Skip to main content

Full text of "Les nègres d'Afrique : géographie humaine"

See other formats


Collection  de  Monographies  ethnographiques 
PUBLIÉE  PAR  cyr.  van  overbergh 


SOCIOLOGIE 
DESCRIPTIVE 


LES 


NÈGRES  D'AFRIQUE 


(GÉOGRAPHIE  HUMAINE) 


Cyr.  van  OVERBERGH 

8e«rét«ire  ginéral  H"  *u  Miniitère  «te»  Sclenoef  et  ilM  Arts  (Belsique).  Directeur  jéné.»!  H" 

d«  l'Enseignement  supérieur,   da«  Sciences  et  det  Lettre*, 

Prénideni  4u  Bureau  International  o'Ethnegrapliie , 


>^<- 


BRUXELLES 


UIERT    BEWiT,    LIIRAIItE-ÉOlTEtiR 

53,   RTÎK  ROYALE,   53 


INSTITUT  IMTERliATIOliAL  DE  BIBLIOORAPHIL 

I,    RVK    DU    MUSÉE,     T 


I9I3 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

Univers ity  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/lesngresdafriqOOover 


LES    NÈGRES    D'AFRIQUE 


GÉOGRAPHIE    HUMAINE 


Collection  de  Monographies  ethnographiques 

PlBLiÉE  PAR   Cyr.  van  OVERBERGIl 


SOCIOLOGIE 
DESCRIPTIVE 


LES 


NÈGRES  D'AFRIQUE 


(GÉOGRAPHIE   HUMAINE) 


Cyr.  van  OVERBERQH 

Secrétaire  général  H"  du  Ministère  des  Sciences  et  des  Arts  (Belgique).  Directeur  général  H* 

de  l'Enseignement  supérieur,   des  Sciences  et  des   Lettres, 

Président  du  Bureau  International  d'Ethnographie. 


►>^<* 


BRUXELLES 


ALBERT    DEWIT,    LIBRAIRE-ÉDITEUR 

53,    RUE   ROYALE,    53 


INSTITUT  INTERNATIONAL  DE  BIBLIOGRAPHIE 

I,    RUE   DU   MUSÉE,    I 


I9I3 


INTRODUCTION 


Nous  avons  l'honneur  d'attirer  la  bienveillante 
attention  du  monde  savant  et  des  Gouvernements 
sur  les  dix  Monographies  africaines  qui  constituent 
la  première  série  de  la  Collection  ethnographique 
souhaitée  par  le  Congrès  international  et  mondial  de 
Mons  (igoS). 

Chacune  de  ces  dix  Monographies  est  consacrée  à 
une  peuplade-type  de  l'Afrique.  Le  choix  de  ces  types 
s'est  opéré  d'après  la  variété  des  milieux  physiques  et 
la  diversité  des  degrés  de  civilisation. 

Ce  sont  autant  d'échantillons  puisés  dans  le  réservoir 
de  renseignements  qu'est  notre  Répertoire  général 
ethnographique  et  géographique  des  noirs  d'Afrique. 

Les  dix  Monographies  ont  été  publiées  d'après  un 
plan  identique;  les  202  réponses  aux  202  questions 
posées  pour  chaque  peuplade  se  suivent  toujours  dans 
un  même  ordre  ;  ce  qui  rend  tous  ces  renseignements 
comparables  entre  eux,  avec  un  minimum  d'efforts  de 
la  part  du  lecteur. 

Comme  chacune  des  réponses  aux  202  questions 
forme  un  tout  en  soi,  imprimé  à  part  sur  fiches  déta- 
chables, il  en  résulte  que  le  chercheur  peut  grouper  les 


VIII 


renseignements,  dans  ses  dossiers,  au  gré  de  ses  besoins 
ou  de  ses  i^références. 

«  Tout  ce  qu'on  sait  »  sur  la  peuplade,  à  l'heure  où  la 
Monographie  se  publie,  est  ainsi  présenté  au  grand 
public,  dans  un  cadre,  toujours  le  même,  qui  offre  les 
facilités  d'un  dictionnaire.  Par  le  système  de  la  fiche 
complémentaire,  imprimée  au  fur  et  à  mesure  des 
nécessités  et  possibilités,  tout  renseignement  nouveau 
peut  être  publié  et  transmis  aux  souscripteurs  sans 
la  moindre  difficulté;  ainsi  la  Monographie  peut  être 
tenue  à  jour,  avec  le  maximum  de  rapidité  et  de  facilité. 

Consultez  les  deux  tables  de  matières  qui  terminent 
le  présent  volume.  L'une  classe  les  matières  des  dix 
volumes  d'après  l'ordre  du  questionnaire  et  des 
Monographies  ;  l'autre  classe  les  matières  d'après  un 
ordre  sociologique  scientifique.  Dans  les  deux  cas,  la 
simple  inspection  des  tables  prouve  la  facilité  extrême 
des  recherches  et  la  fécondité  des  rapprochements. 

Imaginez  maintenant  qu'au  lieu  des  dix  sondages 
qui  constituent  la  première  série  de  Monographies, 
le  Répertoire  entier  soit  publié  selon  la  même  méthode  ; 

Supposez  que  ces  centaines  de  Monographies  soient 
tenues  à  jour,  par  le  système  des  fiches  additionnelles, 
ajoutant  aux  renseignements  anciens  les  nouvelles 
découvertes  d'importance,  faites  par  les  particuliers  ou 
les  missions  officielles  ; 

Supposez  même  qu'au  lieu  d'agir  sans  méthode,  et 
dans  une  ignorance  consciente  ou  inconsciente  des 
efforts  du  voisin,  les  missions  ethnographiques  et 
géographiques  des  diverses  Puissances  soient  orientées 
d'après  les  besoins  réels  et  les  lacunes  bien  constatées, 
—  lacunes  que  le  «  Répertoire  »  rend  évidentes  aux  yeux 
de  tous  ; 

Est-il  contestable  que  l'Encyclopédie  des  races  noires 
d'Afrique  serait  devenue  une  réalité? 


IX    

Ce  qui  était  une  chimère  il  y  a  huit  ans,  n'est-ce  pas 
une  possibilité  aujourd'hui  ? 

Le  seul  effort  privé,  avec  l'appui  modeste  d'une 
coui^le  de  Gouvernements,  a  pu  vaincre  toutes  les 
difficultés  techniques. 

La  simple  lecture  des  Introductions  et  Préfaces,  des 
dix  premières  Monographies,  ne  le  prouve-t-elle  à  l'évi- 
dence ? 

.  N'est-il  pas  légitime  de  conclure  que  si  les  Gou- 
vernements voulaient,  cette  Encyclopédie  de  la  géo- 
graphie humaine  africaine  pourrait  être  mise,  dès 
demain,  à  la  disposition  des  savants  et  des  civilisateurs 
du  monde  entier  ? 

Si  les  Gouvernements  voulaient  prendre,  pour  leurs 
établissements  scientifiques  quelques  souscriptions  à  la 
Collection,  de  manière  à  ce  que  le  total  de  ces  souscrip- 
tions atteignît  le  minimum  indispensable  pour  impri- 
mer le  manuscrit  existant  du  Répertoire  —  rien  ne 
s'opposerait  plus  à  la  publication  rapide  de  l'Encyclo- 
pédie des  nègres  africains. 

Il  y  a  beau  jour  que  la  critique  scientifique  a  fait  aux 
Monographies  parues  l'accueil  le  plus  encourageant. 
Les  savants  de  divers  pays  ont  bien  voulu  contribuer  à 
l'amélioration  graduelle  de  la  technique  de  la  publi- 
cation. De  hautes  distinctions  ont  été  réservées  à 
notre  œuvre  par  les  sociétés  géographiques  et  scienti- 
fiques les  plus  importantes. 

Et  déjà  —  récompense  suprême  de  l'entreprise  de 
désintéressement  qu'est  la  nôtre  —  dans  plusieurs  pays 
les  essais  d'utilisation  pratique  de  l'œuvre  documen- 
taire se  multiplient. 

Dans  le  domaine  des  sciences  appliquées  comme 
dans  celui  des  sciences  sociales,  des  auteurs  déjà 
nombreux  puisent  dans  la  documentation  de  ces  socié- 
tés africaines   présentées  par  nos  Monographies,   les 


éléments  de  leurs  liypotlièses  directrices  de  recherches. 

Dans  le  domaine  de  la  civilisation  progressive  de 
l'Afrique,  nombreux  deviennent  les  explorateurs,  les 
missionnaires  et  les  administrateurs  qui  s'appuient  sur 
les  données  des  Monographies  pour  iDoursuivre  métho- 
diquement leur  œuvre  respective.  On  commence  à  partir 
systématiquement  de  ce  qui  est,  pour  améliorer.  Au  lieu 
de  faire  table  rase  pour  importer  une  civilisation  euro- 
péenne, on  tente  de  placer  une  greffe  sur  l'arbre  qui 
s'offre  et  dont  on  veut  perfectionner  le  produit.  La 
méthode  de  l'évolution  se  substitue  peu  à  peu  à  la 
méthode  «  révolutionnaire  »  du  coup  de  baguette 
magique. 

Et  voici  que,  du  haut  des  chaires  d'enseignement 
supérieur,  on  entend  des  voix  répéter  aux  jeunes  géné- 
rations de  colonisateurs  :  »  Les  études  monographiques 
des  peuplades  nègres  permettent  déjà  les  générali- 
sations indispensables  à  votre  action  de  demain. 
Pénétrez-vous  de  la  description  des  mœurs;  faisons  le 
point  de  déi)art  entre  ce  qui  est  contraire  à  la  civilisation 
et  ce  qui  -peut  être  toléré.  Mesurons  la  distance  entre 
ce  qui  est  et  ce  qui  doit  être  un  jour;  nous  allons  vous 
montrer  le  progrès  actuellement  réalisable,  tant  en 
matière  économique  et  familiale  qu'en  matière  idéo- 
logique, juridique  et  politique.  L'expérience  faite  en 
telle  partie  de  l'Afrique  sur  telle  peuplade,  pourquoi  ne 
pas  essayer  de  la  reproduire  ailleurs  dans  des  condi- 
tions de  milieu  et  de  race  à  peu  près  semblables  ? 
D'après  cette  méthode  évolutive,  voici  donc  les  lignes 
directrices  de  l'action  qui  paraît  s'imposer  au  temps 
où  nous  sommes...  » 

L'avenir  est  à- la  civilisation  méthodique  et  graduelle, 
basée  sur  la  connaissance  de  plus  en  plus  approfondie 
de  ces  sociétés  inférieures,  par  le  système  des  Mono- 
graphies de  plus  en  plus  comparables. 


Aussi  bien,  cette  méthode  qu'est-elle  autre  chose 
qu'une  application  de  celle  qui  est  adoptée  présente- 
ment dans  toutes  les  branches  du  savoir  humain  ? 
Prêtez  l'oreille  aux  délibérations  des  Congrès  scien- 
tifiques. Le  mouvement  se  généralise  dans  des  cen- 
taines d'associations  internationales,  où  que  soit  établi 
leur  siège  social,  en  Europe  ou  en  Amérique,  en 
Allemagne  et  en  France  comme  en  Belgique,  en  Suisse 
et  en  Hollande.  Le  souci  de  la  documentation  classée 
suivant  les  divisions  les  i)lus  détaillées  et  les  exigences 
de  chaque  science  est  devenu  à  ce  point  i3 répondérant 
qu'on  j)eut  se  demander,  en  examinant  les  faits,  s'il  est 
encore  possible  de  trouver  une  association  internatio- 
nale sans  but  lucratif  qui  ne  considère,  comme  base  de 
son  action  i)ratique,  l'organisation  la  pkis  parfaite  pos- 
sible non  seulement  de  la  bibliographie,  mais  de  la 
documentation  complète.  Et  ces  classifications  elles- 
mêmes  ne  visent-elles  pas  à  la  réalisation  progressive 
de  l'Encyclopédie  indéfiniment  perfectible  ? 

Notre  œuvre,  qui  se  rattache  ainsi  au  mouvement 
documentaire  et  encyclopédique  qui  entraîne  le  monde 
vers  le  progrès  et  qui  y  occupe  une  place  d'avant-garde, 
n'est-elle  pas  fondée  à  demander  respectueusement 
l'ai^pui  éclairé  : 

non  seulement  des  personnalités  savantes  des  divers 
pays,  —  dont  plusieurs  ont  déjà  manifesté  par  leurs 
écrits  ou  par  leurs  paroles  leur  aide  encourageante, 

non  seulement  des  sociétés  de  géographie  —  dont 
beaucoup  ont  aj^plaudi  à  nos  efforts  dans  leurs  organes 
périodiques , 

non  seulement  des  associations  internationales  scien- 
tifiques, —  dont  récemment  la  revue  attitrée  «  La  Vie 
internationale  »  publiait  la  descrix>tion  de  notre  œuvre 
documentaire, 


XII   — 

mais  encore  des  Musées  et  des  Bibliothèques  —  qui 
sont  invités  instamment  à  s'inscrire  en  nom  comme 
souscripteurs   de   notre    Collection  de    Monographies, 

mais  aussi  et  surtout  des  Gouvernements,  dont  l'in- 
tervention éclairée  a  permis  la  réalisation  de  tant 
d'œuvres  collectives  dépassant  les  forces  de  Tinitiative 
privée. 

CvR.  Van  Overbergh. 


-**<- 


INTRODUCTION 


A  LA 


Monog^raphie     des    Bangala 


-)4-<- 


Cette  monographie  des  Bangala  est  la  première  d'une 
Collection. 

L'idée  de  cette  Collection  se  rattache  au  mouvement 
ethnographique  et  sociologique  créé  par  le  Congrès 
mondial  de  Mons  (Belgique,  igoS).  Après  une  discus- 
sion des  plus  élevée  sur  les  conclusions  de  sept  rap- 
ports (i),  le  vœu  suivant  fut  voté  à  l'unanimité  : 

«  Considérant  qu'il  imi^orte  au  plus  haut  iDoint  de 
posséder  une  documentation  scientifique  aussi  com- 
plète que  possible  sur  l'état  social,  les  mœurs  et  les 
coutumes  des  différents  peuples^  spécialement  ceux  de 


(i)  1°  Paipport  de  sir  Edward  Brabrook,  ancien  président  de  la  Folklors 
Society  et  de  V Antlu-opclogical  Iiisiiiute  of  Great  Britain  nitd  Ireland  de 
Londres.  —  2°  Celui  de  Mo  A.  H.  Keane,  de  l'Université  de  Londres.  — 
3'  Celui  de  M.  Frantz  Ileger,  Kouigl.  und  Kaiserl.  Regierungsrat,  directeu- 
du  Hofmuseum  de  Vienne.  —  4°  Celui  de  'SI.  A.-W.  Nieuwenhuis,  profes- 
seur d'ethnologie  à  l'Université  de  Lejde.  —  5°  Celui  de  M.  S.  R.  Steinnietz, 
professeur  de  sociologie  à  l'Université  de  Leyde.  —  6°  Celui  de  M.  J.  Ilal- 
kin,  professeur  de  géograiihie  ethnographique  à  l'Université  de  Liège.  — 
70  Celui  de  M.  Th.  Gollier,  professeur  des  institutions  d'Extrême  Orient 
à  l'Université  de  Liège. 


civilisation  inférieure,  -pouv  faire  rendre  son  maximum 
d'effets  utiles  à  l'expansion  civilisatrice  vers  les  pays 
neufs  ; 

»  Considérant  que  plusieurs  institutions  ont  pris  à 
cette  fin  d'utiles  initiatives,  mais  à  base  nationale; 

»  Considérant  qu'il  importe,  pour  arriver  plus  rapi- 
dement, plus  sûrement  et  plus  comiDlètement  à  cette 
connaissance  scientifique,  de  solidariser  et  d'unifier 
tous  les  efforts  de  documentation,  peut-être  d'après  un 
lorogramme  général  et  commun; 

»  Considérant  que  la  Société  belge  de  sociologie  a 
I)ris  la  louable  initiative  d'une  vaste  enquête  interna- 
tionale et  collective  sur  les  peuples  dont  il  s'agit  ; 

»  Le  Congrès  émet  les  vœux  suivants  : 

»  1°  Qu'un  Bureau  international  d'ethnographie  soit 
créé,  ayant  pour  but  :  a)  de  publier  des  questionnaires 
ethnographiques  et  sociologiques  et  éventuellement 
d'unifier  ceux  qui  existent  ;  b)  d'envoyer  par  l'intermé- 
diaire des  autorités  comx)étentes,  ces  questionnaires 
aux  fonctionnaires  coloniaux,  aux  explorateurs,  aux 
missionnaires,  etc.  ;  c)  de  publier  des  réponses  à  ces 
questionnaires  toutes  sur  un  même  j)lan  ;  d)  de  distri- 
buer ces  réponses  à  tous  ceux  qui,  d'une  façon  ou  d'une 
autre,  collaborent  à  l'enquête; 

»  2°  Que  tous  les  musées  d'ethnographie,  que  toutes 
les  sociétés  d'ethnographie,  de  sociologie,  de  géogra- 
phie, que  tous  les  ethnographes,  anthropologues,  socio- 
logues, soutiennent  cette  œuvre  par  tous  les  moyens 
dont  ils  disposent  ; 

»  3°  Que  tous  les  Gouvernements  s'intéressent  à 
cette  enquête,  facilitent,  dans  leur  sphère  d'action,  les 


travaux  du  Bureau  international  et  soutiennent  celui-ci 
par  les  moyens  qu'ils  jugeront  le  plus  à  propos; 

»  4°  Q^^e  de  toutes  les  publications  etlinograpliiques, 
un  exenii3laire  soit  gracieusement  envoyé  au  Bureau 
international  et  que  celui-ci  jjublie  tous  les  ans  un 
catalogue  des  ouvrages  parus  relatifs  à  l'ethnographie, 
ce  terme  i)ris  dans  son  sens  le  plus  large  ; 

»  5°  Que  le  Gouvernement  belge  soit  invité  à  saisir 
l'es  Gouvernements  étrangers  de  ce  vœu  ; 

»  Charge  une  Commission  internationale  (i)  de 
prendre  toutes  les  mesures  utiles  iDour  aboutir  rapide- 
ment et  pratiquement.  » 

La  Commission  internationale  prit  les  mesures 
les  plus  urgentes  :  un  avant-projet  de  statuts  fut  éla- 
boré. Le  Gouvernement  belge  consentit  à  en  saisir  les 
Gouvernements  étrangers.  Les  négociations  sont  très 
avancées  ;  il  est  probable  qu'elles  aboutiront  à  la  con- 
stitution d'une  Conférence  internationale  qui  arrêtera 
définitivement  les  bases  de  l'entente  projetée. 

En  attendant,  le  Bureau  de  la  Commission  interna- 
tionale a  lancé  un  appel  à  la  collaboration  de  toutes 
les  sociétés  ethnographiques  et  géographiques  du 
monde.  La  pluj)art  ont  répondu  affirmativement  et, 
pour  gage,  ont  envoyé  leurs  publications. 

Divers  membres  de  la  Commission  internationale  ont 
élaboré  des  projets  de  questionnaire  qui  pourront  servir 


(i)  Cette  Commission  internatiouale  est  composée  de  MM.  Vau  Over- 
bergli  (Belgique),  j)résident;  Skiff  pour  l'Amérique,  Haddon  etKeane  pour 
l'Angleterre,  von  Luschan  pour  l'Allemagne,  Hamy  pour  la  France,  Heger 
et  Smidt  pour  l'Autriche-Hongrie,  Nieuwenhuys  et  Steinmetz  pour  la  Hol- 
lande, Martin  pour  la  Suisse,  Fraipont  et  Lemaire  pour  la  Belgique. 
MM.  Halkin  et  Gollier  sont  chargés  du  secrétariat. 


de  base  aux  discussions  de  la  Conférence  internatio- 
nale. Certains  ont  suggéré  des  moyens  d'unifier  les 
questionnaires  publiés  en  divers  pays. 

D'autres  ont  fait  des  essais  de  publication  des  obser- 
vations. C'est  ainsi  que  M.  le  prof.  Halkin  a  inséré 
dans  le  Mouvement  sociologique  international  une  mono- 
grapliie  des  Ababua  (Etat  Ind.  du  Congo)  qui  a  jiu  être 
envoyée  pour  avis,  en  tirés  à  part,  non  seulement  aux 
membres  de  la  Commission  internationale,  mais  à  un 
grand  nombre  de  x^ersonnalités  savantes  du  monde 
entier. 

Les  critiques  ont  été  recueillies;  i)lusieurs  ont  été 
reconnues  fondées.  Des  suggestions  d'amélioration,  il 
a  été  tenu  compte  dans  la  présente  monographie  des 
Bangala. 

Tous  les  correspondants  apj)rouvent  le  i)rincix)e  du 
plan  :  x^ublication  des  réponses  à  un  questionnaire- 
type,  sur  des  fiches  détachables. 

Ainsi  les  diverses  monographies  seront  comparables 
en  tout  temps. 

Comme  M.  Halkin,  j'ai  pris  pour  base  de  la  Collection 
que  je  publie  le  questionnaire  ethnographique  arrêté 
par  ]a  Société  belge  de  Sociologie  (i).  Mais  il  est  clair  que 
si  le  Bureau  international  —  ou  une  institution  natio- 
nale ou  même  un  j)articulier  —  désire  classer  les  fiches 
dans  un  autre  ordre  ou  de  manière  plus  détaillée,  il 
peut  aisément  «  adapter  »  les  fiches  des  monographies 
à  ses  désirs  :  simple  question  de  placement  ou  de  divi- 
sion. 


(i)  Voir  les  Annules  delà  Société  belge  de  Sociologie,  tome  II. 


Ce  qu'il  est  nécessaire  de  remarquer,  c'est  que  tous 
les  renseignements,  que  nous  avons  pu  recueillir  sur  les 
Bangala,  ont  -pu.  trouver  leur  place  dans  le  cadre  du 
questionnaire.  Aucun  aspect  de  la  vie  sociale  n'a  dû 
être  négligé.  Et  cependant  la  littérature  publiée  était 
nombreuse,  ainsi  qu'on  peut  en  juger  en  iDarcourant  les 
pages  i-3o. 

Le  questionnaire  s'occupe  de  toutes  les  classes  de 
l)liénomènes  sociaux  qui  palpitent  dans  la  vie  d'une 
l)euplade  :  Phénomènes  économiques,  génétiques,  esthé- 
tiques, religieux  et  philosophiques,  moraux,  juridiques, 
I)olitiques;  tous,  depuis  les  plus  simi)les  et  les  plus 
généraux  jusqu'aux  plus  comi)lexes  et  les  i)lus  rares. 

Et  non  seulement  les  phénomènes  sociaux,  mais  ceux 
qui  concernent  le  milieu  physique  et  les  caractères 
anthropologiques. 

Sans  doute,  les  spécialistes  rêvent  d'une  division 
plus  raffinée,  chacun  dans  sa  sphère.  Mais  c'est  là 
l'œuvre  d'un  second  stade,  qui  pourra  s'amorcer  dès 
qu'il  se  trouvera  des  hommes  de  science  pour  l'entre- 
jn^endre  (i)  et  la  mener  à  bien. 

Pour  le  moment,  il  m'a  paru  opportun  de  iDublier  sur 
le  plan  du  questionnaire  de  la  Société  belge  de  Sociologie 
une  Collection  de  monographies  relatives  aux  peuplades 
de  l'Afrique  tropicale. 

Pour  apprécier  la  valeur  de  cet  essai  en  grand,  il 
convient  d'imaginer  un  nombre  considérable  de  publi- 
cations   semblables    à  celle  des  Bangala.    Les    deux 


(i  Aussi  bien,  la  Société  belge  de  Sociologie,  poursuit  la  rédaction  de 
questionnaires  approfondis  spéciaux  pour  les  différents  domaines  de  la  vie 
sociale. 


—  6  — 

cent  et  deux  numéros  correspondent  dans  chaque  mono- 
grapliie.  C'est  toujours  dans  un  même  texte,  en  des 
termes  identiques,  que  chaque  question  est  posée. 

Lisez  à  la  file  le  contenu  des  numéros  de  chacune  des 
monographies  ;  vous  avez  la  statistique  et  même  la 
dynamique  d'une  peuplade. 

Les  idées  religieuses  d'une  région  vous  intéressent- 
elles  seules,  prenez,  dans  chacune  des  monographies 
des  tribus  de  cette  région,  les  fiches  loo  à  122.  Vous 
aurez  le  dossier  qui  vous  convient. 

De  même  i)our  toutes  les  autres  classes  de  phéno- 
mènes. Le  système  des  fiches  détachables  vous  permet 
d'isoler  les  informations  que  vous  désirez. 

Il  est  facile  de  se  figurer  les  avantages  que  pourront 
retirer  de  ces  publications  des  hommes  pratiques 
comme  le  missionnaire  qui  inaugure  son  apostolat  ou 
le  fonctionnaire  désireux  de  faire  œuvre  d'administra- 
tion féconde.  N'est-ce  pas,  d'autre  part,  faciliter  les 
voies  à  ce  qu'on  pourrait  appeler  la  civilisation  scien- 
tifique ou  méthodique?  Connaissant  les  «  mœurs  »,  le 
législateur  saura  les  lois  qui  conviennent.  Et  ce  sera 
par  degrés  —  peu  sensibles,  mais  sûrs  —  que  nos  frères 
arriérés  pourront  s'élever  à  une  civilisation  supérieure. 
C'était  un  des  grands  buts  du  Congrès  mondial. 

Mais  il  en  est  d'autres,  d'un  caractère  plus  scienti- 
fique. Et  pour  ne  pas  parler  des  avantages  qui  en 
résulteront  pour  l'anthropologie  et  la  géographie,  ces 
deux  avenues  de  la  Science  sociale,  quel  courant  d'ob- 
servations ne  pourra  créer  cette  initiative  dans  le 
champ  de  la  sociologie  descriptive  ?  C'est  à  ces  sources 
monographiques  que  diverses  sciences  sociales  ont  dû. 


7  — 


leurs  progrès  les  plus  remarquables.  La  Sociologie 
s'oriente  presque  entière  de  ce  côté.  Notre  tentatiA^e 
fait  partie  du  mouvement. 


Pour  réaliser  ces  grands  espoirs,  une  méthode  sévère 
.s'imposait.  La  voici  : 

Après  avoir  réuni  la  bibliographie  des  Bangala  et 
leur  iconographie,  nous  avons  x^rocédé  à  un  dépouille- 
ment systématique  de  la  documentation  qu'elles  renfer- 
maient. Pas  un  renseignement  n'a  été  laissé  de  côté. 
Chacun  de  ces  renseignements  était  transcrit  sur  une 
fiche  distincte  et  détachée.  C'est  la  première  partie  du 
travail - 

La  deuxième  consistait  à  grouper  ces  fiches  dans  un 
ordre  idéologique  correspondant  aux  deux  cent  et  deux 
numéros  du  questionnaire  de  la  Société  belge  de  Socio- 
logie  (i). 

Puis  vint  le  travail  de  mise  en  œuvre.  Chaqiie  paquet 
de  fiches  —  correspondant  à  chacun  des  numéros  —  fit 
l'objet  d'une  étude  spéciale;  le  renseignement  le  plus 
complet  était  placé  en  première  ligne;  les  autres 
n'étaient  reproduits  que  pour  autant  qu'ils  renfermaient 
du  neuf ,  sinon,  ils  étaient  portés  en  référence  du  pre- 
mier. 

Le  manuscrit  ainsi  obtenu  fut  imprimé  en  épreuves 
à  un   certain  nombre  d'exemplaires.   Chacune  de  ces 


(i)  Ces  deux  premières  parties  du  travail  relèvent  d  une  entreprise 
scientifique  spéciale  dont  les  fondateui's  désirent  jusqu'ici  garder  l'ano- 
nj'inat  mais  qui  se  rattache  par  ailleurs  au  mouvement  ethnographique 
général  créé  ])ar  le  Congrès  mondial  de  igoo. 


épreuves  fut  envoyée  à  des  explorateurs  d'élite,  ayant 
vécu  dans  la  rég-ion  des  Bangala  (i)  avec  prière  de  lire, 
discuter  et  annoter  :  c'était  la  demande  subsidiaire  ;  en 
ordre  imncii)al,  il  s'agissait  d'obtenir  des  renseigne- 
ments complémentaires  et  originaux.  Quelques  épreuves 
étaient  adressées  à  des  savants  {2)  qui,  bien  que  n'ayant 
pas  vécu  là-bas,  avaient  étudié  la  région  sous  quelque 
aspect  important  :  ils  étaient  sollicités  d'annoter  du 
point  de  vue  de  leur  spécialité. 

Dès  que  les  épreuves  ainsi  examinées  et  complétées 
furent  rentrées,  le  travail  d'achèvement  commença.  Il 
fut  ardu.  Parfois  les  explorateurs  n'étaient  i^as  d'ac- 
cord, il  fallait  rechercher  si  ce  désaccord  ne  reposait 
pas  sur  un  malentendu.  D'autres  fois  le  renseignement 
était  incomplet  ;  de  nouvelles  interviews  furent  néces- 
saires, etc. 

Ce  ne  fut  qu'après  plusieurs  épreuves  nouvelles  que 
le  bon  à  tirer  put  être  donné. 

Par  scrupule  d'exactitude  chaque  auteur  voit  son 
renseignement  publié  dans  la  langue  qu'il  a  choisie,  et 
dans  son  texte. 

Les  renseignements  originaux  sont  en  grands  carac- 
tères; les  autres,  en  caractères  ordinaires. 

Cliaque  information  est  contrôlable  à  chaque  instant, 
puisque  les  sources  sont  renseignées. 

Les  fiches  sont  détachables,  et  chacune  d'elles  forme 
un  tout. 


(i)  Ce  sont  MM.  le  baron  Dhauis,  commandant  Mardulier,  major  Fiévez, 
capitaine  Wilvertli  — que  je  ne  saurais  assez  remercier  de  leur  obligeante 
collaboration. 

('2\  MjNI.  J.  Fraipont,  professeur  à  l'Université  de  Liège,  de  Wildeman, 
conservateur  au  .Tardiu  botanique,  Cornet,  professeur  à  l'Université  de 
Gand,  auxquels  j'exprime  ma  cordiale  gratitude. 


—  9  — 

Un  des  grands  avantages  du  sj'stème,  c'est  la  possi- 
bilité de  tenir  la  nionograi)hie  à  jour.  Si  un  exi)lorateur 
ou  un  missionnaire  fait  une  observation  nouvelle  ou  de 
nature  à  compléter  une  information  antérieure  il  suffit 
qu'il  l'adresse  à  l'auteur  de  la  Collection.  Une  fiche 
spéciale  recueillera  la  nouveauté  et  sera  envoyée  à  tous 
les  souscrij)teurs  (i).  De  même,  si  un  oubli  ou  une  recti- 
fication désirable  est  signalée  dans  la  bibliographie  ou 
l'iconographie . 

Li'œuvre  reste  ainsi  continuellement  perfectible  ;  elle 
fait  api)el  à  toutes  les  bonnes  volontés;  elle  donne  le 
maximum  de  facilités  à  celui  qui  désire  publier  ses 
observations;  elle  garantit  un  minimum  de  lecteurs 
compétents  ;  elle  réduit  sans  cesse  les  chances  d'erreur. 


Sans  doute  l'œuvre  est  grande. 

Elle  déborde  l'effort  d'un  homme,  de  quelques  hommes 
et  peut-être  d'un  pays. 

Elle  fait  api3el  à  la  collaboration. 

Elle  vise  à  montrer  la  possibilité  d'une  coopération 
internationale  de  plus  en  plus  effective,  ainsi  que  le 
souhaitait  le  Congrès  mondial. 

Cyr.  Van  Overbergh. 


(i)  Chaque  monographie  est  vendue  au  prix  de  lo  francs  ;  pour  les  sous- 
cripteurs le  prix  est  réduit  à  fr.  7.00  ;   chaque  page   complémentaire, 
10  centimes.  Pour  les  souscriptions  par  masses,  au  delà  de  cent  exem 
lîUiires,  conditions  spéciales.  Pour  l'étranger  le  port  en  sus. 


II. 


INTRODUCTION 


A   LA 


Monographie    des     Mayombe 


Voici  le  deuxième  volume  de  la  Collection  de  mono- 
graphies ethnographiques . 

Le  premier  volume  était  consacré  aux  Bangala,  peu- 
plade du  fleuve,  du  plus  grand  fleuve  de  l'Afrique  cen- 
trale, le  Congo. 

liCs  Mayombe  sont  des  gens  de  la  forêt,  de  cette  forêt 
tropicale  qui,  partant  du  nord  de  Boma,  plonge  dans 
les  possessions  portugaises  et  françaises,  parallèlement 
à  la  côte. 

La  monographie  s'occupe  de  la  peuplade  mayombe  de 
cette  partie  de  la  forêt  qui  s'étend  entre  Luki  et  le  Slii- 
loango,  c'est-à-dire  des  Mayombe  de  l'Etat  Indépen- 
dant du  Congo.  Les  renseigTiements  sur  les  Ma^^ombe 
des  i)Osse3sions  portugaises  et  françaises  sont  jusqu'ici 
trop  insuffisants  pour  permettre  une  étude  comparée. 


La   littérature    des   Mayombe    est  beaucoup   moins 
abondante   que  celle  des   Ba^ngala^.   La  raison  en  est 


112    — 


simple.  Tandis  que  les  Bangala,  à  cheval  sur  le  grand 
fleuve,  entraient  en  relations  avec  quiconque  remon- 
tait le  Haut-Congo,  les  Mayombe,  à  l'écart  des  routes, 
cachés  dans  la  forêt  farouche,  se  laissaient  à  peine 
entrevoir  par  les  commerçants  de  la  côte  ou  les  chefs 
des  expéditions  de  reconnaissance. 

D'où  le  nombre  relativement  restreint  de  renseigne- 
ments publiés,  utilisés  au  cours  de  cette  monographie. 

De  là  aussi  le  nombre  considérable  de  renseigne- 
ments nouveaux,  recueillis  au  cours  d'entrevues  direc- 
tes avec  les  explorateurs. 

L'entreprise  paraissait  audacieuse,  même  après 
l'essai  des  Bangala.  Le  lecteur  jugera  si  elle  a  réussi. 

J'en  ai  retiré  cette  conviction  qu'il  est  iDossible  de 
mener  à  bonne  fin  l'étude  d'une  monographie  ethno- 
graphique par  la  seule  enquête  orale.  Et  c'est  précisé- 
ment de  ce  côté  que  j'aiguille  la  troisième  monographie, 
qui  s'occupera  des  Basonge,  peuplade  de  la  brousse. 

J'eus  foi  dans  la  qualité  éminente  des  explorateurs 
du  Mayombe.  L'événement  semble  m'avoir  donné 
raison. 

Je  ne  saurais  assez  remercier  ces  hommes  de  talent 
et  de  dévoûment  qui  n'hésitèrent  pas  à  distraire  de 
leurs  affaires  souvent  absorbantes  les  heures  et  les 
jours  qu'ils  voulurent  bien  consacrer  à  mon  enquête 
verbale  ou  écrite.  Il  en  est  que  j'ai  accablés  d'inter- 
views; la  mine  découverte  était  précieuse  pour  la 
science  et  la  civilisation:  il  fallait  l'exploiter  atout 
prix;  ces  collaborateurs  s'y  prêtèrent  toujours  de  la 
meilleure  grâce.  Honneur  à  eux  ! 


lô 


L'accueil  fait  aux  Bangala  par  le  g-rand  public 
comme  par  le  monde  savant  fut  extrêmement  sympa- 
thique. Je  me  permets  de  remercier  les  journaux  et  les 
revues.  Ces  encouragements  sont  précieux.  Ils  témoi- 
gnent de  l'adaptation  de  l'entreprise  à  un  besoin 
général. 

Des  conseils  me  sont  venus  et  je  me  suis  empressé  de 
les  suivre  pour  la  plupart,  dans  la  rédaction  de  cette 
deuxième  monographie. 

Ainsi,  plusieurs  sociologistes  m'ont  exprimé  le  désir 
de  voir  donner  plus  d'importance  aux  fiches  2  et  18G  : 
la  première  traite  du  milieu,  la  seconde  du  contact 
avec  les  civilisés. 

«  Afin  de  se  rendre  compte  des  relations  qui  existent 
entre  le  milieu  physique  et  la  population  qui  l'occupe, 
il  est  indispensable,  m'écrivait-on,  que  ce  milieu  soit 
décrit  avec  la  plus  grande  précision  possible.  Il  s'agit 
moins  d'accumuler  les  détails  techniques  que  de  faire 
toucher  du  doigt  les  caractéristiques.  Il  serait  superflu, 
en  ce  qui  concerne  la  faune,  par  exemple,  de  fournir  la 
classification  des  insectes  recueillis  dans  la  région  : 
c'est  l'affaire  du  naturaliste  spécialiste.  Mais  s'il  y  a 
des  insectes  manifestement  nuisibles  ou  utiles  à 
l'homme,  aux  animaux  domestiques,  aux  cultures,  etc., 
pourquoi  ne  pas  les  décrire  par  leur  action  et  leurs 
effets  ?  De  même  pour  la  flore,  la  géologie  et  l'hydro- 
graphie, la  météréologie,  etc.  Ainsi  les  dominantes  du 
milieu  seraient  exposées  aux  regards  des  lecteurs,  et  à 
quelque  école  sociologique  qu'on  appartienne,  on  a  le 
plus  grand  intérêt  à  les  connaître.  » 

Ces  considérations  m'ont  convaincu.    Qu'on  veuille 


-  14  - 

bien  y  trouver  la  justification  de  l'importance  donnée 
au  n"  2  de  la  monographie  des  Mayombe.  La  forêt  sur- 
tout est  décrite  ;  elle  est  le  cadre  dans  lequel  se  meut 
toute  la  vie  de  notre  peuj)lade;  elle  est  sa  nourricière 
comme  son  horizon,  sa  défense  et  sa  sauvegarde. 

Quant  à  la  question  i86,  on  me  disait  :  «  Voilà  donc 
une  peuplade  primitive  vivant  et  se  développant  dans 
un  milieu  donné.  A  un  certain  moment  elle  entre  en 
contact  avec  les  représentants  d'une  civilisation  supé- 
rieure. Il  est  de  lapins  haute  importance  de  suivre  le 
développement  des  effets  de  ce  contact,  de  plus  en  plus 
étroit.  Donnez  de  l'extension  à  cette  fiche.  Presque 
tout  est  intéressant  :  la  manière  dont  l'indigène 
accueille  le  civilisé,  la  façon  dont  il  subit  son  influence 
ou  dont  il  la  repousse,  la  i^artie  des  usages  qu'il  imite 
en  premier  lieu,  etc.  Est-ce  par  le  côté  économique 
—  commerce,  par  exemple,  ou  travail  —  qu'il  api)récie 
les  relations  avec  les  Euroi^éens  ;  est-ce  par  le  côté  reli- 
gieux, par  le  côté  «  force  »  ?  Quels  sont  les  essais  de 
civilisation  et  leurs  résultats  ?  N'y  a-t-il  pas  des  usages 
rebelles  à  toute  i)énétration  ?  Et  que  d'autres  questions 
semblables  se  pressent  !  Sans  doute,  il  faut  éviter  les 
détails  oiseux  qui  ne  prouvent  rien.  Mais  notez  les 
caractéristiques.  N'est-ce  pas  de  cette  manière  que 
pourra  s'arrêter  i)eu  à  peu  le  plan  de  civilisation  métho- 
dique ou  scientifique  dont  parle  V Introduction  des 
Bangala  ?  » 

Un  collègue  m'écrivait  :  «  Cette  pensée  de  concevoir 
la  civilisation  scientifique  des  peuples  inférieurs  est 
digne  de  notre  siècle  de  science.  Il  est  temps  que  les 
sciences   ethnographiques,  un  peu  égoïstes  jusqu'ici, 


—  i5  — 

s'orientent  vers  des  buts  d'utilité  pratique,  qu'elles 
deviennent,  si  je  i)uis  dire,  des  sciences  appliquées. 
Sans  doute  il  est  bon  que  les  savants  observent  et 
décrivent  les  peuplades,  les  comparent  et  en  tirent  des 
conclusions  que  les  sociologistes  utiliseront  pour  for- 
muler les  lois  des  sociétés  humaines.  Mais  pourquoi, 
dès  à  présent,  n'utiliserait-on  j)as  tous  ces  éléments 
pour  tirer  des  conclusions  en  faveur  d'une  camiDagiie 
rationnelle  de  civilisation?  Admirable  assurément  l'ef- 
fort du  missionnaire,  par  exemple,  qui  s'établit  sans 
esprit  de  retour  au  milieu  des  sauvages,  iDOur  les  élever 
peu  à  peu  à  un  idéal  et  à  une  vie  supérieure.  Mais  on 
conçoit  que  ce  même  effort  pourrait  produire  des  effets 
beaucoup  plus  fructueux  s'il  existait  des  règles, 
déduites  de  l'expérience  séculaire  des  missionnaires,  et 
qui  seraient  de  nature  à  multiplier  l'efficacité  de  leur 
effort.  De  même  pour  le  travail  civilisateur  des  Etats 
européens,  de  leurs  fonctionnaires,  de  leurs  magistrats 
et  pourquoi  ne  pas  dire  de  tous  ceux  qui,  au-dessus  de 
leurs  relations  d'affaires  avec  leurs  frères  d'Afrique, 
veulent  contribuer  à  leur  élévation  progressive  ?  » 

Mon  ami  traduisait  trop  bien  le  fond  de  mon  senti- 
ment pour  que  je  ne  suive  pas  ses  conclusions,  en  tant 
qu'elles  trouvent  leur  éclio  dans  le  cadre  des  mono- 
graphies. 

De  là  l'importance  plus  grande  donnée  au  n"  i86, 
destiné  à  devenir  peu  à  peu  le  compendium  des  résultats 
obtenus  en  matière  civilisatrice. 

Je  signale  cette  idée  nouvelle  à  l'attention  de  mes 
collaborateurs  :  il  y  a  là  une  œuvre  d'une  grande 
portée  i^ratique. 


—  i6  — 

Un  troisième  conseil  lut  suivi. 

«  Puisque,  disait-on,  vous  allez  donner  tant  d'impor- 
tance aux  enquêtes  orales  ou  écrites,  il  est  juste  que, 
pour  iDcrmettre  à  vos  lecteurs  de  peser  la  valeur  des 
témoignages  de  vos  collaborateurs,  vous  esquissiez 
sommairement  les  titres  qui  les  distinguent.  » 

Cette  remarque  corresx)ondait  trop  au  désir  que  j'ai 
de  mettre  mes  collaborateurs  en  relief  pour  que  j'hésite 
un  seul  instant. 

Parmi  les  explorateurs  du  Mayombe,  ceux  qui  m'ont 
fourni  les  renseignements  princii)aux  sont  :  M]\I.  l'ingé- 
nieur Diederich,  le  commandant  Cabra,  l'ingénieur 
Claessens,  le  P.  De  Clercq,  le  D''  JuUien,  le  juge 
Louwers,  le  i)rofesseur  Cornet,  le  lieutenant  Morrissens. 

M.  Diederich.  —  Le  17  avril  1898,  au  Palais  des 
Académies  de  Bruxelles  avait  lieu  la  récej)tion  solen- 
nelle des  explorateurs  du  Katanga.  M.  le  colonel  Tliys 
présenta  M.  Diederich  au  lioi  et  à  l'assemblée,  dans 
les  termes  suivants  :  «  Géologue  consciencieux  qui  a 
fait  de  nombreuses  observations  scientifiques  qui  per- 
mettront de  se  rendre  compte  de  la  constitution  géolo- 
gique de  ces  régions  intéressantes.  La  Commission 
a  fait  frapper  à  son  intention  une  médaille  d'argent, 
qu'elle  est  heureuse  de  lui  offrir  avec  l'assurance  toute 
particulière  de  son  estime.  »  M.  Norbert  Diederich, 
ingénieur  du  génie  civil,  des  mines,  arts  et  manufac- 
tures, avait  alors  vingt-six  ans.  Il  avait  été  adjoint  à 
l'expédition  Delcommune.  Ce  furent  ses  débuts  en 
Afrique. 


—  17  — 

En  1894»  il  ^'st  nommé  Directeur  de  l'Agriculture  de 
l'Etat  Indépendant  du  Congo,  service  qu'il  organise. 

Il  séjourne  au  Mayombe  pendant  près  de  trois  ans,  y 
installe  les  postes  de  culture  de  café  et  de  cacao  à 
Lenglii  et  à  Temvo  ;  il  crée  l'exploitation  des  bois  du 
Sliiloango  et  les  champs  d'expérience  de  la  culture  du 
tabac  à  Kaîka-Zobe. 

•  En  1898-1899,  il  parcourt  le  Maj^ombe  du  nord  au  sud 
à  la  recherche  des  passages  du  futur  chemin  de  fer  et 
installe  le  poste  de  culture  d'Urselia. 

En  1900,  il  devient  Directeur  Général  du  chemin  de 
fer  du  Mayombe.  En  1901,  il  crée  les  postes  de  culture 
de  la  Société  agricole  du  Mayombe.  Jusqu'aujourd'hui, 
il  reste  attaché  aux  différentes  entreprises  du 
Mayombe,  où  il  se  rend  presque  chaque  année. 

M.  Cabra.  —  M.  le  commandant  Cabra  part  x>our 
l'Afrique,  en  1896,  en  qualité  de  Commissaire  du 
Gouvernement  belge  pour  assister  à  l'inauguration  du 
chemin  de  fer  Matadi-Tumba.  En  même  temps,  il  est 
chargé  d'une  mission  scientifique  au  Mayombe  et  de 
l'étude  du  pays  en  vue  de  la  construction  d'un  chemin 
de  fer  Boma-Shiloango. 

Il  est  désigné  peu  après  comme  commissaire  de  l'État 
Indépendant  à  la  délimitation  de  la  frontière  congolo- 
portugaise. 

En  1903,  il  est  chargé  de  la  délimitation  franco- 
congolaise. 

En  1905,  commissaire  du  Roi,  il  inspecte  les  terri- 
toires de  la  Ruzizi-Iliva  et  la  province  orientale. 

M,  Claessens.  —  34  ans,  ingénieur  agricole.  a 


—   i8  — 

Après  de  nombreux  voyages  aux  États-Unis,  où  il 
cultive  le  coton  dans  l'Oklahoma  —  au  Mexique,  où  il 
s'occupe  des  cultures  de  café,  du  caoutchouc  et  do 
l'élevag-e  du  bétail,  —  dans  la  République  Argentine, 
où  il  réorganise  l'enseignement  agricole,  —  il  part 
pour  l'Afrique  avec  mission  spéciale  de  l'État  Indé- 
pendant d'introduire  la  culture  du  coton  dans  le 
Bas- Congo. 

D'où,  de  nombreuses  exiolorations  dans  le  Mayombe 
spécialement  dans  le  nord-est  et  dans  l'est. 

M.  Claessens  est  actuellement  attaché  à  l'Admi- 
nistration centrale  de  l'État  Indépendant  du  Congo,  à 
Bruxelles. 

Le  R.  P.  De  Clercq.  —  Le  P.  De  Clercq,  des  Pères 
missionnaires  de  Scheut  (Bruxelles),  séjourne  au  Congo 
de  1896  à  1906. 

Il  réside  successivement  à  Luluabourg,  jusqu'en 
1^97'  —  à,  Berghe-Sainte-Marie,  jusqu'en  1900,  —  à 
Léopoldville  en  1904,  —  à  Kangu  (Moll-Sainte-Marie) 
de  1902  à  1906. 

M.  Jullien.  —  M.  le  D'"  Jullien  se  rend  pour  la  pre- 
mière fois  en  Afrique  en  1890.  Il  est  ensuite  le  médecin 
de  la  Compagnie  du  Chemin  de  fer  du  Congo  (1893-1895). 
De  1894  à  T902  il  devient  :  le  chef  du  service  médical  de 
la  Compagnie  des  chemins  de  fer  vicinaux  au  Mayombe; 
le  médecin  agréé  au  camp  d'instruction  militaire  du 
Bas-Congo;  le  médecin  de  la  Société  agricole  du 
Mayombe  et  de  plusieurs  autres  sociétés. 

Le  D'"  Jullien  fait  partie  du  Comité  d'études  des 
maladies  tropicales. 


—  19  — 

M.  Cornet.  —  En  1891-1893,  géologue  de  l'expédition 
Bia-Franqul  au  Katanga  :  reconnaissance  géologique 
du  sud-est  du  bassin  du  Congo,  de  Lusambo  au  lac 
Bangwéalo  ;  première  carte  géologique  de  ces  régions  ; 
établissement  d'une  échelle  stratigrapliique,  confirmée 
depuis;  découverte  des  mines  de  cuivre  de  Kambove, 
Lusniclii,  Kitulu,  Kimbui,  Inambuloa,  qui  sont  parmi 
les  plus  riches  du  monde. 

En  1895,  il  est  adjoint  comme  géologue  à  la  Com- 
mission envoyée  i)ar  le  Gouvernement  belge  pour 
étudier  les  conditions  d'établissement  du  chemin  de 
fer  de  Matadi  à  Léopoldville.  Il  étudie  toute  la  géo- 
logie du  Bas-Congo. 

Aujourd'hui,  membre  de  la  Commission  du  Musée  du 
Congo  à  Tervueren  et  professeur  de  géologie  à  l'Uni- 
versité de  l'État  à  Gand. 

M.  Louwers.  —  Docteur  en  droit,  M.  Louwers 
arrivait  en  Afrique  au  mois  de  février  1901  en  qualité 
de  magistrat.  Ai^rès  un  stage  au  jDarquet  de  Borna,  il 
fut  envoyé  au  Mayombe  i)our  régler,  comme  substitut, 
certaines  affaires  judiciaires  et  aussi  pour  viser  les 
contrats  des  travailleurs  indigènes  engagés  dans  les 
différentes  exploitations  agricoles  de  la  région.  Ainsi 
il  parcourut  j^resque  toute  la  forêt  du  Mayombe  jus- 
qu'au Shiloango. 

En  1902,  M.  Louwers  fut  envoyé  au  Tanganilia. 

Actuellement  il  est  professeur  à  l'École  coloniale  et 
greffier  au  Conseil  sui)érieur  de  l'État  Indépendant  du 
Congo. 


20 


M,  Morrissens.  —  M.  le  lieutenant  Morrissens 
séjourna  au  Congo  de  1896  à  1899.  Après  une  mission 
dans  rObang-lii  il  accompagna  M.  Diederich  dans  ses 
reconnaissances  dans  le  Mayombe  en  vue  de  la  con- 
struction du  cliemin  de  fer. 

Il  est  professeur  de  géographie  et  d'etlmograpliie  à 
l'École  coloniale  de  Bruxelles. 

A  tous  ces  collaborateurs  d'élite  qui,  sans  compter, 
m'ont  donné  leurs  souvenirs  et  leur  science  des  choses 
d'Afrique,  ma  plus  cordiale  gratitude. 

Rarement,  je  crois,  un  groupe  d'hommes  aussi  com- 
pétents a  pu  être  réuni  en  vue  de  l'étude  systématique 
d'une  peuplade.  Non  seulement  ce  sont  les  spécialités 
de  chacun  d'eux  qui  se  compénètrent  et  se  complètent 
harmonieusement,  mais  aussi  les  lieux  mêmes  de  leurs 
résidences  ou  de  leurs  voyages. 

J'ai  devant  les  yeux  les  lignes  entrecroisées  de  leurs 
explorations;  elles  se  détachent  en  rouge  sur  le  fond 
imprimé  de  la  carte  ;  elles  apparaissent  comme  les 
mailles  d'vm  filet,  sinon  régulier  du  moins  sans  vide 
béant  et  parfaitement  apte  à  captiver  tous  les  rensei- 
gnements désirables. 

Pour  mesurer  le  résultat  de  l'effort  réalisé  par  la 
monographie  des  Mayombe,  qu'on  veuille  bien  exa- 
miner en  réponse  à  chacune  des  202  questions,  ce 
qu'on  savait  avant  et  ce  qu'on  connaît  après  cette 
publication. 

Je  remercie  aussi  M.  le  conservateur  De  Wildeman, 
qui,  avec  la  haute  compétence  que  tous  lui  recon- 
naissent en  botanique  coloniale,  a  bien  voulu  annoter 
les  passages  qui  relevaient  de  sa  spécialité,  particu- 


21    — 


lièrement  importante  dans   une   monographie  dont  le 
cadre  est  la  forêt. 

Merci  à  M.  De  Jong-lie,  qui  m'a  aidé  dans  le  dépouil- 
lement et  le  classement  des  renseignements  biblio- 
graphiques et  iconographiques  et  dans  la  correction 
des  épreuves. 

Merci  à  MM.  Macs  et  Viaene,  qui  ont  dressé  la  carte 
ethnographique  jointe  au  volume. 

Leur  collaboration  à  tous  me  fut  précieuse.  Il  est 
juste  qu'elle  soit  proclamée  et  reconnue. 

Cyr.  Van  Overbergh. 


III. 


INTRODUCTION 


Monographie     des     Basonge 


Les  Basonge  sont  fixés  aux  confins  méridionaux  de 
la  grande  forêt  équatoriale  d'Afrique,  entre  le  Lubilacli 
et  le  Lualaba. 

Ils  sont  de  belle  race. 

C'est  chez  eux  que  Wissmann  découvrit,  il  y  a 
quelque  vingt-cinq  ans,  ces  agglomérations  immenses, 
vraies  villes  africaines  de  quinze  à  vingt  mille  habi- 
tants. 

A  l'ombre  de  leurs  palmeraies,  ces  populations  cul- 
tivaient des  champs  étendus.  Elles  savaient  travailler 
l'argile,  le  bois,  le  cuivre  et  le  fer;  elles  confection- 
naient des  vanneries  et  des  étoffes.  Les  forgerons 
étaient  renommés. 

Les  explorateurs  allemands  qui,  venant  du  pays  des 
Baluba,  franchissaient  le  Lubi,  avaient  l'impression 
de  se  trouver  comme  dans  un  autre  monde.  «  Des 
habitations  propres  et  spacieuses,  entourées  de  jardins, 
forment  en  lignes  droites  des  villages  peuplés  par  les 


-24- 


Basonge,  race  nègre  bien  faite  en  même  temps 
qu'industrieuse.  Malgré  son  isolement  de  tout  contact 
étranger,  elle  suffit  à  tous  ses  besoins  mieux  que  les 
peuplades  voisines.  » 

Cinq  années  plus  tard,  Wissmann  traversait  l'Afrique 
pour  la  seconde  fois.  A  la  place  des  villes  bruyantes 
des  Beneki,  puissante  famille  des  Basonge,  il  ne  trouva 
plus  que  les  lignes  majestueuses  des  palmiers  qui  bor- 
daient l'ancien  boulevard  de  la  cité.  Partout  la  dévas- 
tation, le  silence  et  l'herbe  envahissante. 

Que  s'était-il  passé  ? 

L'Arabe  du  Manyema  avait  franchi  le  Lualaba. 
Conquérant  sans  scrupule,  il  avait  massacré  tous  ceux 
qui  offraient  quelque  résistance  ou  qui  ne  se  pliaient 
point  au  joug  détesté. 

De  jour  en  jour  la  terreur  augmentait  au  pays 
basonge,  que  les  bandes  arabes  considéraient  comme 
une  réserve  d'esclaves  et  un  objet  de  razzia.  Des  sous- 
tribus  entières  furent  anéanties;  d'autres  émigrèrent. 
lie  lieutenant  de  Wissmann,  M.  Paul  Le  ^Marinel, 
amena  les  Sappo-Sap  à  Luluabourg. 

Mais  les  trafiquants  de  Kasongo  rêvaient  d'étendre 
plus  à  l'ouest  et  au  sud  le  champ  de  leurs  opérations 
criminelles  :  l'immense  race  des  Baluba  allait  être 
sacrifiée,  lorsque  l'État  Indépendant  du  Congo  établit 
le  poste  de  Lusambo  qui  fut  comme  une  digue  contre 
laquelle  se  brisa  la  vague  esclavagiste. 

C'est  l'heure  où  les  vainqueurs  des  Arabes  entrent 
en  lico  :  Fivé,  Dhanis,  Le  Marinel,  Gillain,  Michaux, 
pour  ne  nommer  que  les  collaborateurs  directs  de  notre 
monographie. 


—   25   — 

Leurs  marches  sillonnèrent  le  territoire  des  Basonge 
et  les  batailles  qu'ils  y  livrèrent  furent  autant  de 
victoires. 

La  domination  des  trafiquants  fut  anéantie  et  rapi- 
dement s'y  substitua  l'influence  européenne. 

Auxiliaires  des  blancs  pendant  la  lutte,  les  Basonge 
restèrent  leurs  sujets  dévoués.  Jamais  il  n'y  eut  de 
différend  grave.  Et  même  au  temps  de  la  crise  de  1896, 
quand  les  Batetela  révoltés  de  Luluaburg  jmrent  la 
route  du  nord,  les  Basonge  essayèrent  de  leur  dis- 
puter le  passage,  malgré  l'infériorité  de  leur  arme- 
ment. Ils  furent  battus,  mais  ils  restèrent  fidèles  à 
l'État 


Cette  esquisse  historique  fait  toucher  du  doigt  l'inté- 
rêt de  l'étude  ethnographique  des  Basonge. 

Il  y  a  vingt-cinq  ans,  ils  vivent  en  des  villes  spa- 
cieuses et  sont  vierges  de  tout  contact  avec  les  autres 
civilisations. 

Puis,  ils  subissent  le  joug  des  esclavagistes. 

Enfin,  les  voilà  soumis  depuis  de  longues  années  à 
l'influence  des  blancs  d'Euroiie. 

Sur  ces  trois  x)ériodes,  les  renseignements  recueillis 
sont  abonda,nts.  Pour  celle  du  début,  il  est  vrai,  il  faut 
se  contenter  du  témoignage  d'explorateurs  de  i^assage  : 
Wissmann,  Pogge,  Wolf,  etc.  ;  mais  ce  sont  des  lîommes 
de  premier  ordre  et  souvent  des  observateurs  de  génie. 
Ai)rès  la  défaite  des  Arabes,  voici  qu'aj)paraissent  les 
sauveurs,  cette  brillante  plialange  d'officiers  belges, 
actuellement  dans  la  fleur  de  l'âge  et  du  souvenir,  et 


—    25    — 

qui  n'hésitèrent  pas  à  me  communiquer  les  renseigne- 
ments dont  ils  disposaient  et  dont  l'ensemble  constitue 
une  véritable  résurrection  de  cette  Basong-ie  d'il  y  a 
quinze  ans.  Quant  aux  temx)s  présents,  le  faisceau 
d'une  documentation  aussi  précieuse  qu'abondante  m'a 
été  fourni  par  des  observateurs  sag-aces,  qui  ont  opéré 
sur  place  et  x)lus  spécialement  en  vue  de  la  rédaction 
de  ce  livre. 


Après  la  monographie  des  Bangala  (peuplade  du 
fleuve)  et  celle  des  Mayombe  (peuplade  de  la  forêt), 
voici  l'étude  des  Basonge  d^euplade  de  la  brousse). 

Ainsi  les  sociétés-types  étudiées  jusqu'ici  dans  cette 
collection  correspondent  aux  trois  principaux  milieux 
physiques  de  l'Afrique  équatoriale. 

Comme  les  trois  monographies  sont  présentées  d'après 
un  plan  identique,  sur  fiches  détachables  et  en  réponse 
aux  202  questions  du  questionnaire  ethnographique  de 
la  Société  belge  de  sociologie,  chacun  i)eut  se  faire  une 
idée  précise  de  la  valeur  de  la  méthode  comi)aratiA"e, 
préconisée  en  igoS  au  Congrès  mondial  de  Mons  et 
adoptée  dans  son  xu^incipe  i)ar  le  Bureau  international 
(Vethnograph  ie. 

Les  résultats  obtenus  par  ce  triple  essai  permettent 
de  répondre  aux  principales  objections  formulées  contre 
cette  méthode. 


«  Jamais,  disait-on,  vous  ne  réussirez  à  faire  rentrer 
toute  la  vie  sociale  d*une  peuplade   dans  les  cadres 


tracés  parle  questionnaire.  A  supposer  que  vous  y  par- 
veniez jDour  une  tribu,  vous  écliouerez  pour  les  sui- 
vantes, chacune  ayant  sa  physionomie  proi)re.  En  tout 
cas,  beaucoup  de  réponses  à  une  nienie  question  —  pour 
les  diverses  peuplades  —  ne  seront  guère  comparables 
entre  elles.   » 

On  conviendra  que  les  Bangala,  les  Mayombe  et  les 
Basonge  habitent  des  points  fort  distants  dans  le 
bassin  du  Congo;  leurs  milieux  sont  dissemblables;  il 
n'y  a  guère  de  contact  entre  eux  ;  ils  parlent  des  langues 
différentes. 

Or,  je  m'étonnerais  fort  si  un  lecteur  —  question  de 
lacunes  à  i)art  —  ne  trouvait  pas  les  fiches  comparables 
entre  elles  et  surtout  s'il  iDouvait  citer  un  iioint  quel- 
conque de  documentation  qui  n'ait  pu  trouver  x>lace 
dans  le  cadre  indiqué. 

Si  la  bibliographie  des  Majombe,  et  surtout  celle 
des  Basonge,  était  presque  rare,  celle  des  Bangala 
était  abondante. 

En  revanche,  les  résultats  de  l'enquête  orale,  rares 
chez  les  Bangala,  nombreux  i)our  les  Mayombe,  sont 
fort  riches  i)our  les  Basonge. 

Dans  les  deux  cas  cependant,  l'épreuve  fut  satis- 
faisante et  l'obstacle  jyen  sérieux. 


On  avait  ajouté  :  «  Vous  n'échapperez  pas  à  l'impres- 
sion confuse.  Si  tel  auteur,  esi3rit  d'ordre,  traite  chaque 
idée  à  son  tour,  tel  autre  en  mêle  plusieurs,  pêle-mêle. 
La  difficulté  s'augmente  du  fait  que  toutes  les  langues 


—   28   — 

ont  le  même  droit  à  la  citation  intégrale  et  que  certains 
numéros  du  questionnaire  se  rai^portent  à  des  notions 
fort  extensibles.   » 

Trois  objections  donc  :  les  citations  à  objets  multi- 
ples, les  langues  et  les  numéros,  qui  comme  le  2°  (milieu 
physique)  et  le  186°  (contact  avec  les  autres  civilisa- 
tions), renferment  des  mondes. 

Le  problème  des  citations  embrouillées  a  été  résolu 
ainsi  :  tout  passage  d'un  auteur  quelconque  peut  être 
décomposé  en  un  certain  nombre  d'idées  nettes.  Cha- 
cune de  celles-ci  est  attribuable  à  un  numéro  du  ques- 
tionnaire. Dans  le  cas  exceptionnel  où  une  notion  j)rin- 
cipale  exige,  pour  avoir  toute  sa  force,  l'adjonction  de 
certaines  notions  accessoires,  on  attribue  le  passage 
entier  à  la  fiche  du  principal,  quitte  à  «  répéter  »  les 
notions  accessoires  à  chacune  des  fiches  auxquelles 
elles  se  rapportent  directement  ou  du  moins  à  les  y  ren- 
seigner :  le  choix  entre  l'une  ou  l'autre  de  ces  solutions 
dépend  naturellement  de  l'importance  intrinsèque  des 
notions  accessoires. 

Cette  méthode  a  permis  de  résoudre  tous  les  cas  qui 
se  sont  présentés  au  cours  de  la  rédaction  des  trois 
monographies. 

La  question  des  langues  n'a  causé  aucun  embarras. 
Le  respect  scrupuleux  de  l'idée  des  auteurs  exige  que 
l'expression  de  leur  pensée  ne  risque  à  aucun  moment 
d'être  tronquée,  ne  fut-ce  que  d'une  nuance,  par  le 
danger  d'une  traduction.  En  fait,  rien  ne  fut  plus  aisé. 

J'ajoute  que  les  citations  relatives  à  une  même 
notion,  mais  en  langues  différentes,  permirent  plus 
d'une  fois  d'exposer  sous  des  formes  diverses  la  même 


idée  aux  lecteurs  de  nationalités  différentes.  Ainsi, 
en  effet,  il  arrive  que  l'Allemand  retrouve  son  lan- 
gage à  côté  du  français,  de  l'anglais,  de  l'italien,  etc. 
Souvent  le  désir  même  d'une  traduction  est  ainsi 
écarté,  et  x^our  les  polyglottes  l'idée  est  précisée. 

Quant  à  la  difficulté  de  donner  une  forme  mesurée 
et  ordonnée  à  des  notions  i)resque  indéfiniment  exten- 
sibles comme  celle  du  milieu  x^hysique,  le  lecteur 
suivra  le  x>rogrès  de  la  solution  dans  la  lecture  suc- 
cessive des  monograx)liies  :  Bangala,  Mayonibe,  Basonge. 
D'essai  en  essai,  les  sous-divisions  de  la  fiche  deu- 
xième se  iDrécisent  et  s'amplifient  à  la  fois,  et  il 
semble  bien  que  le  cadre  des  Basonge  iDuisse  être 
considéré  comme  définitif,  ou  à  ^en  i)rès.  Le  progrès 
s'accomplit  par  la  division  de  la  notion  essentielle. 
Puisque  ces  sous-classifications  corresiDondront  dans 
les  numéros  de  toutes  les  monographies,  la  compara- 
bilité  gagne  en    x)erfection  et  la  méthode  en   profite. 


M.  Emile  Yandervelde  regrette  les  «  contradictions  » 
que  la  méthode  entraine  «  fatalement  ».  Tel  explorateur 
voit  le  salut  des  Mayonibe,  iDar  exemx^le,  dans  le  travail 
forcé,  tel  autre  dans  le  travail  libre.  Celui-là  estime 
que  la  femme  est  traitée  en  esclave,  celui-ci  déclare 
«  qu'il  fait  des  réserves  formelles  et  que,  sauf  les 
cas  exceptionnels,  les  femmes  sont  bien  traitées  ». 

Deux  cas  types  sont  ainsi  x^i'ésentés  :  l'ox^position 
entre  les  conclusions  des  explorateurs,  la  divergence 
d'imx3ressions  vis-à-vis  de  situations  complexes. 


—   oO   — 

Je  dois  à  la  vérité  avouer  qu'au  début  je  m'atten- 
dais à  de  nombreuses  contradictions.  Le  dépouillement 
systématique  des  auteurs  prouva  que  les  contradictions 
étaient  rares. 

Dans  ces  cas,  que  faire? 

Lorsque  l'erreur  apparaissait  manifeste,  contredite 
par  une  série  de  témoignages  contraires  et  concordants, 
il  arrivait  que  le  passage  n'était  -psis  cité;  il  était  seu- 
lement signalé. 

Mais  parfois  surgissait  des  cas  douteux.  Il  ne  s'agis- 
sait i:)re£que  jama^is  de  descriptions.  C'étaient  ou  des 
divergences  d'impressions  en  face  de  situations  com- 
plexes —  comme  les  jugements  sur  la  condition  de  la 
femme  —  ou  des  contradictions  dans  les  remèdes  à  une 
situation  donnée,  comme  le  progrès  des  indigènes  par 
le  travail  forcé  ou  le  travail  libre. 

Dans  ces  deux  liypotlièses,  n'était-il  pas  utile  de 
citer  les  opinions  en  présence  ? 

Naturellement,  le  lecteur  savait,  d'autre  part,  que 
les  premiers  renseignements  (condition  d'esclavage  de 
la  femme  et  salut  dans  le  travail  forcé)  provenaient 
d'un  explorateur  qui  traversait  le  pays  des  Mayombe 
de  longues  années  auparavant,  et  que  les  renseigne- 
ments seconds,  correcteurs  des  premiers,  émanaient 
d'un  vétéran  d'Afrique,  qui  résida  longtemx^s  au 
Mayombe  et  y  retourne  plusieurs  mois  à  chaque  saison 
des  i^luies,  afin  d'y  inspecter  les  i)lantations  dont  il  est 
le  directeur.  Le  choix  entre  l'autorité  de  ces  témoi- 
gnages ne  pouvait  être  douteux. 

Mais  la  citation  de  la  «  contradiction  »  avait  souvent 
un  but  spécial.  Tantôt,  comme  dans  le  cas  de  la  condi- 


dl  — 


tion  de  la  femme,  le  premier  renseignement  n'était 
donné  que  j}o\\v  permettre  au  correcteur  de  le  redresser 
avec  plus  de  relief  :  c'était  presque  un  artifice  de  dis- 
cours. Tantôt,  tel  le  cas  du  travail  forcé  ou  libre, 
l'opposition  des  citations  visait  à  la  mise  en  valeur  de 
deux  mentalités  différentes,  celle  de  l'explorateur  du 
début,  officier  commandant  d'expédition,  en  reconnais- 
sance dans  une  contrée  inhospitalière  encore,  et  celle 
du  colonisateur,  en  rapports  constants  avec  les  indi- 
gènes depuis  un  long  terme.  Cette  mise  en  opposition 
des  témoignages  marquait  indirectement,  mais  trop 
bien  pour  ne  pas  être  produite,  le  progrès  accompli  par 
l'occupation  du  blanc. 

Il  arrivait  aussi  que  le  doute  surgissait  nettement 
des  témoignagnes  produits.  Le  but  du  rédacteur  était 
alors  de  signaler  cette  situation  aux  exx^lorateurs  de 
l'avenir,  afin  qu'ils  l'éclaircissent. 

Le  Times  de  Londres  voit  dans  ces  «  espèces  de  con- 
tradictions »  l'impartialité  de  l'auteur  de  la  monogra- 
phie. 


Il  semble  donc  que  ces  objections  aient  reçu  de  l'ex- 
périence une  réponse  satisfaisante. 

C'est  pourquoi  le  moment  paraît  venu  de  soumettre 
l'essai  de  classification  comparative  —  tel  qu'il  résulte 
de  ces  monographies  -—  à  l'appréciation  des  corps 
savants  et  des  hommes  de  science  en  rapport  direct  ou 
indirect  avec  le  Bureau  international  d'ethnographie. 

En  attendant  leur  jugement,  je  continuerai  la  publi- 
cation de  la  collection  de  monographies  ethnographi- 


—    32    — 


ques,  m'efforçant  de  mettre  à  profit  toutes  les  sugges- 
tions d'amélioration  qui  me  parviendraient. 


Quant  à  mes  collaborateurs  directs  de  la  monogra- 
phie des  Basonge  —  qui  comporte  tant  de  renseigne- 
ments inédits  —  j'éprouve  quelque  hésitation  à  les  pré- 
senter au  lecteur,  tant  la  plupart  sont  connus  et  jouis- 
sent d'une  autorité  incontestable. 

Plusieurs  sont  illustres  et  leurs  hauts  faits  sont 
inscrits  dans  les  annales  de  l'humanité. 

Aussi  est-ce  plutôt  pour  leur  exprimer  ma  reconnais- 
sance que  j'esquisse  ici  quelques  traits  de  leur  brillante 
carrière. 

Pour  la  période  de  la  guerre  contre  les  Arabes,  une 
mention  spéciale  doit  être  faite  des  collaborateurs  sui- 
vants :  MM.  le  lieutenant  général  Fivé,  le  baron 
Dhanis,  M.  Paul  Le  Marinel,  le  major  Gilain  et  le  com- 
mandant Michaux.  Tous  m'ont  prêté  l'aide  la  plus 
précieuse. 

Le  lieutenant  général  Fivé.  —  Il  était  inspecteur 
d'État  et  arrivait  à  Lusambo  au  moment  de  l'assaut 
contre  le  repaire  des  esclavagistes.  C'est  lui  qui  fut 
chargé  de  la  direction  des  opérations  militaires.  Ses 
renseignements  sur  Lusambo  et  les  Basonge,  en  1898, 
offrent  le  plus  vif  intérêt  ;  ils  étaient  consignés  dans  un 
«  calepin  de  notes,  écrites  au  jour  le  jour  et  qui  reflè- 
tent ses  impressions  du  moment  ». 

Le   baron   Dhanis.  —   Un  vieil  Africain   quoique  à 


—  33  — 

peine  âgé  de  46  ans.  En  1884,  il  est  aux  côtés  du  capi- 
taine Becker  à  la  côte  orientale.  Puis  successivement 
de  1886  à  1891,  on  le  voit  chez  les  Bangala,  dans  l'Aru- 
wimi,  au  Kwang-o,  dans  le  Kasai.  Il  se  trouve  à 
Lusambo  au  moment  de  la  ruée  des  esclavagistes  de 
Nyangwe  et  de  Kasongo.  De  1892  à  1894,  il  tient  la 
campagne  et  ne  connaît  que  la  victoire.  Dlianis  est  le 
héros  de  cette  période  presque  légendaire  du  Congo.  Les 
Basonge  sont,  ses  plus  actifs  auxiliaires.  Et  lorsqu'il 
organise  le  pays,  il  a  l'occasion  d'étudier  ces  indigènes 
au  lendemain  des  temps  les  plus  troublés  de  leur 
histoire. 

Paul  Le  Marinel  connut  les  Basonge  dès  1886.  Pen- 
dant iDiusieurs  années,  il  explore  ces  régions  et  les 
organise.  C'est  lui  qui  proi)osa  Lusambo  comme  station 
d'avant-garde.  En  1890,  il  prend  le  commandement  de 
la  première  exj)édition  belge  au  Katanga. 

Plus  tard,  il  appuie  les  oi3érations  de  Dhanis  contre 
Rumaliza. 

En  1895,  il  revient  encore  à  Lusambo  pour  délivrer  le 
pays  des  rebelles  Batetela. 

La  grande  partie  de  cette  belle  carrière  africaine 
s'est  donc  écoulée  en  Basongie  pendant  la  période 
arabe. 

Le  major  Gillain  part  pour  le  Congo,  en  1888,  en 
qualité  de  lieutenant  de  la  Force  publique.  Dès  l'an- 
née suivante,  il  est  le  second  du  commandant  P.  Le  Ma- 
rinel dans  l'expédition  qui  aboutit  à  la  fondation  du 
camp  sur  le  Sankuru.  Il  exerce  le  commandement  à 


—  o4  — 

Lusambo  pendant  le  voyage  de  Le  Marinel  au  Katanga. 
En  1898,  il  participe  à  la  campagne  de  Dlianis; 
plus  tard,  il  prend  le  commandement  du  district  de 
Lualaba  et  coopère,  en  1895,  à  la  lutte  contre  les 
soldats  Batetela. 

Le  commandant  Michaux  publia  récemment  ses  sou 
venirs  d'Afrique.  Son  Carnet  de  campagne  contient  ses 
épisodes  et  impressions  de  1889  à  1897.  Il  fut  un  des 
éléments  les  plus  valeureux  de  la  phalange  des  officiers 
d'élite  qui  repoussèrent  les  Arabes.  C'est  lui  qui  com- 
mandait à  Djigge,  sur  le  Lomami.  Presque  toute  son 
activité  se  déploya  en  pays  basonge  ou  dans  les 
alentours. 

Le  lecteur  qui  voudrait  faire  un  ensemble  des  décla- 
rations de  ces  officiers  n'aurait  qu'à  extraire,  des 
ficlios  de  l'ouvrage,  les  citations  signées  de  leur  nom; 
11  aurait  l'expression  la  plus  parfaite  de  la  Basongie  et 
de  ses  habitants  pendant  et  après  cette  période  de 
calamités  et  de  troubles. 

Pour  la  période  contemi^oraine,  trois  collaborateurs 
sont  à  signaler  :  M.  le  commandant  Borms,  M.  le 
docteur  Dryei)ondt  et  surtout  M.  Robert  Schmitz,  dont 
le  concours  i3récieux  s'affirme  à  chaque  page  de  la 
monographie.  A  un  esprit  d'observation  remarquable, 
M.  Schmitz  joint  un  talent  de  conteur  que  le  lecteur 
appréciera.  C'est  grâce  à  lui  que  le  Musongo  d'aujour- 
d'iiui  a  pu  être  étudié  avec  la  minutie  désirable. 

Docteur  en  droit,  ]\[.  Schmitz  remplit  d'abord  au 
Congo  les  fonctions  de  magistrat.  De  1904  à  1907,  il 
séjourna  en  plein  pays  basonge,  comme  agent  du  Comité 


spécial  du  Katangii.  En  igo4  et  igoS,  il  occiii)a  le  i^oste 
de  Dibue  et,  en  1906  et  1907,  celui  de  Tsliofa.  Il  par- 
courut le  territoire  en  tous  sens  et  se  documenta  sur  les 
mœurs  des  habitants  avec  la  préoccupation  constante 
de  répondre  au  questionnaire  de  la  Société  belge  de 
sociologie. 

A  la  fin  de  l'année  dernière,  il  me  fit  parvenir  son 
précieux  manuscrit  et  par  la  suite,  pendant  son  séjour 
en  Belgique,  il  se  soumit  à  l'interrogatoire  le  i)lus 
détaillé,  corrigeant  lui-même  les  épreuves  que  le  sténo- 
graphe rédigeait  après  chacun  de  nos  entretiens. 

L'exemple  de  M.  Schmitz  montre  les  services  que 
peut  rendre  à  la  science  et  à  la  civilisation  un  fonc- 
tionnaire distingué  qui  ne  redoute  pas  la  fatigue 
supplémentaire  qu'impose  une  enquête  sérieuse  sur  les 
peui)lades  africaines  qu'il  fréquente. 

Il  me  reste  à  remercier  mes  collaborateurs  habituels 
qui  me  prêtent  l'appui  constant  de  leur  science  avec  un 
dévouement  inlassable.  Ce  sont  : 

M.  Cornet,  professeur  à  l'Université  de  Gand,  pour 
la  géologie  ; 

M.  J.  Frai^Dont,  professeur  à  l'Université  de  Liège, 
pour  l'anthropologie  ; 

M.  De  ^Yildeman,  conservateur  au  Jardin  botanique 
de  Bruxelles,  pour  la  botanique  ; 

MM.  Maes  et  Yiaene,  qui  ont  dessiné  la  carte 
ethnographique . 

Cyr.  Vax  Overbergh. 


v 


IV. 
INTRODUCTION 


A  LA 


Monographie    des    Mangbetu 


Au  nord  de  la  grande  forêt  équatoriale,  entre  le 
^7  1/2  et  le  29  1/2  de  longitude,  s'étend  le  territoire 
occupé  par  les  Mangbetu. 

De  rUele  au  Bomokandi,  c'est  une  immense  brousse, 
sillonnée  de  nombreux  cours  d'eau,  aux  rives  boisées. 
Les  mouvements  du  terrain  sont  peu  accentués;  les 
vallées  s'esquissent  à  peine. 

A  mesure  qu'on  s'avance  vers  le  sud,  les  bois  se 
multiplient  et  grandissent  jusqu'à  ce  qu'ils  finissent 
par  se  fondre  dans  la  forêt  épaisse  de  l'Aruwimi. 

Le  sol  est  extrêmement  fertile. 

Dans  ce  milieu  aimable  et  riche  s'est  développée, 
depuis  de  longues  années,  la  tribu  des  Mangbetu. 

Schweinfurth  et  Junker,  Émin  Pacha  et  Casati  les 
ont  célébrés  dans  des  récits  admirables.  Ainsi,  les 
Mangbetu  sont  une  des  races  les  plus  connues  du  centre 
de  l'Afrique. 

Leur  civilisation  est  supérieure  à  celle  de  leurs 
voisins. 


—  38  — 

Avant  l'arrivée  des  trafiquants  arabes,  les  Mangbetu 
formaient  une  société  puissante  ;  elle  comportait, 
dit-on,  deux  catég'ories  :  les  vaincus,  plus  ou  moins 
aborigènes,  les  Bangba,  Medje,  Makere,  Mangbellet, 
^lobadi,  etc.,  pêle-mêle;  et  les  conquérants  qui  for- 
maient une  espèce  d'aristocratie.  Les  vainqueurs 
imi30sèrent  leurs  usages;  au  bout  de  quelque  temps, 
une  fusion  s'opéra  et  aujourd'hui  tous  ces  anciens 
vaincus  sont  fiers  de  se  dire  Mangbetu;  ils  ont 
l'orgueil  de  la  race  supérieure  et  se  i^arent  de  son 
prestige. 

La  population  est  dense  ;  elle  paraît  s'accroître.  Le 
Mangbetu  est  non  seulement  bien  bâti,  fort  et  musclé, 
mais  il  est  agile,  soui)le  et  élégant.  Son  type  est  le  plus 
beau  de  l'Uele.  Intelligent  et  courageux,  capable 
d'amitié  et  de  dévoûment,  il  semble  suscex^tible  de 
sérieux  progrès. 

La  combinaison  de  la  peuplade  avec  son  territoire  se 
révèle  dans  l'aspect  des  divers  phénomènes  sociaux. 

Les  chefs  importants  occultent  des  villages  de  deux  à 
trois  cents  cases.  Bien  qu'en  règle  générale,  l'emplace- 
ment des  huttes  soit  déterminé  par  le  voisinage  de 
l'eau,  du  combustible  et  du  sol  fertile,  des  explorateurs 
ont  noté  que  le  souci  esthétique  n'était  pas  étranger  au 
choix  :  les  Mangbetu  aiment  les  beaux  paysages  et  les 
perspectives  pittoresques. 

Les  habitations  sont  rangées  autour  d'une  place 
spacieuse,  ornée  de  palmiers  :  là  se  dresse  le  grand  hall 
pour  les  réunions  et  les  fêtes. 

Ils   sont   les   meilleurs    constructeurs   de   l*Afrique 


—    Oj    — 

Centrale  :  «  C'est  dans  l'art  de  bâtir,  disait  déjà 
Scîiweinfurth,  que  se  révèlent  tout  entières  la  science 
et  Ihabileté  des  Mangbetu.  On  ne  s'attendrait  jamais  à 
trouver  au  cœur  de  l'Afrique  ces  grands  halls  du  palais 
de  Munza  qui,  à  leurs  dimensions  imposantes  —  jusqu'à 
i5o  pieds  de  long-,  60  de  large,  5o  de  haut  —  joignent 
de  la  manière  la  plus  complète  la  légèreté  et  la  force.  » 
.     Les  rues  sont  propres  et  bien  entretenues. 

Autour  du  village  s'étendent  les  banareraies.  Les 
plantations  renferment  aussi  le  maïs,  l'arachide, 
diverses  espèces  de  haricots  et  de  plantes  potagères,  la 
patate  douce,  le  sorgho,  l'éleusine,  etc.  Si  les  hommes 
se  chargent  du  gros  œuvre  dans  les  défrichements 
nouveaux,  les  femmes  s'adonnent  aux  travaux  de 
culture,  de  cueillette  et  de  récolte.  Aux  hommes  la 
pêche,  mais  surtout  la  chasse,  dérivatif  de  l'énergie 
guerrière  d'antan. 

L'alimentation  est  à  la  fois  végétale  et  animale.  On 
se  nourrit  du  produit  de  la  chasse  et  de  la  pêche,  de 
ses  cultures  et  des  fruits  de  la  forêt.  «  La  banane  est  le 
pain  du  Mangbetu.  »  Les  animaux  domestiques 
consommés  sont  les  chèvres  et  les  poules. 

L'eau  est  la  boisson  habituelle  ;  exce]3tionnellement, 
il  y  a  des  bières,  du  vin  et  des  liqueurs. 

L'industrie  est  familiale.  Il  n'y  a  guère  que  le 
forgeron  qui  soit  un  artisan. 

Le  commerce  s'est  développé  peu  à  peu,  en  dehors  du 
village  et  avec  les  étrangers.  Aujourd'hui  ce  sont  les 
Grecs,  les  Egyptiens,  les  Uganda  et  les  Belges  qui 
impoi'tent.  Les  chefs  et  les  hommes  libres  vendent 
leurs  produits  ;  l'ivoire  et  le  caoutchouc  surtout,  puis 


-  4o  - 

des  fers  de  lance,  des  couteaux,  de  la  poterie,  des 
perroquets,  des  dépouilles  d'animaux,  etc.  Le  plus 
souvent  on  troquait;  puis  on  employa  comme  monnaie 
des  morceaux  de  fer,  en  forme  de  lances,  ensuite  des 
cauries  et  des  fils  de  laiton. 

Bien  qu'il  n'y  eut  pas  de  marchés  proi)rement  dits, 
les  voies  de  communication  étaient  aisées  :  des  sentiers 
larges  et  bien  entretenus. 

Tels  sont  les  grands  contours  du  phénomène  écono 
mique,  que  la  monographie  développe  avec  un  luxe  de 
détails  qui  frapperont  les  hommes  de  science. 

Les  institutions  familiales  ne  sont  pas  moins  bien 
étudiées  par  nos  collaborateurs,  malgré  les  difficultés 
qui  s'attachent  naturellement  à  l'analyse  des  formes 
relatives  à  la  conservation,  à  la  continuation  et  au 
développement  de  l'espèce.  La  femme  s'achète  au  père 
par  le  futur  mari  ;  la  polygamie  est  générale  et  n'a 
d'autre  limite  que  le  désir  et  la  richesse  de  l'homme  ; 
il  existe  presque  toujours  une  favorite  qui  a  la  haute 
direction  du  ménage  et  joue  un  rôle  important.  L'union 
dure  jusqu'à  la  mort  ou  jusqu'à  ce  que  l'homme  vende 
ou  échange  sa  femme.  Le  père  exerce  l'autorité  ;  femmes 
et  enfants  lui  sont  soumis  et  il  n'y  a  d'autre  propriété 
familiale  que  la  sienne.  Les  femmes  stériles  sont  rares 
et  nombreuses  sont  les  naissances;  l'éducation  est 
familiale  ;  l'enfant  s'imprègne  du  milieu  social  ;  on  ne 
cite  qu'un  seul  exemple  d'une  espèce  d'école  indigène  : 
la  mère  d'un  grand  chef  dressait  des  gamins  et  des 
fillettes  aux  travaux  des  champs  et  de  la  cuisine  ;  elle 
était  assistée  de  quelques  vieillards. 


-  4i  - 

Le  système  esthétique  des  Mang-betu  doit  être 
recherché  dans  l'étude  des  diverses  manifestations  de 
beauté  que  révèlent  leurs  mœurs  et  leurs  produits. 
E,ien  de  plus  original  que  l'aspect  de  leur  coiffure,  cette 
espèce  de  gigantesque  chignon  cylindrique,  soutenu 
par  une  carcasse  de  roseau,  et  qui  prolonge  la  tête 
presqu'indéfiniment.  Une  des  coquetteries  des  femmes, 
c'est  le  coloriage  de  leur  corps,  aux  proportions  harmo- 
nieuses :  ce  ne  sont  qu'étoiles,  croix  de  Malte,  abeilles, 
fleurs,  dessins  géométriques,  outils,  armes  etc.  «  L'une 
est  rayée  comme  un  zèbre,  l'autre  tachetée  comme  un 
léopard.  J'en  ai  vu  qui  tantôt  présentaient  les  veines 
du  marbre,  tantôt  les  carrés  d'un  damier.  »  Et  Schwein- 
furth  ajoute  que  de  son  temps  s'ajoutaient  les  dessins 
d'un  tatouage  caractéristique.  Les  explorateurs  actuels 
constatent  la  persistance  de  ces  pratiques,  mais  ils 
vantent  aussi  la  qualité  des  «  bijoux  »  portés  par  les 
élégants  des  deux  sexes. 

Si  les  Mangbetu  sont  les  meilleurs  architectes  de 
l'Afrique  Centrale,  il  n'y  a  qu'une  voix  pour  affirmer 
qu'ils  sont  les  plus  habiles  forgerons  de  FUele  et  de 
l'Aruwimi  :  avec  leurs  instruments  rudimentaires,  ils 
réalisent  des  œuvres  d'art. 

D'autre  part,  les  piliers  en  bois  qui  supportent  les 
toits  de  leurs  édifices  sont  parfois  sculptés  de  manière 
remarquable;  et  on  relève  le  talent  que  décèlent  les 
dessins  colorés  qui  ornent  l'extérieur  de  certaines 
cases.  Leur  virtuosité  de  mandoliniste  est  presqu'aussi 
incontestée  que  celle  des  Azande,  leurs  voisins. 

Autant  de  signes  révélateurs  d'un  art  social  déve- 
loppé. 


A  cette  vie  économique,  génésique  et  esthétique  cor- 
respond une  iDsychologie  collective,  dont  nous  ne  con- 
naissons encore  que  les  rudiments. 

Leurs  croyances  religieuses  devraient  faire  l'objet 
d'études  plus  approfondies.  On  remarque  qu'ils  sont 
animistes  et  qu'ils  portent  des  amulettes.  Ils  croient  à 
un  Être  sui^rême,  créateur,  qu'ils  n'invoquent  pas.  Ni 
temiDles,  ni  idoles. Pas  de  culte  des  ancêtres  assure-t-on; 
mais,  autrefois,  des  sacrifices  humains  sur  la  tombe  des 
chefs.  Tous  sont  un  peu  devins  ;  mais  les  féticheurs 
sont  les  grands  consul teurs  d'oracles.  Il  existe  une 
société  secrète  puissante  qui  oblige  ses  membres  sous 
l)eine  de  châtiments  surnaturels  terribles  :  elle  dépasse 
les  limites  de  la  peuplade. 

Le  système  moral  des  Mangbetu  commence  à  se 
révéler.  La  notion  du  bien  et  du  mal  est  naturellement 
à  la  base.  La  morale  familiale  a  des  règles  assez  fixes; 
les  vieillards  sont  bien  traités  ;  une  certaine  pudeur  est 
observée,  mais  la  fidélité  des  époux  laisse  à  désirer.  On 
observe  la  parole  donnée.  Très  hospitalier,  le  Mangbetu 
donne  volontiers  des  aliments  à  l'affamé,  sans  ostenta- 
tion. Autrefois  l'anthropophagie  florissait,  mais  pas 
chez  les  femmes  :  en  temps  de  guerre,  c'était  un  point 
d'honneur  d'avoir  mangé  de  l'ennemi.  Les  cultures  et 
les  propriétés  individuelles  sont  respectées  et  le  vol 
puni.  Une  chose  trouvée  est  rendue  à  son  propriétaire. 
Chaque  peuplade  respecte  les  territoires  de  pêche  et  de 
chasse  des  voisins. 

La  situation  de  l'esclave  n'est  pas  trop  humiliante  : 
des  mœurs  douces  leur  procurent  un  bien-être  relatif. 
Ce  sont  des  serviteurs  à  vie  ;  leur  genre  d'existence  ne 


-43- 

se  distingue  guère  de  celle  des  maîtres;  ils  ont  femme 
et  enfants.  La  traite  n'a  existé  chez  les  Mangbetu  que 
comme  une  institution  i)assagère,  sous  la  pression  des 
ÉgyiD  tiens. 

La  situation  sociale  de  la  femme  est  bien  plus  élevée 
que  chez  les  peuples  environnants.  Tous  les  voyageurs 
ont  été  frappés  de  la  considération  dont  les  chefs  entou- 
rent certaines  de  leurs  femmes,  qu'ils  consultent  même 
en  matière  x)olitique. 

Le  système  juridique  de  la  société  mangbetu  est  un 
l)rolongement,  peut-on  dire,  de  son  sj^stème  moral.  On 
a  dit  avec  raison  que  toute  coutume  constitue  un  droit 
coutumier  du  moment  que  la  règle  et  la  sanction  de 
celle-ci  sont  précisées  par  la  société  ou  les  organes  de 
la  société. 

Le  droit  civil  quant  aux  personnes  et  aux  biens  est 
déjà  assez  connu.  Il  apparaît  à  trente  passages  divers 
de  la  monographie. 

De  même  le  droit  pénal.  La  coutume  réglait  les 
peines  :  l'adultère,  par  exemple,  était  puni  de  mort. 
Mais  il  ne  s'agissait  là  que  des  chefs  importants.  Chez 
les  gens  du  commun  la  punition  était  moins  grave  :  la 
femme  était  rouée  de  coups  de  chicotte  ou  enchaînée; 
le  complice  subissait  la  même  peine  ou  payait  une 
amende  au  mari. 

Autrefois  la  coutume  du  poison  exerçait  ses  ravages  : 
c'était  une  arme  terrible  entre  les  mains  des  chefs 
cruels. 

Les  récits  de  Casati  mettent  à  nu  les  mobiles  qui 
animaient  quelquefois  certains  justiciers  de  ce  pays. 
La  justice,  en  ce  temi)s-là,  était  rendue  par  le  roi  qui 


-44- 

prononçait  les  sentences  en  assemblée  i)ublique  : 
«  C'était  une  justice  sommaire  comportant  l'exécution 
immédiate  du  jug-ement.  »  Il  s'agissait,  bien  entendu, 
des  cas  graves. 

L'organisation  j)olitique  n'est  pas  compliquée. 

Les  familles  forment  des  groupements  plus  ou  moins 
importants  qui  reconnaissent  l'autorité  d'un  chef  de 
village.  Ces  chefs  sont  soumis  à  l'autorité  d'un  chef 
plus  important  qui  est  désigné  par  le  grand  chef. 

Aucune  femme  ne  peut  devenir  «  chef  »  à  un  degré 
quelconque  de  la  hiérarchie. 

Le  grand  chef  est  un  véritable  sultan  ;  il  possède  tous 
les  pouvoirs,  qu'il  exerce,  du  reste,  dans  les  limites  de 
la  coutume;  il  n'a  pas  de  caractère  religieux.  C'est  de 
lui  que  découle  l'autorité;  pour  assurer  sa  domination, 
il  nomme  des  iDroches  parents  à  l'administration  de  ses 
«  provinces  ». 

L'histoire  mangbetu  célèbre  les  merveilles  du  règne 
de  Munza,  le  grand  Roi.  Un  jour,  des  marchands 
d'ivoire  l'assassinèrent  et  intronisèrent  Niangara,  un 
Bangba,  qui  se  faisait  un  titre  de  gloire  d'avoir  épousé 
la  sœur  do  Munza,  la  fameuse  Nemzima,  la  vraie 
régente.  Et  tandis  que  l'État  Indépendant  du  Congo, 
parti  des  rives  du  Congo,  poussait  son  influence  civili- 
satrice vers  le  Nord  de  la  forêt  équatoriale,  les  conqué- 
rants Azande  descendaient  vers  le  sud,  enfermant  Nian- 
gara  dans  sa  forteresse  de  Kanda.  C'eût  été  la  fin,  si  le 
blanc  ne  s'était  présenté  comme  un  sauveur.  La  lutte 
fut  arrêtée. Les  envahisseurs  et  Niangara  se  soumirent. 
La  paix  régna  et  ne  fut  plus  guère  troublée.  De  cette 


date  s'accentuent  les  relations  pacifiques  des  Mangbetu 
avec  les  Européens  :  la  monographie  relate  des 
influences  notoires  qui  permettent,  dès  maintenant, 
d'établir  les  grandes  lignes  d'un  futur  dévelopxDement. 

Tels  apparaissent  les  sept  aspects  sociaux  de  la  peu- 
plade Mangbetu.  Ils  sont  classés  dans  l'ordre  de  la 
complexité  croissante  et  de  la  généralité  décroissante  : 
phénomènes  économiques,  génésiques,  esthétiques, 
idéologiques,  moraux,  juridiques  et  politiques. 

Ce  n'est  qu'un  exemple  de  classification.  Ab  uno 
disce  omnes.  On  ^eut  répéter,  sans  difficulté  spéciale, 
l'application  des  autres  formules  de  classement  socio- 
logique :  la  documentation  est  assez  souple  pour  se 
plier  à  tous  les  essais. 

C'est  la  réponse,  par  le  fait,  que  Je  tenais  à  fournir  à 
ceux  de  mes  amis  qui,  dans  diverses  correspondances, 
ont  exprimé  le  regret  que  le  questionnaire  et  surtout  la 
publication  des  documents  amassés  ne  correspondissent 
pas  à  leur  idéal  personnel. 

Avec  le  système  des  fiches  détachables  rien  de  plus 
aisé  qu'un  groupement  adapté  à  chaque  hypothèse. 

Quel  que  soit  l'ordre  une  fois  adopté,  l'essentiel  est 
de  continuer  l'examen  des  faits  sociaux  dans  le  même 
ordre  pour  les  diverses  sociétés.  Ainsi  la  cdtoparabilité 
est  assurée. 

L'exposé  sommaire  de  la  peuplade  Mangbetu  qui 
vient  d'être  esquissé  n'est  donc,  en  somme,  qu'un 
échantillon  d'une  classification  différente  de  celle  du 
questionnaire  et  des  monographies. 


-46- 

Quant  à  l'inventaire  de  nos  connaissances  sur  les 
Mangbetu,  il  s'appuie  sur  une  bibliographie  brillante 
et  sur  une  enquête  orale  dont  le  lecteur  appréciera  la 
valeur. 

Les  magnifiques  récits  des  explorateurs  allemands, 
autrichiens  et  italiens  ont  admirablement  défini  les 
Mangbetu  d'il  y  a  quelque  trente  ou  quarante  ans. 
Ainsi  une  base  de  comparaison  excellente  s'offrait  avec 
la  situation  actuelle. 

Et  pour  l'enquête  orale,  quelle  pléiade  d'explorateurs 
de  premier  ordre  :  Chaltin,  Hanolet,  Bruneel,  Laplume. 
Wacquez,  de  Renette;  ceux  d'hier  et  ceux  d'aujour- 
d'hui ! 

Qui  ne  connaît  le  major  Chaltin,  un  des  officiers  vic- 
torieux de  la  campagne  arabe,  le  héros  de  la  guerre 
mahdiste  et  l'organisateur  de  l'Uele?  Il  vécut  au  milieu 
de  toutes  ces  peuplades  de  la  Makua  pendant  et  après 
la  guerre,  dès  le  début  de  l'occupation  européenne, 
c'est-à-dire  au  moment  où  les  mœurs  se  révélaient  sans 
voile  et  sans  vernis.  Son  témoignage  est  de  la  plus 
haute  valeur. 

Le  major  Hanolp:t ,  que  la  science  et  la  colonisation 
viennent  de  perdre,  brillait,  lui  aussi,  parmi  les  «  Vieux 
Africains  ».  Dès  1888,  il  s'embarque  pour  le  Congo;  il 
fut  le  collaborateur  de  Van  Gèle  (Ubanghi-Uele),  de 
G.  Le  Marinel  (Ubanghi-Boma);  il  commanda  la  fameuse 
expédition  du  nord-ouest,  qui  plongea  au  delà  du 
Sakara,  dans  les  Dar  Banda  et  Fertit,  jusqu'en  plein 
Chari.  En  1897,  il  succéda  à  Chaltin  dans  le  comman- 
dement de  l'Uele.  Nul  mieux  qu'Hanolet  n'était  pré- 


-i  / 


paré  à  l'enquête  ethnographique  :  Ayant  vu  et  i)ratiqué 
toutes  les  peuplades  de  la  Makua,  du  Haut-Nil  et  du 
Haut-Chari,  il  pouvait  à  chaque  instant  comparer  et 
r3lever  les  différences  importantes.  C'est  ce  qu'il  eut 
l'obligeance  de  faire  pour  les  Mangbetu.  La  mort  a 
interrompu  son  travail  pour  la  plupart  des  autres  i)eu- 
plades  :  c'est  une  perte  cruelle  pour  l'œuvre  de  science 
et  de  civilisation  que  nous  poursuivons. 

Si  Chaltin  et  Hanolet  étaient  admirablement  prépa- 
rés à  notre  enquête  ethnographique  ]3ar  leurs  connais- 
sances des  iDeuplades  du  nord  et  de  Test  du  Congo,  le 
major  Bruneel  ne  l'était  pas  moins  par  ses  voyages  et 
ses  séjours  à  Test  des  Mangbetu  et  au  sud.  Il  ne  fut 
pas  seulement  l'hôte  de  Nyangara,  le  commandant  de 
la  zone  des  Makrakra  et  le  successeur  d'Hanolet  en 
igoS  ;  mais,  à  son  second  terme,  il  fut  le  Commissaire 
général  du  district  de  l'Equateur,  qu'il  explora  en  tous 
sens.  Ses  renseignements  me  furent  précieux. 

Le  commandant  Laplume,  dont  tout  le  monde  recon- 
naîtra la  collaboration  éminente  à  cette  monograpliie, 
compte  plus  de  treize  ans  d'Afrique.  Il  connaît  à  fond 
toutes  les  peuplades  de  l'Uele.  Il  résida  spécialement 
pendant  vingt-deux  mois  au  poste  de  Kiangara,  en  plein 
centre  Mangbetu.  Observateur  attentif,  il  a  consenti  à 
répondre  à  mes  questions  pendant  un  nombre  considé- 
rable de  séances  longues  et  fatigantes. 

Le  capitaine  Wacquez  participa  en  1897  à  Fexpédi- 
tion  du  Nil.  En  1898,  il  commanda  le  j)oste  des  Amadi; 
en  1899,    il  résida  à  Niangara;    en   1900,   il  reprit   le 


-4S- 

commandement  de  la  zone  Makua  (chef-lieu  Niangara); 
en  1902,  il  fut  nommé  commissaire  du  district  de  l'iJele 
et,  en  1904,  il  fut  le  commandant  supérieur  des  terri- 
toires de  rUele  et  du  Lado.  Cette  carrière  passée  tout 
entière  en  plein  Mang-betu  ou  à  proximité,  justifie  l'au- 
torité qui  s'attache  au  témoignage  de  cet  officier 
d'élite,  qui  sut  voir  et  se  souvenir. 

C'est  le  baron  de  E-enette,  de  Villers-Perwin  qui, 
en  1905,  reprit  du  capitaine  Wacquez  le  commande- 
ment supérieur  des  territoires  de  l'Uele  et  du  Lado, 
commandement  qu'il  exerça  jusqu'en  1907.  Son  premier 
départ  pour  l'Afrique  date  de  1898;  il  fit  partie  de  l'ex- 
pédition du  Nil  ;  il  commanda  la  zone  des  Makrakra  ; 
comme  commissaire  de  district  de  l'Uele,  pendant  plu- 
sieurs années,  il  rayonna  dans  et  autour  du  pays  des 
Mangbetu  qu'il  a  su  observer  avec  la  finesse  et  la  pré- 
cision dont  ses  notes  portent  la  marque. 

A  tous  ces  éminents  collaborateurs,  j'exprime  ma 
reconnaissance  la  plus  j)rofonde.  Toute  la  face  contem- 
poraine de  la  monographie  est  leur  œuvre. 

Je  remercie  aussi  mes  collaborateurs  si)éciaux  habi- 
tuels ;  MM.  les  i^rofesseurs  Cornet  (géologie)  et  de 
Wildeman  (botanique),  MM.  Maes  et  Viaene  (cartogra- 
phie) et  surtout  M.  De  Jonglie,  qui  a  dirigé,  avec  sa 
compétence  connue,  le  dépouillement  des  documents 
bibliographiques  et  la  correction  des  épreuves. 

Cyr.  Van  Overbergh. 


V. 
INTRODUCTION 

A  LA 

Monog:raphie    des    Warega 


Les  Warega  habitent  au  cœur  même  de  la  Grande 
Forêt  équatoriale,  à  l'est  du  Lualaba,  sur  les  bords  de 
l'Ulindi  et  del'Elila. 

Les  descriptions  de  cette  forêt  vierge  merveilleuse 
sont  nombreuses  ;  celles  de  Stanley  et  de  Hinde  sont 
célèbres. 

Que  la  forêt  couvre  un  million  de  kilomètres  carrés 
ou  non,  qu'elle  prenne  des  aspects  divers  suivant  les 
régions,  que  de  gigantesques  clairières  y  marquent 
comme  des  îles  de  brousse  ou  de  savane,  qu'importe  ! 
Le  fait  est  qu'il  y  a  là  des  étendues  boisées  telles 
qu'elles  forment  l'horizon  exclusif  d'une  multitude  de 
grouiiements  humains  aux  intitutions  relativement 
déveloi)pées. 

A  l'est  du  Lualaba,  la  forêt  est  pleine  de  caractère. 
Les  arbres  atteignent  des  hauteurs  de  5o  à  60  mètres; 
les  diverses  essences  luttent  entre  elles,  mais  aucune 
n'est  parvenue  à  conquérir  la  souveraineté.  Sous  ces 
voûtes  séculaires  ne  parvient  pas  à  pénétrer  la  splen- 

4 


DO    — 

deur  du  soleil  d'Afrique;  et  c'est  dans  une  sorte  de 
pénombre  claire  que  se  dessinent  les  formes  tordues 
des  lianes  plus  grosses  que  des  câbles,  suspendues 
au-dessus  des  abîmes  de  taillis  inextricables.  Souvent, 
en  dessous,  courent  des  ruisseaux,  dorment  de  gras 
marécages  ou  se  précipitent  des  torrents.  L'humidité 
suinte  volontiers;  chaque  feuille  pleure  et  la  mousse 
verdâtre  envahit  les  troncs  d'arbres  jusqu'à  hauteur 
d'homme.  De  tous  les  interstices  s'élancent  une  infinité 
de  plantes,  aux  poussées  luxuriantes  :  roseaux  et  lotus, 
fougères  de  tout  nom  et  grimpeurs  de  tout  âge,  ronces, 
fleurs  et  épines,  pêle-mêle,  dans  une  lutte  sauvage 
pour  la  vie. 

Le  silence  plane. 

La  faune  elle-même  se  tait;  ce  n'est  guère  que  sous 
le  vent  des  tempêtes  ou  sous  le  coup  des  orages  que 
l'antique  forêt  retentit  de  bruits  dignes  d'elle  et  de  sa 
majesté, 

Rares  sont  les  sentiers  qui  serpentent,  quoique  les 
animaux  sauvages  aident  l'homme  des  bois  à  les 
défendre  contre  l'envahissement  constant  des  végéta- 
tions conquérantes. 

Il  y  a  beau  jour  qu'on  connaissait  le  nom  des  habi- 
tants de  la  forêt  des  rives  de  l'Elila. 

Livingstone  en  parle  déjà,  puis  Stuhlmann  et  Stanley. 

Diverses  expéditions  de  blancs  traversèrent  la  con- 
trée de  part  en  i)a,rt  et  des  relations  furent  publiées  ; 
celles  du  lieutenant  Glorie  et  du  capitaine  Cordella  sont 
les  plus  connues.  Tandis  que  le  premier  parle  i^lutôt 
en  géographe  et  en  économiste,   le   second   s'attache 


—  t)I  — 

davantage  à  l'ethnographie  (i);  il  en  dit  assez  pour 
attirer  la  curiosité  scientifique  sur  cette  peuplade  des 
Warega,  où  fleurissait,  entr' autres,  cette  troublante 
coutume  de  la  mpara. 

Il  était  réservé  au  commandant  Delhaise  (2)  d'éclair- 
cir  le  mystère  qui  continuait  de  planer  sur  les  Warega. 
.  Avec  quel  succès?  La  présente  monographie  le  dé- 
montre mieux  que  je  pourrais  dire. 

Rompu  aux  observations  ethnographiques  (3),  fami- 
liarisé avec  les  indigènes  de  la  province  orientale  au 
milieu  desquels  s'étaient  écoulées  ses  dix  premières 
années  d'Afrique,  le  brillant  officier  était  admirable- 
ment préparé  pour  mettre  à  profit  le  séjour  de  deux  ans 
qu'il  allait  faire  en  1906  et  en  1907,  chez  les  Warega  de 
la  Grande  Forêt. 

Il  parcourut  le  pays  en  tous  sens,  résida  à  Micici,  à 
Shabunda  et  à  Mulungu  II  fut  constamment  en  rela- 
tions directes  avec  les  habitants. 


(i)  Suivant  la  carte  qui  accompagne  les  relations  de  son  voyaga,  Cordella 
n'a  traversé  qu'un  coin  du  pays  des  Warega,  dont  il  est  question  dans  cette 
monographie. 

(2)  Le  commandant  Delliaise  est  officier  de  réserve  de  l'armée  belge. 
Son  premier  terme  d'Afrique  date  d'avril  1896.  Il  prit  part  avec  Dhanis  à 
l'expédition  contre  les  révoltés.  A  la  suite  du  combat  de  Bwana  Ndebwa, 
il  reçut  la  médaille  de  l'Ordre  du  Lion.  En  1899,  il  obtint  l'Étoile  de  ser- 
vice. Il  commanda  la  comxjagnie  du  Tanganika  en  1901.  En  1902,  il  admi- 
nistra l'enclave  de  Moliro  et  il  fut  nommé  chevalier  de  l'Ordre  du  Lion. 
De  igoS  à  igcG  il  dirigea  successivement  la  section  de  Kabambarc  et  la 
zone  de  ^lauvema.  Enfin  il  prit  le  conima.ndement  du  territoire  "Warega. 

(3)  Parmi  les  publications  géographiques  et  ethnographiques  du  com- 
mandant Delliaise  il  convient  de  noter  les  suivantes  :  Observations  mélé- 
réologiqiies  faites  à  Kabambare  pendant  les  années  i8gy  à  i8g8  (1898). —  Noies 
ethnographiques  sur  quelques  peuplades  du  Tanganika  (igoS).  — Le  problême 
de  la  Lukuga  (notes  sur  les  différences  de  niveau  du  lac  Tanganika  avant 
et  après  1880  et  sur  les  origines  de  la  Lukuga  (1908).  —  Chez  les  Wabemba. 
Chez  les  Wahorohoro.  —  Chez  les  Warundi  de  l'Ouest.  —  Chez  les  IVasson- 
gola. 


52 


Lorsqu'à  la  fin  de  1908  je  reçus  le  manuscrit  de  ses 
observations,  je  fus  frappé  de  l'énorme  quantité  de  ren- 
seignements inédits  qu'il  contenait.  Sans  hésiter,  je 
I)roi)osai  au  commandant  Delhaise  la  rédaction  d'une 
monographie  complète.  Ma  collaboration  se  borna  à 
quelques  séances  d'interrogations  et  au  dépouillement 
du  peu  de  bibliographie  qui  existait. 

En  somme,  la  monographie  des  Warega  tranche  sur 
les  précédentes  par  ce  double  fait  qu'elle  est  presque 
entièrement  inédite  et  qu'elle  est  l'œuvre  d'un  seul 
homme. 

Auparavant,  on  ne  connaissait  i^resque  rien  des  Wa- 
rega, qu'on  confondait  avec  plus  d'une  peuplade  voi- 
sine. Maintenant,  les  voici  camj)és  devant  la  science 
avec  un  luxe  de  détails  et  une  i)récision  de  caractères 
qui  en  font  une  des  peuplades  les  mieux  connues  de  la 
Grande  Forêt. 

Le  territoire  du  Warega  englobe  les  vallées  de  l'Elila 
et  de  l'Ulindi  sui^érieur,  deux  tributaires  du  Lualaba. 
11  est  borné  à  l'ouest  et  au  nord  par  le  pays  des  Wason- 
gola,  très  riche  en  palmiers  élaïs  ;  à  l'est  i)ar  la  brousse 
des  Warundi  pasteurs  ;  au  sud,  par  cette  i^artie  de  la 
foret  qu'habitent  les  farouches  Wazimba,  réfractaires 
encore  à  l'influence  européenne. 

Le  sol  s'élève  de  l'occident  à  l'orient  ;  si  à  Micici,  il 
fait  fort  chaud,  à  Mulungu  il  fait  plutôt  froid.  Les  Ma- 
linga  —  gens  du  bas  —  sont  à  l'ouest  du  méridien  de 
Shabunda;  les  Ntata  —  gens  du  haut  —  occupent 
l'autre  côté, 


—  53  — 

Au  fur  et  à  mesure  que  l'on  s'avance  vers  l'est  la  po- 
pulation devient  plus  dense- 

La  race  est  belle  et  elle  est  restée  pure.  On  la  croit 
originaire  du  sud,  du  pays  des  Wazimba. 

La  forêt  a  presque  isolé  la  peuplade,  dont  les  groupe- 
ments sont  dissimulés  au  fond  des  bois.  Glorie  avait 
décrit  les  grandes  agglomérations  de  Micici  et  de  Slia- 
bunua  le  long  de  l'Elila  et  de  l'Ulindi.  Ce  ne  seraient 
que  des  installations  arabes,  importées,  artificielles  i)ar 
conséquent.  Les  Malinga  construisent  leurs  villages  au 
bord  des  routes  intérieures  tandis  que  les  Ntata  s'instal- 
lent au  sommet  des  montagnes. 

Assurément  les  Warega  ont  bien  des  moeurs  sembla- 
bles à  celles  des  autres  nègres  de  la  forêt,  du  fleuve  et 
même  de  la  savane.  Chaque  lecteur  i)ourra  s'en  assurer 
en  comparant  les  diverses  catégories  de  i)liénomènes 
sociaux. 

C'est  sur  quelques  particularités  que  je  désire  appeler 
l'attention. 

Ces  enfants  de  la  Grande  Forêt,  dont  la  masse  a 
écliai^pé  au  contact  continu  prolongé  des  Arabes,  et  qui 
vient  seulement  d'être  soumise  à  l'amitié  des  blancs, 
ont  conservé  leurs  coutumes  séculaires  et  ont  suivi  jus- 
qu'ici, presque  sans  écart,  la  ligne  de  leur  déveloi^pe- 
ment. 

Dans  l'ensemble,  leurs  institutions  dénotent  une  civi- 
lisation supérieure  à  celle  qu'on  s'imaginait  communé- 
ment. 

Des  considérations  sommaires  sur  deux  d'entre  elles 
suffiront  à  le  i)rouver,  elles  sont  relatives  à  l'organisa- 
tion de  la  famille  et  à  la  hiérarchie  sociale. 


N 


5i 


I.  ~  L'organisation  de  la  famille. 

La  famille,  ici  comme  ailleurs,  est  la  cellule  sociale 
par  excellence,  Tout  repose  sur  elle  :  la  vie  économique 
et  juridique,  comme  le  village  et  le  groupement  poli- 
tique. 

Chez  le  Mrega,  sa  constitution  est  forte,  souille  et,  en 
somme,  assez  élevée  sur  l'éclielle  de  la  moralité. 

C'est  le  père  qui  est  le  chef;  la  femme  et  les  enfants 
lui  doivent  obéissance.  La  coutume  tempère  l'autorité 
du  j)ère;  s'il  maltraitait  les  siens,  les  parents  de  la 
femme  interviendraient,  parfois  le  chef. 

La  femme  mariée,  remarquons-le,  reste  toujours  sous 
la  dépendance  de  ses  parents. 

Il  est  admis  aujourd'hui  que  les  parents  peuvent 
retirer  leur  fille  à  son  époux,  pour  la  donner  à  un  nou- 
veau i)rôtendant  plus  généreux.  Sans  doute,  ils  sont 
tenus  de  rendre  le  gage  à  leur  premier  gendre  ;  mais 
comme  le  second  est  i^lus  généreux,  ils  spéculent  sur  la 
différence.  Ces  mœurs  nouvelles  ont  été  introduites  par 
les  Arabes,  il  est  vrai,  mais  le  principe  s'en  trouvait  de 
tout  temps  dans  la  coutume  Mrega. 

Les  biens  que  le  fiancé  a  fournis  à  ses  futurs  beaux- 
parents  pour  épouser  leur  fille  constituent,  du  reste, 
une  caution  i^lutôt  qu'un  prix  d'achat;  en  cas  de 
divorce,  i)ar  exemple  pour  cause  d'inconduite,les  beaux- 
parents  doivent  être  à  même  de  rendre  ce  gage. 

Comme  dans  tout  le  centre  africain ,  la  polygamie  est 
la  forme  la  plus  habituelle  du  mariage  ;  mais  ici  elle  se 


pratique  avec  modération;  il  est  rare  qu'un  notable  pos- 
sède plus  de  dix  femmes  :  entre  celles-ci,  l'harmonie 
règne  d'ordinaire;  elle  est  favorisée  par  une  certaine 
discipline,  imposée  par  la  coutume  :  la  iDremière  épousée 
exerce  la  haute  direction.  Les  femmes,  paraît-il,  ne 
redoutent  i)as  la  polj'gamie  parce  qu'ainsi  l'atelier 
familial  dispose  de  i)lus  de  bras  -pouv  les  travaux. 
•  Chaque  femme  possède  sa  case  ;  ces  diverses  cases 
sont  contiguës.  Leur  agglomération  forme  l'habitat 
d'une  famille,  dont  l'addition  représente  le  village. 

Ce  qui  constitue  l'originalité  des  Warega,  en  cette 
matière,  c'est  la  considération  dont  ils  entourent  les 
femmes  mariées.  Elles  sont  admises  dans  les  réunions, 
les  fêtes,  les  assemblées.  Elles  peuvent  gravir  même 
divers  degrés  élevés  de  la  hiérarchie  sociale  :  ce  qui 
est  la  consécration  en  droit  d'une  situation  de  fait  fort 
relevée,  correspondant  à  une  mentalité  appropriée. 

Si  l'on  doit  mesurer  le  degré  de  civilisation  d'un 
peuple  au  respect  dont  il  entoure  la  femme,  les  Warega 
méritent  d'occuper  une  place  d'honneur  parmi  les  nègres 
africains. 

Assurément  le  Mrega  ne  va  pas  chercher  femme 
au  sein  de  sa  famille  immédiate  ;  la  prohibition  s'étend 
aux  cousins  les  plus  éloignés,  tant  du  côté  paternel 
que  du  côté  maternel.  En  règle  générale,  il  s'adresse 
à  un  village  voisin,  mais  de  sa  tribu.  C'est  ainsi  que  la 
race  s'est  conservée  dans  sa  pureté. 

M.  Delhaise  cite  des  usages  originaux  qui  exciteront 
des  ra})prochements  féconds  :  Le  gendre  qui  rencontre 
sa  belle-mère  ne  peut  croiser  son  regard;  il  fera  un 
détour  pour  ne  pas  passer  à  sa  ï)i'oximité;  s'il  la  ren- 


—  56  — 

contre  malgré  tout  dans  un  sentier,  il  s'accroupira  en 
lui  tournant  le  dos,  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  i^assée.  S'il 
doit  lui  parler  il  prend  un  interprète.  Et  la  même  cou- 
tume existerait,  entre  beau-père  et  bru. 

Peut-être  cet  usage  se  rattache-t-il,  au  fond,  à  cet 
ensemble  de  coutumes  qui  entourent  la  famille  Mrega 
comme  d'un  réseau  de  règles,  destinées  à  sauvegarder 
la  pureté  des  mœurs.  La  monographie  en  révèle  une 
collection  étonnante. 

Voyez,  par  exemple,  comme  les  relations  sexuelles 
sont  disciplinées  autour  du  berceau  de  l'enfant.  —  La 
femme  enceinte  qui  accorde  ses  faveurs  à  un  autre 
homme  que  son  mari,  doit  mourir.  —  Lorsqu'une 
épouse  est  enceinte,  le  mari  ne  peut  avoir  des  relations 
avec  une  avitre,  sinon  son  enfant  mourrait.  —  Pendant 
une  lune  comi^lète,  la  sage-femme  ne  pourra  partager  la 
couche  de  son  mari,  sinon  l'enfant  mourrait.  Pendant 
tout  le  temps  de  l'allaitement,  et  même  souvent  après 
(c'est-à-dire  pendant  deux  ou  trois  ans),  la  mère  se 
refuse  à  son  mari  ;  si  celui-ci  entre  dans  la  case  de  sa 
femme,  il  s'assied  à  l'autre  extrémité  de  la  pièce,  aussi 
loin  d'elle  que  possible  ;  il  ne  peut  avoir  avec  elle  le 
moindre  contact,  etc. 

Après  cela  on  ne  sera  pas  étonné  d'apprendre  que  la 
femme  légère  est  déconsidérée  et  que  l'opinion  est  d'une 
grande  sévérité  x^our  les  prostituées. 

L'atmosphère  de  la  morale  sexuelle  des  Warega  est, 
en  somme,  d'une  pureté  d'assez  belle  qualité.  On  y  res- 
pire un  certain  air  de  chasteté  auquel  on  n'est  guère 
habitué  en  cette  Afrique  brûlée  par  la  passion  déréglée 
et  corrompue  par  le  chancre  arabe. 


Cependant  l'enfant  va  naître. 

La  famille  prend  les  précautions  les  i^lus  minu- 
tieuses. Le  père  construit  une  hutte  spéciale  dans  la 
solitude  de  la  forêt.  La  mère  s'y  rend,  accompagnée 
seulement  de  sa  parente  la  plus  proche  et  de  l'accou- 
cheuse, une  des  femmes  les  plus  vertueuses  du  clan. 
Tout  se  fait  dans  le  mystère,  à  l'insu  de  tous,  afin  que 
•personne  ne  puisse  nuire  à  l'enfant.  Ce  n'est  que  cinq 
ou  six  jours  après  la  naissance  que  la  mère  et  son 
escorte  rentrent  au  village  et  présentent  le  bébé  aupère. 

Mais  si  des  jumeaux  naissent,  quelle  fête  et  quelles 
démonstrations  d'orgueil  de  la  part  des  parents  ! 

Si  l'enfant  appartient  au  père,  même  en  cas  de 
divorce,  il  est  l'objet  de  l'amour  le  plus  attentif  de  sa 
mère.  Les  maladies  infantiles  sont  rares  et  jamais  il  n'y 
a  d'infanticide. 

Les  garçons  sont  circoncis.  Et  cette  opération  se 
passe  suivant  un  rite  auréolé  de  pudeur.  Un  homme  de 
qualité,  le  Musimbi,  y  préside  avec  plusieurs  aides. 
Les  femmes  sont  éloignées  et  aussi  les  enfants.  Pendant 
deux  mois,  les  opérés  restent  isolés,  en  une  caso 
spéciale,  à  l'écart  du  village  :  les  deux  hommes  qui 
leur  apportent  la  nourriture  qiiGtidienne  et  le  Musimbi 
doivent  s'abstenir  de  tout  rapport  sexuel  pendant  ce 
temps,  sinon  ils  feraient  mourir  les  nouveaux  circoncis. 

Ainsi  de  toutes  parts  la  coutume  réfrène  l'instinct 
sexuel  et  le  bride.  Cependant,  la  continence  est 
inconnue. 

Comment  l'adolescent  obtient-il  sa  première  femme  ? 
Comme  il  n'est  pas  ]propriétaire  et  que  c'est  son  père 
qui  détient  les  biens,  c'est  à  celui-ci  qu'il  s'adresse;  il 


—  58  — 

cherclie  à  lui  persuader  qu'il  est  dig-iie  de  la  faveur 
qu'il  demande.  L<a  coutume  le  soumet  cependant  à  une 
série  de  rudes  épreuves,  qui  ont  i^our  but  de  constater 
son  énerg-ie,  son  liabileté  et  ses  qualités  morales.  Si 
bien,  que  chez  les  Warega,  la  femme  espérée  par 
l'adolescent  apparaît  comme  la  récomj)ense  d'une  série 
d'efforts  prouvant  son  aptitude  à  fonder  un  foyer,  à  le 
faire  vivre  et  à  le  défendre.  C'est  comme  un  couronne- 
ment d'éducation,  un  examen  de  capacité  civique. 

La  famille  se  compose  donc  d'un  premier  noyau  :  du 
père,  de  ses  femmes  et  de  ses  enfants.  En  général,  chez 
les  Warega,  les  fils,  les  filles  et  les  parents  sont  unis 
par  les  liens  de  l'affection  et  de  l'amour.  Les  enfants 
pris  à  la  guerre  sont  adoptés  et  traités  comme  les 
enfants  de  la  maison. 

La  cordialité  s'étend  à  un  cercle  familial  plus  étendu  : 
les  grands  parents,  les  oncles  et  les  tantes.  Les 
infirmes  sont  l'objet  de  soins  dévoués;  on  respecte  les 
vieillards  dont  les  conseils  font  autorité. 

Et  quant  aux  frères  de  sang,  le  pacte  les  assimile  à 
la  parenté  consanguine. 

Telle  apparaît,  dans  ses  grandes  lignes,  l'institution 
familiale  des  Warega  et  l'esprit  qui  l'anime.  Elle  se 
place  parmi  les  plus  élevées  de  l'Afrique. 

Il  est  vrai  que  les  Arabes  y  ont  introduit  deux  venins 
qui  ont  un  peu  empoisonné  l'organisme. 

Le  premier,  c'est  l'habitude  d'épouser  des  jeunes 
filles  non  encore  nubiles. 

Le  second,  c'est  la  coutume  de  demander  en  mariage 
une  femme  déjà  mariée. 

Ces  deux  poisons  ont  trouvé  un  milieu  favorable  dans 


_  59  - 

la  cupidité  du  j)ère,  chef  de  famille,  qui  trouve  son 
profit  à  trafiquer  de  ses  filles  le  plus  tôt  et  le  plus 
souvent  possible. 

Fréquemment  cette  avidité  des  richesses  est  produite 
par  le  désir  du  Mrega  d'obtenir  un  grade  i)lus  élevé 
dans  la  hiérarchie  sociale.  C'est  ici  que  nous  touchons 
à  l'orig-inalité  la  plus  curieuse  de  la  i)euplade. 


II.  —  La  hiérarchie   socl^le. 

Le  première  fois  que  le  commandant  Delhaise  me 
déclara  que  l'esclavage  était  inconnu  chez  les  Warega, 
je  crus  à  un  malentendu.  —  Mais  les  prisonniers  de 
guerre  ?  —  On  les  tuait  ou  on  les  mangeait.  —  Et  les 
femmes? —  On  les  amenait;  et  ces  étrangères  jouis- 
saient bientôt  de  la  même  considération  que  les  femmes 
du  village  ;  elles  se  trouvaient  dans  la  même  condition 
sociale.  —  Et  les  enfants?  —  On  les  adoptait;  ils  se 
confondaient  avec  les  enfants  de  la  famille. 

Ce  n'était  donc  pas  un  malentendu.  La  catégorie 
sociale  des  esclaves  n'existe  pas  chez  les  Warega. 

Phénomène  assurément  trop  singulier  dans  cette 
Afrique  esclavagiste,  pour  ne  pas  attirer  l'attention 
spéciale  des  hommes  de  science  et  des  observateurs  de 
demain.  Les  causes  de  cet  état  exceptionnel  nous 
échappent  pour  le  moment-  Nous  en  sommes  réduits  à 
des  conjectures. 

En  tout  cas,  c'est  une  première  originalité  dont  les 
Warega  peuvent  être  fiers.  Il  en  est  une  autre  :  leur 
hiérarchie  sociale  proprement  dite. 


—  Go  — 

Tous  les  Wareg-a  sont  des  liommes  libres,  c'est 
entendu,  mais  ils  sont  classés  par  catégories,  dont 
l'une  est  superposée  à  l'autre. 

Pour  les  hommes,  il  n'y  en  a  pas  moins  de  sept.  En 
commençant  par  le  bas,  on  trouve: 

i"  Les  profanes  :  ce  sont  tous  ceux  qui  n'ont  pas  un 
grade  ; 

2°  Les  mwami  (premier  grade)  ; 

3°  Les  bonbwa  (deuxième  grade)  : 

4"  Les  punzu.  (troisième  grade), 

5*^  IjQS  gandu  (quatrième  grade); 

6°  Les  ianani  (auxquels  est  assimilé  le  muzimbi,  le 
fonctionnaire  préposé  à  la  circoncision  des  enfants 
(cinquième  grade)  ; 

7"  Les  kindiovL  luanza  (sixième  grade). 

Des  ornements  caractérisent  ces  grades  ;  le  j^rincipal 
est  le  mwami  :  calotte  de  fibres  végétales  tressées  ou 
en  peau,  qui  est  attachée,  par  le  centre,  au  sommet  de 
l'occiput. 

Pour  les  femmes,  il  y  a  quatre  catégories,  à  savoir  : 

1°  Les  profanes  ; 
2"  Les  bubake  (premier  grade)  ; 
3°  Les  bonbwa  (deuxième  grade)  ; 
4°  Les  biilonda  (troisième  grade,   assimilé  à  celui  de 
gandu). 

Ces  classes  sociales,  surtout  les  plus  élevées,  consti- 
tuent de  véritables  associations  secrètes  qui  s'occupent 
des  affaires  publiques  de  façon  à   leur  donner  l'unité 


—  Gi  — 

d'orientation  :  les  membres  s'entr'aident,  se  défendent 
et  au  besoin  se  surveillent  ;  ils  forment  une  puissance 
redoutable. 

Une  dispute  sérieuse  entre  deux  kindi  jette  la  per- 
turbation dans  le  groupement  social  tout  entier  ;  le  chef 
du  village  interviendra  obligatoirement  et  usera  de 
rites  spéciaux  pour  ramener  la  concorde. 

Comme  le  chef  ne  peut  prendre  de  décision  sans 
l'assentiment  de  l'assemblée  des  anciens  et  des  digni- 
taires,l'influence  des  hautes  classes  est  x)our.  ainsi  dire, 
prépondérante. 

Comment  se  fait-il  que  le  j)euple  supporte  cette  domi- 
nation ? 

Outre  la  coutume,  qui  impose  sa  contrainte  sur  les 
esprits,  il  y  a  un  principe  démocratique  qui  est  à  la 
base  de  l'organisation. 

Tout  profane,  en  effet,  peut  devenir  mwami  et  gravir 
ensuite,  successivement,  chacun  des  degrés  de  l'échelle. 

c'est,  pour  ainsi  dire,  l'égalité  du  i)oint  de  déi)art. 

Que  faut-il  à  un  citoyen  Mrega  pour  conquérir  le 
premier  grade?  Des  biens  suffisants  pour  payer  la 
mpa.ra.  Et  au  mwami  /pouT  devenir  hombwai  Des 
richesses  encore  jdIus  considérables,  pour  payer  une 
cérémonie  plus  coûteuse.  Et  ainsi  des  autres,  d'échelon 
en  échelon.  Les  kindi,  qui  sont  les  plus  haut  i)lacés,  sont 
les  plus  riches. 

De  sorte  que  l'armature  de  tout  l'édifice  serait  de 
nature  économique. 

Mais  il  se  fait  qu'en  règle  générale,  pour  amasser  les 
richesses,  et  surtout]  beaucoup  de  richesses,  il  faut  au 
propriétaire  des  qualités  d'intelligence  et  de  caractère 


—   6-2   — 

qui  sortent  de  l'ordinaire.  Comme  ce  n'est  pas  à  la 
guerre  qu'il  se  les  procure,  ni  par  le  travail  des 
esclaves,  il  en  résulte  que  c'est  d'habitude  à  son  effort 
qu'il  le  doit  ou  au  travail  de  sa  famille.  De  tout  quoi  il 
ressort  que  la  iDlupart  du  temps,  les  i)lus  riches  sont  les 
plus  capables.  Et  les  classes  seraient  vraiment  le 
résultat  d'une  sélection. 

D'autre  part  les  kindi  sont  presque  tous  des  anciens. 
Il  faut,  en  effet,  de  nombreuses  années  iDour  réunir  les 
richesses  exigées  pour  ces  hautes  dignités. 

Si  maintenant  l'on  désire  se  rendre  compte  de  l'état 
de  l'opinion  à  l'égard  de  cette  hiérarchie  sociale,  on 
trouve  que  pour  le  Mrega,  le  rêve  est  de  devenir  un 
jour  kindi.  Les  désirs  sont  tendus  vers  ce  but,  dès  le 
jeune  âge.  A  peine  un  homme  a-t-il  fondé  une  famille 
qu'il  ambitionne  la  calotte  de  mwami.  Ce  lui  est  un 
stimulant  pour  le  travail  et  l'épargne,  autant  sinon 
plus,  que  le  désir  de  multiples  femmes. 

Même  chez  les  boi/s,  de  retour  au  pays  avec  les 
salaires  recueillis  chez  le  blanc,  le  principal  souci  est 
de  convoquer  une  mpara. 

En  quoi  consiste  cette  cérémonie  mi-religieuse, 
mi-civile  ?  On  n'en  savait  pas  grand'chose.  Le  secret  en 
est,  paraît-il,  bien  gardé.  Les  plus  grands  châtiments 
frapperaient  l'indiscret.  Le  commandant  Delhaise, 
cependant,  réussit  à  assister  à  une  mpara  de  kindi  ;  et 
il  l'a  décrite  avec  une  abondance  de  détails  qui  permet 
d'en  saisir  le  caractère. 

Des  quatorze  danses  symboliques  se  détachent  un 
ensemble  d'enseignements  d'une  grande  signification, 
notamment  au  point  de  vue  de  la  morale  sociale,  sinon 
de  l'idéal  moral. 


On  a  vu  que  les  femmes  i^ouvaient  conquérir  trois 
grades  dans  la  hiérarchie  sociale.  Les  cérémonies  sont 
les  mêmes.  Mais  c'est  le  mari  qui  réunit  les  biens 
nécessaires  à  la  mpara,  «  Lorsque  le  mari  aime  son 
épouse,  il  ambitionne  iDour  elle,  autant  que  pour  lui,  les 
dignités  et  les  honneurs.  » 

En  somme,  les  mpara  sont  fréquentes  dans  le  pays, 
tantôt  dans  un  village,  tantôt  dans  un  autre.  Comme 
tous  les  gradés  y  sont  chaque  fois  conviés,  c'est  une 
suite  de  fêtes  d'un  bout  de  l'an  à  l'autre  :  Joyeuses 
rix3ailles,  dominées  iDar  les  idées  mères  d'une  tradition 
qui  ne  manque  i)as  de  grandeur. 

Si  l'on  se  demande  maintenant  comment  le  Mrega 
peut  parvenir  à  se  procurer  les  ressources  nécessaires  à 
ces  coûteuses  cérémonies,  il  faut  se  rappeler  l'abon- 
dance du  gibier  et  la  fertilité  du  sol,  dans  cette  pp^rtie 
de  la  grande  Sylve  africaine.  Excepté  les  forgerons  et 
les  potières,  auxquels  on  paie  les  produits  de  leur 
industrie,  tous  les  Warega  d'un  village  —  profanes  et 
gradés  —  tirent  de  la  forêt,  de  la  terre  ou  des  rivières, 
tout  ce  dont  ils  ont  besoin,  qu'ils  consomment,  et  le 
superflu,  qu'ils  épargnent. 

Le  travail  productif  est  divisé  entre  les  deux  sexes. 
Les  femmes  s'occupent  des  x)lantations,  des  récoltes  et 
de  la  pêche  des  petits  poissons.  Les  hommes  défrichent 
et  préparent  les  terrains  destinés  aux  cultures,  ils 
confectionnent  les  étoffes,  fabriquent  les  boissons 
fermentées,  les  cordes,  les  nattes;  ils  construisent  les 
ponts  et  les  radeaux, etc.  ;  mais  surtout  ils  pratiquent  la 
chasse,  le  grand  sport  national  et  le  principal  moyen 
d'existence. 


-  64- 

Le  commerce  extérieur  était  pour  ainsi  dire  nul  avant 
l'arrivée  des  blancs.  Aujourd'hui  il  est  actif  :  il  consiste 
en  caoutchouc,  en  ivoire  et  en  vivres  pour  le  loersonnel 
des  postes,  Autant  de  nouvelles  et  précieuses  res- 
sources pour  les  mpara. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  organisation  sociale,  forte- 
ment hiérarchisée,  a  des  assises  profondes  dans  la 
mentalité  des  Warega.Elle  n'a  jusqu'ici  été  entamée  en 
rien  ni  par  la  domination  arabe,  ni  par  l'influence 
européenne.  Elle  tentera  plus  d'un  observateur  de 
l'avenir  i3ar  le  mystère  de  ses  origines  et  les  causes  de 
sa  durée  et  de  sa  vitalité. 

La  science  saura  gré  au  commandant  Delhaise  de  la 
contribution  importante  qu'il  vient  de  lui  fournir. 

Cette  monographie  d'une  pleuplade-type  de  la 
Grande  Forêt  équatoriale  ai^i^orte  un  élément  nouveau 
de  comparaison  avec  les  monographies  précédentes  de 
la  collection. 

Les  Bang-ala  étaient  des  gens  du  fleuve;  les  Basonge, 
de  la  brousse  au  sud  de  la  Grande  Forêt;  les  Mangbetu, 
de  la  savane  au  nord  de  la  Grande  Forêt;  et  les 
Mayombe,  de  la  forêt  plus  ou  moins  côtière. 

Jetez  un  coup  d'œil  sur  la  carte  où  vous  aurez  déter- 
miné l'emplacement  de  ces  cinq  i)euplades,  vivant  dans 
des  milieux  différents.  Vous  verrez  qu'elles  sont  situées 
aux  points  cardinaux  du  Congo  belge,  et  par  conséquent 
de  l'Afrique  centrale. 

Sur  ces  bases  étendues  les  études  comparatives 
d'ordre  général  peuvent  être  entamées  avec  fruit,  tant 
par  les  hommes  de  science  et  d'enseignement  que  par 


—  G5  — 

ceux  qui  s'occupent  d'administration  et  de  civilisation. 

La  méthode  de  publication  sur  fiches  et  d'après  le 
même  plan  va  commencer  à  sortir  ses  effets  pratiques. 

Qu'il  me  soit  permis  de  remercier  ici  les  amis  des 
divers  pays  qui  ont  bien  voulu  me  communiquer  leurs 
plans  d'utilisation  de  la  collection  de  monographies.  Il 
en  est  de  si  ingénieux  qu'ils  constituent  de  vraies 
inventions.  Peut-être  me  sera-t-il  accordé  de  les  faire 
connaître  bientôt  au  public. 

Cyr.  Van  0 verbe rgh. 


I 


VI. 


PREFACE 


Monographie    des    Kuku 


L'GSuvre  Ethnographique 
à  l'Exposition  Internationaie  et  Universelle  de  Bruxelles  1910 


A  l'Exposition  Internationale  et  Universelle  de 
Bruxelles,  en  1910,  la  Classe  des  Sciences  comprenait 
une  section  d'Ethnographie. 

Le  salon  y  affecté  avait  une  sui^erficie  d'une  centaine 
de  mètres  carrés. 

Deux  œuvres  étaient  ex]30sées  :  V Ethnographie  afri- 
caine, dont  la  collection  de  monographies  fournit  des 
échantillons,  et  l'essai  d'un  Musée  ethnographique 
nouveau  tyiDC. 

Ces  deux  œuvres,  dont  J'avais  l'honneur  de  présider 
les  Conseils  d'administration,  n'étaient,  au  surx3lus, 
que  deux  solutions  se  complétant  l'une  l'autre,  d'un  seul 
problème,  qui  pouvait  se  formuler  ainsi  : 

Comment  présenter  au  grand  public,  l'ethnographie 
d'une  race,  la  race  nègre  d'Afrique,  par  exemple? 

Toute  la  documentation  littéraire,  qu'elle  fût  le  résul- 
tat de  recherches  bibliographiques  ou  d'enquêtes  ver- 


N 


—  G8  — 

baies  ou  écrites,  faisait  l'objet  d'une  exposition  spéciale, 
à  l'un  des  côtés  du  Salon. 

lies  autres  côtés  étaient  occupés  par  la  documenta- 
tion des  objets,  le  Musée  proprement  dit. 

Afin  de  présenter  ces  deux  espèces  de  documenta- 
tions, l'une  complétant  l'autre,  des  formules  nouvelles 
d'exhibition  avaient  été  recliercliées. 

Bien  que  le  défaut  d'espace  ne  permît  qu'un  étalage 
d'échantillons,  l'ensemble  proposé  visait  à  une  synthèse 
de  la  Bibliothèque,  du  Bureau  de  renseignements  et 
du  Musée  vivant  et  parlant. 

En  somme,  c'était  un  essai  du  Musée  de  demain,  dans 
lequel  le  visiteur  pourrait  trouver,  à  côté  des  objets 
rassemblés  systématiquement  dans  une  représentation 
évocatrice  de  la  vie,  tout  ce  qu'on  sait  sur  l'ensemble 
de  ces  objets  et  sur  chacun  d'eux,  sur  le  i)eui3le  qui 
s'en  servit  et  sur  la  civilisation  qu'ils  exprimèrent. 

Supposez  ce  Musée  réalisé  pour  l'Afrique  nègre. 

L'étudiant  ou  le  voyageur  qui  désire  un  renseigne- 
ment sur  telle  tribu  ou  tel  usage  ira  trouver  l'employé 
préposé  au  Bureau  des  renseignements. 

—  «  Monsieur,  lui  dira-t-il,  je  voudrais  me  rensei- 
gner sur  le  Culte  des  Mânes  et  sur  la  manière  de  faire 
le  commerce  en  telle  région.   » 

—  Fort  bien,  Monsieur,  répondra  l'employé;  voici 
les  dossiers  complets  des  tribus  qui  habitent  cette 
région  ;  au  n"  102  de  chacun  des  dossiers  de  ces  tribus 
vous  trouverez  tout  ce  qu'on  connaît  actuellement  sur 
le  Culte  des  Mânes;  aux  n"^  162,  i63  et  1O4,  vous  rencon- 
trerez nos  connaissances  sur  le  commerce  de  ces  gens- 
là;  et  au  n"  186,  vous  verrez  comment  ils  ont  commercé 


—  Go  — 

avec  les  Arabes  ou  avec  les  Blancs.  Vous  avez  tous  les 
renseignements  bibliographiques,  les  pliotograi)hies, 
les  images,  les  cartes,  les  dessins,  etc.,  et  l'indication 
précise  non  seulement  des  salles  du  Musée-annexe  où 
se  trouvent  les  objets  qui  vous  intéressent,  mais  encore 
celle  des  Musées  étrangers  ou  des  Collections  particu- 
lières qui  en  contiennent,  avec,  s'il  y  a  lieu,  les  jours 
e-t  les  heures  de  consultation.  Si  vous  désirez,  au  sur- 
plus, entrer  en  relations  avec  les  savants  ou  les  explo- 
rateurs, les  missionnaires  ou  les  commerçants  qui  ont 
écrit  sur  ces  peuples  ou  voyagé  dans  ces  contrées, 
voici  leurs  adresses  et,  parfois,  le  moyen  d'entrer  en 
rapports  !   ^> 

Ainsi  seraient  épargnées  aux  visiteurs  les  longues 
reclierches  préliminaires.  Un  temps  i)récieux  serait 
gagné.  Comme  le  dossier  donnera  tous  les  renseigne- 
ments, d'ailleurs  classés  d'une  manière  uniforme,  les 
recherches  seront  faciles  et  chacun  pourra  se  faire  son 
opinion  personnelle  avec  le  maximum  de  chances 
de  ne  pas  se  tromper,  cependant  qu'un  Dictionnaire 
critique  des  auteurs  donnera  les  notes  les  plus  circon- 
stanciées sur  le  degré  de  crédibilité  des  témoignages , 
ce  Dictionnaire  sera  tenu  à  jour  par  un  comité  de  spé- 
cialistes. 

L'essai  tenté  à  l'Exposition  de  Bruxelles  a  été  réalisé 
avec  la  préoccupation  des  frais  les  plus  réduits. 
Tout  luxe  a  été  écarté.  Il  importait  de  prouver  que 
l'entreprise,  si  grande  fût-elle,  pouvait  prendre  corps, 
avec  des  ressources  modestes  et,  en  vérité,  qu'elle  était 
à  la  portée  des  bourses  modestes,  des  établissements 


—  70  — 

d'enseignement,  des  musées  de  province  et  même  des 
collections  particulières. 

Un  jour  de  juillet,  tandis  que  j'achevais  les  explica- 
tions demandées  par  le  directeur  d'un  grand  Musée 
des  États-Unis  d'Amérique,  ce  savant  posa  à  brûle- 
pourpoint  la  question  suivante  : 

—  Monsieur,  c'est  clair  et  vivant.  J'avais  compris 
votre  exposition  avant  vos  explications.  Avez  vous  un 
brevet? 

—  Un  brevet?  Que  voulez-vous  dire? 

—  Voici.  Je  voudrais  appliquer  votre  idée  à  mon 
Musée.  Puis-je  le  faire  sans...  vous  payer  quelque 
chose?  Sinon,  combien? 

—  Ah!  vous  demandez  si  j'ai  fait  breveter  mon  idée 
de  musée  et  combien  coûte  l'achat  de  l'utilisation  de  ce 
brevet? 

—  Parfaitement.  Combien? 

—  Rien  du  tout,  mon  cher  Monsieur.  Je  n'ai  pas 
songé  et  je  ne  songe  pas  à  demander  un  brevet.  L'idée 
est  d'ordre  x^urement  scientifique  ;  son  usage  est  absolu- 
ment gratuit.  Je  souhaite  que  tous  les  musées  du  monde 
l'appliquent  au  mieux! 

—  Oh! 

—  Je  vous  serai  fort  reconnaissant  même  d'appliquer 
mon  idée  :  je  serai  votre  obligé. 

—  Oh!   oh! 

—  Mon  objectif  est  d'instruire  davantage  les  hommes; 
si  ma  formule  vous  paraît  atteindre  son  but,  usez-en, 
Monsieur,  au  i^lus  au  mieux  ! 

—  Oui  ;  je  le  ferai  ;  mes  collections  se  rapportent 
surtout  aux  Peaux-Rouges.  Je  vois  d'ici  le  parti  à  tirer 


71 


de  votre  idée.  AU  riglit!  Merci,  Monsieur,  au  nom  de 
mes  visiteurs.  Je  vous  enverrai  des  photographies  et 
une  notice. 

—  Vous  ne  sauriez  vous  imaginer  combien  vos 
paroles  me  font  plaisir.  Vous  ferez  ï)our  les  Peaux- 
Rouges  ce  que  j'ai  essayé  de  faire  pour  les  Nègres 
africains.  C'est  la  réalisation  d'nne  des  parties  de  mon 
plan,  qui  embrasse,  comme  vous  le  savez,  tous  les 
peuples  dits  i^rimitifs  du  monde. 

—  Plan  grandiose  ! 

—  Plan  contenu  dans  la  résolution  du  Congrès  inter- 
national de  Mons  (Belgique)  en  1905,  dont  une  Commis- 
sion internationale  poursuit,  par  ailleurs,  la  réalisation 
progressive... 


I.  —  LA  DOCUMENTATION  BIBLIOGRAPHIQUE 
ET  ICONOGRAPHIQUE. 

Le  Congrès  international  d'expansion  économique 
mondiale  de  Mons  avait  décidé  qu'il  y  avait  lieu  de 
rassembler  tous  les  renseignements  d'ordre  ethno- 
graphique du  monde,  de  les  classer  d'une  manière 
rationnelle  et  uniforme,  de  les  publier  sur  un  même 
plan,  etc. 

Lorsque  la  Commission  internationale,  nommée  par 
le  Congrès  pour  réaliser  ce  projet  grandiose,  commença 
ses  travaux,  elle  se  heurta  à  des  difficultés  considé- 
rables, d'ordre  financier  et  d'ordre  technique. 

C'est  dans  ces  conditions  que   le  Président  résolut 


de  procéder,  avec  quelques  amis  personnels,  à  un  essai 
en  grand.  Cet  essai  i^orta  sur  la  race  nègre  d'Afrique. 

Ce  qu'il  aura  été  possible  de  faire  pour  les  Nègres, 
les  plus  difficiles,  en  somme,  à  connaître,  pourquoi 
serait-ce  impossible  pour  les  autres  races,  d'accès  plus 
facile  ? 

Après  trois  années  d'efforts,  voici  les  résultats,  qu'on 
pouvait  lire  sur  les  parois  du  salon  etlinograi^liique  de 
rExi)osition  de  Bruxelles  : 

«  Plus  de  3oo,ooo  renseignements  sur  l'Afrique 
nègre.  Ces  renseignements,  fixés  sur  des  fiches 
détachables,  toujours  classés  dans  le  même  ordre,  sont 
comparables  en  tout  temps  en  réponse  à  202  questions, 
comprenant  tous  les  phénomènes  sociaux  des  peuplades.  » 

Donc,  plus  de  3oo,ooo  renseignements  sur  les  Nègres 
africains,  classés  d'ajirès  un  ordre  identique,  à  raison 
de  202  questions  par  iieuplade,  et  sans  cesse  compa- 
rables entre  eux. 

Ces  renseignements  résultent  de  recherches  biblio- 
graphiques et  d'enquêtes  orales  ou  écrites,  tant  en 
Afrique  qu'en  Europe. 

En  ce  qui  concerne  la  bibliographie,  iconographie 
comprise,  tous  les  livres  et  reA^ues  parus  en  tous  pays, 
écrits  en  n'importe  quelle  langue,  sont  analysés  et 
dépouillés.  Pour  un  certain  nombre  de  régions,  le  tra- 
vail est  achevé;  pour  les  autres,  il  continue  systémati- 
quement. Afin  de  donner  une  idée  approximative  de  cet 
immense  labeur,  disons  qu'à  ce  jour  5,899  articles  de 
revues  ont  été  copiés  en  chacune  de  leurs  parties;  il  y 
en  a  4,333  d'auteurs  connus,  1.426  anonymes  et  140  à 
initiales. 


-  73  - 

En  matière  d'enquêtes  directes,  plus  de  dix  mille 
questionnaires  ont  été  envoj^'és,  en  Afrique,  à  tous  les 
liommes  sig'iialés  comme  capables  d'y  répondre.  Ijorsque 
des  exx^lorateurs  ou  des  missionnaires,  de  compétence 
reconnue,  rentrent  en  Europe,  nous  cherclions  à  obte- 
nir d'eux  des  renseignements  complémentaires,  et  sou- 
vent ces  interviews  sont  du  i)lus  haut  intérêt.  Au  reste, 
•pas  un  témoignage  qui  ne  soit  signé  jDar  son  auteur,  qui 
ne  vaille  donc  au  moins  autant  que  le  renseignement 
Xms  dans  la  publication. 

Tous  les  renseignements,  quels  qu'ils  fussent,  ont  pu 
être  classés  dans  le  cadre  du  questionnaire,  confectionné 
par  M.  le  professeur  Halkin,  à  la  demande  de  la  Société 
belge  de  Sociologie. 

Les  classifications  tenues  à  jour  sont  les  sui- 
vantes : 

1.  Une  collection  est  classée  par  noms  d'auteurs,  en 
ordre  alphabétique  ; 

2.  Une  deuxième  est  classée  par  noms  de  tribus,  en 
ordre  ali)habétique  ; 

3.  Une  troisième  est  classée  par  régions  ; 

4.  Une  quatrième  et  une  cinquième  sont  classées  par 
ordre  de  matières,  et  de  deux  manières  différentes. 

Quelques  mots  sur  chacune  de  ces  classifications  : 
I.  La  collection  des  auteurs,  ai)paraît  comme  un 
véritable  dictionnaire.  Elle  permet  non  seulement  de 
constater  du  premier  coup  d'œil,  les  noms  des  auteurs  qui 
ont  écrit  sur  la  race  nègre,  et  la  quantité  des  ouvrages 
dépouillés  ;  mais  encore  de  vérifier  à  tout  moment  si 
tel  ouvrage  de  tel  auteur  a  été  analysé  de  façon  satis- 
faisante. La   moindre  lacune   constatée  par  le  lecteur 


-  74- 

peut  être  signalée  au  personnel  du  Bureau  qui  s'em- 
presse d'y  remédier.  Ainsi»  tout  lecteur  ou  consultant 
peut  devenir  un  collaborateur  occasionnel  de  l'Œuvre. 
Faut-il  faire  observer  que  chaque  erreur  ou  omission 
constatée  est  aussitôt  rectifiée  dans  chacune  des 
quatre  autres  collections  et  vice  versa? 

Les  écrits  sans  noms  d'auteurs  sont  classés  sous  le 
terme  anonyme,  en  ordre  ali^Iiabétique  du  nom  de  l'ou- 
vrage. S'agit-il  d'une  revue,  c'est  le  nom  du  périodique 
qui  est  considéré,  et,  sous  ce  nom,  le  titre  de  l'article  ; 
du  reste  le  titre  de  l'article  se  classe  une  seconde  fois, 
indépendamment  du  nom  de  la  revue  :  deux  renseigne- 
ments au  lieu  d'un,  pour  le  plus  grand  profit  du  cher- 
cheur. 

Les  écrits  signés  d'initiales  se  classent  alphabétique- 
ment suivant  ces  initiales  :  aucune  difficulté. 

Au  nom  de  chaque  auteur  est  joint  un  dossier  de 
renseignements  sur  sa  personnalité,  sa  carrière,  ses 
ouvrages,  les  distinctions  qu'ils  lui  valurent,  etc.  Ainsi 
le  consultant  possède  toutes  les  pièces  permettant  de 
juger  de  l'autorité  des  témoignages  qu'il  va  lire. 

2,  La  deuxième  collection  est  classée  par  ordre 
alphabétique  de  tribus. 

Ce  classement  qui  paraît  simj)le  est  extrêmement 
difficile  et  comi)liqué,  tant  les  noms  des  tribus  sont 
divers  et  variés.  Aussi  ce  classement  a  subi  une  véri- 
table évolution. 

A  mesure  que  la  connaissance  des  groupements 
humains  d'Afrique  a  permis  de  distinguer  les  tribus  des 
villages  et  des  clans  qu'elles  comprennent,  il  a  été  pos- 


sible  de  réduire  le  nombre  des  noms  et  de  diminuer  en 
proiDortion  les  divisions  de  la  classification. 

Toutefois  les  noms  ainsi  absordés  ont  été  maintenus 
sur  des  fiches  spéciales,  mais  uniquement  à  titre  de 
points  de  repaire  ;  ces  fiches  spéciales  ont  d'ailleurs  une 
couleur  particulière  qui  les  font  reconnaître  du  premier 
coup  d'oeil.  Ces  fiches  spéciales  servent  non  seulement 
pour  noter  les  noms  des  villages  et  des  clans,  mais 
aussi  les  noms  divers  de  la  tribu  elle-même. 

Donc,  sous  le  nom  le  plus  usuel  de  la  tribu  se  rangent 
dans  des  dossiers  déterminés  tous  les  renseignements 
relatifs  à  cette  tribu.  Ces  renseignements  y  sont  clas- 
sés dans  l'ordre  des  matières  du  questionnaire  de 
M.  Halkin.  Chaque  série  de  questions  ou  le  i)lus  sou- 
vent —  si  la  matière  est  abondante  —  chaque  question 
a  sa  farde  particulière.  Ce  qui  peut  donner  la  meilleure 
idée  de  ce  classement,  c'est  la  collection  des  monogra- 
phies publiées.  Car,  au  fond,  une  monographie  c'est 
l'ensemble  des  renseignements  classés  d'une  peu- 
plade. 

Encore  une  fois,  si  un  savant  constate  une  erreur  de 
classement,  qu'il  la  signale  aux  employés  du  Bureau; 
immédiatement  ai^rès  vérification  de  ma  part,  l'erreur 
sera  réparée. 

L'œuvre  est  sans  cesse  perfectible  en  chacune  de  ses 
parties  ;  et  tout  le  monde  peut  y  contribuer  ; 

3.  Le  troisième  classement,  celui  des  régions  ou  des 
unités  politiques,  n'est,  en  somme,  qu'un  groupement 
spécial  des  tribus. 

Outre  le  fait  d'être  un  double  de  la  précédente  classi- 
fication,   celle-ci  a  l'avantage  de  i^ouvoir  répondre  de 


suite  à  des  questions  comme  celles-ci  :  «  Donnez-moi 
toutes  les  peuplades  du  Congo  français,  de  l'Angola, 
du  Cameroun,  du  Congo  belge,  etc.  » 

Remarquons  qu'il  ne  s'agit  pas  seulement  des  divi- 
sions actuelles  de  l'Afrique,  mais  des  divisions  an- 
ciennes. Le  procédé  utilisé  est  semblable  aux  fiches 
spéciales  du  numéro  précédent.  Aucun  point  de  repaire 
n'est  et  ne  i)eut  être  négligé  ; 

4.  La  classification  i)ar  ordre  sociologique  comprend 
deux  collections  : 

a)  La  in^emière  est  divisée  suivant  les  grandes  divi- 
sions du  questionnaire. 

b)  La  seconde  est  divisée  suivant  une  formule  socio- 
logique scientifique. 

a)  Les  divisions  de  la  première  suivent  l'ordre  sui- 
vant :  Renseignements  géographiques  et  ethnogra- 
phiques généraux  (questions  i  à  9).  —  Vie  matérielle 
(questions  10-64).  —  ^i®  familiale  (questions  65  à  100). 
—  Vie  religieuse  (questions  loi  à  122).  —  Vie  intellec- 
tuelle (questions  t23  à  i5o) Vie  sociale  (questions 

i5i  à  186).  —  Caractères  anthropologiques  (questions 
187  à  202). 

b)  Les  divisions  de  la  seconde  collection  sont  au 
nombre  do  neuf  :  Le  territoire  (milieu  i)liysique).  —  La 
IDopulation  (la  race).  —  Phénomène  économique.  — 
Phénomène  génétique.  —  Phénomène  esthétique.  — 
Phénomène  idéologique.  — Phénomène  moral.  —  Phéno- 
mène juridique.  —  Phénomène  politique. 

Tandis  que  la  j)remière  classification  est  d'ordre 
plutôt  pratique,  la  seconde  est  d'ordre  rigoureusement 
scientifique. 


-  77  — 

Si,  en  effet,  toute  société  n'est  qu'une  combinaison 
de  deux  facteurs  fondamentaux  :  le  territoire  et  la 
population  qui  l'iiabite,  il  est  nécessaire  de  donner  les 
deux  i:)remières  places  à  ces  deux  titres  :  milieu  pliy- 
sique  et  population.  Il  est  logique  aussi  de  ranger  les 
sept  phénomènes  sociaux  essentiels  dans  l'ordre  de  leur 
comi^lexité  croissante  et  de  leur  généralité  décrois- 
sante. C'est  pourquoi  l'économique  est  au  premier  rang 
et  la  ijolitique  au  dernier. 

Dans  les  deux  classifications  du  reste,  chacun  des 
202  numéros  vient  se  ranger  :  dans  la  première,  suivant 
l'ordre  des  chiffres  ;  dans  la  seconde,  suivant  l'ordre 
des  phénomènes  sociaux. 

Dans  le  dossier  de  chacun  des  202  numéros  des  deux 
classifications,  se  trouvent  rangés  tous  les  renseigne- 
ments de  chacune  des  i3euplades,  i)ar  ordre  alphabé- 
tique des  régions  et  des  xDeui^lades. 

Ainsi,  voulez-vous  i^osséder  les  renseignements  sur 
les  boissons  africaines,  i^renez  le  dossier  du  n°  27. 

Désirez-vous  étudier  la  mentalité  religieuse  des 
habitants  de  l'Angola,  prenez,  dans  les  dossiers  des 
n°^  loi  à  122,  les  fiches  concernant  l'Angola. 

Et  ainsi  de  l'ensemble  et  des  détails  de  chacun  des 
phénomènes  sociaux. 

On  voit  tout  de  suite  que  les  deux  classifications, 
dites  sociologiques,  sont  là,  entre  autres,  pour  con- 
vaincre le  monde  savant  de  la  possibilité  de  classer  les 
fiches  détachables  d'après  n'importe  quel  système 
scientifique  ou  j)ratique. 

Si  les  trois  premières  classifications  peuvent  être 


qualifiées  de  verticales,  i^arce  que  sur  un  tableau  elles 
aligneraient  leurs  renseignements  de  haut  en  bas,  les 
deux  dernières  doivent  être  dénommées  horizontales, 
puisqu'elles  apparaissent  comme  des  coupes,  d'un  bout 
à  l'autre  de  l'Afrique. 

L'œuvre  collective  d'ethnographie,  exposée  à  Bru- 
xelles, avait  groupé  des  échantillons  de  ses  cinq  collec- 
tions documentaires  dans  les  tiroirs  des  meubles 
classificateurs  spéciaux  qui  ornaient  le  salon. 

La  paroi  et  les  vitrines  du  côté  gauche  étaient 
affectées,  à  l'exposition  de  la  collection  des  mono- 
graphies ethnograi)hiques  africaines,  à  ces  illustrations 
du  répertoire  documentaire  général. 

La  photographie  annexée  (pi.  III)  montre  l'aspect  de 
l'exposition.  Au  centre  du  iDanneau,  une  carte  de 
l'Afrique  centrale  indique  la  situation  des  dix-sept 
IDCuplades,  dont  les  monographies  sont  publiées  ou  sous 
presse.  Ce  sont  : 

Les  Bangala  (Congo  belge)  ; 

Les  Mayumbe  (Congo  belge)  ; 

Les  Basonge  (Congo  belge); 

Les  Mangbetu  (Congo  belge); 

Les  Warega  (Congo  belge)  ; 

Les  Kuku  (Possessions  anglo-égyptiennes)  ; 

Les  Ababua  (Congo  belge)  ; 

Les  Mandja  (Congo  français) , 

Les  Baluba  (Congo  belge)  ; 

Les  Fang  (Congo  français,  Gabon  et  Cameroun)  ; 

Les  Bayaka  (Congo  belge  et  possessions  portugaises)  ; 

Les  Warundi  (Afrique  allemande  orientale)  ; 

Les  Basoko  (Congo  belge)  ; 


—  79  — 

Les  Azande  (Congo  belge  et  français)  ; 

Les  Bakongo  (Cong"o  belge)  ; 

Les  Bakuba  (Congo  belge)  ; 

Les  Pygmées  (Afrique  centrale). 

Du  premier  couj)  d'oeil,  le  visiteur  se  rend  corniste  des 
raisons  qui  ont  motivé  le  clioix  des  publications.  Les 
dix-sept  monographies  apparaissent  comme  autant  de 
sondages  dans  le  cœur  de  l'ethnographie  africaine.  On 
peut  dire  que  les  peuplades  choisies  sont  i)armi  les 
types  les  plus  caractéristiques  des  races  qui  occupent 
le  centre  africain.  D'après  elles,  on  peut  juger  des 
autres  et  de  l'ensemble  des  résultats  qui  s'accumulent 
dans  les  cinq  collections  de  l'œuvre  d'ethnographie. 

Ce  qu'est  cette  œuvre,  les  inscriptions  qu'on  lit  à 
gauche  de  la  carte,  le  racontent  avec  une  suffisante 
précision  : 

«  La.  collection  de  monographies  ethnographiques 
africaines,  publiée  par  M .  Cyr.  Van  Overbergh  et  ses 
amis,  est  un  essai  en  grand  de  l'œuvre  dévolue  au 
bureau  international  d'ethnographie,  créé  par  le  Congrès 
international  d'expansion  économique  mondiale  de 
Mons.  (Septembre  igo5.J 

»  Les  dix-sept  monographies  parues  ou  sous  presse 
sont  des  exemples  tirés  des  résultats  classés  de  l'enquête 
orale,  écrite  et  bibliographique  groupant  à  ce  jour  plus 
de  3oo,ooo  renseignements  sur  l'Afrique  nègre. 

»  Toutes  les  monographies  sont  publiées  sur  fiches 
détachables,  toujours  dans  le  même  ordre,  com.parables 
en  tout  temps  en  réponse  à  202  questions,  comprenant 
tous  les  phénomènes  sociaux  des  peuplades.  » 

A  droite  de  la  carte  se  détachait  la  longue  liste  des 


—  8o  — 

collaborateurs  directs  des  monographies  publiées. 
Dans  la  première  catégorie,  celle  des  exi^lorateurs,  se 
rencontraient  des  noms  illustres  ;  les  voici  dans  l'ordre 
du  tableau  :  le  baron  Dlianis,  le  commandant  Mardu- 
lier,  le  major  Fievez,  le  capitaine  Wilwerth,  le  com- 
mandant Lotliaire,  l'ingénieur  Diederich,  le  major 
Cabra,  l'ingénieur  Claessens,  le  docteur  Jullien,  le  juge 
Lauwers,  le  lieutenant  Morrissens,  le  lieutenant- 
général  Fivé,  Paul  Le  Marinel,  le  colonel  Gillain,  le 
commandant  Michaux,  le  commandant  Borms,  le  doc- 
teur Dryepondt,  le  juge  Schmitz,  le  major  Chaltin,  le 
major  Hanolet,  le  capitaine  Wacquez,  le  baron  de 
Renette,  le  commandant  Delhaise,  Fernand  Gaud,  le 
docteur  Grenade,  le  commandant  Laplume,  le  directeur 
Vanden  Plas,  le  major  Roget,  le  commandant  Foulon, 
Paul  Delhaye,  le  commandant  Duvivier,  l'inspecteur 
Mahieu,  l'ingénieur  de  Galonné,  Plarroy,  le  comman- 
dant Rom,  le  commandant  De  Keyser,  le  commandant 
Verbruggen,  le  commandant  Meeus,  le  lieutenant 
Gilson,  le  capitaine  Henry,  le  commandant  Lemaire,  le 
docteur  Dupont,  le  lieutenant  Flamme,  le  capitaine 
Mercier,  Gillard,  le  lieutenant  Silly,  le  major  Bruneel, 
Lerman,  le  lieutenant  Van  Stockhausen,  De  Hertogh, 
Wilmin,  De  San,  le  capitaine  Jungers,  Djoli,  etc.,  etc. 

Parmi  les  missionnaires,  on  notait  les  noms  du 
P.  Declercq  (Scheut),  P.  Trilles  (P.  du  Saint-Esprit), 
P.  Messman  (P.  du  Sacré-Cœur),  P.  Colle  (des 
PP.  Blancs),  P.  Ilendekyn  (Scheut),  P.  Struyff 
(Jésuite). 

Sous  le  troisième  titre,  celui  des  savants,  l'on  pouvait 
lire  les  noms  de  MM.  les  professeurs  Julien  Fraipont  et 


—  8i  — 

Joseph  Halkin,  de  l'Université  de  Liège,  de  Wilde- 
man  et  Cornet,  de  l'Université  de  Gand,  de  Jonghe, 
de  l'Université  de  Louvain,  Mm.  Maes,  du  Musée  de 
Tervueren  et  Viaene,  docteur  en  géographie,  chef  de 
service  au  Bureau  d'ethnographie. 

Assurément  cette  liste  n'était  iDas  complète.  L'espace 
faisait  défaut.  Et  x)nis,  outre  les  collaborateurs  directs 
que  de  collaborateurs  indirects  qui,  bien  des  fois,  nous 
donnèrent  les  renseignements  les  plus  précieux  !  Parmi 
les  Belges  il  conviendrait  de  citer  :  MM,  A.-J.  Wauters, 
du  Mouvement  Géographique  ;  Goffart,  professeur  à 
l'Université  de  Gand  et  fonctionnaire  au  Ministère  des 
Colonies;  le  baron  de  Haulleville,  directeur  du  Musée 
de  Tervueren  ;  Coarfc,  conservateur  au  même  musée  ; 
Cuvelier,  Libbrechts  et  Droogmans,  anciens  secré- 
taires généraux  du  Ministère  des  Colonies  ;  Plas, 
secrétaire  de  la  Société  Belge  d'Etudes  Coloniales  ; 
Bahir,  secrétaire  de  la  Société  Belge  de  Géogra- 
phie ;  Lombard,  directeur  g'énéral  au  Ministère  des 
Colonies,  etc.,  etc. 

Dans  les  vitrines  s'étalaient  le  questionnaire  de  la 
Société  belge  de  Sociologie,  les  volumes  (ou  leurs 
maquettes)  des  17  monographies,  et  des  échantillons  de 
documents  iconographiques,  qui  sont  eux  aussi  classés 
comme  les  renseignements  d'ordre  littéraire,  bibliogra- 
phiques et  autres. 

Enfin,  on  y  voyait  le  premier  essai  de  îa  nou- 
velle publication  de  M.  le  professeur  Joseph  Halkin 
relative  à  l'exécution  d'une  autre  partie  du  vœu  ethno- 
graphique du  Congrès  mondial  de  igoS  :  <i  Que  le 
Bureau  international  publie  tous  les  ans  un  catalogue 


—    82    — 

des  ouvrages  parus  relatifs  à  l'etlmograpliie,  ce  terme 
pris  dans  son  sens  le  plus  large  (i).  » 

Lorsque  le  jury  international  de  la  classe  des  sciences 
eut  entendu,  pendant  jn^ès  d'une  heure,  l'exposé  du 
plan  de  l'Œuvre  et  sa  réalisation  progressive,  le  pré- 
sident, M.  le  sénateur  Alexandre  Braun,  exprima,  au 
nom  de  ses  collègues,  l'admiration  qu'excitait  en  eux 
la  tâche  grandiose  que  s'étaient  assignée  les  organi- 
sateurs. «  Pour  entreprendre  un  labeur  i)areil,  avec  les 
seules  ressources  imvées,  pour  la  poursuivre  avec  ce 
tranquille  courage  que  dénote  chacune  des  paroles  que 
nous  venons  d'entendre,  x>our  avoir  atteint  les  résultats 
qui  s'étalent  devant  nos  yeux  éblouis,  il  faut  une  foi 
en  la  science,  une  énergie  dans  l'action,  un  enthou- 
siasme dans  le  but,  qui  honorent  vivement  les  organi- 
sateurs. Aussi  bien  est-ce  en  faveur  de  l'élévation  de 
l'humanité  que  tout  ceci  s'accomplit  :  le  but  civilisateur 
de  l'entreprise  dépasse  même  à  mes  yeux  le  but  scien- 
tifique. Sans  doute,  ces  innombrables  matériaux  docu- 
mentaires sur  la  race  nègre,  classés  avec  un  soin 
extrême  et  une  méthode  impeccable,  i)erfectible  tou- 
jours dans  son  ensemble  comme  dans  ses  détails, 
forment,  pour  la  science  sociologique  et  pour  toutes  les 
sciences  sociales,  un  merveilleux  arsenal  où  elles 
viendront  puiser  les  armes  du  progrès.  Mais  combien 
plus  éclatants  apparaissent,  à  mes  yeux  d'homme 
pratique,  les  nombreux  i)oints  d'apx)ui,  pour  les 
leviers  de  la  civilisation   africaine.  Grâce  à  ceci,   la 


(i)Pour  la  description  de  cette  partie  de  l'œuvre,  voir  l'introduction 
des  Mandja,  volume  VIII,  de  la  collection  des  monographies  ethuogra. 
phiques. 


—  83  — 

civilisation  de  l'Afrique  pourra  se  poursuivre  désor- 
mais avec  une  méthode,  un  esprit  de  suite,  et  une 
vigueur  inconnus  jusqu'ici;  le  temps  d'initiation  pourra 
être  réduit  ainsi  au  minimum  ;  chacun  saura  ce  qu'ont 
fait  ses  prédécesseurs  et  il  pourra  reprendre  le  sillon  à 
l'endroit  où  l'effort  civilisateur  s'était  arrêté.  Tâche 
magnifique,  Messieurs,  dont  le  jury  de  la  Commission 
des  sciences  ne  peut  que  vous  féliciter  en  attendant 
qu'il  vous  octroie  la  récompense  que  vous  méritez.  » 


II    —  LE  MUSEE  MODERNE  D'ETHNOGHAPHTE. 


On  s'aperçoit  tout  de  suite  que,  puisque  la  documen- 
tation des  objets  qui  constituent  la  matière  du  musée 
n'est  qu'un  des  éléments  de  la  documentation  générale, 
les  mêmes  méthodes  de  classification  sont  adoptables. 

Le  signalement  et  la  description  de  chaque  objet 
trouvent  leur  place  immédiate  dans  les  divers  classe- 
ments dont  nous  venons  de  parler.  Aussi,  le  dépouille- 
ment des  catalogues  de  musée  se  poursuit-il  comme  le 
dépouillement  d'un  livre  quelconque.  Et  la  photo- 
graphie ou  le  dessin  de  l'objet  de  musée  trouve  sa  place 
naturelle  dans  l'iconographie. 

Bien  plus.  Il  y  a  la  manière  de  disposer  les  objets 
dans  le  musée,  de  les  grouper,  de  façon  à  donner 
l'instruction  la  plus  grande  possible  et  la  plus  intuitive 
au  public  des  visiteurs. 


-  84- 

Les  organisateurs  de  la  Section  d'ethnographie  (i)  à 
Bruxelles  imaginèrent  de  nouvelles  formules  d'expo- 
sition. Et  voici  comment  ils  conçurent  le  Musée  de 
demain,  en  coordination  avec  le  répertoire  de  documen- 
tation ethnographique. 

Une  iDartie  du  Musée  devait  être  affectée  aux  expo- 
sitions des  i)eui)lades  africaines  les  plus  tj'piques  au 
point  de  vue  de  l'originalité  de  la  race  et  du  milieu. 
^  Une  autre  partie  du  Musée  aurait  été  attribuée  aux 
expositions  sociologiques,  aux  expositions  d'institu- 
tions sociales  comparées,  si  l'on  veut, 

I.  Les  salles  d'exposition  des  i^euplades-types  con- 
tiendraient tous  les  objets  relatifs  à  ces  peuplades. 

Dans  un  grand  Musée  international  nègre  africain, 
par  exemple,  plusieurs  salles  seraient  consacrées  aux 
monographies  des  tribus  caractéristiques  des  diverses 
races. 

Dans  un  Musée  national,  tel  que  celui  de  Tervueren, 
qui  ne  s'occupe  que  des  Nègres  du  Congo  belge,  les 
salles  seraient  consacrées  aux  tribus  les  plus  typiques. 

Les  ornementations  de  ces  salles  styliseraient  le 
caractère  dominant  du  milieu  physique  de  chaque  peu- 
plade. Ainsi  la  grande  forêt,  la  savane,  le  fleuve,  le 
lac,  etc. 

Dans  la  salle,  les  objets  seraient  disposés  toujours 
dans  le  même  ordre  principal,  de  façon  à  faciliter  les 
comparaisons.  Ceci  n'empêcherait  en  rien  l'arrangement 
esthétique;  au  contraire. 


(i)  La  Section  était  composée  de  M.  Cyr.  Van  Overbergh,  président;  le 
P.  V.  Trilles;  MM.  Viaene,  Bernard  et  Raikem,  membres;  M.  Stametsch- 
kine,  secrétaire. 


—  85  — 

Dans  chaque  salle  se  trouverait  la  monog^raphie  de 
la  peuplade  (semblable  aux  volumes  de  la  Collection 
de  monographies  ethnographiques)  et  le  catalog-ue 
explicatif  détaillé  des  objets  exposés. 

Tous  les  objets  parfaitement  déterminés  porteraient 
une  marque  spéciale  et  le  visiteur  pourrait  voir,  sur  le 
catalogue  détaillé,  la  place  exacte  de  la  provenance. 
Dans  un  musée,  chaque  objet  a  son  histoire.  Et  comme 
une  carte  détaillée  de  l'habitat  de  la  peuplade  serait 
disposée  à  l'entrée,  chacun  pourrait  trouver  les  élé- 
ments complets  de  son  jugement. 

N'oublions  pas  que  les  réi^ertoires  bibliographiques 
renseigneraient  par  ailleurs  les  musées  publics  et 
privés  renfermant  des  objets  de  la  peuplade  étudiée, 
avec  l'indication  des  moyens  d'accès. 

Assurément  il  ne  s'agit  pas  de  mettre  chaque  peu- 
plade dans  une  salle  spéciale.  Aucun  monument  n'y  suf- 
firait. Les  peuplades  les  plus  typiques  seules  auraient 
droit  à  cet  honneur.  Rien  n'empêcherait  d'ailleurs  d'en 
exposer  plusieurs  successivement  dans  la  même  salle, 
pourvu  que  le  milieu  physique  fût  à  peu  près  le 
même. 

Pour  les  tribus  qui  ne  jouiraient  X3as  de  cette  pri- 
mauté, il  faudrait  nécessairement  les  exposer  dans  les 
grands  cimetières  de  nos  Musées  actuels  ;  l'essentiel 
serait  de  disposer  les  objets  toujours  dans  le  même 
ordre,  i^ar  matière,  de  façon  à  rendre  la  comi)arabilité 
possible  à  tout  moment. 

De  cette  manière  d'exposer,  le  salon  d'ethnographie 
de  l'Exposition  de  Bruxelles  ne  contenait  aucun  spé- 
cimen.  Il   sembla    que   ce    perfectionnement    logique 


—  86  — 

de  nos  Musées  actuels  entrerait  naturellement  dans 
l'esprit  du  visiteur,  rien  que  par  l'examen  des  classi- 
fications documentaires  étalées  par  V Œuvre  collective 
d'Ethnographie.  L'attention  spéciale  des  organisateurs 
s'était  fixée  sur  le  Musée  sociologique. 

II.  L'idée  fondamentale  du  Musée  sociologique 
repose  sur  la  classification  des  i^liénomènes  sociaux 
dont  il  fut  question  dans  le  chax)itre  précédent. 

Entendons-nous.  Le  mode  de  classification  importe 
peu,  en  principe.  L'essentiel  est  de  partir  d'un  système 
qui  comprenne  tous  les  phénomènes  sociaux.  Le  nôtre 
était  basé  sur  l'ordre  de  complexité  croissante  et  de 
généralité  décroissante.  Il  se  défend  scientifiquement 
avec  aisance. 

De  la  combinaison  du  milieu  i^liysique  et  de  la  popu- 
lation résulte,  ainsi  qu'il  a  été  dit,  une  société  qui 
affirme  son  existence  propre  par  sept  phénomènes 
cai:)itaux,  que  notre  formule  sociologique  classe  de  la 
manière  suivante  :  le  phénomène  économique,  le  phéno- 
mène génétique,  le  phénomène  esthétique,  le  phéno- 
mène idéologique,  le  phénomène  moral,  le  phénomène 
juridique,  le  phénomène  i^olitique. 

La  thèse  que  nous  posons,  la  voici  :  Un  Musée 
moderne  devrait  consacrer  une  partie  de  ses  salles  à 
l'exposition  permanente  ou  temporaire  (selon  les  cir- 
constances et  la  place  dont  on  dispose)  de  tous  ces  phé- 
nomènes sociaux,  de  manière  à  rendre  éclatantes  les 
ressemblances  et  les  différences  des  peuples  les  plus 
typiques. 

Comme   dans   notre    hypothèse    il   s'agit   des  races 


-87  - 

nègres  d'Afrique,  les  remarques  faites  au  paragTai)lie 
premier  de  ce  chapitre  trouvent  ici  leur  place.  S'agit-il 
d'un  Musée  d'Afrique,  on  prendra  comme  échantil- 
lons d'exposition  les  peuplades  les  plus  représen- 
tatives des  diverses  races.  Pour  un  Musée  national,  au 
contraire,  tel  celui  du  Congo  belge,  on  choisira  comme 
exemples  les  i^euplades  les  jdIus  caractéristiques  de 
la    Colonie. 

Si  l'exposition  des  sept  phénomènes  sociaux  x^araît 
encore  trop  vaste,  qu'on  réalise  l'idée  par  fractions  : 
ainsi,  on  pourrait  exposer  successivement  chacun  des 
phénomènes,  ou  même  une  i)artie  de  ces  phénomènes. 

A  l'Exi^osition  de  Bruxelles  se  posait  la  question  de 
savoir,  étant  donné  l'espace  dont  on  disposait,  quel 
était  le  phénomène  social  qui  servirait  de  démonstra- 
tion. 

Le  plus  simple  était  assurément  le  phénomène  écono- 
mique. Le  plus  beau  était  le  j)hénomène  esthétique. 
Les  plus  faciles  étaient  les  phénomènes  politiques 
et  juridiques.  Les  plus  difficiles  apparaissaient  les 
phénomènes  génétiques  et  moraux  et  surtout  le  phéno- 
mène idéologique. 

Nous  nous  disions  :  «  Puisqu'il  s'agit  de  faire  une 
démonstration,  de  faire  voir  l'excellence  d'une  méthode, 
procédons  immédiatement  à  l'expérience  la  xdIus  diffi- 
cile. Si  elle  réussit,  la  victoire  sera  décisive.  Le  i^héno- 
mène  idéologique  africain  est  incontestablement  le 
moins  connu  et  c'est  i)eut-être  le  plus  important  x>our  la 
civilisation.  Attaquons-nous  à  lui.  Allons  même  au 
phénomène  le  plus  obscur  de  l'idéologie,  au  phénomène 
religieux.  Cette  difficulté  résolue,  et  au  point  de  vue- 


renseignements  et  an  point  de  vne-exposition,  on  devra 
bien  nous  accorder  ce  que  nous  postulons  par  notre 
tentative  :  la  possibilité  de  réaliser  le  Musée  sociolo- 
gique intégral.  » 

L'entreprise  ne  manquait  pas  de  hardiesse,  si  l'on 
considère  le  peu  de  matériaux  dont  nous  disposons 
jusqu'ici  sur  la  mentalité  religieuse  des  Nègres 
africains.   Et   puis,   comment   procéder  ? 

Quelle  x)euplade  choisir  et  comment  mettre  de 
l'ordre  dans  les  complexités  un  peu  effarentes  de  l'état 
religieux  ? 

Notre  première  idée  fut  d'exiDoser,  par  des  moyens 
graphiques,  les  idées  religieuses  des  diverses  tribus  du 
Congo  belge  qui  avaient  été  étudiées  dans  la  Collection 
de  monographies  ethnographiques  ;  ainsi,  on  eût  vu 
appliquée  la  méthode  comparée  dans  une  immense 
région  du  centre  africain. 

Nous  n'avons  pas  donné  suite  à  ce  projet  pour  trois 
motifs  :  d'abord,  i^arce  que  rexx)osition  coloniale  belge 
consistait  à  Tervueren  dans  l'exhibition  des  collections 
du  Musée  et  que  prendre  ainsi  des  matériaux  du  Congo 
belge  eût  été  une  espèce  de  double  emploi,  qu'il  valait 
mieux  éviter.  —  Ensuite,  i)arce  qu'il  ne  fallait  pas  que 
dans  l'esprit  iDublic,  prît  corx^s  cette  idée  fausse  que, 
pour  un  Musée  sociologique,  il  ne  j)ouvait  être  pris,  en 
Belgique,  même  dans  une  Exposition  uniA^erselle,  que 
des  objets  se  rattachant  au  Congo  belge.  —  Enfin,  que, 
pour  l'étranger  comme  pour  le  Belge,  il  était  préférable 
de  suivre  l'expérience  du  Musée  sociologique  sur  des 
peuplades  autres  que  les  tribus  congolaises,  de  manière 
à  permettre  à  tout  visiteur    d'étendre    par  la  pensée 


-89- 

l'exposition  du  Solboscli  aux  collections  de  Tervueren  : 
ainsi  l'utilité  des  comparaisons  pourrait  éclater  avec 
une  force  démonstrative  plus  grande. 

Donc,  la  peuplade  sur  laquelle  nous  allions  opérer 
fut  clioisie  en  dehors  du  Congo  belge.  Xous  arrêtâmes 
le  choix  sur  les  Fang,  cette  tribu  immense,  compre- 
nant, pense-t-on,  de  dix  à  quinze  millions  d'unités  et 
couvrant  de  son  habitat  une  aire  gigantesque  dans  les 
possessions  françaises  de  l'Afrique  occidentale  (Gabon 
et  Congo)  et  dans  le  Cameroun  allemand.  Ce  sont 
des  envahisseurs,  qui  ont  conquis  tout  le  territoire  qu'ils 
occupent.  On  les  a  comparés  à  nos  Barbares  européens 
de  la  période  des  invasions.  La  migration  des  Fang  va 
du  pays  des  Mangbetu  et  des  X iam-Niam  vers  le  Daho- 
mey et  le  Gabon. 

Les  Fang  sont  une  race  forte,  prolifique,  guerrière, 
conquérante,  anthropoT)hage,  aux  dents  limées  et  poin- 
tues et  aux  cheveux  longs,  au  regard  fier  efc  hautain; 
la  face  est  longue,  le  front  large  et  saillant  :  ils  diffèrent 
profondément  du  type  soudanien,  quant  au  prognatisme 
et  à  la  conformation  du  crâne.  S'ils  font  partie  de  la 
race  des  Bantous,  ils  en  occupent  les  marches  frontières 
septentrionales,  ce  qui  leur  donne  un  as^Dect  spécial. 

Si  un  certain  nombre  de  ces  indigènes  ont  pris 
contact  avec  les  Euroi)éens,  la  plupart  sont  restés 
indépendants  et  sauvages,  défendant  Jalousement  l'in- 
tégrité de  leurs  mœurs  dans  les  solitudes  des  forêts 
impénétrables. 

Ils  offrent  donc  un  objet  d'études  de  premier  ordre. 
Et  par  leur  nombre  comme  par  la  différence  des  milieux 
physiques  auxquels  ils  se  sont  adaptés,  ils  présentent 


()0    — 


des  garanties  incomparables  pour  l'élimination  progres- 
sive des  erreurs  d'observation. 

Nous  avions  le  bonheur  de  compter  parmi  nous 
l'homme  qui  connaît  le  mieux  les  Fang,  le  R.  P.  Trilles, 
missionnaire,  qui,  pendant  tant  d'années,  depuis  iSgS, 
fut  en  contact  continu  avec  cette  peuplade,  dont  il  parle 
l'idiome,  en  même  temps  que  la  langue  des  i)euplades 
voisines.  Il  voulut  bien  nous  prêter,  outre  sa  science  et 
ses  observations,  les  objets  recueillis  par  lui,  sur  place, 
parfaitement  déterminés  et  qui  intéressaient  le  but 
que  nous  poursuivions.  C'est  grâce  à  lui  que  le  Musée 
de  Neuchâtel  voulut  bien  prêter  à  notre  œuvre  les  pré- 
cieux objets  que  le  R.  P.  Trilles  lui  avait  donnés. 

Après  le  choix  de  la  tribu,  il  nous  restait  à  décider 
le  plan  d'exposition.  Ayant  résolu  d'exposer  «  le 
PHÉNOMÈNE  RELIGIEUX  CHEZ  LES  Fang  »,  —  uotre  titre 
désormais  —  nous  adoptâmes  deux  divisions  :  un  des 
côtés  de  la  salle,  la  principale,  serait  consacré  au 
phénomène  religieux  proprement  dit,  l'autre  côté  serait 
réservé  à  la  vie  religieuse  dans  les  phénomènes  sociaux. 

A.  Le  j)hénomène  religieux  comporta  quatre  parties, 
ainsi  qualifiées  : 

1.  Totem. 

2.  Mânes. 

3.  Sociétés  secrètes. 

4.  Dieu. 

Toutes  les  manifestations  religieuses  des  Fang 
peuvent,  à  notre  avis,  se  classer  dans  ce  cadre,  évidem- 
ment provisoire  et  dressé  pour  servir  de  base  à  l'expé- 
rience et  à  la  discussion. 

L'inscription  portait:  «  Les  trois  premières  catégories 


—  91  — 

du  phénomène  religieux  (totem,  mânes,  sociétés  secrètes) 
comportent      chacune      la      classificiition      suivante 
1°  Croyances;  2°  Culte  et  rites;  S''  Magie;  4"  Sacerdoce 
(féticheur,  sorcier)  :  5"  Vie  future. 

I.  Sous  le  Totem  se  classent  tous  les  phénomènes 
dits  totémiques. 

L'exposition  du  panneau  comportait  quatre  parties  : 
trois  représentations  exemplatives  de  totems  de  tribus  : 
trois  représentations  de  totems  de  clans;  une  inscrip- 
tion traçant  l'aire  d'influence  du  totémisme  chez  les 
Fang  actuels;  dans  la  vitrine,  des  notes  explicatives 
sur  la  nature  du  totémisme  fang,  sur  les  totems  connus 
des  tribus  et  des  clans;  dans  les  casiers  du  meuble, 
toute  la  documentation  relative  au  totémisme  fang- 
classée  suivant  la  division  ci-dessus  (croyances,  culte 
et  rites,  magie,  sacerdoce,  vie  future). 

La  planche  IV  (voir  annexes)  montre  la  disposition 
générale. 

«  Le  totémisme,  dit  l'inscription,  a  aujourd'hui 
disparu  complètement  dans  les  clans  fang-  arrivés  près 
de  la  mer,  et  surtout  aux  environs  de  Libreville.  Il  a 
fortement  diminué  dans  les  clans  disséminés  sur  l'Ogoue, 
de  Udjole  à  la  mer.  Partout  ailleurs,  il  demeure  forte- 
ment organisé.  » 

La  très  grosse  majorité  des  clans  fang  est  donc 
encore  totémiste. 

Quels  sont  les  caractères  de  ce  totémisme  ? 

La  notice  étalée  dans  la  vitrine  répondait  : 

Le  clan  fang  (et  la  tribu)  a  un  totem.  Voie  i 
21  totems  de  tribus;  voici  27  totems  de  clans.  Ce  sont 


<■;•-:   — 


des  échantillons.  Et  la  panneau  étalait  la  reproduction 
de  6  de  ces  totems,  en  tableaux. 

Le  clan  ou  la  tribu  fang-  prend  ordinairement  le  nom 
du  totem  :  la  démonstration  était  faite  pour  les  48  cas 
proposés. 

Le  clan  fang  admet  un  rapport  de  parenté  avec  son 
totem.  (Idem.) 

Le  clan  fang*  n'admet  pas  le  mariage  entre  membres 
du  îjaême  clan  ou  ayant  le  même  totem.  (Idem.) 

Le  clan  fang  défend  à  ses  membres  certaines  pra- 
tiques par  rapport  au  totem.  Ces  interdictions  existent 
non  pas  seulement  par  rapport  à  certains  aliments, 
mais  encore  à  certaines  pratiques,  coutumes,  etc. 

Ainsi  le  visiteur  était  fixé  sur  l'existence  du  totem 
et  sur  ses  caractères  fondamentaux.  Voulait-il  des  ren- 
seignements i)lus  Irréels;  désirait-il,  par  exemple,  savoir 
si  les  gens  du  clan  fang  considèrent  l'animal  éponyme 
comme  un  ancêtre,  fait  de  la  même  substance  qu'eux- 
mêmes?  Il  ouvrait  l'un  des  tiroirs  du  meuble  et,  au 
n°  io5  de  la  monographie,  il  trouvait  le  renseignement. 
Le  R.  P.  Trilles,  par  exemple,  répondait  :  «  Us  sont 
parents  parce  qu'un  même  esprit  les  anime  et  que  cet 
esprit  anime  le  cori)s.  Nous  en  apporterons  une  preuve 
à  notre  avis  décisive.  Un  homme  du  clan  de  l'anti- 
lope Moin  tue  par  hasard  un  animal  de  cette  espèce  : 
il  a  commis  une  faute  et  ne  peut  en  manger.  Un  homme 
du  même  clan  Moin  rencontre  par  hasard  cette  anti- 
lope «  morte  »  et  n'a  pas  connaissance  du  meurtre  :  s'il 
en  mange,  il  contracte  une  simple  souillure  rituelle, 
mais  non  la  faute  proprement  dite  :  l'esprit  éponyme  ne 
l'habite  plus.  «  Et  ainsi  du  reste.  Tout  ce  qu'on  savait, 


-  93  -  •■ 

à  l'heure  actuelle,  sur  le  totem  du  Fang  était  là  dans 
le  dossier  complet  de  la  monographie. 

II.  Sous  le  titre  de  Mânes  se  groux^aient  les  douze 
tableaux  du  centre  du  panneau.  Le  projet  voulait,  en 
outre,  au  milieu,  en  dessous,  une  caisse  de  verre, 
abritant  un  autel  Fang,  sur  lequel  s'alignaient  les 
crânes  de  toute  une  famille  (les  dix  crânes  prêtés 
par  le  Musée  de  jSTeuchâtel),  avec  la  boîte  qui  les 
contient  et  le  fétiche  Biéri  qui  la  surmonte. 

La  documentation  s'étalait  dans  deux  tiroirs  de 
chacun  des  meubles  adossés  à  la  paroi. 

C'est  j)o\\T  la  double  raison  d'exposition  et  d'impor- 
tance prépondérante  du  culte  des  Mânes  chez  les  Fang, 
qu'une  place  aussi  grande  avait  été  réservée  au 
phénomène  mâniste.  Il  semble  que  le  culte  des  âmes 
des  ancêtres  soit  vraiment  Je  point  central  de  l'idéo- 
logie religieuse  de  cette  peuplade. 

Voici  la  suite  des  sujets  des  tableaux.  Nous  com- 
mençons par  la  colonne  de  gauche,  voisine  du  Totem,  et 
et  nous  prenons  les  colonnes  de  gauche  à  droite. 

1°  Lamentations  funéraires  ; 

2°  Transport  du  mort  ; 

3°  Tombeau  du  chef  ; 

4°  Danse  funéraire  ; 

5"  Maison  funéraire  ; 

6"  L'enlèvement  du  crâne  ; 

7°  Le  culte  matutinal  ; 

8°  L'appel  de  l'esprit  ; 

9°  Rocher  phallique  ; 


-94- 

lo""  L'autel  funéraire  temporaire  et  la  cérémonie  du 
culte  collectif  des  ancêtres  ; 
II"  Sacrifice. 
12°  Protection  du  village. 

Ainsi  les  princi]3ales  scènes  du  culte  des  ancêtres 
étaient  évoquées. 

D'abord  cinq  illustrations  de  la  mort  de  l'ancêtre  et 
des  cérémonies  rituelles  qui  témoignent  de  la  croyance 
dans  la  survie.  Ensuite,  la  cérémonie  rituelle  de  l'enlè- 
vement du  crâne  du  père  mort,  par  le  fils  ;  cette  relique 
auguste  est  x^lacée  dans  une  boite  :  c'est  le  trésor  de  la 
famille. 

Les  six  scènes  suivantes  nous  représentent  des 
aspects  différents  du  culte.  Voici  la  femme  qui  chaque 
matin  vénère  le  grand  fétiche,  placé  à  la  place 
d'honneur  de  la  case,  sur  la  boîte  aux  crânes  ;  puis  c'est 
le  féticheur  entouré  de  son  attirail  sacré  qui  évoque 
l'esprit,  afin,  sans  doute,  de  le  consulter  sur  telle 
maladie.  La  cérémonie  de  l'autel  des  crânes  est  particu- 
lièrement émouvante  ;  c'est  l'hommage  solennel  aux 
ancêtres.  Au-dessous,  l'immolation  de  l'esclave  dans 
son  horreur:  échantillon  du  sacrifice  religieux.  Puis 
viennent  les  deux  scènes  du  dessous  du  i^anneau  : 
le  rocher  phallique  et  le  bouquet  d'arbres  aux  branches 
coupées  dont  les  moignons,  si  l'on  i)eut  dire,  sont  cou- 
verts des  crânes  des  ennemis  morts. 

Dans  les  tiroirs  se  trouvaient  les  renseignements 
actuellement  connus  sur  le  culte  des  mânes  chez  les 
Fang  ;  ils  étaient  classés  dans  l'ordre  indiqué  sur  le 
panneau  :  croyances,  culte  et  rites,  magie,  sacerdoce, 
vie  future. 


—  9^  — 

Notons  que  dans  les  tiroirs  des  meubles  se  trouvaient 
les  renseignements  correspondants,  recueillis  dans  les 
dix-sept  peuplades  monographiées.  Ces  renseignements 
étaient  classés  tous  de  la  même  manière  dans  des  fardes 
de  diverses  couleurs  :  le  roug-e  pour  le  jphénomène 
économique,  le  bleu  pour  le  phénomène  génétique,  le 
blanc  pour  le  phénomène  esthétique,  le  violet  pour  le 
l^hénomène  idéologique,  le  Jaune  pour  le  ï)hénomène 
moral,  le  gris  pour  le  phénomène  juridique,  le  vert  pour 
le  phénomène  politique. 

Ainsi,  par  l'exemi^le,  des  Fang,  on  pouvait  se  faire 
une  idée  précise  du  concept  du  Musée  de  demain.  Kien 
d'aussi  aisé  que  de  répéter  dans  autant  de  salles  ax)pro- 
priées  des  expositions  semblables  des  peuplades  types 
do  l'Afrique  nègre.  Supposez  que  vous  ayez  réalisé  le 
plan  pour  les  Warundi  des  i)ossessions  ail  emandes ,  et  pour 
les  Baluba,  la  x>lus  religieuse  des  peuplades  du  Congo 
belge  :  la  démonstration  de  l'utilité  de  semblables  exhi- 
bitions comparées  sera  faite.  Pas  un  visiteur  ne  se  trou- 
vera i)lus  x)our  nier  la  réalité  de  l'atmosphère  religieuse 
qui  entoure  la  mentalité  des  noirs  d'Afrique.  Se  ren- 
contrera-t-il  encore  des  missionnaires  pour  contester 
l'utilité  du  système  de  la  greffe,  exposé  si  clairement 
Ijar  le  E,.  P.  Colle  au  Congrès  de  Malines  de  1909  ? 

Trouverait-on  encore  un  colonial  pour  faire  fi,  dans 
ses  rapi3orts  avec  les  indigènes,  des  convictions  reli- 
gieuses qui  hantent  leurs  cerveaux  et  règlent  la  vie  ? 

Je  ne  suggère  ici  que  les  perspectives  d'ordre  civili- 
sateur qu'ouvre  l'exposition  comparée  des  phénomènes 
religieux.  Les  résultats   qni   en  découleraient  pour  la 


-96- 

science  frapperont  tout  homme  averti  ;  pas  n'est  besoin 
de  commentaire. 

III.  Les  sociétés  secrètes  occupaient  lé  liaut  du  x>an- 
neau  de  droite.  Deux  tableaux  :  un  Ngil  avec  ses  aco- 
lytes ;  des  Akliun. 

Les  Ngil  et  les  Akhun  sont  deux  des  i^lus  formi- 
dables confréries  du  pays  des  Fang.  Ce  sont  des 
sociétés  de  sorciers.  En  entrant  dans  une  de  ces 
confréries  les  initiés  font  un  double  serment  :  celui» 
d^'obéir  aveuglément  et  sous  peine  de  mort  à  l'Esprit 
qui  commande  la  société  et  qui  transmet  ses  ordres 
par  les  chefs  suivant  des  rites  déterminés,  celui  de  ne 
jamais  révéler,  sous  peine  de  mort,  les  secrets  de  la 
société,  notamment  le  mot  de  passe,  le  nom  des  adhé- 
rents et  surtout  des  chefs. 

Dans  la  vitrine  pouvaient  se  lire  des  renseignements 
sur  l'initiation  à  ces  sociétés. 

Dans  les  tiroirs  du  meuble,  étaient  classés  tous  les 
documents  relatifs  à  l'initiation,  à  l'organisation  de 
ces  sociétés,  aux  rites  et  aux  défenses  rituelles,  aux 
totems,  etc. 

D'après  notre  expérience  personnelle  et  celle  des 
gardiens  de  la  salle,  cette  partie  de  l'exposition  ethno- 
graphique intriguait  vivement  le  visiteur;  nombreuses 
étaient  les  demandes  de  renseignements  sur  ces  sociétés 
religieuses  africaines  qui  jouent  d'ailleurs  un  rôle  poli- 
tique important. 
IV.  Dieu. 

La  paroi  n'offrait  sous  ce  Nom,  aucune  figuration. 
C'était  voulu.  Et  l'opposition  entre  ce  manque  de  repré- 
sentation graphique  et  les  tableaux  du  Totem,  des 
Mânes  et  des  Sociétés  secrètes,  était  frappante. 


—  97  — 

La  raison  de  ce  procédé  était  fournie  par  l'inscription  : 

«  Aucune  représentation  de  Dieu,  ni  idole,  ni  image, 
ni  temple,  ni  culte,  ni  sacerdoce,  ni  rite. 

«  Croyance  en  un  Etre  suprême,  créateur,  organisa- 
teur des  mondes,  juge  ». 

C'était  la  synthèse  de  la  mentalité  religieuse  des 
Fang-,  relativement  à  Dieu. 

Encore  une  fois,  un  des  tiroirs  du  meuble  fournis- 
sait tous  les  renseignements  détaillés. 

Ainsi  se  présentaient  les  quatre  grandes  divisions  du 
phénomène  religieux  chez  les  Fang. 

Le  compartiment  final  de  la  paroi  résumait  ainsi 
l'imiDression  : 

En  résumé,  le  phénomène  religieux  peut  se  classi- 
fier  chez  les  Fang  de  la  manière  suivante  : 

1°  Le  Totem  collectif  (tribu,  clan)  et  le  Totem,  indi- 
viduel ; 

2"  Le  Totem  des  sociétés  secrètes  ; 

3°  Les  Mânes; 

4°  Dieu; 

B.  La  vie  religieuse  dans  les  phénomènes  sociaux.  — 
C'est  la  matière  de  la  troisième  paroi  du  salon.  (PL  V, 
voir  annexes.) 

L'étude  du  phénomène  religieux  serait  incomplète  si 
elle  se  bornait  à  l'idéologie  purement  religieuse.  Comme 
trop  d'hommes  pratiques  sont  portés  à  croire  que  la 
religion  est  un  phénomène  superficiel,  dont  le  civilisa- 
teur —  qu'il  soit  missionnaire  ou  administrateur  —  ne 
doit  presque  pas  tenir  compte,  il  est  utile,  sinon  néces- 
saire de  montrer,  par  des  exemples  indiscutables,  que 


-98  - 

pour  le  primitif,  notamment  pour  nos  Fang,  la  j)réoccu- 
pation  religieuse  se  retrouve  dans  la  plupart  des  actes 
de  leur  vie.  La  religion  pour  eux  est  comme  une 
atmosxjlière  dans  laquelle  leur  esiorit  baigne  constam- 
ment. 

Cette  partie  de  l'Exposition  est  consacrée,  si  l'on 
peut  dire,  à  la  religion  appliquée  des  Fang,  dans  les 
sept  phénomènes  sociaux  fondamentaux  :  économique, 
génétique,  esthétique,  idéologique,  moral,  juridique  et 
politique.  Ces  noms  se  trouvent  dans  la  frise  et 
chacun  d'eux  domine  la  division  qui  lui  est  consacrée. 

Toutes  les  photographies  et  objets  exposés  sur  le  mur 
ou  dans  les  vitrines  sont  des  démonstrations,  valant 
chacune  par  elle-même.  Si  le  caractère  démonstratif 
de  l'un  ou  de  l'autre  pouvait  être  révoqué  en  doute,  ceci 
n'atteindrait  en  rien  la  force  démonstrative  des  autres, 
dont  le  bloc  est  destiné  à  i)roduire  l'impression  voulue 
sur  l'esprit  du  visiteur. 

Nous  ne  j)ouvons  songer  à  donner  ici  l'explication  de 
chacun  des  objets.  Beaucouj),  du  reste,  parlent  d'eux- 
mêmes  :  ainsi,  toutes  les  armes  portent  le  signe  toté- 
mique  ;  tous  les  fétiches  sont  mentionnés  avec  leur  but 
spécial  ;  et  ainsi  des  danses,  des  chants  religieux, 
des  instruments  de  sacrifice,  des  masques,  des  cos- 
tumes,  etc. 

Pour  chaque  catégorie  de  phénomènes,  il  n'a  été 
exposé  que  des  échantillons,  ceux  qui  ont  paru  les  plus 
caractéristiques.  Les  autres  se  retrouvent  dans  les 
vitrines  et  les  renseignements  dans  les  tiroirs. 

A  titre  d'exemple,  prenons  le  phénomène  économique. 
Quatre  espèces  ont  été  choisies  :   le  village,  l'agricul- 


—  99  — 

ture,  la  pôclie  et  la  chasse.  Pour  le  village,  la  photogra- 
phie du  dessus  montre  comment  il  est  protégé  par  un 
fétiche  ad  hoc,  à  l'endroit  où  le  sentier  de  la  forêt 
débouche.  La  seconde  i)hotographie  montre  la  femme  à 
la  plantation,  travaillant  à  côté  du  fétiche,  protecteur 
de  la  récolte  :  un  escargot  hissé  sur  un  bâton.  Les 
petites  pirogues  en  bois  et  la  pagaie  sont  des  fétiches 
placés  sur  la  tombe  d'un  pêcheur.  La  photographie  de 
dessous  montre  un  superbe  autel  champêtre  orné  de 
tètes  d'antilopes  ;  à  côté,  le  fétiche  de  la  chasse  aux 
singes;  au-dessous,  un  collier  fétiche  de  lâchasse. 

Des  étiquettes  renseignent  sommairement  le  visiteur 
et  les  renseignements  détaillés  sont  dans  les  tiroirs  des 
meubles. 

Dans  la  vitrine  centrale  était  exposé  un  plan,  dû  à 
M.  l'architecte  Horta.  C'était  «le  palais  du  fétichisme», 
dont  l'idée  était  due  à  notre  collaborateur,  M.  Sta- 
metschkine. 

On  lisait  sur  l'inscription  : 

«  Si  l'on  représentait  dans  un  Musée  spécial  —  de  la 
manière  employée  ici  pour  les  Fang  et  i)our  le  i^héno- 
mène  religieux  —  chacun  des  phénomènes  sociaux  ; 

»  Si  Von  agissait  ainsi  pour  les  peuplades-types  de 
l'Afrique,  de  l'Australie,  de  l'Asie,  de  l'Amérique,  de 
manière  que  chaque  phénomène  (documentation  et 
objets)  pût  être  comparé  dans  son  ensemble  et  dans  cha- 
cune de  ses  divisions, 

»  On  aurait  réalisé  le  Musée-type  sociologique, 
colonial  et  ethnographique. 

»  Si  l'on  se  bornait  à  la  représentation  du  phénomène 
religieux,  on  aurait  le  Musée  dit  du  «  Fétichisme  » 


—    100 


dont  le  projet  ci-contre  fut  proposé  pour  l'Exposition 
Universelle  et  Internationale  de  Bruxelles  (igio).  » 

Le  surplus  des  vitrines  centrales  était  occupé  par 
quelques  échantillons  de  dessins  relatifs  aux  représen- 
tations religieuses  des  Bayaka  {Congo  belge)  ;  c'était 
l'œuvre  du  W  Grenade.  Le  visiteur  pouvait  ainsi  trou- 
ver, en  face  des  Fang,  des  éléments  de  comparaison 
avec  une  autre  peui)lade,  située  loin  d'elle.  Simple 
suggestion  ! 

En  face  de  ce  salon  d'ethnographie,  au  milieu  d'un 
massif  de  iDalmiers,  sur  un  socle  qui  ai^paraissait 
comme  un  trône,  se  dressait  la  fière  figure  de  Léo- 
pold  II,  roi  des  Belges  et  fondateur  de  l'Etat  Indéi^en- 
dant  du  Congo.  C'est  Lui  qui  ouvrit  l'Afriqua  centrale 
à  la  pénétration  européenne  et  à  la  civilisation. 
L'exposition  de  documentation  africaine,  l'essai  de 
Musée  surtout,  Lui  étaient  dédiés.  La  mort  Le  frapjDa 
l'avant-veille  de  l'ouverture  de  l'Exi^osition  de  Bru- 
xelles. 

Il  convenait  que  Son  souvenir  i^lanât  sur  notre 
œuvre,  qu'il  ne  cessa  d'encourager. 

C'est  pourquoi  le  baron  Descamps  consentit  à  nous 
prêter  l'admirable  buste  qui  orne  le  Ministère  des 
Sciences  et  des  Arts. 

Le  sculpteur  Vinçottc  fait  revivre  dans  le  marbre 
les  mâles  traits  de  ce  créateur  d'emiDire,  qui  fut  le 
professeur  d'énergie  de  toute  une  génération. 

Léopold  II  avait  dit  :  «  Je  vois  dans  votre  œuvre  la 
possibilité  de  civiliser  l'Afrique,  progressivement, 
avec  méthode,  sans  perte  de  temps,  en  iDrenant  comme 
point  de  départ  la  situation  réelle  de  ces  braves 
gens.  »  Cyr.  Van  Overbergh. 


VII. 
INTRODUCTION 

A  LA 

Monographie    des    Kuku 


L'enclave  du  Lado  est  peu  connue.  En  éttidiant  une 
peuï)lade-type  de  ce  pays,  M.  Vanden  Plas  a  rendu  un 
service  signalé. 

Les  renseignements  que  nous  possédions  jusqu'ici 
sur  les  Kuku  étaient  sommaires.  Un  simple  coup  d'œil 
sur  la  Bibliographie  et  les  extraits  en  petit  texte  suffit 
pour  s'en  convaincre. 

Leur  pays  était  assez  difficile  d'accès  du  côté  du 
Nil  et  les  voyageurs  ne  se  souciaient  pas  d'affronter 
un  jeu  perpétuel  de  montagnes  russes  pour  atteindre 
les  bords  du  Kibo  ou  de  la  Niawa.  «  Les  premiers 
jours  notamment  entre  Dufilé  et  Kadjo-Hadji,  à  tra- 
vers les  plaines  des  Kuku,  lisons-nous  dans  la  Mission 
scientifique  du  Bourg  de  Bozas,  il  fallut  à  plusieurs 
reprises  gravir  des  raidillons  âpres  et  caillouteux,  qui 
laissaient  aux  bêtes  à  peine  assez  de  force  pour 
redescendre  en  bronchant  et  trébuchant  vers  de  véri- 
tables fondrières.  » 

Les  Kuku  habitent  une  savane,  d'un  aspect  particu- 
lier, différente  de  celle  du  Centre  africain.  En  règle 
générale,  les  herbes  sont  ténues,  sauf  dans  les  bas- 
fonds.  De-ci  de-là,  quelques  arbustes,  des  tamariniers 


—    102    

et  surtout  des  arbres  à  beurre.  Peu  de  forêts;  la  haute 
futaie  ne  déliasse  pas  6  mètres,  sauf  exception.  Presque 
pas  de  fleurs.  Pour  un  admirateur  de  la  flore  équato- 
riale,  l'aspect  de  la  savane  Kuku  est  un  désenscliante- 
ment. 

Là,  sur  un  espace  d'un  millier  de  kilomètres  et  dans 
une  atmosphère  salubre,  habite,  de  temps  immémorial, 
une  peuplade  apparentée  avec  les  peuplades  voisines  et 
dont  le  groupe  ethnique  paraît  s'étendre  au  loin.  Les 
Kuku  sont  bien  proportionnés,  l'œil  bridé,  de  taille 
élancée,  la  peau  très  noire,  x>lus  noire  que  les  nègres 
du  Congo  belge,  en  général.  Le  caractère  est  rude  et  la 
langue  est  dure.  Pas  de  costume,  quelques  ornements. 
Et  au-dessus  de  moeurs  sim^Dles  adaptées  à  la  nature  de 
ce  territoire,  le  respect  d'une  tradition  séculaire. 

La  vie  est  sédentaire,  malgré  les  soucis  d'un  élevage 
assez  important.  C'est  que  l'agriculture  est,  malgré 
tout,  l'industrie  dominante  :  hommes,  femmes  et 
enfants  s'y  adonnent.  Une  division  du  travail  s'est 
établie  entre  les  sexes  ;  aux  hommes  le  gros  œuvre,  le 
défrichement  et  les  semailles,  la  construction  et  la 
réfection  des  habitations  et  des  greniers  ;  aux  femmes 
la  culture  proprement  dite,  le  sarclage  et  la  prépara- 
tion des  aliments  et  le  soin  du  ménage. 

L'assolement  domine  la  culture.  On  sème  les  haricots. 
Au  bout  de  trois  mois,  on  les  remplace  par  de  l'éleu- 
sine,  dont  la  récolte  coïncide  avec  l'arrivée  de  la  saison 
sèche.  Celle-ci  terminée,  on  sème  le  sorgho;  au  bout  de 
quatre  mois,  c'est  le  tour  des  haricots.  Ainsi  continue 
le  cycle.  Les  arachides,  cependant,  sont  plantées  d'un 
autre  côté  et  le  sésame  leur  succède. 


—  io3  — 

Sur  cette  base  économique  s'élève  la  superstructure 
de  la  société  Kuku. 

A  tous  les  points  de  vue,  elle  se  laisse  comparer  avec 
les  peuplades  des  monographies  iDrécédentes.  Les  res- 
semblances et  les  différences  éclatent  avec  un  relief 
saisissant.  Et  les  raisons  sociologiques  des  unes  et  des 
autres  s'ébauchent  d'elles-mêmes. 

L'auteur  de  cette  intéressante  monographie  est  M.  le 
directeur  Vanden  Plas,  dont  l'esprit  d'observation  n'a 
pas  besoin  d'être  soulig^né  ;  chacune  des  pages  qui 
suivent  en  j)orte  la  marque  distinctive.  Sa  carrière 
africaine  fut  longue  et  belle.  Parti  le  6  septembre  1898, 
en  qualité  de  sous-intendant  de  3^  classe,  il  conquit 
successivement  les  g-rades  de  sous-intendant  de  2®  classe 
(i"''  juillet  1896),  de  sous-intendant  de  i''°  classe 
(i®'"  mars  1897),  d'intendant  (3o  octobre  1899),  de  direc- 
teur de  l'administration  locale  (18  février  1902). 

Son  activité  s'exerça  successivement  dans  le  district 
de  Stanley  Pool,  dans  le  Mayombe,  à  Matadi,  dans  les 
districts  du  lac  Léopold  II  et  du  Kwango,  à  Boma,  dans 
le  district  de  l'Uele,  à  la  zone  de  l'enclave  du  Lado,  à 
celle  du  Haut-Ituri. 

Suivez  cette  carrière  sur  une  carte  et  songez  aux 
fonctions  exercées  :  secrétaire  de  district,  substitut  du 
procureur  d'Etat,  agent  d'administration,  chef  de  zone, 
juge  au  conseil  de  guerre,  juge  au  tribunal  territorial, 
commissaire  de  district,  directeur  intérimaire  de  l'agri- 
culture et  de  l'industrie,  directeur  de  l'intendance, 
chargé  de  diverses  missions  de  contrôle  administra- 
tif, chargé  de  la  direction  du  service  administratif 
(à  Boma),  etc. 


—  io4  — 

Pensez  qu'une  seule  de  ces  missions  de  contrôle 
administratif  le  conduisit  dans  les  principaux  postes 
suivants  :  Ibembo,  Djamba,  Buta,  Likati,  Djabbir, 
Angu,  Bima,  Api,  Bambili,  Amadi,  SurangO;,  Niangara, 
Dung-u,  Faradje,  Aba,  Yei,  Loka,  Bedjaf,  Lado,  Kero, 
Mont-Wati,  Kadjo-Kadji,  Vankerckhoven ville,  Gom- 
bari,  Irumu,  Kilo,  Maliagi,  Mawambi,  Avakubi, 
Nepoko,  Medje,  Bomili,  Panga,  Banalia,  Benga- 
misa,  etc. 

Un  tel  homme  est  bien  placé  pour  rédiger  une  mono- 
graphie, le  jour  où  il  se  décide  à  étudier  une  peuplade 
déterminée. 

Le  travail  de  M.  Vanden  Plas  sur  les  Kuku  est  rédigé 
avec  une  clarté  que  i^ersonne  ne  i^ourra  méconnaître. 
Et  la  clarté  reste  toujours,  quoi  qu'on  dise,  la  première 
des  qualités  du  style  scientifique. 

Cyr.  Van  Overbergh. 


VIII. 
INTRODUCTION 


A  LA 


Monographie    des    Ababua 


J'attire  rattention  du  lecteur  sur  deux  idées  prin- 
cipales : 

D'abord, sur  la  partiede  notre  Bureau  ethnographique, 
due  à  M.  le  professeur  Joseph  Halkin; 

Ensuite,  sur  le  progrès  accompli  dans  la  monogra- 
phie des  Ababua,  deiDuis  la  première  publication  de 
M.  Halkin  en  1906. 


On  sait  que  la  Société  belge  de  Sociologie,  qui  avait 
décidé  en  1904  de  reprendre  en  grand  et  suivant  un 
plan  nouveau,  susceptible  de  s'adapter  aux  exigences 
de  toutes  les  formules  sociologiques,  la  sociologie  des- 
criptive de  H.  Spencer,  chargea  un  de  ses  membres  les 
plus  distingués,  M.  le  professeur  Joseph  Halkin,  de 
rédiger  un  projet  de  questionnaire  ethnograj)hique  jDour 
l'étude  systématique  des  iDcuplades  de  civilisation 
élémentaire. 

Ce  projet  fut  agréé,  après  quelques  amendements.  Et 


—  io6  — 

ce  fut  un  questionnaire  qui  servit  de  fondement  à  l'ini- 
tiative internationale  sortie  du  Congrès  mondial  de 
Mons  en  1905. 

Je  le  pris  moi-même  comme  base  de  l'essai  en  grand 
de  documentation  ethnographique  sur  les  nègres  afri- 
cains; une  des  classifications  adoptées  est  celle  du 
questionnaire,  et  les  lecteurs  fidèles  de  la  Collection  des 
Monographies  ethnographiques  savent  que  ces  publica- 
tions sur  fiches  détachables  se  règlent  toutes  invaria- 
blement sur  l'ordre  du  questionnaire  Halkin. 

Au  cours  des  temps,  un  reproche  fut  adressé  à  ce 
questionnaire  par  plusieurs  de  nos  corresi)ondants 
d'Afrique.  Un  certain  nombre  de  questions  leur  parais- 
saient rédigées  en  termes  trop  brefs  ou  trop  scienti- 
fiques; pour  ceux  qui  ont  une  initiation  ethnographique, 
passe  encore  ;  mais  les  autres  ? 

A  diverses  reprises,  j'engageai  M.  Halkin  à  rédiger 
une  espèce  de  commentaire  du  questionnaire,  sous  la 
forme  qui  lui  i^arCit  la  plus  pratique  et  la  plus 
convenable. 

M.  Halkin  se  livra  à  une  série  d'essais  et  à  des 
expériences,  soit  sur  des  explorateurs  et  des  mission- 
naires en  partance  à  qui  il  donnait  l'initiation  désirable, 
soit  sur  les  élèves  de  son  cours  d'ethnographie  à  l'Uni" 
versité  de  Liège. 

Aujourd'hui  il  publie  le  résultat  de  ce  travail  sous  le 
titre  «  Cours  d'ethnographie  et  géographie  ethnogra- 
phique ». 

J'ai  la  conviction  que  cet  ouvrage,  très  maniable,  et 
édité  d'après  les  besoins  de  l'édition  scolaire  perfec- 
tionnée, chaque  page  de  texte  alternant  avec  un  feuillet 


—    107   — 


de  papier  blanc,  rendra  à  notre  œuvre  ethnographique 
les  services  les  plus  éminents. 

En  tête  des  chapitres  qui  coupent  les  séries  de 
questions,  l'auteur  a  glissé  des  notes  directrices. 

Exemple  :  Les  vêtements. 

.  «  Le  vêtement,  avec  l'habitation  dont  il  sera  i^arlé 
ensuite,  est  le  caractère  ethnographique  le  plus  impor- 
tant qu'il  faille  étudier  relativement  à  la  vie  matérielle. 

»  Il  est  d'abord  à  constater  que  certains  pénibles  ne 
portent  pas  de  vêtements  et  qu'il  est  i:)robable  que 
beaucoup)  d'autres  n'en  portaient  i)as  autrefois.  En 
outre,  chaque  peuple,  x^our  ainsi  dire,  a  une  espèce 
d'habillement  qui  lui  est  particulier  et  qui  souvent 
permet  de  le  reconnaître. 

»  Si  l'on  peut  admettre  qu'à  l'origine  l'humanité  ne 
connaissait  pas  le  vêtement,  il  faut  rechercher  les 
causes  qui  ont  poussé  l'homme  à  se  vêtir.  Pour  tous  les 
pays  où  le  climat  trop  froid  oblige  l'homme  à  se  couvrir 
le  cori)s  pour  résister  aux  intemi3éries,  l'origine  du 
vêtemeilt  a  sa  cause  dans  la  rigueur  du  climat.  Cette 
cause  n'a  joué  aucun  rôle  dans  les  régions  intertro- 
picales, si  ce  n'est  i)our  se  iDréserver  de  la  pluie  ;  les 
Malais  fabriquent  à  Taide  de  feuilles  de  palmier  des 
manteaux  ou  des  nattes  qu'ils  placent  sur  leur  dos  i)our 
travailler  dans  les  rizières  en  temps  de  iDluie  abondante. 
On  pourrait  supposer  que  le  premier  couple  humain  eut 
le  sentiment  de  sa  nudité  et  que,  par  pudeur,  il  se 
couvrit  le  corps  ;  dans  cette  hypothèse,  si  nous  ren- 
controns encore  aujourd'hui  des  peuples  allant  nus, 
c'est  que  leurs  ancêtres  ont   abandonné  une    coutume 


—  io8  — 

dont  ils  ne  voyaient  pas  la  nécessité.  Cette  hypothèse 
qui  attribue  la  cause  du  vêtement  au  sentiment  de  la 
pudeur  ne  semble  pas  admissible;  s'il  en  était  ainsi,  ce 
serait  les  parties  génitales  qui  partout  devraient  être 
cachées.  Or,  l'on  constate  que,  suivant  les  peuples,  c'est 
tantôt  le  visage,  tantôt  le  pied,  tantôt  le  haut  de  la 
tête,  ici  le  ventre,  là  la  i^oitrine  qui  sont  les  parties  du 
corps  qu'il  est  considéré  comme  imj)udique  de  laisser 
voir  ;  et  ailleurs  le  vêtement,  au  lieu  de  cacher  ce  qui 
ne  devrait  pas  être  montré,  a  pour  effet  d'attirer 
l'attention  sur  ces  parties  du  corps.  Il  ne  faut  pas 
confondre  deux  sentiments  :  le  sens  moral,  qui  est  inné 
chez  l'homme,  et  le  sentiment  de  la  décence,  qui  est  le 
produit  des  conditions  sociales  et  qui,  en  tant  que 
s'appliquant  au  corps  humain,  est  devenu  le  sentiment 
de  la  pudeur.  Bien  des  peuples  s'en  vont  tout  nus  et 
cependant  chez  eux  le  sens  moral  existe  à  un  degré  très 
élevé  ;  et  l'on  ne  peut  pas  déduire  de  l'absence  du 
vêtement  chez  un  peuple  la  conclusion  que  ce  peuple 
n'est  pas  moral.  On  peut  dire  que  c'est  le  vêtement  qui 
a  fait  naître  le  sentiment  de  la  pudeur,  lequel  n'admet 
point  que  les  parties  du  corps  ordinairement  cachées 
soient  mises  à  nu.  La  couleur  de  la  peau  a  une  certaine 
importance.  Le  climat  est  une  cause  de  vêtement  ;  le 
désir  de  plaire,  de  se  faire  remarquer,  de  montrer  sa 
richesse,  sa  fortune  est  une  deuxième  cause,  et  alors  le 
premier  vêtement  est  la  parure,  qu'elle  soit  à  même  le 
corps  ou  attachée  au  corps.  Il  semble  que  c'est  l'homme 
qui  le  premier  rechercha  la  parure  pour  paraître  plus 
fort,  plus  puissant,  exemple  que  suivit  la  femme  comme 
moyen  d'attraction. 


—  109  — 

«  La  troisième  cause,  la  plus  importante  peut-être, 
est  d'ordre  religieux  ;  les  primitifs  croyant  à  la  pro- 
tection que  i^euvent  leur  apporter  certains  objets, 
aux(][uels  ils  attribuent  une  puissance  magique,  por- 
tèrent ces  objets  ostensiblement  ;  ce  sont  des  amulettes, 
des  gris-gris,  des  fétiches,  qui  s'attachèrent  soit  à  une 
liane  serrant  les  hanches  (de  là,  la  ceinture)  qui  devint 
un  petit  tablier,  puis  une  jupe),  soit  à  la  lanière 
enroulée  autour  du  cou  (de  là,  le  manteau),  soit  une 
corde  liée  autour  des  bras  ou  du  poignet,  soit  encore  à 
un  lien  entourant  la  tête  (de  là,  la  couronne).  A  ces 
objets  religieux  ou  magiques  vinrent  s'ajouter  des 
parures,  des  coquillages,  des  bijoux,  puis,  surtout  à  la 
liane  serrant  les  hanches,  des  morceaux  d'écorces,  des 
branches  feuillues,  des  peaux  d'animaux,  etc.   » 

Assurément,  M.  Halkin  n'entend  pas  imposer  sa 
manière  de  voir  au  lecteur  de  son  Commentaire.  Ce 
sont  des  hypothèses  qu'il  émet  et  qui  sont  destinées  à 
frapper  l'attention  et  à  marquer  la  portée  des  recherches. 

L'explorateur  qui  a  lu  ces  indications  se  rend 
compte  de  l'importance  des  questions  qui  vont  suivre  et 
auxquelles  il  est  invité  à  répondre. 

Les  questions  elles-mêmes  reçoivent  un  commen- 
taire sobre,  mais  suffisant.  Afin  de  fixer  les  idées, 
prenons  le  n°  82. 

Parures  à  même  le  corps,  tatouage  : 

«  Le  tatouage  est  un  coloriage  indélébile  ;  il  se  fait 
de  deux  manières  :  par  piqûres  et  par  incision  ou  par 
cicatrices.  Le  tatouage  par  piqûres  est  employé  par  les 
peuples  à  peau  claire  et   consiste   en    des   séries   de 


—    IIO    

piqûres  faites  dans  la  peau  au  moyen  d'une  aiguille  qui 
introduit  une  matière  colorante,  de  la  poudre  noire  en 
général.  Les  Japonais  font  aussi  de  merveilleux 
dessins  coloriés  dans  la  peau  humaine.  Les  i^euples  à 
peau  noire  ou  foncée  se  tatouent  par  incisions  ou  cica- 
trices, en  faisant  des  incisions  atteignant  la  couche  non 
pigmentée  de  la  peau  et  qui,  en  se  cicatrisant,  laissent 
des  traces  plus  claires  ;  quelquefois  les  cicatrices  sont 
à  nouveau  ouvertes  et  de  la  terre  est  introduite  dans  la 
plaie,  de  telle  sorte  qu'en  se  refermant  elle  produit  des 
chéloïdes  saillantes.  Le  tatouage,  comme  le  coloriage, 
peut  être  différent  suivant  le  sexe,  l'âge,  la  position 
sociale,  le  groupe  ethnique  ou  la  tribu  ;  les  indigènes 
du  Congo  reconnaissent  la  nationalité  des  leurs  par  le 
tatouages.  Le  tatouage  est  une  déformation  ethnique  ; 
voir  n"  194  {ces  déformations  semblent  bien  de  nature 
originellement  religieuse).  » 

Et  ainsi  l'initiation  se  poursuit, chapitre  par  chapitre, 
question  -par  question. 

Il  ne  me  paraît  x)as  i^ossible  que  l'homme  cultivé,  qui 
a  résidé  un  temps  suffisant  au  sein  d'une  peuplade  élé- 
mentaire, qui  est  doué  de  l'esprit  d'observation  et  qui 
sait  noter  ses  pensées  —  ne  se  décide  pas,  après  la  lec- 
ture du  Comment aire-Halkin,  —  à  s'essayer  de  réj)ondre 
au  questionnaire  ethnographique  et  à  contribuer  pour 
sa  part  au  monument  de  science  et  de  civilisation  que 
nous  édifions  et  dont  le  Congrès  mondial  de  Mons  a 
établi  les  bases. 

M.  Halkin  vient  d'ajouter  à  l'œuvre  commune  une 
contribution  de  haute  et  indiscutable  valeur. 

J'ai    d'autant  i^lus  de  plaisir   à  le   proclamer  que, 


—  Itl 


décidé  à  poursuivre  la  réalisation  du  vœu  de  Mons,  je 
vois  dans  l'ouvrage  nouveau  un  moyen  des  plus  pra- 
tique pour  multiplier  les  enquêtes  écrites  sur  i)lace. 
Combien  de  fois  ne  me  suis-je  pas  heurté  au  décourage- 
ment de  mes  correspondants,  fixés  au  cœur  de  l'Afrique, 
arrêtés  i^ar  des  expressions  du  questionnaire  qu'ils  ne 
comprenaient  pas!  Ils  nous  écrivaient  x)our  obtenir  les 
éclaircissements  nécessaires  et,  quelle  que  fût  notre 
diligence  à  leur  rér)ondre,  ils  devaient  attendre  nos 
lettres  pendant  des  mois,  amplement  de  quoi  décourager 
les  volontés  les  mieux  trempées  sous  ce  soleil  de  l'Equa- 
teur, qui  anémie.  Voici  un  remède  indiqué. 

Mais  ce  commentaire  n'est  pas  le  seul  service  rendu 
par  M.  Halkin  à  la  réalisation  du  célèbre  vœu  du  Con- 
grès mondial  de  Mons. 

Le  Mouvement  sociologique  international,  organe  de 
la  Société  belge  de  Sociologie,  poursuit  régulièrement 
la  publication  de  la  revue  des  livres  et  des  revues  de 
sociologie  ethnographique  qui  paraissent  dans  le 
monde. 

Le  Congrès  de  Mons,  on  voudra  bien  s'en  souvenir, 
avait  émis  le  vœu  que  le  Bureau  international  d'ethno- 
graphie publiât,  i^ériodiquement,  chaque  année,  un 
relevé  complet  et  critique  des  livres  et  des  brochures, 
des  articles  de  revues  surtout,  d'ordre  ethnographique, 
qui  iDaraissaient  dans  n'importe  quel  pays. 

M.  Halkin  a  pris  sur  lui  de  faire  l'essai  en  grand  de 
cette  xiublication,  comme  j'avais  pris  sur  moi  de  faire 
l'essai  en  grand  de  la  collection  documentaire  et  de  la 
collection  des  monogTai)liies  ethnographiques. 

Afin  de  réaliser  l'unité  et  dans  le  but  de  rendre  tous 


—    112   — 

les  résultats  de  nos  efforts  comparables  au  suprême 
degré,  M.  Halkin  a  classé  ses  relevés  bibliographiques 
suivant  le  plan  du  questionnaire  de  la  Société  belge  de 
Sociologie  —  qui  est  le  i)lan  de  ma  documentation  et 
des  monographies  publiées. 

Ainsi  se  réalisent,  i^ar  des  essais  qui  sont  des  démons- 
trations, les  vœux  du  Congrès  mondial,  vœux  qui  en 
1905  parurent  chimériques  à  beaucoup  de  spécialistes 
dépourvus  de  foi  dans  le  succès  des  grandes  initiatives 
collectives. 

Voici  comment  M.  Halkin  a  compris  son  œuvre,  qui 
est  un  «  moyen  d'information  complet,  critique,  métho- 
dique et  rapide  » . 

Complet,  car  il  signale  tous  les  articles  de  revues  et 
tous  les  ouvrages  qui,  dans  le  domaine  ethnographique, 
présentent  quelque  intérêt  pour  le  sociologue  : 

Critique, car  il  a  soin  de  noter  tous  les  comptes  rendus 
dont  le  travail  a  été  l'objet  dans  les  revues  i)ériodiques  ; 
au  surplus,  il  donne  en  quelques  lignes  des  indications 
concises  sur  le  contenu  des  travaux.  Certains  ouvrages 
qui,  par  leur  imi:)ortance  au  point  de  vue  sociologique, 
méritent  une  analyse  critique  plus  détaillée,  sont  l'ob- 
jet d'un  compte  rendu  spécial  ; 

Rapide,  car  la  revue,  ainsi  mise  à  jour,  est  publiée 
chaque  année  ; 

Méthodique,  car  toutes  les  publications  sont  classées 
de  deux  manières  différentes.  —  Dans  la  première  par- 
tie sont  gToui)ées  les  publications  qui  s'occupent  d'une 
coutume  ou  d'un  fait  ethnographique,  d'un  point  spécial 
d'anthroi)ologie  ou  de  géographie  humaine;  elles  sont 
classées  sous  des  numéros  qui  correspondent  à  ceux  du 


—  ii3  — 

questionnaire  et  des  monographies  ethnographiques .  — 
Dans  la  seconde  partie  sont  gToupées  toutes  les  i)ubli- 
cations  qui  s'occupent  de  groupes  ethniques  ou  de 
variétés  humaines  déterminées  ;  elles  sont  classées  par 
continent  et  dans  chaque  continent  par  grands  groupes 
ethniques  d'après  l'ordre  suivant  :  Europe  :  latins,  ger- 
mains, slaves,  helléno-illyriens,  celtes,  lithuaniens, 
finno-ougriens,  caucasiens,  basques;  Afrique  :  arabo- 
berbers,  nigritiens,  foulbés,  éthiopiens,  asandés,  pyg- 
miées,  bantous,  bochimans,  madagascar;  Asie:  asia- 
tiques septentrionaux,  centraux,  chinois,  coréens,  Japo- 
nais, indo-chinois,  indous,  iraniens,  asiatiques  occiden- 
taux; Océanie  :  malais  et  indonésiens,  papous,  polyné- 
siens, micronésiens,  mélanésiens,  australiens;  Amé- 
rique :  esquimaux,  peaux-rouges,  indiens  du  Mexique, 
centraméricains,  mayas,  isthmiens,  andins,  amazo- 
niens, indiens  orientaux,  pampéens,  fuégiens.  Chacun 
de  ces  groupes  est  du  reste  susceptible  de  divisions.  — 
Enfin  les  ouvrages  généraux,  qui  n'ont  pu  être  classés, 
sont  portés  dans  une  troisième  partie. 

On  voit  comment  ce  travail  de  M.  Halkin  est  large- 
ment compris  et  comment  il  s'adapte  parfaitement  à  la 
réalisation  du  vœu  du  Congrès  mondial  de  Mons.  Il 
embrasse  les  publications  ethnograi)hiques  au  sens 
large,  qui  se  rapportent  à  tous  les  peuples  de  la  terre. 

Par  ces  perspectives  mondiales,  il  dévoile  la  portée 
de  l'œuvre  mondiale  du  Bureau  international  d'ethno- 
graphie, dont, pour  ma  part,  j'ai  prouvé  la  possibilité  de 

réalisation  en  ce  qui  concerne  l'Afrique  nègre. 

* 
*    • 

Mais  revenons  à  la  question  spéciale  de  cette  mono- 
graphie. 8 


-  ii4- 

11  y  a  quatre  ans,  au  début  des  réalisations  de  sociolo- 
gie descriptive,  la  Société  belge  de  Sociologie  publia  un 
premier  essai  de  monographie,  dû  au  professeur  Halkin 
et  relatif  aux  Ababua. 

Il  fut  approuvé  par  les  uns  qui  voyaient  poindre  avec 
joie  la  méthode  nouvelle  de  publication  par  question  et 
par  fiche  détachable,  il  fut  critiqué  par  les  autres  qui 
jugeaient  avec  pitié  la  modestie  de  ce  i^remier  effort 
documentaire.  La  Société  reconnut  qu'elle  avait  eu  tort 
de  prendre,  pour  échantillon,  une  peuplade  sur  laquelle 
on  possédait  en  somme,  peu  de  renseignements;  mais 
elle  ne  fut  pas  ébranlée  dans  sa  foi  en  la  méthode  nou- 
velle, qui  fut  depuis  reprise  par  son  président  en  vue  de 
la  publication  de  la  Collection  de  monographies  ethno- 
graphiques. 

Afin  de  juger  du  progrès  accompli  depuis  cinq  ans, 
qu'on  veuille  bien  comparer  l'actuelle  monographie  des 
Ababua  à  la  première  (i). 

La  Bibliographie  dépouillée,  seule,  comporte  dix 
pages  de  titres,  tandis  que  l'autre  ne  remplissait  pas 
une  demi-feuille.  L'iconographie  emplit  onze  pages;  rien 
n'était  renseigné  dans  la  première.  Et  ainsi  du  reste. 
Le  total  des  pages  monte  cette  fois  à  plus  de  600 
contre  170  à  peine. 

Et  que  de  lacunes  comblées  !  Exemple  :  En  1907, 
M.  Torday,  dans  le  compte  rendu  élogieux  qu'il  publiait 
de  l'essai  de  M.  Halkin,  regrettait  de  ne  pas  avoir 
renseigné  un  vocabulaire  même  rudimentaire  de  l' Aba- 
bua.   Cette   fois,   deux  vocabulaires   l'un    complétant 


il)  On  peut  obtenir  cette  première  Monographie  pour  i  franc  chez  les 
éditeurs  de  la  Collection  des  Monographies  ethnographiques. 


—  ii5  — 

l'autre  peuvent  lui  être  i^résentés;  celui  de  M.  l'ingé- 
nieur de  Calonne-Beaufaict  et  celui  d'un  nègre  lui- 
même,  l'Ababua  Tisambi. 

Soulignons  de  suite  la  collaboration  de  ce  nègre  (i). 
C'est  le  X3remier  essai  de  ce  genre  que  novis  avons  tenté, 
au  cours  de  notre  enquête.  Et  M.  Ilalkin,  qui  l'a  com- 
biné, nous  parait  avoir  pleinement  réussi.  De  ce  côté 
encore,  il  a  ouvert  une  voie  féconde. 

Et  voyez  comme  cet  indigène  met  de  la  précision  dans 
l'état  et  la  mentalité  ses  concitoyens.  M.  Tilkin,  ancien 
chef  de  poste  de  Libokwa,  sur  la  Bima,  et  qui  faisait 
partie  de  ces  premiers  explorateurs  qui,  campés  dans  le 
pays,  ne  parvenaient  pas  à  se  rendre  comxite  de  ce  qui 
se  passait  dans  l'intérieur  des  têtes  —  avait  répondu  au 
«  questionnaire  ethnographique  et  sociologique  i^ublié 
en  1898  par  l'Etat  Indépendant  du  Congo  »  :  «  Li'Ababua 
n'a  pas  d'idées  religieuses  ;  il  ne  croît  pas  à  des  génies 
mais  au  mauvais  esprit  :  Likundu  » .  «  Il  ne  croît  pas  à 
un  Dieu  unique,  ni  à  plusieurs  dieux  ».  «-  Les  idoles 
sont  des  emblèmes  ».  «  Il  n'y  a  pas  de  sorciers..,  mais 
des  féticheurs.  » 

Et  voici  que,  sûr  de  lui,  Tisambi  déclare  :  «  Le  mau- 
vais esprit  s'appelle  iî/emôa  chez  les  Ababua.  Celui  qui  le 
possède  peut  entrer  dans  une  hutte  même  si  la  porte  est 
fermée,  rendre  quelqu'un  malade  ou  le  faire  mourir,  enle- 
ver quelqu'un  dans  les  airs.  L'Ababua  croît  à  un  Dieu 
unique:  Kounzi.  Les  Ababua  ne  possèdent  pas  d'idoles. 


(i)  Tisambi  (Louis),  né  à  Balisi,  village  dépendant  du  chef  Tcliikenané, 
âgé  de  22  à  28  ans;  a  quitté  le  pays  des  Ababua  vers  l'âge  de  i5  à  iCi  ans; 
était  de  passage  à  Liège  comme  domestique  d'un  magistrat  de  l'État  Indé- 
pendant du  Congo. 


—  ii6  — 

Si  la  pluie  tarde  à  tomber,  le  féticheur  fabrique  un  sifflet 
dans  lequel  il  siffle,  et  alors  la  pluie  tombe.  Il  agit  de 
même  s'il  désire  que  la  pluie  cesse  et  pour  chasser  les 
maladies  ». 

Ainsi,  pour  qui  est  familiarisé  avec  les  systèmes 
idiologiques  d'Afrique,  les  quelques  déclarations  de 
Tisambi  jettent  des  éclairs  brillants  sur  la  mentalité 
religieuse  des  Ababua.  Entourez  cette  essence  des 
commentaires  de  M.  de  Calonne-Beaufaict,  et  des  obser- 
vations sobres  mais  substantielles  de  MM.  Périn  et  de 
Renette,  et  vous  aurez  acquis  des  idées  nettes,  dans 
une  des  matières  cependant  les  plus  difficiles  à  déter- 
miner avec  précision. 

Les  explorateurs  qui  ont  collaboré  à  l'enquête  orale 
ou  écrite,  qui  a  permis  d'édifier  cette  septième  mono- 
grapliie,  ont  droit  à  toute  notre  gratitude. 

Les  admirables  travaux  de  M.  l'ingénier  de  Calonne- 
Beaufaict,  que  publia  d'abord  le  Mouvement  Sociolo- 
gique international,  ont  trop  attiré  l'attention  sympa- 
thique du  monde  savant,  pour  avoir  besoin  d'un 
commentaire  nouveau.  Cet  explorateur  est  passé  au 
rang  d'un  ethnographe  de  premier  ordre.Je  me  réjouis, 
pour  la  science,  qu'il  s'occupe  de  nouvelles  recherches 
scientifiques  en  Afrique. 

M.  le  baron  de  Renette  de  Villers-Perwin  est  le  même 
qui  assura  de  sa  distinguée  collaboration  la  mono- 
graphie quatrième,  consacrée  aux  Mangbetu.  Il  exerça, 
comme  on  sait,  le  commandement  supérieur  des  terri- 
toires de  rUelé  et  du  Lado,  jusqu'en  1907.  Son  premier 


—  117  — 

départ  pour  l'Afrique  date  de  1898  ;  il  fit  partie  de 
l'expédition  du  Nil;  il  commanda  la  zone  des  Makrakra. 
Comme  commissaire  du  district  de  l'Uelé,  pendant 
plusieurs  années,  il  rayonna  dans  et  autour  du  pays 
des  Ababua,  qu'il  a  su  observer  avec  une  finesse  et 
une  i)récision  égales  à  celles  dont  ses  notes  sur  les 
Mangbetu  portent  la  marque. 

■  M.  le  lieutenant  Jean  Périn  fut  au  service  de  l'Etat 
indépendant  du  Congo  entre  1898  et  1902.  Il  travailla 
dans  les  zones  du  Bas-Uelé  et  fut  longtemps  en  contact 
avec  les  Ababua,  dont  il  décrit  les  mœurs  avec  précision, 
sobriété  et  clarté. 

Quant  à  mon  collaborateur  M.  Viaene,  il  fut  pour 
M.  Halkin  d'un  dévoûment  éclairé  et  d'une  utilité  de 
premier  ordre.  Je  l'avais  autorisé  à  iDuiser  dans  mes 
collections  documentaires  tout  ce  qui  pouvait  contri- 
buer à  l'achèvement  de  la  monograiDliie  des  Ababua. 
Il  accomplit  sa  part  de  labeur  avec  zèle  et  intelligence. 

A  tous  ces  collaborateurs  de  la  nouvelle  monographie 
des  Ababua,  j'adresse  des  félicitations  et  des  remer- 
cîments,  que  confirmeront  nos  lecteurs,  sans  aucun 
doute. 

Cyr.  Vax  Overbergh. 

i^  Janvier  igii. 


IX. 
INTRODUCTION 


A   LA 


Monographie    des     Mandja 


->4*- 


Lorsqiie  le  jury  du  groupe  des  Sciences  visita,  en 
juillet  dernier,  le  salon  de  la  Collection  des  ^Monogra.- 
phies  ethnographiques  qui  fut  organisée  à  l'Exi^osition 
Universelle  de  Bruxelles  (i),  un  des  membres  étrangers 
posa  la  question  suivante  : 

<  Pourquoi,  parmi  les  monographies  publiées  à  ce 
Jour,  ne  trouve-ton  aucune  étude  sur  les  peuplades 
africaines  qui  ont  leur  habitat  en  dehors  du  Congo 
belge  ?  La  force  comx)arative  de  votre  immense  entre- 
prise serait  bien  plus  féconde  et  démonstrative  si  vos 
sondages  ethnographiques  étaient  faits  sur  une  aire 
plus  étendue  que  celle  des  possessions  belges.  Chacune 
des  nations  qui  participent  à  la  colonisation  de 
l'Afrique  nègre  y  trouverait,  du  reste,  son  intérêt  et  la 
science  universelle  vous  devrait  une  bien  plus  grande 
reconnaissance.  » 

Il  fut  répondu  : 


(i)  Pour  la  description  de  cette  Exposition  ethnographique,  voir  Intro- 
duction des  Kuku,  monographie  sixième,  de  la  Collection.  y.riilj 


—    120   — 


«  Les  premières  monograpliies  publiées  s'occupent 
des  peuplades  du  Congo  belge,  parce  que  le  Eoi  Léo- 
pold  II,  qui  s'intéressait  à  l'œuvre  naissante,  avait 
demandé  à  l'auteur  de  commencer  par  l'État  Indépen- 
dant du  Congo.  —  «  Je  désire  vivement,  ajoutait  Léo- 
»  iDold  II,  appliquer  sans  tarder  à  mon  Royaume  afri- 
»  cain,  les  conclusions  qui  se  dégageront  de  votre  tra- 
»  vail  ethnographique.  Je  transmettrai  ces  monogra- 
»  phies  à  mes  fonctionnaires  et  magistrats,  aux  niis- 
»  sionnaires  et  aux  exi^lorateurs,  à  tous  ceux  que  leurs 
»  fonctions  mettent  en  contact  direct  ou  indirect  avec 
»  les  indigènes.  Je  les  engagerai  tous  à  vous  envoyer 
»  des  renseignements  nouveaux  ou  rectificatifs.  Ainsi 
»  nous  pouvons  espérer  connaître  rapidement  et  à  fond 
»  ces  hommes  dont  nous  avons  charge  d'âme;  nous 
»  pourrons  les  élever  graduellement  et  méthodique- 
»  ment  â  une  civilisation  supérieure,  sans  heurts 
»  brusques  et  rationnellement.  Ceux  qui  demain 
»  reprendront  l'œuvre  civilisatrice  des  mains  de  mes 
»  collaborateurs  d'aujourd'hui,  seront  un  jour  à  môme 
»  de  continuer  le  sillon  jDresque  sans  interruption. 
»  Comme  dit  M.  Solvay,  le  productivisme  de  nos  fonc- 
»  tionnaires  d'Afrique  atteindra  ainsi  peu  à  peu  le  degré 
»  maximal...  Travaillez  vite,  concluait  le  Roi;  il  me 
»  tarde  d'aboutir.  Je  voudrais  que  la  Belgique  prit  sur 
»  le  terrain  ethnographique  africain  une  place  d'hon- 
»  neur.  » 

»  A  des  encouragements  semblables,  il  était  difficile 
de  résister.  Et  voilà  pourquoi  les  sept  premières  mono- 
graphies sont  consacrées  à  des  peuplades  de  ce  qui  était 
alors  le  Congo  belge. 


—    121    — 

5>  Cependant  bien  d'autres  monograiihies  complète- 
ment achevées  sont  sous  presse  ou  en  manuscrit,  à  la 
disposition  du  jury.  En  voici  dix-sept  dont  plusieurs 
traitent  des  tribus  occupant  des  territoires  en  dehors 
des  possessions  belges.  Ainsi,  dans  un  temx^s  relative- 
ment court,  le  vœu  si  judicieux  du  membre  du  jury  qui 
a  bien  voulu  interroger,  sera  complètement  réalisé.  Le 
champ  d'observation  des  lecteurs  de  monographies  sera 
considérablement  élargi.  Des  sondages  ont  été  faits 
aussi  bien  dans  les  possessions  anglaises  et  portugaises 
que  dans  l'Afrique  française^  allemande  et  italienne.   » 

»  Mais  pour  ai3X3récier  l'œuvre  dans  son  ensemble  il 
ne  faut  pas  se  borner  à  la  considération  de  la  Collection 
des  Monographies.  Ce  serait  prendre  les  échantillons 
pour  l'ensemble  des  marchandises  accumulées  dans  le 
magasin. 

»  En  effet,  notre  Œuvre  a  dépouillé  à  ce  jour  près 
des  trois  quarts  de  la  bibliographie  existant  en  toute 
langue  —  livres,  brochures,  j)ériodiques,  journaux,  cata- 
logues, etc.  —  sur  les  nègres  d'Afrique. 

»  Toute  cette  documentation,  comprenant  aujour- 
d'hui plus  de  trois  cent  mille  pièces,  est  classée  de 
diverses  manières,  dont  l'une  est  conforme  à  celle  de  la 
Collections  des  Monographies,  De  sorte  que  les  rensei- 
gnements groupés  sous  chacun  des  202  numéros  du 
questionnaire  sont  en  tout  temps  comiDarables,  n'im- 
porte à  quelle  tribu  ils  sont  relatifs.  La  comparaison 
horizontale  est  à  tout  moment  possible,  tout  comme  la 
comparaison  verticale.  N'oublions  pas  du  reste,  que 
cette  bibliographie  n'est  qu'un  des  éléments  de  l'œuvre, 
la  partie  morte,  si  l'on  j)eut  dire.  A  côté  d'elle  se  classe 


—    122 


le  résultat  inédit  des  enquêtes  orales  ou  écrites,  pour- 
suivies à  travers  rAfri(iue  et  en  Europe,  auprès  des 
explorateurs  et  des  missionnaires  les  plus  compétents. 
C'est  ce  qu'on  pourrait  appeler  «  la  partie  vivante  » . 

»  L'œuvre  n'a  pas  encore  pu  envoyer  des  missions 
spéciales  de  savants  en  Afrique,  mais  elle  se  tient  en 
rapport  avec  plusieurs  d'entre  elles  ;  elle  recueille  les 
résultats  de  toutes  et  prend  contact  avec  celles  qui 
s'organisent,  qu'elles  relèvent  des  Musées  ou  des  Gou- 
vernements. 

»  Ainsi  la  Collection  des  Monographies  n'est,  en 
somme,  que  l'élément  de  publicité  d'une  œuvre  ethno- 
graphique immense,  dont  les  sondages  s'étendent  à 
toute  l'Afrique  nègre. 

»  C'est  pour  elle  qu'une  distinction  est  sollicitée 
auprès  du  jury  des  sciences  de  l'Exposition  Universelle 
de  Bruxelles  (i).  » 


La  monographie  des  Mandja  du  Congo  français,  que 
nous  publions  aujourd'hui,  a  obtenu  un  tour  de  faveur 
par  la  triple  raison  —  que  l'explorateur  français, 
M.  Gaud,  a  achevé  son  enquête  avec  une  maîtrise  qui 
sera  remarquée  —  que  le  gouvernement  français  a 
honoré  notre  œuvre  d'encouragements  qui  méritaient 
une  reconna-issance  immédiate  —  et  enfin,  qu'il  n'est 
peut-être  pas  d'autre  monographie  qui  soit  jusqu'à  pré- 
sent d'un  enseignement  plus  concluant  en  certaine 
matière  civilisatrice. 


(0  Ajoutons  que  l'œuvre  ethnograpliitiue,  exposée <à  Bruxelles,  a  obtenu 
la  plus  haute  distinction,  le  Grand  P/v'.v.j  dans  la  Classe  des  Sciences, 
Groupe  1. 


—    123   — 

Après  une  carrière  africaine  déjà  remi:>lie,  M.  Gaud(i) 
a  séjourné  au  Fort  Crampel,  où  aboutissait  et  d'où  sor- 
tait presque  tout  le  gouvernement  de  la  région  des 
Mandja,  étudiés  dans  ce  volume.  Son  passé  universi- 
taire l'avait  préparé  aux  méthodes  scientifiques  (2). 
Plus  d'un  passage  imi)ortant  de  cette  étude  trahit  le 
spécialiste;  nombre  d'observations  frappent  par  leur 
originalité  et  ouvrent  des  perspectives  nouvelles  sur 
l'ethnographie  africaine.  Et  il  n'est  pas  jusqu'à  son 
style  net  et  irréels  qui  ne  témoigne  de  la  haute  culture 


(i)  Notice  sur  rer-nand  Gaud,  étudiant  en  sciences,  médecine  et  pharmacie 
à  l'Université  d'Aix  (Marseille).  Pi'éparateur  de  chimie  à  l'Université, 
1890-1894;  professeur  adjoint,  iSyS-iSgS;  officier  de  réserve,  rappelé  à 
l'activité  et  nommé  inspecteur  de  la  Garde  indigène  du  Congo,  1899- 
1901  ;  nommé  aux  fonctions  d'administrateur  de  la  région  de  Bangi, 
puis  au  commandement  des  4*^  et  5"  compagnies  de  Garde  indigène  ; 
procureur  de  la  République  intérimaire  près  le  tribunal  de  Brazza- 
ville; passé  dans  le  cadre  des  affaires  indigènes,  en  1902,  et  chargé  des 
fonctions  de  commandant  du  poste  de  Fort  Crampel,  de  janvier  igoSà 
novembre  1904. —  Titulaire  de  laMédaille  Coloniale,  avec  agrafe  Tchad 
et  bénéficiaire  de  deux  campagnes  de  guerre,  1903-1904. 

(2)  Travaux  et  Publications  antérieures  du  jiême  auteur. 

Sur  un  nouveau  mode  de  dosage  pondéral  du  glucose,  Compte  rendu  de 

l'ACADÉMIE  DES  SCIENCES,  t.  CXIX,  478. 

Sur  un  cas  particulier  de  l'attaque  du  glucose  par  les  alcalis,  Ibid., 
t.  CXIX,  G04. 

Sur  les  dosages  de  glucose  par  liqueurs  cupro-alcalines,  Ibid.,  t.  CXIX. 

Recherches  sur  l'oxydation  des  alcools  par  la  liqueur  de  Fehling,  IBID., 
t.  CXIX,  8(5a. 

Sur  le  passage  de  l'acide  propionique  à  l'acide  lactique,  IBID.,  t.  CXIX,  goS. 

Spectrophotométrie  des  différentes  sources  lumineuses,  Ibid.,  t.  CXXIX, 
759. 

Sur  l'incandescence  par  l'acétylène,  BULI^ETIN  OFFICIEL  DE  LA  SOCIÉTÉ 
TECHNIQUE  DE  L' ACÉTYLÈNE,  1898,  Io3. 

Calcul  des  canalisations  avec  abaque,  Ibid.,  1898,  i>S3. 

Lampes  à  récupération  à  l'acétylène,  Ibid.,  1899,  107. 

Sur  les  appareils  delà  première  catégorie,  Ibid.,  1899,  108. 

L'Acétylène  source  de  chaleur,  C'omj)te  rendu  du  Congrès  de  Buda-Pest, 
1899,  428. 

Sur  le  débit  des  brûlures  à  acétylène,  Ibld.,  1900,  5i. 

Organisation  politique  des  Mandja,  dans  la  REVUE  DES  ÉTUDES  ETHNOGRA- 
PHIQUES ET  SOCIOLOGIQUES,  juillet  I908. 


—  124  — 

intellectuelle  du  principal  auteur  de  ce  livre.  Assuré- 
ment les  Mandja  étudiés  ne  sont  qu'une  partie  des 
Mandja  qui  habitent  les  possessions  françaises  de 
l'Afrique  occidentale.  Mais  ce  sont  ceux  qui  intéressent 
le  plus  la  France,  la  science  et  la  civilisation  : 

La  France,  iDarce  que  ces  Mandja  habitent  la  princi- 
j)ale  route  de  ravitaillement  du  cœur  des  possessions 
françaises  du  Tchad  et  du  Chari. 

La  science,  parce  qu'il  n'est  peut-être  pas  de  peu- 
plade, dans  cette  imrtie  de  l'Afrique,  qui  n'ait  été 
visitée  par  un  i[)lus,  grand  nombre  d'exi)lorateurs, 
s'échelonnant  du  reste  depuis  vingt  ans. 

La  civilisation,  parce  que  fixés  sur  le  grand  chemin 
du  portage,  il  n'est  vraisemblablement  pas  d'indigènes 
dont  l'expérience  démontre  mieux  le  caractère  du  fléau 
qu'apporte,  au  début,  Toccupation  euroi3éenne,  déga- 
geant ainsi  par  opposition,  une  des  leçons  civilisatrices 
les  plus  hautes. 


Le  deuxième  motif  qui  mérite  à  la  ]3ublication  de  la 
monographie  des  Mandja  un  tour  de  faveur,  c'est  l'in- 
térêt que  le  Gouvernement  français  voulut  bien  mon- 
trer dans  le  cours  de  l'année  dernière  à  la  Collection 
des  Monographies  ethnographiques. 

On  s'en  souvient,  l'entreprise  trouva  un  appui  très 
encourageant  auprès  de  l'Listitut  de  France.  Successi- 
vement, l'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques, 
l'Académie  des  Inscriptions  et  des  Belles-lettres  et 
l'Académie  des  Sciences  donnèrent  leur  adhésion  au 
principe  de  l'immense  œuvre  de  cooi)ération  internatio- 


—    125    — 

nale,  issue  du  Congrès  d'expansion  mondiale  de  Mons 
figoB).  On  sait  que  ce  fut  l'origine  et  la  justification  de 
l'adhésion  du  Gouvernement  français  à  la  Conférence 
internationale  des  Etats  qui  a  déjà  réuni  tant  d'adhé- 
sions officielles  dans  les  diverses  parties  du  monde. 

Lorsqu'en  décembre  1909,  j'eus  l'honneur  de  saisir  le 
Gouvernement  français  de  l'œuvre  de  la  Collection  des 
Monographies  ethnographiques,  M.  Doumergue,  alors 
Ministre  de  l'Instruction  publique,  ne  se  contenta  pas 
d'une  adhésion  i)latonique  et  d'un  encouragement  ver- 
bal. Saisissant  sur-le-champ  la  portée  scientifique  de 
ces  travaux  de  sociologie  apî)liquée,  il  décida  de  les 
placer  dans  les  établissements  d'enseignement  supé- 
rieur. Dans  sa  pensée,  c'était  là,  en  attendant  la  déci- 
sion de  la  Conférence  des  Etats  sur  le  Bureau  interna- 
tional lui-même,  une  adhésion  nouvelle  et  pratique  aux 
principes  qui  avaient  triomphé  à  Mons.  Un  simple  désir 
était  formulé  en  plus,  non  une  condition  :  qu'à  l'avenir 
la  Collection  des  Monographies  africaines  renfermât 
quelques  études  sur  les  peuplades  des  populations  fran- 
çaises. 

La  publication  des  Mandja  est  une  première  réponse 
à  ce  désir  officiel,  qui  correspondait  trop  bien  du  reste, 
au  principe  international  de  l'œuvre,  pour  ne  pas  rece- 
voir une  prompte  satisfaction. 

Ce  qui  frappa  surtout  M.  Doumergue,  ce  fut,  ai-je 
dit,  la  portée  scientifique  de  la  Collection  des  Mono- 
graphies. 

«  Aujourd'hui,  disait-il,  l'étude  des  sciences  sociales 
s'oriente  de  plus  en  plus  vers  les  sociétés  primitives. 
C'est  sur  ces  groupements,  à  l'organisation  encore  peu 


—    126    — 

compliquée,  que  la  science  se  penche  pour  essayer  de 
découvrir  les  lois  sociologiques  de  la  vie  sociale.  Pres- 
que toute  la  science  des  religions,  par  exemple,  n'est- 
elle  pas  aiguillée  vers  les  questions  de  totémisme,  de 
mânisme,  etc.  ?  Des  contributions  à  la  sociologie  posi- 
tive, comme  ces  monographies,  voilà  ce  qu'il  faut  à  nos 
hommes  de  science  qui,  à  défaut  d'une  documentation 
plus  ample,  en  sont  réduits  dei)uis  trop  longtemps  à  se 
renvoyer  les  mêmes  exemples  classiques,  qui  sont  trop 
rares  en  somme  et  trop  peu  observés  pour  servir  de 
base  à  des  théories  générales  qui  convainquent. 

»  En  répandant  ces  volumes  à  consultation  facile  et  à 
classement  souple,  je  suis  convaincu  que  je  rends  un 
service  à  nos  Universités,  où  s'élabore  la  science  d'au- 
jourd'hui, de  demain  surtout.  » 


Troisième  motif  de  la  publication  des  Mandja  :  l'im- 
portante leçon  de  civilisation  qu'elle  dégage. 

Une  des  préoccupations  les  plus  hautes  des  auteurs 
du  questionnaire  ethnographique  de  la  Société  belge 
de  Sociologie,  qui  sert  de  base  à  l'enquête  et  aux  publi- 
cations des  Monographies,  ce  fut  l'élévation  graduelle 
des  indigènes  étudiés,  à  un  état  de  civilisation  jdIus 
avancée.  Vers  ce  but  suprême  convergent  la  plux^rt 
des  questions  qui  n'apparaissent  i)as  d'ordre  purement 
scientifique.  Et  le  n°  i86  qui  s'occupe  des  relations  des 
indigènes  avec  les  civilisés,  n'est  au  fond  qu'un  des 
côtés  du  problème  ;  sans  doute  dans  beaucoup  de  cas, 
c'est  la  race  blanche  qui  apporta  aux  nègres  africains 


—    127   — 

une  civilation  supérieure  ;  mais  il  arrive  qu'elle 
déchaîne,  elle  aussi,  des  fléaux  destructeurs  de  vies  et 
de  prospérité.  Dans  l'un  cas  comme  dans  l'autre,  il  est 
du  plus  haut  intérêt  de  noter  les  résultats  de  l'expé- 
rience. La  politique  civilisatrice  s'enrichit  autant  par 
ses  échecs  que  par  ses  victoires. 

Or,  c'est  surtout  par  les  résultats  négatifs  que  l'expé- 
rience des  Mandja  peut  profiter  à  la  science  de  la  civili- 
sation. 

Exemple  :  Nulle  part  mieux  qu'ici  on  ne  peut  suivre 
les  effets  meurtriers  du  portage,  imposé  par  les  néces- 
sités de  l'occultation  euroi)éenne. 

Le  pays  des  Mandja  étudiés  dans  ce  livre,  est  tra- 
versé par  la  g-rande  voie  de  ravitaillement  des  postes 
du  bassin  du  Haut-Chari  et  du  Tchad  :  le  Fort  de 
Possel,  le  Fort  Crampel  et  le  Fort  Sibut  en  sont  les 
Jalons  principaux. 

Fort  de  Possel  s'élève  sur  la  rive  droite  de  l'Ubanghi, 
au  confluent  de  la  rivière  dénommée  Kerno  :  c'est  là, 
écrivait  Fourneau  en  1904,  qu'étaient  débarqués  les 
ravitaillements  en  vivres,  munitions,  marchandises 
d'échange,  matériel,  etc.,  destinés  à  la  subsistance  et  à 
l'organisation  des  vastes  pays  qui  s'étendent  Jusqu'au 
nord  et  à  l'est  du  lac  Tchad. 

L'évacuation  se  fait  ensuite  sur  Fort  Crampel  et  sur 
Fort  Sibut.  Dans  le  premier  cas,  le  transport  ne  peut 
se  faire  qu'à  tête  d'homme  et  ce  fut  un  affreux  calvaire. 
Dans  le  second  cas,  outre  la  voie  de  terre,  à  courtes 
étapes,  de  20  à  25  kilomètres,  il  y  a  la  voie  navigable 
de  la  Tomi,  encaissée  et  sinueuse,  qu'on  peut  remonter 
pendant  six  mois.  De  Fort  de  Possel  à  Fort  Sibnt,  la 


—    I2t 


route  s'allonge  à  travers  un  pays  peu  accidenté  : 
«  plaines  herbeuses,  tacliées  çà  et  là  de  taillis  de  peu 
de  densité,  d'arbustes  racliitiques  et  clairsemés.  »  De 
la  Tomi  au  Fort  Crampel  il  y  a  six  étapes  de  24  à 
38  kilomètres;  vers  la  moitié  du  chemin  se  trouve  la 
ligne  séparative  des  bassins  du  Congo  et  du  Tchad  ; 
l'altitude  de  la  crête  ne  dépasse  pas  56o  mètres. 

Cette  route  cependant  devint  rapidement  le  chemin 
de  la  mort.  Les  malheureux  porteurs  tombaient  les  uns 
après  les  autres  pour  ne  plus  se  relever;  les  tribus 
avoisinantes  étaient  décimées  par  la  corvée  ;  le  désert 
se  fit  dans  les  alentours  et,  du  Congo  au  Tchad,  ce  ne 
fut  qu'une  fuite,  sous  le  coup  de  l'épouvante. 

«  Le  sentier  qui  va  du  bassin  de  l'Ubanghi  au  Haut- 
Chari,  écrivait  Chevalier  en  1904,  traverse  un  pays 
aujourd'hui  complètement  désert,  mais  où  existaient, 
il  y  a  peu  d'années  encore,  des  villages  populeux;  les 
habitants  ont  fui  pour  se  soustraire  au  portage  et  aux 
rapines  des  noirs  affamés  qui  parcourent  cette  route.  » 

Et  M.  Avon  précisait  :  «  Le  portage,  comme  l'a  fait 
remarquer  justement  le  capitaine  Lenfant  à  propos  d'un 
autre  territoire,  au  Niger,  est  désastreux  pour  un  pays; 
les  noirs  ne  peuvent  s'astreindre  à  cet  impôt  très  dur 
qui  souvent  les  décime.  Faire  de  3o  à  40  kilomètres  par 
jour  avec  des  caisses  de  aS  à  3o  kilogrammes  sur  la 
tête,  répéter  cette  corvée  chaque  mois,  bien  qu'ils 
soient  payés  par  quelques  cuillerées  de  perles  et  point 
molestés,  les  incitent  à  faire  le  vide  et  à  transporter 
leurs  pénates  à  100  ou  200  kilomètres  à  droite  ou  à 
gauche  des  pistes  suivies  par  nous,  et  leur  recrute- 
ment devient  chaque  jour  plus  lent,  plus  difficile,  plus 
incertain.  » 


—   129  — 

Et  voici  que  M.  Chevalier  développe  sa  pensée  dans 
son  grand  ouvrage  sur  l'Afrique  centrale  française  : 

«  On  nous  fit  un  aveu  pénible;  parmi  les  hommes 
réquisitionnés  comme  porteurs,  les  uns  mouraient  en 
route  de  fatigues  et  de  privations,  les  autres,  dès  qu'ils 
rentraient  dans  leur  village,  étaient  incapables  de  pro- 
créer tant  ils  étaient  épuisés.  Plus  tard,  Toqué  me 
raconta  exactement  la  même  chose.  La  famine  étrei- 
gnait  tout  le  village  que,  quatre  ans  i)lutôt,  Gentil 
avait  trouvé  en  pleine  prospérité  ;  le  portage  était  la 
principale  cause  du  mal,  et  il  ne  i)ouvait  en  être  autre- 
ment. 

»  Pendant  une  partie  de  l'année  presque  tous  les 
hommes  étaient  occupés  à  porter  des  charges  sur  la 
route  de  ravitaillement,  ou  à  travailler  à  l'aménage- 
ment  de  cette  route,  ou  encore  à  faire  des  corvées  dont 
l'utilité  n'était  pas  toujours  immédiate.  Pendant  ce 
temps,  non  seulement  les  cultures  étaient  négligées, 
mais  encore  le  i3eu  de  plantes  vivrières  étaient  réquisi- 
tionnées par  les  Européens  ou  les  Sénégalais  garde- 
pavillon  ;  elles  servaient  à  l'alimentation  des  miliciens, 
des  boys  et  des  porteurs  s'il  en  restait  ;  et  la  j)lupart 
du  temps  on  donnait  aux  porteurs  l'équivalent  de  la 
ration  en  perles  bayacas,  la  monnaie  du  pays;  ils  gar- 
daient les  perles,  mais  mouraient  de  faim  en  s'acquit- 
tant  de  leur  corvée  ou  bien  «  chapardaient  »  des  vivres 
quand  ils  trouvaient  des  cultures  à  proximité  de  la 
route.  5) 

Ainsi  s'ouvre  la  perspective  des  maux  causés  par  le 
portage  :  l'épuisement  et  souvent  la  mort,  la  rapine  et 
la  famine,  la  fuite  et  le  vide,  et  naturellement  comme 


—  i3o  — 

conséquence  extrême   la    désaffection   et  la  liaine,  et 
jusqu'à  la  rupture  du  lien  politique  et  social. 

Le  portage  fut  vraiment  un  coin  meurtrier  introduit 
dans  l'arbre  en  pleine  croissance  de  la  société  Mandja; 
il  le  fit  sauter  dans  les  directions  les  plus  diverses  et 
finalement  l'atteignit  dans  ses  œuvres  vives. 

Pour  bien  se  représenter  cette  réi)ercussion  du  por- 
tage dans  la  vie  sociale  des  Mandja,  il  imjDorte  de  se 
rappeler  la  vitalité  et  la  solidité  de  cette  société  plus  ou 
moins  primitive.  De  temps  immémorial,  les  groux^e- 
ments  Mandja  sont  fixés  sur  cet  immense  plateau 
ondulé  dont  l'altitude  va  s'élevant  dans  la  direction  de 
l'Est-Xord-Est,  ligne  départage  de  l'Ubanghi-Tcliad. 
Ces  nègres  au  teint  cuivré,  robustes,  agriculteurs  et 
sédentaires  ne  paraissent  pas  appartenir  au  même 
groupe  ethnique  que  les  autres  populations  qui  les 
entourent  ou  les  compénètrent. 

Le  bloc  des  Mandja  attachés  à  la  terre  comme  des 
plantes  au  sol  n'a  pu  être  entamé  au  cours  des  temps 
par  les  assauts  furieux  et  répétés  des  peuples  Nord-Est, 
les  Banda  par  exemple. 

Toutefois  ceux-ci  se  sont  glissés  entre  les  masses 
Mandja  et  sont  comme  des  îlots  dans  une  mer.  Vo3^ez  la 
carte  ;  c'est  frappant. 

Cette  poussée  Banda,  on  en  connaît  la  cause.  Ces 
peuplades  étaient  terrorisées  et  décimées  par  les  chas 
seurs  d'esclaves,  les  Nubiens  et  les  Ouadaiens.  Après 
les  razzias  de  Rabah  (1879-1882)  ce  fut  un  exode  général 
vers  l'Ouest.  Les  fuyards  se  heurtèrent  aux  Mandja 
incrustés  dans  leur  sol  ;  malgré  leur  nombre  et  leur 
bravoure,  ils  ne  purent  les  chasser;  ils  s'infiltrèrent 


—  loi 


pourtant  par  les  points  de  moindre  résistance.  Beaucoup 
s'implantèrent;  ce  sont  les  colonies  actuelles;  les 
autres  retournèrent  peu  à  peu  sur  leur  propre  territoire. 

Les  Mandja  donc  ne  s'étaient  xDoint  laissé  entamer 
par  cette  terrible  invasion.  Ils  résistèrent  de  même  et 
avec  non  moins  de  succès  aux  bandes  des  chasseurs 
d'esclaves. 

Et  lorsque  les  premiers  blancs  parurent  sous  l'aspect 
de  la  mission  Maistre,  leur  bravoure  opiniâtre  de  ter- 
riens farouches  qu'on  dérange  se  révéla  avec  un  tel 
éclat  que  les  explorateurs  se  virent  contraints  de  renon- 
cer à  la  manière  forte  et  ne  purent  réussir  à  s'attirer 
leur  bienveillance  et  à  s'implanter  dans  le  pays  que  par 
une  tactique  d'amitié  et  de  paix.  Une  fois  bien  ancrés 
dans  leur  sympathie,  les  chefs  de  l'occupation  française 
purent  faire  des  appels  répétés  aux  services  indigènes. 

Liorque  en  1899,  il  fallut  demander  aux  Mandja  un 
effort  énorme  pour  faire  passer  à  travers  le  Haut-Chari 
les  charges  immenses  et  le  matériel  de  guerre,  dont  le 
bateau  à  vai^eur  démonté  de  la  mission  Gentil,  le  grand 
chef  Makuru  n'hésita  pas  à  prêter  aux  blancs  toute  son 
autorité  et  toutes  ses  forces.  Ces  charges  immenses 
furent  transportées  à  tête  d'hommes. 

Si  la  corvée  s'était  bornée  à  ces  occasions  exception- 
nelles, les  Mandja  n'eussent  pas  songé  à  se  plaindre. 
L'amitié  du  blanc  leur  avait  valu  la  certitude  de  ne  plus 
être  razziés  par  les  chasseurs  d'esclaves,  qui,  furieux  de 
leurs  échecs,  continuaient  aies  menacer. 

Mais  en  1901  fut  créé  le  Territoire  militaire  du  Tchad 
et  les  charges  s'accumulèrent  dans  les  magasins  de 
transit,   et  les  réquisitions  de  porteurs  se  répétèrent 


—   l32    — 

sans  cesse  et  toujours  plus  pressantes,  et  les  effroyables 
calamités  du  portage  intensif  se  révélèrent  dans  toute 
leur  horreur.  Les  Mandja  terrorisés  par  la  menace  per- 
pétuelle s'enfuirent;  le  vide  se  fit  dans  les  villages  de 
la  route;  les  villages  eux-mêmes  disparurent;  et  le 
rayon  de  cet  abandon  grandit  rapidement  jusqu'à  loo, 
200  kilomètres  et  davantage. 

Les  autorités  françaises,  contraintes  par  la  nécessité, 
usèrent  de  tous  les  moyens  de  pression  sur  les  chefs. 

Ceux-ci  s'inclinèrent  devant  la  force,  mais  virent 
leurs  ordres  méconnus  par  leurs  clans.  L'horreur  du 
portage  fut  plus  forte  que  l'autorité,  la  tradition  et  tout. 
Le  portage  fit,  en  somme,  sauter  le  groupement  poli- 
tique Mandja  et  ce  ne  fut  pas  un  de  ses  moindres  mé- 
faits. 

La  portée  de  cette  conséquence  est  considérable  si 
l'on  se  rappelle  que  le  x^hénomène  i)olitique  n'est  ici 
qu'un  aspect  du  i)hénomène  familial,  qui  est  lui-même 
la  base  du  groupement  social  et  toute  l'idéologie  qui  le 
guide. 

Bien  plus,  le  portage  ébranla  l'édifice  social  des 
Mandja  jusqu'à  son  fondement  le  plus  profond,  je  veux 
dire  son  fondement  économique, 

M.  Gaud  le  démontre  avec  une  évidence  qui,  à  ma 
connaissance,  n'a  pas  encore  été  égalée. 

Comme,  d'une  part,  le  pays  est  peu  giboyeux  et  peu 
favorable  à  l'élevage,  et  que,  d'autre  part,  dei)uis  l'arri- 
vée des  Européens,  les  indigènes  ne  peuvent  i^lus  se 
régaler  —  du  moins  ouvertement  —  de  chair  humaine, 
les  Mandja,  végétariens  par  nécessité,  ont  dû  concen- 
trer tout  leur  effort  sur  l'agriculture.  A  l'homme  le  gros- 


—  i33  — 

œuvre,  le  choix  de  la  terre,  l'abatage  des  arbres,  le 
débrouissaillement  au  couteau,  l'incendie  des  abatis.  Aux 
femmes  et  aux  enfants  le  nivellement  et  les  plantations. 
A  tous  les  membres  de  la  famille  le  sarclage  à  la  houe, 
l'arrachage  des  herbes  et  la  récolte. 

Or,  pour  récolter  2,000  kilos  de  mil,  i)rovision  néces- 
saire à  une  famille  de  trois  à  quatre  personnes,  il  faut 
cultiver  plus  d'un  hectare  et  demi  et  fournir  un  travail 
de  120  à  i5o  jours. 

Comme  la  durée  de  la  végétation  du  mil  est  d'environ 

7  mois,  de  mai  à  décembre,  on  voit,  observe  M.  Gaud, 
quel  temps  considérable  absorbent  les  soins  dont  il  faut 
entourer  ses  plantations.  La  surface  entretenue  en  état 
constant  de  culture,  s'élève  à  environ  3  hectares  pour 
une  famille  de  trois  grandes  personnes  Si  l'on  tient 
comi)te  que  la  A^égétation  est  susj^endue  de  décembre  à 
mars,  comme  les  travaux  agricoles  ne  peuvent  s'accom- 
plir que  pendant  les  8  mois  restants,  c'est  seulement 

8  X  3ox  10=  2,400  heures  de  travail  que  la  famille 
pourra  consacrer  utilement  à  son  exploitation  agricole, 
soit  environ  8  heures  pour  100  mètres  carrés,  chiffre 
extrêmement  réduit  et  bien  au-dessous  de  celui  qui 
représente  le  temi^s  consacré  en  Europe  à  conduire  une 
récolte  d'un  bout  à  l'autre  de  sa  carrière. 

Deux  conclusions  découlent  de  ces  xjrémisses  : 
La  première  est  relative  à  la  durée  du  travail  :  dix 
heures  de  travail  par  jour,  sous  ce  soleil  d'Afrique  cen- 
trale, quel  effort  !  Où  donc  est  la  légende  qui  représente 
la  vie  de  tout  nègre  comme  celle  d'un  lézard  au  soleil, 
au  sein  d'une  nature  prodigue  ? 

La  seconde  conclusion  concerne  directement  notre 


—  i34  — 

sujet.  Si  pour  une  cause  quelconque  la  main-d'œuvre 
est  distraite  de  la  culture,  le  rendement  diminue  infail- 
liblement, et...  c'est  la  famine  avec  son  triste  cortège. 

Ainsi  se  découvre  l'horrible  perspective  des  consé- 
quences du  portage  qui  enlève  périodiquement  le  tra- 
vailleur à  sa  famille  et  à  son  champ. 

Généralement,  dès  le  mois  d'octobre,  la  famille 
Mandja  a  éi)uisé  ses  réserves  :  «  D'où  la  famine  pendant 
les  deux  mois  qui  i^récèdent  la  maturation  du  mil  » . 

Ainsi  s'expliquent,  même  en  dehors  des  suites  mor- 
telles du  portage,  le  découragement  de  l'agriculteur,  le 
désespoir  des  chefs  de  famille,  l'affaiblissement  graduel 
de  la  race  et  la  haine  du  blanc. 

Autrefois,  disent  les  Mandja,  la  razzia  des  chasseurs 
d'esclaves  était  terrible,  mais  c'était  une  trombe  qui 
passait.  Ai^rès  l'horreur  de  la  rafale,  revenait  la  paix 
des  beaux  jours.  Aujourd'hui  c'est  l'écrasement  régu- 
lier, systématique,  mensuel,  annuel,  toujours  recom- 
mençant. 

Mais,  dira-t-on  peut-être,  du  fait  que  l'agriculteur  est 
soustrait  à  son  travail  par  le  portage  pendant  quelques 
jours  par  mois  ne  doit  pas  résulter  nécessairement  la 
famine.  Car,  enfin,  le  porteur  utilisé  par  l'Administra- 
tion euroi^éenne  est  paj^é  et  ce  salaire  peut  équilibrer 
son  budget. 

Observons  de  plus  près  le  phénomène  du  i)ortage. 

M.  Gaud  estime  —  à  la  suite  do  calculs  intéres- 
sants —  que  la  dépense  d'énergie  correspond  pour 
chaque  jour  de  portage  à  55o  tonnes-mètres  et  chaque 
jour  de  route  à  aSo. 

«   Or,  cette  dépense  est  bien  supérieure  à  celle  que 


—  i35  — 

des  expériences  faites  en  Europe  attribuent  normale- 
ment au  travail  humain;  les  exemples  classiques  de 
Coulomb  ont  montré  qu'un  homme  chargé  ne  peut  pas, 
sans  inconvénient,  produire  plus  de  33o  tonnes-mètres 
par  journée  de  marche  et  encore  faut-il  qu'il  soit 
alimenté  proportionnellement.  » 

Pour  se  maintenir  en  équilibre  physiologique,  le 
porteur  doit  avoir  un  supplément  quotidien  minimum 
de  4»  100  calories.  Pour  six  jours,  il  lui  faudrait  lo  kilos 
de  farine  de  mil,  800  greimmes  de  viande  et  60  grammes 
de  sel. 

«  En  réalité  il  n'emporte  ni  ne  reçoit  à  peu  près  rien. . ., 
il  crève  de  faim,  et  comme  en  raison  de  la  rareté  des 
vivres  et  de  l'inexistence  de  marchés  il  ne  peut  pas  se 
servir  des  marchandises  d'échange  avec  lesquelles 
l'Administration  rétribue  sa  corvée,  ses  six  jours  de 
route  sont  six  jours  de  jeûne. 

»  Aussi,  une  fois  rentré  chez  lui,  s'il  ne  trouve  pas  à 
manger  assez  pour  réparer  ses  forces,  comme  c'est  le 
cas  j)our  beaucoup  en  saison  de  pluies,  alors  que  les 
greniers  sont  vides,  l'indigène  s'achemine  rapidement 
vers  la  mort.  » 

Ainsi  se  déroule  la  chaîne  des  conséquences  : 

Même  dans  des  conditions  relativement  favorables  et 
sans  les  complications  de  mauvais  traitements,  d'acci 
dents  de  route  ou  de  terrain,  le  i)ortage  aboutit  à  l'épui- 
sement du  porteur. 

Ij'éiDuisement  du  porteur  l'empêche  de  soigner  sa  cul- 
ture, qui  souffre  déjà  un  dommage  considérable  du  fait 
de  son  absence.  La  culture  négligée  engendre  la  famine. 
La  famine  affaiblit  la  race  quand  elle  ne  la  tue  pas  ; 


—  i3ô  — 

elle  pousse  fatalement  à  la  maraude,  au  i)illage,  aux 
violents  actes  d'exception,  qui  par  leur  répétition  se 
convertissent  en  habitudes  et  pervertissent  les  mœurs. 
Dans  ces  conditions,  la  crainte  de  nouveaux  portages 
se  mue  en  épouvante  ;  celle-ci  provoque  la  fuite  dans  le 
lointain  de  la  brousse,  d'où  la  dislocation  du  clan  et  de 
la  famille. 

Les  clans  décimés  attestent  la  ruine  du  pouvoir  i^oli- 
tique  traditionnel  ;  le  chef,  rendu  resi)onsable  i)ar  le 
blanc  et  sommé  de  fournir  de  nouveaux  porteurs,  se 
voit  dans  l'impossibilité  de  s'exécuter. 

Lia  punition  dont  il  est  l'objet  remplit  son  cœur 
d'amertume.  Ou  bien,  il  se  révolte  s'il  en  a  encore  la 
force,  et  quatre-ving-t-dix-neuf  fois  sur  cent,  il  est 
écrasé  ;  s'il  ne  perd  pas  la  vie,  il  n'espère  de  salut  que 
dans  la  fuite. 

C'est  le  vide  le  long  de  la  route.  Et  ce  vide  augmente 
de  rayon,  à  mesure  que  le  portage  s'accentue. 

Cependant,  à  mesure  que  les  besoins  de  l'occupation 
blanche  se  multiplient  et  se  compliquent,  le  besoin  de 
porteurs  s'intensifie. 

Aux  yeux  des  noirs,  le  portage  revêt  ainsi  l'aspect 
d'un  minotaure,  en  comparaison  duquel  la  chasse  d'es- 
claves d'autrefois  devient  i)resqu'une  idylle. 

Lorsqu'on  songe  que  le  portage,  qui  sévit  depuis  des 
années  chez  les  Mandja,  était  la  suite  inévitable  de  la 
première  occupation  des  blancs  en  Afrique  centrale, 
qu'ainsi  la  civilisation  apparaissait  à  ces  peuplades 
sous  l'aspect  de  cette  corvée  de  famine  et  de  mort,  on 
s'explique  bien  des  résistances  et  des  révoltes,  et  com- 
bien de  fuites  et  de  retraites  dans  la  brousse  ! 


-  i37- 

La  politique  coloniale  qui  connaît  le  mal,  doit  doré- 
navant appliquer  des  remèdes. 

Et  ces  remèdes  sont  aussi  simples  qu'évidents  :  sup- 
primer le  portage  i)artout  où  c'est  i)ossible.  Où  il  n'y  a 
pas  d'autre  moyen  de  transport,  ni  mécanique,  ni  ani- 
mal, organiser  les  étapes,  le  ravitaillement  et  le  salaire 
de  telle  manière  que  le  porteur  n'en  souffre  pas  dans 
sa  constitution  organique  et  dans  son  économie  domes- 
tique. 


Cette  conclusion  ci\dlisatrice,  qui  se  dégage  de  la 
monographie  des  Mandja,  n'est  qu'un  exemple.  Com- 
bien de  semblables  pourraient  en  être  déduites  en 
d'autres  domaines  ! 

C'est  ce  dont  le  lecteur  se  convaincra  à  la  lecture  de 
ce  livre,  auquel  M.  Gaud  a  consacré  tant  de  mois  de 
labeur  intelligent. 

Cyr.  Van  Overbergh. 


->4^ 


X. 


PREFACE 


A   LA 


Monographie    des    Balioloholo 


La  Préface  de  la  Monographie  des  Kuku,  cinquième 
de  la  Collection,  était  consacrée  à  la  participation  de 
notre  œuvre  ethnographique  à  l'Exposition  interna- 
tionale et  universelle  de  Bruxelles  (1910). 

Des  cinq  classifications  documentaires  de  notre 
Répertoire  —  qui  compte  des  centaines  de  mille  de 
renseignements  sur  l'Afrique  nègre  seule  —  l'une 
d'elles,  la  cinquième,  celle  relative  à  la  classification 
sociologique  d'après  une  formule  déterminée,  souleva 
une  vive  curiosité  dans  le  monde  scientifique. 

Depuis  l'essai  d'Herbert  Spencer,  on  n'en  avait  guère 
vu  d'une  aussi  vaste  portée. 

Des  éclaircissements  nombreux  me  furent  demandés; 
des  critiques  se  précisèrent;  une  discussion  des  plus 
féconde  se  poursuivit. 

Les  amis  et  les  adversaires  de  la  réalisation  proposée 
se  mirent  d'accord  pour  me  demander  d'exposer  la 
question  dans  une  des  Préfaces  de  nos  Monographies, 


—  i4o  — 

en  tenant  compte,    autant  que    possible,    des  perfec- 
tionnements suggérés  et  accomplis. 

A  ce  désir  répondent  les  pages  qui  suivent. 

• 

Voici  comment  les  deux  classifications  d'ordre  socio- 
logique, la  quatrième  et  la  cinquième,  étaient  décrites 
dans  la  Préface  des  Kuku  : 

«  La  classification  par  ordre  sociologique  comprend 
deux  collections. 

»  La  première  est  divisée  suivant  les  grandes  divi- 
sions du  questionnaire.  La  seconde  est  divisée  suivant 
une  formule  sociologique  scientifique. 
l^yy  a)  Les  divisions  de  la  première  suivent  l'ordre 
ci-après  :  Renseignements  géograï)liiques  et  ethnogra- 
phiques généraux  (questions  i  à  9).  —  Vie  matérielle 
(questions  10  à  64).  —  Vie  familiale  (questions  65  à  100). 
—  Vie  religieuse  (questions  loi  à  122).  —  Vie  intellec- 
tuelle (questions  128  à  i5o).  —  Vie  sociale  (questions 
i5i  à  18G).  —  Caractères  anthropologiques  (questions 
187  à  202). 

»  b)  Les  divisions  de  la  seconde  collection  sont  au 
nombre  de  neuf  :  Le  teiTitoire  (milieu  physique) .  —  La 
population  (la  race).  —  Phénomène  économique.  — 
Phénomène  génésique.  —  Phénomène  esthétique.  — 
Phénomène  idéologique.  —  Phénomène  moral.  —  Phé- 
nomène juridique.  —  Phénomène  politique. 

»  Tandis  que  la  première  classification  est  d'ordre 
plutôt  pratique,  la  seconde  est  d'ordre  rigoureusement 
scientifique. 

»  Si,  en  effet,  toute  société  n'est  qu'une  combinaison 


-  i4i  - 

de  deux  facteurs  fondamentaux  :  le  territoire  et  la 
population  qui  l'habite,  il  est  nécessaire  de  donner  les 
deux  x>ï'emières  places  à  ces  deux  titres  :  milieu  phy- 
sique et  race.  Il  est  logique  aussi  de  ranger  les  sept 
phénomènes  sociaux  essentiels  dans  l'ordre  de  leur 
complexité  croissante  et  de  leur  généralité  décrois- 
sante. C'est  i3ourquoi  l'économique  est  au  premier  rang 
et  la  i)olitique  au  dernier. 

»  Dans  les  deux  classifications  du  reste,  chacun  des 
202  numéros  vient  se  ranger  :  dans  la  première, suivant 
l'ordre  des  chiffres;  dans  la  seconde,  suivant  l'ordre 
des  phénomènes  sociaux. 

»  Dans  le  dossier  de  chacun  des  202  numéros  des 
deux  classifications,  se  trouvent  rangés  tous  les  rensei- 
gnements de  chacune  des  peuplades,  par  ordre  alpha- 
bétique des  régions  et  des  peuplades. 

»  Ainsi,  voulez- vous  posséder  les  renseignements  sur 
les  boissons  africaines,  j)renez  le  dossier  du  n"  27. 

»  Désirez-vous  étudier  la  mentalité  religieuse  des 
habitants  de  l'Angola,  prenez,  dans  les  dossiers  des 
n°^  loi  à  122,  les  fiches  concernant  l'Angola. 

w  Et  ainsi  de  l'ensemble  et  des  détails  de  chacun  des 
phénomènes  sociaux. 

»  On  voit  tout  de  suite  que  les  deux  classifications, 
dites  sociologiques,  sont  là.  entre  autres,  i)our  con- 
vaincre le  monde  savant  de  la  possibilité  de  classer 
les  fiches  détachables  d'après  n'importe  quel  système 
scientifique  ou  i)ratique. 

»  Si  les  trois  premières  classifications  j)euvent  être 
qualifiées  de  verticales,  parce  que,  sur  un  tableau,  elles 
aligneraient  leurs  renseignements  de  haut  en  bas,  les 


—  142  — 

deux  dernières  doivent  être  dénommées  horizontales, 
puisqu'elles  apparaissent  comme  des  coupes  d'un  bout 
à  l'autre  de  l'Afrique.  » 


Les  critiques  furent  de  deux  espèces. 

Toutes  deux  se  concentraient  sur  la  classification 
cinquième,  celle  qui  avait  pour  base  une  formule  socio- 
logique déterminée. 

Les  critiques  de  la  première  espèce  se  rattachaient  à 
la  manière  dont  les  202  numéros  du  questionnaire 
étaient  rangés  sous  les  divers  facteurs  et  phénomènes 
sociaux  :  critiques  de  détail,  auxquelles  il  put  être 
satisfait  dans  la  plupart  des  cas.  Je  publie  ci- après  le 
résultat  de  cet  effort  collectif  (paragraphe  I) . 

Les  critiques  de  la  seconde  espèce  émanaient  des 
sociologues;  elles  portaient  sur  le  fond  même  de  la 
division  générale,  sur  la  hiérarchie  des  facteurs  et  des 
phénomènes  sociaux. 

Le  paragraphe  deuxième  résume  l'état  de  la  question. 

L'opinion  publique  sera  juge. 


—  i43  — 

§  I.  LA    CLASSIFICATION    CINQUIÈME  \ 

dite  sociologique  spéciale.  j 

! 

A.  —  La  peuplade.  j 

1.  (i)  Le  nom. 

.1 
I 

B.  —  Les  facteurs  sociaux. 

I 

I.  —  Le  territoire.  j 

I 
1 

2.  (2)  Milieu  physique;  (situation  géographique  de  1 
la  peuplade;  —  climat,  météorologie,  orologie,  hydre-  \ 
graphie,  géologie  et  fertilité  du  sol,  faune,  flore,  etc.)  j 

3.  (3)  Cartes,  \ 

1 

II.  —  La  population  (la  race).  | 

{Caractères   somatiques.'^  j 

4.  (187)  Taille.  j 

5.  (188)  Tête  et  crâne.  j 

6.  (189)  Peau.  I 

7.  (190)  Cheveux.  î 

8.  (191)  Yeux.  I 

9.  (192)  Mains. 

10.  (198)  Déformités  naturelles.  ] 

11    (194)  Déformations  artificielles.  j 


(  Caractères  phys  io  l  ogiq  ues.) 

12.  (195)  Force  musculaire. 

13.  (196)  Attitude  du  corps. 


-  i44  - 

14.  (197)  Acuité  des  sens. 

15.  (198)  Temi)érature  du  corps. 

16.  (199)  Nutrition. 

17.  (201)  Fécondité. 

18.  (202)  Maladies. 

19.  (200)  Influence  du  milieu  physique. 

{Caractères  mentaux.) 

20.  (8)  Etat  physiologique  et  mental  général. 

21.  (143)  Mémoire. 

22.  (i44)  Imagination. 

23.  (145)  Invention  et  recherche. 

24.  (146)  Entendement. 

25.  (147)  Observation. 

26.  (148)  Raisonnement. 

27.  (149)  Prévoyance. 

28.  (i5o)  Perception. 

29.  (i3o)  Talent  artistique  inventif. 

{Rapports  avec  les  races  voisines.) 

30.  (7)  Parenté  avec  les  tribus  voisines. 

C.  —  Les  phénomènes  sociaux. 

I.  —  Le   phénomène   économique. 

31.  (5)  Occupation  principale. 

{Circulation.) 

32.  (164)  Voies  de  communication. 

33.  (137)  Transport  par  eau. 

34.  (i38)  Transport  sur  terre. 


—  i45  — 

(Production.) 

35.  (47)  Instruments  du  travail. 

36.  (48)  Cueillette. 

37.  (49)  Chasse. 

38.  (40)  Pêche. 

39.  (61)  Agriculture. 

40.  (52)  Elevage. 

41.  (53)  Tissage,  couture,  confection. 

42.  (54)  Vannerie. 

43.  (55)  Poterie. 

44.  (56)  Métallurgie. 

45.  (57)  Meunerie. 

46.  (58)  Travail  du  bois,  voir  aussi  33  (137). 

47.  (59)  Corderie. 

48.  (60)  Tannerie. 

49.  (61)  Teinturerie. 

50.  (62)  Extraction  des  minerais  et  des  roches. 

51.  (63)  Autres  métiers. 

[Echange.) 

52.  (162)  Commerce. 

53.  (i63)  Monnaies,  mesures,  poids, 

{Consommation .  ) 
(Nourriture.) 

54.  (20)  Espèces  de  nourriture. 

55.  (22)  Préparation  culinaire. 

56.  (23)  Cuisine. 

57.  (24)  Repas. 

58.  (25)  Mets   permis  et  défendus.  Voir   aussi  174 

(io4). 

59.  (26)  Excitants. 


-  i46  -  ; 

60.  (27)  Boissons.  ■' 

61.  (28)  Anthopojphagie.  ; 

62.  (29)  Géophagie.  j 

63.  (3o)  Conservation  des  aliments.  ^ 

(Cliauffage  et  éclairage.)  ; 

64.  (21)  Façon  de  se  procurer  du  feu.  ' 

65.  (45)  Chauffage.  j 

66.  (44)  Éclairage.  j 

(Vêtement.)  . 

67.  (34)  Vêtements  proprement  dits,  forme.  ; 

68.  (35)  Vêtements,  matière. 

69.  (26)  Chaussures.  1 

70.  (27)  Coiffure.  j 

(Habitation.)  ; 

71.  (39)  Etablissement  et  situation.  j 

72.  (4o)  Habitation  transportable.  J 

f 

73.  (41)  Habitation-type.  ji 

74.  (42)  Réparations.  ji 

75.  (43)  Meubles.  l 

fi 

76.  (46)  Groupement  des  habitations  ;  village.  .' 

Organisation  sociale.  | 

77.  (i65)  Régime  économique  ;   division  du  travail. 

78.  (182)  Organisation  financière.  , 

79.  (174)  Classes  et  castes.  j 

80.  (175)  Esclavage.  \ 

81.  (93)     Situation  sociale  des  membres  de  la  famille.  \ 

82.  (171)  Vie  nomade.  ' 

83.  (172)  Vie  pastorale. 

84.  (173)  Vie  sédentaire.  \ 


—  i47  — 

II.  —  Le  phénomème  génésique. 

(Le  mariage.) 

85.  (76)  Rapports  entre  les  sexes  avant  le  mariag-e. 

86.  (82)  Empêcliements  au  mariage. 

87.  (77)  Fiançailles. 

88.  (78)  Mariage. 

89.  (79)  Nature  du  mariage. 

90.  (80)  Formes  du  mariage. 

91.  (81)  Cérémonies  du  mariage. 

92.  (83)  Le  mari. 
93..  (84)  La  femme. 

94.  (85)  Dissolution  du  mariage. 

95.  (86)  Les  eunuques. 
(L'enfant.) 

96.  (65)  Avant  la  naissance. 

97.  (66)  La  naissance. 

98.  (67)  Soins  donnés  à  la  mère,  au  père. 

99.  (68)  Soins  donnés  à  l'enfant. 
(La  famille.) 

100.  (88)  Composition, 

101.  (87)  Autorité. 

102.  (90)  Relations  entre  les  membres  de  la  famille. 

103.  (89)  Où  habitent  les  enfants  mariés? 

104.  (92)  Rôle  des  voisins  dans  la  famille. 

105.  (94)  Arbre  généalogique. 
(Décès.) 

106.  (96)  Les  derniers  moments  d'un  moribond. 

107.  (97)  Le  mort  avant  son  enterrement. 

108.  (98)  Les  funérailles. 


—  i48  — 

109.  (99)  Manière    d'agir    des    parents    envers    le 
décédé. 

110.  (100)  Modifications  produites  dans  la  famille 
par  le  décès. 

(Population.) 

111.  (4)  La  population  en  général. 

112.  (6)  Population    flottante,    émigration,      immi- 
gration. 

113.  (70)  Mouvement  de  la  population. 

114.  (69)  Causes  qui  limitent  la  population. 

III.  —  Le  phénomène  esthétique. 

115.  (3i)  Parures  à  même  le  corps,  coloriage. 

116.  (82)  Id.,  tatouage. 

117.  (33)  Id.,  objets  suspendus  au  corps. 

118.  (11)  Esthétique  de  la  chevelure. 

119.  (38)  Ornements  et  parures  déterminant  le  rang, 
la  classe,  la  fonction,  etc. 

Embellissements  à  l'habitation.  (Voir  sur- 
tout n°  74  [42].) 

120.  (i25)  Dessins  et  peintures.  (Voir  aussi  les  Arts 
industriels  à  Phénomène  Economique.) 

121.  (129)  Sculpture. 

122.  (i3i)  Matières    employées    dans    les    dessins , 
peintures,  sculptures. 

123.  (124)  Littérature. 

124.  (127)  Chant. 

125.  (128)  Musique. 

126.  (126)  Danse. 

127.  (i33)  Théâtre. 


—  i49  — 

IV.  —  Le  phénomène  idéologique. 

(Religion.) 

128.  (loi)  Animisme. 

129.  (102)  Mânes. 

130.  (io3)   Fétiches. 

131.  (io5)  Totems. 

132.  (107)  Idoles. 

133.  (108)  Culte  des  pliénomènes  physiques. 

134.  (ii3)  Monothéisme  ou  polythéisme. 

135.  (120)  Dieux. 

136.  (118)  Mytholog-ie. 

137.  (116)  Manifestations  religieuses  sociales, 

138.  (106)  Magie. 

139.  (117)  Ilites  et  culte. 

140.  (121)  Temples. 

141.  (109)  Ame  humaine. 

142.  (iio)  Vie  future. 

143.  (122)  Sacerdoce. 

144.  (74)   Education  spéciale  du  prêtre. 

145.  (119)  Sociétés  religieuses  secrètes. 
(Philosophie). 

146.  (m)  Spiritualisme. 

147.  (112)  Matérialisme. 

148.  (ii5)  Philosophie. 
(Sciences.) 

149.  (128)  Ecriture.  Pour  langage,  voir  123  (124). 

150.  (i35)  Mathématiques. 

151.  (i34)  Astronomie. 

152.  (189)  Division  du  temps. 


100    — 

153.  (i36)  Science  de  l'ingénieur. 

154.  (95)     Maladies,  accidents,  remèdes. 

155.  (140)  Médecine  et  chirurgie. 

156.  (64)  Légendes  relatives  à  l'invention  des  mé- 
tiers. Voir  aussi  Légendes  relatives  à  la  découverte  du 
feu  64  (21)  et  Folklore  136  (118). 

157.  (141)  Histoire. 

158.  (142)  Géographie. 
(Education.) 

159.  (71)  Education  physique. 

160.  (18)  Lutte. 

161.  (19)  Jeux  ayant  pour  but  le  développement  mus- 
culaire. 

162.  (72)  Education  intellectuelle. 

163.  (78)  Education  morale. 

164.  (75)  L'initiation. 


V.  —  Le  phénomène  moral. 

(Quelques  coutumes  spéciales.) 

165.  (10)  Soins  de  propreté. 

166.  (12)  Ongles. 

167.  (i3)  Epilation. 

168.  (i4)  Sommeil. 

169.  (i5)  Natation. 

170.  (16)  Equitation. 

171.  (17)  Portage. 

172.  (i32)  Jeux,  divertissements. 
(Les  mœurs  et  la  morale.) 

173.  (9)  Mœurs  en  général. 


—  i5i  — 

174.  (io4)  Tabou. 

175.  (114)  Morale. 

Pour  les  mœurs  des  divers  phénomènes  spéciaux,  voir 
les  numéros  des  titres  de  la  troisième  division  C  :  I,  II, 
III,  IV,  VI,  VII  (mœurs  économiques,  génésiques, 
esthétiques,    idéologiques,  juridiques  et  politiques). 


VI.  —  Le  Phénomène  juridique. 

(Droit  civil.) 

176.  (166)  Droit  civil  personnel  et  réel. 

177.  (i5i)  Propriété  des  meubles. 

178.  (i52)  Propriété  des  immeubles. 

179.  (i53)  Nature  de  la  propriété. 

180.  (91)     Propriété  familiale. 

181.  (154)  Limites  des  propriétés. 

182.  (i55)  Origine  de  la  propriété  et  du  droit  de  pro- 
priété. 

183.  (160)  Droit  sur  les  choses  trouvées. 

184.  (159)  Droit  de  chasse,  de  pêche,    d'abatage,  de 
cueillette. 

185.  (161)  Succession. 

186.  (167)  Droit  civil  relatif  aux  contrats. 

187.  (157)  Location. 

188.  (i58)  Usufruit. 

189.  (i55)  Domaine  public. 
(Droit  pénal.) 

190.  (168)  Droit  pénal. 

191.  (169)  Procédure  pénale. 

192.  (170)  Droit  d'asile. 


102 


VII.  —  Le  phénomène  politique. 

(Intérieur.) 

193.  (176)  Organisation  politique  distincte  de  la 
famille. 

194.  (181)  Le  système  politique. 

195.  (177)  Le  chef. 

196.  (178)  Les  assemblées. 

197.  (180)  Officiers  inférieurs. 

198.  (179)  Associations  secrètes. 

199.  (i83)  Situation  politique  des  étrangers. 
(Extérieur.) 

200.  (184)  Relations  pacifiques. 

201.  (i85)  Relations  guerrières. 

202.  (186)  Contact  avec  les  civilisés. 

I.  Afin  d'établir  un  rapport  constant  entre  les  deux 
classifications  d'ordre  sociologique  —  la  quatrième  et  la 
cinquième  —  les  numéros  de  la  classification  quatrième 
correspondent  exactement  à  ceux  du  questionnaire, 
mais,  après  chacun  d'eux,  on  trouA^e  entre  i^arenthèses 
le  numéro  d'ordre  de  la  classification  sociologique 
cinquième. 

Comme  cette  dernière,  ainsi  qu'on  le  voit  dans  le 
tableau  ci-dessus,  possède  son  numérotage  spécial,  avec, 
après  chaque  numéro,  entre  parenthèses,  celui  qui  cor- 
respond dans  la  classification  quatrième,  il  en  résulte 
que  la  mise  en  rapports  est  constante  et  obvie. 

Pour  différencier  les  numéros  d'ordre  de  la  classifi- 
cation cinquième  de  celle  de  la  classification  quatiûème, 
les  chiffres  sont  en  caractères  gras  (dans  le  manuscrit^, 
ils  sont  soulignés). 


—  i53  — 

2.  Les  fardes  qui  renferment  les  renseignements  de 
chaque  numéro  sont  de  dix  couleurs  différentes.  Cha- 
cune de  ces  couleurs  correspond  à  une  des  dix  grandes 
divisions  sociologiques,  à  savoir  :  1 .  Le  nom  de  la  peu- 
plade (A.).  —  2.  Le  territoire  (B.  1).  —  3.  La  i)opula- 
tion  (B.  II).  —  4-  1^6  phénomène  économique  (C.  I).  — 
5.  Le  phénomène  familial  (C.  IL.  —  6.  Le  phénomène 
esthétique  (C.  III).  —  7.  Le  phénomène  idéologique 
(C.  IV).  —  8.  Le  phénomène  moral  (C.  V.).  —  9.  Le 
phénomène  juridique  (C.  VI).  —  Le  phénomène  poli- 
tique (C.  VII). 

3.  Voulez-vous  obtenir  les  renseignements  sur 
les  «  classes  »  dans  l'Afrique  nègre,  demandez  le  dos- 
sier 79  (174)-  Vous  posséderez  tout  ce  qu'on  sait  sur 
ce  phénomène  social  dans  toutes  les  littératures  du 
monde. 

Après  avoir  dépouillé  le  dossier,  vous  pourrez  vous 
livrer,  sans  aucune  perte  de  temps,  à  votre  travail  per- 
sonnel d'invention.  Votre  énergie  pourra  être  con- 
centrée sur  la  parcelle  de  nouveauté  que  vous  ajouterez 
aux  connaissances  humaines. 

Et  cette  parcelle  elle-même,  aussitôt  publiée,  sera 
annexée  à  sa  place  dans  le  prédit  dossier. 

Pas  un  sociologue  qui  ne  convienne  qu'une  telle 
classification  est  un  progrès. 

Mais  combien  ont  fait  des  réserves  sur  la  formule 
classificatrice  elle-même  !  L'examen  de  cette  question 
va  nous  occuper  dans  le  paragraphe  suivant. 


i54 


§  II.  Pourquoi  le  choix  s'est  porté 

SUR   LA    FORMULE    SOCIOLOGIQUE    INDIQUÉE. 

Pourquoi,  m'écrit  un  partisan  des  idées  de  l'abbé  de 
Tourvilleetde  Demolins, choisir  une  formule  classifica- 
trice  qui  s'éloigne  de  la  nôtre  ? 

Pourquoi  ne  pas  poursuivre  simjDlement  l'œuvre 
entreprise  par  H.  Spencer  en  matière  de  sociologie 
descriptive?  me  demande-t-on  d'Angleterre. 

Pourquoi,  observe  un  fervent  de  l'Idéalisme  histo- 
rique, ne  pas  classer  les  phénomènes  sociaux  de  manière 
à  donner  la  i)rédominance  aux  plus  décisifs,  aux  phéno- 
mènes intellectuels? 

Et  ainsi  chacun  d'argumenter  du  point  de  vue  exclu- 
sif de  son  système,  de  sa  conviction  ou  de  ses  préfé- 
rences. 

A  tous  j'ai  répondu  ceci  : 

«  Je  ne  conteste  aucunement  l'utilité  de  classer  les 
renseignements  de  notre  répertoire  d'après  chacune  des 
diverses  classifications  sociologiques  qui  ont  cours 
dans  le  monde.  Je  suis  même  convaincu  qu'il  ne  se 
rencontrerait  aucun  obstacle  technique  insurmontable. 

»  La  difficulté  gît  dans  l'impossibilité  d'avoir,  pour 
le  moment,  autant  de  collections  qu'il  faudrait  pour 
atteindre  ces  buts  multiples. 

»  Le  jour  où  l'œuvre  entière  aura  pu  être  imprimée, 
l'obstacle  aura  disparu.  Et  chaque  sociologue  qui  pos- 
sédera un  exemi^laire  pourra  réaliser  le  classement  de 
son  rêve. 

»  Qu'il  n'y  ait  aucune  impossibilité  technique,  la  dé- 


—  i55  — 

monstration  peut  en  être  fournie,  dès  maintenant,  par 
les  documents  des  neuf  Monographies  parues.  Je  l'ai 
essayé  avec  succès  pour  les  classifications  préconisées 
par  M.  Worms,  j)ar  Demolins,  par  Roberty,  etc. 

»  Pourquoi,  j'ai  choisi  la  formule  classificatrice 
exposée  au  début  de  cette  préface  ? 

»  Par  la  raison  bien  simple  que  je  la  crois  la  meilleure 
et  la  plus  claire. 

»  Je  ne  prétends  pas  discuter  ici  l'importance  compa- 
rative des  divers  phénomènes  sociaux,  et  notamment 
la  question  de  savoir  si  les  facteurs  idéologiques 
doivent  ou  non  l'emporter,  en  dernière  instance,  sur  les 
facteurs  économiques  ou  géographiques.  Cette  discus- 
sion relèA^e  des  controverses  académiques.  Je  la  pour- 
suis dans  d'autres  ouvrages. 

»  Quelle  que  soit  la  vérité,  il  reste,  en  toute  hypo- 
thèse, qu'il  est  nécessaire  de  distinguer  ces  phénomènes 
les  uns  des  autres  et  de  ranger  sous  des  rubriques 
appropriées  les  renseignements  qui  relèvent  des  uns  et 
des  autres. 

5)  Notre  travail,  tel  qu'il  est,  apporte  les  documents  à 
pied  d'œuvre,  classés  d'une  façon  claire,  de  la  façon 
la  i)lus  claire  possible. 

»  Que  les  savants  s'en  emparent  pour  l'édification  de 
leurs  édifices  scientifiques. 

))  La  formule  classificatrice,  choisie  par  nous,  ne 
figure  ici  qu'à  titre  d'exemple. 

»  On  avait  dit  et  répété  :  «  Une  telle  œuvre  est  chi- 
»  mérique,  impossible,  étant  donné  l'amas  extrême 
5)  des  documents.  » 

»  J'avais  répondu  :  «  C'est  possible.  » 


—  i56  — 

»  Et  voici  une  démonstration...  » 

Mes  correspondants  et  contradicteurs  ont  fini  par 
admettre  la  légitimité  de  ce  x^oint  de  vue,  tout  en 
regrettant  de  ne  pas  pouvoir  disposer  dès  maintenant 
d'un  exemplaire  du  Répertoire  afin  de  le  classer  chacun 
suivant  son  idéal. 

Mon  désir  le  plus  vif  est  de  leur  donner  cette  satis- 
faction au  plus  tôt.  Mais  qui  résoudra  les  difficultés 
financières? 

Pour  imprimer  à  un  nombre  suffisant  d'exemplaires 
un  semblable  travail,  il  faut  le  concours  de  Mécènes  ou 
l'intervention  des  Gouvernements. 

Cyr.  Van  Overbergh. 


XI. 


INTRODUCTION 


A  LA 


Monographie    des    Baholoholo 


La  méthode  des  sondages  exig-e  qu'une  Monographie 
de  la  Collection  soit  consacrée  à  une  peuplade  des  grands 
lacs  africains. 

Longtemps  j'hésitai  dans  le  choix  de  la  peuplade. 

Finalement  la  préférence  fut  donnée  aux  Baguha, 
surnommés  Baholoholo. 

Ces  gens  habitent  le  long  du  Tanganika  ;  ils  ont  des 
rapports  constants  avec  les  Baluba,  cette  variété 
raciale  aux  ramifications  immenses  dont  je  poursuivais 
l'étude  par  ailleurs  avec  les  Pères  Blancs  d'Afrique  ;  ils 
constituent  un  type  de  société  nègre  autrefois  très 
prospère,  aujourd'hui  anémiée,  dégénérée,  en  marche 
vers  la  dissolution,  ce  qui  permet  de  voir  comment  et 
pourquoi  une  peuplade  décline  et  meurt  ;  enfin,  un 
observateur  ethnographique  de  premier  ordre, qui  avait 
vécu  au  milieu  de  ces  misérables,  connaissant  leur  lan- 
gue et  leur  mentalité,  s'offrait  à  les  i)résenter  au  monde 
savant. 

C'était  plus  de  raisons  qu'il  n'en  fallait  pour  accorder 
aux  Baholoholo  un  tour  de  faveur. 


—  io8  — 

Cette  Monographie  offre  ce  caractère  spécial  qu'elle 
est  l'œuvre  d'un  seul  auteur. 

Combien  de  fois  ne  m'avait-on  pas  écrit  :  «  Votre  mé- 
thode comparative  de  publication,  toujours  selon  le  même 
plan,  est  excellente  pour  les  œuvres  en  collaboration; 
elle  permet  à  chacun  d'apporter  sa  pierre  à  l'édifice. 
Mais...  elle  ne  vaut  pas  pour  l'écrivain  unique.  Vos  cadres 
torturent  sa  x^ensée.  L'expérience  vous  prouvera  que 
vous  ne  réussirez  pas  à  mettre  sur  pied  des  Monogra- 
phies qui  soient  l'œuvre  d'un  seul.  Celui-ci  préférera 
toujours  sa  fantaisie  à  la  forme  rigide  que  vous  exigez.» 

En  vain,  je  démontrais  le  contraire.  Sans  doute  le 
«  littérateur  »  préférerait  obéir  à  son  caprice  et  à  son 
inspiration.  Mais  nous  ne  faisons  pas  de  la  littérature. 
Sans  doute,  l'observateur  non  suffisamment  armé  pour 
répondre  à  toutes  les  questions  et  néanmoins  désireux 
de  faire  croire  au  iniblic  qu'il  l'est,  choisira  le  livre 
«  égotiste  »  plutôt  que  la  contribution  rationnelle  et 
disciplinéequ'exige  notre  système.  Mais  le  savant  dont 
les  matériaux  sont  nombreux  et  solides,  et  qui  est 
possédé  du  sentiment  élevé  de  son  devoir  vis-à- 
vis  de  la  collectivité,  i)ourquoi  ne  chercherait-il  i^as 
plutôt  à  faire  rentrer  son  effort  dans  un  cadre  qui 
assure  le  maximum  de  productivité  à  l'œuvre  d'en- 
semble ? 

En  vain,  j'argumentais  des  Monographies  cinquième 
et  sixième,  dans  lesquelles  MM.  Delhaise  et  Vanden 
Plas  avaient  été  presque  seuls  à  rendre  témoignage. 

Le  préjugé  tenace  subsistait  et  plusieurs  collabora- 
teurs sur  lesquels  je  comptais  se  dérobèrent  sous  ce 
prétexte. 


—  i59  — 

Pour  en  finir, je  résolus  de  publier  coup  sur  coup  deux 
Monographies  importantes  qui  seraient  l'une  et  l'autre 
l'œuvre  exclusive  d'un  seul  collaborateur. 

De  ces  deux  Monographies,  la  première,  la  voici  ;  la 
seconde  est  presque  imprimée.  L'une  est  relative  avix 
Baholoholo,  l'autre  aux  Baluba.  Celle-ci  a  pour  auteur 
le  E,.  P.  Colle,  missionnaire  des  Pères  Blancs;  celle-là 
est  écrite  par  M.  Robert  Schmitz,  docteur  en  droit, 
ancien  magistrat,  le  brillant  collaborateur  de  la  Mono- 
graphie  des   Basonge  (i). 

Ces  deux  travaux,  vraiment  hors  ligne  démontreront 
ce  que  peut  faire,  en  matière  ethnograiDhique, l'homme, 
m.ême  isolé,  qui  avec  une  préparation  suffisante, se  con- 
sacre systématiquement  à  l'observation  des  indigènes 
au  milieu  desquels  il  vit. 

Qu'on  m'entende  bien  !  Il  n'a  pas  été  renoncé  à  la 
méthode  qui  veut  sur  chaque  i)euplade  le  dossier  com- 
plet de  tout  ce  qu'on  a  publié  sur  elle.  C'est  une  des 
originalités  de  la  collection  de  Monographies,  qui  a  été 
louée  le  plus  parle  monde  savant.  Mais,  pour  répondre  aux 
contradicteurs  auxquels  Je  faisais  allusion  tantôt,  il  est 
fait  deux  exceptions  à  la  règle.  Plus  tard  ces  Monogra- 
phies des  Baholoholo  et  des  Baluba  seront  complétées 
par  la  publication  des  fiches  supplémentaires  portant 
sur  les  renseignements  bibliographiques  et  iconogra- 
phiques. 

On  pourrait  intituler  la  Monographie  des  Baholoholo: 
«  Une  peuplade  qui  meurt.  » 

M.  Schmitz  estime  qu'ils  ne  sont  plus  que  cinq  à  six 


(i)  Prière  de  rectifier  à   toutes  les  fiches  le  nom  exact  de  l'auteur, 
M.  R.  Schmitz,  et  nou  Schmidt. 


—  i6o  — 

mille  et  il  indique  deux  causes  du  dépérissement  de 
la  race   : 

D'abord  «  les  maladies  infantiles  et  la  maladie  du 
sommeil  »  ;  ensuite  et  «  surtout  les  pratiques  sui^ersti- 
tieuses  :  accusations  de  sorcellerie,  épreuves  du  poison, 
meurtres  des  sorciers  » . 

Ce  sont  assurément  les  causes  «  internes  »  princi- 
pales. Mais  à  côté  d'elles  que  d'autres  ont  sévi  ! 

Sans  doute  les  Baholoholo  n'ont  pas  trop  souffert  des 
esclavagistes.  Les  Arabes  avaient  besoin  de  ces  indi- 
gènes du  Tanganika  «  pour  la  garde  de  leurs  embarca- 
tions, de  leurs  dépôts  de  marchandises  et  de  leurs 
cargaisons  d'esclaves  ».  Ils  les  ménageaient  et  affec- 
taient des  allures  j)atriarcliales.  La  prospérité  maté- 
rielle des  Baholoholo,  il  y  a  vingt-cinq  ans,  était 
enviable.  On  comptait  plusieurs  grandes  cités  aux  rues 
larges  et  droites,  bordées  de  vastes  maisons  en  torchis, 
à  quatre  pans,  aux  jardinets  i)lantés  d'arbres  fruitiers 
importés  de  la  côte  orientale.  L'agriculture  fleurissait. 
Certains  chefs  indigènes  possédaient  des  troupeaux  de 
cent  têtes  de  bétail  et  plus.  Le  pays  était  sillonné  de 
routes  commerciales  importantes  ;  par  là  passait  la 
grande  voie  des  caravanes  du  Manyema  ;  c'était  un 
va-et-vient  continuel  d'expéditions  revenant  chargées 
d'ivoire  ou  partant  chargées  de  ballots  ;  «  à  la  rive,  des 
boutres  dont  on  débarquait  de  l'huile,  du  sel,  des 
charges  de  café,  des  étoffes  ;  d'autres  qu'on  chargeait 
d'esclaves,  de  farine,  d'ivoire,  de  petit  bétail  ;  des  bar- 
ques de  x^êche  rentrant  au  port  » . 

Il  y  avait  bien  les  excitations  des  Arabes,  lançant  l'un 
village  contre  l'autre  ;   il  y  eut  l'invasion  des  Rouga- 


—  i6i  — 

Roug-a,  qui  réduisirent  les  indigènes  en  esclavage  ;  il 
y  eut  les  débordements  des  mœurs  licencieuses.  Mais 
en  somme,  ce  fut  l'époque  brillante  de  l'histoire  des 
Baholoholo. 

Depuis  l'expulsion  des  esclavagistes  et  des  Arabes, 
c'est  la  décadence. 

Le  port  est  déserté  ;  les  grandes  voies  commerciales 
n'existent  plus  ;  les  huttes  misérables  sont  revenues  ; 
des  agglomérations  d'autrefois  il  ne  reste  plus  que 
quelques  arbres  échappés  aux  feux  de  brousse  ;  des 
troupeaux,  guère  de  trace  ;  on  ne  travaille  presque 
plus  le  fer,  on  ne  tisse  plus  d'étoffes  de  coton  ;  on  ne 
sculpte  plus  de  «  ces  escabeaux  de  cérémonie  qui  fai- 
saient jadis  l'admiration  des  Arabes,  des  tamtams 
grandioses  et  des  xylophones  des  temps  passés  » . 

Si  la  brusque  disparition  des  Arabes  explique  bien 
des  côtés  de  cette  décadence,  il  faut  avouer  que  la 
politique  des  Européens  porte,  elle  aussi,  de  lourdes 
responsabilités.  Voyez  la  cause  occasionnelle  de  la 
disparition  de  l'élevage  : 

«  L'installation  des  Européens  à  Mtowa  mit  fin  à 
cette  prospérité  :  les  officiers  de  l'Etat  Indépendant 
trouvèrent  vaches  et  bœufs  fort  de  leur  goût  et  s'emi^res- 
sèrent  d'en  faire  d'excellents  beaf steaks.  Les  Baholoholo 
se  souviennent  toujours  de  ce  blanc  qui,  partant  pour 
Kiambi,  fit  de  nuit  une  razzia  monstre  dans  le  village 
où  il  logeait  et  s'en  alla  avec  quatre-vingts  bêtes  en 
laissant  ses  bagages  à  la  garde  de  Dieu.  Mais  tout  a 
une  fin  :  un  beau  jour,  les  chefs,  se  voyant  à  la  veille 
d'être  ruinés,  firent  une  hécatombe  de  ce  qui  leur 
restait  de  bêtes  et  les  mangèrent  eux-mêmes.  » 


—    l62   — 

L'organisme  politique,  la  tribu,  disparut;  «  les  chefs 
virent  leur  autorité  amoindrie,  réduite  à  zéro  ». 

Le  blanc  exigea  des  corvées  meurtrières  :  la  construc- 
tion et  l'entretien  des  routes,  le  portage,  la  récolte  du 
caoutcliouc. 

Les  Baholoholo  s'effarouchèrent  :  «  Beaucoup  étaient 
morts  à  la  besogne,  beaucoup  s'étaient  enfuis;  ce  qui 
restait  n'avait  plus  la  force  de  protester.  '> 

La  maladie  du  sommeil  faisait  des  ravages  effroya- 
bles ;  «  il  n'y  eut  pas  de  doute  pour  les  natifs  que  ce  ne 
fût  un  produit  d'importation  européenne  ». 

L'agriculture,  la  i^rincipale  industrie,  commença  à 
manquer  de  bras. 

«  Aujourd'hui,  la  grande  plaine  de  la  Lugumba,  cette 
Buanda  fameuse  où  vivaient  des  populations  immenses 
et  riches,  est  une  jungle  épaisse  que  traversent  de 
rares  sentiers  et  de  nombreux  troupeaux  de  buffles  ; 
dans  un  rayon  de  4  kilomètres  autour  du  poste,  on 
compte  a  peine  65o  âmes  ;  le  lac  Tanganika  n'est  plus, 
comme  jadis,  sillonné  par  les  flottilles  arabes  et  l'appa- 
rition d'une  voile  y  est  tout  un  événement;  partout, 
c'est  le  silence  des  êtres  et  la  ruine  des  choses.  Doulou- 
reuse histoire  que  celle  de  ce  peuple  qui  parut,  au 
siècle  dernier,  marcher  plus  rapidement  que  les  autres 
dans  la  voie  du  progrès,  qui  même,  si  l'on  on  croyait 
ses  légendes,  habita  des  villes  de  pierres  et  connut  la 
houille  et  qui  meurt  aujourd'hui,  décimé  par  la  mala- 
die du  sommeil,  ruiné  par  sa  propre  inertie,  étouffé  par 
ses  superstitions  barbares  dans  de  misérables  huttes 
où  il  ne  peut  entrer  qu'en  rampant.  » 

A   mesure   que   la    race    dégénérait,    l'autorité  des 


—  iG3  — 

devins  et  des  sorciers  grandissait  ;  les  sociétés  secrètes 
imposaient  un  joug-  terrifiant  ;  l'on  vit  «  cette  chose 
inouïe  d'une  i:>euplade  africaine  devenant  anthropo- 
phage en  plein  XX^  siècle,  après  dix  ans  d'occupation 
européenne  ». 

Les  mœurs  sexuelles  n'ont  guère  de  retenue.  Le  liber- 
tinage est  sans  limite.  Si  la  stérilité  et  l'infanticide 
sont  rares,  la  polygamie  sévit  avec  le  mariage  précoce 
et  le  massacre  des  enfants  difformes  et  l'ignorance  des 
mères  en  matière  de  puériculture. 

Qui  s'étonnera  que  le  nombre  des  décès  soit  supérieur 
à  celui  des  naissances  ? 

C'est  le  chemin  de  la  mort. 

«  En  résumé,  conclut  M.  Schmitz,  si  les  Européens 
ont  à  leur  actif  quelques  heureux  changements  :  adou- 
cissement de  l'esclavage,  sécurité  des  communications, 
diminution  du  nombre  de  guerres  intestines,  ils  ont  de 
graves  reproches  à  se  faire.  Ils  ont  toujours  vécu  en 
dehors  de  la  vie  des  indigènes,  ignorant  tout  de  leur 
vie  familiale  ou  religieuse,  traitant  de  fable  les 
récits  de  sorciers  brûlés,  d'enfants  mangés,  de  nou- 
veau-nés livrés  aux  fauves,  etc.,  laissant  s'implanter 
à  leur  porte  les  plus  formidables  sociétés  secrètes  qui 
soient,  ne  s'apercevant  pas  qu'ils  avaient  devant  eux 
non  pas  une  peuplade  évoluant  normalement,  mais  une 
peuplade  qui  dégénérait,  un  enfant  malade  qu'il  fallait 
ménager.  » 

Cyr.  Van  Overbergh. 


XII. 
INTRODUCTION 


A  LA 


Monographie     des     Baluba 


La  Civilisation 
méthodique  de  l'Afrique  centrale 

>*< 

Il  y  a  huit  ans,  au  retour  d'un  voyage  de  trois  mois 
atix  Etats-Unis  et  au  Canada,  je  fus  mandé  par  le  Roi 
Léopold  II  en  son  clialet  d'Ostende. 

—  Cher  Monsieur  Van  Overbergli,  vos  impressions 
d'Amérique? 

Une  heure  durant,  je  x)arlai  de  la  nation  américaine, 
de  son  énergie,  de  son  activité  fébrile,  de  son  élan  fré- 
nétique, de  l'atmosphère  de  «  records  »,  qui  dominait  la 
mentalité  de  ce  peuple,  en  marche  vers  la  conquête  de 
l'hégémonie  économique  :  The  first  in  the  World.  «  Ah  ! 
Sire,  un  bain  d'air  américain  ferait  plus  de  bien  à  nos 
jeunes  licenciés  universitaires  que  la  fréquentation  de 
dix  universités  européennes.  » 

—  La  question  nègre  ? 

Et  le  regard  du  Monarque  qui  créa  l'Etat  Indépendant 
du  Congo  se  détacha  de  la  mer  bleue,  chauffée  par  le 


—  i66  — 

soleil  de  juillet,  i)our  se  fixer  sur  son  interlocuteur,  à 
le  percer. 

—  La  question  nègre,  Sire,  c'est  une  des  deux  ou 
trois  plaies  au  flanc  de  l'organisme  national  américain. 

—  Une  j)laie  se  guérit,  Parlez-moi  de  la  manière  dont 
les  Américains  s'y  prennent  pour  perfectionner  leurs 
nègres. 

—  Ils  les  éduquent  et  les  instruisent.  Les  plus  vio- 
lents de  leurs  adversaires,  la  masse  des  blancs  du  Sud, 
rendent  hommage  à  l'effort  admirable  de  Booker  Was- 
hington, «  l'esclave  affranchi,  »  l'apôtre  des  nègres, 
l'un  des  hommes  les  plus  représentatifs  de  l'énergie  amé- 
ricaine. 

Et  longuement  je  décrivis  l'effort  de  cet  homme  de 
couleur,  initié  à  la  culture  la  plus  haute  par  le  général 
Amstrong,  et  qui  rêve  d'élever  ses  frères  à  la  hauteur 
des  blancs  jDar  le  travail  manuel  et  intellectuel. 

—  Si  vous  pouviez  visiter  Tuskegee,  Sire,  vous  ver- 
riez une  École  normale  modèle  doublée  d'une  école 
professionnelle  de  i)remier  ordre.  Il  y  a  là  près  de 
i,5oo  élèves,  garçons  et  filles,  tous  nègres,  formés  par 
des  i)rofesseurs nègres.  Les  60  bâtiments  qui  les  abritent 
furent  construits  i)ar  des  nègres  sous  la  conduite  d'ar- 
chitectes nègres;  ils  coûtèrent  plus  d'un  demi-million 
de  dollars  ;  le  budget  annuel  de  l'école  est  de  5oo,ooo  fr. 
C'est  l'œuvre  de  Booker  Washington,  que  M.  Roosevelt 
honore  d-^  son  amitié.  Les  3o  sections  de  l'Institut 
forment  des  spécialistes  qui  souvent  à  leur  tour  sont 
des  apôtres,  capables  de  créer  de  nouveaux  centres  de 
culture.  L'espoir  des  amis  des  noirs  est  que  dans  25  ans, 
tout  le  Sud  des  États-Unis  sera  couvert  d'écoles  du  type 


—  167  — 

de  Tuskeg-ee.  La  tâche  est  i)oursuiYie  avec  une  indomp- 
table énergie  et  un  succès  remarquable.  Ces  noirs  d'élite 
s'élèvent  à  la  hauteur  des  blancs  et  parfois  les  dépas- 
sent. Ils  démontrent  par  le  fait  que  le  noir  est  perfec- 
tible. 

—  Votre  conclusion  pour  mon  Cong'o  ?  Il  faut  que  je 
vous  dise  que  le  rêve  de  ma  vie  est  d'élever  les  popula- 
tions dont  j'ai  la  charge.  J'ai  supprimé  les  guerres  entre 
tribus,  arrêté  les  invasions,  exi^ulsé  les  trafiquants  de 
chair  humaine,  mis  fin  à  la  traite,  empêché  l'alcool 
d'empoisonner  le  cœur  de  l'Afrique,  fait  la  guerre  à  l'an- 
thropophagie, aux  poisons  d'épreuve,  à  toutes  les  cou- 
tumes qui  déshonorent  l'humanité.  Maintenant  que  la 
pacification  est  terminée,  et  que  les  difficultés  du  début 
sont  vaincues,  je  voudrais  chercher  à  relever  mes  noirs, 
à  les  élever  peu  à  peu  à  la  hauteur  de  notre  civilisation, 
si  possible.  Que  iDroposez-vous  ? 

—  Sire,  les  Américains  sont  d'accord,  Booker  Was- 
hington en  tête,  pour  dire  que  l'élévation  du  noir  sera 
une  œuvre  de  très  longue  haleine,  et  qu'elle  ne  pourra 
se  faire  que  graduellement. 

—  Bien  entendu.  Mais  quelles  senties  étapes  de  notre 
action? 

—  Il  y  en  a  trois,  à  mon  avis.  Il  faut  «  former  »  avant 
tout  les  fonctionnaires,  les  missionnaires  et  les  colons 
qui  iront  en  Afrique  :  ceci  ne  peut  se  faire  que  dans  un 
ou  plusieurs  établissements  spécialement  outillés  dans 
ce  but.  C'est  la  première  étape.  Ainsi  chaque  blanc  sera 
un  centre  de  rayonnement  ;  au  point  de  vue  des  nègres, 
ce  sera  une  élite  à  imiter,  dont  l'effort  de  civilisation 
se  multipliera  à  raison  de  la  x>ersonnalité  de  l'homme 


—  i68  — 

et  de  la  continuité  de  l'effort.  La  deuxième  étape  com- 
porte la  fondation  et  la  multiplication  au  Congo  d'écoles 
primaires  et  professionnelles,  à  semer  dans  le  pays  noir, 
aux  centres  nerveux,  et  de  préférence  chez  les  peu- 
plades supérieures.  La  troisième  étai3e  consiste  à  favo- 
riser la  fondation  des  écoles  nègres,  genre  Tuskegee  : 
rien  ne  vaut  l'éducation  du  noir  par  le  noir.  En  i)ra- 
tique,  on  pourra  pousser  ces  trois  lignes  à  la  fois,  sui- 
vant la  loi  de  la  moindre  résistance. 

—  Je  comprends.  J'apxDrouve.  Ne  perdons  pas  de 
temps.  Faites-moi  des  plans. 

—  Sire,  il  faudrait  commencer  par  étudier  les  mœurs 
et  les  coutumes  des  nègres  du  Congo,  car  l'enseigne- 
ment de  ces  diverses  écoles  doit  être  adapté  à  leurs 
besoins  précis. 

—  Votre  conclusion? 

—  La  permission  de  réfléchir,  d'étudier,  et  de  dresser 
les  plans  demandés. 

—  Allez,  travaillez  vite  ;  souvenez-vous  qu'il  s'agit 
du  salut  d'un  Continent  et  de  notre  bon  renom  devant 
le  monde. 

Et  voilà  comment  naquit  l'idée  de  l'Ecole  mondiale 
et  du  E-épertoire  documentaire  ethnograx)liique  de 
l'Afrique  centrale. 

Quelque  temps  après,  à  la  Société  belge  de  Sociologie^ 
M.  le  chanoine  Camerlinck,  aujourd'hui  doyen  d'Os- 
tende,  frappé  de  l'indigence  et  de  l'arbitraire  des  ren- 
seignements ethnographiques  de  Spencer  —  base  de  la 
science  positiviste  contemiDoraine  —  proposa  de  refaire 
et  de  compléter  l'œuvre  du   grand   anglais   par    une 


—  169  — 

enquête  sur  «  les  peuples  de  civilisation  inférieure  «. 
Cette  proposition  était  l'écho  scientifique  du  travail 
civilisateur  que  je  méditais;  n'étaient-ce  point  deux 
faces  d'une  môme  œuvre? 

Charg:é,  vers  ce  temps-là,  de  dresser  le  prog-ramme 
du  Congrès  international  d'expansion  économique  mon- 
diale (Mons,  igoS),  je  proposai  d'inscrire  à  la  section 
d'  «  expansion  économique  »  la  question  de  l'Ecole  mon- 
diale et  la  question  de  l'organisation  de  l'enquête  ethno- 
graphique. 

On  se  rappelle  l'éblouissant  succès  de  ce  Congrès, 
qu'on  nomma  le  Congrès  des  Congrès  de  igoS. 

Les  brillants  travaux  sur  l'Ecole  coloniale  devaient 
aboutir  à  la  constitution  d'une  Commission  internatio- 
nale qui  fixât  les  programmes  de  l'Ecole  mondiale. 

Quant  à  la  documentation  ethnographique,  la  con- 
clusion des  débats  sur  les  sept  magnifiques  rapports 
déposés,  fut  la  création  du  bureau  ethnographique  inter- 
national. Sa  mission  était  immense  :  il  ne  s'agissait  de 
rien  moins  que  de  rassembler,  de  classer  et  de  publier 
sur  un  même  plan  toiis  les  renseignements  ethnogra- 
phiques relatifs  à  tous  les  peuples  de  la  terre. 

On  sait  comment  la  mort  de  Léopold  II  paralysa 
l'élan  de  l'Ecole  mondiale,  dont  les  plans  et  les  pro- 
grammes avaient  été  arrêtés  et  pour  laquelle  les  res- 
sources étaient  prévues  et  réservées.  Pendant  qu'étour- 
dis par  la  perte  de  leur  Grand  Roi,  les  Belges  se 
demandent  encore  comment  ils  s'y  prendront  pour  con- 
tinuer cette  œuvre  grandiose,  qui  aurait  placé  leur 
nation  à  l'avant-garde  des  peuples  colonisateurs, 
l'étranger  se  hâta  de  prendre  dans  les  programmes  pré- 


—  170  — 

parés  avec  tant  de  soins  ce  qui  pouvait  lui  convenir; 
c'est  ainsi  que  l'observateur  attentif  du  mouvement 
colonial  assiste  depuis  quelque  temps  à  ce  singulier 
spectacle,  de  voir  que  l'étranger  applique  au  profit  de 
ses  colonies  les  institutions  que  Léopold  II  songeait  à 
réserver  d'abord  à  sa  jysitvie. 

Quant  au  Répertoire  ethnographique,  il  marche  de 
l'avant,  à  travers  des  difficultés  sans  nombre.  Des 
Belges  ont  pris  l'initiative  de  mener  à  bien,  à  titre 
d'expérience,  l'ethnographie  nègre  comx)arée.  A  la 
récente  Exposition  de  Bruxelles  191  o,  on  a  pu  voir, 
dans  un  vaste  salon  de  la  Section  des  Sciences,  le  plan 
de  cet  immense  effort,  la  méthode  de  réalisation  et  les 
résultats  encourageants.  Environ  quatre  cent  mille 
renseignements  sur  les  peuplades  africaines  sont  ainsi 
rassemblés  et  classés.  A  titre  d'échantillons,  dix 
volumes  de  Monographies  (de  400  à  600  pages  chacun) 
ont  été  soumis  à  la  critique  du  monde  savant  et  de 
l'opinion  x>ublique.  Bientôt,  cette  partie  de  l'œuvre 
gigantesque,  rêvée  à  Mons  en  1906,  sera  accomi)lie; 
elle  sera  prête  à  être  publiée  tout  entière  et  mise  à  la 
disposition  des  i)enseurs  qui  voient  dans  la  science 
d'observation  comparée  le  levier  de  la  sociologie  féconde 
et  pratique. 

C'est  sur  cette  base,  et  notamment  sur  les  dix  Mono- 
graphies publiées  que  je  voudrais  aujourd'hui  —  en 
réponse  à  une  demande  de  l'Association  des  Licenciés 
sortis  de  l'Université  de  Liège  —  faire  connaître  un 
IDian  de  travail  qui  a  pour  objet  la  civilisation  ration- 
nelle de  l'Afrique  nègre.  La  publication  de  ce  plan  a 
pour  but  d'attirer  l'attention  de  la  jeunesse  universi- 


—  171  — 

taire  sur  l'importance  du  sujet.  Afin  d'être  plus  clair, 
je  choisirai  mes  exemples  dans  la  colonie  belge.  Mais 
la  portée  des  conclusions  est  générale  :  elle  s'étend 
à  toute  l'Afrique  nègre.  Peut-être  que  des  vocations 
s'éveilleront.  Je  souhaite  de  tout  cœur  qu'il  se  trouve 
parmi  nos  jeunes  hommes  d'avenir,  des  collaborateurs 
d'élite  pour  l'œuvre  rêvée  par  les  amis  des  noirs. 
Nous  disons  aux  jeunes  gens  :  «  Voici  ce  qu'on 
sait  à  l'heure  actuelle  sur  les  coutumes  de  nos  frères 
nègres,  dont  nous  avons  la  charge  d'âme  ;  si  vous  vous 
destinez  à  une  carrière  coloniale,  étudiez  les  coutumes 
des  gens  avec  lesquels  vous  serez  en  contact,  de  façon 
à  les  connaître,  et  à  reprendre  le  sillon  de  vos  j)rédéces- 
seurs  à  l'endroit  i:)récis  où  ils  l'auront  laissé  ;  ajoutez  à 
ce  trésor  de  renseignements  tous  ceux  que  vous  pourrez 
et  aussi  toutes  les  améliorations  ou  inventions  sociales 
que  vous^aurez  réussi  à  appliquer  avec  succès.  Si  vous 
êtes  homme  de  science,  étudiez  l'un  ou  l'autre  point, 
selon  votre  spécialité,  mais  partez  non  d'idées  générales 
et  préconçues,  mais  des  observations  pratiques  et 
dignes  de  foi. 


§  I.  —  Considérations  générales. 

Toute  Société  est  formée  par  la  combinaison  de  deux 
facteurs  :  un  territoire  et  une  population. 

Ces  deux  facteurs  sociaux  engendrent  des  com- 
binaisons de  diverses  natures  :  ce  sont  les  phéno- 
mènes    sociaux,    qu'on    peut     classer    de    plusieurs 


—  172  — 

manières.  On  a  proposé  de  s'en  tenir  à  un  ordre  de 
la  généralité  décroissante  et  de  complexité  crois- 
sante  : 

i)  phénomènes  économiques, 

2)  »  familiaux, 

3)  >  esthétiques, 

4)  »  idéologiques, 

5)  »  moraux, 

6)  »  juridiques, 

7)  »  politiques. 

Puisque  ces  divers  phénomènes  s'observent  dans  les 
sociétés  les  plus  humbles  comme  dans  les  sociétés  les 
plus  élevées,  les  sociétés  de  l'Afrique  nègre  les  pré- 
senteront avec  des  caractères  propres  et  plus  ou  moins 
développés. 

Par  méthode  nous  suivrons  un  ordre  semblable  dans 
l'étude  de  notre  civilisation  rationnelle  de  l'Afrique. 
Après  nous  être  demandé  ce  que  c'est  que  l'Afrique  et 
ses  habitants,  nous  chercherons  successivement  en 
chacune  des  sept  classes  des  i^hénomènes  sociaux,  des 
indications  sur  la  manière  d'améliorer  les  peuplades 
nègres  considérées,  à  un  niveau  de  civilisation 
sui^érieur. 

Une  observation  préliminaire  s'impose. 

Je  considère  comme  fausses  les  méthodes  dites  révo» 
lutionnaires  qui  attendent  un  changement  radical  des 
nègres  en  un  court  espace  de  temps  et  comme  sous 
l'action  d'un  coup  de  baguette  magique.  L'exemple  de 
l'Amérique  devrait  guérir  à  jamais  nos  mentalités  de 
cette  maladie.  Les  nègres  des  États-Unis  furent  éman- 


17J 


cipés  en  i865  à  la  suite  de  la  guerre  civile  du  Nord 
contre  le  Sud  ;  ils  obtinrent  du  même  coup  leur  libéra- 
tion, le  droit  de  suffrage,  et  la  majorité;  ils  s'en  ser- 
virent aussitôt  pour  chasser  les  blancs  des  fonctions, 
les  tj^ranniser,  leur  imposer  tous  les  impôts,  piller  les 
caisses  publiques,  déconsidérer  l'administration,  mettre 
en  péril  la  civilisation  elle-même.  Ces  grands  enfants, 
privés  de  toute  éducation  politique,  comment  pouvait- 
on  s'imaginer  qu'ils  auraient  pu  se  servir  des  institu- 
tions compliquées  de  nos  civilisations  raffinées  ?  Une 
race  n'ayant  qu'une  organisation  sociale  rudimentaire 
ne  francliit  pas  d'un  bond  tous  les  degrés  qui  la  séparent 
des  hauteurs  où  brillent  les  institutions  compliquées  et 
délicates  de  la  race  blanche. 

M.  Vandervelde  juge  ainsi  et  avec  raison  les  résul- 
tats de  l'expérience  Haïtienne  : 

«  Tout  ce  que  la  colonisation  française  avait  créé 
tombe  en  ruines.  Il  n'y  a  plus  guère  de  routes.  Il  n'y  a 
pas  encore  de  chemins  de  fer  et  si  les  messageries  fran- 
çaises n'y  faisaient  pas  des  escales,  si  des  Européens 
assez  nombreux  —  des  Allemands  surtout  — ne  s'étaient 
établis  dans  les  ports,  si  les  mulâtres  ne  formaient 
l'élément  dirigeant,  sauf  dans  l'armée,  presque  rien  ne 
représenterait  à  Haïti  notre  civilisation . 

»  A  plus  forte  raison  en  serait -il  de  même  si,  par 
impossible,  les  puissances  coloniales  d'Europe  se  déci- 
daient à  abandonner  leurs  possessions  d'Afrique  et  si 
elles  n'y  étaient  pas  remplacées  par  l'Islam. 

»  Certes  les  indigènes,  pour  la  plupart,  seraient  très 
satisfaits  d'être  débarrassés  de  toute  domination  étran- 
gère ;  ils  pourraient  se  livrer  de  nouveau,  comme  par  le 


—  174  — 

passé,  aux  douceurs  de  la  guerre  entre  tribus  ;  ils 
reconstitueraient,  sans  doute  assez  vite,  l'organisation 
ancienne  de  leurs  communautés  de  village  ;  mais  ils 
seraient  certainement  incapables  de  conserver  ce  qui 
■ —  à  nos  yeux  du  moins  —  mériterait  d'être  conservé  : 
les  lignes  de  chemins  de  fer  abandonnées,  seraient 
bientôt  recouvertes  par  la  brousse  ;  les  steamers  cesse- 
raient de  sillonner  le  Congo  ou  le  Niger  ;  les  établisse- 
ments euroiDéens  tomberaient  en  ruines  ;  et  vingt  ans 
après,  il  ne  resterait  plus  rien  des  grands  travaux  qui 
ont  ouvert  l'iiinterland  africain  au  commerce  mondial, 
non  sans  d'immenses  sacrifices  d'argent  et  de  vies 
humaines.  » 

C'est  mon  opinion. 

Le  moyen  d'élever  la  race  nègre  brusquement  à  la 
hauteur  de  la  race  blanche  n'existe  pas.  L'expérience  a 
consacré  cette  vérité. 

Dans  l'ordre  social  comme  dans  l'ordre  physique,  la 
nature  ne  fait  pas  de  bonds.  C'est  par  une  action  per- 
sévérante, patiente,  nécessairement  longue  et  compli- 
quée, que  le  bloc  des  habitudes  séculaires  peut  être 
ébranlé,  mis  en  mouvement,  dirigé  vers  des  fins  supé- 
rieures. L'œuvre  des  peuples  européens,  maîtres  des 
colonies,  est  d'aider  les  indigènes  à  évoluer,  peu  à  peu, 
suivant  la  ligne  de  leur  développement,  vers  des  hau- 
teurs civilisatrices,  de  plus  en  plus  élevées. 

Quand  on  demande  à  Booker  Washington  combien  de 
temps  il  faudra,  selon  lui,  aux  noirs  d'Amérique  —  bai- 
gnés dans  la  civilisation  —  pour  arriver  à  la  hauteur 
des  blancs,  l'apôtre  répond  :  «  Longtemps,  très  long- 
temps ;   nous  commencerons  par  la  production  d'une 


—  175  — 

élite.  Les  étudiants  qui  sortent  de  Tuskegee  valent  en 
capacité  et  en  moralité  les  étudiants  des  autres  races 
qui  sont  de  la  même  condition  sociale.  Ils  sont  déJLi  des 
milliers,  semeurs  de  la  bonne  semence.  Demain  ils 
seront  cent  mille,  deux  cent  mille.  Voilà  le  levain  qui 
fera  fermenter  la  i)âte  de  nos  dix  millions  de  frères.  Il 
n'y  a  iDas  cinquante  ans  que  nos  nègres  d'Amérique 
sont  devenus  libres.  Les  blancs  n'ont-ils  pas  mis  des 
centaines  et  des  centaines  d'années  à  se  civiliser  ?  Il  est 
vrai,  qu'à  raison  de  l'exemple  que  nous  avons  et  des 
moyens  éducatifs  modernes,  nous  x^ouvons  avancer  plus 
rapidement.  Mais  il  faudra  du  temps,  de  la  patience  et 
de  la  vaillance.  » 

Mutatis  mutandis,  c'est  ainsi  qu'il  convient  de 
répondre  iDour  l'Afrique. 

Quand,  grâce  à  la  qualité  supérieure  des  agents  de 
la  civilisation  européenne,  les  stations  des  blancs 
seront  autant  de  centres  de  rayonnement,  quand  les 
écoles  des  missionnaires  et  autres  auront  fourni  les 
élites  nègres,  quand  les  représentants  les  plus  autorisés 
de  ces  élites  auront  multiplié  les  Tuskegee  sur  toute  la 
carte  africaine,  une  immense  poussée  vers  le  progrès 
soulèvera  la  race  noire  du  Soudan  au  Cap,  de  la  Guinée 
à  Zanzibar.  Qui  sait  si  l'Afrique,  si  longtemps  déshé- 
ritée, ne  contribuera  pas  pour  une  part  notable  au  pro- 
grès de  l'humanité,  en  marche  vers  un  avenir  plus  con- 
solateur ? 

Ce  ne  sera  pas  l'œuvre  d'un  jour,  ni  d'un  siècle.  Mais 
qu'est-ce  qu'un  siècle  dans  la  vie  d'un  Continent  et 
d'une  race  ? 

On  se  demande  encore  parfois  si  la  politique  des  peu- 


-  176- 

ples  colonisateurs  doit  être  une  «  politique  de  domina- 
tion >)  ou  une  «  politique  indigène  » .  La  colonie  existe- 
elle  pour  l'avantage  de  la  métropole  ou  la  métropole 
pour  la  colonie  ? 

Je  n'hésite  pas  à  répondre  que  le  gouvernement  colo- 
nial doit  avoir  en  vue  avant  tout  le  développement  de 
la  race  indigène.  Il  est  son  tuteur  plus  que  son  maître 
L'idée  d'égalité  qui  est  à  la  base  de  nos  démocraties 
modernes  n'admet  pas  d'autre  solution. 

La  métropole  tendra  la  main  aux  peuplades  arriérées 
de  ses  colonies  pour  les  aider  à  gravir  l'échelle  du 
progrès. 

De  là,  l'importance  extrême  du  choix  des  agents 
coloniaux,  de  leur  préparation  et  de  leur  caractère. 
Les  lois  de  l'imitation,  si  admirablement  décrites  par 
Tarde,  n'opèrent  nulle  part  mieux  qu'en  Afrique.  Les 
blancs  sont,  aux  yeux  des  nègres,  une  aristocratie 
auréolée  de  toutes  les  puissances.  Leur  exemple  est 
souverain. 

C'est  ce  qu'avait  si  admirablement  compris  Léo- 
pold  II,  le  créateur  de  l'École  mondiale,  où  devaient 
achever  leur  formation,  dans  l'espace  de  temps  le  plus 
court  possible,  non  seulement  les  agents  supérieurs  de 
l'administration,  mais  tous  ceux  qui,  comme  colons, 
employés  ou  ouvriers,  étaient  susceptibles  de  contri- 
buer d'une  manière  quelconque  à  l'évolution  progres- 
sive des  peuplades  arriérées. 

Après  un  court  exposé  des  deux  facteurs  fondamen- 
taux, le  territoire  et  la  population,  nous  montrerons, 
par  quelques  exemples  des  deux  phénomènes  sociaux 
les  plus  différents,  l'économie  et  l'idéologie,  l'applica- 


—  177  — 

tion   de  la  méthode  que  nous  préconisons  et  qui  fait 
appel  à  la  collaboration  de  tous. 

§  2.  —  Le  premier  des  facteurs  sociaux  :  Le  territoire. 

Le  territoire  du  Congo  belge  a  une  étendue  de  quatre- 
vingts  fois  la  superficie  de  la  Belgique.  Il  s'étend  de  la 
mer  aux  Grands  Lacs  de  l'Afrique  centrale. 

Presque  pas  de  montagnes  :  la  ligne  des  collines  dite 
Monts  de  Cristal,  qui  court  parallèlement  à  la  côte  de 
l'océan  Atlantique;  au  sud-est,  la  chaîne  des  Monts 
Mitumba;  un  x^en  au  nord  de  l'Equateur,  à  l'extrême- 
est,  le  Ruwenzori,  i)uissant  et  solitaire. 

Entre  la  mer  et  les  Monts  de  Cristal,  s'étale  une 
première  terrasse  :  elle  comporte  5o,ooo  kilomètres 
carrés.  Elle  est  fertile,  contient  des  forêts  admirables 
et  quelques  mines. 

Puis  vient  l'immense  zone  moyenne,  d'une  superficie 
de  3,000,000  de  kilomètres  carrés.  C'est  dans  son  sein 
que  se  déploie  la  courbe  majestueuse  du  Congo,  avec  sa 
chevelure  de  fleuves  et  de  rivières.  Comme  débit  d'eau, 
le  Congo  est  le  premier  des  fleuves  africains  ;  il  occupe 
le  deuxième  rang  dans  la  liste  des  bassins  fluviaux  du 
monde.  Il  est  entouré  par  la  grande  forêt  équatoriale, 
dont  la  richesse  et  la  beauté  arrachèrent  à  Stanley  des 
cris  d'admiration  qui  traversent  l'histoire. 

La  zone  supérieure,  qui  domine  la  zone  moyenne  de 
5oo  mètres,  ne  comporte  que  760,000  kilomètres  de 
superficie.  Elle  comprend  la  fameuse  région  des  mines 
du  Katanga,  dont  les  richesses  de  cuivre  et  d'étain 
fixent  l'attention  de  l'univers. 


-  i7«  — 

Le  relief  du  Congo  belge  apparaît,  ainsi  que  l'a  dit 
Wauters,  comme  une  série  de  terrasses  étagées,  partant 
du  rivage  de  l'océan  Atlantique  et  s' élevant  graduel- 
lement vers  l'est,  le  nord-est  et  le  sud-est. 

Sur  cette  immense  pente  douce,  règne  une  chaleur 
relativement  uniforme  de  28  à  27°,  tout  le  long  de 
l'année. 

Beaucoup  de  x^luies  d'octobre  en  mai.  De  juin  en 
septembre,  c'est  la  saison  sèche,  celle  de  la  moindre 
chaleur  et  qui  donne  l'humidité  la  plus  faible. 

Dans  ce  milieu,  se  développe  une  végétation  prodi- 
gieuse. Elle  i)résente  des  aspects  divers  qui  ont  reçu 
des  noms  caractéristiques  :  la  forêt,  le  marais,  la 
galerie,  la  savane  et  la  brousse. 

L'immense  foret  équatoriale,  qui  s'étale  de  l'Uele 
jusqu'aux  Mitumba,  couvre  tout  le  fond  de  la  cuve 
congolaise,  ancienne  mer  intérieure,  où  la  i)luie  tom- 
bant toute  l'année  en  averses,  forme  le  plus  merveilleux 
spécimen  de  forêt  vierge  qui  ait  frappé  Toeil  humain. 

Le  marécage,  qui  côtoie  ou  entoure  les  rivières  et 
les  lacs,  joue  un  rôle  important  dans  la  pathologie 
congolaise. 

La  galerie  est  la  forêt  du  cours  d'eau  ;  il  arrive  que 
les  rivières  coulent  à  une  profondeur  notable  de  la 
surface  du  bord;  le  voyageur  qui  navigue  dans  ces 
défilés  contemple  la  voûte  de  verdures  qui,  des  deux 
bords  se  rejoignent  sur  l'abîme  :  vue  en  profondeur,  la 
perspective  est  celle  d'une  galerie.  Là  croissent  sur  une 
bande  plus  ou  moins  large  des  essences  diverses  et 
riches. 

Autour  de  la  grande  forêt,  se  déploie  la  savane;  elle 


—  179  — 

occupe  les  terrasses  supérieures.  On  dirait  un  verger 
sans  limites.  Sur  un  océan  d'herbes,  des  arbustes  à 
cime  plus  ou  moins  arrondie,  qui  ne  dépassent  guère 
cinq  à  six  mètres  de  hauteur. 

Le  restant  du  sol  n'est  qu'une  steppe  ou  prairie,  aux 
graminées  rudes,  élevées,  coupantes. 

La  flore  utile  s'étale.  Ici,  ce  sont  les  lianes  caout- 
cTioutières,  les  bois  de  construction,  d'ébénisterie,  de 
teinturerie  ;  là-bas,  les  palmiers  élevés,  le  bananier, 
l'arbre  à  kola  ;  puis,  un  peu  i^artout,  le  manioc,  la 
patate  douce,  l'igname. 

Tout  ce  territoire  est  i)euplé  d'une  faune  riche, 
diverse  et  nombreuse.  Le  centre  africain  est  un  paradis 
pour  le  chasseur.  Comme  animaux  domestiques,  on  ne 
trouve  j)our  ainsi  dire  que  les  chèvres,  les  moutons,  les 
porcs,  les  poules  et  les  chiens  :  le  gros  bétail  est  rare  ; 
la  tsé-tsé  lui  a  fait  une  guerre  d'extermination. 


§  3.  —  Le  second  facteur  s  La  population. 

Sur  ce  riche  territoire,  dans  la  zone  équatoriale  et 
torride,  vivent  depuis  les  origines,  plusieurs  variétés 
de  nègres.  Une  vingtaine  de  millions,  croit-on.  La 
masse  de  la  population  est  formée  de  Bantous.  C'est  un 
nom  générique  qui  veut  dire  «  les  Hommes  »  {Ba,  pré- 
fixe personnel  pluriel,  et  Ntu  =  être  humain).  Ainsi 
que  le  remarque  M^"'  Leroy,  on  a  pris  l'habitude  de 
désigner  ainsi  ce  groupe  linguistique  considérable,  qui 
occupe  la  x>lus  grande  partie  de  l'Afrique  habitée,  en 
deçà  et  au  delà  de  l'Equateur,  de  l'i^tlantique  à  l'océan 


—  i8o  — 

Indien,  du  bassin  du  Tchad  et  du  Victoria  au  cours  de 
l'Orange. 

Les  Bantous  qui  habitent  le  Congo  belge  offrent  des 
variétés  de  types,  qui  se  précisent  à  mesure  que  l'eth- 
nologie les  étudie  de  plus  près.  Ils  sont  divisés  en  une 
foule  de  peuplades  dont  la  tribu  forme  presque  partout 
la  base,  sinon  le  centre.  Ces  peuplades  se  différencient 
souvent  par  le  langage ,  chacune  à  certaines  coutumes 
propres  ;  leur  production  est  conditionnée  par  le  milieu 
physique. 

Nos  connaissances  ne  permettent  pas  encore  de  faire 
une  théorie  détaillée  de  ces  nègres,  en  général  de  taille 
élevée,  à  la  peau  noire,  au  crâne  allongé,  au  nez  écrasé 
et  aux  lèvres  épaisses.  Nous  en  sommes  encore  à  la 
période  des  études  monographiques.  La  collection  des 
Monographies  ethnographiques  en  a  publié  toute  une 
série  :  les  Bangala,  gens  du  fleuve;  les  Mayombe,  des 
forêts  de  la  côte;  les  Basonge,  de  la  savane  ;  les  Warega, 
de  la  grande  forêt;  les  Baholoholo,des  Grands  Lacs,  etc. 

L'étude  comparée  de  ces  i)euplades,  qui  se  sont  dé- 
veloppées dans  des  milieux  physiques  si  différents, 
permet  de  dégager  un  certain  nombre  de  caractères 
communs  et  de  différences.  Mais  il  serait  prudent 
d'attendre  encore,  avant  d'oser,  des  conclusions  défini- 
tives. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ces  nègres,  dits  Bantous,  consti- 
tuent la  grosse  masse  de  la  population  actuelle  du 
Congo;  de-çi  delà,  on  trouve  des  Negritos,  plus  connus 
sous  le  nom  de  Pygmées.  Ils  sont  disséminés  dans  et  à 
l'entour  de  la  Grande  Forêt  équatoiiale.  On  voudrait 
voir  en  eux  les  habitants  primitifs  de  l'Afrique.  Ils  ne 


-  I«I  — 

constituent  qu'un  l'acteur  négligeable  de  la  population 
actuelle  du  Congo  belge. 

Vers  le  Nord  cependant,  dans  l'Uele  se  massent  les 
Azande,  peuplade  puissante,  qui  se  rattacherait  à  ce 
qu'on  est  convenu  d'api3eler  une  race  spéciale,  et  qui 
s'enfonçait  comme  un  coin  dans  le  monde  des  Bantous 
établis  au  Nord  de  la  Grande  Forêt,  à  l'heure  où  les 
Européens  occupaient  les  rives  des  affluents  du  Congo. 

Au  reste,  au  début  de  l'occupation  belge,  l'Afrique 
centrale  offrait  le  spectacle  de  l'Europe  à  l'époque  des 
invasions.  Ce  n'était  qu'un  va  et  vient  de  peuples,  du 
Nord  au  Sud,  de  l'Orient  à  l'Occident,  du  Midi  au  Sep- 
tentrion. Les  migrations  étaient  continues.  Et  dans  cer- 
taines plaines  comme  celles  du  Kasai,  c'étaient  des  mê- 
lées confuses,  dans  lesquelles  la  science  actuelle  cherche 
encore  un  fil  conducteur  qui  permettra  un  classement. 
Il  convient  d'ajouter  que,  dans  la  partie  orientale,  les 
chasses  d'esclaves  des  Arabes  augmentèrent  la  confu- 
sion et  le  trouble. 

L'occupation  progressive  de  la  contrée  par  les  blancs 
marqua  la  fin  des  grandes  invasions.  Les  traitants 
arabes  furent  écrasés  ou  refoulés.  Les  conquérants 
Azande  furent  arrêtés.  Et  rapidement  les  peuplades 
furent  fixées  au  sol  qu'ils  occupaient. 

En  règle  générale,  ces  peuplades  avaient  i^eu  de 
relations  entre  elles  ;  sauf  les  rapports  de  plus  ou  moins 
grande  vassalité  entre  les  soumis  et  les  conquérants, 
sauf  les  échanges  de  services  entre  certains  Pygmées  et 
les  chefs  Bantous,  sauf  les  rares  relations  commer- 
ciales, entretenues  par  les  fleuves  et  les  caravanes,  les 
tribus  étaient  indépendantes  l'une  de  l'autre  ;  elles  gar- 


—    l82   — 

daient  leur  autonomie  et  vivaient  comme  elles  pouvaient 
sur  le  pays  qu'elles  occupaient. 

Entre  le  territoire  et  la  population,  des  combinaisons 
pouvaient  se  remarquer,  diverses  et  originales,  qui  se 
traduisaient  à  rœil  de  l'observateur  sous  l'aspect  de 
l'un  ou  l'autre  des  phénomènes  sociaux  essentiels. 

D'abord  superficielles,  ces  observations  iirirent  peu  à 
peu  un  caractère  de  profondeur  et  de  certitude,  qui 
s'imposa  à  la  science.  Le  plan  de  la  Collection  de 
Monographies  ethnographiques  est  de  x^ermettre  à 
l'étudiant  de  suivre  la  marche  progressive  de  nos  con- 
naissances :  le  témoignage  des  premiers  ex^ilorateurs  y 
est  mis  en  présence  des  témoignages  des  voyageurs  qui 
les  suivirent  et  des  résidents.  Ainsi,  toutes  les  pièces 
de  l'enquête  sont  mises  sous  les  yeux  des  lecteurs.  Et 
l'on  voit  les  inexactitudes  se  redresser,  les  erreurs  s'é- 
vanouir, les  précisions  s'accentuer,  les  confirmations 
se  multiplier  et  la  certitude  ai)paraître. 

Ainsi  en  va-t-il  de  tous  les  phénomènes  sociaux,  de- 
puis le  i)lus  général,  l'économique,  jusqu'au  plus  rare, 
le  politique  :  échelle  sociologique  ascendante  dont 
chaque  degré  revêt  un  caractère  nouveau  de  complexité. 

Ce  sont  les  degrés  de  cette  échelle  que  nous  devrions 
parcourir,  mais  les  limites  d'une  introduction  ne  per- 
mettent de  réaliser  le  projet  qu'à  coups  d'exemples  : 
c'est  pourquoi  nous  nous  en  tiendrons  aux  phénomènes 
les  plus  difficiles  et  les  plus  différents  :  le  phénomène 
économique  et  le  phénomène  religieux. 

Une  erreur  qui  doit  être  dissipée  avant  tout,  c'est 
l'affirmation  du  caractère  sauvat^e  de  ces  peuplades 
du  centre  africain. 


—    ibC)    — 


Ces  nègres  ne  sont  pas  des  «  sauvages  » ,  si  l'on 
entend  par  là  des  êtres  humains  «  vivant  à  l'état 
errant,  sans  lois,  sans  conventions,  sans  organisation 
familiale  et  sociale  ».  Ces  sortes  de  sauvages  n'ont  pas 
encore  été  découverts  en  Afrique. 

Ces  nègres  sont-ils  dépourvus  de  toute  civilisation  ? 
Non  ;  en  général,  leur  société  est  assez  développée  ; 
parfois  même  elle  s'élève  à  une  hauteur  qui  surprend. 
Et  les  étonnements  des  explorateurs  devant  les  Mang- 
betu  et  les  Bakuba  se  conçoivent  et  se  justifient.  Un 
abîme  sépare  ces  nègres  des  Primitifs.  Leur  civilisation 
est  suspendue  entre  la  sauvagerie  des  origines  et  les 
sociétés  compliquées  du  Nord  de  l'Afrique  et  même 
de  l'Asie. 

On  s'est  perdu  dans  les  disputes  relatives  à  ce  qu'on 
appelle  la  «  régression  »  de  ces  nègres.  A  tout  prendre 
on  ne  peut  conclure  en  ces  matières.  Les  documents 
manquent.  Même  les  Pygmées  n'offrent  aucun  signe 
décisif  de  dégénérescence. 

D'autre  part,  est-il  permis  de  parler  de  progrès  chez 
nos  nègres  ?  Leur  civilisation  se  serait-elle  développée 
au  cours  des  siècles  ?  Question  difficile.  Ce  qui  paraît 
hors  conteste,  c'est  que  certaines  peuplades  se  sont 
élevées  beaucoup  plus  haiit  que  les  autres,  non  seule- 
ment au  point  de  vue  de  la  force  des  armes,  mais  de 
l'industrie,  de  l'art,  de  la  vie  intellectuelle,  des  mœurs 
et  de  l'organisation  sociale. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  sont  les  nègres  d'aujourd'hui, 
fixés  sur  leur  territoire  respectif,  que  les  Belges  ont 
pour  mission  d'élever  peu  à  peu  à  une  civilisation 
supérieure.  Aux  plus  avancés,   ils    offriront  une  aide 


—  i84  — 

plus  qualifiée  ;  aux  autres,  un  secours  plus  puissant, 
à  tous,  le  prog-rès  qui  convient  à  leur  situation  actuelle. 


§  4-  —  I^e  phénomène  économique. 

Parmi  les  nombreuses  questions  d'ordre  économique, 
qui  devraient  être  traitées,  il  en  est  deux  qui 
méritent  une  attention  particulière.  Elles  serviront 
d'exemples.  La  première  a  trait  à  la  culture  des  plantes 
vivrières  ;  la  seconde  à  l'amélioration  du  travail  des 
nègres. 

I.  —  La  plupart  des  indigènes  Bantous  et  Azande 
sont  des  agriculteurs  ;  les  Pygmées  sont  surtout  des 
chasseurs.  Les  riverains  des  fleuves  poissonneux  sont 
pêcheurs.  Presque  toujours,  la  chasse,  la  pêche  et  la 
cueillette  ne  fournissent  que  des  appoints. 

Ici,  les  villages  sont  entourés  de  cultures  ;  là-bas  les 
espaces  cultivés  sont  à  distance  des  habitations.  Les 
produits  agricoles  sont  presque  toujours  consommés  sur 
place  ;  peu  sont  destinés  au  commerce  ;  chacun  sème 
et  récolte  pour  soi  et  les  siens.  Le  prévoyance  ne 
dépasse  guère  les  limites  d'une  année  ;  d'où  le  danger 
des  famines. 

Les  premiers  résidents  s'imaginaient  que  les  mé- 
thodes indigènes  étaient  d'autant  plus  défectueuses» 
qu'elles  s'éloignaient  davantage  des  systèmes  euro- 
péens. Après  expérience,  on  dut  en  rabattre.  La 
tradition  séculaire  livrait  les  procédés  les  plus  adaptés 
au  climat  et  au  milieu  phj^sique,  du  moins  dans  l'état 
de  la  technologie  indigène  et  des  nécessités  sociales. 


—  i85  — 

La  question  des  cultures  vivrières  est  d'une  impor- 
tance capitale.  Lorsque  le  questionnaire  ethnogra- 
phique qui  sert  de  base  aux  Monographies  ethnogra- 
phiques vit  le  jour,  et  qu'on  s'aperçut  de  l'importance 
réservée  aux  numéros  relatifs  à  l'alimentation  et  à  la 
culture,  des  critiques  superficiels  ne  manquèrent  pas 
de  dire  :  «  Quelle  importance  cela  peut-il  avoir  au  point 
de  vue  scientifique  et  civilisateur  ?  » 

Les  savants  se  chargèrent  de  répondre  dans  les 
Congrès  internationaux  et  dans  les  revues  spéciales. 
Le  directeur  du  Jardin  botanique,  de  Bruxelles, 
M.  de  Wildeman,  le  botaniste  belge  qui  connaît  le 
mieux  ces  problèmes,  vient  encore  de  publier  un 
travail  du  plus  haut  intérêt  sur  les  plantes  alimentaires 
des  indigènes  du  Congo  belge.  «  L'imjDortance  des 
plantes  vivrières  a  été  souvent  soulignée...;  cette  étude 
permettrait  peut-être  de  se  rendre  comx^te  de  l'évolution 
de  la  race  nègre,  et  du  chemin  suivi  par  les  civilisa- 
tions qui  ont  pénétré  dans  le  centre  de  l'Afrique  ». 

Lidéxjendamment  de  l'impérieuse  nécessité  de  bonnes 
cultures  indigènes,  iDour  les  sauver  de  la  famine  et 
leur  fournir  une  nourriture  suffisante,  la  question  est 
capitale  pour  la  pénétration  de  l'Européen.  C'est  ce 
qu'après  une  expérience  déjà  longue,  le  Gouvernement 
de  la  Colonie  belge  a  compris  quand,  en  1909,  il  j)ublia 
des  instructions  sur  la  culture  des  plantes  vivrières  : 
«  Il  importe  que  les  plantations  vivrières  soient  établies 
partout  dans  le  but  de  pourvoir,  d'une  façon  comi^lète, 
au  ravitaillement  du  personnel  «.  M.  de  Wildeman 
ajoute,  de  son  côté,  après  examen  des  expériences 
étrangères  :  «  Les  travaux  d'Aug-.  Chevalier  et  de  bien 


—  i86  — 

d'autres  collègues  anglais,  allemands,  français,  nous 
ont  amené  à  publier,  en  1909,  dans  les  Annales  de  l'Ins- 
titut Colonial  de  Marseille,  un  certain  nombre  de  notices 
sur  des  plantes  vivrières  de  l'Afrique  Centrale  et,  de 
cet  examen,  encore  souvent  très  superficiel,  nous  arri- 
vions tout  naturellement  à  formuler,  une  fois  de  plus, 
la  conclusion  de  la  nécessité  d'enquêtes  plus  étendues 
pour  chacune  des  i)lantes  cultivées  par  les  indigènes 
congolais.  » 

N'est-ce  pas  la  justification  la  plus  nette  de  l'impor- 
tance que  donnent  les  Monographies  à  cette  question 
l^rimordiale  ?  D'essai  en  essai,  cette  importance  a  pu 
prendre  un  relief  i)lus  saisissant.  Et  la  monographie 
des  Baluba  due  à  la  plume  d'un  de  nos  missionnaires 
les  plus  observateurs,  le  P.  Colle,  montre  les  résultats 
auxquels  on  peut  atteindre. 

La  question  des  cultures  est  une  question  de  vie  et  de 
développement  de  l'Afrique.  «  Comme  l'a  dit  le 
D'"  Dryei)ondt,  devant  le  groupe  d'Etudes  coloniales  de 
l'Institut  de  sociologie  Solvay,  tous  les  efforts  doivent 
tendre  à  ce  que  les  noirs  augmentent  leurs  cultures 
vivrières,  car  la  difficulté  de  nourrir  le  i)ersonnel  peut 
être  une  cause  d'échec  des  entreprises  de  grande  cul- 
ture, du  commerce  et  des  travaux  i)ublics  ».  Et 
M.  de  Wildeman  atteste  que  cette  question  «  qui,  à 
première  vue  et  pour  certains,  est  tout  à  fait  secon- 
daire, doit  être  envisagée  comme  d'une  imj)ortance 
capitale  pour  la  mise  en  valeur  rationnelle  de  notre 
colonie  ». 

C'est  l'évidence  même. 

Si,  sous  le  soleil  de  l'Equateur,   les  noirs  forment 


—  187  — 

l'unique  main-d'œuvre  possible  des  grandes  entre- 
prises, la  question  de  l'alimentation  de  ces  travailleurs 
est  le  problème  dont  la  solution  importe  avant  tout. 
Sans  réconfortante  nourriture,  i)as  de  travailleurs  ; 
sans  de  bonnes  cultures,  pas  de  nourriture. 

D'autre  part,  sans  une  alimentation  suffisante,  pas 
de  résistance  des  organismes  à  la  maladie,  à  la  dépopu- 
lation ;  et  pas  d'alimentation  suffisante  possible  sans 
cultures  vivrières  fécondes,  améliorées  et  multipliées. 

Ainsi  le  problème  fondamental  de  la  civilisation 
rationnelle  des  nègres  africains  est  une  question  écono- 
mique, une  question  d'estomac  si  l'on  veut. 

On  commence  à  s'en  occu]3er.  C'est  bien.  Mais  il 
importe  de  l'envisager  dans  son  amiDleur. 

La  40®  session  de  l'Association  française  pour  l'avan- 
cement des  Sciences  à  Dijon,  formula  en  1911  les  vœux 
suivants  : 

«  1°  Que  les  Gouvernements  coloniaux  organisent  des 
enquêtes  scientifiques  sur  la  géographie  botanique  et 
spécialement  sur  toutes  les  plantes  cultivées  par  les 
indigènes  ; 

»  2"  Que  ces  plantes  soient  soumises  à  des  essais 
rationnels  dans  les  stations  principales  au  même  titre 
que  les  plantes  de  grande  culture  industrielle  ; 

»  3°  Que  dans  chaque  Colonie,  il  soit  créé  un  établis- 
sement central  organisé  scientifiquement  en  vue  du 
développement  de  l'organisme  colonial,  unique  source 
de  richesses  permanentes  dans  tous  les  pays.  » 

Je  cite  ces  vœux  sans  les  discuter;  je  veux  montrer 
simi)lement,  par  un  exemple,  que  les  Congrès  scienti- 
fiques en  viennent  -peu  à  peu  à  la  méthode  des  enquêtes 


—  i88  — 

scientifiques  et  des  essais  rationnels,  à  l'amélioration 
des  conditions  locales  et  de  l'éducation  ai)propriée,  qui 
constituent  ce  que  je  nomme  l'essence  de  la  civilisation 
méthodique. 

Un  témoignage,  entre  autres. 

M.  Jamelle,  dans  son  rapport  au  Congrès  de  l'Afrique 
Orientale  française,  déclare  :  '<  Une  autre  de  nos 
erreurs  a  été  de  vouloir  tout  d'abord  chercher  bien  loin 
ce  qu'il  était  possible  de  trouver  en  grande  partie  dans 
le  pays  même.  Beaucoui)  de  temps  et  d'efforts  ont  été 
perdus  iDar  des  essais  d'introduction  de  plantes  étran- 
gères ;  il  eût  été  plus  prudent  et  préférable  de  s'efforcer, 
et  avant  tout,  d'étendre  et  d'améliorer  la  culture  des 
espèces  qui,  en  raison  de  leur  indigénat  ou  d'une  intro 
duction  déjà  ancienne,  n'étaient  pas  soumises  aux  aléas 
de  l'acclimatement.  » 

Mais  voilà,  on  ne  vient  généralement  aux  solutions 
simples  et  rationnelles  qu'après  des  tentatives  diverses, 
où  la  complication  le  dispute  à  l'ignorance.  Voyez  cet 
agent  de  l'Etat,  qui  n'a  subi  aucune  préparation  colo- 
niale; le  plus  souvent  —  même  s'il  a  des  notions  d'agri- 
culture —  il  n'a  pas  un  sens  d'observation  développé  ; 
non  seulement  il  ne  parvient  pas  à  démêler  dans  les 
coutumes  indigènes  ce  qui  est  essentiel  de  ce  qui  est 
secondaire,  mais  son  préjugé  d'Européen  le  prédispose 
à  un  dédain  injustifié  pour  les  pratiques  des  «  sau- 
vages w.  Alors  il  sème  comme  en  Europe,  les  graines 
d'Europe  ;  il  les  cultive  d'ai)rès  les  méthodes  du  Vieux 
Monde  ;  à  une  expérience  malheureuse,  en  succède  une 
autre  désastreuse,  jusqu'à  ce  que  son  terme  écoulé,  il 
reparte  pour  la   Belgique,  laissant   à  son  successeur 


-  i89  — 

d'occasion  sinon  le  souvenir  de  ses  échecs  du  moins  la 
tradition  de  son  préjugé  routinier. 

En  somme,  trois  g-enres  de  mesures  s'imposent  :  des 
enquêtes  ijréj)aratoires  et  approfondies;  une  sélection 
parmi  les  x)lantes  vivrières  locales,  la  multiplication  et 
la  généralisation  des  meilleures  espèces,  avec,  s'il  y  a 
lieu,  l'importation  de  quelques  variétés  européennes 
bien  choisies  et  i)arfaitement  adaptées  au  climat; 
enfin,  l'instruction  appropriée  aux  colonisateurs  et  aux 
nègres  d'élite,  qui  l' infiltreront  dans  les  divers  milieux 
indigènes,  en  tache  d'huile. 

Exemple.  Le  bananier  est  une  plante  nutritive  de 
premier  ordre.  Il  y  a  beau  jour  que  le  D*^  Stuhlmann 
écrivait  que  là  oùj  la  culture  du  bananier  était  l'objet 
des  soins  du  noir,  on  trouvait  une  aisance  i)lus  consi- 
dérable qu'ailleurs;  ce  serait  presque  l'étalon  d'un 
bien-être  plus  élevé.  Or,  le  bananier  ne  se  trouve  guère, 
en  grande  quantité,  que  dans  le  Xord  et  dans  l'Est  du 
Congo.  Pourquoi  ne  pas  en  généraliser  la  culture  ? 
C'est  la  question  qu'on  se  pose  après  avoir  étudié  les 
travaux  récents  des  spécialistes  anglais,  allemands, 
français  et  belges. 

Observations  semblables  pour  l'élaïs,  l'arachide,  les 
ignames,  le  sorgho,  etc. 

Dans  un  autre  ordre  d'idées,  ne  serait-il  pas  temps 
d'étudier  à  fond  les  qualités  nutritives  des  diverses 
espèces  de  manioc,  de  culture  presque  générale.  Des 
doutes  sérieux  planent  sur  cette  eui)horbiacée.  M.  de 
Wildeman  n'hésitait  i)as  à  écrire,  hier  encore.  «  Xous 
avons  antérieurement,  dans  nos  études  sur  la  Mission 
permanente  d'Etude  scientifiques  de  la  Compagnie  du 


—  190  — 

Kasai,  insisté  sur  la  culture  de  cette  x^^^iite  au  Congo, 
sur  ses  avantages  et  ses  désavantages..., ce  sujet  a  pour 
l'avenir  de  la  Colonie  une  importance  capitale,  à 
laquelle  on  n'a  peut-être  i)as  suffisamment  songé.  » 

Le  travail  de  sélection  est  le  premier  qui  s'impose  ; 
puis  viennent  le  perfectionnement  graduel  des  outils  et  les 
méthodes  indigènes  ;  peu  à  peu,  une  extension  des  cul- 
tures et  même  une  production  plus  intensive. 

Quant  à  l'introduction  de  cultures  européennes,  les 
missionnaires  surtout  ont  fait  merveille.  M^""  Roelens 
citait  récemment  avec  fierté  à  la  Société  d'Economie 
Sociale  de  Bruxelles, le  fait  qu'à  Baudouin  ville,  on  avait 
été  à  même  de  livrer  aux  explorateurs  de  passage  plus 
de  i5o  tonnes  de  blé  en  quelques  jours.  Q,ue  dire  des 
graminacées,  comme  le  riz,  dont  l'aire  d'extension  ne 
connaîtrait,  assure-t-on,  pas  de  limite  dans  certaines 
régions  si  la  propagande  était  menée  systématiquement. 

Tout  agent  de  l'Etat,  tout  missionnaire,  tout  emi)loyé 
du  commerce  libre,  en  un  mot,  tout  Européen  chargé 
d'une  fonction  officielle  ou  privée  au  Congo,  devrait 
posséder  des  notions  précises  sur  ces  données  essen- 
tielles. Tout  l'enseignement  donné  aux  noirs  en  Afrique 
devrait  en  être  imi^régné.  Ainsi,  peu  à  peu  s'améliore- 
rait la  production  agricole  vivrière  congolaise,  condi- 
tion de  la  main-d'œuvre  indigène,  de  la  iDrosi)érité  des 
peui)lades,  et  de  la  vie  normale  des  agents  blancs  de 
direction. 

II.  —  A  ce  i3remier  problème  se  rattache  i3ar  des 
liens  intimes  le  second.  Comment  amener  le  noir  au 
travail  régulier,  fécond  et  productif,  qui  est  bien  une 


des  faces  capitales  de  la  civilisation  ?  Comment  éveiller 
en  lui  l'initiative  qui  l'aig-uillonne  sur  la  route  du  pro- 
grès? 

Lorsqu'on  considère  Tliistoire  de  la  civilisation  du 
Centre  Africain,  on  arrive  à  certaines  observations 
directrices. 

Autrefois,  on  employa  la  force  pour  amener  le  nègre 
au  travail;  d'abord  ce  fut  l'esclavage  et  ses  horreurs; 
pas  plus  en  Afrique  qu'en  Amérique,  l'humanité  ne  per- 
met de  recourir  à  ce  procédé,  notamment  de  la  part  des 
blancs,  tuteurs  des  noirs. 

Plus  tard,  on  recourut  sous  des  formes  diverses,  à 
une  espèce  de  contrainte  directe,  inspirée  ï)eut-être  par 
la  législation  européenne  sur  le  vagabondage.  «  Tout 
nègre,  dit  le  Portugal,  est  soumis  à  l'obligation  morale 
et  légale  de  pourvoir  par  son  travail  à  son  entretien, 
dans  le  but  d'a-méliorer  progressivement  sa  condition 
sociale.  Sinon,  il  sera  contraint,  mis  à  la  disi)osition  de 
l'Etat  ou  de  particuliers, pendant  une  période  de  trois  à 
cinq  ans.  »  —  «  J'applique  un  système  plus  doux,  dit 
l'Angleterre;  je  demande  au  Nyassaland,  six  shillings 
par  an,  au  lieu  de  trois,  à  l'indigène  qui  ne  travaille 
pas  au  moins  un  mois  par  an;  je  demande  dans  la  E,ho- 
désie,  une  livre  sterling  à  Tindigène  qui  travaille  au 
moins  quatre  mois  par  an,  et  deux  livres  aux 
autres.  »  Tous  les  amis  des  nègres  repoussent,  à 
juste  titre,  ces  méthodes  de  contrainte.  Comme 
l'a  fait  observer  un  jour  le  professeur  de  Lannoy,  on 
ne  saurait  sincèrement  leur  reconnaître  une  valeur 
éducative;  ce  n'est  pas  en  obligeant  l'indigène  à  se 
mettre  au  service  des  colons  qu'on  lui  inculquera  le 


—  192  - 

goût  et  l'habitude  du  travail;  on  ne  fera,  au  contraire, 
que  développer  chez  lui  la  répugnance  à  vivre  dans  le 
voisinage  des  blancs. 

Vint  ensuite  le  système  de  la  contrainte  indirecte» 
qui  s'inspire  de  la  législation  européenne  de  l'impôt.  11 
dit  à  l'indigène  :  «  Vous  devez  contribuer  aux  charges 
de  la  colonisation,  qui  vous  garantit  toutes  espèces 
d'avantages  ;  vous  êtes  obligé  à  autant.  Si  vous  n'ac- 
complissez i)as  votre  obligation, vous  subirez  une  peine; 
celle-ci  consistera  en  un  châtiment  corporel,  en  un 
emprisonnement,  ou  même  à  une  xiériode  de  travail 
forcé.  »  L'Angleterre,  dans  l'Afrique  Orientale,  a  tort 
de  mettre  le  récalcitrant  à  la  disposition  des  particuliers , 
qui  ont  intérêt  au  non-payement  de  l'impôt  par  l'indi- 
gène. «  Cette  disposition,  dit  à  juste  titre  M.  de  Lannoy, 
est  très  criticable;  elle  maintient  dans  la  colonie  le 
régime  de  l'engagement  forcé,  qui  n'est  qu'une  sorte 
d'esclavage  ;  elle  viole,  d'autre  part,  le  principe  du  droit 
I)énal  que  la  rigueur  de  la  peine  doit  être  la  même  pour 
tous.  Le  travail  forcé  ne  constitue  une  peine  équitable 
que  s'il  est  fourni  à  l'Etat  ou  surveillé  par  l'Autorité 
publique.  » 

On  n'ignore  pas  la  critique  qui  a  été  dirigée  contre 
le  travail  forcé  au  profit  de  l'Etat.  Il  prête  à  des  abus. 
La  Juste  mesure  est  difficile  à  garder.  D'ailleurs,  la  por- 
tée civilisatrice  et  éducatrice  de  cette  méthode,  même 
au  degré  le  x)lus  doux,  de  la  réquisition  pour  travaux 
d'utilité  iniblique,  est  contestable.  Les  discussions  au 
Parlement  belge  ont  mis  ce  point  en  relief. 

Restent  les  procédés  qu'on  est  convenu  d'appeler 
psychologiques.  Dans   ses    Principes    de   colonisation, 


—  193  ~ 

M.  Giraut  n'hésite  pas  à  écrire  :  «  C'est  par  la  persua- 
sion, beaucoup  plus  que  par  les  menaces,  que  l'on  peut 
obtenir  du  travail  utile  du  coolie  ou  de  l'indigène.  Au 
fond  des  choses,  la  psychologie  de  l'ouvrier  jaune  ou 
noir  ne  diffère  pas  de  celle  du  travailleur  blanc.  C'est 
toujours  une  âme  humaine  sur  laquelle  il  s'agit  d'exer- 
cer une  influence.  Partout  où  il  y  a  des  bras,  on  peut 
obtenir  du  travail.  » 

Un  des  grands  colonisateurs  belges,  le  colonel  Thys, 
est  bien  l'organe  de  la  plupart  des  spécialistes  que 
j'ai  consultés  au  cours  de  mon  enquête,  quand  il 
dit  :  «  Il  faut  bien  se  i)ersuader  que  l'on  a  affaire  à  des 
êtres  humains  chez  lesquels  on  ne  peut  déplacer  une 
jouissance  ou  une  satisfaction  qu'à  la  condition  de  leur 
substituer  une  autre  jouissance  ou  une  autre  satisfac- 
tion. Il  faut  remplacer  la  jouissance  de  la  paresse  par 
une  autre  jouissance  quelconque  plus  grande.  » 

C'est  aussi  la  thèse  défendue  à  la  séance  de  la  Société 
d'Economie  sociale  de  Bruxelles  en  février  dernier,  par 
M.  Janssens,  l'ancien  gouverneur  général  de  l'Etat 
Indépendant  du  Congo  :  «  Mon  expérience  personnelle 
a  prouvé  que  les  indigènes  peuvent  devenir  d'excellents 
ouvriers,  pourvu  qu'ils  soient  bien  rémunérés.  Excitez 
leur  intérêt,  et  vous  aurez  des  travailleurs  de  mérite. 
L'exemple  classique  de  nos  Bangala  en  est  une  preuve.  » 

On  demanda  à  M,  Janssens  :  «  Quel  est  cet  intérêt  ?  » 

«  i!^os  Bangala,  répondit-il,  étaient  fascinés  par  les 
perles,  les  étoffes,  les  articles  d'Europe  de  toutes 
espèces  que  la  prestation  de  leur  travail  leur  permet- 
tait d'acquérir.  Ils  rentraient  chez  eux  relativement 
riches,  opulents,  satisfaits.   Ils  excitaient  l'envie  des 

i3 


—  194  — 

congénères,  dont  les  éléments  les  plus  décidés  ne  tar- 
daient pas  à  prendre  le  chemin  de  nos  postes  d'occu- 
pation. » 

A  ce  moment  de  la  discussion,  M^""  Koelens,  des 
Pères  Blancs  d'Afrique,  précisa  la  mentalité  du  noir. 

—  Ces  faits  et  d'autres  semblables  sont  exacts  ;  mais 
ils  ne  sont  pas  pertinents  j)our  conclure  à  l'invention  de 
la  méthode  qui  amènera  les  nègres  adultes  à  l'habitude 
du  travail  régulier.  En  effet,  notre  nègre  est  comme 
l'enfant  :  il  désire  vivement  une  chose,  il  la  convoite 
éperdûment,  il  fera  tout  pour  satisfaire  sa  passion  mo- 
mentanée, il  réalisera  l'effort  qui  lui  réi^ugne  le  plus, 
un  travail  long  au  profit  d'autrui.  C'est  le  cas  de  vos 
Bangala  des  débuts  de  l'occupation,  du  courant  qui 
s'établit  et  des  pratiques  postérieures  dans  diverses 
parties  de  l'Afrique  centrale  :  engagement  successif 
d'équipes  presque  toujours  différentes  dans  leurs  élé- 
ments constitutifs.  Mais  les  satisfaits,  ceux  qui,  par 
leur  travail  sur  vos  steamers,  dans  vos  docks,  au 
chemin  de  fer  et  ailleurs,  avaient  réussi  à  obtenir 
l'objet  de  leur  convoitise  :  vos  étoffes,  vos  perles,  et  le 
reste,  de  quoi  acheter  des  esclaves,  du  bétail,  peut- 
être  une  ou  deux  femmes,  cette  richesse  équatoriale,  ces 
satisfaits  revenaient-ils  à  votre  service?  Prenaient-ils 
l'habitude  du  travail  régulier  ?  Non.  Ils  se  hâtaient  de 
rentrer  dans  leur  milieu  social,  d'y  reprendre  les  cou- 
tumes traditionnelles,  d'y  jouir  du  fruit  de  leur  effort 
passager.  Ils  y  étaient  repris  par  la  paresse  séculaire 
de  la  race  et  par  la  routine.  Parfois,  il  est  vrai,  ils  ne 
savaient  même  pas  conserver  leur  nouvelle  richesse  jus- 
qu'à la  rentrée  au  pays;  ils  la  jouaient  entre  eux;  et  il 


1?,:^ 


arrivait  que  ceux  qui  perdaient  retournaient  par  retour 
du  courrier  et  s'engageaient  i^our  un  nouveau  terme. 
Cependant,  l'habitude  du  travail  régulier  ne  se  créait 
pas.  Or,  c'est  cette  liabitude  qui  doit  s'introduire,  se 
maintenir,  pénétrer  l'organisme,  si  l'on  veut  parler  de 
travail  civilisateur  et  de  progrès. 

—  Bref,  conclut  quelqu'un,  ce  qui  manque,  ce  sont 
les  besoins. 

Telle  est  aussi  la  conclusion  qui  se  dégage  des  Mono- 
graphies ethnographiques . 

C'est  la  satisfaction  de  ses  besoins  qui  fait  que  le 
nègre,  ne  désirant  rien  de  plus,  ne  cherche  pas  à  gagner 
davantage;  il  borne  son  activité  à  ce  qui  lui  est  néces- 
saire pour  mener  la  vie  qu'il  connaît  depuis  toujours  et 
à  laquelle  se  bornent  ses  rêves. 

Ne  faites  pas  miroiter  à  ses  yeux  la  terre,  il  en 
obtient  tant  qu'il  veut  cultiver.  Lui  offrirez-vous  une 
habitation?  La  forêt  proche  lui  donne  à  profusion  le 
bois  et  l'herbe  nécessaires.  Un  mobilier?  Il  le  façonne 
s'il  le  désire  et  l'orne  à  son  goût.  Des  étoffes  et  des  orne- 
mentations? Soit,  mais  une  fois  qu'il  en  a  une  certaine 
quantité,  ses  désirs  sont  satisfaits.  Des  «  richesses  » 
pour  acheter  des  esclaves?  Oui;  mais,  prenez  garde,  la 
civilisation  vous  dit  :  ne  favorisez  pas  l'esclavage.  Des 
«  richesses  »  pour  acheter  des  femmes?  Oui,  encore, 
mais  la  civilisation  ordonne  :  ne  favorisez  pas  la  poly- 
gamie. Des  «  richesses  »  pour  acheter  de  la  nourriture? 
Oui,  mais  la  plupart  du  temps  la  terre  est  si  fertile  que 
la  culture  ne  coûte  -pas  un  effort  comparable  au  travail 
régulier  pour  autrui,  chez  le  blp^nc,  par  exemple  ;  la  forêt 
est  giboyeuse  et  la  rivière  poissonneuse,  et  puis  la  pêche 


—  196  — 

et  la  chasse  sont  souvent  des  plaisirs.  Des  «  richesses  » 
pour  se  procurer  de  la  boisson?  Soit,  mais  la  civilisa- 
tion défend  les  boissons  excitatrices  et  alcooliques. 

Et  puis  le  travail  régulier  est  si  pénible  sous  le  ciel 
de  feu!  Car,  au-dessus  de  tout  cela,  des  besoins  et  des 
désirs,  j)lane  le  climat,  qui  commande  aux  uns  et  aux 
autres,  et  au  travail  aussi. 

M.  de  Lannoy  n'a-t-il  i)as  raison  d'insister  sur  ce  fac- 
teur physique  essentiel?  «  Dans  les  pays  tempérés, 
l'activité  est  nécessaire,  l'énergie  facile;  les  habitants 
sont  assoiffés  de  changement  et  de  i^rogrès;  ils  luttent 
sans  réxDit  pour  améliorer,  en  fait  ou  en  apparence, 
leurs  conditions  de  vie.  Dans  les  pays  tropicaux,  la  cha- 
leur rend  pénible  tout  travail  prolongé,  qu'il  soit  phy- 
sique ou  intellectuel.  Le  bonheur  y  consiste  à  ne  rien 
faire,  à  vivre  d'une  vie  végétative...  Dans  les  quelques 
portions  relativement  tempérées  des  tropiques,  où  les 
blancs  se  sont  reproduits  pendant  j)lusieurs  générations, 
ils  y  ont  dégénéré...  »  «  Le  nègre  n'est  pas  indolent  et 
insouciant  par  atavisme,  il  l'est  j)arce  qu'il  habite  des 
pays  à  climat  déprimant.  » 

Voilà  comment  la  science  de  la  Sociologie  descriptive 
pose  le  j)roblème.  Comment  donc  créer  des  besoins 
«  honnêtes  »  au  nègre?  Comment  lui  donner  le  désir 
d'améliorer  sa  situation,  désir  qui  aura  pour  consé- 
quence de  le  pousser  au  travail  régulier? 

Les  missionnaires  présents  à  la  séance  d'Economie 
sociale  furent  unanimes  à  soutenir  que  c'est  avant  tout 
sur  l'enfant  nègre  qu'il  faut  agir.  Dans  ces  organismes 
frêles  et  tendres,  on  a  plus  de  chances  d'implanter  des 
habitudes  nouvelles,   habitudes    qui  —   par   un   long 


—  197  — 

effort  —  feront  pour  ainsi  dire  une  seconde  nature.  Le 
résultat  sera  d'autant  plus  brillant  que  l'enfant  aura  pu 
être  isolé  davantage  de  son  milieu  social  d'indolence. 
Si  même,  après  son  éducation  proprement  dite  à  l'école, 
on  parvenait  à  l'associer  à  un  groupement  où  fleu- 
rissent l'activité,  l'initiative  et  le  travail  moralisateur, 
ce  serait  un  couronnement  souhaitable  de  l'œuvre.  Et 
si  ces  élites  grouiDées  se  rencontraient  ici,  là  et  ailleurs, 
disséminées  sur  le  territoire,  on  peut  espérer  que  le 
rayonnement  de  leur  prospérité  opérerait  peu  à  i)eu  en 
taclie  d'huile.  L'aspect  de  ces  villages  mieux  bâtis,  aux 
maisons  plus  confortables,  aux  mobiliers  plus  riants, 
aux  cultures  plus  étendues,  plus  soignées,  plus  pro- 
ductives, aux  jouissances  plus  raffinées  et  i)lus  fré- 
quentes, l'aspect  de  ces  villages  ne  provoquerait-il  pas 
le  désir  des  congénères?  Le  sentiment  des  besoins  nou- 
veaux à  satisfaire  ne  les  pousserait-il  pas  à  l'adoption 
des  mœurs  nouvelles?  Les  missionnaires,  Jésuites, 
Pères  Blancs,  abbés  de  Scheut,  etc.,  le  croient  et  s'y 
appliquent. 

Assurément,  ce  n'est  pas  l'œuvre  d'un  jour.  L'effort 
sera  long,  très  long.  Mais  qu'importe  si  la  méthode  est 
bonne,  si  elle  mène  au  but  et  s'il  n'en  est  guère  d'autres? 

Entendons-nous  !  La  méthode  est  l'éducation  du  noir 
par  l'Européen  d'abord,  par  le  nègre  ensuite  sous  la 
direction  et  la  surveillance  du  blanc.  Il  s'agit  de  toute 
œuvre  éducatrice  suffisamment  longue  :  pas  seulement 
l'école,  mais,  par  exemi)le  aussi,  l'armée.  L'idée  du 
village  des  vétérans  est  louable  et  a  produit  de  bons 
résultats.  On  peut,  du  reste,  en  perfectionner  l'applica- 
tion. 


-  10.8  - 

L'école,  l'armée,  etc.  C'est  entendu.  Mais  vers  quelles 
X)roXessions  faut-il  diriger  surtout  les  habitudes  de  tra- 
vail à  créer? 

Vers  tous  les  métiers  qu'amène  la  colonisation  du 
pays  ?  Sans  doute  ;  mais  la  profession  la  plus  générale 
n'en  reste  pas  moins  l'agriculture.  L'effort  principal 
devra  donc  être  accompli  de  ce  côté.  Et  même  à  tous 
les  mécaniciens,  les  mineurs,  les  charpentiers,  les 
chauffeurs,  etc.,  il  sera  utile,  sinon  nécessaire,  d'en- 
seigner le  travail  de  la  culture  améliorée.  Supposez  le 
l)roblème  des  cultures  vivrières  résolu,  la  solution  du 
l^rogramme  de  notre  école  i^rofessionnelle  devient 
facile. 

Voici  les  conclusions  des  débats  de  la  Société  d'Eco- 
nomie sociale;  c'est  le  rapporteur,  le  P.  Vermeersch,  qui 
les  a  tirées  : 

«  I .  La  transformation  du  nègre  indolent  et  routinier 
en  homme  d'initiative  et  de  progrès  est  i)ossible  :  mais 
ne  peut  résulter  que  d'une  longue  et  patiente  élabo- 
ration. 

»  2.  A  cette  belle  œuvre,  concourent  tous  ceux  qui 
donnent  à  l'activité  du  nègre,  avec  un  emj)loi  honnête, 
la  direction  dont  elle  ne  saurait  actuellement  se  passer. 

»  3.  Et  i)armi  tous  les  emi^lois,  aucun  n'est  à  recom- 
mander comme  l'agriculture. 

»  4-  Ceux-là  surtout  méritent  la  reconnaissance  de  la 
race  noire  et  les  encouragements  de  la  race  blanche 
qui  font  entrer  l'initiative  agricole  dans  l'éducation 
même  du  nègre,  qui  lui  ménagent  des  milieux  assez 
distants  des  postes  euroi)éens  et  assez  distincts  des 
villages  indigènes  i)our  échapi^er  à  l'influence  corrup- 


—  199  — 

trice  des  premiers,  énervante  des  seconds,  et  qui,  par 
le  groupement  d'une  élite,  forment  le  noyau  des  nou- 
veaux villages  ouverts  à  tous  les  progrès.  » 

Le  premier  alinéa  est  la  synthèse  de  la  discussion, 
que  nous   avons   rapportée   dans   ses  grandes  lignes. 
Cette  synthèse  correspond  aux  résultats  de  l'étude  des 
Monographies.  Elle  est  l'écho  du  mouvement  américain 
et   de   l'expérience   africaine.    Mais   pas   d'espérances 
exagérées!  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que,  malgré  tous 
nos  soins,  le  nègre  d'Afrique  atteindra  jamais  ou  à  peu 
près   le  degré  de  développement  de  nos  travailleurs 
d'Europe.  Il  y  a  un  obstacle  qui,  en   ce  moment  du 
moins,   paraît  invincible  :  le  climat.   M.   de    Lannoy 
n'hésite  pas  à  écrire  :  «  Soyons  satisfaits  si,  par  des 
efforts  persévérants,  nous  parvenons  à  élever  les  indi- 
gènes de  notre  Colonie  d'Afrique  au  degré  de  dévelop- 
pem^ent  atteint  par  les  peuples  asiatiques.  Nous  aurons 
alors  à  notre  disposition  une  main-d'œm-re,  bien  infé- 
rieure sans  doute  à  celle  de  notre  pays,  mais  suffisante 
pour  nous   procurer   sur  une  terre   vierge   et  féconde 
d'abondantes  moissons.    »   Sans  doute,  il  y  aura  des 
exceptions;  les  Booker  Washington  africains  pourront 
naître  et  fleurir  dans  les  peuplades  supérieures  ;  mais 
l'effort  de  nos  premières  générations  de  colonisateurs 
aura  produit  des  résultats  magnifiques  si  les  masses 
noires  s'élèvent  d'un  degré  sur  l'échelle  de  la  civilisa- 
tion. 

Le  deuxième  alinéa  de  la  résolution  sera  admis  par 
tous.  C'est  l'affirmation  de  la  tutelle  civilisatrice  néces- 
saire. Une  remarque  cependant  s'impose,  d'après  les 
Monographies.  Il  ne  faudrait  pas  s'imaginer,  ainsi  qu'il 


—    200    — 

a  déjà  été  dit  plus  haut,  que  tous  les  nègres  sont  infé- 
rieurs au  même  niveau.  Parmi  eux,  il  y  a  des  peuplades 
remarquables,  supérieures  aux  autres.  Les  œuvres  d'art 
des  Bakuba,  par  exemple,  dénotent  un  fond  de  culture 
esthétique.  Et  combien  d'agriculteurs  plus  habiles  que 
la  masse  !  En  vain  dira-t-on  que  ces  procédés  d'art  et 
de  culture  sont  routiniers.  Il  faut  s'entendre  sur  la 
signification  du  terme.  Demandez-vous,  en  matière 
d'art,  depuis  combien  de  temps  nos  artistes  sont  éman- 
cipés de  la  «  routine  »,  de  l'imitation  presque  servile 
des  styles  anciens,  enseignée  dans  nos  académies?  Et 
nos  agriculteurs,  dont  le  produit  par  hectare  cultivé 
les  classe  au  i)remier  rang  des  cultivateurs  du  monde? 
Leur  a-t-on  assez  reproché  leur  «  routine  »?  Or,  la 
«  routine  »  des  nègres  —  j'entends  des  cultivateurs 
intelligents,  comme  les  Basonge  d'avant  les  razzias 
arabes  et  les  Baluba  du  temps  de  Wissman,  —  est-elle 
autre  chose  que  l'expérience  des  siècles?  L'étude  com- 
parée de  ces  peuplades  nous  apprend  que,  comme  nos 
campagnards,  ces  paysans  noirs  sont  méfiants  des 
nouveautés;  ils  n'adoptent  que  les  «  progrès  »  qui  ont 
fait  leurs  preuves  sous  leurs  yeux;  convaincus  par 
l'évidence,  ils  imitent.  La  preuve  la  i)lus  palpable  se 
trouve  dans  la  généralisation  de  la  culture  du  manioc, 
qui,  introduit  en  Afrique  par  les  Portugais,  s'est 
répandu  de  proche  en  proche  —  malgré  tous  les 
obstacles  de  l'isolement  et  des  oppositions  entre  tri- 
bus —  avec  une  rapidité  qu'on  ignore,  sur  toute 
l'étendue  du  Centre  africain.  Et  cet  exemple  n'est  pas 
isolé  :  le  riz  et  la  canne  à  sucre  sont  là  pour  l'attester. 
Il  convient  donc  de  ne  pas  s'exagérer  la  difficulté. 


—   201    — 


Le  paragraphe  troisième  de  la  résolution  est  l'ex- 
pression d'une  évidence.  L'agriculture  est  l'industrie 
maîtresse  du  Congo  :  c'est  elle  qui  doit  avoir  le  premier 
rang  dans  la  préoccupation  des  éducateurs.  Les  autres 
industries  ne  constituent  qu'un  appoint;  elles  n'occu- 
peront d'ici  longtemps  qu'une  minime  fraction  de  la 
population,  même  si  le  Katanga  tient  ses  promesses. 

La  discussion  se  concentre  autour  du  quatrième 
paragraphe.  Si  l'on  sera  unanime  pour  louer  «  ceux-là 
surtout...  qui  font  entrer  l'initiative  agricole  dans 
l'éducation  même  du  nègre  »,  sera-ton  d'accord  pour 
condamner,  en  termes  si  exprès,  «  les  postes  européens 
à  l'influence  corruptrice  »  et  «  l'influence  énervante  des 
villages  indigènes  »  ? 

L'étude  comparée  des  peuplades  nous  apprend  que 
pour  exercer  une  action  sérieuse  sur  le  nègre,  l'édu- 
cation donnée  par  les  Européens  doit  s'exercer  pendant 
un  temps  considérable,  sinon  ce  n'est  qu'un  vernis  bien- 
tôt enlevé  par  le  contact  avec  le  milieu  social  tradi- 
tionnel. D'où  l'utilité  —  je  ne  dis  pas  la  nécessité  —  de 
l'école.  Au  jeune  noir,  dont  la  vive  intelligence  n'est 
contestée  par  personne,  dans  la  plupart  des  tribus 
supérieures,  on  inculquera  les  connaissances  nouvelles 
et  on  essayera  de  diriger  ses  forces  volontaires  vers 
l'habitude  du  travail  utile,  au  point  de  lui  donner 
comme  une  seconde  nature. 

Quel  doit  être  le  caractère  de  cette  école  ? 

Les  uns  soutiennent  qu'il  faut  la  concevoir,  autant 
que  lîossible,  à  la  manière  d'un  internat.  Il  faudrait 
Isoler  l'enfant  de  son  milieu  habituel,  de  son  village, 
de  son  clan,  de  sa  famille.  Ainsi,  on  aurait  moins  d'ob- 


—    202    — 

stades  à  vaincre.  Bref,  ce  serait  à  peu  près  l'éducation 
de  nos  orphelinats. 

L'  «  autant  que  possible  »  répond  assurément  aux 
objections  qui  se  présentent  en  foule  si  l'on  considère 
l'état  des  mœurs  et  de  la  mentalité  de  beaucoup  de 
peuplades  congolaises.  Car,  on  ne  manquerait  pas  de 
dire,  entre  autres  choses  :  «  Si  vous  vouliez  introduire 
ce  régime  dans  les  régions  du  Manyema  et  des  Grands 
Lacs,  les  familles  oi^poseraient  une  résistance  in- 
flexible. Elles  croiraient  que  vous  voulez  faire  de  leurs 
enfants  des  esclaves,  »  C'est  ce  que  révèlent  les  en- 
quêtes. «  Du  côté  du  Tanganika,  déclarait  M^'"  Koelens, 
nous  ne  pouvons  songer  à  enlever  ainsi  les  enfants  aux 
parents;  nos  écoles  sont  adaptées  aux  coutumes  du 
pays;  notre  œuvre  est  i:>lus  lente  peut-être,  mais  elle 
trace  son  sillon,  malgré  tout.  » 

La  conclusion  s'impose  :  Il  convient  d'utiliser  tous 
les  types  d'école  —  depuis  l'internat  jusqu'à  l'externat 
—  d'après  les  milieux  sociaux  ;  ces  milieux  sociaux 
sont  loin  d'être  les  mêmes.  A  cette  vérité,  il  faut 
revenir  sans  cesse,  tant  le  préjugé  du  nègre,  partout  le 
même,  est  profondément  enraciné  dans  les  esprits  de 

nos  Européens. 

Je  ne  crois  pas,  du  reste,  que  personne  songe,  en  par- 
lant de  l'éducation  du  nègre,  d'exclure  tout  autre  pro- 
cédé que  l'école  primaire  ou  professionnelle,  d'abord 
dirigée  par  les  blancs,  puis  peu  à  i)eu  par  les  noirs. 

L'armée  est  aussi  une  école,  au  sens  large.  Et  l'Etat, 
qui  tient  sous  ses  drapeaux  pendant  plusieurs  années 
des  milliers  de  jeunes  gens  vigoureux  et  choisis,  ne 
remplirait  pas  sa  mission  s'il  ne  s'efiorça,it  de  leur 
inculquer  «  l'initiative  agricole.  » 


—    203    — 

Stulilman  appelle  avec  raison  rattention  sur  le  fait 
qu'il  ne  suffit  pas  toujours  d'enseigner  au  jeune  nègre 
une  technique  supérieure  x>our  qu'après  l'école  il  la 
conserve  dans  la  pratique  de  la  vie.  Il  arrive  que  ces 
artisans,  rentrant  dans  leur  village,  soient  repris  par 
leur  milieu  et,  suivant  la  loi  du  moindre  effort,  aban- 
donnent les  i^rocédés  plus  compliqués  i^our  la  routine 
•traditionnelle.  Alors,  on  dit  :  «  Vous  avez  beau  éduque^ 
vos  enfants  et  vos  jeunes  gens,  à  l'école,  à  l'armée  et 
ailleurs,  vous  n'arriverez  à  rien  de  sérieux,  si  vous 
laissez  chacune  de  ces  unités  se  replonger  dans  le 
milieu  social  routinier  de  la  famille  et  du  village.  Il 
faut  i^rolonger  le  régime  de  l'isolement.  Pour  les  anciens 
soldats  et  les  anciens  élèves,  fondez  des  villages  spé- 
ciaux. Ces  groupements  conserveront  les  fruits  de 
l'effort  éducatif;  ils  constitueront  des  milieux  animés 
de  l'esprit  nouveau.  » 

Encore  une  fois,  partout  où.  ce  sera  i)ossibîe,  oui. 
Mais  là  où  pareille  méthode  ne  sera  pas  applicable,  il 
faudra  d'autres  méthodes,  afin  d'empêcher  les  germes 
de  pourrir  à  nouveau  dans  la  «routine».  Le  contact  i)ro- 
longé  avec  les  anciens  maîtres,  aA^ecles  missions,  etc., 
offre,  par  exemple,  une  autre  s-olution  féconde. 

doublions  pas  non  plus  que  l'école  et  l'armée  ne  sont 
que  des  moyens  choisis  i)our  atteindre  i)lus  rapidement 
le  but  x)oursuivi.  Mais  il  en  est  d'autres. 

Ainsi,  le  P.  De  Clercq  signalait  comme  féconde  l'ini- 
tiative des  Pères  de  Scheut,  qui  avaient  créé  plusieurs 
marchés  où  les  agriculteurs  des  environs  pouvaient 
aller  vendre  le  surplus  de  leurs  récoltes.  Assurer  des 
débouchés  rémunérateurs,  n'est-ce  pas  exciter  cet  intérêt 


—    204    — 

dont  parlait  M.  le  gouverneur  Janssens  et  qui  ne  peut 
être  négligé  ? 

Dans  sa  substantielle  brochure,  la  Colonisation  agri- 
cole au  Katanga,  M.  E.  Tibbaut  signale  avec  raison  la 
méthode  des  PP.  Blancs  de  Baudouin  ville:  «  Non  seule- 
ment ils  cultivent  pour  eux-mêmes,  mais  ils  ont 
développé  la  culture  parmi  les  noirs  ;  et  le  moyen  le 
plus  puissant,  dont  ils  se  sont  servi  pour  entretenir 
l'esprit  cultural  chez  les  indigènes,  consiste  à  acheter 
tous  leurs  produits.  Que  la  récolte  soit  bonne  ou 
mauvaise,  ils  l'achètent;  ils  l'achètent  même  à  des  prix 
sensiblement  les  mêmes  pour  ne  pas  décourager  le  noir 
déjà  trop  porté  vers  l'inaction  ;  grâce  à  cette  incitation 
continue,  la  culture  s'est  étendue  et  la  région  pourvoit 
à  la  subsistance  des  noirs  et  des  blancs  .  » 

L'étude  comparée  des  peuplades  apprend  que,  dans 
beaucoup  de  régions,  pourvu  qu'on  i)arvienne  à  démon- 
trer à  l'indigène  qu'il  vendra  avec  profit  sa  ]jroduction, 
celui-ci  se  montre  disposé  à  un  effort  plus  considérable. 
De  cette  disposition,  l'Européen  à  la  hauteur  de  sa 
mission,  devra  i^rofiter  pour  enseigner  x)ar  un  champ 
d'expérience  ou  autrement  la  manière  de  produire  plus 
et  mieux  et  peut-être  avec  moins  de  travail,  à  raison  de 
la  perfection  plus  grande  des  instruments,  de  la 
meilleure  qualité  des  graines,  du  choix  des  emplace- 
ments et  des  terres,  etc.  L'expérience  d'un  certain 
nombre  de  postes  et  de  missions  montre  que  tous  les 
espoirs  sont  permis. 

Le  danger  des  résolutions  semblables  à  celles  du 
P.  Vermeersch,  c'est  le  caractère  un  peu  exclusif 
qu'elles  revêtent  aux  yeux  des  lecteurs  non  habitués 


—   205   — 

aux  nuances  scientifiques.  «  Ceux-là  surtout  méritent 
la  reconnaissance  des  noirs  et  des  blancs,  qui....  »  Sans 
doute,  cela  ne  signifie  pas  que  les  autres  qui,  sur 
d'autres  terrains  ou  par  d'autres  moyens,  atteignent 
des  résultats  féconds,  sont  condamnés.  Mais  sur  dix 
lecteurs,  liuit  le  croiront,  et  sur  dix  coloniaux,  neuf 
seront  froissés. 

•  En  vérité,  et  je  suis  couA^aincu  que  c'est  l'intention 
du  savant  Jésuite,  quand  il  s'agit  de  travailler  au 
progrès  d'une  race,  toutes  les  méthodes  capables  de 
produire  des  effets  utiles  doivent  être  utilisées  ; 
chacune  là  où  elle  a  chance  de  jDroduire  des  résultats 
avantageux.  Ce  n'est  i)as  trop  de  toutes  les  bonnes 
volontés. 

Et  puis,  quand  on  se  trouve  en  présence  du  problème 
colossal  de  «  faire  entrer  l'initiative  agricole  »  dans  la 
mentalité  de  la  masse  des  nègres,  il  ne  faut  jamais 
perdre  de  vue  que  l'initiative  des  blancs  doit  pouvoir 
s'exercer.  L'invention  sociale  n'est  pas  close  et  c'est 
dans  une  atmosphère  d'encouragement  qu'elle  doit 
pouvoir  se  déi)loyer. 

L'avantage  de  l'étude  comi3arée  des  peuplades  est  de 
mettre  en  relief  non  seulement  les  résultats  excellents 
obtenus  chez  les  Bakongo  par  les  PP.  Jésuites,  mais  les 
résultats  non  moins  encourageants  obtenus  par  les 
Pères  de  Scheut  chez  les  belles  peuplades  du  Kasai, 
par  les  Pères  Blancs  chez  les  splendides  peuplades  du 
Manyema  et  du  Katanga,  etc. 

Et  si  nous  parlons  principalement  en  ce  moment  des 
missionnaires  catholiques,  c'est  que  ceux-là  surtout 
ont  pris  jusqu'ici  à  cœur  de  «  faire  entrer  l'initiative 


—   20b  — 


agricole  dans  réducation  du  nègre  ».  Leurs  essais  sont 
les  plus  fructueux. 

L'Etat  aussi  a  fait  des  efforts  superbes  ;  ils  sont 
-connus  ;  on  en  trouvera  de  nombreux  exemples  au 
n"  i86  des  Monographies  ethnographiques. 

Et  l'effort  qui  se  poursuit  actuellement  au  Katanga, 
sous  la  direction  de  M.  Leplae,  le  chef  du  service  de 
l'agriculture  au  Ministère  des  Colonies,  mérite  l'atten- 
tion sympathique  des  amis  des  noirs. 

Quant  aux  Sociétés  commerciales,  il  en  est  qui  se  sont 
distinguées  par  leurs  initiatives  heureuses,  telle  la  Com- 
pagnie du  Kasai.  L'histoire  de  la  ferme  de  Dira  a  est 
presque  classique  ;  cette  institution  a  pour  but  non 
seulement  de  ravitailler  la  station  de  Lima  en  vivres 
frais  indispensables  aux  Européens,  de  tenter  l'élevage 
en  grand  et  la  culture  rationnelle,  mais  encore  de 
décider  les  indigènes,  par  l'exemple,  à  entreprendre 
sur  une  grande  échelle  des  cultures  de  plantes  vivrières: 
manioc,  arachide,  cannes  à  sucre,  graminées,  etc.  «  La 
ferme  de  Dima,  dit  le  Happort  général  de  la  Mission 
permanente  d'études  scientifiques,  constitue  une  véri- 
table école  pour  les  indigènes  ;  les  jeunes  travailleurs 
indigènes  viennent  y  demander  du  travail,  certaine- 
ment dans  l'intention  de  venir  s'instruire.  Ils  s'émer- 
veillent du  travail  du  blanc,  voient  la  brousse  ancienne 
disparaître,  faire  place  à  de  magnifiques  pâturages  et 
déjà  on  les  voit  travailler  avec  courage  et  admirer  le 
résultat  de  leur  propre  travail.  » 

Il  va  sans  dire  que  l'élevage,  dans  les  pays  de 
brousse  notamment,  doit  mériter  la  même  attention 
bienveillante  que  la  culture.  Avec  M.   Tibbaut,    on 


—   207    — 

applaudira  à  l'initiative  de  nos  nationaux  qui  ont  asso- 
cié les  indigènes  à  l'élevage  en  allouant  au  gardien  du 
troupeau  la  moitié  du  croît  ou  une  rémunération  fixe 
par  tête  de  bétail  qui  augmente  le  troupeau. 

A  cet  endroit,  il  importe  de  noter  des  réserves  quant 
à  «  l'influence  corruptrice  des  postes  européens  » .  Cette 
condamnation  globale  a  certes  dépassé  la  pensée  de 
réminent  rédacteur  de  la  résolution.  Qu'il  y  ait  eu  des 
postes  européens  corrupteurs,  qui  le  niera  ?  Qu'il  y  en 
ait  ?  qui  le  contestera  ?  Dans  toute  grande  œuvre  on 
compte  des  agents  excellents,  de  bons  agents  et  des 
mauvais.  Au  début  de  la  colonisation  congolaise,  Léo- 
pold  II  dut  se  contenter  de  ceux  qui  se  présentaient. 
Combien  de  fois  ne  m'a-t-il  pas  dit  :  «  Monsieur  le  direc- 
teur général  de  l'enseignement  supérieur,  faites  tous 
vos  efforts  i)our  qu'on  me  présente  des  hommes  d'élite; 
on  croit  que  l'Afrique  peut  se  contenter  des  rebuts  ; 
c'est  une  erreur  profonde  aux  conséquences  néfastes. 
Donnez-moi  des  gens  de  premier  ordre,  comme  le  sont 
beaucoup  de  nos  officiers.  » 

Il  y  eut  des  hommes  d'élite,  dont  un  certain  nombre 
ont  réalisé  des  merveilles.  Consultez  le  n°  i86  des  Mono- 
graphies. Il  y  eut  de  vieux  coloniaux  qui  résidèrent 
pendant  6,  8,  lo,  12  ans,  et  plus,  dans  les  mêmes 
milieux.  Des  postes,  commandés  par  ces  hommes  de 
devoir,  pénétrés  de  leur  mission,  on  ne  peut  i)arler  d'in- 
fluence corruptrice.  Ce  furent,  ce  sont  des  foyers  de 
rayonnement  civilisateur. 

C'était  pour  multiplier  ces  administrateurs  d'élite 
que  Léopold  II  avait  conçu  l'Ecole  mondiale.  Parmi 
les  élèves  de  cet  établissement,   où  devait  s'achever 


—    208   — 

l'éducation  des  candidats,  on  devait  opérer  la  sélection 
désirable. 

Et  lorsqu'à  la  séance  de  la  Société  d'Economie  sociale  y 
M.  le  Commandant  Dubreucq  insista  sur  l'urgente 
nécessité  de  préparer  les  futurs  agents,  officiels  ou 
libres,  à  leur  mission  d'Afrique,  dans  un  ou  des  centres 
d'études  en  Europe  —  et  au  besoin  par  des  cours 
volants,  —  la  pensée  de  tous  les  auditeurs  se  reportait 
vers  la  grandiose  conception  de  Koi  qui  n'est  plus. 

Quoi  qu'il  en  soit,  si  l'on  doit  concéder  que  beaucoup 
d'Européens  ne  sont  pas  encore  à  la  hauteur  de  leur 
grande  tâche  civilisatrice,  il  importe  de  ne  pas  laisser 
englober  tous  les  postes  européens  dans  une  même 
flétrissure.  Ce  serait  injuste  et  décourageant. 

Quant  à  1'  «  influence  énervante  des  village  »,  il  y  a 
aussi  quelques  réserves  à  faire.  L'affirmation  parait 
trop  générale.  Elle  peut  être  vraie  pour  les  Bakongo, 
qui  sont  loin  d'occuper  le  premier  rang  parmi  les  Congo- 
lais. Ailleurs,  elle  ne  sera  vraie  qu'en  ce  sens  que 
l'action  du  blanc  sera  tenue  en  échec  pendant  un  temps 
plus  ou  moins  long  par  la  tradition.  Mais  cette  durée  de 
la  résistance  indigène  dépendra  de  diverses  circon- 
stances, de  la  supériorité  de  la  race,  de  l'influence  du 
blanc,  etc.,  et  surtout  de  l'évidence  des  résultats  meil- 
leurs. Vous,  Belges,  souvenez-vous  de  la  difficulté  avec 
laquelle  les  hommes  de  science  firent  admettre  les  pro- 
cédés de  culture  meilleurs  à  nos  agriculteurs,  il  y  a  dix 
et  vingt  ans.  Alors  aussi  on  était  tenté  de  parler  de 
«  l'influence  énervante  du  village  ».  N'exagérons  pas. 

Le  Directeur  général  de    l'Agriculture   au   Congo, 
M.  Leplae,  émettait  l'idée  qu'il  faudrait  peut-être  com- 


—   209  — 

mencer  l'éducation  systématique  non  partout  à  la  fois, 
mais  chez  les  peuplaples  les  plus  douées.  Il  est  certain 
que  «  l'influence  énervante  du  milieu  »  serait  moindre 
et  la  méthode  serait  conforme  à  tous  les  résultats  enre- 
gistrés dans  les  Monographies  ethnographiques. 

En  somme,  la  mission  est  tellement  vaste,  que  tous 
les  moyens,  reconnus  utiles,  doivent  être  employés  par- 
tout où  ce  sera  possible. 

Multiplions  les  centres  de  formation  de  l'enfance  et 
de  la  jeunesse  ;  multii)lions  les  postes  qui  sèment 
l'exemple  dans  la  mentalité  des  adultes.  Encourageons 
toutes  les  initiatives  qui  ont  produit  ou  sont  suscep- 
tibles de  donner  de  bons  résultats.  Portons  toutes  les 
«  inventions  sociales  »  à  la  connaissance  de  tous  les 
travailleurs.  Surtout,  de  la  continuité  dans  l'action  et 
de  la  sélection  dans  les  agents.  Avançons  pas  à  pas  ;  ne 
nous  berçons  pas  de  troj)  d'illusions.  Ce  n'est  pas 
l'œuvre  d'une  année  ni  d'une  décade.  Mais  avec  de  l 'in- 
telligence, de  la  méthode  et  du  dévouement,  le  progrès 
est  certain  :  un  progrès  lent  et  lointain. 

C'est  une  des  faces  de  la  civilisation  méthodique  de 
la  race  nègre. 

Avant  de  clore  l'analyse  de  ce  phénomène,  signalons 
une  dernière  difficulté,  relevée  par  les  Monographies 
ethnographiques.  Chez  la  plupart  des  peuplades  de  notre 
Congo,  une  grande  partie  de  l'agriculture  est  exercée 
par  les  femmes.  L'homme  se  contente  du  gros-œuvre,  le 
déboisement,  par  exemple;  c'est  la  femme  qui  cultive. 
Voilà  la  tradition.  Elle  sera  difficile  à  déraciner. 

Ailleurs,  où  il  y  a  des  esclaves,  ce  sont  ceux-ci  qui 
cultivent.  Conséquences  :  dans  ces  peuplades,  le  tra- 

14 


—   210 


vail  de  la  terre  est  une  occuiDation  servile.  Il  y  aura  là 
un  préjugé  de  plus  à  détruire. 

Ces  deux  remarques,  je  les  donne,  à  titre  d'exemj)les, 
à  l'effet  de  faire  toucher  du  doigt,  une  fois  de  i^lus, 
l'indisiDensable  nécessité  pour  tous  ceux  qui,  par  pro- 
fession ou  autrement,  s'occupent  de  l'amélioration  des 
noirs,  d'étudier  d'abord  à  fond  leurs  coutumes  et  leur 
mentalité.  Sinon,  ils  se  heurteront  à  mille  difficultés, 
causées  simplement  par  leur  ignorance  regrettable. 


§  5.  —  Le  phénomène  idéolog-ique. 

Parmi  les  iDhénomènes  idéologiques,  le  i^lus  impor- 
tant est  le  phénomène  religieux. 

Pendant  combien  de  temps  n'a-t-on  i)as  nié  le  phéno- 
mène religieux  chez  la  xDopulation  de  l'Afrique  Cen- 
trale! «  Ces  nègres,  disait-on,  n'ont  aucune  religion, 
du  moins  rien  qui  mérite  ce  nom  ;  en  ces  matières  comme 
en  toutes  autres,  ce  sont  des  «  sauvages  j).  Le  mission- 
naire du  Christ  qui  veut  semer  la  graine  de  l'Evangile 
svir  ces  terrains  ingrats  doit  d'abord  extirper  les  mau- 
vaises lierbes  jusqu'à  la  racine.  Et  i)^iis,  à  supposer 
que  ces  nègres  aient  certaines  croyances  religieuses, 
peut-être  des  restes  d'antiques  traditions  ou  des  échos 
lointains  de  missions,  ces  croj^ances  n'ont  aucune 
influence  sur  la  conduite  publique  ou  privée.  » 

Telle  était  à  peu  près  l'opinion  dominante  que  beau- 
coup de  nos  explorateurs  africains  répandirent  dans 
notre  pays  et  ailleurs. 


—   211    — 


C'était  à  cette  catégorie  qu'appartenait,  par  exemple, 
M.  Tilkens,  ancien  chef  de  poste  de  Libokwa,  sur  la 
Dima.  Il  faisait  jiartie  de  ces  premiers  explorateurs  qui, 
cami)és  dans  le  pays,  ne  parvenaient  pas  à  se  rendre 
compte  de  ce  qui  se  passait  dans  l'intérieur  des  têtes. 
Il  avait  répondu  sans  hésiter  au  questionnaire  ethno- 
graphique et  sociologique  publié  en  1898  par  l'Etat 
Indépendant  du  Congo  :  «  L'Ababua  n'a  pas  d'idées 
religieuses  ;  il  ne  croit  j)as  au  Dieu  unique  ni  à  plusieurs 
dieux.  Les  idoles  sont  considérées  comme  des  emblèmes. 
Il  n'y  a  pas  de  sorciers,  mais  des  féticheurs.  » 

Rien  donc  d'étonnant  que  des  auteurs  aussi  méritants 
que  M.  A.-J.  Wauters,  forcés  de  se  contenter  de  témoi- 
gnages semblables,  aient  abouti  à  des  conclusions 
pareilles  :  «  Les  nègres  n'ont  pas,  à  proprement  parler, 
de  religion.  Leurs  fétiches,  c'est-à-dire  leurs  dieux,  font 
partie  de  la  nature  et  n'en  sont  pas  les  créateurs;  ils 
sont  mortels;  on  peut  les  forcer  à  accomplir  les  volon- 
tés de  l'homme  ;  le  moyen  de  les  supplier  est  plus  sou- 
vent la  danse  que  la  prière;  enfin,  ils  ne  s'inquiètent 
pas  du  vice  ou  de  la  vertu,  du  bien  ou  du  mal.  »  Cepen- 
dant, grâce  à  cet  instinct  de  la  vérité,  qui  est  une 
des  dominantes  de  cet  écrivain  géographique  qu'est 
M.  Wauters,  il  ajoute  aussitôt  des  considérations 
comme  celle-ci  :  «  Dans  beaucoup  de  villages,  il  existe 
une  case  réservée  aux  fétiches  publics,  protecteurs  de 
la  tribu.  Les  indigènes  ont  aussi  leurs  dieux  lares, 
qu'ils  laissent  dans  leur  hutte,  et  des  porte-bonheur, 
qu'ils  s'attachent  au  cou  et  à  la  ceinture.  La  manière 
dont  ils  se  rappellent  au  souvenir  de  ces  divinités  est 
assez  singulière  ;  ils  les  battent,  les  immergent,  y  plan- 


—    212   — 

tent  des  clous,  espérant  les  réveiller  par  la  souffrance.» 
Et  plus  loin  :  «  Quelques  indigènes  du  bas  Congo  disent 
qu'il  y  a  un  être  suprême  le  grand  Nzambi...  Dans  le 
Haut-Congo,  les  Mongo  croient  qu'il  y  a  un  être 
sui^rôme,  tout  puissant  et  créateur  de  toutes  choses  »... 

Je  trouve  ces  passages  dans  l'édition  de  1898  du  bel 
ouvrage  :  L'Etat  Indépendant  du  Congo. 

Ces  citations  sont  caractéristiques.  Elles  montrent  la 
mentalité  des  explorateurs  et  des  savants  à  la  fin  du 
XIX^  siècle. 

C'est  cette  mentalité  que  M^'^  Leroy  caractérisait 
récemment  d'une  manière  générale,  quand  il  écrivait  : 
«  Il  fut  un  temiDS  où,  sur  la  foi  des  voyageurs  incomplè- 
tement ou  inexactement  informés,  on  écrivait  que  telles 
de  ces  i^opulations  (Bantous)  n'avaient  en  fait  de  reli- 
gion qu'un  «  grossier  fétichisme  »,  sans  aucune  connais- 
sance de  la  Divinité.  Ce  temps  est  passé.  » 

Il  est  passé,  oui,  pour  les  savants  spécialistes.  Mais 
pas  encore,  malheureusement,  pour  la  plupart  des 
agents  coloniaux,  officiels  ou  libres.  Pour  l'immense 
majorité  de  ces  «  civilisateurs  »,  le  nègre  de  l'Afrique 
Centrale  est  toujours  le  grossier  «  fétichiste  » ,  et  ces 
«  fétiches  sont  des  dieux  »,  et  ces  «  dieux,  ils  les  tour- 
mentent w  pour  en  obtenir  des  faveurs  ;  pour  beaucoup 
encore,  ces  «  fétiches  sont  des  idoles  »  ;  et  si,  ^de-çi 
de-là,  «  il  en  est  qui  croient  à  un  Dieu  unique  »,  ce  sont 
des  îlots  de  croyants  dans  un  immense  océan  d'incré- 
dulité ou  i^lutôt  d'ignorance. 

Autant  d'erreurs,  démenties  par  des  observations 
réitérées,  i^artout  et  toujours. 

«  S'il  est,  dit  avec  raison  M^''  Leroy,  s'il  est  un  fait 


2ia 


acquis  aujourd'hui,  c'est  que,  aux  yeux  de  tous  les 
peuples  6anfous,distinctsdecemonde  matériel  et  visible 
dont  nous  faisons  partie,  il  est  un  autre  monde  supra- 
sensible,  intangible,  invisible,  qui  nous  enveloppe,  qui 
nous  domine,  qui  se  mêle  mystérieusement  à  noire  vie 
et  dans  lequel,  un  jour,  par  la  passerelle  inévitable  de 
la  mort,  nous  devons  nous-mêmes  entrer.  »  «Il  y  a  plus 
-de  choses  au-dessus  de  nous,  me  disait  un  jour,  tout 
bas,  un  vieux  chef  africain,  en  me  montrant  le  ciel, 
que  tous  les  livres  des  Blancs  n'en  contiennent...  »  Ce 
monde-là,  coexistant  avec  le  nôtre,  est-il  possible,  est-il 
utile,  est-il  nécessaire  à  l'homme  d'entrer  en  relations 
avec  lui  ?  «  Oui  »,  répondent  nos  iDrimitifs.  Et  c'est  en 
quoi  consiste  leur  religion.  Cette  religion,  ils  la  mêlent 
à  tout  :  aux  phases  principales  de  la  vie  familiale,  aux 
incidents  et  accidents  journaliers,  aux  intérêts  de 
l'individu,  du  village,  de  la  tribu,  aux  fêtes,  aux 
voyages,  aux  chasses,  aux  travaux  agricoles,  aux 
guerres,  aux  calamités  privées  et  publiques.  » 

Ces  lignes,  écrites  en  191 2,  reproduisent  exactement 
les  conclusions  que  dégageait  le  salon  de  l'Ethno- 
grajDliie  à  l'Exposition  internationale  et  universelle 
de  Bruxelles  de  1910.  En  collaboration  avec  le 
P.  Trilles,  le  bras  droit  de  M^'"  Leroy,  j'avais  organisé 
l'exposition  du  Phénomène  religieux  chez  les  rANG(i). 
Il  était  démontré  que  le  phénomène  religieux  propre- 
ment dit  peut  se  classifier  chez  les  Fangs  de  la  manière 
suivante  :  i.  Le   Totem   collectif  (tribu  et  clan)  et  le 


(i)  Pour  la  description  détaillée  de  cette  Exposition,  voir  dans  la 
Collection  de  Monographies  ethnographiques,  l'introduction  au  volume  VI 
(ies  Kuku)    pp.  XVIII  et  suivantes. 


—  2l4  — 

Totem  individuel;  2.  Le  Totem  des  sociétés  secrètes  ; 
3.  Les  Mânes;  4-  Dieu.  —  En  outre,  il  était  démontré 
par  une  série  de  preuves  irrécusables  que,  la.  vie 
religieuse  se  manifestait  dans  tous  les  phénomènes 
sociaux,  depuis  les  plus  généraux  jusqu'aux  plus  rares, 
depuis  les  plus  simples  Jusqu'aux  jdIus  compliqués. 

L'étude  des  Fang-  était  exemplative.  Cette  penj^lade 
avait  été  choisie  i^arce  qu'elle  est  la  plus  nombreuse 
qu'on  connaisse-  Elle  comprend,  pense-t-on,  de  10  à 
i5  millions  d'individus  ;  elle  couvre  de  son  habitat  une 
aire  gigantesque  dans  les  i)ossessions  françaises  et 
allemandes  de  l'Afriqvie  Occidentale;  elle  n'a  guère  été 
touchée  par  les  civilisations  arabe  ou  européenne. 

D'après  nos  connaissances  actuelles,  toutes  les 
peuplades  Bantous  peuvent  être  assimilées,  pour  les 
idées  religieuses  essentielles,  à  la  iDCuplade  des  Fang. 

L'Exposition  ethnographique  de  Bruxelles  avait  i^our 
but  spécial  de  montrer  que  si  dans  un  Musée  comme 
celui  de  Tervueren,  on  voulait  attirer  l'attention  du 
public  sur  le  i^liénomène  religieux,  on  n'aurait  qu'à 
reproduire  pour  une  série  de  tribus-types  de  notre 
Congo,  une  démonstration  semblable  à  celle  des  Fang. 
L'opinion  publique,  comme  les  explorateurs,  se 
rendrait  compte  de  l'essence  du  phénomène  religieux 
dans  notre  Colonie  et  de  l'imxDortance  extraordinaire 
de  la  vie  religieuse  dans  la  mentalité  de  nos  nègres. 

Déjà  les  dix  volumes  de  la  Collection  des  Mono- 
graphies ethnographiques  ont  fourni  des  matériaux  en 
abondance.  Or,  notons  que  le  phénomène  religieux  est 
le   plus  difficile  à  observer  de  tous  les  phénomènes 


—    2l5    — 

sociaux  ;  il  est  le  plus  difficile  à  dégager  de  l'ensemble 
des  coutumes  idéologiques. 

A  titre  d'exemple,  quelques  témoignages  sur  la 
notion  du  Dieu  unique. 

Rappelons,  comme  point  de  comparaison,  le  tableau 
des  Fang  à  rExi)osition  de  Bruxelles.  «  La  paroi 
n'offrait  sous  ce  nom  (de  Dieu)  aucune  figuration. 
C'était  voulu.  Et  l'opposition  entre  ce  manque  de 
représentation  graphique  et  les  tableaux  du  Totem, 
des  Mânes  et  des  Sociétés  secrètes,  était  frappante.  «La 
raison  de  ce  procédé  était  fournie  par  l'inscription  : 
«  Aucune  représentation  de  Dieu,  ni  idole,  ni  image,  ni 
temple^  ni  culte,  ni  sacerdoce,  ni  rite.  Croyance  en  un 
Etre  suprême,  créateur,  organisateur  du  monde,  juge.  » 

Cette  notion  du  Dieu  unique,  avec  des  attributs 
semblables,  plus  ou  moins  accusés,  se  trouve  chez  les 
Bangala  (I),  les  Mayombe  (II),  les  Basonge  (III),  les 
Maugbetu  (IV),  les  AVarega  (V),  les  Ababua  (VII), 
les  Balioloholo  (IX),  les  Baluba  (X),  chez  toutes  les 
peuplades  congolaises  dont  la  monographie  a  été 
publiée. 

Posez  ces  peuplades-types  sur  une  carte  ;  vous  con- 
staterez qu'elles  sont  autant  de  coups  de  sonde  dans  la 
mentalité  nègre. 

J'ajoute  :  la  notion  du  Dieu  créateur  et  unique  se 
retrouve  chez  les  i:)euplades  des  monographies  sous 
presse  :  les  Bayaka,  les  Bakuba,  etc. 

Cette  notion  se  retrouve  chez  toutes  les  autres  peu- 
pla^des  congolaises  sur  lesquelles  nous  avons  rassemblé 
des  renseignements. 

Cette  notion  se  retrouve  non  seulement  chez  les  peu- 


—    2l6   — 

plades  des  possessions  belg-es,  mais  des  possessions 
anglaises, portugaises,  allemandes, françaises  d'Afrique, 
dans  tout  le  Centre,  le  Sud,  l'Est  et  l'Ouest  de 
l'Afrique  nègre,  non  seulement  chez  ce  qu'on  est 
convenu  d'appeler  la  race  Bantou,  mais  chez  les  autres 
races,  Pygmées  compris. 

Ainsi,  toute  l'Afrique  nègre  confesse  sa  foi  au  Dieu 
unique  et  créateur. 

Voilà  une  conclusion  ferme  de  nos  études  patientes 
et  comparées.  Combien  d'autres  pourraient  être  présen- 
tées, relatives,  par  exemple,  aux  croyances  à  l'âme 
humaine,  aux  esprits,  à  la  vie  future,  etc. 

A  mesure  que  les  observations  se  précisent,  la  men- 
talité religieuse  de  nos  nègres  se  dégage,  sinon  comme 
très  élevée,  du  moins  comme  arrivée  à  un  niveau  de 
développement  tel  qu'elle  mérite  mieux  que  le  dédain 
dont  on  l'accable  généralement. 

Aux  yeux  de  ceux  qui  cherchent  à  relever  les  noirs, 
cette  mentalité  apparaît  de  plus  en  plus  comme  une 
base  excellente  d'opérations,  presqu'un  levier  pour 
l'élever  à  un  stade  supérieur  de  développement. 

Et  les  conclusions  s'imposent  avec  des  nettetés  d'évi- 
dence. 

A  titres  d'exemples,  j'en  produirai  deux  :  une  néga- 
tive et  une  positive.  La  première  a  trait  à  l'action  de 
tous  les  civilisateurs;  la  seconde  est  spéciale  à  nos 
missionnaires,  à  ceux  qui  cultivent  spécialement  la  vie 
religieuse. 

I.  Si  nos  noirs  vivent  ainsi  dans  une  atmosphère  reli- 
gieuse, il  faut  que  nos  civilisateurs  de  tout  rang  con- 
naissent cette  mentalité  et  agissent  en  conséquence. 


—    21' 


Afin  de  faire  comprendre  ce  point  aux  membres  du 
Jury  de  la  section  des  Sciences  de  l'Exposition  de 
Bruxelles,  je  disais  : 

«  Supposez  que  des  incroyants  aillent  violer  nos 
églises  catholiques,  y  prennent  les  statues  des  Saints, 
se  moquent  des  cérémonies  religieuses,  jettent  les 
hosties  consacrées  et  se  livrent  à  mille  scènes  de  mépris 
pareil,  quelle  indignation  profonde  ne  germera  pas,  à 
juste  titre,  dans  le  cœur  de  nos  catholiques,  pour  qui 
la  vie  religieuse  est  l'essentiel  de  l'existence?  A  quelles 
scènes  de  violence  n'allons  nous  pas  assister?  La  réac- 
tion dépassera  peut-être  l'action.  Et  si  même  le  Pouvoir 
que  nous  pouvons  imaginer  tout  puissant  des  incroyants 
étouffe  la  révolte  dans  le  sang,  quelles  rancunes  ger- 
meront dans  les  consciences  froissées  et  mutilées? 

«  Eh  bien!  ces  gestes  d'intolérance  qui  provoque- 
raient des  révolutions  chez  nous,  pourquoi  voulez-vous 
qu'ils  n'aient  pas  de  répercussion  semblable  dans  le 
monde  des  Jaunes  ou  des  Noirs?  Souvenez-vous  de  la 
révolte  des  Boxers  chinois.  Et  en  Afrique,  que  de 
révoltes  aux  causes  inexpliquées  causées  par  des  atten- 
tats imprudents  ou  inconsidérés  aux  emblèmes  religieux 
des  indigènes!  Ici  c'est  un  explorateur  qui  installe  un 
poste  sur  une  colline  dédiée  à  tel  puissant  esprit;  là 
c'est  un  arbre  fétiche  qu'on  abat  par  bravade;  tantôt 
ce  sont  des  statuettes-fétiches  qu'on  enlève  comme  objet 
de  curiosité  ou  ce  sont  des  cases  dédiées  aux  morts 
qu'on  renverse  ;  tantôt  ce  sont  des  animaux  totémiques 
qu'on  tue  ou  des  tabous  respectés  qu'on  force  à  violer. 
Autant  de  froissements  inutiles,  sinon  stupides,  qui 
n'ont  d'autre  excuse  que  rigiiorance. 


—   2l8   — 

>>  C'est  pour  dissiper  cette  ignorance  que  nous  faisons 
nos  enquêtes  et  cette  Exposition.  » 

Le  phénomène  religieux  joue  un  rôle  énorme  dans 
les  Sociétés  africaines;  si  l'on  veut  conquérir  la  sym- 
pathie des  indigènes,  il  faut  connaître  leurs  coutumes, 
afin  de  ne  les  i^oint  froisser  inutilement  dans  leur  con- 
science sacrée. 

Une  étude  attentive  indiquera  quels  sont  les  usages 
qu'on  x)eut  et  doit  respecter  et  quels  sont  ceux  qui  sont 
contraires  à  l'humanité  et  qu'il  faut  condamner.  Parmi 
ces  derniers,  figurent  les  meurtres  rituels,  les  magies 
homicides,  les  épreuves  du  poison,  etc.  Autant  le  civi- 
lisateur, quel  qu'il  soit,  doit  se  montrer  imj)lacable  dans 
la  répression  de  ces  énormités,  autant  il  se  montrera 
tolérant  à  l'égard  des  actes  religieux  proi)rement  dits. 
Ainsi  la  mentalité  du  nègre  s'épurera;  les  excès  seront 
IDCu  à  i^eu  laissés  de  côté,  les  tendances  élevées  seront 
maintenues. 

Sinon  on  risquerait  de  ruiner  à  la  fois  dans  la  cons- 
cience du  pauvre  nègre  et  l'idéal  qui  l'élève  et  le  crime 
qui  le  dégrade.  La  politique  éducatrice  intelligente  doit 
conserver  le  j)remier  et  anéantir  le  second. 

Voilà  comment  l'Exposition  du  i)hénomène  religieux 
chez  les  Fang  —  qui  n'est  qu'un  exemi^le  —  formait  une 
contribution,  non  seulement  à  la  science  —  ce  qui  est 
évident  —  mais  à  la  civilisation,  ce  qu'il  fallait 
démontrer. 

2.  Sur  ce  terrain  religieux,  ainsi  préparé  par  l'arra- 
chement des  mauvaises  herbes  —  travail  auquel  tous  les 
blancs  en  contact  avec  les  nègres  devraient  collaborer 


—  219  — 

—  le  missionnaire,  apôtre  de  relig-ions  plus  élevées,  est 
appelé  à  réaliser  sa  tâche  sx^éciale. 

Comment  procéder? 

Deux  méthodes  sont  en  présence. 

La  première  consiste  à  faire  table  rase  des  croyances 
nègres  antérieures,  à  les  considérer  comme  mauvaises 
jusqu'à  la  racine,  à  les  arracher  sans  pitié  :  ainsi,  dit-on, 
l'Esi)rit  mauvais  sera  anéanti.  A  sa  place  on  sème  les 
vérités  de  l'Evangile  et  les  mentalités  chrétiennes  se 
développent. 

C'est  la  méthode  qu'on  x)ourrait  appeler,  sauf  respect, 
la  méthode  révolutionnaire.  C'est  celle  qui  est  appli- 
quée souvent, si  l'on  en  croit  les  Bulletins  des  missions. 

La  seconde  méthode  est  plutôt  évolutioniste,  si  l'on 
peut  dire.  Elle  prend  la  plante  nègre  telle  qu'elle  est  ; 
et  comme  en  horticulture  intensive,  elle  pose  une  greffe 
sur  elle  et  obtient  des  fruits  sélectionnés.  La  greffe, 
c'est  un  idéal  religieux  supérieur.  C'est,  si  vous  voulez, 
le  Christianisme.  Cette  méthode,  qui  est  conforme  à 
celle  des  sciences  naturelles,  donne,  assure-t-on,  des 
résultats  excellents.  Le  P.  Colle,  des  PP.  Blancs,  en  a 
exposé  l'économie  au  dernier  Congrès  catholique  de 
Malines.  Il  semble  que  ce  système  soit  le  seul  qui  ait 
pour  lui  l'obserA^ation,  la  science,  l'avenir  et,  à  tout 
prendre,  la  tradition  chrétienne,  notamment  des  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise. 

Voici  quelques  explications,  fournies  par  notre  Col- 
lection de  Monographies  : 

a)  On  a  vu  que  la  notion  du  Dieu  unique  et  créateur 
hantait  la  mentalité  nègre  africaine.  Assurément,  cette 
notion  varie.   On  a  observé  avec  raison  que  des  diffé- 


—    220 


rences  s'accusaient  jusque  dans  le  nom  donné  à  Dieu; 
chez  les  Bantous,  par  exemple,  les  uns  appellent  Dieu, 
l'Etre  «  ineffable  »  ;  les  autres,  «  Celui  qui  fait,  l'Orga- 
nisateur, le  Créateur  »  ;  d'autres  «  le  Puissant,  le  Maître, 
le  Grand  »  ;  il  en  est  qui  disent  «  le  Vivant  »  ;  et  nom- 
breux sont  ceux  qui  l'appellent  «  Celui  d'en  Haut, 
Celui  de  la  Lumière,  Celui  du  Ciel,  Celui  du 
Soleil  »,  etc. 

M^*"  Leroy,  comparant  la  précision  des  données  lin- 
guistiques des  Bantous  avec  leurs  idées  actuelles,  va 
jusqu'à  dire  que  «  cette  notion  de  la  Di^dnité  a  subi 
chez  eux  une  régression  évidente  et  qu'elle  était  beau- 
coup plus  nette  à  l'époque  de  la  formation  de  la  langue». 

Peut-être,  Ce  serait  un  argument  de  plus  en  faveur  de 
la  méthode  évolutioniste,  puisqu'alors  il  ne  s'agirait 
que  de  remettre  le  courant  dans  le  lit  du  fleuve  d'an  tan. 

Eh  bien,  sur  ce  tronc  (croyance  au  Dieu  unique)  — 
dégénéré  ou  non  —  il  s'agit  de  greffer  la  croyance  au 
Dieu  unique  chrétien.  Ce  n'est  qu'une  question  de 
développement  graduel  et  organique.  Qu'on  élague 
quelques  branches  et  que  l'arbre  pousse  !  Qu'au  Dieu 
unique  à  attributs  plus  ou  moins  vagues,  on  ajoute  peu 
à  peu  les  attributs  caractérisés  !  Qu'au  Dieu  qui  ne  se 
môle  pas  des  hommes,  on  ajoute  la  notion  de  Provi- 
dence !  Qu'au  Dieu  qui  n'exerce  après  cette  vie  qu'une 
action  de  juge  plus  ou  moins  indéterminée,  on  ajoute 
l'idée  de  justice  parfaite.  Qu'au  Dieu  esi3rit  plus  ou 
moins  grossier,  on  ajoute  l'esi^rit  de  plus  en  plus 
spirituel,  etc. 

Et  voilà  la  croyance  épurée.  C'est  l'arbre  originaire 
«  sauvage  »  sur  lequel  la  greffe  a  oi)éré  et  dont  les  fruits 


—    221    — 

sont  d'une  qualité  de  plus  en  plus  supérieure.  L'idéal 
divin  s'est  élargi  et  purifié.  Le  culte  s'ajoutera  de 
même,  i^rogressivement  irrésistiblement,  peu  à  peu, 
mais  avec  continuité. 

La  civilisation  aura  fait  un  pas  en  avant. 

b)  Ainsi  peut-on  procéder  pour  l'âme  humaine.  Con- 
sultez les  Monographies,  Tous  les  nègres  étudiés  croient 
à  l'existence,  chez  l'homme,  d'un  principe  autre  que 
celui  du  corps. 

L'auteur  de  la  Religion  des  Primitifs  n'hésite  pas  à 
généraliser  et  à  étendre  cette  croyance  à  tous  les  Ban- 
tous  actuels.  «  Chez  ces  derniers,  dit-il,  soit  que  l'âme 
humaine  ait  i)lusieurs  formes  distinctes,  soit  qu'elle  ait 
plusieurs  manières  de  se  manifester,  c'est  elle  qui  bat 
dans  le  cœur  et  les  artères,  qui  respire,  qui  brille  dans 
le  cristal  de  l'œil:  elle  est  le  principe  de  la  vie, et  comme 
elle,  elle  disparaît  momentanément  quand  l'homme 
tombe  en  syncope  ou  en  léthargie,  et  définitivement 
quand  il  meurt.  —  Elle  est  aussi  une  espèce  de  sub- 
stance éthérée  qui,  pendant  le  sommeil  du  corps,  reçoit 
la  visite  d'autres  esprits,  qui  va  les  voir,  qui  s'occupe, 
qui  «  rêve  » .  —  Elle  est  encore  une  voix  intime  qui  nous 
parle  à  nous-même,  nous  inspire  de  bons  et  de  mau- 
vais sentiments,  qui  nous  porte  au  bien  et  au  mal,  nous 
cause  de  la  joie  et  des  remords.  —  Elle  est  enfin,  peut- 
être  représentée  par  cette  extériorisation  dé  notre  per- 
sonne, qui  s'appelle  l'ombre,  plus  frappante  et  plus 
vivante  dans  les  pays  du  soleil  que  dans  les  nôtres,... 
qui  repose  dans  l'homme  endormi  et  le  suit  dans  la 
mort...  Ce  quelque  chose  par  quoi  l'homme  vit,  se  meut, 
a  conscience  de  lui-même,  se  gouverne,  raisonne,  parle, 
rêve  et  enfin  se  survit.  » 


222    — 


Chez  les  i)lus  religieux  de  nos  Bantoiis  du  Congo 
belge,  les  Baluba,  «  à  la  mort,  l'âme  brise  sa  chaîne  ; 
elle  commence  une  vie  indépendante  dans  le  monde  des 
esprits  ;  et  cependant  elle  n'abandonne  pas  le  corps  dont 
elle  s'est  dégagée  :  tant  que  du  cadavre  il  reste  quelque 
chose  de  solide,  de  saisissable,  elle  continue  à  y  séjour- 
ner ;  ceiDcndant  elle  va,  vient,  où  et  quand  bon  lui 
semble,  quitte  à  revenir  sans  cesse  au  corps  comme 
l'habitant  à  son  logis  ;  elle  peut  directement  ou  à  tra- 
vers les  organes  en  décomposition  —  on  ne  sait  -  enten- 
dre les  paroles  et  considérer  les  actions  des  vivants  ». 

C'est  sur  des  données  pareilles,  plus  ou  moins  sem- 
blables dans  les  diverses  peuplades  étudiées  dans  les 
Monographies,  que  le  H.  P.  Colle,  des  PP.  Blancs,  et 
moi,  discutâmes  les  bases  de  son  rapport  à  Malines. 
C'est  dire  que  les  conclusions  de  ce  rapport,  fruit  de 
notre  travail  commun,  je  les  adoi)te  sans  réserves.  En 
voici  quelques-unes  : 

Le  seul  exposé  de  cette  doctrine  sur  l'âme  montre 
l'importance  qu'il  y  a  pour  le  missionnaire  de  s'en  ren- 
dre compte  exactement.  Au  lieu  de  présenter  aux  nègres 
la  spiritualité  de  l'âme  comme  une  vérité  nouvelle,  il 
suffira  au  contraire  de  lui  faire  remarquer  qu'il  la  pos- 
sède déjà  dans  sa  notion  basique.  Il  leur  tiendra  à  peu 
près  ce  langage  :  «  Je  vais  vous  expliquer  une  chose  que 
vous  connaissez  depuis  longtemiis  et  que  vos  ancêtres 
ont  cru  avant  vous.  Dans  l'homme,  il  y  a  autre  chose 
que  le  corî)s  ;  il  existe  quelque  chose  que  nous  ne  pou- 
vons voir  ni  toucher  ;  vous  l'appelez  «  mutima  »,  cœur. 
Je  parle  du  cœur  spirituel,  avec  lequel  vous  pensez, 
vous  voulez,  et  non  pas  de  ce  petit  morceau  de  chair  qui 


—    223   — 

bat  dans  la  poitrine.  Tous  vous  croyez  qu'après  la 
mort  de  l'homme,  quand  l'être  humain  entre  déjà  en 
décomposition,  il  reste  quelque  chose  qui  ne  meurt  pas, 
ne  se  décompose  i)as,  mais  qui  continue  à  agir,  voir  et 
entendre,  sans  que  nous  puissions  ni  le  voir,  ni  le  tou- 
cher, ni  l'entendre.  Vous  y  croyez  tellement  que  vous 
lui  élevez  des  petits  temples,  où  elle  puisse  venir  séjour- 
ner ;  que  vous  lui  parlez  et  que  vous  lui  adressez  vos 
prières  ;  que  vous  lui  offrez  des  sacrifices  et  que  quel- 
quefois même,  quand  elle  vous  ennuie  trop,  vous  brûlez 
son  cadavre  pour  la  forcer  à  quitter  au  j)lus  tôt  cette 
terre.  Eh  bien,  cette  chose  invisible,  imi)alpable,  et 
cependant  si  vivante,  plus  semblable  à  un  esprit  qu'à 
un  homme,  c'est  ce  que  j'appelle  l'âme  spirituelle.  Tous 
vous  en  avez  une.  » 

Voilà,  si  je  ne  me  trompe,  ajoutait  le  P,  Colle,  une 
méthode  simi^le  et  pratique  i)our  leur  enseigner  les  élé- 
ments i)remiers  de  ce  point  fondamental  de  notre  reli- 
gion. Elle  découvre  à  leurs  yeux  l'assise  de  l'essence 
de  l'âme.  Cette  chose  si  abstraite  leur  api^araît  i^our 
ainsi  dire  sous  une  image  sensible.  En  expliquant  ainsi 
la  nature  de  l'âme,  le  missionnaire  peut  éviter  bien  des 
confusions,  toujours  possibles,  et  résoudre  sans  xDeine 
des  difficultés,  absurdes  à  nos  yeux,  mais  très  réelles 
et  profondément  avérées  dans  l'esprit  des  noirs.  En  un 
mot,  il  sera  mieux  compris  et  plus  tôt  cru. 

C'est  mon  opinion  et  la  seconde  illustration  de  la 
méthode  de  la  greffe. 

Les  iDroportions  de  cet  article  de  revue  ne  me  permet- 
tent pas  d'ajouter  d'autres  exemples.  Le  lecteur  peut 
faire  lui-même  ce  travail  supplémentaire,  en  parcourant 


22^    — 

les  fiches  101-121  des  Monographies  ethnographiques. 

Ce  qui  ne  veut  pas  dire  que  tout  cela  produira  des  effets 
immédiats.  ]Non.  Le  temps  est  toujours  nécessaire.  Je 
me  souviens  de  la  parole  de  mon  ancien  professeur  et 
ami,  le  P.  Liagre,  le  missionnaire  de  Kimuenza,  qui 
disait  à  M.  Buis  :  «  Je  puis  bien,  sur  5  ou  6  ans,  leur 
faire  réciter  le  catéchisme,  mais  je  ne  pais  leur  fournir 
leur  conscience  chrétienne  ;  il  faudra  plusieurs  généra- 
tions pour  cela.  » 

Après,  réfléchissez.  Supposez  que  les  diverses  bases 
religieuses  des  noirs,  i^uissent  être  ainsi  utilisées 
supposez  que  l'expérience  évangélique  ait  trouvé  les 
divers  ponts  qui  permettent  de  faire  franchir  au  noir 
la  distance  qui  sépare  sa  mentalité  de  celle  du  chrétien, 
n'en  résulterait-il  pas,  comme  on  l'a  dit  au  Congrès  de 
Malines,  une  méthode  d'évangélisation  féconde,  plus 
rapide,  adaptée  au  but,  et  remplie  de  promesses  ? 

C'est  une  des  faces  de  ce  que  j'ai  nommé  la  civilisa- 
tion méthodique  de  la  race  nègre. 


6.  —  Conclusions. 


Parmi  les  conclusions  essentielles  qui  se  dégagent  de 
cette  esquisse  de  la  Civilisation  méthodique  du  Congo ^ 
il  en  est  trois  sur  lesquelles  j'appelle  l'attention  :  la 
première  se  rattache  à  l'extension  du  travail  dont  il 
vient  d'être  fourni  quelques  échantillons  ;  la  deuxième 
se  rapporte  à  la  pénétration  des  renseignements  et  de  la 


—   225   — 

méthode  dans  les  cerveaux  des  civilisateurs  ;  la  troi- 
sième a  trait  à  l'enseig-nement  colonial. 

I.  Les  exemples  fournis  pour  deux  phénomènes 
sociaux  démontrent  la  possibilité  d'étendre  les  études 
similaires  non  seulement  aux  diverses  espèces  de 
questions  de  chacun  de  ces  phénomènes  —  économie  et 
idéologie  —  mais  encore  aux  autres  phénomènes  : 
familial,  esthétique,  moral,  Juridique,  politique. 

Chaque  catégorie  exige  ses  spécialistes. 

La  documentation  est  à  pied  d'œuvre.  Voici  dix 
Monographies,  bientôt  douze  et  quinze. 

Les  ouvriers  sont  attendus  pour  l'édification  de 
l'œuvre. 

La  Conférence  du  jeune  Barreau  de  Bruxelles  va 
mettre  à  l'étude  les  questions  qui  se  rattachent  au 
phénomène  Juridique.  Divers  autres  groupements  ont 
annoncé  leur  collaboration  en  d'autres  domaines. 

BeaucouiD  de  fruits  sont  mûrs  ;  qui  les  cueillera  ? 

Pour  ma  part,  Je  me  déclare  prêt  à  aider  toutes  les 
initiatives  ;  de  plus,  Je  pousserai  mes  études  person- 
nelles de  divers  côtés.  Assurément,  il  ne  faut  pas 
espérer  obtenir  un  succès  égal  en  tous  domaines  ;  mais 
présenter  des  solutions  à  l'avis  des  spécialistes  et 
amener  ceux-ci  à  les  discuter,  n'est-ce  pas  déjà  un 
résultat  digne  de  tenter  l'activité  ? 


•^is' 


2.  A  mesure  que  ce  travail  s'achèvera,  les  résultats 
seront  livrés  à  tous  ceux  qui  s'y  intéressent  ou  qui 
doivent  s'y  intéresser  —  de  par  leurs  fonctions. 

En  attendant,   n'est-il  pas  désirable  que  les  docu- 


15 


ments  eux-mêmes  soient  mis  à  la  disposition  de  ceux 
qui  sont  susceptibles  de  collaborer  de  quelque  manière 
à  l'œuvre  colonisatrice  des  nègres  ? 

Léopold  II  avait  décidé  que  chaque  poste  européen 
au  Congo,  serait  x>ouî*vu  d'une  collection  de  Monogra- 
phies ethnographiques.  Ainsi,  chaque  fonctionnaire 
aurait  toujours  été  mis  à  même  non  seulement  de 
contrôler  éventuellement  les  renseignements  y  con- 
tenus, mais  surtout  de  s'inspirer  des  travaux  antérieurs 
pour  guider  sa  conduite  et  même  pour  fournir  la  docu- 
mentation résultant  de  son  observation  personnelle  et 
de  son  expérience.  Le  E,oi  désirait  que  les  fonction- 
naires de  l'Administration  Centrale  de  la  Colonie 
eussent  toujours  ces  documents  à  portée  de  la  main,  de 
façon  à  se  tenir  au  courant  des  mœurs  des  indigènes  et 
de  l'ensemble  des  i^roblèmes  qui  les  intéressaient. 

Et  dans  divers  entretiens,  Léopold  II  alla  plus  loin. 
Il  voulait  pourvoir  de  cette  documentation,  nos  éta- 
blissements d'enseignement  supérieur,  moyen,  profes- 
sionnel, les  écoles  normales  primaires  et  les  biblio- 
thèques cantonales  des  instituteurs.  «  De  cette  manière 
■disait-il,  nos  professeurs  n'auront  i^lus  d'excuse  à  leur 
ignorance  des  mœurs  des  populations  du  Congo  ;  armés 
de  ces  connaissances  positives  et  nombreuses,  ils 
pourront  familiariser  les  générations  de  demain  avec 
la  vie  de  ceux  dont  elles  ont  charge  d'âme  .» 

Ce  qui  est  vrai  iDOur  la  Belgique  s'applique,  par 
identité  de  motifs,  à  tous  les  autres. 

Un  jour  même,  le  Roi  rêva  d'une  collection  de  livres 
—  récits  à  bon  marché  —  rédigés  à  l'usage  des  élèves 


et  du  gTaiid  iDublic.  C'est  l'origine  de  la  Collection  des 
Peuplades  africiiines,  dont  le  premier  volume,  les 
Bangala,  i)arut  et  obtint  un  succès  encourageant. 
Bientôt  de  nouveaux  essais  seront  faits. 

Ainsi,  outre  les  nombreux  périodiques  —  mensuels» 
liebdomadairvîs  et  quotidiens  —  qui  sont  entrés  à  pleine 
voile  dans  l'étude  et  la  vulgarisation  des  mœurs  de  nos 
noirs,  des  œuvres  de  i^ropagande  systématique  sont 
nées  et  se  sont  développées. 

L'heure  paraît  venue  de  leur  donner  un  nouvel  essor. 
L'Afrique  est  attaquée  de  tous  côtés  i3ar  le  Capitalisme 
et  la  Colonisation.  Des  forces  immenses  sont  en  marche 
pour  l'exploitation  du  Continent  noir.  L'élan  se  i)réci- 
pite.  Une  notable  i)artie  de  la  Politique  des  grands 
Empires  est  consacrée  aux  questions  africaines. 

Dans  cette  masse  de  préoccuiDations  d'ordre  écono- 
mique, combien  mesquin  apparaît  le  souci  du  progrès 
des  indigènes,  qui  devrait  occuper  la  x>lace  prépondé- 
rante ! 

L'historien  de  l'avenir  qui  cherchera  dans  l'action 
africaine  des  Puissances  européennes  la  part  qui  relève 
du  facteur  idéologique  trouvera  t-il  autre  chose  que 
l'effort  des  missionnaires,  de  quelques  exi^Iorateurs 
conscients  do  l'idéal  de  leur  mission,  de  certains  fonc- 
tionnaires et  hommes  d'Etat  aux  vues  humanitaires  et 
de  rares  déclarations  solennelles  de  Parlements  i)ar- 
fois  mieux  intentionnés  que  compétents  ? 

Le  tourbillon  économique  qui  emporte  l'effort  euro- 
l)éen  en  Afrique  apparaîtra,  si  nous  n'y  prenons  garde, 
comme  l'illustration  la  t)1us  décisive,  au  début  du 
XX^  siècle,  de  ce  matérialisme  historique  que    Marx 


—    228   — 

produisit  comme  la  synthèse  du  siècle  dernier  tant  en 
Europe  qu'en  x\mérique. 

Oui,  il  est  grand  temps  d'essayer  une  sui^rême  tenta- 
tive de  relèvement  du  nègre  africain.  Toutes  les  nations 
devraient  y  collaborer  collectivement.  C'est  ce  qu'avait 
compris  le  Congrès  international  d'Expansion  écono- 
mique de  Mon  s,  qui  a  fondé  l'œuvre  ethnographique  et 
civilisatrice  sur  des  bases  internationales.  Il  serait  à 
souhaiter  que  les  Gouvernements  soutiennent  davan- 
tage Tinitiative  iirivée. 

En  ce  qui  concerne  spécialement  la  Belgique,  qui 
occupe  le  i^oste  d'honneur  dans  l'Afrique  centrale,  le 
moment  n'est-il  pas  venu  d'entamer  sa  mission  civili- 
satrice avec  méthode  et  sur  une  échelle  plus  étendue? 
En  ces  dernières  années,  des  i)rogrès  ont  été  accomplis; 
la  législation  a  été  améliorée  ;  on  commence  à  tenir 
compte  des  exigences  régionales;  les  bonnes  intentions, 
prodiguées  à  Theure  de  la  reimse  de  la  Colonie,  se 
précisent.  Mais  l'ensemble  de  cet  effort,  si  méritoire 
soit-il,  n'est-il  pas  trop  économique? 

Grâce  aux  missionnaires,  on  multiplie  les  écoles , 
combien  rares  cependant  !  Mais  le  programme  de  ces 
écoles  est-il  adapté  aussi  bien  que  possible  aux  besoins 
des  peuplades  ?  Les  maîtres  eux-mêmes  ont-ils  reçu  la 
préparation  la  meilleure  ?  Et  les  colons,  où  sont-ils  for- 
més? Et  les  agents  des  sociétés?  Et  surtout  les  fonction- 
naires, ces  puissances  du  Congo  ? 

3.  Et  c'est  ainsi  que,  deux  ans  après  la  mort  de 
Léopold  II,  la  nécessité  et  l'urgence  de  l'Ecole  mon- 
diale s'imposent  aux  yeux  des  amis  des  noirs  comme 
une  mesure  de  salut  public. 


—    229   — 

C'est  en  igoB  que  la  première  pierre  de  l'Ecole  mon- 
diale fut  posée  à  Tervueren  par  Léopold  II.  Pourquoi 
s'obstiner  à  ne  pas  ajouter  les  autres? 

Il  y  a  beau  jour  que  les  programmes  sont  i)rets. 
Pourquoi  les  laisser  dans  les  cartons?  Parce  qu'ils 
s'étendent  à  la  préparation  aux  carrières  dans  les  pays 
neufs  autres  que  le  Congo?  Qui  vous  empêche  de  com- 
fuencer  par  la  i^artie  coloniale  africaine  ? 

L'Afrique  centrale  attend  de  nous  son  progrès.  Nous 
avons  accepté  cette  mission  des  mains  de  l'Europe.  Il 
faut  fonder  sans  tarder  un  établissement  d'enseigne- 
ment colonial  digne  de  notre  tenix^s,  de  la  science  et  de 
notre  pays. 

Les  divers  paragraphes  de  cet  article  conduisent  tous 
à  la  fondation  d'un  établissement  d'instruction  colo- 
niale, à  la  fois  supérieur,  moyen  et  professionnel,  où 
les  futurs  colonisateurs  viendront  achever  leur  forma- 
tion avant  de  réaliser  et  vivre  leur  vocation  en  Afrique. 
Là  serait  centralisé,  en  diverses  sections,  l'outillage 
indispensable  à  cet  achèvement  d'éducation  :  la  docu- 
mentation, les  ateliers,  les  laboratoires,  etc.  Tout  bai- 
gnerait dans  l'atmosphère  coloniale.  Ainsi  pourraient 
être  sélectionnés  les  talents  et  les  caractères. 

En  vain  prétendrait-on  qu'il  vaut  mieux  décentra- 
liser et  donner  cet  enseignement  colonial  complémen- 
taire dans  les  diverses  universités,  collèges  et  écoles 
professionnelles  en  activité  dans  les  différentes  pro- 
vinces. Qui  ne  voit  l'impossibilité  d'organiser  un  ensei- 
gnement sérieux  dans  tant  de  milieux?  Qui  n'est  prêt  à 
condamner  la  dé^iense,  formidable  à  force  d'être  renou- 
velée, ne  fût-ce  que  pour  le  matériel  didactique  indis- 


—  23o  — 

pensable  ?  Qui  ne  reculera  devant  la  difficulté  insur- 
montable de  recruter  un  tel  nombre  de  i^rofesseurs  à  la 
hauteur  de  leur  tâclie  ?  Qui  espère  faire  souffler  sur 
autant  d'institutions  «  l'esprit  colonial  »  ? 

Non,  non.  En  Belgique  pas  plus  qu'à  l'étranger,  on  ne 
trouvera  d'autre  solution  que  celle  de  Léopold  IT  : 
L'Ecole  centrale  où  s'assembleront  tous  ceux  qui 
veulent  achever  leur  instruction  i)rofessionnelle  par  le 
complément  d'éducation  coloniale  nécessaire. 

Dans  ce  centre  d'études  théoriques  et  pratiques,  sans 
cesse  alimenté  par  la  documentation  la  plus  fraîche  et 
l'invention  la  plus  récente,  les  aspirants-représentants 
des  diverses  spécialités  civilisatrices  pourront  venir  se 
former  ou  se  perfectionner  :  l'agent  de  l'Etat  comme 
l'employé  des  Sociétés  commerciales,  le  missionnaire  et 
le  colon,  l'explorateur  et  le  savant,  et  tous  ceux  qui 
aspirent  à  faire  l'aumône  d'un  geste  pour  l'élévation  du 
pauvre  nègre. 

Cette  conception  d'un  centre  intellectuel  supporte 
d'ailleurs  tous  les  amendements  exigés  par  la  nature  des 
choses. 

Ainsi,  puisque  la  Commission  officielle  nommée  par 
les  Ministres  des  Colonies  et  des  Sciences  et  des  Arts  a 
décidé  à  l'unanimité  qu'un  Institut  de  médecine  tropi- 
cale ne  pouvait  avoir  son  établissement  principal 
qu'au  port  d'Anvers,  parce  que  là  seul  il  y  a  chance  de 
recueillir  le  nombre  de  malades  indispensable,  pour- 
quoi ne  pas  organiser  la  section  médicale  de  l'Ecole 
mondiale  ou  coloniale  dans  notre  grand  port  commer- 
cial ? 

Ainsi  encore,  puisque  la  question  des  écoles  en  Afri- 


—    23l    — 

que  a  revêtu  une  urgence  aussi  caractérisée,  pourquoi 
ne  pas  organiser,  à  l'Ecole  mondiale  ou  coloniale,  une 
section  normale  spéciale  pour  la  formation  des  profes- 
seurs ?  Peut-être  pourrait-on  songer  bientôt  aussi  à  la 
création,  en  Afrique,  d'une  seconde  école  normale, 
genre  .Tuskegee,  où  les  maîtres  noirs  pourraient  être 
préparés  ? 

L'essentiel  est  de  tenir  la  civilisation  méthodique  de 
l'Afrique  au-dessus  des  partis  politiques. 


Cyr.  Van  Overbergh. 


I. 


Table  coordonnée  des   Matières 

d'après    l'ordre 

du  Questionnaire  et  des  Monographies 


Contenu 

des  dix  premiers  volumes  de  la  collection 

des    monographies 


—    234 


Préface .     . 

Bibliographie 

Iconographie 


BAXGALA 

MAYOMBE 

BASONGE 

(CONGO  BELGE) 

(CONGO  BBLGE) 

(coNa  belgb) 

Pages. 

Pages. 

Pages. 

I-XV 

I-XVI 

I-XVI 

1-29 

Mi 

1-13 

31-50 

13-29 

15-33 

A.  Renseignements  géographiques  et  ethnogra- 
phiques GÉNÉRAUX. 


1.  Nom 51 

2.  Situation  géographique 53-61 

3.  Cartes 63-64 

4.  Population 63-66 

5.  Occupation  principale 67-68 

6.  Population  flottante.  —  Immigration.  — 

Émigration 69-70 

7.  Parentés  et  origines 71-74 

8.  État  physiologique  et  mental    ....  73-77 

9.  Mœurs  en  général 79-80 


31-32 

35-36 

33-58 

37-76 

59-60 

77-78 

61  63 

79-84 

63-67 

85  86 

69 

87  90 

71-73 

91-99 

75-76 

101-104 

77-80 

iO.-.-liO 

B.  —  Vie  matérielle. 


a)  Soins  donnés  au  corps. 


10.  Soins  de  propreté 81 

11.  Cheveux 83-84 

12.  Ongles 83 

13.  Épilalioii 87 

14.  Sommeil 89 

13.  Natation 89 

16.  Équitation 

17.  Portage 91 

18.  Tournois  de  lutte 93 

19.  Jeux 93 


81 

m- 112 

83 

1:3-113 

85 

il/ 

85 

117 

87 

119 

89 

121 

91 

121 

93-94 

1-23-1  Ji 

95 

95 

—  235  — 

..vrRVTi.  WARFCA  ABABLA  KLKU  MANDJA  BAHOLOHOLO         BALIIBA 

iST.'i.^    (co^a"fBE.t.)     icofotlton)  (Poss.  Angl,-lgypt.)  (— «  pk.xç.)   (co.oo_BK.aK)  (conoo  bk.o.) 


>ages. 
I-XVI 

Pages. 
I-XX 

Pages. 
I-XV 

Pages. 
I-XLII 

Pages. 
I-XXIV 

Pages. 
I-XX 

Pages. 
I-XLV 

1-23 

1 

1-19 

1 

1-6 

23-49 

3-19 

21-43 

2-4 

7-17 

XXVIII-XXXII 

1 

Sl-52 

21-22 

45-46 

5 

19 

1-2 

1 

53-82 

23-36 

47-95 

7-30 

21-70 

3-23 

2-32 

83-84 

37 

97-98 

31 

71-72 

23 

33 

•  85-87 

39-40 

99-100 

33-34 

73-82 

25-26 

35-39 

89-92 

41 

101-102 

35-36 

83 

27 

41 

93 

43 

103 

37 

83 

— 

43 

95-115 

45-48 

105-107 

39-40 

85-108 

29-33 

45-67 

H7-121 

49-52 

109-110 

41-43 

109  112 

35-37 

69-70 

123-125 

53-54 

111-113 

45-47 

113-114 

— 

71 

127-128 

55-56 

117 

49-51 

115-116 

39 

73-74 

129-132 

57-58 

119-120 

53 

117-118 

41-42 

75-77 

133 

59 

121 

53 

119 

43 

79 

135 

59 

121 

5o 

119 

43 

79 

137 

61 

121 

57 

119 

45 

81 

139 

61 

121 

59 

121 

45 

83 

139 

63 

59 

121 

— 

85 

141-142 

63 

123-124 

61-62 

123 

47 

85 

143-144 

63 

125 

63 

123 

47 

87 

145 

65-68 

127-132 

63 

123 

47 

89-95 

—  236  — 

BA.NGALA  MAYOMBE  BASONGE 

(CONGO  BELGE!  (CONGO  BELGE)  (CONGO  BELOS' 

Pages.  Pages.  Pages. 

b)  Alimentation. 

20.  Espèce  de  nourriture 97-99  97-104  125-126 

21.  Façon  de  se  procurer  du  feu     ....  lOi  105  127-128 

22.  Préparation  des  aliments 103-105  107-110  129-132 

23.  Cuisine 107  111-112  133 

24.  Repas 109-110  il3  135-136 

25.  3Iets  permis  et  défendus 111-112  115  137 

26.  Excitants 113  117-118  139-140 

27.  Boissons 115-llG  119-120  141-142 

28.  Anthropophagie 117-122  121  143-150 

29.  Géophagie 123  121  151 

30.  Conservation  des  aliments 123  123  151 

c)  Vêtements. 

31.  Coloriage 125-126  125-126  153-154 

32.  Tatouages 127-131  127-128  155-156 

33.  Objets  suspendus  au  corps 133  129-130  157-158 

34.  Vêlements 13o-136  131  134  159-162 

35.  Matière  de  vêtements 137-138  135 

36.  Chaussures 137  163 

37.  Coiffure J39  139-140  165 

38.  Ornements  et  parures 139  141-142  167-168 

d)  Habitations. 

39.  Situation 141  143-145  169-170 

40.  Habitations  transportables 141  147  171 

41.  llabitation-type 143-147  149-150  173-182 

42.  Réparations  et  embellissements    .    .     .  149  151  183 

43.  Meubles 151-152  153  185 

44.  Eclairage 153  155-156  187 

45.  Chauffage 165  157  189 

46.  Villages 157-158  159-162  191-199 


—  a37  — 


«ANGBETU  WAREGA  ABABLA                 KUKU                   MANDJA          BAHOLOHOLO         BALUBA 

ONGO  BELGB)  (CONGO  BELGE)  CONGO  BELGE)(P0S.ANGL.-ÉGYPT.)  f CONGO  FR\M(;.l  (CONGO  BELGE)  (CONGO  BELGB) 
—  —               —               —              —           TOME  I. 

Pages.  Pages.  Pages.                  Pages.                 Pages.                Pages.                Pages. 


69-70  133133  65-68  12o-130  49-50  97-99 

71  137-138  69  131-132  51  101-102 

73-74  139-140  71-77  133-134  53-54  103-107 

75  141  79-80  135-136  55  109-110 

77-78  143-144  81-82  137-138  57  111-113 

79-80  145  83  139  69  115-117 

81  147-148  85-87  141-144  61-62  119-120 

83  149-150  89-91  145  146  63-64  121-122 

85-86  loi  93  147-149  65  123-129 

87  151  93  151  65  131 

87  153  95-100  153-155  67-68  133 


89 

155-156 

101 

157 

69 

135-136 

91-92 

157-165 

103 

157 

71 

137-138 

93-94 

167-172 

105-109 

159-166 

73-74 

139-140 

95-96 

173-175 

111-114 

167-168 

75 

141-143 

97-98 

177-178 

115-116 

77-78 

99 

178 

117 

169 

79 

145 

99 

179-180 

119 

171 

79 

147 

101 

180 

119 

173 

81 

149 

215-216 

103 

181-182 

121-122 

175-176 

83-84 

151-153 

217 

105 

123-124 

177 

— 

155 

219-226 

107-109 

183-189 

125-131 

179-184 

85-88 

157-163 

227-228 

109 

191 

133 

185 

— 

165 

229232 

109 

193-194 

135-136 

187-188 

89-90 

167-168 

233 

111 

195 

137 

189 

91 

169 

235 

111 

!97 

137 

189 

— 

171 

237-240 

113-116 

199-204 

139-157 

191-194 

93-94 

173184 

238  — 


BANGALA  MAYOMBE 

;C0NG0  BBLGE)         (CONGO  BELGE; 


<)  Moyens  d'existence.  îiIétiers.  Occupations 

Pages.  Pages.  Tages. 

47.  Oulils  et  ustensiles 139  163  201 

48.  Cueillette 161  165  203-Î04 

49.  Chasse 163-168  167-171  20o-'i08 

50.  Pèche     169-172  173-174  209-210 

5!.  Agriculture 173-174  175-184  211-214, 

52.  Animaux  domestiques 175  185  215-216 

53.  Tissage 175  187  217-218 

54.  Vannerie 177  489  219-220 

55.  Poterie 179  491-194  221-222 

56.  Métallurgie 181-182  195-197  223  225 

57.  Meunerie 197  227 

58.  Travail  du  bois 183-185  199-200  229 

59.  Corderie 187-188  201  229 

60.  Tannerie 489-190  201  231 

61.  Teinturerie 191  203-204  233 

62.  Extraction  des  minerais  et  des  roches.     .  205  233 

63.  Autres  métiers 191  207  209 

64.  Légendes  relatives  à  l'invention  des  mé 

tiers 211  233 


0.  —  Vie  faauliale. 

a)  Naissance. 

65.  Avant  la  naissance 193-194 

66.  Accouchement 195 

67.  Soins  donnés  à  la  mère 497 

68.  Soins  donnés  à  l'enfant 199 

69.  Causes  qui  limitent  la  population .     .     .  201 

70.  Mouvement  de  la  population    .... 


b)  Éducation.  —  Initiation. 

71.  Éducation  physique    .... 

72.  Éducation  intellectuelle .     .     . 

73.  Éducation  morale 


1 

213-214 

235 

245 

237-238. 

215 

239! 

217-218 

241-242 

219 

243-244 

219 

245-246 

203 

221 

205 

223 

207 

223 

—  239  — 

MANGBErr  WAREGA  ABABIA  KUKU  MANDJA  BAHOLOHOLO  BALUBA 

ruM.O  HELGi:)  (CONGO  BELGE  ( CONGO  BELGE)     (POSI.  angl.-èjypt.)    (CONQO  FRANC.)  (CONGO  BELGE)  (CONGO  BELGE) 
—  —  —  —  —  TOME   I. 

Pages.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages.                Pages. 

24l-2i2  117-118  203-206  l.'iO  195  95  I80-I86 

2i3  119  161  197  97  187-188 

245-247  121-123  207-212  163-165  199-202  99-102  189-198 

249-250  125-126  213-214  167  2L3-i:04  103-106  199-204 

251-254  127-128  215-223  169-172  205-214  107-108  205-214 

255-256  129  225  173-173  215-216  109  215-217 

,     257  129  227-228  175  217-218  111 

259-260  131  229  177-178  219-220  113-114  219  2-20 

261-264  133-134  231-232  179-180  221-224  115-116      221 

265-271  135-138  233-239  181-184  225-232  117-118  223-225 

273-274  139  241  185  233-234  119  227-228 

275-282  139  243-244  185  23:1-240  121  229-230 

283-284  141  245  187-188  241  123-124      231 

285-286  141  247  189-190  243-244  123      233 

287  143  191  243  127-128      23S 

287  143  193-196  245  129      235 

289  145  249  197  247-248  131-132  237-241 

289  143  497  249  133-134 


289 

147 

251 

199 

.231 

133 

243 

291 

149-150 

253 

201 

263 

137 

245-248 

293 

131 

255 

203 

265 

137 

249 

295-296 

153-165 

257 

205-206 

257-258 

139-142 

251-258 

497-298 

157 

259-260 

207-208 

259 

143-144 

239-260 

299 

157 

260 

209 

261-262 

145-147 

261-262 

301-302 

139 

261 

211 

263 

149 

263-2^4 

303 

169 

261 

213 

263 

151 

265 

305 

161 

213 

265 

153-154 

267 

—  240  — 


BANGALA      MAYOMBE 

(CONGO  belge)    (CONGO  BELGE) 


235 

253-256 

237-239 

257-258 

241 

259 

243 

259 

245 

261-263 

247-248 

266 

249 

265 

249 

267-268 

551 

269-270 

253-254 

271 

255 

273 

P»gM.  Pages.  Pages. 

74.  Éducation  des  sorciers,  des  féticheurs, 

des  médecins,  etc 209           225-231                249 

75.  Initiation 211                   233          251-252 

c)  Mariage. 

76.  Amour 213 

77.  Fiançailles 213 

78.  Mariage 215 

79.  Nature  du  mariage 215 

80.  Formes  du  mariage 217-218 

81.  Cérémonies  du  mariage 219 

82.  Empêchements  au  mariage 219 

83.  Le  mari 221 

84.  La  lemme 223-224 

85.  Dissolution  du  mariage 225 

86.  Les  eunuques  ......... 

d)  Famille. 

87.  Autorité 227 

88.  Composition 229-230 

89.  Habitations 231 

90.  Relations  entre  les  membres  de  la  famille  233 

91.  Propriété  familiale 235 

92.  Rôle  des  voisins  dans  la  famille    .    .    .  237 

93.  Situation    sociale   des    membres   de  la 
famille 239 

9i.  Arbre  généalogique 

e)  Mort. 

95.  Maladies,  accidents 241 

96.  Derniers  moments  d'un  moribond  .     .     .  241 

97.  Le  mort  avant  son  enterrement     .     .     .  243 

98.  Funérailles 245-248 


257 

275-276 

259 

277-278 

261 

279 

263-264 

281-282 

283-284 

265 

285 

265 

285 

267 

287 

1 

269-270 

289-291 

271-272 

293-294 

273-275 

295-296 

277-280 

297-301 

ii 


—    24l 


MAXGBETU  WAUKGA  ABABLA  KUKU  MANDJA  BAHOLOHOLO         BALLBA 

CONOO  BELOB)  (CONGO  BeLGE)  (CONGO  BELGE)    (POSS.  angl.-egypt.  )   (CONGO  FRANC.)  (CONGO  BELGE)  (CONSO  BELGE) 
—                                         —                                         —                                        —                                         —  —  TOME    I. 

Pages.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages. 


305 

161 

263 

213 

265 

155 

269-271 

307-308 

163-166 

263 

213 

267-269 

157-160 

273-277 

309-310  167  265-267  215-216  271  161-167  279-282 

311-312  169-171  269  217-218  273  —  283-286 

313  173  271-272  219  275  169  287-288 

315  173  273  277  221  275  171  289-291 

317-319  175-176  279  282  '  223  277  173  293-294 

321  177  283  225  279  175  177  295-303 

323-324  177  283  225  281  179  305-306 

325  179  283  227-228  281  181-183  307-309 

327-330  181-182  287-290  229    283-284  185-188  311-315 

331  183  291-293  231-233  285  189-191  317-319 

331  183  295  —  285  193  321 


333 

186 

297-298 

235 

287 

195-196 

323-335 

335 

187 

299-301 

237 

289 

197-198 

337-338 

335 

187 

303 

239 

289 

199 

339 

337-338 

189 

305-306 

241-242 

291-293 

201-202 

341-344 

339 

191 

307 

243 

295 

203 

345-346 

339 

191 

— 

245 

297 

205 

347 

341-346 

193 

307 

245 

297 

207-208 

349 

347-348 

193 

307 

245 

299-300 

209-211 

351-359 

349-350 

195-196 

309 

247-248 

301-304 

213-216 

361-397 

351-352 

197 

311-313 

249-250 

305 

217 

399-403 

353 

199 

315 

251-258 

305 

219-220 

401-403 

3S5-358 

201-202 

317-320 

259-260 

307-308 

221-222 

405-409 

16 

242  — 


BANGAI.A  MAYOMBK  BASONGE 

(CONQO  belge)  (CONGO  BELG«)        (COXOO   BBI.OI 


Pages. 

99.  Manière  d'agir    des    parents  envers   le 

décédé 249 

100.  Modifications  produites  dans  la  famille 

par  le  décès  d'un  membr» 251 

D.  —  Vie  religieuse. 

101.  Animisme 253 

102.  Culte  des  ancêtres 25S 

103.  Fétiches 255-257 

104.  Tabous 259 

105.  Totems 261 

106.  Magie 263-266 

107.  Idoles 267 

108.  Culte  des  phénomènes  physiques  .     .     .  269 
•  109.  L'àme  humaine 271 

110.  Vie  future 273-275 

111.  Spiritualisme 275 

112.  Matérialisme 

113.  Monothéisme  ou  Polythéisme    ....  277-279 

114.  Morale 281 

115.  Philosophie 283 

116.  Manifestation  de  la  religion 

117.  Rites Î85-286 

118.  Mythologie  et  folklore 287-291 

119.  Sociétés  religieuses  secrètes    ....  291 

120.  Dieux 293-294 

121.  Temples 

122.  Prêtres,  fèticheurs 295-296 

E. —  Vif.  intei.lectiei.i.e. 
a)  Arts. 


123.  Écriture . 

124.  Langage 


297 
299-301 


Pages. 

281-283 
285 


323 
325-327 


PagM. 


303 


287-288 

305 

289 

307 

291-300 

309-313 

301-302 

315 

315 

303 

317-318 

319-322 

305-306 

323-325 

307 

357 

327  . 

1 

309-310 

329-330 

311-312 

331-336 

337 

313 

339 

315-317 

341 

319 

319 

319 

321-322 

I 


341 
343-350 


—  243  — 

MANGBETU            WAREGA  ABABUA                 KUKU                    MANDJA  BAHOLOHOLO  BALUBA 

lOKOOBELGK)      (CONSO  BELGE)  (CONGO    BELGB)  (pOS.ANGL.-ÉQYPT.)(CONOO  FRANC.)  (CONGO  BELGE)  (CONGO  BEL««) 

—                                   —  —                                   —                                   —  —  TOMM   U 

Ptges.                     Pages.  Pages.                  Pages.                   Pages.  Pages.  Pagei. 

203  321                 Î64                 309  223-224  4H-414 

203  323-323                 263                 309  223-226  413-417 


365-366 

205-206 

327 

265 

311-315 

227 

367 

207 

329 

267 

229-230 

369 

209-210 

331 

269-271 

317-318 

231-236 

371 

2H-212 

333 

273 

319 

237-238 

— 

213 

333-340 

319 

239 

373 

213 

341-330 

273 

321 

241 

37o 

S13 

351 

277 

241 

375 

2i5 

353 

277 

321 

243-244 

217 

333-337 

279-280 

323 

245-246 

377-378 

217 

359-360 

281 

325-326 

247 

379 

— 

327 
327 

247 

379 

219 

361 

281 

249 

381-382 

221-223 

363 

283-285 

329-330 

251-233 

225 

287 

255 

SS5 

287 

— 

383-388 

227-239 

365 

289 

331 

257 

389-390 

241 

367-374 

289 

259-269 

391-392 

241 

375-377 

271-284 

393-394 

243-244 

379 

291 

285 

395 

245 

379 

291 

287 

397 

247 

381-386 

293-299 

333 

289-293 

3fl9  249  387  335  295 

401-404  231-261  389-422  301-308  337.360        297403 


_o44- 

BANGALA  MAYOMBE  BASONGE        L,j 

(CONGO  BELGE)  (CONGO  BELGE)  j CONGO  BBLGB)  " 

Pages.  Pages.  Pages. 

125.  Peinture -329  354-352 

126.  Danse     303-304  331-332  353-358 

127.  Chant     305-306  333-334  359-360 

128.  Musique 307-314  335-337  361-364 

129.  Sculpture 315  339-340  365-366 

130.  Talent  inventif 

131.  Matières 367 

132.  Jeux 317                  341  369 

133.  Représentations  théâtrales 319                  341  369 

\ 

b)  Sciences. 

134.  Astronomie  et  météorologie     .... 

135.  Arithmétique 321-322 

136.  Science  de  l'ingénieur 

137.  Nautique 323 

138.  Transport  sur  terre 

139.  Division  du  temps 325 

140.  Médecine 327  331 

141.  Histoire 333 

142.  Géographie 335-336 

c)  Facultés  intellectuelles. 

143.  Mémoire 337 

144.  Imagination 

145.  Invention 

146.  Entendement 339 

147.  Observation 

148.  Raisonnement 341 

149.  Prévoyance 

150.  Perception 


343 

371-372 

345-346 

373-375 

347 

377-378 

349 

379-380 

351 

381 

353 

383-384 

355-357 

385 

359 

387 

361-362 

389-390 

363 

391-392 

363 

393 

395 

365 

397 

365 

399-400 

367 

401-406 

369 

407 

369 

409 

—  245  — 


àNGBETU             WAREGA  ABABUA  KUKU                    MANDJA  BAHOLOHOLO         BALUBA 

|»C0    BBLOl)     (CONGO    BELGE)  (CONOO    BELGS)    (POM.  aDgl.-égypt.  )  (CONGO  FRANf,'.)  (CONOO  BELQK)   (CONGO  BELQï) 

—  —  —                                         —  —                             TOME   I. 

Pages.  Pages.  Pages.                   Pages.  Pages.               Pages. 

263  423-426  309       361  405 

263-266  427-432  309-310    363-365  407-41 G 

267-269  433-439  311    367-370  417-419 

271-273  441-446  311-312    371-374  421-423 

275  447-449  313       373  425-4'26 

•  275  449  427 

449  429 

277  451-453  377-378  431-433 

277  — 


429 

279 

455 

313 

379-380 

435 

43! -432 

279 

457-458 

315-316 

381-382 

437 

433 

281 

383 

439-440 

435 

283 

459 

317 

385 

441-443 

439 

283 

459 

445 

437-438 

285 

461 

317 

385 

447-448 

439 

285 

463-464 

319-320 

387-388 

449-451 

441-448 

287 

465  478 

321 

389-390 

— 

287       479       321       391 


451-452 

289 

481 

323 

393 

4o3-456 

453 

291 

481 

323 

395 

457-361 

456 

293 

397 

463 

455 

293 

483 

323 

399 

465 

455 

295 

485 

325 

399 

467-470 

457 

297 

325 

401-402 

471-473 

459 

299 

327 

403-404 

475-476 

459 

299 

485 

327 

403 

477-478 

371 

411-412 

371 

413 

373 

415 

375 

417-418 

377 

419-420  i 

377 

421  ! 

421  1 

377 

421  ! 

377 

423-424 

379 

423 

-  246  - 

BANGALA  MAYOMBE 

(C0!««0  BKI.aK)  (CONGO  BEL9K) 

Pages.  Pages.  Pages. 

V.  Vie  sociale. 

a)  Propriété. 

151.  Biens  mobiliers 343 

152.  Biens  immobiliers 345 

153.  Nature  de  la  propriété 3i7-348 

154.  Limites  de  la  propriété 349 

155.  Marques  de  propriété 351 

156.  Domaine  public 353 

157.  Location , 

158.  Usufruit 

1,^9.  Droit  de  chasse 

160.  Droit  de  propriété  sur  les  choses  trouvées. 

161.  Succession 355 

b)  RÉGIME  ÉCONOMIQUE. 

162.  Commerce 357-362 

163.  Monnaie 363-370 

164.  Voies  de  communication 371 

165.  Industrie 

c)  Coutumes  juridiques. 

166.  Droit  civil 

167.  Droit  civil 373-377 

168.  Droit  pénal 379-381 

169.  Recherche  du  délinquant 383-385 

170.  Droit  d'asile 387 

d)  Organisation  sociale. 

171.  Vie  nomade 

172.  Vie  pastorale 

173.  Vie  sédentaire 389 

174.  Classes  et  castes 391-392 

175.  Esclavage 393-395 


381-383 

427-430 

385 

431-432 

387-390 

433-434 

391 

435 

393 

437 

395-398 

437 

399 

439-440 

401-406 

441-443 

445 

É 

^ 

407 

447-448 

y 

409 

449-450 

4M -41 2 

451-4fJ6 

-  247  - 

\NGBETl!  WAREGA  ABABUA  KUKl'  MANDJA  BAHOLOHOI.O        BALUBA 

rOO   BELGI)      (CONGO   BELGE)      (CONGO   BELSK)    (PoSI     AdIjI  -îirVpt  )  (CONGO   FRANC.)  (CONGO  BELGE)  (CONGO  B«La«) 
_                                   _                                  _                          •       oj     ojr                        _  _  TOME  I. 

ge<.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages. 


•461 

301 

487-488 

329 

407 

479-480 

463 

301 

488 

329 

407 

481 

463 

303-304 

489 

i92 

331-332 

407 

481 

465 

30S 

493 

333 

409 

483 

467 

305 

49.5 

335-336 

— 

485 

467 

305 

495 

337-338 

409 

487 

467 

307 

497 

339 

411 

489-490 

467 

307 

497 

339 

— 

491 

469 

307 

499 

-500 

341-342 

— 

493 

471 

309 

501 

343 

— 

495 

473 

309 

603 

-507 

343-345 

411 

497 

311 

509-512 

347-348 

413- il4 

499-502 

313-314 

513-514 

349 

415 

503 

315-326 

515-516 

349 

417-418 

505-506 

327 

517-518 

— 

— 

507-508 

329 

519 

351-352 

— 

509-513 

329 

— 

353-354 

419-420 

609-513 

329 

521-527 

355-358 

421 

61 S -51 6 

331-333 

529-534 

359-360 

423 

517-522 

335 

535 

361 

— 

523 

493 

537 

425 

625 

496 

363 

425 

— 

496 

335 

537 

363 

427 

527-529 

497 

337-338 

639-541 

365 

429 

£31 

199-601 

339 

543-548 

367 

429 

533-538 

—  248 


BANGALA 

{CONGO  belge) 

e)  Organisation  politique.  — 

Pages. 

-176.  Organisation  politique 397 

177.  Chef 399-401 

178.  Assemblées 403-406 

179.  Associations  secrètes 

180.  Officiers  inférieurs 407 

181.  Tribus 407 

182.  Organisation  financière 409 

183.  Situation  des  étrangers 

/■)  Relations  avec  l'extérieur. 

184.  Relations  pacifiques 414 

185.  Relations  guerrières 413-422 

186.  Contact  avec  les  civilisés     .....      423-433 


MAYOMBE 

CONGO  BELGEI 

PASONGE' 

(CONaO  OELO! 

Pages. 

Pages. 

413 

457 

415-418 

459-466  1 

419 

467-472 

473  \ 

421 

473 

423 

475-481 

425 

483 

425 

483 

427-428 

485-486 

429-431 

487-S02 

433-448 

503-542 

G.  —  Caractères  anthropologiques. 
fl)  Somatiques. 

187.  Taille 435-436 

188.  Crâne  et  tète 437-439 

189.  Peau 441 

190.  Cheveux 443 

191.  Yeux 443 

192.  Mains  et  pieds 443 

193.  Déformations  naturelles 443 

194.  Déformations  artificielles 445-446 

b)  Physiologiques. 

195.  Force  musculaire 

196.  Attitiide  du  corps 

197.  Sensibilité 447 

198.  Température  du  corps 

199.  Nutrition 449 

200.  Influence  du  milieu  physique    .... 

201.  Fécondité 451 

202.  Maladies 451 


449 

543 

451 

543  546 

453 

547 

453 

547 

549 

549 

455 

457 

551-552 

459 

553 

459 

553 

461 

555 

463 

555 

557 

463 

557 

463 

557 

-  249 


ANGBETU 

NGO  BELGE) 

rages. 

WAREGA 

(CONGO  BELGE) 

Pages. 

ABABUA 

(CONGO  BELGE) 

Pages. 

KUKU 

Po5i.  angl.-égypt. 

Pages. 

MANDJA 

(CONGO  FRANf-.) 

Pages. 

BAHOLOHOLO 

'CONGO  BELOl) 

Pages. 

BALUBA 

(CONGO  BILttK 
TOME  t. 

Pagei. 

503 

339 

549-556 

369 

431-435 

539 

505-516 

341-342 

557-563 

371-373 

437-439 

541-543 

517-518 

343 
343 

565 
567 

375 

441 

545 
547 

519-520 

345 

569 

375 

443 

547 

521 

345 

569 

445-446 

549-551 

523 

347 

571 

377 

447 

553 

595 

347 

571 

377 

447 

555 

349 

573-574 

— 

449-450 

557 

351-354 

575-583 

379-381 

551-474 

559-^64 

355-359 

585-590 

383-387 

475-511 

565-578 

563       361    591-593       389    513-522    579-580 
-566       361    595-597      —      523-528    579-580 


567 

361 

599 

389 

529 

581 

569 

361 

599 

389 

529 

581 

569 

363 

599 

391 

531 

581 

571 

363 

— 

391 

— 

581 

363      —        391    531-535      383 
365    601-603       393    537-539    585-58G 


579  367  605       393    541-548      587 

579  367  — 

581  367  607 

583  369  — 

Î5-586  369  — 

587  369  609       399    565-567    597-598         " 


395 

549 

589 

— 

551-552 

591-592 

- 

553 

593 

397 

555-560 

593 

397 

561-562 

595 

— 

563 

595 

399 

565-567 

597-598 

II. 


Table  coordonnée  des   Matières 

d'après 

la  Classification  Sociologique 


Contenu 

des  dix  premiers  volumes  de  la  coUectîon 

des    monographies 


252 


BANGALA  MAYOJtBE  BASOKGE 

(CONGO  belge)        (CONGO  BELGE)    (CONQ  BELOE) 


Pages. 


A.  —  I/a  peuplade. 

1.  (2)  Le  Nom 


B. 


Les  facteurs  sociaux. 


51 


I.  —  Le  territoire. 

2.  (2)  Milieu  physique;  (situation  géographique  de 
la  peuplade;  —  climat,  météréologie,  orologie,  hydro- 
graphie, géologie  et  fertilité  du  sol,  faune,  flore,  etc.    .  53-61 

3.  (3)  Cartes 63-64 

IL  —  La  population  (La  race). 
( Caractères  somatiqnes.  ) 

4.  (187)  Taille 435-436 

5.  (188)  Crâne  et  tête 437-439 

6.  (189)  Peau 441 

7.  (190)  Cheveux 443 

8.  (191)  Yeux 443 

9.  (192)  Mains  et  pieds 443 

10.  (193)  Déformations  naturelles 443 

11.  (194)  Déformations  artificielles 445-446 

b)   Physiologiques. 

12.  (195)  Force  musculaire 

13.  (196)  Attitude  du  corps 

14.  (197)  Sensibilité 447 

15.  (198)  Température  du  corps 

16.  (199)  Nutrition 449 

17.  (201)  Fécondité 451 

18.  (202)  Maladies 451 

19.  (20 0)  Influence  du  milieu  physique 


Page«. 


31-32 


Pages. 


35-36 


î 

.V 

33-58 

37-76 

59-60 

77-78 

449 

X 

543 

451 

543-546 

453 

547 

547 

549 

549 

455 

457 

551-552 

459 

553 

459 

553 

461 

555 
1 

463 

555 

463 

557 

463 

557 

5^ 

—  253  — 


.MAXGBETU  WAREGA               ABABUA                 KIKU                MANDJA        BAHOLOHOLO       BALl'BA 

(CONGO  BELOEl  It  oNQO  BELOK)  [CO^'^O  BELGE)  (POSS.  AflglO-îgypt.)  (CONGO  FRAN'V.)  (CONGO  BELGE)  (CONOO  BELGE) 

—  —               —               —               —              —          TOM«  I. 

Pages.  Pages.                 Pages.                 PageR.                 Pages.               Pages.               Pages. 


51-52 


21-22 


45-46 


19 


1-2 


53-82 
83-84 


23-36 
37 


47-95 
97-98 


7-30 
31 


21-70 
71-72 


3-23 
23 


-32 
33 


563 


575-578 


361 


591-593 


389 


365 


601-603 


393 


513-522   579-580 


565-566 

361 

59:i-597 

— 

523-528 

579-580 

567 

361 

599 

389 

529 

581 

569 

361 

599 

389 

529 

581 

569 

363 

599 

391 

531 

581 

571 

363 

— 

391 

— 

581 

573-574 

363 

— 

391 

531-535 

583 

537-539   585-586 


579 
579 
581 


367 
367 
367 


583 

369 

585-580 

369 

587 

369 

605 


607 


609 


393 
395 


541-548 
549 


587 
589 


- 

651-552 

591-592 

553 

593 

397 

555-560 

593 

563 

595 

399 

565-567 

597-598 

397 

561-562 

595 

254  — 


BANGALA    MAYO^IBE     BASONGE 

(CONGO  belge]  (CONGO  BELGE)    (CONGO  BELGB) 


Pages. 


Pages. 


Pages. 


(Caractères  mentaux.) 

20.  (8)  Etat  physiologique  et  mental  général 

21.  (143)  Mémoire 

22.  (144)  Imagination 

23.  (143)  Invention 

24.  (146)  Entendement 

25.  (147)  Observation 

26.  (148)  Raisonnement 

27.  (149)  Prévoyance 

28.  (150)  Perception 

29.  (130)  Talent  artistique  inventif .... 


7577 

75-76 

337 

363 

363 

339 

365 

365 

341 

367 

369 

369 

(Rapports  avec  les  races  voisines.) 
30.      (7)  Parenté  avec  les  tribus  voisines  .     . 


71-74 


71-73  91-99 


C.  —  Les  pliénomèues  sociaux. 


I.  —  Le  phénomène  économique. 

31.  (3)  Occupation  principale 67-68 

(Circulation.) 

32.  (164)  Voies  de  communication 371 

33.  (137)  Transport  par  eau 323 

34.  (138)  Transport  sur  terre 


65-67    85-86  ; 


387-390 
349 
351 


—  255  — 

MÀNGBETU  WAREGA  ABABUA  KUKU  MANDJA         BAHOLOHOLO        BALUBA 

(coNOOBïLQB)    (coNQo  Bblqk)     (oonoo  beloe)  (Poss.  angl.-égypt.)  (CONGO  fr\nç.)  (conqo  bei.qe)  (con«o  BELa») 

—  —  —  —  —  —  TOME  I. 

Pages.  Pages.  Pages.  Pages,  Pages.  Pages.  Pages. 


117-121  49-52    109-110  41-43  109-112  35-37    69-70 

451-452  289  481  323  393  453  456 

453  291  481  323  395  457-461 

455  .  293  397  463 

485  293  483  323  399  465 

455  295  485  325  399  467-470 

457  297  325  401-402  471-473 

459  299  327  403-404  475-476 

459  299  485  327  405  477-478 

425  275  449  427 


95-115      45-48    105-107     39-40      85-108    29-33     45-67 


89-92       41     101-102      35-36        83      27       41 


479-480    315-326    515-516       349    417-418   505-506 

435       283       459       317      385   441-443 
439       283       459  445 


256 


BANGALA  MAYOMBE 

(CONGO  BELGE)  (CONOO  BELGE) 


Pages. 


Pages. 


BASONGE 

[CONOO  BELGE) 

Pages. 


35. 

(47) 
(48) 
(49) 
,50) 
(51) 
(52) 
(53) 
(54) 
(55) 
(56) 
:57) 
(58) 

:59) 

60) 
61) 
62) 
63) 

(Production). 
Instruments  du  travail    . 

159 

161 

.       163-168 

.       169-172 

.       173-174 

175 

175 

177 

179 

.       181-182 

.       183-185 

.       187-188 

.       189-190 

191 

191 

163 

165 

167-171 

173-174 

175-184 

185 

187 

189 

191-194 

195-197 

197 

199-200 

201 

201 

203-204 

205 

207  209 

201 

36. 
37. 
38. 

Cueillette 

Chasse  

Pêche    

.    .     . 

203-204 
205-208 
209-210 

39. 

Agriculture 

211-214 

40. 

Elevage  

215-216 

41. 
42. 

Tissage,  couture,  confection 
Vannerie 

.    .    . 

217-218 
219-220 

43. 

Poterie 

221-222 

44 

Métallurgie 

223-225 

45. 

Meunerie 

227 

46. 
47. 

Travail  du  bois.  Voir  aussi  33 
Corderie 

(137).     . 

229 
229 

48. 

Tannerie 

231 

49.  ( 

Teinturerie 

233 

50. 

51.  ( 

Extraction  des  minerais  et  des  roches.    . 
Autres  métiers 

233 

(Echange), 

52.  (162)  Commerce 357-362 

53.  (163)  Monnaies,  mesures,  poids 363-370 

(Consommation). 
(Nourriture.) 

54.  (20)  Espèces  de  nourriture 97-99 

55.  (22)  Préparation  culinaire 103-105 

56.  (23)  Cuisine 107 

57.  (24)  Repas 109-110 

58.  (25)  Mets  permis  et  défend  us.  Voir  aussi  174(104).  111-112 


381-383 
385 


427-430 
431-432 


97-104 

125-126 

107-110 

129-132 

111-112 

133  , 

113 

135-136  1 

115 

137 

—  257  — 


MAJS'GBETU  WAREGA  ABABUA  KUKU  MAiNDJA  BAHOLOHOLO         BALUBA 

(CONQO    BELOK)     (COMGO   BKLQF.)     iCONGO   BELQK)  (POSJ.  Angl.-Egypt.)  (CONGO  FRANC.)    (CONGO  BELGE)   (CONGO  BELSE) 
_  _  —  —  —  —  Tome  I. 


Pages. 


Pages. 


Pages. 


Pages. 


Pages. 


Pages. 


Pages. 


241-242 

117-118 

203-206 

159 

195 

93 

183-186 

243 

119 

161 

197 

97 

187-188 

245-247 

121-123 

207-212 

163-163 

i 99-202 

99-102 

189-198 

249-230 

123-126 

213-214 

167 

203-Ï04 

103-106 

199-204 

251-234  • 

127-128 

213-223 

169-172 

203-214 

107-108 

203-214 

235-236 

129 

225 

173-175 

213-216 

109 

213-217 

257 

129 

227-228 

173 

217-218 

111 

239-260 

131 

229 

177-178 

219-220 

113-114 

219  220 

261-264 

133-134 

231-232 

179-180 

221-224 

113-116 

221 

265-271 

133-138 

233-239 

181-184 

225-232 

H7-U8 

223-225 

273-274 

139 

241 

185 

233-234 

1!9 

227-228 

275-282 

139 

243-244 

185 

23^;-240 

121 

229-230 

283-284 

141 

245 

187-188 

241 

123-124 

231 

285-286 

141 

247 

189-190 

243-244 

125 

233 

287 

143 

191 

243 

127-128 

235 

287 

143 

193-196 

243 

129 

235 

289 

143 

249 

197 

247-248 

131-132 

237-241 

475-476 

311 

309-512 

347-348 

413-414 

499-502 

477 

313-314 

513-314 

349 

415 

503 

147-152 

69-70 

133  133 

63-68 

123  130 

49-3  > 

97-99 

165-157 

73-74 

139-140 

71-77 

133-134 

33-34 

103-107 

139-160 

73 

141 

79-80 

133-136 

33 

109-110 

161-162 

77-78 

143-144 

81-82 

137-138 

37 

111-113 

163 

79-80 

143 

83 

139 

39 

115-117 

—  258  — 


BANGALA         MAYOMBE  BASONGE 

(CONGO  BELGK)  (CONGO  BELGE)    (CONGO   BKLOE) 


Pages.  Pages.                Pages. 

59.  (26)  Excitants 113         117-118         139-140 

60.  (27)  Boissons 115-116         119-120        141-142 

61.  (28)  Anthropophagie 117-122               121         143-150 

62.  (29)  Géophagie 123               121               151 

63.  (30)  Conservation  des  aliments 123               123               151 

(Chauffage  et  éclairage.) 

64.  (21)  Façon  de  se  procurer  du  feu 101               lOS         127-128 

65.  f45)  Chauffage 155               157               189 

66.  (44)  Éclairage 153         155-156               187 

(Vêtements.) 

67.  (34)  Vêtements  proprement  dits,  forme  .     .     .  135-136        131  134        159-162 

68.  (35)  Vêtements,  matière 137-138               135 

69.  (36)  Chaussures .  137               163 

70.  (37)  Coiffure 139         139-140               165 

(Habitation.) 

71 .  (39)  Etablissement  et  situation 141         143-145        169-170 

72.  (40)  Habitations  transportable 141               147               171 

73.  (41)  Habitation-type 143-147         149-150         173-182 

74.  (42)  Réparations 149               151                183 

75.  (43)  Meubles 151-152               153               185 

76.  (46)  Groupement  des  habitations;  vill-ige    .     .  157-158         159-162         191-199 

Organisation  sociale. 

77.  (165)  Régime  économique;  di\ision  du  travail. 

78.  (182)  Organisation  financière 409 

79.  (174)  Classes  et  castes 391-392 

80.  (175)  Esclavage 393-395 

81.  (93)   Situation  sociale  des  membres  de  la  famille  239 

82.  (171)  Vie  nomade 

83.  (172)  Vie  pastorale 

84.  (173)  Vie  sédentaire 389 


391 

435 

425 

483 

409 

449-450 

411-412 

451-456 

265 

285 

407 

447-448 

—  259  — 

BfANGBFFU  WAREGA  ABABUA  KUKC  MANDJA         BAHOLOHOLO         BALUBA 

■mXGO    BBLSE)      (CONGO    BELGE)      (CONGO    BELGE)    (POSS.   Angl.-Egypt.)    (CONGO  FRÀNÇ.)    (CONGO  IIKLGE)   (CONGO  HELGE) 
_  _  _  _  TOME  I. 


Pagw. 

Pages. 

Pages. 

Pages. 

Pages. 

Pages. 

Pages. 

165-168 

81 

147-148 

85-87 

141-144 

61-62 

119-120 

169-173 

83 

149-150 

89-91 

145-146 

63-64 

121  122 

475-181 

85-86 

151 

93 

147-149 

65 

123-129 

181 

87 

161 

93 

151 

65 

131 

183-184 

87 

153 

95-100 

153-155 

67-68 

133 

153-154 

71 

137-138 

69 

131-132 

51 

101-102 

235 

111 

197 

137 

189 

— 

171 

233 

111 

195 

137 

189 

91 

169 

195-201 

95-96 

173-175 

111-114 

167-168 

75 

141-143 

203-206 

97-98 

177-178 

115-116 

77-78 

207-208 

99 

178 

117 

169 

79 

145 

209-212 

99 

179-180 

119 

171 

79 

147 

215-216  103  181-182  121-122  175176  83-84  151-153 

217  105  123-124  177      —  iS5 

219-226  107-109  183-189  125-131  179-184  85-88  157-163 

227-228  109       191  133  185      —  165 

229-232  109  193-194  135-136  187-188  89-90  167-168 

237-240  113-116  199-204  139  157  191-194  93-94  173-184 


481       327    517-518        —        —   507-508 


523 

347 

571 

377 

447 

553 

497 

337-338 

539-541 

365 

429 

531 

499-501 

339 

543-548 

367 

429 

533-538 

341-346 

193 

307 

245 

297 

207-208 

493 

— 

537 

— 

425 

525 

495 

— 

— 

363 

425 

— 

495 

335 

537 

363 

427 

527-529 

349 


V 


—  26o  — 


BAXGALA  MAYOMBE  BASONGE  \^] 

(CONGO  BELGE)  (CONGO  BELGE)  (CONGO  BKLUE)   ij"""' 


Pages. 


Pagec. 


Pag«8. 


II.  —  Le  phénomène  génésique. 

(Le  mariage.) 

85.  (76)  Rapports  entre  les  sexes  avant  le  mariage.  213 

86.  (82)  Empêchements  au  mariage 219 

87.  (77)  Fiançailles 213 

88.  (78)  Mariage 215 

89.  (79)  Nature  du  mariage 215 

90.  (80)  Formes  du  mariage 217-218 

91.  (81)  Cérémonies  du  mariage 219 

92.  (83)  Le  mari 221 

93.  (84)  La  femme 223-224 

94.  (85)  Dissolution  du  mariage 225 

95.  (86)  Les  eunuques     ......... 

(L'enfant). 

96.  (65)  Avant  la  naissance       193-194 

97.  (66)  La  naissance 195 

98.  (67)  Soins  donnés  à  la  mère,  au  père.    .     .     .  197 

99.  (68)  Soins  donnés  à  l'enfant 199 

(La  famille.) 

100.  (88)  Composition 

101 .  (87)  Autorité 

102.  (90)  Relations  entre  les  membres  de  la  famille. 

103.  (89)  Où  habitent  les  enfants  mariés   .... 

104.  (92)  Rôle  des  voisins  dans  la  famille  .... 

105.  (94)  Arbre  généalogique 

(Décès) 

1 06.  (96)  Les  derniers  moments  d'un  moribond  .     . 
10  7.  (97)  Le  mort  avant  son  enterrement      .     .     . 


235 

253-256 

249 

265 

237-239 

257-258 

241 

259 

243 

259 

245 

261-263 

247-248 

265 

249 

267-268 

251 

269-270  , 

253-254 

271 

255 

273 

213-214 

235 

215 

237-238 

215 

239 

217-218 

241-242 

-230 

2o9 

277-278 

227 

257 

275-276 

233 

263-264 

281-282 

231 

261 

279 

237 

265 

285 

267 

287 

241 

271-272 

293-294 

243 

273-275 

295-296 

—    26l    — 

MANGBETU  WARPIGA  ABABUA  KL'KU  MAiNDJA         BAHOLOHOLO        BALUBA 

OKGO  BELGE)   (CONOO  BELGE)    fONGO  BELGE)   (P05t.  Angl.-Egypt.)  (CONOO  TRAJ^Ç.)  (ftî^'GO  BELGE)  (CONGO  BELGE 
—  —  —  —  —  —  TOME  I, 

Pages.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages. 


335 
333 

J37-338 
335 
339 

J47-348 


167 

265-267 

2i5-216 

271 

161-167 

279-282 

177 

283 

225 

281 

179 

305-306 

169-171 

269 

217-218 

273 

— 

283-286 

173 

271-272 

219 

275 

169 

287-288 

173 

273  277 

221 

275 

171 

289  291 

170-176 

279  282 

223 

277 

173 

293-294 

177 

283 

225 

279 

175  177 

295-303 

179 

285 

227-228 

281 

181-183 

307-309 

181-182 

287-290 

229 

283-284 

185-188 

311-315 

183 

291-293 

231-233 

285 

189-191 

317-319 

183 

295 

— 

285 

193 

321 

289 

147 

291 

149-150 

293 

131 

290-296 

153-155 

251 

199 

251 

133 

243 

253 

201 

253 

137 

245-248 

255 

203 

255 

137 

249 

257 

205-206 

257-258 

139-142 

251-258 

187 

299-301 

237 

289 

197-193 

337-338 

185 

297-298 

235 

287 

195-196 

323-335 

189 

305-306 

241-242 

291-293 

201-202 

341-344 

187 

303 

239 

289 

199 

339 

191 

— 

245 

297 

205 

347 

193 

307 

245 

299-300 

209-211 

351-359 

197 

311-313 

249-250 

305 

217 

399  400 

199 

315 

251-258 

305 

219-220 

401-403 

—  262  — 

BANGALA  MAYOMBE  BASOXGE 

(CONOO  BELGE)  (CO^FGO  BEL&E)  (CONGO  BELGK) 

Pages.  Pages.  Pages. 

108.  (98)  Funérailles 245-248         277-280        297-301 

109.  (99,  xManière    d'agir    des    parents    envers   le 

décédé  249         281-283 

110.  (100/  Jlodlficalions   produites  dans    la    famille 

par  le  décès  d'un  membre 23 1  285 

(Population.) 

111.  (4)  La  population  en  général 60-66  61-63 

112.  (6)  Population    llottante,    émigration,    Immi- 
gration    69-70  69  87-90 

113.  (70)  Mouvement  de  la  population 219         245  2/ 

114.  (69)  Causes  qui  limitent  la  population    ...  201  219 


III.  —  Le  phénomène  esthétique. 


115.  (31)  Parures  à  même  le  corps,  coloriage    .     .  125-126 

116.  (32)  Id.,  tatouages 127-131 

117.  (33)  Id.,  objets  suspendus  au  corps  ....  133 

118.  (11)  Esthétique  de  la  chevelure 83-84 

119.  (38)  Ornements  et  parures  déterminant  le  rang, 

la  classe,  la  fonction,  elc 139 

Euibellissements  à  l'habitation.  (Voir 
surtout  n"  74  (42). 

120.  (125)  Dessins  et  peintures.  (Voir  aussi  les  Arts 
industriels  à  Phénomène  Economique.) 

121.  (129)  Sculpture 315 

122.  (131)  3Iatières    employées   dans   les    dessins, 
peintures,  sculptures 

123.  (124)  Littérature 299-301 

124.  (127)  Chant 305-306 

125.  (128)  Musique 307-314 

126.  (H6)  Danse 303-304 

127.  (133)  Théâtre 319 


i  41-142 


329 
339-340 


325-327 
333-334 
335-337 
331-332 
341 


125-126 

153-154 

127-128 

1S5-156 

129-130 

157-158 

83 

113-115 

167-168 


351-3 
365-366-' 

367 
343-350 
359-360 
361-364 
353-358  jii 

369  r 


—  263  - 

MANGBETU             WAREGA               ABABUA                    KUKU                    MANDJA          BAHOLOHOLO  BALUBA 

(COKGO   belge)      (CONGO  BKI.GE)      (<OSGO   BEL«E)   (PoSI.  Angl.-Igypt.  )  (<ONGO  FKANÇ.)    (CONGO  BELGE)  (CONGO  BELGE) 

—                                     —                                    —                                      —                                     —                                    —  TOME  I. 

P»C;«s.                   Pages.                   Pages.                   Pages.                   Pages.                  Pages.  Pages. 

355-358    201  202    317-320    259-260    307-308    221-222  40;i-409 

309    223-224  411-414 

309    225-226  415-417 

73-82     25-26  35-39 

83       —  43 

261-262   145-147  261-262 

259   143-144  259-260 


359-361 

203 

321 

261 

363 

203 

323-325 

263 

85-87 

39-40 

99-100 

33-34 

93 

43 

103 

37 

»*     299 

157 

260 

209 

-'   297-298 

157 

259-260 

207-208 

185-189 

89 

155-156 

101 

157 

69 

136-136 

191-192 

91-92 

157-165 

103 

157 

71 

137-138 

193-194 

93-94 

167-172 

105-109 

159-166 

73-74 

139-140 

129-132 

57-58 

119-120 

53 

117-118 

41-42 

75-77 

813       101       180       119       173       81      149 


405-406 

963 

493-426 

309 

361 

406 

493-424 

275 

447-449 

313 

375 

426-426 

425 

449 

429 

401-404 

251-261 

389-422 

301-308 

337-360 

297-403 

417-418 

267-269 

433-439 

311 

367-370 

417-419 

419-422 

271-273 

441-446 

3H-312 

371-374 

421-423 

407-416 

265-266 

427-432 

309-310 

363-365 

407-416 

4S7 

277 

~. 

— 

— 

— 

264 


IV.  —  Le  phénomène  idéologique. 


BAN'GALA 

(CONGO  BELGE) 

Pages. 


MAYOJIBE  BASOXGE   l 

(CONGO  BELGE)  (CONGO  BELOBB 


(Religion.) 

128.  (101)  Animisme 253 

129.  (102)  iMânes 253 

130.  (103)  Fétiches 255-2-^i7 

131.  (103)  Totems 261 

132.  (107)  Idoles 267 

133.  (108)  Culte  des  phénomènes  physiques  .     .     .  269 

134.  (113)  Monothéisme  ou  Polythéisme    ....  277-279 

135.  (120j  Dieux 293-294 

136.  (118)  Mythologie  et  folklore 287-291 

137.  (116)  Manifestations  religieuses  sociales.     .     . 

138.  (106)  Magie 263-266 

139.  (117)  Rites  et  culte 285-286 

140.  (121)  Temples 

141.  (109)  Ame  humaine 271 

142.  (110)  Vie  future 273-275 

143.  Cl 22)  Sacerdoce 295-296 

144.  (74)  Education  spéciale  du  prêtre    ....  209 

145.  (119)  Sociétés  religieuses  secrètes     ....  29i 


(Philosophie.) 

146.  (111)  Spiritualisme 

147.  (112)  Jlalérialisme 

148.  (115)  Philosophie  . 


275 


283 


(Science.) 

149.  (123)  Écriture.  Pour  langage,  voir  123  (124) 

150.  (135)  Mathématiques 

151.  (134)  Astronomie  et  météorologie . 

152.  (139)  Division  du  temps.     .     .     . 

153.  (136)  Science  de  l'ingénieur.     .     . 

154.  (96)  .Maladies,  accidents,  remèdes 

155.  (140)  Médecine  et  chirurgie.     .     . 

156.  (64)  Légendes  relatives  à  l'invention  des 

tiers.  Voir  aussi  Légendes  relatives  à  la  décou 
verte  du  feu  64  (21)  et  Folklore  136  (118) 


mé 


Pages. 


Pages. 


287-288 

305 

289 

307^ 

291-300 

339-313 

315 

• 

319-322 

309-310 

329-330 

319 

315-317 

341 

303 

317-318 

313 

339 

319 

305-306 

323-325 

307 

327 

321-322 

225-231 

249 

319 

327 


337 


297 

3-23 

341 

321-322 

345-346 

373-375 

343 

371-372 

325 

333 

383-384 

347 

377-378 

241 

269-270 

289-291 

327-331 

355-357 

385 

211 


233 


—  265  — 

MANGBETU  WAREGA  ABABUA  KUKU  MANDJA  BAHOLOHOLO         BALUBA 

COMOO  BELGE)   (CONGO  BELGE;   (CONGO  BELGE)  (PO!l.  angl.-éjjpt.)  (CONGO  FRANC.)  (CONGO  BELGE)  (CONGO  BELGS) 
_  —  —  —  —  TOMB  I. 

Pages.  Pages.  Page.s.  Pages.  Pages.  Pages.  Pages. 


365-366 

205-206 

327 

265 

311-315 

227 

367 

207 

329 

267 

229-230 

369 

209-210 

331 

269-271 

317-318 

231-236 

— 

213 

335-340 

319 

239 

375  . 

S13 

351 

277 

241 

375 

215 

353 

277 

321 

243-244 

379 

219 

361 

281 

249 

393-394 

243-244 

379 

291 

285 

389-390 

241 

367-374 

289 

259-269 

225 

287 

— 

373 

213 

341-350 

275 

321 

241 

383-388 

227-239 

365 

289 

331 

257 

395 

243 

379 

291 

287 

217 

355-357 

279-280 

323 

245-246 

377-378 

217 

359-360 

281 

325-326 

247 

397 

247 

381-386 

293-299 

333 

289-293 

305 

161 

263 

213 

265 

155 

391-392 

241 

375-377 

271-284 

379 

— 

327 

327 

247 

225 

287 

255 

399 

249 

387 

335 

295 

431-432 

279 

457-458 

315-316 

381-382 

437 

429 

279 

455 

313 

379-380 

435 

437-438 

285 

461 

317 

385 

447-448 

433 

281 

383 

439-440 

349-350 

195-196 

^   309 

247-248 

301-304 

213-216 

439       285    463-464    319-320    387-388   449-451 


289       145  197       249   133-134 


269-271 


361-397 


266 


BAXGALA  MAYOMBE  BASONGE 

(CONOO  belge}     (CONGO  BELQE)    (CONGO  BELG 


Pages. 

157.  (141)  Histoire 333 

158.  (142)  Géographie 335-336 

(Education.) 

159.  (71)  Éducation  physique 203 

160.  (18)  Tournois  de  lutte 93 

161.  (19)  Jeux  ayant  pour  but  le  développement 
musculaire 95 

162.  (72)  Éducation  intellectuelle 205 

163.  (73)  Éducation  morale 207 

164.  (7a)  L'initiation ïll 


V.  —  Le  Phénomène  moral. 

(Quelques  coutumes  spéciales.) 

165.  (10)  Soins  de  propreté 

166.  (12)  Ongles 

167.  (13)  Épilation 

168.  (14)  Sommeil 

169.  (15)  Natation 

170.  (16)  Équitation 

171.  (17)  Portage 

172.  (132)  Jeux,  divertissements 

(Les  mœurs  et  la  morale.) 

173.  (9)  Mœurs  en  général 

174.  (104)  Tabous 

175.  (114)  iMorale 

Pour  les  mœurs  des  divers  phénomènes  spéciaux, 
voir  les  numéros  des  titres  de  la  troisième  division  C  : 
I,  II,  III,  IV,  VI,  VII  (mœurs  économiques,  génésiques, 
esthétiques,  idéologiques,  juridiques  et  politiques)  .     . 


Pages. 

Pages. 

359 

38 

301-302 

389-39 

221 

2i 

95 

95 

S>23 

2^ 

223 

24 

233 

251-25 

81 

81 

85 

85 

87 

85 

89 

87 

89 

89 

91 

91 

93-94 

317 

341 

79-80 

77-80 

259 

301-302 

281 

311-312 

VI.    —   Le   PHÉNOMh:NE   JURIDIQUE. 

(Droit  civil.) 

176.  (166)  Droit  civil  personnel  et  réel. 

177.  (154)  Propriété  des  meubles    .    . 


343 


393 
371 


267 


lANGBETU 

«GO    BELGE) 

Pages. 

WAREGA 

(roNGO  BBLOE) 

Pages. 

ABABUA                 KUKU 

, CONGO  BELGE)    (fOll.  ingl.-ïgjp.) 

Pages,                  Pages. 

MANDJA 

(CONGO  FRANC.) 

Pages. 

HAHOLOHOLO         BALUBA 

(CONGO  BKLQE)    (CONOO  BELOï) 
—                             TOME   I. 

Pages.                Pages. 

441-448 

287 

465478 

321 

389-390 

— 

— 

449-450 

287 

479 

321 

391 

— 

— 

301-302 

159 

261 

211 

263 

149 

263-264 

143-144 

63 

125 

63 

123 

47 

87 

145 

65-68 

127-132 

63 

123 

47 

89-95 

303 

159 

261 

213 

263 

151 

265 

305 

161 

213 

265 

153-154 

267 

307-308 

163-166 

263 

213 

267-269 

157-160 

273277 

127-128 

55-56 

117 

49-51 

115-116 

39 

73-74 

133 

59 

121 

33 

119 

43 

79 

135 

59 

121 

55 

119 

43 

79 

137 

61 

121 

57 

119 

45 

81 

139 

61 

121 

59 

121 

45 

83 

139 

63 

59 

121 

— 

85 

141-142 

63 

123-124 

61-62 

123 

47 

85 

427 

277 

451-453 

377-378 

431-433 

123-125 

53-54 

111-115 

45-47 

113-114 

_ 

71 

371 

211-212 

333 

273 

319 

237-238 

381-382 

221-223 

363 

283-285 

329-330 

251-253 

483       .329       519    351-352  509-513 

461       301    487-488       329       407   479-480 


—  268  — 


RANGALA 

(CONGO  BELGE) 

Pages. 

178.  (152)  Propriété  des  immeubles 34o 

179.  (153)  Nature  de  la  propriété 347-348 

180.  (91)  Propriété  familiale 235 

181.  (loi)  Limites  des  propriétés 349 

182.  (155)  Origine  de  la  propriété  et  du  droit  de  pro- 
priété      351 

183.  (160)  Droit  sur  les  choses  trouvées    .... 

184.  (159)  Droit  de  fhasse,  dépêche,  d'abatage,  de 
cueillette 

185.  (161)  Succession 355 

186.  (167)  Droit  civil  relatif  aux  contrats  ....       373-377 

187.  (157)  Location 

188.  (158)  Usufruit 

189.  (156)  Domaine  public 353 

(Droit  pénal.) 

190.  (168)  Droit  pénale 379-381 

t91.  (169)  Procédure  pénal 383-385 

192.  (170)  Droit  d'asile 387 

Vn.  —  Le  Phénomène  politique. 

(Intérieur.) 

193.  (176)  Organisation  politique   distincte    de    la 

famille 397 

194.  (181)  Le  système  politique 407 

195.  (177)  Le  chef 399-401 

196.  (178)  Les  assemblées.     ........  403-406 

197.  (180)  Olficiers  inférieurs 407 

198.  (179)  Associations  secrètes 

199.  (183)  Situation  politique  des  étrangers  .     .     . 

(Extérieur.) 

200.  (184)  Relations  pacifiques 411 

201.  (185)  Relations  guerrières 413-422 

202.  (186)  Contact  avec  les  civilisés 423-433 


MAYOMBE 

RASONGE 

CONGO  BBLGE)   { 

CONGO  BELGB)   I 

Pages. 

Pages.        ! 

371 

413 

373 

415 

283-284 

375 

417-418  i 

377 

377 

379 

395-398 

377 

377 


399 
401-406 


439-440 

441-443 

445 


413 

1 
457 

423 

475-481 

415-418 

459-466  i 

419 

467-472 

421 

473 

473'^ 

425 

483 

427-428 

485-486    ' 

429-431 

487-502 

433-448 

503-542    i 

—  269  — 


ANGBETU  WAREGA  ABABUA  KUKU  MANDJA  BAHOLOUOLO         BALUBA 

NGO   BELGE)     (CONGO   BELGE)     (CONQO   BELGE)   (POM.  aDgl.-égypt.  ^'  (CONGO  FRANC.)    (CONGO  DELGE)  (CONGO  BELGE) 
—  —  —  —  —  —  TOME  I. 

Pages. 


345-446 


Pages. 

Pages. 

Pages. 

Pages. 

Pages. 

Pages. 

463 

301 

488 

329 

407 

481 

463 

303-304 

489-492 

331-332 

407 

481 

339 

191 

307 

243 

235 

203 

465 

305 

493 

333 

409 

483 

467 

305 

495 

333-336 



485 

471 

309 

501 

343 

— 

495 

469 

307 

499-500 

341-342 



493 

473 

309 

503-507 

343-345 

411 

497 

483 

329 

— 

353-354 

419-420 

509-513 

467 

307 

497 

339 

411 

489-490 

467 

307 

497 

339 

— 

491 

467 

305 

495 

337-338 

409 

487 

485-486 

3Î9 

521-527 

355-358 

421 

515-516 

487-490 

331-333 

529-534 

359-360 

423 

517-522 

491 

335 

535 

361 

— 

623 

603 

339 

549-556 

369 

431-435 

639 

521 

345 

569 

445-446 

349-361 

605-516 

341-342 

557-563 

371-373 

437-439 

541-543 

517-618 

343 

666 

373 

441 

E45 

619-620 

345 

669 

375 

443 

547 

343 

667 

547 

325 

347 

671 

377 

447 

655 

627-528 

349 

573-674 

449-450 

557 

629-542 

351-354 

575-683 

379-381 

451-474 

559-564 

543-362 

335-359 

385-590 

383-387 

475-5H 

563-378 

TABLE    DES    MATIERES 


PagM. 

Introduction  générale i-xn 

I.  Introduction  des  Bangala.  —  Commeut  la  collectiou 
des  Monographies  ethuograi)liiques  se  rattache  au  mouve- 
ment ethnographique  et  sociologique  créé  par  le  Congrès 
mondial  de  Mous  (igoS).  —  La  Commission  ethnographique 
internationale  et  son  activité.  —  Le  Questionnaire  adopté 
pour  Tenquéte  ethuogx'aphique  tant  verbale  que  biblio- 
graphique et  iconograijhique.  —  La  méthode  de  classifi- 
cation appliquée  à  la  Monographie  des  Bangala.  —  La 
méthode  de  la  publication  et  ses  avantages i-io 

IL  Introduction  des  Mayombe.  —  Tandis  que  les  Ban- 
gala sont  des  gens  du  «  fleuve  »,  les  Majombe  sont  des  gens 
de  la  «  forêt  ».  —  Pour  la  Monographie  des  premiers,  pré- 
pondérance des  renseignements  bibliographiques  ;  pour 
celle-ci,  prépondérance  de  l'enquête  orale.  —  Pourquoi  plus 
de  développements  ont  été  donnés  aux  fiches  2  et  186, 
traitant  respectivement  du  milieu  social  et  du  contact  avec 
les  civilisés.  —  Utilisation  des  Monographies  par  une 
politique  rationelle  de  civilisation.  —  Les  titres  des  colla- 
borateurs de  l'enquête  orale 11-22 

III.  Introduction  des  Basonge.  —  Cette  peuplade  nous 
est  connue  à  trois  périodes  de  son  histoire,  par  des  témoi- 
gnages autorisés  :  avant  les  esclavagistes,  pendant  la  cam- 
pagne arabe,  aujourd'hui.  —  Ce  sont  des  gens  de  la 
«  brousse  ».  —  La  comparabilité  des  renseignements  publiés 
dans  les  trois  premières  Monographies  est  facile  et  obvie.  — 


N^ 


272  — 


Pages 


L'expérience  répond  de  façon  satisfaisante  à  trois  objec- 
tions faites  à  la  collection  ethnographique  :  les  citations  à  î 
objets  multiples;  la  question  des  langues;  la  mesure  dans  j 
les  citations  relatives  aux  n^^  2  et  186.  —  Le  problème  des  | 
contradictions  entre  les  témoignages  ;  les  avantages  de  la  j 
solution  appliquée.  —  La  personnalité  éminente  des  colla- 
borateurs de  la  Monographie 23-36                       ; 

I 

IV.  Introduction  des  Mangbetu.  —  Ce  sont  les  meilleurs  ; 
constructeurs  de  l'Afrique  centrale  et  les  plus  habiles  forge-  ; 
rons  de  l'Uele  et  de  l'Aruwiral.  —  Comment  se  présentent  j 
dans  cette  société  nègre  supérieure  les  phénomènes  sociaux  :  j 
l'économique,    la    génétique,     l'esthétique,    l'idéologie,    la 

morale,  le  droit,  la  politique.  —  L'inventaire  de  nos   con-  ' 

naissances   sur  les  Mangbetu.  —  Les  collaborateurs  de  la 

Monographie 37-48  ■ 

V.  Introduction  des  Warega.  —  C'est  une  peuplade  de 
la  «  grande  forêt  équatoriale  ».  —  Biographie  de  l'auteur 

principal  de  la  Monographie.  —  Comment  se  présentent  les  i 

facteurs  essentiels  de  la  société  waregaise  :  le  territoire  et  ' 

la  population.  —  Considérations  relatives  :  1°  à  l'organisa-  ■ 
tion  de  la  famille;  20  à  la  hiérarchie  sociale.  —  Synthèse  des 

cinq  Monographies  publiées  jusqu'ici 49'66                         ' 

VI.  Préface  des  Kuku.  —  L'œuvre  ethnographique  à  j 
l'Exposition  Internationale  etUniverselIe  deBruxelles  1910). 

—  C'était  un  essai  du  Musée  ethnographique  de  demain,  dans  î 

lequel  le  visiteur  doit  pouvoir  trouver,  à  côté  des   objets  ] 

rassemblés  systématiquement  dans  une  représentation  évo-  ^ 

catrice  de  la  vie,  tout  ce  qu'on  sait  sur  l'ensemble  de  ces  j 

objets  et  sur  chacun  d'eux,  sur  le  jieuple  qui  s'en  servit  et  ' 

sur  la  civilisation  qu'ils  exprimèrent C7-71  i 

I.  La  documentation  bibliographique  et    monographique  des  1 

nègres  d'Afrique  :    les    sources  ;   les  cinq    classifications  :  j 

alphabéthique  par  noms  d'auteurs,  alphabétique  par  noms  I 

de   peuplades,  alphabétique  par  noms  de  régions,   systé-  ( 
matique    suivant    les    uuméi'os    du    questionnaire,    sj'sté- 

matique    suivant    une    formule    sociologique    déterminée;  1 

l'exposition  du  salon  de  Bruxelles:  le  but  de  la  collection  I 

exposée  et    ses   caractères,   les  noms  des   collaborateurs,  ,. 

les    Monographies   parues,    le   catalogue    llalkin    annuel  :. 


—  273  — 

des  ouvrages  d'ethnographie  parus.  Discours  du  prési- 
dent du  jury  des  scieuces  de  l'Exposition  de  Bruxelles.     .     .  71-83 

2.  Le  Musée  moderne  d'ethnographie,  par  exemple,  des 
nègres  africains  :  i»  Une  partie  des  locaux  est  affectée  aux 
expositions  des  peuplades  africaines  les  plus  typiques  au 
point  de  vue  de  l'originalité  de  la  race  et  du  milieu;  dans 
chaque  salle,  les  objets  relatifs  à  la  peuplade  choisie 
seraient  toujours  groupés  dans  le  même  ordre,  le  plus 
scientifique  et  le  plus  clair  possible.  L'Exposition  de  Bru- 
xelles était  consacrée  aux  Fang,  la  plus  nombreuse  peut- 
être  des  peuplades  africaines.  —  a"  Une  partie  des  locaux 
est  attribuée  aux  expositions  sociologiques,  aux  expositions 
d'institutions  sociales,  si  l'on  veut,  mais  toujours  dans  le 
même  ordre,  permettant  le  mieux  la  comparaison  des  peu- 
plades exposées  entre  elles.  A  Bruxelles,  on  avait  choisi  le 
phénomène  social  le  plus  difficile,  le  phénomène  religieux 
chez  les  Fang:  i)  Totem;  2)  Mânes;  3)  Sociétés  secrètes; 
4)  Dieu.  (Les  trois  premières  catégories  comportaient  cha- 
cune la  classification  suivante:  croyances,  cultes  et  rites, 
magie,  sacerdoce,  vie  future.) 83-98 

L'inscription  finale  portait  :  «  Si  l'on  représentait  dans  un 
musée  spécial  (de  la  manière  employée  ici  pour  les  Fang  et 
pour  le  phénomène  religieux)  chacun  des  phénomènes 
sociaux  ;  si  l'on  agissait  ainsi  pour  les  peuplades-types  de 
l'Afrique,  de  l'Australie,  de  l'Asie,  de  l'Amérique,  de 
manière  que  chaque  phénomène  (documentation  et  objets) 
pût  être  comparé  dans  son  ensemble  et  dans  chacune  de  ses 
divisions;  on  aurait  réalisé  le  musée-tj'pe  sociologique, 
colonial  et  ethnographique  » 99-100 

VIL  Introduction  des  Kuku.  —  Habitat:  l'enclave  du 
Lado  ;  peuplade  de  la  u  savane  ».  —  Caractères  de  la  société 
Kuku.  —  La  biographie  de  l'auteur  principal  de  la  Mono- 
graphie   , 100-104 

VnLIntroduction  des  Ababua.— Pour  remédier  aux  défauts 
de  la  rédaction  de  certaines  questions  du  Questionnaire,  et 
pour  préciser  le  contenu  de  toutes,  M.  le  professeur  Halkin 
publie  un  commentaire  autorisé  de  ce  questionnaire  sous  le 
titre  ;  Cours  d'ethnographie  et  de  géographie  ethnographique  ; 
portée  de  ce  travail.  —  Afin  de  donner  suite  au  vœu  unanime 


274  — 


Pages. 


du  Congrès  mondial  tle  mars  (igoS)  relatif  au  relevé 
annuel  complet  et  critique  des  livres  et  des  brochures,  des 
articles  derevues  surtout,  d'ordre  ethnographique  qui  parais- 
sent dans  n'importe  que  pays,  M.  le  professeur  Halkin  a 
publié  dans  le  Mouvement  sociologique  international  un  pre- 
mier essai,  qu'il  soumet  à  l'appréciation  du  monde  savant. 
L'ordre  du  groupement  des  renseignements  est  celui  du 
questionnaire  ethnographique,  do  la  Collection  des  Mono- 
graphies ethnographiques,  du  Répertoire  ethnographique 
^énéraZ  (clasrsification  quatrième).  —  M.  Halkin,  ajant  publié 
une  Monographie  des  Ababua,  il  y  a  quatre  ans, permet,  en 
publiant  celle-ci,  de  mesurer  le  chemin  parcouru.  —  Les 
collaborateurs io5-ii8 

IX.  Introduction  des  Mantlja-  —  Pourqiioi  la  plupart  des 
Monogi'apliles  précédentes  se  rapportaient  à  des  i)euplades 
de  possessions  congolaises  ou  belges.  —  L'attitude  de 
Léopold  II,  Souverain  de  l'Etat  Indépendant  du  Congo  et 
Roi  des  Kelges.  —  L'œuvre  ethnographique  obtient  la  plus 
haute  récompense  à  la  section  des  sciences  de  l'Exposition 
International  et  Universelle  de  Bruxelles  (1910).  —  Raisons  du 
tour  de  faveur  accordé  à  la  i^ublication  de  la  Monographie 
desMandja,  peuplade  des  possessions  françaises  :  la  per- 
sonnalité scientifique  du  principal  collaborateur;  l'attitude 
du  Gouvernement  français;  la  portée  civilisatrice  de  cette 
monogi*aphie  (l'étude  du  portage).    ..,...,«..  iig-iSS 

X.  —  Préface  des  Baholoholo.  —  La  classification  cin- 
quième du  Répertoire  ethnographique  est  un  exemple  d'appli- 
cation d'une  formule  sociologique  déterminée.  —  Rapports 
entre  cette  classification  cinquième  et  la  classification  qua- 
trième, basée  sur  l'ordre  du  Questionnaire  ethnographique. 
—  I.  Ce  qu'est  notre  classification  systématique  sociolo- 
gique. —  II.  Réponse  aux  objections iSg-iSS 

XI.  Introduction  des  Baholoholo. —  Une  peuplade  rive- 
raine duTanganika. —  Cette  Monographie  est  l'œuvre  exclu- 
sive d'un  seul  observateur.  —  Sa  portée  sociologique  et  civi- 
lisatrice :  une  peuplade  qui  meurt 157-164 

XII.  Préface  au  premier  volume  des  Baluba.  —  Appli- 
cation à  la  civilisation  des  nègres  de  l'AfiMquo  Centi'ale 
de  la  documentation  ethnographique. 


—  27:^ 


l'ages. 


Introduction.  —  Comment  naquit  l'Ecole  mondiale  et  le 
Répertoire  etlinogi*aphique  des  nègres  africains.  —  Idées  de 
Léopold  II  sur  le  progrès  do  la  civilisation  en  Afrique.  — 
L'exemple  de  l'Amérique.  —  L'<i*uvre  du  Congrès  mondial 
de  Mons  en  rgoS.  —  Plan  de  l'étude  actuelle i(iri-i7i 

1.  Considérations  g'énérales.  —  Les  sociétés  nègres  afri- 
caines résultent  de  la  combinaison  du  milieu  physique  et  de 
la  liopulation.  —  Fausseté  des  méthodes  révolutionnaires  de 
civilisation;  la  vérité  est  dans  les  méthodes  évolutives. — 
L'opinion  de  Booker  Washington.  —  Politique  de  domination 

ou  politique  indigène? 171-177 

2.  Territoire.  —  Aspect  et  ressources  du  Congo  belge    .    .     .  177-179 

3.  Population.  —  Les  Bautous,  les  Azandés,  les  Pygmées. 
Situation  des  j^euplades  à  l'arrivée  des  blancs.  Aujourd'hui. 

Ces  nègres  sont-ils  des  sauvages?  —  des  dégénérés?.     .     .    .  179-184 

4-  Le  phénomène  économique.  —  a)  La  Culture  des  plantes 
vivrières  :  Position  de  la  question  et  son  importance.  Les 
conclusions  de  l'Association  française  x^our  l'avancement  des 
sciences  (4o«  session).  Les  erreurs  courantes.  Les  mesures 
qui  s'imposent.  —  b)  Comment  amener  le  noir  an  travail 
régulier  et  progressif?  L'esclavage.  La  contrainte  directe, 
employée  par  le  Pox'tugal  et  l'Angleterre.  La  contrainte  indi- 
recte. La  préférence  doit  être  réservée  aux  procédés  dits 
psychologiques.  Témoignages  de  Girault,  de  Janssens,  etc. 
L'obstacle  de  la  mentalité  nègre  et  sa  paresse  :  Mgr  Roelens. 
La  question  des  besoins  à  exciter.  Le  climat.  —  L'importance 
de  la  solution  de  l'école,  de  l'armée,  etc.;  le  métier  le  plus 
important  ;  l'agriculture  ;  analyse  critique  des  quatre  solu- 
tions du  P.  Vermeersch  à  la  Société  d'Economie  sociale  de 
Bruxelles.  Les  autres  solutions  :  Le  marché,  l'achat  des 
récoltes,  les  postes  et  les  fermes,  etc.  Nécessité  de  commen- 
cer l'œuvre  par  les  élites.  —  Attention  aux  préjugés  :  la 
femme  et  l'esclave  font  souvent  le  travail  agricole     ....  184-210 

5.  Le  phénomène  idéologique.  —  Position  de  la  ques- 
tion. L'ignorance  i-éguante.  Le  salon  de  l'ethnographie  dans 
la  section  des  Sciences  à  l'Exposition  internationale  et  uni- 
verselle de  Bruxelles  en  1910  :  le  phénomène  religieux.  Le 


276  — 


Pages. 


Dieu  unique  des  Africains.  —  Double  conclusion  :  a)  Néces- 
sité pour  nos  agents  coloniaux  de  connaître  la  mentalité 
religieuse  des  noirs  non  seulement  pour  ne  pas  froisser 
inutilement  les  consciences,  mais  encore  pour  savoir  quels 
usages  contraires  à  l'humanité  il  faut  condamner.  B)  La  meil- 
leure méthode  d'évangélisation  pour  nos  missionnaires  ;  deux 
exemples  :  la  notion  de  Dieu  et  celle  de  l'âme  humaine.     .    .  210-224 

6.  Conclusions.  —  i.  Possibilité  et  nécessité  d'étendre  ces 
études.  —  2.  Nécessité  et  moyens  de  faire  pénétrer  les  ren- 
seignements dans  tous  les  milieux  sociaux  de  notre  pays.  — 
3.  Nécessité  et  urgence  de  l'école  mondiale,  la  grandiose 
conception  scolaire  de  Léopold  II 224-282 

Xni.  Table    coordonnée   des    matières    d'après    l'ordre    du 

Questionnaire  et  des  Monographies 233-249 

XIV.  Table  coordonnée  des  matières  d'après  la  formule  sociolo- 
gique choisie  à  titre  d'exemple 351-269 


PLEASE  DO  MOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


GN 

64-5 

084 


Overbergh,  Cyrille  van 
Les  nègres  d'Afrique 


Collection  de  Monographies  Ethnographiqi 

PUBLIÉE  PAR  Cyr.  VAN  OVERBERGH 


Ont  paru  : 

'     I.  LES  BANGALA,  par  M.  Cyr.  Van  Overber(H  ^ 
avec  la  collaboration  de  M.  Ed.  De  Jonghe.  '^ 

IL  LES  MAYOMBE,  par  M.  Cyr.  Van  Overber 
avec  la  collaboration  de  M.  Ed.  De  Jonghe. 

III.  LES  BASONGE,  par  Cyr.  Van  Overbergh 

IV.  LES  MANGBETU,  par  M.  Cyr.  Van  Ovekbergiî. 
avec  la  collaboration  de  M.  Ed.  De  Jongiii:. 

V.  LES  WAREGA,  par  le  Commandant  Delhaise, 
avec  une  préface  de  M.  Cyr.  Van  Overbergh. 

VI.  JliES  KUKU,  par  M.  Vanden  Plas,  avec  une  iiitru 
duction  et  une  préface  do  M.  Cyr.  Van  Overbergh. 

VII.  LES  ABABUA,  par  M.  Halkin,  avec  la  collabo- 
ration de  M.  Viaene,  avec  une  introduction  de  M.  Cyr.  Van 
Overbergh. 

VIII.  LES  MANDJA,  p  .r  M.  Gaud,  a.vec  la  collabora- 
tion de  M.  Cyr.  Van  OvBRUkKtiH,  avec  une  introduction  de 
M.  (  yr.  Van  Overbergh. 

IX.  LES  BAHOLOHOLO,  par  M.  H.  Schmitz,  avec 
une  introductioa  et  une  préface  de  M.  Cyr.  Van  Overbergh. 

X.  LES  BALUBA  {Pi'eniière  partie),  par  le  R.  V. 
Colle,  des  Pères  Blancs  d'Afrique,  avec  mi.*^  ''itrof^n^tion  ci 
une  préface  de  M.  Cyr.  Van  Overbergh 

Sous  presse  : 

XI.  LES  BALUBA  (Deuxième  parfiV^ 

XII.  LES  BAYAKA 

XIII.  LES  FAN. 

XIV.  LES  PYGMÉES. 
LES  BAKUBA. 


Le  prix  de  l'exemplaire  estiSîé  à  10  francs. 

Le  prix  pour  les  souscripteurs  de  la  Collection  des  Mono 
graphies  Ethnographiques,  7  fr.  50.  Chaque  n<)uvelle  fiche 
complémentaire  sera  fournie  aux  souscripteurs  qui  la  désireni . 
au  prix  do  10  centimes.