Collection de Monographies ethnographiques
PUBLIÉE PAR cyr. van overbergh
SOCIOLOGIE
DESCRIPTIVE
LES
NÈGRES D'AFRIQUE
(GÉOGRAPHIE HUMAINE)
Cyr. van OVERBERGH
8e«rét«ire ginéral H" *u Miniitère «te» Sclenoef et ilM Arts (Belsique). Directeur jéné.»! H"
d« l'Enseignement supérieur, da« Sciences et det Lettre*,
Prénideni 4u Bureau International o'Ethnegrapliie ,
>^<-
BRUXELLES
UIERT BEWiT, LIIRAIItE-ÉOlTEtiR
53, RTÎK ROYALE, 53
INSTITUT IMTERliATIOliAL DE BIBLIOORAPHIL
I, RVK DU MUSÉE, T
I9I3
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in 2010 with funding from
Univers ity of Ottawa
http://www.archive.org/details/lesngresdafriqOOover
LES NÈGRES D'AFRIQUE
GÉOGRAPHIE HUMAINE
Collection de Monographies ethnographiques
PlBLiÉE PAR Cyr. van OVERBERGIl
SOCIOLOGIE
DESCRIPTIVE
LES
NÈGRES D'AFRIQUE
(GÉOGRAPHIE HUMAINE)
Cyr. van OVERBERQH
Secrétaire général H" du Ministère des Sciences et des Arts (Belgique). Directeur général H*
de l'Enseignement supérieur, des Sciences et des Lettres,
Président du Bureau International d'Ethnographie.
►>^<*
BRUXELLES
ALBERT DEWIT, LIBRAIRE-ÉDITEUR
53, RUE ROYALE, 53
INSTITUT INTERNATIONAL DE BIBLIOGRAPHIE
I, RUE DU MUSÉE, I
I9I3
INTRODUCTION
Nous avons l'honneur d'attirer la bienveillante
attention du monde savant et des Gouvernements
sur les dix Monographies africaines qui constituent
la première série de la Collection ethnographique
souhaitée par le Congrès international et mondial de
Mons (igoS).
Chacune de ces dix Monographies est consacrée à
une peuplade-type de l'Afrique. Le choix de ces types
s'est opéré d'après la variété des milieux physiques et
la diversité des degrés de civilisation.
Ce sont autant d'échantillons puisés dans le réservoir
de renseignements qu'est notre Répertoire général
ethnographique et géographique des noirs d'Afrique.
Les dix Monographies ont été publiées d'après un
plan identique; les 202 réponses aux 202 questions
posées pour chaque peuplade se suivent toujours dans
un même ordre ; ce qui rend tous ces renseignements
comparables entre eux, avec un minimum d'efforts de
la part du lecteur.
Comme chacune des réponses aux 202 questions
forme un tout en soi, imprimé à part sur fiches déta-
chables, il en résulte que le chercheur peut grouper les
VIII
renseignements, dans ses dossiers, au gré de ses besoins
ou de ses i^références.
« Tout ce qu'on sait » sur la peuplade, à l'heure où la
Monographie se publie, est ainsi présenté au grand
public, dans un cadre, toujours le même, qui offre les
facilités d'un dictionnaire. Par le système de la fiche
complémentaire, imprimée au fur et à mesure des
nécessités et possibilités, tout renseignement nouveau
peut être publié et transmis aux souscripteurs sans
la moindre difficulté; ainsi la Monographie peut être
tenue à jour, avec le maximum de rapidité et de facilité.
Consultez les deux tables de matières qui terminent
le présent volume. L'une classe les matières des dix
volumes d'après l'ordre du questionnaire et des
Monographies ; l'autre classe les matières d'après un
ordre sociologique scientifique. Dans les deux cas, la
simple inspection des tables prouve la facilité extrême
des recherches et la fécondité des rapprochements.
Imaginez maintenant qu'au lieu des dix sondages
qui constituent la première série de Monographies,
le Répertoire entier soit publié selon la même méthode ;
Supposez que ces centaines de Monographies soient
tenues à jour, par le système des fiches additionnelles,
ajoutant aux renseignements anciens les nouvelles
découvertes d'importance, faites par les particuliers ou
les missions officielles ;
Supposez même qu'au lieu d'agir sans méthode, et
dans une ignorance consciente ou inconsciente des
efforts du voisin, les missions ethnographiques et
géographiques des diverses Puissances soient orientées
d'après les besoins réels et les lacunes bien constatées,
— lacunes que le « Répertoire » rend évidentes aux yeux
de tous ;
Est-il contestable que l'Encyclopédie des races noires
d'Afrique serait devenue une réalité?
IX
Ce qui était une chimère il y a huit ans, n'est-ce pas
une possibilité aujourd'hui ?
Le seul effort privé, avec l'appui modeste d'une
coui^le de Gouvernements, a pu vaincre toutes les
difficultés techniques.
La simple lecture des Introductions et Préfaces, des
dix premières Monographies, ne le prouve-t-elle à l'évi-
dence ?
. N'est-il pas légitime de conclure que si les Gou-
vernements voulaient, cette Encyclopédie de la géo-
graphie humaine africaine pourrait être mise, dès
demain, à la disposition des savants et des civilisateurs
du monde entier ?
Si les Gouvernements voulaient prendre, pour leurs
établissements scientifiques quelques souscriptions à la
Collection, de manière à ce que le total de ces souscrip-
tions atteignît le minimum indispensable pour impri-
mer le manuscrit existant du Répertoire — rien ne
s'opposerait plus à la publication rapide de l'Encyclo-
pédie des nègres africains.
Il y a beau jour que la critique scientifique a fait aux
Monographies parues l'accueil le plus encourageant.
Les savants de divers pays ont bien voulu contribuer à
l'amélioration graduelle de la technique de la publi-
cation. De hautes distinctions ont été réservées à
notre œuvre par les sociétés géographiques et scienti-
fiques les plus importantes.
Et déjà — récompense suprême de l'entreprise de
désintéressement qu'est la nôtre — dans plusieurs pays
les essais d'utilisation pratique de l'œuvre documen-
taire se multiplient.
Dans le domaine des sciences appliquées comme
dans celui des sciences sociales, des auteurs déjà
nombreux puisent dans la documentation de ces socié-
tés africaines présentées par nos Monographies, les
éléments de leurs liypotlièses directrices de recherches.
Dans le domaine de la civilisation progressive de
l'Afrique, nombreux deviennent les explorateurs, les
missionnaires et les administrateurs qui s'appuient sur
les données des Monographies pour iDoursuivre métho-
diquement leur œuvre respective. On commence à partir
systématiquement de ce qui est, pour améliorer. Au lieu
de faire table rase pour importer une civilisation euro-
péenne, on tente de placer une greffe sur l'arbre qui
s'offre et dont on veut perfectionner le produit. La
méthode de l'évolution se substitue peu à peu à la
méthode « révolutionnaire » du coup de baguette
magique.
Et voici que, du haut des chaires d'enseignement
supérieur, on entend des voix répéter aux jeunes géné-
rations de colonisateurs : » Les études monographiques
des peuplades nègres permettent déjà les générali-
sations indispensables à votre action de demain.
Pénétrez-vous de la description des mœurs; faisons le
point de déi)art entre ce qui est contraire à la civilisation
et ce qui -peut être toléré. Mesurons la distance entre
ce qui est et ce qui doit être un jour; nous allons vous
montrer le progrès actuellement réalisable, tant en
matière économique et familiale qu'en matière idéo-
logique, juridique et politique. L'expérience faite en
telle partie de l'Afrique sur telle peuplade, pourquoi ne
pas essayer de la reproduire ailleurs dans des condi-
tions de milieu et de race à peu près semblables ?
D'après cette méthode évolutive, voici donc les lignes
directrices de l'action qui paraît s'imposer au temps
où nous sommes... »
L'avenir est à- la civilisation méthodique et graduelle,
basée sur la connaissance de plus en plus approfondie
de ces sociétés inférieures, par le système des Mono-
graphies de plus en plus comparables.
Aussi bien, cette méthode qu'est-elle autre chose
qu'une application de celle qui est adoptée présente-
ment dans toutes les branches du savoir humain ?
Prêtez l'oreille aux délibérations des Congrès scien-
tifiques. Le mouvement se généralise dans des cen-
taines d'associations internationales, où que soit établi
leur siège social, en Europe ou en Amérique, en
Allemagne et en France comme en Belgique, en Suisse
et en Hollande. Le souci de la documentation classée
suivant les divisions les i)lus détaillées et les exigences
de chaque science est devenu à ce point i3 répondérant
qu'on j)eut se demander, en examinant les faits, s'il est
encore possible de trouver une association internatio-
nale sans but lucratif qui ne considère, comme base de
son action i)ratique, l'organisation la pkis parfaite pos-
sible non seulement de la bibliographie, mais de la
documentation complète. Et ces classifications elles-
mêmes ne visent-elles pas à la réalisation progressive
de l'Encyclopédie indéfiniment perfectible ?
Notre œuvre, qui se rattache ainsi au mouvement
documentaire et encyclopédique qui entraîne le monde
vers le progrès et qui y occupe une place d'avant-garde,
n'est-elle pas fondée à demander respectueusement
l'ai^pui éclairé :
non seulement des personnalités savantes des divers
pays, — dont plusieurs ont déjà manifesté par leurs
écrits ou par leurs paroles leur aide encourageante,
non seulement des sociétés de géographie — dont
beaucoup ont aj^plaudi à nos efforts dans leurs organes
périodiques ,
non seulement des associations internationales scien-
tifiques, — dont récemment la revue attitrée « La Vie
internationale » publiait la descrix>tion de notre œuvre
documentaire,
XII —
mais encore des Musées et des Bibliothèques — qui
sont invités instamment à s'inscrire en nom comme
souscripteurs de notre Collection de Monographies,
mais aussi et surtout des Gouvernements, dont l'in-
tervention éclairée a permis la réalisation de tant
d'œuvres collectives dépassant les forces de Tinitiative
privée.
CvR. Van Overbergh.
-**<-
INTRODUCTION
A LA
Monog^raphie des Bangala
-)4-<-
Cette monographie des Bangala est la première d'une
Collection.
L'idée de cette Collection se rattache au mouvement
ethnographique et sociologique créé par le Congrès
mondial de Mons (Belgique, igoS). Après une discus-
sion des plus élevée sur les conclusions de sept rap-
ports (i), le vœu suivant fut voté à l'unanimité :
« Considérant qu'il imi^orte au plus haut iDoint de
posséder une documentation scientifique aussi com-
plète que possible sur l'état social, les mœurs et les
coutumes des différents peuples^ spécialement ceux de
(i) 1° Paipport de sir Edward Brabrook, ancien président de la Folklors
Society et de V Antlu-opclogical Iiisiiiute of Great Britain nitd Ireland de
Londres. — 2° Celui de Mo A. H. Keane, de l'Université de Londres. —
3' Celui de M. Frantz Ileger, Kouigl. und Kaiserl. Regierungsrat, directeu-
du Hofmuseum de Vienne. — 4° Celui de 'SI. A.-W. Nieuwenhuis, profes-
seur d'ethnologie à l'Université de Lejde. — 5° Celui de M. S. R. Steinnietz,
professeur de sociologie à l'Université de Leyde. — 6° Celui de M. J. Ilal-
kin, professeur de géograiihie ethnographique à l'Université de Liège. —
70 Celui de M. Th. Gollier, professeur des institutions d'Extrême Orient
à l'Université de Liège.
civilisation inférieure, -pouv faire rendre son maximum
d'effets utiles à l'expansion civilisatrice vers les pays
neufs ;
» Considérant que plusieurs institutions ont pris à
cette fin d'utiles initiatives, mais à base nationale;
» Considérant qu'il importe, pour arriver plus rapi-
dement, plus sûrement et plus comiDlètement à cette
connaissance scientifique, de solidariser et d'unifier
tous les efforts de documentation, peut-être d'après un
lorogramme général et commun;
» Considérant que la Société belge de sociologie a
I)ris la louable initiative d'une vaste enquête interna-
tionale et collective sur les peuples dont il s'agit ;
» Le Congrès émet les vœux suivants :
» 1° Qu'un Bureau international d'ethnographie soit
créé, ayant pour but : a) de publier des questionnaires
ethnographiques et sociologiques et éventuellement
d'unifier ceux qui existent ; b) d'envoyer par l'intermé-
diaire des autorités comx)étentes, ces questionnaires
aux fonctionnaires coloniaux, aux explorateurs, aux
missionnaires, etc. ; c) de publier des réponses à ces
questionnaires toutes sur un même j)lan ; d) de distri-
buer ces réponses à tous ceux qui, d'une façon ou d'une
autre, collaborent à l'enquête;
» 2° Que tous les musées d'ethnographie, que toutes
les sociétés d'ethnographie, de sociologie, de géogra-
phie, que tous les ethnographes, anthropologues, socio-
logues, soutiennent cette œuvre par tous les moyens
dont ils disposent ;
» 3° Que tous les Gouvernements s'intéressent à
cette enquête, facilitent, dans leur sphère d'action, les
travaux du Bureau international et soutiennent celui-ci
par les moyens qu'ils jugeront le plus à propos;
» 4° Q^^e de toutes les publications etlinograpliiques,
un exenii3laire soit gracieusement envoyé au Bureau
international et que celui-ci jjublie tous les ans un
catalogue des ouvrages parus relatifs à l'ethnographie,
ce terme i)ris dans son sens le plus large ;
» 5° Que le Gouvernement belge soit invité à saisir
l'es Gouvernements étrangers de ce vœu ;
» Charge une Commission internationale (i) de
prendre toutes les mesures utiles iDour aboutir rapide-
ment et pratiquement. »
La Commission internationale prit les mesures
les plus urgentes : un avant-projet de statuts fut éla-
boré. Le Gouvernement belge consentit à en saisir les
Gouvernements étrangers. Les négociations sont très
avancées ; il est probable qu'elles aboutiront à la con-
stitution d'une Conférence internationale qui arrêtera
définitivement les bases de l'entente projetée.
En attendant, le Bureau de la Commission interna-
tionale a lancé un appel à la collaboration de toutes
les sociétés ethnographiques et géographiques du
monde. La pluj)art ont répondu affirmativement et,
pour gage, ont envoyé leurs publications.
Divers membres de la Commission internationale ont
élaboré des projets de questionnaire qui pourront servir
(i) Cette Commission internatiouale est composée de MM. Vau Over-
bergli (Belgique), j)résident; Skiff pour l'Amérique, Haddon etKeane pour
l'Angleterre, von Luschan pour l'Allemagne, Hamy pour la France, Heger
et Smidt pour l'Autriche-Hongrie, Nieuwenhuys et Steinmetz pour la Hol-
lande, Martin pour la Suisse, Fraipont et Lemaire pour la Belgique.
MM. Halkin et Gollier sont chargés du secrétariat.
de base aux discussions de la Conférence internatio-
nale. Certains ont suggéré des moyens d'unifier les
questionnaires publiés en divers pays.
D'autres ont fait des essais de publication des obser-
vations. C'est ainsi que M. le prof. Halkin a inséré
dans le Mouvement sociologique international une mono-
grapliie des Ababua (Etat Ind. du Congo) qui a jiu être
envoyée pour avis, en tirés à part, non seulement aux
membres de la Commission internationale, mais à un
grand nombre de x^ersonnalités savantes du monde
entier.
Les critiques ont été recueillies; i)lusieurs ont été
reconnues fondées. Des suggestions d'amélioration, il
a été tenu compte dans la présente monographie des
Bangala.
Tous les correspondants apj)rouvent le i)rincix)e du
plan : x^ublication des réponses à un questionnaire-
type, sur des fiches détachables.
Ainsi les diverses monographies seront comparables
en tout temps.
Comme M. Halkin, j'ai pris pour base de la Collection
que je publie le questionnaire ethnographique arrêté
par ]a Société belge de Sociologie (i). Mais il est clair que
si le Bureau international — ou une institution natio-
nale ou même un j)articulier — désire classer les fiches
dans un autre ordre ou de manière plus détaillée, il
peut aisément « adapter » les fiches des monographies
à ses désirs : simple question de placement ou de divi-
sion.
(i) Voir les Annules delà Société belge de Sociologie, tome II.
Ce qu'il est nécessaire de remarquer, c'est que tous
les renseignements, que nous avons pu recueillir sur les
Bangala, ont -pu. trouver leur place dans le cadre du
questionnaire. Aucun aspect de la vie sociale n'a dû
être négligé. Et cependant la littérature publiée était
nombreuse, ainsi qu'on peut en juger en iDarcourant les
pages i-3o.
Le questionnaire s'occupe de toutes les classes de
l)liénomènes sociaux qui palpitent dans la vie d'une
l)euplade : Phénomènes économiques, génétiques, esthé-
tiques, religieux et philosophiques, moraux, juridiques,
I)olitiques; tous, depuis les plus simi)les et les plus
généraux jusqu'aux plus comi)lexes et les i)lus rares.
Et non seulement les phénomènes sociaux, mais ceux
qui concernent le milieu physique et les caractères
anthropologiques.
Sans doute, les spécialistes rêvent d'une division
plus raffinée, chacun dans sa sphère. Mais c'est là
l'œuvre d'un second stade, qui pourra s'amorcer dès
qu'il se trouvera des hommes de science pour l'entre-
jn^endre (i) et la mener à bien.
Pour le moment, il m'a paru opportun de iDublier sur
le plan du questionnaire de la Société belge de Sociologie
une Collection de monographies relatives aux peuplades
de l'Afrique tropicale.
Pour apprécier la valeur de cet essai en grand, il
convient d'imaginer un nombre considérable de publi-
cations semblables à celle des Bangala. Les deux
(i Aussi bien, la Société belge de Sociologie, poursuit la rédaction de
questionnaires approfondis spéciaux pour les différents domaines de la vie
sociale.
— 6 —
cent et deux numéros correspondent dans chaque mono-
grapliie. C'est toujours dans un même texte, en des
termes identiques, que chaque question est posée.
Lisez à la file le contenu des numéros de chacune des
monographies ; vous avez la statistique et même la
dynamique d'une peuplade.
Les idées religieuses d'une région vous intéressent-
elles seules, prenez, dans chacune des monographies
des tribus de cette région, les fiches loo à 122. Vous
aurez le dossier qui vous convient.
De même i)our toutes les autres classes de phéno-
mènes. Le système des fiches détachables vous permet
d'isoler les informations que vous désirez.
Il est facile de se figurer les avantages que pourront
retirer de ces publications des hommes pratiques
comme le missionnaire qui inaugure son apostolat ou
le fonctionnaire désireux de faire œuvre d'administra-
tion féconde. N'est-ce pas, d'autre part, faciliter les
voies à ce qu'on pourrait appeler la civilisation scien-
tifique ou méthodique? Connaissant les « mœurs », le
législateur saura les lois qui conviennent. Et ce sera
par degrés — peu sensibles, mais sûrs — que nos frères
arriérés pourront s'élever à une civilisation supérieure.
C'était un des grands buts du Congrès mondial.
Mais il en est d'autres, d'un caractère plus scienti-
fique. Et pour ne pas parler des avantages qui en
résulteront pour l'anthropologie et la géographie, ces
deux avenues de la Science sociale, quel courant d'ob-
servations ne pourra créer cette initiative dans le
champ de la sociologie descriptive ? C'est à ces sources
monographiques que diverses sciences sociales ont dû.
7 —
leurs progrès les plus remarquables. La Sociologie
s'oriente presque entière de ce côté. Notre tentatiA^e
fait partie du mouvement.
Pour réaliser ces grands espoirs, une méthode sévère
.s'imposait. La voici :
Après avoir réuni la bibliographie des Bangala et
leur iconographie, nous avons x^rocédé à un dépouille-
ment systématique de la documentation qu'elles renfer-
maient. Pas un renseignement n'a été laissé de côté.
Chacun de ces renseignements était transcrit sur une
fiche distincte et détachée. C'est la première partie du
travail -
La deuxième consistait à grouper ces fiches dans un
ordre idéologique correspondant aux deux cent et deux
numéros du questionnaire de la Société belge de Socio-
logie (i).
Puis vint le travail de mise en œuvre. Chaqiie paquet
de fiches — correspondant à chacun des numéros — fit
l'objet d'une étude spéciale; le renseignement le plus
complet était placé en première ligne; les autres
n'étaient reproduits que pour autant qu'ils renfermaient
du neuf , sinon, ils étaient portés en référence du pre-
mier.
Le manuscrit ainsi obtenu fut imprimé en épreuves
à un certain nombre d'exemplaires. Chacune de ces
(i) Ces deux premières parties du travail relèvent d une entreprise
scientifique spéciale dont les fondateui's désirent jusqu'ici garder l'ano-
nj'inat mais qui se rattache par ailleurs au mouvement ethnographique
général créé ])ar le Congrès mondial de igoo.
épreuves fut envoyée à des explorateurs d'élite, ayant
vécu dans la rég-ion des Bangala (i) avec prière de lire,
discuter et annoter : c'était la demande subsidiaire ; en
ordre imncii)al, il s'agissait d'obtenir des renseigne-
ments complémentaires et originaux. Quelques épreuves
étaient adressées à des savants {2) qui, bien que n'ayant
pas vécu là-bas, avaient étudié la région sous quelque
aspect important : ils étaient sollicités d'annoter du
point de vue de leur spécialité.
Dès que les épreuves ainsi examinées et complétées
furent rentrées, le travail d'achèvement commença. Il
fut ardu. Parfois les explorateurs n'étaient i^as d'ac-
cord, il fallait rechercher si ce désaccord ne reposait
pas sur un malentendu. D'autres fois le renseignement
était incomplet ; de nouvelles interviews furent néces-
saires, etc.
Ce ne fut qu'après plusieurs épreuves nouvelles que
le bon à tirer put être donné.
Par scrupule d'exactitude chaque auteur voit son
renseignement publié dans la langue qu'il a choisie, et
dans son texte.
Les renseignements originaux sont en grands carac-
tères; les autres, en caractères ordinaires.
Cliaque information est contrôlable à chaque instant,
puisque les sources sont renseignées.
Les fiches sont détachables, et chacune d'elles forme
un tout.
(i) Ce sont MM. le baron Dhauis, commandant Mardulier, major Fiévez,
capitaine Wilvertli — que je ne saurais assez remercier de leur obligeante
collaboration.
('2\ MjNI. J. Fraipont, professeur à l'Université de Liège, de Wildeman,
conservateur au .Tardiu botanique, Cornet, professeur à l'Université de
Gand, auxquels j'exprime ma cordiale gratitude.
— 9 —
Un des grands avantages du sj'stème, c'est la possi-
bilité de tenir la nionograi)hie à jour. Si un exi)lorateur
ou un missionnaire fait une observation nouvelle ou de
nature à compléter une information antérieure il suffit
qu'il l'adresse à l'auteur de la Collection. Une fiche
spéciale recueillera la nouveauté et sera envoyée à tous
les souscrij)teurs (i). De même, si un oubli ou une recti-
fication désirable est signalée dans la bibliographie ou
l'iconographie .
Li'œuvre reste ainsi continuellement perfectible ; elle
fait api)el à toutes les bonnes volontés; elle donne le
maximum de facilités à celui qui désire publier ses
observations; elle garantit un minimum de lecteurs
compétents ; elle réduit sans cesse les chances d'erreur.
Sans doute l'œuvre est grande.
Elle déborde l'effort d'un homme, de quelques hommes
et peut-être d'un pays.
Elle fait api3el à la collaboration.
Elle vise à montrer la possibilité d'une coopération
internationale de plus en plus effective, ainsi que le
souhaitait le Congrès mondial.
Cyr. Van Overbergh.
(i) Chaque monographie est vendue au prix de lo francs ; pour les sous-
cripteurs le prix est réduit à fr. 7.00 ; chaque page complémentaire,
10 centimes. Pour les souscriptions par masses, au delà de cent exem
lîUiires, conditions spéciales. Pour l'étranger le port en sus.
II.
INTRODUCTION
A LA
Monographie des Mayombe
Voici le deuxième volume de la Collection de mono-
graphies ethnographiques .
Le premier volume était consacré aux Bangala, peu-
plade du fleuve, du plus grand fleuve de l'Afrique cen-
trale, le Congo.
liCs Mayombe sont des gens de la forêt, de cette forêt
tropicale qui, partant du nord de Boma, plonge dans
les possessions portugaises et françaises, parallèlement
à la côte.
La monographie s'occupe de la peuplade mayombe de
cette partie de la forêt qui s'étend entre Luki et le Slii-
loango, c'est-à-dire des Mayombe de l'Etat Indépen-
dant du Congo. Les renseigTiements sur les Ma^^ombe
des i)Osse3sions portugaises et françaises sont jusqu'ici
trop insuffisants pour permettre une étude comparée.
La littérature des Mayombe est beaucoup moins
abondante que celle des Ba^ngala^. La raison en est
112 —
simple. Tandis que les Bangala, à cheval sur le grand
fleuve, entraient en relations avec quiconque remon-
tait le Haut-Congo, les Mayombe, à l'écart des routes,
cachés dans la forêt farouche, se laissaient à peine
entrevoir par les commerçants de la côte ou les chefs
des expéditions de reconnaissance.
D'où le nombre relativement restreint de renseigne-
ments publiés, utilisés au cours de cette monographie.
De là aussi le nombre considérable de renseigne-
ments nouveaux, recueillis au cours d'entrevues direc-
tes avec les explorateurs.
L'entreprise paraissait audacieuse, même après
l'essai des Bangala. Le lecteur jugera si elle a réussi.
J'en ai retiré cette conviction qu'il est iDossible de
mener à bonne fin l'étude d'une monographie ethno-
graphique par la seule enquête orale. Et c'est précisé-
ment de ce côté que j'aiguille la troisième monographie,
qui s'occupera des Basonge, peuplade de la brousse.
J'eus foi dans la qualité éminente des explorateurs
du Mayombe. L'événement semble m'avoir donné
raison.
Je ne saurais assez remercier ces hommes de talent
et de dévoûment qui n'hésitèrent pas à distraire de
leurs affaires souvent absorbantes les heures et les
jours qu'ils voulurent bien consacrer à mon enquête
verbale ou écrite. Il en est que j'ai accablés d'inter-
views; la mine découverte était précieuse pour la
science et la civilisation: il fallait l'exploiter atout
prix; ces collaborateurs s'y prêtèrent toujours de la
meilleure grâce. Honneur à eux !
lô
L'accueil fait aux Bangala par le g-rand public
comme par le monde savant fut extrêmement sympa-
thique. Je me permets de remercier les journaux et les
revues. Ces encouragements sont précieux. Ils témoi-
gnent de l'adaptation de l'entreprise à un besoin
général.
Des conseils me sont venus et je me suis empressé de
les suivre pour la plupart, dans la rédaction de cette
deuxième monographie.
Ainsi, plusieurs sociologistes m'ont exprimé le désir
de voir donner plus d'importance aux fiches 2 et 18G :
la première traite du milieu, la seconde du contact
avec les civilisés.
« Afin de se rendre compte des relations qui existent
entre le milieu physique et la population qui l'occupe,
il est indispensable, m'écrivait-on, que ce milieu soit
décrit avec la plus grande précision possible. Il s'agit
moins d'accumuler les détails techniques que de faire
toucher du doigt les caractéristiques. Il serait superflu,
en ce qui concerne la faune, par exemple, de fournir la
classification des insectes recueillis dans la région :
c'est l'affaire du naturaliste spécialiste. Mais s'il y a
des insectes manifestement nuisibles ou utiles à
l'homme, aux animaux domestiques, aux cultures, etc.,
pourquoi ne pas les décrire par leur action et leurs
effets ? De même pour la flore, la géologie et l'hydro-
graphie, la météréologie, etc. Ainsi les dominantes du
milieu seraient exposées aux regards des lecteurs, et à
quelque école sociologique qu'on appartienne, on a le
plus grand intérêt à les connaître. »
Ces considérations m'ont convaincu. Qu'on veuille
- 14 -
bien y trouver la justification de l'importance donnée
au n" 2 de la monographie des Mayombe. La forêt sur-
tout est décrite ; elle est le cadre dans lequel se meut
toute la vie de notre peuj)lade; elle est sa nourricière
comme son horizon, sa défense et sa sauvegarde.
Quant à la question i86, on me disait : « Voilà donc
une peuplade primitive vivant et se développant dans
un milieu donné. A un certain moment elle entre en
contact avec les représentants d'une civilisation supé-
rieure. Il est de lapins haute importance de suivre le
développement des effets de ce contact, de plus en plus
étroit. Donnez de l'extension à cette fiche. Presque
tout est intéressant : la manière dont l'indigène
accueille le civilisé, la façon dont il subit son influence
ou dont il la repousse, la i^artie des usages qu'il imite
en premier lieu, etc. Est-ce par le côté économique
— commerce, par exemple, ou travail — qu'il api)récie
les relations avec les Euroi^éens ; est-ce par le côté reli-
gieux, par le côté « force » ? Quels sont les essais de
civilisation et leurs résultats ? N'y a-t-il pas des usages
rebelles à toute i)énétration ? Et que d'autres questions
semblables se pressent ! Sans doute, il faut éviter les
détails oiseux qui ne prouvent rien. Mais notez les
caractéristiques. N'est-ce pas de cette manière que
pourra s'arrêter i)eu à peu le plan de civilisation métho-
dique ou scientifique dont parle V Introduction des
Bangala ? »
Un collègue m'écrivait : « Cette pensée de concevoir
la civilisation scientifique des peuples inférieurs est
digne de notre siècle de science. Il est temps que les
sciences ethnographiques, un peu égoïstes jusqu'ici,
— i5 —
s'orientent vers des buts d'utilité pratique, qu'elles
deviennent, si je i)uis dire, des sciences appliquées.
Sans doute il est bon que les savants observent et
décrivent les peuplades, les comparent et en tirent des
conclusions que les sociologistes utiliseront pour for-
muler les lois des sociétés humaines. Mais pourquoi,
dès à présent, n'utiliserait-on j)as tous ces éléments
pour tirer des conclusions en faveur d'une camiDagiie
rationnelle de civilisation? Admirable assurément l'ef-
fort du missionnaire, par exemple, qui s'établit sans
esprit de retour au milieu des sauvages, iDOur les élever
peu à peu à un idéal et à une vie supérieure. Mais on
conçoit que ce même effort pourrait produire des effets
beaucoup plus fructueux s'il existait des règles,
déduites de l'expérience séculaire des missionnaires, et
qui seraient de nature à multiplier l'efficacité de leur
effort. De même pour le travail civilisateur des Etats
européens, de leurs fonctionnaires, de leurs magistrats
et pourquoi ne pas dire de tous ceux qui, au-dessus de
leurs relations d'affaires avec leurs frères d'Afrique,
veulent contribuer à leur élévation progressive ? »
Mon ami traduisait trop bien le fond de mon senti-
ment pour que je ne suive pas ses conclusions, en tant
qu'elles trouvent leur éclio dans le cadre des mono-
graphies.
De là l'importance plus grande donnée au n" i86,
destiné à devenir peu à peu le compendium des résultats
obtenus en matière civilisatrice.
Je signale cette idée nouvelle à l'attention de mes
collaborateurs : il y a là une œuvre d'une grande
portée i^ratique.
— i6 —
Un troisième conseil lut suivi.
« Puisque, disait-on, vous allez donner tant d'impor-
tance aux enquêtes orales ou écrites, il est juste que,
pour iDcrmettre à vos lecteurs de peser la valeur des
témoignages de vos collaborateurs, vous esquissiez
sommairement les titres qui les distinguent. »
Cette remarque corresx)ondait trop au désir que j'ai
de mettre mes collaborateurs en relief pour que j'hésite
un seul instant.
Parmi les explorateurs du Mayombe, ceux qui m'ont
fourni les renseignements princii)aux sont : M]\I. l'ingé-
nieur Diederich, le commandant Cabra, l'ingénieur
Claessens, le P. De Clercq, le D'' JuUien, le juge
Louwers, le i)rofesseur Cornet, le lieutenant Morrissens.
M. Diederich. — Le 17 avril 1898, au Palais des
Académies de Bruxelles avait lieu la récej)tion solen-
nelle des explorateurs du Katanga. M. le colonel Tliys
présenta M. Diederich au lioi et à l'assemblée, dans
les termes suivants : « Géologue consciencieux qui a
fait de nombreuses observations scientifiques qui per-
mettront de se rendre compte de la constitution géolo-
gique de ces régions intéressantes. La Commission
a fait frapper à son intention une médaille d'argent,
qu'elle est heureuse de lui offrir avec l'assurance toute
particulière de son estime. » M. Norbert Diederich,
ingénieur du génie civil, des mines, arts et manufac-
tures, avait alors vingt-six ans. Il avait été adjoint à
l'expédition Delcommune. Ce furent ses débuts en
Afrique.
— 17 —
En 1894» il ^'st nommé Directeur de l'Agriculture de
l'Etat Indépendant du Congo, service qu'il organise.
Il séjourne au Mayombe pendant près de trois ans, y
installe les postes de culture de café et de cacao à
Lenglii et à Temvo ; il crée l'exploitation des bois du
Sliiloango et les champs d'expérience de la culture du
tabac à Kaîka-Zobe.
• En 1898-1899, il parcourt le Maj^ombe du nord au sud
à la recherche des passages du futur chemin de fer et
installe le poste de culture d'Urselia.
En 1900, il devient Directeur Général du chemin de
fer du Mayombe. En 1901, il crée les postes de culture
de la Société agricole du Mayombe. Jusqu'aujourd'hui,
il reste attaché aux différentes entreprises du
Mayombe, où il se rend presque chaque année.
M. Cabra. — M. le commandant Cabra part x>our
l'Afrique, en 1896, en qualité de Commissaire du
Gouvernement belge pour assister à l'inauguration du
chemin de fer Matadi-Tumba. En même temps, il est
chargé d'une mission scientifique au Mayombe et de
l'étude du pays en vue de la construction d'un chemin
de fer Boma-Shiloango.
Il est désigné peu après comme commissaire de l'État
Indépendant à la délimitation de la frontière congolo-
portugaise.
En 1903, il est chargé de la délimitation franco-
congolaise.
En 1905, commissaire du Roi, il inspecte les terri-
toires de la Ruzizi-Iliva et la province orientale.
M, Claessens. — 34 ans, ingénieur agricole. a
— i8 —
Après de nombreux voyages aux États-Unis, où il
cultive le coton dans l'Oklahoma — au Mexique, où il
s'occupe des cultures de café, du caoutchouc et do
l'élevag-e du bétail, — dans la République Argentine,
où il réorganise l'enseignement agricole, — il part
pour l'Afrique avec mission spéciale de l'État Indé-
pendant d'introduire la culture du coton dans le
Bas- Congo.
D'où, de nombreuses exiolorations dans le Mayombe
spécialement dans le nord-est et dans l'est.
M. Claessens est actuellement attaché à l'Admi-
nistration centrale de l'État Indépendant du Congo, à
Bruxelles.
Le R. P. De Clercq. — Le P. De Clercq, des Pères
missionnaires de Scheut (Bruxelles), séjourne au Congo
de 1896 à 1906.
Il réside successivement à Luluabourg, jusqu'en
1^97' — à, Berghe-Sainte-Marie, jusqu'en 1900, — à
Léopoldville en 1904, — à Kangu (Moll-Sainte-Marie)
de 1902 à 1906.
M. Jullien. — M. le D'" Jullien se rend pour la pre-
mière fois en Afrique en 1890. Il est ensuite le médecin
de la Compagnie du Chemin de fer du Congo (1893-1895).
De 1894 à T902 il devient : le chef du service médical de
la Compagnie des chemins de fer vicinaux au Mayombe;
le médecin agréé au camp d'instruction militaire du
Bas-Congo; le médecin de la Société agricole du
Mayombe et de plusieurs autres sociétés.
Le D'" Jullien fait partie du Comité d'études des
maladies tropicales.
— 19 —
M. Cornet. — En 1891-1893, géologue de l'expédition
Bia-Franqul au Katanga : reconnaissance géologique
du sud-est du bassin du Congo, de Lusambo au lac
Bangwéalo ; première carte géologique de ces régions ;
établissement d'une échelle stratigrapliique, confirmée
depuis; découverte des mines de cuivre de Kambove,
Lusniclii, Kitulu, Kimbui, Inambuloa, qui sont parmi
les plus riches du monde.
En 1895, il est adjoint comme géologue à la Com-
mission envoyée i)ar le Gouvernement belge pour
étudier les conditions d'établissement du chemin de
fer de Matadi à Léopoldville. Il étudie toute la géo-
logie du Bas-Congo.
Aujourd'hui, membre de la Commission du Musée du
Congo à Tervueren et professeur de géologie à l'Uni-
versité de l'État à Gand.
M. Louwers. — Docteur en droit, M. Louwers
arrivait en Afrique au mois de février 1901 en qualité
de magistrat. Ai^rès un stage au jDarquet de Borna, il
fut envoyé au Mayombe i)our régler, comme substitut,
certaines affaires judiciaires et aussi pour viser les
contrats des travailleurs indigènes engagés dans les
différentes exploitations agricoles de la région. Ainsi
il parcourut j^resque toute la forêt du Mayombe jus-
qu'au Shiloango.
En 1902, M. Louwers fut envoyé au Tanganilia.
Actuellement il est professeur à l'École coloniale et
greffier au Conseil sui)érieur de l'État Indépendant du
Congo.
20
M, Morrissens. — M. le lieutenant Morrissens
séjourna au Congo de 1896 à 1899. Après une mission
dans rObang-lii il accompagna M. Diederich dans ses
reconnaissances dans le Mayombe en vue de la con-
struction du cliemin de fer.
Il est professeur de géographie et d'etlmograpliie à
l'École coloniale de Bruxelles.
A tous ces collaborateurs d'élite qui, sans compter,
m'ont donné leurs souvenirs et leur science des choses
d'Afrique, ma plus cordiale gratitude.
Rarement, je crois, un groupe d'hommes aussi com-
pétents a pu être réuni en vue de l'étude systématique
d'une peuplade. Non seulement ce sont les spécialités
de chacun d'eux qui se compénètrent et se complètent
harmonieusement, mais aussi les lieux mêmes de leurs
résidences ou de leurs voyages.
J'ai devant les yeux les lignes entrecroisées de leurs
explorations; elles se détachent en rouge sur le fond
imprimé de la carte ; elles apparaissent comme les
mailles d'vm filet, sinon régulier du moins sans vide
béant et parfaitement apte à captiver tous les rensei-
gnements désirables.
Pour mesurer le résultat de l'effort réalisé par la
monographie des Mayombe, qu'on veuille bien exa-
miner en réponse à chacune des 202 questions, ce
qu'on savait avant et ce qu'on connaît après cette
publication.
Je remercie aussi M. le conservateur De Wildeman,
qui, avec la haute compétence que tous lui recon-
naissent en botanique coloniale, a bien voulu annoter
les passages qui relevaient de sa spécialité, particu-
21 —
lièrement importante dans une monographie dont le
cadre est la forêt.
Merci à M. De Jong-lie, qui m'a aidé dans le dépouil-
lement et le classement des renseignements biblio-
graphiques et iconographiques et dans la correction
des épreuves.
Merci à MM. Macs et Viaene, qui ont dressé la carte
ethnographique jointe au volume.
Leur collaboration à tous me fut précieuse. Il est
juste qu'elle soit proclamée et reconnue.
Cyr. Van Overbergh.
III.
INTRODUCTION
Monographie des Basonge
Les Basonge sont fixés aux confins méridionaux de
la grande forêt équatoriale d'Afrique, entre le Lubilacli
et le Lualaba.
Ils sont de belle race.
C'est chez eux que Wissmann découvrit, il y a
quelque vingt-cinq ans, ces agglomérations immenses,
vraies villes africaines de quinze à vingt mille habi-
tants.
A l'ombre de leurs palmeraies, ces populations cul-
tivaient des champs étendus. Elles savaient travailler
l'argile, le bois, le cuivre et le fer; elles confection-
naient des vanneries et des étoffes. Les forgerons
étaient renommés.
Les explorateurs allemands qui, venant du pays des
Baluba, franchissaient le Lubi, avaient l'impression
de se trouver comme dans un autre monde. « Des
habitations propres et spacieuses, entourées de jardins,
forment en lignes droites des villages peuplés par les
-24-
Basonge, race nègre bien faite en même temps
qu'industrieuse. Malgré son isolement de tout contact
étranger, elle suffit à tous ses besoins mieux que les
peuplades voisines. »
Cinq années plus tard, Wissmann traversait l'Afrique
pour la seconde fois. A la place des villes bruyantes
des Beneki, puissante famille des Basonge, il ne trouva
plus que les lignes majestueuses des palmiers qui bor-
daient l'ancien boulevard de la cité. Partout la dévas-
tation, le silence et l'herbe envahissante.
Que s'était-il passé ?
L'Arabe du Manyema avait franchi le Lualaba.
Conquérant sans scrupule, il avait massacré tous ceux
qui offraient quelque résistance ou qui ne se pliaient
point au joug détesté.
De jour en jour la terreur augmentait au pays
basonge, que les bandes arabes considéraient comme
une réserve d'esclaves et un objet de razzia. Des sous-
tribus entières furent anéanties; d'autres émigrèrent.
lie lieutenant de Wissmann, M. Paul Le ^Marinel,
amena les Sappo-Sap à Luluabourg.
Mais les trafiquants de Kasongo rêvaient d'étendre
plus à l'ouest et au sud le champ de leurs opérations
criminelles : l'immense race des Baluba allait être
sacrifiée, lorsque l'État Indépendant du Congo établit
le poste de Lusambo qui fut comme une digue contre
laquelle se brisa la vague esclavagiste.
C'est l'heure où les vainqueurs des Arabes entrent
en lico : Fivé, Dhanis, Le Marinel, Gillain, Michaux,
pour ne nommer que les collaborateurs directs de notre
monographie.
— 25 —
Leurs marches sillonnèrent le territoire des Basonge
et les batailles qu'ils y livrèrent furent autant de
victoires.
La domination des trafiquants fut anéantie et rapi-
dement s'y substitua l'influence européenne.
Auxiliaires des blancs pendant la lutte, les Basonge
restèrent leurs sujets dévoués. Jamais il n'y eut de
différend grave. Et même au temps de la crise de 1896,
quand les Batetela révoltés de Luluaburg jmrent la
route du nord, les Basonge essayèrent de leur dis-
puter le passage, malgré l'infériorité de leur arme-
ment. Ils furent battus, mais ils restèrent fidèles à
l'État
Cette esquisse historique fait toucher du doigt l'inté-
rêt de l'étude ethnographique des Basonge.
Il y a vingt-cinq ans, ils vivent en des villes spa-
cieuses et sont vierges de tout contact avec les autres
civilisations.
Puis, ils subissent le joug des esclavagistes.
Enfin, les voilà soumis depuis de longues années à
l'influence des blancs d'Euroiie.
Sur ces trois x)ériodes, les renseignements recueillis
sont abonda,nts. Pour celle du début, il est vrai, il faut
se contenter du témoignage d'explorateurs de i^assage :
Wissmann, Pogge, Wolf, etc. ; mais ce sont des lîommes
de premier ordre et souvent des observateurs de génie.
Ai)rès la défaite des Arabes, voici qu'aj)paraissent les
sauveurs, cette brillante plialange d'officiers belges,
actuellement dans la fleur de l'âge et du souvenir, et
— 25 —
qui n'hésitèrent pas à me communiquer les renseigne-
ments dont ils disposaient et dont l'ensemble constitue
une véritable résurrection de cette Basong-ie d'il y a
quinze ans. Quant aux temx)s présents, le faisceau
d'une documentation aussi précieuse qu'abondante m'a
été fourni par des observateurs sag-aces, qui ont opéré
sur place et x)lus spécialement en vue de la rédaction
de ce livre.
Après la monographie des Bangala (peuplade du
fleuve) et celle des Mayombe (peuplade de la forêt),
voici l'étude des Basonge d^euplade de la brousse).
Ainsi les sociétés-types étudiées jusqu'ici dans cette
collection correspondent aux trois principaux milieux
physiques de l'Afrique équatoriale.
Comme les trois monographies sont présentées d'après
un plan identique, sur fiches détachables et en réponse
aux 202 questions du questionnaire ethnographique de
la Société belge de sociologie, chacun i)eut se faire une
idée précise de la valeur de la méthode comi)aratiA"e,
préconisée en igoS au Congrès mondial de Mons et
adoptée dans son xu^incipe i)ar le Bureau international
(Vethnograph ie.
Les résultats obtenus par ce triple essai permettent
de répondre aux principales objections formulées contre
cette méthode.
« Jamais, disait-on, vous ne réussirez à faire rentrer
toute la vie sociale d*une peuplade dans les cadres
tracés parle questionnaire. A supposer que vous y par-
veniez jDour une tribu, vous écliouerez pour les sui-
vantes, chacune ayant sa physionomie proi)re. En tout
cas, beaucoup de réponses à une nienie question — pour
les diverses peuplades — ne seront guère comparables
entre elles. »
On conviendra que les Bangala, les Mayombe et les
Basonge habitent des points fort distants dans le
bassin du Congo; leurs milieux sont dissemblables; il
n'y a guère de contact entre eux ; ils parlent des langues
différentes.
Or, je m'étonnerais fort si un lecteur — question de
lacunes à i)art — ne trouvait pas les fiches comparables
entre elles et surtout s'il iDouvait citer un iioint quel-
conque de documentation qui n'ait pu trouver x>lace
dans le cadre indiqué.
Si la bibliographie des Majombe, et surtout celle
des Basonge, était presque rare, celle des Bangala
était abondante.
En revanche, les résultats de l'enquête orale, rares
chez les Bangala, nombreux i)our les Mayombe, sont
fort riches i)our les Basonge.
Dans les deux cas cependant, l'épreuve fut satis-
faisante et l'obstacle jyen sérieux.
On avait ajouté : « Vous n'échapperez pas à l'impres-
sion confuse. Si tel auteur, esi3rit d'ordre, traite chaque
idée à son tour, tel autre en mêle plusieurs, pêle-mêle.
La difficulté s'augmente du fait que toutes les langues
— 28 —
ont le même droit à la citation intégrale et que certains
numéros du questionnaire se rai^portent à des notions
fort extensibles. »
Trois objections donc : les citations à objets multi-
ples, les langues et les numéros, qui comme le 2° (milieu
physique) et le 186° (contact avec les autres civilisa-
tions), renferment des mondes.
Le problème des citations embrouillées a été résolu
ainsi : tout passage d'un auteur quelconque peut être
décomposé en un certain nombre d'idées nettes. Cha-
cune de celles-ci est attribuable à un numéro du ques-
tionnaire. Dans le cas exceptionnel où une notion j)rin-
cipale exige, pour avoir toute sa force, l'adjonction de
certaines notions accessoires, on attribue le passage
entier à la fiche du principal, quitte à « répéter » les
notions accessoires à chacune des fiches auxquelles
elles se rapportent directement ou du moins à les y ren-
seigner : le choix entre l'une ou l'autre de ces solutions
dépend naturellement de l'importance intrinsèque des
notions accessoires.
Cette méthode a permis de résoudre tous les cas qui
se sont présentés au cours de la rédaction des trois
monographies.
La question des langues n'a causé aucun embarras.
Le respect scrupuleux de l'idée des auteurs exige que
l'expression de leur pensée ne risque à aucun moment
d'être tronquée, ne fut-ce que d'une nuance, par le
danger d'une traduction. En fait, rien ne fut plus aisé.
J'ajoute que les citations relatives à une même
notion, mais en langues différentes, permirent plus
d'une fois d'exposer sous des formes diverses la même
idée aux lecteurs de nationalités différentes. Ainsi,
en effet, il arrive que l'Allemand retrouve son lan-
gage à côté du français, de l'anglais, de l'italien, etc.
Souvent le désir même d'une traduction est ainsi
écarté, et x^our les polyglottes l'idée est précisée.
Quant à la difficulté de donner une forme mesurée
et ordonnée à des notions i)resque indéfiniment exten-
sibles comme celle du milieu x^hysique, le lecteur
suivra le x>rogrès de la solution dans la lecture suc-
cessive des monograx)liies : Bangala, Mayonibe, Basonge.
D'essai en essai, les sous-divisions de la fiche deu-
xième se iDrécisent et s'amplifient à la fois, et il
semble bien que le cadre des Basonge iDuisse être
considéré comme définitif, ou à ^en i)rès. Le progrès
s'accomplit par la division de la notion essentielle.
Puisque ces sous-classifications corresiDondront dans
les numéros de toutes les monographies, la compara-
bilité gagne en x)erfection et la méthode en profite.
M. Emile Yandervelde regrette les « contradictions »
que la méthode entraine « fatalement ». Tel explorateur
voit le salut des Mayonibe, iDar exemx^le, dans le travail
forcé, tel autre dans le travail libre. Celui-là estime
que la femme est traitée en esclave, celui-ci déclare
« qu'il fait des réserves formelles et que, sauf les
cas exceptionnels, les femmes sont bien traitées ».
Deux cas types sont ainsi x^i'ésentés : l'ox^position
entre les conclusions des explorateurs, la divergence
d'imx3ressions vis-à-vis de situations complexes.
— oO —
Je dois à la vérité avouer qu'au début je m'atten-
dais à de nombreuses contradictions. Le dépouillement
systématique des auteurs prouva que les contradictions
étaient rares.
Dans ces cas, que faire?
Lorsque l'erreur apparaissait manifeste, contredite
par une série de témoignages contraires et concordants,
il arrivait que le passage n'était -psis cité; il était seu-
lement signalé.
Mais parfois surgissait des cas douteux. Il ne s'agis-
sait i:)re£que jama^is de descriptions. C'étaient ou des
divergences d'impressions en face de situations com-
plexes — comme les jugements sur la condition de la
femme — ou des contradictions dans les remèdes à une
situation donnée, comme le progrès des indigènes par
le travail forcé ou le travail libre.
Dans ces deux liypotlièses, n'était-il pas utile de
citer les opinions en présence ?
Naturellement, le lecteur savait, d'autre part, que
les premiers renseignements (condition d'esclavage de
la femme et salut dans le travail forcé) provenaient
d'un explorateur qui traversait le pays des Mayombe
de longues années auparavant, et que les renseigne-
ments seconds, correcteurs des premiers, émanaient
d'un vétéran d'Afrique, qui résida longtemx^s au
Mayombe et y retourne plusieurs mois à chaque saison
des i^luies, afin d'y inspecter les i)lantations dont il est
le directeur. Le choix entre l'autorité de ces témoi-
gnages ne pouvait être douteux.
Mais la citation de la « contradiction » avait souvent
un but spécial. Tantôt, comme dans le cas de la condi-
dl —
tion de la femme, le premier renseignement n'était
donné que j}o\\v permettre au correcteur de le redresser
avec plus de relief : c'était presque un artifice de dis-
cours. Tantôt, tel le cas du travail forcé ou libre,
l'opposition des citations visait à la mise en valeur de
deux mentalités différentes, celle de l'explorateur du
début, officier commandant d'expédition, en reconnais-
sance dans une contrée inhospitalière encore, et celle
du colonisateur, en rapports constants avec les indi-
gènes depuis un long terme. Cette mise en opposition
des témoignages marquait indirectement, mais trop
bien pour ne pas être produite, le progrès accompli par
l'occupation du blanc.
Il arrivait aussi que le doute surgissait nettement
des témoignagnes produits. Le but du rédacteur était
alors de signaler cette situation aux exx^lorateurs de
l'avenir, afin qu'ils l'éclaircissent.
Le Times de Londres voit dans ces « espèces de con-
tradictions » l'impartialité de l'auteur de la monogra-
phie.
Il semble donc que ces objections aient reçu de l'ex-
périence une réponse satisfaisante.
C'est pourquoi le moment paraît venu de soumettre
l'essai de classification comparative — tel qu'il résulte
de ces monographies -— à l'appréciation des corps
savants et des hommes de science en rapport direct ou
indirect avec le Bureau international d'ethnographie.
En attendant leur jugement, je continuerai la publi-
cation de la collection de monographies ethnographi-
— 32 —
ques, m'efforçant de mettre à profit toutes les sugges-
tions d'amélioration qui me parviendraient.
Quant à mes collaborateurs directs de la monogra-
phie des Basonge — qui comporte tant de renseigne-
ments inédits — j'éprouve quelque hésitation à les pré-
senter au lecteur, tant la plupart sont connus et jouis-
sent d'une autorité incontestable.
Plusieurs sont illustres et leurs hauts faits sont
inscrits dans les annales de l'humanité.
Aussi est-ce plutôt pour leur exprimer ma reconnais-
sance que j'esquisse ici quelques traits de leur brillante
carrière.
Pour la période de la guerre contre les Arabes, une
mention spéciale doit être faite des collaborateurs sui-
vants : MM. le lieutenant général Fivé, le baron
Dhanis, M. Paul Le Marinel, le major Gilain et le com-
mandant Michaux. Tous m'ont prêté l'aide la plus
précieuse.
Le lieutenant général Fivé. — Il était inspecteur
d'État et arrivait à Lusambo au moment de l'assaut
contre le repaire des esclavagistes. C'est lui qui fut
chargé de la direction des opérations militaires. Ses
renseignements sur Lusambo et les Basonge, en 1898,
offrent le plus vif intérêt ; ils étaient consignés dans un
« calepin de notes, écrites au jour le jour et qui reflè-
tent ses impressions du moment ».
Le baron Dhanis. — Un vieil Africain quoique à
— 33 —
peine âgé de 46 ans. En 1884, il est aux côtés du capi-
taine Becker à la côte orientale. Puis successivement
de 1886 à 1891, on le voit chez les Bangala, dans l'Aru-
wimi, au Kwang-o, dans le Kasai. Il se trouve à
Lusambo au moment de la ruée des esclavagistes de
Nyangwe et de Kasongo. De 1892 à 1894, il tient la
campagne et ne connaît que la victoire. Dlianis est le
héros de cette période presque légendaire du Congo. Les
Basonge sont, ses plus actifs auxiliaires. Et lorsqu'il
organise le pays, il a l'occasion d'étudier ces indigènes
au lendemain des temps les plus troublés de leur
histoire.
Paul Le Marinel connut les Basonge dès 1886. Pen-
dant iDiusieurs années, il explore ces régions et les
organise. C'est lui qui proi)osa Lusambo comme station
d'avant-garde. En 1890, il prend le commandement de
la première exj)édition belge au Katanga.
Plus tard, il appuie les oi3érations de Dhanis contre
Rumaliza.
En 1895, il revient encore à Lusambo pour délivrer le
pays des rebelles Batetela.
La grande partie de cette belle carrière africaine
s'est donc écoulée en Basongie pendant la période
arabe.
Le major Gillain part pour le Congo, en 1888, en
qualité de lieutenant de la Force publique. Dès l'an-
née suivante, il est le second du commandant P. Le Ma-
rinel dans l'expédition qui aboutit à la fondation du
camp sur le Sankuru. Il exerce le commandement à
— o4 —
Lusambo pendant le voyage de Le Marinel au Katanga.
En 1898, il participe à la campagne de Dlianis;
plus tard, il prend le commandement du district de
Lualaba et coopère, en 1895, à la lutte contre les
soldats Batetela.
Le commandant Michaux publia récemment ses sou
venirs d'Afrique. Son Carnet de campagne contient ses
épisodes et impressions de 1889 à 1897. Il fut un des
éléments les plus valeureux de la phalange des officiers
d'élite qui repoussèrent les Arabes. C'est lui qui com-
mandait à Djigge, sur le Lomami. Presque toute son
activité se déploya en pays basonge ou dans les
alentours.
Le lecteur qui voudrait faire un ensemble des décla-
rations de ces officiers n'aurait qu'à extraire, des
ficlios de l'ouvrage, les citations signées de leur nom;
11 aurait l'expression la plus parfaite de la Basongie et
de ses habitants pendant et après cette période de
calamités et de troubles.
Pour la période contemi^oraine, trois collaborateurs
sont à signaler : M. le commandant Borms, M. le
docteur Dryei)ondt et surtout M. Robert Schmitz, dont
le concours i3récieux s'affirme à chaque page de la
monographie. A un esprit d'observation remarquable,
M. Schmitz joint un talent de conteur que le lecteur
appréciera. C'est grâce à lui que le Musongo d'aujour-
d'iiui a pu être étudié avec la minutie désirable.
Docteur en droit, ]\[. Schmitz remplit d'abord au
Congo les fonctions de magistrat. De 1904 à 1907, il
séjourna en plein pays basonge, comme agent du Comité
spécial du Katangii. En igo4 et igoS, il occiii)a le i^oste
de Dibue et, en 1906 et 1907, celui de Tsliofa. Il par-
courut le territoire en tous sens et se documenta sur les
mœurs des habitants avec la préoccupation constante
de répondre au questionnaire de la Société belge de
sociologie.
A la fin de l'année dernière, il me fit parvenir son
précieux manuscrit et par la suite, pendant son séjour
en Belgique, il se soumit à l'interrogatoire le i)lus
détaillé, corrigeant lui-même les épreuves que le sténo-
graphe rédigeait après chacun de nos entretiens.
L'exemple de M. Schmitz montre les services que
peut rendre à la science et à la civilisation un fonc-
tionnaire distingué qui ne redoute pas la fatigue
supplémentaire qu'impose une enquête sérieuse sur les
peui)lades africaines qu'il fréquente.
Il me reste à remercier mes collaborateurs habituels
qui me prêtent l'appui constant de leur science avec un
dévouement inlassable. Ce sont :
M. Cornet, professeur à l'Université de Gand, pour
la géologie ;
M. J. Frai^Dont, professeur à l'Université de Liège,
pour l'anthropologie ;
M. De ^Yildeman, conservateur au Jardin botanique
de Bruxelles, pour la botanique ;
MM. Maes et Yiaene, qui ont dessiné la carte
ethnographique .
Cyr. Vax Overbergh.
v
IV.
INTRODUCTION
A LA
Monographie des Mangbetu
Au nord de la grande forêt équatoriale, entre le
^7 1/2 et le 29 1/2 de longitude, s'étend le territoire
occupé par les Mangbetu.
De rUele au Bomokandi, c'est une immense brousse,
sillonnée de nombreux cours d'eau, aux rives boisées.
Les mouvements du terrain sont peu accentués; les
vallées s'esquissent à peine.
A mesure qu'on s'avance vers le sud, les bois se
multiplient et grandissent jusqu'à ce qu'ils finissent
par se fondre dans la forêt épaisse de l'Aruwimi.
Le sol est extrêmement fertile.
Dans ce milieu aimable et riche s'est développée,
depuis de longues années, la tribu des Mangbetu.
Schweinfurth et Junker, Émin Pacha et Casati les
ont célébrés dans des récits admirables. Ainsi, les
Mangbetu sont une des races les plus connues du centre
de l'Afrique.
Leur civilisation est supérieure à celle de leurs
voisins.
— 38 —
Avant l'arrivée des trafiquants arabes, les Mangbetu
formaient une société puissante ; elle comportait,
dit-on, deux catég'ories : les vaincus, plus ou moins
aborigènes, les Bangba, Medje, Makere, Mangbellet,
^lobadi, etc., pêle-mêle; et les conquérants qui for-
maient une espèce d'aristocratie. Les vainqueurs
imi30sèrent leurs usages; au bout de quelque temps,
une fusion s'opéra et aujourd'hui tous ces anciens
vaincus sont fiers de se dire Mangbetu; ils ont
l'orgueil de la race supérieure et se i^arent de son
prestige.
La population est dense ; elle paraît s'accroître. Le
Mangbetu est non seulement bien bâti, fort et musclé,
mais il est agile, soui)le et élégant. Son type est le plus
beau de l'Uele. Intelligent et courageux, capable
d'amitié et de dévoûment, il semble suscex^tible de
sérieux progrès.
La combinaison de la peuplade avec son territoire se
révèle dans l'aspect des divers phénomènes sociaux.
Les chefs importants occultent des villages de deux à
trois cents cases. Bien qu'en règle générale, l'emplace-
ment des huttes soit déterminé par le voisinage de
l'eau, du combustible et du sol fertile, des explorateurs
ont noté que le souci esthétique n'était pas étranger au
choix : les Mangbetu aiment les beaux paysages et les
perspectives pittoresques.
Les habitations sont rangées autour d'une place
spacieuse, ornée de palmiers : là se dresse le grand hall
pour les réunions et les fêtes.
Ils sont les meilleurs constructeurs de l*Afrique
— Oj —
Centrale : « C'est dans l'art de bâtir, disait déjà
Scîiweinfurth, que se révèlent tout entières la science
et Ihabileté des Mangbetu. On ne s'attendrait jamais à
trouver au cœur de l'Afrique ces grands halls du palais
de Munza qui, à leurs dimensions imposantes — jusqu'à
i5o pieds de long-, 60 de large, 5o de haut — joignent
de la manière la plus complète la légèreté et la force. »
. Les rues sont propres et bien entretenues.
Autour du village s'étendent les banareraies. Les
plantations renferment aussi le maïs, l'arachide,
diverses espèces de haricots et de plantes potagères, la
patate douce, le sorgho, l'éleusine, etc. Si les hommes
se chargent du gros œuvre dans les défrichements
nouveaux, les femmes s'adonnent aux travaux de
culture, de cueillette et de récolte. Aux hommes la
pêche, mais surtout la chasse, dérivatif de l'énergie
guerrière d'antan.
L'alimentation est à la fois végétale et animale. On
se nourrit du produit de la chasse et de la pêche, de
ses cultures et des fruits de la forêt. « La banane est le
pain du Mangbetu. » Les animaux domestiques
consommés sont les chèvres et les poules.
L'eau est la boisson habituelle ; exce]3tionnellement,
il y a des bières, du vin et des liqueurs.
L'industrie est familiale. Il n'y a guère que le
forgeron qui soit un artisan.
Le commerce s'est développé peu à peu, en dehors du
village et avec les étrangers. Aujourd'hui ce sont les
Grecs, les Egyptiens, les Uganda et les Belges qui
impoi'tent. Les chefs et les hommes libres vendent
leurs produits ; l'ivoire et le caoutchouc surtout, puis
- 4o -
des fers de lance, des couteaux, de la poterie, des
perroquets, des dépouilles d'animaux, etc. Le plus
souvent on troquait; puis on employa comme monnaie
des morceaux de fer, en forme de lances, ensuite des
cauries et des fils de laiton.
Bien qu'il n'y eut pas de marchés proi)rement dits,
les voies de communication étaient aisées : des sentiers
larges et bien entretenus.
Tels sont les grands contours du phénomène écono
mique, que la monographie développe avec un luxe de
détails qui frapperont les hommes de science.
Les institutions familiales ne sont pas moins bien
étudiées par nos collaborateurs, malgré les difficultés
qui s'attachent naturellement à l'analyse des formes
relatives à la conservation, à la continuation et au
développement de l'espèce. La femme s'achète au père
par le futur mari ; la polygamie est générale et n'a
d'autre limite que le désir et la richesse de l'homme ;
il existe presque toujours une favorite qui a la haute
direction du ménage et joue un rôle important. L'union
dure jusqu'à la mort ou jusqu'à ce que l'homme vende
ou échange sa femme. Le père exerce l'autorité ; femmes
et enfants lui sont soumis et il n'y a d'autre propriété
familiale que la sienne. Les femmes stériles sont rares
et nombreuses sont les naissances; l'éducation est
familiale ; l'enfant s'imprègne du milieu social ; on ne
cite qu'un seul exemple d'une espèce d'école indigène :
la mère d'un grand chef dressait des gamins et des
fillettes aux travaux des champs et de la cuisine ; elle
était assistée de quelques vieillards.
- 4i -
Le système esthétique des Mang-betu doit être
recherché dans l'étude des diverses manifestations de
beauté que révèlent leurs mœurs et leurs produits.
E,ien de plus original que l'aspect de leur coiffure, cette
espèce de gigantesque chignon cylindrique, soutenu
par une carcasse de roseau, et qui prolonge la tête
presqu'indéfiniment. Une des coquetteries des femmes,
c'est le coloriage de leur corps, aux proportions harmo-
nieuses : ce ne sont qu'étoiles, croix de Malte, abeilles,
fleurs, dessins géométriques, outils, armes etc. « L'une
est rayée comme un zèbre, l'autre tachetée comme un
léopard. J'en ai vu qui tantôt présentaient les veines
du marbre, tantôt les carrés d'un damier. » Et Schwein-
furth ajoute que de son temps s'ajoutaient les dessins
d'un tatouage caractéristique. Les explorateurs actuels
constatent la persistance de ces pratiques, mais ils
vantent aussi la qualité des « bijoux » portés par les
élégants des deux sexes.
Si les Mangbetu sont les meilleurs architectes de
l'Afrique Centrale, il n'y a qu'une voix pour affirmer
qu'ils sont les plus habiles forgerons de FUele et de
l'Aruwimi : avec leurs instruments rudimentaires, ils
réalisent des œuvres d'art.
D'autre part, les piliers en bois qui supportent les
toits de leurs édifices sont parfois sculptés de manière
remarquable; et on relève le talent que décèlent les
dessins colorés qui ornent l'extérieur de certaines
cases. Leur virtuosité de mandoliniste est presqu'aussi
incontestée que celle des Azande, leurs voisins.
Autant de signes révélateurs d'un art social déve-
loppé.
A cette vie économique, génésique et esthétique cor-
respond une iDsychologie collective, dont nous ne con-
naissons encore que les rudiments.
Leurs croyances religieuses devraient faire l'objet
d'études plus approfondies. On remarque qu'ils sont
animistes et qu'ils portent des amulettes. Ils croient à
un Être sui^rême, créateur, qu'ils n'invoquent pas. Ni
temiDles, ni idoles. Pas de culte des ancêtres assure-t-on;
mais, autrefois, des sacrifices humains sur la tombe des
chefs. Tous sont un peu devins ; mais les féticheurs
sont les grands consul teurs d'oracles. Il existe une
société secrète puissante qui oblige ses membres sous
l)eine de châtiments surnaturels terribles : elle dépasse
les limites de la peuplade.
Le système moral des Mangbetu commence à se
révéler. La notion du bien et du mal est naturellement
à la base. La morale familiale a des règles assez fixes;
les vieillards sont bien traités ; une certaine pudeur est
observée, mais la fidélité des époux laisse à désirer. On
observe la parole donnée. Très hospitalier, le Mangbetu
donne volontiers des aliments à l'affamé, sans ostenta-
tion. Autrefois l'anthropophagie florissait, mais pas
chez les femmes : en temps de guerre, c'était un point
d'honneur d'avoir mangé de l'ennemi. Les cultures et
les propriétés individuelles sont respectées et le vol
puni. Une chose trouvée est rendue à son propriétaire.
Chaque peuplade respecte les territoires de pêche et de
chasse des voisins.
La situation de l'esclave n'est pas trop humiliante :
des mœurs douces leur procurent un bien-être relatif.
Ce sont des serviteurs à vie ; leur genre d'existence ne
-43-
se distingue guère de celle des maîtres; ils ont femme
et enfants. La traite n'a existé chez les Mangbetu que
comme une institution i)assagère, sous la pression des
ÉgyiD tiens.
La situation sociale de la femme est bien plus élevée
que chez les peuples environnants. Tous les voyageurs
ont été frappés de la considération dont les chefs entou-
rent certaines de leurs femmes, qu'ils consultent même
en matière x)olitique.
Le système juridique de la société mangbetu est un
l)rolongement, peut-on dire, de son sj^stème moral. On
a dit avec raison que toute coutume constitue un droit
coutumier du moment que la règle et la sanction de
celle-ci sont précisées par la société ou les organes de
la société.
Le droit civil quant aux personnes et aux biens est
déjà assez connu. Il apparaît à trente passages divers
de la monographie.
De même le droit pénal. La coutume réglait les
peines : l'adultère, par exemple, était puni de mort.
Mais il ne s'agissait là que des chefs importants. Chez
les gens du commun la punition était moins grave : la
femme était rouée de coups de chicotte ou enchaînée;
le complice subissait la même peine ou payait une
amende au mari.
Autrefois la coutume du poison exerçait ses ravages :
c'était une arme terrible entre les mains des chefs
cruels.
Les récits de Casati mettent à nu les mobiles qui
animaient quelquefois certains justiciers de ce pays.
La justice, en ce temi)s-là, était rendue par le roi qui
-44-
prononçait les sentences en assemblée i)ublique :
« C'était une justice sommaire comportant l'exécution
immédiate du jug-ement. » Il s'agissait, bien entendu,
des cas graves.
L'organisation j)olitique n'est pas compliquée.
Les familles forment des groupements plus ou moins
importants qui reconnaissent l'autorité d'un chef de
village. Ces chefs sont soumis à l'autorité d'un chef
plus important qui est désigné par le grand chef.
Aucune femme ne peut devenir « chef » à un degré
quelconque de la hiérarchie.
Le grand chef est un véritable sultan ; il possède tous
les pouvoirs, qu'il exerce, du reste, dans les limites de
la coutume; il n'a pas de caractère religieux. C'est de
lui que découle l'autorité; pour assurer sa domination,
il nomme des iDroches parents à l'administration de ses
« provinces ».
L'histoire mangbetu célèbre les merveilles du règne
de Munza, le grand Roi. Un jour, des marchands
d'ivoire l'assassinèrent et intronisèrent Niangara, un
Bangba, qui se faisait un titre de gloire d'avoir épousé
la sœur do Munza, la fameuse Nemzima, la vraie
régente. Et tandis que l'État Indépendant du Congo,
parti des rives du Congo, poussait son influence civili-
satrice vers le Nord de la forêt équatoriale, les conqué-
rants Azande descendaient vers le sud, enfermant Nian-
gara dans sa forteresse de Kanda. C'eût été la fin, si le
blanc ne s'était présenté comme un sauveur. La lutte
fut arrêtée. Les envahisseurs et Niangara se soumirent.
La paix régna et ne fut plus guère troublée. De cette
date s'accentuent les relations pacifiques des Mangbetu
avec les Européens : la monographie relate des
influences notoires qui permettent, dès maintenant,
d'établir les grandes lignes d'un futur dévelopxDement.
Tels apparaissent les sept aspects sociaux de la peu-
plade Mangbetu. Ils sont classés dans l'ordre de la
complexité croissante et de la généralité décroissante :
phénomènes économiques, génésiques, esthétiques,
idéologiques, moraux, juridiques et politiques.
Ce n'est qu'un exemple de classification. Ab uno
disce omnes. On ^eut répéter, sans difficulté spéciale,
l'application des autres formules de classement socio-
logique : la documentation est assez souple pour se
plier à tous les essais.
C'est la réponse, par le fait, que Je tenais à fournir à
ceux de mes amis qui, dans diverses correspondances,
ont exprimé le regret que le questionnaire et surtout la
publication des documents amassés ne correspondissent
pas à leur idéal personnel.
Avec le système des fiches détachables rien de plus
aisé qu'un groupement adapté à chaque hypothèse.
Quel que soit l'ordre une fois adopté, l'essentiel est
de continuer l'examen des faits sociaux dans le même
ordre pour les diverses sociétés. Ainsi la cdtoparabilité
est assurée.
L'exposé sommaire de la peuplade Mangbetu qui
vient d'être esquissé n'est donc, en somme, qu'un
échantillon d'une classification différente de celle du
questionnaire et des monographies.
-46-
Quant à l'inventaire de nos connaissances sur les
Mangbetu, il s'appuie sur une bibliographie brillante
et sur une enquête orale dont le lecteur appréciera la
valeur.
Les magnifiques récits des explorateurs allemands,
autrichiens et italiens ont admirablement défini les
Mangbetu d'il y a quelque trente ou quarante ans.
Ainsi une base de comparaison excellente s'offrait avec
la situation actuelle.
Et pour l'enquête orale, quelle pléiade d'explorateurs
de premier ordre : Chaltin, Hanolet, Bruneel, Laplume.
Wacquez, de Renette; ceux d'hier et ceux d'aujour-
d'hui !
Qui ne connaît le major Chaltin, un des officiers vic-
torieux de la campagne arabe, le héros de la guerre
mahdiste et l'organisateur de l'Uele? Il vécut au milieu
de toutes ces peuplades de la Makua pendant et après
la guerre, dès le début de l'occupation européenne,
c'est-à-dire au moment où les mœurs se révélaient sans
voile et sans vernis. Son témoignage est de la plus
haute valeur.
Le major Hanolp:t , que la science et la colonisation
viennent de perdre, brillait, lui aussi, parmi les « Vieux
Africains ». Dès 1888, il s'embarque pour le Congo; il
fut le collaborateur de Van Gèle (Ubanghi-Uele), de
G. Le Marinel (Ubanghi-Boma); il commanda la fameuse
expédition du nord-ouest, qui plongea au delà du
Sakara, dans les Dar Banda et Fertit, jusqu'en plein
Chari. En 1897, il succéda à Chaltin dans le comman-
dement de l'Uele. Nul mieux qu'Hanolet n'était pré-
-i /
paré à l'enquête ethnographique : Ayant vu et i)ratiqué
toutes les peuplades de la Makua, du Haut-Nil et du
Haut-Chari, il pouvait à chaque instant comparer et
r3lever les différences importantes. C'est ce qu'il eut
l'obligeance de faire pour les Mangbetu. La mort a
interrompu son travail pour la plupart des autres i)eu-
plades : c'est une perte cruelle pour l'œuvre de science
et de civilisation que nous poursuivons.
Si Chaltin et Hanolet étaient admirablement prépa-
rés à notre enquête ethnographique ]3ar leurs connais-
sances des iDeuplades du nord et de Test du Congo, le
major Bruneel ne l'était pas moins par ses voyages et
ses séjours à Test des Mangbetu et au sud. Il ne fut
pas seulement l'hôte de Nyangara, le commandant de
la zone des Makrakra et le successeur d'Hanolet en
igoS ; mais, à son second terme, il fut le Commissaire
général du district de l'Equateur, qu'il explora en tous
sens. Ses renseignements me furent précieux.
Le commandant Laplume, dont tout le monde recon-
naîtra la collaboration éminente à cette monograpliie,
compte plus de treize ans d'Afrique. Il connaît à fond
toutes les peuplades de l'Uele. Il résida spécialement
pendant vingt-deux mois au poste de Kiangara, en plein
centre Mangbetu. Observateur attentif, il a consenti à
répondre à mes questions pendant un nombre considé-
rable de séances longues et fatigantes.
Le capitaine Wacquez participa en 1897 à Fexpédi-
tion du Nil. En 1898, il commanda le j)oste des Amadi;
en 1899, il résida à Niangara; en 1900, il reprit le
-4S-
commandement de la zone Makua (chef-lieu Niangara);
en 1902, il fut nommé commissaire du district de l'iJele
et, en 1904, il fut le commandant supérieur des terri-
toires de rUele et du Lado. Cette carrière passée tout
entière en plein Mang-betu ou à proximité, justifie l'au-
torité qui s'attache au témoignage de cet officier
d'élite, qui sut voir et se souvenir.
C'est le baron de E-enette, de Villers-Perwin qui,
en 1905, reprit du capitaine Wacquez le commande-
ment supérieur des territoires de l'Uele et du Lado,
commandement qu'il exerça jusqu'en 1907. Son premier
départ pour l'Afrique date de 1898; il fit partie de l'ex-
pédition du Nil ; il commanda la zone des Makrakra ;
comme commissaire de district de l'Uele, pendant plu-
sieurs années, il rayonna dans et autour du pays des
Mangbetu qu'il a su observer avec la finesse et la pré-
cision dont ses notes portent la marque.
A tous ces éminents collaborateurs, j'exprime ma
reconnaissance la plus j)rofonde. Toute la face contem-
poraine de la monographie est leur œuvre.
Je remercie aussi mes collaborateurs si)éciaux habi-
tuels ; MM. les i^rofesseurs Cornet (géologie) et de
Wildeman (botanique), MM. Maes et Viaene (cartogra-
phie) et surtout M. De Jonglie, qui a dirigé, avec sa
compétence connue, le dépouillement des documents
bibliographiques et la correction des épreuves.
Cyr. Van Overbergh.
V.
INTRODUCTION
A LA
Monog:raphie des Warega
Les Warega habitent au cœur même de la Grande
Forêt équatoriale, à l'est du Lualaba, sur les bords de
l'Ulindi et del'Elila.
Les descriptions de cette forêt vierge merveilleuse
sont nombreuses ; celles de Stanley et de Hinde sont
célèbres.
Que la forêt couvre un million de kilomètres carrés
ou non, qu'elle prenne des aspects divers suivant les
régions, que de gigantesques clairières y marquent
comme des îles de brousse ou de savane, qu'importe !
Le fait est qu'il y a là des étendues boisées telles
qu'elles forment l'horizon exclusif d'une multitude de
grouiiements humains aux intitutions relativement
déveloi)pées.
A l'est du Lualaba, la forêt est pleine de caractère.
Les arbres atteignent des hauteurs de 5o à 60 mètres;
les diverses essences luttent entre elles, mais aucune
n'est parvenue à conquérir la souveraineté. Sous ces
voûtes séculaires ne parvient pas à pénétrer la splen-
4
DO —
deur du soleil d'Afrique; et c'est dans une sorte de
pénombre claire que se dessinent les formes tordues
des lianes plus grosses que des câbles, suspendues
au-dessus des abîmes de taillis inextricables. Souvent,
en dessous, courent des ruisseaux, dorment de gras
marécages ou se précipitent des torrents. L'humidité
suinte volontiers; chaque feuille pleure et la mousse
verdâtre envahit les troncs d'arbres jusqu'à hauteur
d'homme. De tous les interstices s'élancent une infinité
de plantes, aux poussées luxuriantes : roseaux et lotus,
fougères de tout nom et grimpeurs de tout âge, ronces,
fleurs et épines, pêle-mêle, dans une lutte sauvage
pour la vie.
Le silence plane.
La faune elle-même se tait; ce n'est guère que sous
le vent des tempêtes ou sous le coup des orages que
l'antique forêt retentit de bruits dignes d'elle et de sa
majesté,
Rares sont les sentiers qui serpentent, quoique les
animaux sauvages aident l'homme des bois à les
défendre contre l'envahissement constant des végéta-
tions conquérantes.
Il y a beau jour qu'on connaissait le nom des habi-
tants de la forêt des rives de l'Elila.
Livingstone en parle déjà, puis Stuhlmann et Stanley.
Diverses expéditions de blancs traversèrent la con-
trée de part en i)a,rt et des relations furent publiées ;
celles du lieutenant Glorie et du capitaine Cordella sont
les plus connues. Tandis que le premier parle i^lutôt
en géographe et en économiste, le second s'attache
— t)I —
davantage à l'ethnographie (i); il en dit assez pour
attirer la curiosité scientifique sur cette peuplade des
Warega, où fleurissait, entr' autres, cette troublante
coutume de la mpara.
Il était réservé au commandant Delhaise (2) d'éclair-
cir le mystère qui continuait de planer sur les Warega.
. Avec quel succès? La présente monographie le dé-
montre mieux que je pourrais dire.
Rompu aux observations ethnographiques (3), fami-
liarisé avec les indigènes de la province orientale au
milieu desquels s'étaient écoulées ses dix premières
années d'Afrique, le brillant officier était admirable-
ment préparé pour mettre à profit le séjour de deux ans
qu'il allait faire en 1906 et en 1907, chez les Warega de
la Grande Forêt.
Il parcourut le pays en tous sens, résida à Micici, à
Shabunda et à Mulungu II fut constamment en rela-
tions directes avec les habitants.
(i) Suivant la carte qui accompagne les relations de son voyaga, Cordella
n'a traversé qu'un coin du pays des Warega, dont il est question dans cette
monographie.
(2) Le commandant Delliaise est officier de réserve de l'armée belge.
Son premier terme d'Afrique date d'avril 1896. Il prit part avec Dhanis à
l'expédition contre les révoltés. A la suite du combat de Bwana Ndebwa,
il reçut la médaille de l'Ordre du Lion. En 1899, il obtint l'Étoile de ser-
vice. Il commanda la comxjagnie du Tanganika en 1901. En 1902, il admi-
nistra l'enclave de Moliro et il fut nommé chevalier de l'Ordre du Lion.
De igoS à igcG il dirigea successivement la section de Kabambarc et la
zone de ^lauvema. Enfin il prit le conima.ndement du territoire "Warega.
(3) Parmi les publications géographiques et ethnographiques du com-
mandant Delliaise il convient de noter les suivantes : Observations mélé-
réologiqiies faites à Kabambare pendant les années i8gy à i8g8 (1898). — Noies
ethnographiques sur quelques peuplades du Tanganika (igoS). — Le problême
de la Lukuga (notes sur les différences de niveau du lac Tanganika avant
et après 1880 et sur les origines de la Lukuga (1908). — Chez les Wabemba.
Chez les Wahorohoro. — Chez les Warundi de l'Ouest. — Chez les IVasson-
gola.
52
Lorsqu'à la fin de 1908 je reçus le manuscrit de ses
observations, je fus frappé de l'énorme quantité de ren-
seignements inédits qu'il contenait. Sans hésiter, je
I)roi)osai au commandant Delhaise la rédaction d'une
monographie complète. Ma collaboration se borna à
quelques séances d'interrogations et au dépouillement
du peu de bibliographie qui existait.
En somme, la monographie des Warega tranche sur
les précédentes par ce double fait qu'elle est presque
entièrement inédite et qu'elle est l'œuvre d'un seul
homme.
Auparavant, on ne connaissait i^resque rien des Wa-
rega, qu'on confondait avec plus d'une peuplade voi-
sine. Maintenant, les voici camj)és devant la science
avec un luxe de détails et une i)récision de caractères
qui en font une des peuplades les mieux connues de la
Grande Forêt.
Le territoire du Warega englobe les vallées de l'Elila
et de l'Ulindi sui^érieur, deux tributaires du Lualaba.
11 est borné à l'ouest et au nord par le pays des Wason-
gola, très riche en palmiers élaïs ; à l'est i)ar la brousse
des Warundi pasteurs ; au sud, par cette i^artie de la
foret qu'habitent les farouches Wazimba, réfractaires
encore à l'influence européenne.
Le sol s'élève de l'occident à l'orient ; si à Micici, il
fait fort chaud, à Mulungu il fait plutôt froid. Les Ma-
linga — gens du bas — sont à l'ouest du méridien de
Shabunda; les Ntata — gens du haut — occupent
l'autre côté,
— 53 —
Au fur et à mesure que l'on s'avance vers l'est la po-
pulation devient plus dense-
La race est belle et elle est restée pure. On la croit
originaire du sud, du pays des Wazimba.
La forêt a presque isolé la peuplade, dont les groupe-
ments sont dissimulés au fond des bois. Glorie avait
décrit les grandes agglomérations de Micici et de Slia-
bunua le long de l'Elila et de l'Ulindi. Ce ne seraient
que des installations arabes, importées, artificielles i)ar
conséquent. Les Malinga construisent leurs villages au
bord des routes intérieures tandis que les Ntata s'instal-
lent au sommet des montagnes.
Assurément les Warega ont bien des moeurs sembla-
bles à celles des autres nègres de la forêt, du fleuve et
même de la savane. Chaque lecteur i)ourra s'en assurer
en comparant les diverses catégories de i)liénomènes
sociaux.
C'est sur quelques particularités que je désire appeler
l'attention.
Ces enfants de la Grande Forêt, dont la masse a
écliai^pé au contact continu prolongé des Arabes, et qui
vient seulement d'être soumise à l'amitié des blancs,
ont conservé leurs coutumes séculaires et ont suivi jus-
qu'ici, presque sans écart, la ligne de leur déveloi^pe-
ment.
Dans l'ensemble, leurs institutions dénotent une civi-
lisation supérieure à celle qu'on s'imaginait communé-
ment.
Des considérations sommaires sur deux d'entre elles
suffiront à le i)rouver, elles sont relatives à l'organisa-
tion de la famille et à la hiérarchie sociale.
N
5i
I. ~ L'organisation de la famille.
La famille, ici comme ailleurs, est la cellule sociale
par excellence, Tout repose sur elle : la vie économique
et juridique, comme le village et le groupement poli-
tique.
Chez le Mrega, sa constitution est forte, souille et, en
somme, assez élevée sur l'éclielle de la moralité.
C'est le père qui est le chef; la femme et les enfants
lui doivent obéissance. La coutume tempère l'autorité
du j)ère; s'il maltraitait les siens, les parents de la
femme interviendraient, parfois le chef.
La femme mariée, remarquons-le, reste toujours sous
la dépendance de ses parents.
Il est admis aujourd'hui que les parents peuvent
retirer leur fille à son époux, pour la donner à un nou-
veau i)rôtendant plus généreux. Sans doute, ils sont
tenus de rendre le gage à leur premier gendre ; mais
comme le second est i^lus généreux, ils spéculent sur la
différence. Ces mœurs nouvelles ont été introduites par
les Arabes, il est vrai, mais le principe s'en trouvait de
tout temps dans la coutume Mrega.
Les biens que le fiancé a fournis à ses futurs beaux-
parents pour épouser leur fille constituent, du reste,
une caution i^lutôt qu'un prix d'achat; en cas de
divorce, i)ar exemple pour cause d'inconduite,les beaux-
parents doivent être à même de rendre ce gage.
Comme dans tout le centre africain , la polygamie est
la forme la plus habituelle du mariage ; mais ici elle se
pratique avec modération; il est rare qu'un notable pos-
sède plus de dix femmes : entre celles-ci, l'harmonie
règne d'ordinaire; elle est favorisée par une certaine
discipline, imposée par la coutume : la iDremière épousée
exerce la haute direction. Les femmes, paraît-il, ne
redoutent i)as la polj'gamie parce qu'ainsi l'atelier
familial dispose de i)lus de bras -pouv les travaux.
• Chaque femme possède sa case ; ces diverses cases
sont contiguës. Leur agglomération forme l'habitat
d'une famille, dont l'addition représente le village.
Ce qui constitue l'originalité des Warega, en cette
matière, c'est la considération dont ils entourent les
femmes mariées. Elles sont admises dans les réunions,
les fêtes, les assemblées. Elles peuvent gravir même
divers degrés élevés de la hiérarchie sociale : ce qui
est la consécration en droit d'une situation de fait fort
relevée, correspondant à une mentalité appropriée.
Si l'on doit mesurer le degré de civilisation d'un
peuple au respect dont il entoure la femme, les Warega
méritent d'occuper une place d'honneur parmi les nègres
africains.
Assurément le Mrega ne va pas chercher femme
au sein de sa famille immédiate ; la prohibition s'étend
aux cousins les plus éloignés, tant du côté paternel
que du côté maternel. En règle générale, il s'adresse
à un village voisin, mais de sa tribu. C'est ainsi que la
race s'est conservée dans sa pureté.
M. Delhaise cite des usages originaux qui exciteront
des ra})prochements féconds : Le gendre qui rencontre
sa belle-mère ne peut croiser son regard; il fera un
détour pour ne pas passer à sa ï)i'oximité; s'il la ren-
— 56 —
contre malgré tout dans un sentier, il s'accroupira en
lui tournant le dos, jusqu'à ce qu'elle soit i^assée. S'il
doit lui parler il prend un interprète. Et la même cou-
tume existerait, entre beau-père et bru.
Peut-être cet usage se rattache-t-il, au fond, à cet
ensemble de coutumes qui entourent la famille Mrega
comme d'un réseau de règles, destinées à sauvegarder
la pureté des mœurs. La monographie en révèle une
collection étonnante.
Voyez, par exemple, comme les relations sexuelles
sont disciplinées autour du berceau de l'enfant. — La
femme enceinte qui accorde ses faveurs à un autre
homme que son mari, doit mourir. — Lorsqu'une
épouse est enceinte, le mari ne peut avoir des relations
avec une avitre, sinon son enfant mourrait. — Pendant
une lune comi^lète, la sage-femme ne pourra partager la
couche de son mari, sinon l'enfant mourrait. Pendant
tout le temps de l'allaitement, et même souvent après
(c'est-à-dire pendant deux ou trois ans), la mère se
refuse à son mari ; si celui-ci entre dans la case de sa
femme, il s'assied à l'autre extrémité de la pièce, aussi
loin d'elle que possible ; il ne peut avoir avec elle le
moindre contact, etc.
Après cela on ne sera pas étonné d'apprendre que la
femme légère est déconsidérée et que l'opinion est d'une
grande sévérité x^our les prostituées.
L'atmosphère de la morale sexuelle des Warega est,
en somme, d'une pureté d'assez belle qualité. On y res-
pire un certain air de chasteté auquel on n'est guère
habitué en cette Afrique brûlée par la passion déréglée
et corrompue par le chancre arabe.
Cependant l'enfant va naître.
La famille prend les précautions les i^lus minu-
tieuses. Le père construit une hutte spéciale dans la
solitude de la forêt. La mère s'y rend, accompagnée
seulement de sa parente la plus proche et de l'accou-
cheuse, une des femmes les plus vertueuses du clan.
Tout se fait dans le mystère, à l'insu de tous, afin que
•personne ne puisse nuire à l'enfant. Ce n'est que cinq
ou six jours après la naissance que la mère et son
escorte rentrent au village et présentent le bébé aupère.
Mais si des jumeaux naissent, quelle fête et quelles
démonstrations d'orgueil de la part des parents !
Si l'enfant appartient au père, même en cas de
divorce, il est l'objet de l'amour le plus attentif de sa
mère. Les maladies infantiles sont rares et jamais il n'y
a d'infanticide.
Les garçons sont circoncis. Et cette opération se
passe suivant un rite auréolé de pudeur. Un homme de
qualité, le Musimbi, y préside avec plusieurs aides.
Les femmes sont éloignées et aussi les enfants. Pendant
deux mois, les opérés restent isolés, en une caso
spéciale, à l'écart du village : les deux hommes qui
leur apportent la nourriture qiiGtidienne et le Musimbi
doivent s'abstenir de tout rapport sexuel pendant ce
temps, sinon ils feraient mourir les nouveaux circoncis.
Ainsi de toutes parts la coutume réfrène l'instinct
sexuel et le bride. Cependant, la continence est
inconnue.
Comment l'adolescent obtient-il sa première femme ?
Comme il n'est pas ]propriétaire et que c'est son père
qui détient les biens, c'est à celui-ci qu'il s'adresse; il
— 58 —
cherclie à lui persuader qu'il est dig-iie de la faveur
qu'il demande. L<a coutume le soumet cependant à une
série de rudes épreuves, qui ont i^our but de constater
son énerg-ie, son liabileté et ses qualités morales. Si
bien, que chez les Warega, la femme espérée par
l'adolescent apparaît comme la récomj)ense d'une série
d'efforts prouvant son aptitude à fonder un foyer, à le
faire vivre et à le défendre. C'est comme un couronne-
ment d'éducation, un examen de capacité civique.
La famille se compose donc d'un premier noyau : du
père, de ses femmes et de ses enfants. En général, chez
les Warega, les fils, les filles et les parents sont unis
par les liens de l'affection et de l'amour. Les enfants
pris à la guerre sont adoptés et traités comme les
enfants de la maison.
La cordialité s'étend à un cercle familial plus étendu :
les grands parents, les oncles et les tantes. Les
infirmes sont l'objet de soins dévoués; on respecte les
vieillards dont les conseils font autorité.
Et quant aux frères de sang, le pacte les assimile à
la parenté consanguine.
Telle apparaît, dans ses grandes lignes, l'institution
familiale des Warega et l'esprit qui l'anime. Elle se
place parmi les plus élevées de l'Afrique.
Il est vrai que les Arabes y ont introduit deux venins
qui ont un peu empoisonné l'organisme.
Le premier, c'est l'habitude d'épouser des jeunes
filles non encore nubiles.
Le second, c'est la coutume de demander en mariage
une femme déjà mariée.
Ces deux poisons ont trouvé un milieu favorable dans
_ 59 -
la cupidité du j)ère, chef de famille, qui trouve son
profit à trafiquer de ses filles le plus tôt et le plus
souvent possible.
Fréquemment cette avidité des richesses est produite
par le désir du Mrega d'obtenir un grade i)lus élevé
dans la hiérarchie sociale. C'est ici que nous touchons
à l'orig-inalité la plus curieuse de la i)euplade.
II. — La hiérarchie socl^le.
Le première fois que le commandant Delhaise me
déclara que l'esclavage était inconnu chez les Warega,
je crus à un malentendu. — Mais les prisonniers de
guerre ? — On les tuait ou on les mangeait. — Et les
femmes? — On les amenait; et ces étrangères jouis-
saient bientôt de la même considération que les femmes
du village ; elles se trouvaient dans la même condition
sociale. — Et les enfants? — On les adoptait; ils se
confondaient avec les enfants de la famille.
Ce n'était donc pas un malentendu. La catégorie
sociale des esclaves n'existe pas chez les Warega.
Phénomène assurément trop singulier dans cette
Afrique esclavagiste, pour ne pas attirer l'attention
spéciale des hommes de science et des observateurs de
demain. Les causes de cet état exceptionnel nous
échappent pour le moment- Nous en sommes réduits à
des conjectures.
En tout cas, c'est une première originalité dont les
Warega peuvent être fiers. Il en est une autre : leur
hiérarchie sociale proprement dite.
— Go —
Tous les Wareg-a sont des liommes libres, c'est
entendu, mais ils sont classés par catégories, dont
l'une est superposée à l'autre.
Pour les hommes, il n'y en a pas moins de sept. En
commençant par le bas, on trouve:
i" Les profanes : ce sont tous ceux qui n'ont pas un
grade ;
2° Les mwami (premier grade) ;
3° Les bonbwa (deuxième grade) :
4" Les punzu. (troisième grade),
5*^ IjQS gandu (quatrième grade);
6° Les ianani (auxquels est assimilé le muzimbi, le
fonctionnaire préposé à la circoncision des enfants
(cinquième grade) ;
7" Les kindiovL luanza (sixième grade).
Des ornements caractérisent ces grades ; le j^rincipal
est le mwami : calotte de fibres végétales tressées ou
en peau, qui est attachée, par le centre, au sommet de
l'occiput.
Pour les femmes, il y a quatre catégories, à savoir :
1° Les profanes ;
2" Les bubake (premier grade) ;
3° Les bonbwa (deuxième grade) ;
4° Les biilonda (troisième grade, assimilé à celui de
gandu).
Ces classes sociales, surtout les plus élevées, consti-
tuent de véritables associations secrètes qui s'occupent
des affaires publiques de façon à leur donner l'unité
— Gi —
d'orientation : les membres s'entr'aident, se défendent
et au besoin se surveillent ; ils forment une puissance
redoutable.
Une dispute sérieuse entre deux kindi jette la per-
turbation dans le groupement social tout entier ; le chef
du village interviendra obligatoirement et usera de
rites spéciaux pour ramener la concorde.
Comme le chef ne peut prendre de décision sans
l'assentiment de l'assemblée des anciens et des digni-
taires,l'influence des hautes classes est x)our. ainsi dire,
prépondérante.
Comment se fait-il que le j)euple supporte cette domi-
nation ?
Outre la coutume, qui impose sa contrainte sur les
esprits, il y a un principe démocratique qui est à la
base de l'organisation.
Tout profane, en effet, peut devenir mwami et gravir
ensuite, successivement, chacun des degrés de l'échelle.
c'est, pour ainsi dire, l'égalité du i)oint de déi)art.
Que faut-il à un citoyen Mrega pour conquérir le
premier grade? Des biens suffisants pour payer la
mpa.ra. Et au mwami /pouT devenir hombwai Des
richesses encore jdIus considérables, pour payer une
cérémonie plus coûteuse. Et ainsi des autres, d'échelon
en échelon. Les kindi, qui sont les plus haut i)lacés, sont
les plus riches.
De sorte que l'armature de tout l'édifice serait de
nature économique.
Mais il se fait qu'en règle générale, pour amasser les
richesses, et surtout] beaucoup de richesses, il faut au
propriétaire des qualités d'intelligence et de caractère
— 6-2 —
qui sortent de l'ordinaire. Comme ce n'est pas à la
guerre qu'il se les procure, ni par le travail des
esclaves, il en résulte que c'est d'habitude à son effort
qu'il le doit ou au travail de sa famille. De tout quoi il
ressort que la iDlupart du temps, les i)lus riches sont les
plus capables. Et les classes seraient vraiment le
résultat d'une sélection.
D'autre part les kindi sont presque tous des anciens.
Il faut, en effet, de nombreuses années iDour réunir les
richesses exigées pour ces hautes dignités.
Si maintenant l'on désire se rendre compte de l'état
de l'opinion à l'égard de cette hiérarchie sociale, on
trouve que pour le Mrega, le rêve est de devenir un
jour kindi. Les désirs sont tendus vers ce but, dès le
jeune âge. A peine un homme a-t-il fondé une famille
qu'il ambitionne la calotte de mwami. Ce lui est un
stimulant pour le travail et l'épargne, autant sinon
plus, que le désir de multiples femmes.
Même chez les boi/s, de retour au pays avec les
salaires recueillis chez le blanc, le principal souci est
de convoquer une mpara.
En quoi consiste cette cérémonie mi-religieuse,
mi-civile ? On n'en savait pas grand'chose. Le secret en
est, paraît-il, bien gardé. Les plus grands châtiments
frapperaient l'indiscret. Le commandant Delhaise,
cependant, réussit à assister à une mpara de kindi ; et
il l'a décrite avec une abondance de détails qui permet
d'en saisir le caractère.
Des quatorze danses symboliques se détachent un
ensemble d'enseignements d'une grande signification,
notamment au point de vue de la morale sociale, sinon
de l'idéal moral.
On a vu que les femmes i^ouvaient conquérir trois
grades dans la hiérarchie sociale. Les cérémonies sont
les mêmes. Mais c'est le mari qui réunit les biens
nécessaires à la mpara, « Lorsque le mari aime son
épouse, il ambitionne iDour elle, autant que pour lui, les
dignités et les honneurs. »
En somme, les mpara sont fréquentes dans le pays,
tantôt dans un village, tantôt dans un autre. Comme
tous les gradés y sont chaque fois conviés, c'est une
suite de fêtes d'un bout de l'an à l'autre : Joyeuses
rix3ailles, dominées iDar les idées mères d'une tradition
qui ne manque i)as de grandeur.
Si l'on se demande maintenant comment le Mrega
peut parvenir à se procurer les ressources nécessaires à
ces coûteuses cérémonies, il faut se rappeler l'abon-
dance du gibier et la fertilité du sol, dans cette pp^rtie
de la grande Sylve africaine. Excepté les forgerons et
les potières, auxquels on paie les produits de leur
industrie, tous les Warega d'un village — profanes et
gradés — tirent de la forêt, de la terre ou des rivières,
tout ce dont ils ont besoin, qu'ils consomment, et le
superflu, qu'ils épargnent.
Le travail productif est divisé entre les deux sexes.
Les femmes s'occupent des x)lantations, des récoltes et
de la pêche des petits poissons. Les hommes défrichent
et préparent les terrains destinés aux cultures, ils
confectionnent les étoffes, fabriquent les boissons
fermentées, les cordes, les nattes; ils construisent les
ponts et les radeaux, etc. ; mais surtout ils pratiquent la
chasse, le grand sport national et le principal moyen
d'existence.
- 64-
Le commerce extérieur était pour ainsi dire nul avant
l'arrivée des blancs. Aujourd'hui il est actif : il consiste
en caoutchouc, en ivoire et en vivres pour le loersonnel
des postes, Autant de nouvelles et précieuses res-
sources pour les mpara.
Quoi qu'il en soit, cette organisation sociale, forte-
ment hiérarchisée, a des assises profondes dans la
mentalité des Warega.Elle n'a jusqu'ici été entamée en
rien ni par la domination arabe, ni par l'influence
européenne. Elle tentera plus d'un observateur de
l'avenir i3ar le mystère de ses origines et les causes de
sa durée et de sa vitalité.
La science saura gré au commandant Delhaise de la
contribution importante qu'il vient de lui fournir.
Cette monographie d'une pleuplade-type de la
Grande Forêt équatoriale ai^i^orte un élément nouveau
de comparaison avec les monographies précédentes de
la collection.
Les Bang-ala étaient des gens du fleuve; les Basonge,
de la brousse au sud de la Grande Forêt; les Mangbetu,
de la savane au nord de la Grande Forêt; et les
Mayombe, de la forêt plus ou moins côtière.
Jetez un coup d'œil sur la carte où vous aurez déter-
miné l'emplacement de ces cinq i)euplades, vivant dans
des milieux différents. Vous verrez qu'elles sont situées
aux points cardinaux du Congo belge, et par conséquent
de l'Afrique centrale.
Sur ces bases étendues les études comparatives
d'ordre général peuvent être entamées avec fruit, tant
par les hommes de science et d'enseignement que par
— G5 —
ceux qui s'occupent d'administration et de civilisation.
La méthode de publication sur fiches et d'après le
même plan va commencer à sortir ses effets pratiques.
Qu'il me soit permis de remercier ici les amis des
divers pays qui ont bien voulu me communiquer leurs
plans d'utilisation de la collection de monographies. Il
en est de si ingénieux qu'ils constituent de vraies
inventions. Peut-être me sera-t-il accordé de les faire
connaître bientôt au public.
Cyr. Van 0 verbe rgh.
I
VI.
PREFACE
Monographie des Kuku
L'GSuvre Ethnographique
à l'Exposition Internationaie et Universelle de Bruxelles 1910
A l'Exposition Internationale et Universelle de
Bruxelles, en 1910, la Classe des Sciences comprenait
une section d'Ethnographie.
Le salon y affecté avait une sui^erficie d'une centaine
de mètres carrés.
Deux œuvres étaient ex]30sées : V Ethnographie afri-
caine, dont la collection de monographies fournit des
échantillons, et l'essai d'un Musée ethnographique
nouveau tyiDC.
Ces deux œuvres, dont J'avais l'honneur de présider
les Conseils d'administration, n'étaient, au surx3lus,
que deux solutions se complétant l'une l'autre, d'un seul
problème, qui pouvait se formuler ainsi :
Comment présenter au grand public, l'ethnographie
d'une race, la race nègre d'Afrique, par exemple?
Toute la documentation littéraire, qu'elle fût le résul-
tat de recherches bibliographiques ou d'enquêtes ver-
N
— G8 —
baies ou écrites, faisait l'objet d'une exposition spéciale,
à l'un des côtés du Salon.
lies autres côtés étaient occupés par la documenta-
tion des objets, le Musée proprement dit.
Afin de présenter ces deux espèces de documenta-
tions, l'une complétant l'autre, des formules nouvelles
d'exhibition avaient été recliercliées.
Bien que le défaut d'espace ne permît qu'un étalage
d'échantillons, l'ensemble proposé visait à une synthèse
de la Bibliothèque, du Bureau de renseignements et
du Musée vivant et parlant.
En somme, c'était un essai du Musée de demain, dans
lequel le visiteur pourrait trouver, à côté des objets
rassemblés systématiquement dans une représentation
évocatrice de la vie, tout ce qu'on sait sur l'ensemble
de ces objets et sur chacun d'eux, sur le i)eui3le qui
s'en servit et sur la civilisation qu'ils exprimèrent.
Supposez ce Musée réalisé pour l'Afrique nègre.
L'étudiant ou le voyageur qui désire un renseigne-
ment sur telle tribu ou tel usage ira trouver l'employé
préposé au Bureau des renseignements.
— « Monsieur, lui dira-t-il, je voudrais me rensei-
gner sur le Culte des Mânes et sur la manière de faire
le commerce en telle région. »
— Fort bien, Monsieur, répondra l'employé; voici
les dossiers complets des tribus qui habitent cette
région ; au n" 102 de chacun des dossiers de ces tribus
vous trouverez tout ce qu'on connaît actuellement sur
le Culte des Mânes; aux n"^ 162, i63 et 1O4, vous rencon-
trerez nos connaissances sur le commerce de ces gens-
là; et au n" 186, vous verrez comment ils ont commercé
— Go —
avec les Arabes ou avec les Blancs. Vous avez tous les
renseignements bibliographiques, les pliotograi)hies,
les images, les cartes, les dessins, etc., et l'indication
précise non seulement des salles du Musée-annexe où
se trouvent les objets qui vous intéressent, mais encore
celle des Musées étrangers ou des Collections particu-
lières qui en contiennent, avec, s'il y a lieu, les jours
e-t les heures de consultation. Si vous désirez, au sur-
plus, entrer en relations avec les savants ou les explo-
rateurs, les missionnaires ou les commerçants qui ont
écrit sur ces peuples ou voyagé dans ces contrées,
voici leurs adresses et, parfois, le moyen d'entrer en
rapports ! ^>
Ainsi seraient épargnées aux visiteurs les longues
reclierches préliminaires. Un temps i)récieux serait
gagné. Comme le dossier donnera tous les renseigne-
ments, d'ailleurs classés d'une manière uniforme, les
recherches seront faciles et chacun pourra se faire son
opinion personnelle avec le maximum de chances
de ne pas se tromper, cependant qu'un Dictionnaire
critique des auteurs donnera les notes les plus circon-
stanciées sur le degré de crédibilité des témoignages ,
ce Dictionnaire sera tenu à jour par un comité de spé-
cialistes.
L'essai tenté à l'Exposition de Bruxelles a été réalisé
avec la préoccupation des frais les plus réduits.
Tout luxe a été écarté. Il importait de prouver que
l'entreprise, si grande fût-elle, pouvait prendre corps,
avec des ressources modestes et, en vérité, qu'elle était
à la portée des bourses modestes, des établissements
— 70 —
d'enseignement, des musées de province et même des
collections particulières.
Un jour de juillet, tandis que j'achevais les explica-
tions demandées par le directeur d'un grand Musée
des États-Unis d'Amérique, ce savant posa à brûle-
pourpoint la question suivante :
— Monsieur, c'est clair et vivant. J'avais compris
votre exposition avant vos explications. Avez vous un
brevet?
— Un brevet? Que voulez-vous dire?
— Voici. Je voudrais appliquer votre idée à mon
Musée. Puis-je le faire sans... vous payer quelque
chose? Sinon, combien?
— Ah! vous demandez si j'ai fait breveter mon idée
de musée et combien coûte l'achat de l'utilisation de ce
brevet?
— Parfaitement. Combien?
— Rien du tout, mon cher Monsieur. Je n'ai pas
songé et je ne songe pas à demander un brevet. L'idée
est d'ordre x^urement scientifique ; son usage est absolu-
ment gratuit. Je souhaite que tous les musées du monde
l'appliquent au mieux!
— Oh!
— Je vous serai fort reconnaissant même d'appliquer
mon idée : je serai votre obligé.
— Oh! oh!
— Mon objectif est d'instruire davantage les hommes;
si ma formule vous paraît atteindre son but, usez-en,
Monsieur, au i^lus au mieux !
— Oui ; je le ferai ; mes collections se rapportent
surtout aux Peaux-Rouges. Je vois d'ici le parti à tirer
71
de votre idée. AU riglit! Merci, Monsieur, au nom de
mes visiteurs. Je vous enverrai des photographies et
une notice.
— Vous ne sauriez vous imaginer combien vos
paroles me font plaisir. Vous ferez ï)our les Peaux-
Rouges ce que j'ai essayé de faire pour les Nègres
africains. C'est la réalisation d'nne des parties de mon
plan, qui embrasse, comme vous le savez, tous les
peuples dits i^rimitifs du monde.
— Plan grandiose !
— Plan contenu dans la résolution du Congrès inter-
national de Mons (Belgique) en 1905, dont une Commis-
sion internationale poursuit, par ailleurs, la réalisation
progressive...
I. — LA DOCUMENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
ET ICONOGRAPHIQUE.
Le Congrès international d'expansion économique
mondiale de Mons avait décidé qu'il y avait lieu de
rassembler tous les renseignements d'ordre ethno-
graphique du monde, de les classer d'une manière
rationnelle et uniforme, de les publier sur un même
plan, etc.
Lorsque la Commission internationale, nommée par
le Congrès pour réaliser ce projet grandiose, commença
ses travaux, elle se heurta à des difficultés considé-
rables, d'ordre financier et d'ordre technique.
C'est dans ces conditions que le Président résolut
de procéder, avec quelques amis personnels, à un essai
en grand. Cet essai i^orta sur la race nègre d'Afrique.
Ce qu'il aura été possible de faire pour les Nègres,
les plus difficiles, en somme, à connaître, pourquoi
serait-ce impossible pour les autres races, d'accès plus
facile ?
Après trois années d'efforts, voici les résultats, qu'on
pouvait lire sur les parois du salon etlinograi^liique de
rExi)osition de Bruxelles :
« Plus de 3oo,ooo renseignements sur l'Afrique
nègre. Ces renseignements, fixés sur des fiches
détachables, toujours classés dans le même ordre, sont
comparables en tout temps en réponse à 202 questions,
comprenant tous les phénomènes sociaux des peuplades. »
Donc, plus de 3oo,ooo renseignements sur les Nègres
africains, classés d'ajirès un ordre identique, à raison
de 202 questions par iieuplade, et sans cesse compa-
rables entre eux.
Ces renseignements résultent de recherches biblio-
graphiques et d'enquêtes orales ou écrites, tant en
Afrique qu'en Europe.
En ce qui concerne la bibliographie, iconographie
comprise, tous les livres et reA^ues parus en tous pays,
écrits en n'importe quelle langue, sont analysés et
dépouillés. Pour un certain nombre de régions, le tra-
vail est achevé; pour les autres, il continue systémati-
quement. Afin de donner une idée approximative de cet
immense labeur, disons qu'à ce jour 5,899 articles de
revues ont été copiés en chacune de leurs parties; il y
en a 4,333 d'auteurs connus, 1.426 anonymes et 140 à
initiales.
- 73 -
En matière d'enquêtes directes, plus de dix mille
questionnaires ont été envoj^'és, en Afrique, à tous les
liommes sig'iialés comme capables d'y répondre. Ijorsque
des exx^lorateurs ou des missionnaires, de compétence
reconnue, rentrent en Europe, nous cherclions à obte-
nir d'eux des renseignements complémentaires, et sou-
vent ces interviews sont du i)lus haut intérêt. Au reste,
•pas un témoignage qui ne soit signé jDar son auteur, qui
ne vaille donc au moins autant que le renseignement
Xms dans la publication.
Tous les renseignements, quels qu'ils fussent, ont pu
être classés dans le cadre du questionnaire, confectionné
par M. le professeur Halkin, à la demande de la Société
belge de Sociologie.
Les classifications tenues à jour sont les sui-
vantes :
1. Une collection est classée par noms d'auteurs, en
ordre alphabétique ;
2. Une deuxième est classée par noms de tribus, en
ordre ali)habétique ;
3. Une troisième est classée par régions ;
4. Une quatrième et une cinquième sont classées par
ordre de matières, et de deux manières différentes.
Quelques mots sur chacune de ces classifications :
I. La collection des auteurs, ai)paraît comme un
véritable dictionnaire. Elle permet non seulement de
constater du premier coup d'œil, les noms des auteurs qui
ont écrit sur la race nègre, et la quantité des ouvrages
dépouillés ; mais encore de vérifier à tout moment si
tel ouvrage de tel auteur a été analysé de façon satis-
faisante. La moindre lacune constatée par le lecteur
- 74-
peut être signalée au personnel du Bureau qui s'em-
presse d'y remédier. Ainsi» tout lecteur ou consultant
peut devenir un collaborateur occasionnel de l'Œuvre.
Faut-il faire observer que chaque erreur ou omission
constatée est aussitôt rectifiée dans chacune des
quatre autres collections et vice versa?
Les écrits sans noms d'auteurs sont classés sous le
terme anonyme, en ordre ali^Iiabétique du nom de l'ou-
vrage. S'agit-il d'une revue, c'est le nom du périodique
qui est considéré, et, sous ce nom, le titre de l'article ;
du reste le titre de l'article se classe une seconde fois,
indépendamment du nom de la revue : deux renseigne-
ments au lieu d'un, pour le plus grand profit du cher-
cheur.
Les écrits signés d'initiales se classent alphabétique-
ment suivant ces initiales : aucune difficulté.
Au nom de chaque auteur est joint un dossier de
renseignements sur sa personnalité, sa carrière, ses
ouvrages, les distinctions qu'ils lui valurent, etc. Ainsi
le consultant possède toutes les pièces permettant de
juger de l'autorité des témoignages qu'il va lire.
2, La deuxième collection est classée par ordre
alphabétique de tribus.
Ce classement qui paraît simj)le est extrêmement
difficile et comi)liqué, tant les noms des tribus sont
divers et variés. Aussi ce classement a subi une véri-
table évolution.
A mesure que la connaissance des groupements
humains d'Afrique a permis de distinguer les tribus des
villages et des clans qu'elles comprennent, il a été pos-
sible de réduire le nombre des noms et de diminuer en
proiDortion les divisions de la classification.
Toutefois les noms ainsi absordés ont été maintenus
sur des fiches spéciales, mais uniquement à titre de
points de repaire ; ces fiches spéciales ont d'ailleurs une
couleur particulière qui les font reconnaître du premier
coup d'oeil. Ces fiches spéciales servent non seulement
pour noter les noms des villages et des clans, mais
aussi les noms divers de la tribu elle-même.
Donc, sous le nom le plus usuel de la tribu se rangent
dans des dossiers déterminés tous les renseignements
relatifs à cette tribu. Ces renseignements y sont clas-
sés dans l'ordre des matières du questionnaire de
M. Halkin. Chaque série de questions ou le i)lus sou-
vent — si la matière est abondante — chaque question
a sa farde particulière. Ce qui peut donner la meilleure
idée de ce classement, c'est la collection des monogra-
phies publiées. Car, au fond, une monographie c'est
l'ensemble des renseignements classés d'une peu-
plade.
Encore une fois, si un savant constate une erreur de
classement, qu'il la signale aux employés du Bureau;
immédiatement ai^rès vérification de ma part, l'erreur
sera réparée.
L'œuvre est sans cesse perfectible en chacune de ses
parties ; et tout le monde peut y contribuer ;
3. Le troisième classement, celui des régions ou des
unités politiques, n'est, en somme, qu'un groupement
spécial des tribus.
Outre le fait d'être un double de la précédente classi-
fication, celle-ci a l'avantage de i^ouvoir répondre de
suite à des questions comme celles-ci : « Donnez-moi
toutes les peuplades du Congo français, de l'Angola,
du Cameroun, du Congo belge, etc. »
Remarquons qu'il ne s'agit pas seulement des divi-
sions actuelles de l'Afrique, mais des divisions an-
ciennes. Le procédé utilisé est semblable aux fiches
spéciales du numéro précédent. Aucun point de repaire
n'est et ne i)eut être négligé ;
4. La classification i)ar ordre sociologique comprend
deux collections :
a) La in^emière est divisée suivant les grandes divi-
sions du questionnaire.
b) La seconde est divisée suivant une formule socio-
logique scientifique.
a) Les divisions de la première suivent l'ordre sui-
vant : Renseignements géographiques et ethnogra-
phiques généraux (questions i à 9). — Vie matérielle
(questions 10-64). — ^i® familiale (questions 65 à 100).
— Vie religieuse (questions loi à 122). — Vie intellec-
tuelle (questions t23 à i5o) Vie sociale (questions
i5i à 186). — Caractères anthropologiques (questions
187 à 202).
b) Les divisions de la seconde collection sont au
nombre do neuf : Le territoire (milieu i)liysique). — La
IDopulation (la race). — Phénomène économique. —
Phénomène génétique. — Phénomène esthétique. —
Phénomène idéologique. — Phénomène moral. — Phéno-
mène juridique. — Phénomène politique.
Tandis que la j)remière classification est d'ordre
plutôt pratique, la seconde est d'ordre rigoureusement
scientifique.
- 77 —
Si, en effet, toute société n'est qu'une combinaison
de deux facteurs fondamentaux : le territoire et la
population qui l'iiabite, il est nécessaire de donner les
deux i:)remières places à ces deux titres : milieu pliy-
sique et population. Il est logique aussi de ranger les
sept phénomènes sociaux essentiels dans l'ordre de leur
comi^lexité croissante et de leur généralité décrois-
sante. C'est pourquoi l'économique est au premier rang
et la ijolitique au dernier.
Dans les deux classifications du reste, chacun des
202 numéros vient se ranger : dans la première, suivant
l'ordre des chiffres ; dans la seconde, suivant l'ordre
des phénomènes sociaux.
Dans le dossier de chacun des 202 numéros des deux
classifications, se trouvent rangés tous les renseigne-
ments de chacune des i3euplades, i)ar ordre alphabé-
tique des régions et des xDeui^lades.
Ainsi, voulez-vous i^osséder les renseignements sur
les boissons africaines, i^renez le dossier du n° 27.
Désirez-vous étudier la mentalité religieuse des
habitants de l'Angola, prenez, dans les dossiers des
n°^ loi à 122, les fiches concernant l'Angola.
Et ainsi de l'ensemble et des détails de chacun des
phénomènes sociaux.
On voit tout de suite que les deux classifications,
dites sociologiques, sont là, entre autres, pour con-
vaincre le monde savant de la possibilité de classer les
fiches détachables d'après n'importe quel système
scientifique ou j)ratique.
Si les trois premières classifications peuvent être
qualifiées de verticales, i^arce que sur un tableau elles
aligneraient leurs renseignements de haut en bas, les
deux dernières doivent être dénommées horizontales,
puisqu'elles apparaissent comme des coupes, d'un bout
à l'autre de l'Afrique.
L'œuvre collective d'ethnographie, exposée à Bru-
xelles, avait groupé des échantillons de ses cinq collec-
tions documentaires dans les tiroirs des meubles
classificateurs spéciaux qui ornaient le salon.
La paroi et les vitrines du côté gauche étaient
affectées, à l'exposition de la collection des mono-
graphies ethnograi)hiques africaines, à ces illustrations
du répertoire documentaire général.
La photographie annexée (pi. III) montre l'aspect de
l'exposition. Au centre du iDanneau, une carte de
l'Afrique centrale indique la situation des dix-sept
IDCuplades, dont les monographies sont publiées ou sous
presse. Ce sont :
Les Bangala (Congo belge) ;
Les Mayumbe (Congo belge) ;
Les Basonge (Congo belge);
Les Mangbetu (Congo belge);
Les Warega (Congo belge) ;
Les Kuku (Possessions anglo-égyptiennes) ;
Les Ababua (Congo belge) ;
Les Mandja (Congo français) ,
Les Baluba (Congo belge) ;
Les Fang (Congo français, Gabon et Cameroun) ;
Les Bayaka (Congo belge et possessions portugaises) ;
Les Warundi (Afrique allemande orientale) ;
Les Basoko (Congo belge) ;
— 79 —
Les Azande (Congo belge et français) ;
Les Bakongo (Cong"o belge) ;
Les Bakuba (Congo belge) ;
Les Pygmées (Afrique centrale).
Du premier couj) d'oeil, le visiteur se rend corniste des
raisons qui ont motivé le clioix des publications. Les
dix-sept monographies apparaissent comme autant de
sondages dans le cœur de l'ethnographie africaine. On
peut dire que les peuplades choisies sont i)armi les
types les plus caractéristiques des races qui occupent
le centre africain. D'après elles, on peut juger des
autres et de l'ensemble des résultats qui s'accumulent
dans les cinq collections de l'œuvre d'ethnographie.
Ce qu'est cette œuvre, les inscriptions qu'on lit à
gauche de la carte, le racontent avec une suffisante
précision :
« La. collection de monographies ethnographiques
africaines, publiée par M . Cyr. Van Overbergh et ses
amis, est un essai en grand de l'œuvre dévolue au
bureau international d'ethnographie, créé par le Congrès
international d'expansion économique mondiale de
Mons. (Septembre igo5.J
» Les dix-sept monographies parues ou sous presse
sont des exemples tirés des résultats classés de l'enquête
orale, écrite et bibliographique groupant à ce jour plus
de 3oo,ooo renseignements sur l'Afrique nègre.
» Toutes les monographies sont publiées sur fiches
détachables, toujours dans le même ordre, com.parables
en tout temps en réponse à 202 questions, comprenant
tous les phénomènes sociaux des peuplades. »
A droite de la carte se détachait la longue liste des
— 8o —
collaborateurs directs des monographies publiées.
Dans la première catégorie, celle des exi^lorateurs, se
rencontraient des noms illustres ; les voici dans l'ordre
du tableau : le baron Dlianis, le commandant Mardu-
lier, le major Fievez, le capitaine Wilwerth, le com-
mandant Lotliaire, l'ingénieur Diederich, le major
Cabra, l'ingénieur Claessens, le docteur Jullien, le juge
Lauwers, le lieutenant Morrissens, le lieutenant-
général Fivé, Paul Le Marinel, le colonel Gillain, le
commandant Michaux, le commandant Borms, le doc-
teur Dryepondt, le juge Schmitz, le major Chaltin, le
major Hanolet, le capitaine Wacquez, le baron de
Renette, le commandant Delhaise, Fernand Gaud, le
docteur Grenade, le commandant Laplume, le directeur
Vanden Plas, le major Roget, le commandant Foulon,
Paul Delhaye, le commandant Duvivier, l'inspecteur
Mahieu, l'ingénieur de Galonné, Plarroy, le comman-
dant Rom, le commandant De Keyser, le commandant
Verbruggen, le commandant Meeus, le lieutenant
Gilson, le capitaine Henry, le commandant Lemaire, le
docteur Dupont, le lieutenant Flamme, le capitaine
Mercier, Gillard, le lieutenant Silly, le major Bruneel,
Lerman, le lieutenant Van Stockhausen, De Hertogh,
Wilmin, De San, le capitaine Jungers, Djoli, etc., etc.
Parmi les missionnaires, on notait les noms du
P. Declercq (Scheut), P. Trilles (P. du Saint-Esprit),
P. Messman (P. du Sacré-Cœur), P. Colle (des
PP. Blancs), P. Ilendekyn (Scheut), P. Struyff
(Jésuite).
Sous le troisième titre, celui des savants, l'on pouvait
lire les noms de MM. les professeurs Julien Fraipont et
— 8i —
Joseph Halkin, de l'Université de Liège, de Wilde-
man et Cornet, de l'Université de Gand, de Jonghe,
de l'Université de Louvain, Mm. Maes, du Musée de
Tervueren et Viaene, docteur en géographie, chef de
service au Bureau d'ethnographie.
Assurément cette liste n'était iDas complète. L'espace
faisait défaut. Et x)nis, outre les collaborateurs directs
que de collaborateurs indirects qui, bien des fois, nous
donnèrent les renseignements les plus précieux ! Parmi
les Belges il conviendrait de citer : MM, A.-J. Wauters,
du Mouvement Géographique ; Goffart, professeur à
l'Université de Gand et fonctionnaire au Ministère des
Colonies; le baron de Haulleville, directeur du Musée
de Tervueren ; Coarfc, conservateur au même musée ;
Cuvelier, Libbrechts et Droogmans, anciens secré-
taires généraux du Ministère des Colonies ; Plas,
secrétaire de la Société Belge d'Etudes Coloniales ;
Bahir, secrétaire de la Société Belge de Géogra-
phie ; Lombard, directeur g'énéral au Ministère des
Colonies, etc., etc.
Dans les vitrines s'étalaient le questionnaire de la
Société belge de Sociologie, les volumes (ou leurs
maquettes) des 17 monographies, et des échantillons de
documents iconographiques, qui sont eux aussi classés
comme les renseignements d'ordre littéraire, bibliogra-
phiques et autres.
Enfin, on y voyait le premier essai de îa nou-
velle publication de M. le professeur Joseph Halkin
relative à l'exécution d'une autre partie du vœu ethno-
graphique du Congrès mondial de igoS : <i Que le
Bureau international publie tous les ans un catalogue
— 82 —
des ouvrages parus relatifs à l'etlmograpliie, ce terme
pris dans son sens le plus large (i). »
Lorsque le jury international de la classe des sciences
eut entendu, pendant jn^ès d'une heure, l'exposé du
plan de l'Œuvre et sa réalisation progressive, le pré-
sident, M. le sénateur Alexandre Braun, exprima, au
nom de ses collègues, l'admiration qu'excitait en eux
la tâche grandiose que s'étaient assignée les organi-
sateurs. « Pour entreprendre un labeur i)areil, avec les
seules ressources imvées, pour la poursuivre avec ce
tranquille courage que dénote chacune des paroles que
nous venons d'entendre, x>our avoir atteint les résultats
qui s'étalent devant nos yeux éblouis, il faut une foi
en la science, une énergie dans l'action, un enthou-
siasme dans le but, qui honorent vivement les organi-
sateurs. Aussi bien est-ce en faveur de l'élévation de
l'humanité que tout ceci s'accomplit : le but civilisateur
de l'entreprise dépasse même à mes yeux le but scien-
tifique. Sans doute, ces innombrables matériaux docu-
mentaires sur la race nègre, classés avec un soin
extrême et une méthode impeccable, i)erfectible tou-
jours dans son ensemble comme dans ses détails,
forment, pour la science sociologique et pour toutes les
sciences sociales, un merveilleux arsenal où elles
viendront puiser les armes du progrès. Mais combien
plus éclatants apparaissent, à mes yeux d'homme
pratique, les nombreux i)oints d'apx)ui, pour les
leviers de la civilisation africaine. Grâce à ceci, la
(i)Pour la description de cette partie de l'œuvre, voir l'introduction
des Mandja, volume VIII, de la collection des monographies ethuogra.
phiques.
— 83 —
civilisation de l'Afrique pourra se poursuivre désor-
mais avec une méthode, un esprit de suite, et une
vigueur inconnus jusqu'ici; le temps d'initiation pourra
être réduit ainsi au minimum ; chacun saura ce qu'ont
fait ses prédécesseurs et il pourra reprendre le sillon à
l'endroit où l'effort civilisateur s'était arrêté. Tâche
magnifique, Messieurs, dont le jury de la Commission
des sciences ne peut que vous féliciter en attendant
qu'il vous octroie la récompense que vous méritez. »
II — LE MUSEE MODERNE D'ETHNOGHAPHTE.
On s'aperçoit tout de suite que, puisque la documen-
tation des objets qui constituent la matière du musée
n'est qu'un des éléments de la documentation générale,
les mêmes méthodes de classification sont adoptables.
Le signalement et la description de chaque objet
trouvent leur place immédiate dans les divers classe-
ments dont nous venons de parler. Aussi, le dépouille-
ment des catalogues de musée se poursuit-il comme le
dépouillement d'un livre quelconque. Et la photo-
graphie ou le dessin de l'objet de musée trouve sa place
naturelle dans l'iconographie.
Bien plus. Il y a la manière de disposer les objets
dans le musée, de les grouper, de façon à donner
l'instruction la plus grande possible et la plus intuitive
au public des visiteurs.
- 84-
Les organisateurs de la Section d'ethnographie (i) à
Bruxelles imaginèrent de nouvelles formules d'expo-
sition. Et voici comment ils conçurent le Musée de
demain, en coordination avec le répertoire de documen-
tation ethnographique.
Une iDartie du Musée devait être affectée aux expo-
sitions des i)eui)lades africaines les plus tj'piques au
point de vue de l'originalité de la race et du milieu.
^ Une autre partie du Musée aurait été attribuée aux
expositions sociologiques, aux expositions d'institu-
tions sociales comparées, si l'on veut,
I. Les salles d'exposition des i^euplades-types con-
tiendraient tous les objets relatifs à ces peuplades.
Dans un grand Musée international nègre africain,
par exemple, plusieurs salles seraient consacrées aux
monographies des tribus caractéristiques des diverses
races.
Dans un Musée national, tel que celui de Tervueren,
qui ne s'occupe que des Nègres du Congo belge, les
salles seraient consacrées aux tribus les plus typiques.
Les ornementations de ces salles styliseraient le
caractère dominant du milieu physique de chaque peu-
plade. Ainsi la grande forêt, la savane, le fleuve, le
lac, etc.
Dans la salle, les objets seraient disposés toujours
dans le même ordre principal, de façon à faciliter les
comparaisons. Ceci n'empêcherait en rien l'arrangement
esthétique; au contraire.
(i) La Section était composée de M. Cyr. Van Overbergh, président; le
P. V. Trilles; MM. Viaene, Bernard et Raikem, membres; M. Stametsch-
kine, secrétaire.
— 85 —
Dans chaque salle se trouverait la monog^raphie de
la peuplade (semblable aux volumes de la Collection
de monographies ethnographiques) et le catalog-ue
explicatif détaillé des objets exposés.
Tous les objets parfaitement déterminés porteraient
une marque spéciale et le visiteur pourrait voir, sur le
catalogue détaillé, la place exacte de la provenance.
Dans un musée, chaque objet a son histoire. Et comme
une carte détaillée de l'habitat de la peuplade serait
disposée à l'entrée, chacun pourrait trouver les élé-
ments complets de son jugement.
N'oublions pas que les réi^ertoires bibliographiques
renseigneraient par ailleurs les musées publics et
privés renfermant des objets de la peuplade étudiée,
avec l'indication des moyens d'accès.
Assurément il ne s'agit pas de mettre chaque peu-
plade dans une salle spéciale. Aucun monument n'y suf-
firait. Les peuplades les plus typiques seules auraient
droit à cet honneur. Rien n'empêcherait d'ailleurs d'en
exposer plusieurs successivement dans la même salle,
pourvu que le milieu physique fût à peu près le
même.
Pour les tribus qui ne jouiraient X3as de cette pri-
mauté, il faudrait nécessairement les exposer dans les
grands cimetières de nos Musées actuels ; l'essentiel
serait de disposer les objets toujours dans le même
ordre, i^ar matière, de façon à rendre la comi)arabilité
possible à tout moment.
De cette manière d'exposer, le salon d'ethnographie
de l'Exposition de Bruxelles ne contenait aucun spé-
cimen. Il sembla que ce perfectionnement logique
— 86 —
de nos Musées actuels entrerait naturellement dans
l'esprit du visiteur, rien que par l'examen des classi-
fications documentaires étalées par V Œuvre collective
d'Ethnographie. L'attention spéciale des organisateurs
s'était fixée sur le Musée sociologique.
II. L'idée fondamentale du Musée sociologique
repose sur la classification des i^liénomènes sociaux
dont il fut question dans le chax)itre précédent.
Entendons-nous. Le mode de classification importe
peu, en principe. L'essentiel est de partir d'un système
qui comprenne tous les phénomènes sociaux. Le nôtre
était basé sur l'ordre de complexité croissante et de
généralité décroissante. Il se défend scientifiquement
avec aisance.
De la combinaison du milieu i^liysique et de la popu-
lation résulte, ainsi qu'il a été dit, une société qui
affirme son existence propre par sept phénomènes
cai:)itaux, que notre formule sociologique classe de la
manière suivante : le phénomène économique, le phéno-
mène génétique, le phénomène esthétique, le phéno-
mène idéologique, le phénomène moral, le phénomène
juridique, le phénomène i^olitique.
La thèse que nous posons, la voici : Un Musée
moderne devrait consacrer une partie de ses salles à
l'exposition permanente ou temporaire (selon les cir-
constances et la place dont on dispose) de tous ces phé-
nomènes sociaux, de manière à rendre éclatantes les
ressemblances et les différences des peuples les plus
typiques.
Comme dans notre hypothèse il s'agit des races
-87 -
nègres d'Afrique, les remarques faites au paragTai)lie
premier de ce chapitre trouvent ici leur place. S'agit-il
d'un Musée d'Afrique, on prendra comme échantil-
lons d'exposition les peuplades les plus représen-
tatives des diverses races. Pour un Musée national, au
contraire, tel celui du Congo belge, on choisira comme
exemples les i^euplades les jdIus caractéristiques de
la Colonie.
Si l'exposition des sept phénomènes sociaux x^araît
encore trop vaste, qu'on réalise l'idée par fractions :
ainsi, on pourrait exposer successivement chacun des
phénomènes, ou même une i)artie de ces phénomènes.
A l'Exi^osition de Bruxelles se posait la question de
savoir, étant donné l'espace dont on disposait, quel
était le phénomène social qui servirait de démonstra-
tion.
Le plus simple était assurément le phénomène écono-
mique. Le plus beau était le j)hénomène esthétique.
Les plus faciles étaient les phénomènes politiques
et juridiques. Les plus difficiles apparaissaient les
phénomènes génétiques et moraux et surtout le phéno-
mène idéologique.
Nous nous disions : « Puisqu'il s'agit de faire une
démonstration, de faire voir l'excellence d'une méthode,
procédons immédiatement à l'expérience la xdIus diffi-
cile. Si elle réussit, la victoire sera décisive. Le i^héno-
mène idéologique africain est incontestablement le
moins connu et c'est i)eut-être le plus important x>our la
civilisation. Attaquons-nous à lui. Allons même au
phénomène le plus obscur de l'idéologie, au phénomène
religieux. Cette difficulté résolue, et au point de vue-
renseignements et an point de vne-exposition, on devra
bien nous accorder ce que nous postulons par notre
tentative : la possibilité de réaliser le Musée sociolo-
gique intégral. »
L'entreprise ne manquait pas de hardiesse, si l'on
considère le peu de matériaux dont nous disposons
jusqu'ici sur la mentalité religieuse des Nègres
africains. Et puis, comment procéder ?
Quelle x)euplade choisir et comment mettre de
l'ordre dans les complexités un peu effarentes de l'état
religieux ?
Notre première idée fut d'exiDoser, par des moyens
graphiques, les idées religieuses des diverses tribus du
Congo belge qui avaient été étudiées dans la Collection
de monographies ethnographiques ; ainsi, on eût vu
appliquée la méthode comparée dans une immense
région du centre africain.
Nous n'avons pas donné suite à ce projet pour trois
motifs : d'abord, i^arce que rexx)osition coloniale belge
consistait à Tervueren dans l'exhibition des collections
du Musée et que prendre ainsi des matériaux du Congo
belge eût été une espèce de double emploi, qu'il valait
mieux éviter. — Ensuite, i)arce qu'il ne fallait pas que
dans l'esprit iDublic, prît corx^s cette idée fausse que,
pour un Musée sociologique, il ne j)ouvait être pris, en
Belgique, même dans une Exposition uniA^erselle, que
des objets se rattachant au Congo belge. — Enfin, que,
pour l'étranger comme pour le Belge, il était préférable
de suivre l'expérience du Musée sociologique sur des
peuplades autres que les tribus congolaises, de manière
à permettre à tout visiteur d'étendre par la pensée
-89-
l'exposition du Solboscli aux collections de Tervueren :
ainsi l'utilité des comparaisons pourrait éclater avec
une force démonstrative plus grande.
Donc, la peuplade sur laquelle nous allions opérer
fut clioisie en dehors du Congo belge. Xous arrêtâmes
le choix sur les Fang, cette tribu immense, compre-
nant, pense-t-on, de dix à quinze millions d'unités et
couvrant de son habitat une aire gigantesque dans les
possessions françaises de l'Afrique occidentale (Gabon
et Congo) et dans le Cameroun allemand. Ce sont
des envahisseurs, qui ont conquis tout le territoire qu'ils
occupent. On les a comparés à nos Barbares européens
de la période des invasions. La migration des Fang va
du pays des Mangbetu et des X iam-Niam vers le Daho-
mey et le Gabon.
Les Fang sont une race forte, prolifique, guerrière,
conquérante, anthropoT)hage, aux dents limées et poin-
tues et aux cheveux longs, au regard fier efc hautain;
la face est longue, le front large et saillant : ils diffèrent
profondément du type soudanien, quant au prognatisme
et à la conformation du crâne. S'ils font partie de la
race des Bantous, ils en occupent les marches frontières
septentrionales, ce qui leur donne un as^Dect spécial.
Si un certain nombre de ces indigènes ont pris
contact avec les Euroi)éens, la plupart sont restés
indépendants et sauvages, défendant Jalousement l'in-
tégrité de leurs mœurs dans les solitudes des forêts
impénétrables.
Ils offrent donc un objet d'études de premier ordre.
Et par leur nombre comme par la différence des milieux
physiques auxquels ils se sont adaptés, ils présentent
()0 —
des garanties incomparables pour l'élimination progres-
sive des erreurs d'observation.
Nous avions le bonheur de compter parmi nous
l'homme qui connaît le mieux les Fang, le R. P. Trilles,
missionnaire, qui, pendant tant d'années, depuis iSgS,
fut en contact continu avec cette peuplade, dont il parle
l'idiome, en même temps que la langue des i)euplades
voisines. Il voulut bien nous prêter, outre sa science et
ses observations, les objets recueillis par lui, sur place,
parfaitement déterminés et qui intéressaient le but
que nous poursuivions. C'est grâce à lui que le Musée
de Neuchâtel voulut bien prêter à notre œuvre les pré-
cieux objets que le R. P. Trilles lui avait donnés.
Après le choix de la tribu, il nous restait à décider
le plan d'exposition. Ayant résolu d'exposer « le
PHÉNOMÈNE RELIGIEUX CHEZ LES Fang », — uotre titre
désormais — nous adoptâmes deux divisions : un des
côtés de la salle, la principale, serait consacré au
phénomène religieux proprement dit, l'autre côté serait
réservé à la vie religieuse dans les phénomènes sociaux.
A. Le j)hénomène religieux comporta quatre parties,
ainsi qualifiées :
1. Totem.
2. Mânes.
3. Sociétés secrètes.
4. Dieu.
Toutes les manifestations religieuses des Fang
peuvent, à notre avis, se classer dans ce cadre, évidem-
ment provisoire et dressé pour servir de base à l'expé-
rience et à la discussion.
L'inscription portait: « Les trois premières catégories
— 91 —
du phénomène religieux (totem, mânes, sociétés secrètes)
comportent chacune la classificiition suivante
1° Croyances; 2° Culte et rites; S'' Magie; 4" Sacerdoce
(féticheur, sorcier) : 5" Vie future.
I. Sous le Totem se classent tous les phénomènes
dits totémiques.
L'exposition du panneau comportait quatre parties :
trois représentations exemplatives de totems de tribus :
trois représentations de totems de clans; une inscrip-
tion traçant l'aire d'influence du totémisme chez les
Fang actuels; dans la vitrine, des notes explicatives
sur la nature du totémisme fang, sur les totems connus
des tribus et des clans; dans les casiers du meuble,
toute la documentation relative au totémisme fang-
classée suivant la division ci-dessus (croyances, culte
et rites, magie, sacerdoce, vie future).
La planche IV (voir annexes) montre la disposition
générale.
« Le totémisme, dit l'inscription, a aujourd'hui
disparu complètement dans les clans fang- arrivés près
de la mer, et surtout aux environs de Libreville. Il a
fortement diminué dans les clans disséminés sur l'Ogoue,
de Udjole à la mer. Partout ailleurs, il demeure forte-
ment organisé. »
La très grosse majorité des clans fang est donc
encore totémiste.
Quels sont les caractères de ce totémisme ?
La notice étalée dans la vitrine répondait :
Le clan fang (et la tribu) a un totem. Voie i
21 totems de tribus; voici 27 totems de clans. Ce sont
<■;•-: —
des échantillons. Et la panneau étalait la reproduction
de 6 de ces totems, en tableaux.
Le clan ou la tribu fang- prend ordinairement le nom
du totem : la démonstration était faite pour les 48 cas
proposés.
Le clan fang admet un rapport de parenté avec son
totem. (Idem.)
Le clan fang* n'admet pas le mariage entre membres
du îjaême clan ou ayant le même totem. (Idem.)
Le clan fang défend à ses membres certaines pra-
tiques par rapport au totem. Ces interdictions existent
non pas seulement par rapport à certains aliments,
mais encore à certaines pratiques, coutumes, etc.
Ainsi le visiteur était fixé sur l'existence du totem
et sur ses caractères fondamentaux. Voulait-il des ren-
seignements i)lus Irréels; désirait-il, par exemple, savoir
si les gens du clan fang considèrent l'animal éponyme
comme un ancêtre, fait de la même substance qu'eux-
mêmes? Il ouvrait l'un des tiroirs du meuble et, au
n° io5 de la monographie, il trouvait le renseignement.
Le R. P. Trilles, par exemple, répondait : « Us sont
parents parce qu'un même esprit les anime et que cet
esprit anime le cori)s. Nous en apporterons une preuve
à notre avis décisive. Un homme du clan de l'anti-
lope Moin tue par hasard un animal de cette espèce :
il a commis une faute et ne peut en manger. Un homme
du même clan Moin rencontre par hasard cette anti-
lope « morte » et n'a pas connaissance du meurtre : s'il
en mange, il contracte une simple souillure rituelle,
mais non la faute proprement dite : l'esprit éponyme ne
l'habite plus. « Et ainsi du reste. Tout ce qu'on savait,
- 93 - •■
à l'heure actuelle, sur le totem du Fang était là dans
le dossier complet de la monographie.
II. Sous le titre de Mânes se groux^aient les douze
tableaux du centre du panneau. Le projet voulait, en
outre, au milieu, en dessous, une caisse de verre,
abritant un autel Fang, sur lequel s'alignaient les
crânes de toute une famille (les dix crânes prêtés
par le Musée de jSTeuchâtel), avec la boîte qui les
contient et le fétiche Biéri qui la surmonte.
La documentation s'étalait dans deux tiroirs de
chacun des meubles adossés à la paroi.
C'est j)o\\T la double raison d'exposition et d'impor-
tance prépondérante du culte des Mânes chez les Fang,
qu'une place aussi grande avait été réservée au
phénomène mâniste. Il semble que le culte des âmes
des ancêtres soit vraiment Je point central de l'idéo-
logie religieuse de cette peuplade.
Voici la suite des sujets des tableaux. Nous com-
mençons par la colonne de gauche, voisine du Totem, et
et nous prenons les colonnes de gauche à droite.
1° Lamentations funéraires ;
2° Transport du mort ;
3° Tombeau du chef ;
4° Danse funéraire ;
5" Maison funéraire ;
6" L'enlèvement du crâne ;
7° Le culte matutinal ;
8° L'appel de l'esprit ;
9° Rocher phallique ;
-94-
lo"" L'autel funéraire temporaire et la cérémonie du
culte collectif des ancêtres ;
II" Sacrifice.
12° Protection du village.
Ainsi les princi]3ales scènes du culte des ancêtres
étaient évoquées.
D'abord cinq illustrations de la mort de l'ancêtre et
des cérémonies rituelles qui témoignent de la croyance
dans la survie. Ensuite, la cérémonie rituelle de l'enlè-
vement du crâne du père mort, par le fils ; cette relique
auguste est x^lacée dans une boite : c'est le trésor de la
famille.
Les six scènes suivantes nous représentent des
aspects différents du culte. Voici la femme qui chaque
matin vénère le grand fétiche, placé à la place
d'honneur de la case, sur la boîte aux crânes ; puis c'est
le féticheur entouré de son attirail sacré qui évoque
l'esprit, afin, sans doute, de le consulter sur telle
maladie. La cérémonie de l'autel des crânes est particu-
lièrement émouvante ; c'est l'hommage solennel aux
ancêtres. Au-dessous, l'immolation de l'esclave dans
son horreur: échantillon du sacrifice religieux. Puis
viennent les deux scènes du dessous du i^anneau :
le rocher phallique et le bouquet d'arbres aux branches
coupées dont les moignons, si l'on i)eut dire, sont cou-
verts des crânes des ennemis morts.
Dans les tiroirs se trouvaient les renseignements
actuellement connus sur le culte des mânes chez les
Fang ; ils étaient classés dans l'ordre indiqué sur le
panneau : croyances, culte et rites, magie, sacerdoce,
vie future.
— 9^ —
Notons que dans les tiroirs des meubles se trouvaient
les renseignements correspondants, recueillis dans les
dix-sept peuplades monographiées. Ces renseignements
étaient classés tous de la même manière dans des fardes
de diverses couleurs : le roug-e pour le jphénomène
économique, le bleu pour le phénomène génétique, le
blanc pour le phénomène esthétique, le violet pour le
l^hénomène idéologique, le Jaune pour le ï)hénomène
moral, le gris pour le phénomène juridique, le vert pour
le phénomène politique.
Ainsi, par l'exemi^le, des Fang, on pouvait se faire
une idée précise du concept du Musée de demain. Kien
d'aussi aisé que de répéter dans autant de salles ax)pro-
priées des expositions semblables des peuplades types
do l'Afrique nègre. Supposez que vous ayez réalisé le
plan pour les Warundi des i)ossessions ail emandes , et pour
les Baluba, la x>lus religieuse des peuplades du Congo
belge : la démonstration de l'utilité de semblables exhi-
bitions comparées sera faite. Pas un visiteur ne se trou-
vera i)lus x)our nier la réalité de l'atmosphère religieuse
qui entoure la mentalité des noirs d'Afrique. Se ren-
contrera-t-il encore des missionnaires pour contester
l'utilité du système de la greffe, exposé si clairement
Ijar le E,. P. Colle au Congrès de Malines de 1909 ?
Trouverait-on encore un colonial pour faire fi, dans
ses rapi3orts avec les indigènes, des convictions reli-
gieuses qui hantent leurs cerveaux et règlent la vie ?
Je ne suggère ici que les perspectives d'ordre civili-
sateur qu'ouvre l'exposition comparée des phénomènes
religieux. Les résultats qni en découleraient pour la
-96-
science frapperont tout homme averti ; pas n'est besoin
de commentaire.
III. Les sociétés secrètes occupaient lé liaut du x>an-
neau de droite. Deux tableaux : un Ngil avec ses aco-
lytes ; des Akliun.
Les Ngil et les Akhun sont deux des i^lus formi-
dables confréries du pays des Fang. Ce sont des
sociétés de sorciers. En entrant dans une de ces
confréries les initiés font un double serment : celui»
d^'obéir aveuglément et sous peine de mort à l'Esprit
qui commande la société et qui transmet ses ordres
par les chefs suivant des rites déterminés, celui de ne
jamais révéler, sous peine de mort, les secrets de la
société, notamment le mot de passe, le nom des adhé-
rents et surtout des chefs.
Dans la vitrine pouvaient se lire des renseignements
sur l'initiation à ces sociétés.
Dans les tiroirs du meuble, étaient classés tous les
documents relatifs à l'initiation, à l'organisation de
ces sociétés, aux rites et aux défenses rituelles, aux
totems, etc.
D'après notre expérience personnelle et celle des
gardiens de la salle, cette partie de l'exposition ethno-
graphique intriguait vivement le visiteur; nombreuses
étaient les demandes de renseignements sur ces sociétés
religieuses africaines qui jouent d'ailleurs un rôle poli-
tique important.
IV. Dieu.
La paroi n'offrait sous ce Nom, aucune figuration.
C'était voulu. Et l'opposition entre ce manque de repré-
sentation graphique et les tableaux du Totem, des
Mânes et des Sociétés secrètes, était frappante.
— 97 —
La raison de ce procédé était fournie par l'inscription :
« Aucune représentation de Dieu, ni idole, ni image,
ni temple, ni culte, ni sacerdoce, ni rite.
« Croyance en un Etre suprême, créateur, organisa-
teur des mondes, juge ».
C'était la synthèse de la mentalité religieuse des
Fang-, relativement à Dieu.
Encore une fois, un des tiroirs du meuble fournis-
sait tous les renseignements détaillés.
Ainsi se présentaient les quatre grandes divisions du
phénomène religieux chez les Fang.
Le compartiment final de la paroi résumait ainsi
l'imiDression :
En résumé, le phénomène religieux peut se classi-
fier chez les Fang de la manière suivante :
1° Le Totem collectif (tribu, clan) et le Totem, indi-
viduel ;
2" Le Totem des sociétés secrètes ;
3° Les Mânes;
4° Dieu;
B. La vie religieuse dans les phénomènes sociaux. —
C'est la matière de la troisième paroi du salon. (PL V,
voir annexes.)
L'étude du phénomène religieux serait incomplète si
elle se bornait à l'idéologie purement religieuse. Comme
trop d'hommes pratiques sont portés à croire que la
religion est un phénomène superficiel, dont le civilisa-
teur — qu'il soit missionnaire ou administrateur — ne
doit presque pas tenir compte, il est utile, sinon néces-
saire de montrer, par des exemples indiscutables, que
-98 -
pour le primitif, notamment pour nos Fang, la j)réoccu-
pation religieuse se retrouve dans la plupart des actes
de leur vie. La religion pour eux est comme une
atmosxjlière dans laquelle leur esiorit baigne constam-
ment.
Cette partie de l'Exposition est consacrée, si l'on
peut dire, à la religion appliquée des Fang, dans les
sept phénomènes sociaux fondamentaux : économique,
génétique, esthétique, idéologique, moral, juridique et
politique. Ces noms se trouvent dans la frise et
chacun d'eux domine la division qui lui est consacrée.
Toutes les photographies et objets exposés sur le mur
ou dans les vitrines sont des démonstrations, valant
chacune par elle-même. Si le caractère démonstratif
de l'un ou de l'autre pouvait être révoqué en doute, ceci
n'atteindrait en rien la force démonstrative des autres,
dont le bloc est destiné à i)roduire l'impression voulue
sur l'esprit du visiteur.
Nous ne j)ouvons songer à donner ici l'explication de
chacun des objets. Beaucouj), du reste, parlent d'eux-
mêmes : ainsi, toutes les armes portent le signe toté-
mique ; tous les fétiches sont mentionnés avec leur but
spécial ; et ainsi des danses, des chants religieux,
des instruments de sacrifice, des masques, des cos-
tumes, etc.
Pour chaque catégorie de phénomènes, il n'a été
exposé que des échantillons, ceux qui ont paru les plus
caractéristiques. Les autres se retrouvent dans les
vitrines et les renseignements dans les tiroirs.
A titre d'exemple, prenons le phénomène économique.
Quatre espèces ont été choisies : le village, l'agricul-
— 99 —
ture, la pôclie et la chasse. Pour le village, la photogra-
phie du dessus montre comment il est protégé par un
fétiche ad hoc, à l'endroit où le sentier de la forêt
débouche. La seconde i)hotographie montre la femme à
la plantation, travaillant à côté du fétiche, protecteur
de la récolte : un escargot hissé sur un bâton. Les
petites pirogues en bois et la pagaie sont des fétiches
placés sur la tombe d'un pêcheur. La photographie de
dessous montre un superbe autel champêtre orné de
tètes d'antilopes ; à côté, le fétiche de la chasse aux
singes; au-dessous, un collier fétiche de lâchasse.
Des étiquettes renseignent sommairement le visiteur
et les renseignements détaillés sont dans les tiroirs des
meubles.
Dans la vitrine centrale était exposé un plan, dû à
M. l'architecte Horta. C'était «le palais du fétichisme»,
dont l'idée était due à notre collaborateur, M. Sta-
metschkine.
On lisait sur l'inscription :
« Si l'on représentait dans un Musée spécial — de la
manière employée ici pour les Fang et i)our le i^héno-
mène religieux — chacun des phénomènes sociaux ;
» Si Von agissait ainsi pour les peuplades-types de
l'Afrique, de l'Australie, de l'Asie, de l'Amérique, de
manière que chaque phénomène (documentation et
objets) pût être comparé dans son ensemble et dans cha-
cune de ses divisions,
» On aurait réalisé le Musée-type sociologique,
colonial et ethnographique.
» Si l'on se bornait à la représentation du phénomène
religieux, on aurait le Musée dit du « Fétichisme »
— 100
dont le projet ci-contre fut proposé pour l'Exposition
Universelle et Internationale de Bruxelles (igio). »
Le surplus des vitrines centrales était occupé par
quelques échantillons de dessins relatifs aux représen-
tations religieuses des Bayaka {Congo belge) ; c'était
l'œuvre du W Grenade. Le visiteur pouvait ainsi trou-
ver, en face des Fang, des éléments de comparaison
avec une autre peui)lade, située loin d'elle. Simple
suggestion !
En face de ce salon d'ethnographie, au milieu d'un
massif de iDalmiers, sur un socle qui ai^paraissait
comme un trône, se dressait la fière figure de Léo-
pold II, roi des Belges et fondateur de l'Etat Indéi^en-
dant du Congo. C'est Lui qui ouvrit l'Afriqua centrale
à la pénétration européenne et à la civilisation.
L'exposition de documentation africaine, l'essai de
Musée surtout, Lui étaient dédiés. La mort Le frapjDa
l'avant-veille de l'ouverture de l'Exi^osition de Bru-
xelles.
Il convenait que Son souvenir i^lanât sur notre
œuvre, qu'il ne cessa d'encourager.
C'est pourquoi le baron Descamps consentit à nous
prêter l'admirable buste qui orne le Ministère des
Sciences et des Arts.
Le sculpteur Vinçottc fait revivre dans le marbre
les mâles traits de ce créateur d'emiDire, qui fut le
professeur d'énergie de toute une génération.
Léopold II avait dit : « Je vois dans votre œuvre la
possibilité de civiliser l'Afrique, progressivement,
avec méthode, sans perte de temps, en iDrenant comme
point de départ la situation réelle de ces braves
gens. » Cyr. Van Overbergh.
VII.
INTRODUCTION
A LA
Monographie des Kuku
L'enclave du Lado est peu connue. En éttidiant une
peuï)lade-type de ce pays, M. Vanden Plas a rendu un
service signalé.
Les renseignements que nous possédions jusqu'ici
sur les Kuku étaient sommaires. Un simple coup d'œil
sur la Bibliographie et les extraits en petit texte suffit
pour s'en convaincre.
Leur pays était assez difficile d'accès du côté du
Nil et les voyageurs ne se souciaient pas d'affronter
un jeu perpétuel de montagnes russes pour atteindre
les bords du Kibo ou de la Niawa. « Les premiers
jours notamment entre Dufilé et Kadjo-Hadji, à tra-
vers les plaines des Kuku, lisons-nous dans la Mission
scientifique du Bourg de Bozas, il fallut à plusieurs
reprises gravir des raidillons âpres et caillouteux, qui
laissaient aux bêtes à peine assez de force pour
redescendre en bronchant et trébuchant vers de véri-
tables fondrières. »
Les Kuku habitent une savane, d'un aspect particu-
lier, différente de celle du Centre africain. En règle
générale, les herbes sont ténues, sauf dans les bas-
fonds. De-ci de-là, quelques arbustes, des tamariniers
— 102
et surtout des arbres à beurre. Peu de forêts; la haute
futaie ne déliasse pas 6 mètres, sauf exception. Presque
pas de fleurs. Pour un admirateur de la flore équato-
riale, l'aspect de la savane Kuku est un désenscliante-
ment.
Là, sur un espace d'un millier de kilomètres et dans
une atmosphère salubre, habite, de temps immémorial,
une peuplade apparentée avec les peuplades voisines et
dont le groupe ethnique paraît s'étendre au loin. Les
Kuku sont bien proportionnés, l'œil bridé, de taille
élancée, la peau très noire, x>lus noire que les nègres
du Congo belge, en général. Le caractère est rude et la
langue est dure. Pas de costume, quelques ornements.
Et au-dessus de moeurs sim^Dles adaptées à la nature de
ce territoire, le respect d'une tradition séculaire.
La vie est sédentaire, malgré les soucis d'un élevage
assez important. C'est que l'agriculture est, malgré
tout, l'industrie dominante : hommes, femmes et
enfants s'y adonnent. Une division du travail s'est
établie entre les sexes ; aux hommes le gros œuvre, le
défrichement et les semailles, la construction et la
réfection des habitations et des greniers ; aux femmes
la culture proprement dite, le sarclage et la prépara-
tion des aliments et le soin du ménage.
L'assolement domine la culture. On sème les haricots.
Au bout de trois mois, on les remplace par de l'éleu-
sine, dont la récolte coïncide avec l'arrivée de la saison
sèche. Celle-ci terminée, on sème le sorgho; au bout de
quatre mois, c'est le tour des haricots. Ainsi continue
le cycle. Les arachides, cependant, sont plantées d'un
autre côté et le sésame leur succède.
— io3 —
Sur cette base économique s'élève la superstructure
de la société Kuku.
A tous les points de vue, elle se laisse comparer avec
les peuplades des monographies iDrécédentes. Les res-
semblances et les différences éclatent avec un relief
saisissant. Et les raisons sociologiques des unes et des
autres s'ébauchent d'elles-mêmes.
L'auteur de cette intéressante monographie est M. le
directeur Vanden Plas, dont l'esprit d'observation n'a
pas besoin d'être soulig^né ; chacune des pages qui
suivent en j)orte la marque distinctive. Sa carrière
africaine fut longue et belle. Parti le 6 septembre 1898,
en qualité de sous-intendant de 3^ classe, il conquit
successivement les g-rades de sous-intendant de 2® classe
(i"'' juillet 1896), de sous-intendant de i''° classe
(i®'" mars 1897), d'intendant (3o octobre 1899), de direc-
teur de l'administration locale (18 février 1902).
Son activité s'exerça successivement dans le district
de Stanley Pool, dans le Mayombe, à Matadi, dans les
districts du lac Léopold II et du Kwango, à Boma, dans
le district de l'Uele, à la zone de l'enclave du Lado, à
celle du Haut-Ituri.
Suivez cette carrière sur une carte et songez aux
fonctions exercées : secrétaire de district, substitut du
procureur d'Etat, agent d'administration, chef de zone,
juge au conseil de guerre, juge au tribunal territorial,
commissaire de district, directeur intérimaire de l'agri-
culture et de l'industrie, directeur de l'intendance,
chargé de diverses missions de contrôle administra-
tif, chargé de la direction du service administratif
(à Boma), etc.
— io4 —
Pensez qu'une seule de ces missions de contrôle
administratif le conduisit dans les principaux postes
suivants : Ibembo, Djamba, Buta, Likati, Djabbir,
Angu, Bima, Api, Bambili, Amadi, SurangO;, Niangara,
Dung-u, Faradje, Aba, Yei, Loka, Bedjaf, Lado, Kero,
Mont-Wati, Kadjo-Kadji, Vankerckhoven ville, Gom-
bari, Irumu, Kilo, Maliagi, Mawambi, Avakubi,
Nepoko, Medje, Bomili, Panga, Banalia, Benga-
misa, etc.
Un tel homme est bien placé pour rédiger une mono-
graphie, le jour où il se décide à étudier une peuplade
déterminée.
Le travail de M. Vanden Plas sur les Kuku est rédigé
avec une clarté que i^ersonne ne i^ourra méconnaître.
Et la clarté reste toujours, quoi qu'on dise, la première
des qualités du style scientifique.
Cyr. Van Overbergh.
VIII.
INTRODUCTION
A LA
Monographie des Ababua
J'attire rattention du lecteur sur deux idées prin-
cipales :
D'abord, sur la partiede notre Bureau ethnographique,
due à M. le professeur Joseph Halkin;
Ensuite, sur le progrès accompli dans la monogra-
phie des Ababua, deiDuis la première publication de
M. Halkin en 1906.
On sait que la Société belge de Sociologie, qui avait
décidé en 1904 de reprendre en grand et suivant un
plan nouveau, susceptible de s'adapter aux exigences
de toutes les formules sociologiques, la sociologie des-
criptive de H. Spencer, chargea un de ses membres les
plus distingués, M. le professeur Joseph Halkin, de
rédiger un projet de questionnaire ethnograj)hique jDour
l'étude systématique des iDcuplades de civilisation
élémentaire.
Ce projet fut agréé, après quelques amendements. Et
— io6 —
ce fut un questionnaire qui servit de fondement à l'ini-
tiative internationale sortie du Congrès mondial de
Mons en 1905.
Je le pris moi-même comme base de l'essai en grand
de documentation ethnographique sur les nègres afri-
cains; une des classifications adoptées est celle du
questionnaire, et les lecteurs fidèles de la Collection des
Monographies ethnographiques savent que ces publica-
tions sur fiches détachables se règlent toutes invaria-
blement sur l'ordre du questionnaire Halkin.
Au cours des temps, un reproche fut adressé à ce
questionnaire par plusieurs de nos corresi)ondants
d'Afrique. Un certain nombre de questions leur parais-
saient rédigées en termes trop brefs ou trop scienti-
fiques; pour ceux qui ont une initiation ethnographique,
passe encore ; mais les autres ?
A diverses reprises, j'engageai M. Halkin à rédiger
une espèce de commentaire du questionnaire, sous la
forme qui lui i^arCit la plus pratique et la plus
convenable.
M. Halkin se livra à une série d'essais et à des
expériences, soit sur des explorateurs et des mission-
naires en partance à qui il donnait l'initiation désirable,
soit sur les élèves de son cours d'ethnographie à l'Uni"
versité de Liège.
Aujourd'hui il publie le résultat de ce travail sous le
titre « Cours d'ethnographie et géographie ethnogra-
phique ».
J'ai la conviction que cet ouvrage, très maniable, et
édité d'après les besoins de l'édition scolaire perfec-
tionnée, chaque page de texte alternant avec un feuillet
— 107 —
de papier blanc, rendra à notre œuvre ethnographique
les services les plus éminents.
En tête des chapitres qui coupent les séries de
questions, l'auteur a glissé des notes directrices.
Exemple : Les vêtements.
. « Le vêtement, avec l'habitation dont il sera i^arlé
ensuite, est le caractère ethnographique le plus impor-
tant qu'il faille étudier relativement à la vie matérielle.
» Il est d'abord à constater que certains pénibles ne
portent pas de vêtements et qu'il est i:)robable que
beaucoup) d'autres n'en portaient i)as autrefois. En
outre, chaque peuple, x^our ainsi dire, a une espèce
d'habillement qui lui est particulier et qui souvent
permet de le reconnaître.
» Si l'on peut admettre qu'à l'origine l'humanité ne
connaissait pas le vêtement, il faut rechercher les
causes qui ont poussé l'homme à se vêtir. Pour tous les
pays où le climat trop froid oblige l'homme à se couvrir
le cori)s pour résister aux intemi3éries, l'origine du
vêtemeilt a sa cause dans la rigueur du climat. Cette
cause n'a joué aucun rôle dans les régions intertro-
picales, si ce n'est i)our se iDréserver de la pluie ; les
Malais fabriquent à Taide de feuilles de palmier des
manteaux ou des nattes qu'ils placent sur leur dos i)our
travailler dans les rizières en temps de iDluie abondante.
On pourrait supposer que le premier couple humain eut
le sentiment de sa nudité et que, par pudeur, il se
couvrit le corps ; dans cette hypothèse, si nous ren-
controns encore aujourd'hui des peuples allant nus,
c'est que leurs ancêtres ont abandonné une coutume
— io8 —
dont ils ne voyaient pas la nécessité. Cette hypothèse
qui attribue la cause du vêtement au sentiment de la
pudeur ne semble pas admissible; s'il en était ainsi, ce
serait les parties génitales qui partout devraient être
cachées. Or, l'on constate que, suivant les peuples, c'est
tantôt le visage, tantôt le pied, tantôt le haut de la
tête, ici le ventre, là la i^oitrine qui sont les parties du
corps qu'il est considéré comme imj)udique de laisser
voir ; et ailleurs le vêtement, au lieu de cacher ce qui
ne devrait pas être montré, a pour effet d'attirer
l'attention sur ces parties du corps. Il ne faut pas
confondre deux sentiments : le sens moral, qui est inné
chez l'homme, et le sentiment de la décence, qui est le
produit des conditions sociales et qui, en tant que
s'appliquant au corps humain, est devenu le sentiment
de la pudeur. Bien des peuples s'en vont tout nus et
cependant chez eux le sens moral existe à un degré très
élevé ; et l'on ne peut pas déduire de l'absence du
vêtement chez un peuple la conclusion que ce peuple
n'est pas moral. On peut dire que c'est le vêtement qui
a fait naître le sentiment de la pudeur, lequel n'admet
point que les parties du corps ordinairement cachées
soient mises à nu. La couleur de la peau a une certaine
importance. Le climat est une cause de vêtement ; le
désir de plaire, de se faire remarquer, de montrer sa
richesse, sa fortune est une deuxième cause, et alors le
premier vêtement est la parure, qu'elle soit à même le
corps ou attachée au corps. Il semble que c'est l'homme
qui le premier rechercha la parure pour paraître plus
fort, plus puissant, exemple que suivit la femme comme
moyen d'attraction.
— 109 —
« La troisième cause, la plus importante peut-être,
est d'ordre religieux ; les primitifs croyant à la pro-
tection que i^euvent leur apporter certains objets,
aux(][uels ils attribuent une puissance magique, por-
tèrent ces objets ostensiblement ; ce sont des amulettes,
des gris-gris, des fétiches, qui s'attachèrent soit à une
liane serrant les hanches (de là, la ceinture) qui devint
un petit tablier, puis une jupe), soit à la lanière
enroulée autour du cou (de là, le manteau), soit une
corde liée autour des bras ou du poignet, soit encore à
un lien entourant la tête (de là, la couronne). A ces
objets religieux ou magiques vinrent s'ajouter des
parures, des coquillages, des bijoux, puis, surtout à la
liane serrant les hanches, des morceaux d'écorces, des
branches feuillues, des peaux d'animaux, etc. »
Assurément, M. Halkin n'entend pas imposer sa
manière de voir au lecteur de son Commentaire. Ce
sont des hypothèses qu'il émet et qui sont destinées à
frapper l'attention et à marquer la portée des recherches.
L'explorateur qui a lu ces indications se rend
compte de l'importance des questions qui vont suivre et
auxquelles il est invité à répondre.
Les questions elles-mêmes reçoivent un commen-
taire sobre, mais suffisant. Afin de fixer les idées,
prenons le n° 82.
Parures à même le corps, tatouage :
« Le tatouage est un coloriage indélébile ; il se fait
de deux manières : par piqûres et par incision ou par
cicatrices. Le tatouage par piqûres est employé par les
peuples à peau claire et consiste en des séries de
— IIO
piqûres faites dans la peau au moyen d'une aiguille qui
introduit une matière colorante, de la poudre noire en
général. Les Japonais font aussi de merveilleux
dessins coloriés dans la peau humaine. Les i^euples à
peau noire ou foncée se tatouent par incisions ou cica-
trices, en faisant des incisions atteignant la couche non
pigmentée de la peau et qui, en se cicatrisant, laissent
des traces plus claires ; quelquefois les cicatrices sont
à nouveau ouvertes et de la terre est introduite dans la
plaie, de telle sorte qu'en se refermant elle produit des
chéloïdes saillantes. Le tatouage, comme le coloriage,
peut être différent suivant le sexe, l'âge, la position
sociale, le groupe ethnique ou la tribu ; les indigènes
du Congo reconnaissent la nationalité des leurs par le
tatouages. Le tatouage est une déformation ethnique ;
voir n" 194 {ces déformations semblent bien de nature
originellement religieuse). »
Et ainsi l'initiation se poursuit, chapitre par chapitre,
question -par question.
Il ne me paraît x)as i^ossible que l'homme cultivé, qui
a résidé un temps suffisant au sein d'une peuplade élé-
mentaire, qui est doué de l'esprit d'observation et qui
sait noter ses pensées — ne se décide pas, après la lec-
ture du Comment aire-Halkin, — à s'essayer de réj)ondre
au questionnaire ethnographique et à contribuer pour
sa part au monument de science et de civilisation que
nous édifions et dont le Congrès mondial de Mons a
établi les bases.
M. Halkin vient d'ajouter à l'œuvre commune une
contribution de haute et indiscutable valeur.
J'ai d'autant i^lus de plaisir à le proclamer que,
— Itl
décidé à poursuivre la réalisation du vœu de Mons, je
vois dans l'ouvrage nouveau un moyen des plus pra-
tique pour multiplier les enquêtes écrites sur i)lace.
Combien de fois ne me suis-je pas heurté au décourage-
ment de mes correspondants, fixés au cœur de l'Afrique,
arrêtés i^ar des expressions du questionnaire qu'ils ne
comprenaient pas! Ils nous écrivaient x)our obtenir les
éclaircissements nécessaires et, quelle que fût notre
diligence à leur rér)ondre, ils devaient attendre nos
lettres pendant des mois, amplement de quoi décourager
les volontés les mieux trempées sous ce soleil de l'Equa-
teur, qui anémie. Voici un remède indiqué.
Mais ce commentaire n'est pas le seul service rendu
par M. Halkin à la réalisation du célèbre vœu du Con-
grès mondial de Mons.
Le Mouvement sociologique international, organe de
la Société belge de Sociologie, poursuit régulièrement
la publication de la revue des livres et des revues de
sociologie ethnographique qui paraissent dans le
monde.
Le Congrès de Mons, on voudra bien s'en souvenir,
avait émis le vœu que le Bureau international d'ethno-
graphie publiât, i^ériodiquement, chaque année, un
relevé complet et critique des livres et des brochures,
des articles de revues surtout, d'ordre ethnographique,
qui iDaraissaient dans n'importe quel pays.
M. Halkin a pris sur lui de faire l'essai en grand de
cette xiublication, comme j'avais pris sur moi de faire
l'essai en grand de la collection documentaire et de la
collection des monogTai)liies ethnographiques.
Afin de réaliser l'unité et dans le but de rendre tous
— 112 —
les résultats de nos efforts comparables au suprême
degré, M. Halkin a classé ses relevés bibliographiques
suivant le plan du questionnaire de la Société belge de
Sociologie — qui est le i)lan de ma documentation et
des monographies publiées.
Ainsi se réalisent, i^ar des essais qui sont des démons-
trations, les vœux du Congrès mondial, vœux qui en
1905 parurent chimériques à beaucoup de spécialistes
dépourvus de foi dans le succès des grandes initiatives
collectives.
Voici comment M. Halkin a compris son œuvre, qui
est un « moyen d'information complet, critique, métho-
dique et rapide » .
Complet, car il signale tous les articles de revues et
tous les ouvrages qui, dans le domaine ethnographique,
présentent quelque intérêt pour le sociologue :
Critique, car il a soin de noter tous les comptes rendus
dont le travail a été l'objet dans les revues i)ériodiques ;
au surplus, il donne en quelques lignes des indications
concises sur le contenu des travaux. Certains ouvrages
qui, par leur imi:)ortance au point de vue sociologique,
méritent une analyse critique plus détaillée, sont l'ob-
jet d'un compte rendu spécial ;
Rapide, car la revue, ainsi mise à jour, est publiée
chaque année ;
Méthodique, car toutes les publications sont classées
de deux manières différentes. — Dans la première par-
tie sont gToui)ées les publications qui s'occupent d'une
coutume ou d'un fait ethnographique, d'un point spécial
d'anthroi)ologie ou de géographie humaine; elles sont
classées sous des numéros qui correspondent à ceux du
— ii3 —
questionnaire et des monographies ethnographiques . —
Dans la seconde partie sont gToupées toutes les i)ubli-
cations qui s'occupent de groupes ethniques ou de
variétés humaines déterminées ; elles sont classées par
continent et dans chaque continent par grands groupes
ethniques d'après l'ordre suivant : Europe : latins, ger-
mains, slaves, helléno-illyriens, celtes, lithuaniens,
finno-ougriens, caucasiens, basques; Afrique : arabo-
berbers, nigritiens, foulbés, éthiopiens, asandés, pyg-
miées, bantous, bochimans, madagascar; Asie: asia-
tiques septentrionaux, centraux, chinois, coréens, Japo-
nais, indo-chinois, indous, iraniens, asiatiques occiden-
taux; Océanie : malais et indonésiens, papous, polyné-
siens, micronésiens, mélanésiens, australiens; Amé-
rique : esquimaux, peaux-rouges, indiens du Mexique,
centraméricains, mayas, isthmiens, andins, amazo-
niens, indiens orientaux, pampéens, fuégiens. Chacun
de ces groupes est du reste susceptible de divisions. —
Enfin les ouvrages généraux, qui n'ont pu être classés,
sont portés dans une troisième partie.
On voit comment ce travail de M. Halkin est large-
ment compris et comment il s'adapte parfaitement à la
réalisation du vœu du Congrès mondial de Mons. Il
embrasse les publications ethnograi)hiques au sens
large, qui se rapportent à tous les peuples de la terre.
Par ces perspectives mondiales, il dévoile la portée
de l'œuvre mondiale du Bureau international d'ethno-
graphie, dont, pour ma part, j'ai prouvé la possibilité de
réalisation en ce qui concerne l'Afrique nègre.
*
* •
Mais revenons à la question spéciale de cette mono-
graphie. 8
- ii4-
11 y a quatre ans, au début des réalisations de sociolo-
gie descriptive, la Société belge de Sociologie publia un
premier essai de monographie, dû au professeur Halkin
et relatif aux Ababua.
Il fut approuvé par les uns qui voyaient poindre avec
joie la méthode nouvelle de publication par question et
par fiche détachable, il fut critiqué par les autres qui
jugeaient avec pitié la modestie de ce i^remier effort
documentaire. La Société reconnut qu'elle avait eu tort
de prendre, pour échantillon, une peuplade sur laquelle
on possédait en somme, peu de renseignements; mais
elle ne fut pas ébranlée dans sa foi en la méthode nou-
velle, qui fut depuis reprise par son président en vue de
la publication de la Collection de monographies ethno-
graphiques.
Afin de juger du progrès accompli depuis cinq ans,
qu'on veuille bien comparer l'actuelle monographie des
Ababua à la première (i).
La Bibliographie dépouillée, seule, comporte dix
pages de titres, tandis que l'autre ne remplissait pas
une demi-feuille. L'iconographie emplit onze pages; rien
n'était renseigné dans la première. Et ainsi du reste.
Le total des pages monte cette fois à plus de 600
contre 170 à peine.
Et que de lacunes comblées ! Exemple : En 1907,
M. Torday, dans le compte rendu élogieux qu'il publiait
de l'essai de M. Halkin, regrettait de ne pas avoir
renseigné un vocabulaire même rudimentaire de l' Aba-
bua. Cette fois, deux vocabulaires l'un complétant
il) On peut obtenir cette première Monographie pour i franc chez les
éditeurs de la Collection des Monographies ethnographiques.
— ii5 —
l'autre peuvent lui être i^résentés; celui de M. l'ingé-
nieur de Calonne-Beaufaict et celui d'un nègre lui-
même, l'Ababua Tisambi.
Soulignons de suite la collaboration de ce nègre (i).
C'est le X3remier essai de ce genre que novis avons tenté,
au cours de notre enquête. Et M. Ilalkin, qui l'a com-
biné, nous parait avoir pleinement réussi. De ce côté
encore, il a ouvert une voie féconde.
Et voyez comme cet indigène met de la précision dans
l'état et la mentalité ses concitoyens. M. Tilkin, ancien
chef de poste de Libokwa, sur la Bima, et qui faisait
partie de ces premiers explorateurs qui, campés dans le
pays, ne parvenaient pas à se rendre comxite de ce qui
se passait dans l'intérieur des têtes — avait répondu au
« questionnaire ethnographique et sociologique i^ublié
en 1898 par l'Etat Indépendant du Congo » : « Li'Ababua
n'a pas d'idées religieuses ; il ne croît pas à des génies
mais au mauvais esprit : Likundu » . « Il ne croît pas à
un Dieu unique, ni à plusieurs dieux ». «- Les idoles
sont des emblèmes ». « Il n'y a pas de sorciers.., mais
des féticheurs. »
Et voici que, sûr de lui, Tisambi déclare : « Le mau-
vais esprit s'appelle iî/emôa chez les Ababua. Celui qui le
possède peut entrer dans une hutte même si la porte est
fermée, rendre quelqu'un malade ou le faire mourir, enle-
ver quelqu'un dans les airs. L'Ababua croît à un Dieu
unique: Kounzi. Les Ababua ne possèdent pas d'idoles.
(i) Tisambi (Louis), né à Balisi, village dépendant du chef Tcliikenané,
âgé de 22 à 28 ans; a quitté le pays des Ababua vers l'âge de i5 à iCi ans;
était de passage à Liège comme domestique d'un magistrat de l'État Indé-
pendant du Congo.
— ii6 —
Si la pluie tarde à tomber, le féticheur fabrique un sifflet
dans lequel il siffle, et alors la pluie tombe. Il agit de
même s'il désire que la pluie cesse et pour chasser les
maladies ».
Ainsi, pour qui est familiarisé avec les systèmes
idiologiques d'Afrique, les quelques déclarations de
Tisambi jettent des éclairs brillants sur la mentalité
religieuse des Ababua. Entourez cette essence des
commentaires de M. de Calonne-Beaufaict, et des obser-
vations sobres mais substantielles de MM. Périn et de
Renette, et vous aurez acquis des idées nettes, dans
une des matières cependant les plus difficiles à déter-
miner avec précision.
Les explorateurs qui ont collaboré à l'enquête orale
ou écrite, qui a permis d'édifier cette septième mono-
grapliie, ont droit à toute notre gratitude.
Les admirables travaux de M. l'ingénier de Calonne-
Beaufaict, que publia d'abord le Mouvement Sociolo-
gique international, ont trop attiré l'attention sympa-
thique du monde savant, pour avoir besoin d'un
commentaire nouveau. Cet explorateur est passé au
rang d'un ethnographe de premier ordre.Je me réjouis,
pour la science, qu'il s'occupe de nouvelles recherches
scientifiques en Afrique.
M. le baron de Renette de Villers-Perwin est le même
qui assura de sa distinguée collaboration la mono-
graphie quatrième, consacrée aux Mangbetu. Il exerça,
comme on sait, le commandement supérieur des terri-
toires de rUelé et du Lado, jusqu'en 1907. Son premier
— 117 —
départ pour l'Afrique date de 1898 ; il fit partie de
l'expédition du Nil; il commanda la zone des Makrakra.
Comme commissaire du district de l'Uelé, pendant
plusieurs années, il rayonna dans et autour du pays
des Ababua, qu'il a su observer avec une finesse et
une i)récision égales à celles dont ses notes sur les
Mangbetu portent la marque.
■ M. le lieutenant Jean Périn fut au service de l'Etat
indépendant du Congo entre 1898 et 1902. Il travailla
dans les zones du Bas-Uelé et fut longtemps en contact
avec les Ababua, dont il décrit les mœurs avec précision,
sobriété et clarté.
Quant à mon collaborateur M. Viaene, il fut pour
M. Halkin d'un dévoûment éclairé et d'une utilité de
premier ordre. Je l'avais autorisé à iDuiser dans mes
collections documentaires tout ce qui pouvait contri-
buer à l'achèvement de la monograiDliie des Ababua.
Il accomplit sa part de labeur avec zèle et intelligence.
A tous ces collaborateurs de la nouvelle monographie
des Ababua, j'adresse des félicitations et des remer-
cîments, que confirmeront nos lecteurs, sans aucun
doute.
Cyr. Vax Overbergh.
i^ Janvier igii.
IX.
INTRODUCTION
A LA
Monographie des Mandja
->4*-
Lorsqiie le jury du groupe des Sciences visita, en
juillet dernier, le salon de la Collection des ^Monogra.-
phies ethnographiques qui fut organisée à l'Exi^osition
Universelle de Bruxelles (i), un des membres étrangers
posa la question suivante :
< Pourquoi, parmi les monographies publiées à ce
Jour, ne trouve-ton aucune étude sur les peuplades
africaines qui ont leur habitat en dehors du Congo
belge ? La force comx)arative de votre immense entre-
prise serait bien plus féconde et démonstrative si vos
sondages ethnographiques étaient faits sur une aire
plus étendue que celle des possessions belges. Chacune
des nations qui participent à la colonisation de
l'Afrique nègre y trouverait, du reste, son intérêt et la
science universelle vous devrait une bien plus grande
reconnaissance. »
Il fut répondu :
(i) Pour la description de cette Exposition ethnographique, voir Intro-
duction des Kuku, monographie sixième, de la Collection. y.riilj
— 120 —
« Les premières monograpliies publiées s'occupent
des peuplades du Congo belge, parce que le Eoi Léo-
pold II, qui s'intéressait à l'œuvre naissante, avait
demandé à l'auteur de commencer par l'État Indépen-
dant du Congo. — « Je désire vivement, ajoutait Léo-
» iDold II, appliquer sans tarder à mon Royaume afri-
» cain, les conclusions qui se dégageront de votre tra-
» vail ethnographique. Je transmettrai ces monogra-
» phies à mes fonctionnaires et magistrats, aux niis-
» sionnaires et aux exi^lorateurs, à tous ceux que leurs
» fonctions mettent en contact direct ou indirect avec
» les indigènes. Je les engagerai tous à vous envoyer
» des renseignements nouveaux ou rectificatifs. Ainsi
» nous pouvons espérer connaître rapidement et à fond
» ces hommes dont nous avons charge d'âme; nous
» pourrons les élever graduellement et méthodique-
» ment â une civilisation supérieure, sans heurts
» brusques et rationnellement. Ceux qui demain
» reprendront l'œuvre civilisatrice des mains de mes
» collaborateurs d'aujourd'hui, seront un jour à môme
» de continuer le sillon jDresque sans interruption.
» Comme dit M. Solvay, le productivisme de nos fonc-
» tionnaires d'Afrique atteindra ainsi peu à peu le degré
» maximal... Travaillez vite, concluait le Roi; il me
» tarde d'aboutir. Je voudrais que la Belgique prit sur
» le terrain ethnographique africain une place d'hon-
» neur. »
» A des encouragements semblables, il était difficile
de résister. Et voilà pourquoi les sept premières mono-
graphies sont consacrées à des peuplades de ce qui était
alors le Congo belge.
— 121 —
5> Cependant bien d'autres monograiihies complète-
ment achevées sont sous presse ou en manuscrit, à la
disposition du jury. En voici dix-sept dont plusieurs
traitent des tribus occupant des territoires en dehors
des possessions belges. Ainsi, dans un temx^s relative-
ment court, le vœu si judicieux du membre du jury qui
a bien voulu interroger, sera complètement réalisé. Le
champ d'observation des lecteurs de monographies sera
considérablement élargi. Des sondages ont été faits
aussi bien dans les possessions anglaises et portugaises
que dans l'Afrique française^ allemande et italienne. »
» Mais pour ai3X3récier l'œuvre dans son ensemble il
ne faut pas se borner à la considération de la Collection
des Monographies. Ce serait prendre les échantillons
pour l'ensemble des marchandises accumulées dans le
magasin.
» En effet, notre Œuvre a dépouillé à ce jour près
des trois quarts de la bibliographie existant en toute
langue — livres, brochures, j)ériodiques, journaux, cata-
logues, etc. — sur les nègres d'Afrique.
» Toute cette documentation, comprenant aujour-
d'hui plus de trois cent mille pièces, est classée de
diverses manières, dont l'une est conforme à celle de la
Collections des Monographies, De sorte que les rensei-
gnements groupés sous chacun des 202 numéros du
questionnaire sont en tout temps comiDarables, n'im-
porte à quelle tribu ils sont relatifs. La comparaison
horizontale est à tout moment possible, tout comme la
comparaison verticale. N'oublions pas du reste, que
cette bibliographie n'est qu'un des éléments de l'œuvre,
la partie morte, si l'on j)eut dire. A côté d'elle se classe
— 122
le résultat inédit des enquêtes orales ou écrites, pour-
suivies à travers rAfri(iue et en Europe, auprès des
explorateurs et des missionnaires les plus compétents.
C'est ce qu'on pourrait appeler « la partie vivante » .
» L'œuvre n'a pas encore pu envoyer des missions
spéciales de savants en Afrique, mais elle se tient en
rapport avec plusieurs d'entre elles ; elle recueille les
résultats de toutes et prend contact avec celles qui
s'organisent, qu'elles relèvent des Musées ou des Gou-
vernements.
» Ainsi la Collection des Monographies n'est, en
somme, que l'élément de publicité d'une œuvre ethno-
graphique immense, dont les sondages s'étendent à
toute l'Afrique nègre.
» C'est pour elle qu'une distinction est sollicitée
auprès du jury des sciences de l'Exposition Universelle
de Bruxelles (i). »
La monographie des Mandja du Congo français, que
nous publions aujourd'hui, a obtenu un tour de faveur
par la triple raison — que l'explorateur français,
M. Gaud, a achevé son enquête avec une maîtrise qui
sera remarquée — que le gouvernement français a
honoré notre œuvre d'encouragements qui méritaient
une reconna-issance immédiate — et enfin, qu'il n'est
peut-être pas d'autre monographie qui soit jusqu'à pré-
sent d'un enseignement plus concluant en certaine
matière civilisatrice.
(0 Ajoutons que l'œuvre ethnograpliitiue, exposée <à Bruxelles, a obtenu
la plus haute distinction, le Grand P/v'.v.j dans la Classe des Sciences,
Groupe 1.
— 123 —
Après une carrière africaine déjà remi:>lie, M. Gaud(i)
a séjourné au Fort Crampel, où aboutissait et d'où sor-
tait presque tout le gouvernement de la région des
Mandja, étudiés dans ce volume. Son passé universi-
taire l'avait préparé aux méthodes scientifiques (2).
Plus d'un passage imi)ortant de cette étude trahit le
spécialiste; nombre d'observations frappent par leur
originalité et ouvrent des perspectives nouvelles sur
l'ethnographie africaine. Et il n'est pas jusqu'à son
style net et irréels qui ne témoigne de la haute culture
(i) Notice sur rer-nand Gaud, étudiant en sciences, médecine et pharmacie
à l'Université d'Aix (Marseille). Pi'éparateur de chimie à l'Université,
1890-1894; professeur adjoint, iSyS-iSgS; officier de réserve, rappelé à
l'activité et nommé inspecteur de la Garde indigène du Congo, 1899-
1901 ; nommé aux fonctions d'administrateur de la région de Bangi,
puis au commandement des 4*^ et 5" compagnies de Garde indigène ;
procureur de la République intérimaire près le tribunal de Brazza-
ville; passé dans le cadre des affaires indigènes, en 1902, et chargé des
fonctions de commandant du poste de Fort Crampel, de janvier igoSà
novembre 1904. — Titulaire de laMédaille Coloniale, avec agrafe Tchad
et bénéficiaire de deux campagnes de guerre, 1903-1904.
(2) Travaux et Publications antérieures du jiême auteur.
Sur un nouveau mode de dosage pondéral du glucose, Compte rendu de
l'ACADÉMIE DES SCIENCES, t. CXIX, 478.
Sur un cas particulier de l'attaque du glucose par les alcalis, Ibid.,
t. CXIX, G04.
Sur les dosages de glucose par liqueurs cupro-alcalines, Ibid., t. CXIX.
Recherches sur l'oxydation des alcools par la liqueur de Fehling, IBID.,
t. CXIX, 8(5a.
Sur le passage de l'acide propionique à l'acide lactique, IBID., t. CXIX, goS.
Spectrophotométrie des différentes sources lumineuses, Ibid., t. CXXIX,
759.
Sur l'incandescence par l'acétylène, BULI^ETIN OFFICIEL DE LA SOCIÉTÉ
TECHNIQUE DE L' ACÉTYLÈNE, 1898, Io3.
Calcul des canalisations avec abaque, Ibid., 1898, i>S3.
Lampes à récupération à l'acétylène, Ibid., 1899, 107.
Sur les appareils delà première catégorie, Ibid., 1899, 108.
L'Acétylène source de chaleur, C'omj)te rendu du Congrès de Buda-Pest,
1899, 428.
Sur le débit des brûlures à acétylène, Ibld., 1900, 5i.
Organisation politique des Mandja, dans la REVUE DES ÉTUDES ETHNOGRA-
PHIQUES ET SOCIOLOGIQUES, juillet I908.
— 124 —
intellectuelle du principal auteur de ce livre. Assuré-
ment les Mandja étudiés ne sont qu'une partie des
Mandja qui habitent les possessions françaises de
l'Afrique occidentale. Mais ce sont ceux qui intéressent
le plus la France, la science et la civilisation :
La France, iDarce que ces Mandja habitent la princi-
j)ale route de ravitaillement du cœur des possessions
françaises du Tchad et du Chari.
La science, parce qu'il n'est peut-être pas de peu-
plade, dans cette imrtie de l'Afrique, qui n'ait été
visitée par un i[)lus, grand nombre d'exi)lorateurs,
s'échelonnant du reste depuis vingt ans.
La civilisation, parce que fixés sur le grand chemin
du portage, il n'est vraisemblablement pas d'indigènes
dont l'expérience démontre mieux le caractère du fléau
qu'apporte, au début, Toccupation euroi3éenne, déga-
geant ainsi par opposition, une des leçons civilisatrices
les plus hautes.
Le deuxième motif qui mérite à la ]3ublication de la
monographie des Mandja un tour de faveur, c'est l'in-
térêt que le Gouvernement français voulut bien mon-
trer dans le cours de l'année dernière à la Collection
des Monographies ethnographiques.
On s'en souvient, l'entreprise trouva un appui très
encourageant auprès de l'Listitut de France. Successi-
vement, l'Académie des Sciences morales et politiques,
l'Académie des Inscriptions et des Belles-lettres et
l'Académie des Sciences donnèrent leur adhésion au
principe de l'immense œuvre de cooi)ération internatio-
— 125 —
nale, issue du Congrès d'expansion mondiale de Mons
figoB). On sait que ce fut l'origine et la justification de
l'adhésion du Gouvernement français à la Conférence
internationale des Etats qui a déjà réuni tant d'adhé-
sions officielles dans les diverses parties du monde.
Lorsqu'en décembre 1909, j'eus l'honneur de saisir le
Gouvernement français de l'œuvre de la Collection des
Monographies ethnographiques, M. Doumergue, alors
Ministre de l'Instruction publique, ne se contenta pas
d'une adhésion i)latonique et d'un encouragement ver-
bal. Saisissant sur-le-champ la portée scientifique de
ces travaux de sociologie apî)liquée, il décida de les
placer dans les établissements d'enseignement supé-
rieur. Dans sa pensée, c'était là, en attendant la déci-
sion de la Conférence des Etats sur le Bureau interna-
tional lui-même, une adhésion nouvelle et pratique aux
principes qui avaient triomphé à Mons. Un simple désir
était formulé en plus, non une condition : qu'à l'avenir
la Collection des Monographies africaines renfermât
quelques études sur les peuplades des populations fran-
çaises.
La publication des Mandja est une première réponse
à ce désir officiel, qui correspondait trop bien du reste,
au principe international de l'œuvre, pour ne pas rece-
voir une prompte satisfaction.
Ce qui frappa surtout M. Doumergue, ce fut, ai-je
dit, la portée scientifique de la Collection des Mono-
graphies.
« Aujourd'hui, disait-il, l'étude des sciences sociales
s'oriente de plus en plus vers les sociétés primitives.
C'est sur ces groupements, à l'organisation encore peu
— 126 —
compliquée, que la science se penche pour essayer de
découvrir les lois sociologiques de la vie sociale. Pres-
que toute la science des religions, par exemple, n'est-
elle pas aiguillée vers les questions de totémisme, de
mânisme, etc. ? Des contributions à la sociologie posi-
tive, comme ces monographies, voilà ce qu'il faut à nos
hommes de science qui, à défaut d'une documentation
plus ample, en sont réduits dei)uis trop longtemps à se
renvoyer les mêmes exemples classiques, qui sont trop
rares en somme et trop peu observés pour servir de
base à des théories générales qui convainquent.
» En répandant ces volumes à consultation facile et à
classement souple, je suis convaincu que je rends un
service à nos Universités, où s'élabore la science d'au-
jourd'hui, de demain surtout. »
Troisième motif de la publication des Mandja : l'im-
portante leçon de civilisation qu'elle dégage.
Une des préoccupations les plus hautes des auteurs
du questionnaire ethnographique de la Société belge
de Sociologie, qui sert de base à l'enquête et aux publi-
cations des Monographies, ce fut l'élévation graduelle
des indigènes étudiés, à un état de civilisation jdIus
avancée. Vers ce but suprême convergent la plux^rt
des questions qui n'apparaissent i)as d'ordre purement
scientifique. Et le n° i86 qui s'occupe des relations des
indigènes avec les civilisés, n'est au fond qu'un des
côtés du problème ; sans doute dans beaucoup de cas,
c'est la race blanche qui apporta aux nègres africains
— 127 —
une civilation supérieure ; mais il arrive qu'elle
déchaîne, elle aussi, des fléaux destructeurs de vies et
de prospérité. Dans l'un cas comme dans l'autre, il est
du plus haut intérêt de noter les résultats de l'expé-
rience. La politique civilisatrice s'enrichit autant par
ses échecs que par ses victoires.
Or, c'est surtout par les résultats négatifs que l'expé-
rience des Mandja peut profiter à la science de la civili-
sation.
Exemple : Nulle part mieux qu'ici on ne peut suivre
les effets meurtriers du portage, imposé par les néces-
sités de l'occultation euroi)éenne.
Le pays des Mandja étudiés dans ce livre, est tra-
versé par la g-rande voie de ravitaillement des postes
du bassin du Haut-Chari et du Tchad : le Fort de
Possel, le Fort Crampel et le Fort Sibut en sont les
Jalons principaux.
Fort de Possel s'élève sur la rive droite de l'Ubanghi,
au confluent de la rivière dénommée Kerno : c'est là,
écrivait Fourneau en 1904, qu'étaient débarqués les
ravitaillements en vivres, munitions, marchandises
d'échange, matériel, etc., destinés à la subsistance et à
l'organisation des vastes pays qui s'étendent Jusqu'au
nord et à l'est du lac Tchad.
L'évacuation se fait ensuite sur Fort Crampel et sur
Fort Sibut. Dans le premier cas, le transport ne peut
se faire qu'à tête d'homme et ce fut un affreux calvaire.
Dans le second cas, outre la voie de terre, à courtes
étapes, de 20 à 25 kilomètres, il y a la voie navigable
de la Tomi, encaissée et sinueuse, qu'on peut remonter
pendant six mois. De Fort de Possel à Fort Sibnt, la
— I2t
route s'allonge à travers un pays peu accidenté :
« plaines herbeuses, tacliées çà et là de taillis de peu
de densité, d'arbustes racliitiques et clairsemés. » De
la Tomi au Fort Crampel il y a six étapes de 24 à
38 kilomètres; vers la moitié du chemin se trouve la
ligne séparative des bassins du Congo et du Tchad ;
l'altitude de la crête ne dépasse pas 56o mètres.
Cette route cependant devint rapidement le chemin
de la mort. Les malheureux porteurs tombaient les uns
après les autres pour ne plus se relever; les tribus
avoisinantes étaient décimées par la corvée ; le désert
se fit dans les alentours et, du Congo au Tchad, ce ne
fut qu'une fuite, sous le coup de l'épouvante.
« Le sentier qui va du bassin de l'Ubanghi au Haut-
Chari, écrivait Chevalier en 1904, traverse un pays
aujourd'hui complètement désert, mais où existaient,
il y a peu d'années encore, des villages populeux; les
habitants ont fui pour se soustraire au portage et aux
rapines des noirs affamés qui parcourent cette route. »
Et M. Avon précisait : « Le portage, comme l'a fait
remarquer justement le capitaine Lenfant à propos d'un
autre territoire, au Niger, est désastreux pour un pays;
les noirs ne peuvent s'astreindre à cet impôt très dur
qui souvent les décime. Faire de 3o à 40 kilomètres par
jour avec des caisses de aS à 3o kilogrammes sur la
tête, répéter cette corvée chaque mois, bien qu'ils
soient payés par quelques cuillerées de perles et point
molestés, les incitent à faire le vide et à transporter
leurs pénates à 100 ou 200 kilomètres à droite ou à
gauche des pistes suivies par nous, et leur recrute-
ment devient chaque jour plus lent, plus difficile, plus
incertain. »
— 129 —
Et voici que M. Chevalier développe sa pensée dans
son grand ouvrage sur l'Afrique centrale française :
« On nous fit un aveu pénible; parmi les hommes
réquisitionnés comme porteurs, les uns mouraient en
route de fatigues et de privations, les autres, dès qu'ils
rentraient dans leur village, étaient incapables de pro-
créer tant ils étaient épuisés. Plus tard, Toqué me
raconta exactement la même chose. La famine étrei-
gnait tout le village que, quatre ans i)lutôt, Gentil
avait trouvé en pleine prospérité ; le portage était la
principale cause du mal, et il ne i)ouvait en être autre-
ment.
» Pendant une partie de l'année presque tous les
hommes étaient occupés à porter des charges sur la
route de ravitaillement, ou à travailler à l'aménage-
ment de cette route, ou encore à faire des corvées dont
l'utilité n'était pas toujours immédiate. Pendant ce
temps, non seulement les cultures étaient négligées,
mais encore le i3eu de plantes vivrières étaient réquisi-
tionnées par les Européens ou les Sénégalais garde-
pavillon ; elles servaient à l'alimentation des miliciens,
des boys et des porteurs s'il en restait ; et la j)lupart
du temps on donnait aux porteurs l'équivalent de la
ration en perles bayacas, la monnaie du pays; ils gar-
daient les perles, mais mouraient de faim en s'acquit-
tant de leur corvée ou bien « chapardaient » des vivres
quand ils trouvaient des cultures à proximité de la
route. 5)
Ainsi s'ouvre la perspective des maux causés par le
portage : l'épuisement et souvent la mort, la rapine et
la famine, la fuite et le vide, et naturellement comme
— i3o —
conséquence extrême la désaffection et la liaine, et
jusqu'à la rupture du lien politique et social.
Le portage fut vraiment un coin meurtrier introduit
dans l'arbre en pleine croissance de la société Mandja;
il le fit sauter dans les directions les plus diverses et
finalement l'atteignit dans ses œuvres vives.
Pour bien se représenter cette réi)ercussion du por-
tage dans la vie sociale des Mandja, il imjDorte de se
rappeler la vitalité et la solidité de cette société plus ou
moins primitive. De temps immémorial, les groux^e-
ments Mandja sont fixés sur cet immense plateau
ondulé dont l'altitude va s'élevant dans la direction de
l'Est-Xord-Est, ligne départage de l'Ubanghi-Tcliad.
Ces nègres au teint cuivré, robustes, agriculteurs et
sédentaires ne paraissent pas appartenir au même
groupe ethnique que les autres populations qui les
entourent ou les compénètrent.
Le bloc des Mandja attachés à la terre comme des
plantes au sol n'a pu être entamé au cours des temps
par les assauts furieux et répétés des peuples Nord-Est,
les Banda par exemple.
Toutefois ceux-ci se sont glissés entre les masses
Mandja et sont comme des îlots dans une mer. Vo3^ez la
carte ; c'est frappant.
Cette poussée Banda, on en connaît la cause. Ces
peuplades étaient terrorisées et décimées par les chas
seurs d'esclaves, les Nubiens et les Ouadaiens. Après
les razzias de Rabah (1879-1882) ce fut un exode général
vers l'Ouest. Les fuyards se heurtèrent aux Mandja
incrustés dans leur sol ; malgré leur nombre et leur
bravoure, ils ne purent les chasser; ils s'infiltrèrent
— loi
pourtant par les points de moindre résistance. Beaucoup
s'implantèrent; ce sont les colonies actuelles; les
autres retournèrent peu à peu sur leur propre territoire.
Les Mandja donc ne s'étaient xDoint laissé entamer
par cette terrible invasion. Ils résistèrent de même et
avec non moins de succès aux bandes des chasseurs
d'esclaves.
Et lorsque les premiers blancs parurent sous l'aspect
de la mission Maistre, leur bravoure opiniâtre de ter-
riens farouches qu'on dérange se révéla avec un tel
éclat que les explorateurs se virent contraints de renon-
cer à la manière forte et ne purent réussir à s'attirer
leur bienveillance et à s'implanter dans le pays que par
une tactique d'amitié et de paix. Une fois bien ancrés
dans leur sympathie, les chefs de l'occupation française
purent faire des appels répétés aux services indigènes.
Liorque en 1899, il fallut demander aux Mandja un
effort énorme pour faire passer à travers le Haut-Chari
les charges immenses et le matériel de guerre, dont le
bateau à vai^eur démonté de la mission Gentil, le grand
chef Makuru n'hésita pas à prêter aux blancs toute son
autorité et toutes ses forces. Ces charges immenses
furent transportées à tête d'hommes.
Si la corvée s'était bornée à ces occasions exception-
nelles, les Mandja n'eussent pas songé à se plaindre.
L'amitié du blanc leur avait valu la certitude de ne plus
être razziés par les chasseurs d'esclaves, qui, furieux de
leurs échecs, continuaient aies menacer.
Mais en 1901 fut créé le Territoire militaire du Tchad
et les charges s'accumulèrent dans les magasins de
transit, et les réquisitions de porteurs se répétèrent
— l32 —
sans cesse et toujours plus pressantes, et les effroyables
calamités du portage intensif se révélèrent dans toute
leur horreur. Les Mandja terrorisés par la menace per-
pétuelle s'enfuirent; le vide se fit dans les villages de
la route; les villages eux-mêmes disparurent; et le
rayon de cet abandon grandit rapidement jusqu'à loo,
200 kilomètres et davantage.
Les autorités françaises, contraintes par la nécessité,
usèrent de tous les moyens de pression sur les chefs.
Ceux-ci s'inclinèrent devant la force, mais virent
leurs ordres méconnus par leurs clans. L'horreur du
portage fut plus forte que l'autorité, la tradition et tout.
Le portage fit, en somme, sauter le groupement poli-
tique Mandja et ce ne fut pas un de ses moindres mé-
faits.
La portée de cette conséquence est considérable si
l'on se rappelle que le x^hénomène i)olitique n'est ici
qu'un aspect du i)hénomène familial, qui est lui-même
la base du groupement social et toute l'idéologie qui le
guide.
Bien plus, le portage ébranla l'édifice social des
Mandja jusqu'à son fondement le plus profond, je veux
dire son fondement économique,
M. Gaud le démontre avec une évidence qui, à ma
connaissance, n'a pas encore été égalée.
Comme, d'une part, le pays est peu giboyeux et peu
favorable à l'élevage, et que, d'autre part, dei)uis l'arri-
vée des Européens, les indigènes ne peuvent i^lus se
régaler — du moins ouvertement — de chair humaine,
les Mandja, végétariens par nécessité, ont dû concen-
trer tout leur effort sur l'agriculture. A l'homme le gros-
— i33 —
œuvre, le choix de la terre, l'abatage des arbres, le
débrouissaillement au couteau, l'incendie des abatis. Aux
femmes et aux enfants le nivellement et les plantations.
A tous les membres de la famille le sarclage à la houe,
l'arrachage des herbes et la récolte.
Or, pour récolter 2,000 kilos de mil, i)rovision néces-
saire à une famille de trois à quatre personnes, il faut
cultiver plus d'un hectare et demi et fournir un travail
de 120 à i5o jours.
Comme la durée de la végétation du mil est d'environ
7 mois, de mai à décembre, on voit, observe M. Gaud,
quel temps considérable absorbent les soins dont il faut
entourer ses plantations. La surface entretenue en état
constant de culture, s'élève à environ 3 hectares pour
une famille de trois grandes personnes Si l'on tient
comi)te que la A^égétation est susj^endue de décembre à
mars, comme les travaux agricoles ne peuvent s'accom-
plir que pendant les 8 mois restants, c'est seulement
8 X 3ox 10= 2,400 heures de travail que la famille
pourra consacrer utilement à son exploitation agricole,
soit environ 8 heures pour 100 mètres carrés, chiffre
extrêmement réduit et bien au-dessous de celui qui
représente le temi^s consacré en Europe à conduire une
récolte d'un bout à l'autre de sa carrière.
Deux conclusions découlent de ces xjrémisses :
La première est relative à la durée du travail : dix
heures de travail par jour, sous ce soleil d'Afrique cen-
trale, quel effort ! Où donc est la légende qui représente
la vie de tout nègre comme celle d'un lézard au soleil,
au sein d'une nature prodigue ?
La seconde conclusion concerne directement notre
— i34 —
sujet. Si pour une cause quelconque la main-d'œuvre
est distraite de la culture, le rendement diminue infail-
liblement, et... c'est la famine avec son triste cortège.
Ainsi se découvre l'horrible perspective des consé-
quences du portage qui enlève périodiquement le tra-
vailleur à sa famille et à son champ.
Généralement, dès le mois d'octobre, la famille
Mandja a éi)uisé ses réserves : « D'où la famine pendant
les deux mois qui i^récèdent la maturation du mil » .
Ainsi s'expliquent, même en dehors des suites mor-
telles du portage, le découragement de l'agriculteur, le
désespoir des chefs de famille, l'affaiblissement graduel
de la race et la haine du blanc.
Autrefois, disent les Mandja, la razzia des chasseurs
d'esclaves était terrible, mais c'était une trombe qui
passait. Ai^rès l'horreur de la rafale, revenait la paix
des beaux jours. Aujourd'hui c'est l'écrasement régu-
lier, systématique, mensuel, annuel, toujours recom-
mençant.
Mais, dira-t-on peut-être, du fait que l'agriculteur est
soustrait à son travail par le portage pendant quelques
jours par mois ne doit pas résulter nécessairement la
famine. Car, enfin, le porteur utilisé par l'Administra-
tion euroi^éenne est paj^é et ce salaire peut équilibrer
son budget.
Observons de plus près le phénomène du i)ortage.
M. Gaud estime — à la suite do calculs intéres-
sants — que la dépense d'énergie correspond pour
chaque jour de portage à 55o tonnes-mètres et chaque
jour de route à aSo.
« Or, cette dépense est bien supérieure à celle que
— i35 —
des expériences faites en Europe attribuent normale-
ment au travail humain; les exemples classiques de
Coulomb ont montré qu'un homme chargé ne peut pas,
sans inconvénient, produire plus de 33o tonnes-mètres
par journée de marche et encore faut-il qu'il soit
alimenté proportionnellement. »
Pour se maintenir en équilibre physiologique, le
porteur doit avoir un supplément quotidien minimum
de 4» 100 calories. Pour six jours, il lui faudrait lo kilos
de farine de mil, 800 greimmes de viande et 60 grammes
de sel.
« En réalité il n'emporte ni ne reçoit à peu près rien. . .,
il crève de faim, et comme en raison de la rareté des
vivres et de l'inexistence de marchés il ne peut pas se
servir des marchandises d'échange avec lesquelles
l'Administration rétribue sa corvée, ses six jours de
route sont six jours de jeûne.
» Aussi, une fois rentré chez lui, s'il ne trouve pas à
manger assez pour réparer ses forces, comme c'est le
cas j)our beaucoup en saison de pluies, alors que les
greniers sont vides, l'indigène s'achemine rapidement
vers la mort. »
Ainsi se déroule la chaîne des conséquences :
Même dans des conditions relativement favorables et
sans les complications de mauvais traitements, d'acci
dents de route ou de terrain, le i)ortage aboutit à l'épui-
sement du porteur.
Ij'éiDuisement du porteur l'empêche de soigner sa cul-
ture, qui souffre déjà un dommage considérable du fait
de son absence. La culture négligée engendre la famine.
La famine affaiblit la race quand elle ne la tue pas ;
— i3ô —
elle pousse fatalement à la maraude, au i)illage, aux
violents actes d'exception, qui par leur répétition se
convertissent en habitudes et pervertissent les mœurs.
Dans ces conditions, la crainte de nouveaux portages
se mue en épouvante ; celle-ci provoque la fuite dans le
lointain de la brousse, d'où la dislocation du clan et de
la famille.
Les clans décimés attestent la ruine du pouvoir i^oli-
tique traditionnel ; le chef, rendu resi)onsable i)ar le
blanc et sommé de fournir de nouveaux porteurs, se
voit dans l'impossibilité de s'exécuter.
Lia punition dont il est l'objet remplit son cœur
d'amertume. Ou bien, il se révolte s'il en a encore la
force, et quatre-ving-t-dix-neuf fois sur cent, il est
écrasé ; s'il ne perd pas la vie, il n'espère de salut que
dans la fuite.
C'est le vide le long de la route. Et ce vide augmente
de rayon, à mesure que le portage s'accentue.
Cependant, à mesure que les besoins de l'occupation
blanche se multiplient et se compliquent, le besoin de
porteurs s'intensifie.
Aux yeux des noirs, le portage revêt ainsi l'aspect
d'un minotaure, en comparaison duquel la chasse d'es-
claves d'autrefois devient i)resqu'une idylle.
Lorsqu'on songe que le portage, qui sévit depuis des
années chez les Mandja, était la suite inévitable de la
première occupation des blancs en Afrique centrale,
qu'ainsi la civilisation apparaissait à ces peuplades
sous l'aspect de cette corvée de famine et de mort, on
s'explique bien des résistances et des révoltes, et com-
bien de fuites et de retraites dans la brousse !
- i37-
La politique coloniale qui connaît le mal, doit doré-
navant appliquer des remèdes.
Et ces remèdes sont aussi simples qu'évidents : sup-
primer le portage i)artout où c'est i)ossible. Où il n'y a
pas d'autre moyen de transport, ni mécanique, ni ani-
mal, organiser les étapes, le ravitaillement et le salaire
de telle manière que le porteur n'en souffre pas dans
sa constitution organique et dans son économie domes-
tique.
Cette conclusion ci\dlisatrice, qui se dégage de la
monographie des Mandja, n'est qu'un exemple. Com-
bien de semblables pourraient en être déduites en
d'autres domaines !
C'est ce dont le lecteur se convaincra à la lecture de
ce livre, auquel M. Gaud a consacré tant de mois de
labeur intelligent.
Cyr. Van Overbergh.
->4^
X.
PREFACE
A LA
Monographie des Balioloholo
La Préface de la Monographie des Kuku, cinquième
de la Collection, était consacrée à la participation de
notre œuvre ethnographique à l'Exposition interna-
tionale et universelle de Bruxelles (1910).
Des cinq classifications documentaires de notre
Répertoire — qui compte des centaines de mille de
renseignements sur l'Afrique nègre seule — l'une
d'elles, la cinquième, celle relative à la classification
sociologique d'après une formule déterminée, souleva
une vive curiosité dans le monde scientifique.
Depuis l'essai d'Herbert Spencer, on n'en avait guère
vu d'une aussi vaste portée.
Des éclaircissements nombreux me furent demandés;
des critiques se précisèrent; une discussion des plus
féconde se poursuivit.
Les amis et les adversaires de la réalisation proposée
se mirent d'accord pour me demander d'exposer la
question dans une des Préfaces de nos Monographies,
— i4o —
en tenant compte, autant que possible, des perfec-
tionnements suggérés et accomplis.
A ce désir répondent les pages qui suivent.
•
Voici comment les deux classifications d'ordre socio-
logique, la quatrième et la cinquième, étaient décrites
dans la Préface des Kuku :
« La classification par ordre sociologique comprend
deux collections.
» La première est divisée suivant les grandes divi-
sions du questionnaire. La seconde est divisée suivant
une formule sociologique scientifique.
l^yy a) Les divisions de la première suivent l'ordre
ci-après : Renseignements géograï)liiques et ethnogra-
phiques généraux (questions i à 9). — Vie matérielle
(questions 10 à 64). — Vie familiale (questions 65 à 100).
— Vie religieuse (questions loi à 122). — Vie intellec-
tuelle (questions 128 à i5o). — Vie sociale (questions
i5i à 18G). — Caractères anthropologiques (questions
187 à 202).
» b) Les divisions de la seconde collection sont au
nombre de neuf : Le teiTitoire (milieu physique) . — La
population (la race). — Phénomène économique. —
Phénomène génésique. — Phénomène esthétique. —
Phénomène idéologique. — Phénomène moral. — Phé-
nomène juridique. — Phénomène politique.
» Tandis que la première classification est d'ordre
plutôt pratique, la seconde est d'ordre rigoureusement
scientifique.
» Si, en effet, toute société n'est qu'une combinaison
- i4i -
de deux facteurs fondamentaux : le territoire et la
population qui l'habite, il est nécessaire de donner les
deux x>ï'emières places à ces deux titres : milieu phy-
sique et race. Il est logique aussi de ranger les sept
phénomènes sociaux essentiels dans l'ordre de leur
complexité croissante et de leur généralité décrois-
sante. C'est i3ourquoi l'économique est au premier rang
et la i)olitique au dernier.
» Dans les deux classifications du reste, chacun des
202 numéros vient se ranger : dans la première, suivant
l'ordre des chiffres; dans la seconde, suivant l'ordre
des phénomènes sociaux.
» Dans le dossier de chacun des 202 numéros des
deux classifications, se trouvent rangés tous les rensei-
gnements de chacune des peuplades, par ordre alpha-
bétique des régions et des peuplades.
» Ainsi, voulez- vous posséder les renseignements sur
les boissons africaines, j)renez le dossier du n" 27.
» Désirez-vous étudier la mentalité religieuse des
habitants de l'Angola, prenez, dans les dossiers des
n°^ loi à 122, les fiches concernant l'Angola.
w Et ainsi de l'ensemble et des détails de chacun des
phénomènes sociaux.
» On voit tout de suite que les deux classifications,
dites sociologiques, sont là. entre autres, i)our con-
vaincre le monde savant de la possibilité de classer
les fiches détachables d'après n'importe quel système
scientifique ou i)ratique.
» Si les trois premières classifications j)euvent être
qualifiées de verticales, parce que, sur un tableau, elles
aligneraient leurs renseignements de haut en bas, les
— 142 —
deux dernières doivent être dénommées horizontales,
puisqu'elles apparaissent comme des coupes d'un bout
à l'autre de l'Afrique. »
Les critiques furent de deux espèces.
Toutes deux se concentraient sur la classification
cinquième, celle qui avait pour base une formule socio-
logique déterminée.
Les critiques de la première espèce se rattachaient à
la manière dont les 202 numéros du questionnaire
étaient rangés sous les divers facteurs et phénomènes
sociaux : critiques de détail, auxquelles il put être
satisfait dans la plupart des cas. Je publie ci- après le
résultat de cet effort collectif (paragraphe I) .
Les critiques de la seconde espèce émanaient des
sociologues; elles portaient sur le fond même de la
division générale, sur la hiérarchie des facteurs et des
phénomènes sociaux.
Le paragraphe deuxième résume l'état de la question.
L'opinion publique sera juge.
— i43 —
§ I. LA CLASSIFICATION CINQUIÈME \
dite sociologique spéciale. j
!
A. — La peuplade. j
1. (i) Le nom.
.1
I
B. — Les facteurs sociaux.
I
I. — Le territoire. j
I
1
2. (2) Milieu physique; (situation géographique de 1
la peuplade; — climat, météorologie, orologie, hydre- \
graphie, géologie et fertilité du sol, faune, flore, etc.) j
3. (3) Cartes, \
1
II. — La population (la race). |
{Caractères somatiques.'^ j
4. (187) Taille. j
5. (188) Tête et crâne. j
6. (189) Peau. I
7. (190) Cheveux. î
8. (191) Yeux. I
9. (192) Mains.
10. (198) Déformités naturelles. ]
11 (194) Déformations artificielles. j
( Caractères phys io l ogiq ues.)
12. (195) Force musculaire.
13. (196) Attitude du corps.
- i44 -
14. (197) Acuité des sens.
15. (198) Temi)érature du corps.
16. (199) Nutrition.
17. (201) Fécondité.
18. (202) Maladies.
19. (200) Influence du milieu physique.
{Caractères mentaux.)
20. (8) Etat physiologique et mental général.
21. (143) Mémoire.
22. (i44) Imagination.
23. (145) Invention et recherche.
24. (146) Entendement.
25. (147) Observation.
26. (148) Raisonnement.
27. (149) Prévoyance.
28. (i5o) Perception.
29. (i3o) Talent artistique inventif.
{Rapports avec les races voisines.)
30. (7) Parenté avec les tribus voisines.
C. — Les phénomènes sociaux.
I. — Le phénomène économique.
31. (5) Occupation principale.
{Circulation.)
32. (164) Voies de communication.
33. (137) Transport par eau.
34. (i38) Transport sur terre.
— i45 —
(Production.)
35. (47) Instruments du travail.
36. (48) Cueillette.
37. (49) Chasse.
38. (40) Pêche.
39. (61) Agriculture.
40. (52) Elevage.
41. (53) Tissage, couture, confection.
42. (54) Vannerie.
43. (55) Poterie.
44. (56) Métallurgie.
45. (57) Meunerie.
46. (58) Travail du bois, voir aussi 33 (137).
47. (59) Corderie.
48. (60) Tannerie.
49. (61) Teinturerie.
50. (62) Extraction des minerais et des roches.
51. (63) Autres métiers.
[Echange.)
52. (162) Commerce.
53. (i63) Monnaies, mesures, poids,
{Consommation . )
(Nourriture.)
54. (20) Espèces de nourriture.
55. (22) Préparation culinaire.
56. (23) Cuisine.
57. (24) Repas.
58. (25) Mets permis et défendus. Voir aussi 174
(io4).
59. (26) Excitants.
- i46 - ;
60. (27) Boissons. ■'
61. (28) Anthopojphagie. ;
62. (29) Géophagie. j
63. (3o) Conservation des aliments. ^
(Cliauffage et éclairage.) ;
64. (21) Façon de se procurer du feu. '
65. (45) Chauffage. j
66. (44) Éclairage. j
(Vêtement.) .
67. (34) Vêtements proprement dits, forme. ;
68. (35) Vêtements, matière.
69. (26) Chaussures. 1
70. (27) Coiffure. j
(Habitation.) ;
71. (39) Etablissement et situation. j
72. (4o) Habitation transportable. J
f
73. (41) Habitation-type. ji
74. (42) Réparations. ji
75. (43) Meubles. l
fi
76. (46) Groupement des habitations ; village. .'
Organisation sociale. |
77. (i65) Régime économique ; division du travail.
78. (182) Organisation financière. ,
79. (174) Classes et castes. j
80. (175) Esclavage. \
81. (93) Situation sociale des membres de la famille. \
82. (171) Vie nomade. '
83. (172) Vie pastorale.
84. (173) Vie sédentaire. \
— i47 —
II. — Le phénomème génésique.
(Le mariage.)
85. (76) Rapports entre les sexes avant le mariag-e.
86. (82) Empêcliements au mariage.
87. (77) Fiançailles.
88. (78) Mariage.
89. (79) Nature du mariage.
90. (80) Formes du mariage.
91. (81) Cérémonies du mariage.
92. (83) Le mari.
93.. (84) La femme.
94. (85) Dissolution du mariage.
95. (86) Les eunuques.
(L'enfant.)
96. (65) Avant la naissance.
97. (66) La naissance.
98. (67) Soins donnés à la mère, au père.
99. (68) Soins donnés à l'enfant.
(La famille.)
100. (88) Composition,
101. (87) Autorité.
102. (90) Relations entre les membres de la famille.
103. (89) Où habitent les enfants mariés?
104. (92) Rôle des voisins dans la famille.
105. (94) Arbre généalogique.
(Décès.)
106. (96) Les derniers moments d'un moribond.
107. (97) Le mort avant son enterrement.
108. (98) Les funérailles.
— i48 —
109. (99) Manière d'agir des parents envers le
décédé.
110. (100) Modifications produites dans la famille
par le décès.
(Population.)
111. (4) La population en général.
112. (6) Population flottante, émigration, immi-
gration.
113. (70) Mouvement de la population.
114. (69) Causes qui limitent la population.
III. — Le phénomène esthétique.
115. (3i) Parures à même le corps, coloriage.
116. (82) Id., tatouage.
117. (33) Id., objets suspendus au corps.
118. (11) Esthétique de la chevelure.
119. (38) Ornements et parures déterminant le rang,
la classe, la fonction, etc.
Embellissements à l'habitation. (Voir sur-
tout n° 74 [42].)
120. (i25) Dessins et peintures. (Voir aussi les Arts
industriels à Phénomène Economique.)
121. (129) Sculpture.
122. (i3i) Matières employées dans les dessins ,
peintures, sculptures.
123. (124) Littérature.
124. (127) Chant.
125. (128) Musique.
126. (126) Danse.
127. (i33) Théâtre.
— i49 —
IV. — Le phénomène idéologique.
(Religion.)
128. (loi) Animisme.
129. (102) Mânes.
130. (io3) Fétiches.
131. (io5) Totems.
132. (107) Idoles.
133. (108) Culte des pliénomènes physiques.
134. (ii3) Monothéisme ou polythéisme.
135. (120) Dieux.
136. (118) Mytholog-ie.
137. (116) Manifestations religieuses sociales,
138. (106) Magie.
139. (117) Ilites et culte.
140. (121) Temples.
141. (109) Ame humaine.
142. (iio) Vie future.
143. (122) Sacerdoce.
144. (74) Education spéciale du prêtre.
145. (119) Sociétés religieuses secrètes.
(Philosophie).
146. (m) Spiritualisme.
147. (112) Matérialisme.
148. (ii5) Philosophie.
(Sciences.)
149. (128) Ecriture. Pour langage, voir 123 (124).
150. (i35) Mathématiques.
151. (i34) Astronomie.
152. (189) Division du temps.
100 —
153. (i36) Science de l'ingénieur.
154. (95) Maladies, accidents, remèdes.
155. (140) Médecine et chirurgie.
156. (64) Légendes relatives à l'invention des mé-
tiers. Voir aussi Légendes relatives à la découverte du
feu 64 (21) et Folklore 136 (118).
157. (141) Histoire.
158. (142) Géographie.
(Education.)
159. (71) Education physique.
160. (18) Lutte.
161. (19) Jeux ayant pour but le développement mus-
culaire.
162. (72) Education intellectuelle.
163. (78) Education morale.
164. (75) L'initiation.
V. — Le phénomène moral.
(Quelques coutumes spéciales.)
165. (10) Soins de propreté.
166. (12) Ongles.
167. (i3) Epilation.
168. (i4) Sommeil.
169. (i5) Natation.
170. (16) Equitation.
171. (17) Portage.
172. (i32) Jeux, divertissements.
(Les mœurs et la morale.)
173. (9) Mœurs en général.
— i5i —
174. (io4) Tabou.
175. (114) Morale.
Pour les mœurs des divers phénomènes spéciaux, voir
les numéros des titres de la troisième division C : I, II,
III, IV, VI, VII (mœurs économiques, génésiques,
esthétiques, idéologiques, juridiques et politiques).
VI. — Le Phénomène juridique.
(Droit civil.)
176. (166) Droit civil personnel et réel.
177. (i5i) Propriété des meubles.
178. (i52) Propriété des immeubles.
179. (i53) Nature de la propriété.
180. (91) Propriété familiale.
181. (154) Limites des propriétés.
182. (i55) Origine de la propriété et du droit de pro-
priété.
183. (160) Droit sur les choses trouvées.
184. (159) Droit de chasse, de pêche, d'abatage, de
cueillette.
185. (161) Succession.
186. (167) Droit civil relatif aux contrats.
187. (157) Location.
188. (i58) Usufruit.
189. (i55) Domaine public.
(Droit pénal.)
190. (168) Droit pénal.
191. (169) Procédure pénale.
192. (170) Droit d'asile.
102
VII. — Le phénomène politique.
(Intérieur.)
193. (176) Organisation politique distincte de la
famille.
194. (181) Le système politique.
195. (177) Le chef.
196. (178) Les assemblées.
197. (180) Officiers inférieurs.
198. (179) Associations secrètes.
199. (i83) Situation politique des étrangers.
(Extérieur.)
200. (184) Relations pacifiques.
201. (i85) Relations guerrières.
202. (186) Contact avec les civilisés.
I. Afin d'établir un rapport constant entre les deux
classifications d'ordre sociologique — la quatrième et la
cinquième — les numéros de la classification quatrième
correspondent exactement à ceux du questionnaire,
mais, après chacun d'eux, on trouA^e entre i^arenthèses
le numéro d'ordre de la classification sociologique
cinquième.
Comme cette dernière, ainsi qu'on le voit dans le
tableau ci-dessus, possède son numérotage spécial, avec,
après chaque numéro, entre parenthèses, celui qui cor-
respond dans la classification quatrième, il en résulte
que la mise en rapports est constante et obvie.
Pour différencier les numéros d'ordre de la classifi-
cation cinquième de celle de la classification quatiûème,
les chiffres sont en caractères gras (dans le manuscrit^,
ils sont soulignés).
— i53 —
2. Les fardes qui renferment les renseignements de
chaque numéro sont de dix couleurs différentes. Cha-
cune de ces couleurs correspond à une des dix grandes
divisions sociologiques, à savoir : 1 . Le nom de la peu-
plade (A.). — 2. Le territoire (B. 1). — 3. La i)opula-
tion (B. II). — 4- 1^6 phénomène économique (C. I). —
5. Le phénomène familial (C. IL. — 6. Le phénomène
esthétique (C. III). — 7. Le phénomène idéologique
(C. IV). — 8. Le phénomène moral (C. V.). — 9. Le
phénomène juridique (C. VI). — Le phénomène poli-
tique (C. VII).
3. Voulez-vous obtenir les renseignements sur
les « classes » dans l'Afrique nègre, demandez le dos-
sier 79 (174)- Vous posséderez tout ce qu'on sait sur
ce phénomène social dans toutes les littératures du
monde.
Après avoir dépouillé le dossier, vous pourrez vous
livrer, sans aucune perte de temps, à votre travail per-
sonnel d'invention. Votre énergie pourra être con-
centrée sur la parcelle de nouveauté que vous ajouterez
aux connaissances humaines.
Et cette parcelle elle-même, aussitôt publiée, sera
annexée à sa place dans le prédit dossier.
Pas un sociologue qui ne convienne qu'une telle
classification est un progrès.
Mais combien ont fait des réserves sur la formule
classificatrice elle-même ! L'examen de cette question
va nous occuper dans le paragraphe suivant.
i54
§ II. Pourquoi le choix s'est porté
SUR LA FORMULE SOCIOLOGIQUE INDIQUÉE.
Pourquoi, m'écrit un partisan des idées de l'abbé de
Tourvilleetde Demolins, choisir une formule classifica-
trice qui s'éloigne de la nôtre ?
Pourquoi ne pas poursuivre simjDlement l'œuvre
entreprise par H. Spencer en matière de sociologie
descriptive? me demande-t-on d'Angleterre.
Pourquoi, observe un fervent de l'Idéalisme histo-
rique, ne pas classer les phénomènes sociaux de manière
à donner la i)rédominance aux plus décisifs, aux phéno-
mènes intellectuels?
Et ainsi chacun d'argumenter du point de vue exclu-
sif de son système, de sa conviction ou de ses préfé-
rences.
A tous j'ai répondu ceci :
« Je ne conteste aucunement l'utilité de classer les
renseignements de notre répertoire d'après chacune des
diverses classifications sociologiques qui ont cours
dans le monde. Je suis même convaincu qu'il ne se
rencontrerait aucun obstacle technique insurmontable.
» La difficulté gît dans l'impossibilité d'avoir, pour
le moment, autant de collections qu'il faudrait pour
atteindre ces buts multiples.
» Le jour où l'œuvre entière aura pu être imprimée,
l'obstacle aura disparu. Et chaque sociologue qui pos-
sédera un exemi^laire pourra réaliser le classement de
son rêve.
» Qu'il n'y ait aucune impossibilité technique, la dé-
— i55 —
monstration peut en être fournie, dès maintenant, par
les documents des neuf Monographies parues. Je l'ai
essayé avec succès pour les classifications préconisées
par M. Worms, j)ar Demolins, par Roberty, etc.
» Pourquoi, j'ai choisi la formule classificatrice
exposée au début de cette préface ?
» Par la raison bien simple que je la crois la meilleure
et la plus claire.
» Je ne prétends pas discuter ici l'importance compa-
rative des divers phénomènes sociaux, et notamment
la question de savoir si les facteurs idéologiques
doivent ou non l'emporter, en dernière instance, sur les
facteurs économiques ou géographiques. Cette discus-
sion relèA^e des controverses académiques. Je la pour-
suis dans d'autres ouvrages.
» Quelle que soit la vérité, il reste, en toute hypo-
thèse, qu'il est nécessaire de distinguer ces phénomènes
les uns des autres et de ranger sous des rubriques
appropriées les renseignements qui relèvent des uns et
des autres.
5) Notre travail, tel qu'il est, apporte les documents à
pied d'œuvre, classés d'une façon claire, de la façon
la i)lus claire possible.
» Que les savants s'en emparent pour l'édification de
leurs édifices scientifiques.
)) La formule classificatrice, choisie par nous, ne
figure ici qu'à titre d'exemple.
» On avait dit et répété : « Une telle œuvre est chi-
» mérique, impossible, étant donné l'amas extrême
5) des documents. »
» J'avais répondu : « C'est possible. »
— i56 —
» Et voici une démonstration... »
Mes correspondants et contradicteurs ont fini par
admettre la légitimité de ce x^oint de vue, tout en
regrettant de ne pas pouvoir disposer dès maintenant
d'un exemplaire du Répertoire afin de le classer chacun
suivant son idéal.
Mon désir le plus vif est de leur donner cette satis-
faction au plus tôt. Mais qui résoudra les difficultés
financières?
Pour imprimer à un nombre suffisant d'exemplaires
un semblable travail, il faut le concours de Mécènes ou
l'intervention des Gouvernements.
Cyr. Van Overbergh.
XI.
INTRODUCTION
A LA
Monographie des Baholoholo
La méthode des sondages exig-e qu'une Monographie
de la Collection soit consacrée à une peuplade des grands
lacs africains.
Longtemps j'hésitai dans le choix de la peuplade.
Finalement la préférence fut donnée aux Baguha,
surnommés Baholoholo.
Ces gens habitent le long du Tanganika ; ils ont des
rapports constants avec les Baluba, cette variété
raciale aux ramifications immenses dont je poursuivais
l'étude par ailleurs avec les Pères Blancs d'Afrique ; ils
constituent un type de société nègre autrefois très
prospère, aujourd'hui anémiée, dégénérée, en marche
vers la dissolution, ce qui permet de voir comment et
pourquoi une peuplade décline et meurt ; enfin, un
observateur ethnographique de premier ordre, qui avait
vécu au milieu de ces misérables, connaissant leur lan-
gue et leur mentalité, s'offrait à les i)résenter au monde
savant.
C'était plus de raisons qu'il n'en fallait pour accorder
aux Baholoholo un tour de faveur.
— io8 —
Cette Monographie offre ce caractère spécial qu'elle
est l'œuvre d'un seul auteur.
Combien de fois ne m'avait-on pas écrit : « Votre mé-
thode comparative de publication, toujours selon le même
plan, est excellente pour les œuvres en collaboration;
elle permet à chacun d'apporter sa pierre à l'édifice.
Mais... elle ne vaut pas pour l'écrivain unique. Vos cadres
torturent sa x^ensée. L'expérience vous prouvera que
vous ne réussirez pas à mettre sur pied des Monogra-
phies qui soient l'œuvre d'un seul. Celui-ci préférera
toujours sa fantaisie à la forme rigide que vous exigez.»
En vain, je démontrais le contraire. Sans doute le
« littérateur » préférerait obéir à son caprice et à son
inspiration. Mais nous ne faisons pas de la littérature.
Sans doute, l'observateur non suffisamment armé pour
répondre à toutes les questions et néanmoins désireux
de faire croire au iniblic qu'il l'est, choisira le livre
« égotiste » plutôt que la contribution rationnelle et
disciplinéequ'exige notre système. Mais le savant dont
les matériaux sont nombreux et solides, et qui est
possédé du sentiment élevé de son devoir vis-à-
vis de la collectivité, i)ourquoi ne chercherait-il i^as
plutôt à faire rentrer son effort dans un cadre qui
assure le maximum de productivité à l'œuvre d'en-
semble ?
En vain, j'argumentais des Monographies cinquième
et sixième, dans lesquelles MM. Delhaise et Vanden
Plas avaient été presque seuls à rendre témoignage.
Le préjugé tenace subsistait et plusieurs collabora-
teurs sur lesquels je comptais se dérobèrent sous ce
prétexte.
— i59 —
Pour en finir, je résolus de publier coup sur coup deux
Monographies importantes qui seraient l'une et l'autre
l'œuvre exclusive d'un seul collaborateur.
De ces deux Monographies, la première, la voici ; la
seconde est presque imprimée. L'une est relative avix
Baholoholo, l'autre aux Baluba. Celle-ci a pour auteur
le E,. P. Colle, missionnaire des Pères Blancs; celle-là
est écrite par M. Robert Schmitz, docteur en droit,
ancien magistrat, le brillant collaborateur de la Mono-
graphie des Basonge (i).
Ces deux travaux, vraiment hors ligne démontreront
ce que peut faire, en matière ethnograiDhique, l'homme,
m.ême isolé, qui avec une préparation suffisante, se con-
sacre systématiquement à l'observation des indigènes
au milieu desquels il vit.
Qu'on m'entende bien ! Il n'a pas été renoncé à la
méthode qui veut sur chaque i)euplade le dossier com-
plet de tout ce qu'on a publié sur elle. C'est une des
originalités de la collection de Monographies, qui a été
louée le plus parle monde savant. Mais, pour répondre aux
contradicteurs auxquels Je faisais allusion tantôt, il est
fait deux exceptions à la règle. Plus tard ces Monogra-
phies des Baholoholo et des Baluba seront complétées
par la publication des fiches supplémentaires portant
sur les renseignements bibliographiques et iconogra-
phiques.
On pourrait intituler la Monographie des Baholoholo:
« Une peuplade qui meurt. »
M. Schmitz estime qu'ils ne sont plus que cinq à six
(i) Prière de rectifier à toutes les fiches le nom exact de l'auteur,
M. R. Schmitz, et nou Schmidt.
— i6o —
mille et il indique deux causes du dépérissement de
la race :
D'abord « les maladies infantiles et la maladie du
sommeil » ; ensuite et « surtout les pratiques sui^ersti-
tieuses : accusations de sorcellerie, épreuves du poison,
meurtres des sorciers » .
Ce sont assurément les causes « internes » princi-
pales. Mais à côté d'elles que d'autres ont sévi !
Sans doute les Baholoholo n'ont pas trop souffert des
esclavagistes. Les Arabes avaient besoin de ces indi-
gènes du Tanganika « pour la garde de leurs embarca-
tions, de leurs dépôts de marchandises et de leurs
cargaisons d'esclaves ». Ils les ménageaient et affec-
taient des allures j)atriarcliales. La prospérité maté-
rielle des Baholoholo, il y a vingt-cinq ans, était
enviable. On comptait plusieurs grandes cités aux rues
larges et droites, bordées de vastes maisons en torchis,
à quatre pans, aux jardinets i)lantés d'arbres fruitiers
importés de la côte orientale. L'agriculture fleurissait.
Certains chefs indigènes possédaient des troupeaux de
cent têtes de bétail et plus. Le pays était sillonné de
routes commerciales importantes ; par là passait la
grande voie des caravanes du Manyema ; c'était un
va-et-vient continuel d'expéditions revenant chargées
d'ivoire ou partant chargées de ballots ; « à la rive, des
boutres dont on débarquait de l'huile, du sel, des
charges de café, des étoffes ; d'autres qu'on chargeait
d'esclaves, de farine, d'ivoire, de petit bétail ; des bar-
ques de x^êche rentrant au port » .
Il y avait bien les excitations des Arabes, lançant l'un
village contre l'autre ; il y eut l'invasion des Rouga-
— i6i —
Roug-a, qui réduisirent les indigènes en esclavage ; il
y eut les débordements des mœurs licencieuses. Mais
en somme, ce fut l'époque brillante de l'histoire des
Baholoholo.
Depuis l'expulsion des esclavagistes et des Arabes,
c'est la décadence.
Le port est déserté ; les grandes voies commerciales
n'existent plus ; les huttes misérables sont revenues ;
des agglomérations d'autrefois il ne reste plus que
quelques arbres échappés aux feux de brousse ; des
troupeaux, guère de trace ; on ne travaille presque
plus le fer, on ne tisse plus d'étoffes de coton ; on ne
sculpte plus de « ces escabeaux de cérémonie qui fai-
saient jadis l'admiration des Arabes, des tamtams
grandioses et des xylophones des temps passés » .
Si la brusque disparition des Arabes explique bien
des côtés de cette décadence, il faut avouer que la
politique des Européens porte, elle aussi, de lourdes
responsabilités. Voyez la cause occasionnelle de la
disparition de l'élevage :
« L'installation des Européens à Mtowa mit fin à
cette prospérité : les officiers de l'Etat Indépendant
trouvèrent vaches et bœufs fort de leur goût et s'emi^res-
sèrent d'en faire d'excellents beaf steaks. Les Baholoholo
se souviennent toujours de ce blanc qui, partant pour
Kiambi, fit de nuit une razzia monstre dans le village
où il logeait et s'en alla avec quatre-vingts bêtes en
laissant ses bagages à la garde de Dieu. Mais tout a
une fin : un beau jour, les chefs, se voyant à la veille
d'être ruinés, firent une hécatombe de ce qui leur
restait de bêtes et les mangèrent eux-mêmes. »
— l62 —
L'organisme politique, la tribu, disparut; « les chefs
virent leur autorité amoindrie, réduite à zéro ».
Le blanc exigea des corvées meurtrières : la construc-
tion et l'entretien des routes, le portage, la récolte du
caoutcliouc.
Les Baholoholo s'effarouchèrent : « Beaucoup étaient
morts à la besogne, beaucoup s'étaient enfuis; ce qui
restait n'avait plus la force de protester. '>
La maladie du sommeil faisait des ravages effroya-
bles ; « il n'y eut pas de doute pour les natifs que ce ne
fût un produit d'importation européenne ».
L'agriculture, la i^rincipale industrie, commença à
manquer de bras.
« Aujourd'hui, la grande plaine de la Lugumba, cette
Buanda fameuse où vivaient des populations immenses
et riches, est une jungle épaisse que traversent de
rares sentiers et de nombreux troupeaux de buffles ;
dans un rayon de 4 kilomètres autour du poste, on
compte a peine 65o âmes ; le lac Tanganika n'est plus,
comme jadis, sillonné par les flottilles arabes et l'appa-
rition d'une voile y est tout un événement; partout,
c'est le silence des êtres et la ruine des choses. Doulou-
reuse histoire que celle de ce peuple qui parut, au
siècle dernier, marcher plus rapidement que les autres
dans la voie du progrès, qui même, si l'on on croyait
ses légendes, habita des villes de pierres et connut la
houille et qui meurt aujourd'hui, décimé par la mala-
die du sommeil, ruiné par sa propre inertie, étouffé par
ses superstitions barbares dans de misérables huttes
où il ne peut entrer qu'en rampant. »
A mesure que la race dégénérait, l'autorité des
— iG3 —
devins et des sorciers grandissait ; les sociétés secrètes
imposaient un joug- terrifiant ; l'on vit « cette chose
inouïe d'une i:>euplade africaine devenant anthropo-
phage en plein XX^ siècle, après dix ans d'occupation
européenne ».
Les mœurs sexuelles n'ont guère de retenue. Le liber-
tinage est sans limite. Si la stérilité et l'infanticide
sont rares, la polygamie sévit avec le mariage précoce
et le massacre des enfants difformes et l'ignorance des
mères en matière de puériculture.
Qui s'étonnera que le nombre des décès soit supérieur
à celui des naissances ?
C'est le chemin de la mort.
« En résumé, conclut M. Schmitz, si les Européens
ont à leur actif quelques heureux changements : adou-
cissement de l'esclavage, sécurité des communications,
diminution du nombre de guerres intestines, ils ont de
graves reproches à se faire. Ils ont toujours vécu en
dehors de la vie des indigènes, ignorant tout de leur
vie familiale ou religieuse, traitant de fable les
récits de sorciers brûlés, d'enfants mangés, de nou-
veau-nés livrés aux fauves, etc., laissant s'implanter
à leur porte les plus formidables sociétés secrètes qui
soient, ne s'apercevant pas qu'ils avaient devant eux
non pas une peuplade évoluant normalement, mais une
peuplade qui dégénérait, un enfant malade qu'il fallait
ménager. »
Cyr. Van Overbergh.
XII.
INTRODUCTION
A LA
Monographie des Baluba
La Civilisation
méthodique de l'Afrique centrale
>*<
Il y a huit ans, au retour d'un voyage de trois mois
atix Etats-Unis et au Canada, je fus mandé par le Roi
Léopold II en son clialet d'Ostende.
— Cher Monsieur Van Overbergli, vos impressions
d'Amérique?
Une heure durant, je x)arlai de la nation américaine,
de son énergie, de son activité fébrile, de son élan fré-
nétique, de l'atmosphère de « records », qui dominait la
mentalité de ce peuple, en marche vers la conquête de
l'hégémonie économique : The first in the World. « Ah !
Sire, un bain d'air américain ferait plus de bien à nos
jeunes licenciés universitaires que la fréquentation de
dix universités européennes. »
— La question nègre ?
Et le regard du Monarque qui créa l'Etat Indépendant
du Congo se détacha de la mer bleue, chauffée par le
— i66 —
soleil de juillet, i)our se fixer sur son interlocuteur, à
le percer.
— La question nègre, Sire, c'est une des deux ou
trois plaies au flanc de l'organisme national américain.
— Une j)laie se guérit, Parlez-moi de la manière dont
les Américains s'y prennent pour perfectionner leurs
nègres.
— Ils les éduquent et les instruisent. Les plus vio-
lents de leurs adversaires, la masse des blancs du Sud,
rendent hommage à l'effort admirable de Booker Was-
hington, « l'esclave affranchi, » l'apôtre des nègres,
l'un des hommes les plus représentatifs de l'énergie amé-
ricaine.
Et longuement je décrivis l'effort de cet homme de
couleur, initié à la culture la plus haute par le général
Amstrong, et qui rêve d'élever ses frères à la hauteur
des blancs jDar le travail manuel et intellectuel.
— Si vous pouviez visiter Tuskegee, Sire, vous ver-
riez une École normale modèle doublée d'une école
professionnelle de i)remier ordre. Il y a là près de
i,5oo élèves, garçons et filles, tous nègres, formés par
des i)rofesseurs nègres. Les 60 bâtiments qui les abritent
furent construits i)ar des nègres sous la conduite d'ar-
chitectes nègres; ils coûtèrent plus d'un demi-million
de dollars ; le budget annuel de l'école est de 5oo,ooo fr.
C'est l'œuvre de Booker Washington, que M. Roosevelt
honore d-^ son amitié. Les 3o sections de l'Institut
forment des spécialistes qui souvent à leur tour sont
des apôtres, capables de créer de nouveaux centres de
culture. L'espoir des amis des noirs est que dans 25 ans,
tout le Sud des États-Unis sera couvert d'écoles du type
— 167 —
de Tuskeg-ee. La tâche est i)oursuiYie avec une indomp-
table énergie et un succès remarquable. Ces noirs d'élite
s'élèvent à la hauteur des blancs et parfois les dépas-
sent. Ils démontrent par le fait que le noir est perfec-
tible.
— Votre conclusion pour mon Cong'o ? Il faut que je
vous dise que le rêve de ma vie est d'élever les popula-
tions dont j'ai la charge. J'ai supprimé les guerres entre
tribus, arrêté les invasions, exi^ulsé les trafiquants de
chair humaine, mis fin à la traite, empêché l'alcool
d'empoisonner le cœur de l'Afrique, fait la guerre à l'an-
thropophagie, aux poisons d'épreuve, à toutes les cou-
tumes qui déshonorent l'humanité. Maintenant que la
pacification est terminée, et que les difficultés du début
sont vaincues, je voudrais chercher à relever mes noirs,
à les élever peu à peu à la hauteur de notre civilisation,
si possible. Que iDroposez-vous ?
— Sire, les Américains sont d'accord, Booker Was-
hington en tête, pour dire que l'élévation du noir sera
une œuvre de très longue haleine, et qu'elle ne pourra
se faire que graduellement.
— Bien entendu. Mais quelles senties étapes de notre
action?
— Il y en a trois, à mon avis. Il faut « former » avant
tout les fonctionnaires, les missionnaires et les colons
qui iront en Afrique : ceci ne peut se faire que dans un
ou plusieurs établissements spécialement outillés dans
ce but. C'est la première étape. Ainsi chaque blanc sera
un centre de rayonnement ; au point de vue des nègres,
ce sera une élite à imiter, dont l'effort de civilisation
se multipliera à raison de la x>ersonnalité de l'homme
— i68 —
et de la continuité de l'effort. La deuxième étape com-
porte la fondation et la multiplication au Congo d'écoles
primaires et professionnelles, à semer dans le pays noir,
aux centres nerveux, et de préférence chez les peu-
plades supérieures. La troisième étai3e consiste à favo-
riser la fondation des écoles nègres, genre Tuskegee :
rien ne vaut l'éducation du noir par le noir. En i)ra-
tique, on pourra pousser ces trois lignes à la fois, sui-
vant la loi de la moindre résistance.
— Je comprends. J'apxDrouve. Ne perdons pas de
temps. Faites-moi des plans.
— Sire, il faudrait commencer par étudier les mœurs
et les coutumes des nègres du Congo, car l'enseigne-
ment de ces diverses écoles doit être adapté à leurs
besoins précis.
— Votre conclusion?
— La permission de réfléchir, d'étudier, et de dresser
les plans demandés.
— Allez, travaillez vite ; souvenez-vous qu'il s'agit
du salut d'un Continent et de notre bon renom devant
le monde.
Et voilà comment naquit l'idée de l'Ecole mondiale
et du E-épertoire documentaire ethnograx)liique de
l'Afrique centrale.
Quelque temps après, à la Société belge de Sociologie^
M. le chanoine Camerlinck, aujourd'hui doyen d'Os-
tende, frappé de l'indigence et de l'arbitraire des ren-
seignements ethnographiques de Spencer — base de la
science positiviste contemiDoraine — proposa de refaire
et de compléter l'œuvre du grand anglais par une
— 169 —
enquête sur « les peuples de civilisation inférieure «.
Cette proposition était l'écho scientifique du travail
civilisateur que je méditais; n'étaient-ce point deux
faces d'une môme œuvre?
Charg:é, vers ce temps-là, de dresser le prog-ramme
du Congrès international d'expansion économique mon-
diale (Mons, igoS), je proposai d'inscrire à la section
d' « expansion économique » la question de l'Ecole mon-
diale et la question de l'organisation de l'enquête ethno-
graphique.
On se rappelle l'éblouissant succès de ce Congrès,
qu'on nomma le Congrès des Congrès de igoS.
Les brillants travaux sur l'Ecole coloniale devaient
aboutir à la constitution d'une Commission internatio-
nale qui fixât les programmes de l'Ecole mondiale.
Quant à la documentation ethnographique, la con-
clusion des débats sur les sept magnifiques rapports
déposés, fut la création du bureau ethnographique inter-
national. Sa mission était immense : il ne s'agissait de
rien moins que de rassembler, de classer et de publier
sur un même plan toiis les renseignements ethnogra-
phiques relatifs à tous les peuples de la terre.
On sait comment la mort de Léopold II paralysa
l'élan de l'Ecole mondiale, dont les plans et les pro-
grammes avaient été arrêtés et pour laquelle les res-
sources étaient prévues et réservées. Pendant qu'étour-
dis par la perte de leur Grand Roi, les Belges se
demandent encore comment ils s'y prendront pour con-
tinuer cette œuvre grandiose, qui aurait placé leur
nation à l'avant-garde des peuples colonisateurs,
l'étranger se hâta de prendre dans les programmes pré-
— 170 —
parés avec tant de soins ce qui pouvait lui convenir;
c'est ainsi que l'observateur attentif du mouvement
colonial assiste depuis quelque temps à ce singulier
spectacle, de voir que l'étranger applique au profit de
ses colonies les institutions que Léopold II songeait à
réserver d'abord à sa jysitvie.
Quant au Répertoire ethnographique, il marche de
l'avant, à travers des difficultés sans nombre. Des
Belges ont pris l'initiative de mener à bien, à titre
d'expérience, l'ethnographie nègre comx)arée. A la
récente Exposition de Bruxelles 191 o, on a pu voir,
dans un vaste salon de la Section des Sciences, le plan
de cet immense effort, la méthode de réalisation et les
résultats encourageants. Environ quatre cent mille
renseignements sur les peuplades africaines sont ainsi
rassemblés et classés. A titre d'échantillons, dix
volumes de Monographies (de 400 à 600 pages chacun)
ont été soumis à la critique du monde savant et de
l'opinion x>ublique. Bientôt, cette partie de l'œuvre
gigantesque, rêvée à Mons en 1906, sera accomi)lie;
elle sera prête à être publiée tout entière et mise à la
disposition des i)enseurs qui voient dans la science
d'observation comparée le levier de la sociologie féconde
et pratique.
C'est sur cette base, et notamment sur les dix Mono-
graphies publiées que je voudrais aujourd'hui — en
réponse à une demande de l'Association des Licenciés
sortis de l'Université de Liège — faire connaître un
IDian de travail qui a pour objet la civilisation ration-
nelle de l'Afrique nègre. La publication de ce plan a
pour but d'attirer l'attention de la jeunesse universi-
— 171 —
taire sur l'importance du sujet. Afin d'être plus clair,
je choisirai mes exemples dans la colonie belge. Mais
la portée des conclusions est générale : elle s'étend
à toute l'Afrique nègre. Peut-être que des vocations
s'éveilleront. Je souhaite de tout cœur qu'il se trouve
parmi nos jeunes hommes d'avenir, des collaborateurs
d'élite pour l'œuvre rêvée par les amis des noirs.
Nous disons aux jeunes gens : « Voici ce qu'on
sait à l'heure actuelle sur les coutumes de nos frères
nègres, dont nous avons la charge d'âme ; si vous vous
destinez à une carrière coloniale, étudiez les coutumes
des gens avec lesquels vous serez en contact, de façon
à les connaître, et à reprendre le sillon de vos j)rédéces-
seurs à l'endroit i:)récis où ils l'auront laissé ; ajoutez à
ce trésor de renseignements tous ceux que vous pourrez
et aussi toutes les améliorations ou inventions sociales
que vous^aurez réussi à appliquer avec succès. Si vous
êtes homme de science, étudiez l'un ou l'autre point,
selon votre spécialité, mais partez non d'idées générales
et préconçues, mais des observations pratiques et
dignes de foi.
§ I. — Considérations générales.
Toute Société est formée par la combinaison de deux
facteurs : un territoire et une population.
Ces deux facteurs sociaux engendrent des com-
binaisons de diverses natures : ce sont les phéno-
mènes sociaux, qu'on peut classer de plusieurs
— 172 —
manières. On a proposé de s'en tenir à un ordre de
la généralité décroissante et de complexité crois-
sante :
i) phénomènes économiques,
2) » familiaux,
3) > esthétiques,
4) » idéologiques,
5) » moraux,
6) » juridiques,
7) » politiques.
Puisque ces divers phénomènes s'observent dans les
sociétés les plus humbles comme dans les sociétés les
plus élevées, les sociétés de l'Afrique nègre les pré-
senteront avec des caractères propres et plus ou moins
développés.
Par méthode nous suivrons un ordre semblable dans
l'étude de notre civilisation rationnelle de l'Afrique.
Après nous être demandé ce que c'est que l'Afrique et
ses habitants, nous chercherons successivement en
chacune des sept classes des i^hénomènes sociaux, des
indications sur la manière d'améliorer les peuplades
nègres considérées, à un niveau de civilisation
sui^érieur.
Une observation préliminaire s'impose.
Je considère comme fausses les méthodes dites révo»
lutionnaires qui attendent un changement radical des
nègres en un court espace de temps et comme sous
l'action d'un coup de baguette magique. L'exemple de
l'Amérique devrait guérir à jamais nos mentalités de
cette maladie. Les nègres des États-Unis furent éman-
17J
cipés en i865 à la suite de la guerre civile du Nord
contre le Sud ; ils obtinrent du même coup leur libéra-
tion, le droit de suffrage, et la majorité; ils s'en ser-
virent aussitôt pour chasser les blancs des fonctions,
les tj^ranniser, leur imposer tous les impôts, piller les
caisses publiques, déconsidérer l'administration, mettre
en péril la civilisation elle-même. Ces grands enfants,
privés de toute éducation politique, comment pouvait-
on s'imaginer qu'ils auraient pu se servir des institu-
tions compliquées de nos civilisations raffinées ? Une
race n'ayant qu'une organisation sociale rudimentaire
ne francliit pas d'un bond tous les degrés qui la séparent
des hauteurs où brillent les institutions compliquées et
délicates de la race blanche.
M. Vandervelde juge ainsi et avec raison les résul-
tats de l'expérience Haïtienne :
« Tout ce que la colonisation française avait créé
tombe en ruines. Il n'y a plus guère de routes. Il n'y a
pas encore de chemins de fer et si les messageries fran-
çaises n'y faisaient pas des escales, si des Européens
assez nombreux — des Allemands surtout — ne s'étaient
établis dans les ports, si les mulâtres ne formaient
l'élément dirigeant, sauf dans l'armée, presque rien ne
représenterait à Haïti notre civilisation .
» A plus forte raison en serait -il de même si, par
impossible, les puissances coloniales d'Europe se déci-
daient à abandonner leurs possessions d'Afrique et si
elles n'y étaient pas remplacées par l'Islam.
» Certes les indigènes, pour la plupart, seraient très
satisfaits d'être débarrassés de toute domination étran-
gère ; ils pourraient se livrer de nouveau, comme par le
— 174 —
passé, aux douceurs de la guerre entre tribus ; ils
reconstitueraient, sans doute assez vite, l'organisation
ancienne de leurs communautés de village ; mais ils
seraient certainement incapables de conserver ce qui
■ — à nos yeux du moins — mériterait d'être conservé :
les lignes de chemins de fer abandonnées, seraient
bientôt recouvertes par la brousse ; les steamers cesse-
raient de sillonner le Congo ou le Niger ; les établisse-
ments euroiDéens tomberaient en ruines ; et vingt ans
après, il ne resterait plus rien des grands travaux qui
ont ouvert l'iiinterland africain au commerce mondial,
non sans d'immenses sacrifices d'argent et de vies
humaines. »
C'est mon opinion.
Le moyen d'élever la race nègre brusquement à la
hauteur de la race blanche n'existe pas. L'expérience a
consacré cette vérité.
Dans l'ordre social comme dans l'ordre physique, la
nature ne fait pas de bonds. C'est par une action per-
sévérante, patiente, nécessairement longue et compli-
quée, que le bloc des habitudes séculaires peut être
ébranlé, mis en mouvement, dirigé vers des fins supé-
rieures. L'œuvre des peuples européens, maîtres des
colonies, est d'aider les indigènes à évoluer, peu à peu,
suivant la ligne de leur développement, vers des hau-
teurs civilisatrices, de plus en plus élevées.
Quand on demande à Booker Washington combien de
temps il faudra, selon lui, aux noirs d'Amérique — bai-
gnés dans la civilisation — pour arriver à la hauteur
des blancs, l'apôtre répond : « Longtemps, très long-
temps ; nous commencerons par la production d'une
— 175 —
élite. Les étudiants qui sortent de Tuskegee valent en
capacité et en moralité les étudiants des autres races
qui sont de la même condition sociale. Ils sont déJLi des
milliers, semeurs de la bonne semence. Demain ils
seront cent mille, deux cent mille. Voilà le levain qui
fera fermenter la i)âte de nos dix millions de frères. Il
n'y a iDas cinquante ans que nos nègres d'Amérique
sont devenus libres. Les blancs n'ont-ils pas mis des
centaines et des centaines d'années à se civiliser ? Il est
vrai, qu'à raison de l'exemple que nous avons et des
moyens éducatifs modernes, nous x^ouvons avancer plus
rapidement. Mais il faudra du temps, de la patience et
de la vaillance. »
Mutatis mutandis, c'est ainsi qu'il convient de
répondre iDour l'Afrique.
Quand, grâce à la qualité supérieure des agents de
la civilisation européenne, les stations des blancs
seront autant de centres de rayonnement, quand les
écoles des missionnaires et autres auront fourni les
élites nègres, quand les représentants les plus autorisés
de ces élites auront multiplié les Tuskegee sur toute la
carte africaine, une immense poussée vers le progrès
soulèvera la race noire du Soudan au Cap, de la Guinée
à Zanzibar. Qui sait si l'Afrique, si longtemps déshé-
ritée, ne contribuera pas pour une part notable au pro-
grès de l'humanité, en marche vers un avenir plus con-
solateur ?
Ce ne sera pas l'œuvre d'un jour, ni d'un siècle. Mais
qu'est-ce qu'un siècle dans la vie d'un Continent et
d'une race ?
On se demande encore parfois si la politique des peu-
- 176-
ples colonisateurs doit être une « politique de domina-
tion >) ou une « politique indigène » . La colonie existe-
elle pour l'avantage de la métropole ou la métropole
pour la colonie ?
Je n'hésite pas à répondre que le gouvernement colo-
nial doit avoir en vue avant tout le développement de
la race indigène. Il est son tuteur plus que son maître
L'idée d'égalité qui est à la base de nos démocraties
modernes n'admet pas d'autre solution.
La métropole tendra la main aux peuplades arriérées
de ses colonies pour les aider à gravir l'échelle du
progrès.
De là, l'importance extrême du choix des agents
coloniaux, de leur préparation et de leur caractère.
Les lois de l'imitation, si admirablement décrites par
Tarde, n'opèrent nulle part mieux qu'en Afrique. Les
blancs sont, aux yeux des nègres, une aristocratie
auréolée de toutes les puissances. Leur exemple est
souverain.
C'est ce qu'avait si admirablement compris Léo-
pold II, le créateur de l'École mondiale, où devaient
achever leur formation, dans l'espace de temps le plus
court possible, non seulement les agents supérieurs de
l'administration, mais tous ceux qui, comme colons,
employés ou ouvriers, étaient susceptibles de contri-
buer d'une manière quelconque à l'évolution progres-
sive des peuplades arriérées.
Après un court exposé des deux facteurs fondamen-
taux, le territoire et la population, nous montrerons,
par quelques exemples des deux phénomènes sociaux
les plus différents, l'économie et l'idéologie, l'applica-
— 177 —
tion de la méthode que nous préconisons et qui fait
appel à la collaboration de tous.
§ 2. — Le premier des facteurs sociaux : Le territoire.
Le territoire du Congo belge a une étendue de quatre-
vingts fois la superficie de la Belgique. Il s'étend de la
mer aux Grands Lacs de l'Afrique centrale.
Presque pas de montagnes : la ligne des collines dite
Monts de Cristal, qui court parallèlement à la côte de
l'océan Atlantique; au sud-est, la chaîne des Monts
Mitumba; un x^en au nord de l'Equateur, à l'extrême-
est, le Ruwenzori, i)uissant et solitaire.
Entre la mer et les Monts de Cristal, s'étale une
première terrasse : elle comporte 5o,ooo kilomètres
carrés. Elle est fertile, contient des forêts admirables
et quelques mines.
Puis vient l'immense zone moyenne, d'une superficie
de 3,000,000 de kilomètres carrés. C'est dans son sein
que se déploie la courbe majestueuse du Congo, avec sa
chevelure de fleuves et de rivières. Comme débit d'eau,
le Congo est le premier des fleuves africains ; il occupe
le deuxième rang dans la liste des bassins fluviaux du
monde. Il est entouré par la grande forêt équatoriale,
dont la richesse et la beauté arrachèrent à Stanley des
cris d'admiration qui traversent l'histoire.
La zone supérieure, qui domine la zone moyenne de
5oo mètres, ne comporte que 760,000 kilomètres de
superficie. Elle comprend la fameuse région des mines
du Katanga, dont les richesses de cuivre et d'étain
fixent l'attention de l'univers.
- i7« —
Le relief du Congo belge apparaît, ainsi que l'a dit
Wauters, comme une série de terrasses étagées, partant
du rivage de l'océan Atlantique et s' élevant graduel-
lement vers l'est, le nord-est et le sud-est.
Sur cette immense pente douce, règne une chaleur
relativement uniforme de 28 à 27°, tout le long de
l'année.
Beaucoup de x^luies d'octobre en mai. De juin en
septembre, c'est la saison sèche, celle de la moindre
chaleur et qui donne l'humidité la plus faible.
Dans ce milieu, se développe une végétation prodi-
gieuse. Elle i)résente des aspects divers qui ont reçu
des noms caractéristiques : la forêt, le marais, la
galerie, la savane et la brousse.
L'immense foret équatoriale, qui s'étale de l'Uele
jusqu'aux Mitumba, couvre tout le fond de la cuve
congolaise, ancienne mer intérieure, où la i)luie tom-
bant toute l'année en averses, forme le plus merveilleux
spécimen de forêt vierge qui ait frappé Toeil humain.
Le marécage, qui côtoie ou entoure les rivières et
les lacs, joue un rôle important dans la pathologie
congolaise.
La galerie est la forêt du cours d'eau ; il arrive que
les rivières coulent à une profondeur notable de la
surface du bord; le voyageur qui navigue dans ces
défilés contemple la voûte de verdures qui, des deux
bords se rejoignent sur l'abîme : vue en profondeur, la
perspective est celle d'une galerie. Là croissent sur une
bande plus ou moins large des essences diverses et
riches.
Autour de la grande forêt, se déploie la savane; elle
— 179 —
occupe les terrasses supérieures. On dirait un verger
sans limites. Sur un océan d'herbes, des arbustes à
cime plus ou moins arrondie, qui ne dépassent guère
cinq à six mètres de hauteur.
Le restant du sol n'est qu'une steppe ou prairie, aux
graminées rudes, élevées, coupantes.
La flore utile s'étale. Ici, ce sont les lianes caout-
cTioutières, les bois de construction, d'ébénisterie, de
teinturerie ; là-bas, les palmiers élevés, le bananier,
l'arbre à kola ; puis, un peu i^artout, le manioc, la
patate douce, l'igname.
Tout ce territoire est i)euplé d'une faune riche,
diverse et nombreuse. Le centre africain est un paradis
pour le chasseur. Comme animaux domestiques, on ne
trouve j)our ainsi dire que les chèvres, les moutons, les
porcs, les poules et les chiens : le gros bétail est rare ;
la tsé-tsé lui a fait une guerre d'extermination.
§ 3. — Le second facteur s La population.
Sur ce riche territoire, dans la zone équatoriale et
torride, vivent depuis les origines, plusieurs variétés
de nègres. Une vingtaine de millions, croit-on. La
masse de la population est formée de Bantous. C'est un
nom générique qui veut dire « les Hommes » {Ba, pré-
fixe personnel pluriel, et Ntu = être humain). Ainsi
que le remarque M^"' Leroy, on a pris l'habitude de
désigner ainsi ce groupe linguistique considérable, qui
occupe la x>lus grande partie de l'Afrique habitée, en
deçà et au delà de l'Equateur, de l'i^tlantique à l'océan
— i8o —
Indien, du bassin du Tchad et du Victoria au cours de
l'Orange.
Les Bantous qui habitent le Congo belge offrent des
variétés de types, qui se précisent à mesure que l'eth-
nologie les étudie de plus près. Ils sont divisés en une
foule de peuplades dont la tribu forme presque partout
la base, sinon le centre. Ces peuplades se différencient
souvent par le langage , chacune à certaines coutumes
propres ; leur production est conditionnée par le milieu
physique.
Nos connaissances ne permettent pas encore de faire
une théorie détaillée de ces nègres, en général de taille
élevée, à la peau noire, au crâne allongé, au nez écrasé
et aux lèvres épaisses. Nous en sommes encore à la
période des études monographiques. La collection des
Monographies ethnographiques en a publié toute une
série : les Bangala, gens du fleuve; les Mayombe, des
forêts de la côte; les Basonge, de la savane ; les Warega,
de la grande forêt; les Baholoholo,des Grands Lacs, etc.
L'étude comparée de ces i)euplades, qui se sont dé-
veloppées dans des milieux physiques si différents,
permet de dégager un certain nombre de caractères
communs et de différences. Mais il serait prudent
d'attendre encore, avant d'oser, des conclusions défini-
tives.
Quoi qu'il en soit, ces nègres, dits Bantous, consti-
tuent la grosse masse de la population actuelle du
Congo; de-çi delà, on trouve des Negritos, plus connus
sous le nom de Pygmées. Ils sont disséminés dans et à
l'entour de la Grande Forêt équatoiiale. On voudrait
voir en eux les habitants primitifs de l'Afrique. Ils ne
- I«I —
constituent qu'un l'acteur négligeable de la population
actuelle du Congo belge.
Vers le Nord cependant, dans l'Uele se massent les
Azande, peuplade puissante, qui se rattacherait à ce
qu'on est convenu d'api3eler une race spéciale, et qui
s'enfonçait comme un coin dans le monde des Bantous
établis au Nord de la Grande Forêt, à l'heure où les
Européens occupaient les rives des affluents du Congo.
Au reste, au début de l'occupation belge, l'Afrique
centrale offrait le spectacle de l'Europe à l'époque des
invasions. Ce n'était qu'un va et vient de peuples, du
Nord au Sud, de l'Orient à l'Occident, du Midi au Sep-
tentrion. Les migrations étaient continues. Et dans cer-
taines plaines comme celles du Kasai, c'étaient des mê-
lées confuses, dans lesquelles la science actuelle cherche
encore un fil conducteur qui permettra un classement.
Il convient d'ajouter que, dans la partie orientale, les
chasses d'esclaves des Arabes augmentèrent la confu-
sion et le trouble.
L'occupation progressive de la contrée par les blancs
marqua la fin des grandes invasions. Les traitants
arabes furent écrasés ou refoulés. Les conquérants
Azande furent arrêtés. Et rapidement les peuplades
furent fixées au sol qu'ils occupaient.
En règle générale, ces peuplades avaient i^eu de
relations entre elles ; sauf les rapports de plus ou moins
grande vassalité entre les soumis et les conquérants,
sauf les échanges de services entre certains Pygmées et
les chefs Bantous, sauf les rares relations commer-
ciales, entretenues par les fleuves et les caravanes, les
tribus étaient indépendantes l'une de l'autre ; elles gar-
— l82 —
daient leur autonomie et vivaient comme elles pouvaient
sur le pays qu'elles occupaient.
Entre le territoire et la population, des combinaisons
pouvaient se remarquer, diverses et originales, qui se
traduisaient à rœil de l'observateur sous l'aspect de
l'un ou l'autre des phénomènes sociaux essentiels.
D'abord superficielles, ces observations iirirent peu à
peu un caractère de profondeur et de certitude, qui
s'imposa à la science. Le plan de la Collection de
Monographies ethnographiques est de x^ermettre à
l'étudiant de suivre la marche progressive de nos con-
naissances : le témoignage des premiers ex^ilorateurs y
est mis en présence des témoignages des voyageurs qui
les suivirent et des résidents. Ainsi, toutes les pièces
de l'enquête sont mises sous les yeux des lecteurs. Et
l'on voit les inexactitudes se redresser, les erreurs s'é-
vanouir, les précisions s'accentuer, les confirmations
se multiplier et la certitude ai)paraître.
Ainsi en va-t-il de tous les phénomènes sociaux, de-
puis le i)lus général, l'économique, jusqu'au plus rare,
le politique : échelle sociologique ascendante dont
chaque degré revêt un caractère nouveau de complexité.
Ce sont les degrés de cette échelle que nous devrions
parcourir, mais les limites d'une introduction ne per-
mettent de réaliser le projet qu'à coups d'exemples :
c'est pourquoi nous nous en tiendrons aux phénomènes
les plus difficiles et les plus différents : le phénomène
économique et le phénomène religieux.
Une erreur qui doit être dissipée avant tout, c'est
l'affirmation du caractère sauvat^e de ces peuplades
du centre africain.
— ibC) —
Ces nègres ne sont pas des « sauvages » , si l'on
entend par là des êtres humains « vivant à l'état
errant, sans lois, sans conventions, sans organisation
familiale et sociale ». Ces sortes de sauvages n'ont pas
encore été découverts en Afrique.
Ces nègres sont-ils dépourvus de toute civilisation ?
Non ; en général, leur société est assez développée ;
parfois même elle s'élève à une hauteur qui surprend.
Et les étonnements des explorateurs devant les Mang-
betu et les Bakuba se conçoivent et se justifient. Un
abîme sépare ces nègres des Primitifs. Leur civilisation
est suspendue entre la sauvagerie des origines et les
sociétés compliquées du Nord de l'Afrique et même
de l'Asie.
On s'est perdu dans les disputes relatives à ce qu'on
appelle la « régression » de ces nègres. A tout prendre
on ne peut conclure en ces matières. Les documents
manquent. Même les Pygmées n'offrent aucun signe
décisif de dégénérescence.
D'autre part, est-il permis de parler de progrès chez
nos nègres ? Leur civilisation se serait-elle développée
au cours des siècles ? Question difficile. Ce qui paraît
hors conteste, c'est que certaines peuplades se sont
élevées beaucoup plus haiit que les autres, non seule-
ment au point de vue de la force des armes, mais de
l'industrie, de l'art, de la vie intellectuelle, des mœurs
et de l'organisation sociale.
Quoi qu'il en soit, ce sont les nègres d'aujourd'hui,
fixés sur leur territoire respectif, que les Belges ont
pour mission d'élever peu à peu à une civilisation
supérieure. Aux plus avancés, ils offriront une aide
— i84 —
plus qualifiée ; aux autres, un secours plus puissant,
à tous, le prog-rès qui convient à leur situation actuelle.
§ 4- — I^e phénomène économique.
Parmi les nombreuses questions d'ordre économique,
qui devraient être traitées, il en est deux qui
méritent une attention particulière. Elles serviront
d'exemples. La première a trait à la culture des plantes
vivrières ; la seconde à l'amélioration du travail des
nègres.
I. — La plupart des indigènes Bantous et Azande
sont des agriculteurs ; les Pygmées sont surtout des
chasseurs. Les riverains des fleuves poissonneux sont
pêcheurs. Presque toujours, la chasse, la pêche et la
cueillette ne fournissent que des appoints.
Ici, les villages sont entourés de cultures ; là-bas les
espaces cultivés sont à distance des habitations. Les
produits agricoles sont presque toujours consommés sur
place ; peu sont destinés au commerce ; chacun sème
et récolte pour soi et les siens. Le prévoyance ne
dépasse guère les limites d'une année ; d'où le danger
des famines.
Les premiers résidents s'imaginaient que les mé-
thodes indigènes étaient d'autant plus défectueuses»
qu'elles s'éloignaient davantage des systèmes euro-
péens. Après expérience, on dut en rabattre. La
tradition séculaire livrait les procédés les plus adaptés
au climat et au milieu phj^sique, du moins dans l'état
de la technologie indigène et des nécessités sociales.
— i85 —
La question des cultures vivrières est d'une impor-
tance capitale. Lorsque le questionnaire ethnogra-
phique qui sert de base aux Monographies ethnogra-
phiques vit le jour, et qu'on s'aperçut de l'importance
réservée aux numéros relatifs à l'alimentation et à la
culture, des critiques superficiels ne manquèrent pas
de dire : « Quelle importance cela peut-il avoir au point
de vue scientifique et civilisateur ? »
Les savants se chargèrent de répondre dans les
Congrès internationaux et dans les revues spéciales.
Le directeur du Jardin botanique, de Bruxelles,
M. de Wildeman, le botaniste belge qui connaît le
mieux ces problèmes, vient encore de publier un
travail du plus haut intérêt sur les plantes alimentaires
des indigènes du Congo belge. « L'imjDortance des
plantes vivrières a été souvent soulignée...; cette étude
permettrait peut-être de se rendre comx^te de l'évolution
de la race nègre, et du chemin suivi par les civilisa-
tions qui ont pénétré dans le centre de l'Afrique ».
Lidéxjendamment de l'impérieuse nécessité de bonnes
cultures indigènes, iDour les sauver de la famine et
leur fournir une nourriture suffisante, la question est
capitale pour la pénétration de l'Européen. C'est ce
qu'après une expérience déjà longue, le Gouvernement
de la Colonie belge a compris quand, en 1909, il j)ublia
des instructions sur la culture des plantes vivrières :
« Il importe que les plantations vivrières soient établies
partout dans le but de pourvoir, d'une façon comi^lète,
au ravitaillement du personnel «. M. de Wildeman
ajoute, de son côté, après examen des expériences
étrangères : « Les travaux d'Aug-. Chevalier et de bien
— i86 —
d'autres collègues anglais, allemands, français, nous
ont amené à publier, en 1909, dans les Annales de l'Ins-
titut Colonial de Marseille, un certain nombre de notices
sur des plantes vivrières de l'Afrique Centrale et, de
cet examen, encore souvent très superficiel, nous arri-
vions tout naturellement à formuler, une fois de plus,
la conclusion de la nécessité d'enquêtes plus étendues
pour chacune des i)lantes cultivées par les indigènes
congolais. »
N'est-ce pas la justification la plus nette de l'impor-
tance que donnent les Monographies à cette question
l^rimordiale ? D'essai en essai, cette importance a pu
prendre un relief i)lus saisissant. Et la monographie
des Baluba due à la plume d'un de nos missionnaires
les plus observateurs, le P. Colle, montre les résultats
auxquels on peut atteindre.
La question des cultures est une question de vie et de
développement de l'Afrique. « Comme l'a dit le
D'" Dryei)ondt, devant le groupe d'Etudes coloniales de
l'Institut de sociologie Solvay, tous les efforts doivent
tendre à ce que les noirs augmentent leurs cultures
vivrières, car la difficulté de nourrir le i)ersonnel peut
être une cause d'échec des entreprises de grande cul-
ture, du commerce et des travaux i)ublics ». Et
M. de Wildeman atteste que cette question « qui, à
première vue et pour certains, est tout à fait secon-
daire, doit être envisagée comme d'une imj)ortance
capitale pour la mise en valeur rationnelle de notre
colonie ».
C'est l'évidence même.
Si, sous le soleil de l'Equateur, les noirs forment
— 187 —
l'unique main-d'œuvre possible des grandes entre-
prises, la question de l'alimentation de ces travailleurs
est le problème dont la solution importe avant tout.
Sans réconfortante nourriture, i)as de travailleurs ;
sans de bonnes cultures, pas de nourriture.
D'autre part, sans une alimentation suffisante, pas
de résistance des organismes à la maladie, à la dépopu-
lation ; et pas d'alimentation suffisante possible sans
cultures vivrières fécondes, améliorées et multipliées.
Ainsi le problème fondamental de la civilisation
rationnelle des nègres africains est une question écono-
mique, une question d'estomac si l'on veut.
On commence à s'en occu]3er. C'est bien. Mais il
importe de l'envisager dans son amiDleur.
La 40® session de l'Association française pour l'avan-
cement des Sciences à Dijon, formula en 1911 les vœux
suivants :
« 1° Que les Gouvernements coloniaux organisent des
enquêtes scientifiques sur la géographie botanique et
spécialement sur toutes les plantes cultivées par les
indigènes ;
» 2" Que ces plantes soient soumises à des essais
rationnels dans les stations principales au même titre
que les plantes de grande culture industrielle ;
» 3° Que dans chaque Colonie, il soit créé un établis-
sement central organisé scientifiquement en vue du
développement de l'organisme colonial, unique source
de richesses permanentes dans tous les pays. »
Je cite ces vœux sans les discuter; je veux montrer
simi)lement, par un exemple, que les Congrès scienti-
fiques en viennent -peu à peu à la méthode des enquêtes
— i88 —
scientifiques et des essais rationnels, à l'amélioration
des conditions locales et de l'éducation ai)propriée, qui
constituent ce que je nomme l'essence de la civilisation
méthodique.
Un témoignage, entre autres.
M. Jamelle, dans son rapport au Congrès de l'Afrique
Orientale française, déclare : '< Une autre de nos
erreurs a été de vouloir tout d'abord chercher bien loin
ce qu'il était possible de trouver en grande partie dans
le pays même. Beaucoui) de temps et d'efforts ont été
perdus iDar des essais d'introduction de plantes étran-
gères ; il eût été plus prudent et préférable de s'efforcer,
et avant tout, d'étendre et d'améliorer la culture des
espèces qui, en raison de leur indigénat ou d'une intro
duction déjà ancienne, n'étaient pas soumises aux aléas
de l'acclimatement. »
Mais voilà, on ne vient généralement aux solutions
simples et rationnelles qu'après des tentatives diverses,
où la complication le dispute à l'ignorance. Voyez cet
agent de l'Etat, qui n'a subi aucune préparation colo-
niale; le plus souvent — même s'il a des notions d'agri-
culture — il n'a pas un sens d'observation développé ;
non seulement il ne parvient pas à démêler dans les
coutumes indigènes ce qui est essentiel de ce qui est
secondaire, mais son préjugé d'Européen le prédispose
à un dédain injustifié pour les pratiques des « sau-
vages w. Alors il sème comme en Europe, les graines
d'Europe ; il les cultive d'ai)rès les méthodes du Vieux
Monde ; à une expérience malheureuse, en succède une
autre désastreuse, jusqu'à ce que son terme écoulé, il
reparte pour la Belgique, laissant à son successeur
- i89 —
d'occasion sinon le souvenir de ses échecs du moins la
tradition de son préjugé routinier.
En somme, trois g-enres de mesures s'imposent : des
enquêtes ijréj)aratoires et approfondies; une sélection
parmi les x)lantes vivrières locales, la multiplication et
la généralisation des meilleures espèces, avec, s'il y a
lieu, l'importation de quelques variétés européennes
bien choisies et i)arfaitement adaptées au climat;
enfin, l'instruction appropriée aux colonisateurs et aux
nègres d'élite, qui l' infiltreront dans les divers milieux
indigènes, en tache d'huile.
Exemple. Le bananier est une plante nutritive de
premier ordre. Il y a beau jour que le D*^ Stuhlmann
écrivait que là oùj la culture du bananier était l'objet
des soins du noir, on trouvait une aisance i)lus consi-
dérable qu'ailleurs; ce serait presque l'étalon d'un
bien-être plus élevé. Or, le bananier ne se trouve guère,
en grande quantité, que dans le Xord et dans l'Est du
Congo. Pourquoi ne pas en généraliser la culture ?
C'est la question qu'on se pose après avoir étudié les
travaux récents des spécialistes anglais, allemands,
français et belges.
Observations semblables pour l'élaïs, l'arachide, les
ignames, le sorgho, etc.
Dans un autre ordre d'idées, ne serait-il pas temps
d'étudier à fond les qualités nutritives des diverses
espèces de manioc, de culture presque générale. Des
doutes sérieux planent sur cette eui)horbiacée. M. de
Wildeman n'hésitait i)as à écrire, hier encore. « Xous
avons antérieurement, dans nos études sur la Mission
permanente d'Etude scientifiques de la Compagnie du
— 190 —
Kasai, insisté sur la culture de cette x^^^iite au Congo,
sur ses avantages et ses désavantages..., ce sujet a pour
l'avenir de la Colonie une importance capitale, à
laquelle on n'a peut-être i)as suffisamment songé. »
Le travail de sélection est le premier qui s'impose ;
puis viennent le perfectionnement graduel des outils et les
méthodes indigènes ; peu à peu, une extension des cul-
tures et même une production plus intensive.
Quant à l'introduction de cultures européennes, les
missionnaires surtout ont fait merveille. M^"" Roelens
citait récemment avec fierté à la Société d'Economie
Sociale de Bruxelles, le fait qu'à Baudouin ville, on avait
été à même de livrer aux explorateurs de passage plus
de i5o tonnes de blé en quelques jours. Q,ue dire des
graminacées, comme le riz, dont l'aire d'extension ne
connaîtrait, assure-t-on, pas de limite dans certaines
régions si la propagande était menée systématiquement.
Tout agent de l'Etat, tout missionnaire, tout emi)loyé
du commerce libre, en un mot, tout Européen chargé
d'une fonction officielle ou privée au Congo, devrait
posséder des notions précises sur ces données essen-
tielles. Tout l'enseignement donné aux noirs en Afrique
devrait en être imi^régné. Ainsi, peu à peu s'améliore-
rait la production agricole vivrière congolaise, condi-
tion de la main-d'œuvre indigène, de la iDrosi)érité des
peui)lades, et de la vie normale des agents blancs de
direction.
II. — A ce i3remier problème se rattache i3ar des
liens intimes le second. Comment amener le noir au
travail régulier, fécond et productif, qui est bien une
des faces capitales de la civilisation ? Comment éveiller
en lui l'initiative qui l'aig-uillonne sur la route du pro-
grès?
Lorsqu'on considère Tliistoire de la civilisation du
Centre Africain, on arrive à certaines observations
directrices.
Autrefois, on employa la force pour amener le nègre
au travail; d'abord ce fut l'esclavage et ses horreurs;
pas plus en Afrique qu'en Amérique, l'humanité ne per-
met de recourir à ce procédé, notamment de la part des
blancs, tuteurs des noirs.
Plus tard, on recourut sous des formes diverses, à
une espèce de contrainte directe, inspirée ï)eut-être par
la législation européenne sur le vagabondage. « Tout
nègre, dit le Portugal, est soumis à l'obligation morale
et légale de pourvoir par son travail à son entretien,
dans le but d'a-méliorer progressivement sa condition
sociale. Sinon, il sera contraint, mis à la disi)osition de
l'Etat ou de particuliers, pendant une période de trois à
cinq ans. » — « J'applique un système plus doux, dit
l'Angleterre; je demande au Nyassaland, six shillings
par an, au lieu de trois, à l'indigène qui ne travaille
pas au moins un mois par an; je demande dans la E,ho-
désie, une livre sterling à Tindigène qui travaille au
moins quatre mois par an, et deux livres aux
autres. » Tous les amis des nègres repoussent, à
juste titre, ces méthodes de contrainte. Comme
l'a fait observer un jour le professeur de Lannoy, on
ne saurait sincèrement leur reconnaître une valeur
éducative; ce n'est pas en obligeant l'indigène à se
mettre au service des colons qu'on lui inculquera le
— 192 -
goût et l'habitude du travail; on ne fera, au contraire,
que développer chez lui la répugnance à vivre dans le
voisinage des blancs.
Vint ensuite le système de la contrainte indirecte»
qui s'inspire de la législation européenne de l'impôt. 11
dit à l'indigène : « Vous devez contribuer aux charges
de la colonisation, qui vous garantit toutes espèces
d'avantages ; vous êtes obligé à autant. Si vous n'ac-
complissez i)as votre obligation, vous subirez une peine;
celle-ci consistera en un châtiment corporel, en un
emprisonnement, ou même à une xiériode de travail
forcé. » L'Angleterre, dans l'Afrique Orientale, a tort
de mettre le récalcitrant à la disposition des particuliers ,
qui ont intérêt au non-payement de l'impôt par l'indi-
gène. « Cette disposition, dit à juste titre M. de Lannoy,
est très criticable; elle maintient dans la colonie le
régime de l'engagement forcé, qui n'est qu'une sorte
d'esclavage ; elle viole, d'autre part, le principe du droit
I)énal que la rigueur de la peine doit être la même pour
tous. Le travail forcé ne constitue une peine équitable
que s'il est fourni à l'Etat ou surveillé par l'Autorité
publique. »
On n'ignore pas la critique qui a été dirigée contre
le travail forcé au profit de l'Etat. Il prête à des abus.
La Juste mesure est difficile à garder. D'ailleurs, la por-
tée civilisatrice et éducatrice de cette méthode, même
au degré le x)lus doux, de la réquisition pour travaux
d'utilité iniblique, est contestable. Les discussions au
Parlement belge ont mis ce point en relief.
Restent les procédés qu'on est convenu d'appeler
psychologiques. Dans ses Principes de colonisation,
— 193 ~
M. Giraut n'hésite pas à écrire : « C'est par la persua-
sion, beaucoup plus que par les menaces, que l'on peut
obtenir du travail utile du coolie ou de l'indigène. Au
fond des choses, la psychologie de l'ouvrier jaune ou
noir ne diffère pas de celle du travailleur blanc. C'est
toujours une âme humaine sur laquelle il s'agit d'exer-
cer une influence. Partout où il y a des bras, on peut
obtenir du travail. »
Un des grands colonisateurs belges, le colonel Thys,
est bien l'organe de la plupart des spécialistes que
j'ai consultés au cours de mon enquête, quand il
dit : « Il faut bien se i)ersuader que l'on a affaire à des
êtres humains chez lesquels on ne peut déplacer une
jouissance ou une satisfaction qu'à la condition de leur
substituer une autre jouissance ou une autre satisfac-
tion. Il faut remplacer la jouissance de la paresse par
une autre jouissance quelconque plus grande. »
C'est aussi la thèse défendue à la séance de la Société
d'Economie sociale de Bruxelles en février dernier, par
M. Janssens, l'ancien gouverneur général de l'Etat
Indépendant du Congo : « Mon expérience personnelle
a prouvé que les indigènes peuvent devenir d'excellents
ouvriers, pourvu qu'ils soient bien rémunérés. Excitez
leur intérêt, et vous aurez des travailleurs de mérite.
L'exemple classique de nos Bangala en est une preuve. »
On demanda à M, Janssens : « Quel est cet intérêt ? »
« i!^os Bangala, répondit-il, étaient fascinés par les
perles, les étoffes, les articles d'Europe de toutes
espèces que la prestation de leur travail leur permet-
tait d'acquérir. Ils rentraient chez eux relativement
riches, opulents, satisfaits. Ils excitaient l'envie des
i3
— 194 —
congénères, dont les éléments les plus décidés ne tar-
daient pas à prendre le chemin de nos postes d'occu-
pation. »
A ce moment de la discussion, M^"" Koelens, des
Pères Blancs d'Afrique, précisa la mentalité du noir.
— Ces faits et d'autres semblables sont exacts ; mais
ils ne sont pas pertinents j)our conclure à l'invention de
la méthode qui amènera les nègres adultes à l'habitude
du travail régulier. En effet, notre nègre est comme
l'enfant : il désire vivement une chose, il la convoite
éperdûment, il fera tout pour satisfaire sa passion mo-
mentanée, il réalisera l'effort qui lui réi^ugne le plus,
un travail long au profit d'autrui. C'est le cas de vos
Bangala des débuts de l'occupation, du courant qui
s'établit et des pratiques postérieures dans diverses
parties de l'Afrique centrale : engagement successif
d'équipes presque toujours différentes dans leurs élé-
ments constitutifs. Mais les satisfaits, ceux qui, par
leur travail sur vos steamers, dans vos docks, au
chemin de fer et ailleurs, avaient réussi à obtenir
l'objet de leur convoitise : vos étoffes, vos perles, et le
reste, de quoi acheter des esclaves, du bétail, peut-
être une ou deux femmes, cette richesse équatoriale, ces
satisfaits revenaient-ils à votre service? Prenaient-ils
l'habitude du travail régulier ? Non. Ils se hâtaient de
rentrer dans leur milieu social, d'y reprendre les cou-
tumes traditionnelles, d'y jouir du fruit de leur effort
passager. Ils y étaient repris par la paresse séculaire
de la race et par la routine. Parfois, il est vrai, ils ne
savaient même pas conserver leur nouvelle richesse jus-
qu'à la rentrée au pays; ils la jouaient entre eux; et il
1?,:^
arrivait que ceux qui perdaient retournaient par retour
du courrier et s'engageaient i^our un nouveau terme.
Cependant, l'habitude du travail régulier ne se créait
pas. Or, c'est cette liabitude qui doit s'introduire, se
maintenir, pénétrer l'organisme, si l'on veut parler de
travail civilisateur et de progrès.
— Bref, conclut quelqu'un, ce qui manque, ce sont
les besoins.
Telle est aussi la conclusion qui se dégage des Mono-
graphies ethnographiques .
C'est la satisfaction de ses besoins qui fait que le
nègre, ne désirant rien de plus, ne cherche pas à gagner
davantage; il borne son activité à ce qui lui est néces-
saire pour mener la vie qu'il connaît depuis toujours et
à laquelle se bornent ses rêves.
Ne faites pas miroiter à ses yeux la terre, il en
obtient tant qu'il veut cultiver. Lui offrirez-vous une
habitation? La forêt proche lui donne à profusion le
bois et l'herbe nécessaires. Un mobilier? Il le façonne
s'il le désire et l'orne à son goût. Des étoffes et des orne-
mentations? Soit, mais une fois qu'il en a une certaine
quantité, ses désirs sont satisfaits. Des « richesses »
pour acheter des esclaves? Oui; mais, prenez garde, la
civilisation vous dit : ne favorisez pas l'esclavage. Des
« richesses » pour acheter des femmes? Oui, encore,
mais la civilisation ordonne : ne favorisez pas la poly-
gamie. Des « richesses » pour acheter de la nourriture?
Oui, mais la plupart du temps la terre est si fertile que
la culture ne coûte -pas un effort comparable au travail
régulier pour autrui, chez le blp^nc, par exemple ; la forêt
est giboyeuse et la rivière poissonneuse, et puis la pêche
— 196 —
et la chasse sont souvent des plaisirs. Des « richesses »
pour se procurer de la boisson? Soit, mais la civilisa-
tion défend les boissons excitatrices et alcooliques.
Et puis le travail régulier est si pénible sous le ciel
de feu! Car, au-dessus de tout cela, des besoins et des
désirs, j)lane le climat, qui commande aux uns et aux
autres, et au travail aussi.
M. de Lannoy n'a-t-il i)as raison d'insister sur ce fac-
teur physique essentiel? « Dans les pays tempérés,
l'activité est nécessaire, l'énergie facile; les habitants
sont assoiffés de changement et de i^rogrès; ils luttent
sans réxDit pour améliorer, en fait ou en apparence,
leurs conditions de vie. Dans les pays tropicaux, la cha-
leur rend pénible tout travail prolongé, qu'il soit phy-
sique ou intellectuel. Le bonheur y consiste à ne rien
faire, à vivre d'une vie végétative... Dans les quelques
portions relativement tempérées des tropiques, où les
blancs se sont reproduits pendant j)lusieurs générations,
ils y ont dégénéré... » « Le nègre n'est pas indolent et
insouciant par atavisme, il l'est j)arce qu'il habite des
pays à climat déprimant. »
Voilà comment la science de la Sociologie descriptive
pose le j)roblème. Comment donc créer des besoins
« honnêtes » au nègre? Comment lui donner le désir
d'améliorer sa situation, désir qui aura pour consé-
quence de le pousser au travail régulier?
Les missionnaires présents à la séance d'Economie
sociale furent unanimes à soutenir que c'est avant tout
sur l'enfant nègre qu'il faut agir. Dans ces organismes
frêles et tendres, on a plus de chances d'implanter des
habitudes nouvelles, habitudes qui — par un long
— 197 —
effort — feront pour ainsi dire une seconde nature. Le
résultat sera d'autant plus brillant que l'enfant aura pu
être isolé davantage de son milieu social d'indolence.
Si même, après son éducation proprement dite à l'école,
on parvenait à l'associer à un groupement où fleu-
rissent l'activité, l'initiative et le travail moralisateur,
ce serait un couronnement souhaitable de l'œuvre. Et
si ces élites grouiDées se rencontraient ici, là et ailleurs,
disséminées sur le territoire, on peut espérer que le
rayonnement de leur prospérité opérerait peu à i)eu en
taclie d'huile. L'aspect de ces villages mieux bâtis, aux
maisons plus confortables, aux mobiliers plus riants,
aux cultures plus étendues, plus soignées, plus pro-
ductives, aux jouissances plus raffinées et i)lus fré-
quentes, l'aspect de ces villages ne provoquerait-il pas
le désir des congénères? Le sentiment des besoins nou-
veaux à satisfaire ne les pousserait-il pas à l'adoption
des mœurs nouvelles? Les missionnaires, Jésuites,
Pères Blancs, abbés de Scheut, etc., le croient et s'y
appliquent.
Assurément, ce n'est pas l'œuvre d'un jour. L'effort
sera long, très long. Mais qu'importe si la méthode est
bonne, si elle mène au but et s'il n'en est guère d'autres?
Entendons-nous ! La méthode est l'éducation du noir
par l'Européen d'abord, par le nègre ensuite sous la
direction et la surveillance du blanc. Il s'agit de toute
œuvre éducatrice suffisamment longue : pas seulement
l'école, mais, par exemi)le aussi, l'armée. L'idée du
village des vétérans est louable et a produit de bons
résultats. On peut, du reste, en perfectionner l'applica-
tion.
- 10.8 -
L'école, l'armée, etc. C'est entendu. Mais vers quelles
X)roXessions faut-il diriger surtout les habitudes de tra-
vail à créer?
Vers tous les métiers qu'amène la colonisation du
pays ? Sans doute ; mais la profession la plus générale
n'en reste pas moins l'agriculture. L'effort principal
devra donc être accompli de ce côté. Et même à tous
les mécaniciens, les mineurs, les charpentiers, les
chauffeurs, etc., il sera utile, sinon nécessaire, d'en-
seigner le travail de la culture améliorée. Supposez le
l)roblème des cultures vivrières résolu, la solution du
l^rogramme de notre école i^rofessionnelle devient
facile.
Voici les conclusions des débats de la Société d'Eco-
nomie sociale; c'est le rapporteur, le P. Vermeersch, qui
les a tirées :
« I . La transformation du nègre indolent et routinier
en homme d'initiative et de progrès est i)ossible : mais
ne peut résulter que d'une longue et patiente élabo-
ration.
» 2. A cette belle œuvre, concourent tous ceux qui
donnent à l'activité du nègre, avec un emj)loi honnête,
la direction dont elle ne saurait actuellement se passer.
» 3. Et i)armi tous les emi^lois, aucun n'est à recom-
mander comme l'agriculture.
» 4- Ceux-là surtout méritent la reconnaissance de la
race noire et les encouragements de la race blanche
qui font entrer l'initiative agricole dans l'éducation
même du nègre, qui lui ménagent des milieux assez
distants des postes euroi)éens et assez distincts des
villages indigènes i)our échapi^er à l'influence corrup-
— 199 —
trice des premiers, énervante des seconds, et qui, par
le groupement d'une élite, forment le noyau des nou-
veaux villages ouverts à tous les progrès. »
Le premier alinéa est la synthèse de la discussion,
que nous avons rapportée dans ses grandes lignes.
Cette synthèse correspond aux résultats de l'étude des
Monographies. Elle est l'écho du mouvement américain
et de l'expérience africaine. Mais pas d'espérances
exagérées! il ne faut pas s'imaginer que, malgré tous
nos soins, le nègre d'Afrique atteindra jamais ou à peu
près le degré de développement de nos travailleurs
d'Europe. Il y a un obstacle qui, en ce moment du
moins, paraît invincible : le climat. M. de Lannoy
n'hésite pas à écrire : « Soyons satisfaits si, par des
efforts persévérants, nous parvenons à élever les indi-
gènes de notre Colonie d'Afrique au degré de dévelop-
pem^ent atteint par les peuples asiatiques. Nous aurons
alors à notre disposition une main-d'œm-re, bien infé-
rieure sans doute à celle de notre pays, mais suffisante
pour nous procurer sur une terre vierge et féconde
d'abondantes moissons. » Sans doute, il y aura des
exceptions; les Booker Washington africains pourront
naître et fleurir dans les peuplades supérieures ; mais
l'effort de nos premières générations de colonisateurs
aura produit des résultats magnifiques si les masses
noires s'élèvent d'un degré sur l'échelle de la civilisa-
tion.
Le deuxième alinéa de la résolution sera admis par
tous. C'est l'affirmation de la tutelle civilisatrice néces-
saire. Une remarque cependant s'impose, d'après les
Monographies. Il ne faudrait pas s'imaginer, ainsi qu'il
— 200 —
a déjà été dit plus haut, que tous les nègres sont infé-
rieurs au même niveau. Parmi eux, il y a des peuplades
remarquables, supérieures aux autres. Les œuvres d'art
des Bakuba, par exemple, dénotent un fond de culture
esthétique. Et combien d'agriculteurs plus habiles que
la masse ! En vain dira-t-on que ces procédés d'art et
de culture sont routiniers. Il faut s'entendre sur la
signification du terme. Demandez-vous, en matière
d'art, depuis combien de temps nos artistes sont éman-
cipés de la « routine », de l'imitation presque servile
des styles anciens, enseignée dans nos académies? Et
nos agriculteurs, dont le produit par hectare cultivé
les classe au i)remier rang des cultivateurs du monde?
Leur a-t-on assez reproché leur « routine »? Or, la
« routine » des nègres — j'entends des cultivateurs
intelligents, comme les Basonge d'avant les razzias
arabes et les Baluba du temps de Wissman, — est-elle
autre chose que l'expérience des siècles? L'étude com-
parée de ces peuplades nous apprend que, comme nos
campagnards, ces paysans noirs sont méfiants des
nouveautés; ils n'adoptent que les « progrès » qui ont
fait leurs preuves sous leurs yeux; convaincus par
l'évidence, ils imitent. La preuve la i)lus palpable se
trouve dans la généralisation de la culture du manioc,
qui, introduit en Afrique par les Portugais, s'est
répandu de proche en proche — malgré tous les
obstacles de l'isolement et des oppositions entre tri-
bus — avec une rapidité qu'on ignore, sur toute
l'étendue du Centre africain. Et cet exemple n'est pas
isolé : le riz et la canne à sucre sont là pour l'attester.
Il convient donc de ne pas s'exagérer la difficulté.
— 201 —
Le paragraphe troisième de la résolution est l'ex-
pression d'une évidence. L'agriculture est l'industrie
maîtresse du Congo : c'est elle qui doit avoir le premier
rang dans la préoccupation des éducateurs. Les autres
industries ne constituent qu'un appoint; elles n'occu-
peront d'ici longtemps qu'une minime fraction de la
population, même si le Katanga tient ses promesses.
La discussion se concentre autour du quatrième
paragraphe. Si l'on sera unanime pour louer « ceux-là
surtout... qui font entrer l'initiative agricole dans
l'éducation même du nègre », sera-ton d'accord pour
condamner, en termes si exprès, « les postes européens
à l'influence corruptrice » et « l'influence énervante des
villages indigènes » ?
L'étude comparée des peuplades nous apprend que
pour exercer une action sérieuse sur le nègre, l'édu-
cation donnée par les Européens doit s'exercer pendant
un temps considérable, sinon ce n'est qu'un vernis bien-
tôt enlevé par le contact avec le milieu social tradi-
tionnel. D'où l'utilité — je ne dis pas la nécessité — de
l'école. Au jeune noir, dont la vive intelligence n'est
contestée par personne, dans la plupart des tribus
supérieures, on inculquera les connaissances nouvelles
et on essayera de diriger ses forces volontaires vers
l'habitude du travail utile, au point de lui donner
comme une seconde nature.
Quel doit être le caractère de cette école ?
Les uns soutiennent qu'il faut la concevoir, autant
que lîossible, à la manière d'un internat. Il faudrait
Isoler l'enfant de son milieu habituel, de son village,
de son clan, de sa famille. Ainsi, on aurait moins d'ob-
— 202 —
stades à vaincre. Bref, ce serait à peu près l'éducation
de nos orphelinats.
L' « autant que possible » répond assurément aux
objections qui se présentent en foule si l'on considère
l'état des mœurs et de la mentalité de beaucoup de
peuplades congolaises. Car, on ne manquerait pas de
dire, entre autres choses : « Si vous vouliez introduire
ce régime dans les régions du Manyema et des Grands
Lacs, les familles oi^poseraient une résistance in-
flexible. Elles croiraient que vous voulez faire de leurs
enfants des esclaves, » C'est ce que révèlent les en-
quêtes. « Du côté du Tanganika, déclarait M^'" Koelens,
nous ne pouvons songer à enlever ainsi les enfants aux
parents; nos écoles sont adaptées aux coutumes du
pays; notre œuvre est i:>lus lente peut-être, mais elle
trace son sillon, malgré tout. »
La conclusion s'impose : Il convient d'utiliser tous
les types d'école — depuis l'internat jusqu'à l'externat
— d'après les milieux sociaux ; ces milieux sociaux
sont loin d'être les mêmes. A cette vérité, il faut
revenir sans cesse, tant le préjugé du nègre, partout le
même, est profondément enraciné dans les esprits de
nos Européens.
Je ne crois pas, du reste, que personne songe, en par-
lant de l'éducation du nègre, d'exclure tout autre pro-
cédé que l'école primaire ou professionnelle, d'abord
dirigée par les blancs, puis peu à i)eu par les noirs.
L'armée est aussi une école, au sens large. Et l'Etat,
qui tient sous ses drapeaux pendant plusieurs années
des milliers de jeunes gens vigoureux et choisis, ne
remplirait pas sa mission s'il ne s'efiorça,it de leur
inculquer « l'initiative agricole. »
— 203 —
Stulilman appelle avec raison rattention sur le fait
qu'il ne suffit pas toujours d'enseigner au jeune nègre
une technique supérieure x>our qu'après l'école il la
conserve dans la pratique de la vie. Il arrive que ces
artisans, rentrant dans leur village, soient repris par
leur milieu et, suivant la loi du moindre effort, aban-
donnent les i^rocédés plus compliqués i^our la routine
•traditionnelle. Alors, on dit : « Vous avez beau éduque^
vos enfants et vos jeunes gens, à l'école, à l'armée et
ailleurs, vous n'arriverez à rien de sérieux, si vous
laissez chacune de ces unités se replonger dans le
milieu social routinier de la famille et du village. Il
faut i^rolonger le régime de l'isolement. Pour les anciens
soldats et les anciens élèves, fondez des villages spé-
ciaux. Ces groupements conserveront les fruits de
l'effort éducatif; ils constitueront des milieux animés
de l'esprit nouveau. »
Encore une fois, partout où. ce sera i)ossibîe, oui.
Mais là où pareille méthode ne sera pas applicable, il
faudra d'autres méthodes, afin d'empêcher les germes
de pourrir à nouveau dans la «routine». Le contact i)ro-
longé avec les anciens maîtres, aA^ecles missions, etc.,
offre, par exemple, une autre s-olution féconde.
doublions pas non plus que l'école et l'armée ne sont
que des moyens choisis i)our atteindre i)lus rapidement
le but x)oursuivi. Mais il en est d'autres.
Ainsi, le P. De Clercq signalait comme féconde l'ini-
tiative des Pères de Scheut, qui avaient créé plusieurs
marchés où les agriculteurs des environs pouvaient
aller vendre le surplus de leurs récoltes. Assurer des
débouchés rémunérateurs, n'est-ce pas exciter cet intérêt
— 204 —
dont parlait M. le gouverneur Janssens et qui ne peut
être négligé ?
Dans sa substantielle brochure, la Colonisation agri-
cole au Katanga, M. E. Tibbaut signale avec raison la
méthode des PP. Blancs de Baudouin ville: « Non seule-
ment ils cultivent pour eux-mêmes, mais ils ont
développé la culture parmi les noirs ; et le moyen le
plus puissant, dont ils se sont servi pour entretenir
l'esprit cultural chez les indigènes, consiste à acheter
tous leurs produits. Que la récolte soit bonne ou
mauvaise, ils l'achètent; ils l'achètent même à des prix
sensiblement les mêmes pour ne pas décourager le noir
déjà trop porté vers l'inaction ; grâce à cette incitation
continue, la culture s'est étendue et la région pourvoit
à la subsistance des noirs et des blancs . »
L'étude comparée des peuplades apprend que, dans
beaucoup de régions, pourvu qu'on i)arvienne à démon-
trer à l'indigène qu'il vendra avec profit sa ]jroduction,
celui-ci se montre disposé à un effort plus considérable.
De cette disposition, l'Européen à la hauteur de sa
mission, devra i^rofiter pour enseigner x)ar un champ
d'expérience ou autrement la manière de produire plus
et mieux et peut-être avec moins de travail, à raison de
la perfection plus grande des instruments, de la
meilleure qualité des graines, du choix des emplace-
ments et des terres, etc. L'expérience d'un certain
nombre de postes et de missions montre que tous les
espoirs sont permis.
Le danger des résolutions semblables à celles du
P. Vermeersch, c'est le caractère un peu exclusif
qu'elles revêtent aux yeux des lecteurs non habitués
— 205 —
aux nuances scientifiques. « Ceux-là surtout méritent
la reconnaissance des noirs et des blancs, qui.... » Sans
doute, cela ne signifie pas que les autres qui, sur
d'autres terrains ou par d'autres moyens, atteignent
des résultats féconds, sont condamnés. Mais sur dix
lecteurs, liuit le croiront, et sur dix coloniaux, neuf
seront froissés.
• En vérité, et je suis couA^aincu que c'est l'intention
du savant Jésuite, quand il s'agit de travailler au
progrès d'une race, toutes les méthodes capables de
produire des effets utiles doivent être utilisées ;
chacune là où elle a chance de jDroduire des résultats
avantageux. Ce n'est i)as trop de toutes les bonnes
volontés.
Et puis, quand on se trouve en présence du problème
colossal de « faire entrer l'initiative agricole » dans la
mentalité de la masse des nègres, il ne faut jamais
perdre de vue que l'initiative des blancs doit pouvoir
s'exercer. L'invention sociale n'est pas close et c'est
dans une atmosphère d'encouragement qu'elle doit
pouvoir se déi)loyer.
L'avantage de l'étude comi3arée des peuplades est de
mettre en relief non seulement les résultats excellents
obtenus chez les Bakongo par les PP. Jésuites, mais les
résultats non moins encourageants obtenus par les
Pères de Scheut chez les belles peuplades du Kasai,
par les Pères Blancs chez les splendides peuplades du
Manyema et du Katanga, etc.
Et si nous parlons principalement en ce moment des
missionnaires catholiques, c'est que ceux-là surtout
ont pris jusqu'ici à cœur de « faire entrer l'initiative
— 20b —
agricole dans réducation du nègre ». Leurs essais sont
les plus fructueux.
L'Etat aussi a fait des efforts superbes ; ils sont
-connus ; on en trouvera de nombreux exemples au
n" i86 des Monographies ethnographiques.
Et l'effort qui se poursuit actuellement au Katanga,
sous la direction de M. Leplae, le chef du service de
l'agriculture au Ministère des Colonies, mérite l'atten-
tion sympathique des amis des noirs.
Quant aux Sociétés commerciales, il en est qui se sont
distinguées par leurs initiatives heureuses, telle la Com-
pagnie du Kasai. L'histoire de la ferme de Dira a est
presque classique ; cette institution a pour but non
seulement de ravitailler la station de Lima en vivres
frais indispensables aux Européens, de tenter l'élevage
en grand et la culture rationnelle, mais encore de
décider les indigènes, par l'exemple, à entreprendre
sur une grande échelle des cultures de plantes vivrières:
manioc, arachide, cannes à sucre, graminées, etc. « La
ferme de Dima, dit le Happort général de la Mission
permanente d'études scientifiques, constitue une véri-
table école pour les indigènes ; les jeunes travailleurs
indigènes viennent y demander du travail, certaine-
ment dans l'intention de venir s'instruire. Ils s'émer-
veillent du travail du blanc, voient la brousse ancienne
disparaître, faire place à de magnifiques pâturages et
déjà on les voit travailler avec courage et admirer le
résultat de leur propre travail. »
Il va sans dire que l'élevage, dans les pays de
brousse notamment, doit mériter la même attention
bienveillante que la culture. Avec M. Tibbaut, on
— 207 —
applaudira à l'initiative de nos nationaux qui ont asso-
cié les indigènes à l'élevage en allouant au gardien du
troupeau la moitié du croît ou une rémunération fixe
par tête de bétail qui augmente le troupeau.
A cet endroit, il importe de noter des réserves quant
à « l'influence corruptrice des postes européens » . Cette
condamnation globale a certes dépassé la pensée de
réminent rédacteur de la résolution. Qu'il y ait eu des
postes européens corrupteurs, qui le niera ? Qu'il y en
ait ? qui le contestera ? Dans toute grande œuvre on
compte des agents excellents, de bons agents et des
mauvais. Au début de la colonisation congolaise, Léo-
pold II dut se contenter de ceux qui se présentaient.
Combien de fois ne m'a-t-il pas dit : « Monsieur le direc-
teur général de l'enseignement supérieur, faites tous
vos efforts i)our qu'on me présente des hommes d'élite;
on croit que l'Afrique peut se contenter des rebuts ;
c'est une erreur profonde aux conséquences néfastes.
Donnez-moi des gens de premier ordre, comme le sont
beaucoup de nos officiers. »
Il y eut des hommes d'élite, dont un certain nombre
ont réalisé des merveilles. Consultez le n° i86 des Mono-
graphies. Il y eut de vieux coloniaux qui résidèrent
pendant 6, 8, lo, 12 ans, et plus, dans les mêmes
milieux. Des postes, commandés par ces hommes de
devoir, pénétrés de leur mission, on ne peut i)arler d'in-
fluence corruptrice. Ce furent, ce sont des foyers de
rayonnement civilisateur.
C'était pour multiplier ces administrateurs d'élite
que Léopold II avait conçu l'Ecole mondiale. Parmi
les élèves de cet établissement, où devait s'achever
— 208 —
l'éducation des candidats, on devait opérer la sélection
désirable.
Et lorsqu'à la séance de la Société d'Economie sociale y
M. le Commandant Dubreucq insista sur l'urgente
nécessité de préparer les futurs agents, officiels ou
libres, à leur mission d'Afrique, dans un ou des centres
d'études en Europe — et au besoin par des cours
volants, — la pensée de tous les auditeurs se reportait
vers la grandiose conception de Koi qui n'est plus.
Quoi qu'il en soit, si l'on doit concéder que beaucoup
d'Européens ne sont pas encore à la hauteur de leur
grande tâche civilisatrice, il importe de ne pas laisser
englober tous les postes européens dans une même
flétrissure. Ce serait injuste et décourageant.
Quant à 1' « influence énervante des village », il y a
aussi quelques réserves à faire. L'affirmation parait
trop générale. Elle peut être vraie pour les Bakongo,
qui sont loin d'occuper le premier rang parmi les Congo-
lais. Ailleurs, elle ne sera vraie qu'en ce sens que
l'action du blanc sera tenue en échec pendant un temps
plus ou moins long par la tradition. Mais cette durée de
la résistance indigène dépendra de diverses circon-
stances, de la supériorité de la race, de l'influence du
blanc, etc., et surtout de l'évidence des résultats meil-
leurs. Vous, Belges, souvenez-vous de la difficulté avec
laquelle les hommes de science firent admettre les pro-
cédés de culture meilleurs à nos agriculteurs, il y a dix
et vingt ans. Alors aussi on était tenté de parler de
« l'influence énervante du village ». N'exagérons pas.
Le Directeur général de l'Agriculture au Congo,
M. Leplae, émettait l'idée qu'il faudrait peut-être com-
— 209 —
mencer l'éducation systématique non partout à la fois,
mais chez les peuplaples les plus douées. Il est certain
que « l'influence énervante du milieu » serait moindre
et la méthode serait conforme à tous les résultats enre-
gistrés dans les Monographies ethnographiques.
En somme, la mission est tellement vaste, que tous
les moyens, reconnus utiles, doivent être employés par-
tout où ce sera possible.
Multiplions les centres de formation de l'enfance et
de la jeunesse ; multii)lions les postes qui sèment
l'exemple dans la mentalité des adultes. Encourageons
toutes les initiatives qui ont produit ou sont suscep-
tibles de donner de bons résultats. Portons toutes les
« inventions sociales » à la connaissance de tous les
travailleurs. Surtout, de la continuité dans l'action et
de la sélection dans les agents. Avançons pas à pas ; ne
nous berçons pas de troj) d'illusions. Ce n'est pas
l'œuvre d'une année ni d'une décade. Mais avec de l 'in-
telligence, de la méthode et du dévouement, le progrès
est certain : un progrès lent et lointain.
C'est une des faces de la civilisation méthodique de
la race nègre.
Avant de clore l'analyse de ce phénomène, signalons
une dernière difficulté, relevée par les Monographies
ethnographiques. Chez la plupart des peuplades de notre
Congo, une grande partie de l'agriculture est exercée
par les femmes. L'homme se contente du gros-œuvre, le
déboisement, par exemple; c'est la femme qui cultive.
Voilà la tradition. Elle sera difficile à déraciner.
Ailleurs, où il y a des esclaves, ce sont ceux-ci qui
cultivent. Conséquences : dans ces peuplades, le tra-
14
— 210
vail de la terre est une occuiDation servile. Il y aura là
un préjugé de plus à détruire.
Ces deux remarques, je les donne, à titre d'exemj)les,
à l'effet de faire toucher du doigt, une fois de i^lus,
l'indisiDensable nécessité pour tous ceux qui, par pro-
fession ou autrement, s'occupent de l'amélioration des
noirs, d'étudier d'abord à fond leurs coutumes et leur
mentalité. Sinon, ils se heurteront à mille difficultés,
causées simplement par leur ignorance regrettable.
§ 5. — Le phénomène idéolog-ique.
Parmi les iDhénomènes idéologiques, le i^lus impor-
tant est le phénomène religieux.
Pendant combien de temps n'a-t-on i)as nié le phéno-
mène religieux chez la xDopulation de l'Afrique Cen-
trale! « Ces nègres, disait-on, n'ont aucune religion,
du moins rien qui mérite ce nom ; en ces matières comme
en toutes autres, ce sont des « sauvages j). Le mission-
naire du Christ qui veut semer la graine de l'Evangile
svir ces terrains ingrats doit d'abord extirper les mau-
vaises lierbes jusqu'à la racine. Et i)^iis, à supposer
que ces nègres aient certaines croyances religieuses,
peut-être des restes d'antiques traditions ou des échos
lointains de missions, ces croj^ances n'ont aucune
influence sur la conduite publique ou privée. »
Telle était à peu près l'opinion dominante que beau-
coup de nos explorateurs africains répandirent dans
notre pays et ailleurs.
— 211 —
C'était à cette catégorie qu'appartenait, par exemple,
M. Tilkens, ancien chef de poste de Libokwa, sur la
Dima. Il faisait jiartie de ces premiers explorateurs qui,
cami)és dans le pays, ne parvenaient pas à se rendre
compte de ce qui se passait dans l'intérieur des têtes.
Il avait répondu sans hésiter au questionnaire ethno-
graphique et sociologique publié en 1898 par l'Etat
Indépendant du Congo : « L'Ababua n'a pas d'idées
religieuses ; il ne croit j)as au Dieu unique ni à plusieurs
dieux. Les idoles sont considérées comme des emblèmes.
Il n'y a pas de sorciers, mais des féticheurs. »
Rien donc d'étonnant que des auteurs aussi méritants
que M. A.-J. Wauters, forcés de se contenter de témoi-
gnages semblables, aient abouti à des conclusions
pareilles : « Les nègres n'ont pas, à proprement parler,
de religion. Leurs fétiches, c'est-à-dire leurs dieux, font
partie de la nature et n'en sont pas les créateurs; ils
sont mortels; on peut les forcer à accomplir les volon-
tés de l'homme ; le moyen de les supplier est plus sou-
vent la danse que la prière; enfin, ils ne s'inquiètent
pas du vice ou de la vertu, du bien ou du mal. » Cepen-
dant, grâce à cet instinct de la vérité, qui est une
des dominantes de cet écrivain géographique qu'est
M. Wauters, il ajoute aussitôt des considérations
comme celle-ci : « Dans beaucoup de villages, il existe
une case réservée aux fétiches publics, protecteurs de
la tribu. Les indigènes ont aussi leurs dieux lares,
qu'ils laissent dans leur hutte, et des porte-bonheur,
qu'ils s'attachent au cou et à la ceinture. La manière
dont ils se rappellent au souvenir de ces divinités est
assez singulière ; ils les battent, les immergent, y plan-
— 212 —
tent des clous, espérant les réveiller par la souffrance.»
Et plus loin : « Quelques indigènes du bas Congo disent
qu'il y a un être suprême le grand Nzambi... Dans le
Haut-Congo, les Mongo croient qu'il y a un être
sui^rôme, tout puissant et créateur de toutes choses »...
Je trouve ces passages dans l'édition de 1898 du bel
ouvrage : L'Etat Indépendant du Congo.
Ces citations sont caractéristiques. Elles montrent la
mentalité des explorateurs et des savants à la fin du
XIX^ siècle.
C'est cette mentalité que M^'^ Leroy caractérisait
récemment d'une manière générale, quand il écrivait :
« Il fut un temiDS où, sur la foi des voyageurs incomplè-
tement ou inexactement informés, on écrivait que telles
de ces i^opulations (Bantous) n'avaient en fait de reli-
gion qu'un « grossier fétichisme », sans aucune connais-
sance de la Divinité. Ce temps est passé. »
Il est passé, oui, pour les savants spécialistes. Mais
pas encore, malheureusement, pour la plupart des
agents coloniaux, officiels ou libres. Pour l'immense
majorité de ces « civilisateurs », le nègre de l'Afrique
Centrale est toujours le grossier « fétichiste » , et ces
« fétiches sont des dieux », et ces « dieux, ils les tour-
mentent w pour en obtenir des faveurs ; pour beaucoup
encore, ces « fétiches sont des idoles » ; et si, ^de-çi
de-là, « il en est qui croient à un Dieu unique », ce sont
des îlots de croyants dans un immense océan d'incré-
dulité ou i^lutôt d'ignorance.
Autant d'erreurs, démenties par des observations
réitérées, i^artout et toujours.
« S'il est, dit avec raison M^'' Leroy, s'il est un fait
2ia
acquis aujourd'hui, c'est que, aux yeux de tous les
peuples 6anfous,distinctsdecemonde matériel et visible
dont nous faisons partie, il est un autre monde supra-
sensible, intangible, invisible, qui nous enveloppe, qui
nous domine, qui se mêle mystérieusement à noire vie
et dans lequel, un jour, par la passerelle inévitable de
la mort, nous devons nous-mêmes entrer. » «Il y a plus
-de choses au-dessus de nous, me disait un jour, tout
bas, un vieux chef africain, en me montrant le ciel,
que tous les livres des Blancs n'en contiennent... » Ce
monde-là, coexistant avec le nôtre, est-il possible, est-il
utile, est-il nécessaire à l'homme d'entrer en relations
avec lui ? « Oui », répondent nos iDrimitifs. Et c'est en
quoi consiste leur religion. Cette religion, ils la mêlent
à tout : aux phases principales de la vie familiale, aux
incidents et accidents journaliers, aux intérêts de
l'individu, du village, de la tribu, aux fêtes, aux
voyages, aux chasses, aux travaux agricoles, aux
guerres, aux calamités privées et publiques. »
Ces lignes, écrites en 191 2, reproduisent exactement
les conclusions que dégageait le salon de l'Ethno-
grajDliie à l'Exposition internationale et universelle
de Bruxelles de 1910. En collaboration avec le
P. Trilles, le bras droit de M^'" Leroy, j'avais organisé
l'exposition du Phénomène religieux chez les rANG(i).
Il était démontré que le phénomène religieux propre-
ment dit peut se classifier chez les Fangs de la manière
suivante : i. Le Totem collectif (tribu et clan) et le
(i) Pour la description détaillée de cette Exposition, voir dans la
Collection de Monographies ethnographiques, l'introduction au volume VI
(ies Kuku) pp. XVIII et suivantes.
— 2l4 —
Totem individuel; 2. Le Totem des sociétés secrètes ;
3. Les Mânes; 4- Dieu. — En outre, il était démontré
par une série de preuves irrécusables que, la. vie
religieuse se manifestait dans tous les phénomènes
sociaux, depuis les plus généraux jusqu'aux plus rares,
depuis les plus simples Jusqu'aux jdIus compliqués.
L'étude des Fang- était exemplative. Cette penj^lade
avait été choisie i^arce qu'elle est la plus nombreuse
qu'on connaisse- Elle comprend, pense-t-on, de 10 à
i5 millions d'individus ; elle couvre de son habitat une
aire gigantesque dans les i)ossessions françaises et
allemandes de l'Afriqvie Occidentale; elle n'a guère été
touchée par les civilisations arabe ou européenne.
D'après nos connaissances actuelles, toutes les
peuplades Bantous peuvent être assimilées, pour les
idées religieuses essentielles, à la iDCuplade des Fang.
L'Exposition ethnographique de Bruxelles avait i^our
but spécial de montrer que si dans un Musée comme
celui de Tervueren, on voulait attirer l'attention du
public sur le i^liénomène religieux, on n'aurait qu'à
reproduire pour une série de tribus-types de notre
Congo, une démonstration semblable à celle des Fang.
L'opinion publique, comme les explorateurs, se
rendrait compte de l'essence du phénomène religieux
dans notre Colonie et de l'imxDortance extraordinaire
de la vie religieuse dans la mentalité de nos nègres.
Déjà les dix volumes de la Collection des Mono-
graphies ethnographiques ont fourni des matériaux en
abondance. Or, notons que le phénomène religieux est
le plus difficile à observer de tous les phénomènes
— 2l5 —
sociaux ; il est le plus difficile à dégager de l'ensemble
des coutumes idéologiques.
A titre d'exemple, quelques témoignages sur la
notion du Dieu unique.
Rappelons, comme point de comparaison, le tableau
des Fang à rExi)osition de Bruxelles. « La paroi
n'offrait sous ce nom (de Dieu) aucune figuration.
C'était voulu. Et l'opposition entre ce manque de
représentation graphique et les tableaux du Totem,
des Mânes et des Sociétés secrètes, était frappante. «La
raison de ce procédé était fournie par l'inscription :
« Aucune représentation de Dieu, ni idole, ni image, ni
temple^ ni culte, ni sacerdoce, ni rite. Croyance en un
Etre suprême, créateur, organisateur du monde, juge. »
Cette notion du Dieu unique, avec des attributs
semblables, plus ou moins accusés, se trouve chez les
Bangala (I), les Mayombe (II), les Basonge (III), les
Maugbetu (IV), les AVarega (V), les Ababua (VII),
les Balioloholo (IX), les Baluba (X), chez toutes les
peuplades congolaises dont la monographie a été
publiée.
Posez ces peuplades-types sur une carte ; vous con-
staterez qu'elles sont autant de coups de sonde dans la
mentalité nègre.
J'ajoute : la notion du Dieu créateur et unique se
retrouve chez les i:)euplades des monographies sous
presse : les Bayaka, les Bakuba, etc.
Cette notion se retrouve chez toutes les autres peu-
pla^des congolaises sur lesquelles nous avons rassemblé
des renseignements.
Cette notion se retrouve non seulement chez les peu-
— 2l6 —
plades des possessions belg-es, mais des possessions
anglaises, portugaises, allemandes, françaises d'Afrique,
dans tout le Centre, le Sud, l'Est et l'Ouest de
l'Afrique nègre, non seulement chez ce qu'on est
convenu d'appeler la race Bantou, mais chez les autres
races, Pygmées compris.
Ainsi, toute l'Afrique nègre confesse sa foi au Dieu
unique et créateur.
Voilà une conclusion ferme de nos études patientes
et comparées. Combien d'autres pourraient être présen-
tées, relatives, par exemple, aux croyances à l'âme
humaine, aux esprits, à la vie future, etc.
A mesure que les observations se précisent, la men-
talité religieuse de nos nègres se dégage, sinon comme
très élevée, du moins comme arrivée à un niveau de
développement tel qu'elle mérite mieux que le dédain
dont on l'accable généralement.
Aux yeux de ceux qui cherchent à relever les noirs,
cette mentalité apparaît de plus en plus comme une
base excellente d'opérations, presqu'un levier pour
l'élever à un stade supérieur de développement.
Et les conclusions s'imposent avec des nettetés d'évi-
dence.
A titres d'exemples, j'en produirai deux : une néga-
tive et une positive. La première a trait à l'action de
tous les civilisateurs; la seconde est spéciale à nos
missionnaires, à ceux qui cultivent spécialement la vie
religieuse.
I. Si nos noirs vivent ainsi dans une atmosphère reli-
gieuse, il faut que nos civilisateurs de tout rang con-
naissent cette mentalité et agissent en conséquence.
— 21'
Afin de faire comprendre ce point aux membres du
Jury de la section des Sciences de l'Exposition de
Bruxelles, je disais :
« Supposez que des incroyants aillent violer nos
églises catholiques, y prennent les statues des Saints,
se moquent des cérémonies religieuses, jettent les
hosties consacrées et se livrent à mille scènes de mépris
pareil, quelle indignation profonde ne germera pas, à
juste titre, dans le cœur de nos catholiques, pour qui
la vie religieuse est l'essentiel de l'existence? A quelles
scènes de violence n'allons nous pas assister? La réac-
tion dépassera peut-être l'action. Et si même le Pouvoir
que nous pouvons imaginer tout puissant des incroyants
étouffe la révolte dans le sang, quelles rancunes ger-
meront dans les consciences froissées et mutilées?
« Eh bien! ces gestes d'intolérance qui provoque-
raient des révolutions chez nous, pourquoi voulez-vous
qu'ils n'aient pas de répercussion semblable dans le
monde des Jaunes ou des Noirs? Souvenez-vous de la
révolte des Boxers chinois. Et en Afrique, que de
révoltes aux causes inexpliquées causées par des atten-
tats imprudents ou inconsidérés aux emblèmes religieux
des indigènes! Ici c'est un explorateur qui installe un
poste sur une colline dédiée à tel puissant esprit; là
c'est un arbre fétiche qu'on abat par bravade; tantôt
ce sont des statuettes-fétiches qu'on enlève comme objet
de curiosité ou ce sont des cases dédiées aux morts
qu'on renverse ; tantôt ce sont des animaux totémiques
qu'on tue ou des tabous respectés qu'on force à violer.
Autant de froissements inutiles, sinon stupides, qui
n'ont d'autre excuse que rigiiorance.
— 2l8 —
>> C'est pour dissiper cette ignorance que nous faisons
nos enquêtes et cette Exposition. »
Le phénomène religieux joue un rôle énorme dans
les Sociétés africaines; si l'on veut conquérir la sym-
pathie des indigènes, il faut connaître leurs coutumes,
afin de ne les i^oint froisser inutilement dans leur con-
science sacrée.
Une étude attentive indiquera quels sont les usages
qu'on x)eut et doit respecter et quels sont ceux qui sont
contraires à l'humanité et qu'il faut condamner. Parmi
ces derniers, figurent les meurtres rituels, les magies
homicides, les épreuves du poison, etc. Autant le civi-
lisateur, quel qu'il soit, doit se montrer imj)lacable dans
la répression de ces énormités, autant il se montrera
tolérant à l'égard des actes religieux proi)rement dits.
Ainsi la mentalité du nègre s'épurera; les excès seront
IDCu à i^eu laissés de côté, les tendances élevées seront
maintenues.
Sinon on risquerait de ruiner à la fois dans la cons-
cience du pauvre nègre et l'idéal qui l'élève et le crime
qui le dégrade. La politique éducatrice intelligente doit
conserver le j)remier et anéantir le second.
Voilà comment l'Exposition du i)hénomène religieux
chez les Fang — qui n'est qu'un exemi^le — formait une
contribution, non seulement à la science — ce qui est
évident — mais à la civilisation, ce qu'il fallait
démontrer.
2. Sur ce terrain religieux, ainsi préparé par l'arra-
chement des mauvaises herbes — travail auquel tous les
blancs en contact avec les nègres devraient collaborer
— 219 —
— le missionnaire, apôtre de relig-ions plus élevées, est
appelé à réaliser sa tâche sx^éciale.
Comment procéder?
Deux méthodes sont en présence.
La première consiste à faire table rase des croyances
nègres antérieures, à les considérer comme mauvaises
jusqu'à la racine, à les arracher sans pitié : ainsi, dit-on,
l'Esi)rit mauvais sera anéanti. A sa place on sème les
vérités de l'Evangile et les mentalités chrétiennes se
développent.
C'est la méthode qu'on x)ourrait appeler, sauf respect,
la méthode révolutionnaire. C'est celle qui est appli-
quée souvent, si l'on en croit les Bulletins des missions.
La seconde méthode est plutôt évolutioniste, si l'on
peut dire. Elle prend la plante nègre telle qu'elle est ;
et comme en horticulture intensive, elle pose une greffe
sur elle et obtient des fruits sélectionnés. La greffe,
c'est un idéal religieux supérieur. C'est, si vous voulez,
le Christianisme. Cette méthode, qui est conforme à
celle des sciences naturelles, donne, assure-t-on, des
résultats excellents. Le P. Colle, des PP. Blancs, en a
exposé l'économie au dernier Congrès catholique de
Malines. Il semble que ce système soit le seul qui ait
pour lui l'obserA^ation, la science, l'avenir et, à tout
prendre, la tradition chrétienne, notamment des pre-
miers siècles de l'Eglise.
Voici quelques explications, fournies par notre Col-
lection de Monographies :
a) On a vu que la notion du Dieu unique et créateur
hantait la mentalité nègre africaine. Assurément, cette
notion varie. On a observé avec raison que des diffé-
— 220
rences s'accusaient jusque dans le nom donné à Dieu;
chez les Bantous, par exemple, les uns appellent Dieu,
l'Etre « ineffable » ; les autres, « Celui qui fait, l'Orga-
nisateur, le Créateur » ; d'autres « le Puissant, le Maître,
le Grand » ; il en est qui disent « le Vivant » ; et nom-
breux sont ceux qui l'appellent « Celui d'en Haut,
Celui de la Lumière, Celui du Ciel, Celui du
Soleil », etc.
M^*" Leroy, comparant la précision des données lin-
guistiques des Bantous avec leurs idées actuelles, va
jusqu'à dire que « cette notion de la Di^dnité a subi
chez eux une régression évidente et qu'elle était beau-
coup plus nette à l'époque de la formation de la langue».
Peut-être, Ce serait un argument de plus en faveur de
la méthode évolutioniste, puisqu'alors il ne s'agirait
que de remettre le courant dans le lit du fleuve d'an tan.
Eh bien, sur ce tronc (croyance au Dieu unique) —
dégénéré ou non — il s'agit de greffer la croyance au
Dieu unique chrétien. Ce n'est qu'une question de
développement graduel et organique. Qu'on élague
quelques branches et que l'arbre pousse ! Qu'au Dieu
unique à attributs plus ou moins vagues, on ajoute peu
à peu les attributs caractérisés ! Qu'au Dieu qui ne se
môle pas des hommes, on ajoute la notion de Provi-
dence ! Qu'au Dieu qui n'exerce après cette vie qu'une
action de juge plus ou moins indéterminée, on ajoute
l'idée de justice parfaite. Qu'au Dieu esi3rit plus ou
moins grossier, on ajoute l'esi^rit de plus en plus
spirituel, etc.
Et voilà la croyance épurée. C'est l'arbre originaire
« sauvage » sur lequel la greffe a oi)éré et dont les fruits
— 221 —
sont d'une qualité de plus en plus supérieure. L'idéal
divin s'est élargi et purifié. Le culte s'ajoutera de
même, i^rogressivement irrésistiblement, peu à peu,
mais avec continuité.
La civilisation aura fait un pas en avant.
b) Ainsi peut-on procéder pour l'âme humaine. Con-
sultez les Monographies, Tous les nègres étudiés croient
à l'existence, chez l'homme, d'un principe autre que
celui du corps.
L'auteur de la Religion des Primitifs n'hésite pas à
généraliser et à étendre cette croyance à tous les Ban-
tous actuels. « Chez ces derniers, dit-il, soit que l'âme
humaine ait i)lusieurs formes distinctes, soit qu'elle ait
plusieurs manières de se manifester, c'est elle qui bat
dans le cœur et les artères, qui respire, qui brille dans
le cristal de l'œil: elle est le principe de la vie, et comme
elle, elle disparaît momentanément quand l'homme
tombe en syncope ou en léthargie, et définitivement
quand il meurt. — Elle est aussi une espèce de sub-
stance éthérée qui, pendant le sommeil du corps, reçoit
la visite d'autres esprits, qui va les voir, qui s'occupe,
qui « rêve » . — Elle est encore une voix intime qui nous
parle à nous-même, nous inspire de bons et de mau-
vais sentiments, qui nous porte au bien et au mal, nous
cause de la joie et des remords. — Elle est enfin, peut-
être représentée par cette extériorisation dé notre per-
sonne, qui s'appelle l'ombre, plus frappante et plus
vivante dans les pays du soleil que dans les nôtres,...
qui repose dans l'homme endormi et le suit dans la
mort... Ce quelque chose par quoi l'homme vit, se meut,
a conscience de lui-même, se gouverne, raisonne, parle,
rêve et enfin se survit. »
222 —
Chez les i)lus religieux de nos Bantoiis du Congo
belge, les Baluba, « à la mort, l'âme brise sa chaîne ;
elle commence une vie indépendante dans le monde des
esprits ; et cependant elle n'abandonne pas le corps dont
elle s'est dégagée : tant que du cadavre il reste quelque
chose de solide, de saisissable, elle continue à y séjour-
ner ; ceiDcndant elle va, vient, où et quand bon lui
semble, quitte à revenir sans cesse au corps comme
l'habitant à son logis ; elle peut directement ou à tra-
vers les organes en décomposition — on ne sait - enten-
dre les paroles et considérer les actions des vivants ».
C'est sur des données pareilles, plus ou moins sem-
blables dans les diverses peuplades étudiées dans les
Monographies, que le H. P. Colle, des PP. Blancs, et
moi, discutâmes les bases de son rapport à Malines.
C'est dire que les conclusions de ce rapport, fruit de
notre travail commun, je les adoi)te sans réserves. En
voici quelques-unes :
Le seul exposé de cette doctrine sur l'âme montre
l'importance qu'il y a pour le missionnaire de s'en ren-
dre compte exactement. Au lieu de présenter aux nègres
la spiritualité de l'âme comme une vérité nouvelle, il
suffira au contraire de lui faire remarquer qu'il la pos-
sède déjà dans sa notion basique. Il leur tiendra à peu
près ce langage : « Je vais vous expliquer une chose que
vous connaissez depuis longtemiis et que vos ancêtres
ont cru avant vous. Dans l'homme, il y a autre chose
que le corî)s ; il existe quelque chose que nous ne pou-
vons voir ni toucher ; vous l'appelez « mutima », cœur.
Je parle du cœur spirituel, avec lequel vous pensez,
vous voulez, et non pas de ce petit morceau de chair qui
— 223 —
bat dans la poitrine. Tous vous croyez qu'après la
mort de l'homme, quand l'être humain entre déjà en
décomposition, il reste quelque chose qui ne meurt pas,
ne se décompose i)as, mais qui continue à agir, voir et
entendre, sans que nous puissions ni le voir, ni le tou-
cher, ni l'entendre. Vous y croyez tellement que vous
lui élevez des petits temples, où elle puisse venir séjour-
ner ; que vous lui parlez et que vous lui adressez vos
prières ; que vous lui offrez des sacrifices et que quel-
quefois même, quand elle vous ennuie trop, vous brûlez
son cadavre pour la forcer à quitter au j)lus tôt cette
terre. Eh bien, cette chose invisible, imi)alpable, et
cependant si vivante, plus semblable à un esprit qu'à
un homme, c'est ce que j'appelle l'âme spirituelle. Tous
vous en avez une. »
Voilà, si je ne me trompe, ajoutait le P, Colle, une
méthode simi^le et pratique i)our leur enseigner les élé-
ments i)remiers de ce point fondamental de notre reli-
gion. Elle découvre à leurs yeux l'assise de l'essence
de l'âme. Cette chose si abstraite leur api^araît i^our
ainsi dire sous une image sensible. En expliquant ainsi
la nature de l'âme, le missionnaire peut éviter bien des
confusions, toujours possibles, et résoudre sans xDeine
des difficultés, absurdes à nos yeux, mais très réelles
et profondément avérées dans l'esprit des noirs. En un
mot, il sera mieux compris et plus tôt cru.
C'est mon opinion et la seconde illustration de la
méthode de la greffe.
Les iDroportions de cet article de revue ne me permet-
tent pas d'ajouter d'autres exemples. Le lecteur peut
faire lui-même ce travail supplémentaire, en parcourant
22^ —
les fiches 101-121 des Monographies ethnographiques.
Ce qui ne veut pas dire que tout cela produira des effets
immédiats. ]Non. Le temps est toujours nécessaire. Je
me souviens de la parole de mon ancien professeur et
ami, le P. Liagre, le missionnaire de Kimuenza, qui
disait à M. Buis : « Je puis bien, sur 5 ou 6 ans, leur
faire réciter le catéchisme, mais je ne pais leur fournir
leur conscience chrétienne ; il faudra plusieurs généra-
tions pour cela. »
Après, réfléchissez. Supposez que les diverses bases
religieuses des noirs, i^uissent être ainsi utilisées
supposez que l'expérience évangélique ait trouvé les
divers ponts qui permettent de faire franchir au noir
la distance qui sépare sa mentalité de celle du chrétien,
n'en résulterait-il pas, comme on l'a dit au Congrès de
Malines, une méthode d'évangélisation féconde, plus
rapide, adaptée au but, et remplie de promesses ?
C'est une des faces de ce que j'ai nommé la civilisa-
tion méthodique de la race nègre.
6. — Conclusions.
Parmi les conclusions essentielles qui se dégagent de
cette esquisse de la Civilisation méthodique du Congo ^
il en est trois sur lesquelles j'appelle l'attention : la
première se rattache à l'extension du travail dont il
vient d'être fourni quelques échantillons ; la deuxième
se rapporte à la pénétration des renseignements et de la
— 225 —
méthode dans les cerveaux des civilisateurs ; la troi-
sième a trait à l'enseig-nement colonial.
I. Les exemples fournis pour deux phénomènes
sociaux démontrent la possibilité d'étendre les études
similaires non seulement aux diverses espèces de
questions de chacun de ces phénomènes — économie et
idéologie — mais encore aux autres phénomènes :
familial, esthétique, moral, Juridique, politique.
Chaque catégorie exige ses spécialistes.
La documentation est à pied d'œuvre. Voici dix
Monographies, bientôt douze et quinze.
Les ouvriers sont attendus pour l'édification de
l'œuvre.
La Conférence du jeune Barreau de Bruxelles va
mettre à l'étude les questions qui se rattachent au
phénomène Juridique. Divers autres groupements ont
annoncé leur collaboration en d'autres domaines.
BeaucouiD de fruits sont mûrs ; qui les cueillera ?
Pour ma part, Je me déclare prêt à aider toutes les
initiatives ; de plus, Je pousserai mes études person-
nelles de divers côtés. Assurément, il ne faut pas
espérer obtenir un succès égal en tous domaines ; mais
présenter des solutions à l'avis des spécialistes et
amener ceux-ci à les discuter, n'est-ce pas déjà un
résultat digne de tenter l'activité ?
•^is'
2. A mesure que ce travail s'achèvera, les résultats
seront livrés à tous ceux qui s'y intéressent ou qui
doivent s'y intéresser — de par leurs fonctions.
En attendant, n'est-il pas désirable que les docu-
15
ments eux-mêmes soient mis à la disposition de ceux
qui sont susceptibles de collaborer de quelque manière
à l'œuvre colonisatrice des nègres ?
Léopold II avait décidé que chaque poste européen
au Congo, serait x>ouî*vu d'une collection de Monogra-
phies ethnographiques. Ainsi, chaque fonctionnaire
aurait toujours été mis à même non seulement de
contrôler éventuellement les renseignements y con-
tenus, mais surtout de s'inspirer des travaux antérieurs
pour guider sa conduite et même pour fournir la docu-
mentation résultant de son observation personnelle et
de son expérience. Le E,oi désirait que les fonction-
naires de l'Administration Centrale de la Colonie
eussent toujours ces documents à portée de la main, de
façon à se tenir au courant des mœurs des indigènes et
de l'ensemble des i^roblèmes qui les intéressaient.
Et dans divers entretiens, Léopold II alla plus loin.
Il voulait pourvoir de cette documentation, nos éta-
blissements d'enseignement supérieur, moyen, profes-
sionnel, les écoles normales primaires et les biblio-
thèques cantonales des instituteurs. « De cette manière
■disait-il, nos professeurs n'auront i^lus d'excuse à leur
ignorance des mœurs des populations du Congo ; armés
de ces connaissances positives et nombreuses, ils
pourront familiariser les générations de demain avec
la vie de ceux dont elles ont charge d'âme .»
Ce qui est vrai iDOur la Belgique s'applique, par
identité de motifs, à tous les autres.
Un jour même, le Roi rêva d'une collection de livres
— récits à bon marché — rédigés à l'usage des élèves
et du gTaiid iDublic. C'est l'origine de la Collection des
Peuplades africiiines, dont le premier volume, les
Bangala, i)arut et obtint un succès encourageant.
Bientôt de nouveaux essais seront faits.
Ainsi, outre les nombreux périodiques — mensuels»
liebdomadairvîs et quotidiens — qui sont entrés à pleine
voile dans l'étude et la vulgarisation des mœurs de nos
noirs, des œuvres de i^ropagande systématique sont
nées et se sont développées.
L'heure paraît venue de leur donner un nouvel essor.
L'Afrique est attaquée de tous côtés i3ar le Capitalisme
et la Colonisation. Des forces immenses sont en marche
pour l'exploitation du Continent noir. L'élan se i)réci-
pite. Une notable i)artie de la Politique des grands
Empires est consacrée aux questions africaines.
Dans cette masse de préoccuiDations d'ordre écono-
mique, combien mesquin apparaît le souci du progrès
des indigènes, qui devrait occuper la x>lace prépondé-
rante !
L'historien de l'avenir qui cherchera dans l'action
africaine des Puissances européennes la part qui relève
du facteur idéologique trouvera t-il autre chose que
l'effort des missionnaires, de quelques exi^Iorateurs
conscients do l'idéal de leur mission, de certains fonc-
tionnaires et hommes d'Etat aux vues humanitaires et
de rares déclarations solennelles de Parlements i)ar-
fois mieux intentionnés que compétents ?
Le tourbillon économique qui emporte l'effort euro-
l)éen en Afrique apparaîtra, si nous n'y prenons garde,
comme l'illustration la t)1us décisive, au début du
XX^ siècle, de ce matérialisme historique que Marx
— 228 —
produisit comme la synthèse du siècle dernier tant en
Europe qu'en x\mérique.
Oui, il est grand temps d'essayer une sui^rême tenta-
tive de relèvement du nègre africain. Toutes les nations
devraient y collaborer collectivement. C'est ce qu'avait
compris le Congrès international d'Expansion écono-
mique de Mon s, qui a fondé l'œuvre ethnographique et
civilisatrice sur des bases internationales. Il serait à
souhaiter que les Gouvernements soutiennent davan-
tage Tinitiative iirivée.
En ce qui concerne spécialement la Belgique, qui
occupe le i^oste d'honneur dans l'Afrique centrale, le
moment n'est-il pas venu d'entamer sa mission civili-
satrice avec méthode et sur une échelle plus étendue?
En ces dernières années, des i)rogrès ont été accomplis;
la législation a été améliorée ; on commence à tenir
compte des exigences régionales; les bonnes intentions,
prodiguées à Theure de la reimse de la Colonie, se
précisent. Mais l'ensemble de cet effort, si méritoire
soit-il, n'est-il pas trop économique?
Grâce aux missionnaires, on multiplie les écoles ,
combien rares cependant ! Mais le programme de ces
écoles est-il adapté aussi bien que possible aux besoins
des peuplades ? Les maîtres eux-mêmes ont-ils reçu la
préparation la meilleure ? Et les colons, où sont-ils for-
més? Et les agents des sociétés? Et surtout les fonction-
naires, ces puissances du Congo ?
3. Et c'est ainsi que, deux ans après la mort de
Léopold II, la nécessité et l'urgence de l'Ecole mon-
diale s'imposent aux yeux des amis des noirs comme
une mesure de salut public.
— 229 —
C'est en igoB que la première pierre de l'Ecole mon-
diale fut posée à Tervueren par Léopold II. Pourquoi
s'obstiner à ne pas ajouter les autres?
Il y a beau jour que les programmes sont i)rets.
Pourquoi les laisser dans les cartons? Parce qu'ils
s'étendent à la préparation aux carrières dans les pays
neufs autres que le Congo? Qui vous empêche de com-
fuencer par la i^artie coloniale africaine ?
L'Afrique centrale attend de nous son progrès. Nous
avons accepté cette mission des mains de l'Europe. Il
faut fonder sans tarder un établissement d'enseigne-
ment colonial digne de notre tenix^s, de la science et de
notre pays.
Les divers paragraphes de cet article conduisent tous
à la fondation d'un établissement d'instruction colo-
niale, à la fois supérieur, moyen et professionnel, où
les futurs colonisateurs viendront achever leur forma-
tion avant de réaliser et vivre leur vocation en Afrique.
Là serait centralisé, en diverses sections, l'outillage
indispensable à cet achèvement d'éducation : la docu-
mentation, les ateliers, les laboratoires, etc. Tout bai-
gnerait dans l'atmosphère coloniale. Ainsi pourraient
être sélectionnés les talents et les caractères.
En vain prétendrait-on qu'il vaut mieux décentra-
liser et donner cet enseignement colonial complémen-
taire dans les diverses universités, collèges et écoles
professionnelles en activité dans les différentes pro-
vinces. Qui ne voit l'impossibilité d'organiser un ensei-
gnement sérieux dans tant de milieux? Qui n'est prêt à
condamner la dé^iense, formidable à force d'être renou-
velée, ne fût-ce que pour le matériel didactique indis-
— 23o —
pensable ? Qui ne reculera devant la difficulté insur-
montable de recruter un tel nombre de i^rofesseurs à la
hauteur de leur tâclie ? Qui espère faire souffler sur
autant d'institutions « l'esprit colonial » ?
Non, non. En Belgique pas plus qu'à l'étranger, on ne
trouvera d'autre solution que celle de Léopold IT :
L'Ecole centrale où s'assembleront tous ceux qui
veulent achever leur instruction i)rofessionnelle par le
complément d'éducation coloniale nécessaire.
Dans ce centre d'études théoriques et pratiques, sans
cesse alimenté par la documentation la plus fraîche et
l'invention la plus récente, les aspirants-représentants
des diverses spécialités civilisatrices pourront venir se
former ou se perfectionner : l'agent de l'Etat comme
l'employé des Sociétés commerciales, le missionnaire et
le colon, l'explorateur et le savant, et tous ceux qui
aspirent à faire l'aumône d'un geste pour l'élévation du
pauvre nègre.
Cette conception d'un centre intellectuel supporte
d'ailleurs tous les amendements exigés par la nature des
choses.
Ainsi, puisque la Commission officielle nommée par
les Ministres des Colonies et des Sciences et des Arts a
décidé à l'unanimité qu'un Institut de médecine tropi-
cale ne pouvait avoir son établissement principal
qu'au port d'Anvers, parce que là seul il y a chance de
recueillir le nombre de malades indispensable, pour-
quoi ne pas organiser la section médicale de l'Ecole
mondiale ou coloniale dans notre grand port commer-
cial ?
Ainsi encore, puisque la question des écoles en Afri-
— 23l —
que a revêtu une urgence aussi caractérisée, pourquoi
ne pas organiser, à l'Ecole mondiale ou coloniale, une
section normale spéciale pour la formation des profes-
seurs ? Peut-être pourrait-on songer bientôt aussi à la
création, en Afrique, d'une seconde école normale,
genre .Tuskegee, où les maîtres noirs pourraient être
préparés ?
L'essentiel est de tenir la civilisation méthodique de
l'Afrique au-dessus des partis politiques.
Cyr. Van Overbergh.
I.
Table coordonnée des Matières
d'après l'ordre
du Questionnaire et des Monographies
Contenu
des dix premiers volumes de la collection
des monographies
— 234
Préface . .
Bibliographie
Iconographie
BAXGALA
MAYOMBE
BASONGE
(CONGO BELGE)
(CONGO BBLGE)
(coNa belgb)
Pages.
Pages.
Pages.
I-XV
I-XVI
I-XVI
1-29
Mi
1-13
31-50
13-29
15-33
A. Renseignements géographiques et ethnogra-
phiques GÉNÉRAUX.
1. Nom 51
2. Situation géographique 53-61
3. Cartes 63-64
4. Population 63-66
5. Occupation principale 67-68
6. Population flottante. — Immigration. —
Émigration 69-70
7. Parentés et origines 71-74
8. État physiologique et mental .... 73-77
9. Mœurs en général 79-80
31-32
35-36
33-58
37-76
59-60
77-78
61 63
79-84
63-67
85 86
69
87 90
71-73
91-99
75-76
101-104
77-80
iO.-.-liO
B. — Vie matérielle.
a) Soins donnés au corps.
10. Soins de propreté 81
11. Cheveux 83-84
12. Ongles 83
13. Épilalioii 87
14. Sommeil 89
13. Natation 89
16. Équitation
17. Portage 91
18. Tournois de lutte 93
19. Jeux 93
81
m- 112
83
1:3-113
85
il/
85
117
87
119
89
121
91
121
93-94
1-23-1 Ji
95
95
— 235 —
..vrRVTi. WARFCA ABABLA KLKU MANDJA BAHOLOHOLO BALIIBA
iST.'i.^ (co^a"fBE.t.) icofotlton) (Poss. Angl,-lgypt.) (— « pk.xç.) (co.oo_BK.aK) (conoo bk.o.)
>ages.
I-XVI
Pages.
I-XX
Pages.
I-XV
Pages.
I-XLII
Pages.
I-XXIV
Pages.
I-XX
Pages.
I-XLV
1-23
1
1-19
1
1-6
23-49
3-19
21-43
2-4
7-17
XXVIII-XXXII
1
Sl-52
21-22
45-46
5
19
1-2
1
53-82
23-36
47-95
7-30
21-70
3-23
2-32
83-84
37
97-98
31
71-72
23
33
• 85-87
39-40
99-100
33-34
73-82
25-26
35-39
89-92
41
101-102
35-36
83
27
41
93
43
103
37
83
—
43
95-115
45-48
105-107
39-40
85-108
29-33
45-67
H7-121
49-52
109-110
41-43
109 112
35-37
69-70
123-125
53-54
111-113
45-47
113-114
—
71
127-128
55-56
117
49-51
115-116
39
73-74
129-132
57-58
119-120
53
117-118
41-42
75-77
133
59
121
53
119
43
79
135
59
121
5o
119
43
79
137
61
121
57
119
45
81
139
61
121
59
121
45
83
139
63
59
121
—
85
141-142
63
123-124
61-62
123
47
85
143-144
63
125
63
123
47
87
145
65-68
127-132
63
123
47
89-95
— 236 —
BA.NGALA MAYOMBE BASONGE
(CONGO BELGE! (CONGO BELGE) (CONGO BELOS'
Pages. Pages. Pages.
b) Alimentation.
20. Espèce de nourriture 97-99 97-104 125-126
21. Façon de se procurer du feu .... lOi 105 127-128
22. Préparation des aliments 103-105 107-110 129-132
23. Cuisine 107 111-112 133
24. Repas 109-110 il3 135-136
25. 3Iets permis et défendus 111-112 115 137
26. Excitants 113 117-118 139-140
27. Boissons 115-llG 119-120 141-142
28. Anthropophagie 117-122 121 143-150
29. Géophagie 123 121 151
30. Conservation des aliments 123 123 151
c) Vêtements.
31. Coloriage 125-126 125-126 153-154
32. Tatouages 127-131 127-128 155-156
33. Objets suspendus au corps 133 129-130 157-158
34. Vêlements 13o-136 131 134 159-162
35. Matière de vêtements 137-138 135
36. Chaussures 137 163
37. Coiffure J39 139-140 165
38. Ornements et parures 139 141-142 167-168
d) Habitations.
39. Situation 141 143-145 169-170
40. Habitations transportables 141 147 171
41. llabitation-type 143-147 149-150 173-182
42. Réparations et embellissements . . . 149 151 183
43. Meubles 151-152 153 185
44. Eclairage 153 155-156 187
45. Chauffage 165 157 189
46. Villages 157-158 159-162 191-199
— a37 —
«ANGBETU WAREGA ABABLA KUKU MANDJA BAHOLOHOLO BALUBA
ONGO BELGB) (CONGO BELGE) CONGO BELGE)(P0S.ANGL.-ÉGYPT.) f CONGO FR\M(;.l (CONGO BELGE) (CONGO BELGB)
— — — — — TOME I.
Pages. Pages. Pages. Pages. Pages. Pages. Pages.
69-70 133133 65-68 12o-130 49-50 97-99
71 137-138 69 131-132 51 101-102
73-74 139-140 71-77 133-134 53-54 103-107
75 141 79-80 135-136 55 109-110
77-78 143-144 81-82 137-138 57 111-113
79-80 145 83 139 69 115-117
81 147-148 85-87 141-144 61-62 119-120
83 149-150 89-91 145 146 63-64 121-122
85-86 loi 93 147-149 65 123-129
87 151 93 151 65 131
87 153 95-100 153-155 67-68 133
89
155-156
101
157
69
135-136
91-92
157-165
103
157
71
137-138
93-94
167-172
105-109
159-166
73-74
139-140
95-96
173-175
111-114
167-168
75
141-143
97-98
177-178
115-116
77-78
99
178
117
169
79
145
99
179-180
119
171
79
147
101
180
119
173
81
149
215-216
103
181-182
121-122
175-176
83-84
151-153
217
105
123-124
177
—
155
219-226
107-109
183-189
125-131
179-184
85-88
157-163
227-228
109
191
133
185
—
165
229232
109
193-194
135-136
187-188
89-90
167-168
233
111
195
137
189
91
169
235
111
!97
137
189
—
171
237-240
113-116
199-204
139-157
191-194
93-94
173184
238 —
BANGALA MAYOMBE
;C0NG0 BBLGE) (CONGO BELGE;
<) Moyens d'existence. îiIétiers. Occupations
Pages. Pages. Tages.
47. Oulils et ustensiles 139 163 201
48. Cueillette 161 165 203-Î04
49. Chasse 163-168 167-171 20o-'i08
50. Pèche 169-172 173-174 209-210
5!. Agriculture 173-174 175-184 211-214,
52. Animaux domestiques 175 185 215-216
53. Tissage 175 187 217-218
54. Vannerie 177 489 219-220
55. Poterie 179 491-194 221-222
56. Métallurgie 181-182 195-197 223 225
57. Meunerie 197 227
58. Travail du bois 183-185 199-200 229
59. Corderie 187-188 201 229
60. Tannerie 489-190 201 231
61. Teinturerie 191 203-204 233
62. Extraction des minerais et des roches. . 205 233
63. Autres métiers 191 207 209
64. Légendes relatives à l'invention des mé
tiers 211 233
0. — Vie faauliale.
a) Naissance.
65. Avant la naissance 193-194
66. Accouchement 195
67. Soins donnés à la mère 497
68. Soins donnés à l'enfant 199
69. Causes qui limitent la population . . . 201
70. Mouvement de la population ....
b) Éducation. — Initiation.
71. Éducation physique ....
72. Éducation intellectuelle . . .
73. Éducation morale
1
213-214
235
245
237-238.
215
239!
217-218
241-242
219
243-244
219
245-246
203
221
205
223
207
223
— 239 —
MANGBErr WAREGA ABABIA KUKU MANDJA BAHOLOHOLO BALUBA
ruM.O HELGi:) (CONGO BELGE ( CONGO BELGE) (POSI. angl.-èjypt.) (CONQO FRANC.) (CONGO BELGE) (CONGO BELGE)
— — — — — TOME I.
Pages. Pages. Pages. Pages. Pages. Pages. Pages.
24l-2i2 117-118 203-206 l.'iO 195 95 I80-I86
2i3 119 161 197 97 187-188
245-247 121-123 207-212 163-165 199-202 99-102 189-198
249-250 125-126 213-214 167 2L3-i:04 103-106 199-204
251-254 127-128 215-223 169-172 205-214 107-108 205-214
255-256 129 225 173-173 215-216 109 215-217
, 257 129 227-228 175 217-218 111
259-260 131 229 177-178 219-220 113-114 219 2-20
261-264 133-134 231-232 179-180 221-224 115-116 221
265-271 135-138 233-239 181-184 225-232 117-118 223-225
273-274 139 241 185 233-234 119 227-228
275-282 139 243-244 185 23:1-240 121 229-230
283-284 141 245 187-188 241 123-124 231
285-286 141 247 189-190 243-244 123 233
287 143 191 243 127-128 23S
287 143 193-196 245 129 235
289 145 249 197 247-248 131-132 237-241
289 143 497 249 133-134
289
147
251
199
.231
133
243
291
149-150
253
201
263
137
245-248
293
131
255
203
265
137
249
295-296
153-165
257
205-206
257-258
139-142
251-258
497-298
157
259-260
207-208
259
143-144
239-260
299
157
260
209
261-262
145-147
261-262
301-302
139
261
211
263
149
263-2^4
303
169
261
213
263
151
265
305
161
213
265
153-154
267
— 240 —
BANGALA MAYOMBE
(CONGO belge) (CONGO BELGE)
235
253-256
237-239
257-258
241
259
243
259
245
261-263
247-248
266
249
265
249
267-268
551
269-270
253-254
271
255
273
P»gM. Pages. Pages.
74. Éducation des sorciers, des féticheurs,
des médecins, etc 209 225-231 249
75. Initiation 211 233 251-252
c) Mariage.
76. Amour 213
77. Fiançailles 213
78. Mariage 215
79. Nature du mariage 215
80. Formes du mariage 217-218
81. Cérémonies du mariage 219
82. Empêchements au mariage 219
83. Le mari 221
84. La lemme 223-224
85. Dissolution du mariage 225
86. Les eunuques .........
d) Famille.
87. Autorité 227
88. Composition 229-230
89. Habitations 231
90. Relations entre les membres de la famille 233
91. Propriété familiale 235
92. Rôle des voisins dans la famille . . . 237
93. Situation sociale des membres de la
famille 239
9i. Arbre généalogique
e) Mort.
95. Maladies, accidents 241
96. Derniers moments d'un moribond . . . 241
97. Le mort avant son enterrement . . . 243
98. Funérailles 245-248
257
275-276
259
277-278
261
279
263-264
281-282
283-284
265
285
265
285
267
287
1
269-270
289-291
271-272
293-294
273-275
295-296
277-280
297-301
ii
— 24l
MAXGBETU WAUKGA ABABLA KUKU MANDJA BAHOLOHOLO BALLBA
CONOO BELOB) (CONGO BeLGE) (CONGO BELGE) (POSS. angl.-egypt. ) (CONGO FRANC.) (CONGO BELGE) (CONSO BELGE)
— — — — — — TOME I.
Pages. Pages. Pages. Pages. Pages. Pages. Pages.
305
161
263
213
265
155
269-271
307-308
163-166
263
213
267-269
157-160
273-277
309-310 167 265-267 215-216 271 161-167 279-282
311-312 169-171 269 217-218 273 — 283-286
313 173 271-272 219 275 169 287-288
315 173 273 277 221 275 171 289-291
317-319 175-176 279 282 ' 223 277 173 293-294
321 177 283 225 279 175 177 295-303
323-324 177 283 225 281 179 305-306
325 179 283 227-228 281 181-183 307-309
327-330 181-182 287-290 229 283-284 185-188 311-315
331 183 291-293 231-233 285 189-191 317-319
331 183 295 — 285 193 321
333
186
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235
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195-196
323-335
335
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337-338
335
187
303
239
289
199
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317-320
259-260
307-308
221-222
405-409
16
242 —
BANGAI.A MAYOMBK BASONGE
(CONQO belge) (CONGO BELG«) (COXOO BBI.OI
Pages.
99. Manière d'agir des parents envers le
décédé 249
100. Modifications produites dans la famille
par le décès d'un membr» 251
D. — Vie religieuse.
101. Animisme 253
102. Culte des ancêtres 25S
103. Fétiches 255-257
104. Tabous 259
105. Totems 261
106. Magie 263-266
107. Idoles 267
108. Culte des phénomènes physiques . . . 269
• 109. L'àme humaine 271
110. Vie future 273-275
111. Spiritualisme 275
112. Matérialisme
113. Monothéisme ou Polythéisme .... 277-279
114. Morale 281
115. Philosophie 283
116. Manifestation de la religion
117. Rites Î85-286
118. Mythologie et folklore 287-291
119. Sociétés religieuses secrètes .... 291
120. Dieux 293-294
121. Temples
122. Prêtres, fèticheurs 295-296
E. — Vif. intei.lectiei.i.e.
a) Arts.
123. Écriture .
124. Langage
297
299-301
Pages.
281-283
285
323
325-327
PagM.
303
287-288
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319
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341
343-350
— 243 —
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327
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383-388
227-239
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241
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379
291
285
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245
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BANGALA MAYOMBE BASONGE L,j
(CONGO BELGE) (CONGO BELGE) j CONGO BBLGB) "
Pages. Pages. Pages.
125. Peinture -329 354-352
126. Danse 303-304 331-332 353-358
127. Chant 305-306 333-334 359-360
128. Musique 307-314 335-337 361-364
129. Sculpture 315 339-340 365-366
130. Talent inventif
131. Matières 367
132. Jeux 317 341 369
133. Représentations théâtrales 319 341 369
\
b) Sciences.
134. Astronomie et météorologie ....
135. Arithmétique 321-322
136. Science de l'ingénieur
137. Nautique 323
138. Transport sur terre
139. Division du temps 325
140. Médecine 327 331
141. Histoire 333
142. Géographie 335-336
c) Facultés intellectuelles.
143. Mémoire 337
144. Imagination
145. Invention
146. Entendement 339
147. Observation
148. Raisonnement 341
149. Prévoyance
150. Perception
343
371-372
345-346
373-375
347
377-378
349
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389-390
363
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409
— 245 —
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— — — — — TOME I.
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263 423-426 309 361 405
263-266 427-432 309-310 363-365 407-41 G
267-269 433-439 311 367-370 417-419
271-273 441-446 311-312 371-374 421-423
275 447-449 313 373 425-4'26
• 275 449 427
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- 246 -
BANGALA MAYOMBE
(C0!««0 BKI.aK) (CONGO BEL9K)
Pages. Pages. Pages.
V. Vie sociale.
a) Propriété.
151. Biens mobiliers 343
152. Biens immobiliers 345
153. Nature de la propriété 3i7-348
154. Limites de la propriété 349
155. Marques de propriété 351
156. Domaine public 353
157. Location ,
158. Usufruit
1,^9. Droit de chasse
160. Droit de propriété sur les choses trouvées.
161. Succession 355
b) RÉGIME ÉCONOMIQUE.
162. Commerce 357-362
163. Monnaie 363-370
164. Voies de communication 371
165. Industrie
c) Coutumes juridiques.
166. Droit civil
167. Droit civil 373-377
168. Droit pénal 379-381
169. Recherche du délinquant 383-385
170. Droit d'asile 387
d) Organisation sociale.
171. Vie nomade
172. Vie pastorale
173. Vie sédentaire 389
174. Classes et castes 391-392
175. Esclavage 393-395
381-383
427-430
385
431-432
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- 247 -
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521-527
355-358
421
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331-333
529-534
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543-548
367
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533-538
— 248
BANGALA
{CONGO belge)
e) Organisation politique. —
Pages.
-176. Organisation politique 397
177. Chef 399-401
178. Assemblées 403-406
179. Associations secrètes
180. Officiers inférieurs 407
181. Tribus 407
182. Organisation financière 409
183. Situation des étrangers
/■) Relations avec l'extérieur.
184. Relations pacifiques 414
185. Relations guerrières 413-422
186. Contact avec les civilisés ..... 423-433
MAYOMBE
CONGO BELGEI
PASONGE'
(CONaO OELO!
Pages.
Pages.
413
457
415-418
459-466 1
419
467-472
473 \
421
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423
475-481
425
483
425
483
427-428
485-486
429-431
487-S02
433-448
503-542
G. — Caractères anthropologiques.
fl) Somatiques.
187. Taille 435-436
188. Crâne et tète 437-439
189. Peau 441
190. Cheveux 443
191. Yeux 443
192. Mains et pieds 443
193. Déformations naturelles 443
194. Déformations artificielles 445-446
b) Physiologiques.
195. Force musculaire
196. Attitiide du corps
197. Sensibilité 447
198. Température du corps
199. Nutrition 449
200. Influence du milieu physique ....
201. Fécondité 451
202. Maladies 451
449
543
451
543 546
453
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(CONGO BELGE)
Pages.
ABABUA
(CONGO BELGE)
Pages.
KUKU
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Pages.
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(CONGO FRANf-.)
Pages.
BAHOLOHOLO
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Pages.
BALUBA
(CONGO BILttK
TOME t.
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503
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—
581
363 — 391 531-535 383
365 601-603 393 537-539 585-58G
579 367 605 393 541-548 587
579 367 —
581 367 607
583 369 —
Î5-586 369 —
587 369 609 399 565-567 597-598 "
395
549
589
—
551-552
591-592
-
553
593
397
555-560
593
397
561-562
595
—
563
595
399
565-567
597-598
II.
Table coordonnée des Matières
d'après
la Classification Sociologique
Contenu
des dix premiers volumes de la coUectîon
des monographies
252
BANGALA MAYOJtBE BASOKGE
(CONGO belge) (CONGO BELGE) (CONQ BELOE)
Pages.
A. — I/a peuplade.
1. (2) Le Nom
B.
Les facteurs sociaux.
51
I. — Le territoire.
2. (2) Milieu physique; (situation géographique de
la peuplade; — climat, météréologie, orologie, hydro-
graphie, géologie et fertilité du sol, faune, flore, etc. . 53-61
3. (3) Cartes 63-64
IL — La population (La race).
( Caractères somatiqnes. )
4. (187) Taille 435-436
5. (188) Crâne et tête 437-439
6. (189) Peau 441
7. (190) Cheveux 443
8. (191) Yeux 443
9. (192) Mains et pieds 443
10. (193) Déformations naturelles 443
11. (194) Déformations artificielles 445-446
b) Physiologiques.
12. (195) Force musculaire
13. (196) Attitude du corps
14. (197) Sensibilité 447
15. (198) Température du corps
16. (199) Nutrition 449
17. (201) Fécondité 451
18. (202) Maladies 451
19. (20 0) Influence du milieu physique
Page«.
31-32
Pages.
35-36
î
.V
33-58
37-76
59-60
77-78
449
X
543
451
543-546
453
547
547
549
549
455
457
551-552
459
553
459
553
461
555
1
463
555
463
557
463
557
5^
— 253 —
.MAXGBETU WAREGA ABABUA KIKU MANDJA BAHOLOHOLO BALl'BA
(CONGO BELOEl It oNQO BELOK) [CO^'^O BELGE) (POSS. AflglO-îgypt.) (CONGO FRAN'V.) (CONGO BELGE) (CONOO BELGE)
— — — — — — TOM« I.
Pages. Pages. Pages. PageR. Pages. Pages. Pages.
51-52
21-22
45-46
19
1-2
53-82
83-84
23-36
37
47-95
97-98
7-30
31
21-70
71-72
3-23
23
-32
33
563
575-578
361
591-593
389
365
601-603
393
513-522 579-580
565-566
361
59:i-597
—
523-528
579-580
567
361
599
389
529
581
569
361
599
389
529
581
569
363
599
391
531
581
571
363
—
391
—
581
573-574
363
—
391
531-535
583
537-539 585-586
579
579
581
367
367
367
583
369
585-580
369
587
369
605
607
609
393
395
541-548
549
587
589
-
651-552
591-592
553
593
397
555-560
593
563
595
399
565-567
597-598
397
561-562
595
254 —
BANGALA MAYO^IBE BASONGE
(CONGO belge] (CONGO BELGE) (CONGO BELGB)
Pages.
Pages.
Pages.
(Caractères mentaux.)
20. (8) Etat physiologique et mental général
21. (143) Mémoire
22. (144) Imagination
23. (143) Invention
24. (146) Entendement
25. (147) Observation
26. (148) Raisonnement
27. (149) Prévoyance
28. (150) Perception
29. (130) Talent artistique inventif ....
7577
75-76
337
363
363
339
365
365
341
367
369
369
(Rapports avec les races voisines.)
30. (7) Parenté avec les tribus voisines . .
71-74
71-73 91-99
C. — Les pliénomèues sociaux.
I. — Le phénomène économique.
31. (3) Occupation principale 67-68
(Circulation.)
32. (164) Voies de communication 371
33. (137) Transport par eau 323
34. (138) Transport sur terre
65-67 85-86 ;
387-390
349
351
— 255 —
MÀNGBETU WAREGA ABABUA KUKU MANDJA BAHOLOHOLO BALUBA
(coNOOBïLQB) (coNQo Bblqk) (oonoo beloe) (Poss. angl.-égypt.) (CONGO fr\nç.) (conqo bei.qe) (con«o BELa»)
— — — — — — TOME I.
Pages. Pages. Pages. Pages, Pages. Pages. Pages.
117-121 49-52 109-110 41-43 109-112 35-37 69-70
451-452 289 481 323 393 453 456
453 291 481 323 395 457-461
455 . 293 397 463
485 293 483 323 399 465
455 295 485 325 399 467-470
457 297 325 401-402 471-473
459 299 327 403-404 475-476
459 299 485 327 405 477-478
425 275 449 427
95-115 45-48 105-107 39-40 85-108 29-33 45-67
89-92 41 101-102 35-36 83 27 41
479-480 315-326 515-516 349 417-418 505-506
435 283 459 317 385 441-443
439 283 459 445
256
BANGALA MAYOMBE
(CONGO BELGE) (CONOO BELGE)
Pages.
Pages.
BASONGE
[CONOO BELGE)
Pages.
35.
(47)
(48)
(49)
,50)
(51)
(52)
(53)
(54)
(55)
(56)
:57)
(58)
:59)
60)
61)
62)
63)
(Production).
Instruments du travail .
159
161
. 163-168
. 169-172
. 173-174
175
175
177
179
. 181-182
. 183-185
. 187-188
. 189-190
191
191
163
165
167-171
173-174
175-184
185
187
189
191-194
195-197
197
199-200
201
201
203-204
205
207 209
201
36.
37.
38.
Cueillette
Chasse
Pêche
. . .
203-204
205-208
209-210
39.
Agriculture
211-214
40.
Elevage
215-216
41.
42.
Tissage, couture, confection
Vannerie
. . .
217-218
219-220
43.
Poterie
221-222
44
Métallurgie
223-225
45.
Meunerie
227
46.
47.
Travail du bois. Voir aussi 33
Corderie
(137). .
229
229
48.
Tannerie
231
49. (
Teinturerie
233
50.
51. (
Extraction des minerais et des roches. .
Autres métiers
233
(Echange),
52. (162) Commerce 357-362
53. (163) Monnaies, mesures, poids 363-370
(Consommation).
(Nourriture.)
54. (20) Espèces de nourriture 97-99
55. (22) Préparation culinaire 103-105
56. (23) Cuisine 107
57. (24) Repas 109-110
58. (25) Mets permis et défend us. Voir aussi 174(104). 111-112
381-383
385
427-430
431-432
97-104
125-126
107-110
129-132
111-112
133 ,
113
135-136 1
115
137
— 257 —
MAJS'GBETU WAREGA ABABUA KUKU MAiNDJA BAHOLOHOLO BALUBA
(CONQO BELOK) (COMGO BKLQF.) iCONGO BELQK) (POSJ. Angl.-Egypt.) (CONGO FRANC.) (CONGO BELGE) (CONGO BELSE)
_ _ — — — — Tome I.
Pages.
Pages.
Pages.
Pages.
Pages.
Pages.
Pages.
241-242
117-118
203-206
159
195
93
183-186
243
119
161
197
97
187-188
245-247
121-123
207-212
163-163
i 99-202
99-102
189-198
249-230
123-126
213-214
167
203-Ï04
103-106
199-204
251-234 •
127-128
213-223
169-172
203-214
107-108
203-214
235-236
129
225
173-175
213-216
109
213-217
257
129
227-228
173
217-218
111
239-260
131
229
177-178
219-220
113-114
219 220
261-264
133-134
231-232
179-180
221-224
113-116
221
265-271
133-138
233-239
181-184
225-232
H7-U8
223-225
273-274
139
241
185
233-234
1!9
227-228
275-282
139
243-244
185
23^;-240
121
229-230
283-284
141
245
187-188
241
123-124
231
285-286
141
247
189-190
243-244
125
233
287
143
191
243
127-128
235
287
143
193-196
243
129
235
289
143
249
197
247-248
131-132
237-241
475-476
311
309-512
347-348
413-414
499-502
477
313-314
513-314
349
415
503
147-152
69-70
133 133
63-68
123 130
49-3 >
97-99
165-157
73-74
139-140
71-77
133-134
33-34
103-107
139-160
73
141
79-80
133-136
33
109-110
161-162
77-78
143-144
81-82
137-138
37
111-113
163
79-80
143
83
139
39
115-117
— 258 —
BANGALA MAYOMBE BASONGE
(CONGO BELGK) (CONGO BELGE) (CONGO BKLOE)
Pages. Pages. Pages.
59. (26) Excitants 113 117-118 139-140
60. (27) Boissons 115-116 119-120 141-142
61. (28) Anthropophagie 117-122 121 143-150
62. (29) Géophagie 123 121 151
63. (30) Conservation des aliments 123 123 151
(Chauffage et éclairage.)
64. (21) Façon de se procurer du feu 101 lOS 127-128
65. f45) Chauffage 155 157 189
66. (44) Éclairage 153 155-156 187
(Vêtements.)
67. (34) Vêtements proprement dits, forme . . . 135-136 131 134 159-162
68. (35) Vêtements, matière 137-138 135
69. (36) Chaussures . 137 163
70. (37) Coiffure 139 139-140 165
(Habitation.)
71 . (39) Etablissement et situation 141 143-145 169-170
72. (40) Habitations transportable 141 147 171
73. (41) Habitation-type 143-147 149-150 173-182
74. (42) Réparations 149 151 183
75. (43) Meubles 151-152 153 185
76. (46) Groupement des habitations; vill-ige . . 157-158 159-162 191-199
Organisation sociale.
77. (165) Régime économique; di\ision du travail.
78. (182) Organisation financière 409
79. (174) Classes et castes 391-392
80. (175) Esclavage 393-395
81. (93) Situation sociale des membres de la famille 239
82. (171) Vie nomade
83. (172) Vie pastorale
84. (173) Vie sédentaire 389
391
435
425
483
409
449-450
411-412
451-456
265
285
407
447-448
— 259 —
BfANGBFFU WAREGA ABABUA KUKC MANDJA BAHOLOHOLO BALUBA
■mXGO BBLSE) (CONGO BELGE) (CONGO BELGE) (POSS. Angl.-Egypt.) (CONGO FRÀNÇ.) (CONGO IIKLGE) (CONGO HELGE)
_ _ _ _ TOME I.
Pagw.
Pages.
Pages.
Pages.
Pages.
Pages.
Pages.
165-168
81
147-148
85-87
141-144
61-62
119-120
169-173
83
149-150
89-91
145-146
63-64
121 122
475-181
85-86
151
93
147-149
65
123-129
181
87
161
93
151
65
131
183-184
87
153
95-100
153-155
67-68
133
153-154
71
137-138
69
131-132
51
101-102
235
111
197
137
189
—
171
233
111
195
137
189
91
169
195-201
95-96
173-175
111-114
167-168
75
141-143
203-206
97-98
177-178
115-116
77-78
207-208
99
178
117
169
79
145
209-212
99
179-180
119
171
79
147
215-216 103 181-182 121-122 175176 83-84 151-153
217 105 123-124 177 — iS5
219-226 107-109 183-189 125-131 179-184 85-88 157-163
227-228 109 191 133 185 — 165
229-232 109 193-194 135-136 187-188 89-90 167-168
237-240 113-116 199-204 139 157 191-194 93-94 173-184
481 327 517-518 — — 507-508
523
347
571
377
447
553
497
337-338
539-541
365
429
531
499-501
339
543-548
367
429
533-538
341-346
193
307
245
297
207-208
493
—
537
—
425
525
495
—
—
363
425
—
495
335
537
363
427
527-529
349
V
— 26o —
BAXGALA MAYOMBE BASONGE \^]
(CONGO BELGE) (CONGO BELGE) (CONGO BKLUE) ij"""'
Pages.
Pagec.
Pag«8.
II. — Le phénomène génésique.
(Le mariage.)
85. (76) Rapports entre les sexes avant le mariage. 213
86. (82) Empêchements au mariage 219
87. (77) Fiançailles 213
88. (78) Mariage 215
89. (79) Nature du mariage 215
90. (80) Formes du mariage 217-218
91. (81) Cérémonies du mariage 219
92. (83) Le mari 221
93. (84) La femme 223-224
94. (85) Dissolution du mariage 225
95. (86) Les eunuques .........
(L'enfant).
96. (65) Avant la naissance 193-194
97. (66) La naissance 195
98. (67) Soins donnés à la mère, au père. . . . 197
99. (68) Soins donnés à l'enfant 199
(La famille.)
100. (88) Composition
101 . (87) Autorité
102. (90) Relations entre les membres de la famille.
103. (89) Où habitent les enfants mariés ....
104. (92) Rôle des voisins dans la famille ....
105. (94) Arbre généalogique
(Décès)
1 06. (96) Les derniers moments d'un moribond . .
10 7. (97) Le mort avant son enterrement . . .
235
253-256
249
265
237-239
257-258
241
259
243
259
245
261-263
247-248
265
249
267-268
251
269-270 ,
253-254
271
255
273
213-214
235
215
237-238
215
239
217-218
241-242
-230
2o9
277-278
227
257
275-276
233
263-264
281-282
231
261
279
237
265
285
267
287
241
271-272
293-294
243
273-275
295-296
— 26l —
MANGBETU WARPIGA ABABUA KL'KU MAiNDJA BAHOLOHOLO BALUBA
OKGO BELGE) (CONOO BELGE) fONGO BELGE) (P05t. Angl.-Egypt.) (CONOO TRAJ^Ç.) (ftî^'GO BELGE) (CONGO BELGE
— — — — — — TOME I,
Pages. Pages. Pages. Pages. Pages. Pages. Pages.
335
333
J37-338
335
339
J47-348
167
265-267
2i5-216
271
161-167
279-282
177
283
225
281
179
305-306
169-171
269
217-218
273
—
283-286
173
271-272
219
275
169
287-288
173
273 277
221
275
171
289 291
170-176
279 282
223
277
173
293-294
177
283
225
279
175 177
295-303
179
285
227-228
281
181-183
307-309
181-182
287-290
229
283-284
185-188
311-315
183
291-293
231-233
285
189-191
317-319
183
295
—
285
193
321
289
147
291
149-150
293
131
290-296
153-155
251
199
251
133
243
253
201
253
137
245-248
255
203
255
137
249
257
205-206
257-258
139-142
251-258
187
299-301
237
289
197-193
337-338
185
297-298
235
287
195-196
323-335
189
305-306
241-242
291-293
201-202
341-344
187
303
239
289
199
339
191
—
245
297
205
347
193
307
245
299-300
209-211
351-359
197
311-313
249-250
305
217
399 400
199
315
251-258
305
219-220
401-403
— 262 —
BANGALA MAYOMBE BASOXGE
(CONOO BELGE) (CO^FGO BEL&E) (CONGO BELGK)
Pages. Pages. Pages.
108. (98) Funérailles 245-248 277-280 297-301
109. (99, xManière d'agir des parents envers le
décédé 249 281-283
110. (100/ Jlodlficalions produites dans la famille
par le décès d'un membre 23 1 285
(Population.)
111. (4) La population en général 60-66 61-63
112. (6) Population llottante, émigration, Immi-
gration 69-70 69 87-90
113. (70) Mouvement de la population 219 245 2/
114. (69) Causes qui limitent la population ... 201 219
III. — Le phénomène esthétique.
115. (31) Parures à même le corps, coloriage . . 125-126
116. (32) Id., tatouages 127-131
117. (33) Id., objets suspendus au corps .... 133
118. (11) Esthétique de la chevelure 83-84
119. (38) Ornements et parures déterminant le rang,
la classe, la fonction, elc 139
Euibellissements à l'habitation. (Voir
surtout n" 74 (42).
120. (125) Dessins et peintures. (Voir aussi les Arts
industriels à Phénomène Economique.)
121. (129) Sculpture 315
122. (131) 3Iatières employées dans les dessins,
peintures, sculptures
123. (124) Littérature 299-301
124. (127) Chant 305-306
125. (128) Musique 307-314
126. (H6) Danse 303-304
127. (133) Théâtre 319
i 41-142
329
339-340
325-327
333-334
335-337
331-332
341
125-126
153-154
127-128
1S5-156
129-130
157-158
83
113-115
167-168
351-3
365-366-'
367
343-350
359-360
361-364
353-358 jii
369 r
— 263 -
MANGBETU WAREGA ABABUA KUKU MANDJA BAHOLOHOLO BALUBA
(COKGO belge) (CONGO BKI.GE) (<OSGO BEL«E) (PoSI. Angl.-Igypt. ) (<ONGO FKANÇ.) (CONGO BELGE) (CONGO BELGE)
— — — — — — TOME I.
P»C;«s. Pages. Pages. Pages. Pages. Pages. Pages.
355-358 201 202 317-320 259-260 307-308 221-222 40;i-409
309 223-224 411-414
309 225-226 415-417
73-82 25-26 35-39
83 — 43
261-262 145-147 261-262
259 143-144 259-260
359-361
203
321
261
363
203
323-325
263
85-87
39-40
99-100
33-34
93
43
103
37
»* 299
157
260
209
-' 297-298
157
259-260
207-208
185-189
89
155-156
101
157
69
136-136
191-192
91-92
157-165
103
157
71
137-138
193-194
93-94
167-172
105-109
159-166
73-74
139-140
129-132
57-58
119-120
53
117-118
41-42
75-77
813 101 180 119 173 81 149
405-406
963
493-426
309
361
406
493-424
275
447-449
313
375
426-426
425
449
429
401-404
251-261
389-422
301-308
337-360
297-403
417-418
267-269
433-439
311
367-370
417-419
419-422
271-273
441-446
3H-312
371-374
421-423
407-416
265-266
427-432
309-310
363-365
407-416
4S7
277
~.
—
—
—
264
IV. — Le phénomène idéologique.
BAN'GALA
(CONGO BELGE)
Pages.
MAYOJIBE BASOXGE l
(CONGO BELGE) (CONGO BELOBB
(Religion.)
128. (101) Animisme 253
129. (102) iMânes 253
130. (103) Fétiches 255-2-^i7
131. (103) Totems 261
132. (107) Idoles 267
133. (108) Culte des phénomènes physiques . . . 269
134. (113) Monothéisme ou Polythéisme .... 277-279
135. (120j Dieux 293-294
136. (118) Mythologie et folklore 287-291
137. (116) Manifestations religieuses sociales. . .
138. (106) Magie 263-266
139. (117) Rites et culte 285-286
140. (121) Temples
141. (109) Ame humaine 271
142. (110) Vie future 273-275
143. Cl 22) Sacerdoce 295-296
144. (74) Education spéciale du prêtre .... 209
145. (119) Sociétés religieuses secrètes .... 29i
(Philosophie.)
146. (111) Spiritualisme
147. (112) Jlalérialisme
148. (115) Philosophie .
275
283
(Science.)
149. (123) Écriture. Pour langage, voir 123 (124)
150. (135) Mathématiques
151. (134) Astronomie et météorologie .
152. (139) Division du temps. . . .
153. (136) Science de l'ingénieur. . .
154. (96) .Maladies, accidents, remèdes
155. (140) Médecine et chirurgie. . .
156. (64) Légendes relatives à l'invention des
tiers. Voir aussi Légendes relatives à la décou
verte du feu 64 (21) et Folklore 136 (118)
mé
Pages.
Pages.
287-288
305
289
307^
291-300
339-313
315
•
319-322
309-310
329-330
319
315-317
341
303
317-318
313
339
319
305-306
323-325
307
327
321-322
225-231
249
319
327
337
297
3-23
341
321-322
345-346
373-375
343
371-372
325
333
383-384
347
377-378
241
269-270
289-291
327-331
355-357
385
211
233
— 265 —
MANGBETU WAREGA ABABUA KUKU MANDJA BAHOLOHOLO BALUBA
COMOO BELGE) (CONGO BELGE; (CONGO BELGE) (PO!l. angl.-éjjpt.) (CONGO FRANC.) (CONGO BELGE) (CONGO BELGS)
_ — — — — TOMB I.
Pages. Pages. Page.s. Pages. Pages. Pages. Pages.
365-366
205-206
327
265
311-315
227
367
207
329
267
229-230
369
209-210
331
269-271
317-318
231-236
—
213
335-340
319
239
375 .
S13
351
277
241
375
215
353
277
321
243-244
379
219
361
281
249
393-394
243-244
379
291
285
389-390
241
367-374
289
259-269
225
287
—
373
213
341-350
275
321
241
383-388
227-239
365
289
331
257
395
243
379
291
287
217
355-357
279-280
323
245-246
377-378
217
359-360
281
325-326
247
397
247
381-386
293-299
333
289-293
305
161
263
213
265
155
391-392
241
375-377
271-284
379
—
327
327
247
225
287
255
399
249
387
335
295
431-432
279
457-458
315-316
381-382
437
429
279
455
313
379-380
435
437-438
285
461
317
385
447-448
433
281
383
439-440
349-350
195-196
^ 309
247-248
301-304
213-216
439 285 463-464 319-320 387-388 449-451
289 145 197 249 133-134
269-271
361-397
266
BAXGALA MAYOMBE BASONGE
(CONOO belge} (CONGO BELQE) (CONGO BELG
Pages.
157. (141) Histoire 333
158. (142) Géographie 335-336
(Education.)
159. (71) Éducation physique 203
160. (18) Tournois de lutte 93
161. (19) Jeux ayant pour but le développement
musculaire 95
162. (72) Éducation intellectuelle 205
163. (73) Éducation morale 207
164. (7a) L'initiation ïll
V. — Le Phénomène moral.
(Quelques coutumes spéciales.)
165. (10) Soins de propreté
166. (12) Ongles
167. (13) Épilation
168. (14) Sommeil
169. (15) Natation
170. (16) Équitation
171. (17) Portage
172. (132) Jeux, divertissements
(Les mœurs et la morale.)
173. (9) Mœurs en général
174. (104) Tabous
175. (114) iMorale
Pour les mœurs des divers phénomènes spéciaux,
voir les numéros des titres de la troisième division C :
I, II, III, IV, VI, VII (mœurs économiques, génésiques,
esthétiques, idéologiques, juridiques et politiques) . .
Pages.
Pages.
359
38
301-302
389-39
221
2i
95
95
S>23
2^
223
24
233
251-25
81
81
85
85
87
85
89
87
89
89
91
91
93-94
317
341
79-80
77-80
259
301-302
281
311-312
VI. — Le PHÉNOMh:NE JURIDIQUE.
(Droit civil.)
176. (166) Droit civil personnel et réel.
177. (154) Propriété des meubles . .
343
393
371
267
lANGBETU
«GO BELGE)
Pages.
WAREGA
(roNGO BBLOE)
Pages.
ABABUA KUKU
, CONGO BELGE) (fOll. ingl.-ïgjp.)
Pages, Pages.
MANDJA
(CONGO FRANC.)
Pages.
HAHOLOHOLO BALUBA
(CONGO BKLQE) (CONOO BELOï)
— TOME I.
Pages. Pages.
441-448
287
465478
321
389-390
—
—
449-450
287
479
321
391
—
—
301-302
159
261
211
263
149
263-264
143-144
63
125
63
123
47
87
145
65-68
127-132
63
123
47
89-95
303
159
261
213
263
151
265
305
161
213
265
153-154
267
307-308
163-166
263
213
267-269
157-160
273277
127-128
55-56
117
49-51
115-116
39
73-74
133
59
121
33
119
43
79
135
59
121
55
119
43
79
137
61
121
57
119
45
81
139
61
121
59
121
45
83
139
63
59
121
—
85
141-142
63
123-124
61-62
123
47
85
427
277
451-453
377-378
431-433
123-125
53-54
111-115
45-47
113-114
_
71
371
211-212
333
273
319
237-238
381-382
221-223
363
283-285
329-330
251-253
483 .329 519 351-352 509-513
461 301 487-488 329 407 479-480
— 268 —
RANGALA
(CONGO BELGE)
Pages.
178. (152) Propriété des immeubles 34o
179. (153) Nature de la propriété 347-348
180. (91) Propriété familiale 235
181. (loi) Limites des propriétés 349
182. (155) Origine de la propriété et du droit de pro-
priété 351
183. (160) Droit sur les choses trouvées ....
184. (159) Droit de fhasse, dépêche, d'abatage, de
cueillette
185. (161) Succession 355
186. (167) Droit civil relatif aux contrats .... 373-377
187. (157) Location
188. (158) Usufruit
189. (156) Domaine public 353
(Droit pénal.)
190. (168) Droit pénale 379-381
t91. (169) Procédure pénal 383-385
192. (170) Droit d'asile 387
Vn. — Le Phénomène politique.
(Intérieur.)
193. (176) Organisation politique distincte de la
famille 397
194. (181) Le système politique 407
195. (177) Le chef 399-401
196. (178) Les assemblées. ........ 403-406
197. (180) Olficiers inférieurs 407
198. (179) Associations secrètes
199. (183) Situation politique des étrangers . . .
(Extérieur.)
200. (184) Relations pacifiques 411
201. (185) Relations guerrières 413-422
202. (186) Contact avec les civilisés 423-433
MAYOMBE
RASONGE
CONGO BBLGE) {
CONGO BELGB) I
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ANGBETU WAREGA ABABUA KUKU MANDJA BAHOLOUOLO BALUBA
NGO BELGE) (CONGO BELGE) (CONQO BELGE) (POM. aDgl.-égypt. ^' (CONGO FRANC.) (CONGO DELGE) (CONGO BELGE)
— — — — — — TOME I.
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383-387
475-5H
563-378
TABLE DES MATIERES
PagM.
Introduction générale i-xn
I. Introduction des Bangala. — Commeut la collectiou
des Monographies ethuograi)liiques se rattache au mouve-
ment ethnographique et sociologique créé par le Congrès
mondial de Mous (igoS). — La Commission ethnographique
internationale et son activité. — Le Questionnaire adopté
pour Tenquéte ethuogx'aphique tant verbale que biblio-
graphique et iconograijhique. — La méthode de classifi-
cation appliquée à la Monographie des Bangala. — La
méthode de la publication et ses avantages i-io
IL Introduction des Mayombe. — Tandis que les Ban-
gala sont des gens du « fleuve », les Majombe sont des gens
de la « forêt ». — Pour la Monographie des premiers, pré-
pondérance des renseignements bibliographiques ; pour
celle-ci, prépondérance de l'enquête orale. — Pourquoi plus
de développements ont été donnés aux fiches 2 et 186,
traitant respectivement du milieu social et du contact avec
les civilisés. — Utilisation des Monographies par une
politique rationelle de civilisation. — Les titres des colla-
borateurs de l'enquête orale 11-22
III. Introduction des Basonge. — Cette peuplade nous
est connue à trois périodes de son histoire, par des témoi-
gnages autorisés : avant les esclavagistes, pendant la cam-
pagne arabe, aujourd'hui. — Ce sont des gens de la
« brousse ». — La comparabilité des renseignements publiés
dans les trois premières Monographies est facile et obvie. —
N^
272 —
Pages
L'expérience répond de façon satisfaisante à trois objec-
tions faites à la collection ethnographique : les citations à î
objets multiples; la question des langues; la mesure dans j
les citations relatives aux n^^ 2 et 186. — Le problème des |
contradictions entre les témoignages ; les avantages de la j
solution appliquée. — La personnalité éminente des colla-
borateurs de la Monographie 23-36 ;
I
IV. Introduction des Mangbetu. — Ce sont les meilleurs ;
constructeurs de l'Afrique centrale et les plus habiles forge- ;
rons de l'Uele et de l'Aruwiral. — Comment se présentent j
dans cette société nègre supérieure les phénomènes sociaux : j
l'économique, la génétique, l'esthétique, l'idéologie, la
morale, le droit, la politique. — L'inventaire de nos con- '
naissances sur les Mangbetu. — Les collaborateurs de la
Monographie 37-48 ■
V. Introduction des Warega. — C'est une peuplade de
la « grande forêt équatoriale ». — Biographie de l'auteur
principal de la Monographie. — Comment se présentent les i
facteurs essentiels de la société waregaise : le territoire et '
la population. — Considérations relatives : 1° à l'organisa- ■
tion de la famille; 20 à la hiérarchie sociale. — Synthèse des
cinq Monographies publiées jusqu'ici 49'66 '
VI. Préface des Kuku. — L'œuvre ethnographique à j
l'Exposition Internationale etUniverselIe deBruxelles 1910).
— C'était un essai du Musée ethnographique de demain, dans î
lequel le visiteur doit pouvoir trouver, à côté des objets ]
rassemblés systématiquement dans une représentation évo- ^
catrice de la vie, tout ce qu'on sait sur l'ensemble de ces j
objets et sur chacun d'eux, sur le jieuple qui s'en servit et '
sur la civilisation qu'ils exprimèrent C7-71 i
I. La documentation bibliographique et monographique des 1
nègres d'Afrique : les sources ; les cinq classifications : j
alphabéthique par noms d'auteurs, alphabétique par noms I
de peuplades, alphabétique par noms de régions, systé- (
matique suivant les uuméi'os du questionnaire, sj'sté-
matique suivant une formule sociologique déterminée; 1
l'exposition du salon de Bruxelles: le but de la collection I
exposée et ses caractères, les noms des collaborateurs, ,.
les Monographies parues, le catalogue llalkin annuel :.
— 273 —
des ouvrages d'ethnographie parus. Discours du prési-
dent du jury des scieuces de l'Exposition de Bruxelles. . . 71-83
2. Le Musée moderne d'ethnographie, par exemple, des
nègres africains : i» Une partie des locaux est affectée aux
expositions des peuplades africaines les plus typiques au
point de vue de l'originalité de la race et du milieu; dans
chaque salle, les objets relatifs à la peuplade choisie
seraient toujours groupés dans le même ordre, le plus
scientifique et le plus clair possible. L'Exposition de Bru-
xelles était consacrée aux Fang, la plus nombreuse peut-
être des peuplades africaines. — a" Une partie des locaux
est attribuée aux expositions sociologiques, aux expositions
d'institutions sociales, si l'on veut, mais toujours dans le
même ordre, permettant le mieux la comparaison des peu-
plades exposées entre elles. A Bruxelles, on avait choisi le
phénomène social le plus difficile, le phénomène religieux
chez les Fang: i) Totem; 2) Mânes; 3) Sociétés secrètes;
4) Dieu. (Les trois premières catégories comportaient cha-
cune la classification suivante: croyances, cultes et rites,
magie, sacerdoce, vie future.) 83-98
L'inscription finale portait : « Si l'on représentait dans un
musée spécial (de la manière employée ici pour les Fang et
pour le phénomène religieux) chacun des phénomènes
sociaux ; si l'on agissait ainsi pour les peuplades-types de
l'Afrique, de l'Australie, de l'Asie, de l'Amérique, de
manière que chaque phénomène (documentation et objets)
pût être comparé dans son ensemble et dans chacune de ses
divisions; on aurait réalisé le musée-tj'pe sociologique,
colonial et ethnographique » 99-100
VIL Introduction des Kuku. — Habitat: l'enclave du
Lado ; peuplade de la u savane ». — Caractères de la société
Kuku. — La biographie de l'auteur principal de la Mono-
graphie , 100-104
VnLIntroduction des Ababua.— Pour remédier aux défauts
de la rédaction de certaines questions du Questionnaire, et
pour préciser le contenu de toutes, M. le professeur Halkin
publie un commentaire autorisé de ce questionnaire sous le
titre ; Cours d'ethnographie et de géographie ethnographique ;
portée de ce travail. — Afin de donner suite au vœu unanime
274 —
Pages.
du Congrès mondial tle mars (igoS) relatif au relevé
annuel complet et critique des livres et des brochures, des
articles derevues surtout, d'ordre ethnographique qui parais-
sent dans n'importe que pays, M. le professeur Halkin a
publié dans le Mouvement sociologique international un pre-
mier essai, qu'il soumet à l'appréciation du monde savant.
L'ordre du groupement des renseignements est celui du
questionnaire ethnographique, do la Collection des Mono-
graphies ethnographiques, du Répertoire ethnographique
^énéraZ (clasrsification quatrième). — M. Halkin, ajant publié
une Monographie des Ababua, il y a quatre ans, permet, en
publiant celle-ci, de mesurer le chemin parcouru. — Les
collaborateurs io5-ii8
IX. Introduction des Mantlja- — Pourqiioi la plupart des
Monogi'apliles précédentes se rapportaient à des i)euplades
de possessions congolaises ou belges. — L'attitude de
Léopold II, Souverain de l'Etat Indépendant du Congo et
Roi des Kelges. — L'œuvre ethnographique obtient la plus
haute récompense à la section des sciences de l'Exposition
International et Universelle de Bruxelles (1910). — Raisons du
tour de faveur accordé à la i^ublication de la Monographie
desMandja, peuplade des possessions françaises : la per-
sonnalité scientifique du principal collaborateur; l'attitude
du Gouvernement français; la portée civilisatrice de cette
monogi*aphie (l'étude du portage). ..,...,«.. iig-iSS
X. — Préface des Baholoholo. — La classification cin-
quième du Répertoire ethnographique est un exemple d'appli-
cation d'une formule sociologique déterminée. — Rapports
entre cette classification cinquième et la classification qua-
trième, basée sur l'ordre du Questionnaire ethnographique.
— I. Ce qu'est notre classification systématique sociolo-
gique. — II. Réponse aux objections iSg-iSS
XI. Introduction des Baholoholo. — Une peuplade rive-
raine duTanganika. — Cette Monographie est l'œuvre exclu-
sive d'un seul observateur. — Sa portée sociologique et civi-
lisatrice : une peuplade qui meurt 157-164
XII. Préface au premier volume des Baluba. — Appli-
cation à la civilisation des nègres de l'AfiMquo Centi'ale
de la documentation ethnographique.
— 27:^
l'ages.
Introduction. — Comment naquit l'Ecole mondiale et le
Répertoire etlinogi*aphique des nègres africains. — Idées de
Léopold II sur le progrès do la civilisation en Afrique. —
L'exemple de l'Amérique. — L'<i*uvre du Congrès mondial
de Mons en rgoS. — Plan de l'étude actuelle i(iri-i7i
1. Considérations g'énérales. — Les sociétés nègres afri-
caines résultent de la combinaison du milieu physique et de
la liopulation. — Fausseté des méthodes révolutionnaires de
civilisation; la vérité est dans les méthodes évolutives. —
L'opinion de Booker Washington. — Politique de domination
ou politique indigène? 171-177
2. Territoire. — Aspect et ressources du Congo belge . . . 177-179
3. Population. — Les Bautous, les Azandés, les Pygmées.
Situation des j^euplades à l'arrivée des blancs. Aujourd'hui.
Ces nègres sont-ils des sauvages? — des dégénérés?. . . . 179-184
4- Le phénomène économique. — a) La Culture des plantes
vivrières : Position de la question et son importance. Les
conclusions de l'Association française x^our l'avancement des
sciences (4o« session). Les erreurs courantes. Les mesures
qui s'imposent. — b) Comment amener le noir an travail
régulier et progressif? L'esclavage. La contrainte directe,
employée par le Pox'tugal et l'Angleterre. La contrainte indi-
recte. La préférence doit être réservée aux procédés dits
psychologiques. Témoignages de Girault, de Janssens, etc.
L'obstacle de la mentalité nègre et sa paresse : Mgr Roelens.
La question des besoins à exciter. Le climat. — L'importance
de la solution de l'école, de l'armée, etc.; le métier le plus
important ; l'agriculture ; analyse critique des quatre solu-
tions du P. Vermeersch à la Société d'Economie sociale de
Bruxelles. Les autres solutions : Le marché, l'achat des
récoltes, les postes et les fermes, etc. Nécessité de commen-
cer l'œuvre par les élites. — Attention aux préjugés : la
femme et l'esclave font souvent le travail agricole .... 184-210
5. Le phénomène idéologique. — Position de la ques-
tion. L'ignorance i-éguante. Le salon de l'ethnographie dans
la section des Sciences à l'Exposition internationale et uni-
verselle de Bruxelles en 1910 : le phénomène religieux. Le
276 —
Pages.
Dieu unique des Africains. — Double conclusion : a) Néces-
sité pour nos agents coloniaux de connaître la mentalité
religieuse des noirs non seulement pour ne pas froisser
inutilement les consciences, mais encore pour savoir quels
usages contraires à l'humanité il faut condamner. B) La meil-
leure méthode d'évangélisation pour nos missionnaires ; deux
exemples : la notion de Dieu et celle de l'âme humaine. . . 210-224
6. Conclusions. — i. Possibilité et nécessité d'étendre ces
études. — 2. Nécessité et moyens de faire pénétrer les ren-
seignements dans tous les milieux sociaux de notre pays. —
3. Nécessité et urgence de l'école mondiale, la grandiose
conception scolaire de Léopold II 224-282
Xni. Table coordonnée des matières d'après l'ordre du
Questionnaire et des Monographies 233-249
XIV. Table coordonnée des matières d'après la formule sociolo-
gique choisie à titre d'exemple 351-269
PLEASE DO MOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
GN
64-5
084
Overbergh, Cyrille van
Les nègres d'Afrique
Collection de Monographies Ethnographiqi
PUBLIÉE PAR Cyr. VAN OVERBERGH
Ont paru :
' I. LES BANGALA, par M. Cyr. Van Overber(H ^
avec la collaboration de M. Ed. De Jonghe. '^
IL LES MAYOMBE, par M. Cyr. Van Overber
avec la collaboration de M. Ed. De Jonghe.
III. LES BASONGE, par Cyr. Van Overbergh
IV. LES MANGBETU, par M. Cyr. Van Ovekbergiî.
avec la collaboration de M. Ed. De Jongiii:.
V. LES WAREGA, par le Commandant Delhaise,
avec une préface de M. Cyr. Van Overbergh.
VI. JliES KUKU, par M. Vanden Plas, avec une iiitru
duction et une préface do M. Cyr. Van Overbergh.
VII. LES ABABUA, par M. Halkin, avec la collabo-
ration de M. Viaene, avec une introduction de M. Cyr. Van
Overbergh.
VIII. LES MANDJA, p .r M. Gaud, a.vec la collabora-
tion de M. Cyr. Van OvBRUkKtiH, avec une introduction de
M. ( yr. Van Overbergh.
IX. LES BAHOLOHOLO, par M. H. Schmitz, avec
une introductioa et une préface de M. Cyr. Van Overbergh.
X. LES BALUBA {Pi'eniière partie), par le R. V.
Colle, des Pères Blancs d'Afrique, avec mi.*^ ''itrof^n^tion ci
une préface de M. Cyr. Van Overbergh
Sous presse :
XI. LES BALUBA (Deuxième parfiV^
XII. LES BAYAKA
XIII. LES FAN.
XIV. LES PYGMÉES.
LES BAKUBA.
Le prix de l'exemplaire estiSîé à 10 francs.
Le prix pour les souscripteurs de la Collection des Mono
graphies Ethnographiques, 7 fr. 50. Chaque n<)uvelle fiche
complémentaire sera fournie aux souscripteurs qui la désireni .
au prix do 10 centimes.