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LES
NOMS DE LIEU DE LA FRANCE
LEUR ORIGINE, LEUR SIGNIFICATION, LEURS TRANSFORMATIONS
AVAXï-PROPOS "
Les noms de lieu forment la plus riche des nomencla-
tures qui se rattachent à la langue usuelle. Environ deux
cent mille vocables, dont certains s'appliquent, il est vrai,
à plusieurs localités, ont été réunis dans l'édition du Dic-
tionnaire des Postes et des Té légraphes publiée en 1898. Si
tous les lieux habités de la France y figuraient, leur nombre
dépasserait certainement le million ; et si l'on faisait le
dépouillement du cadastre, on arriverait incontestablement
à cinq ou six millions de vocables géographiques.
Cet immense vocabulaire n'est pas, comme celui des
sciences, le produit de la méditation, et encore moins le
développement d'une donnée systématique. Il n'est pas
l'œuvre de quelques hommes. Il s'est formé à la longue, et
comme au hasard des circonstances. Il a pour auteurs tous
les peuples qui, successivement, sont venus s'établir dans
notre pays, toutes les races, victorieuses ou vaincues, dont
le mélange a produit la nation française.
1. Sauf quelques rares modifications qu'on n'a pas cru pouvoir se dispen-
ser d'y apporter, le texte cjui suit est celui qu'Auguste Loug'non avait rédigé
eu vue de sa leçon du jeudi 5 décembre 1880 au (^oUoyc de France, cl
f(u il paraît avoir ensuite relouclié pour rada[)ter à son enseignement de
l'Ecoli' des Hautes l'.ludes.
/.es nnins de llvn. '
Li:S MOIS IJK Lli:i'
Des éléments si divers par leur origine ne le sont
pas moins par leur signification. Ils indiquent tantôt la
configuration ou la nature du sol, tantôt les espèces ani-
males ou végétales qui y vivent, d'autres fois la destination
que les lieux ont reçue du fait des hommes : ou bien encore
ils nous ont conservé la mémoire d'anciens événements ou
le nom des personnages par qui les centres de population
furent créés ou transformés : de sorte que. dans la nomen-
clature dun pays comme la France, les renseigne-
ments abondent. non seulement pour le linguiste,
mais aussi pour T historien, pour l'archéologue et pour
l'économiste. Quant aux mots dont le sens nous échappe
(et il en est encore beaucoup), ils sont eux-mêmes utiles à
l'histoire, parce que, si l'on en ignore la signification, on
sait parfois cependant, grâce à leur structure, à quel peuple
on les doit.
Une source où il y a tant à puiser n'est pas sans avoir
été déjà mise à contribution. Elle a servi à la plupart des
érudits du temps passé, mais d'une manière tout à fait
accidentelle et rarement intelligente. Adrien de Valois, dans
sa Notitia Gfilli;irum, publiée en 1679, et l'abbé Lebeuf,
dans Vllisloire de la ville et de /ouf le diocèse de Paris, qui
date du milieu du xviii'' siècle, sont les seuls auteurs qui
aient tiré un parti raisonnable de ce moyen d'intormation
dont ils avaient ac(piis le juste sentiment par une longue
habitude et beaucoup de pénétration ; encore le second,
parfois bien aventureux, ne doit-il être consulté (pi'avec
beaucoup de circonspection.
( (]e n'est guère avant le milieu du xix"" siècle, cpi'on a
cpnnnencé à faiii- une élude spéciale des noms de lieu. Un
(.«iidit (i'es|)iil tiès cultivé et de sens droit, Auguste Le
l'révosl, a, en \H'.V.), tracé la voie qu'il convenait de suivre,
eu réunissant, sous la forme d'un dictionnaire ', avec l'équi-
1. Diclionrmire i^x iin<iriis ikuiih <!*' lifii ihi <l''j>;iih'iiifii/ (!<• l'/'uri'.
AVANT-I'KUPOS
Valent moderne à côté, les noms anciens des localités du
département de l'Eure, tels qu'il les avait recueillis dans
les vieux textes et surtout dans les chartes. Des ouvrages
conçus dans le même esprit, mais différents dans leur dis-
position, ont paru depuis, consacrés aux régions les plus
diverses de la France. Enfin, un répertoire général, qui
doit embrasser toute la France, entrepris il y a plus de cin-
quante ans par ordre du ministre de l'Instruction publique,
le Dictionnaire topographique de la France^ comprenanl
les noms de lieu anciens et modernes, est aujourd'hui publié
pour vingt-sept départements '. Les index géographiques
des nombreux cartulaires publiés depuis un demi-siècle ~'
apportent une non moins utile contribution à l'étude des
noms de lieu que les dictionnaires dont on vient de parler ;
ils sont même en quelque sorte plus précieux, parce qu'ils
1. Voici rénumération de ces départements, le nom de chacun étant
accompagné, entre parenthèses, du nom de l'auteur et de la date de publi-
cation du dictionnaire :
Ain (Philipon, 1911); — Aisne (Matton, 1871); — Hautes-Alpes (Roman,
1884) ; — Aube (Boutiot et Socard, 1874) ; Aude (abbé Sabarthès, 1912) ; —
Calvados (Hippeau, 1883); — Cantal (Amé, 1897); — Dordogne de
Gourgues, 1873); — Drôme ^Brun-Durand, 1891); — Eure (m'^ de Blosse-
ville, 1878); — Eure-et-Loir (Merlet, 1861); — Gard (Germer-Durand,
1868); — Hérault (Thomas, 1863); — Haute-Loire (Chassaing et Jacotin,
1907); — Marne (Longnon, 1891); — Haute-Marne (Roserot, 1903); —
Mayenne (Maitre, 18o8); — Meurthe (Lepage, 1862); — Meuse (Liénard,
1872) — Morbihan (Rosenzweig, 1870); — Moselle (de Bouteiller. 1874);
— Nièvre (de Soultrait, 1865); — Pas-de-Calais (c'« de Loisne, 1908);
— Basses-Pyi'énées (^Raymond, 1863); — Haut-Rhin (StolTel, 1868); —
Vienne (Bédet, 1881); — Yonne (Quantin, 1862). — Sont sous presse, à
l'heure actuelle, les dictionnaires du Cher et de la Côte-d'Or; en outre, onl
été déposés au Ministère de l'Instruction publique les manuscrits des dic-
tionnaires d'Ille-et- Vilaine, de la Sarthe, de Seine-et-Marne et des Vosges.
Divers travaux conçus dans le même esprit ont été publiés on dehors do
cette collection officielle; les principaux se rapportent aux départements
de l'Indre (Eug. Hubert, 1889;, d'Indre-et-Loire (Carré de BusseroUe, 1878-
1884), de la Loire-Inférieure (Quilgars, 1907), de Maine-et-Loire (Poil,
187i-1878), de la Savoie (Vernier, 1896), des Deux-Sèvres (Ledain ol
Dupond, 1902), de la Somme (Jacques Garnier, 1867-1878, dans Mdm. de la
Soc. des Antiq. de l^icardie, 3" série, t. I et IV).
2. H. Stcin, Biblioyraphie gérif-rale des cartulaires /'rançais (tome IV i.\^'
la collection des Manuels de hibUo(j rapine hislori(/uo, Paris, Alph. Picard^
1907, in-8").
LKS NU.MS Di: lAEV
fournissent généralement les formes les plus anciennes, et
partant les plus irtéressantes, des vocables géographiques.
D'autre part, quelques ouvrages ont été consacrés par
divers érudits à l'étude de la formation ou de la significa-
tion des noms de lieu. Tels sont, par exemple :
Houzé, Etude sur la signification des noms de lieu en
France (1864, in-8°, 140 p.). L'auteur de ce livre étudie
quelques séries de vocables topographiques, en prenant
pour point de départ l'explication d'un nom de lieu déter-
miné ; possédant à fond les travaux de Valois et de Lebeuf,
et doué d'un sfrand bon sens, il arrive à des résultats vrai-
ment étonnants pour le temps où il écrivait.
Quicherat, De la formation française des anciens noms
de lieu, traité pratique suivi de remarques sur des noms
de lieu fournis par divers documents (1867, petit in-8°,
176 pages). Ouvrage dont l'éloge n'est plus à faire, mais
auquel on aurait tort de se fier complètement.
H. Gocheris, Origine et formation des noms de lieu
([1874], in-12, 276 pages). Cet ouvrage a pour auteur un
érudit auquel on doit d'estimables travaux ; mais, apparem-
ment plus complet et plus méthodique que les livres men-
tionnés précédemment, il doit être consulté avec une
grande méfiance pour tout ce qui appartient en propre à
son auteur.
H. d'Arbois de Jubainville, Recherches sur l'origine de
la propriété foncière et des noms de lieux habités en France
(iH[){), in-8*^) ; cet ouvrage renferme surtout de précieuses
données sur les vocables géographiques formés en Gaule, à
l'époque romaine, sur des noms propres de personnes el des
noms de propriétaires.
L'étude (le la signification des noms de lieu repose
aujoMid'hni sur des bases assez solides. On ne se contente
plus, comme le faisait iJullet il y a un siècle el demi, de
dépecer les noms de lieu en aulant de morceaux qu'ils ont
de syllabes — sans paraître se douter des altérations, parfois
si graN'cs, qii ils uni subies au cours des siècles — el, ce
\VAM-Plt(»l'OS
dépocemeiil opéré, de chercher la significaiion de chacune
de ces parties du nom dans un prétendu langage celtique,
qui n'a rien de commun avec celui qu'ont étudié, de nos
jours, MM. d'Arbois de Jubainville, Gaidoz, Loth et
Ernault. La seule méthode véritablement scientifique con-
siste à rechercher les formes anciennes de chacun de ces
noms, ou, à leur défaut, les formes anciennes sous lesquelles
les anciens documents désignent quelque localité homo-
nyme, et Ton part de là pour en déterminer le sens, à l'aide
des langues successivement parlées par nos ancêtres. Par-
fois, c'est l'étude comparée de tous les noms de lieu d'une
région, aujourd'hui française, qui permet d'arriver à l'éty-
. mologie d'une série importante de vocables géographiques.
Les progrès accomplis depuis un demi-siècle dans les
études de philologie en général, et de philologie celtique
en particulier, ne sont pas sans utilité pour ce genre
d'études.
ORIGINES GRECQUES
Les noms de lieu actuels du teriiloire français ne nous
apprennent rien, pour ainsi dire, sur les colonies que les Grecs
ou les Phéniciens formèrent jadis en Gaule, et, semble-t-il,
presque exclusivement dans la Gaule méridionale.
1. Pour les Grecs, par exemple, leur plus importante colonie
de Gaule fut Marseille, fondée par les Phocéens vers l'an 600
avant notre ère ; or le nom ancien de cette ville, MaaaaX'la en
grec, Massilia en latin, n'est peut-être pas dorigine grecque : il
est possible que ce soit simplement un nom indigène, par exemple
ligure, puisque Marseille fut fondée dans une contrée où domi-
naient alors les Ligures.
Quelques noms géographiques d'origine grecque sont mention-
nés et appliqués à des localités de Gaule, par d'anciens auteurs
grecs ou latins, mais tous désignent des localités situées sur les
côtes de la Méditerranée. Tels sont, par exemple, Athenopolis,
Portus Herculis Monoeci, N-'y.a'.a, 'Avti-sa'.ç, 'Av^O-/;. 'Aspc-
Or,TlXÇ.
2. Athenopolis, la ville de Minerve, localité dont le nom
ne paraît pas avoir subsisté, et dont la situation, qui n'a i)as été
déterminée d'une façon certaine, répond peut-être à celle do
Saint-Tropez (Var).
3. Portus Herculis Monoeci était, ce nom l'indique sulll-
samment, le port consacré à 'Hpay.A-^ç McvoTy.îç, dénomination
grec(|ue d'un Hercule solitaire ([ui n'est autre, paraît-il, que
THercule tyrien, c'est-à-dire le dieu phénicien Melkarth. C'est
aujourd'hui Monaco, que l'on désignait encore au xvii'' siècle sous
le nom de Moiin/iics ou Moiin/iiez '.
Deux autres localités de la même région étaient dédiées à
Hercule, à en juger par leur nom d'Heraclea.
1. Voir H. Boiiclie, Aa chorrxjruphic ou ilpxcrifi^ioii <li' Prannirr Aix,
1664, 2 vol. iii-fol.), pnasim.
8 - T. ES NOMS DE LIEL'
4. L'une d'elles était située, croit-on, vers Saint-Gilles (Gard),
c'est-à-dire à l'ouest de l'embouchure du Rhône.
5. L'autre est Heraclea Caccabaria, qu'on a placée, non
sans vraisemblance, au sud de Saint-Tropez, vers la baie de
Cavalaire.
On est assez porté à considérer ces deux Heraclea, de même
que Monaco, comme d'anciens comptoirs phéniciens qui auraient
ensuite passé aux Grecs.
6. Nr/.aïa. nom grec reproduit par le latin Nicaea, désigne la
ville de Nice. Ce nom, qui signifie littéralement « la victo-
rieuse », s'appliquait peut-être originellement à un sanctuaire
de la Victoire, Niv.t;, à moins qu'il ne s'agisse ici de Minerve,
ou plutôt de Pallas, qui était, on le sait, honorée sous ce surnom
dans la citadelle de Mégare, en Attique.
7. 'AvTizoA'.ç, c'est-à-dire « la ville d'en face », devait son nom
à sa situation opposée à celle de Nice, de même que la Aille
actuelle de Tortose, en Syrie, située en face de l'île d'Aradus, fut
jadis appelée Antaradus. C'est la moderne Antibes, en pro-
vençal Antiboul, ce dernier nom accentué sur la seconde syllabe.
8. 'AvxOy;, qui, comme Nice et Antibes, était à l'origine un
comptoir marseillais, est aujourd'hui la ville d'Agde (Hérault).
Suivant Timosthène que cite Etienne de Byzance, le nom com-
plet de cette localité aurait été AvaOr, ^'^'/Jn c'est-à-dire « Bonne
Fortune ».
9. Aopoo'.Tiac, c'est-à-dire « lieu consacré à Vénus », est le
nom qu'Etienne de Byzance donne à Port-Vendres (Pyrénées-
Orientales) dont le nom actuel dérive du latin Portus Veneris
au même titre que vendredi de Venèris dies.
10. Tels sont les quelques vocables géographiques d origine
grecque qui ont pu être relevés sur notre pays. Ce modeste
ensemble n'a pas suffi à certains esprits qui, voulant voir en
Gaule de plus nombreux vestiges de colonisation grecque, ont
cru trouver satisfaction dans certaines régions avoisinant, les
unes l'Océan Atlantique, les autres l'embouchure de la Somme.
Les noms géographiques sont ici les seuls témoins invoqués : eii
l'espèce, ils ne prouvent pas grand' chose. Sans doute, dans les
départements des Landes, du Gers, des Basses-Pyrénées et des
Hautes-Pyrénées, un assez grand nonii)r(' de villages ont h'ur
nom Irriuiiié on o.s, Alhos, Pissos, Ibos ; mais l;i Icrminaisoii di-
oKir;i>i:s (iiiKCouKS H
ces noms, correspondant à une syllabe accentuée du nom primi-
tif, est sans rapport avec la terminaison grecque -oç qui n'aurait,
en français, pas laissé plus de traces que les terminaisons latines
-us et -um, appartenant à des syllabes post-toniques.
Les prétendues preuves de colonisation grecque vers 1 embou-
chure de la Somme ne sont pas plus convaincantes. Il se peut
que le nom primitif de Saint- Valery-sur-Somme soit Leuconaus,
comme le dit la Vita Sancti Walarici, écrite au vu® siècle ; mais
c'est à tort qu'on voudrait reconnaître dans ce vocable deux mots
grecs, l'adjectif Xeuy.iç, « blanc », et le substantif vau;, « vais-
seau ». La terminaison du nom Leuconaus n'offre qu'un rapport
fortuit avec le mot grec ^ouq : ce nom paraît formé à l'aide d'un
suffixe -a vus (réduit de bonne heure à -aus), qu'on trouve dans
certains noms de lieu de la Gaule, tels Andelaus, Merlavus,
'Vertavus, et notamment Vinimaus etTellaus, ces deux der-
niers noms désignant deux régions peu éloignées de Saint- Valéry,
le "Vimeu et le Talou.
Il convient donc de ne pas exagérer la recherche d'éléments
grecs dans la toponymie française, d'autant plus que les anciens
noms grecs qui se sont perpétués jusqu'à nous, tout comme les
mots qui du latin sont passés dans notre langue, ont été altérés
de telle façon, que leurs formes modernes n'offrent rien qui
accuse leur origine, et sont presque méconnaissables, ainsi qu'on
l'a vu par l'exemple d'Agde, d'Antibes, de Nice et de Moun/iics.
II
ORIGINES PHÉNICIENNES
11. Les noms de lieu n'apprennent rien sur les colonies phéni-
ciennes qui ont pu ou même qui ont dû exister, à une époque
antérieure à la fondation de Marseille, dans le voisinage de la
Méditerranée. Il est vraisemblable que la plupart des établisse-
ments grecs dont le nom rappelait celui d'Hercule, sont d'anciens
comptoirs phéniciens passés aux Grecs, et que le nom d'Hercule
évoquait là le souvenir du personnag'e mythologique que les Grecs
appelaient l'Hercule tyrien, et que les Tyriens — qui ont porté son
culte à Cadix, à Malte et à Carthage — nommaient Melkarth.
Mais il est périlleux de vouloir distinguer, parmi les localités de
la Gaule dont les écrits de l'antiquité nous ont transmis les noms,
celles dont les vocables peuvent dériver de quelque langue sémi-
tique. Par exemple, dans le nom de Ruscino, qui désigna tout
d'abord Gastell-Rossello, près de Perpignan, en attendant que le
nom de Roussillon lut appliqué à un comté, puis à l'une de nos.
provinces, on a voulu voir la racine rus, qui figure dans bien des
noms géographi(jues africains d'origine punique (Rusadir, Rus-
gunia, Rusuccurum), et dont lesens, identique à celui de ros,
si fréquent dans les dénominations géographiques d'origine arabe,
répond au français « cap » ou « promontoire » ; mais, outre
que la position de Gastell-Rossello, même s'il s'était produit un
changement important dans la configuration du littoral méditer-
lanc'en, ne permet guère cette conjecture, le rapprochement est
peut-être tout fortuit. Il serait plus raisonnable de dire (jue
Ruscino se rapproche par sa terminaison de Rarchino,
aujourd'hui Barcelone, ville d'Espagne certainement d'origine
punique, puisqu'elle a été fondée par Amilcar Rarca, vers 2H0
avant .1. -(!),, que son nom parait bien avoir été formé, à l'aide
<l un suffixe puni(jue, sxu- liarcn. Ruscino procède-t-il pareille-
MuMil d'un iimn dhointnc Ici ([uc lifisrn! ( )m no peut ([uc le sup-
ORIGIÎSES PHÉNICIENNES I 1
Les noms phéniciens ou puniques ne doivent d'ailleurs pas
avoir été très nombreux en Gaule ; et, comme les monuments de
l'antiquité ne nous en font connaître aucun dont le caractère
ethnique soit certain, il faut se garder d'en chercher des vestiges
sous les formes, souvent si trompeuses, de la nomenclature
géographique moderne de notre pays.
III
ORIGINES LIGURES
12. Les Ligures qui, lors de la conquête romaine, occupaient
les régions alpestres de la Haute-Italie et de la Gaule, semblent
avoir dominé jadis sur une bien plus grande étendue de pays.
En effet, selon Justin, qui n'est que Fabréviateur de Trogue-
Pompée, historien latin contemporain d'Auguste et originaire de
la cité des Voconces, c'est '< inter Ligures et feras g entes
Gallorum », sur le territoire des Segobriges, que les Phocéens
auraient fondé, vers l'an 600 avant J. -G., la ville de Marseille.
Festus Avienus, qui écrivait à la fin du iv" siècle de notre ère,
en s'aidant de documents postérieurs d'un siècle environ à
la fondation de Marseille, dit que le Rhône formait la limite
entre l'Ibérie et les rustiques Ligures. Cependant on a lieu de
croire qu'il y avait des colonies ligures au nord des Pyrénées, si
même à un moment donné, ce peuple n'a pas occupé le pays
situé entre ces montagnes et le Rhône : le souvenir en subsiste
dans le nom de Livière, porté par une plaine voisine de Nar-
bonne, que Grégoire de Tours, dans son Liher in fjlorin rnar/y-
runi\ désigne sous le nom de Liguria.
Suivant l'opinion des savants modernes cjui se sont occupés
d'ethnographie avec le plus de succès, Mûllenhotîen Allemagne,
d'Arbois de Jubainville en France, les Ligures seraient venus
des régions de la mer du Nord, chassant devant eux les Sicanes,
établis alors en Gaule, qu'ils poursuivirent jusqu'en Italie, où ces
derniers ne purent d'ailleurs se maintenir. En un mot, les Ligures
auraient domim- (|urh|u(' temps jusijiic vers les conliiis do l'I^tru-
rie, et même fondé en ]']spagne une colonie dont 1 eniplacemenl
est diflicile à déterminer, mais qui aurait coinj)ris la région avoi-
sinant les sources du Hetis, c'est-à-dire du (iuad.ihpiivir actuel.
ICn Gaule, ils durent céder le pas aux poj)ulations c(^lli(|U('s cpii y
■irrivérf'nt cinf| ou six siècles .ivant l'ère chré'tiennc
1. Miiniuiinitl.i fii'fiii.-ini.ii- liisliii-ii;i, .S'c/'/'/j/m/cs rfiiini iiirii,rin</lr;iril m . I,
Dail.INES LKiUUES 13
La langue des Ligures s'est perdue sans laisser de traces bien
apparentes, et aucune inscription ligurienne n'a été trouvée dans
les Alpes maritimes, qui furent comme le dernier refuge de leur
indépendance. Cependant on possède quelques données sur des
noms propres qui peuvent être attribués à cette nation.
13. Un texte épigraphique ^ remontant à l'an 147 avant J. -G.
et trouvé dans la Valle di Polcevera, près de Gênes, soit en
pleine Ligurie, est particulièrement instructif à cet égard.
Reproduisant une sentence arbitrale prononcée par les frères
Minucius entre les Génois et les Viturii, il renferme des noms
propres de populations, de villag-es, de forteresses, de montagnes,
de vallées, de cours deau, et parmi ces appellations, au nombre
de ving-t-neuf, on distingue les noms Neviasca, Vinelasca —
répété sous la forme Vinelesca — Veraglasca et Tutelasca,
tous appliqués à des cours d'eau. Le suffixe -asca qu'ils pré-
sentent, et dont on constate ainsi la fréquence relative dans
cette inscription, peut être d'autant mieux considéré comme
particulier aux Ligures, qu'on ne le rencontre dans aucune
des lang'ues de l'Europe occidentale qui nous sont connues ~.
Il est impossible de ne pas reconnaître dans le suffixe -asca
la forme féminine d'un suffixe encore vivant dans la Haute-Italie
et dans la région alpestre, où on l'emploie pour la formation
d'ethniques tels que bergamasque, crémasque, monégasque, mots
italiens francisés qui désignent les habitants de Berg-ame, de Crème
et de Monaco. La forme masculine paraît dans les noms de lieu
Areliascus etCaudaliascus, qu'on litdansla Table alimentaire
de Veleia, document épig-raphique de l'ancienne Etrurie '. Ce
suffixe étant à bon droit considéré comme ligure, on a intérêt à
rechercher s'il a laissé des traces en France.
On peut répondre affirmativement à cette question par
1. Corpus inscriptionmn lalinarum, V, 886.
2. La même inscription présente 'd'autres sufûxes de noms de lieu, tels
que -emia, -inus, et -atis ou -aies, qu'on peut aussi attribuer aux
Ligures ; mais les deux derniers ne leur étaient pas spéciaux, car ils se
retrouvent dans d'autres langues indo-européennes; quant à -emia, il est
difficile à reconnaître dans les formes médiévales ou moilernes des noms de
lieu ; on n'en tiendra donc pas compte ici.
3. Ces deux vocables figurent à la page xvii, ligne 21, du texte de la
Tabula alimentaria Veleialium qu'Ernest Desjardins a donné à la suite de
sa liièse (le (loclorat />'• /.i/iulis alinii'n/.iriis,... (Paris, iSili, in-5-").
fi Lies >'OMS DE LIEU
l'examen de deux précieux documents de la période franque
intéressant le pavs compris entre le Rhône inférieur el les Alpes,
cest-à-dire le Testament du patrice Abbon, qui date de 739 ', et le
Polvptique de l'églisede Marseille-, rédigé vers 815, sousl'évéque
Wadald. Le premier de ces textes, dans lequel sont énumérées
d'assez nombreuses localités de la Provence, du Dauphiné et des
régions voisines, en mentionne au moins quatre dont le nom est
terminé en -asca ou -ascus : Annevasca, Cravasca, Bar-
ciascus, Bicorascus ; et sept autres présentant le suffixe
-oscus, qui paraît n'être qu'une variante du précédent: x\lba-
rioscus, Bonnoscus, Gattaroscus, Cravioscus, Lavarios.
eus, Lavarnoscus, Riacioscus. Quant au Polyptique de
l'église de Marseille, on y rencontre Albarascus, Albaroscus,
Albioscus, Curioscus, Dailosca, Lebrosca, Mainosca.
On ne connaît malheureusement pas toujours l'équivalent
moderne de ces vocables.
Aux deux suffixes presque analogues -ascus et -oscus, il
faut sans doute en joindre un troisième, -uscus, qui termine,
dans Pline et dans Ptolémée, le nom d'une population alpestre,
donc vraisemblablement ligure, les Rugusci. Il serait imprudent
d'ajouter à ces trois suffixes, les suffixes -esc et isc, qui complé-
teraient la gamme vocale, car ces deux derniers, lorsqu'ils se pré-
sentent dans les noms de lieu, proviennent le plus souvent d'un
suffixe germanique, subsistant dans l'allemand -isch et dans
l'anglais -ish, fjui caractérisent surtout des adjectifs ethniques.
Pour ne pas risquer d'attribuer une origine ligure à des noms en
réalité germaniques ou semi-germaniques, il faut donc n'admettre
pour ligures ou semi-ligures que des vocables dont le suffixe
était originellement -asc, -esc ou -use.
14. En disant « ligures ou semi-ligures », on entend bien préci-
ser que les noms dans lesquels on reconnaît ces sufFixes, sont h)in
de remonter tous avec certitude à la période ligurienne du passé
de hi France méridionale, car l'un de ces suflixes est, on vient
de le voir, usité de nos jours encore pour la formation d'adjectifs
1. I\nrclf'.ssiis, Diplomuln, 11,370-378.
2. l'ulilif'; en 18!i7 par Guérard, à la suile tlu (.ariiiluire de l nbLmjc df
Saint- Virlor Je Marseille, dans le l. IX (j). 033-0;)4) de l.i Culleclion des car-
lljl.'lIl-i'H ilr Fnilirr.
OUIGINES LIOLUKS lo
ethniques dans la Haute-Italie. Les suffixes ligures paraissent
être restés en usag'e pour la formation des adjectifs à l'époque
romaine, et sans doute môme à l'époque franque, dans les pays
précédemment habités par les Ligures, et dans lesquels, par
conséquent, leur langue avait été usitée. Par un phénomène
dont on peut citer d'autres exemples, le suffixe -asc survécut à la
langue à laquelle il appartenait. Le fait est d'ailleurs parfaitement
établi, grâce à une dissertation sur certaines formes de noms de
lieu de la Haute-Italie, qu'un érudit italien, Jean Flechia, a com-
muniquée en 1870 et 1871 à l'Académie royale des Sciences de
Turin \ et dans laquelle sont énumérés plus de cent trente noms
en -asca ou en- asco appartenant aux provinces italiennes situées
au nord de l'Etrurie, et que Ton sait avoir été occ'upées, dans une
certaine période de l'antiquité, par les Ligures. A côté des noms
Affli-ascu, Barhari-asco, Corneyli-asca, Lisin-asco, qui sont cer-
tainement dérivés des gentilices ou noms de famille romains
AUius. Barbarius. Calvinius, Cornélius et Licinius, et
qui ne peuvent dater que de l'époque à laquelle la Ligurie était
devenue romaine, on trouve, dans la liste dressée par Flechia, des
noms manifestement postérieurs à l'époque romaine, dérivés qu ils
sont de noms d'origine germanique : par exemple Boson-asco ou
Bosn-asco, Garibald-asco, Gepkl-asco, formés sur les noms
d'homme Boso, Garibaldus et Gepidus. Ces noms de lieu
liguro-lombards sont, à la vérité, en nombre relativement peu
élevé.
Sous réserve de ce qui vient d'être dit relativement aux
noms de lieu formés, soit à l'époque romaine, soit à l'époque
franque, à l'aide du suffixe ligure -asc, il convient d'examiner les
noms de lieu du territoire français dont la forme primitive était
en -asca, -ascus, -osca, -oscus, -usca, -uscus, afin de voir
s'ils permettent d'admettre, avec les savants ethnographes de
notre temps, que les Ligures ont étendu jadis leur domination
en France, sur des pays autres que ceux où nous les trouvons
confinés, à l'époque oii fut constituée la Province Pionuiinc.
l. 1)1 alcune forme de nuini locnli deU' llalia superiorc, dis^erlnzione liii-
ffiiistica, dans, Meinoricdellii renie Accadernia dellc s^cienze di Torino, 2" série,
XXVII (1878), 273-374; au suffixe -ascn sont spécialement consacrées les
pa.tres 333 à 3iO.
LHS iN'OMS DE LIEL'
Ces noms de lieu se rencontrent dans toute l'étendue de pays
comprise entre le Rhône et la Saône d'une part, les Alpes et le
Jura d'autre part. On les trouve aussi à l'ouest du Rhône, dans
le Vivarais, l'Auvergne, le Rouergue et la Bourgogne ; en outre,
on en constate la présence plus au nord, jusque dans les environs
de Metz, si toutefois on peut faire état du nom de Caranusca,
que la Table de Peutinger attribue à une station itinéraire, située
entre Metz et Trêves ; et, du côté du midi, on en rencontre un
exemple dans le département de l'Hérault. De sorte que la topo-
nomastique permet d'affirmer que les Ligures habitèrent jadis
dans une vingtaine au moins de nos actuelles circonscriptions
départementales.
15. Parmi les suffixes caractéristiques de ces noms de lieu,
c'est le féminin -asca qui est le plus reconnaissable dans les
formes qu'il revêt ordinairement : -asque dans les pays de langue
doc, -ache dans ceux de langue d'oïl.
Annavasca, 739 : Névache (Hautes-Alpes).
Baascha, xn* s., pour un plus ancien Badasca ou
Bagasca : Saint-Seine-en-Bâche et Bauche, commune de
Saint-Symphorien (Côte-d'Or),
Girvascha, xn*^ s. : Gillivache (Isère, commune de Bresson).
Gratiasca, xi« s. : Gréasque (Bouches-du-Rhône).
Manoasca, xu^ s. : Manosque (Basses-Alpes),
« Inter duas Severiascas », \ 148 ; texte s'appliquant à deux
affluents du Drac (Hautes- Alpes), la Severaisse et la Severais-
sette.
Vindasca, iv" s. : Venasque (Vaucluse), qui a donné son
nom au Comtat-Venaissin.
16. Quant au masculin -a se us ou à son accusatif -ascum,
s'il est généralement h peine altéré dans les pays de langue d'oc,
on le reconnaît moins aisément dans ceux de langue d'oïl, où il
s'est réduit à a, aujourd'hui noté de diverses façons.
Avanascus, 123(1 : Saint-Sixte d'Avenas (Hérault).
Brascus, ix" s., chef-lieu de la vicaria Brascensis : Brasc
(Aveyron).
Caban ascum, mn"" s. : ancien prieuré du diocèse de (iap.
M ai a se us, ix* s. : Maatz (Haute-Marne).
MarasCy Il.'i7, do Marasco, 1188, cniifondu (\rs le \i\' s.
avoc marescus : Marac (^Haute-Marne).
UHlGliNES IJUUKKS 17
Pahiriascus, époque carolingienne : Pailharès (Ardèchej.
Salascus, i\^ ou x*' s. : Salasc (Hérault).
Soleilhascus ou Soleilhascum, forme basse : Soleilhas
(Basses-Alpes).
Vennaschus ou Vennascum, localité aujourd'hui inconnue,
mentionnée en i079 dans une charte de Tabbaye de Gellone.
17. Les suffixes féminins -osca, -usca, fréquemment
confondus au moyen Bge, devraient donner en langue d'oc
-osqiie, -usque, en langue d'oïl, oche, -uclie.
Lantosca, xii*' s. : Lantosque (x\lpes-Maritimes).
Gentusca, 1149 : Santoche (Doubs).
18. A ces noms il convient d'ajouter les suivants, dont on
ignore les formes anciennes :
Eydoche (Isère), Lambruche (Basses-Alpes), Mantoche (Haute-
Saône).
19. Beaucoup plus fréquent que son féminin, le masculin
-ose us, -uscus, se reconnaît aisément dans les contrées de
langue d'oc sous les formes -ose, -use ; on le pressent moins dans
les formes vulgaires en -oc, -ost, -ot, -ou, -oud et -eux qu'il a
prises en langue d'oïl, par suite de l'assourdissement de Vs
d'abord, du c ensuite.
Albioscus, viii*^ ou ix® s. : Albiosc (Basses-Alpes).
Baroscus, 986 : la forêt de Barou (Saône-et-Loire).
Blanuscus, 927 ; Blanoscus, xri^ s. : Blanot (Saône-et-
Loire), qui a un homonyme dans la Gôte-d'Or.
Branoscus, xiv^ s. : Branoux (Gard).
Brinosc, 1100 : Brignoux (Isère).
Gadaroscus, 845, où il faut vraisemblablement reconnaître
un cognomen formé sur le grec xaOapiç : Cadarot (Bouches-du-
Rhône, commune de Berre).
Gagnoscus, xi" s. : Saint-Jacques-de-Gagnosc (Var).
Ghanozco, 960 ; Gannoscus, 1050 : Chanos (Drôme).
Gamaloscus, 1299, et en langue vulgaire C/«cmi/i/o.s/, xiii'' s, :
Chamaloc (Drôme).
Gambloscum, ix* s. : Champlost (Yonne).
Gamboscus, xii" s. : Chambost (Rhône).
Gurioscus, 814 : Curiusque (Basses-Alpes).
Flaioscus, xi*' s., formé probablement sur le gentilice
Flavius : Flayosc (Var).
l^es noms de- lieu. 2
18 l-I..-^ >U.\]? LtE LILLX
Hemuscum, 1293 : Eymeux (Droraei.
Monsioscus, x^ s. : Monsols ^ Rhône).
Noioscus, 970 : Niost (Ain).
Ornosc, x^ s. : Larnaud Jura).
Siguroscus, 852 : Sirod \^Jura).
Vallis Venusca, 8i8 : Venosc Isère;.
Velioscus, 1038 : Vilhosc i Basses- Alpes/.
Vitroscus, x'^^-xi^ s. : Vitrieux Isère).
20. Le nom de Vitrieux appelle une observation particulière.
La terminaison qu il présente est, dans la région où est située
cette localité, propre aux noms de lieu formés à laide de la dési-
nence d'origine celtique -iacus, dont il sera traité plus loin. Il
est probable que ce nom, qui ne remonte qu'à l'époque romaine
— on y reconnaît le gentilice Victorius — eut dès l'origine
deux formes indifféremment usitées, et caractérisées respective-
ment par le suffixe ligure -oscus et le suffixe celtique -acus.
Cette hypothèse d'une appellation double s'impose aussi à propos
d'Apinost Rhône , que des textes du x*^ siècle appellent Appen-
niacus ou Appiniacus, mais dont le nom actuel ne peut s expli-
quer que par un primitif formé à l'aide du suffixe ligure -oscus.
21. A la précédente nomenclature il faut sans doute ajouter les
noms suivants, dont les formes originelles sont inconnues :
Artignosc iVar,, Brusque {Aveyron;, Gilhoc iArdèche; — dont
la terminaison est identique à celle de Ghamaloc, — Vanosc
(Ardèche).
22. L examen attentif des noms qui précèdent prouve que
l'ancien suffixe ligure masculin, souvent reconnaissable au sud de
la Durance et en Dauphiné, où il parait aujourd hui sous la forme
orthographique -asc ou -use, s'est quelquefois assourdi eu -o/,
même dans la Provence méridionale, témoin le nom de Cadarot.
Cet assourdissement s'est produit encore dans le nom de Cha-
rnaloc, où Vs a disparu, et dont le c final n'est j)lus là sans doute
que comme un souvenir : on 1 observe aussi dans le nom
(THymeux. (lu'étymologiqucment on pounait écrire Enieusc;
mais on le constate surtout, au nord de \ ienne et tle Ly<ni, dans
]('.s noms de Sirod, de Mousols, de Niost, de Blanosl, de Cliam-
f>lost, aussi bien que dans Rarou, Branoux et Brignoux, ou 1 o
(le -oscus s'est développé en ou.
y.ïi raison «b- <cs faits, il est impossibli-. i|u;in<l on ne possède
ORlGINiS LKilHKS !9
pas de formes latines réellement anciennes, de distinguer, parmi
les noms de lieu modernes en -as et en ~ot qu'on rencontre dans
la partie septentrionale de notre pays, ceux qui étaient origi-
nellement terminés par les suffixes ligures -ascus, -oscus et
-uscus.
23. On hésite aussi, en Tabsence de textes, à attribuer une
terminaison ligure féminine aux formes primitives des noms qui,
dans la même région, sont terminés aujourd hui en -ache, -oche
et -oiiche, et qui, dans un certain nombre de cas, peuvent avoir
une tout autre origine : c'est ainsi que, par exemple, Cadarache
(Vaucluse) représente le latin cataracta, « chute d'eau ».
Dans ceux des pays de langue d'oc où s'assourdit le c des
suffixes ligures, il est également difficile de déterminer si un
nom de lieu en -as dérive de -ascus ou de -atis, et d'affirmer
que les noms de lieu en -os, si nombreux dans les départements
du sud-ouest, dérivent de noms primitifs en -oscus. En outre
dans le département de TArdèche les noms d'Arlebosc et de
Malbosc paraissent complètement étrangers à l'influence ligure,
car on sait que bosc est, dans le midi de la France, l'équivalent
de notre mot bois.
Il faut donc se contenter, jusqu'à plus ample informé, de
savoir que les suffixes caractéristiques des pays jadis occupés
par les Ligures se rencontrent en Provence, dans le Dauphiné,
la Bresse, la Franche- Comté, la Bourgogne, l'Auvergne, le
Rouergue, le Vivarais et le Languedoc oriental.
24. La présence d'un élément ligure dans la nomenclature
géographique de notre pays est maintenant un fait indiscutable.
Mais peut-être d'Arbois de Jubain ville va-t-il trop loin, quand
il attribue aux Ligures tous les vocables d'apparence indo-
européenne, qui ne peuvent s'expliquer, ni par le latin, ni
par le gaulois, tels les noms de rivière en -ra (Isara, Avara,
Tara, . Savara), en -antia, -entia, -ontia (Asmantia,
Druentia, Alisontiaj, en -umna (Olumna, Garumna) ou
en -ona (Axona, Matrona) : il y a là une exagération de
nature à compromettre les résultats certains obtenus à si grand'
peine d'une étude attentive de la toponomastic(ue française.
25. Ce que les noms de lieu en -ascus, -oscus, -uscus nous
apprennent de l'extension géographique des Ligures, on pourrait
l'induire également peut-être des vocables de même ordre termi-
20 LES NU.MS DE LIEL
nés par un autre suffixe, dont nous devons la mention implicite
à Pline l'Ancien. En signalant Bodincus, qu'il traduit par
« sans fond », (fundo carens), comme le nom ligure du Po, cet
écrivain nous indique suffisamment -in eus comme un suffixe
ligure. Celui-ci se retrouve en d'autres noms, malheureusement
trop rares, que fournissent les textes antiques : Lemincum, loca-
lité du pays allobroge que représente aujourd'hui Lemens, fau-
bourg de Chambérv; Alisincum, vraisemblablement Saint-
Honoré (Nièvre); Durotincumqu'ilfaut chercher dans le dépar-
tement de risère; Agedincum, qui a échangé son nom contre
celui de la nation celtique des Senones, dont elle était, au temps
de César, la ville capitale ; Yapincum. Gap (Hautes-Alpes).
26. Ce suffixe, qu'on trouve également en d autres noms de
lieu pour lesquels on ne possède pas de mentions antiques,
comme celui de l'Albenc (Isère), s'étendait donc vers le nord, au
moins jusqu'à Sens, de même que le suffixe -ose us. Mais il
serait dangereux d'être plus afïirmatif, car dans les formes
modernes des noms de lieu le suffixe -incus se distingue diffici-
lement d'un suffixe germanique presque identique, -ing, latinisé
-ingum, qui se retrouve dans le haut bassin du Rhône, sous la
forme -ans, et dans le Midi sous la forme -enc, au pluriel -ens,
formes qui représentent, non moins régulièrement, le suffixe
ligure -incus.
Il faut observer que ce dernier a parfois perdu l'accent, témoin
le nom de la ville de Gap et la prononciation locale Alb du nom
de lAlbenc.
IV
ORIGINES PRÉSUMÉES IBÈRES
Les Ibères ont dominé dans la péninsule hispanique antérieu-
rement à l'invasion celtique, soit au iv'^ ou au v'" siècle avant
notre ère.
Les Aquitains qui, au temps de César, occupaient la région de
la Gaule comprise entre la Garonne et les Pyrénées, s'étendaient
antérieurement, au dire de Strabon, jusqu'aux Gévennes ; selon
le même géographe, ils se distinguaient non seulement par leur
langage, mais aussi par leur type physique, beaucoup plus rap-
proché du type ibère que du type gaulois, et formaient un groupe
complètement distinct des autres peuples de la Gaule.
Ce pays entre Garonne et Pyrénées fut romanisé avec le reste
de la Gaule, puis occupé au v*" siècle par les Goths, que les
Francs remplacèrent à la suite de la bataille de Veuille (507).
Enfin, moins d'un siècle plus tard, la contrée, que depuis
l'époque impériale on désignait sous le nom de Novempopulanie,
fut envahie par les ^^ascones, habitant anciennement la Can-
tabrie, et dont l'influence sur la population et la langue du
pays auquel ils ont donné leur nom — notre Gascogne — est
encore des plus visibles : c'est, en effet, à cette dernière invasion
qu'il faut sans doute attribuer l'introduction de la langue basque
en Gaule, oîi elle fut d'ailleurs assez vite refoulée, et confinée
dans ce qu'on appela plus tard les pays de Soûle et de Labourd
et la Basse-Navarre ; il est même probable que cette région est,
en deçà des Pyrénées, la seule où les Basques formèrent, sinon
la totalité, du moins la grande majorité de la population, tandis
que, dans les parties plus septentrionales de la Gascogne, l'élé-
ment romain conservait l'avantage du nombre.
L'existence, dans vin coin de l'Aquitaine primitive, dune
population si caractérisée, a prévenu favorablement, et de bonne
heure déjà, les ethnographes en faveur de l'identité des Aquitains
et des Basques ; mais on a peut-être eu le tort d'oublier la date
récente de la venue des Gascons on Gauh\
22 LES NOMS DR LIEU
27. L'argument le plus considérable pour apparenter la langue
des Aquitains réside dans le nom primitif de la ville d'Auch,
Elimberris, dans Pomponius Mêla, Cliniberrum, par une
faute de copiste, dans l'Itinéraire d'Antonin, Eliberre dans la
Table de Peutinger. On a rapproché ce nom de celui d'Illiberis
qui s'en disting-ue cependant, non seulement par sa lettre initiale,
mais encore par le redoublement de 17 et par la présence d'un
seul r au lieu de deux ; et comme le nom d'Illiberis s'appli-
quait dans l'antiquité aux villes d'Elne (Pyrénées-Orientales) et
de Grenade (Espagne), on a voulu voir dans ces trois villes, trois
localités homonymes qui, par leur nom d'origine à la fois ibé-
rienne et basque, et par leur situation, marquaient les points
extrêmes de la domination ibérienne. « Ces noms mêmes, dit
Achille Luchaire, suffiraient à eux seuls pour établir que le
basque fut parlé jadis dans l'Andalousie, en Gascogne et en
Pioussillon » ; et il déclare ensuite que ces noms représentent le
nom basque iriherri, que traduisent exactement les mots « ville
neuve ».
A ces allégations on peut objecter que les trois vocables ne
sont pas entièrement identiques, et que l'ancien nom d'Elne et
de Grenade ne présente pas le double r si caractéristique de
l'adjectif basque herri au sens du français « nouveau » ; d'autre
part, il est téméraire d'aflirmer l'identité des deux syllabes illi
aveclemot basque iri signifiant « ville » ; enfin, s'il faut en croire
Polybe, le nom primitif de la ville d'Elne lui aurait été commun
avec un cours d'eau voisin, le Tech ; or, il est constant que dans
les cas similaires, c'est le cours d'eau qui a donné son nom à la
ville, et la traduction d'Illiberis par « ville neuve » n'est pas
acceptable pour un cours d'eau. L'étymologio bas([ue de ce nom,
et partant l'identité des Aquitains et des Basques, se trouvent
donc i>icn compromises.
Aussi paraît-il sage de se ranger à l'avis de M. Julien Vinson :
« La science ne peut rien dire encore, ni sur l'origine des
Hasques, ni sur la langue des Ibères ». Peut-être, comme l'a
pensé Guillaume de Humboldt, y a-t-il dans l'Espagne, et même
en Gaule, d'anciens voca})les géogra|>hiques qu'il est possii)lc
d'expliquer par le bas(|ue, ce qui, en siq)posant le fait avén-,
prouverait qu'avant d'être confines dans les montagnes de la
Cantabrio. les ancêtres des Rasque-s avaient r-n des établissements
OUKIINKS l'IlKSlMl'lKS ItîKliES 2-i
dans diverses parties de la péninsule ibérique el dans la Gaule
méridionale ; mais rien ne démontre que la lang'ue des Ibères,
et par suite celle des Aquitains, soit représentée aujourd'hui par
la langue basque; celle-ci, à vrai dire — le fait a été récemment
démontré — renferme, avec une grammaire antique, un grand
nombre de mots romans.
Si l'on ne peut identifier avec la langue ibérique certains
vocables encore usités dans la France méridionale, et dont l'ori-
gine est peut-être imputable aux Basques, il faut cependant
reconnaître que certaines appellations géographiques françaises
remontent aux Ibères.
28. Tel est en premier lieu le mot nlison, équivalent du latin
al nu s, et représenté par l'espagnol aliso, dont on a rapproché
le basque elfza et l'allemand else, anciennement eliza ; il a été
latinisé en aliso, alisonis, réduit plus tard à also, alsonis,
qu'on reconnaît dans Alzon (Hérault], Alzonne (Aude), et dans
le nom d'un grand nombre de cours d'eau : l'Alzoïl (Aveyron,
Gard), l'AuzOîl (Basses-Alpes, Ardèche, Aube, Gard, Indre,
Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Saône-et-Loire, Vaucluse,
Vienne) : on peut citer plusieurs cas oîi ce dernier nom désigne
non seulement le cours d'eau, mais encore une des localités rive-
raines.
29. Alisos est aussi la racine d'un autre nom de cours d'eau
dont le territoire gaulois fournissait beaucoup d'exemplaires,
Alisontia. Ce nom, appliqué par le poète Ausone à l'Elz, affluent
de la Moselle, qui coule dans la région de Coblenz, et dont on
reconnaît un diminutif dans le nom de l'Alzette, qui arrose
Luxembourg, a désigné aussi l'Auzance, fleuve côtier du départe-
ment de la Vendée, et son homonyme qui passe h Vouillé (Vienne),
ainsi que l'Alsance, affluent du Tarn; c'est sans doute lui qui
fournit le thème étymologique du nom des communes actuelles
d'Aussonce (Ardennes) et d'Auzances (Creuse).
30. 11 est douteux qu'alisos soit un mot ligure, comme le
croyait d'Arbois de Jubainville. Il existe, à la vérité, dans la
Corse, où les Gaulois n'ont jamais pénétré, un hameau dénommé
Alzone, et des cours d'eau appelés Aliso, Alzeto, Alizani ; mais
dans la Ligurie proprement dite, autrement dit dans la Haute-
Italie, on n'observe aucun vocable dérivé d'alisos. La persistance
d'aliso en espagnol et lo basque elfza, autorisoni, scmble-t-il,
24 T'ES ><»MS DE LIEU
à tenir alisos pour un mot ibère ; les Ibères, qui sont la plus
ancienne population connue de l'Espagne, ont occupé, nous
l'avons dit, la Gaule du sud-ouest ; d'ailleurs leur sphère d'in-
fluence dans notre pays est encore à déterminer.
Pareille origine est attribuable aux mots arfig, garric, cahnis
et serra.
31. Le premier, qui subsiste en Espagne sous la forme artiga,
au sens de défrichement ou d'essart, avait la même acception
dans, la langue du Midi ; on le trouve aussi en catalan sous la
forme artigo, dont le patois du Limousin olTre la variante artijo :
ces deux dernières formes figurent dans le Trésor du Félibrige
de Frédéric Mistral. Or, il est curieux de constater que la forme
limousine a été employée comme nom de lieu en Poitou, en
Bourbonnais, dans la Marche et en Auvergne — Artige (Vienne),
Arliges (Allier, Cantal, Puy-de-Dôme), Lartige (Charente) — et
que la forme méridionale Artigue ou Lartigue, avec ou sans s
final, accompagnée ou non d'un complément, se retrouve dans
des vocables géographiques de l'Ariège. de l'Aude, de l'Aveyron,
de la Corrèze, de la Haute-Garonne, de la Gironde, des Landes,
du Lot, de Lot-et-Garonne, des Basses-Pyrénées, des Hautes-
Pyrénées, et même du Var.
32. Voilà donc un mot d'une langue antéromaine, qui, encore
employé en Espagne — où il n'est pas question ici d'en déterminer
l'extension primitive — a été jadis usité, ainsi que les noms de
lieu l'attestent, à peu près dans la moitié de la Gaule, principale-
ment dans l'Aquitaine, au sens large de ce mot, c'est-à-dire dans
tout le pays compris entre les Pyrénées et la Loire ; et, fait inté-
ressant à noter, on le trouve même à l'est du Rhône, dans le
département du Var. Ce mot, antéromain et sans doute antécel-
tique, est-il ibère, est-il ligure? Ligure, ce n'est guère probable,
car alors on le trouverait dans les régions de la Haute-Italie,
dernier refuge de l'indépendance ligure : or, on ne paraît pas 1 y
avoir observé. Ibère, on le croirait plus volontiers, puisque c'est
dans la langue actuelle de l'Ibérie, dans l'espagnol, qu'on le
retrouve surtout aujourd'hui, et puisqu'il s'étend en France,
non seulement dans la région habitée au temps de César par les
Aquitains, dont Strabon indique la parenté avec les Ibères, mais
aussi au delà du Rhône, alors qu'on sait que les Ibères se sont
étendus juscpi'.iu lUiônc, par le littoral médiferranéen.
ORIGINKS PHÉSUMÉr^S IUKURS 2")
33. Non moins intéressant est le mot gascon et languedocien
ffarric, au sens de « chêne », qui, au delà des Pyrénées, se
retrouve en catalan sous la forme garrig. Ce mot, qui figure
avec ses dérivés dans le dictionnaire provençal de Mistral, ou,
pour parler plus exactement, son dérivé garrigo, au sens de
« chênaie, lieu planté de chênes », a pour équivalent limousin
Jarrijo, et celui-ci semble avoir, dans les régions septentrionales,
une variante jarrie, dont les noms de lieu révèlent l'existence.
On rencontre dans la France méridionale Garric ou le Garric
(Aude, Avejron, Hérault, Tarn), Garrigou (Ariège, Lot-et-
Garonne), la Garrigue (Aude, Aveyron, Cantal, Dordogne,
Haute-Garonne, Hérault, Lot, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Orien-
tales, Tarn, Var), parfois orthographié officiellement Lagarrigue
(Lot-et-Garonne, Tarn), Garrigues ou les Garrigues (Gard,
Hérault, Lot-et-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Yaucluse). La
forme limousine est représentée par la Jarrige (Cantal, Corrèze,
Indre, Haute-Loire, Lot, Puy-de-Dôme, Vienne, Haute- Vienne),
et les Jarriges (Charente, Indre, Vienne). Enfin, on reconnaît la
variante qui peut être rapportée à la langue d'oïl dans la Jarrie
(Charente-Inférieure, Cher, Dordogne, Indre-et-Loire, Isère,
Loire- Inférieure, Maine-et-Loire, Deux-Sèvres, Vienne, Yonne),
les Jarries (Charente-Inférieure, Vienne), le Jarriel (Seine-et-
Marne), Jarrier (Savoie), le Jarrier (Eure, Indre-et-Loire, Loire-
Inférieure, Nièvre, Orne, Sarthe, Seine-et-Marne), les Jarriers
(Sarthe). L'aire géographique du mot garric et de ses variantes
ou dérivés est plus étendue, on le voit, que celle du mot artig,
puisqu'elle atteint vers le nord les départements de la Sarthe, de
l'Orne, de l'Eure et de Seine-et-Marne, vers l'est ceux de l'Isère
et de la Savoie. D'après ces données, qu'une enquête plus appro-
fondie pourra modifier, garric semble un mot qu'on attribuerait
plutôt aux Ibères qu'aux Ligures, puisqu'il est commun à la
France et à l'Espagne, et qu'on ne le retrouve pas dans l'Italie
septentrionale; mais, là encore, l'opinion d'après laquelle le
basque représenterait l'ancienne langue des Ibères, se trouve
encore en défaut, car le mot garric n'appartient pas à la langue
basque, où le chêne est désigné par le mot ariz.
34. Le mot espagnol calma désigne un plateau désert où l'on
mène paître le bétail. Il est identique au bas latin calma ou
cal mis, que fournissent de nombreux textes du moyen âge, et
56 Il--f' NOMS ru. 1.1 K[
qu'on retrouve dans tous les dialectes méridionaux, sous les
formes les plus diverses — calm ou culm en Rouergue et en
Albigeois, champ en Auvergne, en Gévaudan. en ^'^iva^ais, en
Lyonnais, en Valentinois, chalp et chaup en Dauphiné — aux-
quelles correspond la forme chaux de la Bourgogne et de la
Franche-Comté. Ce mot. doù sont sortis de nombreux noms de
lieu, tels que Calmettes 'Aveyron, Pyrénées-Orientales), Calmette
ou la Calinette Ariège. Aude. Aveyron, Cantal, Gard. Hérault,
Tarn . Lacam Aveyron. Lot). Lacamp (Cantal), Lachamp
(Ardèche, Drôme, Isère). Laschamp (Puy-de-Dôme), la Chalp
Hautes- Alpes. Isère), la Chaup Hautes-Alpes). Chaux ou la
Chaux (Doubs, Jurai, peut aussi, en raison de sa persistance
dans la langue espagnole, être attribué aux Ibères de préférence
à tout autre peuple.
35. On en peut dire autant du vn.oi peno, pennn. qui désigne,
dans le midi de la France, une pointé, une hauteur, un sommet,
un château à créneaux, et qui correspond à l'espagnol pena,
« roche ». Forme primitive, à ce qu'il semble, des noms de Penne
'Lot-et-Garonne), de Pennes Drôme), de la Penne (Alpes-Mari-
times, Aude, Bouches-du-Rhône, Drôme), de Lapenne (Ariège)
et des Pennes flîouches-du Rhône), ce mot a passé pour être
d'origine latine : Littré attribue en effet au mot latin pinna le
sens de >< sommet » ; mais le seul texte qui autorise cette inter-
prétation paraît être la Vie de saint ^'ictor et de saint Félix et il
n'est pas des plus probants, car cette vie de saints aragonais du
\'[ir siècle doit avoir été écrite au xiii*^ siècle, à Sarasrosse, et
l'auteur a vraisemblablement emprunté j)inna. au sens de « faîte »
et de « montagne », au langage vulgaire de son pays.
36. Le mot serre est certainement antéromain ; tantôt masculin
et tantôt féminin, suivant les dialectes, il se rencontre dans toute
];i moitié méridionale de la France, et, désignant une chaîne de
montagnes, une crête, une cime dentelée, il est l'équivalent de
l'esprigiiol sierra, ce (jui autoriserait à le tenir pour ibère.
37. Peut-être en est-il de même du mot saii/nr ou sarjne, qui.
dans 11' p;ilois limousin, désigne une prairie marécageuse, un
terrain humide, et (ju'on rencontre à un grand nombre d'exem-
plaires dans la nomenclature topographique de la France méri-
dionale. C'est ce mot (pii est l'origine du nom de Grandsalgne
(^orrèze).
V
ORIGINES CELTIQUES
DU NOS
Les noms de lieu d'origine celtique sont très nombreux en
France, et, à défaut de résultats qui ne laissent rien à désirer,
l'étude en procure des données intéressantes et certaines.
La plupart du temps on est en présence d'un substantif uni,
soit avec un nom d'homme, soit avec un adjectif, et occupant
d'ordinaire la seconde place.
Quelquefois la fin du nom est constituée par un suffixe qui n'a
de valeur que combiné avec un nom commun ou un nom
propre.
38. L'un des substantifs gaulois les plus répandus 49ns la
toponomastique de notre pays est diinos, latinisé en dunum,
dont le sens originel est celui de « montagne » .
Ce sens est attesté par trois écrits :
1" Le pseudo-Plutarque, écrivain grec du premier quart du
m° siècle, qui rédigea un livre sur les noms des fleuves et des
montagnes, énonce formellement, à propos du nom de la ville de
Lyon, Ao'JYCouvov, que dans la langue des Gaulois, coîivsv avait le
sens de <( lieu élevé* >•> .
2" Le petit glossaire gaulois — De nominiLus galUcis — donl
Stephan Endlicher a signalé la présence dans un manuscrit du
IX'' siècle, conservé à Vienne, traduit ainsi le nom de la même
ville : Lugduno, desiderato monte''.
S*' Enfin la Vifa sancti Germani, episcopi Antissiodorensis,
mefrica, écrite au ix" siècle par le moine Heric, affirme à deux
1. Ao'jyov Y*p t^ acpwv oiaXEzno tôv zo'pa/.a x.aXoj'j'., ooiïvov oï to't:ov sçiyovra.
Plutarchi opéra, éd. Diibner (1855), V, 3.">.
2. Catalof/us codinim philolof/icnrum lal.inorinn lilhliotlii'rae i>:il;i/ln;ii'
Vinrlohnnpnsis ('Vienne, 183(1). p. 109.
2S Li:S NOMS DE LlKf
reprises, à propos du nom d'Autiin ' et de celui de Lyon-, la syno-
nymie du mot dont il s'agit et du latin nions.
Malgré ce triple témoignage, on a beaucoup discuté, au siècle
dernier, sur le sens du mot dunum, d'aucuns opposant au sens
de « montagne » celui de « ville », qu on trouvé dans le saxon
tun^ dans l'anglais moderne town : opinion fondée sur ce que cer-
taines localités au nom latin en dunum ne sont pas dans une
situation élevée, par exemple Gaesarodunum, aujourd'hui
Tours.
Et, tout en n'admettant pas cette opinion, d'Arbois de Jubain-
ville, attribuait à dunum le sens de « forteresse >>, qu'a conservé
l'irlandais dun.
Il semble préférable de supposer que dunum, comme bien
d'autres mots dans les diverses langues, a eu un sens primitif
et un sens secondaire ; qu'après avoir, à l'origine, désigné un
lieu élevé, il est devenu synonyme du latin oppidum, les
oppida occupant ordinairement des lieux élevés. Ainsi ont évolué
lallemand Lerff dont la variante hurff équivaut au latin cas-
t rum, et le bas latin rocca, origine de notre mot rnche\ ce dernier
reçut, dès le vin'' siècle, le sens de « forteresse » qu'il avait
encore au xvi'', sous la forme roque, de sorte qu'on donna, au
cours du moyen âge, en France, le nom de Rochefort, c'est-à-dire
« château fort », et celui de La Rochelle, c'est-à-dire a le petit
château », à des localités dont l'assiette n'était pas précisément
une roche.
Les noms de lieu ayant dunum pour origine sont nombreux.
39. En premier lieu doivent être signalés ceux dont dunum
est l'élément unique.
Sans parler des Duno d" Italie et d'Espagne, (jui représentent
à coup sûr d'anciennes colonies celtiques, on note le nom de Dun
dans les départements de l'Ariège, du Cher, de la Creuse, de
l'Indre, de la Meuse, (h; la Nièvre et de Saône-et-Loire.
l'i'hs <|iio(|iic piovci-limi iiiciitis(|iio el iiomiiio smnpsit,
Atif^iislodiimiin (Icmiiiu conce|)la vocaii,
Aii},'iisli moiitpiii Iraiisferl (|UO(l ccllica liiii^iia.
(Arfa Sancinnini, jnillcl. Vil. 229 r>.
I.u^diiiio (l'IchtaMl (jallrinim raniinu noiiicu,
Imposilinn <|ii(iiulaiu. (|iio(l sil iiiDns Incidiis idem.
\rl:, Srtiirlonini. inilItM. \ll. JH {'■.
ORIGINES CELTlgUKS '. ULWOS 29
40. Les Dunet qu'on rencontre dans l'Avayron et dans l'Indre
sont d'anciens Diin pourvus, à une date relativement récente,
d'une terminaison diminutive ; le second était, k l'époque caro-
lingienne, le chef-lieu d'une circonscription appelée vie aria
Dunensis.
41. Dunum désignait encore vers 1061 un ancien castellum
de la cité des Garnutes ; l'usage, constaté dès 587, de faire pré-
céder ce nom du mot castellum, a prévalu : cette localité n'est
autre que la ville de Ghâteaudun (Eure-et-Loir).
42. Le nom du Bourg-Dun (Seine-Inférieure) est le résultat
d'une juxtaposition analogue.
43. Le lac de Thoune est appelé dans la chronique dite de
Frédégaire lacus Dunensis, ce qui révèle dans le nom de cette
ville de Suisse, qui s'écrit en allemand Thun, un antique
Dunum dont la dentale initiale s'est durcie.
44. Beaucoup plus fréquemment dunum est le dernier terme
d'un nom composé ; et il est parfaitement reconnaissable dans
les noms suivants :
Bezaudun (Alpes-Maritimes, Drôme), homonymes, k n'en pas
douter, de Besalû en Catalogne, qui fut le chef-lieu du pagus
Bisuldunensis.
Ghaudun (Aisne, Hautes-Alpes), dont le nom, qu'on rencontre
au xii^ siècle sous la forme Caudunum, représente sans doute
un ancien Calodunum.
Coudun (Oise), mentionné dès 657 sous la forme Cosdunum.
Exoudun (Deux-Sèvres) et Issoudun (Creuse, Indre), homo-
nymes de rUxello dunum de César.
Gavaudun (Lot-et-Garonne), nom dont la première partie est
apparentée au nom du chef-lieu du Gévaudan, pagus Gabali-
tanus.
Laudun (Gard), Laudunum en 1088, et plus anciennement
peut-être Lugdunum.
Liverdun (Meurthe-et-Moselle), vraisemblablement combinai-
son de dunum avec un nom d'homme romain tel que Liberius.
Loudun (Vienne), k l'époque carolingienne chef-lieu de la
vicaria Laucidunensis ou Laucedunensis.
Tourdun (Gers).
Verdun (Aude, Doubs, Eure, Meuse, Saone-et-Loire, Savoie,
Tarn-et-Garonne), répondant à Virodununi. (pii est aussi lo
30 LES NOMS UE LIEL'
nom primitif de Château-Verdun (Ariège) et de Montverdun
(Loire, Seine-Inférieure).
Vesdun (Cher).
Le primitif dunum a subi également des altérations plus ou
moins profondes, plus ou moins nombreuses, sous lesquelles on
le reconnaît moins aisément.
45. Parfois dun est devenu don.
Averdon (Loir-et-Cher), au xi^ siècle chef-lieu de la vie aria
E verdunensis ; le nom primitif en était sans doute, comme
celui d'Embrun et d'Yverdon, Eburodunum.
Brandon (Saône-et-Loire).
Bresdon (Charente-Inférieure), jadis chef-lieu d une viguerie
du pagus Santonicus, la vicaria Brodunensis.
Cardunum désignait, au x^ siècle, Villechardon (Mayenne),
qu'on peut donc considérer comme un homonyme de Karden
(Prusse rhénane).
Crodon 'Marne), en 1175 Craaldunum.
Loudon (Sarthe), au ix® siècle Lugdunum.
Lourdon (Saône-et-Loire), au ix° siècle Lordunum.
Meudon (Seine-et-Oise), au xii'' siècle Meldunum.
Moudon Suisse^ canton de Vaud), le Min no dunum des itiné-
raires,
Yverdon (Suisse, canton de Neuchàtel), VEbrodunum des
itinéraires.
On ne saurait joindre à cette catégorie le nom de Boscodon
(Hautes-Alpes), dont l'origine est bien différente, car il repré-
sente, selon toute vraisemblance, un ancien boscus Aldonis
ou (Jddonis.
46. Ardin (Deux-Sèvres), jadis Ardunum [)our un plus
ancien Aredunum, olïre l'exemple d'une autre déformation,
imputable à une prononciation vicieuse, de la voyelle tonique de
dunum.
Al. En vertu du phénomène phonétique j)ar le(|uel s expli{jue
la désinence du nom du Querci/ — pagus Cadurcinus — Vu
de du II uni est tombé en Languedoc : c'est im homonyme de
Vcrdini (ju il faut voir dans Verduc (I lauto-daronne, Cers) : le
r qui termine ce mot est adventice, et à l'origine ne se jirononçait
pas. 11 en est de même de la linale du nom de Roquedur (Gard),
|iriiiiili\ riiu'iit I ! iiead II II II m .
oHlGI^Ks ct:i;nuLEs : dunus 'A[
48. Le nom, déjà mentionné, de Besalù, en Catalogne, pré-
sente aussi la chute de la nasale ; mais on observe, par surcroît,
que le (/ de dunum a disparu, ou plutôt qu'il s'est assimilé à 17
qui le précédait, en vertu dune loi phonétique dont les effets
sont particulièrement sensibles en Catalogne et en Roussillon :
les noms de personne Arnal, Giiibal, Raynal, Bigal y répondent
à Arnaldus, Wilbaldus, Rei^inaldus, Rigaldus, la termi-
maison germanique aW, latinisée al du s, s'étant altérée en
ail us, ainsi que des chartes du x^ siècle en font foi; de même
Bisuldunum est devenu BisuUunum. Pareil phénomène sest
manifesté dans une région moins méridionale : l'Exel o dunum ou
Exoldunum qu'vme charte du roi Raoul mentionne en 930, est
devenu E xoUunum, témoin la forme Issolu que présente le nom
moderne de la localité : Puech d' Issolu (Lot), maladroitement
déformé en Puy-Dissolu : c'est dans cette localité que des
archéologues croient reconnaître rUxellodunum de César.
49. Dans Montlahuc (Drame) il faut voir un antique Lug-
dunum, devant le nom duquel le mot nions est venu de bonne
heure se placer, comme il est arrivé à propos de Montverdun.
50. Ailleurs, mais toujours dans la France méridionale, le d
de dunum a fléchi en :; : Lauzuil (Lot-et-Garonne), Montlauzun
(Lot), et sans doute Monlezun (Gers) représentent, eux aussi,
d'anciens Lugdunum; et le Maudunum qui, dans un texte de
1207, désigne Mauzun (Puy-de-Dôme) est vraisemblablement
pour un plus ancien Magdunum, vocable que l'on rencontre
ailleurs. Balazuc ( Ardèche) dont on rapprochera la terminaison de
celle de Verduc, s'appela jadis Baladunum; et peut-être en
faut-il dire autant de Balaruc (Hérault), en supposant une mani-
festation du phénomène inverse du rhotacisme.
51. La chute complète d'une dentale originellement placée
entre deux voyelles est un fait constant en pays de langue d'oïl,
et ainsi explique-t-on que le </ de il u nu m n'ait pas laissé de
l races dans les noms suivants :
Achun (Nièvre), au xi'' siècle Scaduiium.
Âiglun (liasses-Alpes, Alj)es-Maritimesy.
Arthun (Loire), jadis Artedunum.
Autun (Saône-et-Loirei, Augustodunuui.
Embrun (Hautes-Alpes), la civitas E brodunensium de la
Notifia, dont le nom primitif était sans doute Eburodunum.
32 LES NOMS DE LlEl"
Mehun (Cher. Indre ., Meung (Loiret, Nièvre;, ancien Mag-
dunum dont le g s'est vocalisé.
Melun (Seine-et-Marne), le Melodunum de César.
52. La nomenclature qui précède doit être grossie des vocables
dans lesquels on observe en outre les déformations signalées plus
haut de la A^ovelle tonique de dunum :
Atton (Meurthe-et-Moselle) et Eton (Meuse), qu'on a lieu de
réputer homonymes du Stadunum auquel doit son nom TAte-
nois, ancien pagus compris dans Farrondissement actuel de
Sainte-Menehould (Marne).
Brancion (Saône-et-Loire), Brancedunum.
Cervon (Nièvre), au vi*^ siècle Cervedunum.
Châlons (Mayenne), au viii*^ siècle Cala dunum.
Cugnon (Belgique, Luxembourg), Congidunum.
Lyon (Rhône), Lugudunum, puis Lugdununi.
Marquion (Pas-de-Calais), au x<= siècle Markedunum.
Nyon (Suisse, canton de Vaud), Novio dunum.
Sion (Suisse, Valais), Sedunum.
Suin (Saône-et-Loire), jadis chef-lieu de la vie aria Seodu-
n en si s, et dont le nom primitif était probablement, comme celui
de la ville de Rodez, Segodunum.
Torvéon (Rhône), au x'= siècle chef-lieu de la vicaria Talve-
dunensis.
53. A côté de Lyon on peut mentionner Laoïl (Aisne), que
Grégoire de Tours appelle Lugdunum Clavatum ; on sait que,
dans la prononciation, la (inale de ce nom se réduit à an. Pareille
réduction est graphicjuement consacrée dans le nom de Belan
(Côte-d'Or), dont les formes anciennes, Beloûn en 1147, Bcleïin
en 115i, autorisent à supposer un primitif Baladynum.
54. Les noms de la Bourgogne ai de Conipiègne, portés par un
pays et par une ville qui s'appelèrent Burgundia et Compen-
dium, autorisent à supposer des formes intermédiaires Burgun-
nia et Compenniuni, dans lesquelles la lettrée^, précédée delà
lettres, se serait assimilée à cette dernière : ainsi s'est comporté
\i'. (l de dunum dans le nom d'une localité que Flodoard appelle
Sinduiium. C'est là, nous apprend l'auteur de l'y/Zs/o/'/'a ccclesiae
nernensis, (ju'étaient honorées les reliques de saint Oricle, per-
sf»nnage qui périt lors de l'invasion des Vandales, au v" siècle;
Mf l'unique paroisse de l'ancien diocèse de Reims, dont l'église
ORIGINES CELTIOLES ." D6'AO.s :^3
ait pour vocable Saint-Uricle est Senuc (Ardennes, qu'au
xm*^ siècle Aubry de Trois-Fontaines appelle Senu. On ne tentera
pas d'expliquer ici la chute, insolite en ces contrées, de Tn de
dunum, ni l'apparition tardive du c, purement parasite, qui
termine aujourd'hui le nom de cette localité.
55. Dans les parties de l'ancienne Gaule où lintluence germa-
nique a prévalu, la terminaison dunum s est comportée tout
autrement qu'ailleurs, en raison du recul de l'accent tonique, qui
s'est porté sur la syllabe précédente : elle n'a laissé d'autre trace
qu'une désinence atone. C'est ce que l'on constate dans le nom
de Karden, déjà cité, dans celui de Birten (régence de Dûsseldorf),
que Grégoire de Tours désigne par les mots apud Bertunensim
oppidum, dans celui de Leyde, en hollandais Leiden — un
autre Lugdunum — enfin dans les appellations allemandes
Ifferden, Milden et Sitten, appliquées aux villes suisses d'Yver-
don, de Moudon et de Sion, dont il a été aussi question plus
haut.
Il convient d'examiner maintenant l'interprétation dont plu-
sieurs des noms en dunum sont susceptibles.
56. On a constaté 1 extrême fréquence du vocable Lug-dunum,
aujourd'hui représenté par Laon, Laudun, Lauzun, Leyde, Lou-
dun, Lyon, Monlezun, Montlahuc et Montlauzun, et qui fut le
nom primitif — Lug-dunum Convenarum — de Saint-Ber-
trand-de-Gomminges (Haute-Garonne). Lugdunum signifierait
« mont des corbeaux » d'après le pseudo-Plutarque, « mont
désiré » d'après le petit glossaire d'Endlicher, <( mont lumineux »
d'après le moine Heric ; d'Arbois de Jubainville a cru reconnaître
dans la première partie de Lugdunum le nom d'une divinité,
Lug, dont il est question dans des poèmes irlandais, mais dont
il resterait à prouver que le culte fut répandu aussi en Gaule.
L'opinion du moine Heric paraît la plus vraisemblable : elle fait
de Lugdunum le synonyme des CAermont f[u'on rencontre
en si grand nombre également sur le sol de notre pays.
57. Dans \'erodunum, non moins répandu ([ue Lugdunum,
puisqu'il est représenté par sept \'erdun, deux \'erduo, doux
Montverdun et par Chàteau-Verdun, la première partie est, soit
un nom d'homme Veros^ d'ailleurs fort rare, soit un adji'olif
Les nnins ilc lien. •'
ni LRS .Nti.VIS UE LlEi:
équivalant au latin verus : dans ce dernier cas, le moins
improbable, Verodunum signifierait « vraie forteresse ».
58. Uxellodunum, que l'on reconnaît dans les deux Issou-
dun, dans Exouduu et dans le Puech-d'lssolu. dériverait d'un
mot gaulois uxellos, qui peut avoir été employé comme nom
d'homme, mais dont on ne saurait méconnaître la parenté avec
l'adjectif breton «ce/, au sens d' « élevé », qualification conve-
nant bien à une montagne ou à une forteresse.
59. Le premier terme de Noviodunum, nom originel de Noy on,
est sans doute un adjectif équivalant au latin no vus : ce nom
signifierait donc « nouvelle forteresse ".
60. Tandis que dans la première partie des vocables qui
viennent d'être passés eu revue, on incline à voir des adjectifs,
il semble bien que dunum soit précédé d'un nom d'homme dans
chacun des noms suivants :
Artedunum, aujourd'hui Arthun, qui serait formé sur le nom
ilhomme Artos, au sens d' « ours ».
Brandon, où api^araî trait le nom d homme lira nos, signifiant
« corbeau ».
Eburodunum. dont le preniiei' terme aurait l'acception de
:« sanglier ».
61. Des noms dhoujuies romains sont entrés pareillement en
composition avec dunum. Bien connus sont les exemples four-
nis à cet égard par Augus todunum, d'où Autun (Saùne-et-
Loire), et par Caesarodunum, qui fut, jusqu'au ui'- siècle, le
non» (h: la ville de Tours ; il faut sans doute supposer pur analo-
gie qn'^Viglun et Liverdun dérivent de noms i-onu\ins tels
qu.\(|uilius et Liberius.
V
DUROS
62. Duras signilie « forteresse », comme du nos ; mais il est
probable que c'est un sens secondaire, et qu'à lorigine ce mot
était un adjectif équivalent au latin durus ; ainsi ladjectif latin
fortis, « brave >', est devenu notre substantif «fort ».
Latinisé en dur uni, ce mot constitue la désinence d'un cer-
tain nombre de noms de lieu, dont deux apparaissent déjà dans
les Commentaires de César et dans les Itinéraires : Octodurum,
aujourd'hui Martig'ny (Suisse, canton du Valais) et Augus-
todurum, aujourd'hui Baveux (Calvados).
63. En raison de la voyelle finale qu'en présente le premier
terme, les noms de lieu de cette catég'orie se terminent invaria-
b.lement en -odurum. Cette constatation a son intérêt, car le
premier u de durum étant bref, c'est sur la syllabe précédente
que se place 1 accent tonique, ce qui devait entraîner la chute de
r« atone, et l'assimilation du d à ïr avec lequel il se trouvait
conséquemment en contact ; -odurum, altéré à l'époque franque
en -odorum ou -ode ru m, puis réduit à -odrum, est devenu
en ÎTdii^çixis-eure. qui s'est à son tour, on va le voir, altéré parfois
de diverses façons. La ville qui, à l'époque romaine, s'appelait
Autessiodurum, est, sous la domination franque, nommée
Autissiodorum, Autixioderum : de là est venue la forme
romane Auçuerre, qui se prononçait Auccure ; aujourd'hui Ton
écrit Auxerre (Yonne).
64. La forme -eurcs'eal maintenue pour l oreille dans les iioni^
suivants :
Aujeures (Haute-Marne), l'Albiodero des monnaies mérovin-
giennes, représentant un plus ancien Albiodorum.
Ghilleurs (Loiret), qu'un pouillé du xi'' siècle appelle Calo-
tluruni.
Izeure (Cote-d'On, Yzeure (Allier), Yzeures i Indre-et-Loire),
le ])reniier appelé Iciodoro en 763.
Mandeure (Doubs), représente l'antique l'^pamanduodu-
luni. privé par une aphérèse de ses deux |)ri'mièrt'S syllal>es.
36 • LES .NOMS DE LIEL
Soleure (Suisse), le Salodurum des itinéraires.
65. Ces exemples bien avérés autorisent à ranger, avec beau-
coup de vraisemblance, dans la même catégorie, les noms de lieu
français qui se terminent par le son eiire.
Avalleur (Aube), dont le premier terme est presque certaine-
ment le mot gaulois Ahallos, employé, soit au sens de « pom-
mier », soit comme nom d'homme.
Balleure (Saône-et-Loire), comparable, au point de vue du
premier terme, à Balazuc et à Belan, mentionnés plus haut.
Pleurs (Marne), appelé Plaiotrum en 1052, et dont H. d'Ar-
bois de Jubainville suppose que la forme primitive était
Pelagiodurum.
66. On a vu par l'exemple d^Auxerre que le son eiire, représen-
tant -odurum, peut se réduire à erre. Ainsi en a-t-il été dans les
noms ci-api'ès :
Augers (Seine-et-Marne), prononcé Augère ; ce vocable appa-
rait au moyen âge sous les formes Aljotrum, Aujotrum, qui
semblent permettre d'y reconnaître l'Albioderum de Frédé-
gaire, soit un homonyme d^ Aujeure.
Brières 'Ardennes, appelé à l'époque franque Briodrum ou
Brioderum, formes basses pour Brivodurum.
Nanterre (^ Seine), Nemptodorum dans Grégoire de Tours,
Xemetodorum dans la Vie de sainte Geneviève, pour Neme-
todurum.
Solers (Seine-et-Marne), prononcé Solère ; ce nom, que les
clercs du moyen âge traduisaient abusivement par S oie ri a,
pourrait bien venir, comme Soleure, de Salodurum.
Tonnerre (^onne), appelé par Grégoire de Tours Ternodo-
rense castrum, ce qui suppose un primitif Turnodorum ; on
rencontre au cours du moyen âge les formes intermédiaires
Tornuerre, Tournoirre.
67. A son touc -erre s'est parfois déformé en -arc.
Briare (Loiret) est le Brivodurum tic l'Itinéraire d'Anlitiiiii.
Briarres Loiret) représente probablement un primitif sem-
blable.
Bussiares (^Aisnej, (pi il nu faut pas confondre avec les nom-
breux Jiussirres (^représentant autant de Buxaria formés sur le
nom latin du buis) est ujqx'lé Boissucrrr en l^lli, ce (pii autorise
a supp()S(M' une forme originelle telle (|ue l?>i \ nd u ru m : hypo-
thèse ;i la(|ue||e ne Cdii I re<li | |),is je /tn.ssiT/r il un |e\|e de ll('»!l.
OIUGINKS CKI.TIOIES : uriios :{/
68. Une déformation exceptionnelle de la terminaison -erre.
explicable par le phénomène inverse dn rhotacisme, se manifeste
dans le nom d'Arnaise, porté par deux écarts de la commune de
Saint-Ambroix (Cher) : les formes médiévales de ce nom, Arnu-
ria en 1208, Arreneure en 1398, procèdent sans nul doute de
l'appellation antique du bourg de Saint-Ambroix. TErnodurum
de ritinéraire d'Antonin.
69. Dans une région étroitement délimitée, la iinale -eure s'est
altérée différemment, par l'effet d'une substitution de liquide.
Brieulles-sizr-MeHS^ (Meuse) est appelé Briodorum dans des
textes des x*^, xi*^ et xii*" siècles : on peut donc le considérer
comme un homonyme de Briare; peut-être en est-il de même de
Brieulles-sHr-i?3r ( Ardennes) .
Manheulles (Meuse) est appelé Manhodorum au y.f siècle, et
Manhuere, Manhuerre au xni*".
Boureuilles (Meuse), nom dans lequel la mouillure finale
n^apparaît que tardivement, est appelé Bourreiire en 1265 : cette
forme autorise l'hypothèse d'un piumitif Burrodurum.
70. Le nom de Tonnerre est passé, on l'a vu. par la forme
Tournoirre : la prononciation ainsi notée se rencontre ailleurs.
Issoire (Puy-de-Dôme), appelé Iciodorum par Grégoire de
Tours, et depuis Issoerre, hsuerre, ce dernier prononcé Isseure,
est l'équivalent d'Izeure.
Jouars (Seine-et-Oise) a pour ancien nom Diodurum, variante
de Divodurum, qui désigna la ville de Metz; c'est une contrac-
tion du même nom qu'on reconnaîtra dans Jotrum, appellation
médiévale de Jouarre (Seine-et-Marne i.
De ces noms on est tenté de rapprocher celui de Bouchoir
(Somme), en raison de ses formes anciennes : Buc/iuere e.r\ 121o,
Boucheure en 12o7.
71. Waulsort (Belgique, province de Namur) est appelé
Walciodorus en 9i6. [.a transformation de -odurum en -are
est moins surprenante dans le nom d'Izemore (Ain), au
vin*' siècle Isarnodorum, qui appartient à une région plus
méridionale que celles où ont été relevés les vocables précédem-
ment passés en revue. Ballore (Allier, Saône-et-Loire) repré-
sente sans doute aussi un primitif en durum ; mais cette hypo-
thèse n'est pas permise en ce qui concerne Saiiit-Paul-d'/ zore
(Loire) et S'o/o/v-Saint-Laureiit. aujourd'hui Saiiit-Laureiil-sdiis-
'AS J.ES N(l>rs DE LIEL"
Rochefort (Loire), la terminaison de ces noms ayant passé au
moven âge par la forme -ovre ou -obre.
72. En pays de langue germanique, l'accent tonique des noms
en -du ru m sest déplacé, mais non pas de même que celui des
noms en -dunum : c'est sur la première syllabe de durum qu il
s'est porté : Soleure s'appelle en allemand Solothum; le Theu-
durum de 1 Itinéraire d'Antonin est aujourd'hui Tûdderen
(régence d'Aix-la-Chapelle) : et Winterthur s Suisse, canton de
Zurich) répond à un antique Vitodurum.
73. Les noms primitifs d Auxerre, de Boureuilles, d'Izernore,
d Izeure ou d Issoire, de Tonnerre, paraissent avoir pour premiers
termes des noms d'hommes gaulois : Autecios, Burros. Iccios,
Turnos ; ceux d'Aujeure et d' Angers et de Pleurs débuteraient
par des noms romains. Albiuset Pelagius. ce dernier d'origine
grecque.
Avalleur et Xanterre dériveraient des mots gaulois aballos,
« pommier i) et fiemetos, « temple » qui peuvent avoir été pris
aussi comme noms d'homme.
Dans Brière, Briare. Brieulles on reconnaît le mot hrira.
« pont ».
Ernodurum est apparenté au nom de la rivière cjui arrose
Saint-Ambroix, l'Arnon.
On retrouve le premier terme du nom des Bajocasses, dans le
nom que portait le chef-lieu de la finis Baiotrensis. en Dues-
mois.
Durum s'est combiné en outre avec des noms ethniques : les
Bataves et les Boïens avaient des villes appelées Batavodurum
elBoiodurum.
74. Durum a été employé aussi comme premier terme, par
exemple dans les noms Durovernum. Durocorn()^ iuni.
Durocortorurn et Durocatuellauni. qui ont désigné, les deux
})reniiers, en Angleterre, (iantorbéry (comté de Kent) et (arcii-
cesler (comté de Gloucester), les deux autres lieims ef ('hàlons-
sur-Marne : il a, à cet égard, laissé des traces dans les noms de
Dreux (Eure-et-Loirj, de Dormans (Marne) et de Donqueur
(Somme), correspondant aux vocables antiques Durocasscs,
Duromannum, Durocoregum, dans ceux de Duclair (Seiile-
Inféricure) et de Drucat 'Somme;, pour lesquels on a les formes
basses Durclarinn <M Durcaptum. peul-ètre aussi dans celui
df Durbuy l5i'lLri(|u<\ pr<»Nince de Luxfinboiu'gi.
oiiic.iMvS i.Ki.nni i;s : iii nos '.\\\
75. A considérer les contrées intéressées par les énumérations
qui précèdent, on observera que les noms dans la composition
desquels entre diiros sont inconnus à lest du Rhin, entre le
lîhône et les Alpes, dans le bassin de la Garonne et dans le pavs
(juon appela la Septimanie.
VI
BRÏGA
76. Les noms de lieu ayant pour terminaison hriga, autre mot
auquel les celtistes les plus autorisés attribuent aussi le sens de
« forteresse », ont dû être jadis fort nombreux, mais plus au delà
qu'en deçà des Pyrénées : les écrits de l'antiquité, tandis qu'ils
révèlent l'existence en Espagne d'une vingtaine de vocables de
cette catégorie, en font connaître seulement quatre ayant appar-
tenu à la Gaule : Baudobriga, Eburobriga, Litanobriga,
mentionnés dans les textes itinéraires, et Magetobriga ou
Admagetobriga, qui figure dans les Commentaires de César.
Évidemment briga appartenait au dialecte des Celtibères, et ce
mot, hors d'Espagne, constitue une trace du passage de ces
tribus.
Des quatre noms qui viennent d'être rappelés, les deux der-
niers n'ont laissé nulle trace. Baudobriga est aujourd'hui
Boppard (régence de Coblenz) ; mais ce nom moderne, formé
sous l'influence germanique, ne fait en rien connaître le sort
réservé en France au mot gaulois briga. Eburobriga n'est autre
qu AvroUes (Yonne), dont le nom, qui se présente dès le ix= siècle
sous la forme Evrola, rappelle assez bien la première partie du
nom antique, mais nullement sa finale : celle-ci aura subi une
de ces transformations inattendues qu'on ne peut que constater,
sans que la cause en soit déterminable.
77. Parmi les noms en briga qu on observait dans la pénin-
sule hispanique, un des plus sûrement identiliésest Conimbriga,
aujourd'hui Coimbre (Portugal) : on doit conclure de là quel'/ de
briga était bref, par conséquent atone quand b r i g a jouait le
rôle de désinence.
78. L't bief accentué devenant en lianvi»»!^ "i, <>ii peut consi-
dérer comme représentant briga employé seul, les noms de
Broye (Haute-Saône, Saône-et-Loire) et de Broyés (Marne,
Oise).
79. Mais dans le cas, bien plus rr(''(|U('iil , <>ii briga est 1»' (1er-
OR[GINES CELIIOLES : FiHIGA 41
nier terme d'un nom de lieu, l'accent se porte sur la svllabe
précédente, qui est d'ordinaire — on l'a vu par les quatre exemples
que nous a laissés l'antiquité — un o.
80. Des formes vulgaires qu'a revêtues la terminaison -obrig'a,
la plus reconnaissable est -obre : on la rencontre dans Vèzenobre
(Gard), Vezenobrium en 1050, Vedenobrium en llol, dans
Vinsobres (Drôme), Vinzobrium en 1137, vraisemblablement
pour un plus ancien Vindobriga, peut-être aussi dans Lanobre
(Cantal).
81. Plus au nord, le b devient v. Verosvres (Saône-et-Loire)
est appelé au xiv" siècle Vorovre, ce qui autorise à supposer un
primitif Verobriga dont le terme initial serait le même que
celui de Verodunum.
82. Parfois -ovre s'est réduit à -ore. Le chef-lieu de l'ager
Solobrensis ou Solovrensis du x* siècle a été appelé Solore-
Saint- Laurent ; c'est aujourd'hui Saint-Laurent-sous-Rochefort
(Loire). Et la forme Ysovrus, des x' et xi*^ siècles, donne à
penser que Saint-Paul-d'Vzove (Loire), représente un ancien
Icciobrig-a, apparenté par son premier terme à Issoire et à
Izeure.
83. C'est sans doute par l'intermédiaire de cette forme réduite,
dont le son liquide aura été altéré, que s'explique le nom déjà
cité d'AvroUes (Yonne) représentant Eburobriga.
84. Le sonde Vo peut s'être allongé en ou : Cottrouvre (Meuse ,
Corrubrium en 1149, Corrobrium en 1207. était probable-
ment à l'origine Corrobriga.
85. Mais la forme que -obriga revêt le plus communément en
pays de langue d'oïl est -euvre.
Ghartreuve (Aisne), Cartobra au i\^ siècle, vraisemblable-
ment pour Cartobriga.
Deneuvre (Meurthe-et-Moselle), Donobrium au xii" siècle,
paraît représenter Donnobriga, « la forteresse de Dunos »; il
en est de même de Ghâtel-de-Neuvre (.\llier), qui était, à l'époque
mérovingienne, le chef-lieu du pagus Donobrensis, et dont le
nom devrait s'écrire Chàtel-Deneuvre.
Escaudœuvres (Nord), Scaldeuvrium en 1137 ; nul doute
n'est possible sur le sens de ce nom, dont le premier terme est
le nom de l'Escaut.
Vendeuvre (Vienne) est appelé à la lin du \'" sied.- \'end<»-
i2 LES NOMS DE I.IKC
bria, ce qui ne diffère guère du Vindobriga que donne à sup-
poser Vinsobre, et dans le premier ternie duquel on reconnaîtrait
l'adjectif inndos « blanc », peut-être pris comme nom d'homme:
un texte de 938 donne la forme plus altérée Yindopera, sous
laquelle on voit désigné aussi, vers la même époque, Vandœuvre
(Meurthe-et-Moselle;, Une forme presque semblable, ^ en do-
pera, est appliquée en 1174 à Vendœuvres (Indre). Vendeuvre
I Calvados) est probablement de même origine, mais non point,
on le verra plus loin (n*' 121), Vendeuvre | Aube).
86. Il est arrivé que cette finale -euvre se soit réduite à -èvre.
Denèvre (Haute-Saône' apparaît clairement comme une
variante de Deneiivre.
Lingèvres f Calvados^ est mentionné au xii*" siècle sous la
forme Linguevre.
Soulièvres (Deux-Sèvres) peut passer pour un homonyme de
Solore, témoin l'appellation S olubriu m. qu'on trouve encore au
xiv'^ siècle.
Sur le nom de Suèvres ^Loir-et-Cher) a été formé, à l'époque
carolingienne, l'adjectif Solobrensis.
Volesvres Saône-et-Loire). jadis }^nlnevre. donne à supposer
un primitif Volobriga.
87. A son tour -èvre s'est réduit à -ève dans le nom de Char-
tèves (Aisne), dont l'origine paraît ne pas différer de celle de
Charfreiivp.
VII
MAGOS
88. Le substantif g-aulois ma(jos, latinisé magus, avait le sens
du latin camp us. On le retrouve dans le gaélique irlandais,
témoin le nom de la ville archiépiscopale d'Armagh, et dans le
breton armoricain maez, qui termine un assez grand nombre de
vocables néo-celtiques.
89. L'a de magus était bref, et conséquemment atone dans
les noms dont ce mot constituait la désinence : le premier terme
de ces noms se terminant d'ordinaire par un o, cest sur cette
voyelle que se portait l'accent tonique ; or la finale -omagus a
de bonne heure perdu tout ce qui suivait Y m : on rencontre sur
des triens ou tiers de sou mérovingiens les formes Cisomo,
Noviomo, Rotomo, au lieu des formes Cisomagus, Novio-
magus, Roto magus, que fournissaient les textes antérieurs
au vii^ siècle.
90. Les plus anciennes formes romanes des noms en -omagus
présentent la désinence -om, qui souvent deviendra -on et parfois
se réduira à -an et -en.
91. A cette règle générale Quicherat a voulu opposer quelques
exceptions, caractérisées par l'absence de la nasale finale ; mais
les faits allégués par lui ne sont rien moins que probants.
L'identification qu'il fait du Cenomagus des Itinéraires avec
Senos (Vaucluse) n'est pas certaine.
Néris (Allier) correspond bien a lantique Nerio magus,
témoin l'inscription qu'on y a trouvée, oîi il est question des
vicani Neromagienses ; mais aussi Grégoire de Tours désigne
ce lieu par les mots viens Ne re en si s ; d'où l'on est fondé à
conclure qu'il y eut jadis, pour désigner Néris, deux appellations
formées d'ailleurs l'une et l'autre sur le nom d'une des divinités
gauloises auxquelles étaient consacrées les fontaines. Tandis (|uc
Neriomagus ne pouvait donner que Néron ou Méran, c'est ii
l'autre appellation, celle sur laquelle a été formé l'adjectif
employé par Grégoire de Tours, qu'il faut rapportei- le voc^ablc
moderne.
i-i LES NOMS DE f.IKl
Claudiomagus, que Quicherat traduit à tort par Cloué.
lig'ure sous une forme légèrement différente — altare de Clau-
dio macho — dans une bulle du pape Calixte II, en faveur de
Tabbaye du Bourg-Dieu : il s'ag-it de Clion (Indre), dont l'église
fut, jusquà une époque récente, sous le patronage de ce
monastère : on peut supposer une forme intermédiaire Cloïon.
Enfin Cisomagus n'est pas, comme Quicherat l'a cru, Chia-
seaux (Indre-et-Loire), car on ne saurait expliquer le chuintement
du c initial, non plus que le redoublement de Vs intervocal, sans
compter que la désinence du nom de Ghisseaux n'est autre chose
qu une désinence diminutive bien connue, ce nom étant le dimi-
nutif de celui d une localité voisine, Chissey (Loir-et-Cher).
Cisomagus est devenu Cison, puis Cisan, forme attestée par un
pouillé, enfin Ciran (Indre-et-Loire), par un phénomène dont il
y a d'autres manifestations en Touraine et en Berry.
92. Aux deux noms en -magus dont l'équivalent moderne
vient d'être déterminé, il convient d'ajouter les suivants :
Argéntomagvis, qui, dans l'Itinéraire d'Antonin, désigne
Argenton (Indre) est sans nul doute l'appellation originelle des
communes de même nom que renferment les départements de
Lot-et-Garonne, de la Mayenne et des Deux-Sèvres, et de la ville
d'Argentan lOme).
Blatomagus, que donne à supposer la forme basse Blato-
mos, inscrite sur un triens mérovingien, est aujourd'hui Blond
Ilaute-Vienne) : la consonne parasite qui termine ce dernier nom
est l'elfet d'une assimilation de ce vocable communal à l'adjectif
connu.
lîurno magus qui n'est aussi connu ([ue par une forme basse.
Buinomo, figurant sur un triens, est l'origine de Bournan
(Indre-et-Loire, Maine-et-Loire) et de Bournand (\'ienne).
Ca tu magus, c'est-à-dire « le champ du combat », est le nom
primitif de la ville de Caen (Calvados), appelée Cadomum au
XI'" siècle, et de Cahon (Somme), dont le nom se présente en 1207
sous la forme très suggestive dahoni.
Caren tomagus, dans un texte itiiiéraii-e, désigne Granton
(Avcyron . dont il faut rapproche:- Charenton-.s///'-^.7/(v ((]her),
au i\'' sièch; chef-lieu de la \icaria Cari n tominsis, et
Carentan (Manche 1. mais non |)as (!/i;irrn/nn-l)'-I'i>n/ (Sc'wn' . (\u\
se déclinait Carenlo, Ca ic n I o ii i s.
ORIGINES CELTIOLES : MAG(JS 40
Cas sa 11 orna g US, antique station de la voie de Périyueux à
Angoulème, est représenté par- Chassenon (Charente), qui a des
homonymes dans les départements de la Loire-Inférieure, du
Rhône et de la Vendée.
Condatomagus, c'est-à-dire « le champ du confluent »,
s'applique, dans les textes itinéraires, à une localité du Rouergue,
dont Gondéoni Charente), est vraisemblablement un homonyme.
On ne formule pas la même hypothèse à propos de Condom
(Aveyron, Gers), car en pays de langue d'oc le t intervocal ne
serait pas tombé : mais la graphie -orn, dont on observe aussi le
maintien dans Biorn, autorise à rattacher ce nom, et, soit dit en
passant, celui de Billom (Puy-de-Dôme), à des primitifs en
-omagus.
Eburomagus, de la Table théodosienne, parait être devenu
Bram (Aude), moyennant une aphérèse.
Iciomagus — ainsi faut-il rectifier, semble-t-il, l'Icidinagus
de la Table de Peutinger — répond à Usson (Haute-Loire), qui
a des homonymes dans le Puy-de-Dôme et dans la Vienne.
Mantalomagus ou Mantalomaus, dans Grégoire de Tours,
désigne Manthelan (Indre-et-Loire). Il serait téméraire d'assigner
à Manthelon (Eure) une origine analogue.
Mosomagus est le nom originel de Mouzon (Ardennes). Le
premier terme de ce vocable paraît n'être autre chose que le nom
de la Meuse, M osa. Cet exemple de la combinaison de magus
avec un nom de cours d'eau, ne serait pas unique, s'il était per-
mis de voir dans le nom du Garnomus castrum, où un concile
se tint en 670, la contraction d'un primitif Garumnomagus.
Xoviomagus désigne, dans la Notitia dignitatum, la ville de
Noyon (Oise). Noyen (Sarthe, Seine-et-Marne), Noyant i Indre-
et-Loire), Nyons (Drôme) et Nouvion-en-Po/i//t/eu (Somme) ont
pareille origine. Il en est sans doute de même de Neung-«ff/r-
Beiivron (Loir-et-Cher), qu'un pouilléde 1226 appelle Noemiuni,
et de Nogent-/e-/io<row ' Eure-et-Loir i, dont la plus ancienne
mention certaine, datée d(^ 1031, présente la forme très basse
Nogiomum. Ici l'on observe cette « consonnification » de 1'/
consécutif à une labiale dont les exemples ne manquent pas.
C'est peut-être, fort bizarrement altéré, le diminutif de queUiue
« Nogent. » de même origine que Nogent-le-Rotnni qu'il faut
reconnaîlre dans Longjumeau Seine-et-Oise), d<>nl on voil le
nom écrit, au xiii"' siècle, X ogemelluin.
4() l.KS NOMS DE LIKli
\
Kicomagus ou Higomagus, c'est-à-dire, d'après d'Arbois
de Jubain ville, « le champ du roi *>, était une des cités de la
province des Alpes Grées et Pennines, Ce nom fut aussi celui de
Riom (Puy-de-Dôme), et sans doute de Rians (Cher), chef-lieu
au x*^ siècle de la vicaria Riomensis.
Piotomagus, primitivement Ratumagos. est représenté par
Rouen (Seine-Inférieure), par Pon^-(7e-Ruan (Indre-et-Loire),
l'ancien chef-lieu de la vicaria Rotomensis, et par Pondron
(Oisei. qu'il conviendrait décrire Pont-de-Ron. et qui correspond
au Rodomum d un diplôme de Charles le Simple pour 1 abbaye
de Morienval,
Turnomagus ou Tornomagus, dans Grégoire de Tours,
désigne Tournon-'S'am^--Ucïr///i (Indre;. Tournan (^Seine-et-
Marne) se nommait sans doute de même : on trouve au xii*" siècle,
pour cette localité, l'appellation Turnomium.
Vindomagus, que Pline signale comme un des vici des
Volques Arécomiques, a pour homonyme, croit-on, Vendon
(Puy-de-Dôme).
93. Le nom dEcouen iSeine-et-Oise) paraît devoir être rangé
dans la même catégorie. On n'en possède pas, à vrai dire, de
formes latines, mais la j^lus ancienne forme vulgaire. Escueni
donne lieu de supposer, en raison de son m tinale, un primitif
tel que Scotomagus, dont le premier terme serait apparenté
au nom des habitants de l'Ecosse.
94. On ne doit pas, a priori, considérer comme provenant
d'un nom en -omagus tout nom moderne terminé par -ont ;
avant de se prononcer dans ce sens, il faut s assurer que Yin,
finale essentielle et caractéristique de cette terminaison, se
retrouve dans les formes vulgaires, appartenant aux xn^ et
MU" siècles, du nom dont il s'agit.
95. Dans les pays de langue germanique, l'accent des noms
en -omagus s'est déplacé et porté sur \a ; de là des résultats
très dill'érents de ceux qu'on observe en pays roman.
Le Brocomagus de l'IliiK raire d'.Antonin paraît être Bru-
math ( 1 >asse-.\lsace .
Diirnomagus ?i donné Domiagen i régence de Diisseldorf),
Marcoiuagus Marmagen (régence d'Aix-la-Chapelle), Novlo-
niagus Neuraagen régence de Trêves) el Nijmegen, que nous
appelons Nitnrgue (Pays-Bas), Rigomagus Remagen i régence
de ( .iiblfll/ .
VIII
BRI VA
96. Le mot briva ne s est conservé dans aucune des langues
néo-celtiques. On lui a, dès le xvi*' siècle, attribué assez heureu-
sement le sens du latin pons, qui semble ressortir, en effet, du
nom Briva Isara, désignant, sur la voie de Paris à Rouen,
remplacement de la ville actuelle de Pon toise : ce dernier nom
n'est autre chose que la traduction de Briva Isara. Cette con-
jecture s'est trouvée vérifiée par Fexamen, non seulement des
noms analogues que fournit la nomenclature géographique, mais
encore du petit glossaire d'Endlicher, où hi'io, représentant
une forme masculine de briva, est traduit par le latin ponte.
97. Employé parfois isolément comme nom de lieu, Briva est
l'origine de Brive (Mayenne), de Bvive-la-Gaillarde i^Corrèze), de
Brives (Indre, Haute-Loii'e), de Briwes-sur-C/iarente (Charente-
Inférieure), de Brèves (Nièvre), de Brie (Aisne), ce dernier nom
désignant le point où l'antique voie de Saint-Quentin à Amiens
franchit la Somme.
98. Il est à noter que Brive-la-Gaillarde est mentionné par
Grégoire de Tours sous l'appellation de Briva Curretia, dont
le second terme n'est autre chose que le nom delà Corrèze : ainsi
que dans Briva Isara, le mot briva est suivi d'un nom de
rivière. Des exemples analogues sont fournis par Briva
Sugnutia, nom qu'une inscription romaine applique à un viens
du pays éduen où existait une fabrique d'armes ' ; par Briovera,
ou mieux, sans doute, Briavera, forme basse pour BrivaA^era,
aujourd'hui Saint-Là, sur la Vire: par Bria Sarta, pour Briva
Sarta. nom qui s'est conservé (hins Brissarthe (Maine-et-Loire).
99. Ailleurs, le mot briva (»ccupc le secoutl rang. Dans
1 antique appellation àWinieiti^, Samarobrivii ou Samara-
I. Llriu'sl Ufsjiiiiliiis, (iéoijiupliH\... </(-• lu (iaulf ronuiinc ! Paris, ISTli-
iS'.KJ, yr. \n-H'\ II, ir2-\l.\] l'identilif a\fC Brèves (Nièvre), nuMitioiiiu' [Avts
liaul.
48 LliS NOMS DE LIEU
briva. le premier terme est le nom primitif de la Somme,
Samara. Ghabris (Indre), qui était à l'époque caroling-ienne
chef-lieu de la vicaria Carobriensis, s'appelait vraisembla-
blement à l'orig-ine Carobriva : Chabris est situé sur le Cher,
en latin Carus ou Garis. Le nom de Salbris (Loir-et-Cher) est
peut-être formé de la même façon : en tout cas, cette localité est
placée sur la Sauldre, en latin Salera.
100. L'exemple de Chabris atteste que 1'/ de briva était long,
donc tonique, à la différence de celui de briga : les deux mots
ne sauraient donc être confondus.
101. C'est sans nul doute briva qu'on doit reconnaître dans le
nom. mentionné déjà, de Brivodurum, primitif de Brières, de
Briare, de Briarresetde Brieulles, et qui signifie, par conséquent,
la « forteresse du pont ».
IX
RIT os
102. Le mot gaulois ritos avait le sens de « gué », tel le latin
va dus, tel aussi l'anglais ford dans Oxford, « le gué des
bœufs » et Tallemand furt, dans Frankfurt, «. le gué des
Francs ».
103. Les textes antiques relatifs à la Gaule ne font connaître
que trois noms de lieu dans lesquels on reconnaisse ritos : Ritu-
magus, « le champ du gué », station de la voie de Paris à
Rouen, sur l'Andelle, dans le voisinage de Radepont (Eure);
Augustoritum qui a, au iLi'' siècle, échangé son nom contre
celui des Lemovices, dont il était le chef-lieu ; enfin Bandritum,
station itinéraire dont la situation répond à celle de Basson
(Yonne), sans qu'il y ait d'ailleurs entre le nom antique et le nom
actuel le moindre rapport.
104. Les noms Augustoritum et Bandritum n'ayant laissé
aucune trace dans la toponomastique moderne, on ignore quelle
était, dans ces noms, la quantité de It, et par conséquent, la
place de l'accent tonique.
A supposer que cet / ait été bref, donc atone, on serait fondé
à voir des équivalents de Camboritum, localité disparue de la
Grande-Bretagne, dans Chambord (Eure, Loir-et-Cher), Cham-
bors (Oise) et — forme plus altérée — Ghambourg (Indre-et-
Loire), qui était, à l'époque carolingienne, chef-lieu de la vicaria
Cambortensis. Camboritum signifie « le gué tortu ». Et
peut-être faut-il rattacher à la même série le nom de Niort (Deux-
Sèvres), dont la forme Noiortum, constatée à l'époque carolin-
gienne, représente vraisemblablement un primitif Noviorituni,
apparenté par son premier terme à Noviomagus.
Li's iii'ins lie lien.
X
DU B MON
105. Le mot gaulois dubrun. latinisé dubruui, équivalait au
latin aqua. Il s'est conservé dans divers dialectes néo-celtiques,
notamment dans. le gallois et bas-breton dour par l'intermédiaire
d'une forme médiévale diivr. C'est faute de connaitre celle-ci que
les savants qui, du xvr' siècle à nos jours, se sont occupés de
lorigine des noms de lieu, ont pensé retrouver le mot dont il
s agit dans la terminaison -durum précédemment étudiée.
106. Duhron ou dubrum ne paraît dans aucun des noms de
lieu de Gaule que mentionnent les monuments de l'antiquité :
mais à l'époque carolingienne, on voit dubrum pris isolément
pour désigner Douvres (Seine-et-Marne , et emplo vé comme second
terme du nom de deux localités du Rouergue méridional dont il
est (juestion dans une charte de 883 en faveur du monastère de
Vabres : L a d e d u b r u m et \' u 1 e d u b r u m, au jourd' bui Ladezouvre
et Valezoubre (Aveyron). Clrégoire de Tours avait d'ailleurs parlé
d'un certain Cambidobrense monasterium.
107. Par contre on reconnaît dubrum dans la terminaison du
nom d'un certain nombre de cours d'eau de l'ancienne Septimanie.
Pline, dans son Histoire mUiiroVe, appelle \'ornodubrum cet
allluenl de l'Agi v qui. dans le département des Pyrénées-Orien-
tides, a de nos jours nom le Verdouble : pareille est l'origine des
noms du "Vernazobre, <Iu Vernezoubre et du Vernoubre. affluents
de 1 Agout, et du Vernazoubre, afihumt de l'Urb dans le dépar-
tement de l'Hérault, oii d ailleurs le Vernezoubre et leA'ernazoulne
ont donné leur nom à des bameaux riverains. Un primitif Argen-
loilubriim est bien reconnaissable sous les formes Argcntum-
dublum. .\ rgen tumduphi'.n et A rgrn I umdu p ru m (pu.
aux vin" et IN'" siècles, (Uit désigné lArgentdouble. ;ifllucul de
l'Au.b-.
108. C^es noms de rivières ou de ruisseaux en -ilubrum
méritent (|uel(jue attention : les noms de cours d'eau d'origine
tidtique étant, de l'avis des leltistes les plus autorisés, très rares
ORIGINES CELTlnUES : DIBROX ."i |
en Gaule, il est intéressant de rencontrer ceux-là en nombre
relativement considérable dans une région où précisément les
Gaulois n'ont pénétré, semble-t-il, qu'à une époque peu reculée,
trois siècles environ avant l'ère chrétienne ; et si ces noms
doivent être considérés comme particuliers à telle tribu gauloise
plutôt qu'à telle autre, les exemples qui viennent d'être cités,
relevés dans le Languedoc oriental, tendraient à les faire attribuer
aux Volcac.
XI
XAXTOS
109. Le motg^aulois latinisé nantus ou nantuin est mentionné
sous la forme oblique nanto dans le petit glossaire gaulois
d'Endlicher, qui le traduit par vallis, et indique, en outre, le
composé trinanio, traduit par très valles. G est évidemment ce
mot qui, dans le langage des régions alpestres de la Savoie et de
la Suisse romande, subsiste sous la forme nand, avec une légère
déviation de sens, la partie étant prise pour le tout, pour désigner
ime cascade, un torrent.
110. De même que dunos, nantos a été parfois employé comme
nom propre de lieu, sans le secours daucUn adjectif, ni d'aucun
autre nom propre, et il subsiste, sans autre altération pour
loreille, que la chute de la syllabe atone, dans les noms de Nant
(Aveyron, Meuse), Nans (Doubs, Var), Namps (Somme). Nantus
fut, à l'époque mérovingienne, le nom d'un monastère du diocèse
de Coutances, qu'a désigné depuis le vocable de Saint-Marcouf
(Manche). On reconnaît aussi un primitif nantus, accompagné
d'un déterminatif moderne, dans ]^din-sous-Thil (Cùte-d'Or),
dont le nom est devenu celui d'une famille militaire célèbre, sous
la forme Xansouty.
111. Dans les noms composés où il paraît comme second terme,
le mot gaulois nanloa n'a jamais subi d'altération plus sensible.
Dînant (Belgique, province de Namur), et peut-être Dinan
(Côtes-du-Nord), représentent un bas-latin Dionantus, origi-
nairement sans doute Divonaiitus, cjui se rapproche par son
j)reinier terme deDivodurum ou Diodurum.
Grenant '^Gôte-d'Or, Haute-Marne, Nièvre), correspond au
Grauiitinto des triens mérovingiens, et on h' voit, dans Vaugre-
nant ''Saône-cl-Loire), combiné avec vallis.
Lournand (Sa6ne-el-Loire), nom d'une localité Muntionnée
fréfjueminent dans les chartes du \'' siècle de l'abbaye de Gluny,
sous la formiî Loinantum, semble avoir pour jiarallèlc le nom
d'une localité toute voisine, /.uurdon, dont il est question dans
oHic.iNEs cKi/rioiEs : .\A.\ros o3
les mêmes documents, et dont le second terme dunum indi([ue
la position élevée par rapport k Lournant.
Mornand (Loire), Mornans (Drôme), Mornant (Rhône, Haute-
Savoie), représentent un primitif tel que Mauronantus ou
Maurinantus.
Pargnan (Aisne), Pernand (Côte-d'Or), Pernant (Aisne, Orne),
portaient sans doute à l'origine le nom de Parronantus, k rap-
procher du nom de lieu celtique Parrodunum, mentionné par
Ptolémée.
Dans Ternant (Ain, Charente-Inférieure, Côte-d'Or, Nièvre,
Orne, Puj-de-Dôme, Yonne), il faut vraisemblablement recon-
naître d'anciens Taronantus, apparentés par leur premier
terme k Tarodunum qui, à l'époque romaine, désig-nait une
localité de Germanie, d'orig-ine g'auloise, et sans doute aussi le
chef-lieu, à rechercher entre Soissons et Reims, du pagus qu'on
appelle le Tardenois.
112. Le g-aulois naiitos semble être en outre la racine du nom
de lieu Nantoialum, que traduirait assez bien, semble-t-il,
l'adjectif latin vallestris. Ce vocable est l'origine du nom si
répandu de Nanteuil, et de ceux de Nanteau (Seine-et-Marne,
Yonne), de NantOUX (Côte-d'Or, Saône-et-Loire) et de Nampteuil
(Aisne), variante graphique du premier. Dans Monampteuil
(Aisne), on reconnaîtra Mons Nantoialum. Kt Nantouillet
(Seine-et-Marne) est un ancien Nanteuil, qu'une désinence
diminutive différencie d'un homonyme plus important, Nanleuil-
le-Haudouiii (Oise).
113. Peut-être faut-il voir la même racine dans Nantua (Ain) :
monasteriolum ([uod Nantuadus ab a qui s e vicino
emerg-entibus publiée vocitatur, porte un diplôme du roi
Lothaire daté de 852 ; une interprétation toute semblable de ce
nom — a multitudine aquarum ibi conlluentium — se lit
dans la chronique de Saint-Bénig-ne. On en rapprochera Nantois
(Meuse).
XII
ONXA
114. L'existence d'un mot g-aulois onna, au sens du latin fons,
nest attestée par aucun écrit de lantiquité, mais on peut l'induire
en quelque sorte de deux faits. L'un est la mention, dans un
écrit — la Vil a. sancf.i Domitiani — consacré au récit de la vie
d'un personnage du iv* siècle, de deux sources, de deux fontaines
du territoire de Lasfuieu (Ain), appelées respectivement
Bebronna et Calonna. L'autre fait est la présence, dans le
petit glossaire d'Endlicher, d'un mot qui ne diffère de onna que
par le genre, onno, traduit par flumen.
115. Le nom de Calonna ne s'est pas, dans le Bugey, où
vivait saint Domitien, transmis jvisqu'à nous, l'hagiographe nous
apprenant qu'au iv*^ siècle ce nom fit place à celui de Fons
Latini, ou plutôt Fons Latinii. Mais il a désigné, du vi'' au
XI® siècle, Chaàonnes-sur- Loire, aujourd'hui dans le département
de Maine-et-Loire, qui possède, en outre, un Calonnes-sofzs-/e-
Lude. La première partie du nom de Calonna lui serait commune
avec Calodunum, forme primitive supposée de Chaudnn et
Calodurum, que représente Chilleurs.
116. Quant à Bebronna, peut-être à l'origine Bibronna,
qu'on pourrait traduire par <( la fontaine des bièvres » ou « des
castors », c'était en Gaule le nom d un grand nombre de fontaines
ou de ruisseaux, appliqué parfois à des localités riveraines : la
Beuvronne, affluent de la Marne; la Brevonne, sous-aftluent de
r.Vube, la Brevenne, allluent du Hhône, la Brevanne, qui coule
dans le Luxembourg belge.
117. Notre pays possède un certain nombre de cours d'eau,
désignés par un nom masculin, qui ne dilTère de ceux (jui viennent
d'être iiuii(|U(''S, (pic par le genre et par la terminaison qui en est
la conséquence : le Beuvroil, affluent de la Selune, qui coule
dans les départements d'ille-et- Vilaine et de la Manche, et dont
le nom se retrriuve dans le nom de Sain/Senin-de-lieuvron
(Manche); le Beuvron. affluent de la Loire, (pii coule dans les
OKiGiNRs (>;T;nnii;s : o.v.v i .">.»
départements du Cher, du Loiret et de Loir-et-Cher, et qui, dans
ce dernier, arrose la Motte-Beuvron ; le Beuvron, affluent de
l'Yonne, qui a donné son nom à la commune de Beuvj'on
(Nièvre) : enfin \e Brevon, qui prend sa source à la fontaine
Bebronna de la Vila sancti Domiiiani, et qui se jette dans
l'Albarine k Saiut-Ramhert (Ain), localité qui, avant de porter
son nom actuel, était désignée à l'époque franque, par celui du
cours d'eau en question. Bebronna.
118. On est fondé à reg-arder comme procédant de primitifs en
-onna les noms de la Chalaronne, affluent de Ui Saône, Cala-
ronna ; de l'Aronde. affluent de lOise, Aronna; de la Saône,
Saugonna ; de la Boutonne, affluent de la Charente, Vultunna.
119. Mais on ne confondra pas onna avec la terminaison
-ona, qu'on observe dans xVxona et dans Matrona; tandis que
Vo de onna était long, donc tonique, et s est conservé, celui de
-ona était atone, les vocal)les modernes Aisne et Marne en font
foi.
120. Il est possible que Divonne (Ain) représente un primitif
en -onna, apparenté par son premier terme à Divoduruni;
mais on ne saurait sans danger former pareille conjecture à pro-
pos de tous les noms qui se terminent actuellement en -onnc,
car on sait positivement que certains d'entre eux, Carcassonne,
Narbonne, Bourhonne, représentent des noms latins de déclinai-
son imparisyllabique en -o, -onis.
XIII
VERA
121. Vera est la forme latine d'un mot supposé gaulois qui
se serait conservé dans le breton armoricain ffouer, au sens de
« ruisseau » ; toutefois certains celtistes prétendent que ce der-
nier mot est pour un ancien ivober .
Quoi qu'il en soit, l'e de vera était bref, on peut s'en convaincre
par l'étude des noms dont il constitue le second terme, et dans
lesquels l'accent était sur la syllabe précédente.
Dèvre (Cher), anciennement Oeuvre, était à l'époque carolin-
gienne Dovera.
Meg-avera désignait à la fois le Mesvrin, affluent de l'Arroux,
et une de ses localités riveraines, Mesvres (Saône-et-Loire).
L'ancien nom de la Touvre, affluent de la Charente, est Tol-
vera.
Vendeuvre (Aube) est appelé sur des monnaies mérovingiennes
Vin do vera : il se distingue donc de ses homonymes indiqués
plus haut (n*> 85) qui sont d'anciens Vindobriga.
122. Dans vera, employé seul, l'e était nécessairement
accentué ; étant bref, il devait, en langue d'oïl, devenir ié : c'est
ce que Ion constate dans le nom de la Vière, sous-affluent de la
Marne.
XIV
y E METIS
123. Le sens du mot nemetis, qu'on pourrait induire de celui
de l'irlandais nemed, au sens de « sanctuaire » est clairement
attesté par ces vers que Fortunat, au vi'' siècle, a consacrés au
nom Vernemetis porté par une localité de l'Aquitaine.
Nomine Vernemetis volait vocitare vetustas,
Quod quasi fanum iiigens gallica lingua refert.
Nemetis, qui figure quelquefois dans les noms g-aulois latinisés
sous la forme nemetum — Vernemetum dans l'île de Bre-
tagne, Tassinemetum dans la Norique, Augustonemetum
en Gaule — était donc pris, comme l'irlandais nemed^ au sens
du latin fanum.
124. Les seuls noms de lieu modernes qu'on puisse rattacher
d'une façon certaine et pour une de leurs parties à ce mot gaulois
sont :
Vernantes (Maine-et-Loire), au ix^ siècle Vernimptas, dérivé
précisément de Vernemetis, accentué sur l'antépénultième, dont
nous devons à Fortunat de connaître le sens.
Nanterre (Seine), dont le thème étymologique est Nemeto-
durum, déformé au vi® siècle, dans les écrits de Grégoire de
Tours, en Nemptodorum.
125. Des inscriptions romaines trouvées dans le département du
Gard signalent l'existence, dans la Gaule méridionale, des
Arnemetici, c'est-à-dire des habitants d'une localité appelée
Arnemetis : peut-être doit-on rattacher à ce dernier vocable,
moyennant une substitution de liquide, Arlempdes (Haute-Loire)
et Arlende (Gard).
126. Les noms Augustonemetum et Nemelocenna, four-
nis par des écrits de l'antiquité, et désignant, le premier le chet-
lieu de la cité des Arvernes, le second une importante localilé
gauloise voisine de l'Artois, n'ont rien donné en français, ayant
cessé, dès répo(|ue romaine, d'être en usage.
XV
GOND AT E
127. La fréquence du nom antique Condate, dont la forme
nominative est peut-être Gondas. est déjà indiquée par les
monuments de l'antiquité romaine. En effet, les documents
itinéraires relatifs à la Gaule, ne font pas connaître moins de huit
localités ainsi dénommées — une seule a conservé son nom,
c'est Condé-SUr-Iton (Eure) — auxquelles il en faut joindre une
neuvième, Gondatomagiis.
128. La terminaison, étudiée déjà, de ce dernier nom, paraît
établir la celticité de condate ; et comme d'ordinaire les localités
f[ui portent aujourd'hui le nom de Condat ou de Condé sont
siluées à la jonction de deux cours d'eau, en est fondé à croire
(pi'en p^aulois condate avait le sens tle confluent ; ces localités
seraient donc synonymes de Cnhlcnz et de Coiiflans, formés sur
le latin (^onfluentes. et de Quimper. qui représente le breton
armoricain Kemher.
Ges noms de Gondé et de Gondat sont les formes vulg-aires les
plus répandues, la première dans le nord de la France, la seconde
dans le midi, de lan tique Gondate.
129. Le nom de Condé est porté par une trentaine de localités
françaises, dont les deux tiers ont rang- de commune dans les
départements de l'Aisne, des Ardennes, du Galvados, de l'Eure,
de rindre, de la Manche, de .la Marne, de la Meuse, de l'ancienne
Moselle, du Nord, do l'Orne, de Seine-et-Mnrno, de Seine-et-
Oise et de la Somme.
130. Parmi toutes ces localités on n Cn compte ^\\\o deux —
Gondé f Indre) et (Jondé-snr-Vèffrc (Seine-et-Oise) — dont la
situation ne justilio pas le sens attribué au mot condato. Peut-
être les noms de ces deux localilés n'ont-ils [)as plus de rapport,
au point de vue de l'origine, avec ce mot que le nom de G.ondé-
rourt fSeine-et-()ise), pour lequel on possède la forme ancienne
(inndonrourt , (\\\\ donne lieu de supposer un |)rimitif Gu ndildis
curtis.
ORIGINKS CEMluLES : COX DATI-: "«O
131. Parfois, dans les régions de langue d'oïl, Gondate a
produit une forme qui se distingue de celle qu'on vient d'obser-
ver par la réduction du son nasal de la première syllabe : deux
anciens Condate sont aujourd'hui dénommés Candé dans les
départements de Loir-et-Cher et de Maine-et-Loire.
132. Dans la portion méridionale de la France, c'est Condat
qui représente le Gondate antique, et ce nom y est porté par
huit communes, toutes situées à des confluents, et qui appar-
tiennent aux départements du Gantai, de la Corrèze, de la Dor-
dogne. du Lot, du Puy-de-Dôme et de la Haute-Vienne.
133. Condé, Candé et Condat représentent Gondate accentué
sur Va ; mais il est probable, sinon certain, que Gondate était
un cas oblique de Gondas, dont Va était nécessairement atone :
on ne peut expliquer autrement le nom de Candes (Indre-et-
Loire), localité située au confluent de la V ienne et de la Loire, et
que Sulpice Sévère et Grégoire de Tours appellent vicus Gonda-
tensis. Condes (Jura, Haute-Marne), a la même origine, ain.si,
peut-être, que Cosne (Nièvre).
134. Gondate est aussi, mais médiatement, l'origine des noms
de Condel (Galvados), Condets (Seine-et-Marne i, et Condeau
(Ornei, qui, sous leur ancienne forme Condeel, représentent des
diminutifs de Condé.
135. Le mot gaulois condate, qui a servi de nom propre à tant
de localités celtiques, a en outre contribué à former des noms
composés. Les textes antérieurs au vu® siècle nous en font con-
naître deux : Gondatisco et Gondatomagus.
Le premier désignait à l'époque franque, au confluent de la
Bienne et du Tacon, le lieu qui, d'un monastère célèbre qu'on y
établit, prit successivement les noms de Saint-Oyand (Sanctus
Eugendus) et de Saint-Claude : ce lieu est actuellement le
siège dune des sous-préfectures du Jura.
Quant à Gondatomagus, nom qui signifie « le champ du
conMuent » et qui, sur la Table de Peutinger, s'applique à une
station itinéraire voi.sine de Milhau (Avoyron), il doit être, en
outre, le terme étymologique du nom de Condéon M]harente\
XVI
MEDIOLAXUM
136. Le nom gaulois latinisé en Mediolanum ou Mediola-
nium est presque aussi fréquent que condate, et les textes
antiques font connaître huit localités ainsi dénommées : l'une
appartenait à la Gaule cisalpine ; cinq étaient comprises dans la
Gaule transalpine, une dans la Germanie et une autre encore dans
l'île de Bretagne.
Trois seulement de ces localités peuvent être reconnues avec
certitude dans des lieux dont le nom actuel dérive de l'ancien :
ce sont Milan/ Italie), Ghâteaumeillant (Cher) et le Mont-Miolant
(Loire). Deux autres, le Mediolanum des Sanfoni et celui des
Eharovices ont changé de nom dès l'époque romaine, et sont
aujourd'hui représentées par Saintes et par Evreux.
Si les textes antiques prouvent la fréquence de ce vocable
géographique, la diffusion en est encore attestée par la topono-
mastique de la France, qui contient une trentaine de noms venant,
selon toute apparence, de Mediolanum ou de Mediolanium :
le fait est d'ailleurs incontestable pour la plupart, grâce à la
mention qu on en trouve dans des chartes.
Ces noms modernes se divisent tout naturellement en deux
séries : les uns dérivant certainement de la forme antique, attestée
par des inscriptions, Mediolanium ; les autres qu il convient
de rapporter à M e d i o 1 a n u m .
137. La premièie série est représentée par Ghâteaumeillant et
Meillant Cher), Meilhan (Gers. Landes, Lot-et-G;ironne , Meil-
lan niaute-Garonne, Gironde), Moilien (Aisne), Moliens (Oise,
Scinp-et-Mariio . Molllens-aux-BoisetMolliens-Vidame ' Sonmiej,
Montmeillant ^Vrdennes, Seine-et-Marno), Montmeillien (Côte-
d"()ri, Montmélian 'Oise, Savoie) : tous ces noms sont caractéi-isés
par l:i iiKtiiilhirr, de la li(|uide médiane — //, ///, // - uïouillure
fxplicabh' j)ar h' recul de 1'/ (|ui, dans Mediolanium — sxiivait
le gr(»u|)e a n.
138. Au coiilrain'. indlc liiui- {{{' ocl / ii apporail dans les
t)Ri(;i.M:s cixiinuEïi : mkdiolaxum 61
noms ([ui constituent la seconde série : Mâlain Gôte-d"Or),
Maulain ( Haute-Marne j, Méolans (Basses- Alpes), Meulin (Saône-
et- Loire), Meylan (Isère, Lot-et-Garonne j, Miolan (Rhône,
Savoie), Mioland (Rhône, Saône-et- Loire), Moëlaln (Haute-
Marne), Moislains (Somme), Molain (Aisne, Jura), et le Mont-
Molain (Loire).
139. Le nom antique de Mediolanum se retrouve, on le voit,
un peu partout en Gaule, sauf peut-être dans le nord-ouest, en
Auvergne, en Limousin et dans le Languedoc. Que signifiait-il?
Henri Martin Ta traduit par « terre sainte du milieu », lan
représentant, à ses yeux, l'idée de « terre sainte » ou de « sanc-
tuaire », le sens de « milieu )-, étant attaché à la première partie
du nom ; et il semblait croire que chaque peuple gaulois avait
un mediolanum ; mais la répartition géographique des localités
dont on vient de lire l'énumération ne favorise guère cette opi-
nion : on en a compté trente-deux, et les diocèses auxquels elles
appartenaient au mojen âge, sont au nombre de vingt-deux
seulement, correspondant à vingt et une cités romaines : d'où il
résulte, à suivre Henri Martin dans son hypothèse, que les
Ambiani auraient eu trois « terres saintes du milieu » : Moliens
(Oise)*, Molliens-aux-Bois et MoUiens-Vidame ; les Bituriges
deux : Ghàteaumeillant et Meillant ; les Aedui trois : Meulin,
Mioland et Montmeillien ; les Se ffusiavi trois également : Miolan,
Mioland et le Mont-Miolan ; les Allohroges trois aussi : Meylan,
Miolan et Montmélian ; enfin les Auscii deux : les deux Meilhan
du département du Gers ; il faut remarquer, en outre, que plu-
sieurs de ces locatités n'étaient pas situées au centre des cités
dont elles faisaient partie. L'interpi'étation proposée par Henri
Martin paraît donc devoir être rejetée.
XVII
NOVIENTUM ET -ENTOS
140. Le nom de lieu de Novientum n'apparaît dans aucun
des textes de l'époque romaine qui sont parvenus jusqu'à nous,
mais on le trouve fréquemment dans les textes de Tépoque
tVanque, où il figure parfois sous la forme Novigentum, carac-
térisée par la présence d'un g qui n'en modifiait guère la pronon-
ciation. Ce vocable — tel était du moins le sentiment de d'x\r-
bois de Jubainville — dériverait de la racine qui a fourni l'adjectif
gaulois novios au sens de « nouveau », à l'aide d'un suffixe
-entum, analogue au suffixe -entez, (jui a servi à former, dans
le breton armoricain, un certain nombre de substantifs dérivés
d'adjectifs. Ainsi Novientum, littéralement» nouveauté », serait
un vocable topographique équivalant aux Xeuville et Villeneuve
qui ont été formés en si grand nombre au moyen âge.
141. Novientum a produit le nom Nogent. ([ui, en France,
ne désigne pas moins de seize communes appartenant aux dépar-
tements de l'Aisne, de la Côte-d'Or, de l'Eure, d'Eure-et-Loir, de
la Haute-Marne, de l'Oise, de la Sarthe et de la Seine, et dont la
formation est régulière, caractérisée qu'elle est par la consonni-
fication de 1"/ ; dans ce nombre n'est pas compris Nogent-le-
Holrou (lîlure-et-Loir), qui, à en juger par une forme du xi'' siècle,
Nogiomum, représenterait un primitif Noviomagus, et serait
plus régulièrement orthographié Xogen ; non plus que Xoi/ent-
sur-\'ernis\oit (I.,oiret), qu'un pouillé du xiv*" siècle appelle
Noemium, ce qui autorise la même conjecture.
142. Le nom de Nogentel (.Visne, Marne), s'applique à de pri-
mitifs Xofjenl, (ju il diU'érencie, au moyen d'un suffixe diminutif,
d homonymes plus importants ; il a poui- é(juivalonl Nointel
(Oise, Sein(;-et-(Jise'.
143. Dans un ceitain ncjmbre d autres cas 1/ de Novientum
ne s'est pas eonsonnifié, de sorte que ce vocable a produit Noyant
.Vin. Allier, Indre-et-Loire, Maine-et-Loirej.
ORIGINES CELIJOUES : XOVIh.XTLM ET -fîNTOS {y.]
144. Par contre, on peut signaler des formes modernes qui ont
conservé le i' de Novientum, et représentent presque intact le
nom antique ; elles paraissent d'ailleurs localisées à la région du
nord-est : lioviant-aux-Prés (Meurthe-et-Moselle), Novéant
(Lorraine;, Noviand (Prusse rhénane, régence de Trêves) et
Nepvant (Meuse;, dont le p ne se prononce pas. Ces formes
ont pour variante ■Vouuinn/, qui désigna jusqu'auxvii'' siècle, trois
Nouvion de l'Aisne : à la vérité, l'altération du son an en on,
qu'on trouve ici est rare, tandis que le phénomène inverse est
très fréquent, témoin les noms d'Argentan, de Caen et de
Rouen.
145. Nogeiii entre en composition dans Nogentvilliers, formé
au moyen âge par la combinaison du nom propre Nogeni avec le
nom commun procédant de vil lare ou villa rium ; par l'effet
d'une aphécèse qui remonte peut-être à huit siècles, Noyentuilliers
est aujourd'hui JanviUiers (Marne).
146. Chose singulière : de toutes les localités qui viennent
d'être énumérées, les plus méridionales appartiennent aux dépar-
tements de Maine-et-Loire, d'Indre-et-Loire et de l'Ain : n'y
aurait-il pas quelque indication ethnique à tirer de là?
147. Le suffixe gaulois -enlos que révèle Novientum parait
se retrouver dans le nom d'Agentum, porté jadis par le village
actuel d'Hains (Vienne), ainsi que par un bourg du diocè.se de
Limoges où l'établissement d'un monastère fît prévaloir l'appel-
lation Agenti monasterium, et qui n'est autre aujourd'hui
quTymoutiers (Haute- Vienne).
148. Drevant (Cher), en latin Derventuni, présente, en
avant du même suffixe, le mot gaulois dervos, au sens de
(( chêne » au([uel doivent leur nom le hameau de Der (Aube et
la région forestière où se trouve Monficr-en-Dev (Haute-Marne).
Drevant serait donc l'équivalent des noms romans Chcsnuy,
Chesnoy, Qaes?iay, Qiiesnoij, et doit être rapproché du nom
antique Derventione. sous le([uel l'Itinéraire il'Antonin désigne
une localité de la Grande-Bretagne.
XVIIl
-ACTE OU -ACTA
149. Le suffixe gaulois -acte, ou mieux -acla, que d'Arbois
de Jubainville pense reconnaitre dans le suffixe -ez du bas breton
moderne, paraît dans deux noms de lieu mentionnés par les textes
antiques.
Bibracte ou Bibracta, qui désigne, dans César, le principal
oppidum des Eduens, est représenté par le mont Beuvray, dont
le nom, qui s'écrivait jadis Bevrait, est très régulièrement formé,
la désinence s'étant comportée tout comme le mot factum,
devenu fait, et le radical dé même que celui de biberaticum,
mot qui a donné hevrar/e, ancienne forme de breuvage. Ce radical
paraît n être autre que le nom celtique du castor, apparenté au
latin fiber, et qu'on retrouve dans les noms de cours d'eau
bibronnum, bibronna ; Bibracte aurait donc été un lieu
servant de retraite aux castors.
Le second nom, Carpentoracte, fut celui delà ville actuelle
de Carpentras. D'après d'Arbois de Jubainville, il faudrait
entendre par ce vocable un lieu où l'on fabriquait des chars,
appelés en latin carpenta, d'un mot emprunté sans doute à la
langue gauloise, puisqu'on pense que le carpentum fut, dans le
principe, particulier aux Gaulois; c'est à ce mot, on le sait, que
se -rattache le français charpentier, qui devrait, étymologiquement,
désigner le charron.
XIX
-OIALOS
150. Les noms de lieu terminés par le suffixe -oialos, latinisé
en -oialus ou -oialum, devaient être fort répandus en Gaule,
à en juger par les nombreux vocables géographiques modernes
qui présentent les terminaisons -enil ei -ue'jols, formes vulgaires
les plus fréquentes de cet ancien suffixe gaulois. Cependant les
textes de l'antiquité parvenus jusqu'à nous ne mentionnent qu'un
seul nom de cette catégorie, reconnaissable dans les thermae
Maroialieae dont parlait au iv" siècle saint Paulin de Noie,
désignant les bains d'une localité, Maroialum, qui appartenait,
semble-t-il, à la région du sud-ouest de la Gaule.
Les noms en -oialum apparaissent plus fréquemment dans les
textes de l'époque mérovingienne, notamment dans Grégoire de
Tours.
Au vu" siècle la graphie -oialum s'est altérée en -oilum,
forme qui, à l'époque carolingienne, a été, par l'introduction
d'une gutturale, modifiée en -ogilum ou -ogelum, qu'on a
enfin remplacé par -olium.
Le nombre des noms de lieu formés à l'aide du suffixe -oialum
est considérable. On n'en donnera pas ici le relevé complet, et
l'on se bornera à en présenter quelques-uns parmi ceux que men-
tionnent les textes latins antérieurs à l'an mil.
151. Aballoialum, déformé en Avaloialum ou Avalogi-
lum, est devenu, par l'aphérèse de l'a initial, pris pour une sorte
de locatif, Valeuil (Dordogne) et "Valuéjols (Cantal): on recon-
naît dans le premier terme de ce vocable le nom gaulois du
pommier, ce qui autorise à considérer Valeuil et Valuéjols comme
des synonymes de « pommeraie ».
152. Arcoialum, en 1 1 19' Archoilus, en H42 Arcoilus,
désigne Arcueil (Seine), qui doit son nom, de toute évidence,
aux arcades d'un aqueduc romain dont les vestiges sont encore
visibles.
153. Argentoialum, d'où Argentogeluni el Argenlo-
Les nnnis de lieu.
/
(iO LKs NOMS i3i; i.u:l"
gilum, aujourd'hui Argenteuil (Seine-el-Oise, Yonne). Ce nom,
indiquant sans doute à Torig'ine un gisement d'argent, et compa-
rable en ce cas au nom entièrement latin Argentaria, Largcn-
tière, ne serait pas le seul nom en -oialum dont le premier
terme soit à rattacher au règne minéral : Preuil Maine-et-Loire),
contraction de Perçu// est appelé en 1130 Petroilum. vraisem-
blablement pour Petroialum, « lieu pierreux », et il est permis
de penser que Sablé (Sarthe), anciennement Sahleil, représente
un primitif Sabuloialum, « sablière ».
154. Balioialum est sans doute la forme primitive d'un nom
qu'on trouve écrit Baliolum à la tin du x'' siècle, et duquel
dérive le nom de lieu Bailleul (Eure, Nord, Oise, Orne, Pas-de-
Calais, Sarthe, Seine-Inférieure, Somme), reconnaissable, en
composition, dans Bailleulmont et Bailleulval t^Pas-de-Cahiis),
et qui a pour variantes BaiUeu (Oise), Baslieux (Marne), Bailleau
(Eure-et-Loir) et Baillet (Seine-et-Oise), ce dernier pour Bail-
leil.
155. Blanoialum, d'où Blanoilum, Bléneau (Yonne).
156. Bon oialum, devenu Bonogelum au vu® siècle et
Bonogilum à 1 époque carolingienne, est l'origine des noms de
Bonneuil '^Charente, Indre, Oise, Seine, Seine-et-Oise, Vienne),
Bonnœil (Calvados) — notation rappelant la traduction latine
Bonus o eu lus adoptée par les clercs parisiens des xni'' et
xiv'= siècles pour désigner le Bonneuil de Seine-et-Oise — et
Bonneil i^Aisne).
157. Burgoialum est, peut-on supposer, la forme correcte de
Burgogalum, qui a désigné Bourgueil ^^Indie-et-Loire). 11 y a
des écarts également nommés Bourgueil dans Saùne-et-Loire et
dans la Vienne.
158. Buxoialum, qui, formé sur le latin buxus, serait
léquivalent de Buxctum, le(|uel a donné Biicij et Bussy, est le
thème étymologique des noms de Buxeuil f.Aube, Vienne) et de
Bisseuil (Marne;.
159. Cantoialum u donné Chanteau Loint; ei Ghanteuges
, IIaute-L<nrej. priiuiti\emeiit C/uiiUcikjcdL accentué sur '-//.
160. (^assanoial um ou Cassi noiii lum. forme [)rimiti\t.'
du nom carolingien C-assinogilum, a donné Gasseneuil (Lol-et-
Garonuej, Cas&euil ;Gironde) — où l'on constate l'clfet de la
cimte (le Vu pl;icé outre deux voyelks et Chasseneuil (CJia-
OHKilNKS CKI.TIQlJliS '. -OIMJJS 67
rente, Indre, tienne) ; le premier terme de Gassanoialum est le
mot antéromain cassanos, au sens de « chêne ».
161. Corboialum est l'ancienne forme hypothétique du nom
de Corboilum, désignant Corbeil (Seine-et-Oise).
162. Cristoialum. d'où Créteil (Seine) et Criteuil (Cha-
rente).
163. ,Ebroialuin d'où Ebrogilum, Ebreuil (^ Allier).
164. Garrig-ojalum, formé sur un des noms antéromains du
chêne, est sans doute le thème étymologique du nom de Jargeau
(Loiret), en latin de basse époque Jarg'og-ilum ou Jarg^olium.
165. Genistoialum, où l'on reconnaît le latin ^enista,
« genêt -), serait l'orig-ine de Genneteil (Maine-et-Loire).
166. Lemoialum, formé sur le g-aulois le/nos, « orme », qui
subsiste dans l'irlandais leamh, a produit Limeuil (Dordogne),
Limeil (Seine-et-Oise) et Limejouls (Dordogne).
167. Maroialum; ce nom est un des plus fréquents de la
présente série, et cela sans doute en raison d'une circonstance
topographique qui se produit souvent : on croit volontiers, en
effet, que la racine de ce vocable est la même que celle, d'origine
germanique, à laquelle la langue française semble devoir les
noms communs << mare », désignant une masse d'eau dormante,
et « marais »., ce dernier représentant un bas-latin mariscum
dérivé d'un adjectif germanique en isc : Maroialum désignerait
ainsi une localité voisine de marécages. De ce nom viennent ceux
de Mareuil (Aisne, Charente, Cher,. Dordogne, Loir-et-Cher,
Marne, Oise, Seine-et-Marne, Somme, Vendée i, Marœuil (Pas-
de-Calais), Mareil (Sarthe, Seine-et-Oise), Mareau Loiret),
Mareugheol (Puy-de-Dôme), Mareuge (Puy-de-Dôme , Maruéjols
(Gard), Marvéjols (Lozère), Marvège (Gard). Il est à remarquer
que dans les noms Mareugheol, Maruéjols et Marvéjols la der-
nière syllabe est atone, et que ces noms se prononcent Mureiicjc,
Mariu-rfc et Marvcr/e.
168. Najoialum, doù Nieuil (Charente, Vienne) et Nieul
(Charente-Inférieure, \'endée, 1 laule-\'ienneK
169. Nantoialum, où Ion reconnaît le mot gaulois /j,7///o.ç, (K'jà
signalé, aurait le sens du latin val lest ris, et désignerait un lieu
sis dans une vallée ; il a produit Nanteuil 'Aisne, Ardennes, Cha-
rente, Dordogne, Marne, Oise, Seine-et-Marne), Nampteuil (Aisne)
et, en composition Monampteuil (Aisne) : on verra des «limiiui-
68 LES NOMS DE LIEU
tifs de Nanteuil dans Nantouillet et Nanteau ,Seine-el-Marne).
170. N a voie lu m, d'où la forme basse Xavolium : Naveil
(Loir-et-Cher).
171. Orgadoialum, d'où Orgedeuil (Charente).
172. Kotoialum est la forme orig-inelle des noms de Reuil
(Marne, Oisei et de Rueil (Eure-et-Loir, Seine-et-Oise), et dési-
gnait une villa royale que mentionne Grégoire de Tours, et dont
le souvenir persiste dans l'appellation des communes de Notre-
Dame-du-Vaudreuil et de Saint-Cyr-du-Vaudreuil (Eure), Vau-
dreuil devant s'entendre « vau de Reuil ». Reuil (Seine-et-Marne)
a une autre origine : ce nom, qui ne remonte qu'au vu*' siècle,
désigna tout d'abord un monastère fondé par un frère de saint
Ouen, Rado, qui de son nom, nous apprend la vie de saint Aile,
abbé de Rebais, l'appela Radolium.
173. Septoialum, au ix*^ siècle Septogilum : Septeuil
(Seine-et-Oise).
174. Spinoialum, d'où Spinogelum qui figure au vu'' siècle
dans la chronique de Frédégaire. Ce nom, qui paraît formé sur le
nom latin de l'épine, serait donc .synonyme de spinetum. Ses
formes vulgaires sont Epineuil (Cher, Yonne), Epineil, adouci
en Epinay. dans le nom d' Epinay-sur-Orge ; Seine-et-Oise) — le
Spinogilumdu Polyptique d'Irminon — et d'Épinay-sur-Seine
(Seine) — le Spinogelum de Frédégaire — enfin Epineau
(Yonne).
175. Vernoialum, le nom le plus répandu du groupe avec
Maroialum et Nantoialum, est formé sur le mot gaulois
vernos, désignant l'aune : il a donné Verneuil (Aisne, Allier,
Charente, Cher, Eure, Indre, Indre-et-Loire, Marne, Meuse,
Nièvre, Oise, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise, Haute-Vienne),
Verneil 'Sarthe), et dans le Midi, oîi on en remarque bien
moins de traces : "Vemeugheol ( Puy-de-Dôme I, Verneughol
(Cantal), Vernuéjou (Cantal), Verneuge Haute-Loire, Puy-de-
Dômei. Vernouillet Eure-et-Loir, Seine-et-Oise) est un diminu-
tif de \ erncuil, commi; Xanlouillet de Nanteuil.
176. On fera observer en passant que le mot vernos, employé
seul et latinisé en ver nu s ou vernum, est l'origine de plusieurs
noms de lieu : Vern (Ille-el-Villaine, Maine-el-Loire) ; "Ver
(Calv.'idos, Manche, ()ise/, (lii l'rdi oj)soi\t' le niénie assourdisse-
OKKIINKS (^KI.riOUKS : -OIALOS 69
ment de Vn que dans four, hiver, Jour, Nevers, Anvers, dérivés
de furnuni, hibernuni, diurnum, Nivernis, Alvernis ; et,
par l'elFet dune notation vicieuse, Vert (Landes. Marne, Seine-
et-Oise).
m. Vindoialum est la forme primitive du carolingien Vin-
doilum, d'où Vendeuil (Aisne, Marne, Oise).
178. Vinoialum, forme primitive du caroling-ien Vinogilum,
a donné Vineuil (Indre, Loir-et-Cher), et Vignols (Gorrèze).
179. Zezinoialum, dans la vie de saint Léger, écrite au
vil'" siècle, désigne Jazeneuil (Vienne).
180. De ce que le plus grand nombre des vocables modernes
qu'on vient de passer en revue sont terminés en -eull, on aurait
tort d'induire que tout nom de lieu présentant cette désinence,
représente nécessairement un primitif en -oialum. Ainsi le nom
de Montreuil, porté par une trentaine de communes de France,
provient du bas latin Monasteriolum, diminutif du nom com-
mun monasterium, qui a donné le vieux mot français tnoutier ;
et Marchespuil (Côte-d'Or, Saône-et-Loire) représente une forme
diminutive du vieux mot marchais, représentant en bas latin
mercasium, et désignant un lieu humide et marécageux.
181. Il convient d'examiner maintenant les diverses altérations
de la finale gauloise oialum, accentuée sur la diphtongue oi. Dans
la partie septentrionale de la France, ainsi que dans le Poitou, le
Berry, le Bourbonnais, rAngoumois, la Saintonge, le Périgord
et la Guyenne, cette finale est devenue -euil ou -eul : Valeuil,
Arcjenteuil, Bailleul, Bonneuii, Bourg ueil, Buxeuil, Bisseuil,
Casseneuil, Casseuil, Chasseneuil, Criteuil, Ehreuil. Liinenil,
Nieuil, Nieul, Nanteuil, Orf/cdeuil, Beuil. Sep/cuiL EpincaiL
Verneuil, Vendeuil et Vineuil. Au lieu de -euil on rencontre
-eau dans le sud-ouest du département de Seine-et-Marne, dans
une partie de celui de FYonne, dans le Loiret et dans Eure-et-
Loir : Bailleau, Bléneau, Chanle^u, Jan/eau, Mareau, Manteau,
Epineau : c'est dans la même région que Montreuil et Bagncux
— ce dernier dérivé du bas latin Balneolum réd'uit à Banio-
lum — ont pour équivalents Montereau et Hagneaux ou Bai-
gneaux. La désinence -euil devient -cil aux environs de Paris,
dans une partie im|)ortante du Maine et dans le Ven(b')mois,
témoins les noms île linnncil, Cnrhcil, (Irctcil . (ic/iiic/cil. Lundi,
70 I>I-:S NOMS Di: LIEU
Mareil, Naveil, liueil et Verneil\ le son mouillé qui termine
cette finale s'est éteint parfois : Baillel, Épinay, Sablé. Enfin dans
l'Auvergne et les pays a voisinant s : Gévaudan, Velay et partie du
Languedoc — départements du Gard et de l'Hérault oialum
est représenté par -iiéjols, -eugheol, -eiighol, -uéjou — et même
-ojouh, comme dans Caussiniojouls (Hérault) — finales dans les-
quelles le groupe ol ou oui est atone, et qui, dans le langage
traditionnel du pays, se prononcent ueje et enge ; il en est ainsi
des noms Valuéjols, Limejouls, Maleugheol, Marvpjols. Ver-
neiigheol, et c'est de cette prononciation que dérivent les formes
graphiques CJianteuges, Mareiige et Verneuge.
Dans un certain nombre des vocables qui viennent d'être pas-
sés en revue, on peut déterminer la valeur du premier terme.
182. Celui-ci est assez souvent emprunté au règne végétal, on
l'a vu par l'exemple d'Aballoialum, de Cassanoialum, de
Garrigoialum, de Lemoialum et de 'N'ernoialum. ainsi que
par celui de B u x o i a 1 u m , de G i n e s t o i a 1 u m et de S p i n o i a 1 u m .
Dans ces derniers noms, le premier terme appartient à la langue
latine, d'où 1 on est amené à conclure que l'usage du suffixe -oia-
lum persista en Gaule postérieurement à la conquête romaine :
iK^inr, on ne l'a pas oublié, que le suffixe ligure -asca
s'est maintenu dans l'Italie septentrionale. Gonséquemment on
peut supposer la formation de noms en -oialum sur d'autres mots
latins désignant des arbres. Cerasoialum, formé sur le nom du
ceinsier, serait le thème étymologique de Cerseuil (Aisne, Marne).
Corn oialum, formé sur le nom du cornouiller, aurait donné
Corneuil (Eure) et Cornuéjouls (Aveyron). A l*inoialum, formé
sur le nom du pin, on devrait Pineuilh (Gironde. Et Péreuil
(Charente), Pereuilh (Hautes-Pyrénées), Perruel (Eure),
Perruéjoul (Cantal) se réclameraient de Piroiahim, formé sur
le nom du poiiier.
183. Le ra|)[)rociiement, fait plus haut, dos noms d'Argcnlenil,
de PrciiH et de Suhlé donnerait lieu dadmt'ttre que le suffixe
-oialum s'est combiné avec des mots empruntés à la nomenclature
(\n règne minéral.
184. Il est fort probable aussi ({u'il ait été combiné avec des
noms d'animaux, témoin le nom Cabrogilum ([ui, dans un
textcî du x*" siècle, conservé par le cartulaire de lirioude, désigne
une localité d'Auvergne qu'on n'a pas identifiée ,
oMKii.Mvs (;i:L.iign;s : -oialos 71
185. Dans Maroialum, Nantoialum, et dans Arcoialum le
premier terme évoque mie particularité d'ordre topographique.
186. Enfin le nom de Reuil (Seine-el-Marne) nous a montré
le suffixe en question combiné, à une époque d'ailleurs tardive,
avec un nom d'homme.
187. On a pu voir que les noms de lieu en -oialum se
retrouvent du nord au midi de la France, du département du
Pas-de-Calais à celui de l'Hérault. Ils ne semblent pas exister,
ou du moins ne sont jçuère apparents, dans la Gascogne — qui
d'ailleurs représente l'Aquitaine de César, où l'élément g-aulois
devait être presque nul — ni dans le Toulousain. On ne les trouve
pas davantag'e semble-t-il, dans les provinces les plus orientales :
Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté, Dauphiné, Provence.
Peut-être un jour l'ethnographie pourra-t-elle tirer parti de ces
indications qui, fort sommaires du reste, auraient besoin d'être
complétées.
XX
ORIGINES ANTÈROU AINES : IV URAIVD A OU IGORANDA^
188. On étudiera plus loin, parmi les noms de lieu d'origine
romaine, ceux qui expriment une situation voisine des confins de
deux cités. Tel parait avoir été le rôle du mot antéromain — on
nose dire g-aulois — ivuranda ou igoranda.
Les formes vulgaires de ce mot sont au nombre d'au moins
neuf'.
1. Nous reproduisons ici, en la condensant légèrement, une partie de
la leçon, faite ie 13 mars 1890 au Collège de France, dans laquelle Auguste
Longnon, après avoir étudié les vocables issus des mots latins fines et limi-
tes, en rapprocha ceux de même signification, qui représentent le mol,
sinon gaulois, à coup sûr antéromain, ivuranda ou igoranda. Depuis lors
— en 1802 — on a vu paraître dans la Revue archéulor/ique [3'' série, t. XX)
deux mémoires sur la matière: lun (p. 17U-175) de Julien Havet, sous le
titre : "Igoranda ou * icoranda, frontière, note de toponymie gauloise ; l'autre
(p. 281-287) d'Auguste Longnon lui-même, intitulé : Le nom de lieu gaulois
ewiranda.
2. Il convient d'y ajouter les formes Âiguerande et Egarande, mention-
nées par Julien llavet (p. 173), et qui désignent, la première un écart de
Helleville-sur-Saone (Rhône), situé « àquehjues kilomètres de la limite sépa-
vative des anciens diocèses de Lyon et de Màcon », la seconde un écart
d'Eslivareilles (Loire) « dans Tancicn diocèse du Puy-en-Velay, à la limite
de ceux de Lyon et de Clermont ». — U'aulre jjarl le mémoire d'Auguste
Longnon indiiim'' dans la note précédente signale (p. 284 et 285) la forme
aphérésée Guirande, nom : d'un hameau de Lagorce (Gironde), qui appar-
tenait à l'ancien diocèse de Hordeaux, el confinait à celui de Saintes; d'un
hameau du dépariemenl de la Loire aciuellemont rattaché à Noirétable
(ancien diocèse de ClermonI i, mais <[ui ()arai( avoir dépen<lu auparavant
des Salles (ancien diocèse de Lyon) ; — d'un hameau de Felzins (Lot),
qui appartenait au diocèse de Cahors, et n'était séparé de celui de Rpdez
que par une dislance de 1.(300 mètres : localité (|ui ne parait pas « dillériMite
(\ii ci'Wv i\\n' \l' Dirtionnnirr des Postes [i'dW.. de 1876) mentionne sous le
nom Enguirande, comme un écarl de Saint-Kélix », canton de Velzins ; —
d un aflluenl de la Sèvre Niortaise traversé •■ vers le milieu de son cours
par la limite séparant avaiil 1317 h' iliocèse (h- Poitier-s... de celui de
Saillies -•. l£n outre « les Guirandes, pi'lil li.iiricau de la couiniune <h'
Monlignac-le-( lo(| ((^iiarenU-;, clail siluc dans l'anciru diocèM' (h' l'eri-
gueux, «le S.iiiilcs cl d'AiigoMlêmc ■.
OHIOrNES ANTÉROMAINES '. IVl'BAXDA OU IGOHAXDA 7H
189. Aigurande (Indre) est une paroisse de l'ancien diocèse de
Bourges (civitas Bilurl(jum) située près de celui de Limoges
{civitas Lemovicuni).
190. Eygurande (Gorrèze, Dordogne) : lune des communes
ainsi nommées se trouve Wr le territoire de l'ancien diocèse de
Clermont ; l'autre, du diocèse de Périgueux, était voisine de celui
de Bordeaux.
191. Iguerande (Saône-et-Loire), Ivuranda à l'époque caro-
lingienne, appartenait au diocèse de Lyon, confinant à celui
de Mâcon, qui fut formé d'un démembrement de la civitas
Aediiorum.
192. Ingrande (Afaine-et-Loire, Mayenne, Vienne) est le nom
de trois paroisses qui appartenaient respectivement aux diocèses
d'Angers, du Mans et de Poitiers, dans les régions où ils confi-
naient, le premier à ceux de Nantes et de Poitiers, le second à
celui d'Angers, le troisième à celui de Tours. D'ailleurs l'empla-
cement d'Ingrande (Vienne) répond à celui de la station Fines de
la voie romaine de Tours à Poitiers.
193. Dans l'ancien diocèse de Poitiers, vers celui de Bourges ;
dans l'ancien diocèse de Tours, vers ceux d'Angers, d'une part,
et de Poitiers, d'autre part ; et dans l'ancien diocèse d'Angers,
vers celui de Nantes, on remarque quatre localités dont le nom
s'écrit Ingrandes (Indre, Indre-et-Loire, Maine-et-Loire), et dont
l'une correspond à la station Fines de la voie romaine de Bourges
à Poitiers.
194. Ingrannes (Loiret), de l'ancien diocèse d'Orléans, confinait
à celui de Sens.
195. Ygrande (Allier) était une paroisse du diocèse de Bourges
à vingt-trois kilomètres de l'ancienne limite de celui d'Autun.
196. Yvrandes (Orne) est aux confins des anciens diocèses de
Baveux et d'Avranches; il appartenait au premier.
197. Enfin la Délivrande, à Douvres (Calvados), dont le véri-
table nom est Yvrande, encore employé au xiv'" siècle, se trouvait
dans le diocèse de Baveux, à une vingtaine tle kilomètres do la
limite occidentale de celui de Lisieux.
198. L'identité du nom Ingrande avec les noms Ai;/uran<lf et
Igrande est nettement attestée par les formes anciennes du nom
d'Ingrande (Vienne) : Evranda, Igoranda et Igranda. C)n voit
par là le peu de cas (ju'il faut faire de l'opinion (|ui, fondée sur ce
7i LRS NOMS l)K Lii;u
qu'il y a deux ou trois Ingrande k rextrémité du territoire angevin,
tirait ce vocable de ingressus Andium, Andes étant le nom
sous lequel César désigne les habitants de notre Anjou.
199. On voit que. sauf deux exceptions', toutes les localités
énumérées plus haut étaient situées près des limites des diocèses
auxquels elles appartenaient ; et l'on sait ({ue la circonscription
des diocèses français, telle qu'elle se présentait encore au
xviii® siècle, correspondait, dans son ensemble^ k celle des cités
de 1 époque romaine. Or, il n'est pas interdit d'expliquer les deux
exceptions que constituent Ygrande et la Délivrande par des
modifications que la limite des Aedui et celle des Lexovii auraient
subies, soit aux premiers siècles du moyen âge, soit même anté-
rieurement à la conquête romaine, puisque le mot ivuranda
ou igoranda est antéromain.
200. Il n'est pas sans intérêt de rapprocher de la désinence de
ce mot les expressions rand et randon, qui, dans la partie méri-
dionale du département de l'Aube, désignent certains tertres
servant de limites aux territoires des communes, et qu'aux envi-
rons de Troyes, on appelle pns.
l. Plus celle (jiie constitue Iiigrando, rcart de l,\ Rôoi'llio Veuflée'l situé
« 011 plein Poitou >> (J. Havet, loc.cil., p. 171 j.
XXI
ORIGINES GALLO-ROMAINES : -ACOS
201. Le suffixe -acos, latinisé -acus. tient dans l'onomastique
gauloise une place considérable, et a contribué à former un
nombre immense de noms de lieu gallo-romains encore subsis-
tants aujourd'hui.
La valeur de ce suffixe est un peu vag'ue, et comparable à cet
ég^ard à celle du suffixe français -ier, -ière, dérivé du latin
-arius, -aria, qui sert à former : des adjectifs dérivés dadjec-
tifs, comme premier et sinf/ulier; des adjectifs dérivés de
substantifs, comme régulier et séculier ; des noms d'ai^ents ou
de professionnels, comme chevalier, potier, tuilier ; des noms
locaux communs dérivés de noms communs, comme foyer, '/re-
nier, ririère, sablière ; des noms de lieu dérivés de noms propres
dhommes, comme Bernard ière, Blanchardière, Girardière.
202. Le suffixe -acos a subsisté dans les lang-ues néo-celtiques :
dans les dialectes g-aéliques sous la forme -ach ; en gallois sous
la forme aivc, souvent réduite aujourd'hui à og, et en breton
armoricain sous la forme -ec qui. au xiri'' siècle, a remplacé le
moyen-breton oc.
203. En breton, le suflixe -ec termine un grand nombre d ad-
jectifs : harrec, « brancher », de barr, « branche » ; dourec,
<( aqueux »>. de dour, « eau » \poullec, <( marécageux », de jtoul,
« marécage ». Il sert aussi à donner aux substantifs une idée de
collectivité : faoec, de fao, « hêtre », désigne une hêtraie ;
spernec, de spern, « épine », un buisson d'épines. Cette dernière
circonstance explique pourquoi les érudits qui les premiers ont
consacré leurs loisirs à l'étude des anciens noms do lieu, onl
pensé que le nom d'Épernay. en httin Sparnacus ou Sparna-
cum, pouvait ollVïr le même sens que le breton spernec. et cons-
tituer un synonyme des noms romans h'pinoi/. Jipinai/. (|iu
représentent le latin spinetum. On ne saurait condamner abso-
lument cette opinion formulée en 186 i par Mou/é. Mais il rt'sidle
des études auxquelles d'autres savants se sont livrés, (pi en très
76
LFS Xt.AIS DE LIEU
grande majorité les noms de lieu terminés par le suffixe gaulois
-acos. latinisé -acus, dérivent de noms d'hommes, et surtout de
noms d'hommes latins : la très grande majorité, et non, comme
le prétendait Henri d'Arbois de Jubainville, la totalité, car le
nom de Mouzay (Meuse), en latin Mosacum, est visiblement
formé sur celui de la Meuse, comme en Belgique les noms de
Tilly (Brabanti, de Ligny (province de Namun. de Silly (Hai-
naut) sur les noms des cours d'eau — la Tille, la Lisrne et la
Sille — dont elles sont riveraines; à ces exemples on peut ajou-
ter celui de Blézy i Haute-Marne) sur la Biaise.
204. Au sujet des noms de lieu en -acus de la Gaule,
H. d'Arbois de Jubainville s'est livré à une statistique assez in-
téressante. Il a constaté que sur quarante-cinq de ces noms dont
l'existence est attestée à l'époque romaine, trente-six, soit les
quatre cinquièmes, présentent un / avant le suffixe, en d'autres
termes se terminent en - iacus : Blar-iacus, Catus-iacus, Cor-
tor-iacus, Germin-iacus, etc. ; il a observé la même particula-
rité dans quarante-cinq des cinquante-trois noms en -acus qui
figurent dans les écrits de Grégoire de Tours ; et la proportion
des noms en -iacus est bien plus forte encore parmi les noms
de lieu que mentionnent les documents des siècles suivants.
205. En étudiant de plus pi'ès tous ces noms de lieu, cet éru-
dit a constaté que la plupart du temps ils ont pour radical un
nom d liomnie d'origine l'omaine, d'ordinaire un gentilice, c'est-à-
dire un nom de famille, et il a observé avec beaucoup de justesse
que c'est à cette dernière circonstance qu'est due la fréquence de
Yi précédant le .suffixe -acus, la très grande majorité des genti-
lices romains étant terminés en -ius. C'est alors qu'il a cru pou-
voir présenter sa fliéorie, bien connue aujourd'hui, et à laquelle
il a i(''ussi a donner une grande vraisemblance, qu'aux temj)s de
1 ind('[)endance gauloise, la propriété rurale était encore indivise
dans chaque cité, et que ce fut le développement tle la culture
des céréales, après la coïKjuête rinnainc, (jui anu^na le partage de
cette propriété collective, c'est-à-dire la constitution de la pro-
[)riél<'' individuelle dans notre pays.
La meilleure preuve de l'origine romaine di- la pi'oj)riété indi-
viduelle en Gaule ri-sultc, à ses yeux, des non)s pro})res en
-iacus <|ui. pour le plus grand nombre, dérivent de non)s de
gentilices romains, et durent être, à l'origine, des noms de
ORIGINES GALLO-ROMAINES : -ACOS 77
fundi ou de propriétés immobilières : les noms de lieu gaulois, ou
plutôt gallo-romains, en -iacus seraient donc analogues, comme
formation, aux noms de lieu latins en -ianus, si nombreux en
Italie et dans la Gaule méridionale, et qui seront ultérieurement
étudiés.
206. Les noms de lieu dont la forme primitive était terminée
en latin par le suffixe -a eus appartiennent à toutes les régions
de la France actuelle, et cela prouverait, s'il était nécessaire, que
les Celtes ou Gaulois ont occupé toutes les parties de notre pavs.
Tous nos départements, à lexception des Alpes-Maritimes et du
Var, possèdent des communes dont les noms appartiennent k
cette catégorie ; encore cette exception prouverait-elle seulement
que la population celtique était peu répandue dans la région cor-
respondante, car le nom, qu'on a eu occasion de rencontrer, de
Bezaudun (Var) est une preuve non équivoque de l'occupation
de cette partie de la Provence par les Gaulois.
207. D'ailleurs, à en juger par la nomenclature communale
moderne, les noms en -acus sont en général beaucoup moins
nombreux dans l'ancienne province romaine et dans la Novem-
populanie : la chose s'explique, en ce qui touche la première de
ces régions, par ce fait que les noms de fundi y étaient, à la
manière romaine, terminés le plus souvent en -anus, ce qui est
un des indices nombreux et variés du haut degré de romanisa-
tion de cette partie de la Gaule. Pour la Novempopulanie,
l'explication est autre, car cette province, comprenant d'une
façon à peu près complète le pays entre Garonne et Pyré-
nées, représente l'Aquitaine de César, dont la population
était de même race que les Ibères ; les noms en -ar, et ceux,
signalés déjà, de Monlezun et de Tourdun (Gers) y attestent
indéniablement une infdtration celtique dont les écrits de l'anti-
quité parvenus jusqu'à nous ne font aucune mention.
Si nombreux sont les noms correspondant à des primitifs en
-acus, qu'il n'en sera donné ici qu'un choix d exemples énumérés
selon l'ordre alphabétique de ces primitifs.
208. Albiacus, formé sur le gentilice Albius, qui lui-même
dérive du cofjnomen Albus : Alblac (Haulc-Garonno, Lot),
Albieux (^Loire),Aubiac (Gironde, Lot-et-Garonne , Aubiat (Puy-
de-Dôme), Auby (Nord), Augea (Jura), Augy (Aisne, Cher,
Yonne), Aujac fCharente-Inférieure, Gard).
78 LES NOMS DE LIEL'
209. Albiniacus, du gentilice Albinius. formé lui-même
sur le coijnomen Albinus : Albignac iCorrèzei, Albigneux
(Loire), Albigny (Loire, Rhône, Savoie. Haute-Savoie), Aubignac
(Aveyron. Gorrèze. Haute-Loiret, Aubignat Puy-de-Dome',
Aubigné Ille-et-Vilaine. Maine-et-Loire, Sarthe, Deux-Sèvres),
Aubigney Haute-Saône . Aubigny (Aisne. Allier, Ardennes,
Aube, Calvados, Cher, Côte-d Or, Haute-Marne, Nord, Pas-de-
Calais, Deux-Sèvres, Somme. Vendée). Arbigny (Ain, Haute-
Marnei. Herbigny (Ardennesi, appelé Albiniacus vers 860,
Herbignac ; Loire-Inférieure i, Arbignieu (Am).
210. Alciacus : Aussac (^Charente, Tarn,. Aucey (Manche),
Aussy (Seine-et-Marne), Auchy (Nord. Oise. Pas-de-Calais"),
'Ausqiics, f[ui ligure en composition dans Nordausques et
Zudausques ; Pas-de-Calais;.
211. Antoniacus: Antony (Seine). Antogny i Indre-et-
Loire). Antoigni lOrnei, Antoigné (Maine-et-Loire i. Antonniat
(Dordoj,!,ne,i.
212. Aureliacus : Aureillac (Lot-et-Garonne . Aurillac
(Cantal), Orlac (Charente-Inférieure), Orliac (Corrèze, Dor-
dognei, — d'où le diminutif Orliaguet Dordog-ne), — Orléat
(Puy-de-Dôme), Orly (Seine).
213. Avitiacus : Avessac Loire-Inférieure i, Avezac (Hautes-
Pyrénées , Avezé I Sarthe .
214. Blandiacus : Blanzac (Charente, Charente-Inférieure
Haule-Loire, Haute-Vienne), — d'où le diminutif Blanzaguet
(Charente). — Blanzat i Puy-ile-Dôme). Blanzay Charente-In-
férieurei. Blanzée (Meuse), Blanzy (Aisne. Ardennes. Saône-et-
Loire),Blandy (Seine-et-Marne, Seine-et-Oise). Blandecques ( Pas-
de-Calaisj, Blangey iCôte-dOr . Blangy (Calvados, Pas-de-Ca-
lais, Seine-Inférieure, Somme).
215. (^al via eus : Calviac ^Lot), Calviat Dordog-ne), Cauviac
(Gard). Chaugey (Côte-dOr).
216. Calviniacus : Calvignac Loi). Chalvignac iCantali,
Cauvignac Tiironde , Gauvigny (Oise), Ghauvigné (Ille-et- Vil-
laine i, Ghauvigny (Loir-et-(]her, Vienne).
217. Campaniacus : Gampagnac (Dordogne, Tai-n), Gham-
pagnac (Cantal, Charente-Inférieure, Corrèze, Creuse, Dordogne,
HauU -Loire, Haute- Vienne; , Ghanipagnat (Puy-de-Dôme,
S;iône-et-Loire . Ghampagné Sarlhe, Vendée, Vienne , Gham-
OKIGliNKS (;ALL0-KOMAIi\ES : -ACOS 71)
pagney Douhs, Jura, Haute-Saône), Ghampagny (Gôte-d'Oi-,
Jura, Savoie), Champigné (Maine-et-Loire), Champigny (Aube,
Eure, Indre-et-Loire. Loir-et-Cher, Marne, Haute-Marne,
Seine. Vienne, Yonne).
218. (]assiacus : Chassac (Gorrèze, Gard), Chassé (Sarthe),
Chassey (Gôte-d'Or. Meuse, Haute-Saône, Saône-et-Loire),
Ghassiecq (Gharente), Chassieu (Isère), Ghassy (Gher, Saône-et-
Loire, Yonne , Chessy (Aube, Rhône, Seine-et-Marne).
219. Domitiacus : Domezac (Gharente), Domecy (Yonne),
Donzy (Nièvre), et sans doute aussi Donzac (Gironde, Tarn-et-
Garonne), Donzacq (Landes).
220. Eburiacus, dérivé par l'intermédiaire d'un o-entilice
Eburius du nom gaulois Eburos déjà rencontré dans Eburo-
dunum, Eburobriga, Eburomagus : Evry (Seine-et-Marne.
Seine-et-Oise, Yonne), Yvrac (Gharente, Gironde), Ivrey (Jura),
Yvré (Sarthe), Ivry (Gôte-d'Or, Eure, Oise, Seine).
221. Flaviacus : Flaviac (Ardèche), Flavy (Aisne, Oise),
Flayat (Greuse), Fléac (Gharente, Gharente-Inférieure), Fleix
(Vienne), Fiée (Sarthe j et Saini-S;uireur-de-F\ée (Maine-et-
Loire), Saint-Gernier-de-Y\y (Oise), Flaugeac (Dordognei, Flau-
jac (Lot), Flageac (Dordogne, Haute-Loire), Flagey (Gôte-d'Or,
Doubs, Haute-Marne), Flagy (Haute-Saôiie, Saône-et-Loire,
Seine-et-Marne), Fyé (Sarthe). — Fiée (Gôte-d'Or), a une autre
origine, cette localité étant, aux viii*^ et ix'' siècles, conslamnient
nommée F'iexus.
222. Flaviniacus : Flavignac (Haule-Vienne), Flavigny
(Aisne, Gher, Gôte-d'Or, Marne, Meurlhe-et-Mosellc), Flaugnac
(Lot), Flagnac (Aveyron), Flagnat (Gharente), Flagny (Nord,
Seine-et-Marne).
223. Floriacus : Florac (Lozère), Florat i Haute-Loire),
Floirac (Gharente-Inférieure, Gironde, Lot), Fleurac (Gharente,
Dordogne), Fleurât (Greuse), Fleuré (Orne, Vienne), Fleurey
(Gôle-d'Or, Doubs, Haute-Saône), Fleuriel (Allier), ancienne-
ment Fleurie, Fleurieu (Rhône), Fleurieux (Rhône), Fleury
(Aisne, Eure, Loiret, Manche, Marne, Meuse, Nièvre, Oise.
Ras-de-Galais, Saône-et-Loire, Seine-et-Marne, Seine-el-Oise.
Somme, Yonne) '.
I. Si le iiKiii ilr l'Ieuiv fi-inc dniis I:i Ticirtn-nclnhiro rommiinnlc du (h'pnr-
80 LES NOMS DE LIEU
224. Juliacus. du gentilice Jiilius. très répandu en Gaule,
beaucoup de nobles Gaulois, qui devaient le droit de cité à
Jules César, ayant pris son nom : Juillac ' Cbarente, Corrèze. Gers,
Gironde). — d'où le diminutif Juillaguet (Charente), — JuiUé
(Charente, Sarthe, Deux-Sèvres), JuUié (Rhône), Saint-Pierre-
Je-Juillers i Charente-Inférieure), Juilley Manche). JuiUy (Côte-
d'Or. Seine-et-Marne), Jully (Aube. Saône-et-Loire. Yonne),
Juliers. en allemand Jiilich (Prusse rhénane, régence d'Aix-la-
Chapelle).
225. Justiacus : Jussac \ Cantal). Jussas Charente-Infé-
rieurei. Jussey (Haute-Saône), Jussy (Aisne, Cher. Yonne).
226. La tin ia eus : Ladignac l'Corrèze, Haute -'Vienne),
Ladinhac (Cantal i. Ladignat Haute-Loire). Lagnat (Ain;,
Lagney t Meurthe-et-Moselle . Lagnieu (Ain I. Lagny (Oise. Seine-
et-Marne), Laigné (Mayenne, Sarthe), Laigny (Aisne).
227. Liciniacus : Lésignac Haute-Vienne). Léslgnat Cha-
rente), Lésigné (Maine-et-Loire), Lésigny Seine-et-Marne,
Vienne), Lusignac (Dordog-nei, Lusignat Ain. Creuse), Lusigny
(Allier, Aube, Côte-d'Or . Lusignan (Vienne) est de même ori-
gine ; la nasalisation de la dernière syllabe ne date que du temps
de Philippe le Bel.
228. Marcelliacus : Marcillac (Aveyron, Charente, Corrèze,
Dordogiie. Gironde, Lot . Marcillat l'AUier. Puy-de-Dôme).
Marcillé ( lUe-el-Vilaine, Mayenne). MarciUieu (Loire), Marcilly
(Aisne, .Vube, Cher, Côte-d'Or, Eure, Indre-et-Luire. Loir-et-
Cher, Loire, Loiret. Manche, Marne. Haute-Marne, Hhône,
Saône-et-Loire, Seine-et-Marne i. Marsilly Charente-Inférieure).
229. Ma.ximiacus: Meximieux (Ain., Messimy (Ain, Rhône),
Massingy (Côte-d'Or, Haute-Savoie), Marsangis (Marne, Yonne),
et peut-être aussi Marchangy fLoirej.
230. .Monta niacus : Montagnac (Basses-Alpes, Dordogne,
Hérault, Lot-el-(iaronne), Montagna .Iuim . Montagnat (Ain),
Montagney ' Doubs, Haute-Saône;, Montagnieu (.Vin, Isère),
Montagny (Côte-d'Or, Loire, Oise, Rhône, Saôno-et-Loire,
IciiH'iil lit' l'AïKlf, ou il |)in;iit insf)lil»', c'csl en r.iisoii d iiiio circdii-
slance spéciiile : réioclion, en mars ITiUj, do la leiic do l'éiif,Mian vu duché-
pairie sous le nom de Fleury, en faveur de .lean-IIercule de Hossel do
rienrv.
ORIGINES GALLO-ROMAINES I ACOS 81
Savoie, Haute-Savoie), Montignac (Charente, Dordogne, Gironde,
Lot-et-Garonne, Hautes-Pyrénées), Montigné (Charente, Maine-
et-Loire, Mayenne, Deux-Sèvres), Montigny, nom porté par une
cinquantaine de communes, et par nombre d'écarts, dans la par-
tie septentrionale de la France.
231. Pauliacus : Pauilhac (Gers), Pauillac (Gironde),
Paulhac (Cantal, Haute-Garonne, Haute-Loire, Loire), — d'où le
diminutif Paulhaguet (Haute-Loire), — Paulhiac (Lot-et-Ga-
ronne), Pauliac (Ariège, Corrèze, etc.), Pauliat (Allier, Creuse),
la plupart des Poilly, Pouillé, Pouilley, Pouilly de la moitié sep-
tentrionale de la France, Peillac (Morbihan), et peut-être Paillé
(Charente-Inférieure) et Pailly (Yonne).
232. Postumiacus : Pouthumé (Vienne), Potangey (Côte-
d'Or), Potangis (Marne).
233. Quintiacus : Quinsac (Dordogne, Gironde), Quinssat
(Puy-de-Dôme), Quinçay (Vienne), Quincé (Maine-et-Loire),
Quincey (Aube, Côte-d'Or, Haute-Saône), Quincié (Rhône),
Quincieu (Isère), Quincieux (Rhône), Quincy (Aisne, Cher, Côte-
d'Or, Meuse, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise), Guinchy (Pas-de-
Calais), Cuincy (Nord). Quincy a pour diminutif Quincerot (Côte-
d'Or, Yonne), qui est à rapprocher de Flavignerot et de Qiiéti-
gnerot (Côte-d'Or), diminutifs de Flavignif et de Quétigny.
234. Romaniacus : Romagnac (Cantal), Romagnat (Puy-de-
Dôme), Romagné (lUe-et- Vilaine), Romagnieu (Isère), Romagny
(Manche, ancien Haut-Rhin), Romenay (Saône-et-Loire), Rome-
ny (Aisne). ,
235. Sabiniacus : Savignac (Arièg-e, Aveyron, Dordogne,
Gers, Gironde, Lot-et-Garonne), Savignat (Creuse), Savigpa
(Jura), Savigné (Indre-et-Loire, Sarthe, Vienne), Savigneux
(Ain), Savignies (Oise), Savigny, nom porté par plus de vingt
communes de la France septentrionale.
236. S.everiacus : Séverac (Aveyron), Sévérac (Loire-Infé-
rieure), Sevrai (Orne), Sevrey (Saône-et-Loire), Sivrey (Aube),
Sivry (Ardennes, Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Seine-et-
Marne), Cieurac (Lot), Civrac (Gironde), Civray (Cher, Indro-
et-Loire, Vienne), Civrieux (Ain, Rhône), Givry (Côte-d'Or),
Eure-et-Loire, Seine-et-Oise, Yonne), Xivray (Meuse), Xivry
(Meurthe-et-Moselle).
237. Tilliacus! Tillac fGers), Tilly (Calvados, Eure. Indre,
Les noms de lieu. "
82 LES NOMS LIE LIEU
Meuse, Pas-de-Calais, Seine-et-Oise), Teille (Loire-Inférieure),
Tilques (Pas-de-Calais).
238. Valeriacus : Vallery (Haute-Savoie, Yonne), Vaudrey
(Jura), Vaudry (Calvados).
239. Mais les noms de lieu g-allo-romains en -acus ne sont
pas tous formés sur des j^^entilices en -ius, car si la plupart des
g-entilices présentaient cette désinence, quel([ues autres étaient
terminés différemment, par exemple en -enus : Antius, Avius,
Lucius et Marcius ont pour doublets Antenus, Avenus,
Lucenuset Marcenus, qui, combinés avec le suffixe -acus, ont
formé des noms de lieu gallo-romains :
240. Antenacus : Anthenay (Marne).
241. Aven acus : Avenay (Marne).
242. Lucenacus : Lucenat (Allier), Lucenay (Côte-dOr,
Nièvre, Saône-et- Loire), Luzenac (Ariège), Luzinay (Isère).
243. Marcenacus : Marcenat (Allier), Marcenay, Marsannay
(Côte-d'Or).
On trouve aussi -acus combiné avec un cognomen latin ou
un nom d'homme gaulois.
244. A vit a eu s est le nom sous lequel Sidoine Apollinaire
désigne la villa qu'il possédait en Auvergne du chef de sa
femme, fille de l'empereur Avitus ; l'emplacement en est aujour-
d'hui marqué par Aydat (Puv-de-Dôme).
245. Brennacus, nom d'une ville royale du Soissonnais au
vi*^ siècle, est formé sur le nom gaulois Brennos. Brennacus
doit être identifié, non pas cpmme on a voulu le faire, avec
Braisne (Xisne), mais avec Berny (Aisne), anciennement
Breny.
246. Tu ma eus, formé sur le nom d'homme gaulois latinisé
Turnus est l'origine des noms de Tournai (Belgique), de Tour-
nay (Calvados, Marne), de Temay (Loir-et-C^her).
24T. L'usage de former des noms de lieu en -acus ne fut pas
brusquement abandonné : il persista en Gaule pendant la période
franque, comme d ailleurs en Gaule cisalpine, c"est-à-diro dans
la Haute-Italie, pendant la période lombarde.
248. (juand les Francs s'établirent dans la Gaule du Nord, la
très grande majorité des noms de lieu de notre pays, dérivés de
"•enlilices romains en -ius, se terminaient en -iacus; mais à
D
cette époque, les gentiliccs n'existant plus, on ne comprenait
ORIGINES (lALLO-KO.MAlNES : -ACOS 83
plus bien le mode de formation usité dans les premiers siècles
de notre ère, et les Francs, lorsqu'ils voulurent donner leurs
noms aux propriétés qu'ils possédaient, combinèrent ces noms
avec le groupe -iacus, au lieu de suivre les exemples que pou-
vaient leur fournir Avit-acus, Brenn-acus et Turn-acus.
Les noms de lieu en -iacus formés sur des noms d'homme
d'origine germanique, sont en nombre moins considérable que
les vocables gallo-romains terminés de même ; ils paraissent sur-
tout dans les pays colonisés par les Francs, soit en Belgique et
dans la France du nord-est. On citera ici, à titre d'exemples, les
noms suivants :
249. Achariacus, de x\charius : Achery (Aisne).
250. Alamundiacus. de Alamundus, devenu par aphé-
rèse Lamontzée (Belgique, prov. de Liège).
251. Albericiacus, de Albericus : Obrechies (Nord) ; cf.
Auberchicourt (Nord), représentant Albericiaca curtis.
252. Bertmariacus, de Bertmarus : Bermeries (Nordj ; cf.
Berméricourt ( Marne ) .
253. Bettiniacus, de Betto, -onis : Bétheny (Marne); cf.
Bétheniville (Marne).
254. Blitmariacus, de Blitmarus : Bluiîierey (Haute-
Marne), Blémerey (Meurthe-et-Moselle, Vosges).
255. Carliacus, formé sur un radical Karl : Charly (Aisne).
256. Fulcoldiacus. de Fulcoaldus : Faucouzy 'Aisne).
257. Gerbertiacus, de Gairebertus : Gerbehaye (Belgique,
prov. de Liège), au xiii*^ siècle Gerhercheis.
258. Gerhildiacus, du nom de femme Gairehildis : Grugis
(Aisne).
259. Geroldiacus, de Gairoaldus : Grougis (Aisne).
260. Gislebertiacus, de Gislebertus : Gelbressée (^iici-
gique, prov. de Namur).
261. Hildericiacus, de Childericus : Haudrecy
(Ardennes).
262. Landericiacus, de Landericus : Landrecies (Nord).
263. Landoldiacus, de Landoaldus : Landouzy (Aisne).
264. Lantberciacus, de Landbertus : Lambercy (Aisne).
265. Leuthariacus, de Leutharius : La Hérie et Le Hérie
(Aisne), qui devraient s'écrire tous deux en un seul mol.
266. Rathariacus, de Ratharius : Raray (Oise).
84 LES NOMS DE LIEU
267. Rotg-ariacus. de Rodogarius : Rougeries Aisue .
268. Theodebertiacus. de Theodebertus : Thiverzé. loca-
lité aujourd hui englobée dans Fontenay-le-Comte \ endée .
269. Theodericiacus, de Theodoricus : Tiercé Maine-
et-Loire).
270. Trudoniacus. de Trudo : Trignée Belg-ique, prov. de
Liège).
271. Walismiacus. de Walisnius : Valmy Marne.
272. Waltbertiacus. de Waldebertus : Vaubercey Aube),
Vaubexy Vosges .
273. Wariniacus, de Warinus : Guérigny Nièvre , War-
gnies Nord. Somme).
274. Witmeriacus. de Widomarus : Gumery (Avibe).
275. Il V a lieu d'aborder l'étude des formes vulgaires du
suffixe -acus. La question ne serait pas compliquée si cette ter-
minaison était toujours précédée d'une consonne, comme dans les
noms de lieu dérivés de gentilices en -enus : Dans ce cas,
-acus devient en langue d'oïl -ay . et en langue d'oc -ac ou -at.
Mais beaucoup plus fréquemment le suffixe est précédé d'un / ;
or il s'est prodmt. par le voisinage de cet / et de Y a, une sorte
d'amalgame qui, de bonne heure, dans les pays romans qui furent
plus tard de langue d'oïl, fit substituer.au groupe ia un e ; c'est
du moins ce que permettent de conjecturer les formes Criscecus
et Erchj-ecus, substituées dans la seconde moitié du viu*^ siècle,
par le pseudo-continuateur de Frédégaire. aux primitifs Criscia-
cus et Ercuriacus, aujourd'hui représentés par Crécy et Ecry.
276. C'est vers le Poitou et la Saintonge que cette forme alté-
rée -ecus s'est le mieux maintenue : au début du xiv*' siècle on
notait encore -ec la finale, à présent réduite à -e, des noms
Andillé. Chiré. Gissé, Cloué. Latillé. Ligugé (Vienne) ; d'ailleurs
cette finale -ec et sa variante -ecq subsistent encore dans Cer-
sec. Lirec. Pressée Vienne), Aizecq, Chassiecq. Ruffec Cha-
rente . Prahec. Sciecq Deux-Sèvres), par exemple.
277. Tout au contraire, à droite de la Loire, le c de -ecus s'est
de bonne heure vocalisé en -/ : au ix* siècle, dans le polyptique
de Saint-Remy de lUims, Fleury-/^-/?/r/ère et ?d\\^-l a- Montagne
(Marne; sont appelés Floreius et Risleius : cette linalc latine
-ci us, remontant donc pour le moins au ix*" siècle, suppose une
ORIGINES GALLO-ROMAINES : -ACOS 83
forme vulg-aire contemporaine en -ei; celle-ci subsiste, sous la
notation -ei/, dans nos provinces romanes de l'est, Lorraine,
Franche-Comté, Bourgogne orientale, et même dans la Cham-
pagne orientale et méridionale : Aubigney (Haute-Saône), Cham-
pagney (Doubs, Jura, Haute-Saône), Vaudrey (Jura).
278. Dans la Picardie, le reste de la Champagne, l'Ile-de-
France, l'Orléanais, le Berry, la forme -ei a de bonne heure, au
xi^ siècle au plus tard, fait place à un -i que depuis déjà plusieurs
siècles on note -y : Antony, Aubigny, Blanzy, Goucy, Domecy,
etc. Dans les pays wallons cette lînale a pris la forme féminine
plurielle -ies : Landrecies, Orchies.
279. Il convient d'observer que la finale -é, provenant de
-iacus, domine non seulement en Poitou et en Saintonge, mais
aussi dans TAunis, la Touraine, l'Anjou, le Maine, la partie de
la Normandie représentée par le département de l'Orne, et les
fractions de la Bretagne où l'influence bretonne ne s'est exercée
qu'à partir du ix® siècle.
280. Dans les pays de langue d'oc, l'a de -acus s'est maintenu,
et la forme vulgaire de cette terminaison est -ac, Albignac,
Albiac, Aurillac, Blanzac, Calviac. Calvignac, Chassac, etc.
Mais dans les plus septentrionaux de ces pays la finale -ac s'est
assourdie, et est remplacée par -at dans le sud du Bourbonnais,
l'Auvergne, la Marche : Aubignat, Aubiat, Calviat. Ghampagnat,
Fleurât, Ladignat, Lusignat, Marcillat, Quinssat, Savignat, etc. ;
cet assourdissement est parfois même consacré par la prononcia-
tion locale, bien que l'orthog-raphe officielle ait conservé la nota-
tion -ac : le nom de Boussac Creuse), se prononce Boussa.
281. On constate aussi l'assourdissement du c final dans la
partie méridionale du département du Jura, et dans la partie
septentrionale de celui de l'Ain : la région qui avoisine la
limite de ces deux départements présente un grand nombre de
noms géographiques terminés aujourd'hui en -a ou en -ia, et dont
la finale latine était -iacus : Bissia, Broissia. Dénia, Loisia.
Savigna (Jura^ ; dans le département de l'Ain, ou observe par-
fois, comme en Auverg-ne, la notation -at : Attignat. Ceyzériat.
Curciat. Maillât, Martignat. Polliat. Pressiat.
282. Une autre forme vulgaire correspondant à -iacus est -/<•//
ou -ieux, qui existe dans le pays arrosé i)ar le Bhône depuLs
Seyssel jusqu'au confluent de l'Isère, et (jui, de l;i. s'itmtl sm-
86 LES NOMS DE LIEU
les départements de l'Ain, de l'Isère, du Rhône, de la Loire et
de lArdèche. La plus ancienne notation de cette forme était -ié,
qui s'est conservé dans les noms de Jullié et de Quincié (Rhône) ;
du moins, c'est en -ié que se terminaient, vers le xii^ siècle, la
plupart des noms qui sont aujourd'hui en -ieu ou ieux, parmi
lesquels on mentionnera ici Albigneux ;Loire), Albieux (Loire),
Ghassieu (Isère', Fleurieux (Ain, Rhonel, Jussieux Rhône),
Lagnieu (Ain), Marcillieu (Loire), Montagnieu (Ain, Isère),
Quincieu (Isère), Romagnieu (Isère). Savignieux Ain, Loire),
283. La détermination des zones occupées par les diverses
formes vulgaires correspondant à -iacus. fort intéressante à coup
sûr pour le linguiste, ne l'est par moins pour l'ethnographe.
Celui-ci, toutefois, n'attachera pas plus d'importance qu il ne
convient à la forme -y : originellement circonscrite dans une zone
déterminée, elle en est sortie peu à peu sous l'influence de l'ex-
tension de la langue française, et par l'etTet d'une sorte de cen-
tralisation : c'est ce qu'on remarque à propos du nom de Coligny
(Ain), qui dans le patois s'appelle encore Couligna.
284. La forme -ac, qui est, on la vu, celle de la langue d'oc,
se rencontre aussi dans la partie de la Bretagne qui a été sou-
mise, dès le v'' siècle, à l'influence bretonne : Campénéac (Mor-
bihan), Comblessac (lUe-et-Vilaine), Marsac i Loire-Inférieure),
Peillac (Morbihan), Ruffiac (Morbihan).
285. On trouve, il est vrai, ailleurs que dans le midi de la
France et en Bretagne, quelques noms de lieu terminés par le son
ac, tels que Brissac (Maine-et-Loire), Jaillac (Aube). Toiissac
(Seine-et-Marne) et Cressonsac (Oise) ; mais ils ne représentent
pas des primitifs en -ac'us. Jaillac est appelé JaiUard dans les
textes anciens. Gressonsacq, dont le nom se prononce ou se pro-
nonçait Crcssonsa, est pour Cressonesftnrf. Toussac, vocable
appliqué exclusivement à des moulins, a son origine dans une
locution facétieuse, tollit saccum, « enlève sac », allusion
aux méfaits si souvent reprochés aux meuniers ; il en est vrai-
semblablement de même de Brissac, à en juger par la forme
ancienne lircchessac, dont malheureusement le premier terme
est iiiexpli(jué.
286. Dans les pays ((uc les invasions ont germanisés, -iacus
est devenu -/c/t, en hiis-allemand -icii : Hl.iriacus, Blerick
(Pays-Bas, Limbourg"), C^)rloriacus. Coortryck, nom llamand
oiuftiNKs <;ai.lo-ro:mai.nes : -acos 87
de Gourtrai, Gemeniacus, Gemmenich (Belgique, province de
Liège) ; Juliacus, Jtilich, nom allemand de Juliers (régence
d'Aix-la-Ghapelle) ; Tiberiacus, Zieverich ^régence de Gologne),
Tolbiacus ou Tulpiacus, Zûlpich (régence d'Aix-la-Ghapelle);
Turnacus, Doornyck. nom flamand de Tournai ; ^^iroYiacus,
Werwicq (Belgique, Flandre Occidentale).
287. Cette forme, dont on pourrait multiplier les exemples,
semble avoir donné naissance à la finale germanique romanisée
-ecques, observée dans la partie nord-ouest du département du
Pas-de-Galais — soit dans les arrondissements de Boulogne et
de Saint-Omer — qui avait reçu à l'époque des grandes invasions
un fort appoint de population germanique. La forme -ecques —
Vs n'en date que du xvi'' siècle — substituée au bas-allemand
-ick implique nécessairement le recul de l'élément germanique
devant l'élément roman . Elle paraît dans les noms de Blandecques,
de Coyecques, d'Eperlecques, de Questrecques, deSenlecquesetde
Wardrecques ; assez fréquemment un déplacement de l'accent
tonique la réduite à -ques atone : Nordausques et Zudausques,
Isques, Mentques, Quesques, Setques, Tilques, Wisques.
XXII
ORIGINES ROMAINES
NOMS FORMÉS SUR DES GENTILIGES
Les Romains appelaient fréquemment les propriétés rurales
du nom des propriétaires, et en France, depuis l'époque romaine,
il en fut souvent ainsi. La plupart du temps le vocable du domaine
rural était un adjectif formé sur le nom du propriétaire à l'aide
du suffixe -anus, en sous-entendant le substantif fundus; cette
formation est identique, on le voit, à celle des noms gallo-
romains en -acus.
288. Mais aussi il est arrivé que le gentilice même du posses-
seur ait été traité comme un véritable adjectif, fundus étant
toujours sous-entendu : Albinius, Aubin l Aveyron) ; Anto-
nius, Antoingt (Puy-de-Dôme), Antoing (Belg^ique, Hainaut) ;
Aurelius, Aureil (Haute- Vienne) ; Calvinius, Calvin (Avey-
ron); Grispinius, Crespin (Aveyron, Tarn); Flavinius, Fla-
vin (Aveyron) ; Florentinius, Florentin Aveyron) ; Lucanius,
Lugan (Aveyron, Tarn) ; Pomponius, Pontpoint (Oise), qu'on
devrait écrire Pompoin ; Tiberius, Thiviers (Dordogne).
289. Parfois le gentilice est employé au féminin : alors le sub-
stantif sous-entendu n'est plus fundus. mais casa, villa ou
domus : Albania, Aubagne (Bouches-du-Rhône) ; Aurélia,
Aureille l'Bouches-du-Rhône) ; A vitia. Avèze (Gard); Gamu-
lia. Charaouille (Aisne) ; Ilispania, Espagne (Gorrèze), Épagne
(Aube, Indre, Somme, Vendée); Epaignes (Eure); Lusitania,
Luisetaines 'Seine-et-Marne); Marc-tllia. Marseille (Oise),
Marseilles Gher) et leur diminutif Marseillette (Audej ; Pom-
pon ia, Pompogne (Lot-et-Garonne), Pomponne (Seine-et-Marne).
Mais ces noms, <jui consistent uniquement dans les gentilices
j)ris adjectivement, sont comme perdus dans la foule de ceux
qui ont été formés sur lesgentilices au moyen des suffixes -acus
et -anus.
290. Los noms en -anus sont aussi fré(juenls dans l'ancienne
l'idvincft roinaini' (lue ceux on -acus dans \o rosto de la Gaido.
ORIGINES ROMAINES : iNOMS FORMÉS SUR DES GENTILICES 89
291. Abellianus, dérivé du gentilice Abellius : Abeilhan
(Hérault).
292. Albianus, de Albius : Aubian (Hérault).
293. Albinianus, de Albinius : Aubignan (Vaucluse).
294. Anicianus, du g-entilice Anicius, qui, pris adjective-
ment, constitue le nom primitif, Anicium, de la ville du Puy
(Haute-Loire) : Nissan (Hérault), pour Anissan, par aphérèse de
l'a initial, confondu avec un locatif.
295. Anianus, de Anius : Aignan (Gers), Agnin (Isère).
296. Aurelianus, de Aurelius : Aurellhan (Landes,
Hautes-Pyrénées j, Orellhan (Hérault), Oreilla (Pyrénées-Orien-
tales).
297. Avitianus, de Avitius : Avezan (Gers).
298. Balbianus, de Balbius : Balbins (Isère).
299. Barba rianus, de Barbarius : Barbaira (Aude)
300. Bassianus, de Bassins : Bassan (Hérault).
301. Blandianus, de Blandius : Blandin (Isère).
302. Bojanus, de Boius : Boujan (Hérault).
303. Caprilianus, de Gaprilius : ChabriUan (Drôme).
304. Cassianus, de Cassius : Cassan (Cantal).
305. Clarianus, de Clarius : Clérans (Dordo^ne), Claira et
Clara (Pyrénées-Orientales).
306. Clementianus, de Glementius : Glémençan
(Hérault).
307. Cornelianus, de Cornélius : 'Gorneilhan (Hérault),
Corneillan (Gers), Corneilla (Pyrénées-Orientales).
308. Grispianus, de Crispius : Grespian (Gard).
309. Curtianus, de Curtius : Coursan (Aude).
310. Dalmatianus, de Dalmatius : Daumazan (Ariège).
311. Domitianus, de Domitius : Domessin (Savoie),
Domezain (Basses-Pyrénées).
312. Fabricianus, de Fabricius : Fabrezan (Aude).
313. Flaccianus, deFlaccius : Flassans(Var), Flassa (Pyré-
nées-Orientales).
314. Florianus, de Florins : Florian (Gard), Fleurian
(Haute-Garonne), Floure (Aude).
315. Frontinianus, de Frontinius : Frontignan (Ilaulo-
Garonne, Hérault).
316. Gallianus, de Gallus : Gaillan ((nronde). Galhan
(Gard).
90 LES NOMS DE Llt:i'
317. Gratianus, de Gratins : Grazan (Gers).
318. Julianus. deJulius: Juillan ( Hautes-Pyrénées), Julians
(Vaucluse). Julhians(Bouches-du-Rliône), Julia (Haute-Garonne,
Pyrénées-Orientales).
319. Licinianus, de Licinius : Lézignan (Aude, Hérault,
Hautes- Pyrénées).
320. Lucanianus, de Lucanius : Lugagnan (Hautes- Pyré-
nées).
321. Lucianus, de Lucius : Lussan (Gard, Haute-Garonne,
Gers), Lucia (Pyrénées-Orientales).
322. Lupianus, de Lupius : Loupian ,'Hérault), Loupia
(Aude).
323. Mari ni a nus, de Mari ni us : Marignan (Gers),
324. Marcellianus, de Marcellius : Marseillan (Gers,
Hérault, Hautes- Pyrénées).
325. Martianus, de Martius : Marsan (Gers), Marsa
(Aude, Lot).
326. Maurianus, deMaurius: Maurian (Gironde, Hérault).
327. Maurillianus, de Maurillius ; Maureilhan (Hérault,
Landes).
328. Naevianus, de Naevius : Névian (Aude), Nébian
(Hérault).
329. Pardelianus. de Pardelius : Pardailhan (Hérault),
Pardaillan (Lot-et-Garonne), Pardeillan (Gers).
330. Paulianus, de Paulius : Paulhan (Hérault).
331. Pomponianus, de Pomponius : Pompignan ((iard,
Tarn-et-Garonne) .
332. Pontianus, de Pou Lias : Ponsan (Gers), Ponsas
(Drôme», Poncin (Ain;, Poncins (Loire).
333. Porcianus, de Porcins : Poussan (Hérault).
334. Priscianus, de l^iscius : Preixan (Aude), Pressins
misère).
335. (hiin l ilianus, de (Jui n tilius : Quintillan (Aude).
336. Salvianus, de Salvius : Sauvian (Hérault).
337. Soi anus, dn Seius : Sigean (Aude).
338. Scscianus. de Scscius : Seissan (Gers, Bouches-du-
Hh«')nei. Seyssins ' Isère).
339. Soin ia II us. de Soniius : Sournia ( Pyrénéos-Orien-
tales .
OHIGLNES ROMAINES : NOMS FORMÉS SUR DES GENTILICES 91
340. Taurinionus, de Taurinius : Taurignan (Ariège),
Taurinya (Pyrénées-Orientales).
341. Tiberianus, de Tiberius : Tibiran (Hautes-Pyrénées).
342. Trebellianiis, de Trebellius : Travaillai! (Vaucluse).
343. Tullianus, de Tullius : TuUins (Isère).
344. Ursianus, de Ursus : Orsan (Gard).
345. Valentianus, de Valentius ; Valencin (Isère).
346. Valerianus, de Valerius : Vallerins (Nièvre).
347. Vindemianus, de Vin de mi us : Vendémian Hérault).
348. Si l'on cherche à déterminer l'étendue de pays où se ren-
contre le suffixe latin -anus dans les noms de lieu de l'époque
romaine, on constatera qu'elle correspond, d'une manière générale,
à l'ancienne Province romaine et à l'ancienne Aquitaine, c'est-à-
dire précisément aux parties de la Gaule où les noms gallo-romains
en -acus sont le moins nombreux. Le fait s'explique, pour la
Province romaine, par une romanisation plus complète que celle
des autres parties de la Gaule, et pour l'Aquitaine, parce que, ce
pays n'étant pas, à proprement parler, celtique, on y forma
peut-être les vocables de domaines ruraux dérivés de noms
d'homme en se servant, de préférence, du suffixe latin -anus.
349. On a pu constater que les formes vulgaires revêtues par
le suffixe -anus sont au nombre de trois : -an, -in et -a. La pre-
mière est la plus fréquente, mais on ne l'observe pas dans la
partie orientale de la Province romaine, en deçà de l'Isère ; dans
les départements de l'Isère et de la Savoie, et, moins fréquem-
ment d'ailleurs, dans ceux de la Loire et du Rhône, la combinai-
son de l'a de -an vis avec Yi qui le précédait a eu pour résultat la
forme -in ou, par l'addition d'un s parasite, -ins ; le nom de
Domezain (Basses-Pyrénées), atteste que le même phénomène a
pu se produire assez loin de la région qui vient d'être indiquée.
Quant à la forme -a, les exemples cités plus haut montrent qu'elle
se rencontre presque exclusivement dans le département des
Pyrénées-Orientales et dans la partie méridionale de celui de
l'Aude : elle résulte d'un phénomène phonétique très connu dans
le Midi de la France, la chute de Vn placé entre deux voyelles.
Parfois cet a final, bien que tonique, a été francisé en un c nuiet
atone, on l'a vu par l'exemple de Floure, représentant le latin
Florianum.
92
LES NO^IS DE LIEU
350. A la différence de ceux formés à l'aide du suffixe mascu-
lin -anus, fort nombreux, et dont il n'a été cité qu'un choix,
les noms de lieu qui présentaient le féminin de ce suffixe, -an a,
sont assez rares. On peut citer pourtant, dans la Province
romaine Chichilianne et Séchilienne (Isère), de Caeciliana ;
Maillanne (Bouches-du-Rhône) de Mal lia na ou Manliana ;
Marsanne (Drôme), de Marciana ; Marignane (Bouches-du-
Hhône), de Mariniana; Reillanne (Basses-Alpes) et son dimi-
nutif Reilhanette (Drôme), de Reguliana. C'est vraisemblable-
ment à la même catégorie qu'appartiennent Glamensane, Sau-
mane et Taulanne (Basses-x\lpes), Maussanne, Pélissanne et
Simiane (Bouches-du-Rhône), Gumiàne (Drôme). Hors de la
région provençale, ces formes féminines sont encore plus rares ;
cependant on note, dans la France septentrionale Louveciennes
(Seine-et-Oise), de Lupiciana; Marchiennes (Nord), de Mar-
ciana; Valenciennes (Nord), de Valentiana ; Vauciennes
(Marne), de Veltiana.
351. Plus rares encore sont les noms de lieu dont le thème
étymologique présente le suffixe -anus sous sa forme masculine
plurielle ; toutefois, il en existe un spécimen bien connu :
Orléans (Loiret) répond au latin Aurélia ni ; jusqu'au xiv* siècle
on disait Orliens et Olliens ; la forme actuelle est l'effet d'une
réaction savante.
352. 11 convient de rappeler ici que dans le sud-est de la
Gaule un certain nombre de noms de lieu ont été formés sur des
gentilices, au moyen des suffixes d'origine ligure -a s eu s et
-oscus, dont l'usage avait persisté dans cette contrée.
353. Les nombreux vocables géographiques en -in, -ain, -aing^
qu'on rencontre dans les pays wallons de France et de Belgique,
tels que Hesdin (Pas-de-Calais), Crespin, Bouchain, Gantaing,
Vertain (Nord), sont, dans les textes carolingiens, terminés en
-inium; on peut supposer qu'ils ont été formés, eux aussi, sur
des gentilices romains, et que le suffixe -inius était particulier
k la Gaule Belgi(pie ; comme, au dire de César, certaines popula-
tions belgiques étaient apparentées aux populations germaniques,
|)eut-èlre ce suffixe est-il une vai'iante (Ui suffixe germanicjue
-inr/, qui termine tant de noms de lieu ayant pour racine un nom
fit' IKMSOIMIC.
ORIGINES ROMAINES : NOMS FORMÉS SUK DES GENTILICES 93
354. Sur les gentilices romains ont été formés encore des noms
de lieu imparisyllabiques en -o, -onis :
355. Albucio, formé sur le g-entilice Albucius — auquel on
doit Albussac (Corrèzei et Aiihussay (Cher) — a donné
Aubusson (Creuse).
356. Bullio, de BuUius — cf. Bouillac (Aveyron, Dor-
dog-ne. Tarn-et-Garonnej — : Bouillon Belgique, Luxembourg).
357. Cabellio, de Cabellius : Gavaillon (Vaucluse).
358. Cassio, de Cassius : »Sam/-Pau Ze^-c/e-Caisson (Gard) et
Caixon (Hautes-Pvrénées).
359. Cornelio, de Cornélius — cf. Cornil (Corrèze), Cor-
nille (Dordogne), Cornillac (Drôme), Cornillé (lUe-et-Vilaine,
Maine-et-Loire), Corneilhan (Hérault), Corneillan (Gers), Cor-
neilla (Pyrénées-Orientales) — : Cornillon (Bouches-du-Rhône,
Drôme, Gard, Isère).
360. Crispio, de Crispius : Crépion (Meuse).
361. Curlio, de Curtius — cf. Coursan (Aude), Courcy
(Calvados, Loiret, Manche, Marne) : — Courson (Calvados).
362. Divio, de Divins : Digeon (Cantal, Somme), Dijon
(Côte-d"Or).
363. Fulvio, de Fulvius : Fougeon (Aube).
364. Linio, de Linius — cf. Lignan (Hérault), Lignac
(Indre), Ligné (Charente, Loire-Inférieure), Ligny (Loiret,
Meuse, Nord, Pas-de-Calais, Yonne) — : Lignon (Marne).
365. Martio, de Martius : Marçon (Sarthe), Marson (Marne,
Meuse).
366. Pontio, de Pontius : Ponson i Basses-Pyrénées) .
367. Pullio, de Pullius : Pouillon (Landes, Marne).
368. Rogio, de Rogius — cf. Royer (Saône-et- Loire) et
peut-être aussi Rony (Aisne, Nièvre, Somme) — : Royon (Pas-
de-Calais).
369. Sylvanio, de Sylvanius : Sauvagnon (Basses-Pyré-
nées).
370. Tullio, de TuUius : Touillon ^Cote-d'Or, Doubs).
371. Viridio, de Viridius — cf. Viessat (Creuse), Vicrzy
(Aisne), Verzy (Marne) — : Vierzon (Cher).
372. De tous les noms d'origine romaine qu'on vient d'étudier,
il convient de rapprocher la catégorie des noms do lieu en
94 LES NOMS DE LIEU
-ailicus. Il n'est pas impossible que ces vocables aient été
formés, au moyen du suffixe -icus, sur des cognomina en
-anus ; mais il est aussi bien permis de voir dans -anicus un
suffixe spécial dont l'adjectif graecanicus, employé par Suétone,
Pline et ^ arron. atteste l'existence, et qui aurait été joint, tels
les suffixes -acus et -anus, à des g-entilices : dans l'une comme
dans l'autre hypothèse, c'est sur l'a que porte l'accent tonique.
Acutianicus, Guzargues (Hérault) ; Albucianicus, Aubus-
sargues (Gard); BuUianicus, Bouillargues (Gard); Cassia-
nicus, Caissargues (Gard); Celsinianicus, Sauxillanges
(Puy-de-Dùme), pour Saussu/nanges ] Domitianicus, Doilies-
sargues (Gard) ; Gallianicus, Gallargues (Gard); Gallinia-
nicus, Galinagues fAude) ; Gordianicus, Gondargues (Gard);
Graniauicus, Gragnague (Haute-Garonne) ; Har[)ilianicus,
Arpaillargues (Gard); Julianicus, Julianges (Lozère), Jul-
lianges (Haute-Loire); Mallianicus, Maillargues (Cantal);
Marcellianicus,Marsillargues (Hérault), Massillargues (Aude,
Gard, Lozère), Marcelange (Allier, Puy-de-Dôme); Marciani-
cus. Massargues (Gard), Marsange (Haute-Loire), Massanges
(Puy-de-Dôme) ; Martinianicus. Martignargues ( Gard) ; Mau-
rontianicus, Mauressargues Gard; anciennement Mauron-
sargues; Patronianicus, Parignargues (Gard); Porcariani-
cus, Portiragnes (Hérault), au xvir' siècle encore Porcairagnes
ou Pourcairagnes ; Probilianicus, Provilhergues (Tarn);
Sabinianicus, Savignargues (Gard); Saturianicus, Satu-
rargues (Hérault;; Silvinianicus, Souvignargues (Gard);
Venerianicus, Vendargues (Hérault), anciennement Ven-
(Jrargues; Veranicus, Verargues. Il convient de rapprocher de
ce dernier nom celui de Vauvenargues (Bouches-du-llhône),
jadis Vauverargues, représentant Vallis Veranica.
373. On le voit, les formes par lesquelles est représenté le
suflixe -anicus, sont au nombre de quatre : -argues, la plus
fréquente, (ju on rencontre dans les déparlements des lîouches-
du-Uhône, du Gard, de ITiérault, du Tarn, de LAveyron, du
Cantal; -ague.t, dans l'Aude et la Haute-Garonne; -agnos, dont
un seul exemple e.sl fourni par Portlragiiea (Hérault) ; enfin -ange
qui apparlicnl aux ii'-^ions plus si'pleiihionales, déparlemenls du
Puy-de-Dôme et de la Corrè/.e. Plus d un auteur, nu^ne parmi
les moderjies, a prélendu (pie -a/gucs représentitit le latin ager,
ORIGINES ROMAINES : NOMS FORMÉS SUR DES GENTILICES 1J5
u champ » ; il n'en est rien, et le passage de -anicus à -argues
n'a rien de surprenant pour qui sait que les noms propres
Domerf/Lic et Houerguc viennent de Dominicus et Rutheni-
cus. Il faut voir, semble-t-ii^ dans -agnes une altération phoné-
tique de -agues, qui lui-même est une réduction de -argues.
Quant à la forme -anges, elle s'explique non moins aisément, si
l'on considère que le même nom Dominicus, qui vient d être
cité, est devenu en pays de langue doïl Domange ou Démange.
L's terminal des noms modernes qui viennent d'être énumérés
n'est pas étymolog-ique : c'est vers 1 an mil que l'usage s'est intro-
duit d'employer au pluriel les noms latins correspondants.
374. La terminaison -ange ne représente pas toujours le latin
-anicus : les exemples qu'on en trouve en Lorraine et en
Franche-Comté correspondent à une terminaison germanique
-ing ou -ingen.
375. Qu'ils aient été employés adjectivement au masculin ou
au féminin, ou bien qu'ils aient été combinés soit avec le suffixe
d'origine gauloise -acus, soit avec les suffixes d'origine ligure
-ascus et -oscus, soit avec les suffixes latins -o, -anviset -ani-
cus, les gentilices romains ont produit un nombre de noms de
lieu si considérable, qu'on sera peut-être tenté d'accueillir avec
quelque scepticisme l'exposé qui précède. L'usage d'appliquer à
une localité un nom d'homme remonte cependant à la plus haute
antiquité, témoin ce passage de la Genèse (IV, 17) relatif à Caïn :
Et aedificavit civitatem, vocavitque nomen ejus, ex
nomine filii sui, Henoch. Et cet usage s'est perpétué jus-
qu'aux temps modernes.
376. Une quantité de localités rurales en France sont dénom-
mées à l'aide de noms de famille français : ceux-ci ont été combinés
avec des suffixes différant, à la vérité, de c(;ux étudiés dans ces
dernières pages, mais jouant exactement le même rôle. Le plus
fréquent de ces suffixes est -iàre, forme française de -aria : lai
Ghampionnière, la Rigaudière, formés sur les noms patrony-
miques Champion et Jiigaud ; parfois, il est remplacé par
-crie : la Doucetterie, la Marchanderie, de Dmicciei Marchand.
A côté de ces deux suffixc^s, employés aussi généralement que
l'était, il y a dix-sept siècles, le gallo-romain -acus, il en est
d'autres, comparables à cet égard au suffixe latin -anicus. dont
l'usage est particulier à telle ou telle région.
96 LES NOMS m: LIEU
377. Tels sont, par exemple, dans la Bretagne non bretonnante
et les parties qui l'avoisinent des départements de la Mayenne et
de Maine-et-Loire, les suffixes -a/e et -ais : la Hunaudaie, la Robi-
nais, la Séguinais.
378. En Limousin, en Auvergne, en Périgord, et dans une
partie de TAngoumois, c'est le suffixe -ie qu'on a employé : la
Robertie. Leyraarie, Lasteyrie, dérivent de Robert, d'Eymar et
d'Asiier.
Ce sont là d'inconscientes applications de la méthode des
Romains. On ne peut nier que parfois tel des noms de lieu dont
il s'agit a pour racine, non pas un nom de famille, mais un nom
de baptême; mais la distinction n'est pas aisée à faire, bien des
noms de baptême étant devenus noms de famille à partir du
xii^ siècle.
XXIII
SOUVENIRS DES ANCIENNES POPULATIONS
DE LA GAULE
Lors de Tarrivée de Jules César, la Gaule, exception faite de
la Province romaine déjà soumise, se divisait, au témoignage du
conquérant, en trois parties, habitées respectivement par les
Belges, les Gaulois et les Aquitains : de là les noms de Belgica
et d'Aquitania, donnés plus tard à des provinces de la Gaule
romanisée ; de là aussi le nom de Gaule, Gallia, qu'oi} donnait,
dès lors, non plus au seul pays, situé entre Seine et Garonne,
que César dit être habité par les Gaulois, mais à toute la région
comprise entre le Rhin et les Pyrénées.
Ces trois noms, Gallia, Aquitania, Belgica, subsistent
encore, mais il semble bien que les deux premiers seuls ont été
conservés dans le langage populaire ; quant au nom de Belgique,
qui s'appliquait à 1 vme des parties de la Gaule, s'étendant de la
Marne aux Vosges et à la Meuse, il ne semble pas avoir été connu
au moyen âge, et c'est par une sorte d'évocation du passé que,
depuis un siècle, il a été appliqué à une importante portion du
pays qui l'avait jadis porté.
379. Le mot « Gaule » provient régulièrement de Gallia,
moyennant la consonnification du premier l ; mais il n'appartient
pas au dialecte français, où le g initial fût devenu j, comme il
est arrivé dans notre mot « jaune », représentant le latin
galbinus : « Gaule » est, suivant toute apparence, une forme
wallonne.
380. Tandis qu'à l'origine le pays des Aquitains était limité
parles Pyrénées et la Garonne, l'empereur Auguste étendit l'ap-
pellation d'Aquitania à toute la région située au sud delà Loire,
en dehors de la Province romaine. Dès le ni*' siècle, l'Aquitaine
primitive était désignée par le nom de Novempopulanie, qu'oUo
échangea depuis contre celui de Gasco(/ne, Vasconia, par suite de
l'établissement d'une nouvelle population venue des Pyrénées
espagnoles. En français primitif, le mol .V ([ u i l;i n i ;i rsl devenu
Les noms de lien.
98 l-ES NOMS DE LIEU
Aguiaine ou Agiiienne, bientôt réduit à Guyenne, par une aphé-
rèse dont le nom de la Fouille, répondant au latin Apulia, four-
nit un exemple non moins connu.
381. Le souvenir d'une cinquantaine dépeuples, — ou, comme
on dis9it dans l'antiquité, de civiiates, — de la Gaule, subsiste
dans des noms de villes, parfois de régions : ces noms géog-ra-
phiques, extrêmement précieux, ont puissamment contribué à
donner une base solide aux recherches concernant la géographie
antique de notre pays.
Par un phénomène presque particulier à la Gaule, et qu'on
n'observe qu'une fois dans la Province romaine, les noms de la
plupart des anciens peuples ou civiiates passèrent, du m'' au
iv^ siècle, aux chefs-lieux ; et ceux-ci perdirent dès lors les
noms qui, jusque là, les désignaient : ainsi le nom de Duro-
cortorum qui, dès le temps de César, désignait le chef-lieu de
la nation des Rémi, fit place au nom même de cette nation, nom
dont la forme accusative Remos a donné en français Reims.
Il est aisé de comprendre comment de tels changements de noms
se sont opérés. La confusion entre la civitas, c'est-à-dire le
peuple antique, et le chef-lieu où siégeaient ses magistrats dut
se faire rapidement : de là l'emploi, qu'on trouve dès le premier
siècle de notre ère, notamment dans Frontin, du mot civitas au
sens de « ville » ; de là aussi,, par un mouvement parallèle, l'ap-
plication du nom propre de la civitas à son chef-lieu.
Pour déterminer les noms de civiiates gauloises qui passèrent
aux villes où siégeaient les administrations respectives de ces
civiiates, il n'est pas de guide plus commode que la Notilia pro-
vinciarum et civitatum Gallise ', précieux document rédigé après
375, probablement au début du v'^ siècle, et dans lequel les cités
gauloises alors existantes sont réparties entre les dix-sept pro-
vinces de la Gaule, selon un ordre qu'on va suivre ici.
Des trois cités que comprenait la Première Lyonnaise, deux
seulement poitaient des noms df peuples : la civitas Aedtioruni
et la civitas Linr/o/iuni.
i. Ce flocumonl, maiiiles lois imprimé, a élé reproduit, « accompagné
des variantes que louiuisseiil les deux phis anciens inanuscrils connus >>,
par Aufç. Lonj^non, dans le Texte explicatif des plandies (Paris, 1907, in-i")
de .son .l/Z/is liixlori</iii' ih In h'rnncf, p. li-lC.
ORIGhMES ROMAINKS : SOIIVEMHS DES ANClENNliS l'( tPLLATIONS 99
382. Le nom de la cioitas Aeduorum semble indiquer qu'Autun,
Aug^ustodunum, avait abandonné ce nom, remontant à sa fon-
dation sous le règ-ne d'Aug-uste, pour y substituer le nom du
peuple dont il était le chef-lieu ; mais cet abandon ne fut que
momentané, YHistoria Francorum de Grégoire de Tours en fait
foi, et le mot Aedui n'a laissé aucune trace dans la géographie
du moyen âge.
383. Lingones, substitué à Andematunnum, est Torigine
du nom de Langres(Hante-Marne), qui s'est formé de Lingones,
accentué sur l'antépénultième, comme diacre, coffre, ordre,
pampre et timbre sont formés de diaconum, cophinum, ordi-
nem. pampanum et tympanum. De Lingones est dérivée
l'expression Lingonicum, désignant le pays dont Langres était
le chef-lieu, et qu on trouve en français du xiii*^ siècle sous la
forme I.angoinc.
Dans la Provincia Liif/dunensis secunda la Notifia compte sept
villes dont cinq portent des noms de peuples : ce sont les civi-
tates Bajocassium, Abrincatum, Ebroicorum, Sagiorum et Lexo-
viorum.
384. Le nom des Bajocasses, qui a pris la place de celui
d'Augustodurum, était accentué sur l'antépénultième : il a
donc formé régulièrement le nom de Bayeux (Calvados), dont le
territoire — Bajocassinum — est appelé le Bessill.
385. Le nom des Abrincates — les Abrincatui de Pline — •
accentué sur l'antépénultième, est devenu en français Avranches
(Manche'; le territoire de cette ville — Al)rinca tinum — est
appelé rAvranchin.
386. Ebroici, altération d'Eburovices. était accentué sur
l'antépénultième; substitué à Mediolanium, ce nom est
devenu Evreux (Eure), et son dérivé Ebroicinuni adonné
Évrecin.
387. Le nom des Sagii, qui paraît avoir remplacé un nom de
ville Nudionnum, est le thème étymologicpie du nom de Sées
(Orne).
388. Le nom des Lexovii, ({ui a pris la place de ci'lui <\c
Noviomagus, est devenu Lisieux (Calvados); h^ tei-rildin' de
Lisieux — Léxovinum — est le Lieuvin.
En dehors de ces cinq noms de peupk^s de la Seconde Lyon-
100 LES NOMS DE LIEU
naise, mentionnés dans la Notitia, il en est trois autres qui sub-
sistent, l'un comme nom de lieu, les deux autres dans des noms
de régions.
389. La civitas Viducassium, mentionnée au m'' siècle dans la
fameuse inscription de Torigni-sur-Vire K était sans doute, quand
fut écrite la Notitia, fondue dans la cité des Bajocasses ; mais le
nom des Viducasses subsiste dans celui de Vieux (Calvados).
390. La cité de Rouen mentionnée dans la Notitia résultait de
l'union des cités des Caleti et des Veliocasses qu'on avait ren-
contrés dans César. Le nom des premiers se retrouve dans celui
d'une circonscription de Fépoque franque, le pagus Cal et us,
ou pays de Caux; de même le nom des Veliocasses est l'ori-
gine du pagus Vilcassinus ou Velcassinus, en français du
moyen âge Vequessin, qu'on écrit aujourd'hui Vexin.
La Notitia comprend sous la Troisième Lyonnaise neuf cités,
toutes désignées par des noms de peuples : Turoiies, Ceno-
manni, Redones, Andecavi, Namnetes, Coriosolites, Venetes,
Osismii et Diablintes.
391. Le nom de Turones a remplacé celui de Caesarodu-
num; accentué sur l'antépénultième, il se présente en français
sous la forme Tours (Indre-et-Loire); c'est probablement de
Turonicum, mot formé à l'aide du suffixe -icum dont l'i est
atone, que provient le mot Touraine pour Touroine ; l'ethnique
tourangeau dérive du même mot par l'intermédiaire d'un primitif
Tour ange, dont il est le diminutif.
392. Cenomanni, qui a remplacé le nom de lieu Subdin-
num ou Suindinum, est la forme primitive du nom du Mans
(Sarthe); mais la chose a été fort bien expliquée par Jules Qui-
cherat, à l'aide d'une forme donnée par un document de 7(i5,
Cilmannis : la forme vulgaire qui en est résultée a passé par
un substantif Mann précédé d'un adjectif démonstratif, auquel
l'article a été substitué. Le nom de la province du Maine, en
latin Cenomann icum ou (^ilman nicun», a subi la même
altération.
393. Le nom (les Kedones, qui a remplacé le nom de lieu
{. Voir, relativement à cette inscription, K. Dcsjardins, Gt^ofjraphie... <ie
la (iaiilr romaine {V:u\s, IKTO-lSy"., 4 vol. iii-4»), III, I'.)H-2(>0.
ORfOLNES ROMAINES : SO( VKNIRS DES ANCIENNES POPULATIONS lOl
Condate, était accentué sur l'antépénultième : il est devenu
Rennes (Ule-et- Vilaine).
394. Le nom des Andegavi, qu'on trouve sous cette forme
dans Pline, et sous la forme Andecavi dans Tacite, est un
dérivé du mot Andes, par lequel César désig-ne le même peuple.
Substituée à Juliomag-us, la forme oblique Andfegavis est le
thème étymologique du nom d'Angers (Maine-et-Loire) ; et,
d'autre part, le nom Andeg-avum, par lequel on désignait, à
l'époque franque, le territoire dont Angers était le chef-lieu, a
produit le mot Anjou.
395. Le nom des Namnetes a remplacé le nom de lieu Con-
divicnum et a donné naissance au nom français Nantes (Loire-
Inférieure).
396. Le nom des Goriosolites ou Guriosolites, peuple
mentionné par César, subsiste dans celui de Gorseul (Gôtes-du-
Nord), où l'on a retrouvé, en 1709, les vestiges de cette cité ;
celle-ci ne subsistait peut-être plus quand fut écrite la Notitia,
car les plus anciens manuscrits portent, non pas civitas Corio-
solitum, mais bien civitas Coriosopitum, ce qui est l'ancien
nom de Quimper (Finistère).
397. Le nom des Venetes, substitué à Dariorigum, a
donné Vennes, qui s'est prononcé, puis écrit Vannes (Morbihan).
398. Le nom des Osismii, qui a pris la place de Vorganium,
n'a pas laissé de trace bien apparente. M. J. Loth prétend le
reconnaître dans le dernier terme du nom de Coz-Castell-Ach,
cest-à-dire « le vieux château d'Ach », porté par une ruine sise
en Plouguerneau (Finistère) ; en dehors d'arguments phonétiques
empruntés à la langue bretonne, l'opinion de M. Loth se fonde
sur ce que le pays dont Coz-Castell-Ach était le chef-lieu, est
appelé pagus Achmensis, ce qui serait une altération de pagus
Osismiensis. Par contre, dans l'opinion de M. Ferdinand Lot,
l'emplacement de l'antique Vorganium serait représenté par
Carhaix (Finistère), anciennement Kaer-Ahes, dont le nom, par
son second terme, répondrait à Osismii. Il est difficile d'opter
entre ces deux solutions.
399. Mais si l'on n'est pas très fixé touchant les traces que
les Osismii ont laissées dans la péninsule armoricaine, le souve-
nir s'en rencontre ailleurs. Il semble évident que des familles de
ce peuple avaient émigré et fondé dos villages appelés Osismas
102 LES XOMS DE LIEU
OU Osisma : telle paraitètre lorig-ine dExmes Orne), à l'époque
mérovingienne Oxma; d'Huismes i Indre-et-Loire), au x*^ siècle
Oximensis villa ; de Hûmes (Haute-Marne), que Flodoard
appelle Isma ; et de Hiesmes, nom porté jusqu'au xvni^ siècle
par Villiers-le-Morhiers (Eure-et-Loir), qui représente un
Oximas mérovingien.
400. Le nom des Diablintes, substitué à celui de Noiodu-
num se retrouve dans celui de Jublains (^Mayenne).
Des sept cités qui composaient la Quatrième Lyonnaise, cinq
étaient désignées par des noms de peuples : Senones, Carnutes
ou Carnotes, Tricasses, Parisii et Meldi.
401. Le nom des Senones, qui a remplacé le nom de ville
Agedincum. était accentué sur l'antépénultième : de \l\, la
forme vulgaire Sens (Yonne). Sens-de-Brefa(jne (Ille-et-Vilaine)
doit peut-être son orig-ine à une colonie de Senones établie chez
les Redones.
402. Carnutes, également accentué sur l'antépénultième, et
qui a remplacé TAutricum de César, est devenu Chartres
(Eure-et-Loir), son dérivé Carnotenum, appliqué à la circons-
cription dont Chartres était le chef-lieu, a donné Chartrain,
anciennement Charfain. Il y avait chez les Bédanes un pagus
Carnutenus dont le souvenir survit dans le nom de Chartres
(Ille-et-Vilaine) ; et il est probable que Chartrettes ; Seine-et-
Marne), dont le nom est traduit aux xu'' et xni*' siècles par
Carnotule, s'appelait aussi Chartres, la terminaison dimina-
tive ayant été ajoutée pour prévenir toute confusion.
403. Le nom des Tricasses, qui a fait oublier le nom de
ville Augustobona, et dans lequel, comme dans Bfijocasses
et Viducasses. la linale -casses était atone, a donné Troyes
(.Aube); le dérivé Tricassinum, (jui désignait, à réi)oque
franque, le territoire de Troyes, est devenu en franc^-ais du moyen
âge Troiesin.
404. Substitué à Lutetia, le nom des Parisii est l'origine de
celui de Paris, et son dérivé Parisiacum a produit le vocable
de région Parisis.
405. Le nom des Meldi, substitué à ctdui de jatinum ou de
H'ixtinum, est l'origine du nom de Meaux 'Seine-et-Marne) ; le
vocable bas-latin Melcianum, pai- le(piel on (b'-signait le pays
de Meaux, est devenu en l'ianvais Mrussir/i et Multien.
ORl(ilNI':S ROMAINKS : SOUVENIRS DES ANCIENNES POPULATIONS 103
Dans la Première Belgique, trois cités sur quatre étaient dési-
gnées par des noms de peuples : Treveri, Medionmlrici et
Leuci.
406. Le nom des Treveri, qui remplaça celui d" A ug us ta, est
devenu Trèves (Prusse rhénane), en allemand Trier.
407. Substitué à Divodurum, le nom des Alediomatrici a
lui-même bientôt cédé la place à un autre vocable, Mettis, qui
sans doute ne désignait à l'origine qu'un quartier de la ville de
Metz. Mediomatrici n'a donc laissé aucune trace dans la topo-
nomastique française.
408. Il en est de même du nom des Leuci, substitué momen-
tanément au nom primitif de la ville de Toul, TuUum. qui finit
par prévaloir. *
Neuf noms de villes sur douze, dans la Seconde Belgique, sont
empruntés aux peuples gaulois : Rémi, Siiessiones^ Catalauni ou
Catuellauni, Veromandui, Atrehates, Silvanectes, Bellouaciy
Amhiani et Morini.
409. Rémi, substitué à Durocortorum, est l'origine du nom
de Reims (Marne) ; de là aussi le nom de région Remtianus,
en français du moyen âge Rancien.
410. Suessiones. qui a pris la place du nom Augusta, a
produit le nom moderne Soissons (Aisne).
411. Catalauni, substitué à Duro catalauni, est devenu
Cliaalons, aujourd'hui ChàlOïiS-sur- Marne.
412. Le nom des Veromandui, qui avait été substitué à celui
d'Augusta, fit à son tour place, vers le ix* siècle, au nom du
martyr dont ce lieu possédait le tombeau. Le vocable de la ville
de Saint-Quentin (Aisne) n'a pas elFacé complètement le souve-
nir de l'appellation antérieure, dont dérive le nom de région
Vermandois, en latin médiéval Vermandense, et qui, pour des
raisons archéologiques, fut transportée, dans le cours du moyen
âge, aux ruines d'un ancien vicus romain, près desquelles s'éleva
le bourg actuel de Vermand (Aisne).
413. Atrebates, qui avait supplanté Nemetacum, s'est de
bonne heure contracté en Atrades ou Atradis, d'où Arras
(Pas-de-Calais) ; le i)agus Atradensis, puis Artonsis, est
devenu F Artois.
414. Silvanectes, substitué à Augustomagus, s'est réduit,
104 LES NOMS DE LIEU
dès l'époque méroving-ienne, à Selnectis. dont une métathèse
fît Senlectis : de là le nom moderne Senlis (Oise). Au moj^en
âg-e le territoire de Senlis était appelé le Sellentois.
415. Le nom des Bellovaci, qui avait fait oublier Gaesaro-
magus, est devenu celui de la ville de Beauvais lOise).
416. Le nom des Ambiani, quia remplacé celui de Sama-
rabriva, est la forme primitive du nom d'Amiens (Somme).
417. Il ne reste pas trace du nom des Mo ri ni : leur chef-lieu
était Thérouanne (Pas-de-Calais), en latin Taruenna, dont le
pays, Taruanense, fut appelé Ternois. Il convient de noter
qu'au moyen âge l'évêque de Thérouanne se disait episcopus
Morinensis.
' 418. Le nom des Menapii, qui avaient pour ville principale
Touinai (Belgique), subsista, à l'époque franque et jusqu'au
xii*^ siècle, dans celui de Mempiscum, formé à laide du suffixe
germanique isc ou isch, et qui désignait une partie au moins de
leur territoire.
419. Des quatre cités de la Première Germanie, deux portaient
des noms de peuples, Nemetes et Vangiones ; mais ces deux
vocables, qui avaient remplacé, le premier Noviomagus, le
second Borbetomagus, furent à leur tour abandonnés respec-
tivement pour Spira, d'où Spire (Bavière rhénane), en allemand
Speier, et Warmatia, d'où T'Forms (Hesse rhénane).
420. Une des deux cités qui composaient la Seconde Germanie
portait un nom de peuple ; c'est Tungri, primitivement Adua-
tuca. aujourd'hui Tongres (Belgique, Limbourg).
421 . Sur les quatre cités qu'indique la Nolitia pour la Provin-
cia maxirna Serfiianorum, une seule porte un nom de peuple, la
civi/as Elvelionun ; mais c'est le nom du chi'f-lieu, Aventica,
ÂDenches (Suisse, canton de Vaud), qui a prévalu, (^est par une
évocation des souvenirs de l'antiquité qu'a été créée, à la fin du
xvin'' siècle, 1 expression <« république hclvétit/uc ». Le nom du
castrum Raiirncensc, que la Nolilia mentionne également à pro-
pos de ha Séquanie, et qui rappelait le souvenir des anciens liau-
raci, n'a pas davantage survécu, ce castrum ayant repris son nom
d'Augusta, aujourd'hui Aiiffs/ /Suisse, canton de Bâle).
ORir.hNKS ROMAINES : SOUVENIRS DES ANCIENNES POPULATIONS lOo
422. Les deux cités de la province des Alpes Graies et Pen-
nines étaient désignées par des noms de peuples : Centrones et
Vallenses : ces deux noms ont dû rendre la place aux noms pri-
mitifs Darantasia — aujourd'hui Moiitiers-en-Tareniaise
(Savoie), et Octodurum ; mais le nom des Vallenses est
devenu celui de la région, le Valais, qui est l'un des cantons de
la Confédération suisse ; il est à noter, d'autre part, que le nom
d'une des quatre tribus qui composaient la cité des Vallenses, les
Seduni, est l'oi-igine du nom de Sion, capitale du Valais.
423. Dans la Viennoise, formée d'un démembrement de la
Province romaine, une seule cité sur treize portait un nom de
peuple, Tricastini, substitué à Augusta : ce nom subsiste,
avec une dérivation qui résulte d'une étymologie populaire, dans
le surnom de la ville de Sai/ï/-Pat//-Trois-Ghâteaux (Drôme).
La Première Aquitaine comptait huit cités, dont sept dési-
gnées par des noms de peuples gaulois : Bituriges, Arverni,
Ruteni, Cadui'ci, Lemovices, Gabales et Vellavi.
424. Le nom des Bituriges, accentué sur l'antépénultième,
et qu'on substitua au nom de ville Avaricum, a produit le nom
moderne Bourges (Cher), anciennement Beorges ou Beourges ;
c'est d'un adjectif Bituricum, accentué sur la pénultième, qu'est
dérivé le nom de province Berry.
425. Le nom des Arverni, qui a remplacé le nom de ville
Augustonemetum, a lui-même été abandonné à l'époque caro-
lingienne pour le nom Clarus Mon s, qui désignait la citadelle
de la cité arverne, aujourd'hui Clermont (Puy-de-Dôme). Mais
c'est d'Arverni que dérive le nom de région Arvernia ou
Alvernia, en français Auvergne. La forme basse Alvernis (jui,
dans des textes carolingiens, désigne plusieurs villages de la
France septentrionale, rappelle vraisemblablement de petites
colonies auvergnates : elle est l'origine des noms d'Auvers-sf//'-
Oise et d^ Auvers-Sainf-Georges (Seine-et-Oise), dont le second a
un diminutif, Auvernaux (Seine-et-Oise), dans lequel ïn s'est
conservé, Arverni ou Alverni semble être aussi la ratine
d'Alvernicum, dénomination primitive de Vernègues ! Houches-
du-Rhône).
426. Hutenis. (|ui s'est substitué à Segoduiuim, n produit
IO(i LKS NOMS DE lAF.V
Rodez (Aveyron), moyennant la chute de Yn latin placé entre
deux voyelles ; son dérivé Rutenicum, accentué sur l'antépé-
nultième, est l'origine du nom du Rouergue.
427. Le nom des Cadurci. qui remplaça le nom de ville
Divona. est l'orig-ine du nom de Cahors (Lot) ; son dérivé
Cadurci num a produit, par la double chute de la dentale et de
In intervocaux, le nom territorial de ûuercy.
428. Lemovices. substituée Aug-ustoritum, et son dérivé
Lemovicinum ont donné respectivement Limoges (Haute-
Vienne) et Limousin. Le villag-e de Limoges (Seine-et-Marne),
qu une charte du roi Robert appelle Lemovices, représente
évidemment une ancienne colonie de Limousins.
429. Cabales, qui a pris la place d'Anderitum, est le
thème étymologique du nom de Javols (Lozère), et son dérivé
Gabalitanum, celui du mot Gévaudan. Les éditeurs des Afonw-
menta Germaniae hisforica ont traduit pagus Gabaldanus,
qu'ils ont imprimé Galvadanus, par Calvados, erreur d'autant
plus étrange que la notoriété du Calvados ne date que de la créa-
tion du département de ce nom.
430. Le nom de Vella vi, substitué au nom de lieu Revessio,
a été lui-même remplacé au cours du moyen âge par le nom de
Sainf-Paulien (Haute-Loire), emprunté à un sanctuaire chrétien,
mais, grâce à son dérivé Vellavicum. puis Vellaicum, le
souvenir en est conservé dans le nom du Velay, que porte leur
ancien pays.
Dans la Seconde Aquitaine, trois noms de cités sur six sont
des noms de peuples : Sanlone.s, Pictavi et Pefrocorii.
431. Le vocal de Santones, qui a pris la place du nom de
ville .Mediolanium, étant accentué sur l'antépénultième, a pro-
duit le nom (\v Saintes 'Charente-Inférieure), et son dérivé S an-
ton i eu m it produit le nom de la Saintonge.
432. Pictavi, variante du nom di's anciens Lie to ne s, ou
pluir)t son cas oblicjue Pictavis — pareil fait a été signalé poiu'
Andegavis — est le thème étym(»logi(|ue du nom de Poitiers
(N'ieiine], ville originairement connue sons le nom deLemonum.
Le nom du PoitOU Nient de Piclavum.
433. l'elrocorii, substitué ii \c'sunna, et son dérivé
I' elrocoi- i cum, accentué sur l'antépénultième, ont donné res-
|)e(livernent Périgueux ''1 )<ir(logne i et Périgord.
ORUilNES ROMAliNES : SOUVENIRS DKS ANCIENNPIS POPULATIONS 107
Sur douze noms de cités, la Novempopulanie n'en comptait
que quatre qui fussent des noms de peuples : Convenae, Conso-
ranni^ Vasates et Aiiscii.
434. Les deux premiers de ces noms, qui avaient été substitués,
le premier à Lugdununi, le second peut-être à Austria. ne
paraissent pas avoir survécu au monde romain ; toutefois, ils
subsistent dans les noms de pays Cominges — Gon venicum —
et GouSerans — Consoranum — qui désignent aujourd'hui
encore le territoire de ces deux cités.
435. Vasates, qui a pris la place de Gossium, se retrouve
aujourd'hui dans le nom de Bazas (Gironde).
436. Le nom des Auscii, qui a détrôné les noms successifs
d'Elimberris et d'Aug-usta, a produit le nom d'Auch (Gers).
437. La Notifia p\a.ce encore dans la Novempopulanie la
civitas Boiatium, dont on ignore l'emplacement exact, mais
dont le territoire, pagus Boicus, devint l'une des divisions du
diocèse de Bordeaux, l'archiprêtré de Buch ; dans Boiates et
dans Boicus on reconnaît le nom des Boii, duquel dérivent
ceux delà Bohême, Boiohemum et de la Bavière^ Boioaria.
Aucune des cités de la Première Narbonnaise n'était désignée
par un nom de peuple.
438. La Seconde Narbonnaise, sur sept cités, n'en oll're qu'une
seule, la civitas Reiorum, qui soit désignée par un nom de
peuple : c'est de ce nom que provient celui de Riez (Basses-
Alpes).
439. Dans la province des Alpes-Maritimes, la Xofitia ne
désigne aucune des huit cités par un nom de peuple ; mais la
métropole de cette cité, Embrun, était comprise dans la cité des
Gaturiges, dont le nom se retrouve dans celui de Chorges
(Hautes-Alpes). Que les Gaturiges aient, comme les Arverni et
les Lemooiccs, colonisé hors de leur pays, le fait paraît résulter
de ce que leur nom est attribué parla Table de Peutiiiger, à l'une
des stations de la voie de Reims àToul, station dont l'emplace-
ment est marqué par la ville actuelle de Bar-le-l)uc (Meuse).
XXIV
LIMITES DES CITÉS
440. Les textes itinéraires de l'époque romaine mentionnent
des stations désig'nées seulement par le mot Fines; on n'en
compte pas moins de dix-sept en Gaule. Grâce aux ressources
qu'offrent, pour la connaissance du territoire des anciennes cités,
les documents relatifs à la géographie ecclésiastique du moyen
âge, on arrive, pour la plupart de ces stations, à une certitude
absolue touchant leur situation aux confins de deux cités ; les cas
exceptionnels où pareille preuve n'a pu être faite, sont impu-
tables évidemment à l'insuffisance des moyens d'information dont
on dispose actuellement.
441. Les localités du nom de Fines qu'on rencontre dans les
documents itinéraires, étaient le plus souvent de simples relais
de poste qui n'auront pas survécu k la chute de l'empire romain :
deux seulement d'entre elles, Pfyn et Fismes, ont conservé, plus
ou moins altérée, leur appellation primitive. En revanche, la
nomenclature topographique de notre pays fournit plusieurs
autres localités qui, bien quelles ne soient pas nommées dans
les textes antiques, représentent, sans nul doute, des Fines pri-
mitifs.
442. Fains-/a-Fo//p (Eure-et-Loir), au diocèse de Chartres, était
éloigné de cinq kilomètres seulement du diocèse d'Orléans. La
graphie Fains est condamnable, car elle fait d'un Fines antique
l'équivalent des noms qui paraissent représenter le latin Fa nu m.
443. C'est également à l'ancienne limite des mêmes diocèses
(juest situé Feings Loir-et-Cher), dont un homonyme, compris
dans le département de l'Orne, appartenait au diocèse de Sées,
et confinait à celui (k- Chartres.
444. Le nom de Feins (llle-et-\'ilaine, Loiretj, désigne deux
localités sises aux confins, la jjrt'micre des diocèses de Hennés et
de Sîiint-Malo, la seconde de ceux de Sens et d'Auxerre ; la
paroisse de Sainf-Michel-dr-YeiïiS (Mayoniu'), au diocèse d'An-
gers, était contiguë au diocèse du Mans.
ORIGINES ROMAINES : LIMITES DES CITÉS 109
445. Fins (Somme) était du diocèse de Noyon, aux confins de
celui de Cambrai.
446. Yix-Saint-Geneys eiTix-Villeneuve, qu'on appelle aujour-
d'hui Sainte-Eugénie-de- Villeneuve (Haute-Loire), appartenaient,
avant 1317, au diocèse de Clermont, près des limites de celui
du Puy. La forme Flx procède de la chute de Yn latin intervocal,
phénomène observé déjà à propos du nom de Rodez.
447. Fismes (Marne), à la limite des diocèses de Reims et de
Soissons, est l'un des Fines de l'Itinéraire d'Antonin : la forme
insolite de son nom s'explique par le datif Finibus, l'm résul-
tant du contact de Yn et du h, après la chute de Vi atone de la
désinence.
448. Hinx (Landes) est le nom d'une paroisse de l'ancien dio-
cèse de Dax, confinant à celui d'Aire ; la transformation de 1 /'
latin en h est un fait phonétique commun à l'espag-nol et au dia-
lecte gascon.
449. Hix. hameau de Bourg-Madame (Pyrénées-Orientales) est
situé près de la frontière espagnole qui, sans doute, a toujours été
une ligne de démarcation.
450.. Pfyn (Suisse, Thurgovie) est le Fines placé, par l'Itiné-
raire d'Antonin, sur la route à'Augusta Vindelicorum à Trêves.
La situation de Pfyn correspondait à la limite même de la Gaule,
car, à partir de ce point, la mesure itinéraire des Romains, le
mille, fait place à la lieue gauloise.
451. Le nom commun fines nest pas le seul qui ait été
employé à l'époque romaine pour désigner, en Gaule, des locali-
tés situées sur les confins de cités. On paraît s'être servi, dans le
même ordre d'idées, du nom commun limes, au génitif limitis,
qui est l'origine de notre mot limite. En effet, une charte de 813
prouve que Limites était le nom primitif du village de Linthes \
(Marne), sis à l'ancienne limite des diocèses de Troyes et de
Châlons. Peut-être faut-il reconnaître le même nom commun
dans la dernière partie du nom de Ghamplitte (Haute-Saône), qu'à
1 époque mérovingienne on appelait Cantolimete.
XXV
SANCTUAIRES
Parmi les noms de lieu qui attestent l'influence de la civili-
sation romaine en Gaule, ceux qui rappellent le souvenir des
divinités du paganisme, ou, pour mieux dire, des sanctuaires
qui leur étaient consacrés, ne sont pas les moins intéressants.
Ces noms de lieu sont de deux sortes : les uns représentent
un nom commun — fa nu m. par exemple — régissant un nom
de divinité; les autres sont dérivés dun nom divin, au moyen
d'un suffixe, ou bien présentent le nom divin accompag-né de la
préposition ad.
452. Les noms composés à l'aide du mot fanum ne sont pas
les plus nombreux, et les textes de 1 époque romaine n'en font
connaître que trois pour la Gaule : deux Fanum Martis et un
Fanum Minervae.
453. De même que les noms d"Aix (Bouches-du-Rhône), de
Cologne (Prusse rhénane), de Fos (Bouches-du-Rhône) et de
Luc-en-Diois (Drôme), représentent les antiques Aquae Sextiae,
Colonia Agrippina, Fossae Marianae et Lucus Augusti,
de même il est permis d'admettre que, dans un certain nombre
de noms de lieu comprenant le mot fanum et un déterminatif, ce
dernier est tombé en désuétude : de là les noms de Fain-Z^s-
Monthard, de Tain-lès-Mou fiers 'Cùte-dOr) et de Fains (Cal-
vados, Eure, Meuse). Dans les pays de langue d'oc, fanum a
produit fan, ou fa, par la chute de Vn : la Hoque-de-TB. (Aude).
454. Le nom de Jupiter, qui .se présente, à l'époque romaine,
dans les noms géographi(juos Ad Jovem et Fanum Jovis, se
retrouve aujourd'hui dans les noms do lieu Jeu (Indre), Jeux
(Cote-d'Or), Joux (Rhône I, si toutefois ces noms ne représentent
pas un mot gaulois latinisé jugum, au sons do a montagne »,
comme cela se constate ;i piopos do Brnii/ru. synonyme de Boau-
nioul ; d;ins le nom de Montjoux. (pii ;• désigné le Grand-Saint-
Bernard, où s'élevait un [iuij)lo dfdii' il Jupilor; dans la dernière
partie du nom do Sinri/-/'unl-(!ajt-tlc-3o\iX (Tarn), lieu riche en
UUlGl^ES ROMAINES : SANCTUAIRES 111
antiquités romaines, où l'on découvrit, dit-on, une tête de Jupi-
ter. Les noms de Fanjeaux (Aude et de Fanjoux (Haute-
Garonne) ont pour thème étymologique Fanum Jovis.
455. Mercure est peut-être la divinité dont la toponomastique
française évoque le plus fréquemment le souvenir, en raison sans
doute de l'importance et de l'universalité du culte d'une divinité
gauloise qui fut, après la conquête romaine, assimilée au fils de
Maia. De là les noms de lieu mjodcrnes Mercœur (Gorrèze,
Haute-Loire), Mercoire (Lozère), Mercuer (Ardèche), Mercuès
(Lot), Mercueil (Côte-d'Or), qui se prononce Merqucux ; leurs
diminutifs Mercoiret (Gard), Mercuriol (Gard), Mercurol (Allier,
Drame et Puy-de-Dôme). De là aussi l'expression Mons Mer-
curii, qui d'une part a désigné Montmalchus ou Saint-Michcl-
Mont-Mercure (Vendée), et qui, d'autre part, fig-ure dans la
chronique dite de Frédégaire, sous la forme Mercori Mons
pour désigner la hauteur de Montmartre, aujourd'hui comprise
dans l'enceinte de Paris ; à vrai dire, Montmartre procède, non
pas de Mons Mercurii, ce dernier mot étant accentué sur l'an-
tépénultième, mais bien de lappellation Mons Martyrum, que
l'usag-e populaire fil prévaloir, soucieux d'abolir le souvenir d'un
culte païen dans un lieu qui passe pour avoir vu le martyre de
saint Denis et de ses compagnons.
456. Le nom de Mars se retrouve dans Famars (Nord) — le
Fanum Martis de la Notitia. dujnitatum iinperii — et dans
Talmas (Somme), qui traduit Te mplu m Martis. Il est possible
que Mars, nom porté par des localités de diverses régions de la
France, provienne parfois de quelque sanctuaire du dieu guerrier ;
mais cela n'est pas vrai pour toutes, car Mars (Ardennes)
est appelé Medarcum dans le latin du moyen âge. Chamars
(Eure-et-Loin est désigné a.u ix^ siècle par Campus Martis.
457. Le nom de Vénus subsiste dans plusieurs noms de lieu :
Vendres (Hérault), dérivé d'un cas oblique. Venerem par
exemple, du nom de la déesse ; Port-Vendres (Pyrénées-Orien-
tales), le Portus Veneris de Pompouius Mêla ; Monivendre
(Drome), Mons Veneris.
458. Le nom de Minerve se retrouve aujourd'hui dans Minerve
(Hérault), dans Menerbes (Vaucluse), et dans Menesbles iCote-
d'Or).
459. Le nom de Diane est l'origine de ceux de Dienne (Can-
112 LES NOMS DE LIEU
tal) et de Dieniies (Nièvre). Le surnom de Villiers-en-j)ésœ\ivre
(Eure) i-eprésente Dianae SiU^a, silva ayant subi la même
altération que dans le nom bizarrement écrit de Pleines-OEuvres
(Calvados) qu'a produit Plana Silva.
460. Le nom de Latone, mère de Diane et d'Apollon, est le
thème étymolog-ique du nom de Losne (Côte-d'Or) — que la
chronique de Frédégaire appelle effectivement Latona — et
peut-être aussi celui de Lannes (Haute- Marne).
461. Le nom de Cupidon paraît être l'origine de Cupedonia,
pour Cupidonia, qui, au viii* siècle, désigne Gouvonges (Meuse).
La formation de Cupidonia serait aussi régulière que celle du
nom de lieu Apollonia, fréquent dans l'antiquité.
462. Enfin, et l'on pourrait sans doute en citer bien d'autres,
certains noms de lieu de la France méridionale et de l'Espagne
rappellent le souvenir d'une divinité romaine que l'on nommait
Tutela. et dont le culte reposait essentiellement sur une méto-
nymie, car il consistait à adorer, sous ce vocable, le dieu inconnu
protecteur d'une ville. Le nom de Tutela, considéré comme celui
dune divinité, n'apparaît guère que dans les inscriptions du sud-
ouest de la Gaule, de l'Espagne et des bords du Rhin ; il est
l'origine des noms de Tulle (Corrèze) et de Tudela (Espagne). On
sait qu'à Bordeaux, les ruines du grand sanctuaire de Tutela sont
dénommées « piliers de Tutelle ».
463. Le souvenir d'Apollon paraît n avoir été rappelé, dans la
toponomastique de notre pays, que par l'ancien nom de la ville
de Riez (Basses-Alpes), Reii Apollinares ; mais ce détermina-
tif Apollinares n'a pas survécu, semble-t-il, à la civilisation
romaine, (^uant aux noms Polignac, Poligmj, qu'on a souvent
apparentés à celui d'Apollon, on sait maintenant que la forme
latine en est Podem[)niacus ou Polemniacus. Mais à défaut
de dérivés du nom divin A polio, on compte en France plus d'un
vocable rappelant le nom d'une des divinités gauloises assimilées
par- les Romains à Apollon.
464. Parmi ces dieux indigètes de Gaule, il faut citer en pre-
mier lieu Belenus, (jue mentionnent des inscriptions votives de
l'époque romaine retrouvées à Langres, à Vienne et à Clermont-
Ferrand, et dont parle aussi le j)oète Ausone. (Test dans le nom
de Belenus. acc(Mitué sur l'aMtépénultième, (]u il faut chercher
l'origine (I<^s noms «U; Beaune (Allier, (iorrè/.e, Gôte-d'Gr, Haute-
ORIGINES ROMAINES ! SANCTLIAIRES II3
Loire, Loiret, Puy-de-Dôme, Savoie, Haute-Vienne), de
Beaulne (Aisne), Baulne (Aisne, Seine-et-Oise) ; cette origine,
phonétiquement rég-ulière, est d'ailleurs attestée par la légende
BELENO CAS[TRO] d'un triens mérovingien, qui est la plus
ancienne mention de Beaune (Côte-d'Or). A Bêle nu s on doit
rapporter Beaunotte (Gôte-d'Or), caractérisé par une désinence
diminutive moderne, et sans doute aussi Belenas et Mons
Belenatensis, noms sous lesquels on désignait, au vi^ siècle.
Saint- Bonne t-prèa-Biom (Puy-de-Dôme). Belenas est vraisem-
blablement une forme adjective, de même que Belenacus qui
paraît être le thème étymologique de Beaunay (Marne, Seine-
Inférieure).
465. Borvo ou Bormo — les inscriptions de l'époque romaine
présentent l'une et l'autre de ces formes — fut aussi considéré
comme le même dieu que l'Apollon des Grecs et des Romains :
une inscription votive de Bourbonne-les-Bains porte en effet
DEO APOLLINI BORVONI. En réalité, Borvo ou Bormo était
une divinité indigète à laquelle nos plus anciens ancêtres consa-
crèrent plusieurs des eaux thermales qu'ils avaient su apprécier
et utiliser. Les monuments épigraphiques mentionnent, en effet,
le dieu Bormo aux stations de Bourbonne-les-Bains et d'Aix en
Savoie, et le dieu Borvo à Bourbon-Lancy, à Bourbon-l'Archam-
bault, et encore à Bourbonne-les-Bains. Il est probable que
toutes ces stations étaient désignées, au temps des Romains sous
le nom d'Aquae Bormonis — la Table de Peutinger atteste le
fait pour Bourbon-Lancy — ou d'Aquae Borvonis ; mais
chacune n'aurait, dans ce cas, gardé qu'une partie de son appel-
lation antique, car les noms de BourbOïl-Z-anc.?/ (Saône-et-Loire),
de 'Qo\XThow-l' Archanihaiilt (Allier), et de Bourbonne-/es-J5ams
(Haute-Marne) représentent le cas oblique du nom divin Borvo,
tandis que le vocable de la ville d'^ta^-les-Bains (Savoie) est la
transcription romane du latin A qui s, qui a également fourni les
noms d'^f'a^-en-Provence, d'^t.r-la-Ghapelle, de Dax (Landes),
anciennement Acqs, et à' Ax (Ariège).
466. Le dieu gaulois Grannus, connu par'sjdes inscriptions
rhénanes, était également assimilé à Apollon, témoin la dédi-
cace APOLLINI GRANNO, qu'on voit, gravée sur la pierre, k,
Erp (régence deGologne), à Neuenstadt (Wurtemberg) et à Hor-
bourg (Alsace). On lui consacrait, comme à Borvo, K^s sources
Les noms de lieu. 8
*H4 LES NOMS DE LIEU
thermales : de laie nom d'Aquae Granni, qui désigna Aix-la-
Chapelle jusqu'au temps de Gharlemagne. C'est sans doute aussi
ce nom divin que reproduit la dénomination de Grand (Vosg-es),
jadis Gra/i, localité bien connue des archéologues en raison des
vestiges romains qu'on y a découverts.
467. La dédicace APOLLINI VIROTVTI d'un autel romain
dont on a retrouvé les vestiges en 1844, près d'Annecy, fait con-
naître une autre des divinités indigètes qui furent, après la con-
quête romaine, assimilées à Apollon. Virotus ou Virotutes
paraît offrir l'explication du nom de Vertus (Marne), et de celui
d'une autre localité de la même région, Vertuelle, dont le nom
n'a pris la terminaison diminutive qu'à une date relativement
récente.
468. Vellaunus est une des divinités gauloises qui ont été rap-
prochées du Mercure romain ; on lit, en effet, sur un autel décou-
vert en 1857, dans le mur du cimetière d'Hiéres (Isère) : DEC
MERGVRIO VlCTORl MAGNIACO VEILAUNO. Sans doute
peut-on tirer de là l'explication du nom de Vellaunodunum,
que portait, au temps de Jules César, l'un des oppida des
Senones.
469. Le nom d'un autre Mercure gaulois, Artaius, figurait
sur un autel votif découvert au xviii^ siècle, près de Beaucrois-
sant (Isère) : MERGVRIO AVGVSTO ARÏAIO ; le lieu même
de cette découverte était appelé Artay. C'est peut-être à la
même divinité que le village d'Artaix (Saùne-et- Loire) doit son
nom.
470. Le dieu Vin tins, adoré .surtout dans la région alpestre
ou rhodanienne, était peut-être, en raison de cette circonstance,
une divinité ligure plutôt que gauloise. Certains traits caracté-
ristiques le (iront considérer comme une sorte de Mars^ d'où la
dédicace MARTI VINTIO trouvée à Vence (Alpes-Maritimes) ;
ailleurs, ou du moins à Seyssel (Ain), c'est à PoUux qu'on
l'assimilait, comme en fait foi la dédicace DEO VINTIO POL-
LVCI, gravée sur un autel découvert en ce lieu. Il est intéressant
de constater que le souvenir de l'un et l'autre des sanctuaires
auxquels on doit ces deux inscriptions s'est conservé dans le nom
de la ville d(^ Vence, el dans celui de Vence ou Vens, que porte
une coljine voisine de Sevssel.
ORIGINES ROMAlMiS : SANCTUAIRES H5
471. La déesse gauloise Belisama, assimilée à la Minerve
romaine dans une inscription de Saint-Lizier (Arièg-e), a égale-
ment donné son nom à plusieurs localités de notre pays. Du
moins, Belisama, accentué sur l'antépénultième, paraît être le
thème étymologique des noms de Bellême (Orne) et de Blesmes
(Aisne, Marne).
472. Il convient de citer encore la déesse Andarta, dont le
culte fut apparemment très populaire chez les Vocontii, puisqu'on
ne cite pas moins de huit inscriptions votives en son honneur :
DEAE ANDARTAE ou DEAE AVGVSTAE ANDARTAE
dans l'ancienne ville romaine de Die (Drôme) ou aux environs.
Toutes ces inscriptions font précéder le nom d'Andarta du titre
de « déesse », dea, sous lequel il est vraisemblable qu'on dési-
gnait vulgairement Andarta, puisque c'est de ce mot que vient le
nom même de Die.
473. En se bornant à n'envisager ici que des divinités dont le
culte et le caractère ne peuvent être discutés, on a voulu ne pas
risquer de considérer comme formés de noms divins, des noms
de localités qui ont, tout au contraire, servi à désigner les génies
protecteurs de celles-ci. C'est pourquoi on a passé sous silence
la déesse Bibracte, honorée au mont Beuvray, et les dieux
Aramo, Letinno, Nemausus et Vasio, honorés respective-
ment à Ara/non (Gard), à Lédenon (Gard), à Nîmes (Gard) et à
Vaison (Vaucluse).
XXVI
VOIES ROMAINES
474. Parmi les noms de lieu empruntés à diverses circonstances
du parcours des voies de l'Empire romain, il n'en est point dont
le sens soit moins douteux que celui des stations mentionnées
par les Itinéraires, sous les noms Ad Quintum, Ad Sextum,
Ad Septimum, etc. L'examen des textes qui les concernent
prouve que ces localités devaient leurs vocables à leur situation
sur une route, aux cinquième, sixième, septième... milliaire, par
rapport au chef-lieu de la cité dont elles dépendaient, car ces
adjectifs numériques étaient marqués sur le milliaire même, et
la numérotation commençait ordinairement au chef-lieu de la
cité, pour se terminer aux confins de son territoire. Les noms Ad
Quintum, Ad Sextum, étaient des locutions vulgaires pour
Ad quintum lapidem. Ad sextum lapidem.
475. Beaucoup d'autres localités, que n'indiquent pas les iti-
néraires romains, portaient des noms analogues. En Gaule, du
moins, on peut signaler quelques noms de lieu empruntés aux
milliaires des voies romaines qui, en dehors de la Province
romaine, étaient distants l'un de l'autre d'une lieue gauloise, soit
de 2.222 mètres, tandis que le mille romain, employé dans la
Province comme dans la plupart des parties de l'Empire, ne
mesurait <|ue 1.481 mètres. Voici ces noms de lieu, selon l'ordre
numérique :
476. Quartes, hameau de Pont-sur-Sambre (Nord), le locus
Quartensis de la Nolitia dujnilalum imperli romani, doit évi-
demment son nom au quatrième milliaire de la voie romaine de
Bavai à Reims.
477. Sixte, hameau de Michery (Yonne), mentionné, dès 803,
sous le nom de Sexta, était au sixième milliaire de la voie (jui,
de Sens, se dirigeait sur Paris.
478. Septême (^ Isère et Oytier (Isère), sur la voie anti(jue de
Vienne a Genève, sont situéii à sept et huit milles romains de
la première de ces villes, au territoire de laquelle ils apparte-
naient.
ORIGliNEvS ROMAINES : VOIES ROMAINES 117
479. Uchaud (Gard), situé à huit milles de Nîmes, sur la voie
Domitienne qui reliait cette ville à Narbonne, doit son nom à
Octavum. Cette dernière appellation désigne aussi, dans des
textes de l'époque franque, le bourg- actuel de Saint-Sympho-
rien-d'Ozon (Isère), au huitième milliaire de la voie de Lyon à
Vienne.
480. Ces exemples sont indéniables, car ils intéressent tous des
voies décrites par les textes itinéraires de l'époque romaine. Il y
a donc lieu de tenir compte des dénominations analogues, lors
même qu'elles s'appliquent à des localités placées sur des routes
qui ne figurent ni dans l'Itinéraire d'Antonin, ni dans la Table
de Peutinger ; c'est pourquoi le nom de Septêmes (Bouches-du-
Rhône), village situé sur le territoire de la civitas MassUiensium,
et à onze kilomètres, soit à sept milles romains de Marseille, sur
la roule qui conduit de cette ville à Aix, paraît être un indice
suffisant de l'origine romaine de cette voie de communication.
481. Il faut citer encore, comme se rapportant à des milliaires
romains, les noms de Tiercelieux (Seine-et-Marne) et de Carte-
lègue (Gironde), les localités qui sont appelées, dans les textes
du xiii" siècle, Tertia leuca et Quarta leuga.
482. Le mot mutatio, par lequel les Romains désignaient les
relais de poste, a aussi fourni à la toponomastique française
quelques noms : celui de Mulzon (Marne), village situé sur l'an-
cienne voie de Reims à Soissons ; et peut-être — car il s'agit d'une
localité située à trois kilomètres et demi au sud-est de la voie
Domitienne — celui de Mudaison (Hérault).
483. Le mot mansio, qui s'appliquait aux étapes, aux lieux
de gîte des voies romaines, -peut avoir contribué à former
quelques-uns des nombreux vocables topographiques où figure
le mot maison ; mais le sens plus vague de « demeure » qu'a
pris ce mot au cours du moyen âge commande à cet égard une
réserve absolue.
484. Par contre, on peut faire fond, dans les pays de langue
d'oïl du moins, sur les noms de lieu représentant le latin strata,
par lequel on désignait les grandes voies pavées de l'époque
romaine; ce mot, participe passé du verbe sterno, figurait à
118 LES NOMS DE LIEE
l'origine dans la locution via strata lapide ; il fut ensuite
employé seul, et c'est ainsi qu'en use Eutrope, dès le début du
IV® siècle. Répandu dans toutes les régions où dominèrent les
Romains, il se retrouve dans l'ancien français estrée, dans le pro-
vençal es^rac/e, dans l'espagnol es^rac^a, dans l'italien s/ra(7a, dans
l'allemand sfrasse et dans l'anglais street. Il importe d'observer
que le provençal estrade est encore usité communément de nos
jours, tandis que dans les pays de langue d'oïl, le mot estrée est
tombé en désuétude vers le xii*" et le xui*^ siècle ; c'est pourquoi
cette région est la seule où l'on puisse avec sûreté attribuer une
origine ancienne aux noms de lieu représentant le latin strata.
Voici ces noms, en ne tenant compte que des communes :
485. Estrée, Estrée-Cauc% (Pas-de-Calais),
486. Estrées (Aisne, Nord, Somme), Esirées-Deniécourf,
'Esivées-en-C haussée, Esivées- lès-Crécy (Somme), Estrées-/a-
Campagne (Calvados), Estrées-Sam/-Z)e/u's (Oise), Nolre-Dame-
(/'Estrées (Calvados).
487. Etrez (Ain).
488. Strée (Belgique, Hainaut et province de Liège).
489. Saint-Martin-hesiVdi (Loire), présentant une forme parti-
culière à la région méridionale du pays de langue d'oïl, qu'on
trouve aussi dans Etrat (Loire) et dans Etraz (Savoie, Haute-
Savoie).
490. Estréelles (Pas-de-Calais), Étrelles (Aube, lUe-et- Vilaine,
Haute-Saône), formes diminutives.
491. Ces noms sont lindice certain du passage de voies
antiques, on peut s'en rendre compte par l'examen des cartes à
grande échelle. C'est grâce à un Estrées, aujourd'hui disparu,
mentionné par des actes des xiv'" et xvi*^ siècles, et dont l'empla-
cement appartient au (inage de Montmirail (Marne), qu'a pu être
retrouvé un tronçon de la voie romaine, tracée sur la Table de
Peutinger, qui reliait Meaux à Bibe.
492. Le vieux mot français estrée a aussi servi à former
quelques noms de lieu composés : tels que, par exemple, Estrée-
Blanche '^ Pas-de-Calais) et Froidestrées l'Aisne). Le premier de
ces noms olfre un sens que Ton trouve dans un autre vocable
communal, Aubevoye (Eure), du latin Alba Via, le « blanc che-
min ». Le second, Fracta Strata, dans le latin du xii" siècle, et
alors en langue vulgaire Frète Estrée ou Fraite Estrée, signilie
ORIGINES ROMAINES : VOIES ROMAINES 119
littéralement « route brisée », et indique la situation du village
qui le porte à une légère déviation du tracé de la voie romaine,
de Bavai à Reims, si généralement remarquable par sa rectitude;
c'est donc, en quelque sorte, un synonyme du nom Courbevoie
(Seine), Curva Via.
493. Le mot strata avait pour synonyme le bas-latin cal-
ceata, originairement pris adjectivement, témoin l'expression
via calciata, relevée par du Gange dans une charte de 1043.
De là viennent les noms Chaussée dans la plupart des pays de
langue d'oïl, Gauchie, dans ceux de dialecte picard ou wallon,
Chaussade, dans la France centrale, Caussade dans les pays
de langue d'oc, qui sont, au point de vue du tracé des voies
antiques, des indices de même ordre que les noms de lieux septen-
trionaux dérivés du latin strata. Toutefois, comme les expres-
sions chaussée, cauchie, chaussade et caussade ont été employées
durant tout le moyen âge, et le sont encore aujourd'hui, elles ne
constituent point — à moins de désigner des localités d'une
ancienneté avérée — une présomption certaine d'antiquité pour
les voies auxquelles elles s'appliquent.
XXVII
NOMS COMMUNS DE LIEUX HABITÉS
494. Parmi les noms communs du vocabulaire latin s'appli-
quant à des lieux habités, le premier rang- hiérarchique appar-
tient au mot civitas. Ce mot désignait, à l'origine, une réunion
de citoyens, un corps de nation g'ouverné par ses propres lois ;
une évolution fort naturelle de langage, confondant de bonne
heure la nation avec la ville qui, en sa qualité de chef-lieu, en
était l'expression la plus autorisée, donne à civitas le sens de
« ville », du moins pour désig-ner ce chef -lieu : cette évolution
est parallèle à celle qui substitua aux noms primitifs de la plu-
part des chefs-lieux de cités romaines en Gaule les vocables de
ces cités, tel à Lutetia — pour ne citer qu'un exemple —
Parisii. Le mot civitas n'a jamais été employé à l'époque
romaine comme nom propre de ville, mais dès lors on désigna
sous ce nom commun les chefs-lieux des anciennes civitates, et,
lorsque ces villes eurent pris, plus tard, quelque extension,
civitas ou ses équivalents vulgaires, cité en langue d'oïl, cieutat
en langue d'oc, devint le nom particulier du quartier répondant à
l'emplacement de la cité romaine : on constate le fait à Paris, k
Troyes, k Carcassonne. Après la chute du monde romain, le nom
Civitas est resté attaché aux ruines ou à l'emplacement des
anciennes villes romaines détruites par les invasions : de Ik le
nom de Cieutat (Gers, Hautes-Pyrénées), qui s'applique d'une part
k l'emplacement d'ii/w.sa, aujourd'hui Eauze, ancienne métropole
de la Novenipopulanie, d'autre part au chef-lieu primitif de la
cité de Bigorre. La ville de la Ciotat (Bouches-du-Rhône) n'oc-
cupe pas, k la vérité, l'emplacement d'un chef-lieu de civitas;
mais son site est celui d'une localité antique, le ])ort de Citha-
rista, qui fut, croit-on, une colonie des Grecs de Marseille, et le
nom qu'elle porte lui fut donné, au xiii* siècle, en raison des nom-
breux vestiges de l'antiquité qu'on y voyait alors. C'est ainsi
(|u'aux environs de Tréguier (Cotes-du-Nord), une autre localité
antique, bitwj connue des archéologues de la région, reçut, au
ORIGI^ES KOMAI^ES : ^OIMS COMMUNS 121
moyen âge, le nom de Coz-Guéodel, c'est-à-dire c la vieille
cité », guéodel étant l'équivalent breton du latin civitas.
495. Le nom de Colonia, donné par les Romains à la plu-
part des villes où ils établissaient des colons, était plutôt, à pro-
prement parler, un nom commun qu'un nom propre, et l'on y
joignait ordinairement un ou plusieurs déterminatifs ; ces noms
n'ont pas, le plus souvent, laissé de traces dans la toponymie
actuelle, parce qu'ordinairement ils n'ont pu faire oublier le nom
primitif de la ville, qui bientôt a repris le dessus : c'est ce qui
est arrivé, par exemple, pour Narbonne, Garcassonne, Nîmes,
Toulouse, Vienne, Lyon. Toutefois une ancienne colonie de
Gaule porte aujourd'hui un nom qui rappelle son ancienne qua-
lité : c'est la ville de Cologne, appelée en allemand Kœln, dont
le nom latin, Golonia Agrippina, lui avait été donnée en
l'honneur d'Agrippine, femme de l'empereur Glaude. En Angle-
terre, Lindum Golonia est devenu Lincoln.
496. Le mot latin castrum, par lequel on désignait une for-
teresse ou une ville fermée, a fourni à la France plus d'un nom
de lieu, car il est le thème étymologique de Castres (/Visne,
Gironde, Tarn), forme commune au dialecte picard et à la langue
d'oc, de Chastres (Cantal), et de sa notation moderne, conforme
au dialecte français. Châtres ' (Allier, Aube, Gorrèze, Greuse,
Dordogne, Loir-et-Gher^ Mayenne, Nièvre, Seine-et-Marne,
Haute- Vienne), enfin de Chestres (Ardennes), variante emprun-
tée à la région lorraine.
497. Si les noms de lieu représentant castrum peuvent, en
raison de la désuétude précoce de ce mot, qui n'a rien donné à
la langue française, être considérés comme remontant à l'époque
romaine ou aux premiers siècles du moyen âge, il n'en est pas de
même de ceux qui répondent au latin castellum, ce nom com-
mun étant passé dans le langage vulgaire, sous les formes rastcl,
câiel, châtel, châté et château. Gependant, on pourrait citer plus
d'une localité dont le nom moderne remonterait véritablement à
l'époque romaine : tel est, du moins, le cas de Cassel (Nord), le
Castellum Menapiorum de la Table de Peutinger, et de Kas-
l. Ce nom fuL, jusqu'en 1720, celui du boury dAi-pajou ^Seiue-el-Oise).
122 LES NOMS DE LIEU
sel (Pays-Bas. Limbourg), qu'Ammien Marcellin appelle Cas-
tellum.
498. Oppidulum, diminutif d'oppidum, est le thème éty-
mologique du nom d'Oppède (Vaucluse), qui ne saurait venir
d'oppidum, accentué sur l'o.
499. La locution latine muro cinctus, désignant une localité
entourée d'une muraille, est devenue un nom de lieu assez fré-
quent en Gaule, et qu'on trouve employé au iv^ siècle par
Ammien Marcellin sous une forme féminine, Murocincta,
comme le nom propre d'une ville de la Basse-Pannonie. Muro
cinctus est en France le thème étymologique des noms de
Mursens fLot). localité célèbre par les vestiges d'un oppidum
gaulois, de Murcin (Allier), de Morsan (Eure), de Morsang-sur-
Orge eilAoTsanq-sur-Seine (Seine-et-Oise), de Morsans (Eure-et-
Loir), de Morsant Loire), de Morsent (Eure), de Mulcent (Seine-
et-Oise), de Meursants (Indre), de Mercin (Aisne), de Meurchin
(Pas-de-Calais et de Morchain (Somme).
500. De même que Mursens doit son nom à une ancienne
muraille gauloise, Murviel (Hérault) doit le sien à de curieux
murs d'enceinte en pierres sèches, de trois mètres d'épaisseur,
certainement antérieurs à la conquête romaine : ce nom, repré-
sentant un thème étymologique, Murus vetulus, a pour syno-
nymes Vielmur (Cantal, Maine-et-Loire, Tarn) et l'espagnol
Murviedro, qui procède de Murum veterem.
501. Semur (Côte-d'Or, Saône-et-Loire, Sarthe), peut être
rapporté à un primitif senex murus — on a la forme carolin-
gienne Senmurus — plus vraisemblablement qu'à sine muro,
imaginé par des clercs du moyen âge.
502. Des noms qui précèdent il est peut-être intéressant de
rapprocher celui de Frémur (Maine-et-Loire), qui répond à
Fractus murus.
503. C'est encore à d'anciennes murailles, murs d'enceinte
probablement, qu'est dû le bas-latin murittum, « petit mur »,
(ju Ou trouve dans des chartes du ix'' siècle, et qui est la forme
originelle des noms de lieu Muret (Aisne, Aveyron) et Moret
('SeiiH'-et-Marnc.
504. Le mot latin lOrum, (jui désignait priniilivemenl une
()rr;imvs romaines ; noms communs 128
place publique, un marché et tout entrepôt de marchandises, a
été fréquemment combiné avec des noms propres dhomme, par-
fois avec des adjectifs, pour former des noms de lieu ; mais un
petit nombre seulement de ces noms ont subsisté à travers les
siècles : tels sont cependant, en Italie Forum Livii, Forum
Popilii, Forum Sempronii, Forum novum, aujourd'hui
Forli, Forlimpopoli, Fossombrone et Fornovo, que nous appelons
Fornoue. En Gaule, oîi les documents de l'époque romaine nous
font connaître au moins sept noms géographiques ayant Forum
pour premier terme, on ne peut signaler comme renfermant ce
mot que les trois seuls vocables de Feurs (Loire), de Four-
vières (Rhône) et de Fréjus (Var). La première de ces localités
représente le chef-lieu de la nation des Segusiavi^ mentionné dans
les itinéraires, sous le nom de Forum Segusiavorum, dont le
premier terme est le thème étymologique du vocable moderne
Feurs et la racine du dérivé Forez, Forense. Fourvières, quar-
tier de Lyon, doit son nom à un cas oblique, tel que Foro
veteri, de Forum vêtus. Quant à FréjUS, qui a pour origine un
entrepôt établi par Jules César pour les besoins de son armée des
Gaules, son nom représente le latin Forum Julii, qui a dû pas-
ser par un intermédiaire Feurjiis, avant de revêtir la forme
actuelle, résultant d'une métathèse de Yr.
505. Le nom commun vicus, qui désigne en latin un centre
de population non fortifié, c'est-à-dire une bourgade ou un gros
village, a formé le nom d'un bon nombre de localités de France
qui remontent, sinon à l'époque romaine, tout au moins à
l'époque franque : Vy (Haute-Saône), Vic (Aisne, Ariège, Can-
tal, Côte-d'Or, Gard, Gers, Hérault, Lot, Puy-de-Dôme, Hautes-
Pyrénées), Vicq (Allier, Dordogne, Indre, Landes, Haute-Marne,
Nord, Seine-et-Oise, Vienne, Haute-Vienne), et les diminutifs
Viel (Ardennes), Vieu (Ain) et Vieux (Ardennes). Parfois vicus
a remplacé un vocable plus ancien, ce qui est arrivé pour Vieu,
anciennement Venetonimagus.
506. Combiné avec l'adjectif no vu s, vicus a produit Neufvy
(Oise), Neuvy (Allier, Cher, Eure-et-Loir, Indre, Indre-et-Loire,
Loir-et-Cher, Loiret, Maine-et-Loire, Marne, Nièvre, Orne,
Saône-et-Loire, Sarthe, Deux-Sèvres, Yonne), Neuvic (Corrèze,
Dordogne, Haute-Vienne), Neuvicq (Charente-lnl'érieuro), et, les
12i LES NOMS DE LIEL'
deux termes étant disposés dans l'ordre inverse, Vigneux (Seine-
et-Oise) et Vinneuf (Yonne). Vêtus vicus, désignation qui paraît
avoir été appliquée, pendant la période franque, à d'anciens vici
romains abandonnés par leurs habitants, a donné Viévy (Côte-
d'Or, Loir-et-Cher. Loiret), Vivy (Maine-et-Loire), Vieuvy
(Mayenne), Vieuxvy et son diminutif Vieuxviel (lUe-et- Vilaine),
Vieuvicq (Eure-et-Loir).
507. En combinaison avec long-us, vicus est le thème éty-
mologique de Longvic (Gôte-d'Or) et de Longwy (Jura, Meurthe-
et-Moselle).
508. Il existe encore en France un certain nombre d'autres
noms géographiques comprenant, avec vicus comme élément,
soit initial, soit final, un nom de rivière :
509. Vicus Axonae, au passage, sur l'Aisne, de la voie
romaine de Reims à Verdun, est aujourd'hui Wenne-la-Ville
(Meuse), que jusqu'au xvi" siècle on a appelé Viaisne.
510. Vicus Brigiae répond à Vibraye (Sarthe), situé à l'en-
droit où un chemin antique, conduisant du Mans à Chàteaudun,
traversait la Braye.
511. Vicus Sipiae, aujourd'hui Visseiche (lUe-et- Vilaine),
est construit au lieu où la voie romaine d'Angers à Rennes, pas-
sait la Seiches, soit à l'emplacement de la station itinéraire que
la Table de Peutinger désigne simplement sous le nom de la
rivière, Si pi a.
512. Vicus Vedonae, à présent Vivonne (Vienne), se trouve
sur la voie de Poitiers à Saintes, au passage de l'aflluent du Clain
qu'on appelle la Vonne.
513. Blesae vicus, actuellement Blévy (Eure-et-Loir), est
situé au point où un chemin antique, allant de Chartres à Lisieux,
franchit la Biaise, affluent de l'Eure.
514. Duiiiae vicus, aujourd'hui Dennevy (Saône-et-Loire),
est sur la voie romaine d'Autun à Chalon-sur-Saône, au lieu où
elle passe la Dheune, affluent de la Saône.
515. Mosae vicus, l'actuel Meuvy (Haute-Marne), s'élève au
passage, sur la Meuse, d'un chemin antique dans lequel certains
auteurs ont voulu reconnaître la voie romaine de Langres à Toul.
516. De l'ensemble des sept ikhhs <pii précèdent, il paraît
résulter fju'ils ont été donnés aux localités (pii les portent, de pré-
férence à toutes autres situées sur les mêmes cours d'eau, en rai-
ORlGliN'ES ROMAINKS '. NOMS COMMUNS \ '2o
son de l'importance qu'elles avaient pour les voyag-eurs : on a
vu, en effet, qu'elles sont toutes situées sur le parcours de voies
antiques. D'ailleurs, les itinéraires de l'Empire romain indiquent
plus d'un relai de poste désigné uniquement par le nom de la
rivière sur laquelle il était situé, et que la voie traversait en cet
endroit : à l'exemple, cité plus haut, de Sipia, s'ajoutent, en
Gaule, ceux de Larga, Mosa, Vanesia et Vidubia, noms
appliqués à des stations situées au passage de la Largue, en
Alsace, de la Meuse, de la Baise et de la Vouge.
517. Le nom commun villa, par lequel on désignait un
domaine rural, et qui est entré, à l'époque franque, dans la com-
position d'un grand nombre de noms de lieu, ne paraît guère
avoir été employé au même usage à l'époque i^omaine, ce qui se
comprend aisément, puisque la plupart des noms de domaines
ruraux étaient alors formés sur les noms des possesseurs, et par-
ticulièrement sur leurs gentilices. Cependant, il est possible que
les noms de Villeurbanne (Rhône) et de Villorbaine (Saône-et-
Loire) remontent à l'époque romaine, puisque villa urbana,
au témoignage de Golumelle, désignait alors, dans une maison
de campagne ayant une exploitation, l'habitation du propriétaire.
Ces noms seraient donc les synonymes romains des noms Ville-
demanche, Villedornange, Demangeville et Dimancheville, villa
dominica ou dominica villa, « la demeure du maître », qui
datent de l'époque franque.
Mais si le mot villa n'entre pas, ou n'entre que rarement, dans
la composition des noms de lieu romains, il en va tout autrement
des noms communs qui désignaient des habitations rurales d'un
caractère plus humble : colonica, attegia, stabulum et
t a b e r n a .
518. Dérivé de col o nus, colonica désignait une maison de
cultivateur ou de paysan ; dès l'époque mérovingienne, ce mot
était altéré en colonia, comme le prouve notamment un passage
des Miracula sancii Juliani de Grégoire de Tours. De là, les
noms de lieu : la Coulonche (Orne), CoUorgues ^Gard), Col-
longues (Alpes-Maritimes, Hautes-Pyrénées), Collonge (Saône-
et-Loire), la Collonge (Haut-Rhin), Collonges i^Ain. Corrèze,
Côte-d'Or, Rhône, Saône-et-Loire, Haute-Savoie), Coulonges
126 LES KOMS DE LIEU
(Aisne, Charente, Charente-Inférieure, Eure, Orne, Deux-Sèvres,
Vienne), et, caractérisés par l'altération du son nasal, Collanges
(Puv-de-Dôme), la CoUange et les Collanges, noms d "écarts fort
répandus en Auvergne et dans les pays voisins, et Goulanges
(Loir-et-Cher, Nièvre, Yonne). C'est aussi de Colonie a, altéré
en Colonia, que proviennent les noms de Cologne (^ Aisne, Cher)
— dont l'origine diffère conséquemment de celle du nom de la
célèbre ville rhénane — de Coulogne (Pas-de-Calais) et de Cou-
laines (Sarthe).
519. Le mot attegia désignait, au dire de Papias, les huttes
des Maures ; mais il s'appliquait aussi à des constructions moins
primitives, témoin l'inscription : DEO MERCVRIO ATTEGIAM
ÏEGVLITIAM COMPOSITAM SEVERINVS SATVLLINVS
EX VOTO POSVIT ; il paraît être devenu un nom de lieu assez
fréquent en Gaule : Athée (Côte-d'Or, Indre-et-Loire, Mayenne),
Athie (Côte-d'Or, Yonne), Athies (Aisne, Pas-de-Calais,
Somme), Athis (Marne, Orne, Seine-et-Oise), sans compter
Etiolles (Seine-et-Oise), qui suppose un diminutif Attegiolae.
520. Le mot stabulum avait en latin, entre autres sens, ceux
d" " étable » — ce mot français en est dérivé — de a chau-
mière )), d' « auberge » : ce dernier sens paraît résulter de ce que
les textes itinéraires indiquent des stations appelées Stabulum,
Stabulum novum, Stabula. Ce mot est le thème étymolo-
gique des noms suivants Estables (Lozère), les Estables (Haute-
Loire , Étable (Savoie), Étables (Ain, Ardèche, Côtes-du-Nord,
Seine- Inférieure), Etaules (Charente -Inférieure, Cùte-d'Or,
Yonne), Etaves (Aisne), anciennement Estavles, et le diminutif
Establet (Drôme).
521. Dérivé du hitin archaïque taba, « planche », le mot
taberna, qui désignait une cabane, une chaumièi'e, une auberge,
avait sans doute ce dernier sens dans les noms Tabernae, Très
Tabernae qu on rencontre à plusieurs exemplaires dans l'Itiné-
raire d'Antonin. Tabernae est le thème étymologi(iue de
Tavernes (Var), de Saverne (Alsace), do Rheinzabern (Bavière
rhéiuine) et de Tavers (^Loiret).
I
XXVIII
COLONIES BARBARES ET ÉTRANGÈRES
522. Les Goths ayant été défaits, en 270, par Terapereur
Claude, surnommé depuis le Gothique, ceux d'entre eux qui sur-
vécurent entrèrent dans la milice romaine ou cultivèrent les
terres de l'Empire. En 277, Probus ayant vaincu les Germains,
fît cultiver les champs des Gaules par les prisonniers de cette
nation. En 291, les Francs, reçus dans l'Empire, furent établis
par l'empereur Maximien dans les terres en friche des Nerviens
et du pays de Trêves ; et, cinq ans plus tard, les victoires de
Constance Chlore forcèrent les Chamaves, les Frisons et d'auti*es
peuples barbares à porter les armes et à travailler pour les
Romains. Ce furent, en particulier, ces peuples qui cultivèrent
les terres désertes dans les cités d'Amiens, de Beauvais, de
Troyes et de Langres. Les Eduens reçurent aussi, de la Bretagne
subjuguée, des artisans qu'ils employèrent à restaurer leurs édi-
fices. En 358, Julien incorpora dans l'armée romaine des Francs
Saliens, des Quades et des Chamaves, ainsi que d'autres Ger-
mains établis dans l'île des Bataves, au milieu du Rhin. Vers la
fin du i\° siècle, les riverains de ce fleuve, ayant été contraints,
par les succès de Stilicon, de renoncer à leur vie sauvage, les
Francs Saliens qui se trouvaient parmi eux s'adonnèrent à l'agri-
culture; et les Sicambres, dont les épées, suivant l'expression
du poète Claudien, se recourbèrent en faux, rendirent leur pays
si fertile, que le voyageur, en contemplant les deux rives du
fleuve, demandait quelle était celle des Romains.
Divers historiens, et parmi les plus modernes Amédée
Thierry, dans son Tableau de VEmpire romain, ont étudié la
condition du Barbare admis en Gaule à l'état de « lète ». 11
devait d'abord obtenir une concession de l'empereur ; et, tendant
à créer des centres de population, le gouvernement favorisait,
selon toute apparence, les immigrations par familles. Une lois
admises, les familles étaient groupées en villages, dont l'ensemble
formait une préfecture administrée par un magistrat — ijraefcc-
128 LES NOMS DK LIICL"
(as — moitié militaire, moitié civil, présidant à la fois à l'exploi-
tation agricole de la contrée et à Torganisation militaire des
colons. Le lète, à son installation, trouvait dans la colonie le
bétail et les instruments de culture nécessaires. Chaque préfec-
ture ou chaque quartier d'une grande préfecture était muni d'un
champ dé manœuvres pour les exercices militaires, et aussi d'écoles
où s'enseignaient la langue et les lettres latines ; c'était une
pépinière de futurs citoyens romains, car, à la différence du
« déditice », qui était originairement un prisonnier de guerre, le
lète pouvait devenir romain de plein droit ; on le voit, au
ly^ siècle, changer souvent son nom germanique pour un autre
entièrement latin, ce qui contribuait à etfacer son origine ; ainsi
firent Alagnentius et Decentius, qui, de 3S1 à 3o3, revêtirent la
pourpre impériale en Gaule, et Sylvanus qui, à son tour, fut pro-
clamé auguste en 355. Mais, en revanche, les lètes mirent en
circulation, dans le monde romain, un certain nombre de
noms propres d'origine germanique : c'est ainsi qu'à Nanterre
deux époux, vraisemblablement d'origine létique, Gerontius et
Severa, donnèrent le nom de Genovefa à leur fille, que l'Eglise
honore sous le nom de sainte Geneviève.
La \otilia dignitatum imperii romani ' mentionne, en Gaule,
divers cantonnements de Lètes et de Sarmates ; malheureusement
le paragraphe qui les concerne, dans le chapitre xlii de la partie
consacrée à l'Occident, est incomplet. Elle indique le préfet des
lètes francs à Rennes, des préfets de lètes suèves à Coutances,
au Mans et à Glermont en Auvergne, des préfets de lètes bataves
à Baveux, à Arras et à No\'on, le préfet des lètes teutoniciens à
Chartres, le préfet des lètes Ac/i à Ivoy, aujourd'hui Carignan
(Ardennes), et celui des lacti Lagenses auprès de Tongres.
D'autres lètes sont désignés par le nom de la cité gauloise dans
laquelle ils avaient été re^us : laeti Lingonenses, alors dispersés
dans la Première Belgique, et qui avaient eu pour première
demeure le territoire de Langres ; laed Nervii, dont le préfet
résidait encore en pays nervien, à Famars, près de ^'alenciennes.
Enfin, d'autres lètes, dont le préfet était à Reims ou à Senlis,
1. Du Chosiio, Ilisturi.r Francuriiin ncriplorcs cou'lanoi, I, l-'t; voir l'iii-
(licîilion des autres éditions de la JSotilin diffuUntinn dans l'olllmsl, liiltlio-
Iheca hislorica medii .tvï, 2* éd., Il, 868.
omr.lNKS UOMAI.NES : COLOiMES KTHANGÈRKS 129
sont disting-ués simplement par la qualification gentiles, sans
doute — on reviendra bientôt sur ce point — parce qu'ils tiraient
leur origine de diverses populations germaniques.
523. Les établissements des Sarmates — cette appellation
désignait les colons d'origine scvthique — n'étaient pas, comme
les établissements létiques, particuliers à la Gaule, la Notitia
dignitatum n'en mentionnant pas moins de quinze pour l'Italie
La Gaule avait les siens sur les territoires de Poitiers, de Langres,
et peut-être d'Autun, dans la région comprise entre Reims et
Amiens, dans celle qui sépare Paris de Vézelay, et dans plusieurs
autres contrées encore. Ceux de Poitiers étaient mélangés à des
Taifali, tribu d'origine gothique. Les Sarmates étaient, comme
les lètes, sous la direction supérieure du maître de l'infanterie.
524. Ces indications de la Notitia dignitatum sont fort pré-
cieuses, mais malheureusement trop vagues et fragmentaires; du
moins, elles peuvent être utilement complétées par des témoi-
gnages remontant aux premiers siècles du moyen âge, et surtout
par la toponomastique.
525. Les Taifali, ces hommes de race gothique, qui, au début
du v*^ siècle, étaient soumis au même préfet que les Sarmates du
Poitou, conservaient encore leur individualité dans la seconde
moitié du siècle suivant, et habitaient alors la partie de l'an-
cien territoire de Poitiers qui, détachée plus tard du Poitou,
avoisinait la Loire entre Angers et Nantes : les Taifali, au rap-
port de Grégoire de Tours, vinrent, peu après 561 , attaquer
Chantoceaux, sur la rive gauche de la Loire. Or, la partie du
Poitou, où ils constituaient une part importante de la population,
fut appelée de leur nom pagus Taifalicus, vocable qu'on ren-
contre au x*^ siècle sous la forme altérée pagus Theofalgicus,
et qui subsiste aujourd'hui dans le nom de Tiffauges ('Vendée),
vraisemblablement l'ancien chef-lieu de cette population barbare.
526. C'est là un exemple avéré d'un nom de région formé sur
le vocable dune population barbare établie en Gaule au cours de
la période impériale. Peut-être faut-il attribuer une origine ana-
logue aux noms de plusieurs circonscriptions administratives
formées à l'époque franque du démembrement de la cit(? de
Langres et de celle de Besançon : le pagus Attoariorutn ot ses
voisins orientaux, le pagus Aniaus ou Comavoruin, le pagus
Varascus ou Warascorum et le pagus Scodingus ou Srotingo-
Les noms de, lieu. 9
i30 I-ES NOMS DE LIEU
rum. Le pagus Aitoariorum, dont le nom ne s'est pas conservé
jusqu'à nous, — dans la toponomastique s'entend, car on peut
en rapprocher le nom de famille Atui/er — rappelle le souvenir
d'une population, sans doute apparentée aux Hessois — les
Chatti de Tacite — et dans laquelle on est tenté de reconnaître
les barbares que Constance Chlore, au dire de son panég-yriste
Eumène. établit sur le sol des Lingones. Le nom du pagus
Amaus — pagus Gomavorum pour Camavorum, dans un
texte du viii*' siècle — évidemment formé sur celui des Chamaves,
se reconnaît dans le surnom de Siaint-Vivant-en-kmows, (Jura),
de même que l'on trouve, dans celui de Sceg-en-Yaray (Doubs),
trace du pagus Varascus, qui devait son nom aux Warasci,
population mentionnée dans un texte hagiographique du
vii^ siècle. Enfin le nom du pagus Scodingus, formé sur celui
d'une population qu'un chroniqueur du vu'' siècle appelle Sco-
t in Sri. a revêtu au xiii'' la forme Escucns. Mais faute de témoi-
gnages aussi significatifs que celui de la Notitia dignitatiim au
sujet des Taifali, on ne peut affirmer avec certitude que l'éta-
blissement en Gaule des Hattuarii, des Chamavi, des Warasci
et des Scotingi remonte à l'époque romaine.
527. Parmi les articles de la Xotilia dignitatum, dont on a lu
plus haut le résumé, celui qiii se rapporte aux laeti gentiles dont
le préfet résidait, soit b Reims, soit à Senlis, est aussi celui pour
lequel les noms de lieu fournissent le commentaire le plus élo-
quent.
528. Dans la banlieue occidentale de Reims, où elles sont dis-
posées en demi-circonférence, on remarque les localités dénom-
mées Bourgogne, Auménancourt, "Villers-Franqueux, Gueux et
Sermiers, ainsi qu'une voie antique, le chemin de Barbarie.
Bourgogne, en latin Burgundia ou Burgondia, indicjue la
rési(U'nc(' d'individus appartenant à la race des Burgondes. Le
nom d'Auménancourt, qui, dans plusieurs textes carolingiens, se
présente sous les formes Curtis A lama n no rum ou Al aman-
no rum (hirtis, désigne un domaine rural ou un village habité
j)ar (les individus de race alamanniquo. Le sens de Villers-Fran-
queux, Villa re Francorum, n'est pas moins transparent.
Gueux, dans le Polvptique de Saint-Remy de Reims, dressé au
milieu du ix*" siècle, est appelé Gothi. Quant au vocable de
ORIGINES HUMAINES : COLONIES ÉTRANGÈRES 11^1
Sermiers, Sarmedus dans le même document, il paraît repré-
senter le nom des Sarmates. Enfin le nom du chemin de Barba-
rie, voie antique tracée au pied de la Montagne de Reims et
rejoignant la voie de Soissons, est des plus intéressants. Ce che-
min est, en eftet, mentionné deux fois dans les écrits de l'arche-
vêque Hincmar ; daus une lettre que ce prélat écrivit, entre 849
et 857, à Pardule, évêquede Laon, il est question de la via j uxta
montes Remorum que vocatur Barbaria ; et dans la Vie
de saint Remy, parlant de cette voie comme existant au v'' siècle,
Hincmar ajoute : Quae usque hodie, propter Barbarorum
per eam iter, Barbarica nuncupatur. L'explication contenue
dans ces derniers mots paraît erronée : ce n'est certainement pas
à une circonstance aussi fugitive que le passage de l'armée de
Glovis que le chçmin de Barbarie doit un nom aussi tenace, et
celui-ci ne peut s'expliquer que par un séjour permanent de Bar-
bares, à l'ouest de Reims. Lorsqu'on rapproche, de l'existence d'un
établissement de lètes sur le territoire rémois, les noms de lieu qui
viennent d'être passés en revue, et que l'on constate que le che-
min de Barbarie desservait Sermiers et Gueux, on voit bien qu'il
n'y a pas là une coïncidence simplement fortuite. Les laeti gen-
tiles de cette région appartenaient vraisemblablement aux
nations les plus diverses, d'où l'impossibilité de les désigner par
un ethnique quelconque : sans doute, il faut, dans les Burgondes
de Bourgogne, les Alamans d'Auménancourt, les Francs de
Villers-Franqueux, les Goths de Gueux et les Sarmates de Ser-
miers, reconnaître à la fois les laeti gentiles de la Notitia digiii-
tatum, et les Barbares dont le chemin de Barbarie conserve un
vague souvenir.
529. De ce que le préfet des laeti gentiles résidait tantôt à
Reims et tantôt à Senlis, il semble résulter qu'une partie de ces
colons barbares étaient établis vers la seconde de ces villes.
Eiïectivement, un diplôme royal, en date de 920, mentionne
dans le Sellentois une villa Almannorum, qui rappelle
Auniénancourt ; et d'autre part, à une huitaine de lieues à l'est-
sud-est de Senlis, une petite localité porte le nom de Gueux,
vocable dont le Polyptique de Saint-Remy permet de pénétrer
l'origine en tant qu'il s'applique à un village des environs de
Reims.
530. Faut-il voir dans le nom d'Allemagne (Calvados), du
132 LES NOMS DE LIEU
latin Alamannia, et dans celui d'Almenêches (Orne), du bas-
latin Alamannisca, quelques souvenirs des le tes de nation
suévique. dont les préfets résidaient à Baveux et au Mans? On
peut alléo^uer en faveur de cette hypothèse la confusion qu'on
faisait volontiers, au début du moyen âge, entre les Suèves et les
Alanians. Toujours est-il que ces noms indiquent incontestable-
ment l'origine germanique des localités qu'ils désignent.
531 . Des constatations qui précèdent, il résulte clairement
qu'à l'époque romaine, ou tout au moins au début du moyen âge,
les dénominations ethniques pouvaient fournir cinq variétés de
noms de lieu :
l** Le nom même de la nation ou de la tribu : Gothi, Gueux ;
Sarmatae, Sermiers ;
2° Le nom de nation ou de tribu combiné avec le suffixe -ia,
servant d'ordinaire à former des noms de régions : Burgundia,
Bourgogne; Alamannia, Allemagne;
3° Le nom de nation ou de tribu combiné avec le suffixe latin
-icus, -icum, -ica, à laide duquel on forme ordinairement des
adjectifs : Taifalicus ou Taifalica, Tiffauges;
4° Le nom de nation ou de tribu combiné avec le suffixe ger-
manique qui est usité encore aujourd'hui sous la forme -isch,
notamment pour former des adjectifs ethniques : Alamannisca,
Almenêches ;
5° Le nom de nation ou de tribu employé au génitif, et com-
biné conséquemment avec un nom commun : Alamannorum
cortis, Auménancourt ; Villare P'rancorum, Mllers-Fran-
queux.
Cette théorie établie, il convient de passer à l'examen des
noms de lieu d'origine semi-barbare, et remontant très probable-
ment à répof{ue romaine, qu'offre la nomenclature géographique
de notre p.'tys.
532. Aux Sarmates, indépendamment du nom de Sermiers
on doit ceux de Sarmazes (Orne), de Sermaise (Maine-et-Loire,
Oise, Saône-et-Loirc, Seine-et-Marne, Seine-el-Oisc), de Ser-
maises (Loiret), de Sermaize (Marne), de Sermoise (Aisne,
Aube, Nièvre, Yonne), de Salmaise (Côte-d'Or), de Saumaise
(Côle-d'Or;, de Charmasse ^Saùnc-ct-Loin") — (|ue, vers 1300,
ORIGINES ROMAINES : COLONIES ÉTRANGÈRES 133
on appelait Sarmace ou Salmace — représentant le thème Sar-
matia, et auxquels on peut joindre le diminvitif Seriïlizelles
(Yonne). De même que Taifalica a donné Ti ff auges ^ de même
Sarmaticum aura donné Sermages (Nièvre).
533. Le nom des Alamans paraît avoir produit un plus grand
nombre de noms de lieu primitifs, mais pour désigner de moins
nombreuses localités : A la m an ni, AUemans (Dordogne, Lot-
et-Garonne), Allemant (Aisne, Marne) ; Alamannia, Allemagne
(Basses-Alpes, Calvados), AUemogne (Ain) ; Alamannicum
ou Alamannica, AUemanche (Marne); Alamannisca, Alme-
nêches (Orne); Alamannorum curtis, Auménancourt-/e-
Grand et Auménancourt-/e-Pe/i7 (Marne) ; Villa Alamanno-
rum, dont l'emplacement, en Sellentois, n'a pas été déterminé.
534. Le souvenir des Alains qui fondèrent en Gaule, au
v*' siècle, quelques établissements de peu d'importance, notam-
ment dans le Valentinois et l'Orléanais, se retrouve dans le nom
d'AWdiin-aux-Bœiifs (Meurthe-et-Moselle), représentant Alani,
et dans ceux, ayant pour thème étymologique Alania, d'Alagne
(Aude) et d'Allaines (Eure-et-Loir, Somme) : on remarquera
qu'une de ces dernières localités appartenait au diocèse d'Or-
léans, territoire que les Alains occupaient lors de l'invasion
d'Attila.
535. Formé sur le nom des Burgondes, Burgundia est, on le
répète, Bourgogne (Marne), tandis que l'ethnique Burgun-
diones est représenté par Bourguignon (Aisne, Doubs) et Bour-
guignons (Aube).
536. Le souvenir des colons francs de la Gaule romaine sub-
siste dans les noms de lieu modernes qui ont pour thèmes étymo-
logiques Franci, ad Francos, Francs (Gironde), Frans (Ain);
Franeia, France; Francorum campus, Francor champs (Bel-
gique, province de Liège); Francorum villa, Francourville
(Eure-et-Loir), Franconville (Seine-et-Oise), anciennement
Francorville ; Villa Francorum, Villefrancœur (Loir-et-
Cher); Villare Francorum, Villers-Franqueux (Marne).
537. La mémoire des Goths est conservée dans un assez grand
nombre de noms de lieu, dont les plus méridionaux rappellent
vraisemblablement le souvenir des Wisigoths, qui dominèrent un
moment sur toute la Gaule d'outre-Loire, tandis que les plus
septentrionaux sont bien plutôt d'origine romaine, ou pour mieux
131 LES NOMS DK LIEU
dire, létique ; mais il ne paraît guère possible de les distinguer
ici. La forme primitive de ces divers noms de lieu est Gothi,
Vallis Godesca, Mons Gothorum, Gothorum villa, Villa
Gothorum, Mors Gothorum. On a vu que Gothi a produit
Gueux (Marne, Oise) ; le nom de Vallis Godesca, qui désignait,
à l'époque carolingienne, une localité de la Septimanie, doit être
signalé parce qu'il présente un adjectif formé sur le nom des
Goths au moyen du suffixe germanique ; Mons Gothorum est
le thème étymologique du nom de Montgueux (Aube) ; Gotho-
rum villa, nom de lieu assez fréquent dans les contrées d'outre
Loire, qui ont été soumises pendant un temps plus ou moins long
aux Wisigoths, a parfois été remplacé au moyen âge par d'autres
noms de lieu : dans le Toulousain par Escatalens (Tarn-et-
Garonne), dans leRoussillon par Mailloles ;Pjrénées-Orientales) ;
là où il s'est maintenu, il se présente sous des formes variées, toutes
conformes, d'ailleurs, aux lois phonétiques des régions auxquelles
elles appartiennent : Goudourville (Tarn-et-Garonne), Goudour-
vielle (Gers), Gourville (Charente, Loiret, Seine-et-Oise) et son
diminutif Gourvillette (Charente-Inférieure) ; Villa Gothorum
est l'origine du nom de Villegoudou (Tarn) ; enfin Mors Gotho-
rum, nom cité par l'Astronome, historien de Louis le Pieux, et
qui rappelle sans doute un désastre subi par les Wisigoths, est
le thème étymologique du nom de Morgoudou (Tarn).
538. Aucun document de l'époque romaine parvenu jusqu'à
nous ne parle de Marcomans cantonnés en Gaule. Le nom de
cette tribu suévique, chassée de Bohême par les Celtes Boiens,
n'a laissé aucune trace dans les contrées germaniques ; mais il a
formé en Gaule le nom de lieu Marcomannia, qui, figurant
dans des textes de l'époque mérovingienne, est aujourd'hui
représenté par Mariïiagne (Allier, Cher, Côte-d'Or, Saône-et-
Loire) et Marmaigne (Mayenne).
539. Le nom de la grande nation des Saxons est la racine du
nom de lieu Saxo nia, qui a produit certainement les noms
modernes Sassogne (Nord) et Sissonne (Aisne). On n'ose afïir-
mer que ces vocables remontent à l'époque romaine, car les
Saxons ayant conservé leur dénomination ethnique pendant tout
le moyen âge, il est possible f[ue les lieux appelés Saxonia,
appartiennent seulement à la période franque. En tout cas, il
d(!vait y avoir à Sissonne un fonds de population bien vivace, et
ORIGINES ROMAINES ! COLONIES ÉTRANGÈRES 135
qui trancha, pendant plusieurs siècles, sur la population romane
des environs, témoin l'appellation theotunica villa de Sisso-
nia qu'on trouve dans une charte de 1222 ; il est juste d'ajouter
que, dès lors, ou peu après, la population de Sissonne perdit son
caractère étranger, et qu à une appellation considérée sans doute
comme injurieuse, fut substituée celle de « Sissonne la Fran-
çoise » qui paraît pour la première fois en 1276.
540. On ne peut citer avec certitude aucun nom de lieu rap-
pelant le souvenir des Suèves, puissante nation g-ermanique sou-
vent confondue avec les Alamans, et qui en Gaule — la Notitia
dignitatum imperii l'atteste — avait des établissements, tout au
moins, aux environs de Bayeux, de Coutances, du Mans et de
Glermont en Auverg'ue ; mais il n'est pas téméraire de considérer
le nom de Wissous (Seine-et-Oise) comme représentant Vicus
Suevorum : c'est du moins là l'hypothèse la plus plausible que
permettent les premières formes connues de son vocable, Vizeo-
rium en latin du xii^ siècle, Vizoor et Viceor en langue vulgaire
de la même époque.
541. L'appellation ethnique des Vandales se retrouve, au
X" siècle, dans le nom Gastrum 'Vandalorum ou Castellum
Wandelons, aujourd'hui Gandalou (Tarn-et-Garonne).
Tous ces noms de lieu ne sont pas les seuls de leur espèce
qu'on puisse attribuer au déclin de la période romaine : d'autres
effectivement semblent se rapporter à des cantonnements de bar-
bares étrangers aux races germanique et slave.
542. Les Maures, nation africaine dont le pays, la Mauritanie,
correspondant au Maroc actuel, fut incorporé à l'Empire romain
en l'an 42 de notre ère, fournissaient aux armées romaines des
cohortes auxiliaires, dont la Notitia dignitatum imperii indicjue
les cantonnements, non seulement dans la Mauritanie Tingitane,
leur pays d'origine, mais aussi dans l'île de Bretagne, dans l'Uly-
rie, dans l'Italie, en Pannonie, dans la Gaule et dans diverses
parties de l'empire d'Orient. C'est évidemment à un ancien can-
tonnement de cavaliers maures, les mêmes peut-être qui rési-
daient, lors de la rédaction de la Notitia dignitatum, à Quadra-
tum, dans la Première Pannonie, qu'une localité du Norique
devait le nom Ad Mauros sous lequel cet écrit la désigne. Au
commencement du v" siècle, des soldats de cette nation tenaient
136 LKS NOMS Di: LIEU
garnison en Gaule, dans la péninsule armoricaine, et la Notifia
dignitatum les appelle, du nom des cités dans lesquelles ils
étaient établis, Mauri Veneti et Mauri Osismiaci. La certi-
tude du séjour des Maures en Gaule, sous la domination romaine,
et les constatations faites précédemment permettent de fixer le
sens du nom de lieu Mauritania, que Ton trouve dans de nom-
breux textes latins pour désigner les lieux qui portent aujour-
d'hui le nom de Mortagne (Charente-Inférieure, Nord, Orne,
Vendée) : Mauritania serait une forme basse du nom latin
Mauretania, et en France le nom Mortagne désignerait des
localités fondées ou occupées, à l'époque romaine, par les soldats
maures (jui, licenciés sans doute après la chute de l'empire, ont
dû chercher un asile dans des lieux divers.
543. Certaines localités de notre pays paraissent rappeler la
mémoire de petits établissements bretons, contemporains des
derniers temps de l'Empire ou de l'époque immédiatement posté-
rieure. On a vu que les Eduens reçurent, de l'île de Bretagne
subjuguée par les Romains, des artisans qu'ils employèrent à
restîiurer leurs édifices ; on sait, d'autre part, qu'aux derniers
jours de la domination romaine, l'empereur Anthemius confia
la garde du Berry à un corps breton de 1.200 hommes, auquel
les Wisigoths, sous h\ conduite de leur roi Euric, infligèrent un
échec sanglant près de Chàteauroux. On a rapproché de cette der-
nière et intéressante notion histori(|ue deux noms de localités
berrichonnes voisines du lieu de la défaite des Bretons, Bretagne
et la Berthenoux (Indre) : le premier de ces noms représente le
latin Britannia ; le second, dans lequel il est permis de voir un
primitif Britannorum, en sous-entendant villa, est comparable
à Gandalnu, cité plus haut. Il existe en France d'autres localités
ayant les mêmes origines : Bretagne (Gers, Landes, Haut-Rhin)
et Bretenoux 'Lot), qu'un acte do (SOG ap])elle Villa Bretono-
rum. 11 est intéressant de rapprocher de ces noms celui de
Santa Maria de Bretona, en Galice, qui rappelle le souvenir
d'une colonie bretonne, assez importante pour avoir eu, au
vi*" siècle, un évêque d'origine britannique, nommé Madoc.
544. Peut-être les localités dont les noms représentent des
primitifs Ilispania, Lusitania, Vascouia, correspondent-elles
il d'anciennes colonies d'étrangeis, espagnols, lusitaniens,
ORIGINES HUMAINES : COLOMES ÉTRAiNfiÈRES 137
gascons; mais ou ne peut, à cet ég*ard, que former des conjec-
tures, car il est tout aussi possible que ces primitifs représentent
des gentilices pris adjectivement — l'existence d'un gentilice
Hispanius étant attestée par des noms de lieu tels quEpagny
et Espagnac — ce qui rangerait les noms dont il s'agit dans une
catégorie précédemment étudiée (cf. ci-dessus, n° 289). Quoi
qu'il en soit, on croit devoir énumérer ici ces noms.
545. H ispa nia est représenté par Espagne (Gorrèze, Gironde),
par Epagne (Aube, Indre, Somme, Vendée) et par Epaignes
(Eure). Il faut voir dans /?0i6e/'/-Espagne (Meuse) un homonyme
de ces localités, différencié au moyen d'un nom de propriétaire ;
au xiii® siècle, on eût dit Espagne-la-Bobert , et la construction
Robert-Espag ne suppose une ancienneté relative ; d'ailleurs une
charte de 1019 appelle ce lieu Membodi Spania, moyennant le
nom d'un autre tenancier.
546. Lusitania est l'origine de Luisetaines (Seine-et-Marne).
547. A Vasconia répondent les noms modernes Vacognes
(Calvados), "Vacongne (Somme), "Vaucogne (Aube), Gacogne
(Nièvre) et le diminutif Gacougnolle (Deux-Sèvres).
XXIX
SOUVENIRS DE PERSONNAGES HISTORIQUES
Les vocables géographiques évoquant le souvenir de person-
nages historiques sont beaucoup plus rares qu'on n'inclinerait à
le croire. Les dix siècles du moyen âge n'en offrent, du moins
dans l'Europe occidentale, qu'un très petit nombre : en France,
particulièrement, il faut attendre jusqu'au xvi'" siècle pour en voir
paraître quelques exemples, tels que Vitry-le-François et Ville-
Françoise-de-Gràce . A vrai dire, le fait ne se produit, semble-t-il,
que dans des milieux fort civilisés ou civilisateurs ; aussi est-il
possible de citer pour notre pays quelques noms de cette espèce
remontant à l'époque romaine ; mais, dans plus d'un cas, le nom
de personnage historique compris dans un nom de lieu romain,
n'a pas réussi à traverser les siècles, car, employé à l'état de
surnom, il demeurait à peu près ignoré du vulgaire ; parfois
I même tout, dans le vocable antique, a disparu à la fois, déter-
1 minatifet déterminé, pour faire place à une dénomination nou-
velle, à supposer que la localité elle-même ait survécu aux inva-
sions.
548. Le plus ancien nom de lieu renfermant un nom de per-
sonnage historique qui ait apparu en Gaule est Aquae Sextiae,
dû au consul C. Sextius Calvinus, qui acheva, en l'an 124 avant
notre ère, la soumission des Salliiini, peuple ligure établi à l'est
du Rhône, vers les bouches de ce fleuve : ce consul détruisit leur
métropole et fonda, dans le voisinage, un castellum, qui, en rai-
son des eaux thermales qui s'y trouvaient, fut appelé Aquae
Sextiae; la première partie de cette appellation a seule subsisté,
et se retrouve dans le nom moderne .li> (Bouches-du-Rhône).
549. L'un des consuls de l'an 122 avant J.-C., Cn, Domitius
.\enobyrbus, l'un des ancêtres de l'empereur Néron, et qui resta
j)lusieurs années dans la Province romaine en qualité de procon-
sul, a laissé son souvenir dans jilusieurs vocables géographiques:
Cl lui de la via Domitia. cette grande voie par hupielle il relia
Nimes et Xarbonui' à l'Espagne, et celui de Eorum Domitii,
ORIGINKS ROMALNKS : PERSO^NAGKS HISTORIQUES 139
l'une des stations de la même voie ; mais ni l'un ni l'autre de ces
vocables ne s'est conservé.
550. On appelait Fossae Marianae le canal que Marius,
alors consul pour la quatrième fois, fit creuser, en Tan 102 avant
J.-C, pendant la campagne entre les Cimbres et les Teutons,
afin de recevoir plus aisément les vivres qui Im étaient amenés
par vaisseaux, les embouchures du Rhône étant ensablées et
exposées aux coups de la mer. L'appellation Fossae Marianae
fut appliquée par la suite, non seulement au canal de Marius,
mais aussi au port qui en gardait l'entrée, et que représente la
bourgade actuelle de Fos (Bouches-du-Rhône). Dans cet exemple
comme dans celui d'x\ix, le déterminatif n'a pas laissé de
traces.
551. C'est incontestablement à Jules César que Fréjus (Var),
l'antique Forum Julii, doit son nom; mais il serait téméraire
de rapporter au conquérant des Gaules, l'origine ou la dénomina-
tion d'un grand nombre de villes, dans le vocable desquels est
entré, soit le gentilice Julius, soit le surnom Caesar, car ces
noms se rapportent également à la personne d'Auguste qui, con-
formément à la loi romaine, avait pris les noms de son père
adoptif. Les noms de ces villes vont donc être indiqués sans qu'on
préjuge la question de savoir s'ils datent de l'époque de César
ou de celle d'Auguste.
552. Le gentilice Julius figure dans les noms de lieu demi-
gaulois Juliobona et Juliomagus. Appliqué au chef-lieu des
Andecavi, le second de ces noms a été supplanté, au ui*^ siècle, par
celui de cette nation, d'où Angers. Juliobona, chef-lieu des
Calètes, est aujourd'hui Lillebonne (Seine-Inférieure) : ce nom
est l'effet d'une interprétation qui remonte au xii^ siècle, et que
favorisa peut-être une altération analogue à celle qu'atteste le
nom italien du mois de juillet, liiglio. Le nom de Viens Julius
ou Viens Julii, que portèrent à la fois Aire-snr-la-Lys (Pas-de-
Calais) et Germersheim (Bavière rhénane), a été abandonné dès
le début du moyen âge. Apt (Vaucluse) n'a conservé que la
première partie du nom Apta Julia, sous lequel Pline, l'Itiné-
raire d'Antonin et la Table de Peutinger le désignent, abrégeant
l'appellation officielle, attestée par les inscriptions, Colonia
Julia Apta. Il n'est pas inutile d'ajouter (jne les noms Julia eus
et Julianus, si fréquents en Gaule, n'ont ordinairement rien à
140 LES NOMS DE LIEU
voir avec César ni avec Auguste : ils s'appliquaient à des
domaines ruraux appartenant à des propriétaires qui portaient le
gentilice Julius, adopté, après la conquête romaine, par un grand
nombre de familles gauloises ; il est probable que, de même, les
noms de lieu Tiberiacus et Glaudiacusne rappellent en rien
le souvenir des empereurs Tibère et Claude.
553. La géographie de la Gaule romaine offre trois noms for-
més sur celui de César, se rapportant sans doute, dans l'espèce,
à Auguste : Caesarodunum, aujourd'hui Tours, Caesaroma-
gus, aujourd'hui Beauvais, et Caesarea, île de l'archipel nor-
mand ; aucun ne s'est maintenu.
554. Dans les noms Caesaris burgus, Curtis Caesaris,
Militia Caesaris et Sacrum Caesaris, par lesquels des
chartes des xii^ et xiii® siècles ont désigné Cherbourg (Manche),
Courceriers (Mayenne), Millançay (Loir-et-Cher) et Sancerre
(Cher), il ne faut voir que des fantaisies de clercs qu'on ne sau-
rait accepter. Quant aux noms de Chemin de César, de Camp de
César et de Tour de César, appliqués à tant de chemins antiques,
de vieilles enceintes et de donjons féodaux, ce sont des dénomi-
nations relativement modernes, et parfois ridicules, dont l'ar-
chéologue ne doit tenir aucun compte.
555. Le titre d'Auguste, décerné en 27 avant J.-C. à Octave,
l'héritier de César, et que l'histoire a traité comme un nom
propre, est entré en composition dans bien des noms de lieu de
Gaule : Augustobona, Troyes ; Augustodunum, Autun ;
Augustodurum, Bayeux; x\ugustomagus, Senlis; Augus-
tonemetum, Clcrmont-Fcrrand, et Augustoritum, Limoges.
Si de ces six noms semi-gaulois un seul a subsisté, le nom d'Au-
guste n'a laissé aucune trace dans les formes vulgaires où il figu-
rait comme déterminatif : Alba Augusta, chef-lieu des Helvii,
Aquae Augustae, chef-lieu des Tarbelli, l^ucxis Augusti,run
des munici[)esdes Voconces, et Tropaea Augusti, qui doit son
existence au monument de la victoire des Romains sur les peu-
plades alpines, se nomment aujourd'hui sinq)lemenl .4/>5(Ardèche),
FJax (Landes), — naguère Ac(/s, — Luc-en-Diois (Drôme) et la
Turbie (Alpes-Maritimes). En ce qui concerne les villes et les
vici qui, en l'honneur d'Auguste, avaient pris le nom d'Augusta,
plusieurs l'ont abandonné, on le voit par l'exemple (VAuch, de
Si/issous, de Trêves, de Sainl-Quentin. Où il a subsisté, il est
ORIGLNES ROMAINES : PEKSONNAGKS IIISTORIOUES 141
devenu Aoste (Isère, Italie), Aouste (Ardennes, Drùme) et Oust
(Somme). Il convient de signaler, en pavs de langue allemande,
Augst (Suisse, canton de Bâle) et Augsbourg (Bavière), qui s'ap-
pelaient respectivement, au temps des Romains, Augusta Rau-
racorum et Augusta Vindelicorum,
556. On mentionnera pour mémoire le nom de Forum Nero-
nis, porté momentanément par Lodève, et peut-être aussi par
Carpentras, en l'honneur de Tiberius Claudius Nero, qui gou-
verna la Gaule, en qualité de questeur, de 47 à 44 avant notre
ère ; celui de Forum Tiberii, qu'une ville des Helvètes devait
au successeur d'Auguste; celui de Forum Claudii, qui fut
dojmé à la ville de Daranfasia, aujourd'hui Moutiers (Savoie) ;
celui de Germanicomagus que portait, en l'honneur de Ger-
manicus, neveu de Tibère, une ville de Saintonge ; celui de Colo-
nia Agrippina, aujourd'hui Cologne^ sur le Rhin, qui portait
le nom d'Agrippine, fille de Germanicus et femme de Claude ;
celui de Golonia Trajana, aujourd'hui Xanten (Prusse rhénane,
régence de Dùsseldorf), qui date évidemment du règne de Trajan,
celui de Forum Ha driani, fondé sans doute par ordre de l'em-
reur Hadrien, dans le pays des Bataves ; enfin celui de Flavia
Aeduorum, sous lequel Autun fut momentanément désigné, au
cours du IV® siècle, en l'honneur de l'empereur Constance Chlore,
qui avait relevé cette ville de ses ruines, et dont le gentilice était
Flavius.
Mais il convient d'insister sur les noms Claudiomagus,
Gonstantia, Helena et Gratianopolis, qui tous quatre sont
parvenus jusqu'à nous sous une forme vulgaire.
557. Le nom de Claudiomagus, remontant probablement à
l'empereur Claude, figure dans la Vie de saint Martin., écrite au
iv*^ siècle par Sulpice Sévère, et, sous la forme Claudiomachus,
dans des bulles du xu'' siècle, concernant l'abbaye de Déols, pour
désigner Clion (Indre j.
558. C'est à Constance Chlore qui, de 292 à 305, gouverna
en qualité de césar, la Bretagne, la Gaule et l'Espagne, avec
Trêves pour résidence, que Goutances (^Manchei et Constance
(Grand-duché de Bade) doivent leur nom, Gonstantia, qui leur
était commun avec un port situé vers l'embouchure de la Seine,
peut-être sur l'emplacement occupé aujourd'hui par Ilonlleur.
559. Les successeurs de Constance Chlore, voulant honorer
1 42 LES NOMS DE LIEl'
la mémoire de sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin,
donnèrent son nom à plusieurs villes de l'Empire. Du moins
Constantin donna le nom d'Helena ou Helenopolis au lieu
natal de sa mère ; et c'est lui, sans doute, qui substitua le nom
dHelena à celui à'Illiberis que portait une bourg^ade de la cité
de Narbonne. Un vicus du pays des Atrebates, ou les Francs de
Clodion furent défaits par Majorien, portait aussi au v® siècle le
nom d'Helena, qui, en ce pays soumis quelque temps à
l'influence germanique, est devenu Hélesmes (Nord), par dépla-
cement de l'accent tonique, tandis que l'Helena de la Première
Narbonnaise est devenu rég^ulièrement Elne (Pyrénées-Orien-
tales), que les Français du Nord appelaient aux xiii* et xiv^ siècles
Eaune ou laune.
560. Le nom de Gratianopolis paraît pour la première fois
en 381, sous l'empereur Gratien, en l'honneur de qui la cité de
Ciilaro, peu auparavant démembrée de celle de Vienne, prit cette
nouvelle appellation formée, on ne sait trop pourquoi, à la façon
grecque. Accentué sur l'antépénultième, Gratianopolis est
devenu Grenoble (Isère).
561. On rappelle en passant- le nom de Carlopolis qu'au
x'' siècle Charles le Chauve essaya de donner à Compiègne.
XXX
MONUMENTS MEGALITHIQUES
Plusieurs des noms de lieu rappelant le souvenir des monu-
ments mégalithiques de la Gaule peuvent remonter à l'époque
romaine, ou tout au moins aux premiers siècles du moyen âge,
562. Le nom Petra ficta, dont les monuments de la période
franque parvenus jusqu'à nous offrent plus d'un exemple, signifie
littéralement « pierre fichée », car ficta doit être là non pas
le participe passé féminin de fingo, mais une forme basse de
celui de figo : selon toute apparence il fait allusion à la présence
d'une de ces énormes pierres brutes de forme allongée, implantées
verticalement dans la terre comme des bornes, et qui, mainte-
nant, sont désignées en archéologie par les mots bretons menhir
et peulvan. Ce nom Petra ficta revêt aujourd'hui diverses
formes : la plus répandue dans nos contrées de langue d'oïl est
Pierrefitte (Allier, Calvados, Corrèze, Creuse, Loir-et-Cher,
Loiret, Meuse, Oise, Seine, Deux-Sèvres, Vosges), qui a pour
variante Pierrefixte (Eure-et-Loir). Les autres formes modernes
sont Pierrefaite (Haute-Marnej, Peyrefite (Aude), Pierrefiche
(Aveyron, Cantal, Corrèze, Dordogne, Lozère, Haute-Vienne) et
Peyrefiche (Hérault). Pierreficques (Seine-Inférieure) et
Peyrefic (Lot) paraissent provenir plutôt de Petra fixa, altéré
en Petra fisca.
563. Le nom Petra longa, dont le sens correspond exactement
à celui du breton menhir, peut être considéré comme un synonyme
de Petra ficta, bien qu'à la rigueur il puisse avoir été pris par-
fois avec l'acception de « long rocher » ; il est le thème étymolo-
gique des noms modernes Pierrelongue (Drôme, Rhône, Seine-
et-Marne) et Peyrelongue (Gers, Landes, Basses-Pyrénées).
564. Le nom Petra levata, c'est-à-dire « pierre soulevée »,
désignait un lieu voisin de quelque dolmen, c'est-à-dire d'un de
ces monuments préhistoriques formés d'une grande pierre plate
posée sur deux pierres placées verticalement, monuments funé-
raires recouverts primitivement par une éminence artificielle, un
lii LES NOMS \)K LIEL"
/umulus que des cultures réitérées, les pluies et les g-elées
ont peu à peu nivelé et abaissé à la surface du sol environnant.
De là les noms de Pierre-Levée (Charente, Seine-et-Marne,
Vendée) et de Peyrelevade (Aveyron, Cantal, Corrèze, Dordogne,
Gironde, Lot, Lot-et-Garonne).
565. Le nom Fetra lata s'appliquait sans doute également
au dolmen, faisant allusion à la pierre principale posée horizon-
talement ; il se présente aujourd'hui sous les formes Pierrelée
(Eure), Pierrelez (Seine-et-Marne), Pierrelaye (Seine-et-Oise),
Peyrelade (Aveyron, Cantal, Corrèze, Dordogne, Tarn-et-
Garonne, Haute-Vienne).
566. Ce dernier nom ne doit pas être confondu avec celui de
Pierrelatte (Drôme), qui représente Petra lapta, pour Petra
1 a p s a .
XXXI
ÉTABLISSEMENTS BALNÉAIRES
Généralement les stations balnéaires étaient désignées par le
nom propre Aquae, et l'Itinéraire d'Antonin ne mentionne pas
moins d'une trentaine de localités ainsi nommées dans l'étendue
de l'Empire ; mais pour remédier à ce que ce nom avait de trop
vague, on y ajoutait un surnom indiquant, soit la divinité à
laquelle les eaux étaient consacrées — Aquae Apollinares,
Borvonis, Granni, Segestae ou Segetae, Solis, — et dans
ce cas le surnom, véritablement topique, était presque insépa-
rable du nom, — soit la population chez laquelle était située la
station — Aquae Bilbitanorum, Convenarum, Dacicae,
Neapolitanae, Tarbellicae, — soit enfin le fondateur du
lieu, comme il est arrivé pour Aix en Provence, Aquae Sex-
tiae.
567. On a vu par les exemples de Bourbon et de Bourhonne
que parfois le surnom fut assez populaire pour se maintenir à
l'exclusion du mot Aquae ; mais le fait contraire s'est produit
plus souvent, et c'est le .déterminatif qui a disparu, laissant la
place à la dénomination trop vague Aquae, si toutefois, après
la chute du monde romain, la localité n'a pas changé de nom. Le
nom d'Aix, dérivé du latin Aquae, est aujourd'hui porté en
France par deux villes pourvues d'eaux thermales appréciées dès
l'époque romaine, Aix en Provence et kix-le's-Bains, et par une
bourgade du département de l'Aube, kîX.-en-Othe, où existait
vraisemblablement un établissement balnéaire alimenté par les
eaux que les Romains y avaient amenées de la colline voisine.
Ce nom a pour variantes méridionales Ax (Ariège) et Dax
(Landes), cette dernière appellation s'appliquant à l'antique
Aquae Tarbellicae. Aquae est aussi l'origine du nom d'^/.r-
la-CJiapelle (Prusse rhénane), en allemand Aachen.
568. On désignait, à l'époque romaine, sous le nom d'Aquae
calidae, commun sans doute à plusieurs établissements ther-
maux, la station balnéaire qui porte aujourd'hui le nom de
Les noms de lien. 10
146 LES NOMS DE LIEU
Vlcky ^Allier) ; mais si en cet endroit le nom antique n'a rien
donné, son équivalent Calidae Aquae a produit ailleurs le
nom- moderne Chaudesaigues (Cantal).
569. Quelques-unes des localités de la Gaule romaine possé-
dant des établissements balnéaires de quelque importance leur
doivent évidemment les noms qu'elles portent aujourd'hui. Le
cas n'est pas douteux pour Bains (Vosges), dont les eaux ther-
males étaient déjà fréquentées au premier siècle de notre ère, et
dont le nom représente le latin Balneum; il ne lest pas
davantage pour Bagnères-cfe-^i'grorre (Hautes- Pyrénées) et pour
Bagnères-t/e-Luc/ion (Haute-Garonne), dont le nom représente
le latin balnearia, adjectif formé sur balneum, et qui, dès le
temps de Cicéron, était employé substantivement ; d'ailleurs le
surnom de la seconde de ces localités rappelle le souvenir d'une
divinité pyrénéenne, Ilixo, à laquelle étaient dédiées les sources
thermales de l'endroit.
570. Il faut joindre à ces noms ceux qui dérivent du diminutif
balneolum ou de son pluriel hétéroclite balneolae, à l'accusatif
balneolas : Bagneux (Aisne, Allier, Aube, Cher, Indre, Isère,
Maine-et-Loire, Meurthe-et-Moselle, Seine, Deux-Sèvres,
Somme, Vienne), Baigneux (Côte-d'Or, Indre-et-Loire, Sarthe),
Bagneaux (Seine-et-Marne, Yonne), Baigneaux (Eure-et-Loir,
(jironde, Loir-et-Cher), Bagnot (Côte-d'Or j — et leurs diminutifs
Bagnolet (Seine) et Baignolet (Eure-et-Loir) — Bagnol (Vaucluse,
Haute-Vienne), Bagnoles (Aude, Orne), Bagnols (Gard, Hérault,
Lozère, Puy-de-Dùme, Pihône, Var), et la variante catalane
Banyuls (Pyrénées-Orientales). Bagnoles (Orne) et Bagnols
(Lozère) ont des eaux minérales réputées, et à Bagneux (Maine-
et-Loire) on a trouvé des vestiges de bains romains.
571. Le mot caldarium, employé notanmient par Vitruve
au sens d' « étuve », est l'origine du nom de Caudiès (Pyrénées-
Orientales).
XXXII
AQUEDUCS
Les Romains ont construit de nombreux aqueducs j)our con-
duire Teau, de très loin parfois, dans leurs centres d'habita-
tion.
572. Parmi les noms de lieu rappelant le souvenir de ces
travaux, celui dont le sens est le moins douteux, et qu'on peut
attribuer d'une manière à peu près certaine à l'époque romaine,
est Aquaeductus, qui n'est autre que la forme latine du mot
« aqueduc ». Ce nom figure dans des textes carolingiens pour
désigner deux localités qui appartenaient, l'une à la Bourgogne,
l'autre à la Narbonnaise ; on ignore le nom actuel de celle-ci ;
mais l'Aquaeductus bourguignon est aujourd'hui Ahuy (Côte-
d'Or). Pareille est l'origine du nom d'Adich (Luxembourg) et
sans doute de ceux d'Audun-/e-/?oman (Meurthe-et-Moselle) et
d'Axidun- le- Tiche (Moselle) dont les surnoms rappellent les
situations respectives en pays de langue romane et m pays de
langue tudesque.
573. C'est aussi à un aqueduc antique que le bourg d'Arciieil
(Seine) doit son nom, dont la forme originelle, Arcoialum,
présente le mot latin arcus « arcade », combiné avec le suffixe
celtique -oialum, et constitue une allusion directe aux arcs de
l'aqueduc que les Romains y construisirent pour l'alimentation
de Paris et du palais des Thermes.
574. Le nom d'Arcueil, formé à l'aide d'un suffixe celtique,
est certainement antérieur au moyen âge ; mais on doit se gar-
der d'attribuer la même antiquité à tous les noms topographiques
formés à l'aide du mot latin arcus ou de ses synonymes, et se
rapportant également à des aqueducs antiques. Plusieurs de ce»
noms ne remontent même qu'à une période assez tardive du
moyen âge ; mais ils n'en sont pas moins intéressants au point
de vue archéologique, et subsisteront sans doute longtemps
encore après qu'auront disparu les derniers vestiges des monu-
ments romains qu'ils rappellent. Diverses portions des anciens
148 Î.ES NOMS LE LIEU
aqueducs sont ordinairement désig-nées au moyen âge sous le
nom d" (' arcs » : ainsi les arcades qui supportent l'aqueduc de
Fréjus (Var), aqueduc dont le développement est d'une trentaine
de kilomètres, se nomment successivement les Arcs-Sorellier^
les Ares-Bering net, les Arcs de Gargalon, les Arcs de la Bouteil-
lière, les Arcs-Escof/ier, les Arcs-Senesqiiier, etc. Sur le terri-
toire de Fontcouverte (Charente-Inférieure), l'aqueduc de Saintes
franchissait un vallon sur des arcades dont les ruines lui ont
fait donner le nom de vallée des A?'cs, encore usité dans le
pays ; et plus près de la ville, dans la vallée cVArcoul, vocable
également significatif, il passait encore sur des arcs, dont il ne
reste que quelques piles très ruinées. Près de Poitiers, on
appelle Arcs de Parigny les vestiges d'un aqueduc romain.
Enfin, l'aqueduc qui conduisait à Metz les eaux de la fontaine
des Bouillons, près Gorze, traversait la Moselle, vers le village
de io\x\ -aux- Arches, sur une longue suite de grandes arcades
formant un magnifique pont d'un kilomètre de longueur, qu'on
appelait au xv^ siècle les arcs de Joy, et qui ont valu à ce village
le surnom qu'il porte aujourd'hui.
c-
XXXIII
THÉÂTRES
Parmi les noms de lieu intéressants au point de vue de lar-
chéologie romaine, il faut citer ceux qui rappellent les édifices
consacrés aux jeux publics, cest-à-dire les théâtres et les
amphithéâtres dont notre pays offre un assez grand nombre
d'exemples. Les noms de cette espèce ne sont peut-être pas
toujours, à proprement parler, des noms de l'époque romaine,
mais ils datent vraisemblablement au moins de l'époque franque,
et doivent être mentionnés, à l'occasion des vocables géogra-
phiques dus à la civilisation romaine.
575. Le mot latin arena, dont le sens primitif est « sable ^),
désignait la partie sablée de l'amphithéâtre, réservée aux com-
battants, et, par une sorte de métonymie, l'amphithéâtre lui-
même. Au moyen âge, dans ce dernier sens, on semble l'avoir
eniployé de préférence au pluriel, et c'est ainsi que nous disons
aujourd'hui « les Arènes ».
L'attention ne saurait être trop appelée sur l'utilité de relever
le nom Araine ou Airaine, représentant le latin arena. au sens
d' « amphithéâtre », surtout lorsqu'il figure dans des textes du
moyen âge; sans doute, il peut n'offrir que le sens de « sable »,
et l'on peut être CiKé à cet égard en considérant la nature du
sol ; mais le plus souvent il indiquera au chercheur la trace d'un
monument antique, ou l'aidera à déterminer la nature de vestiges
romains qui n'ont pas été sufTisamment mis au joiu\
Ainsi, pour citer im exemple bien connu, emprunté à la topo-
graphie parisienne, le cirque romain de Paris^ que le roi méro-
vingien Chilpéric fit restaurer en 583, et dont l'emplacement pré-
cis a été révélé par les travaux exécutés en 1 870 pour le perce-
ment de la rue Monge, conservait au xiu^ siècle le nom d'Arènes,
comme le prouve la dénomination de clos d'Arènes donné par de
nombreux actes à un lieu voisin de l'abbaye de Saint-Victor.
L'emplacement de l'amphithéâtre de Reims, situé à peu de dis
tance au nord de la ville, se nomme encore le mont d' Araine, et
loO LES NOMS DE LIEU
le peuple, ignorant le sens de ce vocable, a dit parfois, paraît-il,
! « le mont de la Reine ». A Senlis enfin, on a retrouvé, vers 1866,
les restes d'un amphithéâtre dans un lieu appelé Fontaine des
Reines, ce qu'on serait tenté dinterpréter dans le sens de « fon-
taine des grenouilles », alors qu'il conviendrait d'écrire « fontaine
d'Airaine », conformément à la dénomination fons arenarum
employée dans les chartes latines du moyen âge : c'est unique-
ment sur les indices fournis par ce vocable que le Comité archéo-
logique de Senlis avait entrepris la recherche de cet amphithéâtre
jusqu'alors inconnu des archéologues.
Tout nom de lieu dont la forme est arena ne suppose pas
nécessairement un amphitéâtre ; le nom d'Areines (^Loir-et-Cher)
prouve en effet que par « arène », on a parfois entendu un simple
théâtre : du moins ce village paraît devoir son nom à un théâtre
romain situé à six cents mètres à l'ouest de l'église du lieu,
théâtre que la Société archéologique de Vendôme a fait explorer.
Le mot latin arena, soit en son sens primitif de « sable »,
soit en son sens secondaire d' « amphithéâtre » ou de « théâtre »,
est encore l'origine des noms de lieu modernes Arrènes (Creuse),
Airaines (Somme), Éraine (Oise), Eraines (Calvados). Sur un
plateau voisin de cette dernière localité, on a sig^nalé des sub-
structions romaines fort importantes : il serait intéressant de
savoir si ce ne sont pas là les restes d'un amphithéâtre.
576. Un autre mot latin, cavea, désignant primitivement la
partie du théâtre ou île l'amphithéâtre où étaient assis les spec-
tateurs, a pris ensuite l'acception de théâtre ou d'amphithéâtre.
Plus tard, à l'époque franque, il est devenu le nom propre du lieu
où s'élevait antérieurement l'édifice consacré aux jeux publics.
L'abbaye de Saint-Cre'pin-en-ChSiye, dans lal)anlieue de Soissons,
tirait son nom — Sanctus Crispinus in Cavea — de l'am-
phithéàtrc sur l'emplacement ducjuel elle avait été fondée. L'ab-
baye de Chage, fondée en 1135 au faubourg- de Meaux, doit son
nom, également formé sur cavea, à une circonstance analogue.
XXXIV
INDUSTRIES DIVERSES
La série des noms de lieu d'origine romaine empruntée aux
diverses industries est encore peu étendue ; mais nul doute
qu'une connaissance plus approfondie de la toponomastique n'y
ajoute plus tard d'importants éléments.
577. De ces industries, c'est la céramique qui fournit les noms
les plus intéressants.
Le nom commun figlina, au sens d' « atelier de potier »,
dérivé du latin figulus, « potier », est devenu sous cette forme
Figlina, ou sous la forme plurielle Figlinae, un nom propre
de lieu dès l'époque romaine, témoin le nom de Figlinae donné
dans la Table de Peutinger, à un relais de poste situé entre
Vienne et Valence, sur la rive g-auche du Rhône, à 2.500 mètres
environ au sud de Saint-Rambert-d'Albon (Drôme), Les ateliers
de potier ayant été, semble-t-il, nombreux en Gaule, comme
dans les autres parties de l'Empire romain, on ne s'étonnera pas
que Fig-lina et Figlinae soient le thème étymologique d'un
certain nombre de noms de lieu dans notre pays.
Félines (Ardèche, A-ude, Drôme, Hérault, Loire, Haute-Loire,
Lot, Puy-de-Dôme, Tarn, Tarn-et-Garonne), la Féline (Allier),
Flines (Nord) paraissent représenter, malgré Vs final de la plu-
part de ces noms, lequel n'est pas toujours étymologique, le sin-
gulier Figlina. On en peut dire autant de Fieulaine (Aisne), de
Filaine (Cher, Loir-et-Cher) et de Fulaine (Marne, Oise). La
diphtongue eu de Fieulaine paraît résulter d'une vocalisation du
g de Figlina, vocalisation dont fournissent d'autres' exemples le
nom de Vémeraude, en latin smaragdus, et l'appellation Bau-
das par laquelle le français du moyen âge désignait Bagdad.
Dans Flins (Seine-et-Oise) et dans Filain (^Aisne, Haute-
Saône) l'absence de terminaison muette autorise à supposer le
primitif Figlinae. '
578. Il y a peut-être intérêt à mentionner ici, en passant, le
nom de Montpothier (Aube), écrit Mont-le-Potier du \ni"' siècle
132 LES NOMS DE LIEU
au xviir, ce qui répond au Mons Potarius ou Mons Fig-uli
du xii^ : on retrouve en ce lieu un grand nombre de poteries
antiques.
579. L'Itinéraire d Antonin mentionne deux relais du nom de
Cal caria situés, l'un dans l'île de Bretagne, l'autre en Pro-
vence, non loin de Marseille. Ce nom, désignant un four à chaux,
n'a aucun équivalent dans la nomenclature moderne ; mais sa
variante Fur nus calcarius est le thème étymologique du nom
de Forcalquier (Basses-Alpes) et de son diminutif Forcalqueiret
(Var).
580. Les vocables Caufoiir, Chaufour, qui sont de véritables
synonymes de Forcalquier^ formés qu'ils sont surcal cis furnus,
n'appartiennent pas à l'époque romaine, ni même, semble-t-il, à
l'époque franque : il n'y a donc pas lieu de les examiner ici,
La recherche et l'exploitation des métaux a fourni quelques
vocables géographiques, dont plusieurs remontent à l'époque
romaine.
581. Argentaria, désignant une mine d'argent, est repré-
senté par Argentières (Seine-et-Marne), l'Argentière (Hautes-
Alpes), Largentière (Ardèche), Argenteyres (Gironde), qui sont,
on le rappelle, les équivalents du nom d'origine celtique Argen-
teuil.
582. Le mot latin ferraria, désignant un gisement de fer, est
l'origine des noms de lieu Perrière. Ferrières — dont Va est
parasite — et la Ferrière; à côté de ces noms, dont il existe un
si grand nombre d'exemplaires, on citera ceux de Ferrère
(Ilautes-Pyrénées), de Fraire (Belgique, province de Namur), de
Herrère (Basses-Pyrénées) et de la Herrère (Haute-Garonne), ces
deux derniers caractérisés par la transformation gasconne de \ f
latin en h aspiré.
583. D'antiques exploitations de minerai de fer sont révélées
parfois à l'archéologue par des dépôts de mâchefer, que désignent
le plus souvent des noms significatifs : le nom de /Vo-sco^ (Finis-
tère) signifie en breton « le tertre du forgeron ».
584. A la métallurgie se rapporte également le mol latin
fabrica, dérivé de faber, « forgeron »>, et qui a donné en fran-
çais (' forge ». C'est de ce mot que viennent les noms de lieu
Fargues ((iironde, Landes, Lot, Lol-et-Garonnej, Farges (Ain,
ORIGLNES KOMAI.NLS '. I.NDLSTRILS DIVERSES 1 o'i
Cher, Saône-et-Loirei, Forgues (Haute-Garonne), Forges (Cha-
rente-Inférieure, Ille-et- Vilaine, Maine-et-Loire, Meuse, Orne,
Seine-et-Marne, Seine -et- Oise, Seine-Inférieure), Horgues
(Hautes-Pyrénées).
585. Il est arrivé parfois que l'accent tonique de fabrica, dont
la place régulière est sur la première syllabe, s'est reporté sur la
seconde : de là les noms suivants : Fabrèges (Lozère), Fabrègues
(Aveyron, Cantal, Hérault, Var), la Fabrègue (Tarn), Faverge
(Savoie), la Faverge (Loire i, Faverges (Isère, Jura, Haute-
Savoie).
586. Ces différents noms de communes — on a négligé leurs
homonymes appliqués à de simples écarts — remontent vrai-
semblablement à la période romaine. Il en est peut-être de même
d'un certain nond^re de villages appelés Fours, et qui peuvent
devoir ce nom à d'anciens fours à poterie ou à chaux ; mais le
mot four, du latin furnus, ayant persisté dans la langue
moderne, il est possible que plusieurs de ces localités ne soient
■ pas d'une origine aussi ancienne : on n'en dira donc rien de plus
ici.
XXXV
-ARIA
Le suffixe latin -aria a été combiné, non seulement avec des
noms de métaux, mais encore avec des noms de plantes pour
former des noms de lieu : ceux-ci se présentent pour la plupart
dans les textes de la période franque ; mais on en rencontrerait
sans doute de plus anciens exemples si les textes topographiques
de la période romaine étaient plus abondants.
587. Cannabaria, formé sur cannabis, « chanvre », est la
forme primitive des noms de Chenevières (Meurthe-et-Moselle),
Chennevières (Meuse, Seine-et-Oise), et de Canabières (Aveyron).
588. Fabaria, dérivé de faba, « fève », a produit Favières
(Eure-et-Loir, Meurthe-et-Moselle, Seine-et-Marne, Somme), la.
Favière (Jura), et, moyennant l'addition d'une désinence diminu-
tive. Faverolles (Aisne, Cantal, Côte-d'Or, Eure, Eure-et-Loir,
Indre. Loir-et-Cher, Haute-Marne. Orne, Somme).
589. Frumentaria, de frumentum, « blé », est le thème
étymologique de Fromentières (Marne, Mayenne).
590. De Humularia, formé sur le bas-latin humulus,
« houblon », provient le nom dHomblières (Aisne), pour lequel
on a la forme carolingienne Humolariae.
591. Linaria. dérivé de linum', « lin », a donné naissance
aux noms de Linières ^Laine-et-Loire), de Lignières (Aube,
Charente, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Mayenne, Meuse,
Sarthe, Somme) et do Lignères (Somme), auxquels il faut
joindre le diminutif Lignerolles (Allier, Côte-d'Or, Eure, Indre,
Orne).
A côté des noms qui viennent d'être énumérés, et qui désignent
des localités où Ton cultiva le chanvre, les fèves, le blé, le hou-
blon et le lin, la toponymie latine présente des noms de même
formation, ayant pour racine des noms de plantes croissant sans
culture.
592. Pt'rv i ncaria, désignant un lieu où croit la piM'vonche,
t;st la forme prinùlive des noms niodernes Pervenchères llle-et-
ORIGINES ROMAINES : -ARtA 155
Vilaine, Orne), Pervinquières (Tarn-et-Garonne), Prévenchère
(Ardèche, Cher), Prévenchères (Creuse, Lozère), Prévinquières
(Aveyron), Provenchère (Doubs, Puy-de-Dôme, Haute-Saône),
la Provenchère (Eure-et-Loir, Loiret, Savoie), Provenchères
(Haute-lVIarne, Vosges), les Provenchères (Savoie), la Proven-
quière et Provenquières (Tarn).
593. Sinaparia, c'est-à-dire « lieu où croît le sénevé >>, se ren-
contre au Vi® siècle dans Grégoire de Tours, sous la forme Sena-
paria, pour désigner le monastère de Sennevières (Indre-et-
Loire). Sennevières (Oise, Yonne) et Cenevières (Lot) ont la
même origine.
594. Juniperaria, formé sur le nom du genéA^rier, junipe-
rus, a donné Genevrières (Haute-Marne), la Genévrière (Cor-
rèze), les Genevrières (Gôte-d'Or).
595. Au moyen âge on a formé selon le même procédé des
noms de lieu sur des noms de plantes dont quelques-uns n'étaient
pas d'origine latine, et c'est ainsi qu'à côté des noms Jonchères,
la Jonchère, Jonquière. Jonquières, représentant un bas-latin
Juncaria, des noms Boissières, la Boissière. Bussière, Bus-
sières, Buxière, Buxières, représentant un bas-latin Buxaria,
on trouve des noms tels que Leschères, en bas-latin Liscaria,
indiquant la présence de cette plante de la famille des cypéracées
qu'on appelle la laiche, et que Rozières. en bas-latin Rosaria,
dérivé de la forme primitive du nom de la plante qu'aujourd'hui
nous appelons diminutivement le roseau. Liscaria est l'origine
de Leschères (Jura, Haute-Marne, Savoie) - — qui a pour dimi-
nutif Lescherolles Cher, Seine-et-Marne) — et de l'Échelle
(Marne, Seine-et-Marne) : on voit que dans ce dernier nom, une
substitution de liquide a eu pour conséquence une fausse inter-
prétation. A signaler les variantes bourguignonnes et lorraines
la Lochère (Côte-dOrj, les Lochères iSaône-et- Loire), Lochéres
(Meuse).
596. Le suffixe -aria a été combiné, non seulement comme on
vient de le voir, avec des noms de végétaux, mais encore avec
des noms d'animaux : les noms de lieu de cette dernière forma-
tion ont trait à l'élevage du bétail.
597. Armentaria. formé sur le nom générique du gros bétail,
urmentum, est Torigine du nom de lieu Armentières (Aisne,
456 LES NOMS DK LIEU
Ariège, Aube, Eure, Indre-et-Loire, Nord, Oise, Seine-et-
Marne).
598. Asiuaria, c'est-à-dire « lieu où l'on élève des ânes » est
représenté par Asnlères (Ain, Calvados, Charente, Charente-
Inférieure, Côte-dOr, Eure, Sarthe, Seine, Seine-et-Oise,
Vienne, Yonne"), Anières (Deux-Sèvres), Agnières (Hautes-
Alpes, Pas-de-Calais, Somme), Anères (Hautes-Pyrénées).
599. Berbicaria, formé sur le latin berbex, « brebis »,
variante, employée par Pétrone, du classique vervex, a fourni les
noms de lieu modernes Berbiguières (Dordogne), Brebières
Pas-de-Calais^, Berchères (Eure-et-Loir), Bergères (Aube,
Marne), la Bregère (Haute- Vienne), la Bregière (Allier).
600. Bo varia est l'origine du nom de Bovière (Mayenne).
601. Capraria, qui indique un lieu où Ion élève des chèvres,
et qui est d'ailleurs un nom géographique connu de l'antiquité
latine, a donné en France Cabrières (Gard. Hérault. Vaucluse)
— d'où le diminutif CabreroUes (Héraultj — et Chevrières
(Ardennes, Isère, Loire. Oise;. Les noms de Cabriès (Bouches-
du-Rhône) et de Chevrier (Haute-Savoie) tirent leur origine
dune forme masculine ou neutre de Capraria.
602. Porcaria, « porcherie », a produit Porchères Gironde),
Fourcheras (Ardèche), et, par l'adjonction dune terminaison
diminutive. Porquerolles (Var).
603. Vaccaria. « vacherie ». a fourni les noms de lieu
modernes Vachères (Basses- Alpes, Drôme), la Vachère (Puy-
de-Dôme), Vacquières 'Bouches-du-Rhône, Hérault), desquels
il faut rapprocher le diminutif Vaqueirolle (Gard) et Vacquiers
(Haute-Garonne), qui a évidemment pour origine un neutre Vac-
carium, synonyme de Vaccaria.
604. C'est aussi, selon toute apparence, à l'époque romaine
qu'il faut rapporter l'origine du nom de lieu Apiaria, mentionné
dans plusieurs textes de la période franque, et qui désignait à
l'origine un lieu où l'on élevait des abeilles, apes. Ce nom a
produit le nom Achères (Cher, Eure-et-Loir, Loiret, Seine-et-
Marne, Soine-et-Oise), et sa variante fautive Aschères (Loiret).
605. Le curieux capitulaire De Villis. édicté par Charlemagne,
antérieurement ;i l'an HOO. n'-vèlo l'emploi au viiT' siècle, comme
syiionvmes di; plMsic'urs des mois (pii vicuiiciit d'élu- pMsst's en
OliKilNES ROMAINES '. -AHtA lo7
revue, de termes qui s'en distinguent par la désinence -aritia,
employée au lieu de -aria. On lit à l'article XXIll de cette
ordonnance : In unaquaque villa nostra habeant judices
vaccaritias, porcaritias, berbicaritias, capraritias, hir-
caritias, quantum plus potuerint. Chacun de ces mots, à
l'exception peut-être du dernier, qui semble n'être qu'un synonyme
de capraritia, a fourni des noms de lieu qui remontent vraisem-
blablement pour la plupart à Tépoque franque.
606. Vaccaritia est le thème étymologique des noms Vache-
resse (Charente, Doubs, Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme,
Haute-Saône, Haute-Savoie i, la Vacheresse (Seine-et-Oise,
Vosges), Vacheresses (Eure-et-Loir), Vacqueresse (Somme) et
Lavaqueresse (Aisne).
607. Porcaritia est la forme primitive des noms de lieu
Porcheresse (Charente- Inférieure, Loiret), Pourcharesse
(Ardèche), Pourcharesses (Lozère), Pourcheresse (Puy-de-
Dôme).
608. Berbicaritia a produit tout au moins le nom la Berge-
resse qui, dans un acte de 1423, désigne une localité de la Brie.
609. Capraritia est vraisemblablement l'origine du nom de
Chevresse (Cher), dans lequel on verrait l'effet d'une contraction.
Gabrerets (Lot) paraît représenter un synonyme masculin ou
neutre de Capraritia.
610. Bovaritia, dont le capitulaire De Vlllls permet de sup-
poser l'existence, est sans doute le thènie étymologique du nom
de Bouresse (Vienne).
611. Si le mot hircaritia, désignant une étable à boucs, n'a
rien donné, cela tient a ce que ce mot n'est qu'une traduction
d'une expression vulgaire qui subsiste évidemment dans le nom
de lieu Boucheresse (Creuse), formé sur le nom roman du bouc,
et non pas sur son nom latin. Le sens que permettent de donner
aunom Boucheresse les constatations qui précèdent, autorise aussi
à traduire les noms de lieu Bouchère (Charente, Hautes-Pyré-
nées), la Bouchère (Nord) et Bouchères (Lot-et-Garonne) par la
périphrase « étable à boucs ».
XXXVI
ARBRES
Un grand nombre de noms de lieu représentent des collectifs
latins formés sur des noms d'arbres à Taide du sufïixe -etum,
qui, à l'époque caroling-ienne, a été altéré en -idum ; -et a,
forme féminine de -etum, a été aussi employé à la même fin.
Pour énumérer ces noms de lieu on suivra l'ordre alphabétique
des formes originelles.
612. Alnetum, de alnus, « aune » : Aulnay lAube, Eure,
etc.j, Aulnois (Aisne, Meuse, etc.), Aulnoy (Haute-Marne, Nord,
etc.), Aunay (Eure-et-Loir, Nièvre, etc.), Launay (Aisne, Cal-
vados, etc.), Launoy (Aisne, Ardennes) , Launat (Marne),
variante champenoise, Lannoy (Nord, Oise, Pas-de-Calais),
variante picarde.
613. Betuletum, de betula, « bouleau » : Belloy (Oise,
Seine-et-Oise, Somme), le Belloy (Seine-et-Oise), Bellay (Marne,
Oise), le Bellay (Seine-et-Oise) ; dune manière générale, la pré-
sence de l'article peut être l'indice dune origine moins ancienne.
614. Betulletum, doublet du précédent, qu'autorisent à sup-
poser les vocables Bouloy (Côte-d'Or, Seine-et-Marne), le Boulois
(Doubs;, Boulay (Loiret, Mayenne, Seine-et-Oise), le Boulay
(Eure, Eure-et-Loir, Indre-et-Loire, Vosges). La Boulaye
fSaône-et-Loire) viendrait de Betulleta.
615. Buxetum, de buxus, i< buis » : Bucy (Aisne, Loiret),
Bussy (Ardennes, Calvados, etc.), Buxy (Saône-et-Loire), Bou-
chy (Marne), — quelques-uns de ces nombreux noms peuvent à
la vérité représenter un primitif Buciacus ou Bucciacus,
formé sur un gentilice Bucius ou Buccins — Boissy (Eure,
Eure-et-Loir, etc.), Boissay ^ Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Maine-
et-Loire, Seine-Infériourc . Boisset (Cantal, Eure, Gard, Hérault,
Loire, Haute-Loire), Boissets (Seine-et-Oise), Busset (Allier).
Le changement, ([u on observe en plusieurs cas, de IV de -etum
en i est l'effet du son sifflant (jui précède : il en est ainsi dans
le moi ciro, venant du latin cera.
ORIGINES ROMAINES : ARBRES 159
616. Carpinetum, de carpinus, « charme » : Carnoy
(Somme), Chamois (Ardennes), Gharnoy (Marne, Nièvre), le
Charnoy (Seine-et-Marne), Charmoy (Aube, Haute-Marne, Saône-
et-Loire, Yonne, etc.).
617. Casnetum, qu'on rencontre dans des textes de l'époque
franque, et qui est formé sur le nom du chêne dans une langue
antéromaine de Gaule : Chanoy (Loiret, Haute-Marne, Haute-
Saône, Vosges), le Chanoy (Seine-et-Marne), Chesnois et le
Chesnois (Ardennes), le Chesnoy (Nièvre), le Chesnay (Seine-
et-Oise), le Chenoy (Loiret, Meurthe-et-Moselle, Seine-et-Marne,
Yonne), Chenay et le Chenay (Calvados, Eure, etc.), Quesnay et
le Quesnay (Calvados, Eure, etc.), Quesnoy ou le Quesnoy
(Manche, Nord, etc.).
618. Castanetum, de castanea, « châtaignier » : Castenet
(Haute-Garonne, Hérault, Tarn, Tarn-et-Garonne), Catenoy
(Oise), Catenay (Seine-Inférieure), Châtenois (Jura, Haut-Rhin,
Haute-Saône, Vosges), Châtenoy (Loiret, Saône-et-Loire, Seine-
et-Marne), Châtenay ou le Châtenay (Ain, Drôme, etc.), Châte-
net ou le Châtenet (Charente, Corrèze, Haute- Vienne).
619. Cerasetum, en bas-latin Cersetum ou Cersitum, de
cerasus, <( cerisier »> : Cerçay (Côte-d'Or, Loir-et-Cher, Seine-
et-Oise), Cersay (Deux-Sèvres).
620. Coryletum, à l'époque franque Colritum ou Cohi-
dum, de corylus, « coudrier » : Coiroy (V'osges), Corry
(Loiret, Marne), Cauroy (Ardennes, Marne), Cauroir (Nord).
621. Eagetum, de fagus, u hêtre » : Faget ou le Faget
(Dordogne, Gers, Haute-Garonne, Lot, Lot-et-Garonne, Basses-
Pyrénées, Savoie), Haget (Gers, Landes, Lot-et-Garonne,
Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées), Fayet (Aisne, Aveyron,
Puy-de-Dôme, etc.).
622. Fraxinetum, de fraxinus, « frêne » : Frayssinet (Lot),
Freycenet (Haute-Loire), Freychenet (Ariège), Freyssenet
(Ardèche), et en pays de langue d'oïl, les noms si fréquents de
Fresnoy, Fresnois, Fresnay, Fresnai, Fresnais, Frenoy, Freney
et Frenay.
628. Nucetum, de nux (( noyer » : Noisy (Seine, Seine-et-
Marne, Seine-et-Oise), qui a pour diminutifs Noisiel et Noiseau
(Seine-et-Marne) .
624. Pinetum, de pinus, « pin » : Pinay (Loire). Pinet
(Nièvre).
HiO LES NOMS DE LIEU
625. Prunetum, à l'époque mérovingienne Prunidum, de
prunus, « prunier » : Prunoy (Yonne), Prunay (Aube, Eure-et-
Loir, Loir-et-Cher, Marne, Seine-et-Oise), Prunet (Allier,
Ardèche, Cantal, Haute-Loire, Lozère. Pyrénées-Orientales),
Pournoy (Moselle).
626. Roboretum, derobur, « rouvre » : Rouvroy. Rouvrois,
Rouvray, et, en pays de langue d'oc, Rouret Gard), le Rouret
(Alpes-Maritimes) .
627. Salicetum, de salix, « saule » : Saulcy (xAube,
Vosges), le Saulcy (Vosges), Sauchy (Pas-de-Calais), le Saussoy
(Seine-et-Marne, Yonne), Saussay et le Saussay (FAire, Eure-et-
Loir, etc.), Saulchoy (Oise, Pas-de-Calais, Somme), Saulcet
(Allier), Sauzet Aveyron), Saulzais (Cher), Saulzet (Allier,
Puy-de-Dôme).
628. Sabucetum, pour Sambucetum, de sambucus,
(( sureau », est probablement l'origine de quelqu'un des vocables
Sucy fSeine-et-Marne, Seine-et-Oisej, Suzy (Aisne), Souchez
(Pas-de-Calais).
629. Spinetum, de spina, « épine » : Epinoy (Nord, Oise,
Pas-de-Calais), l'Épinoy (Loiret, Pas-de-Calais), Lespinoy (Pas-
de-Calais) ; enfin Epinay ou TEpinay, vocable très répandu,
mais qui cependant, en ce qui concerne Epinay -sur-Seine (Seine),
et Épinay-sar-Orffe (Seine-et-Oise), représente une forme assour-
die à'Epineil, qui vient du synonyme gallo-romain de spinetum,
s p i n o i a 1 u m .
630. Tilietum, de tilia, « tilleul» : Tilloy, Thillois, Tillay,
Theillay, Teillay, Teillet et Teilhet, vocables très fréquents.
631. Tremuietum, du qualificatif de populus tremula,
« tremble » : le Tranloy (Oise), le Transloy (Nord, Pas-de-
(^alaisj, Tranlay (Somme), et les noms de lieu si communs,
Tremblois, le Tremblois, Tremblay, le Tremblay.
632. L'imelum, de ulmus, » orme » : Ulmoy (Marne),
Ormoy (Eure-et-Loir, Haute-Marne, Oise, Haute-Saône, Seine-
et-Oise, Yonne), Osmoy (Cher, Eure, Eure-et-Loir, Seine-et-
(Jise, Seine-Inférieurcy, Ommoi (Orne).
633. Vernetum, du nom gaulois de l'aune, <|ui a i)ersislé :
Vernoy Yoime), Vernois (Côte-d'Or, Doubs, Haute-Saône), le
Vernois (Côte-d'Or, Doubs, Jura), le Vemet (Hasses-Alpes,
Ariège, Haute-Garonne, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Pyrénées-
Orientales).
ORIGINES ROMAINES : ARIîRES 161
La longue énumération qui précède ne comprend qu'une partie
des noms de lieu de France, pouvant remonter à l'époque
romaine, qui sont empruntés au rè^ne végétal. D'autres con-
sistent dans les noms mêmes des arbres, employés sans aucun
suffixe :
634. Alnus dé.signe dans un diplôme de Charles le Chauve
une localité voisine de Nogent-sur-Seine qu'on ne peut plus
identifier ; ce mot est l'origine du nom de Laulne (Manche).
635. Carpinus : Charmes (Aisne, Allier, Ardèche, Côte-
d'Or, Drùme, Haute-Marne, Haute-Saône, Vosges), la Charme
(Jura), le Charme (Loiret).
636. Casnus : Chanes (Saône-et-Loire), le Chêne (Aube), le
Chesne (Ardennes, Eure), le Quesne (Somme), Casse (Lot-et-
Garonne) ; cette dernière forme, plus rare, est l'origine des noms
de famille Ducasse et Delcassé.
637. Corylus : la Caure (Marne'i, Caulre, la Caulre (Meurthe-
et-Moselle), et peut-être Corre (Haute-Saône).
638. Fagus : Fay (Aube, Drôme, Loire-Inférieure, Loiret,
Oise, Sarthe, Somme); Fai (Orne), le Fay (Saône-et-Loire), Faux
(Ardennes, Aube, Creuse, Dordogne, Marne), Faulx (Meurthe-
et-Moselle), le Faux (Pas-de-Calais).
639. Fraxinus : Fraysse (Dordogne), Fraisse (Hérault,
Loire), Fraisnes (Meurthe-et-Moselle), Fresne Côte-d'Or, Eure,
Seine-Inférieure;, le Fresne (Calvados, Eure, Manche, Marne),
Fresnes (Aisne, Loir-et-Cher, Marne, Haute-Marne, Meuse,
Nord, Oise, Pas-de-Calais, Seine, Seine-et-Marne, Somme),
Frênes lOrne), Frasne (Doubs, Jura, Haute-Saône).
640. Pinus : Pin (Haute-Saône), le Pin (Allier, Calvados,
Charente-Inférieure, Gard, Haute-Garonne, Indre, Isère, Jura,
Loire -Inférieure, Seine-et-Marne, Deùx-Sèvres, Tarn-et-
Garonnej.
641. Robur : Reuves (Marne), Rouvre (Deux-Sèvres),
Rouvres (Aube, Calvados, Côte-d"Or, Eurp-et-Loir, Indre, Loi-
ret, Haute-Marne, Meuse, Oise, Seine-et-Marne, Vosges), Roure
(Alpes-Maritimes) .
642. Salix : Saulx (Côte-d'Or, Meuse, Haute-Saône, Seine-et-
Oise) ; parfois employé, comme nom d'écart, Saulx est précédé de
l'article la, conservant le genre (ju'avait salix en latin; il
résulte de là que le nom de lieu dit Fonlaine de la Saulx, tra-
Les noms de lieu. Il
162 ■ LES NOMS DE LIEU
duisant le latin t'ons salie is, est souvent écrit « Fontaine de
l'Assault ».
643. Spina : l'Épine (Hautes- Alpes, Marne, Pas-de-Calais).
644. Tilia : Thil (Ain, Aube, Gôte-dOr, Haute-Garonne,
Marne, Meurthe-et-Moselle, Saône-et-Loire, Seine-Inférieure),
le Thil I Eure. Seine-Inférieure), Theil Charente, Yonne), le
Theil (Allier, Calvados, Eure, lUe-et- Vilaine, Manche, Orne), le
Teil Ardèche).
645. Ulmus : Olmes (Aveyron), les Olmes (Rhône), Oulmes
(Vendée), Ormes i^Aube, Eure, Loiret, Vlarne, Meurthe-et-
Moselle, Saône-et-Loire), l'Homme (Sarthe), THoume (Charente),
Oms (Pyrénées-Orientales), Omps (Cantal), Homps (Aude), sont
à rapprocher du nom de famille Delzons, forme auvergnate de
Désarmes.
646. La plupart des arbres étaient désig-nés dans la langue
vulgaire du moyen âge sous deux formes différentes, lune
simple, comme houle, charme, chêne, corre, fay, fresne, pin,
rouvre, thil, orme, l'autre dérivée à l'aide d'une terminaison
diminutive — bouleau, charmel, chesneau, caurel, fayel, fresnel,
pinel, rouvrel, tilleul, ormel — qui d'ailleurs n'impliquait
aucune idée de petitesse ou de jeunesse, mais dans laquelle il ne
faut voir qu'une manifestation de la tendance à allonger les mots
monosyllabi(jues. Toutes ces formes dérivées ont donné nais-
sance à des noms de lieu qu'on s'abstiendra d'énumérer ici, car
il est peu probable qu ils soient antérieurs au moyen âge.
647. Il est plus légitime de classer parmi les noms de lieu
d'origine romaine ceux qui présentent un nom d'arbre combiné
avec un adjectif, soit numéral, soit qualificatif : certains perpé-
tuent le souvenir d'un ou de plusieurs arbres remarqués par nos
lointains ancêtres qui les avaient parfois divinisés, témoin le nom
du dieu Sex arbores, que mentionne une inscription votive. Un
relais de poste voisin de Bo/as portait le nom de Très Arbores.
Le nom de Se/)tauhres, qui désignait une localité du Limousin, a
pour équivalent les Sept-Arbres 'Tarn-ct-Caronne). et on m
rapprochera Cinq-Albres ( Lol-et-Caroiuie .
\ oici (juchiuos vocables géograpliicjucs ayant pour second
terme un nom d'iiibro.
ORIGINES ROMAINES : ARBRES 163
648. Beauchêne (Loir-et-Cher, Orne), de Bellus Gasnus; le
Torquesne (Calvados), de Tortus casnus ; Tortequenne (Pas-
de-Calais), équivalent du précédent, mais particulièrement inté-
ressant parce qu'on y voit casnus pris au féminin comme la
plupart des noms d'arbres, dont le latin quercus.
649. Gros-Chastang 'Corrèze), du bas-latin Grossus Casta-
neus : le latin classique eût réclamé Grossa Castanea.
650. Beaufai (Orne), Beaufay (Sarthe), Beaufou (Vendée), de
Bellus Fag-us; Torfou (Maine-et-Loire, Seine-et-Oise), de Tor-
tus Fagus; Trefols (Marne), de Très Fagi.
651. Grosrouvres (Meurthe-et-Moselle), de Grossum Robur ;
Tourouvre (Orne), de Tortum Robur ; Silvarouvre (Haute-
Marne), jadis Soiwainrouvre, appelé en 877 Sopinum Robur
pour Supinum Robur. Dans Sècherouvre (Orne), cest-à-dire
« le rouvre desséché », on voit le genre féminin attribué à un
nom d'arbre, qui, par exception, est neutre en latin.
652. Septsaulx (Marne), de Septem Salices; Séchault
(Ardennes), de Siccus Salix.
653. Le Gros-Theil (Eure), c'est-à-dire « le gros tilleul ».
654. Lancôme (Loir-et-Cher), de Long- us Ulmus.
655. C'est de la même manière qu'a été formé, vraisemblable-
ment dans la première moitié du moyen âge, le nom de Long-
perrier (Seine-et-Marne), sur Longus Pirarius, <( le grand
poirier ».
Il faut encore sans doute reporter à l'époque romaine les
noms de lieu qui représentent des adjectifs latins formés sur des
noms d'arbres et qui, suivant toute apparence, ont été d'abord
employés substantivement dans le langage populaire à titre de
collectifs pour lesquels la forme féminine a généralement pré-
valu.
Une des catégories de ces collectifs présentait la terminaison
-ea.
656. Buxea : Boisse (Dordogne), la Boisse (Ain), Boësse
(Deux-Sèvres), Boesses (Loiret), Bouesse (Indre), la Bouesse
(Allier, Vienne).
657. F âge a : la Fage (Aude, Corrèze, Lozère), Fage (Allier),
Fages (Aude, Cantal, Dordogne, Lot, Pyrénées-Orientales), Faye
(Indre-et-Loire, Jura, Loir-et-Cher, Maine-et-Loire, Doux-
Sèvres), la Faye (Allier, Hautes-Alpes, etc.).
164 LES NOMS DE LIEU
658. Fraxinea : Fraissigne (Creuse), Frayssinhes (Lot),
Fraissines (Tarn), Fressigne (Creuse), Fressines (Deux-Sèvres).
659. Salie ea ou plutôt Salcea : Saulce (Drôme), la Saulce
(Hautes- Alpes), Saulces (Ardennes), Sausses (Basses- Alpes).
— Diminutif : la Saulsotte (Aube).
660. Tremulea : Trémouille (Cantal, Puy-de-Dôme), la Tré-
mouille (Dordogne, Haute-Vienne), TrémouiUes (Aveyron), la
Trimouille (Vienne).
La désinence latine -ea a été combinée aussi avec des noms
d'arbres appartenant à des langues parlées en Gaule antérieure-
ment à la conquête romaine.
661. Cassanea, formé sur un nom antéromain du chêne, qui
s'est conservé dans les provinces du centre sous les formes cassan
ou chassan : Cassaigne (Gers), la Cassaigne et Cassaignes
(Aude), Cassagne (Haute-Garonne), Gassagnes (Aveyron, Lot,
Pyrénées-Orientales), et le diminutif Gassagnoles (Gard, Hérault) ;
Chassagne (Côte-d'Or, Doubs, Haute-Loire, Puy-de-Dôme),
Chassagnes Ardèche), la Chassagne (Jura, Rhône), Chas-
saignes (Dordogne), Chasseigne (Cher, Nièvre, Vienne).
662. Vernea, formé sur le nom gaulois de l'aune : la Vergne
(Charente-Inférieure, etc.).
Sur les noms d'arbres également ont été formés des fréquen-
tatifs en -osus, -osa, qui sont devenus noms de lieu.
663. BetuUosa : Bouleuse (Marne), la Boulouze (Manche).
664. Cas sa ni osa : Cassaniouze (Cantal).
665. Fraxinosa : Freneuse (Kure, Seine-et-Oise, Seine-Infé-
ricun;). — Fraxinosus : Frayssinous (Aveyron, Tarn).
666. Saliceosus : Sausseux (Eure-et-Loir). — Sausseuze-
mare (Seine-Inférieure) représente un bas-la tinSaliceosa Mara.
667. Spinosa : Épineuse (Oise), Épinouze (Drôme). — Spino-
sus : Épineux (Mayenne).
668. Tiliosa : Thilouze (Indre-et-Loire). — Tiliosus : Thil-
loux 'Indre), TeiUoux (Creuse), les Teilloux (Puy-de-Dôme).
669. Vernosa : Vernouze (.Viu;,Lavernose (Haute-Garonne).
— Ver n osus : Vernoux (Ain).
XXXVII
AUTRES USAGRS DES SUFFIXES -ETUM ET -OSUS
Les suffixes -etum, -osus et -osa ont été combinés non seu-
lement, comme on vient de le voir, avec des noms d'arbres, mais
encore avec des noms de plantes, et même avec des mots étran-
gers à la nomenclature végétale.
670. Sinapetum, véritable synonyme de Sinaparia : Sen-
nevoy (Yonne).
671. Ginestetum : Ginestet (Dordogne), et ses équivalents
plus modernes Genetay, le Genetay.
672. Juniperetum : Genevrey (Haute-Saône), qui a pour
équivalent féminin la Genevroye (Haute-Marne),
673. Fon tan etum, formé sur l'adjectif fontana, auprès
duquel on sous-entendait aqua, et qui a été ensuite, et dès
l'époque romaine, pris substantivement : Fontenoy (Aisne,
Meurthe-et-Moselle, Vosges, Yonne), Fontenay (Aube, Calva-
dos, etc.), Fontanet (Lot, Lot-et-Garonne, Puy-de-Dôme).
674. Ginestosa:Ia Genetouze (Charente-Inférieure, Vendée),
la Geneytouze (Haute-Vienne). — Ginestosus : Ginestous
(Hérault, Tarn, Tarn-et-Garonne), GinestOUX (Aveyron).
675. Lut osa, c'est-à-dire « la boueuse » : Louze (Haute-
Marne), Louzes (Sarthe), Leuze (Aisne et, enBelgique, Hainautet
province de Namur).
676. B rai os a, synonyme de Lutosa, formé sur un mot anté-
romain qui s'est conservé dans le français du moyen âge sous la
forme hi^ai : Briouze (Orne).
677. Argillosa, désignant un lieu argileux : Argelouse
(Landes). — Argillosus : Argelos (Landes, Basses-Pyrénées).
678. Petrosa, c'est-à-dire « lieu pierreux, rocheux » :
Peyrouse (Hautes-Pyrénées), la Peyrouse (Gironde, Puy-de-
Dôme, etc.), la Péreuse (Ardennes, Charente). — Petrosus :
Peyroux, fréquent en Auvergne, en Limousin et dans le voisi-
nage.
1()6 LES NOMS DE LIEUX
Parfois les adjectifs en -osus ont formé des noms de lieu par
combinaison avec des noms communs.
679. Fons petrosa : Fontpédrouse (Pyrénées-Orientales).
680. Petrosa Villa : Preuseville (Seine-Inférieure).
681. Vadum petrosum : Voipreux (Marne), Guipereux
(Seine-et-Oise), le Guéperoux (Manche).
682. Fons juncosa, c'est-à-dire « source environnée de
joncs » : Fontjoncouse (Aude), à rapprocher, au point de vue de
la formation, de la Loge-Fougereuse (Vendée).
XXXVIII
FORÊTS
683. Le mot latin silva, « forêt, bois », a produit les noms de
lieu suivants : la Selve (i\isne, Aveyron), Selves (Aveyron, Can-
tal), la Serve (Ain, Jura, Loire, Puy-de-Dôme, Rhône), la Sauve
(Nièvre) ; mais en raison de ce que les mots selve^ serve, sauve
ont été employés comme noms communs avec le sens du latin
silva dans le langage de plusieurs de nos provinces au moyen âge,
et plus tard encore, il se peut que tel de ces noms de lieu ne
remonte pas nécessairement à l'époque romaine.
Silva a été employé en composition, témoin les exemples sui-
vants :
684. Plana Silva : Pleine-Selve (Aisne, Gironde), Pleine-
Sève (Seine-Inférieure), Pleines-Œuvres (Calvados), pour
Pleineseuve, Pleinesserve (Haute -Savoie). La disposition inverse
des deux éléments de ce nom a produit Sauveplane (Aveyron,
Lozère).
685. Dianae Silva est, on le rappelle (cf. n° 459), l'origine
du nom de la région forestière à laquelle Villiers-en-Désce\rfTe
(Eure) doit son surnom.
686. Grossa Silva : Grossœuvre (Eure).
687. Les trois noms composés Plana Silva, Dianae Silva
et Grossa Silva remontent très probablement à l'époque
romaine; on ne peut être aussi affirmatif au sujet de Silva plan-
tata et de Mansus Silvae, thèmes étymologiques de Sauve-
plantade (Ardèche), et de Masseube (Gers).
688. Le mot latin lucus, qui était à peu près synonyme de
silva, mais désignait, semble-t-il, un bois ou une forêt de
moindre dimension, était peut-être plus fréquemment employé
que le mot silva comme nom de lieu à l'époque romaine : du
moins l'Itinéraire d'Antonin, qui n'indique aucune station appe-
lée Silva, en fait connaître trois du nom de Lucus, situées res-
pectivement en Gaule, en Italie et en Espagne. Le Lucus de
168 LES NOMS DE LIEU
Gaule est aujourd'hui Lnc-en-Diois (Drôme), et celui d'Espagne
se nomme actuellement Lugo.
689. On peut induire de là que lucus est l'orig-ine des noms
de lieu Luc (Aude, Aveyron, Calvados, Drôme, Basses-Pyré-
nées), Lucq (Basses-Pyrénées) et le Luc (Var).
690. En admettant — ce qu'autorise au moins une des
formes anciennes du nom de Luc-sur-Mer (Calvados) — l'as-
sourdissement du c étymologique, on peut attribuer la même
origine au nom de Lu (Seine-et-Oise) et à celui du bois de Lhu
(Aisne).
Dans les noms composés dont le thème étymologique pré-
sente lucus comme second terme, le c s'est également assourdi :
691. Grandlup (Aisne), appelé au xii'' siècle Granlu et Grantlu,
représentant Grand'is Lucus.
692. Grolu (Savoie), de Grossus Lucus, « bois épais ».
693. Nélu (Eure-et-Loir), vraisemblablement de Niger
Lucus.
694. OrlufAriège, Eure-et-Loir), Orluc (Corrèze), Orlut (Cha-
rente), du latin Aureus Lucus.
695. Velu (Pas-de-Calais), "Veslud (Aisne), qui pourraient
bien venir de Vetatus Lucus, expression synonyme de
(( garenne ».
696. Il est permis de ranger dans la même catégorie, sans qu'on
puisse en déterminer sûrement le premier terme, les noms sui-
vants : Andelu (Seine-et-Oise), Banthelu (Seine-et-Oise), Dolus
(Charente -Inférieure), Gandelu (Aisne) — Wandeluz au
xfi" siècle, Gandelucus au xiii*' — Ramoulu (Loiret) et Retolu
fSeine-et-Oise).
697. Lucus apparaît comme premier terme de l'appellation
Lucus plantatus, sous laquelle une charte de 1206 désigne
Luplanté (Eure-et-Loir), synonyme de Sauveplantade.
XXXIX
COURS D'EAU
698. De tout temps, dans notre pays, des noms de lieu ont été
formés sur des noms de cours d'eau. Les villes g-auloises
d'Avaricum, aujourd'hui Bourges, et d'Autricum, aujourd'hui
Chartres, devaient leurs noms aux rivières qui les arrosent,
l'Yèvre, Avara, et l'Eure, Autura. Le nom de Thouars (Deux-
Sèvres), ville située sur le Thouet, Toaris, était sans doute à
l'orig-ine, par une construction analogue, Toaricum, témoin
l'appellation latine du territoire de Thouars, pag-us Toarcensis.
Par un procédé différent, le nom de Nevers, Ni vernis, a été
formé sur celui de la Nièvre.
699. Ce sont là des noms antéromains ou celtiques ; et l'on a
rencontré précédemment des noms de lieu résultant de la combi-
naison de noms de rivières avec les mots, celtiques aussi, hriva
(n° 98), mac/os (n° 92), duros (n° 73). On peut attribuer une ori-
gine non moins ancienne au nom deChacrise (Aisne), au x*^ siècle
Garcarisia, village situé sur la Grise, sans pouvoir toutefois
expliquer d'une manière certaine la première partie de ce nom.
Par contre, c'est à l'époque romaine qu'il faut rapporter les
noms, eux aussi étudiés déjà, qui résultent de la combinaison de
noms de rivières avec le mot latin vicus, « bourg » : Vibraye,
Visseiche, Vivonne, Blévy, Dennevy, Meuvy.
Le mot pons a été parfois associé — tel, à l'époque gauloise,
on l'a vu, le mot Lriva — à un nom de rivière.
700. Pons Isarae est le thème étymologique du nom de
Pontoise (Oise, Seine-et-Oise) appliqué à deux localités situées
sur l'Oise, l'une au passage de la voie de Soissons à Amiens,
l'autre au passage de celle de Paris à Rouen ; toutes deux sont
mentionnées dans les documents itinéraires de l'époque romaine,
la première sous la simple appellation delà rivière, Isara, la se-
conde sous le vocable Briva Isara, équivalent gaulois de Pons
Isarae.
170 - LES NOMS DE LIEU
701. Pons Dubis, l'une des stations, d'après la Table de
Peuting-er, de la voie de Besançon à Chalon-sur-Saône, est
aujourd'hui PontOUX (Saône-et-Loire), village situé au point où
cette voie traversait le Doubs, Dubis.
702. Le Pons Se al dis que l'Itinéraire d'Antonin et la Table
de Peutinger placent sur la voie de Bavai à Tournai, est actuel-
lement, moyennant le renversement des termes, Escaupont
(Nord) : c'est là que cette voie franchissait l'Escaut, Se al dis.
703. Pons Mucrae n'apparaît qu'au moyen âge pour désigner
une localité située sur le Grand-Morin, en latin Muera ou
Mogra, sans doute au passage dune voie romaine se dirigeant
de Meaux vers Troyes : le nom de cette localité est devenu Pom-
meure, puis, par le changement d'r en s, souvent constaté au
XYi" siècle, Pommeuse (Seine-et-Marne).
704. Les noms de Pontrieux (Gôtes-du-Nord), sur le Trieux,
et de Rennepont (Haute-Marne), sur la Renne, sont de même
formation que ceux de Pantoise, de Pontoux, d'Escaupont et de
Pommeuse : on n'ose toutefois leur attribuer une origine aussi
ancienne.
705. Il va sans dire que les noms de lieu dont le mot pont est
un des éléments ViC renferment pas tous un nom de rivière.
Ainsi, au moyen âge on a parfois, pour former des noms de lieu,
combiné ce mot avec des noms de personne : Ponthévrard (Seine-
et-Oise), Pons Eberhardi ; Pont-Hemy (^Somme), Pons
Remigii ; Porrcnlruy (Suisse, canton de Bàle), Pons Ragne-
trudis. Il apparaît aussi en composition avec un adjectif, et les
noms ainsi formés peuvent remonter à l'époque romaine ; on les
trouve du moins mentionnés dans des textes appartenant au début
du moyen âge : tel par exemple Pons petreus, qui dans Grégoire
de Tours, désigne Pompierre f Vosges), et qui est également le
thème étymologique tU's noms de Pompierre Doubs, Seine-et-
Marne), de Pontpierre (Ardèche, Indre-et-Loire, Loiret) et de
Pompières ( Aisne i. Pierrepont (Aisne, Ardennes, Calvados,
Maiiclie, Mcurlhe-et-Mosellc, Oise, Somme, A'osge.s) offre la
disposition inverse des deux termes. Ces divers noms de lieu ont
un .synonyme hilin de forme plus classique dans Pons lapideus,
aujourd'hui Pontlevoy (Loir-et-Cher).
ORIGINES ROMAINES I COURS d'eAU 171
Plusieurs localités portent un nom rappelant leur situation à
la source d'un cours d'eau.
706. Tantôt le nom de celui-ci est combiné avec le mot latin
fons, (( source », par exemple dans le nom de Fonsommes
(Aisne), Fons Sommae ; dans celui de Fontvannes (Aube),
Fons Vannae; dans celui de Fouvent-^e-i?as et de Fouvent-/e-
Haut (Haute-Saône) situés vers la source d'un affluent de la
Saône appelé le Vannon. Fons Lagnis désigne, dans un texte
de 632, une localité qui ne porte plus maintenant que le nom de
l'afïluent de la Seine qui y prend naissance : Laignes (Côte-d'Or).
707. Tantôt fons est remplacé par caput : de Caput Vul-
tumnae vient le nom de Chef-Boutonne (Deux-Sèvres). Caput
a d'ailleurs le sens d' « extrémité » plutôt que celui d' « origine » :
en effet Caput Droti est le thème étymologique, non seulement
du nom de Gapdrot (Qordogne), à la source du Drot, mais encore
de celui de Caudrot (Gironde), au confluent de cette rivière et de
la Garonne.
708. Mais dans la majeure partie des cas le nom de la rivière
est combiné avec l'adjectif latin summus, qui désigne ainsi le
point le plus élevé du cours de cette rivière. Les noms de lieu de
cette formation sont pour la plupart groupés vers les confins
de la Champagne et de la Lorraine, et telle en est la fréquence
relative en cette région, qu'un érudit champenois du xviii® siècle,
Grosley, a cru voir dans soin ou somme un mot du langage
troyen qui aurait eu le sens de <( source » : c'était méconnaître la
véritaiile origine de ce membre initial du nom de nombreux vil-
lages, sur laquelle aucun doute n'est maintenant possible. Les
vocables dont il s'agit vont être énumérés selon leur ordre alpha-
bétique, plutôt que selon celui de leurs formes originelles, qu'on
est loin de connaître toutes.
709. Soinloire (Maine-et-Loire), vers la source du Louère —
écrit souvent VOuère — affluent de l'Argenton. La première
syllabe de ce nom, Soin, représente le latin summus, qui s'ac-
corde avec le nom, masculin, de la rivière.
710. Sommaisne (Meuse), Summa Axona, à la source de
l'Aisne.
711. Sommauthe (Ardennes), Summa Altéra, à la source de
TAuthe, affluent de la Bar.
712. Somme-Bionne (Marne), Summa Hiunna, à la source de
la Bionne, affluent de l'Aisne.
172 LES NOMS DE LIEU
713. Sommedieue (Meuse), Summa Deva, à la source de
la Dieue, affluent de la Meuse.
714. Sommelans (Aisne), à la source du ru d'Allan, affluent
de rOurcq.
715. Sommelonne (Meuse), à la source de l'Ornelle, affluent
de la Marne dont le nom actuel est un diminutif du nom primitif
Olomna, par lequel fut désignée, à son orio^ine, la ville de
Sainf-Dlzie?' (Haute-Marne).
716. Sommepy (Marne), à la source du Py, affluent de la
Suippe ; le nom correct serait Sompy ; on a dit Sommepy par
analogie avec les nombreux noms qui commencent par somme.
717. Somsois (Marne), à la source du Sois, affluent du
Meldançon.
718. Sommesarthe (Orne), Summa Sarta, à la source de la
Sarthe.
719. Sommescaut (Aisne), à la source de l'Escaut.
720. Sommesous (Marne), Summa Saltus, à la source de la
Sommesoude, affluent de la Marne, dont l'ancien nom était Sovs.
721. Somme-Suippe (Marne), Summa Soppia, à la source
de la Suippe, affluent de l'Aisne.
722. Somme-Tourbe (Marne), Summa Turba, à la source de
la Tourbe, affluent de l'Aisne.
723. Sommevesle (Marne), Summa Vidula, h la source de
la Vesle.
724. Somme voire (Haute-Marne), Summa Vigera, à la
source de la Voire, affluent de l'Aube.
725. Somme-Yèvre (Marne), Summa Evern, à la source de
TYèvre, affluent de l'Aisne.
726. Sompuis (Marne), Summus Puteus, à la source du
Puis, affluent de l'Aube.
A ces noms, dans lesquels l'adjectif laiin est aisément recon-
naissal)le, il faut joindre les deux suivants :
727. Semide (Ardennes), à la source de l'Aidain. primitive-
incnl Ai(](\ afduont de l'Aisne.
728. Souain (Marne), à la source de lAin, affluent de la
Suij^pc. Sou- est évidemment i)()ur Som-, Si l'on n'a pas dit
Somain, c'est sans doute parce que le nom do la rivière commen-
çait jadis par une aspiration.
ORIGINES ROMAINES : COURS d'eaU 173
729. En plus d'un cas, tel nom de rivière a désigné une des
localités riveraines, la plus ancienne peut-être. Dès l'époque
romaine, les documents itinéraires mentionnent plus d'un relais
de poste qui, situé au passag-e d'un cours d'eau, empruntait à
celui-ci le nom sous lequel on le désignait : Axuenna, du nom
de l'Aisne; Banesia, du nom de la Baise; Isara, du nom de
l'Oise ; Mosa, du nom de la Meuse ; Odoana, aujourd'hui Ouanne
(Yonne), du nom de l'Ouanne ; Sipia, du nom de la Seiches;
Vidubia, du nom de la Vouge.
730. Au point de vue de l'origine on peut assimiler à ces relais
antiques un certain nombre de localités désignées chacune par
le nom du cours d'eau qui l'arrose, par exemple : Alrance (Avey-
ron), Altier ('Lozère), Amance (Haute-Saône), Ancre, aujourd'hui
Albert (Somme), Anille, aujourd'hui Saini-Calais (Sarthe), Ante
(Marne), Authe (Ardennes), Authies (Somme), Auve (Marne),
Barbuize (Aube), Beuvron (Nièvre), Bèze fCôte-d'Or), Bièvres
(Seine-et-Oise , B\aise-sous-Haufeville (Marne), Dives (Calvados,
Oise), Doubs (Doubs). Essonnes (Seine-et-Oise), Gartempe
(Creuse), Mœurs i Marne), sur le Grand-Morin, jadis Meure, du
latin Muera. Moivre (Marne), Morains (Marne), sur le Petit-
Morin, Reyssouze (Ain), Sommette (xVisne), sur la Somme,
Suippes (Marne), Touques (Calvados), Vire (Calvados), "Vismes
(Somme).
De ces vocables divers la transition est toute naturelle à ceux
qui expriment la situation des localités à tel ou tel point du
cours des rivières.
731. On a vu qu'à l'époque celtique certaines localités étaient
désignées par le mot hriva, équivalent du latin pons. Les locali-
tés dont le nom français Pont dérive de ce mot latin sont bien
plus nombreuses, de sorte qu'il a fallu de toute nécessité les dis-
tinguer entre elles par des surnoms ; on se dispensera d'en don-
ner ici lénumération.
732. Le mot Vadum employé seul comme nom de lieu est,
sans parler des noms modernes le Gué, l'origine des noms de
'Wé (Ardennes), de Wez (Marne), de 'WetZ (Nord) et de Vez
(Oise). Cette dernière.localité fut le chef-lieu d'une circonscription
administrative, le pagus Vadensis, dont le nom, devenu fameux
à l'époque féodale, s'est conservé sous la forme "Valois.
174 LES NOMS DE LIEU
733. Ces formes vulgaires légèrement dissemblables du mot
latin vadum, et qui, pour la prononciation, se réduisent à vé ou
wé, sont spéciales aux pays wallons, à la Picardie et à la Cham-
pagne, où on les voit aussi entrer en composition : Regniowez,
Renwez, Maranwez (Ardennes). Parfois elles ont subi des défor-
mations qui les rendent quelque peu méconnaissables. Un
Vadum gallo-romain ou gallo-franc est devenuVoillecomte (Haute-
Marne), par suite de l'agglutination au nom vulgaire de cette
localité d'un surnom du xii^ siècle, exprimant qu'elle appartenait
au domaine d'un comte, le comte de Champagne. L'altération
est plus grande encore dans le nom moderne du lieu que des
chartes du xii'' siècle appellent Vadum Passonis, nom latin
qui, de Woepasson est devenu Vaupoisson (Aube). Un autre
composé de vadum est Vadum petrosum, dont les formes
vulgaires ont été énumérées ci-dessus (n** 681).
734. Le mot gaulois condas ou condate a pour équivalent latin
le mot pluriel confluentes qui, dès l'époque romaine, dési-
gnait un castrum situé au confluent de la Moselle et du Rhin, et
qui nest autre que la ville actuelle de Coblenz (Prusse rhénane).
Selon les régions ce nom latin Confluentes a subi dans la
langue vulgaire des altérations diverses : Conflans (Ain, Drôme,
Loiret, Marne, Meurthe-et-Moselle, Haute-Saône, Sarthe, Seine,
Seine-et-Oise), Gonfolens (Charente, Haute-Vienne), Confolent
(Cantal, Corrèze, Haute-Loire, Puy-de-Dôme), Gonflent (Corrèze),
Gouffoulens (Aude), Gouffouleux (Aveyron), Goufouleux (Tarn),
Gomblain (Belgique, province de Liège), Goublanc (Haute-Marne,
Saône-et-Loire).
735. A côté de Confluentes, il convient de signaler les noms
exprimant une situation, sinon au confluent, du moins dans le
voisinage de deux cours d'eau. In ter A m nés est représenté par
Entrammes (Mayenne) et par Antran (Vienne). Inter Aquas
est l'origine des noms modernes Entraigues (Indre, Isère, Puy-
de-Dôme, Savoie, Var, Vaucluse), Entraygues (Aveyron, Cor-
rèze), Entre-Aigue (Savoie), Anlraigues (Ardèche, (Santal, Cor-
rèze). liilcr amhas a(juas est devenu Tramesaigues (Ilaute-
(iaronne. Hautes- Pyrénées).
XL
ORIGINES GERMANIQUES : -ING
Dans le contingent qu'ont apporté k la toponomastique fran-
çaise les populations établies en Gaule du v° au x'' siècle
— Saxons, Burgondes, Goths, Francs, Scandinaves, Bretons et
Basques — les noms d'origine germanique tiennent une place pré-
pondérante. Avant d'en aborder le détail, il convient de bien
préciser le sens du suffixe -ing^ au pluriel -ingen, dont le rôle,
dans la formation de ces noms en Germanie, en Gaule, en Grande-
Bretagne, en Italie, n'a pas eu moins d'importance que celui du
suffixe -acus dans les noms de lieu d'origine gallo-romaine.
736. Ce suffixe a de bonne heure attiré l'attention des histo-
riens. Il doit cette faveur à ce qu'on le voit paraître dans les
noms des deux premières dynasties franques et dans celui de la
Lorraine. Augustin Thierry et Henri Martin ont cru retrouver dans
les noms Mérovingiens, Carolingiens, Lotharingiens, des noms pa-
tronymiques désignant les descendants de Mérovée, de Charles,
de Lothaire, de mémequ'Agilulfingi désignerait les descendants
d'Agilulf, qui gouvernèrent la Bavière du vi® au x" siècle. C'est
ainsi que Withgils, père des princes anglo-saxons Hengist et
Horsa, était dit Witting, c'est-à-dire lîls de Witta, celui-ci
Weçting, fils de Wecta, et ce dernier Wodening ou fils de
Woden.
Dans tous ces noms le suffixe -ing reparaît, et aux historiens
mal informés il est apparu comme l'équivalent de notre mot
« fils » et de l'allemand Jung. Cette opinion est complètement
erronée. Ing au sens de « fils », n'existe dans aucune langue ger-
manique ; mais supposé qu'il existât, on ne saurait expliquer à
quel titre il est entré dans la composition de nombreux noms de
lieu formés sur des noms d'homme ; ni comment le roi Lothaire
ayant eu trois enfants, le nom de Lotharingen, au sens de « pays
des fils de Lothaire » aurait été donné à une seule contrée de
l'empire franc, alors que ces princes régnaient sur des pays
476 ■ LES NOMS DE LIEU
portant des noms tout ditTérents, et faisant cependant partie de
l'empire franc. Il faut noter aussi que dans le haut moyen âge le
mot Mero'vingi désigna, non seulement les rois, mais leurs
sujets ; et que Kerlinc/en, aux xi^ et xii* siècles, fut appliqué aux
habitants des provinces septentrionales du royaume capétien qui
avaient été antérieurement sous la domination caroling-ienne. On
conclura de là que le suffixe -inff exprime non la filiation, mais
la sujétion. Par « Lorrains » — Lotharingi, Loherains — il
faut entendre « les sujets de Lothaire »>.
Le suffixe germanique -inc[ est donc léquiA'alent du gallo-
romain -acus et du romain -anus : c'est là un fait dont la no-
tion était encore vivace au ix^ siècle, alors qu'on substitua
Salmoringus et Scudingus aux vocables Salmoriacus et
Scutiacus qui désignaient, le premier un comté de la région
de risère, le second un pays de la Franche-Comté.
737. On sait du reste que ce suffixe s'ajoutait à des noms
d'hommes pour former des adjectifs nominaux. C'est ainsi que
dans le capitulaire De villis, par lequel Charlemagne réglementa
l'administration des domaines royaux, sont mentionnées deux
sortes de pommes nommées Gozmaringa et Geroldinga ;
d'autre part, dans un manuscrit deWolfenbûttel remontant au x'^
siècle, certains modes musicaux sonl appelés modus Garle-
manic, modus Florinc, modus Liebinc et modus Ottinc,
et l'auteur a spécifié que cette dernière expression était due à
l'empereur Othon P"", d'où l'on peut rapporter les trois autres
mots à des personnages nommés Garloman, Florus et Liebo ou
Liubo.
738. Dans certains cas -ing est joint, non plus au nom de la
personne, mais à son titre : diverses localités, aux xi" et xii'^
siècles sont appelées Abbatinga, Ahhalissin/jen, Biskopfingen^
(iravingcn — on eût dit on latin Abbatialia, Abbatissalia,
Episcopalia, Comitialia — désignant (U>s domaines apparte-
nant à un abbé, à une abbesse, à un évéque, à un comte. Plu-
sieurs de ces noms subsistent :
Grafing, Grafing (Bavière, Autriche) ; Grafflngen (grand-
duché de Bade). Il convient d'en rapprocher les composés Gra-
finhaus, " maison du comte .., Grafingholz ('W'^estphalie), « le
bois du comte », Grafingloh ' VVesIpiialiiM, « le pré du comte »,
Bischofing (liavière), Bischot'fingen (grand-duché de Bade).
ORIGINES GERMANIQUES 177
739. Quant aux noms de lieu formés au moyen du suffixe -ing
sur des noms d'hommes, ils sont fort nombreux.
Ainsi l'on doit au nom d'Otto, -onis les noms de lieu Otting,
Oetting, Oettingen (Autriche, Bavière), Ottingen (Hanovre),
Ottinghausen (Lippe-Detmold), Oettinghausen (Westphalie),
Ottingmuhle (Autriche), « le moulin d'Othon », Ottikon (Suisse,
cant. de Zurich), altération d'O^^/n^/io/fe/i, « la ferme d'Othon».
De même sur le nom propre Waddo, -onis, qui, d'après
Grég-oire de Tours était porté par un contemporain de Chilpéric,
on a formé l'adjectif nominal Wadding^ d'où les noms de lieu
Ter Wadding (Pays-Bas, Hollande méridionale), Vadans (Jura,
Haute-Saône), Waddinghan (comté de Lincoln), Waddington
(comtés de Lincoln et d'York), Waddingworth (comté de Lincoln),
Wedenthun (Pas-de-Calais).
C'est également le suffixe -ing qu'on reconnaît dans la termi-
naison -an ou -en de certains mots, tels que flamand^ de
flamingus, et les noms de poisson d'origine germanique hareng,
merlan, cperlan.
I
l'i
ORIGINES GERMANIQUES : -ING 177
739. Quant aux noms de lieu formés sur des noms d'hommes
au moyen du suffixe -iiKj, ils sont fort nombreux.
Ainsi l'on doit au nom Otto, -onis, les noms de lieu Ottlng,
Oetting, Oettingen (Autriche, Bavière), Ottingen (Hanovre),
Ottinghausen (Lippe-Detmold), Oettinghausen (Westphalie),
Ottingmiihle (Autriche), « le moulin d'Othon », Ottikon (Suisse,
cant, de Zurich), altération d'Otfinghoffen, « la ferme d'Othon ».
De même sur le nom propre Waddo, -onis, qui, d'après
Grégoire de Tours, était porté par un contemporain de Chilpéric,
on a formé l'adjectif nominal icadding, d'où les noms de lieu
Ter-Wadding (Pays-Bas, Hollande méridionale), Vadans (Jura,
Haute-Saône), Waddingham (Lincoln), Waddiïigton (Lincoln,
York), Waddingworth (Lincoln), Wadenthun (Pas-de-Calais).
C'est également le suffixe -ing qu'on reconnaît dans la termi-
-naison, prononcée -an, de certains mots, tels que flamand, de
flaming-us, et lesnoms de poisson, d'origine germanique, hareng,
merlan, éperlan.
Les noms de lien. "I^
XLI
ORIGINES SAXONNES : GÉNÉRALITÉS
740. Tous les peuples riverains orientaux de la Mer du Nord
— Frisons, Saxons, Danois, Jutes, Ang-les — ont plus ou moins
mené la vie de pirates. La misère à laquelle ils étaient en proie,
les uns en raison de la rigueur du climat, les autres parce que les
progrès de la mer les forçaient de chercher une autre patrie, déve-
loppa chez eux le goût des courses maritimes, d'où ils rapportaient
le plus souvent un riche butin. Au ui"^ siècle, les pirates saxons —
et Ton confondait évidemment sous ce nom de hardis navigateurs
appartenant aux régions voisines de la Saxe proprement dite —
infestaient déjà les côtes de la Gaule, et tenaient dans ce pays le
rôle quv joueront, six siècles plus tard, les pirates Scandinaves
ou normands. Dès l'an 286, ils dévastent le littoral gaulois, que
Carausius était alors chargé de protéger contre leurs incursions,
et ils ravagent également le littoral de l'île de Bretagne. Leurs
incursions prenant un caractère chronique, les régions les plus
particulièrement exposées sont désignées, à la fin du iv*^ siècle, et
d'une manière officielle, par le vocable de littus saxo ni eu m :
l'Empire romain en confie la défense à un commandant militaire,
qualifié de « comte du rivage saxon en Bretagne », comes lit-
toris Saxonici per Britanniam. Si l'on en juge par les deux
mentions qu'en fait la Notifia dignitatum Imperii, le « rivage
saxon » devait s'étendre, en Gaule, des bouches de l'Escaut à
l'embouchure de la Loire, peut-être même à celle de la Gironde.
Le pays ainsi désigné, et qui répondait à peu près à l'Armorique
de César, était constamment exposé a leurs ravages. Sidoine Apol-
linaire dit en propres termes : « L'Armoricjue est toujours mena-
cée de l'invasion du pirate saxon, qui se fait un jeu de sillonner,
sur une peau, les eaux de l'île britannique, et de courir la mer
verte sur des cuirs cousus ' ».
Mais les Saxons ne s'en tinrent pas à ces courses proscpic con-
1. Cirmi/iiiiii VII, v. .'100-371 [Mon. (imii., Aiict. .■inti>/iiis<i. Vill, 212).
ORIGINES SAXONNES : GÉNÉRALITÉS 179
tinuelles. Les Romains ayant dû abandonner la Grande-Bretagne
à elle-même pour concentrer la défense de l'Empire, ces hardis
pirates s'établirent d'une façon presque permanente dans
cette île, et, la fortune secondant leur audace, les Saxons,
associés aux Angles, leurs voisins de la péninsule cimbrique et
leurs congénères, y fondèrent, dans l'espace de moins d'un siècle
et demi, de 449 à 584, sept royaumes, refoulant successivement
la race bretonne dans la partie occidentale de l'île, oii elle s'est
maintenue, surtout dans les pays de Galles et de Cornouailles.
Trois de ces royaumes, — celui de Sussex ou Saxe du sud fondé
en 491 ; celui de Wessex, ou Saxe de l'ouest, qui date de 519 ; et
celui d'Essex, ou Saxe de l'est, dont on fixe le commencement à
526 — portaient même dans leur appellation l'indication de leur
origine saxonne, qu'on retrouve également dans le nom du comté
dans lequel est située la ville de Londres, car ce nom, Middle-
sex, signifie la (( Saxe du milieu ». Un autre des sept royaumes
anglo-saxons portait le nom à' Estanglie^ indiquant la résidence
des Angles de l'est.
Dans la Gaule, objet de la convoitise d'un plus grand nombre
de nations germaniques que ne l'était, par le fait de sa situation,
l'île de Bretagne, l'établissement des Saxons ne pouvait s'effec-
tuer avec la même facilité. Aussi ne semble-t-elle pas avoir offert,
comme l'île de Bretagne, une suite de Saxes contiguës, mais seu-
lement de petites Saxes isolées, ne s'écartant guère, en aucun
point, du littoral maritime. Les textes historiques concernant
notre pays, au cours de la période franque, signalent deux
de ces colonies saxonnes; l'une au voisinage de Bayeux, repré-
sentée au VI® siècle par les Saxones Bajocassini de Grégoire
de Tours, et au ix'' siècle par la circonscription administrative
qu'on appelait Ottinga Saxo nia; l'autre, établie dès les der-
nières années de l'Empire d'(3ccident dans les îles que formait la
Loire à son embouchure, avait alors pour chef un certain Odoacre
qui, un moment maître d'Angers, fut ensuite dompté par le roi
franc Ghildéric, dont il dut accepter la domination.
L'étude des noms de lieu permet de croire à l'existence d'autres
colonies saxonnes sur le littoral gaulois de la Manche ou de la
Mer du Nord, colonies sur lesquelles les monuments écrits
sont entièrement muets : dans le Gotentin (Manche) ; dans le
pays de Gaux (Seine-Inférieure) ; dans le Boulenois (Pas-de-
180 LES NOMS DE LIEU
Calais). Très probablement les côtes de la Belgique actuelle
reçurent aussi des colons de r;ice saxonne. Mais sur tous les
points où ils s'établirent en Gaule, des bouches de TEscaut k
l'embouchure de la Loire ^, les colons saxons avaient dû, dès le
commencement du vi'' siècle au plus tard, reconnaître l'autorité
des rois mérovingiens.
Ce qui s'était passé dans l'île de Bretagne et en Gaule aux \^ et
vi'' siècles, du fait des Saxons, se renouvela en partie après la
mort de Charlemagne. Cette fois les pirates, ordinairement
désignés par les chroniqueurs sous le nom de Northmanni
et de Dani, appartenaient à la famille Scandinave. Après avoir
dévasté, par des incursions souvent répétées, les côtes de la
Gaule et des îles britanniques, ils y fondèrent à leur tour
d importants établissements qui souvent se superposèrent aux
anciennes colonies d'Angles et de Saxons, de sorte que la topo-
nymie actuelle de plusieurs des régions où ils se fixèrent offre
un grand nombre de vocables Scandinaves ou demi-scandinaves,
qui, en plus d'un cas sans doute, se substituèrent à des noms
saxons que les ravages des nouveaux venus avaient fait oublier.
La langue de ces derniers était d'ailleurs étroitement apparentée
à celle des Saxons; aussi n'est-il pas toujours facile de détermi-
ner ce qui doit être attribué en propre aux uns et aux autres.
1. Touchant cette dernière région, voici, textuellement, en quels termes
A. Longnon s'exprimait dans sa leçon du 11 décembre 1890, au Collège de
P^rance : « A défaut de noms d'origine foncièrement saxonne, on peut
signaler, vers l'embouchure de la Loire, (juehiues noms de lieu originai-
rement terminés en -acus, et dans lesquels ce suffixe, sous l'influence
sans doute d'un élément assez important de population saxonne, se pré-
sente aujourd'hui sous la foinie -ic, c'csL-à-dire sous une forme très voi-
sine de celle quil revêt dans les régions voisines du Rhin, où l'élément
germanique n'a jamais cessé d'être prédominant : j'entends parler ici du
nom du Croisic, bourgade de la presqu'île de Batz (Loire-Inférieure), en
latin Cruciacus, et du vocable de Pomic, autre bourgade du même
déparlement, mais située, elle, au sud de In Loire, à douze lieues au
sud-est du Croisic, et dont le nom latin semble avoir été quelque chose
comme Pruniacus. La forme moderne des noms du Croisic et de Por-
nic, bourgades maritimes ([uune distance de six lieues sépare l'une et
l'autre de l'embouchure de la Loire, a été très proljabiemenl influencée
|i;ir la colonie saxonne (|ui se lixa dans ces parages au cours du v*" siècle <>.
XLII
ORIGINES SAXONNES EN NORMANDIE
Pour trouver dans la toponymie du Bassin, du Cotentin et du
pays de Gaux des vestiges de la domination saxonne, il y a lieu
d'y rechercher les vocables formés à l'aide de divers noms com-
muns qui appartiennent à la langue des envahisseurs, et qui
vont être successivement passés en revue.
TUN
741 . Ce mot est commun à l'anglo-saxon, au vieux norois et au
vieux frison : il est devenu dans l'ancien haut-allemand zûn,
correspondant à l'allemand moderne zaun, « haie », et dans l'an-
cien anglais ton, aujourd'hui foicn, « cité ». Du sens primitif de
clôture — la même racine se rencontre dans le vieil anglo-
saxon tynan, « enclore » — il est passé à une acception analogue
à celle du latin villa.
Si ce mot fut commun à plusieurs nations germaniques, les
Saxons seuls paraissent l'avoir employé comme second terme de
noms de lieu composés. Les noms en -ton sont très fréquents en
Angleterre, et l'existence, sur laquelle on reviendra plus loin
(n°* 760 à 790), d'une trentaine de noms en -thiin dans le Bou-
lenois, est le principal argument sur lequel on se fonde pour
croire que cette région reçut, aux v*^ et \f siècles, une colonie
saxonne.
En Normandie, on ne peut aujourd'hui citer, comme apparte-
nant à cette catégorie, que le nom de Gottun, porté, dans le
département du Galvados, par une commune du canton de
Bayeux et par deux écarts situés respectivement à Barbeville
(même canton) et à Tournières (cant. de Balleroy). C'est d'une
de ces localités qu'il s'agit dans une charte de 103() : terra
Osketelli de Goltun; cette mention est particulièrement
intéressante, le nom du personnage étant purement saxon ;
équivalent du moderne Anqiietil, il présente comme premier
182 LES NOMS DE LIEU
terme le nom de ces divinités germaniques qui furent appelées
Ans par les Francs, As par les Scandinaves, et Os par les Saxons.
L7 de Coltun s'est vocalisée de bonne heure : dès 1160 enviroiî,
on a la forme Coutiim. — On peut voir dans Cottun un homo-
nyme des localités anglaises dénommées Goltoil (Lancaster,
Norfolk, Stafford, Worcester, York), dont l'une est appelée Col-
tun, en 970, dans une charte du roi Edgar.
HAM
142. Le mot anglo-saxon ham est analogue au gothique
heims, qu'on trouve, avec le sens de « village » dans la traduc-
tion de la Bible écrite au iv® siècle par Ulfilas, au vieux norois
heimni, au vieux frison hem, au danois djem, et à l'allemand
heim encore usité, à l'état d'adverbe, au sens de « à la maison,
chez soi » ; employé par les Francs, le mot ham s'est conservé
dans le diminutif Aa/ne/, aujourd hui hameau.
Ce mot était, on le voit, commun aux diverses langues germa-
niques ; mais comme il a laissé de nombreuses traces dans la
toponomastique de l'Angleterre et du Boulenois, on peut attribuer
aux Saxons les quelques noms de lieu du Bessin dans lesquels
il est possible de le reconnaître.
Ouistreham (cant. de Douvres) est appelé en 1086 Oistreham;
la même forme ancienne désigne, vers la même date, dans le
Domesday-Book., un village du comté de Kent, dont le nom
actuel est "Westerhaiïl. 11 faut vraisemblablement entendre par là
« village occidental », acception que justifie la situation d'Ouis-
treham sur la rive gauche de l'Orne.
Etreham (cant. de Trévières), qu'on prendrait à première vue
pour un « village oriental », est en réalité uiu^ variante d'Ow/s-
treham, car ce village est dénommé Oesterham dans un pouillé
du diocèse de Bayeux, établi en 1350,
Surrain (cant. de Trévières), appelé Surrchain, ou plutôt
Surrehuni, au xi* siècle, Siirrehcun en 122"), elSurrehan en 1257,
paraît être un synonyme do Southerham (^^'iUs) ; c'est le
« village du sud ».
743. Sur d'autres points de la Noi-mandio, le Ham (Manche,
cant. de Montebourg ; (>alvados, cant. de Cambrenier), ainsi que
Canehan (Seine-Inférieure, cant. d'Iilu), appelé Kenehan en 1030
ORIGINES SAXONNES EN NORMANDIE 183
et Chenean ou Chanahan en 1035, sont assez peu distants des
côtes pour qu'il soit permis d'y voir d'anciennes colonies
saxonnes.
744. Plus à l'intérieur, c'est aux Francs qu'il faut attribuer
les noms de lieu dans lesquels ham est plus ou moins reconnais-
sable.
COT
745. Le terme cot, qui désignait une petite habitation, est la
racine du mot coterie — par lequel, en Normandie, on entendait,
au moyen âge, un groupe de paysans constitué pour tenir les
terres d'un seigneur — et celle aussi du mot collage, que nous
avons emprunté aux Anglais pour l'appliquer à un domaine rus-
tique, mais élégant.
Les noms de lieu Caudecotte (Calvados, Eure, Seine-Infé-
rieure), BroCOttes (Calvados) et Vaucotte (Seine-Inférieure)
sont, de toute évidence, formés à l'aide de ce terme : mais
remontent-ils aux Saxons, ou datent-ils seulement de l'établisse-
ment des Normands? On a d'autant plus sujet d'hésiter que cot
appartenait aussi à la langue noroise. Du moins la première
hypothèse est vraisemblable quand tel de ces vocables correspond
à une localité voisine du littoral : l'un des Caudecotte de la
Seine-Inférieure est à Dieppe, et l'autre à Avesnes (cant. d'En-
vermeu) ; Vaucotte est à Vattetot-sur-Mer.
Caudecotte a d'ailleurs plusieurs équivalents en Angle-
terre : Caldecot (Norfolk), Caldecote (Cambridge, Warwick),
Caldecott (Bedford), Caldicot (Monmouth) ; ces diverses localités
sont désignées dans le Domesday-Book sous les formes Calde-
cot, Caldecote^ Caldecotes.
746. Le nom de Caudecotte a été traduit aux xiii® et xiv^ siècles
parCalida tunica ; c'est un jeu de mots dont il convient de ne
faire aucunement état. Le premier élément de ce nom n'est autre
chose que l'adjectif correspondant à l'allemand kalt, à l'anglais
cold, au sens de « froid », et il faut voir dans Caudecotte, une
« habitation froide », c'est-à-dire exposée par son isolement à
tous les vents.
110
747. Les noms de lieu Cridcsho, Caegesho — qu'on rencontre,
184 LES NOMS DE LIEU
le premier en 780, le second en 793, dans des diplômes du roi
Offa — et Clofeshoas — forme latinisée, à l'accusatif pluriel, qui
figure dans des textes de 794 et de 824 — présentent une termi-
naison qui, dans la toponomastique actuelle du Royaume-Uni,
affecte toujours la forme hoo : Northoo (Suffolk), Poddinghoo
(Worcester), MiUhoo (Essex), ce dernier appelé Melaho dans des
textes de l'époque anglo-saxonne. Dans cette terminaison les
érudits anglais reconnaissent un mot saxon désignant un pro-
montoire en forme de talon dominant, soit la plaine, soit les flots
de la mer. Ce mot est entré dans la formation de bon nombre de
noms de lieu du Cotentin et des îles anglo-normandes.
748. En Cotentin il y a lieu de signaler : Nehou (cant. de
Saint-Sauveur-le- Vicomte), Pirou (cant. de Lessay), Quettehou,
r/s/e-Tatihou, à Saint- Vaast-de-la-Hougue (cant. de Quettehou).
Dans tel de ces noms, la terminaison a été, aux xn^ et xui'' siècles,
latinisée en hulmum, et l'on a voulu l'identifier avec le mot
norois holm, signifiant île : il faut tenir pour erronée cette
opinion, fondée uniquement sur une fantaisie de clercs. Holni
est représenté dans la toponomastique par -/lomme : Robehonirne
(Calvados).
749. Autour des îles anglo-normandes on observe des îlots et
des rochers appelés le Hou et Brecquehou, près de Guernesey,
Brehou, Bernehou, Burhou, Coquelihou et Gethou, près d'Auri-
gny, Ecrehou, près de Jersey.
IG
750. A considérer ce dernier groupe, on est amené à penser
que les Saxons des v'- et vi'' siècles ont occupé, non seulement le
Cotentin, mais aussi les îles voisines. A l'appui de cette hypo-
thèse on peut invoquer également la présence de la terminaison
-pjj dans le nom de ces îles, Guernesey, Jersey, Chausey,
ainsi quAlderney, nom anglais de lîle d'Aurigny ; terminaison
qu'on observe de même dans le nom anglais — Orkney — des
Orcades.
Ey n'est autre chose que le saxon iff, au pluriel igc^ signifiant
« île >», qui constitue la terminaison de bon nombre de noms de
lieu mentionnés ilans les chroniques et les diplômes du haut
moyen âge intéressant l'Angleterre :
ORIGINES SAXONNES EN NORMANDIE 18S
Hengestig — formé sur le nom que porta le premier roi de
Kent — aujourd'hui Hincksey (Hants) ;
Mdelig — ancienne forme du nom d'Athelney (Somerset)
— parfois traduit par Insula Glitonum (/.autîç^: edel, noble);
Cymesige, aujourd'hui Kempsey (Worcester) ;
Tliornig, formé sur t/iorn, épine, aujourd'hui Thorney
(Middlesex) ;
Runimaesig, aujourd'hui Ramsey (Hants).
Pour en revenir au nom des îles anglo-normandes, il est à
remarquer que dans le Roman de Bon, écrit au xu*' siècle, Jersey
est appelée Gersui, et Guernesey Guernesiii ou Guernesi : la ter-
minaison de ces forme anciennes apparaît comme une variante
de -ig.
NAES
751. Le substantif saxon naes, dont l'équivalent norois est
neis, au sens de « cap », et qui se retrouve dans l'anglais -ness
— Inverness — a donné le mot nez, employé dans le langage
courant du Gotentin et des îks anglo-normandes : le Nez de Gar-
teret, de Jobourg, le Gros-Nez de Flamanville, de Jersey.
752. Soit dit en passant, ce mot fut employé aussi dans le
Boulenois, où l'on remarque le cap Blanc-Nez, anciennement
Blaknez, c'est-à-dire « cap noir », et le cap Gris-Nez, appelé en
4312 /e Ness.
FLEOD
753. Le dernier terme des noms Barfleur (Manche, cant. de
Quettehou), Fiquefleur (Eure, cant. de Beuzeville), Harfleur
(Seine-Inférieure, cant. de Montivilliers), Honfleur (Galvados) et
Vittefleur (Seine-Inférieure, cant. de Gany) fait, à première
vue, penser au norois flodh, « golfe » ; ces noms auraient alors
été importés sur notre sol par les Normands, soit au ix® siècle
seulement. Mais à considérer qu'ils ne constituent qu'un fort
petit groupe, et s'appliquent à des localités maritimes ou peu
éloignées de la côte, on peut, sans trop s'aventurer, les attribuer
aux Saxons, dont la langue désignait par flead une eau courante,
une petite rivière, un canal, par flod un amas d'eau, la marée.
Le nom de Vittefleur, village situé sur la rive droite de la Dur-
dent, à six kilomètres environ de son embouchure, a vraisem-
blablement le sens d" « eau blanche ».
186 LES NOMS DE LIEU
754. En faveur de l'origine saxonne du nom dont il s'agit, on
peut invoquer par surcroît l'existence en Boulenois du nom
d'Ambleteuse, localité que Bède le Vénérable, au viii^ siècle,
appelait Amfleat. La forme actuelle de ce nom ne remonte qu'au
xvi' siècle, et les formes antérieures — y compris Ambleteiive^
qu'on trouve encore en 1359 — procèdent manifestement d'un
primitif tel que Amfleat hove.
755. Honfleur est appelé en 1 198 Honneflo^ et, dans les formes
médiévales des noms qu'on vient de lire, la terminaison est d'or-
dinaire -fine ou -fleu ; parfois elle est rendue par le latin
fluctus, dont le sens ne diffère guère de celui 'de fleod. L'r
finale n'est apparue qu'à une époque relativement récente, et, de
nos jours encore, la prononciation locale ne la fait ordinairement
pas sentir.
756. On se gardera d'apparenter à ces noms celui de Camfleur
(Eure, cant. de Bernay) : la localité est trop éloignée des côtes
pour qu'on puisse supposer que les Saxons s'y soient établis ; l'r
finale se rencontre dès le début du xi^ siècle : Campflor ; et
l'appellation Campus floridus, qui se trouve dans un ancien
pouillé de Lisieux, est sans doute le thème étymologique, flori-
dus étant accentué sur l'antépénultième.
GATE
757. Le mot gale avait, chez les Saxons, le sens de « trou,
passage, ouverture » ; dans l'anglais moderne il a celui de
« porte », de « barrière ». On en trouve des traces en Boulenois
(cf. ci-après, n° 802). Mais comme ce mot paraît avoir appartenu
aussi à la langue noroise, puisqu'en suédois gâta signifie « rue »,
on peut hésiter sur la question de savoir si le nom de Houlgate,
poité dans le département du Calvados par une station l)al-
néaire bien connue (cant. de Dozulé) et par des hameaux de Bié-
ville (cant. de Mé/.idon) et de Deux-Jumeaux (cant. d'Isigny),
remonte aux Saxons ou aux Normands. La première hypothèse est
légitime à l'égard de la première et de la dernière de ces localités,
dont l'une est à l'embouchure de la Dives, et l'autre à peu de
dislance du littoral ; elles ont d'ailleurs un homonyme d'origine
saxonne bien avérée dans Holgate (York).
On peut attribuer également aux Saxons le nom de Hiégathe,
ORIGINES SAXONNES EN NORMANDIE 187
porté par un écart de la commune de Montmartin-en-Graijjnes
{Manche, cant. de Saint-Jean-de-Daye).
DIKE
758. Dans une anse voisine d'Herqueville (Manche, cant. de
Beaumont) existe presque en son entier un retranchement
connu sous le nom de Haguedike, lequel dut être élevé par
les pirates du Nord, pour protéger contre les entreprises des
populations romanes un de leurs postes, établi à l'extrémité de la
pointe de la Hague. Ce retranchement est-il d'orig-ine normande
ou d'orig-ine saxonne? Dike, en effet, apparenté à notre mot
(( dig-ue », appartient à toutes les langues germaniques, aussi
bien au norois qu'au saxon. On peut, dans l'espèce, l'attribuer
aux Saxons, car il existe en Angleterre un Danesdike (York),
dans lequel il faut voir un retranchement élevé, comme son nom
l'indique, par les Danois, mais qui dut son appellation aux
Saxons ; d'autre part, les noms de lieu en dike, assez rares dans
la Scandinavie, sont plus nombreux en Angleterre : Kinsdike
(Kent), Dogdike (Lincoln), Wanesdike (Wilts).
759. Pour terminer cette revue des noms de lieu de Norman-
die qui paraissent d'origine saxonne, il reste à examiner si les
noms en -mare doivent être rapprochés des noms en -mer, si
communs en Angleterre, A vrai dire, ils sont plutôt norois : la
chose est incontestable quand on voit le terme dont il s'agit
précédé d'un adjectif — Longueniare (Eure), Sausseuzemare
(Seine-Inférieure) — ou d'un nom d'homme normand. Ce terme
a dans ces noms le sens de notre mot « mare ».
Quant aux noms en -mer, dont la Normandie présente plusieurs
exemples, leurs formes anciennes attestent en plus d'un cas une
origine tout autre, Cambremer (Calvados), connu depuis le
vii*^ siècle, était alors appelé Cambrimarum. Courtomer [Orne)
est un nom de lieu de type bien connu, présentant, à la suite du
nom commun cortis, un nom d'homme gallo-franc : Cortis
Audomari. Et le thème étymologique de Mortemcr (Seine-
Inférieure) peut bien être exclusivement latin.
XLIII
ORIGINES SAXONNES EN BOULENOIS
L'existence dune colonie saxonne en Boulenois est attestée^
sinon par les monuments écrits, du moins par la toponomastique
de la rég-ion.
760. On a vu (cf. ci-dessus, n"^ 741) ce qu'il faut entendre par
le mot tun. S'il a laissé peu de traces en Normandie, on le ren-
contre dans une trentaine de noms de lieu du Boulenois, et cette
constatation est à rapprocher de celle que faisait jadis le philo-
logue allemand Léo, lorsqu'il établissait, à l'aide des cinq cent
vingt-sept chartes, comprises entre les années 604 à 966, que
renferment les deux premiers tomes du Codex diplomatîciis
aevi saxonici, que l'ensemble des noms terminés en tun, consti-
tue, de l'autre côté du détroit, le huitième des vocables géog-ra-
phiques.
761. Alenthun, écart de Pihen (cant. de Guînes), appelé en
1084 Ellingatum et AUingatun, est formé de tun^ précédé de
l'adjectif nominal alling \ il a pour équivalents Alincthun (cant.
de Desvres) — Alinghetun en 1199 — et, en Angleterre,
Allington (Dorset, Hauts, Kent, Wilts, etc.) et Ellington
(Northumberland, Kent, Huntington, York).
762. Audincthun (cant. de Fauquembergues), en 1016 Odin-
fjatun , le nom d'homme sur lequel est formé, à l'aide du suffixe
-m^, le ])remier terme, est Oddo, origine du nom Eudes. —
Cf. Audincthun, écart d'Amlinghen (cant. de Marquise), Audin-
thun, ('cart de Zudausques (cant. de Lumbres), et, en Ang-leterre,
Oddington (Gloucester, Oxford).
763. Baincthun (cant. de Boulogue-Sud), en 811 Baf/inr/alun.
— Cf. Baginton fWarw^ick), Bainton (Norlhampton, Oxford,
Suiïolk;.
764. Bandrethun, hameau de Marquise.
765. Golincthun, ('cart de Ba/inglum (cant. de Marquise). —
(^f., on Ecosse, GoUington ( l'.diinbourg).
766. Dirlinctun, viUage disparu au t(M"riloire île liâmes-
ORIGINES SAXONNES EN BOULENOIS 189
Boucres (cant. de Guînes) ; en H07 Dirlingatun. — Cf., sous
réserves, Darlington (Durham).
767. Florinctun, hameau de Gondette (cant. de Samer), en
1297 Florincfhelun ; le premier terme de ce nom est Tadjectit'
nominal floring, formé svir Florus.
768. Fréthun (cant. de Galais-Nord-Ouest), Frailum, Frait-
tum, Fraitun en 1084, Frettun en 1150.
769. Godincthun, écart de Pernes (cant. de Boulogne-Sud).
770. Guiptun, écart de Tarding-hen (cant. de Marquise), en
1130 Gihhinf/atun.
771. Hardenthun, hameau de Marquise. — Cf. Hardington
(Somerset).
772. Landrethun-/e-iVo/Y/ (cant. de Marquise) et Landrethun-
lez-Ardres (cant. d'Ardres), appelés, le premier Landringhetun
en 1119, le second Landringetun, Landregatun en 1084. L'ad-
jectif nominal constituant le premier terme est bien appai^ent
dans ces formes anciennes ; il n'en reste plus trace à présent.
773. Offrethun (cant. de Marquise). Ce nom résulte d'une
évolution plus grande que celles précédemment constatées. La
forme Wolfertiin, qu'on rencontre en 1286, permet de le ratta-
cher au nom d'homme germanique qu'au temps des Mérovingiens
et des Carolingiens on latinisait en Vulfarius, et d'où procède
le nom de famille Gouffier. — Cf. Wolverton (Bucks, Hauts,
Norfolk, Warwick).
774. Olincthun, écart de Wimille (cant. de Boulog-ne-Nord),
en 1367 Olinguetun.
775. Paincthun, hameau d'Eching'hem (cant. de Boulogne-
Sud), en 1118 Panningaium. — Cf. Paington (De von).
776. Pélincthun, hameau de Verlincthun (cant. de Samer), en
1112 Pannigelun, en 1748 Pénincihun. — Cf. Pennington
Hauts, Lancaster).
777. Raventhun, hameau d'Ambleteuse (cant. de Marquise),
en 1084 Bavent uni.
778. Rocthun, ancien fief à Longueville (cant. de Desvres).
779. Samblethun, ancien fief à Coyecques (cant. de Fau-
quembergues).
780. Tardincthun, ancien -fief à Tardinghen (cant. de Mar-
quise). On remarquera que, dans le nom de la commune actuelle
et dans celui du fief, le premier ternie est le même.
190 LES NOMS DE LIEU
781. Terlincthun, écart de Wimille (cant. de Boulogne-Nord).
Les anciennes formes de ce nom, à commencer par le Telingetun
de 1208, ne présentent pas, dans la syllabe initiale, IV qu'on
observe dans la forme actuelle. Cette lettre n'apparaît qu'au
xvi^ siècle, correspondant à un premier l que le thème originel
présentait à coup sûr. — Cf. Tellington (Lincoln) et Tillington
(Hereford. StatTord. Sussex).
782. Todincthun, hameau d'Audincthun (cant. de Fauquem-
bergues). Ce nom se trouve en 807, sous la forme Totingetun^
dans une charte de Saint-Bertin ; de tous ceux présentement
étudiés, c'est celui dont on possède la plus ancienne mention.
— Cf. Toddington (Bedford, Gloucester),
783. Tourlincthun, hameau de Wirwignes (cant. de Desvres).
— Cf., sous réserves, Torleton (Gloucester).
784. Verlincthun (cant. de Samer), en 1173 Verlingtun.
785. Wadenthun, hameau de Saint-Inglevert (cant. de Mar-
quise), en 1084 Wadingatim. — Cf. Waddington (Lincoln,
York).
786. Waincthun, ancien fief à Saint-Léonard (cant. de Samer).
787. Wingthun, ancien fief à Tarding-hen (cant. de Marquise).
Ce nom est sans doute une variante du précédent.
788. Warincthun, hameau d'Audinghen (cant. de Marquise).
— Cf. Warrington (Lancasten.
789. Witrethun, écart de Leubringhen (cant. de Marquise),
790. Zeltun, ancien fief à Polincove (cant. d'Audruicq), en
1084 Scellun.
Etroitement apparentés — on l'a vu par maint exemple — à
des noms de lieu d'Angleterre, les vocables qu'on vient de pas-
ser en revue sont dus évidemment aux Saxons. Actuellement
groupés, à cinq exceptions près — les cantons d'Ardres. d'Au-
druicq et de Fauquembergues appartiennent à l'arrondissement de
Saint-Omer — dans l'arrondissomont de Bouhigne, ils se trouvent
mêlés sur le terrain à d autres noms d'origine germanique, qu il
est légitime d'attribuer aussi aux Saxons, mais que, faute de con-
sidérer qu'ils sont ainsi encadrés, l'on hésiterait à rapporter à tel
ou tel dialecte.
791. Plusieurs de ces noms représentent simplement tlos
ORIGINES SAXONNES EN BOULENOIS 191
adjectifs nominaux en -ing, -ingen. Lorsqu'ils s'appliquent à des
localités qui, en raison de leur importance, sont devenues des
communes, la finale, remaniée, ordinairement dès le xii^ siècle,
en -enghes, affecte aujourd'hui la forme -ingues, comme dans
Affringues (cant. de Lumbres), Autingues (cant. d'Ardres), etc.
792. Dans les noms de simples écarts ou lieux dits, moins bien
prot5g-és contre les altérations populaires, -enghes s'est déformé
en -enne ou -ennes : Foucardennes, lieu dit d'Outreau (cant. de
Samer), Rabodennes, ancien fief à Maninghen (cant. d'Hucque-
liers), Wicardenne, hameau de Saint-Martin-Boulogne (cant. de
Boulogne-Sud).
Les autres noms de lieu d'origine germanique qu'on remarque
dans la région sont de forme composée. On peut les grouper
sous les divers ternies qui en constituent les désinences, et c'est
selon l'ordre de ceux-ci qu'ils vont être indiqués, assez rapide-
ment d'ailleurs, car tel de ces termes, à la différence de tini, a
laissé des traces dans d'autres parties de la Gaule, colonisées par
les Francs ou les Bourguignons.
793. Acker, « champ » : Dampnacre, Heu dit d'Outreau (cant.
de Samer), le Denacre, hameau de Saint-Martin-Boulogne (cant.
de Boulogne-Sud) et de Wimille (cant. de Boulogne-Nord),
Disacre, hameau de Leubringhen (cant. de Marquise), Gouve-
nacre, lieu dit de Fiennes (cant. de Guînes). Honnacre, ancien
fief à Wissant (cant. de Marquise), Landacre, hameau d'Halin-
ghen et d'Hesdin-l'Abbé (cant. de Samer).
794. Beke, « ruisseau » : Belbet, anciennement Belbecq,
hameau d'Henneveux (cant. de Desvres), 1 Estebecque, ruisseau
coulant à Audembert (cant. de Marquise), Estiembecque, anciens
fiefs à Clerques et à Louches (cant. d'Ardres), la Marbecque,
hameau de Samer, Rebecques (cant. d'Aire-sur-la-Lys). Ce der-
nier nom est l'équivalent d'un nom de lieu francique que l'on
trouve au vii*^ siècle sous la forme Uesbacis (cf. ci-après
n" 866j ; et EsLicmhecque doit être rapproché de l'allemand
Steinhach, « le ruisseau pierreux ». — LTn certain nombre de
ruisseaux de la région portent le nom de BecqUB, précédé de
l'article féminin, qui atteste que le mot était passé dans le bm-
gage courant.
795. Berg, « montagne », devenu, par assourdissement île la
192 LES NOMS DE LIEU
consonne finale, -bert : Audembert (cant. de Marquise), Bru-
nembert (cant. de Desvres), Golembert (même canton), Humbert
(cant. d'Hucqueliers), Milembert, lieu dit d'Outreau (cant. de
Samer), Palembert, lieu dit de Wimille (cant. de Boulogne-Nord),
Pouplembert, ancien fief à Golembert, Riquembert, bois à
Montcavrel (cant. d'Etaples), Rotembert, hameau de Saint-Mar-
tin-Boulog-ne (cant, de Boulogne-Sud), Rupembert, ham^u de
Wimille. Le mot herc[ ayant appartenu à tous les dialectes ger-
maniques, il convient d'insister sur ce que les localités dont
rénumération précède appartiennent à Tarrondissement de Bou-
logne ou à des cantons qui en sont voisins. — La nasale qui
précède dans tous ces noms, la désinence -herf représente Vn
d'un génitif germanique.
796. Bricfy, «. pont » : le Cobrique, hameau de Bellebrune
(cant. de Desvi-es) — en 1286 Quodbrigge — lEtiembrique ou
Estiembrique, hameau de Wimille, nom dont la première partie
répond à 1 allemand stein, « pierre ».
797. Brock, « marécage » : les Crambreucqs, nom désignant
un ruisseau qui prend sa source à Fiennes, Dennebrœucq (cant.
de Fauquembergues), Godelimbreucq, lieu dit de Wimille. le
Hambreiicq, écart de Tardinghen (cant. de Marquise), Reque-
breucq, hameau d'Ouve-Wirquin (cant. de Lumbres). — A men-
tionner quelques écarts, lieux dits et cours deau appelés le Breu,
le Breucq et les Breucqs.
798. Brun, « fontaine », est l'origine de trois désinences :
I" -hronnc : Acqueiïlbronne, nom de cinq écarts ou lieux dits,
Caudebrone, Heu dit d'Arqués fcant. de Saint-Omer-Sud), Cau-
debronne, lieu dit d'Outreau, Cottebronne, lieu dit de Saint-Mur-
tin-Boulogne et écart de Wierre-Effroy (cant. de Marquise), Cou-
bronne, nom de cinq écarts ou lieux dits, Follembronne, ancien
lief à Saint-l'Uienne (cant. de Samer), Hassebronne. ancien lief à
Maninghen (cant. d'Hucqueliers), Hellebronne, ancien lief à Réty
(cant. de Mincpiisc), HouUebronne, lieu dit de Wacquinghen
(cant. de M;ir(iuise). Liembronne, hameau de Tingrv (cant. de
Samer), Thiembronne (cant. de Fauquembergues) ; — 2" -brune :
Bellebrune (cant. de Desvres), Rosquebrune, écart de Longfossé
(même canton); — ^" -bournc : Courlebourne, lianieaude Licfiuos
(cant. de Guînes . — 11 faut entcnch-,' vrais(MnblahhMnenl jiar
diiiidchronnc et (lolloltromio « froide fonlainc ». |)ar Ilcllr-
|>R1(;INES SAXONNES EN BOLLENOIS 193
bronne « fontaine sacrée », et par Houllebronne « fontaine
creuse ».
799. Daie, « vallée » : Belle-Dalle, écart de Tardinghen,
Brucquedalle, hameau dllesdin-l'Abbé, Dippendale, hameau de
Bouquehault (cant. deGuînes), le Wimendalle, lieudit d'Outreau.
On rencontre en Normandie des noms analogues : Briique-
dalle et Dieppedalle (Seine-Inférieure) ; ils ne sauraient être
attribués en toute sûreté aux Saxons, car ils ont pu tout aussi
bien être importés par les Normands. Le premier de ces noms
parait signifier u vallée marécageuse »), et le second « vallée pro-
fonde » ; ce dernier qualificatif était exprimé par le saxon deop,
analogue à l'anglais deep, et par le norois diup.
800. Feld, « champ ». Parmi les noms de lieu du Boulenois
dont la forme originelle présentait ce mot comme second terme,
ceux qui se sont romanisés les premiers sont actuellement termi-
nés en -faut : tels sont Helfaut (cant. de Saint-Omer-Sudi, Mil-
faut, hameau de Dennebrœucq, et ancien fief k Erny-Saint-
Julien (cant. de Fauquembergues) et Pittefaux (cant. de Bou-
logne-Nord), le premier romanisé dès le xn*' siècle. L'adoucisse-
ment de ly en v qu'on observe dans le nom de Clémevaut, lieu
dit d Outreau, parait l'indice dune romanisation moins ancienne.
Enfin, dans les contrées où 1 influence des populations de langue
germanique a persisté le plus longtemps, la romanisation, con-
séquemment plus tardive, est caractérisée non seulement par le
changement de Vf en r, mais de plus par celui de 17 en /• :
Gazevert, ancienne maladrerie à Wissant, Pichevert, en 130o
Pissevclf., hameau de Wimille, et Saint-Inglevert (cant. de Mar-
quise). Cette dernière localité est appelée au xiii® siècle, dans la
chronique de Lambert d'Ardres, Sontium campus viilgo
Sontinghevelt ; et de cette forme vulgaire on rencontre, depuis le
XII* siècle jusqu'au xiv®, de légères variantes attestant qu'on se
trouve en présence d'un nom dont le type primitif consiste dans
le nom commun fcld précédé d'un adjectif nominal en -ing^
bien loin qu'il évoque le souvenir d'un personnage honoré par
l'Eglise.
801. Ford, « gué » : Audenfort, hameau de Clerques (cant.
d'Ardresj, Etienfort, nom de (juatre hameaux et synonyme du
flamand Sleenvoorde (Nord) et de Ginpicreiix (voir n" 681),
Le.s iiotiis de lieu. 13
I 94 LES NOMS DE LIEU
Houllefort. c est-à-dire <( le gué profond », section de Belle-et-
Houllefort (cant. de Desvres).
802. Gâte (cf. ci-dessus n° 757) : Enguinegatte (cant. de Fau-
quemberg-ues), Sangatte (cant. de Calais-Nord-Ouest), Tégatte,
hameau du Portel (cant. de Samer).
803. Ham (cf. ci-dessus n" 742). Ce mot a donné le suffixe
qu'on rencontre le plus fréquemment dans la partie occidentale
du département du Pas-de-Calais. Généralement combiné avec
des adjectifs nominaux en -in(/^ et prononcé -an ou -in, la forme
qu il revêt est -hem, et, dans le sud du Boulenois, -hen. Plu-
sieurs des noms ainsi formés ont, comme ceux en -thiin, leurs
équivalents en Angleterre : Barbingheiïl, hameau de Moringhem
(canton de Saint-Omer-Nord\ appelé au ix*^ siècle Birmijir/haem,
est synonyme de Birmingham (Warwick), et le nom de Bou-
quinghen, hameau de Marquise, doit être rapproché de celui de
Buckingham, qu'à la cour de Louis XIII on prononçait Bouquin-
gan. — Dautre part, il existe quelques noms dans la forme ori-
g^inelle desquels on voyait ham précédé d'un génitif caractérisé
par la finale s : Hardinxent, écart de Réty (cant. de Marquise),
Ardingeshem au xu'' siècle — Rinxent (même canton), en 1119
liinningshem — et Tubersent (cant. d'Etaples), au ix° siècle
Thorhodeshem.
804. Hof, « cour, ferme » : Fouquehove. hameau de Pernes
(cant. de Boulogne-Nord;, Monnecove, hameau de Bayenghem-
lez-Eperlecques (cant. d'Ardres)^ Rorichove, lieu dit d'Andres
(cant. de Guînes), Walricove, lieu dit de Ferques (cant. de
Marquise), vocables manifestement formés sur des noms
d'homme; — Osthove, hameau de Bainghen (cant. de Desvres),
Ostrohove, hameau de Saint-Martin-Boul'ogne, "Westhove, hameau
de Blandec(jues fcant. de Sainl-(Jmcr-Sud) et ancien manoir à
(Juehnes fcant. de Lumbres), Westrehove, hameau d'I^qierlecques
et ancien fief entre Rebergues (cant. d'Ardres) et Surques (cant.
de Lumbres), enfin Zuthove, lieu dit de Ouelmes (cant. de
Lumbres), noms rappehint par leurs premiers termes la situation
orientale, occidentale ou méridionale, par rapport à des centres
plus inq)orlants, <les localités auxquelles ils s'appliquent.
805. Jlolf, « bois .) : Bouquehault fcant. de Guînes), Écault,
hameaux d'Olfretliun (cant. de Mar(piise) et de Saint-l^ltienne
''cant. de Samcrj, bois à (juestreccpies (inêiiu' canton), Hodre-
(JRIGlMiS SAXONNES E.N HOLLENOIS 195
nault, ancien fief à Réty (cant. de Marquise) ; — et, avec une
terminaison dillérente, Cambrehout, bois à Clerques (cant.
d'Ardres), Cupréhout, bois à Tournehem (même canton), Ecout,
écart à Tilques (cant. de Saint-Omer-Nord), Northout, écart de
Bayeng-hem-lez-Eperlecques (cant. d'Ardres). — Tels de ces
vocables sont formés sur des noms d'arbres : Écault sur celui
du chêne, en allemand eiche, et Bouquehault sur celui du hêtre,
en allemand bûche ; ce sont aussi des hêtraies qu'il faut recon-
naître dans Bécourt (cant. d'Hucqueliers), en 1170 Becolt, et
dans Boncourt, en 1157 Bocolt, hameau de Fléchin (cant. de
Fauquemberg'ues) ; à la désinence primitive de ces deux noms
l'usage en a substitué une autre, extrêmement fréquente en
diverses régions de la France septentrionale, mais dont l'origine
est toute différente.
806. Naes : voir ci-dessus n"* 751 et 752.
807. Sand, « sable » : le sens du nom de Wissant (cant. de
Marqtiise), dont les mentions abondent depuis le xi'' giècle, est
attesté parce passage de Lambert d'Ardres : Britannicus por-
tus, qui ab albedine arène vulgari nomine appellatur
Witsant. — Sand semble bien être le premier terme du nom de
Sangatte, mentionné ci-dessus (n" 802).
808. Stan, « pierre, roche », ne paraît pas avoir été employé
comme désinence dans la toponomastique du Boulenois ; mais on
l'a rencontré comme premier terme des noms Estiembecqiic
(n« 794), Étiembrique (n« 796) et Étienfort (n" 801). .
809. Wald, « forêt » : Pelengaud '.
810. Zelle, « chapelle - » : Floringuezelle, Haringuezelle et
Waringuezelle, hameaux d'Audinghen (cant. de Marquise),
Watrezelle, hameau de Wimille.
1. Le Dictionnaire topographique du département du Pas-de-Calais de
M. de Loisne, paru en 1907, renferme un article ainsi conçu : <( Pklinc.hiîn,
f., com. de Saint-Martin-Boulogne. — Pelinghen, 1305 (terr. do Saint-
Wulmer, p. 46). — Pellinghuen, 1.530 ^cueill. do N.-D. de Boul., G. 23). —
Peleufjaad (Etat-maj.) ». Il est évident que la dernière de ces « formes
anciennes », comparée aux deux autres, doit être lue Pelengand. Nous ne
reproduisons donc que sous toutes réserves une indication qu'Aug. Lon-
gfnon, s'il s'était arrêté aux textes du xvi« siècle signalés par M. de Loisne,
aurait sans nui doute sacrifiée, et dont on retiendra seulement que le mot
wald, commun aux divers idiomes germanicjues, peut bien avoir laissé des
traces en Boulenois comme dans d'autres régions de notre pays.
2. Sur le sens de ce mot, A. Loiii^non s'exprimait ditlVremment dans sa
lc(,:on du 18 décembre 1890, au Collège de France : « Le mot zelle, au sens
de cellule ou de petite maison, emprunte nu latin ce lia par les poi)uia-
tions germani(jues... ».
XLIV
ORIGINES BURGONDES
811. Il est question des Bur^ondes pour la première fois dans
l'Histoire nafuT'elle de Pline, où leur nom est associé à celui des
Vandales : Vindili quorum pars Burgundiones ^ ; ils habi-
taient alors non loin de la mer Baltique. On trouve dans Ptolé-
mée ime mention des Bcup-^foii^^-î.:, dont il n'y a pas un parti appré-
ciable à tirer. Les Burg-ondes furent chassés de leur territoire
vers le milieu du iii*^ siècle par les Gépides, le fait est attesté par
l'historien national des Goths, Jordanès, évêque de Ravenne ;
ils vinrent alors se fixer vers la forêt Hercynienne, dans le voi-
sinage des P'rancs, des Thuringiens, des Suèves et des Alamans ;
alliés par des mariages aux garnisons romaines de la région, ils
prirent des habitudes sédentaires, et construisirent des « bourgs »
à maisons contiguës : c'est dans cette dernière circonstance
qu'Orose et Isidore ont pensé trouver l'étymologie de leur nom.
Leur premier établissement en Gaule date vraisemblablement
de la îrrande invasion barbare de 406-407. Ils se fixèrent dans la
Première Germanie, près de Worms, qui devint la résidence de
leurs rois. Le souvenir de ceux-ci est consigné dans la Loi Gom-
hclte et dans le poème épique des Xihelungen, où ces princes
portent les noms de Gibich, Gisleher et Gunther : ce dernier, que
les textes des v^ et vi*^ siècles appellent Gundahariiis ou Gundi-
carius, se considérait comme un auxiliaire de la puissance
romaine, et en 411, à Mayence, il fit proclamer empereur un
obscur soldat, Jovin, qui fut tué l'année suivante. Vers 435,
Gunther fut battu par Aétius qui, selon l'expression de Prosper
d'Aquitaine, accorda la paix à ses supplications ; mais pou après,
les Huns d'Attila taillèrent en pièces les Burgondos, près du
Rhin, en une bataille où périt toute la famille royale : le récit
de ce désastre termine le poème des IViheliiii'jcn, où Attila est
appelé Elzel.
1. Ilisl. n;it., I\', -JH rd. i.ciiiiiiic, II. :Ci)\.
ORIGINES BUKGONDES 197
On tient du chroniqueur Prosper Tiro que, qi;elques années
plus tard, les Romains recueillirent les débris du peuple bur-
«j^onde dans le pays qui, sous le nom de Sapaudia, s'étendait dans
la partie de la Suisse qui confine au lac Léman, et comprenait en
outre, semble-t-il, une partie du département de TAin.
En 436, les Bur^ondes paraissent avoir accru leur territoire ;
la Séquanaise reconnut leur autorité. Lyon et la Première Lyon-
naise devinrent leur proie vers 469 ; et Ion sait la douleur causée
à Sidoine Apollinaire par le mariage, célébré dans sa ville
natale, de la fille d'un roi burgonde avec le franc Sigismer. Les
Burgondes poussèrent bientôt -leurs conquêtes jusqu'à la Durance.
Indépendants jusqu'en 334, ils furent alors soumis par les Francs.
Dans cette vaste « Bourgogne «, comprenant, avec la région
qui a conservé ce nom, le pays de Langres, la Franche-Comté,
une partie de la Suisse, la Savoie, le Lyonnais, le Forez, le Dau-
phiné et la Provence septentrionale, les colons burgondes étaient
inégalement répartis. Il convient de distinguer entre les pays que
ces étrangers colonisèrent effectivement, et ceux qui ne firent
que reconnaître leur domination : c'est surtout à l'étude des noms
de lieu qu il faut demander les moyens d'établir cette distinction.
On se gardera donc d'attribuer aux Burgondes, comme l'a fait
M. Perrenot dans une étude publiée en 1904 par la Société
d'émulation de Montbéliard, l'ensemble des noms de lieu d'ori-
gine germanique signalés dans l'étendue de l'ancien royaume de
Bouro:oone.
Les pays où dominèrent les Burgondes à la fin du v^ siècle et
dans le premier tiers du vi'^, sont aujourd'hui, à peu près exclu-
sivement, de langue romane. A première vue, on n'y découvre
pas de noms de lieu accusant nettement une origine germanique ;
mais l'étude des chartes antérieures au xir siècle — malheureu-
sement très rares pour cette contrée — révèle l'existence en
Franche-Comté et dans la Suisse romande, de vocables géogra-
phiques dont les terminaisons dénotent l'origine germanique, et,
dans l'espèce, burgonde.
812. Un cartulaire de l'église cathédrale de Lausanne, publié
en 1831 par la Société de l'Histoire de la Suisse romande, fait
passer sous nos yeux, dans des chartes des ix*" et x*^ siècles,
quelques noms de lieu présentant la terminaison -in(/, -inffcn,
latinisée en -ingus, -ingi. On rencontre ainsi : en 836 Marsin-
198 LES NOMS DE LIEU
g-us. Escarlingus, Vuipedingus, Marsens, Écharlens et
Vuippens, en allemand Wippingen, localités appartenant toutes
trois au canton de Fribourg- ; — vers 948, Sclepeding-us et
Runing-i, Éclepens et Renens, au canton de Vaud ; — en 963.
Scubilingus et Losingus. Écublens et Lucens, au même can-
ton ; — vers 975 Sotringi, soit Sorens ou Soring, au canton
de Fribourg-; — au x*" siècle enfin, Dalling-i et Resolding-i,
Dailians et Ressudans, au canton de Vaud.
813. Les chartes de l'abbave de Cluny intéressant la Bour-
gogne fournissent peu de noms de cette espèce : on peut citer
Offanengos, vers 908, Offeningo, vers 952, Ofifanans (Ain").
814. On constate, que la terminaison romane qui procède de
-ing est -ens dans la Suisse romande, -ans entre le Jura et la
Saône. Au point de vue de la prononciation le résultat est le
même, et c'est celui qui a été sig-nalé plus haut [n° 739) à propos
des mots flamand^ hareng, merlan, éperlan ; dans certaines par-
ties du département on observera la variante -eins (cf. ci-dessous,
n" 850). -ans est une g;raphie plus moderne que -ens, car dans les
noms Abhans, Foucherans, Gonsans, Boulans, les formes anté-
rieures au XIII* siècle se terminent par -ens.
De toutes les régions de la France qui ont été soumises aux
Burgondes, c'est la Franche-Comté qui comprend le plus grand
nombre de noms de commune en -ans, c'est-à-dire issus d'adjec-
tifs germaniques terminés en -ing. On en compte 87 dans le
département du Doubs, soit presque un septième de l'effectif
total des communes, qui est de 636 ; 50 sur 583 dans la
Haute-Saône, soit un peu plus du douzième ; 38 sur 585 dans le
Jura, soit un peu moins du quinzième. Un certain nombre de ces
vocables vont être passés en revue ; on considérera d'abord les
trois départements franc-comtois en procédant, pour le Doubs,
par arrondissements ^ ; ensuite les départements voisins.
Arrondissement de Jies,inçon.
815. Abbans, de Ahhing, adjectif nominal formé sur l'équiva-
lent buigonde du nom franc Abbo, qu'on voit, au ix" siècle, portt'
1. I.'aiTondisscriKMil <l(^ l*(iii(:irlior ne (•oinpivnd iniPim nom (1(> comnimio
en -un».
ORIGINES BUKdOiNDES 199
par un moine de Saint-Gerniain-des-Prés, auteur d'un poème sur
le siège de Paris.
816. Amondans, de Agmonding, formé sur un nom d'homme
latinisé en Ag-imundus ; celui-ci présente une finale (cf. ci-après,
n°- 1134 à 1136) qui lui est commune avec les noms dont nous
avons fait Pharamond, Raymond, Fî^omond, etc.
817. Bartherans, pour Bertherem, a pour racine le nom
d'homme germanique latinisé en Bertharius. Le nom Berihier,
qu on ne rencontre plus que comme nom de famille, était, au
moins jusqu'au xiv'^ siècle, employé comme nom de baptême en
Franche-Comté.
818. FoucheranSj en 1162 Folcherens^ est apparenté au nom
Foucher, dont le thème g-ermano-la tin estFolcarius ou Fulca-
rius.
819. Germondàns a pour origine probable Garimunding
formé sur Garimund, lequel a donné Gerniond.
Arrondissement de Baunie-les-Dames .
820. Bremondans, de Bretmund.
821. Glamondans, de Glaumund.
822. Hyémondans, probablement de Leudmund.
823. Guians-Fennes, du nom, latinisé en Wido, qui a donné
Ginj.
824. Orsans, du nom latin Ursus.
Arrondissement de Montbéliard.
825. Bavans, du nom latinisé en Babo, puis Bavo.
826. Frambouhans, de Francobod, nom g-ermani(|ue dont le
second terme se retrouve dans le nom qui suit.
827. Mambohans, de Mcyinhod, qui a donné Maimbeuf.
828. Rémondans, de Regimund ou Ralmund.
829. Semondans, de Sigismand, qui fut au vi'' sièeh? le nom
d'un roi burgoude, et dont la forme vulgaire est Siniond.
830. Thiébouhans, de Teulhod.
831. Vermondans, du nom latinisé en \\'ariinuiulus.
200 LES NOMS UE LIEU
Hâuie-Saône.
832. Amblans, du nom. latinisé en Amalo ou Amulo, qui,
sous cette dernière forme, a désigné un archevêque de Lyon au
ix^ siècle; ce nom se retrouve dans Ablancoui^t (Marne), appelé
en 850 Amblonis curtis.
833. Aubertans, de Adalhert ou de Autbert.
834. Bouhans — nom porté par trois communes — du nom
d'homme, latinisé en Bodo, qui représente la première partie du
nom de Boncoiwt (cf. ci-après, n° 1011).
835. Lieffrans, de Lietfrid ou Liutfrid, en français Leufroi.
836. Malbouhans, de Madnlhod.
837. Thieffrans, de Teotfrid ; ce nom est à Thieffrain (Aube),
ce que Loheran est à J.e-rrain, dérivé comme lui de Lotha-
ring-us.
838. Vadans, du nom d'homme latinisé en Waddo, qui con-
stitue l'un des éléments du nom de Wadenfhun, mentionné
ci-dessus (n» 785). — Cf. 'Vuadens (Suisse, cant. de Fribourg).
Jui^a.
839. Augerans, du nom latinisé en x\delgarius, primitif du
nom de famille Augier ou Augcr, qui a pour diminutif Auge-
reau.
840. Foucherans, homonyme dune commune du Doul)s
(n" 818), et "Vadans, homonyme dune commune de la Haute-
Saône (n" 838).
Côle-dOr.
841. Chamblanc (cant. de Seurrei, au xiii'" s. Chamlilans.
Saône-et-Loirc.
842. Bouhans (cant. de Saint-(iermain-du-Bois), homonyme
de trois coiiiiiiunes de hi Ihuito-Saône (^n" 834).
843. Gommerans. ccait du Tartre (même canton), de ^rW<'m;}/\
nom que |)ortèrent, aux v'' et vi'= siècles, plusieurs princes bui-
gondes, et notamment un frèi-e et un fils du roi (jondebaud.
844. Louhans. appelé en S"') l't !>l.'» Lovingus : cette ville
ORIGINES BURGONDES 201
est le chef-lieu de l'arrondissement auquel appartiennent les
deux communes qui précèdent et celle qui suit.
845. Mervans (cant. de Saint-Germain-du-Bois), en 1140
Merven^i, du nom, latinisé en Merovecus, qui fut celui du fon-
dateur de la première race de nos rois.
Ain.
846. Garnerans (cant. de Thoissey), auxii" siècle Guarnerens,
du nom qu'on voit, au \f siècle, latinisé en Warnacarius, et
qui a donné en français Garnier.
847. Graveins, hameau de Villeneuve (cant. de Saint-Trivier-
sur-Moignans), synonyme des Grafiiig, Gnifuiff, Graffingen,
cités plus haut (n° 738), au sens de « domaine du comte ».
848. Offanans : voir ci-dessus, n° 813.
849. Romaneins, écart de Saint-Didier-sur-Chalaronne (cant.
de Thoissey), fournit un exemple d'adaptation du suffixe -Ing à
un nom d'homme latin.
850. On vient de rencontrer deux exemples de la variante -ej'/is :
celle-ci est fréquente dans le canton de Saint-Trivier-sur-Moi-
g-nans, qui appartient, comme celui de Thoissey, à l'arrondisse-
ment de Trévoux : Amareins, Baneins, Cesseins, Ghaleins, Gha-
neins, Fareins, Francheleins . Si l'on possédait de ces noms
des formes suffisamment anciennes, on déterminerait aisément
les noms d'hommes auxquels ils se rattachent '. Du moins, il est
permis de reconnaître dans la racine de Fareins le nom de Faro,
porté au vu- siècle par un évêque de Meaux, qui était précisé-
1. M. Ed. Philipon, (dont le Dictionnaire lopoçjraphiquc du déparieuient
de l'Ain a paru en 1911, c'est-à-dire l'année même de la mort d'Auguste
Longnon, prétend {In/rod., p. x) que « l'influence exei-cée par l'occupation
burgonde. . . sur l'onomastique de l'Ain a été à peu près nulle » ; il estime
[ihid., p. xi) « malaisé de reconnaître, sous leurs formes romanes, le suflixe
germanique -in;/- du suffixe ligure -inco- » ; et il opine visiblement pour
ce dernier. Ses arguments ne nous paraissent pas probants: on ne saurait,
par exemple, souscrire à l'aflirmation qu'« en germanique, le suffixe -j/i(/- ne
s'ajoute jamais qu'à des noms simples » (cf. Revue hiatoric/ue, ('.\, 304).
D'autre part, le groupement, sur le terrain, des noms cités par A. Longnoa
est particulièrement caractéristique ; l'hypothèse d'une colonie burgonde à
une assez faible distance de Lyon est on ne peut plus vraisemblable ; tandis
qu'on n"a aucune raison positive de supposer qu'il y ait eu là un étal)iisse-
nu'ul ligure aussi élroitemoiil (ItMiniilé.
202 LES NOMS DE LIEU
ment d'origine burgonde. Quand à FrancJicleins, il représente
évidemment l'ancien adjectif F/'ankaling , latinisé en Fianca-
lingus : cet adjectif est aussi la source du mot franklin, qui dési-
gnait une certaine classe d'hommes libres dans l'Angleterre médié-
vale, et est devenu nom de famille.
851. Le ff du suffixe -inff n'a pas laissé de traces dans les
noms de lieu en -ens, -ans eÀ-eins. Il devait, au contraire, per-
sister lorsque ce suffixe était latinisé sous la forme féminine.
Une quinzaine de noms de lieu, qu'on rencontre entre le Doubs
et rOgnon, paraissent correspondre à des primitifs en -inga. Ce
sont : dans le département du Doubs Berthelange, Jallerange
(cant. d'Audeux) ; dans le Jura Auxange, Louvatange. Malange.
Rouffange, Sermange (cant. de Gendrey), Offlanges (cant. de
Montmirey-le- Château), Amange, Archelange, Audelange,
Romange, Vriange (cant. de Rochefort-sur-Menon) ; dans la
Côte-d'Or Bousselange et Jallanges (cant. de Seurre). Ces noms
— est-il besoin de le dire ? — n'ont de commun qu'une ressem-
blance de terminaison toute fortuite avec les noms en -ange,
procédant de primitifs purement latins en -anicus, dont on a
constaté (cf. ci-dessus, n*** 372 et 373) la présence aux confins
de l'Auvergne et du Limousin.
852. Voici un autre exemple de la survivance du g de -ing,
due cette fois à ce que ce suffixe s'est trouvé suivi d'une dési-
nence diminutive : il est impossible, en etfet, de voir dans Blus-
sangeaux (Doubs, cant. de l'Isle-sur-le-Doubs) autre chose qu'un
diminutif du nom de Blussans, porté par une commune voisine,
et représentant, semblc-t-il, un primitif Blcssing.
853. Faut-il, dans la catégorie présentement étudiéie, faire
icntrer les noms de lieu suivants, qui appartiennent au départe-
mciil (le la llaule-Savoie : Samoëns et Vulbens. d'une part,
AUinges, Fillinges, Larringes et Lucinges, dauire part? Il est
|)ruiient de s'en tenir, sur ce point, à une simple hyj)()thèse, car
nous iiiaiiquoiis de documents anciens sur la légion.
854. < Ml a découvert, dans la Suisse romande l'I dans la Franclie-
Comtc, bon nombre de cimetières germaniques : les données de
rarclu'olo^ie conlirment donc celles de l'histoire, (jui placent, on
l'a vu (n" 811j dans la Sajuuidia piiinitive le premier élai)lisse-
ORIGINES nURGONDES _ 203
ment des Burgondes en Gaule. Une autre attestation de la colo-
nisation germanique de ces contrées est fournie par le nom de
Romanèche, qu'on rencontre dans le canton de Vaud et dans nos
départements de IWin — où il est porté par une commune et
au moins quatre écarts — et de Saône-et-Loire. Il faut voir dans
ce nom — Romanisca — l'appellation imposée parles barbares
à de petits centres où la population romaine s'était maintenue.
Le même fait s'est produit dans une autre région, qui a fait aussi
partie de l'empire romain. Un villag-e des environs de Salzburg",
en Bavière, est appelé, dans des textes de l'époque caroling'ienne,
tantôt vicus romaniscus, tantôt vicus Walschdorf. L'adjec-
tif i/^a /se /le, auquel, sous la forme ivelsch, les Allemands donnent
le sens d' « étrangers >>, surtout à propos des Français et des
Italiens, procède du mot ivala, par lequel les barbares désignaient
les Romains ; on connaît l'emploi que Voltaire faisait du mot
« \velche » ; la langue anglaise appelle Welsh les Gallois ; et le
qualificatif « wallon » a désigné dans la France septentrionale,
et désigne encore en Belgique, les populations de langue romane.
855. Peut-être convient-il d'apporter quelque réserve dans
l'attribution exclusive aux Burgondes de la totalité des noms
de lieu d'origine germanique qui viennent d'être passés en
revue. Une part n'en serait-elle pas due aux Alamans qui, vers la
fin du vi" siècle ou le commencement du vii^, pénétrèrent dans
le pays avoisinant le Jura? D autre part, les Varasci et les Sco-
tingi s'établirent à l'est de la Franche-Comté, où deux paçfi ont
conservé leurs noms : le Varay et VEscuens (cf. ci- dessus, n*^ 526)-
Les Varasci furent convertis par saint Eustase, abbé de
Luxeuil, qui mourut en 623, L'établissement de ces barbares
raviva certainement l'élément germanique sur le versant occiden-
tal du Jura, mais il est impossible de dire dans quelle proportion.
La distinction est d'autant plus difficile à faire que, dans d'autres
parties de la Bourgogne où ces Germains n'ont jamais pénétré,
les noms de lieu ne dilfèrent pas de ceux du Valais et du pays
de Vaud. Si l'on était tenté d'attribuer aux Varasci les noms en
-ange énumérés plus haut, il faudrait prendre garde à ce que le
pays dans lequel ils sont groupés — YAnious, pagus Amavus
— rappelle le souvenir des Francs Ghaniaves, qui s'y s'établirent
on ne sait à quelle époque, peut-être comme auxiliaires de 1 1^'m-
pire.
XLV
ORIGINES GOTHIQUES
856. Les Goths ont dominé pendant plus de deux siècles et
demi dans le midi de la France, en Septimanie.
Originaires de la Scandinavie, ils quittèrent leur première
patrie, les Gépides formant leur arrière-garde ; des bords de la
Baltique, ils s'avancèrent à travers l'Europe orientale jusqu'à
l'embouchure du Dniepr ; tandis que les Gépides poussaient plus
au sud, ils s'établirent des deux côtés du fleuve, et formèrent, dès
la fin du ii^ siècle de notre ère, deux nations distinctes, les
Ostrogoths ou « Goths de l'est », sur la rive gauche, et les
Wisigoths .
Au iv® siècle, Hermanaric^ roi des Ostrogoths, étendit sa
domination sur les Slaves, les Gépides et les Ostrogoths ; il
vivait encore en 374, quand les Huns, qui. couvraient les deux
versants des monts Ourals, passèrent -le Volga, et se ruèrent sur
son empire : le vieux roi, deux fois vaincu par eux, se donna la
mort.
Les Wisigoths se replièrent vers le Pruth et le Danube : c'est
alors que lévêque Ulfilas leur conseilla de solliciter de l'empe-
reur la permission de se réfugier sur son territoire : en 376, ils
passèrent le Danube au nombre d'environ deux cent mille. Ils ne
se montrèrent pas reconnaissants d'une hospitalité qui n'était ni
très humaine, ni très honorable : ils se révoltèrent et mirent le
siège devant Constantinople. L'empereur Valens, après avoir
réussi à les refouler, fut battu et périt près d'Andrinople.
Théodore fit bientôt rentrer les Wisigoths sous sa domination.
Mais après sa mort, leur chef Alaric dévasta les pr(»vinces de
l'I^mpire situées au sud du Danube, et s'empara trois fois de
Home. Ataulf, beau-frère et successeur d'Ahiric, mourut assas-
siné en 415, après avoir parcouru le midi de la Gaule et une par-
tie de l'Espagne.
Les Wisigoths avaient ainsi pris pied une j)ri'mière fois dans
notre pays. On les y retrouve dès4lî) avec \\ allia : l'empei-our
UHUUiNES (lOTHlQUES 205
Honorius leur céda le territoire compris entre la Garonne, les
Pyrénées et l'Océan, avec plusieurs cités avoisinantes : Toulouse
devint leur capitale. Ils luttèrent avec succès en Espagne contre
les Suèves ; et, en Gaule, leur domaine s'étendit, d'une part,
jusqu'à Narbonne et Nîmes, d'autre part, jusqu'à la Loire. Sous
Alaric II, le royaume wisigoth, borné par l'Océan et la Loire,
s'étendait, au delà du Rhône, sur la partie de la Provence située
au sud de la Durance.
La victoire de Vouillé, remportée en 507 par Glovis, restrei-
gnit considérablement en Gaule la puissance des Wisigoths, qui
n'y conservèrent que la Septimanie, c'est-à-dire le pays compris
entre les Cévennes et la Méditerranée, le Rhône inférieur et les
Pj'rénées : ce pays, appelé aussi Gothie, ne devait être soumis
par les Francs qu'au temps de Pépin le Bref. Après la mort de
Glovis, le Rouergue paraît être tombé au pouvoir des Wisigoths
pour une vingtaine d'années.
Les établissements wisigoths ne furent pas également répar-
tis entre toutes les contrées de la Gaule qui leur étaient sou-
mises. C'est dans le Rouergue, le bas Languedoc et les pays
adjacents qu'on a trouvé le plus de cimetières barbares, et qu'on
rencontre le plus de noms de lieu rappelant le souvenir d'hommes
de race germanique. ,
857. Les textes antérieurs au ix*^ siècle qui concernent ces
régions sont, à la vérité, peu nombreux : pourtant, on y relève
quelques vocables topographiques terminés par le suffixe -ing.
Une charte de l'abbaye de Moissac, datée de 682, mentionne,
dans le Toulousain Barolingus, Besingus, Orfollingus et
Speutingus, et, dans le pagus Elusanus ou pays d'Eauze
(Gers), Ginningus.
A l'époque carolingienne, on voit le nom Scatalingi appliqué
à une localité qui, vers 850, était désignée par l'appellation
vague, mais très intéressante, de Villa Gotho rum.
Dans une charte de 93 i, une localité du Carcasses est appelée
Moschelingus.
On ne peut, à l'heure actuelle, identifier tous ces noms de
lieu; du moins on reconnaît Besingus dans Bessens (Tarn-et-
Garonne), Scatalingi dans Escatalens (Tarn-ct-Garonne),
Moschelingus dans Moussoulens (Aude).
206 LES NOMS DE LIEU
858. On le voit, dans ces pays du Midi, le suffixe -ing a pro-
duit des noms de lieu dont la terminaison est aujourd'hui, comme
dans la Suisse romande, -ens. Dans les textes des x^ et xi^ siècles
cette terminaison affecte généralement la forme -encs, dont le c
représente le ff du suffixe germanique.
859. On se gardera bien de rapporter à ce suffixe tous les
vocables en -ens qui figurent dans la nomenclature topographique
de la France méridionale. Flourens (Haute-Garonne) et Laurens
(Hérault) correspondent aux noms latiiis Florentins et Lau-
rentius, et rentrent dans la catégorie ( n° 288) des noms de lieu
consistant en un gentilice pris adjectivement, le nom commun
fundus étant sous-entendu : il s'agit ici de gentilices terminés
en -entius. Moins anciens, Puilaurens (Aude) et Puylaurens
(Tarn) ont pour thème étymologique Podium Laurentii.
Villarzens (Aude) est appelé en 898 Villa Ranesindi : la dési-
nence représente celle d un nom d homme — d'ailleurs peut-être
gothique — que précède, dans l'espèce, un nom commun.
860. Ces réserves faites, on peut tenir pour considérable le
nombre des noms de lieu dont la forme primitive aurait été un
adjectif nominal en -ing attribuable aux Wisigoths. Nombreux
dans les départements de lAude, de la Haute-Garonne, du Gers,
du Tarn et de Tarn-et-Garonne, ils le sont moins dans la Dor-
dogne, la Gifonde, les Landes, les Basses-Pyrénées, les Hautes-
Pyrénées, ainsi que dans l'Ariège et Lot-et-Garonne. La dési-
nence -ens a pour variantes -enx (cf. -encs, n" 858j et -eng dans
les Landes et les Basses-Pyrénées.
861. Parmi ces vocables, il en est dans la racine desquels on
reconnaît sûrement un nom d homme germanique : Guitalens
(Tarn), de Witalus — Ratayrens (Tarn), de Ratarius — Arta-
lens (Hautes-Pyrénées), de Artaldus,
862. Parfois l'adjectif nominal a été formé sur un nom
d'homme romain : c est, en effet, la comI>inaison de Maurus
avec le suffixe -ing qu'il est permis de voir dans Maurens i Dor-
dogne), appelé Maurencum en 136." et Mmircn.r on Maurcnrx
en 1382. Cette localité a des homonymes dans \u Haute-Garonne,
le Gers et le Tarn : il serait imprudent de leur attribuer la même
origine sans s'être reporté aux formes anciennes.
863. On a vu (n" 537) qu un certain nombre de noms de lieu
(h; France rappellent le souvenir des Goths : il est inutile de
ORIGINES GOTHIQUES 207
reproduire ici lénumération des localités qu'ils désignent, parmi
lesquelles il ne faudrait présentement envisager que celles qui
sont situées au sud de la Loire. On observera seulement que
Gourville (Charente) et Gourvillette (Charente-Inférieure) sont à
peu de distance du hameau d'Herpès, au territoire de Gourbillac
(Charente), où l'on a exploré une importante nécropole barbare
qui peut, à tous points de vue, être considérée comme gothique.
XLVI
ORIGINES FRANQUES : GÉNÉRALITÉS
• 864. Le nom des Francs apparaît pour la première fois dans
riiistoire vers l'an 240 de notre ère. Ils habitaient sur la rive
droite du Rhin, dans la basse Germanie. Le futur empereur
Aurélien, alors tribun de la ^'P légion, eut à repousser leurs
incursions en Gaule : il les défit complètement^ leur tua
sept cents hommes, en vendit trois cents à l'encan, et cet exploit
donna lieu à une chanson militaire dont Thistorien Flavius
Vopiscus nous a conservé le début : Mille Francos, mille
Sarmatas semeloccidimus...^. Le nom de F r a n c i désignait
collectivement diverses nations germaniques unies par un lien
fédéral, mais dont chacune avait son nom particulier : les Saliens
— qui peut-être ne différaient pas des Sicambres — les Cha-
maves, les Chattes ; le nom de ces derniers se retrouve dans celui
delà Hèsse, l'aspiration initiale ayant persisté, et la double den-
tale sétant altérée en un son sifflant.
Cette dernière peuplade s'est bientôt fait connaître sous le nom
Ilattuarii, présentant, à la suite de l'appellation originelle, un
suffixe que les Romains ont rendu par -uarii ou -oarii. Ce
suffixe a servi à former des adjectifs ethniques : Baioarii,
ancien nom des Bavarois — formé sur le nom de peuple cel-
tique Boii — Cantuarii, Vectuarii, noms que les Saxons
établis dans la Grande-Bretagne donnèrent aux habitants du pays
de Kent et de l'Ile de Wight ; et 1 on remarque, dans l'allemand
moderne, des adjectifs, tels que herliner et fvicncr, formés à
l'aide du suffixe -cr sur des noms de ville.
Les Francs, vers 2(i0, assiégèrent Toul, et une tle leurs bandes,
après avoir traversé toute la Gaule et la péninsule ibéricjue,
franchit le détroit de Gibraltai-, et alla périr dans les sables de
la Mauritanie.
I. Vilu Aiiri'li.ini, <l;iii^ lintn'H ih's llislDiim^ ilrs (îniilcs, I, il'iO.
oituiiiN'Ks FKANuui:s : GKiMiKAi.i ri:s 209
\'ingt ans plus tard, lempereur Probus battit les Francs, et
établit plusieurs milliers d'entre eux en Gaule comme colons.
En 286, les Francs ravagèrent les côtes de la Belgique et de
TArmorique. De nouveaux colons furent introduits par Maxi-
mien Hercule et Constance Chlore dans le territoire, alors inculte,
des Nerviens et dans les cités de Trêves, d'Amiens, de Troyes
et de Langres : ils n'ont guère laissé de traces dans ces régions,
sauf peut-être dans le sud-est de la cité de Langres, où l'exis-
tence, attestée par des textes du haut moyen âge, d'un pagus
Attoariorum, donne lieu de penser que des Chattes furent
établis (cf. ci-dessus, n° 526).
Vers 290, les Saliens occupèrent lîle des Bataves, soumise
depuis trois siècles à la domination de Rome ; un demi-siècle plus
tard, ils envahirent la Toxandrie, représentée par le Brabant et
les contrées avoisinantes ; en 358, ils furent défaits par Julien,
Celui-ci battit les Chamaves en 360. On voit alors des Francs
Saliens servir dans les armées impériales, où certains parvinrent
à des charges importantes. Il est probable qu'au début du
v" siècle, ces Francs colonisèrent les pays arrosés par le cours
inférieur de l'Escaut.
Sous leur chef Clodion, vers 440, ils se rendirent maîtres de
toute la région située au nord de la Somme, et continuèrent la
marche en avant.
Les Francs Ripuaires, riverains du Rhin — d'où leur nom,
formé à l'aide du suffixe -uarii sur le latin ripa — occupaient,
au début du v*' siècle, après des fortunes diverses, Cologne,
Trêves et une partie de la Basse Germanie. Au temps de Clovis,
ils avaient pour roi Sigebert le Boiteux, qui combattit les Ala-
mans à Tolbiac.
Les Ripuaires et les Chattes — ceux-ci s'étendaient k l'ouest
jusqu'à la Sarre — reconnurent, dans les premières années du
vi*" siècle, la domination de Clovis. Ce prince soumit le roi de
Tournai, s'empara des cités de Soissons et de Reims, et devint
maître, par la victoire de Vouillé, dé presque tout le territoire
compris entre la Loire et les Pyrénées ; peu à peu, il absorba les
Etats des petits rois saliens qui régnaient à Cambrai et au Mans.
Ses Ois réunirent à IF.tat franc, en 53i-, le royaume des Bur-
gondes, et, en 539, la partie de la Provence placée sous le sceptre
des rois ostrogoths.
Les noms de lieu. \i
210 LES NOMS DE LIEU
La Gaule pouvait, dès lors, s'appeler la France, puisque la
domination franque s'étendait sur la presque totalité de notre
pçiys actuel ; elle en débordait d'ailleurs considérablement les
limites au nord et à l'est.
Au milieu du vi^ siècle, on distinguait dans la France deux
parties : à l'ouest, la Neustrie, soumise depuis 561 à Ghilpéric ;
à l'est, lAustrasie, où régnait à la même époque Sigebert. Le
nom de la Neustrie paraît formé sur niust, superlatif de l'ad-
jectif niu ou neu, cette région étant, en effet, celle que les
Francs avaient « le plus nouvellement » occupée.
Dans l'Austrasie ou France de l'est, les Francs avaient sur les
populations gallo-romaines l'avantage de la force et du nombre :
ils y imposèrent leur langue et donnèrent aux localités des noms
germaniques, qui subsistent encore dans la Prusse et la Bavière
rhénanes, les grands-duchés de Hesse et de Luxembourg, le
Limbourg, l'Alsace et la partie orientale de la Lorraine ; c'est
ainsi que Strasbourg^ Spire et Worms ont remplacé Argento-
ratum, Nemetes et Vangiones.
En Neustrie, la population gallo-romaine était assez dense,
tandis que la population franque était éparse : celle-ci adopta
bientôt la langue latine, et les noms de lieu purement germa-
niques qu'on peut rencontrer dans cette région sont en minorité.
On peut tracer les limites de la colonisation franque en Gaule
en distinguant, parmi les noms de lieu dus aux Francs, ceux
dont tous les éléments sont germaniques, et ceux, pouvant être
qualifiés de « romano-francs », qui comprennent des éléments
empruntés à la langue des Gallo-Romains. Ces deux catégories
vont être étudiées l'une après l'autre.
XLVII
NOMS GERMANIQUES
Par analogie avec ce qui a été fait pour l'étude des noms de
lieu d'origine saxonne en Normandie, on passera en revue, suc-
cessivement, les divers éléments, noms communs pour la plu-
part, qui, tirés de la langue des Francs, ont laissé des traces
dans la toponomastique de notre pays.
BAC
Equivalent de l'allemand moderne hachei du néerlandais heek,
« ruisseau », ce mot se retrouve dans un grand nombre de noms
de lieu.
865. Orbacus désignait, au ix*' siècle, un monastère du dio-
cèse de Soissons, l'abbaye d'Orbais (Marne), située sur un ruis-
seau auquel primitivement l'appellation s'appliquait en propre.
On ignore le sens du terme qui précède bac : il se retrouve dans
les synonymes d^Orhais existant aux pays de langue germa-
nique : Orbach frégence de Cologne) et ses dérivés Orbachshof
(Wurtemberg) et Orbachsmûhle (régence de Coblenz) — c'est-
à-dire « la ferme d'Orbach » et « le moulin d'Orbach » — - et
Oirbeek (Belgique. Brabaut). Orbcc ((Calvados) est évidemment
une variante Scandinave d'Orbais.
866. Saint Ouen fonda, en 634, au diocèse de Meaux, une
abbaye appelée d'abord Jérusalem, et qui prit ensuite, du nom du
cours d'eau qui l'arrosait, fluviolus Resbacenus, celui de
Rebais (Seine-et-Marne), que la localité a conservé. Le nom de
Rebais est porté aussi par un écart du département de l'Eure.
Dans un diplôme donné en 87U pour l'abba^'e de Saint-Denis,
Resbacis super fluvium Resbacis in pago Laudunensi
désigne Roubais (Aisne). On peut attribuer la même origine a
RebetS (Seine-Inférieure), RebetZ /Oise) et Rebecq (Pas-de-
Calais).
867. Rosbacius est appliqué par un diplôme de 731 à une
212 LES NOMS UL; LUX'
localité du pagus Madriacensis — pays de Méré, situé entre
Évreux et Poissy — dont on ignore le nom actuel. Cette localité
a pour synonymes Roubaix (Nord), au xi'' siècle Boshace, Robecq
(Pas-de-Calais) et, en AUemag-ne, Rossbach, ou le prince de Sou-
bise fut battu par le roi de Prusse Frédéric II, en 1757. Il est
permis de voir, dans le premier terme de ces noms, le mot alle-
mand ross, « cheval » ; cette hypothèse est autorisée par l'exis-
tence, dans la banlieue parisienne, au territoire de Fontenay-
sous-Bois, dun lieu dit Chevaiiru, dont le nom, entièrement
roman, représente le thème étymologique caballi ri vus. De
telles appellations évoquent sans doute quelque légende germa-
nique.
868. Les Miracula sancti RicariL écrits au xi*^ siècle, men-
tionnent, sous le nom Scalbacis, un ruisseau et un village voi-
sins de Saint-Valery-sur-Somme. Ce nom, latinisé aussi en
Scalbacius, ne pouvait donner que Escaubais ou Ecauhec, et on
ne saurait se rallier à l'opinion qui l'identifie avec Estréhœuf
(Somme). Schallbach (grand-duché de Bade) est certainement
un synonyme de Scalbacis.
869. Waiïlbach, nom porté en Allemagne par une douzaine de
localités, a pour équivalents romanisés Warabaix(Nordi, Wambez
(Oise) et Gambais (Seine-et-Oise), dont le diminutif Gambaiseul
désigne une localité voisine. On rencontre en Belgique Wambeek
(Brabant).
870. On peut rapprocher de ces noms ceux de Corbais, Ger-
bais et Lambay, qui appartiennent à la nomenclature du dépar-
tement de l'Aisne, le second comme nom de ruisseau.
871. Un certain nombre de vocables analogues ont été étudiés,
par Godefroid Kurth, dans son ouvrage intitulé : La frontière
linf/iiislif/iie en Belrjique el dans le nord de la France • : Bercen-
bais, Bierbais, Brombais. Chebais, Ghisebais Brabant;, Corbais
j^rabant, Nanjurj, Fleurbais ' Pas-de-(>alais), Glabais (Brabant),
Harbais (Luxembourg), Herbais (Brabant). Hollebais niainaut),
Lembais. Marbais, Metchebais. Nodebais. Opprebais, Orbais,
Pietrebais. Pourbais, Thorembais Tuahanlj ; — et avec des ler-
miiiaisf)iis (jui ne dilTèrciit guère de -huis (jue p;ir la gr;q)hie :
I. Mrniniri's i-Diironrirs ri .nilrrs nn'-ninirt'K jnihlirs /tar rAcndiUiiic r<>i/;dr
ih- It.hii.pm^ (.ollcclion iii-N". lomt- .\L\'1I1, L'-Urrs ( IJiuxclIrs, IHU.'i).
OIUGI.NES KllA>QL'Eï> '■ l^-'^''- -l-">
Marbaix (Nord, Hainautj, Molembaix, Moulbaix, Obaix, Pipaix,
Robaix (Hainaut); — Marbay, Rabay (Luxembourg), Rebay
(Namurj, Steinbay (rég-ence d'Aix-la-Chapelle ', Brabant), Wem-
bay (Luxembourg) ; — Bombaye, Hallembaye (Liège). — Lutre-
bois (Luxembourg), est appelé, en 1469, Lutrehay^ ce qui
l'apparente à l'allemand Lauterhach, équivalent de Clairefon-
tuine. — Lobbes (Hainaut) se rattache au même groupe, témoin
la forme Laubacum, qu'on rencontre en 707.
872. Dans quelques vocables le suffixe formé sur -bac a revêtu
la forme -hacia, qui a donné en roman -baise ou -bise : Barbaize
(Ardennes), en 868 Berbacis, Jurbise, Lombise, Straubise
(Hainaut), Tubise (Brabant), en 877 Tobacis, en 10o9 Tubecca.
873. Le mot francique bac, employé isolément, est vraisem-
blablement le primitif du nom de Betz (Oise), localité située sur
la Grivelle, affluent de l'Ourcq. Betz (Indre-et-Loire) se réclame
sans doute d'une origine différente, car il appartient à une région
où il n'y eut guère de colons germaniques. Et Bais (Mayenne),
en 1125 Bediscum, est sans rapport étymologique avec les
noms en -hais dont on vient de lire l'énumération.
STROOM
874. Le mot stroom, au sens de « cours d'eau » est repré-
senté par quelques noms de lieu de la France septentrionale.
Etrun (Nord) est appelé, sous la date de 881, dans les Annales
de Saint-Bertin, Stromus — qui représente, à bien peu de
chose près, le terme originel — et en 1254 Estrueni. Cette der-
nière forme désigne aussi, en 1227, Etrun (Pas-de-Calais), loca-
lité pour laquelle on rencontre, dès 1053, une autre forme
vulgaire, également caractérisée par la prosthèse d'un e : Estrum.
On constate (|ue l'm finale s'est ultérieurement modifiée en n.
Le nom d'Etrœungt ( Nord j a la même origine que les précédents,
dont il ne diffère que par une graphie toute fantaisiste.
1. Steinha;/ est un écart de la commune de Weismes, et celle-ci faisait
partie du cercle de Malmédy, auquel l'Allemagne, aux termes de l'ar-
ticle XXXIV du traité de Versailles, a renoncé en faveur de la Belgique. —
G. Kurlh observe que SleinLay est la prononciation indigène du nom de
Sleinhach — dont rortliogra[)lie officielle est prfih.ihlcMUMil moderne —
porté par un écart de l.imerlé (Luxembourg).
214 LES NOMS DE LIEL"
Dans les noms d'Estreux (Nord), en 1107 Estrucni, et dÉtreux
(Aisne), en 1144 Estron, le son nasal, attesté par ces formes
anciennes, a disparu.
Enfin, dans le nom de Lestrun (Pas-de-Calais), Strunium en
1140, on observe l'adjonction de l'article roman, d'où l'on est en
droit de conclure que le mot estrum ou estrem a été usité dans le
langage courant.
PARA
875. Le mot fara fut employé par les Lombards avec le sens
de (i famille », attesté par les écrits de Paul Diacre, et par ce
passage de ledit donné en 640, par le roi Rotharic : Si qui s
liber homo potestatem habeat intra dominium régis
cum fara sua megrare ubi voluerit '. Le nom d'homme
latinisé Faramannus s'applique au « chef de la famille )>, et
cette expression donne au mot « famille » le sens de « ménage »,
de c< séquelle » qu'aura, dans le français du moyen âge, le mot
mesnie. Certains textes - empruntés à la Chronique du Mont-Cas-
sin et à celle de Farfa établissent nettement que, dans les par-
ties de l'Italie qui furent habitées par les Lombards, on a consi-
déré le mot fara comme un équivalent de cortis, « domaine ».
Fara, qui désigne, dans Flodoard, la ville de la Fère (Aisne),
est aussi le primitif des noms de YèVQ-en-Tardenois (Aisne),
Fèrebrianges et ¥ère-C hampenoise (Marne) : ces deux dernières
localités ne sont guère éloignées l'une de l'autre, et de bonne
heure on a pris soin de les difl'érencier en adjoignant à l'appel-
lation qui leur était commune un autre nom.
IIAM
876. Le sens de ce mot, qui appartenait aussi aux Saxons, a
été déjà expliqué (n" 742j. Il a trouvé chez les Francs un emploi
comparable à celui qu'avaient fait les Gallo-Romains de son
équivalent vicus : isolé ou en composition, il a servi k dénom-
mer des localités. Iluni, au moyen âge, se prononçait Ilun, et tel
est le motif pour KmjucI Ham (Ardennes, Pas-de-Calais, Seine-
i. Mon. fjcrm. Iiixt., f.rf/iuii IV, 41, î^ I7Î.
2. (^ilé.s (l;iiis rrilition Didol. ilu <il()sx:u-iiiiii de I)n (!:iu^(', v" Fara.
ORIGINES FliANQUES : HAM 215
et-Oise, Somme); a pour variante Han (Meurthe*et-Moselle,
Meuse). L'article qu'on remarque dans le Han, nom d'un écart
de Bourg-Bruche \ ainsi que dans le Ham, nom porté par des
communes du Calvados, de la Manche et de la Mayenne,
attestent que le mot qui procède du germanique ham a trouvé
place dans le langage courant.
877. Bohain (Aisne) est appelé au xi"^ siècle Buchammum, ce
qui autorise à reconnaître, dans le premier terme de ce nom,
l'appellation allemande du hêtre (cf. n** 805). Bohain est donc
l'équivalent des vocables, mentionnés plus haut (n°* 621, 638 et
657), qui représentent le latin fagus ou ses dérivés.
878. Etinehem (Somme), qui se prononce Étinan, est appelé
Astenhem en 1158, Astinham en H 76. Malgré la ressemblance
de ce nom avec certains vocables du Boulenois (sur lesquels voir
n" 803), on doit le rapporter aux Francs plutôt qu'aux Saxons,
car la localité qu'il désigne, appartenant au canton de Bray-sur-
Somme, est fort éloignée de la mer. L'hypothèse inverse serait
mieux indiquée à propos des localités qui se nomment Behcn
(cant. de Moyenneville), Rogent, écart de Tœulles (même can-
ton) et Fro/ie/i-le-Grand et Fro/ie/i-le-Petit (cant. de Berna-
ville).
LAR, LARI
879. On ignore le sens précis du mot germanique lar ou lari :
peut-être en faut-il voir un dérivé dans le vieux mot français
larris, qui avait le sens de « lande » ou de « friche » ; et, d'autre
part, on l'a rapproché d'un mot celtique, désignant un fonds
de terre, qui est représenté par l'irlandais lar et le breton laiir
ou llaiior.
Quoi qu'il en soît^ lar ou lari est entré, comme dernier terme,
dans la composition d'un grand nombre de noms de lieu d.'ori-
gine germanique : Fôrstemann en a relevé jusqu'à cinquante-
quatre dans les textes antérieurs à l'an mil; et l'onPpeut citer,
dans la toponomastique de l'Allemagne moderne, les noms
Fritzlar, Goslar, "Wetzlar. Ce terme a été romanisé de dillerentes
façons.
1. Cette ancienne commune des Vosges resie comprise, depuis le retour
de l'Alsace à la France, dans le départenicnl du H;is-Hliin.
216 LES NOMS DE LIEU
880. Roulers (Belgique. Flandre occidentale^ est appelé, du
ix*" au xii'' siècle, Boslai'.
De même que le nom d'origine romane Villers a pour
variante Villiers (voir ci-après n" 955), de même la terminaison
qu'on vient d'observer dans Roulers a pour variante -lier, qui
s'explique par lari plutôt que par lar : Longlier (Belgique,
Luxembourg), est appelé au viii'' siècle Longolare.
881. A la catég-orie des noms de lieu que représentent avec
certitude Roulers et Longlier. il est permis de rattacher les
vocables suivants, appartenant aux régions depuis longtemps
romanisées de l'Artois et de la Picardie : Amplier (Pas-de-
Calais), Bouflers Somme). Canlers. Huclier. Hucqueliers (Pas-
de-Calais), Marlers (Somme , Maulers Oise), Mouflers (Somme).
— Maffliers iSeine-et-Oise) est appelé au moyen âge Masflare.
882. Une graphie fantaisiste a parfois défiguré la finale -1er ou
-lier : Mouflières (Somme) s'est substitué aux formes anciennes
Moufliers ou Moflers ; — le nom de Maignelay (Oise) s'écrivait,
antérieurement au xvi® siècle, Maignelers.
883. Mérélessart (Somme) résulte de la combinaison de Masler
ou Mesler — dont Vr a été déplacée — avec le nom commun
essarf, « défrichement ».
LOH
884. Le substantif germanique loh a plusieurs sens, dont le
plus répandu, dans le nord de la Gaule, est celui de « bois », qvxi
l'apparente au latin lucus fn"^ 688-697) : on le reconnaît, sous
la forme -loo, comme terminaison d'un grand nombre de noms
de lieu en Belgique : Tessenderloo fLimbourg), "Waterloo (Bra-
bant), etc.
885. L'aire géographique des vocables dont le dernier terme
répond à loh paraît s'être étendue au moins jusqu'en Picardie : elle
comprendrait notamment Barleux fSomme) — Bnrlous en 882,
Hurlas en 11 OS — Hucleu Seine-Inférieure), Huleux (Oise,
Seine-Inférieure, Somme).
886. Il est possible que le mot loh n'ait pas toujours été pris
dans le sens de « bois », et qu'il ait eu pai-fuis celui de « lieu »,
locus : telle est, en ell'cl. l'acception de lt)c/i en vieux fiison et
«•n .■iiigU)-saxoii . \Va (1 ri' I (Mil s. (pii di-signe, à 1 (''pixpic iiK-rovin-
()RIGINi:S FrtANQi;ES : ij>u 217
gieuno, une localité du pagus Velcassinus, c'est-à-dire du
Vexin, oirro une analogie frappante avec Waterloo et Wattrelos
(Nord).
-ING
887. Le suffixe -ing, on l'a vu, était commun aux diverses
nations germaniques. Dans la partie de la Francia où l'élément
romain dominait sous les Mérovingiens, les noms de lieu formés
à l'aide de ce suffixe sont en petit nombre.
Dourdan (Seine-et-Oise) est mentionné en 956 sous la forme
Dordincum, comme le lieu du décès du père de Hugues Gapet,
le duc de France Hugues le Grand.
Houdan (Seine-et-Oise), Hosdingus dans les textes latins, a
plusieurs homonymes : Hodant, Hodent (Seine-et-Oise), Hodenc
(Oise), Hodeng (Seine-Inférieure), peut-être aussi Houdain (Pas-
de-Calais) et Houdeng (Belgique, Hainaut). Le g du suffixe ori-
ginel a disparu dans quelques-uns de ces noms, mais il s'est
maintenu dans les dérivés : Hodenger (Seine-Inférieure) repré-
sente un plus ancien Hodengel, signifiant « Hodeng-le-Petit ».
Gazeran (Seine-et-Oise) est mentionné en 885, dans une
charte du comte Eudes, fils de Robert le Fort, sous la forme
Wasiringus.
Doullens (Somme) est appelé Dourleng en 1147, et Dorengt
(Aisne), Dorenc en 1155.
888. L'exemple de Houdain permet d'avancer que la termi-
naison -ain, -aing, si fréquente en Artois et dans les pays wal-
lons, procède parfois du sufïîxe germanique -ing ; mais on doit
se garder de généraliser cette interprétation, la terminaison dont
il s'agit représentant, en d'autres cas, un suffixe latin -inium
(n** 353). Du moins, on ne saurait mettre en doute l'origine ger-
manique du nom de Bermerain (Nord), en 1095 Bermering ; car
le premier terme en présente le nom d'homme, latinisé en Bert-
marus, qui entre aussi dans la composition des noms Bermeries
(Nord), Bertmariacas, et Berinéricourl (Marne), Bertmariaca
cortis.
889. Un autre exemple de la terminaison -ain, dans une
région dilférente, est fourni par Thieffraiil (Aube), qui repré-
sente un adjectif en -ing formé sur le nom d'homme Toudofridus,
218 LES NOMS DE LIEU
et dont on a rencontré plus haut (n*' 835) un équivalent dans
Thieffrans (Haute-Saône).
890. Dans le pays messin, ou, pour mieux dire, dans la région
qui confine, en ces parages, à la limite des langues, les noms
de lieu formés à Taide du suffixe -ing — employé au pluriel, le
fait doit être noté — sont plus nombreux que partout ailleurs.
Et dans la partie occidentale de cette région, moyennant un
progrès de la romanisation qui n'a fait que s'accentuer à partir
du xii^ siècle, mainte localité a été depuis lors désignée concur-
remment par deux appellations, lune allemande en -ingen, plu-
riel de -ing^ l'autre romane en -enges. puis -ange.
891. Par contre, dans les parties de la Lorraine où l'influence
germanique persista plus longtemps, les formes adoptées depuis
le xvin" siècle, et conservées jusqu'en 1871 par l'usage officiel,
ne se distinguent des formes allemandes en -ingen que par la
chute de la syllabe atone qui termine celles-ci. En d'autres
termes, dans la partie orientale des anciens départements de la
Moselle et de la Meurthe, la terminaison -ing — prononcée -in
— caractérise, d'une manière générale, les noms de lieu, formés
à l'aide du suffixe pluriel -ingen, dont il n'avait pas été créé, au
moyen âge, de synonymes romans en -enges.
Parmi les noms de lieu de la Lorraine dont la forme primitive
présente le suffixe -ingen, on n'étudiera ici que les plus intéres-
sants. A l'exception de Fénétrange, de Gondrcxange et de
Pévange, communes qui appartenaient, avant 1871, au départe-
ment de la Meurthe, ils sont tous empruntés à la nomenclature
de l'ancien département de la Moselle '.
892. Adelange (Edelingen) dérive du nom propre d'homme lati-
nisé sous la forme imparisyllabique Adalo, au génitif Adalo-
nis : forme familière, hypocoristique, de l'un des nombreux
noms — Adalbaldus, Adalbertus, Adalmundus, Adalri-
cus — dont le premier terme est le mot udal, « noble ». —
Aclelans (Haute-Saône) a hi niT-me origine.
1. l'our cliaciiii <io ces noms, lo t'as éclu^aiit, nous iii(li(|uoiis, onlio i^areii-
llu'ses, à la suile do la l'ornic (>f(ici('llcmenl usitée on dS7l, colli* ([ui fui
ensuite imposée par radniinislralioii allemande. — Les noms de lieu meii-
lioniiés, pour rapprochement, dans le corps des alinéas qui suivent, s'ap-
|)1i(|uent aussi, sauf avis contrairi', à des localilés Ao l'anrion (h^partiMiienl
do la Moselle.
ORIGINES FRANQUES '. -INGEN 219
893. Algrange (Algringen), dès 120G Algerange : du nom
d'homme latinisé Adalgarius. — Cf. Augerans (n° 839).
894. Bertrange (Bertringen), en 1222, et peut-être dès 1130
Bcrtninges, a pour homonymes Bertring et Bettring, en 1594
Bertringen : de Bertarius, origine de Bertier, nom de baptême
usité en Bourg-og-ne jusqu'au xv^ siècle, mais qu'aujourd'hui Ton
ne rencontre que comme nom de famille.
895. Bettange et Betting (Bettingen) : de Betto, -onis, forme
hypocoristique et altérée de l'un des noms — Bertmundus,
Bertoaldus, etc. — qui, comme Bertarius, ont pour premier
terme l'adjectif berct, « brillant ». — Betto entre dans la com-
position d'un g-rand nombre de noms de lieu remontant à l'époque
franque (cf. ci-après, n" 1010).
896. Boulange (Bollingen), du nom imparisyllabique noté
^Bolo au VIII* siècle et Bollo en 802.
897. Boussange, en 1128 Bolsenges : de Bolzo, forme hypo-
coristique de l'un des noms d'homme ayant pour terme initial
hold ou hald : Baldricus, Balduinus.
898. Éblange (Eblingen) : du nom Ebalo, -onis, dont les
formes romanes sont Eble au cas sujet et Ehlon au cas rég-ime.
899. Elvange (Elwingen), en 1121 llbing-a : cette forme
ancienne permet de reconnaître pour racine du vocable le nom
d'homme Hilbo, qu'on trouve dans des textes du viii° siècle,
et qui peut être une forme hypocoristique du nom royal Chil-
p e r i c u s .
900. Elzange (Elsingen) et Elzing : de Elso ou llso.
901. Évrange (Ewringen), Ehiringcn en 9G3 : du nom Ebero,
que portait un personnage mentionné par Grégoire de' Tours.
Ebero dérive du mot e/>er, « sanglier ».
902. Fénétrange (Finstingen), dès 1070 Filisienges et en 1222
P/iylestanges : du nom de femme Filista qu'on rencontre
notamment dans les Miracula sancti Apri, écrits à la fin du
IX® siècle.
903. Florange (Florchingen), à la fin du ix^' siècle Floringas,
représente visiblement un adjectif formé sur le nom romain
Florus : il y a lieu d'en rapprocher FlorincUtnn (n" 767j et
Floringuczelle in" 810).
904. Gondrexange, dont l'.r est la notation du son cil — fait
assez commun en Lorraine — a pour racine le nom d homme
220 LES NOMS DE LIEU
Gundericus, qu'on reconnaît dans la première partie des noms
de lieu Gojidrecourt, Gondreville (n° 1139), Contréxeville
(Vosges) = Gundericiaca villa, et Gondrexon (Meurthe-et-
Moselle).
905. Guéblange (Geblingen) : les formes médiévales Guebol-
danges, Guehledanges, Guebeldanges, permettent de reconnaître
dans le premier terme de ce vocable le nom de femme Gibohil-
dis qui ligure dans le Polyptique d Irminon : cf. Guéblange '
(anc. Meurthe), en 1225 Geheldingen.
906. Guirlange (Girlingen), dès 114cS Gerildanges, dérive dun
autre nom de femme, également connu par le Polyptique d'Irmi-
non : Gerhildis. La contraction remarquable dont résulte le
nom moderne de cette localité s'explique peut-être par une forme
intermédiaire telle que Guirledange. dont la dentale sera très
normalement tombée.
907. Inglange (Inglingen), de Ingelo, -onis. forme hypo-
coristique de l'un des noms Ingelbertus, Ingelramnus, etc.
908. Knutange Kneuttingen), de Knuto, nom qui fut porté en
Danemark par six rois.
909. Lommerange i^Lommeringen . dans le patois local Leu-
merange, du nom Leudomirus. qui fut celui d'un personnage
honoré par l'Eglise dans deux villages du département de la
Marne appelés Sainf-Lurnier.
910. Ottange Oettingen), du nom si répandu Otto, variante
dOdo, que représentent, dans l'onomastique romane, Eudes et
Odon.
911. Pévange Pewingeni procède vraisemblablement du nom
Pibo, qui fut porté au xT' siècle par un évèque de Toul.
912. Piblange Pieblingeni dériverait d'un diminutif de Pibo,
Pibilo.
913. Puttelange Piittlingen , nom de deux communes dont
l'une est appelée, en lOOÎJ Putilinga, paraît formé sur Putilo,
variante alamane du nom francique Budilo, qu'on trouve dans
Frédégaire : peut-être atteste-t-il quehjue infiltration alamane —
explicable par le voisinage de l'Alsace — dans le territoire de la
cité de Trêves.
914. Racrange Rakringen), de Halgurius.
1. Niim nlTiiirl sons le n'-^^imc .illciii.iml : Gebling.
OltldlMOS FKANOUHS : -IXGEN 221
915. Rédange (Redingen), en 926 Radin ga, de Rado, forme
hypocoristique de Ratbodus, Ratbertus, Radulfus, etc.
916. Rurange (Rorchingen), Rudrekanc/e en \221 , Burckamjcs
en 1299, de Rode ri eu s.
917. Talange (Talingen), Tatoling-a en 960, Tateling-a en
977, Tatilinga en 993, de Tadilo ou Tatilo, nom dont on
connaît une forme féminine : Tatila.
918. Volmerange (Volmeringen), dès le xii'' siècle Wolme-
reiiges, de Vole ma ru s, nom fréquent dans la région messine, à
Tépoque féodale, sous la forme Folmarus.
-OAR
919. Telle était, peut-on supposer, la forme originelle d'un
suffixe g-ermanique latinisé au nominatif pluriel en -uarii,
-oarii, dont il a été parlé déjà (n° 864). L'usage qu'en ont fait
les Francs est attesté, non seulement par le nom des Hattuarii,
mais encore par un certain nombre d'adjectifs ethniques qui ont
eu cours au moyen âg'e, et qu'il paraît intéressant d'étudier ici.
920. Le nom du Hainaut, pag-us Hainaus, apparaît bien
comme un nom formé à la mode gerjuanique sur celui d'un cours
d'eau, dans l'espèce la Haisne. Or, les habitants de ce pays ont
été appelés au moyen âge les Hainuires — doîi le nom de famille
Hennuyer — de même qu'on a des exemples du mot Baiviers
pour désigner les Bavarois, Baioarii. Le suffixe qui nous occupe
a donc revêtu, en français, la forme -ie?'.
921. x\ux XI*', xu^ et xui^ siècles, les habitants de la Picardie
étaient appelés Pohiers ou Pouhiers : Pouyer subsiste comme
nom de famille.
922. Le terme B rai crus désigne, dans Orderic Vital au
XLi'' siècle, et dans Guillaume le Breton au xm'', un habitant du
pays de Bray, aujourd'hui partagé entre les départements de
l'Oise et de la Seine-Inférieure.
923. Le nom Gohier s'appliquait originellement à un habitant
du pays de Gouy-en-Gohelle (Pas-de-Calais) : Gohelle est l'alté-
ration du nom Gohiere, qui désignait ce pays au moyen-àge.
924. Les habitants d'Anglure (Marne) sont appelés Anglu-
riers : ce fait autorise à supposer (ju'à un moment donné le lond
de la p(jpulation de l'endroit était entièrement francique. A Fère-
LES NOMS DE LIEU
Champenoise (Marne), les habitants du ^i-f^'^^\^:^^lZ
fier bas de la ville sont appelés respectivement lahoyers et
àïavers on peut voir dans ces bizarres dénom>nat.o„s 1 emplo,
*:^ ient du'n suffixe originairement g-r^^VZ»»
par la famille franque - la fara - à laquelle Fere-Champenmse
doit son nom (voir n° 875).
XLVIII
NOMS ROMANO-FRANCS : EXPOSÉ PRÉLIMINAIRE i
925. Les noms de lieu romano-francs forment une catégorie à
laquelle il convient de s'arrêter plus longuement qu'à celle qui
précède. Sans compter qu'ils sont en bien plus grand nombre,
tel d'entre eux est susceptible d'être considéré de points de vue
différents, suivant que l'on s'attache à l'un ou l'autre des élé-
ments qui le composent. L'étude qu'ils appellent est passable-
ment complexe : avant de l'aborder, on croit utile de s'expliquer
sur la méthode qui sera suivie.
1. Pour qualifier les noms de lieu qui contribuent à démontrer l'influence
sur le monde gallo-romain de la pénétration franque, Auguste Longnon a
employé parfois l'expression « gallo-francs » : elle ne convient, à vrai dire,
qu'aux noms de lieu déjà cités incidemment (n"* 248 à 274) et aux adjectifs
nominaux qui résultent les uns et les autres de la combinaison du suffixe
celtique -acus avec des noms germaniques de personne; il serait excessif
de l'étendre à tous les vocables qui ont été étudiés dans les chapitres xlix,
à Lir ; ces vocables, dans leur ensemble, appartiennent à un langage où
l'élément gaulois n'avait laissé que de faibles traces, et qu'au ix« siècle on
appellera lingua romana : voilà pourquoi nous préférons les qualifier de
<( romano-francs ».
Nous ne pouvions, en ce qui concerne ces noms de lieu, résumer rensei-
gnement du maitre en le suivant, comme ailleurs, pas à pas. Il était indis-
pensable de reconstituer dans ce livre, en vue d'une consultation commode,
telles énumérations dont A. Longnon, pour en épargner la monotonie à ses
auditeurs, dispersait quelque peu les éléments, anticipant ici, et là revenant
en arrière. C'est ainsi qu'au Collège de Finance (cours professé en 1890-91)
comme à l'École des Hautes Études, il s'y reprenait à deux fois — à propos
des noms formés sur cortis, et puis avant d'en finir avec les noms de lieu
de l'époque franque — pour énoncer les notions d'onomastique gei'ma-
nique qu'il nous a paru convenable de grouper dans un chapitre spécial —
le chapitre LU — contre-partie des trois précédents, ceux-ci comme celui-là
traitant de la même catégorie de vocables. En un mot, nous avons voulu
réaliser une division du sujet qui n'était que virtuelle ; et c'est pour l'iiidi-
(juer que nous intercalons ici le présent « exposé préliminaire », ({u'on
chercherait en vain dans le manuscrit du cours du Collège de France, et
dans les notes, prises à l'École des Hautes Études par des auditeurs d'Au-
guste Longnon, qui nous ont été communiquées.
•Mf±
LES NOMS bl-: LIEU
Ces vocables répondent tiu type ({uon peut ainsi caractériser :
un nom commun, latin ou bas-latin, élément principal, à côté
duquel un nom propre de personne, d'orig-ine germanique, joue
le rôle de déterminatif. Voilà la règle générale, mais elle souffre
des exceptions, car il est des noms de lieu dans lesquels l'élé-
ment germanique n'apparaît pas aussi nettement, et que pourtant
on aurait tort d'exclure de la catégorie des noms de lieu romano-
franes. Tantôt le nom d'homme n'est pas germanique. Tantôt le
déterminatif est autre chose qu'un nom de personne, autre chose
même qu'un substantif. Tantôt enfin, rarement d'ailleurs, le
déterminatif fait totalement défaut, et l'on est en présence d'un
mot isolé. Ce mot — comme souvent celui qui l'accompagne
dans les deux autres éventualités — appartient à la langue des
Gallo-Romains ; mais l'acception dans laquelle il est pris, l'usage
auquel il est employé, étaient propres aux Francs, et c'est bien
là ce qu'il faut retenir.
Parmi les mots qui, dans la composition des noms de lieu
romano-francs, constituent l'élément principal, cortis est celui
qu'il convient d'étudier le premier et avec le plus de détail
(n°* 926 à 948) : il fut de tous, sans conteste, le plus usité ; et,
à défaut de la liste, trop longue, des vocables dans lesquels on
le reconnaît, un choix raisonné de ceux-ci sera l'occasion de
remarques qui seront formulées une fois pour toutes, et qu'on se
contentera de rappeler brièvement, lorsqu'à propos de noms de
lieu formés sur d'autres mots que cortis, on aurait sujet de les
répéter.
De ces derniers, deux parts seront faites : d'un côté (n"* 949 à
971) les mots qui s'appliquent, comme cortis, à des lieux habi-
tés ; de l'autre (n"'* 972 à 983) ceux dont l'emploi est l'effet
d'une métonymie, car chacun d'eux désigne, proproment, non
pas un lieu habité, mais le site qui l'avoisine.
Apres l'élément principal, le déterminatif. Encore un coup, il
s'agit en principe, et de l'ail la j)Iupart du lemj)s, d un nom de
personne. Or, l'onomastique gerinani(jue olfre un certain nombre
<le désinences dont il est intéressant de considérei- révolution au
j)()iiit d(! vue de la formation dos noms de lieu : c est là une
étude particulière ^ n"~ 984 ii 1150) (pi Ou n'aura garde de négli-
U^er.
XLIX
CORTIS
926. Le mot cortis est ancien dans la langue latine : il est
employé, au cours du siècle qui précéda Tère chrétienne, par le
grammairien Varron, sous la forme cohors, au génitif cohortis,
et il désignait la cour intérieure dun établissement rural, la cour
entourée par les étables et les autres bâtiments. C'est là le sens
primitif, originel, de ce mot, celui qu'on retrouve au premier siècle
de notre ère, chez l'agronome Golumelle ; le sens de « troupe
entourée, palissadée » — d'où le terme militaire « cohorte » —
est l'eifet d'une métonymie.
Le sens primitif a subsisté, et il a donné en français, par
exemple, le mot cour ; toutefois, dans le langage des campagnes
le mot cohors, réduit à cors, et employé, même au nominatif,
sous la forme cortis, originairement génitive, ne désignait plus
simplement la cour de la ferme, siège du domaine rural. C'est
grâce- à ce que la partie a été prise pour le tout que le mot cor-
tis est devenu, non seulement un synonyme de villa, c'est-à-
dire d' « exploitation rurale », mais aussi un véritable équivalent
de notre mot « domaine », et Ion voit, dans la Vita sancti Pla-
cidi, qui, en son premier état, date du vi^ siècle, un personnage
possédant en Sicile « plusieurs cortes très riches et de bon pro-
duit, contenant bois, eaux et cours d'eau, moulins, pêcheries,
chacune cultivée par quelques centaines d'esclaves ». A cette
époque, fundus, praedium, ager, villa, cortis, étaient des
termes complètement synonymes, et c'est au sens de « domaine
rural » que cortis figure en de nombreux noms de lieu composés
de l'époque mérovingienne.
Là ne s'arrêtent pas les évolutions de cortis ou de court,
forme romane de ce mot. ('omme il désignait tout domaine rural,
et par conséquent la résidence rurale du roi et des seigneurs, on
Les noms da lieu. '•'
22G LES NOMS DE LIEU
appela du nom de court le siège de la justice du roi ou des sei-
gneurs, le lieu où le roi ou les seigneurs rendaient la justice, puis,
enfin, toute assemblée chargée de rendre la justice. C'est lorsque
« cour » commença à devenir synonyme de « siège de justice »
qu'une confusion facilement explicable se produisit dans l'esprit
des gens instruits, touchant la forme latine de ce mot : c'est par
suite de cette confusion qu on écrivit plus d'une fois curia au
lieu de curtis ou cortis dans des noms de lieu composés qui
datent de l'époque mérovingienne. Mais le mot curia qui. en
latin, désigna d abord le lieu où le Sénat s'assemblait, et par suite
le lieu de réunion, la salle de .séance, d une assemblée quelconque,
n'a rien à voir dans l'étymologie du mot français « cour », quelle
que soit son acception — mot ([ui devrait s'écrire régulièrement
court, la perte du t final étant due à l'influence du latin curia
— ni dans celle des noms de lieu qui présentent ce mot.
Le mot court, au sens de « domaine rural », paraît avoir été
généralement préféré au mot villa par la plupart des nations
germaniques qui envahirent les provinces occidentales de l'Em-
pire romain. On le trouve, sous les formes cortis et curtis, dans
les lois de plusieurs des nations barbares : Wisigoths, Bour-
guignons, Francs Saliens, Lond>ards et Bavarois; mais aucune
nation ne lafîectionna au même degré que les Francs.
927. On rencontre des noms de lieu formés à laide de cortis
dans la Bourgogne, la Franche-Comté, et les parties de la Suis.se
qui avoisinent le Jura, mais surtout dans les pays où s'établirent
les hommes de race franque : Lorraine, Champagne, Artois,
Picardie, Ile-de-France ; ils sont plus clairsemés dans l'Orléa-
nais, le Chartrain, le Vendômois, le )*Iaine, hi Normandie, l'An-
jou, la Tourainc ; au delii de la Loire on n'en voit qu'entre ce
fleuve et la Sauldre ; encore cette bande de terre dé[)endait-elle
de l'Orléanais. Parmi ces derniers pays, c'est le Maine qui en
olîre le plus grand nombre : le fait ne semblera pas surjue-
ii;int. si l'on se rappelle qu'au temps de Clovis, le Mans était le
chef-lieu d'un petit l'Uat franc où régnait Hignomir. D'ailleurs,
on a pu, par des fouilles, constater l'existence dans le Maine
d un ilôt de p<»[)id.ili(in gerinani(jue ; et d'une manière générale,
la limite de la c()l<)nisaiit)n gi'rniani(jue en (iaule, telle (pie
1 étude des noms de lieu permet tle la tracer, dilîère peu de celle
qui résulte de la carte des eimetièics niiTovingiens dressée vers
(JRIGINKS FKA.XOLKS : CORTfS 227
1877, pour la Commission de topographie des Gaules, par le
D'' Hamy ' : elle est seulement un peu plus précise.
928. En deçà de cette limite le mot cortis tenait trop de place
dans le langage courant pour apparaître dans la toponomastique
autrement qu'en composition. Il faut s'éloigner, parfois beaucoup,
de la région soumise à l'influence franque pour découvrir, très
rares et très disséminés, des noms de lieu représentant ce mot
employé seul : Gours (Lot, Nièvre, Rhône, Deux-Sèvres),
Co\xrs,-de-Pile (Dordogne), CourB-les-Bains (Gironde), Cours-Zes-
Barres (Cher), ainsi que CovLT-sur-Loire (Loir-et-Cher). Chacune
de ces localités doit vraisemblablement son origine à un domaine
rural dont le propriétaire, de race franque, avait importé le mot
cortis, l'empruntant à la langue adoptée dans la contrée doù
il venait.
929. I^e domaine rural désigné à l'époque mérovingienne par
ce mot constituait le plus souvent, en raison des habitations des
tenanciers et de leurs familles, un véritable Alliage. Voilà pour-
quoi, dans les parties de la Suisse qui sont situées à la limite des
langues, et où certaines localités ont à la fois un nom français et
un nom allemand, on voit le mot cour, terme initial du premier,
traduit dans le second par dorf : Courcelon = Sollendorf ; —
Courchapoix = Gebstorf ; — Gourgenay = Jennsdorf ; — Gour-
rendlin = Rennendorf ; — Gourroux, de Cortis Rodoldi =
Ltittelsdorf, pour liafolsdorf; — Gorban, pour Coiirhiion, de
Cortis Battonis = Battendorf ; ces localités appartiennent au
canton de Berne.
930. On remarquera par ces exemples que dans le nom alle-
mand, à la différence de ce qui se produit dans le nom français,
le terme principal est rejeté à la fin, la première place étant
tenue par le déterminatif : c'est là l'application d'une règle qui,
dans la toponymie germanique, ne soulfre pas d'exceptions. Au
contraire, dans les noms romans, ainsi qu'on va l'observer, le
déterminatif occupe tantôt la première place, tantôt la dernière.
1. Ainsi que l'a signalé M. Salomon Re\i\i\ch {Revue arch<''ologi'/iir, WH'o,
II, 219, et Catalogue illustré du Musée des antiquités nationales au château
de Saint-Gennain-en-Laye, I, 189) les cartes dressées pour la Commission
de topographie des Gaules, et notamment celle de la >i Gaule mérovin-
gienne », sont acLuellemenl déposés dans un cal)iuel du musée de Saiiit-
Gcrm ain.
228 LES .NOMS DE LIKU
Henri d'Arbois de Jubainville émettait à ce propos l'opinion que
la disposition qui donne la seconde place au déterminatif est plus
moderne que celle oii le déterminatif ligure en tête : que, par
exemple, le nom Bougival, Baudeg-isili vallis, appartient à
l'époque mérovingienne, tandis que Vauffirard, Vallis Girardi,
date seulement du xiii'= sièle ; que Nova Villa, Neuville, est
plus ancien que Villa nova, Villeneuve, qui serait une forme
contemporaine du nom de Vaug-irard. On peut étayer cette théo-
rie de faits qui semblent probants ; mais pour peu qu'on aille au
fond des choses, on s'aperçoit combien elle est décevante, et
l'on est forcé de reconnaitre que les deux constructions, les deux
dispositions, existent dès l'époque franque. Et l'on est amené à
constater, dans les noms romans de la période mérovingienne,
deux courants différents : le courant g-ermanique, où l'ordre des
mots, régulé sans appel, donne toujours la première place au
déterminatif ; et le courant romain, qui laisse d'abord une cer-
taine liberté d action, mais qui, après plusieurs siècles, arrive à
rejeter le déterminatif à la fin du mot, conformément à l'usage
qui a prévalu dans la lang-ue française. Dans les noms de lieu
formés à 1 aide du bas-latin cortis. et ([ui semblent caractéris-
tiques de la colonisation franque, le courant germanique l'em-
porte de beaucoup.
931. Sauf de rares exceptions qui seront signalées plus loin
(n"" 943 à 948), le mot cortis est combiné avec un nom propre
d'origine germanique qui rappelle 1 un des premiers possesseurs
de lacortis. Parfois ce nom paraîtaussidans l'appellation de telle
ou telle dépendance de la cortis. G est ce qu'on observe à Cour-
betaux (Marne) ; le nom primitif de ce village, Gortis Ber-
toaldi, a pour second élément un nom d homme qu'au vii*^ siècle
la chronique de Frédégaire appliquait à un maire du palais au
royaume de Bourgogne, et qui, après avoir été usité au moyen
âge comme nom de baptême, subsiste aujourd'hui comme nonï de
famille sous les formes Ber/aud. Jier/au.r,ei, vers le Jura, Bcrihod
(;t lirrllioud. (Jr, ce nom (igurc ;i Gourl)etaux — on devrait dire
(lourhcrl aux, mais par un phénomène de dissimilation assez
commun, la seconde /• a disparu — non seulenu'ut dans l'aj)])?!-
lalion do la commune, mais dans celles d im ruisseau et d un
bois de son lerriloiri'. le lin-liarhuid et le liois-lirrlaud .
(JUKUiN'KS KKANmIjKS '. COIIIIS 229
932. I^e mot bas-latin cortis se présente aujourd'hui sous une
forme uni([ue, et correcte, court, lorsqu'il est employé — c'est
le cas de beaucoup le plus frécjuent — comme élément final :
Gondrecourf, Baucoiirt, Vaudoncourl : à cette place rien ne le
comprime, et il reste tovijours lui-même. En revanche, s'il figure
en tête d'un nom de lieu de deux ou trois syllabes, sa forme
romane est susceptible d'altérations plus ou moins importantes.
933. Elle n'échappe à ces altérations qu'à la condition d'être
suivie d'un son voyelle : Courtabœuf (Seine-et-Oise) = C.
Acbodi ; — Courtabon (Indre-et-Loire) =: C. Abbonis; —
Gourtagnon (Marnej = C. Ilaganonis ; — Gourtangis (Sarthe)
= C. Ansegisi ; — Gourtenot (Aube) = G. Arnulfi ; —
Gourtoin (Yonne) = G. Audoeni; — Gourtomer (Seine-et-
Marne) =: G. Audomari, vraisemblablement.
934. Le t final subsiste aussi dans les noms de lieu du dépar-
tement de lAin, les plus méridionaux de ceux formés sur cortis,
dans lesquels ce mot est devenu cnrt : Gurtablanc, Gurtafond,
Gurtafray = C. Acfredi, Gurtalin.
935. Devant une consonne, cortis devient le plus ordinai-
rement cour : Gourbouvin (Aisne) = G. Bovane; — Gour-
bouzon (Loir-et-Gher) ==^ G. Bosonis ; — Gourcerault (Orne) =
C. Geroldi ; — Gourgiyaux (Marne) = G. Giboaldi ; — Gour-
toulin (Sarthe) = G. Do do le ni.
936. Parfois cependant \o latin s'est maintenu en français
sans prendre le son ow : Gorcundray (Doubs) = G. Gundradi;
— Gorfélix (Marne) = G. Felicis ; — Gorgebin (Haute-Marne)
= G. Gibuini; — Gorgengoux (Gôte-dOr) = G. Gangulfi;
— Gorgoloin (Gôte-d'Or) = G. Godoleni ; — Gormolain (Gal-
vados) = G. Modoleni; — Gornantier (Marne) = G. Nan-
tharii ; — Gorquelin (Aube) = G. Roccoleni; — Gorribert
(Marne) =: G. liigoberti; — Gorricard (Eure) ==- G,
Richardi ; — Gorrobert (Marne) = G. Botberti ; — Gortam-
bert (Saône-et-Loire) = G. Ansberti, etc.
937. On peut citer quelques exenq)les de cor pour cortis ini-
tial, ayant perdu \r par suite de circonstances diverses, mais non
toujours appréciables ; dans ce cas, la forme vulgaire du nom de
lieu est assez altérée pour ([u'en l'absence de textes anciens on
hésite à se prononcer sur son orig^ine : Gocloix (Aube) et Goclois
(Saône-et-Loire) -^ G. Claudia; — Gorabœuf (GAte-d'Or) ^^
230 LES NOMS DE LIEU
C. Ratbodi; — Cosdon (Aube), prononcé Codon, en 1328
Coaudon = C. Oddonis ; — Coizard Marne), en 1164 Cohei-
rart et en 1375 Coirart = C. Hairhardi; — Colléard (Marne)
= G. Liethardi; — Golligis (Aisne) --= C. Lietgisi ; — Colo-
nard (Orne) = G. Leonardi; — Gommarin (Gote-d'Or) =
G. Mariani.
938. Gette chute de IV sest produite aussi alors que l'o de
cortis était devenu ou : Coubert (Seine-et-Marne), au xni'^ siècle
Corheard: — Goubertin (Seine-et-Marne, Seine-et-Oise) =
G. Bertane; — Goulandon (Allier ''i ^^ G. Landonis; — Cou-
levon (Haute-Saône) = G. Levonis; — Goulimer et Goulmer
(Orne) = G. Lietmari; — Coupvray (Seine-et-Marne) =
G. Protasii; — Coutarnoux (Yonne) = G. Arnulfi ; — Gou-
tevroult (Seine-et-Mai'ne) = G. Eberulfi.
939. La syllabe initiale procédant de cortis, et altérée par la
chute de 1>, sest parfois nasalisée, la nasale étant une n ou,
devant une labiale, une m : Gombertault 'Gôte-dOr = G. Ber-
toaldi ; cf. Courhetaux (n° 931) : — Gomblanchien Gôte-d"Or)
= G. Blancane; — Gompertrix (Marne) = G. Bertrici; —
Goncevreux (Aisne) = G. superior; — Gonfavreux 'Aisne) ■=.
G. fabrorum ; — Gonfrançon (Ain) rrr- G. Francionis.
940. Si le mot cortis, employé seul, n a pu constituer un
nom de lieu dans les régions situées en deçà de la Loire, il n'en
est pas de même de son dérivé corticella, formé à l'aide d'un
suffixe diminutif fort usité en latin vulj^aii-e, et qu'on trouve on
français, pai- exemple dans les mots masculins lionceau, mon-
ceau, ponceau, et dans le mot féminin nacelle.
Gorticella, c'est-à-dire « le petit domaine », est l'origine des
noms de lieu suivants : Gorcelle (Ain, Doubs, Saône-et-Loire),
Gorcelles (Ain, Gôte-d"(Jr, Jura, Nièvre, Bhône, Haute-Saône,
Saône-et-Loircj, Gourcelle (Doubs, Loiret, Nièvre, Pas-de-
Galais, Haute-Saône, Vienne), la Courcelle (Charente, Gher,
Grouse, Haute-Vienne. Yonne), Gourcelles (Aisne, Auh(\ Gha-
i. Co (l(''[).')rU'iiHMil se troiiv.'inl coinjilrLcmciil en dcliors de l;i ((''j^ioii
dôcrilc plus liant '\V' 927), nous |iiv)|)osons d'élcntlro h doiiLiiiiltui I li\ |i(>-
llirs»' forniul«''P (n" 928^ au sujet il(^ l'orif^ino dos lncdilt's doiil le moiii ri|ii'c''-
scnlc cortis (•iTi|)lo,vt'' scid.
ORIGINES FRANQUES ! CORTIS 231
rente-Inférieure, Gôte-d"Or, Creuse, Doubs, Eure, Indre-et-
Loire, Loir-et-Cher, Loiret, Marne, Haute-Marne, Mayenne,
Meurthe-et-Moselle, Meuse, Nièvre, Oise, Pas-de-Calais, Sarthe,
Seine, Seine-Inférieure, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise, Somme,
Vosg-es, Yonne). — On n'a pas lieu, semble-t-il, de distinguer,
parmi ces noms, ceux qui se terminent par une s : ainsi sont écrits
aujourd'hui beaucoup de noms de lieu dont la forme primitive
présentait une finale muette, sans apparence de pluriel.
941. Il est à remarquer que, dans l'énumération qui précède,
les noms dont la première syllabe affecte la forme cor appar-
tiennent à la région bourguignonne.
942. Corcelle, Courcelle et leur variante picarde Courchelle,
— qu'on rencontre parfois dans les textes — bien que résultant
de la combinaison de cortis avec une désinence diminutive,
n'ont pas laissé de former à leur tour des diminutifs, d'ailleurs
plus modernes : Corcelette (Ain), Corcelotte Doubs), Cource-
lette (Sommel, Gourcelotte (Côte-d'Or), Gourchelettes (Nordj ;
autrement dit « le petit Corcelles » ou « le petit Courcelles ».
Dans les noms de lieu formés sur cortis, le déterminatif est
d'ordinaire un nom de personne germanique ; mais il n'en est
])as toujours ainsi, quelques-uns des exemples qui viennent
d'être cités l'attestent. La règle générale a des exceptions, qui
vont être examinées.
943. Tantôt cortis est combiné avec un adjectif.
Cortis dominica, « le domaine seigneurial » : Courdeniaiiche
(Eure, Orne, Sarthe;, Gourdemange (Marne), Gourdimanche
(Seine-et-Oise), Gourtemanche (Somme). — Avec villa, (pii est,
on le verra plus loin (n" 950), un synonyme de cortis, le même
adjectif a produit Villedomange (Marne), "Villedemanche (Puy-
de-Dôme), Demangevelle (Haute-Saône) et Dimancheville (Eure-
et-Loir, Loiret).
Cortis superior, « le domaine d'en haut » : Goncevreux,
(cf. n" 939), en 12i4 (Jorcevreus. — L'adjectif se comporte sen-
siblement de même dans Montseveroux (Isère), qui répond à
Mons superior, tandis que Monsteroux, nom d'une localité
toute voisine, représente Mons subterior.
Cortis jusana, « le domaine d'en bas » : Courgerennes
(Aube), au xn'" siècle Curtjusainr, doni l'équivalent Juzeiine-
232 LES NOMS DE LIEU
court (Haute-Marne), offre la disposition inverse des termes. —
La racine de l'adjectif bas-latin qui est ici nais en cause est celle
que reproduit notre vieil adverbe Jus. « en bas » ; peut-être cet
adjectif entre-t-il dans la composition du nom de Juzanvig-ny
(Aube^, en 11 io Jusenvisneir.
Romana cortis, « le domaine romain » : Romainecourt
(^Aube;.
944. Tantôt le déterminalif de cortis est un nom commun
désig-nant le possesseur du domaine.
Abbatis cortis : Abbecourt (Aisne, Oise"). La dignité abba-
tiale tient lieu de la personnalité du possesseur (cf. ci-dessus,
n° 738 : Abbatinga) ; le nom semi-germanique Abbatis Ham
était porté au ix^ siècle par une possession de l'abbaye de Saint-
Riquier, cjui paraît avoir donné naissance au village d Authie
(Somme). — Cf. Abbeville (Seine-et-Oise, Somme), Abbéville
(Meurthe-et-Moselle) ; — Abbatis vil lare a donné Abbevil-
lers (Doubs).
Cortis monasterioli. « le domaine du petit monastère »,
aujourd'hui Gormontreuil (Marne), appartenait, au ix*" siècle, à
la fameuse abbaje de Saint-Remy de Reims ; celle-ci, sans
doute, la tenait d'un monastère moins important qui lui avait été
soumis.
945. Ailleurs cortis est combiné avec un nom propre collec-
tif, ou pour mieux dire avec un nom de population.
Auménancourt-/e-Gra/î(/ et Auménancourt-/('-/^e/i7 (Marne) =
Alamannorum cortis, « le domaine des Alamans » (^cf. n*^ 528).
Confrecourt i Aisne) = Cortis Francorum ; il va sans dire
que c ortis n'est aucunement représenté par la dernière syllabe du
nom, comme pourrait le faire croire le t qui la termine à tort. —
On peut rapprocher de ce nom la plupart de ceux, énumérés
plus haut In" 536;, qui rappellent le souvenir des colons francs de
la Gaule romaine.
946. Le nom de Confavreux (Aisne), déjà cité (n" 939), offre
un exemple de composition im peu dilTérente, et semble inditjuer
fjue le village ('lait occupé par une jxjpulation industrielle.
947. \ «nci maint<'iiaMt une série de vocables qui rentrent, à la
vérité, parmi ceux dans lcs(juels cortis est accompagné d un
nom de personne ; ils n'en constituent pas moins une exception
à la règle générale, car ici les noms de personne appartiein\enl
;i j'onumasl iqm- romuiiic.
ORKIINKS Fl{A.\OL'l':s : CORTIS 233
G. Claudia : voir ci-dessus n" 937.
C. Felicis : voir n" 936.
C. Genesii : Courgenay (Calvados, Yonne, et canton de
Berne), Courjeonnet Mamej.
C. Palladii : Courpalay (Seine-et-Marne).
C. Protasii : voir n" 938.
Cyrici c. : Circourt (Meurthe-et-Moselle, Vosges).
Jovini c. : Juvaincourt (Vosges), Juvincourt (Aisne).
Martini c. : Martincourt (Ardennes, Meurthe-et-Moselle,
Meuse, OiseK
Mauri c. : Maucourt (Meuse, Oise, Somme), Maurcourt
(Seine-et-Oise), Morcourt (Aisne, Oise, Somme). — Maucourt
était le nom du village sur l'emplacement duquel fut édifiée la
ville de Vitry-le-François.
Pétri c. : Pierrecourt (Haute-Saône, Saône-et-Loire).
Remigii c. : Remicourt (Aisne). — liemicourt (Marne) était
à l'origine Ramicorf.
Romani c. : Romaincourt (Seine).
Sulpitii c, ou mieux Suplitii c. : Souplicourt (Somme).
948. Une dernière série d'exceptions à la règle générale, beau-
coup plus importante que celles qui précèdent, se compose de
vocables dont le déterminatif est, non pas un nom propre de per-
sonne, mais un adjectif formé à l'aide du suffixe -a eu s ou -iacus
sur un nom propre de personne, soit germanique, soit romain ;
la persistance en Gaule, à l'époque franque, de l'usage de ce suf-
fixe a été précédemment signalée fn"^ 247-274) '.
Abriniaca c. : Évergnicourt (Aisne).
Aculiacac. : Aguilcourt (Aisne").
1. Les chartes de l'abbaye de Gorze fournisseiiL de curieux exemples de
lusage de ces adjectifs nominaux. Pour n'en citer qu'un, on peut, de ce
passage : in Dodenega fine, vel in ipsa villa que vocatur
Dodona curtem, inférer que, le village actuel (villa) de Doncourt-aux-
Templiers (Meuse) étant appelé Dodonis cortis, on appliquait à son ter-
ritoire (finis) un adjectif en -iacu s (par altération -egus) formé sur le
nom d'homme Dodo. L'un de nous ayant cherché (Mettensia, 111, 45 et 84)
à tirer parti de ce fait, croit devoir attester ici qu'il avait entendu Auguste
Longnon l'énoncer dans son enseignement. — Les énumérations qu'on
trouve aux pages x et xi du Dictionnaire topographique de la Marne
com[)rennent un certain nombre de vocables dans lesquels on voit un adjec-
tif nominal en -acus suivi, nonphisde cortis, mais de villa (Bétheniville^
234 LES NOMS DE LIEU
Albericiaca c. : Auberchicourt (Nord).
Aldiniaca c. : Audignicourt (Aisne).
Anguliaca c. : Anguilcourt (Aisne).
Aniaca c. : Agnicourt (Aisne. Oise, Somme).
Baldiniaca c. : Baudignécourt (Meuse),
Bertiniaca c. : Berthenicourt (Aisne).
Bettiniaca c. : Bétignicourt (Aube). — Cf. Bétheniville
(Marne).
Bertmariaca c. : Berméricourt Marne).
Gerniaca c. : Gernicourt (Aisne).
Gudiniaca c. : Guignicourt (Aisne, Ardennes).
Limosiaca c. : Melzicourt (Marne), orig-inellement Leinesi-
court.
Mutiaca c. : Muscourt (Aisne).
Ponciniaca c. : Pontséricourt (Aisne).
Porcariacac. : Pixerécourt (Meurthe-et-Moselle),
Ratbertiaca c. : Rapsécourt (Marne).
Dans la plupart des noms de lieu qu'on vient de rencontrer, en
dehors du dernier groupe, le nom commun cortis est suivi de
son déterminatif. La disposition inverse est, il ne faut pas le
perdre de vue, de beaucoup plus fréquente (cf. n" 930) : mais ce
mot étant alors aisément reconnaissable (cf. n° 932), l'intérêt
qu'offrent les vocables réside dans l'étude des altérations subies
par les noms de personne qu'ils présentent comme termes ini-
tiaux. Comme il n'importe guère pour cette étude que le terme
linal soit cortis ou un autre nom commun, elle fera l'objet d'un
chapitre spécial (n°^ 984 à 1150), l'enfermant le complément
indispensable des notions énoncées dans celui-ci sur les noms de
lieu formés ;i 1 aide du mot cortis.
f)ii (le liions (Haussignémont) ; d des noms de lion analogues se trnnvon
dans les dépai leinenis voisins : Butgnéville Meuse); cf. Mrl/cnsin, III.
48-49; — Buthegnémont Menrihe-el-Moselie ; — Contrexéville ^Vosf^es) :
rf. ci-desijus, n" 904.
L
NOMS COMMUNS DE LIEUX HABITÉS
D'autres noms communs que cortis ont été affectés au même
usa^e dans la toponomastique de notre pays. Mais en examinant
— dans ce chapitre et le suivant — les noms de lieu qui
résultent de là, on ne perdra pas de vue que tels d'entre eux
peuvent n'avoir été formés que pendant la période féodale : les
noms de personne qui, dans ces vocables, jouent le rôle de
déterminatifs, ont continué d'être usités bien après l'époque
franque, parfois même jusqu'à nos jours ; et de même les noms
communs en question ont g-énéralement subsisté dans le lang-age
courant.
949. Le mot villa, qui désignait, dans le latin classique, une
maison de campagne, prit, à la basse époque, ce sens de
(( domaine rural » que les populations d'origine franque allaient
exprimer plus volontiers par le mot cortis. Et par une évolution
toute pareille à celle indiquée plus haut in*' 929) à propos de ce
dernier, on voit au moyen âge, et jusqu'au xv*' siècle, le mot
ville employé dans le sens de « village ». On peut donc affirmer
la synonymie de cortis et de villa. Mais le premier de ces
mots, pris dans l'acception dont il s'agit, tomba en désuétude de
bonne heure, peut-être au x° siècle, tandis que le second ayant
subsisté, certaines localités dont le nom renferme le mot ville
sont de date relativement moderne. D'autre part, le mot villa
ayant formé des noms de lieu, dès le haut moyen-àge, dans les
diverses régions de la France, on ne saurait tirer de ces noms
les renseignements précieux que fournissent, touchant la distri-
bution des races sur notre sol, les noms de lieu dans la forme
primitive desquels entre le mot cortis.
Le mot villa revêt, dans les noms de lieu français, les formes
ville ^ velle, vialle et vielle. «
950. La forme ville, qui est la plus fréquente, est (juekjuefois
notée à tort vil, lorsqu'elle est employée comme mend)re initial.
Vilbert (Seine-et-Marne) est synonyme de (loiihcri (n" 938). et
236 LES NOMS Di; LIEU
Viltain (Oise), de V. Adtane, est une variante de Villetain
(Seine -et -Oise). — Vildé (Côtes-du-Nord, Ille -et -Vilaine,
Mayenne, Vendée), représentent le thème étymologique V. Dei :
les localités appelées Villedieu sont souvent d'anciens domaines
ayant appartenu à Tordre de Malte.
951. La forme velle semble particulière aux pays romans qui,
à l'époque franque, ont subi, durant un temps plus ou moins
prolongé, l'influence du lang-gige germanique : les noms en -velle
apparaissent par groupes vers la limite commune des anciennes
provinces de Lorraine, de Champagne et de Franche-Comté,
vers la source de la Saône : Demangevelle (Haute-Saône) =
Dominica v. ; — Franchevelle (Haute-Saône; = Franca v. ;
— Jonvelle Haute-Saône i ; — Longevelle iDoubs, Haute-
Saône) = Longa v. ; — Martinvelle i Vosges) = Martini v. ;
— Neuvelle (Côte-d'Or, Haule-Marne, Haute-Saône) — Nova
V. ; cf. la Neuvelle (Haute-Marne, Haute-Saône) ; — "Velle
(Côte-d'Or, Meurthe-et-Moselle). — Les noms de lieu dont relie
est le premier terme sont fréquents dans la Franche-Comté sep-
tentrionale. — 11 convient d ajouter que le terme initial ou fmal
ville des noms de lieu de Lorraine est prononcé velle par les
populations locales d'entre Metz et Verdun.
952. Vialle, résultant de la diphtongaison de 1/ tonique de
viUa, se rencontre dans le Forez, l'Auvergne, le Limousin, le
Périgord, le Rouergue et dans quelques parties du Languedoc :
Vialle ou la Vialle (Creuse, Gard, Loire, Haute-Loire. Puy-de-
Dôme), les Vialles I^iy-de-Dôme) ; — Nauvialle ou Nauviale
(Allier, Aveyron, Cantéd, Corrèze, Tarn-ct-Ciaionne) = Nova
villa.
953. Vielle, autre exemple de diphtongaison, ;q)partienl aux
dé]iartements du sud-ouest, c'est-à-dire aux contrées gasconnes :
Vielle (Landes, Hautes-Pyrénées'»; — Viellenave (Basses-
Pyrénées) r= V. nova; — Vielleségure Basses-Pyrénées) r-
V. secur.i ; — Catonvielle (Gersi ; — Franquevielle (Gers) =
V \:\ ne a v.; — Goudourvielle l'Gers) Gol liDium v. i f. n"537).
954. Le mot viMari's ou villarc. lonué sur villa au nioxcii
I. l'^l sa v.'iriimlc Bielle lî.isscs l'v ii'in'cs , ciMiroiiiic à l;i |iii>iioiici:il imi
viiliriiirc lin trascim.
ORIGINES l'KANgUES : VJLLAIilS UL VILLAHE 237
du s.unixe -aris, variante de -alis, a dû servir d'abord comme
adjectif à qualifier les dépendances dun domaine rural : terrae
vil lare s, lit-on dans une charte du vii° siècle ; mais on le voit
pris substantivement dans divers textes de l'époque franque,
parmi lesquels il faut citer ce passage d'un diplôme de Louis le
Pieux donné en 834 en faveur de l'église de Girone : a- il la
quae est in pag'o Bisuldunense et vocatur Bascara, cum
suis villaribus et suo termino, necnon et Arcas, et
villare vocantem Spadulias, et alium villare quod est
infra memoratarum villarum terminos; on le voit, tandis
que villa correspond à ce que nous appelons aujourd'hui la
commune ou la paroisse, villa ris ou villare désignait l'é([ui^
valent de nos hameaux, de nos écarts modernes.
955. Dans le nord de la France, le mot dont il s'agit a revêtu
les deux formes vulgaires villers et villiers. La première a pour
variantes viller ' — par l'absence de l's finale, d'ailleurs abusive
— et plus rarement Villez (Seine-et-Oise) -. La seconde s'explique
par Yi de villaris ; c'est ainsi qu'on a vu (n" 880) le mot ger-
manique lar prendre la forme 1er dans le nom de Roulers, tandis
que la dernière syllabe du nom de LoncfUer procéderait de la
variante lari.
956. Dans la partie méridionale de la France, villare devait
donner villar, et cette forme s'y trouve, en elîet, ainsi que ses
variantes purement graphiques villard, villards. villars. Il serait
trop long d'énumérer les départements dans lesquels elle paraît;
on observera seulement quelle s'étend jusque dans certains
pays de langue d'oïl, la Franche-Comté, par exemple, et même
dans les départements de la Côte-d'Or et de la Haute-Marne.
957. En Auvergne et dans les régions voisines, où le latin
1. L'emploi de villers préférablement à viller est parfois — nous croyons
devoir le faire observer — imputable à des circonstances toutes modernes.
\.;\ nomenclature communale du département de Meurthe-et-Moselle ofTre
des exemples des deux formes : or, les localités dont le nom se termine en
-villers — par exemple Bonvillers — appartenaient, avant 1871, au dépar-
tement de la Moselle, tandis que les communes au nom en -viller — par
i-xemple Gerbéviller — faisaient partie de celui de la Meurllie.
2. Peut-être convient-il d'ajouter (pfoii trouve la forme ville dans l'appel-
lation française de certaines localités situées en [lays de lang'ue allemande,
eoiume Ribeauvillé Haut-Rhin^, en allemand Riippol/sireUrr.
238 LES NOMS DK LIEU
villa est devenu vialle, on trouve les noms de lieu Vialard ou le
Vialard (Cantal, Corrèze, Dordogne, Puy-de-Dôme, Haute-
Vienne), au lieu de Villar ou le Villar. — La forme Viala ou le
Viala, caractérisée par l'assourdissement de IV final, appartient
aux départements de l'Aveyron, du Cantal, du Gard, de THérault,
de la Lozère et du Tarn, En Gascogne on a la variante Viella
(Gers, Hautes-Pyrénées).
958. On voit, par le diplôme de 834, qu'au ix*^ siècle, en
Catalog-ne, villare appartenait au lang-ag-e courant. Il en fut de
même, longtemps encore après, de ses formes vulgaires dans nos
provinces méridionales, témoin l'article, singulier ou pluriel,
dont les noms Villar, Villard, Villars, Vialard et Viala sont
souvent précédés. Par contre, aucune des nombreuses localités
qui s'appellent Villers ou Villiers n'a son nom ainsi précédé
de l'article : on a lieu de conclure de là que 1 emploi de villare
comme nom commun tomba en désuétude de très bonne heure
— peut-être antérieurement à l'époque carolingienne — dans le
nord de la France, et de faire remonter assez haut l'origine, tant
de ces localités que de celles dont le nom présente villers ou vil-
liers comme terme initial ou final.
959. Le mot villare a été adopté par les Alamaiis, lune des
nations germaniques qui, par raison de voisinage, ont été le plus
directement en contact avec les populations l'omaines : aussi le
trouve-t-on comme second terme final d'un grand nombre de
noms de lieu dans les pays occupés à l'époque franque par la
nation alamannc. Ses formes vulgaires les plus fréquentes sont
aujourd'hui -willer, -weiler, -weier, -wihr en Alsace, et même
-wil ou -weil. dans la Suisse allemande.
960. La combinaison de villare avec un suffixe signalé plus
haut (n" 940) a produit le diminutif villarecellum, (ju'on
trouve employé comme nom commun dans une charte de 878, el
qui est l'origine des noms Villarceaux (FAu-e-ct-Loir, Loir-et-
Cher, Seine-et-Marne, Seinc-ct-()ise ; el ViUacerf (Aube), au
xnr siècle Villarcel.
961. .V l'épocjue frimquc, k' mot mansus, qu'on ne trouve
dans aucun document antc'iieur, désignait une sorte de petite
ferme ou d'habitation rurale à ]a(|ut;lle était attachée, à per[)é
tuité, une (juantitéde terre. délcM-miiu'-r, et, en principe, invariable.
ORIGINES FRANOUES : MA.\SUS 239
Quoique ce uoni se rapporte d'ordinaire à la seule habitation,
comme on le voit très nettement dans plusieurs passages du
Polyptique d'Irminon, il désignait aussi quelquefois, outre
l'habitation, les terres qui en dépendaient ; et même, dans cer-
tains cas, c'est aux terres qu'on paraît l'appliquer principale-
ment. Ce mot, d'un emploi encore très fréquent à l'époque caro-
lingienne, a pris, dans les parlers vulgaires de notre pays,
deux formes bien différentes, qui participent du caractère de
chacune des deux langues romanes entre lesquelles la France se
partage .
962. Dans la langue d'oïl, mansus, réduit à masus, par cette
chute de Vn suivie d'une s dont on connaît tant d'exemples —
île =insula ; métier =ministerium ; maison =:mansionem;
mesure = mensura ; mois = mensis ; époux = sponsus —
est devenu ryiés, écrit plus tard, et notamment au xiv*^ siècle,
meix dans les contrées du nord-est.
963. Dans la langue d'oc, réduit de même, il est devenu mas,
mot encore employé à Arles, dans le Languedoc, en Dauphiné,
en Forez et en Cerdagne, au sens de u maison de campagne »,
de « tènement », de « ferme », de « métairie », et dans une
acception quelque peu diiférente dans plusieurs régions du Midi.
Les noms de lieu formés en tout ou en partie du mot méridional
mas peuvent donc ne remonter parfois qu'à une date peu éloignée.
964. Il n'en est pas de même de son équivalent septentrional
niés qui, dès l'époque féodale, ne semble plus guère avoir été en
usage que dans les provinces françaises du nord-est ; de sorte
qu'il est légitime d'attribuer à une date antérieure à l'an mil la
plvipart des noms de lieu qui présentent ce nom, soit isolément,
comme Mée (Mayenne), le Mée (Eure-et-Loir, lUe-et- Vilaine,
Loiret, Manche, Seine-et-Marne, Yonne), les Mées (Indre-et-
Loire, Loir-et-Cher, Sarthe, Seine-et-Oise, Vienne), soit cond^iné
avec un nom propre de personne, sous les formes me, meix, metz,
mi, cette dernière résultant d'une altération favorisée par l'éloi-
gnement de la syllabe représentant le bas-latin mansus, par rap-
port à l'accent tonique. On se contentera de citer de ces diverses
formes quelques exemples pris au hasard :
Médavi (Orne) = M. David; — Méguillaume (Orne) =
M. Willelmi; — Melanfroy (Seine-et-Marne) ^= M. Lande-
fridi ; — Mémillon (Eure-et-Loir) ^= M. Milonis;
•2'ir() Li:S .NOMS DE LIKU
Le Meix-Saint-Époing (Marne) = M. Sancti llispani ; — le
Meix-Thiercelin Marne) = M. Tetselini;
Metz-Robert (Aube) = M. Rotberti ;
Mifoucher (Eure-et-Loir) = M. Folcharii ; — Migaudry
Eure-et-Loir) = M. Walderici ; — Mihardouin Eure-et-Loir)
= M. Harduini ; — Mirougrain f Eure-et-Loir), en 1300 Meso-
grain.
965. Mansus représente le terme iinal des noms de lieu sui-
vants, dans lesquels la prononciation me est figurée de façon plus
ou moins fantaisiste : Englebelmer (Somme) = Ingelberti ni. ;
— Yzengremer (Somme) = Ysengarii m. ; — Bertrameix
(Meurthe-et-Moselle), Bertrametz Meuse) = Bertramni m. ;
— Brunehamel (Aisne;, Brunehaut mets en 126o, Brunehaut-
inez en 1290. Brunehaumez en 1340 = Brunehildis m.
966. Le mot mansio, employé dès l'époque impériale au sens
spécial d" « habitation » qu'a conservé le mot maison, a donné
naissance au mot bas-latin mansionile qui, à l'origine, ne
devait être quun adjectif désignant un terrain à bâtir, et qui,
dès le IX® siècle, sinon plus tôt, a pris le sens de <( maison ».
Mansionile est ordinairement en français ménil, souvent encore
écrit mesnil.
967. Parfois, en Champagne, en Bourgogne et en Franche-
Comté, mansionile se présente sous la forme magny, qu il faut
savoir distinguer du nom de lieu gallo-romain formé à l'aide du
suffixe -acus sur le gentilice Magnius. Bien entendu, la ques-
tion ne se pose pas quand maffiirj est accompagné d'un nom
d'homme, comme dans Magny-Lambert (Côte-d'Or).
968. La forme plurielle de mansionile est représentée par
Magneux ALirne, Haute-Marne,, les Mesneux (Marne).
(Quelques autres noms communs de lieu.\ habités, employés
dans la toponomastique dès l'éjioque francjuo, no seront ici
qu'indiqués.
969. Le mot latin castellum " lieu fortifié », diminutif de
castrum (cf. n"" 496 et 497 >, apparaît (hins les noms de lieu
sous les formes château, châtel, casteau, castel ; ces deux der-
nières sont communes, d'une part, aux pays de langue dOc. et,
flauli-c |)ait, il la Picardie et aux pays wallons, où elles ont lini
par (l<\('i)ir, ;iu moins dans la ))ron(tncial ion. catcau et catel.
ORIGINES FRANQUES : MOXASTKRIUM 241
9T0. Moiiastei'ium, k sanctuaire » est représenté dans les
pays de langue d'oc par Monastier. Monestier, Monêtier; plus
au nord par Moustier, Moustiers, Moutier, Moutiers, Mouthier,
Moulhiers. Motier, qui ont pour variantes Moustoir en Bretagne
et les Moitiers dans le département de la Manche. — Dans les
pays de lang-ue allemande monasterium est devenu Miinster.
971. Le mot capella, désignant un sanctuaire chrétien d'im-
portance secondaire, ne figure parmi les noms de lieu que sous
les formes Chapelle et Capelle — cette dernière appartenant k
la Normandie, à la Picardie et aux pays ^vallons. aussi bien
qu'aux pays de 4angue d'oc — auxquelles il faut joindre la
variante gasconne Capère, dont l'aire géographique n'est pas fort
étendue.
Les noms de lieu. l**
LI
NOMS COMMUNS DE SITES
Les mots latins ou bas-latins étudiés dans le précédent cha-
pitre, et qui, tous, désignent des lieux habités, ne sont pas les
seuls dont la nomenclature géographique de notre pays présente
la combinaison avec des déterminatifs, la plupart du temps
noms propres de personne de Tépoque franque ou de l'époque
féodale. Il convient de mentionner au même titre un certain
nombre de noms communs indiquant une circonstance topogra-
phique, l'assiette du lieu dénommé.
972. Mous, au sens d « élévation », de « colline », de « mon-
tagne », est très fréquent dans les noms de lieu composés, où sa
forme vulgaire est ordinairement mont ; souvent noté mon,
sans t, dans les départements formés de l'ancienne province de
Guyenne, elle se réduit quelquefois à ino ou mou, lorsque le
second terme du nom composé commence par une liquide : Moli-
tard (Eure-et-Loir) = M. Lietardi ; — Moulicent (Orne) =
M. Letsendis ; — Momorant (Orne) = M. Moderamni; —
Monampteuil i^Aisnei = M. Xantoiali : ici le déterminatif est
exceptionnellement un nom de lieu (cf. n" 169) ; — Morambert
(Aube) = M. Ragncberti ; — Morintru Seine-et-Marne) =
M. Hagnetrudis.
973. Val lis, <( vallée » revêt dans les noms de lieu roiuans de
l'rance les formes val — assourdie éventuellement en vn — et
vfiu. L'une et l'autre sont parfois précédées dans les noms locaux
du moyen âge de l'article féminin — d'où Laval et Lavau —
parce que le français t'a/ ou vhu était originairement féminin.
comme le latin vallis.
4
974. Hivus, « ruisseau », se présente sous les formes rien,
ri(j. m. rcij, ri, divci-sement notées.
Rieu rVriège, (lard, Ilaute-Cjaronni'. Tarn, \'aucluse). —
RieumajOU niaute-Ofironm'. IIiT.iull li. luajorcm; —
OHl<aM:;S KHAMJLLS J filVUS 243
Rieupeyroux (Aveyron, (lers), Riupeyrous (Basses-F'yrénées) =
R. petrosus; — Rieussec (Hérault) = R. siccus ; — Rieutort
(Lozère), Riotord (Haute-Loire), le Riotord (Vaueluse) -=
R. tortus; — Grandrieu (Lozère) := Grandis r.
Rieux (Arièg-e, Hnute-Garonne, Marne, Morbihan, Seine-Infé-
rieure) ; — Rieux-Martin (Charente) = R. Martini ; — Beau-
rieux (Aisne, Nord) = Bel lus r. ; — Grandrieux (Aisne) =
Grandis r.
Rioux (Charente-Inférieure).
Rupt est l'ordinaire et abusive graphie de la forme ru, très
répandue dans le nord-est de la France. — Le Bonrupt i Yonne) =
Bonus r. ; — Maurupt (Marne, Haute-Marne) = Malus r. ; —
Grandru (Aisne), Grandrupt (Vosges) = Grandis rivus; —
Parfondru L\isne . Parfondrupt (Meuse, Haute-Saône^, Parfouru
(Calvados) ^ Profundus r. ; — Rupereux (Seine-et-Marne) =
R, petrosus.
Buffignereux (Aisne) est appelé au ix^ siècle Wulfiniaci
rivus dans ÏHisioria ecclesiae Bemensis de Flodoard.
Ris (Puy-de-Dôme, Hautes-Pyrénées) ; — Grandrif Puy-de-
Dôme), Grand-Ris (Loire) = Grandis r. ; — Vignory (Haute-
Marne), au ix*" siècle Wanbionis rivus; — Rix i Nièvre).
975. Fons, « fontaine », dont quelques composés ont été vus
déjà (n" 106), figure aujourd'hui dans les noms de lieu français
sous la forme font ou fond : Froidefond (Allier, Cher) ; — Sept-
fonds (Tarn-et-Caronne), Sept-Fonds (Yonne) ; — Ceffonds
(Haute-Marne), en II 11 Sigifons ; — -Fondouce (Charente-
Inférieure, Hérault) ; — Fonfrède (Basses -Alpes, Lot-et-
Garonne). Cette racine est moins fréquente que ses analogues
fontaine en langue d'oïl, fontane en langue d'oc, répondant à
l'adjectif pris substantivement (cf. n" 673) fontana.
976. Le mot latin pons. d'où le français pont, se présente
sous cette forme vulgaire dans les noms de lieu de la France. On
a mentionné plus haut plusieurs des vocables, formés au cours
du moyen âge, dans lesquels il entre en composition. L'exemple
de Pommeuse (n" 703) et de Porrentruy n^' 705) — cette der-
nière localité s'appelle en allemand Pruntrut — atteste que,
par une altération analogue à celle que sul)it en pareille position
2i4 LES -NOMS DE LIEU
la forme vulg-aire de nions (n" 972j, pont peut se réduire k po
devant une liquide.
977. Le mot campus, (c plaine », est ordinairement fort
reconnaissable dans les noms de lieu modernes, soit qu'il figure
sous la forme champ, qui a prévalu dans notre langue, soit qu'il
conserve la forme camp, usitée dans les dialectes normand,
picard et wallon et dans ceux de la langue d'oc. Cependant il
perd le son nasal, lorsque le second terme des noms dans
lesquels il figure comme élément initial, commence par une
liquide : Chamartin (Isère) = G. Martini; — Chamorin
(Indre) = C. Maurini; — Charaintru (Seine-et-Oise) =
C. Ragnetrudis.
978. Un aperçu des noms de lieu dans lesquels enti-ent les
formes vulgaires du latin va du m, « gué », a été donné déjà
(n° 732) ; on peut y ajouter ici Gajoubert (Haute-Vienne) =
V. Gauzberti; — Guéhébert (Manche); — le Guédéniau
(Maine-et-Loire) ■= V. Danielis.
979. P rat uni, « pré », n'a dans la toponomastique française
que deux formes vulgaires possibles : pré en langue d'oïl ; prat
— parfois pra en construction — en langue doc.
980. Le mot latin podium, qui avait, à l'époque romaine,
entre autres acceptions, celles de « petite butte », de *( petite
éminence », de « tertre », est bientôt devenu un véritable syno-
nyme de mon s. Ses formes vulgaires sont assez variées : la plus
répandue est puy, écrit parfois puitS, par confusion avec l'équi-
valent de puteus, (jui entre aussi dans quelques noms de liou ;
viennent ensuite poux en Poitou et en Berry, les formes méri-
dionales puech, puch,, pech, pé, pey, enUn pié, qu'on trouve
entre Loire et Garonne, notamment en Poitou, et qu'une autre
confusion fait parfois écrire pied.
981. Exsartum, c défrichement » n'appartient pas au latin
cl;issi([ue, mais dès le (l(''but du moyen âge, il paraît dans les
lois b;iibai'es. L;i forme française de ce mot est essart, »pie les
dialectes j)icard et \\;illon it-duiscnt ;t sart : il est enq)loyé
comme nom de lieu, tuiilôl seul, tantôt en conqjosition ; et, dans
I
oiîh;im:s fha.nulis : /■:\sAHTrM 24o
ce dernier cas. il est parfois méconnaissable : Mortcerf (Seine-et-
Marne) était au xii« siècle Moressart; — Corbeil-Cerf (Oise) était
jadis Cnrbeil cssarf ; et Cressonsacq (Oise) est, on le sait
(cf. n" 285), pour Cressonessar/.
982. Le mot d'origine germanique latinisé boscus a sup-
planté dans les langues romanes le classique ne mu s. Le nom
commun bois et ses variantes bos et bosc figurent, soit comme
terme initial, soit comme terme final, dans un fort grand nombre
de noms de lieu.
983. Broilum, pour broialum, mot d'origine celtique,
désigne, dans les textes mérovingiens, un bois clos, une sorte de
parc. Il est devenu en français Breuil, forme très répandue,
Breil dans les régions occidentales, et parfois Bréau ou le Bréau
(Loiret, Nièvre, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise, Yonne). —
Belgeard (Mayenne) était anciennement Breil-Liégeard =
B, Leutgardis.
Dans la France méridionale broilum est représenté à de très
nombreux exemplaires par Bruel.
Plusieurs autres noms communs, la plupart d'origine latine,
pourraient être encore cités, comme avant, à l'époque franque et
à ré])oque féodale, par combinaison avec des noms propres de
personne, contribué à former des noms de lieu'. On croit pou-
A^oir les négliger, dans la certitude où Ton est de n'avoir omis
aucun de ceux dont l'emploi est le plus fréquent, et d'avoir ainsi
suffisamment préparé le terrain pour étudier le rôle, dans la for-
mation des noms de lieu, des noms de personne empruntés aux
nations germaniques.
1. On renconirera ci-après, par exemple les mots casa [n" 1058 , eecle-
sia in" 993), granica iu° 1126) — ([ui pouvaient trouver place dans le
précédent chapitre — cisterna n" 1074), cultura i^n" 994i, l'ossa
(u'^' 1026 , insula n" 1108 , sa 1 1 u s ( n» 1107).
LU
NOMS DE PERSONNE
984. Le meilleur répertoire donomastique g-ermanique est le
volume in-4°, publié en Iboli par Forstemann, sous le titre
Altdeutsches Namenbuch '.
985. Parmi les noms germaniques de personne rpii entrent
dans la composition des noms de lieu, les noms de femme
tiennent une place à la vérité restreinte, mais qui vaut qu'on
s'y arrête.
Les plus apparents sont à coup sûr ceux qui appartiennent à
une déclinaison imparisyllabique propre à l'époque franque : le
nominatif est en -a, le g-énitif en -ane : Berta, Bertane ;
flexion dans laquelle il faut voir une influence de la déclinaison
faible des langues germaniques présentant aux cas obliques une n
qui n'existe pas au nominatif. Cette flexion a passé dans la
langue vulgaire, un même nom de femme ayant son cas sujet et
son cas régime, Berte et Berlain ; elle a même été appliquée à
des noms propres et à des noms communs empruntés au latin :
Eve, Evain ; — Marie, Mariain ; — ante [= amita), an/ai/i ; —
nonne, nonnain. Ainsi s'expliquent, soit dit en passant, les mots
écrivain et sacristain, formés sur des mots latins de la première
déclinaison. Les effets de cette déclinaison sont particulièrement
sensibles dans les noms de lieu, dans la composition des(|uels
les noms de personne ne peuvent entrer qu'au génitif.
Agiane cortis : Aincôurt (Oise, Seine-et-Oise). Ayencourt
(Somme). — A. vallis : Ainval (Somme). — A. villa : Ain-
velle flIaute-Saône, Vosges).
Amblane cortis : Amblaincourt (Meu.se).
Azane c. : Azincourt .Nord, l*as-de-(^alais).
Babane c. : Bavincourt (Pas-de-Calais).
I. Une iiouvcîllc ('•(lilion ;i c-lô doniiéo ii Huiiii vu l'.lOO. — Il convicnl de
si^-ii:il(;r ici l'un des appendices donnés par Aw},^. Lon^Miou d.uis son ('di-
lion du Poli/ftli<fiif iTIrininon (H, •2''i4-.'lS2^, sons ce litre : Lrs hhhik tir jut-
f<i>iinp nii /i-mjis ilr (',li,irlcni.i(/iic.
OIUGINES FRANOLES : NOMS DE PERSONNE 247
Baiane c. : Bayencourt (Oise, Somme] ; Biencourt (Meuse,
Somme).
Bettane c. : Bettaincourt (Haute-Marne) ;Betaincourt (Eure-
et-Loir).
Bosane c. : Bouzincourt (Somme).
Bovane c. : Bouvaincourt (Somme); Bouvincourt (Nord,
Somme).
Farane c. : Farincourt (Haute-Marne).
Gaudiane c. : Goy encourt (Somme).
Godanec. : Goincourt (Oise).
Gonzane c. : Goussaincourt (Meuse). — G. v. : Goussain-
ville (Eure-et-Loir, Seine-et-Oise).
Sigradane c. : Seraincourt (Ardennes).
Dans les exemples suivants le nom de femme tient la seconde
place :
Villa Ad ta ne : Viltain (cf. n« 950).
Gortis Blancane : Gomblanchien cf. n" 939).
G. Bovane : Courbouvin (cf. n" 935'.
G. Bertane : Coubertin (cf. n« 938). — V. B. : Villebertin
(Aube).
V. Lu pane : Villeloin (Indre-et-Loire).
G. Waldradane, dans le Polyptique d'Irminon : Courgau-
dray (Orne).
986. Dans ce dernier nom la nasale qui termine le cas régime
du nom féminin a tlisparu : on constate le même phénomène dans
Bubertré (Orne), dont le second terme répond au génitif Bertra-
dane, et dans les noms — portés par trois localités peu éloignées
lune de l'autre — Villacoublay, Ville-d'Avray et Viroflay (Seine-
et-Oise), qui s'écrivaient au xin" siècle Ville Escohlein, Ville
Davrain et Villoflein .
987. A vrai dire, le second terme du nom de Viroflay n'est
pas un nom de femme, la forme Offleni villa, qu'on trouve en
11G2, attestant qu'il s'agit d'un nom masculin en -lonus. Dune
manière g-énérale, il faut se garder de considérer comme autant
de noms féminins tous les déterminatifs en -ain compris dans les
noms de lieu en -ville ou en -court : on s'exposerait ;i plus d'une
méprise si l'on concluait en ce sens sans avoir examiné les formes
anciennes. Gelles-ci peuvent révéler qu'on est on présence de
noms en -lenus — comme celui qui enlr(^ dans la composition
248 LKS NOMS DI-: I.IEU
du nom de Yiroflay — ou de noms, également germaniques, en
-enus ou -in us : Goin ville (Eure-et-Loir), au ix" siècle Gau-
deni villa: Villehadin (Orne) = V. Baddeni. D'autre part,
Mondrainville (Calvados), Toufjfrainville (Seine-Inférieure) et
Trancrainville (Eure-et-Loir) étaient appelés au moyen-âge
Mondreville, Toiifreville et Tancreville, ce qui suppose les
formes primitives Mundradi v., Thorfredi v. et Tancradi
V. : la nasalisation nest intervenue qu'au xvi^ siècle ou au xvii^.
En dehors de ceux que le latin de l'époque franque déclinait en
-a, -a ne, lonomastique germanique latinisée comprenait divers
noms de femme caractérisés par des terminaisons telles que
-burgis, -gardis, -gundis, -hagdis, -hildis, -lindis, -sin-
dis, -trudis : les formes vulgaires de ces terminaisons, dans la
langue du moyen-âge, n'avaient aucunement le muet final que
de nos jours les noms de femme présentent presque tous.
988. -burgis est devenu en français -hoiirc, plus tard écrit
-hourg. C est le nom Eramburgis qui ligure dans l'appellation
ancienne d'une voie parisienne, la rue Eramhourrj de Brie.
aujourd'hui « rue Boutebrie ». — Witburgis est l'origine du
nom Guihours, ([ui figure en plus d'une chanson de geste du cycle
de Charlemagne. — La forme vulgaire de Hildeburgis appa-
raît dans Fontaine-Heudebourg (Eure).
989. -gardis a donné -//ard, -jard, -f/eard, ou simplement -ard
quand le g se trouvait précédé dune voyelle :
Villa Adalgardis : Villaugeard (Eure-et-Loir).
Mo nsBeli gardis: Montbéliard ' Doubs i . M ontbiiard (Belgique,
Ilainaut). — Podium Beligardis : Puybelliard (Vendée).
Vallis Engelgardis : Vallangoujard Seine-et-Oise).
F. Ermengardis : Fontaine-Émangard i(-alvados).
P.r. Leutgardis : Belgeard (cf. n" 983). — Cf. le Clos-
Ligeard (Mayenne), et Lijardière (Charente-Inférieure).
Dans l'étude mentioniu'e i)lus haut (n" 811), M. Perrenot a
donné du nom de Monlbéliard une étymologie (ju'on ne saurait
a<hnettre : Mous be 1 i v a rdae, « moiil du cloclu'r »; l'atrcrlomé-
ration à laquelle Monlbi-Hard doit son origine avait reçu son
nom l)ien .avant cpi'un clocher no s'y élevât. Ci'llc ville est
appelée en allemand Mbnpelgard.
ORIGINES l'RAN'QUES : NOMS DE PERSONNE 249
990. -gundis est devenu -goiit \ les noms Aldegondc, Frédé-
(jonde sont de formation savante : Sainte-Aldegonde (Nord) sest
appelé, durant toiit le moyen-àge Sainte- Audegont .
Bois-Ragon (Deux-Sèvres) présente la forme vulgaire du nom
Rade g u n il i s .
991. -hagdis ou -haidis a produit -ais, réduit plus tard
à -is.
Adalhag'dis ou Adalhaidis, en langue vulgaire Alais ou
Alis, se retrouve dans les noms de la Ferté-Alais fSeine-et-
Oise), du Bosc-Alix (Eure), d"Écalles-Alix (Seine-Inférieure),
de la Fontaine-Alix (Aisne), sans compter ceux de Pontalis.
Portalès, Portails et Pourtalès, qui sont devenus noms de
famille.
992. La finale -h il dis est moins reconnaissable qu'aucune
autre dans les noms de lieu français, car, par suite de la vocalisa-
tion de 17 et la chute de la désinence atone -is, elle a produit
un mono.syllabe noté de diverses façons : -haut dans Brii-
nehaut, de Brunehildis, et Alahaut, de Mathildis ; -lient
dans Richeut^ de Richildis ; -lioiit, dans Sainte-AIenehould,
de Sancta Manehildis; et ce monosyllabe est plus d'une fois
altéré par des accidents de graphie et de négligences de pronon-
ciation,
Mons Ainhildis, dans le Polyptique d'Irminon. désigne
Monhinot (Orne).
Berthildis cortis : Brétencourt (Seine-et-Oise), ancien-
nement Bertheucourt^ puis Brethcucourt.
Castrum Brunehildis : Bruniquel (Tarn-et-Garonne), le
terme principal étant tombé en désuétude. — Brunehildis
m an su s : Brunehamel (cf. n" 965).
Gisehildis cortis : Gizaucourt (^Marne).
Gundhildis c. : Condécourt (cf. n° 130),
Richildis m. : Richaumont (Aisne).
V. Senihildis : Villeseneux (Marne),
993. -lindis a donné -lent, -Uinl comme lingua langue.
Berelindisc. : Berlancourt (Aisne, Oise), Berlencourt (Pas-
de-Calais), Bellancourt (Somme), — B. ecclesia : Bellenglise
(Aisne). — lioscus- 1^ : Boisbellent Manche).
2o0 LES N0>1S DE LIEU
Gundelindis cortis : Goudelancourt (Aisne).
Ingolindis c. : Aingoulaincourt (Haute-Marne).
994. -s in dis est devenu -sent.
Fredesindis cortis : Fressencourt Aisne).-
Mainsindis cultura : Metz-en-Gouture Pas-de-Calais), jadis
Messencouture.
Burgus Herisindis : le Bourg-Hersent (Mayenne).
995. -trudis a pour forme vulgaire -fru.
Campus Ragnetrudis : Charaintru cf. n" 977 . — Mons
R. : Morintru (cf. n" 9721. — Pons R. : Porrentruy (cf. n°'' 705
et 976).
Quant aux noms germaniques d'homme, ils peuvent être
répartis en deux grandes séries, dont la principale comprend ceux
de forme qu'on pourrait appeler solennelle, composés de deux
éléments, comme on le voit dans la plupart des noms royaux de
la dynastie mérovingienne. A ces noms correspondent, en
moindre nombre, des formes familières, dont l'ensemble consti-
tue l'autre série. C est celle-ci qu'on envisagera tout d'abord, la
théorie de la formation des noms qui la composent présentant
quelque complication.
996. Les Allemands emploient Fritz concurremment avec
Friedrich ; Les Anglais disent Bob pour Robert, Dich pour
liichard^ Bill pour William, Tod j)our Ed/rard, Noll pour Oli-
vier. L'usage des noms familiers, très vivace encore, on le voit,
chez les nations germaniques, est constaté dès l'époque franque.
Le nom de Chlodio, réduit quelquefois k.Cioio, n'est autre
chose que la forme familière, « hypocoristique », d'im nom tel que
Chlodovicus, Chlodomirus, Chlodericus. Le troisième lils
de Charles Martel et de Soanachildis, d'ordinaire appelé
Grifo, doit être reconnu dans le comte de Paris Cairefreilus,
que mentionne un acte de Pépin le Bref '. Dans une charte du
IX'" siècle, on voit une femme nommée Richoara signer Deca-
(cf. Dirk =-- Richard ).
1, Il (le Ljisleyrif, Curliilairr (fi^nér.il de J'.iris, I, 27.
■2. \. lîi iifl, n,-ni,'il ilf'sch.irlPH (h- l'.-ihhni/e drCliini/, IIl, r.fifi-r.87, n" 2;ilO.
ORIGINES FKANQUES : NOMS DE PERvSONNE 251
La formation d'un nom familier comportait la suppression
du second élément de la forme solennelle, le premier
étant, par compensation, affublé de la désinence -o. A l'un des
noms Fridericus, Fredboldus, Fredmundus, etc., était ainsi
substitué Frido en Fredo, que le latin de l'époque déclinait
imparisyllabiquement en -o, -onis.
Par la suite, les noms ainsi formés ont reçu un suffixe dimi-
nutif Qorrespondant à l'allemand moderne -lein, et latinisé en
-lenus ou -linus : Frido est devenu Fridolinus.
997. Avant d'aborder l'examen de ces deux catégories suc-
cessives de noms hypocoristiques, il paraît à propos de conden-
ser, dans un exemple typique, l'exposé qui précède. On s'est
étonné ^ devoir un évêque de Paris, contemporain du roi Robert,
appelé indifféremment Adalbertus et Ascelinus. Or, il est
avéré qu'aux xi*' et xii® siècles, en Lombardie à tout le moins,
le nom Adalbertus, par la suppi^ession du dernier terme, la
réduction du premier, et l'introduction du son sifflant, est devenu
Adzo : Ascelinus s'explique par la combinaison d Adzo avec
le suffixe -linus.
998. 11 est aisé de reconnaître les noms hypocoristiques en
-o, -onis, dans les noms de lieu où ils occupent la dernière
place : Concourson (Maine-et-Loire) ^= Cortis Gontionis ; —
Courtabon (cf. n» 933) = G. A b bonis; — Courbouzon (cf.
n° 935) = G. Bosonis ; — Gourvaudon (Calvados) = G. Wal-
donis. Le maintien du son -on est favorisé par ce fait que l'ac-
cent tonique est sur Vo du g-énitif -onis.
Par contre, cet o n'a plus, pour ainsi dire, qu'un demi-accent
quand le nom d'homme en -o, -onis est le premier terme du nom
de lieu. Diverses altérations peuvent alors se produire, ainsi
qu'on en jugera par plusieurs des exemples qui vont être énu-
mérés en regard d'un choix de ces noms d'homme.
999. Abbo (cf. n" 815) : Aboncourt (Meurthe-et-Moselle,
Haute-Saône), Abancourt 'Nord, Oise, Seine-Inférieure); — Cour-
tabon (cf. n" 933).
1000. Agio : Ailloncourt (Haute-Saône).
1. H. (le l^!\sl.oyrio, op. cil., 1, 112, iiolo (i.
2o2 LES NOMS DE LIEU
1001. Amblo pour Amalo ou A mule (cf. n" 832) : Ablan-
COUrt (Marne).
1002. Anibo : Ambonville (Loiret, Haute-Marne).
1003. Anso, formé sur l'un des noms de la famille à
laquelle appartiennent Ansbertus et Ansegisus : AnsOïl-
COurt (Meurthe-et-Moselle), Ansonville (Eure-et-Loir, Loiret),
Ensonville (Eure-et-Loir). — Le même nom se retrouve dans
la Lande-en-Son (Oise), qui devrait s'écrire la Lande- Anwn.
1004. Arno : Arnoncourt (Haute-Marne), Arnancourt
(Haute-Marne).
1005. Atto : Attancourt (^Haute-Marne), Attencourt (Aisne,
Eure-et-Loir), Hattencourt (Sonmie).
1006. Austro : Outrancourt (Vosges).
1007. Baddo, nom qui dt'sig-ne dans Grégoire de Tours un
émissaire de Frédégonde : Badonville (Eure-et-Loir), Badonvil-
1er (Meurthe-et-Moselle), Badonvilliers (Meuse) ; — Vaubadon
(Calvados).
1008. Bal do : Baudoncourt (Haute-Saône).
1009. Bego, nom porté au début du \f siècle par un comte
de Paris : Causse-Bégon (Gard), Champbegon (Saône-et-Loire).
1010. Betto : Bethoncourt (Doubs), Betoncourt (Haute.
Saône), Bettoncourt (Haute-Marne, Vosges), Béthancourt
(Aisne, Oise), Béthencourt (Nord, Pas-de-Calais, Seine-Infé-
rieure, Somme), Béthonvilliers (terr. de Belfort), Bethonval et
Béthonsart f Pas-de-Calais) .
1011. Bodo (cf. n" 834) : Boncourt (Aisne, Côte-dOr, Eure,
Ii!ure-et-Loir, Meurlhe-et-Moselle, Meuse, Oise), Bancourt
(I^as-de-Calais).
1012. Boso : Sailli -Rciinj-cn-^owzemoxii (Marne), Bouzon-
ville (Loiret), Bossancourt (Aube), Bouzancourt (Haute-Marne.
Somme). — Montbozon ! llaule-Saône), Courbouzon (cf. n" 935).
1013. Bovo : Bouvancourt (Marne).
1014. l)ago, (jui peut être la forme h\ |)()c()risti(|U(' du iioiii de
Dagdbcrt : Dagonville iMeusc).
1015. Dodo : Doncourt (Haute-Marne, Mcurthe-et-Mosellc,
Meuse), Dancourt LArdenuesi, Daiiipcourt (Aisne). — L'Isle-en-
Dodon (Gers) se traduit par I nsul a d om i ni Dodonis.
1016. ImkIo. (jui fut le nom i\\\\\ due ({".Vcpiilaine coiiIcMupo-
r.iiii «le Cli;irles Martel - el (piim ;i coiirniidu à tort avec ()ddo.
i.)Ui(;i.Nt;.s KKANgLL;s : noms ije i'Ekso.x.m-: '2lVi
d'où PJudes — a donné en français, au cas sujet Vs, et au cas
rég-ime Von — Saint-Yon (Seine-et-Oise) — ou Eon : Bosc-Hyon
(Seine -Inférieure), le Boshion (Eure), Monthyoïl (Seine-et-
Marne).
1017. Faro, au début du vu"^ siècle nom d'un saint évêque de
Meaux : Faronville (Loiret), Féronval (Aisne).
1018. Franco : Franconville (Loiret, Meurthe-et-Moselle),
Franquemont (Ille-èt- Vilaine). — Mais Franconville (Seine-et-
Oise) ;^ Francoruni villa (cf. n° 536i.
1019. Giso : Gisancourt (Eure), Gizancourt (Oise). — Mont-
geron i Seine-et-Oise j, anciennement Montgeson.
1020. Godo, pour un nom commençant par God, comme
Godbertus : Goncourt (Marne, Haute-Marne), Gancourt (Seine-
Inférieure).
1021. Gontio : Goussancourt (Aisne), Goncourson cf.
n^'998).
1022. Grime, forme familière dun nom tel que Grimoal-
dus : Grémoménil (Vosges), Grémontmesnil (Seine-Inférieure),
Grimomez (Nord), Grimonpont (Nord), Grémonville (Seine-Infé-
rieure), Grimonville (Cher), Grimonviller (Meurthe-et-Moselle),
le Grémonpré ^Seine-Inférieure).
1023. Hatto : Hattonchâtel (Meuse), Hattencourt (Somme j,
Attancourt (Haute-Marne), Attencourt (Aisne, Eure-et-Loir),
Hattonville (Meuse), Hathonville Seine-et-Oise), Hattenville
(Seine-Inférieure). — Ménil-Haton (Orne).
1024. Hajmo : Heymonrupt (Meurthe-et-Moselle), Henne-
mont (Meuse). — La ville du (Juesnoy (Nord) était jadis appelée
Haymonquesnoy .
1025. Hugo : La Ghapelle-Huon (Sarthe), Valhuon (Pas-
de-Calais) ; Magny-Danigon (Haute- Saône) = Mansionile
d o m ni FI.
1026. Milo, l'un des plus anciennement connus parmi l^s
noms g-ermaniques : Millencourt (Somme) ; Millonfosse (Nord) :=
M. fossa ; Millemont (Seine-et-Oise). — Le Bois Milon Aisne,
Eure, Oise), Champmillon (Charente), Fontaine-Milon (Maine-
et-Loire), la Ferté-Milon (Aisne).
1027. Modo : Monville (Seine-Inférieure). Montville (Cha-
rente, Loiret I, Monvilliers (Eure-et-Loir i.
1028. Plopkionis curtis est le nom donné par un texte de
254 LES >'UMS UE LIEU
004 à Plichancourt (Marne) : on ignore à quelle forme solen-
nelle de nom d'homme peut répondre l'hjpocoristique Plopkio.
1029. Rado : Rancourt (Meuse, Somme, Vosg-es).
1030. Rocco : Rocquancourt (Calvados), Rocquencourt
(Seine-et-Oise) .
1031. Waddo (cf. n»* 785 et 838) Vadencourt (Aisne,
Sonmie), Gadancourt (Seine-et Oise), Gadencourt (Eure), Vadon-
ville, Wadonville (Meuse).
1032. Waldo : Vaudoncourt (Meuse, Vosges), Godoncourt
(Vosges), Vaudancourt (Marne, Oise).
1033. Walo : Champvallon (Yonne), Chapelle- Vallon (Aube).
1034. Warno : Vernancourt (Marne).
1035. Wido : Guyancourt (Seine-et-Oise), Guyencourt
(Aisne, Somme), Wiencourt (Somme), Guyonvelle (Haute-
Marne), Yonval (Somme). — Bois-Guyon (Eure-et-Loir), Ghamp-
guyon (Marne), le Mesnil-Guyon (Seine-et-Oise), Montguyon
(Charente-Inférieure), La Roche-Guyon (Seine-et-Oise), Lavau-
guyon (Haute-Vienne). — Au moyen àg-e la ville de Laval
(Mayenne) était appelée la Val Guyon ou la Vaii Guyoti, parce
que ses seigneurs ont porté, pendant de nombreuses générations,
le nom de Guy.
1036. On voit que la finale -on^ que présentent régulièrement
les noms d'homme correspondant à des hypocoristiques en -o,
-onis, s'altère souvent en -an ou -en, dans les vocables topo-
graphiques où ces noms d'hommes tiennent la première place :
Béthancourt, Béthencourt (n° 1010), etc. — D'autre part. Bouze-
mont (n^' 1012;, Franquemont (n« IOI81 et Millemont (n" 1026)
pour Bouzon-monI , Francoii-iaonl et Milon-inonl ^ ollVi'utrexemple
d'une altération plus marquée, pour raison d'euphonie, de même
que Hennemont fn" 1024) pour Hemon-mont, où 1'/// du nom
d'honuiu', trop voisine de celle de mont, est devenue n.
1037. Dans les noms Bocasse (Seine-Inférieure), le Mesnil-
Eudes (Calvados), le Mesnil-Hue (Manche) et le MesniLRogues
(Manche), qu'on pourrait traduire j)ar Boscus Adsonis, Man-
sionile Oddonis, M. Ilugonis et M. Roriconis, h' nom
(1 lioinine se présente, non phis au cas régime en -on, mais au
cas sujet : évidemment il n'a été ajouté (ju à une épocjue tardive,
alors que lusage (k' la déclinaison était abantUmné, c'est-à-dire
à partir de la première moitié du xiv' siècle.
ORIGINES FRA.NOCES : NOMS DE PICRSOMSE 255
Les noms hypocoristiques en -lenus ou -linus, diminutifs
(les précédents, ont contribué, eux aussi, à former des noms de
lieu.
1038. Abbolenus ou Abolenus, de Abbo (n'' 999) : Mon-
taboulin (Indre), Montaulin (Aube).
1039. Ambolenus, de Ambo(n°1002) : Amblainville (Oise),
Amblainvilliers .Seine-et-Oise).
1040. Ascelinus icf. n*^ 997) : le Bosc-Asselin (Eure, Seine-
Inférieure), Mesnil-Asselin Calvados'.
1041. Babolenus, de Babo in" 825 i : Bavelincourt (Somme).
1042. Bobolenus, de Bobo ou Bovo (n" 1013j : Bouvelle-
mont (Ardennes).
1043. Dodolenus, de Dodo (n^lOlS) : Dolaincourt (Vosges),
Doulaincourt (Haute-Marne). — Courtoulin (cf. n" 935).
1044. Gislenus, de Giso (n° 1019) : Villers-Guislain (Nord).
1045. Ilugolinus (cf. l'italien Ugolino), de Hugo (n" 1025):
le Bois-Hulin (Eure, Seine-Inférieure), la Chapelle-Heulin
(Loire-Inférieure), la Ghapelle-Hullin (Maine-et-Loire), le Mont-
Hulin (Oise, Pas-de-Calais).
1046. Modolenus, de Modo (n° 1027) Moulainville (Meuse) ;
— Gormolain (cf. n» 936).
1047. Offolenus : Viroflay (cf. n" 987).
1048. Roccolenus, de Rocco (n" 1030) : Reclainville (Eure-
et-Loir); — Corquelin (cf. n" 936).
1049. Rosce linus : la Chapelle-Rousselin (Maine-et-Loire),
le Mesnil-Rousselin (Manche).
1050. Sigolenus : Selincourt (Somme), Selaincourt (Meurthe-
et-Moselle).
1051. Waddo lenus, de Waddo (n» 1031) : Vadelaincourt
(Meuse), Wadelincourt (Ardennes).
1052. Wandelinus : Vandelainville et Vandeléville (Meurthe-
et-Moselle).
1053. Wazelinus : Valaincourt (Vosges), ValainviUe (Eure-
et-Loir).
Les noms d'homme germaniques de forme solennelle sont
extrêmement nombreux, et Ténumération complète n'en saurait
trouver place ici; on se contentera de faire connaître les princi-
pales modilications que leurs terminaisons ont subies dans les
2."JG l.liS NOMS Ut; LIEL
noms lie lieu^ et à celle fin Ion suivra l'ordre alphabélique de
ces terminaisons latinisées.
1054.' La finale -aldus ou -oldus de 1 époque caroling^ienne
représente la terminaison méroA'ingiènne -oaldus, qu'on observe
dans Chlodoaldus et Theobaldus. Elle devient ordinaire-
ment en français -aiid, noté -aulcl ou -aiilt dans quelques pro-
Aances, telles que la Touraine et le Poitou ; dans certains pavs de
langue d'oc -aldus devient -al (cf. ci-dessus n" 48) ; dans les
régions qui avoisinent le cours moyen et inférieur de la Seine,
et en Normandie, -oaldus a, par Tintermédiaire de -oldus,
donné -oud ou -ouït, comme dans le nom de saint Cloud
(== Chlodoaldus). Celte forme vulgaire -o;//^, -oud, aujourd'hui
confinée presque exclusivement en Normandie, alors qu'au
moyen-âge on la rencontrait aussi dans le Parisis et aux environs
de Melun, peut être facilement confondue avec la forme vulgaire
en -ou des noms originairement terminés en -ulfus (cf. ci-après,
j^os /[143 à 1150), de sorte qu'en cas de doute, il est. prudent de se
reporter aux formes latines des noms de lieu qui les présentent.
Dans tous les pays de langue d'oïl les formes vulgaires des noms
d homme en -oaldus se terminent par une dentale, d om t ; mais
celle-ci disparaît toujours dans la forme moderne des noms de
lieu dont ces noms d'homme constituent le premier élément,
tandis quelle persiste dans ceux où ils tiennent la dernière
place.
1055. Ansoaldus : Ansauville (Meurthe-et-Moselle), Ansau-
villers (Oise). — La seigneurie du Plessis-feu-Aussoux (Seine-
et-Marne) appartenait, en 1170, à un chevalier nommé Ansould
du Plessis : le qualificatif « feu » indique que le surnom qu'a
conservé le Plessis est postérieur à la mort de ce personnage.
1056. Beroaldus : Braucourt (Haute-Marne), Brauvilliers
(Meuse).
1057. Fulcoaldus : La Rochefoucauld (Charente) ; — Fou-
caucourt (Meuse, Sommej.
1058. Gairoaldus, plus tard Geraldus ou (liraldus : la
Chaize-Giraud '^Vendée) = Casa Geialdi ; le Bois-Giroult
(l^^urey ; — Géraumont (.Vrdenncs), Giraumont i.\i(U mus,
Meurthe-et-Moselle, Oise), Gérauvilliers (Meuse).
1059. CrimoMJdus : le Boulay-Grimault (lùire-el-Loirj,
ORIGINES KUAiNOLKS '. AOMS Dli l'ERSONNK 257
Champ-Grimaud (Puy-de-Dômej, le Plessis-Grimoult i(^alva-
dos) ; — Grimaucourt (Meuse, Oise), Grimouville ^Manche).
1060. Ragnoaldus : Ghamprenault Cote-d'Or), Château-
Regnault fArdennes), Ghâteau-Renaud (Saone-et-Loire), Châ-
teau-Renault (Indre-et-Loire) ; ^ Rignaucourt (Meuse), Renau-
val (Marne).
1061. Theodaldus : Thiaucourt lAreurtlie-et-Moselle), Thiau-
mont (Meuse).
1062. La (inale -baldus — au sens de « hardi » — plus tard
-boldus, a subi des variations parallèles à celles de -aldus.
Theodebaldus, qu'on trouve à l'époque carolingienne sous
la forme Teutboldus : le Bois-Thibault (Orne), Thiébauménil
(Meurthe-et-Moselle), la Ghapelle-Thiboust (Seine-et-Marne),
Thibouville (Eure).
1063. Parfois, à l'intérieur des noms de lieu, -bau- est abusi-
vement noté -beau- : Ribeaucourt (Meuse, Nord, Somme),
Ribeauville (Aisne, Ardennes, Oise, Somme).
1064. -bertus, plus anciennement -berchtus, u brillant »,
devient -herf, dont le t disparaît, quand le nom d'homme dont
il fait partie est le premier terme d'un nom de lievi ; parfois
même, dans ce cas, !'/• s'assourdit, et -ber- se réduit à -bé-.
1065. Gharibertus, à l'époque méroving-ienne nom royal,
au IX'' siècle noté Heribertus, est sujet à des altérations
diverses, en raison des deux r qu'il renferme, et de celle qui
peut se trouver dans le terme dont il est suivi : la dlssimilation
intervient nécessairement : Herbécourt (Somme), Hébécourt
(Eure, Pas-de-Calais), Hébécrevon (Manche) --= H. caprio, <> le
chevron, le pont de bois d'LIerbert » ; Héberville (Seine-Infé-
rieure), Hébertot (Calvados) — dont le dernier terme est d'ori-
gine Scandinave — Herbeville (Seine-et-Oise) , HerbéviUer
(Meurthe-et-Moselle), Herbémont (Meurthe-et-Moselle), Her-
be val f Pas-de-Calais).
1066. Chuniberchtus. [mis Ilumbertus : Humbécourt
( Haute -Marne), Humbépaire i Meurthe-et-Moselle) = IL
petra '. — On se gardera de rattacher à ce grou[)i' lliuuber-
I. C'est sous loutcs réserves ((uo nous reproduisons celle iiilcriirétutiou.
/.es noms de lien. '"
258 LES NOMS DE LIEU
camps (Pas-de-Calais), appelé, en 1200, Heudcbcrcamp (=Hil-
deberti campus) et Hiimherville (voir ci-après n° 1073).
1067. Leutbertus : Libercourt (Pas-de-Calais), Libermont
(Oise), Libessart (Pas-de-Calaisj.
1068. Rotbertus, à l'époque méroving'ienne Chrodobertus ;
Robermesnil (Calvados), Robermetz (Nord), Robersart (Nord).
Roberval (Oise) ; — Robécourt (Vosg-es).
1069. Sigibertus, nom de plusieurs rois de la dynastie
mérovingienne : Sebécourt (Eure), Sebéville (Manche).
1070. On serait tenté de reconnaître dans Anhermesnil (Seine-
Inférieure) et Aubcrville (Calvados, Seine-Inférieure) le nom
d'homme Adalbertus; or, au moyen âge, ces localités sont
appelées Oshermesnil et Osherville ; d'où l'on doit conclure que
le premier terme de leurs noms est Osbernus, nom d'homme
d'origine non point franque, mais bien anglo-saxonne, et formé
sur le mot Os, équivalent du latin De us.
1071. -bodus a donné -hue^ puis -heu. A la fin des noms de
lieu, cette forme vulgaire est souvent notée -heuf ou -bœuf ; à
l'intérieur, elle s'altère parfois en -i?e-, et, dans ce cas, l'examen
des formes anciennes est de rigueur pour c{u'on sache s'il s'agit
d'un nom en -bertus ou en -bodus.
1072. Acbodus : Courtabœuf (cf. n' 933).
1073. Haginbodus : Humberville fllaute-Marne), .semblerait
à première vue, répondre à llumberti villa ; dans un pouillé
du diocèse de Toul rédigé en I i02, cette paroisse est appelée
llaimbuevilla ; 1'/" n'est pas étymologique.
1074. lïeribodus : Herbeuval (Ardennes), Herbeuville
(Meuse) ; Hébuterne Pas-de-Calais), = Ilerbodi cisterna.
1075. Hililebodus : Heubécourt (Hure).
1076. Halbodus : Corabœuf(cf. n» 937).
1077. Kicboius : Ribécourt (Oise), Ribemont (Aisne,
Sommcj. — liih'-courl (Nord) = Ricberli corlis.
1078. Sigilxjdus : Courcebœufs ''Sarthe).
1079. Warliorliis : "Vaubecourt (Meu.sc;.
1080. -I'iimIu.s, appanîuLé à l'allemand moderne friedc,
« p;ii\ .), a doniK' -froif, -fntij ou -frcji, (jui, à l'intérieur des
noms d(! lieu, peul .s'allércr en -/'■•'■ <'^' 'l>'<^-i piirfois s'assourdir
en -fie-.
ORIGINES KRAMjrKS ; NdMS DE PEHSO.WN'E 259
1081. Ansfredus : Anfroipret (Nord), Amfreville (Calvados,
Eure, Manche, Seine-Inférieure).
1082. Autfredus : Affracourt (Meurthe-et-Moselle), jadis
()/f'roicoiirt .
1083. Berfredus : Beffecourt (Aisne), en \2~{) BcffrecourI ;
Beaufremont (Vosges), jadis Boffroimont.
1084. Gundefredus : Confrecourt (Aisne), en 1203 Gunfre-
coiirt ; Gonfracourt (Haute-Saône), que Quicherat supposait à
tort répondre à Curtis Francorum ; Gonfreville (Manche,
Seine-Inférieure)
1085. Landefredus : Lanfroicourt (Meurthe-et-Moselle);
Mélanfroy (Seine-et-Marne) et sa variante le Mélanfray
(Mayenne) ^= Ma n sus Landefredi.
1086. Matfredus : Maffrécourt (Marne).
1087. Rotfredus : Vaurefroy (Marne).
1088. -garius devient en français -[/ier ou -f/er ; à l'intérieur
des noms de lieu IV peut disparaître, et Ve devenir muet.
1089. Adalgarius : Champauger (Seine-et-Marne), Auger-
ville (Loiret).
1090. Ansg-arius ; Mésanger (Loire -Inférieure), Angerville
(Calvados, Eure, Seine-Inférieure, Seine-et-Oise), Angervilliers
(Seine-et-Oise).
1091. Autg-arius : Bois-Oger (Maine-et-Loire), le Mesnil-
Oger (Calvados), Ogéviller (Meurthe-et-Moselle).
1092. Beringarius : Bérengeville (Eure), Bellengreville
(Calvados, Seine-Inférieure).
1093. Rotg-arius : Bois-Roger i Calvados), Boisroger
(Manche), le Bois-Roger (Aisne), Champroger (Seine-et-Marne),
Méroger (Eure-et-Loir, Seine-et-Marne), Rogécourt (Aisne),
Rogéville (Meurthe-et-Moselle).
1094. Teutg-arius : Ticheville 'Orne), présentant, ouhc Vc
muet, une altération du ;/ .
1095. Warengarius : Varenge ville (Seine- Inférieure).
1096. Dans le nom Bellengreville, mentionné plus haut
(n" 1092), sans parler du clianj^ement de li({ui(K' qui se j)roduit
entre la première SAdlabe et la seconde, on ohservc dune |)ar(, la
persistance du y dur — ■ ce qui est le fait des dialectes normand,
picard et w^dlon — et d'autre [)art l'interversion de Vr et du son
2r»() LUS Mi.MS Di: LIEU
voA'elle qui la précède : double phénomène dont un autre
exemple est fourni par Yzengremer (cf. n" 964), aux \iW et
KiY*^ siècles Ysenguiermer.
1097. -g-isus, plus anciennement -gaisus — témoin le nom
Radagaisus porté par un roi franc contemporain de l'empereur
Constantin — a donné en français -gis. A l'intérieur des noms
de lieu Vs disparaît ; de plus \'i pouvant faire place à un e muet,
et le g subissant parfois une altération semblable à celle qu'on
a vue dans Ticheville (n" 1094), la forme vulgaire de -gisus se
confond éventuellement avec celle de -garius.
1098. Adalgisus : Augicourt (Flaute-Saône).
1099. Ansegisus : Courtangis (cf. n° 933) ; Angicourt (Oise),
Angivillers (Oise).
1100. Artgisus : Montargis (Loiret).
1101. Autgisus : Auchecourt (Marne), Ogicort \ers 1220.
1102. Gundegisus : Villegongis (Indre).
1103. Ratgisus : Rachecourt (Haute-Marne), Richecourt
(Aisne), en 1278 Regicourl, en 1331 Bigicourt.
1104. Rotgisus : Mérogis (Seine-et-Oise), Rogiville (Ar-
dennes).
1105. Teutgisus : Tigecourt (Marne), au xii^ siècle Tegicort.
1106. Warengisus : Varangéville (Meurthe-et-Moselle).
1107. -iiardus, représentant un vieux mot germani({ue qui
subsiste dans l'allemand moderne har/, « dur, ferme, solide,
fort », devient en français -ard, comme on le voit par des noms
d'homme bien connus, Bernard, Renard, etc. ; le d final de cette
forme vulgaire disparaît généralement dans l'intérieur des noms
de lieu : Bénarville (Seine-Inférieure) =-- Bornehardi villa;
Gérarcourt Meurthe-et-Moselle), Ménarmont (Vosges), Garsault
fMarnc), anciennement (ioarsauf — - (lunliardi saltus.
1108. Toutefois ce (/ peut laisser (juelque trace, {|u;ui(l h> terme
(|ui suit le nom dhomme commence par une voyelle : Cohartille
(Aisnej - Gun hardi in su la.
1109. D'autre part 1"/' de -hardus est sujet à disparaître. i)ar
dissimilalion. (piand lune des syllabes voisines renferme une
autre r: Bénaménil ' Meurlhe-el-Moselle) — Hernehardi maii-
sionih'; - Bernapré (Somme) ^ B. pralum: — Bernaville
à
OKIGINKS I HAMjl i:S : N(P s |>i: l'KKSdNNE '2(')\
(Somme, = B. villa ; — Grammont ( Belgique, Flandre orien-
tale) = Gerehardi mons; — GrasviUe (Seine-Inférieure) =
G. villa : — Gravai (Seine-Inlerieurej = G. vallis.
IHO. -harius est devenu en français -hier ou -ier, toujours
reconnaissable dans les noms de lieu ayant pour dernier élément
un nom dhomme ainsi terminé : Cornantier (Marne) = Cortis
Nantharii ; Boisgarnier (Eure-et-Loir) =^Boscus Warnharii.
1111. h'r de -ier se maintient parfois à l'intérieur des noms
de lieu : Vernierfontaine Doubs) = W. fontana ; ^ Vauthier-
mont (territ. de Belfort)= Waltharii mons; — Vattierville
(Seine-Inférieure) = \V. villa. La graphie de Regilière-Ecluse
(Somme) = Rainharii exclusa, est im[)utable à la liaison.
1112. Mais souvent aussi cette r disparaît, ainsi que, sous
diverses intluences, Iz, de sorte que -ier- se réduit à -é- : Bréval
(Seine-et-Oise), Berharii vallis dans le Polvptique dirminon ;
— Regnévelle Vosges) = Rainharii villa.
1113. Dans d'autres cas -ier- devient, non plus -e-, mais -i- :
Vatimesnil (Eure) et Vathiménil (Meurthe-et-Moselle) ==3 Wal-
t h a 1" i i m a n s i o n i 1 e .
1114. La forme vulgaire de la finale -mannus, qui reproduit
1 allemand marin, « homme », est d'ordinaire notée -mand \ on le
A^oit altérée en -ment, par exemple dans Mondement (Marne),
jadis Mont Hetidemant, de Mons Ilildemanni.
1115. A l'intérieur des noms de lieu, la dentale, qui n'a rien
d'étymologique, disparait : Armancourt (Oise, Somme i = Ileri-
manni ou Hartmanni cortis.
1116. La finale -marus, -meris ou -mirus, répond à un vieil
adjectif germani([ue qui signifie « illustre, noble » ; elle a pour
formes vulgaires -mer et -mier \ de cette dernière, mieux expli-
cable par -meris que par -marus, on a vu un exemple dans
Saint-Lumier (n" 909 ; elle est d'ailleurs peu fréquente dans la
toponomasticjue. L'/' finale disparaît assez souvent, tant à la fin
que dans l'intérieur des noms de lieu.
lin. Adamarus ?): Amécourt (Eurei, Amermont Meurtlie-
et-Moselle), Amerval Nord).
262 LES >OMS DE LIEU
1118. Adremarus : Montieramey (Aube), en 1182 Mosiier
Arrainé.
1119. Aldemarus : Pont-Audemer (Eure).
1120. Audomarus : Courtomer (^Orne).
1121. Autmarus : Omécourt (Oise).
1122. Gauzniarus : Goniiécourt (Somme),
1123. Herimarus : Monthermé (Ardennes), la Chapelle-
Hermier (Vendée).
1124. Nortmarus : Noniécourt (Haute-Marne).
1125. AVidomarus : Mont-Aimé (Marne), en 877 Mons
Witinar, au xiii"^ siècle Mohimer.
1126. La finale -mundus a pour forme vulgaire -inoml, qu'on
a parfois notée -mont. Le thème étymologique de Grangermont
(Loiret), qui semblerait à première vue avoir pour second terme
le substantif latin mons, et en réalité Granica Herimundi.
1127. A l'intérieur des noms de lieu -moud- se réduit à -mon- :
Bermonville (Loiret) = Bertmundi villa; — Fromonville
(Seine-et-Marne), Frémonville (Meurthe-et-Moselle) — Frot-
mundi villa ; — Geriïionville (Eure-et-Loir, Loiret, Meurthe-
et-Moselle, Meuse); — Hérimoncourt (Doubs) := Herimundi
cortis ; — Hermonville (Marne) = Herimundi villa.
1128. Dans Autremencourt (Aisne), -mon- est devenu -mon- ;
si 1 on ne disposait de textes anciens, le thème étjmoloi^ique
Austremundi cortis ne saurait être déterminé siirement.
1129. La finale -oenus, ou -oinus, représentant un mot ger-
manique ayant le sens d' « ami », devient en français -oiiin ou
-oin : Villiers-au-Bouin(Indre-el-Loire) pour Villiers-Aubouin —
Villaris Alboiiii; — Montbertoin (Aisne) = Mons IJer-
toini ; — le Mesnil-Foucoin lEuie) - Mansionile Fulcoini ;
— Ménil-Gondouin (Orne) = Mansionile Gundoi ni ; — Ville-
hardouin (Ard)e) = 'Villa Hardoini.
1130. A l'intérieur des noms de lieu, cette terminaison peut
subir des altérations plus ou moins graves : Baldoini mons est
devenu Baudimont n*as-(le-Calais) ; — llardoiiii cclla est
aujourd'hui Hardoncelle Ardennesi. — On observe une alléra-
lioii comparable a celh* que présente ce (h^-nier nom dans ceux
di' (pi('|(pics h»c;ilil(''s (lu lnissin de la Loire — l' Au honnirrc (Yen-
ORIGINES KHANQUIOS : NOMS DE PERSONNE , 2H3
dée), la Hardonnièrc (Loir-et-Cher, Loire-inférieure, Mayenne,
Sarthe), la Jaudonnière (Vendée) — formés sur des noms
d'homme dont les formes latines sont Alboinus, Hardoinus,
Galdoinus.
1131. La finale -radus dont on a un exemple bien connu dans
Conrad, a donné en français -ré, et Fourré est, dans la langue
d'oïl du moyen âge, la forme vulgaire de Fulradus. Les noms
d'homme en -radus ne paraissent pas avoir été très fréquents
dans la France romane, car bien peu ont contribué k y former
des noms de lieu. Mundradi villa et Tancradi villa sont
devenus au moyen âge Mondreville et Tancreville ; mais on a
vu (n" 987) qu'au xvi'' siècle la syllabe qui représente -radus a
été nasalisée, d'où les formes actuelles Mondrainville (Calvados)
et Trancrainville (Eure-et-Loir).
1132. Dans la Franche-Comté septentrionale, où l'influence
germanique s'est fait sentir fortement au début du moyen âge,
on voit -radus devenir -ra~ : Corravillers (Haute-Saône) =
C o n r a d i v i 1 1 a r e .
1133. La finale -ramnus, à rapprocher du mot chramnus
ou h ramnus, qui paraît avoir eu le sens de « corbeau », est
devenue d'ordinaire en français -ran. qu'aujourd'hui, sans égard
à létymologie, on écrit avec un d final, comme dans Bertrand :
Villers-Allerand (Marne) ^= Villare Aledramni. Les noms de
lieu dont Bert ramnus constitue le premier terme présentent
aussi le son ran : Bertrambois (Meurthe-et-Moselle), Bertran-
COUrt (Somme), Bertrandfosse (Oise) ; toutefois la nasale dispa-
raît devant une m : Bertrameix (cf. n° 965), Bertraménil
(Vosges).
1134. -ricus, qui se retrouve dans l'allemand rcich, « puis-
sani », est une des (inales les plus fréquemment usitées dans
ronomasti(pie franquo ; elle apparaît k l'époque mérovingienne,
dans les noms royaux (^hildericus, Tli eodericus, Chilpe-
ricus. Sa forme françjiise, -/•/, qu'aujourd'hui l'on note généra-
lement-/*?/, sui)siste toujours dans les noms de lieu dont le second
élément est un nom d'homme en -ricus; mais (piaïul au con-
264 . LIS NOMS DE [lEU
traire le nom d'homme lient la première place, -ri- se réduit le
plus souvent à -re-,-rc-.
1135. Albericus (cf. n° 251 1 : le Bois-Aubry Indre-et-Loire),
la Chapelle- Aubry (Maine-et-Loire), la Ville- Aubry ilUe-et-
Vilaine).
1136. Baldericus : Baudrecourt 'Haute-Marneu Baudré-
mont Meusej, Baudreville (Manche), Beaudreville (Eure-et-Loir,
Loiret, Seine-et-Oise).
1137. Bertricus : Bertrichamp (Meurthe-et-Moselle), Ber-
tricourt (Aisne., Bétricourt (Pas-de-Calais , Bertrimoulin
(Vosges). Bertrimoutier (Vosges^, Bertrimont (Seine-Inférieure),
Bertreville Seine - Inférieure) ; Compertrix voir ci-dessus,
n° 939).
1138. Fredericus, dont les formes vulgaires étaient Freri ou
Ferri '. Villeferry (Gôte-d'Or). — Le surnom de Puraii-le-Fréail
( Allier j est une variante de Freri.
1139. Gundericus : Gondrecourt Meurthe-et-Moselle,
Meuse), Gondreville (Loiret, Oise). — Contrexéville (Vosges) —
Gundericiaca villa.
1140. Landericus ^cf. n° 262). Landrichamp Ardennes',
Landricourt Aisne, Marne), Landrecourt Meuse), Landré-
mont (Oise), Landremont (Meurihe- et -Moselle), Landreville
(^Ardennes, Aube, Loiret, Seine-et-Marne).
1141. Theodericus (cf. n" 269^ : Villethierry i Yonne), Thi-
riville (Vosges). — Le surnom d(> Château-Thierry (Aisne) rap-
pelle le souvenir, non pas du roi Thierrv IV, comme on l'a
souvent répété, mais d'un personnage qui vivait au début du
x^ siècle.
1142. Waldericus == Montgaudri (Ornei, Vaudricourl (Pas-
de-(>alais, Somme. Yonne), Vaudrecourtf^Haulc-Marne, Meurthe-
et-Moselle), "Vaudrimesnil (Manche i, "Vaudremont (Haute-
Marne j, "Vaudrivillers (Marne).
1143. -ulfus, (|ui répond ;i 1 allemand moderne ivol/\ c loup »
est devenu en français -oui : ILadulfus adonné Raoul. L7 est
sujette à disparaître, surtout à l'intérieur des noms de lieu ; mais
il arrive aussi que le grouj)e ou est accompagné de consonnes
j)arasites. D'autre pari certaines altérations, comme celle du son
ou i-n ô, ou même en un son nasal, peuvent donnei- 1(> change à
OIUr,lM:S KRANQIJES : NOMS I>E PERSONNE ^ftH
qui. pour chercher l'ét ymolog-ie d'un vocnble, n'en considérei'ait
que la forme actuelle.
1144. Arnulfus : Arnancourt (Flaute-Marne), au ix*' siècle
Arnulfi cortis ; — Arnouville (Eure-et-Loir), Chêne-Arnoult
(Yonne), Château -Arnoux (Basses -Alpes), Coutamoux (cf.
n" 938). Gourtenot ^cf. n" 933), Couternon (Côte-dOrj. Cette
dernière localité est appelée au xi*^ siècle Cortarnulfus ; l'altéra-
tion en on, dont on trouvera plus loin d'autres exemples,
s'observe aussi dans les noms Saint-Gondon (Loiret), Saint-Mijnn
(Puy-de-Dôme), Saint- Pardon (Gironde), Saint-Sandon (Marne),
qui répondent respectivement à S. Gundulfus, S. Medulfus,
S. Pardulfus, S. Sindulfus. — Arnoiwille-lès-Goncsse [Seine-
et-Oise) est appelé en 1205 Ermenovilla, ce qui suppose un
thème étymologique Ermenulfi villa.
1145. Berulfus : Montbron (Charente).
1146. Burnulfus : Bournonville (Pas-de-Calais), en 1084
Burnulvilla.
1147. Hildulfus : Monthodon (Indre-et-Loire).
1148. Raculfus : Montracol (Ain).
1149. Radulfus : Raucourt (Ardennes, Meurthe-et-Moselle,
Nord, Haute-Saône), Raumesnil (Calvados), Rouxmesilil (Seine-
Inférieure), Rauville (Manche), Rouville (Eure, Loiret, Manche,
Haute-Marne, Oise, Pas-de-Calais, Seine-Inférieure) ',Rouvillers
(Oise), le Bois-Rault (Somme), Croix-Rault (Somme), Château-
roux (Hautes-Alpes, Indre, Orne, Sarthe, Vendéei, Châtel-
Raould (Marne).
1150. Theodulfus : Thionville-5w/--0/)/o/î (Seine-et-Oise)
appelé dans le Polyptic[ue dlrminon Teodulfi villa. — Le
nom de la ville de Thionville (Moselle) a une autre orig-ine •
Theodonis villa.
1. Il existe dans la commmio do Marsac (Piiy-de-Dômo), un écail égale-
ment nommé Rouville.
LUI
NOMS DE RIVIÈRE
1151. Bien que Télude îles no. us que portent les cours d'eau
de la France n'entre pas dans le plan de cet ouvrage^, il paraît
utile de souligner ici les renseignements qu'on en peut tirer, au
sujet des diverses races qui ont successivement dominé sur telles
ou telles de nos provinces.
1152. « Les noms de cours d'eau et de montagnes, qui
remontent à l'antiquité, appartiennent pour la plupart à une
ou plusieurs langues antérieures à la conquête celtique, et sont
inexplicables pour nous ». Ainsi s'exprime Henri d'Arbois de
JubainAdlle, dans la préface de ses Recherches sur Vorigine de la
propriété foncière et des Jioins de lieux habites en France ; et
cette façon d'envisager la question est très préférable à celle qui
avait cours chez nous depuis un demi-siècle, et qui consistait à
considérer tous les noms de rivière comme celtiques, et k les
expliquer par des mots celtiques ou prétendus tels. Ainsi, l'on
rattachait à dour, mot qui, dans le breton moderne, signifie
« eau », les noms de rivière présentant aujourd'hui quelque son
analogue: Adour. Dordoffne, Durance. Or. attribuer au langage
1. De l'ait, nous n'avons pas trouvé, dans les notes d'auditeurs que nous
avons eues sous les yeux, l'équivalent du présent cliapitre. Celui-ci est le
résumé d'une leçon faite au ("ollèg'e de France, le 19 mars 1891, c'est-à-
dire le jeudi qui, celte année-là, précédait la Semaine sainte. A. l^onj^non
s'exprimait ainsi : « Je pensais, immédialement après l'étude des noms de
lieu d'origine francique [terminée le jeudi précédent], aborder devant vous
l'examen des vocables },''éo<4raphiques (pii rappellent la colonisation Scan-
dinave ou normande, au x» siècle, dans la t'rance du nord-ouest. Mais j'ai
dû y renoncer pour ne jias couper, par les vacances de Pâques, l'étude de
cette intéressante partie de la toponymie fi'an(;aise. C'est pourquoi j'ai
décidé de consacrer cette leçon ;i (pichpies indications sur les noms de
rivières de France, considérées i\ peu près exclusivement au point de vue
des renseignemenls cpie ces vocal)les pcuv<'nt rcnreinier au sujet des
diverses races rpii ont successiv cmeni dominé sui' noire pays ou sur quel-
ipriine de nos provinces ».
ORIGINES FRANQUES : NOMS DE RIVIERE 267
des Gaulois le mot dour, c'est commettre une erreur aussi gros-
sière que celle qui consisterait à voir un mot latin dans notre
nom commun eau : dour est un mot néo-celtique représentant le
gaulois duhron (voir ci-dessus n° 105), comme eau est un mot
néo-latin représentant le latin aqua ; et les noms les plus
anciennement connus de ces trois cours deau, 'Azo'jpic, Doro-
nonia et Druentia n'ont rien de commun avec le prétendu
gaulois dour, encore moins avec le gaulois bien authentique
dubron .
1153. S'il est vrai que beaucoup des noms de cours deau
français sont antérieurs aux Celtes, il serait exagéré de n'ad-
mettre la celticité d'aucun d'eux. On a vu (n" 107) qvie les noms
d'une demi-douzaine de cours d'eau de l'ancienne Septimanie
présentent comme dernier terme de leur forme originelle le mot
duhron : dans Vernodubrum, le terme initial est également
un mot celtique, le nom gaulois de 1 aune (cf. n'' 175) ; et par
Argentdouble, il faut vraiseml^lablement entendre « la rivière
blanche ».
1154. D'ailleurs, les noms primitifs des rivières n'étaient pas
immuables. Sans doute, les peuples nouveaux venus dans un
pavs n'en u débaptisaient » pas systématiquement les cours
d'eau, mais il s'en faut qu'ils aient toujours adopté les noms qui
étaient en usage avant leur arrivée. On a vu dans l'antiquité un
même cours d'eau porter plusieurs noms, dont l'un seulement a
fini par prévaloir. Le Po, Padus, avait été désigné par le noni
ligure de Bodincus (cf. n° 25). On connaît à la Saône trois
noms différents : le plus ancien est indiqué par le pseudo-Plu-
tarque sous la forme Hpi-fcjKzç, ; il fut remplacé par Arar K qu'on
trouve dans César et dans plusieurs écrivains de l'épocjue
romaine; enfin le nom Sauconna parait pour la piemière fois
au IV'' siècle dans Ammien Marcellin. qui le présente comme un
surnom de l'Arar'^; n'est-il pas viaiseinblable que chacun de
ces noms fut imposé par un groupe ethnique particulier, et que le
nom Sauconna, le moins conim d'abord, mais qui a fait oublier
les deux autres, puisqu il subsiste encore aujourd'hui sous la
1. "Apap ::oTa[j.oç èari rf,î KEÀTtx.f,;. . . . ey.a/.îÏTO oï -po-.spov npfyouÀo;. I*lii-
Inrchi opprn, éd. Diihner (18:l:)i, \', 84.
■i. Arariin, ([iiein .Sa u co n iiiiiii n |) pc 1 1 .i ii I. l{<-c. ili-s hisl. (/es (i.iiili'^,
I, ")t7.
268 LES NOMS DK LUX'
forme Saône, est d'origine plus récente, et que, par. conséquent,
on doit Y voir un vocable gaulois dont les celtistes actuels, en
raison de l'état de la science, ne peuvent encore prétendre don-
ner une explication rationnelle? Le nom Samara, qui désignait,
au temps de César, la Somme — témoin l'ancien nom d'Amiens,
Samarabriva (cf. ci-dessus n° 99) — a depuis cédé la place à
Sumina ou Somena, origine de 1 appellation moderne, tandis
que plus au nord il est demeuré le nom d'un affluent de la
Meuse, la Sambre.
1155. On le voit, les noms de rivière sont moins immuables
qu'on ne la prétendu. Il est d ailleurs moins aisé de parler de
ces noms que des noms de lieux habités, rien n'étant plus rare
que ceux-là dans les textes. Les auteurs de l'antiquité ne nous
donnent les noms que d'un très petit nomjjre des cours d'eau de
la Gaule ; et la plupart des mentions qu'on leur doit sont grou-
pées dans deux textes qu'on peut qualifier de spéciaux : d une
part le petit poème qu'Ausone a consacré à la Moselle, et dans
lequel sont nommés plusieurs des affluents de cette rivière ;
d'autre part, deux vers du panégyrique de l'empereur Majorien,
par Sidoine Apollinaire ', qui renferment une énumération de
douze rivières de Gaule, destinée à prouver que le nouvel Auguste
était connu dans toute cette importante région de l'Enqjire
romain, (^uant aux chartes du moyen âge, qui renferment tant
de noms propres de lieux habités et même de lieux tlits, c'est
par une sorte d'exception qu'on y trouve des noms de cours
d'eau.
1156. D'ailleurs la nomenclature des cours d'eau de notre pays
ne se conipose pas que de noms anté-celticjues et gaulois ; on y
rencontre un certain nombre de vocables latins ou romans, sans
compter les noms bretons de l'ancienne Armorique, les noms
g(Minani(jues de bien des cours d eau appartenant au bassin du
lUiin, les noms bascjues du département îles Basses-Pyrénées,
les noms Scandinaves de la XormancHc. Parmi les uftins altri-
buables à l'épocjue romaim , on jx'ut citer à coup sûr Alba, ([ui
désignait, non seulement l Aube, allluent bien connu de la Seine,
mais aussi les diverses rivières appelées l'Aubette (Cote-d'Or,
()ise, Seinc-IidVïrieui-c ) et l'Aubetin. aniuent (hi ( Irand-Morin ;
1. Cirmiiiiim V, v. ilS-il'.l (Mon. Crriii.. Auil. .1 /i //</// (n.<. . \ill, 212).
OUKÎLNKS !■■ UAiNul ES : NOMS Ui: lilVlÈKI-J 'HVJ
ce nom Alba, c'est-à-dire « la blanche » est dû. suivant les
espèces, soit à la couleur de leau même, soit à celle du fond
qu'elle recouvre. Grosa, « la profonde », qualification bien jus-
tifiée pour certaines rivières, désig-ne au temps de Charlemagne,
dans l'Anonyme de Ravenne, la Creuse, affluent de la Vienne,
dont le nom a été donné à l'un de nos départements.
On peut citer parmi les cours d'eau dont l'appellation est
d'orig-ine latine ou simplement romane le Noireau — Nigra
aqua dans les textes du moyen âge — affluent de l'Orne, et la
Clairette, anciennement Clère, Clara — sous-aflluent de la
Seine, dans l'arrondissement de Rouen, et ceux qui, en vertu
d'un usage que l'on constate chez les populations tant g-erma-
niques que néo-celtique>s et chez un grand nombre -de nations
plus ou moins civilisées, sont désignés par des noms d'animaux
(cf. ci-après, n" 1164 : Lupa).
Les faits sur lesquels on entend insister ici appartiennent à la
période envisag'ée dans les précédents chapitres. Il s'agit, d'une
part, de l'emploi (pie les hommes de race germanique firent des
noms de rivière pour créer les vocables appliqués à un certain
nombre de circonscriptions administratives, et, d'autre part, des
modifications que ce nouvel élément ethnique vint apporter à la
forme de divers noms de cours d'eau.
1157. Tel peuple affectionne plus particulièrement tel mode de
dénomination. Les Romains et les Gaulois, par exemple, s'ils ont
en bien des cas, employé un nom de rivière pour former le nom
d'un lieu habité, ne paraissent pas avoir songé à dénommer une
contrée à l'aide du nom de son principal cours d'eau. Or, un cer-
tain nombre de divisions de la Gaule fran({ue sont désignées par
des vocables formés sur des noms de rivière, et ce sont là des
dénominations qui, lors même qu'elles revêtent extérieurement
une forme romane, portent la marque caractéristique d une ori-
gine germanique, car, dans l'Europe occidentale, c'est presque
exclusivement en Germanie et en Gaule, dans le bassin du Rhin,
qu'on les rencontre. On peut donc, a priori, considérer comme
ayant été colonisée par des hommes de race germanique, toute
contrée dont le nom otïiciel, ii l'époque mérovingienne ou caro-
lingienne, était dérivé d'un nom de rivière. Les noms de régions,
de parfi, ainsi formés sont de plusieurs espèces.
270 LES NOMS DR LIEU
1158. Lun de ces modes de formation — et c'est peut être
celui pour lequel on possède les exemples les ])lus anciens —
consiste à joindre au nom de rivière un suffixe -au s, qui en fait
une sorte d'adjectif. C'est seulement dans les régions qui avoi-
sinent plus ou moins directement la Mer du Nord, entre l'em-
bouchure de la Seine et le cours de la Meuse, que se rencontrent
les noms de régions ainsi formés. Une portion du pays de Caux,
démembré de la cité de Rouen, fut appelé pagus Tellaus, en
langue vulgaire le Talou, du nom du fluvius Tellas, que por-
tail alors la Béthune. Au nord de ce pays, dont le point le plus
septentrional était la ville d'Eu (Seine-Inférieure), se trouvait le
pagus Viminaus ou Vimeu, démembré de la cité d'Amiens,
et dont le vocable était emprunté à un petit affluent de la
Bresle, la Vismes, Vimina. Plus au nord encore, lune des
subdivisions de l'ancienne cité de Cambrai était le pagus
Hainaus ou Hainaut. qui devait son nom à la Haisne, en latin
Haina, affluent de droite de l'Escaut. Ces trois noms de même
formation remontent sans doute aux premiers temps de l'occupa-
tion, par des tribus germaines, des pays situés au nord de la
Seine ; et deux d'entre eux figurent, sous les formes TELLAO et
VIMINAO sur des triens de l'époque mérovingienne. Onpeutévi-
demment assigner la même date à un quatrième nom de région
franque, le pagus Masaus, démembré de la cité de Tongres, et
qui devait ce vocable à la Meuse, M osa en latin, Maas ou Macs
dans les divers dialectes germaniques.
1159. TJn autre mode de formation, aboutissant à des vocables
germaniques, consistait à combiner le nom de rivière avec
l'équivalent du latin pagus, le mot gmi^ qu'on notait dans le
haut moyen âge, assez diversement, (joioe et choive. par exemple.
Si 1 on voulait donner à ces vocables une apparence latine, on
remplaçait le nom commun (/oive ou chotce par le suffixe -ensis.
Celui-ci, dans les textes des xii'' et xui" siècles, a revêtu, selon
les régions, les formes romanes -o/.s, -;iis ou -es. Quelquefois
aussi r/Hii a été substitué à la terminaison -aus. et c'est ainsi que
le pagus Masaus est ap[)elé Mnsuf/ouiri et Mosut/no dans cer-
tains docuiîients au i\"' siècle, ipie reproduisent Nitliaid cl
1 évê(|ue Prudence de Troyes. C'est j)ar une substitution ana-
logue que l'allemand moderne appelle le Hainaut Hcnne(/fiu.
1160. .\ gaucln; du Hliin. c'est dans le bassin de la Moselle.
OKIGIN'ES I-'RANijL'ES ! NOMS DE RIVIÈRE 271
OU dans son voisinage, que l'on rencontre des noms de pays fof-
més par la combinaison de noms de rivière avec le suffixe latin
-en sis ou avec le mot germanique gau. Le plus oriental de ces
pays est le pagus Nafinsis, Xavinsis ou Nainsis, en alle-
mand Nahagoive qui doit son nom à la Nahe, affluent de g-auche
du Rhin. Entre Trêves et Metz, et à Test de cette dernière ville,
on rencontre à l'époque carolingienne jusqu'à six noms de pa(ji
ou comtés formés de même que celui du p. Nainsis ou Naha-
gowc : le p. Saroensis ou Sarachowe, « pays de la Sarre »,
affluent de droite de la Moselle, qui était appelé Saravus à
l'époque romaine, et les pagi ^loslensis ou Musahjowe —
Nitensis ou Nitagoica — Rosalensis ou Boslohgowe —
Blesensis ou Blesitchoice — Albensis ou Alhechowe, qui
devaient leurs noms à la Moselle et à quatre affluents de la
Sarre : la Nied, la Rosselle, la Bliese et l'Albe.
1161. A la différence de ces sept pagi, où l'élément germa-
nique n'a pas cessé d'être prépondérant, les suivants appar-
tiennent à des contrées où la langue romane paraît avoir été tou-
jours dominante : le p. Odornensis, au diocèse de Toul, en
langue vulgaire l'Ornois, qui doit son nom à la rivière de Bar-
le-Duc, rOi^nain, en latin Odorna ' ; — le p. Blesensis ou
Biaisois, entre les diocèses de Châlons, de Troyes, de Langres et
de Toul, arrosé par la rivière de Wassy, la Biaise ; le p. Osca-
rensis ou Oscheret. situé au sud-est de Dijon, et dont le nom
procède de celui de l'Ouche, affluent de droite de la Saône ; —
eniîn le p. Orcensis ou Urcensis, l'Orxois. « pays de
rOurcq », au sud de Soissons. Ces deux derniers pagi sont plus
éloignés que l'Ornois et le Biaisois des pays où les hommes de
race teutonique ont dominé par le nombre à répo([ue mérovin-
1. A. Long-non mentionnait auparavant le « pagus Ornensis ou Ilor-
nensis, dans la partie nord-est du Verdunois, dont le nom, mentionné par
des actes de 726 et de 933, est emprunté à l'Orne, alïluent de gauche de la
Moselle »; nous nous crojons autorisés à supprimer cette indication, for-
mulée en 1891 sur la foi du Dictionnaire topoijrtiphique de la Meuse, car,
ainsi qu'on l'a fait observer une dizaine d'années plus tard [Mcdcnxia, IIl,
Hl-8o et M(''rn. de. la. Soc. f/e,s Lpltrea do Bar-le-Duc, IV" série, I. p. in
et i.v l'existence de l'acte de 933 est à démontrer, et la localité dont il ol
questiou dans l'acte de 726 peut être iilentiûée avec un village qui n'est
guère éloigné de l'Ornain, de telle sorlc que l'Orncnsis ou Hornensis
se confondrait avec l'Odornensis.
LE^ .NOMS Ul:: LihlL
•^feime ; mais le caractère g-ermanique du nom de lOscheret
s'explique par le fait que cette circonscrijHion fut formée entre
83() et 844, d'un démembrement du p. Attoariorum, dont
l'origine, on le sait (voir ci-dessus n° 526), est due à des hommes
de race franque, appartenant à la tribu des Chattes.
1162. Les noms de pagi dont on vient de lire l'énumération
sont incontestablement d origine germanique, alors même que
leur mode de formation est roman ; mais il est possible qu'on ait
formé sur le même type d'autres noms de région. L'ager
Jarensis, en Lyonnais, dont le souvenir subsiste, sous la
forme Jarez ou Jarest, dans les surnoms d'une demi-douzaine
de communes du département du Rhône, paraît devoir son nom
au Gier, affluent de gauche du Rhône ; et il faut, semble-t-il,
reconnaître la trace du ministerium Garonense, en Toulou-
sain, dans le nom du Mas-Grenier t^Tarn-et-Garonne), jadis Mas
Garnès.
1163. Un autre ell'et de la colonisation d'une partie de la
Gaule par des populations franques ou bourguignonnes est révélé
par l'application à des noms de cours d'eau, présentant une ter-
minaison féminine, de la déclinaison imparisyllabique en -a,
-a ne, dont il a été question plus haut (n*'" 985 et 986) '. En ce
qui concerne plusieurs de ces vocables — mais non ceux des
rivières les plus importantes — la terminaison muette, corres-
pondant à l'a du nominatif latin, fit place à une terminaison
accentuée ain ou -an selon les régions —qui, originairement,
caractérisait le cas régime ; et l'adoption définitive de cette ter-
minaison eut pour conséquence, à 1 égard de ces noms, la substi-
tution du genre ma.sculin au féminin. On en peut Juger par
lexemple que voici. L'afïluent de lOise (pii passe à Beauvais est
appelé, dans les Annales Bcrliniani, sous la date de 8'îîl,
Thara : le nominatif a donné Tlirre, (ju on retrouve, dill'érom-
ment noté, dans le nom de Montataire (Oise), Mon s ad Tha-
rain; et c est par un cas oblicjue de la déclinaison en a, -ane,
I. (!f. Aiiloinc Tliom.is, Ae.s noms de ririrrcs i-l lu déclinuison féminine
ijunijinn ;/rrmuni'fue, dans lioin.ini.i, XXII (l^i'.K^ , 489-!l().'< : arlicli' n'im-
primé piir l'aulour en IH',17, sous le lilic : I.i's iioim^ ilr liriùrr en -uin, diiiis
SCS A".s.s;i/.s lie iiliiloloi/ir fr.inr.iiae, |». 3(>-!>0.
OlUGliNKS l'KANOUES : NOMS DE BIVIÈRK 273
que s'explique le nom Thérain, qui a prévalu ; ce nom, n'ayant
plus l'apparence féminine, est devenu masculin.
1164. Parmi les cours d'eau dont les noms ont été traités de
même, on peut mentionner avec certitude les suivants ' :
L'Anglin, altluent de la Gartempe, à l'origine Engle, nom
qui reproduit celui de la commune d'Angles-SUr-Langlin
(Vienne).
L'Aubetin, aftluent du Grand-Morin, qui coule dans les dépar-
tements de la Marne et de Seine-et-Marne : Alba au vu'' siècle,
Albeta en 1213.
Le Breuchin, affluent de la Lanterne, qui passe à Breuches
(Haute-Saône).
Le Cousin, affluent de la Cure (Yonne) : Cosa en 1147.
Le Cusancin, affluent du Doubs, qui passe à Gusance (Doubs).
L'Hozain, affluent de la Seine : Ausa en 754. La forme
nomimitive s'est conservée dans le nom de la C hapelle-d' Oze
(Aube).
L'Ingressin, affluent de la Moselle : Angruxia en 982.
Le Jarnossin, aflluent de la Loire, qui passe à Jarnosse
(Loire).
Le Lalain ou l'Alain, affluent de la Vanne (Aube, Yonne), qui
semble s'être appelée d'abord la Leie, puisqu'on a au \n° siècle
la forme Lege.
Le Loing, aflluent delà Seine (Yonne, Loiret, Seine-et-Marne),
au vii*^ siècle Lupa.
Le Mesvrin, Ma^avera, aflluent de l'Arroux, passant à
Mesvres (Saône-et-Loire).
Le Grand-Morin, aflluent de la Marne ; le nominatif de son
nom latin, Muera, a donné Mœurs (Marne : voir ci-dessus
n" 730) et Pommeure, aujourd'hui Pommeuse (Seine-et-Marne :
voir ci-dessus n° 703).
Le Petit-Morin, autre affluent de la Marne, homonyme du
précédent.
L'Ornain, Odoma, aflluent delà Saulx.
i. L'éiuiniératioii (|u'ou v;i lii\', et (jui se poursuit sous le n" 1164, ost
plus longue (|ue celle que com|)reniiit la leçon du 19 mars IH'.II. Nous l'éta-
blissons d'après une note (jue nous avons trouvée jointe au texte de cotte
leçon, et (pi'Auf^uste Lon^non a écrite au {ilus tôt en IS'Ji.
/vfi.s noms lie lieu. "^
274 LES NOMS \)E LIEU
LOrvin, artluent de la Seine (Aube, Seine-et-Marncy , Al va
en H73.
L'Othain, affluent de la Ghiers (Meuse) ; Otha dans un texte
de 1283.
Le Sagonin, affluent de lAubois, qui passe à Sagonne (Cher).
Le Serein, affluent de l'Yonne, anciennement Sedena, Senc
et Se nain.
Le Sornain, affluent de la Loire (Rhône, Saùne-et-Loire, Loire),
en 879 Son a.
Le Ternin, affluent de TArroux, dénommé Tarêne ou Tarenne
dans son cours supérieur.
Le Thérain, mentionné ci-dessus (n" 1163).
Le Valouzin ou la Valouze, affluent de la Grosne (Saône-et-
Loire), au x^ siècle Aval osa.
On voit par plusieurs de ces exemples que la forme régulière
-ain a parfois été altérée en -in, par confusion avec une finale
bien connue ; et Loiwj a été substitué à Loiiain sous linfluence
de l'adverbe représentant le latin long-e.
1165. Les noms de cours d'eau dont l'énumération précède
appartiennent, dans leur ensemble, à la partie septentrionale de
la France ; plus au sud, d'une manière générale, la terminaison
des cas obliques est devenue -an.
En 1203, on désignait, aux cas obliques, l'Isère sous la forme
Iserun, et celle-ci subsiste dans l'expression, bien connue des
géogra])hes — « le Gol d'Iseran » — qui désigne le passage
réunis.sant les vallées de Maurienne et de Tarentaise, en Savoie.
Le Conan, affluent de la Brévenne ;Hhône), était, à l'origine
Coin a, en français Cosne : ce dernier nom désigne un autre
affluent de la même rivière.
Le Drouvenant ou la Drouvenne, affluent de l'Ain (Jura).
Le Formans, affluent de la- Saône, Folmoda vers 980, au
moyen Age Forinoan.
Le Séran, affluent du lîliône .\ini : un de ses affluents l'st
dénoinuK' la Serre.
Le Soanan ou Souanan. affluent Je l'Azergues, en S'iS
Soanna ; la forme nomiuative subsiste dans le nom d'une loca-
lilt- riveraine, Valsonne.
L(î Tranibouzan, afflucMl (K^ la Loiic (Loire), voisin (1 un autre
cours d'eau appi-lé I;i Trambouze.
ORKiINKS FRAN'tJUES : iSOMS DE RIVIÈRK 275
1166. Beaucoup d'autres cours d'eau ont leurs noms terminés
de même, et sans doute la plupart d'entre eux devraient prendre
place k côté de ceux-là ; mais on ne possède pas toujours les
formes latines ou les vieilles formes vulgaires qui attesteraient
l'emploi, en ce qui les concerne, de la déclinaison imparisylla-
bique féminine. Néanmoins, povir arriver à déterminer, plus exac-
tement qu'on ne l'a pu faire jusqu'ici, les limites de la colonisa-
tion germanique en Gaule, il serait peut-être intéressant d'indi-
quer sur une carte de France tous les noms de cours d'eau en
-ain^ -in ou -an ; et l'on peut espérer que cela se fera quelque
jour.
LIV
ORIGINES SCANDINAVES i : GENERALITES
1167. Les contrées maritimes de la Gaule semblent avoir joui
d'une quiétude relative durant la période méroving-ienne et sous
le règne des deux premiers princes carolingiens ; mais à partir du
règne de Louis le Pieux, et surtout après sa mort, elles furent
exposées aux déprédations des pirates Scandinaves, des Nor-
mands ou « hommes du Nord », venus des mêmes régions, ou à
peu près, que jadis les pirates saxons, et qui, remontant le cours
des fleuves dans leurs barques légères, ravagèrent même les pro-
vinces centrales de la France. Dès le ix'' siècle, plusieurs des
« rois de mer » qui commandaient leurs escadres se fixèrent en
Angleterre et en Irlande, se taillant dans Tune ou l'autre de ces
îles de petits royaumes. Ils ne réussirent pas aussi vite à s im-
planter dans quelqu'une des riches contrées de la Gaule. Cepen-
dant, avant Tannée 8o0, on trouve un chef normand, Harald,
converti à la foi chrétienne, et occupant, en Frise, dans les pays
qui avoisinent les bouches du Rhin, ainsi que son frère Ruric, des
fiefs qu'il doit à la libéralité de l'empereur Lothaire P' ; cet éta-
blissement normand subsistait encore après vingt-cinq années, et
il est possible «pie certains des dynastes féodaux qui dominèrent
plus tard en Frise aient appartenu au sang de Harald et de
Ruric.
Mais le plus fameux des établissements Scandinaves que reçut
l'empire carolingien est sans contredit le duché de Normandie.
L'origine en est due au traité de Saint-Clair-sur-Epte, qui, en
01 1 , régularisa un état de choses existant depuis plusieurs années
déjà : 1 installation du roi de mer lîollon et de ses C()m[)agnons
dans les contrées arrosées par la basse Seine. En outre du Talou.
I. ( ioiisiillcir sur ccll»! i(iu'.slii)ii le iiiénioirL' ilf (Ai. Joicl, |Jiil)lit'' (li'|)uis
\h iiioild'A. I.oD^Mion, sous <t lilic: l.i's nanis de Uni <ri)ri<jinr mm iDinain'
ot In cnloniunlifiit ifrr/iiaiiii/in' cl si-:in(lin;iri' »'/i Nnrnianflir. l'iiris, l'.Mi^,
tlS |j. iii-4".
I
OnUil.NF.S SCANDI.NAVKS : (IKNF.RALITKS 2ll
du pays de Caux, du Roumois et de la partie du Vexin située à
droite de l'Epte, Rollon ne reçut d'abord, au sud de la Seine, que
le Lieuvin et TEvrecin, c'est-à-dire les comtés dont Lisieux et
Evreux étaient les chefs-lieux. Le diocèse de Baveux et celui du
Mans, et conséquemment celui de Sées, situé entre deux, furent
cédés au nouvel état, en 924, par le roi Raoul, qui y joignit
encore, en 933, « la terre des Bretons située sur le littoral »,
c'est-à-dire les diocèses de Coutances et d'Avranches, alors
rattachés depuis soixante-six ans à la Bretag'ne. A l'exception du
Maine, dont l'occupation par les Normands ne fut probablement
pas consommée, les pays cédés à Rollon et à son fils et succes-
seur, Guillaume Longue-Epée, constituèrent le glorieux duché
féodal de Normandie.
A l'époque même où Rollon prenait pied dans la Normandie
actuelle, d'autres pirates Scandinaves, dont le chef a été
appelé Ragenoldus. s'établissaient dans les contrées voisines de
l'embouchure de la Loire ; de là ils dominèrent un moment,
paraît-il, sur la Bretagne entière, mais, en 936, ils en furent
chassés par les princes bretons revenus d'Angleterre.
Les Normands, ou du moins les compagnons de Rollon,
étaient-ils originaires du Danemark, comme l'indique Dudon de
Saint-Quentin, qui recueillit, vers l'an 1000, la tradition nor-
mande? Venaient-ils de la Norvège, ainsi que le prétendent les
sarfHs islandaises, dont la rédaction n'est pas antérieure au com-
mencement du XII'' siècle? La première opinion a été défendue de
nos jours par Steenstrup, l'érudit le plus au courant de l'histoire
des premiers siècles de hi race Scandinave.
Si la question est cependant encore douteuse, il est du moins
certain que les hommes de race Scandinave s'établirent en grand
nombre dans les pays cédés à Rollon par les rois Charles le
Simple et Raoul. La Normandie, depuis longtemps exposée aux
ravages des pirates, était alors presque entièiement déserte, et au
dire de Dudon, Rollon aurait divisé les terres au cordeau pour les
distribuer à ses fidèles compagnons. Le grand nombre de noms
de lieu Scandinaves qu on petit relever en Normandie prouve que
la colonisation fut réalisée sur ime grande échelle, saus atteindre
toutefois le département actuel de l'Orne ; il parait attester aussi
que la langue des compagnons de Rollon — la langue noroise —
ne s'éteignit complètement qu'après plusieurs générations, et
27S LES >()MS DE LIEU
que certains de ses mots passèrent même pour un temps dans le
langag-e roman de la contrée, ainsi que l'indique l'emploi, comme
noms de lieu, de certaines expressions précédées de l'article le,
la. De plus, la limite atteinte par la colonisation Scandinave en
Normandie, ainsi dti moins qu on en peut juger par l'étude des
noms de lieu, ne difîère pas de celle en deçà de laquelle se mani-
festent les principaux caractères du dialecte normand.
Les noms de lieu qui, en Normandie, portent témoignage de
la colonisation Scandinave sont de deux espèces : les uns sont
caractérisés par des terminaisons noroises ; les autres présentant
la combinaison d'un nom propre d'homme — d origine Scandi-
nave — avec le mot roman ville, rappellent les noms de lieu en
-court des pays colonisés à l'époque mérovingienne par des
hommes de race franque.
LV
NOMS A TEliMINAISON XOROISE i
Ces noms seront étudiés selon Tordre alphabétique des mots
norois ([ui constituent la désinence.
BEKKU
1168. Synonyme de raliemand moderne bacli, du danois bsek
et du suédois back, ce mot a le sens de « ruisseau ». Il a trouvé
place, pour un temps du moins, dans le lang-age roman de la
Normandie, comme lattestent le nom de cours d'eau le Bec et
son diminutif le Becquet. Ces vocables sont parfois passés des
cours d'eau à certaines des localités riveraines. Deux d'entre
elles, appartenant au département de l'Eure, sont disting-uées,
depuis au moins huit siècles, au moyen des surnoms rappelant
des particularités de leur histoires : le Bec-Hellouin, où le bien-
heureux Hellouin fonda une abbaye en 1034. et le Bec-Thomas,
dont le château fut construit, d'après Le Prévost, par Thomas de
Tournebu, qui vivait en 1180.
1. Nous avons utilisé pour ce chapitre : 1" le texte des leçons faites par
A. Longnon au Collège de France les 9 et 16 avril 1891 ; — 2" les notes
assez développées, tantôt complétant ce texte, et tantôt le résumant, ou y
renvoyant, qui représentent le plan des conférences faites à l'Lcole des
Hautes Études les samedis 17 et 24 décembre 1892, 7, 14, 21 et 28 janvier
189.3 ; car, en Tannée scolaire 1892-189.3, à l'Ecole dos Hautes Etudes, au
lieu de ne s'occuper, comme auparavant et comme depuis, do toponomas-
tiquo générale ((u'une fois par semaine, A. Longnon mena de front, le jeudi
l'étude des noms ligures, gaulois, romains, et le samedi celle des « noms de
lieu d'origine noroise en Normandie, comparés à ceux de la Scandinavie et
des Iles Britanniques » ; — 3" et 4° des noies d'auditeurs, de doux auditeurs
différonls, qui suivirent les conférences de Louguon, l'un on 1901-1902,
l'autre on 1905-1906. — 11 nous a été ainsi donné d'observer les rolouoiies
que le niaitre fit sul)ir à son enseignement ; ol l'on trouvera là-dessus
quelques indications au bas des prochaines pages ; ajoutons ici (|u'en 1891
et en 1892-1893, il comprenait [)armi les mots norois éluiliés, les expres-
sions ey, flpod et nae.s, que depuis il prit h> [)arli i\i' rappoiior aux Saxons
(voir ci-dessus n»* 750-753).
280 r.KS NOMS UE LIEU
1169. Parmi les noms de cours deau dont -bec est le terme
final, il convient de citer : dans la Seine-Inférieure le Bolbec le
Robec — ce nom est à rapprocher du nom de lieu danois Rode-
baek — et le Saffimbec ; dans le Calvados FOrbec ; dans la
Manche le Bricquebec et le Trottebec! dont le nom rappelle, par
son premier terme, les noms de lieu suédois Trottaberg, Trotta-
torp et Trottorp ' .
inO. Quant aux noms de lieu en -hec. ils sont assez nombreux
en Normandie : Annebecq (G.) — Beaubec S.-l. : cf. Bjàlle-
back S.) — Bolbec iS.-l. : cf. B0lb8ek D. i — Bricquebec M. i
— Garbec (E. i — Caudebec S.-l. — Glarbec C.) — Grabec
'M.l; cf. Kragbsek D.) — Drubec M.) — Foulbec :E.) —
Houlbec (E.); cf. Holbœk (D.) — Mobecq (M.) — Orbec (G.);
cf. j3rb8ek D.) et Orbàck (S.) — Varenguebec (M.).
1171. Dans plusieurs de ces noms, le premier terme est un
adjectif.
Iloulhec, formé sur l'adjectif Scandinave /lo/, « creux » est
l'équivalent de Parfondru (voir ci-dessus n" 974) et de ses
variantes.
Dans le nom du Robec l'élément initial peut être ladjectif rod,
« roug-e » : on voit parfois attribuer à un cours d'eau la couleur
du sol sur lequel il coule cf. ci-dessus n° 1156 : Aube).
Si le premier terme du nom Foulbec est à rapprocher ilu
suédois fui, « vilain », ce nom est synonyme de }faurupf
(Marne).
Clarhec signifie évidemment « le ruisseau limpide », tout
comme Rieuclar (Ardèche). Mais doit-on apparenter la première
partie du nom Clarhec au suédois klar, ou faut-il y voir un
ndjectif roman ? Si cette dernière hypothèse est plausible, on
aurait un autre exemple de combinaison similaire dans Drubec,
'■ fort luisseau ».
1172. Plus fréquemment -bec est combiné avec un nom
d'homme : on a lieu de considérer comme tel le termi' initial
quand on le retrouve, dans d'autres noms de lieu de Normandie,
cond^iné avec le mot roman ville : à cet égard Bolbec est à rap-
1. .Vfin do no pas sn relia r^'^or lo texte de ce ehapilie et (hi suivant, nous
avons cru devoir y désigner simplement par les initiales de leurs noms les
départernenls foiMués par la NfHinaiidic, .liiisi ipie les |>ays seandinaves-
Suèrie, Norvège et Danemark.
ORIGINKS SCANDINAVRS : HEKKH 281
procher de Bnlleville AI.. S.-l.) — Bricquebec de Bricqucville
(C, M.) — Carhec de Carvillc (G., S.-I.) — Crahec de Crasville
(E., M., S.-I.) — Varenguehec de Varengeville (S.-I.), jadis
Varengiieville '.
BUDH
1173. Le mot hiidh, « cabane, chaumière », qu'on retrouve
dans le danois bod, « baraque, loge, boutique », a contribué à
former un nombre relativement élevé de noms de lieu en Nor-
mandie. Il devient en français du xi® siècle -bued ou -huet, qu'on
prononçait heu, et cette forme francisée du mot norois subsiste
encore aujourd'hui, mais dénaturée par la notation fantaisiste
-beuf et même -bœuf, dont on tend maintenant à prononcer Vf
final et parasite. On a vu (n°^ 1071, 1072, 1076. 1078) pareille
transformation subie par la finale, latinisée -bodus, d'un grand
nombre de noms d'homme des époques nîérovingienne et caro-
lingienne.
1174. Le mot hudh est l'origine du nom de BOOS (S.-L),
Bothus au xi° siècle, puis Boes.
1175. Parmi les noms de lieu qui, en Normandie, présentent
la terminaison -beuf ou -bœuf, il y a lieu de citer - : Belbeuf
1. Dans la leçon du 0 avril 1891, après avoir donné, sur les noms de lieu
en -hec des indications analogues à celles que nous venons de résumer,
A. Long-non s'exprimait ainsi : « Le mot norois berg, au sens de >< mon-
tagne » ou de « roc » n'a guère été relevé que dans des noms de lieu dit, et
je citerai Wimbergue (Manche) ; encore, le plus souvent, herg est-il
assourdi eu ber, noté berl, comme dans Cannebert (Calvados), le Mont-
Cabert et Godebert (Seine-Inférieure). Il est possiljle que ce soit lui aussi
qu'on retrouve dans la finale du nom Camembert (Orne), village construit
sur une colline qui domine un at'tluent de la Vie; mais ce n'est là qu'une
hypothèse, une simple hypothèse, car la terminaison beri d'un nom de
lieu français représente le plus souvent la finale, originairement Aerc/jY dans
le langage des Francs, d'un nom propre d'homme germain ». Dans son
enseignement do l't^cole des Hautes Études, il a reproduit ces énoncialions
en 1901-1902, mais non plus en 190'J-190(); d'ailleurs les réserves qu'il avait
formulées au sujet du nom de Cmnembcrl étaient des plus fondées : en
efTet, dans son Rapport sur Vorlhographe des noms de comrtiunes du drpar-
lomont (Je VOrne, publié en 1903, Louis Duval signale(p. 78) qu'au xii'" siècle
cette localité est appelée Campus Maimberti.
2. Nous reproduisons ici, à toutes fins utiles, cet aiitic passage de la
282 LES .NOMS UE LIEU
(S.-I.); cf. Bjàlbo (S.) — Brébeuf 'M.) — Coulibœuf (G.);
cf. Kolebo (S.), Kolbu (N.) — Cricquebœuf (G.) et Grique-
beuf (E.. S. -T.); cf. KirkebofD.. N.)— Daubeuf (G., E., S.-I.) :
cf. Çalby (D.), qui a des homonymes en Angleterre (Lincolnj —
Elbeuf (S.-I.), anciennement WeUebeuf \ cl. Vejlby (D.l, Velebo
(S.), Welby (Lincoln) — Limbeuf (E.), Lindebeuf (S.-I.) ;
cf. Lindby (S.) — Marbeuf (E.. S.-I.) ; cf. Marebo S.i — Mar-
quebeuf (E.) ; cf. Markebo (S. , Markby S. et Lincoln) — Pibeuf
S.-L) - Quillebeuf (E.); cf. Kilbo (S.) — Ribeuf (S.-I.) ;
cf. Ribby (S.), qui a un homonyme dans le Lancashire — Vibeuf
(S.-l.i — Yquebeuf (S.-I.) ; cf. Egebo, Egeby (D.), Ekebo,
Ekeby (S.). — (.)n remarcjuera qu à l'exception de Brébeuf, de
Coulibœuf et de Cricquebœuf, tous ces noms appartiennent à la
Haute-Normandie.
1176. Le terme initial est, dans un certain nombre de cas, un
nom commun d ordre topographique. On peut rapprocher : de
Daubeuf le danois dkl, « vallée »; — de Lindebeuf, et sans
doute aussi de Limbeuf, le suédois lind, « tilleul » ; — de Mar-
beuf le mot mar, u étang » ou « marais », étudié ci-après
(n**"* 1202 à 1204) ; — de Quillebeuf, le danois kilde ou le sué-
dois klilla, « source » ; — à' Yquebeuf , le danois er/ ou le suédois
ek, (( chêne ».
1177. Il se peut que Cricquebœuf et Criquebeuf soient for-
més de façon analogue sur le mot norois qui signifie « église »,
leçon du '3 avril 1891 : » Avaiil d(î vous énumérer les noms de lieu nor-
mands dont le second terme est le mol norois i!>urf/i,... je crois intéressant
de vous signaler, hors de Normandie, deux noms de lieu modernes dont le
second terme représente très certainement ce mol : c'est d'abord la ville
de Paimbœuf, « l'emboucliure de la Loire, ;im déparlemenl de la Loire-
lid'érieure ; c'est ensuite le villa^j-e d'Estrébœuf, près de renii)ouciuire de
la Somme, à une lieue au sud de Sainl-Valery, au département delà Somme-
Le premier de ces noms, Pahnbii'iif, vsi certainement un vestif^e de l'oc-
cupalioii par les .Normands du pays nantais, dont ils restèrent maîtres de
dOX à \y.M environ ; et il est extrêmement pnjhahle (pie le nom iV Kiilrrliivii/
est dû à une occupation temporaire par les liommes du Nord du pays silué
à l'embouelnire f!«' la Somme ». A. Lon},Mioii rapprochait iVKsIi-i^Iia-nf les
noms de lieu Scandinaves 0sterby Danemark) et Osterbo iSuède) ; et en
cet endroit de sf)n manuscrit nue nnle marj^inale, peut-être ajoutée après
coup, mentionne Thubœuf Mayenne . Il a répélé ces indications en IS'.t.'l et
l'.M»|-l'.«t)2, mais non, paiail-il, en llK):')- l'.lOd.
ORIGIIVES SCANDINAVES : liUDH 283
kirke en danois et kyrka en suédois ; toutefois on est autorisé
tout aussi bien, pai l'existence du nom (Iricqueville (C. ) à recon-
naître dans la première partie de ces vocables un nom propre
d'homme, de même que dans les noms Bolbeuf et Brébeuf, qui
5ont à rapprocher, le premier de Bolbec et de Bolleville (cf. ci-des-
sus n" 1172), le second de Bréville (C, M.j.
BU
1178. Ce mot, qui se rapproche de budh à la fois par la forme
et par le sens, avait l'acception de « maison », de « domaine » :
il revêt aujourd'hui la forme bij , qui désigne en suédois un vil-
lage, en danois une ville. Il se présente dans les noms de lieu de
Normandie sous les deux formes -bu et -bie qui répondent bien
à l'évolution du mot Scandinave.
1179. La forme -hii a prévalu dans les noms Bourguébus (G.)
vers 1078 Borgeshu, Carquebut (M.i. Tournebu (G., E. . Ce
dernier nom et sa variante Tournebut (M.) signitient « maison
de l'épine », — ■ « épine » se disant en danois for/) — et a pour
synonymes Tornby (D.) et Thomby (Northampton).
1180. Par contre, c'est la forme -/)/c que présente Hambye [M.].
1181. L'équivalence des deux terminaisons -bu et -bie résulte
de ce que Carquebut est appelé dans un texte du xiii'' siècle
Kirkebi : cette forme, à peine différente des très nombreux
Kirkeby de Danemark et de Norvège, Kyrkby et Kyrkeby de
Suède, attestent que par Cunjuehut il faut entendre « la maison
de l'église ».
DAL
1182. Ce mot, commun aux dialectes Scandinaves et bas-alle-
mands, avec le sens de « vallée ». termine quelques noms de lieu
en Normandie : Becdalle (E.i. Bruquedalle S.-I. . Croixdalle
(S.-L), Dieppedalle (S.-I.), Oudalle ^S.-l.j.
1183. Par le premier de ces noms et par son équivalent danois
Baekdal il faut entendre « la vallée du ruisseau »,
1184. Le premier terme de Bruquedalle est peut-èlie appa-
renté à l'allemand /"rwc/ï, « marécage >'.
1185. Dieppedalle, comparable à Djupdal, Djupedal (S., N.i,
2(Si LES NOMS DK \AEV
Dybdal (D., N.), a le sens de « vallée profonde » : c'est donc un
synonyme de Parfondeval (Aisne, Oise, Orne. S.-I.).
GARD
1186. Gard avait, dans la langue noroise le sens d" « enclos »
qu'on retrouve dans notre mot jardin ; il a'pris depuis celui de
« domaine », voisin de celui de « maison », que présentait le
g-othique gards, et que conservent le danois gaard et le suédois
gàrd.
1187. Auppegard (S.-I.), appelé parfois au moyen âge Apple-
gard — cf. iEblegaard (D.), Apelgârden (S.), et en Ecosse
Applegarden (Dumfries) — a pour premier terme le nom du
ponimier, « pomme » se disant en danois a'ble et en suédois
aple. — Il a pour variante Epégard (E.), qui est appelé en 1181
Auppegard et en 1 199 Alpegard.
1188. Bigards (E.) — cf. Bygârden et Bygàrde fS.) — peut-
être un équivalent A'Achères (v. ci-dessus n" 604 i, car dans son
premier terme on reconnaît le nom de l'abeille, en suédois bi ^
I. Outre Auppegard, Epôf/ard ol Bigards, A. I.,ongn()n indiquait, flans sa
Ic^on du 0 avril 1891, au Collège de France, et dans sa conféi'enco du 7 jan-
vier 1893 à l'École des Hautes Études, les noms Fisigard et Vingurl, qu'il
attribue, le premierà la Scine-Inférieuro, le second au Calvados, mais dont
nous ne pouvons donner ridentificatiou prrcise, et sur la signiûcalion des-
(juels il no s'exprime qu'avec beaucoup de réserve. Vingarl, désignant un
lieu dit du Bessin, pourrait être rapproclu' du danois vingaard, « vignoble » :
!.. Dclislf, dans ses Eludes sur la condition de la classe agricole et l'élnl de
l'agrirullure en Xorniandie au moyen ih/e, s'est étiMidu assez longuement
(p. i-t8 à 470! sur la culture de la vigne, et le tiéparlemenl du Calvados
com|)rend un certain noiniire de localités dénommées la Vigne, les Vignes,
la Vignette, les Vignettes. — Quant h Fisigar(], après l'avoir comparé, en
1903, à Fisherganrd M)anemark et à I''ishguaril (Pembroke , I.ongnon le
passait sous silence en 1901-1902, et l'aurait placé dans l'iMireen 190."t- 190(1 ;
il attribuai! ii ce nom — sous réserves, nous le répétons le sens de
(> pèclu'rie ■> : nous croyons devf)ir signaler, ii r:i|i|)ui de eetir opinion,
(pi' une chai'te do la Trinile dti MonI , d^h'-e de lO.tO, Mienliontie n n u m l'i s i-
ga rd II m in 1 > i e p p a.
OKIGIMKiS SCA.NDLNAVLS : dRLiW 28o
GliUNN ^
1189. Le mot norois (/runn, « haut fond, écueil », est pro-
bablement l'orig-ine du mot « grune », qui désigne certains
rochers des côtes nord-ouest du Cotentin : le Banc des Grunes,
devant Carteret ; — la Grune, à Jobourg- ; — la Grunette, à
Flamanvilie; les Grunes, de Bretteville, etc.
1190. On pourrait être tenté de reconnaitre ce mot dans le
second élément dvi nom de Langrune (G.), village de la côte en
face duquel s'étend une ligne de rochers plats; mais la forme Lin-
g'ionia, qu'on rencontre en 1162, interdit à cet égard une affir-
mation absolue ; et il faut chercher une autre origine au nom
Lengronne, que porte une commune du canton de Gavray (M.),
située à 13 kilomètres des côtes.
IIOLM
1191. Le mot holni, qui termine tant de noms de lieu dans
les pays Scandinaves, et notamment celui de la capitale du
royaume de Suède, désignait une île, non pas seulement une île
maritime, comme le mot saxon ig (voir ci-dessus n" 750), mais
encore une île située dans l'intérieur des terres, et même, s'il
est permis de s'exprimer ainsi, une île de terre, c'est-à-dire, par
exemple, un mamelon isolé qui, en raison de la dépression des
terres environnantes, se trouve de temps à autre environné par
les eaux. On le rencontre, sous la forme -homme, dans les noms
Engehomme (E.) et Robéhomme (G.), qui s'appliquent, le pre-
mier à une île de la Seine située en face de Martot. le second —
Raimberthomme au xui'' siècle - à un village construit sur \\n
mamelon dominant un vaste marécage. — Dans une charte de
1030, le texte que voici : insulam super alveum Sequane
quam dicunt nomine Torhulmum, alio quidem vocabulo
Oscellum, désigne sans doute l'île d'Oissel (S.-L), mentionnée
au IX'' siècle comme une station très fréquentée des pirates.
1192. Il semble que le mot norois holm soit entré dans le
1. La leçon du D avril IHOl ne l'ail aucune allusion à ce mol; A. l.on^nion
Icludia dans la conférence du 7 janvier ISO.'i ; il fil de niènu- en l'JO.'i-lOOO,
alors (|n'il l'avait de nouveau passé sons silence en l'.Mtl-l'.l()2.
286 I^KS i\OMS DE LIEU
langage roman des populations de la Normandie, car la nomen-
clature topographique de cette province présente les formes vul-
gaires Houlme et Homme précédées de l'article. Le Houlme
iS.-I.) est voisin d'une île du ru de Gailly. Quant au nom le
Honime, il désigne plusieurs écarts dans les départements du
Calvados et de FEiu-e ; et Ion en rencontre des diminutifs : le
Hommel et le Hommet (M.).
1193. On se gardera d'appliquer la même élymologie aux
noms de lieu l'Homme et VHommeau, V Houme et VHoiimcau,
qui existent en assez grand nombre dans plusieurs autres pro-
vinces de rOuest : Anjou, Maine, Touraine, Poitou, Saintonge,
Angoumois, et dans lesquels il faut voir une variante dialectale
des mots orme et ormeau (cf. ci-dessus n° 645).
nus '
1194. Le mot norois Jiiis, « maison, demeure », (jvii
n'est qu'une variante de Tallemand moderne liaus, termine,
dans les pays du Nord, un certain nombre de noms de lieu, par
exemple celui de la ville à' Aarhiis (D.); c'est incontestablement
ce mot qui constitue le dernier terme du nom Etainhus (S.-I.),
jadis Estain/ius, qui a pour équivalents Stenhus (D. j et Stenhuse
(S.) ; ces noms ont le sens de « maison de pierre ». Peut-être
doit-on reconnaître la même désinence dans Cropus (S.-I.) et
Gavrus (C.) : le premier de ces noms serait apparenté par son
terme initial — un nom d'homme sans doute — à Kroppsiad,
Krojjpelorp, Kroppfjiill, Kro/jpkiirr (S.).
JiLIF
1195. Klif, au sens de << rocher » — cf. le danois klippe et le
.suédois klippa — est aussi entré dans la toponomastique nor-
mande. Un texte de; 122i, que le Dic/ioniniire topograpliiquc de
l'Eure rapporte à la Côte-Blanche, près d'iwreux, mentionne
une roc h a qui vocatur tvi/.c clive : on reconnaît dans le pre-
mier terme l'équivalent de notre adjectif k blanc », livid en
il;iii()is, hviU en suédois, h'IiI/j- en ;inglais, iceiss en allemand.
Verclives Iv) est à rapprochoi-, pour son premier terme, de
Vnrsli'ii S.).
I. i.r ijKil 11 :i |i,is eh' clinlir (l.iiis Ifs CDiilVu'cnct'S (le l".((>!'i-iyO(l.
ORIGIMiS SCANDINAVES : LUXDH 287
LUNDR
1196. Le mot liindr, u bois, bocage », a laissé de très nom-
breuses traces dans la toponomastique Scandinave : on l'y voit
employé tantôt seul, comme dans le nom de la ville universitaire
de Lund, tantôt en composition.
1197. On a pensé le reconnaître dans le nom de lieu la Londe,
assez fréquent en Normandie, où une forêt, située au sud de
Rouen, est appelée forêt de la Londe. Mais cette forêt tire son
nom d'une localité voisine et l'on doit, à l'hypothèse dont il
s'agit, objecter d'une part le genre féminin attribué au mot londe,
et d'autre part la persistance du (/, alors que dans les noms énu-
mérés ci-après, et dont l'origine noroise est incontestable, ce d
s'est assourdi. Londe apparaît comme une variante dialectale de
lande, dont les Anglo-normands ont fait launde.
1198. Lundr est évidemment le terme final des noms sui-
vants : Beslon (M.), Boslon (E.), Boulon (Ci, Bouquelon (E.),
le Catelon (E.), Grollon (M.), Écaquelon (E.j, Ellon (C),
Scellon (E.), Yébleron (S.-L), jadis Yhlelon (S.-I.), Yquelon
(M., S.-L).
1199. Un bois voisin de Boslon, hameau de Quittebeuf (E.),
était appelée en 1189 ne mus de Boolon.
1200. Yquelon — cf. Egelund (D.) et Eklund (S.) — a pour
terme initial le nom du chêne (voir ci-dessus, n" 1176).
1201. Bouquelon — cf. B0gelund (D.) et Bôkelund (S.) —
signifie « la hêtraie » .
MAR
1202. La terminaison -mare, k laquelle on peut attribuer le
sens d' « étang », de « marais », comparal^le à celui de notre
mot « mare », est très fréquente dans la toponomastique de la
Normandie : Alvimare (S.-L), Aumare (E.\ Bellemare (E., S.-L),
Bocquemare (]\.), Briquemare (S.-I.i, Brumare (E.), Colraare
(E.), Croixmare (S.-L), Drumare (Ci, Étennemare (S.-L),
Fine-Mare (E.), Fongueusemare (S.-L), Germare (E.), Hecto-
mare (E.), Homare (Iv), Honguemare Iv , Inglemare [V., M.),
Ingremare [K.], Intremare Iv , Landemare (C), Lignemare
(S.-L), Limare (E.), Longuemare E., S.-L), Melamare (S.-L),
:2SiS LhJS .NO.MS DE ni;i"
Normare (E.\ Rondemare E. '. Roumare (S.-I.), Sausseuzemare
(S.-I.), Vandrimare (E.), Ymare (S.-I.).
1203. Les noms Belleniare, Fongueusernare. Longucmare,
Rondemare , Sausseuzemare, dans lesquels on voit -mare précédé
d'un adjectif roman, attestent que le mot norois mar avoit péné-
tré, sous la forme dun substantif féminin, dans le lanijas^e roman
de la réo-ion.
1204. Le premier terme des noms Briquemare, Colmare,
Etennemare, Normare, Roumare et Ymare^ qu on retrouve dans
Bricqueville [C], Colleville (C, S.-L), E tenue ville {M.), JVorville
(S.-l.), Rouville (E., S.-L), Yville (S.-L), est sans doute un nom
dhomme.
THORP
1205. Le mot norois f/iorp, « village », variante de lallemand
dorf, s est romanisé, témoin l'article qu'on observe dans les noms
le Torp (M., S.-L), le Torpt (E.). le Tourp (M.); mais il est
tombé de bonne heure en désuétude, car on ne le rencontre,
employé comme nom commun, dans aucun texte en langue vul-
gaire de Normandie. — Torps (C.), sans article, doit être rap-
proché des nombreux Torp de Danemark et de Suède.
1206. On ne peut citer que de rares exemples de thorp
employé comme dernier terme dun nom de lieu.
Cametours (M.) est peut-être à rapprocher de Kampetorp (S.) ;
le terme initial serait kamp, « combat ».
Clitourps (M.) — cf. Klippestorp (S.) — est certainement formé
sur le mot klif, « rocher », étudié plus haut (n^ 1195).
Au territoire de ('Utourps. l'écart dénommé le Prieuré, repré-
sentant une ancienne dépendance de l'abbaye île Saint-Sauveur-
le-\ icomte, fut désigné pendant tout le moyen âge par un nom
dont la plus ancienne forme connue est Torgistorp ', à peine
dillérente du nom de Torgestorp (S.). Ici le premier élément est
le nom d'homme Thorglls, qui subsiste en Normandie, comme
nom de famille, sous la f(»rme Tunjis.
1207. Somme toute, le mot lltorj) est rare dans les noms de
I . Soir, (l.iiis le Kjirrinv'n joiiil jiiix iiislriiclioiis de l,éo|<<)lil Dolislc, sur
lu iJiitiunn.iire t/t'-oi/rnpini/iir de la Franc»'. l'ailirlc l'iuiiiii': (I.it,
'X. Oliaimcs, J.f ('.iiinitr îles Irnuii.r liixlufii/iirs ri si-li'nll/i'/iira, lli. i'.Ml .
OKKJLNES SCANDINAVES : TIIORP 289
lieu de la Normandie, mais cette rareté s'explique lorsqu'on cons-
tate que les noms donnés par les compagnons de RoUon aux
domaines que ce prince leur concéda sont ordinairement termi-
nés parle nom commun ville qui, dans la lang-ue de leur nouvelle
patrie, était le synonyme de ihorp : il y a en Normandie — sans
parler des écarts, également fort nombreux — plus de cinq cents
communes dont les noms, terminés en -ville^ paraissent remon-
ter, soit au x*' siècle, soit au commencement du xi". La parité de
l'emploi des deux termes ihorp et ville dans les noms de lieu
normands apparaît clairement, si de Torgistorp on rapproche le
nom Torgisville qui, au xni'' siècle, désignait le village actuel de
Tournée ville (M. i.
THVEIT
1208. Le mot norois thveit désignait une pièce de terre, mais,
semble-t-il, une pièce de terre provenant d'un défricliement,
comme l'indiquent les mots tveit, tved, tvet., qui, dans les dia-
lectes norvégiens et suédois, désignent un abatis d'arbres. Thveit^
qui avait, par conséquent, le sens du mot français essart —- sart
dans les pays wallons — si fréquent lui-même dans la toponymie
(voir ci-dessus n** 981), a été fort employé soit seul, soit comme
second élément de composés, pour former des noms de lieu dans
les pays Scandinaves.
1209. En Normandie, où il a revêtu la forme fhiiit ou tuif, il
se rencontre presque exclusivement dans la région de la basse
Seine, c'est-à-dire dans les départements de l'Eure et de la Seine-
Inférieure : le Thuit, Thuit-Agron, Thuit-Anger, Thuit-Hébert,
Thuit-Signol, Thuit-Simer (E.); assez loin de ces localités, à
Boulon (C), il y a un écart également dénommé le Thuit. La
présence de l'article atteste que, dans une partie au moins de la
Normandie, le mot est passé pour un temps dans le langage
usuel.
1210. On voit -fuit ou -/huit constituer le lerme (inal d'un
certain nombre de noms de lieu — Bliquetuit, Brennetuit iS.-I.j,
Écriquetuit (E.), Long-Thuit, le Milthuit, Vauthuit (S.-I.) — le
premier terme ét;uit le plus souvent, sendde-t-il, un nom
d'homme, parfois un adjectif roman.
Les noms i/c lien . 19
290 LES NOMS- DE LIEU
TOFT
1211. Le mot toft est un de ceux qui se présentent le plus
fréquemment dans la toponomastique de la Normandie. Bien que
ce mot ait, dans le danois moderne, le sens de « champ ». sa
signification noroise paraît avoir été celle de notre vieux mot
« masure », désignant un emplacement jadis occupé par une
maison, ou, plus exactement, « ce qui reste de bâtiments tom-
bés en ruine » : c'est du moins ce qu'on peut conclure de l'expli-
cation donnée par Biôrn Haldorsen, dans son Lexicon islandico-
latino-danicuni : « Toft, area do mus vacua, parietina, en
tomt » ; et tomt, en danois, signifie « emplacement à bâtir ».
1212. Toft, qui en Normandie se réduit à tôt, fut employé
par les compagnons de RoUon pour désigner, soit seul, soit com-
biné avec un autre élément, certaines des habitations qu'ils se
construisirent là où l'on voyait encore sur le sol des traces des
villages et des hameaux qu'avaient ruinés les incursions des
pirates. On comprend dès lors qu'il soit relativement plus fréquent
dans la toponymie noroise de la Normandie que dans celle des
pays Scandinaves.
1213. Les noms de lieu de Normandie dans lesquels entre le
mot toft, aujourd'hvii tôt, offrent donc un sens analogue aux
noms de lieu français dont le vocable représente le latin maceria,
« muraille » : Mézières, Maizières, Mazères, leurs dérivés Mézeray ,
Maizeray, Mazcret — qui, le plus souvent, s'appliquent à des loca-
lités édifiées au moyen âge auprès de ruines antiques — et à leurs
équivalents bretons moguer (cf. ci-après n" 1342) et mogiicriou.
1214. De même que les formes vulgaires de plusieurs des
mots norois précédemment passés en revue (n''" 1167, 1193,
1206, 1210), tôt est momentanément entré dans le langage cou-
rant de la Normandie, témoin l'article qu'on observe diuis le Tôt
(M., S.-L). On le trouve en composition dans une soixantaine
de noms de Hou désignant plus de rpiatre-vingts localités, et dont
(juehpios-uns seulemonl seront indi([ués ici.
1215. Par MartOt (E.), Marclot vers 11(10 v\ on 1107 —
cf. Maretoft (^D.) — il faut enlcndn> « la masiuc de l'étang »
ou (' du marais ».
1216. Lilletot (I*>.) fouinit un (.'xrmplc de coiubinaisoii du non»
I
OlUGlNliS SCANDIINAVES ! TOI-T 291
commun toft avec un adjectif : il existe en Danemark sous la
forme Lilletoft, et signifie « petite masure ». Dans Fultot (S.-I.)
— cf. Fulletofta (S.) — le premier terme peut bien être l'adjec-
tif/"fi/, « laid, vilain », mentionné plus haut (n° 1171).
1217. On voit toft combiné avec un nom d'arbre dans :
Appetot (E.), en 1258 Apletot, « la masure du pommier » (cf.
n° 1187) ; — Bouquetot (E.), « la masure du hêtre » (cf. n» 1201);
— Ecquetot (E.) — cf. Egetoft (D.), Ektomta (S.) — « la
masure du chêne » (cf. n°« 1177 et 1200) ; — Lintot (S.-I.), « la
masure du tilleul » (cf. n° 1176) ; — Tournetot (E.), « la masure
de l'épine » (cf. n° 1179).
1218. Enfin il est fréquent que le terme initial soit un nom
propre d'homme : nom d'origine Scandinave dans Colletot (E.),
Routot (E.), Sassetot (S.-I.), formés sur Kolli, Hrolf et Saxi;
nom d'origine germanique dans Hébertot (G.), Raimbertot
(S.-I.), Robertot (S.-I.), où l'on reconnaît Ileriberctus,
Raginberctus, Rotberctus.
VIK '
1219. Ce mot, qui subsiste en suédois et auquel le danois
donne la forme vig, désignait une anse, une baie, sinus brevior
et laxior, dit Biôrn Haldorsen : il est, on le sait, la racine du
nom commun vikiriff, désignant ces hardis navigateurs qui, non
contents de courir les mers pour chercher fortune aux dépens
des nations chrétiennes, allaient s'établir dans des terres loin-
taines, comme l'Islande et même certaines parties du continent
américain.
1220. Vik se retrouve, par exemple, dans le nom Sanvic (S.-I.),
porté par une commune située au fond d'une cri(|ue voisine au
Havre, et qui a pour équivalents Sandvik, très fréquent en Suède
et en Norvège, Sandvig en Danemark, Sandwich en Angleterre :
le premier terme de ces noms est sand, « sable ».
1221. On reconnaît également le mot vik dans le nom de plu-
sieurs petites anses du Cotentin, et notamment dans celui de
Cap-Levy (M.), au xn" .siècle Kapelvic.
1222. On ne saurait considérer comme épuisée, dans les pages
1. A. Long-non no s'est pas occupé de ce mol dans ses conférences de
1901-1902 et de 190;j-190(l.
292 LES .NOMS DE LIEU
qui précèdent, la liste des mots Scandinaves que présente la
nomenclature g-éoo^raphique de la Normandie : il en est certai-
nement qui, pour l'instant, sont ignorés, et qu'on signalera
quelque jour ; il en est d'autres qui ont été omis à dessein, soit
qu ils n'existent que dans des noms simples, soit que, communs
aux anciennes lang-ues germaniques et à la langue Scandinave,
ils n'attestent pas avec assez de certitude l'origine normande des
noms de lieu qu'ils terminent. Par exemple, les noms de Cher-
bourg, de Johourg et de Montehourg (M.), celui de Caboiirg
(C), sont-ils bien certainement Scandinaves, ou existaient-ils
avant la domination normande? Leur finale ne permet pas de se
prononcer, car elle peut provenir aussi bien du hurg de la plu-
part des langues germaniques, au sens de « forteresse », que du
norois borg — « rempart de pierre » et, par extension, « forte-
resse » — terme final de noms de lieu, tant anciens que
modernes, dans les royaumes du Nord. Il convient toutefois de
noter l'analogie de Cahourg — en 1077 Cadburgus et Cathbur-
gus — avec Catborg (D.) : le premier terme pourrait être l'ad-
jectif norois katr, « riant, gai ».
Deu.x autres mots, du nombre de ceux volontairement omis
pour la raison qui vient d'être indiquée, ont pourtant droit,
semble-t-il, d'être mentionnés ici *, en raison de la place qu'ils
ont prise dans le langage courant de la Normandie.
1223. Haiig, « élévation, hauteur », se retrouve dans les
noms la Hogue (C, M.), la Hougue (M.), les Hogues (C, E.,
M., S.-I.), les Hougues (M.). — La Hoguette (C), les
Hoguettes (G., E.j, sont des formes diminutives qui n'ont pu
appartenir qu'au langage roman parlé par les descendants des
compagnons de Rollon.
1224. ffafn, « port », subsiste encore dans le mot havre, qui
fut attribué comme nom propre, au xv!*" siècle, à une ville mari-
time fondée par François P"", le Havre de Grâce. Un certain
nombre de lieux, de lieux dits presque exclusivement, portent le
nom de Havre, mais le vocable qu'on rencontre le i)lus souvent
est Ilahlc, ainsi que son diminutif Ilahlel : le Hable de Dieppe,
de Veuletles (S.-L), de Cricqueville (G.), le Hablet d'Kculle-
ville (M.).
1. Il n'en ;i |i;i s ('•!('• i|iii'Mliuii i\.\w^ les cinift'i (Micc^ de I '.M).'i- I 0(M).
LVI
NOMS EN -VILLE
1225. Les noms de lieu en -ville sont fort nombreux en Nor-
mandie, où ils paraissent remonter, à quelques exceptions près,
au x*" siècle. Le mot villa avait, on le sait, le sens de « village »
(voir ci-dessus n° 950), et ces noms s'appliquent aussi bien à
des écarts qu'à des chefs-lieux de communes. La proportion dans
laquelle les présente la nomenclature topographique des dépar-
tements qu'a formés la Normandie procure d'utiles indications
sur l'étendue de la colonisation Scandinave. Si l'on ne tient
compte que des noms de commune, on voit que cette proportion
atteint presque le tiers, avec 233 vocables, dans le département
de la Seine-Inférieure, qui comprend 759 communes ' ; elle
dépasse le sixième — • 121 sur 700 — dans l'Eure ; elle est de
près d'un septième — 111 sur 767 — dans le Calvados, et de
près d'un quart — io7 sur 664 — dans la Manche; quant au
département de l'Orne, correspondant k une contrée qui ne parait
guère avoir reçu de colons Scandinaves, on n'y compte que 10
noms de commune terminés en -ville sur 511. c'est-à-dire moins
d'un cinquantième ; encore deux de ces noms, Francheville et
Neuville, ne peuvent-ils rentrer dans la série actuellement étu-
diée, ce qui réduit encore, dans ce département, le nombre et la
proportion des vocables communaux auxquels on pourrait être
tenté d'attribuer une origine normande.
L'exemple du département de l'Orne prouve bien que la fré-
quence et la terminaison -ville dans la toponomastique des quatre
autres départements normands résulte de l'établissement des
(( hommes du Nord ». Bien qu'on rencontre des noms en -ville
1. Ces chiffres et ceux (jui suivent sont ceux qu'énonçait .\. Lonfïnon
dans sa leçon du 23 avril 1801, au Collège de France. Les créations et sup-
|M-essions de communes qui se sont produites depuis lors les ont plus ou
moins modifiés ; mais la slatisti(|iu- él)auchée ici demeure exacle dans son
enseml)le.
294 LES NOMS DE LIEU
dans les différentes régions de la France, ils n'existent pas dans
la même proportion. Ainsi, le département de la Somme, qui
confine à celui de la Seine-Inférieure, ne comprend que 34 noms
de commune en -ville sur 832, c'est-à-dire à peine plus d'un
vingt-cinquième : contraste bien apparent avec le département
voisin, où la proportion des noms en -ville est, on Fa vu, de
près d'un tiers.
1226. On peut affirmer d'une façon générale, que ces noms de
lieu, en Normandie, sont dus aux compagnons de Rollon, ou à
leurs descendants immédiats, et les attribuer, d'une façon plus
générale encore^ peut-être, au x^ siècle ou à une date fort voi-
sine. II va sans dire que la finale -ville étant romane, quelques-
uns de ces noms peuvent avoir été donnés aux localités qui les
portent en dehors des Normands, mais c'est l'exception.
1227. Une exception plus rare encore, sans doute, consiste
dans l'emploi, comme membre initial, d'un adjectif au lieu d'un
nom propre d'homme ; aussi n'est-il pas inutile d'insister ici sur
les exemples qu'en offre la toponymie normande. Les adjectifs
ainsi employés sont de deux sortes : adjectifs qualificatifs pro-
prement dits et adjectifs ethniques.
1228. A ne considérer que la nomenclature communale, on
reconnaît les premiers dans Belleville (S.-I.), la Bonneville (G.),
Longueville (C, M., S.-I.), Neuville (G., E., S.-I.). — Camp-
ncuseville représente le bas-latin Gampanosa villa, désignant
un village situé dans un pays plat. — Grenieuseville (E.) semble
indiquer que les habitants étaient désagréables, grigneux,
comme on disait au moyen âge ; on dirait aujourd'hui « grin-
cheux ». — Preuscvillc (S.-I.) répond au latin Petrosa villa.
1229. (Juant aux adjectifs ethniques, on en compte quatre. Le
vieux mot saisne, du latin Saxonem, accentué sur l'a, ligure
dans les noms Sainncville (S.-I.), Senncville (E., S.-I.) ; ce der-
nier nom existe aussi, en dehors de la Normandie, dans Seine-et-
Oise et dans Eure-et-Loir. — L'adjectif féminin cih/lcst/ue se
présente dans Englcsqueville (G., M., S.-I.) et dans AiH/icsfjiic-
ville (S.-I.) : ces noms s'appliquent à des villages qui ont été
fondés peut-être, au commencement du xi" siècle, par les parti-
sans exilés des rois anglais, dépouillés, en 1014, du trône d'An-
gleterre par la con(juête danoise, et qui, apparentés aux ducs
normands, vinrent chercher asile auprès de ces princes. — Lad-
(JRIGINES SCANDINAVES '. -VILLH 295
jectif féminin bref te ^ au sens de « bretonne », qu'il a conservé
dans le langage dé certaines provinces de France, existe dans le
nom Bretteville (G., M., S.-I.l, porté par une quinzaine de loca-
lités : cette fréquence s'explique en partie par le fait que, durant
plus de soixante ans, de 867 à 933, les Bretons dominèrent sur
TAvranchin et le Cotentin, et poussèrent leurs incursions sur les
contrées voisines. — Enfin l'adjectif cossesse, « cauchoise » —
le pays de Gaux forme l'extrémité nord-est de la Normandie —
a contribué à former le nom Cossesseville (G.), comme son mascu-
lin le nom du Mesnil-Caussois (G.).
1230. Encore une fois les noms de lieu en -ville dans lesquels
le terme initial est un adjectif ne sont qu'une exception, et dans
l'immense majorité des cas, ce terme initial est un nom
d'homme.
Parmi les noms d'homme que présentent, employés de la
sorte, les noms de lieu en -ville de Normandie, il en est un
grand nombre dans lesquels on reconnaît tout d'abord de ces
noms français, fort à la mode à l'époque féodale, qui étaient
d'origine francique * ; cependant, dans la plupart des cas où ils se
présentent, ces noms désignaient, soit des compagnons de Kol-
lon, soit tels ou tels de leurs iils ou petit-fils. On sait, en effet,
que les Normands établis en terre française pouvaient porter des
noms français, puisque Rollon lui-même reçut au baptême, en
912, le nom de Robert, que portait son parrain, le duc de
France ; et ce nom passa depuis à plusieurs de ses descendants.
On sait aussi que les enfants issus de l'union des corsaires Scan-
dinaves établis en France avec des femmes de ce pays, portaient
plus d'une fois des noms français, tel, par exemple, le fils de
Rollon, le duc Guillaume Longue-Epée, né, antérieurement à la
conversion de son père, de la fille d'un comte franc de Bayeux.
On doit encore tenir compte des rapports existant entre l'ono-
mastique franque et l'onomastique Scandinave, moyennant les-
quels le nom d'un immigrant Scandinave pouvait être assez sou-
vent traduit par un équivalent français. Ainsi nos chroniqueurs
du x*^ siècle appellent en latin Ragenoldus le chef des Nor-
mands établis à l'embouchure de la Loire, alors que le nom
1. C'est ainsi qu'à propos de plusieurs de ces noms, on a vu mentionnées
ci-dessus (n"- 1022, 1023, 1027, 1062, 1065. 1084, 1089. 1092. 1095, 1109,
1111. 1131' un certain nombre de localités de Noi'mandie.
296 I>ES NOMS DE LIEU
norois de ce personnage était sans doute Rdgnvalld. Le nom de
Rollon lui-même — RoUo chez ces chroni'queurs, Hrolf en
norois — qui était peut-être une variante Scandinave de Rodul-
fus, est devenu en langue romane Rou^ qui fut aussi l'une des
formes vulg-aires du nom Raoul.
Il serait trop long dénumérer ici tous les noms d'homme
d'origine Scandinave qu'on trouve, dans la toponomastique nor-
mande, combinés avec le mot ville. Ces noms sont de deux sortes :
il y en a de simples, il y en a de composés.
1231. Les noms simples qui vont être passés en revue sont
empruntés presque tous à deux textes particulièrement intéres-
sants dans cet ordre d'idées : VIslands Landnamabok — récit de
rétablissement des Norvégiens en Islande- — ■ édité k Copenhague
en 1774 par Hannes Finnsson, et un nécrologe de l'église de
Lund — Liber daticus Lundensis — qui occupe les pages 474 à
o79 dans le troisième volume des Scriptores reruin danicariim
de J. Langebek. Tels de ces noms — - Aki^ Bard, Bero, Blok,
Boite, Ketell, par exemple — étaient encore usités en Suède au
XIV® siècle.
Assez fréquemment, ces noms simples avaient, à vrai dire, le
caractère de surnoms : hjdrn est le nom suédois de l'ours ; blakk
pouvait avoir le sens de « noir » qui est celui de l'ang-lais black ;
(/aasl désignait l'oie ; l'adjectif danois knap ou suédois knapp
exprime l'idée de petitesse, d'exiguïté qu'on retrouve dans le
substantif allemand knabe, « garçon )> ; stolt est l'équivalent
danois et suédois de l'allemand sfolz, « fier » ; Saxi sig-nifiait
évidemment « le Saxon » ; et sniall peut bien correspondre à
l'allemand schncll, « rapide, vif, leste ».
1232. Ahl, latinisé Aco : Acqueville (C, M.).
1233. Jiardr : Barville iK., M., ().).
1234. l>ero, forme latinisée qu'on trouve dans le Liber da/i-
cua : Berville (C, E., S.-L).
1235. lijiirn, qui fut le nom de plusieurs rois de Suède, et qui
revêt la forme Bier dans le Roman de Rou, est devenu, au
.Ml'" siècle lie/Il dans les noms de lieu de Normandie dont il
conslilue le premier terme : Besneville (M.), ijadis licrncvillc,
Bennetot (S.-L), originellement lijnrniofi, et Bemeval l^S.-I.).
1236. lihil.h : Blacqueville ^S.-L).
OHKilNES SCANDINAVES : -VILLE 297
1237. Blol;, dont Tusag-e en Normandie, au début du xi'^ siècle,
est attesté par le cartulaire de la Trinité du Mont : Blosville
(C, M.).
1238. Blund :Blonville(G.).
1239. Bolli, Bolle : Bolleville (M., S.-I.), Boulleville (E.), en
1040 BolliviUa ; cf. Bolbec (S.-I.).
1240. Bondo, forme latinisée : Bondeville (M.).
1241. Eysteinn : Étienville (M.).
1242. GaasL qui paraît dans les sagas islandaises, et qu'on
retrouve sous les formes Gaas et Gase^ était l'équivalent de l'alle-
mand gans '. sous l'influence francique il est devenu Ganse :
Ganzeville S.-I.).
1243. Geiri, Gerri : Gerville (M., S.-I.), Guerville (S.-I.).
1244. Haki : Hacqueville (E., M.;.
1245. Kalp : Cauville (G., S.-I.).
1246. Kare : Carville (C, S.-I.); cf. Carbec (E.).
1247. Karl : Calleville (E.), au xiii'' siècle Carleville .
1248. Ketell : Quetteville (C, AI.), Quettreville (M.); cf.
Quettehou, Quettetot (M.).
1249. Knappr : Ganappeville (E.), Canapville (C, 0.).
1250. Kollr : Golleville (C, S.-I.) ; cf. Golmare (S.-I.).
1251. Krakr : Grasville (E., M., S.-I.); cf. Crabec (M.).
1252. Krokr, Groco dans le cartulaire de la Trinité du Mont :
Crosville (E., M., S.-I.) : celui de l'Eure est appelé G roc vil la
vers 1027.
1253. Saxi, Saxa : Sasseville (S.-I.); cf. Sassetot (S.-I.).
1254. Sniall, en français Isnel ;• Isneauville (S.-I.). — Le
Buisson-Hocpin, dépendance dEvreux, est désigné dans une
charte de 1195, par l'appellation Isnelmaisnille.
1255. Stolt, en français Estant : Estouteville, Étoutteville
(S.-I.). Le nom d'homme Estout était encore usité au xiv'' siècle,
dans la famille d'Estouteville.
1256. Sfiire, nom d'une famille qui fournit à la Suède trois
administrateurs entre 1471 et io20 : Etréville (E.\ vers M 48
Estervilla, et peut-être aussi Éterville (G.).
1257. Toki, latinisé Toko et Tocco, et dont le nom di'
baptême suédois et danois Tycho n'est, paraît-il, qu'une
variante : Tocqueville lE., M., S.-I.); cf. Tocquemont (G.).
1258. Torf : Tourville ^E., S.-I.). — Guillaume do .lumières.
298 LES NOMS DE LIEU
qui écrivait au début du xu* siècle, mentionne Turulfus de
Ponte Audemari qui fuerat filius cujusdam nomine
Torf, a quo etiamusquenuncquaedamvillaecog'nomi-
natae sunt Torfvillae '.
Parmi les noms propres de personne, composés de deux élé-
ments, qui ont contribué à former, en Normandie, des noms de
lieu en -ville, on se contentera d'examiner ici deux séries de
noms « théophores », c'est-à-dire ayant pour élément initial un
nom de .divinité, celui des Ases ou celui de Thor.
4259. Les Ases, au nombre de trente-deux, dont quatorze dieux
et dix-huit déesses, constituaient le panthéon Scandinave, et,
peut-on dire, le panthéon des autres nations germaniques anté-
rieurement à leur conversion au christianisme ; mais chez les
Francs, les Lombards et les Goths, le nom divin As se disait Ans
— latinisé au pluriel sous la forme Anses dans Jordanès — et
chez les Saxons on l'écrivait Os : de là, chez les Francs, les noms
Ansoald, Ansbert, Anshelm, Ansgar; — chez les Saxons Osît"a/(7,
Osbert, Osborn, Oger, Osicin ; — chez les Scandinaves Asbiôrn,
Asbrand, Asdis, Ascjaut, Asgeir, Asffrim, Askilld, Askell, Aske-
tell, Aslak, Asleik, Asmund, Astolf, Asvalld, Asvôr. Lorsque ces
derniers noms pénétrèrent en Gaule, leur élément initial devint
Ans — sous l'influence francique, de sorte que les noms Asf/aut,
Asf/eir et Asketell, qu'on peut considérer comme étant au nombre
des plus répandus, se sont perpétués en Normandie, d'abord
comme nom de baptême, ensuite comme noms de famille, sous
les formes vulgaires Angot, Angier ou Angcr et Anqiictil;
d autre part, sous l'influence saxonne qui pouvait bien s'exercer
encore sur certains points, As- fit place à Os- : Asbiôrn devint
Osborn ou Osborne — Asolf, Ôsulfus, d'où Ausouf — Asmund,
Osmundus, d'où Osnwnd et Oniont.
1260. Asbiôrn a produit, sous l'influence francique, Amber-
ville (E.), et sous l'influence saxonne Auberville (C, S.-L);
l'Aul)erville du Calvados est ajipch' on IINH Osbernivilla
su j)ra ma rc.
1261. Asgcir, confondu avec le nom franci{jue latinisé Ansga-
rius : Angerville 'C. V... S.-I/), Angreville (F.), au xii'' siècle
A n s g e r N i lia.
I. l>ii ('.licsiic. /lislori.-ic Xnrm.-nninrimi s<'/'//)/o/v.<< ;iiilii/iii. \). ill'J.
ORIGINES SCANDINAVES ! -VILLE 299
1262. Asgaiit : Angoville (G., E., M.). — Cf. Le Mesnil-
Angot {M.).
1263. Askeéell : Ancretiéville, Ancretteville, Anquetierville.
Ancourteville (S.-I.), Ancteville (M.), Anctoville (C, M.i.
1264. Asleik, latinisé sous l'influence francique Anslaicus :
Anneville (M., S.-L), au xiii« siècle Anslevilla. — Cf. Anne-
becq (voir ci-dessus n" 1170).
1265. Asmund, devenu Osniiind sous l'influence saxonne :
Osmonville (S.-L), Omonville (E., M., S.-L).
1266. Asolf\ soumis à la même influence et latinisé 0 suif us :
Auzouville (S.-L). — Cf. Ghamposoult (0.), le Mesnil-Ausouf
(C).
1267. D'autres noms d'homme, rappelant le souvenir des
anses g-ermaniques ou des ases Scandinaves ont également, en
Normandie, contribué à former des noms de lieu en -ville :
Anselmus, Ansfredus, Anseredus, reconnaissables dans
Anceaumeville (S.-L), dans Amfreville (C, E., M., S.-L) et
Amferville (C), ainsi que dans Anseréville, ancien nom, à ce
qu'on prétend, de Saint-Mards-de-Blacarville (E.); mais ces
vocables paraissent avoir été empruntés par les Normands au
x^ siècle à l'onomastique franque, et n'avoir point d'équivalents
dans l'onomastique Scandinave.
1268. Le dieu Thor, lun des Ases, présidait à l'air, aux sai-
sons, aux orages, et pour ce motif, on l'a parfois assimilé à Jupi-
ter, témoin l'appellation Scandinave du jeudi, torsclag. Son nom,
qui n'est peut-être point entré dans la composition de noms de
personne chez les nations germaniques proprement dites, forme
au contraire le premier terme de nombreux noms d'homme Scan-
dinaves.
1269. Thoralld, latinisé Turoldus sous l'inthience francique
locale (cf. ci-dessus n° 1054) : Thérouldeville (S.-L) ; cf. Bourg-
théroulde (E.).
1270. Thorhioni : Thouberville (E.); — cf. Thibermesnil
(S.-L), jadis Toubermesnil.
1271. Thorfred : Touffrainville (S.-L), jadis Toufrcville (voir
ci-dessus n«987i, Touffreville (C, E.. S.-L , Toufresville (M.) ;
— le Mesnil Toufray [C).
1272. Thorgils, d'ovi le nom de famille Tur<fis : Tourgéville
(C).
300
LES NOMS DI-: LIEU
1273. Thorkcll : Turqueville (M.), jadis Tordeville.
1274. Thorketell, d'où le nom de famille Turquety : Teurthé-
ville uM.i.
1275. Thorlak : Tourlaville (M.).
1276. Thormod : Trémauville (S.-I.), jadis Tormoville
1277. Thorolf : Trouville (G., M., E., S.-I.).
1278. Thorsteinn, d'où les noms de famille Tousfain — pris
à tort pour une altération de Toussaint — et Toutain : Toutain-
Ville (E.).
LVII
ORIGINES BRETONNES : GÉNÉRALITÉS
1279. Les noms de lieu formés à Taide d'éléments bretons
dominent par le nombre dans la péninsule armoricaine, exception
faite cependant des anciens diocèses de Rennes et de Nantes ;
mais il faut bien se garder de croire, selon une opinion populaire
qui n'est pas encore entièrement déracinée, que la langue bre-
tonne soit dans cette contrée un vestige de l'ancienne langue
gauloise qui y aurait été conservée, parce que la civilisation et
la langue des Romains n'auraient pu s'implanter jusqu'en ce coin
reculé de la Gaule. La péninsule armoricaine a subi, comme les
autres parties de notre pays, l'influence de la civilisation
romaine ; ses habitants ont parlé — plus ou moins bien — le
latin ; ils ont pris des noms romains, et vécu de la vie romaine ;
ce dernier point est suffisamment établi par les voies qui sil-
lonnent le pays, par les vestiges des édifices et des demeures
antiques qu'on trouve sur tant de points, même dans les parties
les plus extrêmes de la péninsule, et par les ustensiles et menus
objets qu'on y recueille.
Mais l'Armorique ne jouit pas, durant tout le temps de la
domination romaine, de la quiétude et de la sécurité qui, pendant
les premiers siècles, y favorisèrent l'expansion de la civilisation.
Comme toutes les contrées du littoral septentrional de l'Empire,
elle fut en butte, du m" au v*= siècle, aux incursions des pirates
saxons, contre lesquelles la défendaient à grand' peine quelques
postes fortifiés dont on trouve l'énumération dans la Notifia
dirjnitatum. Plusieurs de ses villes périrent, et le sol armoricain
se dépeupla rapidement. C'est à la fin de ces rudes épreuves, et
vers le milieu du v^ siècle, qu'apparaît alors sur le sol l'élément
breton : il venait de l'île de Bretagne, habitée par une nation de
race celtique — les Britanni — soumise dès le i'"'' siècle à la
domination romaine, et que le peuple-roi ne s'était pas encore
complètement assimilée.
L'immigration des Bretons en Armoriquc fut la conséquence
302 LES NOMS DE LIEU
de renvahissenient et de la conquête de l'île de Bretag-ne par
les Saxons et par les Angles, venus des contrées qui avoisinent
la péninsule cimbrique, c'est-à-dire par ces mêmes populations
de pirates qui avaient été. durant deux siècles, la terreur du litto-
ral de la Gaule. La chose paraît établie par les découvertes de
l'érudition moderne, et en particulier par les travaux d'Arthur
de La Borderie : le souvenir en était encore vivace au temps de
Charlemagne, puisque les Annales d'Eginhard, parlant, sous la
date de 786, de la réduction de la Bretagne cismarine, rappellent
que, lors de l'invasion de l'île de Bretagne par les Angles et les
Saxons, une grande partie de ses habitants, passant la mer, vint
s'établir dans le pays des Venetes et dans celui des Curioso-
litae, c'est-à-dire dans les territoires dont les villes romaines de
Vannes et de Gorseul étaient les chefs-lieux.
L'école de La Borderie ne reconnaît l'existence d aucune bande
d'immigrants bretons en Gaule avant 1 an 460 environ. Le pre-
mier établissement durable de quelque importance aurait été le
petit royaume de Cornouaille, ayant pour capitale Quimper,
et fondé, vers 480, par un chef connu, dans les traditions de
la Bretagne, sous le vocable de Grallon Meur, c est-à-dire Gral-
lon le Grand. La fondation du petit Etat de Léon, l'établissement
d'une colonie bretonne dans la partie septentrionale du diocèse
de Vannes, et la création du royaume de Domnonée, qui corres-
pondait au département des Côtes-du-Nord et à la partie occi-
dentale de celui d'ille-et- Vilaine, n'appartiendraient qu'au com-
mencement du vi^ siècle. Les noms de deux des Etats bretons de
la péninsule rappellent ceux des tribus insulaires qui les for-
mèrent. Celui de la Cornouaille, Gornubia en latin du moyen
âge, Kernaw en breton, est dû aux Cornu vii, qui habitaient
outre mer le comté de Chester et quelques-unes des contrées
voisines de l'extrémité sud-ouest du pays de Galles, et qui.
chassés de ces régions par les Angles, portèrent aussi leur nom
à la pointe sud-ouest de 1 île de Bretagne. Quant à la Domnonée,
c'était une colonie des Dumnonei dont le nom subsiste, trans-
formé rlans celui du comté de Devon.
Durant plus rk' trois siècles les jiietons ne s'étendirent gucrc
en dehors du pays (jui, jusqu à la veille de la Hévolution fran-
çaise, conq)ril les diocèses de Léon, de Tréguier, de Saint-Brieuc,
de Dol, de Sainl-Malo, de Quimper et de Vannes. Ils n'en soi-
OKIGINES URETOKNES ! GÉNÉRALITÉS 303
tirent réellement que vers Tan 84S, alors que Noménoé, devenu
le roi national de tous les Bretons de la péninsule, enleva aux
Francs les territoires de Nantes et de Rennes, qui furent, en
851, cédés ofïiciellement à son tîls et successeur Erispoé, par
Charles le Chauve.
1280. Par suite des progrès incessants que fit, depuis le
x'^ siècle, Télément roman dans le pays armoricain colonisé aux
ye qi yje siècles par les Bretons, la langue bretonne n'est en
usage, depuis longtemps, que dans les départements du Finis-
tère et du Morbihan et dans le tiers occidental de celui des
Côtes-du-Nord, autrement dit dans les anciens diocèses de Léon,
de Tréguier, de Gornouaille et de Vannes, dont les noms servent
à désigner ses quatre dialectes. On ne la parle plus dans les
anciens diocèses de Saint- Brieuc, de Saint-Malo et de Dol ; et
pourtant cette région, qui correspond à la plus grande partie de
ce que fut le royaume de Domnonée, présente un grand nombre
de noms de lieu d'origine bretonne. De plus, l'étude attentive
de la toponymie révèle des traces d'influence bretonne à gauche
de la Vilaine, depuis la pointe où elle reçoit le Samnon jusqu'à
la mer, et sur une largeur d'environ vingt kilomètres, alors que
la Vilaine passe pour avoir été, vers le sud et le sud-est, la
limite du pays breton antérieurement au ix^ siècle. Ces traces
d'influence bretonne, on ne doit pas les chercher seulement dans
des vocables formés à l'aide de racines bretonnes. Entre le pays
breton de l'époque mérovingienne et le pays roman, on peut
tracer une ligne de démarcation en considérant comment se sont
comportés les noms de lieu, d'origine gallo-romaine, dont la
forme primitive présentait la finale -iacus : dans le pays roman
qui avoisine la Bretagne, c'est-à-dire vers Hennés et vers
Nantes, aussi bien que dans le Maine, l'Anjou, la Touraine, le
Poitou, -iacus s'est réduit à -c (cf. ci-dessus n°^ 279 et 209,
228, 237) ; dans la région où la race bretonne dominait au début
du moyen âge, il est devenu -ac (cf. ci-dessus n*> 284). De sorte
que les noms de Nivillac et de Trédillac (Morbihan), ainsi que
ceux àWsscrac, à' Avessac, de Crossac, de Dre/féac, de Fc(jrcac,
d'Herhif/nac, de Marsac, de Massérac, de Missillac, de Piriac et
de Sévcrac (Loire-Inférieure), appartenant tous à des paroisses
de l'ancien diocèse de Nantes, et celui de Messac (Ille-et-Vilaine)
porté par une paroisse de l'ancien diocèse de Rennes, ([ui semble
304 LES NOMS DE LIEL'
avoir d'abord appartenu au pays nantais, sont des indices non
équivoques des progrès de la colonisation bretonne sur la rive
gauche de la Vilaine.
1281. Les noms de lieu d'origine bretonne, qui sont spéciale-
ment envisagés ici, bien que tirant leurs éléments du langage
parlé par une population étroitement apparentée aux Gaulois,
sont fort différents des noms de lieu d'origine gauloise qui
forment l'une des parties les plus anciennes de la toponomas-
tique de notre pays. D'une manière générale, on n'y reconnaît
aucun de ces mots celtiques qui ont été étudiés plus haut : dunos,
duros, hriga, magos, hriva, rifos, duhron, nantos, onna. vera,
nemetis. En revanche, ils renferment un certain nombre de mots
d origine latine dont les Bretons avaient enrichi leur langue.
D'ailleurs, le mode de formation de ces noms de lieu est tout
autre : tandis que dans les vieux noms de lieu gaulois le mot
principal est employé comme élément final, ce mot occupe la
première place dans les noms donnés depuis le v** siècle aux
localités de l'Armorique. Aussi, pour grouper ces derniers en
vue de l'étude qu on se propose ici, doit-on considérer tout
d'abord leur terme initial. Celui-ci est un nom commun dési-
gnant soit une circonscription territoriale, soit un lieu habité,
soit un site.
LVllI
NOMS COMMUNS DE CIRCONSCRIPTIONS
Ces noms seront étudiés selon l'ordre d'importance des cir-
conscriptions qu ils désignent.
BRO
1282. Ce mot breton, signifiant « pays », est évidemment
apparenté à la désinence du nom de peuple gaulois Allobrog-es.
En Bretagne, il est le terme initial du nom que les nouveaux
venus donnèrent au territoire de \ an nés, à la civitas Vene-
tum. où leur premier prince connu fut un certain Waroch, et
qu'ils appelèrent pour cette raison Bro- Waroch, c'est-à-dire
« pays de Waroch » : vocable traduit parfois par le latin War-
rocliia ou patria Gueroci, et qui, affaibli depuis en Broërec,
a désig-né, jusqu'au xv'" siècle, une des sénéchaussées ducales de
Bretagne, et jusqu'à la Révolution l'unique archidiaconé du dio-
cèse de Vannes.
POU
1283. Le nom du Broërec parait être le seul exemple qu on
puisse citer de 1 emploi, dans la péninsule armoricaine, pour
désigner une circonscription territoriale, du mot d'orig-ine celtique
hro. Les Bretons établis sur le continent semblent avoir de très
bonne heure préféré à ce mot son équivalent latin pagus. dont
ils firent /)0f7, et qu'on retrouve dans les noms de quatre anciens
comtés : Poher, Porhoët, Poudouvre et Poulet.
1284. Le Poher, en tant que comté indépendant du comté de
Cornouaille, remonterait au vi= siècle, si l'on en croit les tradi-
tions relatives au prince Comorre ; il devait son nom. originai-
rement Poucaer, « le pays de Caer ». à sa capitale, la ville de
Carhaix (Finistère), qu'on appelait en breton Kaer-Ahès '.
1. I^c nom (lu Polic'i' s'est t'onservé dans le surnom liune dos com-
munes du canton de Carhaix, (Hrdrn-I'nlipr.
I.cs nnim ilc Uni. 20
306 LKS NOMS DE LIEU
1285. Le nom de Porhoët. dont le nom fut a23pliqué à un comté
et à l'archidiaconé méridional du diocèse de Saint-Malo, apparaît
au xi*" siècle sous la forme pagus Trocoet, traduite parfois par
les mots pagus trans sylvam, tro ayant le sens de la prépo-
sition latine trans, et koat signifiant « forêt » (cf. ci-après
n° 1335) ; dès 859, on rencontre la forme entièrement bretonne
Poutrecoët. On voit que le Porhoët était à lorig^ine une contrée
naturelle.
1286. On en peut dire autant du Poudouvre, pagus Z)au(/oy/',
« le pays des deux rivières » ou « entre deux rivières >/ : dans
le breton moderne daou désigne le nombre « deux » et doiir se
traduit par (( rivière ». La forme francisée Poudouvre a servi à
dénommer une vicomte féodale et un archidiaconé du diocèse de
Saint-Malo.
1287. C'est au même diocèse qu'appartenait le Poulet, en
latin pagus Aleti, et en langue vulgaire Poualet, puis Pouelet\
il faut entendre par là le pays qui dépendait immédiatement de
la ville épiscopale d'Alet ; celle-ci fut remplacée, au xii^ siècle,
par la ville nouvellement construite de Saint-Malo.
Des quatre noms qui précèdent, le premier seul s'applique à
une contrée où l'on parle encore le breton ; les trois autres,
appartenant à la Bretagne « galle », c'èst-à-dire à la Bretagne
aujourd'hui de langue française, se sont plus ou moins altérés
sous l'influence romane.
PLOU
1288. Au-dessous du diocèse, les Bretons de la péninsule
armoricaine reconnaissaient le plou. Ce mot, qui correspond au
gallois phvif, n'est autre chose que le latin plebs, au sens de
« peuplade » : chez, les Gallois aussi bien que chez nos Bretons,
ses diiïérentes formes désignaient tout à la fois une peuplade
organisée, une paroisse et le territoire de cette paroisse. On
comprend dès lors pourquoi le mot /ilnii, ou l'une de ses variantes,
forme h; premier terme de tant de noms de paroisses en Bre-
tagne. .Vu reste, un hagiographe du ix' siècle, rabl)é de Landé-
vennec, Cîurdestin, rapporte ainsi l'origine de l'une d'entre elles,
Ploufragan (-oles-du-Nord) : " Un linmmc illustre, de la race
(jRKiiiNEs iiitirrô.NNLs : l'i.or 307
des rois de lîle de Bretaj,'ne, Fracan, aj^ant ouï dire quil j avait
encore, en Armorique, des forêts où l'on pouvait vivre en paix,
monta sur un vaisseau avec un petit nombre des siens, et, favorisé
par un bon vent du nord-ouest, il vint prendre terre dans la baie
de Bréhec. De là, longeant le rivage, il découvrit un terrain d'une
certaine étendue, et comme d'un seul tenant (quasi unius pie-
bis) ; des bois touffus l'entouraient de tous côtés, et, non loin
de là coulait un fleuve nommé San guis. Fracan s'établit avec
sa petite tribu sur ce territoire, que fertilisaient les eaux de la
rivière et dont le climat lui otïrait toute sécurité ' ».
L'emploi du mot plebs pour désigner une circonscription
ecclésiastique n'est pas exclusivement breton. Dans les textes de
certains conciles du iv'" siècle, ce mot est pris au sens de « dio-
cèse », et cest ainsi que l'évêque de Potenza se qualifie episco-
pus plebis Potentinae au vi® concile de Garthage; mais cette
acception, qu'on trouve même dans un diplôme de Charles le
Chauve, pour l'église de Paris, ne s'est maintenue dans aucun
pays roman. Tout au contraire, le mot plebs, au sens de
« paroisse », n'est pas resté seulement dans le breton plou : il a
aussi produit 1 italien pieve, qu'on retrouve dans la toponymie de
l'Italie et de la Corse; et son dérivé plebanus est représenté
par l'italien pievano ou piouano, « curé ».
1289. Le mot breton qui représente le latin plebs paraît
aujourd'hui sous une demi-douzaine de formes différentes dans
la toponymie de la Bretagne : la plus pure, plou, appartient
exclusivement aux départements du Finistère, du Morbihan, et à
la partie bretonnante des Côtes-du-Nord ; elle cède parfois la
place à plu dans le Morbihan et les Côtes-du-Nord, à plo ou ploe
dans le Morbihan ; pieu, qu'on rencontre dans les départements
du Morbihan, des Côtes-du-Nord et d'Ille-et-Vilaine, est fort rare
en pays bretonnant; on trouve pley dans le Finistère ; enfin plé
est une forme francisée depuis plusieurs siècles qu on observe
seulement en pays gallo.
1290. Les noms de lieu bretons présentant comme premiers
termes l'une de ces formes sont relativement nombreux et portés
exclusivement par des chefs-lieux de communes, représentant
d'ancii'nnes paroisses. On en compte dans le l'inistère 57 siu"
1. Vila S. Winvuloei, dans Aiia.lecla Bollundiana, Vil (1888), 177.
308 LES NU-MS DE LIEU
284 ^ communes, soit le cinquième de l'effectif total ; dans les
Gôtes-du-Nord 70 sur 382, soit un peu plus des deux onzièmes ;
dans le Morbihan 21 sur 237, soit presque le onzième ; dans Ille-
et- Vilaine 8 seulement, appartenant à l'extrémité occidentale du
département, sur 350 ; enfin la Loire-Inférieure n'en offre qu'un,
Plessé, qui confirme le fait, entrevu déjà (n° 1280 1, de la diffusion
de l'élément breton dans la partie du pays nantais qui avoisine la
Vilaine. On le voit, il y a de ces noms dans toutes les parties
de la péninsule armoricaine qui ont reçu, aux v*' et vi" siècles,
des colons bretons ; par contre — et l'on peut juger par là du
caractère régional des modes de dénomination — phvif, équiva-
lent g-allois de ploii, n'est entré dans la composition d'aucun des
noms de lieu de la Grande-Bretagne.
L'exemple de Ploufragan, cité plus haut (n** 1288), prouve que
plou se combine avec un nom d'homme, et c'est là incontesta-
blement le cas le plus fréquent ; mais il peut aussi se combiner
avec un nom — propre ou commun — de lieu , ou avec un
adjectif.
1291. Il se combine avec un nom propre de lieu dans le nom
de Plessé (L.-L), qu'un acte de 854 mentionne ainsi : plebs
que vocatur Sei ; le nom propre Sei, latinisé, se retrouve dans
un texte de l'an 900 : castrum Seium.
1292. Comme exemples de la combinaison de plebs avec un
nom commun de lieu, l'on peut citer Plcchàlel^ Plogastel, Ploii-
gner\ Plrlun, Ploulech, Plounun/oar et Ploumoyuer,
Pléchâtel (I.-et-V.) et Plogastel (F.) sont deux formes,
celle-ci plus bretonne, celle-là presque française, d'un nom dont
le thème étymologique est Plebs castelli, « la paroisse du
château » ou « du lieu fortifié ».
Plouguer (F.) était, avant la Révolution, le nom de la circon-
scription paroissiale de la ville de Carhaix, et son nom, ipii
I. (À'S tliiiïi'fs et ceux (|ui suivciil soiil ceux (juVMion(.iul A. Loiij,^noii,
<lans sa leçon du 3()avril 1891 au Collège de Fiance. Depuis lors, le nombre
des coniniunes, dans les divers dé[)artemeiils hrelons, a lérfèreuient aug-
menté; el Ton a lieu de rappeler à celle occasion l'observation formulée
plus haut, p. 2'J.'{, noie 1. — Par analogie avec ce que nous avons fait [joui-
les départements de la Normandie ^cf. ci-dessus p. 280, noie 1 ', nous
désignerons, dans ceciiapitre et lesdeux suivants, ceux de la Mi(>lague par
les initiales de leurs noms.
ORIGINES BRETONNES '. PLOU 309
sigTiitie <c la paroisse de la ville », a pour second terme le mot
breton ker (voir ci-après n'"' 1304 à 1309 i, qu'on rencontre dans
le vocable Poucaër, aujourd'hui Poher, du pagus, du comté
dont Carhaix était le chef-lieu (cf. ci-dessus n" 1284). — La
transformation de kaer ou ker engner est bien conforme à l'usage
breton qui, en composition, c'est-à-dire à l'intérieur des mots,
adoucit les consonnes initiales ; kasfell s'est transformé de
même dans Plogastol (voir en outre ci-après n'' 1296).
Par Plélan (C.-du-N.. I.-et-^^^ il faut entendre « la paroisse
du monastère » ou « du lieu consacré » (cf. ci-après n'"* 1312 à
1316).
Ploulec'h (G.-du-\.), se traduit en latin par plebs lapidum,
« la paroisse des pierres », llech en g^allois, leach en breton
armoricain, signitiant effectivement ^ pierre ».
Ploumagoar ' G.-du-N. ) et Ploumoguer (Finistère) représentent
un même vocable primitif formé de deux mots empruntés au
latin, et dont le thème étymologique serait plebs maceriarum,
« la paroisse des murailles », allusion probable aux vestiges des
constructions antiques que les Bretons des v*" et vi'' siècles trou-
vèrent dans 1 une et l'autre de ces bourgades (cf. ci-dessus
n° 1213 et ci-après n'' 1342) : le mot latin maceria est l'origine
du gallois magiuyr et du breton armoricain magoer ou moguer.
1293. La combinaison de plebs avec un adjectif apparaît dans
Pleuhian, Pleuineur, Ploemeur, Plounévez, Plonévez.
Pleubian ((^.-du-N.) se traduisait en latin par plebs
par va : il a pour second terme l'adjectif breton hi/ian, qu'on
trouve aussi dans le nom du golfe du Morbihan, « la petite
mer ».
Dans Pleumeur (C.-du-N.) et Plœmeur (M.), l'élément final
est l'adjectif meur, « grand », dont 1 antique forme gauloise,
maros, termine tant de noms dhomme d'origine celtique.
Par Plounévez (C.-du-N.) et Plonévez (F.), il faut entendre
« la nouvelle paroisse », l'adjectif nevez signifiant « nouveau ».
1294. On voit plebs combiné avec un nom commun de per-
sonne dans Plogo/f ei Plescop.
C'est bien à tort que Plogoff (F.) a sollicité l'attention de
quelques slavistes ; le second terme de ce nom se rencontre aussi
dans le nom, incidemment cité plus haut (n" 583) de Iharo/J'.
Fin breton goffu le sens de k foi-^eron » et /^logn/f\ «la paroisse
310 LKS NOMS DK LIKU
du forgeron », est apparenté par le sens à Confavreux (cf. ci-des-
sus, n"^ 939 et 946), Cortis fabrorum.
Plescop (Morbihan), bourg- où les évêques de Vannes avaient
une maison, est appelé en 136o Ploescoh : le thème étymologique
est Plebs episcopi.
1295. Dans les noms de lieu dont le premier terme répond à
plebs, et qui ont pour second terme un nom d'homme, celui-ci
est très souvent le nom même du saint patron de l'égli.se parois-
siale du lieu, et plus d'une fois aussi ce patron n'est autre que
le fondateur du plou, car, ainsi que l'a établi Arthur de La Bor-
derie, les moines et les évêques de l'île de Bretagne étaient les
véritables chefs, les véritables conducteurs des immigrants bre-
tons du v*^ et du VI'' siècles, et « il n'est pas téméraire d'affirmer
qu'à chaque saint qui débarque en Armorique, venant de la
Grande-Bretagne, c est une nouvelle bande d'émigrés qui
débarque avec lui ».
1296. Le patron de l'église de Pléboulle (C.-du-N.) est saint
Paul, ei Pléhoutle équivaut à Plebs Pauli; de même Ploubezre
(C.-du-N.) a pour thème étymologique Plebs Pétri. L'église
de Ploujean (F.) est dédiée à saint Jean-Baptiste ; celle de Plou-
gras (C.-du-N.) est placée sous l'invocation de la Sainte Croix,
« croix » se disant en breton kroaz.
1297. A la différence de ces noms, correspondant à des
vocables que l'on rencontre dans toute la chrétienté, les suivants
sont d'origine plus particulièrement bretonne.
Plouégat (F.) rappelle le souvenir de saint Agapat, vulgaire-
ment saint l*lgat ; Plouagat (C.-du-N.) a sans doute la même
origine.
Pleucadeuc (M.), Plebs Cache, en 82G, présente comme
second terme un nom breton bien connu.
Ploudaniel (F.) a pour patron saint Daniel, évêtjue hicton au
pays de Galles; il en fut sans doute jadis de même de Pleudaniel
(C.-du-N.).
Ploërmel (M.), en H'.\:\ Plebs ArfhnuicL a pour patron .saint
.\i iiicl.
Plougoulm (F.) a poui- patron le saint abbé irlandais (]oloni-
bau, dont le nom bas-breton doiihn a élé modijié en composi-
tion [)ai- 1 adoncisscnicnt de sa consonne initiale (cf. ci-dessus
n"M292 cl 1296 .
ORKilNKS BRKTONNES : PLOf 311
PlOUédern (F.) doit son nom à saint Édern.
L'ég-lise de Pluvigner (M.) — Pleuguinner en 1239, Pleuvin-
gner en 1327 — est dédiée à saint Eguigner ou Guégner, qui
vivait au vi*" siècle.
Plonéour (F.) est appelé, vers le x« siècle, Plebs sancti
Eneg-uorii ; les deux Plounéour (F.) ont le même patron, saint
Enéour, abbé.
L'église de Plestin (C.-du-N.) a pour patron saint Gestin, ana-
chorète du vi" siècle.
Celle de Plougonven (F.) est aujourd'hui dédiée à saint Yves ;
mais on sait que le culte de ce saint, qui vivait au xiii*' siècle,
est relativement moderne ; et c'est presque de nos jours qu'à
Plougonven, il a été substitué à celui de l'anachorète saint Gon-
ven.
Le patron de Plouigneau (F.) est saint Igneau.
Pluherlin (M.), en 833 Plebs Huiernim a pour second terme
un nom breton qui revêt, au ix" siècle, les formes Hoiarngen et
Hoiarnien, et qui répondrait à un nom gaulois Isarnogenos, « le
fils du fer <> .
Plumaudan (C.-du-N.) a pour patron saint Maudan, abbé.
Ploumillian (C.-du-N.) et Plumélian (M.) ont leurs églises
dédiées à saint Mélian,
Plomelin (F.) a aujourd'hui pour patron saint Mellon, évêque
de Rouen ; mais il est probable que le culte de ce bienheureux
a été substitué à celui d'un saint local dont on ne savait plus
rien, et avec lequel il aura été confondu.
Pluftlieux (C.-du-N.) a pour patron saint Mioch, abbé, vulgai-
rement saint Mieux.
Plounérin a son église dédiée à saint Nérin, évêque.
Plouzané (F. ) doit la seconde partie de son nom à saint Sané,
Sanaus, évêque irlandais mort vers 48d.
TREF
1298. Le mot tref ou trev, francisé « trêve », représente le
latin tribus. A travers les modifications successives de sens du
moi plou, il ne cessa pas de désigner une fraction du plou bre-
ton ; par rapport au plou considéré comme le bourg chef-lieu de
la paroisse, la tref était un village ; par rapport au plou consi-
312 LES NOMS DE LIEU
déré comme l'église paroissiale, la tref était une église succur-
sale. C est naturellement au sens de « village subalterne d'un
plou » que le mot tref figure dans les chartes des premiers
siècles de la domination bretonne en Armorique, et l'un des
exemples les plus intéressants qu'on puisse citer à cet égard se
trouve dans le cartulaire de Landévennec. On y voit qu'un breton
du nom d'Harthoc, venu doutre-mer au temps où le roi Grallon
régrnait sur la Cornouaille, acheta une « trêve » de trente-deux
villas, dépendant du « plou » de Briec, et qui, Harthoc étant
mort sans postérité, passa, désignée sous le nom de Tref-Haj--
thoc, au roi Grallon, lequel la donna à saint Guénolé, c'est-à-dire
au monastère de Landévennec ; le nom que la « trêve » avait ainsi
pris de son propriétaire lui demeura ; et, sous la forme Trc-
varzec, en construction — par adoucissement de la consonne
initiale — -drévarzec, il forme aujourd'hui la seconde partie du
nom Landrécarz-ec — c'est-à-dire « l'église de Tref-Harthoc »
— porté par une commune voisine de Briec (F.).
1299. Le mot tref figure aujourd'hui le plus souvent sous la
forme Tre- dans les noms de plus de soixante communes ;
celles-ci appartiennent à toutes les parties du territoire breton
d'avant le ix*" siècle, et représentent autant de « trêves » qui,
au cours du moyen âge, ont été élevées au rang de paroisse.
Mais il est bien plus fréquent dans les noms des localités d'ordre
inférieur : par exemple le département du Morbihan, à côté de
trois ou quatre communes dont le nom commence par Tre'- ou
Tref-, comprend environ deux cent quarante écarts offrant la
même particularité.
1300. Le mot tref est assez fréquemment, dans la toponymie
bretonne, combiné avec un nom propre d'homme ; mais, même
parmi ceux des noms de lieu ainsi constitués, qui désignent
aujourd'hui des comr.iunes, c'est-à-dire d'anciennes paroisses, il
en i-st peu dans lesquels le second terme i-eproduise le nom du
saint patron de l'église ; on peut citer toutefois, comme remplis-
sant cette condition, Treffiagat 1"'. , Treffléan ^^L , Tréflaouénan
(F.j, Tréméven fC.-du-\.) et Tréouergat F.j, noms portés par
des bourgs ayant |)i)ur [)atrons respectifs saint Riagal, anacho-
rète breton du v'' siècle ; saint Léon ; saint Laouénan, tlisciple
de saint Tugdual ; saint Méen, Mevennus, abbé, (|ui vivait au
VI' siècle ; cl saint l^lrgal, abbé.
ORIGINES riRK'l'ONXES ! TRHF 313
1301. Tréflez (F.), qu'une fort ancienne vie de saint appelle
Tribus Lisiae, el Tréblavet (M.), présentant comme second
terme le nom du Blavet, fleuve côtier qui se jette dans l'Océan à
Port-Louis, montrent /rrf en combinaison avec un nom propre
géographique.
1302. Dans Trébras (M.) — pour Tref-braz, « le grand vil-
lage » — Tréguen (M.) — pour Trcf-girenn, « le village blanc »
— etTrémeur (G.-du-N., F.) — pour Tref-meur, « le grand vil-
lage ') — le second terme est un adjectif.
1303. Enlin iref peut être suivi d'un nom commun d'ordre
topographique, témoins les noms Trébont (M.), « le village du
pont .), Trécouet (M.), le Trécouet (I.-et-V.), Trégouet (M.) et
Tréhouet(C.-du-N.), variantes de Tref-coëf, « le village du bois ».
LIX
NOMS COMMUNS DE LIEUX HABITÉS
KER
1304. Un des substantifs bretons qui paraissent le plus fré-
quemment dans les noms de lieu est incontestablement le mot
kej'. Il a, dans le breton moderne, le sens de « maison », et l'on
s'explique par là pourquoi, dans toute la Bretagne, il est le terme
initial du nom de plusieurs milliers d'écarts et d'une quinzaine
seulement de communes ; dans le seul département du Morbihan
la proportion est de 4 à 2.000 environ.
1305. L'histoire du mot ker est particulièrement remarquable.
Il avait à Torigine le sens de « ville », de « lieu retranché », et on
le considérait comme un véritable synonyme du latin civitas.
Ainsi un breton insulaire, Nennius, qui vivait au milieu du
IX'" siècle, l'écrit cair dans la liste qu'il donne, au chapitre lxvii
de son Eulogium Britanniae seu Historia Britonum, des cités de
l'île de Bretagne : il y nomme York, l'Eboracum de Romains,
Cair Ebroauc ; Londres, Cair Lundeji ; Gloucester, Cair Glovi ;
Cirencester, Cair Ceri ; Dorchester, Cair Dauri, etc. Le mot
cair ne paraît pas s'être avili dans la Bretagne insulaire ; et à la
fin du xii" .siècle encore Giraud le Cambrien le traduisait par
urbs; aussi les noms de lieu dont il constitue le terme initial
sont-ils peu nombreux en Angleterre ; tels sont : Caermarthen,
réunis.sant au substantif breton kaer le nom anti(jue Maridu-
num; — Carlisle (Gumberland), dont le second terme procède
de Lugiivallum, nom que cette ville portait sous la domination
romaine ; — Caerleon (Monmouth), qui doit .sans doute à quelque
poste militaire romain ce nom de « ville des légions » pour lequel
elle a abandonné celui d'Isca Silurum.
1306. I)ans les premiers siècles de la (h»mination l)retoiine en
.\rtMori(iue, le mot ker, qui paraît dans les textes sous la forme
rhnpr ou carr, a aussi le sens de (( ville », et c'est ainsi qu'il a
désigné dès cette époque deux localités (pii ont conservé d'im-
portants \('sliges de l'âge romain : Cnrinii.r t-l /.orrn.iri.K/nrr.
ORi(;i>Ks iîRE'io.N>ii:s : kkr 315
Carhaix (F), le Vorgium des anciens, se dit en breton Ker-
Ahès pour Kaer-Ahès ; on a cru reconnaître dans la seconde par-
tie de ce nom celui d'une princesse bretonne, qui joue dans les
traditions du pays un rôle comparable à celui de la reine Bru-
nehaut dans celles de nos provinces septentrionales ; mais la cri-
tique moderne voit plutôt dans Ahes le nom des Osismii (cf.
ci-dessus n° 398). Carhaix, au début de la domination bretonne,
était simplement appelé Kaer, « la ville », d'où les noms signa-
lés plus haut, Plouguer (n" 1292) et Poucaer^ aujourd'hui Poher
(n" 1284) qui ont désigné respectivement la circonscription
paroissiale de Carhaix et le comté dont cette ville fut le chef-
lieu.
Locmariaquer (M.), ancienne ville romaine de la cité de
Vannes, ne fut aussi connue tout d'abord des Bretons que sous
le nom de Kaer, et la mention de la plebs quae vocatur
Chaer, qu'on lit dans une charte de 856 environ, prouve que
cette localité a risqué de s'appeler Plouguer, comme la circon-
scription paroissiale de Carhaix ; son église, dédiée à la Vierge,
lui a valu le nom qu'elle porte, et qui signifie « Sainte-Marie » ou
(( Notre-Dame de Ker ».
1307. Mais si, dans les premiers siècles du moyen âge, le
breton kaer ou ker a conservé le sens du latin urbs ou castrum,
il l'a bientôt perdu pour celui de « village », voire de « logis »,
de « maison ». Il a suivi, dans cet avilissement de sens, une
marche tout opposée à celle du mot latin villa, le français
(( ville '), qui, désignant à l'origine une ferme, un domaine
rural, a pris plus tard la signification de « village », qu il con-
serva durant presque tout le moyen âge, pour devenir enfin
l'équivalent du latin urbs ou civitas.
1308. C'est le sens avili de « village » ou de « maison » que
présente le mot ker dans les milliers de noms de lieu des dépar-
tements du Finistère, du Morbihan et des Côtes-du-Nord dont
il est le terme initial, car ces noms sont, en général, postérieurs
aux premiers siècles de la domination bretonne. Dans la partie
orientale du département des Côtes-du-Nord, où l'usage du
breton est abandonné depuis longtemps, et dans la partie
du département d'IUe-et-Vilaine, qui avait revu au vT siècle,
des colons de race britannique, il existe un assez grand
nombre de noms de lieu commençant par la syllabe car- : c est
316 LES NOMS Di: LIEU
là une forme francisée de ker. celle qu'on a observée dans le nom
officiel de Carhaix. Quelquefois aussi, dans la Bretagne de langue
française, ker- est noté quer-, mais le fait est peu fréquent. A la
cour des rois de France, aux xvi'^ et xvii^ siècles, on en usait de
même à l'éçard des noms des seigneurs bretons de ces localités.
François de Kernevenoy. gouverneur du duc d'Anjou, le futur
Henri III, n'était connu à la Cour que sous le nom de Carnava-
let, et ce nom, grâce à une acquisition faite par sa veuve, dans
le quartier du Marais, à Paris, désigne le charmant hôtel, con-
struit par Du Cerceau et orné des sculptures de Jean Goujon,
où est actuellement installé le musée historique de la ville de
Paris. Un des membres de la famille de Kerhoent, ayant acquis,
au xviii'' siècle, du duc de Tallard, la seigneurie de Montoire en
Vendômois, obtint l'attribution de son nom patronymique au
chef-lieu de cette seigneurie : Qiierhoent demeura, jusqu'à la
Révolution, le nom officiel de Montoire.
1309. Il serait sans intérêt ici de disséquer un certain nombre
de noms de lieu bretons commençant par Ker- ou par Car-, pour
prouver que dans ces vocables le second terme est le plus sou-
vent un nom propre de personne, parfois un nom commun
d'ordre topographique ou un adjectif : on n'en tirerait rien au
sujet de l'histoire de la colonisation bretonne, car beaucoup de
ces noms sont relativement modernes, tels, par exemple, ceux
qui présentent comme élément final un nom de baptême de
1 époque féodale, un nom de baptême d'origine germanique —
Kerguillerme, Kerroland, Kerrobin, Kerrichard — ou mieux
encore un nom de famille français, comme Kerrousseau. Ker-
roussel, Kerchevalier. 11 convient seulement d'observer que dans
la Bretagne gallo, ou du moins dans la partie de cette contrée où
le français s'est substitué au breton, une grande quantité de noms
de maisons isolées ou de hameaux commencent par les mots la
Ville, accompagnés du nom de baptême ou du nom de famille de
quelque ancien possesseur : la Ville- André (I.-et-V., M.), la
Ville-Artus I.-et-\'.). la Ville-Aubert iM.), la Ville-Baudoin
(^.-du-N.;. la Ville au-Boucher l.-et-V.), la Ville-au-Marchand
'l.-el-V.) ; dans tous ces noms, la Ville est ré(ju vah-nt français
du breton Ker.
OKIGlMiS IJRETONXES : GWIK 1317
GWIK
1310. Ce mot, au sens de « bourg », représente le latin
vicus, entré dans la langue bretonne à l'exemple des mots
pagus, plebs et tribus. Girik s'est réduit à Gui- dans les
noms de lieu dont il constitue le membre initial : Guichen
(I.-et-V.), Guiclan (F.). Guimiliau iF.), Guipavas (F.;, Guissény
(F.), et peut-être aussi Guiprouvel (F.), Guipry (I.-et-V.), Guis-
criflF (M.) ; ces noms désignent tous d'anciennes paroisses bre-
tonnes, parmi les({uelles deux au moins avaient, au moyen âge,
un second nom, synonyme en quelque sorte du premier, et qui
n'en différait que par la substitution de plou à (/wik : Guiclan se
nommait aussi Ploelan, et Guipavas Ploeavaz. Par contre, Plou-
gourvest (F.) s'est appelé Guicourrest ; et dans l'ancien diocèse
de Saint-Pol-de-Léon, auquel appartenaient Guiclan, Guipavas
et Plougourvest, on a souvent désigné sous les noms de Guital-
mezeaii et Guikerneau les chefs-lieux des paroisses de Ploudal-
mézeau et de Plouguerneau (F.). Il est à remarquer que les
églises de Guimiliau et de Guissény ont pour patrons respectifs
saint Méliau, prince breton, et saint Seny, évêque d origine
irlandaise, et l'on a là une preuve de plus de l'analogie qu'il y a
dans la toponymie au moins de l'ancien diocèse de Léon, entre
l'usage àegwik et celui de plou, le premier de ces mots désignant
proprement le bourg paroissial, et le second la circonscription
tout entière.
1311. Un exemple de combinaison de gwick avec un adjectif
— dans l'espèce e«, qui signifie « vieux » — est fourni par
Guichen, « le vieux bourg ».
LAN
1312. Les noms de lieu ayant lan pour premier terme ne sont
pas spéciaux à la Bretagne armoricaine. Dans les contrées de la
Bretagne insulaire qui ont conservé une toponymie bretonne —
pays de Galles, Cornouailles, île d'Anglesey — on ne compte
pas moins de 440 noms commençant par le mot gallois ou cor-
nique llan. Celui-ci avait le sens'd' « église », attesté au x'' siècle,
dans les lois du prince de Galles, Hoël le Bon — cglicijs, alias
llan — et au xii^ [)ar Giraud de Barry, auteur de Y irmcruriiuti
318
LES .NOMS DE LIEC
Cambriae et de la Descriptio Cariibriae, qui atteste que lan
locus ecclesiasticus sonat, et traduit les noms de lieu
Lavanan, Landevi, Lai\du, Lanmeir et Lanpadern Maur par
Ecclesia S. Avani, Ecclesia David, Ecclesia Dei, Eccle-
sia Mariae, Ecclesia Pateriii Magni, et celui de Landaph
par Ecclesia sita super Taph fluvium. Il ne peut donc y
avoir doute sur la signification du terme initial Lan- des noms de
lieu de la Bretagne armoricaine, et à les examiner, on voit bien
qu'ils sont étroitement apparentés aux noms de lieu gallois cités
par Giraud le Gambrien, lesquels font partie d'un groupe très
nombreux.
On ne compte pas moins dune soixantaine de communes de
la péninsule armoricaine dont le nom commence par Lan-.
1313. L'une d'elles, à l'exemple de la ville archiépiscopale de
Landaff, au pays de Galles (cf. ci-dessus n° 1312), renferme
dans son nom celui de la rivière qui l'arrose : c'est Lanleff \C>.-
du-N.), sur le Leiî, affluent du Trieux.
1314. Lan- est suivi d'un adjectif dans Lanmeur (F., M.),
« la grande église » et Lannevez (G.-du-N., F.), « la nouvelle
église ').
1315. On a vu dans Landrévarzec i^cf. ci-dessus n" 1298) la
combinaison de lan avec le nom primitif du lieu.
1316. Mais dans la majeure partie des cas, lan a pour déter-
minatif le nom du saint auquel est dédié le sanctuaire du lieu ;
la consonne initiale de ce déterminatif s'adoucit le plus souvent,
quand il commence par une labiale (cf. n"* 1296, Pléhczre et Plé-
boulle), une gutturale (cf. n" 1292, Plouguer) ou une dentale
(cf. n" 1298, Landrévarzec).
Laraballe G.-du-N.) et Lampaul i(>.-du-N., F.), doivent se
traduire par u église de saint Paul >■.
Landeleau F.) a son église dédiée à saint Theliau, Thelia-
vus.
Celle de Landemeau ^F.) est sous l'invocation de saint Ternoc,
évêquc, fils du roi bieton Judicaol, contemporain de Dago-
bert I''.
Landivisiau (F.), Lanloup fG.-du-X. , Lanildut (F.), Lanmo-
dez 'G.-du-X.). Lannédern F.i. Lanriec 'F.), Lanrivoaré iF.),
Lanvollon G.-du-X.^ ont (»u ont eu pour- jjatrons res[KH-tifs saint
Thivisiau, saint Loup, saint Ildul, abbé, saint Maudez, abbé,
OltlGINES BRETONNES : LAX 319
saint Edern, solitaire, saint Riec, disciple de saint Gnénolé,
saint Rivoaré, prêtre breton, oncle de saint Henri, et saint Vol-
Ion, abbé.
LOK
1317. On peut être de prime abord porté à rattacher au mot
loch, qui appartient au breton armoricain et au g^allois, avec le
sens de « cabane » ou de « log-e >' le membre initial — lok ou lo
— d'assez nombreux noms de lieu de la Bretagne armoricaine
— le pays de Galles ne possède pas de noms analogues — et,
comme ce mot lok y précède généralement un nom de saint bre-
ton, on a pu croire qu'il servait à désigner les retraites que de
pieux ermites ou autres saints personnages s'étaient choisies
dans des localités éloignées des centres habités. Mais le nom
assez répandu de LociDaria (C.-du-N., F., M.), désignant des
localités possédant un sanctuaire dédiée à la Vierge Marie, ne
se prête pas à cette explication : on songe alors à reconnaître
dans lok le mot latin locus, passé dans la langue bretonne avec
le sens restreint de « lieu saint », de « lieu consacré » ; conjec-
ture à laquelle est loin de s'opposer le nom Locminé (M.), dont
la forme primitive, Loch-Menech en 1108, présente comme
déterminatif le breton menech, forme plurielle de nianach,
« moine » ; en etfet, ce vocable, qu'on rend assez exactement
dans les chartes du moyen âge par Locus monachorum, est
dû à un monastère qui remonte, paraît-il. au vin^ siècle.
1318. La consonne finale de lok persiste dans Loc-Brévalaire
(F.), Loc-Éguiner (F.), Locmalo (M.), Locronan (F.), Loctudy
(F.), noms désignant des paroisses qui ont ou qui avaient
à l'origine pour patrons saint Brandwalader, abbé, saint Egui-
ner, martyr, saint Malo, évêque, saint Renan, ermite, et saint
Tudy, abbé.
1319. Cette finale se confond presque complètement parfois
avec l'initiale du nom du saint patron, ([uand cette initiale est
un r/ : Locoal (M.), Locus Guduali; — Locqueltas (M.), dont
l'église est dédiée au fameux saint Gildas, GiieUas en breton
armoricain ; — Locquirec (F.), qui a pour patron saint Guerec.
Warochus; — Locquénolé (F.) et Locunolé (F.), dont l'épo-
nyme est saint Guénolé, Win^A aloeus, premier abbé de Lan-
dévennc'c.
320
LES NOMS VE LIEU
1320. L'assourdissement total du A- de lok se constate dans les
noms Loperhet F.. M.), Lohuec iC.-du-N. , Loperec (F.) et
Lothey F. , dus au culte de sainte Brigitte, en breton Berhet^
de saint Josse, Judocus, de saint Perec, Petrocus, de saint
Thei. Taicus.
1321. Enfin lok. assourdi en la. s'écrit lau dans Laurenan
(C.-du-N. ,, nom d'une paroisse de langue française dont le patron
primitif était saint Renan, remplacé aujourd hui par l'évêque
d'Angers, saint René.
ILIZ
1322. Le mot breton iliz^ équivalent du gallois e^/îrî/s, repré-
sente visiblement le latin ecclesia \^ci. ci-dessus, n" 1312).
Beaucoup moins employé que lan. il apparaît surtout dans le
nom de lieu dit Goz-Ilis ou Goh-Ilis. « la vieille église », nom
relativement moderne appliqué, parait-il. k des endroits possé-
dant des substructions romaines, que les paysans ont pris pour
des restes d'édifices religieux.
Bodilis F.) signifie u le buisson de l'église » ; Brennilis (F.),
(( la butte de l'église » ; Kerillis (C.-du-N.), « la maison de
l'église » ; une variante de ce dernier nom est formée par Ker-
nilis (F.) — où Yn joue le rôle de la préposition « de » —
vocable assez ancien pour qu'on ait lieu d'en interpréter le terme
initial par " village » plutôt que par « maison ».
KASTELL
1323. Le mot breton Âas/e// n'est autre que le latin castellum,
avec les diverses acceptions qu'a reçues le mot français château
dans la langue du moyen âge. U désigne parfois quelque retran-
chement, voire même quelque ancienne ville fermée, comme
dans le nom Coz-Castell-Ach. porté en Plouguerneau (F.) par des
ruines qui passent pour être celles de l'ancienne capitale des
Osisrnii cf. ci-dessus, n" 398), et dans les noms Plogastel et
Plougastel (F.j, qu'on a traduits par Plebs castelli.
1324. Ainsi qu'on l'a vu 'U" 1292), ces derniers noms ont
pour variante, en Bretagne de langue française, Pléchâtel
()hi(um;s Br,ETON>'Es : kastull 321
(I.-et-V.). Un autre dérivé de kaslelL qui a été complètement
francisé, est Châteaulin (F.), jadis Castelnin : on ignore ce que
sig-nifiait le déterminatif ~nin.
1325. Dans Châtelaudren (G.-du-N.), le second terme est un
nom d'iiomme breton, assez répandu encore comme nom de
famille.
1326. Gastennec (^î.) est appelé en 1066 Gastellum Noec.
LIS
1327. Le nom lis. qui subsiste en g-allois sous la forme llys,
en breton armoricain sous la forme lez, est un synonyme du
latin aula et du bas-latin cortis, et comme ces deux mots, il a
eu, à la fois, les deux sens de notre mot « cour », celui de cour
d'un prince ou d'un seigneur — qui en fait comme un synonyme
de « château » — et celui de cour d'une maison. C'est en son-
geant à ce dernier sens qu'un glossateur du x** ou du xi** siècle le
donne comme équivalent de siccatorium, « séchoir ». Mais
avant cette époque, et dès le ix'^ siècle, notamment dans les
chartes de l'abbaye de Redon, lis est le terme initial de noms
propres désignant un certain nombre de demeures seigneuriales,
comme Lishedu ou Lisuedu, Liscoet, Lisfaii, Lisfavin, JJsnou-
vid, Lispraf, Lisrannac, Lisros, Lisicern, qui doivent se traduire
par « la cour du bouleau », « la cour du bois », « la cour du
hêtre », c la cour des hêtres », « la cour neuve », « la cour du
pré », (( la cour de Renac » — Renac est un bourg voisin de
Redon — « la cour du tertre » et « la cour de l'aune », et dont
certains ont des homonymes dans la nomenclature topographique
du Morbihan : Liscoet est à rapprocher de LesCOët et de Les-
COUet, LisnoLivid de Lesnevé. Le nom de Lescouet est aussi
porté par deux communes des Côtes-du-Nord. Lesneven (F.) et
Lescastel (M.) peuvent être cités comme appartenant à la même
famille.
KEMENET
1328. Le vieux mot breton kemenet, apparenté au nom com-
mun breton kemenn, « mandement » ou « ordonnance », et au
verbe kemenna, « commander », est traduit dans les chartes
Les iinins de lieu. 21
322
LES NOMS DE LIEU
latines du moyen àg'e par le mot commendatio, exprimant
bien le sens de « fief » ou de « bénéfice », qu'il paraît avoir eu.
Le nom Komenei-Illy, dont le second terme est un nom propre
de lieu, désignait un des archidiaconés du diocèse de Léon :
l'auteur de la Vie de saint Judicaël le traduit par Commenda-
tio m. Aujourd'hui Kcmcnet se retrouve dans Guémené (L.-L,
M.), et, en composition dans Quéménéven {¥.).
I
LX
NOMS COMMUNS DE SITES
ABER
1329. Le mot aber, que les lexicographes bretons traduisent
par « havre », ne s'entendait à l'origine que de l'embouchure
d'une rivière, et non pas seulement d'une embouchure mari-
time, mais aussi du confluent de deux rivières. Ce sens pri-
mitif est attesté, à la fin du xii® siècle, en ce qui concerne le
gallois, par Giraud de Barry, qui nous apprend quAherhotheni,
alors chef-lieu d'une province du pays de Galles, était situé ubi
rivus Hotheni in aquam Oschee devolvitur, car ajoute-
t-il, aher lingua britannica dicitur locus omnis ubi
fluvius in fluvium cadit. Rien ne prouve toutefois que, sur
le continent aber ait désigné le confluent de deux rivières; il est
possible qu'on l'ait réduit de bonne heure à n'indiquer, que le
point où un covirs d'eau tombe dans la mer. Le breton armoricain
emploie en eflet un autre mot (cf. ci-après, n" 1333) pour exprimer
ridée de « confluent », et en Bretagne le mot aber ne paraît pas
se rencontrer ailleurs que vers le littoral. Les réperioires géo-
graphiques les plus complets concernant la France ne présentent
que (juatre vocables le renfermant : Aber, Aber-Benoit, Aber-
Iltud et Aber-Vrac'h. Ces noms sont portés par quatre fleuves
côtiers du Finistère ; mais à l'origine chacun d'eux désignait
proprement la localité située à l'embouchure du cours d'eau,
comme on le reconnaît à l'existence des petits ports d'Aber-
Benoit et d'Aber- Vrac h.
BOT
1330. Le mot bot, aujourd'hui bod, au sens de « buisson »,
de u touffe d'arbres ou de plantes », a contribué, dès le ix'' siècle
— on le voit par le cartulaire de Redon — k former des noms de
lieu en] Bretagne. Il existe à l'heure actuelle, commençant par
Bod-, un nom de commune — Bodilis (cf.^ci-dessus, n" 1322) et
32i LES >OMS DE LIEU
beaucoup de noms d'écart, surtout dans le Morbihan : Bodaval,
« le buisson de pommiers » ; Bodelven, hameau sis en Elven,
Bod-er-Guen. « le buisson du nommé Le Blanc », Boderbihan.
« le buisson du nommé Le Petit », Bodermoël. « le buisson du
nommé Le Chauve », etc.
1331. Bod a pour synonyme hoden : le Bodan (M.); par le
Bodanic (M.), il faut entendre « le petit buisson ».
BREN
1332. Ce mot, au sens de c colline » ou « butte -'. se reconnaît
dans Brennilis (cf. ci-dessus, n" 1322; et dans Brénédan (M.) ;
le nom de cette dernière localité s'écrit en 1447 Brannadan,
d où Ion peut conclure que hren avait à l'origine deux n.
KEMBER
1333. Le mot keniber est l'équivalent du latin confluentes
[ken = eu m et hera == fluere). Il se présente dans la topom'-
mie bretonne sous la forme kemper, au k initial duquel on sub-
stitue d'ordinaire aujourd'hui le groupe qu. Quimper (F.) est au
confluent de l'Odet et du Steyr ; on le distingue de ses homo-
nymes en l'appelant Quimper-Coreniin, du nom de son patron
saint Corentin. le premier évêque de Cornouaille. Le surnom de
Queraper-Gf/ere/utfic (C.-du-X.), au confluent du Trieux et du
Leir, est également un nom d'homme, Guethenocus en latin du
moyen âge. Quimperlé (F. i, primitivement Keinpcr-Ellé, est au
confluent de l'IsoUe et de l'Ellé; et Quemperven C.-du-N.) à
celui de deux ruisseaux dont les eaux vont ensuite grossir le
r.tiindv. Il existe dans le Morbihan deux villages dénonmiés
Camper et le Camper.
KENECH
1334. L<' vieux mot koncch, au sens de « tertre », de « sommet
dune colline » (^st en breton moderne krcc'/i, krrac'h, et même
ner'fi^ selon les dialectes. Il subsiste, sous une forme conservant
Vu primitive, dans Quillipily (M.), en 1441 Quencchhili, Quéné-
colet M. , en \'t'M) (jiirnrr/Hfolorf, Quénépozan (M.), en 1422
QnciH'/h/irnsa/i .
ORIGINES BKKTONNES : KO AT 325
KO A T
1335. Le mot breton lioat, au sens de « bois », qui repré-
sente un vieux mot gaulois, ketos, existant dans le nom Letoce-
tum d'une localité antique de l'île de Bretagne, est extrêmement
fréquent dans la toponymie bretonne sous les formes coat, coët^
couëi. Il figure dans les noms d'une quantité innombrable de
menues localités, d'écarts, et aussi dans quelques noms de com-
mune : Coatascorn (C.-du-N.), Goat-Méal (F.), Coatreven,
Coëtlogon, Coëtmieux (G.-du-N.) ; cette dernière localité doit la
seconde partie de son nom au patron de son ég"lise paroissiale —
saint Mieux, Miocus — qui est ég-alement celui de l'église de
Plumieux (C.-du-N.), Plebs Mioci.
1336. Aoa/ joue aussi le rôle de déterminatif dans bon nombre
de noms de lieu dont il constitue, en conséquence, le second
teîme ; alors il est assez fréquemment adouci en goët et même en
hoct : Huelgoat (F.), « le haut bois, le bois élevé » ; Kergoat,
Kergouet, Kerhoat, Kerhouat (M.), « la maison du bois » ;
Lescouet (C.-du-N., M.), « la cour du bois » ; Porhoët, nom de
contrée dont le sens a été expliqué déjà (n° 1285) ; — Penhoat,
Penhoët, Penhouet (M.) ; — Talhoët, Talhouet (M.) ; — Toul-an-
Goat (F.), Toulgoët, Toulgouet, Toulhoat, Toulhoët, Toulhouet
(M.), « la cavité du bois ». Le château de Penhoat, en Plœmeur
(M.), était le siège dune seigneurie dite vulgairement Chef-du-
Bois ; cette appellation, qui ne fait que traduire Penhoat, indique
la situation du lieu à la « tête », à la lisière du bois ; Talhoët
et Talhouet ont à peu près le même sens.
1337. On se gardera d'apparenter aux noms qui précèdent le
surnom de Saint-Hilaire-du-//arcoî?e^ (Manche), dans lequel on
serait tenté de voir un témoignage de l'occupation bretonne au
delà du Couesnon ; en réalité, Harcouet est une altération de
Hascou, H a seul fus, nom du personnage qui possédait la terre
de Saint-Hilaire au xi^ siècle.
A'OA^A'
1338. Le mot konk, « angle, coin », constituait le nom de
deux localités maritimes du département du Finistère, situées
l'une et l'autre à des pointes de terre, à des sortes de caps. Le
nom de la moins inqjortanle, le Conquet, se distingue par une
326 LES NOMS DE LIEU
terminaison diminutive. L'autre, située en Cornouaille, est,
pour ce motif, appelée en breton Konk Kernaiv, d'où Concar-
neau.
DOUR
1339. Le mot breton dour, « eau », qui reproduit le gaulois
dubron (cf. ci-dessus, n° 105), paraît dans le nom Dourdu ou
Dordu, porté par une rivière du Morbihan, et dont le second élé-
ment sig-nifie « noir », ce qui fait de ce nom l'équivalent de Noi-
reau (n° 1156). Dourduff (F.) a sans doute le même sens, tandis
que par Dourguen (M.), il faut entendre « eau blanche ».
1340. Le nom du Poudouvre qui résulte, on l'a vu (n*^ 1286),
d'une forte altération de 1 expression pag-us Daudovr., « pays des
deux rivières », conserve du moins trace de la ïorme diivr, inter-
niédiaire entre dubron et dour.
ENIS
1341. Le mot enis, « île » qui revêt dans le breton moderne
la forme enez. s'est mieux conservé dans le nom de Gavrinnis,
« l'île aux chèvres », île du golfe du Morbihan qu'a rendue
fameuse un monument mégalithique avec sculptures,
MACOER, MAGOER
1342. Macoer ou magoer, en bas-breton mof/uer., représente le
latin maceria, et s'applique généralement h des vestiges de
l'époque romaine. On le reconnaît dans Magoar (C.-du-N.),
Magouer (M.i, Ploumagoar et Ploumoguer (cf. ci-dessus,
n" 1292 . Coët-Magouer (M.), Magoro, Magouero, Maguero,
Mangoro, Manguéro, le Manguéro (M.), ainsi que dans le
Magouérec (M.), qui représente une forme adjective.
MA EN
1343. Le mot niarn, aujourd'hui rnr/ij « pierre » est K' terme
iiiilial d'un grand nombre de noms de lieu bretons, nnlamment
dans lej\l(»rbiliaii : Men-Bihan, « la pclilt' pierre », Mendu, « la
pierre noire », Mengouet, " la pierre du boi.s », Menguen, » la
pierre blanche ", Menhir, -< la |)it'ri-t' longue » ; on sait (pie le
nom coiiiiinin incitlnr (h'signc une picric liclu'c en teri'e.
ORIGINES BKETONNKS ! MEXEZ 327
MENÉ, MENEZ '
1344. Ce mot, au sens de « montag-ne », est très fréquent dans
la nomenclature géographique de la Bretagne. Par une sorte de
tautologie, la carte de Cassini appelle « montagnes du Mené »
une chaîne importante de ce pays : les ingénieurs employés par
Cassini ont pris pour un nom propre le mot du langage courant
que les populations appliquaient à cette chaîne. Ce mot se
reconnaît dans le Mené 'C.-du-N., M.), Ménéguen (M.), « la
montagne blanche », Ménémeur (M.), « la grande montao^ne
Ménégoff, " la montagne du forgeron ' )
&'
PEN
1345. Le mot pen « tête », qu'on a rencontré en combinaison
avec koat (n" 1336), ligure également dans Penmarch (F.), « la
tête de cheval » — appellation due vraisemblablement à la forme
d'un rocher — et dtins Pencran (F.), Pénestin (M.), Penguily
(G.-du-N.)etPenhars (F.).
PONT
1346. Au sujet de ce mot, d'origine latine et par conséquent
analogue au mot français, le seul fait qui soit à signaler est
l'adoucissement de sa consonne initiale quand il est employé
comme second terme d'un nom composé, par exemple dans
Henhonl, « le vieux pont », qui s'écrit aujourd'hui Hennebont
(M.), et dans Trébont (cf. ci-dessus, n° 1303).
POUL
1347. Le mot breton poiil^ au sens d' « excavation », de
'( trou », de « fosse », de « mare » et par suite d' « étang », est
le premier terme des noms de commune Pouldergat (F.), Poul-
1. Ici le texte rédigé par A. Longnon pour sa leçon du 21 mai 1891, au
Collège de France, intercale le court alinéa suivant : " I.e mot breton
nioïK-r'/ii, minic'hi, signifiant « asile, franchise », est l'origine des noms
le Ménéhi et Minihy (M.), analogues, par conséquent, aux noms méridio-
naux de France, la Salvelal, la Sauvelal ». Nous ne trouvons rien de tel
dans les notes prises à l'École des Hautes-Études on 1902 et en 1906.
328
LES NOMS DE LIEU
douran (C.-du-N.\ Pouldreuzic (F.). Uni à un nom d'homme
dans Poulbrient (M. et Pouldavid (F.), il est combiné avec un
nom commun de lieu dans Poulderf et Pouldero M.); ^< 1^^ fosse
du chêne », et dans Poulprat (M.), « la fosse du pré » ; avec un
adjectif dans Pouldu (G.-du-N., F., M.), « la fosse noire ».
nos
1348. Le mot ros, h tertre, butte », est d'un emploi assez fré-
quent dans la toponymie bretonne. Roz-Landrieux et Roz-5u/'-
Couesnon (I.-et-V,) appartiennent à l'ancien diocèse de Dol,
c'est-à-dire à la partie la plus orientale du pays colonisé par les
Bretons du vi' siècle. Ros est le terme initial des noms de com-
mune Roscanvel, Roscoff, Rosnoën. Rosporden (F.j, Rospez.
Rostrenen (C.-du-N.), et de bien des noms d'écart : Roscoat,
Roscoët. Roscouet, Roscouedo. Rosguillerme. Roslagadec M.).
— Le nom de Roscoff « la butte du forgeron )i. est porté, non
seulement par une ville du Finistère, mais par plusieurs lieux
dits de Bretagne où existent des amas de scories témoignant
d'une ancienne exploitation de minerai de fer (cf. ci-dessus,
n«583 .
EUN
1349. Le mot run, « colline », se rencontre notamment dans
Runespern (C.-du-N.), « la colline de l'épine ».
TUILL
1350. Ainsi fju'on l'a signalé à propos de Toul-an-Coat,
Toulgoët. Toulgouet, Toulhoat, Toulhoët, Toulhouet (n'^ 1336),
loull a le sens de « creux », de « cavité », de « ti-ou », on le
rencontre aussi dans Jes noms (h' lien snivants. empruntés h la
nomenclatnre du Finistère : Toul-an-GroaS, « la cavité de la
croix », Toul-an-Marc h. " le trou du cheval », Toul-an-Ster,
<< le trou du Steyr »), etc.
TNOU
1351. Le mot breton (jui, en gallois, à la forme fi/no, et qu'on
trouve, au xi'^ siècle, dans le cartulaire de Landévennec sous la
lornic ItuHi, signilic << bas-fond, valh'*{> » : il est devenu fninii et
(iRKilNKS BiîKTONNL'S : TXOr 329
même fraon. De là les noms de lieu le Traon (F.), Traon-Jacob
(G.-du-N.), et beaucoup d'autres dont traoïi ou traon constitue
le premier terme.
1352. Traon s'est réduit à tj-on dans les noms Tronjoly (M.),
« la belle vallée » et Tronscorf (M.), ce dernier porté par un
écart situé sur le Scortî.
1353. Ailleurs le vieux breton tnou est représenté par tro :
Tromelin (M.)' " ^^ vallée jaune » ou « dorée » (cf. Orval),
Tromeur (M.), « la grande vallée >> (cf. Grandval).
Aux noms de lieu formés sur des noms communs de sites se
rattachent tout naturellement ceux qui dérivent de noms
d'arbres ou de plantes. La toponymie bretonne en présente un
grand nombre.
1354. Les uns ne font que reproduire un nom darbre : le
Faou (F.), c'est-à-dire « le hêtre », Guern AL), c'est-à-dire
« l'aune ». Ce dernier nom a pour équivalent Guer (M.), forme
dans laquelle, sous l'influence française (cf. Jour = diurnus,
hiver = hibernus) Vn finale s'est assourdie. Guern a pour
diminutif Guernic (M.), <( le petit aune », pour pluriel Guerno,
« les aunes ».
1355. Ailleurs on se trouve en présence de collectifs formés au
moyen du suffixe -hué ou -oéY, qui n'est autre que le latin
-etum : Guemehué, Guernué [M.) = Vernetum (n° 633) —
le Faouet iG.-du-X., M.) = Fagetum (n" 621) — Casténoët
(M.) = Cas tan etum (n° 618). — Le Spernoët et le Bézouet
(M . ) formés sur les noms bretons de l'épine et du bouleau^ sont
les équivalents àEpinay (n° 629) et de Bouloy in'* 614).
1356. Mais le suffixe qui sert à former le plus grand nomi)re
de collectifs de cette nature — il se joint d'ailleurs à des noms
d'arbrisseaux plus souvent qu'à des noms d'arbres — est le suf-
fixe -ec, analogue au gaulois -acos (cf. ci-dessus, n*' 203) Avallec
(M.), « la pommeraie », Balanec (F.), u la genêtaie », Beuzec
(F.), « la buissière », le Dremiec F.), le Dreneuc (L.-L), « l'épi-
naie », Quélenec (C.-du-X.i, Quélennec F.), « la houssaie »,
Radenec (M.), a la fougeraie », le Spernec (Morbihan), « l'épi-
naie ».
LXI
ORIGINES BASQUES
1357. C'est une erreur que de voir dans les Basques de l'ex-
trémité sud-ouest de la France, un dernier vestige des popula-
tions qui, au temps de César, habitaient entre la Garonne et les
Pyrénées, et que le conquérant désigne sous le nom d'Aquitains.
Il est possible que, parmi les Aquitains, il y ait eu une dose
plus ou moins forte de population apparentée aux Basques ;
mais la présence de cet élément ne se révèle, d'une façon cer-
taine, ni par les textes, ni par la toponymie antique de la
région ; le nom Elimberris, sous lequel Pomponius Mêla
désigne la ville d'Auch, est le seul argument un peu sérieux, au
point de vue linguistique, présenté par les partisans dune
origine ethnique commune des Aquitains et des Basques; argu-
ment résultant de la comparaison de ce vocable avec un nom
de lieu basque moderne, Iriherri, qui, formé du substantif iri
« demeure, ville », et de l'adjectif herri, « neuf », a un sens
analogue à celui de notre nom de lieu Villeneuve (cf. ci-après
n° 1358) ; mais les objections qu'il y a lieu de faire à cette opi-
nion ont été indiquées déjà (n° 27). Lors même qu'on admettrait
la présence d'un élément basque chez les A qui ta ni de César,
cet élément, par suite delà romanisation si complète de la Gaule,
ne devait plus se trahir, au point de vue linguistique, lors des
grandes invasions du v® siècle qui placèrent notre pays sous la
domination barbare de nations d'origine germanique.
Les ancêtres des populations basques de notre département
des Basses-Pyrénées habitaient alors, comme au cours de la
période romaine, la région, comprise entre les Pyrénées et l'Ebre,
qui correspond d'une manière générale à la Navarre espagnt>le.
Ils réussirent tout d'abord à se maintenir dans une sorte d indé-
pendance à l'égard des Wisigoths qui, maîtres de la plus grande
partie de l'Espagne, les assaillirent vigoureusement pendant la
seconde moitié du vi'^ siècle. Ils furent délinitivement vaincus
vers ÎITS par le roi golh Leovigilde, et une partie de la nation
OniGINliS BASQUES 331
basque, pour échapper à la nouvelle domination, se porta au
nord des Pyrénées, entre cette chaîne et la Garonne, dans le pays
qui, de leur nom latin, Vascones, a conservé le nom de Gas-
cog-ne, Vasconia ; leur présence sur le versant français des Pyré-
nées est attestée pour la première fois en 587. Grégoire de Tours
s'exprime ainsi : « Les Vascons, se précipitant des montagnes,
descendent dans les plaines, raA^agent les vignes et les champs,
livrent les maisons au feu et emmènent quelques-uns des habitants
captifs avec leurs troupeaux. Le duc Austrovald marcha sou-
vent contre eux, mais il n'en tira qu'une faible vengeance ».
Les Vascons se fixèrent d'abord, en des proportions fort
différentes, selon les régions, dans l'ancienne province de
Novempopulanie, comprise entre la Garonne et les Pyrénées.
Plus tard, et dès le commencement du Yiii^ siècle, leur duc Yon
— Eudo — étendit sa domination dans les provinces voisines :
il dominait non seulement à Toulouse, mais dans toute la partie
de la Gaule comprise entre la Loire et les Pyrénées, entre
l'Océan et le Rhône. Aussi le mot Gascogne, Vasconia, dési-
gnant chez les auteurs du vni^ siècle et même du ix®, le pays que
gouvernèrent successivement Yon, Hunaud et Gaifîer — appelé
à tort Waïfre par nos historiens modernes — est-il un véritable
synonyme d'Aquitania, témoin le capitulaire, édicté en 806 par
Charlemagne, relativement au partage de l'empire franc, où
l'Aquitaine est appelée Aquitania vel Wasconia.
C'est là le sens le plus large dans lequel ait été pris le nom
Vasconia. Dans une acception plus restreinte, il fut appliqué à
la partie du domaine d'Yon, situé entre la Garonne et les Pj'ré-
nées, qui forma au ix" siècle, le duché carolingien de Gascogne,
région dans laquelle, sans doute, s'étaient établis, pour se fondre
bientôt dans la population gallo-romaine, une partie des envahis-
seurs vascons de la fin du vi" siècle. Mais il aurait pu, mieux
encore, désigner le pays basque, qui répond à peu près à la par-
tie occidentale — arrondissements de Bayonne et de Mauléon —
du département des Basses-Pyrénées^ autrement dit au Labour-
dan ou pays de Bayonne, à la Basse-Navarre et au pays de
Soûle ; la population vasconne, beaucoup plus dense, y domi-
nait parle nombre, et elle a pu y maintenir, jusqu'à nos jours,
l'usage presque exclusif de sa langue nationale, parlée aussi, au
delà des Pyronées, par les Basques espagnols qui peuplent les
332 I>ES NOMS DE LIEU
provinces de l'Alava, de la Biscaye et du Guipuzcoa. Elle s'y
maintint même avec une telle force que, durant le cours du
xrx*^ siècle, le seul où l'on se soit préoccupé de l'étudier, on n'a
pu, paraît-il, constater un recul quelconque de cette langue,
appelée euskara par ceux qui la parlent.
Les documents qui permettraient de juger la question pour les
temps plus anciens manquent d'une façon à peu près absolue. Il
semble cependant incontestable que l'euskara a reculé quelque
peu devant le dialecte roman que l'on qualifie de gascon : ce fait
est attesté par l'existence de toute une série de villes ou de vil-
lages où l'on parle aujourd'hui gascon, mais dont les noms sont
de physionomie basque : Biarritz, Bayonne, Bidache, Arancou,
Osserain, Charre, Bidos, Aramiis, Asasp, Issor, etc.
Des noms de lieu d'orig-ine basque existent sans doute aussi,
à plus de distance encore de la limite des langues, dans les diffé-
rentes parties de la Gascogne, où ils apparaîtront, aux yeux des
érudits qui en constateront l'existence, comme des témoignantes
irrécusables de la polonisation basque du vu'' siècle. Malheureu-
sement, ces noms doivent avoir subi de sérieuses transformations
sous l'intluence du dialecte gascon, qui, depuis plus de dix
siècles, tend à se les assimiler ; et les actes du haut moyen-âge
sont tellement rares pour la Gascogne, que le philologue ne peut
guère en attendre d'utiles indications sur leurs formes primitives.
Néanmoins, quelques-uns de ces noms ont conservé, sous le
costume français, ou plutôt gascon, une physionomie qui atteste
suffisamment leur origine basque. Mendosse f Lot-et-Garonne ^)et
Mendousse (Basses-Pyrénées) — ce dernier nom est celui d'une
localité située à quatorze lieues du pays de langue basque —
sont des formes francisées d'im nom de lieu basque <}u'on trouve
en Espagne sous les formes Mendoz (Guipuzcoa) et Mendoza
(Alava, Bi.scaye). Or, Mendousse est appelée au xi" siècle Mcn-
dioza, et l'on reconnaît dans le premier terme de cette forme
If! mol b;is(jue tnendi, " montagne » (cf. ci-après, n° 1364).
Get exemple met sullisamment en hunière l'intérêt que pré-
senterait, pour déterminer l'extension primitive de l'élément
vascon en l'"iance, l'étude de la toponymie gasconne. Mais,
1. Lieu dil de la coiiimiuie «l'Kslill.'K', -.wy. d'\[;i^\\, e;ml. de Lciplumc
renseignement dû à l'oIjUpeance de M. lU-né Hoiiiial, archiviste iW I.ol-
cl-riai'onni' .
UlUGliNES liASQLES '.Vi3
faute de documents anciens, cette étude se heurterait à de
sérieuses difficultés, et on ne l'entreprendra pas ici. On se bor-
nera à l'indication des principales racines et des principaux suf-
fixes que présentent les noms de lieu du pays basque.
1358. Le mot iri, au sens de « villag-e » ou de « localité », a
produit les noms géographiques : Iriart (Basses-Pyrénées '), qui,
sous une forme un peu différente, Yriarte, est devenu nom de
famille ; — Iribarne, « lieu profond », nom porté par deux
écarts et deux cours d'eau, et sa variante Iribarnia ; — Iriberry,
qui désigne deux villages ou hameaux appelés dans des textes
des xvi^, xvii^ et xyui^ siècles Villanova, Villanueua ou Ville-
neuve, herri signifiant « nouveau » en basque ; — Irigaray,
(( village élevé » ; — Irigoyen, « village du bois »; — Irissarry ;
Irissura. Le même mot est le second terme des noms Baratchéry,
Carriquiri et Queheliri, qui ont respectivement pour premier
terme haratch, a jardin », carriqiii, « rue», quehel, « muraille ».
1359. Le mot carrica, qui désigne une rue ou un chemin
bordé de murailles, paraît dans les noms : Carricaburu, <( le
bout » ou (( la tête de la rue », équivalant au nom Chedeville,
caput villae, qui désigne la partie extrême de certains villages
généralement formés d'une longue rue unique; Garricaçarra,
Carricamussa, Carricart — dont le second terme est le même
que dans Iriart — Carriquiri (cf. ci-dessus n° 1358), etc.
1360. Le nom commun jaiirer/ui, formé à l'aide du suffixe
-ffui sur un substantif ?/a«/i, au sens de " seigneur » désigne une
maison noble. De là les noms de lieu Jauréguy, Jauréguia —
cf. Jauréguia (Biscaye) — Jauréguiberry. « le nouveau manoir »,
Jauréguissahar, « le vieux manoir ».
1361. Le mot sala, d'origine française, a en basque le sens
qu'au moyen-âge notre langue donnait au mot salle, celui de
« demeure seigneuriale ». Sallaberry signifie donc « salle
neuve « ou « nouveau manoir » ; et l'une des localités de
ce nom est en effet appelée Salanova dans un texte de 1621,
1362. Elche, qui a le sens de « maison », a produit beaucoup
1. Il nous paraît inutile de répéter cette indication à [iropos des nom-
breuses localités appartenant au même département, qui sont nommées
dans le présent chapitre ; plusieurs d'entre elles — nous avons constaté le
fait, et croyonsdevoir le signaler ici — no fiR-urenl pas dans le Dirlionnaire
lopofjraphù/nc de Paul Raymond.
334 LES NOMS DE LIEU
de noms de lieu. L'un des plus répandus est Etcheberry, Etche-
verry, Echeberry, « la maison neuve ^), dont les équivalents
sont, en Espag-ne, Javerri ou Xaberri et Javier ou Xavier ; ce
dernier nom est celui du lieu de naissance de saint François de
Xavier, lapôtre des Indes. Il convient de citer aussi: Etcharry ;
— Etchéandy, « la grande maison » ; — Etchébar et Etché-
barne, « la maison d'en bas » ; — Etcheçahar « la vieille mai-
son » ; — Etchechurry, « la maison blanche » ; — Etchegaray,
« la haute maison » ; — Etchegoyen, « la maison du bois » ;
— Etchepare, « les deux maisons ». — La forme Echeberry
autorise à reconnaître la même racine dans : Echagoyti, « la
maison d'en haut » ; — Echart, dont on a rencontré le second
terme dans Iriart (n" 1358) et dans Carricart (n° 1359) ; — Échat.
1363. Le mot basque eliça, qui, comme le breton ilis, repré-
sente le latin ecclesia, figure dans les noms : Eliçabélar, litté-
ralement « front de l'église », c'est-à-dire « lieu faisant face à
l'église » ; — Eliçaberria ou Eliçaberry, « la nouvelle ég-lise » ;
— Élicerry, « le village de l'église » : — Élicetche ou Élissetche,
« la maison de l'église » ; — Elissagaray, >< la haute église » ;
— Elissalt, pour Eliçaalt, « près de l'église », etc.
1364. Mendi, a montagne », se présente seul dans Mendy, et
constitue l'élément initial des noms : Mendionde, « près de la
montagne » ; — Menditte ; — Mendive ; — Mendiburu, *< le
bout de la montagne » ; — Mendigorry, « la montagne rouge »
— et Mendousse, mentionné déjà (n" 135T).
1365. Le mot aran, « vallée », est aussi employé comme
nom de lieu, et figure comme premier terme dans Arance, Aran-
cou ; — Arangaixa, « la mauvaise vallée » (cf. Mnlleval) ; —
Arangorine. Arangorry, « la vallée rouge » ; — Aranpuru, « le
bout » ou « la tête de la vallée », etc.
1366. //>«/', synonyme à'aran, paraît dans les noms : Ibar-
beïty, « on bas de la vallée » ; — Ibarbidea, Ibarburia, Ibarla,
Ibarle ; — Ibarrolle. « la forge de la vallée » ; — Ibarron, « la
bonne vallée » (cf. lîonneval)\ Ibarrondoa, etc.
1367. ftiirri, « source, fontaine », est le premier membre du
nom Iturbide, « le chemin de la source », ([ui était au comnuMi-
cement du .mx" siècle le nom patronymicjuc de rempereur du
Mexi(|ue, Augustin 1". ()i\ le rencontre aussi dans le nom
de commune Ithorots, i;t il;ins divers noms géographiques :
ORIGINES BASQUES 333
Ithorrondo, « près delà fontaine » ; — Ithorchilo ; — Ithurralde,
« contre la fontaine » ; — Ithurramburu, u la tête des fontaines »,
nom de montagne ; — IthurrétO, etc.
1368. Les mots basques ibai^ « rivière » et erreka, « ruisseau »
ou « ravin », ont contribué également à former un certain
nombre d appellations géographiques ; parmi celles qui procèdent
du second de ces mots, on peut citer Errécagorry, « le ruisseau
rouge », et Errequidor, 'qui — idor ayant le même sens que
l'adjectif français « sec o — est un équivalent du nom Rieussec,
très fréquent dans la toponymie de la France méridionale.
1369. Harri, « pierre », ou « roche » — arri dans les dia-
lectes basques d'Espagne — paraît dans : Harriague ; — Har-
riondo, « près de la roche ».
1370. Oihan, oyan, « bois, forêt », est l'élément initial des
noms : Oyanhart ; — Oyanbelché, « le bois noir » ou mieux
« sombre » ; — Oyhançarré ; — Oyhanhandy, « le grand bois »,
etc. — C'est le même mot qui, à la fm des vocables géogra-
phiques, affecte, peut-être par euphonie, la forme -goyen :
Irigoyen, Etchegoyen (cf. ci-dessus, n*'" 1358 et 1362).
Les noms communs d'arbres figurent naturellement dans un
grand nombre de noms de lieu.
1371. Ainsi haritz ou aritz, « chêne », est la racine des noms
Aris, « le chêne » ; — Ariste, «■ la chênaie » ; — Harispe, « sous
les chênes » ; — Harismendy, « la montagne des chênes » ; —
Harispuru, « la tête des chênes ». Il se voit également dans
Biarritz, « les deux chênes ».
1372. Ametz, nom basque du chêne tauzin, paraît dans Ames-
petzu, Amestoy, Amexague.
1373. L'appellation du frêne, lizar, se présente dans les noms
Lissaragay, " la frênaie » et Licerasse, en 1402 Liçaraçu.
1374. Inchampe, formé sur le nom du noyer, incham, signifie
(( sous les noyers » et est devenu nom de famille.
1375. Le nom du pommier, safjar, a produit Sagarspe, « sous
les pommiers ». — Le nom de famille espagnol Sagasta doit se
traduire par « la pommeraie ».
1376. Le mot »aras, « saule » est la racine de Sarastey, '< la
saussaie » et de Sarrasguette.
1377. Gueres, « cerise », mot d'origine évidemment latine, se
recouuait dans Guerestey. " la cerisaie «.
336 LES NOMS de; LIEL'
13T8. Enfin le nom de l'épine, elhorri. est porté par le hameau
d'Elhorry. — Elhoriet, Elhoriéta, sont des équivalents d'Epinay.
1379. On pourrait citer une multitude d'autres noms de lieu
formés sur des noms communs d'arbres ou de plantes. On se
contentera de mentionner ici, parmi ces derniers, le mot iraze,
« fougère », d'où dérivent les noms de lieu Iracelhay et Iraçabal,
et qu'on a peut-être lieu de reconnaître, combiné avec quelque
suffixe locatif, dans le nom d'Irazein (Ariège). Mais, encore une
fois, en ce qui concerne la possibilité d'une origine basque pour
les noms appartenant à la Gascogne proprement dite, il serait
imprudent de conclure sans avoir préalablement étudié leurs
formes anciennes.
Ici, d'ailleurs, on n'entendait apporter que quelques notions de
toponymie basque. La traduction, donnée en passant, de plu-
sieurs des vocables énumérés, a mis en vedette, concurremment
avec les substantifs particulièrement étudiés, un certain nombre
d'adjectifs et de locutions adverbiales, et de plus un certain
nombre des suffixes les plus communément usités.
Mais parmi ces derniers il convient de signaler encore ceux
qu'on voit combinés avec des noms de personne pour former des
noms de lieu ; car ce mode de formation n'a pas été moins familier
aux l^asques qu'aux groupes ethniques dont il a été question dans
les chapitres qui précèdent celui-ci.
1380. Le suffixe -haïthau ou -haïtha a le sens de notre prépo-
sition « chez ». Par Goyetcheba'ita et Laffitteba'ita, il faut
entendre « chez Goyetche » et « chez Laflitle ».
1381. Analogue aux suffixes français -ière et -crie (cf. ci-des-
sus, n"^ 201 et 376), le basque -cnea ou -cnla se joint très fré-
quemment aux noms propres de personne ; Errolenea et Catale-
nea [)ourraient se traduire par la liolandirrc et la (Jathoriiiirre.
Mais par surcroît d'analogie avec -aria, primitif de -/Vtc, il se
combine aussi avec des noms communs de végétaux : Mahatrenia,
" la raisinière », Iratzenea, « la fougeraie ».
1382. Le suffixe -ia, paraît ne se combiner, comme -haïtha,
(|u avec des noms de personne : Bidegainia, " chez lîidegain ».
I
LXIII
ETABLISSEMENTS RELIGIEUX
Le choix des noms communs employés à désigner les établis-
sements religieux a varié selon les temps ; les plus anciennement
usités sont ceux qu'ici l'on étudiera les premiers.
1384. Le mot basilica était un adjectif féminin d origine
grecque, au sens de « rovale ». Pris substantivement, il désigna,
dans la Rome païenne, un édifice somptueux où les magistrats
rendaient la justice. Cette acception primitive s'est conservée
dans le mot « basoche », nom de la juridiction à laquelle les
clercs du Parlement soumettaient les dilférends qui pouvaient
surgir entre eux. Par une évolution de sens qu'on ne tentera pas
d'expliquer ici, basilica en est arrivé dès le v'' siècle — les
écrits de saint Jérôme et de Sulpice Sévère en font foi — à dési-
gner un édifice chrétien consacré au culte, une église, parfois
même, sous la plume du premier de ces auteurs, une simple cha-
pelle. Dans les œuvres de Grégoire de Tours et dans plusieurs
diplômes mérovingiens, où il revêt souvent les formes basileca
et baseleca, il a toujours ce sens d' (( église », moyennant
lequel il a trouvé place dans la toponomastique de notre pays.
Les noms de lieu qui le représentent diffèrent assez sensiblement
du type primitif, en raison de plusieurs faits de phonétique aux-
quels il convient de s'arrêter.
1385. A l'exemple des autres adjectifs latins en -icus, -ica,
-icum, basilica était accentué sur l'antépénultième ; il résulte
de la (jue d'ordinaire, Vi post-tonique étant tombé, le c guttural
qui le suivait a laissé quelque trace ; en revanche ce c disparail
parfois, en raison de ce que de bonne heure on a dit basilia pour
basilica, de même que colon ica s'est altéré en colonia (cf.
ci-d(;ssus, n" 918).
1386. Soit dit en pas.sant, liasilia, déformation de Hasilea,
iHjin jjitin (l(! la viUe de li.ile. n'a rien de commun avec les noms
présent<'m(;nt étudit'-s.
1387. Le r latin, pl.icé (h;vant un .7, (it'\ icnt c/i en friinc^-ais ;
OltlGhNES ECCLÉSIASIIOUES : BASILICA ' 339
mais il conserve le son guttural dans la langue d'oc d'une part,
dans les dialectes normand, picard et wallon d'autre part. Con-
séquemment on voit basilica représenté en Normandie par
la Bazoque (Calvados, Orne) et Bazoques (Eure) ; dans ce der-
nier nom, comme dans une foule d'autres noms de lieu français
à terminaison féminine (cf. ci-dessus, n°* 373, 577, 581, 582,
940), Vs finale est parasite. L'i atone de basilica étant tombé
de bonne heure, ce mot s'est réduit à basilca ou baselca; 1'/,
se trouvant en contact avec le c, s'est vocalisée, ce qui pouvait
produire une forme telle que haseurjue ou baseuclie, suivant les
rég-ions ; à vrai dire, les textes ne font connaître que husoque et
basoche.
1388. Cette dernière forme, propre aux pays de langue d'oïl
situés en deçà de la Normandie et de la Picardie, paraît dans les
noms : la Bazoche-Gû»e^ (Eure-et-Loir) — dont le surnom est
celui d un de ses anciens seigneurs, Guillaume Gouet, qui vivait
en 1050 — Bazoche (Oise), Bazoches (Aisne, Eure-et-Loir, Loi-
ret, Nièvre, Orne, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise '), Beton-
Bazoches (Seine-et-Marne) — dont le thème étymologique fait
précéder basilica d'un nom d'homme bien connu, d'orig-ine ger-
manique, Betto (cf. ci-dessus, n" 1010).
1389. Aux xv^et xvi° siècles on a fréquemment confondu, dans
la prononciation, l'r et \s intervocale. Clément Marot, dans sa
célèbre Epistre du hiau fys de Pazy , a raillé cette façon de parler,
qui de son temps était en vog^ue dans certaines contrées arrosées
par le cours moyen de la Loire, et dans l'Ile-de-France, et ([u'on
observe encore de nos jours en Berry, et peut-être en Touraine.
La substitution delV à l's, autrement dite le rhotacisme, a parfois
transformé basoche en baroche, témoin les noms de la Baroche-
sous-Lucé (Orne) et de la Baroche-6'onf/owin (Mayenne), le pre-
mier latinisé en lloO Bozocha, le second revêtant en HIO la
forme Basilgia Gunduini ; mais on verra bientôt (n'^ 1398),
qu'ailleurs baroc/ie se réclame d'une origine dilférente.
1390. Le ch répondant au c de basilica prend le son du /
dans Bazoges (Vendée), Bazouges (lUe-et-Vilaîne, Mayenne,
1. Trois de ces départements })OSsèdenL deux Bazoches; aussi ce nom
esl-il d'ordinaire suivi d'un déleiminalif, (pi'il serait d'ailleurs sans intérêl
d'indiquer ici. .
340 LES NOMS Ut; LIEU
Sarthe), Bazauges (Charente-Inférieure , la Bazoge (Alanche,
Mayenne. Sarthe), la Bazouge (Mayenne), ainsi que dans
laBazeuge (Haute-Vienne); ce dernier nom se rapproche, par sa
diphtongue tonique, de la forme haseuche, qu'on suppose
(cf. ci-dessus, n° 1387) avoir précédé basoche.
1391. Dans la France méridionale, le c de basilica, ayant
conservé le son guttural, ne peut s'adoucir qu en g dur. Il est
permis de supposer que ce mot est le primitif de Bazugues (Gers)
et de Bazialgues (Haute-Garonne). En ce qui concerne le pre-
mier de ces noms, il faut admettre qu eti sest altéré en u.
1392. On pourrait être tenté de croire que Bazoïiyers
(Mayenne) a pour primitif un adjectif formé sur basilica, tel
que basilicarius ; mais la plus ancienne forme connue de ce
nom, fournie par un texte de 989 transcrit au cartulaire
d Evron, est Basilg-eacum ; d'où l'on doit conclure qu'il a
pour origine "un nom en -acus formé sur le gentilice Basilius.
1393. Par contre, il seml)le bien que basilica entre dans la
composition du nom de Bazancourt (Marne). Flodoard, qui écri-
vait au milieu du x"^ siècle, appelle cette localité Basilicae
cortis, c'est-à-dire « le domaine de la basilique », ce dernier
terme sappliquant, soit à la cathédrale, soit à l'un des mona-
stères de Reims. Basilicae cortis a dû donner d'abord Baze-
courf ; la nasalisation de la syllabe antétonique est explicable
par un phénomène particulier à la région, Alamannorum
cortis n'ayant pu devenir Auniéiiancourl (cf. ci-dessus, n^" 528
et 945) que par 1 intermédiaire d'une forme telle (\n Autne/icu-
rourl .
1394. La forme basse basilia est représentée par Bazeilles
Ardennes, Meuse), dont Bazoilles (Vosges) est peut-être une
variante lorraine ; mais il n'y faut pas vniUxchQY BnzoUcn (Nièvre),
dont la terminaison csl sans mouillure.
1395. Transcription du grec Trapsiyia, « voisinage », le mot
paroecia se rencontre au début du v*" siècle daiLS les écrits de
saint Augustin : il désignait alors la circonsci-iption territoriale
fJi'jtciMhint d un jjrètrc ou diin éviMpic. Il a buMi conservé ce
double s(;ns de « paroisse » et de « diocèse » dans les documents
du haut niQyen-àge ; mais en Gaule, et dès l'épocjuc carolin-
gienne, il .1 (ini j);ir iHî^désigner i[\xv. le rcssoit d'une église urbaine
OBKilNKS KCcrJÔSlAS'nQCRS : PAROCIIIA 3il
ou rurale. Cette acception restreinte, celle de sa forme vulgaire
paroisse, est la seule avec laquelle il se soit introduit dans la
toponomastique. De bonne heure paroecia s'est altéré en paro-
chia, moyennant un apparentement mal fondé avec le substan-
tif parochus, qui répond au grec Trapoyj;, « pourvoyeur ».
1396. Les noms de lieu représentant le latin paroecia ou
parocliia sont d'ailleurs en petit nombre. Peut-êtie l'étude des
textes locaux révélera-t-elle pourquoi la Paroisse (Allier, Loire,
Isère) et Paroisse (Isère) sont de simples écarts. Quant à la
forme plurielle les Paroisses (Puy-de-Dôme), l'explication en est
aisée : ce nom s'applique à un groupe actuellement réduit à trois
maisons, dont deux appartiennent au territoire communal de
Saint-Dier ellautre à celui de Saint-Jean-des-OUières. L'appella-
tion la Paroisse-(i«- V7yfln (Gard), qui désignait une commune
réunie en 1860 à celle du Vigan, remonte à 1435 ; on entendait
alors par là la partie rurale, imposée à part, de la circonscription
paroissiale du Vigan '.
1397. Le nom de la Grande-Paroisse (Seine-et-Marne) est
appliqué depuis le xv" siècle ^ à une localité dont l'existence est
attestée dès l'époque mérovingienne, et que les plus anciennes
chartes de l'église de Paris appellent Cellas ; il a sa raison
d'être dans l'étendue considérable — 2.907 hectares — du terri-
toire communal, jadis paroissial, de cette localité. Maizières-lB.-
Grande-Paroisse (Aube), commune de 2.046 hectares, doit évi-
demment son surnom à une particularité analogue.
\. Dans cet exemple, qui rappelle celui de Plouguer (Finistère), « la
paroisse de la ville » de Carhaix (cf. ci-dessus n" 1292), l'expression ( la
paroisse » est prise dans une acception, non plus ecclésiastique, mais civile;
elle a le même sens, exactement, que « les villages » en Beri'y, " le plat
pays j) en Bourgogne, « les granges » en Lorraine. On voit, dès 1701, la
future commune d'Aubigny-Villages former une collecte distincte de celle
d'Aubigny-Ville : et c'est de nos jours seulement, en 190(i, (jue les deux
communes ont été réunies en une seule, sous le nom d'Aubigny-sur-Nère
(Cher). La sépai'ation de Vierzon- Villages (Cher) d'avec Vierzon- Ville
remonte au moins à 1580. Le Plat-Pays-de-Saulieu, mentionné dès 1476,
a formé, jusqu'en 1859, une commune distincte de celle de Saulieu (Côte-
d'Or) (ju'elle entourait. Les Granges-de-Plombières (Vosges), commune
dont le territoire atteint presque le bourg de Plombières, consiituaitMil dès
1753 une communauté distincte.
2, Donc il ne remonte pas à la première moitié du moyen-i'ige, cl c'osi à
peine si on pont le considérer comme un nom d'origine ecclésinslifiuc
342 LES NOMS DE LIEU
1398. Le mot paroisse semble avoir eu pour variantes, dans
le nord-est de notre pays, parodie et Laroche, employés con-
curremment.
La commune appelée les Paroches, près de Saint-Mihiel
(Meuse) — aux xvii- et xviii'' siècles on disait les Baroches —
comprend deux hameaux, la Grande-Paroche et la Petite-
Paroche, dont l'un se nommait jadis Guigniville ou Gnéville, et
l'autre Hametel ; et sur son territoire une chapelle isolée a
conservé le nom de Refroicourt, village disparu où se trouvait
l'église mère '.
On voit désigné, en 1753, sous le nom les Paroisses, un grou-
pement formé, dans le voisinage de Briey (Meurthe-et-Moselle),
par la communauté de Génaville, celle de Pénil et Méraumont,
et celle de Lantéfontaine, et que le Dictionnaire topographique
de la Moselle appelle « la mairie des Paroches » ; la plus ancienne
mention qu'en rapporte cet ouvrage n'est que de 1689 ; mais on
peut citer également un contrat de 1399% dans lequel il est
question de la mairie de la Paroche'-^, le contexte ne laissant
1. D'après Liénard [Dictionnaire topographique de lu Meuse), les Paroches
seraient appelées en 1135 Parochia. Il est de fait (|ue, dans le texte qu'il
cite, et qui a été publié par Dom Joseph de L'Isle, paniii les preuves de son
Ilialoire de Saint-Mihiel p. 460-4771, le passage Parrochia Guene villa,
Mamotello concerne incontestablement les Paroches, sans qu'il importe
beaucoup de savoir si parrochia — employé, remarquons-le, au singu-
lier — est dans l'espèce nom propre ou nom commun. Mais ce texte latin,
dans lequel on voit intercalées des expressions vulgaires (certum jus
vulgaritcr nuiicupalum le lard, quod est Vépine de porc, cotex,
nndouillex et houdins — ferculum vocatum la purée — de dominio
directo, vulgariter nuncupato la seigneurie foncière, eic.) est bien
moins ancien que ne le pen.saient Dom de L'isle et Liénard, et pourrait bien
ne dater que du xv siècle.
2. Bibl. Nat., coll. de Lorraine, vol. 5-7, fol. '.tO.
.3. Il nous [)araîl intéressant do constater, ici encore, l'emploi du singu-
lier : si le terme dont il s'agit avait été pris dans sou acception ecclésias-
tique, le pluriel se fût imposé, car ce texte de 1.399 atteste que, parmi les
hommes de cette mairie, il y en avait de Oénnville, paroisse du diocèse de
Met/, il yen avait d'Imonville, paroisse (hi diocèse de Verdun. On peut
conclure de là, semble-t-il, qu'en Barrois, vers la fin du moyen-Age, le mot
p.'iroisxe, ou tout au moins sa variante locale paroche, |)ouvait s'entendre
d'une circonscription civile. lînsuito, à partir du xvir*" siècle, toujours en
Barrois, parorhe ou haroche, ou même paroisse, en serait venu i\ désigner
un simple hameau, témoin l'emploi du |iluriel, uiii(|ii(Mnen( jiisiKié, près de
ORKiINKS ECCLÉSIASTIQUES : ECCLKSIA 343
aucun doute sur ce qu'on doit entendre par là. Le souvenir de
cette mairie a persisté au cours du xix^ siècle ; l'appellation les
Baroches, qu'on rencontre dans le Dictionnaire des Postes, à
partir de l'édition de 18.^)9, a été appliquée en propre, et g-loba-
lement, aux hameaux contig-us de Pénil et de Méraumont; et
elle a été officiellement consacrée par un décret du 2 février 1907,
qui, transférant au « hameau des Baroches », le chef-lieu de la
commune de Génaville, a fait disparaître ce dernier nom de la
nomenclature communale.
La Baroche (Haut-Rhin), appelée Zell par les Allemands,
répond au kilchspel zii Zelle — c'est-à-dire à la paroisse {kirch-
spiel) de Zell — de 1441.
La « ferme dite la Baroche » marquait, en 17o3, au finage de
Gizaucourt (Marne), l'emplacement d'un village détruit, appelé
en 1092 Sancti Pétri Parrochia, et en 1352 la PerroicheK
1399. Laparrouquial (Tarn), qu'on devrait écrire la Parrou-
qiiial, représente l'adjectif parochialis, qualifiant quelque sub-
stantif féminin sous-entendu.
1400. Le mot latin ecclesia représente le grec iy//./,Y;(j(a,
(( assemblée » ; les chrétiens l'appliquèrent proprement à leurs
assemblées : puis il désigna tout local où l'une de leurs commu-
Saint-Mihiel, par Texistence d'une Grande-Paroche et d'une Petite-Pai'oche,
localités dont aucune n'avait rang- de paroisse — vers 1600, les Paroches
n'étaient encore qu'une annexe de Refroicourt (Pouillés rie la province de
Tri'ves, p. 382; — aux environs de Briey, par le fait qu'au milieu du
XVIII* siècle, la " mairie des Paroisses » ou « des Paroches » était constituée
par un groupe de petites communautés, et que le " hameau des Baroches "
d'avant 1907 n'était autre chose que la réunion de ceux de Péuil et de
Méraumont.
1. Cet exemple est le seul qui montre employé comme nom de Hou, en
plein moyen-âge, le mot parochia, pris dans son acception originelle. A
la suite des recherches auxquelles l'un de nous s'est livré pour metlie au
point les notes dont nous disposions, nous avons cru devoir insister, dans
ce paragraphe et dans les deux précédents, ainsi que dans les notes qui les
accompagnent, sur ce rpie, à notre avis, les autres vocables qui y sont men-
tionnés — parce que Longnon les étudiait à cette place — sont relative-
ment modernes, et ne doivent pas être considérés, à proprement parler,
comme des noms de lieu d'origine ecclésiastique : de là certains dévelop-
pements de nature h surprendre ceux de nos lecteurs qui auraient gardé de
l'onseisnement du maître un fidèle souvenir.
."Hi LES NOMS DE LIEU
nautés se réunissait pour les cérémonies religieuses, et ce sens
d'« église » est attesté, vers la lin du vi'' siècle, par les écrits de
Grégoire de Tours et de Fortunat. De même que son synonyme
basilica. il devait fournir des noms de lieu aux divers pays
chrétiens, entre autres à la Gaule.
1401. L'Église est le nom d'au moins une trentaine d'écarts
appartenant aux régions les plus variées. On le voit accompagné
d'un déterminatif dans les noms de communes : l'Eglise-aur-
Bois (Corrèzei, Église-Neuve-(f /ssac et Église-Neuve-G?e-l'err/^
Dordogne . Éqlisenenye-d' E nt raig lies . ÉQli&eneUYe-d os-Liards,
et Égliseneuve-/>'"^'*-^'^'''5''* (Puy-de-Dôme). Neuvéglise i Cantal i
était, en 928. le chef-lieu de la vicaria de Nova Ecclesia.
1402. Les Gleizes Drômei et Gleysenove Aveyrom pré-
sentent, dans la France méridionale, une forme vulgaire du mot
ecclesia, caractérisé par une aphérèse, la même à laquelle est
dû l'italien cJiiesa.
1403. Le nom, signalé déjà fn" 993) de Bellenglise Aisne), en
IIIK) BeJaineijl'iHo — ce qui suppose un thème étymologique
Berelindis ecclesia, dans lequel ecclesia est précédé dun
nom de femme — doit être rapproché des noms de lieu germa-
niques en -kirch, ayant pour terme mitial un nom de personne,
celui du fondateur ou du patron de l'église qui a donné naissance
à la localité.
1404. Dans Roiglise (Somme on observe la combinaison
d'ecclesia avec le nom primitif de la localité, située entre
Soissons et Amiens sur la voie romaine de \e\ey à Boulogne-
sui'-Mcr, et appelée Rodium parla Tal)le de Peutinger ; com-
binaison imaginée pour dilVérencier ce lieu du caslruin voisin,
portant le même nom, aucpicl la petite ville de Roye doit son
origine.
Fcclesia est également reconnaissable dans Witainéglise
(Somme), nom d'un hameau connu dès le xi* siècle ; mais on
ne saurait dire en toute sûreté ce (|u'il faut entendre par le
premier terme de ce nom,
1405. On sait (jue le mot ecclesia, imjjorté en Gaule sous
riiilluonce romaine, s'est inaiiileiiu dans des régions oii la
langue romane a cédé du terrain : en Rietaijne, sous la forme iliz
(cf. ci-dessus, n" 1322 : .lU pays bas(|n<'. sons l:i forme r/ir.i
(cf. ci-des8us, n" 1363
ouifiiiNEs KccLi':ai.\STiQUf':s : kiriciia 345
1406. 11 existe eu France des noms de lieu représentant des
formes diniinutives d'ecclesia, et principalement des dérivés
romans decclesiola : Eglisolles (Puy-de-Dôme), et, moyennant
une aphérèse, Glisolles (Eure), en 1130 Iglisolcs, la Gleizole
(Gorrèze, Indre, Lozère), les Gleizolles (Basses-iVlpes, Hautes-
Alpes, Drôme), GleygeoUe (Gorrèze).
Dans Grisolles (Aisne, Tarn-et-Garonne), Grisols (Gantai),
Grisollettes (Loire), on note une modification de la licjuide
d'ecclesia ; cette liquide disparaît, ainsi que Vs de la syllabe
suivante, dans Laguiole (Aveyron) et Laguiolle (Gard).
La terminaison s est altérée, tardivement d'ailleurs, dans
Égriselles, nom de trois localités du département de l'Yonne,
dont lune, Ef/riselles-le-Boca(/e, est appelée Aecclesiola par
un petit pouillé sénonais datant du xi^ siècle, et dans Griselles,
nom porté par deux communes, l'une de la Gôte-d'Or, l'autre du
Loiret ; un certain Hugues, qui tii-ait sou surnom de la première,
est appelé en 1090, dans une charte de l'abbaye de Molesme,
Hugo E c c 1 e s i o 1 e n s i s .
Dans la plupart des noms terminés par une s qui viennent
d'être énumérés, l's est parasite, et n'autorise aucunement à pré-
sumer un primitif à forme plurielle ; il n'en est pas de même
dans les Églisottes (Gironde).
1407. Le mot ecclesia avait pour équivalent le haut alle-
mand kiricha, aujourd'hui représenté par l'allemand kirche et le
(lamand kerkc.
Dans la nom d'Altkirch (Haut-Rhin), le premier terme est
l'adjectif ait, « vieux » ; ce nom est donc à rapprocher, au point
de vue du sens, de ceux de Vieille-Eglise (Seine-et-Oise) et de la
Vieille-Eglise (Haute-Savoie).
La petite ville de Dannemarie (Haut-Rhin) est appelée en
allemand Darnmerkirch , c'est-à-dire « l'église de sainte
Marie ».
Quant à la forme flamande, on la reconnaît dans quelques noms
de lieu de la France septentrionale :
Brouckerque (Nord), « l'église du marais » (hroek -— marais) ;
Goudekerque (Nord), (( l'église froide » [koud =^ froid);
Dunkerque (Nord), « l'église des dunes »;
Houtkerque (Nord). « l'église du bois » [hout — bois).
346 "~ lf;s noms de lieu
Dans le nom Haverskerque (Nord), en 1362 Haveskerke, le
premier ternie fait penser à havik, nom du gerfaut en flamand
moderne ; mais dans l'espèce, il s'ag-it vraisemblablement dun
nom d'homme, comme dans la plupart des noms de lieu germa-
niques de forme composée antérieurs au xii"^ siècle.
Offekerque (Pas-de-Calais) est appelée Houve en 1100, Flove-
kirke en I oo6 ; on voit par là que le mot signifiant « église »
est combiné avec le nom primitif de la localité (cf. ci-dessus,
n° 1404).
1408. Le mot latin altare, « autel », a pris de bonne heure
en Gaule le sens d' « église d'ordre secondaire », témoin ce pas-
sage, cité par Du Gange, d'un capitulaire de Charles le Chauve,
donné à Toulouse en juin 844 : Si nécessitas populi exe-
gerit, ut plures fianl ecclesiae, aut statuantur altaria,
eu m ratio ne et auctoritate hoc faciant^. Dans l'ancien
français « altare a donné régulièrement aller, ou allier, ou
aulier ; la forme aulel s'est glissée à côté, par l'affinité entre Yl
et Vr, et aussi par le grand usage de l'adjectif aulel, semblable,
mot très usité dans ces temps- ».
Dans la toponymie française actuelle, le mot « autel » est tou-
jours employé au pluriel : Les Autels (Aisne, Calvados, Eure-et-
Loir) . Un écart du département de Saône-et-Loire est égale-
ment appelé les Autels ; mais il semble que ce soit là une graphie
fautive pour les Ilôlels, c'est-à-dire « les maisons ».
La forme les Authieux (Calvados, Eure, Eure-et-Loir, Orne,
Seine-Inférieuip) est à rapprocher de lieux, qui fut une des
formes du pluiiol de l'adjectif indéfini lel.
Le nom d'Autheux l'Somme) se dislingue des précédents par
l'absence d'article. Pai- contre, c'est une trace d'article qu'on
observe en tête du nom Zoteux (Pas-de-Calais), résultant de
l'altération de les Auleu.c dans une région où l'on prononçait
Vz Aul.eux, et où Zaleu.v (Somme) se dit pour les Alleux. Soit
dit en passant, c'est à cette jirononciation, i)ropre aux dialectes
picard et wallon, qu'est duc la forme actuelle, Ilulsonniaux
(lielgi(|ue, [)r()v. de Namur), du nom d'un village qui s'appelait
primitivement Huy, et qu'on voulut distinguer de la ville de
1. Moniini. fiorin.. l.rf/im) iifrfio fI,(J,iiiUiil;irin rrgiini fr;inrorin)K\\. VM .
2. V.. I.illrô. I>iiliniin:iirr ih' l.'i luiii/iir fr/inrnisi'. -.wi . AiiIpI.
ORKilNKS llcr.LÉSIASTIOrKS ! ORATORIi'M 347
même nom, au moyen d un surnom tiré des aunes qui abon-
daient sur son territoire, autrement dit en l'appelant Huy-les-
Auniaux.
1409. Le substantif latin oratorium, formé sur le verbe
orare, qui, du sens de « parler » est passé à celui de « prier »,
a désigné, aux bas temps de l'Empire romain, un « lieu consa-
cré à la prière », et c'est ainsi que l'emploie saint Aug-ustin. Il
est représenté, sur le sol français par un g-rand nombre de noms
de lieu de formes très variées.
1410. Dans les pays de langue doc, la dentale intervocale /
s est adoucie en f/, d'où Oradour (Cantal, Charente, Haute-
Vienne) et rOradour (Dordogne), dont l'article atteste qu'ora-
f/oH/' était un mot du langage courant.
1411. L'article paraît également, mais faisant corps avec le
mot — caprice de graphie dont il y a bien d'autres exemples —
dans Lourdoueix, nom dont la forme est caractérisée par des
particularités imputables à la situation vers la limite des langues
d'oc et d'oïl des localités, contiguës d'ailleurs, qu'il désigne,
Lourdoueix-Saint-Michel (Indre i, et Lourdoueix-Saint-Plerre
(Creuse) : disparition de l'a antétonique, qui était sans doute
devenu un e muet; persistance de la dentale; enfin complica-
tion du son voyelle de la syllabe tonique, par l'etFet du passage
à cette syllabe de 1'/ de la désinence (cf. ci-après, n° 1413).
1412. En pays de langue d'oïl, le / intervocal tombe, et la
voyelle antétonique, se trouvant en contact avec Va tonique, ne
tarde pas à disparaître.
Tantôt 1/ de la désinence ne laisse aucune trace : Oroux
(Deux-Sèvres 1, Ouroux (Ain, Nièvre, Rhône, Saône-et-Loire),
et, moyennant la prosthèse de l'article, Louroux (Allier), Loreux
(Loir-et-Cher) : ce sont là d'anciens Orour, (Juroiir, Oreux, dont
Yr finale s'est assourdie ; Yx est parasite.
1413. Tantôt cet i passe à la syllabe tonique, dont il modifie
le son voyelle : Ourouër (Nièvre), OuTOUeT-Ies-Bourdelins
(Cher), Oroër (Oise), Orrouer (Eure-et-Loir), Oroir, ancien nom
de "Villevaudé (Seine-et-Marne), Orrouy (Oise), anciennement
Oroiier, Aurouër l'.VUieru Auroir (Aisne i, Yrouerre i Yonne).
Le nom Lourouer désignait deux communes (\\\ déparlemont de
l'Indre, Lourourr-lr-Bois oi Louroiier-Saint-Lnurcnl: la pnMiiière
3i8 LES NOMS DE LIEU
s'appelle aujourdhui le Poinçonne/ ', son chel'-lieu avant élé
transféré au village qui doit ce nom à une famille de laboureurs
mentionnée au xv!!*" siècle.
1414. On a A'u (n° 1389) le rhotacisme modifier basoche en
haroche. Le phénomène inverse (cf. n<** 68, 703, 1138) a changé
en :; \'r d'oratorium dans Ozouer et Ozoir i Seine-et-Marne),
Ouzouer Loir-et-Cher, Loiret), Auzouer (Indre-et-Loire),
Louzouer (Loiret).
1415. A propos de la prosthèse de Tarticle, qu'on observe dans
ce dernier nom et dans plusieurs de ceux j)récédemment énumé-
rés, il convient de l'appeler les exemples qu'en olfre le vocabu-
laire français : aureolus et hedera sont devenus loriot et
lierre^ et l'on a si complètement oublié que l'initiale de ces mots
était à l'orig'ine un article, qu'on dit « le loriot » et « le lierre »,
de même que « le lendemain » se dit pour lendemain ; la célèbre
foire du Lendit, à Saint-Denis, était appelée en latin indictum.
Or, pareil redoublement d'article s'est produit à l'égard de
quelques primitifs oratorium : le Loroux (Ille-et-Mlaine,
Maine-et-Loire), .Sa/nZ-P/V/vr-du-Lorouër (Sarthe\ le Loreur
(Manche) ; et tandis que, dans les expressions qui viennent
d'être citées, il ne remonte pas au delà du xV^ siècle, on voit dès
113i, le nom du Louroux-Z^econ/it-?/.'? (Maine-et-Loire), latinisé
Loratorium ; plus anciennement encore, en 1096, certain
scribe traduisait par Laboratorium le nom de Saint-Pierre-
du-Lorouër, ne soupçonnant pas même ce qu'il devait entendre
par ce nom.
1416. Le mot capella, (jui régulièiement devrait s'écrire
cappella, est un diminutif du bas-latin caj)pa, « chape ». Il a
eu plusieurs sens successifs.
Primitivement, il s'entendit dune petite chape, d'un petit
manteau, la chape de saint Martin, relique insig;ne conservée
dans le palais des rois, et sur laquelle se prêtaient les serments,
(je sens est attesté par plusieurs textes nu-roving-iens. On lit,
dans un diplônu' de Thierry III (()7.")-(»lll i : De novo denome-
nalus aput sc!X. sua mano septima, (lies duos ante
calt'iidas julias, iu oralurio nosiro. super ca|)ella
I. l'ii vnrdi iriiii (lécrot du '^ mnrs 1H7M.
ORIGhNES KCCLÉSIASTHJUES : CAb'KLLA 349
doniiii Martini, ubi reliqua sacranieiita perciirribant,
hoc dibiret conjurare^ Les mêmes termes, ou à peu près,
se retrouvent dans un diplôme de Cliildebert III '695-710), k pro-
pos d'un jugement rendu par le maire du palais Grimoald : Sic
ad ipso viro Grimoaldo fuit judecatum, ut sex homenis
de Verno. et sex de Latiniaco, bona fideus in oraturio
suo, seu cappella Sancti Marcthyni, memorate home-
nis hoc debirent conjurare-. C'est encore d'expressions
semblables (pie se sert Marculfe, dans la formule XXXVIII du
livre premier de son recueil : Sed dum in ter se intenderent,
sic eidem a proceribus nostris, in quantum inlustris vir
ille, comes palatii nostri, testimoniavit, fuitjudicatum,
et de quinque denominatus idem ille apud très et alios
très sua manu septima tune in palatio nostro super
capellam domni Martini, ubi reliqua sacramenta per-
currunt, debeat conjurare'^.
Bientôt capella désigna le lieu même où, dans le palais, était
conservée la chape de saint Martin ; et c'est dans ce sens qu'il
faut entendre le surnom de la ville d'Aix-la-Chapelle, où l'on
sait que les rois de la seconde race avaient un palais : Caries
serai ad Ais^ a sa capele, lit-on dans la Chanson de Roland ''.
Plus tard, l'appellation capella fut appliquée à tout édifice
religieux où étaient conservées des reliques.
Entin, le sens de ce mot se restreignit, et aujourd'hui « cha-
pelle » ne se prend plus que dans trois sens : le local all'ecté à
Texercice du culte dans un palais, un château, un établissement
hospitalier ou d'enseignement : — une petite église non parois-
siale ; — toute partie d'une église, autre que le chœur, ayant un
autel.
Le mot capella, désig-nant un édifice consacré au culte,
devait nécessairement devenir nom de lieu.
1417. Il revêt la forme capelle dans la langue d'oc, d'une part,
dans les dialectes normand, picard et w^allon, d'autre part ; de là
les noms de lieu suivants : Capelle (Aude, Nord, Pas-de-
1. Pardessus, Diplomala, 11, 18H.
2. Pardessus, Diplomnin, II, 2X('>.
.3. Monumcnta Gcrnmniae, Legiiin suclio \', Foriniilue, p. 67-08.
4. Kd. Léon Gautier, vers :'>2.
3o0 LES .NOMS DE LIEU
Calais) ; — Cappelle (Nord) ; — La Capelle (Aude, Aveyron,
Gard, Lozère, Eure, Pas-de-Calais); — Lacapelle (Cantal, Lot,
Lot-et-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne) ; — Capelles (Eure) ;
— les Capelles (Calvados).
1418. Capelle a pour variante, dans le dialecte gascon, capère :
Lacapère (Hautes-Pyrénées).
1419. Dans la France de langue d'oïl, en deçà, bien entendu,
des limites des dialectes normand, picard et wallon, le c, lors-
qu'il était, en latin, suivi d'un a, prend le son chuintant. Il serait
trop long- et sans intérêt d'énumérer ici les localités dénommées
Chapelle, la Chapelle, Lachapelle. les Chapelles, souvent avec
un déterminatif, surtout lorsqu il s'agit de communes, qu'on ren-
contre en si grand nombre — la liste en occupe six pages dans
le Dictionnaire des Postes — sur le sol de notre pays. On obser-
vera seulement que l'influence de la langue française a, dans
quelques cas isolés, fait prévaloir la forme chapelle en des régions
où le parler local a maintenu capelle : il existe des écarts appe-
lés la Chapelle dans des départements qui comptent parmi les
plus méridionaux : Haute-Garonne, Landes, Basses-Pyrénées.
Hautes-Pyrénées. Var. Le nom Lachapelle voisine, dans la
nomenclature communale ollicielle de Lot-et-Garonne, avec
Lacapelle-Biron, et, dans celle de Tarn-et-Garonne, avec Laca-
pelle-Livron ; on voit, dans le département du Lot, Lacapelle-
Cahanac et Lacapelle-Marival, et aussi Lachapelle- Auzac. \\\
autre Lachapelle se trouve dans la Somme. Et le département du
Nord, où l'on a remarqué Capelle et Cappelle, comprend l'im-
portante commune de CJiapello-dArmenticros.
1420. Capelette l Lot-et-Garonne j, la Capelette (Bouches-du-
Rhône, Lot, Pas-de-Calais, Tarn-et-Garonne), Chapelette (Puy-
de-Dôme), la Chapelette (.\lliei\ Haute-Loire. Loire-lnférieuro,
Somme) et la Chapelotte (Cher, Haute-Marne, Haute-Saone,
Yonne) sont des diminutifs de capelle et de chapelle.
1421. Dans les arrondissements de Dunkerque et d'Haze-
bronck, quelques noms de lieu d'as])ect flamingant ont été faits
il laide du mol capella, qui revêt la forme atppel. Tel est le
nom ArmboutS-Cappel (Nord), dont le premier terme est un
nom (1 lionmie employé au gi'nilif, ce cas étant caractérisé par la
finale .s.
ORIGINKS ECCI.KSl AS TIQUES : MONASTHRIUM 3o 1
1422. Tianscriptioii du grec ;j.svajTr,pivV, le mot moiias terium
apparaît au déclin de la période romaine, pour désigner ce que
nous appelons un monastère. Certains indices permettent d'aflir-
mer que, dans quelques parties de la Gaule, il est devenu, par
la chute de l'a antétonique, monsterium ; ïn se trouvant ainsi
en contact avec Vs, est tombée à son tour, par un phénomène
dont plusieurs exemples ont été cités déjà(n'^ 962) ; de même que
ministerium est devenu métier, de même monasterium,
réduit successivement à monsterium et à mosterium, a
donné niustier, moastier, nioufier. A la fin du moyen-àge, le
mot moiisller avait le sens à peu près exclusif d' « église », et de
nos jours encore, on voit, dans plus d'une localité, la rue qui
mène à l'église, dénommée « rue du Moutier » ; mais dans la
toponomastique proprement dite, lors({u'on rencontre l'une ou
l'autre des formes vulgaires de monasterium, on doit l'en-
tendre au sens orig-inel de ce mot, car, la plupart du temps, la
localité dont il s'agit possédait un monastère de fondation anté-
rieure au xi^ siècle, et remontant parfois même à l'époque méro-
vingienne.
1423. Les noms de lieu suivants sont des variantes de mou-
tier : Moustier (Gorrèze, Dordogne, Lot-et-Garonne, Nord),
Moustiers (Basses-Alpes), le Moutier (Allier, Calvados, Creuse,
Manche, Puy-de-Dôme, Seine-et-Oise), Moutiers (Côte-d'Or,
Eure-et-Loir, llle-et- Vilaine, Meurthe-et-Moselle, Orne, Savoie,
Seine-et-Oise, Deux-Sèvres, Yonne), les Moutiers (Calvados,
Loire-Inférieure, Drôme, Manche, Orne, Vendée, Vienne), Mou-
thier (Doubs, Saône-et-Loire), Mouthiers (Charente), et, en
Suisse, MÔtier cant. de Fribourgj, et Môtiers (cant. de Neuchà-
tel). Deux communes de la Manche s'appellent les Moitiers, et
pour l'une d'elles, on voit ce nom latinisé en Monasteria;
peut-être . rappellent-elles le souvenir de monastères doubles
de l'époque franque.
1424. Par delà les limites du lang-age roman, monasterium
est devenu, en Bretagne Mouster (Côtes-du-Nord, Finistère),
Moustoir (Morbihan), le Moustoir (Côtes-du-Nord, Morbihan)
— en Alsace Munster.
1425. Le nom de Mouterre, porté par deux communes du
département (h» la Vienne, et dans la graphie ducjuel la finale re
n'a été ajoutée qu'à une époque récente, diffère des précédents
'.Mrl LES iNO.VIS DE LIEU
par ce tait que \'i posttonique n'a eu aucune inlluence sur la
voyelle accentuée.
1426. Vers la fin du moyen âge et au xvi^ siècle, une réaction
provoquée par les clercs a substitué une n à Vu de moiistier ; de
là les noms Montier (Aube), Montiers (Meuse. Oise), Monthiers
(Aisne), Montiéramey (Aubei, Montierchaume (Indre), Montier-
en-Der (Haute-Marne).
1427. A ces diverses formes, qui procèdent toutes de 1 altéra-
tion populaire de monasterium en mosterium, il y a lieu
d opposer quelques formes, plus ou moins savantes, qui se ren-
contrent, en nombre restreint d'ailleurs, dans la partie méridio-
nale de la France : le Monastère ( Aveyron), le Monastier (Haute-
Loire, Lozèrei. Monestier lAUier, Ardèche, Gorrèze, Dordogne,
Drôme, Isère), le Monestier Drôme, Puy-de-Dôme), le Monêtier
(Hautes-Alpes), Monestiès (Aude, Tarn), et leur variante cata-
lane le Monestir (Pyrénées-Orientales).
1428. Dans un grand nombre de noms de lieu où Ion reconnaît
le mot latin monasterium, ce mot est en composition.
L élément qui l'accompagne peut être d'ordre topographique :
nom de région, de site, de cours d'eau, ancienne appellation de
la localité.
Montier-en-Der (Haute-Marne), Monasterium in Dervo,
rappelle le souvenir d'une abbaye fondée vers G73 dans la région
forestière dite le Der — dervos était le nom gaulois du chêne
(cf. ci-dessus, n° 148) — au lieu dit Putiolus ou Pociolus.
Labbaye de Montiers, près Possesse (Marne), a été appelée
Montiers-en-Argonne. du nom dune autre région forestière bien
connue.
Le vocable Vimoutiers (Orne) a pour premier terme le nom de
In Vie. afllueiil de droite de la Dive.
Montier-en-llsle (^Aubc) doit son origine à un monastère fon^lé
assez anciennement dans une île de l'Aube.
Forest-Montiers 'Somme) est désigné, au ix'' siècle, par l'ex-
])rcssion l'orestis cellaou Forestensis ceUa
Fresmontiers (^Somme) est appelé dans les textes du moyeu
âge J'^rcsncniDiisfirr : \v picmicr Icrnu- de ce nom n'-poud donc au
latin fra x in us.
Celui du nom (h- Marestmontiers (Somme) représente h' ba.s-
liitin mariscus. '- man'cai,^e )>.
oRiGiisEs i:(:(;lksiasiiques : Mo.\ASTh:HiiM .So3
Montipouret (Indre) est appelé au moyen àg-e Mostier Porrec,
ce qui autorise à penser que, dans le thème étymologique de ce
nom, monasterium est suivi d'un nom de lieu erallo-romain en
- a c u s .
Le nom de Noirmoutier (Vendée) otTre la combinaison de Tan-
cien nom — lie rus — de l'île où s'élève ce bourg-, et du mot
monasterium, s'appliquant à l'abbaye qu'y fonda saint Phili-
bert au vu^ siècle. Heri monasterium devait donner en langue
vulgaire Oinnoustier, et la prosthèse de Vn qui s'est produite
résulte vraisemblablement de la fréquence de locutions telles
que : « je vais en Oirmoustier »>.
Montier-Ia-Celle, abbaye bénédictine fondée vers 6()0, auprès
de Troyes, est appelé au ix*^ siècle Gella do m ni B obi ni, en
1215 ecclesia Gellensis ; le nom moderne résulte du rappro-
chement de monasterium et de Gella, qui était devenu le nom
propie du lieu.
Un rapprochement analogue a produit le nom Montivilliers
(Seine-Inférieure), en latin Monasterium Villare.
1429. On peut citer quelques noms de lieu résultant de la
combinaison de monasterium avec un adjectif '.
Puellemontier (Haute-Marne) doit son origine à un mona-
stère dont l'existence remonte presque aussi loin que celle de
Montier-en-Der, située tout auprès ; c'était un monastère de
femmes, Puellare monasterium. Le nom actuel a sans doute
succédé à une forme plus ancienne Puellermuustier.
Le nom de Marmoutiers (Indre-et-Loire) s'appliquait à une
abbaye très fameuse, fondée au iv*^ siècle par saint Martin ; l'im-
portance considérable de ce monastère le fit appeler majus
monasteriu^m ; la forme de ce nom qui a prévalu suppose l'em-
ploi de major au lieu de majus.
Pour expliquer le nom Brémontier. que portent deux localités
de la Seine-Inféi'ieure, on n'ose faire état de la forme Brève
monasterium, donné par un pouillé de 1337 : il faudrait, pour
fonder une hypothèse plausible, j)ouvoir recourir à des textes
plus anciens.
1430. Somme toute, il n'y a pas beaucoup de noms de lieu
formés de monasterium et d'un adjectif, et l'on con(,'oit it
1. ('A'. L'AI)l)aYf tic Montierneuf. M l\)iliiM's.
Les noms ilc lien. 23
354 LES .XOXS DE UKU
quelle erreur on s exposerait si l on voulait rapporter au latin
nigrum le terme initial du nom de Xoirnioutier. De même l'éty-
mologie donnée pour Marmoutiers ne saurait être répétée à pro-
pos de la petite ville des environs de Saverne qui porte presque
le même nom : celle-ci s est formée autour d une abbave dont le
fondateur est un saint personnage du nom de Maurus, et Mar-
moutier Ba>-Rhin . en allemand Maursmànster. représentant
le latin Mauri monasterium. appartient à la catégorie des
noms de lieu dans lesquels monasterium a pour déterminatif
un nom de personne.
Le nom de Montiéramey Aube est une contraction de la
forme Mostier Arramé, qu'on rencontre dès 1 182. et qui répond
au thème étymologique Monasterium Adremari. ce dernier
nom étant celui d un prêtre de Troyes, qui. en 837. y fonda une
abbaye bénédictine. Celle-ci, assez voisine de la lisière occiden-
tale du Der. a été appelée, notamment en 1115. Dervense
monasterium. et aurait pu êire l'homonyme de celle de Mon-
tier-en-Der. située à 1 autre extrémité de la même région.
Monthieraolt (Aubei est appelé, en 1151. Monasterium
Airaldi : on ne sait rien de certain sur 1 origine de cette loca-
ité : le nom d homme combiné avec monasterium est \Tai-
semblablement le nom germanique Adroaldus. devenu ensuite
Adraldus ; peut-être s'agit-il d'un saint personnage nommé
Adraldus, dont 1 éfflise de Troyes conserve le souvenir.
Dans le nom de Faremoutiers Seine-et-Marne . le terme ini-
tial est le nom de sainte Fare. sœur de 1 evéque dt- Meaux saint
Faron. qui. dans la première moitié du vu* siècle, fonda là une
abbaye de femmes. Un document bien connu du ix* siècle, le
testament du comte Aicard ou -\chard d'Autun. appelle ce
monastère F ara ne ou Ferane monasterium. La forme vul-
gaire primitive a dû être Farainmoastier : le son nasal ain se sera
réduit à <? sous rintluence de 1 m qui le suivait.
Giremoutiers Seine-el-Mamer est appelé Girodi monaste-
rium dans des textes latins qui ne sont, à vrai dire, pas très
anciens ; aussi est-il pemns d'hésiter sur la question de savoir
si le nom de personne qui constitue la première partie de ce
▼ocable est un nom d'homme, tel que Geroldus ou Giraldus.
ou bien le nom de femme Gerhildis.
Dans Romainmôtier Suisse, cant. de Vaud., il faut recon-
0R1GIM.-S ECCLÉSIASTIOl ES : MOyASTERlOLL'M 355
naître le nom de saint Homain, dont la vie est un des tilu<
anciens monuments hagiographiques que Ton connaisse.
Monasterioliim. qui désignait, comme il convient à un
diminutif de monasterium. un monastère de peu d'importance,
est devenu le nom d'un grand nombre de localités.
1431. Dans le midi de la France, il ne s'est guère altéré :
Monestrol Aude, Haute-Garonne . Monistrol vHaute-LoireL
1432. Les formes suivantes, répandues sur une assez vaste
étendue de territoires, sont caractérisées par l'atTaiblissement de
Yo de la première svllabe : Ménestérol Dordogne . Ménétréol
(Cher . Ménétréols Indre . Ménétrol Puv-de-Dôme i . Menestniel
Ain . Ménétreuil Saône-et-Lo;re . Menestreau Loiret. Nièvre .
Menétreau Cher. Nièvre . Ménétreux C"t rOi- Ménétm
Jura .
1433. Par une transformation semblable à celle signalée plus
haut n*'1422 à propos de monast erium. monasteriohim est
devenu mosteriolum. De là le vocable si répandu Montreuil
Aisne, .\rdennes. Aube. Calvados. Eure. Eure-et-Loir, Ille-et-
Vilaine. Indrf-et- Loire, Loire -Inférieure. Maine-et-Loire.
Manche, Haute-Marne. Mayenne. Oise. Orne, Pas-de-Calais.
Sarthe. Seine. Seine-Inférieure. Seine-et-Oise. Vendée. Vienne ,
qui se présentait, au siii* siècle, sous les formes Mosteruei,
MoiisterueL dont la diphtongue ue se prononçait eu : Vn a été
rétablie, vers la tin du moyen âge. comme dans Montier cf.
ci-dessus, n** 1427 . par l'etîet d'une réaction savante, m cléri-
cale ». et c est au xvi^ siècle que l's étymologique a disparu.
Mosteruel et Monsteruel sont d'ailleurs les formes médiévales.
non seulement de Montreuil. mais des variantes de ce nom qui
vont être indiquées.
1434. Dans les unes, la finale -et// est devenue, non pas -euU,
mais -eau : Montereau Cher, Loiret. Seine. Seine-et-Marne,
Seine-et-Oise . appartiennent àla région où Maroialum n** 167 .
Nantoialum n" 169 . Spinoialum n" 174 , sont devenus,
non pas MareuîL XanteuiL Epineuil. mais Mareau Loiret).
Xanteau ^Seine-et-Marne), Épineau Yonne), et où le nom de
Jar</eiiu ^Loiret" parait représenter au primitif Garrigojaluni
n 164..
1435. -\illeurs, celte finale s'assourdit en -eu : Montreiix
iJo6 LES iNOMS DE lAEV.
.^Aisne, Meurthe-et-Moselle, Nord, Haut-Hhin). Montureux
(Haute-Saône), Monthureux (Vosges) ; cette dernière graphie,
sur laquelle a été fondée la traduction Mons felix, a été adop-
tée à une époque relativement récente.
1436. Les noms le Moutherot (Doubs) et Montrol (Haute-
Vienne) doivent être considérés comme des diminutifs de mous-
tier et de montier, plutôt que comptés parmi les formes romanes
de monasteriolum.
1437. Par Montrollet (Charente) et Montrelet (Somme) —
d où tirait son nom le célèbre chroniqueur Enguerrand de Mons-
trelet — il faut entendre « le petit Montreuil ».
1438. Pour expliquer les noms Monéteau (Yonne» — qu'au
Mil" siècle on voit rendu par Moaastallum et Monestallum
— MennetOU (Loir-et-Cher) et MenetOU (Cher), il faut recourir à
l'hypothèse d'un autre diminutif de monasterium, ([ui serait
monastellum, et dont la formation serait comparable à celle
de cape lia et de castellum, diminutifs de capra et de
castrum.
1439. Un adjectif formé sur monasterium figure, au polyp-
tyque de Saint-Hemi de Reims, composé vers 6o0, dans la plus
ancienne mention connue — Curtis monasterialis — de
Cormontreuil (Marne). Le nom de cette localité signilierait donc
« le domaine du monastère » comme Courdcnianche (cf. ci-des-
sus, n" 943^ « le domaine seigneurial * ».
1440. G est comme un synonyme de monasterium qu il
faut reconnaître dans Lamoiltgie (Puy-de-Dôme) et Lamonzie
1. Dans riiilioiluction, qu'il ;i rédigée avant 1891, de son Diclionmiirc
loi)0(ji-iij)hif/ue de la Marut', Auf^usto Lonj^non affirme (p. xj (\nc dtrinon-
Irc'uil présente <' la combinaison du nom commun cortis a\oc nn
adjeclif ialin -) ; et au cours de ses conlérences de 1906-1907 à l'I-'-cole des
Hautes lUudes, signalant les deux interprétations — eortis monaste-
rialis cl coi'lis mo n ;i s l e r i ol i — dont ce nom de iit-u est susceptii)Ie,
il ani'ait penché pour la premicri", contredisant ainsi rc\|)licalion donnée
j)liis haut In" 944j, et dont nous axons cmpiiinlé les termes, Icxtuellenienl,
à la le(.'on qu'il avait laite, le 11 le\rier INUI, au (]ollcg(> de l-rance. Clelte
<;xplicalion, il lavait ré[>étée, neuf ans plus lard, n l'IOeole des Hautes
ICtudes ; et, mieux cncoi'C. en 190."i-190(i, il mirait expiimc lavis (|ue le
'iurlis m o u a s t e li a 1 i s du l'olyptyqui' n'est qu une <• paraphrase •' du
véritahle thème él yuiologiqu*! . Nous avons voidu, moyennant cet expose,
OniniMÎS ECCLÉSIASTIQl ES : (:h:LLA 357
(Dordogne) ; les deux communes qui portent ce. dernier nom sont
appelées la Mongie dans le Dictionnaire topographique du
vicomte de Gourg-ues. Le mot latin monachus, qui reproduit le
g-rec [j.oyy.yô:, et qui a donné le français moine, est devenu monge^
vers la limite des langues d'oïl et d'oc ; et le substantif mongie,
formé sur monge, est comparable à notre expression familière
moinerie.
1441. Dans le domaine proprement dit de la langue d'oc, où
l'on a vu, par exemple, Domit i-uiicus devenir Domessargues
(n" 372j et Rutenicum, Rouergue fn«^ 373 et 426), et où l'on
sait que le nom de Monrgues désigna, jusqu'au xvu" siècle, la
ville de Monaco, en latin Monoecus (n*' 3), monachus a
revêtu cette même forme mourgiie : l'ancienne église paroissiale
7Vo^/'e-Da/?ie-f/e-Lamourguier — Beata Maria de Monachia
en 1302 — à Narbonne, faisait partie d'un prieuré dépendant de
l'abbaye de Saint- Victor de Marseille.
1442. De monachus dérive l'adjectif monachalis, qui
paraît dans le surnom de plusieurs localités, par exemple la Foye-
Monjault (Deux-Sèvres), Faia monachalis en 1223. Paray-le-
Monial (Saône-et-Loire) doit le sien à un prieuré clunisien. Le
chef-lieu de la commune de Paray-Douaville (Seine-et-Oise) a
pour appellation propre _Para2/-/e-Moineau. variante populaire
de Paray-le-Monial, rappelant le souvenir d'un prieuré dépen-
dant de l'abbaye de Glairefontaine, au diocèse de Chartres.
1443. Le mot cella, qui devint, à certaines époques du
moyen-âg-e, un véritable synonyme de monasteri'um, s'enten-
dait primitivement, dans le latin classi({ue, de l'endroit où l'on
met en réserve des provisions, celles-ci étant désignées à l'aide
d'un adjectif: cella farinaria, lignaria, pomaria, olearia;
ce sens, qui s'est conservé dans notre mot cellier, ne paraît
pas avoir laissé de traces en toponymie ailleurs que dans Vin-
celles (Aisne, Jura, Marne, Saône-et-Loire, Seine-et-Marne,
Yonne), si du moins il est permis de rapporter ce nom au thème
justifier la foime conditionnelle sous laquelle se présente le paragraphe
qu'on vient de lire; sans compter qu'au point de vue philologique nion-
Ireuil répond mieux à monasterioli qu'à monasteriali s.
t. Dans le nom Lto»uC-les-Monges (Creuse) le déterminatif so rapporte à
une communauté, non de moines, mais de rclifîieuses.
3.-)8 LES NOMS DIC LIEU
étymologique viui cella, en considérant que les localités aux-
quelles il s'applique appartiennent à des régions viticoles : celle
de la Marne est voisine de Dornians, et celle de l'Yonne fait
partie du canton dont le chef-lieu poi*te le nom significatif de
Cou\singeS'la-'Vineuse . Vincelottes (Yonne), au même canton, est
un diminutif de VincellesK
1444. Toujours à ré[)oque classique, cella a signifié aussi
« petite chambre » : c'est le sens que nous donnons encore au
mot cellule. 11 désigne dans Pétrone, avec le qualificatif ostia-
ria, la loge du portier, dans Pline un cabinet de bains, dans
Martial une maisonnette. De bonne heure, il prit un sens plus
nolile : celui de « sanctuaire», qu'on lui voit dans Vitruve, celui
de « temple », dans lequel Cicéron l'avait déjà pris.
1445. Certains érudits ont voulu rattacher, les uns au sens de
« cellier », les autres à celui de u sanctuaire », le nom de lieu
La Celle, qu'on rencontre assez fréquemment. Benjamin Guérard
veut que cel-la, dans la première moitié du moyen âge, ait dési-
gné une grange, un cellier de monastèie ; et suivant lui, la plu-
part de ces granges étant devenues des prieurés, cella se serait
entendu d'un prieuré, c'est-à-dire d'un monastère d'ordre infé-
rieur, soumis à une abbaye. Sans doute, il en est ainsi dans ce
passage de la Vie de saint Benoit d'Aniane, rédigée par le moine
Ardon, au début du ix'' siècle : Et quia caetera loca eos
capere non quibant, constituit locis congruis cellas,
quibus praefectis magistris posuit fratres ; et une
charte donnée, en 1120, par Arnaud, archevêque de Bordeaux,
dit, à propos de Saint-Macaire (Gironde) : (Kiia SanctusMaca-
rius non cella Sanctao Crucis, sed per se monasterium
erat. Par contre, dans le Livre des confraternités de l'abbaye
de Saint-Gall, écrit vers 830, la liste annoncée en ces termes :
Haec sunt no mina monachorum ex cella Sancti Dyonisii,
et dans lacjuelle figure l'abbé Ililduin — l'auteur des Areopaffitica^
où le premier évê(jue do Paris est identifié avec saint Denis
l'Aréopagite — ne concei-ne rien moins (jue l'illustre abbaye de
Saint-Denis. On conclura d(; ce dernier exeiuple qu'un monastère
qurdifié de cella n'est pas nécessairemcnl de rang subalterne,
i. I-f'S Cfiis lie Viiicfllfs cl (le N'iin'clolLi'S soiil «■oiiini'i |ini'iiii criix dr
l"Aii\<'iiois.
ORIGINES ECCr.ÉSIASTIQi:ES : CELLA 359
en d'autres termes que l'opinion émise par Guérard ne peut être
posée en règle générale. Mais cette opinion se vérifie dans un
grand nombre de cas, par exemple en ce qui concerne la Gelle-
Saint-Cloud (Seine-et-Oisej.
La seigneurie de ce lieu, que Louis XIV acheta, en 1683, pour
l'incorporer au domaine de Versailles, appartenait auparavant à
l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, en vertu d'une donation de
l'abbé Wandremar, remontant à l'an 700 environ. Le nom pri-
mitif de la localité, Villaris, s'est perdu en raison de la maison
monastique — cella fratrum — qui &\ fonda, et dont il est
fait mention au chapitre MI du Polyptyque d'Irminon ; on le
voit encore dans une charte de 829 : cella quae dicitur \'illa-
ris ; mais une trentaine d'années plus tard, Aimoin, moine de
Saint-Germain-des-Prés, le remplacera par une périphrase :
cella nostra quae contra vel s ecus locum Karoli Venna
posita est, le nom Karoli Venna désignant le hameau,
dépendant de Bougival, qu'on nomme aujourd'hui la Chaussée.
1446. Pris ainsi dans le sens de monastère, la plupart du
temps de second ordre, cella est fréquemment devenu nom de
lieu.
La forme Celle est rare ; encore le seul nom de commune —
Celle-V Evècaull (Vienne) — dans lequel elle figure, représente-
t-il, non pas cella, mais son diminutif cellula — (cf. ci-après,
n'' 1455). En revanche, beaucoup de localités portent le nom de
Celles (Aisne, Ardèche, Corrèze, Aube, Cantal, Charente-Infé-
rieure, Dordogne, Hérault, Haute-Marne, Puy-de-Dôme, Vosges),
dont Vs terminale est le plus souvent parasite (cf. ci-dessus,
n" 1387) ; il est toutefois prudent de n'affirmer cette dernière
particularité qu'après avoir interrogé les textes : en effet, le nom
de Celles, qui désigna longtemps la Grande- Paroisse (Seine-et-
Marne), se présente dès l'époque mérovingienne sous la forme
Cellas (cf. ci-dessus, n° 1397); il est du reste vraisemblable,
qu'employé ainsi au pluriel, le mot cella avait le sens de
« grange )) ou de « grenier » plutôt que celui de « monastère ».
1447. Selles-swr-.Va/io/j (Indre), ^eWeB-Saint-Denis et Selles-
snr-C/ier (Loir-et-Cher), représentant d'anci(>ns cella ; mais il
faut se garder d'attribuer la même étymologie k tous leurs homo-
nymes, et notamment à Selles (Marne).
1448. S'il n'existe aucune commune du nom do ('elle ic'pon-
360 LKS NOMS DK LIEU
dant à cella icf. ci-dessus, n° 1446), on eu compte une ving
taine qui s'appellent la Celle (Aisne, Allier, Cher, Creuse. Indre-
et-Loire, Marne, \iè\re. Puy-de-Dôme, Seine-et-Marne, Seine-
et-Oise. Var, Yonne), ou Lacelle (Corrèze), vocable dont la Selle
(lUe-et-Vilaine, Loiret, Mayenne, Saône-et-Loire) — Tune et
l'autre forme désignant en outre un certain nombre d'écarts —
peut être une variante : le nom de la Celle-Saint-Cloud s'est écrit,
jusqu'au xix" siècle, avec une s initiale ; et c'est peut-être grâce
à l'autorité de Benjamin Guérard que cette incorrection ne s'est
pas maintenue .
1449. On a proposé de reconnaître l'abbaye de Saramon (Gers),
dans la Cella Medulfi, que mentionne un capitulaire de 817.
Cette opinion, sur le bien fondé de laquelle il n'y a pas lieu de
se prononcer ici. tire du moins quelque vraisemblance du fait
que, dans le dialecte gascon, // devient /■ cf. ci-dessus, n" 1418).
Peut-être le nom de la Serre ou Lasserre. quand on le rencontre
dans le domaine de ce dialecte, échappe- t-il à l'interprétation
précédemment donnée (n** 36) du mot Serre, et se réclame-t-il
du primitif cella.
1450. Lalacelle (Orne), qui est aussi un ancien cella, pré-
sente un redoublement d'article analogue à celui qu'on a observé
(n" 1415), par exemple, dans le Loroiix. L'agglutination qui a
préparé ce redoublement, peut s'être produite de fort bonne
heure, si l'on en juge par la forme latine Lacella, sous laquelle
un texte des environs de l'an 1200 désigne la Selle-la-Forge
(Orne).
1451. Les localités appelées /// délie sont assez nombreuses
pour (pie, maintes fois, ce nom ait été complété au moyen d'un
déterminatif.
Tantôt celui-ci est d'ordre topographi(iue ; il a été adopté sur-
tout — car les habitants de l'endroit ne l'emploient guère dans
leur langage courant — pour la commodité des personnes plus
ou moins étiangèi'cs à la région. Un nom tel ([ue la Celle-SOUS-
Ghantemerle (Marnei se passe de toute exjjlication. (^eux île la
Celle-Barmontoise et de la Celle-Dunoise (Creuse) rappellent
que ces localités appartenaient à des circonscriptions dont les
chefs-lieux respectifs étaient Barmontet l)un-le-Palleteau.
Tantôt le déterminatif est un nom d'homme, vraisembhible-
nicnl If nom du pieux j'oudateur de la cella : la Celle-Gueiiand
ORIGIiNP:S ECCLÉSI-ASllQCES '. CELLA 361
(Indre-et-Loire), CeUa Waningi ; — Cellefrouin (Charente),
Gella Fruini ou Freg-ohii. Ce mode de juxtaposition a été
pratiqué de fort bonne heure, on l'a vu par l'exemple de Cella
Medulfi (n" 1449), et parfois le nom d'homme a tôt ou tard
fini par disparaître. La Cella domni Boliini du ix" siècle a pris
le nom de Monlier-la-Celle (cf. ci-dessus, n" 1428). L'abbaye de
Selles en Berry — on dit aujourd'hui Se Iles-su r-C lier (Loir-et-
Cher) — était appelée jadis Cella sancti Eusicii, en souvenir
de son fondateur, contemporain des fils de Clovis. La Translatio
sancti Vi(i, écrite vers 8i0, mentionne, entre autres points de
l'itinéraire suivi par le pieux cortèg-e, Cella Gislefridi ' :
située entre Rebais (Seine-et-Marne) et Oyes (Marne), cette loca-
lité se nomme aujourd'hui la Celle (Aisne) tout court. La Celle
(Allier) a longtemps porté le nom de la Celle-Saint-Patrocle.
D'autre part, le nom de Marmoutier, en Alsace (cf. ci-dessus,
n° 1430] a remplacé celui de Cella Leobardi.
1452. La combinaison de cella avec un nom d'homme a été
assez fréquente dans les pays de langue germanique. Fœrstemann
en cite une trentaine d'exemples, dont douze sont tirés de textes
latins antérieurs au xu'' siècle, et qui répondent à des noms pré-
sentant aujourd'hui la terminaison -zell. L'église d'Appenzell
(Suisse) a été fondée, dit-on, en 1161, par Norbert, abbé de
Saint-Gall, et l'on a pensé que ce nom représente le latin Abba-
tis cella ; il est plus probable que son premier terme est le nom
d'iiomme Abbo (voir ci-dessus. n° 999).
1453. Si zell est l'équivalent germanique du roman celle, il
ne faut pas classer parmi les noms de lieu formés à l'aide de
cella Aaciresselles, Framezelle (Pas-de-Calais), Lederzeele,
Winnezeele, Zermczeele (Nord), Moorseele, Sysseele, Voor-
inezeele (Belgique, Flandre occidentale). Dans ces vocables, qui
appartiennent au pays de langue flamande, zeele, selon Fœrste-
mann, représenterait un nom d'origine germanique, au sens du
latin do mus, atrium, du français « maison, demeure », qui
paraît dans l'ancien haut-allemand sous la forme sal, dans l'an-
cien saxon sous la forme seli.
1454. Dans Ilardoncelle (Ardennes), dont le terme initial est
le nom d'homme Hardoinus (cf. ci-dessus, n" 1130). le second
i. Mon. (imm. hist,, Scri/>t... II. '-'tHi.
3G2 LES >OMS DE LIEU
terme est non pas cella, mais silva ; les Feoda Campaniae
l'attestent. On notera là une forme vulgaire de silva, qui, avec
celles que présentent Veuxhaules (Gùte-d'Or), en 1101, Vacua
silva, et Haute-Seille ; Meurthe-et-Moselle), dans les textes
latins AU a silva, pouvait compléter une énumération donnée
ailleurs ( n°^ 683-687;.
1455. La toponomastique olfre quelques diminutifs de cella.
Le liitin cellula, dont la terminaison est atone, peut don-
ner une forme romane semblable à celle qu'a revêtue cella,
et dé fait la localité poitevine qu'un texte de 1218 appelle
Episcopalis cellula est maintenant Gelle-Lévescault (Vienne).
De même Celles-SUr-Belle f Deux-Sèvres) est, dans une charte de
1031, désis^né par les mots villa quae vocatur Cellula, ce
qui interdit de rapporter à cette localité la légende CELLA qu'on
voit sur des triens méroving-iens. Cela considéré, on ne doit que
sous réserves rapporter à un primitif cella le nom des localités
appelées Celles. Selles, la Celle, la Selle, qui ont été mention-
nées plus haut : l'étude des textes peut révéler que telle d'entre
elles se nommait à l'orig'ine cellula '.
1456.' Le diminutif roman collette appelle une observation. 11
est à pré.sumer que les localités aujourd'hui dénommées Celettes
(Charente), Cellettes (Loir-et-Cher) ~, la Celette Cher, Corrèze;,
la Cellette (^Creuse, Puy-de-Dôme) s'appelaient primitivement
(Icllo ou la Colle, et le diminutif a été emplové pour les dilleren-
cier de localités homonymes plus importantes-^ situées dans le
voisinage ; cellolte sig-nifie donc, non pas comme cellula, c la
petite cella », mais bien a Celle-la-Petite ».
1. C'est lo cas do la Colle-aous-Morel (Seine-ot-Marne\ dans un pouillé
rédigé vers l.'iiO.
2. Cellâ sancli Muudricii dans un pouillé rédigé vers 1272.
3. Cellefrouin l'Cliaienle), au caiilon do Mansle, comme Celelles ; — La
Celle (Cher), dans l'arrondissement de Sainl-Ainand, comme la Celetlc ;
— Lacelle fConè/.o), dans l'arrondissemenl de Tullo, nu(|uol confine le ter-
ritoire de Monestier-Mcrlines, comprenant l'écarl dit la Celclle; — l.a
Celle-sous-(iouzon (Creuse), dans rarrondissement de lioussac, comme la
Cellolte; — la Celle Puy-de-Dome), dans Tju rondissemenl de Hiom,
comme la Collclle.
ORIGIMKS ECCLRSIASTinUES : Afin ATI A 363
1457. Un monastère ayant à sa tête un « abbé », en latin
abbas, du syriaque aha, « père », était appelé « abbaye », en
latin abbatia.
La commune deVAbbaLye-sons-Planci/ (Aube) doit son origine,
non pas à une abbaye^ mais à un prieuré de l'abbaye de
Molesme, fondé vers 1080, et appelé alors monasterium ad
Ulmos. On voit qu'en l'espèce le mot <' abbaye » n'est pas pris
dans son sens propre, mais bien dans celui de « dépendance
d'une abbaye ». La même observation s'applique à beaucoup des
nombreux écarts — il y en a plus de quatre-vingts — qui
portent le nom de 1 Abbaye. Il s'en faut, en effet, que tous
représentent, comme l'Abbaye -d'Emont (Somme), lAbbaye-
d'Igny (Marne), l'Abbaye-de-Jouy Seine-et-Marne), l'emplace-
ment d'abbayes supprimées par la Révolution : plus d'une
fois on n'est en présence (|ue d'un ancien domaine abbatial.
1458. Dans la toponomastique du nord de la France, le mot
qui répond au latin abbatia se présente sous une forme plus
réduite.
Abbie (Pas-de-Calais) est une ancienne ferme de l'abbaye du
Mont-Saint-Eloi.
Les fermes dénommées l'Abby, aux territoires de Bonnières,
d'Haisnes, de Neuville-Saint- Vaast et de Thélus (Pas-de-Calais),
appartenaient, la première à l'abbaye de Cercamp, la seconde à
l'abbaye de Marchiennes, les deux autres à l'abbaye de Saint-
Vaast d'Arras.
Le nom de l'Abie, ancien écart du Crotoy (Somme), a sans
doute la même étymologie que les précédents.
1459. La forme méridionale d'abbatia est représentée par les
noms de lieu Abadie (Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées), Laba-
die (Alpes-Maritimes), les Abadies (Pyrénées-Orientales) ; Aba-
die est devenu un nom de famille assez répandu. En Gascogne
et vers les Pyrénées, ce mot s'entendait d'un alleu, très vraisem-
blablement domaine abbatial à l'orig-ine, mais de bonne heure
usurpé par quelque la'ique : le Glossaire de Du Cange fournit
des exemples de cette acception remontant à 961, 1002 et 1054.
. 1460. Abbaye et abbie ont pour diminutifs Ablette (Somme),
lAbbayette (Pas-de-Calais), l'Abbiette (Aisne, Pas-de-Calais),
l'Ablette, Lablette (Pas-de-Calaisi, la Blette 'Nord, ; si l'on se
reporte nu Diclinnnairo f()po;/ra/)hif/ire de l'Aisne et à celui du
364 LES NOMS DR LIEU
Pas-de-Calais, ou constatera que bon nombre des écarts ainsi
dénommés sont d'anciens biens d'abbayes.
1461. Un monastère de second ordre, subordonné à une
abbaye, et dirig-é par un prieur — ou une prieure — est appelé
prieuré, prioratus. Le mot prior, comparatif de l'adjectif dont
le superlatif est primus, est employé substantivement, en plu-
sieurs endroits de la règle de saint Benoît, pour désigner celui
qui est à la tête dune abbaye, autrement dit l'abbé. Le sens
qui a prévalu paraît vers le xi^ siècle. Abusivement on appela
« prieur )),,bien qu'il ne dirigeât aucune conmiunauté, le reli-
gieux desservant une église paroissiale soumise à une abljaye, et
« prieuré » sa cure. Et, non moins abusivement, vers la fin de
1 ancien régime, on dénomma.» prieuré » la demeure du prieur,
même qunnd elle n'était pas située dans le lieu du prieuré primi-
tif. C'est à cette circonstance, relativement moderne, que le mot
« prieuré » doit la place assez importante qu'il tient dans la
toponomastique ; plus importante, soit dit en passant, que le
Dictionnaire des Postes ne le laisserai it supposer. Sur près de
trente écarts appelés le Prieuré que ce répertoire indique, un
seul appartient au département des Hautes-Alpes ; or, on en
rencontre cinq dans le Dictionnaire topographic/uc de ce dépar-
tement. Et l'on doit observer qu'en cette région, où un primitif
prioratus aurait donné priorat — plus au sud, on remarf[ue
eiFectivement le Priora (Alpes-Maritimes) — le vocable Prieure
ne peut remonter à une date bien lointaine. Ppvn-tant, l'un cU;
ces cinq écarts des Hautes-Alpes, celui compris dans le territoire
communal deChorges, correspond bien à im ancien prieuré, cpii,
après avoir dépendu de Saint- Victor de Marseille, fut vers H 10,
uni à l'abbaye de Boscodon.
En règle générale, im prieuié proprement dit n'avait d'autre
nom que celui de la localité où il s'élevait ; parfois, on voit ce
nom servir de déterminatif au mol prieuré, comme dans le
Prieuré-de-Baillon (Seine-et-Oise) et le Prieuré-d"Er, en Donges
(Loii-e-Iiiférieure).
1462. A paiiir du v'' siècle, il arrive assez, souvent (jue K»
l.iliii ecclésiastique désigne un monastère par le mot coeno-
bium, calqué sur le grec y.îiviÇiov. qui s'applique i» un endroit où
OKlliLNKS ECCLESIASlKjUbiS : CHAPITRLS 3(),'j
l'on nieue « la vie en commun ». On pourrait dire qu'il ne reste
pas trace de ce mot dans la toponymie française, si le bourg de
Villefranche (Allier) n'était appelé, dans un document rédigé
entre 1048 et 1137, Villal'ranca Montis Cenobii. Dans cette
expression, Montis Cenobium — à moins que ce ne soit
Mons Cenobii — désigne un écart de la commune actuelle de
A'illefranche, qui a nom Montcenoux.
1463. La transition est toute naturelle des églises mona-
stiques aux églises collégiales, desservies par des chapitres de
chanoines.
Le mot latin canonicus — d'où le français chanoine — dérive
du grec xavcôv, désignant la « règle » à laquelle étaient assujettis
les chanoines. De même qu on a vu monachus devenir, suivant
les régions, moine, mange (n" 1440) ou mourgue (n° 1441), de
même canonicus, accentué aussi sur l'o de l'antépénultième, est
devenu, dans la partie méridionale de la France, canonge et
canorgue ou canourgue. Quand un de ces mots, précédé de l'ar-
ticle féminin, paraît comme nom de lieu, il représente l'adjectif
canonica, qualifiant ecclesia sous-entendu.
La Canourgue (Lozère) doit bien son nom, et sans doute aussi
son origine, à une collégiale qui y subsista jusqu'à la Révolution,
tandis que la Ganonge (Lozère), la Canorgue (Vaucluse), la
Canourgue (Hérault), ainsi que Canourgue (Bouches-du-Rhùne,
Lot), ne répondent vraisemblablement (ju'à d'anciens biens de
chapitres '.
1464. On peut rapprocher de ces vocables, au point de vue de
la signification, les déterminatifs des noms de lieux suivants,
qui ont trait, tantôt à un chapitre de chanoines, tantôt à l'un de
ses dignitaires.
Gesy/'es-le- Chapitre (Seine-et-Marne), ancienne possession du
chapitre de Meaux, se distingue, par son surnom, du fief appelé
en dernier lieu Gesvres-le-Duc, <[ui est aujourd'hui représenté
par un écart des communes de Crouy-sur-Ourcq et de May-en-
Multien (Seine-et-Marne).
1. Le Diclion/iaire (uj)<)</r!ii>lii(/iir do l'AiicIe, paiu depuis la mort d'Aii-
giislo Loiif^non, iiidi((ue un fief du cliaijjlre de 'Jaicassoiiiie tiénommé
Canorgues, au leniloiro de Palaja.
366 LES NOMS DE LIEU
1465. Le nom de la Fe/v/ère-au -Doyen, qui figure dans la
nomenclature communale du Calvados et dans celle de lOrne,
s'applique à des localités dont les seigneurs respectifs étaient le
doyen du chapitre cathédral de Bajeux et celui du chapitre
cathédral de Sées.
La terre de la Grange-dM-Doyen, dans la paroisse de Véron
(Yonne), appartenait au doyen du chapitre métropolitain de
Sens.
Le surnom de Neuilly -le-Dien (Somme), qu on voit paraître
depuis le s.i\^ siècle, n'est autre chose — les textes de cette
époque en font foi — qu'une altération du mot doyen.
1466. La cure de Brir/ueil-le-Ch.ainiTe (Vienne) était, jusqu'à
la lin de 1 ancien rég-ime, à la collation du chantre de Fég-lise col-
légiale du Dorât.
1467. La cure de Villeneuve-Minervois (Aude), qu'on appela
longternps F//Z(?;î(?aue-les-Chanoines ', était unie au chapitre de
l'église cathédrale Saint-Nazaire de Garcassonne '-. L'Anffle-diUX-
Chanoines. écart de Ghantonnay (Vendée), était sans doute aussi
la propriété de quelque chapitre.
1468. Avant d'expliquer par une circonstance similaire le
vocable les Chanoines (Bouches-du-Rhône, Loiret), il convien-
drait de s'assurer que les localités dont il s'agit ne sont pas au
nombre de celles dont le nom, commençant par 1 article pluriel,
est celui de la famille d'un ancien propriétaire ■^.
1. Le cliangcuieiil de nom a élé pi-esci-it pai- décrcl du 3.'j ocLobro 1894.
2. Brixeiy-aux-Chunoineu (Meiise; étail le siège d'un chapitre fondé on
1261 ; son surnom ne peut donc remonter qu'à une épo(jue tardive du
moyen-âg-e, et c'est peut-être pour ce motif qu'Auguste Longnon ne l'a pas
mentionné ici.
'.i. A. Longnon formulait la même réserve à propos du nom les Canongss
porté par deux écarts de l'Aude; mais, l'un deux, situé au territoire de
Laurabnc, est api>elé, en 1306, tenenlia Ca pell a norum.
LXIV
SOUVENIRS DES ORDRES RELIGIEUX
Moins anciens que ceux précédemment passés en revue, les
noms de lieu dont l'étude est abordée ici sont empruntés surtout
aux ordres hospitaliers qui jouèrent un rôle important pendant
la seconde moitié du moyen-àg'e.
1469. L'ordre militaire et religieux du Temple fut fondé en
1118, à Jérusalem, par un chevalier champenois, Hugues de
Pains, et huit autres croisés français. Son but était de protéger
les pèlerins qui allaient visiter les lieux saints. Baudouin II attri-
bua aux nouveaux chevaliers une maison voisine de l'emplace-
ment du Temple de Salomon, d'où les noms de Temple et de
Templiers donnés à l'ordre et à ses membres. Par suite des
donations considérables dont ils bénéficièrent, les Templiers se
répandirent dans toute l'Europe chrétienne, et non contents de
leur réputation méritée de bravoure, ils se livrèrent à des opéra-
tions financières qui accrurent leur richesse et leur puissance.
Leurs maisons étaient nombreuses, surtout en France, où,
même après la suppression de l'ordre en 1312, et l'attribution de
ses biens aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, ces mai-
sons conservèrent le nom de Temple.
1470. Le Dictionnaire des Postes indique plus de soixante
localités dénommées le Temple ; on pourrait, à l'aide des Diction-
naires topographicfues départementaux et des diverses nomencla-
tures rég-ionales, grossir notablement ce nombre ; sans compter
que le nom dont il s'agit est resté à certaines maisons de Tem-
pliers, situées à l'intérieur des villes, telle, par exemple, leur
maison parisienne, qui devint, entre les mains des Hospitaliers
de Saint-Jean, le siège du Grand -Prieuré de France. Le souvenir
du Temple subsiste encore, son nom ayant été attribué succes-
sivement à l'un des quartiers du sixième arrondissement, et,
depuis i860 •, au troisième arrondissement de Paris. Parfois ce
1. Décret (lu 31 octobre 18iJ9.
368 i^Es ^OMs de lieu
nom est accompagné d'un déterminatil' : le Temple-de-Bretagne
(Loire-Inférieure), le Temple-de-Médoc (Gironde), le Templfe-
Sur-Lot (Lot-et-Garonne), le Temple-la-Guyon (Dordogne), etc.
1471. Dans quelques noms de lieu, le mot temple est employé,
non comme terme principal, mais comme déterminatif : ces noms
s'appliquent d'ailleurs, comme les précédents, à d'anciennes
commanderies ou dépendances de commanderies : CatiUon-du-
Temple lAisne), C/îo/sv-le-Temple (Seine-et-Marne), Ivry-\e-
Temple (Oise). Z)am/)/>/'/r-au-Temple et Sa i/?/-//i/cî/re-au-Temple
(Marne) appartenaient k la commanderie de la Neuville-au-
Temple, dont l'emplacement est situé au fînage de Dampierre.
1472. Le souvenir des chevaliers de l'ordre du Temple est
également rappelé par le nom d'écart la Templerie (Charente,
llle-et- Vilaine, Loire-Inférieure, Mayenne, Vendée) et par le
surnom des communes de i?H/'e-les-Templiers et de Voulalnes-
les- Templiers (Côte-d'Or).
1473. Le sens du surnom de Dampierre-au-Temple et de
Saint-Hilaire-au-Temple est nettement établi par les chartes de
la commanderie de la Neuville. C'est donc bien à tort qu'on a
pensé reconnaître dans l'une de ces localités le Fanum Miner-
vae des textes itinéraires. Jamais dans la toponomastique, où
quelques exemplaires s'en rencontrent (cf. ci-dessus, x\°^ 452-454
et 456), le mot latin fanum n'a été traduit par temple. Les seuls
vocables qu'on puisse rapporter au primitif templum, désignant
un sanctuaire païen, sont Templemai'S [Nord) et Talmas (Somme)
— le nom de famille dn célèbre tragédien Talmn est une
variante de ce dernier nom — synonymes l'un et l'autre de
Famars (Nord), Fanum Martis (cf. ci-dessus, n^ 345).
1474. L'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem a
été créé dès 1099, au lendemain de la prise de Jérusalem par les
croisés. Il avait pour mission de prali(juer l'hospitalité envers
les pèlei-ins. et son [iremier chef-liou fut, dans la ville sainte,
l'église Saint-Jean : de lii les appellations d' « ordre de l'Ilopi-
tal » et de « (îhev.iliers de Saint-Jcan-de-.Iéiusalem )i. Ce chef-
lieu fut transféi'é successivement à Acre, après la prise de .léru-
salem par Saladin en 1187. ;i Rhodes après la jierte d'.Vcre en
1329. Chassés de lîhodes |)ai' le sull;iii S<»liman, après un siège
m(''mor;il)lc, les chcvalieis s'c-iablirciil , en L")30. dans l'île de
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : ORDRES RELIGIEUX 369
Malte, dont Charles-Quint leur avait fait don. Malte leur fut enle-
vée, en 1798, par Bonaparte, et, de nos jours, l'ordre ne subsiste
g-uère que de nom.
1475. C'est le souvenir de cet ordre que rappellent la plupart
des localités appelées Hôpital ou l'Hôpital. Ce nom est souvent
employé seul, et parfois, surtout quand il s*ag-it d'une commune,
'accompagné d'un qualificatif — IHÔpital-le-Grand (Loire) — ou
d'un déterminatif qui rappelle, selon les cas, le nom primitif de
l'endroit — Hôpital-Camfront (Finistère), l'Hôpital-du-Gros-Bois
(Doubsi, IHôpital-d'Orion (Basses-Pyrénées), IHôpital-le-Mercier
(Saône-et- Loire), Mercier répondant ici au latin Marciacus — ,
le vocable de l'église paroissiale — l'Hôpital-Saint-Blaise Basses-
Pyrénées), l'HÔpital-Saint-Lieffroy (Doubs) — , la situation topo-
graphique du lieu — l'Hôpital-sur-Dorthe (Ain), IHôpital-sous-
Rochefort (Loire). — L'Hôpital a pour variante l'Hopitau (Aube,
Charente, Charente-Inférieure, Côtes-du-Nord, Eure-et-Loir,
Loire-Inférieure, Loiret, Nièvre, Sarthe, Deux-Sèvres). — Les
noms Champignij-YYxO'^lidM'yi (Seine-et-Marne) et Champignolles-
les-Hospitaliers (Cote-d'Or) doivent être rapprochés des précé-
dents, en raison de leurs détermiiiatifs.
1476. En revanche, les noms caractérisés par la forme plu-
rielle, les Hôpitaux-Neufs, les Hôpitaux-Vieux (Doubs), ne
rappellent certainement en rien l'ordre de l'Hôpital. Il va sans
dire, d'ailleurs, que dans un petit nombre de cas l'emploi du
mot hôpital, en toponymie, peut s'appliquer à d'autres ordres
hospitaliers, nullement militaires, et désigner d'anciens établis-
sements destinés à recueillir les voyageurs, les pèlerins, les
enfants trouvés. Tel paraît bien être le sens auquel se rapportent
la plupart des noms de lieu désignés par la forme diminutive
IHospitalet • i Basses- Alpes, Ariège, Aveyron, Loire, Loi,
Lozère) : les localités ainsi nommées se trouvaient, en général,
sur d'anciennes grandes routes fréquentées par les voyageurs.
L'Espitalet (Audej est une variante de V Hospitalct.
Dune manière générale, il con^aent, pour expliquer le nom,
apparenté au mot hôpital, d'une localité, de s'informer tout
d'abord du passé de celle-ci. On trouve d'abondants renseigne-
ments sur les anciennes possessions de l'ordre de Malte, dans le
Cartulaire de l ordre des Hospitaliers de Sainf-Jean-de-Jérusalem
{1100-1 :]10), publié de 1894 à 1906, en quatre volumes in-f<dio.
Les notriA de lieu. -<
370 LES NOMS DE LIEU
par Joseph Delaville Le Roulx, et dans les publications d'un
objet plus spécial, comme celles de Mannier sur les commande-
ries du grand-prieuré de France, de Du Bourg- sur le grand-
prieuré de Toulouse, de Niepce sur le grand-prieuré d'Auvergne.
Il faut aussi tenir compte de ce qu'un établissement de l'ordre
de l'Hôpital comportait d'ordinaire une chapelle sous le vocable
de son patron, saint Jean.
1477. l^es noms de lieu cités dans les pages qui précèdent se
rapportent en propre, les uns aux Templiers, les autres aux
chevaliers de Malte. Les suivants peuvent concerner soit l'un, soit
l'autre de ces ordres, et seule létude des documents permettrait
de tixer la part de chacun.
Les maisons du Temple et de l'Hôpital étaient appelées
(( commanderies », chacune ayant à sa tête un praeceptor
ou commandeur. L'ordre de Saint-Lazare, dont il sera ques-
tion plus loin, avait aussi ses commandeurs, comme ses che-
valiers. Le nom d'écart la Commanderie se rencontre dans
les régions les plus diverses : on le voit accompagné du nom
originel de la localité <lans la Commanderie-de-Beaiigy (Cal-
vados).
1478. Les écarts dénommés la Chevalerie correspondent k
d'anciennes commanderies, considérées comme « maisons de che-
valiers », quand ils ne représentent pas les biens de propriétaires
dont le nom patronymique était (Chevalier. L'équivalent de la
Chevalerie est, en pays de langue d'oc, la Cavalerie (Arièg-e,
Aveyron, Dordogne, Tarn, 'Vaucluse) ; et l'on sait positivement
que la Cavalerie, écart situé au territoire de Pamiers, doit son
oiigine à une maison du Temple, fondée en 1130, et qu'on
ai)pela longtemps la Cavalerie de la Noiujarède.
1479. Le nom 'Villedieu ou la Villedieu, porté, dans les
diverses parties de la Franci', par dix-neuf communes et bon
nombre d'écarts, ne remonte pas au delà du xii"' siècle, et l'on
peut allirmcr (|ue toutes ces localités sont (rancicnnes posses-
sions des Templiers ou des Hospitaliers, (^e nom est souvent
accompagné d'un surnom : celui d»' \'illedicu-les-Poèles [^lunclwj,
qui a cessé d'être officiel, fait allusion à l'industrie des pcfcéles à
frii-c, assez anciemie dans le pays. |)uis(pu' Habclais en fait iiien-
Imn.
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : ORDRES RELIGIEUX 371
1480. Vildé (Côtes-du-Nord, lUe-et- Vilaine, Mayenne, Ven-
dée), Villedé ! Deux-Sèvres), la ViUedée (Gôtes-du-Nord), peut-
être la ViUedée (Morbihan), sont des altérations de Villedieii ou
la. Villedieu.
1481. L'interprétation qui vient d'être donnée de ce nom, et
qu'il serait facile de justifier historiquement, ne peut être éten-
due à tous les noms de lieu dont le thème étymologique est
Vallis Dei. A la vérité, l'ancienne commune' de la Vaudieu
(Indrel était le siège d'une commanderie ; mais on n'a pas la
preuve qu'il en ait été de même de Vaudieu (Vaucluse). Valdieu
(Marne) était, au diocèse de Troyes, un prieuré de Tordre du
Val-des-Choux, fondé en 1219. Quant au village de Lavaudieu
(Haute-Loire), il n'est ainsi appelé qu'en vertu d'un changement
de nom autorisé par acte royal, postérieurement au moyen-
àge ; en ce lieu, jadis dénommé Comps, s'élevait un monastère
de femmes subordonné à l'abbaye de la Chaise-Dieu ; l'abbé
Renaud de Blot, voulant que ce monastère reçût un nom « con-
sonnant au nom de sa dite abbaye », obtint du roi Charles VIII,
par lettres données à Laval le 9 octobre 1487, que le prieuré de
Gomps s'appelât désormais « le prieuré de Vaudieu... et non
autrement ».
1482. L ordre des chevaliers de Saint-Lazare fut établi,
croit-on, en 11 19, à Jérusalem, par le roi Baudouin II, et confirmé
par le pape Alexandre IV, en 1255. L'importance qu'il tirait de
sa mission spéciale, celle de soigner les malades atteints de la
lèpre, diminua en raison de ce que le fléau perdit de son inten-
sité. En France, où il avait fixé son chef-lieu dans le domaine de
Boigny, concédé par le roi Louis VII, cet ordre fut réuni en 1693
à celui de Saint-Michel ; tandis que l'union, en Savoie, de l'ordre
de Saint-Lazare à celui de Saint- Maurice est l'origine de l'ordre
honorifique « des saints Maurice et Lazare » au royaume actuel
d'Italie.
On peut rattacher au souvenir de l'ordre de Saint-Lazare la
plupart des noms de lieu désignant d'anciennes léproseries ; la
plupart seulement, car quelques-uns de ces établissements
étaient antérieurs à l;i création de l'ordre : telle, par exemple, la
maison de Saint-Lazare, à Paris.
1. Réunie à celle de Saiiil-Ililiiire [)ai' ordonnance du l"'' so|)lonibre l8i'J
372 LES NOMS DE LIEU
1483. Les lépreux avaient été placés sous la protection de
saint Lazare, par l'effet d'une confusion entre Lazare, le men-
diant couvert d'ulcères — le moyen-âge en avait fait un lépreux
— dont parle, dans l'Evang-ile selon saint Luc, la parabole du
Mauvais Riche, et saint Lazare, le frère de Marthe et de Marie,
qui, ressuscité, parta^^ea le repas de Jésus, six jours avant la
Pàque, chez Simon le lépreux, à Béthanie. La forme vulgaire de
Lazarus, accentué sur l'antépénultième, étant Ladre, la lèpre
était dite mal Ladre, d'où le mot maladreries désignant les mai-
sons où les lépreux étaient confinés. Le mot léproserie, de forma-
tion moderne, n"a pas trouvé place dans la toponomastique :
mais bon nombre d'écarts ' sont appelés la Maladrerie, la Mala-
drie, et — car mal Ladre a été parfois abusivement assimilé à
l'adjectif malade ^ — la Maladière. les Maladières.
1484. Plus fréquemment, les localités correspondant à d'an-
ciennes léproseries portent le nom de Saint-Lazare ; mais l'em-
ploi de la forme savante Lazare ne remonte guère qu'à l'époque
de la Renaissance ; auparavant la forme vulgaire était seule usi-
tée ; quelques Saint-Ladre (Cher, Eure-et-Loir, Nord, Oise, Pas-
de-Calais\ se sont d'ailleurs maintenus.
1485. La ville de Po/i ^-Saint-Esprit (Gard), qui s'est formée
autour d'un prieuré clunisien, ecclesia sancti Saturnini, dont
on constate l'existence dès 945, doit son nom actuel à un pont,
jeté sur le Rhône, dont les travaux durèrent de 1269 à 1309, et
à un hôpital de l'ordre du Saint-Esprit de Montpellier qui fut
fondé vers la même époque.
C'est vraisemblablement à ce même ordre hospitalier, créé au
xii" siècle et confirmé en 1198 par le pape Innocent III, que
1. Et, poiirrail-oii ajouter, un nombre bien plus considérable encore de
lieux dits. On en peut juyor en consultant les dictionnaires topographiques
rie la Haute-Marne et de la Côte-d'Or, et l'un de nous a fait pareille consla-
lalion en dépouillant les états de sections des communes du département
des Vosffes. II va sans dire que dans la |)lupait des cas un lieu dit appelé
la M.iL.tJii-rc ou la Maladrerie représente une ancienne [jossession d("
léproserie, et non l'emplacement d'une léproserie.
2. Monl-aiJX-M;d;i(Jcs, ancienne commune à laquelle une ordonnance du
20 janvier 1819 a réuid celle de Sainl-Aij^nan pour former la commune
actuelle de Mont-Sainl-.Vif^nan (Seine-Inférieurel, est ap|)t!lé, dans le»
textes latins du moyen-àf^-e, Mous l.c |) r o so r ii m.
ORIGLNES ECCLÉSIASTIQUES : ORDRES RELIGIEUX 373
doivent leur nom les localités appelées Saint-Esprit (Allier,
Côtes-du-Noi'd, Finistère, Gers, Lot-et-Garonne, Basses-Pyré-
nées, Vaucluse) et le Saint-Esprit (Orne). Antérieurement au
xu^ siècle, on n'aurait pas eu l'idée de placer un sanctuaire sous
l'invocation exclusive de la troisième personne de la Trinité (cf.
ci-après, n" 1515).
1486. L'ordre de la Sainte-Trinité fut fondé en 1199 par saint
Jean de Matha et saint Félix de Valois, pour racheter les captifs
des mains des intîdèles. En France, les Trinitaires étaient appe-
lés Mathurins à cause de leur maison de Paris, voisine de
l'église Saint-Mathurin, qui leur avait été donnée en 1228 ; on
les désifirnait aussi sous le nom d' « âniers » ou de « frères aux
ânes » parce qu'à l'origine l'âne était la seule monture qui leur
fût permise, témoin ce passage du Magnum chronicon Belyicum^
cité par Du Gange : Anno Domini 1198, pontificatus Inno-
centii pape 111 anno 1, coepit et institutus est ordo
Sanctae Trinitatis, quem solebant appellare ordinem
asinorum, eo quod asinos equitabant, non equos ; c'est
seulement en 12137 que le pape Clément IV leur permit de mon-
ter des chevaux, à l'occasion. Mais leur nom vulgaire subsista,
on le voit dans un compte de l'hôtel du roi pour 1330, que
Du Gange rapporte également : Les frères des asnes de Fontaine-
bliaut^ ou Madame fut espousée.
1487. En raison de cette circonstance, chaque maison de
l'ordre, chaque « ministrerie » — le supérieur portant le titre de
« ministre » — entretenait un certain nombre d'ânes. De là le
surnom « aux ânes » accolé, quand elle avait beaucoup d'homo-
nymes, au nom d'une localité où se trouvait une ministrerie :
Fay-ai\xx-kne& (Oise). On voit ce surnom déformé dans la Ville-
neuve-di\xx-kanes et la ViUefte-aux-h.u\nes (Seine-et-Marne).
1488. S'agit-il, dans ces deux derniers noms, d'une déforma-
tion intentiotmelle, les habitants voulant échapper aux plaisan-
teries que le mot « ânes » pouvait leur attirer ? Ou bien se
trouve-t-on en présence d'une altération de prononciation, étran-
gère à toute arrière-pensée ? Gette dernière supposition n'est pas
sans vraisemblance. La localité cjue le Polyptyque de Saint-Remi
de Reims appelle Villare asinorum, et une charte de 1240
Vilers Anous, est aujourd'hui Villers-aux-Nœuds (Miwne), parle
374
LES NOMS DE LfEU
double effet de la même altération, et d'un jeu de mots qui
remonte au moms au début du x,v« siècle. Il va sans dire m,e le
surnom „ au.-Xœuds „, qui devrait s-écrire asneu., névoqie en
nen le souvenir de l'ordre des Trinitaires. à la eréation duquel .1
est anteneur; ,1 a trait à l'élevage des ânes, et VUterlaur-
-^œuds répond à la même not.on d'économie rurale nue le,
vocables représentant le latm asinar.a : ceux-ci ont été indiqués
a. leurs n- 598), et on j peut joindre les noms plus modern
.4«,e.e Loiret, et f.inerie (Ardennes, Loire-Inférieure, Sarthe
Lo,re-Infe„eure,. du moins dans les cas où ce dernier ne s'ap:
plique pas à quelque propriété d'une famille Unier ou Lamier
LXV
SOUVENIRS DE LA TERRE-SAINTE
1489. On voit, à l'heure actuelle, dans notre pays, un petit
nombre de localités porter les noms de Bethléem (Nièvre, Nord,
Haute-Saône, Somme) et de Jérusalem (Nord, Vaucluse, Vienne) ;
à une exception près (cf. ci-après, n° 1493], elles sont de peu
d'importance, et l'on n'a pas la preuve qu'elles soient très
anciennes. Mais il est certain que, dès l'époque franque, ces
noms ont été en usage sur le sol gaulois.
1490. Le fait a été signalé incidemment (n" 866) à propos du
monastère de Rebais, qui, lors de sa fondation, fut appelé Jéru-
salem. Et Flodoard, dans son Histoire de Véglise de Reims,
écrite vers 940, mentionne un autre Jérusalem, situé en Noyon-
nais, sur la rive gauche de l'Oise, et dont il fut question, en un
concile tenu à Noyon en 814, à propos de contestations entre les
évêques de Noyon et de Soissons touchant U^s limites de leurs
diocèses.
1491. L'abbaye de Spermalie, au territoire de Sysseele, près
de Bruges, dans l'ancien diocèse de Tournai, est dite Nova
Jérusalem dans des textes latins du xiii'' siècle.
1492. La célèbre abbaye de Ferrières (Loiret), au diocèse de
Sens, reçut, lors de sa fondation, au xin" siècle, le nom de
Bethléem, qui, tout comme celui de Jérusalem, appliqué à la
même époque à Rebais, est tombé en désuétude.
1493. Par contre, un faubourg de la ville de Clamecy (Nièvre)
a conservé le nom de la petite ville de Judée où naquit Jésus.
Au début du xiii*" siècle, l'évêque de Bethléem, chassé de Pales-
tine par les infidèles, vint se fixer à Panthenor, près de Cla-
mecy, où s'élevaient un hôpital et une chapelle légués à l'un de
ses prédécesseurs, en 1168, par le comte de Nevers Guil-
laume IV ; Panthenor prit alors le nom et le titre épiscopal —
sans juridiction — de Bethléem '.
1. Dans sa conférence du 25 janvier 1903, à l'Ecole des Hautes lUudes,
A. Longnoa a fait remarquer que Bethléem a pour forme romane Belhle.in
ou Belean. L'hôpital de Bethléem, à Clamecy, est elTectivemenl appelé
Bellenm et Belhliuin en 1408, et la forme Belhan, fpii se dit Bè-iaii dans le
376 LES iNOMS DE LIEU
1494. Le villag'e de Bithaine (Haute-Saône), doit son origine
à une abbaye cistercienne fondée en 1133; son nom est une
forme vulgaire du latin Bethania. On n'est pas surpris de voir
évoqué de la sorte le souvenir d'une localité, située à deux kilo-
mètres de Jérusalem, dont les Evangiles font douze fois mention:
c'est à Bétlianie que saint Luc place la dernière apparition du
Christ à ses Apôtres : Eduxit autem eos foras in Betha-
niam, et, élevât is manibussuis.benedixit eis; et factuni
est, dum benediceret illis, récessif ab eis, et ferebatur
in c a e 1 u m ' .
1495. Ces derniers mots ont trait à l'Ascension, qui, selon la
tradition, se produisit sur la Montagne des Oliviers — le Mons
olivarum ou Mons oliveti des Ecritures — d'ailleurs toute
voisine de Béthanie. La vénération des fidèles pour ce lieu
s est-elle manifestée dans la toponomastique ? Il se peut ; mais
on doit contrôler soigneusement les exemples qui paraissent
justifier ce sentiment. Moiitolivet (Seine-et-Marne), paroisse de
l'ancien diocèse de Troyes, est appelé, dans un pouillé de 1407,
Montaillevert : il faut conclure de là que le second terme de ce
nom de lieu, loin d'être le calque du latin olivetum qu'on sup-
poserait sans défiance, résulte de l'altération d'un nom d'homme
en usage à l'époque franque, celui qu'on rencontre dans le
Polyptyque d'Irminon sous la forme Aglovertus, et qui repré-
sente un ancien Aglebertus.
Le nom de Monlolieu [Xxxàe) ei cqXxù Ae MontouUeu (Hérault),
dont le terme final n'est jamais traduit, dans les textes latins,
par un pluriel ou par un collectif, rappellent vraisemblablement
l'existence, en chacun de ces lieux, d'un olivier isolé, plutôt que
le souvenir des oliviers de Béthanie -.
parler local, est toujours eu usage. — D'autre j)ait, eesL aussi un primitir
Betiiléem que représente Béliam ou Bélion, écart de la commuue de Mesvin
(Belf^ique, Ilaiuaut), près Mons, où fut fondée, en 1244, une abbaye de
femmes de l'ordre de saint Augustin; et peut-être en esl-il de même de
Balham ^Vrdcnues), qu'nu [)Ouillé du diocèse de Heims, antérieur à 1312-
iippclle linlehun.
i . Luc, XXIV, ;')U-!il.
2. Sur le Ici-riloiic de Saiiil-N'craiu Nièvre; ou l't'Mianjue un ruisseau et
des écarts tlénoiuuiés le Jourdain, Betphagé, Jéricho, Jérusalem, sans par-
ler du hameau des Hcrtlies, (pii fut, jus(pi'au xvii" siècle, appidé Bethléem :
ces noms ont été importes de l'errc-Sainte, à l'époipie des croisades, pai'
les seigneurs de; Sainl-\ Crain.
1
1
LXVI
ÉVÉNEMENTS DE L'HISTOIRE RELIGIEUSE
1496. Le plus ancien texte où soit consignée la tradition qui
place à Montmartre le lieu du martyre des saints Denis, Rustique
et Eleuthère est-ce passag-e de la Vita sancti Dionyaii, écrite
antérieurement à 840 par l'abbé Hilduin : Quorum memo-
randa et g-loriosissima passio e regione urbis Parisio-
rum in colle qui antea Mons Mercurii, quoniam inibi
idolum ipsius principaliter colebatur a Gallis, nunc
vero Mons Martyrum vocatur,... celebrata est vu idus
octobris.
Julien Havet, dans son mémoire sur les Origines de Saint-
Denis, publié en 1890 ', prétendant quHilduin explique ainsi
« le même nom de deux façons différentes », et concluant de là
que « l'une ou l'autre de ces étymologies est nécessairement
fausse », estimait que « la vraie est Mons Mercurii. car un
texte relativement ancien, la chronique dite de Frédégaire, nous
apprend que Montmartre s'appelait au vu*' siècle Mons Mer-
core ' ». x\ vrai dire Hilduin, en s^exprimant dans les termes
qu'on vient de lire, « ne présente aucunement Mons Mercurii
et Mons Martyrum comme étant l'un et l'autre la forme pri-
mitive du nom de Montmartre ; il les indique simplement comme
deux vocables successifs d un même lieu, deux vocables dont le
plus ancien, emprunté au paganisme, a été, postérieurement au
1. Bihl. de VÉcole des chartes, LI, rj-62. Heimprimô en 189(1 dans U-s
LEuvres de Julien Iluvel, I, 191-246.
•2. Julien Ilavet s'avançait plus que de raison. Le texte do Frédégaire ne
fait (]ue juxtaposer les mots in monte Mercore et la mention d"un
séjour du roi Clotaire à Clichy : tout ce qu'il est permis de tirer de là —
vraisemblance el non certitude — c'est que la hauteur ainsi désignée
appartenait à la région parisienne; et, pour l'identifier avec Montmartre,
on ne saurait, en bonne criti(|ue, se contenter de Taffirmation d'Ililduin -
Havet tenait son témoignage pour « absolument nul » — portant (pie la
« Butte » s'appelait jadis Mons Mercurii.
378 LES NOMS DE LIEU
martyre de saint Denis, remplacé par une appellation rappelant
le souvenir du pieux évêque et de ses compagnons K Une telle
affirmation n'offre absolument rien qui, à première vue, per-
mette de la condamner -.
« Mons Mercurii est le nom primitif de Montmartre. Inspiré
par le culte de Mercure, il était certainement, à l'époque romaine,
le nom de plusieurs autres lieux de la Gaule », et notamment de
Saint-Michel-AIont-Merciire ou Montmalchus (cf. ci-dessus,
n" 455) ; « Mons ^fercurii, accentué sur u bref, n"a pu donner
en roman que Montmerqueur ou Montmerqueu » — par une
évolution exactement semblable à celle qui de Mercurium a fait
Mercœur ou Merciieil, prononcé Merquevx — « pour aboutir
finalement à Montmalchus, en passant par les intermédiaires
Mont?nercu, Montmarcu, Montmalcu, et, en l'absence d'une
preuve quelconque, il est imprudent d'affirmer qu'il ait produit
Montmertre ou Montmartre ». En vain alléguera-t-on que la
syllabe tonique de Mercurii a perdu son accent dans le mot
mercredi, Mercurii dies : elle ne pouvait le conserver, se
trouvant suivie immédiatement de la syllabe di, sur laquelle est
accentué ce mot ^.
1. Nous croyons devoir faire observer que celte interprétation de Mons
Martyrum n'est pas la seule possible. Rien n'indique positivement que
les martyrs dont il s'agit soient saint Denis et ses compagnons ; bien plus,
si la tradition avait été très nette à cet égard, il serait surprenant que, pour
honorer la mémoire du premier évêque de Paris, on se fût contenté d'une
appellation collective, anonyme. Et cette appellation oblige-t-elle même à
croire que des chrétiens aient, à Montmartre, subi la mort pour leur foi?
N'y peut-on voir, tout simplement, une manifestation du culte des martyrs,
peut-être même des saints en général — la fête de la Toussaint a été
appelée lu Marlror — substitué fort naturellement par le populaire i^
celui des faux dieux?
2. D'ailleurs, le rapi^oclicmenl du tcxlo d'ililduin et de certain pas-
sage — Mons Marti s, nu ne felici mutatione Mons Martyrum
— des Mir.tcula suncti Uiimiaii, œuvre d'un de ses contemporains, établit
l'existence, dès le ix"* siècle, d'une tradition d'après la(|uel]e rappellatioii
chrétienne Mons Martyrum aurail pris la place dune appellation
pa'KMine.
:!. A cette observation, formulée par Longnon dans ses conférences de
d9()2-190.'5 et de 1900-1007, il convient d'objecter que, concurremment avec
Mercurius, Mercurii, une déclinaison Mercur, Mercoris, avec
raccent sur 1'*?, |)arait avoir été en usage ; elle expliepierait, avec l'ancien
français inercresdi, le provençal inercn'x et l'espagnol nncrroli's.
OKiniNES ECCLÉSIASTIQUES ] HISTOIRE RELIGIEUSE 379
« Le nom latin de Mons Martyrum, qu'Hilduin dit avoir
été substitué au nom primitif de la montag'ne, portait l'accent
toni(jue sur l'antépénultième, c'est-à-dire sur l'a : c'est, par
conséquent, la seule étymologie qu'on puisse accepter du nom
de Montmartre. Si l'on admettait, avec Julien Havet, que le
vocable de Mons Martyrum est de l'invention d'Hilduin, il
faudrait supposer que ce prélat connaissait les lois qui ont pré-
sidé au passage du latin en français, et dont l'existence n'a été
révélée qu'au xix*" siècle seulement, par Diez et par Gaston
Paris ' ».
1. En dehors de l'observalion relative au mot Dtercrerli, tout ce début de
chapitre est l'abrégé d'un petit mémoire — Uélymologie du nom de Mont-
martre — publié par Auguste Longnon, dans le Recueil que la Société
nationale des Antiquaires de France, à l'occasion de son centenaire, a fait
paraître en 1904. — Dans un travail récent — Etudes sur Vahbaye de Saint-
Denis à Vépoque mérovingienne [Bihl. de VEcole des chartes, LXXXII,
42-43) — M. Levillain est revenu sur le même sujet. Selon lui, Montmartre
devrait se dire Montmarie, et l'appellerait le culte de Mars (voir ci-dessus,
p. 378, n. 2) ; Mons Martyrum serait, soit une invention des moines de
Saint-Denis, soit la traduction en latin de Montmartre, altération de Monl-
marte qui se serait produite dès ce temps-là. Constatant que Campus
Martis est devenu Chamars, Fanum Martis Famars, et Templum
Marias Talnias (cf. ci-dessus, n° 456), M. Levillain reconnaît que Mons
Martis aurait dû donner en fi-ançais Montmars ou Muntmas, et, de fait, il
cite les vocables Montmart (Aube) et Monf-Mart ; mais l'existence de lieux
dits Montmarte, aux environs d'Avallon et sur le territoire de Nîmes, l'en-
gage à dire qu' « il faut bien admettre une autre déformation populaire ->
de Mons Martis. Nous ne pensons pas que cette conjecture s'impose.
Quand bien môme les découvertes archéologiques faites au Montmarte de
l'Yonne justifieraient l'explication du nom de ce lieu dit j)roposée p;ir
M. Levillain, il serait téméraire d'étendre cette explication au Montmartre
nîmois, sur le passé duquel on ne connaît qu'une tradition toute chré-
tienne, celle d'après laquelle saint Baudile aurait été martyrisé en cet
endroit. Et si l'on envisage la question au point de vue purement phoné-
tique, il paraît certain qu'au ix*" siècle, en Gaule, la forme vulgaire de
Martis ne comportait aucune voyelle d'appui à la suite du groupe ri :
en effet, l'un des cas obliques de pars, qui se décline comme Mars,
est représenté, dans le serment des soldats de Charles le Chauve, par le
mot part {Mon. Germ., Scri])t. II, 666, 1. 9).
C'est évidemment pour ne s'être pas avisés de disjoindre la (lueslit)n
historique du lieu du martyre de saint Denis et la question philologi(iue de
l'étymologie du nom de Montmartre, que Julien Havet et M. Levillain ont
attaché tant d'impoitance à tenir pour inventé de toutes pièces le vocable
Mons Maityrnm : s'ils s'étaient bornés à criticpier le rapproclunienl
380 LES NOMS DE LIEE
1497. Employé au m" siècle par Tertullien, au x'' par saint
Jérôme — et depuis lors les exemples en abondent — le mot
latin martyrium désignait le lieu du supplice ou de la sépul-
ture des martyrs. Peut-être certains exemplaires du vocable
Martres ou les Martres (Charente, Dordogne, Gers, Haute-Loire,
Puy-de-Dôme) sont-ils apparentés à ce mot.
1498. On peut en toute sûreté rapporter au latin martyrium
(ait par Hilduin de ce vocable et du souvenir de saint Denis, leurs argu-
ments, eu ce qui concei-ne la première question, n'eussent rien perdu de
leur valeur.
Le nom de Montmartre est étudié aussi dans une brocimre de 29 pages,
que M. labbé J.-M. Meunier a fait imprimer à Nevers en 1914 ; l'auteur a
judicieusement cru pouvoir aborder cette étude « sans essayer d'approfon
dir la question difficile du lieu où saint Denis fut mis à mort ;>. Son avis est
que iïfon^marfre « ne dérive pasdeMonte M arty rum, mais de Monte
Mereore, forme du latin vulgaire pour le classique Mercurio » ; l'o
posf tonique de Mereore serait tombé dès le viii"^ siècle, et « au temps
d'Hilduin, . . . il a fallu que Montinercre fût, comme prononciation dans la
bouche du peuple, bien près de Montmartre, pour que cet historien pûl
déjà rapprocher ce mot de Mons Martyrum. . . La gutturale sourde de
Mercre s'avançait vers la dentale sourde /, et elle devait en être bien près
déjà ; de même l'e entravé devant r devait être très ouvert, el sonner
[)resque comme a, pour que Mercre soit devenu, vers le milieu du ix*^ siècle,
presque Martre, et pût être rapproché de Martyrum ». Les faits dé pho-
nétique apportés à profusion à l'appui de ces hypothèses, à supposer qu'ils
soient applicables à la langue parlée en Gaule au temps d'Hilduin, n'in-
firment en rien l'opinion que défendait Longuon.
A cette opinion M. Meunier objecte seulement que le mot martyr « n'a
pas passé dans la couche populaire des mots des langues romanes », et n'a
pénétré dans le français (ju'à titre de mot savant, caractérisé par le dépla-
cement de l'accent tonique. L'argument, à notre avis, loin de servir la
thèse de M. Meunier, établit l'ancienneté du vocable Mons Martyrum;
àncionueté comparable à celle des noms de lieu dans lescpiels se recon-
naissent des termes de bonne latinité disparus du langage courant, comme
les substantifs viens (cf. ci-dessus, n"" 506-515i, fa nu ni n°- 453, 456).
lucus (n»" 688-697,, l'adjcclil' lapideus m" 705 .
M. Meunier signale enfin (pic, parmi les ■■ autres lieux en France appelés
Montmartre », celui des environs d'Avallon — nous avons dit que M. Levil-
laiu l'appelle Montmarle — possédait un temple dédié à Mercure. On con-
çoit <|uc ce fait, à coup sûr rcmanjuable, l'ail parliculièrenu'ul séduit. Mais
on peut légitimement considérer qu'en raison de la réputation ([u'ont pro-
curée à la butte aujourd'hui [)arisiennc les Areopni/itica d'Hilduin, le nom
(le Montmartre peut l)ien .ivoir él('- (huinc. par analogie, à d'autios mon-
tagnes vouées à Mercure par le paj^'aiiismc romain.
OiUGlNES ECCLÉSIASTIQUES : HISTOIRE RELIGIEUSE 381
le nom de lieu breton le Merzer (Côtes-du-Nord, Morbihan).
Merzer-Salaiin (Finistère) est l'endroit où fut assassiné, en 814,
le roi des Bretons Salomon — Salaiin est l'équivalent breton de
Salomon — deuxième successeur de Noméiioé ; la mort vio-
lente de ce prince fut assimilée au supplice du chrétien mourant
pour sa foi. Limerzel (Morbihan) est appelé, dans un texte latin
de 1387, Ecclesia martyrum, ce qui est bien le thème éty-
mologique de son nom ; en effet, on sait qu'en breton ecclesia
est devenu iliz (cf. ci-dessus, n° 1322), et un document de 148i
donne la forme Illimerzel ; la forme moderne résulte de l'aphé-
rèse de la première syllabe.
LXVII
CULTE DE LA DIVINITÉ
1499. On appelait, au moyen âge hôtel-Diou ou maison-Dieu,
un établissement hospitalier destiné, soit à héberger les voya-
geurs, soit il recueillir les malades. De ces deux expressions
synonymes, uniformément traduites par le latin domus Dei, la
première, un peu archaïque, ne s'est guère maintenue que dans
les villes, où elle désigne souvent le principal hôpital, ou le plus
ancien, comme c'est le cas à Paris. Les localités appelées Mai-
SOn-Dieu (Haute-Marne, Deux-Sèvresj et la Maison-Dieu (Côte-
dOr, Creuse, Indre, Marne, Nièvre, Seine-et-Marne, Yonne)
correspondent, soit à d'anciens hôpitaux ruraux, soit à des pro-
priétés d'hôpitaux urbains. Une seule de ces localités a rang de
commune — c'est celle du département de la Nièvre — et son
nom actuel a été substitué à celui de Trisi, qu'on lit dans un
pouillé du diocèse d'Autun antérieur à 4312.
1500. L'appellation Locus Dei, attribuée d'ordinaire à des
monastères remontant au xii'' siècle, est représentée par le Lieu-
Dieu (Gôte-d'Or), abbaye de bernardines fondée vers IloO, le
Lieu-Dieu Somme), abbaye de l'ordre de Cîteaux fondée en
1 HM ,. Lieu-Dieu-en-./a/'(/ (\'endée), abbaye de l'ordre de Pré-
montré fondée en 1 14.^, Lieu-Dieu (Dordogne, Isère), et par Loc-
Dieu (Aveyron), abbaye cistercienne fondée en 1126. — Dillo
(Yonne), où une autre a])baye de l'ordre de Prémontré fui fondée
on 113'), répondu Dei locus.
1501. L'abbaye bénédictine du Joug-Dieu (Rhône), dont ht
l'ondalion se j)lace vers 1 I 18, était appelée en latin Jugum Dei.
1502. Le Mont-Dieu Ardennes , Mon s Dei, (h)it son origine
à une chartreuse.
1503. L'abbaye de Mondai/e (Calvados), fondée en 1212 par
Jourdain (ki Hommet, évècjue de Lisieux, passerai! pour avoir été
l'homonyme (h' cette chartreuse, si l'on s en lenait aux termes
(|ue voici d un (hicmnent de 1217 : con \ t-nl us sa ne I i Mari in i
de Monte |)ei: mais c'est hi une li a(huli()ii faulixc (h' la
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : CULTE DE LA DIVINITÉ 383
forme vulgaire, on peut s'en convaincre par l'examen des textes
plus anciens : iSIons d'Ae, en 1202; Sanctus Martinus de
Ae et Sanctus Martinus de Aeio en 121o ; ecclesia de
Ae en 1216; Mondée en 1242. Ces diverses formes permettent
de reconnaître dans Mondaye le mot mont suivi, avec intercala-
tion de la préposition de, du nom primitif du lieu, nom d'orig-ine
gallo-romaine, et vraisemblablement analogue à celui à Ay
(Marne) qu'on rapporte généralement au latin Agiacus.
1504. Gloria Dei, qui désignait jadis une ministrerie de
l'ordre des Trinitaires, est aujourd'hui Gloire-Dieu 'Aube).
1505. La Grâce-Dieu (Charente-Inférieure, Doubs, Haute-
Garonne), Gralia Dei, c'est-à-dire « la faveur divine », répond
à une idée qui paraît avoir été en honneur dans la première moi-
tié du xii*^ siècle. Deux des localités ainsi nommées occupant
l'emplacement de monastères fondés, l'un en 1135, au diocèse de
Poitiers, l'autre en 1139, au diocèse de Besançon. — Dans le
nom de la Grâce, écart de Gourbetaux (Marne), ce n'est pas le
nom divin qui est sous-entendu ; en ce lieu, voisin de Montmi-
rail, s'élevait, antérieurement aux guerres de religion, une
abbaye fondée en 1223, qu'on voit, en 1263, désignée par les
mots ecclesia de Gratia béate Marie subtus Montem
Mirabilem.
1506. La Bénissons-Dieu (Loire) était appelée en latin Bene-
dictio Dei : l'accusatif benedictionem a donné très régulière-
ment henisson et Vs a été ajoutée à ce mot sous l'influence d'un
impératif fréquemment employé.
D'autres noms de lieu présentent le nom divin compris dans
une formule précative ou votive.
1507. Celui de Dieulouard (Meurthe-et-Moselle) reproduit
l'expression lorraine /)/<'« /ou icart, c'est-à-dire « Dieu le garde » ;
on l'a rendu en latin par Dei custodia, faute d'en pouvoir
aisément donner une traduction exacte. Ce nom est certainement
antérieur à l'an mil, témoin la mention qu'on en trouve sous la
forme Deilaiwart, dans VHistoria episcoporiun Virdiinensiuni.
1508. Dieu-s'en-SOUvienne (Meuse) est un ancien prieuré de
l'ordre du Val-des-Kcoliers fondé en 1227.
1509. Le nom de Divajeu (Drôme) se présente sous les formes
dialectales Devajua en 1145, Devajnda en 1201 ; on la traduit en
38 i LES NOMS DE LIEU
latin par Dei adjutoiium. A vrai dire le thème étymolog-ique
est Deus adjuvat.
1510. Dieulefit (Drôine) comprend dans son territoire une
montag-ne appelée Dieugrâce : ces noms s'expliquent d'eux-
mêmes.
1511. Le nom Dieulivol (Gironde) comporte comme un acte
de foi en la protection divine.
1512. Beaucoup d'ég-lises sont ou étaient dédiées à la Sainte-
Trinité : il existe, outre la Trinitat (Cantal), une trentaine de
localités appelées la Trinité (Basses-Alpes, Alpes-Maritimes,
Aube, Calvados, Côtes-du-Nord, Eure, Finistère, Loire-Infé-
rieure, Manche, Mayenne, Meurthe-et-Moselle, Morbihan, Oise,
Orne, Basses-Pyrénées, Savoie, Seine-Inférieure, Seine-et-Oise,
Var, Vosges ^).
1513. On ne peut citer aucun vocable honorant en particulier
la première personne de la Trinité. Mais le culte de Dieu le Fils
a donné naissance aux noms de lieu dont la forme latine est
Sanctus Salvator. Le nom Saint- Sauveur, porté par plus de
quarante communes et par quelques écarts, a pour variantes,
dans la France méridionale, Saint-Salvadour (Corrèze) et, par
assourdissement de 1'/' finale. Saint-Salvadou (Aude, Aveyron) :
ces formes répondent à l'accusatif Sanctum Salvatorem, tan-
dis que le nominatif est représenté par Saint-Salvaire (Alpes-
Maritimes, Aude).
1514. Il n'est pas sans intérêt d'observer qu'au début du
règne de Philippe-Auguste, qui avait expulsé les Juifs du
roynume dès 1182, le vocable du Saint-Sauveur fut attribué à
une ancienne .synagogue convertie en église à Orléans : le même
fait peut s'être produit ailleurs.
1515. L idée première de placer un édiiice religieux sous 1 in-
vocation spéciale de la troisième personne de la Trinité semble
avoir appartenu à Pierre Abélard, le célèbre philoso})he cjui. en
1122, fonda au diocèse de Troyes le monastère du Paraclet,
dédié, comme son nom l'indique, au Saint-Esprit consolateur.
T^y-px/Xr-zz . Cette appellation causa un certain scandale, parce
qu'elle (Hait alors sans exemple. .Vbéhird, dans sa célèbre Lfllrc
I. (>('l,t<' (leniièro localilr, (''cori de l.i coiiuniiiir Av L;mi;irclie, ost un
aiicifu coiiveiil lie l'i'iiiilairos.
ORIGINES ECCLÉSlASTrQLES : LE SAINT-ESPRIT 385
à un ami, s'en explique en ces termes : « Fondé d'abord au nom
de la Sainte-Trinité, placé ensuite sous son invocation, le sanc-
tuaire fut appelé Paraclet, en mémoire de ce que j'y étais venu
en Tugitif, et de ce qu'au milieu de mon désespoir, j'y avais
trouvé quelque repos dans les consolations de la grâce divine.
Cette dénomination fut accueillie par plusieurs avec un grand
étonne ment ; quelques-uns l'attaquèrent avec violence, sous pré-
texte qu'il n'était pas permis de consacrer spécialement une
église au Saint-Esprit, pas plus qu'à Dieu le Père, mais qu'il
fallait, suivant l'usage ancien, la dédier, soit au Fils seul, soit à
la Trinité. Leur erreur provenait de ce qu'ils ne voyaient pas la
distinction qui existe entre l'Esprit du Paraclet et le Paraclet.
En effet, la Trinité elle-même, et toutes les personnes de la Tri-
nité, de même qu'elle est appelée Dieu et Protecteur, peut être
parfaitement invoquée sous le nom de Paraclet ; c'est-à-dire de
consolateur, selon la parole de l'Apôtre : « Dieu béni et le Père
« de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père de toutes les miséri-
u cordes, le Dieu de toutes les consolations, la consolation de
« toutes les tribulations » ; et aussi, selon ce que dit la vérité :
« Il vous donnera un autre consolateur ». Puisque toute église
est également consacrée au nom du Père, du Fils et du Saint-
Esprit, et qu elle est la possession indivise des trois personnes,
qu'est-ce qui empêche de dédier la maison du Seigneur au Père
ou au Saint-Esprit, aussi bien qu'au Fils ? »
Abélard obtint gain de cause, puisque le nom de Paraclet fut
également donné à une abbaye fondée en 1219 au diocèse
d'Amiens. Et l'on a vu(n«' 1485) qu'entre temps avait été fondé
Tordre du Saint-Esprit, auquel un certain nombre de localités
doivent leur nom.
/.Ci noms de lieu.
LXVIIl
APPELLATIONS MYSTIQUES
1516. On a vu (n° 1503j le mot gratia, en combinaison avec
le nom divin, représenté par les noms la Grâce-Dieu. — La
Grâce (Marne) est pour la Grâce-Notre-Dame, Gratia beatae
Mariae.
1517. Gaudium, désignant la joie spirituelle, caractère dis-
tinctif du vrai chrétien, est le nom de la Joie, porté par des
abbayes cisterciennes de femmes, fondées, lune en 1231. au
diocèse de Sens, près de Nemours (Seine-et-Marne), l'autre en
1230, au diocèse de Vannes, près d'Hennebont (Morbihan). La
première fut réunie en 1764 à celle de Villiers-aux-Nonains
(Seine-et-Oise) qu'à cette occasion on appela yf7//ers-la-Joie '.
On n"a pas de renseignements précis sur Torig-ine du nom de
la Joie porté par des écarts des Ardennes, de la Loire-Inférieure
et de la Haute-Savoie.
1518. Pietas Dei est le nom sous lequel fut fondée, en 1229,
au diocèse de Troyes, une abbaye cistercienne, aujourd'hui la
Piété (Aube).
1519. Il serait hasardeux de rapporter le nom la Foi (Charente,
Charente-Inférieure, Vendée) au latin fides, car il est possible
qu'on soit en présence d'une variante, d'une altération de la Foi/e
(Deux-Sèvres), nom qui appartient à la même rég-ion, et qui
aurait pu être compris parmi ceux représentant fagea, « hêtraie »
(n" 657). En revanche, il ny a pas (h^ doute possible sur la
sig^nilication du nom de Bonne-Espérance (Nord), ancienne
abbaye du diocèse de Cambrai fondée avant 1226. Mais des trois
vertus théologales, c'est la charité ([ui se trouve la plus honorée
dans la toponomastique française. La ville de la Charité ( Nièvre j
doit son origine à un prieuré de l'ordre de Cluny fondé au
xiT siècle. Sur le territoire de Ghâteau-l'hierry (Aisne), un lios-
1. ('A'. 1*. Qiiesvers et H. Stciii, Pniiillô ilc l.tnrii'n r//Vjc/».sv» tJe SerTs,
p. '.M -02.
ORKHNES ECCLÉSIASTIQUES : LA CHARITÉ 387
pice isolé est appelé la Charité ; et l'on voit le même nom dési-
g-ner des hôpitaux url^ains, à Auxonne, Besançon, Chambéry,
Langres, Paris, Toulouse, par exemple. Quant aux écarts appelés
la Charité (Ardennes, Haute-Saône, Savoie, Seine-et-Marne), il
y aurait lieu de rechercher, pour chacun d'eux, à quelle circon-
stance il doit son nom.
1520. L'écart appelé Réconfort (Nièvre) est une ancienne
abbaye de cisterciennes fondée vers 1235. monasterium quod
dicitur Consolatio béate Virginis. Le nom latin de Con-
solatio béate Marie a été appliqué à un autre établissement
du même ordre, l'abbaye des Mazures (Ardennes), au diocèse de
Reims, mentionnée en 1274 et réunie en 1399 à l'abbaye d'Elan.
La chapelle de lermitag-e de Ghèvreroche, près Thuillières
(Vosg-es , au diocèse de Toul, était sous le vocable de Notre-
Dame-de-Consolation '. Les écarts dénommés Consolation
(Doubs, Pyrénées-Orientales) sont peut-être aussi d'orig-ine reli-
g-ieusc.
1521. Entre le xu^ siècle et le xiv®, le nom de Corona béate
Marie fut attribué à plusieurs monastères, dont l'un, fondé en
1124, a donné naissance au bourg de la Couronne, près d'An-
g-oulême. — Grand-Couronne et Petit-Couronne (Seine-Infé-
rieure) sont d'une origine toute différente ; dans l'espèce, Cou-
ronne, qui est masculin, résulte d'une altération de Courcnine,
latinisé Curholmum, nom de lieu dans lequel on reconnaît
le terme Scandinave holm, précédemment étudié (n° 1191).
1. Mémoires dp la Société d'archéologie lorraine, 1910, p. 118.
LXIX
CULTE DES SAINTS : PARTICULARITÉS DIVERSES
1522. Les noms de lieu se rapportant au culte des saints sont
fort nombreux.
Quelques-uns de ces noms, représentant le pluriel de l'adjec-
tif sanctus, évoquent le souvenir de plusieurs saints réunis en
un culte commun. Tel est Xanten (rég'ence de Dùsseldorf), où
sont vénérées les reliques de plusieurs des martyrs de la Légion
thébaine. Il existe, en France, plusieurs localités dénommées
Sains (Aisne, Ille-et- Vilaine, Nord, Pas-de-Calais, Somme) et
Saints (Seine-et-Marne, Yonne) : ^a.iïl&-en-Amiciiois (Somme)
est désigné dans un texte de 1090 par les mots f un dus ex
nomine Sanctorum ; et ^ainis-en-Puisaye (Yonne , Cottia-
cus adSanctosau vi^ siècle, est le lieu où furent martyrisés
les saints Cottus et Priscus.
Maintes fois le vocable d'un sanctuaire est devenu le nom de
la localité où il sélève, et la plupart du temps ce nom. bien
reconnaissable, consiste dans un nom de personne précédé du qua-
lificatif sa//?/. Mais cette règle générale souiïVe diverses exceptions
à l'examen desquelles va se borner l'objet du présent chapitre :
c'est dans le suivant, beaucoup plus développé, que seront pas-
sés en revue les noms de personnages honorés par l'Eglise, qui
ont trouvé place dans la toponomastique française.
Sanctus nest pas le seul qualificatif que le latin médiéval
ait appliqué à ces personnages.
1523. Beatus a été d'un usage tout aussi fréquent; mais le
seul nom de lieu dans lequel on soit fondé à le reconnaître est
Belhomert (Eure-et-Loir). Cette localité doit son orig^ine à un
oratoire fondé au W siècle par un pieux abbé charlrain nonuné
Launomarus, et (|ui devint, par la suite, prieuré de l'abbaye de
l-'ontevrault. Launomarus fut donné pour j)atron à l'abbaye de
Suint-Loiiu'r de Blnis, et il est lionoiv au pHS-Sniitl-l. Iloincr
I
I
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES I BEATUS 389
(Ornej : nul doute que son nom doive être reconnu dans
Belhomert ; cela dit, on ne saurait souscrire à la traduction
Bellus Launomarus que les auteurs du Gallia christiana ont
imag-inée ; au qualificatif bellus, qui jamais n'a été appliqué à
un bienheureux, il faut, sans hésitation, substituer beat us.
1524. Doninus, forme réduite de dominus, a été, aux
époques mérovingienne et carolingienne, un véritable synonyme
de sanctus. Les deux expressions sont employées concurrem-
ment dans le testament, écrit vers l'an 700, d'une dame pari-
sienne du nom d Ermintrude, contenant de nombreuses libérali-
tés en faveur des ég-lises de Paris ou des environs : baselica
sancti Dionisi, baselica domni Sinfuriani. Beaucoup de
noms de lieu correspondent à des vocables d'églises, dans les-
quels le nom du saint patron était ainsi précédé, non de sanc-
tus, mais de domnus : Domnus Germanus et Domnus
Petrus ont donné Domgermain et Dampierre.
1525. Domnus, on le voit, devient dom, altéré parfois en
dam. Le son nasal qui caractérise ces formes peut disparaître
devant une voyelle ou devant une liquide, comme dans Domalain
(Ille-et- Vilaine), Domnus Al anus — Bonnement (Aube),
Domnus Amandus — Dannevoux (Meuse), Domnus Hipo-
litus, d'une part ; — Dommartin, Dammartin, Domnus Mar-
tinus — Doulevant (Haute-Marne), Domnus Lupentius —
Dommarien (Haute-Marne), Domnus Marianus — Douriez
^Pas-de-Calais), Domnus Ricarius, d'autre part.
1526. Dans Demuin (Somme), Domnus Audoenus, l'o de
dom ou l'a de dam s'est assourdi en e muet.
1527. Le féminin de domnus, domna, revêt des formes
assez variées, témoin les noms Dommarie (Meurthe-et-Moselle),
Dame-Marie (Eure, Indre-et-Loire, Orne), Dammarie (Eure-et-
Loir, Loiret, Meuse, Seine-et-Marne), Donnemarie (FLaute-Marne,
Seine-et-Marne), Dannemarie (Doubs, Haut-Hhin, Seine-et-Oise),
qui tous procèdent de Domna Maria.
1528. Passé l'an mil, on n'a plus d'exemples avérés de l'em-
ploi de domnus au sens de « .saint », mais la forme vulgaire de
ce mot s'est maintenue dans la langue française, (^n sait que,
postérieurement à la Renaissance, le titre dom a été donné
aux membres de certains ordres religieux, de l'ordre de saint
390 -LES ycms de lieu
Benoît notamment. D'autre part, pendant les derniei's siècles
du moyen-àg-e, cloni ou dam, appellation de courtoisie analogue
à l'espag-nol don et au portugais dom, avait été attribué à
des seigneurs ou à des gens d Eglise. Et parfois le nom de tel
personnage, précédé de cette appellation, est devenu celui d un
établissement fondé par lui, dune maison qu'il avait possédée.
De là certains noms de lieu, très analogues d'aspect à ceux qu'on
vient de rencontrer, mais dans lesquels il faut bien se garder de
voir des vocables hagiographiques. Si le thème étymologique du
nom de Damparis (Jura) est bien Do m nus Patricius, du moins
doit-on entendre par là, non pas saint Patrice, mais un religieux
du nom de Paris, qui, vers 1150, fonda en ce lieu un monastère.
— Danirémont (Haute-Marne) n'a que tardivement pris rang de
paroisse ; c'était à l'origine une simple maison rurale fondée par
un nommé Rémond, sans doute prieur de Varennes. Des noms
de femme, précédés du mot dame, ont eu le même sort : la
Dame-Alix (Haute-Marne), la Dame-Huguenote (Haute-Marne),
Dame-Jeanne (Côte-d"Or).
Il convient d'observer que dam, signifiant non pas <( saint »,
mais « seigneur », fait partie du déterminatif, singulièrement
défiguré par la graphie officielle, de certains noms de lieu.
Magny-Danigon (Haute-Saône), les Aix-d' Angillon (Cher) et la
Chapelle d' Angillon (Cher), devraient s'écrire Magny dan Igon,
les Haies dam Gillon et la Chapelle dam Gillon, répondant res-
pectivement à Mansionile domni Hugonis (cf. ci-dessus,
n" 1025), Haiae domni (lilonis, Cappella domni Gilonis.
Ces deux derniers noms rappellent le souvenir d'un seigneur
berrichon, Gilles de Sully.
1529. Les noms de lieu, se rapportant au culte des saints,
dont la forme origimdle présente comme premier terme domnus
ou domna, seront indiqués dans le prochain chapitre ', à pro-
1. lin cela nous modifions le plan conslamniont suivi par Longnon.
Kn 1903, il a consacré à l'examen de ces noms la majeure partie de la
conférence du 29 janvier — dont le début coïncidait avec celui du pré-
sent chapitre — et toute la conférence du ïi février; c'est seulement le
20 février (pi'il devait aborder, pour la poursuivre jusqu'il la fin de l'année
scolaire, l'élude des noms de lieu ayant pour premier terme le mot
u saint ". De là. dans les notes orises nar ses auditeurs deux séries de
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES I DOMXUS 391
pos des divers noms de personne sur lesquels ils ont été formés.
L'un d'eux cependant doit être mentionné à part, à raison de sa
composition exceptionnelle et des altérations remarquables dont
il est le résultat : c'est celui de Dandesigny (Vienne). Les plus
anciennes mentions qu'on connaisse de ce village, jadis paroisse
de l'archiprêtré de Mirebeau, appartiennent aux toutes dernières
années du ix" siècle ; l'une est ainsi conçue :ecclesia Abdon
et Sennes in castellania Mirebellense ; l'autre offre la
forme vulgaire Doni de Seigne, où, par l'effet d'une crase assez
forte, de représente Abdon ; en 1307, on rencontre Dandeseiffné,
qui semble, à première vue, répondre à quelque primitif en
-acus ; la forme actuelle s'est produite sous l'influence qui, dans
la même région, a substitué le français Champigny au poitevin
Champeigné, usité encore en 1437. Si compliquée que puisse
paraître cette étymologie, elle est pourtant indiscutable, car, à la
veille de la Révolution, l'église de Dandesigny avait encore pour
patrons les saints martyrs Abdon et Sennen, victimes de la per-
sécution de Decius.
1530. De ce qu'un nom de lieu a pour premier élément le mot
« saint », il ne faut pas toujours conclure que le terme qui suit
soit un nom de bienheureux.
La démonstration n'a pas besoin d'être faite à propos des noms
précédemment étudiés, qui se rapportent au culte des seconde et
troisième personnes de la Sainte-Trinité — Saint-Sauveur et ses
variantes i n° 1512), Saint-Esprit (n° 1484) — non plus que des
vocables Sainte-Croix, figurant à plus de cinquante exemplaires
au Dictionnaire des Postes, et Saint-Sépulcre (Côtes-du-Nord,
Nord) — cf. la Chapelle-Saint-Sépulcre (Loiret), Neuvy-Saint-
Sépulcre (Indre) et Villers-Saint-Sépulcre (Oise) — dont on pré-
tend que Saint-Polgues (Loire), prononcé dans le pays Saint-
Porgue, est une altération. Dans le surnom du village de Braux-
Sainte-Cohière (Marne), qui a pour objet de le différencier de
son voisin Braux-Saint-Remy, si le mot saint procède bien d une
vocables hagiographiques, dont la seconde présentait bien des élémenls
l'encontrés déjà dans la première, et donnant lieu inévitablemonl, qu'on
nous passe le mot, à des redites ; il n'y avait qu'avantage, avons-nous
pensé, à faire disparaître celles ci par la fusion des deux séries en une
seule.
392 LES NOMS DE LIEU
idée relig'ieuse, cohière paraît être une expression locale dési-
gnant l'action de mettre un prisonnier aux fers, et l'on doit, dans
l'espèce, y voir une allusion à la Saint-Pierre-ès-Liens, fête
patronale du lieu.
1531. Dans chacun des noms qui suivent, Saint est une alté-
ration de la première syllabe, indûment séparée du reste du
nom.
Les formes anciennes du nom de Saint-Boingt (Meurthe-et-
Moselle) sont, en 1179 Cemhench, en 1431 Samboin, en 1558
Sambeinff.
Saint-Cy (Nièvre) est dit en 1357 Saincy, et en 1699 Sincy :
ce nom est d'orig-ine g^allo-romaine, s'il faut faire état de la
forme Suenciacum, ([u'on trouve en 1287.
Saint-Dréniont (Vienne) est appelé vers 1090 Sidrejuiim.
Saint-Ény (Manche) a pour forme primitive Centeniacus.
Le nom de Saint- Inglevert (Pas-de-Calais) a été expliqué
ailleurs (n^ 800).
Celui de Saint-Sauflieu Somme) était écrit au moyen-âge
Sessaulieii, ce qui suppose un primitif Saxoaldi ou Saxoldi
locus.
La substitution de la graphie Saint-Tronc à Centron, pour
désigner un écart du territoire de Marseille, a peut-être pour
cause la grande notoriété de la ville belge de Saint-Trond
(Limbourg) — sanctus Trudo — dont les marchands fréquen-
taient les foires de Champagne et celle du Lendit.
1532. Dans certains cas, saint correspondant bien au latin
sanctus, le terme qui suit combine le nom du bienheureux
dont il s'agit avec un autre élément, par exemple avec un de ces
noms communs qui ont été d'un usage si fréquent j)our la forma-
tion des noms de lieu : mons, dans Sainf-Baslemonf (Vosges),
Sainl-Germaininont (Ardennes), Saint-IIilaireniont (Marne),
Saint- Pierremont (Aisne, Ardennes, Meurthe-et-Moselle,
Vf)sges), Saint- fiemimonl (Meurthe-et-Moselle, Vosges) ; —
cortis d-AUs Saint-Deniscourt (Oise); — villa dans Saint-Pier-
rcville (Ardèche); — villare dans Saint-Pierrcvillers (Meuse) ;
noms construits d(; mémo ((ue celui de Saint-Eloi-Fontaine
(Aisnej, que porl.iit une ,d)h.iye auguslini' du diocèse de Noyon,
fondée on 1 1 '{îl.
1533. Les anciennes menlions de Sulnl-l'ri-nvillc (Nièvre) —
ORIGLXES ECCLÉSIASTIQLES : SAXCTUS 393
parrochia Sancti Pétri de Villa en 1232, Saint Père en Ville
en 1355, Saine t Père a Ville en 1405 — donnent lieu de croire
que Villa était devenu le nom de la localité; Saint-Péraville
résulterait donc dune combinaison analogue à celle qui a donné
Saint-Cy bardeaux (Charente), nom dont la forme correcte serait
Saint-Ci/bard-d'Eaux , Sanctus Eparchius (cf. ci-après,
n° 1551) de Ilice ou de Ilcio.
1534. Le nom de Saint-Péravy-la-Colomhe (Loirety répond au
latin Sanctus Petrus ad vicum Columnam. Columna est
le nom sous lequel Grégoire de Tours désigne le bourg (vicus't
de la cité d'Orléans où le roi Clodomir, en 523, fît tuer son pri-
sonnier Sigismond, roi des Burgondes. Celui-ci fut réputé mar-
tyr, et le puits où son corps avait été jeté — puteus sancti
Sigismundi, Puits-Saint-Simond — devint un lieu de pèlerinage
qui donna naissance au village actuel de Saint-Sigismond Colum-
na doit être identifié, non pas, comme on Ta cru, avec Coulmiers,
dont le nom représente columbarium, mais avec Saint-Péravy-
la-Golombe, dont le territoire communal confine à celui de Saint-
Sigismond ; colombe est d'ailleurs une des formes vulgaires que
revêtit au moyen-âge le latin columna, à telles enseignes qu'il
est souvent question, dans les inventaires de librairies des xiv''
et xv*" siècles, de livres écrits « à deux colombes » '.
Saint-Péravy-É preux (Loiret) est évidemment un autre Sanc-
tus Petrus ad vicum.
1535. Les noms Saint- Amancet (Tarn;, Saint-Canadel
fBouches-du-Rhône), Saint-Cy branet (Dordogne), Saint-Floret
(Puy-de-Dôme I, Saint-Gallet (Indre), Saint-Jeannet (Basses-
Alpes, Alpes-Maritimes), Saint-Jouannet 'Landes), Saint-Louet
(Calvados, Manche), Saint-Paulet (Ariège, Aude, Gard), Saint-
Sevret (Landes), s'appliquent à des localités primitivement appe-
lées Saint-Amans, Sainf-Cannat, Saint-Cybran, Saint-Flour,
Saint-Jalle, Saint-Jean, Saint-Jouan, Saint-Lô, Saint-Paul,
Saint-Sever ; la terminaison diminutive qu'ils présentent a pour
objet — le déterminatif (' le-Petit » eût pu être employé à pareille
1. Voir pour |)lus de détails, A. Longnon, (iéograpliic de la Gaule au
V/« siècle, p. 344-346, et J. Soyer, Le « Columnae vicus » ri /' « a(/er Colum-
neiisis », dans les Bull, de la Soc. archéol. ci liist. de rOrléanah, l. XVIII ;
tiré à part (Orléans, 1918, l-'i p. iii-8» .
39 i LES NOMS DE LIEU
jJq — de ditférencier ces localités de localités homonymes plus
importantes.
Diverses circonstances ont eu parfois pour résultat de changer
le genre du nom de tel saint ou de telle sainte,
1536. Sancta Agatha est devenu Saint-Chaptes (Gard).
1537. Sancta Agnes a produit Saint-Agnet (Landes) et
Saint-Aiinès (Hérault), « saint » ne se distinguant pas, pour
l'oreille, de « sainte » quand le nom qui suit commence par une
voyelle; c'est ainsi que Sancta Alvera est aujourd'hxii Saint-
Alvère (Dordogne).
1538. Sainte Barbe est la patronne de Saint-Barbant (Haute-
Vienne). Le nom latin Barbara, qui était accentué sur l'antépé-
nultième, s'est réduit à Barba, et cette forme basse s'est vu
appliquer la déclinaison imparisyllabique en -a, -ane (voir
ci-dessus, n" 985) ; le cas régime Barhan — tout comme les
noms de rivière Cousin, Morin. Serein, Thérain (n*» 1164),
Conan et Formans (n° 1165), par exemple — a été, en raison
de son aspect, attribué au genre masculin ; il va sans dire que le
/ final de Saint-Barbant est parasite.
1539. Sanctus Candidus est devenu successivement Sain/-
Cande, Saint-Canne, enfin, en raison de l'apparence féminine
qui lui donnait sa terminaison muette, Sainte-Canne (Gers).
1540. Sancta Eulalia est le nom primitif de Saint-Aulaire
(Corrèze, Dordogne), de Saint-Aulais (Charente), de Sainf-
Aiilaye (Dordogne), de Saint-Aulazie (Tarn-et-Garonne) et de
Saint-Arailles (Gers^ ; le changement de genre s'explique —
comme à propos des noms, mentionnés précédemment (n" 1537),
qui répondent à Sancta Agnes — par le fait que le nom de la
sainte commence par une voyelle.
1541. Sainle-Gergoine, ferme détruite au linage de Dommar-
lin-la-Planchette (Marne) est appelée Saint Jargoinne en 1400,
Saint Gergoinne en litO. Saint Jargoi ne en 151 IJ, Sninct Gcr-
gonne en 1509; la féminisation, imputable sans doute à la
terminaison muette, paraît n'être pas antérieure au xix" siècle '•
1. l^es reli(|iies de saiiil Goij^oii Goigonius) étaient vénérôes îi ral)l)aye
(le fîoi/.o, cl ce moiuistorc posstMlait des l)iens dans la réf,^ion à la(]iu'lle
iipparlieiil Dommaitin-hi-PliMiclicllc. — On trouve conslanunent, dans la
ié;,'ion lonaiiie, la forme (iiTf/i)iii<', fl d'autres (|ui n'en dilTèrcnl ynère.
I
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : SAXCTUS 395
1542. San c tus lllidius s'est altéré en Sainte-Olive (Ain) K
1543. Abbatia sancti Petrusii in Alorveno désigne, dans
un texte de 887, Sainfe-Pereuse (Nièvre). La terminaison muette
de la forme vulgaire de Petrusius n'a rien d'anormal dans une
région où sanctus Patricius a donné Saint-Parize (Nièvre).
1544. Sainte-Ramée (Charente-Inférieure) représente Sanctus
R e m i g i u s .
1545. Sanctus Syniphorianus est devenu Sainte-Fcijre
(Creuse), par l'intermédiaire d'une forme telle que Saint-Sinfeira :
celle-ci présentait à l'oreille une redondance qu'on aura évitée
en disant Saint-Feira ; puis, par un phénomène analogue à celui
qui a produit Saint-Affrique (Africanus, Africa), l'a final de
Ferla, transformé en e muet sous l'influence du français, a perdu
l'accent, et Feire a passé pour un nom féminin-.
L adjectif sanctus a subi diverses altérations, les unes acci-
dentelles et isolées, les autres présentant un caractère régional,
qu'il importe de noter ici.
1546. On ne soupçonnerait pas cet élément dans le nom de
Samer (Pas-de-Calais), si l'on ignorait que le monastère qui
s'élevait en cet endroit est cippelé, en 1107, monasterium
sancti Vulmari; la forme Saunier, qu'on rencontre en 1298,
reproduit évidemment une prononciation populaire Sa-ii-nier,
pour Saint- L' nier.
1547. C'est par une prononciation similaire, ne faisant pas
sentir le t de saint, qu on peut expliquer l'altération de Saint-
Aubin — Sanctus Albinus — en Sambin (l.oir-et-Cher'i.
dans les anciennes désignations tant du village de Saint-Gorgon (Vosges)
que de la paroisse messine dénommée de même : vera Sainct Gergoine. ail
nng vivier [La Guerre de Metz en 1 324, poëine . . . publia par E. de Bouteil-
ler, str. d.o, vers 6).
1. Le Dictionnaire topograpliique de l'Ain porte Saint-Olive ; mais cette
rectification, si justifiée qu'elle soit, n'est pas encore officiellement consa-
crée. — Qu'il nous soit permis de citer un autre exemple de changement de
genre, résultant à la fois de ce que le nom de la sainte commence par une
voyelle et a été décliné en -a, -ane : Saint-Ouen-lès-Pareg (Vosges^ a pour
patronne sainte Ode, Oda, dont le nom, au cas régime, prenait la forme
Ouain.
2. La forme originelle du nom de Sainle-Trie (Dordogne» est S.inrlus
T r o j a n u s .
396 LES NOMS DE LIEU
1548. La disparition du son nasal caractéristique du mot
saint sous l'influence de la liquide initiale du nom qui le suit, a
donné au nom de Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme) la forme vul-
gaire Senneterre, désignant la famille, originaire de ce lieu,
à laquelle appartenait le maréchal de La Ferté. La petite ville de
La Ferté-Saint- Aubin (Loiret), ancien chef-lieu d'un duché-pairie
érigé, en 1665, en faveur de ce personnage, a été appelée La
FertéSenne/erre.
1549. Sniarve (^ Vienne), appelé par des textes du xiv® siècle
Saint-Marve et Sancta Marvia, paraît fournir l'exemple d'une
contraction remarquable qu'on ne pourrait que constater, sans
avoir le moyen de l'expliquer.
1550. Le passage du groupe latin cf. au son chuintant, qu'on
observe dans la langue espagnole [noche = noctem ; — ocho =
octo; — techo = tectum) s'est aussi produit dans les parlers
de la France méridionale, témoin le nom à'Uchaud, dont le pri-
mitif est Octavum (cf. ci-dessus, n" 479). Sanctus et sancta
sont ainsi devenus, au moyen-âge, sanch et sa ne ha; puis, sous
l'influence du français, sancJi ou sancha est devenu sainche, et
parfois, le nom qui suivait commençant par un son voyelle, le
son chuintant de sanch s est détaché de l'adjectif pour faire
corps avec le nom. Telle est l'origine des vocables Saini-Chinian
(Hérault), Saint-Chamans (Vaucluse), Saint-Chaniant (Cantal,
Gorrèze, Puy-de-Dôme) et Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône),
Saint-Chaniond (Loire), Saint -Chapies (Gard), Saint-Chély
(Aveyron, Lozère), qui répondent respectivement à Sanctus
Anianus, Sanctus Amantius, Sanctus Annemundus,
Sancta Agatha (cf. ci-dessus. n° 1536) — par l'intermédiaire de
formes telles i\\\e. Sanche Ate et Sainche Ate — et Sanctus llila-
rius. Le nom de la ville de Saint-Chamond a trouvé place dans
la lo|)<)grapliie parisienne sous la forme Saint-Chauniont '.
I. L'Iiotol de Saiiit-Cliaumoiit, coiislruil pour k' marquis de Sainl-Cha-
iuoikI, (jui mourut en 16iî>, fut ac((uis, eu 1G83, par les religieuses de
l'Union chrétienne, (jui, depuis lors, furent dites <■< Filles de Saint-Chau-
nionl ", et s'avisèrent, après coup, de prendre pour second patron « saint
Cliauinond, év»*-que de Lyon et martyr ■>, fêté le 28 septenil)re (voir Coin-
ininaion mnniriiiuli- <lii \'fiix-Paris, anin^r !!)()(!, procds-verh.iiix, \> . 0-1 S :
Ha/iporl préxenl)^ f>;tr M. (Charles Scllirr .. . mir runcirri couvent <l<-s ////es
(If S.tinl-Chaaiiwnl, .'/ jiroiiDs <lc lu ih'-inulilion ilu n" 22 i <lr l;i rue Suiitl-
ORIGINES ECCLESIASTIQUES : SANCTUS 397
1551. Parfois, et, d'une manière g-énérale, dans une région
moins méridionale que celle à laquelle appartiennent les noms
qui viennent d'être énumérés, au lieu du son chuintant, on
observe un son sifflant qui s'est comporté de même. Sanctus
Aredius, Sanctus Avitus, Sanctus Eparohius, Sanctus
Hospitius ont donné Saint-Scriès (Hérault), Saint-Savy
(Dordogne), Saint-Cybard (Charente, Dordogne, Gironde) — et
Denis). — Nous ne croyons pas devoir ajouter, comme le faisait Lon-
gnon, que les Buttes-Chaumont devraient s'appeler du nom de cette
communauté, Buttes Saint-Chaumont. 11 existait bien, voilà quelque
soixanle-dix ans, une « Société des Buttes-Saint-Chaumont », témoin cer-
taine demande de recherches adressée de sa part, le 20 juillet 1854, au
secrétariat de la Direction générale des Archives de l'Empire, où elle fut
enregistrée sous le n** 16027; la « cité Saint-Chaumont » relie le boulevard
de la Villette à la rue Bolivar, qui contourne les Buttes ; et au n" 215 de la
rue du Fauboui'g-Saint-Martin, presque au coin de la rue Louis-Blanc —
dénommée juscju'en 1885 « rue delà Butte-Chaumont )> — on lit l'enseigne
« Bains Saint-Chaumont ». Tout cela suppose, à coup sûr, que l'appellation
dont il s'agit fut effectivement usitée, mais ne prouve aucunement qu'elle
soit fort ancienne. En 1657, on écrivait ceci : in terri torio de la
Courtille, in loco dicto Chopinette, prope montem de Chaumoiif
(Arch. nat. S* 500, fol. 14) ; ce dernier nom n'a rien d'énigmatique pour
quiconniie sait que la « barrière de la Courtille » était située à l'extrémité
de la rue du Faubourg-du-Temple, prolongée par la rue de Belleville, et la
« barrière de la Chopinette » à l'endroit où finit la rue du Buisson-Saint-
Louis, et où commence la rue Rébeval. Longtemps avant que le nom Saint-
Chaumont ne prit racine à Paris, un censier de Belleville, daté de 1540,
mentionnait le « lieu de Chaumont » (Arch. nat., S 1184). Et, mieux
encore, dans une charte de 1276, il est question de biens sis vers la Vil-
lette, in territorio dicto de Calvo monte prope patibulum
(Arch. nat., S 910, n° 4) : par patibulum, il faut entendre le gibet de
Montfaucon, dont l'emplacement, autant qu'on peut le déterminer en
reportant sur un plan moderne les données du plan de Verniquet, corres-
pond à la bifurcation des rues Bolivar et Secrétan, au pied des Buttes-
Chaumont. Nous avons rencontré ces textes parmi ceux qu'a jadis recueil-
lis, en vue de l'établissement d'un Dictionnaire topographique du départe-
ment de la Seine, .M. Raymond Teulet, alors archiviste aux Arciiives natio-
nales ; ils permettent d'aflirmer que les Buttes, dont l'aspect, antérieure-
ment aux embellissements qui les ont transformées comme chacun sait
justifiait l'appellation de cal vus mon s, n'ont été [)lacécs que tardive-
mont sous le patronage de « saint Cliaumond », moyennant une adaptation
comparable — sans (ju'oii puisse l'expliquer avec la même sûreté — à
celle qu'avaient niis(ï en œuvre les Filles de l'Union ehrélienne.
398 LES NOMS DE LIEU
Saint-Cy bardeaux (cf. ci-dessus, n" 1533) — enfin Samt-Sospis,
ancienne forme du nom de Saint-Hospice (Alpes-Maritimes).
1552. Dans le centre de la France on voit l'adjectif sanctus
conserver la forme méridionale san et faire corps avec le nom
qui suit. Des clercs des xi*" et xii*^ siècles ont appelé Sancerre
(Cherj Sacrum Gaesaris, alors qu'en réalité l'appellation
antique de ce lieu est Gortona, d'où celle de Chàteau-Gordon
usitée au début de l'époque féodale, et que Sancerre n'est autre
chose que le vocable — Sanctus Satyrus — d'une abbaye
toute voisine de cette ville. Le nom, d'origine grecque (Z^atupor),
du bienheureux auquel cette abbaye était dédiée, accentué sur
l'antépénultième, et réduit à Satrus, a donné serre aussi régu-
lièrement que pâtre m père. Dans la même région Sanctus
G v rie us est devenu Saucer gués (Gher).
1553. Sentaraille (x\riège) et Xaintrailles (Lot-eL-Garonne),
répondent — comme Saint- Ar ailles, cité plus haut (n° 1540) —
à Sancta Eulalia.
1554. Le nom d'homme Medardus a revêtu, au moyen-âge,
les formes vulgaires Meard et Mard, et bon nombre de localités
dont l'église est sous le vocable du premier évêque de Noyon sont
appelées Saint-Mard ou Saint-Mars. Le nom de l'une d'elles,
incompris dès le xii'^ siècle, a été traduit par Quinque Martes,
et ce jeu de mots a été consacré par la graphie Cinq-Mars
(Indre-et-Loire), officielle de nos jours encore.
1555. Cintegabelle (Haute-Garonne) est appelé aux x.'^ et
xi" siècles Sancta Gavella ou Gabella ; le nom de cette
commune est donc d'origine religieuse, en dépit des apparences.
1556. On sait qu'à l'époque de la Révolution, un certain
nombre de noms de lieu commençant par Saint- ou par Sainte-
ont été privés de ce premier terme ; mais cette disposition n'a été
que fort peu de temps en vigueur, et l'usage courant ne l'avait
jamais complètement adoptée. Il est assez curieux d'observer
que, dans un cas au moins, pareille amputation s'est produite
bien plus anciennement. La plus ancienne mention connue de
Marrjcrie (Marne) est Sancta Margariia, (pi'oii lit dans un
texte de 1110; et dès 1222, on voit concurremment iMuployées
les appellations Merr/erie et Sainte Margeric. Jules Quicherat a
l)rétendu que Mamer.s (Sarthe) s'e.st appelé Sanctus Mamer-
lus, mais aucun texte ne vient ;i l'appui de (clIc (ti)ini(tn ; peut-
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : SAXCTUS 399
être a-t-il été mieux inspiré en citant, dans la même région,
Terrehaiilt (Sarthe), localité dénommée, dans les textes latins
du moyen-âge, Sanctus Errehaldus : saint n'aurait laissé
d'autre trace que son t final, soudé au nom, oublié de bonne
heure, du bienheureux. L'église de Bologne (Haute-Marne) a
pour patronne sainte Bologne, martyrisée au iv® siècle ; mais ce
lieu était, dès 834, le centre d'un des pagi de la cité de Langres,
le pagus Boloniensis, et il n'est pas impossible que le culte de
la sainte y ait été introduit en raison de l'homonymie. — Le rap-
port que certains érudits locaux ont voulu établir entre le culte
de saint Eloi et le nom d^Eloyes (Vosges) ne repose que sur la
graphie toute moderne de ce dernier '.
1. Une charte de 1337 (Arch. des \'osges, G 1291) mentionne le r.uj^ei des.
Loyes; la paroisse est désignée dans un pouillé de 1402 par les mots de
Lobiis. L'église d'Éloyes est sous le vocable de l'Assomption.
LXX
VOCABLES HAGIOGRAPHIQUES
La très longue ' énuniération qui suit se compose exclusive-
ment de vocables dont chacun, sous sa forme primitive, consiste
en un nom de personne précédé de l'un des mots domnus ou
domna, sanctus ou sancta. Les transformations qu'ont pu
subir ceux-ci ont été suffisamment indiquées plus haut, et
il n'y a plus lieu de les souligner au passage. On s'attachera
désormais à considérer les aspects variés qu'ont revêtus, sur le
sol français, les noms des saints et des saintes, et c'est à cette
revue qu'on va procéder dans le présent chapitre, en suivant
l'ordre alphabétique des formes originelles de ces noms.
1557. Abundius : Saint-Haon (Loire, Haute-Loire) et peut-
être Saint- Ahon (Gironde).
1558. Acardus ou Achardus, abbé de Jumièges au
vii« siècle : Saint-Accard (Somme).
1. lît, ajouterons-nous, 1res sèche, cardans ces pages, que vraisembla-
blement on consullera par endroits plutôt que d'en faire l'objet d'une lec-
ture suivie, on n'aurait que faire des développements de style dont il fal-
lait bien, dans un enseignement oral, accompagner cette énumération pour
la rendre supportable. D'ailleurs, il nous a paru convenable de condenser,
autant que faire se peut, le texte du présent chapitre, dont l'étendue res-
tera néanmoins exceptionnellement considérable, puisqu'il contient la
matière d'une quinzaine de conférences : c'est à cette fin que nous nous abs-
tiendrons, s'agissant d'un vocable très répandu, d'énumérer les départements
où on le rencontre, à moins que cette énumération n'en fasse ressortir le
caractère régional, comme cela se produit, par exemple, pour Saint-
Bonnel.
On sait que, dans le Dicliunnaire des Postes, les noms de lieu commen-
çant par Saint forment un groupe à |)art, à la suile de la lettre N. Tous ces
noms ne se retrouvent pas ici ; nous nous en sommes tenus h ceux ijue
I.ongnon a étudiés, sans nous attarder ;i rechercher les ra,otifs du choix (|ui
bii ;i fait accueillii' Sainl-dhvysole et laisser de côté Saint-Agathon, men-
tionner Saint- lie ma rtJ et Sninte-Cat/ierine, et passer sous silence Sainte-
Anne et S;iint-Cfirislo/)he, ainsi ({ue ses variantes Saint-(^hristol, Saint-
f'./iiist:iii(l ot S:iinl-(!hrisli>li/.
OKIGINES ECCLÉSIASTIQUES : ACEOLUS 401
1559. Aceolus, martyrisé à Amiens avec son frère Aceus :
Saint-Acheul (Somme).
1560. Acharius, évêque de No^^on au vii'^ siècle : Saint-
Accaire (Nord), Saint-Acquaire (Aisne); -aire est une forme
demi-savante de -a ri us, comme dans Clotaire, représentant
Chlotacharius.
1561. Adalhertus, de bonne heure réduit, par chute de la
dentale, k Albertus : Saint-Albert (Ardennes, Gironde), Saint-
Aubert (Ilautes-Alpes, Alpes-Maritimes) ; cette dernière forme
peut aussi bien représenter Sanctus Autbertus (cf. ci-après,
n" 1617).
1562. Adalg-isus cf. ci-dessus, n'' 1098; : Saint- Algis (Aisne),
forme demi-savante.
1563. Adalveus : Saint-Auvieux (Orne); c'est ainsi que
Heriveus a donné He/'vieu.
1564. .Vdjutorius : Salnt-Adjutory (Charente), forme savante ;
l'y, représentant \ i de la terminaison latine, était jadis atone ;
il est sans doute devenu accentué, sous l'influence des progrès
de l'instruction primaire ; — • Saint-Ustre (Vienne), forme vul-
gaire qui se prononce Saint-Uire, et qui est vraisemblablement
la contraction d'un plus ancien Saint-Ayutj'e.
1565. Adora tor : Saint-Oradoux (Creuse i, représentant
l'accusatif Adoratorem, accentué sur Vo de la pénultième.
1566. Aegidius : Saint-Gilles, moyennant l'apliérèse de la
première syllabe et le changement de cl en / qu'on observe dans
le nom du Valois (cf. ci-dessus, n" 732) et dans celui du pays
de Blois, ancien paçfus de la cité de Toul, en latin Vadensis et
Bedensis ; — Saint-Gil (Savoie) ; — Saint-Gély (Gard, Hérault),
dont 1";// est ou devrait être atone. Saint-Gély-du-Fesc (Hérault)
a été appelé parfois, au xvn" siècle, Sainf-Géri/ : et l'église
paroissiale de Saint-Géry (Dordogne) a bien pour patron saint
Gilles ; mais on verra plus loin (n"* 1692 et 1774) que Sainl-(iéry
n a pas partout la même origine.
1567. x\emilianus : Saint-Émilien (Loire-Inférieure), Saint-
Émiland (Saône-et-Loire), Saint-Émilion (Gironde). Les deux
premières de ces localités ra[)pelleraient le souvenir dun saint
évêque de Nantes, qui mourut en Bourgogne en combattant les
Sarrasins, au viii'' siècle.
1568. Africanus : Saint-Affrique (Aveyron, Tarn) ; hi forme
Les noms de lieu. -'»
402 LES >'OMS DE LIEU
vulgaire d'Africanus, en cette région, était Africa, dont 1 ;/
final, sous l'influence du français, a perdu l'accent et s'est trans-
formé en e muet (cf. ci-dessus, n° 1545).
1569. Agatha : Sainte- Agathe, forme savante. Le nom latin
étant accentué sur l'antépénultième, la forme vulgaire se rap-
procherait du nom de la ville d'Affde (cf. ci-dessus, n° 8) ; et c'est
de cette forme vulgaire que procède le nom, précédemment indi-
qué (n°^ 1536 et 1551), de Saint-Chaptes (Gard).
1570. Agericus, évéque de Verdun au vi® siècle : Saint-Airy,
nom d'une abbaye située en cette ville. Domnus Agericus a
revêtu, dès 1064, la forme vulgaire Domereis ', à peine différente
de Domery, qui, au xviii^ siècle encore, désignait le village de
Domprix (Meurthe-et-Moselle) ; dans la forme actuelle le p,
introduit très tardivement, résulte du contact de Vin et de Vr dans
la prononciation populaire Domri.
1571. Agilus : Saint-Agil (Loir-et-Cher), Saint-Ay (Loiret),
Saint-Isle (Mayenne). Le premier de ces noms est une forme
savante ; le second se prononce dans le pays Saint-I ; dans le
troisième, où agi est également représenté par le son /, 1'/ étymo-
logique s'est maintenue, et Y s parasite est l'effet d'une assimila-
tion avec le nom commun qui répond au latin insula.
1572. Agiulfus ou Aigulfus : Saint-Aigout (Var) et
Saint-Ayoul, nom dune église à Provins. Le / parasite de Sainf-
Aufout se remarque aussi dans sa variante Saint-AoÛt (Indre) :
le second terme de ce nom, qu'à première vue on rapporterait à
Augustus, parut, au temps de la Révolution, emprunté, comme
le premier, à un vocabulaire proscrit, ce qui valut à la localité
d'être, pour un temps, appelée Thermidor.
1573. Agnes : Sainte-Agnès (Alpes-Maritimes, Doubs,
Isère, Jurai, forme savante. La déclinaison de ce nom étant
imparisyllabique, c'est de ses cas obliques que procèdent les
formes populaires, mentionnées précédemment (n" 1537), Saint-
Agnet i Lan(h;s) et Saint-Aunès (Hérault) ; dans celle-ci le </ s'est
vocalise'' comme dans le mot cmcraudc . en latin Smaragdus,
et dans le nom lininhis, sous lequel on désign;iit, au XMi'" siècle,
la ville de Bagdad.
1574. .\ gr i p [)a nus, dérivé ilu nom romain Agrippa : Saint-
\. Cf. Mrth-nsi;,, II, 2;t'.t. cl III, iiî-.'i.i.
ORKlhNES ECCLÉSIASTIQUES : AGRIPPANUS 403
Agrève (Ardèche), Saint-Égrève (Isère) ; dans ces noms, où le p
redoublé du latin s'est comporté, entre deux voyelles, comme
un p simple, le déplacement d'accent s'est produit de la même
manière que dans Saint-Aff'rique (cf. n°* 1545 et 1568).
1575. A la nus, précédé de do m nus : Domalain (cf. ci-des-
sus, n" 1525).
1576. Albanus : Saint-Albain (Saône-et-Loire), Saint-Alban
(Ain, Hautes-Alpes, Ardèche, Drome, Gard, Haute-Garonne,
Hérault, Isère, Loire, Lozère, Rhône, Savoie), Saint-Auban
(Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Drôme). Appli-
qué à une commune des Gotes-du-Nord, Saint-Auban est une
forme savante.
1577. Albinus : Saint-Albin (Isère, Loire, Pas-de-Calais,
Haute-Saône) ; — Saint- Alby (Tarn), caractérisé par la chute de
Yn intervocale, comme le nom du Quercy (cf. ci-dessus, n° 427) ;
— Saint- Aubin ; — Sambin (voir ci-dessus, n" 1547).
1578. Aida, peut-être déformation du germanique Hilda :
Sainte-Aulde (Seine-et-Marne) où 1'/ est abusive, comme dans la
graphie aultre, adoptée à la Renaissance ; l'existence du nom de
femme Aude, auparavant Aide, est attestée par un épisode bien
connu de la Chanson de Roland.
1579. Alpinianus, prêtre du Limousin honoré par l'Eglise
le même jour que saint Martial : Saint-AIpinien (Creuse), forme
refaite', et Saint-Auprien (Indre \ forme vulgaire où l'on observe
la même substitution de liquide que dans les noms communs
pampre et coffre, en latin pampinus et cophinus.
1580. Alvera : Saint- Alvère (voir ci-dessus, n° 1537).
1581. Amandinus : Saint- Amandin (Cantal).
1582. Amandus : Saint-Amand, — Saint- Amant (Charente).
— Domnus Amandus ; Bonnement (voir ci-dessus, n" 1525).
1583. Amantius : Saint-Amans (Ariège, Aude, Aveyron,
Haute-Garonne, Hérault, Lot-et-Garonne, Lozère, Tarn, Tarn-
et-Garonne) ; Saint-Chamans et Saint- Chamant (voir ci-dessus,
n« 1550); Saint-Ghamas (Bouches-du-Rhône), qu'en 1035 une
charte de Saint-Victor de Marseille appelait castrum sancti
Amantii. — A vrai dire, le départ entre les noms de lieu
correspondant respectivement à Sanctus Amandus et à
1. Au nu)yen-;ii;e on disait Sninl-Auperien .
404 • LES NOMS DE LIEU
Sanctus Amantius estime question d'espèce ; il importe de
considérer que le martyrolog'e comprend cinq personnages du
nom d'Amand, et que le culte de saint Amans, premier évêque
de Rodez, a un caractère rég-ional. — On a vu (n** 1535) que
par Saint-Amancet (Tarn), il faut entendre « Saint- Amans-le-
Petit ».
1584. Amator : Saint-Amator (Calvados), forme savante. Le
vocable Saint- Amâtre , en usage à Auxerre et à Langres, est une
forme demi-savante, car la forme populaire du nominatif Ama-
tor serait Amèro '. Le cas oblique Amatorem est représenté
par Saint- Amadour (Mayenne) et, IV finale s'étant assourdie,
Saint-Amadou (Ariège) ; on s'étonne de rencontrer le premier de
ces noms fort loin du domaine de la langue d'oc : peut-être le
fait s'explique-t-il par la grande célébrité de Rocamadour (Lot).
Soit dit en passant, l'Amator au souvenir duquel ce lieu de
pèlerinage doit son nom serait, d'après certains hagiographes, le
pubiicain Zachée, dont il est question au chapitre XIX de. l'Evan-
gile selon saint Luc.
1585. Amatus : Saint-Amé (Vosges).
1586. Ambrosius : Saint- Ambroise (Finistère, Gard, Rasses-
Pyrénées), Saint-Ambroix (Cher, Gard), Saint-Ambreuil (Saône-
et-Loire) et le P////-Saint-Ambreuil (Allier)'. La forme très
régulière Amhroix — Ambroise de Loré, prévôt de Paris sous
Charles VII, est appelé dans les textes contemporains Arnhrois,
et à cette époque Ambroise ne représentait (jue le féminin
Ambrosia — s'explique par linlluence de Vi de la terminaison
-ius sur la voyelle tonique. Anihreu il était auparavant Ambreii ;
dont la finale a été abusivement assimilée à celle des noms en
-cnil\ c'est ainsi que Luxovium est aujourd'hui Z.i/xeui7 (Haute-
Saônet, après avoir été, jus(ju à la fin du moyen-âge, prononcé
Lussou.
1587. A Ml or, martyr a P)esanç()n : Saint-Amour (Jura,
ilaulc-Marne, Saône-et-Loire).
1588. Anastasia : Sainte-Anastasie (Canlal, Gaid, \av)
forme savante ; Saint-Anaslaise (Puy-de-Dôme), forme popu-
1. r,r. (rijurrro.
1. A. Uniel, l'oiiilli'H '(Jcs ilioinsi-s dr (Uit/iio/iI t-l il<- Suml'l'loiir, \< . \)\,
11" 21;î.
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : AXASTASIA 40o
laire compliquée d'un changement de genre (cf. ci-dessus,
n°* 1537 et suivants).
1589. Anatolius, martyr d'Asie-Mineure, dont les reliques
étaient vénérées en l'église Saint-Anatoile de Salins (Jura) :
Saint- Anatole (Tarn) ; Saint- Anatholy (Haute-Garonne), dont la
finale était jadis atone (cf. ci-dessus, n'' 1564).
1590. Andochius, martyrisé au ii'' siècle à Saulieu (Côte-
d'Or) ' ; Saint- Andoche (Haute-Saône), forme savante.
1591. Andréas : Saint-André; — Saint-Andrieu (Basses-
Pyrénées. Seine-Inférieure). Saint- Andrieux (Dordogne). — La
forme Saint-Andréau a été employée, concurremment avec Saini-
André, pour désigner une commune du canton d'Aurignac
( Haute-Garonne) .
1592. Angélus : Saint-Ange (Drôme, fEure-et-Loir, Seine-
et-Marne). — Saint-Angel (Allier, Gorrèze, Dordogne '2, Puy-de-
Dôme, Tarn) est une forme savante qui s'est altéi^ée en Saint-
Angeau (Cantal, Gharente).
1593. Anianus : Saint-Agnan ; — Saint-Agnant (Charente-
Inférieure, Creuse, Meuse) ; — Saint- Aignan ; — Saint-Agnin
(Isère), dont la terminaison est à rapprocher de celle de Tullins
(voir ci-dessus, n" 343) ; — Saint-Ignan (Haute-Garonne) ; —
Saint-Ghinian (voir ci-dessus, n" 1550). — La finale d'Anianus
ayant passé par les mêmes vicissitudes que celle de Sympho-
rianus (n° 1545) et d'Africanus (n" 1568), Sanctus Anianus
est aussi représenté par Saint-Agne (Dordogne^^ Haute-Garonne,
Lot-et-Garonne), Saint-Igne (Tarn-et-Garonne) et Saint-Chignes
(Lot), pour un ancien Sanch-Igna.
1594. Annemundus, évêque de Lyon avi vu'' siècle : Saint-
Ennemond (Allier, Pihône), Saint- Ghamond (voir ci-dessus,
n° 1550).
\. Les formes anciennes — à commencer par Sanctus Andeolus
(1272) — du nom de Sainl-Andeux (Côte-d'Or) ne permettent pas d'y
reconnaître une l'orme vulgaire d'Andochius; on serait d'autant plus
enclin à commettre cette erreur, que Saint-Andeux appartient au canton
de Saulieu,
2. Cette paroisse a pour patron saint Michel : le llièmo ét\ niolo^icpie de
son nom comprend donc le mol angélus, et non pas le nom du nimtyr
saint Ange, l'été le il mai.
3. L'auteur du Diclioiinaire {n[)()(jr;iphi<ju(' de ce département a adopté la
forme Saint-Aigne .
406 LES NOMS DE LIEC
1595. Anthemius : Saint-Anthême Puy-de-Dôme), forme
savante.
1596. Antidius : Saint-Anthet (Loti, Saint-Anthot (Côte-
d"Or). Ce dernier est appelé en 1197 Sant Anleil, en \22i Saint
Anfoil; T/, représentant le </ du primitif cf. ci-dessus. n° 1566).
sest assourdie.
1597. Antoninus : Saint-Antonin (Alpes-Maritimes, Bou-
ches-du-Hhône, Gers, Tarn, Tarn-et-Garonne, Var).
1598. Antonius : Saint-Antoine ; il est surprenant que cette
forme savante soit la seule quon rencontre, alors qvi'Antonius
emplové seul a donné Antoing et Antoingt (cf. ci-dessus,
n« 288).
1599. Aper, évèque de Toul au début du vi'^ siècle : Saint-
Epvre Haute-Marne, Meurthe-et-Moselle), dont le p fait double
emploi avec le u ; Domnus Aper adonné Domêvre Meurthe-
et-Moselle) et Domèvre (Vosges). — C'est au culte d'un autre
sanctus Aper, prêtre genevois fêté le 4 décembre, que se
rapportent les noms Saint- Avre (Savoie) et Saint- Aupre (Isère) K
1600. Apollinaris : Saint- Apollinaire (Hautes -Alpes,
Ardèche, Côte-d'Or), Saint- Appolinaire (Rhône) ; ces formes
savantes ont été substituées à des formes populaires usitées au
moyen-âge ". — Saint-Appolinard (Isère, Loire).
1601. Apollonia : Sainte- Apollonie (Hauts -Garonne),
Sainte-Appoline (Meurthe-et-Moselle /.
1602. A(juiliiius : Saint-Aquilin (Dordogne, Eure, Orne),
forme savante ; Saint-Agoulin Puy-de-Dôme), Saint-Aigulin
(Charente-Inférieure I, formes méridionales ; dans le nord de la
France, où Ion chercherait quelque chose de comparable à Yve-
line, en latin E(iuilina, ancien nom delà forêt de Rambouillet,
on ne trouve que Saint-Eulien (Marne), dont la iinale a été
assimilée de bonne heure à celle que produit le latin -ianus.
1603. Archontius, nom d'origine grecque porté au temps
de Gharlemagne par un saint évè(jue do. Viviers : Saint-Arcons
(Haute-Loire).
1. I.t- nom (le Saint-Apre-'-/- /"or.f/j.'dJonloj,--!!!') ;iiiiail une nuire oi'i<;iiU',
puiS'ju'on le voit traduit eu l.U"."l, pitr S.inclus As|irus. el vn I.WO par
Sanctus A.sperus.
2. On on trouvera une friande variélé dans le Dirlioiin.urr tniiof/niiilii'/iir
de la Côtc-d'Or.
ORIGINKS ECCLÉSIASTIQUES : AREDIl'S 407
1604. Aredius, abbé en Limousin à la (iii du vi'' siècle :
Saint-Yrieix (Charente, Gorrèze, Creuse, Haute-Vienne), pro-
noncé Saint-Irié -, la i1/o ^/^^-Saint-Héraye (Deux-Sèvres), Saint-
Hérie (Charente-Inférieure), Saint-Izaire (Aveyron), pour Saint-
Jraire (cf. n° 1566 : Géri/ = Aeg'idius) ; Saint-Sériès (voir
ci-dessus, n" 1551).
1605. Armag-ilus : Saint-Armel (Ille-et- Vilaine, Morbihan).
Le même nom entre dans la composition du nom de Ploënnel
(cf. ci-dessus, n^ 1297).
1606. Arnoaldus : Sanct-Amuald, près Sarrebruck ; Saint-
Ariiaud (Lot-et-Garonne, Savoie) ; — Saint-Arnac (Pyrénées-
Orientales) présente un c parasite.
1607. Arnulfus : Saint-Arnoult (Calvados, Eure-et-Loir,
Loir-et-Cher, Oise, Seine, Seine-Inférieure, Seine-et-Oise).
1608. Artemius : Saint-Arthémie (Tarn-et-Garonnej, dont
li. aujourd'hui suivi indûment d'un e muet, était jadis atone.
1609. Asterius : Saint-Astier (Dordog-ne, Lot-et-Garonne).
1610. Audoenus : Saint-Ouen ' ; — Saint-Auvent (Haute-
Vien-ne). — Domnus A. : Demuin (cf. ci-dessus, n°1526).
1611. .Vudomarus : Saint-Omer (Calvados, Oise, Pas-de-
Calais).
1612. Augustinus : Saint-Augustin ; — Saint-Utin (Marne).
1613. Aurelius : Saint- Aureil (Lot).
1614. Aureolus : Saint-Auriol (Aude).
1615. Austreberta : Sainte-Austreberthe (Eure, Pas-de-
Calais, Seine-Inférieure).
1616. Austregis ilus, évèque de Bourges au commencement
du VII' siècle : Saint-Outrille (Cher), Saint-Aoustrille (Indre),
/a-row/'-Saint-Austrille (Creuse) ; le nom latin était accentué
sur l'antépénultième.
1617. Autbertus, nom porté notamment par un évêque de
Cambrai au \\\^ siècle et par un évèque d'Avranches au viir" :
Saint- Aubert (Nord, Orne) ; la forme populaire serait Ohcrt.
1618. Autbodus : Saint-Aubeuf (Marne), eu 132i Sainf
Ohiicfisuv Vf parasite de la llnale, cf. ci-dessus, n" 1071).
1619. Autgarius : Saint-Oger (Vosges).
1. Mais non pas Suint-Oiicn-U-s-Purei/ (Vosges) ; cf. ci-dossus, p. VJ-ô,
note 1.
408 LES NOMS DE LIEU
r^'1620. Avitus : Saint-Avit ; — Saint-Abit (Basses-Pyrénées);
et, moyennant les altérations indiquées précédemment (n°* 1550
et 1551), Saint-Chavis, Saint-Chabit et Saint-Savy (Dordog^ne).
1621. Aybertus : Saint-Aybert (Nord).
1622. Babylas : Saint-Babel (Puj-de-Dôme).
1623. Baldechildis, femme du roi Clovis II — sainte
Bathilde — est connue surtout pour avoir fondé l'abbaye de
Ghelles (Seine-et-Marne), qui, au moyen-âge, était appelée
C/ie//es-Sainte-Baudour ou Sainte-Baudeur. Dans ces formes
vulgaires 1'/* iinale est parasite, la finale -hildis s'étant d'ailleurs
comportée ainsi qu'il a été dit ailleurs (n"992).
1624. Baldulfus, abbé d'Ainay, à Lyon : |Saint-Badolph
(Savoie), Saint-Bardoux (Drôme).
1625. Baldus : Saint-Bauld (Indre-et-Loire), Saint-Bond
(Yonne).
1626. Baise mius, patron de l'église paroissiale Saiïlt-Baus-
sange, aujourd'hui détruite, qui avait pour succursale celle du
Chêne fAube) ; Saint-Baussant (Meurthe-et-Moselle).
1627. Bandarides, évêque de Soissons au iv*^ siècle : Saint-
Bandry (Aisne).
1628. Baomadus, diacre dans le Perche au iv^ siècle, honoré
le 3 novembre : Saint-Bomer (Mayenne, Orne), Saint-Bomert
(Eure-et-Loir). La forme correcte serait Borné : Vr n'avait à
l'origine d'autre raison d'être que d'empêcher l'e d'être pris pour
un e muet ; puis elle s'est prononcée, ce qui a favorisé l'addition
d'un / parasite.
1629. Barbara, accentué sur l'antépénultième : Sainte-
Barbe. — Le nom Saint-Barbant (Haute- Vienne] a été précé-
demment expliqué (n" 1538).
1630. Bartholomaeus : Saint-Barthélémy; — cette forme
demi-savante s'est substituée à une époque plus ou moins récente
à des formes vulgaires présentant Berihomicu et Berlhomé.
1631. Basilius : Saint-Basile (Ardèche, Calvados, Cote-
<l'<)i' , Saint-Bazile (Corrè/c, Haute- Vienne) '.
1632. P>asilia : Sainte-Bazeille ( Lot-ol-Garonne).
I. Il est |)f)ssil)lr <|in', (l.iiis i.i l'iaiice iiuMidioiiiilc, ce nom icpréstMilo,
iioii pas S. Masiliiis, mais S. H a ii <l i I i ii s. Loiif^non paraît avoir admis la
«•liosf, ilii moins en ce tpii conceine Sainl-Ha/.ilo-dc-la-Woclic (Clonvzo ■,
appelé anssi S!iinl.~}i;im)ir<' (voir ci-après, ii" 1634 .
ORIGINES KCCLÉSIASÏIQUES : BASOLl'S 4 09
1633. Basolus, accentué sur rantépénultièine : Saint-Basle
(Marne), Saint-Baie (Ardennes) ; 'cf. Saint-Baslemont (n" 1532).
— Domnus B. : Dombasle (Meurthe-et-Moselle, Meuse,
Vosg-es).
1634. Baudilius, martvrisé à Nîmes : Saint-Baudel (Cheri,
Saint-Baudelle (Mayenne), Saint-Baudille (Isère, Tarn), et par
substitution de liquide, Saint-Baudière (Nièvre). Le d intervocal,
qui s'est maintenu dans ces formes plus ou moins savantes, est
devenu z dans les formes méridionales Saint-Bauzeil (Ariège),
Saint-Beauzély (Gard) — dont Vy, comme celui de Saint-Bauzély
(Aveyron), était orig-inellement atone — Saint-Bauzile (Lozère),
Saint - Bauzille (Hérault), Saint -Beauzeil (Tam-et-Garonne),
Saint-Beauzile (Ardèche, Tarn), Saint-Beauzire (Haute-Loire,
Puy-de-Dôme) ; et, par la substitution régulière de v à d après
la diphtong-ue au dans le dialecte limousin, Saint-Bauvire, nom
qui a parfois désig'né Saint-Bazile-de-la-Roche (Corrèze). Dans
les pays de lang-ue d'oïl le d intervocal est tombé, et les syllabes
qu'il séparait se sont contractées : Saint-Boil (Saône-et-Loire),
jadis Saint-Boël, Saint-Bois (Ain), Saint-Bueil (Isère) ; et, gra-
phie bizarre, Saint-Bel (Rhône).
1635. Beatus : Saint-Béat (Haute- Garonne), Saint-Biez
(Sarthe).
1636. Benedictus : Saint-Benoît ; — Saint-Benezet (Gard).
— Domnus B. : Dambenois (Doubs), Dambenoit (Haute-
Saône).
1637. Benignus : Saint-Bénigne (Ain), forme savante dont
l'usage ne paraît pas antérieur à la Renaissance ^ ; Saint-Benin
(Allier, Calvados, Nièvre, Nord), altéré en Saint-Bonnin
(Saône-et-Loire) ; et, par dissimilation des deux n. Saint-Blin
(Haute-Marne), Saint-Berain (Haute-Loire, Saône-et-Loire |,
Saint-Baraing (Juraj, Saint-Broing (Côte-d'Or), Saint-Broingt
(Haute-Marne, Haute-Saône), — le nom de famille HroïKjniarl
est un dérivé de Broinr/ — Saint-Beron (Savoie), Saint-Branchs
(Indre-et-Loire). Cette dernière localité doit son nom à un saint
local mentionné par Grég-oire de Tours, mais dont le souvenir
\. M. Kd. Phili|)(jn a relevé, dans un pouillé du iiulicu du \m'' siècle, la
forme Sanz liprciiu/s, ([ui ressemble à j)lusieurs des noms dont ri-unnu'Ta-
tion suil.
410 LES NOMS DE LIEU
sest si bien perdu, qu'à son culte on a substitué celui de son
homonyme honoré à Dijon. — Domnus B. : Damblain (Vosges),
Dambelain (Doubs), Domblain (Haute-Marne).
1638. Bercharius, fondateur de labbaye de Montier-en-
Der : Saint-Bercaire (Haute-Marne), forme savante ; la forme
populaire serait Saint-Berier.
1639. Be m ardus : Saint-Bernard.
1640. Bertramnus : Saint-Bertrand (Haute-Garonne), ville
fondée au xii*^ siècle sur les ruines de l'antique Lugdunum
Convenarum, chef-lieu du pays de Cominges, détruit au
vi*^ siècle.
1641. Betharius, évêque de Chartres au vii° siècle : Saint-
Bohaire (Loir-et-Cher).
1642. Bibianus, évêque de Saintes au m" siècle : Saint-
Vivien (Charente, Charente-Inférieure, Dordogne, Gironde, Lot-
et-Garonne, Basses-Pyrénées).
1643. Blasius : Saint-Biais (Vienne), Saint-Blaise ; — Saint-
Blaize (Haute-Savoie).
1644. Blitmundus, second abbé de Saint-Valery-sur-Somme :
Saint-Blimont (Somme).
1645. Bonifacius .• Saint-Bonifet (Vienne).
1646. Bonittus : Saint-Bonnet (Allier, Hautes-Alpes, Can-
tal, Charente, Charente-Inférieure, Gorrèze, Drônie, Gard,
Gironde, Isère, Loire, Haute-Loire, Lot, Lozère, Puy-de-Dôme,
Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Vienne, Haute-Vienne) et sa
variante bourguignonne Saint-Bonnot (Nièvre). Les textes du
moyen-âge portent S. Boni lus, mais ce n'est pas là certaine-
ment la forme originelle, car un t unicjue entre deux voyelles
serait tombé ; cette appellation paraît avoir été aussi celle de
Saint-Bon ^Marne, Haute-Marne, Savoie) ', dont le nom résul-
terait dune altération [)liilol()gi(|uement inexplicable.
1647. Botericus : Saint-Beury (Côte-d'Or) ; c'est à tort
qu'on a j)ailois traduit ce nom |)ar S. Baldericus. (jui eût donné
Sainl-Bniidri.
1648. Bova : Sainte-Beuve Seine- Inférieure).
l. Ainsi <|M<' (lu s:inclii;iirc p.-irision — ccclosia s ;i n c I i Honili iillr:i
MiigDiiin l'oiilfin, <'ii W'M't (I.asloyrio, (Jnrliiliiirc </i''iiri;il dr l'uria, 1,
2'»K — dont l;i riu- Saint-Bon r;i|>|)('lli' le souvenir.
à
ORIGl.NES ECCLÉSIASTIQLES '. BRICTIUS 411
1649. Brictius, successeur de saint Martin sur le siège
métropolitain de Tours : Saint-Brice (Charente, Eure-et-Loir,
Haute- Garonne, Gironde, Ille-et- Vilaine, Lot-et-Garonne.
Manche, Marne, Oise, Orne, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise,
Haute- Vienne), forme savante ; Saint-Bris (Charente-Inférieure),
Saint-Brix (Charente-Inférieure), Saint-Brès (Gard, Haute-
Garonne, Gers, Hérault). — Saint-Bresson (Gard, Haute-
Saùne), Saint-Bressou (Loti et Saint-Brisson (Loiret, Nièvre i
donnent lieu de supposer une déclinaison imparisyllabique
Brictio, Brictionis. — Domnus B. : Dombras (Meuse),
Dombrot-/e-S>c (Vosges '), jadis appelés l'un et l'autre Domhrez :
— Dombresson (Suisse, cant. de Neuchâtel).
1650. Brigitta, Brigida, Britta : cette sainte, dont le
culte en Bretagne a été signalé précédemment [n° 1320), est
appelée Bride dans les anciens calendriers français, mais la forme
savante Sainte-Brigitte (Basses-Alpes, Côtes-du-Nord, Hérault,
Morbihan, Var) est la seule usitée dans la toponomastique.
1651. Cadocus, saint breton (cf. ci-dessus, n" 1297) : Saint-
Gado (Finistère, Morbihan), Saint-Cadou (Côtes-du-Nord, Fini-
stère).
1652. Caecilia : Sainte-Cécile.
1653. Caesarius : Saint-Césaire (Bouches-du-Rhône, Cha-
rente-Inférieure, Gard, Meurthe-et-Moselle), Saint -Cézaire
(Alpes-Maritimes).
1654. Calixtus : Saint-Calix (Hautes-Pyrénées).
1655. Camélia : Sainte-Camelle (Aude .
1656. Candidus : Saint-Cande, nom jadis porté à Rouen par
deux paroisses ; — Sainte-Canne (voir ci-dessus, n" 1539 .
Saint-Xandre (Charente-Inférieure).
1657. Cannatus : Saint-Cannat (Bouches-du-Rhône) et son
diminutif Saint-Canadet voir ci-dessus. n° 1535).
1658. Caprasius : Saint-Caprais (Allier, Cher, Haute-
Garonne, Gers, Gironde, Lot, Lot-et-Garonne, Seine-et-Oise,
Tarn,Tarn-et-Gar()nneK Saint-Chabrais (CreuseV Saint-Capraise
(Dordogne), Saint-Caprazy ! Aveyion).
1. Dombrot-sur-Vair, au même département, a pour patron saint Denis;
mais cette localité ne s'appelle Dombrof que depuis 171") ; elle portait aupa-
ravant le nom de Bouzeij, que l'usage local a conservé jusqu'à nos jours.
412
LES NOMS DE LIEU
1659. Caradocus : Saint-Caradu(Gôtes-du-Xord, Morbihan),
Saint- Cadreuc (Côtes- du- Nord), Saint-Garreuc (Gôtes-du-
Nord).
1660. Caraunus. martyr chartrain du v*^ siècle : Saint-Ché-
ron (Eure, Eure-et-Loir, Marne, Sarthe, Seiue-et-Oise).
1661. Carilefus : Saint-Calais i^Eure, Eure-et-Loir, Maine-
et-Loire, Mayenne, Sarthej ; Saint-Galez (Sarthe), Saint-Garlais
(Deux-Sèvres). Tous ces ^vocables appartiennent à une région où
le c primitif aurait dû prendre le son chuintant ; on ne peut que
constater qu'il n'y en a rien été.
1662. Garterius : Saint-Chartier (Indre).
1663. Cassianus, fondateur de l'abbaye de Saint- Victor de
Marseille, au s" siècle : Saint-Cassian (Haute-Garonne, Var),
Saint-Cassien (Basses- Alpes, Alpes-Maritimes, Dordogne, Isère,
Tarn-et-Garonne, Vienne), Saint-Gassin (Savoie).
1664. Gastinus : Saint- Gastin (Basses-Pyrénées).
1665. Gatharina : Sainte-Gatherine.
1666. Gel sus : Saint-Géols (Gher), Saint-Ghels (Lot). Un
pouillé du diocèse de Rouen, daté de 1337, mentionne, parmi
les paroisses du doyenné de Bourgtheroulde, celle de San et us
Geisus, g-allice [SaintJ Ghaus : on remarque dans cette forme
vulgaire le chuintement du dialecte picard.
1667. Ghristina : Sainte-Christine (Eure-et-Loir, Finistère,
Gironde, Maine-et-Loire, Oise. Puy-de-Dôme, Var, \'endée),
Sainte- Ghristie (Gers).
1668. Ghrysolius : Saint- Chry sole (Nord).
1669. Gitronius : Saint-Citroine Vienne").
1670. C^izius ou Gidius : Saint-Gizy (Ilaute-Garonne).
1671. Glar.us : Saint-Clair, (jui s'écrivait jadis Saint Cler ; —
Saint-Glar (Haute-Garonne, Gersl. prononcé quelquefois Sain/-
CLa.
1672. Glaudius, t'vêque métro{)olitain de Besançon au
vu" siècle, abbé de Saint-O^'and (Sanctus Eugendus) mona-
stère (jui revut pUis tard le nom de Saint-Glaude (Jura). Un
villages du territoire de Besancon se nt)nune aussi Saint-Claude.
Dene/ières /Jura) a ('-té appeh' jus(ju'au xiii" siècle Saint-Cloud.
en latin Sanctus Glaudius. Mais Sninl-dlond et même Snint-
Claudc, quand on les rencontre loin de la Franche-C^omté, sont
susceptibles d'une autre interprétation (cf. ci-après, n" 1675).
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : CLHMEAS 413
1673. Clemens : Saint-Clément: — Saint-Clamens (Gers).
1674. Clementiuus : Saint - Clémentin (Deux-Sèvres,
^'ienne).
1675. Clodoaldus, (ils du roi Clodoinir, échappé au poignard
de ses oncles et retiré au monastère de Novigentum, qu'on
appela en son honneur Saint-Cloud (Seine-et-Oise). 11 existe
d'autres Saint-Gloud (Aisne, Calvados, Dordogne, Eure-et-Loir,
Vaucluse) ; la forme Cloud s'explique par la réduction de
-oaldus à -oldvis (cf. ci-dessus, n° 1054). Sur le territoire de la
Ghapelle-Moulière (Vienne), au village de Saint- Glaud ', une foire
se tient, chaque année, le 7 septembre, jour de la Saint-Gloud.
La chapelle de Saint-Claude, qui s'élevait entre le bourg de
Blaslay (Vienne) et le village de Poirier est appelée, en 1445,
Saini-Clouault, ce qui répond bien à Glodoaldus. Et dans
Saint- Claude -c?f-D//*aî/ (Loir-et-Gher), localité située sur la rive
gauche de la Loire, on est d'autant mieux fondé à reconnaître le
monasterium sancti Fludualdi super Lige rem dont
parle Nithard, que Fludualdus est la forme revêtue par Glo-
doaldus à l'époque carolingienne.
1676. Golumba : Sainte-Colombe ; — Sainte-Colomme
( Basses-P vrénées) .
1677. Golumbanus, missionnaire irlandais, fondateur de
l'abbaye de Luxeuil, mort à Bobbio en 615 ; Saint-Colombin
(Loire -Inférieure), pour Saint -Colomhain \ Saint-Colomban
(Morbihan, Haute-Saône, Savoie); Saint-Colombas (Alpes-
Maritimes), dont Vs est parasite.
1678. Golumbus : Saint-Colomb (Lot-et-Garonne), Saint-
Coulomb fllle-et-Vilaine).
1679. Gonsortia : Sainte-Consorce (Rhône).
1680. Gonstantius : Saint- Constant (Gantai, Gharente),
Saint-Coutant (Gharente, Gharente-lnférieure, Deux-Sèvres).
1681. Gontextus, évêque de Baveux : Saint-Contest (Cal-
vados), Saint-Conté (Finistère).
1682. Corentinus (cf. ci-dessus, n" 1333) : Saint-Corentin
(Côtes-du-Nord), Saint-Corantin (Seine-et-Oise),
1683. Cornélius : Saint- Corneille (Oise, Sarthe, Tarn);
Saint-Cornier (Orne), où la voyelle accentuée s'e.st modih'ée sous
l'influence de 1'/ posttonique.
1. es. Saint-Clau Donlogno), Saint-Claud-.f(;/--/e-Son fClinrcnle).
414 LES NOMS DE LIEU
1684. Grispinus : Saint- Crépin ; — Saint-Crespin (Calva-
dos, Maine-et-Loire, Seine-Inférieure).
1685. Cucufas — au g;énitif Gueufatis — martyrisé à Bar-
celone sous Dioclétien, et dont les reliques furent transférées au
cours du IX® siècle en l'abbaye de Saint-Denis : Saint-Gucufa
(Seine-et-Oise), forme savante; Saint-Couat (Audej, Saint-
Cophan (Tarn-et-Garonne), formes explicables par la simplifica-
tion de la syllabe redoublée (cf. le mot français vieilli coulle,
jadis cooule = cucullat.
1686. Gyprianus : Saint-Gyprien (Allier, Aveyron, Gorrèze,
Dordogne, Lot, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Orientales, Rhône),
forme savante ; Saint-Civran. — Par Saint- Cybranet (cf. ci-des-
sus, n° 1535) il faut entendre « Saint-Gyprien-le-Petit ».
1687. Gyriacus — du grec /.upiaxôç, équivalent de domini-
cus — et sa variante médiévale Quiriacus : Saint-Ciriac
(Tarn), Saint-Girac (Ariège), Saint-Gréac (Gers, Hautes-Pyré-
nées); Saint-Quiriace, église à Provins.
1688. Gyricus ou Quiricus : Saint-Girice (Gers, Lot, Lot-
et-Garonne, Tarn-c't-Garonne), Saint-Gyrice (Hautes- Alpes,
Aveyron), formes savantes, car le nom était accentué sur Tanté-
pénultième ; Saint-Gyr (Ain, Ardèche, Aube, Galvados, Gha-
rente-Inférieure, Gorrèze, Dordogne, Eure, Eure-et-Loir, lUe-et-
Vilaine, Indre-et-Loire, Jura, Loir-et-Gher, Loire, Loire-Infé-
rieure, Loiret, Maine-et-Loire, Manche, Mayenne, Nièvre, Oise,
Orne, Pihône, Saône-et-Loire, Haute-Savoie, Seine-et-Marne,
Seine-et-Oise, Deux-Sèvres, Tarn, Var, Vendée, Vienne, Haute-
Vienne. Yonne,, Saint-Cirgue (Tarn), Saint-Girgues (Ardèche,
Gantai, Gorrèze, Haute-Loire. Lot, l*uy-de-Dôme), Saint-Girq
(Aveyron, Dordogne, Lot, Lot-et-Garonne), Saint-Gricq Haute-
Garonne, Gers, Landes, Hautes- Pyrénées). Saint-Giers (Cha-
rente, Charente-Inférieure, Gironde), Saint-Giergues (Haute-
Marne), Saint-Gergues (Haute-Savoie), Sancergues (cf. ci-des-
sus, n" 1552), et Saint-Gierge ^\^dèchei. Deux localités poite-
vines portent le nom (le Saint-Ghartres (Deux-Sèvres, Vienne),
et l'une d'elles, dans li^s textes latins cités au Dic/.ionnuirc de
Louis lii'det, est aj)pi'lt'M> Sanctus (!liricus. — Domnus C. :
Doncières (Vosges), Donceel flielgicjuc, province de Liège).
1689. Decentius : Saint-Dizant (lliarinlt-lnférieure) et.
graphie inijuitalde :i hi |)rorH»iiciation, Saint-Ysans (Gironde).
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES I DEODAIUS 41.')
1690. De datus : Saint-Dié (Vosges), Saint-Dyé (Loir-et-
Cher,.
1691. Desideratus : Saint-Désirat (Ardèche), Saint-Désiré
(Allier).
1692. Desiderius, altéré en Desderius et Deserius :
Saint-Disdier (Hautes- Alpes), Saint-Didier (Ain, Allier, Ar-
dèche, Bouches-du-Pihone, Côte-dOr, Drôme, Eure, Ille-et-
Vilaine, Isère, Jura, Loire, Haute-Loire, Haute-Marne, Nièvre,
Orne, Rhône. Saône-et-Loire, Savoie, Haute-Savoie, Vaucluse),
Saint-Dizier (Creuse, Drôme, Lot-et-Garonne, Haute-Marne,
Meurthe-et-Moselle, Haut-Rhin), Saint-Dézéry (Gorrèze, Gardj,
Saint-Drézéry (Hérault). — Saint-Dier (Puy-de-Dôme) résulte
vraisemblablement de la simplification (cf. ci-dessus, n" 1685) de
Didier \ il a pour variantes Saint -Diéry (Puy-de-Dôme) et Saint-
Géry i Dordogne, Lot, Tarn).
1693. Dionysius, fondateur de l'église de Paris : Saint-
Denis ; — Saint-Daunès (Lot). — Sancti D. cortis : Saint-
Deniscourt (cf. ci-dessus, n° 1552).
1694. Doda : Sainte-Dode (Gers,.
1695. Dodo (cf. ci-dessus, n° 1015j : Saint-Don (Meurthe-et-
Moselle).
1696. Domninus : Saint-Donin (Seine-et-Marne), Saint-
Donis (Drôme). — ^diiXii-\)&mB>-Comharnazat (Puy-de-Dôme) est
parfois appelé Sairt/-Z)o//r/zin ; et Saint-Domet (Creuse) représente
aussi un sanctuaire dédié à saint Domnin.
1697. Domnolenus : Saint- Andelain i Nièvre).
1698. Donatianus : Saint-Donatien (Loire-Inférieure).
1699. Donatus : Saint-Donat (Basses-Alpes, Drôme, Puy-
de-Dôme i.
1700. Drogo : Saint-Druon (Nord).
1701. Dulcardus : Saint-Doulehard (Cher), appelé dans
quelques textes Saint-OucharcI, par une altération commvme
aux vocables hagiographiques dans lesquels le nom du saint
commence par une dentale (cf. ci-dessus, n"*" 1689 et 1697)
1702. Lbalo, accentué sur rantépénullièine : Sâint-Eble
(Haute-Loire).
1703. Ebremundus : Saint-Ébremond (Manche) et sa forme
populaire Saint-Évremond.
1704. Ebrulfus : Saint-Évroult (Eure-et-Loir, Orne, Seiiie-
et-Uiscj.
41(i LES NOMS DE LIEU
n05. Egetius : Saint-Igest (Aveyron).
1706. Eleutherius, nom d'origine grecque : Saint-Lattier
(Isère), par aphérèse.
n07. Eligius : Saint-Éloy Ain. Allier, Charente, Charente-
Inférieure, Cher, Corrèze, Côtes-du-Nord. Creuse, Eure, Fini-
stère, Manche, Haute-Marne, Nièvre, Orne, Puy-de-Dôme,
Saône-et-Loire, Seine, Seine-et-Oise, Var, Yonne)'. — Saint-
Éloi-Fontaine (Aisne).
nos. Eliphius : Saint-Éliph Eure-et-Loir), Saint-Élophe
(Vosges) ; dans ce dernier nom 1/ tonique s'est comporté comme
celui de Sol ici a. aujourd'hui Soulosse (Vosges), tout à côté de
Saint Elophe.
n09. Eloquius, moine à Lagny au viii*^ siècle : Saint-Lot
(Aisne), par aphérèse.
niO. Elpidius, honoré à Brioude : Saint-Ilpize 'Haute-
Loire).
1711. Emelerius : Saint-Hymetière (Jura,, Saint-Émétéry
(Gard), et, par aphérèse, Saint-Médier (Gard) 2.
1712. Engratia : Sainte-Engrace (Basses-Pyrénées).
1713. Enimia : Sainte-Énimie Lozère).
1714. Eparchius, reclus du vi"" siècle, honoré à Angoulême :
Saint-Ybard f Corrèze , Saint- Ybars Ariège), Saint-Bars (Gers),
Saint-Cybard cf. ci-dessus, n" 1551). — Cf. Saint-Cybardeaux
(n« 1533).
1715. Ermino, abhé de Lobbes au vu'' siècle : Saint-Erme
(Aisne I.
1716. Errehaldus : Terrehault voir ci-dessus, n" 1556).
1717. b^thelburgis : Salnte-Aubierge (Seine-et-Marne), par
confusion avec Adalberga.
1718. Eudo, martyr cliartrain : Saint-Yon (Seine-et-Oise).
1719. Eugendus(cf. ci-dessus, n" 1672) : Saint-Oyen Saône-
et-Loire, Savoie), Saint-Yan Saône-et-Loire), Saint-Héand
f Loire).
1720. Lugenia : Sainte-Eugénie (Côtes-du-Xord. llaule-
1. Saint-Aleix ((lieuse).
2. Le bir.lionnnin- lnii(>(/r,ii>lii'/it'- de IWiii. <lo .M. I*liili|)on, meiilioiUK',
sous la forme liyf)Olliéli(]ue Saint-Imier, un ■ pelil niouaslèie ((ui paraît
avoii- élé situé au départemeiil <!«' l'.Xin, non loin de Miiciui .., d (|ii on voit
apix'lé, aux i\'' el X'' siècles. Sa uc I II s I m i I c r i ii s.
OKIGINES KCCLÉSIASTIQUES : KUGEMA 417
Loire, Orne, Pyrénées-Orientales), forme savante ; Sainte-
Eugienne (Manche), Sainte-Ouenne (Deux-Sèvres), et, par chan-
g-ement de genre, Saint-Eugène (Aisne).
1721. Eugenius : Saint-Eugène (Aude, Calvados, Charente-
Inférieure, Saône-et-Loire, Tarn).
1722. Eulalia, martyrisée à Barcelone sous Dioclétien, et
fêtée le 12 février : Sainte-Eulalie (Ardèche, Aube, Aude, Avej-
ron. Cantal, Corrèze, Dordogne, Gard, Gironde, Lot, Lot-et-
Garonne, Lozère, Tarn-et-Garonne), forme savante. Parmi les
formes populaires, certaines s'expliquent par l'hypothèse d'une
variante Euladia, dont la dentale intervocale, selon les régions,
s'est altérée en z — Sainte-Aulazie (Tarn-et-Garonne), Sainte-
Alauzie (Lot) — ou est tombée : Saint-Aulaye (Dordogne) et
Saint-Aulais (Charente), ont été signalés ailleurs (n° 1540), en
raison du changement de genre qu ils présentent. On obser-
vera aussi ce dernier fait dans les noms Saint-Aulaire (Corrèz«,
Dordogne), Saint-Araille (Haute-Garonne) et Saint-Arailles
(Gers), caractérisés par des changements de liquides. C'est une
contraction de l'une de ces deux dernières formes qu'il faut
reconnaître dans XaintraiUes (Lot-et-Garonne).
1723. Eumachius, confesseur honoré dans lAngoumois :
Saint-Chamassy (Dordogne), dont on se gardera de rapprocher
Sainl-Chamas (cf. ci-dessus, n'* 1583).
1724. Euphemia : Sainte-Euphémie (Ain, Drôme), forme
savante, les deux localités dont il s'agit étant appelées, l'une
Sainte Ofeyme par un texte du xiv^ siècle que donne Claude
Guigue dans sa Topographie historique du département de l'Ain,
et l'autre Sainct Euphème, dans une pièce de 1633, conservée
aux archives de la Drôme ; Saint-Offenge (Savoie), dont on
rapprochera le nom de l'ancienne famille angevine de Saint-
Of fange.
1725. Euphrasia : Sainte-Euphrasie (Marne) .
1726. Euphronius : Saint-Euplirône (Côte-d'Or),
1727. Eusebia : Sainte-Eusoye (Oise).
1728. Eusebius : Saint-Eusèbe (Hautes- Alpes, Saône-et-
Loire, Haute -Savoie), Saint -Eusoge (Yonne), Saint -Usage
(Aube, Côte-d'Or), Saint-Usuges (Saône-et-Loire . et, par le
rhotacisme, Saint-Huruge (Saône-et-Loire).
1729. Eusicius, fondateur de l'abbaye de Selles-sur-Cher
Les noms de lieu. 2"
418 LES >OMS DE LIEU
(Loir-et-Clier) : au xyii*" siècle, on a désigné cette localité sous
le nom de Ce//e-Saint-Eurice (cf. ci-dessus, n° 1451).
1730. Eutropius : Saint-Eutrope (Charente, Charente-Infé-
rieure. Finistère, Lot-et-Garonne, Mayenne).
1731. Exuperius : Saint - Exupère (^Averron, Calvados,
Haute-Garonne), Saint-Exupéry i Corrèze, Gironde); Saint-Spire,
église à Corbeil.
1732. Faro, évèque de Meaux : Saint-Faron (Seine-et-Marne).
1733. Fasciolus : Saint -Faziol (Deux -Sèvres), en 1559
Saint Faziou.
1734. Fausta : Sainte-Fauste (Gers, Indre).
1735. Faustus : Saint-Faust ( Basses-Pyrénées) ; dans Saint-
Ost (Gers), la chute de 1"/ a eu pour prélude sa transformation en
h aspirée, phénomène commun à l'espag'nol et au gascon
(cf. ci-dessus, n" 448).
1736. Félix: Saint-Félix; — Saint-Féliu (Pyrénées-Orien-
tales), forme catalane ; Saint-Elix (Haute-Garonne, Gers), forme
gasconne (voir l'alinéa précédent) '.
1737. Ferme rius : Saint-Ferme (Gironde), Saint-Fraigne
(Charente), formes qu'il faut constater, sans pouvoir expliquer le
recul de l'accent.
1738. Ferreolus : Saint-Féréol. — Les formes vulgaires
donnent lieu de supposer une variante Ferriolus, dont 1'/,
sauf dans Saint-Ferriol (Aude), s'est constamment conson-
nilié : Saint-Ferjeux Doubs. Marne, Haute-Saône), Saint-
Fergeux 'Ardennesi, Saint-Ferjus (Isère). Saint-Fargeau (Seine-
et-Marne, Seine-et-Oise. Yonne), Saint-Fargeol (Allier), Saint-
Fargheot (Puy-de-Dôme i, Saint-Forgeot Saône-et-Loire). Saint-
Forgeux (Loire, lihônej, Saint-Forgueil (Saône-et-Loire), Saint-
Forget (Seine-et-Oi.se). — Domnus F. : Damphreux (Sui.sse,
caiil. de Berne).
1739. Fiacrius : Saint-Fiacre.
1740. F ides : Sainte-Foy.
I. Saint-Flin Meinllio-eL-Moscllt'j csl uiif ancieniie possession i\i.- \':\h-
baye rloSainUdlément de Met/, liKincllc «Mil pour p.ilioii primitif sainl l'clix
(cf. McUfiisii, III, 00); le son nasal ipie piésenle celle forme s'est piiulnil
tardivement, comme dans le nom, appartenant à la même région, de Piilin
fMeurthe-el-Moselle), aneiennemcnl l-'ilis cl /•'(•//./• icf. MrHcnai.i, l\', 2,
note 2).
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES ! FIDOLUS 4^9
1741. Fidolus, nom, accentué sur l'antépénultième, d'un saint
d'origine auvergnate qui vécut au diocèse de Troyes : Saint-Phal
(Aube. Loiret, Yonne), Saint-Fiel (Creuse) ^ — Domnus ¥. :
Damphal (Haute-Marne).
1742. Filibertus : Saint-Philibert (Côte-d'Or, Drôme, Indre-
et-Loire, Isère, Morbihan, Pas-de-Calais, Seine-et-Oise), Saint-
Philbert (Calvados, Eure, Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Orne,
Vendée) ; l'usage constant de la notation /)/i s'explique par l'in-
fluence de Philippe.
1743. Firminus : Saint-Firmin, forme savante.
1744. Flaminia : Sainte- Flamine (Allier)-.
1745. Fia via : Sainte-Flaive (Vendée).
1746. Flavitus : Saint-Flavy (Aube).
1747. Flodoveus, variante de Clodoveus (cf. ci-dessus,
n" 1675) : Saint-Flovier (Indre-et-Loire) ; Saint-Fleur (Vienne),
en l.'^72 Saint F huer.
1748. Florentinus : Saint-FIorentin (Indre, Yonne).
1749. Florina : Sainte-Florine (Haute-Loire).
1750. Florins : Saint-Floury (Lot).
1751. Florus : Saint-Flour (Cantal, Lozère, Puy-de-Dôme).
— Saint-Floret (Puy-de-Dôme) signifie « Saint-Flour-le-Petit ->
(cf. ci-dessus, n° 1535).
1752. Floscellus : peut-être Saint-FIoxel (Manche).
1753. Folcuinus : Saint-Foiquin (Pas-de-Calais).
1754. Fortis : Saint-Fort (Charente, Charente-Inférieure,
Mayenne, Tarn-et-Garoune).
1755. Fortunata : Sainte-Fortunade (Corrèze).
1756. Fortunatus : Saint-Fortunat (Ardèche, Rhône).
1757. F ra gui fus, martyr du pays de Cominges : peut-être
Saint-Frajou (Haute-Garonne), dont le J, dans cette région,
paraît insolite -^
1758. Framboldus : Saint-Fraimbault (Mayenne, Orne,
Sarthe), Saint-Frambourg, quartier dlvry-sur-Seine (Seine) ; ce
dernier nom était aussi celui d'une église collégiale à SenHs.
1. Cf. Mrm. de la Sociélé . . . de la Creuse, XI, 82, et A. l,(^clcr, l>u-(ion-
naire. . . de la Creuse, p. 621 .
2. A. Bruel, Pouillés dc^ diocèses de Clermont et de Saint-Flonr, p. 192.
3. Cette réserve s'impose-l-elle, alors que, à une dizaine de lieues de \h, el
plus au sud, Mons régal is est représenté par Montrejeaul
420 LES NOMS DE LIEU
1759. Francoveiis : Saint-Franchy (Nièvre), par une déri-
vation qu'on n'a pas le moyen d expliquer.
1760. Fredulfus : Saint-Froult (Charente-Inférieure).
1761. Fredus : Saint-Fray iSarthe).
1762. Frigio : Saint-Frion ( Creuse ) •. Saint-Fréjoux(Corrèze).
1763. Frodoaldus, réduit k Frodaldus : Saint-Frézal
Lozère).
1764. Fronto : Saint-Front (Aisne, Allier, Charente. Dor-
dogne, Haute-Loire, Lot-et-Garonne, Orne). — Domnus F. :
Domfront (Oise, Orne, Sarthe).
1765. Frotmundus : Saint-Fromond (Marne).
1766. Fructuosus : Saint-Fructueux (Tarn), forme savante ;
Saint-Frichoux (Aude, Hérault), par le changement de et en ch
(cf. ci-dessus, n° 1550).
1767. Fulgentius : Saint-Fulgent (Orne, Vendée), forme
savante substituée, en ce qui concerne Saint-Fulgent-des-Ormes
(Orne), à Saint-Frogent, qu'on avait latinisé Sanctus Fro-
gentius.
1768. Fuscianus : Saint-Fuscien Somme).
1769. Gai la : Sainte- Jalle (Drôme).
1770. Gai lus : Saint-Gai (Cantal, Lozère, Puy-de-Dôme j,
Saint-Gaux (Gironde), Saint-Jal (Corrèze). — Saint-Jallet (Indre)
signifie « Saint-Jal-le-Petit ».
1771. Gang.ulfus, nom présentant les mêmes éléments que
le prénom allemand Wolfgang : Saint-Gengoux (Saône-et-Loire),.
Saint- Gengoult' (Nièvre). Saint- Gengoulph (Aisne), Saint-Gin-
golph Ilautc-Savoie).
1772. (iatianus : Saint-Gatien • Calvados).
1773. Gaudentius : Saint-Gaudens (Haute-Garonne), Saint-
Gaudent Vienne), Saint-Gauzens (Tarn), Saint-Goin iBasses-
l'\ rénéesj ; Saint-Jouvent llautc-\'ienne), jadis Sainl-Joucn.
1. .\ . Lecler [Dicl. de la (Jreu^e, p. 023), toiil en produisaiil clos texles
qui lie laissent aucun doute sur la forme originelle du nom de celle paroisse.
assure que « son patron est saint Frédulphe, al)bé », qu'on fêle le "i juillel.
Kt la liio-bihlioçffapliu' du chanoine Ul. (.lievalier renvoie de l-'i-nlnlp/iiis i*
■' Frion (saint) de Saintonge », honoré le 4 aoijl.
2. (a' nom est aussi celui d'une des paroisses de Tonl, aiuieiine collé-
giale, et il y avait à Metz une paroisse Saint-Gengoulf. On eomitle, dans
les diocèses acluels de Metz, Nancy, Verdun et Sainl-l)ié, une viiif^laine au
moins d'églises paroissiales placées sous le même patronai;i'.
ORIGINES ECCLÉSIAST1QI;ES : GAUDERICUS 421
1774. Gaudericus ou Gaug-ericus : Saint-Géry, église à
Gambrai.
1775. Gelasius : Saint-Gelais (Deux-Sèvres).
1776. Gemini, appellation collective des (( Saints Jumeaux » :
Saint-Geosmes (Haute-Marne) ; la transformation de l'e tonique
en 0 est un fait particulier à la rég'ion bourguig-nonne.
1777. Gemma : Sainte-Gemme (Aude, Charente-Inférieure,
Cher, Eure-et-Loir, Gers, Gironde, Indre, Lot-et-Garonne,
Marne, Seine-et-Oise, Deux-Sèvres. Tarn, Vendée), Sainte-
Gemmes (Loir-et-Cher, Maine-et-Loire, Mayenne), SaintB-
Jamme (Sarthe).
1778. Genardus : Saint-Génard (Deux-Sèvres).
1779. Generosus : Saint-Généroux (Deux-Sèvres).
1780. Genesius : Saint-Genès (Ariège, Corrèzç, Gironde,
Lot-et-Garonne. Puy-de-Dôme), Saint-Genest (Allier, Ardèche,
Loire, Marne, Tarn, Vienne, Haute-^ ienne, Vosges), Saint-
Geneys (Haute- Loire), Saint-Geniès (Ardèche, Dordogne, Gard,
Haute-Garonne, Hérault. Lot, Tarn-et-Garonne), Saint-Geniez
(Basses-Alpes, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Corrèze, Haute-
Garonne), Saint-Genis (Ain, Hautes-x\lpes, Charente, Charente-
Inférieure, Drôme, Gironde, Isère, Loire, Lot-et-Garonne, Pyré-
nées-Orientales, Rhône), Saint-Genix (Savoie), Saint-Gineis
(Ardèche), Saint-Giniès (Aude), Saint-Genois (Belgique, Flandre
Occidentale). Dans ce dernier nom, (réunis a été substitvié à
Gênais, de même que le nom de famille S'eruots est pour Servais,
en latin Servatius.
1781. Genius, martyrisé à Lectoure : Saint-Gein (Landes),
Saint- Geny (Gers).
1782. Genovefa : Sainte-Geneviève (Aisne, Aveyron, Eure,
Loiret, Manche, Meurthe-et-VIoselle, Morbihan, Oise, Seine-
Inférieure, Seine-et-Oise).
1783. Gentianus : Saint-Gence (Haute-Vienne), par un
déplacement d'accent frécjueut dans la région i cf . ci-dessus,
n°« 1545 et 1568).
1784. Gentius : Saint- Gens (Vaucluse).
1785. Genulfus : Saint-Genou (Indre), Saint-Genoux "Loir-et-
Cher), Saint-Genouph (Indre-et-Loire).
1786. Georgius : Saint-Georges. — Les formes populaires,
422 LES iNOMs d;j lieu
auxquelles se rattache le nom de famille Joret, répondent à
la forme basse Georius : Saint-Joire (Meuse), Saint-Jeoire
(Savoie, Haute-Savoie), Saint-Geoire (Isère), Saint-Geoirs (Isère),
Saint-Geours (Landes), Saint-Juire (Vendée), Saint-Jure (Mo-
selle), Saint-Jurs (Basses-Alpes), Saint- Yors (Gers), Saint-
Jorioz (Haute-Savoie) — en Savoie, les terminaisons -az et
-oz sont atones — Saiïlt-Jory (Dordogne, Haute-Garonne),
Saint-Juéry (Aveyron, Lozère, Tarn). Saint-Georges-de-Lusen-
con (Aveyron) est appelé aussi Saint-Jordy . — Domnus G. :
Donjeux (Haute-Marne, Moselle), Dampjoux (Doubs), Daiigeul
(Sarthe).
1787. Geraldus, plus anciennement Gairaldus : Saint-
Géraud (Corrèze, Dordog-ne, Lot-et-Garonne, Tarn), Saint-Giraud
(Ardèche, Isère), Saint-Glrault (Deux-Sèvres), Saint-Girod
(Savoie), Saint-Guiral (Tarn), Saint-Guiraud (Gers, Hérault).
1788. Gerboldus, évêque de Baveux au vu'' siècle : Saint-
Gerbold (Calvados).
1789. Geremarus : Saint-Germier (Haute-Garonne, Gers,
Deux-Sèvres, Tarn), Saint-Germé (Gers, Hautes-Pyrénées),
Saint-Germer (Oise).
1790. Gereo, martyr de la Légion thébaine : Saint-Géréon
( Loire-Inférieure) .
1791. Germanus, nom porté par plusieurs saints, dont un
évêque de Paris et un évêque dAuxerre : Saint-Germain,
vocable des plus répandus; Saint-German (Gers). — Saneti
G.mons : Saint- Germainmont (Ardennes). — Domnus G. :
Domgermain (Meurthe-et-Moselle).
1792. Gerontius : Saint- Gérons (Cantal), Saint- Giron
flIaute-Loire), Saint-Girons (Ariège, Gironde, Landes, Basses-
Pyrénées j.
1793. Gervasius : Saint- Gervais ; — Saint-Gervasy (Gard),
Saint-Gervazy (^Puy-de-Dôme) ; — ei peut-élre Saint-Urbary
((iersj.
1794. Gibrianus, confesseur du diocèse de Chàlons au
Y*' siècle : Saint-Gibrien (Marne, Mcurlhe-et-Moselle), Saint-
Gibrin (^Meurlhe-el-Moselle).
1795. Gildardus, évé(pu> de Houen, frère île saint Mt'dard,
évêcpic (If Xoyoïi : Saint-Godard, (''glise à Houen, jadis Sn'ml-
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : dlLDARDl'S 423
Gaudard ; Saint-Jodard (Loire), qui, par confusion, a aujour-
d'hui pour patron saint Gildas.
1796. Gildasius, fondateur de l'abbaye de Rhuis, au diocèse
de Vannes : Saint-Gildas (Côtes-du-Nord, Finistère, Loire-Infé-
rieure, Morbihan).
1797. Gislenus: Saint-Gelin (Indre-et-Loire, Saône-et-Loire),
Saint- Guislain (Aisne, Nord).
1798. Glycerius, évêque de Couserans vers 700 : Saint-
Lizier (Ariège, Gers), Saint-Lézer (Hautes-Pyrénées) ; le g initial
est tombé, comme dans le mot loir, représentant un cas oblique
du latin glis.
1799. Gobbanus, nom emprunté à l'onomastique irlandaise :
Saint-Gobain (Aisne), Saint-Gobin (Allier).
1800. Godebertus : Saint-Gobert (Aisne, Seine-et-Marne I.
1801. Godo : Saint-Gond (Marne), Saint-Gaud (Haute-Saône).
1802. Gorgonius : Saint-Gorgon (Doubs, Meurthe-et-Mo-
selle, Meuse, Morbihan, Nord, Vosges), Saint-Gourgon (Eure,
Loir-et-Cher, Orne), Saint-Golgon (Côtes-du-Nord), Sainte-Ger-
goine (voir ci-dessus, n° 1541).
1803. Gradulfus : Saint-Groux (Charente).
1804. Gratus : Saint-Grat (Aveyron).
1805. Gregorius : Saint-Grégoire.
1806. Guenocus : Saint-Guénoux (Ille-et-Vilaine).
1807. Gundulfus : Saint-Gondon (Loiret ; cf. ci-dessus,
n" 1144).
1808. Gunhardus, évêque de Nantes au ix^ siècle : Saint-
Goard (Deux-Sèvres).
1809. Gunsaldus : Saint-Goussaud (Creuse).
1810. Heriboldus, solitaire en Bretagne au ix® siècle : Saint-
Herbot (Côtes-du-Nord, Finistère).
1811. Hermelandus : Saint-Erblon lUe-et-Vilaine, Mayenne),
Saint-Herblon ( Loire- Inférieure ), Saint -Herblaln (Loire-Infé-
rieure).
1812. Hieronymus : Saint- Jérôme i^^. Vin, Houches-du-Rhône,
Tarn, Vaucluse).
1813. Ililarius : Saint-Hilaire ; — Saint-Élier (Eure),
Saint-EIlier (Maine-et-Loire, Mayenne, Orne), Saint-Hélier
(île de Jersey), Saint-Hellier (Côto-d'Or, llle-et- Vilaine, Seine-
Inférieure), Saint-Hilliers (Seine-et-Marne), Saint-Illiers (Seine-
424 LES NOMS DE LIEU
et-Oise), Saint-Ghély (voir ci-dessus, n° 1550), Saint- Ylifi (Jura),
Saint-Lary (Ariège, Haute-Garonne, Gers, Lot-et-Garonne,
Hautes-Pvrénées). Le lieu dit Saint-Hilier, marquant, au terri-
toire de Bannoncourt (Meuse), l'emplacement d'une ancienne
chapelle, est appelé, dans le parler local, Sainte-Laie. — Sancti
H. m on s : Saint-Hilairemont (Marne).
1814. Hildebertus : Saint-Hildevert (Eure).
1S15. Himerius : Saint-Hymer (Calvados), Saint-Imier
(Suisse, cant. de Berne), et peut-être Saint-Ismier (Isère).
1816. Hippolytus : Saint- Hippolyte ; — Saint-ApoUis
(Hérault;. — Aucun texte du moven âge ne donne la forme
latine du nom de Dannevoux (Meuse) ; mais cette paroisse a pour
patron saint Hippolyte ; or en supposant que le p redoublé de
Hippolytus, s'est comporté comme un p simple (cf. ci-dessus,
n° 1574), ce nom, accentué sur l'antépénultième, donne néces-
sairement evolt, evoui, evou ; on peut donc admettre que le pri-
mitif du nom de lieu dont il sagit est Domnus Hippolytus
(cf. ci-dessus, n° 1525).
1817. Hispanus : Saint-Épain (Indre-et-Loire), Salnt-Épin
(Oise), le Mei.r-Saint-Époing (Marne).
1818. Honora tus : Saint-Honorat (Basses-Alpes, Bouches-
du-Rhône, Drôme). Saint-Honoré (^Finistère, Isère, Nièvre, Seine-
Inférieure, Var), Saint-Ondras (Isère); dans ce dernier nom le il
est produit par le contact de l'net de 1'/-, consécutif à la chute du
second o.
1819. Honorina : Sainte-Honorine (Calvados, Eure, Orne,
Seine-Inférieure). — Con/7a/is-Sainte-Honorine (Seine-et-Oise).
1820. Ilospitius : Saint-Hospice (Alpes-Maritimes), jadis
Sainl-Sospis (voir ci-dessus, n" 1551).
1821. Hostianus : voir ci-après, n" 1950.
1822. Ilucbertus, évêque de Maastricht au viii*" siècle :
Saint-Hubert (Allier, Cher, Eure, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher,
Haute-Marne, Mayenne, Sarthe, Seine-et-Oise, Somme, \'ienne,
et ^Belgique, Luxembourg . — Saint-HuLcrt-dc-Caslagnolc
(Tani-ct-Garoiine) réponih-ail ;i un ancien S anc tus Ansbertus.
1823. Hugo : Saint- Hugues (Isère, Tam-et-Garonne), Saint-
Hugon Isère, Savoie).
1. Cr. I.oii-iioii, l>i,iiillr ihi ,li.,rèsijile (:;ilii>r>!, |>. liH, ii" 008.
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES ! HUMBERTUS 42")
1824. Ilumbertus : Saint-Imbert (Nièvre).
1825. Ig-natius : Saint- [gnace iGôles-du-Nord), Saint-Tgnat
(Puy-de-Dôme).
1826. lUidius, évêque des Arvernes au iv^ siècle : Saint-
Illide (Cantal), Saint-Alyre (Puv-de-Dôme), Sainte-Olive (cf. ci-
dessus, n^' 1542). L'/' d'Alyt^e s'est produite comme celle de Géry
(n° 1566) et d'Tzaire (a" 1604); c'est par un phénomène sem-
blable que, dans la langue du moyen-âg-e, le nom commun mire
représente le latin medicus, réduit à médius.
1827. Irmina : Sainte-Hermine (Vendée).
1828. Jacobus : Saint-Jacob (Finistère) ; Saint-Jacques ; —
Saint-James (Allier, Aude, Gironde, Loire-Inférieuie, Manche,
Puy-de-Dôme, Seine), Saint-Jammes (Basses-Pyrénées), par le
changement de h en m dont l'exemple le plus ancien est fourni
par sabbati dies devenant samedi, et que l'on observe aussi
dans les formes anglaise et italienne de Jacobus, James et
Giacomo; — Saint-Jaumes (Var), Saint-Jeaume (Var, Vaucluse),
moyennant, par surcroît, une vocalisation de gutturale compa-
rable à celle qui, d'Agnes a fait Aunes [n° 1573) ; — Saint-
Jaymes (Gers), dont le second terme ne diffère guère de l'espagnol
Jaime. — Gelui de Saint-Jacôme (Savoie) était certainement, à
l'origine, ime variante du wallon Jaqiiemes, qui se prononçait
Jakme. — Saint-Yaguen (Landes), répond peut-être aussi à
S . Jacobus,
1829. Joannes : Saint-Jean ; — Saint-Jouan (Côtes-du-Nord,
Ille-et- Vilaine) et leurs diminutifs Saint-Jeannet et Saint-Jouan-
net (cf. ci-dessus, n° 1535). — Domnus J. : Domjean (Manche)
et peut-être Danjouan (Seine-et-Oise).
1830. Jovinus : Saint-Jouin (Galvados, Ille-et-Vilaine, Indre-
et-Loii'e, Orne, Seine-Inférieure, Deux-Sèvres), Saint-Jouvin
(Manche), Saint- Juvin (.\rdennes), et peut-être Saint-Juin (Lot-
et-Garonne). — Domnus J. : Domjevin (Meurthe-et-Moselle).
1831. Judo eus, prince breton : Saint-Judoce (Côtes-du-
Nord), Saint-Josse (Pas-de-Calais) ; ces deux formes donniMit
lieu de supposer une variante Judocius.
1832. Julianus : Saint-Julien ; — Saint- Juillen .Alpes-
Maritimes), Saint-Julia (Aude. Haute-Garonne). — Domnus
J. : Domjulien f Vosges).
1833. .lulitta, mère de saint Cyv. et martyrisée avec lui sous
426 LES >'OMS DE LIEU
Dioclétien : Sainte -Juliette (Aveyroa, Indre-et-Loire, Tarn-et-
Garonne), forme refaite à la manière dun diminutif de Julie :
Julitta eût donné Julette.
1834. Junianus : Saint-Junien (Creuse, Haute-Vienne).
1835. Justinus : Saint-Justin (Gers, Landes). Domnus J. :
Danjoutin (territoire de Belfort).
1836. Justus : Saint-Just, prononcé Saint-Ju.
1837. Lactantianus : Saint-Lactencin (Indre).
1838. Laetus : Saint-Lié (Marne), Saint-Lyé (Loiret), mais
non pas (cf. ci-après, n^ 1848) Saini-Lyé (Aube).
1839. La ma nus : Saint-Lamain (Jura).
1840. Landbertus : Saint -Lambert (Aisne, Ardennes,
Bouches-du-Rhône, Calvados, Côtes-du-Nord, Eure, Gironde,
Maine-et-Loire, Orne, Seine-et-Oise, Vaucluse).
1841. Laudus, primitivement Lauto : Saint-Lo (Manche,
Somme) et son diminutif Saint-Louet (voir ci-dessus, n° 1535),
tardivement latinisé Sanctus Laudulus; — Saint-Lot (F.ure-
et-Loir), mais non (cf. ci-dessus, n** 1709) Saint-Lot [Aisne) ; —
la CAa/:»e^/e-Saint-Laud (Maine-et-Loire).
1842. Launoyisilus : Saint-Longis (Sarthe), Saint-Langis
(Orne i.
1843. Launomarus : le Pas-Saint-LHomer (Orne), et peut-
être Saint-Léomer (Vienne). — Beatus L. : Belhomert (cf. ci-
dessus, n" 1523).
1844. Launus : Saint-Laon (Vienne) ; à Thouars (Deux-
Sèvres), ce saint a été confondu avec saint Lo.
1845. Laurus : Saint-Laurs (Deux -Sèvres), Saint- Laure
/Puy-de-Dôme).
1846. Lau tenus : Saint- Lothain (Jura).
1847. Lazarus. — Les noms de lieu se rapportant au culte
de saint Lazare, ressuscité par Jésus, et confondu avec le men-
diant de la parabole du Mauvais Riche, ont été déjà passés en
revue (n*"* 1482-1484 ; on [jouvait y joindre Saint-Laze, nom dési-
f^nant l'emplacement de l'ancienne léproserie de Sommières
(Gard).
1848. Léo : Saint-Léon (Allier, Aveyron, Côte.s-du-Nord,
Dordoj^ne, Haute-Garonne, Girojide, Indre, Lot-et-Garonne,
n;iss"s-PyrtMiées, Tarn), Saint-Lyé (.\ube).
1849. Leobinus, évêcpu- de C^liai'tres au vT' siècle : Saint"
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUKS : LEOBIXUS 427
Lubin ((]otes-du-Norcl. Eure, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Seine-
et-Oise).
1850. Leodeg-arius : Saint-Léger: — Saint-Lager (Ardèche^
Rhône), Saint-Ligaire Vieunei. Saint-Liguaire Deux-Sèvres).
— Domnus L. : Domléger (Somme;, Dampléger (Seine-et-
Marne).
1851. Leonardus : Saint-Léonard, forme savante, la forme
populaire de Leonardus étant IJénard.
1852. Leonius : Saint-Liesne (Seine-et-Marne). — Le nom
de famille Lioine se rencontre dans la région de Sézanne.
1853. Leonorius, évêque breton du vi'' siècle : Saint-Lunaire
(Ille-et- Vilaine).
1854. Leontius : Saint-Léonce (Tarn), Saint-Lions (Basses-
Alpes), Saint-Léon-swr-Fe:;^re i Dordogne). Saint-Lieux (Tarn).
1855. Leopardinus : Saint-Léopardin (Allier).
1856. Leofarius : Saint-Nauphary (Tarn-et-Garonne).
1857. Leporius : Saint-Loubouer (Landes).
1858. Leutfredus : la C/-oi.r-Saint-Leufroy (Eure), V HôpUal-
Saint-Lieffroy (Doubs).
1859. Leudomirus : Saint-Lumier (Marne).
1860. Leudovinus : Saint-Llévin (Nord, Pas-de-Calais).
1861. Liberata : Sainte-Livrade (Haute-Garonne, Lot-et-
Garonne, Tarn-et-Garonne).
1862. Libéria, peut-être à Torigine Leobaria : Sainte-
Livière (Marne), Sainte-Libaire (Meurthe -et -Moselle], Sainte-
Libère (Meuse), Co/u/e - Sainte -Libiaire (Seine-et-Marne j. —
Domna L. : Damelevières (Meurthe-et-Moselle).
1863. Licinia : Sainte-Lizaigne (Indre).
1864. Licinius : Saint-Lézin (Maine-et-Loire).
1865. Lifardus, honoré à Meung-sur-Loire : Saint-Lyphard
(Loire-Inférieure).
1866. Lotharius, évêque de Sées au vin'' siècle : Saint-Loyer
(Orne).
1867. Lucas, l'évangéliste saint Luc : Saint-Luc Eure,
Hautes-Pyrénées), la r;Aa/)e//e-Saint-Luc (Aube).
1868. Lucia : Sainte-Lucie Aude, Drôme, Lozère, Meuse,
Morbihan) et, forme plus régulière, Sainte-Luce (Dordogne,
Gironde, Isère, Loire-Inférieure, Oise, Tarn).
1869. Lucianus : Saint-Lucien (Eure-et-Loir, Oise, Seine-
i28 LES NOMS DE LIKU
Inférieure/, mais non (cf. ci-après, n" 1872) Saint-Lucien, en
Rezé (Loire-Inférieure).
1870. Lupentius, abbé du Gévaudan, qui périt en Cham-
pag^ne. vers la fin du vi*" siècle, victime des intrigues de Bru-
nehaiit : Saint-Louvent ' (Mamei, et, s'il faut en croire un pouillé
du xvin^ siècle, Saint-Lupien (.\ube) ; Saint-Louand (Indre-et-
Loire). — Domnus L. : Doulevant (Haute-Marne).
1871. Lupercius : Saint-Loubert (Gironde), Saint-Loubergt
(Gironde), Saint-Loubès (Gironde), et, a.ssure-t-on, Saint-Loube
(Gers). — Saint-Luperce (Eure-et-Loir) est une forme savante,
car dans une forme populaire, le p du latin serait devenu v,
témoin le nom deLouvercy (Marne), au ix'' siècle Luperciacum.
1872. Lupianus : Saint-Lucien, chapelle en Rezé (Loire-
Inférieure) ; à une forme telle que Luchain, une fausse interpré-
tation aura fait substituer Lucien, nom d'un usage courant.
1873. Lupus : Saint-Loup ; — Saint-Leu (Oise, Pas-de-Calais,
(Saône-et-Loire, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise). — Domnus
L. : Damloup (Meuse), Domioup (Ille-et- Vilaine), Dampleux
(Aisne); le -6ois-Danloup, au territoire d'Ourouer (Nièvre) est
appelé en 1266 nemusde Sancto Lupo.
1874. Macarius : Saint-Macaire (Haute-Garonne, Gironde,
Hérault, Maine-et-Loire), Saint-Macary (Bouches-du-Rhône).
1875. Maclovius, évèque d'AIeth au vi« siècle : Saint-Malo
(Ille-et- Vilaine. Loire-Inférieure, Manche, Morbihan, Nièvre,
Orne, Vendée), Saint-Maclou (Calvados, Eure, Seine-Inférieure),
Saint-Malon (lUe-et-Vilaine) ; le vocable Saint-Maclou résulte
parfois d'une confusion (cf. ci-après, n" 1877).
1876. Macrinus : Saint-Maigrin (Cliarente-Inférieure).
1877. Ma cul fus, alti'ré en Macutus, honoré à Ars au dio-
cèse de Saintes : Saint-Macoux (Vienne). C'est sous l'invocation
de ce saint qu'était, en réalité, placée l'église Saint-Maclou de
Mantes ; et le nom de l'église Saint-Maclou de Bar-sur-Aube a
été latinisé Sanctus Macutus.
1878. Madalgisilus : Saint-Mauguille (Somme).
1879. Madalvcus : Saint-Maulvis i Somme).
i. On ira|)('r<;<)il .uK'iitKMiU'iil l.-i i-aison pDiir l.nnicllt' le /)irli(niii:iirt'
li>p(};/rni>hif/iie de l.i M(miso désii^iie sons ce nom l:i friinc il(> l.onvcnl,
silui'G an Icniloirt; (Je l'iesnes-au-Mont.
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : MAGDALEXA 429
1880. Magdalena, surnom de lune des trois Marie de
l'Évangile, native de Magdala : la Madeleine, la Madelaine, par-
fois sans article ; — la Magdeleine (Charente), la Magdelaine
(Alpes-Maritimes, Savoie;, Sainte-Madeleine (Haute-Garonne).
— C'est à une église placée sous l'invocation de sainte Marie-
Madeleine que doit son origine Mont-Notre-Dame (Aisne) ; mais
dans l'expression Mons béate Marie Magdalene, le dernier
terme étant tombé de bonne heure en désuétude, Béate Marie,
désormais mal compris, fut rendu par Notre-Dame.
1881. Maglorius, évêque breton : Saint-Magloire (Seine-et-
Oise).
1882. Magnentia : Sainte-Magnance (Yonne).
1883. Magnus : Saint-Magne (Gironde).
1884. Mamertus : Saint-Mamert (Eure, Eure-et-Loir,
Gard, Isère, Morbihan, Rhône).
1885. Mammes : Saint-Mammès (Seine-et-Marne), Saint-
Mamest (Dordogne), Saint-Mamet (Allier, Cantal, Haute-
Garonnej, et peut-être Saint-Mamans (Drôme), ecclesia Sancti
Mamatis en 1196.
1886. Mandrarius : Saint-Mandrier ('V^ar) .
1887. Manehildis : Sainte-Menehould (Marne), prononcé
Sainte-Menou.
1888. Mansuetus : Saint-Mansuy (Meurthe-et-Moselle).
1889. Manveus : Saint-Manvieu (Calvados).
1890. Marcellinus : Saint-Marcellin (Basses-Alpes, flautes-
Alpes, Ille-et- Vilaine, Isèie, Loire, Saône-et-Loire, Var, Vau-
cluse).
1891. Marcellus : Saint- Marcel ; — Saint-Marceau (Ar-
dennes, Loiret, Sarthe), et, dans une région où castellum a
donné castet, Saint-Marcet (Haute-Garonne).
1892. Marciana : Sainte-Martianne (Tarn).
1893. Marculfus : Saint-Marcouf i Calvados, Manche).
1894. Maicus : Saint-Marc, que la prononciation peut avoir
confondu avec Saint-Mard (voir ci-après, n" 1918V — Dans le
département de la Mayenne, Saint-Mars-SUr-Colniont et Saint-
Mars-sur-la-Fiitaie sont appelés, le premier Sanctus Marchus
vers 1200, le second Sanctus Medardus super Fustayam en
922. — Saint-Max (Meurthe-et-Moselle), prononcé .Sam/-.l/à, est
appeli'; Sanctus Marcus dans un pouillé de 1402.
430 LES NOMS Dli LIEU
1895. Marg^arita (cf. ci-dessus, n" 1556) : Sainte-Marguerite.
1896. Maria, la Vierge, mère du Sauveur : Sainte-Marie ; —
Sainte-Mère-Eglise (Manche), Sanctae Mariae ecclesia. —
Domna M. : Dommarie (^ Meurthe-et-Moselle), Dommary
(Meuse), Damemarie (Eure, Indre-et-Loire, Orne), Dammarie
(Eure-et-Loir, Loiret, Meuse, Seine-et-Marne), Donnemarie
(Haute-Marne, Seine-et-Marne), Dannemarie (Doubs, Seine-et-
Oise) ; on a vu (n° 1407) que Dannemarie est aussi le nom d'une
commune du Haut-Rhin, appelée en allemand Dammerkirch.
Domnae Mariae ecclesia. — Très fréquemment, dans les
textes latins du moyen-âge, Sa ne ta ^Slaria ou Beata Maria
traduit l'expression Notre-Dame ; mais en ce qui concerne la
réciproque, on sait (cf. ci-dessus, n° 1880) que le nom de Mont-
Notre-Dame (Aisne), n'a pas trait au culte de la Mère du Christ.
1897. M aria nus : Saint-Marien (Creuse), Saint-Mariens
(Gironde). — Domnus M. : Dommarien (Haute-Marne).
1898. Marina : Sainte-Marine (Finistère).
1899. Marinus : Saint-Marin (^ Indre).
1900. Marins : Saint-Mary (Cantal, Charente), Saint-Maire,
église à Lausanne ; Saint-May (Drôme).
1901. Martialis, fondateur de l'église de Limoges : Saint-
Martial (Ardèche, x\veyron. Cantal, Charente, Charente-Infé-
rieure, Corrèze, Creuse, Dordogne, Gard, Haute- Garonne,
Gironde. Hérault, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne, Vienne, Haute-
Vienne j, Saint-Marsault (Deux-Sèvres). Saint-Marsal (Pyrénées-
Orientales).
1902. Martinus, l'apôtre des Gaules : Saint-Martin, à coup
sur le j)lus répandu en France des noms de litu se rapportant au
culte des saints. — Domnus M. : Dommartin (Ain, Aube,
Doubs, Marne, Haute- Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse,
Nièvre, Pas-de-Calais, Rhône, Saône-et-Loire, Somme, Vosges),
Dammartin i Doubs, Jura, Haute-Marne, Seine-et-Marne, Seine-
et-Oisej ; — Domni M. mons : Dommartemont i Meuillie-et-
Mf)selle). nom (|ui foinnit un double cxemph' d'assourdissement
du son nasal devant une m (cf. ci-ilessus, n" 1525).
1903. Martius, abbc en .Vuvergne au vi' sièch> : Saint-Mart,
pics Pioyat (Puy-de-Dôme).
1904. Martyrius : Saint-Martory i Haute-Garonne).
1905. Mascilius : Saint-Maxire (Deux-Sèvres).
OKlGliMiS ECCLÉSIASTIQUKS : MATTHAEIJS 43i
1906. Matthaeus, réduit parfois à M a te us : Saint-Mathieu
{Côtes-du-Nord, Finistère, Hérault, Morbihan, Haute- Vienne),
Saint-Mahé (Finistère), Saint-Macé (Maine-et-Loire); l'égUse
Saint-Mathieu de Moidaix (Finistère) est appelée dans un compte
rendu au chapitre de Trég^uier en 14(J1, Saint-Mahé.
1907. M a tu ri nus : Saint-Mathurin (Côtes-du-Nord, Cor-
rèze, Maine-et-Loire, Vendée).
1908. Maudetus, solitaire breton du vi^ siècle ayant vécu au
pays de Trég-uier, et dont les reliques furent, au ix® siècle,
transportées dans l'intérieur de la France : Saint-Maudez (Côtes-
du-Nord, Finistère), et, par une altération graphique, Saint-Man-
dez (Côtes-du-Nord), Saint-Mandé (Charente-Inférieure, Côtes-
du-Nord, Loir-et-Cher, Morbihan, Pu^^-de-Dôme , Seine,
Vienne). — La chapelle de Saint-Mandé, au territoire de Mou-
terre-Silly (Vienne), est désig'née, dans un pouillé composé au
début du xiv" siècle, par les mots capellania San cti Malde ti,
dont le dernier semble attester que la forme Mandé était encore
en usage.
1909. M aura : Sainte-Maure (Aube, Indre-et-Loire, Lot-et-
Garonne).
1910. Maurilius, évêque d'Angers au v*" siècle : Saint-Mau-
rille, Saint-Moreil (Creuse), et, par" l'effet de la déclinaison
imparisyllabique usitée à l'époque franque, Saint-Morillon
(Gironde).
1911. Maurinus : Saint-Maurin (Lot-et-Garonne, Var, Vau-
cluse).
1912. Mauritius, n^artyr de la Légion thébaine : Saint-Mau-
rice, forme savante substituée plus ou moins tardivement à
diverses formes populaires, Saint-Maurice de Beynost (Ain),
par exemple, ayant été appelé, vers 1320, Saint Mûris ; —
Saint-Mury (Drôme, Isère), Saint-Morezi (Dordo^ne).
1913. Maurus : Saint-Maur (Calvados, Cher, Eure-et-Loir,
Gers, Indre, Jura, Maine-et-Loire, Meurthe, Oise, Seine, Seine-
Inférieure).
1914. Maxentia : Po/î/-Sainte-Maxence (Oise).
1915. Maxentius : Saint-Maixant (Creuse, Gironde), Saint-
Maixent ((Charente, Charente-Inférieure, Sarthe, Deux-Sèvres,
Vendée), Saint-Maxent (Somme), Saint-Mexant (Corrèze). — Il
est possible que Saint-Naixenl (Dordogne) résulte d'une altération
semblable à celle qui de mappa a fait nappe \ on est toutefois
i32 LES NOMS DE LIEU
en droit de faire état de la forme Sanctus Xascentius, qu'on
rencontre en 1295.
1916. Ma xi minus : Saint-Maximin (Gard, Isère, Oise, Var),
Saint-Mesmin ^Gôte-dOr, Loiret, Deux-Sèvres. Vendée), Saillt-
Méinin (Dordogne), Saint-Mémy Tarn). — Saint-Même (Loire-
Inférieure) était une possession de labbaye de Saint-Mesmin de
Micy, près Orléans. — Saiiit-Mesryiin (Aube) est dune origine
différente (voir ci-après, n" 1923).
1917. Maxim us : Saint-Maxime Var), Saint-Maime , Basses-
Alpes), Saint-Maïmes (Vari, Saint-Maixme (Eure-et-Loir), Saint-
Mayme ^ Aveyron, Dordogne), Saint-Mesmes Seine-et-Marne),
Saint-Même {Charente, Charente-Inférieure, Savoie). — L'/u de
la dernière syllabe a parfois disparu, témoin les noms Saint-
Masse A'ar), Saint-Maxe, ancienne collégiale à Bar-le-Duc,
Saint-Mauxe (Eure). — II serait risqué de rapporter à S. Maxi-
mus Saint-Masmes (Marne), qu'un texte de 1209 appelle Sanc-
tus Mammius.
1918. Medardus, évèque de Xoyon au vi" siècle : Saint-
Médard : — Saint-Méard (Dordogne, Haute-Vienne j , Saint-
Mard (Aisne, Charente- Inférieure, Marne, Meurthe-et-Moselle,
Oise, Orne, Saùne-et-Loire, Seine-et-Marne, Vendée), Saint-
Mards (Aube, Eure, Seine-Inférieure i, Saint-Mars (Eure, Loire-
Inférieure. Maine-et-Loire, Mayenne — voir ci-dessus, n° 1894
— Orne, Sarthe. Seine-et-Marne, Vendée), Cinq-Mars voir
ci-dessus, n*' 1554.. Saint-Merd (Corrèze, Creuse), Saint-Mézard
(Gers). — Do m nus M. : Domart (Somme), Dammard (Aisne),
Dampmart (Seine-et-Marne) '.
1919. Medericiis : Saint-Méry (Seine-et-Marne); l'église
Saint-Merry, à Paris, a été appelée, par réaction. Saint-Médéric
1920. Medulfus : Saint-Molf Loire-Inférieure), Saint-Myon
Liiy-de-Dome).
1921. Melanius, évèque de Rennes au vT' siècle : Saint-
Melaine (Calvados, Ille-et-\'ilaine, Maine-et-Loire, N'endée).
Saint-Melain Eure , Saint-Meslin (Eure), Saint-Mélan (Mor-
bihan;. Saint-Mélany Ardeche/.
1922. Mcnuiiiiis. prcmiei- évèque de Châlons : Saint-Memmie
(Marnej; — Saint-Menges .Vrdennes), Saint-Menge ' (Vosges).
1. Damas {\'osf,'es .
2, .\ |) u (I .s.-inctuin .M f m m i n m, au xii'' siècle y^Uo/*. '/c/v/i., .Sc/v/j/., .\II,
342).
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES I MEMORIUS 433
1923. Memoi-ius : Saint-Mesmin (Aube^, nom dont le second
terme est écrit, en 1291. Mirnmy, les formes intermédiaires
avant été vraisemblablement Memuir et Memui ; le son nasal
résulte d'un phénomène assez fréquent dans la région champe-
noise, où il paraît que Valmy sest dit vers 1274 Walemain, et
où x\conin et Saconin (Aisne) répondent peut-être à des primitifs
en -iacus.
1924. Menulfus, plus anciennement Mainulfus : Saint-
Menoux (Allier).
1925. Merulfus : Saint-Méru ou Saint-Méry (Vienne).
1926. Mevennus : Saint-Méen (Gôtes-du-Nord, Finistère,
lUe-et- Vilaine, Morbihan), prononcé Saint-Min.
1927. Michael : Saint-Michel: — Salnt-Mihiel (Meuse). —
La forme vulg-aire de Michael est Michau ; on se gardera d'en
rapprocher le nom Saint-Micaud, porté par une commune en
Saône-et-Loire, c'est-à-dire dans une région où le c dur serait
inexplicable : d'ailleurs aucun texte du moyen-àge n'ayant été
recueilli sur cette localité, dont l'église est sous le vocable de
Saint-Pierre, on ignore ce qu'il faut entendre par Saint-Micaud.
1928. Mitrias, confesseur à Aix-en-Provence : Saint-Mitre
(Bouches-du-Rhône, Var).
1929. Modéra mnus : Saint-Moran (Ule-et- Vilaine), Saint-
Morand (Haut-Rhin).
1930. Modéra tus : Saint-Moré (Yonne).
1931. Montana: Sainte-Montaine (Cher).
1932. Mon ta nu s. ermite en Vivarais : Saint -Montant
(Ardèche).
1933. Mummolenus, évêque de Noyon et Tournai au
vu'' siècle : Saint-Momelin (Nord, Pas-de-Calais).
1934. Mummolus : Saint-Momble (AisneV — Le nom de
Villeinomhlc (Seine) est formé de même sur Villa Mumn\oli.
1935. Mundana : Sainte-Mondane (l)ordogne^.
1936. Naamalius : Saint-Naamas ( Aveyron ).
1937. Nabor : Saint-Nabor ( Bas-Rhin i. Saint-Nabord lAube,
Vosges), et, Vn initiale ayant été absorbée par le son nasal du
mot.sam/, Saînt-Avold (Moselle), prononcé 5am/-.4ud.
1938. Natalena : Sainte-NathalèiiB (Dordogne).
1939. Natalis : Saint-Nadeau Charente-Inférieure).
1940. Xazarius : Saint-Nazaire.
Les noms de lien. '■^^
434 LES NOMS DE LIEU
1941. Nectarius : Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme; cf. ci-des-
sus, n<> 1548).
1942. Neomadia : Sainte-Néomaye (Deux-Sèvres).
1943. Nicasius : Saint-Nicaise.
1944. Nicetius : Saint-Nizier (Ain, Isère, Loire, Rhône,
Saône-et-Loire), forme populaire, qui serait écrite plus correcte-
ment Saint-Xiziès.
1945. Xummius : Saint-Nom (Seine-et-Oise).
1946. 011a : Sainte-Olle (Nord).
1947. Orientius, évêque d'Auch au v<= siècle : Saint-Orens
(Haute-Garonne, Gers, Landes, Lot-et-Garonne), Saint-Ourens
(Gironde, Lot-et-Garonne) ; — 17///e/-s-Saint-0rien (Eure-et-
Loir).
1948. Ortharius : Saint-Orthaire (Manche).
1949. Osmanna : Sainte-Osmane (Sarthe).
1950. Ostianus ou Hostianus : Saint-Hostien (Haute-
Loire).
1951. Osvinus : Saint-Ovin (Alanche).
1952. Othildis, réduit à Ohildis : Sainte-Hoïlde (Meuse),
qu'on appelle aussi Sainte-Hould.
1953. Othilia : Sainte-Odile (Vosges).
1954. Paduinus : Saint-Pavin (Orne, Sarthe).
1955. Palladia : Sainte-Pallaye (Orne).
1956. Palladius : Saint-Palais (Allier, Charente, Charente-
Inférieure, Gironde, Basses-Pyrénées), Saint-Palavy (Lot).
1957. Pancratius : Saint-Pancrace (Basses-Alpes, Hautes-
Alpes, Alpes-Maritimes, Dordogne, Gard, Meurthe-et-Moselle,
Vaucluse), Saint-Pancrasse (Isère), Saint-Pancré (Meurthe-et-
Moselle), et, semblant indiquer une forme basse Prancatius,
Saint-Prancher (Vos^^es), Saint-Planchers (Manche), Saint-
Brancher Saône-et-Loire, Yonne;, ainsi que. selon toute proba-
bilité, Saint-Plancard (Haute-Garonne), Saint-Blancard (Gers),
Saint-Blanquat ! Ariègej. Saint-Brancaï < Aliics-iMaritimes).
1958. Pantaleo : Saint-Pantaléon (Corrèze, Drôme, Lot.
Haute-Marne, Saône-et-Loire, Tarn, Vaucluse), Saint-Pandelon
(Landesj, Saint-Pantaly Dordoi^ne) '.
1959. Papulus : Saint-Papoul (.\ude, Haute-Garonne), qui
était sans doute à lOrif^inc, comme le nom latin, accentué sur 1 .i.
1. Saint-Plantaire (liirlrc .<•(•(• le si. t sducli l':in l Im loonis en 1212.
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : PARDULFUS 435
1960. Pardulfus, abbé de Guéret, mort vers 737 : Saint-
Pardoux (Allier, Corrèze, Creuse, Dordogne, Gironde, Lot-et-
Garonne, Puy-de-Dôme, Deux-Sèvres, Haute-Vienne), Saint-
Pardoult (Charente-Inférieure), Saint-Perdoux (Dordogne, Lot,
Tarn), Saint-Pardon (Gironde, Lot-et-Garonne: cf. ci-dessus,
no 1144)^ Saint-Perdon (Landes, Lot-et-Garonne).
1961. Parthenius : Saint-Parthem (Aveyron).
1962. Pastor : Saint-Pastour (Lot-et-Garonne, Var), Saint-
PastOUS (Hautes-Pyrénées).
1963. Paternus : Saint-Paterne (Côtes-du-Nord, Indre,
Indre-et-Loire, Morbihan, Oise, Sarthe), Saint-Pater (Sarthe),
Saint-Paër (Eure, Seine- Inférieure), Saint-Pair (Calvados,
Manche), Saint-Pois (Manchej, Saint-Poix (Mayenne), Saint-
Pern (Ille-et- Vilaine).
1964. Patricius : Saint-Patrice (Indre-et-Loire, Manche,
Orne), Saint-Patris (Côtes-du-Nord), Saint-Parize (Nièvre).
1965. Patrocles ou Patroclus : Saint-Parres (Aube).
1966. Patuscius, chanoine de Meaux vers le vi*^ siècle :
Saint-Pathus (Seine-et-Marne) .
1967. Pau la : Sainte-Paule (Rhône), Sainte-Pôle (Meurthe-
et-Moselle).
1968. Paulianus : Saint-Paulien (Haute-Loire).
1969. Paulus : Saint-Paul ; — Saint-Pol (Finistère, Nord,
Pas-de-Calais) et le diminutif Saint-Paulet (voir ci-dessus,
n** 1535). — Les noms de Lamhallc et de Lampaul, en Bretagne
(cf. ci-dessus, n° 1316) sont dus au culte de saint Paul, évêque
de Léon.
1970. Pavatius : Saint-Pavace (Sarthe).
1971. Paxentius : Saint-Paixant (Vienne). — La Mothe-
Montravel (Dordogne) s'est jadis appelée la Mot he-^aint-Faixent.
1972. Pecinna : Sainte-Pécinne, chapelle à Saint-Quentin
(Deux-Sèvres), Sainte-Pazanne (Loire-Inférieure).
1973. Peregrinus : Saint-Pellerin (Eure-et-Loir, Manche),
Saint-Pérégrin (Haute-Marne).
1974. Petrocus : Saint-Perreux (Morbihan).
1975. Petronilla : Sainte-Pétronille (Gironde). — On attri-
bue la même origine à Sainte-Périne (Oise), qui paraît représen-
ter plutôt un autre dérivé féminin de Petrus, Pétri na.
1976. Petrus: Saint- Pierre ; — Saint-Père (Ille-et- Vihiine,
436 LES NOMS dl; lieu
Loire-Inférieure, Loiret, Nièvre, Sarthe. Seine-et-Oise, Vendée,
Yonne) — à Chartres s'élevait la célèbre abbave de Saint-Père-
en-Vallée, et, à Paris, la rue des Saints-Pères rappelle, en Talté-
rant, le nom de la chapelle Saint-Pierre, dont l'emplacement est
actuellement occupé par l'hôpital de la Charité ' — Saint-Peyre
(Alpes-Maritimes, Hérault, Lot, Var, Vaucluse), Saint-Pey
(Gironde), Saint-Pé (Haute-Garonne, Gers, Landes, Lot-et-Ga-
ronne, Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées i. — Saint-Peyret
(Vaucluse) est un diminutif de Sainù-Pei/re. — On a vu précé-
demment !n°* 1532-1534) des noms de lieu dont le thème éty-
mologique présente Sanctus P. en combinaison. — Domnus
P. : Dompierre (Ain, Allier, Charente-Inférieure, Côte-dOr,
Doubs, lUe-et- Vilaine, Jura, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Nièvre,
Nord, Oise, Orne, Saône-et-Loire, Somme, Vendée, Haute-
Vienne, Vosges), Dampierre (Aube, Calvados, Charente-Infé-
rieure, Cher, Côte-d'Or, Doubs, Eure-et-Loir, Indre, Jura, Loiret,
Maine-et-Loire, Marne. Haute-Marne. Nièvre, Haute-Saône,
Saône-et-Loire, Seine-Inférieure, Seine-et-Oise) -'. — Le nom de
Domprot (Marne), dont Téglise est dédiée à saint Pierre, doit
s'interpréter <( Dompierre-le-Petit ».
1977. Petrusius : Sainte-Péreuse, par changement de genre
(cf. ci-dessus, n° 1543).
1978. Pharetrius : Saint-Phalier (Cher, Indre), Saint-Phal-
lier ;Seine-et-Oise), par substitution de liquide.
1979. Pientia : Sainte-Pience (Manche).
1980. Placidius : Saint-Plaisir (Allier), dont 1'/- finale est
parasite.
1981. Pompouia : Saiiite-Pompoigne, nom porté jusqu'à la
Révolution par la commune de Poinpogne (Lot-et-Garonne)^.
1. A Moiilreuil (Seine) les rues rlo Homainvillc el Danton, voisines de
l'éplisc paroissiale Sam^-PiVTre-et-Sainl-l'anl, étaient appelées, antérieiire-
mentà 1882, la première, rue Basse-Saint-Père, la seconde, rue//au<e-Saint-
Père.
2. A ces noms Lonf^^non ajoiilait celui de iJoinimire (Vosges) ; nous faisons
observer que les textes latins — on en a depuis le xii" siècle — ne tra-
duisenl jamais ce nom |)ar Dom nus Pet r u s, el (\ue réglisc du lieu a pour
[)atron saint Nicolas. (>elte église était primitivement annexe de celle de
Laviéville, dédiée à saint .lean-Baptiste.
H. Il Y a donc lieu de tenir pour non avenue riiiter|)ietation doinu'-e pré-
cédemment fn" 289) de ce nom.
OUIGINES ECCLÉSIASTIQUES : POMPOXIUS 437
1982. Pomponius : Saint-Pompont (Dordogne); dans Saint-
Pompain (Deux-Sèvres) le second terme était sans doute, à
rorig-ine, Pompoin (cf. ci-dessus, n° 288).
1983. Pontius : Saint-Ponce (Ardennes), Saint-Pons (Basses-
Alpes, Alpes-Maritimes, Ardèclie. Bouches-du-Rhône, Drôme,
Gard, Hérault. Var). Saint-Pont (Allier). Saint-Point (Doubs,
Saône-et- Loire), Saint-Poncy (Cantal).
1984. Porcarius : Saint-Porquier (Tarn-et-Garonne), Saint-
Porchaire (Charente -Inférieure, Deux-Sèvres).
1985. Portianus, abbé en Auvergne dans la première moitié
du vi'^ siècle : Saint-Pourçain (Allier).
1986. Potamius : Saint-Pouange (Aube).
1987. Praecordius : Saint-Précord (Aisne).
1988. Praejectus : Saint-Préjet (Ilaute-Loire, Lozère),
Saint-Priest (Allier, Ardèche, Cher, Gorrèze, Creuse, Dordogne,
Isère, Loire, Puy-de-Dôme, Haute- Vienne), Saint-Prayel( Vosges),
Saint-Pregts (Yonne). Saint-Prix (Aisne, Allier, Ardèche, Côte-
d'Or, Marne, Saône-et-Loire, Seine-et-Oise), peut-être Saint-Pré
(Var) et Saint-Projet (Cantal, Charente, Corrèze, Eure-et-Loir,
Lot, Deux-Sèvres, Tarn, Tarn-et-Garonnej.
1989. Primus : Saint-Prim (Isère).
1^90. Priscus, martyr à Auxerre vers 274 : Saint-Bris
(Yonne) et peut-être Saint-Prest (Eure-et-Loir).
1991.' Priva tus : Saint-Privat (Ardèche, Aveyron, Corrèze,
Dordogne, Gard, Héravilt, Haute-Loire, Lot, Lozère, Puy-de-
Dôme, Vaucluse), Saint-Privé (Loiret, Nièvre, Saône-et-Loire,
Yonne).
1992. Proba : Sainte-Preuve (Aisne).
1993. Proculus, accentué sui' l'antépénultième : Saint-Preuil
(Charente).
1994. Protasius, évêque d'Avenche au vi'' siècle : Saint-Prex
(Suisse, cant. de Vaud). — On remarcpiei'a que, dans la tojio-
nomastique française, aucun nom n"a trait au culte du martyr
saint Protais, de Milan, qui était comme subordonné à celui de
son frère, saint Gervais.
1995. Prudentius : Saint-Prouant (Vendée).
1996. Quintinus : Saint- Quentin ; — Saint-Quintin .Vriège,
Puy-de-Dôme, Tarn-et-Garonne), Saint-Quenty (Lot).
1997. Quiteria : Sainte-Quitterie (Ariège, Haute-Garonne,
Lot-et-Garonne, Tarn).
438 LES NOMS DE LIEU
1998. Raco, évêque dWutun au xi" siècle : Saint-Racho
(Saône-et-Loire) .
1999. Radeg'undis : Sainte-Radegonde Allier, Aveyron,
Charente, Charente-Inférieure, Cher, Creuse, Dordogne, Eure-
et-Loir, Gers, Gironde, Indre-et-Loire, Lot-et-Garonne. Saône-
et-Loire, Seine-Inférieure, Seine-et-Oise, Deux-Sèvres, Somme,
Vendée, Vienne) ; la forme vulg-aire de Radeg'undis est Ragon
(cf. ci-dessus, n'' 990).
2000. Radulfus, abbé de Nant en Rouergue : Saint-Rau
(Aveyron).
2001. Rag-nebertus ou Rag-nobertus : Saint -Rambert
(Ain, Drôme, Loire, Rhône), Saint-Renobert (Haute-Marne).
2002. Raphaël : Saint-Raphaël (Alpes-Maritimes, Dordogne.
Drôme, Gironde, Var, Vaucluse), Saint-Raffel (Tarn).
2003. Régi m un du s, chanoine de Saint-Sernin-de-Toulouse,
au xii*^ siècle : Saint-Ramond (Lot-et-Garonne). — On signale en
passant que le nom de Saramon (Gers), sur l'étymologie duquel
une hypothèse a été formulée précédemment (n° 1449) a été
altérée en Saint-Raymond et appliqué à une famille originaire
de ce lieu.
2004. Regina : Sainte-Reine (Haute-Loire, Loire-Inférieure,
Meurthe-et-Moselle, Haute-Saône, Haute-Savoie) ; — Alise-
Sainte-Reine fCôte-d"Or).
2005. Regius : Damery (Marne) est appelé, dans un diplôme
de Charles-le-Chauve, Domnus Regius. On ne connaît rien
du saint que ce vocable honore; le souvenir s'en est d'ailleurs
vite perdu, car depuis longtemps l'église de Damery, dont la
cure était à la présentation de l'abbé de Saint-Médard de Sois-
sons, a pour patron saint Médard.
2006. Regulus : Saint-Rieul (Gôtes-du-Nord, Meuse) ; ce
nom était porté par une église de Senlis; — Saint-Règle Indre-
et-Loire).
2007. Remedius. Hemegius. Hemigius : Saint-Remy.
m;iis non Saint-Remij-dii-P/uin (cf. ri-après, n" 2018); — Saint-
Remège Puy-de-Dôme , Saint-Remèze i Ardèche), Sainte-Ramée
(voir ci-dessus, n" 1544; et, avec un ii prosthétique — phéno-
inèiic |);irticulier nu dialecte gascon (cf. /i/vvV<;= rivus) — Saint-
Arroumex Tarn-et-Garonne). — Sancti H. mons: Saint-Remi-
mont I Meurthe-et-Moselle, Vosges). — Doinuus H. : Domremy
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : RKMIGIUS 439
(Haute-Manie, Meuse, Vosges), Dompremy (Marne), Dampremy
(Belg-i(|ue. Hainaut).
2008. Renatus : Saint-René ( Côtes-du-Nord , Maine-et-
Loire).
2009. Repara ta : Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône).
2010. Restituta : ^Ircv-Sainte-Restitue (Aisne).
2011. Restitutus : Saint-Restitut (Drôme).
2012. Reverentius : Saint-Révérend (Vendée, Vienne) dont
la graphie a subi l'intluence de l'adjectif calqué sur reve-
rendus.
2013. Reverianus : Saint-Révérien (Allier, Nièvre), Saint-
Rirand (Loire).
2014. Riberius : Saint-Rabier (Dordogne).
2015. Ricardus: Saint-Richard (Meurthe-et-Moselle). —On
n'ose affirmer que dans le nom Damprichard (Doubs), le pre-
mier terme ait le sens de « saint », car on ne connaît aucun saint
appelé Richard, qui ait vécu dans la première partie du moyen
âge ; vraisemblablement ce nom appartient à la même catégorie
que Damparis et Damrcmonf (voir ci-dessus, n° 1528).
2016. Ricarius : Saint-Richer (Calvados, Seine-Inférieure),
Saint-Riquier (Seine-Inférieure, Somme). — Domnus R. :
Douriez (cf. ci-dessus. n° 1525).
2017. Ri gai du s : Saint-Rigaud (Saône-et-Loire).
2018. Rigomerus ou Richmerus : Saint-Rigomer (Sarthe),
Saint-Rigonnet (Indre-et-Loire), Saint-Rimay (Loir-et-Cher).
Saint-Remy-dii-Plain (Sarthe).
2019. Rodingus, succédané de Chrodingus : Saint-Rouin
(Meuse), ancien ermitage placé sous l'invocation du fondateur
de l'abbaye de Beaulieu, en Argonne.
2020. Romanus : Saint-Romain; — Saint-Roman (Drome,
Gard, Var, Vaucluse), Saint-Romans (Alpes- Maritimes, Isère,
Lozère, Deux-Sèvres). Saint-Rome ( Aude, Aveyron, Dordogne,
Haute-Garonne, Lozère) résulte d'un déplacement d'accent dont
la région offre plusieurs exemples (cf. ci-dessus, n"^ 1545, 1568,
1574, 1593). Saint-Arroman (Gers, Hautes-Pyrénées), est une
forme gasconne (cf. ci-dessus, n" 2007), qui a pour variante
Saint-Armon (Ba.sses-Pyrénées), en 1371 Sent Arromaii.
2021. Romulus : Saint-Rombe (Cher), pour Sninl-RomJde.
2022. Roua nus, ermite breton dont on a vu <pie le culte a
140 LKS NOMS DE LIEU
donné naissance aux noms Locronan (n° 1318) et Laurenan
(n° 1321) : Saint-Renan (Finistère).
2023. Ridina : Sainte-Ruffine (Moselle), Sainte-Rafine
fHaute-Garonne. Gers. Lot-et-Garonne. Tarn-et-Garonne).
2024. Rufinus : Saint-Rouffy (Cantal).
2025. Rufus : Saint-Ruf (Vaucluse).
2026. Rumoldus: Saint-Rimault (Oise).
2027. Rumpharius : Saint-Romphaire (Manche).
2028. Rusticus : Saint-Rustice (Haute-Garonne), forme
savante donnant au c un son sitilant qui nest pas justifié.
2029. Sabina : Sainte-Sabine (Côte-d"Or, Dordogne. Sarthe,
Tarn-et-Garonne), Sainte-Savine (Aube).
2030. Sabinianus : Saint-Savinien (Charente-Inférieure),
Yonne).
2031. Sabinus: Saint-Savin (Charente-Inférieure, Isère, Jura,
Lot-et-Garonne, Hautes-Pyrénées_, Vienne), Saint-Sabin (Landes,
Loire), Saint-Saby (Aveyron), Saint-Sevin (Lot-et-Garonne).
2032. Sacerdos : Saint-Sardos (Lot-et-Garonne, Tarn-et-
Garonne).
2033. Sa 1 vins : Saint-Saulve (Nord). Saint-Salvy (Lot-et-
Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne), Saint-Sauvy (Gers), Saint-
Saulge (Nièvre) et, supposant une forme basse Sallius, Saint-
Saire (Seine- Inférieure).
2034. Sanctinus : Saint-Santin (Aveyron, Cantal, Loiret,
Orne), Saint-Xantin (Corrèze).
2035. Saturninus : Saint-Saturnin; — Saint-Sornin (Allier,
Ardèche, Arièj^e, Charente. Cliarcnte-lnférieure, Corrèze, Creuse,
Vendée, Haute-Vienne), Saint-Sernin (^Ardèche, Ariège, Aude,
Aveyron, Dordog-ne, Haute-Garonne, Gers, Lot-et-Garonne,
Saône-et-Loire, Tarn, Tarn-et-Garonne), Saint-Gemin (Ariège,
Cantal, Corrèze, Dordogne, Lot, Tarn-et-Garonne , Saint-Sarnin
(Dordognei, Saint-Sorlin (Ain, Charente-lid'érieure, Drôme,
Isère, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie), Saint-Savoumin (Bouohes-
du-Hliône).
2036. Satyrus : Sancerre (voir ci-dessus, n" 1552j, Saint-
Satur (Cher).
2037. Scholastica : Sainte - Scolastique (Loiret), forme
savanttî; Sainte-ScolaSSe i < )rn(' ).
2038. Scubiculus : Sainte-Escobille (Seim-el-Oiseï, |)ar
changement de g(Mire.
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : SHCUXDINUS 441
2039. Secundinus : Saint-Secondin (Loir-et-Cher, Vienne).
2040. Senarius, peut-être altération de Sénat or : Saint-
Senier (Manche).
2041. Seneratus : Saint-Géneré Mayenne).
2042. Senericus : Saint -Céneri (Orné), Saint -Gélerin
(Sarthe).
2043. Sequaniis : Saint-Seine (Nièvre, Côte-d'Or).
2044. Serenus : Saint-Céré (Lot).
2045. Se r va tins : Saint-Servais (Gôtes-du-Nord, Finistère,
Morbihan).
2046. Se r vus : Saint-Ser (Bouches-du-Rhône) ^
2047. Severa : Sainte-Sévère (Charente, Indre).
2048. Severinus ; Saint-Séverin (Charente, Charente-Infé-
rieure, Creuse, Dordog-ne, Finistère, Haute-Garonne, Seine-et-
Marnej, Saint-Seurin (Charente-Inférieure. Dordogne, Gironde,
Lot-et-Garonne), Saint-Surin (Charente), Saint-Saury (Cantal).
2049. Sève ru s : Saint-Sever (x\veyron, Calvados, Charente-
Inférieure, Landes, Hautes-Pyrénées, Seine-Inférieure) et, moyen-
nant un recul d'accent préparé par la prononciation Saint-Sevé,
Saint-Sève (Gironde).
2050. Sicarius : Saint-Sicaire (Dordogne), Saint-Cicaire
(Dordof^ne).
2051. Si do ni us : Saint-Saëns (Seine-Inférieure).
2052. Sidronius : Saint-Cydroine (Yonne).
2053. Sigifredus : Saint-Siffret (Gard), Saint-Suffren
(Basses- Alpes, Bouches-du-Rhône).
2054. Sigiramnus : Saint-Cyran (Indre).
2055. Sig-ismundus, roi de Bourg-o^ne, mis à mort par ordre
du roi Clodomir (voir ci-dessus, n'^ 1534) : Saint-Slgismond
(Charente-Inférieure, Loiret, Maine-et-Loire, Savoie, Haute-
Savoie, Vendée), forme savante substituée à la forme vulgaire
Sainl-Simond .
2056. Sigolena : Sainte-Sigolène (Haute-Loire, Tarn).
2057. Sig-rada : Sainte-Se grée ! Somme)), Sainte-Segros
f Côte-d'Or).
2058. Silvanus : Saint-Silvain Calvados, Corrèze, Creuse,
Maine-et-Loire, Seine-Inférieure), Saint-Sauvant (Charenle-
i. Giiérartl, CarLidairn de Vnhhntjc de Sainl-Viclor do Mursoille, II, '.t23.
442 LES NOMS DE LIEU
Inférieure), Saint-Sauvent (Vienne), et, avec recul d'accent
(cf. ci-dessus, n° 2020), Saint-Sauves (Puy-de-Dôme), Saint-
Solve (Corrèze).
2059. Silveus : Saint-Sauvier (Allier), dont la graphie n'est
pas insolite, car on a des exemples de Herveus et de Flodo-
veus donnant Hervier et Flovicr.
2060. Silvius : Saint-Selve (Gironde).
2061. Si me on : Saint-Siméon (Eure, Isère, Manche, Orne,
Seine-et-Marne), Saint-Simeux (Charente).
2062. Simon : Saint-Simon (Aisne, Bouches-du-Rhône,
Cantal, Charente, Charente-Inférieure, Haute-Garonne, Loire-
Inférieure, Lot, Lot-et-Garonne, Rhône, Savoie, Tarn-et-
Garonne), nom qui, parfois, peut représenter S. Sigismundus
(cf. ci-dessus, n° 2055).
2063. Sindulfus : Saint-Sandoux (Puy-de-Dôme), Saint-
Sidoux (Marne), Saint-Sindulphe (Marne).
2064. Solemius : Saint-Soulan (Gers).
2065. Solemnia : Sainte-Solange (Cher).
2066. Solina : Sainte-Soline (Deux-Sèvres), Sainte-Souline
f Charente).
2067. Sosius : Saint-Sozy (Lot).
2068. Stephanus, le premier martyr : Saint-Etienne ; —
Saint-Estèphe (Charente, Dordog-ne, Gironde, Tarn-et-Garonne),
Saint-Estève (Basses-Alpes. Alpes-Maritimes, Aude, Bouches-
du-Rhône, Gard, Pyrénées-Orientales, Var. Vaucluse), Saint-
Esteben (Basses- Pyrénées), accentué sur la pénultième, et par
substitution de 17 à Vn, Saint-Stail (Vosges) et Saint-Ail
(Meurthe-et-Moselle). — Domnus S. : Donstiennes (Belgique.
Ilainaut), Domptail (Meurthe-et-Moselle, Vosges).
2069. Stremonius, l'apôtre de l'Auvergne : Saint-Astrô-
moine Aveyron), Saint-Austremoine (Haute-Loire).
2070. Sulpicius : Saint-Sulpice ; — et, })ar l'interversion de
Vl et du p : Saint-Souplet (Marne, Nord), Saint- Soupplets
'Seine-('t-Marnej, Saint-Supplet (Meurthe-et-Moselle), Saint-
Supplix (Seine-Inférieure .
2071. Sy m phori.i nus : Saint-Symphorien, forme savante
suiistituée à divoises formes vulgaires ayant eu cours au moyen-
âge, et répondcint d'oidinaire à la variante Si for ia nu.s ; —
Sainte-Feyre (cf. ci-dessus, n"1545). — Doumus S. : Dompce-
vrin Meuse).
I
ORIGINES ECCLÉSIASTIQIES I TAURIXUS ■ 443
2072. Tau ri nus : Saint-Taurin (Eure), Saint-Thurin (Loire)
— forme dont on n'a pas lieu d'être surpris si l'on observe que
plusieurs Tliiiry (Aisne, Calvados, Yonne), représentent cer-
tainement un primitif Tauriacus — et, par l'effet de la pronon-
ciation, Saint-Aurin (Somme).
2073. Terentia : Sainte-Thérence (Allier).
2074. Theobaldus : Saint-Thibaud (Savoie). Saint-Thibault
(Aisne, Aube, Cher, Côte-d'Or, Eure-et-Loir, Loiret, Nièvre,
Oise, Sarthe, Seine-et-Marne, Yonne), et, formes particulières à
l'est de la France, Saint-Thiébaud (Jura, Haute-Saône), Saint-
Thiébault (Haute-Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle).
2075. Theodardus, fondateur de l'abbaye de Saint-Auzard
de Montauban : Saint-Théodast (Tarn).
2076. Theoderius : Saint-Chef (Isère), moyennant la pala-
talisation de Y yod de la forme basse Tioderius.
2077. Theofredus, patron de l'abbaye du Monastier (Haute-
Loire), appelée en 1493 le Monestier Saint Cheffroy : Saint-Ghaf-
frey (Hautes-Alpes), en 1118 Sanctus Theotfredus ; — Saint-
Théofrède (Ardèche), Saint-Théoffray (Isère).
2078. Theodericus : Saint-Thierry (Marne).
2079. Theodoretus : Saint-Théodorit (Gard).
2080. Theodorus : Saint-Théodore (Indre). — L'église de
Domsure (Am) a pour patron saint Théodore, domnus Theo-
dorus ; la forme .swre s'expliquerait par la prononciation sif-
flante du / initial dans une forme basse Tiodorus.
2081. Theodosia : Sainte -Thuise (Aube).
2082. Thomas : Saint-Thomas ; — Saint-Thomé (Ardèche).
2083. Thyrrus : Saint-Trys (Rhône), semble-t-il, par l'elTet
d'une métathèse.
2084. Tiberius : Saint-Thibéry fHérault).
2085. Torpes : Saint-Tropez (Var) ; on a vu m» 555) que, non
loin de là, par la métathèse inverse. Tropaea est devenue la
Tiirbie (Alpes-Maritimes ) .
2086. Torfjualus: Saint-Torquat ou Saint-Turquoi (Drôme),
Saint-Tronquet (Vaucluse), avec une nasalisation adventice.
2087. Trechmorus, confesseur breton du vu'" siècle : Saint-
Trémeur (Finistère, Morbihan).
2088. Treverius : Saint-Trivier (Ain).
2089. Troianus, évoque de Saintes : Saint-Trojan Charente,
444 LES NOMS DE LIEU
Charente-Inférieure, Gironde)'. — Domnus T. : Dontrien
(Marne).
2090. Trophimius : Saint-Trophime (Bouches-du-Rhône,
Vaucluse).
2091. Trudo : Saiïlt-Trond (Belgique, Limbourg), en flamand
Sint-Truyden.
2092. Tugdualus : Saint-Tugdual (Côtes-du-Nord, Mor-
bihan), Saint-Thual (Ille-et-Vilaine). — D'après une légende
fort accréditée au moyen-âg'e, ce saint serait allé à Rome, et y
serait devenu pape, d'où la qualification de pahu qui lui a été
parfois donnée. On a donc lieu d'attribuer à son culte les noms
de lieu Saint-Pabu (Côtes-du-Nord, Finistère) et Trébabu (Finis-
tère).
2093. Turiavus, évêque de Dol au viu" siècle : Saint-Thuriau
(Morbihan) — • dont Saint-Thurian (Côtes-du-Nord, Morbihan)
ne serait qu'une variante graphique (cf. ci-dessus, n** 1908) —
Saint-Thurien (Finistère), Saint-Thurial (Ille-et-Vilaine), et,
par la perte du / initial cf. ci-dessus, n° 2072), Saint-Urien
(Côtes-du-Nord, Eure), peut-être Saint-Euriel (Côtes-du-Nord).
2094. Turibius, évêque du Mans au v'^ siècle : Saint-Tref
('Mayenne).
2095. Udalricus: Saint-Oury (Moselle), Saint-Ulrich (Haut-
lUiin).
2096. IJlfacius, solitaire du Perche au vu'' siècle : Saint-
Ulphace (Sarthe).
2097. Ulfus : Saint-Oulph (Aube).
2098. Ursicinus : Saint-Urcisse (Lot-et-Garonne, Tarn,
Tarn-et-Garonne), Saint-Urcize (Cantal), noms dans lesquels le
recul de i'acceni s'explique par l'hypothèse d'une forme Urcissy,
(loni la voyelle finale aura passé à tort pour atone ; — Sankt-
Ursitz (^Suisse, cant. de Berne), qui se dit en français Saint-
Ursanne .
2099. llrsinus: Saint-Ursin (Calvados, Eure, luue-et-Loir.
Manche, Mayenne).
2100. Ursus : Saint-Ours (Basses-Alpes, Puy-de-Dôme.
Savoie, Ilaute-Savoie), Saint-Orse (Dordogne).
2101. Valeria : Sainte-Valière (Allier, Aude, Nièvre).
I. Sainte-Trie r.\'. ci-dessus, p. ;Ut:i, note 2).
ORIGINES ECCLÉSIASTIQUES : VALERIANCS 445
2102. Valerianus : Saint-Valérien (Vendée, Yonne), Saint-
Vallerin (Saône-et- Loire).
2103. Valerius : Saint-Valère (Haute-Saône), Saint- Vallier
(Alpes-Maritimes, Charente, Drùnie, Isère, Haute-Mtirne, Haute-
Saône, Saône-et-Loire, Vosges). — Domnus V. : Domvallier
(Vosg-es), Dampvalley (Haute-Saône).
2104. Vasius : Saint-Vaize (Charente-Inférieure).
2105. Vedastus, évêque d'Arras au v® siècle : Saint-Vaast
(Calvados, Manche, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Seine-Inférieure),
Saint- Waast (Nord), Saint- Vast (Manche, Somme, Tarn). —
Domnus V. : Domvast (Somme .
2106. Venantius : Saint-Venant (Pas-de-Calais).
2107. Venerandus : Saint- Vénérand (Haute-Loire).
2108. Venitia : Sainte-Venise (Seine-Inférieure).
2109. Veranus : Saint-Verain ! Nièvre), Saint-Véran (^Hautes-
Alpes, Aveyron, Vaucluse), Saint-Varent (Deux-Sèvres), Saint-
Vrain (Marne, Seine-et-Oise), Saint-Vran iCôtes-du-Nord).
2110. Verus : Saint-Vert (Haute-Loirej, Saint-Voir (Allier).
2111. Viator ; Saint- Viâtre (Loir-et-Cher), formé comme
Sainf-Amâtrc (cf. ci-dessus, n° 1584).
2112. Victor : Saint-Victor, VilleneuveSaint-Yisire (Marne),
forme populaire répondant au cas sujet ; — Saint-Victour (Cor-
rèze). Saint- Vidou (Landes). — Domnus V. : Dampvitoux
(Meurthe-et-Moselle).
2113. Victoria : Sainte -Victoire (Tarn-et-Garonne).
2114. Victurius, évêque du Mans : Saint-Victeur (Sarthe).
2115. Victurnianus : Saint-Victurnien (Haute- Vienne).
2116. Vigor, évêque de Baveux au vi'' siècle : Saint- Vigor
(Calvados, Eure, Manche, Seine-Inférieure). — Domnus V. :
DanvOU (Calvados).
2117. Vincentianus: Saint- Viance (Corrèze).
2118. Vi ne en tins : Saint- Vincent.
2119. Virg-ana, berg'ère des environs de Thouars honorée par
l'Eglise le 7 janvier : Sainte-Vorge (Deux-Sèvres).
2120. Vitonus : Saint-Vanne, nom que portait à \'erdun une
abbaye célèbre,
2121. Vitus, martyr sous Dioclétien : Saint- Vi (Savoie),
Saint-Wit 'Doubs), Saint-Witz (Seine-et-Oise), Saint-Vite (Lot-
et-Garonne i, Saint-Vitte (Cher, Haute- Vienne).
446 LES .NOMS DE LIEU
2122. Viventianus : Saint-Vincent-f/es-P/'es (Sarthe) ; le
second v sera tombé, comme dans vivenda, qui a donné viande:
de là une forme telle que Vincien, favorable à la confusion d'où
résulte le nom actuel.
2123. Viventius : Saint- Vivant (Gôte-d'Or, Jura).
2124. Vivian us : Saint-Vivien (Charente, Charente- Infé-
rieure, Dordogne, Gironde, Lot-et-Garonne, Basses-Pjrénées).
2125. Walaricus : Saint-Valery (Meuse, Oise, Seine-Infé-
rieure, Seine-et-Oise, Somme), Saint-Vaury (Creuse).
2126. Walburgis : Sainte-Vaubourg (Ardennes, Eure, Seine-
Inférieure), Sainte- Gauburge (Orne), Sainte-Valburge (Meurthe-
et-Moselle). — L'altération que présente le nom de Saint- Avau-
gourd (Vendée), s'explique par la grande notoriété, surtout dans
l'ouest de la France, de la baronnie bretonne d'Avaugour.
2127. Waldebertus : Saint-Valbert (Haute-Saône), jadis
Saint-Vauhert.
2128. Waldericus : Saint-Gaudéric (Aude), Saint-Gaudé-
rique (Pyrénées-Orientales).
2129. Waldrada : Sainte-Valdrée (Meurthe-et-Moselle),
autrefois Sainte-Vaudréc.
2130. Waltarius : Saint-Gaultier (Indre) .
2131. Wandregesilus : Saint-Vandrille (Orne), Saint-Wan-
drille (Seine-Inférieure).
2132. Willelmus : Saint-Guillaume (Hautes- Alpes, Côtes-
du-Nord, Isère, Var), Saint-Guilhem (Haute-Garonne, Hérault).
2133. Winimarus : Saint-Vinnemer (Yonne).
2134. Winwaloeus (cf. ci-dessus, nM319) : Saint-Guénolé
(Finistère) et probablement Saint-Gueneul (Morbihan).
2135. Wulfilaicus, solitaire d'origine lombarde, retiré dans
la f(M(''t des Ardennes au temps de Grégoire de Tours : Saint-
Walfroid (Ardennes).
2136. Wulframnus : Saint-Vulfran, église à Abbeville ;
Saint-Ulfrand (Eurej.
2137. Wulmarus : Samer (Pas-de-Calais: cf. ci-dessus,
n" 1546).
2138. ^ vo : Saint-Yves ^Vveyron, Côtes-du-Noid, Finistère.
M<)il)i!i.iii I.
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La Bibliothèque
Université d'Ottawa
Echéance
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The Librory
University of Ottawa
Date due
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