transmission  par  l'air  comprimé.   .       533 

89.  Piston  et  boîte  à  dépèches  du  télégraphe  atmosphérique 557 


TABLE   DES   MATIÈRES 


CHAPITRE  PREMIER, 

lutroduction. 

Le  mouvement  et  l'atlraclion  universels.  —  3Iouvements  des  minéraux, 
des  végétaux  et  des  animaux.  —  Carrière  offerte  au  mouvement  de 
l'homme.  —  L'air  indispensable  à  tous  ses  mouvements 1 

L    —   LA   LOCOMOTION   SUR   LA   TERRE. 

A.  —  Insuffispnce  de  l'appareil  locomoteur  de  l'homme.  —  Les  ani- 
maux moteurs.  —  Origine  de  la  voiture.  —  Les  traîneaux G 

B.  —  Frottement  entre  le  véhicule  et  la  voie  qui  le  porte.  —  Le  dé 
et  la  bille  d'ivoire.  —  Frottement  de  glissement  et  de  roulement. 
—  Ce  qu'on  sait  des  lois  du  frottement.  —  Difficultés  inhérentes 
aux  observations.  —  Impressionnabilité  de  la  matière.  —  Moyens  de 
diminuer  le  frottement.  —  Lubrifaclion  de.s  parties  frottantes.  — 
Accroissement  du  diamètre  des  roues 14 

G.  —  La  voie.  —  Chaussées  empierrées,  pavées,  à  ornières  de  bois 
et  de  métal.  —  Les  anciennes  voies  de  communication.  —  Les 
chaussées  romaines,  les  chaussées  de  Brunehaut.  —  Les  rues  sous 
Piiilippe-Auguste  et  les  voies  sous  Colbert.  —  Les  roules  natio- 
nales, départementales;  les  chemins  vicinaux  et  ruraux.  —  Impor- 
tance de  la  circulation.  —  Le  personnel  des  ponts  et  chaus>ées  et 
celui  des  chemins  de  fer.  —  Ce  que  coûte  un  ingénieur  des  ponis 
et  chaussées  et  des  mines,  d'après  M.  Flacbat 25 

II.    —    LA   LOCOMOTION    SUR    l'eAU. 

La  feuille,  la  branche,  le  tronc  d'arbre  et  le  baler.u.  —  Rlvièies, 
fleuves,  canaux,  lacs,  mers,  océan.  —  Les  ondulations.  —  Les 
marées ,  les  courants  et  les  vents.  —  Les  vagues ,  la  tempête  et 
les  navires  transatlantiques.  —  Le  réseau  des  voies  navigables  en 
France, 51 


56S  TABLE  DES  MATIÈRES. 

in.    —  LA   LOCOMOTION   DANS   l'aIR. 

Les  vents.  —  La  chute  d'un  corps  dans  l'air  et  dans  le  vide.  —  Les 
oiseaux  et  les  ballons.  —  La  direction  des  ballons  paraît  nne  uto- 
pie. _  Invention  d'un  moteur  à  poudre 41 

CHAPITRE  IL 
Les  animaux  moteurs. 

I,  _  Vhoiiime  marcheur,  coureur,  patineur,  échassier.   .....       47 

II.  Le  cheval,  l'âne,  le  mulet,  l'hémioiie,  le  bœuf,  le  yack,  le  bi- 
son, le  chameau,  l'éléphant,  le  renne,  le  chien,  l'autruche.  ,       56 

CHAPITRE  m. 

Les  véhicules  dans  l'antiquité. 

Bipa,  carpen'.um,  cisium,  pilenlum,  benna.  Chars  d'Héliogahale,  char 
funèbre  d'Alexandre.  Litières  et  basternes 74 

CHAPITRE  IV. 

Les  véhicules  depuis  l'antiquité  jusqu'au  dix-huitième  siècle. 

Uaquenées  et  palefrois  —  Chariots  et  litières.  —  Coches  et  carrosses 
sous  Henri  IV.  —  Les  fiacres  de  Nicolas  Sauvage.  —  Les  carrosses 
à  cinq  sols  du  duc  de  Roanès.  —  Voiture  du  comte  de  Caslelmaine.      84 

CHAPITRE  V. 

Les  véhicules  au  dix-huitième  siècle  et  leurs  progrès  jusqu'à 
nos  jours. 

Berlines.  —  Diligences.  —  Vis-à-vis.  —  Coupés.  —  Berlingots.  —  Désobli- 
«^eantes.  —  Gondoles.  —  Landau.  —  Berline  allemande.  —  Calèche. 

—  Dormeuse.  —  Coches.  —Diligences.  —  Chaises.  —  Les  messageries. 
Soufflets.  —  Coach-mall.  —  Volante  havanaise.  —  Chaises  à  por- 
teurs. —  Palanquins.  —  Litières.  —  Brouettes.  —  AVourst.  —  Break. 

—  Voitures  à  transformation 10" 

CHAPITRE  VI. 
Les  chemins  de  fer. 

L    —   IMPORTANCE   DES   CHEMINS   DE   FER -  .     .     .       154 

11.    —    LA    CONSTRICTION 1^7 

\.  fAudes.  —  Évaluation  des  dépenses  et  des  produits lôS 

li.  Infrastructure.  —  Installations   préliminaires.   —  Travaux. 

Terrassements:  l'iiomme,  h^  cheval,  la  machine.  —  Principales 

irinchées.  —   Ouvrages  d'art   souterrains,  tiacé,  percement,  acci- 


TABLE  DES  MATIERES.  307 

dents.  Les  principaux  sonlerrains;  le  tunnel  des  Alpes.  —  Viaducs 
en  pierre,  en  bois,  en  fer,  en  foute.  —  Les  principaux  viaducs. 

Le  pont  du  Niapara 141 

G.  —  Superstructure.  —  Stations  et  maisons  de  garde.  —  La  voie  : 
les  ornières  des  mines  de  Newcaslle.  —  Ornières  creuses  et  sail- 
lantes. —  Roues  plates  et  à  rebords,  —  Rails  méplats,  à  champi- 
gnon simple  ,  à  double  champignon  ,  Vignoles  ,  Brunel ,  Barlow  , 
Hartwitch;  rails  en  acier.  —  Ti^averses  en  bois  et  en  fer.  —  Cous- 
sinets, coins,  éclisses,  boulons,  crampons,  chevillettes,  etc.  .    .   .     160 

in.    —   LES   WAGONS. 

A.  —  Les  wagons  en  général.  —  Voitures  à  2,  4,  6  et  8  roues.  — 
Construction  d'un  wagon  :  châssis,  caisse 168 

B.  —  Wagons  à  marchandises,  à  bestiaux  et  divers.  —  AVagous 
pour  le  transport  du  ballast,  du  coke,  du  charbon,  des  marchan- 
dises, du  lait,  des  bestiaux.  —  Transport  des  Jilets  de  bœuf,  du 
gibier,  du  vin  de  Champagne,  des  fraises,  des  fromages.  —  Wa- 
gons à  écurie,  à  bagages,  des  postes 170 

G.  —  Wagons  à  voyageurs.  —  Matériel  français,  anglais,  allemand, 
américain.  —  Voitures  spéciales  des  chemins  du  Grand-Tronc,  du 
Mont-Cenis,  de  Sceaux.  —  Valeur  du  matériel  roulant.  —  Nombre 
de  véhicules  sur  tous  les  chemins  du  globe 179 

lY.    —    LA    TRACTION. 

Les  moteurs  animés  et  inanimés.  —  La  vapeur 194 

A.  —  Moteurs  animés  et  inanimés.  —  Le  cheval  et  les  chenuns  de 
fer  dans  les  villes  et  dans  les  mines.  —  La  pesanteur  et  les  plans 
automoteurs.  —  L'eau,  la  machine  à  vapeur  lixe  et  les  plans  in- 
clinés. —  L'air  et  le  système  atmosphérique.  —  Papin,  Mcdhurst, 
Wallance 195 

B.  —  Invention  de  La  locunwLive.  —  Voitures  de  Cugnol,  d'OUver 
Evans.  —  Locomotive  de  Trewitick  et  Vivian,  de  Blenkinsop,  de 
Brunton,  de  Stephenson.  —  Séguin  invente  la  chaudière  tubulaire 

et  Siephenson  le  jet  de  vapeur 203 

C.  —  La  locomotive.  —  Différents  types.  —  Macliiues  à  voy;igcurs  à 
moyenne  et  à  grande  vitesse  :  Cramplon.  —  Machines  mixtes.  — 
Machines  à  marchandises  de  moyenne  et  de  grande  puissance  ;  Ln- 
gerth,  Beugnot.  —  Progrès  accomplis  dans  la  construction  des  lo- 
comotives; leur  puissance 210 

V.    —   SYSTÈMES   DIVERS. 

A.  —  Multiplication  du  nombre  des  cylindres.  —  Système  Verpil- 
leux. —Machines  du  Nord,  Meyer,  Dupleix,  Flachàt 226 

B.  —  Systèmes  divers.  —  Locomotive  de  Joulfroy.  —  Système  Sé- 
guier.  —  Locomotive  Fell  du  Mont-Cenis.  —  Machines  rotatives.  — 
Système  Agudio  ,  funiculaire  et  à  rail  central.  —  Systèmes  Lar- 
manjat,  Saint-Pierre  et  Coudai 250 

C.  —  L'eau  et  l'air  comprimé.  L'électricité.  —  Locomotives  An- 
draud,  Pecqueur.  —  Chemins  éoliques  Andraud.  —  L'air  com- 
pi'imé  et  raréfié  :  le  chemin  de  Sydenham.  Tunnel  sous  la  Manche. 
—  L'air  chaud.  —  L'eau  comprimée  :  système  Girard.  —  Machines 
électro-magnétiques 242 


568  TABLE  DES  MATIÈRES. 

CHAPITRE  VII. 
Les    tramways. 

A.  —   CONSTRUCTION    DES    CHEMINS   DE   FER   SLK   LES   CHAUSSÉES '250 

B.  —   VOITURES    DES    TRAMWAYS 259 

G.    —    TRACTION    DES    TRAMWAYS 264 

CHAPITIΠ VllI. 
Les  voitures  à  vapeur. 

A.  —  Les  voitures  à  vapeur  avant  l'époque  actuelle.  —  Opinion  des 
ingénieurs  sur  la  locomotive  routière 274 

B.  —  La  question  reprise.  —  Nouvelles  rcciierches.  —  Les  machines 
Lotz,  Aveling  et  Porter,  Larmanjat,  Feugères,  Bollée  et  Le  Cordier.     277 

C.  —  L'avenir  de  la  locomotion  routière  à  vapeur.  —  Usages  actuels 

en  agriculture,  en  industrie 292 

CHAPITRE  IX. 

Les  vélocipèdes 305 

Des  variétés  du  véloce 311 

CHAPITRE  X. 
Locomotion  au-dessus  et  au-dessous  du  sol  et  dans  divers  sens. 

\.    —   LOCOMOTION   AU-DESSUS   DU   SOL    ET   A   FAIBLE   HAUTEUR. 

a.  —  Les  cordes.  —  Les  échelles.  —  Les  escaliers.  —  Les  ascenseurs. 
—  Les  échelles  et  les  machines  de  sauvetage  des  incendies  .    .    .    .     518 

i,_  —  Les  chèvres  et  les  grues  à  hras,  à  manège,  à  vapeur,  à  eau 
(système  Armstrong).  —  Les  tourelles.  —  Les  monte-charges  à  va- 
peur, hydrauliques.  —  La  toile  sans  fin.  —  La  chaîne  à  godets.  — 
La  vis  d'Archimède.  —  Le  tip  hydraulique  et  à  contre-poids.  —  Le 
drop ' 529 

B.  —   LOCOMOTION    AU-DESSOUS    DU    SOL    ET    A    TOUTE    PROFONDEUR. 

a  —  Les  sentiers.  —  Les  échelles.  —  La  corde.  —  Le  panier.  —  La 
benne.  —  La  caisse.  —  Les  Fahrkunst 537 

h.  —  La  roue  à  chevilles.  —  La  machine  à  molettes.  —  Chevalets  et 
bobines.  —  Chariots ,  bennes  i^oulantes  ,  berlines ,  wagonnets  et 
wagons 343 

C.  —   LOCOMOTION   SUIVANT   UNE    LIGNE   HORIZONTALE    OU    INCLINÉE    AU-DESSUS 

DU   SOL. 

Chemins  à  la  Palmer.  —  Chemins  funiculaires 348 

D.  —   LOCOMOTION  EN  TOUS  SENS,  D.\NS  TOUTE  DIRECTION  ET  DANS  TOUT  MILIEU.       5o5 


[21960]  —  Typographie  Lahurc,  rue  de  Fleurus,  9,  à  Paris.