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Full text of "Les noms de lieu de la France; leur origine, leur signification, leurs transformations;"

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http://www.archive.org/details/lesnomsdelieudel01long 


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LES 

NOMS    DE   LIEU    DE  LA   FRANCE 

LEUR    ORIGINE,    LEUR   SIGNIFICATION,   LEURS    TRANSFORMATIONS 


AVAXï-PROPOS  " 


Les  noms  de  lieu  forment  la  plus  riche  des  nomencla- 
tures qui  se  rattachent  à  la  langue  usuelle.  Environ  deux 
cent  mille  vocables,  dont  certains  s'appliquent,  il  est  vrai, 
à  plusieurs  localités,  ont  été  réunis  dans  l'édition  du  Dic- 
tionnaire des  Postes  et  des  Té légraphes  publiée  en  1898.  Si 
tous  les  lieux  habités  de  la  France  y  figuraient,  leur  nombre 
dépasserait  certainement  le  million  ;  et  si  l'on  faisait  le 
dépouillement  du  cadastre,  on  arriverait  incontestablement 
à  cinq  ou  six  millions  de  vocables  géographiques. 

Cet  immense  vocabulaire  n'est  pas,  comme  celui  des 
sciences,  le  produit  de  la  méditation,  et  encore  moins  le 
développement  d'une  donnée  systématique.  Il  n'est  pas 
l'œuvre  de  quelques  hommes.  Il  s'est  formé  à  la  longue,  et 
comme  au  hasard  des  circonstances.  Il  a  pour  auteurs  tous 
les  peuples  qui,  successivement,  sont  venus  s'établir  dans 
notre  pays,  toutes  les  races,  victorieuses  ou  vaincues,  dont 
le  mélange  a  produit  la  nation  française. 

1.  Sauf  quelques  rares  modifications  qu'on  n'a  pas  cru  pouvoir  se  dispen- 
ser d'y  apporter,  le  texte  cjui  suit  est  celui  qu'Auguste  Loug'non  avait  rédigé 
eu  vue  de  sa  leçon  du  jeudi  5  décembre  1880  au  (^oUoyc  de  France,  cl 
f(u  il  paraît  avoir  ensuite  relouclié  pour  rada[)ter  à  son  enseignement  de 
l'Ecoli'  des  Hautes  l'.ludes. 

/.es  nnins  de  llvn.  ' 


Li:S    MOIS    IJK    Lli:i' 


Des  éléments  si  divers  par  leur  origine  ne  le  sont 
pas  moins  par  leur  signification.  Ils  indiquent  tantôt  la 
configuration  ou  la  nature  du  sol,  tantôt  les  espèces  ani- 
males ou  végétales  qui  y  vivent,  d'autres  fois  la  destination 
que  les  lieux  ont  reçue  du  fait  des  hommes  :  ou  bien  encore 
ils  nous  ont  conservé  la  mémoire  d'anciens  événements  ou 
le  nom  des  personnages  par  qui  les  centres  de  population 
furent  créés  ou  transformés  :  de  sorte  que.  dans  la  nomen- 
clature dun  pays  comme  la  France,  les  renseigne- 
ments abondent.  non  seulement  pour  le  linguiste, 
mais  aussi  pour  T historien,  pour  l'archéologue  et  pour 
l'économiste.  Quant  aux  mots  dont  le  sens  nous  échappe 
(et  il  en  est  encore  beaucoup),  ils  sont  eux-mêmes  utiles  à 
l'histoire,  parce  que,  si  l'on  en  ignore  la  signification,  on 
sait  parfois  cependant,  grâce  à  leur  structure,  à  quel  peuple 
on  les  doit. 

Une  source  où  il  y  a  tant  à  puiser  n'est  pas  sans  avoir 
été  déjà  mise  à  contribution.  Elle  a  servi  à  la  plupart  des 
érudits  du  temps  passé,  mais  d'une  manière  tout  à  fait 
accidentelle  et  rarement  intelligente.  Adrien  de  Valois,  dans 
sa  Notitia  Gfilli;irum,  publiée  en  1679,  et  l'abbé  Lebeuf, 
dans  Vllisloire  de  la  ville  et  de  /ouf  le  diocèse  de  Paris,  qui 
date  du  milieu  du  xviii''  siècle,  sont  les  seuls  auteurs  qui 
aient  tiré  un  parti  raisonnable  de  ce  moyen  d'intormation 
dont  ils  avaient  ac(piis  le  juste  sentiment  par  une  longue 
habitude  et  beaucoup  de  pénétration  ;  encore  le  second, 
parfois  bien  aventureux,  ne  doit-il  être  consulté  (pi'avec 
beaucoup  de  circonspection. 

(  (]e  n'est  guère  avant  le  milieu  du  xix""  siècle,  cpi'on  a 
cpnnnencé  à  faiii-  une  élude  spéciale  des  noms  de  lieu.  Un 
(.«iidit  (i'es|)iil  tiès  cultivé  et  de  sens  droit,  Auguste  Le 
l'révosl,  a,  en  \H'.V.),  tracé  la  voie  qu'il  convenait  de  suivre, 
eu  réunissant,  sous  la  forme  d'un  dictionnaire  ',  avec  l'équi- 


1.   Diclionrmire  i^x  iin<iriis    ikuiih    <!*'    lifii    ihi    <l''j>;iih'iiifii/    (!<•    l'/'uri'. 


AVANT-I'KUPOS 


Valent  moderne  à  côté,  les  noms  anciens  des  localités  du 
département  de  l'Eure,  tels  qu'il  les  avait  recueillis  dans 
les  vieux  textes  et  surtout  dans  les  chartes.  Des  ouvrages 
conçus  dans  le  même  esprit,  mais  différents  dans  leur  dis- 
position, ont  paru  depuis,  consacrés  aux  régions  les  plus 
diverses  de  la  France.  Enfin,  un  répertoire  général,  qui 
doit  embrasser  toute  la  France,  entrepris  il  y  a  plus  de  cin- 
quante ans  par  ordre  du  ministre  de  l'Instruction  publique, 
le  Dictionnaire  topographique  de  la  France^  comprenanl 
les  noms  de  lieu  anciens  et  modernes,  est  aujourd'hui  publié 
pour  vingt-sept  départements  '.  Les  index  géographiques 
des  nombreux  cartulaires  publiés  depuis  un  demi-siècle  ~' 
apportent  une  non  moins  utile  contribution  à  l'étude  des 
noms  de  lieu  que  les  dictionnaires  dont  on  vient  de  parler  ; 
ils  sont  même  en  quelque  sorte  plus  précieux,  parce  qu'ils 


1.  Voici  rénumération  de  ces  départements,  le  nom  de  chacun  étant 
accompagné,  entre  parenthèses,  du  nom  de  l'auteur  et  de  la  date  de  publi- 
cation du  dictionnaire  : 

Ain  (Philipon,  1911);  —  Aisne  (Matton,  1871);  —  Hautes-Alpes  (Roman, 
1884)  ;  —  Aube  (Boutiot  et  Socard,  1874)  ;  Aude  (abbé  Sabarthès,  1912)  ;  — 
Calvados  (Hippeau,  1883);  —  Cantal  (Amé,  1897);  —  Dordogne  de 
Gourgues,  1873);  —  Drôme  ^Brun-Durand,  1891);  —  Eure  (m'^  de  Blosse- 
ville,  1878);  —  Eure-et-Loir  (Merlet,  1861);  —  Gard  (Germer-Durand, 
1868);  —  Hérault  (Thomas,  1863);  —  Haute-Loire  (Chassaing  et  Jacotin, 
1907);  —  Marne  (Longnon,  1891);  —  Haute-Marne  (Roserot,  1903);  — 
Mayenne  (Maitre,  18o8);  —  Meurthe  (Lepage,  1862);  — Meuse  (Liénard, 
1872)  —  Morbihan   (Rosenzweig,  1870);  —  Moselle  (de  Bouteiller.  1874); 

—  Nièvre  (de  Soultrait,  1865);   —   Pas-de-Calais    (c'«  de    Loisne,    1908); 

—  Basses-Pyi'énées  (^Raymond,  1863);  —  Haut-Rhin  (StolTel,  1868);  — 
Vienne  (Bédet,  1881);  —  Yonne  (Quantin,  1862).  —  Sont  sous  presse,  à 
l'heure  actuelle,  les  dictionnaires  du  Cher  et  de  la  Côte-d'Or;  en  outre,  onl 
été  déposés  au  Ministère  de  l'Instruction  publique  les  manuscrits  des  dic- 
tionnaires d'Ille-et- Vilaine,  de  la  Sarthe,  de  Seine-et-Marne  et  des  Vosges. 

Divers  travaux  conçus  dans  le  même  esprit  ont  été  publiés  on  dehors  do 
cette  collection  officielle;  les  principaux  se  rapportent  aux  départements 
de  l'Indre  (Eug.  Hubert,  1889;,  d'Indre-et-Loire  (Carré  de  BusseroUe,  1878- 
1884),  de  la  Loire-Inférieure  (Quilgars,  1907),  de  Maine-et-Loire  (Poil, 
187i-1878),  de  la  Savoie  (Vernier,  1896),  des  Deux-Sèvres  (Ledain  ol 
Dupond,  1902),  de  la  Somme  (Jacques  Garnier,  1867-1878,  dans  Mdm.  de  la 
Soc.  des  Antiq.  de  l^icardie,  3"  série,  t.  I  et  IV). 

2.  H.  Stcin,  Biblioyraphie  gérif-rale  des  cartulaires  /'rançais  (tome  IV  i.\^' 
la  collection  des  Manuels  de  hibUo(j rapine  hislori(/uo,  Paris,  Alph.  Picard^ 
1907,  in-8"). 


LKS    NU.MS     Di:    lAEV 


fournissent  généralement  les  formes  les  plus  anciennes,  et 
partant  les  plus  irtéressantes,  des  vocables  géographiques. 

D'autre  part,  quelques  ouvrages  ont  été  consacrés  par 
divers  érudits  à  l'étude  de  la  formation  ou  de  la  significa- 
tion des  noms  de  lieu.  Tels  sont,  par  exemple  : 

Houzé,  Etude  sur  la  signification  des  noms  de  lieu  en 
France  (1864,  in-8°,  140  p.).  L'auteur  de  ce  livre  étudie 
quelques  séries  de  vocables  topographiques,  en  prenant 
pour  point  de  départ  l'explication  d'un  nom  de  lieu  déter- 
miné ;  possédant  à  fond  les  travaux  de  Valois  et  de  Lebeuf, 
et  doué  d'un  sfrand  bon  sens,  il  arrive  à  des  résultats  vrai- 
ment  étonnants  pour  le  temps  où  il  écrivait. 

Quicherat,  De  la  formation  française  des  anciens  noms 
de  lieu,  traité  pratique  suivi  de  remarques  sur  des  noms 
de  lieu  fournis  par  divers  documents  (1867,  petit  in-8°, 
176  pages).  Ouvrage  dont  l'éloge  n'est  plus  à  faire,  mais 
auquel  on  aurait  tort  de  se  fier  complètement. 

H.  Gocheris,  Origine  et  formation  des  noms  de  lieu 
([1874],  in-12,  276  pages).  Cet  ouvrage  a  pour  auteur  un 
érudit  auquel  on  doit  d'estimables  travaux  ;  mais,  apparem- 
ment plus  complet  et  plus  méthodique  que  les  livres  men- 
tionnés précédemment,  il  doit  être  consulté  avec  une 
grande  méfiance  pour  tout  ce  qui  appartient  en  propre  à 
son  auteur. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville,  Recherches  sur  l'origine  de 
la  propriété  foncière  et  des  noms  de  lieux  habités  en  France 
(iH[){),  in-8*^)  ;  cet  ouvrage  renferme  surtout  de  précieuses 
données  sur  les  vocables  géographiques  formés  en  Gaule,  à 
l'époque  romaine,  sur  des  noms  propres  de  personnes  el  des 
noms  de  propriétaires. 

L'étude  (le  la  signification  des  noms  de  lieu  repose 
aujoMid'hni  sur  des  bases  assez  solides.  On  ne  se  contente 
plus,  comme  le  faisait  iJullet  il  y  a  un  siècle  el  demi,  de 
dépecer  les  noms  de  lieu  en  aulant  de  morceaux  qu'ils  ont 
de  syllabes  —  sans  paraître  se  douter  des  altérations,  parfois 
si  graN'cs,    qii  ils    uni   subies  au    cours   des  siècles  —  el,   ce 


\VAM-Plt(»l'OS 


dépocemeiil  opéré,  de  chercher  la  significaiion  de  chacune 
de  ces  parties  du  nom  dans  un  prétendu  langage  celtique, 
qui  n'a  rien  de  commun  avec  celui  qu'ont  étudié,  de  nos 
jours,  MM.  d'Arbois  de  Jubainville,  Gaidoz,  Loth  et 
Ernault.  La  seule  méthode  véritablement  scientifique  con- 
siste à  rechercher  les  formes  anciennes  de  chacun  de  ces 
noms,  ou,  à  leur  défaut,  les  formes  anciennes  sous  lesquelles 
les  anciens  documents  désignent  quelque  localité  homo- 
nyme, et  Ton  part  de  là  pour  en  déterminer  le  sens,  à  l'aide 
des  langues  successivement  parlées  par  nos  ancêtres.  Par- 
fois, c'est  l'étude  comparée  de  tous  les  noms  de  lieu  d'une 
région,  aujourd'hui  française,  qui  permet  d'arriver  à  l'éty- 
.  mologie  d'une  série  importante  de  vocables  géographiques. 
Les  progrès  accomplis  depuis  un  demi-siècle  dans  les 
études  de  philologie  en  général,  et  de  philologie  celtique 
en  particulier,  ne  sont  pas  sans  utilité  pour  ce  genre 
d'études. 


ORIGINES     GRECQUES 


Les  noms  de  lieu  actuels  du  teriiloire  français  ne  nous 
apprennent  rien,  pour  ainsi  dire,  sur  les  colonies  que  les  Grecs 
ou  les  Phéniciens  formèrent  jadis  en  Gaule,  et,  semble-t-il, 
presque  exclusivement  dans  la  Gaule  méridionale. 

1.  Pour  les  Grecs,  par  exemple,  leur  plus  importante  colonie 
de  Gaule  fut  Marseille,  fondée  par  les  Phocéens  vers  l'an  600 
avant  notre  ère  ;  or  le  nom  ancien  de  cette  ville,  MaaaaX'la  en 
grec,  Massilia  en  latin,  n'est  peut-être  pas  dorigine  grecque  :  il 
est  possible  que  ce  soit  simplement  un  nom  indigène,  par  exemple 
ligure,  puisque  Marseille  fut  fondée  dans  une  contrée  où  domi- 
naient alors  les  Ligures. 

Quelques  noms  géographiques  d'origine  grecque  sont  mention- 
nés et  appliqués  à  des  localités  de  Gaule,  par  d'anciens  auteurs 
grecs  ou  latins,  mais  tous  désignent  des  localités  situées  sur  les 
côtes  de  la  Méditerranée.  Tels  sont,  par  exemple,  Athenopolis, 
Portus   Herculis  Monoeci,  N-'y.a'.a,  'Avti-sa'.ç,  'Av^O-/;.  'Aspc- 

Or,TlXÇ. 

2.  Athenopolis,  la  ville  de  Minerve,  localité  dont  le  nom 
ne  paraît  pas  avoir  subsisté,  et  dont  la  situation,  qui  n'a  i)as  été 
déterminée  d'une  façon  certaine,  répond  peut-être  à  celle  do 
Saint-Tropez  (Var). 

3.  Portus  Herculis  Monoeci  était,  ce  nom  l'indique  sulll- 
samment,  le  port  consacré  à  'Hpay.A-^ç  McvoTy.îç,  dénomination 
grec(|ue  d'un  Hercule  solitaire  ([ui  n'est  autre,  paraît-il,  que 
THercule  tyrien,  c'est-à-dire  le  dieu  phénicien  Melkarth.  C'est 
aujourd'hui  Monaco,  que  l'on  désignait  encore  au  xvii''  siècle  sous 
le  nom  de  Moiin/iics  ou  Moiin/iiez  '. 

Deux  autres  localités  de  la  même  région  étaient  dédiées  à 
Hercule,  à  en  juger  par  leur  nom  d'Heraclea. 

1.  Voir  H.  Boiiclie,  Aa  chorrxjruphic  ou  ilpxcrifi^ioii  <li'  Prannirr  Aix, 
1664,  2  vol.  iii-fol.),  pnasim. 


8  -  T. ES    NOMS    DE    LIEL' 

4.  L'une  d'elles  était  située,  croit-on,  vers  Saint-Gilles  (Gard), 
c'est-à-dire  à  l'ouest  de  l'embouchure  du  Rhône. 

5.  L'autre  est  Heraclea  Caccabaria,  qu'on  a  placée,  non 
sans  vraisemblance,  au  sud  de  Saint-Tropez,  vers  la  baie  de 
Cavalaire. 

On  est  assez  porté  à  considérer  ces  deux  Heraclea,  de  même 
que  Monaco,  comme  d'anciens  comptoirs  phéniciens  qui  auraient 
ensuite  passé  aux  Grecs. 

6.  Nr/.aïa.  nom  grec  reproduit  par  le  latin  Nicaea,  désigne  la 
ville  de  Nice.  Ce  nom,  qui  signifie  littéralement  «  la  victo- 
rieuse »,  s'appliquait  peut-être  originellement  à  un  sanctuaire 
de  la  Victoire,  Niv.t;,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  ici  de  Minerve, 
ou  plutôt  de  Pallas,  qui  était,  on  le  sait,  honorée  sous  ce  surnom 
dans  la  citadelle  de  Mégare,  en  Attique. 

7.  'AvTizoA'.ç,  c'est-à-dire  «  la  ville  d'en  face  »,  devait  son  nom 
à  sa  situation  opposée  à  celle  de  Nice,  de  même  que  la  Aille 
actuelle  de  Tortose,  en  Syrie,  située  en  face  de  l'île  d'Aradus,  fut 
jadis  appelée  Antaradus.  C'est  la  moderne  Antibes,  en  pro- 
vençal Antiboul,  ce  dernier  nom  accentué  sur  la  seconde  syllabe. 

8.  'AvxOy;,  qui,  comme  Nice  et  Antibes,  était  à  l'origine  un 
comptoir  marseillais,  est  aujourd'hui  la  ville  d'Agde  (Hérault). 
Suivant  Timosthène  que  cite  Etienne  de  Byzance,  le  nom  com- 
plet de  cette  localité  aurait  été  AvaOr,  ^'^'/Jn  c'est-à-dire  «  Bonne 
Fortune  ». 

9.  Aopoo'.Tiac,  c'est-à-dire  «  lieu  consacré  à  Vénus  »,  est  le 
nom  qu'Etienne  de  Byzance  donne  à  Port-Vendres  (Pyrénées- 
Orientales)  dont  le  nom  actuel  dérive  du  latin  Portus  Veneris 
au  même  titre  que  vendredi  de  Venèris  dies. 

10.  Tels  sont  les  quelques  vocables  géographiques  d  origine 
grecque  qui  ont  pu  être  relevés  sur  notre  pays.  Ce  modeste 
ensemble  n'a  pas  suffi  à  certains  esprits  qui,  voulant  voir  en 
Gaule  de  plus  nombreux  vestiges  de  colonisation  grecque,  ont 
cru  trouver  satisfaction  dans  certaines  régions  avoisinant,  les 
unes  l'Océan  Atlantique,  les  autres  l'embouchure  de  la  Somme. 
Les  noms  géographiques  sont  ici  les  seuls  témoins  invoqués  :  eii 
l'espèce,  ils  ne  prouvent  pas  grand'  chose.  Sans  doute,  dans  les 
départements  des  Landes,  du  Gers,  des  Basses-Pyrénées  et  des 
Hautes-Pyrénées,  un  assez  grand  nonii)r('  de  villages  ont  h'ur 
nom  Irriuiiié  on   o.s,   Alhos,   Pissos,  Ibos  ;  mais  l;i  Icrminaisoii  di- 


oKir;i>i:s  (iiiKCouKS  H 

ces  noms,  correspondant  à  une  syllabe  accentuée  du  nom  primi- 
tif, est  sans  rapport  avec  la  terminaison  grecque  -oç  qui  n'aurait, 
en  français,  pas  laissé  plus  de  traces  que  les  terminaisons  latines 
-us  et  -um,  appartenant  à  des  syllabes  post-toniques. 

Les  prétendues  preuves  de  colonisation  grecque  vers  1  embou- 
chure de  la  Somme  ne  sont  pas  plus  convaincantes.  Il  se  peut 
que  le  nom  primitif  de  Saint- Valery-sur-Somme  soit  Leuconaus, 
comme  le  dit  la  Vita  Sancti  Walarici,  écrite  au  vu®  siècle  ;  mais 
c'est  à  tort  qu'on  voudrait  reconnaître  dans  ce  vocable  deux  mots 
grecs,  l'adjectif  Xeuy.iç,  «  blanc  »,  et  le  substantif  vau;,  «  vais- 
seau ».  La  terminaison  du  nom  Leuconaus  n'offre  qu'un  rapport 
fortuit  avec  le  mot  grec  ^ouq  :  ce  nom  paraît  formé  à  l'aide  d'un 
suffixe  -a vus  (réduit  de  bonne  heure  à  -aus),  qu'on  trouve  dans 
certains  noms  de  lieu  de  la  Gaule,  tels  Andelaus,  Merlavus, 
'Vertavus,  et  notamment  Vinimaus  etTellaus,  ces  deux  der- 
niers noms  désignant  deux  régions  peu  éloignées  de  Saint- Valéry, 
le  "Vimeu  et  le  Talou. 

Il  convient  donc  de  ne  pas  exagérer  la  recherche  d'éléments 
grecs  dans  la  toponymie  française,  d'autant  plus  que  les  anciens 
noms  grecs  qui  se  sont  perpétués  jusqu'à  nous,  tout  comme  les 
mots  qui  du  latin  sont  passés  dans  notre  langue,  ont  été  altérés 
de  telle  façon,  que  leurs  formes  modernes  n'offrent  rien  qui 
accuse  leur  origine,  et  sont  presque  méconnaissables,  ainsi  qu'on 
l'a  vu  par  l'exemple  d'Agde,  d'Antibes,  de  Nice  et  de  Moun/iics. 


II 

ORIGINES     PHÉNICIENNES 


11.  Les  noms  de  lieu  n'apprennent  rien  sur  les  colonies  phéni- 
ciennes qui  ont  pu  ou  même  qui  ont  dû  exister,  à  une  époque 
antérieure  à  la  fondation  de  Marseille,  dans  le  voisinage  de  la 
Méditerranée.  Il  est  vraisemblable  que  la  plupart  des  établisse- 
ments grecs  dont  le  nom  rappelait  celui  d'Hercule,  sont  d'anciens 
comptoirs  phéniciens  passés  aux  Grecs,  et  que  le  nom  d'Hercule 
évoquait  là  le  souvenir  du  personnag'e  mythologique  que  les  Grecs 
appelaient  l'Hercule  tyrien,  et  que  les  Tyriens  —  qui  ont  porté  son 
culte  à  Cadix,  à  Malte  et  à  Carthage  —  nommaient  Melkarth. 
Mais  il  est  périlleux  de  vouloir  distinguer,  parmi  les  localités  de 
la  Gaule  dont  les  écrits  de  l'antiquité  nous  ont  transmis  les  noms, 
celles  dont  les  vocables  peuvent  dériver  de  quelque  langue  sémi- 
tique. Par  exemple,  dans  le  nom  de  Ruscino,  qui  désigna  tout 
d'abord  Gastell-Rossello,  près  de  Perpignan,  en  attendant  que  le 
nom  de  Roussillon  lut  appliqué  à  un  comté,  puis  à  l'une  de  nos. 
provinces,  on  a  voulu  voir  la  racine  rus,  qui  figure  dans  bien  des 
noms  géographi(jues  africains  d'origine  punique  (Rusadir,  Rus- 
gunia,  Rusuccurum),  et  dont  lesens,  identique  à  celui  de  ros, 
si  fréquent  dans  les  dénominations  géographiques  d'origine  arabe, 
répond  au  français  «  cap  »  ou  «  promontoire  »  ;  mais,  outre 
que  la  position  de  Gastell-Rossello,  même  s'il  s'était  produit  un 
changement  important  dans  la  configuration  du  littoral  méditer- 
lanc'en,  ne  permet  guère  cette  conjecture,  le  rapprochement  est 
peut-être  tout  fortuit.  Il  serait  plus  raisonnable  de  dire  (jue 
Ruscino  se  rapproche  par  sa  terminaison  de  Rarchino, 
aujourd'hui  Barcelone,  ville  d'Espagne  certainement  d'origine 
punique,  puisqu'elle  a  été  fondée  par  Amilcar  Rarca,  vers  2H0 
avant  .1. -(!),,  que  son  nom  parait  bien  avoir  été  formé,  à  l'aide 
<l  un  suffixe  puni(jue,  sxu-  liarcn.  Ruscino  procède-t-il  pareille- 
MuMil  d'un   iimn  dhointnc  Ici  ([uc  lifisrn!   (  )m  no  peut  ([uc  le  sup- 


ORIGIÎSES    PHÉNICIENNES  I  1 

Les  noms  phéniciens  ou  puniques  ne  doivent  d'ailleurs  pas 
avoir  été  très  nombreux  en  Gaule  ;  et,  comme  les  monuments  de 
l'antiquité  ne  nous  en  font  connaître  aucun  dont  le  caractère 
ethnique  soit  certain,  il  faut  se  garder  d'en  chercher  des  vestiges 
sous  les  formes,  souvent  si  trompeuses,  de  la  nomenclature 
géographique  moderne  de  notre  pays. 


III 

ORIGINES     LIGURES 

12.  Les  Ligures  qui,  lors  de  la  conquête  romaine,  occupaient 
les  régions  alpestres  de  la  Haute-Italie  et  de  la  Gaule,  semblent 
avoir  dominé  jadis  sur  une  bien  plus  grande  étendue  de  pays. 
En  effet,  selon  Justin,  qui  n'est  que  Fabréviateur  de  Trogue- 
Pompée,  historien  latin  contemporain  d'Auguste  et  originaire  de 
la  cité  des  Voconces,  c'est  '<  inter  Ligures  et  feras  g  entes 
Gallorum  »,  sur  le  territoire  des  Segobriges,  que  les  Phocéens 
auraient  fondé,  vers  l'an  600  avant  J. -G.,  la  ville  de  Marseille. 
Festus  Avienus,  qui  écrivait  à  la  fin  du  iv"  siècle  de  notre  ère, 
en  s'aidant  de  documents  postérieurs  d'un  siècle  environ  à 
la  fondation  de  Marseille,  dit  que  le  Rhône  formait  la  limite 
entre  l'Ibérie  et  les  rustiques  Ligures.  Cependant  on  a  lieu  de 
croire  qu'il  y  avait  des  colonies  ligures  au  nord  des  Pyrénées,  si 
même  à  un  moment  donné,  ce  peuple  n'a  pas  occupé  le  pays 
situé  entre  ces  montagnes  et  le  Rhône  :  le  souvenir  en  subsiste 
dans  le  nom  de  Livière,  porté  par  une  plaine  voisine  de  Nar- 
bonne,  que  Grégoire  de  Tours,  dans  son  Liher  in  fjlorin  rnar/y- 
runi\  désigne  sous  le  nom  de  Liguria. 

Suivant  l'opinion  des  savants  modernes  cjui  se  sont  occupés 
d'ethnographie  avec  le  plus  de  succès,  Mûllenhotîen  Allemagne, 
d'Arbois  de  Jubainville  en  France,  les  Ligures  seraient  venus 
des  régions  de  la  mer  du  Nord,  chassant  devant  eux  les  Sicanes, 
établis  alors  en  Gaule,  qu'ils  poursuivirent  jusqu'en  Italie,  où  ces 
derniers  ne  purent  d'ailleurs  se  maintenir.  En  un  mot,  les  Ligures 
auraient  domim- (|urh|u('  temps  jusijiic  vers  les  conliiis  do  l'I^tru- 
rie,  et  même  fondé  en  ]']spagne  une  colonie  dont  1  eniplacemenl 
est  diflicile  à  déterminer,  mais  qui  aurait  coinj)ris  la  région  avoi- 
sinant  les  sources  du  Hetis,  c'est-à-dire  du  (iuad.ihpiivir  actuel. 
ICn  Gaule,  ils  durent  céder  le  pas  aux  poj)ulations  c(^lli(|U('s  cpii  y 
■irrivérf'nt  cinf|  ou  six  siècles  .ivant  l'ère  chré'tiennc 

1.     Miiniuiinitl.i  fii'fiii.-ini.ii-  liisliii-ii;i,  .S'c/'/'/j/m/cs  rfiiini   iiirii,rin</lr;iril  m .   I, 


Dail.INES     LKiUUES  13 

La  langue  des  Ligures  s'est  perdue  sans  laisser  de  traces  bien 
apparentes,  et  aucune  inscription  ligurienne  n'a  été  trouvée  dans 
les  Alpes  maritimes,  qui  furent  comme  le  dernier  refuge  de  leur 
indépendance.  Cependant  on  possède  quelques  données  sur  des 
noms  propres  qui  peuvent  être  attribués  à  cette  nation. 

13.  Un  texte  épigraphique  ^  remontant  à  l'an  147  avant  J. -G. 
et  trouvé  dans  la  Valle  di  Polcevera,  près  de  Gênes,  soit  en 
pleine  Ligurie,  est  particulièrement  instructif  à  cet  égard. 
Reproduisant  une  sentence  arbitrale  prononcée  par  les  frères 
Minucius  entre  les  Génois  et  les  Viturii,  il  renferme  des  noms 
propres  de  populations,  de  villag-es,  de  forteresses,  de  montagnes, 
de  vallées,  de  cours  deau,  et  parmi  ces  appellations,  au  nombre 
de  ving-t-neuf,  on  distingue  les  noms  Neviasca,  Vinelasca  — 
répété  sous  la  forme  Vinelesca  —  Veraglasca  et  Tutelasca, 
tous  appliqués  à  des  cours  d'eau.  Le  suffixe  -asca  qu'ils  pré- 
sentent, et  dont  on  constate  ainsi  la  fréquence  relative  dans 
cette  inscription,  peut  être  d'autant  mieux  considéré  comme 
particulier  aux  Ligures,  qu'on  ne  le  rencontre  dans  aucune 
des  lang'ues  de  l'Europe  occidentale  qui  nous  sont  connues  ~. 

Il  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  dans  le  suffixe  -asca 
la  forme  féminine  d'un  suffixe  encore  vivant  dans  la  Haute-Italie 
et  dans  la  région  alpestre,  où  on  l'emploie  pour  la  formation 
d'ethniques  tels  que  bergamasque,  crémasque,  monégasque,  mots 
italiens  francisés  qui  désignent  les  habitants  de  Berg-ame,  de  Crème 
et  de  Monaco.  La  forme  masculine  paraît  dans  les  noms  de  lieu 
Areliascus  etCaudaliascus,  qu'on  litdansla  Table  alimentaire 
de  Veleia,  document  épig-raphique  de  l'ancienne  Etrurie '.  Ce 
suffixe  étant  à  bon  droit  considéré  comme  ligure,  on  a  intérêt  à 
rechercher  s'il  a  laissé  des  traces  en  France. 

On    peut     répondre    affirmativement    à    cette     question    par 


1.  Corpus  inscriptionmn  lalinarum,  V,   886. 

2.  La  même  inscription  présente  'd'autres  sufûxes  de  noms  de  lieu,  tels 
que  -emia,  -inus,  et  -atis  ou  -aies,  qu'on  peut  aussi  attribuer  aux 
Ligures  ;  mais  les  deux  derniers  ne  leur  étaient  pas  spéciaux,  car  ils  se 
retrouvent  dans  d'autres  langues  indo-européennes;  quant  à  -emia,  il  est 
difficile  à  reconnaître  dans  les  formes  médiévales  ou  moilernes  des  noms  de 
lieu  ;  on  n'en  tiendra  donc  pas  compte  ici. 

3.  Ces  deux  vocables  figurent  à  la  page  xvii,  ligne  21,  du  texte  de  la 
Tabula  alimentaria  Veleialium  qu'Ernest  Desjardins  a  donné  à  la  suite  de 
sa  liièse  (le  (loclorat  />'•  /.i/iulis  alinii'n/.iriis,...  (Paris,  iSili,  in-5-"). 


fi  Lies    >'OMS    DE    LIEU 

l'examen  de  deux  précieux  documents  de  la  période  franque 
intéressant  le  pavs  compris  entre  le  Rhône  inférieur  el  les  Alpes, 
cest-à-dire  le  Testament  du  patrice  Abbon,  qui  date  de  739  ',  et  le 
Polvptique  de  l'églisede  Marseille-,  rédigé  vers  815,  sousl'évéque 
Wadald.  Le  premier  de  ces  textes,  dans  lequel  sont  énumérées 
d'assez  nombreuses  localités  de  la  Provence,  du  Dauphiné  et  des 
régions  voisines,  en  mentionne  au  moins  quatre  dont  le  nom  est 
terminé  en  -asca  ou  -ascus  :  Annevasca,  Cravasca,  Bar- 
ciascus,  Bicorascus  ;  et  sept  autres  présentant  le  suffixe 
-oscus,  qui  paraît  n'être  qu'une  variante  du  précédent:  x\lba- 
rioscus,  Bonnoscus,  Gattaroscus,  Cravioscus,  Lavarios. 
eus,  Lavarnoscus,  Riacioscus.  Quant  au  Polyptique  de 
l'église  de  Marseille,  on  y  rencontre  Albarascus,  Albaroscus, 
Albioscus,  Curioscus,   Dailosca,  Lebrosca,  Mainosca. 

On  ne  connaît  malheureusement  pas  toujours  l'équivalent 
moderne  de  ces  vocables. 

Aux  deux  suffixes  presque  analogues  -ascus  et  -oscus,  il 
faut  sans  doute  en  joindre  un  troisième,  -uscus,  qui  termine, 
dans  Pline  et  dans  Ptolémée,  le  nom  d'une  population  alpestre, 
donc  vraisemblablement  ligure,  les  Rugusci.  Il  serait  imprudent 
d'ajouter  à  ces  trois  suffixes,  les  suffixes  -esc  et  isc,  qui  complé- 
teraient la  gamme  vocale,  car  ces  deux  derniers,  lorsqu'ils  se  pré- 
sentent dans  les  noms  de  lieu,  proviennent  le  plus  souvent  d'un 
suffixe  germanique,  subsistant  dans  l'allemand  -isch  et  dans 
l'anglais  -ish,  fjui  caractérisent  surtout  des  adjectifs  ethniques. 
Pour  ne  pas  risquer  d'attribuer  une  origine  ligure  à  des  noms  en 
réalité  germaniques  ou  semi-germaniques,  il  faut  donc  n'admettre 
pour  ligures  ou  semi-ligures  que  des  vocables  dont  le  suffixe 
était  originellement  -asc,  -esc  ou  -use. 

14.  En  disant  «  ligures  ou  semi-ligures  »,  on  entend  bien  préci- 
ser que  les  noms  dans  lesquels  on  reconnaît  ces  sufFixes,  sont  h)in 
de  remonter  tous  avec  certitude  à  la  période  ligurienne  du  passé 
de  hi  France  méridionale,  car  l'un  de  ces  suflixes  est,  on  vient 
de  le  voir,  usité  de  nos  jours  encore  pour  la  formation  d'adjectifs 


1.  I\nrclf'.ssiis,  Diplomuln,  11,370-378. 

2.  l'ulilif';  en   18!i7  par  Guérard,  à  la   suile  tlu   (.ariiiluire  de  l  nbLmjc  df 
Saint- Virlor  Je  Marseille,  dans  le  l.  IX  (j).  033-0;)4)  de  l.i  Culleclion  des  car- 

lljl.'lIl-i'H  ilr  Fnilirr. 


OUIGINES    LIOLUKS  lo 

ethniques  dans  la  Haute-Italie.  Les  suffixes  ligures  paraissent 
être  restés  en  usag'e  pour  la  formation  des  adjectifs  à  l'époque 
romaine,  et  sans  doute  môme  à  l'époque  franque,  dans  les  pays 
précédemment  habités  par  les  Ligures,  et  dans  lesquels,  par 
conséquent,  leur  langue  avait  été  usitée.  Par  un  phénomène 
dont  on  peut  citer  d'autres  exemples,  le  suffixe  -asc  survécut  à  la 
langue  à  laquelle  il  appartenait.  Le  fait  est  d'ailleurs  parfaitement 
établi,  grâce  à  une  dissertation  sur  certaines  formes  de  noms  de 
lieu  de  la  Haute-Italie,  qu'un  érudit  italien,  Jean  Flechia,  a  com- 
muniquée en  1870  et  1871  à  l'Académie  royale  des  Sciences  de 
Turin  \  et  dans  laquelle  sont  énumérés  plus  de  cent  trente  noms 
en  -asca  ou  en-  asco  appartenant  aux  provinces  italiennes  situées 
au  nord  de  l'Etrurie,  et  que  Ton  sait  avoir  été  occ'upées,  dans  une 
certaine  période  de  l'antiquité,  par  les  Ligures.  A  côté  des  noms 
Affli-ascu,  Barhari-asco,  Corneyli-asca,  Lisin-asco,  qui  sont  cer- 
tainement dérivés  des  gentilices  ou  noms  de  famille  romains 
AUius.  Barbarius.  Calvinius,  Cornélius  et  Licinius,  et 
qui  ne  peuvent  dater  que  de  l'époque  à  laquelle  la  Ligurie  était 
devenue  romaine,  on  trouve,  dans  la  liste  dressée  par  Flechia,  des 
noms  manifestement  postérieurs  à  l'époque  romaine,  dérivés  qu  ils 
sont  de  noms  d'origine  germanique  :  par  exemple  Boson-asco  ou 
Bosn-asco,  Garibald-asco,  Gepkl-asco,  formés  sur  les  noms 
d'homme  Boso,  Garibaldus  et  Gepidus.  Ces  noms  de  lieu 
liguro-lombards  sont,  à  la  vérité,  en  nombre  relativement  peu 
élevé. 

Sous  réserve  de  ce  qui  vient  d'être  dit  relativement  aux 
noms  de  lieu  formés,  soit  à  l'époque  romaine,  soit  à  l'époque 
franque,  à  l'aide  du  suffixe  ligure  -asc,  il  convient  d'examiner  les 
noms  de  lieu  du  territoire  français  dont  la  forme  primitive  était 
en  -asca,  -ascus,  -osca,  -oscus,  -usca,  -uscus,  afin  de  voir 
s'ils  permettent  d'admettre,  avec  les  savants  ethnographes  de 
notre  temps,  que  les  Ligures  ont  étendu  jadis  leur  domination 
en  France,  sur  des  pays  autres  que  ceux  où  nous  les  trouvons 
confinés,  à  l'époque  oii  fut  constituée  la  Province  Pionuiinc. 


l.  1)1  alcune  forme  de  nuini  locnli  deU'  llalia  superiorc,  dis^erlnzione  liii- 
ffiiistica,  dans,  Meinoricdellii  renie  Accadernia  dellc  s^cienze  di  Torino,  2"  série, 
XXVII  (1878),  273-374;  au  suffixe  -ascn  sont  spécialement  consacrées  les 
pa.tres  333  à  3iO. 


LHS    iN'OMS     DE    LIEL' 


Ces  noms  de  lieu  se  rencontrent  dans  toute  l'étendue  de  pays 
comprise  entre  le  Rhône  et  la  Saône  d'une  part,  les  Alpes  et  le 
Jura  d'autre  part.  On  les  trouve  aussi  à  l'ouest  du  Rhône,  dans 
le  Vivarais,  l'Auvergne,  le  Rouergue  et  la  Bourgogne  ;  en  outre, 
on  en  constate  la  présence  plus  au  nord,  jusque  dans  les  environs 
de  Metz,  si  toutefois  on  peut  faire  état  du  nom  de  Caranusca, 
que  la  Table  de  Peutinger  attribue  à  une  station  itinéraire,  située 
entre  Metz  et  Trêves  ;  et,  du  côté  du  midi,  on  en  rencontre  un 
exemple  dans  le  département  de  l'Hérault.  De  sorte  que  la  topo- 
nomastique  permet  d'affirmer  que  les  Ligures  habitèrent  jadis 
dans  une  vingtaine  au  moins  de  nos  actuelles  circonscriptions 
départementales. 

15.  Parmi  les  suffixes  caractéristiques  de  ces  noms  de  lieu, 
c'est  le  féminin  -asca  qui  est  le  plus  reconnaissable  dans  les 
formes  qu'il  revêt  ordinairement  :  -asque  dans  les  pays  de  langue 
doc,  -ache  dans  ceux  de  langue  d'oïl. 

Annavasca,  739  :  Névache  (Hautes-Alpes). 

Baascha,  xn*  s.,  pour  un  plus  ancien  Badasca  ou 
Bagasca  :  Saint-Seine-en-Bâche  et  Bauche,  commune  de 
Saint-Symphorien  (Côte-d'Or), 

Girvascha,  xn*^  s.  :  Gillivache  (Isère,  commune  de  Bresson). 

Gratiasca,  xi«  s.  :  Gréasque  (Bouches-du-Rhône). 

Manoasca,  xu^  s.  :  Manosque  (Basses-Alpes), 

«  Inter  duas  Severiascas  »,  \  148  ;  texte  s'appliquant  à  deux 
affluents  du  Drac  (Hautes- Alpes),  la  Severaisse  et  la  Severais- 
sette. 

Vindasca,  iv"  s.  :  Venasque  (Vaucluse),  qui  a  donné  son 
nom  au  Comtat-Venaissin. 

16.  Quant  au  masculin  -a  se  us  ou  à  son  accusatif  -ascum, 
s'il  est  généralement  h  peine  altéré  dans  les  pays  de  langue  d'oc, 
on  le  reconnaît  moins  aisément  dans  ceux  de  langue  d'oïl,  où  il 
s'est  réduit  à  a,  aujourd'hui  noté  de  diverses  façons. 

Avanascus,  123(1  :  Saint-Sixte  d'Avenas  (Hérault). 

Brascus,  ix"  s.,  chef-lieu  de  la  vicaria  Brascensis  :  Brasc 
(Aveyron). 

Caban  ascum,  mn""  s.   :  ancien  prieuré  du  diocèse  de  (iap. 

M  ai  a  se  us,  ix*  s.  :  Maatz  (Haute-Marne). 

MarasCy  Il.'i7,  do  Marasco,  1188,  cniifondu  (\rs  le  \i\'  s. 
avoc  marescus  :  Marac  (^Haute-Marne). 


UHlGliNES    IJUUKKS  17 

Pahiriascus,  époque  carolingienne  :  Pailharès  (Ardèchej. 

Salascus,  i\^  ou  x*'  s.  :  Salasc  (Hérault). 

Soleilhascus  ou  Soleilhascum,  forme  basse  :  Soleilhas 
(Basses-Alpes). 

Vennaschus  ou  Vennascum,  localité  aujourd'hui  inconnue, 
mentionnée  en  i079  dans  une  charte  de  Tabbaye  de  Gellone. 

17.  Les  suffixes  féminins  -osca,  -usca,  fréquemment 
confondus  au  moyen  Bge,  devraient  donner  en  langue  d'oc 
-osqiie,  -usque,  en  langue  d'oïl,  oche,  -uclie. 

Lantosca,  xii*'  s.  :  Lantosque  (x\lpes-Maritimes). 
Gentusca,  1149  :  Santoche  (Doubs). 

18.  A  ces  noms  il  convient  d'ajouter  les  suivants,  dont  on 
ignore  les  formes  anciennes  : 

Eydoche  (Isère),  Lambruche  (Basses-Alpes),  Mantoche  (Haute- 
Saône). 

19.  Beaucoup  plus  fréquent  que  son  féminin,  le  masculin 
-ose us,  -uscus,  se  reconnaît  aisément  dans  les  contrées  de 
langue  d'oc  sous  les  formes  -ose,  -use  ;  on  le  pressent  moins  dans 
les  formes  vulgaires  en  -oc,  -ost,  -ot,  -ou,  -oud  et  -eux  qu'il  a 
prises  en  langue  d'oïl,  par  suite  de  l'assourdissement  de  Vs 
d'abord,  du  c  ensuite. 

Albioscus,  viii*^  ou  ix®  s.  :  Albiosc  (Basses-Alpes). 

Baroscus,  986  :  la  forêt  de  Barou  (Saône-et-Loire). 

Blanuscus,  927  ;  Blanoscus,  xri^  s.  :  Blanot  (Saône-et- 
Loire),  qui  a  un  homonyme  dans  la  Gôte-d'Or. 

Branoscus,  xiv^  s.  :  Branoux  (Gard). 

Brinosc,  1100  :  Brignoux  (Isère). 

Gadaroscus,  845,  où  il  faut  vraisemblablement  reconnaître 
un  cognomen  formé  sur  le  grec  xaOapiç  :  Cadarot  (Bouches-du- 
Rhône,  commune  de  Berre). 

Gagnoscus,  xi"  s.  :  Saint-Jacques-de-Gagnosc  (Var). 

Ghanozco,  960  ;  Gannoscus,  1050  :  Chanos  (Drôme). 

Gamaloscus,  1299,  et  en  langue  vulgaire  C/«cmi/i/o.s/,  xiii'' s,  : 
Chamaloc  (Drôme). 

Gambloscum,  ix*  s.   :  Champlost  (Yonne). 

Gamboscus,  xii"  s.  :  Chambost  (Rhône). 

Gurioscus,  814  :  Curiusque  (Basses-Alpes). 

Flaioscus,  xi*'  s.,  formé  probablement  sur  le  gentilice 
Flavius  :  Flayosc  (Var). 

l^es   noms  de-  lieu.  2 


18  l-I..-^    >U.\]?     LtE    LILLX 

Hemuscum,  1293  :  Eymeux  (Droraei. 
Monsioscus,  x^  s.    :  Monsols  ^ Rhône). 
Noioscus,  970  :  Niost  (Ain). 
Ornosc,  x^  s.  :  Larnaud    Jura). 
Siguroscus,  852  :  Sirod  \^Jura). 
Vallis  Venusca,  8i8  :  Venosc    Isère;. 
Velioscus,  1038  :  Vilhosc  i  Basses- Alpes/. 
Vitroscus,  x'^^-xi^  s.  :  Vitrieux    Isère). 

20.  Le  nom  de  Vitrieux  appelle  une  observation  particulière. 
La  terminaison  qu  il  présente  est,  dans  la  région  où  est  située 
cette  localité,  propre  aux  noms  de  lieu  formés  à  laide  de  la  dési- 
nence d'origine  celtique  -iacus,  dont  il  sera  traité  plus  loin.  Il 
est  probable  que  ce  nom,  qui  ne  remonte  qu'à  l'époque  romaine 
—  on  y  reconnaît  le  gentilice  Victorius  —  eut  dès  l'origine 
deux  formes  indifféremment  usitées,  et  caractérisées  respective- 
ment par  le  suffixe  ligure  -oscus  et  le  suffixe  celtique  -acus. 
Cette  hypothèse  d'une  appellation  double  s'impose  aussi  à  propos 
d'Apinost  Rhône  ,  que  des  textes  du  x*^  siècle  appellent  Appen- 
niacus  ou  Appiniacus,  mais  dont  le  nom  actuel  ne  peut  s  expli- 
quer que  par  un  primitif  formé  à  l'aide  du  suffixe  ligure  -oscus. 

21.  A  la  précédente  nomenclature  il  faut  sans  doute  ajouter  les 
noms  suivants,  dont  les  formes  originelles  sont  inconnues  : 

Artignosc  iVar,,  Brusque  {Aveyron;,  Gilhoc  iArdèche;  —  dont 
la  terminaison  est  identique  à  celle  de  Ghamaloc,  —  Vanosc 
(Ardèche). 

22.  L  examen  attentif  des  noms  qui  précèdent  prouve  que 
l'ancien  suffixe  ligure  masculin,  souvent  reconnaissable  au  sud  de 
la  Durance  et  en  Dauphiné,  où  il  parait  aujourd  hui  sous  la  forme 
orthographique  -asc  ou  -use,  s'est  quelquefois  assourdi  eu  -o/, 
même  dans  la  Provence  méridionale,  témoin  le  nom  de  Cadarot. 
Cet  assourdissement  s'est  produit  encore  dans  le  nom  de  Cha- 
rnaloc,  où  Vs  a  disparu,  et  dont  le  c  final  n'est  j)lus  là  sans  doute 
que  comme  un  souvenir  :  on  1  observe  aussi  dans  le  nom 
(THymeux.  (lu'étymologiqucment  on  pounait  écrire  Enieusc; 
mais  on  le  constate  surtout,  au  nord  de  \  ienne  et  tle  Ly<ni,  dans 
]('.s  noms  de  Sirod,  de  Mousols,  de  Niost,  de  Blanosl,  de  Cliam- 
f>lost,  aussi  bien  que  dans  Rarou,  Branoux  et  Brignoux,  ou  1  o 
(le  -oscus  s'est  développé  en  ou. 

y.ïi  raison  «b-  <cs  faits,  il  est  impossibli-.  i|u;in<l  on  ne  possède 


ORlGINiS    LKilHKS  !9 

pas  de  formes  latines  réellement  anciennes,  de  distinguer,  parmi 
les  noms  de  lieu  modernes  en  -as  et  en  ~ot  qu'on  rencontre  dans 
la  partie  septentrionale  de  notre  pays,  ceux  qui  étaient  origi- 
nellement terminés  par  les  suffixes  ligures  -ascus,  -oscus  et 
-uscus. 

23.  On  hésite  aussi,  en  Tabsence  de  textes,  à  attribuer  une 
terminaison  ligure  féminine  aux  formes  primitives  des  noms  qui, 
dans  la  même  région,  sont  terminés  aujourd  hui  en  -ache,  -oche 
et  -oiiche,  et  qui,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  peuvent  avoir 
une  tout  autre  origine  :  c'est  ainsi  que,  par  exemple,  Cadarache 
(Vaucluse)  représente  le  latin  cataracta,  «  chute  d'eau  ». 

Dans  ceux  des  pays  de  langue  d'oc  où  s'assourdit  le  c  des 
suffixes  ligures,  il  est  également  difficile  de  déterminer  si  un 
nom  de  lieu  en  -as  dérive  de  -ascus  ou  de  -atis,  et  d'affirmer 
que  les  noms  de  lieu  en  -os,  si  nombreux  dans  les  départements 
du  sud-ouest,  dérivent  de  noms  primitifs  en  -oscus.  En  outre 
dans  le  département  de  TArdèche  les  noms  d'Arlebosc  et  de 
Malbosc  paraissent  complètement  étrangers  à  l'influence  ligure, 
car  on  sait  que  bosc  est,  dans  le  midi  de  la  France,  l'équivalent 
de  notre  mot  bois. 

Il  faut  donc  se  contenter,  jusqu'à  plus  ample  informé,  de 
savoir  que  les  suffixes  caractéristiques  des  pays  jadis  occupés 
par  les  Ligures  se  rencontrent  en  Provence,  dans  le  Dauphiné, 
la  Bresse,  la  Franche- Comté,  la  Bourgogne,  l'Auvergne,  le 
Rouergue,  le  Vivarais  et  le  Languedoc  oriental. 

24.  La  présence  d'un  élément  ligure  dans  la  nomenclature 
géographique  de  notre  pays  est  maintenant  un  fait  indiscutable. 
Mais  peut-être  d'Arbois  de  Jubain ville  va-t-il  trop  loin,  quand 
il  attribue  aux  Ligures  tous  les  vocables  d'apparence  indo- 
européenne, qui  ne  peuvent  s'expliquer,  ni  par  le  latin,  ni 
par  le  gaulois,  tels  les  noms  de  rivière  en  -ra  (Isara,  Avara, 
Tara,  .  Savara),  en  -antia,  -entia,  -ontia  (Asmantia, 
Druentia,  Alisontiaj,  en  -umna  (Olumna,  Garumna)  ou 
en  -ona  (Axona,  Matrona)  :  il  y  a  là  une  exagération  de 
nature  à  compromettre  les  résultats  certains  obtenus  à  si  grand' 
peine  d'une  étude  attentive  de  la  toponomastic(ue  française. 

25.  Ce  que  les  noms  de  lieu  en -ascus,  -oscus,  -uscus  nous 
apprennent  de  l'extension  géographique  des  Ligures,  on  pourrait 
l'induire  également  peut-être  des  vocables  de  même  ordre  termi- 


20  LES     NU.MS     DE    LIEL 

nés  par  un  autre  suffixe,  dont  nous  devons  la  mention  implicite 
à  Pline  l'Ancien.  En  signalant  Bodincus,  qu'il  traduit  par 
«  sans  fond  »,  (fundo  carens),  comme  le  nom  ligure  du  Po,  cet 
écrivain  nous  indique  suffisamment  -in eus  comme  un  suffixe 
ligure.  Celui-ci  se  retrouve  en  d'autres  noms,  malheureusement 
trop  rares,  que  fournissent  les  textes  antiques  :  Lemincum,  loca- 
lité du  pays  allobroge  que  représente  aujourd'hui  Lemens,  fau- 
bourg de  Chambérv;  Alisincum,  vraisemblablement  Saint- 
Honoré  (Nièvre);  Durotincumqu'ilfaut  chercher  dans  le  dépar- 
tement de  risère;  Agedincum,  qui  a  échangé  son  nom  contre 
celui  de  la  nation  celtique  des  Senones,  dont  elle  était,  au  temps 
de  César,  la  ville  capitale  ;  Yapincum.   Gap  (Hautes-Alpes). 

26.  Ce  suffixe,  qu'on  trouve  également  en  d  autres  noms  de 
lieu  pour  lesquels  on  ne  possède  pas  de  mentions  antiques, 
comme  celui  de  l'Albenc  (Isère),  s'étendait  donc  vers  le  nord,  au 
moins  jusqu'à  Sens,  de  même  que  le  suffixe  -ose us.  Mais  il 
serait  dangereux  d'être  plus  afïirmatif,  car  dans  les  formes 
modernes  des  noms  de  lieu  le  suffixe  -incus  se  distingue  diffici- 
lement d'un  suffixe  germanique  presque  identique,  -ing,  latinisé 
-ingum,  qui  se  retrouve  dans  le  haut  bassin  du  Rhône,  sous  la 
forme  -ans,  et  dans  le  Midi  sous  la  forme  -enc,  au  pluriel  -ens, 
formes  qui  représentent,  non  moins  régulièrement,  le  suffixe 
ligure  -incus. 

Il  faut  observer  que  ce  dernier  a  parfois  perdu  l'accent,  témoin 
le  nom  de  la  ville  de  Gap  et  la  prononciation  locale  Alb  du  nom 
de  lAlbenc. 


IV 
ORIGINES     PRÉSUMÉES     IBÈRES 

Les  Ibères  ont  dominé  dans  la  péninsule  hispanique  antérieu- 
rement à  l'invasion  celtique,  soit  au  iv'^  ou  au  v'"  siècle  avant 
notre  ère. 

Les  Aquitains  qui,  au  temps  de  César,  occupaient  la  région  de 
la  Gaule  comprise  entre  la  Garonne  et  les  Pyrénées,  s'étendaient 
antérieurement,  au  dire  de  Strabon,  jusqu'aux  Gévennes  ;  selon 
le  même  géographe,  ils  se  distinguaient  non  seulement  par  leur 
langage,  mais  aussi  par  leur  type  physique,  beaucoup  plus  rap- 
proché du  type  ibère  que  du  type  gaulois,  et  formaient  un  groupe 
complètement  distinct  des  autres  peuples  de  la  Gaule. 

Ce  pays  entre  Garonne  et  Pyrénées  fut  romanisé  avec  le  reste 
de  la  Gaule,  puis  occupé  au  v*"  siècle  par  les  Goths,  que  les 
Francs  remplacèrent  à  la  suite  de  la  bataille  de  Veuille  (507). 
Enfin,  moins  d'un  siècle  plus  tard,  la  contrée,  que  depuis 
l'époque  impériale  on  désignait  sous  le  nom  de  Novempopulanie, 
fut  envahie  par  les  ^^ascones,  habitant  anciennement  la  Can- 
tabrie,  et  dont  l'influence  sur  la  population  et  la  langue  du 
pays  auquel  ils  ont  donné  leur  nom  —  notre  Gascogne  —  est 
encore  des  plus  visibles  :  c'est,  en  effet,  à  cette  dernière  invasion 
qu'il  faut  sans  doute  attribuer  l'introduction  de  la  langue  basque 
en  Gaule,  oîi  elle  fut  d'ailleurs  assez  vite  refoulée,  et  confinée 
dans  ce  qu'on  appela  plus  tard  les  pays  de  Soûle  et  de  Labourd 
et  la  Basse-Navarre  ;  il  est  même  probable  que  cette  région  est, 
en  deçà  des  Pyrénées,  la  seule  où  les  Basques  formèrent,  sinon 
la  totalité,  du  moins  la  grande  majorité  de  la  population,  tandis 
que,  dans  les  parties  plus  septentrionales  de  la  Gascogne,  l'élé- 
ment romain  conservait  l'avantage  du  nombre. 

L'existence,  dans  vin  coin  de  l'Aquitaine  primitive,  dune 
population  si  caractérisée,  a  prévenu  favorablement,  et  de  bonne 
heure  déjà,  les  ethnographes  en  faveur  de  l'identité  des  Aquitains 
et  des  Basques  ;  mais  on  a  peut-être  eu  le  tort  d'oublier  la  date 
récente  de  la  venue  des  Gascons  on  Gauh\ 


22  LES    NOMS    DR    LIEU 

27.  L'argument  le  plus  considérable  pour  apparenter  la  langue 
des  Aquitains  réside  dans  le  nom  primitif  de  la  ville  d'Auch, 
Elimberris,  dans  Pomponius  Mêla,  Cliniberrum,  par  une 
faute  de  copiste,  dans  l'Itinéraire  d'Antonin,  Eliberre  dans  la 
Table  de  Peutinger.  On  a  rapproché  ce  nom  de  celui  d'Illiberis 
qui  s'en  disting-ue  cependant,  non  seulement  par  sa  lettre  initiale, 
mais  encore  par  le  redoublement  de  17  et  par  la  présence  d'un 
seul  r  au  lieu  de  deux  ;  et  comme  le  nom  d'Illiberis  s'appli- 
quait dans  l'antiquité  aux  villes  d'Elne  (Pyrénées-Orientales)  et 
de  Grenade  (Espagne),  on  a  voulu  voir  dans  ces  trois  villes,  trois 
localités  homonymes  qui,  par  leur  nom  d'origine  à  la  fois  ibé- 
rienne  et  basque,  et  par  leur  situation,  marquaient  les  points 
extrêmes  de  la  domination  ibérienne.  «  Ces  noms  mêmes,  dit 
Achille  Luchaire,  suffiraient  à  eux  seuls  pour  établir  que  le 
basque  fut  parlé  jadis  dans  l'Andalousie,  en  Gascogne  et  en 
Pioussillon  »  ;  et  il  déclare  ensuite  que  ces  noms  représentent  le 
nom  basque  iriherri,  que  traduisent  exactement  les  mots  «  ville 
neuve  ». 

A  ces  allégations  on  peut  objecter  que  les  trois  vocables  ne 
sont  pas  entièrement  identiques,  et  que  l'ancien  nom  d'Elne  et 
de  Grenade  ne  présente  pas  le  double  r  si  caractéristique  de 
l'adjectif  basque  herri  au  sens  du  français  «  nouveau  »  ;  d'autre 
part,  il  est  téméraire  d'aflirmer  l'identité  des  deux  syllabes  illi 
aveclemot  basque  iri  signifiant  «  ville  »  ;  enfin,  s'il  faut  en  croire 
Polybe,  le  nom  primitif  de  la  ville  d'Elne  lui  aurait  été  commun 
avec  un  cours  d'eau  voisin,  le  Tech  ;  or,  il  est  constant  que  dans 
les  cas  similaires,  c'est  le  cours  d'eau  qui  a  donné  son  nom  à  la 
ville,  et  la  traduction  d'Illiberis  par  «  ville  neuve  »  n'est  pas 
acceptable  pour  un  cours  d'eau.  L'étymologio  bas([ue  de  ce  nom, 
et  partant  l'identité  des  Aquitains  et  des  Basques,  se  trouvent 
donc  i>icn  compromises. 

Aussi  paraît-il  sage  de  se  ranger  à  l'avis  de  M.  Julien  Vinson  : 
«  La  science  ne  peut  rien  dire  encore,  ni  sur  l'origine  des 
Hasques,  ni  sur  la  langue  des  Ibères  ».  Peut-être,  comme  l'a 
pensé  Guillaume  de  Humboldt,  y  a-t-il  dans  l'Espagne,  et  même 
en  Gaule,  d'anciens  voca})les  géogra|>hiques  qu'il  est  possii)lc 
d'expliquer  par  le  bas(|ue,  ce  qui,  en  siq)posant  le  fait  avén-, 
prouverait  qu'avant  d'être  confines  dans  les  montagnes  de  la 
Cantabrio.  les  ancêtres  des  Rasque-s  avaient  r-n  des  établissements 


OUKIINKS    l'IlKSlMl'lKS    ItîKliES  2-i 

dans  diverses  parties  de  la  péninsule  ibérique  el  dans  la  Gaule 
méridionale  ;  mais  rien  ne  démontre  que  la  lang'ue  des  Ibères, 
et  par  suite  celle  des  Aquitains,  soit  représentée  aujourd'hui  par 
la  langue  basque;  celle-ci,  à  vrai  dire  —  le  fait  a  été  récemment 
démontré  —  renferme,  avec  une  grammaire  antique,  un  grand 
nombre  de  mots  romans. 

Si  l'on  ne  peut  identifier  avec  la  langue  ibérique  certains 
vocables  encore  usités  dans  la  France  méridionale,  et  dont  l'ori- 
gine est  peut-être  imputable  aux  Basques,  il  faut  cependant 
reconnaître  que  certaines  appellations  géographiques  françaises 
remontent  aux  Ibères. 

28.  Tel  est  en  premier  lieu  le  mot  nlison,  équivalent  du  latin 
al  nu  s,  et  représenté  par  l'espagnol  aliso,  dont  on  a  rapproché 
le  basque  elfza  et  l'allemand  else,  anciennement  eliza  ;  il  a  été 
latinisé  en  aliso,  alisonis,  réduit  plus  tard  à  also,  alsonis, 
qu'on  reconnaît  dans  Alzon  (Hérault],  Alzonne  (Aude),  et  dans 
le  nom  d'un  grand  nombre  de  cours  d'eau  :  l'Alzoïl  (Aveyron, 
Gard),  l'AuzOîl  (Basses-Alpes,  Ardèche,  Aube,  Gard,  Indre, 
Loire,  Haute-Loire,  Puy-de-Dôme,  Saône-et-Loire,  Vaucluse, 
Vienne)  :  on  peut  citer  plusieurs  cas  oîi  ce  dernier  nom  désigne 
non  seulement  le  cours  d'eau,  mais  encore  une  des  localités  rive- 
raines. 

29.  Alisos  est  aussi  la  racine  d'un  autre  nom  de  cours  d'eau 
dont  le  territoire  gaulois  fournissait  beaucoup  d'exemplaires, 
Alisontia.  Ce  nom,  appliqué  par  le  poète  Ausone  à  l'Elz,  affluent 
de  la  Moselle,  qui  coule  dans  la  région  de  Coblenz,  et  dont  on 
reconnaît  un  diminutif  dans  le  nom  de  l'Alzette,  qui  arrose 
Luxembourg,  a  désigné  aussi  l'Auzance,  fleuve  côtier  du  départe- 
ment de  la  Vendée,  et  son  homonyme  qui  passe  h  Vouillé  (Vienne), 
ainsi  que  l'Alsance,  affluent  du  Tarn;  c'est  sans  doute  lui  qui 
fournit  le  thème  étymologique  du  nom  des  communes  actuelles 
d'Aussonce  (Ardennes)  et  d'Auzances  (Creuse). 

30.  11  est  douteux  qu'alisos  soit  un  mot  ligure,  comme  le 
croyait  d'Arbois  de  Jubainville.  Il  existe,  à  la  vérité,  dans  la 
Corse,  où  les  Gaulois  n'ont  jamais  pénétré,  un  hameau  dénommé 
Alzone,  et  des  cours  d'eau  appelés  Aliso,  Alzeto,  Alizani  ;  mais 
dans  la  Ligurie  proprement  dite,  autrement  dit  dans  la  Haute- 
Italie,  on  n'observe  aucun  vocable  dérivé  d'alisos.  La  persistance 
d'aliso  en  espagnol  et    lo   basque  elfza,    autorisoni,  scmble-t-il, 


24  T'ES     ><»MS     DE    LIEU 

à  tenir  alisos  pour  un  mot  ibère  ;  les  Ibères,  qui  sont  la  plus 
ancienne  population  connue  de  l'Espagne,  ont  occupé,  nous 
l'avons  dit,  la  Gaule  du  sud-ouest  ;  d'ailleurs  leur  sphère  d'in- 
fluence dans  notre  pays  est  encore  à  déterminer. 

Pareille  origine  est  attribuable  aux  mots  arfig,  garric,  cahnis 
et  serra. 

31.  Le  premier,  qui  subsiste  en  Espagne  sous  la  forme  artiga, 
au  sens  de  défrichement  ou  d'essart,  avait  la  même  acception 
dans,  la  langue  du  Midi  ;  on  le  trouve  aussi  en  catalan  sous  la 
forme  artigo,  dont  le  patois  du  Limousin  olTre  la  variante  artijo  : 
ces  deux  dernières  formes  figurent  dans  le  Trésor  du  Félibrige 
de  Frédéric  Mistral.  Or,  il  est  curieux  de  constater  que  la  forme 
limousine  a  été  employée  comme  nom  de  lieu  en  Poitou,  en 
Bourbonnais,  dans  la  Marche  et  en  Auvergne  —  Artige  (Vienne), 
Arliges  (Allier,  Cantal,  Puy-de-Dôme),  Lartige  (Charente)  —  et 
que  la  forme  méridionale  Artigue  ou  Lartigue,  avec  ou  sans  s 
final,  accompagnée  ou  non  d'un  complément,  se  retrouve  dans 
des  vocables  géographiques  de  l'Ariège.  de  l'Aude,  de  l'Aveyron, 
de  la  Corrèze,  de  la  Haute-Garonne,  de  la  Gironde,  des  Landes, 
du  Lot,  de  Lot-et-Garonne,  des  Basses-Pyrénées,  des  Hautes- 
Pyrénées,  et  même  du  Var. 

32.  Voilà  donc  un  mot  d'une  langue  antéromaine,  qui,  encore 
employé  en  Espagne  —  où  il  n'est  pas  question  ici  d'en  déterminer 
l'extension  primitive  —  a  été  jadis  usité,  ainsi  que  les  noms  de 
lieu  l'attestent,  à  peu  près  dans  la  moitié  de  la  Gaule,  principale- 
ment dans  l'Aquitaine,  au  sens  large  de  ce  mot,  c'est-à-dire  dans 
tout  le  pays  compris  entre  les  Pyrénées  et  la  Loire  ;  et,  fait  inté- 
ressant à  noter,  on  le  trouve  même  à  l'est  du  Rhône,  dans  le 
département  du  Var.  Ce  mot,  antéromain  et  sans  doute  antécel- 
tique,  est-il  ibère,  est-il  ligure?  Ligure,  ce  n'est  guère  probable, 
car  alors  on  le  trouverait  dans  les  régions  de  la  Haute-Italie, 
dernier  refuge  de  l'indépendance  ligure  :  or,  on  ne  paraît  pas  1  y 
avoir  observé.  Ibère,  on  le  croirait  plus  volontiers,  puisque  c'est 
dans  la  langue  actuelle  de  l'Ibérie,  dans  l'espagnol,  qu'on  le 
retrouve  surtout  aujourd'hui,  et  puisqu'il  s'étend  en  France, 
non  seulement  dans  la  région  habitée  au  temps  de  César  par  les 
Aquitains,  dont  Strabon  indique  la  parenté  avec  les  Ibères,  mais 
aussi  au  delà  du  Rhône,  alors  qu'on  sait  que  les  Ibères  se  sont 
étendus  juscpi'.iu  lUiônc,  par  le  littoral  médiferranéen. 


ORIGINKS    PHÉSUMÉr^S    IUKURS  2") 

33.  Non  moins  intéressant  est  le  mot  gascon  et  languedocien 
ffarric,  au  sens  de  «  chêne  »,  qui,  au  delà  des  Pyrénées,  se 
retrouve  en  catalan  sous  la  forme  garrig.  Ce  mot,  qui  figure 
avec  ses  dérivés  dans  le  dictionnaire  provençal  de  Mistral,  ou, 
pour  parler  plus  exactement,  son  dérivé  garrigo,  au  sens  de 
«  chênaie,  lieu  planté  de  chênes  »,  a  pour  équivalent  limousin 
Jarrijo,  et  celui-ci  semble  avoir,  dans  les  régions  septentrionales, 
une  variante  jarrie,  dont  les  noms  de  lieu  révèlent  l'existence. 
On  rencontre  dans  la  France  méridionale  Garric  ou  le  Garric 
(Aude,  Avejron,  Hérault,  Tarn),  Garrigou  (Ariège,  Lot-et- 
Garonne),  la  Garrigue  (Aude,  Aveyron,  Cantal,  Dordogne, 
Haute-Garonne,  Hérault,  Lot,  Lot-et-Garonne,  Pyrénées-Orien- 
tales, Tarn,  Var),  parfois  orthographié  officiellement  Lagarrigue 
(Lot-et-Garonne,  Tarn),  Garrigues  ou  les  Garrigues  (Gard, 
Hérault,  Lot-et-Garonne,  Tarn,  Tarn-et-Garonne,  Yaucluse).  La 
forme  limousine  est  représentée  par  la  Jarrige  (Cantal,  Corrèze, 
Indre,  Haute-Loire,  Lot,  Puy-de-Dôme,  Vienne,  Haute- Vienne), 
et  les  Jarriges  (Charente,  Indre,  Vienne).  Enfin,  on  reconnaît  la 
variante  qui  peut  être  rapportée  à  la  langue  d'oïl  dans  la  Jarrie 
(Charente-Inférieure,  Cher,  Dordogne,  Indre-et-Loire,  Isère, 
Loire- Inférieure,  Maine-et-Loire,  Deux-Sèvres,  Vienne,  Yonne), 
les  Jarries  (Charente-Inférieure,  Vienne),  le  Jarriel  (Seine-et- 
Marne),  Jarrier  (Savoie),  le  Jarrier  (Eure,  Indre-et-Loire,  Loire- 
Inférieure,  Nièvre,  Orne,  Sarthe,  Seine-et-Marne),  les  Jarriers 
(Sarthe).  L'aire  géographique  du  mot  garric  et  de  ses  variantes 
ou  dérivés  est  plus  étendue,  on  le  voit,  que  celle  du  mot  artig, 
puisqu'elle  atteint  vers  le  nord  les  départements  de  la  Sarthe,  de 
l'Orne,  de  l'Eure  et  de  Seine-et-Marne,  vers  l'est  ceux  de  l'Isère 
et  de  la  Savoie.  D'après  ces  données,  qu'une  enquête  plus  appro- 
fondie pourra  modifier,  garric  semble  un  mot  qu'on  attribuerait 
plutôt  aux  Ibères  qu'aux  Ligures,  puisqu'il  est  commun  à  la 
France  et  à  l'Espagne,  et  qu'on  ne  le  retrouve  pas  dans  l'Italie 
septentrionale;  mais,  là  encore,  l'opinion  d'après  laquelle  le 
basque  représenterait  l'ancienne  langue  des  Ibères,  se  trouve 
encore  en  défaut,  car  le  mot  garric  n'appartient  pas  à  la  langue 
basque,  où  le  chêne  est  désigné  par  le  mot  ariz. 

34.  Le  mot  espagnol  calma  désigne  un  plateau  désert  où  l'on 
mène  paître  le  bétail.  Il  est  identique  au  bas  latin  calma  ou 
cal  mis,  que  fournissent  de  nombreux  textes  du   moyen  âge,  et 


56  Il--f'     NOMS    ru.     1.1  K[ 

qu'on  retrouve  dans  tous  les  dialectes  méridionaux,  sous  les 
formes  les  plus  diverses  —  calm  ou  culm  en  Rouergue  et  en 
Albigeois,  champ  en  Auvergne,  en  Gévaudan.  en  ^'^iva^ais,  en 
Lyonnais,  en  Valentinois,  chalp  et  chaup  en  Dauphiné  —  aux- 
quelles correspond  la  forme  chaux  de  la  Bourgogne  et  de  la 
Franche-Comté.  Ce  mot.  doù  sont  sortis  de  nombreux  noms  de 
lieu,  tels  que  Calmettes  'Aveyron,  Pyrénées-Orientales),  Calmette 
ou  la  Calinette  Ariège.  Aude.  Aveyron,  Cantal,  Gard.  Hérault, 
Tarn  .  Lacam  Aveyron.  Lot).  Lacamp  (Cantal),  Lachamp 
(Ardèche,  Drôme,  Isère).  Laschamp  (Puy-de-Dôme),  la  Chalp 
Hautes- Alpes.  Isère),  la  Chaup  Hautes-Alpes).  Chaux  ou  la 
Chaux  (Doubs,  Jurai,  peut  aussi,  en  raison  de  sa  persistance 
dans  la  langue  espagnole,  être  attribué  aux  Ibères  de  préférence 
à  tout  autre  peuple. 

35.  On  en  peut  dire  autant  du  vn.oi  peno,  pennn.  qui  désigne, 
dans  le  midi  de  la  France,  une  pointé,  une  hauteur,  un  sommet, 
un  château  à  créneaux,  et  qui  correspond  à  l'espagnol  pena, 
«  roche  ».  Forme  primitive,  à  ce  qu'il  semble,  des  noms  de  Penne 
'Lot-et-Garonne),  de  Pennes  Drôme),  de  la  Penne  (Alpes-Mari- 
times, Aude,  Bouches-du-Rhône,  Drôme),  de  Lapenne  (Ariège) 
et  des  Pennes  flîouches-du  Rhône),  ce  mot  a  passé  pour  être 
d'origine  latine  :  Littré  attribue  en  effet  au  mot  latin  pinna  le 
sens  de  ><  sommet  »  ;  mais  le  seul  texte  qui  autorise  cette  inter- 
prétation paraît  être  la  Vie  de  saint  ^'ictor  et  de  saint  Félix  et  il 
n'est  pas  des  plus  probants,  car  cette  vie  de  saints  aragonais  du 
\'[ir  siècle  doit  avoir  été  écrite  au  xiii*^  siècle,  à  Sarasrosse,  et 
l'auteur  a  vraisemblablement  emprunté  j)inna.  au  sens  de  «  faîte  » 
et  de  «  montagne  »,  au  langage  vulgaire  de  son  pays. 

36.  Le  mot  serre  est  certainement  antéromain  ;  tantôt  masculin 
et  tantôt  féminin,  suivant  les  dialectes,  il  se  rencontre  dans  toute 
];i  moitié  méridionale  de  la  France,  et,  désignant  une  chaîne  de 
montagnes,  une  crête,  une  cime  dentelée,  il  est  l'équivalent  de 
l'esprigiiol  sierra,  ce  (jui  autoriserait  à  le  tenir  pour  ibère. 

37.  Peut-être  en  est-il  de  même  du  mot  saii/nr  ou  sarjne,  qui. 
dans  11'  p;ilois  limousin,  désigne  une  prairie  marécageuse,  un 
terrain  humide,  et  (ju'on  rencontre  à  un  grand  nombre  d'exem- 
plaires dans  la  nomenclature  topographique  de  la  France  méri- 
dionale. C'est  ce  mot  (pii   est  l'origine   du   nom  de  Grandsalgne 

(^orrèze). 


V 

ORIGINES    CELTIQUES 
DU  NOS 

Les  noms  de  lieu  d'origine  celtique  sont  très  nombreux  en 
France,  et,  à  défaut  de  résultats  qui  ne  laissent  rien  à  désirer, 
l'étude  en  procure  des  données  intéressantes  et  certaines. 

La  plupart  du  temps  on  est  en  présence  d'un  substantif  uni, 
soit  avec  un  nom  d'homme,  soit  avec  un  adjectif,  et  occupant 
d'ordinaire  la  seconde  place. 

Quelquefois  la  fin  du  nom  est  constituée  par  un  suffixe  qui  n'a 
de  valeur  que  combiné  avec  un  nom  commun  ou  un  nom 
propre. 

38.  L'un  des  substantifs  gaulois  les  plus  répandus  49ns  la 
toponomastique  de  notre  pays  est  diinos,  latinisé  en  dunum, 
dont  le  sens  originel  est  celui  de  «  montagne  » . 

Ce  sens  est  attesté  par  trois  écrits  : 

1"  Le  pseudo-Plutarque,  écrivain  grec  du  premier  quart  du 
m°  siècle,  qui  rédigea  un  livre  sur  les  noms  des  fleuves  et  des 
montagnes,  énonce  formellement,  à  propos  du  nom  de  la  ville  de 
Lyon,  Ao'JYCouvov,  que  dans  la  langue  des  Gaulois,  coîivsv  avait  le 
sens  de  <(  lieu  élevé*  >•> . 

2"  Le  petit  glossaire  gaulois  —  De  nominiLus  galUcis  —  donl 
Stephan  Endlicher  a  signalé  la  présence  dans  un  manuscrit  du 
IX''  siècle,  conservé  à  Vienne,  traduit  ainsi  le  nom  de  la  même 
ville   :  Lugduno,   desiderato  monte''. 

S*'  Enfin  la  Vifa  sancti  Germani,  episcopi  Antissiodorensis, 
mefrica,  écrite  au  ix"  siècle  par  le  moine  Heric,   affirme  à  deux 


1.  Ao'jyov  Y*p  t^  acpwv  oiaXEzno  tôv  zo'pa/.a  x.aXoj'j'.,   ooiïvov   oï  to't:ov  sçiyovra. 
Plutarchi  opéra,  éd.  Diibner  (1855),  V,  3.">. 

2.  Catalof/us  codinim  philolof/icnrum    lal.inorinn    lilhliotlii'rae    i>:il;i/ln;ii' 
Vinrlohnnpnsis  ('Vienne,  183(1).  p.  109. 


2S  Li:S     NOMS    DE    LlKf 

reprises,  à  propos  du  nom  d'Autiin  '  et  de  celui  de  Lyon-,  la  syno- 
nymie du  mot  dont  il  s'agit  et  du  latin  nions. 

Malgré  ce  triple  témoignage,  on  a  beaucoup  discuté,  au  siècle 
dernier,  sur  le  sens  du  mot  dunum,  d'aucuns  opposant  au  sens 
de  «  montagne  »  celui  de  «  ville  »,  qu  on  trouvé  dans  le  saxon 
tun^  dans  l'anglais  moderne  town  :  opinion  fondée  sur  ce  que  cer- 
taines localités  au  nom  latin  en  dunum  ne  sont  pas  dans  une 
situation  élevée,  par  exemple  Gaesarodunum,  aujourd'hui 
Tours. 

Et,  tout  en  n'admettant  pas  cette  opinion,  d'Arbois  de  Jubain- 
ville,  attribuait  à  dunum  le  sens  de  «  forteresse  >>,  qu'a  conservé 
l'irlandais  dun. 

Il  semble  préférable  de  supposer  que  dunum,  comme  bien 
d'autres  mots  dans  les  diverses  langues,  a  eu  un  sens  primitif 
et  un  sens  secondaire  ;  qu'après  avoir,  à  l'origine,  désigné  un 
lieu  élevé,  il  est  devenu  synonyme  du  latin  oppidum,  les 
oppida  occupant  ordinairement  des  lieux  élevés.  Ainsi  ont  évolué 
lallemand  Lerff  dont  la  variante  hurff  équivaut  au  latin  cas- 
t  rum,  et  le  bas  latin  rocca,  origine  de  notre  mot  rnche\  ce  dernier 
reçut,  dès  le  vin''  siècle,  le  sens  de  «  forteresse  »  qu'il  avait 
encore  au  xvi'',  sous  la  forme  roque,  de  sorte  qu'on  donna,  au 
cours  du  moyen  âge,  en  France,  le  nom  de  Rochefort,  c'est-à-dire 
«  château  fort  »,  et  celui  de  La  Rochelle,  c'est-à-dire  a  le  petit 
château  »,  à  des  localités  dont  l'assiette  n'était  pas  précisément 
une  roche. 

Les  noms  de  lieu  ayant  dunum  pour  origine  sont  nombreux. 

39.  En  premier  lieu  doivent  être  signalés  ceux  dont  dunum 
est  l'élément  unique. 

Sans  parler  des  Duno  d" Italie  et  d'Espagne,  (jui  représentent 
à  coup  sûr  d'anciennes  colonies  celtiques,  on  note  le  nom  de  Dun 
dans  les  départements  de  l'Ariège,  du  Cher,  de  la  Creuse,  de 
l'Indre,  de  la  Meuse,  (h;  la  Nièvre  et  de  Saône-et-Loire. 


l'i'hs  <|iio(|iic  piovci-limi  iiiciitis(|iio  el    iiomiiio  smnpsit, 
Atif^iislodiimiin  (Icmiiiu  conce|)la  vocaii, 
Aii},'iisli  moiitpiii  Iraiisferl  (|UO(l  ccllica  liiii^iia. 

(Arfa  Sancinnini,  jnillcl.  Vil.   229  r>. 

I.u^diiiio  (l'IchtaMl  (jallrinim  raniinu  noiiicu, 
Imposilinn  <|ii(iiulaiu.  (|iio(l  sil  iiiDns  Incidiis  idem. 

\rl:,  Srtiirlonini.    inilItM.    \ll.  JH  {'■. 


ORIGINES    CELTlgUKS     '.     ULWOS  29 

40.  Les  Dunet  qu'on  rencontre  dans  l'Avayron  et  dans  l'Indre 
sont  d'anciens  Diin  pourvus,  à  une  date  relativement  récente, 
d'une  terminaison  diminutive  ;  le  second  était,  k  l'époque  caro- 
lingienne, le  chef-lieu  d'une  circonscription  appelée  vie  aria 
Dunensis. 

41.  Dunum  désignait  encore  vers  1061  un  ancien  castellum 
de  la  cité  des  Garnutes  ;  l'usage,  constaté  dès  587,  de  faire  pré- 
céder ce  nom  du  mot  castellum,  a  prévalu  :  cette  localité  n'est 
autre  que  la  ville  de  Ghâteaudun  (Eure-et-Loir). 

42.  Le  nom  du  Bourg-Dun  (Seine-Inférieure)  est  le  résultat 
d'une  juxtaposition  analogue. 

43.  Le  lac  de  Thoune  est  appelé  dans  la  chronique  dite  de 
Frédégaire  lacus  Dunensis,  ce  qui  révèle  dans  le  nom  de  cette 
ville  de  Suisse,  qui  s'écrit  en  allemand  Thun,  un  antique 
Dunum  dont  la  dentale  initiale  s'est  durcie. 

44.  Beaucoup  plus  fréquemment  dunum  est  le  dernier  terme 
d'un  nom  composé  ;  et  il  est  parfaitement  reconnaissable  dans 
les  noms  suivants  : 

Bezaudun  (Alpes-Maritimes,  Drôme),  homonymes,  k  n'en  pas 
douter,  de  Besalû  en  Catalogne,  qui  fut  le  chef-lieu  du  pagus 
Bisuldunensis. 

Ghaudun  (Aisne,  Hautes-Alpes),  dont  le  nom,  qu'on  rencontre 
au  xii^  siècle  sous  la  forme  Caudunum,  représente  sans  doute 
un  ancien  Calodunum. 

Coudun  (Oise),  mentionné  dès  657  sous  la  forme  Cosdunum. 

Exoudun  (Deux-Sèvres)  et  Issoudun  (Creuse,  Indre),  homo- 
nymes de  rUxello dunum  de  César. 

Gavaudun  (Lot-et-Garonne),  nom  dont  la  première  partie  est 
apparentée  au  nom  du  chef-lieu  du  Gévaudan,  pagus  Gabali- 
tanus. 

Laudun  (Gard),  Laudunum  en  1088,  et  plus  anciennement 
peut-être  Lugdunum. 

Liverdun  (Meurthe-et-Moselle),  vraisemblablement  combinai- 
son de  dunum  avec  un  nom  d'homme  romain  tel  que  Liberius. 

Loudun  (Vienne),  k  l'époque  carolingienne  chef-lieu  de  la 
vicaria  Laucidunensis  ou  Laucedunensis. 

Tourdun  (Gers). 

Verdun  (Aude,  Doubs,  Eure,  Meuse,  Saone-et-Loire,  Savoie, 
Tarn-et-Garonne),   répondant   à  Virodununi.    (pii   est   aussi    lo 


30  LES     NOMS     UE    LIEL' 

nom  primitif  de   Château-Verdun  (Ariège)  et  de  Montverdun 
(Loire,  Seine-Inférieure). 
Vesdun  (Cher). 

Le  primitif  dunum  a  subi  également  des  altérations  plus  ou 
moins  profondes,  plus  ou  moins  nombreuses,  sous  lesquelles  on 
le  reconnaît  moins  aisément. 

45.  Parfois  dun  est  devenu  don. 

Averdon  (Loir-et-Cher),  au  xi^  siècle  chef-lieu  de  la  vie  aria 
E  verdunensis  ;  le  nom  primitif  en  était  sans  doute,  comme 
celui  d'Embrun  et  d'Yverdon,  Eburodunum. 

Brandon  (Saône-et-Loire). 

Bresdon  (Charente-Inférieure),  jadis  chef-lieu  d  une  viguerie 
du  pagus  Santonicus,  la  vicaria  Brodunensis. 

Cardunum  désignait,  au  x^  siècle,  Villechardon  (Mayenne), 
qu'on  peut  donc  considérer  comme  un  homonyme  de  Karden 
(Prusse  rhénane). 

Crodon  'Marne),  en  1175  Craaldunum. 

Loudon  (Sarthe),  au  ix®  siècle  Lugdunum. 

Lourdon  (Saône-et-Loire),  au  ix°  siècle  Lordunum. 

Meudon  (Seine-et-Oise),  au  xii''  siècle  Meldunum. 

Moudon  Suisse^  canton  de  Vaud),  le  Min  no  dunum  des  itiné- 
raires, 

Yverdon  (Suisse,  canton  de  Neuchàtel),  VEbrodunum  des 
itinéraires. 

On  ne  saurait  joindre  à  cette  catégorie  le  nom  de  Boscodon 
(Hautes-Alpes),  dont  l'origine  est  bien  différente,  car  il  repré- 
sente, selon  toute  vraisemblance,  un  ancien  boscus  Aldonis 
ou  (Jddonis. 

46.  Ardin  (Deux-Sèvres),  jadis  Ardunum  [)our  un  plus 
ancien  Aredunum,  olïre  l'exemple  d'une  autre  déformation, 
imputable  à  une  prononciation  vicieuse,  de  la  voyelle  tonique  de 
dunum. 

Al.  En  vertu  du  phénomène  phonétique  j)ar  le(|uel  s  expli{jue 
la  désinence  du  nom  du  Querci/  —  pagus  Cadurcinus  —  Vu 
de  du  II  uni  est  tombé  en  Languedoc  :  c'est  im  homonyme  de 
Vcrdini  (ju  il  faut  voir  dans  Verduc  (I  lauto-daronne,  Cers)  :  le 
r  qui  termine  ce  mot  est  adventice,  et  à  l'origine  ne  se  jirononçait 
pas.  11  en  est  de  même  de  la  linale  du  nom  de  Roquedur  (Gard), 
|iriiiiili\  riiu'iit    I  !  iiead  II  II  II  m  . 


oHlGI^Ks  ct:i;nuLEs  :   dunus  'A[ 

48.  Le  nom,  déjà  mentionné,  de  Besalù,  en  Catalogne,  pré- 
sente aussi  la  chute  de  la  nasale  ;  mais  on  observe,  par  surcroît, 
que  le  (/  de  dunum  a  disparu,  ou  plutôt  qu'il  s'est  assimilé  à  17 
qui  le  précédait,  en  vertu  dune  loi  phonétique  dont  les  effets 
sont  particulièrement  sensibles  en  Catalogne  et  en  Roussillon  : 
les  noms  de  personne  Arnal,  Giiibal,  Raynal,  Bigal  y  répondent 
à  Arnaldus,  Wilbaldus,  Rei^inaldus,  Rigaldus,  la  termi- 
maison  germanique  aW,  latinisée  al  du  s,  s'étant  altérée  en 
ail  us,  ainsi  que  des  chartes  du  x^  siècle  en  font  foi;  de  même 
Bisuldunum  est  devenu  BisuUunum.  Pareil  phénomène  sest 
manifesté  dans  une  région  moins  méridionale  :  l'Exel  o dunum  ou 
Exoldunum  qu'vme  charte  du  roi  Raoul  mentionne  en  930,  est 
devenu  E  xoUunum,  témoin  la  forme  Issolu  que  présente  le  nom 
moderne  de  la  localité  :  Puech  d' Issolu  (Lot),  maladroitement 
déformé  en  Puy-Dissolu  :  c'est  dans  cette  localité  que  des 
archéologues  croient  reconnaître  rUxellodunum  de  César. 

49.  Dans  Montlahuc  (Drame)  il  faut  voir  un  antique  Lug- 
dunum,  devant  le  nom  duquel  le  mot  nions  est  venu  de  bonne 
heure  se  placer,  comme  il  est  arrivé  à  propos  de  Montverdun. 

50.  Ailleurs,  mais  toujours  dans  la  France  méridionale,  le  d 
de  dunum  a  fléchi  en  :;  :  Lauzuil  (Lot-et-Garonne),  Montlauzun 
(Lot),  et  sans  doute  Monlezun  (Gers)  représentent,  eux  aussi, 
d'anciens  Lugdunum;  et  le  Maudunum  qui,  dans  un  texte  de 
1207,  désigne  Mauzun  (Puy-de-Dôme)  est  vraisemblablement 
pour  un  plus  ancien  Magdunum,  vocable  que  l'on  rencontre 
ailleurs.  Balazuc  (  Ardèche)  dont  on  rapprochera  la  terminaison  de 
celle  de  Verduc,  s'appela  jadis  Baladunum;  et  peut-être  en 
faut-il  dire  autant  de  Balaruc  (Hérault),  en  supposant  une  mani- 
festation du  phénomène  inverse  du  rhotacisme. 

51.  La  chute  complète  d'une  dentale  originellement  placée 
entre  deux  voyelles  est  un  fait  constant  en  pays  de  langue  d'oïl, 
et  ainsi  explique-t-on  que  le  </  de  il  u  nu  m  n'ait  pas  laissé  de 
l races  dans  les  noms  suivants  : 

Achun  (Nièvre),  au  xi''  siècle  Scaduiium. 
Âiglun  (liasses-Alpes,  Alj)es-Maritimesy. 
Arthun  (Loire),  jadis   Artedunum. 
Autun  (Saône-et-Loirei,  Augustodunuui. 
Embrun  (Hautes-Alpes),  la  civitas    E brodunensium  de  la 
Notifia,  dont  le  nom  primitif  était  sans  doute  Eburodunum. 


32  LES    NOMS     DE    LlEl" 

Mehun  (Cher.  Indre  .,  Meung  (Loiret,  Nièvre;,  ancien  Mag- 
dunum  dont  le  g  s'est  vocalisé. 

Melun  (Seine-et-Marne),  le  Melodunum  de  César. 

52.  La  nomenclature  qui  précède  doit  être  grossie  des  vocables 
dans  lesquels  on  observe  en  outre  les  déformations  signalées  plus 
haut  de  la  A^ovelle  tonique  de  dunum  : 

Atton  (Meurthe-et-Moselle)  et  Eton  (Meuse),  qu'on  a  lieu  de 
réputer  homonymes  du  Stadunum  auquel  doit  son  nom  TAte- 
nois,  ancien  pagus  compris  dans  Farrondissement  actuel  de 
Sainte-Menehould  (Marne). 

Brancion  (Saône-et-Loire),  Brancedunum. 

Cervon  (Nièvre),  au  vi*^  siècle  Cervedunum. 

Châlons  (Mayenne),  au  viii*^  siècle  Cala  dunum. 

Cugnon  (Belgique,  Luxembourg),  Congidunum. 

Lyon  (Rhône),  Lugudunum,  puis  Lugdununi. 

Marquion  (Pas-de-Calais),  au  x<=  siècle  Markedunum. 

Nyon  (Suisse,  canton  de  Vaud),  Novio dunum. 

Sion  (Suisse,  Valais),  Sedunum. 

Suin  (Saône-et-Loire),  jadis  chef-lieu  de  la  vie  aria  Seodu- 
n  en  si  s,  et  dont  le  nom  primitif  était  probablement,  comme  celui 
de  la  ville  de  Rodez,  Segodunum. 

Torvéon  (Rhône),  au  x'=  siècle  chef-lieu  de  la  vicaria  Talve- 
dunensis. 

53.  A  côté  de  Lyon  on  peut  mentionner  Laoïl  (Aisne),  que 
Grégoire  de  Tours  appelle  Lugdunum  Clavatum  ;  on  sait  que, 
dans  la  prononciation,  la  (inale  de  ce  nom  se  réduit  à  an.  Pareille 
réduction  est  graphicjuement  consacrée  dans  le  nom  de  Belan 
(Côte-d'Or),  dont  les  formes  anciennes,  Beloûn  en  1147,  Bcleïin 
en  115i,  autorisent  à  supposer  un  primitif  Baladynum. 

54.  Les  noms  de  la  Bourgogne  ai  de  Conipiègne,  portés  par  un 
pays  et  par  une  ville  qui  s'appelèrent  Burgundia  et  Compen- 
dium,  autorisent  à  supposer  des  formes  intermédiaires  Burgun- 
nia  et  Compenniuni,  dans  lesquelles  la  lettrée^,  précédée  delà 
lettres,  se  serait  assimilée  à  cette  dernière  :  ainsi  s'est  comporté 
\i'.  (l  de  dunum  dans  le  nom  d'une  localité  que  Flodoard  appelle 
Sinduiium.  C'est  là,  nous  apprend  l'auteur  de  l'y/Zs/o/'/'a  ccclesiae 
nernensis,  (ju'étaient  honorées  les  reliques  de  saint  Oricle,  per- 
sf»nnage  qui  périt  lors  de  l'invasion  des  Vandales,  au  v"  siècle; 
Mf  l'unique  paroisse  de  l'ancien  diocèse  de  Reims,  dont  l'église 


ORIGINES    CELTIOLES    ."    D6'AO.s  :^3 

ait  pour  vocable  Saint-Uricle  est  Senuc  (Ardennes,  qu'au 
xm*^  siècle  Aubry  de  Trois-Fontaines  appelle  Senu.  On  ne  tentera 
pas  d'expliquer  ici  la  chute,  insolite  en  ces  contrées,  de  Tn  de 
dunum,  ni  l'apparition  tardive  du  c,  purement  parasite,  qui 
termine  aujourd'hui  le  nom  de  cette  localité. 

55.  Dans  les  parties  de  l'ancienne  Gaule  où  lintluence  germa- 
nique a  prévalu,  la  terminaison  dunum  s  est  comportée  tout 
autrement  qu'ailleurs,  en  raison  du  recul  de  l'accent  tonique,  qui 
s'est  porté  sur  la  syllabe  précédente  :  elle  n'a  laissé  d'autre  trace 
qu'une  désinence  atone.  C'est  ce  que  l'on  constate  dans  le  nom 
de  Karden,  déjà  cité,  dans  celui  de  Birten  (régence de  Dûsseldorf), 
que  Grégoire  de  Tours  désigne  par  les  mots  apud  Bertunensim 
oppidum,  dans  celui  de  Leyde,  en  hollandais  Leiden  —  un 
autre  Lugdunum  —  enfin  dans  les  appellations  allemandes 
Ifferden,  Milden  et  Sitten,  appliquées  aux  villes  suisses  d'Yver- 
don,  de  Moudon  et  de  Sion,  dont  il  a  été  aussi  question  plus 
haut. 

Il  convient  d'examiner  maintenant  l'interprétation  dont  plu- 
sieurs des  noms  en  dunum  sont  susceptibles. 

56.  On  a  constaté  1  extrême  fréquence  du  vocable  Lug-dunum, 
aujourd'hui  représenté  par  Laon,  Laudun,  Lauzun,  Leyde,  Lou- 
dun,  Lyon,  Monlezun,  Montlahuc  et  Montlauzun,  et  qui  fut  le 
nom  primitif  —  Lug-dunum  Convenarum  —  de  Saint-Ber- 
trand-de-Gomminges  (Haute-Garonne).  Lugdunum  signifierait 
«  mont  des  corbeaux  »  d'après  le  pseudo-Plutarque,  «  mont 
désiré  »  d'après  le  petit  glossaire  d'Endlicher,  <(  mont  lumineux  » 
d'après  le  moine  Heric  ;  d'Arbois  de  Jubainville  a  cru  reconnaître 
dans  la  première  partie  de  Lugdunum  le  nom  d'une  divinité, 
Lug,  dont  il  est  question  dans  des  poèmes  irlandais,  mais  dont 
il  resterait  à  prouver  que  le  culte  fut  répandu  aussi  en  Gaule. 
L'opinion  du  moine  Heric  paraît  la  plus  vraisemblable  :  elle  fait 
de  Lugdunum  le  synonyme  des  CAermont  f[u'on  rencontre 
en  si  grand  nombre  également  sur  le  sol  de  notre  pays. 

57.  Dans  \'erodunum,  non  moins  répandu  ([ue  Lugdunum, 
puisqu'il  est  représenté  par  sept  \'erdun,  deux  \'erduo,  doux 
Montverdun  et  par  Chàteau-Verdun,  la  première  partie  est,  soit 
un  nom    d'homme    Veros^   d'ailleurs  fort    rare,    soit   un   adji'olif 

Les   nnins  ilc  lien.  •' 


ni  LRS    .Nti.VIS    UE    LlEi: 

équivalant   au   latin    verus    :    dans  ce   dernier   cas,    le    moins 
improbable,  Verodunum  signifierait  «  vraie  forteresse  ». 

58.  Uxellodunum,  que  l'on  reconnaît  dans  les  deux  Issou- 
dun,  dans  Exouduu  et  dans  le  Puech-d'lssolu.  dériverait  d'un 
mot  gaulois  uxellos,  qui  peut  avoir  été  employé  comme  nom 
d'homme,  mais  dont  on  ne  saurait  méconnaître  la  parenté  avec 
l'adjectif  breton  «ce/,  au  sens  d'  «  élevé  »,  qualification  conve- 
nant bien  à  une  montagne  ou  à  une  forteresse. 

59.  Le  premier  terme  de  Noviodunum,  nom  originel  de  Noy  on, 
est  sans  doute  un  adjectif  équivalant  au  latin  no  vus  :  ce  nom 
signifierait  donc  «  nouvelle  forteresse  ". 

60.  Tandis  que  dans  la  première  partie  des  vocables  qui 
viennent  d'être  passés  eu  revue,  on  incline  à  voir  des  adjectifs, 
il  semble  bien  que  dunum  soit  précédé  d'un  nom  d'homme  dans 
chacun  des  noms  suivants  : 

Artedunum,  aujourd'hui  Arthun,  qui  serait  formé  sur  le  nom 
ilhomme  Artos,  au  sens  d'  «   ours  ». 

Brandon,  où  api^araî  trait  le  nom  d  homme  lira  nos,  signifiant 
«  corbeau  ». 

Eburodunum.  dont  le  preniiei'  terme  aurait  l'acception  de 
:«   sanglier  ». 

61.  Des  noms  dhoujuies  romains  sont  entrés  pareillement  en 
composition  avec  dunum.  Bien  connus  sont  les  exemples  four- 
nis à  cet  égard  par  Augus todunum,  d'où  Autun  (Saùne-et- 
Loire),  et  par  Caesarodunum,  qui  fut,  jusqu'au  ui'-  siècle,  le 
non»  (h:  la  ville  de  Tours  ;  il  faut  sans  doute  supposer  pur  analo- 
gie qn'^Viglun  et  Liverdun  dérivent  de  noms  i-onu\ins  tels 
qu.\(|uilius  et   Liberius. 


V 
DUROS 

62.  Duras  signilie  «  forteresse  »,  comme  du  nos  ;  mais  il  est 
probable  que  c'est  un  sens  secondaire,  et  qu'à  lorigine  ce  mot 
était  un  adjectif  équivalent  au  latin  durus  ;  ainsi  ladjectif  latin 
fortis,  «  brave  >',  est  devenu  notre  substantif  «fort  ». 

Latinisé  en  dur  uni,  ce  mot  constitue  la  désinence  d'un  cer- 
tain nombre  de  noms  de  lieu,  dont  deux  apparaissent  déjà  dans 
les  Commentaires  de  César  et  dans  les  Itinéraires  :  Octodurum, 
aujourd'hui  Martig'ny  (Suisse,  canton  du  Valais)  et  Augus- 
todurum,  aujourd'hui  Baveux  (Calvados). 

63.  En  raison  de  la  voyelle  finale  qu'en  présente  le  premier 
terme,  les  noms  de  lieu  de  cette  catég'orie  se  terminent  invaria- 
b.lement  en  -odurum.  Cette  constatation  a  son  intérêt,  car  le 
premier  u  de  durum  étant  bref,  c'est  sur  la  syllabe  précédente 
que  se  place  1  accent  tonique,  ce  qui  devait  entraîner  la  chute  de 
r«  atone,  et  l'assimilation  du  d  à  ïr  avec  lequel  il  se  trouvait 
conséquemment  en  contact  ;  -odurum,  altéré  à  l'époque  franque 
en  -odorum  ou  -ode  ru  m,  puis  réduit  à  -odrum,  est  devenu 
en  ÎTdii^çixis-eure.  qui  s'est  à  son  tour,  on  va  le  voir,  altéré  parfois 
de  diverses  façons.  La  ville  qui,  à  l'époque  romaine,  s'appelait 
Autessiodurum,  est,  sous  la  domination  franque,  nommée 
Autissiodorum,  Autixioderum  :  de  là  est  venue  la  forme 
romane  Auçuerre,  qui  se  prononçait  Auccure  ;  aujourd'hui  Ton 
écrit  Auxerre  (Yonne). 

64.  La  forme  -eurcs'eal  maintenue  pour  l  oreille  dans  les  iioni^ 
suivants  : 

Aujeures  (Haute-Marne),  l'Albiodero  des  monnaies  mérovin- 
giennes, représentant  un  plus  ancien  Albiodorum. 

Ghilleurs  (Loiret),  qu'un  pouillé  du  xi''  siècle  appelle  Calo- 
tluruni. 

Izeure  (Cote-d'On,  Yzeure  (Allier),  Yzeures  i  Indre-et-Loire), 
le  ])reniier  appelé  Iciodoro  en  763. 

Mandeure  (Doubs),  représente  l'antique  l'^pamanduodu- 
luni.  privé  par  une  aphérèse  de  ses  deux   |)ri'mièrt'S  syllal>es. 


36  •  LES    .NOMS    DE    LIEL 

Soleure  (Suisse),  le  Salodurum  des  itinéraires. 

65.  Ces  exemples  bien  avérés  autorisent  à  ranger,  avec  beau- 
coup de  vraisemblance,  dans  la  même  catégorie,  les  noms  de  lieu 
français  qui  se  terminent  par  le  son  eiire. 

Avalleur  (Aube),  dont  le  premier  terme  est  presque  certaine- 
ment le  mot  gaulois  Ahallos,  employé,  soit  au  sens  de  «  pom- 
mier »,  soit  comme  nom  d'homme. 

Balleure  (Saône-et-Loire),  comparable,  au  point  de  vue  du 
premier  terme,  à  Balazuc  et  à  Belan,  mentionnés  plus  haut. 

Pleurs  (Marne),  appelé  Plaiotrum  en  1052,  et  dont  H.  d'Ar- 
bois  de  Jubainville  suppose  que  la  forme  primitive  était 
Pelagiodurum. 

66.  On  a  vu  par  l'exemple  d^Auxerre  que  le  son  eiire,  représen- 
tant -odurum,  peut  se  réduire  à  erre.  Ainsi  en  a-t-il  été  dans  les 
noms  ci-api'ès  : 

Augers  (Seine-et-Marne),  prononcé  Augère  ;  ce  vocable  appa- 
rait  au  moyen  âge  sous  les  formes  Aljotrum,  Aujotrum,  qui 
semblent  permettre  d'y  reconnaître  l'Albioderum  de  Frédé- 
gaire,  soit  un  homonyme  d^ Aujeure. 

Brières  'Ardennes,  appelé  à  l'époque  franque  Briodrum  ou 
Brioderum,  formes  basses  pour  Brivodurum. 

Nanterre  (^ Seine),  Nemptodorum  dans  Grégoire  de  Tours, 
Xemetodorum  dans  la  Vie  de  sainte  Geneviève,  pour  Neme- 
todurum. 

Solers  (Seine-et-Marne),  prononcé  Solère  ;  ce  nom,  que  les 
clercs  du  moyen  âge  traduisaient  abusivement  par  S  oie  ri  a, 
pourrait  bien  venir,  comme  Soleure,  de  Salodurum. 

Tonnerre  (^onne),  appelé  par  Grégoire  de  Tours  Ternodo- 
rense  castrum,  ce  qui  suppose  un  primitif  Turnodorum  ;  on 
rencontre  au  cours  du  moyen  âge  les  formes  intermédiaires 
Tornuerre,   Tournoirre. 

67.  A  son  touc  -erre  s'est  parfois  déformé  en  -arc. 

Briare  (Loiret)  est  le  Brivodurum  tic  l'Itinéraire  d'Anlitiiiii. 

Briarres  Loiret)  représente  probablement  un  primitif  sem- 
blable. 

Bussiares  (^Aisnej,  (pi  il  nu  faut  pas  confondre  avec  les  nom- 
breux Jiussirres  (^représentant  autant  de  Buxaria  formés  sur  le 
nom  latin  du  buis)  est  ujqx'lé  Boissucrrr  en  l^lli,  ce  (pii  autorise 
a  supp()S(M'  une  forme  originelle  telle  (|ue  l?>i  \  nd  u  ru  m  :  hypo- 
thèse  ;i    la(|ue||e   ne  Cdii  I  re<li  |    |),is   je    /tn.ssiT/r  il   un    |e\|e    de    ll('»!l. 


OIUGINKS   CKI.TIOIES    :    uriios  :{/ 

68.  Une  déformation  exceptionnelle  de  la  terminaison  -erre. 
explicable  par  le  phénomène  inverse  dn  rhotacisme,  se  manifeste 
dans  le  nom  d'Arnaise,  porté  par  deux  écarts  de  la  commune  de 
Saint-Ambroix  (Cher)  :  les  formes  médiévales  de  ce  nom,  Arnu- 
ria  en  1208,  Arreneure  en  1398,  procèdent  sans  nul  doute  de 
l'appellation  antique  du  bourg  de  Saint-Ambroix.  TErnodurum 
de  ritinéraire  d'Antonin. 

69.  Dans  une  région  étroitement  délimitée,  la  iinale  -eure  s'est 
altérée  différemment,  par  l'effet  d'une  substitution  de  liquide. 

Brieulles-sizr-MeHS^  (Meuse)  est  appelé  Briodorum  dans  des 
textes  des  x*^,  xi*^  et  xii*"  siècles  :  on  peut  donc  le  considérer 
comme  un  homonyme  de  Briare;  peut-être  en  est-il  de  même  de 
Brieulles-sHr-i?3r  (  Ardennes) . 

Manheulles  (Meuse)  est  appelé  Manhodorum  au  y.f  siècle,  et 
Manhuere,  Manhuerre  au  xni*". 

Boureuilles  (Meuse),  nom  dans  lequel  la  mouillure  finale 
n^apparaît  que  tardivement,  est  appelé  Bourreiire  en  1265  :  cette 
forme  autorise  l'hypothèse  d'un  piumitif  Burrodurum. 

70.  Le  nom  de  Tonnerre  est  passé,  on  l'a  vu.  par  la  forme 
Tournoirre  :  la  prononciation  ainsi  notée  se  rencontre  ailleurs. 

Issoire  (Puy-de-Dôme),  appelé  Iciodorum  par  Grégoire  de 
Tours,  et  depuis  Issoerre,  hsuerre,  ce  dernier  prononcé  Isseure, 
est  l'équivalent  d'Izeure. 

Jouars  (Seine-et-Oise)  a  pour  ancien  nom  Diodurum,  variante 
de  Divodurum,  qui  désigna  la  ville  de  Metz;  c'est  une  contrac- 
tion du  même  nom  qu'on  reconnaîtra  dans  Jotrum,  appellation 
médiévale  de  Jouarre  (Seine-et-Marne  i. 

De  ces  noms  on  est  tenté  de  rapprocher  celui  de  Bouchoir 
(Somme),  en  raison  de  ses  formes  anciennes  :  Buc/iuere  e.r\  121o, 
Boucheure  en   12o7. 

71.  Waulsort  (Belgique,  province  de  Namur)  est  appelé 
Walciodorus  en  9i6.  [.a  transformation  de  -odurum  en  -are 
est  moins  surprenante  dans  le  nom  d'Izemore  (Ain),  au 
vin*'  siècle  Isarnodorum,  qui  appartient  à  une  région  plus 
méridionale  que  celles  où  ont  été  relevés  les  vocables  précédem- 
ment passés  en  revue.  Ballore  (Allier,  Saône-et-Loire)  repré- 
sente sans  doute  aussi  un  primitif  en  durum  ;  mais  cette  hypo- 
thèse n'est  pas  permise  en  ce  qui  concerne  Saiiit-Paul-d'/  zore 
(Loire)  et  S'o/o/v-Saint-Laureiit.  aujourd'hui  Saiiit-Laureiil-sdiis- 


'AS  J.ES    N(l>rs    DE    LIEL" 

Rochefort  (Loire),  la  terminaison   de  ces  noms  ayant  passé  au 
moven  âge  par  la  forme  -ovre  ou  -obre. 

72.  En  pays  de  langue  germanique,  l'accent  tonique  des  noms 
en  -du  ru  m  sest  déplacé,  mais  non  pas  de  même  que  celui  des 
noms  en  -dunum  :  c'est  sur  la  première  syllabe  de  durum  qu  il 
s'est  porté  :  Soleure  s'appelle  en  allemand  Solothum;  le  Theu- 
durum  de  1  Itinéraire  d'Antonin  est  aujourd'hui  Tûdderen 
(régence  d'Aix-la-Chapelle)  :  et  Winterthur  s  Suisse,  canton  de 
Zurich)  répond  à  un  antique  Vitodurum. 

73.  Les  noms  primitifs  d  Auxerre,  de  Boureuilles,  d'Izernore, 
d  Izeure  ou  d  Issoire,  de  Tonnerre,  paraissent  avoir  pour  premiers 
termes  des  noms  d'hommes  gaulois  :  Autecios,  Burros.  Iccios, 
Turnos  ;  ceux  d'Aujeure  et  d' Angers  et  de  Pleurs  débuteraient 
par  des  noms  romains.  Albiuset  Pelagius.  ce  dernier  d'origine 
grecque. 

Avalleur  et  Xanterre  dériveraient  des  mots  gaulois  aballos, 
«  pommier  i)  et  fiemetos,  «  temple  »  qui  peuvent  avoir  été  pris 
aussi  comme  noms  d'homme. 

Dans  Brière,  Briare.  Brieulles  on  reconnaît  le  mot  hrira. 
«  pont  ». 

Ernodurum  est  apparenté  au  nom  de  la  rivière  cjui  arrose 
Saint-Ambroix,  l'Arnon. 

On  retrouve  le  premier  terme  du  nom  des  Bajocasses,  dans  le 
nom  que  portait  le  chef-lieu  de  la  finis  Baiotrensis.  en  Dues- 
mois. 

Durum  s'est  combiné  en  outre  avec  des  noms  ethniques  :  les 
Bataves  et  les  Boïens  avaient  des  villes  appelées  Batavodurum 
elBoiodurum. 

74.  Durum  a  été  employé  aussi  comme  premier  terme,  par 
exemple  dans  les  noms  Durovernum.  Durocorn()^  iuni. 
Durocortorurn  et  Durocatuellauni.  qui  ont  désigné,  les  deux 
})reniiers,  en  Angleterre,  (iantorbéry  (comté  de  Kent)  et  (arcii- 
cesler  (comté  de  Gloucester),  les  deux  autres  lieims  ef  ('hàlons- 
sur-Marne  :  il  a,  à  cet  égard,  laissé  des  traces  dans  les  noms  de 
Dreux  (Eure-et-Loirj,  de  Dormans  (Marne)  et  de  Donqueur 
(Somme),  correspondant  aux  vocables  antiques  Durocasscs, 
Duromannum,  Durocoregum,  dans  ceux  de  Duclair  (Seiile- 
Inféricure)  et  de  Drucat  'Somme;,  pour  lesquels  on  a  les  formes 
basses  Durclarinn  <M  Durcaptum.  peul-ètre  aussi  dans  celui 
df  Durbuy     l5i'lLri(|u<\  pr<»Nince  de  Luxfinboiu'gi. 


oiiic.iMvS   i.Ki.nni  i;s   :    iii  nos  '.\\\ 

75.  A  considérer  les  contrées  intéressées  par  les  énumérations 
qui  précèdent,  on  observera  que  les  noms  dans  la  composition 
desquels  entre  diiros  sont  inconnus  à  lest  du  Rhin,  entre  le 
lîhône  et  les  Alpes,  dans  le  bassin  de  la  Garonne  et  dans  le  pavs 
(juon  appela  la  Septimanie. 


VI 
BRÏGA 

76.  Les  noms  de  lieu  ayant  pour  terminaison  hriga,  autre  mot 
auquel  les  celtistes  les  plus  autorisés  attribuent  aussi  le  sens  de 
«  forteresse  »,  ont  dû  être  jadis  fort  nombreux,  mais  plus  au  delà 
qu'en  deçà  des  Pyrénées  :  les  écrits  de  l'antiquité,  tandis  qu'ils 
révèlent  l'existence  en  Espagne  d'une  vingtaine  de  vocables  de 
cette  catégorie,  en  font  connaître  seulement  quatre  ayant  appar- 
tenu à  la  Gaule  :  Baudobriga,  Eburobriga,  Litanobriga, 
mentionnés  dans  les  textes  itinéraires,  et  Magetobriga  ou 
Admagetobriga,  qui  figure  dans  les  Commentaires  de  César. 
Évidemment  briga  appartenait  au  dialecte  des  Celtibères,  et  ce 
mot,  hors  d'Espagne,  constitue  une  trace  du  passage  de  ces 
tribus. 

Des  quatre  noms  qui  viennent  d'être  rappelés,  les  deux  der- 
niers n'ont  laissé  nulle  trace.  Baudobriga  est  aujourd'hui 
Boppard  (régence  de  Coblenz)  ;  mais  ce  nom  moderne,  formé 
sous  l'influence  germanique,  ne  fait  en  rien  connaître  le  sort 
réservé  en  France  au  mot  gaulois  briga.  Eburobriga  n'est  autre 
qu  AvroUes  (Yonne),  dont  le  nom,  qui  se  présente  dès  le  ix=  siècle 
sous  la  forme  Evrola,  rappelle  assez  bien  la  première  partie  du 
nom  antique,  mais  nullement  sa  finale  :  celle-ci  aura  subi  une 
de  ces  transformations  inattendues  qu'on  ne  peut  que  constater, 
sans  que  la  cause  en  soit  déterminable. 

77.  Parmi  les  noms  en  briga  qu  on  observait  dans  la  pénin- 
sule hispanique,  un  des  plus  sûrement  identiliésest  Conimbriga, 
aujourd'hui  Coimbre  (Portugal)  :  on  doit  conclure  de  là  quel'/ de 
briga  était  bref,  par  conséquent  atone  quand  b  r  i  g  a  jouait  le 
rôle  de  désinence. 

78.  L't  bief  accentué  devenant  en  lianvi»»!^  "i,  <>ii  peut  consi- 
dérer comme  représentant  briga  employé  seul,  les  noms  de 
Broye  (Haute-Saône,  Saône-et-Loire)  et  de  Broyés  (Marne, 
Oise). 

79.  Mais  dans  le  cas,  bien   plus  rr(''(|U('iil ,  <>ii  briga  est  1»'  (1er- 


OR[GINES    CELIIOLES     :     FiHIGA  41 

nier  terme  d'un  nom  de  lieu,  l'accent  se  porte  sur  la  svllabe 
précédente,  qui  est  d'ordinaire  —  on  l'a  vu  par  les  quatre  exemples 
que  nous  a  laissés  l'antiquité  —  un  o. 

80.  Des  formes  vulgaires  qu'a  revêtues  la  terminaison  -obrig'a, 
la  plus  reconnaissable  est  -obre  :  on  la  rencontre  dans  Vèzenobre 
(Gard),  Vezenobrium  en  1050,  Vedenobrium  en  llol,  dans 
Vinsobres  (Drôme),  Vinzobrium  en  1137,  vraisemblablement 
pour  un  plus  ancien  Vindobriga,  peut-être  aussi  dans  Lanobre 
(Cantal). 

81.  Plus  au  nord,  le  b  devient  v.  Verosvres  (Saône-et-Loire) 
est  appelé  au  xiv"  siècle  Vorovre,  ce  qui  autorise  à  supposer  un 
primitif  Verobriga  dont  le  terme  initial  serait  le  même  que 
celui  de  Verodunum. 

82.  Parfois  -ovre  s'est  réduit  à  -ore.  Le  chef-lieu  de  l'ager 
Solobrensis  ou  Solovrensis  du  x*  siècle  a  été  appelé  Solore- 
Saint- Laurent  ;  c'est  aujourd'hui  Saint-Laurent-sous-Rochefort 
(Loire).  Et  la  forme  Ysovrus,  des  x'  et  xi*^  siècles,  donne  à 
penser  que  Saint-Paul-d'Vzove  (Loire),  représente  un  ancien 
Icciobrig-a,  apparenté  par  son  premier  terme  à  Issoire  et  à 
Izeure. 

83.  C'est  sans  doute  par  l'intermédiaire  de  cette  forme  réduite, 
dont  le  son  liquide  aura  été  altéré,  que  s'explique  le  nom  déjà 
cité  d'AvroUes  (Yonne)  représentant  Eburobriga. 

84.  Le  sonde  Vo  peut  s'être  allongé  en  ou  :  Cottrouvre  (Meuse  , 
Corrubrium  en  1149,  Corrobrium  en  1207.  était  probable- 
ment à  l'origine  Corrobriga. 

85.  Mais  la  forme  que  -obriga  revêt  le  plus  communément  en 
pays  de  langue  d'oïl  est  -euvre. 

Ghartreuve  (Aisne),  Cartobra  au  i\^  siècle,  vraisemblable- 
ment pour  Cartobriga. 

Deneuvre  (Meurthe-et-Moselle),  Donobrium  au  xii"  siècle, 
paraît  représenter  Donnobriga,  «  la  forteresse  de  Dunos  »;  il 
en  est  de  même  de  Ghâtel-de-Neuvre  (.\llier),  qui  était,  à  l'époque 
mérovingienne,  le  chef-lieu  du  pagus  Donobrensis,  et  dont  le 
nom  devrait  s'écrire  Chàtel-Deneuvre. 

Escaudœuvres  (Nord),  Scaldeuvrium  en  1137  ;  nul  doute 
n'est  possible  sur  le  sens  de  ce  nom,  dont  le  premier  terme  est 
le  nom  de  l'Escaut. 

Vendeuvre  (Vienne)  est  appelé  à    la  lin   du  \'"  sied.-  \'end<»- 


i2  LES    NOMS     DE    I.IKC 

bria,  ce  qui  ne  diffère  guère  du  Vindobriga  que  donne  à  sup- 
poser Vinsobre,  et  dans  le  premier  ternie  duquel  on  reconnaîtrait 
l'adjectif  inndos  «  blanc  »,  peut-être  pris  comme  nom  d'homme: 
un  texte  de  938  donne  la  forme  plus  altérée  Yindopera,  sous 
laquelle  on  voit  désigné  aussi,  vers  la  même  époque,  Vandœuvre 
(Meurthe-et-Moselle;,  Une  forme  presque  semblable,  ^  en  do- 
pera, est  appliquée  en  1174  à  Vendœuvres  (Indre).  Vendeuvre 
I Calvados)  est  probablement  de  même  origine,  mais  non  point, 
on  le  verra  plus  loin  (n*'  121),   Vendeuvre  |  Aube). 

86.  Il  est  arrivé  que  cette  finale  -euvre  se  soit  réduite  à  -èvre. 
Denèvre     (Haute-Saône'     apparaît     clairement     comme    une 

variante  de  Deneiivre. 

Lingèvres  f Calvados^  est  mentionné  au  xii*"  siècle  sous  la 
forme  Linguevre. 

Soulièvres  (Deux-Sèvres)  peut  passer  pour  un  homonyme  de 
Solore,  témoin  l'appellation  S olubriu m.  qu'on  trouve  encore  au 
xiv'^  siècle. 

Sur  le  nom  de  Suèvres  ^Loir-et-Cher)  a  été  formé,  à  l'époque 
carolingienne,  l'adjectif  Solobrensis. 

Volesvres  Saône-et-Loire).  jadis  }^nlnevre.  donne  à  supposer 
un  primitif  Volobriga. 

87.  A  son  tour  -èvre  s'est  réduit  à  -ève  dans  le  nom  de  Char- 
tèves  (Aisne),  dont  l'origine  paraît  ne  pas  différer  de  celle  de 
Charfreiivp. 


VII 
MAGOS 

88.  Le  substantif  g-aulois  ma(jos,  latinisé  magus,  avait  le  sens 
du  latin  camp  us.  On  le  retrouve  dans  le  gaélique  irlandais, 
témoin  le  nom  de  la  ville  archiépiscopale  d'Armagh,  et  dans  le 
breton  armoricain  maez,  qui  termine  un  assez  grand  nombre  de 
vocables  néo-celtiques. 

89.  L'a  de  magus  était  bref,  et  conséquemment  atone  dans 
les  noms  dont  ce  mot  constituait  la  désinence  :  le  premier  terme 
de  ces  noms  se  terminant  d'ordinaire  par  un  o,  cest  sur  cette 
voyelle  que  se  portait  l'accent  tonique  ;  or  la  finale  -omagus  a 
de  bonne  heure  perdu  tout  ce  qui  suivait  Y  m  :  on  rencontre  sur 
des  triens  ou  tiers  de  sou  mérovingiens  les  formes  Cisomo, 
Noviomo,  Rotomo,  au  lieu  des  formes  Cisomagus,  Novio- 
magus,  Roto magus,  que  fournissaient  les  textes  antérieurs 
au  vii^  siècle. 

90.  Les  plus  anciennes  formes  romanes  des  noms  en  -omagus 
présentent  la  désinence  -om,  qui  souvent  deviendra  -on  et  parfois 
se  réduira  à  -an  et  -en. 

91.  A  cette  règle  générale  Quicherat  a  voulu  opposer  quelques 
exceptions,  caractérisées  par  l'absence  de  la  nasale  finale  ;  mais 
les  faits  allégués  par  lui  ne  sont  rien  moins  que  probants. 

L'identification  qu'il  fait  du  Cenomagus  des  Itinéraires  avec 
Senos  (Vaucluse)  n'est  pas  certaine. 

Néris  (Allier)  correspond  bien  a  lantique  Nerio magus, 
témoin  l'inscription  qu'on  y  a  trouvée,  oîi  il  est  question  des 
vicani  Neromagienses  ;  mais  aussi  Grégoire  de  Tours  désigne 
ce  lieu  par  les  mots  viens  Ne  re  en  si  s  ;  d'où  l'on  est  fondé  à 
conclure  qu'il  y  eut  jadis,  pour  désigner  Néris,  deux  appellations 
formées  d'ailleurs  l'une  et  l'autre  sur  le  nom  d'une  des  divinités 
gauloises  auxquelles  étaient  consacrées  les  fontaines.  Tandis  (|uc 
Neriomagus  ne  pouvait  donner  que  Néron  ou  Méran,  c'est  ii 
l'autre  appellation,  celle  sur  laquelle  a  été  formé  l'adjectif 
employé  par  Grégoire  de  Tours,  qu'il  faut  rapportei-  le  voc^ablc 
moderne. 


i-i  LES     NOMS     DE    f.IKl 


Claudiomagus,  que  Quicherat  traduit  à  tort  par  Cloué. 
lig'ure  sous  une  forme  légèrement  différente  —  altare  de  Clau- 
dio macho  —  dans  une  bulle  du  pape  Calixte  II,  en  faveur  de 
Tabbaye  du  Bourg-Dieu  :  il  s'ag-it  de  Clion  (Indre),  dont  l'église 
fut,  jusquà  une  époque  récente,  sous  le  patronage  de  ce 
monastère  :  on  peut  supposer  une    forme  intermédiaire  Cloïon. 

Enfin  Cisomagus  n'est  pas,  comme  Quicherat  l'a  cru,  Chia- 
seaux  (Indre-et-Loire),  car  on  ne  saurait  expliquer  le  chuintement 
du  c  initial,  non  plus  que  le  redoublement  de  Vs  intervocal,  sans 
compter  que  la  désinence  du  nom  de  Ghisseaux  n'est  autre  chose 
qu  une  désinence  diminutive  bien  connue,  ce  nom  étant  le  dimi- 
nutif de  celui  d  une  localité  voisine,  Chissey  (Loir-et-Cher). 
Cisomagus  est  devenu  Cison,  puis  Cisan,  forme  attestée  par  un 
pouillé,  enfin  Ciran  (Indre-et-Loire),  par  un  phénomène  dont  il 
y  a  d'autres  manifestations  en  Touraine  et  en  Berry. 

92.  Aux  deux  noms  en  -magus  dont  l'équivalent  moderne 
vient  d'être  déterminé,  il  convient  d'ajouter  les  suivants  : 

Argéntomagvis,  qui,  dans  l'Itinéraire  d'Antonin,  désigne 
Argenton  (Indre)  est  sans  nul  doute  l'appellation  originelle  des 
communes  de  même  nom  que  renferment  les  départements  de 
Lot-et-Garonne,  de  la  Mayenne  et  des  Deux-Sèvres,  et  de  la  ville 
d'Argentan  lOme). 

Blatomagus,   que  donne  à  supposer  la   forme   basse  Blato- 

mos,   inscrite  sur  un  triens  mérovingien,  est  aujourd'hui  Blond 

Ilaute-Vienne)  :  la  consonne  parasite  qui  termine  ce  dernier  nom 

est  l'elfet  d'une  assimilation  de  ce  vocable  communal  à  l'adjectif 

connu. 

lîurno magus  qui  n'est  aussi  connu  ([ue  par  une  forme  basse. 
Buinomo,  figurant  sur  un  triens,  est  l'origine  de  Bournan 
(Indre-et-Loire,  Maine-et-Loire)  et  de  Bournand  (\'ienne). 

Ca  tu  magus,  c'est-à-dire  «  le  champ  du  combat  »,  est  le  nom 
primitif  de  la  ville  de  Caen  (Calvados),  appelée  Cadomum  au 
XI'"  siècle,  et  de  Cahon  (Somme),  dont  le  nom  se  présente  en  1207 
sous  la  forme  très  suggestive  dahoni. 

Caren  tomagus,  dans  un  texte  itiiiéraii-e,  désigne  Granton 
(Avcyron  .  dont  il  faut  rapproche:-  Charenton-.s///'-^.7/(v  ((]her), 
au  i\''  sièch;  chef-lieu  de  la  \icaria  Cari  n  tominsis,  et 
Carentan  (Manche  1.  mais  non  |)as  (!/i;irrn/nn-l)'-I'i>n/  (Sc'wn'  .  (\u\ 
se  déclinait   Carenlo,  Ca  ic  n  I  o  ii  i  s. 


ORIGINES    CELTIOLES    :    MAG(JS  40 

Cas  sa  11  orna  g  US,  antique  station  de  la  voie  de  Périyueux  à 
Angoulème,  est  représenté  par-  Chassenon  (Charente),  qui  a  des 
homonymes  dans  les  départements  de  la  Loire-Inférieure,  du 
Rhône  et  de  la  Vendée. 

Condatomagus,  c'est-à-dire  «  le  champ  du  confluent  », 
s'applique,  dans  les  textes  itinéraires,  à  une  localité  du  Rouergue, 
dont  Gondéoni  Charente),  est  vraisemblablement  un  homonyme. 

On  ne  formule  pas  la  même  hypothèse  à  propos  de  Condom 
(Aveyron,  Gers),  car  en  pays  de  langue  d'oc  le  t  intervocal  ne 
serait  pas  tombé  :  mais  la  graphie  -orn,  dont  on  observe  aussi  le 
maintien  dans  Biorn,  autorise  à  rattacher  ce  nom,  et,  soit  dit  en 
passant,  celui  de  Billom  (Puy-de-Dôme),  à  des  primitifs  en 
-omagus. 

Eburomagus,  de  la  Table  théodosienne,  parait  être  devenu 
Bram  (Aude),  moyennant  une  aphérèse. 

Iciomagus —  ainsi  faut-il  rectifier,  semble-t-il,  l'Icidinagus 
de  la  Table  de  Peutinger  —  répond  à  Usson  (Haute-Loire),  qui 
a  des  homonymes  dans  le  Puy-de-Dôme  et  dans  la  Vienne. 

Mantalomagus  ou  Mantalomaus,  dans  Grégoire  de  Tours, 
désigne  Manthelan  (Indre-et-Loire).  Il  serait  téméraire  d'assigner 
à  Manthelon  (Eure)  une  origine  analogue. 

Mosomagus  est  le  nom  originel  de  Mouzon  (Ardennes).  Le 
premier  terme  de  ce  vocable  paraît  n'être  autre  chose  que  le  nom 
de  la  Meuse,  M  osa.  Cet  exemple  de  la  combinaison  de  magus 
avec  un  nom  de  cours  d'eau,  ne  serait  pas  unique,  s'il  était  per- 
mis de  voir  dans  le  nom  du  Garnomus  castrum,  où  un  concile 
se  tint  en  670,  la  contraction  d'un  primitif  Garumnomagus. 

Xoviomagus  désigne,  dans  la  Notitia  dignitatum,  la  ville  de 
Noyon  (Oise).  Noyen  (Sarthe,  Seine-et-Marne),  Noyant  i  Indre- 
et-Loire),  Nyons  (Drôme)  et  Nouvion-en-Po/i//t/eu  (Somme)  ont 
pareille  origine.  Il  en  est  sans  doute  de  même  de  Neung-«ff/r- 
Beiivron  (Loir-et-Cher),  qu'un  pouilléde  1226  appelle  Noemiuni, 
et  de  Nogent-/e-/io<row  ' Eure-et-Loir i,  dont  la  plus  ancienne 
mention  certaine,  datée  d(^  1031,  présente  la  forme  très  basse 
Nogiomum.  Ici  l'on  observe  cette  «  consonnification  »  de  1'/ 
consécutif  à  une  labiale  dont  les  exemples  ne  manquent  pas. 
C'est  peut-être,  fort  bizarrement  altéré,  le  diminutif  de  queUiue 
«  Nogent.  »  de  même  origine  que  Nogent-le-Rotnni  qu'il  faut 
reconnaîlre  dans  Longjumeau  Seine-et-Oise),  d<>nl  on  voil  le 
nom  écrit,  au  xiii"'  siècle,  X  ogemelluin. 


4()  l.KS    NOMS    DE    LIKli 

\ 

Kicomagus  ou  Higomagus,  c'est-à-dire,  d'après  d'Arbois 
de  Jubain ville,  «  le  champ  du  roi  *>,  était  une  des  cités  de  la 
province  des  Alpes  Grées  et  Pennines,  Ce  nom  fut  aussi  celui  de 
Riom  (Puy-de-Dôme),  et  sans  doute  de  Rians  (Cher),  chef-lieu 
au  x*^  siècle  de  la  vicaria  Riomensis. 

Piotomagus,  primitivement  Ratumagos.  est  représenté  par 
Rouen  (Seine-Inférieure),  par  Pon^-(7e-Ruan  (Indre-et-Loire), 
l'ancien  chef-lieu  de  la  vicaria  Rotomensis,  et  par  Pondron 
(Oisei.  qu'il  conviendrait  décrire  Pont-de-Ron.  et  qui  correspond 
au  Rodomum  d  un  diplôme  de  Charles  le  Simple  pour  1  abbaye 
de  Morienval, 

Turnomagus  ou  Tornomagus,  dans  Grégoire  de  Tours, 
désigne  Tournon-'S'am^--Ucïr///i  (Indre;.  Tournan  (^Seine-et- 
Marne)  se  nommait  sans  doute  de  même  :  on  trouve  au  xii*"  siècle, 
pour  cette  localité,  l'appellation  Turnomium. 

Vindomagus,  que  Pline  signale  comme  un  des  vici  des 
Volques  Arécomiques,  a  pour  homonyme,  croit-on,  Vendon 
(Puy-de-Dôme). 

93.  Le  nom  dEcouen  iSeine-et-Oise)  paraît  devoir  être  rangé 
dans  la  même  catégorie.  On  n'en  possède  pas,  à  vrai  dire,  de 
formes  latines,  mais  la  j^lus  ancienne  forme  vulgaire.  Escueni 
donne  lieu  de  supposer,  en  raison  de  son  m  tinale,  un  primitif 
tel  que  Scotomagus,  dont  le  premier  terme  serait  apparenté 
au  nom  des  habitants  de  l'Ecosse. 

94.  On  ne  doit  pas,  a  priori,  considérer  comme  provenant 
d'un  nom  en  -omagus  tout  nom  moderne  terminé  par  -ont  ; 
avant  de  se  prononcer  dans  ce  sens,  il  faut  s  assurer  que  Yin, 
finale  essentielle  et  caractéristique  de  cette  terminaison,  se 
retrouve  dans  les  formes  vulgaires,  appartenant  aux  xn^  et 
MU"  siècles,  du  nom  dont  il  s'agit. 

95.  Dans  les  pays  de  langue  germanique,  l'accent  des  noms 
en  -omagus  s'est  déplacé  et  porté  sur  \a  ;  de  là  des  résultats 
très  dill'érents  de  ceux  qu'on  observe  en  pays  roman. 

Le  Brocomagus  de  l'IliiK  raire  d'.Antonin  paraît  être  Bru- 
math  (  1  >asse-.\lsace  . 

Diirnomagus  ?i  donné  Domiagen  i  régence  de  Diisseldorf), 
Marcoiuagus  Marmagen  (régence  d'Aix-la-Chapelle),  Novlo- 
niagus  Neuraagen  régence  de  Trêves)  el  Nijmegen,  que  nous 
appelons  Nitnrgue  (Pays-Bas),  Rigomagus  Remagen  i régence 

de    (  .iiblfll/    . 


VIII 
BRI  VA 

96.  Le  mot  briva  ne  s  est  conservé  dans  aucune  des  langues 
néo-celtiques.  On  lui  a,  dès  le  xvi*' siècle,  attribué  assez  heureu- 
sement le  sens  du  latin  pons,  qui  semble  ressortir,  en  effet,  du 
nom  Briva  Isara,  désignant,  sur  la  voie  de  Paris  à  Rouen, 
remplacement  de  la  ville  actuelle  de  Pon toise  :  ce  dernier  nom 
n'est  autre  chose  que  la  traduction  de  Briva  Isara.  Cette  con- 
jecture s'est  trouvée  vérifiée  par  Fexamen,  non  seulement  des 
noms  analogues  que  fournit  la  nomenclature  géographique,  mais 
encore  du  petit  glossaire  d'Endlicher,  où  hi'io,  représentant 
une  forme  masculine  de  briva,   est  traduit  par  le   latin  ponte. 

97.  Employé  parfois  isolément  comme  nom  de  lieu,  Briva  est 
l'origine  de  Brive  (Mayenne),  de  Bvive-la-Gaillarde  i^Corrèze),  de 
Brives  (Indre,  Haute-Loii'e),  de  Briwes-sur-C/iarente  (Charente- 
Inférieure),  de  Brèves  (Nièvre),  de  Brie  (Aisne),  ce  dernier  nom 
désignant  le  point  où  l'antique  voie  de  Saint-Quentin  à  Amiens 
franchit  la  Somme. 

98.  Il  est  à  noter  que  Brive-la-Gaillarde  est  mentionné  par 
Grégoire  de  Tours  sous  l'appellation  de  Briva  Curretia,  dont 
le  second  terme  n'est  autre  chose  que  le  nom  delà  Corrèze  :  ainsi 
que  dans  Briva  Isara,  le  mot  briva  est  suivi  d'un  nom  de 
rivière.  Des  exemples  analogues  sont  fournis  par  Briva 
Sugnutia,  nom  qu'une  inscription  romaine  applique  à  un  viens 
du  pays  éduen  où  existait  une  fabrique  d'armes  '  ;  par  Briovera, 
ou  mieux,  sans  doute,  Briavera,  forme  basse  pour  BrivaA^era, 
aujourd'hui  Saint-Là,  sur  la  Vire:  par  Bria  Sarta,  pour  Briva 
Sarta.  nom  qui  s'est  conservé  (hins  Brissarthe  (Maine-et-Loire). 

99.  Ailleurs,  le  mot  briva  (»ccupc  le  secoutl  rang.  Dans 
1  antique    appellation    àWinieiti^,    Samarobrivii    ou    Samara- 


I.  Llriu'sl  Ufsjiiiiliiis,  (iéoijiupliH\...  </(-•  lu  (iaulf  ronuiinc  !  Paris,  ISTli- 
iS'.KJ,  yr.  \n-H'\  II,  ir2-\l.\]  l'identilif  a\fC  Brèves  (Nièvre),  nuMitioiiiu'  [Avts 
liaul. 


48  LliS     NOMS    DE    LIEU 

briva.  le  premier  terme  est  le  nom  primitif  de  la  Somme, 
Samara.  Ghabris  (Indre),  qui  était  à  l'époque  caroling-ienne 
chef-lieu  de  la  vicaria  Carobriensis,  s'appelait  vraisembla- 
blement à  l'orig-ine  Carobriva  :  Chabris  est  situé  sur  le  Cher, 
en  latin  Carus  ou  Garis.  Le  nom  de  Salbris  (Loir-et-Cher)  est 
peut-être  formé  de  la  même  façon  :  en  tout  cas,  cette  localité  est 
placée  sur  la  Sauldre,  en  latin  Salera. 

100.  L'exemple  de  Chabris  atteste  que  1'/  de  briva  était  long, 
donc  tonique,  à  la  différence  de  celui  de  briga  :  les  deux  mots 
ne  sauraient  donc  être  confondus. 

101.  C'est  sans  nul  doute  briva  qu'on  doit  reconnaître  dans  le 
nom.  mentionné  déjà,  de  Brivodurum,  primitif  de  Brières,  de 
Briare,  de  Briarresetde  Brieulles,  et  qui  signifie,  par  conséquent, 
la  «  forteresse  du  pont  ». 


IX 

RIT  os 

102.  Le  mot  gaulois  ritos  avait  le  sens  de  «  gué  »,  tel  le  latin 
va  dus,  tel  aussi  l'anglais  ford  dans  Oxford,  «  le  gué  des 
bœufs  »  et  Tallemand  furt,  dans  Frankfurt,  «.  le  gué  des 
Francs  ». 

103.  Les  textes  antiques  relatifs  à  la  Gaule  ne  font  connaître 
que  trois  noms  de  lieu  dans  lesquels  on  reconnaisse  ritos  :  Ritu- 
magus,  «  le  champ  du  gué  »,  station  de  la  voie  de  Paris  à 
Rouen,  sur  l'Andelle,  dans  le  voisinage  de  Radepont  (Eure); 
Augustoritum  qui  a,  au  iLi''  siècle,  échangé  son  nom  contre 
celui  des  Lemovices,  dont  il  était  le  chef-lieu  ;  enfin  Bandritum, 
station  itinéraire  dont  la  situation  répond  à  celle  de  Basson 
(Yonne),  sans  qu'il  y  ait  d'ailleurs  entre  le  nom  antique  et  le  nom 
actuel  le  moindre  rapport. 

104.  Les  noms  Augustoritum  et  Bandritum  n'ayant  laissé 
aucune  trace  dans  la  toponomastique  moderne,  on  ignore  quelle 
était,  dans  ces  noms,  la  quantité  de  It,  et  par  conséquent,  la 
place  de  l'accent  tonique. 

A  supposer  que  cet  /  ait  été  bref,  donc  atone,  on  serait  fondé 
à  voir  des  équivalents  de  Camboritum,  localité  disparue  de  la 
Grande-Bretagne,  dans  Chambord  (Eure,  Loir-et-Cher),  Cham- 
bors  (Oise)  et  —  forme  plus  altérée  —  Ghambourg  (Indre-et- 
Loire),  qui  était,  à  l'époque  carolingienne,  chef-lieu  de  la  vicaria 
Cambortensis.  Camboritum  signifie  «  le  gué  tortu  ».  Et 
peut-être  faut-il  rattacher  à  la  même  série  le  nom  de  Niort  (Deux- 
Sèvres),  dont  la  forme  Noiortum,  constatée  à  l'époque  carolin- 
gienne, représente  vraisemblablement  un  primitif  Noviorituni, 
apparenté  par  son  premier  terme  à  Noviomagus. 


Li's   iii'ins   lie   lien. 


X 

DU B MON 


105.  Le  mot  gaulois  dubrun.  latinisé  dubruui,  équivalait  au 
latin  aqua.  Il  s'est  conservé  dans  divers  dialectes  néo-celtiques, 
notamment  dans. le  gallois  et  bas-breton  dour  par  l'intermédiaire 
d'une  forme  médiévale  diivr.  C'est  faute  de  connaitre  celle-ci  que 
les  savants  qui,  du  xvr'  siècle  à  nos  jours,  se  sont  occupés  de 
lorigine  des  noms  de  lieu,  ont  pensé  retrouver  le  mot  dont  il 
s  agit  dans  la  terminaison  -durum  précédemment  étudiée. 

106.  Duhron  ou  dubrum  ne  paraît  dans  aucun  des  noms  de 
lieu  de  Gaule  que  mentionnent  les  monuments  de  l'antiquité  : 
mais  à  l'époque  carolingienne,  on  voit  dubrum  pris  isolément 
pour  désigner  Douvres  (Seine-et-Marne  ,  et  emplo  vé  comme  second 
terme  du  nom  de  deux  localités  du  Rouergue  méridional  dont  il 
est  (juestion  dans  une  charte  de  883  en  faveur  du  monastère  de 
Vabres  :  L a d e  d u b r u m  et  \' u  1  e d u b r u m,  au  jourd' bui  Ladezouvre 
et  Valezoubre  (Aveyron).  Clrégoire  de  Tours  avait  d'ailleurs  parlé 
d'un  certain  Cambidobrense  monasterium. 

107.  Par  contre  on  reconnaît  dubrum  dans  la  terminaison  du 
nom  d'un  certain  nombre  de  cours  d'eau  de  l'ancienne  Septimanie. 
Pline,  dans  son  Histoire  mUiiroVe,  appelle  \'ornodubrum  cet 
allluenl  de  l'Agi v  qui.  dans  le  département  des  Pyrénées-Orien- 
tides,  a  de  nos  jours  nom  le  Verdouble  :  pareille  est  l'origine  des 
noms  du  "Vernazobre,  <Iu  Vernezoubre  et  du  Vernoubre.  affluents 
de  1  Agout,  et  du  Vernazoubre,  afihumt  de  l'Urb  dans  le  dépar- 
tement de  l'Hérault,  oii  d  ailleurs  le  Vernezoubre  et  leA'ernazoulne 
ont  donné  leur  nom  à  des  bameaux  riverains.  Un  primitif  Argen- 
loilubriim  est  bien  reconnaissable  sous  les  formes  Argcntum- 
dublum.  .\  rgen  tumduphi'.n  et  A  rgrn  I  umdu  p  ru  m  (pu. 
aux  vin"  et  IN'"  siècles,  (Uit  désigné  lArgentdouble.  ;ifllucul  de 
l'Au.b-. 

108.  C^es  noms  de  rivières  ou  de  ruisseaux  en  -ilubrum 
méritent  (|uel(jue  attention  :  les  noms  de  cours  d'eau  d'origine 
tidtique  étant,  de  l'avis  des  leltistes  les  plus  autorisés,  très  rares 


ORIGINES     CELTlnUES    :    DIBROX  ."i  | 

en  Gaule,  il  est  intéressant  de  rencontrer  ceux-là  en  nombre 
relativement  considérable  dans  une  région  où  précisément  les 
Gaulois  n'ont  pénétré,  semble-t-il,  qu'à  une  époque  peu  reculée, 
trois  siècles  environ  avant  l'ère  chrétienne  ;  et  si  ces  noms 
doivent  être  considérés  comme  particuliers  à  telle  tribu  gauloise 
plutôt  qu'à  telle  autre,  les  exemples  qui  viennent  d'être  cités, 
relevés  dans  le  Languedoc  oriental,  tendraient  à  les  faire  attribuer 
aux  Volcac. 


XI 

XAXTOS 

109.  Le  motg^aulois  latinisé  nantus  ou  nantuin  est  mentionné 
sous  la  forme  oblique  nanto  dans  le  petit  glossaire  gaulois 
d'Endlicher,  qui  le  traduit  par  vallis,  et  indique,  en  outre,  le 
composé  trinanio,  traduit  par  très  valles.  G  est  évidemment  ce 
mot  qui,  dans  le  langage  des  régions  alpestres  de  la  Savoie  et  de 
la  Suisse  romande,  subsiste  sous  la  forme  nand,  avec  une  légère 
déviation  de  sens,  la  partie  étant  prise  pour  le  tout,  pour  désigner 
ime  cascade,  un  torrent. 

110.  De  même  que  dunos,  nantos  a  été  parfois  employé  comme 
nom  propre  de  lieu,  sans  le  secours  daucUn  adjectif,  ni  d'aucun 
autre  nom  propre,  et  il  subsiste,  sans  autre  altération  pour 
loreille,  que  la  chute  de  la  syllabe  atone,  dans  les  noms  de  Nant 
(Aveyron,  Meuse),  Nans  (Doubs,  Var),  Namps  (Somme).  Nantus 
fut,  à  l'époque  mérovingienne,  le  nom  d'un  monastère  du  diocèse 
de  Coutances,  qu'a  désigné  depuis  le  vocable  de  Saint-Marcouf 
(Manche).  On  reconnaît  aussi  un  primitif  nantus,  accompagné 
d'un  déterminatif  moderne,  dans  ]^din-sous-Thil  (Cùte-d'Or), 
dont  le  nom  est  devenu  celui  d'une  famille  militaire  célèbre,  sous 
la  forme  Xansouty. 

111.  Dans  les  noms  composés  où  il  paraît  comme  second  terme, 
le  mot  gaulois  nanloa  n'a  jamais  subi  d'altération  plus  sensible. 

Dînant  (Belgique,  province  de  Namur),  et  peut-être  Dinan 
(Côtes-du-Nord),  représentent  un  bas-latin  Dionantus,  origi- 
nairement sans  doute  Divonaiitus,  cjui  se  rapproche  par  son 
j)reinier  terme  deDivodurum  ou  Diodurum. 

Grenant  '^Gôte-d'Or,  Haute-Marne,  Nièvre),  correspond  au 
Grauiitinto  des  triens  mérovingiens,  et  on  h'  voit,  dans  Vaugre- 
nant  ''Saône-cl-Loire),  combiné  avec  vallis. 

Lournand  (Sa6ne-el-Loire),  nom  d'une  localité  Muntionnée 
fréfjueminent  dans  les  chartes  du  \''  siècle  de  l'abbaye  de  Gluny, 
sous  la  formiî  Loinantum,  semble  avoir  pour  jiarallèlc  le  nom 
d'une   localité  toute  voisine,    /.uurdon,   dont  il  est  question  dans 


oHic.iNEs    cKi/rioiEs    :   .\A.\ros  o3 

les  mêmes  documents,  et  dont  le  second  terme  dunum  indi([ue 
la  position  élevée  par  rapport  k  Lournant. 

Mornand  (Loire),  Mornans  (Drôme),  Mornant  (Rhône,  Haute- 
Savoie),  représentent  un  primitif  tel  que  Mauronantus  ou 
Maurinantus. 

Pargnan  (Aisne),  Pernand  (Côte-d'Or),  Pernant  (Aisne,  Orne), 
portaient  sans  doute  à  l'origine  le  nom  de  Parronantus,  k  rap- 
procher du  nom  de  lieu  celtique  Parrodunum,  mentionné  par 
Ptolémée. 

Dans  Ternant  (Ain,  Charente-Inférieure,  Côte-d'Or,  Nièvre, 
Orne,  Puj-de-Dôme,  Yonne),  il  faut  vraisemblablement  recon- 
naître d'anciens  Taronantus,  apparentés  par  leur  premier 
terme  k  Tarodunum  qui,  à  l'époque  romaine,  désig-nait  une 
localité  de  Germanie,  d'orig-ine  g'auloise,  et  sans  doute  aussi  le 
chef-lieu,  à  rechercher  entre  Soissons  et  Reims,  du  pagus  qu'on 
appelle  le  Tardenois. 

112.  Le  g-aulois  naiitos  semble  être  en  outre  la  racine  du  nom 
de  lieu  Nantoialum,  que  traduirait  assez  bien,  semble-t-il, 
l'adjectif  latin  vallestris.  Ce  vocable  est  l'origine  du  nom  si 
répandu  de  Nanteuil,  et  de  ceux  de  Nanteau  (Seine-et-Marne, 
Yonne),  de  NantOUX  (Côte-d'Or,  Saône-et-Loire)  et  de  Nampteuil 
(Aisne),  variante  graphique  du  premier.  Dans  Monampteuil 
(Aisne),  on  reconnaîtra  Mons  Nantoialum.  Kt  Nantouillet 
(Seine-et-Marne)  est  un  ancien  Nanteuil,  qu'une  désinence 
diminutive  différencie  d'un  homonyme  plus  important,  Nanleuil- 
le-Haudouiii  (Oise). 

113.  Peut-être  faut-il  voir  la  même  racine  dans  Nantua  (Ain)  : 

monasteriolum ([uod    Nantuadus  ab   a  qui  s   e  vicino 

emerg-entibus  publiée  vocitatur,  porte  un  diplôme  du  roi 
Lothaire  daté  de  852  ;  une  interprétation  toute  semblable  de  ce 
nom —  a  multitudine  aquarum  ibi  conlluentium  —  se  lit 
dans  la  chronique  de  Saint-Bénig-ne.  On  en  rapprochera  Nantois 
(Meuse). 


XII 
ONXA 

114.  L'existence  d'un  mot  g-aulois  onna,  au  sens  du  latin  fons, 
nest  attestée  par  aucun  écrit  de  lantiquité,  mais  on  peut  l'induire 
en  quelque  sorte  de  deux  faits.  L'un  est  la  mention,  dans  un 
écrit  —  la  Vil  a.  sancf.i  Domitiani  —  consacré  au  récit  de  la  vie 
d'un  personnage  du  iv*  siècle,  de  deux  sources,  de  deux  fontaines 
du  territoire  de  Lasfuieu  (Ain),  appelées  respectivement 
Bebronna  et  Calonna.  L'autre  fait  est  la  présence,  dans  le 
petit  glossaire  d'Endlicher,  d'un  mot  qui  ne  diffère  de  onna  que 
par  le  genre,  onno,  traduit  par  flumen. 

115.  Le  nom  de  Calonna  ne  s'est  pas,  dans  le  Bugey,  où 
vivait  saint  Domitien,  transmis  jvisqu'à  nous,  l'hagiographe  nous 
apprenant  qu'au  iv*^  siècle  ce  nom  fit  place  à  celui  de  Fons 
Latini,  ou  plutôt  Fons  Latinii.  Mais  il  a  désigné,  du  vi''  au 
XI®  siècle,  Chaàonnes-sur- Loire,  aujourd'hui  dans  le  département 
de  Maine-et-Loire,  qui  possède,  en  outre,  un  Calonnes-sofzs-/e- 
Lude.  La  première  partie  du  nom  de  Calonna  lui  serait  commune 
avec  Calodunum,  forme  primitive  supposée  de  Chaudnn  et 
Calodurum,  que  représente  Chilleurs. 

116.  Quant  à  Bebronna,  peut-être  à  l'origine  Bibronna, 
qu'on  pourrait  traduire  par  <(  la  fontaine  des  bièvres  »  ou  «  des 
castors  »,  c'était  en  Gaule  le  nom  d  un  grand  nombre  de  fontaines 
ou  de  ruisseaux,  appliqué  parfois  à  des  localités  riveraines  :  la 
Beuvronne,  affluent  de  la  Marne;  la  Brevonne,  sous-aftluent  de 
r.Vube,  la  Brevenne,  allluent  du  Hhône,  la  Brevanne,  qui  coule 
dans  le  Luxembourg  belge. 

117.  Notre  pays  possède  un  certain  nombre  de  cours  d'eau, 
désignés  par  un  nom  masculin,  qui  ne  dilTère  de  ceux  (jui  viennent 
d'être  iiuii(|U(''S,  (pic  par  le  genre  et  par  la  terminaison  qui  en  est 
la  conséquence  :  le  Beuvroil,  affluent  de  la  Selune,  qui  coule 
dans  les  départements  d'ille-et- Vilaine  et  de  la  Manche,  et  dont 
le  nom  se  retrriuve  dans  le  nom  de  Sain/Senin-de-lieuvron 
(Manche);  le  Beuvron.  affluent  de   la    Loire,   (pii  coule   dans  les 


OKiGiNRs  (>;T;nnii;s   :   o.v.v  i  .">.» 

départements  du  Cher,  du  Loiret  et  de  Loir-et-Cher,  et  qui,  dans 
ce  dernier,  arrose  la  Motte-Beuvron  ;  le  Beuvron,  affluent  de 
l'Yonne,  qui  a  donné  son  nom  à  la  commune  de  Beuvj'on 
(Nièvre)  :  enfin  \e  Brevon,  qui  prend  sa  source  à  la  fontaine 
Bebronna  de  la  Vila  sancti  Domiiiani,  et  qui  se  jette  dans 
l'Albarine  k  Saiut-Ramhert  (Ain),  localité  qui,  avant  de  porter 
son  nom  actuel,  était  désignée  à  l'époque  franque,  par  celui  du 
cours  d'eau  en  question.  Bebronna. 

118.  On  est  fondé  à  reg-arder  comme  procédant  de  primitifs  en 
-onna  les  noms  de  la  Chalaronne,  affluent  de  Ui  Saône,  Cala- 
ronna  ;  de  l'Aronde.  affluent  de  lOise,  Aronna;  de  la  Saône, 
Saugonna  ;  de  la  Boutonne,  affluent  de  la  Charente,  Vultunna. 

119.  Mais  on  ne  confondra  pas  onna  avec  la  terminaison 
-ona,  qu'on  observe  dans  xVxona  et  dans  Matrona;  tandis  que 
Vo  de  onna  était  long,  donc  tonique,  et  s  est  conservé,  celui  de 
-ona  était  atone,  les  vocal)les  modernes  Aisne  et  Marne  en  font 
foi. 

120.  Il  est  possible  que  Divonne  (Ain)  représente  un  primitif 
en -onna,  apparenté  par  son  premier  terme  à  Divoduruni; 
mais  on  ne  saurait  sans  danger  former  pareille  conjecture  à  pro- 
pos de  tous  les  noms  qui  se  terminent  actuellement  en  -onnc, 
car  on  sait  positivement  que  certains  d'entre  eux,  Carcassonne, 
Narbonne,  Bourhonne,  représentent  des  noms  latins  de  déclinai- 
son imparisyllabique  en  -o,  -onis. 


XIII 
VERA 

121.  Vera  est  la  forme  latine  d'un  mot  supposé  gaulois  qui 
se  serait  conservé  dans  le  breton  armoricain  ffouer,  au  sens  de 
«  ruisseau  »  ;  toutefois  certains  celtistes  prétendent  que  ce  der- 
nier mot  est  pour  un  ancien  ivober . 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'e  de  vera  était  bref,  on  peut  s'en  convaincre 
par  l'étude  des  noms  dont  il  constitue  le  second  terme,  et  dans 
lesquels  l'accent  était  sur  la  syllabe  précédente. 

Dèvre  (Cher),  anciennement  Oeuvre,  était  à  l'époque  carolin- 
gienne Dovera. 

Meg-avera  désignait  à  la  fois  le  Mesvrin,  affluent  de  l'Arroux, 
et  une  de  ses  localités  riveraines,  Mesvres  (Saône-et-Loire). 

L'ancien  nom  de  la  Touvre,  affluent  de  la  Charente,  est  Tol- 
vera. 

Vendeuvre  (Aube)  est  appelé  sur  des  monnaies  mérovingiennes 
Vin  do  vera  :  il  se  distingue  donc  de  ses  homonymes  indiqués 
plus  haut  (n*>  85)  qui  sont  d'anciens  Vindobriga. 

122.  Dans  vera,  employé  seul,  l'e  était  nécessairement 
accentué  ;  étant  bref,  il  devait,  en  langue  d'oïl,  devenir  ié  :  c'est 
ce  que  Ion  constate  dans  le  nom  de  la  Vière,  sous-affluent  de  la 
Marne. 


XIV 
y E  METIS 

123.  Le  sens  du  mot  nemetis,  qu'on  pourrait  induire  de  celui 
de  l'irlandais  nemed,  au  sens  de  «  sanctuaire  »  est  clairement 
attesté  par  ces  vers  que  Fortunat,  au  vi''  siècle,  a  consacrés  au 
nom  Vernemetis  porté  par  une  localité  de  l'Aquitaine. 

Nomine  Vernemetis   volait  vocitare   vetustas, 
Quod  quasi  fanum  iiigens  gallica  lingua  refert. 

Nemetis,  qui  figure  quelquefois  dans  les  noms  g-aulois  latinisés 
sous  la  forme  nemetum  —  Vernemetum  dans  l'île  de  Bre- 
tagne, Tassinemetum  dans  la  Norique,  Augustonemetum 
en  Gaule  —  était  donc  pris,  comme  l'irlandais  nemed^  au  sens 
du  latin  fanum. 

124.  Les  seuls  noms  de  lieu  modernes  qu'on  puisse  rattacher 
d'une  façon  certaine  et  pour  une  de  leurs  parties  à  ce  mot  gaulois 
sont  : 

Vernantes  (Maine-et-Loire),  au  ix^  siècle  Vernimptas,  dérivé 
précisément  de  Vernemetis,  accentué  sur  l'antépénultième,  dont 
nous  devons  à  Fortunat  de  connaître  le  sens. 

Nanterre  (Seine),  dont  le  thème  étymologique  est  Nemeto- 
durum,  déformé  au  vi®  siècle,  dans  les  écrits  de  Grégoire  de 
Tours,  en  Nemptodorum. 

125.  Des  inscriptions  romaines  trouvées  dans  le  département  du 
Gard  signalent  l'existence,  dans  la  Gaule  méridionale,  des 
Arnemetici,  c'est-à-dire  des  habitants  d'une  localité  appelée 
Arnemetis  :  peut-être  doit-on  rattacher  à  ce  dernier  vocable, 
moyennant  une  substitution  de  liquide,  Arlempdes  (Haute-Loire) 
et  Arlende  (Gard). 

126.  Les  noms  Augustonemetum  et  Nemelocenna,  four- 
nis par  des  écrits  de  l'antiquité,  et  désignant,  le  premier  le  chet- 
lieu  de  la  cité  des  Arvernes,  le  second  une  importante  localilé 
gauloise  voisine  de  l'Artois,  n'ont  rien  donné  en  français,  ayant 
cessé,  dès  répo(|ue  romaine,  d'être  en  usage. 


XV 
GOND  AT E 

127.  La  fréquence  du  nom  antique  Condate,  dont  la  forme 
nominative  est  peut-être  Gondas.  est  déjà  indiquée  par  les 
monuments  de  l'antiquité  romaine.  En  effet,  les  documents 
itinéraires  relatifs  à  la  Gaule,  ne  font  pas  connaître  moins  de  huit 
localités  ainsi  dénommées  —  une  seule  a  conservé  son  nom, 
c'est  Condé-SUr-Iton  (Eure)  —  auxquelles  il  en  faut  joindre  une 
neuvième,  Gondatomagiis. 

128.  La  terminaison,  étudiée  déjà,  de  ce  dernier  nom,  paraît 
établir  la  celticité  de  condate  ;  et  comme  d'ordinaire  les  localités 
f[ui  portent  aujourd'hui  le  nom  de  Condat  ou  de  Condé  sont 
siluées  à  la  jonction  de  deux  cours  d'eau,  en  est  fondé  à  croire 
(pi'en  p^aulois  condate  avait  le  sens  tle  confluent  ;  ces  localités 
seraient  donc  synonymes  de  Cnhlcnz  et  de  Coiiflans,  formés  sur 
le  latin  (^onfluentes.  et  de  Quimper.  qui  représente  le  breton 
armoricain  Kemher. 

Ges  noms  de  Gondé  et  de  Gondat  sont  les  formes  vulg-aires  les 
plus  répandues,  la  première  dans  le  nord  de  la  France,  la  seconde 
dans  le  midi,  de  lan tique  Gondate. 

129.  Le  nom  de  Condé  est  porté  par  une  trentaine  de  localités 
françaises,  dont  les  deux  tiers  ont  rang-  de  commune  dans  les 
départements  de  l'Aisne,  des  Ardennes,  du  Galvados,  de  l'Eure, 
de  rindre,  de  la  Manche,  de  .la  Marne,  de  la  Meuse,  de  l'ancienne 
Moselle,  du  Nord,  do  l'Orne,  de  Seine-et-Mnrno,  de  Seine-et- 
Oise  et  de  la  Somme. 

130.  Parmi  toutes  ces  localités  on  n Cn  compte  ^\\\o  deux  — 
Gondé  f Indre)  et  (Jondé-snr-Vèffrc  (Seine-et-Oise)  —  dont  la 
situation  ne  justilio  pas  le  sens  attribué  au  mot  condato.  Peut- 
être  les  noms  de  ces  deux  localilés  n'ont-ils  [)as  plus  de  rapport, 
au  point  de  vue  de  l'origine,  avec  ce  mot  que  le  nom  de  G.ondé- 
rourt  fSeine-et-()ise),  pour  lequel  on  possède  la  forme  ancienne 
(inndonrourt ,  (\\\\  donne  lieu  de  supposer  un  |)rimitif  Gu  ndildis 
curtis. 


ORIGINKS    CEMluLES    :     COX DATI-:  "«O 

131.  Parfois,  dans  les  régions  de  langue  d'oïl,  Gondate  a 
produit  une  forme  qui  se  distingue  de  celle  qu'on  vient  d'obser- 
ver par  la  réduction  du  son  nasal  de  la  première  syllabe  :  deux 
anciens  Condate  sont  aujourd'hui  dénommés  Candé  dans  les 
départements  de  Loir-et-Cher  et  de  Maine-et-Loire. 

132.  Dans  la  portion  méridionale  de  la  France,  c'est  Condat 
qui  représente  le  Gondate  antique,  et  ce  nom  y  est  porté  par 
huit  communes,  toutes  situées  à  des  confluents,  et  qui  appar- 
tiennent aux  départements  du  Gantai,  de  la  Corrèze,  de  la  Dor- 
dogne.  du  Lot,  du  Puy-de-Dôme  et  de  la  Haute-Vienne. 

133.  Condé,  Candé  et  Condat  représentent  Gondate  accentué 
sur  Va  ;  mais  il  est  probable,  sinon  certain,  que  Gondate  était 
un  cas  oblique  de  Gondas,  dont  Va  était  nécessairement  atone  : 
on  ne  peut  expliquer  autrement  le  nom  de  Candes  (Indre-et- 
Loire),  localité  située  au  confluent  de  la  V  ienne  et  de  la  Loire,  et 
que  Sulpice  Sévère  et  Grégoire  de  Tours  appellent  vicus  Gonda- 
tensis.  Condes  (Jura,  Haute-Marne),  a  la  même  origine,  ain.si, 
peut-être,  que  Cosne  (Nièvre). 

134.  Gondate  est  aussi,  mais  médiatement,  l'origine  des  noms 
de  Condel  (Galvados),  Condets  (Seine-et-Marne  i,  et  Condeau 
(Ornei,  qui,  sous  leur  ancienne  forme  Condeel,  représentent  des 
diminutifs  de  Condé. 

135.  Le  mot  gaulois  condate,  qui  a  servi  de  nom  propre  à  tant 
de  localités  celtiques,  a  en  outre  contribué  à  former  des  noms 
composés.  Les  textes  antérieurs  au  vu®  siècle  nous  en  font  con- 
naître deux  :  Gondatisco  et  Gondatomagus. 

Le  premier  désignait  à  l'époque  franque,  au  confluent  de  la 
Bienne  et  du  Tacon,  le  lieu  qui,  d'un  monastère  célèbre  qu'on  y 
établit,  prit  successivement  les  noms  de  Saint-Oyand  (Sanctus 
Eugendus)  et  de  Saint-Claude  :  ce  lieu  est  actuellement  le 
siège  dune  des  sous-préfectures  du  Jura. 

Quant  à  Gondatomagus,  nom  qui  signifie  «  le  champ  du 
conMuent  »  et  qui,  sur  la  Table  de  Peutinger,  s'applique  à  une 
station  itinéraire  voi.sine  de  Milhau  (Avoyron),  il  doit  être,  en 
outre,  le  terme  étymologique  du  nom  de  Condéon  M]harente\ 


XVI 
MEDIOLAXUM 

136.  Le  nom  gaulois  latinisé  en  Mediolanum  ou  Mediola- 
nium  est  presque  aussi  fréquent  que  condate,  et  les  textes 
antiques  font  connaître  huit  localités  ainsi  dénommées  :  l'une 
appartenait  à  la  Gaule  cisalpine  ;  cinq  étaient  comprises  dans  la 
Gaule  transalpine,  une  dans  la  Germanie  et  une  autre  encore  dans 
l'île  de  Bretagne. 

Trois  seulement  de  ces  localités  peuvent  être  reconnues  avec 
certitude  dans  des  lieux  dont  le  nom  actuel  dérive  de  l'ancien  : 
ce  sont  Milan/ Italie),  Ghâteaumeillant  (Cher)  et  le  Mont-Miolant 
(Loire).  Deux  autres,  le  Mediolanum  des  Sanfoni  et  celui  des 
Eharovices  ont  changé  de  nom  dès  l'époque  romaine,  et  sont 
aujourd'hui  représentées  par  Saintes  et  par  Evreux. 

Si  les  textes  antiques  prouvent  la  fréquence  de  ce  vocable 
géographique,  la  diffusion  en  est  encore  attestée  par  la  topono- 
mastique  de  la  France,  qui  contient  une  trentaine  de  noms  venant, 
selon  toute  apparence,  de  Mediolanum  ou  de  Mediolanium  : 
le  fait  est  d'ailleurs  incontestable  pour  la  plupart,  grâce  à  la 
mention  qu  on  en  trouve  dans  des  chartes. 

Ces  noms  modernes  se  divisent  tout  naturellement  en  deux 
séries  :  les  uns  dérivant  certainement  de  la  forme  antique,  attestée 
par  des  inscriptions,  Mediolanium  ;  les  autres  qu  il  convient 
de  rapporter  à  M  e  d  i  o  1  a  n  u  m . 

137.  La  premièie  série  est  représentée  par  Ghâteaumeillant  et 
Meillant  Cher),  Meilhan  (Gers.  Landes,  Lot-et-G;ironne  ,  Meil- 
lan  niaute-Garonne,  Gironde),  Moilien  (Aisne),  Moliens  (Oise, 
Scinp-et-Mariio  .  Molllens-aux-BoisetMolliens-Vidame  '  Sonmiej, 
Montmeillant  ^Vrdennes,  Seine-et-Marno),  Montmeillien  (Côte- 
d"()ri,  Montmélian  'Oise,  Savoie)  :  tous  ces  noms  sont  caractéi-isés 
par  l:i  iiKtiiilhirr,  de  la  li(|uide  médiane —  //,  ///,  //  -  uïouillure 
fxplicabh'  j)ar  h'  recul  de  1'/  (|ui,  dans  Mediolanium  —  sxiivait 
le   gr(»u|)e  a  n. 

138.  Au    coiilrain'.    indlc    liiui-    {{{'    ocl    /    ii  apporail    dans     les 


t)Ri(;i.M:s  cixiinuEïi   :   mkdiolaxum  61 

noms  ([ui  constituent  la  seconde  série  :  Mâlain  Gôte-d"Or), 
Maulain  (  Haute-Marne j,  Méolans  (Basses- Alpes),  Meulin  (Saône- 
et- Loire),  Meylan  (Isère,  Lot-et-Garonne  j,  Miolan  (Rhône, 
Savoie),  Mioland  (Rhône,  Saône-et- Loire),  Moëlaln  (Haute- 
Marne),  Moislains  (Somme),  Molain  (Aisne,  Jura),  et  le  Mont- 
Molain  (Loire). 

139.  Le  nom  antique  de  Mediolanum  se  retrouve,  on  le  voit, 
un  peu  partout  en  Gaule,  sauf  peut-être  dans  le  nord-ouest,  en 
Auvergne,  en  Limousin  et  dans  le  Languedoc.  Que  signifiait-il? 
Henri  Martin  Ta  traduit  par  «  terre  sainte  du  milieu  »,  lan 
représentant,  à  ses  yeux,  l'idée  de  «  terre  sainte  »  ou  de  «  sanc- 
tuaire »,  le  sens  de  «  milieu  )-,  étant  attaché  à  la  première  partie 
du  nom  ;  et  il  semblait  croire  que  chaque  peuple  gaulois  avait 
un  mediolanum  ;  mais  la  répartition  géographique  des  localités 
dont  on  vient  de  lire  l'énumération  ne  favorise  guère  cette  opi- 
nion :  on  en  a  compté  trente-deux,  et  les  diocèses  auxquels  elles 
appartenaient  au  mojen  âge,  sont  au  nombre  de  vingt-deux 
seulement,  correspondant  à  vingt  et  une  cités  romaines  :  d'où  il 
résulte,  à  suivre  Henri  Martin  dans  son  hypothèse,  que  les 
Ambiani  auraient  eu  trois  «  terres  saintes  du  milieu  »  :  Moliens 
(Oise)*,  Molliens-aux-Bois  et  MoUiens-Vidame  ;  les  Bituriges 
deux  :  Ghàteaumeillant  et  Meillant  ;  les  Aedui  trois  :  Meulin, 
Mioland  et  Montmeillien  ;  les  Se ffusiavi  trois  également  :  Miolan, 
Mioland  et  le  Mont-Miolan  ;  les  Allohroges  trois  aussi  :  Meylan, 
Miolan  et  Montmélian  ;  enfin  les  Auscii  deux  :  les  deux  Meilhan 
du  département  du  Gers  ;  il  faut  remarquer,  en  outre,  que  plu- 
sieurs de  ces  locatités  n'étaient  pas  situées  au  centre  des  cités 
dont  elles  faisaient  partie.  L'interpi'étation  proposée  par  Henri 
Martin  paraît  donc  devoir  être  rejetée. 


XVII 
NOVIENTUM  ET    -ENTOS 


140.  Le  nom  de  lieu  de  Novientum  n'apparaît  dans  aucun 
des  textes  de  l'époque  romaine  qui  sont  parvenus  jusqu'à  nous, 
mais  on  le  trouve  fréquemment  dans  les  textes  de  Tépoque 
tVanque,  où  il  figure  parfois  sous  la  forme  Novigentum,  carac- 
térisée par  la  présence  d'un  g  qui  n'en  modifiait  guère  la  pronon- 
ciation. Ce  vocable  —  tel  était  du  moins  le  sentiment  de  d'x\r- 
bois  de  Jubainville  —  dériverait  de  la  racine  qui  a  fourni  l'adjectif 
gaulois  novios  au  sens  de  «  nouveau  »,  à  l'aide  d'un  suffixe 
-entum,  analogue  au  suffixe  -entez,  (jui  a  servi  à  former,  dans 
le  breton  armoricain,  un  certain  nombre  de  substantifs  dérivés 
d'adjectifs.  Ainsi  Novientum,  littéralement»  nouveauté  »,  serait 
un  vocable  topographique  équivalant  aux  Xeuville  et  Villeneuve 
qui  ont  été  formés  en  si  grand  nombre  au  moyen  âge. 

141.  Novientum  a  produit  le  nom  Nogent.  ([ui,  en  France, 
ne  désigne  pas  moins  de  seize  communes  appartenant  aux  dépar- 
tements de  l'Aisne,  de  la  Côte-d'Or,  de  l'Eure,  d'Eure-et-Loir,  de 
la  Haute-Marne,  de  l'Oise,  de  la  Sarthe  et  de  la  Seine,  et  dont  la 
formation  est  régulière,  caractérisée  qu'elle  est  par  la  consonni- 
fication  de  1"/  ;  dans  ce  nombre  n'est  pas  compris  Nogent-le- 
Holrou  (lîlure-et-Loir),  qui,  à  en  juger  par  une  forme  du  xi'' siècle, 
Nogiomum,  représenterait  un  primitif  Noviomagus,  et  serait 
plus  régulièrement  orthographié  Xogen  ;  non  plus  que  Xoi/ent- 
sur-\'ernis\oit  (I.,oiret),  qu'un  pouillé  du  xiv*"  siècle  appelle 
Noemium,  ce  qui  autorise  la  même  conjecture. 

142.  Le  nom  de  Nogentel  (.Visne,  Marne),  s'applique  à  de  pri- 
mitifs Xofjenl,  (ju  il  diU'érencie,  au  moyen  d'un  suffixe  diminutif, 
d  homonymes  plus  importants  ;  il  a  poui-  é(juivalonl  Nointel 
(Oise,  Sein(;-et-(Jise'. 

143.  Dans  un  ceitain  ncjmbre  d  autres  cas  1/  de  Novientum 
ne  s'est  pas  eonsonnifié,  de  sorte  que  ce  vocable  a  produit  Noyant 

.Vin.  Allier,  Indre-et-Loire,  Maine-et-Loirej. 


ORIGINES    CELIJOUES    :     XOVIh.XTLM    ET    -fîNTOS  {y.] 

144.  Par  contre,  on  peut  signaler  des  formes  modernes  qui  ont 
conservé  le  i' de  Novientum,  et  représentent  presque  intact  le 
nom  antique  ;  elles  paraissent  d'ailleurs  localisées  à  la  région  du 
nord-est  :  lioviant-aux-Prés  (Meurthe-et-Moselle),  Novéant 
(Lorraine;,  Noviand  (Prusse  rhénane,  régence  de  Trêves)  et 
Nepvant  (Meuse;,  dont  le  p  ne  se  prononce  pas.  Ces  formes 
ont  pour  variante  ■Vouuinn/,  qui  désigna  jusqu'auxvii''  siècle,  trois 
Nouvion  de  l'Aisne  :  à  la  vérité,  l'altération  du  son  an  en  on, 
qu'on  trouve  ici  est  rare,  tandis  que  le  phénomène  inverse  est 
très  fréquent,  témoin  les  noms  d'Argentan,  de  Caen  et  de 
Rouen. 

145.  Nogeiii  entre  en  composition  dans  Nogentvilliers,  formé 
au  moyen  âge  par  la  combinaison  du  nom  propre  Nogeni  avec  le 
nom  commun  procédant  de  vil  lare  ou  villa  rium  ;  par  l'effet 
d'une  aphécèse  qui  remonte  peut-être  à  huit  siècles,  Noyentuilliers 
est  aujourd'hui  JanviUiers  (Marne). 

146.  Chose  singulière  :  de  toutes  les  localités  qui  viennent 
d'être  énumérées,  les  plus  méridionales  appartiennent  aux  dépar- 
tements de  Maine-et-Loire,  d'Indre-et-Loire  et  de  l'Ain  :  n'y 
aurait-il  pas  quelque  indication  ethnique  à  tirer  de  là? 

147.  Le  suffixe  gaulois  -enlos  que  révèle  Novientum  parait 
se  retrouver  dans  le  nom  d'Agentum,  porté  jadis  par  le  village 
actuel  d'Hains  (Vienne),  ainsi  que  par  un  bourg  du  diocè.se  de 
Limoges  où  l'établissement  d'un  monastère  fît  prévaloir  l'appel- 
lation Agenti  monasterium,  et  qui  n'est  autre  aujourd'hui 
quTymoutiers  (Haute- Vienne). 

148.  Drevant  (Cher),  en  latin  Derventuni,  présente,  en 
avant  du  même  suffixe,  le  mot  gaulois  dervos,  au  sens  de 
((  chêne  »  au([uel  doivent  leur  nom  le  hameau  de  Der  (Aube  et 
la  région  forestière  où  se  trouve  Monficr-en-Dev  (Haute-Marne). 
Drevant  serait  donc  l'équivalent  des  noms  romans  Chcsnuy, 
Chesnoy,  Qaes?iay,  Qiiesnoij,  et  doit  être  rapproché  du  nom 
antique  Derventione.  sous  le([uel  l'Itinéraire  il'Antonin  désigne 
une  localité  de  la  Grande-Bretagne. 


XVIIl 
-ACTE  OU    -ACTA 

149.  Le  suffixe  gaulois  -acte,  ou  mieux  -acla,  que  d'Arbois 
de  Jubainville  pense  reconnaitre  dans  le  suffixe  -ez  du  bas  breton 
moderne,  paraît  dans  deux  noms  de  lieu  mentionnés  par  les  textes 
antiques. 

Bibracte  ou  Bibracta,  qui  désigne,  dans  César,  le  principal 
oppidum  des  Eduens,  est  représenté  par  le  mont  Beuvray,  dont 
le  nom,  qui  s'écrivait  jadis  Bevrait,  est  très  régulièrement  formé, 
la  désinence  s'étant  comportée  tout  comme  le  mot  factum, 
devenu  fait,  et  le  radical  dé  même  que  celui  de  biberaticum, 
mot  qui  a  donné  hevrar/e,  ancienne  forme  de  breuvage.  Ce  radical 
paraît  n  être  autre  que  le  nom  celtique  du  castor,  apparenté  au 
latin  fiber,  et  qu'on  retrouve  dans  les  noms  de  cours  d'eau 
bibronnum,  bibronna  ;  Bibracte  aurait  donc  été  un  lieu 
servant  de  retraite  aux  castors. 

Le  second  nom,  Carpentoracte,  fut  celui  delà  ville  actuelle 
de  Carpentras.  D'après  d'Arbois  de  Jubainville,  il  faudrait 
entendre  par  ce  vocable  un  lieu  où  l'on  fabriquait  des  chars, 
appelés  en  latin  carpenta,  d'un  mot  emprunté  sans  doute  à  la 
langue  gauloise,  puisqu'on  pense  que  le  carpentum  fut,  dans  le 
principe,  particulier  aux  Gaulois;  c'est  à  ce  mot,  on  le  sait,  que 
se -rattache  le  français  charpentier,  qui  devrait,  étymologiquement, 
désigner  le  charron. 


XIX 
-OIALOS 

150.  Les  noms  de  lieu  terminés  par  le  suffixe  -oialos,  latinisé 
en  -oialus  ou  -oialum,  devaient  être  fort  répandus  en  Gaule, 
à  en  juger  par  les  nombreux  vocables  géographiques  modernes 
qui  présentent  les  terminaisons  -enil  ei  -ue'jols,  formes  vulgaires 
les  plus  fréquentes  de  cet  ancien  suffixe  gaulois.  Cependant  les 
textes  de  l'antiquité  parvenus  jusqu'à  nous  ne  mentionnent  qu'un 
seul  nom  de  cette  catégorie,  reconnaissable  dans  les  thermae 
Maroialieae  dont  parlait  au  iv"  siècle  saint  Paulin  de  Noie, 
désignant  les  bains  d'une  localité,  Maroialum,  qui  appartenait, 
semble-t-il,  à  la  région  du  sud-ouest  de  la  Gaule. 

Les  noms  en  -oialum  apparaissent  plus  fréquemment  dans  les 
textes  de  l'époque  mérovingienne,  notamment  dans  Grégoire  de 
Tours. 

Au  vu"  siècle  la  graphie  -oialum  s'est  altérée  en  -oilum, 
forme  qui,  à  l'époque  carolingienne,  a  été,  par  l'introduction 
d'une  gutturale,  modifiée  en  -ogilum  ou  -ogelum,  qu'on  a 
enfin  remplacé  par  -olium. 

Le  nombre  des  noms  de  lieu  formés  à  l'aide  du  suffixe  -oialum 
est  considérable.  On  n'en  donnera  pas  ici  le  relevé  complet,  et 
l'on  se  bornera  à  en  présenter  quelques-uns  parmi  ceux  que  men- 
tionnent les  textes  latins  antérieurs  à  l'an  mil. 

151.  Aballoialum,  déformé  en  Avaloialum  ou  Avalogi- 
lum,  est  devenu,  par  l'aphérèse  de  l'a  initial,  pris  pour  une  sorte 
de  locatif,  Valeuil  (Dordogne)  et  "Valuéjols  (Cantal):  on  recon- 
naît dans  le  premier  terme  de  ce  vocable  le  nom  gaulois  du 
pommier,  ce  qui  autorise  à  considérer  Valeuil  et  Valuéjols  comme 
des  synonymes  de  «  pommeraie  ». 

152.  Arcoialum,  en  1 1 19'  Archoilus,  en  H42  Arcoilus, 
désigne  Arcueil  (Seine),  qui  doit  son  nom,  de  toute  évidence, 
aux  arcades  d'un  aqueduc  romain  dont  les  vestiges  sont  encore 
visibles. 

153.  Argentoialum,    d'où    Argentogeluni    el    Argenlo- 

Les  nnnis  de  lieu. 

/ 


(iO  LKs    NOMS    i3i;  i.u:l" 

gilum,  aujourd'hui  Argenteuil  (Seine-el-Oise,  Yonne).  Ce  nom, 
indiquant  sans  doute  à  Torig'ine  un  gisement  d'argent,  et  compa- 
rable en  ce  cas  au  nom  entièrement  latin  Argentaria,  Largcn- 
tière,  ne  serait  pas  le  seul  nom  en  -oialum  dont  le  premier 
terme  soit  à  rattacher  au  règne  minéral  :  Preuil  Maine-et-Loire), 
contraction  de  Perçu// est  appelé  en  1130  Petroilum.  vraisem- 
blablement pour  Petroialum,  «  lieu  pierreux  »,  et  il  est  permis 
de  penser  que  Sablé  (Sarthe),  anciennement  Sahleil,  représente 
un  primitif  Sabuloialum,  «  sablière  ». 

154.  Balioialum  est  sans  doute  la  forme  primitive  d'un  nom 
qu'on  trouve  écrit  Baliolum  à  la  tin  du  x''  siècle,  et  duquel 
dérive  le  nom  de  lieu  Bailleul  (Eure,  Nord,  Oise,  Orne,  Pas-de- 
Calais,  Sarthe,  Seine-Inférieure,  Somme),  reconnaissable,  en 
composition,  dans  Bailleulmont  et  Bailleulval  t^Pas-de-Cahiis), 
et  qui  a  pour  variantes  BaiUeu  (Oise),  Baslieux  (Marne),  Bailleau 
(Eure-et-Loir)  et  Baillet  (Seine-et-Oise),  ce  dernier  pour  Bail- 
leil. 

155.  Blanoialum,  d'où  Blanoilum,  Bléneau  (Yonne). 

156.  Bon  oialum,  devenu  Bonogelum  au  vu®  siècle  et 
Bonogilum  à  1  époque  carolingienne,  est  l'origine  des  noms  de 
Bonneuil  '^Charente,  Indre,  Oise,  Seine,  Seine-et-Oise,  Vienne), 
Bonnœil  (Calvados)  —  notation  rappelant  la  traduction  latine 
Bonus  o  eu  lus  adoptée  par  les  clercs  parisiens  des  xni''  et 
xiv'=  siècles  pour  désigner  le  Bonneuil  de  Seine-et-Oise  —  et 
Bonneil  i^Aisne). 

157.  Burgoialum  est,  peut-on  supposer,  la  forme  correcte  de 
Burgogalum,  qui  a  désigné  Bourgueil  ^^Indie-et-Loire).  11  y  a 
des  écarts  également  nommés  Bourgueil  dans  Saùne-et-Loire  et 
dans  la  Vienne. 

158.  Buxoialum,  qui,  formé  sur  le  latin  buxus,  serait 
léquivalent  de  Buxctum,  le(|uel  a  donné  Biicij  et  Bussy,  est  le 
thème  étymologique  des  noms  de  Buxeuil  f.Aube,  Vienne)  et  de 
Bisseuil  (Marne;. 

159.  Cantoialum  u  donné  Chanteau  Loint;  ei  Ghanteuges 
,  IIaute-L<nrej.  priiuiti\emeiit  C/uiiUcikjcdL  accentué  sur  '-//. 

160.  (^assanoial  um  ou  Cassi  noiii  lum.  forme  [)rimiti\t.' 
du  nom  carolingien  C-assinogilum,  a  donné  Gasseneuil  (Lol-et- 
Garonuej,  Cas&euil  ;Gironde)  —  où  l'on  constate  l'clfet  de  la 
cimte  (le  Vu    pl;icé  outre  deux   voyelks  et  Chasseneuil  (CJia- 


OHKilNKS    CKI.TIQlJliS     '.     -OIMJJS  67 

rente,  Indre,  tienne)  ;  le  premier  terme  de  Gassanoialum  est  le 
mot  antéromain  cassanos,  au  sens  de  «  chêne  ». 

161.  Corboialum  est  l'ancienne  forme  hypothétique  du  nom 
de  Corboilum,  désignant  Corbeil  (Seine-et-Oise). 

162.  Cristoialum.  d'où  Créteil  (Seine)  et  Criteuil  (Cha- 
rente). 

163.  ,Ebroialuin  d'où  Ebrogilum,  Ebreuil  (^ Allier). 

164.  Garrig-ojalum,  formé  sur  un  des  noms  antéromains  du 
chêne,  est  sans  doute  le  thème  étymologique  du  nom  de  Jargeau 
(Loiret),  en  latin  de  basse  époque  Jarg'og-ilum  ou  Jarg^olium. 

165.  Genistoialum,  où  l'on  reconnaît  le  latin  ^enista, 
«  genêt  -),  serait  l'orig-ine  de  Genneteil  (Maine-et-Loire). 

166.  Lemoialum,  formé  sur  le  g-aulois  le/nos,  «  orme  »,  qui 
subsiste  dans  l'irlandais  leamh,  a  produit  Limeuil  (Dordogne), 
Limeil  (Seine-et-Oise)  et  Limejouls  (Dordogne). 

167.  Maroialum;  ce  nom  est  un  des  plus  fréquents  de  la 
présente  série,  et  cela  sans  doute  en  raison  d'une  circonstance 
topographique  qui  se  produit  souvent  :  on  croit  volontiers,  en 
effet,  que  la  racine  de  ce  vocable  est  la  même  que  celle,  d'origine 
germanique,  à  laquelle  la  langue  française  semble  devoir  les 
noms  communs  <<  mare  »,  désignant  une  masse  d'eau  dormante, 
et  «  marais  ».,  ce  dernier  représentant  un  bas-latin  mariscum 
dérivé  d'un  adjectif  germanique  en  isc  :  Maroialum  désignerait 
ainsi  une  localité  voisine  de  marécages.  De  ce  nom  viennent  ceux 
de  Mareuil  (Aisne,  Charente,  Cher,.  Dordogne,  Loir-et-Cher, 
Marne,  Oise,  Seine-et-Marne,  Somme,  Vendée  i,  Marœuil  (Pas- 
de-Calais),  Mareil  (Sarthe,  Seine-et-Oise),  Mareau  Loiret), 
Mareugheol  (Puy-de-Dôme),  Mareuge  (Puy-de-Dôme  ,  Maruéjols 
(Gard),  Marvéjols  (Lozère),  Marvège  (Gard).  Il  est  à  remarquer 
que  dans  les  noms  Mareugheol,  Maruéjols  et  Marvéjols  la  der- 
nière syllabe  est  atone,  et  que  ces  noms  se  prononcent  Mureiicjc, 
Mariu-rfc  et  Marvcr/e. 

168.  Najoialum,  doù  Nieuil  (Charente,  Vienne)  et  Nieul 
(Charente-Inférieure,  \'endée,  1  laule-\'ienneK 

169.  Nantoialum,  où  Ion  reconnaît  le  mot  gaulois /j,7///o.ç,  (K'jà 
signalé,  aurait  le  sens  du  latin  val  lest  ris,  et  désignerait  un  lieu 
sis  dans  une  vallée  ;  il  a  produit  Nanteuil  'Aisne,  Ardennes,  Cha- 
rente, Dordogne,  Marne,  Oise,  Seine-et-Marne),  Nampteuil (Aisne) 
et,  en  composition  Monampteuil  (Aisne)  :   on  verra  des   «limiiui- 


68  LES    NOMS    DE    LIEU 

tifs  de   Nanteuil  dans  Nantouillet   et  Nanteau  ,Seine-el-Marne). 

170.  N  a  voie  lu  m,  d'où  la  forme  basse  Xavolium  :  Naveil 
(Loir-et-Cher). 

171.  Orgadoialum,  d'où  Orgedeuil  (Charente). 

172.  Kotoialum  est  la  forme  orig-inelle  des  noms  de  Reuil 
(Marne,  Oisei  et  de  Rueil  (Eure-et-Loir,  Seine-et-Oise),  et  dési- 
gnait une  villa  royale  que  mentionne  Grégoire  de  Tours,  et  dont 
le  souvenir  persiste  dans  l'appellation  des  communes  de  Notre- 
Dame-du-Vaudreuil  et  de  Saint-Cyr-du-Vaudreuil  (Eure),  Vau- 
dreuil  devant  s'entendre  «  vau  de  Reuil  ».  Reuil  (Seine-et-Marne) 
a  une  autre  origine  :  ce  nom,  qui  ne  remonte  qu'au  vu*'  siècle, 
désigna  tout  d'abord  un  monastère  fondé  par  un  frère  de  saint 
Ouen,  Rado,  qui  de  son  nom,  nous  apprend  la  vie  de  saint  Aile, 
abbé  de  Rebais,  l'appela  Radolium. 

173.  Septoialum,  au  ix*^  siècle  Septogilum  :  Septeuil 
(Seine-et-Oise). 

174.  Spinoialum,  d'où  Spinogelum  qui  figure  au  vu''  siècle 
dans  la  chronique  de  Frédégaire.  Ce  nom,  qui  paraît  formé  sur  le 
nom  latin  de  l'épine,  serait  donc  .synonyme  de  spinetum.  Ses 
formes  vulgaires  sont  Epineuil  (Cher,  Yonne),  Epineil,  adouci 
en  Epinay.  dans  le  nom  d' Epinay-sur-Orge  ;  Seine-et-Oise)  —  le 
Spinogilumdu  Polyptique  d'Irminon  — et  d'Épinay-sur-Seine 
(Seine)  —  le  Spinogelum  de  Frédégaire  —  enfin  Epineau 
(Yonne). 

175.  Vernoialum,  le  nom  le  plus  répandu  du  groupe  avec 
Maroialum  et  Nantoialum,  est  formé  sur  le  mot  gaulois 
vernos,  désignant  l'aune  :  il  a  donné  Verneuil  (Aisne,  Allier, 
Charente,  Cher,  Eure,  Indre,  Indre-et-Loire,  Marne,  Meuse, 
Nièvre,  Oise,  Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise,  Haute-Vienne), 
Verneil  'Sarthe),  et  dans  le  Midi,  oîi  on  en  remarque  bien 
moins  de  traces  :  "Vemeugheol  ( Puy-de-Dôme I,  Verneughol 
(Cantal),  Vernuéjou  (Cantal),  Verneuge  Haute-Loire,  Puy-de- 
Dômei.  Vernouillet  Eure-et-Loir,  Seine-et-Oise)  est  un  diminu- 
tif de  \  erncuil,  commi;  Xanlouillet  de  Nanteuil. 

176.  On  fera  observer  en  passant  que  le  mot  vernos,  employé 
seul  et  latinisé  en  ver  nu  s  ou  vernum,  est  l'origine  de  plusieurs 
noms    de    lieu    :    Vern    (Ille-el-Villaine,    Maine-el-Loire)  ;     "Ver 

(Calv.'idos,  Manche,  ()ise/,  (lii   l'rdi  oj)soi\t'  le  niénie  assourdisse- 


OKKIINKS    (^KI.riOUKS    :    -OIALOS  69 

ment  de  Vn  que  dans  four,  hiver,  Jour,  Nevers,  Anvers,  dérivés 
de  furnuni,  hibernuni,  diurnum,  Nivernis,  Alvernis  ;  et, 
par  l'elFet  dune  notation  vicieuse,  Vert  (Landes.  Marne,  Seine- 
et-Oise). 

m.  Vindoialum  est  la  forme  primitive  du  carolingien  Vin- 
doilum,  d'où  Vendeuil  (Aisne,  Marne,  Oise). 

178.  Vinoialum,  forme  primitive  du  caroling-ien  Vinogilum, 
a  donné  Vineuil  (Indre,  Loir-et-Cher),  et  Vignols  (Gorrèze). 

179.  Zezinoialum,  dans  la  vie  de  saint  Léger,  écrite  au 
vil'"  siècle,  désigne  Jazeneuil  (Vienne). 

180.  De  ce  que  le  plus  grand  nombre  des  vocables  modernes 
qu'on  vient  de  passer  en  revue  sont  terminés  en  -eull,  on  aurait 
tort  d'induire  que  tout  nom  de  lieu  présentant  cette  désinence, 
représente  nécessairement  un  primitif  en  -oialum.  Ainsi  le  nom 
de  Montreuil,  porté  par  une  trentaine  de  communes  de  France, 
provient  du  bas  latin  Monasteriolum,  diminutif  du  nom  com- 
mun monasterium,  qui  a  donné  le  vieux  mot  français  tnoutier  ; 
et  Marchespuil  (Côte-d'Or,  Saône-et-Loire)  représente  une  forme 
diminutive  du  vieux  mot  marchais,  représentant  en  bas  latin 
mercasium,  et  désignant  un  lieu  humide  et  marécageux. 

181.  Il  convient  d'examiner  maintenant  les  diverses  altérations 
de  la  finale  gauloise  oialum,  accentuée  sur  la  diphtongue  oi.  Dans 
la  partie  septentrionale  de  la  France,  ainsi  que  dans  le  Poitou,  le 
Berry,  le  Bourbonnais,  rAngoumois,  la  Saintonge,  le  Périgord 
et  la  Guyenne,  cette  finale  est  devenue  -euil  ou  -eul  :  Valeuil, 
Arcjenteuil,  Bailleul,  Bonneuii,  Bourg ueil,  Buxeuil,  Bisseuil, 
Casseneuil,  Casseuil,  Chasseneuil,  Criteuil,  Ehreuil.  Liinenil, 
Nieuil,  Nieul,  Nanteuil,  Orf/cdeuil,  Beuil.  Sep/cuiL  EpincaiL 
Verneuil,  Vendeuil  et  Vineuil.  Au  lieu  de  -euil  on  rencontre 
-eau  dans  le  sud-ouest  du  département  de  Seine-et-Marne,  dans 
une  partie  de  celui  de  FYonne,  dans  le  Loiret  et  dans  Eure-et- 
Loir  :  Bailleau,  Bléneau,  Chanle^u,  Jan/eau,  Mareau,  Manteau, 
Epineau  :  c'est  dans  la  même  région  que  Montreuil  et  Bagncux 
—  ce  dernier  dérivé  du  bas  latin  Balneolum  réd'uit  à  Banio- 
lum  —  ont  pour  équivalents  Montereau  et  Hagneaux  ou  Bai- 
gneaux.  La  désinence  -euil  devient  -cil  aux  environs  de  Paris, 
dans  une  partie  im|)ortante  du  Maine  et  dans  le  Ven(b')mois, 
témoins  les  noms  île  linnncil,  Cnrhcil,  (Irctcil .  (ic/iiic/cil.  Lundi, 


70  I>I-:S    NOMS    Di:    LIEU 

Mareil,  Naveil,  liueil  et  Verneil\  le  son  mouillé  qui  termine 
cette  finale  s'est  éteint  parfois  :  Baillel,  Épinay,  Sablé.  Enfin  dans 
l'Auvergne  et  les  pays  a  voisinant  s  :  Gévaudan,  Velay  et  partie  du 

Languedoc  —  départements  du  Gard  et  de  l'Hérault oialum 

est  représenté  par  -iiéjols,  -eugheol,  -eiighol,  -uéjou  —  et  même 
-ojouh,  comme  dans  Caussiniojouls  (Hérault)  —  finales  dans  les- 
quelles le  groupe  ol  ou  oui  est  atone,  et  qui,  dans  le  langage 
traditionnel  du  pays,  se  prononcent  ueje  et  enge  ;  il  en  est  ainsi 
des  noms  Valuéjols,  Limejouls,  Maleugheol,  Marvpjols.  Ver- 
neiigheol,  et  c'est  de  cette  prononciation  que  dérivent  les  formes 
graphiques  CJianteuges,  Mareiige  et  Verneuge. 

Dans  un  certain  nombre  des  vocables  qui  viennent  d'être  pas- 
sés en  revue,  on  peut  déterminer  la  valeur  du  premier  terme. 

182.  Celui-ci  est  assez  souvent  emprunté  au  règne  végétal,  on 
l'a  vu  par  l'exemple  d'Aballoialum,  de  Cassanoialum,  de 
Garrigoialum,  de  Lemoialum  et  de  'N'ernoialum.  ainsi  que 
par  celui  de  B  u  x  o  i  a  1  u  m ,  de  G  i  n  e  s  t  o  i  a  1  u  m  et  de  S  p i  n  o  i a  1  u  m . 
Dans  ces  derniers  noms,  le  premier  terme  appartient  à  la  langue 
latine,  d'où  1  on  est  amené  à  conclure  que  l'usage  du  suffixe  -oia- 
lum persista  en  Gaule  postérieurement  à  la  conquête  romaine  : 
iK^inr,  on  ne  l'a  pas  oublié,  que  le  suffixe  ligure  -asca 
s'est  maintenu  dans  l'Italie  septentrionale.  Gonséquemment  on 
peut  supposer  la  formation  de  noms  en  -oialum  sur  d'autres  mots 
latins  désignant  des  arbres.  Cerasoialum,  formé  sur  le  nom  du 
ceinsier,  serait  le  thème  étymologique  de  Cerseuil  (Aisne,  Marne). 
Corn  oialum,  formé  sur  le  nom  du  cornouiller,  aurait  donné 
Corneuil  (Eure)  et  Cornuéjouls  (Aveyron).  A  l*inoialum,  formé 
sur  le  nom  du  pin,  on  devrait  Pineuilh  (Gironde.  Et  Péreuil 
(Charente),  Pereuilh  (Hautes-Pyrénées),  Perruel  (Eure), 
Perruéjoul  (Cantal)  se  réclameraient  de  Piroiahim,  formé  sur 
le  nom  du  poiiier. 

183.  Le  ra|)[)rociiement,  fait  plus  haut,  dos  noms  d'Argcnlenil, 
de  PrciiH  et  de  Suhlé  donnerait  lieu  dadmt'ttre  que  le  suffixe 
-oialum  s'est  combiné  avec  des  mots  empruntés  à  la  nomenclature 
(\n  règne  minéral. 

184.  Il  est  fort  probable  aussi  ({u'il  ait  été  combiné  avec  des 
noms  d'animaux,  témoin  le  nom  Cabrogilum  ([ui,  dans  un 
textcî  du  x*"  siècle,  conservé  par  le  cartulaire  de  lirioude,  désigne 
une  localité  d'Auvergne  qu'on  n'a  pas  identifiée , 


oMKii.Mvs  (;i:L.iign;s   :   -oialos  71 

185.  Dans  Maroialum,  Nantoialum,  et  dans  Arcoialum  le 
premier  terme  évoque  mie  particularité  d'ordre  topographique. 

186.  Enfin  le  nom  de  Reuil  (Seine-el-Marne)  nous  a  montré 
le  suffixe  en  question  combiné,  à  une  époque  d'ailleurs  tardive, 
avec  un  nom  d'homme. 

187.  On  a  pu  voir  que  les  noms  de  lieu  en  -oialum  se 
retrouvent  du  nord  au  midi  de  la  France,  du  département  du 
Pas-de-Calais  à  celui  de  l'Hérault.  Ils  ne  semblent  pas  exister, 
ou  du  moins  ne  sont  jçuère  apparents,  dans  la  Gascogne  —  qui 
d'ailleurs  représente  l'Aquitaine  de  César,  où  l'élément  g-aulois 
devait  être  presque  nul  —  ni  dans  le  Toulousain.  On  ne  les  trouve 
pas  davantag'e  semble-t-il,  dans  les  provinces  les  plus  orientales  : 
Lorraine,  Bourgogne,  Franche-Comté,  Dauphiné,  Provence. 
Peut-être  un  jour  l'ethnographie  pourra-t-elle  tirer  parti  de  ces 
indications  qui,  fort  sommaires  du  reste,  auraient  besoin  d'être 
complétées. 


XX 

ORIGINES  ANTÈROU  AINES  :  IV  URAIVD  A  OU  IGORANDA^ 

188.  On  étudiera  plus  loin,  parmi  les  noms  de  lieu  d'origine 
romaine,  ceux  qui  expriment  une  situation  voisine  des  confins  de 
deux  cités.  Tel  parait  avoir  été  le  rôle  du  mot  antéromain  —  on 
nose  dire  g-aulois  —  ivuranda  ou  igoranda. 

Les  formes  vulgaires  de  ce  mot  sont  au  nombre  d'au  moins 
neuf'. 

1.  Nous  reproduisons  ici,  en  la  condensant  légèrement,  une  partie  de 
la  leçon,  faite  ie  13  mars  1890  au  Collège  de  France,  dans  laquelle  Auguste 
Longnon,  après  avoir  étudié  les  vocables  issus  des  mots  latins  fines  et  limi- 
tes, en  rapprocha  ceux  de  même  signification,  qui  représentent  le  mol, 
sinon  gaulois,  à  coup  sûr  antéromain,  ivuranda  ou  igoranda.  Depuis  lors 
—  en  1802  —  on  a  vu  paraître  dans  la  Revue  archéulor/ique  [3''  série,  t.  XX) 
deux  mémoires  sur  la  matière:  lun  (p.  17U-175)  de  Julien  Havet,  sous  le 
titre  :  "Igoranda  ou  * icoranda,  frontière,  note  de  toponymie  gauloise  ;  l'autre 
(p.  281-287)  d'Auguste  Longnon  lui-même,  intitulé  :  Le  nom  de  lieu  gaulois 
ewiranda. 

2.  Il  convient  d'y  ajouter  les  formes  Âiguerande  et  Egarande,  mention- 
nées par  Julien  llavet  (p.  173),  et  qui  désignent,  la  première  un  écart  de 
Helleville-sur-Saone  (Rhône),  situé  «  àquehjues  kilomètres  de  la  limite  sépa- 
vative  des  anciens  diocèses  de  Lyon  et  de  Màcon  »,  la  seconde  un  écart 
d'Eslivareilles  (Loire)  «  dans  Tancicn  diocèse  du  Puy-en-Velay,  à  la  limite 
de  ceux  de  Lyon  et  de  Clermont  ».  —  U'aulre  jjarl  le  mémoire  d'Auguste 
Longnon  indiiim''  dans  la  note  précédente  signale  (p.  284  et  285)  la  forme 
aphérésée  Guirande,  nom  :  d'un  hameau  de  Lagorce  (Gironde),  qui  appar- 
tenait à  l'ancien  diocèse  de  Hordeaux,  el  confinait  à  celui  de  Saintes;  d'un 
hameau  du  dépariemenl  de  la  Loire  aciuellemont  rattaché  à  Noirétable 
(ancien  diocèse  de  ClermonI  i,  mais  <[ui  ()arai(  avoir  dépen<lu  auparavant 
des  Salles  (ancien  diocèse  de  Lyon)  ;  —  d'un  hameau  de  Felzins  (Lot), 
qui  appartenait  au  diocèse  de  Cahors,  et  n'était  séparé  de  celui  de  Rpdez 
que  par  une  dislance  de  1.(300  mètres  :  localité  (|ui  ne  parait  pas  «  dillériMite 
(\ii  ci'Wv  i\\n'  \l'  Dirtionnnirr  des  Postes  [i'dW..  de  1876)  mentionne  sous  le 
nom  Enguirande,  comme  un  écarl  de  Saint-Kélix  »,  canton  de  Velzins  ;  — 
d  un  aflluenl  de  la  Sèvre  Niortaise  traversé  •■  vers  le  milieu  de  son  cours 
par  la  limite  séparant  avaiil  1317  h'  iliocèse  (h-  Poitier-s...  de  celui  de 
Saillies  -•.  l£n  outre  «  les  Guirandes,  pi'lil  li.iiricau  de  la  couiniune  <h' 
Monlignac-le-( lo(|  ((^iiarenU-;,  clail  siluc  dans  l'anciru  diocèM'  (h'  l'eri- 
gueux,  «le  S.iiiilcs  cl  d'AiigoMlêmc    ■. 


OHIOrNES    ANTÉROMAINES     '.     IVl'BAXDA    OU    IGOHAXDA  7H 

189.  Aigurande  (Indre)  est  une  paroisse  de  l'ancien  diocèse  de 
Bourges  (civitas  Bilurl(jum)  située  près  de  celui  de  Limoges 
{civitas  Lemovicuni). 

190.  Eygurande  (Gorrèze,  Dordogne)  :  lune  des  communes 
ainsi  nommées  se  trouve  Wr  le  territoire  de  l'ancien  diocèse  de 
Clermont  ;  l'autre,  du  diocèse  de  Périgueux,  était  voisine  de  celui 
de  Bordeaux. 

191.  Iguerande  (Saône-et-Loire),  Ivuranda  à  l'époque  caro- 
lingienne, appartenait  au  diocèse  de  Lyon,  confinant  à  celui 
de  Mâcon,  qui  fut  formé  d'un  démembrement  de  la  civitas 
Aediiorum. 

192.  Ingrande  (Afaine-et-Loire,  Mayenne,  Vienne)  est  le  nom 
de  trois  paroisses  qui  appartenaient  respectivement  aux  diocèses 
d'Angers,  du  Mans  et  de  Poitiers,  dans  les  régions  où  ils  confi- 
naient, le  premier  à  ceux  de  Nantes  et  de  Poitiers,  le  second  à 
celui  d'Angers,  le  troisième  à  celui  de  Tours.  D'ailleurs  l'empla- 
cement d'Ingrande  (Vienne)  répond  à  celui  de  la  station  Fines  de 
la  voie  romaine  de  Tours  à  Poitiers. 

193.  Dans  l'ancien  diocèse  de  Poitiers,  vers  celui  de  Bourges  ; 
dans  l'ancien  diocèse  de  Tours,  vers  ceux  d'Angers,  d'une  part, 
et  de  Poitiers,  d'autre  part  ;  et  dans  l'ancien  diocèse  d'Angers, 
vers  celui  de  Nantes,  on  remarque  quatre  localités  dont  le  nom 
s'écrit  Ingrandes  (Indre,  Indre-et-Loire,  Maine-et-Loire),  et  dont 
l'une  correspond  à  la  station  Fines  de  la  voie  romaine  de  Bourges 
à  Poitiers. 

194.  Ingrannes  (Loiret),  de  l'ancien  diocèse  d'Orléans,  confinait 
à  celui  de  Sens. 

195.  Ygrande  (Allier)  était  une  paroisse  du  diocèse  de  Bourges 
à  vingt-trois  kilomètres  de  l'ancienne  limite  de  celui  d'Autun. 

196.  Yvrandes  (Orne)  est  aux  confins  des  anciens  diocèses  de 
Baveux  et  d'Avranches;  il  appartenait  au  premier. 

197.  Enfin  la  Délivrande,  à  Douvres  (Calvados),  dont  le  véri- 
table nom  est  Yvrande,  encore  employé  au  xiv'"  siècle,  se  trouvait 
dans  le  diocèse  de  Baveux,  à  une  vingtaine  tle  kilomètres  do  la 
limite  occidentale  de  celui  de  Lisieux. 

198.  L'identité  du  nom  Ingrande  avec  les  noms  Ai;/uran<lf  et 
Igrande  est  nettement  attestée  par  les  formes  anciennes  du  nom 
d'Ingrande  (Vienne)  :  Evranda,  Igoranda  et  Igranda.  C)n  voit 
par  là  le  peu  de  cas  (ju'il  faut  faire  de  l'opinion  (|ui,  fondée  sur  ce 


7i  LRS    NOMS    l)K    Lii;u 

qu'il  y  a  deux  ou  trois  Ingrande  k  rextrémité  du  territoire  angevin, 
tirait  ce  vocable  de  ingressus  Andium,  Andes  étant  le  nom 
sous  lequel  César  désigne  les  habitants  de  notre  Anjou. 

199.  On  voit  que.  sauf  deux  exceptions',  toutes  les  localités 
énumérées  plus  haut  étaient  situées  près  des  limites  des  diocèses 
auxquels  elles  appartenaient  ;  et  l'on  sait  ({ue  la  circonscription 
des  diocèses  français,  telle  qu'elle  se  présentait  encore  au 
xviii®  siècle,  correspondait,  dans  son  ensemble^  k  celle  des  cités 
de  1  époque  romaine.  Or,  il  n'est  pas  interdit  d'expliquer  les  deux 
exceptions  que  constituent  Ygrande  et  la  Délivrande  par  des 
modifications  que  la  limite  des  Aedui  et  celle  des  Lexovii  auraient 
subies,  soit  aux  premiers  siècles  du  moyen  âge,  soit  même  anté- 
rieurement à  la  conquête  romaine,  puisque  le  mot  ivuranda 
ou  igoranda  est  antéromain. 

200.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  rapprocher  de  la  désinence  de 
ce  mot  les  expressions  rand  et  randon,  qui,  dans  la  partie  méri- 
dionale du  département  de  l'Aube,  désignent  certains  tertres 
servant  de  limites  aux  territoires  des  communes,  et  qu'aux  envi- 
rons de  Troyes,  on  appelle  pns. 

l.  Plus  celle  (jiie  constitue  Iiigrando,  rcart  de  l,\  Rôoi'llio  Veuflée'l  situé 
«   011  plein  Poitou   >>  (J.  Havet,  loc.cil.,  p.   171  j. 


XXI 

ORIGINES     GALLO-ROMAINES     :     -ACOS 

201.  Le  suffixe  -acos,  latinisé  -acus.  tient  dans  l'onomastique 
gauloise  une  place  considérable,  et  a  contribué  à  former  un 
nombre  immense  de  noms  de  lieu  gallo-romains  encore  subsis- 
tants aujourd'hui. 

La  valeur  de  ce  suffixe  est  un  peu  vag'ue,  et  comparable  à  cet 
ég^ard  à  celle  du  suffixe  français  -ier,  -ière,  dérivé  du  latin 
-arius,  -aria,  qui  sert  à  former  :  des  adjectifs  dérivés  dadjec- 
tifs,  comme  premier  et  sinf/ulier;  des  adjectifs  dérivés  de 
substantifs,  comme  régulier  et  séculier  ;  des  noms  d'ai^ents  ou 
de  professionnels,  comme  chevalier,  potier,  tuilier  ;  des  noms 
locaux  communs  dérivés  de  noms  communs,  comme  foyer,  '/re- 
nier, ririère,  sablière  ;  des  noms  de  lieu  dérivés  de  noms  propres 
dhommes,  comme  Bernard  ière,  Blanchardière,  Girardière. 

202.  Le  suffixe  -acos  a  subsisté  dans  les  lang-ues  néo-celtiques  : 
dans  les  dialectes  g-aéliques  sous  la  forme  -ach  ;  en  gallois  sous 
la  forme  aivc,  souvent  réduite  aujourd'hui  à  og,  et  en  breton 
armoricain  sous  la  forme  -ec  qui.  au  xiri''  siècle,  a  remplacé  le 
moyen-breton  oc. 

203.  En  breton,  le  suflixe  -ec  termine  un  grand  nombre  d  ad- 
jectifs :  harrec,  «  brancher  »,  de  barr,  «  branche  »  ;  dourec, 
<(  aqueux  »>.  de  dour,  «  eau  »  \poullec,  <(  marécageux  »,  de  jtoul, 
«  marécage  ».  Il  sert  aussi  à  donner  aux  substantifs  une  idée  de 
collectivité  :  faoec,  de  fao,  «  hêtre  »,  désigne  une  hêtraie  ; 
spernec,  de  spern,  «  épine  »,  un  buisson  d'épines.  Cette  dernière 
circonstance  explique  pourquoi  les  érudits  qui  les  premiers  ont 
consacré  leurs  loisirs  à  l'étude  des  anciens  noms  do  lieu,  onl 
pensé  que  le  nom  d'Épernay.  en  httin  Sparnacus  ou  Sparna- 
cum,  pouvait  ollVïr  le  même  sens  que  le  breton  spernec.  et  cons- 
tituer un  synonyme  des  noms  romans  h'pinoi/.  Jipinai/.  (|iu 
représentent  le  latin  spinetum.  On  ne  saurait  condamner  abso- 
lument cette  opinion  formulée  en  186 i  par  Mou/é.  Mais  il  rt'sidle 
des  études  auxquelles  d'autres  savants  se  sont  livrés,  (pi  en   très 


76 


LFS    Xt.AIS    DE    LIEU 


grande  majorité  les  noms  de  lieu  terminés  par  le  suffixe  gaulois 
-acos.  latinisé  -acus,  dérivent  de  noms  d'hommes,  et  surtout  de 
noms  d'hommes  latins  :  la  très  grande  majorité,  et  non,  comme 
le  prétendait  Henri  d'Arbois  de  Jubainville,  la  totalité,  car  le 
nom  de  Mouzay  (Meuse),  en  latin  Mosacum,  est  visiblement 
formé  sur  celui  de  la  Meuse,  comme  en  Belgique  les  noms  de 
Tilly  (Brabanti,  de  Ligny  (province  de  Namun.  de  Silly  (Hai- 
naut)  sur  les  noms  des  cours  d'eau  —  la  Tille,  la  Lisrne  et  la 
Sille  —  dont  elles  sont  riveraines;  à  ces  exemples  on  peut  ajou- 
ter celui  de  Blézy  i  Haute-Marne)  sur  la  Biaise. 

204.  Au  sujet  des  noms  de  lieu  en  -acus  de  la  Gaule, 
H.  d'Arbois  de  Jubainville  s'est  livré  à  une  statistique  assez  in- 
téressante. Il  a  constaté  que  sur  quarante-cinq  de  ces  noms  dont 
l'existence  est  attestée  à  l'époque  romaine,  trente-six,  soit  les 
quatre  cinquièmes,  présentent  un  /  avant  le  suffixe,  en  d'autres 
termes  se  terminent  en  -  iacus  :  Blar-iacus,  Catus-iacus,  Cor- 
tor-iacus,  Germin-iacus,  etc.  ;  il  a  observé  la  même  particula- 
rité dans  quarante-cinq  des  cinquante-trois  noms  en  -acus  qui 
figurent  dans  les  écrits  de  Grégoire  de  Tours  ;  et  la  proportion 
des  noms  en  -iacus  est  bien  plus  forte  encore  parmi  les  noms 
de  lieu  que  mentionnent  les  documents  des  siècles  suivants. 

205.  En  étudiant  de  plus  pi'ès  tous  ces  noms  de  lieu,  cet  éru- 
dit  a  constaté  que  la  plupart  du  temps  ils  ont  pour  radical  un 
nom  d  liomnie  d'origine  l'omaine,  d'ordinaire  un  gentilice,  c'est-à- 
dire  un  nom  de  famille,  et  il  a  observé  avec  beaucoup  de  justesse 
que  c'est  à  cette  dernière  circonstance  qu'est  due  la  fréquence  de 
Yi  précédant  le  .suffixe  -acus,  la  très  grande  majorité  des  genti- 
lices  romains  étant  terminés  en  -ius.  C'est  alors  qu'il  a  cru  pou- 
voir présenter  sa  fliéorie,  bien  connue  aujourd'hui,  et  à  laquelle 
il  a  i(''ussi  a  donner  une  grande  vraisemblance,  qu'aux  temj)s  de 
1  ind('[)endance  gauloise,  la  propriété  rurale  était  encore  indivise 
dans  chaque  cité,  et  que  ce  fut  le  développement  tle  la  culture 
des  céréales,  après  la  coïKjuête  rinnainc,  (jui  anu^na  le  partage  de 
cette  propriété  collective,  c'est-à-dire  la  constitution  de  la  pro- 
[)riél<''  individuelle  dans  notre  pays. 

La  meilleure  preuve  de  l'origine  romaine  di-  la  pi'oj)riété  indi- 
viduelle en  Gaule  ri-sultc,  à  ses  yeux,  des  non)s  pro})res  en 
-iacus  <|ui.  pour  le  plus  grand  nombre,  dérivent  de  non)s  de 
gentilices   romains,    et    durent  être,    à   l'origine,    des    noms    de 


ORIGINES    GALLO-ROMAINES    :    -ACOS  77 

fundi  ou  de  propriétés  immobilières  :  les  noms  de  lieu  gaulois,  ou 
plutôt  gallo-romains,  en  -iacus  seraient  donc  analogues,  comme 
formation,  aux  noms  de  lieu  latins  en  -ianus,  si  nombreux  en 
Italie  et  dans  la  Gaule  méridionale,  et  qui  seront  ultérieurement 
étudiés. 

206.  Les  noms  de  lieu  dont  la  forme  primitive  était  terminée 
en  latin  par  le  suffixe  -a eus  appartiennent  à  toutes  les  régions 
de  la  France  actuelle,  et  cela  prouverait,  s'il  était  nécessaire,  que 
les  Celtes  ou  Gaulois  ont  occupé  toutes  les  parties  de  notre  pavs. 
Tous  nos  départements,  à  lexception  des  Alpes-Maritimes  et  du 
Var,  possèdent  des  communes  dont  les  noms  appartiennent  k 
cette  catégorie  ;  encore  cette  exception  prouverait-elle  seulement 
que  la  population  celtique  était  peu  répandue  dans  la  région  cor- 
respondante, car  le  nom,  qu'on  a  eu  occasion  de  rencontrer,  de 
Bezaudun  (Var)  est  une  preuve  non  équivoque  de  l'occupation 
de  cette  partie  de  la  Provence  par  les  Gaulois. 

207.  D'ailleurs,  à  en  juger  par  la  nomenclature  communale 
moderne,  les  noms  en  -acus  sont  en  général  beaucoup  moins 
nombreux  dans  l'ancienne  province  romaine  et  dans  la  Novem- 
populanie  :  la  chose  s'explique,  en  ce  qui  touche  la  première  de 
ces  régions,  par  ce  fait  que  les  noms  de  fundi  y  étaient,  à  la 
manière  romaine,  terminés  le  plus  souvent  en  -anus,  ce  qui  est 
un  des  indices  nombreux  et  variés  du  haut  degré  de  romanisa- 
tion  de  cette  partie  de  la  Gaule.  Pour  la  Novempopulanie, 
l'explication  est  autre,  car  cette  province,  comprenant  d'une 
façon  à  peu  près  complète  le  pays  entre  Garonne  et  Pyré- 
nées, représente  l'Aquitaine  de  César,  dont  la  population 
était  de  même  race  que  les  Ibères  ;  les  noms  en  -ar,  et  ceux, 
signalés  déjà,  de  Monlezun  et  de  Tourdun  (Gers)  y  attestent 
indéniablement  une  infdtration  celtique  dont  les  écrits  de  l'anti- 
quité parvenus  jusqu'à  nous  ne  font  aucune  mention. 

Si  nombreux  sont  les  noms  correspondant  à  des  primitifs  en 
-acus,  qu'il  n'en  sera  donné  ici  qu'un  choix  d  exemples  énumérés 
selon  l'ordre  alphabétique  de  ces  primitifs. 

208.  Albiacus,  formé  sur  le  gentilice  Albius,  qui  lui-même 
dérive  du  cofjnomen  Albus  :  Alblac  (Haulc-Garonno,  Lot), 
Albieux  (^Loire),Aubiac  (Gironde,  Lot-et-Garonne  ,  Aubiat  (Puy- 
de-Dôme),  Auby  (Nord),  Augea  (Jura),  Augy  (Aisne,  Cher, 
Yonne),  Aujac  fCharente-Inférieure,  Gard). 


78  LES    NOMS    DE    LIEL' 

209.  Albiniacus,  du  gentilice  Albinius.  formé  lui-même 
sur  le  coijnomen  Albinus  :  Albignac  iCorrèzei,  Albigneux 
(Loire),  Albigny  (Loire,  Rhône,  Savoie.  Haute-Savoie),  Aubignac 
(Aveyron.  Gorrèze.  Haute-Loiret,  Aubignat  Puy-de-Dome', 
Aubigné  Ille-et-Vilaine.  Maine-et-Loire,  Sarthe,  Deux-Sèvres), 
Aubigney  Haute-Saône  .  Aubigny  (Aisne.  Allier,  Ardennes, 
Aube,  Calvados,  Cher,  Côte-d  Or,  Haute-Marne,  Nord,  Pas-de- 
Calais,  Deux-Sèvres,  Somme.  Vendée).  Arbigny  (Ain,  Haute- 
Marnei.  Herbigny  (Ardennesi,  appelé  Albiniacus  vers  860, 
Herbignac  ;  Loire-Inférieure  i,  Arbignieu  (Am). 

210.  Alciacus  :  Aussac  (^Charente,  Tarn,.  Aucey  (Manche), 
Aussy  (Seine-et-Marne),  Auchy  (Nord.  Oise.  Pas-de-Calais"), 
'Ausqiics,  f[ui  ligure  en  composition  dans  Nordausques  et 
Zudausques  ;  Pas-de-Calais;. 

211.  Antoniacus:  Antony  (Seine).  Antogny  i  Indre-et- 
Loire).  Antoigni  lOrnei,  Antoigné  (Maine-et-Loire i.  Antonniat 
(Dordoj,!,ne,i. 

212.  Aureliacus  :  Aureillac  (Lot-et-Garonne  .  Aurillac 
(Cantal),  Orlac  (Charente-Inférieure),  Orliac  (Corrèze,  Dor- 
dognei,  —  d'où  le  diminutif  Orliaguet  Dordog-ne),  —  Orléat 
(Puy-de-Dôme),  Orly  (Seine). 

213.  Avitiacus  :  Avessac  Loire-Inférieure i,  Avezac  (Hautes- 
Pyrénées  ,  Avezé  I  Sarthe  . 

214.  Blandiacus  :  Blanzac  (Charente,  Charente-Inférieure 
Haule-Loire,  Haute-Vienne),  —  d'où  le  diminutif  Blanzaguet 
(Charente).  —  Blanzat  i  Puy-ile-Dôme).  Blanzay  Charente-In- 
férieurei.  Blanzée  (Meuse),  Blanzy  (Aisne.  Ardennes.  Saône-et- 
Loire),Blandy  (Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise).  Blandecques  (  Pas- 
de-Calaisj,  Blangey  iCôte-dOr  .  Blangy  (Calvados,  Pas-de-Ca- 
lais, Seine-Inférieure,  Somme). 

215.  (^al  via  eus  :  Calviac  ^Lot),  Calviat  Dordog-ne),  Cauviac 
(Gard).  Chaugey  (Côte-dOr). 

216.  Calviniacus  :  Calvignac  Loi).  Chalvignac  iCantali, 
Cauvignac  Tiironde  ,  Gauvigny  (Oise),  Ghauvigné  (Ille-et- Vil- 
laine  i,  Ghauvigny  (Loir-et-(]her,  Vienne). 

217.  Campaniacus  :  Gampagnac  (Dordogne,  Tai-n),  Gham- 
pagnac  (Cantal,  Charente-Inférieure,  Corrèze,  Creuse,  Dordogne, 
HauU -Loire,  Haute- Vienne; ,  Ghanipagnat  (Puy-de-Dôme, 
S;iône-et-Loire  .    Ghampagné    Sarlhe,   Vendée,    Vienne  ,   Gham- 


OKIGliNKS    (;ALL0-KOMAIi\ES    :    -ACOS  71) 

pagney  Douhs,  Jura,  Haute-Saône),  Ghampagny  (Gôte-d'Oi-, 
Jura,  Savoie),  Champigné  (Maine-et-Loire),  Champigny  (Aube, 
Eure,  Indre-et-Loire.  Loir-et-Cher,  Marne,  Haute-Marne, 
Seine.  Vienne,  Yonne). 

218.  (]assiacus  :  Chassac  (Gorrèze,  Gard),  Chassé  (Sarthe), 
Chassey  (Gôte-d'Or.  Meuse,  Haute-Saône,  Saône-et-Loire), 
Ghassiecq  (Gharente),  Chassieu  (Isère),  Ghassy  (Gher,  Saône-et- 
Loire,  Yonne  ,  Chessy  (Aube,  Rhône,  Seine-et-Marne). 

219.  Domitiacus  :  Domezac  (Gharente),  Domecy  (Yonne), 
Donzy  (Nièvre),  et  sans  doute  aussi  Donzac  (Gironde,  Tarn-et- 
Garonne),  Donzacq  (Landes). 

220.  Eburiacus,  dérivé  par  l'intermédiaire  d'un  o-entilice 
Eburius  du  nom  gaulois  Eburos  déjà  rencontré  dans  Eburo- 
dunum,  Eburobriga,  Eburomagus  :  Evry  (Seine-et-Marne. 
Seine-et-Oise,  Yonne),  Yvrac  (Gharente,  Gironde),  Ivrey  (Jura), 
Yvré  (Sarthe),  Ivry  (Gôte-d'Or,  Eure,  Oise,  Seine). 

221.  Flaviacus  :  Flaviac  (Ardèche),  Flavy  (Aisne,  Oise), 
Flayat  (Greuse),  Fléac  (Gharente,  Gharente-Inférieure),  Fleix 
(Vienne),  Fiée  (Sarthe j  et  Saini-S;uireur-de-F\ée  (Maine-et- 
Loire),  Saint-Gernier-de-Y\y  (Oise),  Flaugeac  (Dordognei,  Flau- 
jac  (Lot),  Flageac  (Dordogne,  Haute-Loire),  Flagey  (Gôte-d'Or, 
Doubs,  Haute-Marne),  Flagy  (Haute-Saôiie,  Saône-et-Loire, 
Seine-et-Marne),  Fyé  (Sarthe).  —  Fiée  (Gôte-d'Or),  a  une  autre 
origine,  cette  localité  étant,  aux  viii*^  et  ix''  siècles,  conslamnient 
nommée  F'iexus. 

222.  Flaviniacus  :  Flavignac  (Haule-Vienne),  Flavigny 
(Aisne,  Gher,  Gôte-d'Or,  Marne,  Meurlhe-et-Mosellc),  Flaugnac 
(Lot),  Flagnac  (Aveyron),  Flagnat  (Gharente),  Flagny  (Nord, 
Seine-et-Marne). 

223.  Floriacus  :  Florac  (Lozère),  Florat  i  Haute-Loire), 
Floirac  (Gharente-Inférieure,  Gironde,  Lot),  Fleurac  (Gharente, 
Dordogne),  Fleurât  (Greuse),  Fleuré  (Orne,  Vienne),  Fleurey 
(Gôle-d'Or,  Doubs,  Haute-Saône),  Fleuriel  (Allier),  ancienne- 
ment Fleurie,  Fleurieu  (Rhône),  Fleurieux  (Rhône),  Fleury 
(Aisne,  Eure,  Loiret,  Manche,  Marne,  Meuse,  Nièvre,  Oise. 
Ras-de-Galais,  Saône-et-Loire,  Seine-et-Marne,  Seine-el-Oise. 
Somme,  Yonne)  '. 

I.    Si  le  iiKiii  ilr  l'Ieuiv  fi-inc  dniis  I:i  Ticirtn-nclnhiro  rommiinnlc  du  (h'pnr- 


80  LES    NOMS    DE    LIEU 

224.  Juliacus.  du  gentilice  Jiilius.  très  répandu  en  Gaule, 
beaucoup  de  nobles  Gaulois,  qui  devaient  le  droit  de  cité  à 
Jules  César,  ayant  pris  son  nom  :  Juillac  '  Cbarente,  Corrèze.  Gers, 
Gironde).  —  d'où  le  diminutif  Juillaguet  (Charente),  —  JuiUé 
(Charente,  Sarthe,  Deux-Sèvres),  JuUié  (Rhône),  Saint-Pierre- 
Je-Juillers  i Charente-Inférieure),  Juilley  Manche).  JuiUy  (Côte- 
d'Or.  Seine-et-Marne),  Jully  (Aube.  Saône-et-Loire.  Yonne), 
Juliers.  en  allemand  Jiilich  (Prusse  rhénane,  régence  d'Aix-la- 
Chapelle). 

225.  Justiacus  :  Jussac  \ Cantal).  Jussas  Charente-Infé- 
rieurei.  Jussey  (Haute-Saône),  Jussy  (Aisne,  Cher.  Yonne). 

226.  La  tin  ia  eus  :  Ladignac  l'Corrèze,  Haute -'Vienne), 
Ladinhac  (Cantal  i.  Ladignat  Haute-Loire).  Lagnat  (Ain;, 
Lagney  t Meurthe-et-Moselle  .  Lagnieu  (Ain  I.  Lagny  (Oise.  Seine- 
et-Marne),  Laigné  (Mayenne,  Sarthe),  Laigny  (Aisne). 

227.  Liciniacus  :  Lésignac  Haute-Vienne).  Léslgnat  Cha- 
rente), Lésigné  (Maine-et-Loire),  Lésigny  Seine-et-Marne, 
Vienne),  Lusignac  (Dordog-nei,  Lusignat  Ain.  Creuse),  Lusigny 
(Allier,  Aube,  Côte-d'Or  .  Lusignan  (Vienne)  est  de  même  ori- 
gine ;  la  nasalisation  de  la  dernière  syllabe  ne  date  que  du  temps 
de  Philippe  le  Bel. 

228.  Marcelliacus  :  Marcillac  (Aveyron,  Charente,  Corrèze, 
Dordogiie.  Gironde,  Lot  .  Marcillat  l'AUier.  Puy-de-Dôme). 
Marcillé  (  lUe-el-Vilaine,  Mayenne).  MarciUieu  (Loire),  Marcilly 
(Aisne,  .Vube,  Cher,  Côte-d'Or,  Eure,  Indre-et-Luire.  Loir-et- 
Cher,  Loire,  Loiret.  Manche,  Marne.  Haute-Marne,  Hhône, 
Saône-et-Loire,  Seine-et-Marne  i.  Marsilly    Charente-Inférieure). 

229.  Ma.ximiacus:  Meximieux  (Ain.,  Messimy  (Ain,  Rhône), 
Massingy  (Côte-d'Or,  Haute-Savoie),  Marsangis  (Marne,  Yonne), 
et  peut-être  aussi  Marchangy  fLoirej. 

230.  .Monta  niacus  :  Montagnac  (Basses-Alpes,  Dordogne, 
Hérault,  Lot-el-(iaronne),  Montagna  .Iuim  .  Montagnat  (Ain), 
Montagney  '  Doubs,  Haute-Saône;,  Montagnieu  (.Vin,  Isère), 
Montagny     (Côte-d'Or,     Loire,     Oise,     Rhône,    Saôno-et-Loire, 


IciiH'iil  lit'  l'AïKlf,  ou  il  |)in;iit  insf)lil»',  c'csl  en  r.iisoii  d  iiiio  circdii- 
slance  spéciiile  :  réioclion,  en  mars  ITiUj,  do  la  leiic  do  l'éiif,Mian  vu  duché- 
pairie  sous  le  nom  de  Fleury,  en  faveur  de  .lean-IIercule  de  Hossel  do 
rienrv. 


ORIGINES    GALLO-ROMAINES    I    ACOS  81 

Savoie,  Haute-Savoie),  Montignac  (Charente,  Dordogne,  Gironde, 
Lot-et-Garonne,  Hautes-Pyrénées),  Montigné  (Charente,  Maine- 
et-Loire,  Mayenne,  Deux-Sèvres),  Montigny,  nom  porté  par  une 
cinquantaine  de  communes,  et  par  nombre  d'écarts,  dans  la  par- 
tie septentrionale  de  la  France. 

231.  Pauliacus  :  Pauilhac  (Gers),  Pauillac  (Gironde), 
Paulhac  (Cantal,  Haute-Garonne,  Haute-Loire,  Loire),  —  d'où  le 
diminutif  Paulhaguet  (Haute-Loire),  —  Paulhiac  (Lot-et-Ga- 
ronne), Pauliac  (Ariège,  Corrèze,  etc.),  Pauliat  (Allier,  Creuse), 
la  plupart  des  Poilly,  Pouillé,  Pouilley,  Pouilly  de  la  moitié  sep- 
tentrionale de  la  France,  Peillac  (Morbihan),  et  peut-être  Paillé 
(Charente-Inférieure)  et  Pailly  (Yonne). 

232.  Postumiacus  :  Pouthumé  (Vienne),  Potangey  (Côte- 
d'Or),  Potangis  (Marne). 

233.  Quintiacus  :  Quinsac  (Dordogne,  Gironde),  Quinssat 
(Puy-de-Dôme),  Quinçay  (Vienne),  Quincé  (Maine-et-Loire), 
Quincey  (Aube,  Côte-d'Or,  Haute-Saône),  Quincié  (Rhône), 
Quincieu  (Isère),  Quincieux  (Rhône),  Quincy  (Aisne,  Cher,  Côte- 
d'Or,  Meuse,  Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise),  Guinchy  (Pas-de- 
Calais),  Cuincy  (Nord).  Quincy  a  pour  diminutif  Quincerot  (Côte- 
d'Or,  Yonne),  qui  est  à  rapprocher  de  Flavignerot  et  de  Qiiéti- 
gnerot  (Côte-d'Or),  diminutifs  de  Flavignif  et  de  Quétigny. 

234.  Romaniacus  :  Romagnac  (Cantal),  Romagnat  (Puy-de- 
Dôme),  Romagné  (lUe-et- Vilaine),  Romagnieu  (Isère),  Romagny 
(Manche,  ancien  Haut-Rhin),  Romenay  (Saône-et-Loire),  Rome- 
ny  (Aisne).  , 

235.  Sabiniacus  :  Savignac  (Arièg-e,  Aveyron,  Dordogne, 
Gers,  Gironde,  Lot-et-Garonne),  Savignat  (Creuse),  Savigpa 
(Jura),  Savigné  (Indre-et-Loire,  Sarthe,  Vienne),  Savigneux 
(Ain),  Savignies  (Oise),  Savigny,  nom  porté  par  plus  de  vingt 
communes  de  la  France  septentrionale. 

236.  S.everiacus  :  Séverac  (Aveyron),  Sévérac  (Loire-Infé- 
rieure), Sevrai  (Orne),  Sevrey  (Saône-et-Loire),  Sivrey  (Aube), 
Sivry  (Ardennes,  Marne,  Meurthe-et-Moselle,  Meuse,  Seine-et- 
Marne),  Cieurac  (Lot),  Civrac  (Gironde),  Civray  (Cher,  Indro- 
et-Loire,  Vienne),  Civrieux  (Ain,  Rhône),  Givry  (Côte-d'Or), 
Eure-et-Loire,  Seine-et-Oise,  Yonne),  Xivray  (Meuse),  Xivry 
(Meurthe-et-Moselle). 

237.  Tilliacus!  Tillac  fGers),  Tilly   (Calvados,  Eure.  Indre, 
Les  noms  de  lieu.  " 


82  LES    NOMS    LIE    LIEU 

Meuse,    Pas-de-Calais,  Seine-et-Oise),  Teille  (Loire-Inférieure), 
Tilques  (Pas-de-Calais). 

238.  Valeriacus  :  Vallery  (Haute-Savoie,  Yonne),  Vaudrey 
(Jura),  Vaudry  (Calvados). 

239.  Mais  les  noms  de  lieu  g-allo-romains  en  -acus  ne  sont 
pas  tous  formés  sur  des  j^^entilices  en  -ius,  car  si  la  plupart  des 
g-entilices  présentaient  cette  désinence,  quel([ues  autres  étaient 
terminés  différemment,  par  exemple  en  -enus  :  Antius,  Avius, 
Lucius  et  Marcius  ont  pour  doublets  Antenus,  Avenus, 
Lucenuset  Marcenus,  qui,  combinés  avec  le  suffixe  -acus,  ont 
formé  des  noms  de  lieu  gallo-romains  : 

240.  Antenacus  :  Anthenay  (Marne). 

241.  Aven  acus  :  Avenay  (Marne). 

242.  Lucenacus  :  Lucenat  (Allier),  Lucenay  (Côte-dOr, 
Nièvre,  Saône-et- Loire),  Luzenac  (Ariège),  Luzinay  (Isère). 

243.  Marcenacus  :  Marcenat  (Allier),  Marcenay,  Marsannay 
(Côte-d'Or). 

On  trouve  aussi  -acus  combiné  avec  un  cognomen  latin  ou 
un  nom  d'homme  gaulois. 

244.  A  vit  a  eu  s  est  le  nom  sous  lequel  Sidoine  Apollinaire 
désigne  la  villa  qu'il  possédait  en  Auvergne  du  chef  de  sa 
femme,  fille  de  l'empereur  Avitus  ;  l'emplacement  en  est  aujour- 
d'hui marqué  par  Aydat  (Puv-de-Dôme). 

245.  Brennacus,  nom  d'une  ville  royale  du  Soissonnais  au 
vi*^  siècle,  est  formé  sur  le  nom  gaulois  Brennos.  Brennacus 
doit  être  identifié,  non  pas  cpmme  on  a  voulu  le  faire,  avec 
Braisne  (Xisne),  mais  avec  Berny  (Aisne),  anciennement 
Breny. 

246.  Tu  ma  eus,  formé  sur  le  nom  d'homme  gaulois  latinisé 
Turnus  est  l'origine  des  noms  de  Tournai  (Belgique),  de  Tour- 
nay  (Calvados,  Marne),  de  Temay  (Loir-et-C^her). 

24T.  L'usage  de  former  des  noms  de  lieu  en  -acus  ne  fut  pas 
brusquement  abandonné  :  il  persista  en  Gaule  pendant  la  période 
franque,  comme  d  ailleurs  en  Gaule  cisalpine,  c"est-à-diro  dans 
la  Haute-Italie,  pendant  la  période  lombarde. 

248.  (juand  les  Francs  s'établirent  dans  la  Gaule  du  Nord,  la 
très  grande  majorité  des  noms  de  lieu  de  notre  pays,  dérivés  de 
"•enlilices  romains  en    -ius,   se  terminaient  en   -iacus;  mais  à 

D 

cette  époque,    les  gentiliccs   n'existant    plus,   on    ne  comprenait 


ORIGINES    (lALLO-KO.MAlNES    :    -ACOS  83 

plus  bien  le  mode  de  formation  usité  dans  les  premiers  siècles 
de  notre  ère,  et  les  Francs,  lorsqu'ils  voulurent  donner  leurs 
noms  aux  propriétés  qu'ils  possédaient,  combinèrent  ces  noms 
avec  le  groupe  -iacus,  au  lieu  de  suivre  les  exemples  que  pou- 
vaient leur  fournir  Avit-acus,  Brenn-acus  et  Turn-acus. 

Les  noms  de  lieu  en  -iacus  formés  sur  des  noms  d'homme 
d'origine  germanique,  sont  en  nombre  moins  considérable  que 
les  vocables  gallo-romains  terminés  de  même  ;  ils  paraissent  sur- 
tout dans  les  pays  colonisés  par  les  Francs,  soit  en  Belgique  et 
dans  la  France  du  nord-est.  On  citera  ici,  à  titre  d'exemples,  les 
noms  suivants  : 

249.  Achariacus,  de  x\charius  :  Achery  (Aisne). 

250.  Alamundiacus.  de  Alamundus,  devenu  par  aphé- 
rèse Lamontzée   (Belgique,  prov.  de  Liège). 

251.  Albericiacus,  de  Albericus  :  Obrechies  (Nord)  ;  cf. 
Auberchicourt  (Nord),  représentant  Albericiaca  curtis. 

252.  Bertmariacus,  de  Bertmarus  :  Bermeries  (Nordj  ;  cf. 
Berméricourt  (  Marne  ) . 

253.  Bettiniacus,  de  Betto,  -onis  :  Bétheny  (Marne);  cf. 
Bétheniville  (Marne). 

254.  Blitmariacus,  de  Blitmarus  :  Bluiîierey  (Haute- 
Marne),  Blémerey  (Meurthe-et-Moselle,  Vosges). 

255.  Carliacus,  formé  sur  un  radical  Karl  :  Charly  (Aisne). 

256.  Fulcoldiacus.  de  Fulcoaldus  :  Faucouzy 'Aisne). 

257.  Gerbertiacus,  de  Gairebertus  :  Gerbehaye  (Belgique, 
prov.  de  Liège),  au  xiii*^  siècle  Gerhercheis. 

258.  Gerhildiacus,  du  nom  de  femme  Gairehildis  :  Grugis 
(Aisne). 

259.  Geroldiacus,  de  Gairoaldus  :  Grougis  (Aisne). 

260.  Gislebertiacus,  de  Gislebertus  :  Gelbressée  (^iici- 
gique,  prov.  de  Namur). 

261.  Hildericiacus,  de  Childericus  :  Haudrecy 
(Ardennes). 

262.  Landericiacus,    de  Landericus  :   Landrecies  (Nord). 

263.  Landoldiacus,  de  Landoaldus  :  Landouzy  (Aisne). 

264.  Lantberciacus,    de  Landbertus  :  Lambercy  (Aisne). 

265.  Leuthariacus,  de  Leutharius  :  La  Hérie  et  Le  Hérie 
(Aisne),  qui  devraient  s'écrire  tous  deux  en  un  seul  mol. 

266.  Rathariacus,  de  Ratharius  :  Raray  (Oise). 


84  LES    NOMS    DE    LIEU 

267.  Rotg-ariacus.  de  Rodogarius  :  Rougeries    Aisue  . 

268.  Theodebertiacus.  de  Theodebertus  :  Thiverzé.  loca- 
lité aujourd  hui  englobée  dans  Fontenay-le-Comte    \  endée  . 

269.  Theodericiacus,  de  Theodoricus  :  Tiercé  Maine- 
et-Loire). 

270.  Trudoniacus.  de  Trudo  :  Trignée  Belg-ique,  prov.  de 
Liège). 

271.  Walismiacus.  de  Walisnius  :  Valmy    Marne. 

272.  Waltbertiacus.  de  Waldebertus  :  Vaubercey  Aube), 
Vaubexy    Vosges  . 

273.  Wariniacus,  de  Warinus  :  Guérigny  Nièvre  ,  War- 
gnies    Nord.  Somme). 

274.  Witmeriacus.  de  Widomarus  :  Gumery  (Avibe). 

275.  Il  V  a  lieu  d'aborder  l'étude  des  formes  vulgaires  du 
suffixe  -acus.  La  question  ne  serait  pas  compliquée  si  cette  ter- 
minaison était  toujours  précédée  d'une  consonne,  comme  dans  les 
noms  de  lieu  dérivés  de  gentilices  en  -enus  :  Dans  ce  cas, 
-acus  devient  en  langue  d'oïl  -ay .  et  en  langue  d'oc  -ac  ou  -at. 
Mais  beaucoup  plus  fréquemment  le  suffixe  est  précédé  d'un  /  ; 
or  il  s'est  prodmt.  par  le  voisinage  de  cet  /  et  de  Y  a,  une  sorte 
d'amalgame  qui,  de  bonne  heure,  dans  les  pays  romans  qui  furent 
plus  tard  de  langue  d'oïl,  fit  substituer.au  groupe  ia  un  e  ;  c'est 
du  moins  ce  que  permettent  de  conjecturer  les  formes  Criscecus 
et  Erchj-ecus,  substituées  dans  la  seconde  moitié  du  viu*^  siècle, 
par  le  pseudo-continuateur  de  Frédégaire.  aux  primitifs  Criscia- 
cus  et   Ercuriacus,  aujourd'hui  représentés  par  Crécy  et  Ecry. 

276.  C'est  vers  le  Poitou  et  la  Saintonge  que  cette  forme  alté- 
rée -ecus  s'est  le  mieux  maintenue  :  au  début  du  xiv*'  siècle  on 
notait  encore  -ec  la  finale,  à  présent  réduite  à  -e,  des  noms 
Andillé.  Chiré.  Gissé,  Cloué.  Latillé.  Ligugé  (Vienne)  ;  d'ailleurs 
cette  finale  -ec  et  sa  variante  -ecq  subsistent  encore  dans  Cer- 
sec.  Lirec.  Pressée  Vienne),  Aizecq,  Chassiecq.  Ruffec  Cha- 
rente .  Prahec.  Sciecq    Deux-Sèvres),  par  exemple. 

277.  Tout  au  contraire,  à  droite  de  la  Loire,  le  c  de  -ecus  s'est 
de  bonne  heure  vocalisé  en  -/  :  au  ix*  siècle,  dans  le  polyptique 
de  Saint-Remy  de  lUims,  Fleury-/^-/?/r/ère  et  ?d\\^-l a- Montagne 
(Marne;  sont  appelés  Floreius  et  Risleius  :  cette  linalc  latine 
-ci us,  remontant  donc  pour  le  moins  au  ix*"  siècle,  suppose  une 


ORIGINES    GALLO-ROMAINES    :    -ACOS  83 

forme  vulg-aire  contemporaine  en  -ei;  celle-ci  subsiste,  sous  la 
notation  -ei/,  dans  nos  provinces  romanes  de  l'est,  Lorraine, 
Franche-Comté,  Bourgogne  orientale,  et  même  dans  la  Cham- 
pagne orientale  et  méridionale  :  Aubigney  (Haute-Saône),  Cham- 
pagney  (Doubs,  Jura,  Haute-Saône),  Vaudrey  (Jura). 

278.  Dans  la  Picardie,  le  reste  de  la  Champagne,  l'Ile-de- 
France,  l'Orléanais,  le  Berry,  la  forme  -ei  a  de  bonne  heure,  au 
xi^  siècle  au  plus  tard,  fait  place  à  un  -i  que  depuis  déjà  plusieurs 
siècles  on  note  -y  :  Antony,  Aubigny,  Blanzy,  Goucy,  Domecy, 
etc.  Dans  les  pays  wallons  cette  lînale  a  pris  la  forme  féminine 
plurielle  -ies  :  Landrecies,  Orchies. 

279.  Il  convient  d'observer  que  la  finale  -é,  provenant  de 
-iacus,  domine  non  seulement  en  Poitou  et  en  Saintonge,  mais 
aussi  dans  TAunis,  la  Touraine,  l'Anjou,  le  Maine,  la  partie  de 
la  Normandie  représentée  par  le  département  de  l'Orne,  et  les 
fractions  de  la  Bretagne  où  l'influence  bretonne  ne  s'est  exercée 
qu'à  partir  du  ix®  siècle. 

280.  Dans  les  pays  de  langue  d'oc,  l'a  de  -acus  s'est  maintenu, 
et  la  forme  vulgaire  de  cette  terminaison  est  -ac,  Albignac, 
Albiac,  Aurillac,  Blanzac,  Calviac.  Calvignac,  Chassac,  etc. 
Mais  dans  les  plus  septentrionaux  de  ces  pays  la  finale  -ac  s'est 
assourdie,  et  est  remplacée  par  -at  dans  le  sud  du  Bourbonnais, 
l'Auvergne,  la  Marche  :  Aubignat,  Aubiat,  Calviat.  Ghampagnat, 
Fleurât,  Ladignat,  Lusignat,  Marcillat,  Quinssat,  Savignat,  etc.  ; 
cet  assourdissement  est  parfois  même  consacré  par  la  prononcia- 
tion locale,  bien  que  l'orthog-raphe  officielle  ait  conservé  la  nota- 
tion -ac  :  le  nom  de  Boussac    Creuse),  se  prononce  Boussa. 

281.  On  constate  aussi  l'assourdissement  du  c  final  dans  la 
partie  méridionale  du  département  du  Jura,  et  dans  la  partie 
septentrionale  de  celui  de  l'Ain  :  la  région  qui  avoisine  la 
limite  de  ces  deux  départements  présente  un  grand  nombre  de 
noms  géographiques  terminés  aujourd'hui  en  -a  ou  en  -ia,  et  dont 
la  finale  latine  était  -iacus  :  Bissia,  Broissia.  Dénia,  Loisia. 
Savigna  (Jura^  ;  dans  le  département  de  l'Ain,  ou  observe  par- 
fois, comme  en  Auverg-ne,  la  notation  -at  :  Attignat.  Ceyzériat. 
Curciat.  Maillât,  Martignat.  Polliat.  Pressiat. 

282.  Une  autre  forme  vulgaire  correspondant  à  -iacus  est  -/<•// 
ou  -ieux,  qui  existe  dans  le  pays  arrosé  i)ar  le  Bhône  depuLs 
Seyssel  jusqu'au  confluent  de   l'Isère,  et  (jui,  de  l;i.   s'itmtl  sm- 


86  LES    NOMS    DE    LIEU 

les  départements  de  l'Ain,  de  l'Isère,  du  Rhône,  de  la  Loire  et 
de  lArdèche.  La  plus  ancienne  notation  de  cette  forme  était  -ié, 
qui  s'est  conservé  dans  les  noms  de  Jullié  et  de  Quincié  (Rhône)  ; 
du  moins,  c'est  en  -ié  que  se  terminaient,  vers  le  xii^  siècle,  la 
plupart  des  noms  qui  sont  aujourd'hui  en  -ieu  ou  ieux,  parmi 
lesquels  on  mentionnera  ici  Albigneux  ;Loire),  Albieux  (Loire), 
Ghassieu  (Isère',  Fleurieux  (Ain,  Rhonel,  Jussieux  Rhône), 
Lagnieu  (Ain),  Marcillieu  (Loire),  Montagnieu  (Ain,  Isère), 
Quincieu  (Isère),  Romagnieu  (Isère).  Savignieux    Ain,  Loire), 

283.  La  détermination  des  zones  occupées  par  les  diverses 
formes  vulgaires  correspondant  à  -iacus.  fort  intéressante  à  coup 
sûr  pour  le  linguiste,  ne  l'est  par  moins  pour  l'ethnographe. 
Celui-ci,  toutefois,  n'attachera  pas  plus  d'importance  qu  il  ne 
convient  à  la  forme  -y  :  originellement  circonscrite  dans  une  zone 
déterminée,  elle  en  est  sortie  peu  à  peu  sous  l'influence  de  l'ex- 
tension de  la  langue  française,  et  par  l'etTet  d'une  sorte  de  cen- 
tralisation :  c'est  ce  qu'on  remarque  à  propos  du  nom  de  Coligny 
(Ain),  qui  dans  le  patois  s'appelle  encore  Couligna. 

284.  La  forme  -ac,  qui  est,  on  la  vu,  celle  de  la  langue  d'oc, 
se  rencontre  aussi  dans  la  partie  de  la  Bretagne  qui  a  été  sou- 
mise, dès  le  v''  siècle,  à  l'influence  bretonne  :  Campénéac  (Mor- 
bihan), Comblessac  (lUe-et-Vilaine),  Marsac  i  Loire-Inférieure), 
Peillac  (Morbihan),  Ruffiac  (Morbihan). 

285.  On  trouve,  il  est  vrai,  ailleurs  que  dans  le  midi  de  la 
France  et  en  Bretagne,  quelques  noms  de  lieu  terminés  par  le  son 
ac,  tels  que  Brissac  (Maine-et-Loire),  Jaillac  (Aube).  Toiissac 
(Seine-et-Marne)  et  Cressonsac  (Oise)  ;  mais  ils  ne  représentent 
pas  des  primitifs  en  -ac'us.  Jaillac  est  appelé  JaiUard  dans  les 
textes  anciens.  Gressonsacq,  dont  le  nom  se  prononce  ou  se  pro- 
nonçait Crcssonsa,  est  pour  Cressonesftnrf.  Toussac,  vocable 
appliqué  exclusivement  à  des  moulins,  a  son  origine  dans  une 
locution  facétieuse,  tollit  saccum,  «  enlève  sac  »,  allusion 
aux  méfaits  si  souvent  reprochés  aux  meuniers  ;  il  en  est  vrai- 
semblablement de  même  de  Brissac,  à  en  juger  par  la  forme 
ancienne  lircchessac,  dont  malheureusement  le  premier  terme 
est  iiiexpli(jué. 

286.  Dans  les  pays  ((uc  les  invasions  ont  germanisés,  -iacus 
est  devenu  -/c/t,  en  hiis-allemand  -icii  :  Hl.iriacus,  Blerick 
(Pays-Bas,  Limbourg"),  C^)rloriacus.  Coortryck,   nom  llamand 


oiuftiNKs  <;ai.lo-ro:mai.nes  :  -acos  87 

de  Gourtrai,  Gemeniacus,  Gemmenich  (Belgique,  province  de 
Liège)  ;  Juliacus,  Jtilich,  nom  allemand  de  Juliers  (régence 
d'Aix-la-Ghapelle)  ;  Tiberiacus,  Zieverich  ^régence  de  Gologne), 
Tolbiacus  ou  Tulpiacus,  Zûlpich  (régence  d'Aix-la-Ghapelle); 
Turnacus,  Doornyck.  nom  flamand  de  Tournai  ;  ^^iroYiacus, 
Werwicq  (Belgique,  Flandre  Occidentale). 

287.  Cette  forme,  dont  on  pourrait  multiplier  les  exemples, 
semble  avoir  donné  naissance  à  la  finale  germanique  romanisée 
-ecques,  observée  dans  la  partie  nord-ouest  du  département  du 
Pas-de-Galais  —  soit  dans  les  arrondissements  de  Boulogne  et 
de  Saint-Omer  —  qui  avait  reçu  à  l'époque  des  grandes  invasions 
un  fort  appoint  de  population  germanique.  La  forme  -ecques  — 
Vs  n'en  date  que  du  xvi''  siècle  —  substituée  au  bas-allemand 
-ick  implique  nécessairement  le  recul  de  l'élément  germanique 
devant  l'élément  roman .  Elle  paraît  dans  les  noms  de  Blandecques, 
de  Coyecques,  d'Eperlecques,  de  Questrecques,  deSenlecquesetde 
Wardrecques  ;  assez  fréquemment  un  déplacement  de  l'accent 
tonique  la  réduite  à  -ques  atone  :  Nordausques  et  Zudausques, 
Isques,  Mentques,  Quesques,  Setques,  Tilques,  Wisques. 


XXII 

ORIGINES     ROMAINES 
NOMS     FORMÉS     SUR     DES     GENTILIGES 

Les  Romains  appelaient  fréquemment  les  propriétés  rurales 
du  nom  des  propriétaires,  et  en  France,  depuis  l'époque  romaine, 
il  en  fut  souvent  ainsi.  La  plupart  du  temps  le  vocable  du  domaine 
rural  était  un  adjectif  formé  sur  le  nom  du  propriétaire  à  l'aide 
du  suffixe  -anus,  en  sous-entendant  le  substantif  fundus;  cette 
formation  est  identique,  on  le  voit,  à  celle  des  noms  gallo- 
romains  en  -acus. 

288.  Mais  aussi  il  est  arrivé  que  le  gentilice  même  du  posses- 
seur ait  été  traité  comme  un  véritable  adjectif,  fundus  étant 
toujours  sous-entendu  :  Albinius,  Aubin  l  Aveyron)  ;  Anto- 
nius,  Antoingt  (Puy-de-Dôme),  Antoing  (Belg^ique,  Hainaut)  ; 
Aurelius,  Aureil  (Haute- Vienne)  ;  Calvinius,  Calvin  (Avey- 
ron); Grispinius,  Crespin  (Aveyron,  Tarn);  Flavinius,  Fla- 
vin  (Aveyron)  ;  Florentinius,  Florentin  Aveyron)  ;  Lucanius, 
Lugan  (Aveyron,  Tarn)  ;  Pomponius,  Pontpoint  (Oise),  qu'on 
devrait  écrire  Pompoin  ;  Tiberius,  Thiviers  (Dordogne). 

289.  Parfois  le  gentilice  est  employé  au  féminin  :  alors  le  sub- 
stantif sous-entendu  n'est  plus  fundus.  mais  casa,  villa  ou 
domus  :  Albania,  Aubagne  (Bouches-du-Rhône)  ;  Aurélia, 
Aureille  l'Bouches-du-Rhône)  ;  A  vitia.  Avèze  (Gard);  Gamu- 
lia.  Charaouille  (Aisne)  ;  Ilispania,  Espagne  (Gorrèze),  Épagne 
(Aube,  Indre,  Somme,  Vendée);  Epaignes  (Eure);  Lusitania, 
Luisetaines  'Seine-et-Marne);  Marc-tllia.  Marseille  (Oise), 
Marseilles  Gher)  et  leur  diminutif  Marseillette  (Audej  ;  Pom- 
pon ia,  Pompogne  (Lot-et-Garonne),  Pomponne  (Seine-et-Marne). 

Mais  ces  noms,  <jui  consistent  uniquement  dans  les  gentilices 
j)ris  adjectivement,  sont  comme  perdus  dans  la  foule  de  ceux 
qui  ont  été  formés  sur  lesgentilices  au  moyen  des  suffixes  -acus 
et  -anus. 

290.  Los  noms  en  -anus  sont  aussi  fré(juenls  dans  l'ancienne 
l'idvincft  roinaini'  (lue  ceux  on  -acus  dans  \o  rosto  de  la  Gaido. 


ORIGINES    ROMAINES    :    iNOMS   FORMÉS    SUR  DES   GENTILICES  89 

291.  Abellianus,  dérivé  du  gentilice  Abellius  :  Abeilhan 
(Hérault). 

292.  Albianus,  de  Albius  :  Aubian  (Hérault). 

293.  Albinianus,  de  Albinius  :  Aubignan  (Vaucluse). 

294.  Anicianus,  du  g-entilice  Anicius,  qui,  pris  adjective- 
ment, constitue  le  nom  primitif,  Anicium,  de  la  ville  du  Puy 
(Haute-Loire)  :  Nissan  (Hérault),  pour  Anissan,  par  aphérèse  de 
l'a  initial,  confondu  avec  un  locatif. 

295.  Anianus,  de  Anius  :  Aignan  (Gers),  Agnin  (Isère). 

296.  Aurelianus,  de  Aurelius  :  Aurellhan  (Landes, 
Hautes-Pyrénées j,  Orellhan  (Hérault),  Oreilla  (Pyrénées-Orien- 
tales). 

297.  Avitianus,  de  Avitius  :  Avezan  (Gers). 

298.  Balbianus,  de  Balbius  :  Balbins  (Isère). 

299.  Barba rianus,  de  Barbarius  :  Barbaira  (Aude) 

300.  Bassianus,   de  Bassins  :  Bassan  (Hérault). 

301.  Blandianus,  de  Blandius  :  Blandin  (Isère). 

302.  Bojanus,  de  Boius  :  Boujan  (Hérault). 

303.  Caprilianus,  de  Gaprilius  :  ChabriUan  (Drôme). 

304.  Cassianus,  de  Cassius  :  Cassan  (Cantal). 

305.  Clarianus,  de  Clarius  :  Clérans  (Dordo^ne),  Claira  et 
Clara  (Pyrénées-Orientales). 

306.  Clementianus,  de  Glementius  :  Glémençan 
(Hérault). 

307.  Cornelianus,  de  Cornélius  :  'Gorneilhan  (Hérault), 
Corneillan  (Gers),  Corneilla  (Pyrénées-Orientales). 

308.  Grispianus,  de  Crispius  :  Grespian  (Gard). 

309.  Curtianus,  de  Curtius  :  Coursan  (Aude). 

310.  Dalmatianus,  de  Dalmatius  :  Daumazan  (Ariège). 

311.  Domitianus,  de  Domitius  :  Domessin  (Savoie), 
Domezain  (Basses-Pyrénées). 

312.  Fabricianus,  de  Fabricius  :  Fabrezan  (Aude). 

313.  Flaccianus,  deFlaccius  :  Flassans(Var),  Flassa  (Pyré- 
nées-Orientales). 

314.  Florianus,  de  Florins  :  Florian  (Gard),  Fleurian 
(Haute-Garonne),  Floure  (Aude). 

315.  Frontinianus,  de  Frontinius  :  Frontignan  (Ilaulo- 
Garonne,  Hérault). 

316.  Gallianus,  de  Gallus  :  Gaillan  ((nronde).  Galhan 
(Gard). 


90  LES    NOMS    DE    Llt:i' 

317.  Gratianus,  de  Gratins  :  Grazan  (Gers). 

318.  Julianus.  deJulius:  Juillan ( Hautes-Pyrénées),  Julians 
(Vaucluse).  Julhians(Bouches-du-Rliône),  Julia  (Haute-Garonne, 
Pyrénées-Orientales). 

319.  Licinianus,  de  Licinius  :  Lézignan  (Aude,  Hérault, 
Hautes- Pyrénées). 

320.  Lucanianus,  de  Lucanius  :  Lugagnan  (Hautes- Pyré- 
nées). 

321.  Lucianus,  de  Lucius  :  Lussan  (Gard,  Haute-Garonne, 
Gers),  Lucia  (Pyrénées-Orientales). 

322.  Lupianus,  de  Lupius  :  Loupian  ,'Hérault),  Loupia 
(Aude). 

323.  Mari  ni  a  nus,  de  Mari  ni  us  :  Marignan  (Gers), 

324.  Marcellianus,  de  Marcellius  :  Marseillan  (Gers, 
Hérault,  Hautes- Pyrénées). 

325.  Martianus,  de  Martius  :  Marsan  (Gers),  Marsa 
(Aude,  Lot). 

326.  Maurianus,  deMaurius:  Maurian  (Gironde,  Hérault). 

327.  Maurillianus,  de  Maurillius  ;  Maureilhan  (Hérault, 
Landes). 

328.  Naevianus,  de  Naevius  :  Névian  (Aude),  Nébian 
(Hérault). 

329.  Pardelianus.  de  Pardelius  :  Pardailhan  (Hérault), 
Pardaillan  (Lot-et-Garonne),  Pardeillan  (Gers). 

330.  Paulianus,  de  Paulius  :  Paulhan  (Hérault). 

331.  Pomponianus,  de  Pomponius  :  Pompignan  ((iard, 
Tarn-et-Garonne) . 

332.  Pontianus,  de  Pou  Lias  :  Ponsan  (Gers),  Ponsas 
(Drôme»,  Poncin  (Ain;,  Poncins  (Loire). 

333.  Porcianus,  de  Porcins  :  Poussan  (Hérault). 

334.  Priscianus,  de  l^iscius  :  Preixan  (Aude),  Pressins 
misère). 

335.  (hiin  l  ilianus,  de  (Jui  n  tilius  :   Quintillan  (Aude). 

336.  Salvianus,  de  Salvius  :  Sauvian  (Hérault). 

337.  Soi  anus,  dn  Seius  :  Sigean  (Aude). 

338.  Scscianus.  de  Scscius  :  Seissan  (Gers,  Bouches-du- 
Hh«')nei.  Seyssins  '  Isère). 

339.  Soin  ia  II  us.  de  Soniius  :  Sournia  (  Pyrénéos-Orien- 
tales  . 


OHIGLNES    ROMAINES    :    NOMS    FORMÉS   SUR  DES  GENTILICES  91 

340.  Taurinionus,  de  Taurinius  :  Taurignan  (Ariège), 
Taurinya  (Pyrénées-Orientales). 

341.  Tiberianus,  de  Tiberius  :  Tibiran  (Hautes-Pyrénées). 

342.  Trebellianiis,  de  Trebellius  :  Travaillai!  (Vaucluse). 

343.  Tullianus,  de  Tullius  :  TuUins  (Isère). 

344.  Ursianus,  de  Ursus  :  Orsan  (Gard). 

345.  Valentianus,  de  Valentius  ;  Valencin  (Isère). 

346.  Valerianus,  de  Valerius  :  Vallerins  (Nièvre). 

347.  Vindemianus,  de  Vin  de  mi  us  :  Vendémian    Hérault). 

348.  Si  l'on  cherche  à  déterminer  l'étendue  de  pays  où  se  ren- 
contre le  suffixe  latin  -anus  dans  les  noms  de  lieu  de  l'époque 
romaine,  on  constatera  qu'elle  correspond,  d'une  manière  générale, 
à  l'ancienne  Province  romaine  et  à  l'ancienne  Aquitaine,  c'est-à- 
dire  précisément  aux  parties  de  la  Gaule  où  les  noms  gallo-romains 
en  -acus  sont  le  moins  nombreux.  Le  fait  s'explique,  pour  la 
Province  romaine,  par  une  romanisation  plus  complète  que  celle 
des  autres  parties  de  la  Gaule,  et  pour  l'Aquitaine,  parce  que,  ce 
pays  n'étant  pas,  à  proprement  parler,  celtique,  on  y  forma 
peut-être  les  vocables  de  domaines  ruraux  dérivés  de  noms 
d'homme  en  se  servant,  de  préférence,  du  suffixe  latin  -anus. 

349.  On  a  pu  constater  que  les  formes  vulgaires  revêtues  par 
le  suffixe  -anus  sont  au  nombre  de  trois  :  -an,  -in  et  -a.  La  pre- 
mière est  la  plus  fréquente,  mais  on  ne  l'observe  pas  dans  la 
partie  orientale  de  la  Province  romaine,  en  deçà  de  l'Isère  ;  dans 
les  départements  de  l'Isère  et  de  la  Savoie,  et,  moins  fréquem- 
ment d'ailleurs,  dans  ceux  de  la  Loire  et  du  Rhône,  la  combinai- 
son de  l'a  de  -an vis  avec  Yi  qui  le  précédait  a  eu  pour  résultat  la 
forme  -in  ou,  par  l'addition  d'un  s  parasite,  -ins  ;  le  nom  de 
Domezain  (Basses-Pyrénées),  atteste  que  le  même  phénomène  a 
pu  se  produire  assez  loin  de  la  région  qui  vient  d'être  indiquée. 
Quant  à  la  forme -a,  les  exemples  cités  plus  haut  montrent  qu'elle 
se  rencontre  presque  exclusivement  dans  le  département  des 
Pyrénées-Orientales  et  dans  la  partie  méridionale  de  celui  de 
l'Aude  :  elle  résulte  d'un  phénomène  phonétique  très  connu  dans 
le  Midi  de  la  France,  la  chute  de  Vn  placé  entre  deux  voyelles. 
Parfois  cet  a  final,  bien  que  tonique,  a  été  francisé  en  un  c  nuiet 
atone,  on  l'a  vu  par  l'exemple  de  Floure,  représentant  le  latin 
Florianum. 


92 


LES    NO^IS    DE    LIEU 


350.  A  la  différence  de  ceux  formés  à  l'aide  du  suffixe  mascu- 
lin -anus,  fort  nombreux,  et  dont  il  n'a  été  cité  qu'un  choix, 
les  noms  de  lieu  qui  présentaient  le  féminin  de  ce  suffixe,  -an a, 
sont  assez  rares.  On  peut  citer  pourtant,  dans  la  Province 
romaine  Chichilianne  et  Séchilienne  (Isère),  de  Caeciliana  ; 
Maillanne  (Bouches-du-Rhône)  de  Mal  lia  na  ou  Manliana  ; 
Marsanne  (Drôme),  de  Marciana  ;  Marignane  (Bouches-du- 
Hhône),  de  Mariniana;  Reillanne  (Basses-Alpes)  et  son  dimi- 
nutif Reilhanette  (Drôme),  de  Reguliana.  C'est  vraisemblable- 
ment à  la  même  catégorie  qu'appartiennent  Glamensane,  Sau- 
mane  et  Taulanne  (Basses-x\lpes),  Maussanne,  Pélissanne  et 
Simiane  (Bouches-du-Rhône),  Gumiàne  (Drôme).  Hors  de  la 
région  provençale,  ces  formes  féminines  sont  encore  plus  rares  ; 
cependant  on  note,  dans  la  France  septentrionale  Louveciennes 
(Seine-et-Oise),  de  Lupiciana;  Marchiennes  (Nord),  de  Mar- 
ciana; Valenciennes  (Nord),  de  Valentiana  ;  Vauciennes 
(Marne),  de  Veltiana. 

351.  Plus  rares  encore  sont  les  noms  de  lieu  dont  le  thème 
étymologique  présente  le  suffixe  -anus  sous  sa  forme  masculine 
plurielle  ;  toutefois,  il  en  existe  un  spécimen  bien  connu  : 
Orléans  (Loiret)  répond  au  latin  Aurélia  ni  ;  jusqu'au  xiv*  siècle 
on  disait  Orliens  et  Olliens  ;  la  forme  actuelle  est  l'effet  d'une 
réaction  savante. 

352.  11  convient  de  rappeler  ici  que  dans  le  sud-est  de  la 
Gaule  un  certain  nombre  de  noms  de  lieu  ont  été  formés  sur  des 
gentilices,  au  moyen  des  suffixes  d'origine  ligure  -a  s  eu  s  et 
-oscus,  dont  l'usage  avait  persisté  dans  cette  contrée. 

353.  Les  nombreux  vocables  géographiques  en -in,  -ain,  -aing^ 
qu'on  rencontre  dans  les  pays  wallons  de  France  et  de  Belgique, 
tels  que  Hesdin  (Pas-de-Calais),  Crespin,  Bouchain,  Gantaing, 
Vertain  (Nord),  sont,  dans  les  textes  carolingiens,  terminés  en 
-inium;  on  peut  supposer  qu'ils  ont  été  formés,  eux  aussi,  sur 
des  gentilices  romains,  et  que  le  suffixe  -inius  était  particulier 
k  la  Gaule  Belgi(pie  ;  comme,  au  dire  de  César,  certaines  popula- 
tions belgiques  étaient  apparentées  aux  populations  germaniques, 
|)eut-èlre  ce  suffixe  est-il  une  vai'iante  (Ui  suffixe  germanicjue 
-inr/,  qui  termine  tant  de  noms  de  lieu  ayant  pour  racine  un  nom 

fit'     IKMSOIMIC. 


ORIGINES    ROMAINES    :    NOMS   FORMÉS   SUK    DES   GENTILICES  93 

354.  Sur  les  gentilices  romains  ont  été  formés  encore  des  noms 
de  lieu  imparisyllabiques  en  -o,  -onis  : 

355.  Albucio,  formé  sur  le  g-entilice  Albucius  —  auquel  on 
doit  Albussac  (Corrèzei  et  Aiihussay  (Cher)  —  a  donné 
Aubusson  (Creuse). 

356.  Bullio,  de  BuUius  —  cf.  Bouillac  (Aveyron,  Dor- 
dog-ne.  Tarn-et-Garonnej  —  :  Bouillon    Belgique,  Luxembourg). 

357.  Cabellio,  de  Cabellius  :  Gavaillon  (Vaucluse). 

358.  Cassio,  de  Cassius  :  »Sam/-Pau Ze^-c/e-Caisson  (Gard)  et 
Caixon  (Hautes-Pvrénées). 

359.  Cornelio,  de  Cornélius  —  cf.  Cornil  (Corrèze),  Cor- 
nille  (Dordogne),  Cornillac  (Drôme),  Cornillé  (lUe-et-Vilaine, 
Maine-et-Loire),  Corneilhan  (Hérault),  Corneillan  (Gers),  Cor- 
neilla  (Pyrénées-Orientales)  —  :  Cornillon  (Bouches-du-Rhône, 
Drôme,  Gard,  Isère). 

360.  Crispio,  de  Crispius  :   Crépion  (Meuse). 

361.  Curlio,  de  Curtius  —  cf.  Coursan  (Aude),  Courcy 
(Calvados,  Loiret,  Manche,  Marne)  :  —  Courson  (Calvados). 

362.  Divio,  de  Divins  :  Digeon  (Cantal,  Somme),  Dijon 
(Côte-d"Or). 

363.  Fulvio,  de  Fulvius  :  Fougeon  (Aube). 

364.  Linio,  de  Linius  —  cf.  Lignan  (Hérault),  Lignac 
(Indre),  Ligné  (Charente,  Loire-Inférieure),  Ligny  (Loiret, 
Meuse,  Nord,  Pas-de-Calais,  Yonne)  —  :  Lignon  (Marne). 

365.  Martio,  de  Martius  :  Marçon  (Sarthe),  Marson  (Marne, 
Meuse). 

366.  Pontio,  de  Pontius  :  Ponson  i  Basses-Pyrénées) . 

367.  Pullio,  de  Pullius  :  Pouillon  (Landes,  Marne). 

368.  Rogio,  de  Rogius  —  cf.  Royer  (Saône-et- Loire)  et 
peut-être  aussi  Rony  (Aisne,  Nièvre,  Somme)  —  :  Royon  (Pas- 
de-Calais). 

369.  Sylvanio,  de  Sylvanius  :  Sauvagnon  (Basses-Pyré- 
nées). 

370.  Tullio,  de  TuUius  :  Touillon  ^Cote-d'Or,  Doubs). 

371.  Viridio,  de  Viridius  —  cf.  Viessat  (Creuse),  Vicrzy 
(Aisne),  Verzy  (Marne)  —  :  Vierzon  (Cher). 

372.  De  tous  les  noms  d'origine  romaine  qu'on  vient  d'étudier, 
il    convient    de    rapprocher  la    catégorie   des    noms  do   lieu   en 


94  LES     NOMS    DE    LIEU 

-ailicus.  Il  n'est  pas  impossible  que  ces  vocables  aient  été 
formés,  au  moyen  du  suffixe  -icus,  sur  des  cognomina  en 
-anus  ;  mais  il  est  aussi  bien  permis  de  voir  dans  -anicus  un 
suffixe  spécial  dont  l'adjectif  graecanicus,  employé  par  Suétone, 
Pline  et  ^  arron.  atteste  l'existence,  et  qui  aurait  été  joint,  tels 
les  suffixes  -acus  et  -anus,  à  des  g-entilices  :  dans  l'une  comme 
dans  l'autre  hypothèse,  c'est  sur  l'a   que  porte  l'accent  tonique. 

Acutianicus,  Guzargues  (Hérault)  ;  Albucianicus,  Aubus- 
sargues  (Gard);  BuUianicus,  Bouillargues  (Gard);  Cassia- 
nicus,  Caissargues  (Gard);  Celsinianicus,  Sauxillanges 
(Puy-de-Dùme),  pour  Saussu/nanges  ]  Domitianicus,  Doilies- 
sargues  (Gard)  ;  Gallianicus,  Gallargues  (Gard);  Gallinia- 
nicus,  Galinagues  fAude)  ;  Gordianicus,  Gondargues  (Gard); 
Graniauicus,  Gragnague  (Haute-Garonne)  ;  Har[)ilianicus, 
Arpaillargues  (Gard);  Julianicus,  Julianges  (Lozère),  Jul- 
lianges  (Haute-Loire);  Mallianicus,  Maillargues  (Cantal); 
Marcellianicus,Marsillargues  (Hérault),  Massillargues  (Aude, 
Gard,  Lozère),  Marcelange  (Allier,  Puy-de-Dôme);  Marciani- 
cus.  Massargues  (Gard),  Marsange  (Haute-Loire),  Massanges 
(Puy-de-Dôme)  ;  Martinianicus.  Martignargues  ( Gard)  ;  Mau- 
rontianicus,  Mauressargues  Gard;  anciennement  Mauron- 
sargues;  Patronianicus,  Parignargues  (Gard);  Porcariani- 
cus,  Portiragnes  (Hérault),  au  xvir'  siècle  encore  Porcairagnes 
ou  Pourcairagnes  ;  Probilianicus,  Provilhergues  (Tarn); 
Sabinianicus,  Savignargues  (Gard);  Saturianicus,  Satu- 
rargues  (Hérault;;  Silvinianicus,  Souvignargues  (Gard); 
Venerianicus,  Vendargues  (Hérault),  anciennement  Ven- 
(Jrargues;  Veranicus,  Verargues.  Il  convient  de  rapprocher  de 
ce  dernier  nom  celui  de  Vauvenargues  (Bouches-du-llhône), 
jadis   Vauverargues,  représentant  Vallis  Veranica. 

373.  On  le  voit,  les  formes  par  lesquelles  est  représenté  le 
suflixe  -anicus,  sont  au  nombre  de  quatre  :  -argues,  la  plus 
fréquente,  (ju  on  rencontre  dans  les  déparlements  des  lîouches- 
du-Uhône,  du  Gard,  de  ITiérault,  du  Tarn,  de  LAveyron,  du 
Cantal;  -ague.t,  dans  l'Aude  et  la  Haute-Garonne;  -agnos,  dont 
un  seul  exemple  e.sl  fourni  par  Portlragiiea  (Hérault)  ;  enfin  -ange 
qui  apparlicnl  aux  ii'-^ions  plus  si'pleiihionales,  déparlemenls  du 
Puy-de-Dôme  et  de  la  Corrè/.e.  Plus  d  un  auteur,  nu^ne  parmi 
les  moderjies,  a  prélendu  (pie  -a/gucs  représentitit  le  latin  ager, 


ORIGINES    ROMAINES    :    NOMS    FORMÉS  SUR   DES  GENTILICES  1J5 

u  champ  »  ;  il  n'en  est  rien,  et  le  passage  de  -anicus  à  -argues 
n'a  rien  de  surprenant  pour  qui  sait  que  les  noms  propres 
Domerf/Lic  et  Houerguc  viennent  de  Dominicus  et  Rutheni- 
cus.  Il  faut  voir,  semble-t-ii^  dans  -agnes  une  altération  phoné- 
tique de  -agues,  qui  lui-même  est  une  réduction  de  -argues. 
Quant  à  la  forme  -anges,  elle  s'explique  non  moins  aisément,  si 
l'on  considère  que  le  même  nom  Dominicus,  qui  vient  d  être 
cité,  est  devenu  en  pays  de  langue  doïl  Domange  ou  Démange. 
L's  terminal  des  noms  modernes  qui  viennent  d'être  énumérés 
n'est  pas  étymolog-ique  :  c'est  vers  1  an  mil  que  l'usage  s'est  intro- 
duit d'employer  au  pluriel   les  noms  latins  correspondants. 

374.  La  terminaison  -ange  ne  représente  pas  toujours  le  latin 
-anicus  :  les  exemples  qu'on  en  trouve  en  Lorraine  et  en 
Franche-Comté  correspondent  à  une  terminaison  germanique 
-ing  ou  -ingen. 

375.  Qu'ils  aient  été  employés  adjectivement  au  masculin  ou 
au  féminin,  ou  bien  qu'ils  aient  été  combinés  soit  avec  le  suffixe 
d'origine  gauloise  -acus,  soit  avec  les  suffixes  d'origine  ligure 
-ascus  et  -oscus,  soit  avec  les  suffixes  latins -o,  -anviset  -ani- 
cus, les  gentilices  romains  ont  produit  un  nombre  de  noms  de 
lieu  si  considérable,  qu'on  sera  peut-être  tenté  d'accueillir  avec 
quelque  scepticisme  l'exposé  qui  précède.  L'usage  d'appliquer  à 
une  localité  un  nom  d'homme  remonte  cependant  à  la  plus  haute 
antiquité,  témoin  ce  passage  de  la  Genèse  (IV,  17)  relatif  à  Caïn  : 
Et  aedificavit  civitatem,  vocavitque  nomen  ejus,  ex 
nomine  filii  sui,  Henoch.  Et  cet  usage  s'est  perpétué  jus- 
qu'aux temps  modernes. 

376.  Une  quantité  de  localités  rurales  en  France  sont  dénom- 
mées à  l'aide  de  noms  de  famille  français  :  ceux-ci  ont  été  combinés 
avec  des  suffixes  différant,  à  la  vérité,  de  c(;ux  étudiés  dans  ces 
dernières  pages,  mais  jouant  exactement  le  même  rôle.  Le  plus 
fréquent  de  ces  suffixes  est  -iàre,  forme  française  de  -aria  :  lai 
Ghampionnière,  la  Rigaudière,  formés  sur  les  noms  patrony- 
miques Champion  et  Jiigaud  ;  parfois,  il  est  remplacé  par 
-crie  :  la  Doucetterie,  la  Marchanderie,  de  Dmicciei  Marchand. 

A  côté  de  ces  deux  suffixc^s,  employés  aussi  généralement  que 
l'était,  il  y  a  dix-sept  siècles,  le  gallo-romain  -acus,  il  en  est 
d'autres,  comparables  à  cet  égard  au  suffixe  latin  -anicus.  dont 
l'usage  est  particulier  à  telle  ou  telle  région. 


96  LES    NOMS    m:    LIEU 

377.  Tels  sont,  par  exemple,  dans  la  Bretagne  non  bretonnante 
et  les  parties  qui  l'avoisinent  des  départements  de  la  Mayenne  et 
de  Maine-et-Loire,  les  suffixes -a/e  et  -ais  :  la  Hunaudaie,  la  Robi- 
nais,  la  Séguinais. 

378.  En  Limousin,  en  Auvergne,  en  Périgord,  et  dans  une 
partie  de  TAngoumois,  c'est  le  suffixe  -ie  qu'on  a  employé  :  la 
Robertie.  Leyraarie,  Lasteyrie,  dérivent  de  Robert,  d'Eymar  et 
d'Asiier. 

Ce  sont  là  d'inconscientes  applications  de  la  méthode  des 
Romains.  On  ne  peut  nier  que  parfois  tel  des  noms  de  lieu  dont 
il  s'agit  a  pour  racine,  non  pas  un  nom  de  famille,  mais  un  nom 
de  baptême;  mais  la  distinction  n'est  pas  aisée  à  faire,  bien  des 
noms  de  baptême  étant  devenus  noms  de  famille  à  partir  du 
xii^  siècle. 


XXIII 

SOUVENIRS     DES     ANCIENNES     POPULATIONS 
DE     LA     GAULE 

Lors  de  Tarrivée  de  Jules  César,  la  Gaule,  exception  faite  de 
la  Province  romaine  déjà  soumise,  se  divisait,  au  témoignage  du 
conquérant,  en  trois  parties,  habitées  respectivement  par  les 
Belges,  les  Gaulois  et  les  Aquitains  :  de  là  les  noms  de  Belgica 
et  d'Aquitania,  donnés  plus  tard  à  des  provinces  de  la  Gaule 
romanisée  ;  de  là  aussi  le  nom  de  Gaule,  Gallia,  qu'oi}  donnait, 
dès  lors,  non  plus  au  seul  pays,  situé  entre  Seine  et  Garonne, 
que  César  dit  être  habité  par  les  Gaulois,  mais  à  toute  la  région 
comprise  entre  le  Rhin  et  les  Pyrénées. 

Ces  trois  noms,  Gallia,  Aquitania,  Belgica,  subsistent 
encore,  mais  il  semble  bien  que  les  deux  premiers  seuls  ont  été 
conservés  dans  le  langage  populaire  ;  quant  au  nom  de  Belgique, 
qui  s'appliquait  à  1  vme  des  parties  de  la  Gaule,  s'étendant  de  la 
Marne  aux  Vosges  et  à  la  Meuse,  il  ne  semble  pas  avoir  été  connu 
au  moyen  âge,  et  c'est  par  une  sorte  d'évocation  du  passé  que, 
depuis  un  siècle,  il  a  été  appliqué  à  une  importante  portion  du 
pays  qui  l'avait  jadis  porté. 

379.  Le  mot  «  Gaule  »  provient  régulièrement  de  Gallia, 
moyennant  la  consonnification  du  premier  l  ;  mais  il  n'appartient 
pas  au  dialecte  français,  où  le  g  initial  fût  devenu  j,  comme  il 
est  arrivé  dans  notre  mot  «  jaune  »,  représentant  le  latin 
galbinus  :  «  Gaule  »  est,  suivant  toute  apparence,  une  forme 
wallonne. 

380.  Tandis  qu'à  l'origine  le  pays  des  Aquitains  était  limité 
parles  Pyrénées  et  la  Garonne,  l'empereur  Auguste  étendit  l'ap- 
pellation d'Aquitania  à  toute  la  région  située  au  sud  delà  Loire, 
en  dehors  de  la  Province  romaine.  Dès  le  ni*'  siècle,  l'Aquitaine 
primitive  était  désignée  par  le  nom  de  Novempopulanie,  qu'oUo 
échangea  depuis  contre  celui  de  Gasco(/ne,  Vasconia,  par  suite  de 
l'établissement  d'une  nouvelle  population  venue  des  Pyrénées 
espagnoles.   En  français  primitif,  le  mol  .V  ([  u  i  l;i  n  i  ;i    rsl    devenu 

Les  noms  de  lien. 


98  l-ES    NOMS    DE    LIEU 

Aguiaine  ou  Agiiienne,  bientôt  réduit  à  Guyenne,  par  une  aphé- 
rèse dont  le  nom  de  la  Fouille,  répondant  au  latin  Apulia,  four- 
nit un  exemple  non  moins  connu. 

381.  Le  souvenir  d'une  cinquantaine  dépeuples, — ou,  comme 
on  dis9it  dans  l'antiquité,  de  civiiates,  —  de  la  Gaule,  subsiste 
dans  des  noms  de  villes,  parfois  de  régions  :  ces  noms  géog-ra- 
phiques,  extrêmement  précieux,  ont  puissamment  contribué  à 
donner  une  base  solide  aux  recherches  concernant  la  géographie 
antique  de  notre  pays. 

Par  un  phénomène  presque  particulier  à  la  Gaule,  et  qu'on 
n'observe  qu'une  fois  dans  la  Province  romaine,  les  noms  de  la 
plupart  des  anciens  peuples  ou  civiiates  passèrent,  du  m''  au 
iv^  siècle,  aux  chefs-lieux  ;  et  ceux-ci  perdirent  dès  lors  les 
noms  qui,  jusque  là,  les  désignaient  :  ainsi  le  nom  de  Duro- 
cortorum  qui,  dès  le  temps  de  César,  désignait  le  chef-lieu  de 
la  nation  des  Rémi,  fit  place  au  nom  même  de  cette  nation,  nom 
dont  la  forme  accusative  Remos  a  donné  en  français  Reims. 

Il  est  aisé  de  comprendre  comment  de  tels  changements  de  noms 
se  sont  opérés.  La  confusion  entre  la  civitas,  c'est-à-dire  le 
peuple  antique,  et  le  chef-lieu  où  siégeaient  ses  magistrats  dut 
se  faire  rapidement  :  de  là  l'emploi,  qu'on  trouve  dès  le  premier 
siècle  de  notre  ère,  notamment  dans  Frontin,  du  mot  civitas  au 
sens  de  «  ville  »  ;  de  là  aussi,,  par  un  mouvement  parallèle,  l'ap- 
plication du  nom  propre  de  la  civitas  à  son  chef-lieu. 

Pour  déterminer  les  noms  de  civiiates  gauloises  qui  passèrent 
aux  villes  où  siégeaient  les  administrations  respectives  de  ces 
civiiates,  il  n'est  pas  de  guide  plus  commode  que  la  Notilia  pro- 
vinciarum  et  civitatum  Gallise  ',  précieux  document  rédigé  après 
375,  probablement  au  début  du  v'^  siècle,  et  dans  lequel  les  cités 
gauloises  alors  existantes  sont  réparties  entre  les  dix-sept  pro- 
vinces de  la  Gaule,  selon  un  ordre  qu'on  va  suivre  ici. 

Des  trois  cités  que  comprenait  la  Première  Lyonnaise,  deux 
seulement  poitaient  des  noms  df  peuples  :  la  civitas  Aedtioruni 
et  la  civitas  Linr/o/iuni. 

i.  Ce  flocumonl,  maiiiles  lois  imprimé,  a  élé  reproduit,  «  accompagné 
des  variantes  que  louiuisseiil  les  deux  phis  anciens  inanuscrils  connus  >>, 
par  Aufç.  Lonj^non,  dans  le  Texte  explicatif  des  plandies  (Paris,  1907,  in-i") 
de  .son  .l/Z/is   liixlori</iii'  ih  In  h'rnncf,  p.  li-lC. 


ORIGhMES   ROMAINKS    :    SOIIVEMHS  DES  ANClENNliS  l'(  tPLLATIONS  99 

382.  Le  nom  de  la  cioitas  Aeduorum  semble  indiquer  qu'Autun, 
Aug^ustodunum,  avait  abandonné  ce  nom,  remontant  à  sa  fon- 
dation sous  le  règ-ne  d'Aug-uste,  pour  y  substituer  le  nom  du 
peuple  dont  il  était  le  chef-lieu  ;  mais  cet  abandon  ne  fut  que 
momentané,  YHistoria  Francorum  de  Grégoire  de  Tours  en  fait 
foi,  et  le  mot  Aedui  n'a  laissé  aucune  trace  dans  la  géographie 
du  moyen  âge. 

383.  Lingones,  substitué  à  Andematunnum,  est  Torigine 
du  nom  de  Langres(Hante-Marne),  qui  s'est  formé  de  Lingones, 
accentué  sur  l'antépénultième,  comme  diacre,  coffre,  ordre, 
pampre  et  timbre  sont  formés  de  diaconum,  cophinum,  ordi- 
nem.  pampanum  et  tympanum.  De  Lingones  est  dérivée 
l'expression  Lingonicum,  désignant  le  pays  dont  Langres  était 
le  chef-lieu,  et  qu  on  trouve  en  français  du  xiii*^  siècle  sous  la 
forme  I.angoinc. 

Dans  la  Provincia  Liif/dunensis  secunda  la  Notifia  compte  sept 
villes  dont  cinq  portent  des  noms  de  peuples  :  ce  sont  les  civi- 
tates  Bajocassium,  Abrincatum,  Ebroicorum,  Sagiorum  et  Lexo- 
viorum. 

384.  Le  nom  des  Bajocasses,  qui  a  pris  la  place  de  celui 
d'Augustodurum,  était  accentué  sur  l'antépénultième  :  il  a 
donc  formé  régulièrement  le  nom  de  Bayeux  (Calvados),  dont  le 
territoire —  Bajocassinum  —  est  appelé  le  Bessill. 

385.  Le  nom  des  Abrincates  —  les  Abrincatui  de  Pline  — • 
accentué  sur  l'antépénultième,  est  devenu  en  français  Avranches 
(Manche';  le  territoire  de  cette  ville  —  Al)rinca  tinum  —  est 
appelé  rAvranchin. 

386.  Ebroici,  altération  d'Eburovices.  était  accentué  sur 
l'antépénultième;  substitué  à  Mediolanium,  ce  nom  est 
devenu  Evreux  (Eure),  et  son  dérivé  Ebroicinuni  adonné 
Évrecin. 

387.  Le  nom  des  Sagii,  qui  paraît  avoir  remplacé  un  nom  de 
ville  Nudionnum,  est  le  thème  étymologicpie  du  nom  de  Sées 
(Orne). 

388.  Le  nom  des  Lexovii,  ({ui  a  pris  la  place  de  ci'lui  <\c 
Noviomagus,  est  devenu  Lisieux  (Calvados);  h^  tei-rildin'  de 
Lisieux —  Léxovinum  —  est  le  Lieuvin. 

En  dehors  de  ces  cinq  noms  de  peupk^s  de  la  Seconde  Lyon- 


100  LES    NOMS    DE    LIEU 

naise,  mentionnés  dans  la  Notitia,  il  en  est  trois  autres  qui  sub- 
sistent, l'un  comme  nom  de  lieu,  les  deux  autres  dans  des  noms 
de  régions. 

389.  La  civitas  Viducassium,  mentionnée  au  m''  siècle  dans  la 
fameuse  inscription  de  Torigni-sur-Vire  K  était  sans  doute,  quand 
fut  écrite  la  Notitia,  fondue  dans  la  cité  des  Bajocasses  ;  mais  le 
nom  des  Viducasses  subsiste  dans  celui  de  Vieux  (Calvados). 

390.  La  cité  de  Rouen  mentionnée  dans  la  Notitia  résultait  de 
l'union  des  cités  des  Caleti  et  des  Veliocasses  qu'on  avait  ren- 
contrés dans  César.  Le  nom  des  premiers  se  retrouve  dans  celui 
d'une  circonscription  de  Fépoque  franque,  le  pagus  Cal  et  us, 
ou  pays  de  Caux;  de  même  le  nom  des  Veliocasses  est  l'ori- 
gine du  pagus  Vilcassinus  ou  Velcassinus,  en  français  du 
moyen  âge  Vequessin,  qu'on  écrit  aujourd'hui  Vexin. 

La  Notitia  comprend  sous  la  Troisième  Lyonnaise  neuf  cités, 
toutes  désignées  par  des  noms  de  peuples  :  Turoiies,  Ceno- 
manni,  Redones,  Andecavi,  Namnetes,  Coriosolites,  Venetes, 
Osismii  et  Diablintes. 

391.  Le  nom  de  Turones  a  remplacé  celui  de  Caesarodu- 
num;  accentué  sur  l'antépénultième,  il  se  présente  en  français 
sous  la  forme  Tours  (Indre-et-Loire);  c'est  probablement  de 
Turonicum,  mot  formé  à  l'aide  du  suffixe  -icum  dont  l'i  est 
atone,  que  provient  le  mot  Touraine  pour  Touroine  ;  l'ethnique 
tourangeau  dérive  du  même  mot  par  l'intermédiaire  d'un  primitif 
Tour  ange,  dont  il  est  le  diminutif. 

392.  Cenomanni,  qui  a  remplacé  le  nom  de  lieu  Subdin- 
num  ou  Suindinum,  est  la  forme  primitive  du  nom  du  Mans 
(Sarthe);  mais  la  chose  a  été  fort  bien  expliquée  par  Jules  Qui- 
cherat,  à  l'aide  d'une  forme  donnée  par  un  document  de  7(i5, 
Cilmannis  :  la  forme  vulgaire  qui  en  est  résultée  a  passé  par 
un  substantif  Mann  précédé  d'un  adjectif  démonstratif,  auquel 
l'article  a  été  substitué.  Le  nom  de  la  province  du  Maine,  en 
latin  Cenomann  icum  ou  (^ilman  nicun»,  a  subi  la  même 
altération. 

393.  Le  nom    (les  Kedones,    qui  a  remplacé  le  nom  de  lieu 

{.  Voir,  relativement  à  cette  inscription,  K.  Dcsjardins,  Gt^ofjraphie...  <ie 
la  (iaiilr  romaine  {V:u\s,  IKTO-lSy".,  4  vol.  iii-4»),  III,  I'.)H-2(>0. 


ORfOLNES   ROMAINES  :    SO(  VKNIRS    DES  ANCIENNES  POPULATIONS        lOl 

Condate,   était  accentué   sur  l'antépénultième    :   il  est  devenu 
Rennes  (Ule-et- Vilaine). 

394.  Le  nom  des  Andegavi,  qu'on  trouve  sous  cette  forme 
dans  Pline,  et  sous  la  forme  Andecavi  dans  Tacite,  est  un 
dérivé  du  mot  Andes,  par  lequel  César  désig-ne  le  même  peuple. 
Substituée  à  Juliomag-us,  la  forme  oblique  Andfegavis  est  le 
thème  étymologique  du  nom  d'Angers  (Maine-et-Loire)  ;  et, 
d'autre  part,  le  nom  Andeg-avum,  par  lequel  on  désignait,  à 
l'époque  franque,  le  territoire  dont  Angers  était  le  chef-lieu,  a 
produit  le  mot  Anjou. 

395.  Le  nom  des  Namnetes  a  remplacé  le  nom  de  lieu  Con- 
divicnum  et  a  donné  naissance  au  nom  français  Nantes  (Loire- 
Inférieure). 

396.  Le  nom  des  Goriosolites  ou  Guriosolites,  peuple 
mentionné  par  César,  subsiste  dans  celui  de  Gorseul  (Gôtes-du- 
Nord),  où  l'on  a  retrouvé,  en  1709,  les  vestiges  de  cette  cité  ; 
celle-ci  ne  subsistait  peut-être  plus  quand  fut  écrite  la  Notitia, 
car  les  plus  anciens  manuscrits  portent,  non  pas  civitas  Corio- 
solitum,  mais  bien  civitas  Coriosopitum,  ce  qui  est  l'ancien 
nom  de  Quimper  (Finistère). 

397.  Le  nom  des  Venetes,  substitué  à  Dariorigum,  a 
donné  Vennes,  qui  s'est  prononcé,  puis  écrit  Vannes  (Morbihan). 

398.  Le  nom  des  Osismii,  qui  a  pris  la  place  de  Vorganium, 
n'a  pas  laissé  de  trace  bien  apparente.  M.  J.  Loth  prétend  le 
reconnaître  dans  le  dernier  terme  du  nom  de  Coz-Castell-Ach, 
cest-à-dire  «  le  vieux  château  d'Ach  »,  porté  par  une  ruine  sise 
en  Plouguerneau  (Finistère)  ;  en  dehors  d'arguments  phonétiques 
empruntés  à  la  langue  bretonne,  l'opinion  de  M.  Loth  se  fonde 
sur  ce  que  le  pays  dont  Coz-Castell-Ach  était  le  chef-lieu,  est 
appelé  pagus  Achmensis,  ce  qui  serait  une  altération  de  pagus 
Osismiensis.  Par  contre,  dans  l'opinion  de  M.  Ferdinand  Lot, 
l'emplacement  de  l'antique  Vorganium  serait  représenté  par 
Carhaix  (Finistère),  anciennement  Kaer-Ahes,  dont  le  nom,  par 
son  second  terme,  répondrait  à  Osismii.  Il  est  difficile  d'opter 
entre  ces  deux  solutions. 

399.  Mais  si  l'on  n'est  pas  très  fixé  touchant  les  traces  que 
les  Osismii  ont  laissées  dans  la  péninsule  armoricaine,  le  souve- 
nir s'en  rencontre  ailleurs.  Il  semble  évident  que  des  familles  de 
ce  peuple  avaient  émigré  et  fondé  dos  villages  appelés  Osismas 


102  LES     XOMS    DE    LIEU 

OU  Osisma  :  telle  paraitètre  lorig-ine  dExmes  Orne),  à  l'époque 
mérovingienne  Oxma;  d'Huismes  i  Indre-et-Loire),  au  x*^  siècle 
Oximensis  villa  ;  de  Hûmes  (Haute-Marne),  que  Flodoard 
appelle  Isma  ;  et  de  Hiesmes,  nom  porté  jusqu'au  xvni^  siècle 
par  Villiers-le-Morhiers  (Eure-et-Loir),  qui  représente  un 
Oximas  mérovingien. 

400.  Le  nom  des  Diablintes,  substitué  à  celui  de  Noiodu- 
num  se  retrouve  dans  celui  de  Jublains  (^Mayenne). 

Des  sept  cités  qui  composaient  la  Quatrième  Lyonnaise,  cinq 
étaient  désignées  par  des  noms  de  peuples  :  Senones,  Carnutes 
ou  Carnotes,  Tricasses,  Parisii  et  Meldi. 

401.  Le  nom  des  Senones,  qui  a  remplacé  le  nom  de  ville 
Agedincum.  était  accentué  sur  l'antépénultième  :  de  \l\,  la 
forme  vulgaire  Sens  (Yonne).  Sens-de-Brefa(jne  (Ille-et-Vilaine) 
doit  peut-être  son  orig-ine  à  une  colonie  de  Senones  établie  chez 
les  Redones. 

402.  Carnutes,  également  accentué  sur  l'antépénultième,  et 
qui  a  remplacé  TAutricum  de  César,  est  devenu  Chartres 
(Eure-et-Loir),  son  dérivé  Carnotenum,  appliqué  à  la  circons- 
cription dont  Chartres  était  le  chef-lieu,  a  donné  Chartrain, 
anciennement  Charfain.  Il  y  avait  chez  les  Bédanes  un  pagus 
Carnutenus  dont  le  souvenir  survit  dans  le  nom  de  Chartres 
(Ille-et-Vilaine)  ;  et  il  est  probable  que  Chartrettes  ;  Seine-et- 
Marne),  dont  le  nom  est  traduit  aux  xu''  et  xni*'  siècles  par 
Carnotule,  s'appelait  aussi  Chartres,  la  terminaison  dimina- 
tive  ayant  été  ajoutée  pour  prévenir  toute  confusion. 

403.  Le  nom  des  Tricasses,  qui  a  fait  oublier  le  nom  de 
ville  Augustobona,  et  dans  lequel,  comme  dans  Bfijocasses 
et  Viducasses.  la  linale  -casses  était  atone,  a  donné  Troyes 
(.Aube);  le  dérivé  Tricassinum,  (jui  désignait,  à  réi)oque 
franque,  le  territoire  de  Troyes,  est  devenu  en  franc^-ais  du  moyen 
âge  Troiesin. 

404.  Substitué  à  Lutetia,  le  nom  des  Parisii  est  l'origine  de 
celui  de  Paris,  et  son  dérivé  Parisiacum  a  produit  le  vocable 
de  région  Parisis. 

405.  Le  nom  des  Meldi,  substitué  à  ctdui  de  jatinum  ou  de 
H'ixtinum,  est  l'origine  du  nom  de  Meaux  'Seine-et-Marne)  ;  le 
vocable  bas-latin  Melcianum,  pai-  le(piel  on  (b'-signait  le  pays 
de  Meaux,  est  devenu  en  l'ianvais  Mrussir/i  et  Multien. 


ORl(ilNI':S  ROMAINKS    :    SOUVENIRS   DES    ANCIENNES  POPULATIONS       103 

Dans  la  Première  Belgique,  trois  cités  sur  quatre  étaient  dési- 
gnées par  des  noms  de  peuples  :  Treveri,  Medionmlrici  et 
Leuci. 

406.  Le  nom  des  Treveri,  qui  remplaça  celui  d"  A  ug  us  ta,  est 
devenu  Trèves  (Prusse  rhénane),  en  allemand  Trier. 

407.  Substitué  à  Divodurum,  le  nom  des  Alediomatrici  a 
lui-même  bientôt  cédé  la  place  à  un  autre  vocable,  Mettis,  qui 
sans  doute  ne  désignait  à  l'origine  qu'un  quartier  de  la  ville  de 
Metz.  Mediomatrici  n'a  donc  laissé  aucune  trace  dans  la  topo- 
nomastique  française. 

408.  Il  en  est  de  même  du  nom  des  Leuci,  substitué  momen- 
tanément au  nom  primitif  de  la  ville  de  Toul,  TuUum.  qui  finit 
par  prévaloir.  * 

Neuf  noms  de  villes  sur  douze,  dans  la  Seconde  Belgique,  sont 
empruntés  aux  peuples  gaulois  :  Rémi,  Siiessiones^  Catalauni  ou 
Catuellauni,  Veromandui,  Atrehates,  Silvanectes,  Bellouaciy 
Amhiani  et  Morini. 

409.  Rémi,  substitué  à  Durocortorum,  est  l'origine  du  nom 
de  Reims  (Marne)  ;  de  là  aussi  le  nom  de  région  Remtianus, 
en  français  du  moyen  âge  Rancien. 

410.  Suessiones.  qui  a  pris  la  place  du  nom  Augusta,  a 
produit  le  nom  moderne  Soissons  (Aisne). 

411.  Catalauni,  substitué  à  Duro catalauni,  est  devenu 
Cliaalons,  aujourd'hui  ChàlOïiS-sur- Marne. 

412.  Le  nom  des  Veromandui,  qui  avait  été  substitué  à  celui 
d'Augusta,  fit  à  son  tour  place,  vers  le  ix*  siècle,  au  nom  du 
martyr  dont  ce  lieu  possédait  le  tombeau.  Le  vocable  de  la  ville 
de  Saint-Quentin  (Aisne)  n'a  pas  elFacé  complètement  le  souve- 
nir de  l'appellation  antérieure,  dont  dérive  le  nom  de  région 
Vermandois,  en  latin  médiéval  Vermandense,  et  qui,  pour  des 
raisons  archéologiques,  fut  transportée,  dans  le  cours  du  moyen 
âge,  aux  ruines  d'un  ancien  vicus  romain,  près  desquelles  s'éleva 
le  bourg  actuel  de  Vermand  (Aisne). 

413.  Atrebates,  qui  avait  supplanté  Nemetacum,  s'est  de 
bonne  heure  contracté  en  Atrades  ou  Atradis,  d'où  Arras 
(Pas-de-Calais)  ;  le  i)agus  Atradensis,  puis  Artonsis,  est 
devenu  F  Artois. 

414.  Silvanectes,  substitué  à  Augustomagus,  s'est  réduit, 


104  LES    NOMS    DE    LIEU 

dès  l'époque  méroving-ienne,  à  Selnectis.  dont  une  métathèse 
fît  Senlectis  :  de  là  le  nom  moderne  Senlis  (Oise).  Au  moj^en 
âg-e  le  territoire  de  Senlis  était  appelé  le  Sellentois. 

415.  Le  nom  des  Bellovaci,  qui  avait  fait  oublier  Gaesaro- 
magus,  est  devenu  celui  de  la  ville  de  Beauvais  lOise). 

416.  Le  nom  des  Ambiani,  quia  remplacé  celui  de  Sama- 
rabriva,  est  la  forme  primitive  du  nom  d'Amiens  (Somme). 

417.  Il  ne  reste  pas  trace  du  nom  des  Mo  ri  ni  :  leur  chef-lieu 
était  Thérouanne  (Pas-de-Calais),  en  latin  Taruenna,  dont  le 
pays,  Taruanense,  fut  appelé  Ternois.  Il  convient  de  noter 
qu'au  moyen  âge  l'évêque  de  Thérouanne  se  disait  episcopus 
Morinensis. 

'  418.  Le  nom  des  Menapii,  qui  avaient  pour  ville  principale 
Touinai  (Belgique),  subsista,  à  l'époque  franque  et  jusqu'au 
xii*^  siècle,  dans  celui  de  Mempiscum,  formé  à  laide  du  suffixe 
germanique  isc  ou  isch,  et  qui  désignait  une  partie  au  moins  de 
leur  territoire. 

419.  Des  quatre  cités  de  la  Première  Germanie,  deux  portaient 
des  noms  de  peuples,  Nemetes  et  Vangiones  ;  mais  ces  deux 
vocables,  qui  avaient  remplacé,  le  premier  Noviomagus,  le 
second  Borbetomagus,  furent  à  leur  tour  abandonnés  respec- 
tivement pour  Spira,  d'où  Spire  (Bavière  rhénane),  en  allemand 
Speier,  et  Warmatia,  d'où  T'Forms  (Hesse  rhénane). 

420.  Une  des  deux  cités  qui  composaient  la  Seconde  Germanie 
portait  un  nom  de  peuple  ;  c'est  Tungri,  primitivement  Adua- 
tuca.  aujourd'hui  Tongres  (Belgique,  Limbourg). 

421 .  Sur  les  quatre  cités  qu'indique  la  Nolitia  pour  la  Provin- 
cia  maxirna  Serfiianorum,  une  seule  porte  un  nom  de  peuple,  la 
civi/as  Elvelionun  ;  mais  c'est  le  nom  du  chi'f-lieu,  Aventica, 
ÂDenches  (Suisse,  canton  de  Vaud),  qui  a  prévalu,  (^est  par  une 
évocation  des  souvenirs  de  l'antiquité  qu'a  été  créée,  à  la  fin  du 
xvin''  siècle,  1  expression  <«  république  hclvétit/uc  ».  Le  nom  du 
castrum  Raiirncensc,  que  la  Nolilia  mentionne  également  à  pro- 
pos de  ha  Séquanie,  et  qui  rappelait  le  souvenir  des  anciens  liau- 
raci,  n'a  pas  davantage  survécu,  ce  castrum  ayant  repris  son  nom 
d'Augusta,  aujourd'hui  Aiiffs/  /Suisse,  canton  de  Bâle). 


ORir.hNKS  ROMAINES   :  SOUVENIRS    DES  ANCIENNES  POPULATIONS        lOo 

422.  Les  deux  cités  de  la  province  des  Alpes  Graies  et  Pen- 
nines  étaient  désignées  par  des  noms  de  peuples  :  Centrones  et 
Vallenses  :  ces  deux  noms  ont  dû  rendre  la  place  aux  noms  pri- 
mitifs Darantasia  —  aujourd'hui  Moiitiers-en-Tareniaise 
(Savoie),  et  Octodurum  ;  mais  le  nom  des  Vallenses  est 
devenu  celui  de  la  région,  le  Valais,  qui  est  l'un  des  cantons  de 
la  Confédération  suisse  ;  il  est  à  noter,  d'autre  part,  que  le  nom 
d'une  des  quatre  tribus  qui  composaient  la  cité  des  Vallenses,  les 
Seduni,  est  l'oi-igine  du  nom  de  Sion,  capitale  du  Valais. 

423.  Dans  la  Viennoise,  formée  d'un  démembrement  de  la 
Province  romaine,  une  seule  cité  sur  treize  portait  un  nom  de 
peuple,  Tricastini,  substitué  à  Augusta  :  ce  nom  subsiste, 
avec  une  dérivation  qui  résulte  d'une  étymologie  populaire,  dans 
le  surnom  de  la  ville  de  Sai/ï/-Pat//-Trois-Ghâteaux  (Drôme). 

La  Première  Aquitaine  comptait  huit  cités,  dont  sept  dési- 
gnées par  des  noms  de  peuples  gaulois  :  Bituriges,  Arverni, 
Ruteni,  Cadui'ci,  Lemovices,  Gabales  et  Vellavi. 

424.  Le  nom  des  Bituriges,  accentué  sur  l'antépénultième, 
et  qu'on  substitua  au  nom  de  ville  Avaricum,  a  produit  le  nom 
moderne  Bourges  (Cher),  anciennement  Beorges  ou  Beourges  ; 
c'est  d'un  adjectif  Bituricum,  accentué  sur  la  pénultième,  qu'est 
dérivé  le  nom  de  province  Berry. 

425.  Le  nom  des  Arverni,  qui  a  remplacé  le  nom  de  ville 
Augustonemetum,  a  lui-même  été  abandonné  à  l'époque  caro- 
lingienne pour  le  nom  Clarus  Mon  s,  qui  désignait  la  citadelle 
de  la  cité  arverne,  aujourd'hui  Clermont  (Puy-de-Dôme).  Mais 
c'est  d'Arverni  que  dérive  le  nom  de  région  Arvernia  ou 
Alvernia,  en  français  Auvergne.  La  forme  basse  Alvernis  (jui, 
dans  des  textes  carolingiens,  désigne  plusieurs  villages  de  la 
France  septentrionale,  rappelle  vraisemblablement  de  petites 
colonies  auvergnates  :  elle  est  l'origine  des  noms  d'Auvers-sf//'- 
Oise  et  d^ Auvers-Sainf-Georges  (Seine-et-Oise),  dont  le  second  a 
un  diminutif,  Auvernaux  (Seine-et-Oise),  dans  lequel  ïn  s'est 
conservé,  Arverni  ou  Alverni  semble  être  aussi  la  ratine 
d'Alvernicum,  dénomination  primitive  de  Vernègues  !  Houches- 
du-Rhône). 

426.  Hutenis.  (|ui  s'est   substitué   à  Segoduiuim,  n  produit 


IO(i  LKS    NOMS    DE    lAF.V 

Rodez  (Aveyron),  moyennant  la  chute  de  Yn  latin  placé  entre 
deux  voyelles  ;  son  dérivé  Rutenicum,  accentué  sur  l'antépé- 
nultième, est  l'origine  du  nom  du  Rouergue. 

427.  Le  nom  des  Cadurci.  qui  remplaça  le  nom  de  ville 
Divona.  est  l'orig-ine  du  nom  de  Cahors  (Lot)  ;  son  dérivé 
Cadurci num  a  produit,  par  la  double  chute  de  la  dentale  et  de 
In  intervocaux,   le  nom  territorial  de  ûuercy. 

428.  Lemovices.  substituée  Aug-ustoritum,  et  son  dérivé 
Lemovicinum  ont  donné  respectivement  Limoges  (Haute- 
Vienne)  et  Limousin.  Le  villag-e  de  Limoges  (Seine-et-Marne), 
qu  une  charte  du  roi  Robert  appelle  Lemovices,  représente 
évidemment  une  ancienne  colonie  de  Limousins. 

429.  Cabales,  qui  a  pris  la  place  d'Anderitum,  est  le 
thème  étymologique  du  nom  de  Javols  (Lozère),  et  son  dérivé 
Gabalitanum,  celui  du  mot  Gévaudan.  Les  éditeurs  des  Afonw- 
menta  Germaniae  hisforica  ont  traduit  pagus  Gabaldanus, 
qu'ils  ont  imprimé  Galvadanus,  par  Calvados,  erreur  d'autant 
plus  étrange  que  la  notoriété  du  Calvados  ne  date  que  de  la  créa- 
tion du  département  de  ce  nom. 

430.  Le  nom  de  Vella  vi,  substitué  au  nom  de  lieu  Revessio, 
a  été  lui-même  remplacé  au  cours  du  moyen  âge  par  le  nom  de 
Sainf-Paulien  (Haute-Loire),  emprunté  à  un  sanctuaire  chrétien, 
mais,  grâce  à  son  dérivé  Vellavicum.  puis  Vellaicum,  le 
souvenir  en  est  conservé  dans  le  nom  du  Velay,  que  porte  leur 
ancien  pays. 

Dans  la  Seconde  Aquitaine,  trois  noms  de  cités  sur  six  sont 
des  noms  de  peuples  :  Sanlone.s,  Pictavi  et  Pefrocorii. 

431.  Le  vocal  de  Santones,  qui  a  pris  la  place  du  nom  de 
ville  .Mediolanium,  étant  accentué  sur  l'antépénultième,  a  pro- 
duit le  nom  (\v  Saintes  'Charente-Inférieure),  et  son  dérivé  S  an- 
ton  i  eu  m  it  produit  le  nom  de  la  Saintonge. 

432.  Pictavi,  variante  du  nom  di's  anciens  Lie  to  ne  s,  ou 
pluir)t  son  cas  oblicjue  Pictavis —  pareil  fait  a  été  signalé  poiu' 
Andegavis  —  est  le  thème  étym(»logi(|ue  du  nom  de  Poitiers 
(N'ieiine],  ville  originairement  connue  sons  le  nom  deLemonum. 
Le    nom  du  PoitOU  Nient  de  Piclavum. 

433.  l'elrocorii,  substitué  ii  \c'sunna,  et  son  dérivé 
I' elrocoi- i  cum,  accentué  sur  l'antépénultième,  ont  donné  res- 
|)e(livernent   Périgueux  ''1  )<ir(logne  i  et  Périgord. 


ORUilNES  ROMAliNES    :   SOUVENIRS  DKS   ANCIENNPIS  POPULATIONS       107 

Sur  douze  noms  de  cités,  la  Novempopulanie  n'en  comptait 
que  quatre  qui  fussent  des  noms  de  peuples  :  Convenae,  Conso- 
ranni^  Vasates  et  Aiiscii. 

434.  Les  deux  premiers  de  ces  noms,  qui  avaient  été  substitués, 
le  premier  à  Lugdununi,  le  second  peut-être  à  Austria.  ne 
paraissent  pas  avoir  survécu  au  monde  romain  ;  toutefois,  ils 
subsistent  dans  les  noms  de  pays  Cominges  —  Gon  venicum  — 
et  GouSerans  —  Consoranum  —  qui  désignent  aujourd'hui 
encore  le  territoire  de  ces  deux  cités. 

435.  Vasates,  qui  a  pris  la  place  de  Gossium,  se  retrouve 
aujourd'hui  dans  le  nom  de  Bazas  (Gironde). 

436.  Le  nom  des  Auscii,  qui  a  détrôné  les  noms  successifs 
d'Elimberris  et  d'Aug-usta,  a  produit  le  nom  d'Auch  (Gers). 

437.  La  Notifia  p\a.ce  encore  dans  la  Novempopulanie  la 
civitas  Boiatium,  dont  on  ignore  l'emplacement  exact,  mais 
dont  le  territoire,  pagus  Boicus,  devint  l'une  des  divisions  du 
diocèse  de  Bordeaux,  l'archiprêtré  de  Buch  ;  dans  Boiates  et 
dans  Boicus  on  reconnaît  le  nom  des  Boii,  duquel  dérivent 
ceux  delà  Bohême,  Boiohemum   et  de  la   Bavière^  Boioaria. 

Aucune  des  cités  de  la  Première  Narbonnaise  n'était  désignée 
par  un  nom  de  peuple. 

438.  La  Seconde  Narbonnaise,  sur  sept  cités,  n'en  oll're  qu'une 
seule,  la  civitas  Reiorum,  qui  soit  désignée  par  un  nom  de 
peuple  :  c'est  de  ce  nom  que  provient  celui  de  Riez  (Basses- 
Alpes). 

439.  Dans  la  province  des  Alpes-Maritimes,  la  Xofitia  ne 
désigne  aucune  des  huit  cités  par  un  nom  de  peuple  ;  mais  la 
métropole  de  cette  cité,  Embrun,  était  comprise  dans  la  cité  des 
Gaturiges,  dont  le  nom  se  retrouve  dans  celui  de  Chorges 
(Hautes-Alpes).  Que  les  Gaturiges  aient,  comme  les  Arverni  et 
les  Lemooiccs,  colonisé  hors  de  leur  pays,  le  fait  paraît  résulter 
de  ce  que  leur  nom  est  attribué  parla  Table  de  Peutiiiger,  à  l'une 
des  stations  de  la  voie  de  Reims  àToul,  station  dont  l'emplace- 
ment est  marqué  par  la  ville  actuelle  de  Bar-le-l)uc  (Meuse). 


XXIV 
LIMITES     DES     CITÉS 

440.  Les  textes  itinéraires  de  l'époque  romaine  mentionnent 
des  stations  désig'nées  seulement  par  le  mot  Fines;  on  n'en 
compte  pas  moins  de  dix-sept  en  Gaule.  Grâce  aux  ressources 
qu'offrent,  pour  la  connaissance  du  territoire  des  anciennes  cités, 
les  documents  relatifs  à  la  géographie  ecclésiastique  du  moyen 
âge,  on  arrive,  pour  la  plupart  de  ces  stations,  à  une  certitude 
absolue  touchant  leur  situation  aux  confins  de  deux  cités  ;  les  cas 
exceptionnels  où  pareille  preuve  n'a  pu  être  faite,  sont  impu- 
tables évidemment  à  l'insuffisance  des  moyens  d'information  dont 
on  dispose  actuellement. 

441.  Les  localités  du  nom  de  Fines  qu'on  rencontre  dans  les 
documents  itinéraires,  étaient  le  plus  souvent  de  simples  relais 
de  poste  qui  n'auront  pas  survécu  k  la  chute  de  l'empire  romain  : 
deux  seulement  d'entre  elles,  Pfyn  et  Fismes,  ont  conservé,  plus 
ou  moins  altérée,  leur  appellation  primitive.  En  revanche,  la 
nomenclature  topographique  de  notre  pays  fournit  plusieurs 
autres  localités  qui,  bien  quelles  ne  soient  pas  nommées  dans 
les  textes  antiques,  représentent,  sans  nul  doute,  des  Fines  pri- 
mitifs. 

442.  Fains-/a-Fo//p  (Eure-et-Loir),  au  diocèse  de  Chartres,  était 
éloigné  de  cinq  kilomètres  seulement  du  diocèse  d'Orléans.  La 
graphie  Fains  est  condamnable,  car  elle  fait  d'un  Fines  antique 
l'équivalent  des  noms  qui  paraissent  représenter  le  latin  Fa  nu  m. 

443.  C'est  également  à  l'ancienne  limite  des  mêmes  diocèses 
(juest  situé  Feings  Loir-et-Cher),  dont  un  homonyme,  compris 
dans  le  département  de  l'Orne,  appartenait  au  diocèse  de  Sées, 
et  confinait  à  celui  (k-  Chartres. 

444.  Le  nom  de  Feins  (llle-et-\'ilaine,  Loiretj,  désigne  deux 
localités  sises  aux  confins,  la  jjrt'micre  des  diocèses  de  Hennés  et 
de  Sîiint-Malo,  la  seconde  de  ceux  de  Sens  et  d'Auxerre  ;  la 
paroisse  de  Sainf-Michel-dr-YeiïiS  (Mayoniu'),  au  diocèse  d'An- 
gers, était  contiguë  au  diocèse  du  Mans. 


ORIGINES    ROMAINES    :    LIMITES    DES    CITÉS  109 

445.  Fins  (Somme)  était  du  diocèse  de  Noyon,  aux  confins  de 
celui  de  Cambrai. 

446.  Yix-Saint-Geneys  eiTix-Villeneuve,  qu'on  appelle  aujour- 
d'hui Sainte-Eugénie-de-  Villeneuve  (Haute-Loire),  appartenaient, 
avant  1317,  au  diocèse  de  Clermont,  près  des  limites  de  celui 
du  Puy.  La  forme  Flx  procède  de  la  chute  de  Yn  latin  intervocal, 
phénomène  observé  déjà  à  propos  du  nom  de  Rodez. 

447.  Fismes  (Marne),  à  la  limite  des  diocèses  de  Reims  et  de 
Soissons,  est  l'un  des  Fines  de  l'Itinéraire  d'Antonin  :  la  forme 
insolite  de  son  nom  s'explique  par  le  datif  Finibus,  l'm  résul- 
tant du  contact  de  Yn  et  du  h,  après  la  chute  de  Vi  atone  de  la 
désinence. 

448.  Hinx  (Landes)  est  le  nom  d'une  paroisse  de  l'ancien  dio- 
cèse de  Dax,  confinant  à  celui  d'Aire  ;  la  transformation  de  1  /' 
latin  en  h  est  un  fait  phonétique  commun  à  l'espag-nol  et  au  dia- 
lecte gascon. 

449.  Hix.  hameau  de  Bourg-Madame  (Pyrénées-Orientales)  est 
situé  près  de  la  frontière  espagnole  qui,  sans  doute,  a  toujours  été 
une  ligne  de  démarcation. 

450..  Pfyn  (Suisse,  Thurgovie)  est  le  Fines  placé,  par  l'Itiné- 
raire d'Antonin,  sur  la  route  à'Augusta  Vindelicorum  à  Trêves. 
La  situation  de  Pfyn  correspondait  à  la  limite  même  de  la  Gaule, 
car,  à  partir  de  ce  point,  la  mesure  itinéraire  des  Romains,  le 
mille,  fait  place  à  la  lieue  gauloise. 

451.  Le  nom  commun  fines  nest  pas  le  seul  qui  ait  été 
employé  à  l'époque  romaine  pour  désigner,  en  Gaule,  des  locali- 
tés situées  sur  les  confins  de  cités.  On  paraît  s'être  servi,  dans  le 
même  ordre  d'idées,  du  nom  commun  limes,  au  génitif  limitis, 
qui  est  l'origine  de  notre  mot  limite.  En  effet,  une  charte  de  813 
prouve  que  Limites  était  le  nom  primitif  du  village  de  Linthes  \ 
(Marne),  sis  à  l'ancienne  limite  des  diocèses  de  Troyes  et  de 
Châlons.  Peut-être  faut-il  reconnaître  le  même  nom  commun 
dans  la  dernière  partie  du  nom  de  Ghamplitte  (Haute-Saône),  qu'à 
1  époque  mérovingienne  on  appelait  Cantolimete. 


XXV 

SANCTUAIRES 


Parmi  les  noms  de  lieu  qui  attestent  l'influence  de  la  civili- 
sation romaine  en  Gaule,  ceux  qui  rappellent  le  souvenir  des 
divinités  du  paganisme,  ou,  pour  mieux  dire,  des  sanctuaires 
qui  leur  étaient  consacrés,    ne  sont  pas  les   moins  intéressants. 

Ces  noms  de  lieu  sont  de  deux  sortes  :  les  uns  représentent 
un  nom  commun  —  fa  nu  m.  par  exemple  —  régissant  un  nom 
de  divinité;  les  autres  sont  dérivés  dun  nom  divin,  au  moyen 
d'un  suffixe,  ou  bien  présentent  le  nom  divin  accompag-né  de  la 
préposition  ad. 

452.  Les  noms  composés  à  l'aide  du  mot  fanum  ne  sont  pas 
les  plus  nombreux,  et  les  textes  de  1  époque  romaine  n'en  font 
connaître  que  trois  pour  la  Gaule  :  deux  Fanum  Martis  et  un 
Fanum  Minervae. 

453.  De  même  que  les  noms  d"Aix  (Bouches-du-Rhône),  de 
Cologne  (Prusse  rhénane),  de  Fos  (Bouches-du-Rhône)  et  de 
Luc-en-Diois  (Drôme),  représentent  les  antiques  Aquae  Sextiae, 
Colonia  Agrippina,  Fossae  Marianae  et  Lucus  Augusti, 
de  même  il  est  permis  d'admettre  que,  dans  un  certain  nombre 
de  noms  de  lieu  comprenant  le  mot  fanum  et  un  déterminatif,  ce 
dernier  est  tombé  en  désuétude  :  de  là  les  noms  de  Fain-Z^s- 
Monthard,  de  Tain-lès-Mou fiers  'Cùte-dOr)  et  de  Fains  (Cal- 
vados, Eure,  Meuse).  Dans  les  pays  de  langue  d'oc,  fanum  a 
produit  fan,  ou  fa,  par  la  chute  de  Vn  :  la  Hoque-de-TB.  (Aude). 

454.  Le  nom  de  Jupiter,  qui  .se  présente,  à  l'époque  romaine, 
dans  les  noms  géographi(juos  Ad  Jovem  et  Fanum  Jovis,  se 
retrouve  aujourd'hui  dans  les  noms  do  lieu  Jeu  (Indre),  Jeux 
(Cote-d'Or),  Joux  (Rhône I,  si  toutefois  ces  noms  ne  représentent 
pas  un  mot  gaulois  latinisé  jugum,  au  sons  do  a  montagne  », 
comme  cela  se  constate  ;i  piopos  do  Brnii/ru.  synonyme  de  Boau- 
nioul  ;  d;ins  le  nom  de  Montjoux.  (pii  ;•  désigné  le  Grand-Saint- 
Bernard,  où  s'élevait  un  [iuij)lo  dfdii'  il  Jupilor;  dans  la  dernière 
partie  du  nom  do    Sinri/-/'unl-(!ajt-tlc-3o\iX  (Tarn),  lieu  riche  en 


UUlGl^ES    ROMAINES    :     SANCTUAIRES  111 

antiquités  romaines,  où  l'on  découvrit,  dit-on,  une  tête  de  Jupi- 
ter. Les  noms  de  Fanjeaux  (Aude  et  de  Fanjoux  (Haute- 
Garonne)  ont  pour  thème  étymologique  Fanum  Jovis. 

455.  Mercure  est  peut-être  la  divinité  dont  la  toponomastique 
française  évoque  le  plus  fréquemment  le  souvenir,  en  raison  sans 
doute  de  l'importance  et  de  l'universalité  du  culte  d'une  divinité 
gauloise  qui  fut,  après  la  conquête  romaine,  assimilée  au  fils  de 
Maia.  De  là  les  noms  de  lieu  mjodcrnes  Mercœur  (Gorrèze, 
Haute-Loire),  Mercoire  (Lozère),  Mercuer  (Ardèche),  Mercuès 
(Lot),  Mercueil  (Côte-d'Or),  qui  se  prononce  Merqucux  ;  leurs 
diminutifs  Mercoiret (Gard),  Mercuriol  (Gard),  Mercurol  (Allier, 
Drame  et  Puy-de-Dôme).  De  là  aussi  l'expression  Mons  Mer- 
curii,  qui  d'une  part  a  désigné  Montmalchus  ou  Saint-Michcl- 
Mont-Mercure  (Vendée),  et  qui,  d'autre  part,  fig-ure  dans  la 
chronique  dite  de  Frédégaire,  sous  la  forme  Mercori  Mons 
pour  désigner  la  hauteur  de  Montmartre,  aujourd'hui  comprise 
dans  l'enceinte  de  Paris  ;  à  vrai  dire,  Montmartre  procède,  non 
pas  de  Mons  Mercurii,  ce  dernier  mot  étant  accentué  sur  l'an- 
tépénultième, mais  bien  de  lappellation  Mons  Martyrum,  que 
l'usag-e  populaire  fil  prévaloir,  soucieux  d'abolir  le  souvenir  d'un 
culte  païen  dans  un  lieu  qui  passe  pour  avoir  vu  le  martyre  de 
saint  Denis  et  de  ses  compagnons. 

456.  Le  nom  de  Mars  se  retrouve  dans  Famars  (Nord)  —  le 
Fanum  Martis  de  la  Notitia.  dujnitatum  iinperii  —  et  dans 
Talmas  (Somme),  qui  traduit  Te mplu m  Martis.  Il  est  possible 
que  Mars,  nom  porté  par  des  localités  de  diverses  régions  de  la 
France,  provienne  parfois  de  quelque  sanctuaire  du  dieu  guerrier  ; 
mais  cela  n'est  pas  vrai  pour  toutes,  car  Mars  (Ardennes) 
est  appelé  Medarcum  dans  le  latin  du  moyen  âge.  Chamars 
(Eure-et-Loin  est  désigné  a.u  ix^  siècle  par  Campus  Martis. 

457.  Le  nom  de  Vénus  subsiste  dans  plusieurs  noms  de  lieu  : 
Vendres  (Hérault),  dérivé  d'un  cas  oblique.  Venerem  par 
exemple,  du  nom  de  la  déesse  ;  Port-Vendres  (Pyrénées-Orien- 
tales), le  Portus  Veneris  de  Pompouius  Mêla  ;  Monivendre 
(Drome),  Mons  Veneris. 

458.  Le  nom  de  Minerve  se  retrouve  aujourd'hui  dans  Minerve 
(Hérault),  dans  Menerbes  (Vaucluse),  et  dans  Menesbles  iCote- 
d'Or). 

459.  Le  nom  de  Diane  est  l'origine  de  ceux   de  Dienne   (Can- 


112  LES    NOMS    DE    LIEU 

tal)  et  de  Dieniies  (Nièvre).  Le  surnom  de  Villiers-en-j)ésœ\ivre 
(Eure)  i-eprésente  Dianae  SiU^a,  silva  ayant  subi  la  même 
altération  que  dans  le  nom  bizarrement  écrit  de  Pleines-OEuvres 
(Calvados)  qu'a  produit  Plana  Silva. 

460.  Le  nom  de  Latone,  mère  de  Diane  et  d'Apollon,  est  le 
thème  étymolog-ique  du  nom  de  Losne  (Côte-d'Or)  —  que  la 
chronique  de  Frédégaire  appelle  effectivement  Latona  —  et 
peut-être  aussi  celui  de  Lannes  (Haute- Marne). 

461.  Le  nom  de  Cupidon  paraît  être  l'origine  de  Cupedonia, 
pour  Cupidonia,  qui,  au  viii*  siècle,  désigne  Gouvonges  (Meuse). 
La  formation  de  Cupidonia  serait  aussi  régulière  que  celle  du 
nom  de  lieu  Apollonia,  fréquent  dans  l'antiquité. 

462.  Enfin,  et  l'on  pourrait  sans  doute  en  citer  bien  d'autres, 
certains  noms  de  lieu  de  la  France  méridionale  et  de  l'Espagne 
rappellent  le  souvenir  d'une  divinité  romaine  que  l'on  nommait 
Tutela.  et  dont  le  culte  reposait  essentiellement  sur  une  méto- 
nymie, car  il  consistait  à  adorer,  sous  ce  vocable,  le  dieu  inconnu 
protecteur  d'une  ville.  Le  nom  de  Tutela,  considéré  comme  celui 
dune  divinité,  n'apparaît  guère  que  dans  les  inscriptions  du  sud- 
ouest  de  la  Gaule,  de  l'Espagne  et  des  bords  du  Rhin  ;  il  est 
l'origine  des  noms  de  Tulle  (Corrèze)  et  de  Tudela  (Espagne).  On 
sait  qu'à  Bordeaux,  les  ruines  du  grand  sanctuaire  de  Tutela  sont 
dénommées  «  piliers  de  Tutelle  ». 

463.  Le  souvenir  d'Apollon  paraît  n  avoir  été  rappelé,  dans  la 
toponomastique  de  notre  pays,  que  par  l'ancien  nom  de  la  ville 
de  Riez  (Basses-Alpes),  Reii  Apollinares  ;  mais  ce  détermina- 
tif  Apollinares  n'a  pas  survécu,  semble-t-il,  à  la  civilisation 
romaine,  (^uant  aux  noms  Polignac,  Poligmj,  qu'on  a  souvent 
apparentés  à  celui  d'Apollon,  on  sait  maintenant  que  la  forme 
latine  en  est  Podem[)niacus  ou  Polemniacus.  Mais  à  défaut 
de  dérivés  du  nom  divin  A  polio,  on  compte  en  France  plus  d'un 
vocable  rappelant  le  nom  d'une  des  divinités  gauloises  assimilées 
par-  les  Romains  à  Apollon. 

464.  Parmi  ces  dieux  indigètes  de  Gaule,  il  faut  citer  en  pre- 
mier lieu  Belenus,  (jue  mentionnent  des  inscriptions  votives  de 
l'époque  romaine  retrouvées  à  Langres,  à  Vienne  et  à  Clermont- 
Ferrand,  et  dont  parle  aussi  le  j)oète  Ausone.  (Test  dans  le  nom 
de  Belenus.  acc(Mitué  sur  l'aMtépénultième,  (]u  il  faut  chercher 
l'origine  (I<^s  noms  «U;  Beaune  (Allier,  (iorrè/.e,  Gôte-d'Gr,  Haute- 


ORIGINES    ROMAINES    !    SANCTLIAIRES  II3 

Loire,  Loiret,  Puy-de-Dôme,  Savoie,  Haute-Vienne),  de 
Beaulne  (Aisne),  Baulne  (Aisne,  Seine-et-Oise)  ;  cette  origine, 
phonétiquement  rég-ulière,  est  d'ailleurs  attestée  par  la  légende 
BELENO  CAS[TRO]  d'un  triens  mérovingien,  qui  est  la  plus 
ancienne  mention  de  Beaune  (Côte-d'Or).  A  Bêle  nu  s  on  doit 
rapporter  Beaunotte  (Gôte-d'Or),  caractérisé  par  une  désinence 
diminutive  moderne,  et  sans  doute  aussi  Belenas  et  Mons 
Belenatensis,  noms  sous  lesquels  on  désignait,  au  vi^  siècle. 
Saint- Bonne t-prèa-Biom  (Puy-de-Dôme).  Belenas  est  vraisem- 
blablement une  forme  adjective,  de  même  que  Belenacus  qui 
paraît  être  le  thème  étymologique  de  Beaunay  (Marne,  Seine- 
Inférieure). 

465.  Borvo  ou  Bormo  —  les  inscriptions  de  l'époque  romaine 
présentent  l'une  et  l'autre  de  ces  formes  —  fut  aussi  considéré 
comme  le  même  dieu  que  l'Apollon  des  Grecs  et  des  Romains  : 
une  inscription  votive  de  Bourbonne-les-Bains  porte  en  effet 
DEO  APOLLINI  BORVONI.  En  réalité,  Borvo  ou  Bormo  était 
une  divinité  indigète  à  laquelle  nos  plus  anciens  ancêtres  consa- 
crèrent plusieurs  des  eaux  thermales  qu'ils  avaient  su  apprécier 
et  utiliser.  Les  monuments  épigraphiques  mentionnent,  en  effet, 
le  dieu  Bormo  aux  stations  de  Bourbonne-les-Bains  et  d'Aix  en 
Savoie,  et  le  dieu  Borvo  à  Bourbon-Lancy,  à  Bourbon-l'Archam- 
bault,  et  encore  à  Bourbonne-les-Bains.  Il  est  probable  que 
toutes  ces  stations  étaient  désignées,  au  temps  des  Romains  sous 
le  nom  d'Aquae  Bormonis  —  la  Table  de  Peutinger  atteste  le 
fait  pour  Bourbon-Lancy  —  ou  d'Aquae  Borvonis  ;  mais 
chacune  n'aurait,  dans  ce  cas,  gardé  qu'une  partie  de  son  appel- 
lation antique,  car  les  noms  de  BourbOïl-Z-anc.?/  (Saône-et-Loire), 
de  'Qo\XThow-l' Archanihaiilt  (Allier),  et  de  Bourbonne-/es-J5ams 
(Haute-Marne)  représentent  le  cas  oblique  du  nom  divin  Borvo, 
tandis  que  le  vocable  de  la  ville  d'^ta^-les-Bains  (Savoie)  est  la 
transcription  romane  du  latin  A  qui  s,  qui  a  également  fourni  les 
noms  d'^f'a^-en-Provence,  d'^t.r-la-Ghapelle,  de  Dax  (Landes), 
anciennement  Acqs,  et  à' Ax  (Ariège). 

466.  Le  dieu  gaulois  Grannus,  connu  par'sjdes  inscriptions 
rhénanes,  était  également  assimilé  à  Apollon,  témoin  la  dédi- 
cace APOLLINI  GRANNO,  qu'on  voit,  gravée  sur  la  pierre,  k, 
Erp  (régence  deGologne),  à  Neuenstadt  (Wurtemberg)  et  à  Hor- 
bourg  (Alsace).    On   lui  consacrait,  comme  à  Borvo,  K^s  sources 

Les  noms  de  lieu.  8 


*H4  LES    NOMS    DE    LIEU 

thermales  :  de  laie  nom  d'Aquae  Granni,  qui  désigna  Aix-la- 
Chapelle  jusqu'au  temps  de  Gharlemagne.  C'est  sans  doute  aussi 
ce  nom  divin  que  reproduit  la  dénomination  de  Grand  (Vosg-es), 
jadis  Gra/i,  localité  bien  connue  des  archéologues  en  raison  des 
vestiges  romains  qu'on  y  a  découverts. 

467.  La  dédicace  APOLLINI  VIROTVTI  d'un  autel  romain 
dont  on  a  retrouvé  les  vestiges  en  1844,  près  d'Annecy,  fait  con- 
naître une  autre  des  divinités  indigètes  qui  furent,  après  la  con- 
quête romaine,  assimilées  à  Apollon.  Virotus  ou  Virotutes 
paraît  offrir  l'explication  du  nom  de  Vertus  (Marne),  et  de  celui 
d'une  autre  localité  de  la  même  région,  Vertuelle,  dont  le  nom 
n'a  pris  la  terminaison  diminutive  qu'à  une  date  relativement 
récente. 

468.  Vellaunus  est  une  des  divinités  gauloises  qui  ont  été  rap- 
prochées du  Mercure  romain  ;  on  lit,  en  effet,  sur  un  autel  décou- 
vert en  1857,  dans  le  mur  du  cimetière  d'Hiéres  (Isère)  :  DEC 
MERGVRIO  VlCTORl  MAGNIACO  VEILAUNO.  Sans  doute 
peut-on  tirer  de  là  l'explication  du  nom  de  Vellaunodunum, 
que  portait,  au  temps  de  Jules  César,  l'un  des  oppida  des 
Senones. 

469.  Le  nom  d'un  autre  Mercure  gaulois,  Artaius,  figurait 
sur  un  autel  votif  découvert  au  xviii^  siècle,  près  de  Beaucrois- 
sant  (Isère)  :  MERGVRIO  AVGVSTO  ARÏAIO  ;  le  lieu  même 
de  cette  découverte  était  appelé  Artay.  C'est  peut-être  à  la 
même  divinité  que  le  village  d'Artaix  (Saùne-et- Loire)  doit  son 
nom. 

470.  Le  dieu  Vin  tins,  adoré  .surtout  dans  la  région  alpestre 
ou  rhodanienne,  était  peut-être,  en  raison  de  cette  circonstance, 
une  divinité  ligure  plutôt  que  gauloise.  Certains  traits  caracté- 
ristiques le  (iront  considérer  comme  une  sorte  de  Mars^  d'où  la 
dédicace  MARTI  VINTIO  trouvée  à  Vence  (Alpes-Maritimes)  ; 
ailleurs,  ou  du  moins  à  Seyssel  (Ain),  c'est  à  PoUux  qu'on 
l'assimilait,  comme  en  fait  foi  la  dédicace  DEO  VINTIO  POL- 
LVCI,  gravée  sur  un  autel  découvert  en  ce  lieu.  Il  est  intéressant 
de  constater  que  le  souvenir  de  l'un  et  l'autre  des  sanctuaires 
auxquels  on  doit  ces  deux  inscriptions  s'est  conservé  dans  le  nom 
de  la  ville  d(^  Vence,  el  dans  celui  de  Vence  ou  Vens,  que  porte 
une  coljine  voisine  de  Sevssel. 


ORIGINES    ROMAlMiS    :    SANCTUAIRES  H5 

471.  La  déesse  gauloise  Belisama,  assimilée  à  la  Minerve 
romaine  dans  une  inscription  de  Saint-Lizier  (Arièg-e),  a  égale- 
ment donné  son  nom  à  plusieurs  localités  de  notre  pays.  Du 
moins,  Belisama,  accentué  sur  l'antépénultième,  paraît  être  le 
thème  étymologique  des  noms  de  Bellême  (Orne)  et  de  Blesmes 
(Aisne,  Marne). 

472.  Il  convient  de  citer  encore  la  déesse  Andarta,  dont  le 
culte  fut  apparemment  très  populaire  chez  les  Vocontii,  puisqu'on 
ne  cite  pas  moins  de  huit  inscriptions  votives  en  son  honneur  : 
DEAE  ANDARTAE  ou  DEAE  AVGVSTAE  ANDARTAE 
dans  l'ancienne  ville  romaine  de  Die  (Drôme)  ou  aux  environs. 
Toutes  ces  inscriptions  font  précéder  le  nom  d'Andarta  du  titre 
de  «  déesse  »,  dea,  sous  lequel  il  est  vraisemblable  qu'on  dési- 
gnait vulgairement  Andarta,  puisque  c'est  de  ce  mot  que  vient  le 
nom  même  de  Die. 

473.  En  se  bornant  à  n'envisager  ici  que  des  divinités  dont  le 
culte  et  le  caractère  ne  peuvent  être  discutés,  on  a  voulu  ne  pas 
risquer  de  considérer  comme  formés  de  noms  divins,  des  noms 
de  localités  qui  ont,  tout  au  contraire,  servi  à  désigner  les  génies 
protecteurs  de  celles-ci.  C'est  pourquoi  on  a  passé  sous  silence 
la  déesse  Bibracte,  honorée  au  mont  Beuvray,  et  les  dieux 
Aramo,  Letinno,  Nemausus  et  Vasio,  honorés  respective- 
ment à  Ara/non  (Gard),  à  Lédenon  (Gard),  à  Nîmes  (Gard)  et  à 
Vaison  (Vaucluse). 


XXVI 
VOIES     ROMAINES 

474.  Parmi  les  noms  de  lieu  empruntés  à  diverses  circonstances 
du  parcours  des  voies  de  l'Empire  romain,  il  n'en  est  point  dont 
le  sens  soit  moins  douteux  que  celui  des  stations  mentionnées 
par  les  Itinéraires,  sous  les  noms  Ad  Quintum,  Ad  Sextum, 
Ad  Septimum,  etc.  L'examen  des  textes  qui  les  concernent 
prouve  que  ces  localités  devaient  leurs  vocables  à  leur  situation 
sur  une  route,  aux  cinquième,  sixième,  septième...  milliaire,  par 
rapport  au  chef-lieu  de  la  cité  dont  elles  dépendaient,  car  ces 
adjectifs  numériques  étaient  marqués  sur  le  milliaire  même,  et 
la  numérotation  commençait  ordinairement  au  chef-lieu  de  la 
cité,  pour  se  terminer  aux  confins  de  son  territoire.  Les  noms  Ad 
Quintum,  Ad  Sextum,  étaient  des  locutions  vulgaires  pour 
Ad  quintum  lapidem.  Ad  sextum  lapidem. 

475.  Beaucoup  d'autres  localités,  que  n'indiquent  pas  les  iti- 
néraires romains,  portaient  des  noms  analogues.  En  Gaule,  du 
moins,  on  peut  signaler  quelques  noms  de  lieu  empruntés  aux 
milliaires  des  voies  romaines  qui,  en  dehors  de  la  Province 
romaine,  étaient  distants  l'un  de  l'autre  d'une  lieue  gauloise,  soit 
de  2.222  mètres,  tandis  que  le  mille  romain,  employé  dans  la 
Province  comme  dans  la  plupart  des  parties  de  l'Empire,  ne 
mesurait  <|ue  1.481  mètres.  Voici  ces  noms  de  lieu,  selon  l'ordre 
numérique  : 

476.  Quartes,  hameau  de  Pont-sur-Sambre  (Nord),  le  locus 
Quartensis  de  la  Nolitia  dujnilalum  imperli  romani,  doit  évi- 
demment son  nom  au  quatrième  milliaire  de  la  voie  romaine  de 
Bavai  à  Reims. 

477.  Sixte,  hameau  de  Michery  (Yonne),  mentionné,  dès  803, 
sous  le  nom  de  Sexta,  était  au  sixième  milliaire  de  la  voie  (jui, 
de  Sens,  se  dirigeait  sur  Paris. 

478.  Septême  (^ Isère  et  Oytier  (Isère),  sur  la  voie  anti(jue  de 
Vienne  a  Genève,  sont  situéii  à  sept  et  huit  milles  romains  de 
la  première  de  ces  villes,  au  territoire  de  laquelle  ils  apparte- 
naient. 


ORIGliNEvS    ROMAINES    :    VOIES    ROMAINES  117 

479.  Uchaud  (Gard),  situé  à  huit  milles  de  Nîmes,  sur  la  voie 
Domitienne  qui  reliait  cette  ville  à  Narbonne,  doit  son  nom  à 
Octavum.  Cette  dernière  appellation  désigne  aussi,  dans  des 
textes  de  l'époque  franque,  le  bourg-  actuel  de  Saint-Sympho- 
rien-d'Ozon  (Isère),  au  huitième  milliaire  de  la  voie  de  Lyon  à 
Vienne. 

480.  Ces  exemples  sont  indéniables,  car  ils  intéressent  tous  des 
voies  décrites  par  les  textes  itinéraires  de  l'époque  romaine.  Il  y 
a  donc  lieu  de  tenir  compte  des  dénominations  analogues,  lors 
même  qu'elles  s'appliquent  à  des  localités  placées  sur  des  routes 
qui  ne  figurent  ni  dans  l'Itinéraire  d'Antonin,  ni  dans  la  Table 
de  Peutinger  ;  c'est  pourquoi  le  nom  de  Septêmes  (Bouches-du- 
Rhône),  village  situé  sur  le  territoire  de  la  civitas  MassUiensium, 
et  à  onze  kilomètres,  soit  à  sept  milles  romains  de  Marseille,  sur 
la  roule  qui  conduit  de  cette  ville  à  Aix,  paraît  être  un  indice 
suffisant  de  l'origine  romaine  de  cette  voie  de  communication. 

481.  Il  faut  citer  encore,  comme  se  rapportant  à  des  milliaires 
romains,  les  noms  de  Tiercelieux  (Seine-et-Marne)  et  de  Carte- 
lègue  (Gironde),  les  localités  qui  sont  appelées,  dans  les  textes 
du  xiii"  siècle,  Tertia  leuca  et  Quarta  leuga. 

482.  Le  mot  mutatio,  par  lequel  les  Romains  désignaient  les 
relais  de  poste,  a  aussi  fourni  à  la  toponomastique  française 
quelques  noms  :  celui  de  Mulzon  (Marne),  village  situé  sur  l'an- 
cienne voie  de  Reims  à  Soissons  ;  et  peut-être  —  car  il  s'agit  d'une 
localité  située  à  trois  kilomètres  et  demi  au  sud-est  de  la  voie 
Domitienne  —  celui  de  Mudaison  (Hérault). 

483.  Le  mot  mansio,  qui  s'appliquait  aux  étapes,  aux  lieux 
de  gîte  des  voies  romaines,  -peut  avoir  contribué  à  former 
quelques-uns  des  nombreux  vocables  topographiques  où  figure 
le  mot  maison  ;  mais  le  sens  plus  vague  de  «  demeure  »  qu'a 
pris  ce  mot  au  cours  du  moyen  âge  commande  à  cet  égard  une 
réserve  absolue. 

484.  Par  contre,  on  peut  faire  fond,  dans  les  pays  de  langue 
d'oïl  du  moins,  sur  les  noms  de  lieu  représentant  le  latin  strata, 
par  lequel  on  désignait  les  grandes  voies  pavées  de  l'époque 
romaine;  ce  mot,   participe    passé  du  verbe  sterno,   figurait  à 


118  LES    NOMS    DE     LIEE 

l'origine  dans  la  locution  via  strata  lapide  ;  il  fut  ensuite 
employé  seul,  et  c'est  ainsi  qu'en  use  Eutrope,  dès  le  début  du 
IV®  siècle.  Répandu  dans  toutes  les  régions  où  dominèrent  les 
Romains,  il  se  retrouve  dans  l'ancien  français  estrée,  dans  le  pro- 
vençal es^rac/e,  dans  l'espagnol  es^rac^a,  dans  l'italien  s/ra(7a,  dans 
l'allemand  sfrasse  et  dans  l'anglais  street.  Il  importe  d'observer 
que  le  provençal  estrade  est  encore  usité  communément  de  nos 
jours,  tandis  que  dans  les  pays  de  langue  d'oïl,  le  mot  estrée  est 
tombé  en  désuétude  vers  le  xii*"  et  le  xui*^  siècle  ;  c'est  pourquoi 
cette  région  est  la  seule  où  l'on  puisse  avec  sûreté  attribuer  une 
origine  ancienne  aux  noms  de  lieu  représentant  le  latin  strata. 
Voici  ces  noms,  en  ne  tenant  compte  que  des  communes  : 

485.  Estrée,  Estrée-Cauc%  (Pas-de-Calais), 

486.  Estrées  (Aisne,  Nord,  Somme),  Esirées-Deniécourf, 
'Esivées-en-C haussée,  Esivées- lès-Crécy  (Somme),  Estrées-/a- 
Campagne  (Calvados),  Estrées-Sam/-Z)e/u's  (Oise),  Nolre-Dame- 
(/'Estrées  (Calvados). 

487.  Etrez  (Ain). 

488.  Strée  (Belgique,  Hainaut  et  province  de  Liège). 

489.  Saint-Martin-hesiVdi  (Loire),  présentant  une  forme  parti- 
culière à  la  région  méridionale  du  pays  de  langue  d'oïl,  qu'on 
trouve  aussi  dans  Etrat  (Loire)  et  dans  Etraz  (Savoie,  Haute- 
Savoie). 

490.  Estréelles  (Pas-de-Calais),  Étrelles  (Aube,  lUe-et- Vilaine, 
Haute-Saône),  formes  diminutives. 

491.  Ces  noms  sont  lindice  certain  du  passage  de  voies 
antiques,  on  peut  s'en  rendre  compte  par  l'examen  des  cartes  à 
grande  échelle.  C'est  grâce  à  un  Estrées,  aujourd'hui  disparu, 
mentionné  par  des  actes  des  xiv'"  et  xvi*^  siècles,  et  dont  l'empla- 
cement appartient  au  (inage  de  Montmirail  (Marne),  qu'a  pu  être 
retrouvé  un  tronçon  de  la  voie  romaine,  tracée  sur  la  Table  de 
Peutinger,  qui  reliait  Meaux  à  Bibe. 

492.  Le  vieux  mot  français  estrée  a  aussi  servi  à  former 
quelques  noms  de  lieu  composés  :  tels  que,  par  exemple,  Estrée- 
Blanche  '^ Pas-de-Calais)  et  Froidestrées  l'Aisne).  Le  premier  de 
ces  noms  olfre  un  sens  que  Ton  trouve  dans  un  autre  vocable 
communal,  Aubevoye  (Eure),  du  latin  Alba  Via,  le  «  blanc  che- 
min ».  Le  second,  Fracta  Strata,  dans  le  latin  du  xii"  siècle,  et 
alors  en    langue  vulgaire  Frète  Estrée  ou  Fraite  Estrée,  signilie 


ORIGINES    ROMAINES    :    VOIES    ROMAINES  119 

littéralement  «  route  brisée  »,  et  indique  la  situation  du  village 
qui  le  porte  à  une  légère  déviation  du  tracé  de  la  voie  romaine, 
de  Bavai  à  Reims,  si  généralement  remarquable  par  sa  rectitude; 
c'est  donc,  en  quelque  sorte,  un  synonyme  du  nom  Courbevoie 
(Seine),  Curva  Via. 

493.  Le  mot  strata  avait  pour  synonyme  le  bas-latin  cal- 
ceata,  originairement  pris  adjectivement,  témoin  l'expression 
via  calciata,  relevée  par  du  Gange  dans  une  charte  de  1043. 
De  là  viennent  les  noms  Chaussée  dans  la  plupart  des  pays  de 
langue  d'oïl,  Gauchie,  dans  ceux  de  dialecte  picard  ou  wallon, 
Chaussade,  dans  la  France  centrale,  Caussade  dans  les  pays 
de  langue  d'oc,  qui  sont,  au  point  de  vue  du  tracé  des  voies 
antiques,  des  indices  de  même  ordre  que  les  noms  de  lieux  septen- 
trionaux dérivés  du  latin  strata.  Toutefois,  comme  les  expres- 
sions chaussée,  cauchie,  chaussade  et  caussade  ont  été  employées 
durant  tout  le  moyen  âge,  et  le  sont  encore  aujourd'hui,  elles  ne 
constituent  point  —  à  moins  de  désigner  des  localités  d'une 
ancienneté  avérée  —  une  présomption  certaine  d'antiquité  pour 
les  voies  auxquelles  elles  s'appliquent. 


XXVII 
NOMS     COMMUNS     DE     LIEUX     HABITÉS 

494.  Parmi  les  noms  communs  du  vocabulaire  latin  s'appli- 
quant  à  des  lieux  habités,  le  premier  rang-  hiérarchique  appar- 
tient au  mot  civitas.  Ce  mot  désignait,  à  l'origine,  une  réunion 
de  citoyens,  un  corps  de  nation  g'ouverné  par  ses  propres  lois  ; 
une  évolution  fort  naturelle  de  langage,  confondant  de  bonne 
heure  la  nation  avec  la  ville  qui,  en  sa  qualité  de  chef-lieu,  en 
était  l'expression  la  plus  autorisée,  donne  à  civitas  le  sens  de 
«  ville  »,  du  moins  pour  désig-ner  ce  chef -lieu  :  cette  évolution 
est  parallèle  à  celle  qui  substitua  aux  noms  primitifs  de  la  plu- 
part des  chefs-lieux  de  cités  romaines  en  Gaule  les  vocables  de 
ces  cités,  tel  à  Lutetia  —  pour  ne  citer  qu'un  exemple  — 
Parisii.  Le  mot  civitas  n'a  jamais  été  employé  à  l'époque 
romaine  comme  nom  propre  de  ville,  mais  dès  lors  on  désigna 
sous  ce  nom  commun  les  chefs-lieux  des  anciennes  civitates,  et, 
lorsque  ces  villes  eurent  pris,  plus  tard,  quelque  extension, 
civitas  ou  ses  équivalents  vulgaires,  cité  en  langue  d'oïl,  cieutat 
en  langue  d'oc,  devint  le  nom  particulier  du  quartier  répondant  à 
l'emplacement  de  la  cité  romaine  :  on  constate  le  fait  à  Paris,  k 
Troyes,  k  Carcassonne.  Après  la  chute  du  monde  romain,  le  nom 
Civitas  est  resté  attaché  aux  ruines  ou  à  l'emplacement  des 
anciennes  villes  romaines  détruites  par  les  invasions  :  de  Ik  le 
nom  de  Cieutat  (Gers,  Hautes-Pyrénées),  qui  s'applique  d'une  part 
k  l'emplacement  d'ii/w.sa,  aujourd'hui  Eauze,  ancienne  métropole 
de  la  Novenipopulanie,  d'autre  part  au  chef-lieu  primitif  de  la 
cité  de  Bigorre.  La  ville  de  la  Ciotat  (Bouches-du-Rhône)  n'oc- 
cupe pas,  k  la  vérité,  l'emplacement  d'un  chef-lieu  de  civitas; 
mais  son  site  est  celui  d'une  localité  antique,  le  ])ort  de  Citha- 
rista,  qui  fut,  croit-on,  une  colonie  des  Grecs  de  Marseille,  et  le 
nom  qu'elle  porte  lui  fut  donné,  au  xiii*  siècle,  en  raison  des  nom- 
breux vestiges  de  l'antiquité  qu'on  y  voyait  alors.  C'est  ainsi 
(|u'aux  environs  de  Tréguier  (Cotes-du-Nord),  une  autre  localité 
antique,   bitwj  connue  des  archéologues  de    la  région,  reçut,   au 


ORIGI^ES    KOMAI^ES    :     ^OIMS    COMMUNS  121 

moyen    âge,    le    nom   de  Coz-Guéodel,    c'est-à-dire    c    la    vieille 
cité  »,  guéodel  étant  l'équivalent  breton  du  latin  civitas. 

495.  Le  nom  de  Colonia,  donné  par  les  Romains  à  la  plu- 
part des  villes  où  ils  établissaient  des  colons,  était  plutôt,  à  pro- 
prement parler,  un  nom  commun  qu'un  nom  propre,  et  l'on  y 
joignait  ordinairement  un  ou  plusieurs  déterminatifs  ;  ces  noms 
n'ont  pas,  le  plus  souvent,  laissé  de  traces  dans  la  toponymie 
actuelle,  parce  qu'ordinairement  ils  n'ont  pu  faire  oublier  le  nom 
primitif  de  la  ville,  qui  bientôt  a  repris  le  dessus  :  c'est  ce  qui 
est  arrivé,  par  exemple,  pour  Narbonne,  Garcassonne,  Nîmes, 
Toulouse,  Vienne,  Lyon.  Toutefois  une  ancienne  colonie  de 
Gaule  porte  aujourd'hui  un  nom  qui  rappelle  son  ancienne  qua- 
lité :  c'est  la  ville  de  Cologne,  appelée  en  allemand  Kœln,  dont 
le  nom  latin,  Golonia  Agrippina,  lui  avait  été  donnée  en 
l'honneur  d'Agrippine,  femme  de  l'empereur  Glaude.  En  Angle- 
terre, Lindum  Golonia  est  devenu  Lincoln. 

496.  Le  mot  latin  castrum,  par  lequel  on  désignait  une  for- 
teresse ou  une  ville  fermée,  a  fourni  à  la  France  plus  d'un  nom 
de  lieu,  car  il  est  le  thème  étymologique  de  Castres  (/Visne, 
Gironde,  Tarn),  forme  commune  au  dialecte  picard  et  à  la  langue 
d'oc,  de  Chastres  (Cantal),  et  de  sa  notation  moderne,  conforme 
au  dialecte  français.  Châtres  '  (Allier,  Aube,  Gorrèze,  Greuse, 
Dordogne,  Loir-et-Gher^  Mayenne,  Nièvre,  Seine-et-Marne, 
Haute- Vienne),  enfin  de  Chestres  (Ardennes),  variante  emprun- 
tée à  la  région  lorraine. 

497.  Si  les  noms  de  lieu  représentant  castrum  peuvent,  en 
raison  de  la  désuétude  précoce  de  ce  mot,  qui  n'a  rien  donné  à 
la  langue  française,  être  considérés  comme  remontant  à  l'époque 
romaine  ou  aux  premiers  siècles  du  moyen  âge,  il  n'en  est  pas  de 
même  de  ceux  qui  répondent  au  latin  castellum,  ce  nom  com- 
mun étant  passé  dans  le  langage  vulgaire,  sous  les  formes  rastcl, 
câiel,  châtel,  châté  et  château.  Gependant,  on  pourrait  citer  plus 
d'une  localité  dont  le  nom  moderne  remonterait  véritablement  à 
l'époque  romaine  :  tel  est,  du  moins,  le  cas  de  Cassel  (Nord),  le 
Castellum  Menapiorum  de  la  Table  de  Peutinger,  et  de  Kas- 

l.   Ce  nom  fuL,  jusqu'en  1720,  celui  du  boury  dAi-pajou  ^Seiue-el-Oise). 


122  LES    NOMS    DE    LIEU 

sel    (Pays-Bas.  Limbourg),   qu'Ammien   Marcellin  appelle  Cas- 
tellum. 

498.  Oppidulum,  diminutif  d'oppidum,  est  le  thème  éty- 
mologique du  nom  d'Oppède  (Vaucluse),  qui  ne  saurait  venir 
d'oppidum,  accentué  sur  l'o. 

499.  La  locution  latine  muro  cinctus,  désignant  une  localité 
entourée  d'une  muraille,  est  devenue  un  nom  de  lieu  assez  fré- 
quent en  Gaule,  et  qu'on  trouve  employé  au  iv^  siècle  par 
Ammien  Marcellin  sous  une  forme  féminine,  Murocincta, 
comme  le  nom  propre  d'une  ville  de  la  Basse-Pannonie.  Muro 
cinctus  est  en  France  le  thème  étymologique  des  noms  de 
Mursens  fLot).  localité  célèbre  par  les  vestiges  d'un  oppidum 
gaulois,  de  Murcin  (Allier),  de  Morsan  (Eure),  de  Morsang-sur- 
Orge  eilAoTsanq-sur-Seine  (Seine-et-Oise),  de  Morsans  (Eure-et- 
Loir),  de  Morsant  Loire),  de  Morsent  (Eure),  de  Mulcent  (Seine- 
et-Oise),  de  Meursants  (Indre),  de  Mercin  (Aisne),  de  Meurchin 
(Pas-de-Calais    et  de  Morchain  (Somme). 

500.  De  même  que  Mursens  doit  son  nom  à  une  ancienne 
muraille  gauloise,  Murviel  (Hérault)  doit  le  sien  à  de  curieux 
murs  d'enceinte  en  pierres  sèches,  de  trois  mètres  d'épaisseur, 
certainement  antérieurs  à  la  conquête  romaine  :  ce  nom,  repré- 
sentant un  thème  étymologique,  Murus  vetulus,  a  pour  syno- 
nymes Vielmur  (Cantal,  Maine-et-Loire,  Tarn)  et  l'espagnol 
Murviedro,  qui  procède  de  Murum  veterem. 

501.  Semur  (Côte-d'Or,  Saône-et-Loire,  Sarthe),  peut  être 
rapporté  à  un  primitif  senex  murus  —  on  a  la  forme  carolin- 
gienne Senmurus  —  plus  vraisemblablement  qu'à  sine  muro, 
imaginé  par  des  clercs  du  moyen  âge. 

502.  Des  noms  qui  précèdent  il  est  peut-être  intéressant  de 
rapprocher  celui  de  Frémur  (Maine-et-Loire),  qui  répond  à 
Fractus  murus. 

503.  C'est  encore  à  d'anciennes  murailles,  murs  d'enceinte 
probablement,  qu'est  dû  le  bas-latin  murittum,  «  petit  mur  », 
(ju Ou  trouve  dans  des  chartes  du  ix''  siècle,  et  qui  est  la  forme 
originelle  des  noms  de  lieu  Muret  (Aisne,  Aveyron)  et  Moret 
('SeiiH'-et-Marnc. 

504.  Le  mot    latin    lOrum,    (jui  désignait    priniilivemenl  une 


()rr;imvs  romaines  ;  noms  communs  128 

place  publique,  un  marché  et  tout  entrepôt  de  marchandises,  a 
été  fréquemment  combiné  avec  des  noms  propres  dhomme,  par- 
fois avec  des  adjectifs,  pour  former  des  noms  de  lieu  ;  mais  un 
petit  nombre  seulement  de  ces  noms  ont  subsisté  à  travers  les 
siècles  :  tels  sont  cependant,  en  Italie  Forum  Livii,  Forum 
Popilii,  Forum  Sempronii,  Forum  novum,  aujourd'hui 
Forli,  Forlimpopoli,  Fossombrone  et  Fornovo,  que  nous  appelons 
Fornoue.  En  Gaule,  oîi  les  documents  de  l'époque  romaine  nous 
font  connaître  au  moins  sept  noms  géographiques  ayant  Forum 
pour  premier  terme,  on  ne  peut  signaler  comme  renfermant  ce 
mot  que  les  trois  seuls  vocables  de  Feurs  (Loire),  de  Four- 
vières  (Rhône)  et  de  Fréjus  (Var).  La  première  de  ces  localités 
représente  le  chef-lieu  de  la  nation  des  Segusiavi^  mentionné  dans 
les  itinéraires,  sous  le  nom  de  Forum  Segusiavorum,  dont  le 
premier  terme  est  le  thème  étymologique  du  vocable  moderne 
Feurs  et  la  racine  du  dérivé  Forez,  Forense.  Fourvières,  quar- 
tier de  Lyon,  doit  son  nom  à  un  cas  oblique,  tel  que  Foro 
veteri,  de  Forum  vêtus.  Quant  à  FréjUS,  qui  a  pour  origine  un 
entrepôt  établi  par  Jules  César  pour  les  besoins  de  son  armée  des 
Gaules,  son  nom  représente  le  latin  Forum  Julii,  qui  a  dû  pas- 
ser par  un  intermédiaire  Feurjiis,  avant  de  revêtir  la  forme 
actuelle,  résultant  d'une  métathèse  de  Yr. 

505.  Le  nom  commun  vicus,  qui  désigne  en  latin  un  centre 
de  population  non  fortifié,  c'est-à-dire  une  bourgade  ou  un  gros 
village,  a  formé  le  nom  d'un  bon  nombre  de  localités  de  France 
qui  remontent,  sinon  à  l'époque  romaine,  tout  au  moins  à 
l'époque  franque  :  Vy  (Haute-Saône),  Vic  (Aisne,  Ariège,  Can- 
tal, Côte-d'Or,  Gard,  Gers,  Hérault,  Lot,  Puy-de-Dôme,  Hautes- 
Pyrénées),  Vicq  (Allier,  Dordogne,  Indre,  Landes,  Haute-Marne, 
Nord,  Seine-et-Oise,  Vienne,  Haute-Vienne),  et  les  diminutifs 
Viel  (Ardennes),  Vieu  (Ain)  et  Vieux  (Ardennes).  Parfois  vicus 
a  remplacé  un  vocable  plus  ancien,  ce  qui  est  arrivé  pour  Vieu, 
anciennement  Venetonimagus. 

506.  Combiné  avec  l'adjectif  no  vu  s,  vicus  a  produit  Neufvy 
(Oise),  Neuvy  (Allier,  Cher,  Eure-et-Loir,  Indre,  Indre-et-Loire, 
Loir-et-Cher,  Loiret,  Maine-et-Loire,  Marne,  Nièvre,  Orne, 
Saône-et-Loire,  Sarthe,  Deux-Sèvres,  Yonne),  Neuvic  (Corrèze, 
Dordogne,  Haute-Vienne),  Neuvicq  (Charente-lnl'érieuro),  et,  les 


12i  LES    NOMS    DE    LIEL' 

deux  termes  étant  disposés  dans  l'ordre  inverse,  Vigneux  (Seine- 
et-Oise)  et  Vinneuf  (Yonne).  Vêtus  vicus,  désignation  qui  paraît 
avoir  été  appliquée,  pendant  la  période  franque,  à  d'anciens  vici 
romains  abandonnés  par  leurs  habitants,  a  donné  Viévy  (Côte- 
d'Or,  Loir-et-Cher.  Loiret),  Vivy  (Maine-et-Loire),  Vieuvy 
(Mayenne),  Vieuxvy  et  son  diminutif  Vieuxviel  (lUe-et- Vilaine), 
Vieuvicq  (Eure-et-Loir). 

507.  En  combinaison  avec  long-us,  vicus  est  le  thème  éty- 
mologique de  Longvic  (Gôte-d'Or)  et  de  Longwy  (Jura,  Meurthe- 
et-Moselle). 

508.  Il  existe  encore  en  France  un  certain  nombre  d'autres 
noms  géographiques  comprenant,  avec  vicus  comme  élément, 
soit  initial,  soit  final,  un  nom  de  rivière  : 

509.  Vicus  Axonae,  au  passage,  sur  l'Aisne,  de  la  voie 
romaine  de  Reims  à  Verdun,  est  aujourd'hui  Wenne-la-Ville 
(Meuse),  que  jusqu'au  xvi"  siècle  on  a  appelé  Viaisne. 

510.  Vicus  Brigiae  répond  à  Vibraye  (Sarthe),  situé  à  l'en- 
droit où  un  chemin  antique,  conduisant  du  Mans  à  Chàteaudun, 
traversait  la  Braye. 

511.  Vicus  Sipiae,  aujourd'hui  Visseiche  (lUe-et- Vilaine), 
est  construit  au  lieu  où  la  voie  romaine  d'Angers  à  Rennes,  pas- 
sait la  Seiches,  soit  à  l'emplacement  de  la  station  itinéraire  que 
la  Table  de  Peutinger  désigne  simplement  sous  le  nom  de  la 
rivière,  Si  pi  a. 

512.  Vicus  Vedonae,  à  présent  Vivonne  (Vienne),  se  trouve 
sur  la  voie  de  Poitiers  à  Saintes,  au  passage  de  l'aflluent  du  Clain 
qu'on  appelle  la  Vonne. 

513.  Blesae  vicus,  actuellement  Blévy  (Eure-et-Loir),  est 
situé  au  point  où  un  chemin  antique,  allant  de  Chartres  à  Lisieux, 
franchit  la  Biaise,  affluent  de  l'Eure. 

514.  Duiiiae  vicus,  aujourd'hui  Dennevy  (Saône-et-Loire), 
est  sur  la  voie  romaine  d'Autun  à  Chalon-sur-Saône,  au  lieu  où 
elle  passe  la  Dheune,  affluent  de  la  Saône. 

515.  Mosae  vicus,  l'actuel  Meuvy  (Haute-Marne),  s'élève  au 
passage,  sur  la  Meuse,  d'un  chemin  antique  dans  lequel  certains 
auteurs  ont  voulu  reconnaître  la  voie  romaine  de  Langres  à  Toul. 

516.  De  l'ensemble  des  sept  ikhhs  <pii  précèdent,  il  paraît 
résulter  fju'ils  ont  été  donnés  aux  localités  (pii  les  portent,  de  pré- 
férence à  toutes  autres  situées  sur  les  mêmes  cours  d'eau,  en  rai- 


ORlGliN'ES    ROMAINKS     '.     NOMS    COMMUNS  \ '2o 

son  de  l'importance  qu'elles  avaient  pour  les  voyag-eurs  :  on  a 
vu,  en  effet,  qu'elles  sont  toutes  situées  sur  le  parcours  de  voies 
antiques.  D'ailleurs,  les  itinéraires  de  l'Empire  romain  indiquent 
plus  d'un  relai  de  poste  désigné  uniquement  par  le  nom  de  la 
rivière  sur  laquelle  il  était  situé,  et  que  la  voie  traversait  en  cet 
endroit  :  à  l'exemple,  cité  plus  haut,  de  Sipia,  s'ajoutent,  en 
Gaule,  ceux  de  Larga,  Mosa,  Vanesia  et  Vidubia,  noms 
appliqués  à  des  stations  situées  au  passage  de  la  Largue,  en 
Alsace,  de  la  Meuse,  de  la  Baise  et  de  la  Vouge. 

517.  Le  nom  commun  villa,  par  lequel  on  désignait  un 
domaine  rural,  et  qui  est  entré,  à  l'époque  franque,  dans  la  com- 
position d'un  grand  nombre  de  noms  de  lieu,  ne  paraît  guère 
avoir  été  employé  au  même  usage  à  l'époque  i^omaine,  ce  qui  se 
comprend  aisément,  puisque  la  plupart  des  noms  de  domaines 
ruraux  étaient  alors  formés  sur  les  noms  des  possesseurs,  et  par- 
ticulièrement sur  leurs  gentilices.  Cependant,  il  est  possible  que 
les  noms  de  Villeurbanne  (Rhône)  et  de  Villorbaine  (Saône-et- 
Loire)  remontent  à  l'époque  romaine,  puisque  villa  urbana, 
au  témoignage  de  Golumelle,  désignait  alors,  dans  une  maison 
de  campagne  ayant  une  exploitation,  l'habitation  du  propriétaire. 
Ces  noms  seraient  donc  les  synonymes  romains  des  noms  Ville- 
demanche,  Villedornange,  Demangeville  et  Dimancheville,  villa 
dominica  ou  dominica  villa,  «  la  demeure  du  maître  »,  qui 
datent  de  l'époque  franque. 

Mais  si  le  mot  villa  n'entre  pas,  ou  n'entre  que  rarement,  dans 
la  composition  des  noms  de  lieu  romains,  il  en  va  tout  autrement 
des  noms  communs  qui  désignaient  des  habitations  rurales  d'un 
caractère  plus  humble  :  colonica,  attegia,  stabulum  et 
t  a  b  e  r  n  a . 

518.  Dérivé  de  col o nus,  colonica  désignait  une  maison  de 
cultivateur  ou  de  paysan  ;  dès  l'époque  mérovingienne,  ce  mot 
était  altéré  en  colonia,  comme  le  prouve  notamment  un  passage 
des  Miracula  sancii  Juliani  de  Grégoire  de  Tours.  De  là,  les 
noms  de  lieu  :  la  Coulonche  (Orne),  CoUorgues  ^Gard),  Col- 
longues  (Alpes-Maritimes,  Hautes-Pyrénées),  Collonge  (Saône- 
et-Loire),  la  Collonge  (Haut-Rhin),  Collonges  i^Ain.  Corrèze, 
Côte-d'Or,    Rhône,    Saône-et-Loire,    Haute-Savoie),    Coulonges 


126  LES    KOMS    DE    LIEU 

(Aisne,  Charente,  Charente-Inférieure,  Eure,  Orne,  Deux-Sèvres, 
Vienne),  et,  caractérisés  par  l'altération  du  son  nasal,  Collanges 
(Puv-de-Dôme),  la  CoUange  et  les  Collanges,  noms  d "écarts  fort 
répandus  en  Auvergne  et  dans  les  pays  voisins,  et  Goulanges 
(Loir-et-Cher,  Nièvre,  Yonne).  C'est  aussi  de  Colonie  a,  altéré 
en  Colonia,  que  proviennent  les  noms  de  Cologne  (^ Aisne,  Cher) 
—  dont  l'origine  diffère  conséquemment  de  celle  du  nom  de  la 
célèbre  ville  rhénane  —  de  Coulogne  (Pas-de-Calais)  et  de  Cou- 
laines  (Sarthe). 

519.  Le  mot  attegia  désignait,  au  dire  de  Papias,  les  huttes 
des  Maures  ;  mais  il  s'appliquait  aussi  à  des  constructions  moins 
primitives,  témoin  l'inscription  :  DEO  MERCVRIO  ATTEGIAM 
ÏEGVLITIAM  COMPOSITAM  SEVERINVS  SATVLLINVS 
EX  VOTO  POSVIT  ;  il  paraît  être  devenu  un  nom  de  lieu  assez 
fréquent  en  Gaule  :  Athée  (Côte-d'Or,  Indre-et-Loire,  Mayenne), 
Athie  (Côte-d'Or,  Yonne),  Athies  (Aisne,  Pas-de-Calais, 
Somme),  Athis  (Marne,  Orne,  Seine-et-Oise),  sans  compter 
Etiolles  (Seine-et-Oise),   qui   suppose  un  diminutif  Attegiolae. 

520.  Le  mot  stabulum  avait  en  latin,  entre  autres  sens,  ceux 
d"  "  étable  »  —  ce  mot  français  en  est  dérivé  —  de  a  chau- 
mière )),  d'  «  auberge  »  :  ce  dernier  sens  paraît  résulter  de  ce  que 
les  textes  itinéraires  indiquent  des  stations  appelées  Stabulum, 
Stabulum  novum,  Stabula.  Ce  mot  est  le  thème  étymolo- 
gique des  noms  suivants  Estables  (Lozère),  les  Estables  (Haute- 
Loire  ,  Étable  (Savoie),  Étables  (Ain,  Ardèche,  Côtes-du-Nord, 
Seine- Inférieure),  Etaules  (Charente -Inférieure,  Cùte-d'Or, 
Yonne),  Etaves  (Aisne),  anciennement  Estavles,  et  le  diminutif 
Establet  (Drôme). 

521.  Dérivé  du  hitin  archaïque  taba,  «  planche  »,  le  mot 
taberna,  qui  désignait  une  cabane,  une  chaumièi'e,  une  auberge, 
avait  sans  doute  ce  dernier  sens  dans  les  noms  Tabernae,  Très 
Tabernae  qu  on  rencontre  à  plusieurs  exemplaires  dans  l'Itiné- 
raire d'Antonin.  Tabernae  est  le  thème  étymologi(iue  de 
Tavernes  (Var),  de  Saverne  (Alsace),  do  Rheinzabern  (Bavière 
rhéiuine)  et  de  Tavers  (^Loiret). 


I 


XXVIII 
COLONIES     BARBARES     ET     ÉTRANGÈRES 

522.  Les  Goths  ayant  été  défaits,  en  270,  par  Terapereur 
Claude,  surnommé  depuis  le  Gothique,  ceux  d'entre  eux  qui  sur- 
vécurent entrèrent  dans  la  milice  romaine  ou  cultivèrent  les 
terres  de  l'Empire.  En  277,  Probus  ayant  vaincu  les  Germains, 
fît  cultiver  les  champs  des  Gaules  par  les  prisonniers  de  cette 
nation.  En  291,  les  Francs,  reçus  dans  l'Empire,  furent  établis 
par  l'empereur  Maximien  dans  les  terres  en  friche  des  Nerviens 
et  du  pays  de  Trêves  ;  et,  cinq  ans  plus  tard,  les  victoires  de 
Constance  Chlore  forcèrent  les  Chamaves,  les  Frisons  et  d'auti*es 
peuples  barbares  à  porter  les  armes  et  à  travailler  pour  les 
Romains.  Ce  furent,  en  particulier,  ces  peuples  qui  cultivèrent 
les  terres  désertes  dans  les  cités  d'Amiens,  de  Beauvais,  de 
Troyes  et  de  Langres.  Les  Eduens  reçurent  aussi,  de  la  Bretagne 
subjuguée,  des  artisans  qu'ils  employèrent  à  restaurer  leurs  édi- 
fices. En  358,  Julien  incorpora  dans  l'armée  romaine  des  Francs 
Saliens,  des  Quades  et  des  Chamaves,  ainsi  que  d'autres  Ger- 
mains établis  dans  l'île  des  Bataves,  au  milieu  du  Rhin.  Vers  la 
fin  du  i\°  siècle,  les  riverains  de  ce  fleuve,  ayant  été  contraints, 
par  les  succès  de  Stilicon,  de  renoncer  à  leur  vie  sauvage,  les 
Francs  Saliens  qui  se  trouvaient  parmi  eux  s'adonnèrent  à  l'agri- 
culture; et  les  Sicambres,  dont  les  épées,  suivant  l'expression 
du  poète  Claudien,  se  recourbèrent  en  faux,  rendirent  leur  pays 
si  fertile,  que  le  voyageur,  en  contemplant  les  deux  rives  du 
fleuve,  demandait  quelle  était  celle  des  Romains. 

Divers  historiens,  et  parmi  les  plus  modernes  Amédée 
Thierry,  dans  son  Tableau  de  VEmpire  romain,  ont  étudié  la 
condition  du  Barbare  admis  en  Gaule  à  l'état  de  «  lète  ».  11 
devait  d'abord  obtenir  une  concession  de  l'empereur  ;  et,  tendant 
à  créer  des  centres  de  population,  le  gouvernement  favorisait, 
selon  toute  apparence,  les  immigrations  par  familles.  Une  lois 
admises,  les  familles  étaient  groupées  en  villages,  dont  l'ensemble 
formait  une  préfecture  administrée  par  un  magistrat  —  ijraefcc- 


128  LES    NOMS    DK    LIICL" 

(as  —  moitié  militaire,  moitié  civil,  présidant  à  la  fois  à  l'exploi- 
tation agricole  de  la  contrée  et  à  Torganisation  militaire  des 
colons.  Le  lète,  à  son  installation,  trouvait  dans  la  colonie  le 
bétail  et  les  instruments  de  culture  nécessaires.  Chaque  préfec- 
ture ou  chaque  quartier  d'une  grande  préfecture  était  muni  d'un 
champ  dé  manœuvres  pour  les  exercices  militaires,  et  aussi  d'écoles 
où  s'enseignaient  la  langue  et  les  lettres  latines  ;  c'était  une 
pépinière  de  futurs  citoyens  romains,  car,  à  la  différence  du 
«  déditice  »,  qui  était  originairement  un  prisonnier  de  guerre,  le 
lète  pouvait  devenir  romain  de  plein  droit  ;  on  le  voit,  au 
ly^  siècle,  changer  souvent  son  nom  germanique  pour  un  autre 
entièrement  latin,  ce  qui  contribuait  à  etfacer  son  origine  ;  ainsi 
firent  Alagnentius  et  Decentius,  qui,  de  3S1  à  3o3,  revêtirent  la 
pourpre  impériale  en  Gaule,  et  Sylvanus  qui,  à  son  tour,  fut  pro- 
clamé auguste  en  355.  Mais,  en  revanche,  les  lètes  mirent  en 
circulation,  dans  le  monde  romain,  un  certain  nombre  de 
noms  propres  d'origine  germanique  :  c'est  ainsi  qu'à  Nanterre 
deux  époux,  vraisemblablement  d'origine  létique,  Gerontius  et 
Severa,  donnèrent  le  nom  de  Genovefa  à  leur  fille,  que  l'Eglise 
honore  sous  le  nom  de  sainte  Geneviève. 

La  \otilia  dignitatum  imperii  romani  '  mentionne,  en  Gaule, 
divers  cantonnements  de  Lètes  et  de  Sarmates  ;  malheureusement 
le  paragraphe  qui  les  concerne,  dans  le  chapitre  xlii  de  la  partie 
consacrée  à  l'Occident,  est  incomplet.  Elle  indique  le  préfet  des 
lètes  francs  à  Rennes,  des  préfets  de  lètes  suèves  à  Coutances, 
au  Mans  et  à  Glermont  en  Auvergne,  des  préfets  de  lètes  bataves 
à  Baveux,  à  Arras  et  à  No\'on,  le  préfet  des  lètes  teutoniciens  à 
Chartres,  le  préfet  des  lètes  Ac/i  à  Ivoy,  aujourd'hui  Carignan 
(Ardennes),  et  celui  des  lacti  Lagenses  auprès  de  Tongres. 
D'autres  lètes  sont  désignés  par  le  nom  de  la  cité  gauloise  dans 
laquelle  ils  avaient  été  re^us  :  laeti  Lingonenses,  alors  dispersés 
dans  la  Première  Belgique,  et  qui  avaient  eu  pour  première 
demeure  le  territoire  de  Langres  ;  laed  Nervii,  dont  le  préfet 
résidait  encore  en  pays  nervien,  à  Famars,  près  de  ^'alenciennes. 
Enfin,  d'autres   lètes,  dont   le   préfet  était  à  Reims  ou  à  Senlis, 

1.  Du  Chosiio,  Ilisturi.r  Francuriiin  ncriplorcs  cou'lanoi,  I,  l-'t;  voir  l'iii- 
(licîilion  des  autres  éditions  de  la  JSotilin  diffuUntinn  dans  l'olllmsl,  liiltlio- 
Iheca  hislorica  medii  .tvï,  2*  éd.,  Il,  868. 


omr.lNKS    UOMAI.NES    :    COLOiMES    KTHANGÈRKS  129 

sont  disting-ués  simplement  par  la  qualification  gentiles,  sans 
doute  —  on  reviendra  bientôt  sur  ce  point  —  parce  qu'ils  tiraient 
leur  origine  de  diverses  populations  germaniques. 

523.  Les  établissements  des  Sarmates  —  cette  appellation 
désignait  les  colons  d'origine  scvthique  —  n'étaient  pas,  comme 
les  établissements  létiques,  particuliers  à  la  Gaule,  la  Notitia 
dignitatum  n'en  mentionnant  pas  moins  de  quinze  pour  l'Italie 
La  Gaule  avait  les  siens  sur  les  territoires  de  Poitiers,  de  Langres, 
et  peut-être  d'Autun,  dans  la  région  comprise  entre  Reims  et 
Amiens,  dans  celle  qui  sépare  Paris  de  Vézelay,  et  dans  plusieurs 
autres  contrées  encore.  Ceux  de  Poitiers  étaient  mélangés  à  des 
Taifali,  tribu  d'origine  gothique.  Les  Sarmates  étaient,  comme 
les  lètes,  sous  la  direction  supérieure  du  maître  de  l'infanterie. 

524.  Ces  indications  de  la  Notitia  dignitatum  sont  fort  pré- 
cieuses, mais  malheureusement  trop  vagues  et  fragmentaires;  du 
moins,  elles  peuvent  être  utilement  complétées  par  des  témoi- 
gnages remontant  aux  premiers  siècles  du  moyen  âge,  et  surtout 
par  la  toponomastique. 

525.  Les  Taifali,  ces  hommes  de  race  gothique,  qui,  au  début 
du  v*^  siècle,  étaient  soumis  au  même  préfet  que  les  Sarmates  du 
Poitou,  conservaient  encore  leur  individualité  dans  la  seconde 
moitié  du  siècle  suivant,  et  habitaient  alors  la  partie  de  l'an- 
cien territoire  de  Poitiers  qui,  détachée  plus  tard  du  Poitou, 
avoisinait  la  Loire  entre  Angers  et  Nantes  :  les  Taifali,  au  rap- 
port de  Grégoire  de  Tours,  vinrent,  peu  après  561 ,  attaquer 
Chantoceaux,  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire.  Or,  la  partie  du 
Poitou,  où  ils  constituaient  une  part  importante  de  la  population, 
fut  appelée  de  leur  nom  pagus  Taifalicus,  vocable  qu'on  ren- 
contre au  x*^  siècle  sous  la  forme  altérée  pagus  Theofalgicus, 
et  qui  subsiste  aujourd'hui  dans  le  nom  de  Tiffauges  ('Vendée), 
vraisemblablement  l'ancien  chef-lieu  de  cette  population  barbare. 

526.  C'est  là  un  exemple  avéré  d'un  nom  de  région  formé  sur 
le  vocable  dune  population  barbare  établie  en  Gaule  au  cours  de 
la  période  impériale.  Peut-être  faut-il  attribuer  une  origine  ana- 
logue aux  noms  de  plusieurs  circonscriptions  administratives 
formées  à  l'époque  franque  du  démembrement  de  la  cit(?  de 
Langres  et  de  celle  de  Besançon  :  le  pagus  Attoariorutn  ot  ses 
voisins  orientaux,  le  pagus  Aniaus  ou  Comavoruin,  le  pagus 
Varascus  ou    Warascorum  et   le  pagus  Scodingus  ou  Srotingo- 

Les  noms  de,   lieu.  9 


i30  I-ES    NOMS    DE    LIEU 

rum.  Le  pagus  Aitoariorum,  dont  le  nom  ne  s'est  pas  conservé 
jusqu'à  nous,  —  dans  la  toponomastique  s'entend,  car  on  peut 
en  rapprocher  le  nom  de  famille  Atui/er  —  rappelle  le  souvenir 
d'une  population,  sans  doute  apparentée  aux  Hessois  —  les 
Chatti  de  Tacite  —  et  dans  laquelle  on  est  tenté  de  reconnaître 
les  barbares  que  Constance  Chlore,  au  dire  de  son  panég-yriste 
Eumène.  établit  sur  le  sol  des  Lingones.  Le  nom  du  pagus 
Amaus  —  pagus  Gomavorum  pour  Camavorum,  dans  un 
texte  du  viii*' siècle  —  évidemment  formé  sur  celui  des  Chamaves, 
se  reconnaît  dans  le  surnom  de  Siaint-Vivant-en-kmows,  (Jura), 
de  même  que  l'on  trouve,  dans  celui  de  Sceg-en-Yaray  (Doubs), 
trace  du  pagus  Varascus,  qui  devait  son  nom  aux  Warasci, 
population  mentionnée  dans  un  texte  hagiographique  du 
vii^  siècle.  Enfin  le  nom  du  pagus  Scodingus,  formé  sur  celui 
d'une  population  qu'un  chroniqueur  du  vu''  siècle  appelle  Sco- 
t  in  Sri.  a  revêtu  au  xiii''  la  forme  Escucns.  Mais  faute  de  témoi- 
gnages  aussi  significatifs  que  celui  de  la  Notitia  dignitatiim  au 
sujet  des  Taifali,  on  ne  peut  affirmer  avec  certitude  que  l'éta- 
blissement en  Gaule  des  Hattuarii,  des  Chamavi,  des  Warasci 
et  des  Scotingi  remonte  à  l'époque  romaine. 

527.  Parmi  les  articles  de  la  Xotilia  dignitatum,  dont  on  a  lu 
plus  haut  le  résumé,  celui  qiii  se  rapporte  aux  laeti  gentiles  dont 
le  préfet  résidait,  soit  b  Reims,  soit  à  Senlis,  est  aussi  celui  pour 
lequel  les  noms  de  lieu  fournissent  le  commentaire  le  plus  élo- 
quent. 

528.  Dans  la  banlieue  occidentale  de  Reims,  où  elles  sont  dis- 
posées en  demi-circonférence,  on  remarque  les  localités  dénom- 
mées Bourgogne,  Auménancourt,  "Villers-Franqueux,  Gueux  et 
Sermiers,  ainsi  qu'une  voie  antique,  le  chemin  de  Barbarie. 
Bourgogne,  en  latin  Burgundia  ou  Burgondia,  indicjue  la 
rési(U'nc('  d'individus  appartenant  à  la  race  des  Burgondes.  Le 
nom  d'Auménancourt,  qui,  dans  plusieurs  textes  carolingiens,  se 
présente  sous  les  formes  Curtis  A  lama  n  no  rum  ou  Al  aman- 
no  rum  (hirtis,  désigne  un  domaine  rural  ou  un  village  habité 
j)ar  (les  individus  de  race  alamanniquo.  Le  sens  de  Villers-Fran- 
queux,  Villa  re  Francorum,  n'est  pas  moins  transparent. 
Gueux,  dans  le  Polvptique  de  Saint-Remy  de  Reims,  dressé  au 
milieu  du  ix*"   siècle,  est  appelé  Gothi.  Quant  au   vocable    de 


ORIGINES    HUMAINES    :    COLONIES    ÉTRANGÈRES  11^1 

Sermiers,  Sarmedus  dans  le  même  document,  il  paraît  repré- 
senter le  nom  des  Sarmates.  Enfin  le  nom  du  chemin  de  Barba- 
rie, voie  antique  tracée  au  pied  de  la  Montagne  de  Reims  et 
rejoignant  la  voie  de  Soissons,  est  des  plus  intéressants.  Ce  che- 
min est,  en  eftet,  mentionné  deux  fois  dans  les  écrits  de  l'arche- 
vêque Hincmar  ;  daus  une  lettre  que  ce  prélat  écrivit,  entre  849 
et  857,  à  Pardule,  évêquede  Laon,  il  est  question  de  la  via  j  uxta 
montes  Remorum  que  vocatur  Barbaria  ;  et  dans  la  Vie 
de  saint  Remy,  parlant  de  cette  voie  comme  existant  au  v''  siècle, 
Hincmar  ajoute  :  Quae  usque  hodie,  propter  Barbarorum 
per  eam  iter,  Barbarica  nuncupatur.  L'explication  contenue 
dans  ces  derniers  mots  paraît  erronée  :  ce  n'est  certainement  pas 
à  une  circonstance  aussi  fugitive  que  le  passage  de  l'armée  de 
Glovis  que  le  chçmin  de  Barbarie  doit  un  nom  aussi  tenace,  et 
celui-ci  ne  peut  s'expliquer  que  par  un  séjour  permanent  de  Bar- 
bares, à  l'ouest  de  Reims.  Lorsqu'on  rapproche,  de  l'existence  d'un 
établissement  de  lètes  sur  le  territoire  rémois,  les  noms  de  lieu  qui 
viennent  d'être  passés  en  revue,  et  que  l'on  constate  que  le  che- 
min de  Barbarie  desservait  Sermiers  et  Gueux,  on  voit  bien  qu'il 
n'y  a  pas  là  une  coïncidence  simplement  fortuite.  Les  laeti  gen- 
tiles  de  cette  région  appartenaient  vraisemblablement  aux 
nations  les  plus  diverses,  d'où  l'impossibilité  de  les  désigner  par 
un  ethnique  quelconque  :  sans  doute,  il  faut,  dans  les  Burgondes 
de  Bourgogne,  les  Alamans  d'Auménancourt,  les  Francs  de 
Villers-Franqueux,  les  Goths  de  Gueux  et  les  Sarmates  de  Ser- 
miers, reconnaître  à  la  fois  les  laeti  gentiles  de  la  Notitia  digiii- 
tatum,  et  les  Barbares  dont  le  chemin  de  Barbarie  conserve  un 
vague  souvenir. 

529.  De  ce  que  le  préfet  des  laeti  gentiles  résidait  tantôt  à 
Reims  et  tantôt  à  Senlis,  il  semble  résulter  qu'une  partie  de  ces 
colons  barbares  étaient  établis  vers  la  seconde  de  ces  villes. 
Eiïectivement,  un  diplôme  royal,  en  date  de  920,  mentionne 
dans  le  Sellentois  une  villa  Almannorum,  qui  rappelle 
Auniénancourt  ;  et  d'autre  part,  à  une  huitaine  de  lieues  à  l'est- 
sud-est  de  Senlis,  une  petite  localité  porte  le  nom  de  Gueux, 
vocable  dont  le  Polyptique  de  Saint-Remy  permet  de  pénétrer 
l'origine  en  tant  qu'il  s'applique  à  un  village  des  environs  de 
Reims. 

530.  Faut-il    voir    dans  le   nom   d'Allemagne  (Calvados),    du 


132  LES    NOMS    DE    LIEU 

latin  Alamannia,  et  dans  celui  d'Almenêches  (Orne),  du  bas- 
latin  Alamannisca,  quelques  souvenirs  des  le  tes  de  nation 
suévique.  dont  les  préfets  résidaient  à  Baveux  et  au  Mans?  On 
peut  alléo^uer  en  faveur  de  cette  hypothèse  la  confusion  qu'on 
faisait  volontiers,  au  début  du  moyen  âge,  entre  les  Suèves  et  les 
Alanians.  Toujours  est-il  que  ces  noms  indiquent  incontestable- 
ment l'origine  germanique  des  localités  qu'ils  désignent. 

531 .  Des  constatations  qui  précèdent,  il  résulte  clairement 
qu'à  l'époque  romaine,  ou  tout  au  moins  au  début  du  moyen  âge, 
les  dénominations  ethniques  pouvaient  fournir  cinq  variétés  de 
noms  de  lieu  : 

l**  Le  nom  même  de  la  nation  ou  de  la  tribu  :  Gothi,  Gueux  ; 
Sarmatae,  Sermiers  ; 

2°  Le  nom  de  nation  ou  de  tribu  combiné  avec  le  suffixe  -ia, 
servant  d'ordinaire  à  former  des  noms  de  régions  :  Burgundia, 
Bourgogne;  Alamannia,  Allemagne; 

3°  Le  nom  de  nation  ou  de  tribu  combiné  avec  le  suffixe  latin 
-icus,  -icum,  -ica,  à  laide  duquel  on  forme  ordinairement  des 
adjectifs  :  Taifalicus  ou  Taifalica,   Tiffauges; 

4°  Le  nom  de  nation  ou  de  tribu  combiné  avec  le  suffixe  ger- 
manique qui  est  usité  encore  aujourd'hui  sous  la  forme  -isch, 
notamment  pour  former  des  adjectifs  ethniques  :  Alamannisca, 
Almenêches  ; 

5°  Le  nom  de  nation  ou  de  tribu  employé  au  génitif,  et  com- 
biné conséquemment  avec  un  nom  commun  :  Alamannorum 
cortis,  Auménancourt  ;  Villare  P'rancorum,  Mllers-Fran- 
queux. 

Cette  théorie  établie,  il  convient  de  passer  à  l'examen  des 
noms  de  lieu  d'origine  semi-barbare,  et  remontant  très  probable- 
ment à  répof{ue  romaine,  qu'offre  la  nomenclature  géographique 
de  notre  p.'tys. 

532.  Aux  Sarmates,  indépendamment  du  nom  de  Sermiers 
on  doit  ceux  de  Sarmazes  (Orne),  de  Sermaise  (Maine-et-Loire, 
Oise,  Saône-et-Loirc,  Seine-et-Marne,  Seine-el-Oisc),  de  Ser- 
maises  (Loiret),  de  Sermaize  (Marne),  de  Sermoise  (Aisne, 
Aube,  Nièvre,  Yonne),  de  Salmaise  (Côte-d'Or),  de  Saumaise 
(Côle-d'Or;,   de  Charmasse  ^Saùnc-ct-Loin")   —  (|ue,    vers   1300, 


ORIGINES    ROMAINES    :    COLONIES    ÉTRANGÈRES  133 

on  appelait  Sarmace  ou  Salmace  —  représentant  le  thème  Sar- 
matia,  et  auxquels  on  peut  joindre  le  diminvitif  Seriïlizelles 
(Yonne).  De  même  que  Taifalica  a  donné  Ti ff auges ^  de  même 
Sarmaticum  aura  donné  Sermages  (Nièvre). 

533.  Le  nom  des  Alamans  paraît  avoir  produit  un  plus  grand 
nombre  de  noms  de  lieu  primitifs,  mais  pour  désigner  de  moins 
nombreuses  localités  :  A  la  m  an  ni,  AUemans  (Dordogne,  Lot- 
et-Garonne),  Allemant  (Aisne,  Marne)  ;  Alamannia,  Allemagne 
(Basses-Alpes,  Calvados),  AUemogne  (Ain)  ;  Alamannicum 
ou  Alamannica,  AUemanche  (Marne);  Alamannisca,  Alme- 
nêches  (Orne);  Alamannorum  curtis,  Auménancourt-/e- 
Grand  et  Auménancourt-/e-Pe/i7  (Marne)  ;  Villa  Alamanno- 
rum, dont  l'emplacement,  en   Sellentois,  n'a  pas  été  déterminé. 

534.  Le  souvenir  des  Alains  qui  fondèrent  en  Gaule,  au 
v*'  siècle,  quelques  établissements  de  peu  d'importance,  notam- 
ment dans  le  Valentinois  et  l'Orléanais,  se  retrouve  dans  le  nom 
d'AWdiin-aux-Bœiifs  (Meurthe-et-Moselle),  représentant  Alani, 
et  dans  ceux,  ayant  pour  thème  étymologique  Alania,  d'Alagne 
(Aude)  et  d'Allaines  (Eure-et-Loir,  Somme)  :  on  remarquera 
qu'une  de  ces  dernières  localités  appartenait  au  diocèse  d'Or- 
léans, territoire  que  les  Alains  occupaient  lors  de  l'invasion 
d'Attila. 

535.  Formé  sur  le  nom  des  Burgondes,  Burgundia  est,  on  le 
répète,  Bourgogne  (Marne),  tandis  que  l'ethnique  Burgun- 
diones  est  représenté  par  Bourguignon  (Aisne,  Doubs)  et  Bour- 
guignons (Aube). 

536.  Le  souvenir  des  colons  francs  de  la  Gaule  romaine  sub- 
siste dans  les  noms  de  lieu  modernes  qui  ont  pour  thèmes  étymo- 
logiques Franci,  ad  Francos,  Francs  (Gironde),  Frans  (Ain); 
Franeia,  France;  Francorum  campus,  Francor champs  (Bel- 
gique, province  de  Liège);  Francorum  villa,  Francourville 
(Eure-et-Loir),  Franconville  (Seine-et-Oise),  anciennement 
Francorville  ;  Villa  Francorum,  Villefrancœur  (Loir-et- 
Cher);  Villare  Francorum,  Villers-Franqueux  (Marne). 

537.  La  mémoire  des  Goths  est  conservée  dans  un  assez  grand 
nombre  de  noms  de  lieu,  dont  les  plus  méridionaux  rappellent 
vraisemblablement  le  souvenir  des  Wisigoths,  qui  dominèrent  un 
moment  sur  toute  la  Gaule  d'outre-Loire,  tandis  que  les  plus 
septentrionaux  sont  bien  plutôt  d'origine  romaine,  ou  pour  mieux 


131  LES    NOMS    DK    LIEU 

dire,  létique  ;  mais  il  ne  paraît  guère  possible  de  les  distinguer 
ici.  La  forme  primitive  de  ces  divers  noms  de  lieu  est  Gothi, 
Vallis  Godesca,  Mons  Gothorum,  Gothorum  villa,  Villa 
Gothorum,  Mors  Gothorum.  On  a  vu  que  Gothi  a  produit 
Gueux  (Marne,  Oise)  ;  le  nom  de  Vallis  Godesca,  qui  désignait, 
à  l'époque  carolingienne,  une  localité  de  la  Septimanie,  doit  être 
signalé  parce  qu'il  présente  un  adjectif  formé  sur  le  nom  des 
Goths  au  moyen  du  suffixe  germanique  ;  Mons  Gothorum  est 
le  thème  étymologique  du  nom  de  Montgueux  (Aube)  ;  Gotho- 
rum villa,  nom  de  lieu  assez  fréquent  dans  les  contrées  d'outre 
Loire,  qui  ont  été  soumises  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long 
aux  Wisigoths,  a  parfois  été  remplacé  au  moyen  âge  par  d'autres 
noms  de  lieu  :  dans  le  Toulousain  par  Escatalens  (Tarn-et- 
Garonne),  dans  leRoussillon  par  Mailloles  ;Pjrénées-Orientales)  ; 
là  où  il  s'est  maintenu,  il  se  présente  sous  des  formes  variées,  toutes 
conformes,  d'ailleurs,  aux  lois  phonétiques  des  régions  auxquelles 
elles  appartiennent  :  Goudourville  (Tarn-et-Garonne),  Goudour- 
vielle  (Gers),  Gourville  (Charente,  Loiret,  Seine-et-Oise)  et  son 
diminutif  Gourvillette  (Charente-Inférieure)  ;  Villa  Gothorum 
est  l'origine  du  nom  de  Villegoudou  (Tarn)  ;  enfin  Mors  Gotho- 
rum, nom  cité  par  l'Astronome,  historien  de  Louis  le  Pieux,  et 
qui  rappelle  sans  doute  un  désastre  subi  par  les  Wisigoths,  est 
le  thème  étymologique  du  nom  de  Morgoudou  (Tarn). 

538.  Aucun  document  de  l'époque  romaine  parvenu  jusqu'à 
nous  ne  parle  de  Marcomans  cantonnés  en  Gaule.  Le  nom  de 
cette  tribu  suévique,  chassée  de  Bohême  par  les  Celtes  Boiens, 
n'a  laissé  aucune  trace  dans  les  contrées  germaniques  ;  mais  il  a 
formé  en  Gaule  le  nom  de  lieu  Marcomannia,  qui,  figurant 
dans  des  textes  de  l'époque  mérovingienne,  est  aujourd'hui 
représenté  par  Mariïiagne  (Allier,  Cher,  Côte-d'Or,  Saône-et- 
Loire)  et  Marmaigne  (Mayenne). 

539.  Le  nom  de  la  grande  nation  des  Saxons  est  la  racine  du 
nom  de  lieu  Saxo  nia,  qui  a  produit  certainement  les  noms 
modernes  Sassogne  (Nord)  et  Sissonne  (Aisne).  On  n'ose  afïir- 
mer  que  ces  vocables  remontent  à  l'époque  romaine,  car  les 
Saxons  ayant  conservé  leur  dénomination  ethnique  pendant  tout 
le  moyen  âge,  il  est  possible  f[ue  les  lieux  appelés  Saxonia, 
appartiennent  seulement  à  la  période  franque.  En  tout  cas,  il 
d(!vait  y  avoir  à  Sissonne  un  fonds  de  population  bien  vivace,  et 


ORIGINES    ROMAINES    !    COLONIES    ÉTRANGÈRES  135 

qui  trancha,  pendant  plusieurs  siècles,  sur  la  population  romane 
des  environs,  témoin  l'appellation  theotunica  villa  de  Sisso- 
nia  qu'on  trouve  dans  une  charte  de  1222  ;  il  est  juste  d'ajouter 
que,  dès  lors,  ou  peu  après,  la  population  de  Sissonne  perdit  son 
caractère  étranger,  et  qu  à  une  appellation  considérée  sans  doute 
comme  injurieuse,  fut  substituée  celle  de  «  Sissonne  la  Fran- 
çoise »  qui  paraît  pour  la  première  fois  en  1276. 

540.  On  ne  peut  citer  avec  certitude  aucun  nom  de  lieu  rap- 
pelant le  souvenir  des  Suèves,  puissante  nation  g-ermanique  sou- 
vent confondue  avec  les  Alamans,  et  qui  en  Gaule  —  la  Notitia 
dignitatum  imperii  l'atteste  —  avait  des  établissements,  tout  au 
moins,  aux  environs  de  Bayeux,  de  Coutances,  du  Mans  et  de 
Glermont  en  Auverg'ue  ;  mais  il  n'est  pas  téméraire  de  considérer 
le  nom  de  Wissous  (Seine-et-Oise)  comme  représentant  Vicus 
Suevorum  :  c'est  du  moins  là  l'hypothèse  la  plus  plausible  que 
permettent  les  premières  formes  connues  de  son  vocable,  Vizeo- 
rium  en  latin  du  xii^  siècle,  Vizoor  et  Viceor  en  langue  vulgaire 
de  la  même  époque. 

541.  L'appellation  ethnique  des  Vandales  se  retrouve,  au 
X"  siècle,  dans  le  nom  Gastrum  'Vandalorum  ou  Castellum 
Wandelons,  aujourd'hui  Gandalou  (Tarn-et-Garonne). 

Tous  ces  noms  de  lieu  ne  sont  pas  les  seuls  de  leur  espèce 
qu'on  puisse  attribuer  au  déclin  de  la  période  romaine  :  d'autres 
effectivement  semblent  se  rapporter  à  des  cantonnements  de  bar- 
bares étrangers  aux  races  germanique  et  slave. 

542.  Les  Maures,  nation  africaine  dont  le  pays,  la  Mauritanie, 
correspondant  au  Maroc  actuel,  fut  incorporé  à  l'Empire  romain 
en  l'an  42  de  notre  ère,  fournissaient  aux  armées  romaines  des 
cohortes  auxiliaires,  dont  la  Notitia  dignitatum  imperii  indicjue 
les  cantonnements,  non  seulement  dans  la  Mauritanie  Tingitane, 
leur  pays  d'origine,  mais  aussi  dans  l'île  de  Bretagne,  dans  l'Uly- 
rie,  dans  l'Italie,  en  Pannonie,  dans  la  Gaule  et  dans  diverses 
parties  de  l'empire  d'Orient.  C'est  évidemment  à  un  ancien  can- 
tonnement de  cavaliers  maures,  les  mêmes  peut-être  qui  rési- 
daient, lors  de  la  rédaction  de  la  Notitia  dignitatum,  à  Quadra- 
tum,  dans  la  Première  Pannonie,  qu'une  localité  du  Norique 
devait  le  nom  Ad  Mauros  sous  lequel  cet  écrit  la  désigne.  Au 
commencement  du  v"  siècle,  des  soldats  de  cette  nation  tenaient 


136  LKS    NOMS    Di:    LIEU 

garnison  en  Gaule,  dans  la  péninsule  armoricaine,  et  la  Notifia 
dignitatum  les  appelle,  du  nom  des  cités  dans  lesquelles  ils 
étaient  établis,  Mauri  Veneti  et  Mauri  Osismiaci.  La  certi- 
tude du  séjour  des  Maures  en  Gaule,  sous  la  domination  romaine, 
et  les  constatations  faites  précédemment  permettent  de  fixer  le 
sens  du  nom  de  lieu  Mauritania,  que  Ton  trouve  dans  de  nom- 
breux textes  latins  pour  désigner  les  lieux  qui  portent  aujour- 
d'hui le  nom  de  Mortagne  (Charente-Inférieure,  Nord,  Orne, 
Vendée)  :  Mauritania  serait  une  forme  basse  du  nom  latin 
Mauretania,  et  en  France  le  nom  Mortagne  désignerait  des 
localités  fondées  ou  occupées,  à  l'époque  romaine,  par  les  soldats 
maures  (jui,  licenciés  sans  doute  après  la  chute  de  l'empire,  ont 
dû  chercher  un  asile  dans  des  lieux  divers. 

543.  Certaines  localités  de  notre  pays  paraissent  rappeler  la 
mémoire  de  petits  établissements  bretons,  contemporains  des 
derniers  temps  de  l'Empire  ou  de  l'époque  immédiatement  posté- 
rieure. On  a  vu  que  les  Eduens  reçurent,  de  l'île  de  Bretagne 
subjuguée  par  les  Romains,  des  artisans  qu'ils  employèrent  à 
restîiurer  leurs  édifices  ;  on  sait,  d'autre  part,  qu'aux  derniers 
jours  de  la  domination  romaine,  l'empereur  Anthemius  confia 
la  garde  du  Berry  à  un  corps  breton  de  1.200  hommes,  auquel 
les  Wisigoths,  sous  h\  conduite  de  leur  roi  Euric,  infligèrent  un 
échec  sanglant  près  de  Chàteauroux.  On  a  rapproché  de  cette  der- 
nière et  intéressante  notion  histori(|ue  deux  noms  de  localités 
berrichonnes  voisines  du  lieu  de  la  défaite  des  Bretons,  Bretagne 
et  la  Berthenoux  (Indre)  :  le  premier  de  ces  noms  représente  le 
latin  Britannia  ;  le  second,  dans  lequel  il  est  permis  de  voir  un 
primitif  Britannorum,  en  sous-entendant  villa,  est  comparable 
à  Gandalnu,  cité  plus  haut.  Il  existe  en  France  d'autres  localités 
ayant  les  mêmes  origines  :  Bretagne  (Gers,  Landes,  Haut-Rhin) 
et  Bretenoux  'Lot),  qu'un  acte  do  (SOG  ap])elle  Villa  Bretono- 
rum.  11  est  intéressant  de  rapprocher  de  ces  noms  celui  de 
Santa  Maria  de  Bretona,  en  Galice,  qui  rappelle  le  souvenir 
d'une  colonie  bretonne,  assez  importante  pour  avoir  eu,  au 
vi*"  siècle,  un  évêque  d'origine  britannique,  nommé  Madoc. 

544.  Peut-être  les  localités  dont  les  noms  représentent  des 
primitifs  Ilispania,  Lusitania,  Vascouia,  correspondent-elles 
il    d'anciennes     colonies    d'étrangeis,      espagnols,     lusitaniens, 


ORIGINES    HUMAINES    :    COLOMES    ÉTRAiNfiÈRES  137 

gascons;  mais  ou  ne  peut,  à  cet  ég*ard,  que  former  des  conjec- 
tures, car  il  est  tout  aussi  possible  que  ces  primitifs  représentent 
des  gentilices  pris  adjectivement  —  l'existence  d'un  gentilice 
Hispanius  étant  attestée  par  des  noms  de  lieu  tels  quEpagny 
et  Espagnac  —  ce  qui  rangerait  les  noms  dont  il  s'agit  dans  une 
catégorie  précédemment  étudiée  (cf.  ci-dessus,  n°  289).  Quoi 
qu'il  en  soit,  on  croit  devoir  énumérer  ici  ces  noms. 

545.  H  ispa nia  est  représenté  par  Espagne  (Gorrèze,  Gironde), 
par  Epagne  (Aube,  Indre,  Somme,  Vendée)  et  par  Epaignes 
(Eure).  Il  faut  voir  dans  /?0i6e/'/-Espagne  (Meuse)  un  homonyme 
de  ces  localités,  différencié  au  moyen  d'un  nom  de  propriétaire  ; 
au  xiii®  siècle,  on  eût  dit  Espagne-la-Bobert ,  et  la  construction 
Robert-Espag ne  suppose  une  ancienneté  relative  ;  d'ailleurs  une 
charte  de  1019  appelle  ce  lieu  Membodi  Spania,  moyennant  le 
nom  d'un  autre  tenancier. 

546.  Lusitania  est  l'origine  de  Luisetaines  (Seine-et-Marne). 

547.  A  Vasconia  répondent  les  noms  modernes  Vacognes 
(Calvados),  "Vacongne  (Somme),  "Vaucogne  (Aube),  Gacogne 
(Nièvre)  et  le  diminutif  Gacougnolle  (Deux-Sèvres). 


XXIX 

SOUVENIRS     DE     PERSONNAGES     HISTORIQUES 

Les  vocables  géographiques  évoquant  le  souvenir  de  person- 
nages historiques  sont  beaucoup  plus  rares  qu'on  n'inclinerait  à 
le  croire.  Les  dix  siècles  du  moyen  âge  n'en  offrent,  du  moins 
dans  l'Europe  occidentale,  qu'un  très  petit  nombre  :  en  France, 
particulièrement,  il  faut  attendre  jusqu'au  xvi'"  siècle  pour  en  voir 
paraître  quelques  exemples,  tels  que  Vitry-le-François  et  Ville- 
Françoise-de-Gràce .  A  vrai  dire,  le  fait  ne  se  produit,  semble-t-il, 
que  dans  des  milieux  fort  civilisés  ou  civilisateurs  ;  aussi  est-il 
possible  de  citer  pour  notre  pays  quelques  noms  de  cette  espèce 
remontant  à  l'époque  romaine  ;  mais,  dans  plus  d'un  cas,  le  nom 
de  personnage  historique  compris  dans  un  nom  de  lieu  romain, 
n'a  pas  réussi  à  traverser  les  siècles,  car,  employé  à  l'état  de 
surnom,  il  demeurait  à  peu  près  ignoré  du  vulgaire  ;  parfois 
I  même  tout,  dans  le  vocable  antique,  a  disparu  à  la  fois,  déter- 
1  minatifet  déterminé,  pour  faire  place  à  une  dénomination  nou- 
velle, à  supposer  que  la  localité  elle-même  ait  survécu  aux  inva- 
sions. 

548.  Le  plus  ancien  nom  de  lieu  renfermant  un  nom  de  per- 
sonnage historique  qui  ait  apparu  en  Gaule  est  Aquae  Sextiae, 
dû  au  consul  C.  Sextius  Calvinus,  qui  acheva,  en  l'an  124  avant 
notre  ère,  la  soumission  des  Salliiini,  peuple  ligure  établi  à  l'est 
du  Rhône,  vers  les  bouches  de  ce  fleuve  :  ce  consul  détruisit  leur 
métropole  et  fonda,  dans  le  voisinage,  un  castellum,  qui,  en  rai- 
son des  eaux  thermales  qui  s'y  trouvaient,  fut  appelé  Aquae 
Sextiae;  la  première  partie  de  cette  appellation  a  seule  subsisté, 
et  se  retrouve  dans  le  nom  moderne  .li>  (Bouches-du-Rhône). 

549.  L'un  des  consuls  de  l'an  122  avant  J.-C.,  Cn,  Domitius 
.\enobyrbus,  l'un  des  ancêtres  de  l'empereur  Néron,  et  qui  resta 
j)lusieurs  années  dans  la  Province  romaine  en  qualité  de  procon- 
sul, a  laissé  son  souvenir  dans  jilusieurs  vocables  géographiques: 
Cl  lui  de  la  via  Domitia.  cette  grande  voie  par  hupielle  il  relia 
Nimes  et  Xarbonui'  à    l'Espagne,  et  celui  de  Eorum    Domitii, 


ORIGINKS    ROMALNKS    :    PERSO^NAGKS    HISTORIQUES  139 

l'une  des  stations  de  la  même  voie  ;  mais  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces 
vocables  ne  s'est  conservé. 

550.  On  appelait  Fossae  Marianae  le  canal  que  Marius, 
alors  consul  pour  la  quatrième  fois,  fit  creuser,  en  Tan  102  avant 
J.-C,  pendant  la  campagne  entre  les  Cimbres  et  les  Teutons, 
afin  de  recevoir  plus  aisément  les  vivres  qui  Im  étaient  amenés 
par  vaisseaux,  les  embouchures  du  Rhône  étant  ensablées  et 
exposées  aux  coups  de  la  mer.  L'appellation  Fossae  Marianae 
fut  appliquée  par  la  suite,  non  seulement  au  canal  de  Marius, 
mais  aussi  au  port  qui  en  gardait  l'entrée,  et  que  représente  la 
bourgade  actuelle  de  Fos  (Bouches-du-Rhône).  Dans  cet  exemple 
comme  dans  celui  d'x\ix,  le  déterminatif  n'a  pas  laissé  de 
traces. 

551.  C'est  incontestablement  à  Jules  César  que  Fréjus  (Var), 
l'antique  Forum  Julii,  doit  son  nom;  mais  il  serait  téméraire 
de  rapporter  au  conquérant  des  Gaules,  l'origine  ou  la  dénomina- 
tion d'un  grand  nombre  de  villes,  dans  le  vocable  desquels  est 
entré,  soit  le  gentilice  Julius,  soit  le  surnom  Caesar,  car  ces 
noms  se  rapportent  également  à  la  personne  d'Auguste  qui,  con- 
formément à  la  loi  romaine,  avait  pris  les  noms  de  son  père 
adoptif.  Les  noms  de  ces  villes  vont  donc  être  indiqués  sans  qu'on 
préjuge  la  question  de  savoir  s'ils  datent  de  l'époque  de  César 
ou  de  celle  d'Auguste. 

552.  Le  gentilice  Julius  figure  dans  les  noms  de  lieu  demi- 
gaulois  Juliobona  et  Juliomagus.  Appliqué  au  chef-lieu  des 
Andecavi,  le  second  de  ces  noms  a  été  supplanté,  au  ui*^  siècle,  par 
celui  de  cette  nation,  d'où  Angers.  Juliobona,  chef-lieu  des 
Calètes,  est  aujourd'hui  Lillebonne  (Seine-Inférieure)  :  ce  nom 
est  l'effet  d'une  interprétation  qui  remonte  au  xii^  siècle,  et  que 
favorisa  peut-être  une  altération  analogue  à  celle  qu'atteste  le 
nom  italien  du  mois  de  juillet,  liiglio.  Le  nom  de  Viens  Julius 
ou  Viens  Julii,  que  portèrent  à  la  fois  Aire-snr-la-Lys  (Pas-de- 
Calais)  et  Germersheim  (Bavière  rhénane),  a  été  abandonné  dès 
le  début  du  moyen  âge.  Apt  (Vaucluse)  n'a  conservé  que  la 
première  partie  du  nom  Apta  Julia,  sous  lequel  Pline,  l'Itiné- 
raire d'Antonin  et  la  Table  de  Peutinger  le  désignent,  abrégeant 
l'appellation  officielle,  attestée  par  les  inscriptions,  Colonia 
Julia  Apta.  Il  n'est  pas  inutile  d'ajouter  (jne  les  noms  Julia  eus 
et  Julianus,  si   fréquents  en  Gaule,  n'ont  ordinairement  rien  à 


140  LES    NOMS     DE    LIEU 

voir  avec  César  ni  avec  Auguste  :  ils  s'appliquaient  à  des 
domaines  ruraux  appartenant  à  des  propriétaires  qui  portaient  le 
gentilice  Julius,  adopté,  après  la  conquête  romaine,  par  un  grand 
nombre  de  familles  gauloises  ;  il  est  probable  que,  de  même,  les 
noms  de  lieu  Tiberiacus  et  Glaudiacusne  rappellent  en  rien 
le  souvenir  des  empereurs  Tibère  et  Claude. 

553.  La  géographie  de  la  Gaule  romaine  offre  trois  noms  for- 
més sur  celui  de  César,  se  rapportant  sans  doute,  dans  l'espèce, 
à  Auguste  :  Caesarodunum,  aujourd'hui  Tours,  Caesaroma- 
gus,  aujourd'hui  Beauvais,  et  Caesarea,  île  de  l'archipel  nor- 
mand ;  aucun  ne  s'est  maintenu. 

554.  Dans  les  noms  Caesaris  burgus,  Curtis  Caesaris, 
Militia  Caesaris  et  Sacrum  Caesaris,  par  lesquels  des 
chartes  des  xii^  et  xiii®  siècles  ont  désigné  Cherbourg  (Manche), 
Courceriers  (Mayenne),  Millançay  (Loir-et-Cher)  et  Sancerre 
(Cher),  il  ne  faut  voir  que  des  fantaisies  de  clercs  qu'on  ne  sau- 
rait accepter.  Quant  aux  noms  de  Chemin  de  César,  de  Camp  de 
César  et  de  Tour  de  César,  appliqués  à  tant  de  chemins  antiques, 
de  vieilles  enceintes  et  de  donjons  féodaux,  ce  sont  des  dénomi- 
nations relativement  modernes,  et  parfois  ridicules,  dont  l'ar- 
chéologue ne  doit  tenir  aucun  compte. 

555.  Le  titre  d'Auguste,  décerné  en  27  avant  J.-C.  à  Octave, 
l'héritier  de  César,  et  que  l'histoire  a  traité  comme  un  nom 
propre,  est  entré  en  composition  dans  bien  des  noms  de  lieu  de 
Gaule  :  Augustobona,  Troyes  ;  Augustodunum,  Autun  ; 
Augustodurum,  Bayeux;  x\ugustomagus,  Senlis;  Augus- 
tonemetum,  Clcrmont-Fcrrand,  et  Augustoritum,  Limoges. 
Si  de  ces  six  noms  semi-gaulois  un  seul  a  subsisté,  le  nom  d'Au- 
guste n'a  laissé  aucune  trace  dans  les  formes  vulgaires  où  il  figu- 
rait comme  déterminatif  :  Alba  Augusta,  chef-lieu  des  Helvii, 
Aquae  Augustae,  chef-lieu  des  Tarbelli,  l^ucxis  Augusti,run 
des  munici[)esdes  Voconces,  et  Tropaea  Augusti,  qui  doit  son 
existence  au  monument  de  la  victoire  des  Romains  sur  les  peu- 
plades alpines,  se  nomment  aujourd'hui  sinq)lemenl  .4/>5(Ardèche), 
FJax  (Landes),  —  naguère  Ac(/s,  —  Luc-en-Diois  (Drôme)  et  la 
Turbie  (Alpes-Maritimes).  En  ce  qui  concerne  les  villes  et  les 
vici  qui,  en  l'honneur  d'Auguste,  avaient  pris  le  nom  d'Augusta, 
plusieurs  l'ont  abandonné,  on  le  voit  par  l'exemple  (VAuch,  de 
Si/issous,  de    Trêves,  de    Sainl-Quentin.  Où  il  a  subsisté,   il  est 


ORIGLNES    ROMAINES    :     PEKSONNAGKS    IIISTORIOUES  141 

devenu  Aoste  (Isère,  Italie),  Aouste  (Ardennes,  Drùme)  et  Oust 
(Somme).  Il  convient  de  signaler,  en  pavs  de  langue  allemande, 
Augst  (Suisse,  canton  de  Bâle)  et  Augsbourg  (Bavière),  qui  s'ap- 
pelaient respectivement,  au  temps  des  Romains,  Augusta  Rau- 
racorum  et  Augusta  Vindelicorum, 

556.  On  mentionnera  pour  mémoire  le  nom  de  Forum  Nero- 
nis,  porté  momentanément  par  Lodève,  et  peut-être  aussi  par 
Carpentras,  en  l'honneur  de  Tiberius  Claudius  Nero,  qui  gou- 
verna la  Gaule,  en  qualité  de  questeur,  de  47  à  44  avant  notre 
ère  ;  celui  de  Forum  Tiberii,  qu'une  ville  des  Helvètes  devait 
au  successeur  d'Auguste;  celui  de  Forum  Claudii,  qui  fut 
dojmé  à  la  ville  de  Daranfasia,  aujourd'hui  Moutiers  (Savoie)  ; 
celui  de  Germanicomagus  que  portait,  en  l'honneur  de  Ger- 
manicus,  neveu  de  Tibère,  une  ville  de  Saintonge  ;  celui  de  Colo- 
nia  Agrippina,  aujourd'hui  Cologne^  sur  le  Rhin,  qui  portait 
le  nom  d'Agrippine,  fille  de  Germanicus  et  femme  de  Claude  ; 
celui  de  Golonia  Trajana,  aujourd'hui  Xanten  (Prusse  rhénane, 
régence  de  Dùsseldorf),  qui  date  évidemment  du  règne  de  Trajan, 
celui  de  Forum  Ha  driani,  fondé  sans  doute  par  ordre  de  l'em- 
reur  Hadrien,  dans  le  pays  des  Bataves  ;  enfin  celui  de  Flavia 
Aeduorum,  sous  lequel  Autun  fut  momentanément  désigné,  au 
cours  du  IV®  siècle,  en  l'honneur  de  l'empereur  Constance  Chlore, 
qui  avait  relevé  cette  ville  de  ses  ruines,  et  dont  le  gentilice  était 
Flavius. 

Mais  il  convient  d'insister  sur  les  noms  Claudiomagus, 
Gonstantia,  Helena  et  Gratianopolis,  qui  tous  quatre  sont 
parvenus  jusqu'à  nous  sous  une  forme  vulgaire. 

557.  Le  nom  de  Claudiomagus,  remontant  probablement  à 
l'empereur  Claude,  figure  dans  la  Vie  de  saint  Martin.,  écrite  au 
iv*^  siècle  par  Sulpice  Sévère,  et,  sous  la  forme  Claudiomachus, 
dans  des  bulles  du  xu''  siècle,  concernant  l'abbaye  de  Déols,  pour 
désigner  Clion  (Indre j. 

558.  C'est  à  Constance  Chlore  qui,  de  292  à  305,  gouverna 
en  qualité  de  césar,  la  Bretagne,  la  Gaule  et  l'Espagne,  avec 
Trêves  pour  résidence,  que  Goutances  (^Manchei  et  Constance 
(Grand-duché  de  Bade)  doivent  leur  nom,  Gonstantia,  qui  leur 
était  commun  avec  un  port  situé  vers  l'embouchure  de  la  Seine, 
peut-être  sur  l'emplacement  occupé  aujourd'hui  par  Ilonlleur. 

559.  Les  successeurs  de  Constance  Chlore,  voulant  honorer 


1  42  LES    NOMS    DE    LIEl' 

la  mémoire  de  sainte  Hélène,  mère  de  l'empereur  Constantin, 
donnèrent  son  nom  à  plusieurs  villes  de  l'Empire.  Du  moins 
Constantin  donna  le  nom  d'Helena  ou  Helenopolis  au  lieu 
natal  de  sa  mère  ;  et  c'est  lui,  sans  doute,  qui  substitua  le  nom 
dHelena  à  celui  à'Illiberis  que  portait  une  bourg^ade  de  la  cité 
de  Narbonne.  Un  vicus  du  pays  des  Atrebates,  ou  les  Francs  de 
Clodion  furent  défaits  par  Majorien,  portait  aussi  au  v®  siècle  le 
nom  d'Helena,  qui,  en  ce  pays  soumis  quelque  temps  à 
l'influence  germanique,  est  devenu  Hélesmes  (Nord),  par  dépla- 
cement de  l'accent  tonique,  tandis  que  l'Helena  de  la  Première 
Narbonnaise  est  devenu  rég^ulièrement  Elne  (Pyrénées-Orien- 
tales), que  les  Français  du  Nord  appelaient  aux  xiii*  et  xiv^  siècles 
Eaune  ou  laune. 

560.  Le  nom  de  Gratianopolis  paraît  pour  la  première  fois 
en  381,  sous  l'empereur  Gratien,  en  l'honneur  de  qui  la  cité  de 
Ciilaro,  peu  auparavant  démembrée  de  celle  de  Vienne,  prit  cette 
nouvelle  appellation  formée,  on  ne  sait  trop  pourquoi,  à  la  façon 
grecque.  Accentué  sur  l'antépénultième,  Gratianopolis  est 
devenu  Grenoble  (Isère). 

561.  On  rappelle  en  passant- le  nom  de  Carlopolis  qu'au 
x''  siècle  Charles  le  Chauve  essaya  de  donner  à  Compiègne. 


XXX 

MONUMENTS     MEGALITHIQUES 

Plusieurs  des  noms  de  lieu  rappelant  le  souvenir  des  monu- 
ments mégalithiques  de  la  Gaule  peuvent  remonter  à  l'époque 
romaine,  ou  tout  au  moins  aux   premiers  siècles  du  moyen  âge, 

562.  Le  nom  Petra  ficta,  dont  les  monuments  de  la  période 
franque  parvenus  jusqu'à  nous  offrent  plus  d'un  exemple,  signifie 
littéralement  «  pierre  fichée  »,  car  ficta  doit  être  là  non  pas 
le  participe  passé  féminin  de  fingo,  mais  une  forme  basse  de 
celui  de  figo  :  selon  toute  apparence  il  fait  allusion  à  la  présence 
d'une  de  ces  énormes  pierres  brutes  de  forme  allongée,  implantées 
verticalement  dans  la  terre  comme  des  bornes,  et  qui,  mainte- 
nant, sont  désignées  en  archéologie  par  les  mots  bretons  menhir 
et  peulvan.  Ce  nom  Petra  ficta  revêt  aujourd'hui  diverses 
formes  :  la  plus  répandue  dans  nos  contrées  de  langue  d'oïl  est 
Pierrefitte  (Allier,  Calvados,  Corrèze,  Creuse,  Loir-et-Cher, 
Loiret,  Meuse,  Oise,  Seine,  Deux-Sèvres,  Vosges),  qui  a  pour 
variante  Pierrefixte  (Eure-et-Loir).  Les  autres  formes  modernes 
sont  Pierrefaite  (Haute-Marnej,  Peyrefite  (Aude),  Pierrefiche 
(Aveyron,  Cantal,  Corrèze,  Dordogne,  Lozère,  Haute-Vienne)  et 
Peyrefiche  (Hérault).  Pierreficques  (Seine-Inférieure)  et 
Peyrefic  (Lot)  paraissent  provenir  plutôt  de  Petra  fixa,  altéré 
en  Petra  fisca. 

563.  Le  nom  Petra  longa,  dont  le  sens  correspond  exactement 
à  celui  du  breton  menhir,  peut  être  considéré  comme  un  synonyme 
de  Petra  ficta,  bien  qu'à  la  rigueur  il  puisse  avoir  été  pris  par- 
fois avec  l'acception  de  «  long  rocher  »  ;  il  est  le  thème  étymolo- 
gique des  noms  modernes  Pierrelongue  (Drôme,  Rhône,  Seine- 
et-Marne)  et  Peyrelongue  (Gers,  Landes,  Basses-Pyrénées). 

564.  Le  nom  Petra  levata,  c'est-à-dire  «  pierre  soulevée  », 
désignait  un  lieu  voisin  de  quelque  dolmen,  c'est-à-dire  d'un  de 
ces  monuments  préhistoriques  formés  d'une  grande  pierre  plate 
posée  sur  deux  pierres  placées  verticalement,  monuments  funé- 
raires recouverts  primitivement  par  une  éminence  artificielle,  un 


lii  LES    NOMS    \)K    LIEL" 

/umulus  que  des  cultures  réitérées,  les  pluies  et  les  g-elées 
ont  peu  à  peu  nivelé  et  abaissé  à  la  surface  du  sol  environnant. 
De  là  les  noms  de  Pierre-Levée  (Charente,  Seine-et-Marne, 
Vendée)  et  de  Peyrelevade  (Aveyron,  Cantal,  Corrèze,  Dordogne, 
Gironde,  Lot,  Lot-et-Garonne). 

565.  Le  nom  Fetra  lata  s'appliquait  sans  doute  également 
au  dolmen,  faisant  allusion  à  la  pierre  principale  posée  horizon- 
talement ;  il  se  présente  aujourd'hui  sous  les  formes  Pierrelée 
(Eure),  Pierrelez  (Seine-et-Marne),  Pierrelaye  (Seine-et-Oise), 
Peyrelade  (Aveyron,  Cantal,  Corrèze,  Dordogne,  Tarn-et- 
Garonne,  Haute-Vienne). 

566.  Ce  dernier  nom  ne  doit  pas  être  confondu  avec  celui  de 
Pierrelatte  (Drôme),  qui  représente  Petra  lapta,  pour  Petra 
1  a  p  s  a . 


XXXI 
ÉTABLISSEMENTS     BALNÉAIRES 

Généralement  les  stations  balnéaires  étaient  désignées  par  le 
nom  propre  Aquae,  et  l'Itinéraire  d'Antonin  ne  mentionne  pas 
moins  d'une  trentaine  de  localités  ainsi  nommées  dans  l'étendue 
de  l'Empire  ;  mais  pour  remédier  à  ce  que  ce  nom  avait  de  trop 
vague,  on  y  ajoutait  un  surnom  indiquant,  soit  la  divinité  à 
laquelle  les  eaux  étaient  consacrées  —  Aquae  Apollinares, 
Borvonis,  Granni,  Segestae  ou  Segetae,  Solis,  —  et  dans 
ce  cas  le  surnom,  véritablement  topique,  était  presque  insépa- 
rable du  nom,  —  soit  la  population  chez  laquelle  était  située  la 
station  —  Aquae  Bilbitanorum,  Convenarum,  Dacicae, 
Neapolitanae,  Tarbellicae,  —  soit  enfin  le  fondateur  du 
lieu,  comme  il  est  arrivé  pour  Aix  en  Provence,  Aquae  Sex- 
tiae. 

567.  On  a  vu  par  les  exemples  de  Bourbon  et  de  Bourhonne 
que  parfois  le  surnom  fut  assez  populaire  pour  se  maintenir  à 
l'exclusion  du  mot  Aquae  ;  mais  le  fait  contraire  s'est  produit 
plus  souvent,  et  c'est  le  .déterminatif  qui  a  disparu,  laissant  la 
place  à  la  dénomination  trop  vague  Aquae,  si  toutefois,  après 
la  chute  du  monde  romain,  la  localité  n'a  pas  changé  de  nom.  Le 
nom  d'Aix,  dérivé  du  latin  Aquae,  est  aujourd'hui  porté  en 
France  par  deux  villes  pourvues  d'eaux  thermales  appréciées  dès 
l'époque  romaine,  Aix  en  Provence  et  kix-le's-Bains,  et  par  une 
bourgade  du  département  de  l'Aube,  kîX.-en-Othe,  où  existait 
vraisemblablement  un  établissement  balnéaire  alimenté  par  les 
eaux  que  les  Romains  y  avaient  amenées  de  la  colline  voisine. 
Ce  nom  a  pour  variantes  méridionales  Ax  (Ariège)  et  Dax 
(Landes),  cette  dernière  appellation  s'appliquant  à  l'antique 
Aquae  Tarbellicae.  Aquae  est  aussi  l'origine  du  nom  d'^/.r- 
la-CJiapelle  (Prusse  rhénane),  en  allemand  Aachen. 

568.  On  désignait,  à  l'époque  romaine,  sous  le  nom  d'Aquae 
calidae,  commun  sans  doute  à  plusieurs  établissements  ther- 
maux,   la    station    balnéaire   qui    porte    aujourd'hui    le   nom  de 

Les   noms  de  lien.  10 


146  LES    NOMS    DE    LIEU 

Vlcky  ^Allier)  ;  mais  si  en  cet  endroit  le  nom  antique  n'a  rien 
donné,  son  équivalent  Calidae  Aquae  a  produit  ailleurs  le 
nom- moderne  Chaudesaigues  (Cantal). 

569.  Quelques-unes  des  localités  de  la  Gaule  romaine  possé- 
dant des  établissements  balnéaires  de  quelque  importance  leur 
doivent  évidemment  les  noms  qu'elles  portent  aujourd'hui.  Le 
cas  n'est  pas  douteux  pour  Bains  (Vosges),  dont  les  eaux  ther- 
males étaient  déjà  fréquentées  au  premier  siècle  de  notre  ère,  et 
dont  le  nom  représente  le  latin  Balneum;  il  ne  lest  pas 
davantage  pour  Bagnères-cfe-^i'grorre  (Hautes- Pyrénées)  et  pour 
Bagnères-t/e-Luc/ion  (Haute-Garonne),  dont  le  nom  représente 
le  latin  balnearia,  adjectif  formé  sur  balneum,  et  qui,  dès  le 
temps  de  Cicéron,  était  employé  substantivement  ;  d'ailleurs  le 
surnom  de  la  seconde  de  ces  localités  rappelle  le  souvenir  d'une 
divinité  pyrénéenne,  Ilixo,  à  laquelle  étaient  dédiées  les  sources 
thermales  de  l'endroit. 

570.  Il  faut  joindre  à  ces  noms  ceux  qui  dérivent  du  diminutif 
balneolum  ou  de  son  pluriel  hétéroclite  balneolae,  à  l'accusatif 
balneolas  :  Bagneux  (Aisne,  Allier,  Aube,  Cher,  Indre,  Isère, 
Maine-et-Loire,  Meurthe-et-Moselle,  Seine,  Deux-Sèvres, 
Somme,  Vienne),  Baigneux  (Côte-d'Or,  Indre-et-Loire,  Sarthe), 
Bagneaux  (Seine-et-Marne,  Yonne),  Baigneaux  (Eure-et-Loir, 
(jironde,  Loir-et-Cher),  Bagnot  (Côte-d'Or j  — et  leurs  diminutifs 
Bagnolet  (Seine)  et  Baignolet  (Eure-et-Loir)  — Bagnol  (Vaucluse, 
Haute-Vienne),  Bagnoles  (Aude,  Orne),  Bagnols  (Gard,  Hérault, 
Lozère,  Puy-de-Dùme,  Pihône,  Var),  et  la  variante  catalane 
Banyuls  (Pyrénées-Orientales).  Bagnoles  (Orne)  et  Bagnols 
(Lozère)  ont  des  eaux  minérales  réputées,  et  à  Bagneux  (Maine- 
et-Loire)  on  a  trouvé  des  vestiges  de  bains  romains. 

571.  Le  mot  caldarium,  employé  notanmient  par  Vitruve 
au  sens  d'  «  étuve  »,  est  l'origine  du  nom  de  Caudiès  (Pyrénées- 
Orientales). 


XXXII 

AQUEDUCS 

Les  Romains  ont  construit  de  nombreux  aqueducs  j)our  con- 
duire Teau,  de  très  loin  parfois,  dans  leurs  centres  d'habita- 
tion. 

572.  Parmi  les  noms  de  lieu  rappelant  le  souvenir  de  ces 
travaux,  celui  dont  le  sens  est  le  moins  douteux,  et  qu'on  peut 
attribuer  d'une  manière  à  peu  près  certaine  à  l'époque  romaine, 
est  Aquaeductus,  qui  n'est  autre  que  la  forme  latine  du  mot 
«  aqueduc  ».  Ce  nom  figure  dans  des  textes  carolingiens  pour 
désigner  deux  localités  qui  appartenaient,  l'une  à  la  Bourgogne, 
l'autre  à  la  Narbonnaise  ;  on  ignore  le  nom  actuel  de  celle-ci  ; 
mais  l'Aquaeductus  bourguignon  est  aujourd'hui  Ahuy  (Côte- 
d'Or).  Pareille  est  l'origine  du  nom  d'Adich  (Luxembourg)  et 
sans  doute  de  ceux  d'Audun-/e-/?oman  (Meurthe-et-Moselle)  et 
d'Axidun- le- Tiche  (Moselle)  dont  les  surnoms  rappellent  les 
situations  respectives  en  pays  de  langue  romane  et  m  pays  de 
langue  tudesque. 

573.  C'est  aussi  à  un  aqueduc  antique  que  le  bourg  d'Arciieil 
(Seine)  doit  son  nom,  dont  la  forme  originelle,  Arcoialum, 
présente  le  mot  latin  arcus  «  arcade  »,  combiné  avec  le  suffixe 
celtique  -oialum,  et  constitue  une  allusion  directe  aux  arcs  de 
l'aqueduc  que  les  Romains  y  construisirent  pour  l'alimentation 
de  Paris  et  du  palais  des  Thermes. 

574.  Le  nom  d'Arcueil,  formé  à  l'aide  d'un  suffixe  celtique, 
est  certainement  antérieur  au  moyen  âge  ;  mais  on  doit  se  gar- 
der d'attribuer  la  même  antiquité  à  tous  les  noms  topographiques 
formés  à  l'aide  du  mot  latin  arcus  ou  de  ses  synonymes,  et  se 
rapportant  également  à  des  aqueducs  antiques.  Plusieurs  de  ce» 
noms  ne  remontent  même  qu'à  une  période  assez  tardive  du 
moyen  âge  ;  mais  ils  n'en  sont  pas  moins  intéressants  au  point 
de  vue  archéologique,  et  subsisteront  sans  doute  longtemps 
encore  après  qu'auront  disparu  les  derniers  vestiges  des  monu- 
ments romains  qu'ils  rappellent.  Diverses  portions  des  anciens 


148  Î.ES    NOMS    LE    LIEU 

aqueducs  sont  ordinairement  désig-nées  au  moyen  âge  sous  le 
nom  d"  ('  arcs  »  :  ainsi  les  arcades  qui  supportent  l'aqueduc  de 
Fréjus  (Var),  aqueduc  dont  le  développement  est  d'une  trentaine 
de  kilomètres,  se  nomment  successivement  les  Arcs-Sorellier^ 
les  Ares-Bering  net,  les  Arcs  de  Gargalon,  les  Arcs  de  la  Bouteil- 
lière,  les  Arcs-Escof/ier,  les  Arcs-Senesqiiier,  etc.  Sur  le  terri- 
toire de  Fontcouverte  (Charente-Inférieure),  l'aqueduc  de  Saintes 
franchissait  un  vallon  sur  des  arcades  dont  les  ruines  lui  ont 
fait  donner  le  nom  de  vallée  des  A?'cs,  encore  usité  dans  le 
pays  ;  et  plus  près  de  la  ville,  dans  la  vallée  cVArcoul,  vocable 
également  significatif,  il  passait  encore  sur  des  arcs,  dont  il  ne 
reste  que  quelques  piles  très  ruinées.  Près  de  Poitiers,  on 
appelle  Arcs  de  Parigny  les  vestiges  d'un  aqueduc  romain. 
Enfin,  l'aqueduc  qui  conduisait  à  Metz  les  eaux  de  la  fontaine 
des  Bouillons,  près  Gorze,  traversait  la  Moselle,  vers  le  village 
de  io\x\ -aux- Arches,  sur  une  longue  suite  de  grandes  arcades 
formant  un  magnifique  pont  d'un  kilomètre  de  longueur,  qu'on 
appelait  au  xv^  siècle  les  arcs  de  Joy,  et  qui  ont  valu  à  ce  village 
le  surnom  qu'il  porte  aujourd'hui. 


c- 
XXXIII 

THÉÂTRES 


Parmi  les  noms  de  lieu  intéressants  au  point  de  vue  de  lar- 
chéologie  romaine,  il  faut  citer  ceux  qui  rappellent  les  édifices 
consacrés  aux  jeux  publics,  cest-à-dire  les  théâtres  et  les 
amphithéâtres  dont  notre  pays  offre  un  assez  grand  nombre 
d'exemples.  Les  noms  de  cette  espèce  ne  sont  peut-être  pas 
toujours,  à  proprement  parler,  des  noms  de  l'époque  romaine, 
mais  ils  datent  vraisemblablement  au  moins  de  l'époque  franque, 
et  doivent  être  mentionnés,  à  l'occasion  des  vocables  géogra- 
phiques dus  à  la  civilisation  romaine. 

575.  Le  mot  latin  arena,  dont  le  sens  primitif  est  «  sable  ^), 
désignait  la  partie  sablée  de  l'amphithéâtre,  réservée  aux  com- 
battants, et,  par  une  sorte  de  métonymie,  l'amphithéâtre  lui- 
même.  Au  moyen  âge,  dans  ce  dernier  sens,  on  semble  l'avoir 
eniployé  de  préférence  au  pluriel,  et  c'est  ainsi  que  nous  disons 
aujourd'hui  «  les  Arènes  ». 

L'attention  ne  saurait  être  trop  appelée  sur  l'utilité  de  relever 
le  nom  Araine  ou  Airaine,  représentant  le  latin  arena.  au  sens 
d'  «  amphithéâtre  »,  surtout  lorsqu'il  figure  dans  des  textes  du 
moyen  âge;  sans  doute,  il  peut  n'offrir  que  le  sens  de  «  sable  », 
et  l'on  peut  être  CiKé  à  cet  égard  en  considérant  la  nature  du 
sol  ;  mais  le  plus  souvent  il  indiquera  au  chercheur  la  trace  d'un 
monument  antique,  ou  l'aidera  à  déterminer  la  nature  de  vestiges 
romains  qui  n'ont  pas  été  sufTisamment  mis  au  joiu\ 

Ainsi,  pour  citer  im  exemple  bien  connu,  emprunté  à  la  topo- 
graphie parisienne,  le  cirque  romain  de  Paris^  que  le  roi  méro- 
vingien Chilpéric  fit  restaurer  en  583,  et  dont  l'emplacement  pré- 
cis a  été  révélé  par  les  travaux  exécutés  en  1 870  pour  le  perce- 
ment de  la  rue  Monge,  conservait  au  xiu^  siècle  le  nom  d'Arènes, 
comme  le  prouve  la  dénomination  de  clos  d'Arènes  donné  par  de 
nombreux  actes  à  un  lieu  voisin  de  l'abbaye  de  Saint-Victor. 
L'emplacement  de  l'amphithéâtre  de  Reims,  situé  à  peu  de  dis 
tance  au  nord  de  la  ville,  se  nomme  encore  le  mont  d' Araine,  et 


loO  LES    NOMS    DE    LIEU 

le  peuple,  ignorant  le  sens  de  ce  vocable,  a  dit  parfois,  paraît-il, 
!  «  le  mont  de  la  Reine  ».  A  Senlis  enfin,  on  a  retrouvé,  vers  1866, 
les  restes  d'un  amphithéâtre  dans  un  lieu  appelé  Fontaine  des 
Reines,  ce  qu'on  serait  tenté  dinterpréter  dans  le  sens  de  «  fon- 
taine des  grenouilles  »,  alors  qu'il  conviendrait  d'écrire  «  fontaine 
d'Airaine  »,  conformément  à  la  dénomination  fons  arenarum 
employée  dans  les  chartes  latines  du  moyen  âge  :  c'est  unique- 
ment sur  les  indices  fournis  par  ce  vocable  que  le  Comité  archéo- 
logique de  Senlis  avait  entrepris  la  recherche  de  cet  amphithéâtre 
jusqu'alors  inconnu  des  archéologues. 

Tout  nom  de  lieu  dont  la  forme  est  arena  ne  suppose  pas 
nécessairement  un  amphitéâtre  ;  le  nom  d'Areines  (^Loir-et-Cher) 
prouve  en  effet  que  par  «  arène  »,  on  a  parfois  entendu  un  simple 
théâtre  :  du  moins  ce  village  paraît  devoir  son  nom  à  un  théâtre 
romain  situé  à  six  cents  mètres  à  l'ouest  de  l'église  du  lieu, 
théâtre  que  la  Société  archéologique  de  Vendôme  a  fait  explorer. 

Le  mot  latin  arena,  soit  en  son  sens  primitif  de  «  sable  », 
soit  en  son  sens  secondaire  d'  «  amphithéâtre  »  ou  de  «  théâtre  », 
est  encore  l'origine  des  noms  de  lieu  modernes  Arrènes  (Creuse), 
Airaines  (Somme),  Éraine  (Oise),  Eraines  (Calvados).  Sur  un 
plateau  voisin  de  cette  dernière  localité,  on  a  sig^nalé  des  sub- 
structions  romaines  fort  importantes  :  il  serait  intéressant  de 
savoir  si  ce  ne  sont  pas  là  les  restes  d'un  amphithéâtre. 

576.  Un  autre  mot  latin,  cavea,  désignant  primitivement  la 
partie  du  théâtre  ou  île  l'amphithéâtre  où  étaient  assis  les  spec- 
tateurs, a  pris  ensuite  l'acception  de  théâtre  ou  d'amphithéâtre. 
Plus  tard,  à  l'époque  franque,  il  est  devenu  le  nom  propre  du  lieu 
où  s'élevait  antérieurement  l'édifice  consacré  aux  jeux  publics. 
L'abbaye  de  Saint-Cre'pin-en-ChSiye,  dans  lal)anlieue  de  Soissons, 
tirait  son  nom  —  Sanctus  Crispinus  in  Cavea  — de  l'am- 
phithéàtrc  sur  l'emplacement  ducjuel  elle  avait  été  fondée.  L'ab- 
baye de  Chage,  fondée  en  1135  au  faubourg-  de  Meaux,  doit  son 
nom,  également  formé  sur  cavea,  à  une  circonstance  analogue. 


XXXIV 

INDUSTRIES     DIVERSES 

La  série  des  noms  de  lieu  d'origine  romaine  empruntée  aux 
diverses  industries  est  encore  peu  étendue  ;  mais  nul  doute 
qu'une  connaissance  plus  approfondie  de  la  toponomastique  n'y 
ajoute  plus  tard  d'importants  éléments. 

577.  De  ces  industries,  c'est  la  céramique  qui  fournit  les  noms 
les  plus  intéressants. 

Le  nom  commun  figlina,  au  sens  d'  «  atelier  de  potier  », 
dérivé  du  latin  figulus,  «  potier  »,  est  devenu  sous  cette  forme 
Figlina,  ou  sous  la  forme  plurielle  Figlinae,  un  nom  propre 
de  lieu  dès  l'époque  romaine,  témoin  le  nom  de  Figlinae  donné 
dans  la  Table  de  Peutinger,  à  un  relais  de  poste  situé  entre 
Vienne  et  Valence,  sur  la  rive  g-auche  du  Rhône,  à  2.500  mètres 
environ  au  sud  de  Saint-Rambert-d'Albon  (Drôme),  Les  ateliers 
de  potier  ayant  été,  semble-t-il,  nombreux  en  Gaule,  comme 
dans  les  autres  parties  de  l'Empire  romain,  on  ne  s'étonnera  pas 
que  Fig-lina  et  Figlinae  soient  le  thème  étymologique  d'un 
certain  nombre  de  noms  de  lieu  dans  notre  pays. 

Félines  (Ardèche,  A-ude,  Drôme,  Hérault,  Loire,  Haute-Loire, 
Lot,  Puy-de-Dôme,  Tarn,  Tarn-et-Garonne),  la  Féline  (Allier), 
Flines  (Nord)  paraissent  représenter,  malgré  Vs  final  de  la  plu- 
part de  ces  noms,  lequel  n'est  pas  toujours  étymologique,  le  sin- 
gulier Figlina.  On  en  peut  dire  autant  de  Fieulaine  (Aisne),  de 
Filaine  (Cher,  Loir-et-Cher)  et  de  Fulaine  (Marne,  Oise).  La 
diphtongue  eu  de  Fieulaine  paraît  résulter  d'une  vocalisation  du 
g  de  Figlina,  vocalisation  dont  fournissent  d'autres' exemples  le 
nom  de  Vémeraude,  en  latin  smaragdus,  et  l'appellation  Bau- 
das  par  laquelle  le  français  du  moyen  âge  désignait  Bagdad. 

Dans  Flins  (Seine-et-Oise)  et  dans  Filain  (^Aisne,  Haute- 
Saône)  l'absence  de  terminaison  muette  autorise  à  supposer  le 
primitif  Figlinae.  ' 

578.  Il  y  a  peut-être  intérêt  à  mentionner  ici,  en  passant,  le 
nom  de  Montpothier  (Aube),  écrit  Mont-le-Potier  du  \ni"'  siècle 


132  LES    NOMS    DE    LIEU 

au  xviir,  ce  qui  répond  au  Mons  Potarius  ou  Mons  Fig-uli 
du  xii^  :  on  retrouve  en  ce  lieu  un  grand  nombre  de  poteries 
antiques. 

579.  L'Itinéraire  d  Antonin  mentionne  deux  relais  du  nom  de 
Cal  caria  situés,  l'un  dans  l'île  de  Bretagne,  l'autre  en  Pro- 
vence, non  loin  de  Marseille.  Ce  nom,  désignant  un  four  à  chaux, 
n'a  aucun  équivalent  dans  la  nomenclature  moderne  ;  mais  sa 
variante  Fur  nus  calcarius  est  le  thème  étymologique  du  nom 
de  Forcalquier  (Basses-Alpes)  et  de  son  diminutif  Forcalqueiret 
(Var). 

580.  Les  vocables  Caufoiir,  Chaufour,  qui  sont  de  véritables 
synonymes  de  Forcalquier^  formés  qu'ils  sont  surcal  cis  furnus, 
n'appartiennent  pas  à  l'époque  romaine,  ni  même,  semble-t-il,  à 
l'époque   franque   :  il   n'y   a  donc  pas  lieu  de  les  examiner  ici, 

La  recherche  et  l'exploitation  des  métaux  a  fourni  quelques 
vocables  géographiques,  dont  plusieurs  remontent  à  l'époque 
romaine. 

581.  Argentaria,  désignant  une  mine  d'argent,  est  repré- 
senté par  Argentières  (Seine-et-Marne),  l'Argentière  (Hautes- 
Alpes),  Largentière  (Ardèche),  Argenteyres  (Gironde),  qui  sont, 
on  le  rappelle,  les  équivalents  du  nom  d'origine  celtique  Argen- 
teuil. 

582.  Le  mot  latin  ferraria,  désignant  un  gisement  de  fer,  est 
l'origine  des  noms  de  lieu  Perrière.  Ferrières  —  dont  Va  est 
parasite  —  et  la  Ferrière;  à  côté  de  ces  noms,  dont  il  existe  un 
si  grand  nombre  d'exemplaires,  on  citera  ceux  de  Ferrère 
(Ilautes-Pyrénées),  de  Fraire  (Belgique,  province  de  Namur),  de 
Herrère  (Basses-Pyrénées)  et  de  la  Herrère  (Haute-Garonne),  ces 
deux  derniers  caractérisés  par  la  transformation  gasconne  de  \  f 
latin  en  h  aspiré. 

583.  D'antiques  exploitations  de  minerai  de  fer  sont  révélées 
parfois  à  l'archéologue  par  des  dépôts  de  mâchefer,  que  désignent 
le  plus  souvent  des  noms  significatifs  :  le  nom  de  /Vo-sco^  (Finis- 
tère) signifie  en  breton  «  le  tertre  du  forgeron  ». 

584.  A  la  métallurgie  se  rapporte  également  le  mol  latin 
fabrica,  dérivé  de  faber,  «  forgeron  »>,  et  qui  a  donné  en  fran- 
çais ('  forge  ».  C'est  de  ce  mot  que  viennent  les  noms  de  lieu 
Fargues  ((iironde,  Landes,  Lot,   Lol-et-Garonnej,  Farges  (Ain, 


ORIGLNES     KOMAI.NLS     '.     I.NDLSTRILS    DIVERSES  1  o'i 

Cher,  Saône-et-Loirei,  Forgues  (Haute-Garonne),  Forges  (Cha- 
rente-Inférieure, Ille-et- Vilaine,  Maine-et-Loire,  Meuse,  Orne, 
Seine-et-Marne,  Seine -et- Oise,  Seine-Inférieure),  Horgues 
(Hautes-Pyrénées). 

585.  Il  est  arrivé  parfois  que  l'accent  tonique  de  fabrica,  dont 
la  place  régulière  est  sur  la  première  syllabe,  s'est  reporté  sur  la 
seconde  :  de  là  les  noms  suivants  :  Fabrèges  (Lozère),  Fabrègues 
(Aveyron,  Cantal,  Hérault,  Var),  la  Fabrègue  (Tarn),  Faverge 
(Savoie),  la  Faverge  (Loire  i,  Faverges  (Isère,  Jura,  Haute- 
Savoie). 

586.  Ces  différents  noms  de  communes  —  on  a  négligé  leurs 
homonymes  appliqués  à  de  simples  écarts  —  remontent  vrai- 
semblablement à  la  période  romaine.  Il  en  est  peut-être  de  même 
d'un  certain  nond^re  de  villages  appelés  Fours,  et  qui  peuvent 
devoir  ce  nom  à  d'anciens  fours  à  poterie  ou  à  chaux  ;  mais  le 
mot  four,  du  latin  furnus,  ayant  persisté  dans  la  langue 
moderne,  il  est  possible  que  plusieurs  de  ces  localités  ne  soient 

■  pas  d'une  origine  aussi  ancienne  :  on  n'en  dira  donc  rien  de  plus 
ici. 


XXXV 
-ARIA 

Le  suffixe  latin  -aria  a  été  combiné,  non  seulement  avec  des 
noms  de  métaux,  mais  encore  avec  des  noms  de  plantes  pour 
former  des  noms  de  lieu  :  ceux-ci  se  présentent  pour  la  plupart 
dans  les  textes  de  la  période  franque  ;  mais  on  en  rencontrerait 
sans  doute  de  plus  anciens  exemples  si  les  textes  topographiques 
de  la  période  romaine  étaient  plus  abondants. 

587.  Cannabaria,  formé  sur  cannabis,  «  chanvre  »,  est  la 
forme  primitive  des  noms  de  Chenevières  (Meurthe-et-Moselle), 
Chennevières  (Meuse,  Seine-et-Oise),  et  de  Canabières  (Aveyron). 

588.  Fabaria,   dérivé  de  faba,  «  fève  »,  a  produit  Favières 
(Eure-et-Loir,  Meurthe-et-Moselle,  Seine-et-Marne,  Somme),  la. 
Favière  (Jura),  et,  moyennant  l'addition  d'une  désinence  diminu- 
tive.  Faverolles  (Aisne,  Cantal,  Côte-d'Or,  Eure,  Eure-et-Loir, 
Indre.  Loir-et-Cher,  Haute-Marne.  Orne,  Somme). 

589.  Frumentaria,  de  frumentum,  «  blé  »,  est  le  thème 
étymologique  de  Fromentières  (Marne,   Mayenne). 

590.  De  Humularia,  formé  sur  le  bas-latin  humulus, 
«  houblon  »,  provient  le  nom  dHomblières  (Aisne),  pour  lequel 
on  a  la  forme  carolingienne  Humolariae. 

591.  Linaria.  dérivé  de  linum',  «  lin  »,  a  donné  naissance 
aux  noms  de  Linières  ^Laine-et-Loire),  de  Lignières  (Aube, 
Charente,  Indre-et-Loire,  Loir-et-Cher,  Mayenne,  Meuse, 
Sarthe,  Somme)  et  do  Lignères  (Somme),  auxquels  il  faut 
joindre  le  diminutif  Lignerolles  (Allier,  Côte-d'Or,  Eure,  Indre, 
Orne). 

A  côté  des  noms  qui  viennent  d'être  énumérés,  et  qui  désignent 
des  localités  où  Ton  cultiva  le  chanvre,  les  fèves,  le  blé,  le  hou- 
blon et  le  lin,  la  toponymie  latine  présente  des  noms  de  même 
formation,  ayant  pour  racine  des  noms  de  plantes  croissant  sans 
culture. 

592.  Pt'rv  i  ncaria,  désignant  un  lieu  où  croit  la  piM'vonche, 
t;st  la  forme  prinùlive  des  noms  niodernes  Pervenchères    llle-et- 


ORIGINES    ROMAINES    :     -ARtA  155 

Vilaine,  Orne),  Pervinquières  (Tarn-et-Garonne),  Prévenchère 
(Ardèche,  Cher),  Prévenchères  (Creuse,  Lozère),  Prévinquières 
(Aveyron),  Provenchère  (Doubs,  Puy-de-Dôme,  Haute-Saône), 
la  Provenchère  (Eure-et-Loir,  Loiret,  Savoie),  Provenchères 
(Haute-lVIarne,  Vosges),  les  Provenchères  (Savoie),  la  Proven- 
quière  et  Provenquières  (Tarn). 

593.  Sinaparia,  c'est-à-dire  «  lieu  où  croît  le  sénevé  >>,  se  ren- 
contre au  Vi®  siècle  dans  Grégoire  de  Tours,  sous  la  forme  Sena- 
paria,  pour  désigner  le  monastère  de  Sennevières  (Indre-et- 
Loire).  Sennevières  (Oise,  Yonne)  et  Cenevières  (Lot)  ont  la 
même  origine. 

594.  Juniperaria,  formé  sur  le  nom  du  genéA^rier,  junipe- 
rus,  a  donné  Genevrières  (Haute-Marne),  la  Genévrière  (Cor- 
rèze),  les  Genevrières  (Gôte-d'Or). 

595.  Au  moyen  âge  on  a  formé  selon  le  même  procédé  des 
noms  de  lieu  sur  des  noms  de  plantes  dont  quelques-uns  n'étaient 
pas  d'origine  latine,  et  c'est  ainsi  qu'à  côté  des  noms  Jonchères, 
la  Jonchère,  Jonquière.  Jonquières,  représentant  un  bas-latin 
Juncaria,  des  noms  Boissières,  la  Boissière.  Bussière,  Bus- 
sières,  Buxière,  Buxières,  représentant  un  bas-latin  Buxaria, 
on  trouve  des  noms  tels  que  Leschères,  en  bas-latin  Liscaria, 
indiquant  la  présence  de  cette  plante  de  la  famille  des  cypéracées 
qu'on  appelle  la  laiche,  et  que  Rozières.  en  bas-latin  Rosaria, 
dérivé  de  la  forme  primitive  du  nom  de  la  plante  qu'aujourd'hui 
nous  appelons  diminutivement  le  roseau.  Liscaria  est  l'origine 
de  Leschères  (Jura,  Haute-Marne,  Savoie)  - —  qui  a  pour  dimi- 
nutif Lescherolles  Cher,  Seine-et-Marne)  —  et  de  l'Échelle 
(Marne,  Seine-et-Marne)  :  on  voit  que  dans  ce  dernier  nom,  une 
substitution  de  liquide  a  eu  pour  conséquence  une  fausse  inter- 
prétation. A  signaler  les  variantes  bourguignonnes  et  lorraines 
la  Lochère  (Côte-dOrj,  les  Lochères  iSaône-et- Loire),  Lochéres 
(Meuse). 

596.  Le  suffixe  -aria  a  été  combiné,  non  seulement  comme  on 
vient  de  le  voir,  avec  des  noms  de  végétaux,  mais  encore  avec 
des  noms  d'animaux  :  les  noms  de  lieu  de  cette  dernière  forma- 
tion ont  trait  à  l'élevage  du  bétail. 

597.  Armentaria.  formé  sur  le  nom  générique  du  gros  bétail, 
urmentum,    est  Torigine  du  nom  de  lieu  Armentières    (Aisne, 


456  LES    NOMS    DK    LIEU 

Ariège,    Aube,     Eure,    Indre-et-Loire,     Nord,    Oise,     Seine-et- 
Marne). 

598.  Asiuaria,  c'est-à-dire  «  lieu  où  l'on  élève  des  ânes  »  est 
représenté  par  Asnlères  (Ain,  Calvados,  Charente,  Charente- 
Inférieure,  Côte-dOr,  Eure,  Sarthe,  Seine,  Seine-et-Oise, 
Vienne,  Yonne"),  Anières  (Deux-Sèvres),  Agnières  (Hautes- 
Alpes,  Pas-de-Calais,  Somme),  Anères  (Hautes-Pyrénées). 

599.  Berbicaria,  formé  sur  le  latin  berbex,  «  brebis  », 
variante,  employée  par  Pétrone,  du  classique  vervex,  a  fourni  les 
noms  de  lieu  modernes    Berbiguières  (Dordogne),    Brebières 

Pas-de-Calais^,     Berchères     (Eure-et-Loir),    Bergères     (Aube, 
Marne),  la  Bregère  (Haute- Vienne),  la  Bregière  (Allier). 

600.  Bo varia  est  l'origine  du  nom  de  Bovière   (Mayenne). 

601.  Capraria,  qui  indique  un  lieu  où  Ion  élève  des  chèvres, 
et  qui  est  d'ailleurs  un  nom  géographique  connu  de  l'antiquité 
latine,  a  donné  en  France  Cabrières  (Gard.  Hérault.  Vaucluse) 
—  d'où  le  diminutif  CabreroUes  (Héraultj  —  et  Chevrières 
(Ardennes,  Isère,  Loire.  Oise;.  Les  noms  de  Cabriès  (Bouches- 
du-Rhône)  et  de  Chevrier  (Haute-Savoie)  tirent  leur  origine 
dune  forme  masculine  ou  neutre  de  Capraria. 

602.  Porcaria,  «  porcherie  »,  a  produit  Porchères  Gironde), 
Fourcheras  (Ardèche),  et,  par  l'adjonction  dune  terminaison 
diminutive.  Porquerolles  (Var). 

603.  Vaccaria.  «  vacherie  ».  a  fourni  les  noms  de  lieu 
modernes  Vachères  (Basses- Alpes,  Drôme),  la  Vachère  (Puy- 
de-Dôme),  Vacquières  'Bouches-du-Rhône,  Hérault),  desquels 
il  faut  rapprocher  le  diminutif  Vaqueirolle  (Gard)  et  Vacquiers 
(Haute-Garonne),  qui  a  évidemment  pour  origine  un  neutre  Vac- 
carium,  synonyme  de  Vaccaria. 

604.  C'est  aussi,  selon  toute  apparence,  à  l'époque  romaine 
qu'il  faut  rapporter  l'origine  du  nom  de  lieu  Apiaria,  mentionné 
dans  plusieurs  textes  de  la  période  franque,  et  qui  désignait  à 
l'origine  un  lieu  où  l'on  élevait  des  abeilles,  apes.  Ce  nom  a 
produit  le  nom  Achères  (Cher,  Eure-et-Loir,  Loiret,  Seine-et- 
Marne,  Soine-et-Oise),  et  sa  variante  fautive  Aschères  (Loiret). 

605.  Le  curieux  capitulaire  De  Villis.  édicté  par  Charlemagne, 
antérieurement  ;i  l'an  HOO.  n'-vèlo  l'emploi  au  viiT'  siècle,  comme 
syiionvmes  di;  plMsic'urs  des   mois  (pii  vicuiiciit  d'élu-  pMsst's  en 


OliKilNES    ROMAINES    '.    -AHtA  lo7 

revue,  de  termes  qui  s'en  distinguent  par  la  désinence  -aritia, 
employée  au  lieu  de  -aria.  On  lit  à  l'article  XXIll  de  cette 
ordonnance  :  In  unaquaque  villa  nostra  habeant  judices 
vaccaritias,  porcaritias,  berbicaritias,  capraritias,  hir- 
caritias,  quantum  plus  potuerint.  Chacun  de  ces  mots,  à 
l'exception  peut-être  du  dernier,  qui  semble  n'être  qu'un  synonyme 
de  capraritia,  a  fourni  des  noms  de  lieu  qui  remontent  vraisem- 
blablement pour  la  plupart  à  Tépoque  franque. 

606.  Vaccaritia  est  le  thème  étymologique  des  noms  Vache- 
resse  (Charente,  Doubs,  Loire,  Haute-Loire,  Puy-de-Dôme, 
Haute-Saône,  Haute-Savoie  i,  la  Vacheresse  (Seine-et-Oise, 
Vosges),  Vacheresses  (Eure-et-Loir),  Vacqueresse  (Somme)  et 
Lavaqueresse  (Aisne). 

607.  Porcaritia  est  la  forme  primitive  des  noms  de  lieu 
Porcheresse  (Charente- Inférieure,  Loiret),  Pourcharesse 
(Ardèche),  Pourcharesses  (Lozère),  Pourcheresse  (Puy-de- 
Dôme). 

608.  Berbicaritia  a  produit  tout  au  moins  le  nom  la  Berge- 
resse  qui,  dans  un  acte  de  1423,  désigne  une  localité  de  la  Brie. 

609.  Capraritia  est  vraisemblablement  l'origine  du  nom  de 
Chevresse  (Cher),  dans  lequel  on  verrait  l'effet  d'une  contraction. 
Gabrerets  (Lot)  paraît  représenter  un  synonyme  masculin  ou 
neutre  de  Capraritia. 

610.  Bovaritia,  dont  le  capitulaire  De  Vlllls  permet  de  sup- 
poser l'existence,  est  sans  doute  le  thènie  étymologique  du  nom 
de  Bouresse  (Vienne). 

611.  Si  le  mot  hircaritia,  désignant  une  étable  à  boucs,  n'a 
rien  donné,  cela  tient  a  ce  que  ce  mot  n'est  qu'une  traduction 
d'une  expression  vulgaire  qui  subsiste  évidemment  dans  le  nom 
de  lieu  Boucheresse  (Creuse),  formé  sur  le  nom  roman  du  bouc, 
et  non  pas  sur  son  nom  latin.  Le  sens  que  permettent  de  donner 
aunom  Boucheresse  les  constatations  qui  précèdent,  autorise  aussi 
à  traduire  les  noms  de  lieu  Bouchère  (Charente,  Hautes-Pyré- 
nées), la  Bouchère  (Nord)  et  Bouchères  (Lot-et-Garonne)  par  la 
périphrase  «  étable  à  boucs  ». 


XXXVI 
ARBRES 

Un  grand  nombre  de  noms  de  lieu  représentent  des  collectifs 
latins  formés  sur  des  noms  d'arbres  à  Taide  du  sufïixe  -etum, 
qui,  à  l'époque  caroling-ienne,  a  été  altéré  en  -idum  ;  -et a, 
forme  féminine  de  -etum,  a  été  aussi  employé  à  la  même  fin. 
Pour  énumérer  ces  noms  de  lieu  on  suivra  l'ordre  alphabétique 
des  formes  originelles. 

612.  Alnetum,  de  alnus,  «  aune  »  :  Aulnay  lAube,  Eure, 
etc.j,  Aulnois  (Aisne,  Meuse,  etc.),  Aulnoy  (Haute-Marne,  Nord, 
etc.),  Aunay  (Eure-et-Loir,  Nièvre,  etc.),  Launay  (Aisne,  Cal- 
vados, etc.),  Launoy  (Aisne,  Ardennes)  ,  Launat  (Marne), 
variante  champenoise,  Lannoy  (Nord,  Oise,  Pas-de-Calais), 
variante  picarde. 

613.  Betuletum,  de  betula,  «  bouleau  »  :  Belloy  (Oise, 
Seine-et-Oise,  Somme),  le  Belloy  (Seine-et-Oise),  Bellay  (Marne, 
Oise),  le  Bellay  (Seine-et-Oise)  ;  dune  manière  générale,  la  pré- 
sence de  l'article  peut  être  l'indice  dune  origine  moins  ancienne. 

614.  Betulletum,  doublet  du  précédent,  qu'autorisent  à  sup- 
poser les  vocables  Bouloy  (Côte-d'Or,  Seine-et-Marne),  le  Boulois 
(Doubs;,  Boulay  (Loiret,  Mayenne,  Seine-et-Oise),  le  Boulay 
(Eure,  Eure-et-Loir,  Indre-et-Loire,  Vosges).  La  Boulaye 
fSaône-et-Loire)  viendrait  de  Betulleta. 

615.  Buxetum,  de  buxus,  i<  buis  »  :  Bucy  (Aisne,  Loiret), 
Bussy  (Ardennes,  Calvados,  etc.),  Buxy  (Saône-et-Loire),  Bou- 
chy  (Marne),  —  quelques-uns  de  ces  nombreux  noms  peuvent  à 
la  vérité  représenter  un  primitif  Buciacus  ou  Bucciacus, 
formé  sur  un  gentilice  Bucius  ou  Buccins  —  Boissy  (Eure, 
Eure-et-Loir,  etc.),  Boissay  ^ Eure-et-Loir,  Loir-et-Cher,  Maine- 
et-Loire,  Seine-Infériourc  .  Boisset  (Cantal,  Eure,  Gard,  Hérault, 
Loire,  Haute-Loire),  Boissets  (Seine-et-Oise),  Busset  (Allier). 
Le  changement,  ([u  on  observe  en  plusieurs  cas,  de  IV  de  -etum 
en  i  est  l'effet  du  son  sifflant  (jui  précède  :  il  en  est  ainsi  dans 
le  moi  ciro,  venant  du  latin  cera. 


ORIGINES    ROMAINES     :     ARBRES  159 

616.  Carpinetum,  de  carpinus,  «  charme  »  :  Carnoy 
(Somme),  Chamois  (Ardennes),  Gharnoy  (Marne,  Nièvre),  le 
Charnoy  (Seine-et-Marne),  Charmoy  (Aube,  Haute-Marne,  Saône- 
et-Loire,  Yonne,  etc.). 

617.  Casnetum,  qu'on  rencontre  dans  des  textes  de  l'époque 
franque,  et  qui  est  formé  sur  le  nom  du  chêne  dans  une  langue 
antéromaine  de  Gaule  :  Chanoy  (Loiret,  Haute-Marne,  Haute- 
Saône,  Vosges),  le  Chanoy  (Seine-et-Marne),  Chesnois  et  le 
Chesnois  (Ardennes),  le  Chesnoy  (Nièvre),  le  Chesnay  (Seine- 
et-Oise),  le  Chenoy  (Loiret,  Meurthe-et-Moselle,  Seine-et-Marne, 
Yonne),  Chenay  et  le  Chenay  (Calvados,  Eure,  etc.),  Quesnay  et 
le  Quesnay  (Calvados,  Eure,  etc.),  Quesnoy  ou  le  Quesnoy 
(Manche,   Nord,  etc.). 

618.  Castanetum,  de  castanea,  «  châtaignier  »  :  Castenet 
(Haute-Garonne,  Hérault,  Tarn,  Tarn-et-Garonne),  Catenoy 
(Oise),  Catenay  (Seine-Inférieure),  Châtenois  (Jura,  Haut-Rhin, 
Haute-Saône,  Vosges),  Châtenoy  (Loiret,  Saône-et-Loire,  Seine- 
et-Marne),  Châtenay  ou  le  Châtenay  (Ain,  Drôme,  etc.),  Châte- 
net  ou  le  Châtenet  (Charente,  Corrèze,  Haute- Vienne). 

619.  Cerasetum,  en  bas-latin  Cersetum  ou  Cersitum,  de 
cerasus,  <(  cerisier  »>  :  Cerçay  (Côte-d'Or,  Loir-et-Cher,  Seine- 
et-Oise),  Cersay  (Deux-Sèvres). 

620.  Coryletum,  à  l'époque  franque  Colritum  ou  Cohi- 
dum,  de  corylus,  «  coudrier  »  :  Coiroy  (V'osges),  Corry 
(Loiret,  Marne),  Cauroy  (Ardennes,  Marne),  Cauroir  (Nord). 

621.  Eagetum,  de  fagus,  u  hêtre  »  :  Faget  ou  le  Faget 
(Dordogne,  Gers,  Haute-Garonne,  Lot,  Lot-et-Garonne,  Basses- 
Pyrénées,  Savoie),  Haget  (Gers,  Landes,  Lot-et-Garonne, 
Basses-Pyrénées,  Hautes-Pyrénées),  Fayet  (Aisne,  Aveyron, 
Puy-de-Dôme,  etc.). 

622.  Fraxinetum,  de  fraxinus,  «  frêne  »  :  Frayssinet  (Lot), 
Freycenet  (Haute-Loire),  Freychenet  (Ariège),  Freyssenet 
(Ardèche),  et  en  pays  de  langue  d'oïl,  les  noms  si  fréquents  de 
Fresnoy,  Fresnois,  Fresnay,  Fresnai,  Fresnais,  Frenoy,  Freney 
et  Frenay. 

628.  Nucetum,  de  nux  ((  noyer  »  :  Noisy  (Seine,  Seine-et- 
Marne,  Seine-et-Oise),  qui  a  pour  diminutifs  Noisiel  et  Noiseau 
(Seine-et-Marne) . 

624.  Pinetum,  de  pinus,  «  pin  »  :  Pinay  (Loire).  Pinet 
(Nièvre). 


HiO  LES     NOMS     DE    LIEU 

625.  Prunetum,  à  l'époque  mérovingienne  Prunidum,  de 
prunus,  «  prunier  »  :  Prunoy  (Yonne),  Prunay  (Aube,  Eure-et- 
Loir,  Loir-et-Cher,  Marne,  Seine-et-Oise),  Prunet  (Allier, 
Ardèche,  Cantal,  Haute-Loire,  Lozère.  Pyrénées-Orientales), 
Pournoy  (Moselle). 

626.  Roboretum,  derobur,  «  rouvre  »  :  Rouvroy.  Rouvrois, 
Rouvray,  et,  en  pays  de  langue  d'oc,  Rouret  Gard),  le  Rouret 
(Alpes-Maritimes) . 

627.  Salicetum,  de  salix,  «  saule  »  :  Saulcy  (xAube, 
Vosges),  le  Saulcy  (Vosges),  Sauchy  (Pas-de-Calais),  le  Saussoy 
(Seine-et-Marne,  Yonne),  Saussay  et  le  Saussay  (FAire,  Eure-et- 
Loir,  etc.),  Saulchoy  (Oise,  Pas-de-Calais,  Somme),  Saulcet 
(Allier),  Sauzet  Aveyron),  Saulzais  (Cher),  Saulzet  (Allier, 
Puy-de-Dôme). 

628.  Sabucetum,  pour  Sambucetum,  de  sambucus, 
((  sureau  »,  est  probablement  l'origine  de  quelqu'un  des  vocables 
Sucy  fSeine-et-Marne,  Seine-et-Oisej,  Suzy  (Aisne),  Souchez 
(Pas-de-Calais). 

629.  Spinetum,  de  spina,  «  épine  »  :  Epinoy  (Nord,  Oise, 
Pas-de-Calais),  l'Épinoy  (Loiret,  Pas-de-Calais),  Lespinoy  (Pas- 
de-Calais)  ;  enfin  Epinay  ou  TEpinay,  vocable  très  répandu, 
mais  qui  cependant,  en  ce  qui  concerne  Epinay -sur-Seine  (Seine), 
et  Épinay-sar-Orffe  (Seine-et-Oise),  représente  une  forme  assour- 
die à'Epineil,  qui  vient  du  synonyme  gallo-romain  de  spinetum, 
s  p  i  n  o  i  a  1  u  m . 

630.  Tilietum,  de  tilia,  «  tilleul»  :  Tilloy,  Thillois,  Tillay, 
Theillay,  Teillay,  Teillet  et  Teilhet,  vocables  très  fréquents. 

631.  Tremuietum,  du  qualificatif  de  populus  tremula, 
«  tremble  »  :  le  Tranloy  (Oise),  le  Transloy  (Nord,  Pas-de- 
(^alaisj,  Tranlay  (Somme),  et  les  noms  de  lieu  si  communs, 
Tremblois,  le  Tremblois,  Tremblay,  le  Tremblay. 

632.  L'imelum,  de  ulmus,  »  orme  »  :  Ulmoy  (Marne), 
Ormoy  (Eure-et-Loir,  Haute-Marne,  Oise,  Haute-Saône,  Seine- 
et-Oise,  Yonne),  Osmoy  (Cher,  Eure,  Eure-et-Loir,  Seine-et- 
(Jise,  Seine-Inférieurcy,  Ommoi  (Orne). 

633.  Vernetum,  du  nom  gaulois  de  l'aune,  <|ui  a  i)ersislé  : 
Vernoy  Yoime),  Vernois  (Côte-d'Or,  Doubs,  Haute-Saône),  le 
Vernois  (Côte-d'Or,  Doubs,  Jura),  le  Vemet  (Hasses-Alpes, 
Ariège,  Haute-Garonne,  Haute-Loire,  Puy-de-Dôme,  Pyrénées- 
Orientales). 


ORIGINES    ROMAINES    :    ARIîRES  161 

La  longue  énumération  qui  précède  ne  comprend  qu'une  partie 
des  noms  de  lieu  de  France,  pouvant  remonter  à  l'époque 
romaine,  qui  sont  empruntés  au  rè^ne  végétal.  D'autres  con- 
sistent dans  les  noms  mêmes  des  arbres,  employés  sans  aucun 
suffixe  : 

634.  Alnus  dé.signe  dans  un  diplôme  de  Charles  le  Chauve 
une  localité  voisine  de  Nogent-sur-Seine  qu'on  ne  peut  plus 
identifier  ;  ce  mot  est  l'origine  du  nom  de  Laulne  (Manche). 

635.  Carpinus  :  Charmes  (Aisne,  Allier,  Ardèche,  Côte- 
d'Or,  Drùme,  Haute-Marne,  Haute-Saône,  Vosges),  la  Charme 
(Jura),  le  Charme  (Loiret). 

636.  Casnus  :  Chanes  (Saône-et-Loire),  le  Chêne  (Aube),  le 
Chesne  (Ardennes,  Eure),  le  Quesne  (Somme),  Casse  (Lot-et- 
Garonne)  ;  cette  dernière  forme,  plus  rare,  est  l'origine  des  noms 
de  famille  Ducasse  et  Delcassé. 

637.  Corylus  :  la  Caure  (Marne'i,  Caulre,  la  Caulre  (Meurthe- 
et-Moselle),  et  peut-être  Corre  (Haute-Saône). 

638.  Fagus  :  Fay  (Aube,  Drôme,  Loire-Inférieure,  Loiret, 
Oise,  Sarthe,  Somme);  Fai  (Orne),  le  Fay  (Saône-et-Loire),  Faux 
(Ardennes,  Aube,  Creuse,  Dordogne,  Marne),  Faulx  (Meurthe- 
et-Moselle),  le  Faux  (Pas-de-Calais). 

639.  Fraxinus  :  Fraysse  (Dordogne),  Fraisse  (Hérault, 
Loire),  Fraisnes  (Meurthe-et-Moselle),  Fresne  Côte-d'Or,  Eure, 
Seine-Inférieure;,  le  Fresne  (Calvados,  Eure,  Manche,  Marne), 
Fresnes  (Aisne,  Loir-et-Cher,  Marne,  Haute-Marne,  Meuse, 
Nord,  Oise,  Pas-de-Calais,  Seine,  Seine-et-Marne,  Somme), 
Frênes  lOrne),  Frasne  (Doubs,  Jura,  Haute-Saône). 

640.  Pinus  :  Pin  (Haute-Saône),  le  Pin  (Allier,  Calvados, 
Charente-Inférieure,  Gard,  Haute-Garonne,  Indre,  Isère,  Jura, 
Loire -Inférieure,  Seine-et-Marne,  Deùx-Sèvres,  Tarn-et- 
Garonnej. 

641.  Robur  :  Reuves  (Marne),  Rouvre  (Deux-Sèvres), 
Rouvres  (Aube,  Calvados,  Côte-d"Or,  Eurp-et-Loir,  Indre,  Loi- 
ret, Haute-Marne,  Meuse,  Oise,  Seine-et-Marne,  Vosges),  Roure 
(Alpes-Maritimes) . 

642.  Salix  :  Saulx  (Côte-d'Or,  Meuse,  Haute-Saône,  Seine-et- 
Oise)  ;  parfois  employé,  comme  nom  d'écart,  Saulx  est  précédé  de 
l'article  la,  conservant  le  genre  (ju'avait  salix  en  latin;  il 
résulte  de  là  que  le  nom  de  lieu  dit   Fonlaine  de  la  Saulx,  tra- 

Les  noms  de  lieu.  Il 


162  ■     LES    NOMS     DE    LIEU 

duisant  le  latin   t'ons   salie is,  est  souvent  écrit  «   Fontaine  de 
l'Assault  ». 

643.  Spina  :  l'Épine  (Hautes- Alpes,  Marne,  Pas-de-Calais). 

644.  Tilia  :  Thil  (Ain,  Aube,  Gôte-dOr,  Haute-Garonne, 
Marne,  Meurthe-et-Moselle,  Saône-et-Loire,  Seine-Inférieure), 
le  Thil  I  Eure.  Seine-Inférieure),  Theil  Charente,  Yonne),  le 
Theil  (Allier,  Calvados,  Eure,  lUe-et- Vilaine,  Manche,  Orne),  le 
Teil  Ardèche). 

645.  Ulmus  :  Olmes  (Aveyron),  les  Olmes  (Rhône),  Oulmes 
(Vendée),  Ormes  i^Aube,  Eure,  Loiret,  Vlarne,  Meurthe-et- 
Moselle,  Saône-et-Loire),  l'Homme  (Sarthe),  THoume  (Charente), 
Oms  (Pyrénées-Orientales),  Omps  (Cantal),  Homps  (Aude),  sont 
à  rapprocher  du  nom  de  famille  Delzons,  forme  auvergnate  de 
Désarmes. 

646.  La  plupart  des  arbres  étaient  désig-nés  dans  la  langue 
vulgaire  du  moyen  âge  sous  deux  formes  différentes,  lune 
simple,  comme  houle,  charme,  chêne,  corre,  fay,  fresne,  pin, 
rouvre,  thil,  orme,  l'autre  dérivée  à  l'aide  d'une  terminaison 
diminutive —  bouleau,  charmel,  chesneau,  caurel,  fayel,  fresnel, 
pinel,  rouvrel,  tilleul,  ormel  —  qui  d'ailleurs  n'impliquait 
aucune  idée  de  petitesse  ou  de  jeunesse,  mais  dans  laquelle  il  ne 
faut  voir  qu'une  manifestation  de  la  tendance  à  allonger  les  mots 
monosyllabi(jues.  Toutes  ces  formes  dérivées  ont  donné  nais- 
sance à  des  noms  de  lieu  qu'on  s'abstiendra  d'énumérer  ici,  car 
il  est  peu  probable  qu  ils  soient  antérieurs  au  moyen  âge. 

647.  Il  est  plus  légitime  de  classer  parmi  les  noms  de  lieu 
d'origine  romaine  ceux  qui  présentent  un  nom  d'arbre  combiné 
avec  un  adjectif,  soit  numéral,  soit  qualificatif  :  certains  perpé- 
tuent le  souvenir  d'un  ou  de  plusieurs  arbres  remarqués  par  nos 
lointains  ancêtres  qui  les  avaient  parfois  divinisés,  témoin  le  nom 
du  dieu  Sex  arbores,  que  mentionne  une  inscription  votive.  Un 
relais  de  poste  voisin  de  Bo/as  portait  le  nom  de  Très  Arbores. 
Le  nom  de  Se/)tauhres,  qui  désignait  une  localité  du  Limousin,  a 
pour  équivalent  les  Sept-Arbres  'Tarn-ct-Caronne).  et  on  m 
rapprochera  Cinq-Albres  (  Lol-et-Caroiuie  . 

\  oici  (juchiuos  vocables  géograpliicjucs  ayant  pour  second 
terme  un  nom  d'iiibro. 


ORIGINES    ROMAINES    :    ARBRES  163 

648.  Beauchêne  (Loir-et-Cher,  Orne),  de  Bellus  Gasnus;  le 
Torquesne  (Calvados),  de  Tortus  casnus  ;  Tortequenne  (Pas- 
de-Calais),  équivalent  du  précédent,  mais  particulièrement  inté- 
ressant parce  qu'on  y  voit  casnus  pris  au  féminin  comme  la 
plupart  des  noms  d'arbres,   dont  le  latin  quercus. 

649.  Gros-Chastang  'Corrèze),  du  bas-latin  Grossus  Casta- 
neus  :  le  latin  classique  eût  réclamé  Grossa  Castanea. 

650.  Beaufai  (Orne),  Beaufay  (Sarthe),  Beaufou  (Vendée),  de 
Bellus  Fag-us;  Torfou  (Maine-et-Loire,  Seine-et-Oise),  de  Tor- 
tus Fagus;  Trefols  (Marne),  de  Très  Fagi. 

651.  Grosrouvres  (Meurthe-et-Moselle),  de  Grossum  Robur  ; 
Tourouvre  (Orne),  de  Tortum  Robur  ;  Silvarouvre  (Haute- 
Marne),  jadis  Soiwainrouvre,  appelé  en  877  Sopinum  Robur 
pour  Supinum  Robur.  Dans  Sècherouvre  (Orne),  cest-à-dire 
«  le  rouvre  desséché  »,  on  voit  le  genre  féminin  attribué  à  un 
nom  d'arbre,  qui,  par  exception,  est  neutre  en  latin. 

652.  Septsaulx  (Marne),  de  Septem  Salices;  Séchault 
(Ardennes),  de  Siccus  Salix. 

653.  Le  Gros-Theil  (Eure),  c'est-à-dire  «  le  gros  tilleul  ». 

654.  Lancôme  (Loir-et-Cher),  de  Long- us  Ulmus. 

655.  C'est  de  la  même  manière  qu'a  été  formé,  vraisemblable- 
ment dans  la  première  moitié  du  moyen  âge,  le  nom  de  Long- 
perrier  (Seine-et-Marne),  sur  Longus  Pirarius,  <(  le  grand 
poirier  ». 

Il  faut  encore  sans  doute  reporter  à  l'époque  romaine  les 
noms  de  lieu  qui  représentent  des  adjectifs  latins  formés  sur  des 
noms  d'arbres  et  qui,  suivant  toute  apparence,  ont  été  d'abord 
employés  substantivement  dans  le  langage  populaire  à  titre  de 
collectifs  pour  lesquels  la  forme  féminine  a  généralement  pré- 
valu. 

Une  des  catégories  de  ces  collectifs  présentait  la  terminaison 
-ea. 

656.  Buxea  :  Boisse  (Dordogne),  la  Boisse  (Ain),  Boësse 
(Deux-Sèvres),  Boesses  (Loiret),  Bouesse  (Indre),  la  Bouesse 
(Allier,  Vienne). 

657.  F  âge  a  :  la  Fage  (Aude,  Corrèze,  Lozère),  Fage  (Allier), 
Fages  (Aude,  Cantal,  Dordogne,  Lot,  Pyrénées-Orientales),  Faye 
(Indre-et-Loire,  Jura,  Loir-et-Cher,  Maine-et-Loire,  Doux- 
Sèvres),  la  Faye  (Allier,  Hautes-Alpes,  etc.). 


164  LES    NOMS    DE    LIEU 

658.  Fraxinea  :  Fraissigne  (Creuse),  Frayssinhes  (Lot), 
Fraissines  (Tarn),  Fressigne  (Creuse),  Fressines  (Deux-Sèvres). 

659.  Salie ea  ou  plutôt  Salcea  :  Saulce  (Drôme),  la  Saulce 
(Hautes- Alpes),   Saulces    (Ardennes),    Sausses  (Basses- Alpes). 

—  Diminutif  :  la  Saulsotte  (Aube). 

660.  Tremulea  :  Trémouille  (Cantal,  Puy-de-Dôme),  la  Tré- 
mouille  (Dordogne,  Haute-Vienne),  TrémouiUes  (Aveyron),  la 
Trimouille  (Vienne). 

La  désinence  latine  -ea  a  été  combinée  aussi  avec  des  noms 
d'arbres  appartenant  à  des  langues  parlées  en  Gaule  antérieure- 
ment à  la  conquête  romaine. 

661.  Cassanea,  formé  sur  un  nom  antéromain  du  chêne,  qui 
s'est  conservé  dans  les  provinces  du  centre  sous  les  formes  cassan 
ou  chassan  :  Cassaigne  (Gers),  la  Cassaigne  et  Cassaignes 
(Aude),  Cassagne  (Haute-Garonne),  Gassagnes  (Aveyron,  Lot, 
Pyrénées-Orientales),  et  le  diminutif  Gassagnoles  (Gard,  Hérault)  ; 
Chassagne  (Côte-d'Or,  Doubs,  Haute-Loire,  Puy-de-Dôme), 
Chassagnes  Ardèche),  la  Chassagne  (Jura,  Rhône),  Chas- 
saignes  (Dordogne),  Chasseigne  (Cher,  Nièvre,  Vienne). 

662.  Vernea,  formé  sur  le  nom  gaulois  de  l'aune  :  la  Vergne 
(Charente-Inférieure,  etc.). 

Sur  les  noms  d'arbres  également  ont  été  formés  des  fréquen- 
tatifs en  -osus,  -osa,  qui  sont  devenus  noms  de  lieu. 

663.  BetuUosa  :  Bouleuse  (Marne),  la  Boulouze  (Manche). 

664.  Cas  sa  ni  osa  :  Cassaniouze  (Cantal). 

665.  Fraxinosa  :  Freneuse  (Kure,  Seine-et-Oise,  Seine-Infé- 
ricun;).  —  Fraxinosus  :  Frayssinous  (Aveyron,  Tarn). 

666.  Saliceosus  :  Sausseux  (Eure-et-Loir).  —  Sausseuze- 
mare  (Seine-Inférieure)  représente  un  bas-la  tinSaliceosa  Mara. 

667.  Spinosa  :  Épineuse  (Oise),  Épinouze  (Drôme).  —  Spino- 
sus  :  Épineux  (Mayenne). 

668.  Tiliosa  :  Thilouze  (Indre-et-Loire).  —  Tiliosus  :  Thil- 
loux  'Indre),  TeiUoux  (Creuse),  les  Teilloux  (Puy-de-Dôme). 

669.  Vernosa  :  Vernouze  (.Viu;,Lavernose  (Haute-Garonne). 

—  Ver n osus  :  Vernoux  (Ain). 


XXXVII 

AUTRES    USAGRS    DES    SUFFIXES    -ETUM  ET    -OSUS 

Les  suffixes  -etum,  -osus  et  -osa  ont  été  combinés  non  seu- 
lement, comme  on  vient  de  le  voir,  avec  des  noms  d'arbres,  mais 
encore  avec  des  noms  de  plantes,  et  même  avec  des  mots  étran- 
gers à  la  nomenclature  végétale. 

670.  Sinapetum,  véritable  synonyme  de  Sinaparia  :  Sen- 
nevoy  (Yonne). 

671.  Ginestetum  :  Ginestet  (Dordogne),  et  ses  équivalents 
plus  modernes  Genetay,  le  Genetay. 

672.  Juniperetum  :  Genevrey  (Haute-Saône),  qui  a  pour 
équivalent  féminin  la  Genevroye  (Haute-Marne), 

673.  Fon  tan  etum,  formé  sur  l'adjectif  fontana,  auprès 
duquel  on  sous-entendait  aqua,  et  qui  a  été  ensuite,  et  dès 
l'époque  romaine,  pris  substantivement  :  Fontenoy  (Aisne, 
Meurthe-et-Moselle,  Vosges,  Yonne),  Fontenay  (Aube,  Calva- 
dos, etc.),  Fontanet  (Lot,  Lot-et-Garonne,  Puy-de-Dôme). 

674.  Ginestosa:Ia  Genetouze  (Charente-Inférieure,  Vendée), 
la  Geneytouze  (Haute-Vienne).  —  Ginestosus  :  Ginestous 
(Hérault,  Tarn,  Tarn-et-Garonne),  GinestOUX  (Aveyron). 

675.  Lut  osa,  c'est-à-dire  «  la  boueuse  »  :  Louze  (Haute- 
Marne),  Louzes  (Sarthe),  Leuze  (Aisne  et,  enBelgique,  Hainautet 
province  de  Namur). 

676.  B  rai  os  a,  synonyme  de  Lutosa,  formé  sur  un  mot  anté- 
romain  qui  s'est  conservé  dans  le  français  du  moyen  âge  sous  la 
forme  hi^ai  :  Briouze  (Orne). 

677.  Argillosa,  désignant  un  lieu  argileux  :  Argelouse 
(Landes).   —  Argillosus  :  Argelos  (Landes,  Basses-Pyrénées). 

678.  Petrosa,  c'est-à-dire  «  lieu  pierreux,  rocheux  »  : 
Peyrouse  (Hautes-Pyrénées),  la  Peyrouse  (Gironde,  Puy-de- 
Dôme,  etc.),  la  Péreuse  (Ardennes,  Charente).  —  Petrosus  : 
Peyroux,  fréquent  en  Auvergne,  en  Limousin  et  dans  le  voisi- 
nage. 


1()6  LES    NOMS    DE    LIEUX 

Parfois  les  adjectifs  en  -osus  ont  formé  des  noms  de  lieu  par 
combinaison  avec  des  noms  communs. 

679.  Fons  petrosa  :  Fontpédrouse  (Pyrénées-Orientales). 

680.  Petrosa  Villa  :  Preuseville  (Seine-Inférieure). 

681.  Vadum  petrosum  :  Voipreux  (Marne),  Guipereux 
(Seine-et-Oise),  le  Guéperoux  (Manche). 

682.  Fons  juncosa,  c'est-à-dire  «  source  environnée  de 
joncs  »  :  Fontjoncouse  (Aude),  à  rapprocher,  au  point  de  vue  de 
la  formation,  de  la  Loge-Fougereuse  (Vendée). 


XXXVIII 
FORÊTS 

683.  Le  mot  latin  silva,  «  forêt,  bois  »,  a  produit  les  noms  de 
lieu  suivants  :  la  Selve  (i\isne,  Aveyron),  Selves  (Aveyron,  Can- 
tal), la  Serve  (Ain,  Jura,  Loire,  Puy-de-Dôme,  Rhône),  la  Sauve 
(Nièvre)  ;  mais  en  raison  de  ce  que  les  mots  selve^  serve,  sauve 
ont  été  employés  comme  noms  communs  avec  le  sens  du  latin 
silva  dans  le  langage  de  plusieurs  de  nos  provinces  au  moyen  âge, 
et  plus  tard  encore,  il  se  peut  que  tel  de  ces  noms  de  lieu  ne 
remonte  pas  nécessairement  à  l'époque  romaine. 

Silva  a  été  employé  en  composition,  témoin  les  exemples  sui- 
vants  : 

684.  Plana  Silva  :  Pleine-Selve  (Aisne,  Gironde),  Pleine- 
Sève  (Seine-Inférieure),  Pleines-Œuvres  (Calvados),  pour 
Pleineseuve,  Pleinesserve  (Haute -Savoie).  La  disposition  inverse 
des  deux  éléments  de  ce  nom  a  produit  Sauveplane  (Aveyron, 
Lozère). 

685.  Dianae  Silva  est,  on  le  rappelle  (cf.  n°  459),  l'origine 
du  nom  de  la  région  forestière  à  laquelle  Villiers-en-Désce\rfTe 
(Eure)  doit  son  surnom. 

686.  Grossa  Silva  :  Grossœuvre  (Eure). 

687.  Les  trois  noms  composés  Plana  Silva,  Dianae  Silva 
et  Grossa  Silva  remontent  très  probablement  à  l'époque 
romaine;  on  ne  peut  être  aussi  affirmatif  au  sujet  de  Silva  plan- 
tata  et  de  Mansus  Silvae,  thèmes  étymologiques  de  Sauve- 
plantade  (Ardèche),  et  de  Masseube  (Gers). 

688.  Le  mot  latin  lucus,  qui  était  à  peu  près  synonyme  de 
silva,  mais  désignait,  semble-t-il,  un  bois  ou  une  forêt  de 
moindre  dimension,  était  peut-être  plus  fréquemment  employé 
que  le  mot  silva  comme  nom  de  lieu  à  l'époque  romaine  :  du 
moins  l'Itinéraire  d'Antonin,  qui  n'indique  aucune  station  appe- 
lée Silva,  en  fait  connaître  trois  du  nom  de  Lucus,  situées  res- 
pectivement   en  Gaule,    en   Italie  et  en   Espagne.  Le   Lucus  de 


168  LES    NOMS     DE    LIEU 

Gaule  est  aujourd'hui  Lnc-en-Diois  (Drôme),  et  celui  d'Espagne 
se  nomme  actuellement  Lugo. 

689.  On  peut  induire  de  là  que  lucus  est  l'orig-ine  des  noms 
de  lieu  Luc  (Aude,  Aveyron,  Calvados,  Drôme,  Basses-Pyré- 
nées), Lucq  (Basses-Pyrénées)  et  le  Luc  (Var). 

690.  En  admettant  —  ce  qu'autorise  au  moins  une  des 
formes  anciennes  du  nom  de  Luc-sur-Mer  (Calvados)  —  l'as- 
sourdissement du  c  étymologique,  on  peut  attribuer  la  même 
origine  au  nom  de  Lu  (Seine-et-Oise)  et  à  celui  du  bois  de  Lhu 
(Aisne). 

Dans  les  noms  composés  dont  le  thème  étymologique  pré- 
sente lucus  comme  second  terme,  le  c  s'est  également  assourdi  : 

691.  Grandlup  (Aisne),  appelé  au  xii'' siècle  Granlu  et  Grantlu, 
représentant  Grand'is  Lucus. 

692.  Grolu  (Savoie),  de  Grossus  Lucus,  «  bois  épais  ». 

693.  Nélu  (Eure-et-Loir),  vraisemblablement  de  Niger 
Lucus. 

694.  OrlufAriège,  Eure-et-Loir),  Orluc  (Corrèze),  Orlut  (Cha- 
rente), du  latin  Aureus  Lucus. 

695.  Velu  (Pas-de-Calais),  "Veslud  (Aisne),  qui  pourraient 
bien  venir  de  Vetatus  Lucus,  expression  synonyme  de 
((  garenne  ». 

696.  Il  est  permis  de  ranger  dans  la  même  catégorie,  sans  qu'on 
puisse  en  déterminer  sûrement  le  premier  terme,  les  noms  sui- 
vants :  Andelu  (Seine-et-Oise),  Banthelu  (Seine-et-Oise),  Dolus 
(Charente -Inférieure),  Gandelu  (Aisne)  —  Wandeluz  au 
xfi"  siècle,  Gandelucus  au  xiii*'  —  Ramoulu  (Loiret)  et  Retolu 
fSeine-et-Oise). 

697.  Lucus  apparaît  comme  premier  terme  de  l'appellation 
Lucus  plantatus,  sous  laquelle  une  charte  de  1206  désigne 
Luplanté  (Eure-et-Loir),  synonyme  de  Sauveplantade. 


XXXIX 

COURS     D'EAU 

698.  De  tout  temps,  dans  notre  pays,  des  noms  de  lieu  ont  été 
formés  sur  des  noms  de  cours  d'eau.  Les  villes  g-auloises 
d'Avaricum,  aujourd'hui  Bourges,  et  d'Autricum,  aujourd'hui 
Chartres,  devaient  leurs  noms  aux  rivières  qui  les  arrosent, 
l'Yèvre,  Avara,  et  l'Eure,  Autura.  Le  nom  de  Thouars  (Deux- 
Sèvres),  ville  située  sur  le  Thouet,  Toaris,  était  sans  doute  à 
l'orig-ine,  par  une  construction  analogue,  Toaricum,  témoin 
l'appellation  latine  du  territoire  de  Thouars,  pag-us  Toarcensis. 
Par  un  procédé  différent,  le  nom  de  Nevers,  Ni  vernis,  a  été 
formé  sur  celui  de  la  Nièvre. 

699. Ce  sont  là  des  noms  antéromains  ou  celtiques  ;  et  l'on  a 
rencontré  précédemment  des  noms  de  lieu  résultant  de  la  combi- 
naison de  noms  de  rivières  avec  les  mots,  celtiques  aussi,  hriva 
(n°  98),  mac/os  (n°  92),  duros  (n°  73).  On  peut  attribuer  une  ori- 
gine non  moins  ancienne  au  nom  deChacrise  (Aisne),  au  x*^  siècle 
Garcarisia,  village  situé  sur  la  Grise,  sans  pouvoir  toutefois 
expliquer  d'une  manière  certaine  la  première  partie  de  ce  nom. 

Par  contre,  c'est  à  l'époque  romaine  qu'il  faut  rapporter  les 
noms,  eux  aussi  étudiés  déjà,  qui  résultent  de  la  combinaison  de 
noms  de  rivières  avec  le  mot  latin  vicus,  «  bourg  »  :  Vibraye, 
Visseiche,  Vivonne,  Blévy,  Dennevy,  Meuvy. 

Le  mot  pons  a  été  parfois  associé  —  tel,  à  l'époque  gauloise, 
on  l'a  vu,  le  mot  Lriva  —  à  un  nom  de  rivière. 

700.  Pons  Isarae  est  le  thème  étymologique  du  nom  de 
Pontoise  (Oise,  Seine-et-Oise)  appliqué  à  deux  localités  situées 
sur  l'Oise,  l'une  au  passage  de  la  voie  de  Soissons  à  Amiens, 
l'autre  au  passage  de  celle  de  Paris  à  Rouen  ;  toutes  deux  sont 
mentionnées  dans  les  documents  itinéraires  de  l'époque  romaine, 
la  première  sous  la  simple  appellation  delà  rivière,  Isara,  la  se- 
conde sous  le  vocable  Briva  Isara,  équivalent  gaulois  de  Pons 
Isarae. 


170  -       LES    NOMS    DE    LIEU 

701.  Pons  Dubis,  l'une  des  stations,  d'après  la  Table  de 
Peuting-er,  de  la  voie  de  Besançon  à  Chalon-sur-Saône,  est 
aujourd'hui  PontOUX  (Saône-et-Loire),  village  situé  au  point  où 
cette  voie  traversait  le  Doubs,  Dubis. 

702.  Le  Pons  Se  al  dis  que  l'Itinéraire  d'Antonin  et  la  Table 
de  Peutinger  placent  sur  la  voie  de  Bavai  à  Tournai,  est  actuel- 
lement, moyennant  le  renversement  des  termes,  Escaupont 
(Nord)  :  c'est  là  que  cette  voie  franchissait  l'Escaut,  Se  al  dis. 

703.  Pons  Mucrae  n'apparaît  qu'au  moyen  âge  pour  désigner 
une  localité  située  sur  le  Grand-Morin,  en  latin  Muera  ou 
Mogra,  sans  doute  au  passage  dune  voie  romaine  se  dirigeant 
de  Meaux  vers  Troyes  :  le  nom  de  cette  localité  est  devenu  Pom- 
meure,  puis,  par  le  changement  d'r  en  s,  souvent  constaté  au 
XYi"  siècle,  Pommeuse  (Seine-et-Marne). 

704.  Les  noms  de  Pontrieux  (Gôtes-du-Nord),  sur  le  Trieux, 
et  de  Rennepont  (Haute-Marne),  sur  la  Renne,  sont  de  même 
formation  que  ceux  de  Pantoise,  de  Pontoux,  d'Escaupont  et  de 
Pommeuse  :  on  n'ose  toutefois  leur  attribuer  une  origine  aussi 
ancienne. 

705.  Il  va  sans  dire  que  les  noms  de  lieu  dont  le  mot  pont  est 
un  des  éléments  ViC  renferment  pas  tous  un  nom  de  rivière. 
Ainsi,  au  moyen  âge  on  a  parfois,  pour  former  des  noms  de  lieu, 
combiné  ce  mot  avec  des  noms  de  personne  :  Ponthévrard  (Seine- 
et-Oise),  Pons  Eberhardi  ;  Pont-Hemy  (^Somme),  Pons 
Remigii  ;  Porrcnlruy  (Suisse,  canton  de  Bàle),  Pons  Ragne- 
trudis.  Il  apparaît  aussi  en  composition  avec  un  adjectif,  et  les 
noms  ainsi  formés  peuvent  remonter  à  l'époque  romaine  ;  on  les 
trouve  du  moins  mentionnés  dans  des  textes  appartenant  au  début 
du  moyen  âge  :  tel  par  exemple  Pons  petreus,  qui  dans  Grégoire 
de  Tours,  désigne  Pompierre  f Vosges),  et  qui  est  également  le 
thème  étymologique  tU's  noms  de  Pompierre  Doubs,  Seine-et- 
Marne),  de  Pontpierre  (Ardèche,  Indre-et-Loire,  Loiret)  et  de 
Pompières  (  Aisne  i.  Pierrepont  (Aisne,  Ardennes,  Calvados, 
Maiiclie,  Mcurlhe-et-Mosellc,  Oise,  Somme,  A'osge.s)  offre  la 
disposition  inverse  des  deux  termes.  Ces  divers  noms  de  lieu  ont 
un  .synonyme  hilin  de  forme  plus  classique  dans  Pons  lapideus, 
aujourd'hui  Pontlevoy  (Loir-et-Cher). 


ORIGINES    ROMAINES    I    COURS    d'eAU  171 

Plusieurs  localités  portent  un  nom  rappelant  leur  situation  à 
la  source  d'un  cours  d'eau. 

706.  Tantôt  le  nom  de  celui-ci  est  combiné  avec  le  mot  latin 
fons,  ((  source  »,  par  exemple  dans  le  nom  de  Fonsommes 
(Aisne),  Fons  Sommae  ;  dans  celui  de  Fontvannes  (Aube), 
Fons  Vannae;  dans  celui  de  Fouvent-^e-i?as  et  de  Fouvent-/e- 
Haut  (Haute-Saône)  situés  vers  la  source  d'un  affluent  de  la 
Saône  appelé  le  Vannon.  Fons  Lagnis  désigne,  dans  un  texte 
de  632,  une  localité  qui  ne  porte  plus  maintenant  que  le  nom  de 
l'afïluent  de  la  Seine  qui  y  prend  naissance  :  Laignes  (Côte-d'Or). 

707.  Tantôt  fons  est  remplacé  par  caput  :  de  Caput  Vul- 
tumnae  vient  le  nom  de  Chef-Boutonne  (Deux-Sèvres).  Caput 
a  d'ailleurs  le  sens  d'  «  extrémité  »  plutôt  que  celui  d'  «  origine  »  : 
en  effet  Caput  Droti  est  le  thème  étymologique,  non  seulement 
du  nom  de  Gapdrot  (Qordogne),  à  la  source  du  Drot,  mais  encore 
de  celui  de  Caudrot  (Gironde),  au  confluent  de  cette  rivière  et  de 
la  Garonne. 

708.  Mais  dans  la  majeure  partie  des  cas  le  nom  de  la  rivière 
est  combiné  avec  l'adjectif  latin  summus,  qui  désigne  ainsi  le 
point  le  plus  élevé  du  cours  de  cette  rivière.  Les  noms  de  lieu  de 
cette  formation  sont  pour  la  plupart  groupés  vers  les  confins 
de  la  Champagne  et  de  la  Lorraine,  et  telle  en  est  la  fréquence 
relative  en  cette  région,  qu'un  érudit  champenois  du  xviii®  siècle, 
Grosley,  a  cru  voir  dans  soin  ou  somme  un  mot  du  langage 
troyen  qui  aurait  eu  le  sens  de  <(  source  »  :  c'était  méconnaître  la 
véritaiile  origine  de  ce  membre  initial  du  nom  de  nombreux  vil- 
lages, sur  laquelle  aucun  doute  n'est  maintenant  possible.  Les 
vocables  dont  il  s'agit  vont  être  énumérés  selon  leur  ordre  alpha- 
bétique, plutôt  que  selon  celui  de  leurs  formes  originelles,  qu'on 
est  loin  de  connaître  toutes. 

709.  Soinloire  (Maine-et-Loire),  vers  la  source  du  Louère  — 
écrit  souvent  VOuère  —  affluent  de  l'Argenton.  La  première 
syllabe  de  ce  nom,  Soin,  représente  le  latin  summus,  qui  s'ac- 
corde avec  le  nom,  masculin,  de  la  rivière. 

710.  Sommaisne  (Meuse),  Summa  Axona,  à  la  source  de 
l'Aisne. 

711.  Sommauthe  (Ardennes),  Summa  Altéra,  à  la  source  de 
TAuthe,  affluent  de  la  Bar. 

712.  Somme-Bionne  (Marne),  Summa  Hiunna,  à  la  source  de 
la  Bionne,  affluent  de  l'Aisne. 


172  LES     NOMS     DE    LIEU 

713.  Sommedieue  (Meuse),  Summa  Deva,  à  la  source  de 
la  Dieue,  affluent  de  la  Meuse. 

714.  Sommelans  (Aisne),  à  la  source  du  ru  d'Allan,  affluent 
de  rOurcq. 

715.  Sommelonne  (Meuse),  à  la  source  de  l'Ornelle,  affluent 
de  la  Marne  dont  le  nom  actuel  est  un  diminutif  du  nom  primitif 
Olomna,  par  lequel  fut  désignée,  à  son  orio^ine,  la  ville  de 
Sainf-Dlzie?'  (Haute-Marne). 

716.  Sommepy  (Marne),  à  la  source  du  Py,  affluent  de  la 
Suippe  ;  le  nom  correct  serait  Sompy  ;  on  a  dit  Sommepy  par 
analogie  avec  les  nombreux  noms  qui  commencent  par  somme. 

717.  Somsois  (Marne),  à  la  source  du  Sois,  affluent  du 
Meldançon. 

718.  Sommesarthe  (Orne),  Summa  Sarta,  à  la  source  de  la 
Sarthe. 

719.  Sommescaut  (Aisne),  à  la  source  de  l'Escaut. 

720.  Sommesous  (Marne),  Summa  Saltus,  à  la  source  de  la 
Sommesoude,  affluent  de  la  Marne,  dont  l'ancien  nom  était  Sovs. 

721.  Somme-Suippe  (Marne),  Summa  Soppia,  à  la  source 
de  la  Suippe,  affluent  de  l'Aisne. 

722.  Somme-Tourbe  (Marne),  Summa  Turba,  à  la  source  de 
la  Tourbe,  affluent  de  l'Aisne. 

723.  Sommevesle  (Marne),  Summa  Vidula,  h  la  source  de 
la  Vesle. 

724.  Somme  voire  (Haute-Marne),  Summa  Vigera,  à  la 
source  de  la  Voire,  affluent  de  l'Aube. 

725.  Somme-Yèvre  (Marne),  Summa  Evern,  à  la  source  de 
TYèvre,  affluent  de  l'Aisne. 

726.  Sompuis  (Marne),  Summus  Puteus,  à  la  source  du 
Puis,  affluent  de  l'Aube. 

A  ces  noms,  dans  lesquels  l'adjectif  laiin  est  aisément  recon- 
naissal)le,  il  faut  joindre  les  deux  suivants  : 

727.  Semide  (Ardennes),  à  la  source  de  l'Aidain.  primitive- 
incnl  Ai(](\  afduont  de  l'Aisne. 

728.  Souain  (Marne),  à  la  source  de  lAin,  affluent  de  la 
Suij^pc.  Sou-  est  évidemment  i)()ur  Som-,  Si  l'on  n'a  pas  dit 
Somain,  c'est  sans  doute  parce  que  le  nom  do  la  rivière  commen- 
çait jadis  par  une  aspiration. 


ORIGINES    ROMAINES   :    COURS    d'eaU  173 

729.  En  plus  d'un  cas,  tel  nom  de  rivière  a  désigné  une  des 
localités  riveraines,  la  plus  ancienne  peut-être.  Dès  l'époque 
romaine,  les  documents  itinéraires  mentionnent  plus  d'un  relais 
de  poste  qui,  situé  au  passag-e  d'un  cours  d'eau,  empruntait  à 
celui-ci  le  nom  sous  lequel  on  le  désignait  :  Axuenna,  du  nom 
de  l'Aisne;  Banesia,  du  nom  de  la  Baise;  Isara,  du  nom  de 
l'Oise  ;  Mosa,  du  nom  de  la  Meuse  ;  Odoana,  aujourd'hui  Ouanne 
(Yonne),  du  nom  de  l'Ouanne  ;  Sipia,  du  nom  de  la  Seiches; 
Vidubia,  du  nom  de  la  Vouge. 

730.  Au  point  de  vue  de  l'origine  on  peut  assimiler  à  ces  relais 
antiques  un  certain  nombre  de  localités  désignées  chacune  par 
le  nom  du  cours  d'eau  qui  l'arrose,  par  exemple  :  Alrance  (Avey- 
ron),  Altier  ('Lozère),  Amance  (Haute-Saône),  Ancre,  aujourd'hui 
Albert  (Somme),  Anille,  aujourd'hui  Saini-Calais  (Sarthe),  Ante 
(Marne),  Authe  (Ardennes),  Authies  (Somme),  Auve  (Marne), 
Barbuize  (Aube),  Beuvron  (Nièvre),  Bèze  fCôte-d'Or),  Bièvres 
(Seine-et-Oise  ,  B\aise-sous-Haufeville  (Marne),  Dives  (Calvados, 
Oise),  Doubs  (Doubs).  Essonnes  (Seine-et-Oise),  Gartempe 
(Creuse),  Mœurs  i  Marne),  sur  le  Grand-Morin,  jadis  Meure,  du 
latin  Muera.  Moivre  (Marne),  Morains  (Marne),  sur  le  Petit- 
Morin,  Reyssouze  (Ain),  Sommette  (xVisne),  sur  la  Somme, 
Suippes  (Marne),  Touques  (Calvados),  Vire  (Calvados),  "Vismes 
(Somme). 

De  ces  vocables  divers  la  transition  est  toute  naturelle  à  ceux 
qui  expriment  la  situation  des  localités  à  tel  ou  tel  point  du 
cours  des  rivières. 

731.  On  a  vu  qu'à  l'époque  celtique  certaines  localités  étaient 
désignées  par  le  mot  hriva,  équivalent  du  latin  pons.  Les  locali- 
tés dont  le  nom  français  Pont  dérive  de  ce  mot  latin  sont  bien 
plus  nombreuses,  de  sorte  qu'il  a  fallu  de  toute  nécessité  les  dis- 
tinguer entre  elles  par  des  surnoms  ;  on  se  dispensera  d'en  don- 
ner ici  lénumération. 

732.  Le  mot  Vadum  employé  seul  comme  nom  de  lieu  est, 
sans  parler  des  noms  modernes  le  Gué,  l'origine  des  noms  de 
'Wé  (Ardennes),  de  Wez  (Marne),  de  'WetZ  (Nord)  et  de  Vez 
(Oise).  Cette  dernière.localité  fut  le  chef-lieu  d'une  circonscription 
administrative,  le  pagus  Vadensis,  dont  le  nom,  devenu  fameux 
à  l'époque  féodale,  s'est  conservé  sous   la  forme  "Valois. 


174  LES    NOMS    DE    LIEU 

733.  Ces  formes  vulgaires  légèrement  dissemblables  du  mot 
latin  vadum,  et  qui,  pour  la  prononciation,  se  réduisent  à  vé  ou 
wé,  sont  spéciales  aux  pays  wallons,  à  la  Picardie  et  à  la  Cham- 
pagne, où  on  les  voit  aussi  entrer  en  composition  :  Regniowez, 
Renwez,  Maranwez  (Ardennes).  Parfois  elles  ont  subi  des  défor- 
mations qui  les  rendent  quelque  peu  méconnaissables.  Un 
Vadum  gallo-romain  ou  gallo-franc  est  devenuVoillecomte  (Haute- 
Marne),  par  suite  de  l'agglutination  au  nom  vulgaire  de  cette 
localité  d'un  surnom  du  xii^  siècle,  exprimant  qu'elle  appartenait 
au  domaine  d'un  comte,  le  comte  de  Champagne.  L'altération 
est  plus  grande  encore  dans  le  nom  moderne  du  lieu  que  des 
chartes  du  xii''  siècle  appellent  Vadum  Passonis,  nom  latin 
qui,  de  Woepasson  est  devenu  Vaupoisson  (Aube).  Un  autre 
composé  de  vadum  est  Vadum  petrosum,  dont  les  formes 
vulgaires  ont  été  énumérées  ci-dessus  (n**  681). 

734.  Le  mot  gaulois  condas  ou  condate  a  pour  équivalent  latin 
le  mot  pluriel  confluentes  qui,  dès  l'époque  romaine,  dési- 
gnait un  castrum  situé  au  confluent  de  la  Moselle  et  du  Rhin,  et 
qui  nest  autre  que  la  ville  actuelle  de  Coblenz  (Prusse  rhénane). 
Selon  les  régions  ce  nom  latin  Confluentes  a  subi  dans  la 
langue  vulgaire  des  altérations  diverses  :  Conflans  (Ain,  Drôme, 
Loiret,  Marne,  Meurthe-et-Moselle,  Haute-Saône,  Sarthe,  Seine, 
Seine-et-Oise),  Gonfolens  (Charente,  Haute-Vienne),  Confolent 
(Cantal,  Corrèze,  Haute-Loire,  Puy-de-Dôme),  Gonflent  (Corrèze), 
Gouffoulens  (Aude),  Gouffouleux  (Aveyron),  Goufouleux  (Tarn), 
Gomblain  (Belgique,  province  de  Liège),  Goublanc  (Haute-Marne, 
Saône-et-Loire). 

735.  A  côté  de  Confluentes,  il  convient  de  signaler  les  noms 
exprimant  une  situation,  sinon  au  confluent,  du  moins  dans  le 
voisinage  de  deux  cours  d'eau.  In  ter  A  m  nés  est  représenté  par 
Entrammes  (Mayenne)  et  par  Antran  (Vienne).  Inter  Aquas 
est  l'origine  des  noms  modernes  Entraigues  (Indre,  Isère,  Puy- 
de-Dôme,  Savoie,  Var,  Vaucluse),  Entraygues  (Aveyron,  Cor- 
rèze), Entre-Aigue  (Savoie),  Anlraigues  (Ardèche,  (Santal,  Cor- 
rèze). liilcr  amhas  a(juas  est  devenu  Tramesaigues  (Ilaute- 
(iaronne.  Hautes- Pyrénées). 


XL 
ORIGINES   GERMANIQUES  :  -ING 

Dans  le  contingent  qu'ont  apporté  k  la  toponomastique  fran- 
çaise les  populations  établies  en  Gaule  du  v°  au  x''  siècle 
—  Saxons,  Burgondes,  Goths,  Francs,  Scandinaves,  Bretons  et 
Basques  —  les  noms  d'origine  germanique  tiennent  une  place  pré- 
pondérante. Avant  d'en  aborder  le  détail,  il  convient  de  bien 
préciser  le  sens  du  suffixe  -ing^  au  pluriel  -ingen,  dont  le  rôle, 
dans  la  formation  de  ces  noms  en  Germanie,  en  Gaule,  en  Grande- 
Bretagne,  en  Italie,  n'a  pas  eu  moins  d'importance  que  celui  du 
suffixe  -acus  dans  les  noms  de  lieu  d'origine  gallo-romaine. 

736.  Ce  suffixe  a  de  bonne  heure  attiré  l'attention  des  histo- 
riens. Il  doit  cette  faveur  à  ce  qu'on  le  voit  paraître  dans  les 
noms  des  deux  premières  dynasties  franques  et  dans  celui  de  la 
Lorraine.  Augustin  Thierry  et  Henri  Martin  ont  cru  retrouver  dans 
les  noms  Mérovingiens,  Carolingiens,  Lotharingiens,  des  noms  pa- 
tronymiques désignant  les  descendants  de  Mérovée,  de  Charles, 
de  Lothaire,  de  mémequ'Agilulfingi  désignerait  les  descendants 
d'Agilulf,  qui  gouvernèrent  la  Bavière  du  vi®  au  x"  siècle.  C'est 
ainsi  que  Withgils,  père  des  princes  anglo-saxons  Hengist  et 
Horsa,  était  dit  Witting,  c'est-à-dire  lîls  de  Witta,  celui-ci 
Weçting,  fils  de  Wecta,  et  ce  dernier  Wodening  ou  fils  de 
Woden. 

Dans  tous  ces  noms  le  suffixe  -ing  reparaît,  et  aux  historiens 
mal  informés  il  est  apparu  comme  l'équivalent  de  notre  mot 
«  fils  »  et  de  l'allemand  Jung.  Cette  opinion  est  complètement 
erronée.  Ing  au  sens  de  «  fils  »,  n'existe  dans  aucune  langue  ger- 
manique ;  mais  supposé  qu'il  existât,  on  ne  saurait  expliquer  à 
quel  titre  il  est  entré  dans  la  composition  de  nombreux  noms  de 
lieu  formés  sur  des  noms  d'homme  ;  ni  comment  le  roi  Lothaire 
ayant  eu  trois  enfants,  le  nom  de  Lotharingen,  au  sens  de  «  pays 
des  fils  de  Lothaire  »  aurait  été  donné  à  une  seule  contrée  de 
l'empire    franc,    alors   que    ces  princes   régnaient   sur    des  pays 


476  ■  LES    NOMS    DE    LIEU 

portant  des  noms  tout  ditTérents,  et  faisant  cependant  partie  de 
l'empire  franc.  Il  faut  noter  aussi  que  dans  le  haut  moyen  âge  le 
mot  Mero'vingi  désigna,  non  seulement  les  rois,  mais  leurs 
sujets  ;  et  que  Kerlinc/en,  aux  xi^  et  xii*  siècles,  fut  appliqué  aux 
habitants  des  provinces  septentrionales  du  royaume  capétien  qui 
avaient  été  antérieurement  sous  la  domination  caroling-ienne.  On 
conclura  de  là  que  le  suffixe  -inff  exprime  non  la  filiation,  mais 
la  sujétion.  Par  «  Lorrains  »  —  Lotharingi,  Loherains  —  il 
faut  entendre  «  les  sujets  de  Lothaire  »>. 

Le  suffixe  germanique  -inc[  est  donc  léquiA'alent  du  gallo- 
romain  -acus  et  du  romain  -anus  :  c'est  là  un  fait  dont  la  no- 
tion était  encore  vivace  au  ix^  siècle,  alors  qu'on  substitua 
Salmoringus  et  Scudingus  aux  vocables  Salmoriacus  et 
Scutiacus  qui  désignaient,  le  premier  un  comté  de  la  région 
de  risère,  le  second  un  pays  de  la  Franche-Comté. 

737.  On  sait  du  reste  que  ce  suffixe  s'ajoutait  à  des  noms 
d'hommes  pour  former  des  adjectifs  nominaux.  C'est  ainsi  que 
dans  le  capitulaire  De  villis,  par  lequel  Charlemagne  réglementa 
l'administration  des  domaines  royaux,  sont  mentionnées  deux 
sortes  de  pommes  nommées  Gozmaringa  et  Geroldinga  ; 
d'autre  part,  dans  un  manuscrit  deWolfenbûttel  remontant  au  x'^ 
siècle,  certains  modes  musicaux  sonl  appelés  modus  Garle- 
manic,  modus  Florinc,  modus  Liebinc  et  modus  Ottinc, 
et  l'auteur  a  spécifié  que  cette  dernière  expression  était  due  à 
l'empereur  Othon  P"",  d'où  l'on  peut  rapporter  les  trois  autres 
mots  à  des  personnages  nommés  Garloman,  Florus  et  Liebo  ou 
Liubo. 

738.  Dans  certains  cas  -ing  est  joint,  non  plus  au  nom  de  la 
personne,  mais  à  son  titre  :  diverses  localités,  aux  xi"  et  xii'^ 
siècles  sont  appelées  Abbatinga,  Ahhalissin/jen,  Biskopfingen^ 
(iravingcn  —  on  eût  dit  on  latin  Abbatialia,  Abbatissalia, 
Episcopalia,  Comitialia  —  désignant  (U>s  domaines  apparte- 
nant à  un  abbé,  à  une  abbesse,  à  un  évéque,  à  un  comte.  Plu- 
sieurs de  ces  noms  subsistent   : 

Grafing,  Grafing  (Bavière,  Autriche)  ;  Grafflngen  (grand- 
duché  de  Bade).  Il  convient  d'en  rapprocher  les  composés  Gra- 
finhaus,  "  maison  du  comte  ..,  Grafingholz  ('W'^estphalie),  «  le 
bois  du  comte  »,  Grafingloh  '  VVesIpiialiiM,  «  le  pré  du  comte  », 
Bischofing  (liavière),   Bischot'fingen  (grand-duché  de  Bade). 


ORIGINES    GERMANIQUES  177 

739.  Quant  aux  noms  de  lieu  formés  au  moyen  du  suffixe  -ing 
sur  des  noms  d'hommes,  ils  sont  fort  nombreux. 

Ainsi  l'on  doit  au  nom  d'Otto,  -onis  les  noms  de  lieu  Otting, 
Oetting,  Oettingen  (Autriche,  Bavière),  Ottingen  (Hanovre), 
Ottinghausen  (Lippe-Detmold),  Oettinghausen  (Westphalie), 
Ottingmuhle  (Autriche),  «  le  moulin  d'Othon  »,  Ottikon  (Suisse, 
cant.  de  Zurich),  altération  d'O^^/n^/io/fe/i,  «  la  ferme  d'Othon». 

De  même  sur  le  nom  propre  Waddo,  -onis,  qui,  d'après 
Grég-oire  de  Tours  était  porté  par  un  contemporain  de  Chilpéric, 
on  a  formé  l'adjectif  nominal  Wadding^  d'où  les  noms  de  lieu 
Ter  Wadding  (Pays-Bas,  Hollande  méridionale),  Vadans  (Jura, 
Haute-Saône),  Waddinghan  (comté  de  Lincoln),  Waddington 
(comtés  de  Lincoln  et  d'York),  Waddingworth  (comté  de  Lincoln), 
Wedenthun  (Pas-de-Calais). 

C'est  également  le  suffixe  -ing  qu'on  reconnaît  dans  la  termi- 
naison -an  ou  -en  de  certains  mots,  tels  que  flamand^  de 
flamingus,  et  les  noms  de  poisson  d'origine  germanique  hareng, 
merlan,  cperlan. 


I 


l'i 


ORIGINES    GERMANIQUES    :    -ING  177 

739.  Quant  aux  noms  de  lieu  formés  sur  des  noms  d'hommes 
au  moyen  du  suffixe  -iiKj,  ils  sont  fort  nombreux. 

Ainsi  l'on  doit  au  nom  Otto,  -onis,  les  noms  de  lieu  Ottlng, 
Oetting,  Oettingen  (Autriche,  Bavière),  Ottingen  (Hanovre), 
Ottinghausen  (Lippe-Detmold),  Oettinghausen  (Westphalie), 
Ottingmiihle  (Autriche),  «  le  moulin  d'Othon  »,  Ottikon  (Suisse, 
cant,  de  Zurich),  altération  d'Otfinghoffen,  «  la  ferme  d'Othon  ». 

De  même  sur  le  nom  propre  Waddo,  -onis,  qui,  d'après 
Grégoire  de  Tours,  était  porté  par  un  contemporain  de  Chilpéric, 
on  a  formé  l'adjectif  nominal  icadding,  d'où  les  noms  de  lieu 
Ter-Wadding  (Pays-Bas,  Hollande  méridionale),  Vadans  (Jura, 
Haute-Saône),  Waddingham  (Lincoln),  Waddiïigton  (Lincoln, 
York),   Waddingworth   (Lincoln),   Wadenthun  (Pas-de-Calais). 

C'est  également  le  suffixe  -ing  qu'on  reconnaît  dans  la  termi- 
-naison,  prononcée  -an,  de  certains  mots,  tels  que  flamand,  de 
flaming-us,  et  lesnoms  de  poisson,  d'origine  germanique,  hareng, 
merlan,  éperlan. 


Les  noms  de  lien.  "I^ 


XLI 
ORIGINES     SAXONNES     :     GÉNÉRALITÉS 

740.  Tous  les  peuples  riverains  orientaux  de  la  Mer  du  Nord 
—  Frisons,  Saxons,  Danois,  Jutes,  Ang-les  —  ont  plus  ou  moins 
mené  la  vie  de  pirates.  La  misère  à  laquelle  ils  étaient  en  proie, 
les  uns  en  raison  de  la  rigueur  du  climat,  les  autres  parce  que  les 
progrès  de  la  mer  les  forçaient  de  chercher  une  autre  patrie,  déve- 
loppa chez  eux  le  goût  des  courses  maritimes,  d'où  ils  rapportaient 
le  plus  souvent  un  riche  butin.  Au  ui"^  siècle,  les  pirates  saxons  — 
et  Ton  confondait  évidemment  sous  ce  nom  de  hardis  navigateurs 
appartenant  aux  régions  voisines  de  la  Saxe  proprement  dite  — 
infestaient  déjà  les  côtes  de  la  Gaule,  et  tenaient  dans  ce  pays  le 
rôle  quv  joueront,  six  siècles  plus  tard,  les  pirates  Scandinaves 
ou  normands.  Dès  l'an  286,  ils  dévastent  le  littoral  gaulois,  que 
Carausius  était  alors  chargé  de  protéger  contre  leurs  incursions, 
et  ils  ravagent  également  le  littoral  de  l'île  de  Bretagne.  Leurs 
incursions  prenant  un  caractère  chronique,  les  régions  les  plus 
particulièrement  exposées  sont  désignées,  à  la  fin  du  iv*^  siècle,  et 
d'une  manière  officielle,  par  le  vocable  de  littus  saxo  ni  eu  m  : 
l'Empire  romain  en  confie  la  défense  à  un  commandant  militaire, 
qualifié  de  «  comte  du  rivage  saxon  en  Bretagne  »,  comes  lit- 
toris  Saxonici  per  Britanniam.  Si  l'on  en  juge  par  les  deux 
mentions  qu'en  fait  la  Notifia  dignitatum  Imperii,  le  «  rivage 
saxon  »  devait  s'étendre,  en  Gaule,  des  bouches  de  l'Escaut  à 
l'embouchure  de  la  Loire,  peut-être  même  à  celle  de  la  Gironde. 
Le  pays  ainsi  désigné,  et  qui  répondait  à  peu  près  à  l'Armorique 
de  César,  était  constamment  exposé  a  leurs  ravages.  Sidoine  Apol- 
linaire dit  en  propres  termes  :  «  L'Armoricjue  est  toujours  mena- 
cée de  l'invasion  du  pirate  saxon,  qui  se  fait  un  jeu  de  sillonner, 
sur  une  peau,  les  eaux  de  l'île  britannique,  et  de  courir  la  mer 
verte  sur  des  cuirs  cousus  '  ». 

Mais  les  Saxons  ne  s'en  tinrent  pas  à  ces  courses  proscpic  con- 

1.   Cirmi/iiiiii  VII,  v.  .'100-371  [Mon.  (imii.,  Aiict.  .■inti>/iiis<i.  Vill,  212). 


ORIGINES    SAXONNES    :    GÉNÉRALITÉS  179 

tinuelles.  Les  Romains  ayant  dû  abandonner  la  Grande-Bretagne 
à  elle-même  pour  concentrer  la  défense  de  l'Empire,  ces  hardis 
pirates  s'établirent  d'une  façon  presque  permanente  dans 
cette  île,  et,  la  fortune  secondant  leur  audace,  les  Saxons, 
associés  aux  Angles,  leurs  voisins  de  la  péninsule  cimbrique  et 
leurs  congénères,  y  fondèrent,  dans  l'espace  de  moins  d'un  siècle 
et  demi,  de  449  à  584,  sept  royaumes,  refoulant  successivement 
la  race  bretonne  dans  la  partie  occidentale  de  l'île,  oii  elle  s'est 
maintenue,  surtout  dans  les  pays  de  Galles  et  de  Cornouailles. 
Trois  de  ces  royaumes,  —  celui  de  Sussex  ou  Saxe  du  sud  fondé 
en  491  ;  celui  de  Wessex,  ou  Saxe  de  l'ouest,  qui  date  de  519  ;  et 
celui  d'Essex,  ou  Saxe  de  l'est,  dont  on  fixe  le  commencement  à 
526  —  portaient  même  dans  leur  appellation  l'indication  de  leur 
origine  saxonne,  qu'on  retrouve  également  dans  le  nom  du  comté 
dans  lequel  est  située  la  ville  de  Londres,  car  ce  nom,  Middle- 
sex,  signifie  la  ((  Saxe  du  milieu  ».  Un  autre  des  sept  royaumes 
anglo-saxons  portait  le  nom  à' Estanglie^  indiquant  la  résidence 
des  Angles  de  l'est. 

Dans  la  Gaule,  objet  de  la  convoitise  d'un  plus  grand  nombre 
de  nations  germaniques  que  ne  l'était,  par  le  fait  de  sa  situation, 
l'île  de  Bretagne,  l'établissement  des  Saxons  ne  pouvait  s'effec- 
tuer avec  la  même  facilité.  Aussi  ne  semble-t-elle  pas  avoir  offert, 
comme  l'île  de  Bretagne,  une  suite  de  Saxes  contiguës,  mais  seu- 
lement de  petites  Saxes  isolées,  ne  s'écartant  guère,  en  aucun 
point,  du  littoral  maritime.  Les  textes  historiques  concernant 
notre  pays,  au  cours  de  la  période  franque,  signalent  deux 
de  ces  colonies  saxonnes;  l'une  au  voisinage  de  Bayeux,  repré- 
sentée au  VI®  siècle  par  les  Saxones  Bajocassini  de  Grégoire 
de  Tours,  et  au  ix''  siècle  par  la  circonscription  administrative 
qu'on  appelait  Ottinga  Saxo  nia;  l'autre,  établie  dès  les  der- 
nières années  de  l'Empire  d'(3ccident  dans  les  îles  que  formait  la 
Loire  à  son  embouchure,  avait  alors  pour  chef  un  certain  Odoacre 
qui,  un  moment  maître  d'Angers,  fut  ensuite  dompté  par  le  roi 
franc  Ghildéric,  dont  il  dut  accepter  la  domination. 

L'étude  des  noms  de  lieu  permet  de  croire  à  l'existence  d'autres 
colonies  saxonnes  sur  le  littoral  gaulois  de  la  Manche  ou  de  la 
Mer  du  Nord,  colonies  sur  lesquelles  les  monuments  écrits 
sont  entièrement  muets  :  dans  le  Gotentin  (Manche)  ;  dans  le 
pays  de    Gaux   (Seine-Inférieure)  ;    dans   le   Boulenois  (Pas-de- 


180  LES    NOMS    DE    LIEU 

Calais).  Très  probablement  les  côtes  de  la  Belgique  actuelle 
reçurent  aussi  des  colons  de  r;ice  saxonne.  Mais  sur  tous  les 
points  où  ils  s'établirent  en  Gaule,  des  bouches  de  TEscaut  k 
l'embouchure  de  la  Loire  ^,  les  colons  saxons  avaient  dû,  dès  le 
commencement  du  vi''  siècle  au  plus  tard,  reconnaître  l'autorité 
des  rois  mérovingiens. 

Ce  qui  s'était  passé  dans  l'île  de  Bretagne  et  en  Gaule  aux  \^  et 
vi''  siècles,  du  fait  des  Saxons,  se  renouvela  en  partie  après  la 
mort  de  Charlemagne.  Cette  fois  les  pirates,  ordinairement 
désignés  par  les  chroniqueurs  sous  le  nom  de  Northmanni 
et  de  Dani,  appartenaient  à  la  famille  Scandinave.  Après  avoir 
dévasté,  par  des  incursions  souvent  répétées,  les  côtes  de  la 
Gaule  et  des  îles  britanniques,  ils  y  fondèrent  à  leur  tour 
d  importants  établissements  qui  souvent  se  superposèrent  aux 
anciennes  colonies  d'Angles  et  de  Saxons,  de  sorte  que  la  topo- 
nymie actuelle  de  plusieurs  des  régions  où  ils  se  fixèrent  offre 
un  grand  nombre  de  vocables  Scandinaves  ou  demi-scandinaves, 
qui,  en  plus  d'un  cas  sans  doute,  se  substituèrent  à  des  noms 
saxons  que  les  ravages  des  nouveaux  venus  avaient  fait  oublier. 
La  langue  de  ces  derniers  était  d'ailleurs  étroitement  apparentée 
à  celle  des  Saxons;  aussi  n'est-il  pas  toujours  facile  de  détermi- 
ner ce  qui  doit  être  attribué  en  propre  aux  uns  et  aux  autres. 

1.  Touchant  cette  dernière  région,  voici,  textuellement,  en  quels  termes 
A.  Longnon  s'exprimait  dans  sa  leçon  du  11  décembre  1890,  au  Collège  de 
P^rance  :  «  A  défaut  de  noms  d'origine  foncièrement  saxonne,  on  peut 
signaler,  vers  l'embouchure  de  la  Loire,  (juehiues  noms  de  lieu  originai- 
rement terminés  en -acus,  et  dans  lesquels  ce  suffixe,  sous  l'influence 
sans  doute  d'un  élément  assez  important  de  population  saxonne,  se  pré- 
sente aujourd'hui  sous  la  foinie  -ic,  c'csL-à-dire  sous  une  forme  très  voi- 
sine de  celle  quil  revêt  dans  les  régions  voisines  du  Rhin,  où  l'élément 
germanique  n'a  jamais  cessé  d'être  prédominant  :  j'entends  parler  ici  du 
nom  du  Croisic,  bourgade  de  la  presqu'île  de  Batz  (Loire-Inférieure),  en 
latin  Cruciacus,  et  du  vocable  de  Pomic,  autre  bourgade  du  même 
déparlement,  mais  située,  elle,  au  sud  de  In  Loire,  à  douze  lieues  au 
sud-est  du  Croisic,  et  dont  le  nom  latin  semble  avoir  été  quelque  chose 
comme  Pruniacus.  La  forme  moderne  des  noms  du  Croisic  et  de  Por- 
nic,  bourgades  maritimes  ([uune  distance  de  six  lieues  sépare  l'une  et 
l'autre  de  l'embouchure  de  la  Loire,  a  été  très  proljabiemenl  influencée 
|i;ir  la  colonie  saxonne  (|ui  se  lixa  dans  ces  parages  au  cours  du  v*"  siècle  <>. 


XLII 
ORIGINES     SAXONNES     EN     NORMANDIE 

Pour  trouver  dans  la  toponymie  du  Bassin,  du  Cotentin  et  du 
pays  de  Gaux  des  vestiges  de  la  domination  saxonne,  il  y  a  lieu 
d'y  rechercher  les  vocables  formés  à  l'aide  de  divers  noms  com- 
muns qui  appartiennent  à  la  langue  des  envahisseurs,  et  qui 
vont  être  successivement  passés  en  revue. 

TUN 

741 .  Ce  mot  est  commun  à  l'anglo-saxon,  au  vieux  norois  et  au 
vieux  frison  :  il  est  devenu  dans  l'ancien  haut-allemand  zûn, 
correspondant  à  l'allemand  moderne  zaun,  «  haie  »,  et  dans  l'an- 
cien anglais  ton,  aujourd'hui  foicn,  «  cité  ».  Du  sens  primitif  de 
clôture  —  la  même  racine  se  rencontre  dans  le  vieil  anglo- 
saxon  tynan,  «  enclore  »  —  il  est  passé  à  une  acception  analogue 
à  celle  du  latin  villa. 

Si  ce  mot  fut  commun  à  plusieurs  nations  germaniques,  les 
Saxons  seuls  paraissent  l'avoir  employé  comme  second  terme  de 
noms  de  lieu  composés.  Les  noms  en  -ton  sont  très  fréquents  en 
Angleterre,  et  l'existence,  sur  laquelle  on  reviendra  plus  loin 
(n°*  760  à  790),  d'une  trentaine  de  noms  en  -thiin  dans  le  Bou- 
lenois, est  le  principal  argument  sur  lequel  on  se  fonde  pour 
croire  que  cette  région  reçut,  aux  v*^  et  \f  siècles,  une  colonie 
saxonne. 

En  Normandie,  on  ne  peut  aujourd'hui  citer,  comme  apparte- 
nant à  cette  catégorie,  que  le  nom  de  Gottun,  porté,  dans  le 
département  du  Galvados,  par  une  commune  du  canton  de 
Bayeux  et  par  deux  écarts  situés  respectivement  à  Barbeville 
(même  canton)  et  à  Tournières  (cant.  de  Balleroy).  C'est  d'une 
de  ces  localités  qu'il  s'agit  dans  une  charte  de  103()  :  terra 
Osketelli  de  Goltun;  cette  mention  est  particulièrement 
intéressante,  le  nom  du  personnage  étant  purement  saxon  ; 
équivalent  du    moderne    Anqiietil,    il    présente   comme   premier 


182  LES    NOMS    DE    LIEU 

terme  le  nom  de  ces  divinités  germaniques  qui  furent  appelées 
Ans  par  les  Francs,  As  par  les  Scandinaves,  et  Os  par  les  Saxons. 
L7  de  Coltun  s'est  vocalisée  de  bonne  heure  :  dès  1160  enviroiî, 
on  a  la  forme  Coutiim.  —  On  peut  voir  dans  Cottun  un  homo- 
nyme des  localités  anglaises  dénommées  Goltoil  (Lancaster, 
Norfolk,  Stafford,  Worcester,  York),  dont  l'une  est  appelée  Col- 
tun, en  970,  dans  une  charte  du  roi  Edgar. 

HAM 

142.  Le  mot  anglo-saxon  ham  est  analogue  au  gothique 
heims,  qu'on  trouve,  avec  le  sens  de  «  village  »  dans  la  traduc- 
tion de  la  Bible  écrite  au  iv®  siècle  par  Ulfilas,  au  vieux  norois 
heimni,  au  vieux  frison  hem,  au  danois  djem,  et  à  l'allemand 
heim  encore  usité,  à  l'état  d'adverbe,  au  sens  de  «  à  la  maison, 
chez  soi  »  ;  employé  par  les  Francs,  le  mot  ham  s'est  conservé 
dans  le  diminutif  Aa/ne/,  aujourd  hui  hameau. 

Ce  mot  était,  on  le  voit,  commun  aux  diverses  langues  germa- 
niques ;  mais  comme  il  a  laissé  de  nombreuses  traces  dans  la 
toponomastique  de  l'Angleterre  et  du  Boulenois,  on  peut  attribuer 
aux  Saxons  les  quelques  noms  de  lieu  du  Bessin  dans  lesquels 
il  est  possible  de  le  reconnaître. 

Ouistreham  (cant.  de  Douvres)  est  appelé  en  1086  Oistreham; 
la  même  forme  ancienne  désigne,  vers  la  même  date,  dans  le 
Domesday-Book.,  un  village  du  comté  de  Kent,  dont  le  nom 
actuel  est  "Westerhaiïl.  11  faut  vraisemblablement  entendre  par  là 
«  village  occidental  »,  acception  que  justifie  la  situation  d'Ouis- 
treham  sur  la  rive  gauche  de  l'Orne. 

Etreham  (cant.  de  Trévières),  qu'on  prendrait  à  première  vue 
pour  un  «  village  oriental  »,  est  en  réalité  uiu^  variante  d'Ow/s- 
treham,  car  ce  village  est  dénommé  Oesterham  dans  un  pouillé 
du  diocèse  de  Bayeux,  établi  en  1350, 

Surrain  (cant.  de  Trévières),  appelé  Surrchain,  ou  plutôt 
Surrehuni,  au  xi*  siècle,  Siirrehcun  en  122"),  elSurrehan  en  1257, 
paraît  être  un  synonyme  do  Southerham  (^^'iUs)  ;  c'est  le 
«  village  du  sud  ». 

743.  Sur  d'autres  points  de  la  Noi-mandio,  le  Ham  (Manche, 
cant.  de  Montebourg  ;  (>alvados,  cant.  de  Cambrenier),  ainsi  que 
Canehan  (Seine-Inférieure,  cant.  d'Iilu),  appelé  Kenehan  en  1030 


ORIGINES    SAXONNES    EN    NORMANDIE  183 

et  Chenean  ou  Chanahan  en  1035,  sont  assez  peu  distants  des 
côtes  pour  qu'il  soit  permis  d'y  voir  d'anciennes  colonies 
saxonnes. 

744.  Plus  à  l'intérieur,  c'est  aux  Francs  qu'il  faut  attribuer 
les  noms  de  lieu  dans  lesquels  ham  est  plus  ou  moins  reconnais- 
sable. 

COT 

745.  Le  terme  cot,  qui  désignait  une  petite  habitation,  est  la 
racine  du  mot  coterie  —  par  lequel,  en  Normandie,  on  entendait, 
au  moyen  âge,  un  groupe  de  paysans  constitué  pour  tenir  les 
terres  d'un  seigneur  —  et  celle  aussi  du  mot  collage,  que  nous 
avons  emprunté  aux  Anglais  pour  l'appliquer  à  un  domaine  rus- 
tique, mais  élégant. 

Les  noms  de  lieu  Caudecotte  (Calvados,  Eure,  Seine-Infé- 
rieure), BroCOttes  (Calvados)  et  Vaucotte  (Seine-Inférieure) 
sont,  de  toute  évidence,  formés  à  l'aide  de  ce  terme  :  mais 
remontent-ils  aux  Saxons,  ou  datent-ils  seulement  de  l'établisse- 
ment des  Normands?  On  a  d'autant  plus  sujet  d'hésiter  que  cot 
appartenait  aussi  à  la  langue  noroise.  Du  moins  la  première 
hypothèse  est  vraisemblable  quand  tel  de  ces  vocables  correspond 
à  une  localité  voisine  du  littoral  :  l'un  des  Caudecotte  de  la 
Seine-Inférieure  est  à  Dieppe,  et  l'autre  à  Avesnes  (cant.  d'En- 
vermeu)  ;   Vaucotte  est  à  Vattetot-sur-Mer. 

Caudecotte  a  d'ailleurs  plusieurs  équivalents  en  Angle- 
terre :  Caldecot  (Norfolk),  Caldecote  (Cambridge,  Warwick), 
Caldecott  (Bedford),  Caldicot  (Monmouth)  ;  ces  diverses  localités 
sont  désignées  dans  le  Domesday-Book  sous  les  formes  Calde- 
cot, Caldecote^  Caldecotes. 

746.  Le  nom  de  Caudecotte  a  été  traduit  aux  xiii®  et  xiv^  siècles 
parCalida  tunica  ;  c'est  un  jeu  de  mots  dont  il  convient  de  ne 
faire  aucunement  état.  Le  premier  élément  de  ce  nom  n'est  autre 
chose  que  l'adjectif  correspondant  à  l'allemand  kalt,  à  l'anglais 
cold,  au  sens  de  «  froid  »,  et  il  faut  voir  dans  Caudecotte,  une 
«  habitation  froide  »,  c'est-à-dire  exposée  par  son  isolement  à 
tous  les  vents. 

110 

747.  Les  noms  de  lieu  Cridcsho,  Caegesho  — qu'on  rencontre, 


184  LES    NOMS    DE    LIEU 

le  premier  en  780,  le  second  en  793,  dans  des  diplômes  du  roi 
Offa  —  et  Clofeshoas  —  forme  latinisée,  à  l'accusatif  pluriel,  qui 
figure  dans  des  textes  de  794  et  de  824  —  présentent  une  termi- 
naison qui,  dans  la  toponomastique  actuelle  du  Royaume-Uni, 
affecte  toujours  la  forme  hoo  :  Northoo  (Suffolk),  Poddinghoo 
(Worcester),  MiUhoo  (Essex),  ce  dernier  appelé  Melaho  dans  des 
textes  de  l'époque  anglo-saxonne.  Dans  cette  terminaison  les 
érudits  anglais  reconnaissent  un  mot  saxon  désignant  un  pro- 
montoire en  forme  de  talon  dominant,  soit  la  plaine,  soit  les  flots 
de  la  mer.  Ce  mot  est  entré  dans  la  formation  de  bon  nombre  de 
noms  de  lieu  du  Cotentin  et  des  îles  anglo-normandes. 

748.  En  Cotentin  il  y  a  lieu  de  signaler  :  Nehou  (cant.  de 
Saint-Sauveur-le- Vicomte),  Pirou  (cant.  de  Lessay),  Quettehou, 
r/s/e-Tatihou,  à  Saint- Vaast-de-la-Hougue  (cant.  de  Quettehou). 
Dans  tel  de  ces  noms,  la  terminaison  a  été,  aux  xn^  et  xui''  siècles, 
latinisée  en  hulmum,  et  l'on  a  voulu  l'identifier  avec  le  mot 
norois  holm,  signifiant  île  :  il  faut  tenir  pour  erronée  cette 
opinion,  fondée  uniquement  sur  une  fantaisie  de  clercs.  Holni 
est  représenté  dans  la  toponomastique  par -/lomme  :  Robehonirne 
(Calvados). 

749.  Autour  des  îles  anglo-normandes  on  observe  des  îlots  et 
des  rochers  appelés  le  Hou  et  Brecquehou,  près  de  Guernesey, 
Brehou,  Bernehou,  Burhou,  Coquelihou  et  Gethou,  près  d'Auri- 
gny,  Ecrehou,  près  de  Jersey. 

IG 

750.  A  considérer  ce  dernier  groupe,  on  est  amené  à  penser 
que  les  Saxons  des  v'-  et  vi''  siècles  ont  occupé,  non  seulement  le 
Cotentin,  mais  aussi  les  îles  voisines.  A  l'appui  de  cette  hypo- 
thèse on  peut  invoquer  également  la  présence  de  la  terminaison 
-pjj  dans  le  nom  de  ces  îles,  Guernesey,  Jersey,  Chausey, 
ainsi  quAlderney,  nom  anglais  de  lîle  d'Aurigny  ;  terminaison 
qu'on  observe  de  même  dans  le  nom  anglais  —  Orkney  —  des 
Orcades. 

Ey  n'est  autre  chose  que  le  saxon  iff,  au  pluriel  igc^  signifiant 
«  île  >»,  qui  constitue  la  terminaison  de  bon  nombre  de  noms  de 
lieu  mentionnés  ilans  les  chroniques  et  les  diplômes  du  haut 
moyen  âge  intéressant  l'Angleterre  : 


ORIGINES    SAXONNES    EN    NORMANDIE  18S 

Hengestig  —  formé  sur  le  nom  que  porta  le  premier  roi  de 
Kent  —  aujourd'hui  Hincksey  (Hants)  ; 

Mdelig    —    ancienne   forme  du    nom   d'Athelney  (Somerset) 

—  parfois  traduit  par  Insula  Glitonum  (/.autîç^:  edel,  noble); 
Cymesige,  aujourd'hui  Kempsey  (Worcester)  ; 

Tliornig,  formé  sur  t/iorn,  épine,  aujourd'hui  Thorney 
(Middlesex)  ; 

Runimaesig,  aujourd'hui  Ramsey  (Hants). 

Pour  en  revenir  au  nom  des  îles  anglo-normandes,  il  est  à 
remarquer  que  dans  le  Roman  de  Bon,  écrit  au  xu*'  siècle,  Jersey 
est  appelée  Gersui,  et  Guernesey  Guernesiii  ou  Guernesi  :  la  ter- 
minaison de  ces  forme  anciennes  apparaît  comme  une  variante 
de  -ig. 

NAES 

751.  Le  substantif  saxon  naes,  dont  l'équivalent  norois  est 
neis,  au  sens  de  «  cap  »,  et  qui  se  retrouve  dans  l'anglais  -ness 

—  Inverness  —  a  donné  le  mot  nez,  employé  dans  le  langage 
courant  du  Gotentin  et  des  îks  anglo-normandes  :  le  Nez  de  Gar- 
teret,  de  Jobourg,  le  Gros-Nez  de  Flamanville,  de  Jersey. 

752.  Soit  dit  en  passant,  ce  mot  fut  employé  aussi  dans  le 
Boulenois,  où  l'on  remarque  le  cap  Blanc-Nez,  anciennement 
Blaknez,  c'est-à-dire  «  cap  noir  »,  et  le  cap  Gris-Nez,  appelé  en 
4312  /e  Ness. 

FLEOD 

753.  Le  dernier  terme  des  noms  Barfleur  (Manche,  cant.  de 
Quettehou),  Fiquefleur  (Eure,  cant.  de  Beuzeville),  Harfleur 
(Seine-Inférieure,  cant.  de  Montivilliers),  Honfleur  (Galvados)  et 
Vittefleur  (Seine-Inférieure,  cant.  de  Gany)  fait,  à  première 
vue,  penser  au  norois  flodh,  «  golfe  »  ;  ces  noms  auraient  alors 
été  importés  sur  notre  sol  par  les  Normands,  soit  au  ix®  siècle 
seulement.  Mais  à  considérer  qu'ils  ne  constituent  qu'un  fort 
petit  groupe,  et  s'appliquent  à  des  localités  maritimes  ou  peu 
éloignées  de  la  côte,  on  peut,  sans  trop  s'aventurer,  les  attribuer 
aux  Saxons,  dont  la  langue  désignait  par  flead  une  eau  courante, 
une  petite  rivière,  un  canal,  par  flod  un  amas  d'eau,  la  marée. 
Le  nom  de  Vittefleur,  village  situé  sur  la  rive  droite  de  la  Dur- 
dent,  à  six  kilomètres  environ  de  son  embouchure,  a  vraisem- 
blablement le  sens  d"  «  eau  blanche  ». 


186  LES    NOMS    DE    LIEU 

754.  En  faveur  de  l'origine  saxonne  du  nom  dont  il  s'agit,  on 
peut  invoquer  par  surcroît  l'existence  en  Boulenois  du  nom 
d'Ambleteuse,  localité  que  Bède  le  Vénérable,  au  viii^  siècle, 
appelait  Amfleat.  La  forme  actuelle  de  ce  nom  ne  remonte  qu'au 
xvi'  siècle,  et  les  formes  antérieures  —  y  compris  Ambleteiive^ 
qu'on  trouve  encore  en  1359  —  procèdent  manifestement  d'un 
primitif  tel  que  Amfleat  hove. 

755.  Honfleur  est  appelé  en  1 198  Honneflo^  et,  dans  les  formes 
médiévales  des  noms  qu'on  vient  de  lire,  la  terminaison  est  d'or- 
dinaire -fine  ou  -fleu  ;  parfois  elle  est  rendue  par  le  latin 
fluctus,  dont  le  sens  ne  diffère  guère  de  celui  'de  fleod.  L'r 
finale  n'est  apparue  qu'à  une  époque  relativement  récente,  et,  de 
nos  jours  encore,  la  prononciation  locale  ne  la  fait  ordinairement 
pas  sentir. 

756.  On  se  gardera  d'apparenter  à  ces  noms  celui  de  Camfleur 
(Eure,  cant.  de  Bernay)  :  la  localité  est  trop  éloignée  des  côtes 
pour  qu'on  puisse  supposer  que  les  Saxons  s'y  soient  établis  ;  l'r 
finale  se  rencontre  dès  le  début  du  xi^  siècle  :  Campflor  ;  et 
l'appellation  Campus  floridus,  qui  se  trouve  dans  un  ancien 
pouillé  de  Lisieux,  est  sans  doute  le  thème  étymologique,  flori- 
dus étant  accentué  sur  l'antépénultième. 

GATE 

757.  Le  mot  gale  avait,  chez  les  Saxons,  le  sens  de  «  trou, 
passage,  ouverture  »  ;  dans  l'anglais  moderne  il  a  celui  de 
«  porte  »,  de  «  barrière  ».  On  en  trouve  des  traces  en  Boulenois 
(cf.  ci-après,  n°  802).  Mais  comme  ce  mot  paraît  avoir  appartenu 
aussi  à  la  langue  noroise,  puisqu'en  suédois  gâta  signifie  «  rue  », 
on  peut  hésiter  sur  la  question  de  savoir  si  le  nom  de  Houlgate, 
poité  dans  le  département  du  Calvados  par  une  station  l)al- 
néaire  bien  connue  (cant.  de  Dozulé)  et  par  des  hameaux  de  Bié- 
ville  (cant.  de  Mé/.idon)  et  de  Deux-Jumeaux  (cant.  d'Isigny), 
remonte  aux  Saxons  ou  aux  Normands.  La  première  hypothèse  est 
légitime  à  l'égard  de  la  première  et  de  la  dernière  de  ces  localités, 
dont  l'une  est  à  l'embouchure  de  la  Dives,  et  l'autre  à  peu  de 
dislance  du  littoral  ;  elles  ont  d'ailleurs  un  homonyme  d'origine 
saxonne  bien  avérée  dans  Holgate  (York). 

On  peut  attribuer  également  aux  Saxons  le  nom  de  Hiégathe, 


ORIGINES    SAXONNES    EN    NORMANDIE  187 

porté  par  un   écart  de  la  commune  de  Montmartin-en-Graijjnes 
{Manche,  cant.  de  Saint-Jean-de-Daye). 

DIKE 

758.  Dans  une  anse  voisine  d'Herqueville  (Manche,  cant.  de 
Beaumont)  existe  presque  en  son  entier  un  retranchement 
connu  sous  le  nom  de  Haguedike,  lequel  dut  être  élevé  par 
les  pirates  du  Nord,  pour  protéger  contre  les  entreprises  des 
populations  romanes  un  de  leurs  postes,  établi  à  l'extrémité  de  la 
pointe  de  la  Hague.  Ce  retranchement  est-il  d'orig-ine  normande 
ou  d'orig-ine  saxonne?  Dike,  en  effet,  apparenté  à  notre  mot 
((  dig-ue  »,  appartient  à  toutes  les  langues  germaniques,  aussi 
bien  au  norois  qu'au  saxon.  On  peut,  dans  l'espèce,  l'attribuer 
aux  Saxons,  car  il  existe  en  Angleterre  un  Danesdike  (York), 
dans  lequel  il  faut  voir  un  retranchement  élevé,  comme  son  nom 
l'indique,  par  les  Danois,  mais  qui  dut  son  appellation  aux 
Saxons  ;  d'autre  part,  les  noms  de  lieu  en  dike,  assez  rares  dans 
la  Scandinavie,  sont  plus  nombreux  en  Angleterre  :  Kinsdike 
(Kent),  Dogdike  (Lincoln),  Wanesdike  (Wilts). 

759.  Pour  terminer  cette  revue  des  noms  de  lieu  de  Norman- 
die qui  paraissent  d'origine  saxonne,  il  reste  à  examiner  si  les 
noms  en  -mare  doivent  être  rapprochés  des  noms  en  -mer,  si 
communs  en  Angleterre,  A  vrai  dire,  ils  sont  plutôt  norois  :  la 
chose  est  incontestable  quand  on  voit  le  terme  dont  il  s'agit 
précédé  d'un  adjectif  —  Longueniare  (Eure),  Sausseuzemare 
(Seine-Inférieure)  —  ou  d'un  nom  d'homme  normand.  Ce  terme 
a  dans  ces  noms  le  sens  de  notre  mot  «  mare  ». 

Quant  aux  noms  en  -mer,  dont  la  Normandie  présente  plusieurs 
exemples,  leurs  formes  anciennes  attestent  en  plus  d'un  cas  une 
origine  tout  autre,  Cambremer  (Calvados),  connu  depuis  le 
vii*^  siècle,  était  alors  appelé  Cambrimarum.  Courtomer  [Orne) 
est  un  nom  de  lieu  de  type  bien  connu,  présentant,  à  la  suite  du 
nom  commun  cortis,  un  nom  d'homme  gallo-franc  :  Cortis 
Audomari.  Et  le  thème  étymologique  de  Mortemcr  (Seine- 
Inférieure)  peut  bien  être  exclusivement  latin. 


XLIII 
ORIGINES    SAXONNES     EN     BOULENOIS 

L'existence  dune  colonie  saxonne  en  Boulenois  est  attestée^ 
sinon  par  les  monuments  écrits,  du  moins  par  la  toponomastique 
de  la  rég-ion. 

760.  On  a  vu  (cf.  ci-dessus,  n"^  741)  ce  qu'il  faut  entendre  par 
le  mot  tun.  S'il  a  laissé  peu  de  traces  en  Normandie,  on  le  ren- 
contre dans  une  trentaine  de  noms  de  lieu  du  Boulenois,  et  cette 
constatation  est  à  rapprocher  de  celle  que  faisait  jadis  le  philo- 
logue allemand  Léo,  lorsqu'il  établissait,  à  l'aide  des  cinq  cent 
vingt-sept  chartes,  comprises  entre  les  années  604  à  966,  que 
renferment  les  deux  premiers  tomes  du  Codex  diplomatîciis 
aevi  saxonici,  que  l'ensemble  des  noms  terminés  en  tun,  consti- 
tue, de  l'autre  côté  du  détroit,  le  huitième  des  vocables  géog-ra- 
phiques. 

761.  Alenthun,  écart  de  Pihen  (cant.  de  Guînes),  appelé  en 
1084  Ellingatum  et  AUingatun,  est  formé  de  tun^  précédé  de 
l'adjectif  nominal  alling  \  il  a  pour  équivalents  Alincthun  (cant. 
de  Desvres)  —  Alinghetun  en  1199  —  et,  en  Angleterre, 
Allington  (Dorset,  Hauts,  Kent,  Wilts,  etc.)  et  Ellington 
(Northumberland,  Kent,  Huntington,  York). 

762.  Audincthun  (cant.  de  Fauquembergues),  en  1016  Odin- 
fjatun  ,  le  nom  d'homme  sur  lequel  est  formé,  à  l'aide  du  suffixe 
-m^,  le  ])remier  terme,  est  Oddo,  origine  du  nom  Eudes.  — 
Cf.  Audincthun,  écart  d'Amlinghen  (cant.  de  Marquise),  Audin- 
thun,  ('cart  de  Zudausques  (cant.  de  Lumbres),  et,  en  Ang-leterre, 
Oddington  (Gloucester,  Oxford). 

763.  Baincthun  (cant.  de  Boulogue-Sud),  en  811  Baf/inr/alun. 
—  Cf.  Baginton  fWarw^ick),  Bainton  (Norlhampton,  Oxford, 
Suiïolk;. 

764.  Bandrethun,  hameau  de  Marquise. 

765.  Golincthun,  ('cart  de  Ba/inglum  (cant.  de  Marquise).  — 
(^f.,  on  Ecosse,  GoUington  (  l'.diinbourg). 

766.  Dirlinctun,    viUage     disparu     au    t(M"riloire     île     liâmes- 


ORIGINES    SAXONNES    EN    BOULENOIS  189 

Boucres  (cant.  de  Guînes)  ;  en   H07  Dirlingatun.  —  Cf.,   sous 
réserves,   Darlington  (Durham). 

767.  Florinctun,  hameau  de  Gondette  (cant.  de  Samer),  en 
1297  Florincfhelun  ;  le  premier  terme  de  ce  nom  est  Tadjectit' 
nominal  floring,  formé  svir  Florus. 

768.  Fréthun  (cant.  de  Galais-Nord-Ouest),  Frailum,  Frait- 
tum,  Fraitun  en  1084,  Frettun  en  1150. 

769.  Godincthun,  écart  de  Pernes  (cant.  de  Boulogne-Sud). 

770.  Guiptun,  écart  de  Tarding-hen  (cant.  de  Marquise),  en 
1130  Gihhinf/atun. 

771.  Hardenthun,  hameau  de  Marquise.  —  Cf.  Hardington 
(Somerset). 

772.  Landrethun-/e-iVo/Y/ (cant.  de  Marquise)  et  Landrethun- 
lez-Ardres  (cant.  d'Ardres),  appelés,  le  premier  Landringhetun 
en  1119,  le  second  Landringetun,  Landregatun  en  1084.  L'ad- 
jectif nominal  constituant  le  premier  terme  est  bien  appai^ent 
dans  ces  formes  anciennes  ;  il  n'en  reste  plus  trace  à  présent. 

773.  Offrethun  (cant.  de  Marquise).  Ce  nom  résulte  d'une 
évolution  plus  grande  que  celles  précédemment  constatées.  La 
forme  Wolfertiin,  qu'on  rencontre  en  1286,  permet  de  le  ratta- 
cher au  nom  d'homme  germanique  qu'au  temps  des  Mérovingiens 
et  des  Carolingiens  on  latinisait  en  Vulfarius,  et  d'où  procède 
le  nom  de  famille  Gouffier.  —  Cf.  Wolverton  (Bucks,  Hauts, 
Norfolk,  Warwick). 

774.  Olincthun,  écart  de  Wimille  (cant.  de  Boulog-ne-Nord), 
en  1367  Olinguetun. 

775.  Paincthun,  hameau  d'Eching'hem  (cant.  de  Boulogne- 
Sud),  en  1118  Panningaium.  —  Cf.  Paington  (De von). 

776.  Pélincthun,  hameau  de  Verlincthun  (cant.  de  Samer),  en 
1112  Pannigelun,  en  1748  Pénincihun.  —  Cf.  Pennington 
Hauts,  Lancaster). 

777.  Raventhun,  hameau  d'Ambleteuse  (cant.  de  Marquise), 
en  1084  Bavent  uni. 

778.  Rocthun,  ancien  fief  à  Longueville  (cant.  de  Desvres). 

779.  Samblethun,  ancien  fief  à  Coyecques  (cant.  de  Fau- 
quembergues). 

780.  Tardincthun,  ancien  -fief  à  Tardinghen  (cant.  de  Mar- 
quise). On  remarquera  que,  dans  le  nom  de  la  commune  actuelle 
et  dans  celui  du  fief,  le  premier  ternie  est  le  même. 


190  LES    NOMS    DE    LIEU 

781.  Terlincthun,  écart  de  Wimille  (cant.  de  Boulogne-Nord). 
Les  anciennes  formes  de  ce  nom,  à  commencer  par  le  Telingetun 
de  1208,  ne  présentent  pas,  dans  la  syllabe  initiale,  IV  qu'on 
observe  dans  la  forme  actuelle.  Cette  lettre  n'apparaît  qu'au 
xvi^  siècle,  correspondant  à  un  premier  l  que  le  thème  originel 
présentait  à  coup  sûr.  —  Cf.  Tellington  (Lincoln)  et  Tillington 
(Hereford.  StatTord.  Sussex). 

782.  Todincthun,  hameau  d'Audincthun  (cant.  de  Fauquem- 
bergues).  Ce  nom  se  trouve  en  807,  sous  la  forme  Totingetun^ 
dans  une  charte  de  Saint-Bertin  ;  de  tous  ceux  présentement 
étudiés,  c'est  celui  dont  on   possède  la  plus  ancienne  mention. 

—  Cf.  Toddington  (Bedford,  Gloucester), 

783.  Tourlincthun,  hameau  de  Wirwignes  (cant.  de  Desvres). 

—  Cf.,  sous  réserves,  Torleton  (Gloucester). 

784.  Verlincthun  (cant.  de  Samer),  en  1173  Verlingtun. 

785.  Wadenthun,  hameau  de  Saint-Inglevert  (cant.  de  Mar- 
quise), en  1084  Wadingatim.  —  Cf.  Waddington  (Lincoln, 
York). 

786.  Waincthun,  ancien  fief  à  Saint-Léonard  (cant.  de  Samer). 

787.  Wingthun,  ancien  fief  à  Tarding-hen  (cant.  de  Marquise). 
Ce  nom  est  sans  doute  une  variante  du  précédent. 

788.  Warincthun,  hameau  d'Audinghen  (cant.  de  Marquise). 

—  Cf.  Warrington  (Lancasten. 

789.  Witrethun,  écart  de  Leubringhen  (cant.  de  Marquise), 

790.  Zeltun,  ancien  fief  à  Polincove  (cant.  d'Audruicq),  en 
1084  Scellun. 

Etroitement  apparentés  —  on  l'a  vu  par  maint  exemple  —  à 
des  noms  de  lieu  d'Angleterre,  les  vocables  qu'on  vient  de  pas- 
ser en  revue  sont  dus  évidemment  aux  Saxons.  Actuellement 
groupés,  à  cinq  exceptions  près  —  les  cantons  d'Ardres.  d'Au- 
druicq et  de  Fauquembergues  appartiennent  à  l'arrondissement  de 
Saint-Omer  —  dans  l'arrondissomont  de  Bouhigne,  ils  se  trouvent 
mêlés  sur  le  terrain  à  d  autres  noms  d'origine  germanique,  qu  il 
est  légitime  d'attribuer  aussi  aux  Saxons,  mais  que,  faute  de  con- 
sidérer qu'ils  sont  ainsi  encadrés,  l'on  hésiterait  à  rapporter  à  tel 
ou  tel  dialecte. 

791.  Plusieurs   de   ces    noms    représentent    simplement    tlos 


ORIGINES    SAXONNES    EN    BOULENOIS  191 

adjectifs  nominaux  en  -ing,  -ingen.  Lorsqu'ils  s'appliquent  à  des 
localités  qui,  en  raison  de  leur  importance,  sont  devenues  des 
communes,  la  finale,  remaniée,  ordinairement  dès  le  xii^  siècle, 
en  -enghes,  affecte  aujourd'hui  la  forme  -ingues,  comme  dans 
Affringues  (cant.  de  Lumbres),  Autingues  (cant.  d'Ardres),  etc. 

792.  Dans  les  noms  de  simples  écarts  ou  lieux  dits,  moins  bien 
prot5g-és  contre  les  altérations  populaires,  -enghes  s'est  déformé 
en  -enne  ou  -ennes  :  Foucardennes,  lieu  dit  d'Outreau  (cant.  de 
Samer),  Rabodennes,  ancien  fief  à  Maninghen  (cant.  d'Hucque- 
liers),  Wicardenne,  hameau  de  Saint-Martin-Boulogne  (cant.  de 
Boulogne-Sud). 

Les  autres  noms  de  lieu  d'origine  germanique  qu'on  remarque 
dans  la  région  sont  de  forme  composée.  On  peut  les  grouper 
sous  les  divers  ternies  qui  en  constituent  les  désinences,  et  c'est 
selon  l'ordre  de  ceux-ci  qu'ils  vont  être  indiqués,  assez  rapide- 
ment d'ailleurs,  car  tel  de  ces  termes,  à  la  différence  de  tini,  a 
laissé  des  traces  dans  d'autres  parties  de  la  Gaule,  colonisées  par 
les  Francs  ou  les  Bourguignons. 

793.  Acker,  «  champ  »  :  Dampnacre,  Heu  dit  d'Outreau  (cant. 
de  Samer),  le  Denacre,  hameau  de  Saint-Martin-Boulogne  (cant. 
de  Boulogne-Sud)  et  de  Wimille  (cant.  de  Boulogne-Nord), 
Disacre,  hameau  de  Leubringhen  (cant.  de  Marquise),  Gouve- 
nacre,  lieu  dit  de  Fiennes  (cant.  de  Guînes).  Honnacre,  ancien 
fief  à  Wissant  (cant.  de  Marquise),  Landacre,  hameau  d'Halin- 
ghen  et  d'Hesdin-l'Abbé  (cant.  de  Samer). 

794.  Beke,  «  ruisseau  »  :  Belbet,  anciennement  Belbecq, 
hameau  d'Henneveux  (cant.  de  Desvres),  1  Estebecque,  ruisseau 
coulant  à  Audembert  (cant.  de  Marquise),  Estiembecque,  anciens 
fiefs  à  Clerques  et  à  Louches  (cant.  d'Ardres),  la  Marbecque, 
hameau  de  Samer,  Rebecques  (cant.  d'Aire-sur-la-Lys).  Ce  der- 
nier nom  est  l'équivalent  d'un  nom  de  lieu  francique  que  l'on 
trouve  au  vii*^  siècle  sous  la  forme  Uesbacis  (cf.  ci-après 
n"  866j  ;  et  EsLicmhecque  doit  être  rapproché  de  l'allemand 
Steinhach,  «  le  ruisseau  pierreux  ».  —  LTn  certain  nombre  de 
ruisseaux  de  la  région  portent  le  nom  de  BecqUB,  précédé  de 
l'article  féminin,  qui  atteste  que  le  mot  était  passé  dans  le  bm- 
gage  courant. 

795.  Berg,  «  montagne  »,  devenu,  par  assourdissement  île  la 


192  LES    NOMS    DE    LIEU 

consonne  finale,  -bert  :  Audembert  (cant.  de  Marquise),  Bru- 
nembert  (cant.  de  Desvres),  Golembert  (même  canton),  Humbert 
(cant.  d'Hucqueliers),  Milembert,  lieu  dit  d'Outreau  (cant.  de 
Samer),  Palembert,  lieu  dit  de  Wimille  (cant.  de  Boulogne-Nord), 
Pouplembert,  ancien  fief  à  Golembert,  Riquembert,  bois  à 
Montcavrel  (cant.  d'Etaples),  Rotembert,  hameau  de  Saint-Mar- 
tin-Boulog-ne  (cant,  de  Boulogne-Sud),  Rupembert,  ham^u  de 
Wimille.  Le  mot  herc[  ayant  appartenu  à  tous  les  dialectes  ger- 
maniques, il  convient  d'insister  sur  ce  que  les  localités  dont 
rénumération  précède  appartiennent  à  Tarrondissement  de  Bou- 
logne ou  à  des  cantons  qui  en  sont  voisins.  —  La  nasale  qui 
précède  dans  tous  ces  noms,  la  désinence  -herf  représente  Vn 
d'un  génitif  germanique. 

796.  Bricfy,  «.  pont  »  :  le  Cobrique,  hameau  de  Bellebrune 
(cant.  de  Desvi-es)  —  en  1286  Quodbrigge  —  lEtiembrique  ou 
Estiembrique,  hameau  de  Wimille,  nom  dont  la  première  partie 
répond  à  1  allemand  stein,  «  pierre  ». 

797.  Brock,  «  marécage  »  :  les  Crambreucqs,  nom  désignant 
un  ruisseau  qui  prend  sa  source  à  Fiennes,  Dennebrœucq  (cant. 
de  Fauquembergues),  Godelimbreucq,  lieu  dit  de  Wimille.  le 
Hambreiicq,  écart  de  Tardinghen  (cant.  de  Marquise),  Reque- 
breucq,  hameau  d'Ouve-Wirquin  (cant.  de  Lumbres).  —  A  men- 
tionner quelques  écarts,  lieux  dits  et  cours  deau  appelés  le  Breu, 
le  Breucq  et  les  Breucqs. 

798.  Brun,  «  fontaine  »,  est  l'origine  de  trois  désinences  : 
I"  -hronnc  :  Acqueiïlbronne,  nom  de  cinq  écarts  ou  lieux  dits, 
Caudebrone,  Heu  dit  d'Arqués  fcant.  de  Saint-Omer-Sud),  Cau- 
debronne,  lieu  dit  d'Outreau,  Cottebronne,  lieu  dit  de  Saint-Mur- 
tin-Boulogne  et  écart  de  Wierre-Effroy  (cant.  de  Marquise),  Cou- 
bronne,  nom  de  cinq  écarts  ou  lieux  dits,  Follembronne,  ancien 
lief  à  Saint-l'Uienne  (cant.  de  Samer),  Hassebronne.  ancien  lief  à 
Maninghen  (cant.  d'Hucqueliers),  Hellebronne,  ancien  lief  à  Réty 
(cant.  de  Mincpiisc),  HouUebronne,  lieu  dit  de  Wacquinghen 
(cant.  de  M;ir(iuise).  Liembronne,  hameau  de  Tingrv  (cant.  de 
Samer),  Thiembronne  (cant.  de  Fauquembergues)  ;  —  2"  -brune  : 
Bellebrune  (cant.  de  Desvres),  Rosquebrune,  écart  de  Longfossé 
(même  canton);  — ^"  -bournc  :  Courlebourne,  lianieaude  Licfiuos 
(cant.  de  Guînes  .  —  11  faut  entcnch-,'  vrais(MnblahhMnenl  jiar 
diiiidchronnc    et    (lolloltromio    «     froide    fonlainc    ».     |)ar    Ilcllr- 


|>R1(;INES    SAXONNES    EN     BOLLENOIS  193 

bronne  «    fontaine   sacrée    »,   et   par    Houllebronne   «    fontaine 
creuse  ». 

799.  Daie,  «  vallée  »  :  Belle-Dalle,  écart  de  Tardinghen, 
Brucquedalle,  hameau  dllesdin-l'Abbé,  Dippendale,  hameau  de 
Bouquehault  (cant.  deGuînes),  le  Wimendalle,  lieudit  d'Outreau. 

On  rencontre  en  Normandie  des  noms  analogues  :  Briique- 
dalle  et  Dieppedalle  (Seine-Inférieure)  ;  ils  ne  sauraient  être 
attribués  en  toute  sûreté  aux  Saxons,  car  ils  ont  pu  tout  aussi 
bien  être  importés  par  les  Normands.  Le  premier  de  ces  noms 
parait  signifier  u  vallée  marécageuse  »),  et  le  second  «  vallée  pro- 
fonde »  ;  ce  dernier  qualificatif  était  exprimé  par  le  saxon  deop, 
analogue  à  l'anglais  deep,  et  par  le  norois  diup. 

800.  Feld,  «  champ  ».  Parmi  les  noms  de  lieu  du  Boulenois 
dont  la  forme  originelle  présentait  ce  mot  comme  second  terme, 
ceux  qui  se  sont  romanisés  les  premiers  sont  actuellement  termi- 
nés en  -faut  :  tels  sont  Helfaut  (cant.  de  Saint-Omer-Sudi,  Mil- 
faut,  hameau  de  Dennebrœucq,  et  ancien  fief  k  Erny-Saint- 
Julien  (cant.  de  Fauquembergues)  et  Pittefaux  (cant.  de  Bou- 
logne-Nord), le  premier  romanisé  dès  le  xn*'  siècle.  L'adoucisse- 
ment de  ly  en  v  qu'on  observe  dans  le  nom  de  Clémevaut,  lieu 
dit  d  Outreau,  parait  l'indice  dune  romanisation  moins  ancienne. 
Enfin,  dans  les  contrées  où  1  influence  des  populations  de  langue 
germanique  a  persisté  le  plus  longtemps,  la  romanisation,  con- 
séquemment  plus  tardive,  est  caractérisée  non  seulement  par  le 
changement  de  Vf  en  r,  mais  de  plus  par  celui  de  17  en  /•  : 
Gazevert,  ancienne  maladrerie  à  Wissant,  Pichevert,  en  130o 
Pissevclf.,  hameau  de  Wimille,  et  Saint-Inglevert  (cant.  de  Mar- 
quise). Cette  dernière  localité  est  appelée  au  xiii®  siècle,  dans  la 
chronique  de  Lambert  d'Ardres,  Sontium  campus  viilgo 
Sontinghevelt  ;  et  de  cette  forme  vulgaire  on  rencontre,  depuis  le 
XII*  siècle  jusqu'au  xiv®,  de  légères  variantes  attestant  qu'on  se 
trouve  en  présence  d'un  nom  dont  le  type  primitif  consiste  dans 
le  nom  commun  fcld  précédé  d'un  adjectif  nominal  en  -ing^ 
bien  loin  qu'il  évoque  le  souvenir  d'un  personnage  honoré  par 
l'Eglise. 

801.  Ford,  «  gué  »  :  Audenfort,  hameau  de  Clerques  (cant. 
d'Ardresj,  Etienfort,  nom  de  (juatre  hameaux  et  synonyme  du 
flamand    Sleenvoorde     (Nord)    et   de    Ginpicreiix   (voir    n"   681), 

Le.s  iiotiis  de  lieu.  13 


I  94  LES    NOMS    DE    LIEU 

Houllefort.  c  est-à-dire   <(  le  gué  profond  »,  section  de  Belle-et- 
Houllefort  (cant.  de  Desvres). 

802.  Gâte  (cf.  ci-dessus  n°  757)  :  Enguinegatte  (cant.  de  Fau- 
quemberg-ues),  Sangatte  (cant.  de  Calais-Nord-Ouest),  Tégatte, 
hameau  du  Portel  (cant.  de  Samer). 

803.  Ham  (cf.  ci-dessus  n"  742).  Ce  mot  a  donné  le  suffixe 
qu'on  rencontre  le  plus  fréquemment  dans  la  partie  occidentale 
du  département  du  Pas-de-Calais.  Généralement  combiné  avec 
des  adjectifs  nominaux  en  -in(/^  et  prononcé  -an  ou  -in,  la  forme 
qu  il  revêt  est  -hem,  et,  dans  le  sud  du  Boulenois,  -hen.  Plu- 
sieurs des  noms  ainsi  formés  ont,  comme  ceux  en  -thiin,  leurs 
équivalents  en  Angleterre  :  Barbingheiïl,  hameau  de  Moringhem 
(canton  de  Saint-Omer-Nord\  appelé  au  ix*^  siècle  Birmijir/haem, 
est  synonyme  de  Birmingham  (Warwick),  et  le  nom  de  Bou- 
quinghen,  hameau  de  Marquise,  doit  être  rapproché  de  celui  de 
Buckingham,  qu'à  la  cour  de  Louis  XIII  on  prononçait  Bouquin- 
gan.  —  Dautre  part,  il  existe  quelques  noms  dans  la  forme  ori- 
g^inelle  desquels  on  voyait  ham  précédé  d'un  génitif  caractérisé 
par  la  finale  s  :  Hardinxent,  écart  de  Réty  (cant.  de  Marquise), 
Ardingeshem  au  xu''  siècle  —  Rinxent  (même  canton),  en  1119 
liinningshem  —  et  Tubersent  (cant.  d'Etaples),  au  ix°  siècle 
Thorhodeshem. 

804.  Hof,  «  cour,  ferme  »  :  Fouquehove.  hameau  de  Pernes 
(cant.  de  Boulogne-Nord;,  Monnecove,  hameau  de  Bayenghem- 
lez-Eperlecques  (cant.  d'Ardres)^  Rorichove,  lieu  dit  d'Andres 
(cant.  de  Guînes),  Walricove,  lieu  dit  de  Ferques  (cant.  de 
Marquise),  vocables  manifestement  formés  sur  des  noms 
d'homme;  —  Osthove,  hameau  de  Bainghen  (cant.  de  Desvres), 
Ostrohove,  hameau  de  Saint-Martin-Boul'ogne,  "Westhove,  hameau 
de  Blandec(jues  fcant.  de  Sainl-(Jmcr-Sud)  et  ancien  manoir  à 
(Juehnes  fcant.  de  Lumbres),  Westrehove,  hameau  d'I^qierlecques 
et  ancien  fief  entre  Rebergues  (cant.  d'Ardres)  et  Surques  (cant. 
de  Lumbres),  enfin  Zuthove,  lieu  dit  de  Ouelmes  (cant.  de 
Lumbres),  noms  rappehint  par  leurs  premiers  termes  la  situation 
orientale,  occidentale  ou  méridionale,  par  rapport  à  des  centres 
plus  inq)orlants,  <les  localités  auxquelles  ils  s'appliquent. 

805.  Jlolf,  «  bois  .)  :  Bouquehault  fcant.  de  Guînes),  Écault, 
hameaux  d'Olfretliun  (cant.  de  Mar(piise)  et  de  Saint-l^ltienne 
''cant.    de  Samcrj,    bois   à  (juestreccpies   (inêiiu'  canton),   Hodre- 


(JRIGlMiS    SAXONNES    E.N     HOLLENOIS  195 

nault,  ancien  fief  à  Réty  (cant.  de  Marquise)  ;  —  et,  avec  une 
terminaison  dillérente,  Cambrehout,  bois  à  Clerques  (cant. 
d'Ardres),  Cupréhout,  bois  à  Tournehem  (même  canton),  Ecout, 
écart  à  Tilques  (cant.  de  Saint-Omer-Nord),  Northout,  écart  de 
Bayeng-hem-lez-Eperlecques  (cant.  d'Ardres).  —  Tels  de  ces 
vocables  sont  formés  sur  des  noms  d'arbres  :  Écault  sur  celui 
du  chêne,  en  allemand  eiche,  et  Bouquehault  sur  celui  du  hêtre, 
en  allemand  bûche  ;  ce  sont  aussi  des  hêtraies  qu'il  faut  recon- 
naître dans  Bécourt  (cant.  d'Hucqueliers),  en  1170  Becolt,  et 
dans  Boncourt,  en  1157  Bocolt,  hameau  de  Fléchin  (cant.  de 
Fauquemberg'ues)  ;  à  la  désinence  primitive  de  ces  deux  noms 
l'usage  en  a  substitué  une  autre,  extrêmement  fréquente  en 
diverses  régions  de  la  France  septentrionale,  mais  dont  l'origine 
est  toute  différente. 

806.  Naes  :  voir  ci-dessus  n"*  751  et  752. 

807.  Sand,  «  sable  »  :  le  sens  du  nom  de  Wissant  (cant.  de 
Marqtiise),  dont  les  mentions  abondent  depuis  le  xi''  giècle,  est 
attesté  parce  passage  de  Lambert  d'Ardres  :  Britannicus  por- 
tus,  qui  ab  albedine  arène  vulgari  nomine  appellatur 
Witsant.  —  Sand  semble  bien  être  le  premier  terme  du  nom  de 
Sangatte,  mentionné  ci-dessus  (n"  802). 

808.  Stan,  «  pierre,  roche  »,  ne  paraît  pas  avoir  été  employé 
comme  désinence  dans  la  toponomastique  du  Boulenois  ;  mais  on 
l'a  rencontré  comme  premier  terme  des  noms  Estiembecqiic 
(n«  794),  Étiembrique  (n«  796)  et  Étienfort  (n"  801).  . 

809.  Wald,  «  forêt  »  :  Pelengaud  '. 

810.  Zelle,  «  chapelle  -  »  :  Floringuezelle,  Haringuezelle  et 
Waringuezelle,  hameaux  d'Audinghen  (cant.  de  Marquise), 
Watrezelle,  hameau  de  Wimille. 

1.  Le  Dictionnaire  topographique  du  département  du  Pas-de-Calais  de 
M.  de  Loisne,  paru  en  1907,  renferme  un  article  ainsi  conçu  :  <(  Pklinc.hiîn, 
f.,  com.  de  Saint-Martin-Boulogne.  —  Pelinghen,  1305  (terr.  do  Saint- 
Wulmer,  p.  46).  —  Pellinghuen,  1.530  ^cueill.  do  N.-D.  de  Boul.,  G.  23).  — 
Peleufjaad  (Etat-maj.)  ».  Il  est  évident  que  la  dernière  de  ces  «  formes 
anciennes  »,  comparée  aux  deux  autres,  doit  être  lue  Pelengand.  Nous  ne 
reproduisons  donc  que  sous  toutes  réserves  une  indication  qu'Aug.  Lon- 
gfnon,  s'il  s'était  arrêté  aux  textes  du  xvi«  siècle  signalés  par  M.  de  Loisne, 
aurait  sans  nui  doute  sacrifiée,  et  dont  on  retiendra  seulement  que  le  mot 
wald,  commun  aux  divers  idiomes  germanicjues,  peut  bien  avoir  laissé  des 
traces  en  Boulenois  comme  dans  d'autres  régions  de  notre  pays. 

2.  Sur  le  sens  de  ce  mot,  A.  Loiii^non  s'exprimait  ditlVremment  dans  sa 
lc(,:on  du  18  décembre  1890,  au  Collège  de  France  :  «  Le  mot  zelle,  au  sens 
de  cellule  ou  de  petite  maison,  emprunte  nu  latin  ce  lia  par  les  poi)uia- 
tions  germani(jues...  ». 


XLIV 
ORIGINES    BURGONDES 

811.  Il  est  question  des  Bur^ondes  pour  la  première  fois  dans 
l'Histoire  nafuT'elle  de  Pline,  où  leur  nom  est  associé  à  celui  des 
Vandales  :  Vindili  quorum  pars  Burgundiones  ^  ;  ils  habi- 
taient alors  non  loin  de  la  mer  Baltique.  On  trouve  dans  Ptolé- 
mée  ime  mention  des  Bcup-^foii^^-î.:,  dont  il  n'y  a  pas  un  parti  appré- 
ciable à  tirer.  Les  Burg-ondes  furent  chassés  de  leur  territoire 
vers  le  milieu  du  iii*^  siècle  par  les  Gépides,  le  fait  est  attesté  par 
l'historien  national  des  Goths,  Jordanès,  évêque  de  Ravenne  ; 
ils  vinrent  alors  se  fixer  vers  la  forêt  Hercynienne,  dans  le  voi- 
sinage des  P'rancs,  des  Thuringiens,  des  Suèves  et  des  Alamans  ; 
alliés  par  des  mariages  aux  garnisons  romaines  de  la  région,  ils 
prirent  des  habitudes  sédentaires,  et  construisirent  des  «  bourgs  » 
à  maisons  contiguës  :  c'est  dans  cette  dernière  circonstance 
qu'Orose  et  Isidore  ont  pensé  trouver  l'étymologie  de  leur  nom. 

Leur  premier  établissement  en  Gaule  date  vraisemblablement 
de  la  îrrande  invasion  barbare  de  406-407.  Ils  se  fixèrent  dans  la 
Première  Germanie,  près  de  Worms,  qui  devint  la  résidence  de 
leurs  rois.  Le  souvenir  de  ceux-ci  est  consigné  dans  la  Loi  Gom- 
hclte  et  dans  le  poème  épique  des  Xihelungen,  où  ces  princes 
portent  les  noms  de  Gibich,  Gisleher  et  Gunther  :  ce  dernier,  que 
les  textes  des  v^  et  vi*^  siècles  appellent  Gundahariiis  ou  Gundi- 
carius,  se  considérait  comme  un  auxiliaire  de  la  puissance 
romaine,  et  en  411,  à  Mayence,  il  fit  proclamer  empereur  un 
obscur  soldat,  Jovin,  qui  fut  tué  l'année  suivante.  Vers  435, 
Gunther  fut  battu  par  Aétius  qui,  selon  l'expression  de  Prosper 
d'Aquitaine,  accorda  la  paix  à  ses  supplications  ;  mais  pou  après, 
les  Huns  d'Attila  taillèrent  en  pièces  les  Burgondos,  près  du 
Rhin,  en  une  bataille  où  périt  toute  la  famille  royale  :  le  récit 
de  ce  désastre  termine  le  poème  des  IViheliiii'jcn,  où  Attila  est 
appelé  Elzel. 

1.    Ilisl.  n;it.,  I\',   -JH    rd.    i.ciiiiiiic,   II.  :Ci)\. 


ORIGINES    BUKGONDES  197 

On  tient  du  chroniqueur  Prosper  Tiro  que,  qi;elques  années 
plus  tard,  les  Romains  recueillirent  les  débris  du  peuple  bur- 
«j^onde  dans  le  pays  qui,  sous  le  nom  de  Sapaudia,  s'étendait  dans 
la  partie  de  la  Suisse  qui  confine  au  lac  Léman,  et  comprenait  en 
outre,  semble-t-il,   une  partie  du  département  de  TAin. 

En  436,  les  Bur^ondes  paraissent  avoir  accru  leur  territoire  ; 
la  Séquanaise  reconnut  leur  autorité.  Lyon  et  la  Première  Lyon- 
naise devinrent  leur  proie  vers  469  ;  et  Ion  sait  la  douleur  causée 
à  Sidoine  Apollinaire  par  le  mariage,  célébré  dans  sa  ville 
natale,  de  la  fille  d'un  roi  burgonde  avec  le  franc  Sigismer.  Les 
Burgondes  poussèrent  bientôt  -leurs  conquêtes  jusqu'à  la  Durance. 
Indépendants  jusqu'en  334,  ils  furent  alors  soumis  par  les  Francs. 

Dans  cette  vaste  «  Bourgogne  «,  comprenant,  avec  la  région 
qui  a  conservé  ce  nom,  le  pays  de  Langres,  la  Franche-Comté, 
une  partie  de  la  Suisse,  la  Savoie,  le  Lyonnais,  le  Forez,  le  Dau- 
phiné  et  la  Provence  septentrionale,  les  colons  burgondes  étaient 
inégalement  répartis.  Il  convient  de  distinguer  entre  les  pays  que 
ces  étrangers  colonisèrent  effectivement,  et  ceux  qui  ne  firent 
que  reconnaître  leur  domination  :  c'est  surtout  à  l'étude  des  noms 
de  lieu  qu  il  faut  demander  les  moyens  d'établir  cette  distinction. 
On  se  gardera  donc  d'attribuer  aux  Burgondes,  comme  l'a  fait 
M.  Perrenot  dans  une  étude  publiée  en  1904  par  la  Société 
d'émulation  de  Montbéliard,  l'ensemble  des  noms  de  lieu  d'ori- 
gine germanique  signalés  dans  l'étendue  de  l'ancien  royaume  de 
Bouro:oone. 

Les  pays  où  dominèrent  les  Burgondes  à  la  fin  du  v^  siècle  et 
dans  le  premier  tiers  du  vi'^,  sont  aujourd'hui,  à  peu  près  exclu- 
sivement, de  langue  romane.  A  première  vue,  on  n'y  découvre 
pas  de  noms  de  lieu  accusant  nettement  une  origine  germanique  ; 
mais  l'étude  des  chartes  antérieures  au  xir  siècle  —  malheureu- 
sement très  rares  pour  cette  contrée  —  révèle  l'existence  en 
Franche-Comté  et  dans  la  Suisse  romande,  de  vocables  géogra- 
phiques dont  les  terminaisons  dénotent  l'origine  germanique,  et, 
dans  l'espèce,  burgonde. 

812.  Un  cartulaire  de  l'église  cathédrale  de  Lausanne,  publié 
en  1831  par  la  Société  de  l'Histoire  de  la  Suisse  romande,  fait 
passer  sous  nos  yeux,  dans  des  chartes  des  ix*"  et  x*^  siècles, 
quelques  noms  de  lieu  présentant  la  terminaison  -in(/,  -inffcn, 
latinisée  en  -ingus,  -ingi.   On  rencontre  ainsi  :  en  836  Marsin- 


198  LES    NOMS     DE    LIEU 

g-us.  Escarlingus,  Vuipedingus,  Marsens,  Écharlens  et 
Vuippens,  en  allemand  Wippingen,  localités  appartenant  toutes 
trois  au  canton  de  Fribourg-  ;  —  vers  948,  Sclepeding-us  et 
Runing-i,  Éclepens  et  Renens,  au  canton  de  Vaud  ;  —  en  963. 
Scubilingus  et  Losingus.  Écublens  et  Lucens,  au  même  can- 
ton ;  —  vers  975  Sotringi,  soit  Sorens  ou  Soring,  au  canton 
de  Fribourg-;  —  au  x*"  siècle  enfin,  Dalling-i  et  Resolding-i, 
Dailians  et  Ressudans,  au  canton  de  Vaud. 

813.  Les  chartes  de  l'abbave  de  Cluny  intéressant  la  Bour- 
gogne fournissent  peu  de  noms  de  cette  espèce  :  on  peut  citer 
Offanengos,  vers  908,  Offeningo,  vers  952,  Ofifanans  (Ain"). 

814.  On  constate, que  la  terminaison  romane  qui  procède  de 
-ing  est  -ens  dans  la  Suisse  romande,  -ans  entre  le  Jura  et  la 
Saône.  Au  point  de  vue  de  la  prononciation  le  résultat  est  le 
même,  et  c'est  celui  qui  a  été  sig-nalé  plus  haut  [n°  739)  à  propos 
des  mots  flamand^  hareng,  merlan,  éperlan  ;  dans  certaines  par- 
ties du  département  on  observera  la  variante  -eins  (cf.  ci-dessous, 
n"  850).  -ans  est  une  g;raphie  plus  moderne  que  -ens,  car  dans  les 
noms  Abhans,  Foucherans,  Gonsans,  Boulans,  les  formes  anté- 
rieures au  XIII*  siècle  se  terminent  par  -ens. 

De  toutes  les  régions  de  la  France  qui  ont  été  soumises  aux 
Burgondes,  c'est  la  Franche-Comté  qui  comprend  le  plus  grand 
nombre  de  noms  de  commune  en  -ans,  c'est-à-dire  issus  d'adjec- 
tifs germaniques  terminés  en  -ing.  On  en  compte  87  dans  le 
département  du  Doubs,  soit  presque  un  septième  de  l'effectif 
total  des  communes,  qui  est  de  636  ;  50  sur  583  dans  la 
Haute-Saône,  soit  un  peu  plus  du  douzième  ;  38  sur  585  dans  le 
Jura,  soit  un  peu  moins  du  quinzième.  Un  certain  nombre  de  ces 
vocables  vont  être  passés  en  revue  ;  on  considérera  d'abord  les 
trois  départements  franc-comtois  en  procédant,  pour  le  Doubs, 
par  arrondissements  ^  ;   ensuite  les  départements  voisins. 

Arrondissement  de  Jies,inçon. 

815.  Abbans,  de  Ahhing,  adjectif  nominal  formé  sur  l'équiva- 
lent buigonde  du  nom  franc  Abbo,  qu'on  voit,  au  ix"  siècle,  portt' 

1.  I.'aiTondisscriKMil  <l(^  l*(iii(:irlior  ne  (•oinpivnd  iniPim  nom  (1(>  comnimio 
en  -un». 


ORIGINES    BUKdOiNDES  199 

par  un  moine  de  Saint-Gerniain-des-Prés,  auteur  d'un  poème  sur 
le  siège  de  Paris. 

816.  Amondans,  de  Agmonding,  formé  sur  un  nom  d'homme 
latinisé  en  Ag-imundus  ;  celui-ci  présente  une  finale  (cf.  ci-après, 
n°-  1134  à  1136)  qui  lui  est  commune  avec  les  noms  dont  nous 
avons  fait  Pharamond,  Raymond,  Fî^omond,  etc. 

817.  Bartherans,  pour  Bertherem,  a  pour  racine  le  nom 
d'homme  germanique  latinisé  en  Bertharius.  Le  nom  Berihier, 
qu  on  ne  rencontre  plus  que  comme  nom  de  famille,  était,  au 
moins  jusqu'au  xiv'^  siècle,  employé  comme  nom  de  baptême  en 
Franche-Comté. 

818.  FoucheranSj  en  1162  Folcherens^  est  apparenté  au  nom 
Foucher,  dont  le  thème  g-ermano-la tin  estFolcarius  ou  Fulca- 
rius. 

819.  Germondàns  a  pour  origine  probable  Garimunding 
formé  sur  Garimund,  lequel  a  donné  Gerniond. 


Arrondissement  de  Baunie-les-Dames . 

820.  Bremondans,  de  Bretmund. 

821.  Glamondans,   de  Glaumund. 

822.  Hyémondans,  probablement  de  Leudmund. 

823.  Guians-Fennes,  du  nom,  latinisé  en  Wido,  qui  a  donné 
Ginj. 

824.  Orsans,  du  nom  latin  Ursus. 

Arrondissement  de  Montbéliard. 

825.  Bavans,  du  nom  latinisé  en  Babo,  puis  Bavo. 

826.  Frambouhans,  de  Francobod,  nom  g-ermani(|ue  dont  le 
second  terme  se  retrouve  dans  le  nom  qui  suit. 

827.  Mambohans,  de  Mcyinhod,  qui  a  donné  Maimbeuf. 

828.  Rémondans,  de  Regimund  ou  Ralmund. 

829.  Semondans,   de  Sigismand,  qui  fut  au  vi''  sièeh?  le  nom 
d'un  roi  burgoude,  et  dont  la  forme  vulgaire  est  Siniond. 

830.  Thiébouhans,  de  Teulhod. 

831.  Vermondans,  du  nom  latinisé  en  \\'ariinuiulus. 


200  LES     NOMS    UE    LIEU 

Hâuie-Saône. 

832.  Amblans,  du  nom.  latinisé  en  Amalo  ou  Amulo,  qui, 
sous  cette  dernière  forme,  a  désigné  un  archevêque  de  Lyon  au 
ix^  siècle;  ce  nom  se  retrouve  dans  Ablancoui^t  (Marne),  appelé 
en  850  Amblonis   curtis. 

833.  Aubertans,  de  Adalhert  ou  de  Autbert. 

834.  Bouhans  —  nom  porté  par  trois  communes  —  du  nom 
d'homme,  latinisé  en  Bodo,  qui  représente  la  première  partie  du 
nom  de  Boncoiwt  (cf.  ci-après,  n°  1011). 

835.  Lieffrans,  de  Lietfrid  ou  Liutfrid,  en  français  Leufroi. 

836.  Malbouhans,  de  Madnlhod. 

837.  Thieffrans,  de  Teotfrid  ;  ce  nom  est  à  Thieffrain  (Aube), 
ce  que  Loheran  est  à  J.e-rrain,  dérivé  comme  lui  de  Lotha- 
ring-us. 

838.  Vadans,  du  nom  d'homme  latinisé  en  Waddo,  qui  con- 
stitue l'un  des  éléments  du  nom  de  Wadenfhun,  mentionné 
ci-dessus  (n»  785).  —  Cf.  'Vuadens  (Suisse,   cant.   de  Fribourg). 

Jui^a. 

839.  Augerans,  du  nom  latinisé  en  x\delgarius,  primitif  du 
nom  de  famille  Augier  ou  Augcr,  qui  a  pour  diminutif  Auge- 
reau. 

840.  Foucherans,  homonyme  dune  commune  du  Doul)s 
(n"  818),  et  "Vadans,  homonyme  dune  commune  de  la  Haute- 
Saône  (n"  838). 

Côle-dOr. 

841.  Chamblanc   (cant.     de   Seurrei,    au   xiii'"    s.    Chamlilans. 

Saône-et-Loirc. 

842.  Bouhans  (cant.  de  Saint-(iermain-du-Bois),  homonyme 
de  trois  coiiiiiiunes  de  hi  Ihuito-Saône  (^n"  834). 

843.  Gommerans.  ccait  du  Tartre  (même  canton),  de  ^rW<'m;}/\ 
nom  que  |)ortèrent,  aux  v''  et  vi'=  siècles,  plusieurs  princes  bui- 
gondes,  et  notamment  un  frèi-e  et  un  fils  du  roi  (jondebaud. 

844.  Louhans.  appelé  en   S"')  l't  !>l.'»   Lovingus  :  cette    ville 


ORIGINES    BURGONDES  201 

est    le    chef-lieu  de   l'arrondissement  auquel   appartiennent   les 
deux  communes  qui  précèdent  et  celle  qui  suit. 

845.  Mervans  (cant.  de  Saint-Germain-du-Bois),  en  1140 
Merven^i,  du  nom,  latinisé  en  Merovecus,  qui  fut  celui  du  fon- 
dateur de  la  première  race  de  nos  rois. 

Ain. 

846.  Garnerans  (cant.  de  Thoissey),  auxii"  siècle  Guarnerens, 
du  nom  qu'on  voit,  au  \f  siècle,  latinisé  en  Warnacarius,  et 
qui  a  donné  en  français  Garnier. 

847.  Graveins,  hameau  de  Villeneuve  (cant.  de  Saint-Trivier- 
sur-Moignans),  synonyme  des  Grafiiig,  Gnifuiff,  Graffingen, 
cités  plus  haut  (n°  738),  au  sens  de  «  domaine  du  comte  ». 

848.  Offanans  :  voir  ci-dessus,  n°  813. 

849.  Romaneins,  écart  de  Saint-Didier-sur-Chalaronne  (cant. 
de  Thoissey),  fournit  un  exemple  d'adaptation  du  suffixe  -Ing  à 
un  nom  d'homme  latin. 

850.  On  vient  de  rencontrer  deux  exemples  de  la  variante -ej'/is  : 
celle-ci  est  fréquente  dans  le  canton  de  Saint-Trivier-sur-Moi- 
g-nans,  qui  appartient,  comme  celui  de  Thoissey,  à  l'arrondisse- 
ment de  Trévoux  :  Amareins,  Baneins,  Cesseins,  Ghaleins,  Gha- 
neins,  Fareins,  Francheleins .  Si  l'on  possédait  de  ces  noms 
des  formes  suffisamment  anciennes,  on  déterminerait  aisément 
les  noms  d'hommes  auxquels  ils  se  rattachent  '.  Du  moins,  il  est 
permis  de  reconnaître  dans  la  racine  de  Fareins  le  nom  de  Faro, 
porté   au  vu-  siècle  par  un  évêque  de  Meaux,    qui  était  précisé- 

1.  M.  Ed.  Philipon,  (dont  le  Dictionnaire  lopoçjraphiquc  du  déparieuient 
de  l'Ain  a  paru  en  1911,  c'est-à-dire  l'année  même  de  la  mort  d'Auguste 
Longnon,  prétend  {In/rod.,  p.  x)  que  «  l'influence  exei-cée  par  l'occupation 
burgonde.  .  .  sur  l'onomastique  de  l'Ain  a  été  à  peu  près  nulle  »  ;  il  estime 
[ihid.,  p.  xi)  «  malaisé  de  reconnaître,  sous  leurs  formes  romanes,  le  suflixe 
germanique  -in;/-  du  suffixe  ligure  -inco-  »  ;  et  il  opine  visiblement  pour 
ce  dernier.  Ses  arguments  ne  nous  paraissent  pas  probants:  on  ne  saurait, 
par  exemple,  souscrire  à  l'aflirmation  qu'«  en  germanique,  le  suffixe -j/i(/- ne 
s'ajoute  jamais  qu'à  des  noms  simples  »  (cf.  Revue  hiatoric/ue,  ('.\,  304). 
D'autre  part,  le  groupement,  sur  le  terrain,  des  noms  cités  par  A.  Longnoa 
est  particulièrement  caractéristique  ;  l'hypothèse  d'une  colonie  burgonde  à 
une  assez  faible  distance  de  Lyon  est  on  ne  peut  plus  vraisemblable  ;  tandis 
qu'on  n"a  aucune  raison  positive  de  supposer  qu'il  y  ait  eu  là  un  étal)iisse- 
nu'ul  ligure  aussi  élroitemoiil  (ItMiniilé. 


202  LES    NOMS    DE    LIEU 

ment  d'origine  burgonde.  Quand  à  FrancJicleins,  il  représente 
évidemment  l'ancien  adjectif  F/'ankaling ,  latinisé  en  Fianca- 
lingus  :  cet  adjectif  est  aussi  la  source  du  mot  franklin,  qui  dési- 
gnait une  certaine  classe  d'hommes  libres  dans  l'Angleterre  médié- 
vale, et  est  devenu  nom  de  famille. 

851.  Le  ff  du  suffixe  -inff  n'a  pas  laissé  de  traces  dans  les 
noms  de  lieu  en  -ens,  -ans  eÀ-eins.  Il  devait,  au  contraire,  per- 
sister lorsque  ce  suffixe  était  latinisé  sous  la  forme  féminine. 
Une  quinzaine  de  noms  de  lieu,  qu'on  rencontre  entre  le  Doubs 
et  rOgnon,  paraissent  correspondre  à  des  primitifs  en  -inga.  Ce 
sont  :  dans  le  département  du  Doubs  Berthelange,  Jallerange 
(cant.  d'Audeux)  ;  dans  le  Jura  Auxange,  Louvatange.  Malange. 
Rouffange,  Sermange  (cant.  de  Gendrey),  Offlanges  (cant.  de 
Montmirey-le- Château),  Amange,  Archelange,  Audelange, 
Romange,  Vriange  (cant.  de  Rochefort-sur-Menon)  ;  dans  la 
Côte-d'Or  Bousselange  et  Jallanges  (cant.  de  Seurre).  Ces  noms 
—  est-il  besoin  de  le  dire  ?  —  n'ont  de  commun  qu'une  ressem- 
blance de  terminaison  toute  fortuite  avec  les  noms  en  -ange, 
procédant  de  primitifs  purement  latins  en  -anicus,  dont  on  a 
constaté  (cf.  ci-dessus,  n***  372  et  373)  la  présence  aux  confins 
de  l'Auvergne  et  du  Limousin. 

852.  Voici  un  autre  exemple  de  la  survivance  du  g  de  -ing, 
due  cette  fois  à  ce  que  ce  suffixe  s'est  trouvé  suivi  d'une  dési- 
nence diminutive  :  il  est  impossible,  en  etfet,  de  voir  dans  Blus- 
sangeaux  (Doubs,  cant.  de  l'Isle-sur-le-Doubs)  autre  chose  qu'un 
diminutif  du  nom  de  Blussans,  porté  par  une  commune  voisine, 
et  représentant,  semblc-t-il,  un  primitif  Blcssing. 

853.  Faut-il,  dans  la  catégorie  présentement  étudiéie,  faire 
icntrer  les  noms  de  lieu  suivants,  qui  appartiennent  au  départe- 
mciil  (le  la  llaule-Savoie  :  Samoëns  et  Vulbens.  d'une  part, 
AUinges,  Fillinges,  Larringes  et  Lucinges,  dauire  part?  Il  est 
|)ruiient  de  s'en  tenir,  sur  ce  point,  à  une  simple  hyj)()thèse,  car 
nous  iiiaiiquoiis  de  documents  anciens  sur  la  légion. 

854.  <  Ml  a  découvert,  dans  la  Suisse  romande  l'I  dans  la  Franclie- 
Comtc,  bon  nombre  de  cimetières  germaniques  :  les  données  de 
rarclu'olo^ie  conlirment  donc  celles  de  l'histoire,  (jui  placent,  on 
l'a  vu  (n"  811j  dans  la  Sajuuidia  piiinitive  le  premier  élai)lisse- 


ORIGINES    nURGONDES  _  203 

ment  des  Burgondes  en  Gaule.  Une  autre  attestation  de  la  colo- 
nisation germanique  de  ces  contrées  est  fournie  par  le  nom  de 
Romanèche,  qu'on  rencontre  dans  le  canton  de  Vaud  et  dans  nos 
départements  de  IWin  —  où  il  est  porté  par  une  commune  et 
au  moins  quatre  écarts  —  et  de  Saône-et-Loire.  Il  faut  voir  dans 
ce  nom —  Romanisca  —  l'appellation  imposée  parles  barbares 
à  de  petits  centres  où  la  population  romaine  s'était  maintenue. 
Le  même  fait  s'est  produit  dans  une  autre  région,  qui  a  fait  aussi 
partie  de  l'empire  romain.  Un  villag-e  des  environs  de  Salzburg", 
en  Bavière,  est  appelé,  dans  des  textes  de  l'époque  caroling'ienne, 
tantôt  vicus  romaniscus,  tantôt  vicus  Walschdorf.  L'adjec- 
tif i/^a /se /le,  auquel,  sous  la  forme  ivelsch,  les  Allemands  donnent 
le  sens  d'  «  étrangers  >>,  surtout  à  propos  des  Français  et  des 
Italiens,  procède  du  mot  ivala,  par  lequel  les  barbares  désignaient 
les  Romains  ;  on  connaît  l'emploi  que  Voltaire  faisait  du  mot 
«  \velche  »  ;  la  langue  anglaise  appelle  Welsh  les  Gallois  ;  et  le 
qualificatif  «  wallon  »  a  désigné  dans  la  France  septentrionale, 
et  désigne  encore  en  Belgique,  les  populations  de  langue  romane. 

855.  Peut-être  convient-il  d'apporter  quelque  réserve  dans 
l'attribution  exclusive  aux  Burgondes  de  la  totalité  des  noms 
de  lieu  d'origine  germanique  qui  viennent  d'être  passés  en 
revue.  Une  part  n'en  serait-elle  pas  due  aux  Alamans  qui,  vers  la 
fin  du  vi"  siècle  ou  le  commencement  du  vii^,  pénétrèrent  dans 
le  pays  avoisinant  le  Jura?  D  autre  part,  les  Varasci  et  les  Sco- 
tingi  s'établirent  à  l'est  de  la  Franche-Comté,  où  deux  paçfi  ont 
conservé  leurs  noms  :  le  Varay  et  VEscuens  (cf.  ci- dessus,  n*^  526)- 

Les  Varasci  furent  convertis  par  saint  Eustase,  abbé  de 
Luxeuil,  qui  mourut  en  623,  L'établissement  de  ces  barbares 
raviva  certainement  l'élément  germanique  sur  le  versant  occiden- 
tal du  Jura,  mais  il  est  impossible  de  dire  dans  quelle  proportion. 
La  distinction  est  d'autant  plus  difficile  à  faire  que,  dans  d'autres 
parties  de  la  Bourgogne  où  ces  Germains  n'ont  jamais  pénétré, 
les  noms  de  lieu  ne  dilfèrent  pas  de  ceux  du  Valais  et  du  pays 
de  Vaud.  Si  l'on  était  tenté  d'attribuer  aux  Varasci  les  noms  en 
-ange  énumérés  plus  haut,  il  faudrait  prendre  garde  à  ce  que  le 
pays  dans  lequel  ils  sont  groupés  —  YAnious,  pagus  Amavus 
—  rappelle  le  souvenir  des  Francs  Ghaniaves,  qui  s'y  s'établirent 
on  ne  sait  à  quelle  époque,  peut-être  comme  auxiliaires  de  1  1^'m- 
pire. 


XLV 

ORIGINES     GOTHIQUES 

856.  Les  Goths  ont  dominé  pendant  plus  de  deux  siècles  et 
demi  dans  le  midi  de  la  France,  en  Septimanie. 

Originaires  de  la  Scandinavie,  ils  quittèrent  leur  première 
patrie,  les  Gépides  formant  leur  arrière-garde  ;  des  bords  de  la 
Baltique,  ils  s'avancèrent  à  travers  l'Europe  orientale  jusqu'à 
l'embouchure  du  Dniepr  ;  tandis  que  les  Gépides  poussaient  plus 
au  sud,  ils  s'établirent  des  deux  côtés  du  fleuve,  et  formèrent,  dès 
la  fin  du  ii^  siècle  de  notre  ère,  deux  nations  distinctes,  les 
Ostrogoths  ou  «  Goths  de  l'est  »,  sur  la  rive  gauche,  et  les 
Wisigoths . 

Au  iv®  siècle,  Hermanaric^  roi  des  Ostrogoths,  étendit  sa 
domination  sur  les  Slaves,  les  Gépides  et  les  Ostrogoths  ;  il 
vivait  encore  en  374,  quand  les  Huns,  qui. couvraient  les  deux 
versants  des  monts  Ourals,  passèrent  -le  Volga,  et  se  ruèrent  sur 
son  empire  :  le  vieux  roi,  deux  fois  vaincu  par  eux,  se  donna  la 
mort. 

Les  Wisigoths  se  replièrent  vers  le  Pruth  et  le  Danube  :  c'est 
alors  que  lévêque  Ulfilas  leur  conseilla  de  solliciter  de  l'empe- 
reur la  permission  de  se  réfugier  sur  son  territoire  :  en  376,  ils 
passèrent  le  Danube  au  nombre  d'environ  deux  cent  mille.  Ils  ne 
se  montrèrent  pas  reconnaissants  d'une  hospitalité  qui  n'était  ni 
très  humaine,  ni  très  honorable  :  ils  se  révoltèrent  et  mirent  le 
siège  devant  Constantinople.  L'empereur  Valens,  après  avoir 
réussi  à  les  refouler,  fut  battu  et  périt  près  d'Andrinople. 

Théodore  fit  bientôt  rentrer  les  Wisigoths  sous  sa  domination. 
Mais  après  sa  mort,  leur  chef  Alaric  dévasta  les  pr(»vinces  de 
l'I^mpire  situées  au  sud  du  Danube,  et  s'empara  trois  fois  de 
Home.  Ataulf,  beau-frère  et  successeur  d'Ahiric,  mourut  assas- 
siné en  415,  après  avoir  parcouru  le  midi  de  la  Gaule  et  une  par- 
tie de  l'Espagne. 

Les  Wisigoths  avaient  ainsi  pris  pied  une  j)ri'mière  fois  dans 
notre  pays.  On  les  y  retrouve  dès4lî)  avec  \\  allia  :   l'empei-our 


UHUUiNES    (lOTHlQUES  205 

Honorius  leur  céda  le  territoire  compris  entre  la  Garonne,  les 
Pyrénées  et  l'Océan,  avec  plusieurs  cités  avoisinantes  :  Toulouse 
devint  leur  capitale.  Ils  luttèrent  avec  succès  en  Espagne  contre 
les  Suèves  ;  et,  en  Gaule,  leur  domaine  s'étendit,  d'une  part, 
jusqu'à  Narbonne  et  Nîmes,  d'autre  part,  jusqu'à  la  Loire.  Sous 
Alaric  II,  le  royaume  wisigoth,  borné  par  l'Océan  et  la  Loire, 
s'étendait,  au  delà  du  Rhône,  sur  la  partie  de  la  Provence  située 
au  sud  de  la  Durance. 

La  victoire  de  Vouillé,  remportée  en  507  par  Glovis,  restrei- 
gnit considérablement  en  Gaule  la  puissance  des  Wisigoths,  qui 
n'y  conservèrent  que  la  Septimanie,  c'est-à-dire  le  pays  compris 
entre  les  Cévennes  et  la  Méditerranée,  le  Rhône  inférieur  et  les 
Pj'rénées  :  ce  pays,  appelé  aussi  Gothie,  ne  devait  être  soumis 
par  les  Francs  qu'au  temps  de  Pépin  le  Bref.  Après  la  mort  de 
Glovis,  le  Rouergue  paraît  être  tombé  au  pouvoir  des  Wisigoths 
pour  une  vingtaine  d'années. 

Les  établissements  wisigoths  ne  furent  pas  également  répar- 
tis entre  toutes  les  contrées  de  la  Gaule  qui  leur  étaient  sou- 
mises. C'est  dans  le  Rouergue,  le  bas  Languedoc  et  les  pays 
adjacents  qu'on  a  trouvé  le  plus  de  cimetières  barbares,  et  qu'on 
rencontre  le  plus  de  noms  de  lieu  rappelant  le  souvenir  d'hommes 
de  race  germanique.  , 

857.  Les  textes  antérieurs  au  ix*^  siècle  qui  concernent  ces 
régions  sont,  à  la  vérité,  peu  nombreux  :  pourtant,  on  y  relève 
quelques  vocables  topographiques  terminés  par  le  suffixe  -ing. 

Une  charte  de  l'abbaye  de  Moissac,  datée  de  682,  mentionne, 
dans  le  Toulousain  Barolingus,  Besingus,  Orfollingus  et 
Speutingus,  et,  dans  le  pagus  Elusanus  ou  pays  d'Eauze 
(Gers),  Ginningus. 

A  l'époque  carolingienne,  on  voit  le  nom  Scatalingi  appliqué 
à  une  localité  qui,  vers  850,  était  désignée  par  l'appellation 
vague,  mais  très  intéressante,  de  Villa  Gotho  rum. 

Dans  une  charte  de  93  i,  une  localité  du  Carcasses  est  appelée 
Moschelingus. 

On  ne  peut,  à  l'heure  actuelle,  identifier  tous  ces  noms  de 
lieu;  du  moins  on  reconnaît  Besingus  dans  Bessens  (Tarn-et- 
Garonne),  Scatalingi  dans  Escatalens  (Tarn-ct-Garonne), 
Moschelingus  dans  Moussoulens  (Aude). 


206  LES    NOMS    DE    LIEU 

858.  On  le  voit,  dans  ces  pays  du  Midi,  le  suffixe  -ing  a  pro- 
duit des  noms  de  lieu  dont  la  terminaison  est  aujourd'hui,  comme 
dans  la  Suisse  romande,  -ens.  Dans  les  textes  des  x^  et  xi^  siècles 
cette  terminaison  affecte  généralement  la  forme  -encs,  dont  le  c 
représente  le  ff  du  suffixe  germanique. 

859.  On  se  gardera  bien  de  rapporter  à  ce  suffixe  tous  les 
vocables  en  -ens  qui  figurent  dans  la  nomenclature  topographique 
de  la  France  méridionale.  Flourens  (Haute-Garonne)  et  Laurens 
(Hérault)  correspondent  aux  noms  latiiis  Florentins  et  Lau- 
rentius,  et  rentrent  dans  la  catégorie  (  n°  288)  des  noms  de  lieu 
consistant  en  un  gentilice  pris  adjectivement,  le  nom  commun 
fundus  étant  sous-entendu  :  il  s'agit  ici  de  gentilices  terminés 
en  -entius.  Moins  anciens,  Puilaurens  (Aude)  et  Puylaurens 
(Tarn)  ont  pour  thème  étymologique  Podium  Laurentii. 
Villarzens  (Aude)  est  appelé  en  898  Villa  Ranesindi  :  la  dési- 
nence représente  celle  d  un  nom  d  homme  —  d'ailleurs  peut-être 
gothique  —  que  précède,  dans  l'espèce,  un  nom  commun. 

860.  Ces  réserves  faites,  on  peut  tenir  pour  considérable  le 
nombre  des  noms  de  lieu  dont  la  forme  primitive  aurait  été  un 
adjectif  nominal  en  -ing  attribuable  aux  Wisigoths.  Nombreux 
dans  les  départements  de  lAude,  de  la  Haute-Garonne,  du  Gers, 
du  Tarn  et  de  Tarn-et-Garonne,  ils  le  sont  moins  dans  la  Dor- 
dogne,  la  Gifonde,  les  Landes,  les  Basses-Pyrénées,  les  Hautes- 
Pyrénées,  ainsi  que  dans  l'Ariège  et  Lot-et-Garonne.  La  dési- 
nence -ens  a  pour  variantes  -enx  (cf.  -encs,  n"  858j  et  -eng  dans 
les  Landes  et  les  Basses-Pyrénées. 

861.  Parmi  ces  vocables,  il  en  est  dans  la  racine  desquels  on 
reconnaît  sûrement  un  nom  d  homme  germanique  :  Guitalens 
(Tarn),  de  Witalus  —  Ratayrens  (Tarn),  de  Ratarius  —  Arta- 
lens  (Hautes-Pyrénées),  de  Artaldus, 

862.  Parfois  l'adjectif  nominal  a  été  formé  sur  un  nom 
d'homme  romain  :  c  est,  en  effet,  la  comI>inaison  de  Maurus 
avec  le  suffixe  -ing  qu'il  est  permis  de  voir  dans  Maurens  i  Dor- 
dogne),  appelé  Maurencum  en  136."  et  Mmircn.r  on  Maurcnrx 
en  1382.  Cette  localité  a  des  homonymes  dans  \u  Haute-Garonne, 
le  Gers  et  le  Tarn  :  il  serait  imprudent  de  leur  attribuer  la  même 
origine  sans  s'être  reporté  aux  formes  anciennes. 

863.  On  a  vu  (n"  537)  qu  un  certain  nombre  de  noms  de  lieu 
(h;  France  rappellent  le  souvenir  des  Goths  :    il  est   inutile  de 


ORIGINES    GOTHIQUES  207 

reproduire  ici  lénumération  des  localités  qu'ils  désignent,  parmi 
lesquelles  il  ne  faudrait  présentement  envisager  que  celles  qui 
sont  situées  au  sud  de  la  Loire.  On  observera  seulement  que 
Gourville  (Charente)  et  Gourvillette  (Charente-Inférieure)  sont  à 
peu  de  distance  du  hameau  d'Herpès,  au  territoire  de  Gourbillac 
(Charente),  où  l'on  a  exploré  une  importante  nécropole  barbare 
qui  peut,  à  tous  points  de  vue,  être  considérée  comme  gothique. 


XLVI 
ORIGINES     FRANQUES     :     GÉNÉRALITÉS 

•  864.  Le  nom  des  Francs  apparaît  pour  la  première  fois  dans 
riiistoire  vers  l'an  240  de  notre  ère.  Ils  habitaient  sur  la  rive 
droite  du  Rhin,  dans  la  basse  Germanie.  Le  futur  empereur 
Aurélien,  alors  tribun  de  la  ^'P  légion,  eut  à  repousser  leurs 
incursions  en  Gaule  :  il  les  défit  complètement^  leur  tua 
sept  cents  hommes,  en  vendit  trois  cents  à  l'encan,  et  cet  exploit 
donna  lieu  à  une  chanson  militaire  dont  Thistorien  Flavius 
Vopiscus  nous  a  conservé  le  début  :  Mille  Francos,  mille 
Sarmatas  semeloccidimus...^.  Le  nom  de  F r a n c i  désignait 
collectivement  diverses  nations  germaniques  unies  par  un  lien 
fédéral,  mais  dont  chacune  avait  son  nom  particulier  :  les  Saliens 
—  qui  peut-être  ne  différaient  pas  des  Sicambres  —  les  Cha- 
maves,  les  Chattes  ;  le  nom  de  ces  derniers  se  retrouve  dans  celui 
delà  Hèsse,  l'aspiration  initiale  ayant  persisté,  et  la  double  den- 
tale sétant  altérée  en  un  son  sifflant. 

Cette  dernière  peuplade  s'est  bientôt  fait  connaître  sous  le  nom 
Ilattuarii,  présentant,  à  la  suite  de  l'appellation  originelle,  un 
suffixe  que  les  Romains  ont  rendu  par  -uarii  ou  -oarii.  Ce 
suffixe  a  servi  à  former  des  adjectifs  ethniques  :  Baioarii, 
ancien  nom  des  Bavarois  —  formé  sur  le  nom  de  peuple  cel- 
tique Boii  —  Cantuarii,  Vectuarii,  noms  que  les  Saxons 
établis  dans  la  Grande-Bretagne  donnèrent  aux  habitants  du  pays 
de  Kent  et  de  l'Ile  de  Wight  ;  et  1  on  remarque,  dans  l'allemand 
moderne,  des  adjectifs,  tels  que  herliner  et  fvicncr,  formés  à 
l'aide  du  suffixe  -cr  sur  des  noms  de  ville. 

Les  Francs,  vers  2(i0,  assiégèrent  Toul,  et  une  tle  leurs  bandes, 
après  avoir  traversé  toute  la  Gaule  et  la  péninsule  ibéricjue, 
franchit  le  détroit  de  Gibraltai-,  et  alla  périr  dans  les  sables  de 
la  Mauritanie. 

I.    Vilu  Aiiri'li.ini,  <l;iii^  lintn'H  ih's  llislDiim^  ilrs  (îniilcs,  I,  il'iO. 


oituiiiN'Ks  FKANuui:s   :   GKiMiKAi.i  ri:s  209 

\'ingt  ans  plus  tard,  lempereur  Probus  battit  les  Francs,  et 
établit  plusieurs  milliers  d'entre  eux  en  Gaule  comme  colons. 

En  286,  les  Francs  ravagèrent  les  côtes  de  la  Belgique  et  de 
TArmorique.  De  nouveaux  colons  furent  introduits  par  Maxi- 
mien Hercule  et  Constance  Chlore  dans  le  territoire,  alors  inculte, 
des  Nerviens  et  dans  les  cités  de  Trêves,  d'Amiens,  de  Troyes 
et  de  Langres  :  ils  n'ont  guère  laissé  de  traces  dans  ces  régions, 
sauf  peut-être  dans  le  sud-est  de  la  cité  de  Langres,  où  l'exis- 
tence, attestée  par  des  textes  du  haut  moyen  âge,  d'un  pagus 
Attoariorum,  donne  lieu  de  penser  que  des  Chattes  furent 
établis  (cf.  ci-dessus,  n°  526). 

Vers  290,  les  Saliens  occupèrent  lîle  des  Bataves,  soumise 
depuis  trois  siècles  à  la  domination  de  Rome  ;  un  demi-siècle  plus 
tard,  ils  envahirent  la  Toxandrie,  représentée  par  le  Brabant  et 
les  contrées  avoisinantes  ;  en  358,  ils  furent  défaits  par  Julien, 

Celui-ci  battit  les  Chamaves  en  360.  On  voit  alors  des  Francs 
Saliens  servir  dans  les  armées  impériales,  où  certains  parvinrent 
à  des  charges  importantes.  Il  est  probable  qu'au  début  du 
v"  siècle,  ces  Francs  colonisèrent  les  pays  arrosés  par  le  cours 
inférieur  de  l'Escaut. 

Sous  leur  chef  Clodion,  vers  440,  ils  se  rendirent  maîtres  de 
toute  la  région  située  au  nord  de  la  Somme,  et  continuèrent  la 
marche  en  avant. 

Les  Francs  Ripuaires,  riverains  du  Rhin  —  d'où  leur  nom, 
formé  à  l'aide  du  suffixe  -uarii  sur  le  latin  ripa  —  occupaient, 
au  début  du  v*'  siècle,  après  des  fortunes  diverses,  Cologne, 
Trêves  et  une  partie  de  la  Basse  Germanie.  Au  temps  de  Clovis, 
ils  avaient  pour  roi  Sigebert  le  Boiteux,  qui  combattit  les  Ala- 
mans  à  Tolbiac. 

Les  Ripuaires  et  les  Chattes  —  ceux-ci  s'étendaient  k  l'ouest 
jusqu'à  la  Sarre  —  reconnurent,  dans  les  premières  années  du 
vi*"  siècle,  la  domination  de  Clovis.  Ce  prince  soumit  le  roi  de 
Tournai,  s'empara  des  cités  de  Soissons  et  de  Reims,  et  devint 
maître,  par  la  victoire  de  Vouillé,  dé  presque  tout  le  territoire 
compris  entre  la  Loire  et  les  Pyrénées  ;  peu  à  peu,  il  absorba  les 
Etats  des  petits  rois  saliens  qui  régnaient  à  Cambrai  et  au  Mans. 
Ses  Ois  réunirent  à  IF.tat  franc,  en  53i-,  le  royaume  des  Bur- 
gondes,  et,  en  539,  la  partie  de  la  Provence  placée  sous  le  sceptre 
des  rois  ostrogoths. 

Les  noms  de  lieu.  \i 


210  LES    NOMS    DE    LIEU 

La  Gaule  pouvait,  dès  lors,  s'appeler  la  France,  puisque  la 
domination  franque  s'étendait  sur  la  presque  totalité  de  notre 
pçiys  actuel  ;  elle  en  débordait  d'ailleurs  considérablement  les 
limites  au  nord  et  à  l'est. 

Au  milieu  du  vi^  siècle,  on  distinguait  dans  la  France  deux 
parties  :  à  l'ouest,  la  Neustrie,  soumise  depuis  561  à  Ghilpéric  ; 
à  l'est,  lAustrasie,  où  régnait  à  la  même  époque  Sigebert.  Le 
nom  de  la  Neustrie  paraît  formé  sur  niust,  superlatif  de  l'ad- 
jectif niu  ou  neu,  cette  région  étant,  en  effet,  celle  que  les 
Francs  avaient  «  le  plus  nouvellement  »  occupée. 

Dans  l'Austrasie  ou  France  de  l'est,  les  Francs  avaient  sur  les 
populations  gallo-romaines  l'avantage  de  la  force  et  du  nombre  : 
ils  y  imposèrent  leur  langue  et  donnèrent  aux  localités  des  noms 
germaniques,  qui  subsistent  encore  dans  la  Prusse  et  la  Bavière 
rhénanes,  les  grands-duchés  de  Hesse  et  de  Luxembourg,  le 
Limbourg,  l'Alsace  et  la  partie  orientale  de  la  Lorraine  ;  c'est 
ainsi  que  Strasbourg^  Spire  et  Worms  ont  remplacé  Argento- 
ratum,  Nemetes  et  Vangiones. 

En  Neustrie,  la  population  gallo-romaine  était  assez  dense, 
tandis  que  la  population  franque  était  éparse  :  celle-ci  adopta 
bientôt  la  langue  latine,  et  les  noms  de  lieu  purement  germa- 
niques qu'on  peut  rencontrer  dans  cette  région  sont  en  minorité. 

On  peut  tracer  les  limites  de  la  colonisation  franque  en  Gaule 
en  distinguant,  parmi  les  noms  de  lieu  dus  aux  Francs,  ceux 
dont  tous  les  éléments  sont  germaniques,  et  ceux,  pouvant  être 
qualifiés  de  «  romano-francs  »,  qui  comprennent  des  éléments 
empruntés  à  la  langue  des  Gallo-Romains.  Ces  deux  catégories 
vont  être  étudiées  l'une  après  l'autre. 


XLVII 
NOMS     GERMANIQUES 

Par  analogie  avec  ce  qui  a  été  fait  pour  l'étude  des  noms  de 
lieu  d'origine  saxonne  en  Normandie,  on  passera  en  revue,  suc- 
cessivement, les  divers  éléments,  noms  communs  pour  la  plu- 
part, qui,  tirés  de  la  langue  des  Francs,  ont  laissé  des  traces 
dans  la  toponomastique  de  notre  pays. 

BAC 

Equivalent  de  l'allemand  moderne  hachei  du  néerlandais  heek, 
«  ruisseau  »,  ce  mot  se  retrouve  dans  un  grand  nombre  de  noms 
de  lieu. 

865.  Orbacus  désignait,  au  ix*'  siècle,  un  monastère  du  dio- 
cèse de  Soissons,  l'abbaye  d'Orbais  (Marne),  située  sur  un  ruis- 
seau auquel  primitivement  l'appellation  s'appliquait  en  propre. 
On  ignore  le  sens  du  terme  qui  précède  bac  :  il  se  retrouve  dans 
les  synonymes  d^Orhais  existant  aux  pays  de  langue  germa- 
nique :  Orbach  frégence  de  Cologne)  et  ses  dérivés  Orbachshof 
(Wurtemberg)  et  Orbachsmûhle  (régence  de  Coblenz)  —  c'est- 
à-dire  «  la  ferme  d'Orbach  »  et  «  le  moulin  d'Orbach  »  — -  et 
Oirbeek  (Belgique.  Brabaut).  Orbcc  ((Calvados)  est  évidemment 
une  variante  Scandinave  d'Orbais. 

866.  Saint  Ouen  fonda,  en  634,  au  diocèse  de  Meaux,  une 
abbaye  appelée  d'abord  Jérusalem,  et  qui  prit  ensuite,  du  nom  du 
cours  d'eau  qui  l'arrosait,  fluviolus  Resbacenus,  celui  de 
Rebais  (Seine-et-Marne),  que  la  localité  a  conservé.  Le  nom  de 
Rebais  est  porté  aussi  par  un  écart  du  département  de  l'Eure. 
Dans  un  diplôme  donné  en  87U  pour  l'abba^'e  de  Saint-Denis, 
Resbacis  super  fluvium  Resbacis  in  pago  Laudunensi 
désigne  Roubais  (Aisne).  On  peut  attribuer  la  même  origine  a 
RebetS  (Seine-Inférieure),  RebetZ  /Oise)  et  Rebecq  (Pas-de- 
Calais). 

867.  Rosbacius  est  appliqué   par  un  diplôme  de  731   à  une 


212  LES     NOMS     UL;    LUX' 

localité  du  pagus  Madriacensis  —  pays  de  Méré,  situé  entre 
Évreux  et  Poissy  —  dont  on  ignore  le  nom  actuel.  Cette  localité 
a  pour  synonymes  Roubaix  (Nord),  au  xi''  siècle  Boshace,  Robecq 
(Pas-de-Calais)  et,  en  AUemag-ne,  Rossbach,  ou  le  prince  de  Sou- 
bise  fut  battu  par  le  roi  de  Prusse  Frédéric  II,  en  1757.  Il  est 
permis  de  voir,  dans  le  premier  terme  de  ces  noms,  le  mot  alle- 
mand ross,  «  cheval  »  ;  cette  hypothèse  est  autorisée  par  l'exis- 
tence, dans  la  banlieue  parisienne,  au  territoire  de  Fontenay- 
sous-Bois,  dun  lieu  dit  Chevaiiru,  dont  le  nom,  entièrement 
roman,  représente  le  thème  étymologique  caballi  ri  vus.  De 
telles  appellations  évoquent  sans  doute  quelque  légende  germa- 
nique. 

868.  Les  Miracula  sancti  RicariL  écrits  au  xi*^  siècle,  men- 
tionnent, sous  le  nom  Scalbacis,  un  ruisseau  et  un  village  voi- 
sins de  Saint-Valery-sur-Somme.  Ce  nom,  latinisé  aussi  en 
Scalbacius,  ne  pouvait  donner  que  Escaubais  ou  Ecauhec,  et  on 
ne  saurait  se  rallier  à  l'opinion  qui  l'identifie  avec  Estréhœuf 
(Somme).  Schallbach  (grand-duché  de  Bade)  est  certainement 
un  synonyme  de  Scalbacis. 

869.  Waiïlbach,  nom  porté  en  Allemagne  par  une  douzaine  de 
localités,  a  pour  équivalents  romanisés  Warabaix(Nordi,  Wambez 
(Oise)  et  Gambais  (Seine-et-Oise),  dont  le  diminutif  Gambaiseul 
désigne  une  localité  voisine.  On  rencontre  en  Belgique  Wambeek 
(Brabant). 

870.  On  peut  rapprocher  de  ces  noms  ceux  de  Corbais,  Ger- 
bais  et  Lambay,  qui  appartiennent  à  la  nomenclature  du  dépar- 
tement de  l'Aisne,  le  second  comme  nom  de  ruisseau. 

871.  Un  certain  nombre  de  vocables  analogues  ont  été  étudiés, 
par  Godefroid  Kurth,  dans  son  ouvrage  intitulé  :  La  frontière 
linf/iiislif/iie  en  Belrjique  el  dans  le  nord  de  la  France  •  :  Bercen- 
bais,  Bierbais,  Brombais.  Chebais,  Ghisebais  Brabant;,  Corbais 

j^rabant,  Nanjurj,  Fleurbais  '  Pas-de-(>alais),  Glabais  (Brabant), 
Harbais  (Luxembourg),  Herbais  (Brabant).  Hollebais  niainaut), 
Lembais.  Marbais,  Metchebais.  Nodebais.  Opprebais,  Orbais, 
Pietrebais.  Pourbais,  Thorembais   Tuahanlj  ;  —  et  avec  des  ler- 

miiiaisf)iis  (jui    ne   dilTèrciit  guère   de  -huis   (jue  p;ir   la  gr;q)hie  : 

I.  Mrniniri's  i-Diironrirs  ri  .nilrrs  nn'-ninirt'K  jnihlirs  /tar  rAcndiUiiic  r<>i/;dr 
ih-  It.hii.pm^  (.ollcclion  iii-N".  lomt-  .\L\'1I1,  L'-Urrs  (  IJiuxclIrs,  IHU.'i). 


OIUGI.NES    KllA>QL'Eï>    '■     l^-'^''-  -l-"> 

Marbaix  (Nord,  Hainautj,  Molembaix,  Moulbaix,  Obaix,  Pipaix, 
Robaix  (Hainaut);  —  Marbay,  Rabay  (Luxembourg),  Rebay 
(Namurj,  Steinbay  (rég-ence  d'Aix-la-Chapelle  ',  Brabant),  Wem- 
bay  (Luxembourg)  ;  —  Bombaye,  Hallembaye  (Liège).  —  Lutre- 
bois  (Luxembourg),  est  appelé,  en  1469,  Lutrehay^  ce  qui 
l'apparente  à  l'allemand  Lauterhach,  équivalent  de  Clairefon- 
tuine.  —  Lobbes  (Hainaut)  se  rattache  au  même  groupe,  témoin 
la  forme  Laubacum,  qu'on  rencontre  en  707. 

872.  Dans  quelques  vocables  le  suffixe  formé  sur  -bac  a  revêtu 
la  forme  -hacia,  qui  a  donné  en  roman  -baise  ou  -bise  :  Barbaize 
(Ardennes),  en  868  Berbacis,  Jurbise,  Lombise,  Straubise 
(Hainaut),  Tubise  (Brabant),  en  877  Tobacis,  en  10o9  Tubecca. 

873.  Le  mot  francique  bac,  employé  isolément,  est  vraisem- 
blablement le  primitif  du  nom  de  Betz  (Oise),  localité  située  sur 
la  Grivelle,  affluent  de  l'Ourcq.  Betz  (Indre-et-Loire)  se  réclame 
sans  doute  d'une  origine  différente,  car  il  appartient  à  une  région 
où  il  n'y  eut  guère  de  colons  germaniques.  Et  Bais  (Mayenne), 
en  1125  Bediscum,  est  sans  rapport  étymologique  avec  les 
noms  en  -hais  dont  on  vient  de  lire  l'énumération. 

STROOM 

874.  Le  mot  stroom,  au  sens  de  «  cours  d'eau  »  est  repré- 
senté par  quelques  noms  de  lieu  de  la  France  septentrionale. 

Etrun  (Nord)  est  appelé,  sous  la  date  de  881,  dans  les  Annales 
de  Saint-Bertin,  Stromus  —  qui  représente,  à  bien  peu  de 
chose  près,  le  terme  originel  —  et  en  1254  Estrueni.  Cette  der- 
nière forme  désigne  aussi,  en  1227,  Etrun  (Pas-de-Calais),  loca- 
lité pour  laquelle  on  rencontre,  dès  1053,  une  autre  forme 
vulgaire,  également  caractérisée  par  la  prosthèse  d'un  e  :  Estrum. 
On  constate  (|ue  l'm  finale  s'est  ultérieurement  modifiée  en  n. 

Le  nom  d'Etrœungt  (  Nord  j  a  la  même  origine  que  les  précédents, 
dont  il  ne  diffère  que  par  une  graphie  toute  fantaisiste. 

1.  Steinha;/  est  un  écart  de  la  commune  de  Weismes,  et  celle-ci  faisait 
partie  du  cercle  de  Malmédy,  auquel  l'Allemagne,  aux  termes  de  l'ar- 
ticle XXXIV  du  traité  de  Versailles,  a  renoncé  en  faveur  de  la  Belgique.  — 
G.  Kurlh  observe  que  SleinLay  est  la  prononciation  indigène  du  nom  de 
Sleinhach  —  dont  rortliogra[)lie  officielle  est  prfih.ihlcMUMil  moderne  — 
porté  par  un  écart  de  l.imerlé  (Luxembourg). 


214  LES    NOMS    DE    LIEL" 

Dans  les  noms  d'Estreux  (Nord),  en  1107  Estrucni,  et  dÉtreux 
(Aisne),  en  1144  Estron,  le  son  nasal,  attesté  par  ces  formes 
anciennes,  a  disparu. 

Enfin,  dans  le  nom  de  Lestrun  (Pas-de-Calais),  Strunium  en 
1140,  on  observe  l'adjonction  de  l'article  roman,  d'où  l'on  est  en 
droit  de  conclure  que  le  mot  estrum  ou  estrem  a  été  usité  dans  le 
langage  courant. 

PARA 

875.  Le  mot  fara  fut  employé  par  les  Lombards  avec  le  sens 
de  (i  famille  »,  attesté  par  les  écrits  de  Paul  Diacre,  et  par  ce 
passage  de  ledit  donné  en  640,  par  le  roi  Rotharic  :  Si  qui  s 
liber  homo  potestatem  habeat  intra  dominium  régis 
cum  fara  sua  megrare  ubi  voluerit  '.  Le  nom  d'homme 
latinisé  Faramannus  s'applique  au  «  chef  de  la  famille  )>,  et 
cette  expression  donne  au  mot  «  famille  »  le  sens  de  «  ménage  », 
de  c<  séquelle  »  qu'aura,  dans  le  français  du  moyen  âge,  le  mot 
mesnie.  Certains  textes  -  empruntés  à  la  Chronique  du  Mont-Cas- 
sin  et  à  celle  de  Farfa  établissent  nettement  que,  dans  les  par- 
ties de  l'Italie  qui  furent  habitées  par  les  Lombards,  on  a  consi- 
déré le  mot  fara  comme  un  équivalent  de  cortis,  «  domaine  ». 

Fara,  qui  désigne,  dans  Flodoard,  la  ville  de  la  Fère  (Aisne), 
est  aussi  le  primitif  des  noms  de  YèVQ-en-Tardenois  (Aisne), 
Fèrebrianges  et  ¥ère-C hampenoise  (Marne)  :  ces  deux  dernières 
localités  ne  sont  guère  éloignées  l'une  de  l'autre,  et  de  bonne 
heure  on  a  pris  soin  de  les  difl'érencier  en  adjoignant  à  l'appel- 
lation qui  leur  était  commune  un  autre  nom. 

IIAM 

876.  Le  sens  de  ce  mot,  qui  appartenait  aussi  aux  Saxons,  a 
été  déjà  expliqué  (n"  742j.  Il  a  trouvé  chez  les  Francs  un  emploi 
comparable  à  celui  qu'avaient  fait  les  Gallo-Romains  de  son 
équivalent  vicus  :  isolé  ou  en  composition,  il  a  servi  k  dénom- 
mer des  localités.  Iluni,  au  moyen  âge,  se  prononçait  Ilun,  et  tel 
est  le  motif  pour  KmjucI  Ham   (Ardennes,    Pas-de-Calais,  Seine- 

i.   Mon.  fjcrm.  Iiixt.,  f.rf/iuii  IV,  41,  î^  I7Î. 

2.  (^ilé.s  (l;iiis  rrilition  Didol.  ilu  <il()sx:u-iiiiii  de  I)n  (!:iu^(',  v"  Fara. 


ORIGINES    FliANQUES    :    HAM  215 

et-Oise,  Somme);  a  pour  variante  Han  (Meurthe*et-Moselle, 
Meuse).  L'article  qu'on  remarque  dans  le  Han,  nom  d'un  écart 
de  Bourg-Bruche  \  ainsi  que  dans  le  Ham,  nom  porté  par  des 
communes  du  Calvados,  de  la  Manche  et  de  la  Mayenne, 
attestent  que  le  mot  qui  procède  du  germanique  ham  a  trouvé 
place  dans  le  langage  courant. 

877.  Bohain  (Aisne)  est  appelé  au  xi"^  siècle  Buchammum,  ce 
qui  autorise  à  reconnaître,  dans  le  premier  terme  de  ce  nom, 
l'appellation  allemande  du  hêtre  (cf.  n**  805).  Bohain  est  donc 
l'équivalent  des  vocables,  mentionnés  plus  haut  (n°*  621,  638  et 
657),  qui  représentent  le  latin  fagus  ou  ses  dérivés. 

878.  Etinehem  (Somme),  qui  se  prononce  Étinan,  est  appelé 
Astenhem  en  1158,  Astinham  en  H  76.  Malgré  la  ressemblance 
de  ce  nom  avec  certains  vocables  du  Boulenois  (sur  lesquels  voir 
n"  803),  on  doit  le  rapporter  aux  Francs  plutôt  qu'aux  Saxons, 
car  la  localité  qu'il  désigne,  appartenant  au  canton  de  Bray-sur- 
Somme,  est  fort  éloignée  de  la  mer.  L'hypothèse  inverse  serait 
mieux  indiquée  à  propos  des  localités  qui  se  nomment  Behcn 
(cant.  de  Moyenneville),  Rogent,  écart  de  Tœulles  (même  can- 
ton) et  Fro/ie/i-le-Grand  et  Fro/ie/i-le-Petit  (cant.  de  Berna- 
ville). 

LAR,  LARI 

879.  On  ignore  le  sens  précis  du  mot  germanique  lar  ou  lari  : 
peut-être  en  faut-il  voir  un  dérivé  dans  le  vieux  mot  français 
larris,  qui  avait  le  sens  de  «  lande  »  ou  de  «  friche  »  ;  et,  d'autre 
part,  on  l'a  rapproché  d'un  mot  celtique,  désignant  un  fonds 
de  terre,  qui  est  représenté  par  l'irlandais  lar  et  le  breton  laiir 
ou  llaiior. 

Quoi  qu'il  en  soît^  lar  ou  lari  est  entré,  comme  dernier  terme, 
dans  la  composition  d'un  grand  nombre  de  noms  de  lieu  d.'ori- 
gine  germanique  :  Fôrstemann  en  a  relevé  jusqu'à  cinquante- 
quatre  dans  les  textes  antérieurs  à  l'an  mil;  et  l'onPpeut  citer, 
dans  la  toponomastique  de  l'Allemagne  moderne,  les  noms 
Fritzlar,  Goslar,  "Wetzlar.  Ce  terme  a  été  romanisé  de  dillerentes 
façons. 

1.  Cette  ancienne  commune  des  Vosges  resie  comprise,  depuis  le  retour 
de  l'Alsace  à  la  France,  dans  le  départenicnl  du  H;is-Hliin. 


216  LES     NOMS     DE    LIEU 

880.  Roulers  (Belgique.  Flandre  occidentale^  est  appelé,  du 
ix*"  au  xii''  siècle,  Boslai'. 

De  même  que  le  nom  d'origine  romane  Villers  a  pour 
variante  Villiers  (voir  ci-après  n"  955),  de  même  la  terminaison 
qu'on  vient  d'observer  dans  Roulers  a  pour  variante  -lier,  qui 
s'explique  par  lari  plutôt  que  par  lar  :  Longlier  (Belgique, 
Luxembourg),  est  appelé  au  viii''  siècle  Longolare. 

881.  A  la  catég-orie  des  noms  de  lieu  que  représentent  avec 
certitude  Roulers  et  Longlier.  il  est  permis  de  rattacher  les 
vocables  suivants,  appartenant  aux  régions  depuis  longtemps 
romanisées  de  l'Artois  et  de  la  Picardie  :  Amplier  (Pas-de- 
Calais),  Bouflers  Somme).  Canlers.  Huclier.  Hucqueliers  (Pas- 
de-Calais),  Marlers  (Somme  ,  Maulers  Oise),  Mouflers  (Somme). 
—  Maffliers  iSeine-et-Oise)  est  appelé  au  moyen  âge  Masflare. 

882.  Une  graphie  fantaisiste  a  parfois  défiguré  la  finale  -1er  ou 
-lier  :  Mouflières  (Somme)  s'est  substitué  aux  formes  anciennes 
Moufliers  ou  Moflers  ;  —  le  nom  de  Maignelay  (Oise)  s'écrivait, 
antérieurement  au  xvi®  siècle,  Maignelers. 

883.  Mérélessart  (Somme)  résulte  de  la  combinaison  de  Masler 
ou  Mesler  —  dont  Vr  a  été  déplacée  —  avec  le  nom  commun 
essarf,  «  défrichement  ». 

LOH 

884.  Le  substantif  germanique  loh  a  plusieurs  sens,  dont  le 
plus  répandu,  dans  le  nord  de  la  Gaule,  est  celui  de  «  bois  »,  qvxi 
l'apparente  au  latin  lucus  fn"^  688-697)  :  on  le  reconnaît,  sous 
la  forme  -loo,  comme  terminaison  d'un  grand  nombre  de  noms 
de  lieu  en  Belgique  :  Tessenderloo  fLimbourg),  "Waterloo  (Bra- 
bant),  etc. 

885.  L'aire  géographique  des  vocables  dont  le  dernier  terme 
répond  à  loh  paraît  s'être  étendue  au  moins  jusqu'en  Picardie  :  elle 
comprendrait  notamment  Barleux  fSomme)  —  Bnrlous  en  882, 
Hurlas  en  11  OS  —  Hucleu  Seine-Inférieure),  Huleux  (Oise, 
Seine-Inférieure,  Somme). 

886.  Il  est  possible  que  le  mot  loh  n'ait  pas  toujours  été  pris 
dans  le  sens  de  «  bois  »,  et  qu'il  ait  eu  pai-fuis  celui  de  «  lieu  », 
locus  :  telle  est,  en  ell'cl.  l'acception  de  lt)c/i  en  vieux  fiison  et 
«•n  .■iiigU)-saxoii .   \Va  (1  ri' I  (Mil  s.  (pii  di-signe,  à   1  (''pixpic  iiK-rovin- 


()RIGINi:S    FrtANQi;ES    :    ij>u  217 

gieuno,  une  localité  du  pagus  Velcassinus,  c'est-à-dire  du 
Vexin,  oirro  une  analogie  frappante  avec  Waterloo  et  Wattrelos 
(Nord). 

-ING 

887.  Le  suffixe  -ing,  on  l'a  vu,  était  commun  aux  diverses 
nations  germaniques.  Dans  la  partie  de  la  Francia  où  l'élément 
romain  dominait  sous  les  Mérovingiens,  les  noms  de  lieu  formés 
à  l'aide  de  ce  suffixe  sont  en  petit  nombre. 

Dourdan  (Seine-et-Oise)  est  mentionné  en  956  sous  la  forme 
Dordincum,  comme  le  lieu  du  décès  du  père  de  Hugues  Gapet, 
le  duc  de  France  Hugues  le  Grand. 

Houdan  (Seine-et-Oise),  Hosdingus  dans  les  textes  latins,  a 
plusieurs  homonymes  :  Hodant,  Hodent  (Seine-et-Oise),  Hodenc 
(Oise),  Hodeng  (Seine-Inférieure),  peut-être  aussi  Houdain  (Pas- 
de-Calais)  et  Houdeng  (Belgique,  Hainaut).  Le  g  du  suffixe  ori- 
ginel a  disparu  dans  quelques-uns  de  ces  noms,  mais  il  s'est 
maintenu  dans  les  dérivés  :  Hodenger  (Seine-Inférieure)  repré- 
sente un  plus  ancien  Hodengel,   signifiant  «  Hodeng-le-Petit  ». 

Gazeran  (Seine-et-Oise)  est  mentionné  en  885,  dans  une 
charte  du  comte  Eudes,  fils  de  Robert  le  Fort,  sous  la  forme 
Wasiringus. 

Doullens  (Somme)  est  appelé  Dourleng  en  1147,  et  Dorengt 
(Aisne),  Dorenc  en  1155. 

888.  L'exemple  de  Houdain  permet  d'avancer  que  la  termi- 
naison -ain,  -aing,  si  fréquente  en  Artois  et  dans  les  pays  wal- 
lons, procède  parfois  du  sufïîxe  germanique  -ing  ;  mais  on  doit 
se  garder  de  généraliser  cette  interprétation,  la  terminaison  dont 
il  s'agit  représentant,  en  d'autres  cas,  un  suffixe  latin  -inium 
(n**  353).  Du  moins,  on  ne  saurait  mettre  en  doute  l'origine  ger- 
manique du  nom  de  Bermerain  (Nord),  en  1095  Bermering  ;  car 
le  premier  terme  en  présente  le  nom  d'homme,  latinisé  en  Bert- 
marus,  qui  entre  aussi  dans  la  composition  des  noms  Bermeries 
(Nord),  Bertmariacas,  et  Berinéricourl  (Marne),  Bertmariaca 
cortis. 

889.  Un  autre  exemple  de  la  terminaison  -ain,  dans  une 
région  dilférente,  est  fourni  par  Thieffraiil  (Aube),  qui  repré- 
sente un  adjectif  en  -ing  formé  sur  le  nom  d'homme  Toudofridus, 


218  LES    NOMS    DE    LIEU 

et  dont  on  a    rencontré  plus  haut  (n*'  835)  un  équivalent    dans 
Thieffrans  (Haute-Saône). 

890.  Dans  le  pays  messin,  ou,  pour  mieux  dire,  dans  la  région 
qui  confine,  en  ces  parages,  à  la  limite  des  langues,  les  noms 
de  lieu  formés  à  Taide  du  suffixe  -ing  —  employé  au  pluriel,  le 
fait  doit  être  noté  —  sont  plus  nombreux  que  partout  ailleurs. 
Et  dans  la  partie  occidentale  de  cette  région,  moyennant  un 
progrès  de  la  romanisation  qui  n'a  fait  que  s'accentuer  à  partir 
du  xii^  siècle,  mainte  localité  a  été  depuis  lors  désignée  concur- 
remment par  deux  appellations,  lune  allemande  en  -ingen,  plu- 
riel de  -ing^  l'autre  romane  en  -enges.  puis  -ange. 

891.  Par  contre,  dans  les  parties  de  la  Lorraine  où  l'influence 
germanique  persista  plus  longtemps,  les  formes  adoptées  depuis 
le  xvin"  siècle,  et  conservées  jusqu'en  1871  par  l'usage  officiel, 
ne  se  distinguent  des  formes  allemandes  en  -ingen  que  par  la 
chute  de  la  syllabe  atone  qui  termine  celles-ci.  En  d'autres 
termes,  dans  la  partie  orientale  des  anciens  départements  de  la 
Moselle  et  de  la  Meurthe,  la  terminaison  -ing  —  prononcée  -in 
—  caractérise,  d'une  manière  générale,  les  noms  de  lieu,  formés 
à  l'aide  du  suffixe  pluriel  -ingen,  dont  il  n'avait  pas  été  créé,  au 
moyen  âge,  de  synonymes  romans  en  -enges. 

Parmi  les  noms  de  lieu  de  la  Lorraine  dont  la  forme  primitive 
présente  le  suffixe  -ingen,  on  n'étudiera  ici  que  les  plus  intéres- 
sants. A  l'exception  de  Fénétrange,  de  Gondrcxange  et  de 
Pévange,  communes  qui  appartenaient,  avant  1871,  au  départe- 
ment de  la  Meurthe,  ils  sont  tous  empruntés  à  la  nomenclature 
de  l'ancien  département  de  la  Moselle  '. 

892.  Adelange  (Edelingen)  dérive  du  nom  propre  d'homme  lati- 
nisé sous  la  forme  imparisyllabique  Adalo,  au  génitif  Adalo- 
nis  :  forme  familière,  hypocoristique,  de  l'un  des  nombreux 
noms  —  Adalbaldus,  Adalbertus,  Adalmundus,  Adalri- 
cus  —  dont  le  premier  terme  est  le  mot  udal,  «  noble  ».  — 
Aclelans  (Haute-Saône)  a  hi  niT-me  origine. 

1.  l'our  cliaciiii  <io  ces  noms,  lo  t'as  éclu^aiit,  nous  iii(li(|uoiis,  onlio  i^areii- 
llu'ses,  à  la  suile  do  la  l'ornic  (>f(ici('llcmenl  usitée  on  dS7l,  colli*  ([ui  fui 
ensuite  imposée  par  radniinislralioii  allemande.  —  Les  noms  de  lieu  meii- 
lioniiés,  pour  rapprochement,  dans  le  corps  des  alinéas  qui  suivent,  s'ap- 
|)1i(|uent  aussi,  sauf  avis  contrairi',  à  des  localilés  Ao  l'anrion  (h^partiMiienl 
do  la  Moselle. 


ORIGINES    FRANQUES    '.    -INGEN  219 

893.  Algrange  (Algringen),  dès  120G  Algerange  :  du  nom 
d'homme  latinisé  Adalgarius.  —  Cf.  Augerans  (n°  839). 

894.  Bertrange  (Bertringen),  en  1222,  et  peut-être  dès  1130 
Bcrtninges,  a  pour  homonymes  Bertring  et  Bettring,  en  1594 
Bertringen  :  de  Bertarius,  origine  de  Bertier,  nom  de  baptême 
usité  en  Bourg-og-ne  jusqu'au  xv^  siècle,  mais  qu'aujourd'hui  Ton 
ne  rencontre  que  comme  nom  de  famille. 

895.  Bettange  et  Betting  (Bettingen)  :  de  Betto,  -onis,  forme 
hypocoristique  et  altérée  de  l'un  des  noms  —  Bertmundus, 
Bertoaldus,  etc.  —  qui,  comme  Bertarius,  ont  pour  premier 
terme  l'adjectif  berct,  «  brillant  ».  —  Betto  entre  dans  la  com- 
position d'un  g-rand  nombre  de  noms  de  lieu  remontant  à  l'époque 
franque  (cf.  ci-après,  n"  1010). 

896.  Boulange  (Bollingen),  du  nom  imparisyllabique  noté 
^Bolo  au  VIII*  siècle  et  Bollo  en  802. 

897.  Boussange,  en  1128  Bolsenges  :  de  Bolzo,  forme  hypo- 
coristique de  l'un  des  noms  d'homme  ayant  pour  terme  initial 
hold  ou  hald  :  Baldricus,  Balduinus. 

898.  Éblange  (Eblingen)  :  du  nom  Ebalo,  -onis,  dont  les 
formes  romanes  sont  Eble  au  cas  sujet  et  Ehlon  au  cas  rég-ime. 

899.  Elvange  (Elwingen),  en  1121  llbing-a  :  cette  forme 
ancienne  permet  de  reconnaître  pour  racine  du  vocable  le  nom 
d'homme  Hilbo,  qu'on  trouve  dans  des  textes  du  viii°  siècle, 
et  qui  peut  être  une  forme  hypocoristique  du  nom  royal  Chil- 
p  e  r  i  c  u  s . 

900.  Elzange  (Elsingen)  et  Elzing  :  de  Elso  ou  llso. 

901.  Évrange  (Ewringen),  Ehiringcn  en  9G3  :  du  nom  Ebero, 
que  portait  un  personnage  mentionné  par  Grégoire  de'  Tours. 
Ebero  dérive  du  mot  e/>er,  «  sanglier  ». 

902.  Fénétrange  (Finstingen),  dès  1070  Filisienges  et  en  1222 
P/iylestanges  :  du  nom  de  femme  Filista  qu'on  rencontre 
notamment  dans  les  Miracula  sancti  Apri,  écrits  à  la  fin  du 
IX®  siècle. 

903.  Florange  (Florchingen),  à  la  fin  du  ix^'  siècle  Floringas, 
représente  visiblement  un  adjectif  formé  sur  le  nom  romain 
Florus  :  il  y  a  lieu  d'en  rapprocher  FlorincUtnn  (n"  767j  et 
Floringuczelle  in"  810). 

904.  Gondrexange,  dont  l'.r  est  la  notation  du  son  cil  —  fait 
assez  commun  en  Lorraine  —   a   pour  racine  le    nom   d  homme 


220  LES    NOMS    DE    LIEU 

Gundericus,  qu'on  reconnaît  dans  la  première  partie  des  noms 
de  lieu  Gojidrecourt,  Gondreville  (n°  1139),  Contréxeville 
(Vosges)  =  Gundericiaca  villa,  et  Gondrexon  (Meurthe-et- 
Moselle). 

905.  Guéblange  (Geblingen)  :  les  formes  médiévales  Guebol- 
danges,  Guehledanges,  Guebeldanges,  permettent  de  reconnaître 
dans  le  premier  terme  de  ce  vocable  le  nom  de  femme  Gibohil- 
dis  qui  ligure  dans  le  Polyptique  d  Irminon  :  cf.  Guéblange  ' 
(anc.  Meurthe),  en  1225  Geheldingen. 

906.  Guirlange  (Girlingen),  dès  114cS  Gerildanges,  dérive  dun 
autre  nom  de  femme,  également  connu  par  le  Polyptique  d'Irmi- 
non  :  Gerhildis.  La  contraction  remarquable  dont  résulte  le 
nom  moderne  de  cette  localité  s'explique  peut-être  par  une  forme 
intermédiaire  telle  que  Guirledange.  dont  la  dentale  sera  très 
normalement  tombée. 

907.  Inglange  (Inglingen),  de  Ingelo,  -onis.  forme  hypo- 
coristique  de  l'un  des  noms  Ingelbertus,  Ingelramnus,  etc. 

908.  Knutange  Kneuttingen),  de  Knuto,  nom  qui  fut  porté  en 
Danemark  par  six  rois. 

909.  Lommerange  i^Lommeringen  .  dans  le  patois  local  Leu- 
merange,  du  nom  Leudomirus.  qui  fut  celui  d'un  personnage 
honoré  par  l'Eglise  dans  deux  villages  du  département  de  la 
Marne  appelés  Sainf-Lurnier. 

910.  Ottange  Oettingen),  du  nom  si  répandu  Otto,  variante 
dOdo,  que  représentent,  dans  l'onomastique  romane,  Eudes  et 
Odon. 

911.  Pévange  Pewingeni  procède  vraisemblablement  du  nom 
Pibo,  qui  fut  porté  au  xT'  siècle  par  un  évèque  de  Toul. 

912.  Piblange  Pieblingeni  dériverait  d'un  diminutif  de  Pibo, 

Pibilo. 

913.  Puttelange  Piittlingen  ,  nom  de  deux  communes  dont 
l'une  est  appelée,  en  lOOÎJ  Putilinga,  paraît  formé  sur  Putilo, 
variante  alamane  du  nom  francique  Budilo,  qu'on  trouve  dans 
Frédégaire  :  peut-être  atteste-t-il  quehjue  infiltration  alamane  — 
explicable  par  le  voisinage  de  l'Alsace  —  dans  le  territoire  de  la 
cité  de  Trêves. 

914.  Racrange    Rakringen),  de  Halgurius. 

1.   Niim  nlTiiirl  sons  le  n'-^^imc  .illciii.iml  :  Gebling. 


OltldlMOS    FKANOUHS    :    -IXGEN  221 

915.  Rédange  (Redingen),  en  926  Radin ga,  de  Rado,  forme 
hypocoristique  de  Ratbodus,  Ratbertus,  Radulfus,  etc. 

916.  Rurange  (Rorchingen),  Rudrekanc/e  en  \221 ,  Burckamjcs 
en  1299,  de  Rode  ri  eu  s. 

917.  Talange  (Talingen),  Tatoling-a  en  960,  Tateling-a  en 
977,  Tatilinga  en  993,  de  Tadilo  ou  Tatilo,  nom  dont  on 
connaît  une  forme  féminine    :  Tatila. 

918.  Volmerange  (Volmeringen),  dès  le  xii''  siècle  Wolme- 
reiiges,  de  Vole  ma  ru  s,  nom  fréquent  dans  la  région  messine,  à 
Tépoque  féodale,  sous  la  forme  Folmarus. 

-OAR 

919.  Telle  était,  peut-on  supposer,  la  forme  originelle  d'un 
suffixe  g-ermanique  latinisé  au  nominatif  pluriel  en  -uarii, 
-oarii,  dont  il  a  été  parlé  déjà  (n°  864).  L'usage  qu'en  ont  fait 
les  Francs  est  attesté,  non  seulement  par  le  nom  des  Hattuarii, 
mais  encore  par  un  certain  nombre  d'adjectifs  ethniques  qui  ont 
eu  cours  au  moyen  âg'e,  et  qu'il  paraît  intéressant  d'étudier  ici. 

920.  Le  nom  du  Hainaut,  pag-us  Hainaus,  apparaît  bien 
comme  un  nom  formé  à  la  mode  gerjuanique  sur  celui  d'un  cours 
d'eau,  dans  l'espèce  la  Haisne.  Or,  les  habitants  de  ce  pays  ont 
été  appelés  au  moyen  âge  les  Hainuires  —  doîi  le  nom  de  famille 
Hennuyer  —  de  même  qu'on  a  des  exemples  du  mot  Baiviers 
pour  désigner  les  Bavarois,  Baioarii.  Le  suffixe  qui  nous  occupe 
a  donc  revêtu,  en  français,  la  forme  -ie?'. 

921.  x\ux  XI*',  xu^  et  xui^  siècles,  les  habitants  de  la  Picardie 
étaient  appelés  Pohiers  ou  Pouhiers  :  Pouyer  subsiste  comme 
nom  de  famille. 

922.  Le  terme  B  rai  crus  désigne,  dans  Orderic  Vital  au 
XLi''  siècle,  et  dans  Guillaume  le  Breton  au  xm'',  un  habitant  du 
pays  de  Bray,  aujourd'hui  partagé  entre  les  départements  de 
l'Oise  et  de  la  Seine-Inférieure. 

923.  Le  nom  Gohier  s'appliquait  originellement  à  un  habitant 
du  pays  de  Gouy-en-Gohelle  (Pas-de-Calais)  :  Gohelle  est  l'alté- 
ration du  nom  Gohiere,  qui  désignait  ce  pays  au  moyen-àge. 

924.  Les  habitants  d'Anglure  (Marne)  sont  appelés  Anglu- 
riers  :  ce  fait  autorise  à  supposer  (ju'à  un  moment  donné  le  lond 
de  la  p(jpulation  de  l'endroit  était  entièrement  francique.  A  Fère- 


LES    NOMS    DE    LIEU 


Champenoise  (Marne),  les  habitants  du  ^i-f^'^^\^:^^lZ 

fier  bas  de  la  ville  sont  appelés  respectivement  lahoyers  et 
àïavers  on  peut  voir  dans  ces  bizarres  dénom>nat.o„s  1  emplo, 
*:^    ient  du'n  suffixe   originairement  g-r^^VZ»» 

par  la  famille  franque  -  la  fara  -  à  laquelle  Fere-Champenmse 

doit  son  nom  (voir  n°  875). 


XLVIII 
NOMS    ROMANO-FRANCS    :    EXPOSÉ   PRÉLIMINAIRE  i 

925.  Les  noms  de  lieu  romano-francs  forment  une  catégorie  à 
laquelle  il  convient  de  s'arrêter  plus  longuement  qu'à  celle  qui 
précède.  Sans  compter  qu'ils  sont  en  bien  plus  grand  nombre, 
tel  d'entre  eux  est  susceptible  d'être  considéré  de  points  de  vue 
différents,  suivant  que  l'on  s'attache  à  l'un  ou  l'autre  des  élé- 
ments qui  le  composent.  L'étude  qu'ils  appellent  est  passable- 
ment complexe  :  avant  de  l'aborder,  on  croit  utile  de  s'expliquer 
sur  la  méthode  qui  sera  suivie. 

1.  Pour  qualifier  les  noms  de  lieu  qui  contribuent  à  démontrer  l'influence 
sur  le  monde  gallo-romain  de  la  pénétration  franque,  Auguste  Longnon  a 
employé  parfois  l'expression  «  gallo-francs  »  :  elle  ne  convient,  à  vrai  dire, 
qu'aux  noms  de  lieu  déjà  cités  incidemment  (n"*  248  à  274)  et  aux  adjectifs 
nominaux  qui  résultent  les  uns  et  les  autres  de  la  combinaison  du  suffixe 
celtique  -acus  avec  des  noms  germaniques  de  personne;  il  serait  excessif 
de  l'étendre  à  tous  les  vocables  qui  ont  été  étudiés  dans  les  chapitres  xlix, 
à  Lir  ;  ces  vocables,  dans  leur  ensemble,  appartiennent  à  un  langage  où 
l'élément  gaulois  n'avait  laissé  que  de  faibles  traces,  et  qu'au  ix«  siècle  on 
appellera  lingua  romana  :  voilà  pourquoi  nous  préférons  les  qualifier  de 
<(  romano-francs  ». 

Nous  ne  pouvions,  en  ce  qui  concerne  ces  noms  de  lieu,  résumer  rensei- 
gnement du  maitre  en  le  suivant,  comme  ailleurs,  pas  à  pas.  Il  était  indis- 
pensable de  reconstituer  dans  ce  livre,  en  vue  d'une  consultation  commode, 
telles  énumérations  dont  A.  Longnon,  pour  en  épargner  la  monotonie  à  ses 
auditeurs,  dispersait  quelque  peu  les  éléments,  anticipant  ici,  et  là  revenant 
en  arrière.  C'est  ainsi  qu'au  Collège  de  Finance  (cours  professé  en  1890-91) 
comme  à  l'École  des  Hautes  Études,  il  s'y  reprenait  à  deux  fois  —  à  propos 
des  noms  formés  sur  cortis,  et  puis  avant  d'en  finir  avec  les  noms  de  lieu 
de  l'époque  franque  —  pour  énoncer  les  notions  d'onomastique  gei'ma- 
nique  qu'il  nous  a  paru  convenable  de  grouper  dans  un  chapitre  spécial  — 
le  chapitre  LU  —  contre-partie  des  trois  précédents,  ceux-ci  comme  celui-là 
traitant  de  la  même  catégorie  de  vocables.  En  un  mot,  nous  avons  voulu 
réaliser  une  division  du  sujet  qui  n'était  que  virtuelle  ;  et  c'est  pour  l'iiidi- 
(juer  que  nous  intercalons  ici  le  présent  «  exposé  préliminaire  »,  ({u'on 
chercherait  en  vain  dans  le  manuscrit  du  cours  du  Collège  de  France,  et 
dans  les  notes,  prises  à  l'École  des  Hautes  Études  par  des  auditeurs  d'Au- 
guste Longnon,  qui  nous  ont  été  communiquées. 


•Mf± 


LES    NOMS    bl-:    LIEU 


Ces  vocables  répondent  tiu  type  ({uon  peut  ainsi  caractériser  : 
un  nom  commun,  latin  ou  bas-latin,  élément  principal,  à  côté 
duquel  un  nom  propre  de  personne,  d'orig-ine  germanique,  joue 
le  rôle  de  déterminatif.  Voilà  la  règle  générale,  mais  elle  souffre 
des  exceptions,  car  il  est  des  noms  de  lieu  dans  lesquels  l'élé- 
ment germanique  n'apparaît  pas  aussi  nettement,  et  que  pourtant 
on  aurait  tort  d'exclure  de  la  catégorie  des  noms  de  lieu  romano- 
franes.  Tantôt  le  nom  d'homme  n'est  pas  germanique.  Tantôt  le 
déterminatif  est  autre  chose  qu'un  nom  de  personne,  autre  chose 
même  qu'un  substantif.  Tantôt  enfin,  rarement  d'ailleurs,  le 
déterminatif  fait  totalement  défaut,  et  l'on  est  en  présence  d'un 
mot  isolé.  Ce  mot  —  comme  souvent  celui  qui  l'accompagne 
dans  les  deux  autres  éventualités  —  appartient  à  la  langue  des 
Gallo-Romains  ;  mais  l'acception  dans  laquelle  il  est  pris,  l'usage 
auquel  il  est  employé,  étaient  propres  aux  Francs,  et  c'est  bien 
là  ce  qu'il  faut  retenir. 

Parmi  les  mots  qui,  dans  la  composition  des  noms  de  lieu 
romano-francs,  constituent  l'élément  principal,  cortis  est  celui 
qu'il  convient  d'étudier  le  premier  et  avec  le  plus  de  détail 
(n°*  926  à  948)  :  il  fut  de  tous,  sans  conteste,  le  plus  usité  ;  et, 
à  défaut  de  la  liste,  trop  longue,  des  vocables  dans  lesquels  on 
le  reconnaît,  un  choix  raisonné  de  ceux-ci  sera  l'occasion  de 
remarques  qui  seront  formulées  une  fois  pour  toutes,  et  qu'on  se 
contentera  de  rappeler  brièvement,  lorsqu'à  propos  de  noms  de 
lieu  formés  sur  d'autres  mots  que  cortis,  on  aurait  sujet  de  les 
répéter. 

De  ces  derniers,  deux  parts  seront  faites  :  d'un  côté  (n"*  949  à 
971)  les  mots  qui  s'appliquent,  comme  cortis,  à  des  lieux  habi- 
tés ;  de  l'autre  (n"'*  972  à  983)  ceux  dont  l'emploi  est  l'effet 
d'une  métonymie,  car  chacun  d'eux  désigne,  proproment,  non 
pas  un  lieu  habité,  mais  le  site  qui  l'avoisine. 

Apres  l'élément  principal,  le  déterminatif.  Encore  un  coup,  il 
s'agit  en  principe,  et  de  l'ail  la  j)Iupart  du  lemj)s,  d  un  nom  de 
personne.  Or,  l'onomastique  gerinani(jue  olfre  un  certain  nombre 
<le  désinences  dont  il  est  intéressant  de  considérei-  révolution  au 
j)()iiit  d(!  vue  de  la  formation  dos  noms  de  lieu  :  c  est  là  une 
étude  particulière  ^ n"~  984  ii  1150)  (pi Ou  n'aura  garde  de  négli- 
U^er. 


XLIX 
CORTIS 


926.  Le  mot  cortis  est  ancien  dans  la  langue  latine  :  il  est 
employé,  au  cours  du  siècle  qui  précéda  Tère  chrétienne,  par  le 
grammairien  Varron,  sous  la  forme  cohors,  au  génitif  cohortis, 
et  il  désignait  la  cour  intérieure  dun  établissement  rural,  la  cour 
entourée  par  les  étables  et  les  autres  bâtiments.  C'est  là  le  sens 
primitif,  originel,  de  ce  mot,  celui  qu'on  retrouve  au  premier  siècle 
de  notre  ère,  chez  l'agronome  Golumelle  ;  le  sens  de  «  troupe 
entourée,  palissadée  »  —  d'où  le  terme  militaire  «  cohorte  »  — 
est  l'eifet  d'une  métonymie. 

Le  sens  primitif  a  subsisté,  et  il  a  donné  en  français,  par 
exemple,  le  mot  cour  ;  toutefois,  dans  le  langage  des  campagnes 
le  mot  cohors,  réduit  à  cors,  et  employé,  même  au  nominatif, 
sous  la  forme  cortis,  originairement  génitive,  ne  désignait  plus 
simplement  la  cour  de  la  ferme,  siège  du  domaine  rural.  C'est 
grâce- à  ce  que  la  partie  a  été  prise  pour  le  tout  que  le  mot  cor- 
tis est  devenu,  non  seulement  un  synonyme  de  villa,  c'est-à- 
dire  d'  «  exploitation  rurale  »,  mais  aussi  un  véritable  équivalent 
de  notre  mot  «  domaine  »,  et  Ion  voit,  dans  la  Vita  sancti  Pla- 
cidi,  qui,  en  son  premier  état,  date  du  vi^  siècle,  un  personnage 
possédant  en  Sicile  «  plusieurs  cortes  très  riches  et  de  bon  pro- 
duit, contenant  bois,  eaux  et  cours  d'eau,  moulins,  pêcheries, 
chacune  cultivée  par  quelques  centaines  d'esclaves  ».  A  cette 
époque,  fundus,  praedium,  ager,  villa,  cortis,  étaient  des 
termes  complètement  synonymes,  et  c'est  au  sens  de  «  domaine 
rural  »  que  cortis  figure  en  de  nombreux  noms  de  lieu  composés 
de  l'époque  mérovingienne. 

Là  ne  s'arrêtent  pas  les  évolutions  de  cortis  ou  de  court, 
forme  romane  de  ce  mot.  ('omme  il  désignait  tout  domaine  rural, 
et  par  conséquent  la  résidence  rurale  du  roi  et  des  seigneurs,  on 
Les  noms   da  lieu.  '•' 


22G  LES    NOMS    DE    LIEU 

appela  du  nom  de  court  le  siège  de  la  justice  du  roi  ou  des  sei- 
gneurs, le  lieu  où  le  roi  ou  les  seigneurs  rendaient  la  justice,  puis, 
enfin,  toute  assemblée  chargée  de  rendre  la  justice.  C'est  lorsque 
«  cour  »  commença  à  devenir  synonyme  de  «  siège  de  justice  » 
qu'une  confusion  facilement  explicable  se  produisit  dans  l'esprit 
des  gens  instruits,  touchant  la  forme  latine  de  ce  mot  :  c'est  par 
suite  de  cette  confusion  qu  on  écrivit  plus  d'une  fois  curia  au 
lieu  de  curtis  ou  cortis  dans  des  noms  de  lieu  composés  qui 
datent  de  l'époque  mérovingienne.  Mais  le  mot  curia  qui.  en 
latin,  désigna  d  abord  le  lieu  où  le  Sénat  s'assemblait,  et  par  suite 
le  lieu  de  réunion,  la  salle  de  .séance,  d  une  assemblée  quelconque, 
n'a  rien  à  voir  dans  l'étymologie  du  mot  français  «  cour  »,  quelle 
que  soit  son  acception  —  mot  ([ui  devrait  s'écrire  régulièrement 
court,  la  perte  du  t  final  étant  due  à  l'influence  du  latin  curia 
—  ni  dans  celle  des  noms  de  lieu  qui  présentent  ce  mot. 

Le  mot  court,  au  sens  de  «  domaine  rural  »,  paraît  avoir  été 
généralement  préféré  au  mot  villa  par  la  plupart  des  nations 
germaniques  qui  envahirent  les  provinces  occidentales  de  l'Em- 
pire romain.  On  le  trouve,  sous  les  formes  cortis  et  curtis,  dans 
les  lois  de  plusieurs  des  nations  barbares  :  Wisigoths,  Bour- 
guignons, Francs  Saliens,  Lond>ards  et  Bavarois;  mais  aucune 
nation  ne  lafîectionna  au  même  degré  que  les  Francs. 

927.  On  rencontre  des  noms  de  lieu  formés  à  laide  de  cortis 
dans  la  Bourgogne,  la  Franche-Comté,  et  les  parties  de  la  Suis.se 
qui  avoisinent  le  Jura,  mais  surtout  dans  les  pays  où  s'établirent 
les  hommes  de  race  franque  :  Lorraine,  Champagne,  Artois, 
Picardie,  Ile-de-France  ;  ils  sont  plus  clairsemés  dans  l'Orléa- 
nais, le  Chartrain,  le  Vendômois,  le  )*Iaine,  hi  Normandie,  l'An- 
jou, la  Tourainc  ;  au  delii  de  la  Loire  on  n'en  voit  qu'entre  ce 
fleuve  et  la  Sauldre  ;  encore  cette  bande  de  terre  dé[)endait-elle 
de  l'Orléanais.  Parmi  ces  derniers  pays,  c'est  le  Maine  qui  en 
olîre  le  plus  grand  nombre  :  le  fait  ne  semblera  pas  surjue- 
ii;int.  si  l'on  se  rappelle  qu'au  temps  de  Clovis,  le  Mans  était  le 
chef-lieu  d'un  petit  l'Uat  franc  où  régnait  Hignomir.  D'ailleurs, 
on  a  pu,  par  des  fouilles,  constater  l'existence  dans  le  Maine 
d  un  ilôt  de  p<»[)id.ili(in  gerinani(jue  ;  et  d'une  manière  générale, 
la  limite  de  la  c()l<)nisaiit)n  gi'rniani(jue  en  (iaule,  telle  (pie 
1  étude  des  noms  de  lieu  permet  tle  la  tracer,  dilîère  peu  de  celle 
qui  résulte  de  la  carte  des  eimetièics  niiTovingiens  dressée  vers 


(JRIGINKS    FKA.XOLKS    :     CORTfS  227 

1877,    pour  la   Commission  de  topographie  des   Gaules,    par  le 
D''  Hamy  '  :  elle  est  seulement  un  peu  plus  précise. 

928.  En  deçà  de  cette  limite  le  mot  cortis  tenait  trop  de  place 
dans  le  langage  courant  pour  apparaître  dans  la  toponomastique 
autrement  qu'en  composition.  Il  faut  s'éloigner,  parfois  beaucoup, 
de  la  région  soumise  à  l'influence  franque  pour  découvrir,  très 
rares  et  très  disséminés,  des  noms  de  lieu  représentant  ce  mot 
employé  seul  :  Gours  (Lot,  Nièvre,  Rhône,  Deux-Sèvres), 
Co\xrs,-de-Pile  (Dordogne),  CourB-les-Bains  (Gironde),  Cours-Zes- 
Barres  (Cher),  ainsi  que  CovLT-sur-Loire  (Loir-et-Cher).  Chacune 
de  ces  localités  doit  vraisemblablement  son  origine  à  un  domaine 
rural  dont  le  propriétaire,  de  race  franque,  avait  importé  le  mot 
cortis,  l'empruntant  à  la  langue  adoptée  dans  la  contrée  doù 
il  venait. 

929.  I^e  domaine  rural  désigné  à  l'époque  mérovingienne  par 
ce  mot  constituait  le  plus  souvent,  en  raison  des  habitations  des 
tenanciers  et  de  leurs  familles,  un  véritable  Alliage.  Voilà  pour- 
quoi, dans  les  parties  de  la  Suisse  qui  sont  situées  à  la  limite  des 
langues,  et  où  certaines  localités  ont  à  la  fois  un  nom  français  et 
un  nom  allemand,  on  voit  le  mot  cour,  terme  initial  du  premier, 
traduit  dans  le  second  par  dorf  :  Courcelon  =  Sollendorf  ;  — 
Courchapoix  =  Gebstorf  ;  —  Gourgenay  =  Jennsdorf  ;  —  Gour- 
rendlin  =  Rennendorf  ;  —  Gourroux,  de  Cortis  Rodoldi  = 
Ltittelsdorf,  pour  liafolsdorf;  —  Gorban,  pour  Coiirhiion,  de 
Cortis  Battonis  =  Battendorf  ;  ces  localités  appartiennent  au 
canton  de  Berne. 

930.  On  remarquera  par  ces  exemples  que  dans  le  nom  alle- 
mand, à  la  différence  de  ce  qui  se  produit  dans  le  nom  français, 
le  terme  principal  est  rejeté  à  la  fin,  la  première  place  étant 
tenue  par  le  déterminatif  :  c'est  là  l'application  d'une  règle  qui, 
dans  la  toponymie  germanique,  ne  soulfre  pas  d'exceptions.  Au 
contraire,  dans  les  noms  romans,  ainsi  qu'on  va  l'observer,  le 
déterminatif  occupe  tantôt  la  première  place,  tantôt  la  dernière. 

1.  Ainsi  que  l'a  signalé  M.  Salomon  Re\i\i\ch  {Revue  arch<''ologi'/iir,  WH'o, 
II,  219,  et  Catalogue  illustré  du  Musée  des  antiquités  nationales  au  château 
de  Saint-Gennain-en-Laye,  I,  189)  les  cartes  dressées  pour  la  Commission 
de  topographie  des  Gaules,  et  notamment  celle  de  la  >i  Gaule  mérovin- 
gienne »,  sont  acLuellemenl  déposés  dans  un  cal)iuel  du  musée  de  Saiiit- 
Gcrm  ain. 


228  LES    .NOMS     DE    LIKU 

Henri  d'Arbois  de  Jubainville  émettait  à  ce  propos  l'opinion  que 
la  disposition  qui  donne  la  seconde  place  au  déterminatif  est  plus 
moderne  que  celle  oii  le  déterminatif  ligure  en  tête  :  que,  par 
exemple,  le  nom  Bougival,  Baudeg-isili  vallis,  appartient  à 
l'époque  mérovingienne,  tandis  que  Vauffirard,  Vallis  Girardi, 
date  seulement  du  xiii'=  sièle  ;  que  Nova  Villa,  Neuville,  est 
plus  ancien  que  Villa  nova,  Villeneuve,  qui  serait  une  forme 
contemporaine  du  nom  de  Vaug-irard.  On  peut  étayer  cette  théo- 
rie de  faits  qui  semblent  probants  ;  mais  pour  peu  qu'on  aille  au 
fond  des  choses,  on  s'aperçoit  combien  elle  est  décevante,  et 
l'on  est  forcé  de  reconnaitre  que  les  deux  constructions,  les  deux 
dispositions,  existent  dès  l'époque  franque.  Et  l'on  est  amené  à 
constater,  dans  les  noms  romans  de  la  période  mérovingienne, 
deux  courants  différents  :  le  courant  g-ermanique,  où  l'ordre  des 
mots,  régulé  sans  appel,  donne  toujours  la  première  place  au 
déterminatif  ;  et  le  courant  romain,  qui  laisse  d'abord  une  cer- 
taine liberté  d  action,  mais  qui,  après  plusieurs  siècles,  arrive  à 
rejeter  le  déterminatif  à  la  fin  du  mot,  conformément  à  l'usage 
qui  a  prévalu  dans  la  lang-ue  française.  Dans  les  noms  de  lieu 
formés  à  1  aide  du  bas-latin  cortis.  et  ([ui  semblent  caractéris- 
tiques de  la  colonisation  franque,  le  courant  germanique  l'em- 
porte de  beaucoup. 

931.  Sauf  de  rares  exceptions  qui  seront  signalées  plus  loin 
(n""  943  à  948),  le  mot  cortis  est  combiné  avec  un  nom  propre 
d'origine  germanique  qui  rappelle  1  un  des  premiers  possesseurs 
de  lacortis.  Parfois  ce  nom  paraîtaussidans  l'appellation  de  telle 
ou  telle  dépendance  de  la  cortis.  G  est  ce  qu'on  observe  à  Cour- 
betaux  (Marne)  ;  le  nom  primitif  de  ce  village,  Gortis  Ber- 
toaldi,  a  pour  second  élément  un  nom  d  homme  qu'au  vii*^  siècle 
la  chronique  de  Frédégaire  appliquait  à  un  maire  du  palais  au 
royaume  de  Bourgogne,  et  qui,  après  avoir  été  usité  au  moyen 
âge  comme  nom  de  baptême,  subsiste  aujourd'hui  comme  nonï  de 
famille  sous  les  formes  Ber/aud.  Jier/au.r,ei,  vers  le  Jura,  Bcrihod 
(;t  lirrllioud.  (Jr,  ce  nom  (igurc  ;i  Gourl)etaux  —  on  devrait  dire 
(lourhcrl aux,  mais  par  un  phénomène  de  dissimilation  assez 
commun,  la  seconde  /•  a  disparu  —  non  seulenu'ut  dans  l'aj)])?!- 
lalion  do  la  commune,  mais  dans  celles  d  im  ruisseau  et  d  un 
bois  de   son  lerriloiri'.   le  lin-liarhuid  et   le  liois-lirrlaud . 


(JUKUiN'KS    KKANmIjKS    '.     COIIIIS  229 

932.  I^e  mot  bas-latin  cortis  se  présente  aujourd'hui  sous  une 
forme  uni([ue,  et  correcte,  court,  lorsqu'il  est  employé  —  c'est 
le  cas  de  beaucoup  le  plus  frécjuent  —  comme  élément  final  : 
Gondrecourf,  Baucoiirt,  Vaudoncourl  :  à  cette  place  rien  ne  le 
comprime,  et  il  reste  tovijours  lui-même.  En  revanche,  s'il  figure 
en  tête  d'un  nom  de  lieu  de  deux  ou  trois  syllabes,  sa  forme 
romane  est  susceptible  d'altérations  plus  ou  moins   importantes. 

933.  Elle  n'échappe  à  ces  altérations  qu'à  la  condition  d'être 
suivie  d'un  son  voyelle  :  Courtabœuf  (Seine-et-Oise)  =  C. 
Acbodi  ;  —  Courtabon  (Indre-et-Loire)  =:  C.  Abbonis;  — 
Gourtagnon  (Marnej  =  C.  Ilaganonis  ;  —  Gourtangis  (Sarthe) 
=  C.  Ansegisi  ;  —  Gourtenot  (Aube)  =  G.  Arnulfi  ;  — 
Gourtoin  (Yonne)  =  G.  Audoeni;  —  Gourtomer  (Seine-et- 
Marne)  =:  G.  Audomari,  vraisemblablement. 

934.  Le  t  final  subsiste  aussi  dans  les  noms  de  lieu  du  dépar- 
tement de  lAin,  les  plus  méridionaux  de  ceux  formés  sur  cortis, 
dans  lesquels  ce  mot  est  devenu  cnrt  :  Gurtablanc,  Gurtafond, 
Gurtafray  =  C.  Acfredi,  Gurtalin. 

935.  Devant  une  consonne,  cortis  devient  le  plus  ordinai- 
rement cour  :  Gourbouvin  (Aisne)  =  G.  Bovane;  —  Gour- 
bouzon  (Loir-et-Gher)  ==^  G.  Bosonis  ;  —  Gourcerault  (Orne)  = 
C.  Geroldi  ;  —  Gourgiyaux  (Marne)  =  G.  Giboaldi  ;  —  Gour- 
toulin  (Sarthe)  =  G.  Do  do  le  ni. 

936.  Parfois  cependant  \o  latin  s'est  maintenu  en  français 
sans  prendre  le  son  ow  :  Gorcundray  (Doubs)  =  G.  Gundradi; 

—  Gorfélix  (Marne)  =  G.  Felicis  ;  —  Gorgebin  (Haute-Marne) 
=  G.  Gibuini;  —  Gorgengoux  (Gôte-dOr)  =   G.  Gangulfi; 

—  Gorgoloin  (Gôte-d'Or)  =  G.  Godoleni  ;  —  Gormolain  (Gal- 
vados)  =  G.  Modoleni;  —  Gornantier  (Marne)  =  G.  Nan- 
tharii  ;  —  Gorquelin  (Aube)  =  G.  Roccoleni;  —  Gorribert 
(Marne)  =:  G.  liigoberti;  —  Gorricard  (Eure)  ==-  G, 
Richardi  ;  —  Gorrobert  (Marne)  =  G.  Botberti  ;  —  Gortam- 
bert  (Saône-et-Loire)  =  G.  Ansberti,  etc. 

937.  On  peut  citer  quelques  exenq)les  de  cor  pour  cortis  ini- 
tial, ayant  perdu  \r  par  suite  de  circonstances  diverses,  mais  non 
toujours  appréciables  ;  dans  ce  cas,  la  forme  vulgaire  du  nom  de 
lieu  est  assez  altérée  pour  ([u'en  l'absence  de  textes  anciens  on 
hésite  à  se  prononcer  sur  son  orig^ine  :  Gocloix  (Aube)  et  Goclois 
(Saône-et-Loire)    -^  G.   Claudia;  —   Gorabœuf  (GAte-d'Or)   ^^ 


230  LES    NOMS    DE     LIEU 

C.  Ratbodi;  —  Cosdon  (Aube),  prononcé  Codon,  en  1328 
Coaudon  =  C.  Oddonis  ;  —  Coizard  Marne),  en  1164  Cohei- 
rart  et  en  1375  Coirart  =  C.  Hairhardi;  —  Colléard  (Marne) 
=  G.  Liethardi;  —  Golligis  (Aisne)  --=  C.  Lietgisi  ;  —  Colo- 
nard  (Orne)  =  G.  Leonardi;  —  Gommarin  (Gote-d'Or)  = 
G.  Mariani. 

938.  Gette  chute  de  IV  sest  produite  aussi  alors  que  l'o  de 
cortis  était  devenu  ou  :  Coubert  (Seine-et-Marne),  au  xni'^  siècle 
Corheard:  —  Goubertin  (Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise)  = 
G.  Bertane; —  Goulandon  (Allier ''i  ^^  G.  Landonis;  —  Cou- 
levon  (Haute-Saône)  =  G.  Levonis;  —  Goulimer  et  Goulmer 
(Orne)  =  G.  Lietmari;  —  Coupvray  (Seine-et-Marne)  = 
G.  Protasii;  —  Coutarnoux  (Yonne)  =  G.  Arnulfi  ;  —  Gou- 
tevroult  (Seine-et-Mai'ne)  =  G.  Eberulfi. 

939.  La  syllabe  initiale  procédant  de  cortis,  et  altérée  par  la 
chute  de  1>,  sest  parfois  nasalisée,  la  nasale  étant  une  n  ou, 
devant  une  labiale,  une  m  :  Gombertault  'Gôte-dOr  =  G.  Ber- 
toaldi  ;  cf.  Courhetaux  (n°  931)  :  —  Gomblanchien  Gôte-d"Or) 
=  G.  Blancane;  —  Gompertrix  (Marne)  =  G.  Bertrici;  — 
Goncevreux  (Aisne)  =  G.  superior;  —  Gonfavreux  'Aisne)  ■=. 
G.  fabrorum  ;   —  Gonfrançon  (Ain)  rrr-  G.  Francionis. 

940.  Si  le  mot  cortis,  employé  seul,  n  a  pu  constituer  un 
nom  de  lieu  dans  les  régions  situées  en  deçà  de  la  Loire,  il  n'en 
est  pas  de  même  de  son  dérivé  corticella,  formé  à  l'aide  d'un 
suffixe  diminutif  fort  usité  en  latin  vulj^aii-e,  et  qu'on  trouve  on 
français,  pai-  exemple  dans  les  mots  masculins  lionceau,  mon- 
ceau, ponceau,  et  dans  le  mot  féminin  nacelle. 

Gorticella,  c'est-à-dire  «  le  petit  domaine  »,  est  l'origine  des 
noms  de  lieu  suivants  :  Gorcelle  (Ain,  Doubs,  Saône-et-Loire), 
Gorcelles  (Ain,  Gôte-d"(Jr,  Jura,  Nièvre,  Bhône,  Haute-Saône, 
Saône-et-Loircj,  Gourcelle  (Doubs,  Loiret,  Nièvre,  Pas-de- 
Galais,  Haute-Saône,  Vienne),  la  Courcelle  (Charente,  Gher, 
Grouse,  Haute-Vienne.   Yonne),  Gourcelles  (Aisne,  Auh(\   Gha- 


i.  Co  (l(''[).')rU'iiHMil  se  troiiv.'inl  coinjilrLcmciil  en  dcliors  de  l;i  ((''j^ioii 
dôcrilc  plus  liant  '\V'  927),  nous  |iiv)|)osons  d'élcntlro  h  doiiLiiiiltui  I  li\  |i(>- 
llirs»'  forniul«''P  (n"  928^  au  sujet  il(^  l'orif^ino  dos  lncdilt's  doiil  le  moiii  ri|ii'c''- 
scnlc   cortis  (•iTi|)lo,vt'' scid. 


ORIGINES    FRANQUES    !     CORTIS  231 

rente-Inférieure,  Gôte-d"Or,  Creuse,  Doubs,  Eure,  Indre-et- 
Loire,  Loir-et-Cher,  Loiret,  Marne,  Haute-Marne,  Mayenne, 
Meurthe-et-Moselle,  Meuse,  Nièvre,  Oise,  Pas-de-Calais,  Sarthe, 
Seine,  Seine-Inférieure,  Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise,  Somme, 
Vosg-es,  Yonne).  —  On  n'a  pas  lieu,  semble-t-il,  de  distinguer, 
parmi  ces  noms,  ceux  qui  se  terminent  par  une  s  :  ainsi  sont  écrits 
aujourd'hui  beaucoup  de  noms  de  lieu  dont  la  forme  primitive 
présentait  une  finale  muette,  sans  apparence  de  pluriel. 

941.  Il  est  à  remarquer  que,  dans  l'énumération  qui  précède, 
les  noms  dont  la  première  syllabe  affecte  la  forme  cor  appar- 
tiennent à  la  région  bourguignonne. 

942.  Corcelle,  Courcelle  et  leur  variante  picarde  Courchelle, 
—  qu'on  rencontre  parfois  dans  les  textes  —  bien  que  résultant 
de  la  combinaison  de  cortis  avec  une  désinence  diminutive, 
n'ont  pas  laissé  de  former  à  leur  tour  des  diminutifs,  d'ailleurs 
plus  modernes  :  Corcelette  (Ain),  Corcelotte  Doubs),  Cource- 
lette  (Sommel,  Gourcelotte  (Côte-d'Or),  Gourchelettes  (Nordj  ; 
autrement  dit  «  le  petit  Corcelles  »  ou  «  le  petit  Courcelles  ». 

Dans  les  noms  de  lieu  formés  sur  cortis,  le  déterminatif  est 
d'ordinaire  un  nom  de  personne  germanique  ;  mais  il  n'en  est 
])as  toujours  ainsi,  quelques-uns  des  exemples  qui  viennent 
d'être  cités  l'attestent.  La  règle  générale  a  des  exceptions,  qui 
vont  être  examinées. 

943.  Tantôt  cortis  est  combiné  avec  un  adjectif. 

Cortis  dominica,  «  le  domaine  seigneurial  »  :  Courdeniaiiche 
(Eure,  Orne,  Sarthe;,  Gourdemange  (Marne),  Gourdimanche 
(Seine-et-Oise),  Gourtemanche  (Somme).  —  Avec  villa,  (pii  est, 
on  le  verra  plus  loin  (n"  950),  un  synonyme  de  cortis,  le  même 
adjectif  a  produit  Villedomange  (Marne),  "Villedemanche  (Puy- 
de-Dôme),  Demangevelle  (Haute-Saône)  et  Dimancheville  (Eure- 
et-Loir,  Loiret). 

Cortis  superior,  «  le  domaine  d'en  haut  »  :  Goncevreux, 
(cf.  n"  939),  en  12i4  (Jorcevreus.  —  L'adjectif  se  comporte  sen- 
siblement de  même  dans  Montseveroux  (Isère),  qui  répond  à 
Mons  superior,  tandis  que  Monsteroux,  nom  d'une  localité 
toute  voisine,  représente  Mons  subterior. 

Cortis  jusana,  «  le  domaine  d'en  bas  »  :  Courgerennes 
(Aube),   au  xn'"   siècle   Curtjusainr,    doni    l'équivalent   Juzeiine- 


232  LES    NOMS    DE    LIEU 

court  (Haute-Marne),  offre  la  disposition  inverse  des  termes.  — 
La  racine  de  l'adjectif  bas-latin  qui  est  ici  nais  en  cause  est  celle 
que  reproduit  notre  vieil  adverbe  Jus.  «  en  bas  »  ;  peut-être  cet 
adjectif  entre-t-il  dans  la  composition  du  nom  de  Juzanvig-ny 
(Aube^,  en  11  io  Jusenvisneir. 

Romana  cortis,  «  le  domaine  romain  »  :  Romainecourt 
(^Aube;. 

944.  Tantôt  le  déterminalif  de  cortis  est  un  nom  commun 
désig-nant  le  possesseur  du  domaine. 

Abbatis  cortis  :  Abbecourt  (Aisne,  Oise").  La  dignité  abba- 
tiale tient  lieu  de  la  personnalité  du  possesseur  (cf.  ci-dessus, 
n°  738  :  Abbatinga)  ;  le  nom  semi-germanique  Abbatis  Ham 
était  porté  au  ix^  siècle  par  une  possession  de  l'abbaye  de  Saint- 
Riquier,  cjui  paraît  avoir  donné  naissance  au  village  d  Authie 
(Somme).  —  Cf.  Abbeville  (Seine-et-Oise,  Somme),  Abbéville 
(Meurthe-et-Moselle)  ;  —  Abbatis  vil  lare  a  donné  Abbevil- 
lers  (Doubs). 

Cortis  monasterioli.  «  le  domaine  du  petit  monastère  », 
aujourd'hui  Gormontreuil  (Marne),  appartenait,  au  ix*"  siècle,  à 
la  fameuse  abbaje  de  Saint-Remy  de  Reims  ;  celle-ci,  sans 
doute,  la  tenait  d'un  monastère  moins  important  qui  lui  avait  été 
soumis. 

945.  Ailleurs  cortis  est  combiné  avec  un  nom  propre  collec- 
tif, ou  pour  mieux  dire  avec  un  nom  de  population. 

Auménancourt-/e-Gra/î(/  et  Auménancourt-/('-/^e/i7  (Marne)  = 
Alamannorum  cortis,  «  le  domaine  des  Alamans  »  (^cf.  n*^  528). 

Confrecourt  i  Aisne)  =  Cortis  Francorum  ;  il  va  sans  dire 
que  c  ortis  n'est  aucunement  représenté  par  la  dernière  syllabe  du 
nom,  comme  pourrait  le  faire  croire  le  t  qui  la  termine  à  tort.  — 
On  peut  rapprocher  de  ce  nom  la  plupart  de  ceux,  énumérés 
plus  haut  In"  536;,  qui  rappellent  le  souvenir  des  colons  francs  de 
la  Gaule  romaine. 

946.  Le  nom  de  Confavreux  (Aisne),  déjà  cité  (n"  939),  offre 
un  exemple  de  composition  im  peu  dilTérente,  et  semble  inditjuer 
fjue  le  village  ('lait  occupé  par  une  jxjpulation  industrielle. 

947.  \  «nci  maint<'iiaMt  une  série  de  vocables  qui  rentrent,  à  la 
vérité,  parmi  ceux  dans  lcs(juels  cortis  est  accompagné  d  un 
nom  de  personne  ;  ils  n'en  constituent  pas  moins  une  exception 
à  la  règle  générale,  car  ici  les  noms  de  personne  appartiein\enl 
;i  j'onumasl  iqm-  romuiiic. 


ORKIINKS    Fl{A.\OL'l':s    :    CORTIS  233 

G.  Claudia  :  voir  ci-dessus  n"  937. 

C.  Felicis  :  voir  n"  936. 

C.  Genesii  :  Courgenay  (Calvados,  Yonne,  et  canton  de 
Berne),  Courjeonnet    Mamej. 

C.  Palladii  :  Courpalay  (Seine-et-Marne). 

C.  Protasii  :  voir  n"  938. 

Cyrici  c.  :  Circourt  (Meurthe-et-Moselle,  Vosges). 

Jovini   c.   :  Juvaincourt  (Vosges),  Juvincourt  (Aisne). 

Martini  c.  :  Martincourt  (Ardennes,  Meurthe-et-Moselle, 
Meuse,  OiseK 

Mauri  c.  :  Maucourt  (Meuse,  Oise,  Somme),  Maurcourt 
(Seine-et-Oise),  Morcourt  (Aisne,  Oise,  Somme).  —  Maucourt 
était  le  nom  du  village  sur  l'emplacement  duquel  fut  édifiée  la 
ville  de  Vitry-le-François. 

Pétri  c.  :  Pierrecourt  (Haute-Saône,  Saône-et-Loire). 

Remigii  c.  :  Remicourt  (Aisne).  —  liemicourt  (Marne)  était 
à  l'origine  Ramicorf. 

Romani  c.   :  Romaincourt  (Seine). 

Sulpitii  c,  ou  mieux  Suplitii  c.  :  Souplicourt  (Somme). 

948.  Une  dernière  série  d'exceptions  à  la  règle  générale,  beau- 
coup plus  importante  que  celles  qui  précèdent,  se  compose  de 
vocables  dont  le  déterminatif  est,  non  pas  un  nom  propre  de  per- 
sonne, mais  un  adjectif  formé  à  l'aide  du  suffixe  -a  eu  s  ou  -iacus 
sur  un  nom  propre  de  personne,  soit  germanique,  soit  romain  ; 
la  persistance  en  Gaule,  à  l'époque  franque,  de  l'usage  de  ce  suf- 
fixe a  été  précédemment  signalée  fn"^  247-274)  '. 

Abriniaca  c.  :   Évergnicourt  (Aisne). 

Aculiacac.  :  Aguilcourt  (Aisne"). 

1.  Les  chartes  de  l'abbaye  de  Gorze  fournisseiiL  de  curieux  exemples  de 
lusage  de  ces  adjectifs  nominaux.  Pour  n'en  citer  qu'un,  on  peut,  de  ce 
passage  :  in  Dodenega  fine,  vel  in  ipsa  villa  que  vocatur 
Dodona  curtem,  inférer  que,  le  village  actuel  (villa)  de  Doncourt-aux- 
Templiers  (Meuse)  étant  appelé  Dodonis  cortis,  on  appliquait  à  son  ter- 
ritoire (finis)  un  adjectif  en -iacu  s  (par  altération  -egus)  formé  sur  le 
nom  d'homme  Dodo.  L'un  de  nous  ayant  cherché  (Mettensia,  111,  45  et  84) 
à  tirer  parti  de  ce  fait,  croit  devoir  attester  ici  qu'il  avait  entendu  Auguste 
Longnon  l'énoncer  dans  son  enseignement.  —  Les  énumérations  qu'on 
trouve  aux  pages  x  et  xi  du  Dictionnaire  topographique  de  la  Marne 
com[)rennent  un  certain  nombre  de  vocables  dans  lesquels  on  voit  un  adjec- 
tif nominal  en  -acus  suivi,  nonphisde  cortis,  mais  de  villa  (Bétheniville^ 


234  LES    NOMS    DE    LIEU 

Albericiaca  c.  :  Auberchicourt  (Nord). 

Aldiniaca  c.  :  Audignicourt  (Aisne). 

Anguliaca  c.  :  Anguilcourt  (Aisne). 

Aniaca  c.  :  Agnicourt  (Aisne.  Oise,  Somme). 

Baldiniaca  c.  :  Baudignécourt  (Meuse), 

Bertiniaca  c.  :  Berthenicourt  (Aisne). 

Bettiniaca  c.  :  Bétignicourt  (Aube).  —  Cf.  Bétheniville 
(Marne). 

Bertmariaca  c.   :  Berméricourt    Marne). 

Gerniaca  c.   :  Gernicourt  (Aisne). 

Gudiniaca  c.  :  Guignicourt  (Aisne,  Ardennes). 

Limosiaca  c.  :  Melzicourt  (Marne),  orig-inellement  Leinesi- 
court. 

Mutiaca  c.  :  Muscourt  (Aisne). 

Ponciniaca  c.  :  Pontséricourt  (Aisne). 

Porcariacac.  :  Pixerécourt  (Meurthe-et-Moselle), 

Ratbertiaca  c.  :  Rapsécourt  (Marne). 

Dans  la  plupart  des  noms  de  lieu  qu'on  vient  de  rencontrer,  en 
dehors  du  dernier  groupe,  le  nom  commun  cortis  est  suivi  de 
son  déterminatif.  La  disposition  inverse  est,  il  ne  faut  pas  le 
perdre  de  vue,  de  beaucoup  plus  fréquente  (cf.  n"  930)  :  mais  ce 
mot  étant  alors  aisément  reconnaissable  (cf.  n°  932),  l'intérêt 
qu'offrent  les  vocables  réside  dans  l'étude  des  altérations  subies 
par  les  noms  de  personne  qu'ils  présentent  comme  termes  ini- 
tiaux. Comme  il  n'importe  guère  pour  cette  étude  que  le  terme 
linal  soit  cortis  ou  un  autre  nom  commun,  elle  fera  l'objet  d'un 
chapitre  spécial  (n°^  984  à  1150),  l'enfermant  le  complément 
indispensable  des  notions  énoncées  dans  celui-ci  sur  les  noms  de 
lieu  formés  ;i  1  aide  du  mot  cortis. 


f)ii  (le    liions  (Haussignémont)  ;  d  des  noms  de  lion  analogues  se  trnnvon 
dans  les   dépai  leinenis   voisins    :   Butgnéville  Meuse);   cf.     Mrl/cnsin,    III. 
48-49;  —  Buthegnémont  Menrihe-el-Moselie  ;  — Contrexéville  ^Vosf^es)  : 
rf.  ci-desijus,  n"  904. 


L 

NOMS    COMMUNS    DE    LIEUX   HABITÉS 

D'autres  noms  communs  que  cortis  ont  été  affectés  au  même 
usa^e  dans  la  toponomastique  de  notre  pays.  Mais  en  examinant 
—  dans  ce  chapitre  et  le  suivant  —  les  noms  de  lieu  qui 
résultent  de  là,  on  ne  perdra  pas  de  vue  que  tels  d'entre  eux 
peuvent  n'avoir  été  formés  que  pendant  la  période  féodale  :  les 
noms  de  personne  qui,  dans  ces  vocables,  jouent  le  rôle  de 
déterminatifs,  ont  continué  d'être  usités  bien  après  l'époque 
franque,  parfois  même  jusqu'à  nos  jours  ;  et  de  même  les  noms 
communs  en  question  ont  g-énéralement  subsisté  dans  le  lang-age 
courant. 

949.  Le  mot  villa,  qui  désignait,  dans  le  latin  classique,  une 
maison  de  campagne,  prit,  à  la  basse  époque,  ce  sens  de 
((  domaine  rural  »  que  les  populations  d'origine  franque  allaient 
exprimer  plus  volontiers  par  le  mot  cortis.  Et  par  une  évolution 
toute  pareille  à  celle  indiquée  plus  haut  in*'  929)  à  propos  de  ce 
dernier,  on  voit  au  moyen  âge,  et  jusqu'au  xv*'  siècle,  le  mot 
ville  employé  dans  le  sens  de  «  village  ».  On  peut  donc  affirmer 
la  synonymie  de  cortis  et  de  villa.  Mais  le  premier  de  ces 
mots,  pris  dans  l'acception  dont  il  s'agit,  tomba  en  désuétude  de 
bonne  heure,  peut-être  au  x°  siècle,  tandis  que  le  second  ayant 
subsisté,  certaines  localités  dont  le  nom  renferme  le  mot  ville 
sont  de  date  relativement  moderne.  D'autre  part,  le  mot  villa 
ayant  formé  des  noms  de  lieu,  dès  le  haut  moyen-àge,  dans  les 
diverses  régions  de  la  France,  on  ne  saurait  tirer  de  ces  noms 
les  renseignements  précieux  que  fournissent,  touchant  la  distri- 
bution des  races  sur  notre  sol,  les  noms  de  lieu  dans  la  forme 
primitive  desquels  entre  le  mot  cortis. 

Le  mot  villa  revêt,  dans  les  noms  de  lieu  français,  les  formes 
ville ^  velle,  vialle  et  vielle.  « 

950.  La  forme  ville,  qui  est  la  plus  fréquente,  est  (juekjuefois 
notée  à  tort  vil,  lorsqu'elle  est  employée  comme  mend)re  initial. 
Vilbert  (Seine-et-Marne)  est  synonyme  de  (loiihcri  (n"  938).   et 


236  LES    NOMS    Di;    LIEU 

Viltain  (Oise),  de  V.  Adtane,  est  une  variante  de  Villetain 
(Seine -et -Oise).  —  Vildé  (Côtes-du-Nord,  Ille -et -Vilaine, 
Mayenne,  Vendée),  représentent  le  thème  étymologique  V.  Dei  : 
les  localités  appelées  Villedieu  sont  souvent  d'anciens  domaines 
ayant  appartenu  à  Tordre  de  Malte. 

951.  La  forme  velle  semble  particulière  aux  pays  romans  qui, 
à  l'époque  franque,  ont  subi,  durant  un  temps  plus  ou  moins 
prolongé,  l'influence  du  lang-gige  germanique  :  les  noms  en  -velle 
apparaissent  par  groupes  vers  la  limite  commune  des  anciennes 
provinces  de  Lorraine,  de  Champagne  et  de  Franche-Comté, 
vers  la  source  de  la  Saône  :  Demangevelle  (Haute-Saône)  = 
Dominica  v.  ;  —  Franchevelle  (Haute-Saône;  =   Franca  v.  ; 

—  Jonvelle  Haute-Saône  i  ;  —  Longevelle  iDoubs,  Haute- 
Saône)  =   Longa  v.  ;  —   Martinvelle  i  Vosges)  =  Martini  v.  ; 

—  Neuvelle  (Côte-d'Or,  Haule-Marne,  Haute-Saône)  —  Nova 
V.  ;  cf.  la  Neuvelle  (Haute-Marne,  Haute-Saône)  ;  —  "Velle 
(Côte-d'Or,  Meurthe-et-Moselle).  —  Les  noms  de  lieu  dont  relie 
est  le  premier  terme  sont  fréquents  dans  la  Franche-Comté  sep- 
tentrionale. —  11  convient  d  ajouter  que  le  terme  initial  ou  fmal 
ville  des  noms  de  lieu  de  Lorraine  est  prononcé  velle  par  les 
populations  locales  d'entre  Metz  et  Verdun. 

952.  Vialle,  résultant  de  la  diphtongaison  de  1/  tonique  de 
viUa,  se  rencontre  dans  le  Forez,  l'Auvergne,  le  Limousin,  le 
Périgord,  le  Rouergue  et  dans  quelques  parties  du  Languedoc  : 
Vialle  ou  la  Vialle  (Creuse,  Gard,  Loire,  Haute-Loire.  Puy-de- 
Dôme),  les  Vialles  I^iy-de-Dôme)  ;  —  Nauvialle  ou  Nauviale 
(Allier,  Aveyron,  Cantéd,  Corrèze,  Tarn-ct-Ciaionne)  =  Nova 
villa. 

953.  Vielle,  autre  exemple  de  diphtongaison,  ;q)partienl  aux 
dé]iartements  du  sud-ouest,  c'est-à-dire  aux  contrées  gasconnes  : 
Vielle  (Landes,  Hautes-Pyrénées'»;  —  Viellenave  (Basses- 
Pyrénées)  r=  V.  nova;  —  Vielleségure  Basses-Pyrénées)  r- 
V.  secur.i  ;  —  Catonvielle  (Gersi  ;  —  Franquevielle  (Gers)  = 

V  \:\  ne  a  v.;  —  Goudourvielle  l'Gers)        Gol  liDium  v.   i  f.  n"537). 

954.  Le  mot  viMari's  ou  villarc.   lonué  sur   villa  au  nioxcii 


I.    l'^l  sa    v.'iriimlc   Bielle     lî.isscs  l'v  ii'in'cs  ,  ciMiroiiiic   à  l;i  |iii>iioiici:il  imi 
viiliriiirc  lin  trascim. 


ORIGINES     l'KANgUES     :     VJLLAIilS    UL     VILLAHE  237 

du  s.unixe  -aris,  variante  de  -alis,  a  dû  servir  d'abord  comme 
adjectif  à  qualifier  les  dépendances  dun  domaine  rural  :  terrae 
vil  lare  s,  lit-on  dans  une  charte  du  vii°  siècle  ;  mais  on  le  voit 
pris  substantivement  dans  divers  textes  de  l'époque  franque, 
parmi  lesquels  il  faut  citer  ce  passage  d'un  diplôme  de  Louis  le 
Pieux  donné  en  834  en  faveur  de  l'église  de  Girone  :  a- il  la 
quae  est  in  pag'o  Bisuldunense  et  vocatur  Bascara,  cum 
suis  villaribus  et  suo  termino,  necnon  et  Arcas,  et 
villare  vocantem  Spadulias,  et  alium  villare  quod  est 
infra  memoratarum  villarum  terminos;  on  le  voit,  tandis 
que  villa  correspond  à  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  la 
commune  ou  la  paroisse,  villa  ris  ou  villare  désignait  l'é([ui^ 
valent  de  nos  hameaux,  de  nos  écarts  modernes. 

955.  Dans  le  nord  de  la  France,  le  mot  dont  il  s'agit  a  revêtu 
les  deux  formes  vulgaires  villers  et  villiers.  La  première  a  pour 
variantes  viller  '  —  par  l'absence  de  l's  finale,  d'ailleurs  abusive 
—  et  plus  rarement  Villez  (Seine-et-Oise)  -.  La  seconde  s'explique 
par  Yi  de  villaris  ;  c'est  ainsi  qu'on  a  vu  (n"  880)  le  mot  ger- 
manique lar  prendre  la  forme  1er  dans  le  nom  de  Roulers,  tandis 
que  la  dernière  syllabe  du  nom  de  LoncfUer  procéderait  de  la 
variante  lari. 

956.  Dans  la  partie  méridionale  de  la  France,  villare  devait 
donner  villar,  et  cette  forme  s'y  trouve,  en  elîet,  ainsi  que  ses 
variantes  purement  graphiques  villard,  villards.  villars.  Il  serait 
trop  long  d'énumérer  les  départements  dans  lesquels  elle  paraît; 
on  observera  seulement  quelle  s'étend  jusque  dans  certains 
pays  de  langue  d'oïl,  la  Franche-Comté,  par  exemple,  et  même 
dans  les  départements  de  la  Côte-d'Or  et  de  la  Haute-Marne. 

957.  En  Auvergne  et  dans   les   régions   voisines,  où  le  latin 


1.  L'emploi  de  villers  préférablement  à  viller  est  parfois  —  nous  croyons 
devoir  le  faire  observer  —  imputable  à  des  circonstances  toutes  modernes. 
\.;\  nomenclature  communale  du  département  de  Meurthe-et-Moselle  ofTre 
des  exemples  des  deux  formes  :  or,  les  localités  dont  le  nom  se  termine  en 
-villers  —  par  exemple  Bonvillers  —  appartenaient,  avant  1871,  au  dépar- 
tement de  la  Moselle,  tandis  que  les  communes  au  nom  en  -viller  —  par 
i-xemple  Gerbéviller —  faisaient  partie  de  celui  de  la  Meurllie. 

2.  Peut-être  convient-il  d'ajouter  (pfoii  trouve  la  forme  ville  dans  l'appel- 
lation française  de  certaines  localités  situées  en  [lays  de  lang'ue  allemande, 
eoiume  Ribeauvillé    Haut-Rhin^,  en  allemand  Riippol/sireUrr. 


238  LES    NOMS    DK    LIEU 

villa  est  devenu  vialle,  on  trouve  les  noms  de  lieu  Vialard  ou  le 
Vialard  (Cantal,  Corrèze,  Dordogne,  Puy-de-Dôme,  Haute- 
Vienne),  au  lieu  de  Villar  ou  le  Villar.  —  La  forme  Viala  ou  le 
Viala,  caractérisée  par  l'assourdissement  de  IV  final,  appartient 
aux  départements  de  l'Aveyron,  du  Cantal,  du  Gard,  de  THérault, 
de  la  Lozère  et  du  Tarn,  En  Gascogne  on  a  la  variante  Viella 
(Gers,   Hautes-Pyrénées). 

958.  On  voit,  par  le  diplôme  de  834,  qu'au  ix*^  siècle,  en 
Catalog-ne,  villare  appartenait  au  lang-ag-e  courant.  Il  en  fut  de 
même,  longtemps  encore  après,  de  ses  formes  vulgaires  dans  nos 
provinces  méridionales,  témoin  l'article,  singulier  ou  pluriel, 
dont  les  noms  Villar,  Villard,  Villars,  Vialard  et  Viala  sont 
souvent  précédés.  Par  contre,  aucune  des  nombreuses  localités 
qui  s'appellent  Villers  ou  Villiers  n'a  son  nom  ainsi  précédé 
de  l'article  :  on  a  lieu  de  conclure  de  là  que  1  emploi  de  villare 
comme  nom  commun  tomba  en  désuétude  de  très  bonne  heure 
—  peut-être  antérieurement  à  l'époque  carolingienne  —  dans  le 
nord  de  la  France,  et  de  faire  remonter  assez  haut  l'origine,  tant 
de  ces  localités  que  de  celles  dont  le  nom  présente  villers  ou  vil- 
liers comme  terme  initial  ou  final. 

959.  Le  mot  villare  a  été  adopté  par  les  Alamaiis,  lune  des 
nations  germaniques  qui,  par  raison  de  voisinage,  ont  été  le  plus 
directement  en  contact  avec  les  populations  l'omaines  :  aussi  le 
trouve-t-on  comme  second  terme  final  d'un  grand  nombre  de 
noms  de  lieu  dans  les  pays  occupés  à  l'époque  franque  par  la 
nation  alamannc.  Ses  formes  vulgaires  les  plus  fréquentes  sont 
aujourd'hui  -willer,  -weiler,  -weier,  -wihr  en  Alsace,  et  même 
-wil  ou  -weil.  dans  la  Suisse  allemande. 

960.  La  combinaison  de  villare  avec  un  suffixe  signalé  plus 
haut  (n"  940)  a  produit  le  diminutif  villarecellum,  (ju'on 
trouve  employé  comme  nom  commun  dans  une  charte  de  878,  el 
qui  est  l'origine  des  noms  Villarceaux  (FAu-e-ct-Loir,  Loir-et- 
Cher,  Seine-et-Marne,  Seinc-ct-()ise  ;  el  ViUacerf  (Aube),  au 
xnr  siècle  Villarcel. 

961.  .V    l'épocjue   frimquc,    k'  mot  mansus,   qu'on   ne   trouve 
dans  aucun    document   antc'iieur,   désignait  une  sorte    de   petite 
ferme   ou  d'habitation  rurale  à  ]a(|ut;lle  était  attachée,    à  per[)é 
tuité,  une  (juantitéde  terre.  délcM-miiu'-r,  et,  en  principe,  invariable. 


ORIGINES    FRANOUES    :    MA.\SUS  239 

Quoique  ce  uoni  se  rapporte  d'ordinaire  à  la  seule  habitation, 
comme  on  le  voit  très  nettement  dans  plusieurs  passages  du 
Polyptique  d'Irminon,  il  désignait  aussi  quelquefois,  outre 
l'habitation,  les  terres  qui  en  dépendaient  ;  et  même,  dans  cer- 
tains cas,  c'est  aux  terres  qu'on  paraît  l'appliquer  principale- 
ment. Ce  mot,  d'un  emploi  encore  très  fréquent  à  l'époque  caro- 
lingienne, a  pris,  dans  les  parlers  vulgaires  de  notre  pays, 
deux  formes  bien  différentes,  qui  participent  du  caractère  de 
chacune  des  deux  langues  romanes  entre  lesquelles  la  France  se 
partage . 

962.  Dans  la  langue  d'oïl,  mansus,  réduit  à  masus,  par  cette 
chute  de  Vn  suivie  d'une  s  dont  on  connaît  tant  d'exemples  — 
île  =insula  ;  métier  =ministerium  ;  maison  =:mansionem; 
mesure  =  mensura  ;  mois  =  mensis  ;  époux  =  sponsus  — 
est  devenu  ryiés,  écrit  plus  tard,  et  notamment  au  xiv*^  siècle, 
meix  dans  les  contrées  du  nord-est. 

963.  Dans  la  langue  d'oc,  réduit  de  même,  il  est  devenu  mas, 
mot  encore  employé  à  Arles,  dans  le  Languedoc,  en  Dauphiné, 
en  Forez  et  en  Cerdagne,  au  sens  de  u  maison  de  campagne  », 
de  «  tènement  »,  de  «  ferme  »,  de  «  métairie  »,  et  dans  une 
acception  quelque  peu  diiférente  dans  plusieurs  régions  du  Midi. 
Les  noms  de  lieu  formés  en  tout  ou  en  partie  du  mot  méridional 
mas  peuvent  donc  ne  remonter  parfois  qu'à  une  date  peu  éloignée. 

964.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  son  équivalent  septentrional 
niés  qui,  dès  l'époque  féodale,  ne  semble  plus  guère  avoir  été  en 
usage  que  dans  les  provinces  françaises  du  nord-est  ;  de  sorte 
qu'il  est  légitime  d'attribuer  à  une  date  antérieure  à  l'an  mil  la 
plvipart  des  noms  de  lieu  qui  présentent  ce  nom,  soit  isolément, 
comme  Mée  (Mayenne),  le  Mée  (Eure-et-Loir,  lUe-et- Vilaine, 
Loiret,  Manche,  Seine-et-Marne,  Yonne),  les  Mées  (Indre-et- 
Loire,  Loir-et-Cher,  Sarthe,  Seine-et-Oise,  Vienne),  soit  cond^iné 
avec  un  nom  propre  de  personne,  sous  les  formes  me,  meix,  metz, 
mi,  cette  dernière  résultant  d'une  altération  favorisée  par  l'éloi- 
gnement  de  la  syllabe  représentant  le  bas-latin  mansus,  par  rap- 
port à  l'accent  tonique.  On  se  contentera  de  citer  de  ces  diverses 
formes  quelques  exemples  pris  au  hasard  : 

Médavi  (Orne)  =  M.  David;  —  Méguillaume  (Orne)  = 
M.  Willelmi;  —  Melanfroy  (Seine-et-Marne)  ^=  M.  Lande- 
fridi  ;  —  Mémillon  (Eure-et-Loir)  ^=  M.  Milonis; 


•2'ir()  Li:S    .NOMS    DE    LIKU 

Le  Meix-Saint-Époing  (Marne)  =  M.  Sancti  llispani  ;  —  le 
Meix-Thiercelin  Marne)  =  M.  Tetselini; 

Metz-Robert  (Aube)  =  M.  Rotberti  ; 

Mifoucher  (Eure-et-Loir)  =  M.  Folcharii  ;  —  Migaudry 
Eure-et-Loir)  =  M.  Walderici  ;  —  Mihardouin  Eure-et-Loir) 
=  M.  Harduini  ;  —  Mirougrain  f Eure-et-Loir),  en  1300  Meso- 
grain. 

965.  Mansus  représente  le  terme  iinal  des  noms  de  lieu  sui- 
vants, dans  lesquels  la  prononciation  me  est  figurée  de  façon  plus 
ou  moins  fantaisiste  :  Englebelmer  (Somme)  =  Ingelberti  ni.  ; 

—  Yzengremer    (Somme)  =   Ysengarii  m.  ;  —  Bertrameix 
(Meurthe-et-Moselle),  Bertrametz  Meuse)   =  Bertramni  m.  ; 

—  Brunehamel   (Aisne;,    Brunehaut  mets  en   126o,  Brunehaut- 
inez  en  1290.  Brunehaumez  en  1340  =  Brunehildis  m. 

966.  Le  mot  mansio,  employé  dès  l'époque  impériale  au  sens 
spécial  d"  «  habitation  »  qu'a  conservé  le  mot  maison,  a  donné 
naissance  au  mot  bas-latin  mansionile  qui,  à  l'origine,  ne 
devait  être  quun  adjectif  désignant  un  terrain  à  bâtir,  et  qui, 
dès  le  IX®  siècle,  sinon  plus  tôt,  a  pris  le  sens  de  <(  maison  ». 
Mansionile  est  ordinairement  en  français  ménil,  souvent  encore 
écrit  mesnil. 

967.  Parfois,  en  Champagne,  en  Bourgogne  et  en  Franche- 
Comté,  mansionile  se  présente  sous  la  forme  magny,  qu  il  faut 
savoir  distinguer  du  nom  de  lieu  gallo-romain  formé  à  l'aide  du 
suffixe  -acus  sur  le  gentilice  Magnius.  Bien  entendu,  la  ques- 
tion ne  se  pose  pas  quand  maffiirj  est  accompagné  d'un  nom 
d'homme,  comme  dans  Magny-Lambert  (Côte-d'Or). 

968.  La  forme  plurielle  de  mansionile  est  représentée  par 
Magneux  ALirne,  Haute-Marne,,  les  Mesneux  (Marne). 

(Quelques  autres  noms  communs  de  lieu.\  habités,  employés 
dans  la  toponomastique  dès  l'éjioque  francjuo,  no  seront  ici 
qu'indiqués. 

969.  Le  mot  latin  castellum  "  lieu  fortifié  »,  diminutif  de 
castrum  (cf.  n""  496  et  497  >,  apparaît  (hins  les  noms  de  lieu 
sous  les  formes  château,  châtel,  casteau,  castel  ;  ces  deux  der- 
nières sont  communes,  d'une  part,  aux  pays  de  langue  dOc.  et, 
flauli-c  |)ait,  il  la  Picardie  et  aux  pays  wallons,  où  elles  ont  lini 
par  (l<\('i)ir,  ;iu  moins  dans  la  ))ron(tncial  ion.  catcau  et  catel. 


ORIGINES    FRANQUES    :    MOXASTKRIUM  241 

9T0.  Moiiastei'ium,  k  sanctuaire  »  est  représenté  dans  les 
pays  de  langue  d'oc  par  Monastier.  Monestier,  Monêtier;  plus 
au  nord  par  Moustier,  Moustiers,  Moutier,  Moutiers,  Mouthier, 
Moulhiers.  Motier,  qui  ont  pour  variantes  Moustoir  en  Bretagne 
et  les  Moitiers  dans  le  département  de  la  Manche.  —  Dans  les 
pays  de  lang-ue  allemande  monasterium  est  devenu  Miinster. 

971.  Le  mot  capella,  désignant  un  sanctuaire  chrétien  d'im- 
portance secondaire,  ne  figure  parmi  les  noms  de  lieu  que  sous 
les  formes  Chapelle  et  Capelle  —  cette  dernière  appartenant  k 
la  Normandie,  à  la  Picardie  et  aux  pays  ^vallons.  aussi  bien 
qu'aux  pays  de  4angue  d'oc  —  auxquelles  il  faut  joindre  la 
variante  gasconne  Capère,  dont  l'aire  géographique  n'est  pas  fort 
étendue. 


Les  noms  de  lieu.  l** 


LI 
NOMS    COMMUNS    DE    SITES 

Les  mots  latins  ou  bas-latins  étudiés  dans  le  précédent  cha- 
pitre, et  qui,  tous,  désignent  des  lieux  habités,  ne  sont  pas  les 
seuls  dont  la  nomenclature  géographique  de  notre  pays  présente 
la  combinaison  avec  des  déterminatifs,  la  plupart  du  temps 
noms  propres  de  personne  de  Tépoque  franque  ou  de  l'époque 
féodale.  Il  convient  de  mentionner  au  même  titre  un  certain 
nombre  de  noms  communs  indiquant  une  circonstance  topogra- 
phique, l'assiette  du  lieu  dénommé. 

972.  Mous,  au  sens  d  «  élévation  »,  de  «  colline  »,  de  «  mon- 
tagne »,  est  très  fréquent  dans  les  noms  de  lieu  composés,  où  sa 
forme  vulgaire  est  ordinairement  mont  ;  souvent  noté  mon, 
sans  t,  dans  les  départements  formés  de  l'ancienne  province  de 
Guyenne,  elle  se  réduit  quelquefois  à  ino  ou  mou,  lorsque  le 
second  terme  du  nom  composé  commence  par  une  liquide  :  Moli- 
tard  (Eure-et-Loir)  =  M.  Lietardi  ;  —  Moulicent  (Orne)  = 
M.  Letsendis  ;  —  Momorant  (Orne)  =  M.  Moderamni;  — 
Monampteuil  i^Aisnei  =  M.  Xantoiali  :  ici  le  déterminatif  est 
exceptionnellement  un  nom  de  lieu  (cf.  n"  169)  ;  —  Morambert 
(Aube)  =  M.  Ragncberti  ;  —  Morintru  Seine-et-Marne)  = 
M.  Hagnetrudis. 

973.  Val  lis,  <(  vallée  »  revêt  dans  les  noms  de  lieu  roiuans  de 
l'rance  les  formes  val  —  assourdie  éventuellement  en  vn  —  et 
vfiu.  L'une  et  l'autre  sont  parfois  précédées  dans  les  noms  locaux 
du  moyen  âge  de  l'article  féminin  —  d'où  Laval  et  Lavau  — 
parce  que  le  français  t'a/  ou  vhu  était  originairement  féminin. 
comme  le  latin  vallis. 

4 

974.  Hivus,  «  ruisseau  »,  se  présente  sous  les  formes  rien, 
ri(j.  m.  rcij,  ri,  divci-sement  notées. 

Rieu  rVriège,  (lard,  Ilaute-Cjaronni'.  Tarn,  \'aucluse).  — 
RieumajOU     niaute-Ofironm'.      IIiT.iull  li.     luajorcm;     — 


OHl<aM:;S    KHAMJLLS     J     filVUS  243 

Rieupeyroux  (Aveyron,  (lers),  Riupeyrous  (Basses-F'yrénées)  = 
R.  petrosus;  — Rieussec  (Hérault)  =  R.  siccus  ;  —  Rieutort 
(Lozère),  Riotord  (Haute-Loire),  le  Riotord  (Vaueluse)  -= 
R.  tortus;  —  Grandrieu  (Lozère)  :=  Grandis  r. 

Rieux  (Arièg-e,  Hnute-Garonne,  Marne,  Morbihan,  Seine-Infé- 
rieure) ;  —  Rieux-Martin  (Charente)  =  R.  Martini  ;  —  Beau- 
rieux  (Aisne,  Nord)  =  Bel  lus  r.  ;  —  Grandrieux  (Aisne)  = 
Grandis  r. 

Rioux  (Charente-Inférieure). 

Rupt  est  l'ordinaire  et  abusive  graphie  de  la  forme  ru,  très 
répandue  dans  le  nord-est  de  la  France.  —  Le  Bonrupt  i  Yonne)  = 
Bonus  r.  ;  —  Maurupt  (Marne,  Haute-Marne)  =  Malus  r.  ;  — 
Grandru  (Aisne),  Grandrupt  (Vosges)  =  Grandis  rivus;  — 
Parfondru  L\isne  .  Parfondrupt  (Meuse,  Haute-Saône^,  Parfouru 
(Calvados)  ^  Profundus  r.  ;  —  Rupereux  (Seine-et-Marne)  = 
R,   petrosus. 

Buffignereux  (Aisne)  est  appelé  au  ix^  siècle  Wulfiniaci 
rivus  dans  ÏHisioria  ecclesiae  Bemensis  de  Flodoard. 

Ris  (Puy-de-Dôme,  Hautes-Pyrénées)  ;  —  Grandrif  Puy-de- 
Dôme),  Grand-Ris  (Loire)  =  Grandis  r.  ;  —  Vignory  (Haute- 
Marne),  au  ix*"  siècle  Wanbionis  rivus; —  Rix  i  Nièvre). 

975.  Fons,  «  fontaine  »,  dont  quelques  composés  ont  été  vus 
déjà  (n"  106),  figure  aujourd'hui  dans  les  noms  de  lieu  français 
sous  la  forme  font  ou  fond  :  Froidefond  (Allier,  Cher)  ;  —  Sept- 
fonds  (Tarn-et-Caronne),  Sept-Fonds  (Yonne)  ;  —  Ceffonds 
(Haute-Marne),  en  II  11  Sigifons  ;  — -Fondouce  (Charente- 
Inférieure,  Hérault)  ;  —  Fonfrède  (Basses -Alpes,  Lot-et- 
Garonne).  Cette  racine  est  moins  fréquente  que  ses  analogues 
fontaine  en  langue  d'oïl,  fontane  en  langue  d'oc,  répondant  à 
l'adjectif  pris  substantivement  (cf.  n"  673)  fontana. 

976.  Le  mot  latin  pons.  d'où  le  français  pont,  se  présente 
sous  cette  forme  vulgaire  dans  les  noms  de  lieu  de  la  France.  On 
a  mentionné  plus  haut  plusieurs  des  vocables,  formés  au  cours 
du  moyen  âge,  dans  lesquels  il  entre  en  composition.  L'exemple 
de  Pommeuse  (n"  703)  et  de  Porrentruy  n^'  705)  —  cette  der- 
nière localité  s'appelle  en  allemand  Pruntrut  —  atteste  que, 
par  une  altération  analogue  à  celle  que  sul)it  en  pareille  position 


2i4  LES    -NOMS     DE    LIEU 

la  forme  vulg-aire  de   nions  (n"  972j,  pont  peut  se  réduire  k  po 
devant  une  liquide. 

977.  Le  mot  campus,  (c  plaine  »,  est  ordinairement  fort 
reconnaissable  dans  les  noms  de  lieu  modernes,  soit  qu'il  figure 
sous  la  forme  champ,  qui  a  prévalu  dans  notre  langue,  soit  qu'il 
conserve  la  forme  camp,  usitée  dans  les  dialectes  normand, 
picard  et  wallon  et  dans  ceux  de  la  langue  d'oc.  Cependant  il 
perd  le  son  nasal,  lorsque  le  second  terme  des  noms  dans 
lesquels  il  figure  comme  élément  initial,  commence  par  une 
liquide  :  Chamartin  (Isère)  =  G.  Martini;  —  Chamorin 
(Indre)  =  C.  Maurini;  —  Charaintru  (Seine-et-Oise)  = 
C.  Ragnetrudis. 

978.  Un  aperçu  des  noms  de  lieu  dans  lesquels  enti-ent  les 
formes  vulgaires  du  latin  va  du  m,  «  gué  »,  a  été  donné  déjà 
(n°  732)  ;  on  peut  y  ajouter  ici  Gajoubert  (Haute-Vienne)  = 
V.  Gauzberti;  —  Guéhébert  (Manche);  —  le  Guédéniau 
(Maine-et-Loire)  ■=  V.  Danielis. 

979.  P  rat  uni,  «  pré  »,  n'a  dans  la  toponomastique  française 
que  deux  formes  vulgaires  possibles  :  pré  en  langue  d'oïl  ;  prat 
—  parfois  pra  en  construction  —  en  langue  doc. 

980.  Le  mot  latin  podium,  qui  avait,  à  l'époque  romaine, 
entre  autres  acceptions,  celles  de  «  petite  butte  »,  de  *(  petite 
éminence  »,  de  «  tertre  »,  est  bientôt  devenu  un  véritable  syno- 
nyme de  mon  s.  Ses  formes  vulgaires  sont  assez  variées  :  la  plus 
répandue  est  puy,  écrit  parfois  puitS,  par  confusion  avec  l'équi- 
valent de  puteus,  (jui  entre  aussi  dans  quelques  noms  de  liou  ; 
viennent  ensuite  poux  en  Poitou  et  en  Berry,  les  formes  méri- 
dionales puech,  puch,,  pech,  pé,  pey,  enUn  pié,  qu'on  trouve 
entre  Loire  et  Garonne,  notamment  en  Poitou,  et  qu'une  autre 
confusion  fait  parfois  écrire  pied. 

981.  Exsartum,  c  défrichement  »  n'appartient  pas  au  latin 
cl;issi([ue,  mais  dès  le  (l(''but  du  moyen  âge,  il  paraît  dans  les 
lois  b;iibai'es.  L;i  forme  française  de  ce  mot  est  essart,  »pie  les 
dialectes  j)icard  et  \\;illon  it-duiscnt  ;t  sart  :  il  est  enq)loyé 
comme  nom  de  lieu,  tuiilôl  seul,  tantôt  en  conqjosition  ;  et,  dans 


I 


oiîh;im:s   fha.nulis   :    /■:\sAHTrM  24o 

ce  dernier  cas.  il  est  parfois  méconnaissable  :  Mortcerf  (Seine-et- 
Marne)  était  au  xii«  siècle  Moressart;  —  Corbeil-Cerf  (Oise)  était 
jadis  Cnrbeil  cssarf  ;  et  Cressonsacq  (Oise)  est,  on  le  sait 
(cf.  n"  285),  pour  Cressonessar/. 

982.  Le  mot  d'origine  germanique  latinisé  boscus  a  sup- 
planté dans  les  langues  romanes  le  classique  ne  mu  s.  Le  nom 
commun  bois  et  ses  variantes  bos  et  bosc  figurent,  soit  comme 
terme  initial,  soit  comme  terme  final,  dans  un  fort  grand  nombre 
de  noms  de  lieu. 

983.  Broilum,  pour  broialum,  mot  d'origine  celtique, 
désigne,  dans  les  textes  mérovingiens,  un  bois  clos,  une  sorte  de 
parc.  Il  est  devenu  en  français  Breuil,  forme  très  répandue, 
Breil  dans  les  régions  occidentales,  et  parfois  Bréau  ou  le  Bréau 
(Loiret,  Nièvre,  Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise,  Yonne).  — 
Belgeard  (Mayenne)  était  anciennement  Breil-Liégeard  = 
B,  Leutgardis. 

Dans  la  France  méridionale  broilum  est  représenté  à  de  très 
nombreux  exemplaires  par  Bruel. 

Plusieurs  autres  noms  communs,  la  plupart  d'origine  latine, 
pourraient  être  encore  cités,  comme  avant,  à  l'époque  franque  et 
à  ré])oque  féodale,  par  combinaison  avec  des  noms  propres  de 
personne,  contribué  à  former  des  noms  de  lieu'.  On  croit  pou- 
A^oir  les  négliger,  dans  la  certitude  où  Ton  est  de  n'avoir  omis 
aucun  de  ceux  dont  l'emploi  est  le  plus  fréquent,  et  d'avoir  ainsi 
suffisamment  préparé  le  terrain  pour  étudier  le  rôle,  dans  la  for- 
mation des  noms  de  lieu,  des  noms  de  personne  empruntés  aux 
nations  germaniques. 

1.  On  renconirera  ci-après,  par  exemple  les  mots  casa  [n"  1058  ,  eecle- 
sia  in"  993),  granica  iu°  1126)  —  ([ui  pouvaient  trouver  place  dans  le 
précédent  chapitre  —  cisterna  n"  1074),  cultura  i^n"  994i,  l'ossa 
(u'^'  1026  ,   insula    n"  1108  ,  sa  1 1  u  s  (  n»  1107). 


LU 

NOMS    DE    PERSONNE 

984.  Le  meilleur  répertoire  donomastique  g-ermanique  est  le 
volume  in-4°,  publié  en  Iboli  par  Forstemann,  sous  le  titre 
Altdeutsches  Namenbuch  '. 

985.  Parmi  les  noms  germaniques  de  personne  rpii  entrent 
dans  la  composition  des  noms  de  lieu,  les  noms  de  femme 
tiennent  une  place  à  la  vérité  restreinte,  mais  qui  vaut  qu'on 
s'y  arrête. 

Les  plus  apparents  sont  à  coup  sûr  ceux  qui  appartiennent  à 
une  déclinaison  imparisyllabique  propre  à  l'époque  franque  :  le 
nominatif  est  en  -a,  le  g-énitif  en  -ane  :  Berta,  Bertane  ; 
flexion  dans  laquelle  il  faut  voir  une  influence  de  la  déclinaison 
faible  des  langues  germaniques  présentant  aux  cas  obliques  une  n 
qui  n'existe  pas  au  nominatif.  Cette  flexion  a  passé  dans  la 
langue  vulgaire,  un  même  nom  de  femme  ayant  son  cas  sujet  et 
son  cas  régime,  Berte  et  Berlain  ;  elle  a  même  été  appliquée  à 
des  noms  propres  et  à  des  noms  communs  empruntés  au  latin  : 
Eve,  Evain  ;  — Marie,  Mariain  ;  — ante  [=  amita),  an/ai/i  ;  — 
nonne,  nonnain.  Ainsi  s'expliquent,  soit  dit  en  passant,  les  mots 
écrivain  et  sacristain,  formés  sur  des  mots  latins  de  la  première 
déclinaison.  Les  effets  de  cette  déclinaison  sont  particulièrement 
sensibles  dans  les  noms  de  lieu,  dans  la  composition  des(|uels 
les  noms  de  personne  ne  peuvent  entrer  qu'au  génitif. 

Agiane  cortis  :  Aincôurt  (Oise,  Seine-et-Oise).  Ayencourt 
(Somme). —  A.  vallis  :  Ainval  (Somme).  —  A.  villa  :  Ain- 
velle  flIaute-Saône,  Vosges). 

Amblane  cortis  :  Amblaincourt  (Meu.se). 

Azane  c.  :  Azincourt    .Nord,  l*as-de-(^alais). 

Babane  c.  :  Bavincourt  (Pas-de-Calais). 

I.  Une  iiouvcîllc  ('•(lilion  ;i  c-lô  doniiéo  ii  Huiiii  vu  l'.lOO.  —  Il  convicnl  de 
si^-ii:il(;r  ici  l'un  des  appendices  donnés  par  Aw},^.  Lon^Miou  d.uis  son  ('di- 
lion  du  Poli/ftli<fiif  iTIrininon  (H,  •2''i4-.'lS2^,  sons  ce  litre  :  Lrs  hhhik  tir  jut- 
f<i>iinp  nii  /i-mjis  ilr  (',li,irlcni.i(/iic. 


OIUGINES    FRANOLES    :    NOMS    DE     PERSONNE  247 

Baiane  c.  :  Bayencourt  (Oise,  Somme]  ;  Biencourt  (Meuse, 
Somme). 

Bettane  c.  :  Bettaincourt  (Haute-Marne)  ;Betaincourt  (Eure- 
et-Loir). 

Bosane  c.   :  Bouzincourt  (Somme). 

Bovane  c.  :  Bouvaincourt  (Somme);  Bouvincourt  (Nord, 
Somme). 

Farane  c.  :  Farincourt  (Haute-Marne). 

Gaudiane  c.  :  Goy encourt  (Somme). 

Godanec.  :  Goincourt  (Oise). 

Gonzane  c.  :  Goussaincourt  (Meuse).  —  G.  v.  :  Goussain- 
ville  (Eure-et-Loir,  Seine-et-Oise). 

Sigradane  c.  :  Seraincourt  (Ardennes). 

Dans  les  exemples  suivants  le  nom  de  femme  tient  la  seconde 
place  : 

Villa  Ad  ta  ne  :  Viltain  (cf.  n«  950). 

Gortis  Blancane  :  Gomblanchien   cf.  n"  939). 

G.  Bovane  :  Courbouvin  (cf.  n"  935'. 

G.  Bertane  :  Coubertin  (cf.  n«  938).  —  V.  B.  :  Villebertin 
(Aube). 

V.  Lu  pane  :  Villeloin  (Indre-et-Loire). 

G.  Waldradane,  dans  le  Polyptique  d'Irminon  :  Courgau- 
dray  (Orne). 

986.  Dans  ce  dernier  nom  la  nasale  qui  termine  le  cas  régime 
du  nom  féminin  a  tlisparu  :  on  constate  le  même  phénomène  dans 
Bubertré  (Orne),  dont  le  second  terme  répond  au  génitif  Bertra- 
dane,  et  dans  les  noms  —  portés  par  trois  localités  peu  éloignées 
lune  de  l'autre  —  Villacoublay,  Ville-d'Avray  et  Viroflay  (Seine- 
et-Oise),  qui  s'écrivaient  au  xin"  siècle  Ville  Escohlein,  Ville 
Davrain  et   Villoflein . 

987.  A  vrai  dire,  le  second  terme  du  nom  de  Viroflay  n'est 
pas  un  nom  de  femme,  la  forme  Offleni  villa,  qu'on  trouve  en 
11G2,  attestant  qu'il  s'agit  d'un  nom  masculin  en  -lonus.  Dune 
manière  g-énérale,  il  faut  se  garder  de  considérer  comme  autant 
de  noms  féminins  tous  les  déterminatifs  en  -ain  compris  dans  les 
noms  de  lieu  en  -ville  ou  en  -court  :  on  s'exposerait  ;i  plus  d'une 
méprise  si  l'on  concluait  en  ce  sens  sans  avoir  examiné  les  formes 
anciennes.  Gelles-ci  peuvent  révéler  qu'on  est  on  présence  de 
noms  en  -lenus  —  comme  celui  qui  enlr(^  dans  la  composition 


248  LKS     NOMS    DI-:     I.IEU 

du  nom  de  Yiroflay  —  ou  de  noms,  également  germaniques,  en 
-enus  ou  -in us  :  Goin ville  (Eure-et-Loir),  au  ix"  siècle  Gau- 
deni  villa:  Villehadin  (Orne)  =  V.  Baddeni.  D'autre  part, 
Mondrainville  (Calvados),  Toufjfrainville  (Seine-Inférieure)  et 
Trancrainville  (Eure-et-Loir)  étaient  appelés  au  moyen-âge 
Mondreville,  Toiifreville  et  Tancreville,  ce  qui  suppose  les 
formes  primitives  Mundradi  v.,  Thorfredi  v.  et  Tancradi 
V.  :  la  nasalisation  nest  intervenue  qu'au  xvi^  siècle  ou  au  xvii^. 

En  dehors  de  ceux  que  le  latin  de  l'époque  franque  déclinait  en 
-a,  -a ne,  lonomastique  germanique  latinisée  comprenait  divers 
noms  de  femme  caractérisés  par  des  terminaisons  telles  que 
-burgis,  -gardis,  -gundis,  -hagdis,  -hildis,  -lindis,  -sin- 
dis,  -trudis  :  les  formes  vulgaires  de  ces  terminaisons,  dans  la 
langue  du  moyen-âge,  n'avaient  aucunement  le  muet  final  que 
de  nos  jours  les  noms  de  femme  présentent  presque  tous. 

988.  -burgis  est  devenu  en  français  -hoiirc,  plus  tard  écrit 
-hourg.  C  est  le  nom  Eramburgis  qui  ligure  dans  l'appellation 
ancienne  d'une  voie  parisienne,  la  rue  Eramhourrj  de  Brie. 
aujourd'hui  «  rue  Boutebrie  ».  —  Witburgis  est  l'origine  du 
nom  Guihours,  ([ui  figure  en  plus  d'une  chanson  de  geste  du  cycle 
de  Charlemagne.  —  La  forme  vulgaire  de  Hildeburgis  appa- 
raît dans  Fontaine-Heudebourg  (Eure). 

989.  -gardis  a  donné  -//ard,  -jard,  -f/eard,  ou  simplement  -ard 
quand  le  g  se  trouvait  précédé  dune  voyelle  : 

Villa  Adalgardis  :  Villaugeard  (Eure-et-Loir). 

Mo nsBeli gardis:  Montbéliard '  Doubs  i . M ontbiiard (Belgique, 
Ilainaut).  —  Podium  Beligardis   :  Puybelliard  (Vendée). 

Vallis  Engelgardis  :  Vallangoujard    Seine-et-Oise). 

F.  Ermengardis  :  Fontaine-Émangard  i(-alvados). 

P.r.  Leutgardis  :  Belgeard  (cf.  n"  983).  —  Cf.  le  Clos- 
Ligeard  (Mayenne),  et  Lijardière  (Charente-Inférieure). 

Dans  l'étude  mentioniu'e  i)lus  haut  (n"  811),  M.  Perrenot  a 
donné  du  nom  de  Monlbéliard  une  étymologie  (ju'on  ne  saurait 
a<hnettre  :  Mous  be  1  i  v  a  rdae,  «  moiil  du  cloclu'r  »;  l'atrcrlomé- 
ration  à  laquelle  Monlbi-Hard  doit  son  origine  avait  reçu  son 
nom  l)ien  .avant  cpi'un  clocher  no  s'y  élevât.  Ci'llc  ville  est 
appelée  en  allemand  Mbnpelgard. 


ORIGINES    l'RAN'QUES    :    NOMS    DE    PERSONNE  249 

990.  -gundis  est  devenu  -goiit  \  les  noms  Aldegondc,  Frédé- 
(jonde  sont  de  formation  savante  :  Sainte-Aldegonde  (Nord)  sest 
appelé,  durant  toiit  le  moyen-àge  Sainte- Audegont . 

Bois-Ragon  (Deux-Sèvres)  présente  la  forme  vulgaire  du  nom 
Rade  g  u  n  il  i  s . 

991.  -hagdis  ou  -haidis  a  produit  -ais,  réduit  plus  tard 
à  -is. 

Adalhag'dis  ou  Adalhaidis,  en  langue  vulgaire  Alais  ou 
Alis,  se  retrouve  dans  les  noms  de  la  Ferté-Alais  fSeine-et- 
Oise),  du  Bosc-Alix  (Eure),  d"Écalles-Alix  (Seine-Inférieure), 
de  la  Fontaine-Alix  (Aisne),  sans  compter  ceux  de  Pontalis. 
Portalès,  Portails  et  Pourtalès,  qui  sont  devenus  noms  de 
famille. 

992.  La  finale  -h  il  dis  est  moins  reconnaissable  qu'aucune 
autre  dans  les  noms  de  lieu  français,  car,  par  suite  de  la  vocalisa- 
tion de  17  et  la  chute  de  la  désinence  atone  -is,  elle  a  produit 
un  mono.syllabe  noté  de  diverses  façons  :  -haut  dans  Brii- 
nehaut,  de  Brunehildis,  et  Alahaut,  de  Mathildis  ;  -lient 
dans  Richeut^  de  Richildis  ;  -lioiit,  dans  Sainte-AIenehould, 
de  Sancta  Manehildis;  et  ce  monosyllabe  est  plus  d'une  fois 
altéré  par  des  accidents  de  graphie  et  de  négligences  de  pronon- 
ciation, 

Mons  Ainhildis,  dans  le  Polyptique  d'Irminon.  désigne 
Monhinot  (Orne). 

Berthildis  cortis  :  Brétencourt  (Seine-et-Oise),  ancien- 
nement Bertheucourt^  puis  Brethcucourt. 

Castrum  Brunehildis  :  Bruniquel  (Tarn-et-Garonne),  le 
terme  principal  étant  tombé  en  désuétude.  —  Brunehildis 
m  an  su  s  :  Brunehamel  (cf.  n"  965). 

Gisehildis  cortis  :  Gizaucourt  (^Marne). 

Gundhildis  c.  :   Condécourt  (cf.  n°  130), 

Richildis  m.  :  Richaumont  (Aisne). 

V.  Senihildis  :  Villeseneux  (Marne), 

993.  -lindis  a  donné  -lent,  -Uinl   comme  lingua  langue. 

Berelindisc.  :  Berlancourt  (Aisne,  Oise),  Berlencourt  (Pas- 
de-Calais),  Bellancourt  (Somme),  —  B.  ecclesia  :  Bellenglise 
(Aisne).  —  lioscus-  1^   :  Boisbellent  Manche). 


2o0  LES    N0>1S    DE     LIEU 

Gundelindis  cortis  :  Goudelancourt  (Aisne). 
Ingolindis  c.  :  Aingoulaincourt  (Haute-Marne). 

994.  -s  in  dis  est  devenu  -sent. 
Fredesindis  cortis   :  Fressencourt   Aisne).- 
Mainsindis  cultura  :  Metz-en-Gouture    Pas-de-Calais),  jadis 

Messencouture. 

Burgus  Herisindis  :  le  Bourg-Hersent  (Mayenne). 

995.  -trudis  a  pour  forme  vulgaire  -fru. 

Campus  Ragnetrudis  :  Charaintru  cf.  n"  977  .  —  Mons 
R.  :  Morintru  (cf.  n"  9721.  —  Pons  R.  :  Porrentruy  (cf.  n°''  705 
et  976). 

Quant  aux  noms  germaniques  d'homme,  ils  peuvent  être 
répartis  en  deux  grandes  séries,  dont  la  principale  comprend  ceux 
de  forme  qu'on  pourrait  appeler  solennelle,  composés  de  deux 
éléments,  comme  on  le  voit  dans  la  plupart  des  noms  royaux  de 
la  dynastie  mérovingienne.  A  ces  noms  correspondent,  en 
moindre  nombre,  des  formes  familières,  dont  l'ensemble  consti- 
tue l'autre  série.  C  est  celle-ci  qu'on  envisagera  tout  d'abord,  la 
théorie  de  la  formation  des  noms  qui  la  composent  présentant 
quelque  complication. 

996.  Les  Allemands  emploient  Fritz  concurremment  avec 
Friedrich  ;  Les  Anglais  disent  Bob  pour  Robert,  Dich  pour 
liichard^  Bill  pour  William,  Tod  j)our  Ed/rard,  Noll  pour  Oli- 
vier. L'usage  des  noms  familiers,  très  vivace  encore,  on  le  voit, 
chez  les  nations  germaniques,  est  constaté  dès  l'époque  franque. 
Le  nom  de  Chlodio,  réduit  quelquefois  k.Cioio,  n'est  autre 
chose  que  la  forme  familière,  «  hypocoristique  »,  d'im  nom  tel  que 
Chlodovicus,  Chlodomirus,  Chlodericus.  Le  troisième  lils 
de  Charles  Martel  et  de  Soanachildis,  d'ordinaire  appelé 
Grifo,  doit  être  reconnu  dans  le  comte  de  Paris  Cairefreilus, 
que  mentionne  un  acte  de  Pépin  le  Bref  '.  Dans  une  charte  du 
IX'"  siècle,  on  voit  une  femme  nommée  Richoara  signer  Deca- 
(cf.  Dirk  =--  Richard  ). 


1,   Il  (le  Ljisleyrif,  Curliilairr  (fi^nér.il  de  J'.iris,  I,  27. 

■2.  \.  lîi  iifl,  n,-ni,'il  ilf'sch.irlPH  (h-  l'.-ihhni/e  drCliini/,  IIl,  r.fifi-r.87,  n"  2;ilO. 


ORIGINES    FKANQUES    :    NOMS    DE    PERvSONNE  251 

La  formation  d'un  nom  familier  comportait  la  suppression 
du  second  élément  de  la  forme  solennelle,  le  premier 
étant,  par  compensation,  affublé  de  la  désinence  -o.  A  l'un  des 
noms  Fridericus,  Fredboldus,  Fredmundus,  etc.,  était  ainsi 
substitué  Frido  en  Fredo,  que  le  latin  de  l'époque  déclinait 
imparisyllabiquement  en  -o,  -onis. 

Par  la  suite,  les  noms  ainsi  formés  ont  reçu  un  suffixe  dimi- 
nutif Qorrespondant  à  l'allemand  moderne  -lein,  et  latinisé  en 
-lenus  ou  -linus  :  Frido  est  devenu  Fridolinus. 

997.  Avant  d'aborder  l'examen  de  ces  deux  catégories  suc- 
cessives de  noms  hypocoristiques,  il  paraît  à  propos  de  conden- 
ser, dans  un  exemple  typique,  l'exposé  qui  précède.  On  s'est 
étonné  ^  devoir  un  évêque  de  Paris,  contemporain  du  roi  Robert, 
appelé  indifféremment  Adalbertus  et  Ascelinus.  Or,  il  est 
avéré  qu'aux  xi*'  et  xii®  siècles,  en  Lombardie  à  tout  le  moins, 
le  nom  Adalbertus,  par  la  suppi^ession  du  dernier  terme,  la 
réduction  du  premier,  et  l'introduction  du  son  sifflant,  est  devenu 
Adzo  :  Ascelinus  s'explique  par  la  combinaison  d  Adzo  avec 
le  suffixe  -linus. 


998.  11  est  aisé  de  reconnaître  les  noms  hypocoristiques  en 
-o,  -onis,  dans  les  noms  de  lieu  où  ils  occupent  la  dernière 
place  :  Concourson  (Maine-et-Loire)  ^=  Cortis  Gontionis  ;  — 
Courtabon  (cf.  n»  933)  =  G.  A b bonis;  —  Courbouzon  (cf. 
n°  935)  =  G.  Bosonis  ;  —  Gourvaudon  (Calvados)  =  G.  Wal- 
donis.  Le  maintien  du  son  -on  est  favorisé  par  ce  fait  que  l'ac- 
cent tonique  est  sur  Vo  du  g-énitif -onis. 

Par  contre,  cet  o  n'a  plus,  pour  ainsi  dire,  qu'un  demi-accent 
quand  le  nom  d'homme  en  -o,  -onis  est  le  premier  terme  du  nom 
de  lieu.  Diverses  altérations  peuvent  alors  se  produire,  ainsi 
qu'on  en  jugera  par  plusieurs  des  exemples  qui  vont  être  énu- 
mérés  en  regard  d'un  choix  de  ces  noms  d'homme. 

999.  Abbo  (cf.  n"  815)  :  Aboncourt  (Meurthe-et-Moselle, 
Haute-Saône),  Abancourt  'Nord,  Oise,  Seine-Inférieure);  —  Cour- 
tabon  (cf.  n"  933). 

1000.  Agio  :  Ailloncourt  (Haute-Saône). 

1.    H.   (le  l^!\sl.oyrio,  op.   cil.,  1,  112,   iiolo  (i. 


2o2  LES     NOMS     DE    LIEU 

1001.  Amblo  pour  Amalo  ou  A  mule  (cf.  n"  832)  :  Ablan- 
COUrt  (Marne). 

1002.  Anibo  :  Ambonville  (Loiret,  Haute-Marne). 

1003.  Anso,  formé  sur  l'un  des  noms  de  la  famille  à 
laquelle  appartiennent  Ansbertus  et  Ansegisus  :  AnsOïl- 
COurt  (Meurthe-et-Moselle),  Ansonville  (Eure-et-Loir,  Loiret), 
Ensonville  (Eure-et-Loir).  —  Le  même  nom  se  retrouve  dans 
la  Lande-en-Son  (Oise),  qui  devrait  s'écrire  la  Lande- Anwn. 

1004.  Arno  :  Arnoncourt  (Haute-Marne),  Arnancourt 
(Haute-Marne). 

1005.  Atto  :  Attancourt  (^Haute-Marne),  Attencourt  (Aisne, 
Eure-et-Loir),  Hattencourt  (Sonmie). 

1006.  Austro  :  Outrancourt  (Vosges). 

1007.  Baddo,  nom  qui  dt'sig-ne  dans  Grégoire  de  Tours  un 
émissaire  de  Frédégonde  :  Badonville  (Eure-et-Loir),  Badonvil- 
1er  (Meurthe-et-Moselle),  Badonvilliers  (Meuse)  ;  —  Vaubadon 
(Calvados). 

1008.  Bal  do  :  Baudoncourt  (Haute-Saône). 

1009.  Bego,  nom  porté  au  début  du  \f  siècle  par  un  comte 
de  Paris  :  Causse-Bégon  (Gard),  Champbegon  (Saône-et-Loire). 

1010.  Betto  :  Bethoncourt  (Doubs),  Betoncourt  (Haute. 
Saône),  Bettoncourt  (Haute-Marne,  Vosges),  Béthancourt 
(Aisne,  Oise),  Béthencourt  (Nord,  Pas-de-Calais,  Seine-Infé- 
rieure, Somme),  Béthonvilliers  (terr.  de  Belfort),  Bethonval  et 
Béthonsart  f  Pas-de-Calais) . 

1011.  Bodo  (cf.  n"  834)  :  Boncourt  (Aisne,  Côte-dOr,  Eure, 
Ii!ure-et-Loir,  Meurlhe-et-Moselle,  Meuse,  Oise),  Bancourt 
(I^as-de-Calais). 

1012.  Boso  :  Sailli -Rciinj-cn-^owzemoxii  (Marne),  Bouzon- 
ville  (Loiret),  Bossancourt  (Aube),  Bouzancourt  (Haute-Marne. 
Somme).  —  Montbozon  !  llaule-Saône),  Courbouzon  (cf.  n"  935). 

1013.  Bovo  :  Bouvancourt  (Marne). 

1014.  l)ago,  (jui  peut  être  la  forme  h\  |)()c()risti(|U('  du  iioiii  de 
Dagdbcrt  :  Dagonville  iMeusc). 

1015.  Dodo  :  Doncourt  (Haute-Marne,  Mcurthe-et-Mosellc, 
Meuse),  Dancourt  LArdenuesi,  Daiiipcourt  (Aisne).  —  L'Isle-en- 

Dodon  (Gers)  se  traduit  par  I  nsul  a  d  om  i  ni  Dodonis. 

1016.  ImkIo.  (jui  fut  le  nom  i\\\\\  due  ({".Vcpiilaine  coiiIcMupo- 
r.iiii  «le  Cli;irles  Martel      -  el  (piim  ;i  coiirniidu  à  tort  avec  ()ddo. 


i.)Ui(;i.Nt;.s  KKANgLL;s   :    noms   ije   i'Ekso.x.m-:  '2lVi 

d'où  PJudes  —  a  donné  en  français,  au  cas  sujet  Vs,  et  au  cas 
rég-ime  Von  —  Saint-Yon  (Seine-et-Oise) —  ou  Eon  :  Bosc-Hyon 
(Seine -Inférieure),  le  Boshion  (Eure),  Monthyoïl  (Seine-et- 
Marne). 

1017.  Faro,  au  début  du  vu"^  siècle  nom  d'un  saint  évêque  de 
Meaux  :  Faronville  (Loiret),  Féronval  (Aisne). 

1018.  Franco  :  Franconville  (Loiret,  Meurthe-et-Moselle), 
Franquemont  (Ille-èt- Vilaine).  —  Mais  Franconville  (Seine-et- 
Oise)  ;^  Francoruni  villa  (cf.   n°  536i. 

1019.  Giso  :  Gisancourt  (Eure),  Gizancourt  (Oise).  — Mont- 
geron  i  Seine-et-Oise j,  anciennement  Montgeson. 

1020.  Godo,  pour  un  nom  commençant  par  God,  comme 
Godbertus  :  Goncourt  (Marne,  Haute-Marne),  Gancourt  (Seine- 
Inférieure). 

1021.  Gontio  :  Goussancourt  (Aisne),  Goncourson  cf. 
n^'998). 

1022.  Grime,  forme  familière  dun  nom  tel  que  Grimoal- 
dus  :  Grémoménil  (Vosges),  Grémontmesnil  (Seine-Inférieure), 
Grimomez  (Nord),  Grimonpont  (Nord),  Grémonville  (Seine-Infé- 
rieure), Grimonville  (Cher),  Grimonviller  (Meurthe-et-Moselle), 
le  Grémonpré  ^Seine-Inférieure). 

1023.  Hatto  :  Hattonchâtel  (Meuse),  Hattencourt  (Somme j, 
Attancourt  (Haute-Marne),  Attencourt  (Aisne,  Eure-et-Loir), 
Hattonville  (Meuse),  Hathonville  Seine-et-Oise),  Hattenville 
(Seine-Inférieure).  —  Ménil-Haton  (Orne). 

1024.  Hajmo  :  Heymonrupt  (Meurthe-et-Moselle),  Henne- 
mont  (Meuse).  —  La  ville  du  (Juesnoy  (Nord)  était  jadis  appelée 
Haymonquesnoy . 

1025.  Hugo  :  La  Ghapelle-Huon  (Sarthe),  Valhuon  (Pas- 
de-Calais)  ;  Magny-Danigon  (Haute- Saône)  =  Mansionile 
d  o  m  ni   FI. 

1026.  Milo,  l'un  des  plus  anciennement  connus  parmi  l^s 
noms  g-ermaniques  :  Millencourt  (Somme)  ;  Millonfosse  (Nord)  := 
M.  fossa  ;  Millemont  (Seine-et-Oise).  —  Le  Bois  Milon  Aisne, 
Eure,  Oise),  Champmillon  (Charente),  Fontaine-Milon  (Maine- 
et-Loire),  la  Ferté-Milon  (Aisne). 

1027.  Modo  :  Monville  (Seine-Inférieure).  Montville  (Cha- 
rente, Loiret I,   Monvilliers  (Eure-et-Loir i. 

1028.  Plopkionis  curtis  est  le  nom  donné  par  un  texte  de 


254  LES    >'UMS     UE    LIEU 

004  à  Plichancourt  (Marne)   :  on  ignore  à  quelle   forme    solen- 
nelle de  nom  d'homme  peut  répondre  l'hjpocoristique    Plopkio. 

1029.  Rado  :  Rancourt  (Meuse,  Somme,  Vosg-es). 

1030.  Rocco  :  Rocquancourt  (Calvados),  Rocquencourt 
(Seine-et-Oise) . 

1031.  Waddo  (cf.  n»*  785  et  838)  Vadencourt  (Aisne, 
Sonmie),  Gadancourt  (Seine-et  Oise),  Gadencourt  (Eure),  Vadon- 
ville,  Wadonville  (Meuse). 

1032.  Waldo  :  Vaudoncourt  (Meuse,  Vosges),  Godoncourt 
(Vosges),  Vaudancourt  (Marne,  Oise). 

1033.  Walo  :  Champvallon  (Yonne),  Chapelle- Vallon  (Aube). 

1034.  Warno  :  Vernancourt  (Marne). 

1035.  Wido  :  Guyancourt  (Seine-et-Oise),  Guyencourt 
(Aisne,  Somme),  Wiencourt  (Somme),  Guyonvelle  (Haute- 
Marne),  Yonval  (Somme).  —  Bois-Guyon  (Eure-et-Loir),  Ghamp- 
guyon  (Marne),  le  Mesnil-Guyon  (Seine-et-Oise),  Montguyon 
(Charente-Inférieure),  La  Roche-Guyon  (Seine-et-Oise),  Lavau- 
guyon  (Haute-Vienne).  —  Au  moyen  àg-e  la  ville  de  Laval 
(Mayenne)  était  appelée  la  Val  Guyon  ou  la  Vaii  Guyoti,  parce 
que  ses  seigneurs  ont  porté,  pendant  de  nombreuses  générations, 
le  nom  de  Guy. 

1036.  On  voit  que  la  finale  -on^  que  présentent  régulièrement 
les  noms  d'homme  correspondant  à  des  hypocoristiques  en  -o, 
-onis,  s'altère  souvent  en  -an  ou  -en,  dans  les  vocables  topo- 
graphiques où  ces  noms  d'hommes  tiennent  la  première  place  : 
Béthancourt,  Béthencourt  (n°  1010),  etc.  —  D'autre  part.  Bouze- 
mont  (n^'  1012;,  Franquemont  (n«  IOI81  et  Millemont  (n"  1026) 
pour  Bouzon-monI ,  Francoii-iaonl  et  Milon-inonl ^  ollVi'utrexemple 
d'une  altération  plus  marquée,  pour  raison  d'euphonie,  de  même 
que  Hennemont  fn"  1024)  pour  Hemon-mont,  où  1'///  du  nom 
d'honuiu',  trop  voisine  de  celle  de  mont,  est  devenue  n. 

1037.  Dans  les  noms  Bocasse  (Seine-Inférieure),  le  Mesnil- 
Eudes  (Calvados),  le  Mesnil-Hue  (Manche)  et  le  MesniLRogues 
(Manche),  qu'on  pourrait  traduire  j)ar  Boscus  Adsonis,  Man- 
sionile  Oddonis,  M.  Ilugonis  et  M.  Roriconis,  h'  nom 
(1  lioinine  se  présente,  non  phis  au  cas  régime  en  -on,  mais  au 
cas  sujet  :  évidemment  il  n'a  été  ajouté  (ju  à  une  épocjue  tardive, 
alors  que  lusage  (k'  la  déclinaison  était  abantUmné,  c'est-à-dire 
à  partir  de  la  première  moitié  du  xiv'  siècle. 


ORIGINES    FRA.NOCES    :     NOMS    DE    PICRSOMSE  255 

Les  noms  hypocoristiques  en  -lenus  ou  -linus,  diminutifs 
(les  précédents,  ont  contribué,  eux  aussi,  à  former  des  noms  de 
lieu. 

1038.  Abbolenus  ou  Abolenus,  de  Abbo  (n''  999)  :  Mon- 
taboulin  (Indre),  Montaulin  (Aube). 

1039.  Ambolenus,  de  Ambo(n°1002)  :  Amblainville  (Oise), 
Amblainvilliers  .Seine-et-Oise). 

1040.  Ascelinus  icf.  n*^  997)  :  le  Bosc-Asselin  (Eure,  Seine- 
Inférieure),  Mesnil-Asselin    Calvados'. 

1041.  Babolenus,  de  Babo  in" 825 i  :  Bavelincourt  (Somme). 

1042.  Bobolenus,  de  Bobo  ou  Bovo  (n"  1013j  :  Bouvelle- 
mont  (Ardennes). 

1043.  Dodolenus,  de  Dodo  (n^lOlS)  :  Dolaincourt  (Vosges), 
Doulaincourt  (Haute-Marne).  —  Courtoulin  (cf.  n"  935). 

1044.  Gislenus,  de  Giso  (n°  1019)  :  Villers-Guislain  (Nord). 

1045.  Ilugolinus  (cf.  l'italien  Ugolino),  de  Hugo  (n"  1025): 
le  Bois-Hulin  (Eure,  Seine-Inférieure),  la  Chapelle-Heulin 
(Loire-Inférieure),  la  Ghapelle-Hullin  (Maine-et-Loire),  le  Mont- 
Hulin  (Oise,  Pas-de-Calais). 

1046.  Modolenus,  de  Modo  (n°  1027)  Moulainville  (Meuse)  ; 
—  Gormolain  (cf.  n»  936). 

1047.  Offolenus  :  Viroflay  (cf.  n"  987). 

1048.  Roccolenus,  de  Rocco  (n"  1030)  :  Reclainville  (Eure- 
et-Loir);  —  Corquelin  (cf.  n"  936). 

1049.  Rosce linus  :  la  Chapelle-Rousselin  (Maine-et-Loire), 
le  Mesnil-Rousselin  (Manche). 

1050.  Sigolenus  :  Selincourt  (Somme),  Selaincourt (Meurthe- 
et-Moselle). 

1051.  Waddo lenus,  de  Waddo  (n»  1031)  :  Vadelaincourt 
(Meuse),  Wadelincourt  (Ardennes). 

1052.  Wandelinus  :  Vandelainville  et  Vandeléville  (Meurthe- 
et-Moselle). 

1053.  Wazelinus  :  Valaincourt  (Vosges),  ValainviUe  (Eure- 
et-Loir). 

Les  noms  d'homme  germaniques  de  forme  solennelle  sont 
extrêmement  nombreux,  et  Ténumération  complète  n'en  saurait 
trouver  place  ici;  on  se  contentera  de  faire  connaître  les  princi- 
pales modilications  que   leurs  terminaisons  ont  subies  dans   les 


2."JG  l.liS    NOMS    Ut;     LIEL 

noms  lie  lieu^  et  à  celle  fin  Ion   suivra  l'ordre  alphabélique  de 
ces  terminaisons  latinisées. 

1054.'  La  finale  -aldus  ou  -oldus  de  1  époque  caroling^ienne 
représente  la  terminaison  méroA'ingiènne  -oaldus,  qu'on  observe 
dans  Chlodoaldus  et  Theobaldus.  Elle  devient  ordinaire- 
ment en  français  -aiid,  noté  -aulcl  ou  -aiilt  dans  quelques  pro- 
Aances,  telles  que  la  Touraine  et  le  Poitou  ;  dans  certains  pavs  de 
langue  d'oc  -aldus  devient  -al  (cf.  ci-dessus  n"  48)  ;  dans  les 
régions  qui  avoisinent  le  cours  moyen  et  inférieur  de  la  Seine, 
et  en  Normandie,  -oaldus  a,  par  Tintermédiaire  de  -oldus, 
donné  -oud  ou  -ouït,  comme  dans  le  nom  de  saint  Cloud 
(==  Chlodoaldus).  Celte  forme  vulgaire -o;//^,  -oud,  aujourd'hui 
confinée  presque  exclusivement  en  Normandie,  alors  qu'au 
moyen-âge  on  la  rencontrait  aussi  dans  le  Parisis  et  aux  environs 
de  Melun,  peut  être  facilement  confondue  avec  la  forme  vulgaire 
en  -ou  des  noms  originairement  terminés  en  -ulfus  (cf.  ci-après, 
j^os  /[143  à  1150),  de  sorte  qu'en  cas  de  doute,  il  est. prudent  de  se 
reporter  aux  formes  latines  des  noms  de  lieu  qui  les  présentent. 
Dans  tous  les  pays  de  langue  d'oïl  les  formes  vulgaires  des  noms 
d  homme  en  -oaldus  se  terminent  par  une  dentale,  d  om  t  ;  mais 
celle-ci  disparaît  toujours  dans  la  forme  moderne  des  noms  de 
lieu  dont  ces  noms  d'homme  constituent  le  premier  élément, 
tandis  quelle  persiste  dans  ceux  où  ils  tiennent  la  dernière 
place. 

1055.  Ansoaldus  :  Ansauville  (Meurthe-et-Moselle),  Ansau- 
villers  (Oise).  —  La  seigneurie  du  Plessis-feu-Aussoux  (Seine- 
et-Marne)  appartenait,  en  1170,  à  un  chevalier  nommé  Ansould 
du  Plessis  :  le  qualificatif  «  feu  »  indique  que  le  surnom  qu'a 
conservé  le  Plessis  est  postérieur  à  la  mort  de  ce  personnage. 

1056.  Beroaldus  :  Braucourt  (Haute-Marne),  Brauvilliers 
(Meuse). 

1057.  Fulcoaldus  :  La  Rochefoucauld  (Charente)  ;  —  Fou- 
caucourt  (Meuse,  Sommej. 

1058.  Gairoaldus,  plus  tard  Geraldus  ou  (liraldus  :  la 
Chaize-Giraud  '^Vendée)  =  Casa  Geialdi  ;  le  Bois-Giroult 
(l^^urey  ;  —  Géraumont  (.Vrdenncs),  Giraumont  i.\i(U mus, 
Meurthe-et-Moselle,   Oise),   Gérauvilliers   (Meuse). 

1059.  CrimoMJdus    :    le    Boulay-Grimault    (lùire-el-Loirj, 


ORIGINES    KUAiNOLKS     '.    AOMS    Dli    l'ERSONNK  257 

Champ-Grimaud  (Puy-de-Dômej,    le    Plessis-Grimoult   i(^alva- 
dos)  ;    —  Grimaucourt  (Meuse,  Oise),  Grimouville  ^Manche). 

1060.  Ragnoaldus  :  Ghamprenault  Cote-d'Or),  Château- 
Regnault  fArdennes),  Ghâteau-Renaud  (Saone-et-Loire),  Châ- 
teau-Renault (Indre-et-Loire)  ;  ^  Rignaucourt  (Meuse),  Renau- 
val  (Marne). 

1061.  Theodaldus  :  Thiaucourt  lAreurtlie-et-Moselle),  Thiau- 
mont  (Meuse). 

1062.  La  (inale  -baldus  —  au  sens  de  «  hardi  »  —  plus  tard 
-boldus,  a  subi  des  variations  parallèles  à  celles  de  -aldus. 

Theodebaldus,  qu'on  trouve  à  l'époque  carolingienne  sous 
la  forme  Teutboldus  :  le  Bois-Thibault  (Orne),  Thiébauménil 
(Meurthe-et-Moselle),  la  Ghapelle-Thiboust  (Seine-et-Marne), 
Thibouville  (Eure). 

1063.  Parfois,  à  l'intérieur  des  noms  de  lieu,  -bau-  est  abusi- 
vement noté  -beau-  :  Ribeaucourt  (Meuse,  Nord,  Somme), 
Ribeauville  (Aisne,  Ardennes,  Oise,  Somme). 

1064.  -bertus,  plus  anciennement  -berchtus,  u  brillant  », 
devient  -herf,  dont  le  t  disparaît,  quand  le  nom  d'homme  dont 
il  fait  partie  est  le  premier  terme  d'un  nom  de  lievi  ;  parfois 
même,  dans  ce  cas,  !'/•  s'assourdit,  et  -ber-  se  réduit  à  -bé-. 

1065.  Gharibertus,  à  l'époque  méroving-ienne  nom  royal, 
au  IX''  siècle  noté  Heribertus,  est  sujet  à  des  altérations 
diverses,  en  raison  des  deux  r  qu'il  renferme,  et  de  celle  qui 
peut  se  trouver  dans  le  terme  dont  il  est  suivi  :  la  dlssimilation 
intervient  nécessairement  :  Herbécourt  (Somme),  Hébécourt 
(Eure,  Pas-de-Calais),  Hébécrevon  (Manche)  --=  H.  caprio,  <>  le 
chevron,  le  pont  de  bois  d'LIerbert  »  ;  Héberville  (Seine-Infé- 
rieure), Hébertot  (Calvados)  —  dont  le  dernier  terme  est  d'ori- 
gine Scandinave  —  Herbeville  (Seine-et-Oise) ,  HerbéviUer 
(Meurthe-et-Moselle),  Herbémont  (Meurthe-et-Moselle),  Her- 
be val  f  Pas-de-Calais). 

1066.  Chuniberchtus.  [mis  Ilumbertus  :  Humbécourt 
(  Haute -Marne),  Humbépaire  i  Meurthe-et-Moselle)  =  IL 
petra  '.  —  On   se  gardera  de   rattacher   à   ce   grou[)i'   lliuuber- 

I.   C'est  sous  loutcs  réserves  ((uo nous  reproduisons  celle  iiilcriirétutiou. 
/.es  noms  de  lien.  '" 


258  LES    NOMS    DE     LIEU 

camps  (Pas-de-Calais),  appelé,  en  1200,  Heudcbcrcamp  (=Hil- 
deberti  campus)  et  Hiimherville  (voir  ci-après  n°  1073). 

1067.  Leutbertus  :  Libercourt  (Pas-de-Calais),  Libermont 
(Oise),  Libessart  (Pas-de-Calaisj. 

1068.  Rotbertus,  à  l'époque  méroving'ienne  Chrodobertus  ; 
Robermesnil  (Calvados),  Robermetz  (Nord),  Robersart  (Nord). 
Roberval  (Oise)  ;  —  Robécourt  (Vosg-es). 

1069.  Sigibertus,  nom  de  plusieurs  rois  de  la  dynastie 
mérovingienne  :  Sebécourt  (Eure),  Sebéville  (Manche). 

1070.  On  serait  tenté  de  reconnaître  dans  Anhermesnil  (Seine- 
Inférieure)  et  Aubcrville  (Calvados,  Seine-Inférieure)  le  nom 
d'homme  Adalbertus;  or,  au  moyen  âge,  ces  localités  sont 
appelées  Oshermesnil  et  Osherville  ;  d'où  l'on  doit  conclure  que 
le  premier  terme  de  leurs  noms  est  Osbernus,  nom  d'homme 
d'origine  non  point  franque,  mais  bien  anglo-saxonne,  et  formé 
sur  le  mot  Os,  équivalent  du  latin  De  us. 

1071.  -bodus  a  donné  -hue^  puis  -heu.  A  la  fin  des  noms  de 
lieu,  cette  forme  vulgaire  est  souvent  notée  -heuf  ou  -bœuf  ;  à 
l'intérieur,  elle  s'altère  parfois  en  -i?e-,  et,  dans  ce  cas,  l'examen 
des  formes  anciennes  est  de  rigueur  pour  c{u'on  sache  s'il  s'agit 
d'un  nom  en  -bertus  ou  en  -bodus. 

1072.  Acbodus  :  Courtabœuf  (cf.  n'  933). 

1073.  Haginbodus  :  Humberville  fllaute-Marne),  .semblerait 
à  première  vue,  répondre  à  llumberti  villa  ;  dans  un  pouillé 
du  diocèse  de  Toul  rédigé  en  I  i02,  cette  paroisse  est  appelée 
llaimbuevilla  ;  1'/"  n'est  pas  étymologique. 

1074.  lïeribodus  :  Herbeuval  (Ardennes),  Herbeuville 
(Meuse)  ;    Hébuterne     Pas-de-Calais),  =    Ilerbodi   cisterna. 

1075.  Hililebodus  :  Heubécourt  (Hure). 

1076.  Halbodus  :  Corabœuf(cf.  n»  937). 

1077.  Kicboius  :  Ribécourt  (Oise),  Ribemont  (Aisne, 
Sommcj.   —  liih'-courl  (Nord)  =  Ricberli    corlis. 

1078.  Sigilxjdus  :  Courcebœufs  ''Sarthe). 

1079.  Warliorliis  :  "Vaubecourt  (Meu.sc;. 

1080.  -I'iimIu.s,  appanîuLé  à  l'allemand  moderne  friedc, 
«  p;ii\  .),  a  doniK'  -froif,  -fntij  ou  -frcji,  (jui,  à  l'intérieur  des 
noms  d(!  lieu,  peul  .s'allércr  en  -/'■•'■  <'^'  'l>'<^-i  piirfois  s'assourdir 
en  -fie-. 


ORIGINES     KRAMjrKS    ;    NdMS    DE    PEHSO.WN'E  259 

1081.  Ansfredus  :  Anfroipret  (Nord),  Amfreville  (Calvados, 
Eure,  Manche,  Seine-Inférieure). 

1082.  Autfredus  :  Affracourt  (Meurthe-et-Moselle),  jadis 
()/f'roicoiirt . 

1083.  Berfredus  :  Beffecourt  (Aisne),  en  \2~{)  BcffrecourI  ; 
Beaufremont  (Vosges),  jadis  Boffroimont. 

1084.  Gundefredus  :  Confrecourt  (Aisne),  en  1203  Gunfre- 
coiirt  ;  Gonfracourt  (Haute-Saône),  que  Quicherat  supposait  à 
tort  répondre  à  Curtis  Francorum  ;  Gonfreville  (Manche, 
Seine-Inférieure) 

1085.  Landefredus  :  Lanfroicourt  (Meurthe-et-Moselle); 
Mélanfroy  (Seine-et-Marne)  et  sa  variante  le  Mélanfray 
(Mayenne)  ^=  Ma n sus  Landefredi. 

1086.  Matfredus  :  Maffrécourt  (Marne). 

1087.  Rotfredus  :  Vaurefroy  (Marne). 

1088.  -garius  devient  en  français  -[/ier  ou  -f/er  ;  à  l'intérieur 
des  noms  de  lieu  IV  peut  disparaître,  et  Ve  devenir  muet. 

1089.  Adalgarius  :  Champauger  (Seine-et-Marne),  Auger- 
ville  (Loiret). 

1090.  Ansg-arius  ;  Mésanger  (Loire -Inférieure),  Angerville 
(Calvados,  Eure,  Seine-Inférieure,  Seine-et-Oise),  Angervilliers 
(Seine-et-Oise). 

1091.  Autg-arius  :  Bois-Oger  (Maine-et-Loire),  le  Mesnil- 
Oger  (Calvados),  Ogéviller  (Meurthe-et-Moselle). 

1092.  Beringarius  :  Bérengeville  (Eure),  Bellengreville 
(Calvados,  Seine-Inférieure). 

1093.  Rotg-arius  :  Bois-Roger  i  Calvados),  Boisroger 
(Manche),  le  Bois-Roger  (Aisne),  Champroger  (Seine-et-Marne), 
Méroger  (Eure-et-Loir,  Seine-et-Marne),  Rogécourt  (Aisne), 
Rogéville  (Meurthe-et-Moselle). 

1094.  Teutg-arius  :  Ticheville  'Orne),  présentant,  ouhc  Vc 
muet,  une  altération  du  ;/ . 

1095.  Warengarius  :  Varenge ville  (Seine- Inférieure). 

1096.  Dans  le  nom  Bellengreville,  mentionné  plus  haut 
(n"  1092),  sans  parler  du  clianj^ement  de  li({ui(K'  qui  se  j)roduit 
entre  la  première  SAdlabe  et  la  seconde,  on  ohservc  dune  |)ar(,  la 
persistance  du  y  dur  — ■  ce  qui  est  le  fait  des  dialectes  normand, 
picard  et  w^dlon  —  et  d'autre  [)art  l'interversion  de  Vr  et  du  son 


2r»()  LUS    Mi.MS     Di:     LIEU 

voA'elle  qui  la  précède  :  double  phénomène  dont  un  autre 
exemple  est  fourni  par  Yzengremer  (cf.  n"  964),  aux  \iW  et 
KiY*^  siècles  Ysenguiermer. 

1097.  -g-isus,  plus  anciennement  -gaisus  —  témoin  le  nom 
Radagaisus  porté  par  un  roi  franc  contemporain  de  l'empereur 
Constantin  —  a  donné  en  français  -gis.  A  l'intérieur  des  noms 
de  lieu  Vs  disparaît  ;  de  plus  \'i  pouvant  faire  place  à  un  e  muet, 
et  le  g  subissant  parfois  une  altération  semblable  à  celle  qu'on 
a  vue  dans  Ticheville  (n"  1094),  la  forme  vulgaire  de  -gisus  se 
confond  éventuellement  avec  celle  de  -garius. 

1098.  Adalgisus  :  Augicourt  (Flaute-Saône). 

1099.  Ansegisus  :  Courtangis  (cf.  n°  933)  ;  Angicourt  (Oise), 
Angivillers  (Oise). 

1100.  Artgisus  :    Montargis  (Loiret). 

1101.  Autgisus  :  Auchecourt  (Marne),  Ogicort  \ers  1220. 

1102.  Gundegisus  :  Villegongis  (Indre). 

1103.  Ratgisus  :  Rachecourt  (Haute-Marne),  Richecourt 
(Aisne),  en  1278  Regicourl,  en  1331  Bigicourt. 

1104.  Rotgisus  :  Mérogis  (Seine-et-Oise),  Rogiville  (Ar- 
dennes). 

1105.  Teutgisus  :  Tigecourt  (Marne),  au  xii^  siècle  Tegicort. 

1106.  Warengisus  :  Varangéville  (Meurthe-et-Moselle). 

1107.  -iiardus,  représentant  un  vieux  mot  germani({ue  qui 
subsiste  dans  l'allemand  moderne  har/,  «  dur,  ferme,  solide, 
fort  »,  devient  en  français  -ard,  comme  on  le  voit  par  des  noms 
d'homme  bien  connus,  Bernard,  Renard,  etc.  ;  le  d  final  de  cette 
forme  vulgaire  disparaît  généralement  dans  l'intérieur  des  noms 
de  lieu  :  Bénarville  (Seine-Inférieure)  =--  Bornehardi  villa; 
Gérarcourt  Meurthe-et-Moselle),  Ménarmont  (Vosges),  Garsault 
fMarnc),  anciennement  (ioarsauf  — -  (lunliardi   saltus. 

1108.  Toutefois  ce  (/  peut  laisser  (juelque  trace,  {|u;ui(l  h>  terme 
(|ui  suit  le  nom  dhomme  commence  par  une  voyelle  :  Cohartille 
(Aisnej     -  Gun  hardi  in  su  la. 

1109.  D'autre  part  1"/'  de  -hardus  est  sujet  à  disparaître.  i)ar 
dissimilalion.  (piand  lune  des  syllabes  voisines  renferme  une 
autre  r:  Bénaménil  '  Meurlhe-el-Moselle)  —  Hernehardi  maii- 
sionih';  -     Bernapré  (Somme)  ^  B.  pralum:  —  Bernaville 


à 


OKIGINKS     I  HAMjl  i:S     :     N(P  s     |>i:     l'KKSdNNE  '2(')\ 

(Somme,  =  B.  villa  ;  —  Grammont  ( Belgique,  Flandre  orien- 
tale) =  Gerehardi  mons;  —  GrasviUe  (Seine-Inférieure)  = 
G.  villa  :  —  Gravai  (Seine-Inlerieurej  =  G.  vallis. 

IHO.  -harius  est  devenu  en  français  -hier  ou  -ier,  toujours 
reconnaissable  dans  les  noms  de  lieu  ayant  pour  dernier  élément 
un  nom  dhomme  ainsi  terminé  :  Cornantier  (Marne)  =  Cortis 
Nantharii  ;  Boisgarnier  (Eure-et-Loir)  =^Boscus  Warnharii. 

1111.  h'r  de  -ier  se  maintient  parfois  à  l'intérieur  des  noms 
de  lieu  :  Vernierfontaine  Doubs)  =  W.  fontana  ;  ^  Vauthier- 
mont  (territ.  de  Belfort)=  Waltharii  mons;  —  Vattierville 
(Seine-Inférieure)  =  \V.  villa.  La  graphie  de  Regilière-Ecluse 
(Somme)  =  Rainharii  exclusa,  est  im[)utable  à  la  liaison. 

1112.  Mais  souvent  aussi  cette  r  disparaît,  ainsi  que,  sous 
diverses  intluences,  Iz,  de  sorte  que  -ier-  se  réduit  à  -é-  :  Bréval 
(Seine-et-Oise),  Berharii  vallis  dans  le  Polvptique  dirminon  ; 
—  Regnévelle   Vosges)  =  Rainharii  villa. 

1113.  Dans  d'autres  cas  -ier-  devient,  non  plus  -e-,  mais  -i-  : 
Vatimesnil  (Eure)  et  Vathiménil  (Meurthe-et-Moselle)  ==3  Wal- 
t  h  a  1"  i  i  m  a  n  s  i  o  n  i  1  e . 

1114.  La  forme  vulgaire  de  la  finale  -mannus,  qui  reproduit 
1  allemand  marin,  «  homme  »,  est  d'ordinaire  notée  -mand \  on  le 
A^oit  altérée  en  -ment,  par  exemple  dans  Mondement  (Marne), 
jadis  Mont  Hetidemant,  de  Mons  Ilildemanni. 

1115.  A  l'intérieur  des  noms  de  lieu,  la  dentale,  qui  n'a  rien 
d'étymologique,  disparait  :  Armancourt  (Oise,  Somme i  =  Ileri- 
manni  ou  Hartmanni  cortis. 

1116.  La  finale  -marus,  -meris  ou  -mirus,  répond  à  un  vieil 
adjectif  germani([ue  qui  signifie  «  illustre,  noble  »  ;  elle  a  pour 
formes  vulgaires  -mer  et  -mier  \  de  cette  dernière,  mieux  expli- 
cable par  -meris  que  par  -marus,  on  a  vu  un  exemple  dans 
Saint-Lumier  (n"  909  ;  elle  est  d'ailleurs  peu  fréquente  dans  la 
toponomasticjue.  L'/'  finale  disparaît  assez  souvent,  tant  à  la  fin 
que  dans  l'intérieur  des  noms  de  lieu. 

lin.  Adamarus  ?):  Amécourt  (Eurei,  Amermont  Meurtlie- 
et-Moselle),  Amerval    Nord). 


262  LES    >OMS    DE    LIEU 

1118.  Adremarus  :  Montieramey  (Aube),  en  1182  Mosiier 
Arrainé. 

1119.  Aldemarus  :  Pont-Audemer  (Eure). 

1120.  Audomarus  :  Courtomer  (^Orne). 

1121.  Autmarus  :  Omécourt  (Oise). 

1122.  Gauzniarus  :  Goniiécourt  (Somme), 

1123.  Herimarus  :  Monthermé  (Ardennes),  la  Chapelle- 
Hermier  (Vendée). 

1124.  Nortmarus  :  Noniécourt  (Haute-Marne). 

1125.  AVidomarus  :  Mont-Aimé  (Marne),  en  877  Mons 
Witinar,  au  xiii"^  siècle  Mohimer. 

1126.  La  finale  -mundus  a  pour  forme  vulgaire  -inoml,  qu'on 
a  parfois  notée  -mont.  Le  thème  étymologique  de  Grangermont 
(Loiret),  qui  semblerait  à  première  vue  avoir  pour  second  terme 
le  substantif  latin  mons,  et  en  réalité  Granica   Herimundi. 

1127.  A  l'intérieur  des  noms  de  lieu  -moud-  se  réduit  à  -mon-  : 
Bermonville  (Loiret)  =  Bertmundi  villa;  —  Fromonville 
(Seine-et-Marne),  Frémonville  (Meurthe-et-Moselle)  —  Frot- 
mundi  villa  ;  —  Geriïionville  (Eure-et-Loir,  Loiret,  Meurthe- 
et-Moselle,  Meuse);  —  Hérimoncourt  (Doubs)  :=  Herimundi 
cortis  ;  —  Hermonville  (Marne)  =  Herimundi  villa. 

1128.  Dans  Autremencourt  (Aisne),  -mon-  est  devenu  -mon-  ; 
si  1  on  ne  disposait  de  textes  anciens,  le  thème  étjmoloi^ique 
Austremundi  cortis  ne  saurait  être  déterminé  siirement. 

1129.  La  finale  -oenus,  ou  -oinus,  représentant  un  mot  ger- 
manique ayant  le  sens  d'  «  ami  »,  devient  en  français  -oiiin  ou 
-oin  :  Villiers-au-Bouin(Indre-el-Loire)  pour  Villiers-Aubouin  — 
Villaris  Alboiiii;  —  Montbertoin  (Aisne)  =  Mons  IJer- 
toini  ;  —  le  Mesnil-Foucoin  lEuie)  -  Mansionile  Fulcoini  ; 
—  Ménil-Gondouin  (Orne)  =  Mansionile  Gundoi ni  ;  —  Ville- 
hardouin  (Ard)e)  =   'Villa  Hardoini. 

1130.  A  l'intérieur  des  noms  de  lieu,  cette  terminaison  peut 
subir  des  altérations  plus  ou  moins  graves  :  Baldoini  mons  est 
devenu  Baudimont  n*as-(le-Calais)  ;  —  llardoiiii  cclla  est 
aujourd'hui  Hardoncelle  Ardennesi.  — On  observe  une  alléra- 
lioii  comparable  a  celh*  que  présente  ce  (h^-nier  nom  dans  ceux 
di' (pi('|(pics  h»c;ilil(''s  (lu  lnissin  de  la  Loire  —  l' Au honnirrc  (Yen- 


ORIGINES    KHANQUIOS    :    NOMS    DE    PERSONNE  ,    2H3 

dée),  la  Hardonnièrc  (Loir-et-Cher,  Loire-inférieure,  Mayenne, 
Sarthe),  la  Jaudonnière  (Vendée)  —  formés  sur  des  noms 
d'homme  dont  les  formes  latines  sont  Alboinus,  Hardoinus, 
Galdoinus. 

1131.  La  finale  -radus  dont  on  a  un  exemple  bien  connu  dans 
Conrad,  a  donné  en  français  -ré,  et  Fourré  est,  dans  la  langue 
d'oïl  du  moyen  âge,  la  forme  vulgaire  de  Fulradus.  Les  noms 
d'homme  en -radus  ne  paraissent  pas  avoir  été  très  fréquents 
dans  la  France  romane,  car  bien  peu  ont  contribué  k  y  former 
des  noms  de  lieu.  Mundradi  villa  et  Tancradi  villa  sont 
devenus  au  moyen  âge  Mondreville  et  Tancreville  ;  mais  on  a 
vu  (n"  987)  qu'au  xvi''  siècle  la  syllabe  qui  représente  -radus  a 
été  nasalisée,  d'où  les  formes  actuelles  Mondrainville  (Calvados) 
et  Trancrainville  (Eure-et-Loir). 

1132.  Dans  la  Franche-Comté  septentrionale,  où  l'influence 
germanique  s'est  fait  sentir  fortement  au  début  du  moyen  âge, 
on  voit  -radus  devenir  -ra~  :  Corravillers  (Haute-Saône)  = 
C  o  n  r  a  d  i  v  i  1 1  a  r  e . 

1133.  La  finale  -ramnus,  à  rapprocher  du  mot  chramnus 
ou  h  ramnus,  qui  paraît  avoir  eu  le  sens  de  «  corbeau  »,  est 
devenue  d'ordinaire  en  français  -ran.  qu'aujourd'hui,  sans  égard 
à  létymologie,  on  écrit  avec  un  d  final,  comme  dans  Bertrand  : 
Villers-Allerand  (Marne)  ^=  Villare  Aledramni.  Les  noms  de 
lieu  dont  Bert ramnus  constitue  le  premier  terme  présentent 
aussi  le  son  ran  :  Bertrambois  (Meurthe-et-Moselle),  Bertran- 
COUrt  (Somme),  Bertrandfosse  (Oise)  ;  toutefois  la  nasale  dispa- 
raît devant  une  m  :  Bertrameix  (cf.  n°  965),  Bertraménil 
(Vosges). 

1134.  -ricus,  qui  se  retrouve  dans  l'allemand  rcich,  «  puis- 
sani  »,  est  une  des  (inales  les  plus  fréquemment  usitées  dans 
ronomasti(pie  franquo  ;  elle  apparaît  k  l'époque  mérovingienne, 
dans  les  noms  royaux  (^hildericus,  Tli  eodericus,  Chilpe- 
ricus.  Sa  forme  françjiise,  -/•/,  qu'aujourd'hui  l'on  note  généra- 
lement-/*?/, sui)siste  toujours  dans  les  noms  de  lieu  dont  le  second 
élément  est  un    nom    d'homme   en  -ricus;   mais  (piaïul   au  con- 


264    .  LIS     NOMS     DE     [lEU 

traire  le  nom  d'homme  lient  la  première  place,  -ri-  se  réduit  le 
plus  souvent  à  -re-,-rc-. 

1135.  Albericus  (cf.  n°  251 1  :  le  Bois-Aubry  Indre-et-Loire), 
la  Chapelle- Aubry  (Maine-et-Loire),  la  Ville- Aubry  ilUe-et- 
Vilaine). 

1136.  Baldericus  :  Baudrecourt  'Haute-Marneu  Baudré- 
mont  Meusej,  Baudreville  (Manche),  Beaudreville  (Eure-et-Loir, 
Loiret,  Seine-et-Oise). 

1137.  Bertricus  :  Bertrichamp  (Meurthe-et-Moselle),  Ber- 
tricourt  (Aisne.,  Bétricourt  (Pas-de-Calais  ,  Bertrimoulin 
(Vosges).  Bertrimoutier  (Vosges^,  Bertrimont  (Seine-Inférieure), 
Bertreville  Seine  -  Inférieure)  ;  Compertrix  voir  ci-dessus, 
n°  939). 

1138.  Fredericus,  dont  les  formes  vulgaires  étaient  Freri  ou 
Ferri  '.  Villeferry  (Gôte-d'Or).  —  Le  surnom  de  Puraii-le-Fréail 
( Allier j  est  une  variante  de  Freri. 

1139.  Gundericus  :  Gondrecourt  Meurthe-et-Moselle, 
Meuse),  Gondreville  (Loiret,  Oise).  — Contrexéville  (Vosges)  — 
Gundericiaca  villa. 

1140.  Landericus  ^cf.  n°  262).  Landrichamp  Ardennes', 
Landricourt  Aisne,  Marne),  Landrecourt  Meuse),  Landré- 
mont  (Oise),  Landremont  (Meurihe- et -Moselle),  Landreville 
(^Ardennes,  Aube,  Loiret,  Seine-et-Marne). 

1141.  Theodericus  (cf.  n"  269^  :  Villethierry  i  Yonne),  Thi- 
riville  (Vosges).  —  Le  surnom  d(>  Château-Thierry  (Aisne)  rap- 
pelle le  souvenir,  non  pas  du  roi  Thierrv  IV,  comme  on  l'a 
souvent  répété,  mais  d'un  personnage  qui  vivait  au  début  du 
x^  siècle. 

1142.  Waldericus  ==  Montgaudri  (Ornei,  Vaudricourl  (Pas- 
de-(>alais,  Somme.  Yonne),  Vaudrecourtf^Haulc-Marne,  Meurthe- 
et-Moselle),  "Vaudrimesnil  (Manche  i,  "Vaudremont  (Haute- 
Marne  j,  "Vaudrivillers  (Marne). 

1143.  -ulfus,  (|ui  répond  ;i  1  allemand  moderne  ivol/\  c  loup  » 
est  devenu  en  français  -oui  :  ILadulfus  adonné  Raoul.  L7  est 
sujette  à  disparaître,  surtout  à  l'intérieur  des  noms  de  lieu  ;  mais 
il  arrive  aussi  que  le  grouj)e  ou  est  accompagné  de  consonnes 
j)arasites.  D'autre  pari  certaines  altérations,  comme  celle  du  son 
ou  i-n  ô,    ou  même  en   un  son   nasal,  peuvent  donnei-  1(>  change  à 


OIUr,lM:S    KRANQIJES    :    NOMS    I>E   PERSONNE  ^ftH 

qui.  pour  chercher  l'ét ymolog-ie  d'un  vocnble,  n'en  considérei'ait 
que  la  forme  actuelle. 

1144.  Arnulfus  :  Arnancourt  (Flaute-Marne),  au  ix*'  siècle 
Arnulfi  cortis  ;  —  Arnouville  (Eure-et-Loir),  Chêne-Arnoult 
(Yonne),  Château -Arnoux  (Basses -Alpes),  Coutamoux  (cf. 
n"  938).  Gourtenot  ^cf.  n"  933),  Couternon  (Côte-dOrj.  Cette 
dernière  localité  est  appelée  au  xi*^  siècle  Cortarnulfus  ;  l'altéra- 
tion en  on,  dont  on  trouvera  plus  loin  d'autres  exemples, 
s'observe  aussi  dans  les  noms  Saint-Gondon  (Loiret),  Saint-Mijnn 
(Puy-de-Dôme),  Saint- Pardon  (Gironde),  Saint-Sandon  (Marne), 
qui  répondent  respectivement  à  S.  Gundulfus,  S.  Medulfus, 
S.  Pardulfus,  S.  Sindulfus.  —  Arnoiwille-lès-Goncsse  [Seine- 
et-Oise)  est  appelé  en  1205  Ermenovilla,  ce  qui  suppose  un 
thème  étymologique  Ermenulfi  villa. 

1145.  Berulfus  :  Montbron  (Charente). 

1146.  Burnulfus  :  Bournonville  (Pas-de-Calais),  en  1084 
Burnulvilla. 

1147.  Hildulfus  :  Monthodon  (Indre-et-Loire). 

1148.  Raculfus  :  Montracol  (Ain). 

1149.  Radulfus  :  Raucourt  (Ardennes,  Meurthe-et-Moselle, 
Nord,  Haute-Saône),  Raumesnil  (Calvados),  Rouxmesilil  (Seine- 
Inférieure),  Rauville  (Manche),  Rouville  (Eure,  Loiret,  Manche, 
Haute-Marne,  Oise,  Pas-de-Calais,  Seine-Inférieure)  ',Rouvillers 
(Oise),  le  Bois-Rault  (Somme),  Croix-Rault  (Somme),  Château- 
roux  (Hautes-Alpes,  Indre,  Orne,  Sarthe,  Vendéei,  Châtel- 
Raould   (Marne). 

1150.  Theodulfus  :  Thionville-5w/--0/)/o/î  (Seine-et-Oise) 
appelé  dans  le  Polyptic[ue  dlrminon  Teodulfi  villa.  —  Le 
nom  de  la  ville  de  Thionville  (Moselle)  a  une  autre  orig-ine  • 
Theodonis  villa. 

1.  Il  existe  dans  la  commmio  do  Marsac  (Piiy-de-Dômo),  un  écail  égale- 
ment nommé  Rouville. 


LUI 

NOMS    DE    RIVIÈRE 

1151.  Bien  que  Télude  îles  no. us  que  portent  les  cours  d'eau 
de  la  France  n'entre  pas  dans  le  plan  de  cet  ouvrage^,  il  paraît 
utile  de  souligner  ici  les  renseignements  qu'on  en  peut  tirer,  au 
sujet  des  diverses  races  qui  ont  successivement  dominé  sur  telles 
ou  telles  de  nos  provinces. 

1152.  «  Les  noms  de  cours  d'eau  et  de  montagnes,  qui 
remontent  à  l'antiquité,  appartiennent  pour  la  plupart  à  une 
ou  plusieurs  langues  antérieures  à  la  conquête  celtique,  et  sont 
inexplicables  pour  nous  ».  Ainsi  s'exprime  Henri  d'Arbois  de 
JubainAdlle,  dans  la  préface  de  ses  Recherches  sur  Vorigine  de  la 
propriété  foncière  et  des  Jioins  de  lieux  habites  en  France  ;  et 
cette  façon  d'envisager  la  question  est  très  préférable  à  celle  qui 
avait  cours  chez  nous  depuis  un  demi-siècle,  et  qui  consistait  à 
considérer  tous  les  noms  de  rivière  comme  celtiques,  et  k  les 
expliquer  par  des  mots  celtiques  ou  prétendus  tels.  Ainsi,  l'on 
rattachait  à  dour,  mot  qui,  dans  le  breton  moderne,  signifie 
«  eau  »,  les  noms  de  rivière  présentant  aujourd'hui  quelque  son 
analogue:  Adour.   Dordoffne,  Durance.  Or.  attribuer  au  langage 

1.  De  l'ait,  nous  n'avons  pas  trouvé,  dans  les  notes  d'auditeurs  que  nous 
avons  eues  sous  les  yeux,  l'équivalent  du  présent  cliapitre.  Celui-ci  est  le 
résumé  d'une  leçon  faite  au  ("ollèg'e  de  France,  le  19  mars  1891,  c'est-à- 
dire  le  jeudi  qui,  celte  année-là,  précédait  la  Semaine  sainte.  A.  l^onj^non 
s'exprimait  ainsi  :  «  Je  pensais,  immédialement  après  l'étude  des  noms  de 
lieu  d'origine  francique  [terminée  le  jeudi  précédent],  aborder  devant  vous 
l'examen  des  vocables  },''éo<4raphiques  (pii  rappellent  la  colonisation  Scan- 
dinave ou  normande,  au  x»  siècle,  dans  la  t'rance  du  nord-ouest.  Mais  j'ai 
dû  y  renoncer  pour  ne  jias  couper,  par  les  vacances  de  Pâques,  l'étude  de 
cette  intéressante  partie  de  la  toponymie  fi'an(;aise.  C'est  pourquoi  j'ai 
décidé  de  consacrer  cette  leçon  ;i  (pichpies  indications  sur  les  noms  de 
rivières  de  France,  considérées  i\  peu  près  exclusivement  au  point  de  vue 
des  renseignemenls  cpie  ces  vocal)les  pcuv<'nt  rcnreinier  au  sujet  des 
diverses  races  rpii  ont  successiv cmeni  dominé  sui'  noire  pays  ou  sur  quel- 
ipriine  de  nos  provinces  ». 


ORIGINES    FRANQUES    :    NOMS    DE    RIVIERE  267 

des  Gaulois  le  mot  dour,  c'est  commettre  une  erreur  aussi  gros- 
sière que  celle  qui  consisterait  à  voir  un  mot  latin  dans  notre 
nom  commun  eau  :  dour  est  un  mot  néo-celtique  représentant  le 
gaulois  duhron  (voir  ci-dessus  n°  105),  comme  eau  est  un  mot 
néo-latin  représentant  le  latin  aqua  ;  et  les  noms  les  plus 
anciennement  connus  de  ces  trois  cours  deau,  'Azo'jpic,  Doro- 
nonia  et  Druentia  n'ont  rien  de  commun  avec  le  prétendu 
gaulois  dour,  encore  moins  avec  le  gaulois  bien  authentique 
dubron . 

1153.  S'il  est  vrai  que  beaucoup  des  noms  de  cours  deau 
français  sont  antérieurs  aux  Celtes,  il  serait  exagéré  de  n'ad- 
mettre la  celticité  d'aucun  d'eux.  On  a  vu  (n"  107)  qvie  les  noms 
d'une  demi-douzaine  de  cours  d'eau  de  l'ancienne  Septimanie 
présentent  comme  dernier  terme  de  leur  forme  originelle  le  mot 
duhron  :  dans  Vernodubrum,  le  terme  initial  est  également 
un  mot  celtique,  le  nom  gaulois  de  1  aune  (cf.  n''  175)  ;  et  par 
Argentdouble,  il  faut  vraiseml^lablement  entendre  «  la  rivière 
blanche  ». 

1154.  D'ailleurs,  les  noms  primitifs  des  rivières  n'étaient  pas 
immuables.  Sans  doute,  les  peuples  nouveaux  venus  dans  un 
pavs  n'en  u  débaptisaient  »  pas  systématiquement  les  cours 
d'eau,  mais  il  s'en  faut  qu'ils  aient  toujours  adopté  les  noms  qui 
étaient  en  usage  avant  leur  arrivée.  On  a  vu  dans  l'antiquité  un 
même  cours  d'eau  porter  plusieurs  noms,  dont  l'un  seulement  a 
fini  par  prévaloir.  Le  Po,  Padus,  avait  été  désigné  par  le  noni 
ligure  de  Bodincus  (cf.  n°  25).  On  connaît  à  la  Saône  trois 
noms  différents  :  le  plus  ancien  est  indiqué  par  le  pseudo-Plu- 
tarque  sous  la  forme  Hpi-fcjKzç,  ;  il  fut  remplacé  par  Arar  K  qu'on 
trouve  dans  César  et  dans  plusieurs  écrivains  de  l'épocjue 
romaine;  enfin  le  nom  Sauconna  parait  pour  la  piemière  fois 
au  IV''  siècle  dans  Ammien  Marcellin.  qui  le  présente  comme  un 
surnom  de  l'Arar'^;  n'est-il  pas  viaiseinblable  que  chacun  de 
ces  noms  fut  imposé  par  un  groupe  ethnique  particulier,  et  que  le 
nom  Sauconna,  le  moins  conim  d'abord,  mais  qui  a  fait  oublier 
les  deux  autres,   puisqu  il    subsiste   encore  aujourd'hui   sous    la 

1.  "Apap  ::oTa[j.oç  èari  rf,î  KEÀTtx.f,;.  .  .  .  ey.a/.îÏTO  oï  -po-.spov  npfyouÀo;.  I*lii- 
Inrchi  opprn,  éd.  Diihner  (18:l:)i,  \',  84. 

■i.  Arariin,  ([iiein  .Sa  u  co  n  iiiiiii  n  |)  pc  1 1  .i  ii  I.  l{<-c.  ili-s  hisl.  (/es  (i.iiili'^, 
I,  ")t7. 


268  LES     NOMS    DK    LUX' 

forme  Saône,  est  d'origine  plus  récente,  et  que,  par. conséquent, 
on  doit  Y  voir  un  vocable  gaulois  dont  les  celtistes  actuels,  en 
raison  de  l'état  de  la  science,  ne  peuvent  encore  prétendre  don- 
ner une  explication  rationnelle?  Le  nom  Samara,  qui  désignait, 
au  temps  de  César,  la  Somme  —  témoin  l'ancien  nom  d'Amiens, 
Samarabriva  (cf.  ci-dessus  n°  99)  —  a  depuis  cédé  la  place  à 
Sumina  ou  Somena,  origine  de  1  appellation  moderne,  tandis 
que  plus  au  nord  il  est  demeuré  le  nom  d'un  affluent  de  la 
Meuse,  la  Sambre. 

1155.  On  le  voit,  les  noms  de  rivière  sont  moins  immuables 
qu'on  ne  la  prétendu.  Il  est  d  ailleurs  moins  aisé  de  parler  de 
ces  noms  que  des  noms  de  lieux  habités,  rien  n'étant  plus  rare 
que  ceux-là  dans  les  textes.  Les  auteurs  de  l'antiquité  ne  nous 
donnent  les  noms  que  d'un  très  petit  nomjjre  des  cours  d'eau  de 
la  Gaule  ;  et  la  plupart  des  mentions  qu'on  leur  doit  sont  grou- 
pées dans  deux  textes  qu'on  peut  qualifier  de  spéciaux  :  d  une 
part  le  petit  poème  qu'Ausone  a  consacré  à  la  Moselle,  et  dans 
lequel  sont  nommés  plusieurs  des  affluents  de  cette  rivière  ; 
d'autre  part,  deux  vers  du  panégyrique  de  l'empereur  Majorien, 
par  Sidoine  Apollinaire  ',  qui  renferment  une  énumération  de 
douze  rivières  de  Gaule,  destinée  à  prouver  que  le  nouvel  Auguste 
était  connu  dans  toute  cette  importante  région  de  l'Enqjire 
romain,  (^uant  aux  chartes  du  moyen  âge,  qui  renferment  tant 
de  noms  propres  de  lieux  habités  et  même  de  lieux  tlits,  c'est 
par  une  sorte  d'exception  qu'on  y  trouve  des  noms  de  cours 
d'eau. 

1156.  D'ailleurs  la  nomenclature  des  cours  d'eau  de  notre  pays 
ne  se  conipose  pas  que  de  noms  anté-celticjues  et  gaulois  ;  on  y 
rencontre  un  certain  nombre  de  vocables  latins  ou  romans,  sans 
compter  les  noms  bretons  de  l'ancienne  Armorique,  les  noms 
g(Minani(jues  de  bien  des  cours  d  eau  appartenant  au  bassin  du 
lUiin,  les  noms  bascjues  du  département  îles  Basses-Pyrénées, 
les  noms  Scandinaves  de  la  XormancHc.  Parmi  les  uftins  altri- 
buables  à  l'épocjue  romaim  ,  on  jx'ut  citer  à  coup  sûr  Alba,  ([ui 
désignait,  non  seulement  l  Aube,  allluent  bien  connu  de  la  Seine, 
mais  aussi  les  diverses  rivières  appelées  l'Aubette  (Cote-d'Or, 
()ise,    Seinc-IidVïrieui-c  )   et   l'Aubetin.    aniuent   (hi    (  Irand-Morin  ; 

1.    Cirmiiiiim  V,  v.   ilS-il'.l  (Mon.   Crriii..  Auil.  .1 /i //</// (n.<. .  \ill,  212). 


OUKÎLNKS     !■■  UAiNul  ES     :     NOMS    Ui:     lilVlÈKI-J  'HVJ 

ce  nom  Alba,  c'est-à-dire  «  la  blanche  »  est  dû.  suivant  les 
espèces,  soit  à  la  couleur  de  leau  même,  soit  à  celle  du  fond 
qu'elle  recouvre.  Grosa,  «  la  profonde  »,  qualification  bien  jus- 
tifiée pour  certaines  rivières,  désig-ne  au  temps  de  Charlemagne, 
dans  l'Anonyme  de  Ravenne,  la  Creuse,  affluent  de  la  Vienne, 
dont  le  nom  a  été  donné  à  l'un  de  nos  départements. 

On  peut  citer  parmi  les  cours  d'eau  dont  l'appellation  est 
d'orig-ine  latine  ou  simplement  romane  le  Noireau  —  Nigra 
aqua  dans  les  textes  du  moyen  âge  —  affluent  de  l'Orne,  et  la 
Clairette,  anciennement  Clère,  Clara  —  sous-aflluent  de  la 
Seine,  dans  l'arrondissement  de  Rouen,  et  ceux  qui,  en  vertu 
d'un  usage  que  l'on  constate  chez  les  populations  tant  g-erma- 
niques  que  néo-celtique>s  et  chez  un  grand  nombre -de  nations 
plus  ou  moins  civilisées,  sont  désignés  par  des  noms  d'animaux 
(cf.  ci-après,  n"  1164  :  Lupa). 

Les  faits  sur  lesquels  on  entend  insister  ici  appartiennent  à  la 
période  envisag'ée  dans  les  précédents  chapitres.  Il  s'agit,  d'une 
part,  de  l'emploi  (pie  les  hommes  de  race  germanique  firent  des 
noms  de  rivière  pour  créer  les  vocables  appliqués  à  un  certain 
nombre  de  circonscriptions  administratives,  et,  d'autre  part,  des 
modifications  que  ce  nouvel  élément  ethnique  vint  apporter  à  la 
forme  de  divers  noms  de  cours  d'eau. 

1157.  Tel  peuple  affectionne  plus  particulièrement  tel  mode  de 
dénomination.  Les  Romains  et  les  Gaulois,  par  exemple,  s'ils  ont 
en  bien  des  cas,  employé  un  nom  de  rivière  pour  former  le  nom 
d'un  lieu  habité,  ne  paraissent  pas  avoir  songé  à  dénommer  une 
contrée  à  l'aide  du  nom  de  son  principal  cours  d'eau.  Or,  un  cer- 
tain nombre  de  divisions  de  la  Gaule  fran({ue  sont  désignées  par 
des  vocables  formés  sur  des  noms  de  rivière,  et  ce  sont  là  des 
dénominations  qui,  lors  même  qu'elles  revêtent  extérieurement 
une  forme  romane,  portent  la  marque  caractéristique  d  une  ori- 
gine germanique,  car,  dans  l'Europe  occidentale,  c'est  presque 
exclusivement  en  Germanie  et  en  Gaule,  dans  le  bassin  du  Rhin, 
qu'on  les  rencontre.  On  peut  donc,  a  priori,  considérer  comme 
ayant  été  colonisée  par  des  hommes  de  race  germanique,  toute 
contrée  dont  le  nom  otïiciel,  ii  l'époque  mérovingienne  ou  caro- 
lingienne, était  dérivé  d'un  nom  de  rivière.  Les  noms  de  régions, 
de  parfi,  ainsi  formés  sont  de  plusieurs  espèces. 


270  LES    NOMS    DR    LIEU 

1158.  Lun  de  ces  modes  de  formation  —  et  c'est  peut  être 
celui  pour  lequel  on  possède  les  exemples  les  ])lus  anciens  — 
consiste  à  joindre  au  nom  de  rivière  un  suffixe  -au s,  qui  en  fait 
une  sorte  d'adjectif.  C'est  seulement  dans  les  régions  qui  avoi- 
sinent  plus  ou  moins  directement  la  Mer  du  Nord,  entre  l'em- 
bouchure de  la  Seine  et  le  cours  de  la  Meuse,  que  se  rencontrent 
les  noms  de  régions  ainsi  formés.  Une  portion  du  pays  de  Caux, 
démembré  de  la  cité  de  Rouen,  fut  appelé  pagus  Tellaus,  en 
langue  vulgaire  le  Talou,  du  nom  du  fluvius  Tellas,  que  por- 
tail alors  la  Béthune.  Au  nord  de  ce  pays,  dont  le  point  le  plus 
septentrional  était  la  ville  d'Eu  (Seine-Inférieure),  se  trouvait  le 
pagus  Viminaus  ou  Vimeu,  démembré  de  la  cité  d'Amiens, 
et  dont  le  vocable  était  emprunté  à  un  petit  affluent  de  la 
Bresle,  la  Vismes,  Vimina.  Plus  au  nord  encore,  lune  des 
subdivisions  de  l'ancienne  cité  de  Cambrai  était  le  pagus 
Hainaus  ou  Hainaut.  qui  devait  son  nom  à  la  Haisne,  en  latin 
Haina,  affluent  de  droite  de  l'Escaut.  Ces  trois  noms  de  même 
formation  remontent  sans  doute  aux  premiers  temps  de  l'occupa- 
tion, par  des  tribus  germaines,  des  pays  situés  au  nord  de  la 
Seine  ;  et  deux  d'entre  eux  figurent,  sous  les  formes  TELLAO  et 
VIMINAO  sur  des  triens  de  l'époque  mérovingienne.  Onpeutévi- 
demment  assigner  la  même  date  à  un  quatrième  nom  de  région 
franque,  le  pagus  Masaus,  démembré  de  la  cité  de  Tongres,  et 
qui  devait  ce  vocable  à  la  Meuse,  M  osa  en  latin,  Maas  ou  Macs 
dans  les  divers  dialectes  germaniques. 

1159.  TJn  autre  mode  de  formation,  aboutissant  à  des  vocables 
germaniques,  consistait  à  combiner  le  nom  de  rivière  avec 
l'équivalent  du  latin  pagus,  le  mot  gmi^  qu'on  notait  dans  le 
haut  moyen  âge,  assez  diversement,  (joioe  et  choive.  par  exemple. 
Si  1  on  voulait  donner  à  ces  vocables  une  apparence  latine,  on 
remplaçait  le  nom  commun  (/oive  ou  chotce  par  le  suffixe  -ensis. 
Celui-ci,  dans  les  textes  des  xii''  et  xui"  siècles,  a  revêtu,  selon 
les  régions,  les  formes  romanes  -o/.s,  -;iis  ou  -es.  Quelquefois 
aussi  r/Hii  a  été  substitué  à  la  terminaison  -aus.  et  c'est  ainsi  que 
le  pagus  Masaus  est  ap[)elé  Mnsuf/ouiri  et  Mosut/no  dans  cer- 
tains docuiîients  au  i\"'  siècle,  ipie  reproduisent  Nitliaid  cl 
1  évê(|ue  Prudence  de  Troyes.  C'est  j)ar  une  substitution  ana- 
logue que  l'allemand  moderne  appelle  le  Hainaut  Hcnne(/fiu. 

1160.  .\  gaucln;  du   Hliin.  c'est  dans  le  bassin  de  la  Moselle. 


OKIGIN'ES    I-'RANijL'ES     !    NOMS   DE    RIVIÈRE  271 

OU  dans  son  voisinage,  que  l'on  rencontre  des  noms  de  pays  fof- 
més  par  la  combinaison  de  noms  de  rivière  avec  le  suffixe  latin 
-en sis  ou  avec  le  mot  germanique  gau.  Le  plus  oriental  de  ces 
pays  est  le  pagus  Nafinsis,  Xavinsis  ou  Nainsis,  en  alle- 
mand Nahagoive  qui  doit  son  nom  à  la  Nahe,  affluent  de  g-auche 
du  Rhin.  Entre  Trêves  et  Metz,  et  à  Test  de  cette  dernière  ville, 
on  rencontre  à  l'époque  carolingienne  jusqu'à  six  noms  de  pa(ji 
ou  comtés  formés  de  même  que  celui  du  p.  Nainsis  ou  Naha- 
gowc  :  le  p.  Saroensis  ou  Sarachowe,  «  pays  de  la  Sarre  », 
affluent  de  droite  de  la  Moselle,  qui  était  appelé  Saravus  à 
l'époque  romaine,  et  les  pagi  ^loslensis  ou  Musahjowe  — 
Nitensis  ou  Nitagoica  —  Rosalensis  ou  Boslohgowe  — 
Blesensis  ou  Blesitchoice  —  Albensis  ou  Alhechowe,  qui 
devaient  leurs  noms  à  la  Moselle  et  à  quatre  affluents  de  la 
Sarre  :  la  Nied,  la  Rosselle,  la  Bliese  et  l'Albe. 

1161.  A  la  différence  de  ces  sept  pagi,  où  l'élément  germa- 
nique n'a  pas  cessé  d'être  prépondérant,  les  suivants  appar- 
tiennent à  des  contrées  où  la  langue  romane  paraît  avoir  été  tou- 
jours dominante  :  le  p.  Odornensis,  au  diocèse  de  Toul,  en 
langue  vulgaire  l'Ornois,  qui  doit  son  nom  à  la  rivière  de  Bar- 
le-Duc,  rOi^nain,  en  latin  Odorna  '  ;  —  le  p.  Blesensis  ou 
Biaisois,  entre  les  diocèses  de  Châlons,  de  Troyes,  de  Langres  et 
de  Toul,  arrosé  par  la  rivière  de  Wassy,  la  Biaise  ;  le  p.  Osca- 
rensis  ou  Oscheret.  situé  au  sud-est  de  Dijon,  et  dont  le  nom 
procède  de  celui  de  l'Ouche,  affluent  de  droite  de  la  Saône  ;  — 
eniîn  le  p.  Orcensis  ou  Urcensis,  l'Orxois.  «  pays  de 
rOurcq  »,  au  sud  de  Soissons.  Ces  deux  derniers  pagi  sont  plus 
éloignés  que  l'Ornois  et  le  Biaisois  des  pays  où  les  hommes  de 
race  teutonique  ont  dominé  par  le  nombre  à  répo([ue  mérovin- 

1.  A.  Long-non  mentionnait  auparavant  le  «  pagus  Ornensis  ou  Ilor- 
nensis,  dans  la  partie  nord-est  du  Verdunois,  dont  le  nom,  mentionné  par 
des  actes  de  726  et  de  933,  est  emprunté  à  l'Orne,  alïluent  de  gauche  de  la 
Moselle  »;  nous  nous  crojons  autorisés  à  supprimer  cette  indication,  for- 
mulée en  1891  sur  la  foi  du  Dictionnaire  topoijrtiphique  de  la  Meuse,  car, 
ainsi  qu'on  l'a  fait  observer  une  dizaine  d'années  plus  tard  [Mcdcnxia,  IIl, 
Hl-8o  et  M(''rn.  de.  la.  Soc.  f/e,s  Lpltrea  do  Bar-le-Duc,  IV"  série,  I.  p.  in 
et  i.v  l'existence  de  l'acte  de  933  est  à  démontrer,  et  la  localité  dont  il  ol 
questiou  dans  l'acte  de  726  peut  être  iilentiûée  avec  un  village  qui  n'est 
guère  éloigné  de  l'Ornain,  de  telle  sorlc  que  l'Orncnsis  ou  Hornensis 
se  confondrait  avec  l'Odornensis. 


LE^    .NOMS     Ul::    LihlL 


•^feime  ;  mais  le  caractère  g-ermanique  du  nom  de  lOscheret 
s'explique  par  le  fait  que  cette  circonscrijHion  fut  formée  entre 
83()  et  844,  d'un  démembrement  du  p.  Attoariorum,  dont 
l'origine,  on  le  sait  (voir  ci-dessus  n°  526),  est  due  à  des  hommes 
de  race  franque,  appartenant  à  la  tribu  des  Chattes. 

1162.  Les  noms  de  pagi  dont  on  vient  de  lire  l'énumération 
sont  incontestablement  d  origine  germanique,  alors  même  que 
leur  mode  de  formation  est  roman  ;  mais  il  est  possible  qu'on  ait 
formé  sur  le  même  type  d'autres  noms  de  région.  L'ager 
Jarensis,  en  Lyonnais,  dont  le  souvenir  subsiste,  sous  la 
forme  Jarez  ou  Jarest,  dans  les  surnoms  d'une  demi-douzaine 
de  communes  du  département  du  Rhône,  paraît  devoir  son  nom 
au  Gier,  affluent  de  gauche  du  Rhône  ;  et  il  faut,  semble-t-il, 
reconnaître  la  trace  du  ministerium  Garonense,  en  Toulou- 
sain, dans  le  nom  du  Mas-Grenier  t^Tarn-et-Garonne),  jadis  Mas 
Garnès. 

1163.  Un  autre  ell'et  de  la  colonisation  d'une  partie  de  la 
Gaule  par  des  populations  franques  ou  bourguignonnes  est  révélé 
par  l'application  à  des  noms  de  cours  d'eau,  présentant  une  ter- 
minaison féminine,  de  la  déclinaison  imparisyllabique  en  -a, 
-a ne,  dont  il  a  été  question  plus  haut  (n*'"  985  et  986)  '.  En  ce 
qui  concerne  plusieurs  de  ces  vocables  —  mais  non  ceux  des 
rivières  les  plus  importantes  —  la  terminaison  muette,  corres- 
pondant à  l'a  du    nominatif  latin,   fit  place  à  une  terminaison 

accentuée ain  ou  -an  selon  les  régions  —qui,  originairement, 

caractérisait  le  cas  régime  ;  et  l'adoption  définitive  de  cette  ter- 
minaison eut  pour  conséquence,  à  1  égard  de  ces  noms,  la  substi- 
tution du  genre  ma.sculin  au  féminin.  On  en  peut  Juger  par 
lexemple  que  voici.  L'afïluent  de  lOise  (pii  passe  à  Beauvais  est 
appelé,  dans  les  Annales  Bcrliniani,  sous  la  date  de  8'îîl, 
Thara  :  le  nominatif  a  donné  Tlirre,  (ju  on  retrouve,  dill'érom- 
ment  noté,  dans  le  nom  de  Montataire  (Oise),  Mon  s  ad  Tha- 
rain;  et  c  est  par  un  cas  oblicjue  de  la    déclinaison    en    a,  -ane, 

I.  (!f.  Aiiloinc  Tliom.is,  Ae.s  noms  de  ririrrcs  i-l  lu  déclinuison  féminine 
ijunijinn  ;/rrmuni'fue,  dans  lioin.ini.i,  XXII  (l^i'.K^  ,  489-!l().'<  :  arlicli'  n'im- 
primé piir  l'aulour  en  IH',17,  sous  le  lilic  :  I.i's  iioim^  ilr  liriùrr  en  -uin,  diiiis 
SCS  A".s.s;i/.s  lie  iiliiloloi/ir  fr.inr.iiae,   |».   3(>-!>0. 


OlUGliNKS    l'KANOUES    :    NOMS    DE    BIVIÈRK  273 

que  s'explique  le  nom  Thérain,  qui  a  prévalu  ;  ce  nom,  n'ayant 
plus  l'apparence  féminine,  est  devenu  masculin. 

1164.  Parmi  les  cours  d'eau  dont  les  noms  ont  été  traités  de 
même,  on  peut  mentionner  avec  certitude  les  suivants  '  : 

L'Anglin,  altluent  de  la  Gartempe,  à  l'origine  Engle,  nom 
qui  reproduit  celui  de  la  commune  d'Angles-SUr-Langlin 
(Vienne). 

L'Aubetin,  aftluent  du  Grand-Morin,  qui  coule  dans  les  dépar- 
tements de  la  Marne  et  de  Seine-et-Marne  :  Alba  au  vu''  siècle, 
Albeta  en  1213. 

Le  Breuchin,  affluent  de  la  Lanterne,  qui  passe  à  Breuches 
(Haute-Saône). 

Le  Cousin,  affluent  de  la  Cure  (Yonne)  :  Cosa  en  1147. 

Le  Cusancin,  affluent  du  Doubs,  qui  passe  à  Gusance  (Doubs). 

L'Hozain,  affluent  de  la  Seine  :  Ausa  en  754.  La  forme 
nomimitive  s'est  conservée  dans  le  nom  de  la  C hapelle-d' Oze 
(Aube). 

L'Ingressin,  affluent  de  la  Moselle  :  Angruxia  en  982. 

Le  Jarnossin,  aflluent  de  la  Loire,  qui  passe  à  Jarnosse 
(Loire). 

Le  Lalain  ou  l'Alain,  affluent  de  la  Vanne  (Aube,  Yonne),  qui 
semble  s'être  appelée  d'abord  la  Leie,  puisqu'on  a  au  \n°  siècle 
la  forme  Lege. 

Le  Loing,  aflluent  delà  Seine  (Yonne,  Loiret,  Seine-et-Marne), 
au  vii*^  siècle  Lupa. 

Le  Mesvrin,  Ma^avera,  aflluent  de  l'Arroux,  passant  à 
Mesvres  (Saône-et-Loire). 

Le  Grand-Morin,  aflluent  de  la  Marne  ;  le  nominatif  de  son 
nom  latin,  Muera,  a  donné  Mœurs  (Marne  :  voir  ci-dessus 
n"  730)  et  Pommeure,  aujourd'hui  Pommeuse  (Seine-et-Marne  : 
voir  ci-dessus  n°  703). 

Le  Petit-Morin,  autre  affluent  de  la  Marne,  homonyme  du 
précédent. 

L'Ornain,  Odoma,  aflluent  delà  Saulx. 

i.  L'éiuiniératioii  (|u'ou  v;i  lii\',  et  (jui  se  poursuit  sous  le  n"  1164,  ost 
plus  longue  (|ue  celle  que  com|)reniiit  la  leçon  du  19  mars  IH'.II.  Nous  l'éta- 
blissons d'après  une  note  (jue  nous  avons  trouvée  jointe  au  texte  de  cotte 
leçon,  et  (pi'Auf^uste  Lon^non  a  écrite  au  {ilus  tôt  en  IS'Ji. 

/vfi.s  noms  lie  lieu.  "^ 


274  LES    NOMS    \)E    LIEU 

LOrvin,  artluent  de  la  Seine  (Aube,  Seine-et-Marncy  ,  Al  va 
en  H73. 

L'Othain,  affluent  de  la  Ghiers  (Meuse)  ;  Otha  dans  un  texte 
de    1283. 

Le  Sagonin,  affluent  de  lAubois,  qui  passe  à  Sagonne   (Cher). 

Le  Serein,  affluent  de  l'Yonne,  anciennement  Sedena,  Senc 
et  Se  nain. 

Le  Sornain,  affluent  de  la  Loire  (Rhône,  Saùne-et-Loire,  Loire), 
en  879  Son  a. 

Le  Ternin,  affluent  de  TArroux,  dénommé  Tarêne  ou  Tarenne 
dans  son  cours  supérieur. 

Le  Thérain,  mentionné  ci-dessus  (n"  1163). 

Le  Valouzin  ou  la  Valouze,  affluent  de  la  Grosne  (Saône-et- 
Loire),  au  x^  siècle  Aval  osa. 

On  voit  par  plusieurs  de  ces  exemples  que  la  forme  régulière 
-ain  a  parfois  été  altérée  en  -in,  par  confusion  avec  une  finale 
bien  connue  ;  et  Loiwj  a  été  substitué  à  Loiiain  sous  linfluence 
de  l'adverbe  représentant  le  latin  long-e. 

1165.  Les  noms  de  cours  d'eau  dont  l'énumération  précède 
appartiennent,  dans  leur  ensemble,  à  la  partie  septentrionale  de 
la  France  ;  plus  au  sud,  d'une  manière  générale,  la  terminaison 
des  cas  obliques  est  devenue  -an. 

En  1203,  on  désignait,  aux  cas  obliques,  l'Isère  sous  la  forme 
Iserun,  et  celle-ci  subsiste  dans  l'expression,  bien  connue  des 
géogra])hes  —  «  le  Gol  d'Iseran  »  —  qui  désigne  le  passage 
réunis.sant  les  vallées  de  Maurienne  et  de  Tarentaise,  en  Savoie. 

Le  Conan,  affluent  de  la  Brévenne  ;Hhône),  était,  à  l'origine 
Coin  a,  en  français  Cosne  :  ce  dernier  nom  désigne  un  autre 
affluent  de  la  même  rivière. 

Le  Drouvenant  ou  la  Drouvenne,  affluent  de  l'Ain  (Jura). 

Le  Formans,  affluent  de  la- Saône,  Folmoda  vers  980,  au 
moyen  Age  Forinoan. 

Le  Séran,  affluent  du  lîliône  .\ini  :  un  de  ses  affluents  l'st 
dénoinuK'  la  Serre. 

Le  Soanan  ou  Souanan.  affluent  Je  l'Azergues,  en  S'iS 
Soanna  ;  la  forme  nomiuative  subsiste  dans  le  nom  d'une  loca- 
lilt-  riveraine,  Valsonne. 

L(î  Tranibouzan,  afflucMl  (K^  la   Loiic  (Loire),  voisin  (1  un  autre 

cours  d'eau  appi-lé  I;i  Trambouze. 


ORKiINKS    FRAN'tJUES     :     iSOMS     DE    RIVIÈRK  275 

1166.  Beaucoup  d'autres  cours  d'eau  ont  leurs  noms  terminés 
de  même,  et  sans  doute  la  plupart  d'entre  eux  devraient  prendre 
place  k  côté  de  ceux-là  ;  mais  on  ne  possède  pas  toujours  les 
formes  latines  ou  les  vieilles  formes  vulgaires  qui  attesteraient 
l'emploi,  en  ce  qui  les  concerne,  de  la  déclinaison  imparisylla- 
bique féminine.  Néanmoins,  povir  arriver  à  déterminer,  plus  exac- 
tement qu'on  ne  l'a  pu  faire  jusqu'ici,  les  limites  de  la  colonisa- 
tion germanique  en  Gaule,  il  serait  peut-être  intéressant  d'indi- 
quer sur  une  carte  de  France  tous  les  noms  de  cours  d'eau  en 
-ain^  -in  ou  -an  ;  et  l'on  peut  espérer  que  cela  se  fera  quelque 
jour. 


LIV 

ORIGINES    SCANDINAVES  i    :    GENERALITES 

1167.  Les  contrées  maritimes  de  la  Gaule  semblent  avoir  joui 
d'une  quiétude  relative  durant  la  période  méroving-ienne  et  sous 
le  règne  des  deux  premiers  princes  carolingiens  ;  mais  à  partir  du 
règne  de  Louis  le  Pieux,  et  surtout  après  sa  mort,  elles  furent 
exposées  aux  déprédations  des  pirates  Scandinaves,  des  Nor- 
mands ou  «  hommes  du  Nord  »,  venus  des  mêmes  régions,  ou  à 
peu  près,  que  jadis  les  pirates  saxons,  et  qui,  remontant  le  cours 
des  fleuves  dans  leurs  barques  légères,  ravagèrent  même  les  pro- 
vinces centrales  de  la  France.  Dès  le  ix''  siècle,  plusieurs  des 
«  rois  de  mer  »  qui  commandaient  leurs  escadres  se  fixèrent  en 
Angleterre  et  en  Irlande,  se  taillant  dans  Tune  ou  l'autre  de  ces 
îles  de  petits  royaumes.  Ils  ne  réussirent  pas  aussi  vite  à  s  im- 
planter dans  quelqu'une  des  riches  contrées  de  la  Gaule.  Cepen- 
dant, avant  Tannée  8o0,  on  trouve  un  chef  normand,  Harald, 
converti  à  la  foi  chrétienne,  et  occupant,  en  Frise,  dans  les  pays 
qui  avoisinent  les  bouches  du  Rhin,  ainsi  que  son  frère  Ruric,  des 
fiefs  qu'il  doit  à  la  libéralité  de  l'empereur  Lothaire  P'  ;  cet  éta- 
blissement normand  subsistait  encore  après  vingt-cinq  années,  et 
il  est  possible  «pie  certains  des  dynastes  féodaux  qui  dominèrent 
plus  tard  en  Frise  aient  appartenu  au  sang  de  Harald  et  de 
Ruric. 

Mais  le  plus  fameux  des  établissements  Scandinaves  que  reçut 
l'empire  carolingien  est  sans  contredit  le  duché  de  Normandie. 
L'origine  en  est  due  au  traité  de  Saint-Clair-sur-Epte,  qui,  en 
01 1 ,  régularisa  un  état  de  choses  existant  depuis  plusieurs  années 
déjà  :  1  installation  du  roi  de  mer  lîollon  et  de  ses  C()m[)agnons 
dans  les  contrées  arrosées  par  la  basse  Seine.  En  outre  du  Talou. 

I.  (  ioiisiillcir  sur  ccll»!  i(iu'.slii)ii  le  iiiénioirL'  ilf  (Ai.  Joicl,  |Jiil)lit''  (li'|)uis 
\h  iiioild'A.  I.oD^Mion,  sous  <t  lilic:  l.i's  nanis  de  Uni  <ri)ri<jinr  mm  iDinain' 
ot  In  cnloniunlifiit  ifrr/iiaiiii/in'  cl  si-:in(lin;iri'  »'/i  Nnrnianflir.  l'iiris,  l'.Mi^, 
tlS  |j.  iii-4". 


I 


OnUil.NF.S    SCANDI.NAVKS     :     (IKNF.RALITKS  2ll 

du  pays  de  Caux,  du  Roumois  et  de  la  partie  du  Vexin  située  à 
droite  de  l'Epte,  Rollon  ne  reçut  d'abord,  au  sud  de  la  Seine,  que 
le  Lieuvin  et  TEvrecin,  c'est-à-dire  les  comtés  dont  Lisieux  et 
Evreux  étaient  les  chefs-lieux.  Le  diocèse  de  Baveux  et  celui  du 
Mans,  et  conséquemment  celui  de  Sées,  situé  entre  deux,  furent 
cédés  au  nouvel  état,  en  924,  par  le  roi  Raoul,  qui  y  joignit 
encore,  en  933,  «  la  terre  des  Bretons  située  sur  le  littoral  », 
c'est-à-dire  les  diocèses  de  Coutances  et  d'Avranches,  alors 
rattachés  depuis  soixante-six  ans  à  la  Bretag'ne.  A  l'exception  du 
Maine,  dont  l'occupation  par  les  Normands  ne  fut  probablement 
pas  consommée,  les  pays  cédés  à  Rollon  et  à  son  fils  et  succes- 
seur, Guillaume  Longue-Epée,  constituèrent  le  glorieux  duché 
féodal  de  Normandie. 

A  l'époque  même  où  Rollon  prenait  pied  dans  la  Normandie 
actuelle,  d'autres  pirates  Scandinaves,  dont  le  chef  a  été 
appelé  Ragenoldus.  s'établissaient  dans  les  contrées  voisines  de 
l'embouchure  de  la  Loire  ;  de  là  ils  dominèrent  un  moment, 
paraît-il,  sur  la  Bretagne  entière,  mais,  en  936,  ils  en  furent 
chassés  par  les  princes  bretons  revenus  d'Angleterre. 

Les  Normands,  ou  du  moins  les  compagnons  de  Rollon, 
étaient-ils  originaires  du  Danemark,  comme  l'indique  Dudon  de 
Saint-Quentin,  qui  recueillit,  vers  l'an  1000,  la  tradition  nor- 
mande? Venaient-ils  de  la  Norvège,  ainsi  que  le  prétendent  les 
sarfHs  islandaises,  dont  la  rédaction  n'est  pas  antérieure  au  com- 
mencement du  XII''  siècle?  La  première  opinion  a  été  défendue  de 
nos  jours  par  Steenstrup,  l'érudit  le  plus  au  courant  de  l'histoire 
des  premiers  siècles  de  hi  race  Scandinave. 

Si  la  question  est  cependant  encore  douteuse,  il  est  du  moins 
certain  que  les  hommes  de  race  Scandinave  s'établirent  en  grand 
nombre  dans  les  pays  cédés  à  Rollon  par  les  rois  Charles  le 
Simple  et  Raoul.  La  Normandie,  depuis  longtemps  exposée  aux 
ravages  des  pirates,  était  alors  presque  entièiement  déserte,  et  au 
dire  de  Dudon,  Rollon  aurait  divisé  les  terres  au  cordeau  pour  les 
distribuer  à  ses  fidèles  compagnons.  Le  grand  nombre  de  noms 
de  lieu  Scandinaves  qu  on  petit  relever  en  Normandie  prouve  que 
la  colonisation  fut  réalisée  sur  ime  grande  échelle,  saus  atteindre 
toutefois  le  département  actuel  de  l'Orne  ;  il  parait  attester  aussi 
que  la  langue  des  compagnons  de  Rollon  —  la  langue  noroise  — 
ne   s'éteignit    complètement  qu'après    plusieurs    générations,    et 


27S  LES    >()MS    DE    LIEU 

que  certains  de  ses  mots  passèrent  même  pour  un  temps  dans  le 
langag-e  roman  de  la  contrée,  ainsi  que  l'indique  l'emploi,  comme 
noms  de  lieu,  de  certaines  expressions  précédées  de  l'article  le, 
la.  De  plus,  la  limite  atteinte  par  la  colonisation  Scandinave  en 
Normandie,  ainsi  dti  moins  qu  on  en  peut  juger  par  l'étude  des 
noms  de  lieu,  ne  difîère  pas  de  celle  en  deçà  de  laquelle  se  mani- 
festent les  principaux  caractères  du  dialecte  normand. 

Les  noms  de  lieu  qui,  en  Normandie,  portent  témoignage  de 
la  colonisation  Scandinave  sont  de  deux  espèces  :  les  uns  sont 
caractérisés  par  des  terminaisons  noroises  ;  les  autres  présentant 
la  combinaison  d'un  nom  propre  d'homme  —  d  origine  Scandi- 
nave —  avec  le  mot  roman  ville,  rappellent  les  noms  de  lieu  en 
-court  des  pays  colonisés  à  l'époque  mérovingienne  par  des 
hommes  de  race  franque. 


LV 

NOMS    A    TEliMINAISON    XOROISE  i 

Ces  noms  seront  étudiés  selon  Tordre  alphabétique  des  mots 
norois  ([ui  constituent  la  désinence. 

BEKKU 

1168.  Synonyme  de  raliemand  moderne  bacli,  du  danois  bsek 
et  du  suédois  back,  ce  mot  a  le  sens  de  «  ruisseau  ».  Il  a  trouvé 
place,  pour  un  temps  du  moins,  dans  le  lang-age  roman  de  la 
Normandie,  comme  lattestent  le  nom  de  cours  d'eau  le  Bec  et 
son  diminutif  le  Becquet.  Ces  vocables  sont  parfois  passés  des 
cours  d'eau  à  certaines  des  localités  riveraines.  Deux  d'entre 
elles,  appartenant  au  département  de  l'Eure,  sont  disting-uées, 
depuis  au  moins  huit  siècles,  au  moyen  des  surnoms  rappelant 
des  particularités  de  leur  histoires  :  le  Bec-Hellouin,  où  le  bien- 
heureux Hellouin  fonda  une  abbaye  en  1034.  et  le  Bec-Thomas, 
dont  le  château  fut  construit,  d'après  Le  Prévost,  par  Thomas  de 
Tournebu,  qui  vivait  en  1180. 

1.  Nous  avons  utilisé  pour  ce  chapitre  :  1"  le  texte  des  leçons  faites  par 
A.  Longnon  au  Collège  de  France  les  9  et  16  avril  1891  ;  —  2"  les  notes 
assez  développées,  tantôt  complétant  ce  texte,  et  tantôt  le  résumant,  ou  y 
renvoyant,  qui  représentent  le  plan  des  conférences  faites  à  l'Lcole  des 
Hautes  Études  les  samedis  17  et  24  décembre  1892,  7,  14,  21  et  28  janvier 
189.3  ;  car,  en  Tannée  scolaire  1892-189.3,  à  l'Ecole  dos  Hautes  Etudes,  au 
lieu  de  ne  s'occuper,  comme  auparavant  et  comme  depuis,  do  toponomas- 
tiquo  générale  ((u'une  fois  par  semaine,  A.  Longnon  mena  de  front,  le  jeudi 
l'étude  des  noms  ligures,  gaulois,  romains,  et  le  samedi  celle  des  «  noms  de 
lieu  d'origine  noroise  en  Normandie,  comparés  à  ceux  de  la  Scandinavie  et 
des  Iles  Britanniques  »  ;  —  3"  et  4°  des  noies  d'auditeurs,  de  doux  auditeurs 
différonls,  qui  suivirent  les  conférences  de  Louguon,  l'un  on  1901-1902, 
l'autre  on  1905-1906.  —  11  nous  a  été  ainsi  donné  d'observer  les  rolouoiies 
que  le  niaitre  fit  sul)ir  à  son  enseignement  ;  ol  l'on  trouvera  là-dessus 
quelques  indications  au  bas  des  prochaines  pages  ;  ajoutons  ici  (|u'en  1891 
et  en  1892-1893,  il  comprenait  [)armi  les  mots  norois  éluiliés,  les  expres- 
sions ey,  flpod  et  nae.s,  que  depuis  il  prit  h>  [)arli  i\i'  rappoiior  aux  Saxons 
(voir  ci-dessus  n»*  750-753). 


280  r.KS    NOMS    UE   LIEU 

1169.  Parmi  les  noms  de  cours  deau  dont  -bec  est  le  terme 
final,  il  convient  de  citer  :  dans  la  Seine-Inférieure  le  Bolbec  le 
Robec  —  ce  nom  est  à  rapprocher  du  nom  de  lieu  danois  Rode- 
baek  —  et  le  Saffimbec  ;  dans  le  Calvados  FOrbec  ;  dans  la 
Manche  le  Bricquebec  et  le  Trottebec!  dont  le  nom  rappelle,  par 
son  premier  terme,  les  noms  de  lieu  suédois  Trottaberg,  Trotta- 
torp  et  Trottorp  ' . 

inO.  Quant  aux  noms  de  lieu  en  -hec.  ils  sont  assez  nombreux 
en  Normandie  :  Annebecq  (G.)  —  Beaubec  S.-l.  :  cf.  Bjàlle- 
back  S.)  —  Bolbec  iS.-l.  :  cf.  B0lb8ek  D.  i  —  Bricquebec  M.  i 
—  Garbec  (E.  i  —  Caudebec  S.-l.  —  Glarbec  C.)  —  Grabec 
'M.l;  cf.  Kragbsek  D.)  —  Drubec  M.)  —  Foulbec  :E.)  — 
Houlbec  (E.);  cf.  Holbœk  (D.)  —  Mobecq  (M.)  —  Orbec  (G.); 
cf.  j3rb8ek  D.)  et  Orbàck  (S.)  —  Varenguebec  (M.). 

1171.  Dans  plusieurs  de  ces  noms,  le  premier  terme  est  un 
adjectif. 

Iloulhec,  formé  sur  l'adjectif  Scandinave  /lo/,  «  creux  »  est 
l'équivalent  de  Parfondru  (voir  ci-dessus  n"  974)  et  de  ses 
variantes. 

Dans  le  nom  du  Robec  l'élément  initial  peut  être  ladjectif  rod, 
«  roug-e  »  :  on  voit  parfois  attribuer  à  un  cours  d'eau  la  couleur 
du  sol  sur  lequel  il  coule    cf.  ci-dessus  n°  1156  :  Aube). 

Si  le  premier  terme  du  nom  Foulbec  est  à  rapprocher  ilu 
suédois  fui,  «  vilain  »,  ce  nom  est  synonyme  de  }faurupf 
(Marne). 

Clarhec  signifie  évidemment  «  le  ruisseau  limpide  »,  tout 
comme  Rieuclar  (Ardèche).  Mais  doit-on  apparenter  la  première 
partie  du  nom  Clarhec  au  suédois  klar,  ou  faut-il  y  voir  un 
ndjectif  roman  ?  Si  cette  dernière  hypothèse  est  plausible,  on 
aurait  un  autre  exemple  de  combinaison  similaire  dans  Drubec, 
'■   fort  luisseau  ». 

1172.  Plus  fréquemment  -bec  est  combiné  avec  un  nom 
d'homme  :  on  a  lieu  de  considérer  comme  tel  le  termi'  initial 
quand  on  le  retrouve,  dans  d'autres  noms  de  lieu  de  Normandie, 
cond^iné  avec  le  mot  roman  ville  :  à  cet  égard  Bolbec  est  à  rap- 

1.  .Vfin  do  no  pas  sn relia r^'^or  lo  texte  de  ce  ehapilie  et  (hi  suivant,  nous 
avons  cru  devoir  y  désigner  simplement  par  les  initiales  de  leurs  noms  les 
départernenls  foiMués  par  la  NfHinaiidic,  .liiisi  ipie  les  |>ays  seandinaves- 
Suèrie,  Norvège  et   Danemark. 


ORIGINKS    SCANDINAVRS     :     HEKKH  281 

procher  de  Bnlleville  AI..  S.-l.)  —  Bricquebec  de  Bricqucville 
(C,  M.)  —  Carhec  de  Carvillc  (G.,  S.-I.)  —  Crahec  de  Crasville 
(E.,  M.,  S.-I.)  —  Varenguehec  de  Varengeville  (S.-I.),  jadis 
Varengiieville  '. 

BUDH 

1173.  Le  mot  hiidh,  «  cabane,  chaumière  »,  qu'on  retrouve 
dans  le  danois  bod,  «  baraque,  loge,  boutique  »,  a  contribué  à 
former  un  nombre  relativement  élevé  de  noms  de  lieu  en  Nor- 
mandie. Il  devient  en  français  du  xi®  siècle  -bued  ou  -huet,  qu'on 
prononçait  heu,  et  cette  forme  francisée  du  mot  norois  subsiste 
encore  aujourd'hui,  mais  dénaturée  par  la  notation  fantaisiste 
-beuf  et  même  -bœuf,  dont  on  tend  maintenant  à  prononcer  Vf 
final  et  parasite.  On  a  vu  (n°^  1071,  1072,  1076.  1078)  pareille 
transformation  subie  par  la  finale,  latinisée  -bodus,  d'un  grand 
nombre  de  noms  d'homme  des  époques  nîérovingienne  et  caro- 
lingienne. 

1174.  Le  mot  hudh  est  l'origine  du  nom  de  BOOS  (S.-L), 
Bothus  au  xi°  siècle,  puis  Boes. 

1175.  Parmi  les  noms  de  lieu  qui,  en  Normandie,  présentent 
la  terminaison   -beuf  ou  -bœuf,  il  y  a  lieu  de  citer  -  :   Belbeuf 

1.  Dans  la  leçon  du  0  avril  1891,  après  avoir  donné,  sur  les  noms  de  lieu 
en  -hec  des  indications  analogues  à  celles  que  nous  venons  de  résumer, 
A.  Long-non  s'exprimait  ainsi  :  «  Le  mot  norois  berg,  au  sens  de  ><  mon- 
tagne »  ou  de  «  roc  »  n'a  guère  été  relevé  que  dans  des  noms  de  lieu  dit,  et 
je  citerai  Wimbergue  (Manche)  ;  encore,  le  plus  souvent,  herg  est-il 
assourdi  eu  ber,  noté  berl,  comme  dans  Cannebert  (Calvados),  le  Mont- 
Cabert  et  Godebert  (Seine-Inférieure).  Il  est  possiljle  que  ce  soit  lui  aussi 
qu'on  retrouve  dans  la  finale  du  nom  Camembert  (Orne),  village  construit 
sur  une  colline  qui  domine  un  at'tluent  de  la  Vie;  mais  ce  n'est  là  qu'une 
hypothèse,  une  simple  hypothèse,  car  la  terminaison  beri  d'un  nom  de 
lieu  français  représente  le  plus  souvent  la  finale,  originairement  Aerc/jY  dans 
le  langage  des  Francs,  d'un  nom  propre  d'homme  germain  ».  Dans  son 
enseignement  do  l't^cole  des  Hautes  Études,  il  a  reproduit  ces  énoncialions 
en  1901-1902,  mais  non  plus  en  190'J-190();  d'ailleurs  les  réserves  qu'il  avait 
formulées  au  sujet  du  nom  de  Cmnembcrl  étaient  des  plus  fondées  :  en 
efTet,  dans  son  Rapport  sur  Vorlhographe  des  noms  de  comrtiunes  du  drpar- 
lomont  (Je  VOrne,  publié  en  1903,  Louis  Duval  signale(p.  78)  qu'au  xii'"  siècle 
cette  localité  est  appelée  Campus  Maimberti. 

2.   Nous    reproduisons  ici,  à   toutes  fins   utiles,   cet  aiitic   passage  de  la 


282  LES    .NOMS    UE    LIEU 

(S.-I.);  cf.  Bjàlbo  (S.)  —  Brébeuf  'M.)  —  Coulibœuf  (G.); 
cf.  Kolebo  (S.),  Kolbu  (N.)  —  Cricquebœuf  (G.)  et  Grique- 
beuf  (E..  S. -T.);  cf.  KirkebofD..  N.)—  Daubeuf  (G.,  E.,  S.-I.)  : 
cf.  Çalby  (D.),  qui  a  des  homonymes  en  Angleterre  (Lincolnj  — 
Elbeuf  (S.-I.),  anciennement  WeUebeuf  \  cl.  Vejlby  (D.l,  Velebo 
(S.),  Welby  (Lincoln)  —  Limbeuf  (E.),  Lindebeuf  (S.-I.)  ; 
cf.  Lindby  (S.)  —  Marbeuf  (E..  S.-I.)  ;  cf.  Marebo  S.i  —  Mar- 
quebeuf  (E.)  ;  cf.  Markebo  (S.  ,  Markby  S.  et  Lincoln)  —  Pibeuf 
S.-L)  -  Quillebeuf  (E.);  cf.  Kilbo  (S.)  —  Ribeuf  (S.-I.)  ; 
cf.  Ribby  (S.),  qui  a  un  homonyme  dans  le  Lancashire  —  Vibeuf 
(S.-l.i  —  Yquebeuf  (S.-I.)  ;  cf.  Egebo,  Egeby  (D.),  Ekebo, 
Ekeby  (S.).  —  (.)n  remarcjuera  qu  à  l'exception  de  Brébeuf,  de 
Coulibœuf  et  de  Cricquebœuf,  tous  ces  noms  appartiennent  à  la 
Haute-Normandie. 

1176.  Le  terme  initial  est,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  un 
nom  commun  d  ordre  topographique.  On  peut  rapprocher  :  de 
Daubeuf  le  danois  dkl,  «  vallée  »;  —  de  Lindebeuf,  et  sans 
doute  aussi  de  Limbeuf,  le  suédois  lind,  «  tilleul  »  ;  —  de  Mar- 
beuf le  mot  mar,  u  étang  »  ou  «  marais  »,  étudié  ci-après 
(n**"*  1202  à  1204)  ;  —  de  Quillebeuf,  le  danois  kilde  ou  le  sué- 
dois klilla,  «  source  »  ;  —  à'  Yquebeuf ,  le  danois  er/  ou  le  suédois 
ek,  ((  chêne  ». 

1177.  Il  se  peut  que  Cricquebœuf  et  Criquebeuf  soient  for- 
més de   façon  analogue  sur  le  mot  norois  qui  signifie  «  église  », 


leçon  du  '3  avril  1891  :  »  Avaiil  d(î  vous  énumérer  les  noms  de  lieu  nor- 
mands dont  le  second  terme  est  le  mol  norois  i!>urf/i,...  je  crois  intéressant 
de  vous  signaler,  hors  de  Normandie,  deux  noms  de  lieu  modernes  dont  le 
second  terme  représente  très  certainement  ce  mol  :  c'est  d'abord  la  ville 
de  Paimbœuf,  «  l'emboucliure  de  la  Loire,  ;im  déparlemenl  de  la  Loire- 
lid'érieure  ;  c'est  ensuite  le  villa^j-e  d'Estrébœuf,  près  de  renii)ouciuire  de 
la  Somme,  à  une  lieue  au  sud  de  Sainl-Valery,  au  département  delà  Somme- 
Le  premier  de  ces  noms,  Pahnbii'iif,  vsi  certainement  un  vestif^e  de  l'oc- 
cupalioii  par  les  .Normands  du  pays  nantais,  dont  ils  restèrent  maîtres  de 
dOX  à  \y.M  environ  ;  et  il  est  extrêmement  pnjhahle  (pie  le  nom  iV Kiilrrliivii/ 
est  dû  à  une  occupation  temporaire  par  les  liommes  du  Nord  du  pays  silué 
à  l'embouelnire  f!«'  la  Somme  ».  A.  Lon},Mioii  rapprochait  iVKsIi-i^Iia-nf  les 
noms  de  lieu  Scandinaves  0sterby  Danemark)  et  Osterbo  iSuède)  ;  et  en 
cet  endroit  de  sf)n  manuscrit  nue  nnle  marj^inale,  peut-être  ajoutée  après 
coup,  mentionne  Thubœuf  Mayenne  .  Il  a  répélé  ces  indications  en  IS'.t.'l  et 
l'.M»|-l'.«t)2,  mais  non,  paiail-il,   en  llK):')- l'.lOd. 


ORIGIIVES    SCANDINAVES    :    liUDH  283 

kirke  en  danois  et  kyrka  en  suédois  ;  toutefois  on  est  autorisé 
tout  aussi  bien,  pai  l'existence  du  nom  (Iricqueville  (C.  )  à  recon- 
naître dans  la  première  partie  de  ces  vocables  un  nom  propre 
d'homme,  de  même  que  dans  les  noms  Bolbeuf  et  Brébeuf,  qui 
5ont  à  rapprocher,  le  premier  de  Bolbec  et  de  Bolleville  (cf.  ci-des- 
sus n"  1172),  le  second  de  Bréville  (C,  M.j. 

BU 

1178.  Ce  mot,  qui  se  rapproche  de  budh  à  la  fois  par  la  forme 
et  par  le  sens,  avait  l'acception  de  «  maison  »,  de  «  domaine  »  : 
il  revêt  aujourd'hui  la  forme  bij ,  qui  désigne  en  suédois  un  vil- 
lage, en  danois  une  ville.  Il  se  présente  dans  les  noms  de  lieu  de 
Normandie  sous  les  deux  formes  -bu  et  -bie  qui  répondent  bien 
à  l'évolution  du  mot  Scandinave. 

1179.  La  forme  -hii  a  prévalu  dans  les  noms  Bourguébus  (G.) 
vers  1078  Borgeshu,  Carquebut  (M.i.  Tournebu  (G.,  E.  .  Ce 
dernier  nom  et  sa  variante  Tournebut  (M.)  signitient  «  maison 
de  l'épine  »,  — ■  «  épine  »  se  disant  en  danois  for/)  —  et  a  pour 
synonymes  Tornby  (D.)  et  Thomby  (Northampton). 

1180.  Par  contre,  c'est  la  forme -/)/c  que  présente  Hambye  [M.]. 

1181.  L'équivalence  des  deux  terminaisons  -bu  et  -bie  résulte 
de  ce  que  Carquebut  est  appelé  dans  un  texte  du  xiii''  siècle 
Kirkebi  :  cette  forme,  à  peine  différente  des  très  nombreux 
Kirkeby  de  Danemark  et  de  Norvège,  Kyrkby  et  Kyrkeby  de 
Suède,  attestent  que  par  Cunjuehut  il  faut  entendre  «  la  maison 
de  l'église  ». 

DAL 

1182.  Ce  mot,  commun  aux  dialectes  Scandinaves  et  bas-alle- 
mands, avec  le  sens  de  «  vallée  ».  termine  quelques  noms  de  lieu 
en  Normandie  :  Becdalle  (E.i.  Bruquedalle  S.-I.  .  Croixdalle 
(S.-L),  Dieppedalle  (S.-I.),  Oudalle  ^S.-l.j. 

1183.  Par  le  premier  de  ces  noms  et  par  son  équivalent  danois 
Baekdal  il  faut  entendre  «  la  vallée  du  ruisseau  », 

1184.  Le  premier  terme  de  Bruquedalle  est  peut-èlie  appa- 
renté à  l'allemand /"rwc/ï,  «  marécage  >'. 

1185.  Dieppedalle,  comparable  à   Djupdal,  Djupedal  (S.,  N.i, 


2(Si  LES    NOMS    DK    \AEV 

Dybdal  (D.,  N.),  a  le  sens  de  «  vallée  profonde  »  :  c'est  donc  un 
synonyme  de  Parfondeval  (Aisne,  Oise,  Orne.  S.-I.). 

GARD 

1186.  Gard  avait,  dans  la  langue  noroise  le  sens  d"  «  enclos  » 
qu'on  retrouve  dans  notre  mot  jardin  ;  il  a'pris  depuis  celui  de 
«  domaine  »,  voisin  de  celui  de  «  maison  »,  que  présentait  le 
g-othique  gards,  et  que  conservent  le  danois  gaard  et  le  suédois 
gàrd. 

1187.  Auppegard  (S.-I.),  appelé  parfois  au  moyen  âge  Apple- 
gard  —  cf.  iEblegaard  (D.),  Apelgârden  (S.),  et  en  Ecosse 
Applegarden  (Dumfries)  —  a  pour  premier  terme  le  nom  du 
ponimier,  «  pomme  »  se  disant  en  danois  a'ble  et  en  suédois 
aple.  —  Il  a  pour  variante  Epégard  (E.),  qui  est  appelé  en  1181 
Auppegard  et  en  1 199  Alpegard. 

1188.  Bigards  (E.)  —  cf.  Bygârden  et  Bygàrde  fS.)  —  peut- 
être  un  équivalent  A'Achères  (v.  ci-dessus  n"  604 i,  car  dans  son 
premier  terme  on  reconnaît  le  nom  de  l'abeille,  en  suédois  bi  ^ 


I.  Outre  Auppegard,  Epôf/ard  ol  Bigards,  A.  I.,ongn()n  indiquait,  flans  sa 
Ic^on  du  0  avril  1891,  au  Collège  de  France,  et  dans  sa  conféi'enco  du  7  jan- 
vier 1893  à  l'École  des  Hautes  Études,  les  noms  Fisigard  et  Vingurl,  qu'il 
attribue,  le  premierà  la  Scine-Inférieuro,  le  second  au  Calvados,  mais  dont 
nous  ne  pouvons  donner  ridentificatiou  prrcise,  et  sur  la  signiûcalion  des- 
(juels  il  no  s'exprime  qu'avec  beaucoup  de  réserve.  Vingarl,  désignant  un 
lieu  dit  du  Bessin,  pourrait  être  rapproclu' du  danois  vingaard,  «  vignoble  »  : 
!..  Dclislf,  dans  ses  Eludes  sur  la  condition  de  la  classe  agricole  et  l'élnl  de 
l'agrirullure  en  Xorniandie  au  moyen  ih/e,  s'est  étiMidu  assez  longuement 
(p.  i-t8  à  470!  sur  la  culture  de  la  vigne,  et  le  tiéparlemenl  du  Calvados 
com|)rend  un  certain  noiniire  de  localités  dénommées  la  Vigne,  les  Vignes, 
la  Vignette,  les  Vignettes.  —  Quant  h  Fisigar(],  après  l'avoir  comparé,  en 
1903,  à  Fisherganrd  M)anemark  et  à  I''ishguaril  (Pembroke  ,  I.ongnon  le 
passait  sous  silence  en  1901-1902,  et  l'aurait  placé  dans  l'iMireen  190."t- 190(1  ; 
il  attribuai!   ii   ce    nom  —   sous  réserves,    nous   le   répétons  le  sens  de 

(>  pèclu'rie  ■>  :  nous  croyons  devf)ir  signaler,  ii  r:i|i|)ui  de  eetir  opinion, 
(pi' une  chai'te  do  la  Trinile  dti  MonI ,  d^h'-e  de  lO.tO,  Mienliontie  n  n  u  m  l'i  s  i- 
ga  rd  II  m    in    1  >  i  e  p  p  a. 


OKIGIMKiS    SCA.NDLNAVLS     :     dRLiW  28o 

GliUNN  ^ 

1189.  Le  mot  norois  (/runn,  «  haut  fond,  écueil  »,  est  pro- 
bablement l'orig-ine  du  mot  «  grune  »,  qui  désigne  certains 
rochers  des  côtes  nord-ouest  du  Cotentin  :  le  Banc  des  Grunes, 
devant  Carteret  ;  —  la  Grune,  à  Jobourg- ;  —  la  Grunette,  à 
Flamanvilie;  les  Grunes,  de  Bretteville,  etc. 

1190.  On  pourrait  être  tenté  de  reconnaitre  ce  mot  dans  le 
second  élément  dvi  nom  de  Langrune  (G.),  village  de  la  côte  en 
face  duquel  s'étend  une  ligne  de  rochers  plats;  mais  la  forme Lin- 
g'ionia,  qu'on  rencontre  en  1162,  interdit  à  cet  égard  une  affir- 
mation absolue  ;  et  il  faut  chercher  une  autre  origine  au  nom 
Lengronne,  que  porte  une  commune  du  canton  de  Gavray  (M.), 
située  à  13  kilomètres  des  côtes. 

IIOLM 

1191.  Le  mot  holni,  qui  termine  tant  de  noms  de  lieu  dans 
les  pays  Scandinaves,  et  notamment  celui  de  la  capitale  du 
royaume  de  Suède,  désignait  une  île,  non  pas  seulement  une  île 
maritime,  comme  le  mot  saxon  ig  (voir  ci-dessus  n"  750),  mais 
encore  une  île  située  dans  l'intérieur  des  terres,  et  même,  s'il 
est  permis  de  s'exprimer  ainsi,  une  île  de  terre,  c'est-à-dire,  par 
exemple,  un  mamelon  isolé  qui,  en  raison  de  la  dépression  des 
terres  environnantes,  se  trouve  de  temps  à  autre  environné  par 
les  eaux.  On  le  rencontre,  sous  la  forme  -homme,  dans  les  noms 
Engehomme  (E.)  et  Robéhomme  (G.),  qui  s'appliquent,  le  pre- 
mier à  une  île  de  la  Seine  située  en  face  de  Martot.  le  second  — 
Raimberthomme  au  xui''  siècle  -  à  un  village  construit  sur  \\n 
mamelon  dominant  un  vaste  marécage.  —  Dans  une  charte  de 
1030,  le  texte  que  voici  :  insulam  super  alveum  Sequane 
quam  dicunt  nomine  Torhulmum,  alio  quidem  vocabulo 
Oscellum,  désigne  sans  doute  l'île  d'Oissel  (S.-L),  mentionnée 
au  IX''  siècle  comme  une  station  très  fréquentée  des  pirates. 

1192.  Il  semble  que   le    mot   norois    holm   soit  entré  dans  le 

1.  La  leçon  du  D  avril  IHOl  ne  l'ail  aucune  allusion  à  ce  mol;  A.  l.on^nion 
Icludia  dans  la  conférence  du  7  janvier  ISO.'i  ;  il  fil  de  niènu- en  l'JO.'i-lOOO, 
alors  (|n'il  l'avait  de  nouveau  passé  sons  silence  en  l'.Mtl-l'.l()2. 


286  I^KS    i\OMS    DE    LIEU 

langage  roman  des  populations  de  la  Normandie,  car  la  nomen- 
clature topographique  de  cette  province  présente  les  formes  vul- 
gaires Houlme  et  Homme  précédées  de  l'article.  Le  Houlme 
iS.-I.)  est  voisin  d'une  île  du  ru  de  Gailly.  Quant  au  nom  le 
Honime,  il  désigne  plusieurs  écarts  dans  les  départements  du 
Calvados  et  de  FEiu-e  ;  et  Ion  en  rencontre  des  diminutifs  :  le 
Hommel  et  le  Hommet  (M.). 

1193.  On  se  gardera  d'appliquer  la  même  élymologie  aux 
noms  de  lieu  l'Homme  et  VHommeau,  V Houme  et  VHoiimcau, 
qui  existent  en  assez  grand  nombre  dans  plusieurs  autres  pro- 
vinces de  rOuest  :  Anjou,  Maine,  Touraine,  Poitou,  Saintonge, 
Angoumois,  et  dans  lesquels  il  faut  voir  une  variante  dialectale 
des  mots  orme  et  ormeau  (cf.  ci-dessus  n°  645). 

nus  ' 

1194.  Le  mot  norois  Jiiis,  «  maison,  demeure  »,  (jvii 
n'est  qu'une  variante  de  Tallemand  moderne  liaus,  termine, 
dans  les  pays  du  Nord,  un  certain  nombre  de  noms  de  lieu,  par 
exemple  celui  de  la  ville  à' Aarhiis  (D.);  c'est  incontestablement 
ce  mot  qui  constitue  le  dernier  terme  du  nom  Etainhus  (S.-I.), 
jadis  Estain/ius,  qui  a  pour  équivalents  Stenhus  (D.  j  et  Stenhuse 
(S.)  ;  ces  noms  ont  le  sens  de  «  maison  de  pierre  ».  Peut-être 
doit-on  reconnaître  la  même  désinence  dans  Cropus  (S.-I.)  et 
Gavrus  (C.)  :  le  premier  de  ces  noms  serait  apparenté  par  son 
terme  initial  —  un  nom  d'homme  sans  doute  —  à  Kroppsiad, 
Krojjpelorp,  Kroppfjiill,  Kro/jpkiirr  (S.). 

JiLIF 

1195.  Klif,  au  sens  de  <<  rocher  »  —  cf.  le  danois  klippe  et  le 
.suédois  klippa  —  est  aussi  entré  dans  la  toponomastique  nor- 
mande. Un  texte  de;  122i,  que  le  Dic/ioniniire  topograpliiquc  de 
l'Eure  rapporte  à  la  Côte-Blanche,  près  d'iwreux,  mentionne 
une  roc  h  a  qui  vocatur  tvi/.c  clive  :  on  reconnaît  dans  le  pre- 
mier terme  l'équivalent  de  notre  adjectif  k  blanc  »,  livid  en 
il;iii()is,  hviU  en  suédois,  h'IiI/j-  en  ;inglais,  iceiss  en  allemand. 
Verclives  Iv)  est  à  rapprochoi-,  pour  son  premier  terme,  de 
Vnrsli'ii    S.). 

I.   i.r  ijKil  11  :i  |i,is  eh'   clinlir  (l.iiis  Ifs  CDiilVu'cnct'S  (le  l".((>!'i-iyO(l. 


ORIGIMiS    SCANDINAVES    :    LUXDH  287 

LUNDR 

1196.  Le  mot  liindr,  u  bois,  bocage  »,  a  laissé  de  très  nom- 
breuses traces  dans  la  toponomastique  Scandinave  :  on  l'y  voit 
employé  tantôt  seul,  comme  dans  le  nom  de  la  ville  universitaire 
de  Lund,  tantôt  en  composition. 

1197.  On  a  pensé  le  reconnaître  dans  le  nom  de  lieu  la  Londe, 
assez  fréquent  en  Normandie,  où  une  forêt,  située  au  sud  de 
Rouen,  est  appelée  forêt  de  la  Londe.  Mais  cette  forêt  tire  son 
nom  d'une  localité  voisine  et  l'on  doit,  à  l'hypothèse  dont  il 
s'agit,  objecter  d'une  part  le  genre  féminin  attribué  au  mot  londe, 
et  d'autre  part  la  persistance  du  (/,  alors  que  dans  les  noms  énu- 
mérés  ci-après,  et  dont  l'origine  noroise  est  incontestable,  ce  d 
s'est  assourdi.  Londe  apparaît  comme  une  variante  dialectale  de 
lande,  dont  les  Anglo-normands  ont  fait  launde. 

1198.  Lundr  est  évidemment  le  terme  final  des  noms  sui- 
vants :  Beslon  (M.),  Boslon  (E.),  Boulon  (Ci,  Bouquelon  (E.), 
le  Catelon  (E.),  Grollon  (M.),  Écaquelon  (E.j,  Ellon  (C), 
Scellon  (E.),  Yébleron  (S.-L),  jadis  Yhlelon  (S.-I.),  Yquelon 
(M.,  S.-L). 

1199.  Un  bois  voisin  de  Boslon,  hameau  de  Quittebeuf  (E.), 
était  appelée  en  1189  ne  mus  de  Boolon. 

1200.  Yquelon  —  cf.  Egelund  (D.)  et  Eklund  (S.)  —  a  pour 
terme  initial  le  nom  du  chêne  (voir  ci-dessus,  n"  1176). 

1201.  Bouquelon  —  cf.  B0gelund  (D.)  et  Bôkelund  (S.)  — 
signifie  «  la  hêtraie  » . 

MAR 

1202.  La  terminaison  -mare,  k  laquelle  on  peut  attribuer  le 
sens  d'  «  étang  »,  de  «  marais  »,  comparal^le  à  celui  de  notre 
mot  «  mare  »,  est  très  fréquente  dans  la  toponomastique  de  la 
Normandie  :  Alvimare  (S.-L),  Aumare (E.\ Bellemare (E.,  S.-L), 
Bocquemare  (]\.),  Briquemare  (S.-I.i,  Brumare  (E.),  Colraare 
(E.),  Croixmare  (S.-L),  Drumare  (Ci,  Étennemare  (S.-L), 
Fine-Mare  (E.),  Fongueusemare  (S.-L),  Germare  (E.),  Hecto- 
mare  (E.),  Homare  (Iv),  Honguemare  Iv  ,  Inglemare  [V.,  M.), 
Ingremare  [K.],  Intremare  Iv  ,  Landemare  (C),  Lignemare 
(S.-L),  Limare  (E.),  Longuemare    E.,  S.-L),  Melamare  (S.-L), 


:2SiS  LhJS    .NO.MS   DE    ni;i" 

Normare  (E.\  Rondemare   E.  '.  Roumare  (S.-I.),  Sausseuzemare 
(S.-I.),  Vandrimare  (E.),  Ymare  (S.-I.). 

1203.  Les  noms  Belleniare,  Fongueusernare.  Longucmare, 
Rondemare ,  Sausseuzemare,  dans  lesquels  on  voit  -mare  précédé 
d'un  adjectif  roman,  attestent  que  le  mot  norois  mar  avoit  péné- 
tré, sous  la  forme  dun  substantif  féminin,  dans  le  lanijas^e  roman 
de  la  réo-ion. 

1204.  Le  premier  terme  des  noms  Briquemare,  Colmare, 
Etennemare,  Normare,  Roumare  et  Ymare^  qu  on  retrouve  dans 
Bricqueville  [C],  Colleville  (C,  S.-L),  E  tenue  ville  {M.),  JVorville 
(S.-l.),  Rouville  (E.,  S.-L),  Yville  (S.-L),  est  sans  doute  un  nom 
dhomme. 

THORP 

1205.  Le  mot  norois  f/iorp,  «  village  »,  variante  de  lallemand 
dorf,  s  est  romanisé,  témoin  l'article  qu'on  observe  dans  les  noms 
le  Torp  (M.,  S.-L),  le  Torpt  (E.).  le  Tourp  (M.);  mais  il  est 
tombé  de  bonne  heure  en  désuétude,  car  on  ne  le  rencontre, 
employé  comme  nom  commun,  dans  aucun  texte  en  langue  vul- 
gaire de  Normandie.  —  Torps  (C.),  sans  article,  doit  être  rap- 
proché des  nombreux  Torp  de  Danemark  et  de  Suède. 

1206.  On  ne  peut  citer  que  de  rares  exemples  de  thorp 
employé  comme  dernier  terme  dun  nom  de  lieu. 

Cametours  (M.)  est  peut-être  à  rapprocher  de  Kampetorp  (S.)  ; 
le  terme  initial  serait  kamp,  «  combat  ». 

Clitourps  (M.)  —  cf.  Klippestorp  (S.)  —  est  certainement  formé 
sur  le  mot  klif,  «  rocher  »,  étudié  plus  haut  (n^  1195). 

Au  territoire  de  ('Utourps.  l'écart  dénommé  le  Prieuré,  repré- 
sentant une  ancienne  dépendance  de  l'abbaye  île  Saint-Sauveur- 
le-\  icomte,  fut  désigné  pendant  tout  le  moyen  âge  par  un  nom 
dont  la  plus  ancienne  forme  connue  est  Torgistorp  ',  à  peine 
dillérente  du  nom  de  Torgestorp  (S.).  Ici  le  premier  élément  est 
le  nom  d'homme  Thorglls,  qui  subsiste  en  Normandie,  comme 
nom  de  famille,  sous  la  f(»rme   Tunjis. 

1207.  Somme  toute,    le  mot   lltorj)  est  rare  dans    les   noms  de 

I  .  Soir,  (l.iiis  le  Kjirrinv'n  joiiil  jiiix  iiislriiclioiis  de  l,éo|<<)lil  Dolislc,  sur 
lu  iJiitiunn.iire  t/t'-oi/rnpini/iir  de  la  Franc»'.  l'ailirlc  l'iuiiiii':  (I.it, 
'X.  Oliaimcs,   J.f  ('.iiinitr  îles  Irnuii.r  liixlufii/iirs    ri  si-li'nll/i'/iira,  lli.    i'.Ml  . 


OKKJLNES   SCANDINAVES     :     TIIORP  289 

lieu  de  la  Normandie,  mais  cette  rareté  s'explique  lorsqu'on  cons- 
tate que  les  noms  donnés  par  les  compagnons  de  RoUon  aux 
domaines  que  ce  prince  leur  concéda  sont  ordinairement  termi- 
nés parle  nom  commun  ville  qui,  dans  la  lang-ue  de  leur  nouvelle 
patrie,  était  le  synonyme  de  ihorp  :  il  y  a  en  Normandie  — sans 
parler  des  écarts,  également  fort  nombreux  —  plus  de  cinq  cents 
communes  dont  les  noms,  terminés  en  -ville^  paraissent  remon- 
ter, soit  au  x*'  siècle,  soit  au  commencement  du  xi".  La  parité  de 
l'emploi  des  deux  termes  ihorp  et  ville  dans  les  noms  de  lieu 
normands  apparaît  clairement,  si  de  Torgistorp  on  rapproche  le 
nom  Torgisville  qui,  au  xni''  siècle,  désignait  le  village  actuel  de 
Tournée  ville  (M.  i. 

THVEIT 

1208.  Le  mot  norois  thveit  désignait  une  pièce  de  terre,  mais, 
semble-t-il,  une  pièce  de  terre  provenant  d'un  défricliement, 
comme  l'indiquent  les  mots  tveit,  tved,  tvet.,  qui,  dans  les  dia- 
lectes norvégiens  et  suédois,  désignent  un  abatis  d'arbres.  Thveit^ 
qui  avait,  par  conséquent,  le  sens  du  mot  français  essart  —-  sart 
dans  les  pays  wallons  —  si  fréquent  lui-même  dans  la  toponymie 
(voir  ci-dessus  n**  981),  a  été  fort  employé  soit  seul,  soit  comme 
second  élément  de  composés,  pour  former  des  noms  de  lieu  dans 
les  pays  Scandinaves. 

1209.  En  Normandie,  où  il  a  revêtu  la  forme  fhiiit  ou  tuif,  il 
se  rencontre  presque  exclusivement  dans  la  région  de  la  basse 
Seine,  c'est-à-dire  dans  les  départements  de  l'Eure  et  de  la  Seine- 
Inférieure  :  le  Thuit,  Thuit-Agron,  Thuit-Anger,  Thuit-Hébert, 
Thuit-Signol,  Thuit-Simer  (E.);  assez  loin  de  ces  localités,  à 
Boulon  (C),  il  y  a  un  écart  également  dénommé  le  Thuit.  La 
présence  de  l'article  atteste  que,  dans  une  partie  au  moins  de  la 
Normandie,  le  mot  est  passé  pour  un  temps  dans  le  langage 
usuel. 

1210.  On  voit  -fuit  ou  -/huit  constituer  le  lerme  (inal  d'un 
certain  nombre  de  noms  de  lieu  —  Bliquetuit,  Brennetuit  iS.-I.j, 
Écriquetuit  (E.),  Long-Thuit,  le  Milthuit,  Vauthuit  (S.-I.)  —  le 
premier  terme  ét;uit  le  plus  souvent,  sendde-t-il,  un  nom 
d'homme,  parfois  un  adjectif  roman. 

Les  noms  i/c  lien .  19 


290  LES    NOMS-  DE    LIEU 

TOFT 

1211.  Le  mot  toft  est  un  de  ceux  qui  se  présentent  le  plus 
fréquemment  dans  la  toponomastique  de  la  Normandie.  Bien  que 
ce  mot  ait,  dans  le  danois  moderne,  le  sens  de  «  champ  ».  sa 
signification  noroise  paraît  avoir  été  celle  de  notre  vieux  mot 
«  masure  »,  désignant  un  emplacement  jadis  occupé  par  une 
maison,  ou,  plus  exactement,  «  ce  qui  reste  de  bâtiments  tom- 
bés en  ruine  »  :  c'est  du  moins  ce  qu'on  peut  conclure  de  l'expli- 
cation donnée  par  Biôrn  Haldorsen,  dans  son  Lexicon  islandico- 
latino-danicuni  :  «  Toft,  area  do  mus  vacua,  parietina,  en 
tomt  »  ;  et  tomt,  en  danois,  signifie  «  emplacement  à  bâtir  ». 

1212.  Toft,  qui  en  Normandie  se  réduit  à  tôt,  fut  employé 
par  les  compagnons  de  RoUon  pour  désigner,  soit  seul,  soit  com- 
biné avec  un  autre  élément,  certaines  des  habitations  qu'ils  se 
construisirent  là  où  l'on  voyait  encore  sur  le  sol  des  traces  des 
villages  et  des  hameaux  qu'avaient  ruinés  les  incursions  des 
pirates.  On  comprend  dès  lors  qu'il  soit  relativement  plus  fréquent 
dans  la  toponymie  noroise  de  la  Normandie  que  dans  celle  des 
pays  Scandinaves. 

1213.  Les  noms  de  lieu  de  Normandie  dans  lesquels  entre  le 
mot  toft,  aujourd'hvii  tôt,  offrent  donc  un  sens  analogue  aux 
noms  de  lieu  français  dont  le  vocable  représente  le  latin  maceria, 
«  muraille  »  :  Mézières,  Maizières,  Mazères,  leurs  dérivés  Mézeray , 
Maizeray,  Mazcret  —  qui,  le  plus  souvent,  s'appliquent  à  des  loca- 
lités édifiées  au  moyen  âge  auprès  de  ruines  antiques  —  et  à  leurs 
équivalents  bretons  moguer  (cf.  ci-après  n"  1342)  et  mogiicriou. 

1214.  De  même  que  les  formes  vulgaires  de  plusieurs  des 
mots  norois  précédemment  passés  en  revue  (n''"  1167,  1193, 
1206,  1210),  tôt  est  momentanément  entré  dans  le  langage  cou- 
rant de  la  Normandie,  témoin  l'article  qu'on  observe  diuis  le  Tôt 
(M.,  S.-L).  On  le  trouve  en  composition  dans  une  soixantaine 
de  noms  de  Hou  désignant  plus  de  rpiatre-vingts  localités,  et  dont 
(juehpios-uns  seulemonl  seront  indi([ués  ici. 

1215.  Par  MartOt  (E.),  Marclot  vers  11(10  v\  on  1107  — 
cf.  Maretoft  (^D.)  —  il  faut  enlcndn>  «  la  masiuc  de  l'étang  » 
ou  ('  du  marais  ». 

1216.  Lilletot  (I*>.)  fouinit  un  (.'xrmplc  de  coiubinaisoii  du  non» 


I 


OlUGlNliS    SCANDIINAVES    !     TOI-T  291 

commun  toft  avec  un  adjectif  :  il  existe  en  Danemark  sous  la 
forme  Lilletoft,  et  signifie  «  petite  masure  ».  Dans  Fultot  (S.-I.) 

—  cf.  Fulletofta  (S.)  —  le  premier  terme  peut  bien  être  l'adjec- 
tif/"fi/,  «  laid,  vilain  »,  mentionné  plus  haut  (n°  1171). 

1217.  On  voit  toft  combiné  avec  un  nom  d'arbre  dans  : 
Appetot  (E.),  en  1258  Apletot,  «  la  masure  du  pommier  »  (cf. 
n°  1187)  ;  —  Bouquetot  (E.),  «  la  masure  du  hêtre  »  (cf.  n»  1201); 

—  Ecquetot  (E.)  —  cf.  Egetoft  (D.),  Ektomta  (S.)  —  «  la 
masure  du  chêne  »  (cf.  n°«  1177  et  1200)  ;  —  Lintot  (S.-I.),  «  la 
masure  du  tilleul  »  (cf.  n°  1176)  ;  —  Tournetot  (E.),  «  la  masure 
de  l'épine  »  (cf.  n°  1179). 

1218.  Enfin  il  est  fréquent  que  le  terme  initial  soit  un  nom 
propre  d'homme  :  nom  d'origine  Scandinave  dans  Colletot  (E.), 
Routot  (E.),  Sassetot  (S.-I.),  formés  sur  Kolli,  Hrolf  et  Saxi; 
nom  d'origine  germanique  dans  Hébertot  (G.),  Raimbertot 
(S.-I.),  Robertot  (S.-I.),  où  l'on  reconnaît  Ileriberctus, 
Raginberctus,  Rotberctus. 

VIK  ' 

1219.  Ce  mot,  qui  subsiste  en  suédois  et  auquel  le  danois 
donne  la  forme  vig,  désignait  une  anse,  une  baie,  sinus  brevior 
et  laxior,  dit  Biôrn  Haldorsen  :  il  est,  on  le  sait,  la  racine  du 
nom  commun  vikiriff,  désignant  ces  hardis  navigateurs  qui,  non 
contents  de  courir  les  mers  pour  chercher  fortune  aux  dépens 
des  nations  chrétiennes,  allaient  s'établir  dans  des  terres  loin- 
taines, comme  l'Islande  et  même  certaines  parties  du  continent 
américain. 

1220.  Vik  se  retrouve,  par  exemple,  dans  le  nom  Sanvic  (S.-I.), 
porté  par  une  commune  située  au  fond  d'une  cri(|ue  voisine  au 
Havre,  et  qui  a  pour  équivalents  Sandvik,  très  fréquent  en  Suède 
et  en  Norvège,  Sandvig  en  Danemark,  Sandwich  en  Angleterre  : 
le  premier  terme  de  ces  noms  est  sand,  «  sable  ». 

1221.  On  reconnaît  également  le  mot  vik  dans  le  nom  de  plu- 
sieurs petites  anses  du  Cotentin,  et  notamment  dans  celui  de 
Cap-Levy  (M.),  au  xn"  .siècle  Kapelvic. 

1222.  On  ne  saurait  considérer  comme  épuisée,  dans  les  pages 

1.  A.  Long-non  no  s'est  pas  occupé  de  ce  mol  dans  ses  conférences  de 
1901-1902  et  de  190;j-190(l. 


292  LES    .NOMS    DE    LIEU 

qui  précèdent,  la  liste  des  mots  Scandinaves  que  présente  la 
nomenclature  g-éoo^raphique  de  la  Normandie  :  il  en  est  certai- 
nement qui,  pour  l'instant,  sont  ignorés,  et  qu'on  signalera 
quelque  jour  ;  il  en  est  d'autres  qui  ont  été  omis  à  dessein,  soit 
qu  ils  n'existent  que  dans  des  noms  simples,  soit  que,  communs 
aux  anciennes  lang-ues  germaniques  et  à  la  langue  Scandinave, 
ils  n'attestent  pas  avec  assez  de  certitude  l'origine  normande  des 
noms  de  lieu  qu'ils  terminent.  Par  exemple,  les  noms  de  Cher- 
bourg, de  Johourg  et  de  Montehourg  (M.),  celui  de  Caboiirg 
(C),  sont-ils  bien  certainement  Scandinaves,  ou  existaient-ils 
avant  la  domination  normande?  Leur  finale  ne  permet  pas  de  se 
prononcer,  car  elle  peut  provenir  aussi  bien  du  hurg  de  la  plu- 
part des  langues  germaniques,  au  sens  de  «  forteresse  »,  que  du 
norois  borg  —  «  rempart  de  pierre  »  et,  par  extension,  «  forte- 
resse »  —  terme  final  de  noms  de  lieu,  tant  anciens  que 
modernes,  dans  les  royaumes  du  Nord.  Il  convient  toutefois  de 
noter  l'analogie  de  Cahourg  — en  1077  Cadburgus  et  Cathbur- 
gus  —  avec  Catborg  (D.)  :  le  premier  terme  pourrait  être  l'ad- 
jectif norois  katr,  «  riant,  gai  ». 

Deu.x  autres  mots,  du  nombre  de  ceux  volontairement  omis 
pour  la  raison  qui  vient  d'être  indiquée,  ont  pourtant  droit, 
semble-t-il,  d'être  mentionnés  ici  *,  en  raison  de  la  place  qu'ils 
ont  prise  dans  le  langage  courant  de  la  Normandie. 

1223.  Haiig,  «  élévation,  hauteur  »,  se  retrouve  dans  les 
noms  la  Hogue  (C,  M.),  la  Hougue  (M.),  les  Hogues  (C,  E., 
M.,  S.-I.),  les  Hougues  (M.).  —  La  Hoguette  (C),  les 
Hoguettes  (G.,  E.j,  sont  des  formes  diminutives  qui  n'ont  pu 
appartenir  qu'au  langage  roman  parlé  par  les  descendants  des 
compagnons  de  Rollon. 

1224.  ffafn,  «  port  »,  subsiste  encore  dans  le  mot  havre,  qui 
fut  attribué  comme  nom  propre,  au  xv!*"  siècle,  à  une  ville  mari- 
time fondée  par  François  P"",  le  Havre  de  Grâce.  Un  certain 
nombre  de  lieux,  de  lieux  dits  presque  exclusivement,  portent  le 
nom  de  Havre,  mais  le  vocable  qu'on  rencontre  le  i)lus  souvent 
est  Ilahlc,  ainsi  que  son  diminutif  Ilahlel  :  le  Hable  de  Dieppe, 
de  Veuletles  (S.-L),  de  Cricqueville  (G.),  le  Hablet  d'Kculle- 
ville  (M.). 

1.    Il  n'en  ;i  |i;i  s  ('•!('•  i|iii'Mliuii  i\.\w^  les  cinift'i  (Micc^  de   I '.M).'i- I  0(M). 


LVI 
NOMS    EN    -VILLE 

1225.  Les  noms  de  lieu  en  -ville  sont  fort  nombreux  en  Nor- 
mandie, où  ils  paraissent  remonter,  à  quelques  exceptions  près, 
au  x*"  siècle.  Le  mot  villa  avait,  on  le  sait,  le  sens  de  «  village  » 
(voir  ci-dessus  n°  950),  et  ces  noms  s'appliquent  aussi  bien  à 
des  écarts  qu'à  des  chefs-lieux  de  communes.  La  proportion  dans 
laquelle  les  présente  la  nomenclature  topographique  des  dépar- 
tements qu'a  formés  la  Normandie  procure  d'utiles  indications 
sur  l'étendue  de  la  colonisation  Scandinave.  Si  l'on  ne  tient 
compte  que  des  noms  de  commune,  on  voit  que  cette  proportion 
atteint  presque  le  tiers,  avec  233  vocables,  dans  le  département 
de  la  Seine-Inférieure,  qui  comprend  759  communes  '  ;  elle 
dépasse  le  sixième  — •  121  sur  700  —  dans  l'Eure  ;  elle  est  de 
près  d'un  septième  —  111  sur  767  —  dans  le  Calvados,  et  de 
près  d'un  quart  —  io7  sur  664  —  dans  la  Manche;  quant  au 
département  de  l'Orne,  correspondant  k  une  contrée  qui  ne  parait 
guère  avoir  reçu  de  colons  Scandinaves,  on  n'y  compte  que  10 
noms  de  commune  terminés  en  -ville  sur  511.  c'est-à-dire  moins 
d'un  cinquantième  ;  encore  deux  de  ces  noms,  Francheville  et 
Neuville,  ne  peuvent-ils  rentrer  dans  la  série  actuellement  étu- 
diée, ce  qui  réduit  encore,  dans  ce  département,  le  nombre  et  la 
proportion  des  vocables  communaux  auxquels  on  pourrait  être 
tenté  d'attribuer  une  origine  normande. 

L'exemple  du  département  de  l'Orne  prouve  bien  que  la  fré- 
quence et  la  terminaison  -ville  dans  la  toponomastique  des  quatre 
autres  départements  normands  résulte  de  l'établissement  des 
((  hommes  du  Nord  ».    Bien  qu'on  rencontre  des  noms  en  -ville 

1.  Ces  chiffres  et  ceux  (jui  suivent  sont  ceux  qu'énonçait  .\.  Lonfïnon 
dans  sa  leçon  du  23  avril  1801,  au  Collège  de  France.  Les  créations  et  sup- 
|M-essions  de  communes  qui  se  sont  produites  depuis  lors  les  ont  plus  ou 
moins  modifiés  ;  mais  la  slatisti(|iu-  él)auchée  ici  demeure  exacle  dans  son 
enseml)le. 


294  LES    NOMS    DE    LIEU 

dans  les  différentes  régions  de  la  France,  ils  n'existent  pas  dans 
la  même  proportion.  Ainsi,  le  département  de  la  Somme,  qui 
confine  à  celui  de  la  Seine-Inférieure,  ne  comprend  que  34  noms 
de  commune  en  -ville  sur  832,  c'est-à-dire  à  peine  plus  d'un 
vingt-cinquième  :  contraste  bien  apparent  avec  le  département 
voisin,  où  la  proportion  des  noms  en  -ville  est,  on  Fa  vu,  de 
près  d'un  tiers. 

1226.  On  peut  affirmer  d'une  façon  générale,  que  ces  noms  de 
lieu,  en  Normandie,  sont  dus  aux  compagnons  de  Rollon,  ou  à 
leurs  descendants  immédiats,  et  les  attribuer,  d'une  façon  plus 
générale  encore^  peut-être,  au  x^  siècle  ou  à  une  date  fort  voi- 
sine. II  va  sans  dire  que  la  finale  -ville  étant  romane,  quelques- 
uns  de  ces  noms  peuvent  avoir  été  donnés  aux  localités  qui  les 
portent  en  dehors  des  Normands,  mais  c'est  l'exception. 

1227.  Une  exception  plus  rare  encore,  sans  doute,  consiste 
dans  l'emploi,  comme  membre  initial,  d'un  adjectif  au  lieu  d'un 
nom  propre  d'homme  ;  aussi  n'est-il  pas  inutile  d'insister  ici  sur 
les  exemples  qu'en  offre  la  toponymie  normande.  Les  adjectifs 
ainsi  employés  sont  de  deux  sortes  :  adjectifs  qualificatifs  pro- 
prement dits  et  adjectifs  ethniques. 

1228.  A  ne  considérer  que  la  nomenclature  communale,  on 
reconnaît  les  premiers  dans  Belleville  (S.-I.),  la  Bonneville  (G.), 
Longueville  (C,  M.,  S.-I.),  Neuville  (G.,  E.,  S.-I.).  —  Camp- 
ncuseville  représente  le  bas-latin  Gampanosa  villa,  désignant 
un  village  situé  dans  un  pays  plat.  —  Grenieuseville  (E.)  semble 
indiquer  que  les  habitants  étaient  désagréables,  grigneux, 
comme  on  disait  au  moyen  âge  ;  on  dirait  aujourd'hui  «  grin- 
cheux  ».   —  Preuscvillc  (S.-I.)  répond  au  latin  Petrosa  villa. 

1229.  (Juant  aux  adjectifs  ethniques,  on  en  compte  quatre.  Le 
vieux  mot  saisne,  du  latin  Saxonem,  accentué  sur  l'a,  ligure 
dans  les  noms  Sainncville  (S.-I.),  Senncville  (E.,  S.-I.)  ;  ce  der- 
nier nom  existe  aussi,  en  dehors  de  la  Normandie,  dans  Seine-et- 
Oise  et  dans  Eure-et-Loir.  —  L'adjectif  féminin  cih/lcst/ue  se 
présente  dans  Englcsqueville  (G.,  M.,  S.-I.)  et  dans  AiH/icsfjiic- 
ville  (S.-I.)  :  ces  noms  s'appliquent  à  des  villages  qui  ont  été 
fondés  peut-être,  au  commencement  du  xi"  siècle,  par  les  parti- 
sans exilés  des  rois  anglais,  dépouillés,  en  1014,  du  trône  d'An- 
gleterre par  la  con(juête  danoise,  et  qui,  apparentés  aux  ducs 
normands,  vinrent  chercher  asile  auprès  de  ces  princes.  —  Lad- 


(JRIGINES    SCANDINAVES    '.    -VILLH  295 

jectif  féminin  bref  te  ^  au  sens  de  «  bretonne  »,  qu'il  a  conservé 
dans  le  langage  dé  certaines  provinces  de  France,  existe  dans  le 
nom  Bretteville  (G.,  M.,  S.-I.l,  porté  par  une  quinzaine  de  loca- 
lités :  cette  fréquence  s'explique  en  partie  par  le  fait  que,  durant 
plus  de  soixante  ans,  de  867  à  933,  les  Bretons  dominèrent  sur 
TAvranchin  et  le  Cotentin,  et  poussèrent  leurs  incursions  sur  les 
contrées  voisines.  —  Enfin  l'adjectif  cossesse,  «  cauchoise  »  — 
le  pays  de  Gaux  forme  l'extrémité  nord-est  de  la  Normandie  — 
a  contribué  à  former  le  nom  Cossesseville  (G.),  comme  son  mascu- 
lin le  nom  du  Mesnil-Caussois  (G.). 

1230.  Encore  une  fois  les  noms  de  lieu  en  -ville  dans  lesquels 
le  terme  initial  est  un  adjectif  ne  sont  qu'une  exception,  et  dans 
l'immense  majorité  des  cas,  ce  terme  initial  est  un  nom 
d'homme. 

Parmi  les  noms  d'homme  que  présentent,  employés  de  la 
sorte,  les  noms  de  lieu  en  -ville  de  Normandie,  il  en  est  un 
grand  nombre  dans  lesquels  on  reconnaît  tout  d'abord  de  ces 
noms  français,  fort  à  la  mode  à  l'époque  féodale,  qui  étaient 
d'origine  francique  *  ;  cependant,  dans  la  plupart  des  cas  où  ils  se 
présentent,  ces  noms  désignaient,  soit  des  compagnons  de  Kol- 
lon,  soit  tels  ou  tels  de  leurs  iils  ou  petit-fils.  On  sait,  en  effet, 
que  les  Normands  établis  en  terre  française  pouvaient  porter  des 
noms  français,  puisque  Rollon  lui-même  reçut  au  baptême,  en 
912,  le  nom  de  Robert,  que  portait  son  parrain,  le  duc  de 
France  ;  et  ce  nom  passa  depuis  à  plusieurs  de  ses  descendants. 
On  sait  aussi  que  les  enfants  issus  de  l'union  des  corsaires  Scan- 
dinaves établis  en  France  avec  des  femmes  de  ce  pays,  portaient 
plus  d'une  fois  des  noms  français,  tel,  par  exemple,  le  fils  de 
Rollon,  le  duc  Guillaume  Longue-Epée,  né,  antérieurement  à  la 
conversion  de  son  père,  de  la  fille  d'un  comte  franc  de  Bayeux. 
On  doit  encore  tenir  compte  des  rapports  existant  entre  l'ono- 
mastique franque  et  l'onomastique  Scandinave,  moyennant  les- 
quels le  nom  d'un  immigrant  Scandinave  pouvait  être  assez  sou- 
vent traduit  par  un  équivalent  français.  Ainsi  nos  chroniqueurs 
du  x*^  siècle  appellent  en  latin  Ragenoldus  le  chef  des  Nor- 
mands  établis    à   l'embouchure  de  la   Loire,   alors   que  le    nom 

1.  C'est  ainsi  qu'à  propos  de  plusieurs  de  ces  noms,  on  a  vu  mentionnées 
ci-dessus  (n"-  1022,  1023,  1027,  1062,  1065.  1084,  1089.  1092.  1095,  1109, 
1111.  1131'  un  certain  nombre  de  localités  de  Noi'mandie. 


296  I>ES    NOMS    DE    LIEU 

norois  de  ce  personnage  était  sans  doute  Rdgnvalld.  Le  nom  de 
Rollon  lui-même  —  RoUo  chez  ces  chroni'queurs,  Hrolf  en 
norois  —  qui  était  peut-être  une  variante  Scandinave  de  Rodul- 
fus,  est  devenu  en  langue  romane  Rou^  qui  fut  aussi  l'une  des 
formes  vulg-aires  du  nom  Raoul. 

Il  serait  trop  long  dénumérer  ici  tous  les  noms  d'homme 
d'origine  Scandinave  qu'on  trouve,  dans  la  toponomastique  nor- 
mande, combinés  avec  le  mot  ville.  Ces  noms  sont  de  deux  sortes  : 
il  y  en  a  de  simples,  il  y  en  a  de  composés. 

1231.  Les  noms  simples  qui  vont  être  passés  en  revue  sont 
empruntés  presque  tous  à  deux  textes  particulièrement  intéres- 
sants dans  cet  ordre  d'idées  :  VIslands  Landnamabok  —  récit  de 
rétablissement  des  Norvégiens  en  Islande- — ■  édité  k  Copenhague 
en  1774  par  Hannes  Finnsson,  et  un  nécrologe  de  l'église  de 
Lund  —  Liber  daticus  Lundensis  —  qui  occupe  les  pages  474  à 
o79  dans  le  troisième  volume  des  Scriptores  reruin  danicariim 
de  J.  Langebek.  Tels  de  ces  noms  — -  Aki^  Bard,  Bero,  Blok, 
Boite,  Ketell,  par  exemple  —  étaient  encore  usités  en  Suède  au 
XIV®  siècle. 

Assez  fréquemment,  ces  noms  simples  avaient,  à  vrai  dire,  le 
caractère  de  surnoms  :  hjdrn  est  le  nom  suédois  de  l'ours  ;  blakk 
pouvait  avoir  le  sens  de  «  noir  »  qui  est  celui  de  l'ang-lais  black  ; 
(/aasl  désignait  l'oie  ;  l'adjectif  danois  knap  ou  suédois  knapp 
exprime  l'idée  de  petitesse,  d'exiguïté  qu'on  retrouve  dans  le 
substantif  allemand  knabe,  «  garçon  )>  ;  stolt  est  l'équivalent 
danois  et  suédois  de  l'allemand  sfolz,  «  fier  »  ;  Saxi  sig-nifiait 
évidemment  «  le  Saxon  »  ;  et  sniall  peut  bien  correspondre  à 
l'allemand  schncll,  «  rapide,  vif,  leste  ». 

1232.  Ahl,  latinisé  Aco  :  Acqueville  (C,  M.). 

1233.  Jiardr  :  Barville  iK.,  M.,  ().). 

1234.  l>ero,  forme  latinisée  qu'on  trouve  dans  le  Liber  da/i- 
cua  :  Berville  (C,  E.,  S.-L). 

1235.  lijiirn,  qui  fut  le  nom  de  plusieurs  rois  de  Suède,  et  qui 
revêt  la  forme  Bier  dans  le  Roman  de  Rou,  est  devenu,  au 
.Ml'"  siècle  lie/Il  dans  les  noms  de  lieu  de  Normandie  dont  il 
conslilue  le  premier  terme  :  Besneville  (M.),  ijadis  licrncvillc, 
Bennetot  (S.-L),  originellement  lijnrniofi,  et  Bemeval  l^S.-I.). 

1236.  lihil.h  :  Blacqueville  ^S.-L). 


OHKilNES    SCANDINAVES    :    -VILLE  297 

1237.  Blol;,  dont  Tusag-e  en  Normandie,  au  début  du  xi'^  siècle, 
est  attesté  par  le  cartulaire  de  la  Trinité  du  Mont  :  Blosville 
(C,  M.). 

1238.  Blund  :Blonville(G.). 

1239.  Bolli,  Bolle  :  Bolleville  (M.,  S.-I.),  Boulleville  (E.),  en 
1040  BolliviUa  ;  cf.  Bolbec  (S.-I.). 

1240.  Bondo,  forme  latinisée  :  Bondeville  (M.). 

1241.  Eysteinn  :  Étienville  (M.). 

1242.  GaasL  qui  paraît  dans  les  sagas  islandaises,  et  qu'on 
retrouve  sous  les  formes  Gaas  et  Gase^  était  l'équivalent  de  l'alle- 
mand gans  '.  sous  l'influence  francique  il  est  devenu  Ganse  : 
Ganzeville    S.-I.). 

1243.  Geiri,  Gerri  :  Gerville  (M.,  S.-I.),  Guerville  (S.-I.). 

1244.  Haki  :  Hacqueville  (E.,  M.;. 

1245.  Kalp  :  Cauville  (G.,  S.-I.). 

1246.  Kare  :  Carville  (C,  S.-I.);  cf.  Carbec  (E.). 

1247.  Karl  :  Calleville  (E.),  au  xiii''  siècle  Carleville . 

1248.  Ketell  :  Quetteville  (C,  AI.),  Quettreville  (M.);  cf. 
Quettehou,  Quettetot  (M.). 

1249.  Knappr  :  Ganappeville  (E.),  Canapville  (C,  0.). 

1250.  Kollr  :  Golleville  (C,  S.-I.)  ;  cf.  Golmare  (S.-I.). 

1251.  Krakr  :  Grasville  (E.,  M.,  S.-I.);  cf.  Crabec  (M.). 

1252.  Krokr,  Groco  dans  le  cartulaire  de  la  Trinité  du  Mont  : 
Crosville  (E.,  M.,  S.-I.)  :  celui  de  l'Eure  est  appelé  G  roc  vil  la 
vers  1027. 

1253.  Saxi,  Saxa  :  Sasseville  (S.-I.);  cf.  Sassetot  (S.-I.). 

1254.  Sniall,  en  français  Isnel  ;•  Isneauville  (S.-I.).  —  Le 
Buisson-Hocpin,  dépendance  dEvreux,  est  désigné  dans  une 
charte  de  1195,  par  l'appellation  Isnelmaisnille. 

1255.  Stolt,  en  français  Estant  :  Estouteville,  Étoutteville 
(S.-I.).  Le  nom  d'homme  Estout  était  encore  usité  au  xiv''  siècle, 
dans  la  famille  d'Estouteville. 

1256.  Sfiire,  nom  d'une  famille  qui  fournit  à  la  Suède  trois 
administrateurs  entre  1471  et  io20  :  Etréville  (E.\  vers  M  48 
Estervilla,  et  peut-être  aussi  Éterville  (G.). 

1257.  Toki,  latinisé  Toko  et  Tocco,  et  dont  le  nom  di' 
baptême  suédois  et  danois  Tycho  n'est,  paraît-il,  qu'une 
variante  :  Tocqueville  lE.,  M.,  S.-I.);  cf.  Tocquemont  (G.). 

1258.  Torf  :  Tourville  ^E.,  S.-I.).  —  Guillaume  do  .lumières. 


298  LES    NOMS    DE    LIEU 

qui  écrivait  au  début  du  xu*  siècle,  mentionne  Turulfus  de 
Ponte  Audemari  qui  fuerat  filius  cujusdam  nomine 
Torf,  a  quo  etiamusquenuncquaedamvillaecog'nomi- 
natae  sunt  Torfvillae  '. 

Parmi  les  noms  propres  de  personne,  composés  de  deux  élé- 
ments, qui  ont  contribué  à  former,  en  Normandie,  des  noms  de 
lieu  en  -ville,  on  se  contentera  d'examiner  ici  deux  séries  de 
noms  «  théophores  »,  c'est-à-dire  ayant  pour  élément  initial  un 
nom  de  .divinité,  celui  des  Ases  ou  celui  de  Thor. 

4259.  Les  Ases,  au  nombre  de  trente-deux,  dont  quatorze  dieux 
et  dix-huit  déesses,  constituaient  le  panthéon  Scandinave,  et, 
peut-on  dire,  le  panthéon  des  autres  nations  germaniques  anté- 
rieurement à  leur  conversion  au  christianisme  ;  mais  chez  les 
Francs,  les  Lombards  et  les  Goths,  le  nom  divin  As  se  disait  Ans 
—  latinisé  au  pluriel  sous  la  forme  Anses  dans  Jordanès  —  et 
chez  les  Saxons  on  l'écrivait  Os  :  de  là,  chez  les  Francs,  les  noms 
Ansoald,  Ansbert,  Anshelm,  Ansgar;  — chez  les  Saxons  Osît"a/(7, 
Osbert,  Osborn,  Oger,  Osicin  ;  —  chez  les  Scandinaves  Asbiôrn, 
Asbrand,  Asdis,  Ascjaut,  Asgeir,  Asffrim,  Askilld,  Askell,  Aske- 
tell,  Aslak,  Asleik,  Asmund,  Astolf,  Asvalld,  Asvôr.  Lorsque  ces 
derniers  noms  pénétrèrent  en  Gaule,  leur  élément  initial  devint 
Ans  —  sous  l'influence  francique,  de  sorte  que  les  noms  Asf/aut, 
Asf/eir  et  Asketell,  qu'on  peut  considérer  comme  étant  au  nombre 
des  plus  répandus,  se  sont  perpétués  en  Normandie,  d'abord 
comme  nom  de  baptême,  ensuite  comme  noms  de  famille,  sous 
les  formes  vulgaires  Angot,  Angier  ou  Angcr  et  Anqiictil; 
d  autre  part,  sous  l'influence  saxonne  qui  pouvait  bien  s'exercer 
encore  sur  certains  points,  As-  fit  place  à  Os-  :  Asbiôrn  devint 
Osborn  ou  Osborne  —  Asolf,  Ôsulfus,  d'où  Ausouf —  Asmund, 
Osmundus,  d'où  Osnwnd  et  Oniont. 

1260.  Asbiôrn  a  produit,  sous  l'influence  francique,  Amber- 
ville  (E.),  et  sous  l'influence  saxonne  Auberville  (C,  S.-L); 
l'Aul)erville  du  Calvados  est  ajipch'  on  IINH  Osbernivilla 
su  j)ra  ma  rc. 

1261.  Asgcir,  confondu  avec  le  nom  franci{jue  latinisé  Ansga- 
rius  :  Angerville  'C.  V...  S.-I/),  Angreville  (F.),  au  xii''  siècle 
A  n  s  g  e  r  N  i  lia. 

I.    l>ii   ('.licsiic.   /lislori.-ic  Xnrm.-nninrimi  s<'/'//)/o/v.<<  ;iiilii/iii.  \).   ill'J. 


ORIGINES    SCANDINAVES    !    -VILLE  299 

1262.  Asgaiit  :  Angoville  (G.,  E.,  M.).  —  Cf.  Le  Mesnil- 
Angot  {M.). 

1263.  Askeéell  :  Ancretiéville,  Ancretteville,  Anquetierville. 
Ancourteville  (S.-I.),  Ancteville  (M.),  Anctoville  (C,  M.i. 

1264.  Asleik,  latinisé  sous  l'influence  francique  Anslaicus  : 
Anneville  (M.,  S.-L),  au  xiii«  siècle  Anslevilla.  —  Cf.  Anne- 
becq  (voir  ci-dessus  n"  1170). 

1265.  Asmund,  devenu  Osniiind  sous  l'influence  saxonne  : 
Osmonville  (S.-L),  Omonville  (E.,  M.,  S.-L). 

1266.  Asolf\  soumis  à  la  même  influence  et  latinisé  0  suif  us  : 
Auzouville  (S.-L).  —  Cf.  Ghamposoult  (0.),  le  Mesnil-Ausouf 

(C). 

1267.  D'autres  noms  d'homme,  rappelant  le  souvenir  des 
anses  g-ermaniques  ou  des  ases  Scandinaves  ont  également,  en 
Normandie,  contribué  à  former  des  noms  de  lieu  en  -ville  : 
Anselmus,  Ansfredus,  Anseredus,  reconnaissables  dans 
Anceaumeville  (S.-L),  dans  Amfreville  (C,  E.,  M.,  S.-L)  et 
Amferville  (C),  ainsi  que  dans  Anseréville,  ancien  nom,  à  ce 
qu'on  prétend,  de  Saint-Mards-de-Blacarville  (E.);  mais  ces 
vocables  paraissent  avoir  été  empruntés  par  les  Normands  au 
x^  siècle  à  l'onomastique  franque,  et  n'avoir  point  d'équivalents 
dans  l'onomastique  Scandinave. 

1268.  Le  dieu  Thor,  lun  des  Ases,  présidait  à  l'air,  aux  sai- 
sons, aux  orages,  et  pour  ce  motif,  on  l'a  parfois  assimilé  à  Jupi- 
ter, témoin  l'appellation  Scandinave  du  jeudi,  torsclag.  Son  nom, 
qui  n'est  peut-être  point  entré  dans  la  composition  de  noms  de 
personne  chez  les  nations  germaniques  proprement  dites,  forme 
au  contraire  le  premier  terme  de  nombreux  noms  d'homme  Scan- 
dinaves. 

1269.  Thoralld,  latinisé  Turoldus  sous  l'inthience  francique 
locale  (cf.  ci-dessus  n°  1054)  :  Thérouldeville  (S.-L)  ;  cf.  Bourg- 
théroulde  (E.). 

1270.  Thorhioni  :  Thouberville  (E.);  —  cf.  Thibermesnil 
(S.-L),  jadis  Toubermesnil. 

1271.  Thorfred  :  Touffrainville  (S.-L),  jadis  Toufrcville  (voir 
ci-dessus  n«987i,  Touffreville  (C,  E..  S.-L  ,  Toufresville  (M.)  ; 
—  le  Mesnil  Toufray  [C). 

1272.  Thorgils,  d'ovi  le  nom  de  famille  Tur<fis  :  Tourgéville 
(C). 


300 


LES    NOMS    DI-:    LIEU 


1273.  Thorkcll  :  Turqueville  (M.),  jadis  Tordeville. 

1274.  Thorketell,  d'où  le  nom  de  famille  Turquety  :  Teurthé- 
ville  uM.i. 

1275.  Thorlak  :  Tourlaville  (M.). 

1276.  Thormod  :  Trémauville  (S.-I.),  jadis  Tormoville 

1277.  Thorolf  :  Trouville  (G.,  M.,  E.,  S.-I.). 

1278.  Thorsteinn,  d'où  les  noms  de  famille  Tousfain  —  pris 
à  tort  pour  une  altération  de  Toussaint  —  et  Toutain  :  Toutain- 
Ville  (E.). 


LVII 

ORIGINES     BRETONNES     :     GÉNÉRALITÉS 

1279.  Les  noms  de  lieu  formés  à  Taide  d'éléments  bretons 
dominent  par  le  nombre  dans  la  péninsule  armoricaine,  exception 
faite  cependant  des  anciens  diocèses  de  Rennes  et  de  Nantes  ; 
mais  il  faut  bien  se  garder  de  croire,  selon  une  opinion  populaire 
qui  n'est  pas  encore  entièrement  déracinée,  que  la  langue  bre- 
tonne soit  dans  cette  contrée  un  vestige  de  l'ancienne  langue 
gauloise  qui  y  aurait  été  conservée,  parce  que  la  civilisation  et 
la  langue  des  Romains  n'auraient  pu  s'implanter  jusqu'en  ce  coin 
reculé  de  la  Gaule.  La  péninsule  armoricaine  a  subi,  comme  les 
autres  parties  de  notre  pays,  l'influence  de  la  civilisation 
romaine  ;  ses  habitants  ont  parlé  —  plus  ou  moins  bien  —  le 
latin  ;  ils  ont  pris  des  noms  romains,  et  vécu  de  la  vie  romaine  ; 
ce  dernier  point  est  suffisamment  établi  par  les  voies  qui  sil- 
lonnent le  pays,  par  les  vestiges  des  édifices  et  des  demeures 
antiques  qu'on  trouve  sur  tant  de  points,  même  dans  les  parties 
les  plus  extrêmes  de  la  péninsule,  et  par  les  ustensiles  et  menus 
objets  qu'on  y  recueille. 

Mais  l'Armorique  ne  jouit  pas,  durant  tout  le  temps  de  la 
domination  romaine,  de  la  quiétude  et  de  la  sécurité  qui,  pendant 
les  premiers  siècles,  y  favorisèrent  l'expansion  de  la  civilisation. 
Comme  toutes  les  contrées  du  littoral  septentrional  de  l'Empire, 
elle  fut  en  butte,  du  m"  au  v*=  siècle,  aux  incursions  des  pirates 
saxons,  contre  lesquelles  la  défendaient  à  grand'  peine  quelques 
postes  fortifiés  dont  on  trouve  l'énumération  dans  la  Notifia 
dirjnitatum.  Plusieurs  de  ses  villes  périrent,  et  le  sol  armoricain 
se  dépeupla  rapidement.  C'est  à  la  fin  de  ces  rudes  épreuves,  et 
vers  le  milieu  du  v^  siècle,  qu'apparaît  alors  sur  le  sol  l'élément 
breton  :  il  venait  de  l'île  de  Bretagne,  habitée  par  une  nation  de 
race  celtique  —  les  Britanni  —  soumise  dès  le  i'"''  siècle  à  la 
domination  romaine,  et  que  le  peuple-roi  ne  s'était  pas  encore 
complètement  assimilée. 

L'immigration  des  Bretons  en  Armoriquc  fut  la  conséquence 


302  LES    NOMS    DE    LIEU 

de  renvahissenient  et  de  la  conquête  de  l'île  de  Bretag-ne  par 
les  Saxons  et  par  les  Angles,  venus  des  contrées  qui  avoisinent 
la  péninsule  cimbrique,  c'est-à-dire  par  ces  mêmes  populations 
de  pirates  qui  avaient  été.  durant  deux  siècles,  la  terreur  du  litto- 
ral de  la  Gaule.  La  chose  paraît  établie  par  les  découvertes  de 
l'érudition  moderne,  et  en  particulier  par  les  travaux  d'Arthur 
de  La  Borderie  :  le  souvenir  en  était  encore  vivace  au  temps  de 
Charlemagne,  puisque  les  Annales  d'Eginhard,  parlant,  sous  la 
date  de  786,  de  la  réduction  de  la  Bretagne  cismarine,  rappellent 
que,  lors  de  l'invasion  de  l'île  de  Bretagne  par  les  Angles  et  les 
Saxons,  une  grande  partie  de  ses  habitants,  passant  la  mer,  vint 
s'établir  dans  le  pays  des  Venetes  et  dans  celui  des  Curioso- 
litae,  c'est-à-dire  dans  les  territoires  dont  les  villes  romaines  de 
Vannes  et  de  Gorseul  étaient  les  chefs-lieux. 

L'école  de  La  Borderie  ne  reconnaît  l'existence  d  aucune  bande 
d'immigrants  bretons  en  Gaule  avant  1  an  460  environ.  Le  pre- 
mier établissement  durable  de  quelque  importance  aurait  été  le 
petit  royaume  de  Cornouaille,  ayant  pour  capitale  Quimper, 
et  fondé,  vers  480,  par  un  chef  connu,  dans  les  traditions  de 
la  Bretagne,  sous  le  vocable  de  Grallon  Meur,  c  est-à-dire  Gral- 
lon  le  Grand.  La  fondation  du  petit  Etat  de  Léon,  l'établissement 
d'une  colonie  bretonne  dans  la  partie  septentrionale  du  diocèse 
de  Vannes,  et  la  création  du  royaume  de  Domnonée,  qui  corres- 
pondait au  département  des  Côtes-du-Nord  et  à  la  partie  occi- 
dentale de  celui  d'ille-et- Vilaine,  n'appartiendraient  qu'au  com- 
mencement du  vi^  siècle.  Les  noms  de  deux  des  Etats  bretons  de 
la  péninsule  rappellent  ceux  des  tribus  insulaires  qui  les  for- 
mèrent. Celui  de  la  Cornouaille,  Gornubia  en  latin  du  moyen 
âge,  Kernaw  en  breton,  est  dû  aux  Cornu vii,  qui  habitaient 
outre  mer  le  comté  de  Chester  et  quelques-unes  des  contrées 
voisines  de  l'extrémité  sud-ouest  du  pays  de  Galles,  et  qui. 
chassés  de  ces  régions  par  les  Angles,  portèrent  aussi  leur  nom 
à  la  pointe  sud-ouest  de  1  île  de  Bretagne.  Quant  à  la  Domnonée, 
c'était  une  colonie  des  Dumnonei  dont  le  nom  subsiste,  trans- 
formé rlans  celui  du  comté  de  Devon. 

Durant  plus  rk'  trois  siècles  les  jiietons  ne  s'étendirent  gucrc 
en  dehors  du  pays  (jui,  jusqu  à  la  veille  de  la  Hévolution  fran- 
çaise, conq)ril  les  diocèses  de  Léon,  de  Tréguier,  de  Saint-Brieuc, 
de  Dol,  de  Sainl-Malo,  de  Quimper  et  de  Vannes.  Ils  n'en  soi- 


OKIGINES    URETOKNES    !    GÉNÉRALITÉS  303 

tirent  réellement  que  vers  Tan  84S,  alors  que  Noménoé,  devenu 
le  roi  national  de  tous  les  Bretons  de  la  péninsule,  enleva  aux 
Francs  les  territoires  de  Nantes  et  de  Rennes,  qui  furent,  en 
851,  cédés  ofïiciellement  à  son  tîls  et  successeur  Erispoé,  par 
Charles  le  Chauve. 

1280.    Par    suite    des    progrès    incessants   que    fit,    depuis    le 
x'^  siècle,  Télément  roman  dans  le  pays  armoricain  colonisé  aux 
ye  qi  yje  siècles  par  les  Bretons,    la  langue  bretonne  n'est  en 
usage,  depuis  longtemps,  que  dans  les  départements   du  Finis- 
tère et  du  Morbihan  et   dans  le   tiers  occidental    de  celui  des 
Côtes-du-Nord,  autrement  dit  dans  les  anciens  diocèses  de  Léon, 
de  Tréguier,  de  Gornouaille  et  de  Vannes,  dont  les  noms  servent 
à  désigner   ses  quatre   dialectes.    On  ne  la   parle  plus   dans  les 
anciens  diocèses  de  Saint- Brieuc,  de  Saint-Malo  et  de  Dol  ;  et 
pourtant  cette  région,  qui  correspond  à  la  plus  grande  partie  de 
ce  que  fut  le  royaume  de  Domnonée,  présente  un  grand  nombre 
de  noms   de  lieu  d'origine  bretonne.   De  plus,  l'étude  attentive 
de  la  toponymie  révèle  des  traces  d'influence  bretonne  à  gauche 
de  la  Vilaine,  depuis  la  pointe  où  elle  reçoit  le  Samnon  jusqu'à 
la  mer,  et  sur  une  largeur  d'environ  vingt  kilomètres,  alors  que 
la  Vilaine  passe  pour  avoir  été,   vers  le   sud  et  le  sud-est,  la 
limite  du  pays  breton  antérieurement  au  ix^  siècle.    Ces  traces 
d'influence  bretonne,  on  ne  doit  pas  les  chercher  seulement  dans 
des  vocables  formés  à  l'aide  de  racines  bretonnes.  Entre  le  pays 
breton  de   l'époque  mérovingienne   et  le  pays  roman,   on   peut 
tracer  une  ligne  de  démarcation  en  considérant  comment  se  sont 
comportés   les  noms  de   lieu,   d'origine    gallo-romaine,    dont  la 
forme  primitive  présentait  la  finale  -iacus  :  dans  le  pays  roman 
qui    avoisine    la    Bretagne,    c'est-à-dire    vers    Hennés    et    vers 
Nantes,  aussi  bien  que   dans  le  Maine,  l'Anjou,  la  Touraine,   le 
Poitou,   -iacus  s'est    réduit  à  -c  (cf.    ci-dessus  n°^  279  et  209, 
228,  237)  ;  dans  la  région  où  la  race  bretonne  dominait  au  début 
du  moyen  âge,  il  est  devenu  -ac  (cf.  ci-dessus  n*>  284).  De  sorte 
que  les  noms  de  Nivillac  et  de   Trédillac  (Morbihan),  ainsi  que 
ceux  àWsscrac,  à' Avessac,  de  Crossac,  de  Dre/féac,  de  Fc(jrcac, 
d'Herhif/nac,  de  Marsac,  de  Massérac,  de  Missillac,  de  Piriac  et 
de  Sévcrac  (Loire-Inférieure),  appartenant  tous  à  des  paroisses 
de  l'ancien  diocèse  de  Nantes,  et  celui  de  Messac  (Ille-et-Vilaine) 
porté  par  une  paroisse  de  l'ancien  diocèse  de  Rennes,  ([ui  semble 


304  LES    NOMS     DE    LIEL' 

avoir  d'abord  appartenu  au  pays  nantais,  sont  des  indices  non 
équivoques  des  progrès  de  la  colonisation  bretonne  sur  la  rive 
gauche  de  la  Vilaine. 

1281.  Les  noms  de  lieu  d'origine  bretonne,  qui  sont  spéciale- 
ment envisagés  ici,  bien  que  tirant  leurs  éléments  du  langage 
parlé  par  une  population  étroitement  apparentée  aux  Gaulois, 
sont  fort  différents  des  noms  de  lieu  d'origine  gauloise  qui 
forment  l'une  des  parties  les  plus  anciennes  de  la  toponomas- 
tique  de  notre  pays.  D'une  manière  générale,  on  n'y  reconnaît 
aucun  de  ces  mots  celtiques  qui  ont  été  étudiés  plus  haut  :  dunos, 
duros,  hriga,  magos,  hriva,  rifos,  duhron,  nantos,  onna.  vera, 
nemetis.  En  revanche,  ils  renferment  un  certain  nombre  de  mots 
d  origine  latine  dont  les  Bretons  avaient  enrichi  leur  langue. 
D'ailleurs,  le  mode  de  formation  de  ces  noms  de  lieu  est  tout 
autre  :  tandis  que  dans  les  vieux  noms  de  lieu  gaulois  le  mot 
principal  est  employé  comme  élément  final,  ce  mot  occupe  la 
première  place  dans  les  noms  donnés  depuis  le  v**  siècle  aux 
localités  de  l'Armorique.  Aussi,  pour  grouper  ces  derniers  en 
vue  de  l'étude  qu  on  se  propose  ici,  doit-on  considérer  tout 
d'abord  leur  terme  initial.  Celui-ci  est  un  nom  commun  dési- 
gnant soit  une  circonscription  territoriale,  soit  un  lieu  habité, 
soit  un  site. 


LVllI 

NOMS     COMMUNS     DE     CIRCONSCRIPTIONS 

Ces  noms  seront  étudiés  selon  l'ordre  d'importance  des  cir- 
conscriptions qu  ils  désignent. 

BRO 

1282.  Ce  mot  breton,  signifiant  «  pays  »,  est  évidemment 
apparenté  à  la  désinence  du  nom  de  peuple  gaulois  Allobrog-es. 
En  Bretagne,  il  est  le  terme  initial  du  nom  que  les  nouveaux 
venus  donnèrent  au  territoire  de  \  an  nés,  à  la  civitas  Vene- 
tum.  où  leur  premier  prince  connu  fut  un  certain  Waroch,  et 
qu'ils  appelèrent  pour  cette  raison  Bro- Waroch,  c'est-à-dire 
«  pays  de  Waroch  »  :  vocable  traduit  parfois  par  le  latin  War- 
rocliia  ou  patria  Gueroci,  et  qui,  affaibli  depuis  en  Broërec, 
a  désig-né,  jusqu'au  xv'"  siècle,  une  des  sénéchaussées  ducales  de 
Bretagne,  et  jusqu'à  la  Révolution  l'unique  archidiaconé  du  dio- 
cèse de  Vannes. 

POU 

1283.  Le  nom  du  Broërec  parait  être  le  seul  exemple  qu  on 
puisse  citer  de  1  emploi,  dans  la  péninsule  armoricaine,  pour 
désigner  une  circonscription  territoriale,  du  mot  d'orig-ine  celtique 
hro.  Les  Bretons  établis  sur  le  continent  semblent  avoir  de  très 
bonne  heure  préféré  à  ce  mot  son  équivalent  latin  pagus.  dont 
ils  firent /)0f7,  et  qu'on  retrouve  dans  les  noms  de  quatre  anciens 
comtés  :  Poher,  Porhoët,  Poudouvre  et  Poulet. 

1284.  Le  Poher,  en  tant  que  comté  indépendant  du  comté  de 
Cornouaille,  remonterait  au  vi=  siècle,  si  l'on  en  croit  les  tradi- 
tions relatives  au  prince  Comorre  ;  il  devait  son  nom.  originai- 
rement Poucaer,  «  le  pays  de  Caer  ».  à  sa  capitale,  la  ville  de 
Carhaix  (Finistère),  qu'on  appelait  en  breton  Kaer-Ahès  '. 

1.  I^c  nom  (lu  Polic'i'  s'est  t'onservé  dans  le  surnom  liune  dos  com- 
munes du   canton  de  Carhaix,  (Hrdrn-I'nlipr. 

I.cs   nnim   ilc   Uni.  20 


306  LKS    NOMS    DE    LIEU 

1285.  Le  nom  de  Porhoët.  dont  le  nom  fut  a23pliqué  à  un  comté 
et  à  l'archidiaconé  méridional  du  diocèse  de  Saint-Malo,  apparaît 
au  xi*"  siècle  sous  la  forme  pagus  Trocoet,  traduite  parfois  par 
les  mots  pagus  trans  sylvam,  tro  ayant  le  sens  de  la  prépo- 
sition latine  trans,  et  koat  signifiant  «  forêt  »  (cf.  ci-après 
n°  1335)  ;  dès  859,  on  rencontre  la  forme  entièrement  bretonne 
Poutrecoët.  On  voit  que  le  Porhoët  était  à  lorig^ine  une  contrée 
naturelle. 

1286.  On  en  peut  dire  autant  du  Poudouvre,  pagus  Z)au(/oy/', 
«  le  pays  des  deux  rivières  »  ou  «  entre  deux  rivières  >/  :  dans 
le  breton  moderne  daou  désigne  le  nombre  «  deux  »  et  doiir  se 
traduit  par  ((  rivière  ».  La  forme  francisée  Poudouvre  a  servi  à 
dénommer  une  vicomte  féodale  et  un  archidiaconé  du  diocèse  de 
Saint-Malo. 

1287.  C'est  au  même  diocèse  qu'appartenait  le  Poulet,  en 
latin  pagus  Aleti,  et  en  langue  vulgaire  Poualet,  puis  Pouelet\ 
il  faut  entendre  par  là  le  pays  qui  dépendait  immédiatement  de 
la  ville  épiscopale  d'Alet  ;  celle-ci  fut  remplacée,  au  xii^  siècle, 
par  la  ville  nouvellement  construite  de  Saint-Malo. 

Des  quatre  noms  qui  précèdent,  le  premier  seul  s'applique  à 
une  contrée  où  l'on  parle  encore  le  breton  ;  les  trois  autres, 
appartenant  à  la  Bretagne  «  galle  »,  c'èst-à-dire  à  la  Bretagne 
aujourd'hui  de  langue  française,  se  sont  plus  ou  moins  altérés 
sous  l'influence  romane. 


PLOU 

1288.  Au-dessous  du  diocèse,  les  Bretons  de  la  péninsule 
armoricaine  reconnaissaient  le  plou.  Ce  mot,  qui  correspond  au 
gallois  phvif,  n'est  autre  chose  que  le  latin  plebs,  au  sens  de 
«  peuplade  »  :  chez,  les  Gallois  aussi  bien  que  chez  nos  Bretons, 
ses  diiïérentes  formes  désignaient  tout  à  la  fois  une  peuplade 
organisée,  une  paroisse  et  le  territoire  de  cette  paroisse.  On 
comprend  dès  lors  pourquoi  le  mot  /ilnii,  ou  l'une  de  ses  variantes, 
forme  h;  premier  terme  de  tant  de  noms  de  paroisses  en  Bre- 
tagne. .Vu  reste,  un  hagiographe  du  ix'  siècle,  rabl)é  de  Landé- 
vennec,  Cîurdestin,  rapporte  ainsi  l'origine  de  l'une  d'entre  elles, 
Ploufragan    (-oles-du-Nord)    :   "  Un  linmmc   illustre,  de    la   race 


(jRKiiiNEs  iiitirrô.NNLs  :   l'i.or  307 

des  rois  de  lîle  de  Bretaj,'ne,  Fracan,  aj^ant  ouï  dire  quil  j  avait 
encore,  en  Armorique,  des  forêts  où  l'on  pouvait  vivre  en  paix, 
monta  sur  un  vaisseau  avec  un  petit  nombre  des  siens,  et,  favorisé 
par  un  bon  vent  du  nord-ouest,  il  vint  prendre  terre  dans  la  baie 
de  Bréhec.  De  là,  longeant  le  rivage,  il  découvrit  un  terrain  d'une 
certaine  étendue,  et  comme  d'un  seul  tenant  (quasi  unius  pie- 
bis)  ;  des  bois  touffus  l'entouraient  de  tous  côtés,  et,  non  loin 
de  là  coulait  un  fleuve  nommé  San  guis.  Fracan  s'établit  avec 
sa  petite  tribu  sur  ce  territoire,  que  fertilisaient  les  eaux  de  la 
rivière  et  dont  le  climat  lui  otïrait  toute  sécurité  '  ». 

L'emploi  du  mot  plebs  pour  désigner  une  circonscription 
ecclésiastique  n'est  pas  exclusivement  breton.  Dans  les  textes  de 
certains  conciles  du  iv'"  siècle,  ce  mot  est  pris  au  sens  de  «  dio- 
cèse »,  et  cest  ainsi  que  l'évêque  de  Potenza  se  qualifie  episco- 
pus  plebis  Potentinae  au  vi®  concile  de  Garthage;  mais  cette 
acception,  qu'on  trouve  même  dans  un  diplôme  de  Charles  le 
Chauve,  pour  l'église  de  Paris,  ne  s'est  maintenue  dans  aucun 
pays  roman.  Tout  au  contraire,  le  mot  plebs,  au  sens  de 
«  paroisse  »,  n'est  pas  resté  seulement  dans  le  breton  plou  :  il  a 
aussi  produit  1  italien  pieve,  qu'on  retrouve  dans  la  toponymie  de 
l'Italie  et  de  la  Corse;  et  son  dérivé  plebanus  est  représenté 
par  l'italien  pievano  ou  piouano,  «  curé  ». 

1289.  Le  mot  breton  qui  représente  le  latin  plebs  paraît 
aujourd'hui  sous  une  demi-douzaine  de  formes  différentes  dans 
la  toponymie  de  la  Bretagne  :  la  plus  pure,  plou,  appartient 
exclusivement  aux  départements  du  Finistère,  du  Morbihan,  et  à 
la  partie  bretonnante  des  Côtes-du-Nord  ;  elle  cède  parfois  la 
place  à  plu  dans  le  Morbihan  et  les  Côtes-du-Nord,  à  plo  ou  ploe 
dans  le  Morbihan  ;  pieu,  qu'on  rencontre  dans  les  départements 
du  Morbihan,  des  Côtes-du-Nord  et  d'Ille-et-Vilaine,  est  fort  rare 
en  pays  bretonnant;  on  trouve  pley  dans  le  Finistère  ;  enfin  plé 
est  une  forme  francisée  depuis  plusieurs  siècles  qu  on  observe 
seulement  en  pays  gallo. 

1290.  Les  noms  de  lieu  bretons  présentant  comme  premiers 
termes  l'une  de  ces  formes  sont  relativement  nombreux  et  portés 
exclusivement  par  des  chefs-lieux  de  communes,  représentant 
d'ancii'nnes  paroisses.  On   en  compte    dans  le   l'inistère  57    siu" 

1.    Vila  S.   Winvuloei,  dans  Aiia.lecla  Bollundiana,  Vil  (1888),  177. 


308  LES    NU-MS    DE    LIEU 

284  ^  communes,  soit  le  cinquième  de  l'effectif  total  ;  dans  les 
Gôtes-du-Nord  70  sur  382,  soit  un  peu  plus  des  deux  onzièmes  ; 
dans  le  Morbihan  21  sur  237,  soit  presque  le  onzième  ;  dans  Ille- 
et- Vilaine  8  seulement,  appartenant  à  l'extrémité  occidentale  du 
département,  sur  350  ;  enfin  la  Loire-Inférieure  n'en  offre  qu'un, 
Plessé,  qui  confirme  le  fait,  entrevu  déjà  (n°  1280 1,  de  la  diffusion 
de  l'élément  breton  dans  la  partie  du  pays  nantais  qui  avoisine  la 
Vilaine.  On  le  voit,  il  y  a  de  ces  noms  dans  toutes  les  parties 
de  la  péninsule  armoricaine  qui  ont  reçu,  aux  v*'  et  vi"  siècles, 
des  colons  bretons  ;  par  contre  —  et  l'on  peut  juger  par  là  du 
caractère  régional  des  modes  de  dénomination  — phvif,  équiva- 
lent g-allois  de  ploii,  n'est  entré  dans  la  composition  d'aucun  des 
noms  de  lieu  de  la  Grande-Bretagne. 

L'exemple  de  Ploufragan,  cité  plus  haut  (n**  1288),  prouve  que 
plou  se  combine  avec  un  nom  d'homme,  et  c'est  là  incontesta- 
blement le  cas  le  plus  fréquent  ;  mais  il  peut  aussi  se  combiner 
avec  un  nom  —  propre  ou  commun  —  de  lieu ,  ou  avec  un 
adjectif. 

1291.  Il  se  combine  avec  un  nom  propre  de  lieu  dans  le  nom 
de  Plessé  (L.-L),  qu'un  acte  de  854  mentionne  ainsi  :  plebs 
que  vocatur  Sei  ;  le  nom  propre  Sei,  latinisé,  se  retrouve  dans 
un  texte  de  l'an  900  :  castrum  Seium. 

1292.  Comme  exemples  de  la  combinaison  de  plebs  avec  un 
nom  commun  de  lieu,  l'on  peut  citer  Plcchàlel^  Plogastel,  Ploii- 
gner\  Plrlun,  Ploulech,  Plounun/oar  et  Ploumoyuer, 

Pléchâtel  (I.-et-V.)  et  Plogastel  (F.)  sont  deux  formes, 
celle-ci  plus  bretonne,  celle-là  presque  française,  d'un  nom  dont 
le  thème  étymologique  est  Plebs  castelli,  «  la  paroisse  du 
château  »  ou  «  du  lieu  fortifié  ». 

Plouguer  (F.)  était,  avant  la  Révolution,  le  nom  de  la  circon- 
scription   paroissiale  de   la   ville  de    Carhaix,    et  son    nom,    ipii 

I.  (À'S  tliiiïi'fs  et  ceux  (|ui  suivciil  soiil  ceux  (juVMion(.iul  A.  Loiij,^noii, 
<lans  sa  leçon  du  3()avril  1891  au  Collège  de  Fiance.  Depuis  lors,  le  nombre 
des  coniniunes,  dans  les  divers  dé[)artemeiils  hrelons,  a  lérfèreuient  aug- 
menté; el  Ton  a  lieu  de  rappeler  à  celle  occasion  l'observation  formulée 
plus  haut,  p.  2'J.'{,  noie  1.  —  Par  analogie  avec  ce  que  nous  avons  fait  [joui- 
les  départements  de  la  Normandie  ^cf.  ci-dessus  p.  280,  noie  1  ',  nous 
désignerons,  dans  ceciiapitre  et  lesdeux  suivants,  ceux  de  la  Mi(>lague  par 
les  initiales  de  leurs  noms. 


ORIGINES    BRETONNES    '.    PLOU  309 

sigTiitie  <c  la  paroisse  de  la  ville  »,  a  pour  second  terme  le  mot 
breton  ker  (voir  ci-après  n'"'  1304  à  1309  i,  qu'on  rencontre  dans 
le  vocable  Poucaër,  aujourd'hui  Poher,  du  pagus,  du  comté 
dont  Carhaix  était  le  chef-lieu  (cf.  ci-dessus  n"  1284).  —  La 
transformation  de  kaer  ou  ker  engner  est  bien  conforme  à  l'usage 
breton  qui,  en  composition,  c'est-à-dire  à  l'intérieur  des  mots, 
adoucit  les  consonnes  initiales  ;  kasfell  s'est  transformé  de 
même  dans  Plogastol  (voir  en  outre  ci-après  n''  1296). 

Par  Plélan  (C.-du-N..  I.-et-^^^  il  faut  entendre  «  la  paroisse 
du  monastère  »  ou  «  du  lieu  consacré  »  (cf.  ci-après  n'"*  1312  à 
1316). 

Ploulec'h  (G.-du-\.),  se  traduit  en  latin  par  plebs  lapidum, 
«  la  paroisse  des  pierres  »,  llech  en  g^allois,  leach  en  breton 
armoricain,   signitiant  effectivement  ^  pierre  ». 

Ploumagoar  '  G.-du-N.  )  et  Ploumoguer  (Finistère)  représentent 
un  même  vocable  primitif  formé  de  deux  mots  empruntés  au 
latin,  et  dont  le  thème  étymologique  serait  plebs  maceriarum, 
«  la  paroisse  des  murailles  »,  allusion  probable  aux  vestiges  des 
constructions  antiques  que  les  Bretons  des  v*"  et  vi''  siècles  trou- 
vèrent dans  1  une  et  l'autre  de  ces  bourgades  (cf.  ci-dessus 
n°  1213  et  ci-après  n''  1342)  :  le  mot  latin  maceria  est  l'origine 
du  gallois  magiuyr  et  du  breton  armoricain  magoer  ou  moguer. 

1293.  La  combinaison  de  plebs  avec  un  adjectif  apparaît  dans 
Pleuhian,  Pleuineur,  Ploemeur,  Plounévez,  Plonévez. 

Pleubian  ((^.-du-N.)  se  traduisait  en  latin  par  plebs 
par  va  :  il  a  pour  second  terme  l'adjectif  breton  hi/ian,  qu'on 
trouve  aussi  dans  le  nom  du  golfe  du  Morbihan,  «  la  petite 
mer  ». 

Dans  Pleumeur  (C.-du-N.)  et  Plœmeur  (M.),  l'élément  final 
est  l'adjectif  meur,  «  grand  »,  dont  1  antique  forme  gauloise, 
maros,  termine  tant  de  noms  dhomme  d'origine  celtique. 

Par  Plounévez  (C.-du-N.)  et  Plonévez  (F.),  il  faut  entendre 
«  la  nouvelle  paroisse  »,   l'adjectif  nevez  signifiant  «  nouveau  ». 

1294.  On  voit  plebs  combiné  avec  un  nom  commun  de  per- 
sonne dans  Plogo/f  ei  Plescop. 

C'est  bien  à  tort  que  Plogoff  (F.)  a  sollicité  l'attention  de 
quelques  slavistes  ;  le  second  terme  de  ce  nom  se  rencontre  aussi 
dans  le  nom,  incidemment  cité  plus  haut  (n"  583)  de  Iharo/J'. 
Fin  breton  goffu  le  sens  de  k  foi-^eron  »  et  /^logn/f\  «la  paroisse 


310  LKS    NOMS     DK    LIKU 

du  forgeron  »,  est  apparenté  par  le  sens  à  Confavreux  (cf.  ci-des- 
sus, n"^  939  et  946),   Cortis  fabrorum. 

Plescop  (Morbihan),  bourg-  où  les  évêques  de  Vannes  avaient 
une  maison,  est  appelé  en  136o  Ploescoh  :  le  thème  étymologique 
est  Plebs  episcopi. 

1295.  Dans  les  noms  de  lieu  dont  le  premier  terme  répond  à 
plebs,  et  qui  ont  pour  second  terme  un  nom  d'homme,  celui-ci 
est  très  souvent  le  nom  même  du  saint  patron  de  l'égli.se  parois- 
siale du  lieu,  et  plus  d'une  fois  aussi  ce  patron  n'est  autre  que 
le  fondateur  du  plou,  car,  ainsi  que  l'a  établi  Arthur  de  La  Bor- 
derie,  les  moines  et  les  évêques  de  l'île  de  Bretagne  étaient  les 
véritables  chefs,  les  véritables  conducteurs  des  immigrants  bre- 
tons du  v*^  et  du  VI''  siècles,  et  «  il  n'est  pas  téméraire  d'affirmer 
qu'à  chaque  saint  qui  débarque  en  Armorique,  venant  de  la 
Grande-Bretagne,  c  est  une  nouvelle  bande  d'émigrés  qui 
débarque  avec  lui  ». 

1296.  Le  patron  de  l'église  de  Pléboulle  (C.-du-N.)  est  saint 
Paul,  ei  Pléhoutle  équivaut  à  Plebs  Pauli;  de  même  Ploubezre 
(C.-du-N.)  a  pour  thème  étymologique  Plebs  Pétri.  L'église 
de  Ploujean  (F.)  est  dédiée  à  saint  Jean-Baptiste  ;  celle  de  Plou- 
gras  (C.-du-N.)  est  placée  sous  l'invocation  de  la  Sainte  Croix, 
«  croix  »  se  disant  en  breton  kroaz. 

1297.  A  la  différence  de  ces  noms,  correspondant  à  des 
vocables  que  l'on  rencontre  dans  toute  la  chrétienté,  les  suivants 
sont  d'origine  plus  particulièrement  bretonne. 

Plouégat  (F.)  rappelle  le  souvenir  de  saint  Agapat,  vulgaire- 
ment saint  l*lgat  ;  Plouagat  (C.-du-N.)  a  sans  doute  la  même 
origine. 

Pleucadeuc  (M.),  Plebs  Cache,  en  82G,  présente  comme 
second  terme  un  nom  breton  bien  connu. 

Ploudaniel  (F.)  a  pour  patron  saint  Daniel,  évêtjue  hicton  au 
pays  de  Galles;  il  en  fut  sans  doute  jadis  de  même  de  Pleudaniel 
(C.-du-N.). 

Ploërmel  (M.),  en  H'.\:\  Plebs  ArfhnuicL  a  pour  patron  .saint 
.\i  iiicl. 

Plougoulm  (F.)  a  poui-  patron  le  saint  abbé  irlandais  (]oloni- 
bau,  dont  le  nom  bas-breton  doiihn  a  élé  modijié  en  composi- 
tion [)ai-  1  adoncisscnicnt  de  sa  consonne  initiale  (cf.  ci-dessus 
n"M292  cl  1296  . 


ORKilNKS    BRKTONNES    :    PLOf  311 

PlOUédern  (F.)  doit  son  nom  à  saint  Édern. 

L'ég-lise  de  Pluvigner  (M.)  —  Pleuguinner  en  1239,  Pleuvin- 
gner  en  1327  —  est  dédiée  à  saint  Eguigner  ou  Guégner,  qui 
vivait  au  vi*"  siècle. 

Plonéour  (F.)  est  appelé,  vers  le  x«  siècle,  Plebs  sancti 
Eneg-uorii  ;  les  deux  Plounéour  (F.)  ont  le  même  patron,  saint 
Enéour,  abbé. 

L'église  de  Plestin  (C.-du-N.)  a  pour  patron  saint  Gestin,  ana- 
chorète du  vi"  siècle. 

Celle  de  Plougonven  (F.)  est  aujourd'hui  dédiée  à  saint  Yves  ; 
mais  on  sait  que  le  culte  de  ce  saint,  qui  vivait  au  xiii*'  siècle, 
est  relativement  moderne  ;  et  c'est  presque  de  nos  jours  qu'à 
Plougonven,  il  a  été  substitué  à  celui  de  l'anachorète  saint  Gon- 
ven. 

Le  patron  de  Plouigneau  (F.)  est  saint  Igneau. 

Pluherlin  (M.),  en  833  Plebs  Huiernim  a  pour  second  terme 
un  nom  breton  qui  revêt,  au  ix"  siècle,  les  formes  Hoiarngen  et 
Hoiarnien,  et  qui  répondrait  à  un  nom  gaulois  Isarnogenos,  «  le 
fils  du  fer  <> . 

Plumaudan  (C.-du-N.)  a  pour  patron  saint  Maudan,  abbé. 

Ploumillian  (C.-du-N.)  et  Plumélian  (M.)  ont  leurs  églises 
dédiées  à  saint  Mélian, 

Plomelin  (F.)  a  aujourd'hui  pour  patron  saint  Mellon,  évêque 
de  Rouen  ;  mais  il  est  probable  que  le  culte  de  ce  bienheureux 
a  été  substitué  à  celui  d'un  saint  local  dont  on  ne  savait  plus 
rien,  et  avec  lequel  il  aura  été  confondu. 

Pluftlieux  (C.-du-N.)  a  pour  patron  saint  Mioch,  abbé,  vulgai- 
rement saint  Mieux. 

Plounérin  a  son  église  dédiée  à  saint  Nérin,  évêque. 

Plouzané  (F.  )  doit  la  seconde  partie  de  son  nom  à  saint  Sané, 
Sanaus,   évêque  irlandais  mort  vers  48d. 

TREF 

1298.  Le  mot  tref  ou  trev,  francisé  «  trêve  »,  représente  le 
latin  tribus.  A  travers  les  modifications  successives  de  sens  du 
moi  plou,  il  ne  cessa  pas  de  désigner  une  fraction  du  plou  bre- 
ton ;  par  rapport  au  plou  considéré  comme  le  bourg  chef-lieu  de 
la  paroisse,   la  tref  était  un  village  ;  par  rapport  au  plou  consi- 


312  LES    NOMS     DE    LIEU 

déré  comme  l'église  paroissiale,  la  tref  était  une  église  succur- 
sale. C  est  naturellement  au  sens  de  «  village  subalterne  d'un 
plou  »  que  le  mot  tref  figure  dans  les  chartes  des  premiers 
siècles  de  la  domination  bretonne  en  Armorique,  et  l'un  des 
exemples  les  plus  intéressants  qu'on  puisse  citer  à  cet  égard  se 
trouve  dans  le  cartulaire  de  Landévennec.  On  y  voit  qu'un  breton 
du  nom  d'Harthoc,  venu  doutre-mer  au  temps  où  le  roi  Grallon 
régrnait  sur  la  Cornouaille,  acheta  une  «  trêve  »  de  trente-deux 
villas,  dépendant  du  «  plou  »  de  Briec,  et  qui,  Harthoc  étant 
mort  sans  postérité,  passa,  désignée  sous  le  nom  de  Tref-Haj-- 
thoc,  au  roi  Grallon,  lequel  la  donna  à  saint  Guénolé,  c'est-à-dire 
au  monastère  de  Landévennec  ;  le  nom  que  la  «  trêve  »  avait  ainsi 
pris  de  son  propriétaire  lui  demeura  ;  et,  sous  la  forme  Trc- 
varzec,  en  construction  —  par  adoucissement  de  la  consonne 
initiale  —  -drévarzec,  il  forme  aujourd'hui  la  seconde  partie  du 
nom  Landrécarz-ec  —  c'est-à-dire  «  l'église  de  Tref-Harthoc  » 
—  porté  par  une  commune  voisine  de  Briec  (F.). 

1299.  Le  mot  tref  figure  aujourd'hui  le  plus  souvent  sous  la 
forme  Tre-  dans  les  noms  de  plus  de  soixante  communes  ; 
celles-ci  appartiennent  à  toutes  les  parties  du  territoire  breton 
d'avant  le  ix*"  siècle,  et  représentent  autant  de  «  trêves  »  qui, 
au  cours  du  moyen  âge,  ont  été  élevées  au  rang  de  paroisse. 
Mais  il  est  bien  plus  fréquent  dans  les  noms  des  localités  d'ordre 
inférieur  :  par  exemple  le  département  du  Morbihan,  à  côté  de 
trois  ou  quatre  communes  dont  le  nom  commence  par  Tre'-  ou 
Tref-,  comprend  environ  deux  cent  quarante  écarts  offrant  la 
même  particularité. 

1300.  Le  mot  tref  est  assez  fréquemment,  dans  la  toponymie 
bretonne,  combiné  avec  un  nom  propre  d'homme  ;  mais,  même 
parmi  ceux  des  noms  de  lieu  ainsi  constitués,  qui  désignent 
aujourd'hui  des  comr.iunes,  c'est-à-dire  d'anciennes  paroisses,  il 
en  i-st  peu  dans  lesquels  le  second  terme  i-eproduise  le  nom  du 
saint  patron  de  l'église  ;  on  peut  citer  toutefois,  comme  remplis- 
sant cette  condition,  Treffiagat  1"'.  ,  Treffléan  ^^L  ,  Tréflaouénan 
(F.j,  Tréméven  fC.-du-\.)  et  Tréouergat  F.j,  noms  portés  par 
des  bourgs  ayant  |)i)ur  [)atrons  respectifs  saint  Riagal,  anacho- 
rète breton  du  v''  siècle  ;  saint  Léon  ;  saint  Laouénan,  tlisciple 
de  saint  Tugdual  ;  saint  Méen,  Mevennus,  abbé,  (|ui  vivait  au 
VI'  siècle  ;  cl  saint  l^lrgal,  abbé. 


ORIGINES    riRK'l'ONXES    !     TRHF  313 

1301.  Tréflez  (F.),  qu'une  fort  ancienne  vie  de  saint  appelle 
Tribus  Lisiae,  el  Tréblavet  (M.),  présentant  comme  second 
terme  le  nom  du  Blavet,  fleuve  côtier  qui  se  jette  dans  l'Océan  à 
Port-Louis,  montrent  /rrf  en  combinaison  avec  un  nom  propre 
géographique. 

1302.  Dans  Trébras  (M.)  —  pour  Tref-braz,  «  le  grand  vil- 
lage »  —  Tréguen  (M.)  —  pour  Trcf-girenn,  «  le  village  blanc  » 
—  etTrémeur  (G.-du-N.,  F.)  —  pour  Tref-meur,  «  le  grand  vil- 
lage ')  —  le  second  terme  est  un  adjectif. 

1303.  Enlin  iref  peut  être  suivi  d'un  nom  commun  d'ordre 
topographique,  témoins  les  noms  Trébont  (M.),  «  le  village  du 
pont  .),  Trécouet  (M.),  le  Trécouet  (I.-et-V.),  Trégouet  (M.)  et 
Tréhouet(C.-du-N.),  variantes  de  Tref-coëf,  «  le  village  du  bois  ». 


LIX 


NOMS     COMMUNS     DE     LIEUX     HABITÉS 


KER 

1304.  Un  des  substantifs  bretons  qui  paraissent  le  plus  fré- 
quemment dans  les  noms  de  lieu  est  incontestablement  le  mot 
kej'.  Il  a,  dans  le  breton  moderne,  le  sens  de  «  maison  »,  et  l'on 
s'explique  par  là  pourquoi,  dans  toute  la  Bretagne,  il  est  le  terme 
initial  du  nom  de  plusieurs  milliers  d'écarts  et  d'une  quinzaine 
seulement  de  communes  ;  dans  le  seul  département  du  Morbihan 
la  proportion  est  de  4  à  2.000  environ. 

1305.  L'histoire  du  mot  ker  est  particulièrement  remarquable. 
Il  avait  à  Torigine  le  sens  de  «  ville  »,  de  «  lieu  retranché  »,  et  on 
le  considérait  comme  un  véritable  synonyme  du  latin  civitas. 
Ainsi  un  breton  insulaire,  Nennius,  qui  vivait  au  milieu  du 
IX'"  siècle,  l'écrit  cair  dans  la  liste  qu'il  donne,  au  chapitre  lxvii 
de  son  Eulogium  Britanniae  seu  Historia  Britonum,  des  cités  de 
l'île  de  Bretagne  :  il  y  nomme  York,  l'Eboracum  de  Romains, 
Cair  Ebroauc  ;  Londres,  Cair  Lundeji  ;  Gloucester,  Cair  Glovi  ; 
Cirencester,  Cair  Ceri  ;  Dorchester,  Cair  Dauri,  etc.  Le  mot 
cair  ne  paraît  pas  s'être  avili  dans  la  Bretagne  insulaire  ;  et  à  la 
fin  du  xii"  .siècle  encore  Giraud  le  Cambrien  le  traduisait  par 
urbs;  aussi  les  noms  de  lieu  dont  il  constitue  le  terme  initial 
sont-ils  peu  nombreux  en  Angleterre  ;  tels  sont  :  Caermarthen, 
réunis.sant  au  substantif  breton  kaer  le  nom  anti(jue  Maridu- 
num;  —  Carlisle  (Gumberland),  dont  le  second  terme  procède 
de  Lugiivallum,  nom  que  cette  ville  portait  sous  la  domination 
romaine  ;  —  Caerleon  (Monmouth),  qui  doit  .sans  doute  à  quelque 
poste  militaire  romain  ce  nom  de  «  ville  des  légions  »  pour  lequel 
elle  a  abandonné  celui  d'Isca  Silurum. 

1306.  I)ans  les  premiers  siècles  de  la  (h»mination  l)retoiine  en 
.\rtMori(iue,  le  mot  ker,  qui  paraît  dans  les  textes  sous  la  forme 
rhnpr  ou  carr,  a  aussi  le  sens  de  ((  ville  »,  et  c'est  ainsi  qu'il  a 
désigné  dès  cette  époque  deux  localités  (pii  ont  conservé  d'im- 
portants \('sliges  de  l'âge  romain  :   Cnrinii.r  t-l  /.orrn.iri.K/nrr. 


ORi(;i>Ks  iîRE'io.N>ii:s  :   kkr  315 

Carhaix  (F),  le  Vorgium  des  anciens,  se  dit  en  breton  Ker- 
Ahès  pour  Kaer-Ahès  ;  on  a  cru  reconnaître  dans  la  seconde  par- 
tie de  ce  nom  celui  d'une  princesse  bretonne,  qui  joue  dans  les 
traditions  du  pays  un  rôle  comparable  à  celui  de  la  reine  Bru- 
nehaut  dans  celles  de  nos  provinces  septentrionales  ;  mais  la  cri- 
tique moderne  voit  plutôt  dans  Ahes  le  nom  des  Osismii  (cf. 
ci-dessus  n°  398).  Carhaix,  au  début  de  la  domination  bretonne, 
était  simplement  appelé  Kaer,  «  la  ville  »,  d'où  les  noms  signa- 
lés plus  haut,  Plouguer  (n"  1292)  et  Poucaer^  aujourd'hui  Poher 
(n"  1284)  qui  ont  désigné  respectivement  la  circonscription 
paroissiale  de  Carhaix  et  le  comté  dont  cette  ville  fut  le  chef- 
lieu. 

Locmariaquer  (M.),  ancienne  ville  romaine  de  la  cité  de 
Vannes,  ne  fut  aussi  connue  tout  d'abord  des  Bretons  que  sous 
le  nom  de  Kaer,  et  la  mention  de  la  plebs  quae  vocatur 
Chaer,  qu'on  lit  dans  une  charte  de  856  environ,  prouve  que 
cette  localité  a  risqué  de  s'appeler  Plouguer,  comme  la  circon- 
scription paroissiale  de  Carhaix  ;  son  église,  dédiée  à  la  Vierge, 
lui  a  valu  le  nom  qu'elle  porte,  et  qui  signifie  «  Sainte-Marie  »  ou 
((  Notre-Dame  de  Ker  ». 

1307.  Mais  si,  dans  les  premiers  siècles  du  moyen  âge,  le 
breton  kaer  ou  ker  a  conservé  le  sens  du  latin  urbs  ou  castrum, 
il  l'a  bientôt  perdu  pour  celui  de  «  village  »,  voire  de  «  logis  », 
de  «  maison  ».  Il  a  suivi,  dans  cet  avilissement  de  sens,  une 
marche  tout  opposée  à  celle  du  mot  latin  villa,  le  français 
((  ville  '),  qui,  désignant  à  l'origine  une  ferme,  un  domaine 
rural,  a  pris  plus  tard  la  signification  de  «  village  »,  qu  il  con- 
serva durant  presque  tout  le  moyen  âge,  pour  devenir  enfin 
l'équivalent  du  latin  urbs  ou  civitas. 

1308.  C'est  le  sens  avili  de  «  village  »  ou  de  «  maison  »  que 
présente  le  mot  ker  dans  les  milliers  de  noms  de  lieu  des  dépar- 
tements du  Finistère,  du  Morbihan  et  des  Côtes-du-Nord  dont 
il  est  le  terme  initial,  car  ces  noms  sont,  en  général,  postérieurs 
aux  premiers  siècles  de  la  domination  bretonne.  Dans  la  partie 
orientale  du  département  des  Côtes-du-Nord,  où  l'usage  du 
breton  est  abandonné  depuis  longtemps,  et  dans  la  partie 
du  département  d'IUe-et-Vilaine,  qui  avait  revu  au  vT  siècle, 
des  colons  de  race  britannique,  il  existe  un  assez  grand 
nombre  de  noms  de  lieu  commençant  par  la  syllabe  car-  :  c  est 


316  LES    NOMS    Di:    LIEU 

là  une  forme  francisée  de  ker.  celle  qu'on  a  observée  dans  le  nom 
officiel  de  Carhaix.  Quelquefois  aussi,  dans  la  Bretagne  de  langue 
française,  ker-  est  noté  quer-,  mais  le  fait  est  peu  fréquent.  A  la 
cour  des  rois  de  France,  aux  xvi'^  et  xvii^  siècles,  on  en  usait  de 
même  à  l'éçard  des  noms  des  seigneurs  bretons  de  ces  localités. 
François  de  Kernevenoy.  gouverneur  du  duc  d'Anjou,  le  futur 
Henri  III,  n'était  connu  à  la  Cour  que  sous  le  nom  de  Carnava- 
let, et  ce  nom,  grâce  à  une  acquisition  faite  par  sa  veuve,  dans 
le  quartier  du  Marais,  à  Paris,  désigne  le  charmant  hôtel,  con- 
struit par  Du  Cerceau  et  orné  des  sculptures  de  Jean  Goujon, 
où  est  actuellement  installé  le  musée  historique  de  la  ville  de 
Paris.  Un  des  membres  de  la  famille  de  Kerhoent,  ayant  acquis, 
au  xviii''  siècle,  du  duc  de  Tallard,  la  seigneurie  de  Montoire  en 
Vendômois,  obtint  l'attribution  de  son  nom  patronymique  au 
chef-lieu  de  cette  seigneurie  :  Qiierhoent  demeura,  jusqu'à  la 
Révolution,  le  nom  officiel  de  Montoire. 

1309.  Il  serait  sans  intérêt  ici  de  disséquer  un  certain  nombre 
de  noms  de  lieu  bretons  commençant  par  Ker-  ou  par  Car-,  pour 
prouver  que  dans  ces  vocables  le  second  terme  est  le  plus  sou- 
vent un  nom  propre  de  personne,  parfois  un  nom  commun 
d'ordre  topographique  ou  un  adjectif  :  on  n'en  tirerait  rien  au 
sujet  de  l'histoire  de  la  colonisation  bretonne,  car  beaucoup  de 
ces  noms  sont  relativement  modernes,  tels,  par  exemple,  ceux 
qui  présentent  comme  élément  final  un  nom  de  baptême  de 
1  époque  féodale,  un  nom  de  baptême  d'origine  germanique  — 
Kerguillerme,  Kerroland,  Kerrobin,  Kerrichard  —  ou  mieux 
encore  un  nom  de  famille  français,  comme  Kerrousseau.  Ker- 
roussel,  Kerchevalier.  11  convient  seulement  d'observer  que  dans 
la  Bretagne  gallo,  ou  du  moins  dans  la  partie  de  cette  contrée  où 
le  français  s'est  substitué  au  breton,  une  grande  quantité  de  noms 
de  maisons  isolées  ou  de  hameaux  commencent  par  les  mots  la 
Ville,  accompagnés  du  nom  de  baptême  ou  du  nom  de  famille  de 
quelque  ancien  possesseur  :  la  Ville- André  (I.-et-V.,  M.),  la 
Ville-Artus  I.-et-\'.).  la  Ville-Aubert  iM.),  la  Ville-Baudoin 
(^.-du-N.;.  la  Ville  au-Boucher  l.-et-V.),  la  Ville-au-Marchand 
'l.-el-V.)  ;  dans  tous  ces  noms,  la  Ville  est  ré(ju  vah-nt  français 
du   breton  Ker. 


OKIGlMiS    IJRETONXES     :     GWIK  1317 

GWIK 

1310.  Ce  mot,  au  sens  de  «  bourg  »,  représente  le  latin 
vicus,  entré  dans  la  langue  bretonne  à  l'exemple  des  mots 
pagus,  plebs  et  tribus.  Girik  s'est  réduit  à  Gui-  dans  les 
noms  de  lieu  dont  il  constitue  le  membre  initial  :  Guichen 
(I.-et-V.),  Guiclan  (F.).  Guimiliau  iF.),  Guipavas  (F.;,  Guissény 
(F.),  et  peut-être  aussi  Guiprouvel  (F.),  Guipry  (I.-et-V.),  Guis- 
criflF  (M.)  ;  ces  noms  désignent  tous  d'anciennes  paroisses  bre- 
tonnes, parmi  les({uelles  deux  au  moins  avaient,  au  moyen  âge, 
un  second  nom,  synonyme  en  quelque  sorte  du  premier,  et  qui 
n'en  différait  que  par  la  substitution  de  plou  à  (/wik  :  Guiclan  se 
nommait  aussi  Ploelan,  et  Guipavas  Ploeavaz.  Par  contre,  Plou- 
gourvest  (F.)  s'est  appelé  Guicourrest  ;  et  dans  l'ancien  diocèse 
de  Saint-Pol-de-Léon,  auquel  appartenaient  Guiclan,  Guipavas 
et  Plougourvest,  on  a  souvent  désigné  sous  les  noms  de  Guital- 
mezeaii  et  Guikerneau  les  chefs-lieux  des  paroisses  de  Ploudal- 
mézeau  et  de  Plouguerneau  (F.).  Il  est  à  remarquer  que  les 
églises  de  Guimiliau  et  de  Guissény  ont  pour  patrons  respectifs 
saint  Méliau,  prince  breton,  et  saint  Seny,  évêque  d  origine 
irlandaise,  et  l'on  a  là  une  preuve  de  plus  de  l'analogie  qu'il  y  a 
dans  la  toponymie  au  moins  de  l'ancien  diocèse  de  Léon,  entre 
l'usage  àegwik  et  celui  de  plou,  le  premier  de  ces  mots  désignant 
proprement  le  bourg  paroissial,  et  le  second  la  circonscription 
tout  entière. 

1311.  Un  exemple  de  combinaison  de  gwick  avec  un  adjectif 
—  dans  l'espèce  e«,  qui  signifie  «  vieux  »  —  est  fourni  par 
Guichen,  «   le  vieux  bourg  ». 

LAN 

1312.  Les  noms  de  lieu  ayant  lan  pour  premier  terme  ne  sont 
pas  spéciaux  à  la  Bretagne  armoricaine.  Dans  les  contrées  de  la 
Bretagne  insulaire  qui  ont  conservé  une  toponymie  bretonne  — 
pays  de  Galles,  Cornouailles,  île  d'Anglesey  —  on  ne  compte 
pas  moins  de  440  noms  commençant  par  le  mot  gallois  ou  cor- 
nique  llan.  Celui-ci  avait  le  sens'd'  «  église  »,  attesté  au  x''  siècle, 
dans  les  lois  du  prince  de  Galles,  Hoël  le  Bon  —  cglicijs,  alias 
llan  —   et  au  xii^  [)ar  Giraud  de  Barry,  auteur  de  Y irmcruriiuti 


318 


LES   .NOMS    DE    LIEC 


Cambriae  et  de  la  Descriptio  Cariibriae,  qui  atteste  que  lan 
locus  ecclesiasticus  sonat,  et  traduit  les  noms  de  lieu 
Lavanan,  Landevi,  Lai\du,  Lanmeir  et  Lanpadern  Maur  par 
Ecclesia  S.  Avani,  Ecclesia  David,  Ecclesia  Dei,  Eccle- 
sia  Mariae,  Ecclesia  Pateriii  Magni,  et  celui  de  Landaph 
par  Ecclesia  sita  super  Taph  fluvium.  Il  ne  peut  donc  y 
avoir  doute  sur  la  signification  du  terme  initial  Lan-  des  noms  de 
lieu  de  la  Bretagne  armoricaine,  et  à  les  examiner,  on  voit  bien 
qu'ils  sont  étroitement  apparentés  aux  noms  de  lieu  gallois  cités 
par  Giraud  le  Gambrien,  lesquels  font  partie  d'un  groupe  très 
nombreux. 

On  ne  compte  pas  moins  dune  soixantaine  de  communes  de 
la  péninsule  armoricaine  dont  le  nom  commence  par  Lan-. 

1313.  L'une  d'elles,  à  l'exemple  de  la  ville  archiépiscopale  de 
Landaff,  au  pays  de  Galles  (cf.  ci-dessus  n°  1312),  renferme 
dans  son  nom  celui  de  la  rivière  qui  l'arrose  :  c'est  Lanleff  \C>.- 
du-N.),  sur  le  Leiî,  affluent  du  Trieux. 

1314.  Lan-  est  suivi  d'un  adjectif  dans  Lanmeur  (F.,  M.), 
«  la  grande  église  »  et  Lannevez  (G.-du-N.,  F.),  «  la  nouvelle 
église  '). 

1315.  On  a  vu  dans  Landrévarzec  i^cf.  ci-dessus  n"  1298)  la 
combinaison  de  lan  avec  le  nom  primitif  du  lieu. 

1316.  Mais  dans  la  majeure  partie  des  cas,  lan  a  pour  déter- 
minatif  le  nom  du  saint  auquel  est  dédié  le  sanctuaire  du  lieu  ; 
la  consonne  initiale  de  ce  déterminatif  s'adoucit  le  plus  souvent, 
quand  il  commence  par  une  labiale  (cf.  n"*  1296,  Pléhczre  et  Plé- 
boulle),  une  gutturale  (cf.  n"  1292,  Plouguer)  ou  une  dentale 
(cf.   n"  1298,   Landrévarzec). 

Laraballe  G.-du-N.)  et  Lampaul  i(>.-du-N.,  F.),  doivent  se 
traduire  par  u  église  de  saint  Paul  >■. 

Landeleau  F.)  a  son  église  dédiée  à  saint  Theliau,  Thelia- 
vus. 

Celle  de  Landemeau  ^F.)  est  sous  l'invocation  de  saint  Ternoc, 
évêquc,  fils  du  roi  bieton  Judicaol,  contemporain  de  Dago- 
bert  I''. 

Landivisiau  (F.),  Lanloup  fG.-du-X.  ,  Lanildut  (F.),  Lanmo- 
dez  'G.-du-X.).  Lannédern  F.i.  Lanriec  'F.),  Lanrivoaré  iF.), 
Lanvollon  G.-du-X.^  ont  (»u  ont  eu  pour-  jjatrons  res[KH-tifs  saint 
Thivisiau,   saint  Loup,   saint    Ildul,    abbé,    saint    Maudez,  abbé, 


OltlGINES     BRETONNES    :    LAX  319 

saint  Edern,  solitaire,  saint  Riec,  disciple  de  saint  Gnénolé, 
saint  Rivoaré,  prêtre  breton,  oncle  de  saint  Henri,  et  saint  Vol- 
Ion,  abbé. 

LOK 

1317.  On  peut  être  de  prime  abord  porté  à  rattacher  au  mot 
loch,  qui  appartient  au  breton  armoricain  et  au  g^allois,  avec  le 
sens  de  «  cabane  »  ou  de  «  log-e  >'  le  membre  initial  —  lok  ou  lo 

—  d'assez   nombreux  noms   de  lieu  de  la  Bretagne  armoricaine 

—  le  pays  de  Galles  ne  possède  pas  de  noms  analogues  —  et, 
comme  ce  mot  lok  y  précède  généralement  un  nom  de  saint  bre- 
ton, on  a  pu  croire  qu'il  servait  à  désigner  les  retraites  que  de 
pieux  ermites  ou  autres  saints  personnages  s'étaient  choisies 
dans  des  localités  éloignées  des  centres  habités.  Mais  le  nom 
assez  répandu  de  LociDaria  (C.-du-N.,  F.,  M.),  désignant  des 
localités  possédant  un  sanctuaire  dédiée  à  la  Vierge  Marie,  ne 
se  prête  pas  à  cette  explication  :  on  songe  alors  à  reconnaître 
dans  lok  le  mot  latin  locus,  passé  dans  la  langue  bretonne  avec 
le  sens  restreint  de  «  lieu  saint  »,  de  «  lieu  consacré  »  ;  conjec- 
ture à  laquelle  est  loin  de  s'opposer  le  nom  Locminé  (M.),  dont 
la  forme  primitive,  Loch-Menech  en  1108,  présente  comme 
déterminatif  le  breton  menech,  forme  plurielle  de  nianach, 
«  moine  »  ;  en  etfet,  ce  vocable,  qu'on  rend  assez  exactement 
dans  les  chartes  du  moyen  âge  par  Locus  monachorum,  est 
dû  à  un  monastère  qui  remonte,  paraît-il.  au  vin^  siècle. 

1318.  La  consonne  finale  de  lok  persiste  dans  Loc-Brévalaire 
(F.),  Loc-Éguiner  (F.),  Locmalo  (M.),  Locronan  (F.),  Loctudy 
(F.),  noms  désignant  des  paroisses  qui  ont  ou  qui  avaient 
à  l'origine  pour  patrons  saint  Brandwalader,  abbé,  saint  Egui- 
ner,  martyr,  saint  Malo,  évêque,  saint  Renan,  ermite,  et  saint 
Tudy,  abbé. 

1319.  Cette  finale  se  confond  presque  complètement  parfois 
avec  l'initiale  du  nom  du  saint  patron,  ([uand  cette  initiale  est 
un  r/  :  Locoal  (M.),  Locus  Guduali;  —  Locqueltas  (M.),  dont 
l'église  est  dédiée  au  fameux  saint  Gildas,  GiieUas  en  breton 
armoricain  ;  —  Locquirec  (F.),  qui  a  pour  patron  saint  Guerec. 
Warochus;  —  Locquénolé  (F.)  et  Locunolé  (F.),  dont  l'épo- 
nyme  est  saint  Guénolé,  Win^A  aloeus,  premier  abbé  de  Lan- 
dévennc'c. 


320 


LES    NOMS    VE    LIEU 


1320.  L'assourdissement  total  du  A-  de  lok  se  constate  dans  les 
noms  Loperhet  F..  M.),  Lohuec  iC.-du-N.  ,  Loperec  (F.)  et 
Lothey  F.  ,  dus  au  culte  de  sainte  Brigitte,  en  breton  Berhet^ 
de  saint  Josse,  Judocus,  de  saint  Perec,  Petrocus,  de  saint 
Thei.  Taicus. 

1321.  Enfin  lok.  assourdi  en  la.  s'écrit  lau  dans  Laurenan 
(C.-du-N. ,,  nom  d'une  paroisse  de  langue  française  dont  le  patron 
primitif  était  saint  Renan,  remplacé  aujourd  hui  par  l'évêque 
d'Angers,  saint  René. 


ILIZ 


1322.  Le  mot  breton  iliz^  équivalent  du  gallois  e^/îrî/s,  repré- 
sente visiblement  le  latin  ecclesia  \^ci.  ci-dessus,  n"  1312). 
Beaucoup  moins  employé  que  lan.  il  apparaît  surtout  dans  le 
nom  de  lieu  dit  Goz-Ilis  ou  Goh-Ilis.  «  la  vieille  église  »,  nom 
relativement  moderne  appliqué,  parait-il.  k  des  endroits  possé- 
dant des  substructions  romaines,  que  les  paysans  ont  pris  pour 
des  restes  d'édifices  religieux. 

Bodilis  F.)  signifie  u  le  buisson  de  l'église  »  ;  Brennilis  (F.), 
((  la  butte  de  l'église  »  ;  Kerillis  (C.-du-N.),  «  la  maison  de 
l'église  »  ;  une  variante  de  ce  dernier  nom  est  formée  par  Ker- 
nilis  (F.)  —  où  Yn  joue  le  rôle  de  la  préposition  «  de  »  — 
vocable  assez  ancien  pour  qu'on  ait  lieu  d'en  interpréter  le  terme 
initial  par  "  village  »  plutôt  que  par  «  maison  ». 


KASTELL 

1323.  Le  mot  breton  Âas/e//  n'est  autre  que  le  latin  castellum, 
avec  les  diverses  acceptions  qu'a  reçues  le  mot  français  château 
dans  la  langue  du  moyen  âge.  U  désigne  parfois  quelque  retran- 
chement, voire  même  quelque  ancienne  ville  fermée,  comme 
dans  le  nom  Coz-Castell-Ach.  porté  en  Plouguerneau  (F.)  par  des 
ruines  qui  passent  pour  être  celles  de  l'ancienne  capitale  des 
Osisrnii  cf.  ci-dessus,  n"  398),  et  dans  les  noms  Plogastel  et 
Plougastel  (F.j,  qu'on  a  traduits  par  Plebs  castelli. 

1324.  Ainsi  qu'on  l'a  vu  'U"  1292),  ces  derniers  noms  ont 
pour    variante,    en    Bretagne    de    langue     française,    Pléchâtel 


()hi(um;s  Br,ETON>'Es   :   kastull  321 

(I.-et-V.).  Un  autre  dérivé  de  kaslelL  qui  a  été  complètement 
francisé,  est  Châteaulin  (F.),  jadis  Castelnin  :  on  ignore  ce  que 
sig-nifiait  le  déterminatif  ~nin. 

1325.  Dans  Châtelaudren  (G.-du-N.),  le  second  terme  est  un 
nom  d'iiomme  breton,  assez  répandu  encore  comme  nom  de 
famille. 

1326.  Gastennec  (^î.)  est  appelé  en   1066  Gastellum  Noec. 

LIS 

1327.  Le  nom  lis.  qui  subsiste  en  g-allois  sous  la  forme  llys, 
en  breton  armoricain  sous  la  forme  lez,  est  un  synonyme  du 
latin  aula  et  du  bas-latin  cortis,  et  comme  ces  deux  mots,  il  a 
eu,  à  la  fois,  les  deux  sens  de  notre  mot  «  cour  »,  celui  de  cour 
d'un  prince  ou  d'un  seigneur  —  qui  en  fait  comme  un  synonyme 
de  «  château  »  —  et  celui  de  cour  d'une  maison.  C'est  en  son- 
geant à  ce  dernier  sens  qu'un  glossateur  du  x**  ou  du  xi**  siècle  le 
donne  comme  équivalent  de  siccatorium,  «  séchoir  ».  Mais 
avant  cette  époque,  et  dès  le  ix'^  siècle,  notamment  dans  les 
chartes  de  l'abbaye  de  Redon,  lis  est  le  terme  initial  de  noms 
propres  désignant  un  certain  nombre  de  demeures  seigneuriales, 
comme  Lishedu  ou  Lisuedu,  Liscoet,  Lisfaii,  Lisfavin,  JJsnou- 
vid,  Lispraf,  Lisrannac,  Lisros,  Lisicern,  qui  doivent  se  traduire 
par  «  la  cour  du  bouleau  »,  «  la  cour  du  bois  »,  «  la  cour  du 
hêtre  »,  c  la  cour  des  hêtres  »,  «  la  cour  neuve  »,  «  la  cour  du 
pré  »,  ((  la  cour  de  Renac  »  —  Renac  est  un  bourg  voisin  de 
Redon —  «  la  cour  du  tertre  »  et  «  la  cour  de  l'aune  »,  et  dont 
certains  ont  des  homonymes  dans  la  nomenclature  topographique 
du  Morbihan  :  Liscoet  est  à  rapprocher  de  LesCOët  et  de  Les- 
COUet,  LisnoLivid  de  Lesnevé.  Le  nom  de  Lescouet  est  aussi 
porté  par  deux  communes  des  Côtes-du-Nord.  Lesneven  (F.)  et 
Lescastel  (M.)  peuvent  être  cités  comme  appartenant  à  la  même 
famille. 

KEMENET 

1328.  Le  vieux  mot  breton  kemenet,  apparenté  au  nom  com- 
mun breton  kemenn,  «  mandement  »  ou  «  ordonnance  »,  et  au 
verbe   kemenna,  «    commander   »,   est  traduit   dans  les   chartes 

Les  iinins  de  lieu.  21 


322 


LES    NOMS    DE    LIEU 


latines  du  moyen  àg'e  par  le  mot  commendatio,  exprimant 
bien  le  sens  de  «  fief  »  ou  de  «  bénéfice  »,  qu'il  paraît  avoir  eu. 
Le  nom  Komenei-Illy,  dont  le  second  terme  est  un  nom  propre 
de  lieu,  désignait  un  des  archidiaconés  du  diocèse  de  Léon  : 
l'auteur  de  la  Vie  de  saint  Judicaël  le  traduit  par  Commenda- 
tio m.  Aujourd'hui  Kcmcnet  se  retrouve  dans  Guémené  (L.-L, 
M.),  et,  en  composition  dans  Quéménéven  {¥.). 


I 


LX 

NOMS     COMMUNS     DE     SITES 
ABER 

1329.  Le  mot  aber,  que  les  lexicographes  bretons  traduisent 
par  «  havre  »,  ne  s'entendait  à  l'origine  que  de  l'embouchure 
d'une  rivière,  et  non  pas  seulement  d'une  embouchure  mari- 
time, mais  aussi  du  confluent  de  deux  rivières.  Ce  sens  pri- 
mitif est  attesté,  à  la  fin  du  xii®  siècle,  en  ce  qui  concerne  le 
gallois,  par  Giraud  de  Barry,  qui  nous  apprend  quAherhotheni, 
alors  chef-lieu  d'une  province  du  pays  de  Galles,  était  situé  ubi 
rivus  Hotheni  in  aquam  Oschee  devolvitur,  car  ajoute- 
t-il,  aher  lingua  britannica  dicitur  locus  omnis  ubi 
fluvius  in  fluvium  cadit.  Rien  ne  prouve  toutefois  que,  sur 
le  continent  aber  ait  désigné  le  confluent  de  deux  rivières;  il  est 
possible  qu'on  l'ait  réduit  de  bonne  heure  à  n'indiquer,  que  le 
point  où  un  covirs  d'eau  tombe  dans  la  mer.  Le  breton  armoricain 
emploie  en  eflet  un  autre  mot  (cf.  ci-après,  n"  1333)  pour  exprimer 
ridée  de  «  confluent  »,  et  en  Bretagne  le  mot  aber  ne  paraît  pas 
se  rencontrer  ailleurs  que  vers  le  littoral.  Les  réperioires  géo- 
graphiques les  plus  complets  concernant  la  France  ne  présentent 
que  (juatre  vocables  le  renfermant  :  Aber,  Aber-Benoit,  Aber- 
Iltud  et  Aber-Vrac'h.  Ces  noms  sont  portés  par  quatre  fleuves 
côtiers  du  Finistère  ;  mais  à  l'origine  chacun  d'eux  désignait 
proprement  la  localité  située  à  l'embouchure  du  cours  d'eau, 
comme  on  le  reconnaît  à  l'existence  des  petits  ports  d'Aber- 
Benoit  et  d'Aber-  Vrac  h. 

BOT 

1330.  Le  mot  bot,  aujourd'hui  bod,  au  sens  de  «  buisson  », 
de  u  touffe  d'arbres  ou  de  plantes  »,  a  contribué,  dès  le  ix''  siècle 
—  on  le  voit  par  le  cartulaire  de  Redon  —  k  former  des  noms  de 
lieu  en] Bretagne.  Il  existe  à  l'heure  actuelle,  commençant  par 
Bod-,  un  nom  de  commune  —  Bodilis  (cf.^ci-dessus,  n"  1322)  et 


32i  LES    >OMS    DE     LIEU 

beaucoup  de  noms  d'écart,  surtout  dans  le  Morbihan  :  Bodaval, 
«  le  buisson  de  pommiers  »  ;  Bodelven,  hameau  sis  en  Elven, 
Bod-er-Guen.  «  le  buisson  du  nommé  Le  Blanc  »,  Boderbihan. 
«  le  buisson  du  nommé  Le  Petit  »,  Bodermoël.  «  le  buisson  du 
nommé  Le  Chauve  »,  etc. 

1331.  Bod  a  pour  synonyme  hoden  :  le  Bodan  (M.);  par  le 
Bodanic  (M.),  il  faut  entendre  «  le  petit  buisson  ». 

BREN 

1332.  Ce  mot,  au  sens  de  c  colline  »  ou  «  butte  -'.  se  reconnaît 
dans  Brennilis  (cf.  ci-dessus,  n"  1322;  et  dans  Brénédan  (M.)  ; 
le  nom  de  cette  dernière  localité  s'écrit  en  1447  Brannadan, 
d  où  Ion  peut  conclure  que  hren  avait  à  l'origine  deux  n. 

KEMBER 

1333.  Le  mot  keniber  est  l'équivalent  du  latin  confluentes 
[ken  =  eu  m  et  hera  ==  fluere).  Il  se  présente  dans  la  topom'- 
mie  bretonne  sous  la  forme  kemper,  au  k  initial  duquel  on  sub- 
stitue d'ordinaire  aujourd'hui  le  groupe  qu.  Quimper  (F.)  est  au 
confluent  de  l'Odet  et  du  Steyr  ;  on  le  distingue  de  ses  homo- 
nymes en  l'appelant  Quimper-Coreniin,  du  nom  de  son  patron 
saint  Corentin.  le  premier  évêque  de  Cornouaille.  Le  surnom  de 
Queraper-Gf/ere/utfic  (C.-du-X.),  au  confluent  du  Trieux  et  du 
Leir,  est  également  un  nom  d'homme,  Guethenocus  en  latin  du 
moyen  âge.  Quimperlé  (F.  i,  primitivement  Keinpcr-Ellé,  est  au 
confluent  de  l'IsoUe  et  de  l'Ellé;  et  Quemperven  C.-du-N.)  à 
celui  de  deux  ruisseaux  dont  les  eaux  vont  ensuite  grossir  le 
r.tiindv.  Il  existe  dans  le  Morbihan  deux  villages  dénonmiés 
Camper  et  le  Camper. 

KENECH 

1334.  L<'  vieux  mot  koncch,  au  sens  de  «  tertre  »,  de  «  sommet 
dune  colline  »  (^st  en  breton  moderne  krcc'/i,  krrac'h,  et  même 
ner'fi^  selon  les  dialectes.  Il  subsiste,  sous  une  forme  conservant 
Vu  primitive,  dans  Quillipily  (M.),  en  1441  Quencchhili,  Quéné- 
colet    M.  ,  en   \'t'M)  (jiirnrr/Hfolorf,  Quénépozan  (M.),  en  1422 

QnciH'/h/irnsa/i . 


ORIGINES    BKKTONNES    :    KO  AT  325 

KO  A  T 

1335.  Le  mot  breton  lioat,  au  sens  de  «  bois  »,  qui  repré- 
sente un  vieux  mot  gaulois,  ketos,  existant  dans  le  nom  Letoce- 
tum  d'une  localité  antique  de  l'île  de  Bretagne,  est  extrêmement 
fréquent  dans  la  toponymie  bretonne  sous  les  formes  coat,  coët^ 
couëi.  Il  figure  dans  les  noms  d'une  quantité  innombrable  de 
menues  localités,  d'écarts,  et  aussi  dans  quelques  noms  de  com- 
mune :  Coatascorn  (C.-du-N.),  Goat-Méal  (F.),  Coatreven, 
Coëtlogon,  Coëtmieux  (G.-du-N.)  ;  cette  dernière  localité  doit  la 
seconde  partie  de  son  nom  au  patron  de  son  ég"lise  paroissiale  — 
saint  Mieux,  Miocus  —  qui  est  ég-alement  celui  de  l'église  de 
Plumieux  (C.-du-N.),  Plebs  Mioci. 

1336.  Aoa/ joue  aussi  le  rôle  de  déterminatif  dans  bon  nombre 
de  noms  de  lieu  dont  il  constitue,  en  conséquence,  le  second 
teîme  ;  alors  il  est  assez  fréquemment  adouci  en  goët  et  même  en 
hoct  :  Huelgoat  (F.),  «  le  haut  bois,  le  bois  élevé  »  ;  Kergoat, 
Kergouet,  Kerhoat,  Kerhouat  (M.),  «  la  maison  du  bois  »  ; 
Lescouet  (C.-du-N.,  M.),  «  la  cour  du  bois  »  ;  Porhoët,  nom  de 
contrée  dont  le  sens  a  été  expliqué  déjà  (n°  1285)  ;  —  Penhoat, 
Penhoët,  Penhouet  (M.)  ;  —  Talhoët, Talhouet  (M.) ;  —  Toul-an- 
Goat  (F.),  Toulgoët,  Toulgouet,  Toulhoat,  Toulhoët,  Toulhouet 
(M.),  «  la  cavité  du  bois  ».  Le  château  de  Penhoat,  en  Plœmeur 
(M.),  était  le  siège  dune  seigneurie  dite  vulgairement  Chef-du- 
Bois  ;  cette  appellation,  qui  ne  fait  que  traduire  Penhoat,  indique 
la  situation  du  lieu  à  la  «  tête  »,  à  la  lisière  du  bois  ;  Talhoët 
et    Talhouet  ont  à  peu  près  le  même  sens. 

1337.  On  se  gardera  d'apparenter  aux  noms  qui  précèdent  le 
surnom  de  Saint-Hilaire-du-//arcoî?e^  (Manche),  dans  lequel  on 
serait  tenté  de  voir  un  témoignage  de  l'occupation  bretonne  au 
delà  du  Couesnon  ;  en  réalité,  Harcouet  est  une  altération  de 
Hascou,  H  a  seul  fus,  nom  du  personnage  qui  possédait  la  terre 
de  Saint-Hilaire  au  xi^  siècle. 

A'OA^A' 

1338.  Le  mot  konk,  «  angle,  coin  »,  constituait  le  nom  de 
deux  localités  maritimes  du  département  du  Finistère,  situées 
l'une  et  l'autre  à  des  pointes  de  terre,  à  des  sortes  de  caps.  Le 
nom  de   la  moins  inqjortanle,   le   Conquet,  se  distingue  par  une 


326  LES    NOMS    DE    LIEU 

terminaison    diminutive.    L'autre,     située   en   Cornouaille,    est, 
pour   ce  motif,  appelée   en  breton  Konk  Kernaiv,  d'où  Concar- 

neau. 

DOUR 

1339.  Le  mot  breton  dour,  «  eau  »,  qui  reproduit  le  gaulois 
dubron  (cf.  ci-dessus,  n°  105),  paraît  dans  le  nom  Dourdu  ou 
Dordu,  porté  par  une  rivière  du  Morbihan,  et  dont  le  second  élé- 
ment sig-nifie  «  noir  »,  ce  qui  fait  de  ce  nom  l'équivalent  de  Noi- 
reau  (n°  1156).  Dourduff  (F.)  a  sans  doute  le  même  sens,  tandis 
que  par  Dourguen  (M.),  il  faut  entendre  «  eau  blanche  ». 

1340.  Le  nom  du  Poudouvre  qui  résulte,  on  l'a  vu  (n*^  1286), 
d'une  forte  altération  de  1  expression  pag-us  Daudovr.,  «  pays  des 
deux  rivières  »,  conserve  du  moins  trace  de  la  ïorme  diivr,  inter- 
niédiaire  entre  dubron  et  dour. 

ENIS 

1341.  Le  mot  enis,  «  île  »  qui  revêt  dans  le  breton  moderne 
la  forme  enez.  s'est  mieux  conservé  dans  le  nom  de  Gavrinnis, 
«  l'île  aux  chèvres  »,  île  du  golfe  du  Morbihan  qu'a  rendue 
fameuse  un  monument  mégalithique  avec  sculptures, 

MACOER,  MAGOER 

1342.  Macoer  ou  magoer,  en  bas-breton  mof/uer.,  représente  le 
latin  maceria,  et  s'applique  généralement  h  des  vestiges  de 
l'époque  romaine.  On  le  reconnaît  dans  Magoar  (C.-du-N.), 
Magouer  (M.i,  Ploumagoar  et  Ploumoguer  (cf.  ci-dessus, 
n"  1292  .  Coët-Magouer  (M.),  Magoro,  Magouero,  Maguero, 
Mangoro,  Manguéro,  le  Manguéro  (M.),  ainsi  que  dans  le 
Magouérec  (M.),  qui  représente  une  forme  adjective. 

MA  EN 

1343.  Le  mot  niarn,  aujourd'hui  rnr/ij  «  pierre  »  est  K'  terme 
iiiilial  d'un  grand  nombre  de  noms  de  lieu  bretons,  nnlamment 
dans  lej\l(»rbiliaii  :  Men-Bihan,  «  la  pclilt'  pierre  »,  Mendu,  «  la 
pierre  noire  »,  Mengouet,  "  la  pierre  du  boi.s  »,  Menguen,  »  la 
pierre  blanche  ",  Menhir,  -<  la  |)it'ri-t'  longue  »  ;  on  sait  (pie  le 
nom  coiiiiinin  incitlnr  (h'signc  une  picric  liclu'c  en  teri'e. 


ORIGINES    BKETONNKS    !    MEXEZ  327 

MENÉ,  MENEZ     ' 

1344.  Ce  mot,  au  sens  de  «  montag-ne  »,  est  très  fréquent  dans 
la  nomenclature  géographique  de  la  Bretagne.  Par  une  sorte  de 
tautologie,  la  carte  de  Cassini  appelle  «  montagnes  du  Mené  » 
une  chaîne  importante  de  ce  pays  :  les  ingénieurs  employés  par 
Cassini  ont  pris  pour  un  nom  propre  le  mot  du  langage  courant 
que  les  populations  appliquaient  à  cette  chaîne.  Ce  mot  se 
reconnaît  dans  le  Mené  'C.-du-N.,  M.),  Ménéguen  (M.),  «  la 
montagne  blanche  »,  Ménémeur  (M.),  «  la  grande  montao^ne 
Ménégoff,  "  la  montagne  du  forgeron  '  ) 


&' 


PEN 

1345.  Le  mot  pen  «  tête  »,  qu'on  a  rencontré  en  combinaison 
avec  koat  (n"  1336),  ligure  également  dans  Penmarch  (F.),  «  la 
tête  de  cheval  »  —  appellation  due  vraisemblablement  à  la  forme 
d'un  rocher  —  et  dtins  Pencran  (F.),  Pénestin  (M.),  Penguily 
(G.-du-N.)etPenhars  (F.). 

PONT 

1346.  Au  sujet  de  ce  mot,  d'origine  latine  et  par  conséquent 
analogue  au  mot  français,  le  seul  fait  qui  soit  à  signaler  est 
l'adoucissement  de  sa  consonne  initiale  quand  il  est  employé 
comme  second  terme  d'un  nom  composé,  par  exemple  dans 
Henhonl,  «  le  vieux  pont  »,  qui  s'écrit  aujourd'hui  Hennebont 
(M.),  et  dans  Trébont  (cf.  ci-dessus,  n°  1303). 

POUL 

1347.  Le  mot  breton  poiil^  au  sens  d'  «  excavation  »,  de 
'(  trou  »,  de  «  fosse  »,  de  «  mare  »  et  par  suite  d'  «  étang  »,  est 
le  premier  terme  des  noms  de  commune  Pouldergat  (F.),  Poul- 

1.  Ici  le  texte  rédigé  par  A.  Longnon  pour  sa  leçon  du  21  mai  1891,  au 
Collège  de  France,  intercale  le  court  alinéa  suivant  :  "  I.e  mot  breton 
nioïK-r'/ii,  minic'hi,  signifiant  «  asile,  franchise  »,  est  l'origine  des  noms 
le  Ménéhi  et  Minihy  (M.),  analogues,  par  conséquent,  aux  noms  méridio- 
naux de  France,  la  Salvelal,  la  Sauvelal  ».  Nous  ne  trouvons  rien  de  tel 
dans  les  notes  prises  à  l'École  des  Hautes-Études  on  1902  et  en  1906. 


328 


LES    NOMS    DE    LIEU 


douran  (C.-du-N.\  Pouldreuzic  (F.).  Uni  à  un  nom  d'homme 
dans  Poulbrient  (M.  et  Pouldavid  (F.),  il  est  combiné  avec  un 
nom  commun  de  lieu  dans  Poulderf  et  Pouldero  M.);  ^<  1^^  fosse 
du  chêne  »,  et  dans  Poulprat  (M.),  «  la  fosse  du  pré  »  ;  avec  un 
adjectif  dans  Pouldu  (G.-du-N.,  F.,  M.),  «  la  fosse  noire  ». 

nos 

1348.  Le  mot  ros,  h  tertre,  butte  »,  est  d'un  emploi  assez  fré- 
quent dans  la  toponymie  bretonne.  Roz-Landrieux  et  Roz-5u/'- 
Couesnon  (I.-et-V,)  appartiennent  à  l'ancien  diocèse  de  Dol, 
c'est-à-dire  à  la  partie  la  plus  orientale  du  pays  colonisé  par  les 
Bretons  du  vi'  siècle.  Ros  est  le  terme  initial  des  noms  de  com- 
mune Roscanvel,  Roscoff,  Rosnoën.  Rosporden  (F.j,  Rospez. 
Rostrenen  (C.-du-N.),  et  de  bien  des  noms  d'écart  :  Roscoat, 
Roscoët.  Roscouet,  Roscouedo.  Rosguillerme.  Roslagadec  M.). 
—  Le  nom  de  Roscoff  «  la  butte  du  forgeron  )i.  est  porté,  non 
seulement  par  une  ville  du  Finistère,  mais  par  plusieurs  lieux 
dits  de  Bretagne  où  existent  des  amas  de  scories  témoignant 
d'une  ancienne  exploitation  de  minerai  de  fer  (cf.  ci-dessus, 
n«583  . 

EUN 

1349.  Le  mot  run,  «  colline  »,  se  rencontre  notamment  dans 
Runespern  (C.-du-N.),  «  la  colline  de  l'épine  ». 


TUILL 

1350.  Ainsi     fju'on    l'a    signalé     à     propos    de     Toul-an-Coat, 

Toulgoët.  Toulgouet,  Toulhoat,  Toulhoët,  Toulhouet  (n'^  1336), 
loull  a  le  sens  de  «  creux  »,  de  «  cavité  »,  de  «  ti-ou  »,  on  le 
rencontre  aussi  dans  Jes  noms  (h'  lien  snivants.  empruntés  h  la 
nomenclatnre   du    Finistère    :   Toul-an-GroaS,    «    la    cavité   de   la 

croix  »,  Toul-an-Marc  h.  "  le  trou  du  cheval  »,  Toul-an-Ster, 
<<  le  trou  du  Steyr  »),  etc. 

TNOU 

1351.  Le  mot  breton  (jui,  en  gallois,  à  la  forme  fi/no,  et  qu'on 
trouve,  au  xi'^  siècle,  dans  le  cartulaire  de  Landévennec  sous  la 
lornic  ItuHi,   signilic  <<  bas-fond,  valh'*{>  »  :   il  est  devenu  fninii  et 


(iRKilNKS    BiîKTONNL'S     :     TXOr  329 

même  fraon.  De  là  les  noms  de  lieu  le  Traon  (F.),  Traon-Jacob 
(G.-du-N.),  et  beaucoup  d'autres  dont  traoïi  ou  traon  constitue 
le  premier  terme. 

1352.  Traon  s'est  réduit  à  tj-on  dans  les  noms  Tronjoly  (M.), 
«  la  belle  vallée  »  et  Tronscorf  (M.),  ce  dernier  porté  par  un 
écart  situé  sur  le  Scortî. 

1353.  Ailleurs  le  vieux  breton  tnou  est  représenté  par  tro  : 
Tromelin  (M.)'  "  ^^  vallée  jaune  »  ou  «  dorée  »  (cf.  Orval), 
Tromeur  (M.),  «  la  grande  vallée  >>  (cf.  Grandval). 

Aux  noms  de  lieu  formés  sur  des  noms  communs  de  sites  se 
rattachent  tout  naturellement  ceux  qui  dérivent  de  noms 
d'arbres  ou  de  plantes.  La  toponymie  bretonne  en  présente  un 
grand  nombre. 

1354.  Les  uns  ne  font  que  reproduire  un  nom  darbre  :  le 
Faou  (F.),  c'est-à-dire  «  le  hêtre  »,  Guern  AL),  c'est-à-dire 
«  l'aune  ».  Ce  dernier  nom  a  pour  équivalent  Guer  (M.),  forme 
dans  laquelle,  sous  l'influence  française  (cf.  Jour  =  diurnus, 
hiver  =  hibernus)  Vn  finale  s'est  assourdie.  Guern  a  pour 
diminutif  Guernic  (M.),  <(  le  petit  aune  »,  pour  pluriel  Guerno, 
«  les  aunes  ». 

1355.  Ailleurs  on  se  trouve  en  présence  de  collectifs  formés  au 
moyen  du  suffixe  -hué  ou  -oéY,  qui  n'est  autre  que  le  latin 
-etum  :  Guemehué,  Guernué  [M.)  =  Vernetum  (n°  633)  — 
le  Faouet  iG.-du-X.,  M.)  =  Fagetum  (n"  621)  —  Casténoët 
(M.)  =  Cas  tan  etum  (n°  618).  —  Le  Spernoët  et  le  Bézouet 
(M .  )  formés  sur  les  noms  bretons  de  l'épine  et  du  bouleau^  sont 
les  équivalents  àEpinay   (n°  629)  et  de  Bouloy  in'*  614). 

1356.  Mais  le  suffixe  qui  sert  à  former  le  plus  grand  nomi)re 
de  collectifs  de  cette  nature  —  il  se  joint  d'ailleurs  à  des  noms 
d'arbrisseaux  plus  souvent  qu'à  des  noms  d'arbres  —  est  le  suf- 
fixe -ec,  analogue  au  gaulois  -acos  (cf.  ci-dessus,  n*'  203)  Avallec 
(M.),  «  la  pommeraie  »,  Balanec  (F.),  u  la  genêtaie  »,  Beuzec 
(F.),  «  la  buissière  »,  le  Dremiec  F.),  le  Dreneuc  (L.-L),  «  l'épi- 
naie  »,  Quélenec  (C.-du-X.i,  Quélennec  F.),  «  la  houssaie  », 
Radenec  (M.),  a  la  fougeraie  »,  le  Spernec  (Morbihan),  «  l'épi- 
naie  ». 


LXI 

ORIGINES     BASQUES 

1357.  C'est  une  erreur  que  de  voir  dans  les  Basques  de  l'ex- 
trémité  sud-ouest  de  la  France,  un  dernier  vestige  des  popula- 
tions qui,  au  temps  de  César,  habitaient  entre  la  Garonne  et  les 
Pyrénées,  et  que  le  conquérant  désigne  sous  le  nom  d'Aquitains. 
Il  est  possible  que,  parmi  les  Aquitains,  il  y  ait  eu  une  dose 
plus  ou  moins  forte  de  population  apparentée  aux  Basques  ; 
mais  la  présence  de  cet  élément  ne  se  révèle,  d'une  façon  cer- 
taine, ni  par  les  textes,  ni  par  la  toponymie  antique  de  la 
région  ;  le  nom  Elimberris,  sous  lequel  Pomponius  Mêla 
désigne  la  ville  d'Auch,  est  le  seul  argument  un  peu  sérieux,  au 
point  de  vue  linguistique,  présenté  par  les  partisans  dune 
origine  ethnique  commune  des  Aquitains  et  des  Basques;  argu- 
ment résultant  de  la  comparaison  de  ce  vocable  avec  un  nom 
de  lieu  basque  moderne,  Iriherri,  qui,  formé  du  substantif  iri 
«  demeure,  ville  »,  et  de  l'adjectif  herri,  «  neuf  »,  a  un  sens 
analogue  à  celui  de  notre  nom  de  lieu  Villeneuve  (cf.  ci-après 
n°  1358)  ;  mais  les  objections  qu'il  y  a  lieu  de  faire  à  cette  opi- 
nion ont  été  indiquées  déjà  (n°  27).  Lors  même  qu'on  admettrait 
la  présence  d'un  élément  basque  chez  les  A  qui  ta  ni  de  César, 
cet  élément,  par  suite  delà  romanisation  si  complète  de  la  Gaule, 
ne  devait  plus  se  trahir,  au  point  de  vue  linguistique,  lors  des 
grandes  invasions  du  v®  siècle  qui  placèrent  notre  pays  sous  la 
domination  barbare  de  nations  d'origine  germanique. 

Les  ancêtres  des  populations  basques  de  notre  département 
des  Basses-Pyrénées  habitaient  alors,  comme  au  cours  de  la 
période  romaine,  la  région,  comprise  entre  les  Pyrénées  et  l'Ebre, 
qui  correspond  d'une  manière  générale  à  la  Navarre  espagnt>le. 
Ils  réussirent  tout  d'abord  à  se  maintenir  dans  une  sorte  d  indé- 
pendance à  l'égard  des  Wisigoths  qui,  maîtres  de  la  plus  grande 
partie  de  l'Espagne,  les  assaillirent  vigoureusement  pendant  la 
seconde  moitié  du  vi'^  siècle.  Ils  furent  délinitivement  vaincus 
vers  ÎITS  par  le  roi   golh  Leovigilde,  et  une  partie  de  la  nation 


OniGINliS    BASQUES  331 

basque,  pour  échapper  à  la  nouvelle  domination,  se  porta  au 
nord  des  Pyrénées,  entre  cette  chaîne  et  la  Garonne,  dans  le  pays 
qui,  de  leur  nom  latin,  Vascones,  a  conservé  le  nom  de  Gas- 
cog-ne,  Vasconia  ;  leur  présence  sur  le  versant  français  des  Pyré- 
nées est  attestée  pour  la  première  fois  en  587.  Grégoire  de  Tours 
s'exprime  ainsi  :  «  Les  Vascons,  se  précipitant  des  montagnes, 
descendent  dans  les  plaines,  raA^agent  les  vignes  et  les  champs, 
livrent  les  maisons  au  feu  et  emmènent  quelques-uns  des  habitants 
captifs  avec  leurs  troupeaux.  Le  duc  Austrovald  marcha  sou- 
vent contre  eux,  mais  il  n'en  tira  qu'une  faible  vengeance  ». 

Les  Vascons  se  fixèrent  d'abord,  en  des  proportions  fort 
différentes,  selon  les  régions,  dans  l'ancienne  province  de 
Novempopulanie,  comprise  entre  la  Garonne  et  les  Pyrénées. 
Plus  tard,  et  dès  le  commencement  du  Yiii^  siècle,  leur  duc  Yon 
—  Eudo  —  étendit  sa  domination  dans  les  provinces  voisines  : 
il  dominait  non  seulement  à  Toulouse,  mais  dans  toute  la  partie 
de  la  Gaule  comprise  entre  la  Loire  et  les  Pyrénées,  entre 
l'Océan  et  le  Rhône.  Aussi  le  mot  Gascogne,  Vasconia,  dési- 
gnant chez  les  auteurs  du  vni^  siècle  et  même  du  ix®,  le  pays  que 
gouvernèrent  successivement  Yon,  Hunaud  et  Gaifîer  —  appelé 
à  tort  Waïfre  par  nos  historiens  modernes  —  est-il  un  véritable 
synonyme  d'Aquitania,  témoin  le  capitulaire,  édicté  en  806  par 
Charlemagne,  relativement  au  partage  de  l'empire  franc,  où 
l'Aquitaine  est  appelée  Aquitania  vel  Wasconia. 

C'est  là  le  sens  le  plus  large  dans  lequel  ait  été  pris  le  nom 
Vasconia.  Dans  une  acception  plus  restreinte,  il  fut  appliqué  à 
la  partie  du  domaine  d'Yon,  situé  entre  la  Garonne  et  les  Pj'ré- 
nées,  qui  forma  au  ix"  siècle,  le  duché  carolingien  de  Gascogne, 
région  dans  laquelle,  sans  doute,  s'étaient  établis,  pour  se  fondre 
bientôt  dans  la  population  gallo-romaine,  une  partie  des  envahis- 
seurs vascons  de  la  fin  du  vi"  siècle.  Mais  il  aurait  pu,  mieux 
encore,  désigner  le  pays  basque,  qui  répond  à  peu  près  à  la  par- 
tie occidentale  —  arrondissements  de  Bayonne  et  de  Mauléon  — 
du  département  des  Basses-Pyrénées^  autrement  dit  au  Labour- 
dan  ou  pays  de  Bayonne,  à  la  Basse-Navarre  et  au  pays  de 
Soûle  ;  la  population  vasconne,  beaucoup  plus  dense,  y  domi- 
nait parle  nombre,  et  elle  a  pu  y  maintenir,  jusqu'à  nos  jours, 
l'usage  presque  exclusif  de  sa  langue  nationale,  parlée  aussi,  au 
delà  des  Pyronées,  par  les   Basques  espagnols  qui   peuplent  les 


332  I>ES    NOMS    DE    LIEU 

provinces  de  l'Alava,  de  la  Biscaye  et  du  Guipuzcoa.  Elle  s'y 
maintint  même  avec  une  telle  force  que,  durant  le  cours  du 
xrx*^  siècle,  le  seul  où  l'on  se  soit  préoccupé  de  l'étudier,  on  n'a 
pu,  paraît-il,  constater  un  recul  quelconque  de  cette  langue, 
appelée  euskara  par  ceux  qui  la  parlent. 

Les  documents  qui  permettraient  de  juger  la  question  pour  les 
temps  plus  anciens  manquent  d'une  façon  à  peu  près  absolue.  Il 
semble  cependant  incontestable  que  l'euskara  a  reculé  quelque 
peu  devant  le  dialecte  roman  que  l'on  qualifie  de  gascon  :  ce  fait 
est  attesté  par  l'existence  de  toute  une  série  de  villes  ou  de  vil- 
lages où  l'on  parle  aujourd'hui  gascon,  mais  dont  les  noms  sont 
de  physionomie  basque  :  Biarritz,  Bayonne,  Bidache,  Arancou, 
Osserain,  Charre,  Bidos,  Aramiis,  Asasp,  Issor,  etc. 

Des  noms  de  lieu  d'orig-ine  basque  existent  sans  doute  aussi, 
à  plus  de  distance  encore  de  la  limite  des  langues,  dans  les  diffé- 
rentes parties  de  la  Gascogne,  où  ils  apparaîtront,  aux  yeux  des 
érudits  qui  en  constateront  l'existence,  comme  des  témoignantes 
irrécusables  de  la  polonisation  basque  du  vu''  siècle.  Malheureu- 
sement, ces  noms  doivent  avoir  subi  de  sérieuses  transformations 
sous  l'intluence  du  dialecte  gascon,  qui,  depuis  plus  de  dix 
siècles,  tend  à  se  les  assimiler  ;  et  les  actes  du  haut  moyen-âge 
sont  tellement  rares  pour  la  Gascogne,  que  le  philologue  ne  peut 
guère  en  attendre  d'utiles  indications  sur  leurs  formes  primitives. 
Néanmoins,  quelques-uns  de  ces  noms  ont  conservé,  sous  le 
costume  français,  ou  plutôt  gascon,  une  physionomie  qui  atteste 
suffisamment  leur  origine  basque.  Mendosse  f  Lot-et-Garonne  ^)et 
Mendousse  (Basses-Pyrénées)  —  ce  dernier  nom  est  celui  d'une 
localité  située  à  quatorze  lieues  du  pays  de  langue  basque  — 
sont  des  formes  francisées  d'im  nom  de  lieu  basque  <}u'on  trouve 
en  Espagne  sous  les  formes  Mendoz  (Guipuzcoa)  et  Mendoza 
(Alava,  Bi.scaye).  Or,  Mendousse  est  appelée  au  xi"  siècle  Mcn- 
dioza,  et  l'on  reconnaît  dans  le  premier  terme  de  cette  forme 
If!  mol  b;is(jue  tnendi,  "  montagne  »  (cf.  ci-après,  n°  1364). 

Get  exemple  met  sullisamment  en  hunière  l'intérêt  que  pré- 
senterait, pour  déterminer  l'extension  primitive  de  l'élément 
vascon    en    l'"iance,   l'étude   de    la    toponymie    gasconne.    Mais, 

1.  Lieu  dil  de  la  coiiimiuie  «l'Kslill.'K',  -.wy.  d'\[;i^\\,  e;ml.  de  Lciplumc 
renseignement  dû  à  l'oIjUpeance  de  M.  lU-né  Hoiiiial,  archiviste  iW  I.ol- 
cl-riai'onni'  . 


UlUGliNES    liASQLES  '.Vi3 

faute  de  documents  anciens,  cette  étude  se  heurterait  à  de 
sérieuses  difficultés,  et  on  ne  l'entreprendra  pas  ici.  On  se  bor- 
nera à  l'indication  des  principales  racines  et  des  principaux  suf- 
fixes que  présentent  les  noms  de  lieu  du  pays  basque. 

1358.  Le  mot  iri,  au  sens  de  «  villag-e  »  ou  de  «  localité  »,  a 
produit  les  noms  géographiques  :  Iriart  (Basses-Pyrénées  '),  qui, 
sous  une  forme  un  peu  différente,  Yriarte,  est  devenu  nom  de 
famille  ;  —  Iribarne,  «  lieu  profond  »,  nom  porté  par  deux 
écarts  et  deux  cours  d'eau,  et  sa  variante  Iribarnia  ;  —  Iriberry, 
qui  désigne  deux  villages  ou  hameaux  appelés  dans  des  textes 
des  xvi^,  xvii^  et  xyui^  siècles  Villanova,  Villanueua  ou  Ville- 
neuve, herri  signifiant  «  nouveau  »  en  basque  ;  —  Irigaray, 
((  village  élevé  »  ;  —  Irigoyen,  «  village  du  bois  »;  —  Irissarry  ; 
Irissura.  Le  même  mot  est  le  second  terme  des  noms  Baratchéry, 
Carriquiri  et  Queheliri,  qui  ont  respectivement  pour  premier 
terme haratch,  a  jardin  »,  carriqiii,  «  rue»,  quehel,  «  muraille  ». 

1359.  Le  mot  carrica,  qui  désigne  une  rue  ou  un  chemin 
bordé  de  murailles,  paraît  dans  les  noms  :  Carricaburu,  <(  le 
bout  »  ou  ((  la  tête  de  la  rue  »,  équivalant  au  nom  Chedeville, 
caput  villae,  qui  désigne  la  partie  extrême  de  certains  villages 
généralement  formés  d'une  longue  rue  unique;  Garricaçarra, 
Carricamussa,  Carricart  —  dont  le  second  terme  est  le  même 
que  dans  Iriart  —  Carriquiri  (cf.  ci-dessus  n°  1358),  etc. 

1360.  Le  nom  commun  jaiirer/ui,  formé  à  l'aide  du  suffixe 
-ffui  sur  un  substantif  ?/a«/i,  au  sens  de  "  seigneur  »  désigne  une 
maison  noble.  De  là  les  noms  de  lieu  Jauréguy,  Jauréguia  — 
cf.  Jauréguia  (Biscaye)  —  Jauréguiberry.  «  le  nouveau  manoir  », 
Jauréguissahar,  «  le  vieux  manoir  ». 

1361.  Le  mot  sala,  d'origine  française,  a  en  basque  le  sens 
qu'au  moyen-âge  notre  langue  donnait  au  mot  salle,  celui  de 
«  demeure  seigneuriale  ».  Sallaberry  signifie  donc  «  salle 
neuve  «  ou  «  nouveau  manoir  »  ;  et  l'une  des  localités  de 
ce  nom  est  en   effet  appelée  Salanova  dans  un  texte  de  1621, 

1362.  Elche,  qui  a  le  sens  de  «  maison  »,  a  produit  beaucoup 

1.  Il  nous  paraît  inutile  de  répéter  cette  indication  à  [iropos  des  nom- 
breuses localités  appartenant  au  même  département,  qui  sont  nommées 
dans  le  présent  chapitre  ;  plusieurs  d'entre  elles  —  nous  avons  constaté  le 
fait,  et  croyonsdevoir  le  signaler  ici  —  no  fiR-urenl  pas  dans  le  Dirlionnaire 
lopofjraphù/nc  de  Paul  Raymond. 


334  LES    NOMS    DE    LIEU 

de  noms  de  lieu.  L'un  des  plus  répandus  est  Etcheberry,  Etche- 
verry,  Echeberry,  «  la  maison  neuve  ^),  dont  les  équivalents 
sont,  en  Espag-ne,  Javerri  ou  Xaberri  et  Javier  ou  Xavier  ;  ce 
dernier  nom  est  celui  du  lieu  de  naissance  de  saint  François  de 
Xavier,  lapôtre  des  Indes.  Il  convient  de  citer  aussi:  Etcharry  ; 

—  Etchéandy,  «  la  grande  maison  »  ;  —  Etchébar  et  Etché- 
barne,  «  la  maison  d'en  bas  »  ;  —  Etcheçahar  «  la  vieille  mai- 
son »  ;  —  Etchechurry,  «  la  maison  blanche  »  ;  —  Etchegaray, 
«   la  haute   maison  »  ;    —  Etchegoyen,   «    la    maison   du  bois  »  ; 

—  Etchepare,  «  les  deux  maisons  ».  —  La  forme  Echeberry 
autorise  à  reconnaître  la  même  racine  dans  :  Echagoyti,  «  la 
maison  d'en  haut  »  ;  —  Echart,  dont  on  a  rencontré  le  second 
terme  dans  Iriart  (n"  1358)  et  dans  Carricart  (n°  1359)  ;  —  Échat. 

1363.  Le  mot  basque  eliça,  qui,  comme  le  breton  ilis,  repré- 
sente le  latin  ecclesia,  figure  dans  les  noms  :  Eliçabélar,  litté- 
ralement «  front  de  l'église  »,  c'est-à-dire  «  lieu  faisant  face  à 
l'église  »  ;  —  Eliçaberria  ou  Eliçaberry,  «  la  nouvelle  ég-lise  »  ; 

—  Élicerry,  «  le  village  de  l'église  »  :  —  Élicetche  ou  Élissetche, 
«  la  maison  de  l'église  »  ;    —  Elissagaray,  ><   la  haute  église  »  ; 

—  Elissalt,  pour  Eliçaalt,  «  près  de  l'église  »,  etc. 

1364.  Mendi,  a  montagne  »,  se  présente  seul  dans  Mendy,  et 
constitue  l'élément  initial  des  noms  :  Mendionde,  «  près  de  la 
montagne  »  ;  —  Menditte  ;  —  Mendive  ;  —  Mendiburu,  *<  le 
bout  de  la  montagne  »  ;  —  Mendigorry,  «  la  montagne  rouge  » 

—  et  Mendousse,   mentionné  déjà  (n"  135T). 

1365.  Le  mot  aran,  «  vallée  »,  est  aussi  employé  comme 
nom  de  lieu,  et  figure  comme  premier  terme  dans  Arance,  Aran- 
cou  ;  —  Arangaixa,  «  la  mauvaise  vallée  »  (cf.  Mnlleval)  ;  — 
Arangorine.  Arangorry,  «  la  vallée  rouge  »  ;  —  Aranpuru,  «  le 
bout  »  ou  «  la  tête  de  la  vallée  »,  etc. 

1366.  //>«/',  synonyme  à'aran,  paraît  dans  les  noms  :  Ibar- 
beïty,  «  on  bas  de  la  vallée  »  ;  —  Ibarbidea,  Ibarburia,  Ibarla, 
Ibarle  ;  —  Ibarrolle.  «  la  forge  de  la  vallée  »  ;  —  Ibarron,  «  la 
bonne  vallée  »  (cf.  lîonneval)\  Ibarrondoa,  etc. 

1367.  ftiirri,  «  source,  fontaine  »,  est  le  premier  membre  du 
nom  Iturbide,  «  le  chemin  de  la  source  »,  ([ui  était  au  comnuMi- 
cement  du  .mx"  siècle  le  nom  patronymicjuc  de  rempereur  du 
Mexi(|ue,  Augustin  1".  ()i\  le  rencontre  aussi  dans  le  nom 
de   commune    Ithorots,   i;t    il;ins   divers    noms  géographiques    : 


ORIGINES    BASQUES  333 

Ithorrondo,  «  près  delà  fontaine  »  ;  —  Ithorchilo  ;  —  Ithurralde, 
«  contre  la  fontaine  »  ;  —  Ithurramburu,  u  la  tête  des  fontaines  », 
nom  de  montagne  ;  —  IthurrétO,  etc. 

1368.  Les  mots  basques  ibai^  «  rivière  »  et  erreka,  «  ruisseau  » 
ou  «  ravin  »,  ont  contribué  également  à  former  un  certain 
nombre  d  appellations  géographiques  ;  parmi  celles  qui  procèdent 
du  second  de  ces  mots,  on  peut  citer  Errécagorry,  «  le  ruisseau 
rouge  »,  et  Errequidor,  'qui  —  idor  ayant  le  même  sens  que 
l'adjectif  français  «  sec  o  —  est  un  équivalent  du  nom  Rieussec, 
très  fréquent  dans  la  toponymie  de  la  France  méridionale. 

1369.  Harri,  «  pierre  »,  ou  «  roche  »  —  arri  dans  les  dia- 
lectes basques  d'Espagne  —  paraît  dans  :  Harriague  ;  —  Har- 
riondo,  «  près  de  la  roche  ». 

1370.  Oihan,  oyan,  «  bois,  forêt  »,  est  l'élément  initial  des 
noms  :  Oyanhart  ;  —  Oyanbelché,  «  le  bois  noir  »  ou  mieux 
«  sombre  »  ;  —  Oyhançarré  ;  —  Oyhanhandy,  «  le  grand  bois  », 
etc.  —  C'est  le  même  mot  qui,  à  la  fm  des  vocables  géogra- 
phiques, affecte,  peut-être  par  euphonie,  la  forme  -goyen  : 
Irigoyen,  Etchegoyen  (cf.  ci-dessus,  n*'"  1358  et  1362). 

Les  noms  communs  d'arbres  figurent  naturellement  dans  un 
grand  nombre  de  noms  de  lieu. 

1371.  Ainsi  haritz  ou  aritz,  «  chêne  »,  est  la  racine  des  noms 
Aris,  «  le  chêne  »  ;  —  Ariste,  «■  la  chênaie  »  ;  —  Harispe,  «  sous 
les  chênes  »  ;  —  Harismendy,  «  la  montagne  des  chênes  »  ;  — 
Harispuru,  «  la  tête  des  chênes  ».  Il  se  voit  également  dans 
Biarritz,  «  les  deux  chênes  ». 

1372.  Ametz,  nom  basque  du  chêne  tauzin,  paraît  dans  Ames- 
petzu,  Amestoy,  Amexague. 

1373.  L'appellation  du  frêne,  lizar,  se  présente  dans  les  noms 
Lissaragay,  "  la  frênaie  »  et  Licerasse,  en  1402  Liçaraçu. 

1374.  Inchampe,  formé  sur  le  nom  du  noyer,  incham,  signifie 
((  sous  les  noyers  »  et  est  devenu  nom  de  famille. 

1375.  Le  nom  du  pommier,  safjar,  a  produit  Sagarspe,  «  sous 
les  pommiers  ».  —  Le  nom  de  famille  espagnol  Sagasta  doit  se 
traduire  par  «  la  pommeraie  ». 

1376.  Le  mot  »aras,  «  saule  »  est  la  racine  de  Sarastey,  '<  la 
saussaie  »  et  de  Sarrasguette. 

1377.  Gueres,  «  cerise  »,  mot  d'origine  évidemment  latine,  se 
recouuait  dans  Guerestey.  "  la   cerisaie   «. 


336  LES   NOMS  de;  LIEL' 

13T8.  Enfin  le  nom  de  l'épine,  elhorri.  est  porté  par  le  hameau 
d'Elhorry.  — Elhoriet,  Elhoriéta,  sont  des  équivalents  d'Epinay. 

1379.  On  pourrait  citer  une  multitude  d'autres  noms  de  lieu 
formés  sur  des  noms  communs  d'arbres  ou  de  plantes.  On  se 
contentera  de  mentionner  ici,  parmi  ces  derniers,  le  mot  iraze, 
«  fougère  »,  d'où  dérivent  les  noms  de  lieu  Iracelhay  et  Iraçabal, 
et  qu'on  a  peut-être  lieu  de  reconnaître,  combiné  avec  quelque 
suffixe  locatif,  dans  le  nom  d'Irazein  (Ariège).  Mais,  encore  une 
fois,  en  ce  qui  concerne  la  possibilité  d'une  origine  basque  pour 
les  noms  appartenant  à  la  Gascogne  proprement  dite,  il  serait 
imprudent  de  conclure  sans  avoir  préalablement  étudié  leurs 
formes  anciennes. 

Ici,  d'ailleurs,  on  n'entendait  apporter  que  quelques  notions  de 
toponymie  basque.  La  traduction,  donnée  en  passant,  de  plu- 
sieurs des  vocables  énumérés,  a  mis  en  vedette,  concurremment 
avec  les  substantifs  particulièrement  étudiés,  un  certain  nombre 
d'adjectifs  et  de  locutions  adverbiales,  et  de  plus  un  certain 
nombre  des  suffixes  les  plus  communément  usités. 

Mais  parmi  ces  derniers  il  convient  de  signaler  encore  ceux 
qu'on  voit  combinés  avec  des  noms  de  personne  pour  former  des 
noms  de  lieu  ;  car  ce  mode  de  formation  n'a  pas  été  moins  familier 
aux  l^asques  qu'aux  groupes  ethniques  dont  il  a  été  question  dans 
les  chapitres  qui  précèdent  celui-ci. 

1380.  Le  suffixe  -haïthau  ou  -haïtha  a  le  sens  de  notre  prépo- 
sition «  chez  ».  Par  Goyetcheba'ita  et  Laffitteba'ita,  il  faut 
entendre  «  chez  Goyetche  »  et  «  chez  Laflitle  ». 

1381.  Analogue  aux  suffixes  français  -ière  et  -crie  (cf.  ci-des- 
sus, n"^  201  et  376),  le  basque  -cnea  ou  -cnla  se  joint  très  fré- 
quemment aux  noms  propres  de  personne  ;  Errolenea  et  Catale- 
nea  [)ourraient  se  traduire  par  la  liolandirrc  et  la  (Jathoriiiirre. 
Mais  par  surcroît  d'analogie  avec  -aria,  primitif  de  -/Vtc,  il  se 
combine  aussi  avec  des  noms  communs  de  végétaux  :  Mahatrenia, 
"  la  raisinière  »,  Iratzenea,   «  la  fougeraie  ». 

1382.  Le  suffixe  -ia,  paraît  ne  se  combiner,  comme  -haïtha, 
(|u  avec  des  noms  de  personne  :  Bidegainia,    "  chez  lîidegain  ». 


I 


LXIII 
ETABLISSEMENTS     RELIGIEUX 

Le  choix  des  noms  communs  employés  à  désigner  les  établis- 
sements religieux  a  varié  selon  les  temps  ;  les  plus  anciennement 
usités  sont  ceux  qu'ici  l'on  étudiera  les  premiers. 

1384.  Le  mot  basilica  était  un  adjectif  féminin  d  origine 
grecque,  au  sens  de  «  rovale  ».  Pris  substantivement,  il  désigna, 
dans  la  Rome  païenne,  un  édifice  somptueux  où  les  magistrats 
rendaient  la  justice.  Cette  acception  primitive  s'est  conservée 
dans  le  mot  «  basoche  »,  nom  de  la  juridiction  à  laquelle  les 
clercs  du  Parlement  soumettaient  les  dilférends  qui  pouvaient 
surgir  entre  eux.  Par  une  évolution  de  sens  qu'on  ne  tentera  pas 
d'expliquer  ici,  basilica  en  est  arrivé  dès  le  v''  siècle  —  les 
écrits  de  saint  Jérôme  et  de  Sulpice  Sévère  en  font  foi  —  à  dési- 
gner un  édifice  chrétien  consacré  au  culte,  une  église,  parfois 
même,  sous  la  plume  du  premier  de  ces  auteurs,  une  simple  cha- 
pelle. Dans  les  œuvres  de  Grégoire  de  Tours  et  dans  plusieurs 
diplômes  mérovingiens,  où  il  revêt  souvent  les  formes  basileca 
et  baseleca,  il  a  toujours  ce  sens  d'  ((  église  »,  moyennant 
lequel  il  a  trouvé  place  dans  la  toponomastique  de  notre  pays. 
Les  noms  de  lieu  qui  le  représentent  diffèrent  assez  sensiblement 
du  type  primitif,  en  raison  de  plusieurs  faits  de  phonétique  aux- 
quels il  convient  de  s'arrêter. 

1385.  A  l'exemple  des  autres  adjectifs  latins  en  -icus,  -ica, 
-icum,  basilica  était  accentué  sur  l'antépénultième  ;  il  résulte 
de  la  (jue  d'ordinaire,  Vi  post-tonique  étant  tombé,  le  c  guttural 
qui  le  suivait  a  laissé  quelque  trace  ;  en  revanche  ce  c  disparail 
parfois,  en  raison  de  ce  que  de  bonne  heure  on  a  dit  basilia  pour 
basilica,  de  même  que  colon  ica  s'est  altéré  en  colonia  (cf. 
ci-d(;ssus,  n"  918). 

1386.  Soit  dit  en  pas.sant,  liasilia,  déformation  de  Hasilea, 
iHjin  jjitin  (l(!  la  viUe  de  li.ile.  n'a  rien  de  commun  avec  les  noms 
présent<'m(;nt  étudit'-s. 

1387.  Le  r  latin,    pl.icé  (h;vant    un    .7,   (it'\  icnt  c/i   en   friinc^-ais  ; 


OltlGhNES    ECCLÉSIASIIOUES     :     BASILICA  '  339 

mais  il  conserve  le  son  guttural  dans  la  langue  d'oc  d'une  part, 
dans  les  dialectes  normand,  picard  et  wallon  d'autre  part.  Con- 
séquemment  on  voit  basilica  représenté  en  Normandie  par 
la  Bazoque  (Calvados,  Orne)  et  Bazoques  (Eure)  ;  dans  ce  der- 
nier nom,  comme  dans  une  foule  d'autres  noms  de  lieu  français 
à  terminaison  féminine  (cf.  ci-dessus,  n°*  373,  577,  581,  582, 
940),  Vs  finale  est  parasite.  L'i  atone  de  basilica  étant  tombé 
de  bonne  heure,  ce  mot  s'est  réduit  à  basilca  ou  baselca;  1'/, 
se  trouvant  en  contact  avec  le  c,  s'est  vocalisée,  ce  qui  pouvait 
produire  une  forme  telle  que  haseurjue  ou  baseuclie,  suivant  les 
rég-ions  ;  à  vrai  dire,  les  textes  ne  font  connaître  que  husoque  et 
basoche. 

1388.  Cette  dernière  forme,  propre  aux  pays  de  langue  d'oïl 
situés  en  deçà  de  la  Normandie  et  de  la  Picardie,  paraît  dans  les 
noms  :  la  Bazoche-Gû»e^  (Eure-et-Loir)  —  dont  le  surnom  est 
celui  d  un  de  ses  anciens  seigneurs,  Guillaume  Gouet,  qui  vivait 
en  1050  —  Bazoche  (Oise),  Bazoches  (Aisne,  Eure-et-Loir,  Loi- 
ret, Nièvre,  Orne,  Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise  '),  Beton- 
Bazoches  (Seine-et-Marne)  —  dont  le  thème  étymologique  fait 
précéder  basilica  d'un  nom  d'homme  bien  connu,  d'orig-ine  ger- 
manique, Betto  (cf.  ci-dessus,  n"  1010). 

1389.  Aux  xv^et  xvi°  siècles  on  a  fréquemment  confondu,  dans 
la  prononciation,  l'r  et  \s  intervocale.  Clément  Marot,  dans  sa 
célèbre  Epistre  du  hiau  fys  de  Pazy ,  a  raillé  cette  façon  de  parler, 
qui  de  son  temps  était  en  vog^ue  dans  certaines  contrées  arrosées 
par  le  cours  moyen  de  la  Loire,  et  dans  l'Ile-de-France,  et  ([u'on 
observe  encore  de  nos  jours  en  Berry,  et  peut-être  en  Touraine. 
La  substitution delV  à  l's,  autrement  dite  le  rhotacisme,  a  parfois 
transformé  basoche  en  baroche,  témoin  les  noms  de  la  Baroche- 
sous-Lucé  (Orne)  et  de  la  Baroche-6'onf/owin  (Mayenne),  le  pre- 
mier latinisé  en  lloO  Bozocha,  le  second  revêtant  en  HIO  la 
forme  Basilgia  Gunduini  ;  mais  on  verra  bientôt  (n'^  1398), 
qu'ailleurs  baroc/ie  se  réclame  d'une  origine  dilférente. 

1390.  Le  ch  répondant  au  c  de  basilica  prend  le  son  du  / 
dans    Bazoges    (Vendée),    Bazouges    (lUe-et-Vilaîne,    Mayenne, 

1.  Trois  de  ces  départements  })OSsèdenL  deux  Bazoches;  aussi  ce  nom 
esl-il  d'ordinaire  suivi  d'un  déleiminalif,  (pi'il  serait  d'ailleurs  sans  intérêl 
d'indiquer  ici.  . 


340  LES    NOMS    Ut;    LIEU 

Sarthe),  Bazauges  (Charente-Inférieure  ,  la  Bazoge  (Alanche, 
Mayenne.  Sarthe),  la  Bazouge  (Mayenne),  ainsi  que  dans 
laBazeuge  (Haute-Vienne);  ce  dernier  nom  se  rapproche,  par  sa 
diphtongue  tonique,  de  la  forme  haseuche,  qu'on  suppose 
(cf.  ci-dessus,  n°  1387)  avoir  précédé  basoche. 

1391.  Dans  la  France  méridionale,  le  c  de  basilica,  ayant 
conservé  le  son  guttural,  ne  peut  s'adoucir  qu  en  g  dur.  Il  est 
permis  de  supposer  que  ce  mot  est  le  primitif  de  Bazugues  (Gers) 
et  de  Bazialgues  (Haute-Garonne).  En  ce  qui  concerne  le  pre- 
mier de  ces  noms,  il  faut  admettre  qu  eti  sest  altéré  en  u. 

1392.  On  pourrait  être  tenté  de  croire  que  Bazoïiyers 
(Mayenne)  a  pour  primitif  un  adjectif  formé  sur  basilica,  tel 
que  basilicarius  ;  mais  la  plus  ancienne  forme  connue  de  ce 
nom,  fournie  par  un  texte  de  989  transcrit  au  cartulaire 
d  Evron,  est  Basilg-eacum  ;  d'où  l'on  doit  conclure  qu'il  a 
pour  origine  "un  nom  en  -acus  formé  sur  le  gentilice  Basilius. 

1393.  Par  contre,  il  seml)le  bien  que  basilica  entre  dans  la 
composition  du  nom  de  Bazancourt  (Marne).  Flodoard,  qui  écri- 
vait au  milieu  du  x"^  siècle,  appelle  cette  localité  Basilicae 
cortis,  c'est-à-dire  «  le  domaine  de  la  basilique  »,  ce  dernier 
terme  sappliquant,  soit  à  la  cathédrale,  soit  à  l'un  des  mona- 
stères de  Reims.  Basilicae  cortis  a  dû  donner  d'abord  Baze- 
courf  ;  la  nasalisation  de  la  syllabe  antétonique  est  explicable 
par  un  phénomène  particulier  à  la  région,  Alamannorum 
cortis  n'ayant  pu  devenir  Auniéiiancourl  (cf.  ci-dessus,  n^"  528 
et  945)  que  par  1  intermédiaire  d'une  forme  telle  (\n  Autne/icu- 
rourl . 

1394.  La  forme    basse  basilia  est  représentée    par   Bazeilles 
Ardennes,  Meuse),   dont  Bazoilles   (Vosges)    est   peut-être  une 

variante  lorraine  ;  mais  il  n'y  faut  pas  vniUxchQY BnzoUcn  (Nièvre), 
dont  la  terminaison  csl  sans  mouillure. 

1395.  Transcription  du  grec  Trapsiyia,  «  voisinage  »,  le  mot 
paroecia  se  rencontre  au  début  du  v*"  siècle  daiLS  les  écrits  de 
saint  Augustin  :  il  désignait  alors  la  circonsci-iption  territoriale 
fJi'jtciMhint  d  un  jjrètrc  ou  diin  éviMpic.  Il  a  buMi  conservé  ce 
double  s(;ns  de  «  paroisse  »  et  de  «  diocèse  »  dans  les  documents 
du  haut  niQyen-àge  ;  mais  en  Gaule,  et  dès  l'épocjuc  carolin- 
gienne, il  .1  (ini  j);ir  iHî^désigner  i[\xv.  le  rcssoit  d'une  église  urbaine 


OBKilNKS    KCcrJÔSlAS'nQCRS     :    PAROCIIIA  3il 

ou  rurale.  Cette  acception  restreinte,  celle  de  sa  forme  vulgaire 
paroisse,  est  la  seule  avec  laquelle  il  se  soit  introduit  dans  la 
toponomastique.  De  bonne  heure  paroecia  s'est  altéré  en  paro- 
chia,  moyennant  un  apparentement  mal  fondé  avec  le  substan- 
tif parochus,  qui  répond  au  grec  Trapoyj;,  «  pourvoyeur  ». 

1396.  Les  noms  de  lieu  représentant  le  latin  paroecia  ou 
parocliia  sont  d'ailleurs  en  petit  nombre.  Peut-êtie  l'étude  des 
textes  locaux  révélera-t-elle  pourquoi  la  Paroisse  (Allier,  Loire, 
Isère)  et  Paroisse  (Isère)  sont  de  simples  écarts.  Quant  à  la 
forme  plurielle  les  Paroisses  (Puy-de-Dôme),  l'explication  en  est 
aisée  :  ce  nom  s'applique  à  un  groupe  actuellement  réduit  à  trois 
maisons,  dont  deux  appartiennent  au  territoire  communal  de 
Saint-Dier  ellautre  à  celui  de  Saint-Jean-des-OUières.  L'appella- 
tion la  Paroisse-(i«- V7yfln  (Gard),  qui  désignait  une  commune 
réunie  en  1860  à  celle  du  Vigan,  remonte  à  1435  ;  on  entendait 
alors  par  là  la  partie  rurale,  imposée  à  part,  de  la  circonscription 
paroissiale  du  Vigan  '. 

1397.  Le  nom  de  la  Grande-Paroisse  (Seine-et-Marne)  est 
appliqué  depuis  le  xv"  siècle  ^  à  une  localité  dont  l'existence  est 
attestée  dès  l'époque  mérovingienne,  et  que  les  plus  anciennes 
chartes  de  l'église  de  Paris  appellent  Cellas  ;  il  a  sa  raison 
d'être  dans  l'étendue  considérable  —  2.907  hectares  —  du  terri- 
toire communal,  jadis  paroissial,  de  cette  localité.  Maizières-lB.- 
Grande-Paroisse  (Aube),  commune  de  2.046  hectares,  doit  évi- 
demment son  surnom  à  une  particularité  analogue. 

\.  Dans  cet  exemple,  qui  rappelle  celui  de  Plouguer  (Finistère),  «  la 
paroisse  de  la  ville  »  de  Carhaix  (cf.  ci-dessus  n"  1292),  l'expression  (  la 
paroisse  »  est  prise  dans  une  acception,  non  plus  ecclésiastique,  mais  civile; 
elle  a  le  même  sens,  exactement,  que  «  les  villages  »  en  Beri'y,  "  le  plat 
pays  j)  en  Bourgogne,  «  les  granges  »  en  Lorraine.  On  voit,  dès  1701,  la 
future  commune  d'Aubigny-Villages  former  une  collecte  distincte  de  celle 
d'Aubigny-Ville  :  et  c'est  de  nos  jours  seulement,  en  190(i,  (jue  les  deux 
communes  ont  été  réunies  en  une  seule,  sous  le  nom  d'Aubigny-sur-Nère 
(Cher).  La  sépai'ation  de  Vierzon- Villages  (Cher)  d'avec  Vierzon- Ville 
remonte  au  moins  à  1580.  Le  Plat-Pays-de-Saulieu,  mentionné  dès  1476, 
a  formé,  jusqu'en  1859,  une  commune  distincte  de  celle  de  Saulieu  (Côte- 
d'Or)  (ju'elle  entourait.  Les  Granges-de-Plombières  (Vosges),  commune 
dont  le  territoire  atteint  presque  le  bourg  de  Plombières,  consiituaitMil  dès 
1753  une  communauté  distincte. 

2,  Donc  il  ne  remonte  pas  à  la  première  moitié  du  moyen-i'ige,  cl  c'osi  à 
peine  si  on  pont  le  considérer  comme  un  nom  d'origine  ecclésinslifiuc 


342  LES    NOMS    DE   LIEU 

1398.  Le  mot  paroisse  semble  avoir  eu  pour  variantes,  dans 
le  nord-est  de  notre  pays,  parodie  et  Laroche,  employés  con- 
curremment. 

La  commune  appelée  les  Paroches,  près  de  Saint-Mihiel 
(Meuse)  —  aux  xvii-  et  xviii''  siècles  on  disait  les  Baroches  — 
comprend  deux  hameaux,  la  Grande-Paroche  et  la  Petite- 
Paroche,  dont  l'un  se  nommait  jadis  Guigniville  ou  Gnéville,  et 
l'autre  Hametel  ;  et  sur  son  territoire  une  chapelle  isolée  a 
conservé  le  nom  de  Refroicourt,  village  disparu  où  se  trouvait 
l'église  mère  '. 

On  voit  désigné,  en  1753,  sous  le  nom  les  Paroisses,  un  grou- 
pement formé,  dans  le  voisinage  de  Briey  (Meurthe-et-Moselle), 
par  la  communauté  de  Génaville,  celle  de  Pénil  et  Méraumont, 
et  celle  de  Lantéfontaine,  et  que  le  Dictionnaire  topographique 
de  la  Moselle  appelle  «  la  mairie  des  Paroches  »  ;  la  plus  ancienne 
mention  qu'en  rapporte  cet  ouvrage  n'est  que  de  1689  ;  mais  on 
peut  citer  également  un  contrat  de  1399%  dans  lequel  il  est 
question  de   la  mairie  de  la  Paroche'-^,   le  contexte   ne   laissant 

1.  D'après  Liénard  [Dictionnaire  topographique  de  lu  Meuse),  les  Paroches 
seraient  appelées  en  1135  Parochia.  Il  est  de  fait  (|ue,  dans  le  texte  qu'il 
cite,  et  qui  a  été  publié  par  Dom  Joseph  de  L'Isle,  paniii  les  preuves  de  son 
Ilialoire  de  Saint-Mihiel  p.  460-4771,  le  passage  Parrochia  Guene  villa, 
Mamotello  concerne  incontestablement  les  Paroches,  sans  qu'il  importe 
beaucoup  de  savoir  si  parrochia  —  employé,  remarquons-le,  au  singu- 
lier —  est  dans  l'espèce  nom  propre  ou  nom  commun.  Mais  ce  texte  latin, 
dans  lequel  on  voit  intercalées  des  expressions  vulgaires  (certum  jus 
vulgaritcr  nuiicupalum  le  lard,  quod  est  Vépine  de  porc,  cotex, 
nndouillex  et  houdins —  ferculum  vocatum  la  purée  —  de  dominio 
directo,  vulgariter  nuncupato  la  seigneurie  foncière,  eic.)  est  bien 
moins  ancien  que  ne  le  pen.saient  Dom  de  L'isle  et  Liénard,  et  pourrait  bien 
ne  dater  que  du  xv  siècle. 

2.  Bibl.  Nat.,  coll.  de  Lorraine,  vol.  5-7,  fol.  '.tO. 

.3.  Il  nous  [)araîl  intéressant  do  constater,  ici  encore,  l'emploi  du  singu- 
lier :  si  le  terme  dont  il  s'agit  avait  été  pris  dans  sou  acception  ecclésias- 
tique, le  pluriel  se  fût  imposé,  car  ce  texte  de  1.399  atteste  que,  parmi  les 
hommes  de  cette  mairie,  il  y  en  avait  de  Oénnville,  paroisse  du  diocèse  de 
Met/,  il  yen  avait  d'Imonville,  paroisse  (hi  diocèse  de  Verdun.  On  peut 
conclure  de  là,  semble-t-il,  qu'en  Barrois,  vers  la  fin  du  moyen-Age,  le  mot 
p.'iroisxe,  ou  tout  au  moins  sa  variante  locale  paroche,  |)ouvait  s'entendre 
d'une  circonscription  civile.  lînsuito,  à  partir  du  xvir*"  siècle,  toujours  en 
Barrois,  parorhe  ou  haroche,  ou  même  paroisse,  en  serait  venu  i\  désigner 
un  simple  hameau,  témoin  l'emploi  du  |iluriel,  uiii(|ii(Mnen(  jiisiKié,  près  de 


ORKiINKS    ECCLÉSIASTIQUES    :     ECCLKSIA  343 

aucun  doute  sur  ce  qu'on  doit  entendre  par  là.  Le  souvenir  de 
cette  mairie  a  persisté  au  cours  du  xix^  siècle  ;  l'appellation  les 
Baroches,  qu'on  rencontre  dans  le  Dictionnaire  des  Postes,  à 
partir  de  l'édition  de  18.^)9,  a  été  appliquée  en  propre,  et  g-loba- 
lement,  aux  hameaux  contig-us  de  Pénil  et  de  Méraumont;  et 
elle  a  été  officiellement  consacrée  par  un  décret  du  2  février  1907, 
qui,  transférant  au  «  hameau  des  Baroches  »,  le  chef-lieu  de  la 
commune  de  Génaville,  a  fait  disparaître  ce  dernier  nom  de  la 
nomenclature  communale. 

La  Baroche  (Haut-Rhin),  appelée  Zell  par  les  Allemands, 
répond  au  kilchspel  zii  Zelle  —  c'est-à-dire  à  la  paroisse  {kirch- 
spiel)  de  Zell  —  de  1441. 

La  «  ferme  dite  la  Baroche  »  marquait,  en  17o3,  au  finage  de 
Gizaucourt  (Marne),  l'emplacement  d'un  village  détruit,  appelé 
en  1092  Sancti  Pétri  Parrochia,  et  en  1352  la  PerroicheK 

1399.  Laparrouquial  (Tarn),  qu'on  devrait  écrire  la  Parrou- 
qiiial,  représente  l'adjectif  parochialis,  qualifiant  quelque  sub- 
stantif féminin  sous-entendu. 

1400.  Le  mot  latin  ecclesia  représente  le  grec  iy//./,Y;(j(a, 
((  assemblée  »  ;  les  chrétiens  l'appliquèrent  proprement  à  leurs 
assemblées  :  puis  il  désigna  tout  local  où  l'une  de  leurs  commu- 

Saint-Mihiel,  par  Texistence  d'une  Grande-Paroche  et  d'une  Petite-Pai'oche, 
localités  dont  aucune  n'avait  rang-  de  paroisse  —  vers  1600,  les  Paroches 
n'étaient  encore  qu'une  annexe  de  Refroicourt  (Pouillés  rie  la  province  de 
Tri'ves,  p.  382;  —  aux  environs  de  Briey,  par  le  fait  qu'au  milieu  du 
XVIII*  siècle,  la  "  mairie  des  Paroisses  »  ou  «  des  Paroches  »  était  constituée 
par  un  groupe  de  petites  communautés,  et  que  le  "  hameau  des  Baroches  " 
d'avant  1907  n'était  autre  chose  que  la  réunion  de  ceux  de  Péuil  et  de 
Méraumont. 

1.  Cet  exemple  est  le  seul  qui  montre  employé  comme  nom  de  Hou,  en 
plein  moyen-âge,  le  mot  parochia,  pris  dans  son  acception  originelle.  A 
la  suite  des  recherches  auxquelles  l'un  de  nous  s'est  livré  pour  metlie  au 
point  les  notes  dont  nous  disposions,  nous  avons  cru  devoir  insister,  dans 
ce  paragraphe  et  dans  les  deux  précédents,  ainsi  que  dans  les  notes  qui  les 
accompagnent,  sur  ce  rpie,  à  notre  avis,  les  autres  vocables  qui  y  sont  men- 
tionnés —  parce  que  Longnon  les  étudiait  à  cette  place  —  sont  relative- 
ment modernes,  et  ne  doivent  pas  être  considérés,  à  proprement  parler, 
comme  des  noms  de  lieu  d'origine  ecclésiastique  :  de  là  certains  dévelop- 
pements de  nature  h  surprendre  ceux  de  nos  lecteurs  qui  auraient  gardé  de 
l'onseisnement  du  maître  un  fidèle  souvenir. 


."Hi  LES    NOMS    DE    LIEU 

nautés  se  réunissait  pour  les  cérémonies  religieuses,  et  ce  sens 
d'«  église  »  est  attesté,  vers  la  lin  du  vi''  siècle,  par  les  écrits  de 
Grégoire  de  Tours  et  de  Fortunat.  De  même  que  son  synonyme 
basilica.  il  devait  fournir  des  noms  de  lieu  aux  divers  pays 
chrétiens,  entre  autres  à  la  Gaule. 

1401.  L'Église  est  le  nom  d'au  moins  une  trentaine  d'écarts 
appartenant  aux  régions  les  plus  variées.  On  le  voit  accompagné 
d'un  déterminatif  dans  les  noms  de  communes  :  l'Eglise-aur- 
Bois  (Corrèzei,    Église-Neuve-(f /ssac  et  Église-Neuve-G?e-l'err/^ 

Dordogne  .  Éqlisenenye-d' E nt raig lies .  ÉQli&eneUYe-d os-Liards, 
et  Égliseneuve-/>'"^'*-^'^'''5''*  (Puy-de-Dôme).  Neuvéglise  i Cantal i 
était,  en   928.  le  chef-lieu  de  la  vicaria  de  Nova  Ecclesia. 

1402.  Les  Gleizes  Drômei  et  Gleysenove  Aveyrom  pré- 
sentent, dans  la  France  méridionale,  une  forme  vulgaire  du  mot 
ecclesia,  caractérisé  par  une  aphérèse,  la  même  à  laquelle  est 
dû  l'italien  cJiiesa. 

1403.  Le  nom,  signalé  déjà  fn"  993)  de  Bellenglise  Aisne),  en 
IIIK)  BeJaineijl'iHo  —  ce  qui  suppose  un  thème  étymologique 
Berelindis  ecclesia,  dans  lequel  ecclesia  est  précédé  dun 
nom  de  femme  —  doit  être  rapproché  des  noms  de  lieu  germa- 
niques en  -kirch,  ayant  pour  terme  mitial  un  nom  de  personne, 
celui  du  fondateur  ou  du  patron  de  l'église  qui  a  donné  naissance 
à  la  localité. 

1404.  Dans  Roiglise  (Somme  on  observe  la  combinaison 
d'ecclesia  avec  le  nom  primitif  de  la  localité,  située  entre 
Soissons  et  Amiens  sur  la  voie  romaine  de  \e\ey  à  Boulogne- 
sui'-Mcr,  et  appelée  Rodium  parla  Tal)le  de  Peutinger  ;  com- 
binaison imaginée  pour  dilVérencier  ce  lieu  du  caslruin  voisin, 
portant  le  même  nom,  aucpicl  la  petite  ville  de  Roye  doit  son 
origine. 

Fcclesia  est  également  reconnaissable  dans  Witainéglise 
(Somme),  nom  d'un  hameau  connu  dès  le  xi*  siècle  ;  mais  on 
ne  saurait  dire  en  toute  sûreté  ce  (|u'il  faut  entendre  par  le 
premier  terme  de  ce  nom, 

1405.  On  sait  (jue  le  mot  ecclesia,  imjjorté  en  Gaule  sous 
riiilluonce  romaine,  s'est  inaiiileiiu  dans  des  régions  oii  la 
langue  romane  a  cédé  du  terrain  :  en  Rietaijne,  sous  la  forme  iliz 
(cf.  ci-dessus,  n"  1322  :  .lU  pays  bas(|n<'.  sons  l:i  forme  r/ir.i 
(cf.  ci-des8us,  n"  1363 


ouifiiiNEs  KccLi':ai.\STiQUf':s  :   kiriciia  345 

1406.  11  existe  eu  France  des  noms  de  lieu  représentant  des 
formes  diniinutives  d'ecclesia,  et  principalement  des  dérivés 
romans  decclesiola  :  Eglisolles  (Puy-de-Dôme),  et,  moyennant 
une  aphérèse,  Glisolles  (Eure),  en  1130  Iglisolcs,  la  Gleizole 
(Gorrèze,  Indre,  Lozère),  les  Gleizolles  (Basses-iVlpes,  Hautes- 
Alpes,  Drôme),  GleygeoUe  (Gorrèze). 

Dans  Grisolles  (Aisne,  Tarn-et-Garonne),  Grisols  (Gantai), 
Grisollettes  (Loire),  on  note  une  modification  de  la  licjuide 
d'ecclesia  ;  cette  liquide  disparaît,  ainsi  que  Vs  de  la  syllabe 
suivante,  dans  Laguiole  (Aveyron)  et  Laguiolle  (Gard). 

La  terminaison  s  est  altérée,  tardivement  d'ailleurs,  dans 
Égriselles,  nom  de  trois  localités  du  département  de  l'Yonne, 
dont  lune,  Ef/riselles-le-Boca(/e,  est  appelée  Aecclesiola  par 
un  petit  pouillé  sénonais  datant  du  xi^  siècle,  et  dans  Griselles, 
nom  porté  par  deux  communes,  l'une  de  la  Gôte-d'Or,  l'autre  du 
Loiret  ;  un  certain  Hugues,  qui  tii-ait  sou  surnom  de  la  première, 
est  appelé  en  1090,  dans  une  charte  de  l'abbaye  de  Molesme, 
Hugo  E  c  c  1  e  s  i  o  1  e  n  s  i  s . 

Dans  la  plupart  des  noms  terminés  par  une  s  qui  viennent 
d'être  énumérés,  l's  est  parasite,  et  n'autorise  aucunement  à  pré- 
sumer un  primitif  à  forme  plurielle  ;  il  n'en  est  pas  de  même 
dans  les  Églisottes  (Gironde). 

1407.  Le  mot  ecclesia  avait  pour  équivalent  le  haut  alle- 
mand kiricha,  aujourd'hui  représenté  par  l'allemand  kirche  et  le 
(lamand  kerkc. 

Dans  la  nom  d'Altkirch  (Haut-Rhin),  le  premier  terme  est 
l'adjectif  ait,  «  vieux  »  ;  ce  nom  est  donc  à  rapprocher,  au  point 
de  vue  du  sens,  de  ceux  de  Vieille-Eglise  (Seine-et-Oise)  et  de  la 
Vieille-Eglise  (Haute-Savoie). 

La  petite  ville  de  Dannemarie  (Haut-Rhin)  est  appelée  en 
allemand  Darnmerkirch ,  c'est-à-dire  «  l'église  de  sainte 
Marie    ». 

Quant  à  la  forme  flamande,  on  la  reconnaît  dans  quelques  noms 
de  lieu  de  la  France  septentrionale  : 

Brouckerque  (Nord),  «  l'église  du  marais  »  (hroek  -—  marais)  ; 

Goudekerque  (Nord),  ((  l'église  froide  »  [koud  =^  froid); 

Dunkerque  (Nord),  «  l'église  des  dunes  »; 

Houtkerque  (Nord).  «   l'église  du  bois  »  [hout  —  bois). 


346  "~  lf;s  noms  de  lieu 

Dans  le  nom  Haverskerque  (Nord),  en  1362  Haveskerke,  le 
premier  ternie  fait  penser  à  havik,  nom  du  gerfaut  en  flamand 
moderne  ;  mais  dans  l'espèce,  il  s'ag-it  vraisemblablement  dun 
nom  d'homme,  comme  dans  la  plupart  des  noms  de  lieu  germa- 
niques de  forme  composée  antérieurs  au  xii"^  siècle. 

Offekerque  (Pas-de-Calais)  est  appelée  Houve  en  1100,  Flove- 
kirke  en  I  oo6  ;  on  voit  par  là  que  le  mot  signifiant  «  église  » 
est  combiné  avec  le  nom  primitif  de  la  localité  (cf.  ci-dessus, 
n°  1404). 

1408.  Le  mot  latin  altare,  «  autel  »,  a  pris  de  bonne  heure 
en  Gaule  le  sens  d'  «  église  d'ordre  secondaire  »,  témoin  ce  pas- 
sage, cité  par  Du  Gange,  d'un  capitulaire  de  Charles  le  Chauve, 
donné  à  Toulouse  en  juin  844  :  Si  nécessitas  populi  exe- 
gerit,  ut  plures  fianl  ecclesiae,  aut  statuantur  altaria, 
eu  m  ratio  ne  et  auctoritate  hoc  faciant^.  Dans  l'ancien 
français  «  altare  a  donné  régulièrement  aller,  ou  allier,  ou 
aulier  ;  la  forme  aulel  s'est  glissée  à  côté,  par  l'affinité  entre  Yl 
et  Vr,  et  aussi  par  le  grand  usage  de  l'adjectif  aulel,  semblable, 
mot  très  usité  dans  ces  temps-  ». 

Dans  la  toponymie  française  actuelle,  le  mot  «  autel  »  est  tou- 
jours employé  au  pluriel  :  Les  Autels  (Aisne,  Calvados,  Eure-et- 
Loir) .  Un  écart  du  département  de  Saône-et-Loire  est  égale- 
ment appelé  les  Autels  ;  mais  il  semble  que  ce  soit  là  une  graphie 
fautive  pour  les  Ilôlels,  c'est-à-dire  «  les  maisons  ». 

La  forme  les  Authieux  (Calvados,  Eure,  Eure-et-Loir,  Orne, 
Seine-Inférieuip)  est  à  rapprocher  de  lieux,  qui  fut  une  des 
formes  du  pluiiol  de  l'adjectif  indéfini  lel. 

Le  nom  d'Autheux  l'Somme)  se  dislingue  des  précédents  par 
l'absence  d'article.  Pai-  contre,  c'est  une  trace  d'article  qu'on 
observe  en  tête  du  nom  Zoteux  (Pas-de-Calais),  résultant  de 
l'altération  de  les  Auleu.c  dans  une  région  où  l'on  prononçait 
Vz  Aul.eux,  et  où  Zaleu.v  (Somme)  se  dit  pour  les  Alleux.  Soit 
dit  en  passant,  c'est  à  cette  jirononciation,  i)ropre  aux  dialectes 
picard  et  wallon,  qu'est  duc  la  forme  actuelle,  Ilulsonniaux 
(lielgi(|ue,  [)r()v.  de  Namur),  du  nom  d'un  village  qui  s'appelait 
primitivement    Huy,   et   qu'on   voulut  distinguer   de    la  ville  de 

1.  Moniini.  fiorin..  l.rf/im)  iifrfio  fI,(J,iiiUiil;irin  rrgiini  fr;inrorin)K\\.  VM . 

2.  V..    I.illrô.   I>iiliniin:iirr  ih'  l.'i  luiii/iir  fr/inrnisi'.  -.wi .  AiiIpI. 


ORKilNKS     llcr.LÉSIASTIOrKS     !     ORATORIi'M  347 

même  nom,  au  moyen  d  un  surnom  tiré  des  aunes  qui  abon- 
daient sur  son  territoire,  autrement  dit  en  l'appelant  Huy-les- 
Auniaux. 

1409.  Le  substantif  latin  oratorium,  formé  sur  le  verbe 
orare,  qui,  du  sens  de  «  parler  »  est  passé  à  celui  de  «  prier  », 
a  désigné,  aux  bas  temps  de  l'Empire  romain,  un  «  lieu  consa- 
cré à  la  prière  »,  et  c'est  ainsi  que  l'emploie  saint  Aug-ustin.  Il 
est  représenté,  sur  le  sol  français  par  un  g-rand  nombre  de  noms 
de  lieu  de  formes  très  variées. 

1410.  Dans  les  pays  de  langue  doc,  la  dentale  intervocale  / 
s  est  adoucie  en  f/,  d'où  Oradour  (Cantal,  Charente,  Haute- 
Vienne)  et  rOradour  (Dordogne),  dont  l'article  atteste  qu'ora- 
f/oH/'  était  un  mot  du  langage  courant. 

1411.  L'article  paraît  également,  mais  faisant  corps  avec  le 
mot  —  caprice  de  graphie  dont  il  y  a  bien  d'autres  exemples  — 
dans  Lourdoueix,  nom  dont  la  forme  est  caractérisée  par  des 
particularités  imputables  à  la  situation  vers  la  limite  des  langues 
d'oc  et  d'oïl  des  localités,  contiguës  d'ailleurs,  qu'il  désigne, 
Lourdoueix-Saint-Michel  (Indre i,  et  Lourdoueix-Saint-Plerre 
(Creuse)  :  disparition  de  l'a  antétonique,  qui  était  sans  doute 
devenu  un  e  muet;  persistance  de  la  dentale;  enfin  complica- 
tion du  son  voyelle  de  la  syllabe  tonique,  par  l'etFet  du  passage 
à  cette  syllabe  de  1'/  de  la  désinence  (cf.  ci-après,  n°  1413). 

1412.  En  pays  de  langue  d'oïl,  le  /  intervocal  tombe,  et  la 
voyelle  antétonique,  se  trouvant  en  contact  avec  Va  tonique,  ne 
tarde  pas  à  disparaître. 

Tantôt  1/  de  la  désinence  ne  laisse  aucune  trace  :  Oroux 
(Deux-Sèvres  1,  Ouroux  (Ain,  Nièvre,  Rhône,  Saône-et-Loire), 
et,  moyennant  la  prosthèse  de  l'article,  Louroux  (Allier),  Loreux 
(Loir-et-Cher)  :  ce  sont  là  d'anciens  Orour,  (Juroiir,  Oreux,  dont 
Yr  finale  s'est  assourdie  ;  Yx  est  parasite. 

1413.  Tantôt  cet  i  passe  à  la  syllabe  tonique,  dont  il  modifie 
le  son  voyelle  :  Ourouër  (Nièvre),  OuTOUeT-Ies-Bourdelins 
(Cher),  Oroër  (Oise),  Orrouer  (Eure-et-Loir),  Oroir,  ancien  nom 
de  "Villevaudé  (Seine-et-Marne),  Orrouy  (Oise),  anciennement 
Oroiier,  Aurouër  l'.VUieru  Auroir  (Aisne i,  Yrouerre  i  Yonne). 
Le  nom  Lourouer  désignait  deux  communes  (\\\  déparlemont  de 
l'Indre,  Lourourr-lr-Bois  oi  Louroiier-Saint-Lnurcnl:  la  pnMiiière 


3i8  LES    NOMS    DE    LIEU 

s'appelle  aujourdhui  le  Poinçonne/  ',  son  chel'-lieu  avant  élé 
transféré  au  village  qui  doit  ce  nom  à  une  famille  de  laboureurs 
mentionnée  au  xv!!*"  siècle. 

1414.  On  a  A'u  (n°  1389)  le  rhotacisme  modifier  basoche  en 
haroche.  Le  phénomène  inverse  (cf.  n<**  68,  703,  1138)  a  changé 
en  :;  \'r  d'oratorium  dans  Ozouer  et  Ozoir  i  Seine-et-Marne), 
Ouzouer  Loir-et-Cher,  Loiret),  Auzouer  (Indre-et-Loire), 
Louzouer  (Loiret). 

1415.  A  propos  de  la  prosthèse  de  Tarticle,  qu'on  observe  dans 
ce  dernier  nom  et  dans  plusieurs  de  ceux  j)récédemment  énumé- 
rés,  il  convient  de  l'appeler  les  exemples  qu'en  olfre  le  vocabu- 
laire français  :  aureolus  et  hedera  sont  devenus  loriot  et 
lierre^  et  l'on  a  si  complètement  oublié  que  l'initiale  de  ces  mots 
était  à  l'orig'ine  un  article,  qu'on  dit  «  le  loriot  »  et  «  le  lierre  », 
de  même  que  «  le  lendemain  »  se  dit  pour  lendemain  ;  la  célèbre 
foire  du  Lendit,  à  Saint-Denis,  était  appelée  en  latin  indictum. 
Or,  pareil  redoublement  d'article  s'est  produit  à  l'égard  de 
quelques  primitifs  oratorium  :  le  Loroux  (Ille-et-Mlaine, 
Maine-et-Loire),  .Sa/nZ-P/V/vr-du-Lorouër  (Sarthe\  le  Loreur 
(Manche)  ;  et  tandis  que,  dans  les  expressions  qui  viennent 
d'être  citées,  il  ne  remonte  pas  au  delà  du  xV^  siècle,  on  voit  dès 
113i,  le  nom  du  Louroux-Z^econ/it-?/.'?  (Maine-et-Loire),  latinisé 
Loratorium  ;  plus  anciennement  encore,  en  1096,  certain 
scribe  traduisait  par  Laboratorium  le  nom  de  Saint-Pierre- 
du-Lorouër,  ne  soupçonnant  pas  même  ce  qu'il  devait  entendre 
par  ce  nom. 

1416.  Le  mot  capella,  (jui  régulièiement  devrait  s'écrire 
cappella,  est  un  diminutif  du  bas-latin  caj)pa,  «  chape  ».  Il  a 
eu  plusieurs  sens  successifs. 

Primitivement,  il  s'entendit  dune  petite  chape,  d'un  petit 
manteau,  la  chape  de  saint  Martin,  relique  insig;ne  conservée 
dans  le  palais  des  rois,  et  sur  laquelle  se  prêtaient  les  serments, 
(je  sens  est  attesté  par  plusieurs  textes  nu-roving-iens.  On  lit, 
dans  un  diplônu'  de  Thierry  III  (()7.")-(»lll  i  :  De  novo  denome- 
nalus  aput  sc!X.  sua  mano  septima,  (lies  duos  ante 
calt'iidas      julias,     iu     oralurio     nosiro.      super      ca|)ella 

I.    l'ii  vnrdi  iriiii  (lécrot  du  '^  mnrs  1H7M. 


ORIGhNES     KCCLÉSIASTHJUES     :     CAb'KLLA  349 

doniiii  Martini,  ubi  reliqua  sacranieiita  perciirribant, 
hoc  dibiret  conjurare^  Les  mêmes  termes,  ou  à  peu  près, 
se  retrouvent  dans  un  diplôme  de  Cliildebert  III  '695-710),  k  pro- 
pos d'un  jugement  rendu  par  le  maire  du  palais  Grimoald  :  Sic 
ad  ipso  viro  Grimoaldo  fuit  judecatum,  ut  sex  homenis 
de  Verno.  et  sex  de  Latiniaco,  bona  fideus  in  oraturio 
suo,  seu  cappella  Sancti  Marcthyni,  memorate  home- 
nis hoc  debirent  conjurare-.  C'est  encore  d'expressions 
semblables  (pie  se  sert  Marculfe,  dans  la  formule  XXXVIII  du 
livre  premier  de  son  recueil  :  Sed  dum  in  ter  se  intenderent, 
sic  eidem  a  proceribus  nostris,  in  quantum  inlustris  vir 
ille,  comes  palatii  nostri,  testimoniavit,  fuitjudicatum, 
et  de  quinque  denominatus  idem  ille  apud  très  et  alios 
très  sua  manu  septima  tune  in  palatio  nostro  super 
capellam  domni  Martini,  ubi  reliqua  sacramenta  per- 
currunt,  debeat  conjurare'^. 

Bientôt  capella  désigna  le  lieu  même  où,  dans  le  palais,  était 
conservée  la  chape  de  saint  Martin  ;  et  c'est  dans  ce  sens  qu'il 
faut  entendre  le  surnom  de  la  ville  d'Aix-la-Chapelle,  où  l'on 
sait  que  les  rois  de  la  seconde  race  avaient  un  palais  :  Caries 
serai  ad  Ais^  a  sa  capele,  lit-on  dans  la  Chanson  de  Roland  ''. 

Plus  tard,  l'appellation  capella  fut  appliquée  à  tout  édifice 
religieux  où  étaient  conservées  des  reliques. 

Entin,  le  sens  de  ce  mot  se  restreignit,  et  aujourd'hui  «  cha- 
pelle »  ne  se  prend  plus  que  dans  trois  sens  :  le  local  all'ecté  à 
Texercice  du  culte  dans  un  palais,  un  château,  un  établissement 
hospitalier  ou  d'enseignement  :  —  une  petite  église  non  parois- 
siale ;  —  toute  partie  d'une  église,  autre  que  le  chœur,  ayant  un 
autel. 

Le  mot  capella,  désig-nant  un  édifice  consacré  au  culte, 
devait  nécessairement  devenir  nom  de  lieu. 

1417.  Il  revêt  la  forme  capelle  dans  la  langue  d'oc,  d'une  part, 
dans  les  dialectes  normand,  picard  et  w^allon,  d'autre  part  ;  de  là 
les    noms    de     lieu    suivants    :    Capelle    (Aude,    Nord,     Pas-de- 


1.  Pardessus,  Diplomala,  11,  18H. 

2.  Pardessus,  Diplomnin,  II,  2X('>. 

.3.  Monumcnta  Gcrnmniae,  Legiiin  suclio  \',  Foriniilue,  p.  67-08. 

4.  Kd.  Léon  Gautier,  vers  :'>2. 


3o0  LES    .NOMS    DE    LIEU 

Calais)  ;  —  Cappelle  (Nord)  ;  —  La  Capelle  (Aude,  Aveyron, 
Gard,  Lozère,  Eure,  Pas-de-Calais);  — Lacapelle  (Cantal,  Lot, 
Lot-et-Garonne,  Tarn,  Tarn-et-Garonne)  ;  —  Capelles  (Eure)  ; 
—  les  Capelles  (Calvados). 

1418.  Capelle  a  pour  variante,  dans  le  dialecte  gascon,  capère  : 
Lacapère  (Hautes-Pyrénées). 

1419.  Dans  la  France  de  langue  d'oïl,  en  deçà,  bien  entendu, 
des  limites  des  dialectes  normand,  picard  et  wallon,  le  c,  lors- 
qu'il était,  en  latin,  suivi  d'un  a,  prend  le  son  chuintant.  Il  serait 
trop  long-  et  sans  intérêt  d'énumérer  ici  les  localités  dénommées 
Chapelle,  la  Chapelle,  Lachapelle.  les  Chapelles,  souvent  avec 
un  déterminatif,  surtout  lorsqu  il  s'agit  de  communes,  qu'on  ren- 
contre en  si  grand  nombre  —  la  liste  en  occupe  six  pages  dans 
le  Dictionnaire  des  Postes  —  sur  le  sol  de  notre  pays.  On  obser- 
vera seulement  que  l'influence  de  la  langue  française  a,  dans 
quelques  cas  isolés,  fait  prévaloir  la  forme  chapelle  en  des  régions 
où  le  parler  local  a  maintenu  capelle  :  il  existe  des  écarts  appe- 
lés la  Chapelle  dans  des  départements  qui  comptent  parmi  les 
plus  méridionaux  :  Haute-Garonne,  Landes,  Basses-Pyrénées. 
Hautes-Pyrénées.  Var.  Le  nom  Lachapelle  voisine,  dans  la 
nomenclature  communale  ollicielle  de  Lot-et-Garonne,  avec 
Lacapelle-Biron,  et,  dans  celle  de  Tarn-et-Garonne,  avec  Laca- 
pelle-Livron  ;  on  voit,  dans  le  département  du  Lot,  Lacapelle- 
Cahanac  et  Lacapelle-Marival,  et  aussi  Lachapelle- Auzac.  \\\ 
autre  Lachapelle  se  trouve  dans  la  Somme.  Et  le  département  du 
Nord,  où  l'on  a  remarqué  Capelle  et  Cappelle,  comprend  l'im- 
portante commune  de  CJiapello-dArmenticros. 

1420.  Capelette  l  Lot-et-Garonne j,  la  Capelette  (Bouches-du- 
Rhône,  Lot,  Pas-de-Calais,  Tarn-et-Garonne),  Chapelette  (Puy- 
de-Dôme),  la  Chapelette  (.\lliei\  Haute-Loire.  Loire-lnférieuro, 
Somme)  et  la  Chapelotte  (Cher,  Haute-Marne,  Haute-Saone, 
Yonne)  sont  des  diminutifs  de  capelle  et  de  chapelle. 

1421.  Dans  les  arrondissements  de  Dunkerque  et  d'Haze- 
bronck,  quelques  noms  de  lieu  d'as])ect  flamingant  ont  été  faits 
il  laide  du  mol  capella,  qui  revêt  la  forme  atppel.  Tel  est  le 
nom  ArmboutS-Cappel  (Nord),  dont  le  premier  terme  est  un 
nom  (1  lionmie  employé  au  gi'nilif,  ce  cas  étant  caractérisé  par  la 
finale  .s. 


ORIGINKS    ECCI.KSl AS  TIQUES     :     MONASTHRIUM  3o  1 

1422.  Tianscriptioii  du  grec  ;j.svajTr,pivV,  le  mot  moiias terium 
apparaît  au  déclin  de  la  période  romaine,  pour  désigner  ce  que 
nous  appelons  un  monastère.  Certains  indices  permettent  d'aflir- 
mer  que,  dans  quelques  parties  de  la  Gaule,  il  est  devenu,  par 
la  chute  de  l'a  antétonique,  monsterium  ;  ïn  se  trouvant  ainsi 
en  contact  avec  Vs,  est  tombée  à  son  tour,  par  un  phénomène 
dont  plusieurs  exemples  ont  été  cités  déjà(n'^  962)  ;  de  même  que 
ministerium  est  devenu  métier,  de  même  monasterium, 
réduit  successivement  à  monsterium  et  à  mosterium,  a 
donné  niustier,  moastier,  nioufier.  A  la  fin  du  moyen-àge,  le 
mot  moiisller  avait  le  sens  à  peu  près  exclusif  d'  «  église  »,  et  de 
nos  jours  encore,  on  voit,  dans  plus  d'une  localité,  la  rue  qui 
mène  à  l'église,  dénommée  «  rue  du  Moutier  »  ;  mais  dans  la 
toponomastique  proprement  dite,  lors({u'on  rencontre  l'une  ou 
l'autre  des  formes  vulgaires  de  monasterium,  on  doit  l'en- 
tendre au  sens  orig-inel  de  ce  mot,  car,  la  plupart  du  temps,  la 
localité  dont  il  s'agit  possédait  un  monastère  de  fondation  anté- 
rieure au  xi^  siècle,  et  remontant  parfois  même  à  l'époque  méro- 
vingienne. 

1423.  Les  noms  de  lieu  suivants  sont  des  variantes  de  mou- 
tier :  Moustier  (Gorrèze,  Dordogne,  Lot-et-Garonne,  Nord), 
Moustiers  (Basses-Alpes),  le  Moutier  (Allier,  Calvados,  Creuse, 
Manche,  Puy-de-Dôme,  Seine-et-Oise),  Moutiers  (Côte-d'Or, 
Eure-et-Loir,  llle-et- Vilaine,  Meurthe-et-Moselle,  Orne,  Savoie, 
Seine-et-Oise,  Deux-Sèvres,  Yonne),  les  Moutiers  (Calvados, 
Loire-Inférieure,  Drôme,  Manche,  Orne,  Vendée,  Vienne),  Mou- 
thier  (Doubs,  Saône-et-Loire),  Mouthiers  (Charente),  et,  en 
Suisse,  MÔtier  cant.  de  Fribourgj,  et  Môtiers  (cant.  de  Neuchà- 
tel).  Deux  communes  de  la  Manche  s'appellent  les  Moitiers,  et 
pour  l'une  d'elles,  on  voit  ce  nom  latinisé  en  Monasteria; 
peut-être  .  rappellent-elles  le  souvenir  de  monastères  doubles 
de   l'époque  franque. 

1424.  Par  delà  les  limites  du  lang-age  roman,  monasterium 
est  devenu,  en  Bretagne  Mouster  (Côtes-du-Nord,  Finistère), 
Moustoir  (Morbihan),  le  Moustoir  (Côtes-du-Nord,  Morbihan) 
—  en  Alsace  Munster. 

1425.  Le  nom  de  Mouterre,  porté  par  deux  communes  du 
département  (h»  la  Vienne,  et  dans  la  graphie  ducjuel  la  finale  re 
n'a  été  ajoutée  qu'à  une  époque  récente,  diffère  des  précédents 


'.Mrl  LES    iNO.VIS    DE    LIEU 

par  ce   tait    que  \'i  posttonique  n'a  eu  aucune  inlluence   sur  la 
voyelle  accentuée. 

1426.  Vers  la  fin  du  moyen  âge  et  au  xvi^  siècle,  une  réaction 
provoquée  par  les  clercs  a  substitué  une  n  à  Vu  de  moiistier  ;  de 
là  les  noms  Montier  (Aube),  Montiers  (Meuse.  Oise),  Monthiers 
(Aisne),  Montiéramey  (Aubei,  Montierchaume  (Indre),  Montier- 
en-Der  (Haute-Marne). 

1427.  A  ces  diverses  formes,  qui  procèdent  toutes  de  1  altéra- 
tion populaire  de  monasterium  en  mosterium,  il  y  a  lieu 
d  opposer  quelques  formes,  plus  ou  moins  savantes,  qui  se  ren- 
contrent, en  nombre  restreint  d'ailleurs,  dans  la  partie  méridio- 
nale de  la  France  :  le  Monastère  (  Aveyron),  le  Monastier  (Haute- 
Loire,  Lozèrei.  Monestier  lAUier,  Ardèche,  Gorrèze,  Dordogne, 
Drôme,  Isère),  le  Monestier  Drôme,  Puy-de-Dôme),  le  Monêtier 
(Hautes-Alpes),  Monestiès  (Aude,  Tarn),  et  leur  variante  cata- 
lane le  Monestir  (Pyrénées-Orientales). 

1428.  Dans  un  grand  nombre  de  noms  de  lieu  où  Ion  reconnaît 
le  mot  latin  monasterium,  ce  mot  est  en  composition. 

L  élément  qui  l'accompagne  peut  être  d'ordre  topographique  : 
nom  de  région,  de  site,  de  cours  d'eau,  ancienne  appellation  de 
la  localité. 

Montier-en-Der  (Haute-Marne),  Monasterium  in  Dervo, 
rappelle  le  souvenir  d'une  abbaye  fondée  vers  G73  dans  la  région 
forestière  dite  le  Der  —  dervos  était  le  nom  gaulois  du  chêne 
(cf.  ci-dessus,  n°  148)  — au  lieu  dit  Putiolus  ou  Pociolus. 

Labbaye  de  Montiers,  près  Possesse  (Marne),  a  été  appelée 
Montiers-en-Argonne.  du  nom  dune  autre  région  forestière  bien 
connue. 

Le  vocable  Vimoutiers  (Orne)  a  pour  premier  terme  le  nom  de 
In  Vie.  afllueiil  de  droite  de  la  Dive. 

Montier-en-llsle  (^Aubc)  doit  son  origine  à  un  monastère  fon^lé 
assez  anciennement  dans  une  île  de  l'Aube. 

Forest-Montiers  'Somme)  est  désigné,  au  ix''  siècle,  par  l'ex- 
])rcssion  l'orestis   cellaou  Forestensis  ceUa 

Fresmontiers  (^Somme)  est  appelé  dans  les  textes  du  moyeu 
âge  J'^rcsncniDiisfirr  :  \v  picmicr  Icrnu-  de  ce  nom  n'-poud  donc  au 
latin  fra  x  in  us. 

Celui  du  nom  (h-  Marestmontiers  (Somme)  représente  h'  ba.s- 
liitin  mariscus.  '-    man'cai,^e   )>. 


oRiGiisEs  i:(:(;lksiasiiques  :   Mo.\ASTh:HiiM  .So3 

Montipouret  (Indre)  est  appelé  au  moyen  àg-e  Mostier  Porrec, 
ce  qui  autorise  à  penser  que,  dans  le  thème  étymologique  de  ce 
nom,  monasterium  est  suivi  d'un  nom  de  lieu  erallo-romain  en 
-  a  c  u  s . 

Le  nom  de  Noirmoutier  (Vendée)  otTre  la  combinaison  de  Tan- 
cien  nom  —  lie  rus  —  de  l'île  où  s'élève  ce  bourg-,  et  du  mot 
monasterium,  s'appliquant  à  l'abbaye  qu'y  fonda  saint  Phili- 
bert au  vu^  siècle.  Heri  monasterium  devait  donner  en  langue 
vulgaire  Oinnoustier,  et  la  prosthèse  de  Vn  qui  s'est  produite 
résulte  vraisemblablement  de  la  fréquence  de  locutions  telles 
que  :   «  je  vais  en  Oirmoustier  »>. 

Montier-Ia-Celle,  abbaye  bénédictine  fondée  vers  6()0,  auprès 
de  Troyes,  est  appelé  au  ix*^  siècle  Gella  do  m  ni  B  obi  ni,  en 
1215  ecclesia  Gellensis  ;  le  nom  moderne  résulte  du  rappro- 
chement de  monasterium  et  de  Gella,  qui  était  devenu  le  nom 
propie  du  lieu. 

Un  rapprochement  analogue  a  produit  le  nom  Montivilliers 
(Seine-Inférieure),  en  latin  Monasterium  Villare. 

1429.  On  peut  citer  quelques  noms  de  lieu  résultant  de  la 
combinaison  de  monasterium  avec  un  adjectif  '. 

Puellemontier  (Haute-Marne)  doit  son  origine  à  un  mona- 
stère dont  l'existence  remonte  presque  aussi  loin  que  celle  de 
Montier-en-Der,  située  tout  auprès  ;  c'était  un  monastère  de 
femmes,  Puellare  monasterium.  Le  nom  actuel  a  sans  doute 
succédé  à  une  forme  plus  ancienne  Puellermuustier. 

Le  nom  de  Marmoutiers  (Indre-et-Loire)  s'appliquait  à  une 
abbaye  très  fameuse,  fondée  au  iv*^  siècle  par  saint  Martin  ;  l'im- 
portance considérable  de  ce  monastère  le  fit  appeler  majus 
monasteriu^m  ;  la  forme  de  ce  nom  qui  a  prévalu  suppose  l'em- 
ploi de  major  au  lieu  de  majus. 

Pour  expliquer  le  nom  Brémontier.  que  portent  deux  localités 
de  la  Seine-Inféi'ieure,  on  n'ose  faire  état  de  la  forme  Brève 
monasterium,  donné  par  un  pouillé  de  1337  :  il  faudrait,  pour 
fonder  une  hypothèse  plausible,  j)ouvoir  recourir  à  des  textes 
plus  anciens. 

1430.  Somme  toute,  il  n'y  a  pas  beaucoup  de  noms  de  lieu 
formés    de   monasterium    et    d'un   adjectif,    et    l'on    con(,'oit   it 

1.  ('A'.   L'AI)l)aYf  tic  Montierneuf.  M  l\)iliiM's. 

Les   noms  ilc   lien.  23 


354  LES    .XOXS    DE    UKU 

quelle  erreur  on  s  exposerait  si  l  on  voulait  rapporter  au  latin 
nigrum  le  terme  initial  du  nom  de  Xoirnioutier.  De  même  l'éty- 
mologie  donnée  pour  Marmoutiers  ne  saurait  être  répétée  à  pro- 
pos de  la  petite  ville  des  environs  de  Saverne  qui  porte  presque 
le  même  nom  :  celle-ci  s  est  formée  autour  d  une  abbave  dont  le 
fondateur  est  un  saint  personnage  du  nom  de  Maurus,  et  Mar- 
moutier  Ba>-Rhin  .  en  allemand  Maursmànster.  représentant 
le  latin  Mauri  monasterium.  appartient  à  la  catégorie  des 
noms  de  lieu  dans  lesquels  monasterium  a  pour  déterminatif 
un  nom  de  personne. 

Le  nom  de  Montiéramey  Aube  est  une  contraction  de  la 
forme  Mostier  Arramé,  qu'on  rencontre  dès  1 182.  et  qui  répond 
au  thème  étymologique  Monasterium  Adremari.  ce  dernier 
nom  étant  celui  d  un  prêtre  de  Troyes,  qui.  en  837.  y  fonda  une 
abbaye  bénédictine.  Celle-ci,  assez  voisine  de  la  lisière  occiden- 
tale du  Der.  a  été  appelée,  notamment  en  1115.  Dervense 
monasterium.  et  aurait  pu  êire  l'homonyme  de  celle  de  Mon- 
tier-en-Der.  située  à  1  autre  extrémité  de  la  même  région. 

Monthieraolt  (Aubei  est  appelé,  en  1151.  Monasterium 
Airaldi  :  on  ne  sait  rien  de  certain  sur  1  origine  de  cette  loca- 
ité  :  le  nom  d  homme  combiné  avec  monasterium  est  \Tai- 
semblablement  le  nom  germanique  Adroaldus.  devenu  ensuite 
Adraldus  ;  peut-être  s'agit-il  d'un  saint  personnage  nommé 
Adraldus,  dont  1  éfflise  de  Troyes  conserve  le  souvenir. 

Dans  le  nom  de  Faremoutiers  Seine-et-Marne  .  le  terme  ini- 
tial est  le  nom  de  sainte  Fare.  sœur  de  1  evéque  dt-  Meaux  saint 
Faron.  qui.  dans  la  première  moitié  du  vu*  siècle,  fonda  là  une 
abbaye  de  femmes.  Un  document  bien  connu  du  ix*  siècle,  le 
testament  du  comte  Aicard  ou  -\chard  d'Autun.  appelle  ce 
monastère  F  ara  ne  ou  Ferane  monasterium.  La  forme  vul- 
gaire primitive  a  dû  être  Farainmoastier  :  le  son  nasal  ain  se  sera 
réduit  à  <?  sous  rintluence  de  1  m  qui  le  suivait. 

Giremoutiers  Seine-el-Mamer  est  appelé  Girodi  monaste- 
rium dans  des  textes  latins  qui  ne  sont,  à  vrai  dire,  pas  très 
anciens  ;  aussi  est-il  pemns  d'hésiter  sur  la  question  de  savoir 
si  le  nom  de  personne  qui  constitue  la  première  partie  de  ce 
▼ocable  est  un  nom  d'homme,  tel  que  Geroldus  ou  Giraldus. 
ou  bien  le  nom  de  femme  Gerhildis. 

Dans   Romainmôtier    Suisse,  cant.  de  Vaud.,  il  faut    recon- 


0R1GIM.-S    ECCLÉSIASTIOl  ES    :    MOyASTERlOLL'M  355 

naître  le  nom  de    saint   Homain,  dont   la  vie  est  un  des    tilu< 
anciens  monuments  hagiographiques  que  Ton  connaisse. 

Monasterioliim.  qui  désignait,  comme  il  convient  à  un 
diminutif  de  monasterium.  un  monastère  de  peu  d'importance, 
est  devenu  le  nom  d'un  grand  nombre  de  localités. 

1431.  Dans  le  midi  de  la  France,  il  ne  s'est  guère  altéré  : 
Monestrol    Aude,  Haute-Garonne  .  Monistrol  vHaute-LoireL 

1432.  Les  formes  suivantes,  répandues  sur  une  assez  vaste 
étendue  de  territoires,  sont  caractérisées  par  l'atTaiblissement  de 
Yo  de  la  première  svllabe  :  Ménestérol  Dordogne  .  Ménétréol 
(Cher  .  Ménétréols   Indre  .  Ménétrol  Puv-de-Dôme i .  Menestniel 

Ain  .  Ménétreuil  Saône-et-Lo;re  .  Menestreau    Loiret.  Nièvre  . 
Menétreau     Cher.    Nièvre  .    Ménétreux     C"t     rOi-      Ménétm 
Jura  . 

1433.  Par  une  transformation  semblable  à  celle  signalée  plus 
haut  n*'1422  à  propos  de  monast  erium.  monasteriohim  est 
devenu    mosteriolum.  De   là   le  vocable  si  répandu  Montreuil 

Aisne,  .\rdennes.  Aube.  Calvados.  Eure.  Eure-et-Loir,  Ille-et- 
Vilaine.  Indrf-et- Loire,  Loire -Inférieure.  Maine-et-Loire. 
Manche,  Haute-Marne.  Mayenne.  Oise.  Orne,  Pas-de-Calais. 
Sarthe.  Seine.  Seine-Inférieure.  Seine-et-Oise.  Vendée.  Vienne  , 
qui  se  présentait,  au  siii*  siècle,  sous  les  formes  Mosteruei, 
MoiisterueL  dont  la  diphtongue  ue  se  prononçait  eu  :  Vn  a  été 
rétablie,  vers  la  tin  du  moyen  âge.  comme  dans  Montier  cf. 
ci-dessus,  n**  1427  .  par  l'etîet  d'une  réaction  savante,  m  cléri- 
cale ».  et  c  est  au  xvi^  siècle  que  l's  étymologique  a  disparu. 
Mosteruel  et  Monsteruel  sont  d'ailleurs  les  formes  médiévales. 
non  seulement  de  Montreuil.  mais  des  variantes  de  ce  nom  qui 
vont  être  indiquées. 

1434.  Dans  les  unes,  la  finale -et// est  devenue,  non  pas  -euU, 
mais  -eau  :  Montereau  Cher,  Loiret.  Seine.  Seine-et-Marne, 
Seine-et-Oise  .  appartiennent  àla  région  où  Maroialum  n**  167  . 
Nantoialum  n"  169  .  Spinoialum  n"  174  ,  sont  devenus, 
non  pas  MareuîL  XanteuiL  Epineuil.  mais  Mareau  Loiret). 
Xanteau  ^Seine-et-Marne),  Épineau  Yonne),  et  où  le  nom  de 
Jar</eiiu  ^Loiret"    parait  représenter  au  primitif  Garrigojaluni 

n    164.. 

1435.  -\illeurs,    celte    finale    s'assourdit  en    -eu    :   Montreiix 


iJo6  LES    iNOMS     DE    lAEV. 

.^Aisne,  Meurthe-et-Moselle,  Nord,  Haut-Hhin).  Montureux 
(Haute-Saône),  Monthureux  (Vosges)  ;  cette  dernière  graphie, 
sur  laquelle  a  été  fondée  la  traduction  Mons  felix,  a  été  adop- 
tée à  une  époque  relativement  récente. 

1436.  Les  noms  le  Moutherot  (Doubs)  et  Montrol  (Haute- 
Vienne)  doivent  être  considérés  comme  des  diminutifs  de  mous- 
tier  et  de  montier,  plutôt  que  comptés  parmi  les  formes  romanes 
de  monasteriolum. 

1437.  Par  Montrollet  (Charente)  et  Montrelet  (Somme)  — 
d  où  tirait  son  nom  le  célèbre  chroniqueur  Enguerrand  de  Mons- 
trelet  —  il  faut  entendre  «  le  petit  Montreuil  ». 

1438.  Pour  expliquer  les  noms  Monéteau  (Yonne»  —  qu'au 
Mil"  siècle  on  voit  rendu  par  Moaastallum  et  Monestallum 
—  MennetOU  (Loir-et-Cher)  et  MenetOU  (Cher),  il  faut  recourir  à 
l'hypothèse  d'un  autre  diminutif  de  monasterium,  ([ui  serait 
monastellum,  et  dont  la  formation  serait  comparable  à  celle 
de  cape  lia  et  de  castellum,  diminutifs  de  capra  et  de 
castrum. 

1439.  Un  adjectif  formé  sur  monasterium  figure,  au  polyp- 
tyque de  Saint-Hemi  de  Reims,  composé  vers  6o0,  dans  la  plus 
ancienne  mention  connue  —  Curtis  monasterialis  —  de 
Cormontreuil  (Marne).  Le  nom  de  cette  localité  signilierait  donc 
«  le  domaine  du  monastère  »  comme  Courdcnianche  (cf.  ci-des- 
sus, n"  943^  «  le  domaine  seigneurial  *  ». 

1440.  G  est  comme  un  synonyme  de  monasterium  qu  il 
faut    reconnaître  dans  Lamoiltgie  (Puy-de-Dôme)    et   Lamonzie 

1.  Dans  riiilioiluction,  qu'il  ;i  rédigée  avant  1891,  de  son  Diclionmiirc 
loi)0(ji-iij)hif/ue  de  la  Marut',  Auf^usto  Lonj^non  affirme  (p.  xj  (\nc  dtrinon- 
Irc'uil  présente  <'  la  combinaison  du  nom  commun  cortis  a\oc  nn 
adjeclif  ialin  -)  ;  et  au  cours  de  ses  conlérences  de  1906-1907  à  l'I-'-cole  des 
Hautes  lUudes,  signalant  les  deux  interprétations  —  eortis  monaste- 
rialis cl  coi'lis  mo  n  ;i  s  l  e  r  i  ol  i  —  dont  ce  nom  de  iit-u  est  susceptii)Ie, 
il  ani'ait  penché  pour  la  premicri",  contredisant  ainsi  rc\|)licalion  donnée 
j)liis  haut  In"  944j,  et  dont  nous  axons  cmpiiinlé  les  termes,  Icxtuellenienl, 
à  la  le(.'on  qu'il  avait  laite,  le  11  le\rier  INUI,  au  (]ollcg(>  de  l-rance.  Clelte 
<;xplicalion,  il  lavait  ré[>étée,  neuf  ans  plus  lard,  n  l'IOeole  des  Hautes 
ICtudes  ;  et,  mieux  cncoi'C.  en  190."i-190(i,  il  mirait  expiimc  lavis  (|ue  le 
'iurlis  m  o  u  a  s  t  e  li  a  1  i  s  du  l'olyptyqui'  n'est  qu  une  <•  paraphrase  •'  du 
véritahle    thème   él  yuiologiqu*! .   Nous  avons  voidu,  moyennant  cet  expose, 


OniniMÎS    ECCLÉSIASTIQl  ES    :    (:h:LLA  357 

(Dordogne)  ;  les  deux  communes  qui  portent  ce.  dernier  nom  sont 
appelées  la  Mongie  dans  le  Dictionnaire  topographique  du 
vicomte  de  Gourg-ues.  Le  mot  latin  monachus,  qui  reproduit  le 
g-rec  [j.oyy.yô:,  et  qui  a  donné  le  français  moine,  est  devenu  monge^ 
vers  la  limite  des  langues  d'oïl  et  d'oc  ;  et  le  substantif  mongie, 
formé  sur  monge,  est  comparable  à  notre  expression  familière 
moinerie. 

1441.  Dans  le  domaine  proprement  dit  de  la  langue  d'oc,  où 
l'on  a  vu,  par  exemple,  Domit i-uiicus  devenir  Domessargues 
(n"  372j  et  Rutenicum,  Rouergue  fn«^  373  et  426),  et  où  l'on 
sait  que  le  nom  de  Monrgues  désigna,  jusqu'au  xvu"  siècle,  la 
ville  de  Monaco,  en  latin  Monoecus  (n*'  3),  monachus  a 
revêtu  cette  même  forme  mourgiie  :  l'ancienne  église  paroissiale 
7Vo^/'e-Da/?ie-f/e-Lamourguier  —  Beata  Maria  de  Monachia 
en  1302  —  à  Narbonne,  faisait  partie  d'un  prieuré  dépendant  de 
l'abbaye  de  Saint- Victor  de  Marseille. 

1442.  De  monachus  dérive  l'adjectif  monachalis,  qui 
paraît  dans  le  surnom  de  plusieurs  localités,  par  exemple  la  Foye- 
Monjault  (Deux-Sèvres),  Faia  monachalis  en  1223.  Paray-le- 
Monial  (Saône-et-Loire)  doit  le  sien  à  un  prieuré  clunisien.  Le 
chef-lieu  de  la  commune  de  Paray-Douaville  (Seine-et-Oise)  a 
pour  appellation  propre  _Para2/-/e-Moineau.  variante  populaire 
de  Paray-le-Monial,  rappelant  le  souvenir  d'un  prieuré  dépen- 
dant de  l'abbaye  de  Glairefontaine,  au  diocèse  de  Chartres. 

1443.  Le  mot  cella,  qui  devint,  à  certaines  époques  du 
moyen-âg-e,  un  véritable  synonyme  de  monasteri'um,  s'enten- 
dait primitivement,  dans  le  latin  classi({ue,  de  l'endroit  où  l'on 
met  en  réserve  des  provisions,  celles-ci  étant  désignées  à  l'aide 
d'un  adjectif:  cella  farinaria,  lignaria,  pomaria,  olearia; 
ce  sens,  qui  s'est  conservé  dans  notre  mot  cellier,  ne  paraît 
pas  avoir  laissé  de  traces  en  toponymie  ailleurs  que  dans  Vin- 
celles  (Aisne,  Jura,  Marne,  Saône-et-Loire,  Seine-et-Marne, 
Yonne),  si  du  moins  il  est  permis  de  rapporter  ce  nom  au  thème 

justifier  la  foime  conditionnelle  sous  laquelle  se  présente  le  paragraphe 
qu'on  vient  de  lire;  sans  compter  qu'au  point  de  vue  philologique  nion- 
Ireuil  répond  mieux  à  monasterioli   qu'à  monasteriali  s. 

t.  Dans  le  nom  Lto»uC-les-Monges  (Creuse)  le  déterminatif  so  rapporte  à 
une  communauté,  non  de  moines,  mais  de  rclifîieuses. 


3.-)8  LES    NOMS     DIC     LIEU 

étymologique  viui  cella,  en  considérant  que  les  localités  aux- 
quelles il  s'applique  appartiennent  à  des  régions  viticoles  :  celle 
de  la  Marne  est  voisine  de  Dornians,  et  celle  de  l'Yonne  fait 
partie  du  canton  dont  le  chef-lieu  poi*te  le  nom  significatif  de 
Cou\singeS'la-'Vineuse .  Vincelottes  (Yonne),  au  même  canton,  est 
un  diminutif  de  VincellesK 

1444.  Toujours  à  ré[)oque  classique,  cella  a  signifié  aussi 
«  petite  chambre  »  :  c'est  le  sens  que  nous  donnons  encore  au 
mot  cellule.  11  désigne  dans  Pétrone,  avec  le  qualificatif  ostia- 
ria,  la  loge  du  portier,  dans  Pline  un  cabinet  de  bains,  dans 
Martial  une  maisonnette.  De  bonne  heure,  il  prit  un  sens  plus 
nolile  :  celui  de  «  sanctuaire»,  qu'on  lui  voit  dans  Vitruve,  celui 
de  «  temple  »,  dans  lequel  Cicéron  l'avait  déjà  pris. 

1445.  Certains  érudits  ont  voulu  rattacher,  les  uns  au  sens  de 
«  cellier  »,  les  autres  à  celui  de  u  sanctuaire  »,  le  nom  de  lieu 
La  Celle,  qu'on  rencontre  assez  fréquemment.  Benjamin  Guérard 
veut  que  cel-la,  dans  la  première  moitié  du  moyen  âge,  ait  dési- 
gné une  grange,  un  cellier  de  monastèie  ;  et  suivant  lui,  la  plu- 
part de  ces  granges  étant  devenues  des  prieurés,  cella  se  serait 
entendu  d'un  prieuré,  c'est-à-dire  d'un  monastère  d'ordre  infé- 
rieur, soumis  à  une  abbaye.  Sans  doute,  il  en  est  ainsi  dans  ce 
passage  de  la  Vie  de  saint  Benoit  d'Aniane,  rédigée  par  le  moine 
Ardon,  au  début  du  ix''  siècle  :  Et  quia  caetera  loca  eos 
capere  non  quibant,  constituit  locis  congruis  cellas, 
quibus  praefectis  magistris  posuit  fratres  ;  et  une 
charte  donnée,  en  1120,  par  Arnaud,  archevêque  de  Bordeaux, 
dit,  à  propos  de Saint-Macaire  (Gironde)  :  (Kiia  SanctusMaca- 
rius  non  cella  Sanctao  Crucis,  sed  per  se  monasterium 
erat.  Par  contre,  dans  le  Livre  des  confraternités  de  l'abbaye 
de  Saint-Gall,  écrit  vers  830,  la  liste  annoncée  en  ces  termes  : 
Haec  sunt  no  mina  monachorum  ex  cella  Sancti  Dyonisii, 
et  dans  lacjuelle  figure  l'abbé  Ililduin  —  l'auteur  des  Areopaffitica^ 
où  le  premier  évê(jue  do  Paris  est  identifié  avec  saint  Denis 
l'Aréopagite  —  ne  concei-ne  rien  moins  (jue  l'illustre  abbaye  de 
Saint-Denis.  On  conclura  d(;  ce  dernier  exeiuple  qu'un  monastère 
qurdifié  de  cella    n'est   pas    nécessairemcnl    de  rang   subalterne, 


i.    I-f'S  Cfiis  lie    Viiicfllfs    cl    (le    N'iin'clolLi'S  soiil    «■oiiini'i  |ini'iiii    criix    dr 
l"Aii\<'iiois. 


ORIGINES    ECCr.ÉSIASTIQi:ES    :    CELLA  359 

en  d'autres  termes  que  l'opinion  émise  par  Guérard  ne  peut  être 
posée  en  règle  générale.  Mais  cette  opinion  se  vérifie  dans  un 
grand  nombre  de  cas,  par  exemple  en  ce  qui  concerne  la  Gelle- 
Saint-Cloud  (Seine-et-Oisej. 

La  seigneurie  de  ce  lieu,  que  Louis  XIV  acheta,  en  1683,  pour 
l'incorporer  au  domaine  de  Versailles,  appartenait  auparavant  à 
l'abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés,  en  vertu  d'une  donation  de 
l'abbé  Wandremar,  remontant  à  l'an  700  environ.  Le  nom  pri- 
mitif de  la  localité,  Villaris,  s'est  perdu  en  raison  de  la  maison 
monastique  —  cella  fratrum  —  qui  &\  fonda,  et  dont  il  est 
fait  mention  au  chapitre  MI  du  Polyptyque  d'Irminon  ;  on  le 
voit  encore  dans  une  charte  de  829  :  cella  quae  dicitur  \'illa- 
ris  ;  mais  une  trentaine  d'années  plus  tard,  Aimoin,  moine  de 
Saint-Germain-des-Prés,  le  remplacera  par  une  périphrase  : 
cella  nostra  quae  contra  vel  s ecus  locum  Karoli  Venna 
posita  est,  le  nom  Karoli  Venna  désignant  le  hameau, 
dépendant  de  Bougival,   qu'on  nomme  aujourd'hui  la  Chaussée. 

1446.  Pris  ainsi  dans  le  sens  de  monastère,  la  plupart  du 
temps  de  second  ordre,  cella  est  fréquemment  devenu  nom  de 
lieu. 

La  forme  Celle  est  rare  ;  encore  le  seul  nom  de  commune  — 
Celle-V Evècaull  (Vienne)  —  dans  lequel  elle  figure,  représente- 
t-il,  non  pas  cella,  mais  son  diminutif  cellula  —  (cf.  ci-après, 
n''  1455).  En  revanche,  beaucoup  de  localités  portent  le  nom  de 
Celles  (Aisne,  Ardèche,  Corrèze,  Aube,  Cantal,  Charente-Infé- 
rieure, Dordogne,  Hérault,  Haute-Marne,  Puy-de-Dôme,  Vosges), 
dont  Vs  terminale  est  le  plus  souvent  parasite  (cf.  ci-dessus, 
n"  1387)  ;  il  est  toutefois  prudent  de  n'affirmer  cette  dernière 
particularité  qu'après  avoir  interrogé  les  textes  :  en  effet,  le  nom 
de  Celles,  qui  désigna  longtemps  la  Grande- Paroisse  (Seine-et- 
Marne),  se  présente  dès  l'époque  mérovingienne  sous  la  forme 
Cellas  (cf.  ci-dessus,  n°  1397);  il  est  du  reste  vraisemblable, 
qu'employé  ainsi  au  pluriel,  le  mot  cella  avait  le  sens  de 
«  grange  ))  ou  de  «   grenier  »  plutôt  que  celui  de  «  monastère  ». 

1447.  Selles-swr-.Va/io/j  (Indre),  ^eWeB-Saint-Denis  et  Selles- 
snr-C/ier  (Loir-et-Cher),  représentant  d'anci(>ns  cella  ;  mais  il 
faut  se  garder  d'attribuer  la  même  étymologie  k  tous  leurs  homo- 
nymes, et  notamment  à  Selles  (Marne). 

1448.  S'il  n'existe  aucune  commune  du  nom  do  ('elle  ic'pon- 


360  LKS    NOMS    DK    LIEU 

dant  à  cella  icf.  ci-dessus,  n°  1446),  on  eu  compte  une  ving 
taine  qui  s'appellent  la  Celle  (Aisne,  Allier,  Cher,  Creuse.  Indre- 
et-Loire,  Marne,  \iè\re.  Puy-de-Dôme,  Seine-et-Marne,  Seine- 
et-Oise.  Var,  Yonne),  ou  Lacelle  (Corrèze),  vocable  dont  la  Selle 
(lUe-et-Vilaine,  Loiret,  Mayenne,  Saône-et-Loire)  —  Tune  et 
l'autre  forme  désignant  en  outre  un  certain  nombre  d'écarts  — 
peut  être  une  variante  :  le  nom  de  la  Celle-Saint-Cloud  s'est  écrit, 
jusqu'au  xix"  siècle,  avec  une  s  initiale  ;  et  c'est  peut-être  grâce 
à  l'autorité  de  Benjamin  Guérard  que  cette  incorrection  ne  s'est 
pas  maintenue . 

1449.  On  a  proposé  de  reconnaître  l'abbaye  de  Saramon  (Gers), 
dans  la  Cella  Medulfi,  que  mentionne  un  capitulaire  de  817. 
Cette  opinion,  sur  le  bien  fondé  de  laquelle  il  n'y  a  pas  lieu  de 
se  prononcer  ici.  tire  du  moins  quelque  vraisemblance  du  fait 
que,  dans  le  dialecte  gascon,  //  devient  /■  cf.  ci-dessus,  n"  1418). 
Peut-être  le  nom  de  la  Serre  ou  Lasserre.  quand  on  le  rencontre 
dans  le  domaine  de  ce  dialecte,  échappe- t-il  à  l'interprétation 
précédemment  donnée  (n**  36)  du  mot  Serre,  et  se  réclame-t-il 
du  primitif  cella. 

1450.  Lalacelle  (Orne),  qui  est  aussi  un  ancien  cella,  pré- 
sente un  redoublement  d'article  analogue  à  celui  qu'on  a  observé 
(n"  1415),  par  exemple,  dans  le  Loroiix.  L'agglutination  qui  a 
préparé  ce  redoublement,  peut  s'être  produite  de  fort  bonne 
heure,  si  l'on  en  juge  par  la  forme  latine  Lacella,  sous  laquelle 
un  texte  des  environs  de  l'an  1200  désigne  la  Selle-la-Forge 
(Orne). 

1451.  Les  localités  appelées  ///  délie  sont  assez  nombreuses 
pour  (pie,  maintes  fois,  ce  nom  ait  été  complété  au  moyen  d'un 
déterminatif. 

Tantôt  celui-ci  est  d'ordre  topographi(iue  ;  il  a  été  adopté  sur- 
tout —  car  les  habitants  de  l'endroit  ne  l'emploient  guère  dans 
leur  langage  courant  —  pour  la  commodité  des  personnes  plus 
ou  moins  étiangèi'cs  à  la  région.  Un  nom  tel  ([ue  la  Celle-SOUS- 
Ghantemerle  (Marnei  se  passe  de  toute  exjjlication.  (^eux  île  la 
Celle-Barmontoise  et  de  la  Celle-Dunoise  (Creuse)  rappellent 
que  ces  localités  appartenaient  à  des  circonscriptions  dont  les 
chefs-lieux  respectifs  étaient  Barmontet  l)un-le-Palleteau. 

Tantôt  le  déterminatif  est  un  nom  d'homme,  vraisembhible- 
nicnl    If  nom  du  pieux  j'oudateur  de  la  cella  :    la  Celle-Gueiiand 


ORIGIiNP:S    ECCLÉSI-ASllQCES    '.    CELLA  361 

(Indre-et-Loire),  CeUa  Waningi  ;  —  Cellefrouin  (Charente), 
Gella  Fruini  ou  Freg-ohii.  Ce  mode  de  juxtaposition  a  été 
pratiqué  de  fort  bonne  heure,  on  l'a  vu  par  l'exemple  de  Cella 
Medulfi  (n"  1449),  et  parfois  le  nom  d'homme  a  tôt  ou  tard 
fini  par  disparaître.  La  Cella  domni  Boliini  du  ix"  siècle  a  pris 
le  nom  de  Monlier-la-Celle  (cf.  ci-dessus,  n"  1428).  L'abbaye  de 
Selles  en  Berry  —  on  dit  aujourd'hui  Se  Iles-su  r-C  lier  (Loir-et- 
Cher)  —  était  appelée  jadis  Cella  sancti  Eusicii,  en  souvenir 
de  son  fondateur,  contemporain  des  fils  de  Clovis.  La  Translatio 
sancti  Vi(i,  écrite  vers  8i0,  mentionne,  entre  autres  points  de 
l'itinéraire  suivi  par  le  pieux  cortèg-e,  Cella  Gislefridi  '  : 
située  entre  Rebais  (Seine-et-Marne)  et  Oyes  (Marne),  cette  loca- 
lité se  nomme  aujourd'hui  la  Celle  (Aisne)  tout  court.  La  Celle 
(Allier)  a  longtemps  porté  le  nom  de  la  Celle-Saint-Patrocle. 
D'autre  part,  le  nom  de  Marmoutier,  en  Alsace  (cf.  ci-dessus, 
n°  1430]  a  remplacé  celui  de  Cella  Leobardi. 

1452.  La  combinaison  de  cella  avec  un  nom  d'homme  a  été 
assez  fréquente  dans  les  pays  de  langue  germanique.  Fœrstemann 
en  cite  une  trentaine  d'exemples,  dont  douze  sont  tirés  de  textes 
latins  antérieurs  au  xu''  siècle,  et  qui  répondent  à  des  noms  pré- 
sentant aujourd'hui  la  terminaison  -zell.  L'église  d'Appenzell 
(Suisse)  a  été  fondée,  dit-on,  en  1161,  par  Norbert,  abbé  de 
Saint-Gall,  et  l'on  a  pensé  que  ce  nom  représente  le  latin  Abba- 
tis  cella  ;  il  est  plus  probable  que  son  premier  terme  est  le  nom 
d'iiomme  Abbo  (voir  ci-dessus.  n°  999). 

1453.  Si  zell  est  l'équivalent  germanique  du  roman  celle,  il 
ne  faut  pas  classer  parmi  les  noms  de  lieu  formés  à  l'aide  de 
cella  Aaciresselles,  Framezelle  (Pas-de-Calais),  Lederzeele, 
Winnezeele,  Zermczeele  (Nord),  Moorseele,  Sysseele,  Voor- 
inezeele  (Belgique,  Flandre  occidentale).  Dans  ces  vocables,  qui 
appartiennent  au  pays  de  langue  flamande,  zeele,  selon  Fœrste- 
mann, représenterait  un  nom  d'origine  germanique,  au  sens  du 
latin  do  mus,  atrium,  du  français  «  maison,  demeure  »,  qui 
paraît  dans  l'ancien  haut-allemand  sous  la  forme  sal,  dans  l'an- 
cien saxon  sous  la  forme  seli. 

1454.  Dans  Ilardoncelle  (Ardennes),  dont  le  terme  initial  est 
le  nom  d'homme  Hardoinus  (cf.  ci-dessus,  n"  1130).  le  second 

i.   Mon.  (imm.  hist,,  Scri/>t...  II.  '-'tHi. 


3G2  LES   >OMS    DE    LIEU 

terme  est  non  pas  cella,  mais  silva  ;  les  Feoda  Campaniae 
l'attestent.  On  notera  là  une  forme  vulgaire  de  silva,  qui,  avec 
celles  que  présentent  Veuxhaules  (Gùte-d'Or),  en  1101,  Vacua 
silva,  et  Haute-Seille  ;  Meurthe-et-Moselle),  dans  les  textes 
latins  AU  a  silva,  pouvait  compléter  une  énumération  donnée 
ailleurs  (  n°^   683-687;. 

1455.    La  toponomastique  olfre  quelques  diminutifs  de  cella. 

Le  liitin  cellula,  dont  la  terminaison  est  atone,  peut  don- 
ner une  forme  romane  semblable  à  celle  qu'a  revêtue  cella, 
et  dé  fait  la  localité  poitevine  qu'un  texte  de  1218  appelle 
Episcopalis  cellula  est  maintenant  Gelle-Lévescault  (Vienne). 
De  même  Celles-SUr-Belle  f  Deux-Sèvres)  est,  dans  une  charte  de 
1031,  désis^né  par  les  mots  villa  quae  vocatur  Cellula,  ce 
qui  interdit  de  rapporter  à  cette  localité  la  légende  CELLA  qu'on 
voit  sur  des  triens  méroving-iens.  Cela  considéré,  on  ne  doit  que 
sous  réserves  rapporter  à  un  primitif  cella  le  nom  des  localités 
appelées  Celles.  Selles,  la  Celle,  la  Selle,  qui  ont  été  mention- 
nées plus  haut  :  l'étude  des  textes  peut  révéler  que  telle  d'entre 
elles  se  nommait  à  l'orig'ine  cellula  '. 

1456.'  Le  diminutif  roman  collette  appelle  une  observation.  11 
est  à  pré.sumer  que  les  localités  aujourd'hui  dénommées  Celettes 
(Charente),  Cellettes  (Loir-et-Cher)  ~,  la  Celette  Cher,  Corrèze;, 
la  Cellette  (^Creuse,  Puy-de-Dôme)  s'appelaient  primitivement 
(Icllo  ou  la  Colle,  et  le  diminutif  a  été  emplové  pour  les  dilleren- 
cier  de  localités  homonymes  plus  importantes-^  situées  dans  le 
voisinage  ;  cellolte  sig-nifie  donc,  non  pas  comme  cellula,  c  la 
petite  cella  »,  mais  bien  a  Celle-la-Petite  ». 


1.  C'est  lo  cas  do  la  Colle-aous-Morel  (Seine-ot-Marne\  dans  un  pouillé 
rédigé  vers  l.'iiO. 

2.  Cellâ  sancli  Muudricii  dans  un   pouillé  rédigé  vers  1272. 

3.  Cellefrouin  l'Cliaienle),  au  caiilon  do  Mansle,  comme  Celelles  ;  —  La 
Celle  (Cher),  dans  l'arrondissement  de  Sainl-Ainand,  comme  la  Celetlc  ; 
—  Lacelle  fConè/.o),  dans  l'arrondissemenl  de  Tullo,  nu(|uol  confine  le  ter- 
ritoire de  Monestier-Mcrlines,  comprenant  l'écarl  dit  la  Celclle;  —  l.a 
Celle-sous-(iouzon  (Creuse),  dans  rarrondissement  de  lioussac,  comme  la 
Cellolte;  —  la  Celle  Puy-de-Dome),  dans  Tju  rondissemenl  de  Hiom, 
comme  la  Collclle. 


ORIGIMKS    ECCLRSIASTinUES     :     Afin  ATI  A  363 

1457.  Un  monastère  ayant  à  sa  tête  un  «  abbé  »,  en  latin 
abbas,  du  syriaque  aha,  «  père  »,  était  appelé  «  abbaye  »,  en 
latin  abbatia. 

La  commune  deVAbbaLye-sons-Planci/  (Aube)  doit  son  origine, 
non  pas  à  une  abbaye^  mais  à  un  prieuré  de  l'abbaye  de 
Molesme,  fondé  vers  1080,  et  appelé  alors  monasterium  ad 
Ulmos.  On  voit  qu'en  l'espèce  le  mot  <'  abbaye  »  n'est  pas  pris 
dans  son  sens  propre,  mais  bien  dans  celui  de  «  dépendance 
d'une  abbaye  ».  La  même  observation  s'applique  à  beaucoup  des 
nombreux  écarts  —  il  y  en  a  plus  de  quatre-vingts  —  qui 
portent  le  nom  de  1  Abbaye.  Il  s'en  faut,  en  effet,  que  tous 
représentent,  comme  l'Abbaye -d'Emont  (Somme),  lAbbaye- 
d'Igny  (Marne),  l'Abbaye-de-Jouy  Seine-et-Marne),  l'emplace- 
ment d'abbayes  supprimées  par  la  Révolution  :  plus  d'une 
fois  on  n'est  en  présence  (|ue  d'un  ancien  domaine  abbatial. 

1458.  Dans  la  toponomastique  du  nord  de  la  France,  le  mot 
qui  répond  au  latin  abbatia  se  présente  sous  une  forme  plus 
réduite. 

Abbie  (Pas-de-Calais)  est  une  ancienne  ferme  de  l'abbaye  du 
Mont-Saint-Eloi. 

Les  fermes  dénommées  l'Abby,  aux  territoires  de  Bonnières, 
d'Haisnes,  de  Neuville-Saint- Vaast  et  de  Thélus  (Pas-de-Calais), 
appartenaient,  la  première  à  l'abbaye  de  Cercamp,  la  seconde  à 
l'abbaye  de  Marchiennes,  les  deux  autres  à  l'abbaye  de  Saint- 
Vaast  d'Arras. 

Le  nom  de  l'Abie,  ancien  écart  du  Crotoy  (Somme),  a  sans 
doute  la  même  étymologie  que  les  précédents. 

1459.  La  forme  méridionale  d'abbatia  est  représentée  par  les 
noms  de  lieu  Abadie  (Basses-Pyrénées,  Hautes-Pyrénées),  Laba- 
die  (Alpes-Maritimes),  les  Abadies  (Pyrénées-Orientales)  ;  Aba- 
die est  devenu  un  nom  de  famille  assez  répandu.  En  Gascogne 
et  vers  les  Pyrénées,  ce  mot  s'entendait  d'un  alleu,  très  vraisem- 
blablement domaine  abbatial  à  l'orig-ine,  mais  de  bonne  heure 
usurpé  par  quelque  la'ique  :  le  Glossaire  de  Du  Cange  fournit 
des  exemples  de  cette  acception  remontant  à  961,  1002  et  1054. 

.  1460.  Abbaye  et  abbie  ont  pour  diminutifs  Ablette  (Somme), 
lAbbayette  (Pas-de-Calais),  l'Abbiette  (Aisne,  Pas-de-Calais), 
l'Ablette,  Lablette  (Pas-de-Calaisi,  la  Blette 'Nord,  ;  si  l'on  se 
reporte    nu  Diclinnnairo    f()po;/ra/)hif/ire  de  l'Aisne  et  à  celui  du 


364  LES    NOMS     DR    LIEU 

Pas-de-Calais,    ou   constatera  que  bon   nombre    des  écarts  ainsi 
dénommés  sont  d'anciens  biens  d'abbayes. 

1461.  Un  monastère  de  second  ordre,  subordonné  à  une 
abbaye,  et  dirig-é  par  un  prieur  —  ou  une  prieure  —  est  appelé 
prieuré,  prioratus.  Le  mot  prior,  comparatif  de  l'adjectif  dont 
le  superlatif  est  primus,  est  employé  substantivement,  en  plu- 
sieurs endroits  de  la  règle  de  saint  Benoît,  pour  désigner  celui 
qui  est  à  la  tête  dune  abbaye,  autrement  dit  l'abbé.  Le  sens 
qui  a  prévalu  paraît  vers  le  xi^  siècle.  Abusivement  on  appela 
«  prieur  )),,bien  qu'il  ne  dirigeât  aucune  conmiunauté,  le  reli- 
gieux desservant  une  église  paroissiale  soumise  à  une  abljaye,  et 
«  prieuré  »  sa  cure.  Et,  non  moins  abusivement,  vers  la  fin  de 
1  ancien  régime,  on  dénomma.»  prieuré  »  la  demeure  du  prieur, 
même  qunnd  elle  n'était  pas  située  dans  le  lieu  du  prieuré  primi- 
tif. C'est  à  cette  circonstance,  relativement  moderne,  que  le  mot 
«  prieuré  »  doit  la  place  assez  importante  qu'il  tient  dans  la 
toponomastique  ;  plus  importante,  soit  dit  en  passant,  que  le 
Dictionnaire  des  Postes  ne  le  laisserai it  supposer.  Sur  près  de 
trente  écarts  appelés  le  Prieuré  que  ce  répertoire  indique,  un 
seul  appartient  au  département  des  Hautes-Alpes  ;  or,  on  en 
rencontre  cinq  dans  le  Dictionnaire  topographic/uc  de  ce  dépar- 
tement. Et  l'on  doit  observer  qu'en  cette  région,  où  un  primitif 
prioratus  aurait  donné  priorat  —  plus  au  sud,  on  remarf[ue 
eiFectivement  le  Priora  (Alpes-Maritimes)  —  le  vocable  Prieure 
ne  peut  remonter  à  une  date  bien  lointaine.  Ppvn-tant,  l'un  cU; 
ces  cinq  écarts  des  Hautes-Alpes,  celui  compris  dans  le  territoire 
communal  deChorges,  correspond  bien  à  im  ancien  prieuré,  cpii, 
après  avoir  dépendu  de  Saint- Victor  de  Marseille,  fut  vers  H 10, 
uni  à  l'abbaye  de  Boscodon. 

En  règle  générale,  im  prieuié  proprement  dit  n'avait  d'autre 
nom  que  celui  de  la  localité  où  il  s'élevait  ;  parfois,  on  voit  ce 
nom  servir  de  déterminatif  au  mol  prieuré,  comme  dans  le 
Prieuré-de-Baillon  (Seine-et-Oise)  et  le  Prieuré-d"Er,  en  Donges 
(Loii-e-Iiiférieure). 

1462.  A  paiiir  du  v''  siècle,  il  arrive  assez,  souvent  (jue  K» 
l.iliii  ecclésiastique  désigne  un  monastère  par  le  mot  coeno- 
bium,  calqué  sur  le  grec  y.îiviÇiov.  qui  s'applique  i»  un  endroit  où 


OKlliLNKS    ECCLESIASlKjUbiS     :     CHAPITRLS  3(),'j 

l'on  nieue  «  la  vie  en  commun  ».  On  pourrait  dire  qu'il  ne  reste 
pas  trace  de  ce  mot  dans  la  toponymie  française,  si  le  bourg  de 
Villefranche  (Allier)  n'était  appelé,  dans  un  document  rédigé 
entre  1048  et  1137,  Villal'ranca  Montis  Cenobii.  Dans  cette 
expression,  Montis  Cenobium  —  à  moins  que  ce  ne  soit 
Mons  Cenobii  —  désigne  un  écart  de  la  commune  actuelle  de 
A'illefranche,  qui  a  nom  Montcenoux. 

1463.  La  transition  est  toute  naturelle  des  églises  mona- 
stiques aux  églises  collégiales,  desservies  par  des  chapitres  de 
chanoines. 

Le  mot  latin  canonicus  —  d'où  le  français  chanoine  —  dérive 
du  grec  xavcôv,  désignant  la  «  règle  »  à  laquelle  étaient  assujettis 
les  chanoines.  De  même  qu  on  a  vu  monachus  devenir,  suivant 
les  régions,  moine,  mange  (n"  1440)  ou  mourgue  (n°  1441),  de 
même  canonicus,  accentué  aussi  sur  l'o  de  l'antépénultième,  est 
devenu,  dans  la  partie  méridionale  de  la  France,  canonge  et 
canorgue  ou  canourgue.  Quand  un  de  ces  mots,  précédé  de  l'ar- 
ticle féminin,  paraît  comme  nom  de  lieu,  il  représente  l'adjectif 
canonica,  qualifiant  ecclesia  sous-entendu. 

La  Canourgue  (Lozère)  doit  bien  son  nom,  et  sans  doute  aussi 
son  origine,  à  une  collégiale  qui  y  subsista  jusqu'à  la  Révolution, 
tandis  que  la  Ganonge  (Lozère),  la  Canorgue  (Vaucluse),  la 
Canourgue  (Hérault),  ainsi  que  Canourgue  (Bouches-du-Rhùne, 
Lot),  ne  répondent  vraisemblablement  (ju'à  d'anciens  biens  de 
chapitres  '. 

1464.  On  peut  rapprocher  de  ces  vocables,  au  point  de  vue  de 
la  signification,  les  déterminatifs  des  noms  de  lieux  suivants, 
qui  ont  trait,  tantôt  à  un  chapitre  de  chanoines,  tantôt  à  l'un  de 
ses  dignitaires. 

Gesy/'es-le- Chapitre  (Seine-et-Marne),  ancienne  possession  du 
chapitre  de  Meaux,  se  distingue,  par  son  surnom,  du  fief  appelé 
en  dernier  lieu  Gesvres-le-Duc,  <[ui  est  aujourd'hui  représenté 
par  un  écart  des  communes  de  Crouy-sur-Ourcq  et  de  May-en- 
Multien  (Seine-et-Marne). 


1.  Le  Diclion/iaire  (uj)<)</r!ii>lii(/iir  do  l'AiicIe,  paiu  depuis  la  mort  d'Aii- 
giislo  Loiif^non,  iiidi((ue  un  fief  du  cliaijjlre  de  'Jaicassoiiiie  tiénommé 
Canorgues,  au    leniloiro  de  Palaja. 


366  LES    NOMS     DE    LIEU 

1465.  Le  nom  de  la  Fe/v/ère-au -Doyen,  qui  figure  dans  la 
nomenclature  communale  du  Calvados  et  dans  celle  de  lOrne, 
s'applique  à  des  localités  dont  les  seigneurs  respectifs  étaient  le 
doyen  du  chapitre  cathédral  de  Bajeux  et  celui  du  chapitre 
cathédral  de  Sées. 

La  terre  de  la  Grange-dM-Doyen,  dans  la  paroisse  de  Véron 
(Yonne),  appartenait  au  doyen  du  chapitre  métropolitain  de 
Sens. 

Le  surnom  de  Neuilly -le-Dien  (Somme),  qu  on  voit  paraître 
depuis  le  s.i\^  siècle,  n'est  autre  chose  —  les  textes  de  cette 
époque  en  font  foi  —  qu'une  altération  du  mot  doyen. 

1466.  La  cure  de  Brir/ueil-le-Ch.ainiTe  (Vienne)  était,  jusqu'à 
la  lin  de  1  ancien  rég-ime,  à  la  collation  du  chantre  de  Fég-lise  col- 
légiale du  Dorât. 

1467.  La  cure  de  Villeneuve-Minervois  (Aude),  qu'on  appela 
longternps  F//Z(?;î(?aue-les-Chanoines ',  était  unie  au  chapitre  de 
l'église  cathédrale  Saint-Nazaire  de  Garcassonne  '-.  L'Anffle-diUX- 
Chanoines.  écart  de  Ghantonnay  (Vendée),  était  sans  doute  aussi 
la  propriété  de  quelque  chapitre. 

1468.  Avant  d'expliquer  par  une  circonstance  similaire  le 
vocable  les  Chanoines  (Bouches-du-Rhône,  Loiret),  il  convien- 
drait de  s'assurer  que  les  localités  dont  il  s'agit  ne  sont  pas  au 
nombre  de  celles  dont  le  nom,  commençant  par  1  article  pluriel, 
est  celui  de  la  famille  d'un  ancien  propriétaire  ■^. 

1.  Le  cliangcuieiil  de  nom  a  élé  pi-esci-it  pai- décrcl   du  3.'j  ocLobro  1894. 

2.  Brixeiy-aux-Chunoineu  (Meiise;  étail  le  siège  d'un  chapitre  fondé  on 
1261  ;  son  surnom  ne  peut  donc  remonter  qu'à  une  épo(jue  tardive  du 
moyen-âg-e,  et  c'est  peut-être  pour  ce  motif  qu'Auguste  Longnon  ne  l'a  pas 
mentionné  ici. 

'.i.  A.  Longnon  formulait  la  même  réserve  à  propos  du  nom  les  Canongss 
porté  par  deux  écarts  de  l'Aude;  mais,  l'un  deux,  situé  au  territoire  de 
Laurabnc,  est  api>elé,  en   1306,  tenenlia   Ca  pell  a  norum. 


LXIV 
SOUVENIRS    DES    ORDRES    RELIGIEUX 

Moins  anciens  que  ceux  précédemment  passés  en  revue,  les 
noms  de  lieu  dont  l'étude  est  abordée  ici  sont  empruntés  surtout 
aux  ordres  hospitaliers  qui  jouèrent  un  rôle  important  pendant 
la  seconde  moitié  du  moyen-àg'e. 

1469.  L'ordre  militaire  et  religieux  du  Temple  fut  fondé  en 
1118,  à  Jérusalem,  par  un  chevalier  champenois,  Hugues  de 
Pains,  et  huit  autres  croisés  français.  Son  but  était  de  protéger 
les  pèlerins  qui  allaient  visiter  les  lieux  saints.  Baudouin  II  attri- 
bua aux  nouveaux  chevaliers  une  maison  voisine  de  l'emplace- 
ment du  Temple  de  Salomon,  d'où  les  noms  de  Temple  et  de 
Templiers  donnés  à  l'ordre  et  à  ses  membres.  Par  suite  des 
donations  considérables  dont  ils  bénéficièrent,  les  Templiers  se 
répandirent  dans  toute  l'Europe  chrétienne,  et  non  contents  de 
leur  réputation  méritée  de  bravoure,  ils  se  livrèrent  à  des  opéra- 
tions financières  qui  accrurent  leur  richesse  et  leur  puissance. 
Leurs  maisons  étaient  nombreuses,  surtout  en  France,  où, 
même  après  la  suppression  de  l'ordre  en  1312,  et  l'attribution  de 
ses  biens  aux  Hospitaliers  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  ces  mai- 
sons conservèrent  le  nom  de  Temple. 

1470.  Le  Dictionnaire  des  Postes  indique  plus  de  soixante 
localités  dénommées  le  Temple  ;  on  pourrait,  à  l'aide  des  Diction- 
naires topographicfues  départementaux  et  des  diverses  nomencla- 
tures rég-ionales,  grossir  notablement  ce  nombre  ;  sans  compter 
que  le  nom  dont  il  s'agit  est  resté  à  certaines  maisons  de  Tem- 
pliers, situées  à  l'intérieur  des  villes,  telle,  par  exemple,  leur 
maison  parisienne,  qui  devint,  entre  les  mains  des  Hospitaliers 
de  Saint-Jean,  le  siège  du  Grand -Prieuré  de  France.  Le  souvenir 
du  Temple  subsiste  encore,  son  nom  ayant  été  attribué  succes- 
sivement à  l'un  des  quartiers  du  sixième  arrondissement,  et, 
depuis  i860  •,  au  troisième   arrondissement  de  Paris.  Parfois  ce 

1.   Décret  (lu  31    octobre  18iJ9. 


368  i^Es  ^OMs  de  lieu 

nom  est  accompagné  d'un  déterminatil'  :  le  Temple-de-Bretagne 
(Loire-Inférieure),  le  Temple-de-Médoc  (Gironde),  le  Templfe- 
Sur-Lot  (Lot-et-Garonne),   le  Temple-la-Guyon  (Dordogne),  etc. 

1471.  Dans  quelques  noms  de  lieu,  le  mot  temple  est  employé, 
non  comme  terme  principal,  mais  comme  déterminatif  :  ces  noms 
s'appliquent  d'ailleurs,  comme  les  précédents,  à  d'anciennes 
commanderies  ou  dépendances  de  commanderies  :  CatiUon-du- 
Temple  lAisne),  C/îo/sv-le-Temple  (Seine-et-Marne),  Ivry-\e- 
Temple  (Oise).  Z)am/)/>/'/r-au-Temple  et  Sa i/?/-//i/cî/re-au-Temple 
(Marne)  appartenaient  k  la  commanderie  de  la  Neuville-au- 
Temple,  dont  l'emplacement  est  situé  au  fînage  de  Dampierre. 

1472.  Le  souvenir  des  chevaliers  de  l'ordre  du  Temple  est 
également  rappelé  par  le  nom  d'écart  la  Templerie  (Charente, 
llle-et- Vilaine,  Loire-Inférieure,  Mayenne,  Vendée)  et  par  le 
surnom  des  communes  de  i?H/'e-les-Templiers  et  de  Voulalnes- 
les- Templiers  (Côte-d'Or). 

1473.  Le  sens  du  surnom  de  Dampierre-au-Temple  et  de 
Saint-Hilaire-au-Temple  est  nettement  établi  par  les  chartes  de 
la  commanderie  de  la  Neuville.  C'est  donc  bien  à  tort  qu'on  a 
pensé  reconnaître  dans  l'une  de  ces  localités  le  Fanum  Miner- 
vae  des  textes  itinéraires.  Jamais  dans  la  toponomastique,  où 
quelques  exemplaires  s'en  rencontrent  (cf.  ci-dessus,  x\°^  452-454 
et  456),  le  mot  latin  fanum  n'a  été  traduit  par  temple.  Les  seuls 
vocables  qu'on  puisse  rapporter  au  primitif  templum,  désignant 
un  sanctuaire  païen,  sont  Templemai'S  [Nord)  et  Talmas  (Somme) 
—  le  nom  de  famille  dn  célèbre  tragédien  Talmn  est  une 
variante  de  ce  dernier  nom  —  synonymes  l'un  et  l'autre  de 
Famars  (Nord),  Fanum  Martis  (cf.  ci-dessus,  n^  345). 

1474.  L'ordre  des  Hospitaliers  de  Saint-Jean-de-Jérusalem  a 
été  créé  dès  1099,  au  lendemain  de  la  prise  de  Jérusalem  par  les 
croisés.  Il  avait  pour  mission  de  prali(juer  l'hospitalité  envers 
les  pèlei-ins.  et  son  [iremier  chef-liou  fut,  dans  la  ville  sainte, 
l'église  Saint-Jean  :  de  lii  les  appellations  d'  «  ordre  de  l'Ilopi- 
tal  »  et  de  «  (îhev.iliers  de  Saint-Jcan-de-.Iéiusalem  )i.  Ce  chef- 
lieu  fut  transféi'é  successivement  à  Acre,  après  la  prise  de  .léru- 
salem  par  Saladin  en  1187.  ;i  Rhodes  après  la  jierte  d'.Vcre  en 
1329.  Chassés  de  lîhodes  |)ai'  le  sull;iii  S<»liman,  après  un  siège 
m(''mor;il)lc,    les   chcvalieis    s'c-iablirciil ,    en    L")30.    dans    l'île    de 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES     :    ORDRES    RELIGIEUX  369 

Malte,  dont  Charles-Quint  leur  avait  fait  don.  Malte  leur  fut  enle- 
vée, en  1798,  par  Bonaparte,  et,  de  nos  jours,  l'ordre  ne  subsiste 
g-uère  que  de  nom. 

1475.  C'est  le  souvenir  de  cet  ordre  que  rappellent  la  plupart 
des  localités  appelées  Hôpital  ou  l'Hôpital.  Ce  nom  est  souvent 
employé  seul,  et  parfois,  surtout  quand  il  s*ag-it  d'une  commune, 

'accompagné  d'un  qualificatif —  IHÔpital-le-Grand  (Loire)  —  ou 
d'un  déterminatif  qui  rappelle,  selon  les  cas,  le  nom  primitif  de 
l'endroit  —  Hôpital-Camfront  (Finistère),  l'Hôpital-du-Gros-Bois 
(Doubsi,  IHôpital-d'Orion (Basses-Pyrénées),  IHôpital-le-Mercier 
(Saône-et- Loire),  Mercier  répondant  ici  au  latin  Marciacus  — , 
le  vocable  de  l'église  paroissiale  —  l'Hôpital-Saint-Blaise  Basses- 
Pyrénées),  l'HÔpital-Saint-Lieffroy  (Doubs)  — ,  la  situation  topo- 
graphique du  lieu  —  l'Hôpital-sur-Dorthe  (Ain),  IHôpital-sous- 
Rochefort  (Loire).  —  L'Hôpital  a  pour  variante  l'Hopitau  (Aube, 
Charente,  Charente-Inférieure,  Côtes-du-Nord,  Eure-et-Loir, 
Loire-Inférieure,  Loiret,  Nièvre,  Sarthe,  Deux-Sèvres).  —  Les 
noms  Champignij-YYxO'^lidM'yi  (Seine-et-Marne)  et  Champignolles- 
les-Hospitaliers  (Cote-d'Or)  doivent  être  rapprochés  des  précé- 
dents, en  raison  de  leurs  détermiiiatifs. 

1476.  En  revanche,  les  noms  caractérisés  par  la  forme  plu- 
rielle, les  Hôpitaux-Neufs,  les  Hôpitaux-Vieux  (Doubs),  ne 
rappellent  certainement  en  rien  l'ordre  de  l'Hôpital.  Il  va  sans 
dire,  d'ailleurs,  que  dans  un  petit  nombre  de  cas  l'emploi  du 
mot  hôpital,  en  toponymie,  peut  s'appliquer  à  d'autres  ordres 
hospitaliers,  nullement  militaires,  et  désigner  d'anciens  établis- 
sements destinés  à  recueillir  les  voyageurs,  les  pèlerins,  les 
enfants  trouvés.  Tel  paraît  bien  être  le  sens  auquel  se  rapportent 
la  plupart  des  noms  de  lieu  désignés  par  la  forme  diminutive 
IHospitalet  •  i  Basses- Alpes,  Ariège,  Aveyron,  Loire,  Loi, 
Lozère)  :  les  localités  ainsi  nommées  se  trouvaient,  en  général, 
sur  d'anciennes  grandes  routes  fréquentées  par  les  voyageurs. 
L'Espitalet  (Audej  est  une  variante  de  V Hospitalct. 

Dune  manière  générale,  il  con^aent,  pour  expliquer  le  nom, 
apparenté  au  mot  hôpital,  d'une  localité,  de  s'informer  tout 
d'abord  du  passé  de  celle-ci.  On  trouve  d'abondants  renseigne- 
ments sur  les  anciennes  possessions  de  l'ordre  de  Malte,  dans  le 
Cartulaire  de  l  ordre  des  Hospitaliers  de  Sainf-Jean-de-Jérusalem 
{1100-1  :]10),  publié  de  1894  à  1906,  en  quatre  volumes  in-f<dio. 
Les  notriA  de  lieu.  -< 


370  LES    NOMS    DE    LIEU 

par  Joseph  Delaville  Le  Roulx,  et  dans  les  publications  d'un 
objet  plus  spécial,  comme  celles  de  Mannier  sur  les  commande- 
ries  du  grand-prieuré  de  France,  de  Du  Bourg-  sur  le  grand- 
prieuré  de  Toulouse,  de  Niepce  sur  le  grand-prieuré  d'Auvergne. 
Il  faut  aussi  tenir  compte  de  ce  qu'un  établissement  de  l'ordre 
de  l'Hôpital  comportait  d'ordinaire  une  chapelle  sous  le  vocable 
de  son  patron,  saint  Jean. 

1477.  l^es  noms  de  lieu  cités  dans  les  pages  qui  précèdent  se 
rapportent  en  propre,  les  uns  aux  Templiers,  les  autres  aux 
chevaliers  de  Malte.  Les  suivants  peuvent  concerner  soit  l'un,  soit 
l'autre  de  ces  ordres,  et  seule  létude  des  documents  permettrait 
de  tixer  la  part  de  chacun. 

Les  maisons  du  Temple  et  de  l'Hôpital  étaient  appelées 
((  commanderies  »,  chacune  ayant  à  sa  tête  un  praeceptor 
ou  commandeur.  L'ordre  de  Saint-Lazare,  dont  il  sera  ques- 
tion plus  loin,  avait  aussi  ses  commandeurs,  comme  ses  che- 
valiers. Le  nom  d'écart  la  Commanderie  se  rencontre  dans 
les  régions  les  plus  diverses  :  on  le  voit  accompagné  du  nom 
originel  de  la  localité  <lans  la  Commanderie-de-Beaiigy  (Cal- 
vados). 

1478.  Les  écarts  dénommés  la  Chevalerie  correspondent  k 
d'anciennes  commanderies,  considérées  comme  «  maisons  de  che- 
valiers »,  quand  ils  ne  représentent  pas  les  biens  de  propriétaires 
dont  le  nom  patronymique  était  (Chevalier.  L'équivalent  de  la 
Chevalerie  est,  en  pays  de  langue  d'oc,  la  Cavalerie  (Arièg-e, 
Aveyron,  Dordogne,  Tarn,  'Vaucluse)  ;  et  l'on  sait  positivement 
que  la  Cavalerie,  écart  situé  au  territoire  de  Pamiers,  doit  son 
oiigine  à  une  maison  du  Temple,  fondée  en  1130,  et  qu'on 
ai)pela  longtemps  la  Cavalerie  de  la  Noiujarède. 

1479.  Le  nom  'Villedieu  ou  la  Villedieu,  porté,  dans  les 
diverses  parties  de  la  Franci',  par  dix-neuf  communes  et  bon 
nombre  d'écarts,  ne  remonte  pas  au  delà  du  xii"'  siècle,  et  l'on 
peut  allirmcr  (|ue  toutes  ces  localités  sont  (rancicnnes  posses- 
sions des  Templiers  ou  des  Hospitaliers,  (^e  nom  est  souvent 
accompagné  d'un  surnom  :  celui  d»'  \'illedicu-les-Poèles [^lunclwj, 
qui  a  cessé  d'être  officiel,  fait  allusion  à  l'industrie  des  pcfcéles  à 
frii-c,  assez  anciemie  dans  le  pays.  |)uis(pu'  Habclais  en  fait  iiien- 
Imn. 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    ORDRES    RELIGIEUX  371 

1480.  Vildé  (Côtes-du-Nord,  lUe-et- Vilaine,  Mayenne,  Ven- 
dée), Villedé  !  Deux-Sèvres),  la  ViUedée  (Gôtes-du-Nord),  peut- 
être  la  ViUedée  (Morbihan),  sont  des  altérations  de  Villedieii  ou 
la.   Villedieu. 

1481.  L'interprétation  qui  vient  d'être  donnée  de  ce  nom,  et 
qu'il  serait  facile  de  justifier  historiquement,  ne  peut  être  éten- 
due à  tous  les  noms  de  lieu  dont  le  thème  étymologique  est 
Vallis  Dei.  A  la  vérité,  l'ancienne  commune'  de  la  Vaudieu 
(Indrel  était  le  siège  d'une  commanderie  ;  mais  on  n'a  pas  la 
preuve  qu'il  en  ait  été  de  même  de  Vaudieu  (Vaucluse).  Valdieu 
(Marne)  était,  au  diocèse  de  Troyes,  un  prieuré  de  Tordre  du 
Val-des-Choux,  fondé  en  1219.  Quant  au  village  de  Lavaudieu 
(Haute-Loire),  il  n'est  ainsi  appelé  qu'en  vertu  d'un  changement 
de  nom  autorisé  par  acte  royal,  postérieurement  au  moyen- 
àge  ;  en  ce  lieu,  jadis  dénommé  Comps,  s'élevait  un  monastère 
de  femmes  subordonné  à  l'abbaye  de  la  Chaise-Dieu  ;  l'abbé 
Renaud  de  Blot,  voulant  que  ce  monastère  reçût  un  nom  «  con- 
sonnant  au  nom  de  sa  dite  abbaye  »,  obtint  du  roi  Charles  VIII, 
par  lettres  données  à  Laval  le  9  octobre  1487,  que  le  prieuré  de 
Gomps  s'appelât  désormais  «  le  prieuré  de  Vaudieu...  et  non 
autrement  ». 

1482.  L  ordre  des  chevaliers  de  Saint-Lazare  fut  établi, 
croit-on,  en  11 19,  à  Jérusalem,  par  le  roi  Baudouin  II,  et  confirmé 
par  le  pape  Alexandre  IV,  en  1255.  L'importance  qu'il  tirait  de 
sa  mission  spéciale,  celle  de  soigner  les  malades  atteints  de  la 
lèpre,  diminua  en  raison  de  ce  que  le  fléau  perdit  de  son  inten- 
sité. En  France,  où  il  avait  fixé  son  chef-lieu  dans  le  domaine  de 
Boigny,  concédé  par  le  roi  Louis  VII,  cet  ordre  fut  réuni  en  1693 
à  celui  de  Saint-Michel  ;  tandis  que  l'union,  en  Savoie,  de  l'ordre 
de  Saint-Lazare  à  celui  de  Saint- Maurice  est  l'origine  de  l'ordre 
honorifique  «  des  saints  Maurice  et  Lazare  »  au  royaume  actuel 
d'Italie. 

On  peut  rattacher  au  souvenir  de  l'ordre  de  Saint-Lazare  la 
plupart  des  noms  de  lieu  désignant  d'anciennes  léproseries  ;  la 
plupart  seulement,  car  quelques-uns  de  ces  établissements 
étaient  antérieurs  à  l;i  création  de  l'ordre  :  telle,  par  exemple,  la 
maison  de  Saint-Lazare,  à  Paris. 

1.   Réunie  à  celle  de  Saiiil-Ililiiire  [)ai'  ordonnance  du  l"'' so|)lonibre  l8i'J 


372  LES    NOMS    DE    LIEU 

1483.  Les  lépreux  avaient  été  placés  sous  la  protection  de 
saint  Lazare,  par  l'effet  d'une  confusion  entre  Lazare,  le  men- 
diant couvert  d'ulcères  —  le  moyen-âge  en  avait  fait  un  lépreux 
—  dont  parle,  dans  l'Evang-ile  selon  saint  Luc,  la  parabole  du 
Mauvais  Riche,  et  saint  Lazare,  le  frère  de  Marthe  et  de  Marie, 
qui,  ressuscité,  parta^^ea  le  repas  de  Jésus,  six  jours  avant  la 
Pàque,  chez  Simon  le  lépreux,  à  Béthanie.  La  forme  vulgaire  de 
Lazarus,  accentué  sur  l'antépénultième,  étant  Ladre,  la  lèpre 
était  dite  mal  Ladre,  d'où  le  mot  maladreries  désignant  les  mai- 
sons où  les  lépreux  étaient  confinés.  Le  mot  léproserie,  de  forma- 
tion moderne,  n"a  pas  trouvé  place  dans  la  toponomastique  : 
mais  bon  nombre  d'écarts  '  sont  appelés  la  Maladrerie,  la  Mala- 
drie,  et  —  car  mal  Ladre  a  été  parfois  abusivement  assimilé  à 
l'adjectif  malade  ^  —  la  Maladière.  les  Maladières. 

1484.  Plus  fréquemment,  les  localités  correspondant  à  d'an- 
ciennes léproseries  portent  le  nom  de  Saint-Lazare  ;  mais  l'em- 
ploi de  la  forme  savante  Lazare  ne  remonte  guère  qu'à  l'époque 
de  la  Renaissance  ;  auparavant  la  forme  vulgaire  était  seule  usi- 
tée ;  quelques  Saint-Ladre  (Cher,  Eure-et-Loir,  Nord,  Oise,  Pas- 
de-Calais\  se  sont  d'ailleurs  maintenus. 

1485.  La  ville  de  Po/i ^-Saint-Esprit  (Gard),  qui  s'est  formée 
autour  d'un  prieuré  clunisien,  ecclesia  sancti  Saturnini,  dont 
on  constate  l'existence  dès  945,  doit  son  nom  actuel  à  un  pont, 
jeté  sur  le  Rhône,  dont  les  travaux  durèrent  de  1269  à  1309,  et 
à  un  hôpital  de  l'ordre  du  Saint-Esprit  de  Montpellier  qui  fut 
fondé  vers  la  même  époque. 

C'est  vraisemblablement  à  ce  même  ordre  hospitalier,  créé  au 
xii"   siècle  et   confirmé  en  1198  par   le  pape   Innocent  III,    que 

1.  Et,  poiirrail-oii  ajouter,  un  nombre  bien  plus  considérable  encore  de 
lieux  dits.  On  en  peut  juyor  en  consultant  les  dictionnaires  topographiques 
rie  la  Haute-Marne  et  de  la  Côte-d'Or,  et  l'un  de  nous  a  fait  pareille  consla- 
lalion  en  dépouillant  les  états  de  sections  des  communes  du  département 
des  Vosffes.  II  va  sans  dire  que  dans  la  |)lupait  des  cas  un  lieu  dit  appelé 
la  M.iL.tJii-rc  ou  la  Maladrerie  représente  une  ancienne  [jossession  d(" 
léproserie,  et  non  l'emplacement  d'une  léproserie. 

2.  Monl-aiJX-M;d;i(Jcs,  ancienne  commune  à  laquelle  une  ordonnance  du 
20  janvier  1819  a  réuid  celle  de  Sainl-Aij^nan  pour  former  la  commune 
actuelle  de  Mont-Sainl-.Vif^nan  (Seine-Inférieurel,  est  ap|)t!lé,  dans  le» 
textes  latins   du    moyen-àf^-e,    Mous    l.c  |)  r  o  so  r  ii  m. 


ORIGLNES    ECCLÉSIASTIQUES    :    ORDRES    RELIGIEUX  373 

doivent  leur  nom  les  localités  appelées  Saint-Esprit  (Allier, 
Côtes-du-Noi'd,  Finistère,  Gers,  Lot-et-Garonne,  Basses-Pyré- 
nées, Vaucluse)  et  le  Saint-Esprit  (Orne).  Antérieurement  au 
xu^  siècle,  on  n'aurait  pas  eu  l'idée  de  placer  un  sanctuaire  sous 
l'invocation  exclusive  de  la  troisième  personne  de  la  Trinité  (cf. 
ci-après,  n"  1515). 

1486.  L'ordre  de  la  Sainte-Trinité  fut  fondé  en  1199  par  saint 
Jean  de  Matha  et  saint  Félix  de  Valois,  pour  racheter  les  captifs 
des  mains  des  intîdèles.  En  France,  les  Trinitaires  étaient  appe- 
lés Mathurins  à  cause  de  leur  maison  de  Paris,  voisine  de 
l'église  Saint-Mathurin,  qui  leur  avait  été  donnée  en  1228  ;  on 
les  désifirnait  aussi  sous  le  nom  d'  «  âniers  »  ou  de  «  frères  aux 
ânes  »  parce  qu'à  l'origine  l'âne  était  la  seule  monture  qui  leur 
fût  permise,  témoin  ce  passage  du  Magnum  chronicon  Belyicum^ 
cité  par  Du  Gange  :  Anno  Domini  1198,  pontificatus  Inno- 
centii  pape  111  anno  1,  coepit  et  institutus  est  ordo 
Sanctae  Trinitatis,  quem  solebant  appellare  ordinem 
asinorum,  eo  quod  asinos  equitabant,  non  equos  ;  c'est 
seulement  en  12137  que  le  pape  Clément  IV  leur  permit  de  mon- 
ter des  chevaux,  à  l'occasion.  Mais  leur  nom  vulgaire  subsista, 
on  le  voit  dans  un  compte  de  l'hôtel  du  roi  pour  1330,  que 
Du  Gange  rapporte  également  :  Les  frères  des  asnes  de  Fontaine- 
bliaut^  ou  Madame  fut  espousée. 

1487.  En  raison  de  cette  circonstance,  chaque  maison  de 
l'ordre,  chaque  «  ministrerie  »  —  le  supérieur  portant  le  titre  de 
«  ministre  »  —  entretenait  un  certain  nombre  d'ânes.  De  là  le 
surnom  «  aux  ânes  »  accolé,  quand  elle  avait  beaucoup  d'homo- 
nymes, au  nom  d'une  localité  où  se  trouvait  une  ministrerie  : 
Fay-ai\xx-kne&  (Oise).  On  voit  ce  surnom  déformé  dans  la  Ville- 
neuve-di\xx-kanes  et  la   ViUefte-aux-h.u\nes  (Seine-et-Marne). 

1488.  S'agit-il,  dans  ces  deux  derniers  noms,  d'une  déforma- 
tion intentiotmelle,  les  habitants  voulant  échapper  aux  plaisan- 
teries que  le  mot  «  ânes  »  pouvait  leur  attirer  ?  Ou  bien  se 
trouve-t-on  en  présence  d'une  altération  de  prononciation,  étran- 
gère à  toute  arrière-pensée  ?  Gette  dernière  supposition  n'est  pas 
sans  vraisemblance.  La  localité  cjue  le  Polyptyque  de  Saint-Remi 
de  Reims  appelle  Villare  asinorum,  et  une  charte  de  1240 
Vilers  Anous,  est  aujourd'hui  Villers-aux-Nœuds  (Miwne),  parle 


374 


LES     NOMS    DE    LfEU 


double  effet  de  la  même  altération,  et  d'un  jeu  de  mots  qui 
remonte  au  moms  au  début  du  x,v«  siècle.  Il  va  sans  dire  m,e  le 
surnom  „  au.-Xœuds  „,  qui  devrait  s-écrire  asneu.,  névoqie  en 
nen  le  souvenir  de  l'ordre  des  Trinitaires.  à  la  eréation  duquel  .1 
est  anteneur;  ,1  a  trait  à  l'élevage  des  ânes,  et  VUterlaur- 
-^œuds  répond  à  la  même  not.on  d'économie  rurale  nue  le, 
vocables  représentant  le  latm  asinar.a  :  ceux-ci  ont  été  indiqués 
a.  leurs    n-  598),  et  on  j  peut  joindre  les  noms  plus  modern 

.4«,e.e    Loiret,  et  f.inerie  (Ardennes,  Loire-Inférieure,  Sarthe 
Lo,re-Infe„eure,.  du  moins  dans  les  cas  où  ce  dernier  ne  s'ap: 
plique  pas  à  quelque  propriété  d'une  famille  Unier  ou  Lamier 


LXV 

SOUVENIRS     DE     LA     TERRE-SAINTE 

1489.  On  voit,  à  l'heure  actuelle,  dans  notre  pays,  un  petit 
nombre  de  localités  porter  les  noms  de  Bethléem  (Nièvre,  Nord, 
Haute-Saône,  Somme)  et  de  Jérusalem  (Nord,  Vaucluse,  Vienne)  ; 
à  une  exception  près  (cf.  ci-après,  n°  1493],  elles  sont  de  peu 
d'importance,  et  l'on  n'a  pas  la  preuve  qu'elles  soient  très 
anciennes.  Mais  il  est  certain  que,  dès  l'époque  franque,  ces 
noms  ont  été  en  usage  sur  le  sol  gaulois. 

1490.  Le  fait  a  été  signalé  incidemment  (n"  866)  à  propos  du 
monastère  de  Rebais,  qui,  lors  de  sa  fondation,  fut  appelé  Jéru- 
salem. Et  Flodoard,  dans  son  Histoire  de  Véglise  de  Reims, 
écrite  vers  940,  mentionne  un  autre  Jérusalem,  situé  en  Noyon- 
nais,  sur  la  rive  gauche  de  l'Oise,  et  dont  il  fut  question,  en  un 
concile  tenu  à  Noyon  en  814,  à  propos  de  contestations  entre  les 
évêques  de  Noyon  et  de  Soissons  touchant  U^s  limites  de  leurs 
diocèses. 

1491.  L'abbaye  de  Spermalie,  au  territoire  de  Sysseele,  près 
de  Bruges,  dans  l'ancien  diocèse  de  Tournai,  est  dite  Nova 
Jérusalem  dans  des  textes  latins  du  xiii''  siècle. 

1492.  La  célèbre  abbaye  de  Ferrières  (Loiret),  au  diocèse  de 
Sens,  reçut,  lors  de  sa  fondation,  au  xin"  siècle,  le  nom  de 
Bethléem,  qui,  tout  comme  celui  de  Jérusalem,  appliqué  à  la 
même  époque  à  Rebais,  est  tombé  en  désuétude. 

1493.  Par  contre,  un  faubourg  de  la  ville  de  Clamecy  (Nièvre) 
a  conservé  le  nom  de  la  petite  ville  de  Judée  où  naquit  Jésus. 
Au  début  du  xiii*"  siècle,  l'évêque  de  Bethléem,  chassé  de  Pales- 
tine par  les  infidèles,  vint  se  fixer  à  Panthenor,  près  de  Cla- 
mecy, où  s'élevaient  un  hôpital  et  une  chapelle  légués  à  l'un  de 
ses  prédécesseurs,  en  1168,  par  le  comte  de  Nevers  Guil- 
laume IV  ;  Panthenor  prit  alors  le  nom  et  le  titre  épiscopal  — 
sans  juridiction  —  de  Bethléem  '. 

1.  Dans  sa  conférence  du  25  janvier  1903,  à  l'Ecole  des  Hautes  lUudes, 
A.  Longnoa  a  fait  remarquer  que  Bethléem  a  pour  forme  romane  Belhle.in 
ou  Belean.  L'hôpital  de  Bethléem,  à  Clamecy,  est  elTectivemenl  appelé 
Bellenm  et  Belhliuin  en  1408,  et  la  forme  Belhan,  fpii  se  dit   Bè-iaii  dans  le 


376  LES    iNOMS    DE    LIEU 

1494.  Le  villag'e  de  Bithaine  (Haute-Saône),  doit  son  origine 
à  une  abbaye  cistercienne  fondée  en  1133;  son  nom  est  une 
forme  vulgaire  du  latin  Bethania.  On  n'est  pas  surpris  de  voir 
évoqué  de  la  sorte  le  souvenir  d'une  localité,  située  à  deux  kilo- 
mètres de  Jérusalem,  dont  les  Evangiles  font  douze  fois  mention: 
c'est  à  Bétlianie  que  saint  Luc  place  la  dernière  apparition  du 
Christ  à  ses  Apôtres  :  Eduxit  autem  eos  foras  in  Betha- 
niam,  et,  élevât is  manibussuis.benedixit  eis;  et  factuni 
est,  dum  benediceret  illis,  récessif  ab  eis,  et  ferebatur 
in  c a e  1  u m  ' . 

1495.  Ces  derniers  mots  ont  trait  à  l'Ascension,  qui,  selon  la 
tradition,  se  produisit  sur  la  Montagne  des  Oliviers  —  le  Mons 
olivarum  ou  Mons  oliveti  des  Ecritures  —  d'ailleurs  toute 
voisine  de  Béthanie.  La  vénération  des  fidèles  pour  ce  lieu 
s  est-elle  manifestée  dans  la  toponomastique  ?  Il  se  peut  ;  mais 
on  doit  contrôler  soigneusement  les  exemples  qui  paraissent 
justifier  ce  sentiment.  Moiitolivet  (Seine-et-Marne),  paroisse  de 
l'ancien  diocèse  de  Troyes,  est  appelé,  dans  un  pouillé  de  1407, 
Montaillevert  :  il  faut  conclure  de  là  que  le  second  terme  de  ce 
nom  de  lieu,  loin  d'être  le  calque  du  latin  olivetum  qu'on  sup- 
poserait sans  défiance,  résulte  de  l'altération  d'un  nom  d'homme 
en  usage  à  l'époque  franque,  celui  qu'on  rencontre  dans  le 
Polyptyque  d'Irminon  sous  la  forme  Aglovertus,  et  qui  repré- 
sente un  ancien  Aglebertus. 

Le  nom  de  Monlolieu  [Xxxàe)  ei  cqXxù  Ae  MontouUeu  (Hérault), 
dont  le  terme  final  n'est  jamais  traduit,  dans  les  textes  latins, 
par  un  pluriel  ou  par  un  collectif,  rappellent  vraisemblablement 
l'existence,  en  chacun  de  ces  lieux,  d'un  olivier  isolé,  plutôt  que 
le  souvenir  des  oliviers  de  Béthanie  -. 

parler  local,  est  toujours  eu  usage.  —  D'autre  j)ait,  eesL  aussi  un  primitir 
Betiiléem  que  représente  Béliam  ou  Bélion,  écart  de  la  commuue  de  Mesvin 
(Belf^ique,  Ilaiuaut),  près  Mons,  où  fut  fondée,  en  1244,  une  abbaye  de 
femmes  de  l'ordre  de  saint  Augustin;  et  peut-être  en  esl-il  de  même  de 
Balham  ^Vrdcnues),  qu'nu  [)Ouillé  du  diocèse  de  Heims,  antérieur  à  1312- 
iippclle  linlehun. 

i .   Luc,  XXIV,  ;')U-!il. 

2.  Sur  le  Ici-riloiic  de  Saiiil-N'craiu  Nièvre;  ou  l't'Mianjue  un  ruisseau  et 
des  écarts  tlénoiuuiés  le  Jourdain,  Betphagé,  Jéricho,  Jérusalem,  sans  par- 
ler du  hameau  des  Hcrtlies,  (pii  fut,  jus(pi'au  xvii"  siècle,  appidé  Bethléem  : 
ces  noms  ont  été  importes  de  l'errc-Sainte,  à  l'époipie  des  croisades,  pai' 
les  seigneurs  de;  Sainl-\ Crain. 


1 


1 


LXVI 
ÉVÉNEMENTS     DE     L'HISTOIRE     RELIGIEUSE 

1496.  Le  plus  ancien  texte  où  soit  consignée  la  tradition  qui 
place  à  Montmartre  le  lieu  du  martyre  des  saints  Denis,  Rustique 
et  Eleuthère  est-ce  passag-e  de  la  Vita  sancti  Dionyaii,  écrite 
antérieurement  à  840  par  l'abbé  Hilduin  :  Quorum  memo- 
randa  et  g-loriosissima  passio  e  regione  urbis  Parisio- 
rum  in  colle  qui  antea  Mons  Mercurii,  quoniam  inibi 
idolum  ipsius  principaliter  colebatur  a  Gallis,  nunc 
vero  Mons  Martyrum  vocatur,...  celebrata  est  vu  idus 
octobris. 

Julien  Havet,  dans  son  mémoire  sur  les  Origines  de  Saint- 
Denis,  publié  en  1890  ',  prétendant  quHilduin  explique  ainsi 
«  le  même  nom  de  deux  façons  différentes  »,  et  concluant  de  là 
que  «  l'une  ou  l'autre  de  ces  étymologies  est  nécessairement 
fausse  »,  estimait  que  «  la  vraie  est  Mons  Mercurii.  car  un 
texte  relativement  ancien,  la  chronique  dite  de  Frédégaire,  nous 
apprend  que  Montmartre  s'appelait  au  vu*'  siècle  Mons  Mer- 
core  '  ».  x\  vrai  dire  Hilduin,  en  s^exprimant  dans  les  termes 
qu'on  vient  de  lire,  «  ne  présente  aucunement  Mons  Mercurii 
et  Mons  Martyrum  comme  étant  l'un  et  l'autre  la  forme  pri- 
mitive du  nom  de  Montmartre  ;  il  les  indique  simplement  comme 
deux  vocables  successifs  d  un  même  lieu,  deux  vocables  dont  le 
plus  ancien,   emprunté  au  paganisme,  a  été,  postérieurement  au 

1.  Bihl.  de  VÉcole  des  chartes,  LI,  rj-62.  Heimprimô  en  189(1  dans  U-s 
LEuvres  de  Julien  Iluvel,  I,    191-246. 

•2.  Julien  Ilavet  s'avançait  plus  que  de  raison.  Le  texte  do  Frédégaire  ne 
fait  (]ue  juxtaposer  les  mots  in  monte  Mercore  et  la  mention  d"un 
séjour  du  roi  Clotaire  à  Clichy  :  tout  ce  qu'il  est  permis  de  tirer  de  là  — 
vraisemblance  el  non  certitude  —  c'est  que  la  hauteur  ainsi  désignée 
appartenait  à  la  région  parisienne;  et,  pour  l'identifier  avec  Montmartre, 
on  ne  saurait,  en  bonne  criti(|ue,  se  contenter  de  Taffirmation  d'Ililduin  - 
Havet  tenait  son  témoignage  pour  «  absolument  nul  »  —  portant  (pie  la 
«  Butte  »  s'appelait  jadis  Mons  Mercurii. 


378  LES    NOMS    DE    LIEU 

martyre  de  saint  Denis,  remplacé  par  une  appellation  rappelant 
le  souvenir  du  pieux  évêque  et  de  ses  compagnons  K  Une  telle 
affirmation  n'offre  absolument  rien  qui,  à  première  vue,  per- 
mette de  la  condamner  -. 

«  Mons  Mercurii  est  le  nom  primitif  de  Montmartre.  Inspiré 
par  le  culte  de  Mercure,  il  était  certainement,  à  l'époque  romaine, 
le  nom  de  plusieurs  autres  lieux  de  la  Gaule  »,  et  notamment  de 
Saint-Michel-AIont-Merciire  ou  Montmalchus  (cf.  ci-dessus, 
n"  455)  ;  «  Mons  ^fercurii,  accentué  sur  u  bref,  n"a  pu  donner 
en  roman  que  Montmerqueur  ou  Montmerqueu  »  —  par  une 
évolution  exactement  semblable  à  celle  qui  de  Mercurium  a  fait 
Mercœur  ou  Merciieil,  prononcé  Merquevx  —  «  pour  aboutir 
finalement  à  Montmalchus,  en  passant  par  les  intermédiaires 
Mont?nercu,  Montmarcu,  Montmalcu,  et,  en  l'absence  d'une 
preuve  quelconque,  il  est  imprudent  d'affirmer  qu'il  ait  produit 
Montmertre  ou  Montmartre  ».  En  vain  alléguera-t-on  que  la 
syllabe  tonique  de  Mercurii  a  perdu  son  accent  dans  le  mot 
mercredi,  Mercurii  dies  :  elle  ne  pouvait  le  conserver,  se 
trouvant  suivie  immédiatement  de  la  syllabe  di,  sur  laquelle  est 
accentué  ce  mot  ^. 

1.  Nous  croyons  devoir  faire  observer  que  celte  interprétation  de  Mons 
Martyrum  n'est  pas  la  seule  possible.  Rien  n'indique  positivement  que 
les  martyrs  dont  il  s'agit  soient  saint  Denis  et  ses  compagnons  ;  bien  plus, 
si  la  tradition  avait  été  très  nette  à  cet  égard,  il  serait  surprenant  que,  pour 
honorer  la  mémoire  du  premier  évêque  de  Paris,  on  se  fût  contenté  d'une 
appellation  collective,  anonyme.  Et  cette  appellation  oblige-t-elle  même  à 
croire  que  des  chrétiens  aient,  à  Montmartre,  subi  la  mort  pour  leur  foi? 
N'y  peut-on  voir,  tout  simplement,  une  manifestation  du  culte  des  martyrs, 
peut-être  même  des  saints  en  général  —  la  fête  de  la  Toussaint  a  été 
appelée  lu  Marlror  —  substitué  fort  naturellement  par  le  populaire  i^ 
celui  des  faux  dieux? 

2.  D'ailleurs,  le  rapi^oclicmenl  du  tcxlo  d'ililduin  et  de  certain  pas- 
sage —  Mons  Marti  s,  nu  ne  felici  mutatione  Mons  Martyrum 
—  des  Mir.tcula  suncti  Uiimiaii,  œuvre  d'un  de  ses  contemporains,  établit 
l'existence,  dès  le  ix"*  siècle,  d'une  tradition  d'après  la(|uel]e  rappellatioii 
chrétienne  Mons  Martyrum  aurail  pris  la  place  dune  appellation 
pa'KMine. 

:!.  A  cette  observation,  formulée  par  Longnon  dans  ses  conférences  de 
d9()2-190.'5  et  de  1900-1007,  il  convient  d'objecter  que,  concurremment  avec 
Mercurius,  Mercurii,  une  déclinaison  Mercur,  Mercoris,  avec 
raccent  sur  1'*?,  |)arait  avoir  été  en  usage  ;  elle  expliepierait,  avec  l'ancien 
français  inercresdi,  le  provençal  inercn'x  et  l'espagnol  nncrroli's. 


OKiniNES    ECCLÉSIASTIQUES    ]    HISTOIRE    RELIGIEUSE  379 

«  Le  nom  latin  de  Mons  Martyrum,  qu'Hilduin  dit  avoir 
été  substitué  au  nom  primitif  de  la  montag'ne,  portait  l'accent 
toni(jue  sur  l'antépénultième,  c'est-à-dire  sur  l'a  :  c'est,  par 
conséquent,  la  seule  étymologie  qu'on  puisse  accepter  du  nom 
de  Montmartre.  Si  l'on  admettait,  avec  Julien  Havet,  que  le 
vocable  de  Mons  Martyrum  est  de  l'invention  d'Hilduin,  il 
faudrait  supposer  que  ce  prélat  connaissait  les  lois  qui  ont  pré- 
sidé au  passage  du  latin  en  français,  et  dont  l'existence  n'a  été 
révélée  qu'au  xix*"  siècle  seulement,  par  Diez  et  par  Gaston 
Paris  '  ». 

1.  En  dehors  de  l'observalion  relative  au  mot  Dtercrerli,  tout  ce  début  de 
chapitre  est  l'abrégé  d'un  petit  mémoire  —  Uélymologie  du  nom  de  Mont- 
martre —  publié  par  Auguste  Longnon,  dans  le  Recueil  que  la  Société 
nationale  des  Antiquaires  de  France,  à  l'occasion  de  son  centenaire,  a  fait 
paraître  en  1904.  —  Dans  un  travail  récent  —  Etudes  sur  Vahbaye  de  Saint- 
Denis  à  Vépoque  mérovingienne  [Bihl.  de  VEcole  des  chartes,  LXXXII, 
42-43)  —  M.  Levillain  est  revenu  sur  le  même  sujet.  Selon  lui,  Montmartre 
devrait  se  dire  Montmarie,  et  l'appellerait  le  culte  de  Mars  (voir  ci-dessus, 
p.  378,  n.  2)  ;  Mons  Martyrum  serait,  soit  une  invention  des  moines  de 
Saint-Denis,  soit  la  traduction  en  latin  de  Montmartre,  altération  de  Monl- 
marte  qui  se  serait  produite  dès  ce  temps-là.  Constatant  que  Campus 
Martis  est  devenu  Chamars,  Fanum  Martis  Famars,  et  Templum 
Marias  Talnias  (cf.  ci-dessus,  n°  456),  M.  Levillain  reconnaît  que  Mons 
Martis  aurait  dû  donner  en  fi-ançais  Montmars  ou  Muntmas,  et,  de  fait,  il 
cite  les  vocables  Montmart  (Aube)  et  Monf-Mart  ;  mais  l'existence  de  lieux 
dits  Montmarte,  aux  environs  d'Avallon  et  sur  le  territoire  de  Nîmes,  l'en- 
gage à  dire  qu'  «  il  faut  bien  admettre  une  autre  déformation  populaire  -> 
de  Mons  Martis.  Nous  ne  pensons  pas  que  cette  conjecture  s'impose. 
Quand  bien  môme  les  découvertes  archéologiques  faites  au  Montmarte  de 
l'Yonne  justifieraient  l'explication  du  nom  de  ce  lieu  dit  j)roposée  p;ir 
M.  Levillain,  il  serait  téméraire  d'étendre  cette  explication  au  Montmartre 
nîmois,  sur  le  passé  duquel  on  ne  connaît  qu'une  tradition  toute  chré- 
tienne, celle  d'après  laquelle  saint  Baudile  aurait  été  martyrisé  en  cet 
endroit.  Et  si  l'on  envisage  la  question  au  point  de  vue  purement  phoné- 
tique, il  paraît  certain  qu'au  ix*"  siècle,  en  Gaule,  la  forme  vulgaire  de 
Martis  ne  comportait  aucune  voyelle  d'appui  à  la  suite  du  groupe  ri  : 
en  effet,  l'un  des  cas  obliques  de  pars,  qui  se  décline  comme  Mars, 
est  représenté,  dans  le  serment  des  soldats  de  Charles  le  Chauve,  par  le 
mot  part  {Mon.  Germ.,  Scri])t.  II,  666,  1.  9). 

C'est  évidemment  pour  ne  s'être  pas  avisés  de  disjoindre  la  (lueslit)n 
historique  du  lieu  du  martyre  de  saint  Denis  et  la  question  philologi(iue  de 
l'étymologie  du  nom  de  Montmartre,  que  Julien  Havet  et  M.  Levillain  ont 
attaché  tant  d'impoitance  à  tenir  pour  inventé  de  toutes  pièces  le  vocable 
Mons    Maityrnm   :   s'ils  s'étaient  bornés   à  criticpier   le  rapproclunienl 


380  LES    NOMS    DE    LIEE 

1497.  Employé  au  m"  siècle  par  Tertullien,  au  x''  par  saint 
Jérôme  —  et  depuis  lors  les  exemples  en  abondent  —  le  mot 
latin  martyrium  désignait  le  lieu  du  supplice  ou  de  la  sépul- 
ture des  martyrs.  Peut-être  certains  exemplaires  du  vocable 
Martres  ou  les  Martres  (Charente,  Dordogne,  Gers,  Haute-Loire, 
Puy-de-Dôme)  sont-ils  apparentés  à  ce  mot. 

1498.  On  peut  en  toute  sûreté  rapporter  au  latin  martyrium 

(ait  par  Hilduin  de  ce  vocable  et  du  souvenir  de  saint  Denis,  leurs  argu- 
ments, eu  ce  qui  concei-ne  la  première  question,  n'eussent  rien  perdu  de 
leur  valeur. 

Le  nom  de  Montmartre  est  étudié  aussi  dans  une  brocimre  de  29  pages, 
que  M.  labbé  J.-M.  Meunier  a  fait  imprimer  à  Nevers  en  1914  ;  l'auteur  a 
judicieusement  cru  pouvoir  aborder  cette  étude  «  sans  essayer  d'approfon 
dir  la  question  difficile  du  lieu  où  saint  Denis  fut  mis  à  mort  ;>.  Son  avis  est 
que  iïfon^marfre  «  ne  dérive  pasdeMonte  M  arty  rum,  mais  de  Monte 
Mereore,  forme  du  latin  vulgaire  pour  le  classique  Mercurio  »  ;  l'o 
posf tonique  de  Mereore  serait  tombé  dès  le  viii"^  siècle,  et  «  au  temps 
d'Hilduin,  .  .  .  il  a  fallu  que  Montinercre  fût,  comme  prononciation  dans  la 
bouche  du  peuple,  bien  près  de  Montmartre,  pour  que  cet  historien  pûl 
déjà  rapprocher  ce  mot  de  Mons  Martyrum.  .  .  La  gutturale  sourde  de 
Mercre  s'avançait  vers  la  dentale  sourde  /,  et  elle  devait  en  être  bien  près 
déjà  ;  de  même  l'e  entravé  devant  r  devait  être  très  ouvert,  el  sonner 
[)resque  comme  a,  pour  que  Mercre  soit  devenu,  vers  le  milieu  du  ix*^  siècle, 
presque  Martre,  et  pût  être  rapproché  de  Martyrum  ».  Les  faits  dé  pho- 
nétique apportés  à  profusion  à  l'appui  de  ces  hypothèses,  à  supposer  qu'ils 
soient  applicables  à  la  langue  parlée  en  Gaule  au  temps  d'Hilduin,  n'in- 
firment en  rien  l'opinion  que  défendait  Longuon. 

A  cette  opinion  M.  Meunier  objecte  seulement  que  le  mot  martyr  «  n'a 
pas  passé  dans  la  couche  populaire  des  mots  des  langues  romanes  »,  et  n'a 
pénétré  dans  le  français  (ju'à  titre  de  mot  savant,  caractérisé  par  le  dépla- 
cement de  l'accent  tonique.  L'argument,  à  notre  avis,  loin  de  servir  la 
thèse  de  M.  Meunier,  établit  l'ancienneté  du  vocable  Mons  Martyrum; 
àncionueté  comparable  à  celle  des  noms  de  lieu  dans  lescpiels  se  recon- 
naissent des  termes  de  bonne  latinité  disparus  du  langage  courant,  comme 
les  substantifs  viens  (cf.  ci-dessus,  n""  506-515i,  fa  nu  ni  n°-  453,  456). 
lucus  (n»"  688-697,,  l'adjcclil'  lapideus  m"  705  . 

M.  Meunier  signale  enfin  (pic,  parmi  les  ■■  autres  lieux  en  France  appelés 
Montmartre  »,  celui  des  environs  d'Avallon  —  nous  avons  dit  que  M.  Levil- 
laiu  l'appelle  Montmarle  —  possédait  un  temple  dédié  à  Mercure.  On  con- 
çoit <|uc  ce  fait,  à  coup  sûr  rcmanjuable,  l'ail  parliculièrenu'ul  séduit.  Mais 
on  peut  légitimement  considérer  qu'en  raison  de  la  réputation  ([u'ont  pro- 
curée à  la  butte  aujourd'hui  [)arisiennc  les  Areopni/itica  d'Hilduin,  le  nom 
(le  Montmartre  peut  l)ien  .ivoir  él('-  (huinc.  par  analogie,  à  d'autios  mon- 
tagnes vouées  à  Mercure  par  le  paj^'aiiismc  romain. 


OiUGlNES    ECCLÉSIASTIQUES    :    HISTOIRE    RELIGIEUSE  381 

le  nom  de  lieu  breton  le  Merzer  (Côtes-du-Nord,  Morbihan). 
Merzer-Salaiin  (Finistère)  est  l'endroit  où  fut  assassiné,  en  814, 
le  roi  des  Bretons  Salomon  —  Salaiin  est  l'équivalent  breton  de 
Salomon  —  deuxième  successeur  de  Noméiioé  ;  la  mort  vio- 
lente de  ce  prince  fut  assimilée  au  supplice  du  chrétien  mourant 
pour  sa  foi.  Limerzel  (Morbihan)  est  appelé,  dans  un  texte  latin 
de  1387,  Ecclesia  martyrum,  ce  qui  est  bien  le  thème  éty- 
mologique de  son  nom  ;  en  effet,  on  sait  qu'en  breton  ecclesia 
est  devenu  iliz  (cf.  ci-dessus,  n°  1322),  et  un  document  de  148i 
donne  la  forme  Illimerzel  ;  la  forme  moderne  résulte  de  l'aphé- 
rèse de  la  première  syllabe. 


LXVII 
CULTE     DE     LA     DIVINITÉ 

1499.  On  appelait,  au  moyen  âge  hôtel-Diou  ou  maison-Dieu, 
un  établissement  hospitalier  destiné,  soit  à  héberger  les  voya- 
geurs, soit  il  recueillir  les  malades.  De  ces  deux  expressions 
synonymes,  uniformément  traduites  par  le  latin  domus  Dei,  la 
première,  un  peu  archaïque,  ne  s'est  guère  maintenue  que  dans 
les  villes,  où  elle  désigne  souvent  le  principal  hôpital,  ou  le  plus 
ancien,  comme  c'est  le  cas  à  Paris.  Les  localités  appelées  Mai- 
SOn-Dieu  (Haute-Marne,  Deux-Sèvresj  et  la  Maison-Dieu  (Côte- 
dOr,  Creuse,  Indre,  Marne,  Nièvre,  Seine-et-Marne,  Yonne) 
correspondent,  soit  à  d'anciens  hôpitaux  ruraux,  soit  à  des  pro- 
priétés d'hôpitaux  urbains.  Une  seule  de  ces  localités  a  rang  de 
commune  —  c'est  celle  du  département  de  la  Nièvre  —  et  son 
nom  actuel  a  été  substitué  à  celui  de  Trisi,  qu'on  lit  dans  un 
pouillé  du  diocèse  d'Autun  antérieur  à  4312. 

1500.  L'appellation  Locus  Dei,  attribuée  d'ordinaire  à  des 
monastères  remontant  au  xii''  siècle,  est  représentée  par  le  Lieu- 
Dieu  (Gôte-d'Or),  abbaye  de  bernardines  fondée  vers  IloO,  le 
Lieu-Dieu  Somme),  abbaye  de  l'ordre  de  Cîteaux  fondée  en 
1  HM ,.  Lieu-Dieu-en-./a/'(/  (\'endée),  abbaye  de  l'ordre  de  Pré- 
montré fondée  en  1 14.^,  Lieu-Dieu  (Dordogne,  Isère),  et  par  Loc- 
Dieu  (Aveyron),  abbaye  cistercienne  fondée  en  1126.  —  Dillo 
(Yonne),  où  une  autre  a])baye  de  l'ordre  de  Prémontré  fui  fondée 
on  113'),  répondu  Dei  locus. 

1501.  L'abbaye  bénédictine  du  Joug-Dieu  (Rhône),  dont  ht 
l'ondalion  se  j)lace  vers  1  I  18,  était  appelée  en  latin  Jugum   Dei. 

1502.  Le  Mont-Dieu  Ardennes  ,  Mon  s  Dei,  (h)it  son  origine 
à  une  chartreuse. 

1503.  L'abbaye  de  Mondai/e  (Calvados),  fondée  en  1212  par 
Jourdain  (ki  Hommet,  évècjue  de  Lisieux,  passerai!  pour  avoir  été 
l'homonyme  (h'  cette  chartreuse,  si  l'on  s  en  lenait  aux  termes 
(|ue  voici  d  un  (hicmnent  de  1217  :  con  \  t-nl  us  sa  ne  I  i  Mari  in  i 
de    Monte    |)ei:     mais    c'est     hi     une    li  a(huli()ii     faulixc    (h'    la 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    CULTE    DE    LA    DIVINITÉ  383 

forme  vulgaire,  on  peut  s'en  convaincre  par  l'examen  des  textes 
plus  anciens  :  iSIons  d'Ae,  en  1202;  Sanctus  Martinus  de 
Ae  et  Sanctus  Martinus  de  Aeio  en  121o  ;  ecclesia  de 
Ae  en  1216;  Mondée  en  1242.  Ces  diverses  formes  permettent 
de  reconnaître  dans  Mondaye  le  mot  mont  suivi,  avec  intercala- 
tion  de  la  préposition  de,  du  nom  primitif  du  lieu,  nom  d'orig-ine 
gallo-romaine,  et  vraisemblablement  analogue  à  celui  à  Ay 
(Marne)  qu'on  rapporte  généralement  au  latin  Agiacus. 

1504.  Gloria  Dei,  qui  désignait  jadis  une  ministrerie  de 
l'ordre  des  Trinitaires,  est  aujourd'hui  Gloire-Dieu  'Aube). 

1505.  La  Grâce-Dieu  (Charente-Inférieure,  Doubs,  Haute- 
Garonne),  Gralia  Dei,  c'est-à-dire  «  la  faveur  divine  »,  répond 
à  une  idée  qui  paraît  avoir  été  en  honneur  dans  la  première  moi- 
tié du  xii*^  siècle.  Deux  des  localités  ainsi  nommées  occupant 
l'emplacement  de  monastères  fondés,  l'un  en  1135,  au  diocèse  de 
Poitiers,  l'autre  en  1139,  au  diocèse  de  Besançon.  —  Dans  le 
nom  de  la  Grâce,  écart  de  Gourbetaux  (Marne),  ce  n'est  pas  le 
nom  divin  qui  est  sous-entendu  ;  en  ce  lieu,  voisin  de  Montmi- 
rail,  s'élevait,  antérieurement  aux  guerres  de  religion,  une 
abbaye  fondée  en  1223,  qu'on  voit,  en  1263,  désignée  par  les 
mots  ecclesia  de  Gratia  béate  Marie  subtus  Montem 
Mirabilem. 

1506.  La  Bénissons-Dieu  (Loire)  était  appelée  en  latin  Bene- 
dictio  Dei  :  l'accusatif  benedictionem  a  donné  très  régulière- 
ment henisson  et  Vs  a  été  ajoutée  à  ce  mot  sous  l'influence  d'un 
impératif  fréquemment  employé. 

D'autres  noms  de  lieu  présentent  le  nom  divin  compris  dans 
une  formule  précative  ou  votive. 

1507.  Celui  de  Dieulouard  (Meurthe-et-Moselle)  reproduit 
l'expression  lorraine /)/<'« /ou  icart,  c'est-à-dire  «  Dieu  le  garde  »  ; 
on  l'a  rendu  en  latin  par  Dei  custodia,  faute  d'en  pouvoir 
aisément  donner  une  traduction  exacte.  Ce  nom  est  certainement 
antérieur  à  l'an  mil,  témoin  la  mention  qu'on  en  trouve  sous  la 
forme   Deilaiwart,    dans  VHistoria   episcoporiun    Virdiinensiuni. 

1508.  Dieu-s'en-SOUvienne  (Meuse)  est  un  ancien  prieuré  de 
l'ordre  du  Val-des-Kcoliers  fondé  en  1227. 

1509.  Le  nom  de  Divajeu  (Drôme)  se  présente  sous  les  formes 
dialectales  Devajua  en  1145,  Devajnda  en  1201  ;  on  la  traduit  en 


38 i  LES    NOMS   DE    LIEU 

latin  par  Dei   adjutoiium.  A  vrai  dire  le  thème  étymolog-ique 
est  Deus  adjuvat. 

1510.  Dieulefit  (Drôine)  comprend  dans  son  territoire  une 
montag-ne  appelée  Dieugrâce  :  ces  noms  s'expliquent  d'eux- 
mêmes. 

1511.  Le  nom  Dieulivol  (Gironde)  comporte  comme  un  acte 
de  foi  en  la  protection  divine. 

1512.  Beaucoup  d'ég-lises  sont  ou  étaient  dédiées  à  la  Sainte- 
Trinité  :  il  existe,  outre  la  Trinitat  (Cantal),  une  trentaine  de 
localités  appelées  la  Trinité  (Basses-Alpes,  Alpes-Maritimes, 
Aube,  Calvados,  Côtes-du-Nord,  Eure,  Finistère,  Loire-Infé- 
rieure, Manche,  Mayenne,  Meurthe-et-Moselle,  Morbihan,  Oise, 
Orne,  Basses-Pyrénées,  Savoie,  Seine-Inférieure,  Seine-et-Oise, 
Var,  Vosges  ^). 

1513.  On  ne  peut  citer  aucun  vocable  honorant  en  particulier 
la  première  personne  de  la  Trinité.  Mais  le  culte  de  Dieu  le  Fils 
a  donné  naissance  aux  noms  de  lieu  dont  la  forme  latine  est 
Sanctus  Salvator.  Le  nom  Saint- Sauveur,  porté  par  plus  de 
quarante  communes  et  par  quelques  écarts,  a  pour  variantes, 
dans  la  France  méridionale,  Saint-Salvadour  (Corrèze)  et,  par 
assourdissement  de  1'/'  finale.  Saint-Salvadou  (Aude,  Aveyron)  : 
ces  formes  répondent  à  l'accusatif  Sanctum  Salvatorem,  tan- 
dis que  le  nominatif  est  représenté  par  Saint-Salvaire  (Alpes- 
Maritimes,  Aude). 

1514.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  d'observer  qu'au  début  du 
règne  de  Philippe-Auguste,  qui  avait  expulsé  les  Juifs  du 
roynume  dès  1182,  le  vocable  du  Saint-Sauveur  fut  attribué  à 
une  ancienne  .synagogue  convertie  en  église  à  Orléans  :  le  même 
fait  peut  s'être  produit  ailleurs. 

1515.  L  idée  première  de  placer  un  édiiice  religieux  sous  1  in- 
vocation spéciale  de  la  troisième  personne  de  la  Trinité  semble 
avoir  appartenu  à  Pierre  Abélard,  le  célèbre  philoso})he  cjui.  en 
1122,  fonda  au  diocèse  de  Troyes  le  monastère  du  Paraclet, 
dédié,  comme  son  nom  l'indique,  au  Saint-Esprit  consolateur. 
T^y-px/Xr-zz .  Cette  appellation  causa  un  certain  scandale,  parce 
qu'elle  (Hait  alors  sans  exemple.    .Vbéhird,  dans  sa  célèbre  Lfllrc 

I.  (>('l,t<'  (leniièro  localilr,  (''cori  de  l.i  coiiuniiiir  Av  L;mi;irclie,  ost  un 
aiicifu  coiiveiil  lie   l'i'iiiilairos. 


ORIGINES    ECCLÉSlASTrQLES    :    LE    SAINT-ESPRIT  385 

à  un  ami,  s'en  explique  en  ces  termes  :  «  Fondé  d'abord  au  nom 
de  la  Sainte-Trinité,  placé  ensuite  sous  son  invocation,  le  sanc- 
tuaire fut  appelé  Paraclet,  en  mémoire  de  ce  que  j'y  étais  venu 
en  Tugitif,  et  de  ce  qu'au  milieu  de  mon  désespoir,  j'y  avais 
trouvé  quelque  repos  dans  les  consolations  de  la  grâce  divine. 
Cette  dénomination  fut  accueillie  par  plusieurs  avec  un  grand 
étonne  ment  ;  quelques-uns  l'attaquèrent  avec  violence,  sous  pré- 
texte qu'il  n'était  pas  permis  de  consacrer  spécialement  une 
église  au  Saint-Esprit,  pas  plus  qu'à  Dieu  le  Père,  mais  qu'il 
fallait,  suivant  l'usage  ancien,  la  dédier,  soit  au  Fils  seul,  soit  à 
la  Trinité.  Leur  erreur  provenait  de  ce  qu'ils  ne  voyaient  pas  la 
distinction  qui  existe  entre  l'Esprit  du  Paraclet  et  le  Paraclet. 
En  effet,  la  Trinité  elle-même,  et  toutes  les  personnes  de  la  Tri- 
nité, de  même  qu'elle  est  appelée  Dieu  et  Protecteur,  peut  être 
parfaitement  invoquée  sous  le  nom  de  Paraclet  ;  c'est-à-dire  de 
consolateur,  selon  la  parole  de  l'Apôtre  :  «  Dieu  béni  et  le  Père 
«  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  le  Père  de  toutes  les  miséri- 
u  cordes,  le  Dieu  de  toutes  les  consolations,  la  consolation  de 
«  toutes  les  tribulations  »  ;  et  aussi,  selon  ce  que  dit  la  vérité  : 
«  Il  vous  donnera  un  autre  consolateur  ».  Puisque  toute  église 
est  également  consacrée  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint- 
Esprit,  et  qu  elle  est  la  possession  indivise  des  trois  personnes, 
qu'est-ce  qui  empêche  de  dédier  la  maison  du  Seigneur  au  Père 
ou  au  Saint-Esprit,  aussi  bien  qu'au  Fils  ?  » 

Abélard  obtint  gain  de  cause,  puisque  le  nom  de  Paraclet  fut 
également  donné  à  une  abbaye  fondée  en  1219  au  diocèse 
d'Amiens.  Et  l'on  a  vu(n«'  1485)  qu'entre  temps  avait  été  fondé 
Tordre  du  Saint-Esprit,  auquel  un  certain  nombre  de  localités 
doivent  leur  nom. 


/.Ci  noms  de  lieu. 


LXVIIl 
APPELLATIONS     MYSTIQUES 

1516.  On  a  vu  (n°  1503j  le  mot  gratia,  en  combinaison  avec 
le  nom  divin,  représenté  par  les  noms  la  Grâce-Dieu.  —  La 
Grâce  (Marne)  est  pour  la  Grâce-Notre-Dame,  Gratia  beatae 
Mariae. 

1517.  Gaudium,  désignant  la  joie  spirituelle,  caractère  dis- 
tinctif  du  vrai  chrétien,  est  le  nom  de  la  Joie,  porté  par  des 
abbayes  cisterciennes  de  femmes,  fondées,  lune  en  1231.  au 
diocèse  de  Sens,  près  de  Nemours  (Seine-et-Marne),  l'autre  en 
1230,  au  diocèse  de  Vannes,  près  d'Hennebont  (Morbihan).  La 
première  fut  réunie  en  1764  à  celle  de  Villiers-aux-Nonains 
(Seine-et-Oise)  qu'à  cette  occasion  on  appela  yf7//ers-la-Joie  '. 
On  n"a  pas  de  renseignements  précis  sur  Torig-ine  du  nom  de 
la  Joie  porté  par  des  écarts  des  Ardennes,  de  la  Loire-Inférieure 
et  de  la  Haute-Savoie. 

1518.  Pietas  Dei  est  le  nom  sous  lequel  fut  fondée,  en  1229, 
au  diocèse  de  Troyes,  une  abbaye  cistercienne,  aujourd'hui  la 
Piété  (Aube). 

1519.  Il  serait  hasardeux  de  rapporter  le  nom  la  Foi  (Charente, 
Charente-Inférieure,  Vendée)  au  latin  fides,  car  il  est  possible 
qu'on  soit  en  présence  d'une  variante,  d'une  altération  de  la  Foi/e 
(Deux-Sèvres),  nom  qui  appartient  à  la  même  rég-ion,  et  qui 
aurait  pu  être  compris  parmi  ceux  représentant  fagea,  «  hêtraie  » 
(n"  657).  En  revanche,  il  ny  a  pas  (h^  doute  possible  sur  la 
sig^nilication  du  nom  de  Bonne-Espérance  (Nord),  ancienne 
abbaye  du  diocèse  de  Cambrai  fondée  avant  1226.  Mais  des  trois 
vertus  théologales,  c'est  la  charité  ([ui  se  trouve  la  plus  honorée 
dans  la  toponomastique  française.  La  ville  de  la  Charité  ( Nièvre j 
doit  son  origine  à  un  prieuré  de  l'ordre  de  Cluny  fondé  au 
xiT  siècle.  Sur  le  territoire  de  Ghâteau-l'hierry  (Aisne),  un  lios- 

1.  ('A'.  1*.  Qiiesvers  et  H.  Stciii,  Pniiillô  ilc  l.tnrii'n  r//Vjc/».sv»  tJe  SerTs, 
p.  '.M -02. 


ORKHNES   ECCLÉSIASTIQUES    :    LA    CHARITÉ  387 

pice  isolé  est  appelé  la  Charité  ;  et  l'on  voit  le  même  nom  dési- 
g-ner  des  hôpitaux  url^ains,  à  Auxonne,  Besançon,  Chambéry, 
Langres,  Paris,  Toulouse,  par  exemple.  Quant  aux  écarts  appelés 
la  Charité  (Ardennes,  Haute-Saône,  Savoie,  Seine-et-Marne),  il 
y  aurait  lieu  de  rechercher,  pour  chacun  d'eux,  à  quelle  circon- 
stance il  doit  son  nom. 

1520.  L'écart  appelé  Réconfort  (Nièvre)  est  une  ancienne 
abbaye  de  cisterciennes  fondée  vers  1235.  monasterium  quod 
dicitur  Consolatio  béate  Virginis.  Le  nom  latin  de  Con- 
solatio  béate  Marie  a  été  appliqué  à  un  autre  établissement 
du  même  ordre,  l'abbaye  des  Mazures  (Ardennes),  au  diocèse  de 
Reims,  mentionnée  en  1274  et  réunie  en  1399  à  l'abbaye  d'Elan. 
La  chapelle  de  lermitag-e  de  Ghèvreroche,  près  Thuillières 
(Vosg-es  ,  au  diocèse  de  Toul,  était  sous  le  vocable  de  Notre- 
Dame-de-Consolation  '.  Les  écarts  dénommés  Consolation 
(Doubs,  Pyrénées-Orientales)  sont  peut-être  aussi  d'orig-ine  reli- 
g-ieusc. 

1521.  Entre  le  xu^  siècle  et  le  xiv®,  le  nom  de  Corona  béate 
Marie  fut  attribué  à  plusieurs  monastères,  dont  l'un,  fondé  en 
1124,  a  donné  naissance  au  bourg  de  la  Couronne,  près  d'An- 
g-oulême.  —  Grand-Couronne  et  Petit-Couronne  (Seine-Infé- 
rieure) sont  d'une  origine  toute  différente  ;  dans  l'espèce,  Cou- 
ronne, qui  est  masculin,  résulte  d'une  altération  de  Courcnine, 
latinisé  Curholmum,  nom  de  lieu  dans  lequel  on  reconnaît 
le  terme  Scandinave  holm,  précédemment  étudié  (n°  1191). 

1.  Mémoires  dp  la  Société  d'archéologie  lorraine,  1910,  p.  118. 


LXIX 

CULTE    DES    SAINTS    :    PARTICULARITÉS   DIVERSES 

1522.  Les  noms  de  lieu  se  rapportant  au  culte  des  saints  sont 
fort  nombreux. 

Quelques-uns  de  ces  noms,  représentant  le  pluriel  de  l'adjec- 
tif sanctus,  évoquent  le  souvenir  de  plusieurs  saints  réunis  en 
un  culte  commun.  Tel  est  Xanten  (rég'ence  de  Dùsseldorf),  où 
sont  vénérées  les  reliques  de  plusieurs  des  martyrs  de  la  Légion 
thébaine.  Il  existe,  en  France,  plusieurs  localités  dénommées 
Sains  (Aisne,  Ille-et- Vilaine,  Nord,  Pas-de-Calais,  Somme)  et 
Saints  (Seine-et-Marne,  Yonne)  :  ^a.iïl&-en-Amiciiois  (Somme) 
est  désigné  dans  un  texte  de  1090  par  les  mots  f  un  dus  ex 
nomine  Sanctorum  ;  et  ^ainis-en-Puisaye  (Yonne  ,  Cottia- 
cus  adSanctosau  vi^  siècle,  est  le  lieu  où  furent  martyrisés 
les  saints  Cottus  et  Priscus. 

Maintes  fois  le  vocable  d'un  sanctuaire  est  devenu  le  nom  de 
la  localité  où  il  sélève,  et  la  plupart  du  temps  ce  nom.  bien 
reconnaissable,  consiste  dans  un  nom  de  personne  précédé  du  qua- 
lificatif sa//?/.  Mais  cette  règle  générale  souiïVe  diverses  exceptions 
à  l'examen  desquelles  va  se  borner  l'objet  du  présent  chapitre  : 
c'est  dans  le  suivant,  beaucoup  plus  développé,  que  seront  pas- 
sés en  revue  les  noms  de  personnages  honorés  par  l'Eglise,  qui 
ont  trouvé  place  dans  la  toponomastique  française. 

Sanctus  nest  pas  le  seul  qualificatif  que  le  latin  médiéval 
ait  appliqué  à  ces  personnages. 

1523.  Beatus  a  été  d'un  usage  tout  aussi  fréquent;  mais  le 
seul  nom  de  lieu  dans  lequel  on  soit  fondé  à  le  reconnaître  est 
Belhomert  (Eure-et-Loir).  Cette  localité  doit  son  orig^ine  à  un 
oratoire  fondé  au  W  siècle  par  un  pieux  abbé  charlrain  nonuné 
Launomarus,  et  (|ui  devint,  par  la  suite,  prieuré  de  l'abbaye  de 
l-'ontevrault.  Launomarus  fut  donné  pour  j)atron  à  l'abbaye  de 
Suint-Loiiu'r   de    Blnis,  et    il    est   lionoiv    au   pHS-Sniitl-l.  Iloincr 


I 
I 


ORIGINES     ECCLÉSIASTIQUES     I     BEATUS  389 

(Ornej  :  nul  doute  que  son  nom  doive  être  reconnu  dans 
Belhomert  ;  cela  dit,  on  ne  saurait  souscrire  à  la  traduction 
Bellus  Launomarus  que  les  auteurs  du  Gallia  christiana  ont 
imag-inée  ;  au  qualificatif  bellus,  qui  jamais  n'a  été  appliqué  à 
un  bienheureux,  il  faut,  sans  hésitation,  substituer  beat  us. 

1524.  Doninus,  forme  réduite  de  dominus,  a  été,  aux 
époques  mérovingienne  et  carolingienne,  un  véritable  synonyme 
de  sanctus.  Les  deux  expressions  sont  employées  concurrem- 
ment dans  le  testament,  écrit  vers  l'an  700,  d'une  dame  pari- 
sienne du  nom  d  Ermintrude,  contenant  de  nombreuses  libérali- 
tés en  faveur  des  ég-lises  de  Paris  ou  des  environs  :  baselica 
sancti  Dionisi,  baselica  domni  Sinfuriani.  Beaucoup  de 
noms  de  lieu  correspondent  à  des  vocables  d'églises,  dans  les- 
quels le  nom  du  saint  patron  était  ainsi  précédé,  non  de  sanc- 
tus, mais  de  domnus  :  Domnus  Germanus  et  Domnus 
Petrus  ont  donné  Domgermain  et  Dampierre. 

1525.  Domnus,  on  le  voit,  devient  dom,  altéré  parfois  en 
dam.  Le  son  nasal  qui  caractérise  ces  formes  peut  disparaître 
devant  une  voyelle  ou  devant  une  liquide,  comme  dans  Domalain 
(Ille-et- Vilaine),  Domnus  Al  anus  —  Bonnement  (Aube), 
Domnus  Amandus  —  Dannevoux  (Meuse),  Domnus  Hipo- 
litus,  d'une  part  ;  —  Dommartin,  Dammartin,  Domnus  Mar- 
tinus  —  Doulevant  (Haute-Marne),  Domnus  Lupentius  — 
Dommarien  (Haute-Marne),  Domnus  Marianus  —  Douriez 
^Pas-de-Calais),  Domnus  Ricarius,  d'autre  part. 

1526.  Dans  Demuin  (Somme),  Domnus  Audoenus,  l'o  de 
dom  ou  l'a  de  dam   s'est  assourdi  en  e  muet. 

1527.  Le  féminin  de  domnus,  domna,  revêt  des  formes 
assez  variées,  témoin  les  noms  Dommarie  (Meurthe-et-Moselle), 
Dame-Marie  (Eure,  Indre-et-Loire,  Orne),  Dammarie  (Eure-et- 
Loir,  Loiret,  Meuse,  Seine-et-Marne),  Donnemarie  (FLaute-Marne, 
Seine-et-Marne),  Dannemarie  (Doubs,  Haut-Hhin,  Seine-et-Oise), 
qui  tous  procèdent  de  Domna  Maria. 

1528.  Passé  l'an  mil,  on  n'a  plus  d'exemples  avérés  de  l'em- 
ploi de  domnus  au  sens  de  «  .saint  »,  mais  la  forme  vulgaire  de 
ce  mot  s'est  maintenue  dans  la  langue  française,  (^n  sait  que, 
postérieurement  à  la  Renaissance,  le  titre  dom  a  été  donné 
aux    membres   de  certains  ordres    religieux,  de   l'ordre  de  saint 


390  -LES  ycms  de  lieu 

Benoît  notamment.  D'autre  part,  pendant  les  derniei's  siècles 
du  moyen-àg-e,  cloni  ou  dam,  appellation  de  courtoisie  analogue 
à  l'espag-nol  don  et  au  portugais  dom,  avait  été  attribué  à 
des  seigneurs  ou  à  des  gens  d  Eglise.  Et  parfois  le  nom  de  tel 
personnage,  précédé  de  cette  appellation,  est  devenu  celui  d  un 
établissement  fondé  par  lui,  dune  maison  qu'il  avait  possédée. 
De  là  certains  noms  de  lieu,  très  analogues  d'aspect  à  ceux  qu'on 
vient  de  rencontrer,  mais  dans  lesquels  il  faut  bien  se  garder  de 
voir  des  vocables  hagiographiques.  Si  le  thème  étymologique  du 
nom  de  Damparis  (Jura)  est  bien  Do  m  nus  Patricius,  du  moins 
doit-on  entendre  par  là,  non  pas  saint  Patrice,  mais  un  religieux 
du  nom  de  Paris,  qui,  vers  1150,  fonda  en  ce  lieu  un  monastère. 
—  Danirémont  (Haute-Marne)  n'a  que  tardivement  pris  rang  de 
paroisse  ;  c'était  à  l'origine  une  simple  maison  rurale  fondée  par 
un  nommé  Rémond,  sans  doute  prieur  de  Varennes.  Des  noms 
de  femme,  précédés  du  mot  dame,  ont  eu  le  même  sort  :  la 
Dame-Alix  (Haute-Marne),  la  Dame-Huguenote  (Haute-Marne), 
Dame-Jeanne  (Côte-d"Or). 

Il  convient  d'observer  que  dam,  signifiant  non  pas  <(  saint  », 
mais  «  seigneur  »,  fait  partie  du  déterminatif,  singulièrement 
défiguré  par  la  graphie  officielle,  de  certains  noms  de  lieu. 
Magny-Danigon  (Haute-Saône),  les  Aix-d' Angillon  (Cher)  et  la 
Chapelle  d' Angillon  (Cher),  devraient  s'écrire  Magny  dan  Igon, 
les  Haies  dam  Gillon  et  la  Chapelle  dam  Gillon,  répondant  res- 
pectivement à  Mansionile  domni  Hugonis  (cf.  ci-dessus, 
n"  1025),  Haiae  domni  (lilonis,  Cappella  domni  Gilonis. 
Ces  deux  derniers  noms  rappellent  le  souvenir  d'un  seigneur 
berrichon,   Gilles  de  Sully. 

1529.  Les  noms  de  lieu,  se  rapportant  au  culte  des  saints, 
dont  la  forme  origimdle  présente  comme  premier  terme  domnus 
ou  domna,  seront  indiqués  dans  le  prochain  chapitre  ',   à   pro- 

1.  lin  cela  nous  modifions  le  plan  conslamniont  suivi  par  Longnon. 
Kn  1903,  il  a  consacré  à  l'examen  de  ces  noms  la  majeure  partie  de  la 
conférence  du  29  janvier  —  dont  le  début  coïncidait  avec  celui  du  pré- 
sent chapitre  —  et  toute  la  conférence  du  ïi  février;  c'est  seulement  le 
20  février  (pi'il  devait  aborder,  pour  la  poursuivre  jusqu'il  la  fin  de  l'année 
scolaire,  l'élude  des  noms  de  lieu  ayant  pour  premier  terme  le  mot 
u  saint  ".  De  là.   dans   les  notes  orises  nar   ses  auditeurs    deux  séries  de 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    I    DOMXUS  391 

pos  des  divers  noms  de  personne  sur  lesquels  ils  ont  été  formés. 
L'un  d'eux  cependant  doit  être  mentionné  à  part,  à  raison  de  sa 
composition  exceptionnelle  et  des  altérations  remarquables  dont 
il  est  le  résultat  :  c'est  celui  de  Dandesigny  (Vienne).  Les  plus 
anciennes  mentions  qu'on  connaisse  de  ce  village,  jadis  paroisse 
de  l'archiprêtré  de  Mirebeau,  appartiennent  aux  toutes  dernières 
années  du  ix"  siècle  ;  l'une  est  ainsi  conçue  :ecclesia  Abdon 
et  Sennes  in  castellania  Mirebellense  ;  l'autre  offre  la 
forme  vulgaire  Doni  de  Seigne,  où,  par  l'effet  d'une  crase  assez 
forte,  de  représente  Abdon  ;  en  1307,  on  rencontre  Dandeseiffné, 
qui  semble,  à  première  vue,  répondre  à  quelque  primitif  en 
-acus  ;  la  forme  actuelle  s'est  produite  sous  l'influence  qui,  dans 
la  même  région,  a  substitué  le  français  Champigny  au  poitevin 
Champeigné,  usité  encore  en  1437.  Si  compliquée  que  puisse 
paraître  cette  étymologie,  elle  est  pourtant  indiscutable,  car,  à  la 
veille  de  la  Révolution,  l'église  de  Dandesigny  avait  encore  pour 
patrons  les  saints  martyrs  Abdon  et  Sennen,  victimes  de  la  per- 
sécution de  Decius. 

1530.  De  ce  qu'un  nom  de  lieu  a  pour  premier  élément  le  mot 
«  saint  »,  il  ne  faut  pas  toujours  conclure  que  le  terme  qui  suit 
soit  un  nom  de  bienheureux. 

La  démonstration  n'a  pas  besoin  d'être  faite  à  propos  des  noms 
précédemment  étudiés,  qui  se  rapportent  au  culte  des  seconde  et 
troisième  personnes  de  la  Sainte-Trinité  —  Saint-Sauveur  et  ses 
variantes  i  n°  1512),  Saint-Esprit  (n°  1484)  —  non  plus  que  des 
vocables  Sainte-Croix,  figurant  à  plus  de  cinquante  exemplaires 
au  Dictionnaire  des  Postes,  et  Saint-Sépulcre  (Côtes-du-Nord, 
Nord)  —  cf.  la  Chapelle-Saint-Sépulcre  (Loiret),  Neuvy-Saint- 
Sépulcre  (Indre)  et  Villers-Saint-Sépulcre  (Oise)  — dont  on  pré- 
tend que  Saint-Polgues  (Loire),  prononcé  dans  le  pays  Saint- 
Porgue,  est  une  altération.  Dans  le  surnom  du  village  de  Braux- 
Sainte-Cohière  (Marne),  qui  a  pour  objet  de  le  différencier  de 
son  voisin  Braux-Saint-Remy,  si  le  mot  saint  procède  bien  d  une 

vocables  hagiographiques,  dont  la  seconde  présentait  bien  des  élémenls 
l'encontrés  déjà  dans  la  première,  et  donnant  lieu  inévitablemonl,  qu'on 
nous  passe  le  mot,  à  des  redites  ;  il  n'y  avait  qu'avantage,  avons-nous 
pensé,  à  faire  disparaître  celles  ci  par  la  fusion  des  deux  séries  en  une 
seule. 


392  LES    NOMS    DE    LIEU 

idée  relig'ieuse,  cohière  paraît  être  une  expression  locale  dési- 
gnant l'action  de  mettre  un  prisonnier  aux  fers,  et  l'on  doit,  dans 
l'espèce,  y  voir  une  allusion  à  la  Saint-Pierre-ès-Liens,  fête 
patronale  du  lieu. 

1531.  Dans  chacun  des  noms  qui  suivent,  Saint  est  une  alté- 
ration de  la  première  syllabe,  indûment  séparée  du  reste  du 
nom. 

Les  formes  anciennes  du  nom  de  Saint-Boingt  (Meurthe-et- 
Moselle)  sont,  en  1179  Cemhench,  en  1431  Samboin,  en  1558 
Sambeinff. 

Saint-Cy  (Nièvre)  est  dit  en  1357  Saincy,  et  en  1699  Sincy  : 
ce  nom  est  d'orig-ine  g^allo-romaine,  s'il  faut  faire  état  de  la 
forme  Suenciacum,  ([u'on  trouve  en  1287. 

Saint-Dréniont  (Vienne)  est  appelé  vers  1090  Sidrejuiim. 

Saint-Ény  (Manche)  a  pour  forme  primitive  Centeniacus. 

Le  nom  de  Saint- Inglevert  (Pas-de-Calais)  a  été  expliqué 
ailleurs  (n^  800). 

Celui  de  Saint-Sauflieu  Somme)  était  écrit  au  moyen-âge 
Sessaulieii,  ce  qui  suppose  un  primitif  Saxoaldi  ou  Saxoldi 
locus. 

La  substitution  de  la  graphie  Saint-Tronc  à  Centron,  pour 
désigner  un  écart  du  territoire  de  Marseille,  a  peut-être  pour 
cause  la  grande  notoriété  de  la  ville  belge  de  Saint-Trond 
(Limbourg)  —  sanctus  Trudo  —  dont  les  marchands  fréquen- 
taient les  foires  de  Champagne  et  celle  du  Lendit. 

1532.  Dans  certains  cas,  saint  correspondant  bien  au  latin 
sanctus,  le  terme  qui  suit  combine  le  nom  du  bienheureux 
dont  il  s'agit  avec  un  autre  élément,  par  exemple  avec  un  de  ces 
noms  communs  qui  ont  été  d'un  usage  si  fréquent  j)our  la  forma- 
tion des  noms  de  lieu  :  mons,  dans  Sainf-Baslemonf  (Vosges), 
Sainl-Germaininont  (Ardennes),  Saint-IIilaireniont  (Marne), 
Saint- Pierremont  (Aisne,  Ardennes,  Meurthe-et-Moselle, 
Vf)sges),  Saint- fiemimonl  (Meurthe-et-Moselle,  Vosges)  ;  — 
cortis  d-AUs  Saint-Deniscourt  (Oise);  —  villa  dans  Saint-Pier- 
rcville  (Ardèche);  —  villare  dans  Saint-Pierrcvillers  (Meuse)  ; 
noms  construits  d(;  mémo  ((ue  celui  de  Saint-Eloi-Fontaine 
(Aisnej,  que  porl.iit  une  ,d)h.iye  auguslini'  du  diocèse  de  Noyon, 
fondée  on  1 1  '{îl. 

1533.  Les  anciennes  menlions  de   Sulnl-l'ri-nvillc  (Nièvre)  — 


ORIGLXES   ECCLÉSIASTIQLES    :    SAXCTUS  393 

parrochia  Sancti  Pétri  de  Villa  en  1232,  Saint  Père  en  Ville 
en  1355,  Saine t  Père  a  Ville  en  1405  —  donnent  lieu  de  croire 
que  Villa  était  devenu  le  nom  de  la  localité;  Saint-Péraville 
résulterait  donc  dune  combinaison  analogue  à  celle  qui  a  donné 
Saint-Cy bardeaux  (Charente),  nom  dont  la  forme  correcte  serait 
Saint-Ci/bard-d'Eaux ,  Sanctus  Eparchius  (cf.  ci-après, 
n°  1551)  de  Ilice  ou  de  Ilcio. 

1534.  Le  nom  de  Saint-Péravy-la-Colomhe  (Loirety  répond  au 
latin  Sanctus  Petrus  ad  vicum  Columnam.  Columna  est 
le  nom  sous  lequel  Grégoire  de  Tours  désigne  le  bourg  (vicus't 
de  la  cité  d'Orléans  où  le  roi  Clodomir,  en  523,  fît  tuer  son  pri- 
sonnier Sigismond,  roi  des  Burgondes.  Celui-ci  fut  réputé  mar- 
tyr, et  le  puits  où  son  corps  avait  été  jeté  —  puteus  sancti 
Sigismundi,  Puits-Saint-Simond  —  devint  un  lieu  de  pèlerinage 
qui  donna  naissance  au  village  actuel  de  Saint-Sigismond  Colum- 
na doit  être  identifié,  non  pas,  comme  on  Ta  cru,  avec  Coulmiers, 
dont  le  nom  représente  columbarium,  mais  avec  Saint-Péravy- 
la-Golombe,  dont  le  territoire  communal  confine  à  celui  de  Saint- 
Sigismond  ;  colombe  est  d'ailleurs  une  des  formes  vulgaires  que 
revêtit  au  moyen-âge  le  latin  columna,  à  telles  enseignes  qu'il 
est  souvent  question,  dans  les  inventaires  de  librairies  des  xiv'' 
et  xv*"  siècles,   de  livres  écrits  «  à  deux  colombes  »  '. 

Saint-Péravy-É preux  (Loiret)  est  évidemment  un  autre  Sanc- 
tus Petrus    ad  vicum. 

1535.  Les  noms  Saint- Amancet  (Tarn;,  Saint-Canadel 
fBouches-du-Rhône),  Saint-Cy branet  (Dordogne),  Saint-Floret 
(Puy-de-Dôme  I,  Saint-Gallet  (Indre),  Saint-Jeannet  (Basses- 
Alpes,  Alpes-Maritimes),  Saint-Jouannet  'Landes),  Saint-Louet 
(Calvados,  Manche),  Saint-Paulet  (Ariège,  Aude,  Gard),  Saint- 
Sevret  (Landes),  s'appliquent  à  des  localités  primitivement  appe- 
lées Saint-Amans,  Sainf-Cannat,  Saint-Cybran,  Saint-Flour, 
Saint-Jalle,  Saint-Jean,  Saint-Jouan,  Saint-Lô,  Saint-Paul, 
Saint-Sever  ;  la  terminaison  diminutive  qu'ils  présentent  a  pour 
objet  —  le  déterminatif  ('  le-Petit  »  eût  pu  être  employé  à  pareille 

1.  Voir  pour  |)lus  de  détails,  A.  Longnon,  (iéograpliic  de  la  Gaule  au 
V/«  siècle,  p.  344-346,  et  J.  Soyer,  Le  «  Columnae  vicus  »  ri  /'  «  a(/er  Colum- 
neiisis  »,  dans  les  Bull,  de  la  Soc.  archéol.  ci  liist.  de  rOrléanah,  l.  XVIII  ; 
tiré  à  part  (Orléans,  1918,  l-'i  p.  iii-8»  . 


39  i  LES    NOMS    DE    LIEU 

jJq  —  de  ditférencier  ces  localités  de  localités  homonymes  plus 
importantes. 

Diverses  circonstances  ont  eu  parfois  pour  résultat  de  changer 
le  genre  du  nom  de  tel  saint  ou  de  telle  sainte, 

1536.  Sancta  Agatha  est  devenu  Saint-Chaptes  (Gard). 

1537.  Sancta  Agnes  a  produit  Saint-Agnet  (Landes)  et 
Saint-Aiinès  (Hérault),  «  saint  »  ne  se  distinguant  pas,  pour 
l'oreille,  de  «  sainte  »  quand  le  nom  qui  suit  commence  par  une 
voyelle;  c'est  ainsi  que  Sancta  Alvera  est  aujourd'hxii  Saint- 
Alvère  (Dordogne). 

1538.  Sainte  Barbe  est  la  patronne  de  Saint-Barbant  (Haute- 
Vienne).  Le  nom  latin  Barbara,  qui  était  accentué  sur  l'antépé- 
nultième, s'est  réduit  à  Barba,  et  cette  forme  basse  s'est  vu 
appliquer  la  déclinaison  imparisyllabique  en  -a,  -ane  (voir 
ci-dessus,  n"  985)  ;  le  cas  régime  Barhan  —  tout  comme  les 
noms  de  rivière  Cousin,  Morin.  Serein,  Thérain  (n*»  1164), 
Conan  et  Formans  (n°  1165),  par  exemple  —  a  été,  en  raison 
de  son  aspect,  attribué  au  genre  masculin  ;  il  va  sans  dire  que  le 
/  final  de  Saint-Barbant  est  parasite. 

1539.  Sanctus  Candidus  est  devenu  successivement  Sain/- 
Cande,  Saint-Canne,  enfin,  en  raison  de  l'apparence  féminine 
qui  lui  donnait  sa  terminaison  muette,   Sainte-Canne  (Gers). 

1540.  Sancta  Eulalia  est  le  nom  primitif  de  Saint-Aulaire 
(Corrèze,  Dordogne),  de  Saint-Aulais  (Charente),  de  Sainf- 
Aiilaye  (Dordogne),  de  Saint-Aulazie  (Tarn-et-Garonne)  et  de 
Saint-Arailles  (Gers^  ;  le  changement  de  genre  s'explique  — 
comme  à  propos  des  noms,  mentionnés  précédemment  (n"  1537), 
qui  répondent  à  Sancta  Agnes  —  par  le  fait  que  le  nom  de  la 
sainte  commence  par  une  voyelle. 

1541.  Sainle-Gergoine,  ferme  détruite  au  linage  de  Dommar- 
lin-la-Planchette  (Marne)  est  appelée  Saint  Jargoinne  en  1400, 
Saint  Gergoinne  en  litO.  Saint  Jargoi ne  en  151 IJ,  Sninct  Gcr- 
gonne  en  1509;  la  féminisation,  imputable  sans  doute  à  la 
terminaison  muette,  paraît  n'être  pas  antérieure  au  xix"  siècle  '• 

1.  l^es  reli(|iies  de  saiiil  Goij^oii  Goigonius)  étaient  vénérôes  îi  ral)l)aye 
(le  fîoi/.o,  cl  ce  moiuistorc  posstMlait  des  l)iens  dans  la  réf,^ion  à  la(]iu'lle 
iipparlieiil  Dommaitin-hi-PliMiclicllc.  —  On  trouve  conslanunent,  dans  la 
ié;,'ion    lonaiiie,   la    forme  (iiTf/i)iii<',  fl  d'autres  (|ui    n'en    dilTèrcnl    ynère. 


I 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    SAXCTUS  395 

1542.  San c tus  lllidius   s'est  altéré  en  Sainte-Olive  (Ain)  K 

1543.  Abbatia  sancti  Petrusii  in  Alorveno  désigne,  dans 
un  texte  de  887,  Sainfe-Pereuse  (Nièvre).  La  terminaison  muette 
de  la  forme  vulgaire  de  Petrusius  n'a  rien  d'anormal  dans  une 
région  où  sanctus  Patricius  a  donné  Saint-Parize  (Nièvre). 

1544.  Sainte-Ramée  (Charente-Inférieure)  représente  Sanctus 
R  e  m  i  g  i  u  s . 

1545.  Sanctus  Syniphorianus  est  devenu  Sainte-Fcijre 
(Creuse),  par  l'intermédiaire  d'une  forme  telle  que  Saint-Sinfeira  : 
celle-ci  présentait  à  l'oreille  une  redondance  qu'on  aura  évitée 
en  disant  Saint-Feira  ;  puis,  par  un  phénomène  analogue  à  celui 
qui  a  produit  Saint-Affrique  (Africanus,  Africa),  l'a  final  de 
Ferla,  transformé  en  e  muet  sous  l'influence  du  français,  a  perdu 
l'accent,  et  Feire  a  passé  pour  un  nom  féminin-. 

L  adjectif  sanctus  a  subi  diverses  altérations,  les  unes  acci- 
dentelles et  isolées,  les  autres  présentant  un  caractère  régional, 
qu'il  importe  de  noter  ici. 

1546.  On  ne  soupçonnerait  pas  cet  élément  dans  le  nom  de 
Samer  (Pas-de-Calais),  si  l'on  ignorait  que  le  monastère  qui 
s'élevait  en  cet  endroit  est  cippelé,  en  1107,  monasterium 
sancti  Vulmari;  la  forme  Saunier,  qu'on  rencontre  en  1298, 
reproduit  évidemment  une  prononciation  populaire  Sa-ii-nier, 
pour  Saint- L' nier. 

1547.  C'est  par  une  prononciation  similaire,  ne  faisant  pas 
sentir  le  t  de  saint,  qu  on  peut  expliquer  l'altération  de  Saint- 
Aubin  —  Sanctus  Albinus  —  en  Sambin  (l.oir-et-Cher'i. 

dans  les  anciennes  désignations  tant  du  village  de  Saint-Gorgon  (Vosges) 
que  de  la  paroisse  messine  dénommée  de  même  :  vera  Sainct  Gergoine.  ail 
nng  vivier  [La  Guerre  de  Metz  en  1 324,  poëine .  .  .  publia  par  E.  de  Bouteil- 
ler,  str.  d.o,  vers  6). 

1.  Le  Dictionnaire  topograpliique  de  l'Ain  porte  Saint-Olive  ;  mais  cette 
rectification,  si  justifiée  qu'elle  soit,  n'est  pas  encore  officiellement  consa- 
crée. —  Qu'il  nous  soit  permis  de  citer  un  autre  exemple  de  changement  de 
genre,  résultant  à  la  fois  de  ce  que  le  nom  de  la  sainte  commence  par  une 
voyelle  et  a  été  décliné  en  -a,  -ane  :  Saint-Ouen-lès-Pareg  (Vosges^  a  pour 
patronne  sainte  Ode,  Oda,  dont  le  nom,  au  cas  régime,  prenait  la  forme 
Ouain. 

2.  La  forme  originelle  du  nom  de  Sainle-Trie  (Dordogne»  est  S.inrlus 
T  r  o  j  a  n  u  s . 


396  LES    NOMS    DE    LIEU 

1548.  La  disparition  du  son  nasal  caractéristique  du  mot 
saint  sous  l'influence  de  la  liquide  initiale  du  nom  qui  le  suit,  a 
donné  au  nom  de  Saint-Nectaire  (Puy-de-Dôme)  la  forme  vul- 
gaire Senneterre,  désignant  la  famille,  originaire  de  ce  lieu, 
à  laquelle  appartenait  le  maréchal  de  La  Ferté.  La  petite  ville  de 
La  Ferté-Saint- Aubin  (Loiret),  ancien  chef-lieu  d'un  duché-pairie 
érigé,  en  1665,  en  faveur  de  ce  personnage,  a  été  appelée  La 
FertéSenne/erre. 

1549.  Sniarve  (^ Vienne),  appelé  par  des  textes  du  xiv®  siècle 
Saint-Marve  et  Sancta  Marvia,  paraît  fournir  l'exemple  d'une 
contraction  remarquable  qu'on  ne  pourrait  que  constater,  sans 
avoir  le  moyen  de  l'expliquer. 

1550.  Le  passage  du  groupe  latin  cf.  au  son  chuintant,  qu'on 
observe  dans  la  langue  espagnole  [noche  =  noctem  ;  —  ocho  = 
octo;  —  techo  =  tectum)  s'est  aussi  produit  dans  les  parlers 
de  la  France  méridionale,  témoin  le  nom  à'Uchaud,  dont  le  pri- 
mitif est  Octavum  (cf.  ci-dessus,  n"  479).  Sanctus  et  sancta 
sont  ainsi  devenus,  au  moyen-âge,  sanch  et  sa  ne  ha;  puis,  sous 
l'influence  du  français,  sancJi  ou  sancha  est  devenu  sainche,  et 
parfois,  le  nom  qui  suivait  commençant  par  un  son  voyelle,  le 
son  chuintant  de  sanch  s  est  détaché  de  l'adjectif  pour  faire 
corps  avec  le  nom.  Telle  est  l'origine  des  vocables  Saini-Chinian 
(Hérault),  Saint-Chamans  (Vaucluse),  Saint-Chaniant  (Cantal, 
Gorrèze,  Puy-de-Dôme)  et  Saint-Chamas  (Bouches-du-Rhône), 
Saint-Chaniond  (Loire),  Saint -Chapies  (Gard),  Saint-Chély 
(Aveyron,  Lozère),  qui  répondent  respectivement  à  Sanctus 
Anianus,  Sanctus  Amantius,  Sanctus  Annemundus, 
Sancta  Agatha  (cf.  ci-dessus.  n°  1536)  —  par  l'intermédiaire  de 
formes  telles  i\\\e.  Sanche  Ate  et  Sainche  Ate  —  et  Sanctus  llila- 
rius.  Le  nom  de  la  ville  de  Saint-Chamond  a  trouvé  place  dans 
la   lo|)<)grapliie  parisienne  sous  la  forme  Saint-Chauniont  '. 

I.  L'Iiotol  de  Saiiit-Cliaumoiit,  coiislruil  pour  k'  marquis  de  Sainl-Cha- 
iuoikI,  (jui  mourut  en  16iî>,  fut  ac((uis,  eu  1G83,  par  les  religieuses  de 
l'Union  chrétienne,  (jui,  depuis  lors,  furent  dites  <■<  Filles  de  Saint-Chau- 
nionl  ",  et  s'avisèrent,  après  coup,  de  prendre  pour  second  patron  «  saint 
Cliauinond,  év»*-que  de  Lyon  et  martyr  ■>,  fêté  le  28  septenil)re  (voir  Coin- 
ininaion  mnniriiiuli-  <lii  \'fiix-Paris,  anin^r  !!)()(!,  procds-verh.iiix,  \> .  0-1 S  : 
Ha/iporl  préxenl)^  f>;tr  M.  (Charles  Scllirr ..  .  mir  runcirri  couvent  <l<-s  ////es 
(If  S.tinl-Chaaiiwnl,   .'/  jiroiiDs  <lc    lu  ih'-inulilion  ilu  n"  22  i   <lr  l;i  rue  Suiitl- 


ORIGINES    ECCLESIASTIQUES     :    SANCTUS  397 

1551.  Parfois,  et,  d'une  manière  g-énérale,  dans  une  région 
moins  méridionale  que  celle  à  laquelle  appartiennent  les  noms 
qui  viennent  d'être  énumérés,  au  lieu  du  son  chuintant,  on 
observe  un  son  sifflant  qui  s'est  comporté  de  même.  Sanctus 
Aredius,  Sanctus  Avitus,  Sanctus  Eparohius,  Sanctus 
Hospitius  ont  donné  Saint-Scriès  (Hérault),  Saint-Savy 
(Dordogne),  Saint-Cybard  (Charente,  Dordogne,  Gironde)  —  et 


Denis).    —   Nous    ne   croyons   pas   devoir   ajouter,   comme  le  faisait    Lon- 
gnon,  que    les  Buttes-Chaumont    devraient    s'appeler  du     nom    de    cette 
communauté,    Buttes    Saint-Chaumont.     11    existait    bien,    voilà     quelque 
soixanle-dix  ans,  une   «  Société  des  Buttes-Saint-Chaumont  »,  témoin  cer- 
taine demande  de  recherches   adressée  de  sa  part,  le  20  juillet    1854,  au 
secrétariat  de  la   Direction  générale  des   Archives  de  l'Empire,  où  elle  fut 
enregistrée  sous  le  n**  16027;  la  «  cité  Saint-Chaumont  »  relie  le  boulevard 
de  la  Villette  à  la  rue  Bolivar,  qui  contourne  les  Buttes  ;  et  au  n"  215  de  la 
rue  du  Fauboui'g-Saint-Martin,  presque  au  coin  de  la    rue  Louis-Blanc  — 
dénommée  juscju'en  1885  «  rue  delà  Butte-Chaumont  )>  —  on  lit  l'enseigne 
«  Bains  Saint-Chaumont  ».  Tout  cela  suppose,  à  coup  sûr,  que  l'appellation 
dont  il  s'agit  fut  effectivement  usitée,  mais  ne  prouve  aucunement  qu'elle 
soit    fort    ancienne.    En    1657,     on  écrivait   ceci    :   in    terri  torio  de   la 
Courtille,    in    loco    dicto   Chopinette,    prope    montem    de    Chaumoiif 
(Arch.  nat.    S*  500,  fol.  14)  ;   ce  dernier   nom   n'a  rien   d'énigmatique  pour 
quiconniie  sait  que  la  «  barrière  de  la  Courtille  »  était  située  à  l'extrémité 
de  la  rue  du  Faubourg-du-Temple,  prolongée  par  la  rue  de  Belleville,  et  la 
«  barrière  de  la  Chopinette  »  à  l'endroit  où  finit  la  rue   du  Buisson-Saint- 
Louis,  et  où  commence  la  rue  Rébeval.  Longtemps  avant  que  le  nom  Saint- 
Chaumont  ne  prit  racine  à  Paris,  un  censier  de  Belleville,  daté  de  1540, 
mentionnait  le   «  lieu    de  Chaumont   »  (Arch.   nat.,   S   1184).    Et,    mieux 
encore,  dans  une  charte  de  1276,  il  est  question  de  biens  sis  vers  la  Vil- 
lette,   in    territorio    dicto    de    Calvo    monte     prope    patibulum 
(Arch.   nat.,  S   910,   n°  4)  :   par   patibulum,  il  faut   entendre  le  gibet  de 
Montfaucon,    dont  l'emplacement,   autant   qu'on    peut    le   déterminer    en 
reportant  sur  un  plan  moderne  les  données  du  plan  de  Verniquet,  corres- 
pond à  la   bifurcation  des  rues  Bolivar  et  Secrétan,  au  pied  des   Buttes- 
Chaumont.  Nous  avons  rencontré  ces  textes  parmi  ceux  qu'a  jadis  recueil- 
lis, en  vue  de  l'établissement  d'un  Dictionnaire  topographique  du  départe- 
ment de  la  Seine,  .M.  Raymond  Teulet,  alors  archiviste  aux  Arciiives  natio- 
nales ;  ils   permettent  d'aflirmer  que  les  Buttes,  dont  l'aspect,   antérieure- 
ment aux  embellissements  qui   les   ont  transformées   comme  chacun  sait 
justifiait  l'appellation   de  cal  vus    mon  s,    n'ont  été  [)lacécs  que    tardive- 
mont  sous  le  patronage  de  «  saint  Cliaumond  »,  moyennant  une  adaptation 
comparable  —  sans  (ju'oii    puisse    l'expliquer  avec  la    même   sûreté   —   à 
celle  qu'avaient  niis(ï  en  œuvre  les  Filles  de  l'Union   ehrélienne. 


398  LES    NOMS    DE    LIEU 

Saint-Cy bardeaux  (cf.  ci-dessus,  n"  1533)  —  enfin  Samt-Sospis, 
ancienne  forme  du  nom  de  Saint-Hospice  (Alpes-Maritimes). 

1552.  Dans  le  centre  de  la  France  on  voit  l'adjectif  sanctus 
conserver  la  forme  méridionale  san  et  faire  corps  avec  le  nom 
qui  suit.  Des  clercs  des  xi*"  et  xii*^  siècles  ont  appelé  Sancerre 
(Cherj  Sacrum  Gaesaris,  alors  qu'en  réalité  l'appellation 
antique  de  ce  lieu  est  Gortona,  d'où  celle  de  Chàteau-Gordon 
usitée  au  début  de  l'époque  féodale,  et  que  Sancerre  n'est  autre 
chose  que  le  vocable  —  Sanctus  Satyrus  —  d'une  abbaye 
toute  voisine  de  cette  ville.  Le  nom,  d'origine  grecque  (Z^atupor), 
du  bienheureux  auquel  cette  abbaye  était  dédiée,  accentué  sur 
l'antépénultième,  et  réduit  à  Satrus,  a  donné  serre  aussi  régu- 
lièrement que  pâtre  m  père.  Dans  la  même  région  Sanctus 
G  v  rie  us  est  devenu  Saucer  gués  (Gher). 

1553.  Sentaraille  (x\riège)  et  Xaintrailles  (Lot-eL-Garonne), 
répondent  —  comme  Saint- Ar ailles,  cité  plus  haut  (n°  1540)  — 
à  Sancta  Eulalia. 

1554.  Le  nom  d'homme  Medardus  a  revêtu,  au  moyen-âge, 
les  formes  vulgaires  Meard  et  Mard,  et  bon  nombre  de  localités 
dont  l'église  est  sous  le  vocable  du  premier  évêque  de  Noyon  sont 
appelées  Saint-Mard  ou  Saint-Mars.  Le  nom  de  l'une  d'elles, 
incompris  dès  le  xii'^  siècle,  a  été  traduit  par  Quinque  Martes, 
et  ce  jeu  de  mots  a  été  consacré  par  la  graphie  Cinq-Mars 
(Indre-et-Loire),  officielle  de  nos  jours  encore. 

1555.  Cintegabelle  (Haute-Garonne)  est  appelé  aux  x.'^  et 
xi"  siècles  Sancta  Gavella  ou  Gabella  ;  le  nom  de  cette 
commune  est  donc  d'origine  religieuse,  en  dépit  des  apparences. 

1556.  On  sait  qu'à  l'époque  de  la  Révolution,  un  certain 
nombre  de  noms  de  lieu  commençant  par  Saint-  ou  par  Sainte- 
ont  été  privés  de  ce  premier  terme  ;  mais  cette  disposition  n'a  été 
que  fort  peu  de  temps  en  vigueur,  et  l'usage  courant  ne  l'avait 
jamais  complètement  adoptée.  Il  est  assez  curieux  d'observer 
que,  dans  un  cas  au  moins,  pareille  amputation  s'est  produite 
bien  plus  anciennement.  La  plus  ancienne  mention  connue  de 
Marrjcrie  (Marne)  est  Sancta  Margariia,  (pi'oii  lit  dans  un 
texte  de  1110;  et  dès  1222,  on  voit  concurremment  iMuployées 
les  appellations  Merr/erie  et  Sainte  Margeric.  Jules  Quicherat  a 
l)rétendu  que  Mamer.s  (Sarthe)  s'e.st  appelé  Sanctus  Mamer- 
lus,  mais  aucun  texte  ne  vient  ;i  l'appui  de  (clIc  (ti)ini(tn  ;   peut- 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    SAXCTUS  399 

être  a-t-il  été  mieux  inspiré  en  citant,  dans  la  même  région, 
Terrehaiilt  (Sarthe),  localité  dénommée,  dans  les  textes  latins 
du  moyen-âge,  Sanctus  Errehaldus  :  saint  n'aurait  laissé 
d'autre  trace  que  son  t  final,  soudé  au  nom,  oublié  de  bonne 
heure,  du  bienheureux.  L'église  de  Bologne  (Haute-Marne)  a 
pour  patronne  sainte  Bologne,  martyrisée  au  iv®  siècle  ;  mais  ce 
lieu  était,  dès  834,  le  centre  d'un  des  pagi  de  la  cité  de  Langres, 
le  pagus  Boloniensis,  et  il  n'est  pas  impossible  que  le  culte  de 
la  sainte  y  ait  été  introduit  en  raison  de  l'homonymie.  — Le  rap- 
port que  certains  érudits  locaux  ont  voulu  établir  entre  le  culte 
de  saint  Eloi  et  le  nom  d^Eloyes  (Vosges)  ne  repose  que  sur  la 
graphie  toute  moderne  de  ce  dernier  '. 

1.  Une  charte  de  1337  (Arch.  des  \'osges,  G  1291)  mentionne  le  r.uj^ei  des. 
Loyes;  la  paroisse  est  désignée  dans  un  pouillé  de   1402  par  les  mots  de 
Lobiis.  L'église  d'Éloyes  est  sous  le  vocable  de  l'Assomption. 


LXX 

VOCABLES     HAGIOGRAPHIQUES 

La  très  longue  '  énuniération  qui  suit  se  compose  exclusive- 
ment de  vocables  dont  chacun,  sous  sa  forme  primitive,  consiste 
en  un  nom  de  personne  précédé  de  l'un  des  mots  domnus  ou 
domna,  sanctus  ou  sancta.  Les  transformations  qu'ont  pu 
subir  ceux-ci  ont  été  suffisamment  indiquées  plus  haut,  et 
il  n'y  a  plus  lieu  de  les  souligner  au  passage.  On  s'attachera 
désormais  à  considérer  les  aspects  variés  qu'ont  revêtus,  sur  le 
sol  français,  les  noms  des  saints  et  des  saintes,  et  c'est  à  cette 
revue  qu'on  va  procéder  dans  le  présent  chapitre,  en  suivant 
l'ordre  alphabétique  des  formes  originelles  de  ces  noms. 

1557.  Abundius  :  Saint-Haon  (Loire,  Haute-Loire)  et  peut- 
être  Saint- Ahon  (Gironde). 

1558.  Acardus  ou  Achardus,  abbé  de  Jumièges  au 
vii«  siècle  :  Saint-Accard  (Somme). 

1.  lît,  ajouterons-nous,  1res  sèche,  cardans  ces  pages,  que  vraisembla- 
blement on  consullera  par  endroits  plutôt  que  d'en  faire  l'objet  d'une  lec- 
ture suivie,  on  n'aurait  que  faire  des  développements  de  style  dont  il  fal- 
lait bien,  dans  un  enseignement  oral,  accompagner  cette  énumération  pour 
la  rendre  supportable.  D'ailleurs,  il  nous  a  paru  convenable  de  condenser, 
autant  que  faire  se  peut,  le  texte  du  présent  chapitre,  dont  l'étendue  res- 
tera néanmoins  exceptionnellement  considérable,  puisqu'il  contient  la 
matière  d'une  quinzaine  de  conférences  :  c'est  à  cette  fin  que  nous  nous  abs- 
tiendrons, s'agissant  d'un  vocable  très  répandu,  d'énumérer  les  départements 
où  on  le  rencontre,  à  moins  que  cette  énumération  n'en  fasse  ressortir  le 
caractère  régional,  comme  cela  se  produit,  par  exemple,  pour  Saint- 
Bonnel. 

On  sait  que,  dans  le  Dicliunnaire  des  Postes,  les  noms  de  lieu  commen- 
çant par  Saint  forment  un  groupe  à  |)art,  à  la  suile  de  la  lettre  N.  Tous  ces 
noms  ne  se  retrouvent  pas  ici  ;  nous  nous  en  sommes  tenus  h  ceux  ijue 
I.ongnon  a  étudiés,  sans  nous  attarder  ;i  rechercher  les  ra,otifs  du  choix  (|ui 
bii  ;i  fait  accueillii'  Sainl-dhvysole  et  laisser  de  côté  Saint-Agathon,  men- 
tionner Saint- lie  ma  rtJ  et  Sninte-Cat/ierine,  et  passer  sous  silence  Sainte- 
Anne  et  S;iint-Cfirislo/)he,  ainsi  ({ue  ses  variantes  Saint-(^hristol,  Saint- 
f'./iiist:iii(l  ot  S:iinl-(!hrisli>li/. 


OKIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :     ACEOLUS  401 

1559.  Aceolus,  martyrisé  à  Amiens  avec  son  frère  Aceus  : 
Saint-Acheul  (Somme). 

1560.  Acharius,  évêque  de  No^^on  au  vii'^  siècle  :  Saint- 
Accaire  (Nord),  Saint-Acquaire  (Aisne);  -aire  est  une  forme 
demi-savante  de  -a  ri  us,  comme  dans  Clotaire,  représentant 
Chlotacharius. 

1561.  Adalhertus,  de  bonne  heure  réduit,  par  chute  de  la 
dentale,  k  Albertus  :  Saint-Albert  (Ardennes,  Gironde),  Saint- 
Aubert  (Ilautes-Alpes,  Alpes-Maritimes)  ;  cette  dernière  forme 
peut  aussi  bien  représenter  Sanctus  Autbertus  (cf.  ci-après, 
n"  1617). 

1562.  Adalg-isus  cf.  ci-dessus,  n''  1098;  :  Saint- Algis  (Aisne), 
forme  demi-savante. 

1563.  Adalveus  :  Saint-Auvieux  (Orne);  c'est  ainsi  que 
Heriveus  a  donné  He/'vieu. 

1564.  .Vdjutorius  :  Salnt-Adjutory (Charente),  forme  savante  ; 
l'y,  représentant  \  i  de  la  terminaison  latine,  était  jadis  atone  ; 
il  est  sans  doute  devenu  accentué,  sous  l'influence  des  progrès 
de  l'instruction  primaire  ;  — •  Saint-Ustre  (Vienne),  forme  vul- 
gaire qui  se  prononce  Saint-Uire,  et  qui  est  vraisemblablement 
la  contraction  d'un  plus  ancien  Saint-Ayutj'e. 

1565.  Adora tor  :  Saint-Oradoux  (Creuse i,  représentant 
l'accusatif  Adoratorem,  accentué  sur  Vo  de  la  pénultième. 

1566.  Aegidius  :  Saint-Gilles,  moyennant  l'apliérèse  de  la 
première  syllabe  et  le  changement  de  cl  en  /  qu'on  observe  dans 
le  nom  du  Valois  (cf.  ci-dessus,  n"  732)  et  dans  celui  du  pays 
de  Blois,  ancien  paçfus  de  la  cité  de  Toul,  en  latin  Vadensis  et 
Bedensis  ;  —  Saint-Gil  (Savoie)  ;  —  Saint-Gély  (Gard,  Hérault), 
dont  1";//  est  ou  devrait  être  atone.  Saint-Gély-du-Fesc  (Hérault) 
a  été  appelé  parfois,  au  xvn"  siècle,  Sainf-Géri/  :  et  l'église 
paroissiale  de  Saint-Géry  (Dordogne)  a  bien  pour  patron  saint 
Gilles  ;  mais  on  verra  plus  loin  (n"*  1692  et  1774)  que  Sainl-(iéry 
n  a  pas  partout  la  même  origine. 

1567.  x\emilianus  :  Saint-Émilien  (Loire-Inférieure),  Saint- 
Émiland  (Saône-et-Loire),  Saint-Émilion  (Gironde).  Les  deux 
premières  de  ces  localités  ra[)pelleraient  le  souvenir  dun  saint 
évêque  de  Nantes,  qui  mourut  en  Bourgogne  en  combattant  les 
Sarrasins,  au  viii''  siècle. 

1568.  Africanus  :  Saint-Affrique  (Aveyron,  Tarn)  ;  hi  forme 
Les  noms  de  lieu.  -'» 


402  LES    >'OMS    DE    LIEU 

vulgaire  d'Africanus,  en  cette  région,  était  Africa,  dont  1  ;/ 
final,  sous  l'influence  du  français,  a  perdu  l'accent  et  s'est  trans- 
formé en  e  muet  (cf.  ci-dessus,  n°  1545). 

1569.  Agatha  :  Sainte- Agathe,  forme  savante.  Le  nom  latin 
étant  accentué  sur  l'antépénultième,  la  forme  vulgaire  se  rap- 
procherait du  nom  de  la  ville  d'Affde  (cf.  ci-dessus,  n°  8)  ;  et  c'est 
de  cette  forme  vulgaire  que  procède  le  nom,  précédemment  indi- 
qué (n°^  1536  et  1551),  de  Saint-Chaptes  (Gard). 

1570.  Agericus,  évéque  de  Verdun  au  vi®  siècle  :  Saint-Airy, 
nom  d'une  abbaye  située  en  cette  ville.  Domnus  Agericus  a 
revêtu,  dès  1064,  la  forme  vulgaire  Domereis  ',  à  peine  différente 
de  Domery,  qui,  au  xviii^  siècle  encore,  désignait  le  village  de 
Domprix  (Meurthe-et-Moselle)  ;  dans  la  forme  actuelle  le  p, 
introduit  très  tardivement,  résulte  du  contact  de  Vin  et  de  Vr  dans 
la  prononciation  populaire  Domri. 

1571.  Agilus  :  Saint-Agil  (Loir-et-Cher),  Saint-Ay  (Loiret), 
Saint-Isle  (Mayenne).  Le  premier  de  ces  noms  est  une  forme 
savante  ;  le  second  se  prononce  dans  le  pays  Saint-I  ;  dans  le 
troisième,  où  agi  est  également  représenté  par  le  son  /,  1'/  étymo- 
logique s'est  maintenue,  et  Y  s  parasite  est  l'effet  d'une  assimila- 
tion avec  le  nom  commun  qui  répond  au  latin  insula. 

1572.  Agiulfus  ou  Aigulfus  :  Saint-Aigout  (Var)  et 
Saint-Ayoul,  nom  dune  église  à  Provins.  Le  /  parasite  de  Sainf- 
Aufout  se  remarque  aussi  dans  sa  variante  Saint-AoÛt  (Indre)  : 
le  second  terme  de  ce  nom,  qu'à  première  vue  on  rapporterait  à 
Augustus,  parut,  au  temps  de  la  Révolution,  emprunté,  comme 
le  premier,  à  un  vocabulaire  proscrit,  ce  qui  valut  à  la  localité 
d'être,  pour  un  temps,  appelée   Thermidor. 

1573.  Agnes  :  Sainte-Agnès  (Alpes-Maritimes,  Doubs, 
Isère,  Jurai,  forme  savante.  La  déclinaison  de  ce  nom  étant 
imparisyllabique,  c'est  de  ses  cas  obliques  que  procèdent  les 
formes  populaires,  mentionnées  précédemment  (n"  1537),  Saint- 
Agnet  i  Lan(h;s)  et  Saint-Aunès  (Hérault)  ;  dans  celle-ci  le  </  s'est 
vocalise''  comme  dans  le  mot  cmcraudc .  en  latin  Smaragdus, 
et  dans  le  nom  lininhis,  sous  lequel  on  désign;iit,  au  XMi'"  siècle, 
la  ville  de   Bagdad. 

1574.  .\  gr  i  p  [)a  nus,  dérivé  ilu  nom  romain  Agrippa  :  Saint- 

\.   Cf.  Mrth-nsi;,,  II,  2;t'.t.  cl  III,   iiî-.'i.i. 


ORKlhNES    ECCLÉSIASTIQUES    :    AGRIPPANUS  403 

Agrève  (Ardèche),  Saint-Égrève  (Isère)  ;  dans  ces  noms,  où  le  p 
redoublé  du  latin  s'est  comporté,  entre  deux  voyelles,  comme 
un  p  simple,  le  déplacement  d'accent  s'est  produit  de  la  même 
manière  que  dans  Saint-Aff'rique  (cf.  n°*  1545  et  1568). 

1575.  A  la  nus,  précédé  de  do  m  nus  :  Domalain  (cf.  ci-des- 
sus, n"  1525). 

1576.  Albanus  :  Saint-Albain  (Saône-et-Loire),  Saint-Alban 
(Ain,  Hautes-Alpes,  Ardèche,  Drome,  Gard,  Haute-Garonne, 
Hérault,  Isère,  Loire,  Lozère,  Rhône,  Savoie),  Saint-Auban 
(Basses-Alpes,  Hautes-Alpes,  Alpes-Maritimes,  Drôme).  Appli- 
qué à  une  commune  des  Gotes-du-Nord,  Saint-Auban  est  une 
forme  savante. 

1577.  Albinus  :  Saint-Albin  (Isère,  Loire,  Pas-de-Calais, 
Haute-Saône)  ;  —  Saint- Alby  (Tarn),  caractérisé  par  la  chute  de 
Yn  intervocale,  comme  le  nom  du  Quercy  (cf.  ci-dessus,  n°  427)  ; 

—  Saint- Aubin  ;  —  Sambin  (voir  ci-dessus,  n"  1547). 

1578.  Aida,  peut-être  déformation  du  germanique  Hilda  : 
Sainte-Aulde  (Seine-et-Marne)  où  1'/  est  abusive,  comme  dans  la 
graphie  aultre,  adoptée  à  la  Renaissance  ;  l'existence  du  nom  de 
femme  Aude,  auparavant  Aide,  est  attestée  par  un  épisode  bien 
connu  de  la  Chanson  de  Roland. 

1579.  Alpinianus,  prêtre  du  Limousin  honoré  par  l'Eglise 
le  même  jour  que  saint  Martial  :  Saint-AIpinien  (Creuse),  forme 
refaite',  et  Saint-Auprien  (Indre \  forme  vulgaire  où  l'on  observe 
la  même  substitution  de  liquide  que  dans  les  noms  communs 
pampre  et  coffre,  en  latin  pampinus  et  cophinus. 

1580.  Alvera  :  Saint- Alvère  (voir  ci-dessus,  n°  1537). 

1581.  Amandinus  :  Saint- Amandin  (Cantal). 

1582.  Amandus  :  Saint-Amand,  —  Saint- Amant  (Charente). 

—  Domnus  Amandus  ;  Bonnement  (voir  ci-dessus,  n"  1525). 

1583.  Amantius  :  Saint-Amans  (Ariège,  Aude,  Aveyron, 
Haute-Garonne,  Hérault,  Lot-et-Garonne,  Lozère,  Tarn,  Tarn- 
et-Garonne)  ;  Saint-Chamans  et  Saint- Chamant  (voir  ci-dessus, 
n«  1550);  Saint-Ghamas  (Bouches-du-Rhône),  qu'en  1035  une 
charte  de  Saint-Victor  de  Marseille  appelait  castrum  sancti 
Amantii.  —  A  vrai  dire,  le  départ  entre  les  noms  de  lieu 
correspondant     respectivement     à     Sanctus     Amandus    et    à 

1.   Au  nu)yen-;ii;e  on  disait  Sninl-Auperien . 


404  •  LES    NOMS    DE    LIEU 

Sanctus  Amantius  estime  question  d'espèce  ;  il  importe  de 
considérer  que  le  martyrolog'e  comprend  cinq  personnages  du 
nom  d'Amand,  et  que  le  culte  de  saint  Amans,  premier  évêque 
de  Rodez,  a  un  caractère  rég-ional.  —  On  a  vu  (n**  1535)  que 
par  Saint-Amancet  (Tarn),  il  faut  entendre  «  Saint- Amans-le- 
Petit  ». 

1584.  Amator  :  Saint-Amator  (Calvados),  forme  savante.  Le 
vocable  Saint- Amâtre ,  en  usage  à  Auxerre  et  à  Langres,  est  une 
forme  demi-savante,  car  la  forme  populaire  du  nominatif  Ama- 
tor serait  Amèro  '.  Le  cas  oblique  Amatorem  est  représenté 
par  Saint- Amadour  (Mayenne)  et,  IV  finale  s'étant  assourdie, 
Saint-Amadou  (Ariège)  ;  on  s'étonne  de  rencontrer  le  premier  de 
ces  noms  fort  loin  du  domaine  de  la  langue  d'oc  :  peut-être  le 
fait  s'explique-t-il  par  la  grande  célébrité  de  Rocamadour  (Lot). 
Soit  dit  en  passant,  l'Amator  au  souvenir  duquel  ce  lieu  de 
pèlerinage  doit  son  nom  serait,  d'après  certains  hagiographes,  le 
pubiicain  Zachée,  dont  il  est  question  au  chapitre  XIX  de.  l'Evan- 
gile selon  saint  Luc. 

1585.  Amatus  :  Saint-Amé  (Vosges). 

1586.  Ambrosius  :  Saint- Ambroise  (Finistère,  Gard,  Rasses- 
Pyrénées),  Saint-Ambroix  (Cher,  Gard),  Saint-Ambreuil  (Saône- 
et-Loire)  et  le  P////-Saint-Ambreuil  (Allier)'.  La  forme  très 
régulière  Amhroix  —  Ambroise  de  Loré,  prévôt  de  Paris  sous 
Charles  VII,  est  appelé  dans  les  textes  contemporains  Arnhrois, 
et  à  cette  époque  Ambroise  ne  représentait  (jue  le  féminin 
Ambrosia  —  s'explique  par  linlluence  de  Vi  de  la  terminaison 
-ius  sur  la  voyelle  tonique.  Anihreu il  était  auparavant  Ambreii  ; 
dont  la  finale  a  été  abusivement  assimilée  à  celle  des  noms  en 
-cnil\  c'est  ainsi  que  Luxovium  est  aujourd'hui  Z.i/xeui7  (Haute- 
Saônet,  après  avoir  été,  jus(ju  à  la  fin  du  moyen-âge,  prononcé 
Lussou. 

1587.  A  Ml  or,     martyr    a     P)esanç()n     :     Saint-Amour     (Jura, 
ilaulc-Marne,  Saône-et-Loire). 

1588.  Anastasia     :      Sainte-Anastasie    (Canlal,    Gaid,     \av) 
forme   savante  ;    Saint-Anaslaise    (Puy-de-Dôme),    forme   popu- 


1.    r,r.    (rijurrro. 

1.    A.  Uniel,   l'oiiilli'H  '(Jcs   ilioinsi-s  dr  (Uit/iio/iI  t-l  il<-  Suml'l'loiir,  \< .   \)\, 
11"  21;î. 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    AXASTASIA  40o 

laire    compliquée   d'un    changement    de    genre    (cf.    ci-dessus, 
n°*  1537  et  suivants). 

1589.  Anatolius,  martyr  d'Asie-Mineure,  dont  les  reliques 
étaient  vénérées  en  l'église  Saint-Anatoile  de  Salins  (Jura)  : 
Saint- Anatole  (Tarn)  ;  Saint- Anatholy  (Haute-Garonne),  dont  la 
finale  était  jadis  atone  (cf.  ci-dessus,  n''  1564). 

1590.  Andochius,  martyrisé  au  ii''  siècle  à  Saulieu  (Côte- 
d'Or)  '  ;  Saint- Andoche  (Haute-Saône),  forme  savante. 

1591.  Andréas  :  Saint-André;  —  Saint-Andrieu  (Basses- 
Pyrénées.  Seine-Inférieure).  Saint- Andrieux  (Dordogne).  —  La 
forme  Saint-Andréau  a  été  employée,  concurremment  avec  Saini- 
André,  pour  désigner  une  commune  du  canton  d'Aurignac 
(  Haute-Garonne) . 

1592.  Angélus  :  Saint-Ange  (Drôme,  fEure-et-Loir,  Seine- 
et-Marne).  —  Saint-Angel  (Allier,  Gorrèze,  Dordogne '2,  Puy-de- 
Dôme,  Tarn)  est  une  forme  savante  qui  s'est  altéi^ée  en  Saint- 
Angeau  (Cantal,  Gharente). 

1593.  Anianus  :  Saint-Agnan  ;  — Saint-Agnant  (Charente- 
Inférieure,  Creuse,  Meuse)  ;  —  Saint- Aignan  ;  —  Saint-Agnin 
(Isère),  dont  la  terminaison  est  à  rapprocher  de  celle  de  Tullins 
(voir  ci-dessus,  n"  343)  ;  —  Saint-Ignan  (Haute-Garonne)  ;  — 
Saint-Ghinian  (voir  ci-dessus,  n"  1550).  —  La  finale  d'Anianus 
ayant  passé  par  les  mêmes  vicissitudes  que  celle  de  Sympho- 
rianus  (n°  1545)  et  d'Africanus  (n"  1568),  Sanctus  Anianus 
est  aussi  représenté  par  Saint-Agne  (Dordogne^^  Haute-Garonne, 
Lot-et-Garonne),  Saint-Igne  (Tarn-et-Garonne)  et  Saint-Chignes 
(Lot),  pour  un  ancien  Sanch-Igna. 

1594.  Annemundus,  évêque  de  Lyon  avi  vu''  siècle  :  Saint- 
Ennemond  (Allier,  Pihône),  Saint- Ghamond  (voir  ci-dessus, 
n°  1550). 

\.  Les  formes  anciennes  —  à  commencer  par  Sanctus  Andeolus 
(1272)  —  du  nom  de  Sainl-Andeux  (Côte-d'Or)  ne  permettent  pas  d'y 
reconnaître  une  l'orme  vulgaire  d'Andochius;  on  serait  d'autant  plus 
enclin  à  commettre  cette  erreur,  que  Saint-Andeux  appartient  au  canton 
de  Saulieu, 

2.  Cette  paroisse  a  pour  patron  saint  Michel  :  le  llièmo  ét\  niolo^icpie  de 
son  nom  comprend  donc  le  mol  angélus,  et  non  pas  le  nom  du  nimtyr 
saint  Ange,  l'été  le  il  mai. 

3.  L'auteur  du  Diclioiinaire  {n[)()(jr;iphi<ju('  de  ce  département  a  adopté  la 
forme  Saint-Aigne . 


406  LES    NOMS    DE    LIEC 

1595.  Anthemius  :  Saint-Anthême  Puy-de-Dôme),  forme 
savante. 

1596.  Antidius  :  Saint-Anthet  (Loti,  Saint-Anthot  (Côte- 
d"Or).  Ce  dernier  est  appelé  en  1197  Sant  Anleil,  en  \22i  Saint 
Anfoil;  T/,  représentant  le  </  du  primitif  cf.  ci-dessus.  n°  1566). 
sest  assourdie. 

1597.  Antoninus  :  Saint-Antonin  (Alpes-Maritimes,  Bou- 
ches-du-Hhône,  Gers,  Tarn,  Tarn-et-Garonne,  Var). 

1598.  Antonius  :  Saint-Antoine  ;  il  est  surprenant  que  cette 
forme  savante  soit  la  seule  quon  rencontre,  alors  qvi'Antonius 
emplové  seul  a  donné  Antoing  et  Antoingt  (cf.  ci-dessus, 
n«  288). 

1599.  Aper,  évèque  de  Toul  au  début  du  vi'^  siècle  :  Saint- 
Epvre  Haute-Marne,  Meurthe-et-Moselle),  dont  le  p  fait  double 
emploi  avec  le  u  ;  Domnus  Aper  adonné  Domêvre  Meurthe- 
et-Moselle)  et  Domèvre  (Vosges).  —  C'est  au  culte  d'un  autre 
sanctus  Aper,  prêtre  genevois  fêté  le  4  décembre,  que  se 
rapportent  les  noms  Saint- Avre  (Savoie)  et  Saint- Aupre  (Isère)  K 

1600.  Apollinaris  :  Saint- Apollinaire  (Hautes -Alpes, 
Ardèche,  Côte-d'Or),  Saint- Appolinaire  (Rhône)  ;  ces  formes 
savantes  ont  été  substituées  à  des  formes  populaires  usitées  au 
moyen-âge  ".  —  Saint-Appolinard  (Isère,  Loire). 

1601.  Apollonia  :  Sainte- Apollonie  (Hauts -Garonne), 
Sainte-Appoline  (Meurthe-et-Moselle  /. 

1602.  A(juiliiius  :  Saint-Aquilin  (Dordogne,  Eure,  Orne), 
forme  savante  ;  Saint-Agoulin  Puy-de-Dôme),  Saint-Aigulin 
(Charente-Inférieure I,  formes  méridionales  ;  dans  le  nord  de  la 
France,  où  Ion  chercherait  quelque  chose  de  comparable  à  Yve- 
line, en  latin  E(iuilina,  ancien  nom  delà  forêt  de  Rambouillet, 
on  ne  trouve  que  Saint-Eulien  (Marne),  dont  la  iinale  a  été 
assimilée  de  bonne  heure  à  celle  que  produit  le  latin  -ianus. 

1603.  Archontius,  nom  d'origine  grecque  porté  au  temps 
de  Gharlemagne  par  un  saint  évè(jue  do.  Viviers  :  Saint-Arcons 
(Haute-Loire). 


1.  I.t- nom  (le  Saint-Apre-'-/- /"or.f/j.'dJonloj,--!!!')  ;iiiiail  une  nuire  oi'i<;iiU', 
puiS'ju'on  le  voit  traduit  eu  l.U"."l,  pitr  S.inclus  As|irus.  el  vn  I.WO  par 
Sanctus  A.sperus. 

2.  On  on  trouvera  une  friande  variélé  dans  le  Dirlioiin.urr  tniiof/niiilii'/iir 
de  la  Côtc-d'Or. 


ORIGINKS    ECCLÉSIASTIQUES    :    AREDIl'S  407 

1604.  Aredius,  abbé  en  Limousin  à  la  (iii  du  vi''  siècle  : 
Saint-Yrieix  (Charente,  Gorrèze,  Creuse,  Haute-Vienne),  pro- 
noncé Saint-Irié -,  la  i1/o ^/^^-Saint-Héraye  (Deux-Sèvres),  Saint- 
Hérie  (Charente-Inférieure),  Saint-Izaire  (Aveyron),  pour  Saint- 
Jraire  (cf.  n°  1566  :  Géri/  =  Aeg'idius)  ;  Saint-Sériès  (voir 
ci-dessus,  n"  1551). 

1605.  Armag-ilus  :  Saint-Armel  (Ille-et- Vilaine,  Morbihan). 
Le  même  nom  entre  dans  la  composition  du  nom  de  Ploënnel 
(cf.  ci-dessus,  n^  1297). 

1606.  Arnoaldus  :  Sanct-Amuald,  près  Sarrebruck  ;  Saint- 
Ariiaud  (Lot-et-Garonne,  Savoie)  ;  —  Saint-Arnac  (Pyrénées- 
Orientales)    présente  un  c  parasite. 

1607.  Arnulfus  :  Saint-Arnoult  (Calvados,  Eure-et-Loir, 
Loir-et-Cher,  Oise,  Seine,  Seine-Inférieure,  Seine-et-Oise). 

1608.  Artemius  :  Saint-Arthémie  (Tarn-et-Garonnej,  dont 
li.   aujourd'hui  suivi  indûment  d'un  e   muet,   était  jadis    atone. 

1609.  Asterius  :   Saint-Astier   (Dordog-ne,    Lot-et-Garonne). 

1610.  Audoenus  :  Saint-Ouen  '  ;  —  Saint-Auvent  (Haute- 
Vien-ne).  —  Domnus  A.  :  Demuin  (cf.  ci-dessus,  n°1526). 

1611.  .Vudomarus  :  Saint-Omer  (Calvados,  Oise,  Pas-de- 
Calais). 

1612.  Augustinus  :  Saint-Augustin  ;  —  Saint-Utin  (Marne). 

1613.  Aurelius  :  Saint- Aureil  (Lot). 

1614.  Aureolus  :  Saint-Auriol  (Aude). 

1615.  Austreberta  :  Sainte-Austreberthe  (Eure,  Pas-de- 
Calais,  Seine-Inférieure). 

1616.  Austregis ilus,  évèque  de  Bourges  au  commencement 
du  VII'  siècle  :  Saint-Outrille  (Cher),  Saint-Aoustrille  (Indre), 
/a-row/'-Saint-Austrille  (Creuse)  ;  le  nom  latin  était  accentué 
sur  l'antépénultième. 

1617.  Autbertus,  nom  porté  notamment  par  un  évêque  de 
Cambrai  au  \\\^  siècle  et  par  un  évèque  d'Avranches  au  viir"  : 
Saint- Aubert  (Nord,  Orne)  ;  la  forme  populaire  serait  Ohcrt. 

1618.  Autbodus  :  Saint-Aubeuf  (Marne),  eu  132i  Sainf 
Ohiicfisuv  Vf  parasite  de  la  llnale,  cf.  ci-dessus,  n"  1071). 

1619.  Autgarius  :  Saint-Oger  (Vosges). 

1.  Mais  non  pas  Suint-Oiicn-U-s-Purei/  (Vosges)  ;  cf.  ci-dossus,  p.  VJ-ô, 
note  1. 


408  LES    NOMS    DE    LIEU 

r^'1620.  Avitus  :  Saint-Avit  ;  —  Saint-Abit  (Basses-Pyrénées); 
et,  moyennant  les  altérations  indiquées  précédemment  (n°*  1550 
et  1551),  Saint-Chavis,  Saint-Chabit  et  Saint-Savy  (Dordog^ne). 

1621.  Aybertus  :  Saint-Aybert  (Nord). 

1622.  Babylas  :  Saint-Babel  (Puj-de-Dôme). 

1623.  Baldechildis,  femme  du  roi  Clovis  II  —  sainte 
Bathilde  —  est  connue  surtout  pour  avoir  fondé  l'abbaye  de 
Ghelles  (Seine-et-Marne),  qui,  au  moyen-âge,  était  appelée 
C/ie//es-Sainte-Baudour  ou  Sainte-Baudeur.  Dans  ces  formes 
vulgaires  1'/*  iinale  est  parasite,  la  finale  -hildis  s'étant  d'ailleurs 
comportée  ainsi  qu'il  a  été  dit  ailleurs  (n"992). 

1624.  Baldulfus,  abbé  d'Ainay,  à  Lyon  :  |Saint-Badolph 
(Savoie),  Saint-Bardoux  (Drôme). 

1625.  Baldus  :  Saint-Bauld  (Indre-et-Loire),  Saint-Bond 
(Yonne). 

1626.  Baise mius,  patron  de  l'église  paroissiale  Saiïlt-Baus- 
sange,  aujourd'hui  détruite,  qui  avait  pour  succursale  celle  du 
Chêne  fAube)  ;  Saint-Baussant  (Meurthe-et-Moselle). 

1627.  Bandarides,  évêque  de  Soissons  au  iv*^  siècle  :  Saint- 
Bandry  (Aisne). 

1628.  Baomadus,  diacre  dans  le  Perche  au  iv^  siècle,  honoré 
le  3  novembre  :  Saint-Bomer  (Mayenne,  Orne),  Saint-Bomert 
(Eure-et-Loir).  La  forme  correcte  serait  Borné  :  Vr  n'avait  à 
l'origine  d'autre  raison  d'être  que  d'empêcher  l'e  d'être  pris  pour 
un  e  muet  ;  puis  elle  s'est  prononcée,  ce  qui  a  favorisé  l'addition 
d'un  /  parasite. 

1629.  Barbara,  accentué  sur  l'antépénultième  :  Sainte- 
Barbe.  —  Le  nom  Saint-Barbant  (Haute- Vienne]  a  été  précé- 
demment expliqué  (n"  1538). 

1630.  Bartholomaeus  :  Saint-Barthélémy;  —  cette  forme 
demi-savante  s'est  substituée  à  une  époque  plus  ou  moins  récente 
à  des  formes  vulgaires  présentant  Berihomicu  et  Berlhomé. 

1631.  Basilius  :  Saint-Basile  (Ardèche,  Calvados,  Cote- 
<l'<)i'  ,  Saint-Bazile  (Corrè/c,  Haute- Vienne)  '. 

1632.  P>asilia  :  Sainte-Bazeille  ( Lot-ol-Garonne). 

I.  Il  est  |)f)ssil)lr  <|in',  (l.iiis  i.i  l'iaiice  iiuMidioiiiilc,  ce  nom  icpréstMilo, 
iioii  pas  S.  Masiliiis,  mais  S.  H  a  ii  <l  i  I  i  ii  s.  Loiif^non  paraît  avoir  admis  la 
«•liosf,  ilii  moins  en  ce  tpii  conceine  Sainl-Ha/.ilo-dc-la-Woclic  (Clonvzo  ■, 
appelé  anssi  S!iinl.~}i;im)ir<'  (voir  ci-après,  ii"  1634  . 


ORIGINES    KCCLÉSIASÏIQUES    :    BASOLl'S  4  09 

1633.  Basolus,  accentué  sur  rantépénultièine  :  Saint-Basle 
(Marne),  Saint-Baie  (Ardennes)  ; 'cf.  Saint-Baslemont  (n"  1532). 

—  Domnus     B.     :     Dombasle     (Meurthe-et-Moselle,     Meuse, 
Vosg-es). 

1634.  Baudilius,  martvrisé  à  Nîmes  :  Saint-Baudel  (Cheri, 
Saint-Baudelle  (Mayenne),  Saint-Baudille  (Isère,  Tarn),  et  par 
substitution  de  liquide,  Saint-Baudière  (Nièvre).  Le  d  intervocal, 
qui  s'est  maintenu  dans  ces  formes  plus  ou  moins  savantes,  est 
devenu  z  dans  les  formes  méridionales  Saint-Bauzeil  (Ariège), 
Saint-Beauzély  (Gard)  —  dont  Vy,  comme  celui  de  Saint-Bauzély 
(Aveyron),  était  orig-inellement  atone  —  Saint-Bauzile  (Lozère), 
Saint  -  Bauzille  (Hérault),  Saint -Beauzeil  (Tam-et-Garonne), 
Saint-Beauzile  (Ardèche,  Tarn),  Saint-Beauzire  (Haute-Loire, 
Puy-de-Dôme)  ;  et,  par  la  substitution  régulière  de  v  à  d  après 
la  diphtong-ue  au  dans  le  dialecte  limousin,  Saint-Bauvire,  nom 
qui  a  parfois  désig'né  Saint-Bazile-de-la-Roche  (Corrèze).  Dans 
les  pays  de  lang-ue  d'oïl  le  d  intervocal  est  tombé,  et  les  syllabes 
qu'il  séparait  se  sont  contractées  :  Saint-Boil  (Saône-et-Loire), 
jadis  Saint-Boël,  Saint-Bois  (Ain),  Saint-Bueil  (Isère)  ;  et,  gra- 
phie bizarre,  Saint-Bel  (Rhône). 

1635.  Beatus  :  Saint-Béat  (Haute- Garonne),  Saint-Biez 
(Sarthe). 

1636.  Benedictus  :  Saint-Benoît  ;  —  Saint-Benezet  (Gard). 

—  Domnus   B.    :    Dambenois   (Doubs),    Dambenoit  (Haute- 
Saône). 

1637.  Benignus  :  Saint-Bénigne  (Ain),  forme  savante  dont 
l'usage  ne  paraît  pas  antérieur  à  la  Renaissance  ^  ;  Saint-Benin 
(Allier,  Calvados,  Nièvre,  Nord),  altéré  en  Saint-Bonnin 
(Saône-et-Loire)  ;  et,  par  dissimilation  des  deux  n.  Saint-Blin 
(Haute-Marne),  Saint-Berain  (Haute-Loire,  Saône-et-Loire |, 
Saint-Baraing  (Juraj,  Saint-Broing  (Côte-d'Or),  Saint-Broingt 
(Haute-Marne,  Haute-Saône),  —  le  nom  de  famille  HroïKjniarl 
est  un  dérivé  de  Broinr/  —  Saint-Beron  (Savoie),  Saint-Branchs 
(Indre-et-Loire).  Cette  dernière  localité  doit  son  nom  à  un  saint 
local   mentionné  par  Grég-oire  de  Tours,   mais  dont  le  souvenir 

\.  M.  Kd.  Phili|)(jn  a  relevé,  dans  un  pouillé  du  iiulicu  du  \m''  siècle,  la 
forme  Sanz  liprciiu/s,  ([ui  ressemble  à  j)lusieurs  des  noms  dont  ri-unnu'Ta- 
tion  suil. 


410  LES    NOMS     DE    LIEU 

sest  si  bien  perdu,  qu'à  son  culte  on  a  substitué  celui   de   son 
homonyme  honoré  à  Dijon.  —  Domnus  B.  :  Damblain  (Vosges), 
Dambelain  (Doubs),  Domblain  (Haute-Marne). 

1638.  Bercharius,  fondateur  de  labbaye  de  Montier-en- 
Der  :  Saint-Bercaire  (Haute-Marne),  forme  savante  ;  la  forme 
populaire  serait  Saint-Berier. 

1639.  Be  m  ardus  :  Saint-Bernard. 

1640.  Bertramnus  :  Saint-Bertrand  (Haute-Garonne),  ville 
fondée  au  xii*^  siècle  sur  les  ruines  de  l'antique  Lugdunum 
Convenarum,  chef-lieu  du  pays  de  Cominges,  détruit  au 
vi*^  siècle. 

1641.  Betharius,  évêque  de  Chartres  au  vii°  siècle  :  Saint- 
Bohaire   (Loir-et-Cher). 

1642.  Bibianus,  évêque  de  Saintes  au  m"  siècle  :  Saint- 
Vivien  (Charente,  Charente-Inférieure,  Dordogne,  Gironde,  Lot- 
et-Garonne,  Basses-Pyrénées). 

1643.  Blasius  :  Saint-Biais  (Vienne),  Saint-Blaise  ;  —  Saint- 
Blaize  (Haute-Savoie). 

1644.  Blitmundus,  second  abbé  de  Saint-Valery-sur-Somme  : 
Saint-Blimont  (Somme). 

1645.  Bonifacius  .•  Saint-Bonifet  (Vienne). 

1646.  Bonittus  :  Saint-Bonnet  (Allier,  Hautes-Alpes,  Can- 
tal, Charente,  Charente-Inférieure,  Gorrèze,  Drônie,  Gard, 
Gironde,  Isère,  Loire,  Haute-Loire,  Lot,  Lozère,  Puy-de-Dôme, 
Rhône,  Saône-et-Loire,  Savoie,  Vienne,  Haute-Vienne)  et  sa 
variante  bourguignonne  Saint-Bonnot  (Nièvre).  Les  textes  du 
moyen-âge  portent  S.  Boni  lus,  mais  ce  n'est  pas  là  certaine- 
ment la  forme  originelle,  car  un  t  unicjue  entre  deux  voyelles 
serait  tombé  ;  cette  appellation  paraît  avoir  été  aussi  celle  de 
Saint-Bon  ^Marne,  Haute-Marne,  Savoie)  ',  dont  le  nom  résul- 
terait dune  altération  [)liilol()gi(|uement  inexplicable. 

1647.  Botericus  :  Saint-Beury  (Côte-d'Or)  ;  c'est  à  tort 
qu'on  a  j)ailois  traduit  ce  nom  |)ar  S.  Baldericus.  (jui  eût  donné 
Sainl-Bniidri. 

1648.  Bova  :    Sainte-Beuve    Seine- Inférieure). 


l.  Ainsi  <|M<' (lu  s:inclii;iirc  p.-irision  —  ccclosia  s  ;i  n  c  I  i  Honili  iillr:i 
MiigDiiin  l'oiilfin,  <'ii  W'M't  (I.asloyrio,  (Jnrliiliiirc  </i''iiri;il  dr  l'uria,  1, 
2'»K    —  dont  l;i  riu-  Saint-Bon  r;i|>|)('lli'   le   souvenir. 


à 


ORIGl.NES    ECCLÉSIASTIQLES    '.    BRICTIUS  411 

1649.  Brictius,  successeur  de  saint  Martin  sur  le  siège 
métropolitain  de  Tours  :  Saint-Brice  (Charente,  Eure-et-Loir, 
Haute- Garonne,  Gironde,  Ille-et- Vilaine,  Lot-et-Garonne. 
Manche,  Marne,  Oise,  Orne,  Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise, 
Haute- Vienne),  forme  savante  ;  Saint-Bris  (Charente-Inférieure), 
Saint-Brix  (Charente-Inférieure),  Saint-Brès  (Gard,  Haute- 
Garonne,  Gers,  Hérault).  —  Saint-Bresson  (Gard,  Haute- 
Saùne),  Saint-Bressou  (Loti  et  Saint-Brisson  (Loiret,  Nièvre i 
donnent  lieu  de  supposer  une  déclinaison  imparisyllabique 
Brictio,  Brictionis.  —  Domnus  B.  :  Dombras  (Meuse), 
Dombrot-/e-S>c  (Vosges  '),  jadis  appelés  l'un  et  l'autre  Domhrez  : 
—  Dombresson  (Suisse,  cant.  de  Neuchâtel). 

1650.  Brigitta,  Brigida,  Britta  :  cette  sainte,  dont  le 
culte  en  Bretagne  a  été  signalé  précédemment  [n°  1320),  est 
appelée  Bride  dans  les  anciens  calendriers  français,  mais  la  forme 
savante  Sainte-Brigitte  (Basses-Alpes,  Côtes-du-Nord,  Hérault, 
Morbihan,  Var)  est  la  seule  usitée  dans  la  toponomastique. 

1651.  Cadocus,  saint  breton  (cf.  ci-dessus,  n"  1297)  :  Saint- 
Gado  (Finistère,  Morbihan),  Saint-Cadou  (Côtes-du-Nord,  Fini- 
stère). 

1652.  Caecilia  :  Sainte-Cécile. 

1653.  Caesarius  :  Saint-Césaire  (Bouches-du-Rhône,  Cha- 
rente-Inférieure, Gard,  Meurthe-et-Moselle),  Saint -Cézaire 
(Alpes-Maritimes). 

1654.  Calixtus  :  Saint-Calix  (Hautes-Pyrénées). 

1655.  Camélia  :  Sainte-Camelle  (Aude  . 

1656.  Candidus  :  Saint-Cande,  nom  jadis  porté  à  Rouen  par 
deux  paroisses  ;  —  Sainte-Canne  (voir  ci-dessus,  n"  1539  . 
Saint-Xandre  (Charente-Inférieure). 

1657.  Cannatus  :  Saint-Cannat  (Bouches-du-Rhône)  et  son 
diminutif  Saint-Canadet    voir  ci-dessus.  n°  1535). 

1658.  Caprasius  :  Saint-Caprais  (Allier,  Cher,  Haute- 
Garonne,  Gers,  Gironde,  Lot,  Lot-et-Garonne,  Seine-et-Oise, 
Tarn,Tarn-et-Gar()nneK  Saint-Chabrais  (CreuseV  Saint-Capraise 
(Dordogne),  Saint-Caprazy  !  Aveyion). 

1.  Dombrot-sur-Vair,  au  même  département,  a  pour  patron  saint  Denis; 
mais  cette  localité  ne  s'appelle  Dombrof  que  depuis  171")  ;  elle  portait  aupa- 
ravant le  nom  de  Bouzeij,  que  l'usage  local  a  conservé  jusqu'à  nos  jours. 


412 


LES    NOMS    DE    LIEU 


1659.  Caradocus  :  Saint-Caradu(Gôtes-du-Xord,  Morbihan), 
Saint- Cadreuc  (Côtes- du- Nord),  Saint-Garreuc  (Gôtes-du- 
Nord). 

1660.  Caraunus.  martyr  chartrain  du  v*^  siècle  :  Saint-Ché- 
ron  (Eure,  Eure-et-Loir,   Marne,  Sarthe,  Seiue-et-Oise). 

1661.  Carilefus  :  Saint-Calais  i^Eure,  Eure-et-Loir,  Maine- 
et-Loire,  Mayenne,  Sarthej  ;  Saint-Galez  (Sarthe),  Saint-Garlais 
(Deux-Sèvres).  Tous  ces  ^vocables  appartiennent  à  une  région  où 
le  c  primitif  aurait  dû  prendre  le  son  chuintant  ;  on  ne  peut  que 
constater  qu'il  n'y  en  a  rien  été. 

1662.  Garterius  :  Saint-Chartier  (Indre). 

1663.  Cassianus,  fondateur  de  l'abbaye  de  Saint- Victor  de 
Marseille,  au  s"  siècle  :  Saint-Cassian  (Haute-Garonne,  Var), 
Saint-Cassien  (Basses- Alpes,  Alpes-Maritimes,  Dordogne,  Isère, 
Tarn-et-Garonne,   Vienne),  Saint-Gassin  (Savoie). 

1664.  Gastinus  :  Saint- Gastin  (Basses-Pyrénées). 

1665.  Gatharina  :  Sainte-Gatherine. 

1666.  Gel  sus  :  Saint-Géols  (Gher),  Saint-Ghels  (Lot).  Un 
pouillé  du  diocèse  de  Rouen,  daté  de  1337,  mentionne,  parmi 
les  paroisses  du  doyenné  de  Bourgtheroulde,  celle  de  San  et  us 
Geisus,  g-allice  [SaintJ  Ghaus  :  on  remarque  dans  cette  forme 
vulgaire  le  chuintement  du  dialecte  picard. 

1667.  Ghristina  :  Sainte-Christine  (Eure-et-Loir,  Finistère, 
Gironde,  Maine-et-Loire,  Oise.  Puy-de-Dôme,  Var,  \'endée), 
Sainte- Ghristie  (Gers). 

1668.  Ghrysolius  :  Saint- Chry sole  (Nord). 

1669.  Gitronius  :  Saint-Citroine    Vienne"). 

1670.  C^izius   ou   Gidius  :  Saint-Gizy  (Ilaute-Garonne). 

1671.  Glar.us  :  Saint-Clair,  (jui  s'écrivait  jadis  Saint  Cler  ;  — 
Saint-Glar  (Haute-Garonne,  Gersl.  prononcé  quelquefois  Sain/- 
CLa. 

1672.  Glaudius,  t'vêque  métro{)olitain  de  Besançon  au 
vu"  siècle,  abbé  de  Saint-O^'and  (Sanctus  Eugendus)  mona- 
stère (jui  revut  pUis  tard  le  nom  de  Saint-Glaude  (Jura).  Un 
villages  du  territoire  de  Besancon  se  nt)nune  aussi  Saint-Claude. 
Dene/ières  /Jura)  a  ('-té  appeh'  jus(ju'au  xiii"  siècle  Saint-Cloud. 
en  latin  Sanctus  Glaudius.  Mais  Sninl-dlond  et  même  Snint- 
Claudc,  quand  on  les  rencontre  loin  de  la  Franche-C^omté,  sont 
susceptibles  d'une  autre  interprétation  (cf.  ci-après,  n"  1675). 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    CLHMEAS  413 

1673.  Clemens  :   Saint-Clément:  —  Saint-Clamens  (Gers). 

1674.  Clementiuus  :  Saint  -  Clémentin  (Deux-Sèvres, 
^'ienne). 

1675.  Clodoaldus,  (ils  du  roi  Clodoinir,  échappé  au  poignard 
de  ses  oncles  et  retiré  au  monastère  de  Novigentum,  qu'on 
appela  en  son  honneur  Saint-Cloud  (Seine-et-Oise).  11  existe 
d'autres  Saint-Gloud  (Aisne,  Calvados,  Dordogne,  Eure-et-Loir, 
Vaucluse)  ;  la  forme  Cloud  s'explique  par  la  réduction  de 
-oaldus  à  -oldvis  (cf.  ci-dessus,  n°  1054).  Sur  le  territoire  de  la 
Ghapelle-Moulière  (Vienne),  au  village  de  Saint- Glaud ',  une  foire 
se  tient,  chaque  année,  le  7  septembre,  jour  de  la  Saint-Gloud. 
La  chapelle  de  Saint-Claude,  qui  s'élevait  entre  le  bourg  de 
Blaslay  (Vienne)  et  le  village  de  Poirier  est  appelée,  en  1445, 
Saini-Clouault,  ce  qui  répond  bien  à  Glodoaldus.  Et  dans 
Saint- Claude -c?f-D//*aî/  (Loir-et-Gher),  localité  située  sur  la  rive 
gauche  de  la  Loire,  on  est  d'autant  mieux  fondé  à  reconnaître  le 
monasterium  sancti  Fludualdi  super  Lige  rem  dont 
parle  Nithard,  que  Fludualdus  est  la  forme  revêtue  par  Glo- 
doaldus à  l'époque  carolingienne. 

1676.  Golumba  :  Sainte-Colombe  ;  —  Sainte-Colomme 
(  Basses-P  vrénées) . 

1677.  Golumbanus,  missionnaire  irlandais,  fondateur  de 
l'abbaye  de  Luxeuil,  mort  à  Bobbio  en  615  ;  Saint-Colombin 
(Loire -Inférieure),  pour  Saint -Colomhain  \  Saint-Colomban 
(Morbihan,  Haute-Saône,  Savoie);  Saint-Colombas  (Alpes- 
Maritimes),  dont  Vs  est  parasite. 

1678.  Golumbus  :  Saint-Colomb  (Lot-et-Garonne),  Saint- 
Coulomb  fllle-et-Vilaine). 

1679.  Gonsortia  :  Sainte-Consorce  (Rhône). 

1680.  Gonstantius  :  Saint- Constant  (Gantai,  Gharente), 
Saint-Coutant  (Gharente,  Gharente-lnférieure,  Deux-Sèvres). 

1681.  Gontextus,  évêque  de  Baveux  :  Saint-Contest  (Cal- 
vados), Saint-Conté   (Finistère). 

1682.  Corentinus  (cf.  ci-dessus,  n"  1333)  :  Saint-Corentin 
(Côtes-du-Nord),  Saint-Corantin  (Seine-et-Oise), 

1683.  Cornélius  :  Saint- Corneille  (Oise,  Sarthe,  Tarn); 
Saint-Cornier  (Orne),  où  la  voyelle  accentuée  s'e.st  modih'ée  sous 
l'influence  de  1'/  posttonique. 

1.  es.  Saint-Clau  Donlogno),  Saint-Claud-.f(;/--/e-Son  fClinrcnle). 


414  LES   NOMS    DE    LIEU 

1684.  Grispinus  :  Saint- Crépin  ;  —  Saint-Crespin  (Calva- 
dos, Maine-et-Loire,  Seine-Inférieure). 

1685.  Cucufas  —  au  g;énitif  Gueufatis  —  martyrisé  à  Bar- 
celone sous  Dioclétien,  et  dont  les  reliques  furent  transférées  au 
cours  du  IX®  siècle  en  l'abbaye  de  Saint-Denis  :  Saint-Gucufa 
(Seine-et-Oise),  forme  savante;  Saint-Couat  (Audej,  Saint- 
Cophan  (Tarn-et-Garonne),  formes  explicables  par  la  simplifica- 
tion de  la  syllabe  redoublée  (cf.  le  mot  français  vieilli  coulle, 
jadis  cooule  =  cucullat. 

1686.  Gyprianus  :  Saint-Gyprien  (Allier,  Aveyron,  Gorrèze, 
Dordogne,  Lot,  Lot-et-Garonne,  Pyrénées-Orientales,  Rhône), 
forme  savante  ;  Saint-Civran.  —  Par  Saint- Cybranet  (cf.  ci-des- 
sus, n°  1535)  il  faut  entendre  «  Saint-Gyprien-le-Petit  ». 

1687.  Gyriacus  —  du  grec  /.upiaxôç,  équivalent  de  domini- 
cus  —  et  sa  variante  médiévale  Quiriacus  :  Saint-Ciriac 
(Tarn),  Saint-Girac  (Ariège),  Saint-Gréac  (Gers,  Hautes-Pyré- 
nées); Saint-Quiriace,  église  à  Provins. 

1688.  Gyricus  ou  Quiricus  :  Saint-Girice  (Gers,  Lot,  Lot- 
et-Garonne,  Tarn-c't-Garonne),  Saint-Gyrice  (Hautes- Alpes, 
Aveyron),  formes  savantes,  car  le  nom  était  accentué  sur  Tanté- 
pénultième  ;  Saint-Gyr  (Ain,  Ardèche,  Aube,  Galvados,  Gha- 
rente-Inférieure,  Gorrèze,  Dordogne,  Eure,  Eure-et-Loir,  lUe-et- 
Vilaine,  Indre-et-Loire,  Jura,  Loir-et-Gher,  Loire,  Loire-Infé- 
rieure, Loiret,  Maine-et-Loire,  Manche,  Mayenne,  Nièvre,  Oise, 
Orne,  Pihône,  Saône-et-Loire,  Haute-Savoie,  Seine-et-Marne, 
Seine-et-Oise,  Deux-Sèvres,  Tarn,  Var,  Vendée,  Vienne,  Haute- 
Vienne.  Yonne,,  Saint-Cirgue  (Tarn),  Saint-Girgues  (Ardèche, 
Gantai,  Gorrèze,  Haute-Loire.  Lot,  l*uy-de-Dôme),  Saint-Girq 
(Aveyron,  Dordogne,  Lot,  Lot-et-Garonne),  Saint-Gricq  Haute- 
Garonne,  Gers,  Landes,  Hautes- Pyrénées).  Saint-Giers  (Cha- 
rente, Charente-Inférieure,  Gironde),  Saint-Giergues  (Haute- 
Marne),  Saint-Gergues  (Haute-Savoie),  Sancergues  (cf.  ci-des- 
sus, n"  1552),  et  Saint-Gierge  ^\^dèchei.  Deux  localités  poite- 
vines portent  le  nom  (le  Saint-Ghartres  (Deux-Sèvres,  Vienne), 
et  l'une  d'elles,  dans  li^s  textes  latins  cités  au  Dic/.ionnuirc  de 
Louis  lii'det,  est  aj)pi'lt'M>  Sanctus  (!liricus.  —  Domnus  C.  : 
Doncières  (Vosges),  Donceel  flielgicjuc,    province  de  Liège). 

1689.  Decentius  :  Saint-Dizant  (lliarinlt-lnférieure)  et. 
graphie  inijuitalde  :i  hi  |)rorH»iiciation,  Saint-Ysans  (Gironde). 


ORIGINES   ECCLÉSIASTIQUES    I     DEODAIUS  41.') 

1690.  De  datus  :  Saint-Dié  (Vosges),  Saint-Dyé  (Loir-et- 
Cher,. 

1691.  Desideratus  :  Saint-Désirat  (Ardèche),  Saint-Désiré 
(Allier). 

1692.  Desiderius,  altéré  en  Desderius  et  Deserius  : 
Saint-Disdier  (Hautes- Alpes),  Saint-Didier  (Ain,  Allier,  Ar- 
dèche, Bouches-du-Pihone,  Côte-dOr,  Drôme,  Eure,  Ille-et- 
Vilaine,  Isère,  Jura,  Loire,  Haute-Loire,  Haute-Marne,  Nièvre, 
Orne,  Rhône.  Saône-et-Loire,  Savoie,  Haute-Savoie,  Vaucluse), 
Saint-Dizier  (Creuse,  Drôme,  Lot-et-Garonne,  Haute-Marne, 
Meurthe-et-Moselle,  Haut-Rhin),  Saint-Dézéry  (Gorrèze,  Gardj, 
Saint-Drézéry  (Hérault).  —  Saint-Dier  (Puy-de-Dôme)  résulte 
vraisemblablement  de  la  simplification  (cf.  ci-dessus,  n"  1685)  de 
Didier  \  il  a  pour  variantes  Saint -Diéry  (Puy-de-Dôme)  et  Saint- 
Géry  i  Dordogne,  Lot,  Tarn). 

1693.  Dionysius,  fondateur  de  l'église  de  Paris  :  Saint- 
Denis  ;  —  Saint-Daunès  (Lot).  —  Sancti  D.  cortis  :  Saint- 
Deniscourt  (cf.  ci-dessus,  n°  1552). 

1694.  Doda  :  Sainte-Dode  (Gers,. 

1695.  Dodo  (cf.  ci-dessus,  n°  1015j  :  Saint-Don  (Meurthe-et- 
Moselle). 

1696.  Domninus  :  Saint-Donin  (Seine-et-Marne),  Saint- 
Donis  (Drôme).  — ^diiXii-\)&mB>-Comharnazat  (Puy-de-Dôme)  est 
parfois  appelé  Sairt/-Z)o//r/zin  ;  et  Saint-Domet  (Creuse)  représente 
aussi  un  sanctuaire  dédié  à  saint  Domnin. 

1697.  Domnolenus  :  Saint- Andelain  i Nièvre). 

1698.  Donatianus  :  Saint-Donatien  (Loire-Inférieure). 

1699.  Donatus  :  Saint-Donat  (Basses-Alpes,  Drôme,  Puy- 
de-Dôme  i. 

1700.  Drogo  :  Saint-Druon  (Nord). 

1701.  Dulcardus  :  Saint-Doulehard  (Cher),  appelé  dans 
quelques  textes  Saint-OucharcI,  par  une  altération  commvme 
aux  vocables  hagiographiques  dans  lesquels  le  nom  du  saint 
commence  par  une  dentale  (cf.  ci-dessus,  n"*"  1689  et  1697) 

1702.  Lbalo,  accentué  sur  rantépénullièine  :  Sâint-Eble 
(Haute-Loire). 

1703.  Ebremundus  :  Saint-Ébremond  (Manche)  et  sa  forme 
populaire  Saint-Évremond. 

1704.  Ebrulfus  :  Saint-Évroult  (Eure-et-Loir,  Orne,  Seiiie- 
et-Uiscj. 


41(i  LES    NOMS    DE    LIEU 

n05.  Egetius  :  Saint-Igest  (Aveyron). 

1706.  Eleutherius,  nom  d'origine  grecque  :  Saint-Lattier 
(Isère),  par  aphérèse. 

n07.  Eligius  :  Saint-Éloy  Ain.  Allier,  Charente,  Charente- 
Inférieure,  Cher,  Corrèze,  Côtes-du-Nord.  Creuse,  Eure,  Fini- 
stère, Manche,  Haute-Marne,  Nièvre,  Orne,  Puy-de-Dôme, 
Saône-et-Loire,  Seine,  Seine-et-Oise,  Var,  Yonne)'.  —  Saint- 
Éloi-Fontaine  (Aisne). 

nos.  Eliphius  :  Saint-Éliph  Eure-et-Loir),  Saint-Élophe 
(Vosges)  ;  dans  ce  dernier  nom  1/  tonique  s'est  comporté  comme 
celui  de  Sol  ici  a.  aujourd'hui  Soulosse  (Vosges),  tout  à  côté  de 
Saint  Elophe. 

n09.  Eloquius,  moine  à  Lagny  au  viii*^  siècle  :  Saint-Lot 
(Aisne),  par  aphérèse. 

niO.  Elpidius,  honoré  à  Brioude  :  Saint-Ilpize  'Haute- 
Loire). 

1711.  Emelerius  :  Saint-Hymetière  (Jura,,  Saint-Émétéry 
(Gard),  et,  par  aphérèse,  Saint-Médier  (Gard)  2. 

1712.  Engratia  :  Sainte-Engrace  (Basses-Pyrénées). 

1713.  Enimia  :  Sainte-Énimie    Lozère). 

1714.  Eparchius,  reclus  du  vi""  siècle,  honoré  à  Angoulême  : 
Saint-Ybard  f Corrèze  ,  Saint- Ybars  Ariège),  Saint-Bars  (Gers), 
Saint-Cybard  cf.  ci-dessus,  n"  1551).  —  Cf.  Saint-Cybardeaux 
(n«  1533). 

1715.  Ermino,  abhé  de  Lobbes  au  vu''  siècle  :  Saint-Erme 
(Aisne  I. 

1716.  Errehaldus  :  Terrehault    voir  ci-dessus,  n"  1556). 

1717.  b^thelburgis  :  Salnte-Aubierge  (Seine-et-Marne),  par 
confusion  avec  Adalberga. 

1718.  Eudo,  martyr  cliartrain  :  Saint-Yon  (Seine-et-Oise). 

1719.  Eugendus(cf.  ci-dessus,  n"  1672)  :  Saint-Oyen  Saône- 
et-Loire,  Savoie),  Saint-Yan  Saône-et-Loire),  Saint-Héand 
f  Loire). 

1720.  Lugenia   :   Sainte-Eugénie    (Côtes-du-Xord.     llaule- 

1.  Saint-Aleix  ((lieuse). 

2.  Le  bir.lionnnin-  lnii(>(/r,ii>lii'/it'-  de  IWiii.  <lo  .M.  I*liili|)on,  meiilioiUK', 
sous  la  forme  liyf)Olliéli(]ue  Saint-Imier,  un  ■  pelil  niouaslèie  ((ui  paraît 
avoii-  élé  situé  au  départemeiil  <!«'  l'.Xin,  non  loin  de  Miiciui  ..,  d  (|ii  on  voit 
apix'lé,  aux   i\''  el   X''  siècles.  Sa  uc  I  II  s    I  m  i  I  c  r  i  ii  s. 


OKIGINES    KCCLÉSIASTIQUES    :    KUGEMA  417 

Loire,  Orne,  Pyrénées-Orientales),  forme  savante  ;  Sainte- 
Eugienne  (Manche),  Sainte-Ouenne  (Deux-Sèvres),  et,  par  chan- 
g-ement  de  genre,  Saint-Eugène  (Aisne). 

1721.  Eugenius  :  Saint-Eugène  (Aude,  Calvados,  Charente- 
Inférieure,  Saône-et-Loire,  Tarn). 

1722.  Eulalia,  martyrisée  à  Barcelone  sous  Dioclétien,  et 
fêtée  le  12  février  :  Sainte-Eulalie  (Ardèche,  Aube,  Aude,  Avej- 
ron.  Cantal,  Corrèze,  Dordogne,  Gard,  Gironde,  Lot,  Lot-et- 
Garonne,  Lozère,  Tarn-et-Garonne),  forme  savante.  Parmi  les 
formes  populaires,  certaines  s'expliquent  par  l'hypothèse  d'une 
variante  Euladia,  dont  la  dentale  intervocale,  selon  les  régions, 
s'est  altérée  en  z  —  Sainte-Aulazie  (Tarn-et-Garonne),  Sainte- 
Alauzie  (Lot)  —  ou  est  tombée  :  Saint-Aulaye  (Dordogne)  et 
Saint-Aulais  (Charente),  ont  été  signalés  ailleurs  (n°  1540),  en 
raison  du  changement  de  genre  qu  ils  présentent.  On  obser- 
vera aussi  ce  dernier  fait  dans  les  noms  Saint-Aulaire  (Corrèz«, 
Dordogne),  Saint-Araille  (Haute-Garonne)  et  Saint-Arailles 
(Gers),  caractérisés  par  des  changements  de  liquides.  C'est  une 
contraction  de  l'une  de  ces  deux  dernières  formes  qu'il  faut 
reconnaître  dans  XaintraiUes  (Lot-et-Garonne). 

1723.  Eumachius,  confesseur  honoré  dans  lAngoumois  : 
Saint-Chamassy  (Dordogne),  dont  on  se  gardera  de  rapprocher 
Sainl-Chamas  (cf.  ci-dessus,  n'*  1583). 

1724.  Euphemia  :  Sainte-Euphémie  (Ain,  Drôme),  forme 
savante,  les  deux  localités  dont  il  s'agit  étant  appelées,  l'une 
Sainte  Ofeyme  par  un  texte  du  xiv^  siècle  que  donne  Claude 
Guigue  dans  sa  Topographie  historique  du  département  de  l'Ain, 
et  l'autre  Sainct  Euphème,  dans  une  pièce  de  1633,  conservée 
aux  archives  de  la  Drôme  ;  Saint-Offenge  (Savoie),  dont  on 
rapprochera  le  nom  de  l'ancienne  famille  angevine  de  Saint- 
Of  fange. 

1725.  Euphrasia  :  Sainte-Euphrasie  (Marne) . 

1726.  Euphronius  :  Saint-Euplirône  (Côte-d'Or), 

1727.  Eusebia  :  Sainte-Eusoye  (Oise). 

1728.  Eusebius  :  Saint-Eusèbe  (Hautes- Alpes,  Saône-et- 
Loire,  Haute -Savoie),  Saint -Eusoge  (Yonne),  Saint -Usage 
(Aube,  Côte-d'Or),  Saint-Usuges  (Saône-et-Loire  .  et,  par  le 
rhotacisme,  Saint-Huruge  (Saône-et-Loire). 

1729.  Eusicius,    fondateur   de   l'abbaye    de    Selles-sur-Cher 
Les  noms  de  lieu.  2" 


418  LES    >OMS    DE    LIEU 

(Loir-et-Clier)  :  au  xyii*"  siècle,  on  a   désigné  cette  localité  sous 
le  nom  de  Ce//e-Saint-Eurice  (cf.  ci-dessus,  n°  1451). 

1730.  Eutropius  :  Saint-Eutrope  (Charente,  Charente-Infé- 
rieure. Finistère,  Lot-et-Garonne,  Mayenne). 

1731.  Exuperius  :  Saint  -  Exupère  (^Averron,  Calvados, 
Haute-Garonne),  Saint-Exupéry  i  Corrèze,  Gironde);  Saint-Spire, 
église  à  Corbeil. 

1732.  Faro,  évèque  de  Meaux  :  Saint-Faron  (Seine-et-Marne). 

1733.  Fasciolus  :  Saint -Faziol  (Deux -Sèvres),  en  1559 
Saint  Faziou. 

1734.  Fausta  :  Sainte-Fauste  (Gers,  Indre). 

1735.  Faustus  :  Saint-Faust  ( Basses-Pyrénées)  ;  dans  Saint- 
Ost  (Gers),  la  chute  de  1"/ a  eu  pour  prélude  sa  transformation  en 
h  aspirée,  phénomène  commun  à  l'espag'nol  et  au  gascon 
(cf.  ci-dessus,  n"  448). 

1736.  Félix:  Saint-Félix;  —  Saint-Féliu  (Pyrénées-Orien- 
tales), forme  catalane  ;  Saint-Elix  (Haute-Garonne,  Gers),  forme 
gasconne  (voir  l'alinéa  précédent)  '. 

1737.  Ferme rius  :  Saint-Ferme  (Gironde),  Saint-Fraigne 
(Charente),  formes  qu'il  faut  constater,  sans  pouvoir  expliquer  le 
recul  de  l'accent. 

1738.  Ferreolus  :  Saint-Féréol.  —  Les  formes  vulgaires 
donnent  lieu  de  supposer  une  variante  Ferriolus,  dont  1'/, 
sauf  dans  Saint-Ferriol  (Aude),  s'est  constamment  conson- 
nilié  :  Saint-Ferjeux  Doubs.  Marne,  Haute-Saône),  Saint- 
Fergeux  'Ardennesi,  Saint-Ferjus  (Isère).  Saint-Fargeau  (Seine- 
et-Marne,  Seine-et-Oise.  Yonne),  Saint-Fargeol  (Allier),  Saint- 
Fargheot  (Puy-de-Dôme i,  Saint-Forgeot  Saône-et-Loire).  Saint- 
Forgeux  (Loire,  lihônej,  Saint-Forgueil  (Saône-et-Loire),  Saint- 
Forget  (Seine-et-Oi.se).  —  Domnus  F.  :  Damphreux  (Sui.sse, 
caiil.  de  Berne). 

1739.  Fiacrius  :  Saint-Fiacre. 

1740.  F  ides  :  Sainte-Foy. 

I.  Saint-Flin  Meinllio-eL-Moscllt'j  csl  uiif  ancieniie  possession  i\i.-  \':\h- 
baye  rloSainUdlément  de  Met/,  liKincllc  «Mil  pour  p.ilioii  primitif  sainl  l'clix 
(cf.  McUfiisii,  III,  00);  le  son  nasal  ipie  piésenle  celle  forme  s'est  piiulnil 
tardivement,  comme  dans  le  nom,  appartenant  à  la  même  région,  de  Piilin 
fMeurthe-el-Moselle),  aneiennemcnl  l-'ilis  cl  /•'(•//./•  icf.  MrHcnai.i,  l\',  2, 
note  2). 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    !    FIDOLUS  4^9 

1741.  Fidolus,  nom,  accentué  sur  l'antépénultième,  d'un  saint 
d'origine  auvergnate  qui  vécut  au  diocèse  de  Troyes  :  Saint-Phal 
(Aube.  Loiret,  Yonne),  Saint-Fiel  (Creuse)  ^  — Domnus  ¥.  : 
Damphal  (Haute-Marne). 

1742.  Filibertus  :  Saint-Philibert  (Côte-d'Or,  Drôme,  Indre- 
et-Loire,  Isère,  Morbihan,  Pas-de-Calais,  Seine-et-Oise),  Saint- 
Philbert  (Calvados,  Eure,  Loire-Inférieure,  Maine-et-Loire,  Orne, 
Vendée)  ;  l'usage  constant  de  la  notation /)/i  s'explique  par  l'in- 
fluence de   Philippe. 

1743.  Firminus  :  Saint-Firmin,  forme  savante. 

1744.  Flaminia  :  Sainte- Flamine  (Allier)-. 

1745.  Fia  via  :  Sainte-Flaive  (Vendée). 

1746.  Flavitus  :  Saint-Flavy  (Aube). 

1747.  Flodoveus,  variante  de  Clodoveus  (cf.  ci-dessus, 
n"  1675)  :  Saint-Flovier  (Indre-et-Loire)  ;  Saint-Fleur  (Vienne), 
en  l.'^72  Saint  F  huer. 

1748.  Florentinus  :  Saint-FIorentin  (Indre,  Yonne). 

1749.  Florina  :  Sainte-Florine  (Haute-Loire). 

1750.  Florins  :  Saint-Floury  (Lot). 

1751.  Florus  :  Saint-Flour  (Cantal,  Lozère,  Puy-de-Dôme). 
—  Saint-Floret  (Puy-de-Dôme)  signifie  «  Saint-Flour-le-Petit  -> 
(cf.  ci-dessus,  n°  1535). 

1752.  Floscellus  :  peut-être  Saint-FIoxel  (Manche). 

1753.  Folcuinus  :  Saint-Foiquin  (Pas-de-Calais). 

1754.  Fortis  :  Saint-Fort  (Charente,  Charente-Inférieure, 
Mayenne,  Tarn-et-Garoune). 

1755.  Fortunata  :  Sainte-Fortunade  (Corrèze). 

1756.  Fortunatus   :  Saint-Fortunat  (Ardèche,  Rhône). 

1757.  F  ra  gui  fus,  martyr  du  pays  de  Cominges  :  peut-être 
Saint-Frajou  (Haute-Garonne),  dont  le  J,  dans  cette  région, 
paraît  insolite  -^ 

1758.  Framboldus  :  Saint-Fraimbault  (Mayenne,  Orne, 
Sarthe),  Saint-Frambourg,  quartier  dlvry-sur-Seine  (Seine)  ;  ce 
dernier  nom  était  aussi  celui  d'une  église  collégiale  à  SenHs. 

1.  Cf.  Mrm.  de  la  Sociélé .  .  .  de  la  Creuse,  XI,  82,  et  A.  l,(^clcr,  l>u-(ion- 
naire.  .  .  de  la  Creuse,  p.  621  . 

2.  A.    Bruel,  Pouillés  dc^  diocèses  de  Clermont  et  de  Saint-Flonr,  p.  192. 

3.  Cette  réserve  s'impose-l-elle,  alors  que,  à  une  dizaine  de  lieues  de  \h,  el 
plus  au  sud,  Mons  régal  is  est  représenté  par  Montrejeaul 


420  LES    NOMS     DE    LIEU 

1759.  Francoveiis  :  Saint-Franchy  (Nièvre),  par  une  déri- 
vation qu'on  n'a  pas  le  moyen  d  expliquer. 

1760.  Fredulfus    :    Saint-Froult    (Charente-Inférieure). 

1761.  Fredus  :  Saint-Fray  iSarthe). 

1762.  Frigio  :  Saint-Frion  (  Creuse )  •.  Saint-Fréjoux(Corrèze). 

1763.  Frodoaldus,    réduit    k    Frodaldus    :    Saint-Frézal 
Lozère). 

1764.  Fronto  :  Saint-Front  (Aisne,  Allier,  Charente.  Dor- 
dogne,  Haute-Loire,  Lot-et-Garonne,  Orne).  —  Domnus  F.  : 
Domfront  (Oise,  Orne,   Sarthe). 

1765.  Frotmundus  :  Saint-Fromond  (Marne). 

1766.  Fructuosus  :  Saint-Fructueux  (Tarn),  forme  savante  ; 
Saint-Frichoux  (Aude,  Hérault),  par  le  changement  de  et  en  ch 
(cf.  ci-dessus,  n°  1550). 

1767.  Fulgentius  :  Saint-Fulgent  (Orne,  Vendée),  forme 
savante  substituée,  en  ce  qui  concerne  Saint-Fulgent-des-Ormes 
(Orne),  à  Saint-Frogent,  qu'on  avait  latinisé  Sanctus  Fro- 
gentius. 

1768.  Fuscianus  :  Saint-Fuscien    Somme). 

1769.  Gai  la  :  Sainte- Jalle  (Drôme). 

1770.  Gai  lus  :  Saint-Gai  (Cantal,  Lozère,  Puy-de-Dôme  j, 
Saint-Gaux  (Gironde),  Saint-Jal  (Corrèze).  —  Saint-Jallet  (Indre) 
signifie  «  Saint-Jal-le-Petit  ». 

1771.  Gang.ulfus,  nom  présentant  les  mêmes  éléments  que 
le  prénom  allemand  Wolfgang  :  Saint-Gengoux  (Saône-et-Loire),. 
Saint- Gengoult'  (Nièvre).  Saint- Gengoulph  (Aisne),  Saint-Gin- 
golph    Ilautc-Savoie). 

1772.  (iatianus  :  Saint-Gatien  •  Calvados). 

1773.  Gaudentius  :  Saint-Gaudens  (Haute-Garonne),  Saint- 
Gaudent  Vienne),  Saint-Gauzens  (Tarn),  Saint-Goin  iBasses- 
l'\  rénéesj  ;  Saint-Jouvent    llautc-\'ienne),  jadis  Sainl-Joucn. 

1.  .\ .  Lecler  [Dicl.  de  la  (Jreu^e,  p.  023),  toiil  en  produisaiil  clos  texles 
qui  lie  laissent  aucun  doute  sur  la  forme  originelle  du  nom  de  celle  paroisse. 
assure  que  «  son  patron  est  saint  Frédulphe,  al)bé  »,  qu'on  fêle  le  "i  juillel. 
Kt  la  liio-bihlioçffapliu'  du  chanoine  Ul.  (.lievalier  renvoie  de  l-'i-nlnlp/iiis  i* 
■'  Frion  (saint)  de  Saintonge  »,  honoré  le  4  aoijl. 

2.  (a'  nom  est  aussi  celui  d'une  des  paroisses  de  Tonl,  aiuieiine  collé- 
giale, et  il  y  avait  à  Metz  une  paroisse  Saint-Gengoulf.  On  eomitle,  dans 
les  diocèses  acluels  de  Metz,  Nancy,  Verdun  et  Sainl-l)ié,  une  viiif^laine  au 
moins  d'églises  paroissiales  placées  sous  le  même  patronai;i'. 


ORIGINES    ECCLÉSIAST1QI;ES    :    GAUDERICUS  421 

1774.  Gaudericus  ou  Gaug-ericus  :  Saint-Géry,  église  à 
Gambrai. 

1775.  Gelasius  :  Saint-Gelais  (Deux-Sèvres). 

1776.  Gemini,  appellation  collective  des  ((  Saints  Jumeaux  »  : 
Saint-Geosmes  (Haute-Marne)  ;  la  transformation  de  l'e  tonique 
en  0  est  un  fait  particulier  à  la  rég'ion  bourguig-nonne. 

1777.  Gemma  :  Sainte-Gemme  (Aude,  Charente-Inférieure, 
Cher,  Eure-et-Loir,  Gers,  Gironde,  Indre,  Lot-et-Garonne, 
Marne,  Seine-et-Oise,  Deux-Sèvres.  Tarn,  Vendée),  Sainte- 
Gemmes  (Loir-et-Cher,  Maine-et-Loire,  Mayenne),  SaintB- 
Jamme  (Sarthe). 

1778.  Genardus   :  Saint-Génard  (Deux-Sèvres). 

1779.  Generosus  :  Saint-Généroux  (Deux-Sèvres). 

1780.  Genesius  :  Saint-Genès  (Ariège,  Corrèzç,  Gironde, 
Lot-et-Garonne.  Puy-de-Dôme),  Saint-Genest  (Allier,  Ardèche, 
Loire,  Marne,  Tarn,  Vienne,  Haute-^  ienne,  Vosges),  Saint- 
Geneys  (Haute- Loire),  Saint-Geniès  (Ardèche,  Dordogne,  Gard, 
Haute-Garonne,  Hérault.  Lot,  Tarn-et-Garonne),  Saint-Geniez 
(Basses-Alpes,  Aveyron,  Bouches-du-Rhône,  Corrèze,  Haute- 
Garonne),  Saint-Genis  (Ain,  Hautes-x\lpes,  Charente,  Charente- 
Inférieure,  Drôme,  Gironde,  Isère,  Loire,  Lot-et-Garonne,  Pyré- 
nées-Orientales, Rhône),  Saint-Genix  (Savoie),  Saint-Gineis 
(Ardèche),  Saint-Giniès  (Aude),  Saint-Genois  (Belgique,  Flandre 
Occidentale).  Dans  ce  dernier  nom,  (réunis  a  été  substitvié  à 
Gênais,  de  même  que  le  nom  de  famille  S'eruots  est  pour  Servais, 
en  latin  Servatius. 

1781.  Genius,  martyrisé  à  Lectoure  :  Saint-Gein  (Landes), 
Saint- Geny  (Gers). 

1782.  Genovefa  :  Sainte-Geneviève  (Aisne,  Aveyron,  Eure, 
Loiret,  Manche,  Meurthe-et-VIoselle,  Morbihan,  Oise,  Seine- 
Inférieure,  Seine-et-Oise). 

1783.  Gentianus  :  Saint-Gence  (Haute-Vienne),  par  un 
déplacement  d'accent  frécjueut  dans  la  région  i  cf .  ci-dessus, 
n°«  1545  et  1568). 

1784.  Gentius  :  Saint- Gens  (Vaucluse). 

1785.  Genulfus  :  Saint-Genou  (Indre),  Saint-Genoux  "Loir-et- 
Cher),  Saint-Genouph  (Indre-et-Loire). 

1786.  Georgius  :    Saint-Georges.  —  Les  formes  populaires, 


422  LES  iNOMs   d;j  lieu 

auxquelles  se  rattache  le  nom  de  famille  Joret,  répondent  à 
la  forme  basse  Georius  :  Saint-Joire  (Meuse),  Saint-Jeoire 
(Savoie,  Haute-Savoie),  Saint-Geoire  (Isère),  Saint-Geoirs  (Isère), 
Saint-Geours  (Landes),  Saint-Juire  (Vendée),  Saint-Jure  (Mo- 
selle), Saint-Jurs  (Basses-Alpes),  Saint- Yors  (Gers),  Saint- 
Jorioz  (Haute-Savoie)  —  en  Savoie,  les  terminaisons  -az  et 
-oz  sont  atones  —  Saiïlt-Jory  (Dordogne,  Haute-Garonne), 
Saint-Juéry  (Aveyron,  Lozère,  Tarn).  Saint-Georges-de-Lusen- 
con  (Aveyron)  est  appelé  aussi  Saint-Jordy .  —  Domnus  G.  : 
Donjeux  (Haute-Marne,  Moselle),  Dampjoux  (Doubs),  Daiigeul 
(Sarthe). 

1787.  Geraldus,  plus  anciennement  Gairaldus  :  Saint- 
Géraud  (Corrèze,  Dordog-ne,  Lot-et-Garonne,  Tarn),  Saint-Giraud 
(Ardèche,  Isère),  Saint-Glrault  (Deux-Sèvres),  Saint-Girod 
(Savoie),  Saint-Guiral  (Tarn),  Saint-Guiraud  (Gers,  Hérault). 

1788.  Gerboldus,  évêque  de  Baveux  au  vu''  siècle  :  Saint- 
Gerbold  (Calvados). 

1789.  Geremarus  :  Saint-Germier  (Haute-Garonne,  Gers, 
Deux-Sèvres,  Tarn),  Saint-Germé  (Gers,  Hautes-Pyrénées), 
Saint-Germer  (Oise). 

1790.  Gereo,  martyr  de  la  Légion  thébaine  :  Saint-Géréon 
(  Loire-Inférieure) . 

1791.  Germanus,  nom  porté  par  plusieurs  saints,  dont  un 
évêque  de  Paris  et  un  évêque  dAuxerre  :  Saint-Germain, 
vocable  des  plus  répandus;  Saint-German  (Gers).  —  Saneti 
G.mons  :  Saint- Germainmont  (Ardennes).  —  Domnus  G.  : 
Domgermain  (Meurthe-et-Moselle). 

1792.  Gerontius  :  Saint- Gérons  (Cantal),  Saint- Giron 
flIaute-Loire),  Saint-Girons  (Ariège,  Gironde,  Landes,  Basses- 
Pyrénées  j. 

1793.  Gervasius  :  Saint- Gervais  ;  —  Saint-Gervasy  (Gard), 
Saint-Gervazy  (^Puy-de-Dôme)  ;   —  ei  peut-élre    Saint-Urbary 

((iersj. 

1794.  Gibrianus,  confesseur  du  diocèse  de  Chàlons  au 
Y*'  siècle  :  Saint-Gibrien  (Marne,  Mcurlhe-et-Moselle),  Saint- 
Gibrin  (^Meurlhe-el-Moselle). 

1795.  Gildardus,  évé(pu>  de  Houen,  frère  île  saint  Mt'dard, 
évêcpic    (If   Xoyoïi  :   Saint-Godard,    (''glise  à  Houen,    jadis  Sn'ml- 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    dlLDARDl'S  423 

Gaudard  ;    Saint-Jodard   (Loire),    qui,   par   confusion,  a   aujour- 
d'hui pour  patron  saint  Gildas. 

1796.  Gildasius,  fondateur  de  l'abbaye  de  Rhuis,  au  diocèse 
de  Vannes  :  Saint-Gildas  (Côtes-du-Nord,  Finistère,  Loire-Infé- 
rieure, Morbihan). 

1797.  Gislenus:  Saint-Gelin  (Indre-et-Loire,  Saône-et-Loire), 
Saint- Guislain  (Aisne,  Nord). 

1798.  Glycerius,  évêque  de  Couserans  vers  700  :  Saint- 
Lizier  (Ariège,  Gers),  Saint-Lézer  (Hautes-Pyrénées)  ;  le  g  initial 
est  tombé,  comme  dans  le  mot  loir,  représentant  un  cas  oblique 
du  latin  glis. 

1799.  Gobbanus,  nom  emprunté  à  l'onomastique  irlandaise  : 
Saint-Gobain  (Aisne),  Saint-Gobin  (Allier). 

1800.  Godebertus  :  Saint-Gobert  (Aisne,  Seine-et-Marne I. 

1801.  Godo  :  Saint-Gond  (Marne),  Saint-Gaud  (Haute-Saône). 

1802.  Gorgonius  :  Saint-Gorgon  (Doubs,  Meurthe-et-Mo- 
selle, Meuse,  Morbihan,  Nord,  Vosges),  Saint-Gourgon  (Eure, 
Loir-et-Cher,  Orne),  Saint-Golgon  (Côtes-du-Nord),  Sainte-Ger- 
goine  (voir  ci-dessus,  n°  1541). 

1803.  Gradulfus  :  Saint-Groux  (Charente). 

1804.  Gratus  :  Saint-Grat  (Aveyron). 

1805.  Gregorius  :  Saint-Grégoire. 

1806.  Guenocus  :  Saint-Guénoux  (Ille-et-Vilaine). 

1807.  Gundulfus  :  Saint-Gondon  (Loiret  ;  cf.  ci-dessus, 
n"  1144). 

1808.  Gunhardus,  évêque  de  Nantes  au  ix^  siècle  :  Saint- 
Goard  (Deux-Sèvres). 

1809.  Gunsaldus  :  Saint-Goussaud  (Creuse). 

1810.  Heriboldus,  solitaire  en  Bretagne  au  ix®  siècle  :  Saint- 
Herbot  (Côtes-du-Nord,  Finistère). 

1811.  Hermelandus  :  Saint-Erblon  lUe-et-Vilaine,  Mayenne), 
Saint-Herblon  (  Loire- Inférieure  ),  Saint -Herblaln  (Loire-Infé- 
rieure). 

1812.  Hieronymus  :  Saint- Jérôme  i^^. Vin,  Houches-du-Rhône, 
Tarn,  Vaucluse). 

1813.  Ililarius  :  Saint-Hilaire  ;  —  Saint-Élier  (Eure), 
Saint-EIlier  (Maine-et-Loire,  Mayenne,  Orne),  Saint-Hélier 
(île  de  Jersey),  Saint-Hellier  (Côto-d'Or,  llle-et- Vilaine,  Seine- 
Inférieure),  Saint-Hilliers  (Seine-et-Marne),  Saint-Illiers  (Seine- 


424  LES    NOMS     DE    LIEU 

et-Oise),  Saint-Ghély  (voir  ci-dessus,  n°  1550),  Saint- Ylifi  (Jura), 
Saint-Lary  (Ariège,  Haute-Garonne,  Gers,  Lot-et-Garonne, 
Hautes-Pvrénées).  Le  lieu  dit  Saint-Hilier,  marquant,  au  terri- 
toire de  Bannoncourt  (Meuse),  l'emplacement  d'une  ancienne 
chapelle,  est  appelé,  dans  le  parler  local,  Sainte-Laie.  —  Sancti 
H.  m  on  s  :  Saint-Hilairemont  (Marne). 

1814.  Hildebertus  :  Saint-Hildevert  (Eure). 

1S15.  Himerius  :  Saint-Hymer  (Calvados),  Saint-Imier 
(Suisse,  cant.  de  Berne),  et  peut-être  Saint-Ismier  (Isère). 

1816.  Hippolytus  :  Saint- Hippolyte  ;  —  Saint-ApoUis 
(Hérault;.  —  Aucun  texte  du  moven  âge  ne  donne  la  forme 
latine  du  nom  de  Dannevoux  (Meuse)  ;  mais  cette  paroisse  a  pour 
patron  saint  Hippolyte  ;  or  en  supposant  que  le  p  redoublé  de 
Hippolytus,  s'est  comporté  comme  un  p  simple  (cf.  ci-dessus, 
n°  1574),  ce  nom,  accentué  sur  l'antépénultième,  donne  néces- 
sairement evolt,  evoui,  evou  ;  on  peut  donc  admettre  que  le  pri- 
mitif du  nom  de  lieu  dont  il  sagit  est  Domnus  Hippolytus 
(cf.  ci-dessus,  n°  1525). 

1817.  Hispanus  :  Saint-Épain  (Indre-et-Loire),  Salnt-Épin 
(Oise),  le  Mei.r-Saint-Époing  (Marne). 

1818.  Honora  tus  :  Saint-Honorat  (Basses-Alpes,  Bouches- 
du-Rhône,  Drôme).  Saint-Honoré  (^Finistère,  Isère,  Nièvre,  Seine- 
Inférieure,  Var),  Saint-Ondras  (Isère);  dans  ce  dernier  nom  le  il 
est  produit  par  le  contact  de  l'net  de  1'/-,  consécutif  à  la  chute  du 
second  o. 

1819.  Honorina  :  Sainte-Honorine  (Calvados,  Eure,  Orne, 
Seine-Inférieure).  —  Con/7a/is-Sainte-Honorine   (Seine-et-Oise). 

1820.  Ilospitius  :  Saint-Hospice  (Alpes-Maritimes),  jadis 
Sainl-Sospis  (voir  ci-dessus,  n"  1551). 

1821.  Hostianus  :  voir  ci-après,  n"  1950. 

1822.  Ilucbertus,  évêque  de  Maastricht  au  viii*"  siècle  : 
Saint-Hubert  (Allier,  Cher,  Eure,  Indre-et-Loire,  Loir-et-Cher, 
Haute-Marne,  Mayenne,  Sarthe,  Seine-et-Oise,  Somme,  \'ienne, 
et  ^Belgique,  Luxembourg  .  —  Saint-HuLcrt-dc-Caslagnolc 
(Tani-ct-Garoiine)  réponih-ail  ;i  un  ancien  S  anc  tus  Ansbertus. 

1823.  Hugo  :  Saint- Hugues  (Isère,  Tam-et-Garonne),  Saint- 
Hugon    Isère,  Savoie). 

1.    Cr.   I.oii-iioii,    l>i,iiillr  ihi  ,li.,rèsijile  (:;ilii>r>!,  |>.  liH,  ii"  008. 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    !    HUMBERTUS  42") 

1824.  Ilumbertus  :  Saint-Imbert  (Nièvre). 

1825.  Ig-natius  :  Saint- [gnace  iGôles-du-Nord),  Saint-Tgnat 
(Puy-de-Dôme). 

1826.  lUidius,  évêque  des  Arvernes  au  iv^  siècle  :  Saint- 
Illide  (Cantal),  Saint-Alyre  (Puv-de-Dôme),  Sainte-Olive  (cf.  ci- 
dessus,  n^'  1542).  L'/'  d'Alyt^e  s'est  produite  comme  celle  de  Géry 
(n°  1566)  et  d'Tzaire  (a"  1604);  c'est  par  un  phénomène  sem- 
blable que,  dans  la  langue  du  moyen-âg-e,  le  nom  commun  mire 
représente  le  latin  medicus,  réduit  à  médius. 

1827.  Irmina  :  Sainte-Hermine  (Vendée). 

1828.  Jacobus  :  Saint-Jacob  (Finistère)  ;  Saint-Jacques  ;  — 
Saint-James  (Allier,  Aude,  Gironde,  Loire-Inférieuie,  Manche, 
Puy-de-Dôme,  Seine),  Saint-Jammes  (Basses-Pyrénées),  par  le 
changement  de  h  en  m  dont  l'exemple  le  plus  ancien  est  fourni 
par  sabbati  dies  devenant  samedi,  et  que  l'on  observe  aussi 
dans  les  formes  anglaise  et  italienne  de  Jacobus,  James  et 
Giacomo;  —  Saint-Jaumes  (Var),  Saint-Jeaume  (Var,  Vaucluse), 
moyennant,  par  surcroît,  une  vocalisation  de  gutturale  compa- 
rable à  celle  qui,  d'Agnes  a  fait  Aunes  [n°  1573)  ;  —  Saint- 
Jaymes  (Gers),  dont  le  second  terme  ne  diffère  guère  de  l'espagnol 
Jaime.  —  Gelui  de  Saint-Jacôme  (Savoie)  était  certainement,  à 
l'origine,  ime  variante  du  wallon  Jaqiiemes,  qui  se  prononçait 
Jakme.  —  Saint-Yaguen  (Landes),  répond  peut-être  aussi  à 
S .   Jacobus, 

1829.  Joannes  :  Saint-Jean  ; —  Saint-Jouan  (Côtes-du-Nord, 
Ille-et- Vilaine)  et  leurs  diminutifs  Saint-Jeannet  et  Saint-Jouan- 
net  (cf.  ci-dessus,  n°  1535).  — Domnus  J.  :  Domjean  (Manche) 
et  peut-être  Danjouan  (Seine-et-Oise). 

1830.  Jovinus  :  Saint-Jouin  (Galvados,  Ille-et-Vilaine,  Indre- 
et-Loii'e,  Orne,  Seine-Inférieure,  Deux-Sèvres),  Saint-Jouvin 
(Manche),  Saint- Juvin  (.\rdennes),  et  peut-être  Saint-Juin  (Lot- 
et-Garonne).    —  Domnus  J.  :  Domjevin  (Meurthe-et-Moselle). 

1831.  Judo  eus,  prince  breton  :  Saint-Judoce  (Côtes-du- 
Nord),  Saint-Josse  (Pas-de-Calais)  ;  ces  deux  formes  donniMit 
lieu  de  supposer  une  variante  Judocius. 

1832.  Julianus  :  Saint-Julien  ;  —  Saint- Juillen  .Alpes- 
Maritimes),  Saint-Julia  (Aude.  Haute-Garonne).  —  Domnus 
J.  :  Domjulien  f Vosges). 

1833.  .lulitta,  mère  de  saint  Cyv.  et  martyrisée  avec  lui  sous 


426  LES    >'OMS    DE    LIEU 

Dioclétien  :  Sainte -Juliette  (Aveyroa,  Indre-et-Loire,  Tarn-et- 
Garonne),  forme  refaite  à  la  manière  dun  diminutif  de  Julie  : 
Julitta  eût  donné  Julette. 

1834.  Junianus  :  Saint-Junien  (Creuse,  Haute-Vienne). 

1835.  Justinus  :  Saint-Justin  (Gers,  Landes).  Domnus  J.  : 
Danjoutin  (territoire  de  Belfort). 

1836.  Justus  :   Saint-Just,  prononcé  Saint-Ju. 

1837.  Lactantianus  :  Saint-Lactencin  (Indre). 

1838.  Laetus  :  Saint-Lié  (Marne),  Saint-Lyé  (Loiret),  mais 
non  pas  (cf.  ci-après,  n^  1848)  Saini-Lyé  (Aube). 

1839.  La  ma  nus  :  Saint-Lamain  (Jura). 

1840.  Landbertus  :  Saint -Lambert  (Aisne,  Ardennes, 
Bouches-du-Rhône,  Calvados,  Côtes-du-Nord,  Eure,  Gironde, 
Maine-et-Loire,  Orne,  Seine-et-Oise,  Vaucluse). 

1841.  Laudus,  primitivement  Lauto  :  Saint-Lo  (Manche, 
Somme)  et  son  diminutif  Saint-Louet  (voir  ci-dessus,  n°  1535), 
tardivement  latinisé  Sanctus  Laudulus;  —  Saint-Lot  (F.ure- 
et-Loir),  mais  non  (cf.  ci-dessus,  n**  1709)  Saint-Lot  [Aisne)  ;  — 
la  CAa/:»e^/e-Saint-Laud  (Maine-et-Loire). 

1842.  Launoyisilus  :    Saint-Longis  (Sarthe),   Saint-Langis 

(Orne  i. 

1843.  Launomarus  :  le  Pas-Saint-LHomer  (Orne),  et  peut- 
être  Saint-Léomer  (Vienne).  —  Beatus  L.  :  Belhomert  (cf.  ci- 
dessus,  n"  1523). 

1844.  Launus  :  Saint-Laon  (Vienne)  ;  à  Thouars  (Deux- 
Sèvres),  ce  saint  a  été  confondu  avec  saint  Lo. 

1845.  Laurus  :  Saint-Laurs  (Deux -Sèvres),  Saint- Laure 
/Puy-de-Dôme). 

1846.  Lau tenus  :  Saint- Lothain  (Jura). 

1847.  Lazarus.  —  Les  noms  de  lieu  se  rapportant  au  culte 
de  saint  Lazare,  ressuscité  par  Jésus,  et  confondu  avec  le  men- 
diant de  la  parabole  du  Mauvais  Riche,  ont  été  déjà  passés  en 
revue  (n*"*  1482-1484  ;  on  [jouvait  y  joindre  Saint-Laze,  nom  dési- 
f^nant  l'emplacement  de  l'ancienne  léproserie  de  Sommières 
(Gard). 

1848.  Léo  :  Saint-Léon  (Allier,  Aveyron,  Côte.s-du-Nord, 
Dordoj^ne,  Haute-Garonne,  Girojide,  Indre,  Lot-et-Garonne, 
n;iss"s-PyrtMiées,  Tarn),  Saint-Lyé  (.\ube). 

1849.  Leobinus,   évêcpu-   de    C^liai'tres  au   vT'   siècle   :    Saint" 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUKS    :    LEOBIXUS  427 

Lubin  ((]otes-du-Norcl.  Eure,  Eure-et-Loir,  Loir-et-Cher,  Seine- 
et-Oise). 

1850.  Leodeg-arius  :  Saint-Léger:  —  Saint-Lager  (Ardèche^ 
Rhône),  Saint-Ligaire  Vieunei.  Saint-Liguaire  Deux-Sèvres). 
—  Domnus  L.  :  Domléger  (Somme;,  Dampléger  (Seine-et- 
Marne). 

1851.  Leonardus  :  Saint-Léonard,  forme  savante,  la  forme 
populaire  de  Leonardus  étant  IJénard. 

1852.  Leonius  :  Saint-Liesne  (Seine-et-Marne).  —  Le  nom 
de  famille  Lioine  se  rencontre  dans  la  région  de  Sézanne. 

1853.  Leonorius,  évêque  breton  du  vi''  siècle  :  Saint-Lunaire 
(Ille-et- Vilaine). 

1854.  Leontius  :  Saint-Léonce  (Tarn),  Saint-Lions  (Basses- 
Alpes),  Saint-Léon-swr-Fe:;^re  i Dordogne).    Saint-Lieux  (Tarn). 

1855.  Leopardinus  :  Saint-Léopardin  (Allier). 

1856.  Leofarius  :  Saint-Nauphary  (Tarn-et-Garonne). 

1857.  Leporius  :  Saint-Loubouer  (Landes). 

1858.  Leutfredus  :  la  C/-oi.r-Saint-Leufroy  (Eure),  V HôpUal- 
Saint-Lieffroy  (Doubs). 

1859.  Leudomirus  :  Saint-Lumier  (Marne). 

1860.  Leudovinus  :  Saint-Llévin  (Nord,  Pas-de-Calais). 

1861.  Liberata  :  Sainte-Livrade  (Haute-Garonne,  Lot-et- 
Garonne,  Tarn-et-Garonne). 

1862.  Libéria,  peut-être  à  Torigine  Leobaria  :  Sainte- 
Livière  (Marne),  Sainte-Libaire  (Meurthe -et -Moselle],  Sainte- 
Libère  (Meuse),  Co/u/e -  Sainte -Libiaire  (Seine-et-Marne  j.  — 
Domna  L.   :  Damelevières  (Meurthe-et-Moselle). 

1863.  Licinia  :  Sainte-Lizaigne  (Indre). 

1864.  Licinius  :  Saint-Lézin  (Maine-et-Loire). 

1865.  Lifardus,  honoré  à  Meung-sur-Loire  :  Saint-Lyphard 
(Loire-Inférieure). 

1866.  Lotharius,  évêque  de  Sées  au  vin''  siècle  :  Saint-Loyer 
(Orne). 

1867.  Lucas,  l'évangéliste  saint  Luc  :  Saint-Luc  Eure, 
Hautes-Pyrénées),  la  r;Aa/)e//e-Saint-Luc  (Aube). 

1868.  Lucia  :  Sainte-Lucie  Aude,  Drôme,  Lozère,  Meuse, 
Morbihan)  et,  forme  plus  régulière,  Sainte-Luce  (Dordogne, 
Gironde,    Isère,  Loire-Inférieure,  Oise,  Tarn). 

1869.  Lucianus   :   Saint-Lucien  (Eure-et-Loir,   Oise,  Seine- 


i28  LES    NOMS    DE    LIKU 

Inférieure/,  mais   non    (cf.  ci-après,    n"   1872)    Saint-Lucien,   en 
Rezé  (Loire-Inférieure). 

1870.  Lupentius,  abbé  du  Gévaudan,  qui  périt  en  Cham- 
pag^ne.  vers  la  fin  du  vi*"  siècle,  victime  des  intrigues  de  Bru- 
nehaiit  :  Saint-Louvent  '  (Mamei,  et,  s'il  faut  en  croire  un  pouillé 
du  xvin^  siècle,  Saint-Lupien  (.\ube)  ;  Saint-Louand  (Indre-et- 
Loire).  —  Domnus  L.  :  Doulevant  (Haute-Marne). 

1871.  Lupercius  :  Saint-Loubert  (Gironde),  Saint-Loubergt 
(Gironde),  Saint-Loubès  (Gironde),  et,  a.ssure-t-on,  Saint-Loube 
(Gers).  —  Saint-Luperce  (Eure-et-Loir)  est  une  forme  savante, 
car  dans  une  forme  populaire,  le  p  du  latin  serait  devenu  v, 
témoin  le  nom  deLouvercy  (Marne),  au  ix''  siècle  Luperciacum. 

1872.  Lupianus  :  Saint-Lucien,  chapelle  en  Rezé  (Loire- 
Inférieure)  ;  à  une  forme  telle  que  Luchain,  une  fausse  interpré- 
tation aura  fait  substituer  Lucien,  nom  d'un  usage  courant. 

1873.  Lupus  :  Saint-Loup  ;  —  Saint-Leu  (Oise,  Pas-de-Calais, 
(Saône-et-Loire,  Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise).  —  Domnus 
L.  :  Damloup  (Meuse),  Domioup  (Ille-et- Vilaine),  Dampleux 
(Aisne);  le  -6ois-Danloup,  au  territoire  d'Ourouer  (Nièvre)  est 
appelé  en  1266  nemusde  Sancto  Lupo. 

1874.  Macarius  :  Saint-Macaire  (Haute-Garonne,  Gironde, 
Hérault,  Maine-et-Loire),  Saint-Macary  (Bouches-du-Rhône). 

1875.  Maclovius,  évèque  d'AIeth  au  vi«  siècle  :  Saint-Malo 
(Ille-et- Vilaine.  Loire-Inférieure,  Manche,  Morbihan,  Nièvre, 
Orne,  Vendée),  Saint-Maclou  (Calvados,  Eure,  Seine-Inférieure), 
Saint-Malon  (lUe-et-Vilaine)  ;  le  vocable  Saint-Maclou  résulte 
parfois  d'une  confusion  (cf.  ci-après,  n"  1877). 

1876.  Macrinus  :  Saint-Maigrin  (Cliarente-Inférieure). 

1877.  Ma  cul  fus,  alti'ré  en  Macutus,  honoré  à  Ars  au  dio- 
cèse de  Saintes  :  Saint-Macoux  (Vienne).  C'est  sous  l'invocation 
de  ce  saint  qu'était,  en  réalité,  placée  l'église  Saint-Maclou  de 
Mantes  ;  et  le  nom  de  l'église  Saint-Maclou  de  Bar-sur-Aube  a 
été  latinisé  Sanctus  Macutus. 

1878.  Madalgisilus  :  Saint-Mauguille  (Somme). 

1879.  Madalvcus  :  Saint-Maulvis  i  Somme). 


i.  On  ira|)('r<;<)il  .uK'iitKMiU'iil  l.-i  i-aison  pDiir  l.nnicllt'  le  /)irli(niii:iirt' 
li>p(};/rni>hif/iie  de  l.i  M(miso  désii^iie  sons  ce  nom  l:i  friinc  il(>  l.onvcnl, 
silui'G  an  Icniloirt;  (Je  l'iesnes-au-Mont. 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    MAGDALEXA  429 

1880.  Magdalena,  surnom  de  lune  des  trois  Marie  de 
l'Évangile,  native  de  Magdala  :  la  Madeleine,  la  Madelaine,  par- 
fois sans  article  ;  —  la  Magdeleine  (Charente),  la  Magdelaine 
(Alpes-Maritimes,  Savoie;,  Sainte-Madeleine  (Haute-Garonne). 
—  C'est  à  une  église  placée  sous  l'invocation  de  sainte  Marie- 
Madeleine  que  doit  son  origine  Mont-Notre-Dame  (Aisne)  ;  mais 
dans  l'expression  Mons  béate  Marie  Magdalene,  le  dernier 
terme  étant  tombé  de  bonne  heure  en  désuétude,  Béate  Marie, 
désormais  mal  compris,  fut  rendu  par  Notre-Dame. 

1881.  Maglorius,  évêque  breton  :  Saint-Magloire  (Seine-et- 
Oise). 

1882.  Magnentia  :  Sainte-Magnance  (Yonne). 

1883.  Magnus  :  Saint-Magne  (Gironde). 

1884.  Mamertus  :  Saint-Mamert  (Eure,  Eure-et-Loir, 
Gard,  Isère,  Morbihan,  Rhône). 

1885.  Mammes  :  Saint-Mammès  (Seine-et-Marne),  Saint- 
Mamest  (Dordogne),  Saint-Mamet  (Allier,  Cantal,  Haute- 
Garonnej,  et  peut-être  Saint-Mamans  (Drôme),  ecclesia  Sancti 
Mamatis  en  1196. 

1886.  Mandrarius  :  Saint-Mandrier  ('V^ar) . 

1887.  Manehildis  :  Sainte-Menehould  (Marne),  prononcé 
Sainte-Menou. 

1888.  Mansuetus  :  Saint-Mansuy  (Meurthe-et-Moselle). 

1889.  Manveus  :  Saint-Manvieu  (Calvados). 

1890.  Marcellinus  :  Saint-Marcellin  (Basses-Alpes,  flautes- 
Alpes,  Ille-et- Vilaine,  Isèie,  Loire,  Saône-et-Loire,  Var,  Vau- 
cluse). 

1891.  Marcellus  :  Saint- Marcel  ;  —  Saint-Marceau  (Ar- 
dennes,  Loiret,  Sarthe),  et,  dans  une  région  où  castellum  a 
donné  castet,  Saint-Marcet  (Haute-Garonne). 

1892.  Marciana  :  Sainte-Martianne  (Tarn). 

1893.  Marculfus  :  Saint-Marcouf  i  Calvados,  Manche). 

1894.  Maicus  :  Saint-Marc,  que  la  prononciation  peut  avoir 
confondu  avec  Saint-Mard  (voir  ci-après,  n"  1918V  —  Dans  le 
département  de  la  Mayenne,  Saint-Mars-SUr-Colniont  et  Saint- 
Mars-sur-la-Fiitaie  sont  appelés,  le  premier  Sanctus  Marchus 
vers  1200,  le  second  Sanctus  Medardus  super  Fustayam  en 
922.  — Saint-Max  (Meurthe-et-Moselle),  prononcé  .Sam/-.l/à,  est 
appeli';  Sanctus  Marcus  dans  un  pouillé  de  1402. 


430  LES    NOMS    Dli    LIEU 

1895.  Marg^arita  (cf.  ci-dessus,  n"  1556)  :  Sainte-Marguerite. 

1896.  Maria,  la  Vierge,  mère  du  Sauveur  :  Sainte-Marie  ;  — 
Sainte-Mère-Eglise  (Manche),  Sanctae  Mariae  ecclesia.  — 
Domna  M.  :  Dommarie  (^ Meurthe-et-Moselle),  Dommary 
(Meuse),  Damemarie  (Eure,  Indre-et-Loire,  Orne),  Dammarie 
(Eure-et-Loir,  Loiret,  Meuse,  Seine-et-Marne),  Donnemarie 
(Haute-Marne,  Seine-et-Marne),  Dannemarie  (Doubs,  Seine-et- 
Oise)  ;  on  a  vu  (n°  1407)  que  Dannemarie  est  aussi  le  nom  d'une 
commune  du  Haut-Rhin,  appelée  en  allemand  Dammerkirch. 
Domnae  Mariae  ecclesia.  —  Très  fréquemment,  dans  les 
textes  latins  du  moyen-âge,  Sa  ne  ta  ^Slaria  ou  Beata  Maria 
traduit  l'expression  Notre-Dame  ;  mais  en  ce  qui  concerne  la 
réciproque,  on  sait  (cf.  ci-dessus,  n°  1880)  que  le  nom  de  Mont- 
Notre-Dame  (Aisne),  n'a  pas  trait  au  culte  de  la  Mère  du  Christ. 

1897.  M  aria  nus  :  Saint-Marien  (Creuse),  Saint-Mariens 
(Gironde).    —  Domnus  M.   :  Dommarien  (Haute-Marne). 

1898.  Marina  :  Sainte-Marine  (Finistère). 

1899.  Marinus  :  Saint-Marin  (^ Indre). 

1900.  Marins  :  Saint-Mary  (Cantal,  Charente),  Saint-Maire, 
église  à  Lausanne  ;  Saint-May  (Drôme). 

1901.  Martialis,  fondateur  de  l'église  de  Limoges  :  Saint- 
Martial  (Ardèche,  x\veyron.  Cantal,  Charente,  Charente-Infé- 
rieure, Corrèze,  Creuse,  Dordogne,  Gard,  Haute- Garonne, 
Gironde.  Hérault,  Lot,  Tarn,  Tarn-et-Garonne,  Vienne,  Haute- 
Vienne  j,  Saint-Marsault  (Deux-Sèvres).  Saint-Marsal  (Pyrénées- 
Orientales). 

1902.  Martinus,  l'apôtre  des  Gaules  :  Saint-Martin,  à  coup 
sur  le  j)lus  répandu  en  France  des  noms  de  litu  se  rapportant  au 
culte  des  saints.  —  Domnus  M.  :  Dommartin  (Ain,  Aube, 
Doubs,  Marne,  Haute- Marne,  Meurthe-et-Moselle,  Meuse, 
Nièvre,  Pas-de-Calais,  Rhône,  Saône-et-Loire,  Somme,  Vosges), 
Dammartin  i  Doubs,  Jura,  Haute-Marne,  Seine-et-Marne,  Seine- 
et-Oisej  ;  —  Domni  M.  mons  :  Dommartemont  i  Meuillie-et- 
Mf)selle).  nom  (|ui  foinnit  un  double  cxemph'  d'assourdissement 
du  son  nasal  devant  une  m  (cf.  ci-ilessus,  n"  1525). 

1903.  Martius,  abbc  en  .Vuvergne  au  vi'  sièch>  :  Saint-Mart, 
pics  Pioyat  (Puy-de-Dôme). 

1904.  Martyrius  :  Saint-Martory  i  Haute-Garonne). 

1905.  Mascilius  :  Saint-Maxire  (Deux-Sèvres). 


OKlGliMiS    ECCLÉSIASTIQUKS    :    MATTHAEIJS  43i 

1906.  Matthaeus,  réduit  parfois  à  M  a  te  us  :  Saint-Mathieu 
{Côtes-du-Nord,  Finistère,  Hérault,  Morbihan,  Haute- Vienne), 
Saint-Mahé  (Finistère),  Saint-Macé  (Maine-et-Loire);  l'égUse 
Saint-Mathieu  de  Moidaix  (Finistère)  est  appelée  dans  un  compte 
rendu  au  chapitre  de  Trég^uier  en  14(J1,  Saint-Mahé. 

1907.  M  a  tu  ri  nus  :  Saint-Mathurin  (Côtes-du-Nord,  Cor- 
rèze,  Maine-et-Loire,  Vendée). 

1908.  Maudetus,  solitaire  breton  du  vi^  siècle  ayant  vécu  au 
pays  de  Trég-uier,  et  dont  les  reliques  furent,  au  ix®  siècle, 
transportées  dans  l'intérieur  de  la  France  :  Saint-Maudez  (Côtes- 
du-Nord,  Finistère),  et,  par  une  altération  graphique,  Saint-Man- 
dez  (Côtes-du-Nord),  Saint-Mandé  (Charente-Inférieure,  Côtes- 
du-Nord,  Loir-et-Cher,  Morbihan,  Pu^^-de-Dôme ,  Seine, 
Vienne).  —  La  chapelle  de  Saint-Mandé,  au  territoire  de  Mou- 
terre-Silly  (Vienne),  est  désig'née,  dans  un  pouillé  composé  au 
début  du  xiv"  siècle,  par  les  mots  capellania  San  cti  Malde  ti, 
dont  le  dernier  semble  attester  que  la  forme  Mandé  était  encore 
en  usage. 

1909.  M  aura  :  Sainte-Maure  (Aube,  Indre-et-Loire,  Lot-et- 
Garonne). 

1910.  Maurilius,  évêque  d'Angers  au  v*"  siècle  :  Saint-Mau- 
rille,  Saint-Moreil  (Creuse),  et,  par"  l'effet  de  la  déclinaison 
imparisyllabique  usitée  à  l'époque  franque,  Saint-Morillon 
(Gironde). 

1911.  Maurinus  :  Saint-Maurin  (Lot-et-Garonne,  Var,  Vau- 
cluse). 

1912.  Mauritius,  n^artyr  de  la  Légion  thébaine  :  Saint-Mau- 
rice,  forme  savante  substituée  plus  ou  moins  tardivement  à 
diverses  formes  populaires,  Saint-Maurice  de  Beynost  (Ain), 
par  exemple,  ayant  été  appelé,  vers  1320,  Saint  Mûris  ;  — 
Saint-Mury  (Drôme,  Isère),  Saint-Morezi  (Dordo^ne). 

1913.  Maurus  :  Saint-Maur  (Calvados,  Cher,  Eure-et-Loir, 
Gers,  Indre,  Jura,  Maine-et-Loire,  Meurthe,  Oise,  Seine,  Seine- 
Inférieure). 

1914.  Maxentia  :  Po/î/-Sainte-Maxence  (Oise). 

1915.  Maxentius  :  Saint-Maixant  (Creuse,  Gironde),  Saint- 
Maixent  ((Charente,  Charente-Inférieure,  Sarthe,  Deux-Sèvres, 
Vendée),  Saint-Maxent  (Somme),  Saint-Mexant  (Corrèze).  —  Il 
est  possible  que  Saint-Naixenl  (Dordogne)  résulte  d'une  altération 
semblable  à  celle  qui  de  mappa  a   fait   nappe  \    on   est  toutefois 


i32  LES    NOMS    DE    LIEU 

en  droit  de  faire  état  de  la  forme  Sanctus  Xascentius,   qu'on 
rencontre  en  1295. 

1916.  Ma  xi  minus  :  Saint-Maximin  (Gard,  Isère,  Oise,  Var), 
Saint-Mesmin  ^Gôte-dOr,  Loiret,  Deux-Sèvres.  Vendée),  Saillt- 
Méinin  (Dordogne),  Saint-Mémy  Tarn).  —  Saint-Même  (Loire- 
Inférieure)  était  une  possession  de  labbaye  de  Saint-Mesmin  de 
Micy,  près  Orléans.  —  Saiiit-Mesryiin  (Aube)  est  dune  origine 
différente  (voir  ci-après,  n"  1923). 

1917.  Maxim  us  :  Saint-Maxime  Var),  Saint-Maime  ,  Basses- 
Alpes),  Saint-Maïmes  (Vari,  Saint-Maixme  (Eure-et-Loir),  Saint- 
Mayme  ^  Aveyron,  Dordogne),  Saint-Mesmes  Seine-et-Marne), 
Saint-Même  {Charente,  Charente-Inférieure,  Savoie).  —  L'/u  de 
la  dernière  syllabe  a  parfois  disparu,  témoin  les  noms  Saint- 
Masse  A'ar),  Saint-Maxe,  ancienne  collégiale  à  Bar-le-Duc, 
Saint-Mauxe  (Eure).  —  II  serait  risqué  de  rapporter  à  S.  Maxi- 
mus  Saint-Masmes  (Marne),  qu'un  texte  de  1209  appelle  Sanc- 
tus Mammius. 

1918.  Medardus,  évèque  de  Xoyon  au  vi"  siècle  :  Saint- 
Médard  :  —  Saint-Méard  (Dordogne,  Haute-Vienne  j ,  Saint- 
Mard  (Aisne,  Charente- Inférieure,  Marne,  Meurthe-et-Moselle, 
Oise,  Orne,  Saùne-et-Loire,  Seine-et-Marne,  Vendée),  Saint- 
Mards  (Aube,  Eure,  Seine-Inférieure i,  Saint-Mars  (Eure,  Loire- 
Inférieure.  Maine-et-Loire,  Mayenne  —  voir  ci-dessus,  n°  1894 
—  Orne,  Sarthe.  Seine-et-Marne,  Vendée),  Cinq-Mars  voir 
ci-dessus,  n*'  1554..  Saint-Merd  (Corrèze,  Creuse),  Saint-Mézard 
(Gers).  —  Do  m  nus  M.  :  Domart  (Somme),  Dammard  (Aisne), 
Dampmart  (Seine-et-Marne)  '. 

1919.  Medericiis  :  Saint-Méry  (Seine-et-Marne);  l'église 
Saint-Merry,  à  Paris,  a  été  appelée,  par  réaction.  Saint-Médéric 

1920.  Medulfus   :  Saint-Molf    Loire-Inférieure),   Saint-Myon 
Liiy-de-Dome). 

1921.  Melanius,  évèque  de  Rennes  au  vT'  siècle  :  Saint- 
Melaine  (Calvados,  Ille-et-\'ilaine,  Maine-et-Loire,  N'endée). 
Saint-Melain  Eure  ,  Saint-Meslin  (Eure),  Saint-Mélan  (Mor- 
bihan;. Saint-Mélany    Ardeche/. 

1922.  Mcnuiiiiis.  prcmiei- évèque  de  Châlons  :  Saint-Memmie 
(Marnej;  —  Saint-Menges      .Vrdennes),  Saint-Menge  '  (Vosges). 

1.  Damas  {\'osf,'es  . 

2,  .\  |)  u  (I  .s.-inctuin  .M  f  m  m  i  n  m,  au  xii'' siècle  y^Uo/*. '/c/v/i.,  .Sc/v/j/.,  .\II, 
342). 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    I    MEMORIUS  433 

1923.  Memoi-ius  :  Saint-Mesmin  (Aube^,  nom  dont  le  second 
terme  est  écrit,  en  1291.  Mirnmy,  les  formes  intermédiaires 
avant  été  vraisemblablement  Memuir  et  Memui  ;  le  son  nasal 
résulte  d'un  phénomène  assez  fréquent  dans  la  région  champe- 
noise, où  il  paraît  que  Valmy  sest  dit  vers  1274  Walemain,  et 
où  x\conin  et  Saconin  (Aisne)  répondent  peut-être  à  des  primitifs 
en  -iacus. 

1924.  Menulfus,  plus  anciennement  Mainulfus  :  Saint- 
Menoux  (Allier). 

1925.  Merulfus  :  Saint-Méru  ou  Saint-Méry  (Vienne). 

1926.  Mevennus  :  Saint-Méen  (Gôtes-du-Nord,  Finistère, 
lUe-et- Vilaine,  Morbihan),  prononcé  Saint-Min. 

1927.  Michael  :  Saint-Michel:  —  Salnt-Mihiel  (Meuse).  — 
La  forme  vulg-aire  de  Michael  est  Michau  ;  on  se  gardera  d'en 
rapprocher  le  nom  Saint-Micaud,  porté  par  une  commune  en 
Saône-et-Loire,  c'est-à-dire  dans  une  région  où  le  c  dur  serait 
inexplicable  :  d'ailleurs  aucun  texte  du  moyen-àge  n'ayant  été 
recueilli  sur  cette  localité,  dont  l'église  est  sous  le  vocable  de 
Saint-Pierre,  on  ignore  ce  qu'il  faut  entendre  par  Saint-Micaud. 

1928.  Mitrias,  confesseur  à  Aix-en-Provence  :  Saint-Mitre 
(Bouches-du-Rhône,  Var). 

1929.  Modéra mnus  :  Saint-Moran  (Ule-et- Vilaine),  Saint- 
Morand  (Haut-Rhin). 

1930.  Modéra  tus  :  Saint-Moré  (Yonne). 

1931.  Montana:  Sainte-Montaine  (Cher). 

1932.  Mon  ta  nu  s.  ermite  en  Vivarais  :  Saint -Montant 
(Ardèche). 

1933.  Mummolenus,  évêque  de  Noyon  et  Tournai  au 
vu''  siècle  :  Saint-Momelin  (Nord,  Pas-de-Calais). 

1934.  Mummolus  :  Saint-Momble  (AisneV  —  Le  nom  de 
Villeinomhlc    (Seine)   est  formé  de  même  sur  Villa  Mumn\oli. 

1935.  Mundana  :   Sainte-Mondane  (l)ordogne^. 

1936.  Naamalius  :  Saint-Naamas  (  Aveyron  ). 

1937.  Nabor  :  Saint-Nabor  (  Bas-Rhin  i.  Saint-Nabord  lAube, 
Vosges),  et,  Vn  initiale  ayant  été  absorbée  par  le  son  nasal  du 
mot.sam/,  Saînt-Avold  (Moselle),  prononcé  5am/-.4ud. 

1938.  Natalena  :  Sainte-NathalèiiB  (Dordogne). 

1939.  Natalis  :  Saint-Nadeau    Charente-Inférieure). 

1940.  Xazarius  :  Saint-Nazaire. 

Les  noms  de  lien.  '■^^ 


434  LES    NOMS    DE    LIEU 

1941.  Nectarius  :  Saint-Nectaire  (Puy-de-Dôme;  cf.  ci-des- 
sus, n<>  1548). 

1942.  Neomadia  :  Sainte-Néomaye  (Deux-Sèvres). 

1943.  Nicasius  :  Saint-Nicaise. 

1944.  Nicetius  :  Saint-Nizier  (Ain,  Isère,  Loire,  Rhône, 
Saône-et-Loire),  forme  populaire,  qui  serait  écrite  plus  correcte- 
ment Saint-Xiziès. 

1945.  Xummius  :  Saint-Nom  (Seine-et-Oise). 

1946.  011a  :  Sainte-Olle  (Nord). 

1947.  Orientius,  évêque  d'Auch  au  v<=  siècle  :  Saint-Orens 
(Haute-Garonne,  Gers,  Landes,  Lot-et-Garonne),  Saint-Ourens 
(Gironde,  Lot-et-Garonne)  ;  —  17///e/-s-Saint-0rien  (Eure-et- 
Loir). 

1948.  Ortharius  :  Saint-Orthaire  (Manche). 

1949.  Osmanna  :  Sainte-Osmane  (Sarthe). 

1950.  Ostianus  ou  Hostianus  :  Saint-Hostien  (Haute- 
Loire). 

1951.  Osvinus  :   Saint-Ovin  (Alanche). 

1952.  Othildis,  réduit  à  Ohildis  :  Sainte-Hoïlde  (Meuse), 
qu'on  appelle  aussi  Sainte-Hould. 

1953.  Othilia  :  Sainte-Odile  (Vosges). 

1954.  Paduinus  :   Saint-Pavin  (Orne,  Sarthe). 

1955.  Palladia  :  Sainte-Pallaye  (Orne). 

1956.  Palladius  :  Saint-Palais  (Allier,  Charente,  Charente- 
Inférieure,  Gironde,  Basses-Pyrénées),  Saint-Palavy  (Lot). 

1957.  Pancratius  :  Saint-Pancrace  (Basses-Alpes,  Hautes- 
Alpes,  Alpes-Maritimes,  Dordogne,  Gard,  Meurthe-et-Moselle, 
Vaucluse),  Saint-Pancrasse  (Isère),  Saint-Pancré  (Meurthe-et- 
Moselle),  et,  semblant  indiquer  une  forme  basse  Prancatius, 
Saint-Prancher  (Vos^^es),  Saint-Planchers  (Manche),  Saint- 
Brancher  Saône-et-Loire,  Yonne;,  ainsi  que.  selon  toute  proba- 
bilité, Saint-Plancard  (Haute-Garonne),  Saint-Blancard  (Gers), 
Saint-Blanquat  !  Ariègej.  Saint-Brancaï  <  Aliics-iMaritimes). 

1958.  Pantaleo  :  Saint-Pantaléon  (Corrèze,  Drôme,  Lot. 
Haute-Marne,  Saône-et-Loire,  Tarn,  Vaucluse),  Saint-Pandelon 
(Landesj,  Saint-Pantaly    Dordoi^ne)  '. 

1959.  Papulus  :  Saint-Papoul  (.\ude,  Haute-Garonne),  qui 
était  sans  doute  à  lOrif^inc,  comme  le  nom  latin,  accentué  sur  1  .i. 

1.    Saint-Plantaire   (liirlrc  .<•(•(•  le  si. t    sducli    l':in  l  Im  loonis  en  1212. 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :     PARDULFUS  435 

1960.  Pardulfus,  abbé  de  Guéret,  mort  vers  737  :  Saint- 
Pardoux  (Allier,  Corrèze,  Creuse,  Dordogne,  Gironde,  Lot-et- 
Garonne,  Puy-de-Dôme,  Deux-Sèvres,  Haute-Vienne),  Saint- 
Pardoult  (Charente-Inférieure),  Saint-Perdoux  (Dordogne,  Lot, 
Tarn),  Saint-Pardon  (Gironde,  Lot-et-Garonne:  cf.  ci-dessus, 
no  1144)^  Saint-Perdon  (Landes,  Lot-et-Garonne). 

1961.  Parthenius  :  Saint-Parthem  (Aveyron). 

1962.  Pastor  :  Saint-Pastour  (Lot-et-Garonne,  Var),  Saint- 
PastOUS  (Hautes-Pyrénées). 

1963.  Paternus  :  Saint-Paterne  (Côtes-du-Nord,  Indre, 
Indre-et-Loire,  Morbihan,  Oise,  Sarthe),  Saint-Pater  (Sarthe), 
Saint-Paër  (Eure,  Seine- Inférieure),  Saint-Pair  (Calvados, 
Manche),  Saint-Pois  (Manchej,  Saint-Poix  (Mayenne),  Saint- 
Pern  (Ille-et- Vilaine). 

1964.  Patricius  :  Saint-Patrice  (Indre-et-Loire,  Manche, 
Orne),  Saint-Patris  (Côtes-du-Nord),  Saint-Parize  (Nièvre). 

1965.  Patrocles  ou  Patroclus  :  Saint-Parres  (Aube). 

1966.  Patuscius,  chanoine  de  Meaux  vers  le  vi*^  siècle  : 
Saint-Pathus  (Seine-et-Marne) . 

1967.  Pau  la  :  Sainte-Paule  (Rhône),  Sainte-Pôle  (Meurthe- 
et-Moselle). 

1968.  Paulianus  :  Saint-Paulien  (Haute-Loire). 

1969.  Paulus  :  Saint-Paul  ;  —  Saint-Pol  (Finistère,  Nord, 
Pas-de-Calais)  et  le  diminutif  Saint-Paulet  (voir  ci-dessus, 
n**  1535).  —  Les  noms  de  Lamhallc  et  de  Lampaul,  en  Bretagne 
(cf.  ci-dessus,  n°  1316)  sont  dus  au  culte  de  saint  Paul,  évêque 
de  Léon. 

1970.  Pavatius  :  Saint-Pavace  (Sarthe). 

1971.  Paxentius  :  Saint-Paixant  (Vienne).  —  La  Mothe- 
Montravel  (Dordogne)  s'est  jadis  appelée  la  Mot he-^aint-Faixent. 

1972.  Pecinna  :  Sainte-Pécinne,  chapelle  à  Saint-Quentin 
(Deux-Sèvres),  Sainte-Pazanne   (Loire-Inférieure). 

1973.  Peregrinus  :  Saint-Pellerin  (Eure-et-Loir,  Manche), 
Saint-Pérégrin  (Haute-Marne). 

1974.  Petrocus  :  Saint-Perreux  (Morbihan). 

1975.  Petronilla  :  Sainte-Pétronille  (Gironde).  —  On  attri- 
bue la  même  origine  à  Sainte-Périne  (Oise),  qui  paraît  représen- 
ter plutôt  un  autre  dérivé  féminin  de  Petrus,  Pétri na. 

1976.  Petrus:   Saint- Pierre  ;  —  Saint-Père  (Ille-et- Vihiine, 


436  LES  NOMS  dl;  lieu 

Loire-Inférieure,  Loiret,  Nièvre,  Sarthe.  Seine-et-Oise,  Vendée, 
Yonne)  —  à  Chartres  s'élevait  la  célèbre  abbave  de  Saint-Père- 
en-Vallée,  et,  à  Paris,  la  rue  des  Saints-Pères  rappelle,  en  Talté- 
rant,  le  nom  de  la  chapelle  Saint-Pierre,  dont  l'emplacement  est 
actuellement  occupé  par  l'hôpital  de  la  Charité  '  —  Saint-Peyre 
(Alpes-Maritimes,  Hérault,  Lot,  Var,  Vaucluse),  Saint-Pey 
(Gironde),  Saint-Pé  (Haute-Garonne,  Gers,  Landes,  Lot-et-Ga- 
ronne, Basses-Pyrénées,  Hautes-Pyrénées  i.  —  Saint-Peyret 
(Vaucluse)  est  un  diminutif  de  Sainù-Pei/re.  —  On  a  vu  précé- 
demment !n°*  1532-1534)  des  noms  de  lieu  dont  le  thème  éty- 
mologique présente  Sanctus  P.  en  combinaison.  —  Domnus 
P.  :  Dompierre  (Ain,  Allier,  Charente-Inférieure,  Côte-dOr, 
Doubs,  lUe-et- Vilaine,  Jura,  Meurthe-et-Moselle,  Meuse,  Nièvre, 
Nord,  Oise,  Orne,  Saône-et-Loire,  Somme,  Vendée,  Haute- 
Vienne,  Vosges),  Dampierre  (Aube,  Calvados,  Charente-Infé- 
rieure, Cher,  Côte-d'Or,  Doubs,  Eure-et-Loir,  Indre,  Jura,  Loiret, 
Maine-et-Loire,  Marne.  Haute-Marne.  Nièvre,  Haute-Saône, 
Saône-et-Loire,  Seine-Inférieure,  Seine-et-Oise)  -'.  —  Le  nom  de 
Domprot  (Marne),  dont  Téglise  est  dédiée  à  saint  Pierre,  doit 
s'interpréter  <(   Dompierre-le-Petit  ». 

1977.  Petrusius  :  Sainte-Péreuse,  par  changement  de  genre 
(cf.  ci-dessus,  n°  1543). 

1978.  Pharetrius  :  Saint-Phalier  (Cher,  Indre),  Saint-Phal- 
lier  ;Seine-et-Oise),  par  substitution  de  liquide. 

1979.  Pientia  :  Sainte-Pience  (Manche). 

1980.  Placidius  :  Saint-Plaisir  (Allier),  dont  1'/-  finale  est 
parasite. 

1981.  Pompouia  :  Saiiite-Pompoigne,  nom  porté  jusqu'à  la 
Révolution  par  la  commune  de  Poinpogne  (Lot-et-Garonne)^. 

1.  A  Moiilreuil  (Seine)  les  rues  rlo  Homainvillc  el  Danton,  voisines  de 
l'éplisc  paroissiale  Sam^-PiVTre-et-Sainl-l'anl,  étaient  appelées,  antérieiire- 
mentà  1882,  la  première,  rue  Basse-Saint-Père,  la  seconde,  rue//au<e-Saint- 
Père. 

2.  A  ces  noms  Lonf^^non  ajoiilait  celui  de  iJoinimire  (Vosges)  ;  nous  faisons 
observer  que  les  textes  latins  —  on  en  a  depuis  le  xii"  siècle  —  ne  tra- 
duisenl  jamais  ce  nom  |)ar  Dom  nus  Pet  r  u  s,  el  (\ue  réglisc  du  lieu  a  pour 
[)atron  saint  Nicolas.  (>elte  église  était  primitivement  annexe  de  celle  de 
Laviéville,  dédiée  à  saint  .lean-Baptiste. 

H.  Il  Y  a  donc  lieu  de  tenir  pour  non  avenue  riiiter|)ietation  doinu'-e  pré- 
cédemment fn"  289)  de  ce  nom. 


OUIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    POMPOXIUS  437 

1982.  Pomponius  :  Saint-Pompont  (Dordogne);  dans  Saint- 
Pompain  (Deux-Sèvres)  le  second  terme  était  sans  doute,  à 
rorig-ine,  Pompoin  (cf.  ci-dessus,  n°  288). 

1983.  Pontius  :  Saint-Ponce  (Ardennes),  Saint-Pons  (Basses- 
Alpes,  Alpes-Maritimes,  Ardèclie.  Bouches-du-Rhône,  Drôme, 
Gard,  Hérault.  Var).  Saint-Pont  (Allier).  Saint-Point  (Doubs, 
Saône-et- Loire),  Saint-Poncy  (Cantal). 

1984.  Porcarius  :  Saint-Porquier  (Tarn-et-Garonne),  Saint- 
Porchaire     (Charente -Inférieure,    Deux-Sèvres). 

1985.  Portianus,  abbé  en  Auvergne  dans  la  première  moitié 
du  vi'^  siècle  :  Saint-Pourçain  (Allier). 

1986.  Potamius  :  Saint-Pouange  (Aube). 

1987.  Praecordius  :   Saint-Précord  (Aisne). 

1988.  Praejectus  :  Saint-Préjet  (Ilaute-Loire,  Lozère), 
Saint-Priest  (Allier,  Ardèche,  Cher,  Gorrèze,  Creuse,  Dordogne, 
Isère,  Loire,  Puy-de-Dôme,  Haute- Vienne), Saint-Prayel( Vosges), 
Saint-Pregts  (Yonne).  Saint-Prix  (Aisne,  Allier,  Ardèche,  Côte- 
d'Or,  Marne,  Saône-et-Loire,  Seine-et-Oise),  peut-être  Saint-Pré 
(Var)  et  Saint-Projet  (Cantal,  Charente,  Corrèze,  Eure-et-Loir, 
Lot,  Deux-Sèvres,  Tarn,  Tarn-et-Garonnej. 

1989.  Primus  :  Saint-Prim  (Isère). 

1^90.  Priscus,  martyr  à  Auxerre  vers  274  :  Saint-Bris 
(Yonne)  et  peut-être  Saint-Prest  (Eure-et-Loir). 

1991.'  Priva  tus  :  Saint-Privat  (Ardèche,  Aveyron,  Corrèze, 
Dordogne,  Gard,  Héravilt,  Haute-Loire,  Lot,  Lozère,  Puy-de- 
Dôme,  Vaucluse),  Saint-Privé  (Loiret,  Nièvre,  Saône-et-Loire, 
Yonne). 

1992.  Proba  :  Sainte-Preuve  (Aisne). 

1993.  Proculus,  accentué  sui'  l'antépénultième  :  Saint-Preuil 
(Charente). 

1994.  Protasius,  évêque  d'Avenche  au  vi''  siècle  :  Saint-Prex 
(Suisse,  cant.  de  Vaud).  —  On  remarcpiei'a  que,  dans  la  tojio- 
nomastique  française,  aucun  nom  n"a  trait  au  culte  du  martyr 
saint  Protais,  de  Milan,  qui  était  comme  subordonné  à  celui  de 
son  frère,  saint  Gervais. 

1995.  Prudentius  :  Saint-Prouant  (Vendée). 

1996.  Quintinus  :  Saint- Quentin  ;  —  Saint-Quintin  .Vriège, 
Puy-de-Dôme,  Tarn-et-Garonne),  Saint-Quenty  (Lot). 

1997.  Quiteria  :  Sainte-Quitterie  (Ariège,  Haute-Garonne, 
Lot-et-Garonne,  Tarn). 


438  LES    NOMS    DE    LIEU 

1998.  Raco,  évêque  dWutun  au  xi"  siècle  :  Saint-Racho 
(Saône-et-Loire) . 

1999.  Radeg'undis  :  Sainte-Radegonde  Allier,  Aveyron, 
Charente,  Charente-Inférieure,  Cher,  Creuse,  Dordogne,  Eure- 
et-Loir,  Gers,  Gironde,  Indre-et-Loire,  Lot-et-Garonne.  Saône- 
et-Loire,  Seine-Inférieure,  Seine-et-Oise,  Deux-Sèvres,  Somme, 
Vendée,  Vienne)  ;  la  forme  vulg-aire  de  Radeg'undis  est  Ragon 
(cf.  ci-dessus,  n''  990). 

2000.  Radulfus,  abbé  de  Nant  en  Rouergue  :  Saint-Rau 
(Aveyron). 

2001.  Rag-nebertus  ou  Rag-nobertus  :  Saint -Rambert 
(Ain,  Drôme,  Loire,  Rhône),  Saint-Renobert  (Haute-Marne). 

2002.  Raphaël  :  Saint-Raphaël  (Alpes-Maritimes,  Dordogne. 
Drôme,  Gironde,  Var,  Vaucluse),  Saint-Raffel  (Tarn). 

2003.  Régi  m  un  du  s,  chanoine  de  Saint-Sernin-de-Toulouse, 
au  xii*^  siècle  :  Saint-Ramond  (Lot-et-Garonne).  — On  signale  en 
passant  que  le  nom  de  Saramon  (Gers),  sur  l'étymologie  duquel 
une  hypothèse  a  été  formulée  précédemment  (n°  1449)  a  été 
altérée  en  Saint-Raymond  et  appliqué  à  une  famille  originaire 
de  ce  lieu. 

2004.  Regina  :  Sainte-Reine  (Haute-Loire,  Loire-Inférieure, 
Meurthe-et-Moselle,  Haute-Saône,  Haute-Savoie)  ;  —  Alise- 
Sainte-Reine  fCôte-d"Or). 

2005.  Regius  :  Damery  (Marne)  est  appelé,  dans  un  diplôme 
de  Charles-le-Chauve,  Domnus  Regius.  On  ne  connaît  rien 
du  saint  que  ce  vocable  honore;  le  souvenir  s'en  est  d'ailleurs 
vite  perdu,  car  depuis  longtemps  l'église  de  Damery,  dont  la 
cure  était  à  la  présentation  de  l'abbé  de  Saint-Médard  de  Sois- 
sons,  a  pour  patron  saint  Médard. 

2006.  Regulus  :  Saint-Rieul  (Gôtes-du-Nord,  Meuse)  ;  ce 
nom  était  porté  par  une  église  de  Senlis;  —  Saint-Règle  Indre- 
et-Loire). 

2007.  Remedius.  Hemegius.  Hemigius  :  Saint-Remy. 
m;iis  non  Saint-Remij-dii-P/uin  (cf.  ri-après,  n"  2018);  —  Saint- 
Remège  Puy-de-Dôme  ,  Saint-Remèze  i  Ardèche),  Sainte-Ramée 
(voir  ci-dessus,  n"  1544;  et,  avec  un  ii  prosthétique  —  phéno- 
inèiic  |);irticulier  nu  dialecte  gascon  (cf. /i/vvV<;=  rivus) —  Saint- 
Arroumex  Tarn-et-Garonne).  —  Sancti  H.  mons:  Saint-Remi- 
mont  I Meurthe-et-Moselle,  Vosges).  —  Doinuus  H.  :  Domremy 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    RKMIGIUS  439 

(Haute-Manie,  Meuse,  Vosges),  Dompremy  (Marne),  Dampremy 
(Belg-i(|ue.  Hainaut). 

2008.  Renatus  :  Saint-René  (  Côtes-du-Nord ,  Maine-et- 
Loire). 

2009.  Repara  ta  :  Sainte-Réparade  (Bouches-du-Rhône). 

2010.  Restituta  :  ^Ircv-Sainte-Restitue  (Aisne). 

2011.  Restitutus  :  Saint-Restitut  (Drôme). 

2012.  Reverentius  :  Saint-Révérend  (Vendée,  Vienne)  dont 
la  graphie  a  subi  l'intluence  de  l'adjectif  calqué  sur  reve- 
rendus. 

2013.  Reverianus  :  Saint-Révérien  (Allier,  Nièvre),  Saint- 
Rirand  (Loire). 

2014.  Riberius  :  Saint-Rabier  (Dordogne). 

2015.  Ricardus:  Saint-Richard  (Meurthe-et-Moselle).  —On 
n'ose  affirmer  que  dans  le  nom  Damprichard  (Doubs),  le  pre- 
mier terme  ait  le  sens  de  «  saint  »,  car  on  ne  connaît  aucun  saint 
appelé  Richard,  qui  ait  vécu  dans  la  première  partie  du  moyen 
âge  ;  vraisemblablement  ce  nom  appartient  à  la  même  catégorie 
que  Damparis  et  Damrcmonf  (voir  ci-dessus,  n°  1528). 

2016.  Ricarius  :  Saint-Richer  (Calvados,  Seine-Inférieure), 
Saint-Riquier  (Seine-Inférieure,  Somme).  —  Domnus  R.  : 
Douriez  (cf.  ci-dessus.  n°  1525). 

2017.  Ri  gai  du  s  :  Saint-Rigaud  (Saône-et-Loire). 

2018.  Rigomerus  ou  Richmerus  :  Saint-Rigomer  (Sarthe), 
Saint-Rigonnet  (Indre-et-Loire),  Saint-Rimay  (Loir-et-Cher). 
Saint-Remy-dii-Plain  (Sarthe). 

2019.  Rodingus,  succédané  de  Chrodingus  :  Saint-Rouin 
(Meuse),  ancien  ermitage  placé  sous  l'invocation  du  fondateur 
de  l'abbaye  de  Beaulieu,  en  Argonne. 

2020.  Romanus  :  Saint-Romain;  — Saint-Roman  (Drome, 
Gard,  Var,  Vaucluse),  Saint-Romans  (Alpes- Maritimes,  Isère, 
Lozère,  Deux-Sèvres).  Saint-Rome  (  Aude,  Aveyron,  Dordogne, 
Haute-Garonne,  Lozère)  résulte  d'un  déplacement  d'accent  dont 
la  région  offre  plusieurs  exemples  (cf.  ci-dessus,  n"^  1545,  1568, 
1574,  1593).  Saint-Arroman  (Gers,  Hautes-Pyrénées),  est  une 
forme  gasconne  (cf.  ci-dessus,  n"  2007),  qui  a  pour  variante 
Saint-Armon  (Ba.sses-Pyrénées),  en  1371  Sent  Arromaii. 

2021.  Romulus   :    Saint-Rombe  (Cher),  pour   Sninl-RomJde. 

2022.  Roua  nus,   ermite   breton  dont  on  a   vu  <pie  le  culte  a 


140  LKS    NOMS    DE    LIEU 

donné   naissance   aux    noms   Locronan   (n°    1318)    et    Laurenan 
(n°  1321)  :  Saint-Renan  (Finistère). 

2023.  Ridina  :  Sainte-Ruffine  (Moselle),  Sainte-Rafine 
fHaute-Garonne.  Gers.   Lot-et-Garonne.  Tarn-et-Garonne). 

2024.  Rufinus  :  Saint-Rouffy  (Cantal). 

2025.  Rufus  :  Saint-Ruf  (Vaucluse). 

2026.  Rumoldus:  Saint-Rimault  (Oise). 

2027.  Rumpharius  :  Saint-Romphaire  (Manche). 

2028.  Rusticus  :  Saint-Rustice  (Haute-Garonne),  forme 
savante  donnant  au  c  un  son  sitilant  qui  nest  pas  justifié. 

2029.  Sabina  :  Sainte-Sabine  (Côte-d"Or,  Dordogne.  Sarthe, 
Tarn-et-Garonne),  Sainte-Savine  (Aube). 

2030.  Sabinianus  :  Saint-Savinien  (Charente-Inférieure), 
Yonne). 

2031.  Sabinus:  Saint-Savin  (Charente-Inférieure,  Isère,  Jura, 
Lot-et-Garonne,  Hautes-Pyrénées_,  Vienne),  Saint-Sabin  (Landes, 
Loire),  Saint-Saby  (Aveyron),  Saint-Sevin  (Lot-et-Garonne). 

2032.  Sacerdos  :  Saint-Sardos  (Lot-et-Garonne,  Tarn-et- 
Garonne). 

2033.  Sa  1  vins  :  Saint-Saulve  (Nord).  Saint-Salvy  (Lot-et- 
Garonne,  Tarn,  Tarn-et-Garonne),  Saint-Sauvy  (Gers),  Saint- 
Saulge  (Nièvre)  et,  supposant  une  forme  basse  Sallius,  Saint- 
Saire  (Seine- Inférieure). 

2034.  Sanctinus  :  Saint-Santin  (Aveyron,  Cantal,  Loiret, 
Orne),  Saint-Xantin  (Corrèze). 

2035.  Saturninus  :  Saint-Saturnin;  —  Saint-Sornin  (Allier, 
Ardèche,  Arièj^e,  Charente.  Cliarcnte-lnférieure,  Corrèze,  Creuse, 
Vendée,  Haute-Vienne),  Saint-Sernin  (^Ardèche,  Ariège,  Aude, 
Aveyron,  Dordog-ne,  Haute-Garonne,  Gers,  Lot-et-Garonne, 
Saône-et-Loire,  Tarn,  Tarn-et-Garonne),  Saint-Gemin  (Ariège, 
Cantal,  Corrèze,  Dordogne,  Lot,  Tarn-et-Garonne  ,  Saint-Sarnin 
(Dordognei,  Saint-Sorlin  (Ain,  Charente-lid'érieure,  Drôme, 
Isère,  Rhône,  Saône-et-Loire,  Savoie),  Saint-Savoumin  (Bouohes- 
du-Hliône). 

2036.  Satyrus  :  Sancerre  (voir  ci-dessus,  n"  1552j,  Saint- 
Satur  (Cher). 

2037.  Scholastica  :  Sainte  -  Scolastique  (Loiret),  forme 
savanttî;   Sainte-ScolaSSe  i  <  )rn(' ). 

2038.  Scubiculus  :  Sainte-Escobille  (Seim-el-Oiseï,  |)ar 
changement  de   g(Mire. 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :    SHCUXDINUS  441 

2039.  Secundinus  :  Saint-Secondin  (Loir-et-Cher,  Vienne). 

2040.  Senarius,  peut-être  altération  de  Sénat  or  :  Saint- 
Senier  (Manche). 

2041.  Seneratus  :   Saint-Géneré   Mayenne). 

2042.  Senericus  :  Saint -Céneri  (Orné),  Saint -Gélerin 
(Sarthe). 

2043.  Sequaniis  :  Saint-Seine  (Nièvre,  Côte-d'Or). 

2044.  Serenus  :  Saint-Céré  (Lot). 

2045.  Se  r  va  tins  :  Saint-Servais  (Gôtes-du-Nord,  Finistère, 
Morbihan). 

2046.  Se  r  vus  :  Saint-Ser  (Bouches-du-Rhône)  ^ 

2047.  Severa  :  Sainte-Sévère  (Charente,  Indre). 

2048.  Severinus  ;  Saint-Séverin  (Charente,  Charente-Infé- 
rieure, Creuse,  Dordog-ne,  Finistère,  Haute-Garonne,  Seine-et- 
Marnej,  Saint-Seurin  (Charente-Inférieure.  Dordogne,  Gironde, 
Lot-et-Garonne),  Saint-Surin  (Charente),  Saint-Saury  (Cantal). 

2049.  Sève  ru  s  :  Saint-Sever  (x\veyron,  Calvados,  Charente- 
Inférieure,  Landes,  Hautes-Pyrénées,  Seine-Inférieure)  et,  moyen- 
nant un  recul  d'accent  préparé  par  la  prononciation  Saint-Sevé, 
Saint-Sève  (Gironde). 

2050.  Sicarius  :  Saint-Sicaire  (Dordogne),  Saint-Cicaire 
(Dordof^ne). 

2051.  Si  do  ni  us  :  Saint-Saëns  (Seine-Inférieure). 

2052.  Sidronius  :  Saint-Cydroine  (Yonne). 

2053.  Sigifredus  :  Saint-Siffret  (Gard),  Saint-Suffren 
(Basses- Alpes,    Bouches-du-Rhône). 

2054.  Sigiramnus  :  Saint-Cyran  (Indre). 

2055.  Sig-ismundus,  roi  de  Bourg-o^ne,  mis  à  mort  par  ordre 
du  roi  Clodomir  (voir  ci-dessus,  n'^  1534)  :  Saint-Slgismond 
(Charente-Inférieure,  Loiret,  Maine-et-Loire,  Savoie,  Haute- 
Savoie,  Vendée),  forme  savante  substituée  à  la  forme  vulgaire 
Sainl-Simond . 

2056.  Sigolena  :  Sainte-Sigolène  (Haute-Loire,  Tarn). 

2057.  Sig-rada  :  Sainte-Se  grée  !  Somme)),  Sainte-Segros 
f  Côte-d'Or). 

2058.  Silvanus  :  Saint-Silvain  Calvados,  Corrèze,  Creuse, 
Maine-et-Loire,     Seine-Inférieure),     Saint-Sauvant     (Charenle- 

i.  Giiérartl,  CarLidairn  de  Vnhhntjc   de  Sainl-Viclor  do  Mursoille,  II,  '.t23. 


442  LES    NOMS    DE    LIEU 

Inférieure),  Saint-Sauvent  (Vienne),  et,  avec  recul  d'accent 
(cf.  ci-dessus,  n°  2020),  Saint-Sauves  (Puy-de-Dôme),  Saint- 
Solve  (Corrèze). 

2059.  Silveus  :  Saint-Sauvier  (Allier),  dont  la  graphie  n'est 
pas  insolite,  car  on  a  des  exemples  de  Herveus  et  de  Flodo- 
veus  donnant  Hervier  et  Flovicr. 

2060.  Silvius  :  Saint-Selve  (Gironde). 

2061.  Si  me  on  :  Saint-Siméon  (Eure,  Isère,  Manche,  Orne, 
Seine-et-Marne),  Saint-Simeux  (Charente). 

2062.  Simon  :  Saint-Simon  (Aisne,  Bouches-du-Rhône, 
Cantal,  Charente,  Charente-Inférieure,  Haute-Garonne,  Loire- 
Inférieure,  Lot,  Lot-et-Garonne,  Rhône,  Savoie,  Tarn-et- 
Garonne),  nom  qui,  parfois,  peut  représenter  S.  Sigismundus 
(cf.  ci-dessus,  n°  2055). 

2063.  Sindulfus  :  Saint-Sandoux  (Puy-de-Dôme),  Saint- 
Sidoux  (Marne),  Saint-Sindulphe  (Marne). 

2064.  Solemius  :  Saint-Soulan  (Gers). 

2065.  Solemnia  :  Sainte-Solange  (Cher). 

2066.  Solina  :  Sainte-Soline  (Deux-Sèvres),  Sainte-Souline 
f  Charente). 

2067.  Sosius  :  Saint-Sozy  (Lot). 

2068.  Stephanus,  le  premier  martyr  :  Saint-Etienne  ;  — 
Saint-Estèphe  (Charente,  Dordog-ne,  Gironde,  Tarn-et-Garonne), 
Saint-Estève  (Basses-Alpes.  Alpes-Maritimes,  Aude,  Bouches- 
du-Rhône,  Gard,  Pyrénées-Orientales,  Var.  Vaucluse),  Saint- 
Esteben  (Basses- Pyrénées),  accentué  sur  la  pénultième,  et  par 
substitution  de  17  à  Vn,  Saint-Stail  (Vosges)  et  Saint-Ail 
(Meurthe-et-Moselle).  —  Domnus  S.  :  Donstiennes  (Belgique. 
Ilainaut),  Domptail  (Meurthe-et-Moselle,  Vosges). 

2069.  Stremonius,  l'apôtre  de  l'Auvergne  :  Saint-Astrô- 
moine   Aveyron),  Saint-Austremoine  (Haute-Loire). 

2070.  Sulpicius  :  Saint-Sulpice  ;  —  et,  })ar  l'interversion  de 
Vl  et  du  p  :  Saint-Souplet  (Marne,  Nord),  Saint- Soupplets 
'Seine-('t-Marnej,  Saint-Supplet  (Meurthe-et-Moselle),  Saint- 
Supplix  (Seine-Inférieure  . 

2071.  Sy  m  phori.i  nus  :  Saint-Symphorien,  forme  savante 
suiistituée  à  divoises  formes  vulgaires  ayant  eu  cours  au  moyen- 
âge,  et  répondcint  d'oidinaire  à  la  variante  Si  for  ia  nu.s  ;  — 
Sainte-Feyre  (cf.  ci-dessus,  n"1545).  —  Doumus  S.  :  Dompce- 
vrin    Meuse). 


I 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQIES    I    TAURIXUS  ■         443 

2072.  Tau  ri  nus  :  Saint-Taurin  (Eure),  Saint-Thurin  (Loire) 
—  forme  dont  on  n'a  pas  lieu  d'être  surpris  si  l'on  observe  que 
plusieurs  Tliiiry  (Aisne,  Calvados,  Yonne),  représentent  cer- 
tainement un  primitif  Tauriacus  — et,  par  l'effet  de  la  pronon- 
ciation, Saint-Aurin  (Somme). 

2073.  Terentia  :  Sainte-Thérence  (Allier). 

2074.  Theobaldus  :  Saint-Thibaud  (Savoie).  Saint-Thibault 
(Aisne,  Aube,  Cher,  Côte-d'Or,  Eure-et-Loir,  Loiret,  Nièvre, 
Oise,  Sarthe,  Seine-et-Marne,  Yonne),  et,  formes  particulières  à 
l'est  de  la  France,  Saint-Thiébaud  (Jura,  Haute-Saône),  Saint- 
Thiébault  (Haute-Marne,   Meurthe-et-Moselle,  Meuse,  Moselle). 

2075.  Theodardus,  fondateur  de  l'abbaye  de  Saint-Auzard 
de  Montauban  :  Saint-Théodast  (Tarn). 

2076.  Theoderius  :  Saint-Chef  (Isère),  moyennant  la  pala- 
talisation  de  Y  yod  de  la  forme  basse  Tioderius. 

2077.  Theofredus,  patron  de  l'abbaye  du  Monastier  (Haute- 
Loire),  appelée  en  1493  le  Monestier  Saint  Cheffroy  :  Saint-Ghaf- 
frey  (Hautes-Alpes),  en  1118  Sanctus  Theotfredus  ;  —  Saint- 
Théofrède  (Ardèche),  Saint-Théoffray  (Isère). 

2078.  Theodericus  :  Saint-Thierry  (Marne). 

2079.  Theodoretus  :  Saint-Théodorit  (Gard). 

2080.  Theodorus  :  Saint-Théodore  (Indre).  —  L'église  de 
Domsure  (Am)  a  pour  patron  saint  Théodore,  domnus  Theo- 
dorus ;  la  forme  .swre  s'expliquerait  par  la  prononciation  sif- 
flante du  /  initial  dans  une  forme  basse  Tiodorus. 

2081.  Theodosia  :  Sainte -Thuise  (Aube). 

2082.  Thomas  :  Saint-Thomas  ;  —  Saint-Thomé  (Ardèche). 

2083.  Thyrrus  :  Saint-Trys  (Rhône),  semble-t-il,  par  l'elTet 
d'une  métathèse. 

2084.  Tiberius  :  Saint-Thibéry  fHérault). 

2085.  Torpes  :  Saint-Tropez  (Var)  ;  on  a  vu  m»  555)  que,  non 
loin  de  là,  par  la  métathèse  inverse.  Tropaea  est  devenue  la 
Tiirbie  (Alpes-Maritimes ) . 

2086.  Torfjualus:  Saint-Torquat ou  Saint-Turquoi  (Drôme), 
Saint-Tronquet  (Vaucluse),  avec  une  nasalisation  adventice. 

2087.  Trechmorus,  confesseur  breton  du  vu'"  siècle  :  Saint- 
Trémeur  (Finistère,  Morbihan). 

2088.  Treverius  :  Saint-Trivier  (Ain). 

2089.  Troianus,  évoque  de  Saintes  :  Saint-Trojan   Charente, 


444  LES    NOMS    DE    LIEU 

Charente-Inférieure,    Gironde)'.     —    Domnus  T.    :    Dontrien 
(Marne). 

2090.  Trophimius  :  Saint-Trophime  (Bouches-du-Rhône, 
Vaucluse). 

2091.  Trudo  :  Saiïlt-Trond  (Belgique,  Limbourg),  en  flamand 
Sint-Truyden. 

2092.  Tugdualus  :  Saint-Tugdual  (Côtes-du-Nord,  Mor- 
bihan), Saint-Thual  (Ille-et-Vilaine).  —  D'après  une  légende 
fort  accréditée  au  moyen-âg'e,  ce  saint  serait  allé  à  Rome,  et  y 
serait  devenu  pape,  d'où  la  qualification  de  pahu  qui  lui  a  été 
parfois  donnée.  On  a  donc  lieu  d'attribuer  à  son  culte  les  noms 
de  lieu  Saint-Pabu  (Côtes-du-Nord,  Finistère)  et  Trébabu  (Finis- 
tère). 

2093.  Turiavus,  évêque  de  Dol  au  viu"  siècle  :  Saint-Thuriau 
(Morbihan)  — •  dont  Saint-Thurian  (Côtes-du-Nord,  Morbihan) 
ne  serait  qu'une  variante  graphique  (cf.  ci-dessus,  n**  1908)  — 
Saint-Thurien  (Finistère),  Saint-Thurial  (Ille-et-Vilaine),  et, 
par  la  perte  du  /  initial  cf.  ci-dessus,  n°  2072),  Saint-Urien 
(Côtes-du-Nord,  Eure),   peut-être  Saint-Euriel  (Côtes-du-Nord). 

2094.  Turibius,  évêque  du  Mans  au  v'^  siècle  :  Saint-Tref 
('Mayenne). 

2095.  Udalricus:  Saint-Oury  (Moselle),  Saint-Ulrich  (Haut- 
lUiin). 

2096.  IJlfacius,  solitaire  du  Perche  au  vu''  siècle  :  Saint- 
Ulphace  (Sarthe). 

2097.  Ulfus  :  Saint-Oulph  (Aube). 

2098.  Ursicinus  :  Saint-Urcisse  (Lot-et-Garonne,  Tarn, 
Tarn-et-Garonne),  Saint-Urcize  (Cantal),  noms  dans  lesquels  le 
recul  de  i'acceni  s'explique  par  l'hypothèse  d'une  forme  Urcissy, 
(loni  la  voyelle  finale  aura  passé  à  tort  pour  atone  ;  —  Sankt- 
Ursitz  (^Suisse,  cant.  de  Berne),  qui  se  dit  en  français  Saint- 
Ursanne . 

2099.  llrsinus:  Saint-Ursin  (Calvados,  Eure,  luue-et-Loir. 
Manche,  Mayenne). 

2100.  Ursus  :  Saint-Ours  (Basses-Alpes,  Puy-de-Dôme. 
Savoie,  Ilaute-Savoie),  Saint-Orse  (Dordogne). 

2101.  Valeria  :  Sainte-Valière  (Allier,  Aude,  Nièvre). 

I.  Sainte-Trie   r.\'.  ci-dessus,  p.  ;Ut:i,  note  2). 


ORIGINES    ECCLÉSIASTIQUES    :     VALERIANCS  445 

2102.  Valerianus  :  Saint-Valérien  (Vendée,  Yonne),  Saint- 
Vallerin  (Saône-et- Loire). 

2103.  Valerius  :  Saint-Valère  (Haute-Saône),  Saint- Vallier 
(Alpes-Maritimes,  Charente,  Drùnie,  Isère,  Haute-Mtirne,  Haute- 
Saône,  Saône-et-Loire,  Vosges).  —  Domnus  V.  :  Domvallier 
(Vosg-es),  Dampvalley  (Haute-Saône). 

2104.  Vasius  :  Saint-Vaize  (Charente-Inférieure). 

2105.  Vedastus,  évêque  d'Arras  au  v®  siècle  :  Saint-Vaast 
(Calvados,  Manche,  Nord,  Oise,  Pas-de-Calais,  Seine-Inférieure), 
Saint- Waast  (Nord),  Saint- Vast  (Manche,  Somme,  Tarn).  — 
Domnus  V.  :  Domvast  (Somme  . 

2106.  Venantius  :  Saint-Venant  (Pas-de-Calais). 

2107.  Venerandus  :  Saint- Vénérand  (Haute-Loire). 

2108.  Venitia  :  Sainte-Venise  (Seine-Inférieure). 

2109.  Veranus  :  Saint-Verain  !  Nièvre),  Saint-Véran  (^Hautes- 
Alpes,  Aveyron,  Vaucluse),  Saint-Varent  (Deux-Sèvres),  Saint- 
Vrain  (Marne,  Seine-et-Oise),  Saint-Vran  iCôtes-du-Nord). 

2110.  Verus  :  Saint-Vert  (Haute-Loirej,   Saint-Voir  (Allier). 

2111.  Viator  ;  Saint- Viâtre  (Loir-et-Cher),  formé  comme 
Sainf-Amâtrc  (cf.  ci-dessus,  n°  1584). 

2112.  Victor  :  Saint-Victor,  VilleneuveSaint-Yisire  (Marne), 
forme  populaire  répondant  au  cas  sujet  ;  —  Saint-Victour  (Cor- 
rèze).  Saint- Vidou  (Landes).  —  Domnus  V.  :  Dampvitoux 
(Meurthe-et-Moselle). 

2113.  Victoria  :  Sainte -Victoire  (Tarn-et-Garonne). 

2114.  Victurius,  évêque  du  Mans  :  Saint-Victeur  (Sarthe). 

2115.  Victurnianus  :  Saint-Victurnien  (Haute- Vienne). 

2116.  Vigor,  évêque  de  Baveux  au  vi''  siècle  :  Saint- Vigor 
(Calvados,  Eure,  Manche,  Seine-Inférieure).  —  Domnus  V.  : 
DanvOU  (Calvados). 

2117.  Vincentianus:  Saint- Viance  (Corrèze). 

2118.  Vi  ne  en  tins  :  Saint- Vincent. 

2119.  Virg-ana,  berg'ère  des  environs  de  Thouars  honorée  par 
l'Eglise  le  7  janvier  :  Sainte-Vorge  (Deux-Sèvres). 

2120.  Vitonus  :  Saint-Vanne,  nom  que  portait  à  \'erdun  une 
abbaye  célèbre, 

2121.  Vitus,  martyr  sous  Dioclétien  :  Saint- Vi  (Savoie), 
Saint-Wit  'Doubs),  Saint-Witz  (Seine-et-Oise),  Saint-Vite  (Lot- 
et-Garonne  i,  Saint-Vitte  (Cher,  Haute- Vienne). 


446  LES    .NOMS     DE    LIEU 

2122.  Viventianus  :  Saint-Vincent-f/es-P/'es  (Sarthe)  ;  le 
second  v  sera  tombé,  comme  dans  vivenda,  qui  a  donné  viande: 
de  là  une  forme  telle  que  Vincien,  favorable  à  la  confusion  d'où 
résulte  le  nom  actuel. 

2123.  Viventius  :  Saint- Vivant  (Gôte-d'Or,  Jura). 

2124.  Vivian  us  :  Saint-Vivien  (Charente,  Charente- Infé- 
rieure, Dordogne,  Gironde,  Lot-et-Garonne,  Basses-Pjrénées). 

2125.  Walaricus  :  Saint-Valery  (Meuse,  Oise,  Seine-Infé- 
rieure, Seine-et-Oise,  Somme),  Saint-Vaury  (Creuse). 

2126.  Walburgis  :  Sainte-Vaubourg  (Ardennes,  Eure,  Seine- 
Inférieure),  Sainte- Gauburge  (Orne),  Sainte-Valburge  (Meurthe- 
et-Moselle).  —  L'altération  que  présente  le  nom  de  Saint- Avau- 
gourd  (Vendée),  s'explique  par  la  grande  notoriété,  surtout  dans 
l'ouest  de  la  France,  de  la  baronnie  bretonne  d'Avaugour. 

2127.  Waldebertus  :  Saint-Valbert  (Haute-Saône),  jadis 
Saint-Vauhert. 

2128.  Waldericus  :  Saint-Gaudéric  (Aude),  Saint-Gaudé- 
rique  (Pyrénées-Orientales). 

2129.  Waldrada  :  Sainte-Valdrée  (Meurthe-et-Moselle), 
autrefois  Sainte-Vaudréc. 

2130.  Waltarius  :  Saint-Gaultier  (Indre) . 

2131.  Wandregesilus  :  Saint-Vandrille  (Orne),  Saint-Wan- 
drille  (Seine-Inférieure). 

2132.  Willelmus  :  Saint-Guillaume  (Hautes- Alpes,  Côtes- 
du-Nord,  Isère,  Var),  Saint-Guilhem  (Haute-Garonne,   Hérault). 

2133.  Winimarus  :  Saint-Vinnemer  (Yonne). 

2134.  Winwaloeus  (cf.  ci-dessus,  nM319)  :  Saint-Guénolé 
(Finistère)  et  probablement  Saint-Gueneul  (Morbihan). 

2135.  Wulfilaicus,  solitaire  d'origine  lombarde,  retiré  dans 
la  f(M(''t  des  Ardennes  au  temps  de  Grégoire  de  Tours  :  Saint- 
Walfroid  (Ardennes). 

2136.  Wulframnus  :  Saint-Vulfran,  église  à  Abbeville  ; 
Saint-Ulfrand  (Eurej. 

2137.  Wulmarus  :  Samer  (Pas-de-Calais:  cf.  ci-dessus, 
n"  1546). 

2138.  ^  vo  :  Saint-Yves  ^Vveyron,  Côtes-du-Noid,  Finistère. 
M<)il)i!i.iii  I. 


/ 


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FEB^^'^' 


FEB02'8< 


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16 


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09  DEC, 


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De  14  .    L 

N    0    PI    S  DE 


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LIEU  DE 


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CE  OC   0014 

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1920  Vl-3 

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NOMS 

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10649A2