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A LA FRONTIÈRE DU MAROC
LES OflSIS
V.-G.-i>. MARTIN
ALGER
HflRIENNEî
iii'MiJ^-^ii
Édition de L'Imprimerie Algitrienne
THELIBRARY
OF
THE UNIVERSITY
OF CALIFORNIA
PRESENTED BT
PROF. CHARLES A. KOFOID AND
MRS. PRUDENCE W. KOFOID
4 .-. ^ ,:t • I
LES
OASIS SÂHÂRIENKES
(GOURARA — TOUAT — TIDIKELT)
ÂLQKII
IMPRIMERIE ALGÉRIENNE
Rae Sadi-Garnot 30,
A LA FRONTIÈRE DU MAROC
LES
OflSIS SflHflllIElîlïES
(COURARA - TOUAT - TIDIKELT)
PAR
A.-G.-P. MARTIN
OFFICIER INTERPRETE DE 2^ CLASSE
CHEVALIER DE LA LEGION D*HONNEUR
« Nous ne nous instruirons Jamais
assez des raisons d*agir» des aspira-
tions, de Tétat d'âme, de ceux qui
vivent auprès de nous sur cette terre...
Si nous étions plus attentifs,
plus intelligents et meilleurs, nous
eussions plus fait pour le bien com-
mun qu*en multipliant le fatras des
polémiques vaines et des décrets
{Discours dé M, Gabriel Hanoiaux
an Congrès de Géographie
d'Oran en 1902).
TOME I
At«c za Oravurts %X z Cartt
ALGER
Edition de l'Imprimehie Algérienne
1908
,^K.
AVERTISSEMENT
Quand j'arrivai aux Oasis, en 1904, on pensait tout
savoir sur cette conquête déjà vieille de quatre ans.
Pendant des mois et des mois, j'errai d'oasis en oasis,
de ksar en ksar, interrogeant les gens, fouillant les vieilles
maisons et les coffres antiques où, depuis de très longs
ans, les termites mangeaient tout doucement les papiers
des ancêtres : j'observai, j'écoutai, je dénombrai.
De tout cela j'ai fait ce livre, m'appliquant à éviter
toute idée préconçue, toute thèse personnelle, à perce-
voir <c l'âme y> des populations sahariennes, à rapporter
sincèrement, exactement les faits appris, les choses vues.
Je me suis efforcé à faire revivre un passé disparu et
dont les traces avaient été perdues même par ceux qui en
avaient hérité ; j'ai inventorié un présent dont les éléments
n'avaient encore été qu'incomplètement dégagés et appré-
ciés ; ainsi ai-je, en deux parties, conçu mon livre.
Cependant, pour des raisons de politique extérieure, la
publication des chapitres qui traitent de l'histoire de
l'époque chérifienne sera « suspendue pendant quelque
temps ».
Je présente donc aujourd'hui au public l'Histoire
Ancienne, la Conquête Française et l'Inventaire Écono-
mique ; le reste suivra en un second volume dès que la
situation politique le permettra.
A.-G.-P. MARTIN.
nr^318324
INTRODUCTION
Le Sahara. — Le Sahara sabalgérien. — Le bassin touatien. —
Notions générales sur les Oasis. — Le Gonrara. — Le Touat. —
Le Tidikelt. — Les monnaies, poids et mesures. — La concor-
dance des ères hégirienne et chrétienne.
Le Sahara. — Personne n'imagine plus aujourd'hui,
avec Strabon, que le Sahara soit comme « une peau de
panthère », dont les oasis seraient les taches piquetant
l'immense champ jaune, non plus qu'une vaste a mer de
sables », ayant ses colères et ses tempêtes, et dont les
dunes, qui seraient les vagues, submergeraient les « vais-
seaux-du-désert », enseveliraient les caravanes et les
armées.
Chacun sait au contraire que le Sahara est prosaïque-
ment un pays comme un autre, avec ses montagnes, ses
vallées, ses plaines, ses plateaux, ses vallons et ses collines,
ses fleuves, rivières, lacs et marais ; il ne présente qu'une
seule particularité, ce pays, c'est que tout cela, qui le
forme, est vide d'arbres, de villes et d'eaux, mais vide
comme un continent qui serait.. « déménagé », vide
comme le sera, à la fin des temps, la Terre desséchée et
ruinée, vide comme peut l'être un canton de la Lune.
De loin en loin seulement, quelque bas-fonds verdoie
parfois d'une éphémère végétation, après une rare pluie,
1
— 2 —
mais partout le paysage immense et vide, le paysage
fauve reluit et rutile àprement ; la vie ne se retrouve que
là où reste un peu d'eau, soit dans les ravins des monta-
gnes, — c'est le pays touareg, — soit dans quelque lit de
fleuve desséché, — ce sont les oasis.
Et pour parfaire cette représentation du Sahara, pour
lui donner, comme disent l6s peintres, le ton locale il ne
nous reste plus qu'à passer sur le tout un glacis jaune-doré
d'inégale intensité : les parties fortes en seront les dunes
formées ou en formation sur toutes les saillies du relief
géologique qu'elles rendent confus, souvent indistinct ou
interrompu, et les parties plus claires couvriront les plaines
hautes et basses, les vallées comme les plateaux, dont les
vents affouillent, érodent la surface pour en arracher les
sables qu'ils vont déposer ailleurs, « dans les fonds, sur
les versants, contre les obstacles, recouvrant de dunes les
pentes dessinées par les eaux d'autrefois, rendant peu à
peu méconnaissables les anciens systèmes hydrogra-
phiques* ».
Voilà le Sahara.
Dans cette vaste région, grande peut-être de quatre
millions de kilomètres carrés, on distingue un nœud, un
massif central de près de 3.000 mètres d'altitude* dressé,
comme un mirador gigantesque, au milieu de l'immense
arène qui descend par places jusqu'au-dessous du niveau
de la mer, sous les vues du balcon cyclopéen dont la borde
la haute chaîne de l'Atlas.
De ce massif central, le djebel Hoggar, s'éloignent
comme des rayons quelques croupes montueuses qui divi-
sent l'arène en plusieurs secteurs, et enclosent des bassins
fluviaux, tantôt fermés, tantôt débouchant vers les mers
qui ceignent le continent.
Ce sont par exemple, vers l'Est, les relèvements qui
1. SCHIRMBR.
2. GuiLLO-LoHAïf, in Bulletin de VAfrique Française, dit
2.270 mètres au-dessus d'In-Salah, lequel est lui-même à 330 mètres
d'après G.-B.-M. Flamand.
— 3 —
vont aboutir au djebel Nefousa, de Tripolitaine, et àUx
monts du Tibesti ; puis, vers le Nord, le Mouldir et le
Tàdmaft ; vers le Sud-Ouest, le pâté de l' Adghagh et, vers
le Sud-Est, celui de l'Ahir.
La ligne de démarcation établie par la puissance fran-
çaise entre son action algérienne et son action soudanaise
suit à peu près le 23"^ degré de latitude Nord, depuis
l'endroit où il coupe, à TEst, Titiriéraire de la mission
Fourreau-Lamy jusqu'au pojnt où, vers l'Ouest, il ren-r
contre la route Taodenni-Tindouf.
Le Sahara septentrional ainsi délimité comporte trois
divisions :
1^ Le Sahara subalgérien ; 2*^ le sahara submarocain ;
3*^ le Sahara central.
Le Sahara Aobalg^érien. — Le Sahara subalgé*
rien est aujourd'hui à peu près connu ; on peut remarquer
qu'il est formé de deux bassins séparés par les faites
Mouldir-Tàdmalt.
Ces deux bassins sont semblables : l'un et l'autre sont
fermés et comportent des cuvettes intérieures qui coUigent
les eaux venant de la périphérie, et dans l'un et l'autre
ces cuvettes sont excentriques.
Ils se différencient cependant en ce que, dans le bassin
de l'Est, la cuvette, qui est la grande dépression du Ghott
Melghir, est plus rapprochée de la bordure nord, et que
les grands oueds coulent du Sud au Nord : l'oued Miah
et l'oued Igharghar ; ou de l'Ouest à l'Est : l'oued Djedi,
Les palmeraies s'étant installées sur leur cours inférieur
se sont donc trouvées au nord de l'Erg oriental, et tout
proches des Hauts-Plateaux algériens : ceci a eu cette
conséquence politique que l'oued Righ et Ouargla ont
toujours évolué dans l'orbite algérienne, et n'ont gardé,
depuis la suppression de la traite des nègres, que de rares
relations avec le Sahara dont les sépare un gros obstacle
sableux et aride.
- 4-
Dans le bassin de FOaest, au contraire, les grands
roissellements descendent :
1^ Des Hauts-Plateaux algériens par les oueds Zer-
goun, Seggueur et Gharbi, se réunissant dans Toued
Meguiden, et Toued Namous qui, après avoir comme les
précédents, disparu sous TErg occidental, gagne comme
eux la dépression gourarienne.
Leur commune cuvette de réception, qui est la sebkha
du Gourara, vasque supérieure du grand bas-fond touatien,
s'est trouvée ainsi très éloignée des Hauts-Plateaux algé-
riens, et séparée d'eux par le massif de l'Erg occidental.
2^ Des montagnes de l'Atlas méridional, par les oueds
Zouzfana et Guir, se réunissant pour former l'oued Saoura
et descendre, en contournant par l'Ouest l'obstacle sableux,
jusqu'à la grande cuvette touatienne où vient se déverser
elle-même la sebkha du Gourara.
3^ Des faites Mouldir-Tâdmalt, par Toued Botha, tri-
butaire oriental du bas-fond touatien, ou tout au moins
de la gouttière qui prolonge celui vers le récepteur général
du système, situé très loin dans le Sud, vers Taodenni,
croit-on.
C'est l'interposition de TErg occidental entre les Hauts-
Plateaux algériens et les cuvettes gouraro-touatiennes
qui a entraîné, pour les palmeraies installées autour de
celles-ci, une fortune politique différente de celles des
palmeraies du bassin de l'Est : nous les verrons tout au
long de l'histoire échapper à la tutelle des maîtres de
l'Algérie et suivre la fortune des pays occidentaux, tout
en restant en relations suivies avec les régions situées
plus au Sud.
Ici apparaît bien l'importance de tout premier ordre de
l'obstacle géographique que sont les deux grands Ergs,
et leur influence prédominante sur la vie politique de ce
coin du continent, influence telle qu'on est amené à les
considérer comme ayant été, au long des âges, la véri-
table masse de séparation politique entre la grande Afrique
et l'Afrique mineure, dont les monts Atlas constituent
— 5 —
Tossature géologique, et en môme temps la limite phy-
sique.
Et ce point de vue est tellement vrai que l'expansion
franco-algérienne, si vite installée dans le bassin saharien
de l'Est, n'a pu s'établir en ces derniers temps, ou du
moins rendre sa situation tenable dans le bassin touatien,
qu'en débordant vers l'Ouest l'insurmontable obstacle,
quitte à empiéter quelque peu sur les pays maghrébins
tributaires de ce bassin, en s'appropriant Tune de ses
lignes d'eaux libres de sable, l'oued Zouzfana, et en domi-
nant virtuellement la seconde, l'oued Guir.
Ce n'est qu'ainsi que la puissance franco-algérienne a
pu reconstituer à son profit le pédoncule par quoi la poire
touatienne avait depuis si longtemps dépendu politique-
ment du Maghreb-Extrême ; sa domination dans le Sahara
était à ce prix.
Cette extension politique de l'Algérie française, prévue
par la convention franco-anglaise de 1890, et provoquée
en 1900 par un enchaînement d'événements indépendants
de toute décision objective du conquérant lui-même, ne
fait d'ailleurs que rétablir la distribution normale des
banlieues sahariennes entre les Etats nord-africains dont
elles sont des dépendances et des clientes.
En géographie physique, le bassin touatien fait partie
du Sahara subalgérien, non seulement parce que ses cu-
vettes de réception sont directement au Sud de l'Algérie,
mais encore parce que la presque totalité de ses lignes
d'eaux sortent des monts algériens : c'est un hinterland
algérien.
Les maîtres actuels de TAlgérie, dont la force d'expan-
sion est supérieure à celle de leur prédécesseur turc, n'ont
donc fait, en rattachant ce bassin à leur domaine, que
mettre d'accord la géographie politique avec la géographie
physique.
— 6 —
Le baBBin tonatien* — Le bassin touatien s'étend,
comme nous l'avons vu, au point de vue hydrographique,
depuis les Hauts-Plateaux algériens jusqu'au djebel Alt-
Âlach marocain, d'où la ligne de partage des eaux descend
vers le Sud en englobant l'oued Guir ; elle est ensuite peu
connue dans ses parties sud-ouest et sud, vers l'Iguidi et
le Tanezrouft ; elle suit, à l'Est, le djebel Hoggar, le Moul-
dir, les faites du Tàdmaît, et rejoint l'Atlas algérien par
les « gantras » crétacées du Mzab.
De toute ce périphérie, les eaux convergent vers un long
bas-fond central étage en plusieurs vasques orientées sen-
siblement Nord-Sud, et dont la supérieure est la sebkha
du Gourara ; elle est continuée par les successives sebkhas
touatiennes du Teçabit, du Bouda, du Timmi, de Fenou-
ghil, du Tamest, de l'Oued-el-Henné, de Sali, des Oulad-
Baho, de Timadanine, et, au-delà, par le bas Oued-Mes-
saoud et une autre série de cuvettes inférieures dont l'ex*
ploration n'est pas encore terminée.
Le cadre de cet ouvrage ne comporte pas l'étude de tout
ce bassin hydrographique, mais seulement celle des cu-^
vettes gouraro-touatiennes et de leurs environs immédiats,
car c'est là que se trouvent rassemblées toutes les Oasis
sahariennes, *
La région ainsi circonscrite se trouve divisée, sinon par
la nature elle-même du moins par les hommes, en trois
parties :
Le Gourara^ le Touat, le Tidikelt,
Nous allons jeter un rapide coup d'oeil sur chacune d'elles
et sur les difiTérentes oasis dont elles se composent, non
pas tant que nous pensions « découvrir j» ces localités sur
lesquelles il a déjà été abondamment écrit, que pour fixer
1. Cette expression est la dénomination officielle française de la
région qui nous occupe, et c'est pour cette raison que nous rem-
ployons et que nons en avons fait le titre de cet ouvrage ; les indi-
gènes généralisent peu, mais quand ils ont à le faire, ils emploient
le nom de Touat ponr Tensemble du système ; ce n'est d*ailleurs
pas une règle absolue, il n'y en a aucune.
— 7 —
ou redresser quelques points de vue qui ne semblent pas
encore avoir été exactement compris et appréciés à leur
valeur relative.
NotionB générales sar les Oasis* — A part
quelques-unes situées en pleine dune dans le Haut-Gourara,
telles Talmine, Halha et le Tinerkouk, les oasis affectent
entre elles une ressemblance générale qui frise Tuni-
formité.
Elles sont presque toujours situées en plaine, sur la rive
est d'une sebkha ; elles en garnissent les pentes et s'éten-
dent plus ou moins dans la sebkha elle-même.
Cette disposition permet de faire déboucher, dans les
cultures dont vivent les habitants, les eaux souterraines
drainées en des cotes supérieures à celles des terrains
cultivés, par des galeries à é vents ou regards, dénommées
foggaras ; supplétivement, dans ce pays totalement
dépourvu d'eaux courantes et très peu arrosé par les pluies,
onemploie des puits ordinaires, munis d'appareils à bascule.
Une oasis est constituée par un groupe de jardins irri-
gués, plantés de palmiers, — c'est l'oasis proprement dite,
— et par une zone adjacente de palmeraies non irriguées
et non closes, qui porte le nom de bour^ — mot arabe qui
signifie « terre inculte ».
Les habitations forment, dans chaque oasis, un ou plu-
sieurs villages (en arabe : ksour^ singulier ksar) ; de plus
quelques familles importantes habitent des châteaux (en
arabe : kasba) ; ces deux vocables arabes sont passés
dans l'usage.
Les oasis sont habitées les unes par des Berbères, les
autres par des Arabes ; toutes possèdent en plus des nègres
et des métis nombreux.
Chacune comporte au moins un ksar ou village, mais
dès que cette agglomération atteint seulement une impor»
tance moyenne, qu'elle soit arabe ou berbère, elle est
munie d'une kasba.
— 8 —
Si elle est berbère, le ksar est peuplé des habitants de
toute condition, depuis les notables jusqu'aux moindres
métis ou nègres, et la kasba, normalement inhabitée,
renferme uniquement les magasins de vivres des habitants
du ksar, lesquels s'y réfugieront en cas d'exigence de la
défense contre une attaque ennemie : elle est un quartier
public.
Dans les agglomérations arabes au contraire, la kasba
est la propriété privée de la famille ou des familles alliées,
maîtresses de l'oasis, elles y habitent seules ; le ksar est
formé par la réunion, auprès de cette kasba seigneuriale,
des habitations des gens de roture, métayers et affranchis,
noirs et métis, qui composent la « clientèle 9, le personnel
agricole ou artisan des seigneurs du lieu ; il s'y joint
parfois des commerçants qui vivent sous la même dépen-
dance et la même protection : la ressemblance est complète
avec ce qu'étaient les bourgades de la France du moyen
âge, abritées sous les remparts de leur château.
Une oasis peut ainsi comprendre une ou plusieurs agglo-
mérations distinctes, disséminées au travers des palmeraies
ou établies sur leur lisière.
Le type commun de toutes les kasbas est la forme carrée,
ou plutôt rectangulaire, avec tours carrées d'angle, reliées
par des courtines qui sont les faces ; le rempart est cons-
titué par un haut mur à deux ou trois étages de feux,
construit en briques crues comme toutes les habitations du
pays ; ce mur est presque toujours entouré d'un fossé ex-
térieur avec glacis.
Le même dispositif est répété plus en grand pour les
ksour ; font seul exception à cette règle quelques kasbas
et quelques ksour berbères qui ont épousé le relief de leur
emplacement.
Cependant, au Tidikelt, plusieurs ksour sont dépourvus
d'appareil défensif, et c'est précisément ce détail qui a
rendu la prise d'In-Salah facile à une troupe française peu
nombreuse et dépourvue de canon.
On peut rencontrer dans une localité plttsieors kasbas
— 9 —
avec ou sans ksar attenant, puisque chaque famille de
quelque importance peut avoir la sienne ou s'en bâtir une ;
elles sont toutes dénommées, bien entendu, car on est bien
obligé de dire: «château d'un tel »,et c'est enles citant toutes,
une par une, que certains auteurs sont parvenus à donner
des listes interminables de ksour ; mais nombre de ces
noms ne désigne parfois que quelques dizaines d'habitants,
un ou deux ménages ; nous considérerons de telles nomen-
clatures comme dépourvues d'intérêt au point de vue géné-
ral : conçoit-on le géographe qui nous présenterait chaque
commune de France ou d'Algérie avec l'énumération de
tous les villages ruraux, hameaux, châteaux, fermes iso-
lées qui la composent ?
Nous ne citerons donc que les localités qui forment vé-
ritablement un centre de population ayant une vie politique
ou économique particulière, et, dans ces localités, les prin-
cipaux a quartiers », les ksour qui ont la prépondérance.
Mais nous ne nommerons les kasbas que quand s'en
présentera une raison précise et spéciale.
Ajoutons encore que le pays est couvert de ruines, la
plupart banales ; on peut dire que, dans presque toutes les
oasis, la masse des constructions en ruines et désertes est
une, deux et même trois fois plus importante que celle
des constructions habitées ; nous ne parlerons que de celles
qui méritent une mention particulière.
Le Goarara« — Dans la sebkha du Gourara les in-
digènes reconnaissent trois grandes cuvettes : les chotts
Dahrani, Chergui et Guebli, qui se succèdent dans le sens
Nord-Sud.
Or, le chott Dahrani reçoit, venant du Nord-Est, une
importante gouttière quaternaire qui, d'après les indigènes,
serait un thalweg de l'oued Meguiden, et est connue d'eux
sous le nom d'oued Salah.
En augmentant de ce vocable nouveau . . . pour les Fran-
çais — et de quelques autres qui vont suivre, — la topo-
— 10 —
nymie des Oasis sahariennes, il convient de préciser ce
que, dans ce pays, on entend par « oued».
Ce n'est pas seulement, comme en terminologie géné-
rale, une gouttière apparente, délimitée par des berges
que mouille parfois une crue passagère.
Le travail d érosion et de transport dont nous avons
voulu donner une idée plus haut, en présentant le « Sahara
fauve», et qui, depuis de longs siècles, modifie le relief
orographique et hydrographique pour donner à ce coin
de terre son aspect particulier qui a été dénommé le faciès
désertique^, ce travail, disons-nous^ a forcé les Sahariens
à étendre le terme « oued » à des vallées larges pai*fois de
plusieurs kilomètres, dépourvues de gouttière, de thalweg
apparent : nous le voyons déjà pour Toued Righ, l'oued
Meguiden.
Ici, aux Oasis, on élargit encore le sens, et on dénomme
« oued » même l'oued Salah que les dunes ont presque tota-
lement enseveli, sauf son estuaire et, par places, sa rive
gauche, même encore l'Oued-er-Remel, l'Oued-el-Hadjar
que nous verrons plus loin, et qui ne sont pas, surtout ce
dernier, des vallées continues, mais seulement des aligne-
ments de bas-fonds sans liaison appréciable pour l'œil
inexpérimenté de TEuropéen ; le Saharien les distingue et
les suit par instinct, comme l'indication superficielle de
lignes d'eaux souterraines où il trouvera souvent un peu de
végétation spontanée, ou la possibilité d'en provoquer lui-
même, de créer des oasis.
Revenons maintenant à l'oued Salah.
Sur le parcours probable de la vallée d'érosion qui porte
ce nom, et qui, aujourd'hui, disparait en grande partie sous
les masses sableuses de l'Erg, se trouvent les premières
oasis du système.
C'est le district du Tinerkouk, très épars, sur 50 kilo-
mètres Est-Ouest et dont les oasis principales sont : Tabel-
1. G.-B.-M. Flaiukd.
— 11 —
koza*j Fatis^ Oudghagh, Taânstast^ Zaoutet-Debbagh,
In-HammoUy Inguellou.
Ce district est habité par les Arabes de la tribu des Meharza .
L'oued Salah oblique ensuite vers le Sud-Ouest et, bordé
par les ruines nombreuses des Ksour^Yahia, il vient dé-
boucher par un bel estuaire dans le chott Dahrani à El-
Mebrouk (ruiné).
Ce chott et le chott Chergui sont bordés sur leur rive
Est d'une série d'oasis tantôt arabes, tantôt berbères :
elles sont groupées en deux districts se chevauchant selon
la race des habitants, savoir :
1^ Les BUxenafsa du Gourara (arabes), dont les
principaux ksour sont : El-HadJ^Guelmaney El-Kef^
TaghEartj Yeghzér et Mâmoura ;
2^ Le district berbère de Telalet, comprenant, outre
le ksar de ce nom, les ksour de Badriane^ Azekkoury
Alamellal^ etc.
Les rives Ouest du même chott Chergui présentent
deux autres districts : 1® l'importante oasis des Oulad-
Saïd, peuplée d'un millier d'habitants, et à laquelle se rat-
tachent d'autres oasis situées plus en aval ; et, 2^ Kali.
Passant maintenant au chott Guebli, nous voyons se
dérouler sur ses bords orientaux une série d'oasis dont
les unes sont rattachées au district des Oulad-Sald,
comme Beni-Mehlaly Lichta^ et les autres forment le
district de Timmimoun.
Timmimoun est un gros ksar d'un millier d'habitants,
poste français, chef-lieu du Gourara, avec dans son oasis
d'autres villages et les ruines de Tahtaït^ ancien village
judéo-berbère antérieur à Timmimoun lui-même.
Il est suivi des oasis de Beni-Mellouk^ Taonrsit^ El^
Ouadjda^ puis des ruines H Abbou-Aïdaneei de Bel-Ghazi^
échelonnées dans un longue « ghaba » dont la végétation
arbustive couvre les berges du chott.
1. Forme arabisée de Tabelkozt, nom berbère de l'arbuste Zeïta
(F. FOURBAU).
— 12 —
A l'ouest de celui-ci, et à petite distance, court une
autre ligne d'oasis parallèle, mais plus clairsemée et peu
importante : ces palmeraies sont installées dans les effon-
drements d'un haut plateau aride d'où sortirent jadis de
petits ruissellements tributaires de la grande sebkha. Ce
sont : Ifi et Cemdjane^ à l'ouest des Oulad-Sald, Tinezaiy
Aguentour^ qui dépend de Kali, Sidl-Abed^ Tasfaout^
Beni^Islem.
C'est à l'ouest du haut plateau que nous venons de
mentionner que passa l'oued Namous quaternaire ; après
avoir abreuvé les deux Adjdir sur sa rive droite, Toasis
des Oulad-Aissa et celle de Haîha sur sa rive gauche,
il continue vers le Sud, disent les indigènes qui distin-
guent la végétation provoquée par lui au travers des chaî-
nes de dunes, fournit ses eaux à Touat-en^Tebbou et au
grand district de Charouine, d'où, dessinant une légère
boucle vers le Sud-Ouest, il retourne enfin à gauche et
débouche dans les bas-fonds de l'extrême corne sud-ouest
de la grande sebkha.
Tel est le bassin supérieur de la sebkha gourarienne.
Avant de continuer à suivre en aval les oasis qui s'en
éloignent, nous devons signaler qu'à l'ouest de cette
région se trouvent deux oasis rattachées politiquement au
bassin gourarien, mais établies sur une ligne d'eaux tribu-
taire de l'oued Saoura qu'elle rejoint par une « teïra », —
couloir entre des alignements de dunes ; ce sont : Taghouzi
et Talmine, dont la teïra aboutit vers Foum-el-Kheneg.
Si nous revenons maintenant à la sebkha, nous la voyons
bordée au Sud par les oasis des Zoua, avec les ksour de
Barka, Toukki, Igosten^ et en aval de ceux-ci, par le
district de Deldoul
De là se continue vers le Sud un système de dépressions
d'aspect assez mal défini, se suivant parfois sans paraître
se joindre, bordées d'escarpements bientôt interrompus
pour reparaître plus loin, ou indiquées seulement par
quelques talus à longues pentes douces : c'est ce que les
indigènes connaissent sous le nom d'Oued-er^Remel.
— 13 —
Il est jalonné parles oasis des Oulad-Rachedy de Sahela^
de Metarfa^ et gagne le grand district du Teçabit, dont
les ksour principaux sont Brinken^ avec 450 habitants ;
El'MaïZy 650 hab. ; El-Hebla et Ariane-er^Ras.
De là rOued-er^Remel, s'accusant par une série de bas-
fonds couverts d'arbustes, une « ghaba », atteint, vers le
Sud-Ouest, le district de Bouda, où il se joint au plus
oriental des bras de Toued Saoura, venu lui-même de
Foum-el-Kheneg, en alimentant les puits de : Zemla^
Tilemsij Zouarz, Ghezel^ où eut lieu le combat de 1903,
Djahbel^ Decheira (ancien ksar ruiné), et Hammouda.
Avant de quitter le Gourara, nous devons nous reporter
à une autre ligne d'eaux sortie des pentes ouest du
Tàdmalt, juste pour former les sebkhas et le district de
TAougrout, principaux ksour : Tiberghamine, El-HadJ,
Tala^ et Bou-Guemma (rattaché au distri(;t de Timmi-
moun).
C'est de là que part l'Oued-el-Hadjar, plus difficile
encore à suivre sur le terrain que l'Oued-er-Remel, car il
traverse des plaines de graviers complètement dénudées ;
il suit une direction générale Nord-Sud, avec coude vers
rOuest, et alimente successivement les oasis de : Oufrane^
rattachée au Deldoul, Oulad-Mahmoud, Lalla-Rabha (en
ruines), Kaberten^ rattachée au Deldoul, Sebâ et son
annexe Guerrera^ Meraguen^ et Tinilane. Il disparaît
enfin dans la grande sebkha du Timmi.
lie Toaat* — Nous avons mentionné la rencontre
d'un bras de l'oued Saoura ou Messâoud avec l'Oued-er-
Remel au Bouda : le Bouda est le premier des districts
que l'on considère habituellement comme faisant partie du
Touat ; on y voit : El-Mansour^ ksar principal ;5en-Z)rao,
Adrar^ ne pas confondre avec celui du Timmi ; Gharmali^
corruption d'Aghrem-Ali ; Zaouïet-Sidi'Hàida^ etc.
A faible distance de ce district, et relié à lui par l'Oued-
el-Hadd, avec des palmiers isolés et des foggar&s
— 14 —
ruinées, on trouve le Timmi, grand district comprenant
une vingtaine de ksour, parmi lesquels Adrar (520
habitants), dont le nom, par une fantaisie inexpliquée, a
été donné au poste français voisin, chef-lieu de l'annexe
du Touat et de tout le c Territoire des Oasis Saha*
riennes ».
Ce poste a cependant été bâti sur une kasba faisant
partie intégrante d'un autre ksar cité plus loin, les Oulad-
Oungal.
Le moindre inconvénient de cette appellation imprévue
n'est pas que la poste achemine parfois des correspon-
dances ainsi adressées vers TAdrar du Sénégal ; ce nom
d'Âdrar est aussi celui d'une bonne demi-douzaine d'autres
ksour de la même région touatienne '.
D'ailleurs les habitants ne disent jamais : « les
autorités d'Âdrar », mais bien : « les autorités de
Timmi », le « bureau de Timmi ».
Parmi les autres ksour de ce district, citons encore :
Oula<UOuchen, Oulad-Aroussa, Oulad-Aïssa^ Oulad^
Ahmed^ Oulad-Outigal, Ouinna^ Beni-Tamert, Zaouïet"
Sidi-el'Bekri.
A ce district, ont été rattachées Meraguen et Tinilane,
déjà citées, et Tasfaout qui le sera plus loin.
Au Sud-Est de la sebkha du Timmi, on trouve
Tamentit, avec le ksar important du même nom, puis
vers l'Ouest, Amguid et l'oasis de Bou-Faddi, aussi
dénommée « district des Oulad-El-Hadj » ; enfin, plus à
l'Ouest encore, l'oasis de Tasfaout.
Comme la sebkha du Gourara, celles d'Aougrout, de
Teçabit et de Bouda, la sebkha de Timmi est bientôt
suivie, vers le Sud, de dépressions peu accentuées et
incohérentes, mais qui s'élargissent bientôt en une grande
vallée d'érosion dont les berges Est sont mal définies,
mais dont les falaises ouest sont très accentuées.
On y trouve successivement : le district de Fenoughil,
1. Vid, sup. et inf.
— 15 —
dLwéa Abbani^ Oudghagh^ Makra, ancien ksar de premier
ordre, aujourd'hui en ruines, Zaouïet-Sidi'Abdelkader^
Sidi'Youcef, etc. ; le district de Tamest, avec Ba-Amor,
El'Ahmar^ etc. ; un chapelet de petites oasis isolées :
Mekkid, Tiouririne, Adrar.
Les falaises de la rive ouest se terminent brusquement,
à hauteur de cette dernière oasis, par un promontoire de
50 mètres de hauteur, arrêté net en face d'une large vallée
qui est une succession de sebkhas s'en allant vers le Sud,
avec sur la droite, dans l'Ouest, une rive lointaine plate,
fermée à l'horizon par de grandes dunes , et sur la gauche
une ligne de hauteurs presque escarpées venant du Nord-
Est, qui prend maintenant le bord est des sebkhas et fuit
vers le Sud tout enchevelée de palmeraies, sur ses crêtes
et sur ses pentes, jusqu'à perte de vue.
Mais avant de nous y engager, il convient d'aller
reprendre à l'extrémité Sud des derniers palmiers de
Tamentit : là, prend naissance une autre ligne d'eaux qui
alimente la série d'oasis de : Noum-en-Nas, Izeggaren^
en ruines ; Titaf^ avec trois ksour dont un assez grand,
et GharmîanoUy altération à^ Aghrem-Iannou,
Cette dépression, à talus plats et mal définis vers
l'Ouest, semble se confondre par là avec la vallée du
Fenoughil et du Tamest, éloignée de quatre à six kilomètres
à peine ; mais à l'Est, elle est limitée par une série de
de petites hauteurs qui vont parfois s'accentuant, et la
déterminent à aller déboucher, comme nous l'avons vu, en
face du grand promontoire d'Adrar.
Les oasis qui, depuis Timmi, ont été situées en plaine,
dans des paysages rappelant de façon frappante l'oued
Righ, vont maintenant reprendre l'aspect que nous leur
avons vu sur les bords de la sebkha du Gourara ; le
paysage de Timmimoun va se répéter : des ksour bâtis
sur la crête des falaises, où semblent accrochées des
palmeraies qui pendent au long des escarpements, pour
aller traîner leurs franges sur les fonds plats des
sebkhas.
— 16 —
Nous allons trouver une forêt presque ininterrompue
sur une longueur de 60 kilomètres , et dont les principaux
ksour sont : Zaglou, Oulad-El-Hadj-El-Bordja^ Zaouîct-
Kounta, très connue, chef-lieu de district, El-Menaçir,
Takhfify la plus ancienne station juive connue, TazouUy
avec une ruine judéo-berbère, Bou-AU^ où est la zaoula
du cheikh El-Meghili, Inzegmir, cheMieu de district,
EUMahfoud^ Tidmaîne, les Titaouïne et les Tilouline ;
c'est rOued-el-Henné.
Ici les falaises de la rive est s'adoucissent en des
pentes mamelonnées et s'éloignent vers la gauche, s'en-
combrant de petits ergs, à l'ouest desquels on trouve
bientôt la grande oasis de Sali, avec une douzaine de
ksour.
Vers la corne sud-ouest de la sebkfaa de Sali recom-
mencent des dépressions bientôt redevenues sebkhas,
avec falaises riveraines à l'Est ; s'y accrochent les oasis
de : Tinnourt, Berrichy Oulad^BahOy El-Mestour^
Zaouîet-el-Hachef ; puis, s'ensablant comme les précé-
dentes, l'oasis d'Inzeglouf.
Enfin dans un fond de plaine fermé à l'Est par le
premier gradin du Baten, et qui se perd à l'Ouest dans
des sebkhas bordées de grandes dunes, on aperçoit
comme en un cirque, de l'Est à l'Ouest, les oasis de :
Aït'Messâoudy En^Nefis^ chef-lieu de district, Taârrabt
et îïnoulaf.
En y arrivant on voit les hauteurs du Baten s'élever un
peu sur la gauche et aller se terminer dans l'Est par un
promontoire suivi d'un piton isolé — le site d'El-Goléa,
c'est Taorirt (comme l'ancien El-Goléa berbère).
Dans l'Ouest on aperçoit Timadanine^ comme une ligne
sombre sur la terre fauve, et dans le Sud-Ouest, la der-
nière oasis du Reggane, celle après laquelle la bande de
pays habité, la « rae de palmiers », est terminée, et qui
de ce verbe en arabe a été dénommée Entehet.
Entehet contient deux petits ksour et une zaoula dite
Zaoulet'Reggane^ qui jouit d'une grande influence non
-il -
seulement dans la région, mais dans une grande partie du
Sahara central et méridional.
Là, Toued Messàoud, qui passe à quelques kilomètres
dans rOuest, continue à courir vers le Sud, mais il sera
bientôt envahi par les sables des premiers chaînons de
TErg-Chach, lequel remonte vers le Nord-Ouest, allant
à la rencontre de Tlguidi.
Par là aussi conflue l'oued Botha venu de l'Est, et dont
les affluents portent les oasis du Tidikelt.
Le Tidiikelt« — Nous gagnons cette région en con-
tournant le piton de Taorirt et en montant, à Aïn-Chebbi^
oasis récemment ruinée, sur le gradin mentionaé plus
haut, constitué par les vallées supérieures servant de
talus vers le Sud au Tàdmalt, et traversées du Nord au
Sud par les lignes d'eaux sorties de ce massif pour affluer
vers le Botha.
La première de ces lignes s'élargit, en face de Foum-
Talha, en une grande sebkha où est installé le district
d'Aoulef.
Autour d'un piton érigé au milieu de la sebkha, et portant
le ksar miné de Charef — un autre Taorirt, — prennent
place les trois oasis à! Aoulef-el-Arab (1.100 habitants),
Aoulef'Chorfa (1.500 habitants) et Timoklen.
En continuant sur l'Est, avec sur la gauche la corniche
du Baten, on arrive à Tit, qui a deux ksour.
On a laissé, à quelque 25 kilomètres dans le Sud, le
district d'Akabli, avec quatre ksour, des kasbas et des
zaouïas : cette oasis partage avec le Reggane et In-Salah
la fonction de port d'arrivée des caravanes de Tombouctou.
A l'est de Tit s'étend à perte de vue la « ghaba » du
Tidikelt, plaine relativement riche en végétation, toujours
surveillée du Nord par les falaises du Baten ; celui-ci va
d'ailleurs gagner le Nord-Est pour ouvrir la large vallée
du Màder-es-Souf qui va déboucher sur l'oasis d'Inghar.
Inghar est descendu dans la cuvette qu'il bordait
2
— 18 —
naguère à TEst et a rebâti ses sept Jcsour à l'ouest des
palmeraies : les plus importants sont Oulad-Hadega
et Oulad'Ahmed'DjeUouL
De là, on se guide sur un curieux promontoire du Baten,
Âng-el-Mehari, au-delà duquel s'allongent, toujours du
Nord au Sud, la grande sebkha et Toasis dln-Salah,
avec dix ksour, parmi lesquels : Ksar-El-Arab, Ouladr
Badjouda, Deghamcha, Oulad-Bel-Kassem et Oulud^
EUHadj,
Sur une croupe qui commande Toasis à TEst, est établi
le poste français, chef-lieu de TÂnnexe du Tidikelt.
Un peu plus loin à FEst, c'est encore un alignement de
petites oasis comprenant les deux Sahela^ Igosten et
Foggaret'El^Arab ; elles sont les points d'attache d'un des
derniers groupes nomades du Tidikelt, les Oulad-Dahhane.
Puis encore plus à l'Est, le dernier district du système :
Foggaret'Zoua, avec quatre ksour.
Pour compléter cette description, si d'In-Salah nous
regagnons le Timmi vers le Nord-Ouest, par une ligne
droite qui suit Voued Tilia^ nous trouvons, à peu près à
moitié chemin, dans un large effondrement du massif du
Tàdmalt, deux petites oasis qui sont connues sous le nom
à^El'Kseîrat (les petits ksour) et qui sont habitées par
quelque six douzaines de pauvres gens ; ce sont : //i-
Belbal et Matriouen,
C'est dans ces parages et dans TOued-Miah — une
des gouttières du bassin de l'Est, — que déambulent les
groupes nomades des Oulad-Zennane, des Oulad-Dahhane
et des Zoua ; parfois même, telle est la pénurie de pâtu-
rages, ils doivent traverser tout le Tâdmaît et se retrouver
vers Bejouen avec les Khenafsa d'Aougrout.
Lres lMoiiiiaie«9 Poidis et Mesures* — Pour
l'intelligence de cet ouvrage, nous devons dès maintenant
donner un aperçu des monnaies, poids et mesures en usage
dans les Oasis.
- 19-
tl faut pour cela partir du système général établi par là
législation musulmane, et dont la base est le poids d'un
certain nombre de grains d'orge de grosseur moyenne :
1® Soixante-douze grains d orge donnent le poids du
dinar d'or ;
2** Cinquante grains d'orge et un cinquième de grain
donnent le poids du dirhem d'argent.
Voilà les monnaies musulmanes légales ^
Nous allons voir maintenant ce qu'elles sont devenues,
pratiquement, aux Oasis .
D'abord le dinar légal ayant fait défaut dans cette région
écartée, lointaine, on l'a remplacé par un poids fixé dr
cette poudre d'or [teber) que les caravanes apportaient du
Soudan en abondance.
Or il est curieux de noter qu'on n'a pas fixé ce poids de
poudre d'or d'après le poids du dinar légal, qui, pour 72
grains d'orge est, ainsi que chacun peut s'en rendre
compte, de 3 g. 2 ; on est parti au contraire du poids du
dirhem légal qui est, pour 50 grains d'orge et 1/5, de
2 g. 25 ; on en a pris le double, c'est-à-dire le poids de 2
dirhem légaux, soit 4 g. 50.
Ce poids de 4 g. 50 de poudre d'or a donc constitué aux
Oasis une sorte de monnaie de compte, supplétive du dinar
légal absent, et on l'a dénommé metkal d'or.
Nous avons pu en effet nous procurer auprès d'un chérif
du Timmi*, le petit poids de cuivre nommé metkal qui
servait à peser la poudre d'or, et il nous a donné, à la
balance, un poids de 4 g. 50 exactement.
L'équivalent en monnaie d'argent du metkal-or — le
cours, a varié d'après l'ordre du prince ou de son repré-
sentant local.
Quant au dirhem d'argent, il a été frappé en abondance
1. lB!f Khaldoun. El-Koulbi (El-Kouanine el'fekehîa), etc. Khblil
(trad. Perron) indique pour le dirhem 50 grains d'orge et 2/5, ou 14
grains de caroube et 17/20 ; on sait que le grain de caroube n'est
autre que le kirat.
2. Le vieux Moulaî-Ali-Chérîf, ancien nekib des Chorfadu Tinnni.
— 20 —
par les différents souverains qui se sont succédé, émirs,
khalifes et sultans ; il a été parfois de forme carrée S mais
presque toujours de forme ronde, portant à TaVers l'indica-
tion du lieu de sa frappe : Tétouane, Rabat, Merrakech,
Fès, et au revers le millésime ; les émissions les plus abon-
dantes ont été celle de Moulaî-Rachid, au xviii* Siècle,
et celle de Moulal-Slimane, à la fin de ce même siècle.
Ce dirhem aurait dû présenter un poids d'argent de 50
grains 1/5 d'orge, c'est-à-dire 2 g. 25 environ ; mais dans
la pratique, après qu'il eut fourni quelques bénéfices au
souverain ou aux fonctionnaires chargés de la frappe, il
ne parut jamais dans la circulation avec son poids légal ;
il descendit parfois à un poids effectif de 1 g. 5, et même
moins ; ce dirhem amaigri, illégal, fut dénommé dirhem
suUanien^ ou bien, du nom du sultan régnant : dirhem
Rachidien^ dirhem Ismaïlien, dirhem SUmanien.
Cette unique monnaie, aidée de quelquels rares flès^ oboles
d'airain ou de cuivre, et de la mouzouna^ fragment du dir-
hem coupé en quatre', satisfit à tous les besoins pendant
toute l'époque ancienne, jusqu'à l'apparition de la pièce
d'argent de frappe turque qui, sous le nom de metkaf, valut
10 dirhem.
En dehors de ces monnaies « nationales », arrivèrent peu
à peu les pièces étrangères de toutes provenances, qui pri-
rent une valeur correspondant à leur dimension, et qui ont
été, dans le patois administratif français, confondues avec
les monnaies sultaniennes sous le nom d'argent gourari ;
nous ne parlons de ces pièces étrangères que pour mémoire,
car elles ne furent jamais mentionnées dans les actes publics
du pays touatien, ni dans la comptabilité fiscale chéri-
fienne.
Le système monétaire que nous venons d'exposer se
1. Nous avons troavé à Tameatit un dirhem de cette forme, por.
tant les devises des souverains mouhhides.
2. Cependant, nous trouvons, une fois, l'expression mouzouna
soltanïa (mouzouna sultanienne). ce qui implique, qu'au moins une
fois, un sultan a fait frapper des mouzounas.
— 21 —
maintint jusqu'au règne de Moulal-Hassane ; il peut se
résumer ainsi :
Monnaies sulUniennes : monnSl® fraïï^lse
La mouzouna ou oudjh (le 1/4 du dirham),
environ 0^05
Le dirhem, valant selon son poids d'argent,
environ 20
Le metkal, valant 10 dirhem ou 40 mouzounas,
environ 2 »»
Monnaies de compte :
Le metkal'or (valeur variable).
Le kintar, valant 400 metkal- argent, environ. 800 »»
Moulal-Hassane, dont le règne a débuté en 1873, fit le
premier frapper ses monnaies en Europe et changea les
valeurs de système, car il ramena le dirhem à son poids
légal de 2 gr. 25 d'argent et lui donna ainsi la valeur des
pièces de 50 cent, françaises ; depuis son règne jusqu'à
nos jours, la nouvelle échelle s'établit ainsi :
Monnaies hassaniennes monnîdrfranViM
Le demi- dirhem légale pesant 1 gr. 125 d'argent,
valant 0^25
Le dirhem légal, pesant 2 gr. 25 d'argent et
valant 50
Le metkal, valant 5 dirhem, ou 2 50
C'est surtout depuis cette nouvelle frappe que l'on a
pris l'habitude de désigner le dirhem ancien sous le nom
à'oukïa^^ pour le distinguer du dirhem légal dont la
valeur est plus que double.
Il y aura donc lieu, au cours de cet ouvrage, de remar-
quer la différence de valeur du dirhem et du metkal sui>
1. Oukîa, en dehors de cette acception locale, signifie en langue
générale once y 600 grains d'orge. Pour Khblil (trad. Perron),
Voukïa vaut 40 dirhem ou 2,008 grains d'orge.
— 22 —
vant Tépoque ancienne ou moderne, comme aussi de tenir
compte, dans chaque cas spécial, de Tindication du cours
du metkal-or qui pourra être donnée.
Comme mesures de poids, nous n'aurons guère à nous
occuper que de la charge^ c'est-à-dire la charge de cha-
meau, de la guessâa et du zeguen.
Ces mesures sont purement locales et ne tiennent en
rien des mesures légales deTIslam.
Comme, pour cette raison même, elles varient selon
les districts et d'une oasis à l'autre, nous nous en épar-
gnerons une étude complète qui serait oiseuse.
Nous adopterons l'un d'entre les types, le plus fréquem-
ment employé dans les chroniques, celui dont se servirent
les représentants locaux des princes musulmans, le type
de Timmi :
Le zeguen = 2 1/2 litres en capacité.
La guessâa = 12 zeguen.
On connaît aussi :
La ghararay qui vaut 35 zeguen ou 3 guessâa.
Ces mesures de capacité s'employèrent aux lieu et place
des mesures de poids, dans ce pays où si peu d'ouvriers
étaient capables de construire ou d'entretenir des balances
et des mesures de poids.
Les seules mesures de poids employées dans le pays,
au long des temps, furent celles qui servirent à peser la
poudre d'or, avec de petites balances semblables à celles
de nos anciens bijoutiers chrétiens ; ces mesures avaient
pour base le metkal de 4 g. 5 que nous avons vu à propos
des monnaies, complété par une série duodécimale de
multiples et de sous-multiples.
Restent maintenant les mesures de jauge pour les eaux
d^irrigation.
Dans les temps anciens ce jaugeage se fit « à l'œil », sans
instrument spécial ; c'est, d après la tradition locale, jus-
tifiée d'ailleurs par les données documentaires qui suivront
au cours de cet ouvrage, sous le sultan Moulaî-Rachid,que
le fonctionnaire envoyé pour faire le recensement des eaux
— 23 —
pour rimpôt zekkat, arriva aux Oasis muni d'une planche
en cuivre, trouée pour le jaugeage des eaux, qui était
alors déjà en usage dans d'autres régions de Tempire ché-
rifien ; telle est l'origine du mode actuel de mesurage
connu sous le nom à'El-KU-el-Asfar, — le « mesurage au
cuivre jaune ».
L'unité de ce système de mesure est la habba ou sebâ^
quantité d'eau passant en une nuit et un jour dans im
trou d'une dimension donnée, à peu près de la grosseur
du bout du petit doigt, percé dans la planche de cuivre.
La dimension de ce trou varie aujourd'hui dans quelques
districts, elle est de 9 millimètres au Tamest et de 27
millimètres à Sali ; d'aucuns ont même pris l'habitude de
se servir d'un autre terme que habba : on dit kirat au
Timmi, sebâ (doigt) au Teçabit et ailleurs, kherga (trou)
à Aoulef et à Tit.
On peut évaluer le débit moyen de la habba à 3 1. 50 à
la minute ^
L'unité habba se subdivise.
Elle vaut 24 kirat ^ ou 96 dirhem (4 au kirat), ou 144
kharrouba (6 au kirat), ou 576 mouzouna (6 au dirhem ou
4 à la kharrouba), ou 2,304 farf ourla (4 à la mouzouna).
Ce fractionnement extrême des 3 1. 50 à la minute,
obtenu dans des rigoles d'argile bâties à la main, et fragiles
comme les travaux des enfants sur le sable des plages de
France, est singulièrement éloquent, et indicatif du soin
invraisemblable apporté à répartir les filets d'eau rare et
précieuse pour ces pauvres gens.
Pour la concordance des ères hégirienne et chrétienne
nous avons suivi les ouvrages de M'hamed bel Khodja et
de Charles Bernoin.
1. Donnée adoptée par rautorité locale française.
PREMIÈRE PARTIE
L'HISTOIRE
CHAPITRE PREMIER
Les Gétules
(Ab origine, — 100 m ap. J.-C.)
Ab origine, — L'âge de pierre. — Les premières données histo-
riques. — Le Ger, ou Nigeïr. — Le lac Libya et le lac Nigris. —
Les villages du bassin du Ger. — Les édifices de l'époque
gétule. — L'idole de Tamentit.
« Ab ori§;lne »• — Â Torigine des temps, il n'y eut
pas de Sahara car ce vocable n'est qu'une expression géo-
graphique, signifiant en langue arabe la terre déserte,
A l'époque quaternaire il y eut là une contrée « constellée
de lacs et de volcans en éruption* », où vinrent s'installer
les hommes de la préhistoire.
Le pays soudanien s'étendit jusqu'au pied de l'Atlas,
caractérisé par un climat à pluie abondantes ; ce fut
l'époque de la forêt mimosée, au milieu de laquelle
s'érigaient les volcans du Hoggar et de l'Âhnet, et dont
nous voyons encore aujourd'hui quelques témoins, rares
i. G10EGI8 Rolland.
— 26 —
et rabougris, et les nombreux reliefs pétrifiés, troncs
d'arbres de 30 à 40 centimètres de diamètre, épars tout au
long des plaines dénudées.
On ne peut guère douter que ce pays nord-soudanien
ait été pourvu d'une population nègre ^, peu dense peut-
être, qui a reculé vers le Sud en même temps que la flore
mimosée cédait devant le dessèchement commençant, en
môme temps aussi que s'avançaient des hommes blancs
venant du Nord '.
Uà^ de pierre. — On a trouvé de nombreux
ateliers de silex taillés, dans tout le Sahara du Nord et
dans le Tàdmalt : ce sont les témoignages les plus
anciens de la présence de l'homme dans ce pays.
Il est à remarquer que toutes ces stations sont relevées
exclusivement dans les régions de plateaux plus ou moins
élevés et éloignés des oasis ; on s'explique d'ailleurs qu'il
n'en ait pas été trouvé dans les environs immédiats de
celles-ci, et qu'il n'y ait guère à espérer d'y en trouver
dans l'avenir : c'est que l'étage géologique superficiel, où
ces stations eussent pu exister, a disparu, emporté par
les cataclysmes diluviens ou éoliens dont le pays a été le
théâtre.
Le sol actuel s'y présente comme une surface de déra-
sèment^ de dénudation, presque toujours dépourvue de
terre végétale, et affectant la forme de pénéplaines saupou-
drées de graviers tantôt fins tantôt grossiers, résidus de
l'étage supérieur disparu, dilué, emporté, soit à l'époque
où les immenses fleuves sahariens, dont les lits desséchés
nous étonnent par leurs dimensions, roulaient leurs masses
d'eaux énormes, soit pendant l'époque de sécheresse qui
a suivi ; ces plaines arides sont, en arabe, dénommées
1. DuvBYRiBR, Barth, Carbttb, Wbisgbrbbr.
t. Nous constaterons plus tard que tous les noms des tribus
sahariennes de race blanche que nous transmettront Pline et
Ptoléiibb avaient leurs correspondants sur la rive méditerranéenne.
— 27 —
des regy terme que les Français ont adopté sans le
traduire.
Ces reg sont entrecoupés de terrains de « sebkba »,
qui sont, ou bien les fonds de grands lacs contemporains
des fleuves disparus, ou bien les fonds plus récemment
desséchés des cuvettes successives qui persistèrent,
comme d'immenses mares isolées, le long des lits des
fleuves, après qu'un dessèchement partiel, rapidement
survenu, eut assez diminué les eaux pour interrompre la
continuité de leur cours sui* les seuils rocheux rencontrés
dans leurs lits.
C'est autour de ces mares ou sebkhas, sur les bords
de leurs nappes d'eaux longtemps maintenues, que se sont
bâtis les premiers villages de sédentaires qui sont devenus
les Oasis actuelles.
Quels furent les premiers habitants de ces villages ?
Les première» données historiques. — Le plus
ancien renseignement sur eux nous est donné par Homère
qui les dénomme les Ethiopiciy « ceux au visage noirci »,
ÂiQo;, îûify et qui comprend sous ce vocable tous les peu-
ples noirs jusqu'à l'extrémité du monde vers le couchant^.
Ensuite Hérodote nous rapporte le voyage des cinq
Nasamens : c'est la plus ancienne exploration connue du
Sahara, cette région « qui n'est plus qu'un pays de sable,
sans eau, prodigieusement aride et tout à fait désert t.
Ces antiques explorateurs, partis des régions septen-
trionales du Fezzane, « marchèrent dans la direction de
l'Ouest ». (Tt)v ô86v TcouujJiévouç irpo<; Çéçupov 5ve[jL0v.)
cr Ayant ainsi traversé une grande étendue de terre
sablonneuse, après bien des jours ils aperçurent enfin des
arbres répandus dans une plaine ; ils s'en approchèrent
1. Odyssée, ap. Vivien de Saint- Martin. L'auteur de Tombouctou
la Mystérieuse^ M. Félix Dubois, voit dans le mot grec Aïthiôpes
une simple transcription, maladroitement effectuée, de Texpression
hwh^TQ Aït'Tebbou, — lesTebbou actuels.
— 28 —
et mangèrent des fruits de ces arbres. Survinrent alors
des hommes de très petite taille qui les prirent et les
emmenèrent. Les Nasamons ne comprenaient pas la langue
de ces hommes ni ceux-ci celle des Nasamons. On leur 6t
traverser des marais d'une grande étendue ; de l'autre
côté de ces marais, ils arrivèrent à une ville dont tous les
habitants étaient noirs et de petite taille comme les pre-
miers. Une grande rivière passait près de cette ville ;
cette rivière coulait de l'Ouest à l'Est et il y avait des
crocodiles*.»
C'est ainsi qu'Hérodote nous apprend l'existence de
palmeraies et de villages qui ne paraissent pouvoii*
être que les oasis installées sur les bords des grandes
mares touatiennes.
« Quant à cette rivière, dit encore Hérodote, Etéarque
supposait que c'était le Nil ». Et il ajoute : « Je suis de
l'avis d'Etéarque, car le Nil vient de la Libye et la coupe
par le milieu ».
Pour lui, la Libye (AiSuyi) se prolonge jusqu'au cap
Soloeîs, sur la mer occidentale. La zone côtière est seule
habitée ; plus avant dans l'intérieur, à une médiocre dis-
tance, c'est une contrée sauvage remplie de bêtes féroces.
Puis ce sont des déserts inconnus, inhabitables à cause des
sables et du manque d'eau, de même qu'au-dessus des
Automoles, les dernières extrémités de l'Ethiopie sont
inhabitables à cause de la chaleur'.
La distance à laquelle ces déserts se prolongent au
Sud est inconnue ; l'historien sait seulement, d'une ma-
nière très vague, qu'un fleuve que l'on regarde comme
1. Vivien de Saint-Martin, après avoir ainsi résumé le récit
d'Hérodote, précise encore que les cinq Nasamons sont passés au
Sud de GhadamèSy qu'ils ont réellement marché vers VOuest, puis
il identifie leur point d'arrivée avec... Ouargla. Son excuse est
qu'il écrivait en 1863, époque où Ouargla n'était, non plus d'ailleurs
que Ghadamès, a placée » sur la carte.
t. Id.
— 29 —
Torigine du Nil y coule de TOuest à TEst *, et que ce
fleuve est bordé de palmeraies et de villes habitées par
des noirs de petite taille.
Il nous faut, pour préciser un peu ces trop vagues don-
nées, arriver jusqu'à Toccupation romaine de TAfriquo.
Salluste, officier dans l'armée qui opère contre Juba,
apprend que, dès l'antiquité qui le précéda, la partie
sud-occidentale de la Libye fut habitée par un peuplo,
les Gétules (Gœtuli), dont le nom ne tarda pas à être
étendu à tous les habitants du pays au sud des monta-
gnes, et jusqu'au Ger •.
Et ce Ger nous le connaissons par l'expédition du pré-
teur G- Suetonius Paulinus qui, d'après Pline, « atteignit
l'Atlas en dix marches et, au-delà, arriva à une rivière
appelée Ger, à travers des solitudes couvertes de pous-
sière noire, d'où surgissent çà et là des rochers qui sem-
blent noircis par l'action du feu. Ces lieux sont inhabitables
à cause de l'extrême chaleur. Les gens qui vivent dans les
forêts voisines, pleines d'éléphants, de bêtes féroces et de
toutes sortes de serpents, sont appelés Canarii parce que
le chien est leur nourriture commune, ainsi que îa chair
des bêtes fauves. Il est assez connu que ce peuple est
voisin des Ethiopiens Perorsi. »
Ailleurs, Pline, citant les Mémoires aujourd'hui perdus
de ce préteur, revient sur des villages qui se trouvent au
delà du point atteint par l'expédition romaine, et qui sont
habitées par des colonies de nègres asservis par les
Gétules.
Mais ce renseignement, qui complète ce que nous disait
Hérodote, est complété lui-même par Ptolémée qui entre
dans une description détaillée de la région où coule le Ger.
Le Oer on ]Vi§;eïr. — Pline dit Ger, Ptolémée dit
Nigeîr (Niye{p), mais la différence d'appellation n'est
1. Vivien de Saint-Martin.
2. Id.
-30-
qu^apparente : le radical libyque ou berbère gtr^ gher
(eau courante), avec ou sans le technique e/i, qui peut être
aussi l'annectif n (Potanios-n-Gelr)^
Donc ce fleuve, Ger ou Nigeïr, partait, d'après Ptolé-
mée, du mont Mandrus, — oh naissait aussi, ajoute Pline, le
Malua flumen (Moulouïa), — {le djebel AU-Aïachy de
TAtlas marocain), et recevait deux affluents venant du Nord,
l'un du mont Sagapola et Tautre du mont Usargala (ces
deux monts ne peuvent être que, d'une part, le massif de
Figuig d'où descend l'oued Zousfana, et, d'autre part, le
djebel Amour, d'où sortent les oueds Zergoun et Segguer
réunis plus bas pour former l'oued Meguiden)*.
Le \mm lAhjm et le lae IVig^rle. — Puis, inclinant
vers l'Est, le fleuve allait former le lac Libya (sebkha du
Gourara) et venait se terminer ensuite au lac Nigris
(sebkhas du Touat).
Ce dernier lac recevait aussi une autre rivière que Pto-
lémée considère comme un second « Nigeïr » et qui venait
du mont Thala (djebel Hoggar)*,
Ce second bras de « Nigeïr » était sans doute l'oued
Botha sur les affluents duquel se trouve le Tidikelt.
Duveyrier explique cette extension du vocable Nigeïr
en démontrant qu'il avait dans sa langue originelle, non
seulement le sens a eau courante », cours d'eau, mais
encore celui de « bassin hydrographique d.
Lee wlllAges du bamsln du Ger. — Et dans ce
bassin Ptolémée nous cite dix-sept noms de villes ou vil-
lages :
1. Cf. DuvEYKiER, Les Touaregs du Nord.
t. H. DUVBYRIER.
3. lu.
— 31 —
TaX6u6aO Taloubat^ qui serait Tabelbalt', ou Tanebèt*,
ou peut-être Talebboï, village ruiné qui se trouve à 6 kilo-
mètres à l'est de Zaoult-Kounta.
MaXax<iO, Malakat^ qui serait Melouka.
Touxa6ac6, Toukabat^ qui serait Teçabit*.
BùvOa, Buntay qui serait Bouda*.
ÂvuYceO, Anugat,
riedaCSv], Pessidi.
e(-p3, Tigué.
KoufiQ, Kouphé,
NCyetpa, Nigueïra (métropole) .
OueXXsYeCa, Ouellegueïa.
T(xr((x\M^ Tagama^ qui serait Ta gant, ksar ruiné dans le
Gourara, ou bien Taghemlj un des ksour d'Igosten en
Tidikelt».
IlavoYpa, Panagra.
Ôouicai, Toupaï.
riouvoiî, Pounsê.
SaXouxiQ, Salouké.
dapLovScxccva, Tamondocana,
Aou3ou|A, Doudoum^ qui serait Deldoul*.
Par ce nombre seul de localités dont le géographe a pu
dresser la liste, remarque Vivien de Saint-Martin, on voit
que ce canton devait être habituellement fréquenté par les
étrangers. C'était sûrement une route ordinaire des cara-
vanes entre les tribus du sud de la Gétulie et l'Afrique
romaine.
En plus de cette liste de localités, Ptolémée a encore
enregistré des noms de « peuples », c'est-à-dire de tribus
qui nomadisaient dans la région qui nous occupe.
1. duvetkier.
2. Vivien de Saint-Martin.
3. Duyeyrier.
4. Vivien de Saint-Martin.
5. René Basset.
6. Vivien de Saint-Martin.
— 32 —
Il cite, entre les monts Sagapola (massif de Figuig) et
Usargala (djebel Amour), les Mélanogétules ou Gétules
noirs, puis les Ethiopiens rouges et les Nigrites ou « tribus
du Nigeir* », les Ethiopiens Odraggides {Otpor^yiich)
entre le mont Caphas (Atlas. marocain) et le mont Thala
(djebel Hoggar) ; on peut voir dans ces Odraggides les
Outriga dont nous parlera plus tard Ibn Khaldoun*.
Puis encore, au sud du mont Usargala, les Suburpores
(Sou6oupicop6ç) qu'on peut très probablement identifier
avec leâ Sebertera, une des tribus zénètes qui se sont
anciennement répandues dans les oasis du Sahara algérien*:
détail à noter, car nous verrons durer jusqu'à nos jours
des populations de race zénète dans les Oasis.
D'autres Zénètes encore, les Harmiâe (*Ap[ji{at), qui ne
seraient autres que les Ourghma des auteurs arabes pos-
térieurs*, les Dolopes, les Thalœ (6aXa{), qui se placent
naturellement vers le mont Thala, les Astacuri ( 'Aoromoupoc),
les Ethiopiens Agagginœ (A-forfyî^oa), que Léon l'Africain
nonmera plus tard Azgangan*, etc.
Nous croyons pouvoir écourter la longue liste ptolé-
méenne, d'abord parce qu'on peut la retrouver toute entière
dims le savant ouvrage de l'auteur que nous citons, et
ensuite parce que les autres noms de tribus ne semblent
pas susceptibles d'identification avec les noms actuellement
connus ; mais on voit par tout ce qui précède combien
nombreuses étaient les peuplades berbères installées dans
le Sahara subalgérien au temps du géographe d'Alexandrie.
Les édifiées de l'époque fféiule, — C'est fort
probablement à ces temps anciens qu'il faut attribuer
certaines ruines debout encore aujourd'hui, dans des loca-
lités éloignées de toute ressource en eau, et qui, depuis
longtemps, semblent parfaitement inhabitables pour
l'homme,
1, t, 3. 4, 5. Vivien de Saint- Martin.
Ruines de Talebboï (page 33)
L'Idole de Tamentit (page 34)
J
J
— 33 —
Les ruines que nous visons ici ont d'ailleurs ce carac-
tère commun d'être toutes bâties sur pitons : le genre
acropole ; et la plupart sont encore désignées sous un
nom commun : Taorirt.
Nous avons d'abord Taorirt en Reggane, situé sur un
promontoire détaché de la falaise du Baten, à 2000 mètres
nord-est du village actuel du même nom.
Puis c'est le ksar Charef de Timoktcn, un véritable
Taorirt^ sur piton dressé au milieu de la grande sebkha
d'Aoulef.
Une autre localité semblable exista à 3000 mètres à
l'est du précédent, sur la Garet-Ghorfa ; elle a disparu
mais la notion s'en est conservée dans le pays.
En remontant le Touat, nous trouvons encore deux
villages sur pitons, à 3000 mètres à Test de Zaouïet-
Kounta ; ils sont connus sous les noms de Talebboï et de
Aîzzen ; si le Taloubat de Ptolémée n'avait pas été déjà
identifié par des écrivains d'une gi^ando autorité ', il eût
pu sembler assez indique de le rapprocher du Talebboï
qui nous occupe.
£n continuant notre recherche des acropoles, nous
passons au Timmi où l'une d'elles se dressa, ainsi que
nous le mentionnera un peu plus tard une chronique locale,
sous le nom (toujoui*s) de Taorii*t ; elle a dispaini depuis
longtemps et son emplacement n'est même pas reconnu.
Plus au Nord vers le Gourara, nous trouvons dans le
Deldoul, non un Taorirt, mais un Aorir (la forme mas-
culine)^ : le nom est porté aujourd'hui par un ksar situé
dans l'oasis même de Deldoul, mais on voit, un peu au
Nord-Ouest, le piton garni de ruines que désigna jadis le
vocable.
t. Ksar Charef signifie proprement a Village décrépit » , en ruines ; *
ce n*est là qu'une dénomination moderne qui n'a rien de commun
avec celle que put porter jadis Tantîque village gélule.
2. Vid. $up. p. 31.
3. On trouve, dans l'Oued-Righ, un ksar communément dé-
nommé Ourîr, mais dont le véritable nom est également Aorir.
3
-^34-
Un autre Taorirt se trouve encore un peu plus au Nord,
dans le district de Charouine, dressé sur son inévitable
piton, promontoire détaché d'une falaise par quoi se ter-
mine le haut plateau des Oulad-ÂIssa.
Les points communs de ces différentes localités sont, en
plus de la dénomination, la situation en acropoles et les
constructions en pierres — pierres grosses ou moellons —
qui les différencient d'autres ruines de même nature que
nous mentionnerons plus loin.
Il est entendu que ce que nous venons de préciser de
ces moeUons dont furent bâtis les antiques Taorirt n'est
souvent visible qu'au milieu de constructions plus récentes,
en briques crues, ajoutées par les habitants de l'ère
actuelle : ainsi le Taorirt du Reggane a été habité à
une date toute récente — ou plutôt occupé par des maga-
sins à dattes et à céréales et par leurs gardiens, on y
distingue même les ruines d'une petite mosquée.
li'Idole de TamentH^ — Nous possédons, de l'épo-
que gétule, un témoin direct trouvé à Tamentit* ; c'est
une idole représentant une tête de poisson prolongée par
une sorte de manche ou manchon cylindrique, légèrement
aplati sur sa face inférieure ; le tout est sculpté dans un
fragment de roche siliceuse ne faisant pas d'effervescence
avec les acides, une sorte de meulière d'un noir verdàtre.
1. Cet article a été fourDi en extrait, le 10 janvier 1906i à M. le
Commandant du Territoire des Oasis sahariennes, à Tappui de ren-
voi qui lui était fait de l'idole elle-même, à fin de transmission à
M. le Gouverneur général de l'Algérie.
2. Le 21 décembre 1905, au cours de recherches et de fouilles
dont nous avions chargé deux Juifs, originaires du Mzah et demeu-
rant à Adrar depuis la conquête, les sieurs Lalou et Mouchi ; le
manchon, qu'une cassure avait séparé de la tête, a été trouvé quel-
ques jours plus tard par le caïd de Tamentit, dans les dépendances
d'une mosquée où il gisait abandonné ; la tête avait été incorporée,
comme pierre à bâtir, dans un vieux mur maintenant en ruines.
-r< 35 —
très dure et très lourde, de la même nature que celle dont
les Touareg se servent pour façonner leurs anneaux de
bras, et qu'ils extraient de roches situées dans le Hoggar.
Elle a une longueur totale de O'^S?, le manchon est long
de 0°'21 sur 0"*09 de diamètre horizontal, la tête seule a
0"16 de longueur sur 0°^12 de largeur, et elle est d'un
modelé très fini et très moelleux, accusant tous les détails
anatomiques, tels que les bourrelets orbitaires, la dépres-
sion pariétale, les protubérances frontales et sus-maxil-
laires, etc.
Cette idole a été conçue et établie de façon à être placée
dans quelque trou de mur, meurtrière ou lucarne, où elle
reposait par son manchon aplati dont le poids est prédomi-
nant ; la tête sculptée dépassait en saillie et s'ofirait ainsi
aux adorations des fidèles.
Elle exprime l'impoi^tance qu'avait dans la vie de ces
populations le poisson qui peuplait les eaux du «lac Nigrisv,
et nous permet de placer, sur la rive sud-est d'une des
cuvettes connues sous cette appellation vague, et désigna-
trice d'une série de lacs séparés et distincts, un village
mélano-gétule contemporain du Teçabit, du Bouda, du
Deldoul, dont nous avons parlé plus haut, et qui, au long
des âges, augmenté des superstructions juives, puis
zénètes et arabes^ est devenu le Tamentil actuel.
Cependant,^ cette attribution du poisson de Tamentit à
l'époque gétule n'est pas à l'abri de toute objection, car les
Gétules n'ont pas été les seuls idolâtres d'entre les anti-
ques occupants de ce pays. Les anciens Juifs maghrébins
ont aussi pratiqué l'idolâtrie, et spécialement le culte de
« Josué fils de Noun )> et du <c Poisson de Moïse* ».
L'idole de Tamentit peut donc être ou un témoin indigène,
gétule, ou une pièce d'importation maghrébine.
1. Toute cette fin d'article a été adressée en extrait à M. le Corn-'
mandant des Oasis sahariennes, le 30 janvier, comme suite à la
communication précédente du 10 janvier.
2. R. Basset ; N. Slousch, et al.
— 36 —
Mais, même si elle devait finalement se trouver une
relique hébraïque, l'intérêt de sa découverte, pour déplacé,
n'en paraîtrait pas diminué, car à défaut d'un jalon unique
et isolé dans l'obscurité des temps gétules, elle constitue-
rait du moins l'important chaînon qui peut permettre de
rattacher les anciens Juifs du Touat à la communauté
juive non-talmudique de l'antique Maurétanie tingitane^
Nous allons tenir compte de cette indication en abor-
dant, au chapitre suivant, l'étude de l'époque juive dans
les Oasis.
1. N. Slouscu.
CHAPITRE II
Les Juifs
(KXHMN)}
Les Juifs à Takhfifl au r^ siècle [ap. J.-C. — Les Juifs de la
Cyrénalque. — L'émigration juive vers TOuest. — L' «Époque
juive ». — Les luttes des peuples africains contre les Romains. —
Les Gétules au iv« siècle. — La Palestine touationne. — Nou-
velle immigration juive au vi^ siècle. — Les édifices de Tépoque
juive.
Les Juifs à Takhflfk aa I'" siéele après J.«C.
— Une notation laissée par Mohammed-Âbdelhadi Es-
Sebâï% datée du 6 rebîâ premier 1003 de l'héjçire (novem-
bre 1594), et recopiée par Mobarek ben Ali El-Menaceri%
à la date du 7 novembre 1714, rapporte ce qui suit :
«... Helal ben Messûoud, venu du pays de Mossoul,
est passé par ledit village (Temaseghl), et s'est arrêté, en
Tannée 131 (748-749 ap. J.-C), à Takhfif que les Juifs
avaient déjà évacué ; il amenait avec lui des commerçants
juifs qui s'y installèrent et y résidèrent.
« Ils y trouvèrent mention, sur les tombeaux des Juifs
qui avaient abandonné ce pays, que ceux-ci y étaient
arrivés en l'année 4429 de la sortie d'Adam — sur lui soit
le salut ! — du Paradis. »
Et le chroniqueur ajoute, en parlant de son informateur,
le taleb Ali ben Mohammed-Seddik El-Menaceri, alors
1. Es'Sebat, originaire du ksarde Sebâ.
2. El'Menaceri, originaire du ksar El-Menacir.
— 38 —
âgé de 117 ans : a Je le vis cette année-là (1594), sain de
corps et d'esprit, travaillant dans son jardin avec son
petit-fils, et semant lui-môme de l'orge pendant que ce
dernier bêchait la terre ; Dieu bénit sa vie jusqu'à l'âge
de 130 ans qu'il atteignit avant de mourir — sur lui soit
la miséricorde de Dieu, comme sur nous ! »
Quelle peut être la concordance chrétienne de cette année
4429 de la sortie du Paradis ? La réponse nous est donnée
dans Et^Taouddoud :
« Ibn Âbbas a dit que la durée totale de l'Univers est
fixée à 7,000 ans ; sur ce total, que suivra la fin du
monde, il s'est écoulé :
« D'Adam à Noé 1100 ans
« de Noé à Abraham 1142 —
« d'Abraham à Mousa 550 —
« de Monsa à Daoud 579 —
I de Daoud à Jésus 1053 --
« de Jésus à Mohammed 625 —
« Soit an total de 5049 ans».
Si l'on admet ces données, c'était vers l'an 5 de J.-C.
que les Juifs en question étaient arrivés à Takhfif.
Et c'est ici qu'il y a peut-être lieu de s'autoriser de
l'idole en pierre polie trouvée à Tamentit — si elle n'est
pas un relief des idolâtres mélano-gétules, mais au contraire
un « poisson de Moïse » — pour admettre l'hypothèse
qu'elle fut laissée par les premiers Juifs dont nous cons-
tatons ainsi l'existence dans les Oasis. Ils auraient alors
été des membres de cette collectivité non-talmudique qui,
comme nous l'avons dit, vivait à cette époque dans le nord
du Maghreb ^
Les Jalfs de la Cyrénaïqae* — a A la fin du
règne de Trajan (en l'an 115), les Juifs de la Gyrénaîque,
1. Slousch, in Annales Marocaines, 1905.
— 39 —
devenus très nombreux depuis la destruction du Temple
par Titus, fanatisés par leurs malheurs et irrités par les
mauvais traitements auxquels ils étaient soumis, se mirent
en état de révolte. Le général Lupus ayant marché contre
eux fut vaincu. . .
<c Cependant Marcius Turbo, ayant reçu de l'empereur
Tordre de marcher contre les rebelles, arriva de Libye
avec des forces importantes, tant en infanterie qu'en cava-
lerie, et même une division navale. Mais c'était une véri-
table guerre à entreprendre, et il fallut toute l'habileté de
ce général pour triompher de cette révolte qui se prolongea
jusqu'à l'avènement d'Hadrien* »...
L'émlgratloii Juive vers l'Oaest* — ... « La répres-
sion que les Juifs s'étaient ainsi attirée fut sévère, et il
est probable qu'à cette occasion un grand nombre d'entre
eux émigrèrent dans l'Ouest et se mêlèrent à la popula-
tion indigène de la Berbérie* ».
En effet cette émigration juive vint fonder des colonies
dans l'Oued-Righ où la tradition conserve le souvenir de
leur installation*, dans l'Oued-Mzab, où leurs descendants
existent encore, et jusque dans les Oasis sahariennes où
leur souvenir est resté vivace, et où l'on retrouve leurs
petits-fils islamisés sous le nom de Mehadjeria (émigrés. . .
de leur religion).
1, 2. E. Mercier.
3. Voici comment un vieux lettré, fils lui-môme de lettrés, Hadj
Mohammed ben Abdallah, bachadel de la mahakma de Touggourt,
en 1902, mehadjeri, c'est-à-dire Juif islamisé, contait les origines
du pays de Touggourt :
« A répoque la plus ancienne dont la tradition nous ait gardé le
souvenir, le pays était habité par des Juifs qui faisaient travailler
des nègres et qui étaient propriétaires des ksour et des palmeraies.
n. Ensuite vinrent les Mezab, qui étaient des Zénètes et qui res-
tèrent plusieurs siècles ; un jour, le plus grand nombre d'entre eux
partit vers l'Ouest, les autres restèrent dans le pays qu'ils conti-
— 40 —
Un Epoque Jalve »• — Les Juifs arrivés en grand
nombre augmentèrent beaucoup Fimportance des villages
mélano-gétules où ils s^installèrent ; comme ils représen-
taient un élément ethnique plus vigoureux et plus intel-
ligent que celui qui les avait accueillis, comme ils apportaient
avec eux la supériorité de la civilisation gréco-romaine et
des méthodes de commerce et de culture acquises en Cyré-
naîque, ils prirent vite la prédominance.
Et ce n'est pas le moindre étonnement pour le Français
parvenu après dix-sept siècles en ce fin fond de pays
d'Islam, que d'entendre aujourd'hui les Touaticns parlant
du passé se servir à chaque instant de cette expression :
« Au temps des Juifs », ou bien : « à l'époque juive »...
Cependant, il est fort probable que cette expression est
exacte, et qu'il y eut une époque pendant laquelle le Touat
et le Gourara actuels, peuplés de Juifs ou de Gétules judaî-
ses, furent un véritable pays juif, une «Nouvelle-Palestine ».
Les Juifs durent d'autant plus facilement s'implanter
dans ce pays que, selon l'admirable et constante aptitude
de leur race a s'assimiler les idiomes des pays qu'ils
habitent, ils avaient acquis, selon toute vraisemblance,
dans l'ancienne colonie grecque qu'avait été la Cyrénaîque,
l'usage d'un dialecte gréco-libyen, très proche de l'autre
Duèrent à habiter avec les Juifs ; ces gens avaient aussi beaucoup
de nègres.
« Un jour vint du Maghreb un homme des Beni-Merine, nommé
Ël-Hadj Slimane El-Merini ËlDjellabi.*
« Lui et ses compagnons s'installèrent au millieu des autres
habitants ; c*était vers le vu* siècle (xiv* apr. J.-C).
« C'est lui qui plusieurs années après son arrivée, rendit un édil**
portant que, dans un délai de trois jours, tous les Juifs devraient
être devenus musulmans, ou bien avoir quitté le pays. Lo plus
grand nombre émigra, et ceux qui restèrent furent désignés sous le
nom de Mehadjeria. »
* Cf. in KiTAB El-Adouani.
** Cf. în Mercieh, TexpédiLion mérinidc de 1358 dans TOued-Righ.
Nous verrons d'ailleurs,au cours de cette étude,que le passé de cet autre
bas-fond saharien qui a nom Touat ressemble fort à celui de rOued-
Bigb.
— 41 —
dialecte libyo-berbère qu'était apparemment la langae dw
Gétules ; Tokabat^ Teçabit^ de ceux-ci put voisiner faci-
lement avec le Touat libyo-grec qu'apportaient sans doute
ceux-là.
En effet, le mot Touat ne vient pas, quoi qu'en aient dit
certains étymologisles, d'un mot arabe qui aurait servi à
désigner les « traînards », les « gens fatigués » laissés
dans ce pays, soit par une armée marocaine, soit par une
armée soudanaise ; car nous verrons plus tard que le pre-
mier conquérant arabe, Okba ben Nafà, le trouva sur place
tout fait ; il vient d'une racine oua ou ouah ou ôa qui se
retrouve dans plusieurs langues, l'arabe*, le copte % le grec
ou gréco-libyen {oasis)* ^ que nous retrouvons encore dans
ridiome berbère des Oasiens zénëtes actuels, et qui toujours
signifie : « localité habitée » ; leslibyo-berbères y ajoutèrent
seulement leurs / affixe et préfixe, indicatifs du singulier
précisé ; il existe encore une région dénommée : Touat-el-
Henné^ le « pays du henné » ; dans le Haut-Gourara une
oasis est nommée : Touatn-Ebbou^ — «le pays de Teau »,
l'oasis des eaux abondantes *.
Jusqu'ici, malheureusement, on no connaît aucun docu-
ment écrit, venant directement de ces populations du
Touat juif ; elles jouirent de quelque civilisation, c'est
entendu, et leurs rabbins ne durent pas manquer d'écrire
1. Ibn-Khaldoux.
2. sciiirmer«
3. DcvEYniER, Vivien de Saint-Martin.
4. Les caTds de Haïha, des Oulad-Saïd et de Tamentit, qui
donnent cette étymologfîe chacun de son côté, expliquent que cette
localité fut ainsi nommëe jadis à cause de sa richesse extraordi-
naire en eaux (ebbou) ; au lieu de « Touat n-Ebbou », on dit aussi
plus brièvement « Tebbou » avec le t du singulier précisé, le a lieu
de Teau », et c*est ce qui a fait dire par quelques-uns, par pléo-
nasme », Touat-n-Tebbou ».
Et maintenant que nous avons fait noh-c choix entre les étymo-
logies déjà proposées, nous allons en ofTrir une nouvelle qui ralliera
immédiatement tous les amateurs d'inédit ; comme elle roule sur
une question d'orthographe arabe, sous laissons la parole & son
— 42 —
quelques chroniques qui nous seraient précieuses ; mais
tout ce qui put être fait s'est trouvé submergé depuis, sous
une couche musulmane plusieurs fois séculaire qui a
absorbé la majeure partie des premiers occupants ; le
reste a émigré et est allé se noyer dans les autres agglo-
mérations juives du Sahara, au Mzab, à Kenadsa, à
Figuig.
Mais si le témoignage direct manque sur ce que fut la
vie de cette Palestine saharienne, il nous est néanmoins
facile d'inférer sa prospérité des documents relatifs à l'im*
migration musulmane postérieure, documents concordant
avec la tradition locale et dont nous aurons à prendre
connaissance plus loin.
Il ressort de tout cela que la judaisation des Oasis fut
alors tellement complète que d'autres immigrants zénètes
se judalsèrent à leur tour, au point que les Arabes, qui
plus tard y arrivèrent, crurent ne trouver devant eux
qu'une population uniquement juive *
Il est vrai que les Arabes, même leurs lettrés, se sont
toujours montrés de piètres ethnologues ; dans cet ordre
auteur ou inventeur, gui écrivait en 1687 au ksar actuellement dis-
paru de Baho en Timmi, « Thumble serviteur de son Dieu Ahmed
ben Abderrahmane El-Hasseni » :
o^ty t y^J\jx3^ Vj La ujl^V^ O'îji'V) )hjJ)!\ J>UM y^^yj
^j ' '^
Autrement dit, en deux mots : el-atouat signifie les impositions
de toute nature, or comme les Arabes de ce pays les refusèrent un
jour à renvoyé du souverain, en souvenir de ce refus on les appela
les gens d'el-atouat, puis bientôt on supprima « el » et il resta : Us
gens de Touat, . .
La question sembie-t-elle maintenant épuisée ?
.1, Et-Tihilami, 9id, inf., p. 62.
— 43 —
d'idées, leur système tient surtout compte de la religion,
laquelle emporte la nationalité : on est musulman ou chré-
tien, ou juif, non tant d'après la race que d'après la religion
que l'on a embrassée.
De plus, ces Juifs ou Judafsés résistèrent à plusieurs
islamisations successives % et lorsque enfin leur réseau de
villages se fut trouvé comme noyé dans le flot des nom-
breuses tribus nomades hilaliennes arrivées de TEst, ils se
maintinrent encore comme groupe ethnique distinct ayant
sa vie particulière, et même ses chefs propres, dont l'au-
torité, ou tout au moins l'influence, ne laissa pas de
s'exercer même sur les nomades musulmans jusqu'en plein
XIV* siècle, époque où il fallut une guerre intérieure pour
les détruire, car ils avaient pour eux l'opinion et l'appui
des populations locales, lettrés compris, et leur ennemi
ne fut qu'un étranger, importateur des idées d'intolérance
qui se firent jour alors dans l'Islam maghrébin.
Les lattes des peaples aArlealns eontre les
Romains. — En Afrique, la puissance romaine s'imposa
aux populations berbères, mais celles-ci ne s'en tinrent
jamais à la décision de la conquête, et la suite des dix siè-
cles dont la domination romaine est pleine, d'abord des luttes
contre la pénétration du conquérant, ensuite des insurrec-
tions des Numides et des Maurétaniens conquis contre le
gouvernement du Maître, et enfin des assauts des Gétules
et des Garamantes, restés indépendants, contre les terri-
toires de l'Empire.
Puis, au déclin de celui-ci, il se produisit contre les
provinces romanisées et qui, par leur richesse, étaient
une proie tentante, une poussée des Sahariens, concomi-
tante à riri*uption des Vandales.
Cette poussée, qui a vraisemblablement vidé le Sahara
de ses nomades gétules, a été notée par l'histoire.
1. Ibn-Kbàldoun.
— 44 —
<x Antonin succéda à Hadrien en 138. Les Maures en
profitèrent pour envahir de nouveau les contrées colonisées
et porter partout le feu et la révolte. Il est probable que
les Gétules se joignirent à cette levée de boucliers*. »
Cela recommença sous Marc^Aurèle, puis sous Commode,
puis sous Septime Sévère, puis sous les fantômes d'empe-
reurs du ni* siècle ; sous Aurélien « le débordement
général des barbares fut comme une tempête qui brise
tout*. »
Les Gétules aa 1%'* siéele* — Au siècle suivant,
on trouve les Gétules combattant dans Tarmée de Gildon,
le champion de Tindépendance berbère ; puis, quand les
Vandales entament le Nord, eux gagnent par le Sud ;
ils s'attaquent ensuite à ceux-ci devenus les maîtres ; ils
luttent contre Hunéric et Gondamond, et s'avancent
« jusqu'auprès de Kapça (Gafsa)'. »
Là est la dernière mention que l'on trouve du nom
gétule ; ces peuplades berbères se sont éloignées de plus
en plus de leurs steppes sahariens, autant chassées par
le dessèchement de ces régions et la diminution des p&tu-
rages^ qu'attirées par l'appât de. la proie romaine.
Comme ce sont des nomades, les campements ont suivi
peu à peu les groupes combattants, et tout ce monde se
joint maintenant à la masse berbère qui, sous ses chefs
nationaux Yabdas, Koutzimas, Ortaïas et Massinas, va
pendant le vi* siècle donner l'assaut final aux généraux
byzantins.
I^a Palestine touatienne. — Et pendant ce temps,
bien loin, par delà l'immense steppe saharienne restée vid«,
1. E. Ml^RCIER.
% AuHELius Victor, ap. Mercier.
3. E. Mercier.
— 45 —
que les vents dessèchent et où les sables « charrient »,
derrière sa ceinture protectrice de hammadas et de regs
arides, la Palestine touatienne vit et se développe autour
de ses lacs que ceignent ses palmeraies.
Elle utilise les derniers ruissellements superficiels venus
du Tàdmait par des systèmes de barrages et de canalisa-
tions à ciel ouvert*.
Elle se suffit à elle-même et ignore le reste de l'univers
comme elle est ignorée de lui.
Sa métropole est Tama-n-TUy la « perfection de Toeil »,
ou bien Tem-n-Tit^ le « sourcil de l'œil »•, caria toponymie
locale est restée de langue libyque ou berbère, tello sans
doute qu'elle fut fixée au temps gétule.
Elle a des villages importants : en aval, à Tasfaout et
dans le Fenoughil ; à El-Ahmnr, Tittaf, Gharmianou,
Temasseght, dans le Tamest ; à Takhfif, dans le Touat-
el-Henné ; à Aït-Messâoud et Taorirt, dans le Reggane ;
en amont, à El-Mansour et Gharmali, dans le Bouda ;
à Kaberten, à Igosten ; à Tabia et à Tahtalt, dans l'oasis de
Timmimoun.
Nouvelle Iminlsratlou jalve au VI' sièele. —
D'après une tradition locale •, une nouvelle et nombreuse
immigration juive arriva au Touat et s'installa dans de
nouveaux ksour qu'elle bâtit aux environs de ceux déjà
existants dans le Tamentit ; ceci se passa en l'année de
l'Eléphant, c'est-à-dire l'année de l'expédition du prince
éthiopien Abraha contre La Mekke (vi* siècle ap. J.-C).
Cet événement se trouve confirmé par une chronique
dont l'auteur écrivait en 1797 :
• , . « A ctUe époque^ y lisons-nous, il y avait (à Ta-
mentit) une autre mosquée^ celle des Oulad-Hemmal^
1. Et-Tinilami, vid, inf., p. 63.
2« Et-Tambntiti.
3. Watin.
- 46-
qui portait une inscription relatant que ce ksar- avait
été bâti cent cinq ans avant l'hégire^ — c'est-à-dire
en 517 de notre ère.
Cette mosquée n'était donc qu'une synagogue bâtie avant
l'Islam par les immigrants juifs du vi* siècle, et confisquée
plus tard par les musulmans.
L'on trouvera peut-être quelque jour, sur cette « Epoque
juive », des annales aujourd'hui ignorées, enfouies dans
quelque antique coffre ou dans quelque mellah du Sahara ;
peut-être aussi, comme Omar à Alexandrie, comme plus
tard Jimenès à Grenade, les musulmans fanatiques qui ont
détiodt ce peuple les ont-ils jetées au feu et anéanties. . .
Mais nous pouvons dès maintenant nous faire une haute
idée de sa prospérité et de son importance, fruits de la paix
profonde dont elle jouit, isolée sur ce coin de planète,
pendant une longue période de quatre siècles.
lies édifiées de l'époqae Juive* — A cette époque
semblent bien appartenir certaines constructions moins
frustes, et moins écartées des points d'eau actuels, que les
« Taorirt » dont il a été question à la fin du chapitre
précédent.
Trois d'entre elles, dont deux sont encore habitées
aujourd'hui, se ressemblent de façon frappante : ce
sont les « kasbas » de Tazoult-Balia, de Mekkid et
d'Ighezzer.
Tazoult-Balia, la plus caractéristique des trois, est
composée d'une enceinte à peu près circulaire, maçonnée
en pierres plates disposées de champ, par couches hori-
zontales presque régulières, dont l'aspect rappelle la
maçonnerie du pont romain de Biskra.
x\ cette enceinte s'accolent, du côté de l'intérieur, des
logements comprenant rez-de-chaussée et deux étages.
Au centre se dressait une sorte de donjon isolé.
Cet établissement occupe le débouché d'une série de
vallées d'érosion qui ébrèchent le gradin inférieur du Batén ;
— 47 -
les eaux superficielles qui jadis y ruisselèrent étaient
captées dans des canalisations dont des vestiges sont
encore visibles, et elles irriguaient les cultures installées
sous la protection du chàteau-fort.
Le dessèchement croissant a peu à peu rendu la localité
inhabitable, et les successeurs des anciens occupants ont
dû gagner, vers l'Ouest, les talus de l'Oued-el-Henné où
ils ont créé des palmeraies irriguées par des foggaras.
Mekkid, située à une vingtaine de kilomètres plus au
Nord, et Ighezzer, dans le Gourara, semblent être des
copies de Tazoult-Balia et appartenir à la même époque.
On retrouve encore le même genre de maçonnerie, par
couches horizontales de pierres plates à inclinaisons con-
trariées, dans les ruines encore debout des épais remparts
de Tahtaît, r« aïeule » de Timmimoun.
Tazoult-Balia (page 46i
Trois produits d'une union mixte et leur pore blanc (page 230)
CHAPITRE m
Les Z6nètes
(600-1060)
Les peuples africains au vu* siècle. — Les Berbères. — Le»
Zénètes. — Okba ben Nafà eDvahit le Maghreb et provoque des
remous de tribus zénètes vers le Sahara et les Oasis. —
Deuxième expédition d'Okba. Première islamisation du Touat. —
Les Miknassa berbères fondent un émirat à Sidjilmassa. — Le
chérif Idris proclamé khalife et imnm. — Ëi-Monteçar-Ël-Yaçà,
dit Midrar, étend son autorité sur los Oasis. — Exode de nou-
velles tribus zénètes vers les Oasis. — Prise de Sidjilmassa par
Tarmée fatémide. — Restauration des émirs midrarides. — Les
Maghraoua zénètes fournissent à Sidjilmassa un gouverneur
pour le khalife oméïade. -< Les Oasis à la fin du xe siècle.
Les peuples aft*iealns au VII^ sièele. — Pour
suivre dans Thistoire là vie de ce petit pays qu'est le
Touat, écarté, d'importance secondaire, géographiquement
et politiquement « en marge » du théâtre principal nord-
africain, et dont la chronique particulière pour cette épo-
que reculée est d'une grande rareté, il nous faut suivre le
cours des événements en Berbérie, en cherchant à saisir
le moment où leurs effets se répercutent sur la région
étudiée.
En ce VII® siècle où nous sommes arrivés, les derniers
restes de la domination grecque disparaissent définitive-
ment de l'Afrique du Nord où les populations indigènes
restent indépendantes, d'ailleurs profondément modifiées
4
— 50 —
et mêlées par la longue période de luttes et d'anarchie
qu'elles viennent de traverser.
lies Berbères* — Elles vont perdre les noms sous
lesquels nous les ont présentées jusqu'ici les auteurs latins :
plus de Gétules ni de Numides ; les auteurs arabes qui
vont devenir maintenant les notateurs de l'histoire nous
désigneront ces peuples divers sous le nom générique
de Berbères, comme « un peuple puissant, redoutable,
brave et nombreux, un vrai peuple comme tant d'autres
dans ce monde, comme les Arabes, les Persans, les
Grecs et les Romains^ ».
Les auteurs arabes instinctivement soucieux de se main-
tenir, pour la « démogonie » de ce peuple, dans les limites
de l'orthodoxie islamique, se sont même ingéniés à trouver
aux Berbères des généalogies que ceux-ci ne s'étaient
jamais soupçonnées*.
Nous nous déciderons vite à ne pas nous y arrêter quand
nous verrons un écrivain qui jouit de quelque notoriété
dans le monde lettré musulman, Ez-Ziani, nous présenter
des données d'une puérilité désespérante ; ainsi d'après
lui, les fils de Jafet ben Nouh, qui avaient peuplé l'Espagne
et débordé sur le Maghreb alors attenant à celle-ci, se
rencontrèrent dans ce pays avec les Berbères venus de
l'Est par le littoral africain ; Alexandre Dou'l-Korneln
ayant conquis tout le pays atlantide, voulut séparer les
deux peuples perpétuellement hostiles, et pour ce, convo-
qua des savants et des ingénieurs (sic)^ qu'il chargea de
percer le détroit, en 6400 après Adam ; cent ans après eut
lieu la conquête romaine, et cent autres années plus tard,
en 6600 d'Adam, « Kélis », roi des Francs, devint le
maître des Espagnols et des Romains*.
1. Ibn Khaldoum.
2. A. Hànoteau.
3. Ëz-ZiAMi, Et-Tordjma.
G^t échantillon d'histoire préîslamique nous permettra
de ne pas insister davantage sor les données des auteurs
arabes, pour tout ce qui est en dehors du domaine de la
tradition immédiate ou du témoignage direct de leurs
yeux^ ; et encore dans ce dernier cas, est-il bon de ne faire
état de leurs renseignements que sous bénéfice d'inven-
taire, ou après qu'ils ont été vérifiés, soit par des compa-
raisons entres auteurs différents soit par des rapproche-
ments avec des points historiques déjà acquis.
Ibn Khaldoun, tant cité, n'échappe pas à la règle, il y
a tout au plus, entre lui et les autres, une différence de
degré.
Les Zénétea* — Nous avons montré, dans le chapitre
précédent, les Gétules sahariens peu à peu massés vers la
lisière méridionale de l'empire romain, jouant pour ainsi
dire le rôle d'aile enveloppante à la droite du front d'atta-
que des Berbères du Nord, et lorsque Fattaque principale
a progressé vers le réduit constitué par le dernier domaine
byzantin, l'aile enveloppante a atteint la mer, au sud de
celui-ci, et l'a coupé du reste du continent, par le combat
de Kapça •.
Là est, nous l'avons dit, la dernière mention du nom
gétule ; c'est que là se trouve précisément la portion
combattante de ce peuple, celle dont l'acte a été enregistré
par l'histoire byzantine ; mais on peut bien penser que ce
peuple lui-même, ses campements de nomade, sont un peu
en arrière et à portée du théâtre de la lutte.
1. « Tout ce que la race arabe raconte sur ses origines, sauf peut-
être quelques généalogies, elle Ta emprunté aux traditions juives,
défigurées par des rapprochements arbitraires ou des erreurs évi-
dentes ; une saine critique n'en peut guère tenir compte, et il est
surprenant que des savants distingués aient accordé une sérieuse
confiance à des documents aussi défectueux »... et infra (Rshan»
HUt. des langues sémitiques, p. 298 et suiv.).
2. Vid, sup.y p. 44.
— 52 —
Or, où le premier historien arabe relève-t-il, presque
immédiatement après, la présence du peuple qu'il dénomme
les « Zénètes » et qui va entrer en scène du côté des
Oasis ?
C'est, nous dit Mercier, dans les régions méridionales
de la Tunisie, l'Aurès méridional, le Zab, l'Oued-Righ,
puis jusque dans le Hodna et le Djebel-Amour.
Et il nous présente ces Zénètes comme une race « à part »,
différente des autres Berbères et semblant provenir d'une
« invasion plus récente venue de l'Orient* ».
On admettra qu'une population assez nombreuse pour
occuper — même d'une occupation clairsemée — ces vas-
tes espaces n'eût guère pu venir de l'Orient ni d'ailleurs
sans que sa marche eût été notée ; et dans ce cas que serait
devenu le peuple gétule que nous avons laissé massé der-
rière son groupe combattant, vers le Zab et l'Oued-Righ ?
Nous sommes ainsi amenés à ne voir dans les tribus
de a race zénète », que mentionnent les auteurs arabes,
rien autre que les peuplades sahariennes que nous connais-
sons déjà d'après la Table ptoléméenne, et dont nous
pourrons même identifier quelques noms.
Et les voici rassemblées sur la lisière nord-saharienne,
en attendant que la poussée arabe prochaine détermine
leur mouvement de retour vers l'Ouest, et, — au moins
pour quelques-unes de leurs tribus, — vers les Oasis
qu'elles ne quitteront plus.
Leurs tribus entretiennent les relations, jamais inter-
rompues, entre la Berbérie et les populatiDus sahariennes et
soudanaises : les oasis juives sont leur étape et leur marché.
« L'Oued-Meg^iden n'était qu'un lieu de passage.
« Les premiers qui y séjournèrent et finirent par s'y
établir furent des Zénètes laissés là par des caravanes
dont ils faisaient partie, et qui les munirent de vivres en
les quittant ; peu à peu d'autres se joignirent à eux de la
même façon.
1. E. Mercier.
— 53 —
« Ce sont eux qui fondèrent El-Meniâa (EI-Goléa) ; ils
y résidèrent en hiver et en sortirent chaque printemps
pour aller dans le Meguiden^ ».
Leur nombre augmente vite, car voici venir l'invasion
arabe.
Oklia ben NarA envahit le Mag^hreb et
voque des remous de trlbua Mnétea vers le
Sahara et les Oasis. — En 681, Okba ben Nafà com-
mença sa grande expédition dans le Maghreb ; il conduisit
ses troupes ves TÂurès, afin de réduire les populations
zénètes qui, alliées aux Grecs, restaient dans l'indépen-
dance ; puis il se dirigea vers le Zab alors habité par de
nombreuses tribus zénètes auxquels il livra plusieurs
combats ; après ces succès chèrement achetés, et qui
n'amenaient pas la soumission générale de ses adversai-
res, Okba continua sa route et vint livrer près de Tiharet
une sanglante bataille aux Berbères*.
Tout le long de sa route ce chef ardent, fanatique et
sanguinaire, provoqua des remous dans les populations
zénètes : des tribus entières s'enfuirent vers le Sud pour
échapper à l'apôtre de l'Islamisme.
« Ces Zénètes s'installèrent dans le Touat, le Teçabit,
le Tigonrarine (Gourara) et le Bouda* ».
Deuxième expédition d^Okba. Première isla«
misation du Touat. — Dès cette époque le Touat
subit le premier contact de l'Islam ; voici comment
Ez-Zïani, dans sa Tohfa^ note cet événement :
« Ibn-Mâouia renomma gouverneur d'Ifrikia Okba ben
Nafâ, en l'autorisant à agir envers Abou'l-Mohadjer
1. El-Helali.
2. E. Mercier.
3. El-Ouadjdi.
— Si —
T/eiuf«. vafitac: >s :rji^i* ^erifer» et les fermais a
« C*^ 4w'jr% Cl. T ^firir^H d^ §ob o!«te I ;
J*wf -*fjs^:,r:_ O*.-* : :. 1-. afi*^h/4 arrfter ci
fsh^^u^ 9 M «.,>:. I pwti a la ciûfMpêie dm lla^irA ;
*. « .^ jvt09v M Soro» ^. il i^Kit et dont il klamisa et
i^jf*^ >:♦ toi^-.*uu. pi;.* :: r^^Urrrfn^dM Ters FErt cm pas-
«4riâ |M :* f*^V- >r Dri. Sidj2maMa et le Te«at.
fvf^iiî V.^e>s» •>?% trji^f*ftm a d^rr^^ûr mosolmaifees • -fiC*-
^>«* Ji^U^XL.»^:y:4t '^i^,-^\*J:é: fat d^ai^eors ^ite oobbee,
<i* M-fiK.^ iffuer k fv/*rs:l *ft*rj:t^ dantres islamisatâûBS
^.iM^\^:iA^. ê^ ^LM^'^, 6>ia U-» Oasis JQÎTcs leTÛiral^
*v%^t,VX î^ '/^v-^^:;! fArti. a la r^Wfpon de kmre pères ;
e>-^ a£/v^/n>^^«t au^<^ l*r» nr/mbrcnx éléments aénètes
f^.'^'f,*^ i$i m.jrn A *:-.*:%, an point qœ, comme noms le
^*cn'/u% y-àh ï'..u. \sê yf-fu^^-s^. immigration arabe qui Tint
t*v,a t^',>r% y-^% Ut 4, prit «croire ne tronrer an Tooatqpe
4^ iv.f* : k% t/,,v-i« bertpereft judaisées étaient d'aiUevs
w^uufé^mi^ d*wfc VAît k Ma^reb à cette époque.
fcfc 7(6- M^^Ma bem ^^jf-Mr temnntL la conquête arabe dm
M*^,Teb « p<rr>HraAt ;»n efleur de TAtlas. puis a« Soma,
MM f^y% ék htà Hjnt^^ïmxoMB de SidjibnasaaV — le
* M//«aa b^ îi'/e^ir, dît on chroniqneor local, éteadit
aon *r4//rit^ mu Vltnku, le Magfareb-Extrème el le Tooat,
^ aoo fia Abd^^mvbm^ne goarema le Magfard>-fixtréme,
i, ¥a^7AA%i, 'iohféi \fnU 6f>f\r. le Bom de Tonat prêexistaot a
U fifrtml*:fi tj^ki^iiM u.nn^ïftaùéi tVid. §up., p. 41.
3, ra/S^^ 4^ « ftJd « 1^1 beriière ekelo • caDalisatioa à ciel
osirart*.
— 55 —
le Sahara, le Drâ, rOued-Saoura, le Touat et le Tigou-
rarine « eu 609 » (erreur évideute de date qui reporterait
ce personnage au xiii* siècle après J.-G.)*.
Les Mlknassa berbères fondent un én&lrat
à 8iiyiln&«asa« — C'est vers 758, que profitant des
désordres qui troublaient le Maghreb, les Miknassa* ber-
bères, maîtres des vallées de la Mouloula et de l'Oued-Ziz,
et qui avaient adopté depuis longtemps les doctrines
kharedjites*, s'installèrent dans l'ancienne ville de Sidjil-
massa ; ils y constituèrent un petit sultanat indépendant
dont Aîssa ben Yazid fut le premier souverain.
Nous allons nous attacher dorénavant à suivre les
diverses vicissitudes par lesquelles passera ce petit Etat
saharien, car c'est sous son influence que vont vivre main-
tenant les Oasis touatiennes, au double point de vue
politique et économique.
En politique, elles ont à Sidjilmassa l'émir musulman le
plus proche, par suite le plus craint et le plus respecté, et
par ailleurs, elles sont une étape, comme Sidjilmassa elle-
même, de la route commerciale, jamais interrompue, qui
relie la Berbérie musulmane au Soudan, d'où elle tire ses
nègres esclaves et son or^.
Les Miknassa de Sidjilmassa se révoltèrent quinze ans
plus tard, en 772, contre ce maître qu'ils s'étaient donné,
et le remplacèrent par Abou'l-Kassem Semgouben Ouaçoul
qui devint la souche des Beni-Ouaçoul ; ceux-ci régnèrent
à Sidjilmassa en se réclamant des khalifes abbassides au
nom desquels on fit la prière publique*.
1. Feuillet ms. trouvé au Touat.
2. Moxavixat de ProLiiiiE (ident. de Vivien de SAiNT-MARTm).
3. Le Kharedjisme, né en Arabie au temps d'Ali, est ce même
schisme dont les Mzabites actuels sont les adeptes.
4. El-Helali.
5. Ibn Kiuldoun, ap. Mercier.
— 56 —
Le éhérlt Idris pri^lamé Khalife et Imam.
— Ce fut bientôt d'ailleurs le seul pays maghrébin où l'on
fit ainsi la prière au nom des khalifes d'Orient, car c'est
en 770 qu'Idris ben Abdallah, échappé d'Arabie, puis
d'Egypte, et enfin aux sicaires de Haroun Er-Rachid, se fit
proclamer khalife et devint l'Imam ou chef de la religion
orthodoxe dans l'Ouest, amenant ainsi la scission de la
« Maison de l'Islam » qui dure encore de nos jours, et qui
la partage entre le sultan de Constantinople et le sultan
de Fès.
EI-Monteçar EI-YafA, dit Mldrar, émir de
Sliyibnassa, étend son autorité sur les Oasis. —
Mais sauvegardé par son éloignement, le petit Etat abbas-
side de Sidjilmassa échappa à l'absorption de l'empire
idrisside ; il prospéra même. « EI-Monteçar El-Yasà,
surnommé Midrar, successeur d'Aboul-Kassera, subjugua,
vers 820, les Berbères et les oasis du Sahara au sud de
sa capitale^ puis conquit les mines du Drâ dont il se fit
attribuer le quint ; il donna son nom à ses descendants :
les Beni-Midrar ou Midrarides ^ ».
Voici donc les Oasis sahariennes incorporées à l'émirat
de Sidjilmassa dont elles vont dorénavant suivre la fortune.
Exode de nouvelles tribus aeénétes vers les
Oasis. — C'est le prince midraride El-Yaçâ qui, cent ans
plus tard, sm^ l'ordre de son suzerain le khalife de Baghdad,
fait arrêter et jeter en prison le mehdi Obeïd-Allah, qui
devait peu après fonder l'empire obéïdite, et lorsque l'armée
chiàîte passa d'Ifrikîa en Maghreb, sous le commande-
ment d'Abou- Abdallah, allant délivrer le mehdi, de nom-
breuses tribus zénètes s'enfuirent sur son passage et
gagnèrent encore le Meguiden et les Oasis.
1. Ibn Khàldoun, ap. Mbrcibr.
— 57 —
En cette circonstance les Miknassa furent complètement
battus, leur émir disparut, la ville fut prise et reçut un
gouverneur et une garnison chiâïte (909) ; mais ces
étrangers ne purent se maintenir, et peu de temps après
l'émir midraride Ahmed ben Mimoun avait repris l'autorité
et l'indépendance.
Le gouverneur obeldite de Tiharet, qui, en 920, déposa
ridrisside Yahia ben Idris, se retourna aussitôt contre
Sidjilmassa, battit et mit à mort Ahmed ben Mimoun, et
installa comme gouverneur El-Moàtez, neveu du précédent
roi*.
Prise de SldJilmasM par Farmée fatémide.
— Vers 950, nu moment où le Maghreb tout entier, y
compris Tidrisside Kacem Kennoun et la grande tribu des
Miknassa elle-même, opérant un mouvement de bascule,
abandonne les obéïdites pour se placer sous la suzeraineté
des khalifes omélades d'Espagne, nous retrouvons à
Sidjilmassa un Midraride, Mohammed ben El-Fetah, qui
maintient son indépendance, déclare ne reconnaître qu'un
suzerain, le khalife abbasside de Baghdad, et frappe mon-
naie sous le nom de Mohammed Chaker-l'IUah ; mais il
est bientôt battu et détrôné par l'afFranchi chrétien
Djouher, général du khalife fatémide de Kaîrouane •.
Restfaurallon des émirs mldrarides. — Peu
après, Sidjilmassa répudiait encore une fois la suprématie
fatémide et ouvrait ses portes à un fils de Chaker qui
se faisait reconnaître sous le nom d'EI-Mostancer-l'IUah ;
ainsi la dynastie des Beni-Ouaçoul reprenait le comman-
dément des régions du Sud.
En 964, le nouveau souverain était mis à mort par son
1 . Ibn-Khaldoun, ap. Mercier.
2. lo.
— 58 —
frère Abou-Mohammed. Ce prince, qui s'était donné le
titre d'El-Moâtez-rillah, se fit le champion de Tautorité
oméîade et la fit reconnaître dans le sud du Maghreb et
dans les tribus de la haute Mouloula *.
ILem Maf^hraona zénétes fournissent à Sld*
Jilmassa nn gronvemeur ponr le khalife
oméîade. — Il fut cependant, en 975, attaqué par les
tribus zénètes des Maghraoua* et des Beni-Ifren, a^ec la
permission du gouverneur oméîade du Maghreb qui trouva
ainsi le moyen de se débarrasser de ces gens turbulents.
Khazroun ben Felfoul, leur chef, le battit et envoya sa
tête à Gordoue, au khalife d'Espagne par lequel il se fit
nommer gouverneur de Sidjilmassa et du Sahara, rem-
plaçant ainsi dans ces contrées la suprématie de Miknassa
par celle des Maghraoua zénètes *.
C'est à cette époque, vers 984, qu'arrivent dans les Oasis
les premiers immigrants arabes, quelques familles de la
tribu des Guedouà ; ils nomadisent dans le bas Touat,
vers le Reggane et les talus ouest du Tàdmait ; nous revien-
drons sur eux au chapitre suivant.
Le gouverneur oméîade du Maghreb, Ziri ben Atîa, des
Maghraoua, ayant voulu, en 997, s'affranchir de la supré-
matie de son souverain, fut battu et réduit à s'enfuir dans
le Désert ; son subordonné et aUié de Sidjilmassa, le fils
de Khazroun, disparut de cette ville qui reçut, comme
gouverneur, un officier oméîade du nom de Hamid ben
Yezel*.
Le fils de Khazroun, Ouanoudine, y reprit sa place en
1006.
1. Ibn-Khaldoun. Kartas, El-Bekri, ap. Mercier.
2. Maxx^oupT|6oi de Ptolbmée (ident. de Vivibh de Saiivt-Màrtin).
3. Ibn-Khajldoun, ap. Mercier.
4. Ibn Khaldoun et K/lrtas, ap, Mercur.
— 59 —
Les Oasis à la fin du X* sièele. — En ce
moment où les Arabes hilaliens venant de l'Est, et les
Merabtines venant du Sud, sont sur le point d'envahir
simultanément la Berbérie, nous voyons, aux Oasis saha-
riennes, le noyau ancien de population juive absorber les
nombreux gproupes zénètes qui, pendant ces trois derniers
siècles, sont venus à plusieurs reprises chercher ici un
refuge contre des adversaires victorieux; ces Zénètes
importent des doctrines kharedjites bientôt abandonnées,
ou arrivent tout judalsés du Maghreb, où en ce moment la
religion juive est très répandue.
L'abondance des localité touatiennes encore pourvues
aujourd'hui de noms berbères nous dit, malgré l'arabisa-
tion postérieure des populations, combien furent impor-
tantes les intrusions zénètes de cette époque.
Ainsi constituées, les populations des Oasis sahariennes,
avec leur voisin et suzerain de Sidjilmassa, et le suzerain
maghraouite de celui-ci qui commande à Fès, avec tout le
Maghreb moyen et extrême, tous vivent sous Tautorité
souveraine du khalife de Gordoue, souvent mise en question
par la puissance fatémide de Kaîrouane et du Caire.
CHAPITRE IV
Les Arabes
(KKMHiM)
La première migration arabe vers les Oasis. Les foggaras. —
Description des Oasis en 964. ~ Les Oasiens judéo-zénètes
purent être pris pour des Juifs. — Les Guedouà et les Bora-
mik. — Les Nomades se sédentarisent partiellement. Mahboub
et Maloul. — Nouvelles immigrations arabes et berbères. —
Déplacement général des tribus berbères du Maghreb vers
rOuest. — Les Oulad-Abbas à Takhfif. «- Les Merabtines. —
Les Merabtines passent aux Oasis et battent Témir de Sidjil-
massa. — Youcef ben Tachfine, émir du Maghreb pour les
Merabtines. — Un émigré de Grenade arrive à Zaglou. — Les
Hilaliens entament la Berbérie par l'Est. — Les Hilaliens
gagnent le Zab et le Sahara.
lia première mf g^ratlon arabe vers les Oasis.
Les fog^g^aras« — C'est au moment de la chute de Tempire
obéidite, dans la seconde moitié du x* siècle, que nous
voyons se produire la première migration arabe vers les
Oasis sahariennes.
Elle nous est rapportée par un chroniqueur local qui
écrivait au commencement du xvii® siècle, El-Hadj
Ahmed ben Youcef Et-Tinilani.
<t Lorsque, dit-il, fut détruit le gouvernement des
Obéîtes dans le Maghreb, une foule d'Arabes s'enfuirent
au loin et allèrent jusqu'au Touat où ils trouvèrent un
refuge ; en effet une armée nombreuse ne pouvait atteindre
ce pays, qui est dans une région stérile où il ne pousse
aucun pâturage.
- 62 -
« Ils s'y installèrent en grand nombre, s'y approprièrent
la terre qui leur était nécessaire, et construisirent sur les
rives de son fleuve principal un grand nombre de ksour
comprenant plus de mille villages.
« Ils y organisèrent des irrigations au moyen de canaux
souterrains, tels que n'en avaient jamais ét«J>li de sembla-
bles les populations qui les avaient précédés ; ces canaux
furent dénommés « foggaras ^ », selon la mode de désigner
les choses d'après ce à quoi elles ressemblent : la foggara,
c'était à Torigine une canalisation à longue durée, perma-
nente, comme la foggara en a été depuis lors une autre ;
elle a donc conservé ce nom ...»
Deserf ptf on des Oasis en 084« — «... Or ces
populations arabes trouvèrent dans ce pays une partie de
celles qui l'avaient mis en culture dès le début : c'étaient
des Beni-lsraïl.
« Elles terminèrent leur migration et atteignirent le
Sahara et le pays de Touat où elles s'installèrent, en Tan
4322 après le déluge universel (984 ap. J.-C.*).
« Elles s'établirent sur les bords des ravins qui débou-
chaient dans le fleuve principal, lequel était plein d'eaux
courantes, sur une longueur de dix journées de marche ; ces
eaux venaient de grandes sources situées en amont de
Tigourai'ine.
« Ce fleuve se prolongeait vers la gauche, puis gagnait
vers le Reggane d'où il obliquait à gauche {sic) y dans les
sables* jusqu'auprès de la colline d'In Ouallen*, sur la
route du Soudan ; ses eaux courantes étaient à cette époque
1. Ou, plus correctement, fogara : de Farabe Ji5, « creuser la
terre » ; nom d'état ïJjl» , fokara ; coll. ^ , foior. (Kazimirsky).
2. D'après rauteurd'iE'<-raou£^£ifett^f (vid, sup., p. 38), l'an 4322
du déluge correspond à l'an 373 de l'hégire et à l'année julienne 984 .
3. A l'ouest du massif de TAbnet ; on y trouve encore les ruines
d'un vieux ksar.
— 63 —
très abondantes, ainsi que le prouvent les érosions pro-
fondes qui sont restées dans les roches dures de leurs rives
jusqu'à nos jours.
« L'abondance des eaux est aussi démontrée par ce que
l'on voit dans certains monticules dont les couches sont
pleines de coquilles d'escargots et de mollusques d'eau,
ainsi que cela est connu et se voit spécialement à l'est du
village de Tasfaout, près de la colline qui fait face au
Timmi ; on en trouve parfois aussi qui sont mélangées
dans l'argile, si l'on creuse au fond des sebkhas ^. »
Nous avons tenu à rapporter littéralement cette citation
d'un auteur local qui écrivait vers 1660, et qui, parlant
d'un état de choses remontant au x* siècle, peut être
soupçonné de ne le dépeindre pas avec une exactitude
parfaite.
Il semble cependant acquis que, part faite à l'exagération,
il restait encore beaucoup d'eau aux environs de l'an 1000
dans les anciens lac Nigris et Libya, et qu'un chapelet de
grandes lagunes se déroulait encore du Tigourarine au
Reggane ; par contre, les gouttières qu'avaient jadis
creusées les ruissellements du raûtmai;^ étaient desséchées,
et les oasis judéo-zénètes commençaient à se voir réduites
à aller drainer sous le sol les eaux disparues de la super-
ficie, en inaugurant le système des foggaras que nous
voyons aujourd'hui.
Ce grand travail leur était facilité par la main d'œuvre
nègre dont l'abondance et la faculté d'accroissement
étaient alors presque illimitées.
Le» Oasfens Jadéo«zénétes purent être pris
pour des Juf fli. — On voit encore confirmer, par la ci-
tation qui précède, tout ce que nous avons dit touchant
les Zénètes berbères qui étaient venus s'installer dans les
Oasis au cours des siècles précédents, lesquels ou bien
1. Et-Tinilani. — Cf. Ibn-Khaldoun.
— 64 —
n'étaient pas à leur arrivée islamisés ou bien l'avaient été
si peu qu'ils cessèrent bientôt de l'être, et qu'ils embrassè-
rent la religion juive des premiers occupants, ce qui permit
aux derniers venus arabes de ne voir en eux qu'une popu-
lation juive unique.
On comprend par là combien peu exigeante avait été
jusqu'alors l'action des émirs de Sidjilmassa sur les
Oasis, sans doute s'étaient-ils bornés à exiger un tribut à
de rares intervalles ; tout le Maghreb contenait d'ailleurs,
à cette époque, de nombreuses tribus qui avaient conservé
les religions juive ou chrétienne *, et qui ne payaient
qu'accidentellement le tribut dit a djazia i» aux souverains
musulmans.
Au point de vue linguistique, cette citation nous pré-
sente un vocable nouveau, Tigourarine ; c'est, au fémi-
nin, un pluriel de Tagourart dont les Arabes ont depuis
fait Gourara,
Les GaedouA et les Boraiiiik« — Les premiers
iqfimigrants arabes que l'auteur local nous a montrés
arrivant dans les Oasis judéo-zénètes en omettant de les
nommer par leur nom, semblent bien avoir été d'une tribu
sur l'arrivée de laquelle nous ne trouvons nulle part de
trace écrite, mais qui, d après la tradition locale, est la
plus ancienne tribu arabe des Oasis : ce sont les Guedouâ,
qui étaient venus du Saïd égyptien* suivant un itinéraire
et dans des circonstances encore ignorés, et dont l'aire
d'habitat aux Oasis a été le Reggane avec le ksar de
Taorirt.
Les ïouatiens s'accordent pour les considérer comme
arrivés antérieurement aux Boramik ou Bormata', immi-
grés eux-mêmes dès l'époque la plus ancienne.
1. Mercier, Ibn-Khaldoln, EIz-ZIiLNi.
2. Ibn Khaldou?!.
3* Aussi nommés Beramka, et, par les Européens, Barmécides.
— 65 -
Sur les ancêtres de la tribu encore actuellement connue
des Boramik, voici ce que disent deux chroniqueurs
touatiens :
L'un : « M'étant arrêté à El-Mansour, dans le Sali, j'y
trouvai des gens des Boramik que je questionnai sur Tar-
rivée de leurs ancêtres au Touat.
<K Ils me dirent que leurs pères y étaient venus au temps
des Abbassides^ »
Et l'autre :
« Vers 1040, un groupe des Boramik, fuyant les Alibas-
sides, vint s'installer dans le Touat-el-Henné, tandis que
leurs frères étaient encore à Baghdad qu'ils ne devaient
quitter que dans les derniers temps du gouvernement
abbasside*. »
Haroun Er-Rachid avait pour vizir Djâfar ben Yahia
qu'il lit tuer en 804 (187 de l'hégire).
Voici ce que nous savons de cette mort, qui fut le pré-
lude de la disgrâce des Boramik et de leur exode à travers
l'Afrique musulmane.
D'abord leur ancêtre éponyme, Bormek, était un esclave
appartenant aux prêtres du Feu chez les Madjous (Nor-
mands)* ; il fut affranchi, et ses fils et petits-fils formèrent
une des familles les plus influentes des Madjous'.
L'un d'eux, Djâfar El-Bormeki, émigra de son pays et
vint se mettre au service du khalife abbasside Haroun
Er-Rachid, dont il devint le vizir que nous venons de citer,
et le favori.
« Voici la cause de la mort de Djâfar El-Bormeki et des
mesures que prit Haroun Er-Rachid pour détruire ses
enfants (les Boramik).
« Le khalife avait l'habitude de tenir conseil pendant
1. MouLAÏ- Ahmed bbn Hachem, qui écrit en 1705.
2. Abdbssblam ben Ahmed ben Ali, d'Adrar en Timmi, qui écrit
en 1713.
3. Ibn Khàldoun, trad. de Slàne.
4. Bl-Atlidi.
5
— 66 —
la nuit avec son vizir Djàfar ; un jour il dit à celui-ci qu'il
ne pourrait continuer ainsi, que si sa sœur Mimouna était
présente auprès de lui, qu'il lui ferait la déclaration
d*« ibaba* » nécessaire pour rendre cette présence licite,
mais à la condition que le vizir ne tenterait jamais de
s'approcher d'elle ; ainsi fut-il convenu entre eux et l'acte
fut dressé.
« Le khalife fit ensuite assister sa sœur à ses entretiens
avec Djàfar, mais il arriva bientôt que celui-ci devint
amoureux d'elle.
« Or Djàfar avait une épouse qui se chargeait elle-
même de le pourvoir de belles esclaves chaque nuit,
Mimouna vint la trouver, la gagna par un beau présent et
obtint d'elle qu'elle l'introduirait sur la couche de son
amoureux qu'elle aimait de son côté.
(( L'épouse se prêta à ce désir, et Mimouna put ainsi
passer une nuit auprès de Djàfar, puis à l'aurore elle se
fit reconnaître de celui-ci et lui dit : « Je voulais satisfaire
a mon désir de toi et, désespérant de trouver un autre
« moyen, j'ai employé la ruse qui, tu le vois, m'a réussi
« cette nuit ; mais si tune consentais pas à me revoir, je
« me vengerais en provoquant ta disgrâce ; car je te veux,
« toi, comme une partie de moi-même. »
— « Malheur sur nous, répondit Djàfar, tu auras causé
« ma ruine et la tienne, mais je ne te reverrai pas ! »
« Bientôt les ruses de Mimouna dédaignée firent leur
effet sur le khalife et décidèrent celui-ci à faire tuer son
vizir et ses enfants*. »
L'auteur arabe raconte ensuite, trop longuement pour
être traduit in-extenso ici, que U khalife fit enterrer
vivante sa sœur Mimouna^ ainsi que le fils qu'elle avait
eu de Djàfar^ puis fit trancher la tête à ce dernier ; telle
fut la cause de l'exode de sa famille, les Boramik.
1. Ibaha. acte par lequel un père ou ud mari déclare accepter
comme licite l'accès d'un étranger auprès de sa fille ou de sa femme»
accès normalement défendu.
2. EL-ATLmi.
— 67 —
Nous verrons plus tard le restant des Boramik arriver de
TEst, et rejoindre le premier groupe venu à TOued-el-
Henné.
lies iMmades se sédentarisent partiellement.
Mahboub et Maloul« — Tous les groupes berbères
ou arabes qui, à Tépoque où nous sommes parvenus,
viennent dans la région des Oasis, ne s'installèrent pas
uniformément dans les villages ; d'aucuns restèrent noma-
des, quitte à se sédentariser peu à peu.
« L'Oued-Meguiden se trouva dans ce temps être le
point d'arrivée de nombreuses tribus venues de tous côtés,
tant arabes que zénètes, et qui, d'après leur race se
divisèrent en deux clans ; les Arabes se surnommèrent
les « Mahboub » — /c'est-à-dire ceux qui sont pourvus de
céréales ; et les Zénètes furent dits les « Maloul » —
ceux qui, de modestes ressources, se nourrissent seulement
du « loul » — les graines du drinn* qui pousse naturelle-
ment dans le Sahara (inutile de dire que cette classification
impliquait une idée d'infériorité pour ces derniers).
« Des luttes fréquentes se produisirent entre les uns et
les autres, qui furent très meurtrières.
« Les Arabes décampèrent et allèrent s'installer autour
d'El-Ghandous * où ils se trouvaient quand les Âhl-
Tadgha arrivèrent dans l'Oued ; comme ces derniers se
déclarèrent a Mahboub », les Zénètes les invitèrent à aller
rejoindre les autres à El-Ghandous.
« De là, ils allèrent ensuite s'installer dans l'Oued-
Salah où ils bâtirent Oudghagh et utilisèrent les eaux
pour irriguer les terres.
« Les Ahl-Tadgha et d'autres tribus, se trouvant bientôt
à l'étroit dans Oudghagh, allèrent créer plus loin un
1. Drinn, Arthratherum pungens (Graminées).
2. Ksar du Tinerkouk.
— 68 —
autre ksar qu'il nommèrent El-Mebrouk ; puis ils en
bâtirent d'autres autour de celui-ci, tant à FEst qu'à
l'Ouest.
« Ils se retrouvèrent, après quelque temps, de nouveau
trop resserrés, et une partie d'entre eux alla s'installer
à Tibechrine *. »
Nouvelles immig^ratlons arabes et ber*
béres« — <v Dans ce même temps arrivèrent d'autres
tribus, conduites par un oméfade nommé Âbou-Mellouk
qui avait été banni par les émirs de l'Est ; il s'installa
non loin du gros village (judéo-berbère) de Tahtaît (Tim-
mimoun) et construisit un ksar qui prit le nom de Béni-
Mellouk et que peuplèrent ses descendants.
« De là ont essaimé beaucoup de tribus : ainsi les gens
de Zaou!et-Sidi-El-Hadj-Belkassem et des ksour situés
entre cette zaoula' et Timmimoun, les gens de Talmine,
d'Adjedir, de Gharouine, de Tinilane, de Bouda, les
Oulad-El-Hadj de Bou-Faddi, les Oulad-Amor-Mellouk
du Tidikelt, et d'autres encore.
« Vinrent ensuite les Beni-Mehlal berbères, puis les
Ouled-Rached, descendants de Rached ben Merched* qui
avait été envoyé par le khalife Haroun Er-Rachid pour
tuer l'Imam, le chérif Moulal-Idris, qui est enterré à
Zerhoun *. »
1. El-Hblali.
t. On nomme zaooïa un établissement où les voyageurs et les
pauvres trouvent le gîte et le couvert ; il s'y trouve souvent une
école ; voilà le sens large de ce mot aux Oasis.
3. Noter que, par un lapsus, Fauteur désigne ici, comme l'assas-
sin, le propre serviteur de confiance et père nourricier de Moulaî-
Idris.
4. El-Ouâdjdi.
— 69 —
Déplacement g^énéral des tribus berbères
du Mag^lireb vers l'Ouest. — Pendant que tous ces
nouveaux venus s'installent dans les Oasis, les tribus
zénètes des Maghraoua, tout en maintenant leurs émirs à
Sidjilmassa et à Fèâ où le souvenir des Idrissides est
presque effacé, gagnent le Maghreb occidental, remplacées
dans le Maghreb central par leurs frères zénètes, les
Iloumen et les Ouemanou, qui vont à leur tour essaimer
vers les Oasis, où, quelques siècles plus tard, Ibn Khaldoun
notera la présence de leurs descendants ; en somme, toutes
les populations berbères accusent un mouvement vers
rOuest, poussées par de nouvelles venues du Sud-Est *.
Les a Oulad-Abbas » A Takhflf* — Mobarek
BBif Ali El-Men ageri * a copié, à la date du 7 novembre
1714, une chronique écrite par Mohammed-Abdelhàdi
Es-Sebaï en 1594, qui contient ce qui suit :
« J'ai appris du taleb Ali ben Mohammed-Seddik EI-
Menaceri, né au commencement du xi* siècle (fin du xvi^
siècle grégorien), et âgé, au moment où il me parlait, de
117 ans, qu'il avait vu, à la mosquée de Takhfif- Vieux, une
inscription en caractères arabes relatant que les Arabes
de ce ksar, qui étaient des Oulad-Abbas (sic) étaient
arrivés au Touat, venant de Tlrak, en Tannée 483 (1081),
et qu'ils avaient trouvé cette localité déjà évacuée par les
Juifs qui s'étaient installés à Temaseght )» . . .
On peut faire état de cette donnée, semble-t-il, à condi-
tion d'entendre par « Oulad-Abbas » un groupement plus
ou moins apparenté aux Abbassides dont notre chroniqueur
vient, un peu avant, de conter les origines, les trente-
sept khalifes successifs et le meurtre du dernier de ceux-ci
en 1259 ; il a simplement oublié de nous dire, et peut-être
Pignore-t-il lui-même, le nom particulier de la kebila émi-
1. E. MtRCIBR.
S. Du ksar El'Menacer (près de Zaoulet-Koonta).
— 70 —
grée de l'Est dès ce xi* siècle, et les motifs et conditions
de sa venue.
Nous verrons bien d'autres lacunes de ce genre.
Eies Merabifnes* — Voici venir maintenant une
poussée du Sud : à Sidjilmassa vivait, vers Tan 1050, un
pauvre diable d'étudiant nommé Abdallah ben Meggou
Ibn-Yacine, qui partit un beau jour, en compagnie d'un
cheïkh des Lemtouna de retour du Pèlerinage, pour aller
islamiser les sauvages sahariens, les Senhadja voilés, dont
les principales fractions étaient les Lemtouna, les Mes-
soufa, les Guedala et les Targa^
II fonda chez eux un couvent, ribat^ où il instruisit ses
néophytes ; ceux-ci furent donc des merabtines (pluriel de
merabetj devenu en français « marabout' »), mot dont les
Espagnols ont fait Almoravides qui est passé dans la
la langue et a été employé par nos historiens.
Jadis l'Islam et les Musulmans étaient peu connus des
Français, et ceux-ci recevaient, en seconde main, leurs
leçons des peuples qui se trouvaient au contact direct et
qui, ayant surtout avec l'Islam des rapports belliqueux,
n'avaient qu'une vague idée de sa linguistique et de sa
vie politique ; c'est ainsi que les auteurs espagnols firent
connaître aux Français les « Âlmor avides y>, les « rois de
Fez », les « Maures » et tutti quanti.
L'étude directe que nous avons faite des choses d'Islam
depuis la prise d'Alger ne nous permet plus de nous
contenter de ces sources médiates de renseignements, de
ces vocables inexacts ou trop vagues tant en politique
qu'en linguistique ; nos historiens ont déjà fait justice des
« Maures », de l'a Alcoran », des « rois de Fez » ; il n'y
a pas de raison pour ne pas exécuter de même les vocables
1. Ë. Mercier.
2. Vid, in E. Doutté, Les Marabouts, l'institution des a ribat »
où garnisèrent les Merabtines aux premiers temps de l'Islam.
— 71 —
d'allure fantaisiste comme « Alraoravides » et a Almo-
hades ».
Celui de nos contemporains à qui Ton viendrait dire
par exemple : « les alcazars du Sud-Oranais sont tran-
quilles », ou bien « les alcazars du Touat sont peu
prospères », celui-là rirait de son interlocuteur ; or « al-
cazar » est à « ksour » comme « Almoravide » est à
a Merabtines », ou comme « Almohade » esta « Mouhhide*».
C'est donc entendu, nous nous en tiendrons aux formes
franco-arabes « Merabtines » et <c Mouhhides », trans-
criptions plus serrées et plus exactes que les précédentes
jusqu'ici employées.
Les Merabtliies passent aux Oasis et battent
l'émir zénète de SidIJilmassa. — Donc Ibn-Yacine,
premier chef des Merabtines, leur « Mehdi », ayant rangé
sous ses lois en trois années tous les Sanhadjiens voilés,
les organisa, leur nomma un émir (chef de guerre), et les
lança sur leurs voisins ; ils firent une expédition au
Soudan, puis se tournèrent vers le Nord ; ils s'attaquèrent
d'abord aux Oasis sahariennes (1041), puis marchèrent sur
Sidjilmassa', où Témir maghraouite Messàoud ben Oua-
noudine fut battu et tué, ainsi que tous ses parents ; les
Merabtines s'emparèrent de 1,500 chameaux et pillèrent
la ville.
« Ibn-Yacine s'attacha à détruire tout ce qu'il jugeait
capable de détourner les Musulmans de leur salut ; on brisa
les instruments de musique, on incendia les lieux de plai-
sir où se vendait du vin ; enfin on supprima tous les impôts.
Ibn-Yacine nomma un gouverneur merabtinien et reprit le
chemin du désert.
«... Les Merabtines étaient alors organisés pour la
1 . De mAme on a dit longtemps « Miramolin » pour « Emir-el-
Moumenine » (Prince des Croyants).
2. Ez-ZiANi, Alfla,
— 72 —
^erre. Un grand nombre d'entre eux combattaient à cheval
ou sur des chameaux de race, mais la masse se composait
de fantassins qui, dans la bataille, se plaçaient sur plu-
sieurs rangs ; le premier était armé de longues piques et
les autres de javelots avec lesquels ils étaient fort adroits.
Un homme portant un drapeau se plaçait devant eux et
leur faisait des signaux ^ »
Yoaeef ben Taehflne^ émir du Mag^hreb pour
les Merabilnes* — Abou-Beker ben Omar, successeur
d'Ibn-Yacine à l'imamat merabtinien, nomma son cousin
Youcef ben Tachfine émir du Maghreb, puis se séparant
de lui à Sidjilmassa où il lui donna publiquement l'inves-
titure, il retourna au désert avec une partie de son armée
(1061).
Ben Tachfine se bâtit d'abord une capitale, la ville de
Merrakech, puis il organisa une nombreuse armée dans
laquelle entrèrent, en outre de ses Sahariens, Lemtoun et
autres, des Berbères, des Guezoula et autres tribus, et
même des Zénètes.
Ensuite (1063), il s'empara de Fès, d'où il chassa le
maghraouite Moancer, un descendant de Ziri ben Atla,
et, en dix années de guerre, il se rendit maitre de tout le
Maghreb, y compris Sidjilmassa et les oasis de sa dépen-
dance.
^ Un éuklgré de Grenade arrive a Zag^Iou. —
Nous reprenons ici l'histoire interrompue de ce vieux taleb,
sain de corps et d'esprit, qui semait de Torge à 117 ans*.
<( La prière des funérailles fut dite sur lui par le « mo-
kaddem des difas' », Sidi Mohammed ben Hamida.
1. El-Bekri, trad. de Slane.
2. Vid, dup., p.
3. Fonctionnaire local chargé de la perception et de la fourniture
des difas.
— 73 —
« Il résidait en son vivant aux Oulad El-Hadj (El-Bordja)
et laissa de nombreux livres.
« J'ai vu, dans la marge de la page vingt-septième de
Ben-Khalkane^ une mention portant que son père, Sid
Mohammed Seddik, était né en moharrem 821 (1428) et
mort en 899 (1494).
« Son père avait appris de Sid Âhined ben Mobarek
que Messàoud ben Ali, du ksar de Djorfa, — lequel est un
des douze ksour qui composent Djazlou (sic) — était venu
de Grenade en 484 (1092)'. »
Nous voyons par cet extrait comment s'écrivit Thistoire
au pays touatien ; au reste l'écrivain omet de nous dire à
quel titre un individu venu de Grenade quatre cents ans
auparavant au ksar où il avait demeuré et avait été en-
terré, méritait qu'on Ht mention de lui : était-ce un lettré ?
un guerrier ? Rien.
On peut seulement supposer que son émigration dut
être provoquée par les victoires des armées merabti-
niennes qui, vers 1090, détrônèrent les émirs andalous
et rattachèrent l'Espagne à l'empire de Youcef ben
Tachfine. ■
Djazlou (Zaglou actuel) est encore mentionné dans une
autre chronique qui vise cette époque : (c En 1107, dit-
elle, arrivèrent les Oulad-Abdeldjelil qui campèrent à
Djazlou, et ils furent suivis l'année suivante par les
Oulad- Abbas : en 1120, le généreux Sidi Ou Ali El-
Belbali' vint camper à El-Mansour, l'un des ksour de
Djazlou. » '
Le» Hflallens entament la Berbérfe par
VWtmt. — Du côté de l'Est, les Hilaliens entamaient dans
ce même temps la Berbérie. Les Beni-Hilal et les Soleîm
1. MOBÂRBK BEN AlI El-MbNACBRI.
2. Cf. in Mbrcibr.
3. Originaire de Tabelbalet.
4. Feuillet MS. trouvé à Aoulef.
— 74 —
étaient deux grandes tribus arabes qui opposèrent, en
Syrie, une résistance acharnée aux années fatémides,
quand les khalifes de cette dynastie furent passés au
Caire.
Le khalife El-Aziz les interna d'abord dans la Haute-
Egypte, puis bientôt les lança vers TOuest pour se venger
de son gouverneur de Kaîrouane qui venait de le renier
et de se déclarer le vassal du khalife abbasside de Baghdad.
Il arriva ainsi un flot de 200,000 personnes *.
« Semblables à une nuée de sauterelles, dit Ibn-Khal-
doun, ils détruisaient tout sur leur passage. »
Le» Hf lallens g^ag^ent le Zab et le Sahara* —
Ils battirent, en 1053, le gouverneur de Kairouane et
ses alliés berbères, aux environs de Gabès, puis ils enle-
vèrent Kaïrouane et envahirent le Maghreb central, pous-
sant devant eux les tribus berbères ; en vain celles-ci se
réunirent-elles contre eux, elles ne purent les empêcher
de s'établir dans le Zab, le Hodna et le Sahara, d'où ils
chassèrent les Zénètes Ouassine ; une partie de ceux-ci,
les Mezab et les Ouargla s'enfoncèrent au Sud, les autres,
Abdelouad et Beni-Merine, gagnèrent TOuest, vers la haute
Mouloula, où ils allaient bientôt fournir deux dynasties
d'émirs (1100) •.
1. Mercibr. D*autres historiens parlent de 600,000 et plus.
2. E. Mercier.
CHAPITRE V
Les Hilaliens
(iiao-isao)
L'intrusion des Hilaliens aux Oasis. — Les Boramik introduisent
des Sanhadja de TAzaouad. — L'empire musulman passe des
Merabtines aux Mouhhides. Une partie des vaincus se réfugie
à Tamentit. — Arrivées de diverses tribus. — Fondation de
nouveaux ksour ou de nouveaux établissements auprès des
ksour anciens. — Abdelmoumen, souverain mouhhide du
Maghreb, soumet Sidjilmassa. — Arrivée et installation d'autres
groupes hilaliens aux Oasis. — Les Arabes, dans l'Oued-ei-
Henné, s'installent auprès des Juifs. — Tamentit contre
Akbonr. Nouvelles arrivées. — Moulaï-Slîmane fonde le ksar
Aît-Ouchen. — L'émir Youcef bouscule les tribus hilaliennes
vers l'Ouest. Autres arrivées aux Oasis. — Yahia ben Ghanïa,
chef merabtinien, passe aux Oasis et à Sidjilmassa. — Scission
de l'empire des Mouhhides. — Ihamed et Sefianes. — Le Touat
conservera ces divisions après le reste du Maghreb.
L'Intrusion des Hilaliens aux Oasis. — Les
Hilaliens n'allaient pas tarder à quitter leurs positions
d'attente pour s'épandre sur le Maghreb.
Ouargla vit s'approcher les Mekhadina, et EI-GoIéa
attira de nombreuses tribus qui, de là, obliquèrent sur
les Oasis sahariennes, pendant que leurs frères prenaient
pour objectif les régions du Nord.
L'Oued-Meguiden leur offrait une magnifique route,
riche d'eaux et de pâturages ; les premiers qui s'y enga-
gèrent furent les Meharez, ou Meharza, fraction des
Amer.
— 76 —
« Ils nomadisèrent d'abord aux environs d'Oudghagh,
puis ils dominèrent les gens de ce ksar et ceux d'El-
Mebrouk, et leur firent payer tribut^. »
Ils y arrivèrent aux environs de Tan 1120 *.
D'autres tribus les suivirent nombreuses, dont quel-
ques-unes étaient venues d'Orient jadis, au temps de
l'émir Okba ; parmi ces tribus se trouvaient les Senaneba,
dont les ancêtres étaient sortis du pays d'Irak, des frac-
tions des Oulad-Ben-Selim et les Oulad-Ben-Sadok ^.
A cette époque arrivèrent aussi les tribus suivantes,
toutes de la grande famille hilalienne :
1^ Les Oulad-Mobammed qui sont allés ensuite à
Deldoul, et dont font partie les Oulad-Abdelmoula ;
2^ Les Oulad-Talba, établis depuis à Telalet, dans le
Gourara ;
3*^ Les Oulad-Yaich, passés ensuite dans l'Âougrout ;
4*' Les Oulad-Bou-Âli, qui sont devenus les Oulad-Mah-
moud ;
5^ Les Oulad-Ali-ben-Hariz, qui laissèrent ensuite une
fraction à Kaberten et gagnèrent le bas-Touat ;
6^ Les Oulad-Màmmar, descendus depuis jusqu'à Ba-
Âmor en Tamest*.
« Cependant, tous ces Arabes entrèrent peu à peu du
Meguiden à l'intérieur du Touat. Ils se rangèrent dans le
parti des « Mahboub », et, tous ensemble, ils opérèrent de
nombreux coups de main contre les « Maloul » zénètes
restés dans l'Oued-Meguiden, jusqu'à ce que ceux-ci
allassent camper à Gheikb-Sald.
« Les Mabboub restèrent donc les maîtres jusqu'à l'in-
tervention de la tribu des Boramik, qui était installée dans
rOued-el-Henné, d'où elle expéditionnait dans toutes les
directions et coupait les routes.
1. El-Hblali.
t. Note MS. trouvée au Timmi.
3. Id.
4. D'après Bl-Hadj Abdilkadie, caïd de Deldoul.
— 77 —
« Arrivèrent ensuite les Arabes de la tribu des Oulad-
Hariz et les Oulad-Ainer-ben-Amor, qui se mirent d'accord
avec les Boramik et nomadisèrent avec eux.
« Ce groupement engagea bientôt une lutte violente
contre les Meharza, mais ceux-ci furent renforcés par les
Oulad-Mohammed, et ils imposèrent leur influence à tous
les nomades du Meguiden dont ils tirèrent tribut.
« Ensuite survinrent les Khenafsa qui s'installèrent
dans rOued-el-Hadjar, et, avec eux, les Meharza et leurs
alliés attaquèrent et battirent les Boramik et leurs alliés,
les Oulad- Hariz et les Guedouà.
« Le premier ksar que ces derniers avaient occupé
était Taorirt*. »
Les Boramik introduisent dos Sanhmdja de
i'Aaaouad. — « Les Boramik et leurs alliés envoyèrent
chercher du secours dans l'Azaouad (chez les Sanhadja
voilés) ; bientôt arriva de ce pays la tribu des Dahahna
(Oulad-Dahhane), qui renforça le groupement des Bora-
mik, lui permit de lutter contre celui des Moharza, et
s'installant dans l'Oued-el-Henné, assura de là la liberté
des routes sur le Soudan'. »
Voici venir encore de nouvelles tribus hilaliennes :
« A cette époque arrivèrent aussi les Arabes Oulad-
Ba-Hammou qui occupèrent le Tidikelt et Inghar, les
Oulad-Mohammed de Deldoul, les Oulad-Meriem, fraction
des Oulad*Delim, les Oulad-Djeber^. »
L'empire masaiman passe des Merabtines
aux Mouhhldes. Une partie des valneas se
réflngle à Tamentlt* — Cependant le khalife merab-
1. Dans le Heggaoe. Taorirt avait déjà été habité, avant eux, par
ceux qui lui avaient donné son nom berbère. ël-Hblàli.
2. El-Hblali.
. 3. Bl-Ouaojdk
- ré-
tinien avait joint l'Espagne à son gouvernement du
Maghreb et avait, à sa mort, laissé cet empire è son fils
Ali ben Youcef ben Tacbfine, contre lequel s'était bientôt
dressé un concurrent à fimamat de TOuest, en la personne
du berbère Ibn-Toumert, des Masmouda, puis du succes-
seur de celui-ci, Abdelmoumen, chef des Mouhhides^ (1130).
« Celui-ci envoya au Sahara son fils Abou- Youcef, qui
vint à El-Mebrouk, où il convoqua toutes les tribus du
Gourara et leur donna lecture d'un message de son père ;
il y avait alors, dans le Gourara, les tribus des Oulad-
Selim, des Oulad-ben-Helal, des Oulad-Mahrez (Meharza),
des Khenafsa-Oulad-Slimane et des Oulad-Mohammed.
« Après un séjour de près d'un an au Gourara, le fils
d'Abdelmoumen se rendit dans TOued-el-Henné, mais
les Boramik s'enfuirent dans TAhuet, et lui s'en retourna
au Gharb*. »
Pendant ce temps, Témir mouhhide, profitant de Vah-
sence du khalife en Espagne, remporta d'abord quelques
légers avantages, puis battit l'armée merabtinienne,
s'empara de Tlemcen, de Fès, enleva Oran au khalife
Tachfine qui venait de succéder à son père Ali, et le tua
lui-même ; enfin il se saisit, en prenant Merrakech, du
jeune Yeshak, le dernier khalife des Merabtines, et lui fit
trancher la tôte, terminant ainsi cette dynastie (1147)'.
Tous les descendants du khalife Youcef ben Tachfine se
dispersèrent et disparurent.
Or nous voyons arriver quelques-uns d'entre eux au
Touat, accompagnés d un groupe de Lemtoun.
Ils vinrent s'établir auprès de Tamentit-la-Juive ; le
premier de lem*s ksour fut Tilout'.
1. «t Les gens qui professent le touhid ^la théorie de l'unité de
Dieu), dénomination adoptée par les adversaires des Merabtines.
2. Ahmed ben Abdbrrahiune, de Baho (Timmi), qui écrivait en
1687.
3. Ë. Mercier.
4. Et-Tamentiti.
— 79 —
« Ils construisirent ensuite leur grand ksar qui prit le
nom d'Â!t-AIi-Youcef, ainsi qu'une mosquée qui fut
appelée Tartekit ; la réunion de ces ksour prit le nom
d'Oulad-Yàkoub. L^eau de la foggara Hennou, qu'ils pos-
sédaient, était répartie, aussi bien le jour que la nuit, entre
les propriétaires. Chaque part prit le nom de la famille à
laquelle elle appartenait, savoir : Aït-Otmane, Âït-Salah,
Aït-Youcef-Ba-Moussa, Aït-Moussa, Alt-Mhammed, Aït-
Youcef-Aït-Ali, Alt-Mhammed, Aït-Boubeker, Aït-Ali. La
part de chacune de ces familles revenait tous les neuf
jours*. »
Arrivées de diverses tribus. — Nous nous ser-
vons de ce mot « tribus » pour rendre le mot arabe
« kebila », mais il faut s'en tenir au sens de celui-ci,
équivalent de la gens romaine, et qui peut désigner des
groupes de peu d'importance, parfois de simples familles
pouvant ne comprendre qu'une cinquantaine de personnes,
et môme moins, juste l'effectif nécessaire pour pouvoir opé-
rer des migrations avec quelques chance de parer à
l'insécurité de ces temps troublés.
Voici un bout de chronique' notant quelques arrivées
aux Oasis :
« En 1123, les Oulad-Kheîrallah vinrent du pays du
Sabel et campèrent à Gharm-Atassen.
« En 1134, la tribu des Oulad-Hocefn campa à El-
Oudala, venant du pays de Drâ, et les Oulad-Sidi-ben-
Salem,duSous, vinrent s'installer à Mosbah, l'un des ksour
d'El-Melah 3.
« En 1137 arrivèrent du pays d'Angad les Oulad-ben-
Sliman-ben-Hammad ; ils s'installèrent à Ël-Ghorba.
1. El Basit, trad. Watin.
2. Ecrit par Ahmed bbn Nadjbh, en « tober » 1198 (1787).
3. On désignait sous le nom de Ksour-el-Melah tous les établis-
sements situés autour de Sebkhat-el-Melah et Hofret-el-Melah
(Timmi).
— so-
ft En 1142, la tribu des Dekouanes, venant du pays de
Ghadamès, prit domicile au ksar de Mesahed (?) ».
« En 1146 arrivèrent les Oulad-ben-Yedir qui campèrent
à Yekkou ; puis, en 1155, les Ghorfa Hamoudites vinrent
s'installer au ksar Ali, d'où, en 1261, ils se transporté^
rent à leur ksar actuellement connu sous le nom de ksar
Cherif, et qui est l'un des ksour de Djazlou^ »
Fondation de nouvooux ksoar, im de noa*
vooax étoblissements auprès de ksour an*
eiens* — On ne saurait avoir la prétention de suivre au
jour le jour l'arrivée et l'installation dans ce pays des
groupes isolés, infiniment nombreux, et divers d'origine
et d'importance numérique, qui ont concouru à la forma-
tion des populations oasiennes ; l'intérêt, comme la limite
du possible, s'arrêtent sur ce point à des indications
d'ensemble, suffisantes pour donner des idées générales ;
et dans cet ordre nous nous bornerons à continuer de
citer un manuscrit local dont le plus grand défaut est de
ne donner aucune date précise.
« Dans les années qui suivirent, nous dit donc El-Helali,
arriva le pieux merabet Abou-Mohammed, du pays de
Merrakech, qui s'arrêta a El-Ghandous, accompagné
d'une grande cai*avane de pèlerins se rendant à La Mekke ;
puis, au retour de la maison de Dieu, tous ces gens séjour-
nèrent de nouveau à El-Ghandous.
« A cette époque, les gens de FOued-Salah étaient
répartis ainsi : les Khenafsa auprès du chott Guebli ; les
Oulad-Mohammed au cbott Ghergui, et les Meharza au
chott Foukani '.
« Les Meharza, apprenant l'arrivée à El-Ghandous du
saint Abou-Mohammed, allèrent le chercher et l'emme-
1. Feuiilet MS. trouvé à Aoalef.
2. Ce sont ces trois chotts, comme aoas Tavons vu, qui formeot
la grande sebkha du Qoarara.
— 81 —
lièrent avec eux ; il so bâtit un ksar qu'il nomma Tabel-
kodha (Tabelkoza) en langue zénète, puis une zaouîa
qu'il nomma Tameslouht, du nom du pays de ses pères
dans la région de Merrakech^
<K Une fraction des Meharza alla bâtir un ksar à
Taântast (qui possédait déjà un établissement zénète ainsi
que le nom l'indique). Puis le saint Abou-Mohammed
chargea son disciple Debbagh de bâtir une zaouîa qui
garda le nom de Zaouïet-Debbagh.
« Il s écoula alors une période de tranquillité pendant
laquelle les Meharza s'établirent à Tezlidh, puis à In-Ham-
mou (où était déjà des Zénètes) ; et eu un endroit où ils
trouvèrent un emplacement favorable, ils bâtirent un ksar
qui reçut le nom de Fatis".
« Une autre fraction des Meharza, les Oulad-Âîach, alla
bâtir dans TErg le ksar de Mehloul ; d'autres occupèrent
In-Kellou, et tout l'Oued-Salah se trouva peuplé.
« De leur côté, les Khenafsa vinrent s'établir à
Tibechrine et nomadisèrent aux alentours de ce ksar ; ils
bâtirent de plus le ksar de Taghïat, autour duquel ils ras-
semblèrent tous les groupes qui, fréquemment, arrivaient
de l'Est, du Nord ou de l'Ouest ; enfin ils fondèrent le ksar
d'El-Hadj-Guelmane.
« Les Arabes et les Zénètes conservèrent ces positions
jusqu'à l'arrivée du saint Sidi Yeddou, qui vint de Merra-
kech. et s'installa au milieu des Arabes Meharza et
Khenafsa sur lesquels il acquit une grande influence par sa
sainteté.
« Ensuite arriva d'Aïii-el-Hout, du pays de Tlemcen, le
chérif Moulaï-Hassane qui bâtit un ksar pour lui seul,
tandis que ses serviteurs qui, étaient des Rached*, bâtis-
saient le ksar des Oulad-Rached.
1. Cet Abou-Mohammed était, d'après ce qui précède, un Berbère.
2. Lieu chauve, dépourvu de végétation.
3. La grande tribu berbère des Rached occupait alors le Djebel-
Amour actuel et les régions entre celui-ci et Mascara.
6
— 82 —
« Ce chérif eut des enfants : Tun d'eux, nommé Abdel-
haî, alla b&tir un ksar à Kali, où habitaient déjà les
Zénètes Oulad-Che!kh-Saîd ; un autre alla s'installer à
Aguentour où habitait la grande tribu des Oulad-Daoud ;
le troisième frère partit avec les Oulad-Atîa, fraction des
Khenafsa, et vint dans TOued-el-Hadjar bâtir une zaouîa
à Tala, autour de laquelle les Oulad-Atîa nomadisèrent.
m Le chérif Moulaï-Hassane reçut un jour dans sa
résidence une caravane de pèlerins originaires du Drâ, et
dont le chef, Sidi El-Hadj Belkassem, était accompagné de
son père, de son aïeul et de son oncle ; ces gens s'arrê-
tèrent chez le chérif, et Sidi El-Hadj Belkassem envoya ses
fils porter ses bénédictions dans les tribus arabes voisines
qui lui offrirent des présents.
« Quelque temps auparavant était venu Sidi Mouça qui
bâtit un ksar à Tasfaout, et dont le fils alla s'établir à El-
Ouadjda ; les compagnons de Sidi Mouça allèrent bâtir un
ksar auprès de la zaouîa que les Aît-Ouaras zénètes pos-
sédaient à Taorirt». »
AMelnioaiiieii, soaveraln moahhlde du Ma-
g^hreb^ soumet Slcljiljiiassa. — Cependant le
souverain mouhhide Abdelmoumen, qui portait le titre
de a mehdi* » dut, en 1147, réprimer l'insurrection d'Ibn-
Houd qui avait entraîné dans la révolte le Sous, le Drâ et
Sidjilmassa.
Ce résultat atteint, Abdelmoumen traversa tout le
Maghreb-Central et alla conquérir l'Ifrikia où les Nor-
mands s'étaient installés avec Roger*.
Ces guerres troublèrent tout le Maghreb et déterminè-
rent de nouvelles tribus à gagner la lisière saharienne,
puis les Oasis.
1. ël-Hblali.
2. Le Bien- Dirigé {sous-entendu : par Dieu dans la bonne voiet.
3. Mercier.
- 83 —
Arrivée et instellation d'autres gr^^np^fe»
hilalieas aux Oasis. — « Vinrent alors les Mimoun
bilaliens qui bâtirent un autre ksar non loin de Taorirt, et
dont le nom servit à former le vocable Tin-Mimoun (ou
Timmimoun*) ; ces gens devinrent riches, nombreux et
puissants.
« D'autres groupes bilaliens arrivèrent encore, qui se
joignirent aux Oulad-Cheïkh-Saïd (Berbères de Kali), firent
quelques expéditions aux alentours, puis allèrent se bâtir
un ksar auprès de Zaoulet-Belkassem.
« Ce sont eux qui les premiers allumèrent la guerre
entre les ksour ; il attaquèrent le ksar de Timmimoun et
le pillèrent ; le cheîkh Sidi Belkassem parvint à rétablir
la paix entre les deux partis, mais ils restèrent ennemis.
« Les gens de Timmimoun se renforcèrent bientôt d*un
nouveau groupe, les Ahl-Cheta, qui étaient très nombreux
et dont une partie alla s'installer à Tinoumer.
« Les Oulad-Talha arrivèrent à leur tour et s'installè-
rent en amont de Timmimoun, dont les habitants les
accueillirent avec faveur.
« Puis vint Abou-Chemïa, qui s'installa entre Otmane"
et la sebkha, et bâtit une zaouîa qu'il appela Bel-Ghazi,
du nom de ses compagnons qui étaient des Aït-Sidi-
Ghazi.
« Dans ce temps, les Oulad-Mohammed bâtirent un
autre ksar à Deldoul, et, par la grâce de Dieu et l'inter-
vention du cheîkh Abou-Chemîa, ils cessèrent leurs coups
de main et leurs agressions habituelles contre les Zénètes.
a Cependant les Boramik étant tombés un jour sur
1. Cette étymologîe est bien discutable, car des Hilaliens de lan-
gue arabe n'eussent pas institué un vocable de structure berbère ;
on peut cependant admettre que ce furent leurs nombreux voisins
zénètes qui mirent ce vocable en circulation, et qu'il devint ensuite
d'usage général.
2. Ksar aujourd'hui ruiné, comme Bel-Ghazi lui-môme et un
autre qui se trouvait au nord de ce dernier, et qui se nommait
Âbftidane.
— 84 —
leurs chameaux, à Ouallen, les Oulad-Mohammed se
levèrent et se mirent à la poursuite des ravisseurs, aidés
d'autres Hilaliens ; ils réussirent à reprendre leurs cha-
meaux dans rOued-el-Henné et rentrèrent à Deldoul.
« Bientôt une grande caravane des Oulad-Sidi-Bou-
Abid-Chergui vint visiter, à Deldoul, Sidi El-Hadj Abou-
Mhammed qui les engagea à rester dans le pays et fit
bâtir par leur chef, Sidi Amor, une zaouîa au lieu dit
Takroumt, dans TErg.
« Le cheîkh Brahim, un des principaux Zénètes, bâtit
un ksar à Gharouine.
«c Plusieurs années plus tard, le cheikh Ibn-Amor
envoya, sur la demande des Oulad-Mohammed, son fils
qui bâtit un ksar à Igosten, puis un autre à El-Barka
puis un autre à Toukki.
« C'est alors que les Oulad-Mohammed furent rejoints
par leurs frères les Oulad-Mahmoud (fondateurs du ksar
actuel de ce nom), et qu41s devinrent très puissants avec les
Meharza, Khenafsa et Oulad-Sald hilaliens, qui étaient
tous « Mahboub* ».
Les Arabes, dans le Touat-el-iHenné, s'Ins-i
tallent auprès des Juifs. — « A cette époque, les
Boramik étant entrés en lutte contre les Guedouâ, en-
voyèrent une députa tion composée de nombreux cavaliers
pour demander du secours aux Oulad-Mohammed et à
leurs frères ; tous partirent, attaquèrent les Guedouâ et,
dans un grand combat, en tuèrent un grand nombre.
a Ensuite les Boramik se répandirent dans TOued-el-
Henné et dans l'Oued-el-Hadd*. ; ils bâtirent un ksar à
1. El-Hblali.
2. L*0u6d-el-Hadd est, ainsi que cela ressort de ce qui va sui-
vre, la série de dépressions qui relie le Bouda an Timmi et aboutit
dans le sebkha de ce dernier nom : cependant cette dénomination
d'Oued-el-Hadd semble avoir totalement disparu ; aucun indigène
ne la connaît plus.
— 85 —
Ei-Mansour, créèrent des canaux d'irrigation et firent des
labours ; entre les deux oueds resta une région de désert
où se trouvaiient Tamentit, Tasfaout, El-Abmar, Tema-
seght et d'autres ksour.
« Ces dernières localités étaient habitées par des Juifs
qui se disaient originaires de Kheïber^ ; ils étaient tous
les fils d'un même père qui, dit-on, était passé par ce
pays en voyageant pour son commerce, et le voyant vide
et inbabité, s'y était installé et avait bâti dès l'abord le
ksar de Tamentit ; ses enfants avaient, après lui, bâti
les autres ksour qui viennent d'être énumérés.
(( Ensuite arriva le cheikh Ibn-El-Hassen qui bâtit un
ksar à Âkbour, puis le cheikh El-Mehdi qui bâtit un ksar
et le nomma, du nom de ses compagnons, les Oulad-
Aïssa : Akbour et Oulad-Aïssa furent les deux premiers
ksour du Timmi*. »
Tantenilt eontre Akbour. Nouvelles arri-
vées. — « Après eux vint le cheikh Mouça qui s'ins-
talla à Tamentit, au milieu des Juifs ; ceux-ci furent, dans
ce même temps, éprouvés par une peste terrible qui les
fit mourir en grand nombre ; ce qui resta d'eux n'eut plus
ni influence ni puissance, et dut vivre sous la protection
des Musulmans.
« Quant au cheikh Mouça, il entra en lutte avec le cheikh
Ibn-El-Hassen, d' Akbour ; ils se livrèrent un combat qui
fut très meurtrier et resta indécis ; mais le cheikh Ibn-El
Hassen, qui était originaire de l'Azaouad (Sanhadjien),
se rendit dans ce pays et en ramena une troupe nom-
1. Ville et pays d'Arabie ; on connaît la manie des Arabes de
rapporter tout à l'Arabie : c'est ainsi que pour eux les Zénètes et
les Berbères sont de souche arabe ; voici les Juifs traités de môme,
le trait valait en soi d'être rapporté ; le côté fantaisiste persiste
dans les lignes suivantes.
2. El-Hblali.
— 86 —
breuse à l'aide de laquelle il acquit et garda la prépondé-
rance sur ceux de Tamentit.
« Il conserva d'ailleurs ces gens avec lui, et c'est pen-
dant leur séjour au Timmi que le ksar des Oulad-Aroussa
fut bâti par le cheikh Bahmou, le Delimi (des Ouled-
Delim»).
« Arrivèrent d'autres gens des Dehahna de l' Azaouad,
frères de ceux déjà venus chez les Boramik ; ils se joi-
gnirent aux Aft-Aîssa.
c< Puis vinrent les Oulad-Mouça qui s'installèrent à
Akbour, auprès du cheîkh Ibn-El-Hassen, et prirent la
prépondérance à la mort de celui-ci, au détriment de ses
enfants.
« Le cheîkh Màmour le Delimi vint bâtir un ksar qu'il
nomma Ait-Amour, puis un merabet de TAzaouad ou de
TAdghagh, du nom de Cheikh Hadjou, vint à son tour et
bâtit un ksar qu'il nomma Adghagh, en souvenir de son
pays d'origine ; il bâtit en même temps pour lui-même, à
côté de ce ksar, la zaoula qui a gardé le nom de Zaoulet-
Cheîkh-Hadjou ; ce fut le troisième des ksour du Timmi.
« Ensuite vint du Hoggar (sic)^ le cheîkh Daoud, qui
s'arrêta chez le cheikh Mouça, à Akbour ; puis, avec la
permission de celui-ci, il bâtit un ksar auquel il donna le
nom ethnique de ses compagnons : les Aït-Oungal ; ce fut
le quatrième des ksour du Timmi*. »
Moalaï-iSlliiiane fonde le ksar Aii-iOnehen*
— C'est alors qu'arriva de Fès le chéri f idrisside Moulaî-
Slimane ben Ali ben Amar* ; les Aît-Aïssa du Timmi
l'accueillirent avec empressement, et leur cheîkh lui donna
sa fille en mariage ; il eut d'elle cinq enfants dont trois
seulement eurent ensuite une postérité, savoir : Ali,
1. Tribu du Sahel.
2. El-Hblali.|
3. ID.
— 87 —
Âbdelhak et Aïssa ; sa bénédiction s'étendit sur le pays et
il acquit une grande renommée, il reçut des députations et
des présents de toutes les tribus depuis TOued-Salah ; il en
vint aussi des Boramik, des Guedouft, des Oulad-Hariz et
des Oulad-Amer-ben-Amor.
« Il voulut les faire vivre tous en une commune entente,
comme un seul peuple, mais les Oulad-Mohammed s'y
opposèrent, disant : « Toutes les tribus Mahboub doivent
« rester ensemble d'une part, et toutes les tribus Maloul
« doivent rester ensemble de leur côté. »
« Il reçut ensuite une députation des gens de Tamentit,
qui vinrent au Timmi dans leurs barques^ et sur leur
demande, il fit dessécher le chott qui séparait les deux
pays*.
« Il bâtit un ksar qu'il nomma Aït-Ouclien et y installa
son fils Abdelhak ; ce fut le cinquième des ksour du
Timmi.
c( Quand il fut mort, son fils Ali bâtit le ksar qui s'est
appelé depuis Aït-Ali, et qui a été le sixième du Timmi.
« Moulaï-Ahmed, l'un des fils du précédent, laissa ses
frères dans le ksar paternel et vint s'installer à la zaouïa
d'Adghagh, il devint imam de sa mosquée et, dans ce
même ksar, il bâtit une rue nouvelle qu'il dénomma
« Zegag-ech-Chehoud », la rue des témoins^ et qui est
connue encore aujourd'hui' sous cette dénomination.
« D'autres Arabes, arrivant dans le pays et s'étant ins-
tallés au ksar Aït-Ali, le fondateur de ce ksar l'abandonna
et alla se bâtir une zaouïa à Tinilane ; ce fut ici le septième
des ksour du Timmi.
1. L'auteur qui écrit ces ligues, en 1688, uous met à même de
voir combien, à son époque, la présence des eaux dans le chott de
Tamentît avait laissé un souvenir vivacc chez les populations ; or,
chacun sait que la tradition en pays arabe ne i*emonte guère au-
delà de 900 ans ; le xiv* siècle aurait donc encore vu des nappes
lacustres dans ce pays.
2. Ce qui était exact du temps de l'auteur, en 1688, Test encore
aujourd'hui.
— 88 —
« Survint alors un merabet originaire de Ghat, du
nom de Sidi Hammou, lequel s'installa auprès du cheîkh
Hadjou, à la zaouîa dWdghagh ; quelques Arabes en firent
autant, car les vertus du cheîkh étaient connues au loin,
il en vint jusque de Belbal' et de Meknès, et la zaoufa
s'agrandit considérablement.
<( Cette résidence réunissait alors trois personnages
marquants : le vertueux cheîkh Hadjou, son fondateur, le
merabet savant et pur Sidi Hammou, et enfin Moulaï-
Âhmed, fils de Moulaî-Ali beu MoulaI*SIimane, qui était
de son côté un jurisconsulte très remarquable ; la piété et
la science y furent en honneur, et les pauvres comme les
faibles y trouvèrent un refuge*. »
L'émir Abon-iVoucef boaseiile les tribus
hilaliennes vers l'Oaest« Antres arrivées aux
Oasis» — Après ses victoires, Abdelmoumen avait
pris le titre de « Prince des Croyants » ; en mourant il
laissa Tempire à son fils Abou-Youcer, le même que
nous avons vu naguère venir au Touat, et qui continua la
conquête de TEspagne commencée par son père.
Un dernier coin de terre musulmane tenait encore pour
les anciens princes merabtincs, c'étaient les Baléares où
commandait la famille des Beni-Ghanîa ; Tun de ceux-ci,
Ali ben Ghanîa, descendit en Afrique et put aller de
Bougie à Tripoli, en ralliant à sa cause toutes les grandes
tribus hilaliennes de cette région.
- Mais Témir Abou-Youcef ne tarda pas à aller rétablir
son autorité dans les pix)vinces de TEst, et pour étouffer
tout germe de révolte pour Tavenir, il pix>fita de son
t. Lies Arabes disent souvent Zaoulet-Belbai pour Tabelbalt : le
belbal est une espèce d*anabasis (Be\i ssier) ; nous voyons là une
racine berbère orné ensuite des deux 7'. atlîxe et préfixe: Tldikeir
— 71>elbair — Tlilair — TgouTarT
t. B-Hlklau.
— 89 —
retour d'Ifrikïa vers l'Ouest pour pousser devant lui la
grande tribu des Djochero, sur laquelle nous aurons à
revenir, et toutes les autres tribus bilaliennes compromises,
qu'il voulait exporter dans le Maghreb-Extrême*.
Il les bouscula ainsi à travers le Zab et le Hodna, puis
le Sahara, mais au lieu de se laisser pousser vers le
Djebel-Âmour, de nombreuses fractions se détachèrent et
gagnèrent encore le Meguiden et les Oasis sahariennes
(1168).
« Cependant de nouveaux groupes nombreux arrivèrent
dans le pays et campèrent auprès du cheikh Mouça (sous
Tamentit) ; celui-ci délibéra à leur sujet avec le cheîkh El
Mehdi, d'Âkbour, et craignant que ces gens n'allassent se
joindre aux Maloul zénètes et n'augmentassent leur impor-
tance, les deux cheikhs décidèrent d'accueillir les nouveaux
venus ; ils leur bâtirent le ksar de Taorirt, au lieu dit
Zouireg* ; Taorirt qui se trouve maintenant (en 1688),
en aval d'Ouinna, fut le huitième ksar du Timmi.
« C'est une partie de ces gens qui vinrent ensuite bâtir
Ouinna, le neuvième ksar du Timmi.
« Du pays d'Orau vint aussi une autre tribu qui campa
auprès des Oulad-Ouchen, c'étaient les Oulad-Brahim ;
ils s'installèrent dans le ksar qui prit leur nom et que
leur bâtit le cheikh Bahmou le Delimi : ce fut le dixième
ksar du Timmi.
m D'un autre côté, le cheîkh El-Mehdi bâtit un ksar
pour les Aït-Ridane qui venaient se joindre à lui ; ce
ksar nouveau prit le nom de ces gens dont Vn finale devint
un / : Ridai, d'où Taridalt, le onzième ksar du Timmi.
« Le douzième ksar fut celui des Oulad-Hassen, bâti
encore par ordre du cheikh El-Mehdi, pour les compa-
gnons d'un nouvel arrivant, le cheîkh Ghennoum.
1. E. Mercibr.
2. Sur les rives d un des thalwegs de l'oued Messàoud, à Touest
du Timmi ; voici donc dès lors trois Taorirt différents : 1* celui
dont il est question ici, au Timmi : 2* celui des Aït-Ouaras, à
l'ouest de Timmimoun ; 3* celui des Guedouà, dans le Bas-Touat.
— 90 —
« Ces deux derniers groupes, les Oulad-Hassen et les
Aît-Ridane de Taridalt, ne trouvant pas dans le pays une
autorité solide et reconnue qui pût les contenir, désobéirent
à la loi divine et se livrèrent au désordre.
« En ce temps, on commença de nommer couramment
Ihamed le clan qui était connu sous le nom de Mahboub
et Sefiane le clan Maloul.'»
Avant de voir l'origine de ces nouvelles dénominations,
nous allons parler de deux incidents de guerre survenus
aux Oasis.
Yahia ben Ohania, ehef merabtinien,
aux Oasis et a Sid|JilmasM. — Yahia ben Ghania,
qui avait succédé à son frère Ali, ne tarda pas à rétablir
ses affaires à Tripoli, dans le Djerid et jusqu'à Biskra, et
fit ainsi revenir dans le pays de l'Est le nouveau khalife
mouhhide En-Nacer, fils d'Abou-Youcef.
Celui-ci le battit et plaça toute Tlfrikia sous les ordres
d'un gouverneur qu'il établit à Tunis : c'était le caïd
Abou-Hafs Omar, qui avait fait l'expédition de Sidjilmassa
en 1147 ; notons ce détail car c'est le descendant de
ce caïd, Ahou-Mohammed ben Abou-Hafs, qui fournira
dans quelque temps la dynastie des Hafsides.
Yahia ben Ghanîa longea alors le Sud de l'Ifrikïa, se
lança vers l'Ouest et atteignit Sidjilmassa qu'il pilla (1208)
puis il regagna le Djerid et le Sahara tunisien.
Vers 1225, après une pointe jusqu a Alger, Dellys et
Bougie, il recule devant le gouverneur mouhhide de
rifrikia et se rabat sur Sidjilmassa, d'où il gagne, par les
Oasis, le Sahara oriental*.
Scission de l'empire des Mouhhldes. Ihained
et Seflanes» — En ce même temps, l'empire mouhhidien
1. ël-Helali.
2. Ë. Mercier.
— 91 —
était en proie aux compétitions de deux khalifes simul-
tanés : Yahia, fils d'En-Nacer, proclamé par la capitale
Merrakeck, et El-Mamoun, proclamé en Espagne.
EI-Mamoun gagna bientôt du terrain en Maghreb et
enleva Merrakech à son compétiteur, ne lui laissant que les
montagnes de T Atlas et leurs populations berbères, la
région de Sidjilmassa et Tlfrikla.
Les Kholt et les Sefianes, fractions des Djochem, et
d'autres Hilaliens venus en Maghreb lors de la bousculade
du mouhhide Âbou-Youcef, reconnurent dès Tabord El-
Mamoun arrivant d'Espagne.
Mais la compétition prolongée des deux khalifes mouh-
hides causa bientôt la désunion des tribus arabes et
spécialement des Djochem : ceux-ci se partagèrent eu
deux groupes dont les protagonistes furent respectivement
les Kholt et les Sefianes.
Les luttes pour le triomphe du souverain préféré
entraînèrent des haines directes entre ces deux frères
devenus ennemis, et, vers 1240, leurs querelles s'enveni-
mèrent : «f Pendant longtemps, dit Ibn-KJialdoun S les
tribus de Sefiane et de Kholt se livrèrent à des hostilités
mutuelles, et comme les Kholt s'étaient attachés à la
cause d'El-Mamoun et de ses fils, les Sefianes prêtèrent
leur appui à Yahia ben En-Nacer qui disputait à ce prince
le khalifat du Maroc*.
1. Trad. de Slane.
2. Nous écrivons ici ce mot « Maroc » seulement parce que, citant
l'Histoire des Berbères ^ nous nous faisons scrupule d'en modifier
le texte. Mais il montre bien l'inconvénient qui existe, en général,
à admettre dans l'histoire des peuples étrangers des vocables na-
tionaux dont l'origine remonte à l'époque des premières notions
sur ces étrangers, car l'initiation moderne plus complète permet de
voir Tobscurité, quelquefois les inexactitudes» qu'entraîne cette
mode. Ainsi, ici, ce qui était en discussion n'était point le «khalifat
du Maroc ». pays compris entre l'Oued-Mouilah, le Sahara et
rOued-Drâ, mais bien plutôt le « khalifat du Maghreb » lequel
Maghreb, avec son annexe connue Tlfrikia, constituait à cette
époque toute F Afrique Mineure, On voit la nuance. Le mot « Maroc »
— 92 —
« Er-Rachid (fils d'El-Mamoun) ayant fait mettre à
mort Masoud ben Hamidane, chef des Kholt, ceux-ci pri-
rent le parti de Yahia ben En-Nacer et les Sefianes
passèrent aussitôt du côté d'Er-Rachid (1234)*. >
C'est, croit-on, du nom de ce Hamidane, père de Masoud,
qu'est sorti sous une forme berbérisée le vocable « Ihamed >
qui a succédé à celui de « Kholt » pour désigner cette
tribu •, — à moins toutefois que ce soit du nom de
Mohammed ben Mobarek, chef de cette tribu'.
Quoi qu'il eu soit, on saisit l'occasion de pouvoir faire
revivre sous ces deux dénominations d'anciennes divisions
remontant au temps d'Ali ben Abou-Taleb*, et l'activité
de ces deux tribus, la prépondérance qu'elles acquirent
dans chacun des deux partis qui divisaient alors le Ma-
ghreb pour le choix du souverain, motivèrent l'extension
de leurs noms à tout leur parti : on fut du clan des Sefianes
quand on tint pour les princes mouhhides, et du clan des
Ihamed quand on soutint la fortune naissante des émirs
merinides ; puis parfois on changea camp pour camp, mais
toujours les deux tribus restant ennemies et opposées l'une
à ^autr(^
Tout le Maghreb-Extrême prit parti dans la longue
compétition des deux dynasties ; Sidjilmassa et ses dépen-
dances sahariennes se passionnèrent à suivre les fortunes
diverses de l'un ou l'autre parti, et chacun des deux y
est venu dans notre langue de l'espagnol « Marocco », transcription
fantaisiste de l'arabe a Marrakech ». lequel est un nom de ville, pas
plus. Cette ville se trouva être la capitale des khalifes musulmans
contre lesquels les rois chrétiens de TEspagne eurent à lutter et
qu'ils dénommèrent : « rois de \farocco » ; ainsi ce vocable devint
dès Tabord le nom de pays que nos aïeux adoptèrent, mais que les
.Musulmans n*ont jamais connu, et qui ne peut plus satisfaire,
aujourd'hui que nous serrons l'exactitude de plus près.
1. lB?i-KHALDOU.N.
2. De la Martimèrk et Lacroix.
3. Ibn-Khaldoun.
4. G. Watik.
— 93 —
acquit et conserva des partisans déterminés ; les Oasis
sahariennes présentaient déjà un terrain tout préparé : les
Mahboub se déclarèrent Ihamed, et les Maloul ne purent
que se dire Sefianes.
Que si la curiosité faisait rechercher pourquoi il n'en fut
pas tout juste autrement, on pourrait considérer que les
Mahboub arabes du Touat se rallièrent aux Ihamed, le
parti fort, ayant le prestige grandissant du gouvernement
merinide, et réunissant par là même les plus fortes tribus
arabes, et berbères arabisées, — le parti noble ; tandis que
les Maloul berbères ne purent qu'aller aux Sefianes, tous
ou presque tous berbères, et combattant pour une dynastie
beibère, car les Mouhhides étaient sortis des Masmouda
et des Koumïa, — le parti d'opposition.
Le Touat conservera ees divisions après le
reste du IMafi^hreb. — Appuyés sur cette base politi-
que et ethnologique, les deux partis agirent dans la vie
intérieure du pays touatien de manière incessante et pré-
pondérante ; dans cette région éloignée et isolée, pourvue
dès maintenant de tous les éléments ethniques qui y coha-
biteront jusqu'à nos jours, ils se maintiendront au point
qu'après six siècles, un souverain donnera à chacun d'eux
un chef spécial, tandis que dans d'autres régions, comme
les ksour du Sud-algérien ou du Djerid tunisien, dont
Foxistence politique a été plus influencée par les contin-
gences extérieures, si les partis rivaux se sont maintenus
jusqu'à nous, ils ont depuis longtemps perdu leurs dénomi-
nations anciennes, dont la raison a été effacée par les inter-
ventions ou les événements plus récents.
Les Oasis, comme jadis la Palestine touatienne, ont été
grandement protégées par leur ceinture de glacis déser-
tiques, et nous y avons certainement trouvé un coin du
Maghreb du xiv« siècle peu modifié par les dynasties
maghrébines postérieures, ainsi que les chapitres suivants
le montreront.
CHAPITRE VI
L'Époque merinide
(lSa(M504)
Ohassé-croisé de khalifes et de capitales d'empire. — Les débuts
politiques des Merinides. — Chronique locale. — AbouM-Ala,
émir mouhhide, envoie un caïd aux Oasis. — f ^e merinide Abou-
Youcef Yâcoub s'empare de Sidjilmassa. — Nouvelles arrivées
dans les Oasis. Destruction d'El-Mebrouk par les Arabes màki-
liens. — Le groupe des Boramik resté à Baghdad gag^ne le
Touat. Cette tribu s'empare du ksar de Bou-Ali. — Le plus
ancien document trouvé au Touat. — Abou-Ali, fils de l'émir
merinide, fait la conquête du Touat. — Abou-Ali, maître du
Sahara pendant dix-sept ans. Sa mort. — Incursions des Arabes.
Disettes. — Un avatar des descendants des anciens émirs de
Séville. — L'émir merinide, battu par l'émir zTanite, se réfugie à
Sidjilmassa. — Ibn-Batouta au Touat et à Sidjilmassa. — Sid-
jilmassa rattachée à Tempire merinide. — Abou-Hammou II,
émir zïanite, se réfugie au Tigourarine. — Sauterelles, famines,
désordres au Touat. Abou-Yahia El-Meniàri est cadhi à Tamentit.
— Les Arabes de Ghat au Tidikelt. — La prospérité des Oasis
au xiv« siècle. — Les émirs de Sidjilmassa à la fin du xiv* siècle.
— El-Moâtamid, khalife hafside de Tunis, vient au Touat. —
Sauterelles et famine nu Timmi. Tamentit appelle une expédi-
tion zïanite. — A Tamentit : le cadhi Sidi Abdallah ben El-
Asnouni ; les Oulad-Daoud-ben-Amor battent monnaie. — Rela-
tions avec les Sahariens du Sud et les Soudanais. — Désordres.
Destructions de ksour. — Arrivée du cheikh Ben Abdelkerim
ENMeghili. — L'intolérance religieuse. Destruction de la syna-
gogue de Tamentit. Massacre des Juifs. — La version populaire
sur les causes du conflit entre le cheïkh Ben Abdelkerim et les
Juifs. — Le cheïkh Ben Abdelkerim, battu par l'émir merinide,
se réfugie au Soudan. — Siège et prise de Tamentit par le cheïkh
Ben Abdelkerim. Mort de celui-ci.
ChasM-erolM de khalifes et de eapltales
dVinpire. — Voici donc, en 1230, deux khalifes : El-
Mamoun, à Merrakech, et Tahia, à Sidjilmassa mais, El-
— 96 —
Mamoun étant venu à mourir, Er-Raehid, sno fils et suc-
cesseur, réunit une armée et vint s'emparer de Sidjil-
niassa, comptant bien porter ainsi le coup mortel à son
compétiteur ; cependant^ Yahia s'avançait simultanément
sur Merrakech ; il la prit et la mit au pillage : les deux
khalifes se trouvèrent ainsi avoir échangé leurs capi-
tales (1236).
Enfin, Yahia fut battu et tué.
En 1242, Sidjilmassa se proclame vassale du prince haf-
side de Tunis qui vient d'asseoir son autorité sur le
Maghreb-Central et la région de TIemcen ; mais Es-Sald,
frère et successeur d'Er-Rachid, marche contre elle et la
fait rentrer sous ses lois*.
Les débats politiques des Merlnldes. — Cepen-
dant le désordre augmente eu ces derniers temps de la
dynastie mouhhide ; malgré tous les efforts du khalife de
Merrakech, trois puissances sont nées et grandissent :
d'une part, les Hafsides, à Tunis, d'autre part, les Abdel-
ouad berbères, à TIemcen, et enfin, à Fès, Tancienne capi-
tale des Idrissides, les Beni-Merine, fraction des anciens
Zénètcs venus du Zab un siècle auparavant.
Eu 1255, les Beni-Merine, conduits par leur émir Abou-
Yahia, battent le khalife mouhhide auprès de Fès et
s'avancent vers le Sud ; Abou-Yahia reçoit alors la sou-
mission de Sidjilmassa qui lui est livrée par la trahison
d'un certain Mohammed El-Kitrani, officier du gouver-
neur mouhhide de cette ville. Une garnison merinide y est
laissée sous le commandement d'El-Kitrani*.
En 1257, les Abdelouadites, sous la direction de leur
émir Yaghmoracen, attaquèrent, sans succès, leurs cou-
sins merinides sur l'oued Selit ; ils se poi-tèrent ensuite
sur Sidjilmassa, mais l'émir Abou-Yahia les battit de
1. Mkrcikr.
2. Id.
-9^-
nouveau et les força à se replier ; il profita de ce nouveau
séjour pour organiser Tadministration de cette région*.
Chronique loeale.— « En 1239, les Oulad-Matallah,
du ksar de Zerzanc, chassent du ksar de Mosbah les
Oulad-Sidi-bcn-Salcm qui vont s'installer à Bouzane
(Timmi).
c( En 1243, les Oulad-Saboun viennent du pays de Ghat
et s'installent au ksar d'El-Djir (Tïmmi).
« En 1253, les Oulad-AUich, de Fès, arrivent à Taorirt
(Timmi)* ».
«r En 1258, une fraction des Âlt-Zotilane, du Sahel, vint
au Touat ; ils campèrent auprès du ksar de Taorirt en
Timmi ; mais les gens du Timmi, de Tamentit et des
Oulad-Hariz se réunirent contre eux et allèrent leur livrer
combat ; les gens du Bouda, survenant à leur tour, s'inter-
posèrent et provoquèrent un accord entre les deux partis'. »
C'est à cette époque qu'une invasion tatare abattit la
puissance abbasside, prit Baghdad et envahit la Palestine ;
le grand chérif de La Mekke envoya à Tunis une ambas-
sade, qui porta au hafside El-Mostancer le diplôme le
reconnaissant comme l'héritier des khalifes de l'Est et lui
donnant le titre de Prince des Croyants.
En 1262, Sidjilmassa tomba aux mains des Arabes
màkiliens de la tribu des Monebbat, qui mirent à mort le
gouverneur merinide et appelèrent l'émir de Tlemcen ; ce
prince vint recevoir le serment des habitants et installa
son fiJs Yahîa comme gouverneur*.
« En 1269, vint du Sahel le cheikh Toudji, de la Saguia-
Hamra ; il séjourna quelque temps chez ses parents, les
1. El-Istiksa.
2. Ecrit par Ahmed ben Nadjem, en 1687.
3. El-Amouri.
4. Mercier.
— 98 —
Ouled-Âroussa du Timmi, puis il alla s'installer avec se
compagnons à Gharmali en Bouda, et en expulsa les Juifs
qui allèrent demeurer dans l'Oued-el-Hadjar, à Ksar-
Daoud, à Ksar-Omar et aux Oulad-El-Mehdi ; ils ont
disparu depuis, ainsi que les habitants d' Adrar {en Bouda)
etd'Oudji*.»
Abon^l-Ala, émir ntoahUde, envoie un eaid
aux Oasis. — « En 1266, Âbou'1-Ala Idris ben El-
Mansour étant devenu maître de Tempire envoya son
caïd Messàoud ben Nacer au Touat.
«c Celui-ci vint à Semmota, chez le cheikh Abdelàli ben
Slimane, et invita toutes les tribus à reconnaître Témir
Abou'1-Ala Idris, mais les Arabes étaient, à cette époque,
dans le Meguiden.
« Il alla ensuite dans TOued-el-Henné où vinrent le
rejoindre les Boramik qui étaient dans TAhnet, ainsi que
les Oulad-Ali-ben-Hammadi ; ces Arabes vinrent camper
autour des ksour de Zaglou, firent bon accueil au caïd et
reconnurent TEmir — que Dieu le fasse victorieux !
« Le caïd partit au mois de choual et passa les fêtes de
TAld-en-Nahar à Merrakech auprès du souverain, puis il
revint au Touat avec une troupe de 120 cavaliers et
s'arrêta chez le cheikh Bou-Hafs, à Akbour en Timmi.
4 II alla ensuite au Gourara pour voir les Arabes qui
étaient dans le Meguiden Tannée précédente ; ils vinrent
tous se présenter à lui à Tibecherine, lui offrirent des
cadeaux et déclarèrent reconnaître TEmir ; puis, une nuit,
ils l'attaquèrent par trahison, lui tuèrent 25 cavaliers et
repartirent dans le Meguiden.
« Après avoir enterré ses morts, le caïd revint à
Timmi, chex le cheikh Bou-Hafs ; il convoqua tous les
Arabes de TOued-el-Henné et de TAbnet, et les emmena à
l'attaque de ceux du Meguiden ; dans le combat qui eut
i. Note MS trouvée au Bouda.
-99 —
lieu, ceux-ci perdirent 160 tués, quant aux contingents du
Timmi, de TOued-el-Henné et de TAbnet ils eurent 60
morts.
« Le caïd retourna ensuite auprès de son souverain* .»
Il semble bien que ces événements doivent, en réalité,
s'être passés un an ou deux plus tard, lorsque les Abdel-
ouadites eurent été battus au Telagh par Témir merinide',
ce qui entraîna sans doute le départ d' Abou-Yabia de Sid-
jilmassa et le retour de ce pays sans Taulorité de l'émir
mouhhide de Merrakech, car il eût été malaisé à celui-ci
d'envoyer une expédition au Touat sans être maître de la
route qui y conduisait (1268).
Le merinide Aboa«Yoaeef Yàkoab s^eiupare
de SiiIJilmaBMi. — Dans les années qui suivirent,
l'émir merinide Abou-Youcef Yàkoub termina la conquête
de tout le Maghreb-Extrême, depuis le Drà jusqu'à
Tanger, et fit une guerre heureuse aux Abdelouadifes
dont il enleva tous les territoires à l'ouest de Tlemcen.
« Restait Sidjilmassa, la métropole du Sud, dont la pos-
session avait été conservée par les Abdelouadites. Ce fut
vers cette ville qu'Abou-Youcef se dirigea en quittant
Ceuta. Il emmenait avec lui un matériel considérable et
des machine de guerre de toute sorte, parmi lesquelles un
engin nouveau lançant de son a/ne, au moyen (Tune
poudre inflammabley du gravier^ du fer et de V acier*.
Après un siège d'un an et plusieurs assauts, la place
tomba enfin entre les mains de l'émir merinide (1274).
1. Ahmed bbn AnDERRAiiMANB, de Baho (Timm').
2. Mercier.
3. Mercier. — Dans les premières armes à feu des Arabes, le
« medfâ » était une boîte en fer ou en bois emmanchée au bout
d'un manche à deux mains ; on y versait de la poudre, et sur l'ori-
fice on plaçait le < bendek », projectile de toute nature : pierre,
caillou ou boule de fer, puis on mettait le feu à la poudre en main-
tenant le medfà au-dessus d'une flamme ; un peu plus tard, on pra-
tiqua un trou dans la paroi pour mettre le feu plus facilement.
— 100 —
IVonwelles arrivées dans les Oasis. Des-
Arnetion d'EI-Mebroak par les Arabes mAki-
llens* — « Ea 1269, les OoIad-ÂIi-bea-AbdalIah, qui
étaient jadis partis d'Ifrikia fuyant le gouvernement obel-
dite, arrivent au Tigourarine *. »
« En 1270, les Oulad-Otmane viennent du pays de Tin-
douf*. »
« En 1273, arrive El-Ouàlaoui ben Ali ben Abdallah,
venant d*Andalousie, sous le gouvernement de Hecham
El-Mou!ed (sic)^ et Tannée suivante vient à son tour EI-
Hadi ben Ahmed ben Abdallah ben Mohammed ben AU
ben Abdallah ben El-Abbas, originaire du Khoraçane ; il
était cousin d'El-Moàtacim, le Khalife de l'époque ' ; il
s'installa au Tigourarine où sont encore aujourd'hui
[1690) ses descendants, une information digne de foi indi-
que qu'ils sont à Charouine\ »
« En 1276, un rezou vint du pays de Tichit* ; il ran-
çonna les gens du Touat-el-Henné et des ksour de Djaz-
lou, et il détruisit le ksar d'El-Mansour (en Zaglou).
« En 1281, vint un autre rezou des Arib qui rançonna
tous les ksour du Tamest et de Djaziou et rasa le ksar de
Mekid ; il fut suivi l'année suivante par un rezou des
Abda*. »
En 1286, les Oulad-Ali vinrent du pays de Ghat et s'ins-
tallèrent dans les ksour de l'Oued-el-Henné \
« En 1288, les Oulad-Ben-Allal, qui fuyaient les exac-
tions de l'abbasside El-Mehdi ben Mansour, campèrent
aussi en Tigourarine.
« En 1292, vinrent au Tigourarine les Oulad-Ben-Seddik,
1. Ahmed ben Mohamued ben Abderrahmame (1690).
2. Ahmed ben Nadjem (1687).
3. Le 37* khalife abbasside, mort vers 1260 (Mercier).
4. Ahmed ben Mohammed ben Abdbrrahmanb (1690).
5. De l'Adrar Mauritanien.
6. Feuillet MS. trouvé à Zaglou.
7. Abdbsselam ben Mohammed El-Adghaghi.
- 101 —
qui fuyaient les mauvais traitements du chambellan
(v.j^y^La.) Mohammed ben Bou-Amer El-Amouyi.
ce En cette même année, arrivèrent aussi les Alalich
(Oulad-Allouch), qui terrorisèrent tout le Tigourarine, pil-
lèrent des ksour, détruisirent des palmeraies et infligèrent
une défaite aux Zénètes qui les combattirent ; mais bientôt
une coalition se forma contre eux, comprenant les gens de
rOued-el-Henné, les Arabes d'Ouallen, d'El-Ghandous et
de Bou-Zid, et ils furent expulsés du Touat *. »
En 1209, des Ouled-Abdelmoumen vinrent du pays
d'Ifrikïa pour commercer ; puis ils s'installèrent définiti-
vement à Takhfif .
« La même année arrivèrent du pays de Tichit la tribu
des Harezma, qui s'installa à DefFa% et la tribu des Oulad-
Sàdoun'. »
« En 1301 apparut Sidi Sald ben Ali ben Abdallah
ben Ahmed ben Mohammed ben Salem ben Mebrouk El-
Hamoudi, le premier des Ghorfa hamoudites* qui soit
venu au Tigourarine * ; il s'installa à Semmota où tous
les habitants du Touat vinrent lui souhaiter la bienvenue
et se mettre à sa disposition.
« II y resta seul jusqu'en 1309, époque où ses cou-
sins hamoudites, les Oulad-Sidi-Mohammed-ben-Tuïeb-
ben-Abdeldjebbar-ben-Mohammed-ben-Ahmed-ben-Ali-EI-
Hamoudi, qui arrivaient d'Andalousie, le rejoignirent* ».
« En 1272, une fraction des Ouled-Abbou vint du pays
d'Adghagh ' et prit sa résidence chez les Oulad-EI-Hadj
(El-Bordja).
1. AHMED BEN Mohammed ben Abderraiima^e.
2. Ksar du Timmi, voisin d'Akbour, aujourd'hui disparu.
3. Ahmed ben Nadjem.
4. Les Hamoudiles sont une branche des Idrissides.
5. Nous avons vu plus haut que d'autres étaient venus à Zaglou
dès 1155.
6. Ahmed ben Mohammed ben Abderrahmane.
7. L'Adghagh saharien.
— 102 —
cr Cette même année, les Boramik, aidés par leurs
alliés mâkiliens, acquirent la prépondérance sur les ksour
zénètes du Fenoughil.
« En 1309 vint du pays de Tunis une tribu nommée
EI-Ârifat, qui s'arrêta à Chebani, près de Zaglou, et
entama les hostilités contre les Boramik ; ceux-ci firent
appel aux tribus mAkiliennes des Oulad-Djerar, Âft-
Alouane, Alt-Bou-Kenif, Aït-Zoulane, Arib et Abda, et
avec leur concours constituèrent une troupe de 2.650
hommes qui alla assiéger Chebani et le détruisit, ainsi
que le ksar voisin de Djelab.
Ci Cette expédition remonta ensuite les oasis jusqu'à
El-Mebrouk, dans le Gourara, où elle détruisit les ksour
d'inzaf, En-Nadjii, Achouch et Ksar-Meriem, tous situés
autour d'El-Mebrouk*. »
Les Boramik reniés à Bag^hdad gafi^nent le
Tonal. Cette tribu s^empare du ksar de Bon-
Ail. — Nous venons de parler des Boramik dont nous
connaissions la présence au Touat, voici venir leurs frères
qui les rejoignent.
« El-Moàtacim, le dernier khalife abbasside, ayant été
tué en 1259 \ les Boramik partirent de Baghdad en 1260
et vinrent au Djebel-Nefouça (de Tripolitaine) où iis
séjournèrent jusqu'en 1302, et enfin ils arrivèrent au
Touat enl309».
« En cette même année, les notables des Zénètes et des
Oulad-Solefm ( Hilaliens ) yinrent délimiter les terres qui
appartenaient aux Boramik dans TOued-el-Henné et
1 . Ahhed BEN Mohammed bbh Abdbrraiinanb .
2. Cf. Mercier. Le chroniqueur tombe juste, comme date, pour
ce fait lointain et que le Touat n'a pu connaître qu'après un cer-
tain temps.
3 D'après une tradition rapportée par le caïd actuel de Sali, ils
auraient séjourné quelque temps au Hoggar où un oued porterait
encore le nom dlkedaten, nom touareg des Boramik,
— 103 —
séjournèrent dans cette région jusqu'à la fin de Tannée,
puis ils se séparèrent pour rentrer chez eux.
a Les Arabes Meharza et Oulad-Mohammed, qui étaient
dans le Meguiden, vinrent camper au milieu des Zénètes
en 1313 et nomadisèrent dans le Tigourarine jusqu'en
1321 ; alors ils gagnèrent TOued-el-Henné et séjournèrent
chez les Boramik pendant deux mois et quinze jours,
puis ils reprirent la route de Tigourarine par Toued
Takhfif.
« En 1327, les Oulad-Mohammed eurent une guerre
avec les Oulad-Che!kh-Âli, habitants de Bou-ÂIi ; ils
perdirent vingt hommes dans un combat qu'ils leur
livrèrent, mais ils tuèrent aux Oulad-Cheïkh-Ali cent com-
battants .
« De là, les Oulad-Mohammed poussèrent jusqu'au Reg-
gane et enlevèrent les troupeaux de chameaux des Gue-
douà, qu'ils emmenèrent sans retard au Tigourarine.
« Après leur retour dans le Nord, les Oulad-Cheïkh-Ali
attaquèrent brusquement les Boramik (qu'on comprend
ainsi avoir été les alliés des Oulad-Mohammed) et leur
tuèrent 60 hommes ; mais les Boramik s'empressèrent
d'écrire aux Oulad-Mohammed, aux Oulad-Ali-ben-Hariz,
aux Meharza et aux Khenafsa, et leur demandèrent assis-
tance.
« Toutes ces tribus leur envoyèrent des contingents, et
se trouvant ainsi disposer d'une troupe nombreuse, les
Boramik vinrent assiéger les Oulad-CheIkh-AIi dans leur
ksar qu'ils détruisirent ; ils massacrèrent les défenseurs et
éparpillèrent leurs derniers débris.
« C'est de cette époque que les Boramik sont devenus
propriétaires du ksar de Bou-Ali*. »
D'après une tradition* les Boramik formèrent trois frac-
tions ; 1*^ les Ba-Guelmane qui s'installèrent à Bou-AIi ;
2^ les Ba-Temtame qui jetèrent leur dévolu sur Sali ; 3° les
1. MOBARBK BBN AlI £l-MbNACERI.
2, Rapportée par le caïd actuel de Sali.
— 104 —
Ba-Baliine qui se ^superposèrent à des Zénètes, proprié-
taires onloricurs de Tinoulaf en Reggane.
Le district des Oulad-Mobammed « mettait alors 106
cavaliers à cheval, qui se réunissaient habituellemont à
EI-Mebrouk chaque vendredi ; il y venait aussi de TOued-
S alah 260 cavaliers, et toutce monde donnait des courses
et des fantasias sous le ksar ; puis, le samedi matin^ ils
partaient faire une expédition contre les ksour zénètes voi-
sins ; ils furent détruits comme nous l'avons dit, puis les
Boramik et leurs alliés rentrèrent chacun chez soi '. »
Simultanément, une tribu du Sahel, les Sekarna, venait
attaquer le Bouda et livrait aux gens de ce district un
combat acharné ; d'un autre côté, les Oulad-Mohammed
se battaient contre les Guedouâ *.
En 1303, des Oulad-Meriem, du Regganc, et des Azzi,
du Fenoughil, fondèrent Naâma dans l'Akabli ; ces Azzi
étaient venus eux-mêmes du Tafilelt, ils étaient de la
descendance de Sidi Mobarek El-Anbri, de Taria*.
Le plus ancien doenment trouvé au Touat.
— C'est une sorte d'acte de notoriété, daté de Tan hégi-
rien 721 (1312), et déclarant « quhui homme du nom de
Mohammed ben Abdallah ben Mohammed^ merabei^
demeurant à Souf^Mokrane^ en Tigourarine^ est^ au
dire des anciens^ d'origine chérifienne^ et quHl a droit
en cette qualité à la protection^ à la sollicitude et au
respect de tous les Musulmans.
« Et ceci au témoignage du rédacteur du présent,
Mohammed ben Otmane ben Aïssa, de Souf-Mokrane^ et
des autres témoins^ savoir : Messâoud ben Itmaïr^ du
Fezzane ; ben Youcef ben Otmane^ de
Mezlana ; Youcef ben Mohammed ben Otmane^ des
Abda. . .»
1. Abdesselam ben Mouammeo ël-Adguagiii.
2. ël-Ahoubi.
3. Nots MS trouvée à Zaglou.
— 105 —
Après des passages entiers détériorés, on trouve encore
d'autres noms de Touatiens de Tépoque, accolés au nom
de leur village, par exemple : EUHadj Mohammed^ de
Beiii'Meklal ; Mohammed ben Ali benMezhaf^ de Tabia ;
Ahmed ben El-Azzi^ de Tabia ; Mohammed ben Uou^
Hamed ben Omar^ d^El^Khelia ; Omrane ben Mohum^
med^ de Temana^
Noter d'une part les nombreux individus d'origine
étrangère, depuis celui du Fezzane jusqu'à celui des Âbda,
venus des extrémités est et ouest du Sahara, et, d'autre
part, les noms de ksour aujourd'hui disparus.
Abon-iAll, fils de Pémlr merlnlde, fall la
conquête da Touat. — Âbou-Ali ayant soulevé
contre l'autorité de son père, l'émir Abou-Saîd, une partie
du Maghreb, fut battu et contraint de reculer jusqu'à
Sidjilmassa (1315-1316).
« Abou-Ali s'empara alors des villes du Sahara, il
réduisit les ksour du Touat, de Tigourarîne et de Tamen-
tit' »; les années suivantes, il conquit le « Drà et le
Sous ; une fraction des Chebanat fuyant devant lui vint
s'installer au Touat, dans l'Oued-el-IIenné, et se joignit
aux habitants de Bou-Ali ■. »
Abon-iAII, maiire da SSahara pendant dix-
sept ans. Sa mort. — En 1320, Abou-Ali se révolta
une seconde fois contre son père et s'empara de Merra-
kech ; il lut bientôt battu et rentra avec peine à Sidjil-
massa où son père vint Tassiéger, mais Abou-Ali négocia,
obtint le pardon paternel et se fit maintenir dans son
gouvernement.
Abou'l-Hassen, son frère, succéda â leur père com-
1. Ibn-Khaldoun.
2. El-Amouri.
— 106 —
mun en 1331^ et, se défiant de Tambition fraternelle, il
marcha aussitôt sur Sidjilmassa.
Abou-Ali s'empressa d'envoyer à sa rencontre une dépu-
talion chargée de lui faire agréer ses assurances de sou-
mission et d'amitié ; « il priait Dieu, dirent les envoyés,
afin qu'il conservât son frère dans la haute position de
sultan merinide, et ne demandait pour lui-même que d'être
maintenu dans son gouvernement de Sidjilmassa et des
provinces du Sud*. »
Âbou-Ali rassura ainsi son frère qui alla guerroyer
contre les Âbdelouadites ; mais, incité par ceux-ci, il se
révolta Tannée suivante, s'empara du Drà et envoya une
armée attaquer Merrakech.
Abou'I-Hassen vint aussitôt l'assiéger dans Sidjilmassa,
et après un siège d'un an, malgré les renforts âbdel-
ouadites qui y pénétrèrent, il prit la ville et la pilla.
Abou-AIi fut mis à mort ; il avait gouverné le Sahara
pendant dix-sept ans (1333).
Abou'l-Hassen s'empara de TIemcen en 1337, fit mettre
à mort l'émir fait prisonnier, dispersa les Abdelouadites
et étendit son empire jusqu'à la Mitidja*.
Inearslons des Arabes. Disettes. — Des gens
de rOued-Righ, les Oulad-Taleb-Djorfane, étaient venus
au Touat en 1306 et avaient livré un combat aux gens
de Taorirt en Timmi, puis ils étaient retournés dans leur
pays.
Ils en revinrent, en 1309, au nombre de 1.000 hommes,
et campèrent à Djorfa, près des Oulad-Sâdoun ; ils pil-
lèrent Taorirt, Ksar-Aïssa, Ksar-Aloussa, Mesif, et se
firent craindre do tout le pays».
« En 1311 arriva le merabet Sidi Youcef ben Tafeb ben
1. E. Mercier.
2. Mercier.
3. Ahmed ben Nadjem.
— 107 —
Mohammed El-Mehdi ben Abdallah ben Habboun(?) qui
s'installa au Tigourarîne, auprès des Chorfa ; ceux-ci lui
firent bon accueil et écrivirent à toutes les tribus du Touat
de les imiter à son endroit ; il finit par aller s'installer
dans le Touat.
« En 1313 arrivèrent les Oulad-SelamaS avec Sidi Ah-
med ben Mohammed ben Abdallah ben Âli ben Mohammed
El-Mehdi ben Abdallah El-Hosni ; parvenus dans FAhnet,
ils se dirent envoyés par les princes mouhhides et con*
vièrent tous les Arabes et les Zénètes du Touat et du
Tigourarine à leur envoyer des députations ; il en partit
de toutes les tribus, ainsi que des Chorfa et des Merab-
tines, et les Oulad-Selama, après avoir reçu leur bienve-
nue, quittèrent TAhnet avec eux et les accompagnèrent au
Touat.
c( En 1319, Sidi EI-Abbadi ben Ali ben Rahmoun ben
MessAoud, TAbdelouadite, arriva de Tlemcen accompagné
de cent hommes et de leurs familles, et campa à El-Ghan'
dous ; les Chorfa hamoudites vinrent Vy saluer et l'invi-
tèrent à s'installer au milieu d'eux, ce qui contribua à
augmenter leur influence*. »
« En 1321, des caravanes vinrent du pays d'Angad et
campèrent auprès de Saàd-Ahlou ; ils trouvèrent dans ce
ksar les gens de Taorirt qui s'y étaient réfugiés, et qui
leur racontèrent ce qu'ils avaient soulTert de la part des
gens de l'Oued- Righ.
« Les notables des caravanes retournèrent aussitôt au
pays d'Angad et en ramenèrent une troupe de 2000 hom-
mes qui attaqua les Oulad-Taleb-Djorfane dans Djorfa,
les expulsa de ce ksar et leur tua 200 hommes.
« En 1432, les Oulad-Ben-Sidi venant de Figuig s'instal-
lèrent à Bouzane*. »
1. C*était UDO fraction de la tribu zcnète de ce nom qui, civec les
Toudjines et autres Zt^nètas. avait lutté contre l'émir merinide
Otmane I" dans le Maghreb-Central, pendant les premières années
du siècle. (Cf. Mercier.)
2. Ahmed ben Mohahhed ben Abderrahhane.
3. AhHED ben NAOJBlf,
— 108 —
K En 4344, une disette sévit dans le Drft, la grande tribu
des Ârib quitta ce pays et vint au Touat ; elle campa
autour du Bouda et y resta une année entière, puis elle
retourna dans TOuest.
« En 1345, les Âbda organisèrent une expédition pour
venir piller au Touat, mais ils furent complètement battus
par les Boramik qui leur tuèrent plus de cent hommes, et
ils durent regagner FOuest en désordre.
« L'année suivante arriva une expédition des Oulad-Ali-
ben-Tahar, du Tafilelt, qui prirent leurs campements
dans rOued-el-Henné, et, de là, opérèrent dans tout le
Touat jusqu'au Reggane, coupant les routes de l'Azaouad
et du Soudan ; mais peu à peu tous ces gens s'installèrent
dans les ksour où ils se mêlèrent aux habitants.
« En 1348, les Oasis furent éprouvées par une grande
invasion de sauterelles qui dévastèrent les récoltes et
amenèrent la famine dans le pays^ »
Un avatar des deseendanto des anciens
émirs de Se ville* — On sait' le rôle important que
jouèrent en Espagne^ au x* siècle, les Beni-Abbad, émirs
de Séville, dont le dernier représentant, EI-Moàtamid
Abbad, fut vaincu et détrôné par l'émir des Merabtines,
Youcef ben Tachfine, puis, par ordre de celui-ci, interné
à Meknès et ensuite à Aghmat où il mourut en 1095.
Il est curieux de retrouver, trois siècles plus tard, ses
descendants guerroyant aux Oasis.
« En 1340 arriva du pays de Taroudant la tribu des
Oulad-Ben- Abbad, forte de 1000 hommes, qui attaquâtes
Oulad-Ben-Mess&oud et les expulsa de leur ksar où elle
s'installa à leur place ; ceux-ci se transportèrent au ksar
Bassou et devinrent ainsi les voisins du ksar El-Ghorba*.
1. El-Amouri.
2. Cf. Mbrcier.
3. Tout cela se passe en Timmi.
— 109 -•
« Les Oulad-Ben-Âbbad se rendirent encore maîtres du
Ksar-Mousa, y compris ses palmeraies et ses eaux ; pen-
dant plusieurs années, ils coupèrent les routes conduisant
du Timmi à la mine de sel % et ils imposèrent une contri-
bution aux gens qui allaient chercher du sel ; ils devin-
rent très puissants avec l'aide du cheikh Hammou Djane,
des Beraber, qu-ils installèrent à Touest du ksar Messàoud,
dans la kasba des Oulad-Ben-Taleb, laquelle fut abandon-
née par ses propriétaires.
« En 1353, les gens du Timmi concentrèrent à Ksar-
el-Haîrane une troupe de 290 cavaliers fournie par tous
leurs ksour, depuis Ksar-Cheikh-Daho jusqu'à Ksar-ed-
Dib et Noum-en-Nas, en vue d'attaquer les ,Oulad-Ben*
Abbad ; ils résolurent de se trouver avec toutes leurs
forces à El-Ghorba un mois et demi après.
« Le cheikh Ben Mousa et le cheikh Mobarek ben El-
Hafsi partirent alors pour réclamer l'aide des Arabes de
rAhnet, et ils en ramenèrent 1.500 hommes qu'ils répar-
tirent entre Kasbet-Ali-ben- Mobarek et Ksar-^es-Sebkha,
jusqu'au ksar Ahlal, et ils prièrent les gens de Ksar-Alssa
et de Bouzane de ne pas prévenir les Oulad-Ben-Abbad.
« Mais une femme de cette fraction se trouva venir à
Ksar-el-Halrane, entendit des conversations visant les
Oulad-Ben-Abbad et avertit ceux-ci ; ils firent alors sortir
du ksar Messàoud leurs femmes et tout ce qu'ils possé-
daient et cachèrent le tout dans les bas-fonds de Hofret-
es-Sebot ; puis, avec tous leurs cavaliers, ils allèrent atta-
quer EI-Ghorba.
«c Une temme de ce ksar se mit à crier« ses cris furent
entendus du ksar voisin et répétés de ksar en ksar jusqu'à
Noum-en-Nas, car les ksour de ces falaises étaient très
rapprochés les uns des autres, et tout le monde se réunit.
« Les ksour de Cheikh-Daho, Cheîkh-Mobarek, Saàd-
Ahlou, Taorirt et El-Djir rassemblèrent leurs cavaliers
1. Encore exploitée aujourd'hai sous le nom de Hofret-el-MeUh
(4 kil. ouest du Timmi.)
qui 86 mirent en route vers El-Ghorba en longeant le pied
des falaises ; mais, ce faisant, ils recoupèrent les traces
des femmes et des bagages des Oulad-Ben-Âbbad se diri-
geant vers Hofret-es-Sebot ; ils les y suivirent, razzièrent
tous les chameaux et les bagages de toute nature, et, lais-
sant surplace les femmes et les enfants, ils regagnèrent
aussitôt SaAd-Ablou sous les remparts duquel ils procédé*
rent au partage de leur butin.
« Et de suite ils se divisèrent en deux groupes, l'un,
fort de 400 hommes de pied avec 60 chevaux, resta à la
garde du ksar et des prises, l'autre, de 20 cavaliers et 600
piétons, partit pour se joindre vers El-Ghorba aux contin-
gents du Timmi ; ils trouvèrent le combat déjà engagé
entre ceux-ci et les Oulad-Ben-Abbad et tombèrent sur les
derrières de ces derniers.
c La nuit seule interrompit la bataille et les Ouled-
Ben-Abbad purent se replier vers Hofret-es-Sebot où ils
trouvèrent leurs femmes poussant des cris de désespoir ;
sans faire aucun arrêt, ils continuèrent leur marche jus-
qu'au Bouda et trouvèrent un refuge dans le ksar d'Adrar,
où ceux du Timmi cessèrent de les poursuivre.
« A la suite de ce succès les gens du Timmi remirent
a leurs alliés les Arabes de l'Ahnet une charge de dattes
par tête, car ils n'avaient subi aucune perte ^ »
Ei^émlr merlnlde, balta par Fémlr zianlte,
se rétagle à Sl^llmassa. — Cette même année
(1348), où les Oulad-Ben-Abbad étaient arrivéis au Timmi,
le sultan merinide entrait à Tunis et étendait ainsi son
autorité sur toute l'Afrique Mineure ; mais bientôt des
revers successifs et la défection d'une partie de son armée
1. Voici comment se termine ce document : « Ecrit pour éviter
Toubli des temps par Mohammed-Salah ben Ahmed.dc Bouzane, dans
les- derniers jours de chàbane, correspondant à yennaïr (sic) 1160»
(1-10 juin 1755).
-^ 111 --
annulent ses conquêtes ; un émir zîanite reparaît à
Tlemcen, et Âbou*Eïnane, fila du sultan, se fait proclamer
sultan lui-même et met en rébellion le Maghreb-Extrême,
de telle façon que, vers 1350, Âbou'l-Hassen accompagné
seulement de quelques troupes arabes, vient s'échouer à
Sidjilmassa ; la population Taccueillit avec joie et a les
jeunes filles même s'avancèrent à sa rencontre pour lui
témoigner leur amour'. »
Ibn-Baioute au Bouda et à HiéiUmmmmm. —
En 1353, les Doul-Obefdallah màkiliens, s'étant révoltés
contre le sultan Abou-Einane, se réfugièrent aux Oasis ;
ils se trouvaient au Teçabit au moment où Ibn-Batouta,
revenant du Soudan, arrivait au Bouda*.
c Le Bouda, dit Ibn-Batouta, est un des plus grands
pays du Touat ; il est situé au milieu des sables et des
sebkhas ; ses dattes sont abondantes mais de mauvaise
qualité, cependant ses habitants les préfèrent à celles de
Sidjilmassa ; ces gens se nourrissent de fruits et de
sauterelles qu'ils vont capturer le matin, avant le lever
du soleil, quand le froid les engourdit, ils les conservent
dans leurs magasins comme les dattes elles-mêmes*. »
Il était passé à Sidjilmassa en 1352, se rendant au
Soudan, voici ce qu'il dit de la capitale saharienne :
« C'est une très belle ville qui produit en abondance de
bonnes dattes; pour la quantité, on peut comparer ses
récoltes avec ce que produit Bassora, mais les dattes de
Sidjilmassa sont meilleures et plus fines, et aucun autre
pays n'en fournit de comparables ; je fus l'hôte du juris-
consulte Âbou-Mohammed El-Bechri, dont j'avais connu le
frère dans la ville de Foughanfou, en Chine.
« J'achetai des chameaux que je me mis à nourrir avec
1. Ibn-Khaldoun.
2. De Là Martinière et Lacroix.
3. Ibn-Batouta.
— H2 —
soin pendant quatre mois, puis je me mis en route ; notre
caravane était sous la direction d*Abou-MoIiammed Inde-
kane El-Messoufi, qui est mort depuis ; elle comprenait plu-
sieurs commerçants de Sidjilmassa et d'autres pays. »
A noter que cette caravane gagna directement Teghaza
(Taodenni) sans passer par le Touat.
SI4JlliiiaftMi rattachée a Femplre merinide*
— En 1362, par convention passée entre le vizir Omar,
pour le compte du sultan Tachflne, frère et successeur
d'Abou-Efnane, et le prétendant Abdellialim, neveu
d'AbouU-Hassen, Sidjilmassa est donnée à ce prétendant, à
titre de gouvernement autonome ; mais, presque aussitôt,
les Doui-Mansour màkiliens, qui campent dans la région,
le contraignent à abdiquer en faveur de son frère Abdcl-
moumen ; aussitôt une armée nierinide part de Fès, suit
Abdelmoumen en fuite, vient à Sidjilmassa et rattache
cette province à Tempire*.
Aboa«IIaiiiiiioa II9 émir zianite, se réfugie
au Tli^ourarine. — En 1370, les Doui-Obeidallah qui
avaient quitté le Touat vont se joindre, à Bou-Semghoun,
à l'émir zlanite Abou-Hammou II, chassé de Tlemcen par
les troupes du sultan Abdelàziz ; avec leur concours
Abou*Hammou II recommence la lutte, mais il est battu
et s'enfuit, perdant ses trésors et son harem ; il parvient
presque seul à se réfugier au Tigourarine (1372).
De là il se disposait à gagner le Soudan, lorsqu'un mes-
sager vint lui apprendre que les troupes merinides avaient
évacué Tlemcen et que ses anciens sujets le réclamaient ;
il se remit en route vers le Nord et se trouva de retour
dans sa capitale à la fin de la même année*.
1. Mbrcibr.
2. ID.
— 113 —
Expédillons Imfliide et merlnldes au Touat.
— « En 1374, El-Oaalid ben Âbdelmalek vint d'Ifrikia
jusqu'à Tlemeeu et mit tout le pays à rançon ; ses envoyés
atteignirent même le Sahara, TOued-Saoura et le Tigou-
rarine, puis ils regagnèrent le Nord.
« En 1376, Mohammed*Ali ben Mobarek parcourut le
Drâ, puis vint jusque dans le Bas-Touat avec 160 cava-
liers et 99 hommes montés à mehara.
« Il exigea des tributs de tous les ksour.
« En 1378, des Arabes Ouadià {sic) vinrent du pays de
Tanger et occupèrent Sidjilmassa d'où ils gagnèrent le
Sahara ; ils descendirent TOued-Saoura, passèrent chez les
Oulad-Mousa d'Aougrout et, par l'oued Tilia, péné-
trèrent au Tidikelt ; ils allèrent jusqu'au ksar d'Uighen
(Akabli)». »
Inearsions des (Nikid-DJerar et des Br»ber«
— En 1376, il y eut dans les Oasis une nouvelle invasion
de sauterelles qui fut suivie d'une famine meurtrière*.
Le gouvernement merinide exerce son action effective
jusque dans les provinces sahariennes, et après avoir
plusieurs fois essayé sans succès de réprimer les habitudes
de désordre de certaines tribus arabes, il les interne sur
d'autres points de l'empire.
Les Oulad-Hocein màkiliens, qui nomadisent dans le
gouvernement de Sidjilmassa, chassés de ce pays par un
ordre de cette nature, vont se joindre à Témir zlanite
(1382) •.
Mais la tranquillité n'est jamais complète ; vers 1385,
une caravane composée de quinze Juifs, escortés de six
individus des Oulad-Djerar, vient de l'Oued-Drft, amenant
35 chameaux chctrgés de marchandises.
1. FeuiUet MS. trouvé au Tidikelt.
t, Bl-Avoum.
3. Mbrcibr.
— 114 —
A cette nouvelle le cheikh Ali ben Kourou, de Taridalt,
sortit pour enlever la caravane, mais la trouva déjà entrée
dans Tamentit ; il y pénétra lui-même et fit d'importants
achats, puis stipula qu'il ne paierait que si quelqu'un des
Juifs sortait avec lui de la ville, où il laisserait ses
compagnons ; deux Juifs et trois Oulad-Djerar l'accompa-
gnèrent, mais parvenu hors des portes, il monta à cheval
et, avec l'aide des siens, attaqua et tua les trois Oulad-
Djerar, se saisit des deux Juifs, les ligotta et les emmena
jusqu'à Taridalt.
Les gens de Tamentit envoyèrent aussitôt une troupe
de dix hommes qui vint jusqu'au bord de la sebkha d'où l'un
d'eux alla réclamer les prisonniers : le cheikh refusa
de les rendre et attaqua cette troupe, leur tuant six
hommes.
Les notables de Tamentit se réunirent alors et vinrent
chez le cheikh El-Mehdi, aux Oulad-Aroussa ; celui-ci
convoqua la djemàa du Timmi et alla avec elle réclamer les
prisonniers à Taridalt, mais le cheikh Ali ben Kourou
refusa de le recevoir.
Les Oulad-Djerar ne purent que s'en retourner dans leur
pays, mais l'année suivante ils revinrent avec une grosse
troupe composée de gens de leur tribu et d'autres, Alt-
Alouane, Sekarna et Ghenanma ; le cheikh Ali ben Kou-
rou ne trouva aucune assistance de la part des gens du
Timmi, il sortit cependant et livra combat à ses ennemis ;
il leur tua 70 hommes, mais il en perdit lui-même une
quarantaine et fut repoussé, et contraint de se réfugier dans
son ksar où les autres ne parvinrent pas à le réduire ^
En 1390, arrivent les Braber au nombre de 1.700 hom-
mes ; ils exigent rançon de tous les ksour et vont jusqu'au
Tidikelt.
Campés à Aoulnet-Sissa, ils exécutent pendant un mois
une série de coups de main sur Aln-Salah qu'ils réduisent
aux abois ; ils contraignent les Oulad-Bou-Saâda à quitter
1. Feuillet MS. trouvé au Timmi.
— 115 —
les oasis et à se retirer sur la route de Ghat, laissant seu-
lement dans les ksour les merabtines des Azzi qui avaient
pu profiter de la protection d'un des notables Braber,
Ahha ou Dir, serviteur de leur aïeul Sidi Mohammed El-
Âzzaoui.
L'année suivante, les Arib, les Tadjakant et beaucoup
d'Arabes Hassane vinrent camper dans l'Ahnet où ils con-
voquèrent les gens du Tidikelt et du Touat ; ceux-ci leur
envoyèrent deâ députations de notables qui scellèrent un
pacte d'amitié avec eux, et les gens de l'Ouest retournèrent
chez eux sans commettre d'hostilité ^
Famine. Désordres. Un eadhi à Tamentlt. —
La chronique locale note aussi, cette année-là (1392), une
famine au Touat, où la récolte de dattes manqua complè-
tement ; <c deux palmiers, dit-elle, deux palmiers seulement
donnèrent leurs dattes, dont l'un à Noum-en-Nas et l'autre
dans le Reggane* ». \
Des désordres éclatèrent l'année suivante ; un ksar du
Tigourarine, Dahiane, fut pris et pillé par les gens d'un
ksar voisin, Ouehelati', renforcés d'un groupe de nomades
Koumia ; les Oulad-Ismall, qui étaient une fraction des
Oulad-Neslam, et que le cheikh Amer ben Mohammed
avait chassés de Tamentit, se battirent de leur côté contre
les Oulad-Yaîch de Bou-Guemma, dans l'Aougrout^.
En 1413, année où fut fondé le premier des quatre
ksour de Ber-Rebà en Timmi, Abou-Yahia ben Moham-
med El-Meniari arriva au Touat ; « il était de la descen-
dance de Sidi Seghir ben El-Meniar qui acquit dans son
temps une grande réputation de bonté, de sagesse et de
sainteté ; il exerça à Tamentit les fonctions de cadhi* ».
1. Feuillet MS. trouvé au Tidikelt.
2. El-Amouri.
3. Ces deux ksour sont aujourd'hui disparus ; OueheTati ressem-
ble singulièrement à Ouellegueïa (sup,, p. 31).
4. ël-oughbni.
5. Et-Tamintiti.
— 116?—
Lm Arabes de €khmi mm Tldlkelt. — Ce qui
se passait à cette époque dans la partie orientale du
Tidikelt nous est mentionné par un auteur local' qui,
écrivant en 1705, nous dit :
« Je suis arrivé à Makra chez le taled MessAoud ; il
m'a appris qu'il était, lui et sa fraction, originaire de la
tribu arabe des Oulad-Bou-Saàda, du pays d'Aloun-Salah,
lesquels pouvaient jadis mettre en ligne mille cavaliers ;
il a ajouté qu'il n'avait pas de livres, mais qu'il conservait
quelques lettres apportées par ses ancêtres en venant
d'Aloun-Salah à Makra, et qui avaient été écrites par
leurs frères restés avec une partie de la tribu dans le
pays de Ghat; j'ai vu en effet une de ces lettres qui
disait :
« O nos frères^ si vous venez à être opprimés par les
Arabes que vous avez trouvés dans ce pays (d'Afn-Sa-
lah) informez-nous et nous viendrons en force vous dé-
barrasser de vos oppresseurs.
« L'Emir qui a causé votre départ d'ici est mort et a
été remplacé par son fils Abdelhaï^ qui nous a écrit de
nous présenter à lui dans Tripoli : nous y avons envoyé
nos notables qui lui ont fait notre soumission et sont
ensuite revenus ici.
« SaUu de la part de celui qui vous écrite votre frère
Meskema ben Djeîber.
m A la date du jour (sic) 796 (1394). »
La prospérité des Oasis an XIV sisele. —
A l'époque où nous sommes arrivés, l'empire merinide
est sur son déclin : Sidjilmassa et son territoire sont en
pleine prospérité.
<v A treize journées au midi de Sidjilmassa, dans une
région appelée Touat, se trouve une fraction des
Ouemannou (zénètes). On y rencontre plus de deux cents
1. Moulai-Ahmbo bbn Hachbm.
— 117 —
villages se dirigeant de l'Onest à l'Est ^ Le plus oriental
de ces ksour porte le nom de Tamentit : c'est aujourd'hui
une ville très peuplée, servant de station aux caravanes
qui passent et repassent entre le Maghreb et Melli, ville
du pays des nègres.
« Bouda, le plus occidental de ces villages du Touat,
était autrefois le point d'où les marchands partaient pour
se rendre à Oualaten, ville frontière du royaume de Melli ;
mais cette route cessa d'être fréquentée à cause des bri-
gandages commis par les Arabes du Sous, qui pillaient
les voyageurs et interceptaient les caravanes.
« Alors on fraya la route qui mène au Soudan en
partant de Tamentit'. »
« Le commerce de ces contrées étaient très florissant*
Apportées à Tlemcen par des commerçants italiens, les
marchandises européennes s'acheminaient vers Sidjilmassa
et de là gagnaient Oualata, aux portes du Soudan, par le
Gourara, le Touat et le Tidikelt. Les caravanes en
rapportaient en échange des plumes d'autruche, de
l'ivoire, de la poudre d'or, des cuirs, des noix de kola, et
surtout des esclaves".
« D'ailleurs les Arabes nomades, surtout les Doui-
Obeldallah, se transportaient chaque année dans la région
touatienne et venaient prendre leur quartier d'hiver dans
le Touat et à Tamentit. Parfois les Beni-Amer, tribu
zoghbienne, venaient avec eux partager les pâturages du
Gourara. Et quand tous ces nomades quittaient le Tell
pour se rendre dans ces régions, les caravanes fournies
par les villes du Tell se joignaient à eux et les accompa-
1. En effet on peut encore de nos jours constater, par les nom-
breuses ruines, les vestiges de palmeraies et les foggaras merles,
que les espaces vides qui séparent les districts actuels du Bouda,
du Timmi et du Tamentit étaient jadis peuplés de ksour et garnis
de palmeraies, et que celles-ci s'étendaient même très loin au Sud
du Tamentit, dans la direction de Noum-en-Nas.
2. Ibh-Khaldoun.
3. Db la Mabtiniàre et Lacroix.
— 118 —
gnaient à Tamentit où elles prenaient one escorte pour le
Soudan ^ »
Léon l'Africain rapporte que le Tigourarine a^ut tin
chef particulier. (?)
« Les ksour du Tamentit étaient au nombre de 366, et
chacun avait sa mosquée, son minaret et sa foggara ; ces
ksour se succédaient sur une étendue d'un parasange ' envi-
ron ; c'était la capitale du Touat*. »
Lm émirs de SI^IIbumm à la fln dn XIV'
•iéele. — La fin du xiv* siècle voit des luttes acharnées
entre les émirs zlanites de Tlemcen et leurs anciens
s(uzerains merinides dont l'empire croule peu à peu, tant
du côté de l'Espagne que reconquièrent les rois chrétiens,
que du côté de Tunis d'où les khalifes hafsides vont éten-
dre leur puissance sur toute l'Afrique Mineure et le
Sahara.
Au début du xv* siècle, trois principautés indépen-
dantes se forment en Maghreb : Fès, Merrakech et Sidjil-
massa, qui cependant marchent encore aux cdtés du sul-
tan mérinide pour la « guerre sainte d d'Espagne (1430) ;
mais ce sont déjà des alliés, des égaux dont les troupes
sont distinctes, et en dehors de ce cas d'obligation stricte
pour tous les Musulmans ', ils sont maîtres chacun chez
soi».
EI-MoAtemid» khalife hafeide de Twils, vlenl
aa Touat. — De son côté, le khalife hafside Abou-Farès
continue l'oeuvre de ses pères et la soumission des villes
1. La Primaudau, ap, de la MartinIerb et Lacroix.
2. Le parasange valait 4 milles et chaque mille était de 3.000 pas.
3« Et-Tambutiti.
4. La « guerre sainte » est Tune des cinq obligations fondamen-
tales de rislam.
5. Mbrcikr.
— 119 —
dtt Sud, contraignant les Hilaliens, qui s'en dispensaient
depuis longtemps, à payer les impôts.
« Âbou-Farès visita plusieurs fois les villes de son
empire et entra en maître à Gabès, Tripoli, El-Hamma,
Touzer, Nafta, Biskra. Il pénétra même dans le Sahara
jusqu'à une latitude très avancée^. »
Et voici qu'une chronique locale mentionne en ces ter-
mes, malheureusement trop concis, qu' <v en 1^30 le sultan
de Tunis^ notre seigneur El-Moâtamid^ vint au Touat*. »
Âbou-Farès Azzouz, à l'imitation d'un grand nombre
de princes musulmans, a sans doute porté de son temps
le surnom d'El-Moàtamid sous lequel l'a connu le chroni-
queur touatien, — El-Moàtamidb'Illah, « celui qui met
son appui en Dieu. »
L'émir mouhhide Abou'1-Ala qui, comme nous l'avons
vu plus haut, avait envoyé un de ses caïds aux Oasis, avait
déjà porté ce surnom d'El-Moàtamid, ainsi que celui
d'El-Ouatek (b'IUah), et cet autre moins relevé : Abou-
Debbous (l'homme au bâton) ; cependant, la précision
des textes des deux chroniqueurs, dont nous donnons des
traductions, ne permet pas d'imputer au même Abou'1-Ala
les deux événements de l'histoire touatienne dont l'un
fut noté en 1266 et l'autre en 1430.
D'autres émirs ont encore porté le même surnom, par
exemple Abou-Farès, fils d'Abou-Yeshak, émir hafside de
Bougie en 1283, et encore El-Moàtamid, fils d'El-Moàta-
ded, émir àbbadite de Séville, mort en 1095.
Sauterelles et lamine au Timiiii. Tamentit
appelle une expédition zïanlte. — « En 1435, une
grande famine sévit dans le Timmi, provoquée par les
sauterelles qui mangèrent les récoltes de dattes et de
céréales ; les dattes et l'orge se vendirent un demi-metkal
1. Mbrcibr.
8. Et-Tahhntiti.
— 120 —
(c'est-à-dire cinq dirhems), le zeguen et le blé un metkal.
« En ce temps-là, les Oulad-Ali-ben-Hariz vinrent à
Tamentit et achetèrent aux Juifs de cette localité mille
charges de dattes ; cet achat fut fait à crédit et au prix
de deux charges de tabac pour une de dattes ' ; l'époque
du paiement arrivée, les Juifs vendeurs allèrent réclamer
leur dû, mais les autres les attaquèrent par surprise et en
tuèrent plusieurs. Les gens de Tamentit écrivirent alors
à Témir de Tlemcen (Abou'l-Abbas, d'après Mercier) et
obtinrent de lui la promesse qu'il ferait régner l'ordre dans
leur pays*.
« En effet, cette même année, ce prince envoya une petite
expédition qui châtia les Oulad-Ali-ben-Harix ; ce fut la
première immixtion des émirs xlanites dans les affaires
du Touat*.
«c A la suite de cela, les gens de Tamentit restèrent
l'objet de la rancune de tout le pays.
« L'année suivante, à l'instigation de leurs amis et alliés
les Oulad-Chelkh-Mousa, les Juifs tuèrent un homme des
Oulad-Amer, alliés des Ouled-Ali-ben-Hariz, qui était
venu à Tamentit ; aussitôt les Oulad-Amer, les Otdad-Ali-
ben-Hariz, et avec eux les Boramik et tous les ksour de
rOued-el-Henné, se mobilisèrent et vinrent attaquer Ta-
mentit ; ils Tassiégèrent pendant les mois de moharrem,
safar, rebiâ premier et second ; enfin^ les gens du Timmi
et du Bouda intervinrent et obtinrent qpie les assiégeants
se retirassent, sous la condition que ceux de Tamentit
verseraient dix fois le montant de la « dia » (prix du
sang) pour l'homme assassiné*. »
1« Opération asuraire.
2. L'émir de Sidjilmassa était alors occupé, avec le sultan meri-
nide, à la guerre contre les Portugais» et laissait foFoément en
désarroi les affaires de sa principauté, où nous avons vu que le
khalife tunisien était venu peu avant faire une courte apparition.
3. Le chroniqueur néglige la venue d'Abou-Hammou qui n'était
arrivé qn*en fayard cherchant refuge.
4. EL-ÀMoimi.
— 121 —
En 1438, Sidi Yahia ben Idir arriva à TaAientit, et dans
la même année les Oulad-Delim furent battus et massa-
crés à Noum-en-Nas *.
On peut voir ici la fin tragique d'une de ces expéditions
que les Arabes du Sous et les Sahariens de TOuest
entreprenaient oontre les Oasis.
A T«uen«i« s le eadhi Sidi AIhIaIIaIi El-
Asnoani $ iesOolMl^Daoad-iien^Aiiior battent
memule* — En 1459, vint à son tour Sidi Abdallah El-
Asnouni, aocompagpié de son frère Sidi Mahammed ; ils
descendaient de Sidi Aboubeker^.
« Des cadhis éclairés rendaient au Touat la justice
et jouissaient dans ce pays d'une grande mfluence. L'his-
toire nous a conservé le nom de l'un d'eux, Abdallah
El-Asnouni, quiy dans les dernières années du xv* siècle,
eut à lutter contre un agitateur religieux, Mousa ben
Alssa El-Meghili Ët-Tazouni, originaire du pays de
Tlemcen et disciple du célèbre Si Abderrhamane Et-
Tâalebi, enterré à Alger' ».
« A Tamentit, Sidi Yahia ben Idir et ses fils, les Oulad-
Yahia, avaient alors dans leur clientèle les ksour situés
entre Adjdir, qui est près de Tafagh, et Aghlad, où
Sidi El-Djazouli ben Amer et son cousin Sidi El-
Yamani se sont bâti des maisons ; ce clan entra en
lutte avec les Oulad-Mamet-Limen, qui comprenaient les
Oulad-Ali-ben-Moussa, et les Oulad-Daoud-ben-Amer.
« Cette guerre dura deux années^et lorsqu'elle prit fin, en
1470, les Oulad-Daoud*ben-Amer acquirent une influence
prépondérante sur tout le Tamentit ; ils édifièrent un
hammam pour les bains publics et battirent monnaie.
1. Bt-Tamehtiti.
t. ID.
3. De LA MABTmiBRB et Lacroix. — ^ Nous parlerons plus loin de
ce personnage.
— 122 —
« Les Oulad-Daoud qui sont au Tigourarine sont leurs
parents*. »
Relations avee les Sahariens du Sud et avee
Seadanals. — « En 1460, notre oncle Sidi Moham-
med ben El-Oaafi vint s'établir à Zaoulet-Kounta, et
Tannée suivante des merabtines de la famille de notre
seigneur et aïeul le cheikh El-Mokhtar vinrent habiter
Djazlou.
« En 1464, les Oulad-Ben-Daoud vinrent, du pays des
Âzdjer, camper près d'Inzegmir ; Tannée suivante, le
cheikh Bou-Nouar ben Mobarek, des Oulad-Delim, vint
de Tichit, et il fut suivi à son tour par la tribu des AIalla«
de TAdghagh, qui campa auprès d'El-Khelef.
« Mais tout ce monde repartit pour TAzaouad en 1469,
chassé par une disette '. »
Lettre d'un sultan de Bornou '
I ùi
Dieu lut soit «n
aide /'!
StdUn KtLTuUji
ftU de Djemehtich
i Dieu le fBêêe victorieux »
« Louange à Dieu seul !
« Que Dieu répande ses bénédictions sur notre sei"
gneur Mohammed et sur sa famille !
1. Et-Tambntiti. — Une antre version rattache ces derniers anx
Oolad-Daond des DjaAfra oranais.
2. Note M8. trouvée au Timmi.
.3. Le dessin qui suit est Tempreinte d'no cachet qui se trouve sur
le document traduit, leqael a été trouvé à Zaglou.
— 123 —
^ Delà part du sultan très respecté, très ifénéré, notre
maître et seigneur Kandji, fils de notre seigneur et maî-
tre Djemchach — que Dieu le fasse victorieux! — A tous
les meraètines de la descendance du cheikh El-Mokhtar
et de Sidi Amor-Ech-Chéïkh^ et n tous leurs frères des
Dermakcha installés au Touat ; — sur vous soit le
salut. . . etc.
« Et ensuite^ 6 chose étonnante ! Comment avez-vous
abandonné la coutume de vos pères et avez-vous cessé
de venir dans notre pays ?
« Depuis le traité avec le sultan notre seigneur Seghra^
vous n'êtes plus revenus chez nous !
« Certes, par Dieu ! Je ne vous causerai ni ne vous
ferai causer par personne aucun dommage, d'aucune
sorte !
« Venez donc comme c'était l'habitude : aucun de ceua:
qui viendront du Touat avec une lettre de vous ne sera
astreint à aucune contribution, car le pays est vôtre
comme il était à vos pères. Salut.
« Fait le 10 châbane 845 (février 1440).
« (Signé) l'humble serviteur de son Dieu^ SLIMANE ».
Désordre» f destruetion» de» ksoar. — « En ce
même temps, le Bouda fut envahi par une troupe venue
du Tigourarine sous les ordres d'Amrane El-Gourari ;
Âdrar et tous les autres ksour de ce district furent pillés,
à Texception de Gharm-Âli qui put repousser les assail-
lants.
« Vers 1460, une expédition de Doui-Belal vint camper
à El-Malah, entre le Teçabit et le Bouda, et de là, com-
mença une série de coups de main dans les oasis ; les
Meharza et les Khenafsa réunis marchèrent contre elle ;
ils lui tuèrent 400 hommes et en blessèrent 300 autres,
perdant eux-mêmes 250 tués et 60 blessés.
« Mais les survivants de cette expédition revinrent, deux
ans après, prendre leur revanche, secondés par des contin-
— 134 —
gents d'Arib et d'autres tribus du Safael ; ils attaquèrent
d'abord Oudghagh et Zaoulet-Debbagh qu'ils ruinèrent ;
puis, ils firent subir le même sort à EI-Mebrouk, à Sem-
mota et à la Tille de Tibechrine' ; dans cette série de
combats ils perdirent 900 hommes, mais ils ruinèrent
toute la région qui resta inhabitée pendant deux années.
« En 1465, une tribu des Hassasna arriva du Djerid et
campa dans les « bour » de Tibechrine, ayec l'assentiment
des ksour zénètes de la région, et, Tannée suivante, ils y
furent rejoints par les Oulad-Deg^nemech (appelés plus
tard Degkamcha)y qui venaient d'être chassés du pays de
Kairouane par les armées du souverain hafside.
« Huit ans après, en 1477, le ksar de Bouzane en Timmi
fut pillé parles Oulad-Ikissi »*.
Arrlifée du eheikh Ben AMelkerbn El-
Meg^hili* — En 1479 naquit Sidi-Salem, le premier
fils de Sidi Mohammed Ël-Asnouni, et, cette même
année, le cheikh Ben Abdelkrim El-Meghili' arriva au
Touat ; il s'installa chez les Oulad-Yâkoub, à Tamentit,
et peu de temps après, il alla fonder à Bou-Ali, dans le
Touat-el-Henné, une zaoula où il habita et qui a conservé
son nom.
En 1481, les Oulad-Yàkoub causent des désordres en
cherchant à acquérir la prépondérance à Tamentit.
Les années suivantes ne sont que guerres et discordes
entre les ksour Ihamed et les ksour Sefianes ; Titaf et les
1. Tibechrine était un ksar et une très grande oasis formée des
oasis actuelles d'El-Hadj-Guelmane et des Oulad-Sald, alors d*an
seul tenant ; ai^ourd'hui, les dunes les ont séparées et le nom de
Tibechrine n'est pins donné qa'à l'une des garas qui se trouvent
au sud d*El-Hadj-Gaelinane.
2. Et-Tambmtiti.
3. Les Meghila étaient une tribu berbère installée à Touest de
Tlemcen.
- 125-
Boramik se battent ; Salem EI-Gourari fait une incursion
au Touat*.
En 1494 survient une disette terrible, suivie d'une
épidémie meurtrière ; en cette année meurent à Tazoult,
chez les Oulad*Sa!d, Sid Yedda et quatre autres fils d'El-
Kadhi*.
En 1496 est fondé le ksar de Beni-Tamert par des
habitants d'Akbour, le grand ksar voisin' ; le plus
influent d'entre eux se nommait Amer, d'où Ton dénomma
Tàmert le lieu de sa résidence, et l'on dit ensuite Beni-
Tamert*.
En 1496 est signalée l'arrivée aux Oasis d'une grande
caravane de gens des Douair d'Oran, qui, après leurs
opérations commerciales terminées, regagnèrent le Nord
sans mésaventure*.
L^ntoléranee relIgieaM. Destraeélon de
ia mjwMgogm» ém TamentM. MlaBBacra des
Jalfti. — Jusqu'ici les populations juives qui précédèrent
dans les oasis les Arabes et les Zénètes ont pu subsister
dans les ksour, aux côtés de nouveaux-venus qui leur ont
toléré leur religion ou même l'ont adoptée ; les dominants
musulmans ont même admis le maintien d'une synagogue
à Tamentit.
« L'esprit surexcité par les défaites de l'Islam en
Europe, El-Meghili prêcha qu'il fallait accuser des misères
des temps présents les « gens de l'erreur » et particu-
lièrement les Juifs auxquels la trahison rapportait de si
gros bénéfices, et dont l'influence était grande à Sidjilmassa
1. Bt-Tàmbntiti.
2. Bl-Amouri. - La famille des Oulad-Bl-Kadhi existe encoN
aujourd'hui aux Oulad*Saïd.
3. Aujourd'hui en mine.
4. D*après le kébir de Beni-Tamer.
5. Note MS. trouvée au Teçabit.
— 126 -
et dans les contrées environnantes ; après avoir persécuté
les Juifs à Sidjilmassa EI-Meghili vint au Touat . . « Il
voulait y continuer son œuvre ^ )».
A l'explication qui précède, de Tanimosité d'El-Meghili
contre les Juifs, on peut en joindre une autre plus directe.
El-Meghili était un disciple de Sidi Âbderrahmane Et-
Tàlebi, le mystique maître du cheikh Mohammed Es-
Snoussi, qui a été le grand apAtre du soufisme ; or, le
soufisme est la concentration de tout Tétre en Dieu, à
l'exclusion de toute préoccupation terrestre ; autrement
dit, c'est un redoublement de foi, de piété, de zèle reli-
gieux, et l'on voit bien dans la correspondance échangée
par El-Meghili avec les docteurs, que nous rapportent
tout au long certains auteurs et dont nous allons donner
un extrait, qu'il n'est question, dans cette lutte contre les
Juifs, que des exigences de la foi et du devoir religieux ;
cette lutte est donc une conséquence directe du renouveau
du zèle soufite.
D'ailleurs l'antijudalsme ne se restreignit pas au Touat,
il suivit la propagation des doctrines soufites, et, vers le
même temps ou peu après, il se manifesta dans un autre
pays, rOued-Righ, où le merinide El-Hadj Slimane extir-
pait lui aussi une autre colonie juive de la même origine
que celle du Touat*.
El-Meghili, le fei*vent représentant de l'intransigeance
nouvelle, se butta au Touat contre l'opposition du cadhi
Abdallah El-Asnouni, champion de l'ancienne tolérance
locale, vieille de plusieurs siècles.
L'un et l'autre écrivirent à ce sujet aux savants de Fès,
de Tunis et de Tlemcen ; le savant tunisien envoya une
longue réponse approuvant la façon de voir d'El-Meghili,
et fut appuyé par l'imam Es-Snoussi qui écrivit à Ben
Abdeikrim El-Meghili :
«( Nous avons appris ce que vous avez été poussés à
1. Db la BIàrtihiirb et Lagboix, citant le cheikh Abou-Haa.
2. Vid. 3up,, p. 40 ; et Mbrcibr.
— 127 —
faire par votre ardeur musulmane et votre vaillance
éclairée^ touchant votre opposition à l'existence d'une
synagogue édifiée par les Juifs — que Dieu les con-
fonde ! — en pays d'Islam^ ainsi que votre volonté de
la détruire et l'opposition que vous ont faite les gens de
Tamentit.
« Vous nous avez écrit pour nous demander l'avis des
jurisconsultes,
« Je ne vois, qui ait donné son approbation à votre
projet^ qui se soit efforcé d^ établir le bon droit et de faire
cesser l'inquiétude^ je ne vois, qui ait obéi à sa foi reli-
gieuse et à son devoir de démasquer l'erreur diabolique
pour ceux qui ont confiance en lui, que le cheikh Abou-
Abdallah Et-Tounsi^ — que Dieu le récompense /... » etc.
Parmi ceux qui s'inscrivirent contre la demande expri-
mée, il y eut : Er-Roçfta, mufti de Tunis ; Abou-Mehdi El-
Maouasi, mufti de Fès ; Ibn-Zekri, mufti de Tlemcen ; le
cadhi Abou-Zakaria Yahia ben Aboul-Barkat, et Abder-
rahmane ben Sebft, ces deux derniers de Tlemcen.
« Au reçu de la réponse d'Et-Tounsi accompagnée de
l'apostille d'Es-Snoussi, El-Meghili réunit ses compagnons,
leur iit prendre les armes, et, les emmenant à la synagogue,
il leur ordonna de tuer tous ceux qui s'opposeraient à leur
marche.
« Ils détruisirent la synagogue sans que personne inter-
vînt (1492).
« Ensuite El-Meghili dit à ses compagnons ! «r Celui
qui tuera un Juif recevra de moi sept metkals (environ
quinze francs)* ».
La version populaire sur les eaases du eon-
Hit entre le eheikh Ben AMelkerim et les
Juifs. — Après les causes d'ordre général que nous
avons envisagées plus haut, il est intéressant de voir l'occa-
1. Br-TiifBOKTi.
— 128 —
sion d^teriamanie de la croisade du eheikh Ben AbdeHie-
rim çonti^ les Juife, du moins celle qu'enregistrèrent les
gens du pays ; elle noua est rapportée par une chronique
datée de 1595, à peine cent ans après l'événement.
« J'ai appris de.Sidi Mohammed-Taleb ben Mousa que
son père, le taleb Mousa, lui avait conté ce qui suit :
« Quand Sidi Mohammed ben Abdelkerim EUMeghili *
arriva au Touat, les habitants de ce pays CfeupiSAtient
dans une ignorance profonde; ne reconnaissaient ni prince
ni loi, et n^avaient pour tout sentiment que Forgueil et le
mépris de la science ; ils honoraient les Juifs et subissaient
leur influence.
« Voici ce qm décida le cheikh à les anéantir.
« Il se trouvait un joui* l'hôte de Sidi Mohammed- Abdel-
djebbar à Takhfif, lorsque les Juifs de ce village, ou du
moins la dizaine d'individus de cette nation qui y demeu-
raient encore, vinrent k passer devant lui, montés sur des
ânes, sans le saluer, ni lut ni l'assemblée assise autour de
lui.
« Ces Juifs vaquèrent à leurs affaires au-dehors du
village, puis, rentrant à leurs demeures, ils passèrent de
nouveau devant le cheikh et sa compagnie sans descendre
de leurs montures ni saluer les notables.
« L'un de ceux-ci, Mebronk ben Ahmed, se leva irrité,
frappa les JuifÀ et leur jeta des poignées de terre à la face,
en leur reprochant le mépris qu'ils montraient envers le
chetkh et les autres personnages présents ; mais le cheikh
Seddik ben Abderrahmàne se leva à son tour et, prenant
parti pour les Juifs, injuria son parent Mebrouk ben
Ahmed.
« Gela fut le prélude de discordes et de querelles qui
troublèreiit' tout le village.
1. Nous ayons vu pkus haat (page 121) qae le véritable nom
d'Bl-&feghiIi était Mousa ben Aïssa fiUMegfaili ; mais chaque ftyis
qu'an musulman est embarrassé sur le nom de quelqu'un, il le
nomme d'abord Mohammed.
C3
o
/
— 129 —
« Le cheikh Ben Âbdelkerim appela la malédiction
divine sur le cheikh Seddik et ses partisans qui, par Teffet
des vertus du cheîkh, périrent tous dans le mois qui suivit.
(( Dieu étendit aussi sa malédiction sur les Juifs et sur
ceux qui tenaient pour eux, et permit qu'ils fussent tous
massacrés.
« Ecrit, après la sixième nuit de rebià le prophétique de
l'an 1003 (1595), parle serviteur de son Dieu — qu'il soit
exalté ! — Mohammed- Abdelhadi ben Abdallah Es-Sebâï,
et copié le 27 choual 1126 (5 novembre 1714), par le
serviteur de son Dieu Mobarek ben Ali El-Menaceri. »
lie eheikh Ben Ab^^lk^rinif battu par
l'émir merinide, se réfugie au Soudan. —
« Rassemblant ensuite (après le massacre des Juifs de
Tamentit) ses nombreux adhérents, Ël-Meghili voulut
marcher contre les Beni-Ouattas *, auxquels il reprochait
leur tiédeur, mais ses bandes furent mises en déroute par
le sultan Ahmed ben Yahia ben Abou-Amrane El-Ouat-
tasi*, et lui-même dut aller chercher refuge au Soudan* ».
<( Il se rendit au pays d'Ahir, à Tagda ; il se mêla aux
affaires de ce pays, et donna à ses habitants un enseigne-
ment qui leur fut profitable.
« Ensuite il passa à Kano, puis à Kachina, dans le
Soudan, et enseigna le sultan de Kano, pour lequel il
écrivit des instructions sur les devoirs des souverains,
afin de lui montrer ses obligations légales ; il lui apprit
ce qui est permis et ce qui est défendu, et lui fit un cours
de jurisprudence.
(( De là, il passa au Takrour et atteignit la ville de
Kagho, où le sultan Askia-Mohammed El-Hadj acquit de
1. Fraction des Beai-Merine (Mercier).
2. Ce sultaD n'est pas cité par Mercier ni d'autres historiens, ce
fut un des merinides secondaires qui se donnèrent une autorité
restreinte et éphémère à la faveur du désordre de ce temps.
3. De la Martinibre et Lacroix.
9
— iâo —
lui les mêmes enseignements ; c'est là qu'il reçut la
nouvelle de la mort de son fils, tué au Touat par des
Juifs.
« Il en conçut une violente colère, et demanda au sultan
de faire arrêter les gens du Touat qui se trouvaient alors
à Kagho, ce qui fut fait sur l'heure ; mais Sidi Abou'l-
Mebassen Mahmoud ben Orner protesta contre ces arres-
tations d'innocents, et El-Meghili se rendant à ses raisons
les fit relâcher' ».
Siè^ et prise de Tamentit par le eheikh
Ben Abdolkerim* Mort de eelni-el. — a II
revint alors au Touat et se présenta, en 1503, suivi d'une
troupe importante, devant les ksour de Tamentit ; il fit le
siège du ksar des Oïdad-Mahammed et s'en empara, ainsi
que du cheîkh Amer ben Abderrahmane qui s'y était
enfermé ; ayant vengé ainsi la mort de son fils* »..., i^
se retira dans sa zaouîa de Bou-Ali et y mourut peu de
temps après son arrivée, en l'année 1504.
(( On dit qu'un Juif alla uriner sur son tombeau, mais
qu'il devint aveugle à l'instant même*. »
Il a été enterré dans la zaouîa qu'il avait fondée lors de
son arrivée au Touat, à Bou-Ali, où il avait habité avant
sou entreprise contre les Juifs et la synagogue de Tamentit.
Nous ne nous arrêterons pas à une autre version de
l'histoire d'El-Meghili, racontée par de Colomb d'après
une tradition qu'il a recueillie : 1^ parce que les faits tels
que nous venons de les exposer ont été rapportés par deux
auteurs arabes, Abou-Ras et Ahmed-Baba Et-Tinbokti
dont les récits concordent ; 2® parce qu'elle est invrai-
semblable : à Timmimoun ne vivait pas un Juif nommé
Gourari dont le nom serait devenu ensuite un ethnique fai-
sant au pluriel Gourara ; d'une part Timmimoun contenait
1. Et-Tinborti.
2. Id.
3. Et-Tame.ntiti.
- I3l -
plus d'un Juif : il s'y était trouvé jadis deux villageâ
juifs importants, Tabia et Tahtaît, et il en restait alors
un certain nombre d'habitants puisqu'on y trouve encore
aujourd'hui une fraction juive islamisée, les Mehadjeria ;
d'autre part le vocable arabe Gourari^ est l'ethnique de
Gourara^ dérivé du vocable berbère Tigourarine ou plu-
tôt de son singulier Tagourart, dont les Arabes ont fait
Gourara, de même que du mot berbère Tafilelt, ils ont
Filala et FilalL
— 133 —
CHAPITRE VII
Lt9B «I Misai »... chérifiens ?
(iS0«^i5M)
(Réservé)
CHAPITRE VIII
Les débuts des Sultans filaliens
(i5M46«6)
(Réservé)
CHAPITRE IX
Les OouYernenrs chérifiens (Z'** série)
(i665-1795)
(Réservé)
CHAPITRE X
Le m Self-GoTemment »
(1796-1849)
(Réservé)
CHAPITRE XI
L' « Amitié • des Nomadea
(1849-1884)
(Réservé)
CHAPITRE XII
La Menace chrétienne
(1884-189S)
(Réservé)
CHAPITRE XIII
Les Gouverneurs chérifiens (a* série)
(1899-1900)
(Réservé)
NOTA. — Ces chapitres seront publiés ultérieurement dans le
même format ^ de façon à pouvoir ensuite être remis à leur place
et former f avec le présent volume, un tout unique.
CHAPITRE XIV
La Conquête française
(190O-I0OI)
La mission Flamand arrive à Igosten. Le district d'In-Salah vient
l'attaquer ; elle le bat et entre à In-Salah. — Le Tidikelt mobi-
lise et se fait battre à Deghamcha. — Les Français attaquent
Inghar sans succès. — Nouvelles touchant les mesures prises
dans les Oasis. — In-Salah prévient Inghar d'une attaque pro-
chaine. — Le caïd Djilali ben Rahmoun rentre de Fès avec des
lettres chéri fîennes. — Les Ihamed et les Sefianes réunis prépa-
rent une députation et un présent au sultan. — Les deux pachas
envoient leur ultimatum aux Français. — Le pacha Idris, d'In-
ghar, presse Tarrivée de ses contingents . — Le pacha Simmou
est signalé à In-Belbal. — Nouvelle convocation du pacha Idris
aux Ihamed. — Prise d'Inghar par les Français. — Nouveau
message chérifien aux Ihamed. — La députation des Oasis au
sultan. — Simmou donne des nouvelles des Français du Tidi-
kelt et de ceux dlgli. — Le pacha Simmou exerce toujours son
commandement. — Une colonne française soumet le Gourara. —
Le bach-agha de Géryville écrit aux Khenafsa.^Le malentendu de
Metarfa et ses suites. — La mission Servière au Touat. — Les
combats devant Metarfa. Les Beraber. — Certains traités
d' a amitié » sont encore en vigueur. — Les Français occupent
le Touat. — Retour des députations envoyées au sultan. — Sur-
prise de Timmimoun par les Beraber. — Combats de Charouine
et d'El-Amira. — Les dernières opérations de la colonne Ser-
vièie. — L'organisation française des Oasis. — Les accords
franco-marocains de 1901 et 1902 consacrent la conquête fran-
çaise.
La iiii00ioii Flamand arrive à Iso0ton« Le
di0trie< d'In-Salah wient l'attaquer f elle le
bat et entre à ln-»8alali« — Vers la mi-décembre
1899, de petites caravanes venant d'El-Goléa répandirent
— 136 —
à In-Salah le bruit qu'une colonne française se formait à
Ouargla. à destination du Sud : viendrait-elle au Tidikelt
ou se dirigerai t-i»lle vers le Hoggar ? Des bergers de
ciiameaux des Oulad-Dahhane avisèrent aussi qu'une
troupe de méharistes français parcourait le Tàdmalt :
qu'allaient-ils faire ?
A tout hasard, les notables et les caids d'In-Salah,
après en avoir délibéré, envoyèrent un méhari à Haci-
Mongar^, sur la route venant d'Ouargla ; Témissaire était
porteur d'une lettre rappelant qu'In-Salah et le Tidikelt
étaient domaine cliérifien, et invitant toute force française
à s'abstenir d'y pénétrer ; de plus le gouverneur des
Ihamed fut prévenu.
L'émissaire séjourna deux ou trois jours au puits, et,
ne voyant personne venir alors qu'il était lui-même à bout
de vivres, appréhendant même l'arrivée de la « colonne »
annoncée, il combla le puits, le surmonta de quelques
pierres entre lesquelles il plaça sa lettre, puis il se retira.
m L'escadron saharien, en débouchant du Tàdmaît,
trouve le puits d'EI-Mongar bouché ; il est obligé de se
rendre à Foggara-Kebira pour abreuver ses animaux. Les
habitants sont hostiles, les cavaliers doivent couronner
les dunes, la carabine à la main, pour faire l'abreuvoir». »
Les gens de Foggara-Kebira avisèrent aussitôt de
l'incident les caïds d'In-Salah, qui apprirent presque en
même temps qu'une force française, évaluée à moins de
cinquante hommes, était campée près d'Igosten.
Dans la nuit même, le caïd El-Hadj El-Mehdi rassembla
tout son monde et convoqua les gens des ksour environ-
nants, les deux Sahela, Haci-el-Hadjar,lesOulad-Yahia,les
Oulad-Dahhane et leur kébir Bouabba ; il vint coucher de
sa personne au ksar d'Igosten, indiqué comme point de
rassemblement, puis au lever du soleil, il en sortit à la
tête de plus de 300 combattants, en habits de fête, dra-
1. Puits à 80 kilomètres N -Ë. d'In-Salah.
2. L. VomoT. Opérations dans les Oasis sahariennes.
— 137 —
peaux au vent, et se porta au-devant des Français campés
à 6 kilomètres de là.
Ceux-ci leur épargnèrent une partie du chemin en se
portant en avant eux-mêmes, et dans la plaine nue, étin-
celante de soleil, et que bosselaient, telles de grosses
taupinières, les évents des foggaras, les deux troupes
s'arrêtèrent, se faisant face à cent mètres Tune de l'autre,
tandis que deux hommen de chacune d'elles s'avançaient
pour parlementer.
Mais, à ce moment même, un coup de fusil fut tiré par
un hartani de la troupe d*In-SaIah. . . la petite troupe
algérienne ouvrit le feu aussitôt. . .
Les gens d'In-Salah furent vite décimés, car ils se
trouvaient à découvert, les caïds et les kebar à cheval et
persuadés que tout allait se régler par un palabre ; bientôt
ils se débandèrent et se dispersèrent en utilisant les
reliefs de Foggaret-El-Hadj-Ali, mais, jusqu*à leur rentrée
à Igosten, ils furent poursuivis par les feux des Algériens
et subirent des pertes ; le caïd El-Hadj EI-Mehdi, soi^
cheval tué sous lui, atteint lui-même de trois balles, fui
porté à Foggaret-EI-Hadj-Abdelkader, à 2000 mètres de
là, et y mourut deux jours après.
Mais les Algériens ne s'arrêtèrent pas là : vite rentrés
à leur camp, situé sur cette même foggara, dès midi ils
se portèrent sur In-Salah où ce qui restait d'habitants
vint le soir même leur faire sa soumission, sur le plateau
où est bâti le poste français actuel.
Le lendemain matin, la petite troupe française campait
tout entière devant la porte même de la kasba des Oulad-
Badjouda, au-dessus de laquelle elle avait arboré le
drapeau tricolore (29 décembre 1899).
C'est alors que fut expédié par les notables au gouver-
neur des Ihamed le courrier dont nous avons vu l'arrivée
imprévue au Timmi, et c'est ainsi que le petit goum
d'Ouargla, commandé par le capitaine Pein, dont la mission
était — avec en doublure l'escadron de spahis sahariens, —
d'assurer la sécurité de deux modestes savants, chercheurs
— 138 —
de cailloux, s'est trouvé inopinément à même de trancher
par un coup de vifi^eur la question de l'expansion fran-
çaise aux Oasis, sur laquelle avaient longuement disserté
et chamaillé, depuis dix ans^ Fès, Tanger, Alger, Paris, et
les chancelleries des grandes puissances européennes.
Le Tidibelt mobilise et se fait battre à De-
g^hameha. — Le nouveau maître d*In-Salah n'eut pas un
instant à perdre pour mettre sa conquête en état de
défense.
(( Dieu — qu'il soit exalté et que ses noms soient bénis ! —
ayant décidé dans ses décrets l'entrée du Gouvernement
français au Touat, cela se produisit le 26 chàbane 1317
(30 décembre 1899), et Âîn-Salah, capitale des ksour du
Tidikelt, fut prise de vive force, après qu'eurent été tués
plus de quatre-vingt-dix Musulmans, parmi lesquels le
caïd El-Hadj El-Mehdi, son frère Bou-Amama, son neveu
et nombre de notables, merabtines et arabes.
« A la suite de cet événement, une levée en masse eut
lieu, depuis Aoulef jusqu'à Inghar, et une colonne de 800
Musulmans s'avança jusqu'à un ksar ruiné situé près de
Deghamcha.
« Là, les Musulmans passèrent la nuit à se renseigner
du côté d' Aîn-Salah, sur le nombre et la situation des
Glirétiens ; leurs éclaireurs constatèrent que ceux-ci
avaient, pour faciliter la garde de leur position, allumé
des feux nombreux qui l'éclairaient comme l'eût fait le
plein jour ; ils vinrent rapporter ce fait aux Musulmans
qui délibérèrent sur la décision à prendre, en vue de
battre les Chrétiens.
« D'aucuns, comme les Oulad-Zennane, étaient d'avis
d'attaquer par surprise, pendant cette nuit même ; les
autres, confiants en leur force et persuadés qu'ils parvien-
draient facilement à vaincre les Chrétiens, tinrent pour
que l'attaque fût remise au matin, afin qu'au grand jour
le massacre des Chrétiens fût plus complet.
— 139 —
« En effet, le jour venu, chacun prit ses armes, et la
colonne se dirigea sur Aïn-Salah en un seul groupe ; on
rencontra d'abord les éclaireurs des Chrétiens qui s'enfui-
rent, puis les Musulmans arrivèrent en face des soldats
des Chrétiens, commandés par les « autorités ».
« Mais les Musulmans reçurent une fusillade, de loin,
avant d'avoir pu s'approcher de l'ennemi ; un grand nom-
bre d'entre eux fut tué presque aussitôt, et les autres pri-
rent la fuite, oubliant leurs résolutions courageuses.
« Ce matin-là, les Musulmans perdirent plus de cent
hommes, sans compter les blessés ; parmi les morts se
trouva le chérif qui n'avait pas d'égal parmi les siens,
notre seigneur Moulai- Abdallah ben Moulaî-El-Abbas, de
Zaoulet-Reggani .
« Cela se passa le 3 ramadhane 1317* » (5 janvier 1900).
Les Français attaquent Infphar manm sueeès.
— Les fuyards de Deghamcha revinrent vite de leur
panique, causée par le terrible feu d'un armement dont ils
n'avaient pas soupçonné la puissance, et au lieu de rega-
gner leurs pénates, ils s'installèrent dans les ksour d'In-
ghar. l'oasis la plus voisine à l'ouest d'In-Salah, surveil-
lant de là le Chrétien haï, et se préparant à aller lui don-
ner de nouveaux assauts.
Mais il fallait pour cela l'arrivée des contingents du
Touat, longs à venir, et le répit qui en résulta permit à la
petite garnison française d'In-Salah de recevoir elle-même
un premier renfort : 250 tirailleurs sahariens amenés
d'El-Goléa par le commandant Baumgarten.
Là situation des Français devenait ainsi très solide der-
rière leurs murs, mais ce n'était pas suffisant, il leur
fallait c( de l'air » : il fallait faire pâturer les nombreux
chameaux de selle et de bât, et les environs immédiats
d'InSalah ne présentaient aucune ressource, tandis qu'une
1. Ëxtr. d'une relation trouvée en Bouda.
— 140 —
« ghaba n assez fournie en végétation se trouvait sur la
route d'Inghar ; et puis, en somme, In-Saiah n'était pas
un aboutissement, ce n'était tout au plus qu'une « inaugu-
ration d'action »... donc le commandant français marcha
sur Inghar dès le 24 janvier.
« L'action s'engagea vers 10 heures : les tirailleurs
sahariens s'approchent pied à pied de la kasba des Oulad-
Hadega ; l'ennemi se retire dans la kasba où il s'enferme.
La situation reste stationnaire pendant la nuit du 24 au
25, les Français tirant de temps en temps quelques
coups de fusil pour ôter à l'adversaire l'envie de tenter
une contre-attaque. Le combat traîne encore sans succès
le 25. Enfin, dans la mâtiné du 26, la colonne ne pouvant
enlever la kasba sans canon, retourne à In-Salah »^
Mouwelles touehant les mesares prise» dans
les Oasis'* — De la part de rhomme de béDédiction, le caïd
Abdelkader, surnommé Doaro, fils d'El-Hadj Ahmed, des Oalad-
Yahia, à Monsieur le Commandant, à Monsieur le Capitaine, à Sid
Mohammed-Taïeb> le chérif, — que mille saints. . . etc.
Et ensuite, en revenant de chez vous, je me suis rencontré, en
route, avec mon fils Mohammed apportant des nouvelles que je Tai
aussitôt envoyé vérifier.
Apprenez que le pacha de Timmimoun est arrivé, avec une
colonne formée dans son commandement, à Aoulef ; il a rassemblé
tout le monde, depuis Tabelkoza jusqu'à Sahela en Gourara, les
Arabes des Meharza et des Khenafsa, et ceux de la ville (de Timmi-
moun) jusqu'aux Adjdir ; cette nouvelle a été apportée par Zaouî ben
Hadi, de Miliana (en Tidikelt) ; il ne reste pas un homme dans le
Gourara, tous sont venus avec lui, ainsi que ceux de notre pays
(qui se trouvaient là-bas en vovage) ; ils s'élèvent à un total de
trois mille cinq cents hommes.
1. L. VowoT, op, cit.
2. Trad. d*une lettre trouvée à In-Salah.
3. Celui-là même dont nous avons vu le passage au Tidikelt,
dans le chapitre précédent {Partie réservée).
- 141 -
Quant au pacha de Timmi, il n'est pas encore arrivé, mais il
a, dit*on, gagné Sali — c'est très sûr, — après avoir indiqué,
comme point de concentration, Aoulef ; il aura là 3.SÛ0 hommes.
Ce Zaoui ben Hadi a envoyé avis à Mil fana, mais il n'y est
pas venu et en a fait partir sa famille de nuit ; ce sont des gens
qui étaient avec lui an Gourara qui ont apporté ces renseignements :
quant à lui. il marche avec le pacha.
Voilà ce que je puis vous apprendre : soyez sur vos gardes et
défiez-vous. Salut.
C'est ici la première marque du concours prêté aux nou-
veaux maîtres français par un homme du pays.
In«i8alah prévient Infphar d'une alteque
prochaine** — De la part de vos frères et de vos alliés de pères
en fils, El-Hadj Âbdesselam ben Dahhadj ben Ël*Hadj Ahmed. . .
et autres..,^ — à ceux que nous chérissons particulièrement, ù
nos frères et alliés, à rassemblée des gens d'Inghar, tant merab-
tines qu'arabes (de roture), petits et grands, — que le salut. . ,, etc.
Et ensuite, 6 frères et amis, nous vous informons et vous préve-
nons — et nous servons Dieu et non d'autres que Lui, — que vient
d'arriver ici Sid ËUArbi ben Kuddour ben Hamsa, le Zaoui, l'Agha,
accompagné de troupes nombreuses : il y a les Ghaûnba d'El-
Goléa, d'Ouargla et de Metlili, et des troupes du Gouvernement
français qui ont amené trois canons.
Il va vous arriver sans retard une chose extraordinaire.
O frères et amis, nous sommes avec vous comme une seule âme,
mais aujourd'hui sont arrivés peux qui sont nos maîtres et les
vôtres, par leur force insurmontable et par le perfectionnement de
leurs armes, et ils vont aller vous massacrer, vous et tous ceux
qui sont au-delà de vous, sans délai, et dès après le déjeuner de la
Fête (qui terminera le ramadhane).
O frères, nous vous annonçons et vous faisons comprendre ce
qui vous menace, et nous vous envoyons, avec celle-ci, une lettre
de Sid El-Arbi ben Kaddour.
1. Lettre missive trouvée à Inghar.
— 142 ~-
Si voas adoptiez noire façon de voir, à nous et à Sid El-Arbi, il
n'en résniteraii pour voas que la paix et la tranquillité, de méirie
que vous éviteriez à votre pays tout ravage ; nous ne formons en
effet avec vous qu'une seule âme, et tout bien comme tout mal
nous touchent en môme temps.
Voilà ce que nous avons à vous dire Salut.
P. 'S. — Vous savez bien, ô frères et amis, que Je ne vous ai
jamais écrit pour un mensonge ou une chose pernicieuse, mais
aujourd'hui je vois le massacre qui vous menace, et je veux vous
réviter, à moins que vous ne nous désobéissiez ; répondez de suite,
avant que ces gens ne marchent sur vous ; ce que vous pourrez
tenter n'aboutira qu'à vous faire détruire. Salut.
Du 29 ramadhane 1317 (3i janvier 1900).
C'était là une tentative de conciliation dictée par la
générosité du commandant français, dans le but d'éviter
Teffusion du sang, mais les gens d'Inghar étaient poussés
dans le sens opposé par Tesprit de résistance et les prépa-
ratifs auxquels se livrait le restant du pays.
Le eaid DJilali bem Rahmoun rentre de
Fm awee des lettres ehériflennes. — En effet,
' (lès après ce <x déjeuner de la Fête », le pacha des Ihamed
quittait Timmi et gagnait le Tidikelt où il donnait, par
des lettres expédiées aux différents districts, rendez-vous
à tous les contingents armés de son gouvernement ; c'est
ainsi que son neveu, le caïd Djilali ben Rahmoun, qui
avait porté au souverain la première nouvelle de la prise
d'In-Salah *, trouve, à son retour au Timmi, le gouverneur
déjà parti au Tidikelt.
Aussi lui mande-t-il sa rentrée :
Que Dieu rende heureux celui qui nous tient lieu de père, qui
est ce que nous avons de plus cher au monde, présent dans notre
cœur quoique absent de notre vue, le pacha-ca!d Idris ben EU
Kouri, — que le salut. . . etc,
1. Vid. sup,. Partie réservée.
- 143 -
Et ensuite, nous sommes rentrés au Touat en bonne santé, et
nous t'envoyons, par Ël-Hadj Mohammed, seize lettres de la part
de notre Seigneur — que Dieu le fasse victorieux ! — une dix-
septième, non cachetée, est du jurisconsulte * : une autre est du
caïd Ël-Hadj Allai, de Figruig.
Notre Seigneur est en bonne santé, ainsi que la famille, ainsi
que la « maison », ainsi que le jurisconsulte.
Sid El-Abbas va bien aussi, mais il s*impatiente à ton sujet
parce que tu ne lui envoies rien ; il est allé à la maison et Ta
trouvée vide d'orge et de tout.
Les gens du Touat, Ihamed et Sefianes, se sont réunis à Timmi
et ont fixé une somme de « six cent vingt cent » metkals (62.000
metkals, ou 124.000 francs) dont ils se sont réparti la fourniture,
pour renvoyer à notre Seigneur — que Dieu le fasse victorieux !
Pour les lettres de notre Seigneur — que Dieu...., etc. — le
jurisconsulte m*a recommandé de lui faire parvenir les réponses :
ne les néglige pas et transmets-lui toutes les nouvelles. Salut.
De la part de Djilali.
Du 6 choual 1317 (7 février 1900).
Voici la seule de ces seize lettres chérifiennes qui soit
parvenue entre nos mains :
(Gacliet de Moulai- Abdelâziz).
A Notre serviteur très gracieux le caïd Idris ben FA-
Kouriy le Cherradi^ — que Dieu. . . etc.
Et ensuite est parvenue à Notre Seuil chérifien ta lettre
apportée par le fils de ta sœur, Djilali ben Rahmoun, et
rendant compte que des sujets français ont attaqué les
gens d'Aïoun-Salahy que le fonctionnaire El-Hadj El-
Mehdia été tué, ainsi que son frère Bou-Amama, son fils^
et les notables, et que les agresseurs se sont installés
dans le ksar.
Pris bonne note.
D'ailleurs cette nouvelle était parvenue jusqu'à Nous
avant l'arrivée de ta lettre.
1. Le personnage ainsi désigné est, d'après Tancien secrétaire
dû pacha Idris, le vizir Ba- Ahmed.
_ 144 —
Nous avons ordonné à Notre représentant à Tanger,
ElrUadj Mohammed Torrès., de demander à Leur repré-
sentant de faire cesser ces actes.
Quant à ceux qui ont été tués^ leur récompense est le
Paradis.
Maintenant établis-toi en cet endroit^ avec les princi-
paux d'entre tes administrés^ et entre en pourparlers,
Nous t'y autorisons^ avec le chef de ceux qui occupent
Aïn-Salah.
Pour Nous^ Nous tenons encore Nos accords avec eux :
un trait d'ongle n'excuserait pas la rupture des traités.
J'écris au serviteur Mohammed ben Amor^ le Merrak-
chiy dans ce même sens, pour qu'il entre en pourparlers
avec qui viendrait vers ses côtés ; Nous lui prescrivons
de se tenir, avec les notables des Sefianes, à Timmimoun.
Salut.
De la fin de ramadhane 1317 (31 jaavier 1900).
Iie0 Ihamed et les Seflanes réunis préparent
une députation et un présent au sultan* —
Que Dieu protège les jours de celui qui nous tient Heu de père,
le pacha-caïd Idris ben El-Kouri, — que le salut... etc., — de la
part du caïd Mohammed-Abderrahmane ben El-Hadj Mohammed, et
de toute la djemâa de Timmi.
Ensuite, je Tenais de t'écrira par notre frère Mohammed-Salem
lorsque, jeudi soir, est arrivé Kl-Hadj Mohammed ould El-Hadj
El-Mekki.
Tu dis, dans ta lettre à Moulai- Ali-Chérif et aux Beni-MUammed»,
que ceux-ci aient à retenir Sid Abderrahmane et les Beraber jusqu'à
l'arrivée des envoyés de nos frères les Oulad-Zennane ; or, nous
t'avons mandé la réunion qui a eu lieu entre nous et les Selianes, et
la répartition que nous avons faite pour la préparation d'un pré-
sent à notre Seigneur.
1. Plusieurs individus de cette tribu du Tafilelt résidaient au
Timmi comme négociants.
Une kasba envahie par les sables à Inzeglouf (page 349)
Le poste français d'In-Salah
Méharistes des Compagnies Sahariennes (page 208i
— 145 —
Si les Oulad-Zennane veulent envoyer quelqu'un à notre Sei-
g^neur, qu'ils se pressent.
Et écris-nous en même temps au sujet de ce que nous aurons à
dire à notre Seigneur : combien a-t-il été tué de Musulmans,
qu'ont-ils perdu, combien de Chrétiens ont trouvé la mort ? Et que
pourra dire notre Seigneur aux Chrétiens — que Dieu les anéan-
tisse 1
Nous avons fixé, pour notre départ, un délai de quinze jours sur
lesquels cinq sont déjà écoulés, il ne faut pas qu'il se produise de
retard : que le porteur de la présente revienne avec le présent des
Oulad-Zennane et les députés qui l'accompagneront.
Nous avons désigné, pour faire le voyage (vers notre Seigneur),
six hommes des Ihamed et des Sefianes, parmi lesquels EI-Âbed ^
plus Sidi Abderrahmane qui fait le septième.
Remets au porteur, pour son salaire, 8 metkals.
Dieu ! Dieu ! Dieu !
Réponds vite. Salut.
Du 7 choual 1317 (8 février 1900),
Et cette autre lettre fut emportée par le même courrier :
De la part de l'homme de bénédiction, Moula!- Ali-Chérifs, et de la
djemâa des Beni-Mhammed résidant à Timmi, — à tous les Oulad-
Zennane. depuis Timokten jusqu'à Akabli, chorfa, merabtines ou
roturiers, — que le salut. . . etc.
Et ensuite, ce que vous recommande Dieu, — Dieu, Dieu ! —
c'est de ceindre vos reins et de vous montrer hommes !
Nous vous avons envoyé les Musulmans : faites avec eux quelque
chose qu'on se redise !
Que le Roumi ne vous effraie pas ! 11 n'y a rien de plus à dire
sur lui ; il a commis un vol, et la guerre est un guet-apens : ayez
soin de ne vous attaquer à lui que lorsque vous serez de nombreux
Musulmans I
Les Beraber étaient chez les Zoua (du Gourara), nous leur avons
mandé de venir, et nous vous les enverrons.
1 . Le caïd actuel du Tamest.
2. Nekib des Chorfa du Timmi.
10
— 146 —
Nous avous adjuré les Sefianes et les Ihamed de vous rejoindre-
et nous vous avons envoyé les gens de Timmi ; nous nous effor-
çons de vous en envoyer d'autres, de même que nous vous enver-
rons ceux qui vous seront nécessaires, des Beraber et des gens du
Makhzen.
Nous faisons tous nos efforts pour aider les Musulmans ; vous,
tenez-vous en accord parfait avec le pacha.
Les gens de Bouda, des Oulad-Sidi-Hammou-bel-Hadj, ceux du
Timmi et de Sali, se sont réconciliés et se sont réparti le présent à
envoyer à notre Seigneur ; de plus, ils ont convenu d'une députa-
tion de six hommes, dont Ël-Abed, Sidi Khelifa et Salem ben Sald,
plus un septième, Sid Abderrahmane ben Ei-Madani, des Béni-
Mhammed, qui iront porter le présent, et pour ce, se réuniront
sous quinze jours à Timmi.
On dit que vous préparez, vous aussi, un présent : envoyez-le,
avec quelque délégué, par l'intermédiaire du pacha auquel nous
expédions un exprès, moyennant 8 metkals.
Pressez votre envoi et écrivez en hâte vos lettres à notre Sei-
gneur, — la hâte est de mise ; déjà cinq jours sont écoulés sur
les quinze stipulés, si vous ne vous pressez pas, vous ne pourrez
vous en prendre qu'à vous. Salut.
Du 1 choual 1317 (8 février 1900),
De son côté, le chef de la députation insiste :
De la part de l'homme de bénédiction, Sid Ëi-Abed ben Sid
Mohammed-Abdallah, de Ba-Amor, à l'homme de bénédiction,
fonctionnaire de notre Seigneur — que Dieu le fasse victorieux et
procure, par lui, la paix à notre époque ! — au pacha-cald Idris
ben El-Kouri, le Cherradi, et aussi à la djemâa des Oulad-Zennane
toute entière, — que le salut. . . etc.
Et ensuite, je vous informe que la djemâa des Oulad-Sidi-Ham-
mou-bel-Hadj et tous les Sefianes se sont mis d'accord sur la solu-
tion la plus profitable : ils pensent et agissent d'un commun accord.
Les Sefianes ont désiré le concours des forces des Beraber et
des Beni-Mhammed, mais les Ihamed ont au contraire été d'avis
de ne les pas employer, à moins d'avoir au préalable l'assentiment
de notre Seigneur — que Dieu le fasse victorieux î
O pacha, ô vous, djemàa des Oulad-Zenane, luttez, tenez boù,
consacrez-vous à votre tâche, et accueillez tous les Musulmans qui
viendront vous rejoindre !
Quant au présent (au souverain) que vous préparez, et dont El-
Hadj Mohammed ben Ël-Mekki nous a apporté la nouvelle,
envojez-le promptement, ainsi que quelqu'un pour raccompagner ;
si vous n'avez personne de prêt, envoyez-le en même temps que
les lettres du pacha destinées à la Personne majestueuse ; en effet
nous avons fixé notre départ au 20 choual (21 février).
Ecrivez- nous aussi le chiffre exact de ceux qui ont été tués
d'entre les Musulmans, des Oulad-Zennane, d'Aïn-Salah et dlnghar,
et de même le nombre des morts parmi les ennemis de Dieu.
Quand vous expédierez votre présent, choisisses, un chameau de
choix.
Dieu ! Dieu ! Dieu ! Soyez vigilants, peut-être Dieu nous débar-
rassera-t-il de ce malheur qui nous arrive I
J*ai été désigné par la djemàa des Ihamed pour me rendre
devant notre Seigneur — que Dieu le fasse victorieux !
Ce qui est le meilleur, c'est ce qui peut garantir l'avenir, et cela
vaut qu'un homme courageux s'éloigne de la guerre sainte. Salut.
£ieti deuiL pachas envoient lear ulilmatmii
auiL Français. — Dès son arrivée à Aoulef, le gou-
verneur des Ihamed recevait la lettre suivante d'un chérif
du Reggane :
Au fonctionnaire de notre Seigneur — que Dieu le fasse victo-
rieux ! — à notre frère le caid Idris ben El-Kouri, — que le salut...
etc.
Nous t'avisons qu'il nous est revenu que le pacha Mohammed
ben Amor (des Sefianes) a envoyé ses gens prescrire à tous ceux
qui relèvent de son gouvernement d'avoir à te rejoindre prompte-
ment et sans délai.
De plus, il Va adressé des lettres, et aussi une autre à l'Infidèle
— que Dieu l'anéantisse !
Il faut que tu te presses d'envoyer, toi aussi, un émissaire à
rinfidèle dès qu'arrivera l'autre (de Vautre pacha), afin que tous
— 148 —
deux se présentent ensemble, et que l'Infidèle ait à se décider
devant vos deux lettres, et à donner une réponse.
Cet émissaire {de Vautre pacha) est arrivé an Reggane avec les
contingents du Timmî ; ceux des Oulad-Sidi-Hammou-bel-Hadj et
de Sali sont en route pour arriver aussi, de même que ceux de
Bouda et alliés, et ceux des Chorfa d*El-Hebla et alliés. Salut.
De la part de Sidi CheTkh ben Abdallah.
L'ultimatum dont parle cette lettre fut, eu effet, présenté
au commandant français d'In-Salah% selon ce que nous
apprend cette autre lettre :
De la part du serviteur du Trône élevé en Dieu, le pacha-caïd Sid
Mohammed ben Amor El-Merrakchi, — à nos amis chers, les
merabtines de la descendance de Sidi Obbad (des Oulad-AIssa), et
particulièrement Sid El-Hadj Ël-Arbi ... et autres — que le
salut... etc.
Voici de retour l'émissaire que nous avions envoyé au Tidikelt,
le mokhazni El- Habib.
Il revient de chez le caïd Idris qui l'avait envoyé, avec un
mokhazni de sa suite, porteur d'une lettre, au pays d'AIn-Salah.
Il est allé et s'est présenté au Roumî qui a pris connaissance de
la lettre écrite par le caïd Idris, et a ensuite répondu ainsi : « Je
sais que ce pays est au Sultan, mais les gens d'AIn-Salah m'ont
traité iniquement, ont pris Tinitiative des hostilités, et m'ont con-
traint à poursuivre contre eux mon bon droit ; or, Dieu a décrété
que je les vainque et que j'entre on mattre ici ; je n'en sortirai plus
que sur un ordre de mon Gouvernement ! »
Quant au caïd Idris, il est à Inghar avec ses troupes.
Notre émissaire est rentré avec son cheval fatigué, nous vous
l'envoyons pour que, par pitié et en vue des grâces de notre Maî-
tre, vous preniez soin de lui ; nous-méme, nous faisons des dépen-
ses pour les mokhaznis, par considération de vos ressources pré-
caires : soyez-nous — ainsi que Dieu — en aide, et donnez vos
bons soins à ce cheval. Salut.
{Suit r empreinte du cachet du pacha).
1. Cf. TiLLioN. La Conquête des Oasis sahariennes.
— 149 —
Le pa«ha Idris, d'Ing^har, presse l'arrlwée
de ses eonilng^nis. — De la part de la seigneurie du
généreux pacha Idris ben El-Kouri — que Dieu le protège ! — aux
caïds des Ihanied du Touat et du Gourara. — que Dieu les protège
et les conduise, par les grâces de notre Maître — que Dieu le fasse
victorieux !
Je suis arrivé au pays dlnghar le treizième jour de choual
(i4 février) y je m'y suis installé et j'ai écrit à ceux de la Province
française qui tiennent ATn-Salah ; je n'ai reçu d'eux aucune réponse
satisfaisante, mais il m'est parvenu avis confidentiel qu'ils ont en-
voyé quelqu'un pour leur amener des renforts.
Ainsi, si vous êtes des serviteurs de Dieu et des serviteurs de
notre Seigneur — que Dieu le fasse victorieux ! — que vos contin-
gents nous arrivent sans retard ! Si vous n'êtes pas des serviteurs
de Dieu, non plus que des serviteurs de notre Seigneur — que
Dieu le fasse victorieux ! — vous ne nous enverrez personne, mais
j'en informerai notre Seigpaeur — que Dieu le fasse victorieux !
En même temps que cette lettre, j'en adresse une autre au cald
Mohammed ben Amor, le Merrakchi, pour lui recommander de
nous amener les contingents des Sefianes.
Le salaire du porteur est de trois douros (15 francs), et nous lui
prescrivons de porter la présente jusqu'aux caïds des Meharza.
Et toi, caïd Mohammed- Abderrahmane (du Timmi), ce que tu
dépenses pour nos enfants, tiens-en le compte, et si le fils de notre
sœur arrive, ayant quitté la Personne de notre Seigneur, loue des
animaux pour qu'il nous rejoigne par la route de Titaf. Salut.
Des jours médians de choual 1317 (i2-22 février 1900).
Nous trouvons quelques-unes des réponses qui furent
faites à ce pressant message.
En voici une :
De la part de la djemàa des Chorfa de Khennous, et en particulier
Sid El-Habib ben Moulaï-Saïd, MoulaT- Ahmed ben Mohamed, etc.
— à l'homme de bénédiction, bon, généreux et gracieux, qui est
d'entre les hommes de choix, et une mine de bonté et de bienfaits,
au fonctionnaire de notre Seigneur, — que Dieu le fasse victorieux !
— au pacha-caïd Idris ben Ëi-Kouri, — que le salut... etc.
— 150 —
Et ensuite, nous avons reçu ta lettre et Tavons comprise ; nous
voulons la victoire des troupes musulmanes, et s'il plaît à Dieu,
tous ceux-là te rejoindront qui pourront le faire, avec leurs vivres
et leurs montures, — et que Dieu t*aide et te donne la victoire sur
ses ennemis 1
Reçois le salut de ton ami Moulai- Abdelkader ben Mohammed
beu Moula!-HeIba, qui te dit avoir reçu ta lettre, et Tavoir lue à ses
frères qui se sont réjouis et se tiennent prêts ; il a reçu un homme
du Touat qui lui a annoncé que les Chorfa d'El-Hebla sont arrivés
au Tamest, et que onze hommes des Beraber sont arrivés à Sali ;
quant aux Sefianes, on ne sait rien d'eux. Salut.
Du 17 choual (18 février).
D'Aoulef, El-Hadj Ahmed et Ahmed-Kadi répondent au
pacha Idris :
Pour ce qui est du rassemblement des Musulmans et de la prompti-
tude de leur action, cela découle de la gravité des événements et de
la difficulté des temps ; nous leur avons transmis tous tes ordres et
montré leur devoir : ceux qui obéiront feront bien, quant à ceux
qui s'abstiendront d'obéir quoique ayant le pouvoir de le faire, nous
te les signalerons ; s'ils se laissent dépasser par les groupes
venant du Touat, on les contraindra à les suivre et à aller te
rejoindre.
D'ailleurs qui donc pourrait te désobéir, puisque ton autorité
provient de l'autorité de Dieu et de son Envoyé, et que le Paradis
est pour toi et pour ceux qui seront avec toi !
Si tu t'informes du contingent d'El-Hebla et alliés, sache qu'il
est arrivé à Timmi ; les gens de Bouda sont parvenus à Tamentit ;
les Beraber qu'on nous annonce venir prendre part à la luttei sont
en ce moment au Tamest.
Nous venons d'apprendre ces détails par un chérif de chez nous,
Moulaï-Heïba ben Ahmed. Salut.
Du lundi soir (20 février Î900).
Voici une autre lettre missive qui montre bien l'activité
déployée, tant par les deux gouverneurs que par leurs ad-
1. Les Beraber ne rejoignireut pas les forces d'Idris.
— 151 —
ministres, ainsi que toute Tétendue du mouvement qui fut
alors tenté pour organiser la résistance contre « le Chré-
tien ».
De la part de Moulai- H achem ben Sàîd (d'Aoulef-Chorfa) et de
l'homme de bénëdicUon, le mokhazni Ahmed beu Ël-Arbi, sur-
nommé Ben-Tarbi, — au fonctionnaire de notre Sei^eur — que
Dieu le fasse victorieux ! — le pacha Idris ben Ël-Kouri, le Cher,
radi, — que le salut. . . , etc.
Apprends que ledit Ahmed vient d'arriver de chez le pacha Mo-
hammed ben Amor, le Merrakchi, porteur de plusieurs lettres, dont
une, cachetée, pour toi, et les autres destinées à rassemblée des
Musulmans, donnant toutes les nouvelles ; elles sont remises au
porteur de la présente.
Ahmed a eu son chameau perclus en route, et a dû prendre, à
Matriouen, une monture pour parvenir à la zaoula de Mouial-Heiba
vendredi soir ; prévenu, je l'ai envoyé chercher samedi matin, j*ai
lu les lettres et je te les envoie.
Il te demande de lui envoyer les réponses promptement par un
exprès à délais limités, comme ils lui ont été limités à lui-même :
il attend ici tes lettres.
Ceci est écrit samedi dans la matinée.
Salue de notre part les Musulmans assemblés, chorfa ou arabes,
ainsi que les gens d'Inghar, — que Dieu les garde tous, les
dirige {dans la bonne voie), et leur accorde son aide !
Apprends encore que le très noble Moulaî-Rachid a prescrit la
formation d'une expédition par les tribus des Beraber, des Doui-
Menià et des Ghenanma : tous se sont empressés de faire leurs
préparatifs, et sont déjà, selon Ahmed, arrivés dans le Touat ; il
a trouvé là trois troupes appartenant au Sultan ^ et campées près
du pays (sic) ; il ignore la cause de leur venue ; elles ont reçu la
« mouna » d'avance ; les mokhaznis sont partis après la stipulation,
en leur faveur, de 60 douros (900 francs) à fournir par les gens de
Timmimoui^, et 60 autres à fournir par le pacha.
On a fait la répartition pour la préparation d'un présent de douze
négresses à notre Seigneur - que Dieu le fasse victorieux !
1. Le mokhazni Ahmed semble pourvu d'une belle imagination.
— 152 —
Quaot au pacha {des Sefianes), il a chargé Mohammed ben Ël-
Hadj Abdelûli d*aller à Ei-Goléa pour remettre des lettres aux
Chrétiens, et leur demander la raison de leur manière d'agir yis-à-
vis du Touat : t si l'accord qui régnait entre notre Seigneur — que
Dieu. . . etc, — et vous est détruit, déclarez-le ; ou bien si Fauteur
de ces actes a agi sans votre assentiment, rappelez-le ; ou bien
enlin, si cela a été fait avec votre bon gré, faites-le savoir ! »
Cet envoyé est passé par Ei-Ahmar (Mac-Mahon) on on lui a
donné un permis de circuler, puis il a continué sans retard ; on
pense qull rapportera une réponse précise, et le pacha (des Sefianes)
te la fera connaître, car la quiétude n'est plus de mise pour les
Musulmans : il ne leur reste plus qu'à mourir ou à émigrer de cepays.
Ecris tout ce qu'il y a de nouveau de ton côté, et envoie tes
lettres sans retard.
Nous prescrivons au porteur d'arriver aujourd'hui samedi chez
Sid Ali ben Mohammed-Salah (à 7"^/) qui vous réexpédiera les
lettres le soir môme ; fais, toi- môme, partir tes réponses de bonne
heure sur Tit où noire envoyé, qui aura séjourné, les prendra pour
nous les apporter aussitôt, tandis que ton émissaire rétrogradera
vers toi.
Sache aussi que les gens de Timmimoun préparent avec ardeur
leurs remparts, ainsi que leurs armes, leur poudre et tous leurs
instruments de lutte ; le pacha est allé rejoindre la colonne ras-
semblée ; nous demandons à Dieu de nous garder de ce malheur
immense, suprême, horrible, qui nous perce le cœur, et de nous
accorder la consolation - par tes grâces et par celles de notre
Souverain. Salut.
P. -S. — Et toi, Sid Ali ben Mohammed-Salah, remets six oukias *
au porteur pour son salaire, et garde-le près de toi jusqu'à l'arrivée
des réponses ; lis les lettres, mais ne les conserve que le temps de
les lire, et réexpédie>les aussitôt, pour qu*elles arrivent dimanche
matin entre les mains du pacha ; fais-nous passer les réponses dès
dimanche soir, afin que l'envoyé du pacha Mohammed ben Amor
puisse se remettre en route dès lundi matin ; et pas de négligence,
tu recevras ta rémunération des anges.
1. Environ 1 fr. 20 (pour 40 kilomètres).
— 153 —
(Cet intermédiaire mande à son tour, en second post-
scriptum) :
Sur toi le salut, ô caïd Idris ; selon Tordre de Moulal-Hachem
ben Sâîd, je t'envoie par cet exprès, qui t'arrivera demain matin, les
lettres de Mohammed ben Amor ; remets-lui un metkal i et fais-
moi connaître le contenu de la lettre cachetée.
Le paeha Slmnioa esi slg^nalé à In^Belbal* —
De la part du serviteur du Gouvernement élevé et protégé de Dieu,
Ahmed Kadi. des Oulad-Zennane. - au fonctionnaire de notre Sei-
gneur et Maître — que Dieu le fasse victorieux ! — le pacha Idris
ben Ël-Kouri — que Dieu lui soit en aide, à lui et à tous nos frères !
Ceci est pour te mettre au courant de ce qui s'est passé depuis
ton départ ; le jour même est arrivé le contingent de Sali qui attend
ici ses retardataires ; samedi, nous avons eu des renseignements sur
les gens d'El-Hebla, de Bouda, de Timmi, des Oulad-Sidi-Hammou-
bel-Hadj, de Zaouïet-Kounta et d'autres encore, qui sont tous en
route.
Dimanche est venu un homme d'Aoulef-Chorfa qui était à faire du
charbon dans Toued (Talha) ; il fut rejoint par une caravane d'Arabes
qui cherchaient à acheter des dattes, qui le questionnèrent sur le
prix de celles-ci, de la cotonnade, du sucre, etc., et résolurent
de passer la nuit en cet endroit pour venir le lendemain chez nous,
mais dans la soirée arriva à son tour un des leurs qu'ils avaient
laissé à In-Belbal, et qui leur dit : « Chargez vos chameaux de suite
et fuyez d'ici, car voici le pacha Simmou qui est arrivé à In-Belbal
et qui, demain matin, sera sur vous, et vous prendra vos cha-
meaux »... Tous ces gens partirent aussitôt, et l'homme d*Aoulef
est venu nous prévenir.
Je te préviens à mon tour.
Je ne suis resté ici depuis ton départ que pour m'occuper des
affaires locales, préparer les suppléments de « mouna » que iu
pourrais demander, et te faire tenir les nouvelles.
Ici, il ne reste personne, comme vous le savez ; si vous estimez
1. Environ 2 fr. 50 (pour 45 kilomètres).
— 154 —
que je vous aie été utile eu demeuraot, souhaitez-nous le bien ; si
vous voulez que je vienne, envoyez-moi les chameaux que vous
avez. Salut.
Des jours médians de choual (i2''2^ février).
P. 'S. — Je n*ai trouvé personne pour porter tes dernières lettres :
Sid Ël-Bekri, qui doit partir, les emportera.
Nous pouvouB admettre que le pacha Simmou est, comme
il est dit plus haut, venu alors au moins jusqu'à In-Belbal
car il est absent de Timmimoun ; en effet, nous trouvons
une lettre datée du 16 choual (17 février), du caïd de Bouda
au caïd de Timmimoun, auquel il mande, en l'absence du
pacha :
Quant à la question de l'expédition des Chrétiens, — que Dieu nous
enlève le souci qu'ils nous causent ! — s'il arrive du nouveau de leur
c6té, c'est à toi de nous le faire savoir puisque Teau d'un fleuve
vient toujours de sa source.
Quant à nous, nous sommes prêts à combattre pour la religion
d'Islam, et nous n'avons été retenus de suivre le pucha que par
l'arrivée d'un vol considérable de sauterelles qui est ici depuis
près d'un mois, et qui a empêché tout le monde de s'absenter. . .
Que Dieu nous soit en aide, comme à vous, pour le service ché-
rijien, et qu'il nous inspire à tous ce qui sera le plus profitable aux
Musulmans 1
Nouvelle eonvoeailôn du paeha Idris aux
Ihamed. — Les a Combattants pour la Foi » s'attardent
sans doute en route, car, à Inghar, Idris s'impatiente et
réitère son appel :
De la part de la seigmeurie du généreux pacha-caid Idris ben El-
Kouri, — à tous les caïds des Ihamed — que Dieu vous guide et
que le salut,... etc.
Et ensuite, notre Seigneur — que Dieu le fasse victorieux 1 —
nous a ordonné de nous installer à Âln-Salah, à c6té de ceux qui
s'y trouvent, de la Province française ; il a donné ses instructions
chériiiennes à son représentant à Tanger, El-Hadj Mohammed
— 155 —
Torrès, et il vous a prescrit de vous joindre à nous jusqu'à nouvel
ordre : ses lettres vous seront d'ailleurs remises par le porteur,
ENHadj Mohammed ben El-Mekki.
Hâtez-vous de venir, car il nous est revenu que la colonne fran-
çaise (qui arrive) a déjà atteint le Mzab.
Réunissez votre monde et venez.
Ayez les yeux sur ma lettre et le pied à l'étrier.
Hâtez-vous, la hâte est méritoire.
Toi, caïd Mohammed- Abderrahman (du Timmi), voici des lettres
de notre Seigneur que tu transmettras au caïd Mohammed ben
Amor, et en voici une autre pour toi personnellement.
Aie soin du fils de notre sœur, et recommande à tes administrés
de se bien conduire avec lui, car il nous remplace là-bas.
Ton envoyé est arrivé ici le cinquième jour de son départ de
Timmi.
Fais parvenir aussi ces lettres ci-jointes aux gens de Kerzaz, et
celle-ci même, communique-la à Mohammed ben Amor.
Ois au [ils de notre sœur de nous envoyer du papier qu'il trou-
vera dans le coffret, il ne nous en reste plus.
Faîtes-moi savoir combien de jours le porteur restera en route ;
c'est lui que je charge d'aller jusqu'au caïd Mohammed ben Amor;
chaque pays où il passera devra lui remettre un douro (5 francs).
Salut.
Du 15 kâda 1317 (17 mars 1900).
Prise d'Ing^har par les Français. — Mais Idris
était mal renseigné, car la colonne française qu'il croyait
au Mzab était arrivée à In-Salah le 14 mars, et, le jour
même où il écrivait la lettre que nous venons de voir,
toutes les forces françaises sortaient d' In-Salah, au nombre
d'un millier de fusils, 150 sabres et 2 canons, pour venir
l'attaquer dans Inghar.
Le pacha fut renseigné dans la soirée sur ce mouve-
ment, et, le lendemain 18, il partit en personne, à la tète
d'une petite reconnaissance, dans la direction des Fran-
çais ; il était persuadé, et répétait, à tous, que sa qualité
— 156 —
de fonctionnaire chérifien suffirait pour arrêter les Fran-
çais, sans même qu'ils osassent tirer sur lui.
Non loin d'Aïn-Taraga (14 kilom. E. d'Inghar), il se
trouva tout à coup en face d'une patrouille de spahis algé-
riens qui lui envoyèrent quelques coups de fusil ^ il riposta
et se replia vivement sur Inghar.
Le soir même, tous les Musulmans vont occuper les
dunes qui bordent, à TEst, les palmeraies, et ils y passent
la nuit, croyant ainsi défendre l'entrée de l'oasis aux
Chrétiens.
Ceux-ci s'avancent au petit jour, sous le commande-
ment du lieutenant-colonel d'Eu : leur cavalerie tourne
l'oasis et va en inquiéter la lisière ouest ; les meharistes
dépassent les dunes, les tournent et contraignent la défense
à se retirer dans la palmeraie ; puis l'infanterie couronne
les dunes et ouvre le feu sur les Musulmans, qui bientôt
reculent et finissent par aller s'enfermer, partie dans la
kasba des Oulad-Hadega et dans la mosquée qui se trouve
eu avant de celle-ci, et paiiiie dans la kasba des Oulad-
Ahmed-Djelloul.
Ces ouvrages sont immédiatement battus par les
deux canons français, mis en batterie sur les dunes, puis
l'infanterie pénètre dans les palmeraies en formant deux
colonnes qui attaquent simultanément les deux kaebas,
et sont suivies par l'artillerie qui ouvre une brèche à la
kasba des Oulad-Ahmed-Djelloul.
« A 10 h. 5, la brèche étant praticable, l'assaut est
donné. La brèche débouche sur les terrasses ; les défen-
seurs résistent avec acharnement dans les maisons ; les
sapeurs du génie doivent crever les toitures avec des
pétards de mélinite.
« A gauche (Oulad-Hadega), les assaillants sont arrêtés
par la mosquée que l'ennemi a organisée défensivement.
L'artillerie vient s'établir face à la mosquée, et avec des
obus à mitraille, réussit à ouvrir une brèche qui permet
de l'enlever facilement à 11 h. 30, malheureusement la
brèche de la kasba (située en arrière), que le manque de
- 157 -
vues a empêché de prolonger assez bas, n'est pas prati-
cable. Les tirailleurs sahariens ne réussissent pas dans
leur tentative d'assaut, et perdent plusieurs hommes. Les
sapeurs du génie, qui se sont jetés dans le fossé, n'arri-
pas a faire sauter le pied du bastion' ».
Le pacha, qui a assisté de sa personne à la première
phase du combat, sur les dunes, se trouve dans cette
kasba des Oulad-Hadega : tenant à la main un fusil à
répétition, et aidé de ses trois mokhaznis venus avec lui
de Timmi, et qu'il a répartis sur les faces attaquées, il
va et vient, et excite les Musulmans au combat, allant
même jusqu'à frapper ceux qui par hasard se reculent
des meurtrières quand le feu de Tattaque porte trop fort
sur un point.
A plusieurs reprises, il s'approche même des embra-
sures faisant face à la porte de la mosquée où il voit
apparaître les assaillants, mais chaque fois, il repose son
arme sans tirer, disant qu'il ne peut se résoudre à tuer *.
Quelques-uns des défenseurs le préviennent qu'on voit
les Chrétiens occupés à mettre en batterie un canon qui
va tirer droit sur la kasba : tous sentent que ce canon
va la démolir et déterminer leur défaite : « Dieu Va écrit »,
disent-ils.
Idris leur explique alors qu'il est un moyen sûr pour
aiTêter les Chrétiens quand on ne peut plus leur résister,
c'est d'arborer un linge blanc ; mais les autres ne veulent
pas l'en croire, et le laissent expérimenter seul son moyen.
« A une heure, le pacha de Timmi sort de la kasba et
se constitue prisonnier ; les autres défenseurs refusent de
se rendre. L'ennemi parlemente ; vers trois heures, il
laisse enfin les tirailleurs sahariens pénétrer dans la
kasba. . .
« Cette affaire coûte aux Français 11 tués et 44 blessés
1. L. VowoT, op. cit,
2. Tous ces détails sont rapportés par plusieurs combattauts .
— 156 —
(dont le lieutenant Voinot) ; l'ennemi laisse 500 ou 600 morts
sur le terrain ; les prisonniers sont très nombreux ^ »
La colonne française complète son succès en poussant
aussitM sur Tit et sur Aoulef, où elle établit des garnisons,
et jusqu'à Akabli : tout le Tidikelt est soumis.
Nouveau message ehériflen aux Ihamed. —
Les rares débris de V « armée musulmane » qui réussirent
à s'échapper d'Inghar et à passer au travers des mailles
du filet que leur tendait, en les prenant à revers, la cava-
lerie française, s'égrenèrent au long des sentiers qui
rident le « pays fauve » ; beaucoup s'y couchèrent, perclus
de soif et de fatigue, et ceux qui parvinrent à regagner
leurs ksour s'y terrèrent, les oreilles leur résonnant encore
de la canonnade des Chrétiens, ne sachant que répéter
sans cesse : ce Malheur sur nous ! Malheur sur nous ! . . . »
C'est alors que le sort des armes était définitivement
réglé qu'arriva au Timmi une nouvelle lettre que le
Prince des Croyants avait datée du 15 mars — deux jours
avant la bataille.
A Nos serviteurs très gracieux les caïds des tribus des
Ihamed du Touat^ à leurs cadhis^ à leurs chorfa — que
Dieu les protège ! — à leurs merabtines et à tous leurs
notables^ — que le salut, . . etc.
Et ensuite^ est parvenu à Notre Connaissance chéri-
fienne ce qui s'est passé à Aïn-Salah, l'arrivée de cer-
tains de la Province algérienne^ leur intrusion violente
au milieu des habitants^ leur agression opérée au mépris
de Vétat de paix^ des traités et des conventions qui lient
les deux gouvernements^ sans considération pour ce qui
a été tracé d'un commun accord dans les règlements
portant délimitation des frontières, sans justification
possible même par une excuse de flux et de reflux* y puis-
1, L. Voinot, op. cit.
2. Id est : Texcuse due à un mouvement spontané, irraisonné,
i mpulsff .
— 159 ~
que les gens de la localité leur avaient notifié être de la
sujétion de Notre Personne élevée par Dieu, et faire partie
de Notre empire fortuné.
Ils leur ont imposé le combat, non contents de les
envahir, de telle façon que nombre de Musulmans ont
« invoqué le témoignage de Dieu » {id est : sont passés
de vie à trépas), parmi lesquels les ca'ids et les notables.
Cela Nous a affecté pour deux raisons.
La première^ c'est le dommage causé à ces pauvres
gens, qui sont incapables d'une supercherie^ et ne consen-
tiraient pas à manquer à leurs principes de quiétude et
de respect du bon droite ne serait-^ce qu'à cause de leur
désintéressement, de leur impuissance et de leur pau-
vretéy et qui cependant ont vu s'opérer la destruction de
leurs habitations, le meurtre de leurs hommes, la dis-
persion de leurs femmes et de leurs enfants, sans qu'au-
cune faute le leur ait mérité.
La seconde raison est dans ce que les gens en question
(de la Province algérienne) ont anéanti les règles de con^
duite qui étaient comme scellées à la colle forte, et détruit
les conventions arrêtées, pour le maintien de la paix, du
bien et de la prospérité, entre les deux gouvernements.
Il y a là une chose inadmissible.
Aussi avons-Nous ordonné à votre pacha, Notre servi"
teur le caïd Idris ben El-Kouri, de faire le nécessaire
vis'à'vis de ces gens pour vous sauvegarder de votre
ruine quHls méditent^ et V avons-Nous chargé de sHnstal-
1er dans cette localité, de la leur disputer et d'obtenir
qu'ils la rendent promptement à ses habitants : sHls
obtempèrent, ce sera bien ; ou bien il avisera Notre Per-
sonne chérifienne.
Nous vous prescrivons de vous installer avec lui en
cet endroit, et de vous y tenir à ses ordres pour vous y
maintenir, jusqu'à ce qu'il informe Notre Personne chéri-
fienne de ce qu'il en sera, de leur fait, en cette affaire :
Nous lui donnerons alors des ordres convenables, — par
la puissance de Dieu !
— 160 —
Nous avons donné les mêmes instructions au serviteur
Ben Amor^ le Merrakchi^ et à Nos serviteurs des tribus
sefianeSy pour que vous agissiez tous d'un commun
accord.
Nous ne doutons aucunement de votre loyauté^ de votre
esprit d'obéissance^ de votre dévoûment, ni de votre zèle
pour le bien commun^ — que Dieu maintienne votre foi
et vos convictions^ et qu'il augmente votre prospérité
apparente ou cachée !
Oardez'vous de ceux qui pourraient tirer profit de vous
par intrigue ou par ruse ; vous êtes^ à Nos yeuœ, à
l'abri de cela, mais Dieu — qu'ail soit exalté ! — a dit :
« Satan est pour vous un ennemi déclaré » ; et Con trouve
dans les Hadits laissés par noire Maître, l'Envoyé de
Dieu — sur Lui soient les bénédictions et le salut ! — :
« Viendra, pour le monde^ le temps oU chacun sera
pris dans sa religion comme on prend un tison ». Nous
demandons à Dieu d'assurer la paix.
Quant à ceux qui ont trépassé d'entre les Croyants
vos frères, leur part certaine est le Paradis — que Dieu
leur soit miséricordieux et leur pardonne !
Nous Nous préparons d envoyer une mission de Notre
Seuil chérifien à Aïn-Salah, povr voir les lieux oii se
sont passés les faits en question, faire sur eux une
enquête^ et obtenir de ceux qui s^y trouvent leur éloigne-
7nent et un règlement du litige ; cette mission vous
arrivera sur les traces de la présente — par la puis-
sance de Dieu. Salut.
Du 13 kâda 1317 (15 mars 1900).
Ce message voyagea très lentement, car il ne fut copié,
à son arrivée à Timmi, par Sid Mohammed ben Hachem,
secrétaire du pacha Idris, qu*à la date du 23 dou'i-hidja
(24 avril).
C'est le cas de dire, excellemment, qu'il « arriva après la
bataille %.
— 161 —
La dépatation des Oasis au suUaa* — Nous
avons vu plus haut que les Ihamed et les Sefianes réunis,
on ne sait où, avaient décidé l'envoi au sultan d'une dépu-
tation commune de six membres, dont El-Abed, de Ba-
Amor.
Mais cette députation commune n'avait pas réussi à
voyager de concert.
Dès le lendemain de la prise d'Inghar, Moulai- Hassane,
chef des Ghorfa du Reggane, qui avait eu un fils et quatre
cousins tués à l'ennemi, s'était mis en route vers la cour
chérifienne, accompagné de son cousin^ Sidi-Cheïkh, et
d'El-Abed : c'était la députation des Ihamed.
Mais parvenus à Bouda, ils furent assaillis et dépouillés
de tout ce qu'ils portaient au Prince des Croyants par
une bande de Beraber pillards qui s'enfuirent avec leur
butin au Tafilelt.
Quant à la députation des Sefianes, elle ne se mit en
route que dans les premiers jours d'avril, car elle avait eu
quelque peine à réaliser le présent à emporter au souve-
rain, ainsi qu'en témoigne l'acte suivant :
Témoignage est porté par le soussigné de ce qu'en le prétoire du
fonctionnaire de notre Seigneur — que Dieu le fasse victorieux i —
le caïd Sid Mohammed ben Amor, le Merrakchi ~ que Dieu lui
soit favorable ! — ont comparu : le caïd Mohammed-Abdelkader
ben El-Hadj Belkassem, de Bouda, Mohammed-El-Arbi, de Bouda,
et la djemàa de Timmimoun, dont El-Hadj Abderrahmane ben
Abdelâxiz. . . et autres ; et de ce que les uns et les autres se sont
mis complètement d'accord, faisant un prêt de quatorie cents met-
kals (3.SS00 francs) destinés au présent à notre Seigneur — que Dieu
le fasse victorieux ! — pour le compte de tous les Sefianes.
Sur cette somme, sept cent cinquante metkals sont versés par la
djemàa de Timmimoun, et deux mille (sic) le sont pour le compte
des Sefianes-d'Aval, district du caïd Mohammed-Abdelkader sus-
nommé.
Cela est fait sous la garantie du fonctionnaire sus-nommé (le
11
— 162 —
pacha), du cheîkh Salem ben Ël-Graoni, et de Ba Bella beo, Ël-
Arbi. de Bouda.
Dont acte, à la date des derniers jours de dou'1-kâda 1317 (2i-3i
mars 1900).
{Signé :) Mobarek ben Mohammed El-Belbali.
Il y a dans ce texte une erreur de chiffres évidente et
grossière, mais Tintérét était simplement de savoir qu'il
fot dressé, et à cette date, car ce n'est qu'ensuite que la
députation des Sefianes, sous la conduite du caïd Moham-
med-Abdelkader, de Bouda, se mit en route sur Fès :
nous verrons plus tard ce qu'il advint de ce voyage ainsi
que celui des Ihamed, mais nous allons auparavant suivre
le cours des événements qui se déroulent aux Oasis.
Simmau donne des nouwelles des Français
dn Tidikelt et de eeux d^l^rli. — De la part du
pacha Sid Mohammed ben Amor, le Merrakchi,et de sa djemâa, — au
fonctionnaire de notre Seigneur, le caïd Mhammed ben Cheikh, à
ËUFIadj Mohammed ben Abdelmoula et à leur djemâa toute entière,
— qde le salut. . . etc.
Et ensuite, apprenez qu'est venu d*Aîn-Saiah, ici, Ël-Hadj Youcef
ben EUHadj Mohammed ; il nous a appris que les Chrétiens — que
Dieu les anéantisse ! — sont revenus du pays dlnghar et des ksour
d'Aoulef, et qull sont rassemblés à Aïn-Salah avec toutes leurs
troupes.
Ils ne doivent pas bâtir ; ils attendent seulement des lettres qui
doivent leur arriver de leur Gouvernement.
Ils ont toujours avec eux tous leurs prisonniers de guerre, j
compris le caïd Idrîs.
Nous avons envoyé un émissaire secret pour porter des lettres à
Figuig, mais il a été rencontré par les Chrétiens entre Igli et le
pays des Beni-Qoumi, où ils ont des colonnes nombreuses et où ils
vont bâtir des postes ; ils Tout arrêté et empêché de gagner
Figuig; ils commencent à bâtir.
Nous avons reçu de notre Seigneur — que Dieu le fasse vîcto
- m -
rieux ! — une lettre qui contieut des sujets de joie pour les Musul-
mans ; nous allons vous l'envoyer.
Remettez au porteur quatre oukias.
{suit le cachet du pacha).
Noua savons par ailleurs que c'est le 5 avril que la
colonne Bertrand s'installait à Igli, et le 21 avril que les
prisonniers faits à Inghar furent dirigés sans escorte d'In-
Salah sur El-Goléa.
Le paella Simiiiou exeree loojours son eeu*
mandeinenA. — De la part du serviteur du Trône élevé par
Dieu, le pacha Sîd Mohammed ben Amor, le Merrakchi, — à nos
amis et seigneurs les merabtines de la descendance de Sidi Obbad,
— que le salut. . . etc.
Et ensuite, comment vous étes-vous occupés du cheval qui était
chez vous, d'entre les chevaux du Makhzen > ? Vous l'avez laissé
dépérir, et vous vous êtes désintéressés de lui 1
Or nous vous l'avions envoyé pour séjourner chez vous, par
considération pour vos ressources limitées (au lieu de vous faire
fournir vos contributions de mouna).
S'il vient à périr, vous le paierez cent douros (SSOO francs).
Nous avons appris que, pour le merabet (décédé) dont vous
avez inventorié la succession, vous avez fait le règlement de cette
succession sans autorisation du Makhzen.
Nous vous avions cependant avisés de ce qu'il y avait à faire,
mais personne, chez vous, n*écoute ce que dit le Makhzen.
Maintenant, il faut que vous nous envoyiez Fauteur de cet abus.
Si Abdelhal, ainsi que le merabet qui est l'héritier.
De plus, ce que vous restez devoir, comme mouna du Makhzen,
en orge, rassemblez- le vite, et remettez-le au porteur.
Restez avec l'amitié, dans le service chérifien. Salut.
Du 5 moharrem 1318 (5 mai 1900).
1. Nous avons vu plusieurs fois, au cours de cet ouvrage, que le
Makhzen percevait des droits sur les successions.
— 164 —
A cette date, nous voyons donc le gouverneur des
Sefîanes exercer encore ses fonctions avec sérénité, et
cependant la force française qui doit poursuivre vers hii
Tœuvre de conquête commencée au Tidikelt est en route,
et, à cette date même, est déjà parvenue à Fort-Mac-
Mahon.
Une eelanne flrançaise soumet le Gaiir*ra«
— En eflFet, le 27 avril, une colonne française, forte de
800 hommes et de 2 pièces de canon, est sortie d'El-
Goléa, sous le commandement du colonel Ménestrel, et
elle se présente, le 11 mai, devant Ta&ntast en Tinerkouk,
puis de ce ksar, aussitôt soumis, tout en se renforçant
d'une autre force de 400 hommes, venue de Géryville à
travers l'Erg, elle réclame la soumission de tous les ksour
de la région.
Les différents notables se réunissent dans une oasis voi-
sine, Fatis, et comme ils hésitent à se présenter à lui
malgré deux sommations successives, le colonel se porte
sur Fatis avec 400 hommes et ses canons ; quelques obus
sont envoyés sur le petit ksar, d'où une fusillade peu
nourrie répond faiblement, puis l'infanterie pénètre dans
les palmeraies, et ensuite dans le ksar où elle fait prison-
nier le caïd Abdelkerim, des Meharza, âme de la résistance.
La colonne continue sa route, passe chez les Khenafsa
du Gourara, chez les Oulad-Saïd, et se présente devant
Timmimoun le 22 mai.
Le pacha Simmou, sous l'impression du sort échu à son
collègue Idris à Inghar, mal obéi par ses administrés que
le souci de la défense de leurs propres foyers avait fait
demeurer dans leurs ksour respectifs, craignant même
d'être pris à revers par la colonne d'Igli qu'on disait en
route pour descendre la Saoura, le pacha Simmou avait
disparu, ainsi que le ca!d de Timmimoun, et ce furent les
notables du ksar qui, jugeant toute défense inutile, vinrent
se présenter au colonel Ménestrel dès son arrivée : le jour
— 165 —
même le drapeau français fut hissé sur la kasba aban>
donnée par le gouverneur chérifien, et fut salué d'une
salve d'artillerie.
Le succès des opérations de cette colonne avait été
grandement facilité par Faction directe de ses auxiliaires
indigènes, les merabtines des Oulad-Sidi-Cheîkh, action
qui s'était exercée auprès de leurs nombreux serviteurs
religieux gour ariens : en voici un échantillon.
Le iMieh-asha de GérywiUe éerit aux Khe«
nafJMl* — De la part da serviteur de son Dieu — qu'il soit
exalté ! — le bach-agha Sid Ëddine ben Hamza — que Diea lui soit
en aide ! — aux personnes de nés serviteurs et amis très chers, à
toute la djemàa de Tiberghamine et d'Abboud {en Aougrout), et en
particulier à Mhammed ben Cheikh (le caïd investi par le sultan), à
Ël-Hadj Mohammed ben Âbdelmoula. . et autres — que le salut. . .
etc..
Et ensuite, comment dtes-vous et comment vous portez-vous ?
Omes amis, c'est ce que j'appréhendais pour vous qui est arrivé,et
comme j'ai craint que vos affaires ne soient bouleversées, que vos
personnes ne soient massacrées et votre pays dévasté, j'ai senti
mon cœur s'attendrir malgré sa fermeté, et je vous ai fait porter ces
lettres par mes fils et mes cousins, afin que vous vous placiez sous
leur sauvegarde et qu'ils soient les intermédiaires bienfaisants entre
vous et le gouvernement français.
N'hésitez pas, et prenez soin de ne pas venir vous présenter {au
chef français) après tous les autres, car celui qui sera venu le pre-
mier sera favorisé et préféré aux autres.
Vous savez bien que vous n'avez pas la force de repousser ce qui
vient vous faire souffrir ; Dieu — qu'il soit béni et exalté ! — a
défendu que l'homme se fasse le propre instrument de sa destruc-
tion ; or Dieu est le maître de ce qu il donne et de ce qu'il reprend.
Ayez soin de croire à mon désintéressement, et ne vous placez pas
du côté de ceux qui seront détruits {pour leur résistance). Salut.
Du 22 dou'l-hidja 1317 (^3 avril 1900),
— 166 —
Cette action directe des Oulad-Sidi-Cheikh algériens
contribua beaucoup à paralyser la résistance que voulait
organiser le pacha Simmou, et à amener la soumission
du Gourara aux Français sans efiusion de sang.
lie malentendu 4e Meterte e< see soites. —
Pour compléter la soumission du pays, le colonel Ménestrel
entreprit, le 31 mai, une marche de Timmimoun sur les
ksour des Zoua et Deldoul '.
En se présentant au chef français, la djemàa de ce der-
nier district lui remit une lettre par laquelle son alliée
traditionnelle, Metarfa, déclarait lier son sort au sien, et
se soumettre en même temps et aux mêmes conditions
qu'elle.
Aussi, lorsque le chef d'annexé, le capitaine Faloonetti,
dès lors entré en fonctions à Timmimoun, organisa son
commandement par quelques nominations de caïds *, il en
établit une pour Abdelàziz ben El-Hadj Ahmed, kebir de
Metarfa', et cette lettre fut confiée au chaouch du caïd de
Deldoul, qui se trouvait être un Chaànbi du nom d'Ali ben
Sald.
Celui-ci partit pour Metarfa, et en remettant à Abdel&ziz
la lettre de nomination qu'il lui apportait, il lui réclama,
«( pour son café », une somme de quatre douros (20 francs).
Abdelàziz se récria, trouvant cher « le café », et comme
l'autre insistait, il lui jeta la lettre à la face en disant :
« S'il en est ainsi, nous ne nous considérons plus comme
soumis ! »
Le chaouch ramassa la lettre, s'en retourna incontinent,
et vint la rapporter au chef d'annexé en lui rendant compte
que Metarfa avait refusé de le recevoir, l'avait chassé et
insulté ignominieusement.
1. TiixioN. op. cit,
2. Ibid.
3. Encore actuellement en fonctions.
— 167 —
Quant à Abdel&ziz, il jugea inutile de revenir sur le
mouvement de colère qu*il avait eu, d'autant que la nou-
velle se répandit bientôt que la colonne française était
repartie de Timmimoun sur El-Goléa ; il se borna, pour
se tenir en garde contre toute entreprise possible des peu
nombreux « Roumis » restés à Timmimoun, à contracter
alliance avec le Teçabit resté insoumis (juin 1900), et il
s^abstint de toutes relations avec son ancien allié, le
Deldoul : Metarfa resta donc comme un ennemi, comme
un révolté, aux yeux du chef de l'annexe du Gourara ; nous
allons voir ce qu'il lui en coûtera.
Eia missioii Serwlére an Toiia*. — In-Salah
et le Tidikelt ayant été, à la suite des opérations du
colonel d'Eu, rattachés aux territoires de la Division
d'Alger, le général Servière, qui la commandait, reçut la
mission d'aller reconnaître ces nouveaux administrés ; il
arriva avec une petite escorte, le 24 juin, à In-Salah ;
après un court séjour, il en repartit pour continuer son
inspection au Tidikelt, et, ayant pu prendre avec lui une
partie des troupes cantonnées dans ce pays, il se montra
dans le Touat, à la tête d'une force de 250 fusils.
Ce qui est rentré dans les ksour, d'entre les combat-
tants d'Inghar, se terre au fond des ruelles pleines d'ombre
en répétant ; « Malheur sur nous ! v> . . Quelques notables
et les harratines sortent seuls au-devant de la colonne et
s'efforcent à lui faire bon accueil : le Reggane, Sali,
ZaouIet-Kounta« le Tamest, Tamentit, puis enfin le Timmi
(30 juillet), font ainsi leur soumission, tout étonnés qu'il
leur en coûte si peu pour éviter la colère du « grand chef
des Roumis* ».
Après un séjour de deux journées seulement à Timmi,
1. Ainsi nommaient-ils le général qui, on le sait, — et c'est ud
piquant rapprochemeDt, — avait au contraire reçu des troupiers
français le surnom de « sokhrar » (le chamelier).
— 168 —
le général continuait sa route par Seb&, Kaberten et Del-
doid, et arrivait, le 7 août, à Timmimoun d'où il regagnait
El-Goléa*.
Le» eomlmito devant MetarAi. Les Braker.
— A la nouvelle de l'arrivée de la colonne Servière à
Timmi, Metarfa s'était émue des suites que pouvait lui
attirer son attitude ; son ancien ami, le caïd de Deldoul,
qui avait accompagné le chef d'annexé de Timmimoun
venu au-devant du général jusqu'à Kaberten, avait aussi
craint pour elle, et, aidé par le kebir des Oulad-Mahmoud,
avait projeté d'obtenir pour le kebir Abdel&ziz et pour sa
djemâa une audience du général, au cours de laquelle le
malentendu aurait été expliqué, et la soumission du petit
ksar renouvelée et rendue définitive : mais le chef d'an-
nexé s'opposa à ce projet et il n'eut point de suite : Metarfa
resta donc, bon gré mal gré, dans son attitude hostile.
Mais le 29 août suivant, accompagné du goum d'Ouar-
gla, commandé par le capitaine Pein, le chef d'annexé
paraissait devant ses murs, ou plus exactement devant les
dunes qui garnissent sa lisière est, qu'il trouva « cou-
vertes de défenseurs ».
« Dans le but d'avoir auprès de lui un appui moral, il
fit aussitôt prévenir le capitaine Jacques, commandant la
2® compagnie de tirailleurs sahariens, à ce moment en
reconnaissance de pâturages vers Deldoul, de se porter
stir Oulad-Rached. Au parlementaire qu'il envoya aux
habitants de Metarfa, ceux-ci répondirent que leur seule
parole serait celle de la poudre. Devant cette déclaration,
il donna l'ordre au capitaine Pein de tourner les dunes par
1. On sait que les îadigènes ont l'habitude de dénommer les
années par quelque fait marquant : les harratines du Touat con-
naissent Tan 1900 sous le nom d*Aam-el-Fotor — Tannée du Déjeu-
ner, — à cause de la grande quantité de viande que leur procurè-
rent les nombreux chameaux laissés par la mission Servière tout
le long de sa route.
— 169 —
le Sud, pendant que lui-môme se porterait sur celles à
l'est du village.
« A peine ces mouvements étaient-ils commencés que
les deux officiers étaient accueillis à coups de fusil. L'en-
nemi, rapidement délogé des dunes, se retira sur Metarfa,
où il fut suivi jusqu'au pied des murs par le capitaine
Pein ; mais celui-ci, à bout de munitions, fut obligé de se
replier.
« A ce moment arrivait le capitaine Jacques avec ses
tkaiUeurs sahariens. Le capitaine Falconetti lui prescrivit
d'occuper les dunes sur son prolongement. Pendant une
heure et demie, on échangea des coups de fusil avec
l'ennemi sans qu'il manifestât la moindre faiblesse. Jugeant
alors qu'il lui serait impossible de brusquer l'attaque
avec ses seuls moyens, le chef de l'annexe donna l'ordre
de battre en retraite et de s'installer au camp. Il envoya
en même temps un courrier à Timmimoun pour demander
un renfort de 50 hommes et un canons »
Ce courrier, composé d'un brigadier de spahis et d'un
goumier, vint donner, non loin de Bel-Ghazi, dans un
parti d'environ 80 Beraber venus de l'Ouest, dans le but
d'enlever les chameaux des Français qui avaient été signa-
lés au pâturage vers Bel-Ghazi ; le goumier fut tué, et le
brigadier, grièvement blessé, n'arriva qu'avec peine à
Timmimoun, où la garnison exécuta aussitôt une recon-
naissance qui resta sans résultat.
« Le 30, sur l'ordre du capitaine Falconetti, une recon-
naissance faite (du camp sous Metarfa) vers Brinken et
autour de l'oasis de Metarfa amena la découverte de nom-
breuses traces venant de l'extérieur, et se dirigeant sur les
ksour surveillés. Le soir, les gens de Metarfa envoyèrent
un parlementaire porteur d'une lettre destinée au ca!d de
Deldoul, qu'ils demandaient à avoir comme intermédiaire
pour leur soumission. Mais le capitaine Falconetti refusa
de faire porter ce message, et avisa les membres de la
1« TiLLioN, op. cit.
— 170 —
djemàa qu'ils devaient venir le trouver s'ils désiraient se
soumettre.
« Après le coucher du soleil, une nouvelle reconnais-
sance, sous les ordres du capitaine Pein, envoyée v«rs
Brinken, et qui ne rentra que le lendemain matin, ne fit
rien découvrir.
« Le 31, à 6 heures du matin un parlementaire vint
prévenir que les membres de la djem&a étaient malades et
et ne pouvaient se présenter au camp. Vers 10 heures du
matin, on signala dans les dunes, à 3 kilomètres, une
colonne de piétons, de cavaliers et de méharistes, marchant
sur Metarfa'. . . »
C'étaient les Beraber venant de Bel-Ghazi, après l'atta-
que du courrier.
... « Le capitaine Pein partit la reconnaître avec son
goum, mais ses premiers cavaliers furent reçus à coups
de feu. Au bruit de la fusillade, le capitaine Falconetti
envoya au secours du goum deux sections de tirailleurs
sahariens, de 30 hommes chacune ; l'une d'elles devait
occuper les dunes les plus élevées, au nord de Sahela,
pour empêcher l'ennemi d'y entrer, l'autre, attaquer de
front. La section du lieutenant Depardieu était à peine
arrivée au haut de la dune qu'elle se trouva subitement en
face d'un g^upe nombreux de Beraber, qui la fusilla à
bout portant. L'officier fut tué, avec deux sergents fran-
çais et deux tirailleurs indigènes.
« Devant cette attaque inopinée, la section l&cha pied,
abandonnant ses morts ; elle put être ralliée par le capi-
taine Jacques, qui arriva quelques instants après.
tt De l'autre côté, la seconde section avait essayé de
tourner l'ennemi, mais elle avait échoué dans son attaque.
« Bientôt apparurent de nombreux groupes de ksou-
riens sortant de Sahela, et marchant, les uns à la ren-
contre des Beraber, les autres sur notre camp, presque
entièrement dépourvu de défenseurs. Dans la crainte
1. TiLLioN, op. cit.
•^ 171 —
d'une attaque, le capitaine Falconetti donna Tordre aux
capitaines Pein et Jacques de se replier lentement sur le
camp, puis on battit en retraite sur Deldoul, pour donner
la main au renfort attendu de Timmimoun. . .
... « Les 1®', 2, 3 et 4 septembre, la petite colonne
resta au repos à Deldoul. Le 4, dès l'arrivée du renfort
de Timmimoun, elle reprit la route de Metarfa, devant
lequel elle arriva le lendemain matin.
« Pendant que les hommes prenaient du repos, le capi~
taine Falconetti fit la reconnaissance de la position avec
l'officier d'artillerie, et prit ses dispositions d'attaque.
L'artillerie, soutenue par les tirailleurs algériens et le
makhzen de Timmimoun, devait prendre pour objectif les
dunes au sud du village, tandis que les capitaines Pein
et Jacques occuperaient les mamelons de la route de
Brinken, et refouleraient sur le ksar les contingents qui y
étaient installés.
« L'artillerie ouvrit le feu, ainsi que son soutien.
« De leur côté, les capitaines Pein et Jacques se trou-
vèrent en présence de forts contingents bien abrités, qui
arrêtèrent leur mouvement. Comprenant alors que le gros
de l'ennemi était de ce côté, le capitaine Falconetti pres-
crivit aux tirailleurs algériens et au makhzen de Timmi-
moun d'appuyer un peu k gauche, tandis que l'artillerie se
rapprocherait encore : malgré toujb^ on ne put avancer.
Enfin, renforcé par quelques spahis sahariens et une
escouade de tirailleurs venue du convoi, on finit par tenir
tête à la fusillade venue de la dune. Pendant ce temps, les
tirailleurs sahariens s'étaient portés en avant ; mais,
dans ce mouvement, leur chef, le capitaine Jacques, fut
tué^ un sous-lieutenant indigène blessé, et plusieurs tirail-
leurs tués ou blessés. L'élan de la troupe fut aussitôt
rompu.
c La situation devenait critique. Le capitaine Falco-
netti prit le parti de rompre le combat. Lentement, on
battit en retraite sous la protection des deux sections de
tirailleurs algériens, en abandonnant malheureusement
— 172 —
les morts sur le terrain. On rentra à Deldonl le soir
même ; puis, le 6, on reprit le chemin de Timmimonn où
l'on arriva le 8.
« Nous avions eu : 13 tués, 36 blessés, 1 disparu'. »
De leur côté, les Beraber retournèrent tranquillement
chez eux par le Teçabit et la Saoura, et Metarfa resta en
« dissidence ».
Certeins traités û^ a mnkiUé » Mst c
vigmÊ/ar. — Nous avons étudié, en son temps, le régime
de r «( amitié », si florissant aux Oasis vers le milieu du
XIX* siècle, pendant la période d'abstention de l'autorité
chérifienne, mais depuis lors, de nouveaux fonctionnaires
chérifiens ont été censé administrer le pays, et mainte-
nant, en septembre 1900, Tautorité française y exerce son
action depuis plusieurs mois, et cependant des tributs
d' a amitié » sont encore versés aux anciens suzerains
nomades, témoin la quittance suivante :
Témoignage est porté par Ahmed ben Cheikh-Sadok, de ce qu'il
a perçu ce qui lui est dû en vertu du traité existant entre lui et les
merabtines de la descendance de Sid Ahmed Bou-Tedara*, et
englobant tous les Chorfa de la descendance de Moulal-Ali ben
Boubeker, Moulai- Ali .. • et autres ^ qu'il ne lui reste rien à leur
réclamer pour les années écoulées, et que le montant de cette
« amitié » entre eux a été, pour la présente année, de quatre met-
kals (iO francs).
Ainsi arrêté d'un commun accord, — et que Dieu ne change ni
ne modifie rien !
Dont témoignage porté par lui-même, se trouvant en Tétat exigi-
ble (légalement).
A la date des derniers jours de djoumad premier 1318 [15-25 sep-
tembre 1900).
1. TiLLION. op. cit.
2. En Tamest [vid. sup. Partie réservée).
— 173 —
Combien peu le cours des événements parait influer sur
la vie intérieure du pays touatien !
lies Français oeeupent le Touat. — Pendant
les derniers mois de Tannée 1900, une nouvelle colonne
française se forme à El-Goléa, destinée à réaliser Toccu-
pation du Touat qui, à la suite des aSîaires de Metarfa,
parait se présenter comme un peu délicate, et qu'on essaie
de faciliter en ramenant dans leur pays les prisonniers
d'Inghar libérés.
Cette force part d'El-Goléa le 8 janvier, et arrive le 26
à Timmimoun où les dernières dispositions sont prises par
le chef de l'expédition, le général Servière.
Deux colonnes se mettent en marche simultanément.
Tune de Timmimoun, forte d'environ 800 hommes, avec
4 canons, conduite par le général, l'autre comprenant 300
hommes seulement, part du Tidikelt ; elles doivent opérer
leur jonction à Timmi.
« Le 30 janvier, la colonne sort de Timmimoun dans la
direction d'Adrar, ksar principal du district de Timmi.
Elle passe à Deldoul, où le ksar de Metarfa, qui renouvelle
aussitôt ses offres de soumission, refusées en octobre pré-
cédent % les voit enfin agréées ; de là« elle gagne Brin-
ken en Teçabit, où elle doit se déployer en bataille pour
amener les habitants à se soumettre, et arrive enfin le 10
février à Adrar (Timmi), où elle installe son camp*. »
Elle est rejointe là par la seconde colonne arrivant du
Tidikelt par Titaf .
Elle fait, le 12 février, une pointe sur El-Mansour en
Bouda, la résidence du ca!d Mohammed- Abdelkader en ce
moment à Fès, et où les habitants ne se soumettent que
sous la menace du canon.
Bile envoie, le 17 février, une forte reconnaissance sur
Ben-Drao d'où des renseignements sont venus sur l'appro-
1. TiLLION.
2. L. VomoT.
— 174 —
che d^une expédition de Beraber, et, le 20 février, elle va
visiter Tamentit sans être parvenue à éclaircir la question
de la présence dans le pays d'une grosse force ennemie sur
laquelle sont cependant venus des renseignements, à trois
reprises et de trois sources différentes.
Retonr des dépvtetions enwoyées •m.sulteii.
— Comme nous l'avons vu, bien que décidée d'un commun
accord par les Ihamed et les Sefianes, la députation com-
mune, « de six membres dont El-Abed », s'était en fait
divisée, et la députation des Ihamed, conduite par Moula!-
Hassane, s'était mise en route la première et avait été
pillée par un parti de Beraber, dès son arrivée au Bouda.
Moulaî-Hassane et ses compagnons continuèrent cepen-
dant leur route, et gagnèrent le Tafilelt avec l'intention
de se faire rendre justice, soit par le Lieutenant Chéri-
fien, soit par les notables des tribus auxquelles apparte-
naient leurs agresseurs, et de se faire restituer leur bien
par ceux-ci.
Mais les choses traînèrent en longueur malgré la qua-
lité des plaignants, et ils étaient encore là pendant que la
députation des Sefianes, partie des Oasis en avril 1900,
sous la conduite du eald Mohammed-Âbdeikader, de Bouda,
arrivait jusqu'à Merrakech où se trouvait alors le Prince
des Croyants, puis, sans avoir rien pu obtenir de lui,
revenait au Tafilelt.
Moulaî-Hassane et ses compagnons rentrèrent bientôt
au Touat, sans d'ailleurs avoir obtenu aucune restitution,
mais rapportant la nouvelle, qu'ils dirent tenir de Moula!-
Rachid lui-même, que le sultan avait été ensorcelé par
une femme envoyée par les Français, par elle mis dans
une caisse et expédié en France.
Le caïd de Bouda sut obtenir un résultat plus tangible ;
aidé par le cadhi des Oulad-Saîd et un merabet de Tas-
faout en Gôurara, du nom d'El-Hadj Ahmed, il parvint à
réunir une troupe d'environ 400 hommes, tant des Bera-
— 175 —
ber que des Bem-Mbammed, et lui promettant tant par
jour pour cbaque piéton ou cavalier, il la décida à venir
avec lui jusqu'aux Oasis pour en cbasser les Français.
Son premier plan était d'amener ses Beraber à
Bouda, de les faire vivre sur le Touat, puis, de là, les
lancer successivement sur le Tidikelt et sur le Gourara
qu'ils auraient ainsi « nettoyés » du Roumi.
Mais, comme il approchait du Bouda, ses éclaireurs lui
rapportèrent le renseignement de la présence d'une grosse
colonne chrétienne à Timmi, et cela non sans être éventés
eux-mêmes puisqu'ils motivèrent la reconnaissance fran^-
çaise du 17 février sur Ben-Drao ; mais, quand elle y alla,
eux comme l'expédition à laquelle ils appartenaient avaient
déjà obliqué, depuis 3 ou 4 jours, vers le Nord-Est : leur
guide et chef effectif avait résolu de tenter un coup de
main sur Timmimoun, qu'il ne savait pas gardée par une
garnison de 300 hommes.
Us allèrent donc passer par Tasfaout, dont un merabet
accompagnait, comme nous l'avons vu, l'expédition ; puis,
ils gagnèrent par une marche de nuit Zaoulet-Belkassem
d'où ils repartirent au commencement de la nuit suivante.
Svrpriiie de Tlmmiinouii |Mir les Beraber. —
En arrivant sous les murs de Timmimoun, l'expédition se
divisa : un groupe s'engagea dans une ruelle qui aboutit
au ksar, traversa une partie de celui-ci, contournant ainsi
la kasba par le Nord, vint envahir le siège de l'annexe et
put piller un des logements d'officiers, dont le propriétaire
était absent, sans que personne donnât l'alarme.
Pendant ce temps, le gros de l'expédition, fort de plus
de 300 hommes, pénétrait dans un enclos servant de parc
à moutons, qui était accolé au rempart sud de la kasba.
En entrant dans ce parc, les Beraber aperçurent deux
bergers accroupis devant quelques tisons ardents, ils sau-
tèrent sur eux et égorgèrent le premier sans qu'il eût
tourné la tête ; le second se jeta à plat ventre en les
— 176 —
implorant, et il obtint la vie sauye à la condition d'aller
chercher des pioches ponr percer le r^npart de briques
sèches : il partit, mais se garda bien de revenir.
Les Beraber, ne pensant pas qu'il y eût dans ce parc
d'autre homme vivant, se mirent à aller et venir dans
l'obscurité et reconnurent le pied du rempart ; d'aucuns
rallumèrent le feu des bergers, et, en attendant les pioches
promises, se mirent à préparer du thé.
Il y avait là cependant une sentinelle en armes qui,
assise un peu à l'écart, dans un gros tas de drinn, s'était
assoupie, son fusil entre les jambes ; réveillé par les pié-
tinements et le bruit des conversations, le soldat avait
ouvert les yeux, mais voyant devant lui tous ces inconnus,
il s'était tout doucement enfoncé sous le drinn, et il s'y
tint caché et coi.
La situation se prolongea, car un groupe d'assaillants,
plus impatient, eut le temps de creuser un trou sous le
pied du rempart, mais la galerie ainsi pratiquée se trouva
aboutir au-dessous d'un plancher de gros madriers qui ne
purent être entamés S et elle dut être abandonnée.
On découvrit enfin une lucarne dans le rempart, au-
dessus de hauteur d'hommes, et on l'atteignit en dres-
sant contre le mur la barrière du parc : une trentaine
d'assaillants entrèrent à la queue-leu-leu par cette
ouverture, et se trouvèrent dans un magasin de sacs
d'orge qu'ils se mirent en devoir de vider.
Entre temps, l'heure de la relève de la sentinelle étant
arrivée, le chef du poste de garde installé à la grande
porte de la kasba, grande ouverte (détail que les assail-
lants ignoraient) à 60 mètres du parc, sur la face est,
expédia le soldat de relève ; celui-ci vint donc, longeant
le mur, et en tournant le coin, se il trouva inopinément
devant cette foule grouillant dans le parc : il donna
l'alarme à coups de fusil et regagna le poste.
1. Dans le magasin des subsistaDces, c*étaient les madriers sup-
portant les piles de sacs d'orge.
— m —
Les premiers qui, sortant des casernements, apparurent
dans les premières clartés de Taurore, dans la cour de la
kasba, furent salués à coups de fusil par les assaillants
entrés dans le magasin : ainsi mourut l'officier d'adminis-
tration Juncker ; cependant chaque corps prit son poste
rapidement au rempart, et la défense s'organisa sous la
direction du commandant Reibell.
Il fallut deux heures* pour reprendre le magasin aux
assaillants qui l'occupaient.
Pendant ce temps, une partie de la garnison exécutait
successivement deux sorties, pour déblayer les abords
extérieurs de la foule ennemie ; là fut tué le capitaine
Quizard, et blessés le capitaine Oudjari et le lieutenant
Poussardin.
Quand le gros de l'assaillant eut reculé et disparu dans
les palmeraies, il fallut encore enlever d'assaut une petite
construction située à 40 mètres du rempart et où une
douzaine de Beraber se firent tuer jusqu'au dernier.
Les Français avaient dix tués, dont deux officiers, et
une vingtaine de blessés, mais les Beraber laissaient sur
le terrain une centaine de cadavres ; ils purent toutefois
se retirer tranquillement et sans la moindre poursuite.
Combate de Charoulne et d^EI-iAmlra* — Le
général Servière apprit à Tamentit la nouvelle de l'attaque
de Timmimoun : il envoya aussitôt à cette place un secours
de 200 fusils et 2 canons, garnit Adrar de 200 autres, et
se porta en hâte, avec le restant de ses forces, sur l'oasis
de Gharouine où l'expédition beraber s'était retirée.
« Il arrive devant Gharouine le 28 février à 3 heures.
Le convoi n'a pu suivre ; il est resté en arrière, escorté
par la 10* compagnie de tirailleurs ; les chameaux sont
exténués. L'ennemi, qui occupe la lisière de l'oasis, reçoit
l'avant-garde à coups de fusil. Lorsque le gros arrive,
1. Rapport de la Place de Timmimoun, du 18 février 19(M.
12
— i78 —
l'infanterie se déploie et Tartillerie ouvre le feu sur les
tirailleurs ennemis, embusqués en avant du sud de Toasis ;
après un tir fusant, quelques coups à obus allongés les
font battre en retraite. L'infanterie continue son mouve-
ment à l'ouest de Toasis ; l'artillerie, après avoir appuyé
ce mouvement, le suit. Pendant cette marche de flanc,
l'ennemi balaie le terrain de ses feux. A 5 heures, l'infan-
terie est déployée face à la lisière ouest de Toasis...
L'artillerie attaque la lisière ; son feu réduit les défenseurs
au silence . . .
« Le lendemain, i^' mars, dans la matinée, une recon-
naissance chargée de déterminer le point d'attaque essuie
des coups de feu. Pendant la nuit, la section d'artillerie
jette quelques obus dans le ksar, la kasba et l'oasis, pour
inquiéter les défenseurs.
K Le 2 mars, on bombarde une kasba ruinée mise en
état de défense ; l'ennemi ne répond pas au feu* »...
C'est que les Beraber ont évacué la place pendant la
nuit, se dirigeant sur la Saoura pour rentrer dans leur
pays...
Le goum, l'escadron saharien et la moitié de la 1'* com-
pagnie saharienne* sont lancés à leur poursuite et les
rejoignent au petit jour, le 3, à une vingtaine de kilo-
mètres nord-ouest de Charouine, dans l'erg d'El-Amira.
Les Beraber ont fait filer vers TOuest leur convoi et
leurs blessés, et ils occupent une ligne de hautes dunes ;
tapis derrière les crêtes, ils attendent les poursuivants et
laissent même déborder quelque peu leur aile droite par
les goumiers, que cette aile charge ensuite et met en fuite.
« Le capitaine Ramillon aperçut ce mouvement de recul,
et, sans prendre le temps de couvrir ses ailes et de consti-
tuer une réserve, il fit gravir les dunes à ses tirailleurs.
Ceux-ci se trouvèrent brusquement face à face avec les
1. L. VomoT.
2. En tout 250 fusils ; rennemî en avait 300 d'après les plus
basses évaluations.
— 179 ~
Beraber qui les accueillirent par une décharge à boni
portant. Le capitaine Ramillon, un sergent et un homme
furent tués ; un officier fut blessé, ainsi que trois sergents
et quelques soldats indigènes.
« L'attaque fut si subite et si acharnée que la troupe
n'eut pas le temps de se ressaisir. Les goumiers à méhari,
craignant d'être débordés, se retirèrent, entraînant dans
leur mouvement les tirailleurs, puis les spahis sahariens,
dont un officier, le lieutenant de la Hellerie, venait d'être
tué.
«c II fallut toute l'énergie des officiers pour reprendre
tout ce monde affolé.
« Aux appels d'un clairon sonnant la charge, l'offensive
fut reprise : les hommes mirent baïonnette au canon et se
lancèrent sur les Beraber qu'ils forcèrent à regagner les
dunes ; mais, épuisés et sans soutien, ils ne purent pour-
suivre ; pendant deux heures, une lutte de mousqueterie
s'engagea de part et d'autre, puis, comme les munitions
commençaient à s'épuiser. . . le signal de la retraite fut
donné. On se retira lentement, homme par homme, en emme-
nant les blessés, sous la protection de dix spahis algé-
riens, commandés par un sous officier plein d'ai^deur et
d'audace, et envoyés en hâte du camp de Charouine, au
bruit de la fusillade' ».
Enfin, n'espérant pas venir à bout de leurs adversaires,
jugeant d'ailleurs leur convoi à l'abri et la poursuite irré-
missiblement arrêtée, les Beraber disparaissent dans les
dunes, non sans avoir au préalable outragé les cadavres
ennemis restés quelque temps en leur pouvoir : le détache-
ment français avait perdu 25 tués, dont 2 officiers, et 50
blessés, dont 3 officiers.
Du camp sous Charouine, une colonne de secours était
sortie à 10 heures du matin ; quand elle arriva sur le lieu
du combat, à 4 heures du soir, les Beraber avaient plu-
sieurs heures d'avance et étaient hors d'atteinte, elle ne
1. TiLLION.
— 180 —
put que rendre les derniers devoirs aux morts et soigner
les blessés.
Les Beraber partis, les trois ou quatre centaines de
pauvres gens qu'étaient les habitants de Charouine se
trouvaient à la merci de l'adversaire : ils vinrent offrir
leur soumission.
« Mais le général Servière leur a fait comprendre que,
après ce qui s'était passé, il ne pouvait recevoir leur sou-
mission dans les conditions faites aux autres ksour qui ne
nous avaient pas combattu. Il a exigé la remise de cinq
notables comme otages, le désarmement et le démantèle-
ment des kasbas, le paiement d'une forte indemnité.
« Il a fallu une petite démonstration d'artillerie pour
amener la djem&a^ qui avait d'abord réclamé V « amane »
pur et simple, à accepter ces conditions. Mais les ksou-
riens se sont résignés, et le général Servière a occupé le
ksar de Charouine le 5 mars, après avoir reçu les otages,
les armes et une partie importante de l'amende de guerre,
le reste devant être payé dans la journée*. »
lies dernières opérations de la eolonne Ser-
vière* — « Le 6 mars, la colonne quitte Charouine et se
dirige sur Talmine, où deux envoyés du colonel Ménestrel
ont été assassinés en 1900* j>.
Là, « il lui a fallu encore livrer, le 9 mars, un petit
combat dans lequel nous n'avons pas subi de pertes, et
tirer quelques coups de canon, pour obliger les gens de
Talmine à recevoir les Français dans leur ksar. A la suite
de cette résistance, le général Servière a imposé les
mêmes conditions à la djemàa de Talmine qu'à celle de
Charouine' ».
Le 13 mars, la colonne quitte Talmine et se divise ; une
moitié gagne Timmimoun, puis rentre à El-Goléa où elle
1. Bulletin du Comité de V Afrique française (avril 1901).
2. L. VomoT.
3. Bulletin du Comité de V Afrique française (op. cit.).
— 181 —
se disloque ; avec le restant, le général Servière prend par
Charouine, Oulad-Rached, Kaberten, SebA, et enfin Adxar
en Timmi ; de là, le général repart encore avec 200 fusils
pour aller visiter Zaouîet-Kounta et Sali ; il est de retour
à Timmi le 7 avril.
Il en repart bientôt avec une simple escorte, et regagne
le Nord par la Saoura où il rencontre une troupe de la
Division d'Oran, commandée par le colonel Billet, qui
est venue au-devant de lui à Kerzaz.
Ij'org^anlsatlon française des Oasis. — Les
opérations militaires sont maintenant terminées, et tous
les districts ont opéré leur soumission ; le pays a reçu
l'organisation suivante : trois annexes* indépendantes
entre elles, et relevant directement du général comman-
dant la division d'Alger ; ce sont : annexe du Gourara,
chef-lieu Timmimoun. créée le 25 mai 1900 ; annexe du
Touat, chef-lieu Adrar (en Timmi), créée en janvier 1901 ;
annexe du Tidikelt, chef-lieu In-Salah, créée en août 1900.
En 1902, ces trois annexes ont été placées sous l'auto-
rité supérieure d'un commandant militaire des Oasis
résidant à Timmimoun ; depuis, sa résidence a été trans-
portée à Adrar en Timmi*.
Les aeeords franeo-maroealns de 190I et
100!S eonsaerent la eonquéte française. —
L'extension territoriale réalisée par la France dans le
Sahara depuis 1900, et dont les Oasis ne constituaient
qu'une partie, avait rendu instante la question de fron-
1 . En Algérie, il y eut d'abord des bureaux arabes et des bureaux
arabes annexes, puis des cercles et des annexes de cercles, puis
on a établi des annexes indépendantes : celles-ci ont à leur tête un
« chef d'annexé » qui, en fait, est un commandant supérieur sans
le titre.
2. Ou plus exactement, comme nous l'avons vu (page 14), aux
Oulad-Oungal en Timmi.
— 182 —
tière laissée jadis en suspens par le traité de 1845, et
imposé la nécessité d'une conversation avec le gouverne-
ment chérifien.
Cette conversation dépassa donc le cas particulier des
Oasis, et visa au règlement de toute la frontière franco-
marocaine depuis le Teniet-Sassi jusque dans le Sahara,
de façon à fixer << Tapplication du traité de 1845 dans les
régions du Sud-Ouest algérien ». Elle s'institua à Paris,
entre une ambassade chérifienne dont le chef était Sid
Âbdelkerim ben Slimane, ministre des Affaires étrangères
et ambassadeur plénipotentiaire de Sa Majesté chérifienne,
et M. Delcassé, ministre des Aflaires étrangères français ;
et elle donna lieu à un protocole que signèrent ces hautes
parties, le 20 juillet 1901.
Ce protocole^ déclara (article 1«0 maintenir les dispositions dn
traité de paix, de bonne amitié et de délimitation, conclu entre les
deux puissances en 1845, à l'exception des points visés par les dif-
férents articles de ce protocole.
L'article 2 concerne les pays compris entre le Teniet-
Sassi et Figuig, et l'article 3 règle le cas du territoire de
Figuig.
L article 4 porte que le gouvernement marocain pourra établir
autant de postes de garde et de douane qu'il voudra, du côté de
TEmpire marocain, au-delà de la ligne qui est considérée approxi-
mativement comme la limite des parcours des Douî-Meniâ et des
Oulad-Djerir, et qui va de l'extrémité du territoire de Figuig à Sidi-
Eddoher, traverse l'oued El-Kherouâ, et atteint, par le lieu connu
sous le nom d'El-Morra, le confluent de l'oued Talzaza et de l'oued
Guir. Il pourra également établir des postes de garde et de douane
sur la rive occidentale de l'oued Guir, du confluent des deux rivières
susdites, jusqu'à 15 kilomètres au-dessus d'Igli.
De même, le gouvernement français pourra établir des postes de
garde et de douane sur la ligne voisine de Djenane-Ëd-Dar, passant
1. Inséré au Livre Jaune publié par le Gouvernement français le
14 décembre 1906.
— 183 —
sur le versant oriental du djebel Bechar, et suivant cette direction
jusqu'à l'oued Guir.
Par l'article 5, la situation des habitants du territoire
compris entre les lignes de postes des deux pays indiquées
ci-dessus est réglée de la façon suivante :
Pour ce qui concerne les gens des tribus des Doui-Menià et des
Oulad-Djerir, les deux gouvernements nommeront des commis-
saires qui se rendront auprès d'elles, et leur laisseront le choix de
celui des deux gouvernements sous l'autorité duquel ils seront
placés. Ceux qui choisiront l'autorité française seront maintenus
dans leur résidence, et ceux qui choisiront l'autorité marocaine
seront transportés, de ce territoire, à l'endroit que le gouvf^mement
marocain leur assignera comme résidence dans son Empire, et ils
auront la faculté de conserver leurs propriétés et de les faire admi-
nistrer par des mandataires, ou de les vendre à qui ils voudront.
Les gens fixés sur 1^ territoire susdit et vivant sous la tente,
autres que les Doui-Meniâ et les Oulad-Djerir, demeureront sous
l'autorité de l'Empire marocain, et pourront y conserver leur rési-
dence.
Les gens des ksour du territoire susdit auront le choix de l'auto-
rité qui les administrera, et pourront, en tout cas, continuer à
habiter sur leur territoire.
C'est, en résumé, l'institution d'un territoire de com-
mune juridiction^ entre Guir — au-delà duquel tout est
marocain, et Zouzfana — en deçà de laquelle tout est algé-
rien, — Saoura, Oasis et pays des Touareg.
L'article 6 attribue aux sujets de chacun des deux pays
qui possèdent des propriétés sur le territoire de l'autre le
droit de les administrer à leur gré.
L'article 7 ouvre la libre entrée du territoire compris
entre les postes des deux pays aux ressortissants de l'un
et l'autre gouvernement.
L'article 8 arrête que des commissaires iront fixer sur
place l'emplacement des postes de garde et de douane
dont il a été parlé, et l'article 9 et dernier édicté que des
commissaires permanents régleront sur place les différends
— 184 —
des populations, afin d'en décharger les relations diploma-
tiques des deux gouvernements.
Ce protocole est entré en application par la formation
d'une mission mixte composée, pour la France, du général
Gauchemez, et pour le Maroc, de Sid Mohammed £1-
Guebbas, premier secrétaire du ministre de la guerre
chérifien, qui parcourut, pendant l'hiver 1901-1902, les
territoires visés par le protocole, ainsi que le gouverneur
général de l'Algérie en rendit compte, à la date du 26
avril 1902' au ministre français des Affaires étrangères,
puis elle rédigea un Accord. . . assurant les résultats
visés dans le protocole signé à Paris le 20 juillet 1901.
Cet accord*, qui est daté du 20 avril 1902 — 12 mohar-
rem 1320 — et règle tous les points de détail prévus
par le protocole, a été revêtu de la ratification du Gou-
vernement chérifien à la date du 16 décembre 1902.
De plus, le Prince des Croyants l'a porté à la connais-
sance de son Lieutenant au Tafilelt, Moulal-Rachid, et
des populations de cette région, Beni-Guil, gens d'Aîn-
Chaîr, et Beraber Ait-Atta, Alt-Khebbach et Alt-Izdeg,
par des lettres chérifiennes dont il a donné communica-
tion au Gouvernement français'.
C'est ici vraiment « un tournant de l'histoire », car la
coupure est nette et formelle entre le passé et le présent :
quelque extension qu'ait eu jadis l'autorité des sultans
maghrébins dans le Sahara subalgérien, leur héritier a
sectionné, dans l'oued Guir, le pédoncule par quoi dépen-
dait de son empire la poire touatienne, et il a consacré
solennellement la soudure de celle-ci — par Igli et la
Zouzfana, à l'Algérie française.
Dont acte.
1, 2, 3. Livre Jaune.
FIN DE L\ PReniTEBE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
L'INVENTAIRE
CHAPITRE PREMIER
Le Ci Territoire des Oasis Sahariennes»
Coup d'œil rétrospectif sur Thistoire. — Ordre administratif. — •
Ordre judiciaire. — Culte. — Confréries religieuses. — Impôt
— Budget communal. — Troupes d'occupation.
Coup d^œll réArospeeAlf sur l'histoire.— Voilà
donc, exposé en la première partie de cet ouvrage, le passé
des Oasis sahariennes.
Et l'on peut noter ici le premier geste de confiance des
Oasis vers leur tuteur français.
En 1900, musulmans fanatisés, ils mènent l'épique
bataille du fusil à pierre contre le Lebel et le canon rayé :
ils se font anéantir' pour repousser le « Maudit », pour
éviter l'inévitable conquête.
Et en 1906, ils ont vu tellement de loyauté, de modé-
ration, d'équité, de sollicitude chez leur maître d'abord
1 . Les indigènes avouent qu*à la prise dlnghar ils eurent 600
tués et que presque tout le reste des combattants fut fait prisonnier.
Igosten leur avait déjà coûté 100 morts, et Deghamcha 150 autres.
— 186 —
exécré, que sur simple invite, sans pression, ils lui appor-
tent ce dont il soupçonnait à peine l'existence et qu'ils lui
avaient caché jalousement : les archives de leurs pays, les
annales de leurs ancêtres, les mandements chérifiens jadis
lus du haut des chaires des mosquées inviolées !
L'historien peut donc, aujourd'hui, grâce aux OasUns
eux-mêmes^ faire entrer dans le « cinémato » des passés
connus révolution à travers les âges de ce petit pays
saharien, de ce coin de planète que l'Islam avait couvert
de son suaire.
Qu'y apercevons-nous ?
Dans les clartés aurorales de la préhistoire, quelques
villages de nègres, dominés par des tribus de Berbères
blancs nomades, et que visitent les Nasamons d'Hérodote.
Puis, très vite, des Juifs venus de la Tingitane (avant
J.-C), d'autres Juifs émigrés de Cyrénalque (ii* et vi* siè-
cles ap. J.-C).
Des Berbères les suivent : les Zénètes bousculés de
l'Est par le premier flot arabe.
Dirigeant celui-ci, Okba le Fanatique apparaît un ins-
tant (682), et « boucle la boucle » de l'invasion musulmane.
Lui parti, c'est le petit Etat berbère de Sidjilmassa (758) :
un épanouissement des aborigènes blancs, consécutif à
l'initiation islamique.
Nous y distinguons déjà des groupes arabes : les Gue-
douà qui seraient venus de Nubie (984 ?), et les Boramik
émigrés de Syrie (1040).
A peine voyons-nous passer les Berbères sahariens, les
gens voilés^ les Merabtines (1041), pour qu'aussitôt sur-
viennent d'autres Berbères encore, mais de l'Atlas, ceux-ci :
les Mouhhides.
Et pendant que la marée hilalienne « étale » sur les
Oasis (1120), complétant le peuplement des plaines et des
villages, coup sur coup s'annoncent plusieurs visites : un
caïd mouhhide (1266), un prince merinide (1316), un émir
zlanite fugitif (1372), le khalife hafside de Tunis (1430),
une expédition zlanite (1435).
— 187 —
Puis une figure de premier plan : le cheikh Ben Abdel-
kerim qui ruine la puissance juive, demeurée jusque-là de
concert avec les schismatiques musulmans, Kharedjites-
Solrites, pour faire prédominer T Islam orthodoxe et into-
lérant (1492).
Le pouvoir chérifien né dans le Maghreb-Extrême ne
tarde pas à envoyer ses premiers caïds, ses missi domi-
nici (1526).
Dans un certain désordre où se remuent des Nomades
des quatre coins du Sahara, les Oasis, un moment libres,
reçoivent de nouvelles visites : les Turcs d'Alger (1578)
et ceux de Tripoli (1582), puis l'expédition chérifienne de
Hammou-ben-Barka, qui reste maltresse du terrain et per-
çoit des impôts dont nous trouvons Tenregistrement (1590).
C'est à ce moment que nous voyons les premiers Euro-
péens arriver au Touat : un petit groupe de commerçants
anglais, venus de Tripoli sous la protection turque, séjour-
nent quelque temps dans le Tidikelt et au Timmi (1631).
Voici maintenant la conquête du premier sultan filalien
(1645), une grande famine et les commencements de la
mainmise des Nomades de l'Ouest.
En 1669, nous voyons un missus chérifien, le caïd
En-Nacer, jauger, avec une planche de cuivre qu'il a appor-
tée de l'Ouest, les eaux des foggaras touatiennes et nous
en laisser le compte ; puis c'est le grand règne de Moulaï-
Ismddl, le « Louis XIV marocain », et la série des vrais
gouverneurs du Touat.
Parmi ceux-ci nous remarquons les Saifar : Mohammed,
Djilali et Ali, qui jalonneront les temps jusqu'à la fin du
XVIII* siècle.
Ce siècle est émaillé encore par les révoltes de Timmi-
moun (1699), de Deldoul (1711), du Touat entier (1727), du
prétendant Abou'l-Hassane (1734), du prétendant Moulaï'l-
Abbas (1744), les expéditions chez les Touareg Hoggar
(1730), contre Taorirt et le Tidikelt (1737) et contre les
Arabes du Meguiden (1772).
Nous voyons ensuite la fonction de gouverneur passer à
— 188 —
un Touatien, le cheikh du Timmi (1796), sous le contrôle
du Lieutenant chérifien dans le Sahara, puis un geste de
très haut intérêt pour le temps et le milieu : Toctroi aux
Oasiens par le sultan Moulal-Slimane d'une sorte de
« self-government », avec facilité de choisir, d'élire certaine
assemblée, qui fonctionnera avec le représentant du sou-
verain chargé de faire d'annuelles tournées dans le pays
(1800).
Les lacunes de nos vues ne nous permettent pas de dis-
tinguer parfaitement le fonctionnement de ce nouveau
régime, cependant nous voyons bientôt une sorte de
congrès se réunir à Timmimoun (1805) et arrêter des me-
sures d'ensemble contre les Khenafsa révoltés.
Le sultan lui-même vient, non pas, comme cela a été dit,
conquérir le Touat, mais soumettre ces tribus et réduire
leur chef, le prétendant El-Hoceîn (1808).
Mais l'ordre ainsi rétabli dure peu ; l'archipel touatien
se désagrège d'abord en deux clans dès longtemps exis-
tants, mais dont le séparatisme se fait plus aigu depuis la
suppression des gouverneurs : Ihamed et Sefianes se bat-
tent, et, les uns comme les autres, ils appellent à leur
secours leurs amis nomades de la Saoura et du Tafilelt, et
ceux-ci tapent à l'occasion sur l'un et l'autre clan, ce qui
décide le souverain à intervenir (1841).
Mais les Beraber évitent adroitement la répression ché-
rifienne et accentuent, imités en cela par les Doui-Menià
et les Ghenanma, leur mainmise sur les Oasis.
Ils interceptent presque totalement les communications
entre celles-ci et le sultan, et à l'action de ce dernier subs-
tituent la leur propre.
Leurs différentes fractions se partagent les diverses
oasis qu'elles s'attachent par des traités d'« amitié », et
elles les mettent en coupe réglée. . . ou plutôt déréglée,
car sans frein ni limite.
Le traité d'« amitié » place telle oasis sous la protection de
telle fraction nomade moyennant une redevance fixe ; mais
dans la pratique cette redevance est la moindre des char-
— 189 —
ges du protégé : chaque jour, il doit recevoir, héberger
des individus différents de la fraction protectrice, et satis-
faire à toutes les exigences de chacun, tout en se gardant
des rançonnements des autres partis nomades avec
lesquels il n'a pas de traité, et qui sans cesse sillonnent le
pays, pillant les palmiers, les jardins, les habitations
surprises, enlevant les nègres, les métis et même les
blancs, pour les vendre comme esclaves sur les marchés
du Tafilelt.
L'insécurité devient telle que les Touatiens n'osent plus
sortir de leurs ksour ; si les foggaras, qui ont plusieurs
kilomètres de développement, s'écroulent sur un point un
peu éloigné du ksar et tarissent, on n'en essaie pas la
réfection ; on se contente de se partager, en diminuant les
parts, les eaux restant disponibles.
Pour les nécessités immédiates de l'alimentation on va
parfois dans les jardins ; il faut bien cultiver un peu d'orge
ou quelques citrouilles, féconder les palmiers et cueillir les
dattes . . . avant que ne les cueillent les pillards errants ;
alors, dans le ksar, le jour de la sortie se discute et
s'arrête longtemps à l'avance, puis le matin venu un
guetteur s'installe au haut d'une tour et surveille
l'horizon, pendant qu'on se hâte à bâcler quelque travail
dans les jardins ; mais qu'une silhouette inquiétante
vienne à se profiler sur le ciel, là-bas, au fond de la plaine
de reg, le guetteur s'écrie et chacun prend sa course,
laissant là même son instrument de travail, pour se réfugier
au plus vite dans le petit ksar dont la porte se ferme et
les meurtrières se hérissent de quelques fusils à pierre.
On voit cependant arriver parfois un envoyé du souve-
rain lointain, qui recueille le zekkat coranique et distribue
aux Chorfa ou aux sanctuaires, ou aux enfants des écoles,
le cadeau dont l'a chargé son maître (1828, 1862).
Mais voici venir un « infidèle », un « caïd roumi » ; il
est immédiatement signalé au souverain qui envoie ses
instructions afin que « chacun ait à rester dans ses fron-
tières. » (COLOMBU, 1864).
— l90 —
Une expédition chrétienne qui n^arrive pas jusque dans
le pays que nous observons, mais seulement jusqu'au
Guir (Wimpffen en 1870), cause un nouvel émoi, et procure
à un Touatien qui a combattu contre elle des félicitations
et un cadeau du sultan.
Nous voyons maintenant aller et venir dans les Oasis
des groupes d'Algériens insurgés, puis viennent s'y ins-
taller successivement trois chefs d'insurrection : Bou-
Choucha^ Si Kaddour ben Hamza et Bou- Amama (1882) .
Du fait de ces hôtes, les Oasis prennent l'aspect d'une
« place d'armes » où se réfugient et se ravitaillent les
ennemis du maître de l'Algérie, et cette situation provoque
une menace de celui-ci : aussitôt les Touatiens «c serrent »
sur l'Islam et sur son souverain, lequel leur envoie ses
directions et définit à son sens leur situation politique
(1884).
Les Touatiens envoient alors une députation au sultan,
et, pendant que d'une part ils subissent l'influence des
Oulad-Sidi-Cheïkh algériens, d'autre part ils écoutent
les délégués que le souverain musulman envoie chez
eux (1890).
Celui-ci, dans son rôle de chef de l'Islam, rétablit la
fonction de gouverneur, supprimée depuis un siècle, au
profit du caïd Lahmid ben Lahsen le Delimi, qui comman-
dera le Touat et la Saoura réunis (1891).
La lutte d'influence se précise entre le Prince des
Croyants et la France, maltresse de l'Algérie ; une série
d'émissaires du premier descend la Saoura et se rencontre
aux Oasis avec les émissaires de la seconde ; aussi les
Touatiens fournissent deux députations : l'une qui se rend
à Fès, l'autre qui se dirige sur Géryville et Alger (1891).
Puis nous voyons entrer en scène une influence musul-
mane servant la France, c'est le chérif d'Ouazzane ;
mais il a été précédé aux Oasis par des lettres du Prince
des Croyants qui l'excommunient ; il doit regagner l'Algé-
rie sans résultat (1892).
Cependant Bou-Amama, inquiet, s'éloigne un peu des
— 191 —
Oasis où le sultan investit des caïds dans chaque dis-
trict (1892).
Le Prince des Croyants songe à donner à son autorité
affirmée sur les Oasis la consécration de sa présence, mais
il gagne à peine, avec une grosse armée de 15.000 hom-
mes, le Tafilelt que des complications avec l'Espagne le
rappellent dans le nord de son empire (1893).
Nous voyons maintenant une nouvelle députation quitter
les Oasis pour se diriger sur Fès, et comme elle est
attaquée et pillée par les Ghenamma, la « guerre sainte » est
déclarée contre ceux-ci par le souverain ; et le caïd qui
conduit l'expédition vient s'installer au Touat, c'est le
pacha El-Hadj (1895).
Il est bientôt remplacé par deux autres fonctionnaires
chérifiens : le pacha Idris pour les Ihamed, et le pacha
Simmou pour les Sefianes (1896).
Si nous observons ces nouveaux gouverneurs, nous les
voyons assez exigeants envers les Touatiens et à peu près
obéis par ceux-ci ; mais ils restent tout à fait sans action
sur les nomades de l'Ouest qui continuent à venir piller les
Oasis, comme sur les nomades algériens en dissidence qui,
après chaque coup de piraterie, se réfugient dans celles-ci.
La menace française se maintient donc, d'autant que les
Oasiens, suivant les directions du Prince des Croyants, se
renfrognent en face des invites au commerce et aux rela-
tions qui leur sont faites par le voisin infidèle, et ne ména-
gent qu'un accueil hostile à tout ce qui leur vient de
celui-ci (1898).
La conséquence de cette attitude était à prévoir : un
jour, ils tirent sur une mission scientifique française qui
passe à portée des Oasis, l'escorte militaire riposte, et
sur leurs talons pénètre dans leur ksar : In-Salah est pris
et le reste suivra (décembre 1899).
En effet les contingents du Tidikelt qui se réunissent
se font disperser à Deghamcha ; puis les contingents du
Touat se présentent à leur tour et s'enferment dans
la kasba d'Inghar, ils y sont détruits et le gouverneur
— 192 —
des Ihamed y est fait prisonnier après capitulation (février
1900).
Des troupes nouvelles arrivent d'Algérie par tous les
sentiers qui sinuent par le « Sahara fauve », d'Bl-Goléa,
de Géryville et d'Aln-Sefra.
Le gouverneur des Sefianes ne parvient pas à mobiliser
ses contingents effrayés par la destruction des Ihamed, et
il disparaît (mai 1900).
Timmimoun, puis Timmi, sont occupés à leur tour malgré
l'intervention des Nomades de l'Ouest, et la conquête est
terminée (1901) ; elle reçoit sa consécration en cette même
année et l'année suivante, des deux Accords franco-maro-
cains liquidant les différends de frontière : l'Islam impuis-
sant s'est « résigné » devant le fait accompli. . .
Il faut enfin noter que le gouverneur français, le « Com-
mandant du Territoire », a repris l'action de son prédéces-
seur chérifien de 1730 contre les Touareg, et que ceux-ci,
battus au combat de Tit (1903), ont fait leur soumission et
ont été incorporés au commandement des Oasis saha-
riennes.
Le passé nous étant ainsi suffisamment connu, nous
allons maintenant nous efforcer d'inventorier le pays qui
nous occupe.
Qu'y trouvons-nous ?
Que vaut-il ?
Que pourra-t-il devenir ?
Ordre administratif. — Depuis l'occupation des
Oasis sahariennes, la France s'est trouvée, tant par le
souci de parer aux entreprises hostiles des tribus de
l'Ouest que par le développement de la pénétration des
régions touareg, amenée à maintenir dans le pays touatien
une force militaire relativement considérable, puisqu'elle
atteint presque un millier de combattants.
Ces troupes constituent deux « compagnies saharien-
nes », dont l'une forte de plus de 600 hommes, garde le
— 193 —
Touat et le Gourara, et la seconde, avec 300 hommes,
occupe le Tidikelt.
Ce sont précisément les chefs de ces deux compagnies
qui sont investis de l'administration du pays.
De la compagnie saharienne du Touat, le capitaine com-
mandant est le a chef d'annexé » du Touat et le capitaine
en second est le « chef de poste » du Gourara ; le capi-
taine de la compagnie saharienne du Tidikelt est de son
côté « chef d'annexé » du Tidikelt.
Un officier supérieur a la haute direction militaire et
administrative des uns et des autres, avec le titre
de m Commandant militaire du Territoire des Oasis saha-
liennes )>.
Sous ce cadre français, les oasis ont été groupées selon
leurs districts traditionnels ; dans chacun d'eux, la djemàa
(assemblée des notables) est chargée de l'exécution des
ordres de l'autorité qui lui parviennent par l'intermédiaire
de son président ; celui-ci porte en principe le simple
titre de « kébir » ; cependant quelques-uns d'entre eux
se sont vu décerner celui de « caïd », sans autre portée
d'ailleurs que celle d'une satisfaction honorifique et per-
sonnelle.
Telle est du moins la conception théorique du comman-
dement français, lequel a visé simplement à régulariser
et investir le pouvoir démocratique qu'à son arrivée dans
le pays il a cru discerner comme préexistant ; mais bien
entendu, dans la pratique, la djemàa a trop peu de consis-
tance pour exercer le pouvoir dans son district hors de
Tagrément de son kébir, lequel est lui-même le personnage
ou le descendant du personnage dont l'autorité prédomina
avant l'occupation française, et qui a, de plus, été investi par
l'autorité aotuelle d'un burnous rouge, d'un cachet et du
droit privatif de correspondance avec le chef d'annexé ;
on peut donc dire que, sous la surveillance de ce dernier,
le pouvoir dans les districts est pratiquement entre les
mains du kébir ou du caïd, comme dans toute TAlgérie.
Voici la liste de ces chefs indigènes que l'on peut ins-
is
— 194 —
tructivement rapprocher du tableau de commandement de
1892, donné plus haut. *
A), — Poste du Gourara
1 . CaTd Hadj Mohammed beo Miloud (de
Tabelkoza)
2. Caïd Moulai- Rachid, ex-mokhazDÎ du
pacha chérifien de Timmimoun, sous-
officier de la compagnie saharienne du
Touat. caïd de Taântas
3. Gald Hadj Djelloul ben Hadj Slimane
(de Halha)
4. Caïd Hadj Mohammed- Abderrahmane ben /
Cheïkh, frère de l'ancien caïd chérifien j
(d'Ouled-Sald) (
5. Caïd Abdelkader ben Mazouz, frère de
l'ancien caïd chérifien (de Talmine). .
6. Caïd Abdelkader ben Amar ben Hadj l
Ahmed (d'El-Hadj-Guelmane), ••*"'' ^
des Khenafsa-du-Gourara . . .
caïd
Caïd Mohammed-Salem ould Hadj Bel-
kassem f de Charouine)
8. Caïd Hadj Belkassem ben Abdel&ziz *
(de Timmimoun) ,
9. Caïd Mohammed ben Cheîkh (de Tiber-
ghamine), ancien caïd chérifien, caïd
des Khenafsa d'Aougrout
10. Caïd Hadj Abdelkader ben Hadj Ah>
med, frère de l'ancien caïd chérifien,
(de Deldoul)
11. Caïd Si Amor ben Abderrahmane (d*El-
Barka)
Tabelkoza et envi-
ron la moitié des
Meharza.
Taàntas et Tautre
moitié des Me-
harza.
Halha et 4 petites
oasis voisines.
Oulad-Sald, Sem-
mota. Beni-Meh-
lai, Lichta, etc.
Talmine et Touat-
Ëntebbou.
El-Kef et El-Hadj-
Guelmane,ettous
les Khenafsa du
Gourara.
Charouine.
Taguelzi.
Taorirt.
Timmimoun et les
mêmes oasis
qn'en 1892.
Même caïdat qu'en
Même caïdat qu'en
1892, moins Me-
tarfa.
El-Barka et les
ksour voisins, des
Zoua.
1. y^id. sup., in Partie réservée.
195 —
12. C;tid Mohammed ben Moulaï-Mohammed
(deKali)
13. Caïd Hadj Mobarek ben HaRd (de Ta-
ghouzi)
14. Caïd Hadj Ahmed ben Younès (de Tela- '
let)
15. Kebir Abdallah ben Mehdi
16. Kebir Mohammed El-Mekkî
17. Kebir Ali ben Mohammed
18. Kebir Mohammed-Barka ben Mohammed.
19. Kebir Mohammed ben Abdelkerim . . .
fû. Kebir Moulaï-Mobarek ben Abdallah . .
21. Kebir Nadjem ben Abdelkerim
22. Kebir Abdelâziz ben Ahmed
23. Kebir Mohammed ben Abderrahmane. .
24. Kebir Ahmed ben Moussa
25. Kebir Hadj Belkassem
26. Kebir Ali-Kada ben Belkassem
Kali.
Aguentour.
Tala.
Taghouzi.
Ingaellon, etc.
Telalet.
Alamellal.
Badriane.
Azekkoor, etc.
El-Maîz.
Ariane-er-Ras.
Oudjlane.
Hammad.
Brinken.
El-Hebla.
Sahela.
Metarfa.
Oulad-Alssa.
Oufrane.
Adjdir-Ghergai.
Adjdir-Gharbi.
B).
Annexe du Touat :
1 . Caïd Mohammed Abdelkader ben Hadj
Belkassem (de Boada), ancien caïd
chérifien
2. Kebir Hadj Mohammed ben Ahmed . .
3. Caïd Mohammed- Abderrahmane ben
Hadj Mohammed (de Timmi), ancien
caïd chérifien
4. Caïd Salem ben Hadj Mohammed. . .
5. Kebir BaàUa Abdallah (de Bou-Faddi) .
6. Caïd Brika ben Sidi Ahmed (du Fenou-
ghil)
7. Caïd Lâbed ben Mohammed (du Tamest)
Tout le groupe du
Bouda et Mera-
guen.
Sebâ.
Le groupe du Tim-
mi, avec Tinilane
et Tasfaout.
Tamentit.
Bou-Faddi, Noum-
En-Nas, Abbani,
etc.
Le groupe du Fe-
noughil .
Le groupe du Ta-
mest, avec Titaf .
— 196 —
8. Kebir Moalal-Mhammed ben Moham- \
med (de Zaoulet-Kounta) |
9. Kebir Mohammed- Lamioe ben Mekki ^
(d*Iaz6|;inir)
10. Kebir Moulai- Ahmed ben Abdelkerim
(de Sali), ancien nekib i chérifien, an-
cien grand chef de l'expédition toua-
tlenne dans la Saoura en 1895.
11.
12.
13.
Le district des Ou-
lad-Sîdi-H aromou
ben-Hadj.
Le district d'Inzeg-
mir, et les Ti-
taouine jusqu'à
Sali.
Sali.
Kebir Mohammed ben Abdallah (d'En- l ^J^®^.?*"t ™^J°**
Nefift) i Taonrt, Zaoulet-
( Reggane.
Caïd Monlai-Hassane ben Abdelkader . Zaoulet-Reggane.
Kebir Mohammed ben Mohand-Yaîch, ( ^ .
ancien caïd chérifien (
C). — Annexe de Tidikelt :
1 . Caïd Dahhadj ben Badjouda (d'Insalah),
frère de Tancien caïd chérifien. caïd
des Oulad-Bahamou
2. Kebir Hadj Abdesselam ben Dahhadj
(d'Insalah)» ancien caid chérifien, caïd
des Oulad-Mokhtar .
Kebir Abdelhakem ben Djilali (de Fog-
garet-Zoua)
4. Caïd Babba ben Mohammed, caïd des (
Oulad-Dahhane et dlnghar (
5. Caïd Douro Abdelkader ben Ahmed /
(de Sahela), caïd des Oulad-Yahia et |
Oulad-Dahhane (
6. Caïd Hadj Ahmed Billou (d'Iu-Salah),
caïd des Ahl-Azzi. . *
Portion du groupe
dlnsalah, avec
Igosten.
Ksar-el- Kebir d'in-
salah, etc.
Foggarot-Zoua.
Zaoulet-Moulaï-
Helba, Zaouïet-
Haïnoun, Silla-
fen.
Inghar, etc.
Les deux Sahela et
Miliana.
Portion d*In-Salah,
avec Deghamcha.
1. Vid. sup., in Partie réservée.
— 197 —
7. Kebir Abdallah ben Mohammed | I"-B«l»>al et Matri-
( ouen.
8. K«bir Ali ben Mohammed . Tit.
9. Kebir Abdelkader ould Mahammed . . Timokten.
10. Kebir Moulaî-Abdelrahmane Aoulef-Ghorfa.
11. Kebir Otmaoe ben Hadj Mohammed . . Aoulef-el-Arab.
12. Caïd Moulaï'Omar ben EUOuatik . . . Akabli.
jo w A <. ^ ÂmenokaldesToua-
13. Mousa aff Amastane < .,
^ • ^ peg Ahaggar.
f AmenokaldesToaa*
14. Sidi ag Karaji | reg Taltok et Kel-
( Ahnet.
Ordre Jadtolalre* — En arrivant dans les Oasis, le
conquérant français ne trouva devant lui, aux portes des
ksour, que les assemblées de notables venant lui apporter
leur soumission, tandis que les caïds ou les cadhis investis
par le sultan marocain se terraient ou dissimulaient soi-
gneusement leur qualité ; il ignora donc l'existence de
ceux-ci, et ne connut d'autre pouvoir réel que l'assemblée
qui s'était présentée à lui, la djemàa.
Il la vit, dans les temps qui suivirent, recevoir et exé-
cuter ses ordres et ses réquisitions, assurer la tranquillité
et expédier toutes les affaires locales : il en conclut que
vraiment elle exerçait à elle seule tous les pouvoirs.
Et pour obéir à l'idée générale, déjà mentionnée plus
haut, de se borner à régulariser l'état des choses trouvé
existant, sans le modifier ni le compliquer, il confirma à
cette djemàa le pouvoir judiciaire qu'il ne soupçonnait pas
en d'autres mains, et il jugea inutile d'instituer des cadhis
parce qu'il n'en avait pas trouvé d'investis.
Les djemàas se gardèrent bien d'informer leur nouveau
maître du renseignement qui lui manquait ; c'était pour
elles tout profit que de se voir chargées du règlement de
tous les litiges, d'être débarrassées de la. personnalité par-
fois gênante d'un fonctionnaire judiciaire avec lequel il eût
fallu partager la direction des affaires du ksar.
— 198 —
Elles s'arrangèrent donc pour traiter et terminer toutes
les affaires locales, les litiges comme les autres, quitte
à renvoyer les plaideurs, quand le différend se trouva
trop ardu, trop obscur, devant un des anciens cadhis
chérifiens, ou bien encore devant un lettré quelconque ;
mais en prenant l'un ou l'autre, dans tous les cas,
comme un simple juriste consultant, et en se réser-
vant à elles-mêmeâ le dernier mot, le prononcé de la
sentence.
Et les anciens cadhis chérifiens, pour diminué qu'on
leur laissât ainsi un rôle, ne pui*ent que s'en contenter ;
comment eussent-ils osé aller se réclamer, auprès du nou-
veau maître, de leur qualité de fonctionnaires du prince
dont les prétentions sur le pays avaient toujours été reje-
tées, et dont le représentant, le pacha, venait d'être vaincu
et capturé à Inghar !
Voilà comment l'autorité française n'a pu régulariser,
sanctionner que ce qu'on lui laissait connaître, et comment
elle en est venue à adopter ce système extraordinaire de
laisser l'administration de la justice aux mains de la dje-
màa, essentiellement incompétente.
Système extraordinaire, car dans la pratique voici ce
qui se passe : Ahmed revendique la part de sa belle-fille
Fatma dans la succession du père de celle-ci ; les demi-
frères de Fatma se défendent en contestant le fait du ma-
riage entre sa mère et leur commun père, l'un et l'autre
décédés ; que va décider la djemàa ?
Elle renvoie chaque partie chercher une consultation
juridique, et chaque partie rapporte en effet une consulta-
tion favorable à sa thèse ; mais dans l'intervalle la dje-
màa s'est désunie, d'aucuns de ses membres se déclarent
ouvertement et irréductiblement pour l'une des parties ;
on entre alors en pleine fantaisie : chaque partie produit à
son tour un consultation nouvelle détruisant celle produite
par son adversaire, et ainsi de suite.
Pendant ce temps la djemàa a mange » les dattes du
jardin en litige, et le chef d'annexé, à qui de temps en
— 199 —
temps Tune ou l'autre partie va réclamer, et qui n'est
pas lui-même un juriste, ne sait plus où donner de la
tête entre cinq ou six consultations se contredisant, et
toutes contestées par Tun ou Tautre des membres de la
djemàa qu'il ne peut jamais parvenir à voir réunie.
Il y a, aux Oasis, telle affaire dans ce goût qui est ainsi
en suspens depuis 1902 jusqu'à nos jours.
L'autorité française s'est d'ailleurs déjà rendu oompte
de la lacune qui existe et qu'il importe de combler sans
retard en instituant une magistrature.
Culte. — 11 n'a été donné aucune organisation au
culte ; le personnel des mosquées, imam, moueddin, etc.,
reçoit les revenus de certains jardins «hobous », c'est-à-dire
(( immobilisés » par certains donateurs pour cette affecta-
tion spéciale, et il continue ses fonctions de la même
façon qu'il les exerça avant l'occupation française.
On n'a même pas cessé de faire la prière du vendredi
au nom du sultan Moulal-Abdelàziz.
Confréries religpleases. — En traitant ici des
confréries religieuses aux Oasis, il convient d'essayer de
replacer ces groupements dans les limites que leur assigne
leur importance relative en ce pays.
En effet les études approfondies — par renseignements —
qu'en ont présentées certains spécialistes ' paraissent de
nature à exagérer l'idée qu'on peut se faire du rôle que
jouent ces confréries, soit dans la vie intérieure du pays,
soit dans l'attitude de celui-ci vis-à-vis des contingences
extérieures.
La première place, par le nombre des adeptes, appar-
1. RniN, Marabouts et khouan. Dupont et Goppolani. Confréries
religieuses musulmanes.
— 200 —
tient sans conteste aux Ta!bîa : on en trouve un peu
partout, et nous avons vu ^ un mokkadem supérieui\ sorte
de vicaire du chef de l'Ordre, centraliser les contributions
annuelles que pouvaient recueillir, dans les différents
districts, les mokaddems locaux.
Nombreux encore se rencontrent les affiliés Tidjanïa,
Kadria et Cheikhia.
Mais tandis que les Cheikhîa, comme les Tidjanïa, sont
restés en relations suivies avec leurs chefs algériens» les
Kadrïa ne forment que des communautés isolées sans lien
entre elles et affranchies de toute subordination, de toute
affiliation à des groupements extérieurs : leurs mokaddems
locaux se succèdent de père en fils, et ilsont presque toujours
perdu leurs « idjaza » et oublié l'auteur de leur inves-
titure.
On a pensé longtemps qu'une importante zaouîa de la
confrérie des Bekkala se trouvait à Zaouïet-Kounta, or
nous avons vu plus haut * qu'elle n'y existe pas : il en est
de même de la zaouîa snoussienne que l'on croyait établie
à In-Salah : l'occupation française a permis de cons-
tater son inexistence ; on sait que Hadj Abdelkader
Badjouda eut des relations assez suivies avec le cheikh
de Djeghboub, mais il n'est pas acquis qu'il ait jamais
exercé les fonctions de mokaddem de cet ordre, non plus
que certains individus de Tamentit et de Bouda, morts
aujourd'hui, dont les enfants détiennent quelques épitres
du cheikh Snoussi : il semble bien que celui-ci n'ait eu
aux Oasis que de simples a ahbab ».
Les confréries de Kerzaz et de Kenadsa comptent quel*-
ques serviteurs, et possèdent surtout d'importants biens de
mainmorte.
Enfin les Remaïa ou Mokahlîa formaient quelques petits
groupements, avec mokaddems à Tamentit et à Metarfa ;
il y eut môme dans ce dernier ksar des concours annuels
1. Sup., in Partie réservée.
2. Ibid,
— 201 —
de tir, suivis de sortes de fêtes votives avec repas en
commun ; tout cela a pris fin depuis la conquête ^
Quant à ce que pouiraient être ces confréries dans les
mains du maître infidèle qui essaierait de les faire servir
à sa domination, le mécompte de Flatters avec les Tidjanïa,
comme aussi la mésaventure du chérif d'Ouazzane*, montrent
bien le peu de fonds qu'on peut faire raisonnablement sur
elle».
Impdto* — L'impôt institué par la France aux Oasis
sahariennes est une « lezma » fixe et invariable dont le mon-
tant est de 270.000 francs : on avait estimé le nombre
total des palmiers des Oasis à environ 1.450.000, et on
voulut les imposer à fr. 20" Tun.
Voici le détail de cette lezma :
Lezma proprement dite Fr. 220.660 35
Centimes additionnels pour le budget des
Territoires du Sud 22.066 03
Centimes additionnels pour frais de per-
ception 794 38
Centimes additionnels communaux 26.479 38
Total à recouvrer 270.000 U
Cet impôt a été réparti ainsi : Gourara, 125.000 francs ;
Touat, 97.000 francs; Tidikelt, 52.000 francs.
Il a été perçu pour la première fois en 1903 ; cependant
cette première année il n'en fut réclamé aux contribuables
que la moitié, soit 135.000 francs, à titre de procédé
1 . Nous avons pu mettre la main sur deux opuscules traitant de
la constitution et du fonctionnement de la confrérie des Remaïa t
jusqu'ici très peu connue ; nous les ferons paraître à la suite de
cet ouvrage.
2. Sup., in Partie réservée.
3. C'était ce qu'avait proposé l'autorité locale ; le Général de
Division d'Oran avait préféré Ofr. 15, et le Service central des
Affaires indigènes avait opiné pour fr. 25 : nous examinerons plus
loin cette question de quotité.
— 202 —
d'accoutumance, et « pour ne pas nous aliéner, écrivait le
Gouverneur général de l'Algérie, les populations qui n'ont
pas été accoutumées, jusqu'à ce jour, à supporter des
charges de cette nature, et n'ont pas encore les ressources
permettant d'y subvenir*. »
En 1904, l'impôt total de 270.000 francs fut perçu;
mais en 1905, la mauvaise récolte d'une part, et de l'autre
l'invasion des sauterelles, motivèrent le remise aux Oasiens
d'un tiers de leur impôt, ils n'eurent à verser que
180.000 francs (espèces indigènes, 173.289 fr. 40 ; espè-
ces françaises, 5.977 fr. 24).
En effet, l'autorité française prit à leur égard une déci-
sion équitable, et peut-être un peu tardive : elle les
autorisa à acquitter l'impôt en monnaie musulmane.
Cette monnaie, dont l'usage était dix fois séculaire dans
les Oasis, était subitement devenue illégale du fait de
l'occupation française ; elle avait bien été tolérée dans la
circulation locale comme monnaie d'appoint, à défaut de
monnaie légale, mais en somme elle avait toujours été
refusée dans les caisses publiques, et les impôts de 1903
et de 1904 n'avaient pu être acceptés par le fisc qu'en
espèces françaises ; il en résultait pour les populations
pauvres des Oasis une gène considérable, et de fait immé-
ritée.
Sur la proposition de l'autorité locale, cette monnaie a
enfin été admise au versement de l'impôt de 1905, et le
stock qui en existait dans les Oasis a pu être retiré de la
circulation, au grand soulagement de ceux dont il consti-
tuait la mince fortune et pour lesquels il était devenu une
ressource inutilisable.
Une cause de gène a cependant persisté dans le pays de
ce fait que les envois de fonds effectués d'Algérie à la
suite du retrait de cette monnaie indigène ne compor-
taient pas assez de monnaie de billon.
Dans ce pays pauvre, la faculté de dépense est très res-
1. Lettre au Ministre de la Guerre (juin 1901).
— 203 —
treinte ; les achats journaliers de vivres et d'objets d'entre-
tien se soldaient jadis soit en oukïas de 20 centimes,
soit en mouzouuas ou oudjouk de 5 à 6 centimes environ :
dépenser une oukïa pour vivre une journée est le fait du
consommateur moyen.
La monnaie oukia ou au-dessous, retirée de la circulation
le 31 décembre 1905, s'est montée dans tout le Territoire
des Oasis à un total de 48.000 francs. Or, cette raréfac-
tion considérable de la petite monnaie indigène n'a pas
été aussitôt suivie, comme il eût convenu, d'une émission
équivalente de la petite monnaie française appelée à rem-
placer les espèces condamnées : une véritable crise a sévi,
il s'est rencontré, dans telle localité de 400 habitants, tel indi-
vidu qui n'a pu trouver le change d'une pièce de 5 francs
constituant toute sa fortune, qui a dû vivre à crédit pen-
dant plusieurs jours, puis s'est trouvé contraint à faire des
dépenses exagérées pour lui, afin de liquider sa pièce.
L'autorité locale n'ignora pas cette crise et réclama de
forts envois de billon et de pièces deOfr. 25 en nickel, qui
eussent admirablement convenu aux anciens détenteurs
d'oukîas de même valeur, mais il fut objecté que cette
monnaie si désirable n'existait pas en Algérie. Ce n'est
que quatre mois après qu'arriva un premier envoi de
4.000 francs en billon, aussitôt jeté dans la circulation,
mais cette faible somme n'amena aucun soulagement appré-
ciable à la gène produite par le retrait d'une somme douze
fois plus forte, que se trouvaient inaptes à remplacer les
30.000 francs en pièces de 2 et de 1 franc arrivés en
même temps.
Enfin, en mai arrivèrent 30.000 francs en pièces deO fr. 50
et de fr. 20, et 5.000 francs en billon ; puis, en juillet,
quinze autres mille francs en billon, et le vide se trouva
comblé.
Nous aurons l'occasion de revenir plus loin sur la ques-
tion de l'impôt qui, tel qu'il est, ne semble pas avoir
encore acquis la forme ni l'importance qui conviennent à
ce pays ; mais il convient de voir dès maintenant de quelle
— 204 —
façon les djemàas perçoivent sur les habitants les sommes
qu'elles ont à verser au fisc.
Le procédé varie avec les districts, mais voici comment
on a opéré au Timmi, dont la part d'imposition se montait
à 33.000 francs en 1904 ; cette somme a été répartie :
i^ i/3 en impôt de capitation (hommes : 2 fr. 50 ; fem-
mes : 1 fr. 25 ; à partir, pour Tun et l'autre sexe, de l'âge
du premier jeûne, soit 13 ans) ;
2^ 1/3 sur les eaux, selon répartition par unité de mesure ;
3^ 1/3 sur les palmiws, selon répartition par arbre.
Dans la fraction d'Âdrar, dont la part contributive était
de 3.300 francs, la djemfta partielle a opéré ainsi :
1^ Un sixième du total moins 150 francs a été imposé sur
les harratines, comme capitation, ci (3.300/6 — 150) 400 fr.
2* Les cinq sixièmes restant plus les 150 francs
en question ont incombé aux blancs de toute
caste qui les ont subdivisés ainsi :
Capitation 340 francs
Sur les eaux :
Foggara Dahar 900 —
— Yekhlef 150 —
— Adghar 35 —
— Meknès 150 -
— Macine 625 —
— Oulad-Otmane 150 —
— Taghdjemt 150 —
— Iguernedy (moitié) 250 —
— Adoui (part) 150 —
Total 2.900 francs 2.900 fr.
Total égal 3.300 fr.
Mais la djemàa ne put réaliser effectivement que les
8/9 de cette somme, et comme elle était collectivement
responsable de sa réalisation totale vis-à-vis du caïd et
de la djemàa du district, elle emprunta le 1/9 restant
irrecouvré, soit 350 francs * pour parfaire la somme.
Ce n'est d'ailleurs pas ici un cas particulier, d'autres
1. Chez le juif Lalou, d'Adrar.
— 205 —
djemàas partielles firent pour la même raison les emprunts
suivants :
Mellouka (représenté par le cadhi Sid-Ël-Hadj) 190 fr. «
Tastaout 230 fr. •
Ottlad-Braliiin . . » 100 fr. «
A Aoulef-el- Arab, en 1904, l'impôt fut réparti de la façon
suivante :
Par tête de palmier (bon ou mauvais, même palmier
mâle) 12
Par tète de mouton et chèvre 55
Par tôte de chameau 5 60
Par tête d'âne 2 00
Ni les eaux ni les tètes d'habitant ne furent imposés
Lorsqu'en 1905, remise a été faite du tiers de Timpôt,
on a suivi les mêmes règles en se bornant à ne percevoir
que les deux tiers de ces sommes.
A Sali, on avait réparti, en 1904, l'impôt sur les eaux :
la habba (3 1. 5 à la minute) * eut à payer deux metkals et
huit oudjouh (environ 5 fr. 40) ; en 1905, on a imposé les
palmiers à fr. 15 l'un.
A Oudrar en Tinerkouk, la contribution, qui se montait à
196 francs, a dû être empruntée toute entière par la djemàa.
'Quant à l'impôt touareg, il est fixé à 5 chamelons pour
l'aménokalat des Taltok, et à 25 autres pour l'aménokalat
des Hoggar ; cet impôt est exigible en nature ; il repré-
sente une valeur approximative de 500 francs pour les
Taltok, et de 2,500 francs chez les Hoggar.
Budf^i eommaiial . — Le Territoire des Oasis
sahariennes constitue une commune indigène.
Le Commandant du Territoire exerce les fonctions de
maire et est assisté d'une commission municipale com-
prenant les chefs des trois annexes et un certain nombre
de caïds, membres indigènes.
Voici sa situation financière (budget communal de 1906) :
1. Chez le juif Lalou, d'Adrar.
2,3. Chez le juif Mouchi, d'Adrar.
4. Sup. Introd., p. 23.
— 206 —
TITRE !•'. — RECETTES
in-jLXXTzts i:>ss stscsxx:
MONTAirr
RECETTES ORDINAIRES:
Produit des centimes additionnels à la lezma ,
Produit des amendes arabes
Total des Recettes ordinaires. .
RECETTES EXTRAORDINAIRES:
Excédent de l'exercice clos
Restes à recouvrer sur le même exercice
Total des Recettes extraordinaires
RECETTES SUPPLÉMENTAIRES:
Subvention pour assurer le fonctionnement, en 1906, des ateliers d'apprentis-
sage des chef-lieux d'annexé et des classes de français qui y sont adjointes .
Subvention pour le fonctionnement, en 1906, des infirmeries indigènes des
chefs-lieux d'annexés
Subvention pour permettre le fonctionnement des appareils de sondage en 1906
Subvention pour la réfection des bâtiments des 3 annexes
Subvention pour travaux de revivifîcation de foggaras
Subvention pour achat de matériel agricole
Subvention pour travaux d'aménagement des routes et des puits jalonnant
ces routes
Subvention pour travaux de détournement du lit de la Saoura
Subvention gouvernementale pour insuffisance de revenus provenant des reli
quats des anciens fonds communs
Remboursement par le Trésor des parts d*inipôt payées par la commune aux
chefs collecteurs au titre de la lezma de 1905
Total des Recettes supplémentaires
Récapitulation
Recettes ordinaires. . . .
Recettes extraordinaires .
Recettes supplémentaires.
Total général des Recettes.
Î6.557 »
i.ooœ .
27.557 -
14.212 56
274 06
14.486 62
5.000
5.500
15.000
1.000
35.900 »
2.470 »
5.400 '>
3.200 >
4 05
14 163 *
87.637 05
27.557
14.486 62
87.637 05
129.680 67
— 207 —
TITRE II. — DÉPENSES
m-JLXTTX&S IDSS 3Dlâ3PS!XrSS8
DÉPENSES ORDINAIRES :
Achat des registres d'état civil
Frais de timbre et d^imprimés à la charge de la commane
Remises au Receveur municipal
Entretien et réparations des bâtiments du Service des Affaires Indigènes. .
Achat et entretien du mobilier du Service des AfTaires Indigènes
Frais d*héberffement des hôtes arabes aux chef-lieux des trois annexes. . .
Bibliothèque au Service des Affaires Indigènes, achat de livres, reliures, etc.
Secours aux indigènes nécessiteux
Dépenses d'hospiutlisation, achat de médicaments et de matériel pr les infirmeries
Dispensaires, matériel, personnel et nourriture des femmes indigentes. . . .
Police et sécurité, entretien et nourriture des prisonniers
Entretien des cimetières
Entretien et exploitation des jardins d'essai et des pépinières du Service des
Affaires Indigènes
Fêtes publiques
Total des Dépenses ordinaires
DÉPENSES SUPPLEMENTAIRES
Restes à payer
Crédits non employés au 31 décembre 1905 et reportés à Texercice 1906 pour
recevoir leur affectation spéciale (reliquats de subventions) .
Fonctionnement en 1906 des ateliers d'apprentissage des chefs-lieux d'annexés
et des clnsses de français qui y sont adjointes
Fonctionnement en 1906 des infirmeries indigènes des chefs-lieux d'annexés . .
Fonctionnement des appareils de sondage en 1906
Réfection des bâtiments des annexes
Travaux de revivification des foggaras
Achat de matériel agricole .
Travaux d'aménagement des routes et des puits jalonnant ces routes. ....
Travaux de détournement du lit de la Saoura
Reliures d'ouvrages de la bibliothèque d'In-Salah
Reversement au oudget des Territoires du Sud d'une partie de la subvention
allouée le 3 février 1906 pour insuffisance de revenus
Total des dépenses supplémentaires
Récapitulation
Dépenses ordinaires . . . •
Dépenses supplémentaires
Total général des Dépenses.
Balance :
Recettes .
Dépenses.
Excédent des Recettes.
129.680 67
122.366 27
7.314 40
MONTANT
des
125
350
912
2.500
2.500
2.400
1 000
1.000
2 400
500
2.000
300
3.000 »
I
19.647 ).
151 90 i
9.319 37
5.000 »
5.500 «
15 000 »
6.415 »
35.900 «
2 470 »
5.400 >
3.200 >
200 »
14.163 »
102.719 27
19.647 »
102.719 27
122.366 27
— 208 —
Troupes d^oeeupatlon. — Le prix de revient au
Sahara de l'homme de troupe franco-algérieD, comme son
inaptitude à la guerre saharienne, ont dès longtemps
amené le éommandement à chercher pour ce pays un ins-
trument militaire spécial.
On pensa l'avoir trouvé en 1891, lorsque Lamy orga-
nisa, à El*Goléa, une compagnie de tirailleurs montés à
méhari ; puis, en 1894, on perfectionna Tidée en créant
deux corps spéciaux et permanents : les spahis sahariens
et les tirailleurs sahariens.
Ce sont ces corps qui, largement renforcés d'éléments
venus d'Algérie pendant la période active de conquête,
furent appelés ensuite à tenir garnison dans le Territoire
des Oasis sahariennes.
Mais à l'usage on trouva qu'ils étaient encore trop dis-
pendieux, et insuffisamment adaptés à leur fonction spé-
ciale, et c'est ainsi qu'on fut amené à créer les unités qui
existent aujourd'hui. *
Une compagnie saharienne comporte en elle-même tous
les éléments d'occupation et de défense du pays : ses
officiers en sont, comme nous l'avons vu, les administra-
teurs ; elle a ses méharistes pour en assurer la sûreté
extérieure, ses fantassins et ses artilleurs pour en garder
les boulevards, ses ouvriers, ses maîtres d'écoles, pour en
instruire les habitants.
Elle utilise les ressources locales en hommes et en den-
rées, et elle est même le plus gros acheteur et la principale
source de bénéfices pour le pays.
Ces compagnies se recrutent surtout dans les tribus
Chaànba d'El-GoIéa, de Metlili et d'Ouargla, mais la
compagnie du Touat a incorporé quelques Arabes des
Khenafsa et des Meharza, et la compagnie du Tidikelt a
réussi à attirer pareillement des Oulad-Bahammou et autres
Arabes, elle possède même une escouade de Touareg ;
quant aux nègres, l'essai qui en a été fait a démontré leur
insuffisance vis-à-vis des adversaires sérieux que sont les
Beraber et les Touareg, et on a dû renoncer à les employer.
- 209 —
Les compagnies se remontent en mehara avec facilité,
tant au pays Ghaànba que chez les Touareg, qui leur en
amènent jusque de la région nord-soudanaise.
Pour la sûreté à Textérieur, la compagnie du Touat a,
en permanence, un peloton de 120 meharistes dans l'Erg
occidental, et un autre de pareille force dans les parages
de riguidi, « groupe de TOuest » ; la compagnie du Tidi-
kelt a, de même, un « groupe de police du Hoggar » ; les
« groupes de pâturage » de ces deux unités nomadisent
entre El-Goléa, la Saoura et le pays touareg.
14
CHAPITRE II
Les Habitants
Les races et les castes. — Le cycle de la vie humaine. — Dénom-
brement de la population par races et castes, et par âges dans
chacune d'elles. — Le mouvement de la population. — La
répartition de la fortune entre les différentes races et castes. —
Les conditions politiques, économiques et sociales de l'existence.
Les raees et les eastes. — Nous avons fait con-
naissance, au cours de la première partie de cet ouvrage,
avec les divers éléments ethniques qui sont venus s'ins-
taller dans les Oasis sahariennes et ont concouru à la
formation de la population actuelle, et nous sommes ini-
tiés à la différenciation de celle-ci en diverses castes
sociales parfaitement distinctes et hiérarchisées ; il suffit
donc maintenant de définir les unes et les autres en quel-
ques mots.
Le groupe arabe est formé d^éléments venus des quatre
points cardinaux, avec prédominance évidente des apports
de TEst ; il fournit à lui seul les membres de la caste « de
tête », les Chorfa^ et se répartit, quant au reste, entre
deux autres castes : les Merabtines et la Roture.
Le groupe zénète, qui est berbère, est principalement
venu, lui aussi, de l'Est, ainsi que le montrent ses traces
historiques, apparentes encore à El-Goléa, dans le Zab,
le Hodna et le Righ ; il se répartit dans les deux castes
déjà citées, concurremment avec les Arabes : merabtines
et roture.
— 212 —
Une quatrième caste est formée par les nègres importés
dans le pays, ou y étant nés de parents nègres en état de
servitude.
Enfin, une cinquième caste, que dans les statistiques
nous placerons ayant la précédente, est formée : 1® par les
nègres affranchis en vertu d'actes réguliers, et selon la
jurisprudence musulmane, par leurs anciens maîtres ; 2'
par les enfants de ces affranchis, ou « seconds-libres^ »,
soit obtenus entre eux, soit provenant des unions mixtes
entre eux et des individus de la caste « nègre », soit
encore des unions — très rares — d'un « second-libre »
avec une femme « libre » de race blanche.
Il est bon de préciser que, dans le cas contraire, c'est-
à-dire si une femme « seconde-libre » est rendue mère par
un « libre » de race blanche, qu'il soit de roture ou des
merabtines ou des chorfa, l'enfant suit le rang de son
père ; il en est de même des enfants obtenus par un
« libre » d'une simple négresse « possédée », ils sont les
fils du père au même titre que ceux qu'il peut avoir eus de
femmes de sa caste, et la mère elle-même acquiert une
situation privilégiée en qualité de « mère de l'enfant* ».
Telle est en dernière analyse la définition ethnologique
de cette classe des « seconds-libres », des har ratines —
nous leur laisserons ce nom arabe pour sacnfier à l'usage
— qui a fait Tobjet de tant de dissertations tendant à en
faire un élément ethnique autonome et distinct, mais que
l'observation journalière a, depuis l'occupation française,
permis de mieux connaître.
Nous allons donc présenter la répartition par âges de la
population entre ces cinq castes distinctes :
1. Harr-tani, — les blancs purs étant les « premiers libres », on
les c libres » sans épithète (harr).
2. Quel enseignement de haute moralité Tlslam ne donne-t-ii
pas aux sociétés chrétiennes, dans cette situation légale donnée à
l'enfant d'une négresse et à celle-ci elle-même ?
— 213 —
Chorfa,
MerabUnes |
Arabes,
Zénètes,
Roturiers *
Arabes,
Zénètes,
Harratînes,
Nègres.
•
Nous distinguerons aussi
nombreux :
Mehadjeria,
Touareg.
deux autres
éléments
peu
Les Mehadjeria sont de race juive ; ils sont les derniers
descendants des anciens Juifs touatiens, et, quoique deve-
nus Musulmans, ils continuent à vivre et à s'unir entre
eux : nous n'enregistrons évidemment que ceux qui se
reconnaissent ou sont reconnus comme tels ; mais il est
fort présumable que le nombre réel en est plus grand, car
dans qpielques localités, Timmimoun et Oulad-Mahmoud
par exemple, on rencontre fréquemment des individus
classés comme Arabes ou Zénètes, et dont le faciès est
indubitablement hébraïque ; On aime toujours à invoquer,
quand faire se peut, une origine considérée comme supé*
rieure, telle ici l'origine arabe.
Et ceci est vrai non-seulement pour les Mehadjeria
méprisés, mais encore pour les Zénètes : un notable de
cette race, dont Tair intelligent promettait une réponse
satisfaisante, était questionné, un jour, sur ce que la tra-
dition pouvait avoir transmis de son origine berbère :
c( Nous autres Zénètes, se récrie-t-il, mais chacun sait
que nous sommes de la descendance de Moulaf- Abdelkader
le Djilani ! ... »
Et son attitude dit tout son étonnement d'avoir eu à
donner un renseignement si naturel.
Quant aux Touareg que nous présentera le Tidikelt, ce
sont des « Touareg blancs » ou Kel-Inghar.
Ils se donnent comme originaires des Beraber du Tafi-
— 214 —
lelt, ainsi que leurs frères, d'après eux-mêmes, les Isok-
maren ; ils seraient venus de l'Ouest tous ensemble, il y a
environ six générations, et se seraient fractionnés au Tidi-
kelt ; une part serait restée dans ce pays, et serait deve-
nue les Kel-Inghai- actuels ; les autres auraient continué
leur route dans le Sahara central et ne seraient autres
que les Isokmaren en question ^
Nous aurons l'occasion plus loin de déterminer la situa-
tion et la prospérité ethnographiques de chacun de ces
éléments de population, mais nous ne le ferons qu'après
avoir étudié les causes dont cette prospérité est fonction,
et qui sont d'ordre politique, social et économique, —
climatérique et physique.
Le eyele vital hamaiii. — Des recensements ^
premier acte des opérations « d'inventaire » par lesquelles,
dans l'ordre politique comme dans l'ordre économique,
peut se déterminer la base, le point de départ d'une entre-
prise, — ont déjà été opérés, en 1903 et en 1904, dans les
trois annexes du Territoire des Oasis, et leurs résultats •
pourront môme être instructivement comparés avec le
recensement actuel ; mais ils avaient été faits dès la pre-
mière heure et pour les besoins immédiats, et ils ne rappor-
tent que le chiffre global de la population.
En plus de sa répartition par races et castes, on a
cherché cette fois à la différencier par âges.
Une certaine difficulté se présentait ici, de ce que les
recenseurs devaient être des indigènes : il a fallu se tenir
dans la limite de leur faculté de compréhension ; la plu-
part d'entre eux eussent fourni les réponses les plus fantai-
sistes si on leur avait demandé les âges par décomptes
d'années, mais tous étaient en mesure d'en présenter la
1. Version du notable targui Khnbden, d'In-Salah.
2. V. Démontés, in Bulletin du Comité de rAfrique française,
1904.
— 215 —
répartition suivant la conception musulmane du cycle de
la vie humaine.
Le « çabi » est \ enfant dès le premier âge, et cette déno-
mination lui est conservée jusqu'à Tapparition des pre-
miers signes de la puberté, que les juristes musulmans
reconnaissent au nombre de six.
 ce moment Fenfant est admis à jeûner le ramadhane ;
il entre dans la catégorie des « çaïm )i^ jeûneurs.
Chez les Touatiens, la précocité que pourrait détermi-
ner le climat chaud est contrariée par la médiocre alimen-
tation habituelle, et l'on peut admettre que cette puberté
qui ouvre Tàge du jeûne ne se manifeste guère, en
moyenne, que de la douzième à la treizième année.
Nous entendons bien que des enfants peuvent être ren-
contrés, avant cet àge^ jeûnant quelques journées de
ramadhane, ne serait-ce que par cette propension qu'ont,
dans toutes les races, les enfants à jouer les petits hommes,
mais si ces jeûnes volontaires sont méritoires, ils ne
sont pas obligatoires^ et ne suffisent pas pour que la
djemàa comprenne le zélateur dans la catégorie des < jeû-
neurs ».
Le « jeûneur », c'est-à-dire le pubère, met quelques
années à terminer son développement, à acquérir la plé-
nitude de ses facultés de procréation, en un mot à devenir
nubile : lorsqu'il le devient, le «jeûneur » est dit «chabb »,
jeune homme.
Au Touat, pour la raison déjà dite de l'alimentation insuf-
fisante annulant l'effet du climat, il convient d'admettre
que cette nubilité, qui ouvre la catégorie des « jeunes
hommes », n'est pas atteinte avant la vingtième année.
Vers trente ans, les conditions physiques et climatéri-
ques, que nous étudierons plus loin, amènent la maturité
caractérisée par le plein épanouissement physique, et spé-
cialement par « l'apparition de rares cheveux blancs qui
attirent le respect à leur propriétaire » ; celui-ci appartient
alors à une nouvelle catégorie dite « kohol » homme d'âge
mûr.
— 216 —
Les mêmes conditions de Texistence qui ont un peu
retardé le développement physique de l'adolescent ou
<c jeûneur » accélèrent ici, par leur rigueur, son déclin :
dès quarante-cinq ans, Y « homme d'âge mûr » est tout
chenu, en arabe « achib », et entre dans un nourel âge
que nous rendrons en français par çieillard.
Nous avons donc, en résumé, le cycle suivant :
Enfants^ de la naissance à 12 ans environ.
Jeûneurs^ de 13 à 18 ans environ.
Jeunes hommes^ de 19 à 28 ans environ.
Hommes dâge mûr^ de 29 à 45 ans environ.
Vieillards^ de 45 ans et au-dessus.
Il est bien entendu que la délimitation par années que
nous donnons à chacune de ces catégories n'a qu'une exac-
titude moyenne^ et qu'elle n'a pour but que de rendre
appréciables au lecteur français des différenciations d'âge
que la législation musulmane et les usages locaux ont
fixées sans se préoccuper du décompte des ans, mais en
se basant sur le développement physique de l'individu.
Pour la commodité des supputations, nous admettrons
que l'individu féminin passe dans ces différentes catég^
ries, ou étapes vitales, aux mômes âges que l'homme :
l'entorse à la vérité physiologique est grave, mais elle
facilitera beaucoup notre étude.
Précisons encore que les états partiels de recensement
qui vont être totalisés ci*dessous par annexe ont été rem-
plis, en mars 1906, dans chaque district ou ksar par la
djemâa elle-même : de la coopération des membres de
cette assemblée se surveillant les uns les autres, les
données présentées acquièrent d'assez fortes chances
d'exactitude — ou, pour mieux dire, de véracité relative^
— comme tous les dénombrements d'ailleurs.
DÉCOMPOSITION DE LA POPULATIOI^
Par Races, Castes et Ages^'^dans chaque sexe :
— 218 —
Décompositloii de la popnlatton par racea^
<
ce
D
o
o
H
<
o
H
u
(^
^
RAGES BT CASTES
Chorfa
Merabtines.. j A«b~
Roturiers... jl^J^
Mehadjeria
Harratines
Nègres
Totaux. .
Ghorfa
Merabtines.. JAJ^
Roturiers... |JJ^«5^
Mehadjeria
Harratmes
Nègres ,
Totaux..
Chorfa
Roturie»...|Axab^
Touarejg
Harratines
Nègres
Totaux.
Chorfa
MerabUues.: | ^J^J^^
Roturiers... jz^nèS.
Mehadjeria
Touareg
Harratines
Nègres
ToUux.
&JBXX TWT AS
BafanU
ii aat)
li5
262
2R7
631
326
6
1.110
167
2.914
lUàlSaiM)
63
127
127
276
160
2
502
123
1.380
(IdèSBiM)
124
175
226
462
296
5
1.028
495
2.811
821
961
360
1 492
513
31
17
2.856
524
7 575
410
155
596
225
7
9
.069
396
3.156
539
778
300
1.218
446
19
13
2.422
1 056
6 791
431
179
327
215
2B7
151
2G0
171
21
8
19
13
S8S
219
528
35S
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— 219 —
castes et âges, dans chaque sexe :
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— 222 -
Le mouvenient die Im popvlmtion* — Nous pré-
sentons dans le tableau qui précède le relevé numé-
rique des naissances et des décès survenus au cours de
l'année hég^rienne 1323 (du 8 mars 1905 au 4 février 1906),
dans les deux annexes du Gourara et du Tidikelt et partie
de l'annexe du Touat*.
Il ressort des chiffres ci-dessus que le nombre des nais-
sances et celui des décès, très élevés l'un et l'autre dans
la partie nord du territoire, vont, proportionnellement à la
population, diminuant de plus en plus à mesure que l'on
ga{^e vers le Sud, comme s'ils étaient fonction de la
latitude.
Il en est de même, quoique selon une progression inverse,
des bénéfices nets qui, après avoir été fortement négatifs
dans le Nord ( — ^9,0 au Gourara), se rapprochent dans le
Touat de l'exacte balance (*— 0,8) pour enfin offrir quelque
plus-value dans le Tidikelt (+2,4).
Le résultat moyen n*en est pas moins négatif (3,9 de
perte annuelle)^ ce qui revient à dire que si cette propor-
tion de pertes se maintenait et se poursuivait d'année en
année, toute la population aurait disparu au bout de mille
quatre-vingt-dix ans, laissant alors la place au vide
absolu.
Heureusement que, d'ici là, il reste une large marge à
ceux qui se sont institués les tuteurs de ce pays, pour
aviser aux moyens d'améliorer la situation de ses habi-
tants, et pour relever, par les bienfaits de la civilisation,
leur vitalité périclitante, compromise autant par les
vicissitudes de leur état politique et social antérieur que
par les rigueurs du climat que nous aurons l'occasion
d'envisager plus loin.
1. Les renseignements pour le Toaat ne nous sont parvenus
qu'en partie, mais cette partie (10.904 habitants sur 17.492) est suffi-
sante pour dégager le point de vue d'ensemble qui nous occupe.
— 223 —
Lm répartition de la fortune entre les dlillé-
rentes cMistes* — On a dit que le harratine est peu
souvent propriétaire ; d'aucuns Tout même présenté jus-
qu'ici comme un salarié, un prolétaire généralement
dépourvu de bien.
Un recensement général des fortunes aurait pu déter-
miner ce qu'il en est de façon précise, mais l'autorité
locale a hésité, avant de le laisser entreprendre, devant
l'émoi que pouvaient causer aux populations des inves-
tigations trop indiscrètes ; nous avons pu cependant
recueillir ce genre de renseignement dans quelques loca-
lités où il semblait plus facile à dégager sans danger.
Nous allons donc présenter, pour chacune des trois
annexes du Territoire, un spécimen indiquant la décom-
position — par races et castes — des propriétaires de
palmiers, avec leur différenciation selon le nombre de
palmiers possédés ; de plus, on trouvera précisée la
masse afférente à chaque race ou caste dans chaque
élément de la fortune, eau, palmiers et animaux domes-
tiques.
Ces données portent sur une partie considérable de la
richesse touatienne :
2. 111 habbas d'eau et 85.980 palmiers, pour le Gourara ;
4.628 habbas d'eau et 74.604 palmiers, pour le Touat ;
5 . 309 habbas d'eau et 148.411 palmiers, pour le Tidikelt ;
soit plus du quart de la fortune totale du pays.
Elles pourront donc suffire pour donner une idée géné-
rale de la répartition de la propriété au pays touatien.
224 —
GOURARA
Timmimoun (ksar) ; Beni^Mehlal (ksar) ; Faits (ksar, ; Oulad^
Mahmoud (ksar) ; Oulad-Aissa (ksar).
A. — Décompositioii dêm propriétaire* de pabaiers
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palmiers :
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TIDIKELT :
(Aoi\lef et Akabli),
Décomposition des propriétaires de palmiers :
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B. — Répartitioii de la fortane entre chaqne caste on race :
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— 227 —
On voit que :
1^ Dans le groupe gourarien, sur 353 propriétaires de
palmiers, 96 sont harratines, soit plus du quart (27 pour
100), mais ils sont tous peu pourvus ; trois seulement
possèdent 150 arbres ou plus ;
2^ Dans le groupe touatien, 744 propriétaires compre-
nant 265 harratines, soit plus du tiers (35 pour 100), dont
pas un ne possède jusqu'à 150 palmiers ;
3" Au Tidikelt, sur un total de 453 propriétaires il se
trouve 100 harratines, soit à peu près le quart (plus de
22 pour 100) dont 5 possèdent plus de 150 arbres, et dix
autres plus de 300.
De plus, la fortune de toute sorte se trouve répartie
dans ces mêmes groupes, et, peut-on dire par générali-
sation, dans tout le pays, ainsi qu'il suit (en centièmes) :
— 228 —
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— 229 —
Il ressort de ce tableau que :
i^ Au Gourara, les divers éléments de la fortune sont
tous, pour leur plus grande part, aux mains des roturiers
zénètes : les trois cinquièmes de Teau, plus de la moitié
des palmiers et des ânes, presque la moitié du cheptel
ovin et caprin.
Ce groupe ethnique et social est donc de beaucoup pré-
pondérant au point de vue économique ;
2^ La même prépondérance, quoique moins accentuée,
appartient, dans le Touat, au groupe des Ghorfa qui
détient à lui seul un bon tiers des eaux et des palmeraies ;
il est cependant devancé, pour le cheptel, par le groupe
harratine qui est muni des deux cinquièmes des ovins et
de presque la moitié des animaux d'exploitation ;
3^ Le Tidikelt offre un aspect particulier : ses eaux et
ses palmiers sont aux mains des Arabes des trois castes,
avec prédominance de la roture ; ils laissent cependant la
plus grande part des ovins et des ânes aux Harratines,
dont s'affirment ainsi la richesse plus récente et la plus
grande activité au travail ;
4® Si l'on peut dire, par suite, que le Gourara est un
pays économiquement berbère, que le Touat est dominé
par les Ghorfa, et le Tidikelt par la roture arabe, on voit
encore que, si les harratines sont fréquemment pro-
priétaires (plus d'une fois svr quatre), leur part de
fortune immobilière reste cependant faible (moins de 1/10®)
dans l'ensemble du Territoire dont ils forment les 2/5
des habitants, mais le relèvement de leur condition consé-
cutif à la conquête française s'accuse par ce qu'ils possè-
dent un bon tiers, tant du bétail dont celle-ci a provoqué
la forte augmentation, que des animaux de travail dont
elle a facilité l'utilisation.
Les eonditions politiques, éeonomiqves et
soeimies de Pexistenee* — Dans ces trois ordres
d'idées, nous connaissons déjà le développement historique
— 230 —
des conditions de l'existence au pays touatien, comme
aussi le régime politique et fiscal qu'y a institué récem-
ment la France ; il est maintenant possible d'en distinguer
les premières conséquences.
Les castes des Ghorfa et des Merabtines ont perdu, de
la prédominance politique qu'elles détenaient jadis, la part
o£Bcielle, le droit de commander et l'exonération de l'im-
pôt ; mais elles ont conservé une autorité réelle, quoique
plus discrète, résultant de leur origine, de leur qualité
religieuse et de leur supériorité intellectuelle généralement
indéniable : ce sont des individualités de ces castes qui,
pendant long^mps encore, mèneront le reste des habitants
de ce pays.
La roture arabe et zénète a gardé à peu près la même
position relative qu'elle occupait jadis; mais elle a été,
comme les castes précédentes, fortement éprouvée par la
libération de ses serviteurs nègres.
Pour ce qui est de ceux-ci, la conquête française a
arrêté, tant par elle-même que par l'occupation de jour en
jour plus complète des pays soudanais, l'importation des
nègres qui, si l'on prend soin de laisser de côté les préoc-
cupations humanitaires — souvent très discutables —
qu'ont soulevées les anti-esclavagistes, était en soi néces-
saire à la bonne tenue ethnologique de la population des
Oasis.
En effet, nous le verrons plus loin en observant les con-
ditions climatériques de l'existence dans ce pays, les
blancs, même sémites, s'y anémient vite, et ils paraissent
peu capables de faire face longtemps aux travaux cultu-
raux qui sont leur principal moyen de subsistance ; ils ont
besoin^ un besoin positif, évident, de nègres qui les aident
dans ce labeur, et qui de plus leur apportent un élément
métisseur dont l'efficacité est indéniable, pour peu que l'on
observe l'aspect vigoureux des produits d'unions mixtes
à côté de la chétivité de leurs auteurs blancs.
De plus l'apport nègre semble bien, pour donner ce
résultat avantageux, devoir être continu, car les individus
— 231 —
métis accusent peu d'aptitude à fonder des lignées dura-
bles et prospères : s'ils s'allient entre eux, ils montrent de la
dégénérescence dès la troisième ou la quatrième généra-
tion.
Non contente de tarir l'immigration nègre, la « paix
française », en assurant la sécurité des routes et des commu-
nications, a encore procuré un encouragement aux émigra-
tions vers le Nord qui se produisaient déjà auparavant :
elles sont devenues notablement plus nombreuses ainsi
que le fait comprendre un instant de réflexion.
Un métis, nous l'avons vu, est peu souvent notable pro-
priétaire foncier, un nègre ne l'est jamais, on peut donc
admettre en principe qu'ils vivent de leur travail ; or, aux
Oasis, la journée de travail se paie en moyenne de 1 oukia*
(20 centimes) plus un repas de dattes, tandis qu'au Mzab,
le même travailleur gagne 1 fr. 25 ; à Saîda, 1 fr. 50 et
2 francs ; donc, le métis et le nègre se munissent d'un
permis de circuler et vont chercher fortune dans le Nord :
à Sali, il n'y a- plus que 230 harratines et nègres, car envi-
ron 70, soit 33 pour 100, ont quitté le pays depuis quatre
ans*.
C'est au point que les autorités locales ont dû entourer
de certaines difficultés la délivrance des permis de circuler ;
mais les émigrants emploient des subterfuges, par exem-
ple ils gagnent, moyennant un maigre cadeau, des Arabes
algériens venus en caravanes, et se joignent à eux en qua-
lité de chameliers, de domestiques à tout faire ; arrivés à
Ël-Goléa ou au Mzab, il se procurent facilement la « carta »
qui leur permet l'accès des villes du Nord.
D'un autre côté, la sécurité influe favorablement sur
le relèvement de la population, elle est un facteur d'ai-
sance et encourage la prolificité, de même que les inter-
ventions médicales doivent réduire la mortalité.
Cependant, dans toutes les classes sociales, les condi-
tions économiques de l'existence restent très dures pour
1. Rensei^ement fourni par le ca!d de Sali.
— 232 —
les gens pauvres qui constituent la grosse masse de la
population : nous venons de voir ce qu'est, aux Oasis,
le salaire de la journée de travail, critérium évident des
facilités de la vie en tout pays.
Ici, l'existence est difficile, même pour l'individu d'ai«
sance moyenne.
Voici par exemple un propriétaire de 90 palmiers * dont
vivent : le maître, sa femme, sa fille, un nègre (tous
adultes) et trois jeunes enfants ; la récolte de dattes les
nourrit six mois, la récolte de céréales trois mois ; pour
les trois autres mois de l'année, on achète une charge de
dattes en vendant, pour 10 francs environ, le produit Agé
d'un an de l'unique chèvre de la maison ; l'alimentation
ainsi assurée, il faut encore acheter quelques pièces de
vêtement, un peu de sucre et de thé, — et payer l'impôt :
à cela passent les sous-produits du jardin, légumes,
luzernes, etc.
Une autre famille* comprenant cinq adultes et huit
enfants, vit sur une propriété de 40 palmiers : sa récolte
de dattes l'a nourrie deux mois et demi, et celle de
céréales, trois autres mois, mais il y a eu 14 francs
d'impôt à payer, et le maître s'est endetté de 50 francs ;
il travaille à la journée, au salaire dont nous avons parlé.
Mieux encore, un hartani, qui ne possède rien, vit, lui
et sa jeune sœur, de son travail rémunéré de même, et il
a dû payer 2 metkels d'impôt de capitation.
Quant au reste, la libération de fait qu'a procurée aux
nègres « possédés » la loi française, a fait ressortir jusqu'à
l'évidence le peu d'intérêt que mérite cet élément de
population, et son inaptitude à jouir de la vie libre.
L'ancien « esclave » est resté dans son village : il se
refuse au travail à quoi le convie son ancien maître, soit
!• Un roturier arabe, Kaddour ben Hadj Salah, de Mansouria
en Timmi.
2. Un hartani, Ahmed ben Abdallah, des Oulad-Oungal en
Timmi.
— 233 —
au moment de la fécondation ou de la cueillette des dattes,
soit à Tépoque des labours ou de la moisson des céréales,
car il sait que personne ne le contraindra à travailler ; le
blanc qui jadis se Test procuré à beaux metkals sonnants
i^este donc seul chargé des soucis de la culture ; mais après
•'être conduit ainsi, le nègre se garde bien d'oublier le che-
min du jardin patronal où jadis il travailla, et dont la
terre comme les arbres lui sont familiers, il leur continue
ses visites sans Tassentiment du propriétaire, et, au gré
de son appétit, il « tape r> sans scrupules sur les dattes
et les rares légumes.
Survienne Tex-patron, il le salue : « Tu es mon seigneur
et mon maître, dit-il ; Dieu te rende heureux et confonde
les mécréants ! » 11 sarcle ou pioche quelques minutes au-
près de lui, puis : « Par ta tète chérie, je suis fatigué ! »
Et il se retire.
Sur la place publique, il rejoint ses congénères.
« Je viens de notre jardin », dit-il.
Si le patron, exaspéré de la répétition de cette scèno,
vient à le rudoyer, ou bien si la récolte arrive à être con-
sommée, il gagne le poste français le plus proche ; là, soit
au « bureau », soit chez les commerçants algériens installés
au « village », il trouve à s'employer comme aide-maçon
ou manœuvre quelconque à vingt sous par jour, et vit
à l'aise jusqu'à l'approche de la prochaine récolte.
Au commencement de Tété 1905, le ksar des Oulad-
Âroussa en Timmi avait ainsi une quinzaine de nègres « en
balade » au « village ».
Sur les plaintes de certains propriétaires, d'aucuns
furent « consignés » au « bureau », mais alors ceux qui
avaient porté plainte furent invités à fournir la nourriture
de leurs domestiques infidèles : le plus clair de leurs
maigres ressources y passa, et ils se trouvèrent guéris de
l'envie de recommencer.
Cette question des nègres est des plus graves dans les
Oasis : leur travail est nécessaire à l'existence du pays, mais
ils ne le donnent plus du jour où ils n'y sont pas contraints.
— 234 —
cependant il faut manger, et, comme ils n'ont aucune res-
source, ils continuent à vivre sur le bien de leur ex-patron
blanc auquel ils refusent leur travail ; cet état de choses
cause donc double perte au propriétaire : 1^ le capital
employé jadis à se procurer son travailleur nègre est
devenu une perte sèche ; 2^ Tentretien lui incombe du noif
qui, selon les mœurs locales, était jadis partie intégrante
de la maison et continue à se considérer comme tel, sinon
aux heures de travail, du moins au moment des repas.
Moins heureux que ce parasite, le propriétaire arabe ou
berbère a dû se mettre de ses mains au travail, pour évi-
ter que sa palmeraie ne périclite, que sa foggara ne s'obs-
true, choses dont se moque bien le nègre qui ne possède
rien : à Zaoulet-Reggane, nous avons vu des Ghorfa dont
la noblesse est aussi authentique et incontestée que celle
du sultan du Maroc, monter eux-mêmes dans leurs pal-
miers pour les élaguer, parce que leurs anciens serviteurs
nègres sont partis à Âoulef, à Insalah ou au Mzab.
Le côté le plus grave, vraiment inquiétant, de cette mise
en demeure infligée aux blancs de travailler eux-mêmes,
ressortira des impossibilités que leur oppose le climat,
ainsi que nous aurons l'occasion de le voir un peu plus loin :
nous aurons ainsi lieu d'apprendre que l'avenir même des
Oasis, leur existence, sont ici en question.
CHAPITRE III
Les Eaux
Les foggaras. — Recensement des foggaras en 1906, comparé,
pour Tannexe du Touat, avec le recensement de l'an 1670. —
Puits ordinaires. — Puits jaillissants indigènes. — Puits jaillis-
sants français.
Les toggmrmm» — Dans ce pays qui ne possède
aucun cours d'eau permanent, et où l'extrême rareté des
pluies ne procure de crues fluviales qu'à des intervalles
de plusieurs années, l'homme ne peut habiter qu'en buvant
l'eau qu'il va chercher dans le sol, et en se sei'vant d'elle
encore pour irriguer les cultures auxquelles il demande
ses moyens de subsistance.
A cette double fin, il utilise une couche aquifère qui se
trouve à une profondeur moyenne de quatre à six mètres ;
il l'atteint par des galeries qu'il pousse parfois jusqu'à
six kilomètres de distance, et dont le parcours est dénoncé
à la surface par les orifices de puits qui sont des regards
ou évents ; ces galeries, en arabe foggara^ drainent les
eaux sur tout ou partie de leur parcours, et viennent les
déverser à une hauteur convenable, sur les talus des
dépressions où, nous l'avons vuS sont toujours installées
les oasis, pour que ces eaux puissent être distribuées par
des canalisations ou seguias dans les palmeraies à irriguer.
Les foggaras constituent parfois des excavations consi-
dérables : au Timmi par exemple, quelques-unes forment
de grandes salles souterraines où vingt ou quarante per-
i. Sup. Introduction, pages 7 et 62..
— 236 —
sonnes pourraient se réunir et se tenir debout ; elles
comportent généralement une galerie principale qui re-
cueille les eaux amenées d'amont par plusieurs branches
secondaires, ce qui explique que la masse liquide débouche
à Tair libre avec Fabondance d'un gros ruisseau, parfois
même habité par des poissons pouvant peser 100 et 200
grammes.
A de rares exceptions près, les foggaras sont toujours
alignées de TEst à l'Ouest, et ceci est à rapprocher de cette
autre constatation, que les dépressions ou sebkhas sur les
talus desquelles elles viennent déboucher, ont Taxe de leur
longueur suivant le méridien, c'est-à-dire à angle droit
avec les galeries drainantes.
Cette double particularité semble bien de nature à
infirmer Topinion par quelques-uns admise, à savoir que
si, d'une part, les oasis gourariennes sont arrosées par
les eaux du Meguiden et des monts algériens passées
sous l'Erg, d'autre part les districts touatiens resteraient
en dehors du parcours de la Saoura-Messàoud, situé plus
à rOuest, et boiraient des eaux venues de Tàdmalt.
S'il en était vraiment ainsi, d'abord il faudrait rejeter
l'hypothèse la plus simple, à savoir que les eaux souter-
raines actuelles s'écoulent dans le même sens nord-sud
qui fut celui jadis suivi par les eaux superficielles, ainsi que
nous le montre l'alignement des sebkhas, et admettre que
le sens d'écoulement souterrain est orienté d'Est en Ouest,
ce qui est déjà un peu plus compliqué que la première
supposition ; ensuite Tinstinct, infaillible autant qu'incons-
cient, des cultivateurs touatiens les aurait incités à dis-
poser leurs foggaras en travers du sens d'écoulement des
eaux, c'est-à-dire que, dans le cas particulier, ils les
auraient établies nord-sud pour allonger la base de
réception, quitte à en couder ensuite le conduit terminal
pour le faire déboucher dans les palmeraies ; or ils ont
opéré tout autrement, et la presque universalité de leurs
foggaras est, comme nous l'avons dit, orientée est-ouest,
de telle façon que si les eaux venaient d'Est, la pointe
— 237 -
seule de ces aqueducs se présenterait pour les recueillir^
et que ces eaux reçues en pointe ne recevraient plus
d'appoint sur leur parcours, ce qui est contraire au fait
constaté.
Si Ton considère par ailleurs que les oasis touatiennes
sont échelonnées du Nord au Sud, et ne peuvent que
jalonner des lignes d'eaux souterraines ainsi orientées,
comme dans TOued-el-Hadjar, l'Oued-er-Rerael, TOued-
el-Henné, n'est-on pas amené à admettre que ce sont, non
des eaux du Tâdmalt, mais les eaux gourariennes venues
du Nord, qui, poursuivant leur cours vers le Sud, suintent
dans les sous-sols du Touat, et alimentent ses foggaras
justement disposées pour intercepter leur route sur un
maximum de largeur, c'est-à-dire le plus utilement pos-
sible.
Et que l'on joigne à cela la donnée communément admise
au Bouda, à Tasfaout en Timmi, dans le Fenoughil et
jusqu'à Timadanine, que les crues de la Saoura font sentir
leur répercussion tout au long de la « rue » touatienne ;
on verra que le Touat n'est peut-être pas si réellement
l'obligé du Tàdmalt que certains l'avaient pu croire. »
Il en est tout autrement du Tidikelt où les palmeraies
se sont installées aux débouchés des différentes coupures
de la falaise méridionale du Tàdmalt, s'abreuvant par
des foggaras orientées encore d'Est en Ouest, c'est-à-dire
suivant le travers du sens d'écoulement des eaux descen-
dues du Tàdmaît vers le Sud.
Une autre hypothèse serait encore fort admissible : à
part le Touat proprement dit, de Tasfaout en Timmi à
Timadanine, qui semble réellement profiter des crues de la
Saoura-Messàoud, — ce dont les habitants sont si persuadés
qu'ils ont signalé à l'autorité locale un barrage sableux
formé depuis ces dernières années à Foum-el-Kheneg et
détournant les crues vers le Nord-Ouest, et ont demandé
qu'on débarrasse l'ancien thalweg vers leur pays, — tout
le restant des oasis gouraro-touatiennes et même celles
du Tidikelt pourraient bien ne vivre, moins d'eaux
— 238 —
d^apport, que d*eaux locales restées de Tépoque dilu-
vienne, et emmagasinées dans le sol même de la région où
on les utilise.
Ce point de vue pourrait se justifier par la pauvreté
efficiente des régions soupçonnées de fournir ces eaux ;
en effet il existe dans le Sud-algérien deux nœuds monta-
gneux éminemment favorisés par les pluies, le Djebel-
Amour et le massif de Figuig, or leurs eaux vont, d'un
c6té, par Toued Djedi, au bassin subalgérien de TEst, de
l'autre, par les oueds Zousfana et Guir, à la Saoura-
Messàoud dont nous avons circonscrit le rôle dans le
Touat ; le versant sud des Hauts-Plateaux algériens inter-
posés entre ces deux nœuds est plutôt peu arrosé de pluies,
et les eaux qui en proviennent peuvent très bien se perdre
inutilement, soit dans les gouttières de Segguer. Gharbi
et Namous qui les canalisent, soit dans les régions de
l'Erg qui leur barrent la route' ; de son côté, le massif
du Tàdmalt, à en juger par sa détresse propre, ne
semble guère recevoir tant de condensations pluviales
que l'excédent puisse en parvenir jusque dans la dépres-
sion du Tidikelt et de l'oued Botha.
Il est donc fort possible que Teau dont vivent les Oasis
soit de Feau existant sur place, et résultant des imprégna-
tions réalisées avant la disparition des nappes superfi-
cielles.
Mais alors nous devons avoir affaire ici avec une provi-
sion dont Tabondance initiale diminue forcément, tant par
la déperdition spontanée que par Tévaporatiou causée par
le climat et dont nous aurons à nous occuper plus loin, et
aussi par la consommation qui en est faite par l'homme
et dont nous nous occupons en ce moment.
A première lecture, la liste des foggaras qui va suivre
va nous fournir une indication abondant dans ce sens.
On sait en effet que les Berbères, les plus anciens habi-
«
1 . Ce serait la justification du système des « zones d'épandage »
mis eD avant depuis plusieurs années par O.-B.-M. Flamand.
— 239 —
tants connus de ce pays, dénomment « tit » ou « timmi »,
non seulement une source naturelle, mais encore une perfora-
tion atteignant une couche aquifère dont la vigueur soit
suffisante pour que les eaux montent jusqu'à son orifice, et
s'épanchent sur le sol ; les Arabes, immigrés plus récem-
ment, donnent le même sens à leur vocable « aln ».
Or, dans Ténumération des bouches d'eaux que sont les
foggaras, nous allons relever un certain nombre de timmi
et d'aïn : nous sommes amenés à conclure que le premier
travail hydraulique humain constitua des bouches qui ont
vomi d'elles-mêmes leurs eaux au-dessus de la surface, ont
été jaillissantes^ et que, plus tard, ces eaux ayant cessé de
jaillir pour devenir seulement ascendantes ^ des galeries
furent creusées pour aller les chercher au niveau qu'elles
ne dépassaient plus dans leurs puits primitifs ; le timmi
ancien écoula ainsi ses eaux par une foggara qui garda
son nom ; et ceci sera confirmé un peu plus loin par la
mention que nous aurons à faire de quelques-unes d'entre
ces timmi ou aïn^ à Oulad-Mahmoud et à Kaberten par
exemple, qui n'ont pas cessé jusqu'à nos jours de déverser
ainsi leurs eaux sur le sol.
Nous possédons d'autres indications de la baisse des
eauK, de la diminution incessante du stock aqueux dis-
ponible.
Dans le Tinerkouk où les oasis s'irriguent, depuis que
l'Erg a ensablé leurs foggaras, par des puits ordinaires
forés dans la même couche aquifère, on sait qu'après un
laps de temps chacun de ces puits diminue de débit au
point d'imposer son remplacement par un puits nouveau
à creuser assez loin, 15 ou 20 mètres, pour atteindre la
couche hors de la zone que le puits ancien a drainée et
épuisée : cette période utile de chaque puits est, autant
que nos souvenirs sont fidèles, d'environ 25 ans.
Dans le Tidikelt, le niveau de Teau baissant, on a dû à
plusieurs reprises abaisser le fond des foggaras, au point
que le débouché de quelques-unes se trouve déjà au-dessous
du sol, et le moindre travail nouveau abaisserait de la
— 240 —
même façon fatale le fond de plusieurs autres : cela est
constaté dans le recensement nominatif des foggaras qui
va suivre.
Enfin, dans les trois annexes, on prolonge sans cesse les
galeries initiales des foggaras, ou bien Ton établit de nou-
veaux branchements ; c'est souvent, dit-on, pour augmen-
ter le débit, mais nous avons rencontré maints cas où Ton
avait simplement voulu en enrayer la diminution.
La déduction qui parait s'imposer de tout ce qui précède
est que les oasis sont installées au-dessus d'un approvi-
sionnement dès longtemps formé, dont l'importance, et par
suite la force ascensionnelle, d'abord très grandes, ont
permis d'obtenir des puits jaillissants, non seulement pen-
dant l'époque berbère à laquelle les Arabes ont mis fin vers
le x' siècle, mais encore pendant la période arabe et jus-
qu'à nos jours ; mais que cette importance de la couche
aquifère, non entretenue ou entretenue insuffisamment
depuis longtemps, est allée diminuant jusqu'à ce que la
plupart des puits jaillissants, des timmi ou af/z, se soit
transformée en puits ascendants reliés par des galeries
formant drains, les foggaras actuelles, lesquelles tout
comme les puits ordinaires accusent une diminution pro-
gressive de l'approvisionnement.
On trouvera plus loin de ces sortes de témoins linguisti-
ques de l'abondance aqueuse du passé tout au long des
Oasis : à l'Aougrout, chez les Khenafsa-du-Gourara, aux
Oulad-Sald, aux Oulad-Mahmoud, à Kaberten, au Timmi,
dans rOued-el-Henné, aux Titaouine, et, dans le Tidikelt,
à Chebbi,' à Akabli, à Tit, à Aln-Chelkh, à Aoulnet-Sissa,
et même à Inghar — le « lieu où se trouve de Feau
courante ».
Les foggaras sont la propriété de sortes de syndicats
qui ont compris, au début, tous ceux qui, par leur travail
ou une contribution pécuniaire, ont pris part à leur éta-
blissement ; chaque co-propriétaire a sa part d'eau fixée
1. Vid, sup. in Partie réservée.
— 24i —
et aliénable, et elle lui est distribuée automatiquement par
un appareil disposé près du débouché de la foggara.
Cet appareil est constitué par une sorte de peigne en
pierre tendre dont les intervalles interdentaires, auxquels
viennent se brancher toutes les petites seguias particu-
lières, sont calculés par une sorte de syndic, détenteur du
« registre de la foggara » ^ et de la plaque de cuivre percée
de trous qui sert pour le jaugeage.
Le distributeur en pierre est dénommé dans le pays
« kasria », et le syndic qui en surveille le fonctionnement
et tient Fenregistrement des mutations dans le personnel
des co-propriétaires est dénommé « keïal-el-miah » (me-
sureur des eaux).
Nous allons donner la liste nominative des foggaras,
avec leur débit exprimé en « habbas » * : nous devons rap-
peler» que nous choisissons ici, pour généraliser, Tune —
la plus usitée et la plus justifiée historiquement — d'entre
les diverses expressions similaires employées dans les diffé-
rents districts ; nous rappelons aussi que ni Tune ni l'autre
de ces expressions ne représente une quantité d'eau inva-
riable, mais au contraire une différente d'un district à l'autre,
suivant le diamètre du trou de la planche de cuivre en
usage dans la localité.
Pour faciliter les généralisations, l'autorité locale a,
au demeurant,admis une valeur moyenne de l'unité « habba »
qui est fixée à 3 litres 3 par minute d'écoulement, et vaut
de 5 à 100 francs selon les districts, soit en moyenne
50 francs.
Nous donnerons, pour les foggaras de l'annexe du Touat,
synoptiquement, le recensement de 1906 et un recense-
1. Ces registres ne contienneni qu'une pure nomenclature des
propriétaires d'eau, et ne donnent par ailleurs aucun renseigne-
ment, ni sur ceux qui ont établi la foggara, ni sur la date de ce
travail.
2. D'après les renseignemeats fournis par les caïds et les
djem'tas, en 1906, aux chefs d'annexé.
3. Sup. IntroductîoD, page 23.
17
— 24i —
ment opéré, en Tan 1670, par lecaldchérifienEn-Nacerben
Raho et un cheîkh touatien, sur l'ordre du sultan Moula!-
Rachid.
FOGGARAS DU GOURARA
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES FOGGARAS
DEBIT
Habtes
XOMS DES FOGGARAS
DEBIT
H«U»s
DISTRICT DE BARKA
Ëi-Kebîra et Mebrouk. . 113 5
El-Diedida 2 5
Sahel 5 1/8
OtDian ben Alssa (à Aiad) 243
Taghdjemnt 10
Bezii 10
Youcef ou Mhammed . . 30
Toukki 7 1/8
Oulad-Abdessemod . 3
Abdelâziz, Endjelt et Ghe-
cer 61 1/8
Noub 136 5
GHAROUINE
Sept foggaras non nom-
mées
Trois autres (à Taorirt) .
Deux autres (à Tinekram)
Deux autres (à Tagueizi).
DELDOUL
Amraguen 487
Seher 20
Ardjer 7
Aln-en-Nas 14
Yâkoub 64
Yeguen 387
El-Gheïra (à O. Rached). 293
Ed-Seghira 1000
El-Otmania (à O. Mah-
moud 37
Bâlala 10
DELDOUL
Mousa Babeker 25
({7 y a aussi des puits
jaillissants indigènes
sur lesquels nous revien-
drons plus loin)
Ottlad-Cheikh (à Kaberten) 30
Dallou 11
Amghoun 29
Bâabdallah 6
Hamma ou Amma. ... 11 !
Temdiat 4
Oulad-Aïach 5
( plus des puits ja illissa n ts
qui seront mentionnés
plus loin)
HAIIIA
Haiha 1364
Ksar-Yekkou 187
KALI
Hebbane 26
EI-Berrani 60
Azdine 162
Abersane 24
Aïn-ed-Dellou 40
Bou-Mennad 3
Badou 22
Salah 30
Djâfer 40
Toukki 69
— 243
FOGGARAS DU
GOURARA
NOMS DES POGGARAS DEBIT
NOMS DBS FOGGARAS
DÉBIT
Habbtii
Hahbas
KALI
Tabat 4
Bou-Ohenalm 3
Ba-AmranelàAguentour). 105
Ba-Yedda 430
Tasâmoud 170
Aghlou (àTala) 30
Oulad-Abbou 75
KHENAFSA-
D'AOUGROUT
Djedaïa (à Zt-Sidi-Abdal- 59
lah)
Badriane 20
Mahkoub (à Tala) .... 38
Affhzer Guedim 163
Aghzer Djedid à (Tina- 50
klîne) •. . .
Djaâ 15
Yesmî 20
Badallou 136
Timmi-Mahnioud (à Ben-
Aïd) 31
Timmi 20
Oaziden 52
Hennedj (àTibergbamime) 60
Badriane 70
Sidi-Mhammed 140
Ël-Aouina 7
Taghderat 140
Timmi 3
TintcKbmert (à Ksar-EI-
Hadj) 48
Tîmmi-El-Masri 100
Djedaï-El-Hamir .... 12
Takaliou 15
Timmi-Ben-Youb .... 300
El-Kebira (à Abboud) . 156
Cheïkh-Abmed-Ba-Salah . 15
Sidi-Moussa 8
Timmi-El-Hadj (à Zt-Sidî 3
Omar
Guernedj 110
Timmi-Ei-Hadj-Ali ... 12
Timmi-Chorfa 12
Ei-Mesdjed 90
KHENAFSA-
DU-GOURARA
Ki-Kaïd (à Hadj-Guel- 107
mane)
Gheser 26
Souahel 20
Haroun 73
Badi 180
El-A!ne 7
Tâzzi 8
Taflit 5,5
Haroun (à Tiioulne) ... 24 1/4
Ba-Moumen 4
Bel-Azz 21,5
Tahnout (à Taghïart). . . 85 1/6
Semghane 20
Djedid 39.5
Taflit 4
El-Djoufia (à Ferâoune) . 50 1/8
Berrat 12
Ël-Mers (à Mâmoura) . . 10 ^
Adrar 8 1/3
Akabli (à Yeghzer) ... 55 1/2
Ba-Meziane 11/6
Takouine 2 1/2
El-Kenli 2
Badou (â Baba-Yedda). . 26 1/2
El-Medhert 3
Adjdel 15
Mesahel. 7
ManeksiMà EÎ-Kef). .* . 140
El-Malah 1
Oulad-Hadj-Mansour . . 7
Tahfou 4
Ouiad-Akhioun 73
Bamelik . . .' 2
El-Ferfera 2
Ei-Bediû 8
Hadj-bou-Hafs 2
Houd 15
Nâamet-Ailah 1
OULAD-SAID
Amokrane 188
Hadj-Abdesselam .... 38
Malakdouch 122
Ëi-Mansour 48
— 244 —
FOGGARAS DU GOURARA
NOMS DBS FOGGARAS DEBIT
Habbtii
OULAD-SAID
Tadjera 269
Aïssa 197
Kl-Hampa 58
Badghagh 126
Abbani z45
Taouadjat 30
Tasmamet 10
Taflit 1
Ëi-Aroussi 22
Akdoun 1302^3
Affhid 60
Ed-Dik 45
Taflit 18
Mohammed-Kadî .... 12
Taflit 1
Bazaîd 50
Interit 122
Amokrane-Tît 82
Bakbak 11
Youcef-Saîd 14
Tadkhet 16
Ei--Ras (à Arlad; .... 29
Aghlad 19
Figuig (à B.-Mehlal). . . 171 1/2
Tagrout 26
Semmah 141/2
Beziz 3
Agrab 1 1/2
Zerez 0,lkirat
Taghzout 35
Abghough 18
Baiz 13
Aftane 0,5
Akellou 2 1/2
Amhala (à Lichta) .... 35
El-Mâïz 28
Tasmamet 24
En-Nacep 8
Terdhet (à Amrad). ... 12
Taârrabt 2
Aïn-Es-8eïd 3
Temedehert 7
Aïn-Adrar 12
Amrad 5
Taourihat 8
Tezlaleght 1
nous DES FOGGARAS DBBIT
OULAD-SAID
El-Berrania 8
Tamrihet (à Semmota). . 50
Tamdehert 30
Ghaleb 4
Gherîf 10
DISTRICT
DE T.VANTAST
Yebhoa (à Tâantast). . . 7
Akmoas 20
Sagalet-Moula 2
Mesehel jà Z.-Debbagh). 135
Belbal 7 1/3
Aouça 5
Akboup 10
Sidi Kaddour ben Hamza 7
Minou 29
DISTRICT
DE TIMMIMOUN .
Azekkour (à Timmimoun) 810
Ali ben Hadj 80
Amokrane 419
Sidi-Otmane 18
Sidi- Abderrahman- Salem 20
EI-Berrania 16
Aïssa 52
Azdiyioe 385
Teialet 27
Hammou-Guelmame. . . 302
Tamàouanet 20
Entiret 50
Abou-Yahia 130
Tanâssa 40
Am^hir 918
Entiret-Oulad-Bmhim . . 58
Azer 37
Aghil 68
Barkat 28
Alssa ben Temime. ... 9
Amokniae-Oulad-Noah . 50
Djeher (à Macine). ... 8
Amrag 7
El-Fegaguir (à Tadlest) . 467
— 245 —
FOGGARAS DU GOURARA
NOMS DES FOGGARAS
DBBIT
Habtws
DISTRICT
DE TIMMIMOUN
El-Kadhi 8
Tadlest (à Amzegagh) . .
Saf son 72
El-Kebira (à El-Ouadjda). 170 1/2
Amokrane 4
Abhadj 115
Sidi-Mahfoudh 2 1/2
Temana (à Temana) ... 100
Hadj-Yahia (à O.-Dahar) . 9
EI-Kebira (à Tasfaoat). . 12 1/3
Es-Seghira 5
Taiir(èEl-Ahmar). ... 121/2
Tabou 4 1/6
Aïn-Otmanc 12 2/3
Baloka 11 1/6
Hendelès 20
Tenine 19 1/2
Ei-Abba8 (à Z.-Sidi-Bel-
kassem) 64
Senag 10
Agher 3
Tamkount 6
Ousif 31
Amgoub 8
Riâ 6
Yâkoub (à B.-Guemma) . 40
El-Mechrâ 26
Ben-Youcef 34
Tademal 115
Mazer (à Charef) 100
Ninou 10
Fatis (à Akbour) 165
Timmî Ben-Aïd 3
Timmi 12
Timmi Mohammed ... 3
El-Oulid (à Toupsit). . . 114
Anit 130
Yâla 26
Ben-AUal 70
Tamestine 3
Akboup 70
Babba 24
Ba-Youcef 40
Adjdip 55
Ahennî (à Benî-Mellouk) . 64
Tafertast 19
NOMS DES FOGGARAS
DISTRICT
DE TIMMIMOUN
Khebip 12
Djebbagh 15 1/3
Abbou 6 1/2
Ba-Yedda 24
El-Mebpouk 18
El-DJiane 6 1/3
Abadj 5 1/2
DISTRICT de TELALET
EI-Kebipa (à Telalet) . . 150
Boupkane 25 1/2
Ba-Yedda 130 1/2
Messâoud (à Alamellal) . 77
Baskat 17
Quatpe Fog^pas réunies 58 1/3
HennaDOU (a Aghiai) . . 132
Tahtout 10 1/2
Deldoul 14 1/4
Felfel (à Badpiane) ... 113
Bou-Rabah ^24
Mendas 10
Akhabi 110
Es-Seflania 10 1/2
El-Khalfi 4
Ez-Zeg 33
Yahia 20
Semmam 8
El-Kebipa 17
Ei-Mehdi 10 1/3
Ba-Aziz 7
Oulad-Mâlli (à Tepouaïa) 61 1/2
Akpane 8 1/2
Cherkiyine 52
En-Nisa (à Azekkoup) . . 85
Touchent 18
BTouha 4
Teganet 36
Houd 18
Semah 2
OULAD-AISSA
Messâoud 9903
Amhari 3402
Adjil 4403
El-Moumen 6803
— 246 —
FOGGARAS DU GOURARA
NOMS DBS PO«GARAS DBBIT NOMS DBS FOGGARAS DÉBIT
METARFA "«^^
SâHELA & OULAD ALI Une Foggara
El-Kebira 64 OUFRANE
Bon-Slah 9 Ba-Abdallah 10
Ben-Selmane ...... 2 Bessemam 14
El-Foggara 4 Er-Righïa 26
Djem 5 El-Hamra 25
El-Guebla 3 Baçoula 75
El-Ammar 1 6a-Moussa 33
El-Foggara 2 El-Djedida 21
Il nous reste, pour compléter l'annexe du Gourara, à
donner les foggaras du Teçabit ; mais comme ce district
fut compris dans le Recensement du Touat effectuée en
1670, nous allons dès maintenant commencer le tableau
synoptique des deux recensements ^
1. Voici le préambule d'une copie de ce recensement trouvé à
Zaouïet-Kounta :
Au nom de Dieu clément et miséricordieux !
Que Dieu répande des bénédictions sur notre Seigneur Moham-
med !
Ceci est une copie du registre de recensement des eaux du Touat
dressé par ordre du serviteur du Sultan à la fin de sa far iOSi (juin
1670).
Elle contient le recensement détaillé tel que nous Faons trouvé
dans une vieille copie en partie détruite par les vers ; nous avons
laissé ces parties en blanc jusqu'à ce que la trouvaille d'un autre
exemplaire permette de les remplir*.
*G*est précisément ce qu'il nous a été possible à nous-môme de faire
car nous avons découvert une seconde copie de ce document au Bouda,
et nous allons en présenter une leçon complète.
Au nom de Dieu clément et miséricordieux !
Que les bénédictions de Dieu soient sur le Prophète !
Sur Fordre du Sultan noble^ de Vlmam Moulat-Rachid ben
Moulai- Ali — que Dieu le rende victorieux et soutienne ses soldats
contre les ennemis !
Son serviteur Mohammed ben Bou-Beker ben Cheikh Et-Touati
a opéré le recensement des eaux du Touat de façon complète et
équitable ainsi quil suit :
— 247 —
POGGARAS DU GOURARA
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906*
NOMS DES POGGARAS
DEBIT
NOMS DBS POGGARAS
DÉBIT
Habb«B
EAUX
DE BOU-YAGOUB
Les quatre segulas de Bou-
Yâcoub (sic) 2 2 kirat
Ibirki, à Aflane 2 ?/6
Oulad-Abdallah 1 ?/6
Oulad-AIi 1/6
Atrif 2/6
Youtas 2/6
El-Loua 2 2/6
(Ksar ruiné, ses eaux ré-
parties eiitre Ariane-er-
Ras et Brinken).
Ibrîk (à Ariane-er-Ras) . 114
Ta-Abdallah (à Arïane-er-* 6
Ras) 404
Oulad-Ali 4
Ba-Attaf (à Anane- or-Ras)
Morte —
El-Lalou — 8
Ba-Mimoun — 3
Batâla - lu
EAUX
DE BENI-ARKANE (sic)
Taremmanet 2/6
Ameskour 2 Sl/6
Zellou 2/6
Agner-Maguer 3 3/6
Oulad-.\bbou 2 3/6
Aguer-Nenedj 13/6
EAUX DE BRINKEN
Oulad-Abbou
10
1. Nous ferons correspondre face i\ face les foggaras de 1670 et
celles de 1906 qui s'identifient ; quand à celles de 1670 qui ne sont
pas citées en 1906, on peut les considérer, d*ores et déjà, comme
mortes c'est-à-dire taries, soit par éboulement, soit par abandon
de leurs propriétaires ; nous mentionnerons mortes, en 1906, celles
pour lesquelles le renseignement nous est rapporté ; pour les autres
la place reste en blanc et pourra être remplie par ceux qui se trou-
veront à môme de compléter le renseignement ; quant aux fogga-
ras de 1906 non cités en 1670, ou bien elles sont de construction
récente (on en établit encore de nos jours), ou bien elles furent,
lors du recensement chérifien, laissées intentionnellement de c6té
comme appartenant à des merabtines ou des chorfa exonérés do
l'impôt sur les eaux.
— 248 —
FOGGARAS DU GOURARA
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906
NOMS DBS FOGGAKAS
DEBIT
NOMS DES FOGGARAS
DEBIT
EAUX
DE BENI-AKRANE
Aguer-Nâmer 11/6
Taghdjemt 4/6
Asmam 1 3/6
Oulad-Mohammed. ... 4 3/6
Ammi-Amer, à Âfluiu' . . 11/3
Aguer-Mohammed. ... 2/6
Amimoun 2/6
Denegsane 5 2/6
Beshane 2 3/6
Bou-Beker ben Ali. ... 4
EAUX DE AMOUR
Seçaïa-Kebira 20 1/6
£l-Mansour 5
Aguer-Menedj . ... 3 4/6
Aïach 13 4/6
Hammad-Adjren .... 2
El-Mansour 5
Ba-Mekhlouf 2
En-Nekhla 4 3/6
Bouziza 2 3/6
El-HadJ El-Aïd 2/6
Onlad-Brahim 1 2/6
Otmane ben Aîssa. ... 111/6
Taghdiemt 2 1/6
Youcei ben Ahmed ... 5
EAUX D'OUDJLANE
Bouttaouanf^ 32 2/6
Asdjir 2/6
Oulad Amoi- 11/6
Moussa ben Saïd .... 02/6
Taghdjemt 2 2/6
Aguer-Nenedj 4
Efl-Siba 9
EAUX DE BRINKEN
Taghjemt! 10
Besmam 3
Oulad-Mohammed. . . 28
Denegsen 28
Bou-Beker 49
Mohamed ben Mohammed 2
Areb 24
El-Beledj 4
(ksar ruiné, ses eaux
réparties entre Brinkeu,
Alad et Hammad) :
Amour(àBrinken). ... 60
El-Mansour (à Brinken) . 80
AJbiach (à Hammad). . . 25
El-Mansour (à Brinken) . 80
EUKhelef (à Brinken) . . 15
En-Nekhcl (à Hammad) . 30
Bouziz (à A¥ad) 10
Otmane ben Aïssa (à Âîad) 243
Taghdjemt (à Aîad) ... 10
Youcef ben Ahmed (à Aïad) 30
Toukki (à Aïad) 7
El-Melah (à Hammad). . 10
EAUX D'OUDJLANE
Morte.
Morte.
Morte.
Morte vers 1874.
Saïba 55
Aboutoual 300
— ^49 —
FOGGARAS DU GOURARA
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906
IfOMS DES FOGGARAS
DEBIT
NOMS DES FOGGARAS
DEBIT
EAUX D'EL-MAIZ
Siba-Kadima 2 2/6
Abdallah ben Yeddou . . 2
Yahia ben Mohammed. . 1 1/6
Aouragh 2 3/6
Abbou 16 3/6
(puis sar nouveau jau-
geage) 3
Aguer-Nenedj 5 4/6
Sederman 14/6
Amer ben Salah 4
Alssa ben Yâlou .... 04/6
EAUX D'EL-MAIZ
Seïba 215
Aouragh 55
Abbou 260
Aguernedj 12
Amer ben Sâlâh. ... ! 57 4/6
Ben Yâloul 28
Djerm-Aghrem 310
El-Amech 21
EAUX DU KSAR-YAHIA
(D'EL-HEBLA)
Aguer-ou-Aghrem . ... 5
Oulad-Youcef -14/6
Oulad-Yâkoub 2 2/6
Moussa ben Mohammed. . 3
Betine 2
Youcef ben Boubeker . . 1 2/6
Affuer-Netmane 7
Yakoub ben Youcef ... 6
AderghalOulad-bou-Saïd. 10 1/6
Bou-Slah 11 5/6
Ben-Talha El-Kebira . . 17 3/6
Abdallah bou Youcef . . 3
Aderghal, à Ben-Talah. . 3/6
Taghdjemt, à El-Hebla. 3/6
EAUX D'EL-HEBLA.
Moussa ben Mohammed. 53
Yâkoûb'. .* .* ." .' .' ! 53
Boû-Slâh'. .[,..'.. 92
Beni-Talha 72
Taghdjemt ....... 3
Moulaï-Ali bou Youcef . 24
Aderghine Moulaï-Cherif. 3
Mohammed Salah-El-Gho-
mari 3
El-Djedid 49
Aderghane El-Hadj ... 15
Moulaï Salem 30
Djertir 53
El-Hammada 50
— 2S0 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 16T0
NOMS DES FOGGARAS
DBBIT
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES FOGGARAS
DÉBIT
Habfau
EAUX DE BOUDA
Hadi-Ahmer El-Gharbi. . 6 3/6
Hadj-Amer Ed-Douni . . 9 2/6
El-Hadjadj 5
El-Melah 2/6
Ben-Rehouane Seghir. . 2 2/6
Saguiat Sefianes .... 21/6
Bouzîd
Ba-Moussa 2 1/6
Terou-El-Azz 5 4/6
Oueheïaten («) 1 1/tf
Mesmouâ 3 2/6
Bou-Khezer 11 4/6
Mahrez 4 2/6
Mohammed Abdallali . . 7 2/6
Hammou 4 2/6
Tamellalt . . 13 4/6
Abdallah beo El-Azz . . 2 4/6
Taàmrane, à Benî-Lellou. 8 3/6
Atïou-Lellou 8 4/6
Amenasser 8 2/6
Habbts
DISTRICT DE SEBA («|
ElGhaba 27
Afergane 77
Ba-Otmane 117
El-Kebira 267
Tarzî 300
Dahha 123
Oulad-Aîssa 171
El Hamra 43
EAUX DE BOUDA
Hadi Amer Seghir. ... 54
Hadî-Araer E^Kebir . . 78
El-Hadjadj 12
Morte.
Morte.
Morte.
Bouzîd 159
Bou-khezer. ...... 63
Mohammed Abdallali . 143 3.6
Hammou 12
Tamellalt 432
Taâmrane 30
Morte.
1. Le district de Sebâ échappa au recensement de 1670, comme
appartenant à des merabtines exemptés d'imi^ôt (cf. supA,
z. Tiendrions-nous ici un témoin linguistique de l'ancienne
Oueheîati (sup., p. 115), ou Ouellegueïa {sup., p. 31). Un scrupule
nous arrête dans cette identification, pourtant aussi justifiée, en
apparence, que plusieurs autres rejg^ardées comme acçiuises : c'est
que le chroniqueur ElOucheni précise que Oueheîati se trouvait
en Tigourarine ; Jamais un Touatien n'a compté le Bouda dans le
Tigourarine ou Gourara, qui était, jadis, le bassin immédiat de la
Seokha, sans plus.
— 251 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906
NOMS DBS FOGGARAS
NOMS DES FOGGARAS
EAUX DE BOUDA
Yâdouch 2 4/6
Bahout 05/6
Mellel Mekhlonf 5
ou plutôt isic) Yâllou. . . 3 1/6
Diemm . 15 4 6
Anhil 3 î/6
Dahïane 3 4/6
Bezkoup 7 2/6
Zehep 3
Atemghar 5
Atma. . . : 3 5/6
El-Khanfous .... 3
Ag^er-Magtter 9
Ba-Diemm 7
Hachlaf 1
EAUX DE TIMMI
Tidji (àOuibna) 12/6
Amar ben Youcef .... 74/6
Taâïssa. . 2
Ali ben Yoùb »
Taffhdjemt '. 26
Ouïad-Youcef 9 2/6
Amar ben Aïssa 3/6
Takemmel ' 1
Makhlouf 2 3/6
Tezouat 5 3/6
El-Mebrouk 4/6
Aflane Amzitane ... 14/6
Ba- Youcef 2/6
Addou 21 3/6
EAUX DE BOUDA
Yâdouch 684
Yâlioû .' .' * .' .* .* .* .' ! 108
Djemma 46
Agfuer-Magfuer 108
Ba-Dîemm 251
Hachlaf 22
El-Boup 276
Ba-Bekka 283
Aggakour 18
Takouzzi 18
Habbi 18 2/6
Tarbez 18
El-Feguiguira 135
Souhel 18
Taïr 63 3/6
Ba-Messâoud 22
[piits 12 fosgarai mortes)
Toukki (àMeraguen) . . 20
Zaouïa (à Meraguen). . . 120
Aghis (à Meraguen) ... 40
EAUX DE TIMMI
Tagfhdjcmi '. ',''.[ '. '. 4544 k.
Ouïad-Youcef 2304 k.
Tezouaïat. ....... 150 k.
Adduôi! '.[',.]'.'.'. 567k.
252 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
DÉBIT
NOMS DES FOGGARAS
EAUX DE TIMMI
Taghraf 2
Baloud 12/6
Amrad 9
Talmalz 6 5/6
EAUX DES OULAD-
AROUSSA
Aguer-Maguer 4
Youb 2 ?/6
Amzel 13/6
Adjedlaooane 20 2^/6
Aguer-Nenedj EI-Kebir . 22 1/4
Takhamer 4 1/4
Ba-Mousa 2 2/6
El-Kas 8
Tayoucef 2^/6
Terkeml 13/6
Oulad-Boabeker Kedima. 2
Oulad-Ali Djourou. ... 22 1/6
Dahmane 2 3/6
Afiane, à Beni-Tamert. . 2 1/6
Terkamt 9
Sidi Salem 2
Adjmad 4 1/6
Aggam 1
Ba-Alssa 22
El-Ghazi, à Akbou. ... 2
Ghesser 6 4/6
Gherlaoe 5
Ali ben Bahassen .... 6 t'6
Mousa 5 3/6
Sehel 8
Ba-Sehel 1
Taçhdjeint 2/6
Mekhlous, à Tezdaï.. . . 11/6
Asffhal 13/6
Oulad-Ghenoum 11/2
Abneîen ben Harzane . . 11/2
HablM» Rirut
Oulad ben Miloud. . . . 11/3 et 2 1/2
Taghrafet . 1 h. 1/6
Taâtart h. 4/6
Ougueddira 2 1/3
Daber 10 1/3
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DBS FOGGARAS
EAUX DE TIMMI
Amrad
DKBIT
Kim
260
Youb 40
*
Adjedlaouen 1000
Aguer-Nedj (Oulad-Oun-
gal, Ouiad-Ali) .... 1600
Ba-Mousa 120
El-Kas 450
Youcef 53
Oul'ad-BoûbiQker. ! ! . . 760
AjBane . ! 70
Tepghamt 20
Sidi Salem 8U
Ba-Âïssâ . . . . . . . . 160
Bl-Ghazi 140
Gherïàn'e.* .' .' '. l '. '. . 150
Ali ben Hassen 145
Mousa 300
Souhel 80
Bou-Sehel 90
Taffhdjemt 186
Mekhlous 11 h.
Oulad-Ahneîen 9 h.
fafttart". . ' . . '. '. '. 9 h.
Ougueddim. 223
Dahep 700
— 253 —
FOGGARAS DU TOUAT
UBCENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 1906
DKBIT
NOMS DES FOGGARAS
EAUX DES OULAD-
AROUSSA
Yekhief 4 1/4
Adghagh 6
Meknas 41/4 — Id.
Tayezidine 3
Tamasine 3
Oulad-Olmane 19 5/6
Aguer-Nenedj Seghir (aux
Oulad-Oangal) .... 65/6
(Aucune des deux copies de 1610 ne roen -
lionne ce district, ni ses foggaras).
NOMS DES FOGGARAS
EAUX DE TIMMI
DEBIT
Kirat
Yekhief 200
Adghagh âO
Meknas 100
Masine 450
Oulad-Otmane 180
Aguernedj (Oulad-Oungal) 700
Djenanat Beddou .... 13
Sidi Abdallah 7
Kebira (de Kousam). . . 60
Ben Amor 20
Djaïba 650
Foggapet-El-Arab. ... 50
El-Kandefa 8
Ighennou 60
Bouzab 12
Tazerzala 15
Cheikh 40
Zaouiat-Mimoun. ... 40
El-Diedida 40
SîdiEl-Habib 5.V
Aliya 50
Sidi Mohammed 10
HadiMekki 7
El-Harratine 18
Oulad Hamza 20
Ard-Djedida 220
Es-Sebkha 35 h.
Ghezi (source El-Bekn) . 30 h
El-Abid 3 h.
Abenkor 3 h.
Sidi-Taïeb 230 li.
Amazer 17 h.
Djenane-Kebir . . . . 10 h.
Ech-Cheikh 95 h.
Zaouïet-Tinilane 98 k.
Es-Sebkha 105 k.
Tarahmoun 44 k.
Baghdad 29 k.
EAUX DE BOU-FADDI
El-Ksap 46 h.
Oulad Mohamed benYaîch 100 h.
— 254 —
FOGGARAS DU TOUAT
RKCEXSEMBNT DE 1670
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES FOGGARAS
DÉBIT
Habbw
NOMS DES POGGARAS
EAUX DE BOU-FADDI
DEBIT
Ël-BouzidTa . . .
Bour El-Amach .
El-Mechrâ . . .
Telmetine. . . .
Taoua
Abenkor ....
Souilha
Bour El-Hassane
El-Ghaba ....
82
8
370
29
47
386
114
16
6
EAUX DE TAMBNTIT
Anhil,Tourouapt,TibyaWa
Ouâdallah et Tahammou.
Ag^er-Nenedj. . .
iMoasa, EI-Alz,Tikedoaine
El-Djenane
Taâtmane
Lokmane
Taharrart
Ourmelane Seghir. . . .
Taâmghar ......
Ourmelane Kebîr ....
Haghdad
Boudi
Oulad-Yahia
Mazer
Yeddou
Babboukh
Takrezt et Lacheheb. . .
Abenkor Ali ben Yousef .
Abenkor Oulad-ba- Ahmed
ben-Abdaliah ....
Abankor Ba-Sâd et Oulad
ba-Hammou ben Abder
rahmane . .
Achbel, Aïssa et Ali
Hennou. . .
Sidi Baballou.
Ba-Slah. . . .
Taghdjemt . .
Ali-bou-Yâcoub
Youdjer. .
HeddoQ. . . .
9 2/6
1 3/6
8 h. 2 k.
1
5/6
3/6
7 2/6
2
1 1/4
2 1/6
6 4/6
11/4
Hibbn Kir.
3 2/6 et 11/5
2
8 4/6
2 3/6
12/6
4./4
4/6
1 3/6
1 3/4
11 3/4
Ih. -2 k.
3h. lk.1/2
3 3/4
3
4 k. 5/6
4/6
EAUX DE TAMENTIT
Anhil
Mousa . .
El-Djenane
Ourmelane Seghir.
Ourmelane Kebir .
Baghdad
Boudi
Mazer
morte,
morte.
Oulad- Hammou.
morte.
Hennou
Taghdjemine
159
50
36
223
188
19
112
87
192
96
— 255 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DBS FOGGARAS
DEBIT
NOMS DES FOGGARAS DEBIT
HalilMS
EAUX DE TAMENTIT
Aguer-NenedJ 3
Bookkou et Ali 3/6
Taghraf 2/6
Tazout 2/6
Aguer-Bouragh 1—1 k. 1/5
Tafernine 2 k. 1/2
Les Oulad Sidi Moham-
med bon Ba-Haddou
ont, à Tasfaout. . . .0 2/6+0 k. 3/6
EAUX DE TASFAOUT imm Kint
Taçhella 11/2 et 13/5
Aboou 2 h.
Boubeker ben Salem. . . 1 h.
Yeddou 3 h. 1/4
Ba-Youcef 6 h.
Taâmor 34 h. 2/6
Oulàd-Boubeker Sidi uabbas Kir.
Bajrahia 11/2 et 2 1/2
Tamimoun 5 h. 4/6
Hennou 3 h. 1/2
Ouriadi 1 h. 5 k.
Talahsiane 4 h. 1/2
Terkamt 4 h. 2/6
Bou-Amrane et Brahim . 1 h. 3/6
Tasahri 3 h. 2/6
Yaghoullou h. 1/8
EAUX DE TAMENTIT
Aguerned] 22
Morte.
Morte.
Morte.
Cherif. !'.!'.!!.!! 54
Makhlouf 128
Takerzit 50
El-Gheïr 35
Guebabane 80
Adiguer (ou Adiguen). . 52
SidiOuAU 50
Sidi Touhami 26
Mimoun 18
Taghouart 25
Aïssa ou Ali 73
Adjemtane 28
Tetdouine I9
Denegsen. 136
Amgruid 100
Bel-Hadj 25
EAUX DE TASFAOUT
Abbou 57
Yeddôu! .' .* .' .' .* * '. '. 42
Ba-Youcef 23
Taâmor 63
Tamimoun 63
Terkam . , . 12
Yaghôuilou. ..!.!'! 33
— 256 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906
NOMS DBS FOGGARAS
NOMS DES FOGGARAS
DÉBIT
EAUX DE TASFAOUT
La part des gens dWbani
dans la s^uia Moham-
med ben Boubeker . . 4 h.
Ik.
EAUX DE TASFAOUT
Akabli
Màtallah
Ba-8alah
Taffhdjemt
Tadimine
El-Harratine
Masîne
Ould-Baabdallah ....
Ahem
Asemmane
Bessedra
Sidi AU
Mesaghra
60
14
54
18
12
30
24
13
33 1/2
86
11
14
Tabet 2 h.
Mohammed ben Moumen 1 h.
Mesdjed Oh.
El*Mansoar Oh.
4/6
2/6
1/4
EAUX D'ABANI
Tabet 100
El-Menaçir 8
Moulai-Ahmed 134
MâtaUah 4
El-Mlîha 12
Ben El-Alem 25
Tabrahîm 365
EAUX D*OUDGHAGH
Mohammed ben Boubeker h. 3/6 1 k.
Oulad-Brahim 1 h.
Ba-Mamoun et Abdallah. Oh. 5/6 1 k.
Oulad-Aïssa h. 1/4
La seconde Oulad-Aîssa. 1 h. 1/6
Taghdiemt et Smâïl. . . 5 h. 3/6
Boubeker 2 h. 4/6
Talkaït 2 h. 3/6 2 k.
Gheser, dont la part des
gens d'Oudfi^hagh est. . 4 h. 1/2 1 k.
et la part des gens de
Brahim est 15 h. 1/2
EAUX D'OUDGHAGH
S'màïl' '.'.'..'. '. [ .* 122
Boubeker 115
Ghêsêr! ..!!!!!! 284
(dont aux gens de Bcn-
Hemi est 124)
El-Xliouchia ...... 20
— 257 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES FOGGARAS
DÉBIT
NOMS DES FOGGARAS
DEBIT
Habbas
EAUX DE BRAHIMi
EAUX DU FENOUGHIL
Messâoud 5 h. 1/2
Ben-Aîne 28 h. 1/2
Takouz 1 h. 1/6
Medroum 6 h. 1/2
Hammou, à EI-Mansour. 3 h. — 1 k.
Tedmaït, à Makra ...... 4 h. 3/6
Terkamt 2 h. —2 k.
Asmam h. 3/6
Adel 4 h. 3/6
MessAoud 174 h.
Ben«A!ne 629 li.
Takouza 18 h.
Medrouma 99 h.
Hammoa 40 h.
Tedmaïne 145 h.
Ade'l '. ! '. \ '. ! ! *. ". ; 54 h.
Hammoa-Bekkou .... 26 h.
Sahara 84 h.
El-Kasip 118 II.
Bou-SIah 28 h.
El-Ouadjda 8 h.
Mazep 283 lï.
Yahia 59 h.
Oulad-Mobarek 5 h.
El-Ahsane 40 h.
EAUX DE NOUM-EN-NAS
Taghdjemt 4 h. 3/4
Aguer-Aoulem 1 h. 5/6
Bou-Hafs 4 h. 2/6 2k.
Ariane Oh. 2/6 2k.
Oulad Selim 3 h. 2/6
Agucr-Mezzi 7 h. 3/6
Oulad-Aïssa 1 h. 1/6
Ali ben Yahia 2 h.
Oulad-Bou-Zid 1 h. 1/6
Noum-en-Nas 2h. — 2 k.
Abd-el-Adhim 1 h. 2/6
Oulad -Otmane 5 h. 2/6
Ag^er-Maguor h. 4/6
EAUX DE NOUM-EN-NAS
Taghdjemt 8 h.
Agueloulcm 38 h.
dul'ad-Âïssa ! '. ! ! ! ! 21 h.
Oulkd-Boi-Zid . . . '. . 4 h.
Noum-en-Nas 17 h.
dul'ad-dtmane. !'.!!. 108 h.
Taghdjemt Êl-Ksar ! ! ! 20 h.
Abbou 8
Tatî ou Amer 127
Makar 24
1. Personne ne connaît mnînlenant remplacement qu'occupa ce ksar
du Fenoughil.
18
— 258 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 1870
DEBIT
NOMS OKS FOGGARAS
EAUX DU TAMEST
Ifadj ben Khedda (à Ba-
Amor 1/6
Ilammou-Tarki 14 3/4
Babeliou ben Cheîkh . . 2/6
Sid Ahmed et Taleb Man-
sour 1
Ilammou-HeQOUD .... 03/6
Mazcr 11/4
El-Melah 1/4
El-Hampa 2 1/4
Taleb Yousef ben Miioud
<à Ba-Amor) 1/2
Akerned 1 h. 2 k.
Tedmaït et Yacoiib ... 05/6
Bedegh 1 h. 1 k.
Youlfel Oh. 5 k.
Taferra 4
Oudji 2h. lk.1/3
Tanouh 3
Tamasseght 3 2/6
Asmam 2 1/6
Taâmclt 13/6
Talemt 2 1/5
Bezdem 11/8
Tamousa ou Aiiior ... 2 2/6
Ba-Said 13/4
Aghas 3
Tarfidjeml 2 h. 1/6
Sahela h. 2 k.
Aux Oulad-Antar dans la
segaiaTamalt 6 h. 1/2
Tamallem 4 h.
Talmaït 1 h. 1/6
Oulad-Youcef 8 h. 2 k.
Ouhamed 1 li. 1/6
Tasbakhl 1 h. 1/2
Mahrez h. 1/2
Andjem Ji 4/6
Taouamma lh.4/6ik.
Taçhraft 1 h. 1/2
Oulad-Otraane 2 h. 4 '6
Tadjennou h. 1 6
Rahahna 4 li. :>'6
Oulad-Mohammed . ... Oh. 5/6
Anàm 6 h. l'2
XOMS DES FOGGARAS
EAUX DU TAMEST
DF.B1T
HaUns
Hanimou-Tarki et Dje-
nane-Bellou 134 12
Djenane Sidi Ahmed. . . 2
Hammou-Henonn « ... 17
EI-HamVa*(Ba"-Amor) .' .* 40
Bour Taleb 134
Tedmâlt .' ' .' . .' ." 8
Boudagh àO
l Oudji et Taftir 168
Tamasseght 46
Tasmamt 97
Mottsa ben Amer .... 20
Aghas 20
Taghdjemt 14
Sahela 60
Tamalt 75
Tamallem 58
TayoiÎBêf(Br.Ahmar).' .' .' 130
Ouhamed Ifô
EsSebkha :«
Taouammano 53
TaghraH 26
— 259 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 190é
NOMS DES FOGGARAS
DKDIT
NOMS DES FOGGARAS
DEBIT
Habbas
EAUX DU TAMEST
Aghil 2 h. 2 k.
Yennou 1 h. 4/6
Tamassekht 5 h. 1/6
Ahem 1 h. — 2 k.
Makhloaf h. 3/6
Sekal, Abdallah ben lias-
sonn, Yahia et Ater. . 11 h . 3/4
Mazer 1 h. 1/3
Ben-El-Guebli, à KeTs. . h. 3/4
Mafttou Oh. 3/4
EAUX DE TITAF
Takouz et Anhil 10 h. 4/6
Mohammed 1 h. 4/9
Adjelaouen 5 h. 3/4
Tahlebbeït 3 h. 1/6
Aguer ou Aghrem. ... 2 h.
Tasenkort h. 3/6 1 k.
llîidj Ibrahim Oh. îJ/fi
EAUX DU TAMEST
Taghzert 1
Djenane Sidi-Youcef. . . 15
Bou-Zeîane 121
£1-Feguigra 24
Taghcqem (Sidi-Youcef) . 5
El-Beraber 80
El-Beldha (Ba«Amor) . . 17
Djenane Baba 2
Rabah 8
Hadj Amar 20
Tabtab 4
Ben Hammadî 11
Taâbou 217
Gherissat . 2
Es-8af 17
Amrane 41
Abbou (Ël-Ahmar). ... :u
Tindafou (Temasseght). . iâO
Adjedlaouane 12
Tazader ti
Taleb Mohammed . ... G l/G
Ouakhda (Aghil) 7G
Amaz 13
Fegaguir Ikis 210
EAUX DE TITAF
J Anhil 6 h. 1/2
l Takouz 68 h.
Talîlebeït! ! '. '. '. '. *. ! 190 h.
Aguer ou Aghrem. ... :à0 h.
— 260 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906
NOMS DBS FOGGARAS
DÉBIT
NOMS DES POGGAMAS
DEBIT
EAUX DE TITAF
Aguer-Mezzi h. 3/4
Oualkald h. 3/4
Taghrafet h. 3/4
Taghdiemt 1 h.-2 k.
Temmast th.
Sehrî Oh. 1/4
Amer ben Hammou.. . . 5 h. 1/6
Ouenzen 2 h.
Ba-Youcef 3 h.— 2 k.
Mohammed 1 h.
Agfuelmam 1 h. 2 k.
Taghdiemt 2 h.
OuTad-Mellek et Al-Bid. . 10 h. 1/2
Moussa ou Aîssa ouYâzzer 2 h. 1/8
Aguer-Maguer h. 5/6
Oualkheïr . . . 1 h. 1/2 2 k.
Otmane,àAghrem-Iannou • 8 h. 1/6
Akld-EI-Hadi 1 h. 1/3
Abdelhakk 2 h. 1/2. 2 k.
Bou-Tcmime Oh. 5/6
Ba-Youcef 2 h.
Oulad-Aïssa • 3 h. 1/6
Moussa ben Mekhlonf . . 2 h.
Moussa ben Ël-Màîz. . . 2 h. 1/2
ËlKebla, près de la zaouîa Oh. 1/4
Akdim 4 h. 1/6
Ba-Hassen et Ali ... . 1 h. 1/2
Zeker, à Aghil 5 h. 1/6
El-Mokhfad 3 h. — 2 k.
Ouakda 3 h. 2 k.
Aghandès 3 li, 4 6
EAUX DE TITAF
Taghrafet. .'!!!!!.* 19 h.
Taghdjemt 61 h.
Ba-YÔucef. !!'.!!!! 64 h.
Tag'hdjemt !.'!!!!! 11 h. 1/2
Oulad-Malek 105 h. 1/2
Azzer 23 h.
El-Ghaïb! !!!!!!! 18 h.
Tamest 21 h.
Dat-el-Kirat 6h.
Ez-Zemzcmi 55 h.
EAUX
DE GIIARMIANNOU
Otmane. . .
Morte.
Abdelhakk .
Morte.
Ba-Youcef .
Oulad - Aïssa
Morte. . . .
Morte. . . .
Morte. . . .
Morte. . . .
Morte. . . .
Tourir , . .
91 h.
130 h. 1/2
32 h.
68 h. 1/2
21 h.
EAUX DAGHIL
Ouakda.
Amaz. .
76 h.
13h.
— 261 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
NOMS DES FOGGARAS DÉBIT
Habbas
EAUX
des
OULAD-YADBLTENt
Youbzam, a Mekkid. . . 2 h. 1/6
Abd-el-Ghanî. . . . ; . 2 h. 4/6
Tefsa h. 1/4
Oulad-Messâoud .... 8 h. 4/6
Tegucnez 2 h. 1/3
Tioûririne, à Tamal. . . 1 h. 1/3
Oulad-Aïssa ...... 1 h. 5/6
Aferganc 1 h. 1/2,2 k.
Yeguem ..;..... 4 h.
Yeguem Scflani 3 h. 1/4
Tinnaf 10 h.
Takhnoust 4 h. 1/2, 2 k.
Taghdjemt 1 h.
Adjdel 4 h.
Y e k h le f Setlarii , près
d'Adrar h. 2/6
Adkel h. 1/4
Teskir, à Oulad-Amor-bel-
Fok h. 5 k.
Asmam, à MousaOuld Ali h. 1/4
Todjmemt Oh. 2/6, 2 k.
Amfouk 1 h. 2. k.
MessÂoad 1 h. 1/4
Bekkou 2 h.
Onlad-Mohammed (à El-
Khelef) 2 h. 1/3
Youcef ben Mohammed . h. 1/4
Asmam h. 3/6
Abenkor Mohammed ben
Youcef h. 2/6
Ahmed 1 h. 1/3
Youb-El-Adrari 8 h. 1/6
Ba-Mimoun 10 h.
Ouhassîne h. 3/6
Taghdjemt Oh.2/61 k.
Amânsar 2 h. 2/6
RECENSEMENT DE 1906
iSOHS DES FOGGARAS
EAUX des OULAD-SIDI
HAMMOU-BEL-HADJ
(deMekkidàZaglou inclus)
o'alad-Messâoûd'(Mekkîdj 25 h.
Morte.
Kerkedj (Mekkid). ... 6 h. 5/6
El-Feguîguira (Mekkid) . 7 h. 1/2
Sobor (îilekkîd) 4 h
Tamal (Tioûririne). ... 8 h. 1/2
Oulad-Aissa (Tioûririne) 20 h. 1/2
Afergane 5 h .
Yeguem 25 h. 1/2
finnaif .' .* .' ." .* ." .* .* .' 26 h.
Takhnous 16 h. 1/2
Taghdjemt 2 h.
Adjdel 11 h.
Yckhlef 3 h.
Adkel (Adrar) 1 h.
Teskir 1 h.
Melioijk(Âdrar).' .' .'.'.' 5 h.
Messàoud (Adrar). ... 5 h.
Bekkou (Adrar) 6 h.
Oulad- Mohammed (Adrar) 10 h.
El-Malha (Adrar; '.'.'.'. 2 h.
Abenkor (Adrar) .... 1 h.
Ahmed (Zaglou) 5 h. 1/2
T'aghdieml (Zâgloii)! . ! 7 h.
1. Nom de tribu totalement inconnu, de nos jours, dans (epays.
262 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 1906
:^ONS DES FOCGARAS
DEBIT
HabhM
EAUX
des
OULAD-YADELTEN
Mâroul h . 3/4
Mousa benAlssa .... 1 h. 3/6 2 k.
Afrat (les deux) h. 4/6 3 k.
Taghdjout 2 h. i/3
Tekki. Oh. 3/6
Mohammed ben Yentane. 1 h. 4 k.
Baghioul 3 h. 4/6 4 k.
Taghrafl (les deux) . . . h. 1/3 2 k.
Tahlebbeïl 4h. l/32k.
Ali ben El-Azz 4 h.
Taàbdallah ....... 1 h. 23
Dehmane 1 h. 1/4
Ali ben Mansor 5 h. 1/2
Abbous h. 3/6
Taghdjemt . h. 4/6
Tamohammed h. 2/6
Medj-El-Kheïr 5 h.
Tamest 5h. — 2 k.
TabaâU 8 h. 1/2
Ali ben Semghane. ... 5 h. i/4
Bezra 12 h. 1/4
Tebguet (les deux). ... h. 2/8
Abbelou h. 5 k.
Oulad-Dahmane h. 1 k.
El-Haddad Oh. Ik. 1/2
EAUX
DES OULAD-EL-HADJ
TaAli 1 h. 3/4
Taghrafet h. 1/4
Aïssa Oh. 2/61 k.
Abdallah ben Ali h. 2/6
Tafaout h. 1 k.
Takhelfat h. 5 6
Ba-8alah 5h. l/32k.
DKBIT
liafates
^OMS DES POGGARAS
EAUX des OULAD-SIDI
HAMMOU-BELHADJ
Boughioul (2^1ou) ... 13 h .
Taghrafl 36 h.
AJi'bên'El-Âlz(Za'glôu) ! 10 h. 13 k.
Dehmane 4 h.
Ali ben Mansour .... 15 h . 4/6
Abbous 2 h.
Madjer El Khêlr'. ! ! ! ! 15 h. 12
Tamas 14 h.
Taâli 17 h.
Aii ben Semghane (Za-
glou) 8 h.
Bouzri 30 h. 4/6
Yoûcèf Vêghrêr! '.'.'.[ 46 h. 4/6
Abenkor (les deux) ... 17 h.
Taàïsil. . 1 h.
Taouraght 7 h.
Sahel. ......... 1 h. l/t
(Des Oulad-Ei-Hadj-El-Bordja
à Taberkant inclus).
Taghrafl '. ' 2 h.
Alssa .... Ih.
Abdallah ben Ali .* .* .' * 1 h. 12
• •
Ba-SaJah \ \ . . \ . . . 16 h.
— 263 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DBS FOGGARAS
DEBIT
Habbu
EAUX
DES OULAD EL-IIADJ
Amer h. 4/6
Aflane 2 h.
Azekkour 5 h. 1/6
Hekkou Ih. l/32k.
Tamest 2h. — 2 k.
Takasrit 3h.l/2 2k.
Youcef et Aghzir . . . .19h. l/32k.
Touzer 2 h. 1/32 k.
Abdallah Bellou h. 1/2
Tedlest h. 4/6
Taleb Boubeker et Mo-
hammed h. 3/6
Tamezouine 10 h. 1/8
Mohammed ben Ahmed et
Abbas 1 ferfouria
Abderrahmane ben Didi-
hiue 1 ferfouria
Taleb Mohammed .... 1 kirat fodhi
Babou Idirhem
Takour 1 kir. fod.
Tazadine Oulad-Youcef . 1 kharr.
iDgaelzioe Oulad- Youcef. h. 1/8
Timmi Oulad-Kadi ... h. 1/8
Mokhtar 10 h. 1/8
OuakFeroukh 5 h. 7/8
Talat. . h. 3/4
Portas h. 1/4
Arab 2 h. 5 dirh.
Mousa ben Malek .... 3 h. 1/8
EAUX
DES OULAD-OUDREN <
Tesaât 3 h. 1/6
Ahmed ben Slimanc. . . Oh. 2 k.
El-Hassen h. 2 k.
Tekkou Oulad-Hasscn. . h. 1 k.
DEBIT
Habbas
IVOMS DES FOGGARAS
EAUX des OULAD SIDI-
HAMMOU-BEL-HADJ
Azekkour 9 h.
Hekki 3 h. 1/3
Takasrit
6 h.
Touzera 6 h.
Abdallah Bellou h. 1/4
Ouak-Feroukh 17 h. 1/4
El-Bour(OuladH.Bordja) h.
Ben-Hassen 6 h.
Ech-Chorfa, . . ^ . . . 4 h. 11 k.
Ba-Hammou 1 h. 1,^2
Frîstîs (Taberkant) ... 3 h.
Arab — ... 5 h. 1,^
Mousa ou Malek 12 h. 1/3
(De ZaouTet-Kounta à
Admer inclus)
Tesàïd (Zaouiet-Kounla). 12 h.
Sidi El-Hassen
h.
1. Nom de tribu totalement inconnu, de nos jours, dans le pays.
— 264 —
FOGGARAS DU TOUAÏ
RECENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES FOGGARAS
DEBIT
.NOMS DES FOGGARAS
DEBIT
EAUX
DES OULAD-OUDREN
EI-Guelob 1 h. 1/2
Temseft et Digsa .... 6 h. 1/4
Fredj Oh Ik.
Abriou (les deux) . . . .Oh.Sk. Id.
Aïssa h. 3/6
Agdiane 9 h. 1/4
Mezid h. 1/6
Tensehtane 7 h. 1/4
Kherouridj Seflani. ... 2 h. 3/4
Tadhod h. 1/6
Tedmalt h. 5/6
Djemdjane 1 h. — 2 k.
Tadji 3 h.
A4iioii !!'.;!!;; h. 3/6 2 k.
Affhîr h. 3/4
Zedja h. 1/8
Babech Oh. 1 kir.
Ouflal Oh.lkh. 1/2
Habbts
BAUX desOULAD-SIDI-
HAMMOU-BEL-IIADJ
EI-Guelob 2 h.
Mokhtar 82 h.
Abenkor 1 h. 1;2
Benî Sidi Mohammed . . 1 h.
Taâli 16 h.
Abenkor Mohammed. . . 2 h.
Moulaï-Mohammed ... 3 h.
Ooaghzir 37 h. 1 k.
Bent Ba-Halla. ..... 1 h.
Bl-Abired 1 h.
Tadjtamc 45 h.
Techri 8 h. 1,2
Sidi Mohammed ben Mou-
lal-Smaïl 4 h.
Tagfaezrine 2 h.
Abenkor ou Abnikir. . . 1 h. 1/2
Tensef (Takhfif) 12 h. 3/4
Agdïanê (Takhfif) ! \ \ '. 16 h.
Tedmaïnc*{fakhliÔ ! ! ! 1 h.
Tamedjane 6 h. 5/6
Hafsa. '. '. '. '. * \ '. ! '. 1 h. 5/6
Abenkor 2 h.
Heïnès 2 h. 1/3
Halima 2 b. 5/6
Masine 4 h. 1/2
Tinnaf 7 h.
El-Djeneïnat (Menaçir). . 7 h. 1/2
El-Mansour 16 h.
Sidi-Babba 1 h. 1/2
Abenkor 1 h. 1/2
Aglou(Admer) 2 h. 1;2
Bou-Siah (Amer) • • • « S h.
265 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 1906
?IOMS DES FOGGARAS
DFBIT
NOMS DES FOGGARAS
DKBIT
HftfabM
Habbat
EAUX
EAUX des OULAD-SIDI-
DES OULAD-OUDREN
HAMMOU-BEL-HADJ
Taghdjemt h. 1/3
Aknine! ! .'.*.! '. ! ! h. 1/2
Mezîd (à Admer) .... 2 h.
Blah h. 1/6
EAUX DINZEGMIR
Besmam 1 h. 1/2
Sehcl 1 h. 3/4
Tamed, à Tokhiff . . . . 2 h. 1/22 k.
Tadji 2 h. 3/4
Timmi Ouiad Ali ben You-
ocf Ih. 1/6
Inzegmir Kebira . . . . 8 h. 1/2 1 k.
Chiarouine Foukanî . . . 2 h. — 1 k.
Ahmed ben Behîne . . . 5 h. 1/22 k.
Tirami Oulad Abdallah , h. 1/4
Ahmed ben Abdallah Se-
biâ h. 2 k.
Charouine Seflani. ... 1 h. 3/4
Timmi Didi Boudjemâa . h. 3/6
Abdallah ben Ahmed . . h. 1/6
Hanini ben Ahmed ... h. 3/6
Timmi beo Moudden. . . h. 4/1
Belkassem 7h.l/2— tk.
Taffhdjemt 7 h. 1/4
Tadmaït h. 7 k.
Ba-Mbarek 6 h. 1/4
Madjper. ..'.[][[. Oh. 1/4
El-Abid 1 h.
EI-Ghazi 1 h.
EI-Medjra 53 h.
Aleff 12 h.
E!-Abiped 3 h.
Taghdjemt (Tazoul) ... 11 h .
Hennane 31 h.
Ba-Djemmou. 11 h.
EAUX DINZEGMIR
Zimam 1 h. — 1 k.
Sehe! 2 h. 13 k.
Timmi 2 h. 7 k.
Inzegmir Kebira .... 16 h.
Charouine 38 h. 10 k.
Ben Ahmed 1 h.
Belkassem 1 h. — 1 k.
Tadmaït [..'.'..'.[ 13h.l/21k.
Baba-Mbarek 83 h. 1 k.
Kadous 30 h.
Zaouïa 9 h. 1/6
Zendir 7 h. — 3 k.
Hadi Mohammed . . . . 5 h. — 1 k.
Ben Kadi 1 h, 5/6
El-Arab 2 h. 1/2 1 k.
Oulad-El-Hadj 31 h. 1/23 k.
Adjediaouen 39 h.
— 266 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES FOGGARAS
DEBIT
3iOMS DES FOGGARAS
DEBIT
EAUX DMNZEGMIR
Habibou h. 1/6
El-Gouz Oh. 2/6 2 k.
Aïssa ben Mahane. ... 1 h. 1/2
Timmi-Youcef 3 h. 2/3
Mazer .'!.!!!!!.' 4 h. 1/3
Ba-ïlammco h. 1/4
•
AK ben Merzouk .... 5 khar.
Aïssa Zeffrar 5 h. 5/6
Timmi Abdallah Messâoud h. 5 khar.
Aissa ben Berrich. . . . Oh. 3/61 k.
TimmîBâ- Aïssa h. 3/6
Timmi Ali ben Messi\oud. h. 2/6
Taghdjeml h. 4/6
Daghmech 2 h. 2 k.
Mestour Seflani 2 h. 1/3
Sehel 9 h.
Ghered 2 h. 2 31k.
EAUX D'INZEGMIR
Oulad Sid El-Meghili *. ! 3 h. 4/6
Terkmine 4 h. 7 k.
Timmi ou Mazrr .... 31 li.
Timmi 48 h.
Ba-Mhammed 7 h.
Moulaï Ahmed 5 h. 1/4
Ben Olmane 16 h. 1/2
El-Aouïda 2 h. 1/2
Moulaï-Mhammed .... 4 h.
Abdeikader 29 h.
Ba-Kerim 1 h. 1/3
Oulad Taleb 2 h. 1/2
Merzook (Tilouliiio) ... 2 h. 1/2
Schel". '. ". '. ". * '. '. ' ! 83 h. 1/2
El-bjêbbanâ(Zt'Bêlâl). . 1 h.
El-Berranïa 5 h.
Dap Moulaï-Abdalfah . . 1 h. 1/2
El-Aoulda 2 h.
El-Habs 2 h.
Nennahou ' . . . 1 h.
Ba-Mousa 2 h.
Bel-Hadj et Zilouna ... oO h.
Ali Messâoud (Aghzii). . 6 h.
Ouaghzir 13 h.
Kaddour ben Tîvleb . . . 16 h.
Sidî Abdallah 10 h. 1/2
Ali Messâoud (Tedmaine» 6 h. 1/4
Aïssa 40 h.
Mergouna oO h.
Oulad Kennou 30 h.
Monlal-El-Arbi 1 h.
— 267 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES KO<iGARAS
EAUX D'INZEGMIR
DÉBIT
HabbM
?SOMS DES FOGGARAS
DKBIT
LA SEGUIA DES GENS
DE TIT (sic) 11 h. 1/8
El-Kebira 14 h. 1/3
Ba-Sahel î h. 1 k.
Ba-Rebâ h. 1/4
El-Ksar 4 h.
Sehela 3 h.
Tadmaït 13 h. 1/4
Makhlouf h. 1/2
EAUX DE TAARRABT
Sahel 6h.3/62k.
El-Abid. . , h. 1/8
Abankor Ta&irabt et Ti-
noulaf 17 h. 1/3
Habbu
EAUX D'INZEGMIR
Moalai-Abdesselam ... 16 h.
Monlai-Edris 1 h.
Beni-Mbarek i h. 1/2
Moulaï-Ghcrif 4 h. 5/6
Didî-Ali (Tilouline). ... 11 h. 4/6
Tedmaït 64 h. 1/2
OuladRaho 31 h.
Bou Sahei 1 )i.
Ba-Amer 1 h.
Taleb Ali 3 h. 4/6
AelaGaen 1 )i.
Ismàïl h. 3/4
Chalbl 6 h. — 1/4
Alemmas 47 h. 1/2
Hadiadj 11 h. 1/3
Ben-Haddou 1 h. 3/6
Tinnaf h. 3/4
Ba-Ahmed 1 h. 1/2
Oulad Ba-Hanini .... h. 3/4
Abdelmalek Oh. 5/6
Taleb Mobarek 5 h.
Moulaï-Toïeb 6 h,
Ba-llammou Taleb. ... 1 h,
El-Aïat Ih.
EdDîafa 2 h.
Taghdjeint 1 h. 1/2
• ••..•••a...
El-Kebira (à Titaouinc-
Lakhras) 24 h. 1/6
Sahel - 35 h.
s'ahelâ '.!.'!.'.'!!! 26 h.
Adjadjoa 12 h.
Dahhano 28 h.
EAUX D'EN-NEFIS
Sahel (à Taàrrabt). ... 65 h.
— 268 —
FOGGARAS OU TOT; AT
lŒCKNSEMENT DE 1670
NOMS DES FOGGAHAS
DKBIT
iUbfafl
EAUX DE TAARRABT
Aberkane et Ncfis. ... 4 h. 5/8
Falah. !!!!!!!!! 7 h. 1/3
Tadmaît 5 h. 1/3
Tadmaine 3 h.
Aghez 3 h. 1/3
Taghdjeml lh.l/32k.
Eniehent Mousa 1 h. 3/4
El-Arab 6h.l/31d.
Tadmaît 9 h. t/3 1 d.
Am'ffhir! . ." " .' .' .' .' .' 5 h. 1/8
Taghdjemt h. 1/4
Sahel. Ih.
Bâter ; . . Oh. 1/4
EAUX DE BOU-ALI
ET SON DISTRICT
Kehki, à Tazoult .... h. 4/6
Adjelaouane 1 h. 2 k.
Ramdane 4 h. 1/22 k.
Taghraft Oh. 2/62k.
Sâd 5h. l/32k.
Guemenedj 8 n.
Tamkaït Ih. l/32k.
Agner-AoughaïF . . . . - . 1 h. — 2 k.
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES FOGOARAS DHBIT
Habbas
EAUX D'EN-NEFIS
Sahel* (à* Nefis) !*.!!! 91 h.
Tadmaît (Aït-Messâoud; . 27 h.
Sahel — 6 h.
El-ilàdj YoûcefiZ.Hachef,
Mestour) 100 h.
Taleb (Oulad-Baho . • . )
Abderrahmane(Oulad' r 157 h
Baho (
Abdelkader(Oalad-Baho). ]
El-Hadj Mbarek (Berrich) 7 h.
Taghjemt (Berrich) ... 45 h.
Agoer - Ouaghrou (Inre-
fflouf) 38 h.
Agnerda(Inz6glouf) . . . 130 h.
Aguer-Daddou (Inzeglouf) 86 h.
Amzekkour (Tînnourt) . . 28 h.
Es-Seghira et El-Kebira . 140 h.
Et-Feguîguira 3 h.
Taghouart 2 h.
El-Ma!ha. . 1 h.
(Bou-Ali, Oulad Ben Abd-
elkrim ,Merabtines,Ghar-
mamellal).
Taghraft .* .* !!!.'!! Il h.
— 269 —
FOGGARAS DU TOUAT
RKCENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES FOGGARAS
EAUX DE BOU-ALI
ET SON DISTRICT
Dîezem
Blane
Ouhamed
Khelif
Timmi Bou-Slah. . . .
Sidi-Brahim
Mestour
Oulad-Ahmed
Timmi Seflani
DÉBIT
HaUws
NOMS DES FOGGARAS
DEBIT
Hli*u
2 h. 1/3 2 k
4 h. 1/5
2h. -- 2 k
1/8 habba
h. 1/8 Bou-Slah.
Oh. 2 k
Oh. 1 k
5 h. 1/4
h. 2/6
EAUX DES OULAD
BEN GUEDANEi
El-Oulid 3 h.
EUOalid, Fenis, Nedi et
Hia 2 h. 1/4
Sâdet Sâïd 3 h. 3/4
Makhlouf 10 h.
Amer Foukani 3 h. 1/3
Uahii 4h. i/3
Ba^elmanes 4 h.
Agnzer 4 h .
Salem 9 h.
Amor ben Youcef . ... 4 h. 1/2
Hadjou 2 h. 1/6
Taktaouine Oh. l/4.2k.
Taghraft 5 h.
Tagouz 1 h. 1/4
Aguer-Nenedj 1 h. 3/4
Aino 5 h. 1/2
Oaâzza 3 h. 4)6
Betol 3h.l/2,2k.
BaMousa. 8 h. 2 k.
Bet-Taïeb 2 h. 5/6
Bakhled 2 h. 5/6
Denedjt 2 h. 1/2
Mobareketles deux Dadba h. 1 k.
Timmi Mohammed ben
Bou-Beker h. 2 k.
Timmi Ahmed ben Rabah Oh. 1 k.
Timmi Ben Amer .... h. 2 k.
4 h.
Makhlouf 15 h.
El-Foukanî 3 h. 1/4
Rahil •. • 2h.3/4
Badielmaae \ ^ h.
Yegnzer .*.' 22 h.
Salem 19 h.
Hadjou Menn 123 h.
Takoûz! ..!..... 11 h.
OuAino '.".!!!!.'!! 36 h.
Batôul ! ! ! . ! '. ! . . • 39 h.
Ba-Mousa 12 h.
Bakhâled! '. '. ! ! '. '. ! 1 h.
1. Nom de tribus totalement inconnu de nos jours dans le pays.
2. Nom ancien d'une fraction des Boramik [Cf. sup., page 103).
— 270 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 16TO RECENSEMENT DE 1906
DÉBIT
NOMS DBS FOGGARAS
EAUX DES OULAD
BEN GUEDANE
Aghzer h. 4/6
Timmi Oulad-Babahine < . h. 1 k.
Timmî Amar ben Daho . h. 1 k.
Timmi Ben El Hadj ... Oh. 1/6
Terkamt h. 1/6
Timmi Tâlem h. 1 k.
Dîaber h. 2 k.
Makhoukh 1 h. 7/8
Ben Mâtallah 1 h. — 2 k.
Bazid h. 2/6
Timmi Mousa h. 1/4
Ba-Slah h. 1/2
Tagrhdjemt h. 1/3 2 k.
Ahmane, h. 4/6
Agzir h. 1/4
Tajfhdjemt Bel Hadj. . . 1 h. 4/6
Djadj Oh.lkharl/2
Ba-AIssa li. 1/6
Bel-Hocêïn 1 h.
Boubeker Oh. 2k.
TaghdjemiOttlad Ben due-
dane 1 h. 5/6
Dadhel h. 1 khar.
Anreg h. 2 k.
KheUf Oh 2/61 k.
El-Hadj h. 2 k.
Ternaou h. 2/6
Berekh-Haboub Oh. 3/6
Aken SeHani 1 h. 1/4
Ilaboub Oh. 3/4
Ba-Aziz h. 2/6
Tîmmi-Djamâ h. 2 k.
Tadmalt 4 h. 4/6
Tadghaght 1 h. 5 khar.
Ba-Hilottd h. 5/6
Baftli h. 1 k.
^'0]IS DIS FOGGARAS
DÉBIT
Aditer 1 h.
Makhoukh li. 17 k.
Taghdjemt Êl-Kâar .' ! ! 4 ii.
Bou-AIssa 1 II.
.••••
Bei-Hadj.' .* . .' ! .' ] .' 4 h.
Ouguên! .....!.. 23 h. 34
Tafêrkhaïten .* .' .' .' .' .' 3 h. 4/6
EUMansour 7 h.
Ei-Ouad 3 h.
Mahammou h. 3/i
1. Nom d'une autre fraction des Boramik {sup., page 104).
— 271 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
RECENSEMENT DE 1906
NOMS DBS FOGGARAS
DKBIT
HaU»s
EAUX DES OULAD
BEN GUEDANE
EAUX D'AZOUA
Ahdet 3 h. 4/6
Alaou 1 h. 3if4
Taghdjemt 7 h. 1/6
Maier h. 1/2
Bâ-SamA 2 h. 1/3 2k.
EAUX DE TIT
Timnii El-Hadj Youcef. . 1 h. 1/3
— EI-Hadi Youcef
(le 2-) h. 3 k.
— Boubekerben Se-
çhir h. 1/4
— Salem bcm Ahmed h. 1/6
— Hassaïno Oh. 1/61 d.
— Oudjeb h- 2 k.
— Hammou Rollou.. Oh. 3/6
— Hammou Ahid. . h. 1 k.
— Sidi LnJisaba . .Oh. 1/3 2k.
— Oulad Dahmane . h. 1 k.
— Slimane bon Bou-
bekop h. 1/6
— Oulad YAkoub , . Oh. 1/3
— Ahmed ben Da<li. li. 1/6
Ben Dekel. ... h. 1 k.
— Amer h. 4/6
— Ilammou Aha . . h. 2 k.
— Aissa beo Balio. h. 1 k.
Saguial-El-Hadi-Yahia . 2 h. 1/3 2 k.
Bahad 1 h, 1/6
Oulad Moumen 21 h. 2/4
Belhasîa h. 1/2
Tamalt Oh. 1/3
NOMS DES FOGGARAS
DRBIT
2 h.
13 h.
Ih.
h. 3/4
2 h. 1/4
Mohammed- Abdelkri m
Hennou
EUHanna. ....
Taleb Ahmed . . .
Ammi-Ech-Cheïkh
(Azoua)
Hadit 18 h.
Alaou . 27 h.
Taghdjomt 36 h. 1/3
Tedmaîne 4 h. 4 6
Tedjgrhaïne 9 h. 12
Iladira 4 h. 13
(Titaonine)
— 272 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES FOGGARAS
EAUX DE TIT
DéBIT
EAUX DE TIT
DES
OULAD-BOU-ZIANE*
El-Kebira l5h.l/32k.l/3
La seffula qui est proche
de Kebour 1 h. 1/3
Oulad Kerroum h. 1/2
Oulad Tahip h. 1/2
Ben Ahmed h. 1/4
Oulad Raho 11 h. 1/6
Berreba h. 1/4
Mesdjed et Ramdane . . Oh. 1/8
Timmi Ali ben Mohammed h. 1/6
Timmi Belkassem ben Ali
et Abderrahmane ben
Youcef h. 1/6
Timmi Mesdjed et Abder-
rahmane ben Youcef. . h. 1/8
Abderrahmane ben Youcef Oh. 1 k.
Timmi Hadj Youcef ben
Badi h. 1/3
Timmi Hadj Amar ben
Otmane h. 1/4
Timmi Mohammed ben
Aîssa ben Boubeker. . h. 1/4
Timmi Ahsine ben Mesk. h. 2 k.
Timuii Ahmed ben Dehir Oh. 2 k.
Timmi Ali ben Mesellem
et Mesdjed h. 1 dirh.
Timmi Mohammed ben
Hadj Mohammed ... h. 1/6
Timmi Mesdjed et Moham-
med ben Ahmed ben
Moussa Oh.5khar.
oéarr
?(0MS DES FOGGARAS
(Titaouine)
Tamalt 4 h. 1/8
Ez-Zitounïa 4 h.
Oulad Taleb Djeroubi . . Oh. 7/8
Ei-Moussia 37 h.
Moulal-Mhammed . . . . h. 14 k.
El-Aricha , 3 U.
1. Nom de tribu totalement inconnu de nos jours dans le pays.
-2W-
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670
DEBIT
MOUS DBS FOGGiLRAS
EAUX DE TIT
DBS
OULAD-BOU-ZIANE
Timmi Oulad El-Mesk. • h. 1/6
Timmî Mohammed ben
Hammou Hadjoa ... h. 2 k.
Temast Oulad El-Mesk . h. 1 k.
Timmi Abdallah ben Mes-
sâoud h. 1/8
Timmi Oulad Abdelkerim h. 1/4
Timmi Oulad Berbouch . h. 1/6
Timmi Abdallah ben Mes-
sâoud et Oulad Boubeker h. 2 k.
Oulad Raho h. 1/2
Autre Timmi aux Oulad
Raho h. 1/4
Ud autre encore h. 2 k.
EAUX DE SALI
Sahel 5 h.
Oulad-Abbou 6 h.
Djouber 5 h. 1/3 2 k.
Teskemt 7 h.
Cherka 1 h.
Meftah 10 h. 1/6
Tamed 11 h. 4?6
Taahmed h. 1/3
Teskemt 1 h. 1/3
Aguer ou Agphrem. ... 5 h. 1/4
Oulad Mousa 9 h.
Takouza et Ghazi . . . . 18 h. — 2 k.
Baâfi h. 1/2
Mestour 1 h. 1/4
RECENSEMENT DE 1906
nous DES FOGGARAS DEBIT
Uabbts
(Titaouine)
EAUX DE SALI
( Sahel Es-Seghir 11 h.
) Sahel El-Kebir 20 h.
Oulad Abbou 15 h.
Djoufer 13 h. 1/2
Meftah ! ! *. ! '. ! ". ! ! 51 h.
Tamedda 67 h. 1/2
Oulad Moùsâ ...... 16 h.
Takouza 31 h.
El-Ghazi 77 h.
El Mestour 22 h.
Ouaàbibou 58 h.
Adirmane 35 h. 1/2
El-Feçuiguira 76 h.
Tinbedda Abdelkrim. . • 51 h.
Tinbedda Abdelouahhad. 54 h.
Tamliha 7 h. 1/2
Moulai-Ahmed Djedida . 18 h.
El-Haouïa 68 h.
Moulal-Youcef ...... 10 h.
18
— 274 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906
nous DES FOGGAIUS
DÉBIT
ROMS DBS FOGGABAS
DÉBIT
EAUX DE SALI
EAUX DE TINOULAF (»)
Tagrhraft 3 h. 1/3
Taffhdjemt 6 h. 1/3
Amlik 9 h.
Mohammed ben Ali et
associés h. 1/3
EAUX DE TAORIRT
Aghrer Baoaadda. ... h. 4/6
Bouder 8 h. 1/3
Abenkor Seflani ' Oh. 4/6
Otmane 20 h. 1/3
EAUX DE SALI
Tinbedda-El Arab. ... 70 h.
Es-Sekhoana 33 h. 1/2
Es-Sahla 29 h.
(En-Nefis, Tinoulal)
Taghraft 47 h. 1/3
famUkt. ".!!!!!!! 84 h. 5/6
Soassou 2 h. 1/3
Oulad-Hassen 82 h. 1/3
El-Djabia 1 h. 1/3
Ouabahha 11 h. 1/6
Mahmoa Djelloul .... 2 h.
Abenkor 20 h.
EAUX DE TAORIRT
Aghrir 5 h.
Baoaadda 140 h.
Ba-Otmane 240 h.
Djelloul 6 h.
Sahia 40 h.
Oum-Sàd 40 h.
Toukkî 5 h.
Azrafil - . . 20 h.
EAUX de TIMADANINE
El-Malha 51 h.
Oulad Mohammed El
Medhi 40 h.
Taghdjemt 100 h.
Tadmalt 103 h.
Dadda Falah 188 h.
Oum-Es-Sil 4 h.
El-Bour 80 h.
1
rait «
Tinoulafei Aoule fyienneni d'une même racine xénète, oulef. qui siirnifie-
bas-fobd »,'« cuvette ».
-275-
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906
NOMS DES FOGGARAS DÉBIT NOMS DES FOGGARAS DEBIT
Hahbts
EAUX
de ZAOUIET-REGGANE
MâtaUah 60 h.
El-Malha 6 h.
Yaflah 24 h.
AmG'hir 7 h.
Sahel 21 h.
Tadmaït 52 h.
Ag'uemine 9 h.
Oulad-Yâïch 5 h.
1. Voici la conclusion du document qui précède :
Et que le salut soit sur les savants experts des eaux !
Ainsi inventorié à la date mentionnée au commencement du livre.
Que Dieu répande ses bénédictions sur notre Seigneur Mohammed!
Puis louange à Dieu y maître des mondes !
A la date des premiers Jours de rebiâ second (août), a été ter-
miné le recensement des eaux qui avait été commencé dans les
premiers jours de sa far i081 (juin 1670).
Et nous avons trouvé dans une autre copie, conforme à celle-ci,
qu'il doit être diminué, du compte des Oulad-Yâdelten, 5 metkals
qui sont ajoutés à celui des gens de Tamentit, et pour le Tidikelt
une demi'difa (sic).
Ainsi a été établi le règlement entre les gens du Touat, pour
la répartition de leurs difas et leur délimitation, après qu'en a été
diminué ce qui appartient aux merabtines, qui n'est pas compris
dans ce qui a été dit, non plus que ce qui appartient aux Zaouîas
exemptes (de contributions) non plus, encore, que la foggara Ba-
Salah, qui appartient au cheîkh Mohammed ben JSoubeker ben
Cheîkh*, ni Taghraft, ni 1/4 de habba à Mohammed ben Belkas-
sem, dans la segula Medj EUKheïr,
Fait par ordre du serviteur de la Personne chéri/ienne, le caïd
Nacer ben Raho, par ordre du noble sultan MoulaURachid — que
Dieu accepte son âme et Vaccueille dans le Paradis l Amin !
A la date du 22 safar de Van 1088 (avril 1677).
Que Dieu répande ses bénédictions, etc.,,
A été terminée la copie de la liste de ce que nous avons trouvé,
dans les premiers jours de redjeb i2ik (1-8 décembre 1799).
1. Le cheikh qui a opéré le recensement et s'est nommé au début
de ce document.
— 276 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 OBSERVATIONS»
DisiT
NOMS DBS FOGGARAS
A AKABLI
Hellabou
Hadj Cheïkh
Abbarine El-Khe!r. . , .
Tidmaïne 50 h.
Taçhdieml 208 1/2
HabbaLou 134
Tagphessottl 30
Agruer-Maeuer 121
Taleb Brahim 140
Djelaoaen (à Zt - Bou-
Naâma 125
Akabli 60
Bouziri (à Sahel) ....
El-Kebira 287
Diedida 30
AoaDkor 14
Tit-Nadaï 12
Sahel 307
Fatah-AUah 3
Taaneglou 30
A TIMOKTEN
Amghir 6
Sahel 122
Djedida 24
A TIMOKTEN
Ouknine 177
Indghagh 36
Temaïtout 15
Maînoa 40
A AOULEF-EL-ARAB
Hezhoaz 26
Feguîguira 150
Necioui 260
1. Commanlquées par le chef d^annexe.
Morte depais très longtemps.
Morte depuis 25 ans.
Niveau d'eau légèrement au-dessous
des jardins.
Dont 18 h. d'augmentation par suite
du travail des deux dernières années.
Curée en 1905 et 1906.
Ayant été augmentée de 20 nouveaux
évents en amont, a gagné 47 habbas
sur son débit antérieur.
Morte depuis longtemps.
Donnait, il y a quelques années, 70 hab .
— 277 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 OBSERVATIONS
KOMS DES FOGGARAS
DÉBIT
A AOULEF-EL-ARAB
Tourfine 424
BenDrào 480
Tineffâ 300
Dîenna-Seffhar 290
Sahel 40
Aghdjir 26
A AOULEF-CHORFA
Meftah 233
Djennet el-Gara 350
EI-Hamra 554
Ël-Beïdha 367
Deghamcha 466
Sahela 43
Djennet Sidi- Ahmed. . . 225
A IGOSTEN
Taghdjemt 111
Teghanimet »
El-HadjAli 45
A HAGI-EL-HADJAR
El-Guedima 36
El-Djedida 23
Sarfit 20
A FOGGARET-EIARAB
El-Guedima 43
Bonr-El-Kheîr 17
El-HadjAbbou 25
El-Hadî AU 16
El-Had] Mohammed. . . 63
El-Barka 64
Tarfit 42
A FOGGARET-ZOUA
Dahhania 58
Bl-Kebira 30
Sidi Boo-Hafs 18
Moulal-Helbn 24
Halnoun 110
fil-Hadj-Mousa 10
SUlafen 306
Effondrée depuis 15 ans.
. Débitait jadis 167 h.
- 178 h. 1/3
- . - 71 h. i/2
A été augmentée de 20 évents nouveaux
qui ont ajouté au débit 10 h.
Donnait jadis li6 h., ne peut être curée.
- '_ 90 h. -
_ «. 90h. —
Vieille de 40 ans seulement.
— 278 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1870 OBSERVATIONS
DKBIT
NOMS DES FOGGARAS
AIN SALAH lo aux Ahl Azzi
El-Diabia 370
Taffhdjemt Oulad El Hadj 244
Ouiad Belkassem .... 12
El-Habous 136
Bouzïane 30
Oubhane 40
Roulet el-Ma 130
Zenfra 50
Deghamcha 62
ElBarka 30
Amghîd 13
Sahel 9
El-Malha 190
2*»AuxOulad-
Bahammou
El-Malha 194
Babeker 180
Bayâkoub 208
Ei-Diedid 62
Oulad Aîssa 242
Oulad Yàkoub 263
Zemila 257
Ouâïne 230
El-Barka 264
Sarfit 207
A SAHELA
El-Djedîda 91
El-Fouaout 25
Hennou 30
El-Harratine 12
Metarfa 93
El-Barka 170
Charefa 233
El-Amrat 121
Tasfaout 35
A TIT
Tidmalne 112
3«AuxOulad«
Mokhtnr
194
210
257
64
242
463
207
230
264
207
Aux Oulad- Yahia.
Depuis trente ans, la dune a recouvert
une grande partie de la foggara ; il
y a deux ans, le débouché 8*est effon-
dré sous les sables, on a pratiqué
une nouvelle galerie ]jar un détour
de 300 mètres. Donnait autrefois le
double.
— 279 —
FOGGARAS DU TOUAT
RECENSEMENT DE 1670 OBSERVATIONS
DÉBIT
NOMS DES FOGGARAS
A TIT
Sahela 15
Tin-Tarouda 100
Kornafa 90
Djedida 327
Chopfa 62 1/2
Nombreuses foggaras mortes.
A INGHAR
Hennou El-Kebira. ... 19
El-Malha 27
Sahela 70
Djedida El-Alahçia ... 19
Yersane 10
Akbour 210
Bel-Kheir 75
Djedida 200
Oummi-Zabel 100
El-Malha 30
Ez-Zoula (Hezhouz) ... 10
A IGOSTEX
El-Khalfi 22
Aouaoaat 80
Ottlad Haida 65
Azoua 90
Plan d'eau impossible à baisser.
Dite aussi § Bahnag t.
Dite aussi « El-Kasba >.
Ne peut être curée.
Donnait jadis 440.
Ne peut être curée.
Ne peut être curée.
A augmenté de moitié depuis le récent
curage.
lies pnlto ordinaires* ~ Quelques oasis restent
en dehors du système hydraulique que nous venons d'étu-
dier : les unes n'en ont jamais joui, comme Talmine où la
dune, antérieure à rétablissement humain, n'aurait pas
permis de l'instituer ; les autres, comme les ksour du
Tinerkouk qui Tinstallèrent au début sur un sol libre,
mais que la dune envahissante a contraintes à y renoncer ;
les unes et les autres s'approvisionnent aujourd'hui par
des puits ordinaires.
Elles atteignent par ceux-ci la couche aquifère à des
— 280 —
profondeurs variant de deux à six mètres, et elles rexploi-
tent au moyen de ces appareils à bascule dénommés
« karkaz 1», déjà connus dans d'autres régions du Sud algé-
rien : deux montants supportant une perclie munie à son
extrémité d'un vase en vannerie que Thomme abaisse
jusqu'à Teau, et qu'un contre-poids opposé fait remonter
automatiquement.
A Fatis en Tinerkouk, on sait coffrer les puits ordi-
naires, et faire descendre le coffrage en creusant en
dessous jusqu'à obtenir deux mètres de hauteur d'eau
dans les puits ; mais après une moyenne de 25 à 30 ans^
chaque puits s'épuise et doit être abandonné, et comme
cet épuisement affecte la couche aquifère sur un certain
rayon, 10 à 15 mètres, il entraine la ruine des palmiers
qui s'y trouvent, à moins que l'on ne creuse un nouveau
puits à 25 ou 30 mètres de l'ancien.
En dehors des oasis que nous venons de citer, et qui
emploient normalement ce système, on trouve des puits
semblables partout ailleurs, employés comme adjuventifs
des foggaras, et d'autant plus nombreux que le débit de
celles-ci est devenu peu abondant.
Dans le Tinerkouk, l'ensablement des foggaras d'abord
utilisées est asseae récent, et l'on retrouve leurs boyaux,
dénoncés par les é vents ou .regards, en maints endroits
entre les chaînons arénacés ; un quart de l'oasis de
Tabelkoza a même encore conservé ses foggaras, mais la
disparition en semble imminente ; il en est de même aux
Oulad-Sald, où plusieurs foggaras ont déjà commencé
d'être recouvertes par la dune.
A l'autre extrémité du pays, vers Igosten en Tidikelt
et à Akabli, on commence aussi à penser aux puits ordi-
naires, parce que le plan d'eau des foggaras, à force de
baisser, va se trouver aboutir au-dessous du sol cultiré.
Quelle que soit d'ailleurs son abondance, le puits ordi-
naire offre un grand désavantage sur la foggara, car il
exige pour son utilisation une main-d'œuvre qui est peu
dansles goûts,ni dans les capacités physiques des habitants.
— 281 —
Le» paite JaillisMmto indigénett. — II existe
encore deux oasis où les timmi et les aîn^ les puits jaillis-
sants, se voient de nos jours en activité : ce sont Kaber-
ten et Oulad-Mahmoud.
Ces puits sont des perforations de 50 à 50 centimètres
de côté, plus ou moins bien garnies de coffrages pour
éviter les éboulements ; ils rappellent comme aspect ceux
d'El-GoIéa et de TOued-Righ, mais ils diffèrent de ceux-là
en ce que la nappe utilisée se trouve à très faible profon-
deur, à deux ou trois mètres seulement.
Nous aurons l'occasion de voir plus loin comment se
présentent les deux ou trois nappes jaillissantes qui s'éta-
gent dans le sous-sol touatien, nous nous bornerons donc
ici è donner la courte énumération de ces puits.
1^ A Kaberten, trois puits non nommés donnent ensem-
ble un débit de deux habbas et demie ;
2* A Oulad-Malimoud, on trouve :
Noms des puits Jaillissants : Débit :
Aln-Telmas 12 habbas
Aïn-Koul 2 —
Afn-Moussa-Abbou 2 —
A!n-Ben-Sa!d 2 —
Aïn-Oulad-El-Hadj 5 —
Ala-El-Fedana 4 —
Aïn-EI-Djeda!d 6 —
Afn-Mâmourat. 1 1/2
Aïn-El-Aouari 1/2
Afn-Kebira 16 —
Aln-Abdelkamel 2 —
Aïn-Gueblia 4 1/2
Aïn-Oulad-Abdallah 1 —
Aln-El-Kadous 8 —
El-Aoulna 2 —
Aln-Ben-Sald 2 —
Aln-Teserkemis et Merabtines 2 1/4
— 282 —
Ces perforations sont tontes anciennes, antérieures à la
génération actuelle, et en mauvais état d'entretien ; les
derniers spécialistes qui savaient les creuser et les entre-
tenir sont morts, et personne aujourd'hui n'est capable
de leur éviter l'effondrement de leurs parois : leur dispa-
rition est donc prochaine.
A toutes les observations, à toutes les objurgations, les
habitants, déprimés par l'anémie causée par le climat et
les conditions physiques de l'existence, que nous envisa-
gerons plus loin, se bornent à répondre :
« Nous sommes fatigués (ahna nas âtaniné). — Nos
« pères savaient, nous ne savons pas, nous ne pouvons
« pas, nous sommes des gens a fatigués » — nas âïa^
« nine ».
Ce mot « âlane » résonne d'un bout à l'autre des Oasis
et à toute heure du jour ; il résume tellement le sentiment,
l'état du pays et des gens, qu'on en a élargi le sens et
qu'on l'emploie à tout propos ; on dit : un palmier fatigué^
une récolte fatiguée, — peu abondante.
« Donne-moi, pour manger, une chose fatiguée — « chi
àlane », c'est-à-dire peu de chose, un rien.
Les nouveaux maîtres des Oasis réussiront-ils à ranimer
cette anémie chronique et profonde ?
Nous allons voir une de leurs tentatives les plus intéres-
santes dans ce sens.
lies palis Jaillissants français'* — La question
du forage de puits jaillissants s'est trouvée posée, aux
Oasis, dès avant la conquête.
En 1891, un premier puits ayant été foré à EI-Goléa
qui venait d'être occupée, une fraction des Zoua du Tidi-
kelt, les Oulad-Sidi-Hadj Mhammed, écrivit au comman-
i. L«8 données qui vont suivre sont extraites d'un rapport du
lieutenant Bret, chargé de l'organisation des ateliers de sondages
aux Oasis, en 1905.
— 283 —
dant du nouveau poste pour demander qu'un atelier de
sondages fût envoyé à Foggaret-Zoua.
La demande fut transmise, mais Tautorité supérieure
ne crut pas devoir lui donner de suite.
II y aurait eu dans une entreprise de ce genre un
moyen de s'assurer, un peu plus tard, de la réalité de
l'influence de V « amel du Tidikelt » sur les populations
qu'il fut censé gouverner pour la France ; mais on n'y
pensa pas, et il faut attendre deux ans après la prise d'In-
Salah pour voir forer le premier puits artésien des Oasis, à
Foggaret-Zoua* (nov. 1901).
On perça d'abord dans les argiles qui contenaient, à
13^18 de profondeur, une nappe ascendante dont le niveau
s^établit à 12 mètres.
Une deuxième nappe, rencontrée à 26''50, dans « des
sables mélangés de graviers », jaillit avec un débit de
28 litres à la minute.
Sous d'autres argiles, à 41 mètres., se révéla, dans du
« sable blanc », une troisième nappe qui porta le débit à
75 litres.
Enfin, perçant une nouvelle couche argileuse, on arriva
à d'autres sables aquifères qui procurèrent, à une profon-
deur de 47™40, 375 litres à la minute.
Le travail fut arrêté à 50 mètres.
Ayant été exécuté avec des moyens de fortune rudi-
mentaires, et muni d'un tubage non étanche et s'arrétant
au-dessus des nappes jaillissantes, ce puits s'est obstrué
très rapidement : un mois après son établissement, il ne
fournissait plus que 146 litres, et depuis, son débit est
devenu « insignifiant ».
De Foggaret-Zoua, l'atelier se transporta à In-Snlah et
y exécuta successivement quatre forages.
Le premier, à Ba-Yâkoub (n** 1 d'In-Salah), commencé
en avril 1902, fut poussé à 59°>13, dans des sous-sols de
1 . Les premiers travaux furent entrepris par le capitaine Gauvet,
chef de Tannexe du Tidikelt.
— 284 —
diverses argiles, avec inierstratifications de sables variant
de couleur et de grain ; deux de ces couches sableuses,
situées à 45 mètres et 55 mètres, fournirent un jaillisse-
ment jaugé, d'après le journal de l'atelier, à 826 litres,
mais qui, dès juillet 1902, retomba, d'après un nouveau
jaugeage, à 162 litres.
Ce puits, dont le débit était tombé à 80 litres, a été
refait en janvier 1906 : approfondi à 62 mètres, il fournit
490 litres, puis, à 79-24, 1.230 litres.
On a dû pousser le travail jusqu'à 102 mètres.
Le puits de Tidji (n^* 2 d'In*Salah) a été commencé en
juillet 1902 et poussé jusqu'à 72"33 ; il aurait fourni, au
début, 1.600 litres, mais était tombé, en avril 1906, à
450 litres.
Il a été curé et retubé, et donne 900 litres.
Dans la fin de la même année 1902, fut foré le puits de
Deghamcha (n® 3 d'In-Salah) ; avec 70 mètres de profon-
deur, il procura 227 litres.
Enfin, en mai 1703, on entreprit le quatrième forage
d'In-Salah pour assurer les besoins du poste français dit
n Gamp-Bugeaud » ; on rencontra trois nappes situées à
16, 48 et 56 mètres, mais leur force ascensionnelle s'arrêta
définitivement à 3*60 au-dessous du sol, et on cessa le
forage à 83"".
Dans ces trois derniers forages, les sous-sols se sont
montrés autres qu'à Ba-Yàkoub : les argiles sont inter-
rompues par des bancs de grès rouges ou blancs à Tidji,
et surtout à Deghamcha ; au puits Bugeaud, on rencontre
de plus du quarts et un « banc granitique ».
En octobre 1903, l'atelier de sondages gagne Akabli,
et, malgré une percée de 78^50, n'obtient qu'une nappe
ascendante qui s'arrête à 10 mètres du sol.
La sonde révèle ici, en plus des g^ès, des argiles et
des sables, des calcaires à poudingues et une strate de
minerai de cuivre de 3"18 d'épaisseur, enterrée à 66™80.
L'atelier s'installe à Tit en avril 1904, rencontre une
première nappe aqueuse à 2">70, perce 42 mètres d'argiles
— 285 —
et atteint de « gros graviers de rivière » recouvrant des
sables fins « analogues à ceux rencontrés dans les puits
d'In-Salah » ; la couche aquifère a 17 mètres d'épaisseur,
et fournît un jaillissement de 527 litres.
Le forage est poursuivi et atteint, sous un seuil de ô'^SO
d'argiles, une nouvelle couche sableuse aquifère qui porte
le débit à 1.900 litres.
Mais rinezpérience des sondeurs laisse ensabler le
puits qui ne fournit plus, à la fin de l'année 1905, que
200 litres au plus par minute.
En novembre suivant, l'atelier passe à Inghar et entre-
prend, à la corne N.-E. de l'oasis, ce sur les bords du
thalweg de la grande faille synclinale de la région », un
forage qu'il pousse à 80 mètres, a dans des grès et des
argiles tout difiérents de ceux rencontrés dans les autres
sondages du Tidikelt », sans réussir à trouver d'autre
nappe que celle des foggaras, à 2<^40 au-dessous de la
surface.
Cependant, le Commandant du Territoire des Oasis avait,
en cette même année, été muni d'un « petit appareil de
sondages destiné à atteindre la profondeur de 60 mètres
environ ».
Un nouvel atelier avait été ainsi constitué et avait exécuté
sans succès deux forages, l'un à Bel-Ghazi, le second à
Oulad-Mahmoud ; ce dernier avait dû être arrêté à 44"^10,
à la suite de « forts éboulements souterrains ayant occa-
sionné une excavation énorme à la surface » ; la chèvre
était tombée, la colonne de tubes avait été engloutie et le
puits entièrement comblé.
Sur ces entrefaites arriva aux Oasis un nouvel appareil
envoyé par le Gouvernement général de l'Algérie, et muni
d'une équipe dirigée par un officier* spécialiste ; on dis-
tingua dès lors ces trois ateliers par les lettres : A, B, G.
1. Le lieutenant Bret, l'auteur du rapport que nous analysons ;
cet officier est mort en France, au cours d'un congé, en septembre
1906.
— 286 —
L'atelier G, le dernier venu, reçut Tordre de s'installer
en Aougrout, à Test du ksar de Tiberghamine, et à
250 mètres environ « de l'arrêt même des couches dévo-
niennes très redressées à laquelle TAougrout doit son
existence* ».
A 9 m. 40 on rencontre la nappe des foggaras « qui
n'est recouverte d'aucune couche imperméable, n'est sou-
mise à aucune pression, et ne subit, du fait de la conti-
nuation du travail, aucun changement dans son niveau. »
« A 22*60, après une couche peu épaisse d'argile vio-
lette, la première nappe ascendante se déclare. Son niveau
s'établit à 8^58 et ne changera plus jusqu'à la fin des
travaux. »
Après quatre mois et demi de travail, « le 26 septembre,
le puits était terminé à la profondeur de 126 mètres (pou-
voir maximum de l'appareil) sur des grès rouges, tendres,
faciles à forer ».
Le graphique de ce forage nous apprend que, contrai-
rement aux sous-sols du Tidikelt, les assises souterraines
sont formées ici presque uniquement de grès jaunes ou
rouges, avec quelques rares et minces lits d'argiles.
Bret nous présente aussi d'intéressantes observations
suggérées par l'examen de la région de VAougrout.
Discutant, d'après ses propres constatations, les tra-
vaux antérieurs de G.-B.-M. Flamand, Chudeau et Gau-
thier, il admet que l'arête anticlinale de l'Aougrout cons-
titua la rive gauche d' « un cours du Meguiden d, et il
pense en découvrir la rive droite dans une autre « arête
de schistes feuilletés appartenant, d'après M. Gautier, au
dévonien supérieur, orientée S.-O. — N.-E., et située
à environ 10 kilomètres sud d'El-Ouadjda. »
Il suppose par suite que l'Oued-Meguiden poursuit son
cours entre les deux arêtes dont il vient de parler, et
« comme la région d'OuIad-Mahmoud se trouve précisé-
1. Gauthier, ap, Bret.
^ 287 —
ment dans la direction ainsi déterminée », il se décide à
faire un forage dans cette Oasis ^
Le voici donc, avec Tatelier G, à Oulad-Mahmoud, au
mois d'octobre 1905.
Il renonce toutefois à l'emplacement naguère choisi par
l'atelier B, et situé en dehors de la lisière nord de Toasis, et
il commence son forage sur un point un peu élevé, à
50 mètres plus au Nord.
Une première nappe est rencontrée à 3 mètres « dans
des grès rouges très friables », puis une seconde, à 5'°47,
dans d'autres grès semblables, mais le niveau de l'ascen-
sion s'arrête à 0°'84 : « c'est la nappe qui donne nais-
sance aux puits ascendants (indigènes) de la région. »
A la profondeur de 35"*90, les grès font place à des
argiles pour reparaître presque aussitôt jusqu'à une pro-
fondeur de 66™25 ; là se trouve une masse sableuse de
plus de 40 mètres d'épaisseur, surmontée de cailloux rou-
lés et de rognons d'argile.
Cette masse est aquifère car le niveau de l'eau monte
jusqu'à 45 centimètres au-dessous du sol, et, comme on
lui ouvre une tranchée d'écoulement, il s.'établit un débit
régulier de 100 litres à la minute.
La couche aquifère repose, à 108^10, sur des grès rouges
durs, et donne, à la suite du travail de captation', un
débit de 150 litres, à 0^35 au-dessous du sol.
En même temps que s'exécutait ce puits, pendant l'hiver
1905-1906, l'atelier B opérait sans succès deux forages,
Tun de 55 mètres, à environ 300 mètres sud-ouest du poste
français d'Âdrar en Timmi, l'autre à EI-Mansour en Bouda.
1. Notons ici que Bret recueillît de son c6té, en même temps
que nous-méme, les renseignements indigènes sur 1* « Oued-£l-
Hadjar ■ et 1* « Oued-er-Remel », et qu'il pointillé ces deux lignes
d*eaux sur la carte au 1/500.000 dont il accompagne son texte (cf.
Supra. Introduction, pages 12 et idt.
2. Lacaptation comporte la mise en place d*nne « colonne d'as-
cension 9 dont les tubes sont soudés l'un à l'autre, et derrière laquelle
est coulé un mortier de ciment et de sable.
— 288 —
De son côté, l'atelier A, après avoir, pendant le même
hiver, opéré, au Tidikelt, les réfections dont il a été parlé
plus hant, a foré, pendant Tété de 1906, à Tit, un nouveau
puits profond de 80 mètres, qui débite 2.460 litres à la
minute.
En résumé, voici donc, en cet automne 1906, l'énuméra-
tion des forages exécutés aux Oasis, et leur débit :
Débit :
1 . Puits de Foggaret-Zoua « Insignifiant »
2. Puits Ba-Yàkoub (n* 1 d'In-Salah) . 1.230 litres
3 . Puits Tidji (n* 2 d'In-Salah) 900 —
4. Puits de Deghamcha(n''3d'In-Salah) 227 —
5. Puits du Camp-Bugeaud (In-Salah)' » —
6 • Puits d'Erg-Chach ( Akabli) » —
7. Puits de Tit 200 —
8. Puits d'Inghar » —
9. Puits d'Ouled-Mahmoud (n* 1) » —
10. Puits de Tiberghamine (Aougrout). > —
1 1 . Puits d'Oulad-Mahmoud (n« 2) 150 —
12. Puits d'Adrar (Timmi) » —
13 . Puits d'El-Mansour (Bouda) » —
14. Puits de Tidmaïne (n* 2 de Tit) 2.460 —
Ces travaux sont exécutés en principe aux frais du bud-
get général des Territoires du Sud, cependant quelques-
uns ont été imputés aux districts intéressés et ont été pour
ceux-ci une lourde charge.
1. Il a été installé sur ce poits ane noria qui permet de puiser
l'eau pour les besoins du poste français, mais rien ne va aux plan-
tations.
CHAPITRE IV
Les Productions
Productions minérales. — Productions végétales. — Le palmier-
dattier. — Le cycle vital du palmier. — La valeur marchande
du palmier. — Dénombrement des palmiers par âges et espèces,
et par terrains de plantation. — Les variétés de dattes. — La
récolte de dattes des Oasis. — Les céréales et l'importance de
leur production. — Le henné. — Le tabac. — Le cotonnier. —
Le piment.
Produeilons minérales. — Dans toute l'étendue
des Oasis, on peut trouver, en tout et pour tout, environ
trois douzaines de pauvres diables qui vivent — pendant
deux mois de Tannée seulement — de l'exploitation des
quelques terres salpétrées éparses aux environs deTinilane
(Tunisie) de Sebâ-Guerrara et des Oulad Mahmoud ; voilà
le fait précis que chacun peut constater de visu aujour-
d'hui, et contre lequel ne peuvent rien tous les renseigne-
ments indirects publiés jadis sur ce sujet.
Tout le salpêtre extrait en une campagne annuelle (les
seuls mois de juillet et d'août) fournirait à peine deux
charges de chameau.
Et il faut bien encore constater que l'exploitation n'en
saurait être agrandie, car les bas-fonds exploitables sont
peu étendus et peu nombreux, et, lorsque l'un d'eux a été
exploité, les travailleurs n'ont plus qu'à s'en aller ailleurs,
car il faut plusieurs années pour que les terres se rechargent.
En résumé, quelles qu'aient été les espérances d'avant
la lettre, maintenant, après cinq années d'occupation, il
faut constater que c'est à cette maigre réalité que se rédui-
sent les longs espoirs jadis conçus sur les nitrates touatiens.
Joignons à cela un peu d'alun et beaucoup de sel gemme
19
— 29Ô —
ftédimentaire exploité pour les besoins locaux dans presque
toutes les sebkhas, et le chapitre des productions miné-
rales sera épuisé.
On peut ajouter que l'intérêt pratique ne saurait se
porter, dans ce pays, qu'aux seules découvertes éventuelles
de métaux précieux ou de gemmes de très grand prix, et
cela à cause de l'extrême éloig^ement des ports de mer :
ainsi, du cuivre découvert à Aln-Sefra, à 800 kilomètres
plus au Nord, est déjà inexploitable, qu'en serait-il donc
des minerais qui pourraient être découverts aux Oasis !
Prodaeilons vigéimî^m. — Si l'on passe au règne
végétal, il convient encore de ne mentionner que pour
mémoire les cultures maraîchères qui se réduisent à quel-
ques carrés d'oignons, de carottes et de citrouilles dégé-
nérées : ceux qui en ont le moyen en cultivent pour leurs
besoins, mais la production en est faible, d'une manière
générale, et ne fournit même pas d'élément au commerce
intérieur: chacun mange ce qu'il récolte.
Les productions qui, à part la vigne et le grenadier
qu'on trouve dans ce pays comme dans toutes les oasis du
Sud-Algérien, méritent par leur importance une étude
spéciale, sont :
1® La datte, dont vivent non seulement les producteurs,
les populations des Oasis, mais encore les Arabes du Nord
et les Touareg du Sud ;
2® Les céréales qui fournissent une contribution indispen-
sable à l'alimentation des Oasiens ;
3« Le henné, plante tinctoriale et médicinale qui s'exporte
en feuilles dans toute l'Algérie du Nord et même en
France ;
4* Le tabac dont, la consommation locale une fois satis-
faite, le surplus est exporté jusque sur le marché de
Tombouctou ;
5^ Le piment, élément de consommation locale et d'ex-
portation.
Avant de les passer en revue, il convient de rappeler
sommairement ce que Ton sait déjà* des procédés de la
culture saharienne.
Le cultivateur n'a qu'un outil unique : le boyau large
de fer et court de manche ; un engrais unique : les immon-
dices de sa maison ; un moyen cultural unique : Tirrigation
normalement par la foggara, adjuventivement par des
puits à bascule.
Xe PalinierxDafiler* — Tout le monde connaît
aujourd'hui la datte et le palmier-dattier, phœnLv dacty^
lifera^ famille des palmiers, tribu des coryphinées, qui
se caractérise par « plusieurs spathes incomplètes, ovaire
formé de trois carpelles plus ou moins soudés et dont un
seul est fructifère fruit bacciforme ou dinipacé" » — et Ton
possède tous les détails sur sa culture, sa fécondation et
sa récolte dans les régions d'ancienne occupation.
Nous rappellerons donc brièvement que le palmier se
reproduit naturellement comme tous les végétaux par sa
graine, mais que le palmiculteur ne sème jamais celle-ci
longue à venir et qui ne donne que des arbres dégénérés,
de sexe imprévu, de variété perdue ; il entretient ses
palmeraies déjà existantes par filiation et crée toujours
ses plantations nouvelles par drageons de trois ans au moins.
Aux Oasis la plantation est dépourvue de tous les soins
dont on l'entoure ailleurs,, et les drageons sont faibles
parce qu'on les laisse trop nombreux au pied de la mère.
En effet le palmier adulte est d'abord doublé d'un, de
deux, quelquefois de trois rejetons qu'on a laissé
grandir sur ses racines dans le but d'entretenir la palme-
raie sur place, malgré l'extinction des vieux sujets,
système qui a pour résultat que, dès sa deuxième
génération, le palmier se trouve dans un sol appauvri et
fatigué ; de plus on laisse encore grandir tous les
i. De LA Martinière et Lacroix.
2. Larousse, Dictionnaire^
— 292 —
rejetons de l'année pour avoir du combustible, car le bois
est rare ; et c'est au milieu de tout cela que grandit le
drageon destiné à la plantation.
L'engrais est rare et on n'en enterre pas dans le trou
de plantation : on prend le drageon, qu'on a fait au préa-
lable séjourner quelque temps dans l'eau, et on le plante
tel qu^il est, sans couper les feuilles et sans le munir
d'aucun abri protecteur.
C'est en un mot le procédé le plus rudimentaire et
l'ignorance de tous les soins dont aiUeurs est entourée la
création d'une palmeraie.
Dès lors et pour toujours le palmier est condamné à
pousser à la grâce. . . du hasard, n'ayant pour se con-
tenter que ce que ses racines pourront aller chercher de
matière fertilisante dans les cultures de céréales que Ton
entreprendra autour de lui.
La fécondation se pratique en suspendant un pédoncule
garni de fleurs mâles dans chaque régime ou spadice
femelle ; elle commence dès la mi-février et se prolonge
pendant doux mois, à mesure que fleurissent les différents
sujets.
C'est le moment où les influences climatiques peuvent
le plus agir sur la récolte, car il suffit alors ou de vents
trop forts ou de vents trop chauds pour gêner la féconda-
tion ou détruire les fleurs : ici le régime reste stérile
et desséché ; là, il produira de petits fruits sans drupe
et sans noyau (khesiane), que Findigène se refuse à dé-
nommer datte et à compter comme tel.
Dès juin on tire des ressources du palmier : on coupe
quelques régimes pour laisser plus d'aisance à ceux dont
on escompte la maturation^ et on emploie les dattes,
déjà développées mais encore vertes, obtenues ainsi, à la
nourriture des animaux domestiques qui en sont très
friands. Dans les premiers jours de juillet on obtient les pre-
miers fruits des espèces hâtives, et dès lors on peut dire
que les gens nécessiteux vivent sur leurs palmeraies : on
cueille les dattes au jour le jour et une par une, au fur et
— 293 —
à mesure de leur maturité, pour les besoins de ralimenta*
tion journalière.
En septembre commence la récolte qui durera jusqu'à
fin octobre selon l'échelonnement de la maturité des diffé-
rentes espèces : on monte aux arbres et on prend les
régimes garnis de leurs fruits, ou bien on cueille ceux-ci
un par un, puis on les dépose sur les terrasses des maisons
où ils subissent au soleil un certain dessèchement qui les
met à l'abri des fermentations.
L'hiver est le moment où on «c nettoie » les arbres : on
coupe les spadices desséchés et les feuilles inférieures, et
on recueille le « lif » ou fibrille, et les folioles, qui auront
leur emploi dans l'industrie locale.
Quant aux feuilles, elles servent à établir des clôtures,
des haies sèches, ou bien dépouillées de leurs folioles elles
sont utilisées pour faire des claies, des portes de mai-
sons, etc., etc.
Les Oasiens no savent pas par ailleurs tirer du palmier
quelques produits supplémentaires connus dans d'autres
régions palmicoles.
Ils ne font jamais de « lagnu y> ou vin de palmier, non
plus de « miel » de dattes comme dans TOued-Righ.
Les Français ont cependant tenté quelques essais fort
intéressants pour obtenir du cidre de dattes.
On fait macérer des dattes débarrassées de leur noyau
et on ajoute dans l'eau un peu d'orge et du sucre ; on
obtient ainsi une boisson fermentée que l'on peut conserver
pétillante en arrêtant la fermentation au degré voulu.
Cette boisson est d'un jaune-doré très appétissant^ très
légèrement acidulée et peut soutenir la comparaison avec
les cidres mousseux fabriqués en Normandie avec la
pomme.
Dans ce pays lointain où le vin est très échauffant et
revient à un prix élevé, où l'ingestion prolongée de l'eau
provoque un affaissement de l'organisme, et où l'anémie
guette l'Européen, il y a peut-être là pour l'avenir le
moyen d'obtenir une boisson suffisamment tonique et
— 294 —
susceptible d'entrer utilement dans la consommation cou-
rante.
Le eyele vital du yalmier* — Aux Oasis saha-
riennes, la production du palmier est très faible une année
sur deux ; il y des dattes tous les ans parce que la pério-
dicité varie d'un arbre à l'autre, mais le même palmier ne
donne pas deux ans de suite, il donne une fois une récolte
normale — si les intempéries ne viennent pas l'annuler —
et une autre fois il n'en donne qu'un tiers ou un quart, ou
môme rien du tout.
Et c'est ici un détail qui influe beaucoup sur la valeur à
attribuer au palmier, question importante puisque cet arbre
constitue l'à-peu-près exclusive richesse des Oasis et que
c'est sur lui qu'a été calculée l'importance de l'impôt actuel.
Cette appréciation est encore commandée d'une part par
l'âge de l'arbre, car un palmier trop jeune ou trop vîenx ne
donne rien, et d'autre part par son mode de plantation, car
s'il est en jardin irrigué ou dans un fond de sebkha où l'hu-
midité est proche de la surface il peut donner de 60 à 80
kilos de dattes, tandis que s'il est en bour^ c'est-à-dire
dans un terrain vague, inculte et sec, il faut dépouiller
jusqu'à quarante arbres différents pour recueillir ces mêmes
60 kilos de fruit.
Nous nous sommes donc attaché à établir ce départ, qui
n'avait jamais été recherché, entre les différents âges et les
différentes situations du palmier aux Oasis, de façon à
dire ensuite : <c Cette palmeraie vaut intrinsèquement tant,
ce pays vaut tant. »
Les précisions que nous allons présenter sont de con-
naissance courante chez tous les habitants, il suffisait de
les leur demander.
Nous avons dit que le palmier se reproduit non par
semis ni par boutures, mais par drageons.
Lorsque le drageon est séparé de sa mère' et mis en
place, il prend le nom de <c gharsa », littéralement < plant »,
et il garde ce nom jusqu'à l'apparition de son premier
— 295 —
régime, c'est-à-dire, pour un gharsa normalement appro-
visionné d'eau : quatre ou cinq ans.
Dès qu'il a offert ce premier régime il est dit « àardha »,
littéralement « offrant », « produisant » ; on dit alors de
lui « il a offert une fois », ce il a offert deux fois », au fur
et à mesure qu'il offre sa première puis sa seconde récolte :
à noter que cela ne se produit pas forcément pendant
deux années se suivant, puisque nous avons vu que,
généralement, les récoltes sont bisannuelles.
Cette spécialisation du palmier en production de début
se justifie parce que ses régimes ne sont pas encore de
grosseur normale, comme ils le deviendront un peu plus
tard ; ce sont des produits d'adolescent.
Cependant, parvenu à Fàge où nous l'observons, il a
déjà poussé plusieurs rangées de feuilles : on compte
que, dans des conditions moyennes, il en pousse trois
rangées par an à paii;ir de la fin de la seconde année de
sa plantation : on l'a a nettoyé » tous les ans de feuilles
vieilles de. plus d'un an en coupant leurs pétioles à
environ 30 ou 40 centimètres du stipe dont leurs chicots
hérissent ainsi le pourtour.
Or quand il a « offert » sa seconde récolte, on le
nettoie de tous ces chicots en les coupant au ras du
stipe, et comme ces chicots sont dits en arabe «r kernaf »,
on dit de lui qu'il est « mekernefa », littéralement
« débarrassé », nettoyé de ses kernaf. Il a atteint en ce
moment à peu près hauteur d'homme.
On lui maintient cette épithète pendant deux ou trois
récoltes, c'est-à-dire quatre ou cinq ans ; comme il prend
de l'âge et de la vigueur, il arrive enfin à donner une
récolte normale, d'importance moyenne.
A ce moment il prend le nom de « bekra ».
« Bekra » c'est toute femelle, humaine ou animale, qui
arrive à son plein épanouissement, qui est prête à enfanter
1. En arabe le palmier est du genre féminin (nekhia); sont spé-
cialement masculins les arbres mâles (dokkar).
— 296 -
pour la première fois ; il faut entendre ici que rien de ce
que le jeune palmier a produit ne compte encore, que ce
n'est que maintenant qu'il va produire ce que Ton attend
de lui : c'est le palmier en plein rapport.
En ce moment son stipe est déjà haut, f^os, gonflé de
sève, les quignons des feuilles coupées sont d'un brun
chaud, leur épiderme est uni, exempt de fentes, glacé et
reluisant ; les feuilles sont longues de trois et même quatre
mètres, les folioles sont drues et longues, d'un beau vert*
épinard ; les pédoncules des régimes sont nettement de
couleur orange et les régimes eux-mêmes acquièrent un
grand développement, il peuvent porter jusqu'à 15 kilogs
de dattes chacun. Cet été de la vie du palmier dure long-
temps, 30 ans, 40 ans, suivant les soins dont il est l'objet.
Puis à la longue les premiers signes de vétusté se mani-
festent, le stipe se dégonfle, diminue de grosseur ; il
semble sortir de terre et s'exhausser par sa base dont
toute la partie inférieure apparaît recouverte de racines
adventices ; les beaux quignons bruns et glacés se fen-
dillent et tournent au gris ; les feuilles s'allongent moins
vigoureusement et leurs folioles se clairsèment et se rape-
tissent ; la production diminue bientôt de 50 pour 100 :
le palmier est dit « kebira », — c vieille ».
Il se maintiendra encore longtemps en cet état si l'eau
ne lui fait pas défaut : « il pourra voir naître, grandir et
mourir le fils de son propriétaire », — mettons 40 ou 50
ans, — puis il s'affecte d'une décrépitude évidente ; son
stipe maigrit encore, sa partie envahie par les racines
adventices s'élève jusqu'à deux mètres du sol ; ses qui-
gnons se morcellent, s'usent sous l'action des vents et
des sables charriés, jusqu'à cesser d'être distincts, l'arbre
devient gris-clair et se courbe, avec seulement quatre ou
cinq feuilles mal venues, longues de moins d'un mètre,
entre lesquelles pend un pauvre régime sans développe-
ment et presque sans fruits; la récolte tombe au-dessous
de dix et même de cinq kilos : le palmier est « charefa »
— « décrépite »,
— 297 —
Il durera ainsi des années, des dizaines d'années, jus-
qu'au jour où on viendra l'abattre pour fournir deux
poutres destinées a remplacer dans la maison du maître
celles qu'ont mangées les termites.
Nous venons de décrire l'existence du palmier de jar-
din ou encore du palmier planté dans un bas-fond aqueux,
où il boit selon ses besoins et réussit autant que son frère
des jardins. Ce sont-là les deux seuls sujets intéressants,
car les autres, les palmiers des bour secs, ne donnent
qu'accidentellement et de loin en loin, au hasard d'une
année humide, une récolte appréciable.
Lia valeur marehande du palmier* — Mainte-
nant que nous sommes initiés aux différentes phases de la
vie de l'arbre, nous allons voir sa valeur marchande, son
prix de vente : on comprend d'après ce qui précède que le
palmier atteint sa valeur maximum, obtient son prix de
vente le plus élevé :
1® Quand il est en jardin ou sol humide ;
2^ Quand il vient d'entrer dans l'âge « bekra ».
Or quand il réunit ces deux conditions il est vendu :
Au Tinerkouh : 20 francs ;
Dans le Haut-Gourara, depuis le Tinerkouk jusqu'à
Deldoul : 40 francs ;
Aux Oulad-Aîssa : 30 francs ;
Dans le Bas-Gourara, l'Oued-Er-Remel, l'Oued-El-
Hadjar, le Teçabit : 20 francs.
Dans le Touat supérieur, il se maintient au même prix
jusqu'au Fenoughil, mais avec tendance à la baisse.
Dès Zaouiit Kounta, un beau palmier ne vaut guère plus
de 10 francs.
On le trouve, un peu plus bas, dans l'Oued El-Henné, à
5 francs.
Au sud du Sali, ce dernier prix est un maximum, et
souvent des jardins ne trouveront pas acquéreur depuis les
Oulad-Baho jusiqu'à Taourit du Reggane.
Au Tidikelt la valeur remonte un peu.
— 298 -
Un beau palmier d'Aouïef vaut 15 francs.
Il maintiendra cette valeur à Tit, à Inghar et à In-
Salah, mais à Akabli, il retombe à 2 metkals (4 francs).
Eies variétés de dmtimmm — Les principales variétés
récoltées dans les Oasis, selon leur ordre d*importance
nutritive et commerciale, sont :
1^ La Tinekkour^ très petite, mais extrêmement sucrée
et parfumée ;
2® La Tinhoudy grosse, à drupe blanche et très sucrée ;
3* La Hariane^ grosse et sucrée ;
4® La Tilemsou^ que les Arabes du Nord connaissent
sous le nom de Hamira^ de grosseur moyenne et d'une
belle couleur rouge ambrée ;
5® VAdekliy également savoureuse ;
6** La Takerbouch.
Ces six variétés peuvent être considérés comme consti-
tuant les dattes de luxe, la première qualité : ce sont
celles que recherchent les gens aisés et qui sont présen-
tées aux hôtes de marque, soit fraîches, soit desséchées,
selon la saison.
Nous citerons maintenant les dattes de consommation
courante qui constituent la seconde qualité \ ce sont les
variétés qui forment de beaucoup la grande masse des
palmeraies touatiennes et qui fournissent le commerce
d'exportation ; elles se présentent ainsi par ordre de com-
mune préférence :
1^ La Tilemsou ou Hamira de qualité moyenne ;
2® La Tinnacer^ un peu plus petite que la précédente,
et d'ambre plus clair ;
3^ La Tegazza^ blonde ;
4® La Tinmeleha ;
5® La Tazerzaï ;
' 6« VAdham.
En plus de ces variétés, répandues dans tout le terri-
toire, la région du Tidikelt présente d'autres espèces
— 299 —
marchandes de qualité équivalente à ccIIes-Ià et qui leur
disputent la prédominance dans les palmeraies, ce sont :
?• VOuarglia ;
8^ La Degla^ et sa variété la Degla souda ;
^ La Fekir-Ali ;
100 UAchdakh.
Voilà les seize variétés qui se partagent au premier et
au second rang la grosse masse des Oasis sahariennes et
qui en forment la partie ayant une valeur réelle et impor-
tante.
Nous allons maintenant énumérer, tant pour compléter
notre documentation que pour Tintérêt philologique de
leurs dénominations, pour ceux qui poursuivent une étude
comparée et de groupement des diiFérents dialectes ber-
bères, toutes les variétés de moindre importance, sinon
par leur qualité, tout au moins par le bas effectif qu'elles
présentent, et qui est souvent inférieur à mille sujets ;
autant dire que certains d'entre les noms qui vont suivre
désignent moins des variétés distinctes que des sous-
variétés plus ou moins tranchées qui ont reçu dans des
localités différentes de différentes appellations.
Ce sont, sans classement bien entendu autre que
Tordre alphabétique :
Aâkecky Açïaney Adham-El-Ackch, Agkras, Adkam-
El'Hadj\ Agaza^ Aghem^ AghmoUj Agloul^ Agueniguen^
Aguel^ Ahalmoudhj Aïssa ben Mousa^ Akkech^ Akrichy
Azrouf ;
Ba Djaoui^ Ba-Makhlouf^ Ba-Melik^ Ba-Mimoun,
Beghely Betzim^ Belal^ Ben-Aïssa^ Ben-Cherkiy Ben-
Khelbane^ Ben-Khelef^ Ben-Taleby Bent-Dobba^ Besse-
koufy Bou.Arif, Bou-Arifi^ Bou-Djelta, Bou-Hedjim^
BoU'Hemane, Bou-Kezim^ Bou-Sekri^ Ben-Ouaddal.
Cheikh^ Cheïkh^Mhammed^ Cherka ;
Deglat Mekka^ Deglat-Nour^ * Degla-Sofra^ Degla-
Souda, Deglat-Moulal'EdriSj Deguel-Djedba^ Deguel-
Djedir^ Deher, Deglet- Mahmoud ;
Feggous^ Fekâli (corrupt. de Fekir-Ali)^ Filai ^ Feront ;
— 300 —
Gazz /
Hamdha^Hamed-Hammou^ Hamel, Hammou-Nadjern ;
Infal^ Inguellou^ Itima ;
Kadjouly Kounti ;
Menchar^ Messâoudta, Montibat ;
Nebouti ;
Obbady Ouâkkech, OuargUa^ Oudjil^ Ouladam^
Oulekkar, Oum-DJeloudy Oum-Taîeb, Ouzmikj Ouzzane;
Sammat, Santi, Sebâ-es-Soltane ;
Taâbbout, Tabelmehdîa^ Tadjar^ Tadmamt, Tafelhane,
Taghar, Takhsi, Tamedri^ Tamellalt, Tanout, Taser-
kemest^ Taserkmit, Taslah^ Tazeriout^ Tazizaouat^
TazrouFy Tekerntfty Tilekket^ Tinâfent^ Tinâkecht^
Tinâleiriy Tinâradhty Tinbânemy TinbeddoUy Tinbezir^
Tinbouzid^ Tindeguel^ Tindekent^ Tindekkal, Tindjou"
hert, Tinezzane^ Tinezzoua^ Tinhaïouali^ Tinilboul^
Tinkasriy Tinkerkour^ Tinkesar, Tinmedouelj Tinmel^
bouUy Tinmhamed^ Tinouargliy Tinoudjdel^ Tinouklil^
Tinridhy Tinsedjemt, Tintellekt^ Tintennout, Touraât,
Touraght ;
Zâlouk, Zoufna
Quant à la datte dite hachef^ elle ne constitue pas une
espèce ; on nomme ainsi les fruits desséchés avant
maturité et qu'on utilise pour la nourriture des animaux.
Dénombrement des .palmiers par A§^es et
espèces, et par terrains de plantation* — Ce
dénombrement détaillé a été opéré pour la première fois
en 1906, en même temps que celui de la population pré-
senté plus haut, et, comme lui, par la djemàa de chaque
ksar ou district, dans les meilleures conditions de çéraciié
relative.
En voici les résultats totalisés pour chaque annexe :
1. Quelques sujets à Insalah et à Deldoul importés de TOued-
Righ, mais très dégénérés et peu estimés.
— 301
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~ 302 -
B. — Dénombrement des
ANNEXES
Gourara .
Touat ,
Tidikell.
NATURE
TERRAINS PLANTÉS
Jardbs
Terres humides.
Terres sèches . . .
Jardins
Terres humides.
Terres sèches . . .
Jardins
Terres humides
Terres sèches . . .
Ensemble^ i^'^!!l^
du territoire)
Terres humides.
Terres sèches...
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M
S
H
217
9
16
7.331
1.926
115
1.084
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110
8 632
2 260
241
2.019
4
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1.320
1.007
512
75
3 414
1 011
567
s
5.436
330
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2 935
1.513
8.688
2.295
1.626
23 557
5.560
3 559
202.293
13 370
10.993
13.748
2 154
515
99
216 140
15.524
11.508
1 553
41
112
5 868
45
»
100
7 521
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112
s
H
8^1
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4.227
1 718
1.559
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5668
1 821
1.745
113 334
21 612
31 789
17.847
1 467
758
35.357
2 977
2.555
166 538
26 056
35 102
3.364
366
2.288
131-899
19.880
5.404
66.080
16.000
5 463
201.:<43
36.246
13 155
lia réeolle de dattes des Oasis* — Sous la do-
mination chérifienne, la récolte de dattes était estimée
avec soin chaque année, car cette estimation servait de
base à la fixation de Tàchour ou impôt du dixième.
Nous avons vu, par exemple, qu'en 1671 cet âchour fut
de 449 charges pour le Gourara seul, ce qui indique une
récolte de 4.490 charges dans cette partie du territoire.
En 1797, la récolte pendante fut estimée à 10.841 char-
ges, et en 1798, à 58.269 charges ; nous trouvons encore
que Tétat de l'âchour fut, en 1828, de 959 charges, indi-
quant une récolte de 9.590 charges ; ces trois dernières
indications, qui portent sur tout le territoire, montrent
bien les grands écarts que subit d'une année à Tautre la
production de ce pays.
••pèces prédominantea
303-
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3
3
,
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19 513
2.251
32 547
»
1.693
14.045
3632
2985
»
»
5 898
1 419
1.707
>
»
1 200
6
98
»
»
7.539
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3 400
»
10
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N
»
3.392
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1.720
3.656
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11 828
»
8.842
1 112
917
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402
508
473
655
»
64 268
18.221
6.612
4.424
3.170
»
»
»
9602
1.515
332
1 443
215
»
»
»
8.496
1.240
88
992
122
»
»
22.905
110.822
32 547
19.941
11. %1
4 424
3.170
14.045
3 632
2.985
7.327
11.828
5.898
19 863
1.707
2.627
1.249
1.443
215
1.20U
6
98
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730
«
7.699
13.588
3 400
1.642
*606
99*
122
200
25
193
473
655
La moyenne des deux années 1797 et 1798 — une bonne
et une mauvaise — s'établit ainsi à 34.550 charges, soit
environ 46.000 quintaux.
Mais il ne faut pas oublier qu^il ne s*agit ici que de la
récolte assujettie à l'impôt^ et qu'à celui-ci échappaient :
1® Les récoltes des chorfa et des merabtines ;
2"* Toutes les récoltes des autres castes qui se trouvaient
inférieures au niçab ou unifiscal ; si la part de palmeraies
appartenant alors à ces favorisés avait été à cette époque
la même qu'aujoui^d^hui dans l'ensemble du territoire (envi-
ron 55 p. 0/0), on serait amené à estimer la récolte totale
moyenne de Tépoque à moins de 100.000 quintaux.
Tout en faisant état de ce renseignement historique, il
est permis de traiter aujourd'hui une évaluation générale
— 304 —
de la récolte moyenne des Oasis, en utilisant les éléments
d'appréciation recueillis sur place : ce sont des moyennes
tirées de. 60 observations particulières pour chaque âge
de palmiers dans les trois annexes du territoire.
On peut admettre* semble-t-il, les bases suivantes :
1® Pour les palmiers behra^ dont le fort rendement est
d'environ 50 kilos une année et le rendement faible 10
kilos Tannée suivante, une récolte moyenne de 30 kilos ;
2^ Pour les palmiers mekernefa^ dont le rendement
mo]^en est un peu moindre, 25 kilos ;
29 Pour les palmiers ûardha^ qui en sont à leur initiale
production, il convient de ne compter que 5 kilos ;
4^ Les palmiers kebira perdent beaucoup sur les bekra^
on peut leur attribuer 20 kilos ;
5^ Les charefa ne peuvent atteindre une moyenne supé-
rieure à 5 kilos.
Nous attribuerons tout cela tant aux arbres de jardin
qu'à ceux des terres humides (nebâ).
Quant aux palmiers des terres sèches, il arrive souvent,
comme nous avons eu 1 occasion de le dirpy qu'il faut
quarante arbres pour remplir un sac de 80 kilos, soit
2 kilos par arbre, mais c'est là un minimum, et on peut
équitablement leur attribuer une production de 5 kilos
par arbre bon an, mal an, pour les arbres mekernefa,
bekra et kebira.
Nous allons aussi tenir compte que le palmier mâle se
présente en moyenne une fois par 30 arbres : chaque éva-
luation de récolte va être affectée d'une diminution de
1/30 qui représente le manquement causé par les palmiers
mâles.
Nous obtenons ainsi le tableau suivant :
Le dépiquage des céréales (page 306)
La dune envahissant une palmeraie à Aoulef (page 338)
— 305
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— 306 —
Sur cette récolte, que l'on peut considérer comme la
production moyenne des Oasis, environ 20.000 quintaux
passent à l'exportation (14.000 charges en 1905) ; il reste-
rait donc environ 192.000 quintaux pour la consommation
intérieure, soit une disponibilité d'environ 392 kilos par an
ou un peu plus d'un kilos par jour et par tête d'habitant.
Il faut admettre que la réalité est un peu plus élevée,
car aucun district n'a recensé tous ses palmiers de terres
sèches, à beaucoup près, et on peut estimer, de ce chef, la
disponibilité réelle à environ 500 kilos par an et par tête
d'habitant.
liefi eéréales* — Les céréales sont cultivées dans
tous les endroits laissés libres par les palmiers et par les
cultures vivrières ou maraîchères, dans la mesure que
permet l'eau disponible après irrigation du palmier ; c'est
assez dire que les districts riches en palmiers sont pau-
vres en céréales et réciproquement ; le Gourara fait pré-
dominer le palmier, ainsi que le Teçabit et le Touat
Supérieur, l'Aoulef et In-Salah ; les céréales sont particu-
lièrement cultivées dans le Bouda et le Bas-Touat ; quand
la récolte le permet, les uns complètent l'approvisionne-
ment des autres.
D'une façon générale, on trouve des céréales partout,
comme des palmiers, car chacun cherche à récolter au
moins sa provision.
Les céréales cultivées sont par ordre d'importance ;
En hiver : le blé et l'orge.
En été : le millet et le sorgho.
On fait aussi un peu de maïs.
Nous pouvons essayer une évaluation approximative du
stock de céréales qui s'est trouvé à la disposition des popu-
lations des Oasis pendant l'année 1904.
En cette année, le chef d'annexé du Touat évalua la
— 307 -
production en blé et en orge de son territoire à environ
17.000 quintaux*.
Si Ton part de cette base, on peut évaluer la production
du Gourara, car nous avons vu qu'au temps des gouver-
neurs chérifiens, on la considérait comme étant vis-à-vis
de celle du Touat dans le rapport de 4 à 3 : nous adop-
terons donc pour le Gourara une récolte de 21.000
quintaux.
Quant au Tidikelt, on a vu que la moitié de son appro-
visionnement lui vient du Touat, il ne doit guère attein-
dre par sa propre récolte à 8.000 quintaux.
Nous avons donc :
Gourara 23.000 quintaux
Touat 17.000 —
Tidikelt 8.000 —
Total . 48.000 quintaux
Il faut maintenant estimer la récolte de millet et de
sorgho : elle est toujours un peu moindre que la précé-
dente, quoique ces grains foisonnent davantage, car les
surfaces emblavées sont notablement moindres en été
qu'en hiver, environ un tiers : on peut donc admettre de
ce chef une récolte de 32.000 quintaux.
D'autre part, les caravanes sud-oranaises ont importé
cette année-là, en blé et en orge, 700 quintaux ; on peut
admettre que lamoitié d'autant fut apporté du Sud- Algérois,
soit à In-Salah soit dans les deux autres annexes et porter
le total des importations à 1.000 quintaux.
On obtiendra ainsi :
Production locale de blé et orge . . . 48.000 quintaux
Production locale de millet et sorgho . 32.000 quintaux
Importations de blé et d'orge 1.000 quintaux
Soit un total général de. . . 81.000 quintaux
Comme la population s'élève à 49.100 habitants, la
faculté de consommation moyenne ressort donc pour un
1. Le commerce et V agriculture au Touat, in Bulletin de la
Société de Géographie,
— 308 —
habitant à 168 kilos pour toute Tannée et à 460 g^rammes
de grain par jour — à condition qu'il n'ait rien uendu aux
troupes d'occupation ni aux Touareg, or c'est le contraire
qui est arrivé, et de ce fait l'approvisionnement doit être
ramené à environ 300 grammes de grain, par jour et par
habitant.
Retenons enfin que cette année 1904 a été, en ce pays,
une année «c bonne », mais qu'en 1905 la production en
céréales a été inférieure des deux tiers à la précédente,
ce qui, sur l'ensemble des deux années, ne laisse qu'une
disponibilité moye/i/ie de 112 kilos par an, et de 300 gram-
mes par jour, par habitant, que les achats pratiqués pour
les besoins des troupes ont encore réduit de moitié.
lie henné. — Le henné {lawnsonia inermis^) : 1^ est
cultivé uniquement dans la région qui a pris de lui le nom
d'Oued-el-Henné (district d'Inzegmir).
Dans ces oasis où les palmeraies sont très claisemées,
il se présente sous la forme de petits arbrisseaux de 40 ou
50 centimètres de hauteur, qu'on multiplie par boutures
sur les bords des canaux d'irrigation ; le bois en est blanc
et la feuille petite et d'un vert brillant.
C'est cette feuille que l'on récolte pour ses propriétés
tinctoriales et médicinales.
Pour la teinture on délaie les feuilles séchées et pilées
dans un peu d'eau de façon à former un pâte peu consis-
tante que l'on applique sur les cheveux, la peau ou l'objet
à teindre : la nuance obtenue est d'autant plus foncée que
l'application a été maintenue plus longtemps.
On l'applique aussi sur les contusions, les blessures des
hommes et des animaux.
Les caravanes d'Algérie demandent beaucoup le henné
qui leur est porté sur les marchés du Gourara chaque
année ^ mais cet arbrisseau bizarre s'est cantonné dans le
1. Db la MARTiNièRE et Lacroix.
— 309 —
district où nous le trouvons et sa culture n'en parait guère
extensible.
C'est grand dommage : i^ pour les belles Européennes
qui commencent à en consommer beaucoup ; 2® poiu* les
belles Arabes qui en usent depuis longtemps ; 3^ pour le
Touat qui aurait là une culture industrielle très avanta-
geuse et guère concurrencée.
lie tebae. — Le tabac est cultivé dans de nombreux
district, mais surtout dans le moyen Touat et Zaouïet-
Kounta est son principal marché.
L'espèce cultivée est une plante annuelle que l'on sème
en pépinière, puis que l'on replante en place, avec 30 ou
40 centimètres de distance entre chaque pied, dans ces
carrés bas entourés d'un petit ados qui retient les eaux
d'irrigation, mode invariable en usage pour toutes les
cultures dans ce pays.
Lorsque la plante a acquis une hauteur de 40 centimètres,
en juin, on procède à l'arrachage et on lie en petites
bottes d'environ 6 à 800 grammes qui sont portées telles
quelles sur le marché.
Soit dans le pays même, soit au Soudan où on l'exporte,
il est consommé desséché, réduit en poudre, tant les
feuilles que les tiges et môme les racines. La plupart du
temps on le fume dans de petites pipes, mais il arrive
aussi qu'on le réduit, à l'aide d'un mortier, en poudre
assez menue pour être consommée comme tabac à priser.
Il semble bien que l'espèce touatienne soit celle dite
tabac glutineuxK
Le eoion* — Le cotonnier est, après le palmier, Tune
des cultures les plus intéressantes qui existent dans les
Oasis ; sinon qu'on doive l'encourager en vue de l'expor-
tation, car les frais de transport que lui imposerait le
1. P. Larousse, Dictionnaire universel.
— 310 —
grand éloignement de ce pays lui défendraient probable-
ment de se présenter à des conditions avantageuses sur
les marchés du Nord, tout au moins pourrait-on essayer
d'augmenter la production actuelle de façon à obtenir plus
de matière textile susceptible d'être utilisée sur place, en
diminuant d'autant Timportation de cotonnades qui se
produit actuellement.
Le cotonnier se rencontre à peu près dans tous les
districts, en plus ou moins grande abondance, sous la
forme d'un arbrisseau atteignant souvent deux mètres de
hauteur, installé sur les bords des seguias d'irrigation ;
il donne des capsules de la gi^osseur d'une petite noix
contenant généralement cinq graines «i revêtues d'un
duvet gris&tre qui y adhère fortement et que recouvre un
coton blanc et court » ; il parait n'être autre que le
cotonnier herbacé (gossypium herbaceum) qui devient
ligneux dans les contrées voisines du tropique '.
Il n'est l'objet d'aucun soin particulier de culture et,
peut-être pour cette raison, il présente un aspect fruste,
souffreteux et rabougri : les Touatiens ignorent toute
sélection dans la reproduction, ils ne nettoient même pas
l'arbrisseau de ses brindilles mortes ou en surnombre, ils
ne lui apportent jamais d'engrais, ne sarclent ni ne labou-
rent jamais son pied, et ils le laissent se tirer d'affaire à sa
fantaisie comme un simple végétal du désert ; c'est pour
ainsi dire un buisson indifférent qu'ils tolèrent dans leurs
jardins parce qu'ils y cueillent les capsules productives du
textile dont presque exclusivement ils sliabillent.
Combien ne serait-il pas intéressant d'entreprendre leur
éducation sur ce point, peu à peu, en s'en tenant à l'espèce
existante qui est, visiblement, à cause des moindres
soins dont elle est l'objet, acclimatée de façon spéciale
dans ce pays cependant si différent des habitats normaux
de ses congénères, puisqu'il lui offre des températures
1. P. Larousse, Dictionnaire universel.
— 311 —
moyennes estivales de plus de 40° et des moyennes d'hiver
oscillant autour de 0°^
Le piment* — Le piment est une solanée [capsicum
annuum)^ il est annuel aux Oasis.
Il est semé en pépinière, puis repiqué dans les mêmes
conditions que nous avons rapportées plus haut pour le
tabac ; il atteint 30 ou 40 centimètres de hauteur et donne
un fruit nommé piment (ou poivron) qui atteint de 2 à 5
centimètres de longueur, d'abord d'un beau vert brillant,
puis à la maturité d'un rouge éclatant.
Ce fruit, qui possède une saveur acre et caustique
extrêmement prononcée, est consommé vert ou sec par les
Touatiens qui remédient par lui aux effets échauffants de
Talimentetion par les dattes ; de plus, sec, il est emballé
plus ou moins écrasé dans des couffins et exporté jusqu'en
Algérie où toutes les populations indigènes le recherchent
et le consomment en quantité considérable.
A ce titre de matière d'exportation, il méritait une men-
tion spéciale, et sa culture est à encourager dans ce pays
où les éléments de richesse sont peu nombreux.
Nous terminerons ici une liste qui pourrait comprendre
encore les plantes potagères communes, mais qui serait
sans intérêt, car elle ne nous fournirait matière à aucune
donnée nouvelle sur la culture maraîchère pratiquée par-
tout ailleurs dans le Sud Algérien : espèces peu nombreu-
ses et dégénérées.
1. D'après Humboldt, le cotonnier se plaît dans les pays dont les
moyennes se maintiennent entre 26* en été et 7* en hiver.
CHAPITRE V
L'Industrie et le Commerce
Llndustrîe. — Le commerce. — Le commerce intérieur. — Le
commerce extérieur. — L'activité commerciale moyenne.
L^Industrle* — L'industrie comporte surtout la fabri-
cation de certaines pièces de vêtement, burnous et halks,
soit en laine pure, soit en laine et coton alternés par
bandes.
On emploie pour cela la laine apportée par les cara-
vanes du Nord et le coton indigène.
On fait aussi dans le Gourara des couvertures en laine,
et un peu partout des sacs et des sangles, etc.
Une certaine quantité de ces objets est destinée à l'ex-
portation.
Un autre genre d^ndustrie est la vannerie.
On y emploie le drinn et la fibrille ou « lif » du palmier :
on fabrique ainsi des plateaux, des couffins, des paniers
de forme particulière dits « tedara », des nattes, etc.
On fait avec le lif du palmier des cordes qui sont,
comme les objets de vannerie, livrées en partie à l'expor-
tation.
Enfin, il y a dans quelques ksour, Timmimoun, Timmi,
Tamentit, Âoulef, In-Salah, des forgerons, des bijoutiers
et des fabricants de sacoches, portemonnaies et autres
objets en cuir filali.
lie Comiueree. — Il a été beaucoup écrit sur le
commerce transsaharien, qui a jadis transité par les oasis
— 314 —
touatiennes, sur les causes de sa ruine, sur ses chances
de reprise, etc. ; nous avons même eu l'occasion* de
connaître quelques détails nouveaux sur lui ; il ne nous
reste donc maintenant qu'à voir ce qu'est le mouvement
d'échanges actuel
Commeree intérieur* — Les principaux éléments
du commerce intérieur sont :
1® Les denrées d'origine franco-algérienne apportées
en majeure partie au Gourara, en quantité moindre à
In-Salah et pour un très faible restant au Timmi, et qui, de
ces différents points sont colportées de district en district
et de ksar en ksar pour y être vendues au détail ; ce sont
principalement :
1** Le beurre arabe et le fromage arabe; les laines en
toison ; le savon ; les bougies ; le thé ; le sucre ; des coton-
nades blanches et bleues ; du poivre noir, etc.
2^ Les produits locaux qui se répartissent des districts
où ils abondent vers ceux où ils manquent, ou bien se
dirigent de leurs régions de production vers les marchés
de la périphérie où viendra ensuite les prendre le com-
merce d'exportation ; les principaux d'entre eux sont :
La datte, le blé et l'orge qui circulent un peu dans toutes
les directions ; le henné, qui marque une préférence vers
les marchés gourariens, et le tabac qui se concentre sur
les marchés de Zaouîet-Kounta et du Reggane.
Enfin des marchés permanents se sont institués spon-
tanément dans les trois chefs-lieux français : Timmimoun,
Adrar et In-Salah, et la présence de la troupe y entre-
tient des transactions assez actives dont la plus grande
part doit être imputée au commerce extérieur, car elle est
constituée par le débit de marchandises importées par
des négociants algériens qui ont créé des succursales
locales.
i. Sup, i'* partie.
— 315 —
Nous avons recherché Timportance que pouvait avoir
ce commerce intérieur non de district à district, ce qui
serait impossible à déterminer, mais au moins de l'une à
l'autre de chacune des trois régions constituées en unités
administratives secondaires distinctes : Gourara, Touat,
Tidikelt.
Pendant Tannée 1905' ce mouvement commercial se
présente ainsi :
Mouvement d'Aller et Retour
KOUU N OUMIS
Du Gourara au Touat . .
Du Gourara au Tidikelt .
Du Touat au Gourara . .
Du Touat au Tidikelt . .
Du Tidikelt au Gourara .
Du Tidikelt au Gourara .
Totaux (à doubler pour le retour\
Soit un mouvement total de .
66
66
132
29
76
43
14
17
179
358
MARCHANDISES
EMPORTÉES
Céréales, cotonna-
des, 188 moutons.
Henné, tabac, 129
moutons.
Céréales, tabac,
henné .
Peaux, fromages,
divers.
Dattes, divers.
MARCHANDISES
RAPPORTiBS
Peaux, divers.
Dattes, céréales, co-
tonnades.
Dattes, divers.
Céréales, dattes.
Céréales.
Charges transportées.
1. Relevé fait sur les Rapports mensueh des chefs d'annexés.
— 316 —
Il y a lieu, pensons-nous, d'admettre cette statistique
comme inférieure à la réalité, d'ailleurs il faut bien tenir
compte que les comptes rendus des chefs indigènes qui
servent de base au travail établi dans les chefs-lieux des
annexes font parfois défaut, ainsi il est flagrant qu'il y a
une lacune de ce genre dans le mouvement du Gourara
sur le Touat, lequel est réellement plus considérable que
le mouvement du Touat sur le Gourara, mais les chiffires
présentés seraient-ils doublés et portés à un millier de
charges que cela ne représenterait encore qu'un mouve-
ment d'échanges bien faible étant donné le chiffre de la
population.
Si on cherche l'activité proportionnelle de chacune des
trois annexes dans ce mouvement, on la trouve ainsi :
Du Gourara 58 charges soit 11,8 pour cent.
Du Touat 370 — — 75,4 —
Du Tidikelt 62 — — 12,8 —
Total égal. . . . 490 charges soit 100,0 pour cent.
Contmeree extérieur* — Le mouvement commer-
cial avec l'extérieur se produit dans six directions :
1® Le Sud-Oranais
2^ Le Sud- Algérois (avec prolongement jusqu^à Biskra
et jusqu'à Gabès) ;
3^ L'Est (Ghadamès, Ghat et l'Ahir);
4* Les Touareg (Hoggar et Taïtok);
5^^ Le Sud (Adghagh, Azaouad etTombouctou);
6« L'Ouest (Saoura et Tafilelt).
Cette dernière voie fut hier encore importante : les
Doui-Menià, Oulad-Djerir, Beni-Guill apportaient en foule
de l'orge, du blé, des moutons, les Beni-Mhamoud du
sucre, du thé, des bougies, des étoffes, des cuirs du Tafi-
lelt, ouvrés et bruts ; ils enlevaient des dattes et des pro-
duits du Soudan ; du Dra venaient des Arib, des Tadja-
kant, qui repartaient sur Tombouctou d'où ils apportaient
des esclaves, des étoffes, des cuirs, de l'or natif (teber ;
— 317 —
mais tout cela a pris fin avec la conquête française ; au-
jourd'hui cette voie peut être appréciée de suite^ en deux
mots : elle est nulle pour des raisons politiques momen-
tanées ; elle pourra reprendre son importance passée quand
l'influence française sera venue à bout de l'hostilité ou-
verte ou sourde des Doui-Meniâ, Oulad-Djerir, Beraber
et Beni-Mhammed.
La voie du Sud a pour ports le Bas-Touat, Akabli et
In-Salah ; elle est fréquentée par les Kounta et leur clien-
tèle politique : Ifoghas, Hotnaten, Adnane, etc., toutes
tribus riches relativement en mouton, et intermédiaires
des échanges de Tombouctou.
Ceux-ci consistent en cuirs bruts ou ouvrés du Soudan ;
épices et autres menues marchandises que le Touat paie
en dattes et en tabac.
Le tabac touatien est très estimé au Soudan et y a
découragé la concurrence un moment tentée par les tabacs
américains ' ; la charge de 80 à 100 kilos partie des Oasis
avec une valeur de 25 à 30 francs s'écoule à Tombouctou
à des prix variant entre 80 et 100 francs.
De plus, la demande du Soudan est toujours très forte
et enlève en peu de temps toute la récolte disponible du
Touat, et si celui-ci augmentait ses cultures, il y trouve-
rait une source de bénéfices très sérieuse, mais la culture
est limitée tant par la pénurie d'eau que par celle de la
main-d'œuvre.
Le courant touareg est alimenté par les moutons et
quelques produits alimentaires tels que le fromage qui sont
dirigés du Sahara central vers les Oasis d' In-Salah,
d'Inghar et d'Aoulef et par les dattes qu'on exporte de
ces points vers les tribus touareg.
Les voies d'Est (Ghadamès, Ghat et Azguer) aboutit
aussi à In-Salah ; elle est peu fréquentée et suivie surtout
par des cotonnades, du thé, du sucre, etc.
La voie du Sud Algérois a plus d'importance, car c'est
1. Lieutenant-colonel Lapbrrine.
— 318 —
celle des Ghaânba qui apporte céréales et produits manu-
facturés, tant de Biskra que de Gabès, mais surtout de ce
dernier point.
Cette voie, très négligée avant la conquête française, a
été très suivie depuis, d'abord parce que de nombreux
Chaànba ont pris du service dans les Compagnies saha-
riennes et ont fait connaître le pays aux gens de leurs
tribus, leur facilitant ainsi les relations avec les Toua-
tiens ; aussi parce que d'importants transports pour
l'armée leur ont été confiés et les ont incités à fréquenter
cette route, surtout que ces caravaniers ont trouvé, dans le
chargement à Gabès de ces marchandises pour l'armée,
l'occasion facilitée d'enlever du sucre destiné à être écoulé
en contrebande dans le Sud Algérien, et des bénéfices
illicites de cette dernière opération, ils ont notablement
grossi les gains normaux de leur commerce de transit sur
le Touat.
Là est la cause dominante de la prospérité imprévue
et irrationnelle de cette voie commerciale^ — irration-
nelle, nous semble-t-il, et voici pourquoi : d'abord une
denrée française donnée doit se présenter à conditions à
peu près égales dans les gares du Sud Oranais et dans le
port de Gabès, car l'excédent de distance qu'elle a dû
franchir pour gagner ce dernier point est compensé par le
plus bas coût du transport par mer ; de son côté, une
denrée indigène se présente à égalité de prix de revient
dans les tribus sud-oranaises ou dans les tribus gabésien-
nes ; il s'ensuit clairement que le consommateur touatien
devra obtenir à meilleur compte, toutes choses égales
d'ailleurs, la denrée qui aura parcouru la moindre dis-
tance pour l'atteindre.
Or, cette marchandise qui se trouve dans l'un et l'autre
point de charge en d'égales conditions a encore la faculté
d'y être enlevée par des caravaniers possédant d'égales
aptitudes et une égale vocation pour son transport : les
Trafis et autres Oranais d'une part, les Chaànba de
Tautre.
— 319 —
De plus, les Oranais sont les consommateurs d'élection
du premier produit touatien : la datte ; et ils ont là un fret
de retour dont leur faculté de charge est presque illimitée ;
tandis que les Ghaànba qui ont leurs palmeraies à Ouargla
et dans FOued-Righ n'enlèvent la datte touatienne qu'à
titre d'appoint et rentrent souvent chez eux à vide.
Pourquoi donc ceux-ci acceptent-ils de parcourir une
plus longue distance à moindre prix et obtiennent*ib la
préférence sur leurs concurrents ? C'est forcément parce
qu'ils ont su joindre une source secondaire de profits à la
la principale, de telle façon que le bénéfice réel, complet^
de leurs opérations se trouve comprendre autre chose que
la rémunération demandée au consommateur touatien.
D'autre part, la sécurité de cette voie sud-algéroise
permet de faire circuler des caravanes de toute impor-
tance, même minime, en tout temps, ce qui facilite beau-
coup les entreprises commerciales.
La voie du Sud Oranais, au contraire, est peu sûre,
parfois coupée par les pillards de l'Ouest, et le commerce
n'y aventure que des groupes nombreux dont la force
constitue la sécurité.
On voit surtout cette voie suivie par un très gros groupe
annuel formé de toutes les caravanes réunies de l'Oranie ;
il ne parut pas l'année qui suivit la conquête à cause de
l'emploi des chameaux aux convois militaires, mais il
reprit sa route dès 1902, et après avoir faibli d'importance
en 1903, il a atteint depuis des effectifs très satisfai-
sants.
Il apporte des denrées de toute espèce, des moutons et
de l'argent monnayé et enlève l'excédent de la récolte des
dattes des Oasis, fournissant ainsi à celles-ci le plus clair
de leurs gains commerciaux.
Les opérations de ces grandes caravanes oranaises font
chaque année l'objet de rapports détaillés que le Grouverne-
ment général de l'Algérie fait publier, il serait donc oiseux
de les rééditer, nous rappellerons seulement l'effectif des
chameaux qui ont participé à ce commerce :
— 320 —
En 1902, 7.752 ; en 1903, 2.600 ; en 1904, 5.771 ; en
1905, 17.556 ; en 1906, 9.150 et 840.
Nous allons essayer de connaître le détail des opérations
de la dernière en date de ces caravanes, celle de 1906*.
Importations
NATURE DES lARCHANDISES
Moutons
Blé
Orge
Pommes de terre
Thé
Sucre
Beurre (arabe)
Beurre
Graisse (arabe). . .
Graisse
Savon
Huile
Bougies
Poivre noir
Laine en toison
Viande séchée
Fromage (arabe)
Cotonnades
Fèves
Miel
Pois chiches
Café
Girofle
Goudron
Burnous de coton
Allumettes
Divers
NATURE
de
l'unité
tête
charge
charge
charge
charge
charge
outre de 25 k.
outre de 50 k.
charge
charge
quintal
quintal
quintal
charge
charge
quintal
quintal
pièce 100 m.
quintal
outre
charge
charge
charge
outre
unité
boîte
VALEUR
de
l'unité
francs
24 00
75 00
45 00
45 00
750 00
120 00
62 50
125 00
300 00
37:5 00
150 00
125 00
150 00
200 00
200 00
100 00
50 00
40 00
40 00
90 00
45 00
215 00
263 50
13 50
6 00
05
2300
1140
267
70
12
102
800
100
42
10
30
30
30
8
8500
124
80
238
237
5
5
7
1
50
74
4000
Total des importations . .
VALEUR
totale
francs
55 200 00
85.500 oO
12 015 00
3 150 00
9.000 00
12.240 00
50.250 00
12.500 00
12.600 00
3.750 00
4.500 00
3.750 00
4.500 00
1.600 00
17.000 09
2.400 00
4.000 00
9.520 00
9 480 00
450 00
225 00
1.575 00
263 50
t^75 00
444 00
200 00
312^50
316.000 00
1
PRIX
du
kilog
francs
50
30
30
5 00
80
2 50
2 50
2 00
2 50
1 00
1 25
1 00
2 00
1 00
50
40
00
30
1 50
75
45
1. Extrait du rapport du chef de poste du Gourara.
— 321 —
Il faut ajouter à ces chiffres représentant l'apport sur le
marché gourarien, les quantités suivantes qui ont traversé
les oasis du Gourara pour aller s'offrir sur le marché du
Touat*.
Céréales 10 chargées
Beurre 12 —
Laine 5 —
Graisse 5 —
Légumes secs 5 —
Moutons 100 unités
Nous remarquons d'abord qu'il ressort de cette énumé-
ration des quantités de marchandises importées que,
contrairement à ce qu'on avait écrit sur ce point, tous les
chameaux composant les caravanes, 9.150, ont dû prendre
part au transport et qu'aucun n'a fait la route à vide : une
simple addition des charges et des quintaux permet de
s'en rendre compte.
Notons de suite que, pendant leur séjour, gens et bétes
ont consommé.
La nourriture des caravaniers (2.140 personnes) est
évaluée à 10.000 francs et celle des 9.150 chameaux, à
raison de deux sacs de dattes hachef à 10 francs l'un
pour chaque animal, est estimée à environ 90.000 francs,
soit 100.000 francs d'achats sur place dont profitent les
Oasis et qu'il y aura lieu de joindre au chiffre des mar-
chandises qui seront enlevées, pour établir le montant
total des ventes opérées par ces derniers.
1. Rapport du chef d'annexé du Touat.
21
— 322 —
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— 323 —
Soit un total général d'environ 338.000 francs.
Toutefois, il importe avant de passer à la balance des
importations et des exportations, de tenir compte d'un
détail particulier que nous explique le document officiel
que nous suivons :
« Quoique les caravanes apportent de l'argent monnayé,
elles n'achètent pas, en principe, contre espèces avant
d'avoir écoulé leurs marchandises par voie d'échange pour
se procurer les denrées locales.
« La base de toutes les transactions est le prix de la
charge de dattes.
« Cette année, la récolte ayant été moyenne et les
Arabes étant venus moins nombreux que l'année précé-
dente, l'offre a été plus considérable que la demande et
le prix des dattes a été relativement peu élevé. La charge
de « hamira » qui valait 30 francs l'hiver dernier s'est
vendue 24 francs. »
Il est permis d'observer que si le rapport officiel
s'exprime ainsi en se plaçant au point de vue de l'offre
goiurarienne, on peut dire par contre que les Arabes étant
venus moins nombreux offrirent eux aussi moins que
l'année précédente et que la relation parait être restée la
même entre leur offre moindre et la récolte simplement
moyenne^ c'est-à-dire inférieure à celle de l'année précé-
dente.
Nous sommes en mesure d'ajouter une autre cause à la
baisse constatée.
La date du l®*" janvier 1906 avait été impartie aux habi-
tants des Oasis comme ultime délai pour le versement de
leur impôt de 1905, et comme ils manquaient d'espèces
monnayées, ils en demandèrent aux caravaniers qui
avaient apporté 58.000 francs en numéraire ; ceux-ci pro-
fitèrent naturellement de la situation et imposèrent la
baisse de prix signalée.
On est fondé à dire qu'il en eût été tout autrement si
les Gourariens avaient pu attendre pour se libérer envers
le fisc jusqu'au l*' février par exemple : les Arabes ne
— 324 —
pouvant prolonger leur séjour sans mesure eussent été
obligés de consentir les prix qu'eussent demandés les
vendeurs de dattes et les cours seraient restés fermes.
Par ailleurs, le Rapport nous apprend que les échanges
procurent aux caravaniers l'occasion de tirer réellement
des Gourariens plus que ne l'indique la mercuriale repro-
duite plus haut, laquelle ne doit donc être considérée que
comme indiquant exclusivement les cours des achats faits
contre espèces. Voici le taux d'échanges :
1 mouton contre 1 charge et demie.
1 de blé contre 4 de dattes.
1 de fèves contre 4 de dattes.
1 de fromage contre 4 de dattes.
1 d*orge contre 3 de dattes.
Ce qui fait que les marchandises acquises par les Gou-
rariens, au lieu de leur avoir coûté 338.000 francs comme
rindique la mercuriale, leur a coûté en réalité 60.000 francs
de plus, soit 400.000 francs.
On peut donc résumer la situation ainsi :
Les caravanes oranaises de 1906 ont apporté aux Oasis
pour 316.000 francs de marchandises de toute espèce qui,
dans la réalité, par le jeu des échanges pratiqués, ont été
payées 400.000 francs par les acheteurs du Gourara ; les
Arabes ont remporté pour 222.000 francs de dattes et
15.889 francs d'autres produits, vêtements tissés, vanne-
rie, oignons, tabac, soit un total de 237.889 francs,
auquel il y a lieu de joindre une somme de 100.000 francs
représentant la valeur de ce que les hommes et les cha-
meaux ont consommé sur place pendant leur séjour.
Ils ont donc emporté en numéraire la différence entre :
Ce qu'ils ont vendu, soit 400.000 francs
Et ce qu'ils ont acheté, soit 338.000 —
C'est-à-dire 62.000 —
Ces données* sont intéressantes à retenir car elles
montrent que les opérations des grandes caravanes annuel-
1. Extraites du compte rendu du chef du poste de Gourara.
— 325 —
les, si avantageuses pour les indigènes oranais qui réali-
seront encore un bénéfice sui* la revente dans les marchés
du Nord, si nécessaires pour les Oasiens auxquels elles
apportent l'appoint de ressources qui leur manque chez
eux, ont ce désavantage de drainer un peu du très rare
numéraire en circulation dans les Oasis ; nous verrons
cependant plus loin que ce côté spécial n'influe pas trop
profondément sur la fortune relative de l'annexe du Gou-
rara, sans doute parce qu'en revendant au détail dans le
reste du pays elle arrive à répartir le désavantage sur
tout le monde.
Voici par ailleurs le relevé total du commerce extérieur
des Oasis en 1905, indiqué par le nombre de chameaux
qui a circulé sur chacune des six voies que nous avons
envisagées^ :
VOIES COMMERCIALES
CbaBeaux ayant conunercè
TOTAL
des
OASIS
OBSERVATIONS
au
Gouitira
au
Touat
TidïkeU
Sud-Oranaîs
9.227
1.279
»
3
156
584
1»
97
50
2
481
42
2.2S4
166
»
9.383
2.344
42
2.351
216
S
Plusieurs cara-
vanes sont men-
tionnées sans indi-
cation de leur
effectif.
Sud-Algérois
Est (Ghadamès-Ghat)
Touarep
Sud ( Adghagh-Tombouctou)
Ouest (Saoura-Tafilelt)
Totaux
10.509
889
2.943
14.341
On voit que le commerce extérieur se répartit ainsi
entre les trois annexes :
Gourara 73,3 pour 100
Touat 6,2 —
Tidikelt 20,5 —
1. Non compris les convois militaires ou transportant pour
l'armée.
— 326 —
Umeilvlié «ommerelale moyenne. — Nous
apprenons enfin, en faisant la moyenne de Tactivité à
l'intérieur et à Textérieur, que l'activité relative des trois
régions se présente ainsi :
Gourara 42,5 pour 100
Touat 40,8 —
Tidikelt 46.7 —
Si Ton tient compte de la lacune importante que nous
avons signalée plus haut dans la statistique du mouvement
du Gourara au Touat, et si nous rétablissons par la pensée
cet élément d'appréciation qui nous fait défaut, nous
voyons l'activité gourarienne s'élever un peu, en faisant
baisser d'autant celle des deux autres collaborateurs, on
obtiendrait ainsi :
Pour le Gourara, environ 44,5
Pour le Touat, environ 39,8
Pour le Tidikelt, environ 15,7
100,0
Ce qui semble bien correspondre sensiblement à la pro-
portion attribuable à chaque annexe dans la fortune géné-
rale du pays.
Nous pouvons encore déduire de ce qui précède l'activité
commerciale moyenne de l'individu : elle se présente ainsi :
Gourarien (Gourara : 20.473 habitants) .... 41,7 pour 100
Touatien (Touat : 17.4^ habitants) 35,6 —
Tidikeltois (Tidikelt : 11.136 habitants .... 22,7 —
100,0 pour 100
Autrement dit l'individu gourarien réalise presque deux
fois plus d'opérations commerciales qu'un habitant du
Tidikelt; quant au Touatien, sa puissance commerciale
est d'un tiers supérieure à celle de son voisin du Tidikelt,
mais elle n'arrive qu'aux trois quarts de celle du Gou-
rarien.
CHAPITRE VI
Les conditions climatériques et
physiques de l'existence
Les conditions climatériques. — Les vents. — La tension de la
vapeur d'eau. — L'humidité relative. ~ Les pluies. — Les trans-
ports de sables. — La température. — Variation diurne. —
Variation annuelle. — Courbe annuelle comparée des tempéra-
tures de Laghouat et des Oasis sahariennes. — Ecarts extrêmes.
— L'évaporation. — Le climat touatien. — Les conditions phy-
siques. — L'alimentation. — Le vêtement. — L'habitation.
lies eondltions elimatériques. -^ On sait au-
jourd'hui que « la stérilité du Sahara ne tient ni à la forme
du terrain ni à sa nature.. . et que les déserts ne sont
tels que par manque d'humidité. Ce n'est pas le soleil qui
les frappe de mort ; ce n'est pas la mer qui les a dépouillés
de leurs plantes ; ce n'est pas le sol infécond qui se refuse
à produire : c'est le climat qui les condamne à la stérilité.
Qu'ils soient de roc, d'alluvions ou de sable, peu importe,
si le ciel ne leur verse pas l'eau nécessaire. Otez à un
pays fertile quelques centimètres de pluie annuelle et vous
aurez une steppe ; encore quelques centimètres de moins
et vous aurez le désert*. »
Un climat est caractérisé par :
Les vents, l'humidité relative, les pluies, la tempéra-
ture et l'évaporation.
Nous allons passer en revue les manifestations et l'en-
chaînement de ces phénomènes aux Oasis.
1. SCHIRMER..
— 328 —
lies vents* — a Les vents sont les véhicules du cli-
mat » ; ce sont eux, ou du moins leurs courants inférieurs,
qui répartissent la température et les pluies sur le globe.
A ce titre ils sont les véritables auteurs du désert*.
Après une savante discussion de la théorie du vent
polaire et de celle de Talizé, Fauteur que nous citons pré-
conise un troisième système basé sur ce que le Sahara est,
en hiver, une région de maxima barométriques etde vents di-
vergents, tandis qu'en été, il devient un nid à basses pres-
sions, et par suite un cercle de moussons convergentes.
« En résumé, dit-il, voici donc quel serait le régime
du Sahara. En hiver, une aire de hautes pressions carac-
térisée par des calmes et des vents très faibles semble
occuper le Nord et, quelquefois, le centre du désert. Un
vent du Nord régulier qu'on peut appeler alise ■, et que
nous nommerons de préférence mousson sèche, s'en
échappe vers le Sud et souffle sur le Sahara méridional et
le Soudan. Dans l'Ouest, un autre maximum barométrique
qui se confond peut-être avec celui de Madère, s'établit
sur les plateaux oranais refroidis par l'altitude : de là des
vents de Nord-Ouest dans le Sahara occidental. En été,
l'Afrique du Nord est une zone de basses pressions dont
le minimum oscille entre le Soudan et le sud du désert ;
le vent souffle donc du Nord du côté méditerranéen, du
Nord-Ouest dans le Sahara occidental, du Sud-Ouest dans
le Sud, du Sud-Est sur le Haut-Nil. Comme en hiver, la
saillie du Maghreb produit une anomalie : un foyer d'appel
secondaire se forme à Tabri de l'Atlas •. »
Or, depuis l'énoncé de ces conclusions, trois observa-
tions ont été établies dans les Oasis sahariennes :
1® A Timmimoun (longitude : environ 2^5 O ; latitude :
environ 29*15 O ; altitude : 192 mètres*;
1. SCHIRMER.
2. Du vieux français alis, doux, calme.
3. SCHIRMER.
4. Altitudes données par le commandant Laquière (in But, Société
de Géographie cfAlfer, année 1903).
— 329 —
2* A Adrar (Timmi) longitude : environ 2^35 O ; lati-
tude : environ 27'50 N ; altitude : 166 mètres* ;
3» A In-Salah (longitude : 0«7'20 E.« ; latitude : 27*11'7 N. ;
altitude : 330 mètres*.
Les observations recueillies pendant 1903, 1904, 1905
et partie 1906 dans ces trois localités ont été publiées in
extenso *, voici les conclusions qui s'en dégagent :
A Timmimoun, les vents de N.-N.-E. prédominent de
beaucoup (30 mois sur 44), suivis par les vents deN.-E.
(11 sur 44), soit en tout 41 mois sur 44 d'entre Nord
et Est.
A Adrar, même prédominance écrasante des vents
de N.-E. (30 mois sur 42).
A In-Salah, ils prédominent encore (19 mois sur 36),
suivis par ceux d'Est (9 mois sur 36^, en tout 28 mois
sur 36.
Pendant ces trois années et demie d'observations, les
vents du Nord n'ont prédominé à Timmimoun qu'en juillet
1906 seulement ; à Adrar, qu'en octobre, novembre et dé*
cembre 1905, en janvier et février 1906 ; à lu-Salah,
qu'en mars et octobre 1904 et en décembre 1905.
Les vents du Sud et du Sud-Ouest n'ont prédominé : à
Timmimoun, qu'en mai 1903 et juin 1906 ; à Adrar, qu'en
mai 1903, mars, avril, mai et juin 1906 ; à In-Salah,
qu'en mai 1903 et mai 1905.
Les vents sont d'Ouest, à Adrar, en juin 1905 ; à In-
Salah, en avril et juin 1903 ; à Timmimoun, ils n'obtien-
nent pas une seule mention.
Les vents de Nord-Ouest n'ont pris le dessus qu'un seul
mois : en juin 1904 à In-Salah.
1. Altitudes données par le commandant Laquièrb (inBul. Société
de Géographie cTAlger, année 1903).
2. G.-B.-M. Flamand.
3. D'après le service des forages artésiens au Gouvernement
Général de l'Algérie.
4. yid. Statistique générale de V Algérie, publiée par le Gouver-
nement général.
— 330 —
Quant à la force moyenne, on relève une cote men-
suelle 8 (20 à 25 m.) à Timmimoun, en novembre 1903 ;
une autre est de 6 (12 à 16 m.) à Âdrar, en mars 1906;
quant à la cote 5 (10 à 12 m.}, elle est obtenue trois fois
par Adrar, en janvier 1903, en février 1904 et en octobre
1905 ; d'autre part, les cotes 1 et 2, qui sont des calmes^
sont relevées 33 fois sur 122 moyennes mensuelles.
D'après ces données, il semble permis de conduire que
le maximum barométrique d'hiver s'établit très près des
Oasis, sur le plateau du Tadmait, ce qui explique que ce
pays saharien, « siège de maxima relatifs et de vents très
faibles qui prennent généralement naissance dans le désert
même, se trouve dans le cas des autres centres de haute
pression continentale ... où Tair est sec et le ciel pur. 11
ne peut donc avoir de pluies en hiver que si ces hautes
pressions font place à des cyclones*. »
Quant à Taire des basses pressions d'été, elle parait
s'établir au Sud-Ouest des Oasis, vers Taodenni. Ses
appels d'air doivent agir non seulement jusqu'au Tadmaït,
mais encore jusqu'à la mer tuniso-tripolitaine, et ils aspU
rent ainsi des vents de Nord-Est chargés de vapeur.
La tension de la vapeur d'ean. — Nous possé-
dons aujourd'hui des observations* qui montrent en effet
que les plus faibles moyennes de tension de la vapeur d'eau
sont enregistrées en hiver, et que celles notées en été in-
diquent des tensions plus considérables.
Et pour apprécier ces tensions, il faut encore noter que
les observatoires sont situés dans des oasis, ou du moins
sur leur lisière même, où la vapeur d'eau est beaucoup
plus abondante qu'au-dessus des régions proprement
désertiques et nues : les moyennes du désert sont en
réalité beaucoup moins élevées.
Quoi qu'il en soit, la différence de la tension entre
l'hiver et l'été se présente comme du simple au double
1. SCHIRMER.
2. Communiquées par le Service Météorologique Algérien.
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(à Adrar : 7,2 en janvier, 14,2 en mai ; à In-Salah : 5,2 en
janvier, 12,5 en juillet.
Nous allons voir comment les Oasis tirent si peu de
profit de ce surcroît estival de vapeur.
« Pour qu'elle eût une valeur climatérique, il faudrait
qu'elle quittât sa forme gazeuse. Qu'importe la quantité
d'eau vaporisée dans l'atmosphère si elle ne se résout
jamais en pluie bienfaisante ? Il y a en été jusqu'à 26 mil-
limètres de vapeur d'eau en suspens au-dessus de la Mer
Rouge, — plus qu'il n'y en a jamais dans l'air de Paris,
— mais comme l'air surchauffé pourrait en contenir davan-
tage, la Mer Rouge et ses rivages ne reçoivent pas de
pluie*. »
L'hamldité relative. — a Ce qui importe c'est
V humidité relative ; c'est la question de savoir si la
vapeur en suspens est plus ou moins près de saturer l'air.
Or les moussons qui souillent du Nord (ou du Nord-Est)
vers les continents en été diminuent invariablement l'humi-
dité relative. S'échauffant sans cesse au contact de
régions plus chaudes, les vents s'éloignent sans cesse de
leur point de saturation, et loin de déverser sur le sol la
vapeur d'eau qu'ils emportent, ils deviennent capables
d'en absorber des quantités nouvelles. Les vents étésiens
qui restent secs en Tripolitaine le sont à plus forte raison
lorsqu'ils pénètrent dans le désert*. . . »
Or ce sont précisément ces vents d'Est et de Nord-Est
que nos observatoires nous montrent arrivant sur les
oasis.
Voici d'ailleurs comment, étant donnée la température
dans laquelle se réalisèrent les tensions que nous avons
rapportées, fut notée aux mêmes époques l'humidité rela-
tive •.
1, 2. SCHIRHER.
3. Commanication du Service Météorologique Algérien.
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— 334 —
Au contraire de la mousson du Nord, a la mousson du
Sud est pluvieuse, c'est elle qui fertilise chaque année le
Soudan. . . Ainsi la sécheresse de l'Afrique septentrionale
en été est due, en somme, à la prédominance des mous-
sons du Nord sur les moussons équatoriales ^ »
Pour serrer cette conclusion jusqu'au cas particulier
des Oasis sahariennes, il suiEt de dire que la mousson du
Sud, qui serait pluvieuse, n'y arrive presque jamais ; que
leur voisinage, en hiver, d'une aire continentale de hautes
pressions ne leur permet d'avoir que des vents secs et un
ciel serein ; qu'en été, elles sont sur le passage des mous-
sons humides aspirées par la dépression barométrique
centrale saharienne (qui semble bien correspondre, vers
Taodenni, avec la cuvette définitive du bassin hydrogra-
phique touatien'; que de la vapeur d'eau se trouve ainsi
apportée dans leur atmosphère, suffisamment pour que
le ciel paraisse moins bleu qu'en hiver, souvent même
nuageux, mais que cependant cet air est trop peu saturé
pour permettre des condensations.
Les pluies. — Gomment ces condensations pour-
raient-elles être déterminées ? Par des abaissements de
température. « Si l'on pouvait produire à volonté le froid
comme la chaleur, on tirerait de l'eau même de l'air du
désert*. »
« Ce qui est impossible à l'homme ', la nature se charge
parfois de le faire. Pour que l'air se refroidisse en masse,
il suflBt qu'il se heurte à de l'air plus froid ou qu'il s'élève.
« La nature a pour cela deux moyens : les montagnes
et les cyclones •. »
1. SCHIRMBR.
2. Vid, sup,y Introduction.
3. LiCHTENBERG, ap, ScHIRMER.
4. Le sera-ce donc toujours? Nos savants ne trouveront-ils pas
un moyen pour transformer ce domaine saharien ?
5* SCHIRMER.
— 335 —
Des montagnes il ne faut ici rien attendre, les Oasis se
trouvant à plusieurs centaines de kilomètres des monts
algériens au Nord comme du Djebel Hoggar au Sud ; les
plateaux voisins du Tadmaït sont d'une hauteur relative
insuffisante pour rien faire de considérable dans ce sens,
leur action est tellement faible qu'elle arrive à peine à
faire arroser avec parcimonie les quelques ravins qui les
sillonnent.
En somme on doit admettre que toutes les régions de
hautes altitudes qui environnent les Oasis de près ou de
loin, si elles sont fournisseuses des eaux souterraines qui
permettent à celles-ci de vivre, restent cependant à leur
égard sans grande influence climatologique.
Restent les cyclones dont l'intervention est par défini-
tion irrégulière et rare.
<( On sait que les six mois froids de Tannée sont, dans
la Méditerranée, l'époque des tempêtes. On y observe
alors de nombreux minima barométriques accompagnés
de cyclones qui laissent tomber des pluies. La trajectoire
ordinaire de ces dépressions ne fait qu'effleurer l'Afrique ;
parfois cependant, elles traversent le continent et ce sont
elles qui paraissent être la cause de la plupart des pluies
d'hiver au Sahara septentrional... Mais c'est surtout au
printemps, alors que la pression baisse brusquement par
suite du réchauffement du désert, ou en automne lorsque a
lieu le changement inverse, que l'atmosphère se trouble
sur le continent *. »
On ne possède pas encore d'observations pluviométri-
ques, car aucune des trois stations des Oasis n'est pourvu
de l'instrument nécessaire ; voici tout au moins le relevé
des mentions concernant les pluies pendant ces deux der-
nières années*.
1. SCHIRMER.
2. Communication de M. Poulin, du Service Météorologique Al-
gérien.
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— 337 —
On peut observer ici que certaines pluies ont en môme
temps intéressé les deux stations, et que d'autres, surve-
nues à Timmimoun, ont été signalées à quelques heures
de distance par la station d'In-Salah, ou réciproquement.
 défaut d'observations pluviométriques locales, nous
possédons celles de deux stations sahariennes voisines
dont la dotation pluvieuse doit être à peu près celles des
oasis tduatiennes : à El-Goléa, la moyenne annuelle éta-
blie sur les observations de huit années et de 71"''» seule-
ment ; à Ouargla, elle est de 91™".
On comprend par là combien peu les pluies, assez fré-
quentes d'ailleurs, qui tombent sur les Oasis peuvent être
regardées comme des condensations abondantes.
Les 22 et 24 décembre 1905, la pluie signalée fut géné-
rale au Touat ; elle se prolongea à un degré extraordi-
naire pour le pays : elle aurait donné à peine une quin-
zaine de millimètres au pluviomètre ; elle a cependant
suffi, dans ces terres d'argiles légères et de sables, pour
provoquer l'effondrement de nombreuses foggaras ; dans
les villages bâtis en briques crues séchées au soleil, elle
a causé la ruine de nombreuses habitations ; dans le dis-
trict de Zaoulet-Kounta et dans celui de Deldoul, cela a
pris les proportions d'un petit désastre, Kabertea s'est
écroulé et plusieurs mois de travail ont été nécessaires
aux habitants pour réparer les dégâts.
Ailleurs, à Inzegmir, lorsqu'il a plu, la sebkha « bout »
et, en bouillant, fait périr les palmiers.
Ainsi s'explique cette appréhension, bizarre et injus-
tifiée à première vue, qu'ont les Oasiens des pluies, et
leur satisfaction quand une ondée légère prend fin, comme
c'est le cas le plus fréquent, avant d'avoir sérieusement
mouillé le sol, laissant vite la place au ciel rasséréné et au
grand soleil resplendissant.
Transports de «able. — Le régime des vents
détermine, au Sahara, des manifestations .climatériques
— 338 —
d'une espèce particulière : ce sont les transports de sable.
La formation des sables et des grandes dunes saha-
riennes dépasse en vérité le cadre de cette étude, mais
nous ne saurions passer sous silence Tinfluence de l'élé-
ment arénacé sur Tbabitabilité du pays touatien.
Les dunes « avancent, reculent, selon que tel ou tel
vent domine ; elles oscillent sur place lorsque les vents se
neutralisent ; en un mot, elles suivent de loin, dans leur
marche lente et irréguliëre, l'allure capricieuse du vent'. »
Les vents dominants d'Est arrachent les molécules
sableuses des grands espaces dénudés qui avoisinent vers
l'Est les Oasis et les emportent vers celles-ci, les dépo-
sent dans les bas-fonds, et généralement au pied et en
avant de tous les obstacles rencontrés sur leur parcours.
Qu'ils atteignent une oasis, des remous se produisent
et les sables se déposent à l'orée des palmeraies.
Le premier dépôt se grossit des apports qui suivent et
arrive à former une dune longitudinale de 20 et 40 mètres
de haut.
Les apports continuent et le vent entraine dans le sens
de sa direction le sable superficiel qui gravit la dune,
dépasse sa crête et va se déposer sur son avancée.
La dune progresse ainsi et pénètre dans la palmeraie,
suivie d'une seconde qui se forme derrière elle après
qu'elle a un peu dépassé la lisière.
On voit de cette façon, à Akabli par exemple, à Aoulef,
à Inzeglouf, à Sali, trois, quatre, cinq et même six dunes
se suivant comme d'énormes vagues sableuses, à travers
les palmeraies, toujours progressant Tune après l'autre
vers l'Ouest.
Puis un beau jour, l'oasis traversée de part en part,
elles laissent derrière elles quelques palmiers clairsemés,
des bour^ insuflfisants pour former barrage de retenue ;
alors elles repartent, obéissant aux vents qui les élimi-
nent et emportent de nouveau leurs éléments vers l'Ouest
1. SctIIRMER. . ,
— 339 —
où, par-delà TOued Messâoud, ils les déposeront aux
abords de Tlguidi.
L'oasis ruinée se reforme après le passage des sables,
replante de nouveaux palmiers, débouche ses foggaras et
reprend une vie normale jusqu'à ce que, quelque dix,
quinze ou vingt ans après, les dépôts sableux se soient
renouvelés et aient repris leur invasion destructive : telle
oasis, Abbani, a été ainsi ensablée, ruinée, puis replantée
à trois reprises depuis l'époque à laquelle remontent les
souvenirs des vieillards, c'est-à-dire environ tous les vingt-
cinq ans.
Le large espace qui, à Âoulef, sépare aujourd'hui les
trois oasis des Oulad Zennane, des Ghorfa et de Timok-
ten, n'est qu'une trouée pratiquée ainsi par le passage
des vagues de sable ; jadis tout l'Aoulef forma une oasis
d'un seul tenant, avec au centre le ksar dressé sur le piton
de Charef : six foggaras aboutissent dans le vide qui
sépare Aoulef-el-Arab d'Aoulef-Chorfa ; on voit encore
sur le sol évacué par les sables, dans leur marche vers
l'Ouest, les ruines de cinq kasbas, les fondements des
murs des jardins et les reliefs des canalisations ; quelques
palmiers témoins se dressent encore de ci de là, et Ton
voit même, au-delà d'eux, dans le fond vers l'Ouest, la
dernière vague arénacée en période d'élimination.
Les palmeraies actuelles reformées sur la périphérie de
l'oasis disparue sont à leur tour envahies par les sables et
destinées à disparaître, elles aussi, pour laisser le tour à
une réinstallation des habitants sur l'aire centrale nettoyée.
A Tit, une plaine nue s'étend à l'est du village actuel,
là même où, il y a vingt-cinq ans, se dressèrent les pal-
meraies, tandis qu'une nouvelle oasis s'est plantée un
peu plus en aval.
A Inghar, à In-Salah, à Timadanine, à Tamentit, à
Oulad-Saîd et en vingt autres endroits on voit ainsi la
marée sableuse dressée à l'assaut des palmeraies ; à In-
Salah, elle a escaladé le rempart de la redoute française et
en a envahi l'intérieur.
— 340 —
Il est de notoriété publique dans le Tidikelt et le Bas-
Touat que la période actuelle des transports de sable a
surtout manifesté une grande activité depuis qpielque
douze ans.
On peut admettre que chaque fois que le vent dépasse
la cote 5, c'est-à-dire une vitesse de 10 à 12 mètres, il
« charrie » des sables : dans la région d'In-Salah, il en est
ainsi cent jours par an.
Les sables envahissent aussi par le Nord-Est : le Tiner-
kouk était, dans un passé récent, une immense palmeraie
presque ininterrompue jusqu'aux ksour Yahia et à El-
Mebrouk, sur le large estuaire par lequel l'oued Salah
débouche dans le Chott Dahrani ; TErg en a envahi la
plus grande partie, on voit encore entre les chaînons aré-
nacés les ruines des anciens jardins et des nombreux ksour
dont certains ont laissé leur nom dans l'histoire % et les
foggaras comblées et abandonnées ; les jardins boivent
aujourd'hui par des puits et se défendent contre la dune à
la façon des jardins d'El-Oued.
Toute la grande cuvette de Tibecherine, à l'est des
Oulad-Saldy est également envahie par les vagues
sableuses.
On constate d'ailleurs ce fait curieux que l'invasion
sableuse est surtout active dans les deux zones nord et
sud des Oasis, la zone médiane jouissant d'une relative
immunité : il y aurait donc deux lits venteux pratiqués
par les sables, dont l'un, celui du Nord, ne dépasse guère
l'aval des Oulad-Saîd : El-Kef et Timmimoun restent
déjà en dehors de lui.
L'autre, celui du Sud, couvre tout le Tidikelt et le Bas-
Touat jusqu'à la hauteur de Tidmaîne ; l'observateur qui
se tient près de ce ksar distingue parfaitement le. champ
de course des sables qui ont couvert de petites dunes toute
la dépression déroulée sous ses yeux, à l'ouest des pal-
meraies ; la lisière sableuse est orientée sensiblement
1. Supra (première partie), passim.
— 341 —
O.-N.-O. ; en amont de la démarcation l'immense sebkha
est exempte de sables, de même qu'aucun des ksour
d'amont n'a plus sur ses abords orientaux la vague enva-
hissante dressée contre chacune des oasis d'aval.
La iempérature. — « Le désert est une contrée à
température extrême où, en dépit de la latitude, il fait
tour à tour plus froid que sur la Méditerranée et plus
chaud que sous l'équateur. En d'autres termes, c'est un
pays où la variation diurne et annuelle de la température,
est très grande.
« C'est la conséquence directe de la sécheresse de l'air.
Plus l'air est sec, plus on voit augmenter l'insolation,
c'est-à-dire la quantité de chaleur que la terre abandonne
à l'espace*. »
Quelquefois on énonce la température d'un lieu par sa
moyenne annuelle ; pour les Oasis, on devrait citer alors
Timmimoun avec 24®1, Adrar avec 24*7, In-Salah avec 25<*2
(moyennes annuelles de 1903).
Mais ces chifTres ne sont guère significatifs quand il
s'agit de caractériser la température saharienne ; il faut
ici considérer la variation diurne et annuelle.
Nous possédons sur ce point trois années et demie
d'observations dans les trois stations existant aux Oasis :
les températures mensuelles, maxima et extrêmes, minima
et extrêmes, ont été déjà publiées *.
La variation diurne* — Voici l'amplitude de la
variation diurne telle qu'elle ressort des chiffres cités par
cette publication :
1. SCHIRMER.
2. Par le Service Météorologique Algérien dans la Statistique
générale de V Algérie.
— 342 —
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— 343 —
On pourrait penser, au premier abord, qu'avec des
variations diurnes aussi extraordinaires d'amplitude, les
Oasis sahariennes ne se trouveraient pas être une région
aussi chaude que semble l'indiquer l'observation de ses
températures maxima (maximum moyen de juillet : en
1903, 4705 ; en 1904, 44^3 ; en 1905, 47^2).
Il ne faut pas conclure sur ce point avant de tenir
compte de la longue durée de la partie chaude du jour.
«c Brusquement, presque sans crépuscule, le soleil s'est
levé dans le ciel clair. Ses rayons dans cette sèche atmos-
phère sont déjà brûlants à cette heure matinale, et sous la
réverbération du sable et de la pierre, la couche d'air
voisine du sol s'échaufie rapidement à son tour. Ici point
d'évaporation active qui entre en jeu pour modérer le
soleil. Dès 9 heures du matin, la chaleur est forte ^ elle
ne cesse de monter jusqu'à 3 ou 4 heures du soir. C'est
alors qu'on voit se dessiner les images tremblantes du
mirage produites par la vibration de l'air chauflé comme
dans un four*.
Et pendant les longs mois d'été, la chaleur arrivée à
son maximum vers 1 heure de l'après-midi, ne commence
à lentement descendre que vers 5 heures ; elle se main-
tient longtemps après le coucher du soleil ; malgré l'acti-
vité du rayonnement la terre n'arrive pas à se débarrasser
de toute la chaleur reçue et les nuits sont chaudes (mini-
mum moyen de juillet : 27H, en 1903 ; 25% en 1904, 28<>4,
en 1905).
La variation annuelle. — Nous avons vu que la
variation annuelle est la difiérence entre le mois le plus
chaud et le mois le plus froid ; elle ressort ainsi :
/ Timmîmoun 26.9 \
1903 I Adrar 29.6 26.6
( In-Salah 23.3 )
1. Un cheval monté peut être en pleine transpiration, au bout
d'une heure de pas, à 7 heures du matin, en juin.
2. SCHIRMER.
— 344 —
1904
1905
Timmimoun
Adrar
25.5
28.0
26.3
[ In-Salah 25.5
Timmimoun 34.0 \
Adrar 26.3 | 28.8
In-Salah 26.1 )
COURBE ANNUELLE COMPARÉE
DES TEMPÉRATURES DE LAGHOUAT* ET DES OARIS SAHARIEMITES
Dec. ianT. Févr. Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Octob. Not. Dec.
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15»
10»
5»
0»
\j^m écart» extréllte»* — C'est pendant les deux
mois qui suivent le solstice d'hiver qu'on peut espérer
voir des écarts de minima tomber au-dessous de 0^ ( — 2^8,
en janvier 1903 ; — 2<», en janvier 1904 ; — 4*3, en janvier
1905 ; i— !•, en janvier 1906 ; — 1% en février 1905 ;
—3*4, en février 1906).
1. D'après Schirmer.
— 345 —
De même les écarts extrêmes des maxima sont relevés
dans les deux mois qui suivent le solstice d'été (52^3, en
juillet 1903 ; 5(y>2, en juillet 1904 ; 51^5, en juillet 1904 ;
55*4, en juillet 1906 ; 50% en août 1903 ; 48^6, en août
1904 ; 50^7, en août 1905 ; Sl^S, en août 1906).
Mais on peut encore noter les importants écarts des
mois de mai, juin et septembre, qui chaque année pré-
sentent des 46** et 48*>.
L'écart entre Textrême maximum et le minimum extrême
a été, en 1905, de — 4^3 à 50^7, soit 54 degrés.
a Ainsi cette température effroyablement inégale du
désert tient à sa nature même. Partout où le soleil luit
dans un air sec et sans nuages, ses rayons sont plus
ardents ; partout la transparence des nuits s'accompagne
d'un froid plus vif. C'est la sécheresse de l'air et du sol
qui rend la surface des déserts tour à tour brûlante et
glacée*. »
Lf'ëvaporatlon* — L'évaporation enlève au sol l'hu-
midité qu'il renferme.
<c L'air ne pouvant contenir, à une température donnée,
qu'une certaine quantité de vapeur, la quantité d'eau éva-
porée ne peut être grande si cette température est peu
élevée. Elle est le plus intense lorsque le maximum de
chaleur se trouve uni au minimum d'humidité relative :
ce qui a lieu au désert*. »
Les obervations rapportées par les trois stations toua-
tiennes, pour 1903, 1904, 1905 et 1906, ont été déjà
publiées *.
Nous savons donc que ces quatre périodes annuelles
complètes présentent une évaporation annuelle moyenne
de 6»887,6.
1. SCHIRMER.
t. Id.
3. Par le Service Météorologique Algérien dans la Statistique
générale de V Algérie.
— 346 —
Il est extrêmement instructif de rapprocher ce chiffre
de la hauteur annuelle des pluies (71""» à El-Goléa).
On voit aussi que les deux extrêmes ont été :
Minimum : décembre 1904 à Timmimoun avec 153,5,
soit une évaporation journalière de 5"»°*12.
Maximum : juillet 1905 à Adrar avec 1195"°*2, soit
une moyenne journalière de 39"™8.
Le elimat touatien. — Cette disproportion extrême
entre les précipitations et Tévaporation — les recettes et
les dépenses — mènent à une conclusion évidente :
«... Il y a rupture (C équilibre et dessèchement pro-
gressif. C'est là un fait d'une grande portée, car il expli-
que toute la genèse du désert. Il fut un temps où le
Sahara était une des contrées les plus humides de la terre.
Des masses d'eau torrentielles ruisselaient sur ses pentes
et se creusaient les larges lits que nous voyons encore ;
de grandes nappes d'eau tranquille occupaient les cavités
des chotts et des sebkhas aujourd'hui couverts de sel.
Puis un jour, nous ne savons à la suite de quelle révolu-
tion à la surface du globe, les pluies ont cessé d'arroser
abondamment le sol : la quantité d'eau tombée n'a plus
fait équilibre à celle qui s'évaporait, et alors a commencé
l'évolution vers le désert*. »
Et cette évolution s'est instituée brusquement, car les
grands fleuves ont cessé de couler avant même d'avoir eu
le temps de creuser des thalwegs ininterrompus, avant
d'avoir réussi à entamer profondément les roches dures
qu'ils avaient rencontrées,
« Surpris par la sécheresse avant d'avoir pu égaliser le
fond de leur lit, d'aucuns se sont réfugiés au fond des ca-
vités que leur courant impétueux avait traversées. Ils se
sont ainsi égrenés en un chapelet de lagunes encore unies
de loin en loin par une crue temporaire ; puis ces crues
elles-mêmes ont disparu et les cavités se sont vidées*. »
1, 2. SCHIRMER.
— 347 —
Les conditions climatériques que nous venons d'obser-
ver tendent à faire de ce pays, à la longue, un désert ab-
solu.
Si le régime des vents se maintient, si la rareté des
pluies persiste, si les extrêmes températures se succèdent
et si Tévaporation se poursuit, sous leurs influences com-
plices l'aridité ira croissante, pas graduellement, unifor-
mément, non : une ou même plusieurs années pluvieuses
pourront intervenir et provoquer localement une recrudes-
cence de vie ; mais la sécheresse reprendra le dessus tôt
ou tard... à moins d'un bouleversement qui survienne
pour produire une nouvelle répartition des climats.
L'enquête sur place permet de faire des constatations
matérielles qui corroborent cette doctrine.
D'abord, de la fertilité ancienne du Sahara touatien les
témoins abondent : ce sont des débris pétrifiés de grands
gommiers. On en voit de toutes les grosseurs, épars dans
certains lieux en si grand nombre qu'ils tapissent le sol ;
d'aucuns sont de la grosseur d'une bûche débitée pour le
chauffage, avec des longueurs de 40, 50 et 60 centimètres ;
d'autres sont formés de troncs d'arbres entiers ; il en
existe deux non loin de Taourirt en Reggane, qui attei-
gnent plus d'un mètre de long, et l'un d'eux a, non de
circonférence, mais de diamètre plus de 30 centimètres.
Dans les plaines désertes qui s'étendent à l'Est des Oasis
sahariennes, et surtout dans celles qui se trouvent entre
Aoulef, Tit et Âkabli, on voit ressortir nettement sur le
sol les emplacements et les contours des antiques bouquets
d'arbres ; l'action climatérique a pétrifié les débris des
plus gros de' ces arbres, et chaque année elle provoque
l'éclatement, l'émiettement de ces débris ; mais les grosses
bûches sont encore nombreuses, car leur volume les aide
à résister aux froids hivernaux et aux brûlures des étés
mieux que ne le purent faire les branches de petit dia-
mètre.
Un puits situé sur le trajet d'Âoulef à Âkabli est muni
d'une margelle constituée par des bûches pétrifiées dispo-
— 348 —
sées en coffrage carré et dont Taspect est tellement carac-
téristique qu'en les apercevant à quelque distance, on les
prend, non sans surprise, pour des bûches récemment
apportées d'une forêt.
Si nous cherchons les traces d'une époque moins loin-
taine, nous en trouvons dans les chroniques locales qui
mentionnent barques naviguant sur les eaux dans les
lacs toua tiens.
Un objet, probablement une idole, en pierre polie trouvé
à Tamentit représente une tête dont le modèle très fini
reproduit tous les détails anatomiques d'une tête de pois-
son de 12 centimètres de longueur.
Il faut bien inférer de tout cela quB des nappes lacustres
habitées d'assez gros poissons ont persisté dans les cuvet-
tes touatiennes jusqu'à une époque relativement récente.
D'ailleurs, les nomades de l'époque gétule comme ceux
de la première période musulmane, dont l'importance
numérique est attestée par les diverses mentions transmi-
ses d'eux par l'histoire, ont encore trouvé nécessairement
un Sahara, un Tadmaït, un Ahmet très notablement mieux
pourvus de ressources végétales que ces régions ne le sont
aujourd'hui, car maintenant il leur serait impossible d'y
vivre aussi nombreux.
Si l'on essayait de trouver im graphique du dessèche-
ment de ce pays, il y aurait lieu de suscrire par le coude
supérieur d'un de ses lacets la période du premier tiers du
XIX* siècle ; il est en effet rapporté par la tradition cou-
rante que les troisièmes ascendants de la génération
actuelle, à Taourirt, possédaient un goum d'une trentaine
de chevaux qu'ils allaient faire hiverner dans Therbë verte
(àcheb) des vallons de l' Ahmet.
Plus près de nous, le climat a encore dessiné un lacet
humide : pendant le second tiers du xix* siècle, une
immense « ghaba » — terrain garni de végétation arbus-
tive — s'étendit à l'ouest de l'oasis de Sali, où nomadisè-
rent les Oulad Moulât aujourd'hui disparus et des Kounta
du Sud qui ne viennent plus ; là, les gens de Sali faisaient
— 349 —
pâturer les chameaux dont ils formaient leurs caravanes
vers le Soudan : 11 ne reste maintenant de cette végétation
que quelques reliefs entièrement desséchés qui sont
employés comme combustible.
Dans FAougrout, les palmiers de la lisière Est, ne boi-
vent plus parce que le plan d'eau des foggaras a baissé et
ne permet plus de les irriguer.
La chute du lacet actuel vers la sécheresse a dû com-
mencer vers 1894, car à cette date la commune renommée
place, dans le Bas-Touat, un redoublement des apports de
sables, forcément consécutif à Tinstitution d'une période
plus active de vents d'Est.
Et nous en trouvons la vérification dans l'oasis de Sali
dont les sables ont envahi une zone d'environ 400 mètres
sur sa partie est et sud-ouest, ensevelissant palmiers et
kasbas ; dans l'oasis d'Inzeglouf où une kasba qui venait
d'être construite peu auparavant s'est trouvée brusquement
assaillie par la dune et à dû âtre évacuée par ses habi-
tants ; aujourd'hui la crête de ses remparts et le sommet
de ses tours émergent seuls au-dessus du sable.
Les pères de la génération actuelle ont encore vu la
grande sebkha du Gourara, comme celle d'In-Salah, pré-»
senter en hiver de larges surfaces inondées ; dans celle-ci
on en voit encore des petites, mais dans celle-là, plus rien.
De même, la grande « ghaba » du Tidikelt s'est consi-
dérablement desséchée et réduite depuis une dizaine
d'années, surtout dans ses parties orientales.
Enfin, à Igosten en Tidikelt le plan d'eau a considéra-
blement baissé, telle foggara qui irrigait naguère le bas-
fond situé à l'ouest de l'oasis et alors en culture, n'amène
plus maintenant ses eaux qu'en contre-bas du sol, et celles-
ci ne sont plus utilisables qu'à la condition de les recueillir
dans un puisard et d'installer un appareil à bascule pour
les élever et les déverser sur le terrain. Cet abaissement
inquiétant de la nappe souterraine est signalé à peu près
partout dans le Tidikelt.
— 350 —
A quand le relèvement de cette courbe de sécheresse ?
On ne peut le prévoir.
Les eonditlonft physiques. — Les conditions phy-
siques de la vie humaine procèdent de trois ordres prin-
cipaux :
L'alimentation; le vêtement; l'habitation. Elles varient
évidemment avec la situation économique des individus
comme aussi avec les traditions des races ; elles sont assez
délicates à déterminer, car elles échappent aux moyens
ordinaires de la statistique ; on peut cependant arriver à
en concevoir une idée assez juste si, faisant abstraction
■ des cas individuels qui constituent des extrêmes en confort
et en dénûment, on s'attache à retenir l'impression d'en-
semble ; on distingue ainsi les conditions moyennes dans
lesquelles vivent les êtres observés.
C'est ainsi que nous allons chercher à rapporter l'im-
pression générale qpie laissent à l'observateur les popula-
tions des Oasis.
L'alimeniaiion. — L'alimentation de tous, bêtes et
gens, a pour base invariable la datte ; elle se complète
pour les humains par un peu d'orge ou de blé en été, de
miQet ou de sorgho en hiver ; nous avons vu plus haut
que la faculté journalière d'alimentation a été, en ces
dernières années, de 400 grammes environ en céréales et
d'un peu plus d'un kilo de dattes, par tête d'habitant.
Quant à la viande personne n'en consomme journelle-
ment, on la réserve pour les fêtes ; aussi ne voit-on
jamais de viande fraîche, mais seulement de la viande
salée et séchée au soleil.
On fait généralement deux repas : le déjeuner est* com-
posé de dattes que l'on affranchit soit avec du lait aigre
soit avec un piment ; si l'on ne prenait cette précaution,
les dattes répugneraient vite au goût, comme tout aliment
— 351 —
sucré, et de plus occasionneraient des maladies des
organes digestifs et rénaux.
Le dîner est formé de couscous ou de galettes d'orge ou
de blé, de millet ou de sorgho selon la saison.
Ces deux repas constituent le régime de l'universalité
des habitants ; ils sont toujours peu copieux, parfois
insuffisants pour calmer la faim^ ; rares sont les gens un
peu plus aisés qui les complètent par un tasse de thé
prise le matin.
Comme aliments secondaires, on consomme quelques
citrouilles, des petits pois, des oignons et beaucoup de
piments verts et secs.
Beaucoup s'alimentent régulièrement des feuilles de
céréales, cueillies vertes et cuites dans l'eau avec un peu
de sel : ils vivent ainsi de leur récolte deux mois avant
la moisson.
« La nourriture se con^pose donc en grande partie d'hy-
drates de carbone, d'une moindre proportion d'albumi-
noïdes, enfin de graisses en infîmes quantité. Or si l'on
examine la part de chacune de ces cathgories d'aliments
dans la production de la chaleur animale, on trouve, à
poids égal, les graisses au premier rang, ensuite les albu-
minoïdes, et en dernier lieu les amylacés. Le Saharien com-
bine donc instinctivement — et ajouterons-nous, selon ses
ressources mêmes — sa nourriture de façon à produire le
moins de chaleur possible et, ce faisant, il s'adapte invo-
lontairement au climat •. »
Rohlfs parle de jeunes filles et de femmes « si grasses
qu'à vingt ans elles ne peuvent plus se lever ni se mou-
voir » ; s'il en existe vraiment en cet état, elles doivent se
trouver dans une des très rares familles pourvues d'une
certaine richesse ; mais en règle générale, on doit dire uni-
1. Nous avoDS vu plusieurs fois mesurer la quantité de grain à
faire entrer dans la composition du dîner, à raison de, pour chaque
convive, ce que peut tenir la main ouverte, les doigts joints et
légèrement plies.
2. SCHIRHER.
— 352 —
verselie, Tindivida qai peut s'offrir une alimentation assez
abondante pour devenir « gras » est une réelle exception.
Quant aux eaux, elles sont généralement de qualité sa-
tisfaisante pour l'alimentation ; elles sont légèrement
laxatives, juste dans la mesure convenable pour remédier
à la tendance à réchauffement qu'occasionne la consomma-
tion de la datte : elles oscilient autour, un peu plus, un peu
moins, de 3 grammes de résidu salin.
Le vêtements — Le vêtement en usage est le cos-
tume arabe, mais réduit à sa plus simple expression : un
pantalon et une chemise longi^e, l'un et l'autre en coton-
nade.
Le commun des mortels s'habille ainsi, hommes et
femmes ; les gens de la classe aisée y tgoutent en hiver
un burnous ou un halk en laine, mais tous les pauvres
diables, et combien nombreux, se bornent à la chemise de
coton.
C'est là tout ce qu'ils emploient pour se garantir des
brusques et grandes variations de la température.
Les groupes Touareg du Tidikelt ne s'habillent pas au-
trement ; les cotonnades dont ils usent sont seulement de
teinte bleu foncé au lieu d'être blanches comme ailleurs.
Les gens pauvres vont la tête nue ; ceux qui le peuvent
coiffent la chéchia ; d'aucuns y ajoutent un voile ouvert et
lâche à la mode arabe, d'autres enfin s'encapuchonnent
hermétiquement à la mode touareg.
Le pied est généralement nu.
li^abltalion. — Les nomades ont virtuellement
cessé d'exister ; ils ne réunissent pas un total de cent
tentes.
1 . Ce sujet a été abondamment traité au point de vue anecdotîque
(De La Martinièm et Laceoix, — Doc. sur le N.-O.) ; nous n'avons
donc ày revenir, comme d'ailleurs sur Falimentation et le vêtement,
que pour cotisidéi^r leur mode d'influence sur la 'ne physique des
Ooasiens.
— 353 —
Les sédentaires habitent des maisons b&ties en briques
crues ; elles sont petites, obscures, mal closes par des
portes à claire-voie, en branches ou en planches de pal-
mier mal jointes.
Elles possèdent pour toute literie une couche de sable
qu'on renouvelle quand elle est chargée d'impuretés.
En général, une pièce sert de logement a toute une
famille qui y serre en même temps ses quelques hardes et
ses maigres provisions.
Aucune maison n'est pourvue de cheminée ; on fait la
cuisine au milieu de la pièce, sur la couche de sable, et on
recueille avec soin celui-ci quand il est souillé de suie et
de cendre pour l'employer comme engrais ; la fumée enva-
hit toute la pièce et s'échappe à la longue par les inters-
tices de la toiture.
D'ailleurs, ces habitations rudimentaires et dépourvues
de toute hygiène ne servent à leurs propriétaires que la
moitié de l'année, car tout l'été, on passe les jours et les
nuits à l'extérieur, soit dans les jardins, soit à l'ombre
des ruelles couvertes, soit sur les terrasses.
2a
CHAPITRE VII
Les formes de la vie végétale, animale
et humaine
L'influence des conditions climatériques et physiques. — La vie
humaine. — L'évolution des collectivités. — La natalité et la
mortalité. — Epidémies et famines. — Ethnographie. — La vie
végétale. — Les végétaux du désert. — Les végétaux des oasis.
— La vie animale.
li^nfluenee des eondltlons ellmatérlques et
physlqaes* — L'ensemble des conditions climatériques
et physiques que nous venons de passer en revue a rendu,
en fait, la vie naturelle à peu près impossible en ce
pays.
Spontanément rien ne pousse que quelques plantes
éphémères après une pluie, ou les arbustes des rares bas-
fonds dits « ghaba », rien ne vit, que quelques rongeurs
et quelques oiseaux.
On voit encore des talhas (acacia gommier ou « tortilis »),
derniers témoins de la végétation arborescente que toléra
jadis un climat moins inclément, verdoyer par places au
pied des falaises du Tadmaît qui bordent la dépression
touatienne, mais en dehors d'eux tout ce qui a persisté
de vie végétale ou animale n'a pu être maintenu que par
l'intervention et les soins incessants de l'homme, et si
celui-ci venait à disparaître, toute vie serait à bref délai
anéantie, laissant seulement le vide désertique presque
absolu.
Ici même est la raison physique de la sédentarisation,
— 355 —
aujourd'hui presque totale, des nombreux nomades berbè-
res et arabes qui sont venus jadis peupler les vallées
touatiennes.
<x La vie pastorale ne suffit pas aux besoins du nomade.
Ce n'est point l'existence plantureuse de ces grandes
tribus algériennes qui errent loin de nos villes, insou-
cieuses et hautaines, avec leurs chevaux, leurs chameaux,
leurs chèvres et d'immenses troupeaux de moutons. Le
nomade saharien ne peut pratiquer en gran d l'élevage du
mouton et de la chèvre, car l'eau est trop rare à la surface
du sol. Ses chameaux sont en trop petit nombre pour
qu'il puisse se permettre de les tuer et d'en manger la
chair*. La faim est donc l'ennemi qui le guette toutes les
fois que les autres ressources viennent à lui manquer. Il
recourt alors à toutes sortes de nourritures étranges :
gerboises, lézards, sauterelles pulvérisées, peaux d'ani-
maux grillées et découpées en lanières*. Les Touareg et
les Ba-Hamou d'In-Salah vont chercher les graines de
drinn jusque dans les fourmilières '.
Ce que dit Nachtigal de la préparation au pilon du fruit
du palmier doum peut être journellement observé au
Touat, dans la préparation de la partie la moins ligneuse
des feuilles du dattier : « A entendre dans le silence de la
nuit le battement mélancolique de la pierre sur la dure
écorce qui ne se brise qu'à force de patience et d'efforts,
on devinait que la faim tenait par les entrailles le travail-
leur obstiné qui se donnait tant de mal*. »
«c Quelles soient sa sobriété et son énergie, le nomade
saharien ne peut donc vivre uniquement de ses troupeaux.
Travailler ? Il le pourrait, mais il ne daigne* ».
1. Hors le cas, du moins, où un accident ou la vieillesse les rend
inutisables.
2. Quand un animal est abattu, on consomnie tous les débris,
intestins, peaux, etc.
3. SCHIRHER.
4. Nachtigal ap. SciiIrmer.
5. SCHIRMSR.
~ 356 —
Au Touat, il a trouvé un moyen terme, il a fait une
concession : il a renoncé à sa tente, mais il s'est servi de
ses chameaux pour aller commercer au Soudan et en
ramener les nègres qui travailleront pour lui.
Nous verrons plus loin que cette combinaison semble
bien n'avoir pas suiE pour lui assurer la pérennité de sa
race, et que la faim qui Ta chassé des plaines sahariennes
Ta poursuivi et rejoint sous les palmeraies touatiennes
où il est à craindre que, finalement, elle ait raison de lui.
lia wle himialne* — Une des fonctions les plus
importantes de Torganisme sous tous les climats, nous dit
Schirmer, consiste à maintenir sa température normale.
Chacun sait que Thomme, comme tous les animaux à
sang chaud, non seulement produit de la chaleur, mais
qu'il a besoin pour vivre de garder une température à
peu près constante. Que par une cause quelconque cette
température s'élève ou s'abaisse de quelques degrés, la
mort survient à bref délai. De là une lutte continuelle
entre les influences atmosphériques, qui tendent à faire
varier la température du corps, et les fonctions organi-
ques qui tendent à la maintenir. Le système nerveux aug-
mente ou diminue, sous l'excitation du dehors, la perte
et la production de chaleur du corps. En un mot. l'homme
ne vit qu'à condition d'adapter sans cesse sa température
propre à celle du milieu extérieur^ ».
Au Sahara l'homme vit dans une atmosphère presque
toujours très sèche et dont la température est, alternati-
vement et à de courts intervalles, égale ou supérieure,
ou bien encore notablement inférieure à celle du corps.
Et il en subit l'atteinte sans atténuation, à cause de son
vêtement rudimentaire et peu protecteur, et de l'état par-
ticulièrement réceptif où le laisse son alimentation parci-
monieuse et insuffisante.
Quand la température s'élève, l'organisme, menacé lui-
1. SCHIRMBR.
— 357 —
même d'une élévation de température, y obvie par la
transpiration, et celle-ci est d'autant plus efficace et active
que le milieu permet à la sueur sécrétée une évaporation
plus rapide.
Or, Fair saharien, chaud et sec, procure précisément une
évaporation intense : <( La sueur, enlevée au fur et à mesure,
n'apparaît abondante que si le corps immobile laisse se
former autour de lui une couche d'air stagnante et bientôt
humide ' » dont Teftet est de ralentir immédiatement Téva-
poration.
« Pour employer ici une image familière, le corps se
comporte comme ces gargoulettes de terre poreuse qui
deviennent d'autant plus fraîches que l'air est plus sec et
qu'elles se trouvent dans un courant d'air*. »
C'est ce qui explique que l'homme puisse supporter
l'ambiance d'une température plus élevée que la sienne
sans que celle-ci s'en trouve augmentée et que l'hyperther-
mie n'amène la mort.
En effet, l'hyperthermie ou insolation est extrêmement
rare ; elle ne se produit que dans le cas où un voyageur so
trouve dans l'impossibilité de boire pour remédier au déshy-
dratement de Torganisme causé par l'activité de la trans-
piration.
Qui peut boire transpire et qui transpire se rafraîchit
automatiquement.
Et on constate ici un résultat de l'adaptation^ c'est que
l'indigène éprouve bien moins vite le besoin de boire, de
renouveler la provision d'eau de son organisme, que l'Eu-
ropéen récemment arrivé dans le pays : de ces deux
hommes, d'égale santé physique d'ailleurs, l'un est de
vigueur musculaire plus grande, mais devra boire sans
presque discontituer*, l'autre moins fort au sens étroit du
1, 2. SCHIRMBR.
3. RoHLFS nous dit avoir bu dix litres par jour; Fauteur a bu lui-
même, pendant une marche, en été, deux bidons de deux litres
chacun entre quatre et neuf heures du soir, soit un litre en moyenne
par heure.
— 358 —
mot, mais muni d'une force de résistance passive plus
grande, subira moins grièvement l'influence du milieu : il
fera deux jours de marche avec une petite outre de quatre
litres.
Mais cette activité extrême de la transpiration fatigue
et devient nuisible pour tous, car elle cause un ralentis-
sement des autres fonctions organiques. « Il y a diminu-
tion de Tappétit et par conséquent nutrition moins active ;
l'homme respire moins souvent, et par suite absorbe moins
d'oxygène ; le sang lui-même circule plus lentement et les
globules rouges diminuent en nombre ; en un mot il y a
anémie^. Or on sait aujourd'hui que la chaleur animale a
sa source dans la multitude des réactions chimiques dont
notre corps est le siège. Elle varie en raison directe de
l'intensité des phénomènes organiques et en particulier
des fonctions nutritives. L'anémie qui les réduit au strict
nécessaire est donc encore une forme de l'accommodation
de l'homme aux climats chauds. »
La fraîcheur des nuits sahariennes serait bien de nature
à retremper un peu l'organisme menacé par cette anémie,
mais le mal est à c6té du bien : l'homme fatigué et ineffi-
cacement habillé contracte vite des pneumonies : les phti-
siques sont fréquents, a et le rhumathisme est une infir-
mité presque générale. Ces maladies sont occasionnées par
les différences de température auxquelles les habitants sont
exposés en été* ».
Ce sont là d'ailleurs à peu près les seules maladies
vraiment fréquentes au Sahara ; car l'individu né malingre
ou chétif est éliminé dès l'enfance par les sévérités clima-
1. Cette diminution (Inactivité se révèle en tout, jusque dans le
sens génésique, et c*est ici même la condamnation de ce que cer-
tains ont dit de la dépravation des mœurs au Touat ; le Saharien
est chaste par nécessité physique, sinon le dépérissement puis la
mort le guettent. Quant aux Sahariennes qui trafiquent de leur
coips, c'est beaucoup moins pour le plaisir que pour le gain qui
leur permettra d*acheter une poignée d'orge pour leur dîner : que
ne trouvent-elles ceci sans cela !
2. De La Martinière et Lacroix.
— 359 —
tériques et physiques, et d'autre part les maladies infec-
tieuses sont rares.
(( Le Sahara, ce grand déshérité, est, sous ce rapport,
un des pays les plus sains de la terre : la sécheresse, la
chaleur et la lumière intenses arrêtent le développement
des germes et les tuent. Déjà Lyon avait observé le cas de
cadavres qui se dessèchent et tombent en poussière sans
se corrompre ; cinquante ans avant les recherches de
Downes et de Blunt, la preuve que les germes de la putré-
faction ne résistent pas à une radiation intense avait été
ainsi fournie par le soleil du désert'. » En mars 1906, on
trouva à Huci-Ghezal le cadavre d'un Beraber dans la po-
sition du tireur à genoux, les bras étendus pour maintenir
son arme ; il avait été tué là-méme d'un coup de feu pen-
dant le combat de juillet 1903 : la mort l'avait simplement
affaissé sur place et il s'était desséché ainsi.
m L'air saharien est donc aseptique*. »
L'infection palustre apparaît aussitôt que l'humidité
s'allie à la chaleur, les lieux pernicieux sont les jardins des
oasis dont l'ombre et la fraîcheur sont faites pour tenter ;
cependant les oasis touatiennss, pauvres en eau, mal par-
tagées en terres fertiles et en matières fertilisantes,
n'offrent partout qu'une végétation peu dense que les
vents pénètrent et assainissent suffisamment des miasmes
qui peuvent s'y être formés : le paludisme y est beaucoup
moins fréquent que dans nombre de régions de l'Algérie
du Nord : tout au plus se manifeste-t-il de façon appré-
ciable en avril et en mai, puis en septembre et octobre :
aux premières grosses chaleurs et aux premiers gros
froids.
En résumé, l'individu humain trouve en naissant un
climat et des conditions de vie d'une dureté extrême,
auxquels il ne résiste dans l'enfance que s'il est sain et
vigoureux, qui, au long de sa vie, le fatiguent et l'ané-
mient, et enfin, le guettant dès que la vieillesse fait de
iy t. SCHIRMER.
— 360 —
lui une proie plus facile, le laissent rarement arriver à un
Age avancé.
li'évolatlon des eollMitlvIiés. — Si nous considé-
rons maintenant les collectivités, nous les voyons dans
une situation aussi peu satifaisante que les individus.
D'abord, des chiffres : en 1797, les Chorfa sont, dans
les Oasis, au nombre de 8.088 âmes ; en 1828, ils y comp-
tent encore 3.976 personnes mâles ; or, en 1906, ils ne
présentent plus que 4.336 âmes, dont 2.304 mascu-
lins.
C'est ici le seul groupe ethnique ou social pour lequel
le passé puisse être comparé au présent, et la comparai-
son est édifiante ; comme c'est le groupe « de tête », et
comme, si d'une part il peut être plus gravement touché
par les vicissitudes politiques telles qu'une conquête
étrangère, il jouit d'autre part de la plus grande aisance
matérielle qui puisse favoriser la vie en ce pays, il ne
semble pas exagéré de dire que tous les autres éléments
ethniques ou sociaux, ses voisins et subordonnés, ont,
selon toute probabilité, dû subir, comme lui, de graves
diminutions.
Et cette proposition se confirme bien par ce que nous
voyons aujourd'hui.
Les enfants sont peu nombreux (28,6 p. 0/0 de à 14
ans), et la mortalité les atteint longtemps, car les adoles-
cents sont en petite proportion (11,3 p. 0/0), les adultes
se maintiennent, mais ils disparaissent verB la limite de
l'flge mûr et on ne trouve que pende vieillards (14,1 p. 0/0).
Les populations des Oasis ne présentent cependant pas
une particularité relevée chez toutes les collectivités en
dégénérescence : la prédominance de l'élément féminin ;
ici la population féminine est inférieure à la masculine
(23.672 féminins contre 25.429 masculins).
Ceci peut s'expliquer par les apports masculins fréquents
venus de l'extérieur.
— 361 —
Nous avons vu ' arriver aux Oasis une quantité de tribus
qui, après s'être diminuées de ceux de leurs membres qui
se sédentarisèrent, restèrent encore nombreuses à Tétat
nomade, peuplant le Meguiden, le Tigourarine, le Bas-
Touat vers Foum-Tilia, et jusqu'à FAhmet ; les grandes
tribus des Âmor-Mellouk et des Ouled Bou-Saâda vécurent
dans les a ghaba » du Tidikelt : Que reste-t-il de tout ce
monde? A peu près personne. Il n'y a pas aujourd'hui
cent tentes nomades dans tout le territoire des Oasis.
Les anciennes collectivités se retrouvent-elles au moins
chez les sédentaires ? Nous avons pu faire une enquête
particulière dans la tribu des Meharza : il y reste juste
trois individus qui descendent vraiment des Meharza hila-
liens ; tous les autres sont des immigrés récents, des
déracinés de toutes les tribus du Sud Algérien : GhaAnba,
Oulad-Nall, Laghouat-Kcel, Trofi, Hamyanes, Doui-
Menià, etc.
Les Oulad Bahammou et les Oulad Mokhtar sont les
deux rameaux formés par la grande tribu des Amor Mel-
louk ; or, nous y avons trouvé à peine une douzaine d'indi-
vidus qui se connaissent cinq ascendants dans le pays,
tous les autres sont des immigrés.
Et cette disparition des collectivités qui ne parviennent
à faire durer leurs dénominations que grâce à d'incessants
apports de Textérieur, n'est pas spéciale aux habitants du
bassin touatien.
Jadis la population du Sahara était relativement dense.
<x Les Senhadja, nous dit l'auteur du « Roudh-elKartas*»,
se divisent en 70 tribus Chacune de ces grandes tri--
bus comprend plusieurs branches qui se subdivisent à Tin-
fini. Toutes ces peuplades appartiennent au Sahara et
occupent dans le Sud un espace de sept mois de marche
de long sur quatre mois de marche de large, qui s'étend
depuis Noul-Lamta (Oued Noun) jusqu'au sud de l'Ifrikfa
1. Dans la première partie.
2. Il écrivait en 1326. Traduit par A. Bbaumier.
— 362 —
et de Kairouane, c'est-à-dire]toute la contrée comprise entre
les Berbères et le Soudan.
ce Ces peuplades ne cultivent pas la terre, leurs richesses
consistent en bétail et en chameaux. »
Aujourd'hui que les reconnaissances françaises ont par-
couru tout le Sahara, dans le Sud jusqu'au Soudan et dans
rOuest jusqu'à Tindouf, on sait ce qui reste de tout ce
monde : dans l'Ouest, rien du tout, et dans le Sud, tous
les Touareg réunis arriveraient avec peine à aligner un
millier d'hommes.
Que si l'on voulait retrouver les anciens habitants du
Sahara dans les « Maures » qui se trouvent aujourd'hui
entre Tombouctou et l'Atlantique, en Maurétanie, on n'en
serait pas moins amené à admettre : 1^ que leur impor-
tance numérique a diminué puisqu'ils trouvent à vivre sur
un moindre espace ; 2® qu'ils ont été conduits à se concen-
trer dans ce moindre espace par l'inhabitabilité croissante
de leur ancien domaine saharien.
La natalité et la mortalité. — Comment donc
se produit cette marche vers l'extinction des collectivités
touatiennes ?
D'abord, comme nous l'avons vu, par une faible nata-
lité (29,1 naissances pour mille habitants*), ensuite par des
coupes sombres que font le climat, les épidémies et les
famines, amenant un excédent des décès sur les nais-
sances (33,0 décès pour mille habitants' ; excédent des
décès sur les naissances : 3,9 pour mille habitants).
La faiblesse de la natalité est ime conséquence des
conditions climatériques et physiques de l'existence.
1. 31,0 chez les Européens d'Algérie (de Peyebimhof. — Enquête
sur les résultats de la Colonie) et 32.1 chez les Musulmans algériens
(Gouvernement Général de F Algérie. — Statistique générale).
2. 2D,5 chez les Européens d'Algérie (de Pbyerimhop. ~ Enquête
sur les résultats de la Colonie) et 18,5 chez les Musulmans algériens
(Gouvernement Général de l'Algérie. — Statistique générale.
— 363 —
L'homme reçoit du climat Tanémie et son alimentation ne
l'entretient que dans un état de médiocrité physiologique ;
de plus, ses ressources sont couiles, n'ayant pas toujours
la poignée d'orge ou de millet dont il voudrait dîner, il
dispose encore moins de la somme, si minime soit-elle,
qui constituerait le don nuptial d'une épousée : physique-
ment, il n'a pas envie d'une femme, et matériellement il
n'assurerait pas sa dépense : donc il se marie peu ; quant
aux fêtes permettant des rencontres occasionnelles, si
elles peuvent procurer un appoint à la natalité, leur résul-
tat est sans lendemain, car les filles-mères, très nom-
breuses dans chaque ksar, n'ont ni la volonté ni le moyen
d'élever leur progéniture et celle-ci disparaît vite .
Epidémies et famines. — Les épidémies sont fré-
quentes ; en mars et avril 1906, lu méningite cérébro-
spinale * a fait plus de deux cents victimes à Charouine et
Tasfaout-en-Gourara : 66 pour cent des habitants ont
disparu*.
A la fin de l'hiver 1904-1905 une sorte d'influenza* a
emporté 64 personnes à Tasfaout-en-Timmi (29 pour cent
des habitants).
Le kebir actuel des Oulad Ouchen, qui est âgé d'envi-
ron 40 uns, a vu dans son ksar trois grosses épidémies.
A Oudrar-en-Tinerkouk, une épidémie de « tehem »,
sorte de paludisme aigu, vida en 1885 seize maisons sur
quarante qui constituaient alors le ksar.
Il n'est pas de village tout au long des Oasis où les
habitants n'aient à citer une, deux épidémies, de mémoire
d'homme vivant.
Ils font même cette réflexion, dont la justesse aurait
besoin d'être contrôlée, que la plupart des épidémies éclate
1. Diagnostic du docteur Guth.
2. Compte rendu du commandant du territoire citant l'ostimation
du médecin.
3. Diagnostic du docteur Aubert.
- 364 —
dans les années qui suivent celles pendant lesquelles des
gens du pays ont fait le pèlerinage de La Mekke, et que
le germe de ces fléaux est par ces pèlerins rapporté
d'Orient.
Les famines se sont de même souvent répétées, et les
nombreuses mentions qui nous en sont parvenues émail-
lent tout au long Thistoire des Oasis '.
Elles peuvent d'abord être amenées par une cause cli-
matique directe : en 1905, par exemple, se reproduit un
fait enregistré déjà pour Tannée 1861 : un vent chaud
dessèche les fleurs des palmiers récemment fécondées et
les épis en formation des céréales dans presque tout le
Bas-Touat : des gens sont morts purement de faim*^ le
fait n'a pas été officiellement constaté par des médecins
diplômés, mais il suffisait, à la fin de Tété, de parcourir
les ksour et d'observer les faces émaciées des individus
languissamment couchées sur les places et dans les ruelles,
pour apprécier le degré de privations supporté et la détresse
qui avait emporté les plus faibles.
D'autres fois, le climat n'est accusable que comme cause
médiate : des sauterelles arrivent, dévorent tout, céréales,
arbustes, feuilles des palmiers, régimes de dattes, et
séjournant dans le pays dont le climat leur est propice,
elles rendent toute culture impossible pendant deux et
même trois années consécutives.
« En 1659, une famine terrible survenait au Touat, selon
ce que nous rapporte Abou-Zid Âbd-er-Rahmane ben Omar
Et-Touati.
« Les sauterelles ayant envahi tout le pays restèrent
pendant quatre mois entiers à dévorer les dattes qui mûris-
saient sur les palmiers ; elles ne laissèrent pas une feuille
aux arbres ni une plante dans les jardins.
« Les habitants tombèrent dans la détresse la plus pro-
fonde, les dattes se vendirent un metkal d'or et demi la
livre.
1. Première partie, passim.
— 365 —
« Pendant trois années les sauterelles restèrent dans le
pays . . .
« Aussi, dès la fin de la première année, la mort com-
mença de faucher parmi les malingres, les veuves, les
orphelins, les enfants ; dans le Timmi seul, on inhuma
certains jours 1.000 morts; à Makra, dans l'Efel-Noughil,
on enterra en un jour 50 hommes et 120 femmes de
rotui^e, plus 370 personnes métisses ou nègres, tant
hommes que femmes. »
Et à vingt reprises, les chroniques locales nous signalent
des rééditions de ce fléau.
On n'a d'ailleurs qu'à regarder ce qui se passe en ce
moment même : les sauterelles' sont arrivées aux Oasis
en octobre 1905; après des alternatives de départ et de
retour selon le caprice des vents, elles ont pondu dans le
Bas-Meguiden, dans TOued Messàoud, et leurs élèves se
sont abattues sur les oasis, dès mars 1906; en juin, le
district du Tinerkouk est signalé comme complètement
pillé et tous les autres districts gourariens ou touatiens
sont plus ou moins gravement atteints jusqu'au Reggane ;
en ce mois de novembre 1906, elles viennent de faire leur
réapparition, causant, dit un témoin oculaire, des « dégâts
inouïs » dans les jardins déjà garnis des orges et des blés
en herbe.
Voici ce que rapportent communément les gens du pays
à leur sujet : Les sauterelles arrivent en général chaque
huitième année du calendrier ; toutes les invasions ne sont
pas d'égale importance, ni comme nombre, ni comme
durée, mais il est assez fréquent qu'elles séjournent deux
ou trois ans ; quoi qu'il en soit, huit ans après leur arrivée,
on est à peu près certain d'en voir venir de nouvelles.
L'occupation française permettra dans l'avenir de tirer
au clair cette question de périodicité.
Pour en terminer avec ces a sales bétes », que nous
n'aurons pas à étudier davantage, car elles n'apparaissent
1. Du genre pèlerin.
— 366 —
dans les Oasis qu'à l'état de pérégrination et devront donc
rester en dehors de l'étude de la vie animale au Touat,
disons qu'il ne faudrait pas se faire une idée trop haute de
la contribution qu'elles fournissent à l'alimentation des
Sahariens ; on en ramasse beaucoup, c'est vrai, mais
elles sont surtout mangées par les femmes et les enfants ;
les hommes les méprisent, ils les considèrent seulement
comme un « ti-ompe-la-faim » — « elles ne tiennent pas au
ventre », disent-ils.
Ethnographie. — Nous pouvons maintenant distin-
guer la situation ethnographique des différentes races qui
habitent les Oasis ; elle est présentée par le tableau de
« Récapitulation par races » qui a suivi le « Recensement
de 1906 ».
Pour tirer des chiffres de ce tableau l'enseignement
qu'ils comportent, il ne reste plus qu'à les présenter sous
la forme suivante :
Proportion pour cent de chaque ftge
RACES
POPULATION DBS DBUX SBXES ||
1
II
1
1
Arabes
30,9
30,2
20,6
34.1
28.8
28,6
12,2
12,1
12,6
8,9
10,5
24.S
25,7
34,8
22.5
27,2
27,1
17,9
19.5
21,4
16.7
18,6
14.5
12,5
10,6
17.8
14.9
lOO.O
1OO.0
lOO.tf
100.0
100.0
ioo;b
Berbères
Nèçres
Jaiis
Métis
BunttiiUioiilidn.
11,3
18,9
14,1
On voit de suite le groupe enfantin de beaucoup le plus
prospère chez les Juifs ; les Arabes et les Berbères pré-
sentent encore les leurs en bonne condition (2 p. 0/0 au-
— 367 —
dessus de la moyenne) ; le3 métis se conforment à celle-ci ;
seuls les nègres se montrent particulièrement dépourvus
(6 0/0 au-dessous de la moyenne) : ceci tient à leur condi-
tion même, car nombre d'entre eux se trouvent dispersés
individuellement chez des maîtres peu fortunés et restent
dans rimpossibilité de fonder une famille.
La catégorie des «jeûneurs» ou adolescents rétablit
l'égalité entre les trois races blanches, qui présentent une
population de à 20 ans de 3 0/0 supérieure à la moyenne
d'ensemble à laquelle les métis continuent à se conformer
de même que les nègres persistent à ne pas l'atteindre
(33,2 0/0 seulement de nègres de à 20 ans devant une
moyenne de 39,9) : la cause vient d'en être dite.
Ces nègres vont maintenant prendre une grande avance
avec 34,8 0/0 de personnes âgées de 20 a 29 ans^ mais ici
les influences climatériques et physiques n'ont rien à voir
non plus que la démographie ; c'est le résultat des nom-
breux apports d'adolescents que la traite procura et dont
l'arrêt s'est produit depuis l'occupation française.
 part eux, il va être intéressant de voir comment se
comportent les trois gros éléments ethniques, arabe, ber-
bère et métis, à partir de l'âge adulte : les métis s'y pré-
sentent en tête (27,2), suivis par les Berbères (25,7) puis
les Arabes (24,5) ; l'avance des Métis ne provient pas de
la proliâcité puisque leurs enfants sont moins nombreux,
nous l'avons vu, que ceux des Berbères ou des Arabes,
mais ils ont profité ici d'apports constitués, d'une part, par
les affranchissements qui font passer dans leur groupe des
individus antérieurement < possédés » (mamlouk) et classés
«nègres», et d'autre part, par les naissances mixtes —
peu nombreuses, car c'est ici le père qui teint l'enfant, et
les gains attribuables de ce chef au groupe métis provien-
nent exclusivement des produits de métis avec négresses,
ou de ceux très rares, de métis avec blanches.
Les Juifs se présentent ici en état d'affaissement (2 0/0
de moins que les Arabes), mais ce n'est que passager et
nous les verrons bientôt reprendre le dessus ; il est bon de
— 368 —
constater d'ailleurs que leur effectif restreint est peu favo-
rable au dégagement de moyennes qui puissent utilement
servir à mettre en valeur des indications générales.
En abordant V « Age mûr », nous voyons chaque groupe
ethnique garder les mêmes positions respectives, si ce
n'est le métis qui fléchit un peu et laisse prendre la tête
aux Berbères, mais si nous considérons les « vieillards »
nous pouvons saisir FeBet des conditions climatériques et
physiques sur chacun des groupements.
Le plus faible est celui-là même que le travail. . . agri-
cole, dirons-nous, a le plus livré au climat, tout en n'ayant
qu'une aptitude moindre à la résistance à cause de la
détresse de son existence physique : le nègre ; il ne nous
offre que 10,6 p. 0/0 de vieillards.
Un autre travailleur de la terre marque la même pro-
pension à disparaître dès le déclin de Fàge mûr, c*est le
Berbère (12,5) ; TArabe moins adonné au travail et le
métis moins impérite à supporter le climat résistent plus
longtemps, avec 14,4 et 14,9 p. 0/0 ; enfin la longévité
appartient au Juif moins prodigue du travail de ses mains,
et plus soigneux sans doute de sa vie physique, alimenta-
tion, vêtement, habitation : il nous donne un contingent
de 17,8 p. 0/0 de vieillards (7,2 de plus que le nègre et
2,9 de plus que la moyenne).
Les conclusions coulent de source.
L'Arabe et le Berbère se présentent à peu près à égalité
d'avantages, cependant l'élément berbère est plus robuste
car il présente plus adultes et moins de vieillards, et si
ses conditions de vie physique, en s'améliorant, viennent
à lui permettre d'augmenter un peu son groupe enfantin,
il peut prendre le dessus sur son rival arabe.
Le Juif enfante beaucoup, mais probablement pour des
causes physiologiques résultant de son isolement, de la
consanguinéité exiguë de ses unions, — car il ne se marie
que dans son milieu, — ses adultes se montrent peu
nombreux, peu vigoureux, et disparaissent vite : ceux qui
— 369 —
résistent fournissent un beau contingent de vieillards. ..
inaptes à entretenir la prospérité du groupe.
Les nègres font peu d'enfants et meurent vite : ils
semblent donc ne pouvoir durer à moins d'apport de Tex-
térieur.
Les métis sont moins notablement riches en enfants que
les blancs et ils ne durent pas plus que ceux-ci : si leur
groupe adulte parait assez florissant, il le doit à des
gains faits sur les groupes voisin comme il a été dit.
Il convient de joindre à ces données un renseignement
d'enquête : il est de la plus grande rareté de trouver un
métis qui se connaisse quatre ascendants.
Serait-ce donc que cet élément n'est pas fixe, qu'il se
reproduit peu et s'éteint vite si on vient à interrompre
l'intervention des éléments métisseurs ?
Dans ce cas l'avenir serait inquiétant, car ce groupe
fournit la majorité de la population oasienne, et surtout sa
partie travailleuse ; or l'un de ses éléments formateurs est
tari depuis que l'occupation française a fait cesser les
apports nègres.
Il aurait été intéressant de comparer cette situation des
populations des Oasis avec celle des collectivités de mêmes
races du Nord de l'Algérie, mais un semblable dénombre-
ment, détaillé d'après les mêmes principes, n'a pas encore,
que nous sachions, été opéré dans les pays nord-africains.
Une dernière remarque sur la proportionnalité des deux
sexes : les Arabes et les Berbères montrent la légère pré-
dominance habituelle du sexe masculin, plus accusée même
qu'on ne l'observe généralement ailleurs ; mais nous
savons que cet excès peut provenir des recrues fréquem-
ment fournies par les tribus sud-algériennes.
Chez les nègres, la prédominance masculine est énorme
puisqu'elle atteint sensiblement 50 0/0 ; mais il faut tenir
compte que beaucoup de masculins ne sont pas des natifs^
mais des importés^ et que l'importation jeta naguère sur
le marché beaucoup plus d'adolescents que de jeunes filles :
l'explication est suffisante.
24
~ 370 —
Quant aux Juifs et aux métis, ils présentent, surtout
ces derniers, une grosse prédominance féminine, environ
10 0/0 ; comme au reste leur production enfantine accuse
la légère prédominance normale des masculins, il semble
bien qu'on doive chercher la raison de l'excédent total
féminin dans un fait social : nombre de blancs élèvent au
rang d'épouse, ou de mère de U enfant^ de jeunes négresses,
et les répudiant ensuite, ils leur procurent l'entrée dans la
classe métisse.
làU wie vég^étole. — « Au Sahara, la vie des plantes
se règle non sur la succession du froid et de la chaleur,
mais sur l'inégale et toujours précaire distribution de
l'eau. Aussi ne connaissent-elles que deux saisons : courte
période de végétation lorsque le sol est humide, longue
période de repos pendant la sécheresse' ».
D'après leur façon de résister a celle-ci et d'utiliser les
périodes humides, on peut les diviser en deux catégories :
les éphémères et les persistantes^,
Les wég^étoux du désert* — Les éphémères sont
tendres et fragiles, n'ont presque pas de racines, aucune
défense contre le soleil ; mais en quelques semaines elles
auront grandi, fleuri, porté des fruits. Lorsque les der-
nières traces de la pluie tombée se seront évanouies dans
le sol, les éphémères mourront et le désert reprendra sa
teinte jaune et terreuse ; mais elles auront terminé le
cycle de leur existence, elles laisseront leurs graines qui
germeront à leur tour.
m Les plantes persistantes sont armées contre la séche-
resse' ». Placées dans ce milieu où nous avons vu
l'homme, les mêmes causes produisent chez elles les
mêmes effets que nous avons vus chez celui-ci. L'homme
transpire, et pour maintenir le degré d'hydratation néces-
saire à son organisme, il boit ; la plante elle aussi trans-
it % 3. SCHIRMER.
— 371 —
pire^ c'est-à-dire livre à l'évaporation Thumidité de ses
tissus ; mais comme elle n'a pas, de même que l'homme,
le remède à côté du mal, et comme son approvisionnement
aqueux est peu renouvelable, elle ne réussit à persister
qu'en faisant durer celui-ci le plus possible.
« Et pour cela, l'évaporation est réduite au minimum
pendant la sécheresse par une série de modifications de
forme et de structure.
« Une des plus fréquentes est la réduction de la surface.
Les feuilles tombent dès le début de la sécheresse, ou
bien elles restent très petites, ou encore elles sont rempla-
cées en tout ou partie par une armure d'épines impénétra-
bles à l'air : les touffes épineuses, à petites feuilles ou
sans feuilles, tiennent la première place dans la végéta-
tion des déserts.
« Le tamarix étel ne possède, en guise de feuilles, que
des pointes minuscules aux interstices de ses branches ;
le talha^ le célèbre acacia gommier, a des feuilles si peti-
tes qu'on ne voit de loin que les branches et les épines . . .
« C'est surtout dans la structure interne que l'accommo-
dation au désert se révèle. Presque toutes les plantes
sahariennes sont remarquables par la rapidité de la trans-
formation ligneuse.
«... Mais c'est encore mieux dans les feuilles que se sont
accumulés les appareils de défense. Les unes sont raides,
dures, luisantes, recouvertes d'un vernis mauvais conduc-
teur de la chaleur ; chez d'autres, l'épiderme plus mince
est couvert de poils . . . Quelquefois les cellules épidermi-
ques sécrètent une huile volatile qui enveloppent la plante
d'une vapeur mauvaise conductrice de la chaleur. . . ou
bien elles se remplissent de mucilage aussi rebelle à l'éva-
poration qu'une couche de gétatine . . .
« Les stomates, ces organes respiratoires de la plante,
sont particulièrement protégés. . .
«c La sève même devient plus rebelle à l'évaporation en
se chargeant de sels de soude et de magnésie . . .
« Aux multiples défenses qui protègent l'eau précieuse
— 372 —
s'ajoute le développement des organes chargés de la
recueillir. Les racines des plantes persistantes acquièrent
des dimensions énormes... elles sont, de plus, souvent
munies d'une gaine isolante ... on dirait qu'elles se sont
transformées en tuyaux étanches pour ne pas perdre une
goutte de liquide sur leur parcours . . .
«c L'eau ainsi recueillie est mise en réserve. Il existe, en
effet, chez les plantes désertiques, des vaisseaux spéciaux
qui se vident au fur et à mesure des besoins de la plante...
« Il n'est pas jusqu'aux graines qui ne se soient adap-
tées à la sécheresse. Sous nos climats, c'est le dessèche-
ment des fruits qui fait tomber les graines .sur le sol ; au
désert, c'est le contraire . . . Les graines qui périraient si
elles étaient exposées à lair, car rien alors ne les protège,
peuvent rester pendant des années dans leurs capsules * »
— jusqu'au jour, longtemps attendu parfois, où une pluie
gonflera celle-ci, en provoquera l'éclatement et en épandra
le contenu sur le sol mouillé où la germination sera immé-
diate.
Est-il possible d'ajouter quelque chose à tout ce qui
précède de notre savant auteur, et de mieux indiquer
jusqu'à quel point la vie végétale s'est accommodée au cli-
mrt saharien ?
Telle est bien en particulier la structure, comme la
façon de vivre, des végétaux du bassin gouraro-touatien,
dont quelqu'un a pu dire qu'en dehors de ses oasis, il pou-
vait être considéré comme une des régions les plus
affreuses du grand désert saharien.
Nous n'entreprendrons pas ici une nomenclature des
plantes du désert, elles sont déjà connues*, et nous sorti-
rions ainsi de l'étude générale des formes et de l'adapta-
tion que nous poursuivons.
En plus de cette végétation naturelle éphémère ou per-
sistante, on trouve dans les Oasis mêmes les espèces
1. SCHIRMBR.
2. F. Fourbàu. Essai de catalogue des plantes, arbres et arbustes
alg^rleos et sahariens.
— 373 —
domestiques que rhomme entretient pour sa subsistance
et ses besoins.
Les jfégétmux des Oasis. — Elles se réduisent,
comme nous le savons déjà, au palmier-dattier, à quelques
cultures arbustives, tabac, henné, piment, et aux céréales.
« Le palmier dattier (pkœnix dactylifera) est lui-même
assez mal armé contre la sécheresse. Son tronc haut de
dix à seize mètres, ses feuilles pennées, de large enver-
gure, offrent à Tévaporation une vaste surface : il est donc
obligé de pomper sans cesse de Teau par ses racines et ne
subsiste qu'aux endroits où il rencontre une perpétuelle
humidité^. »
Nous avons déjà étudié la vie et la culture du palmier,
mais c'est ici le lieu de montrer comment il se comporte
vis-à-vis du climat, or nous avons à citer sur ce point une
particularité intéressante qui, pensons-nous, n'a pas encore
été signalée : c'est la faculté de supporter, à un moment
donné de son existence, sinon un temps d'arrêt du moins
une période de moindre activité végétative, un stationne-
ment physiologique.
En effet, tous les palmiers ne parcourent pas forcément
le cycle vital que nous avons décrit plus haut.
Si à un moment quelconque de son existence l'arbre vient
à souffrir, sa vie diminue d'activité, s'arrête même tout à
fait ; végétant juste pour ne pas mourir, il se maintient
longtemps au point où il en est, quitte à repartir en vigueur
si les conditions ambiantes redeviennent favorables.
Et c'est ici la raison pour laquelle il ne convenait pas
d'essayer de traduire par des nombres d'années les diffé-
rentes périodes vitales que nous avons caractérisées : un
palmier peut rester gharsa ou mekernefa toute sa vie, s'il
n'a pas l'eau nécessaire pour monter à Tàge supérieur : au
Timmi même, quelqu'un disait un jour devant nous que
1. SCHIRMBR.
— 374 —
Toasis gagnait beaucoup vers l'Ouest parce qu'il y avait
de grandes plantations jeunes sur la lisière de ce côté :
elles y étaient en effet. . . d'aspect ; c'étaient des « ghar-
sa X», mais des « gbarsa» arrêtées faute d'eau et dont^ après
enquête, nous apprîmes que la plantation remontait « à
trois ans avant la mort de Ba-Hassoun ; » elles avaient
donc seize ans d'âge.
D'autres palmiers s'arrêtent dans les périodes supé-
rieures pour la même raison.
Si l'eau nécessaire vient à leur être donnée avant l'épui-
sement de leur aptitude à supporter la disette, ils repar-
tiront ; sinon la vétusté les atteindra dans ce développe-
ment incomplet, et ils prendront toutes les marques de la
décrépitude sans avoir jamais connu Tépanouissement de
l'âge mûr (bekra).
Il existe un certain nombre de palmiers, qui quoique
abandonnés par l'homme et totalement privés d'irrigation,
continuent à végéter ainsi^ ou plus exactement dépérissent
très lentement ; ils sont simplement les reliefs d'oasis
ruinées, et ils sont d'un rapport insignifiant : on compte
dans les années de récolte, c'est-à-dire un an sur deux,
quarante de ces palmier pour emplir de dattes un sac que
trois ou quatre palmiers irrigués sui&sent à remplir.
Au reste, toutes les cultures, palmiers, arbustes, céréales,
poussent à force d'eau d'irrigation chichement mesurée,
et tout a subi l'offense du climat : le palmier moyen des
Oasis est d'aspect à peu près égal au palmier malingre de
Biskra, sa récolte, quand elle donne, est moins abondante
que celle de ce dernier, et elle est négative une année
sur deux ; son fruit est de qualité fort inférieure, et des
palmiers « deglet-nour » d'Ouargla transportés à Deldoul
ne donnent que des dattes peu appréciables.
Le tabac donne de feuilles qui ne trouveraient pas ache-
teur sur les marchés du Nord.
Quant aux céréales, non-seulement elles sont elles aussi
dégénérées et ne produisent que du grain petit et souvent
«non-marchand », mais encore les rigueurs climatériques
— 375 —
ruinent la récolte plus ou moins totalement trois années
sur quatre, de l'aveu des habitants.
En 1905, on a vu dans tout le Bas-Touat des blés et
des orges de bel aspect, l'épi formé, et Ton a espéré une
année d'abondance ; cela semblait assuré, la maturité
était proche et rien ne le menaçait : or un petit vent du
Sud-Ouest pas fort, un peu tiède, a soufflé astucieusement
pendant trois jours, résultat : les épis desséchés, la récolte
nulle, non-seulement pour les céréales, mais encore pour
les dattiers qui étaient déjà fécondés, et dont les régimes,
brûlés eux aussi, n'ont produit que la petite datte sans
noyau et sans drupe des arbres abandonnés.
Le millet et le sorgho qui constituent les cultures d'été,
ont aussi souvent à souffrir des vents desséchants ou des
premiers froids nocturnes qui apparaissent dès octobre.
Im vie animale. — « L'accommodation au désert
est naturellement moins visible chez l'animal que chez la
plante. L'animal peut, grâce à ses facultés de migration
et au choix de ses repaires, se soustraire à certaines con-
ditions physiques que subit la plante attachée au sol. On
reconnaît cependant à certains traits communs l'infiuence
du milieu. . .
<K Un fait caractéristique — et qui, du reste, n'est pas
particulier au désert, — est l'harmonie de couleur qui existe
entre la fauve et le sol. Le chameau, la gazelle, les reptiles,
presque tous les animaux sauvages du Sahara ont la teinte
grise ou faune du désert. Il y a là l'effet d'une sélection
naturelle : dans une contrée où la vie est difficile, ceux-là
seuls ont vécu qui, de loin, se confondent avec le sol.
<K La nécessité de franchir de grandes distances pour
trouver des pâturages (ou pour boire) se reconnaît au déve-
loppement des membres moteurs. Le mouton lui-même a
un corps singulièrement osseux et effilé, remarquable par
la longueur des jambes, et il possède, dans une moindre
mesure cette aptitude à la marche qui est un des traits
caractéristiques du chameau et de l'autruche . ^ •
— 376 —
<c Le trait distinctif de la faune comme de la flore saha-
rienne est l'adaptation à la sécheresse. Presque tous les
animaux du Sahara, même les mammifères, ont la faculté
de vivre en ne buvant qu'à de longs intervalles.
« Le chameau réalise le type parfait du grand mammi-
fère organisé par le désert. Facile à nourrir^ (comme
qualité sinon comme quantité), peu sensible au froid et à
la chaleur, doué de beaucoup de fond et d'une grande force
musculaire, agile malgré l'étrangeté de sa démarche, puis-
qu'il est capable de franchir de véritables chaînes alpestres,
le chameau réalise ce miracle : un grand mammifère
qui*. . . » ne perdant que lentement ces qualités de bétes
de somme, peut passer quatre ou cinq jours sans boire,
lorsqu'il est en marche.
« Le cheval ne mène dans les oasis qu'une existence
précaire'. » D'abord le climat a beaucoup de prise sur lui
et son énergie s'affaisse considérablement pendant l'été ;
de plus le fourrage est rare, et sa pitance ne comporte
souvent qu'un peu de drinn ou de pailla de céréales, et des
dattes.
Il a, naguère, vécu en assez grand nombre dans ce
pays : il s'y trouva encore deux cents chevaux lors de la
guerre de 1895, mais il a presque complètement disparu
depuis : les habitants en donnent pour cause la transfor-
mation politique et économique qui a suivi la conquête
française, mais il n'est peut-être pas déraisonnable d'y
voir aussi, pour une part, le contre-coup de la courbe de
sécheresse qui a débuté vers 1894 et qui a fait périr une
grande partie de la végétation des « ghabas » du pays.
L'âne est l'idéal animal de l'exploitation et de service
dans ce pays à courtes ressources, bien mieux que le cha-
meau dont les besoins nutritifs sont impossibles à satis-
faire pour les trois quarts des Touatiens.
1. Il lui faut de 12 à 15 kilog. de végétaux comme ration d'entre-
tien.
2, 3. SCHIRMBR.
— 377 —
Il est peu pourvu en tissus musculaires et montre un
gros ventre, car sa nourriture est grossière et peu abon-
dante, il est haut sur jambes, marche en voyage à une
vitesse moyenne égale à celle d'un cheval et fait des jour-
nées de 50 kilomètres, endurant bien la soif et vivant alors
avec un ou deux kilogrammes d'orge et une poignée de
dattes sèches.
Le mouton offre les mêmes particularités physiologi-
ques : pauvre en chair, ventru, haut perché, capable de
marcher deux jours sans boire ; il s'est débarrassé de sa
pelisse de laine qui Teût beaucoup gêné dans ce pays
d'extrême chaleur, et s'est vêtu de poil, d'un poil court
et fin.
On ne le laisse pas aller dans les jardins qu'il dévaste-
rait et il ne trouve que rarement autour des ksour un
lieu où il puisse pâturer ; il passe donc sa journée à errer
dans les ruelles ensablées des villages, rongeant ici un
morceau de bois de palmier, là une vieille outre abandon-
née, plus loin une corne ou un débris quelconque épars ;
enfin, le soir, il reçoit de son maître une maigre pitance
rapportée du jardin : quelques feuilles de citrouilles ou
un peu de luzerne et quelques dattes sèches, ou bien
encore les noyaux restés d'un repas de dattes, mis de
côté un par un et concassés.
Le régime et la misère physiologique sont les mêmes
pour la chèvre, et c'est vraiment miracle que, comme la
brebis, elle réussisse cependant à fournir un peu de lait.
Dans ce pays où la récolte d'un propriétaire moyen
n'est souvent que de quelques décalitres, où la moisson se
fait à la main en cueillant épi après épi, on comprend que
la poule, au reste assez commune, ne saurait guère trouver
a picorer le grain nécessaire à sa nourriture : elle s'ali-
mente d'immondices qu'elle va chercher jusque dans les
latrines : inutile d'ajouter qu'elle est petite et maigre à
un point qu'atteignent rarement ses malingres congénères
algériennes.
CHAPITRE yill
Les Possibilités d'avenir
La sécurité. — Le régime fiscal. •— Les travaux d*eau. -- La
défense contre les sables. — Les améliorations culturales. —
Les voies de communication. - La route intercoloniale. — Le
télégraphe transsaharien. — L'organisaUon rationnelle des
Oasis. — Une vieille prophétie <iui se vérifie.
Nous connaissons maintenant tous les détails de This-.
toire des Oasis sahariennes et les raisons générales et
immédiates qui ont déterminé leur occupation effective
par la France ; nous connaissons aussi leur valeur intrin-
sèque, leur consistance, leurs ressources, les conditions
dont doit s'y accommoder Texistence ; il ne nous reste
plus qu'à envisager quels modes devra adopter Tinterven-
tion de leur tuteur actuel pour les entraîner avec lui dans
l'orbite du progrès et de la civilisation, pour leur faire
jouer un rAle utile. dans le développement de l'empire
africain dont elles font maintenant partie intégrante.
Ism séeurlté. — Le premier d'entre les bienfaits que
puissent désirer les habitants des Oasis, c'était l'instaura-
tion de la sécurité intérieure et extérieure : la certitude
pour chacun, noir ou blanc, de n'dtre pas détroussé et
égorgé en voyage, ou emmené sur un marché marocain et
vendu comme esclave, ou encore réduit à contempler, du
haut des tours de sa kasba, les pillards comblant ses
foggaraSy mangeant ses orges et cueillant ses dattes sans
qu'il puisse rien pour s'éviter la ruine.
Or, tout cela a pris fin depuis la conquête française :
— 380 —
aujourd'hui, celui qui sème de Forge la récolte, celui qui
féconde ses palmiers en mange les dattes, les travailleurs
peuvent s'éloigner impunément des ksour, entretenir et
agrandir leurs foggaras ; le bien-être augmente et pousse
vers une certaine prospérité ethnographique qui s'accuse
déjà : en 1862, pour la distribution d'un cadeau chéri-
fien, on recensa 5.856 enfants ; or, nous en avons trouvé
7.575 (compris 524 négrillons) en 1906.
Des théories de voyageurs s'allongent fréquemment sur
les sentiers qui raient la plaine fauve, allant aux échanges
dans un ksar voisin ou se rendant à quelque fête votive ;
le moindre nègre, le plus craintif des harratines s'éloigne
sans hésiter de son oasis, seul, muni d'un simple bâton
qu'il tient par chaque bout, horizontalement derrière la
nuque, pour aller demander au « bureau » un permis de
circuler pour l'Algérie.
Et c'est plaisir en vérité de voir tous ces pauvres hères
se gaudir, savourer cette joie, invraisemblable pour eux',
de jouir en paix de la libre disposition de leur personne, de
se sentir à l'abri des malandrins et des coupeurs de route.
Cette joie se lit dans les yeux des gens que l'on ren-
contre et elle fournit le thème sans cesse repris de leurs
discours, aux individus comme aux djemàas, entre eux
comme en présence des « autorités » : a heure de bien »,
« jour heureux », « jour béni », « c'est Dieu qui vous a
envoyés », etc.
Elle est tellement vraie, tellement profonde qu'ils en
arrivent à, sans sourciller, vider leur maigre escarcelle
lorsqu'une fois par an le a bureau » envoie Tordre de
verser l'impôt.
Le rég^ime flseal. — C'est qu'en effet l'impôt qui
leur est réclamé aujourd'hui est d'une autre importance,
d'une autre exigence, que ceux que fournirent autrefois
quelques-uns d'entre eux seulement.
En effet, les Chorfa et les Merabtines en étaient tout
— 381 —
d'abord exonérés, et comme ils détenaient, ainsi qu'on
peut s'en rendre compte par le recensement des eaux de
1670, la part de beaucoup la plus forte de la fortune locale,
ils étaient pour leur clientèle roturière ou métisse des
patrons riches à Taide desquels on pouvait toujours avoir
recours si les exigences des fonctionnaires chérifiens ou
des suzerains nomades avaient un peu laissé à court les
pauvres diables.
Quant à ceux-ci, ils étaient « taillés et corvées » à merci,
c'est entendu : ils devaient normalement Yâchour ou dlme^
le dixième de leurs récoltes, puis le zekkat^ tant par
habba d'eau ; accidentellement c'étaient encore la mouna,
vivres en nature et la sokhra^ gratification en argent,
fournies l'une et l'autre aux agents de passage, et aussi la
difa, autre contribution réclamée fréquemment en nature
et parfois en numéraire.
Il faut encore citer le tribut d' ce amitié », décuplé par
leurs exigences journalières, que perçurent les suzerains
nomades pendant l'époque où le Prince des Croyants dimi-
nua ses exigences au point d'envoyer lui-même des cadeaux
importants.
Mais il faut noter ces trois points remarquables qui,
toujours, laissèrent quelque répit aux plus pauvres d'entre
ces pauvres gens :
1^ La dime ou àchour n'était fixée qu'après chaque
évaluation annuelle de la récolte, ce qui fait que quand
celle-ci était faible ou nulle (nous avons vu combien c'est
fréquent en ce pays), la dime diminuait en proportion,
quitte à remonter en une année plus prospère ;
2° Cette dime était versée en nature, grandement faci-
litée ainsi, car les espèces monnayées ont toujours été
rares, et pour s'en procurer le producteur est souvent
obligé de consentir un prix avili ;
3® Il existait un minimum imposable^ une sorte de «cens
fiscal », le niçab, qui était fixé à quatre « charges » moins
un quart (récolte totale, tant dattes que céréales), ce qui
— au moins théoriquement et sauf abus blftmable —
— 382 —
laissait toujours le nécessaire de sa subsistance au plus
modeste cultivateur.
Inutile d'ajouter que le prolétaire noir ou blanc, libre
ou « possédé », échappait au fisc, acquittant seulement
quelques corvées, transport de lettres missives, travail
contributif dans les palmeraies des Zaoulas ou des Ghorfa,
toujours suivi d'ailleurs d'un repas qui, pour maigre, le
dispensait de mourir de faim.
Aujourd'hui au contraire, l'impdt est unique, c'est une
lezma fixe calculée, nous l'avons vu, de façon à demander
environ 20 cent, par palmier existant et recensé.
Ce taux parait dès l'abord assez élevé, car la récolte
moyenne du palmier existant et recensé ressort, selon que
nous l'avons vu, à environ 14 kilos, valant environ 2 fr. 50,
et le taux qui la frappe représente ses huit centièmes
(8 p. 0/0) ; mais encore il faut tenir compte que nous con-
sidérons ici un pays de monoculture^ et même, pourrait-
on dire, de monoressource ^ car il est sans industrie et
sans commerce appréciables, et ne possède par conséquent
aucun moyen de se procurer le numéraire en quoi est
exigible cet impôts
Comme au reste, chaque djemâa dans son district est
laissée libre du choix des voies et moyens pour la percep-
tion de cet impdt, et comme elle est embarrassée de
demander ce 8 p. 0/0 de leur intégral revenu aux seuls
propriétaires de palmiers qui n'en pourraient mais, elle
en arrive à répartir l'impôt non seulement entre toutes les
sources de la fortune, palmiers, eaux, bétail, mais encore
entre tous les habitants quelles que soient leurs facultés.
Un métis, un nègre affranchi d'hier, qui ne possèdent
rien, doivent, à titre de capitation 2 fr. 50 (au Timmi, au
Bouda, à Tamentit et ailleurs) ; mieux encore, une femme,
dès qu'elle a atteint l'âge du jeûne, et sans posséder
davantage que ceux-là, doit au même titre 1 fr. 25.
1. t L'impôt global de 270.000 francs est beaucoup trop lourd
pour les Oasis. » (Rapport anouel du Commandant du territoire
pour 1905).
— 383 —
Les palmiers paient, les eaux paient, le bétail paie, et
parfois plus qu'en Algérie : à Aoulef, quand le palmier a
payé 12 cent., qu'il soit bon ou mauvais, même en terre
sèche, môme le palmier mâle, le chameau paie encore
5 fr. 60 (contre 4 francs en Algérie), le mouton ou chèvre,
55 cent, (contre 25 cent, en Algérie), Tftne, 2 francs (rien
du tout en Algérie).
Tout est atteint, et lourdement, et tout doit s'acquitter
en argent monnayé : la nécessité d'en trouver a avili le
prix des dattes au Gourara en 1905.
De plus, la somme imposée, qui met ainsi à l'épreuve
la plus sérieuse toutes les forces contributives du pays en
une année de bonne récolte, cette somme est fixe, rigide,
inflexible quand la récolte est faible ou médiocre, c'est-à-
dire une année sur deux en moyenne pour les palmiers, et
deux ou trois sur quatre pour les céréales.
Des dégrèvements ont déjà dû être demandés par l'au-
torité locale ; mais ils interviennent au dernier moment,
car il faut que le défaut de récolte soit d'abord constaté
sur place, puis que la sanction de cette constatation soit
obtenue de l'autorité gouvernementale qui est bien loin,
et pendant ce temps les contribuables ont vécu inquiets,
ne sachant quel sort sera le leur, envisageant les pires
solutions, comme Içs Khenassa du Gourara qui, en l'été
de 1906, s'étaient décidés à abandonner leurs ksour et
leurs palmeraies pour aller tenter de vivre dans le Tadmalt,
du produit de la chasse et de la recherche des plantes
bulbeuses du Sahara.
Le dégrèvement est un expédient et non un système
normal ^
Maintenant que l'on connaît mieux le pays qu'au mo-
ment où cette lezma fut fixée, il semble qu'il serait équi-
table de renoncer à cette sorte de tribut, d'amende de
1. « ... L'impôt est trop lourd et il faut le diminuer si Ton ne
veut ruiner complètement et pour toujours les Oasis.. . » (Rapport
annuel du commandant du territoire pour 1905). Le colonel
Laperrine conclut que cet impôt soit réduit à 110.000 francs.
— 384 —
guerre, pour instituer uu système fiscal plus adéquat et
plus équitable.
Oq procède déjà en Algérie à Testimation annuelle de la
récolte en céréales préalablement à la fixation du quantum
de Tàchour, ne pourrait-on donc agir de même aux Oasis,
sinon pour les céréales qui ne suffisent pas même à la
consommation locale, du moins pour la récolte de dattes
qui offre en général un excédent, mais qui est sujette à de
tels écarts qu'à certaines années le spectre de la famine
peut apparaître.
Et ne serait*il pas équitable encore de tenir compte du
départ aujourd'hui établi entre les palmiers productifs,
selon leur âge et leur emplacement, et ceux dont on ne peut
attendre aucun produit ^
La question de Timpdt est de la plus haute gravité, car
par elle peut être facilitée ou rendue impossible la rénova-
tion du pays anémié ^ profondément appauvri, que la
France a placé sous ses lois.
Non seulement l'impôt ne doit pas absorber tout le
revenu sous peine de se nuire à lui-même en détruisant
celui-ci, mais encore, ici, il a des raisons spéciales d'être
très modéré :
1* Parce que le revenu est très faible, et étant de source
à peu près unique et instable, peut faire presque totale-
ment défaut une notable partie du temps ;
2* Parce que Thabitant, après avoir prélevé sur son
revenu la part nécessaire à sa subsistance, en doit encore
1 . «... Et il faut avoir an peu pratiqué les ksouriens pour savoir
combiea notre système dimpôt est défectueux. Les g^ens du Touat
savent bien qu'à Ouargia les indigènes sont constamment obligés
de vendre des palmiers pour en payer l'impôt. La taxe est en effet
la mémo dans les bonnes et les mauvaises années et porte unifor-
mément sur le palmier qui fournit 90 ou 100 francs de dattes et sur
celui qui ne fournit rien. » (Le Ghatbllibr in Bulletin Correspond
dance africaine, 1885).
Les gens du Touat n'ont plus aujourd'hui rien à envier à ceux
d'Ouargla : les ventes de palmiers ont commencé.
— 385 —
affecter une autre part à l'entretien du capital qui périclite
sans cela, comme nous allons le voir un peu plus loin.
Les inconvénients de l'impôt de répartition n'avaient
d'ailleurs pas échappé à la clairvoyance du général com-
mandant la division d'Oran, qui écrivait au Gouverneur
général de l'Algérie, dès le 29 novembre 1900.
«... Quant aux Oasis, je préférerais à la lezma fixe un
impôt de quotité basé sur les palmiers . . .
« Au début cet impôt ne serait pas exigé ou serait aussi
faible que possible, de façon à ne pas décourager les ksou-
riens, à engager les propriétaires à développer leurs pal-
meraies . . . >
Et à son tour, le Gouverneur général écrivait au Ministre
delà Guerre, en juin 1001 :
ce ... Il convient d'agir avec la plus extrême prudence
pour ne pas aliéner les populations qui n'ont pas été accou-
tumées, jusqu'à ce jour, à supporter des charges de cette
nature, et n'ont pas encore les ressources leur permettant
d'y subvenir. . . »
Ceci n'a pas cessé d'être absolument vrai et la question
fiscale demande une solution urgente.
Eies travaux d'eau. — Nous venons de dire que le
capital qui constitue la fortune des Oasis exigeait un
entretien pour ne pas péricliter ; en effet, la base primor-
diale de cette fortune c'est Teau.
Nous avons étudié en son lieu l'hydraulique touatienne ;
nous avons vu la propension des foggaras à de moindres
débits, leur fragilité qui les met à la merci des pluies sui-
vies d'effondrements et à celle des vents qui les ensablent.
Nous avons vu aussi que le budget communal affecte
une allocation de 35.900 francs en 1906 pour l'entretien et
la revivification de ces drains indispensables ; cette somme
est répartie par l'autorité locale entre les différents dis-
tricts sur justification dès travaux effectués : les proprié-
taires d'une foggara se réunissent, s'adjoignent même des
25
— 386 —
auxiliaires qulls salarient, et tous passent au travail les
journées d'été qui ne réclament pas leur présence dans les
jardins, évidant les galeries ensablées ou éboulées, pro-
longeant vers l'amont les branchements supérieurs, ou en
forant des nouveaux ; le jaugeage est opéré ensuite et il
leur est remis une subvention proportionnelle à l'augmen-
tation du débit obtenue.
Le système est excellent, les habitants en profitent de
toutes leurs forces ; ils vont même plus loin et certains
ksour, comme Noum-en-Nas, demandent à être admis à
contracter un emprunt collectif dont ils se libéreraient par
des annuités qu'on leur fixerait, dans le but d'employer la
somme ainsi trouvée à la prompte revivification de leurs
nombreuses foggaras mortes^ ensablées ou éboulées depuis
de longues années.
Il serait du plus haut intérêt que l'autorité pût les sui-
vre dans cette voie^ autant qu'ils veulent s'y engager,
même en leur procurant le moyen d'emprunter, en emprun-
tant au besoin pour eux, afin d'utiliser l'activité qu'ils
manifestent sur ce point, dût-on diminuer quelque peu les
allocations affectées aux ateliers de sondages artésiens.
En effet, comme on l'a vu plus haut, le budget de 1906
prévoit pour ceux-ci une dépense de 15.000 francs qui,
jointe aux dépenses antérieures, ne parait pas procurer
des résultats proportionnés à l'effort déployé : les insuccès
sont fréquents et coûteux, et il se pourrait que l'adminis-
tration française soit d'ici peu amenée à reporter toute sa
sollicitude sur les travaux des foggaras qui, eux du moins,
présentent cet avantage que la dépense est proportion-
nelle aux résultats obtenus et constcUés.
La défense eontre les sables, — Les palmeraies
que menacent les sables peuvent être protégées avec quel-
que efficacité au moins pour un temps : au moyen de
<c djérid » ou feuilles de palmier, fichées dans le sable et
reliées entre elles de façon convenable, on forme une
— 387 —
mince haie morte, haute de 80 centimètres environ, que
Ton fait régner tout au long de la crête de la dune enva-
hissante.
Cette haie a pour fonction d'arrêter net les sables super-
ficiels auxquels le vent fait gravir les pentes extérieures
de la dune, et qui, sans cette intervention, dépasseraient
la crête pour aller grossir de plus en plus les pentes inté-
rieures, c*est-à-dire celles qui progressent vers les plan*
tations : on conçoit de suite que les sables qui se buttent
ainsi contre la haie s'amassent à son pied et contre elle,
et qu'ils lui font perdre toute l'efficacité dès que leur
exhaussement continu leur permet d'affleurer sa tranche
supérieure.
Il faut alors que l'homme revienne et établisse une nou-
velle haie au-dessus de la première : ce renouvellement
s'impose en général au bout de deux ans.
Ici, comme dans les travaux d'eau, l'autorité locale
peut exercer une intervention bienfaisante et hautement
utile.
En effet, il est telles localités où la dune d'invasion est
très étendue et très active, et déjà ici la défense ne va
pas sans quelques tiraillements ; les propriétaires, immé-
diatement menacés, ont vite épuisé leurs ressources en
djérid, et ceux dont les jardins sont plus éloignés ne
s'empressent pas toujours à fournir leur contribution de
palmes à la défense commune.
De plus, ces localités très menacées arrivent assez
promptement à être à court de palmes, c^ celles-ci ser-
vent par ailleurs à de multiples usages, et l'on voit des
haies de défense, des « afrag » de deux ou trois kilomètres
de développement, que leurs auteurs n'ont plus le moyen
de remplacer.
Pour éviter l'ensablement rapide de l'oasis en perdi-
tion, il y aurait à intervenir en décidant une localité voi-
sine non menacée à fournir ses palmes d'excédent.
Il conviendrait d'accorder dans certains cas des subven-
tions du même genre que celles attribuées aux travailleurs
— 388 —
des foggaras, car le travail yisé est de première utilité,
et l'on trouve dans le Bas-Touat des oasis où les gens
s'avouent franchement impuissants et débordés.
Les améliomtlons enUiiralefl. — En attendant
que la sécurité ait provoqué une certaine prospérité ethno-
graphique, que l'application d'un système fiscal, rationnel
et modéré, ait permis un certain relèvement économique
auquel auront aidé les travaux d'eau et ceux de défense
contre les sables, il est opportun de guider dès mainte-
nant les populations vers les améliorations culturales sus-
ceptibles d'augmenter soit le stock à offrir à la consom-
mation, soit les éléments du commerce d'exportation, et
en définitive le bien-être général.
L'autorité locale est déjà entrée dans cette voie : dans
les trois postes français ont été créées des pépinières où
l'on tente d'acclimater des plants de différentes essences
arborescentes et arbustives apportées du Nord ; dès qu'on
aura obtenu quelques réussites, on pourra distribuer des
sujets dans les différents districts assez mal pourvus
actuellement en arbres fruitiers.
Le Commandant du territoire fait lui-même des distri-
butions de graines potagères et encourage les habitants à
les introduire dans leurs jardins ; il y a beaucoup à faire
dans cet ordre, soit pour faire adopter des espèces nou-
velles, comme la pomme de terre, soit pour régénérer les
espèces existantes, qui sont toutes abâtardies.
Les céréales sont aussi susceptibles d'un certain déve-
loppement et le Chef d'annexé du Touat n'a pas manqué
d'y apporter son attention : c'est cette région qui appa-
raît, nous l'avons vu, comme le principal producteur de
grains.
Mais il reste encore à étudier de très près les moyens
d'encourager et d'accroître non seulement les plantations
de palmiers, mais encore les quelques cultures industriel-
les déjà existantes, déjà connues sur les marchés, et dont
— 389 —
récoulement restera assuré, même si la production aug-
mente : ce sont le henné, le tabac, le cotonnier et le
piment.
Le coton permettra à l'industrie locale de remplacer
dans bien des cas des étoffes actuellement importées,
peut-être même pourrait-il parvenir sur le marché fran-
çais, puisque dès aujourd'hui on y voit arriver les cotons
du Niger, de la région Ségou-Tombouctou et même ceux
des plateaux intérieurs du Dahomey ; de leur côté, le
henné, le tabac et le piment sont des produits à grande
valeur spécifique et à poids léger qui peuvent supporter
les frais de longs transports sans cesser d'être rémuné-
rateurs pour le producteur.
Ils constituent donc des éléments sérieux de richesse dont
le développement est de première importance pour ce pays.
Les autorités françaises ont aussi cherché à encourager
l'augmentation du cheptel en instituant des concours tant
pour les chameaux que pour les chèvres et les ovins ; des
primes relativement importantes sont ainsi distribuées
périodiquement.
Le but cherché ainsi serait fort désirable, aussi bien
pour augmenter les éléments de la consommation locale
que pour procurer, par les chameaux, le moyen aux
Touatiens d'aller commercer à Pextérieur, au Nord et au
Sud, comme ils l'on fait jadis.
Mais la difficulté réside dans la pénurie de pâturages
naturels et de fourrages verts ou secs artificiels dont on
ne pourra augmenter la culture que lorsque l'eau dispo-
nible aura été augmentée elle-même.
Un essai très intéressant a été fait par le chef d'annexé
du Tidikelt : il a fait venir du pays d'Adghagh deux
taureaux et six vaches ou génisses « zébu », ces bovins
ont pu traverser le Sahara en mars, en usant de chaus-
sons en peau de chameau pour marcher impunément dans
les plaines pierreuses, et ils sont revenus, arrivés au
Tidikelt, au prix global de i.OOO francs, soit en moyenne
125 francs par tête.
— 390 —
Mais rembarras s'est produit, à l'arrivée, de savoir à
qui les confier : les habitants ont témoigné moins que de
l'empressement à les prendre en charge, même à Fannonce
qu'ils bénéficieraient des produits, car ils appréhendaient
de ne pouvoir parvenir à les nourrir convenablement et
suffisamment.
Eies woies de eommunleatfion. — Nous avons vu
que le budget communal prévoit une dépense de plus de
5.000 francs pour « Taménagement des routes et des
puits qui les jalonnent », c'est dire que l'importance de
la question n'a pas été méconnue par l'administration ; il
ne saurait évidemment être ici question d'établir des chaus-
sées plus ou moins carrossables que personne n'utiliserait
et que les intempéries éroderaient et ensableraient.
Mais il est souhaitable que dans aucune direction, ni à
l'intérieur des Oasis ni vers le territoire algérien, ni vers le
pays touareg, le voyageur ne soit réduit à faire plus
d'une journée de route sans trouver au moins un abri, un
simple toit, et, autant que possible, auprès de celui-ci un
puits : cela a déjà été commencé dans plusieurs direc-
tions, et particulièrement à l'intérieur du Tidikelt.
C'est l'un des moyens de faciliter les déplacements
individuels fréquents, et par. suite de développer les rela-
tions commerciales.
EiB route intereoloiilale. — En mentionnant, un
peu plus haut, les routes qui partent vers le pays touareg,
nous avons touché au grand rôle que sont appelées à
jouer les Oasis dans l'empire africain français.
En effet, si d'une part elles terminent, complètent de
façon indispensable la colonie algérienne', d'autre part
1 . RoHLFS : «c Avant tout, les Français devraient reporter leur
frontière jusqu'à Toued Saoura, c'est d'ici en effet que partent ton*
tes les difficultés, tous les désordres, et, tant qu'ils n'occuperont pas
ces frontières naturelles, il n'y aura 9ucun calme durable dans le
Sud de la province d'Oran. »
— 391 —
elles présentent le seul moyen possible de jeter une voie
de communication entre celle-ci et la colonie souda-
naise.
Aux mains d'une autre puissance, elles s'enfonçaient
comme un coin entre ces deux entreprises coloniales de
la France, et les condamnaient à rester irrévocablement
étrangères Tune à l'autre, inaptes à se secourir, ou tout
au moins à coordonner leurs actions, dans l'éventualité
d'un conflit pendant lequel la métropole viendrait à perdre
la maîtrise de la mer.
Malgré leur médiocre valeur intrinsèque, elles eussent
presque valu une guerre, rien que pour être acquises, car
si la race française doit vraiment avoir, en Afrique, le bel
avenir dont nous voyons l'aurore en Algérie et au Soudan,
c'est par elles que l'âme nationale pourra rayonner sans
rencontrer d'obstacle depuis les rives de la Méditerranée
jusqu'à celles de l'Atlantique et du golfe de Guinée.
Quelle sera l'importance de cette voie intercoloniale ?
On la râva d'abord très grande, marquée par plusieurs
chemins de fer transsahariens : il fut . établi des projets
Gabès -Tchad, Biskra - Ouargla -Tchad , Ouargla-Niger ,
Alger-Laghouat-El-Goléa-Niger, Oran-Aïn-Sefra-Touat-
Tombouctou; tous furent ardemment prônés par leurs
auteurs et donnèrent lieu à de longues polémiques par la
presse périodique et par le livre ; sur le terrain, ils inspi-
rèrent les efforts d'une pléiade d'explorateurs ; ils susci-
tèrent même d'importantes entreprises, telles la mission
Flatters, de funèbre mémoire, la mission Blanchet qui
finit presque aussi mal, la mission Foureau-Lamy qui,
plus heureuse, réussit à traverser tout le Sahara, mais
qui, du môme coup, permit de mesurer les immenses diffi-
cultés que rencontreraient l'établissement et l'exploitation
économique d'un railway transsaharien.
Aussi l'opinion française n'entrevoit plus aujourd'hui la
communication intercoloniale que très petite, réalisée par
un seul fil télégraphique: malgré l'hostilité du climat,
malgré l'appréhension que cause le dessèchement progrès-
— 392 —
sif de ces régions, l'œuvre semble bien valoir mieux que
ce minimum actuellement admis.
L« téleg^raptae tr«Bssafa»rlen« — En ce moment,
le réseau télégraphique algérien s'arrête à Beni-Abbès et
à El-Goléa, mais une ligne militaire prolonge ce dernier
poste jusqu'à Timmimoun, aux Oasis mêmes ; de son côté
le réseau soudanais atteint Tombouctou : relier ces deux
terminus actuels, distants d'environ 2.270 kilomètres sur
le terrain, tel est le but visé par les deux gouvernements
coloniaux de l'Algérie et de TAfrique Occidentale française.
Des agents techniques ont déjà, de l'un et l'autre côté,
exploré le terrain et établi des avant-projets pour la cons-
truction d'une ligne électrique aérienne sur appuis métal-
liques, suivant le parcours :
TimmimouQ (à environ)
Adrar (en Timmi) 180 kîlom.
Akabli 440 —
Tirechoumine Î5Î50 —
Tagucr^era 680 —
In-Ziza| 940 —
Timissao 1.140 —
In-Ouzel 1.300 —
Timîaonine (jonction algéro-soud.; 1.440 —
Telaïa 1.660 —
Bonrem (sur le Niger) 1.960 —
Tombouctou 2.270 —
Les différentes étapes de ce parcours seraient, dans la
région désertique (Tirechoumine-In-Ouzel), jalonnées de
cinq petits bordjs où résiderait le peu nombreux personnel
chargé de la surveillance et de l'entretien de la ligne.
Ces bordjs, dont la construction précéderait tout autre
travail, serviraient déjà, dès le début, de points d'appui
et de magasins à vivres pendant les deux campagnes
d'hiver prévues pour l'établissement de la ligne, qui ne
1. M. CoHBE-MoREL, do TA. 0. F., et M. ËTiEimor, de TAlgérie,
— 393 —
nécessiterait, d'après les prévisions, qu'un personnel de
75 agents et travailleurs de tout ordre, et une équipe de
200 chameaux ^
Les frais d'établissement de cette ligne ont été évalués,
pour le tronçon algérien, à moins de 2.700.000 francs, et
pour le tronçon soudanais, à 510.000 francs, soit au
total 3.200.000 francs environ.
Une telle ligne transsabarienne si avantageuse au point
de vue politique et militaire français, se justifie déjà éco-
nomiquement, car elle serait en mesure de transmettre le
mot à un prix beaucoup plus bas que les câbles sous-
marins de la c6te atlantique.
« Actuellement, un télégramme déposé à Tombouctou
doit parcourir exactement 2.497 kilomètres de fils et subir
au moins cinq transmissions pour atteindre Dakar.
« S'il s'agit d'un càblogramme pour France, il devra
acquitter une taxe de 1 fr. 50 par mot pour le trajet sous-
marin* ».
Le mot qui coûte donc aujourd'hui 1 fr. 50 au minimum
serait au contraire transmis par la ligne transsaharienne
pour 40 cent, ou 50 cent*. : elle pourrait donc prétendre à
accaparer non seulement les correspondances du Soudan
français, mais encore celles de l'A. O. F. tout entière jus-
qu'à Dakar et Konakry, comme aussi toutes les corres-
pondances intemationnales à destination de la c6te gui-
néenne et même d'au-delà : elle deviendrait la voie bel-
gico-congolaise et anglo-sud-africaine.
Complétée par un branchement prévu, Bourem-Tchad,
et par une ligne congolaise elle serait plus tard recherchée
par les télégrammes allemands destinés à l'Est- Africain.
C'est dire toute la prospérité qui l'attend, comme
1. Rapport du chef de la mission télégraphique algérienne
transsaharienne.
2. Rapport au Gouverneur général de TA. O. F. sur le projet
de ligne transsaharienne (1904).
3. Ibid.
394 —
moyen de liaison privilégié entre la plupart des colonies
européennes d'Afrique et leurs métropoles.
L'organisation rationnelle des Oasis. — Le
point de vue que nous avons abordé plus haut, touchant
le r61e des Oasis sahariennes dans l'empire africain-fran-
çais amène à se demander si leur organisation actuelle,
fidèle à des traditions séculaires, est bien celle qui leur
permet le mieux de jouer efficacement maintenant ce r6le
de «r chemin international. »
L'Algérie française a, sur son flanc ouest, un voisin
animé de sentimei^ts assez douteux qui, parallèlement à
elle, se prolonge dans le Sahara par le Tafileit d'où les
Berabers, désavoués par lui il est vrai, lancent leurs
razzias sur la Saoura, le Touat et môme l'Adrar soudanien
— témoin le combat qu'un de leurs partis soutint opinià*
trement contre les troupes du territoire de Tombouctou
en 1905.
Il semble donc à désirer qu'un môme commandement
politique et militaire, dont le siège doit être vers la Zous-
fana-Guir, en face du Tafileit hostile, puisse étendre son
action tutélaire sur tous les territoires qui forment la
lisière exposée aux coups de cet ennemi, Saoura et Touat,
afin de coordonner les moyens de défense et de répression.
Si cette proposition, juste militairement et politique-
ment, ne contrarie pas les intérêts économiques de ces
régions, rien ne pourra lui être objecté.
Or, qu'avons-nous vu au cours de cette étude ? Toutes
les relations commerciales du Gourara-Touat» assimilées
avec l'Ouest depuis 1900, insignifiantes avec l'Est, sont
presque uniquement (plus des 4/5) avec le Nord : les cara-
vanes sud-oranaises ravitaillent vraiment ce pays, éten-
dent leurs transactions dans tout le Gourara et le Touat
supérieur. Bouda, Timmi, Tamentit, Fenoughil.
Pourquoi le Commandant du « Territoire d'Aln-Sefra »,
qui permet à ces caravanes de partir du cercle de Géry-
— 395 —
ville et qui protège leur route dans les annexes de la
2^usfana et de la Saoura, ne surveille-t-il pas leur séjour
dans l'annexe du Gourara-Touat ? Il suivrait ainsi ses
administrés tout au long de leur voyage et ceux-ci ne
trouveraient pas aux Oasis d'autres autorités que celle
qui les connaît et est connue d'eux.
Et combien cette solution, avantageuse pour l'une et les
autres, n'apparalt-elle pas plus désirable encore si l'on
étudie un instant ce qui se passe du côté opposé, vers la
lisière sud des Oasis !
Ici, où ne pénètrent pas les gens du Nord, se montrent
les caravanes du Sud, Hoggar, Taltok, Arabes de TAdrar
soudanien.
Tout ce monde vient se ravitailler au Tidikelt, son
indispensable marché, s'arrête dans le Bas-Touat, au
Reggane et remonte jusqu'à Zaoulet-Kounta où il échange
ses moutons poilus contre du tabac qu'il portera au mar-^
ohé de Tombouctou.
Nous apercevons donc une démarcation précise entre la
zone d'action des Algériens et celle des Sahariens, elle
est entre le Fenoughil et Zaouïet-Kounta.
Ne serait-il pas bon que, si d'un côté le Commandant
du « Territoire d'Aïn-Sefra » se trouve en mesure de voir
aller et venir ses administrés sud-oranais entre Géryville
et le Timmi sans qu'ils aient à sortir de sa juridiction,
de les sauvegarder aussi sur tout leur parcours contre les
entreprises hostiles à craindre de l'Ouest, il puisse exister
plus loin une autre autorité qui commanderait au Tidikelt
et au Bas-Touat en même temps qu'à tous les Sahariens
déjà soumis, qui connaîtrait par eux et surveillerait les
Soudanais venant du Sud, et qui s'efforcerait en même
temps à assurer l'influence française sur les Sahariens du
Sud-Est, les Azguer, qui la sentent actuellement trop
éloignée d'eux encore ^
1« Depuis que ces lignes ont été écrites, le Gouverneur général
a réalisé, en avril 1906, la réforme dont il est question.
— 396 —
Une vieille prophétie qui se wériAe. — Il est
impossible de n'être pas frappé de la façon singulière dont
s'est réalisée, an cours de ces deux derniers siècles, la vieille
prédiction que nous avons rapportées touchant Pavène-
ment du sultan Moulal-Ismâll et la destinée politique ulté-
rieure du pays touatien.
« // est écrit dans les livres qu'à la fin des temps —
rappelons que l'authenticité de ce texte, fixée par la mort
de son auteur*, remonte aux environs de Fan 1600 — çien--
dra un sultan de la descendance de Hassane^ qui
régnera pendant 40 ou 56 anSj et sera remplacé par
un de ses fils puis par un autre^ et ainsi de suite
jusqu^à sixj ou, dit-on encore^ sept. . . »
Or voici Moulal-Ismâll, descendant de Hassane, d'Yen-
boû, qui règne sur l'Islam maghrébin depuis 1672 jusqu'à
1727, soit 55 ans, et qui passe l'Imamat à son fils Moulai,
Ahmed ; puis s'établit Tordre de succession suivant :
i^ Moulai- Ahmed, fils de Moulal-Ismàll ;
2* Moulal-Abdelmalek, fils de Moulal-Ismàîl ;
3* Moulai-Abdallah, fils de Moulal-Ism&ll ;
4^ Moulai Zine El-Abidine, fils de Moulal-Ismftfl ;
5® Moulai- Abbas (sultan local au Touat), fils de Moulai-
Ismàll ;
6^ Sidi-Mohammed, petit-fils de Moulal-Ismftil ;
1^ Moulai- Yazid, fils de Sidi-Mohammed ;
8<^ Moulal-Slimane, fils de Sidi-Mohammed.
«... Après eux la souveraineté sera abolie, et la
puissance prépondérante appartiendra aux Beraher ;
leur autorité sera indiscutée et les Musulmans se mettront
sous leur protection.
^ Il y aura des désordres^ des morts^ des luttes ; les
ksour seront ruinés. . .
«... Les Beraber seront arrogants^ personne ne les
commandera ; ils feront des expéditions dans le
1, 2» Supra, in Partie réservée.
— 397 —
Sahara. . . ils couperont les routes^ tueront les Chorfa^
détruiront les ksour et les pilleront.
« Ils deviendront assez puissants pour atteindre un
pays nommé Aïn-Salah. . .
N'est-ce pas là, « préécrite » de trois cents ans au
moins, — car la datation que nous avons rapportée admet
la possibilité d'un texte original antérieur, — n'est-ce
pas là, purement et simplement, l'histoire du pays touatien
au cours du xix*^ siècle, telle qu'elle nous est mainte-
nant acquise ?
Mais reprenons le texte :
« Puis un Sultan viendra de VEst. , . il s* emparera
des ksour du Mzab, d'Ouargla^ de Ghadamès et de
Tunis. . . ensuite il descendra jusqvH à Merrakeck »...
La France s'est trouvée être ce <k Sultan venu de
l'Est », et elle a presque totalement rempli le programme
que traça jadis, en ces termes, l'obscur prophète saharien
dont le nom est à jamais perdu ; or il est piquant de cons-
tater que ce « Sultan » est, en effet, — contre toute prévis
sion stratégique rationnelle, et peut-être par l'inéluc-
tabilité même de la Destinée entrevue par notre oracle,—
venu au Touat par l'Est j s'installant d'abord à In-Salah
pour gagner ensuite Timmimoun et Timmi.
« . . .Sous son règne la prospérité sera générale. . .
le voyageur isolé pourra aller seul depuis l'Occident
jusqu'à l'Orient, sans rien craindre. . . »
Ses troupes viendront « de l'Orient jusqu'en Occident,
et à Merrakeck^ et au Drâ^ jusqu'à l'Adrar^ jusqvUau
pays de Sidjilmassa ; il commandera aux Beraber et
aux Arabes^ et à tous ...»
Qui donc pourrait hésiter à voir là, dès longtemps
annoncée, l'œuvre que la France accomplit de nos jours ;
faisant régner la paix et la sécurité, conduisant ses sujets
vers une <x prospérité générale », étendant son influence
politique sur les Beraber de Sidjilmassa et du Tafilelt,
— 398 —
auxquels elle rend désormais impossibles leurs incursions
pillardes et dévastatrices dans tout le Sahara, les conqué-
rant économiquement ; s'effbrçant d'étendre, — ce doit
être le programme de demain, — sa «r paix » jusqu'aux
confins du Drà, et projetant l'ombre tutélaire de son
drapeau jusqu'au Soudan !
«... Tout cela se produira dans le treizième siècle. . . d
lisez de 1783 à 1883...
Mais cette œuvre de civilisation ne sera pas réalisée
sans lutte, sans l'Effort : « . « . Des temps durs se poursui-
vront. . . au point que mourront les Beraber et les
Arabes, et que disparaîtront toutes les villes du Gharb
et les ksour. . . »
Espérons que cette partie de la prophétie pourra être
évitée ; mais pour cela il faut que les maîtres du Sahara
cultivent la Force, en fassent l'égide de leur progrès.
Enfants de France, haut les cœurs !
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
Le Sahara. — Le Sahara sobalgérien. — Le bassin touatian. —
Notions générales sur les Oasis. — Le Gourara. — Le Tonat. —
Le Tidikelt. — Les monnaies, poids et mesures. — La concor*
dance des ères hégirienne et chrétienne 1
PREMIÈRE PARTIE
L'HISTOIRE
CHAPITRE PREMIER
Les Oétnles
(il 5 origine. — 100 ans ap. J.-C.)
Ab origine, — L'âge de pierre. — Les premières données histo-
riques. — Le Ger, ou Nigeir. — Le lac Libya et le lac Nigris. —
Les villages du bassin du Ger. — Les édifices de l'époque
gétule. — L'idole de Tamentit 25
CHAPITRE II
Les Juifs
(iOO-600)
Les Juifs à Takhfift au i«' siècle ap. J.-C. — Les Juifs de la
CyrénaXque. — L'émigration juive vers TOuest. — L' « Époque
juive ». — Les luttes des peuples africains contre les Romains. —
Les Gétules au ive siècle. — La Palestine touatienne. — Nou-
velle inunigration juive au vi« siècle. — Les édifices de l'époque
juive 37
CHAPITRE III
Les Zénètes
(600-4050)
Les peuples africains au vu* siècle. — Les Berbères. — Les
Zénètes. — Okba ben Nafà envahit le Maghreb et provoque des
remous de tribus zénètes vers le Sahara et les Oasis. —
Deuxième expédition d'Okba. Première islamisation du Touat. —
y
- 400 —
Les Miknassa berbères fondent un émirat à Sidjilmasst. -* La
cbérif Idris proclamé khalife et imam. — Ei-Monteçar-El-Yaçà,
dit Midrar, étend son autorité snr les Oasis. ^ Exode de non-
Telles tribns lénètes vers les Oasis. — Prise de Sidjilmassa par
l'armée fatémide. — Restauration ùma émirs midrarides. — Les
Maghraoua lénètes fournissent à Sidjilmassa un i^uvemeur
pour le khalife omélade. — Les Oasis à la fin du x« siècle. . 49
CHAPITRE IV
Les Arabes
(IOO(MftOI
La première migration arabe vers les Oasis. Les foggaras. —
Description des Oasis en 984. — Les Oasiens judéo-iénètes
purent être pris pour des Juifs. — Les Guedouà et les Bora-
mik. -* Les Nomades se sédentarisent partiellement. Mahboub
et Maloul. — Nouvelles immigrations arabes et berbères. —
Déplacement général des tribus berbères du Maghreb vers
l'Ouest. — Les Oulad-Abbas à Takhfîf. - I^es Merabtines. —
Les Merabtines passent aux Oasis et battent l'émir de Sidjil-
massa. — Youcef ben Tachûne, émir du Maghreb pour les
Merabtines. — Un émigré de Grenade arrive à Zaglou. — Les
Hilaliens entament la Berbérie par l'Est. — Les Hilaiiens
gagnent le Zab et le Sahara 61
CHAPITRE V
Les Hilaliens
disait»)
L'intrusion des Hilaliens aux Oasis. — Les Boramik introduisent
des Sanhadja de l'Azaouad. — L'empire musulman passe des
Merabtines aux Mouhhides. Une partie des vaincus se réfugie
à Tamentît — Arrivées de diverses tribus. — Fondation de
nouveaux ksour ou de nouveaux établissements auprès àj^
ksour anciens. — Abdelmoumen, souverain mouhhide du
Maghreb, soumet Sidfjilmassa. •— Arrivée et installation d'autres
groupes hilaliens aux Oasis. — Les Arabes, dans l'Oued-el-
Henné, s'installent auprès des Juifs. — Tamentit contre
Akbour. Nouvelles arrivées. — Moulaï-Slimane fonde le ksar
Alt-Ouchen. — L'émir Youcef bouscule les tribus hilaliennes
vers l'Ouest. Autres arrivées aux Oasis. — Yahia ben Ghanîa,
chef merabtinien, passe aux Oasis et à Sidjilmassa. — Scission
de l'empire des Mouhhides. Ihamed et Sefianes. — Le Touat
conservera ces divisions après le reste du Maghreb .... 75
— 401 —
CHAPITRE VI
L'fipoqae Merinide
(4230-1504)
Chassé- croisé de khalifes et de capitales d'empire. — Les débuts
politiques des Merinides. — Chronique locale. ^ Âbou'1-Âla,
émir mouhhide, envoie un caïd aux oasis. — Le merinide Abou-
Youcef-Yâcoub s'empare de Sidjilmassa. — Nouvelles arrivées
dans les Oasis. — Destruction d'El-Mebrouk par les Arabes
mâkîliens. <— Le groupe des Boramîk resté à Baghdad gagne le
Touat. ^ Cette tribu s'empare du ksar de Bou-Ali. — Le plus
ancien document trouvé au Touat. — Abou-Ali, fils de Témir
merinide, fait la conquête du Touat. — Abou-Ali, maître du Sahara
pendant dix-sept ans. Sa mort. — Incursions des Arabes mftki-
liens. Disettes au Touat. — Un avatar des descendants des anciens
émirs de Séville. — L'émir merinide battu par l'émir zlanite, se
réfugie à Sidjilmassa. — Ibn Batouta au Bouda et à Sidjilmassa.
-> Sidjilmassa rattachée à l'empire merinide. — Abou Hammou
II, émir zlanite se réfugie au Tigourarine. — Expéditions haf-
side et merinides au Touat. — Incursions des Oulad-Djerar
et des Braber. ^ Famines, désordres. — Un cadhi à Ta-
mentit. — Les Arabes de Ghat au Tidikelt. — La prospérité
des Oasis au xiv« siècle. — Les émirs de Sidjilmassa à la fin du
xiv« siècle. — El-Moâtamid, khalife hafside de Tunis, vient au
Touat. — Sauterelles et famine au Timmi . Tameniit appelle une
expédition zîanite. — A Tamentit : le cadhi Sidi Abdallah ben
El-Asnouni ; les Oulad Daoud ben Amor battent monnaie. •—
Relations avec les Sahariens du Sud et les Soudanais. — Désor-
dres. Destructions de ksour. — Arrivée du cheikh Ben Abdel-
kerim Ei-Meghili. — L'intolérance religieuse. Destruction de la
synagogue de Tamentit. Massacre des Juifs. — La version popu-
laire sur les causes du conflit entre le cheikh Ben Abdelkerim et
les Juifs. — Le cheikh Ben Abdelkerim, battu par l'émir meri-
nide, se réfugie au Soudan. -— Siège et prise de Tamentit par le
cheikh Ben Abdelkerim. Mort de celui-ci . 95
CHAPITRES RÉSBRWKS
CHAPITRE VII
Les « Misai » . » . chérifiens ?
(i50i-iS94)
CHAPITRE VIII
L«8 débuts des Sultans filaliens
(1594-1065)
— 402 —
CHAPITRE IX
Les Oonvemeiirs chérifiens (i'* série)
(1665^795)
CHAPITRE X
Le « Self-OoYemment »
(i79»>l84S)
CHAPITRE XI
L' « Amitié » des Nomades
CHAPITRE XII
La Menace chrétieime
(1884-1093) '
CHAPITRE XIII
Les OoQYernenrs chérifiens (a« série)
(4808-1900)
CHAPITRE XIV
La Conquête Française
(1900-1009)
La mission Flamand arrive à IgosteD. Le district d'In-Salah vient
i'attaqner ; elle le bat et entre à In-Salah. — Le Tidikelt mobi-
lise et se fait battre à Degharacha. ^ Les Français attaquent
Inghar sans succès. — Nouvelles touchant les mesures prises
dans les Oasis. — In-Salah prévient Inghar d'une attaque pro-
chaine. — Le caïd Djilali ben Rahmoua rentre de Fès avec des
lettres chérifiennes. — Les Ihamed et les Sefianes réunis prépa-
rent une députation et un présent au sultan. — Les deux pachas
envoient leur ultimatum aux Français. — Le pacha Idris, d'In-
ghar, presse Farrivée de ses contingents. — Le pacha Sîmmou
est signalé à In-Belbal. — Nouvelle convocation du pacha Idris
aux Ihamed. — Prise d'Inghar par les Français. — Nouveau
message chérifien aux Ihamed. — La députation des Oasis au
sultan. — Simmou^donne des nouvelles des Français du Tidi-
kelt et de ceux dlgli. — Le pacha Sîmmou exerce toujours son
commandement. — Une colonne française soumet le Gourara. —
Le bach-agha de Géryville écrit aux Khenafsa.— Le malentendu de
Metarfa et ses suites. — La mission Servière au Touat. — Les
combats devant Metarfa. Les Beraber. — Certains traités
d' « amitié » sont encore en vigueur. — Les Français occupent
le Touat. — Retour des députations envoyées au sultan. — Sur-
prise de Timmimoun par les Beraber. ^ Combats de Charouine
etd'El-Amira. — Les dernières opérations delà colonne Servièie.
— L'organisation française des Oasis. — Les accords franco*
marocains de 1901 et 1902 consacrent la conquête française. . 135
SECONDE. PARTIE
L'INVENTAIRE
CHAPITRE PREMIER
Le « Territoire des Oasis Sahariennes »
Coup d'œii rétrospectif sur Thistoire. — Ordre administratif. —
Ordre judiciaire. — Culte. — Confréries religieuses. — Impôt.
— Budget communal. — Troupes d'occupation 185
CHAPITRE II
Les Habitants
Les races et les castes. — Le cycle vital humain. — Dénom-
brement de la population par races et castes, et par âges dans
chacune d'elles. — Le mouvement de la population. — La répar-
tition de la fortune entre les différentes races et castes. — Les
conditions politiques, économiques et sociales de Texistence 211
CHAPITRE III
Les Baux
Les foggaras. — Recensement des foggaras en 1906, comparé,
pour l'annexe du Touat, avec le recensement de Tan 1670. —
Puits ordinaires. — Puits jaillissants indigènes. — Puits jaillis-
sants français • 235
CHAPITRE IV
Les Productions
Productions minérales. — Productions végétales. — Le palmier-
dattier. — Le cycle vital du palmier. — La valeur marchande
du palmier. — Dénombrement des palmiers par âges et espèces.
— 404 —
et par terrains de plantation. — Les variétés de dattes. — Ls
récolte de dattes des Oasis. — Les céréales et l'importance de
leur production. — Le henné. — Le tabac. — Le cotonnier. —
Le piment 889
CHAPITRE V
Lindiwtrie et le Commerce
L'industrie. — Le commerce. — Le commerce intérieur. — Le
commerce extérieur. — L'activité commerciale moyenne 313
CHAPITRE VI
Lee conditioiie climatériquee et phjsiqnea de l'existence
Les conditions climatériques. — Les vents. — La tension de la
vapeur d*eau. — L'humidité relative. — Les pluies. — Les trans-
ports de sables. — La température. — Variation diurne. —
Variation annuelle. — Courbe annuelle comparée des tempéra-
tures de Laghouat et des Oasis sahariennes. — Ecarts extrêmes.
— L'évaporation. -> Le climat touatien. — Les conditions phy-
siques. — L'alimentation. — Le vêtement. — L'habitation. 327
CHAPITRE VII
Lee formée de la vie végétale, animale et humaine
L'influence des conditions climatériques et physiques. ^ La vie
humaine. — L'évolution des collectivités. — La natalité et la
mortalité. — Epidémies et famines. ^ Ethnographie. — La vie
végétale. — Les végétaux du désert. — Les végétaux des oasis.
— La vie animale 354
CHAPITRE VUI
Lee poeeibilitée d'avenir
La sécurité. — Le régime fiscal. — Les travaux d'eau. — La
défense contre les sables. — Les améliorations culturales. — Les
voies de communication. ^ La route intercoloniale. — Le télé-
graphe transsaharien. — L'organisation rationnelle des Oasis. *
Une vieille prophétie qui se vérifie 379
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Basset (R.) — Nedroma et les Traras.
Id. — Notes de Lexicologie berbère.
Bernard (A.) et Lacroix. — La Pénétration Saharienne. Bulletin
du Comité de V Afrique Française, années 1901 et 1905.
BisstJEL. — Les Touareg de TOuest.
Champeaux (G. de). — A travers les Oasis Sahariennes.
Défont et Coppolani. «- Les Confréries religieuses musulmanes.
Déporter. — Ëxtréme-Snd de TAlgérie.
DouTTÉ (E.) — Les Marabouts.
DuvBYRiER. — Les Touareg du Nord.
Ech-Chami (Aboubeker), d'après Hachem El-Ourrak. — Kitab fih
monadhirat el-djaria el-mosemma bet-taouddoud,
El-Aîachi. — Voyages.
El-Koulbi. — Ëi'Kouanine el-fekehîa.
Erc&mann (J.) — Le Maroc Moderne.
Es-Salaoui (Ahmed ben Khaled). — Kitab el-istiksa Tikhbar
douai el-Maghrib el-aksa.
Et-Tinboxti (Ahmed-Baba). — Nil el-ibtihadj bi-tatriz ed-
dibadj,
Ez-ZïANi (Belkassem ben Ahmed). — Alfïet es-selouk iî oufiet
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Id. — Tohfet el-hadi el-motrib — ii refâ neseb chorfa
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HouDAs (Traduction). — Tarikh e»-soudane.
Ibiv-Batouta. — Voyages.
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La Martinière (de) et Lacroix. — Documents pour servir à
l'étude du Nord*Ouest Africain.
Lb Chatblibr. — Les Medaganat.
Livre Jaune (le) du Gouvernement Français sur les Affaires
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Mercier (E.) — Histoire de l'Afrique Septentrionale.
— 406 —
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RiifH. — Marabouts et Khouans.
RoiXÂND (G.) — Géologie du Sahara Algérien.
ScHiRMER. — Le Sahara.
Slousch (N.). — Etnde sur l'Histoire des Juifs au Maroc, in Ar*
chipes Marocaines,
TiLLioif. — La Conquête des Oasis Sahariennes.
Vivien de SAorr-MÂRTiH. — Le Nord de l'Afrique dans Tantiquité.
VowoT. — Le Tidikelt.
Id. — Opérations dans les Oasis Sahariennes.
VuiLLOT. — L'Exploration du Sahara.
Wachi. — L'Insurrection de Bou-Amama.
Wahl. — L'Algérie.
XXX. — Voyage au Gourara des Caravanes de la Division
d'Oran en 1903 et 1904.
ERRATA & ADDENDA
pages lignes
au lieu de :
lire :
3
9
Fourreau-Lamy
Foureau-Lamy
21
15
valeurs de système
valeurs du système
27
3
« sebkba »
n sebkba »
31 .
12
Ouellegueïa
Ouellegula, que nous re-
trouvons dans Oueheïatl,
en Gourara.
38
note 1
Annales Marocaines
Archives Marocaines.
43
22
dont la domination
de la domination
61
25
Obéîtes
Obéidites
69
18
XI* siècle
X' siècle
70
1
id.
id.
72
note 2
Vid. dup., p.
Vid. sup., p. 37 et 69.
81
81
serviteurs qui,
serviteurs, qui
95
iS
au Tigourarine. — Saute-
au Tigourarine. — Expédi-
relles, famines, désordres
tions hafslde et meriniûes
au Touat. Abou-Yahia El-
au Touat. — Incursions
Meniâri est cadhi à Ta-
des Oulad-DJerar et des
mentit.
Beraber. — Famine. Dé-
sordres. Un cadhi à Ta-
mentit.
95
dern.
à Sidjilmassa mais.
à Sidjilmassa ; mais
177
1
les premiers
les soldats
205
4
Tastaout
Tasfaout
246
note 1
trouvé
trouvée
246
— 4
des bénédictions
ses bénédictions
275
- 16
aux Zaouîas
aux zaouîas
286
26 et n.
Gauthier
Gautier
289
6
Tunisie
Timmi
293
21
lagnu
lagmi
297
21
Tlnerkouh
Tinerkouk
297
29
Zaouiit
Zaouiet-
297
37
Toourit du Reggane
Taorirt en Reggane
299
35
Edris
Idris
302
tableau
TiNBKKOUN
TlNEKKOUR
302
—
Takerlouch
Takerbouch
302
—
TlOAZZA
Tboazza
303
8
uni fiscal
minimum fiscal
303
14
traiter
tenter
305
Ublui4M.
. Tekra
Bekra
pages
lignes
au liea de :
lire :
3«)7
2
17.103 quintaux.
17.000 quintaux dans son
annexe seulement.
307
note
1.
1. Flye-Saikte-Marik
3u7
316
29
Société de géographie
Beni-GuiU
Société de géographie d'Oran
Beni-Guil
316
30
BdQi-Mhamoud
Beni-Mhammed
317
10
Holnaten
Ibotnaten
322
328
.1
30
(tikensou)
observations ont été établies
(tilemsou)
observatoires ont été établia
328
32
0.
N.
329
notel
Altitudes données
Altitude donnée
337
7
celles des
celle des
3'il
1
O.-N.-O.
S.-E.-N.-O.
SW
20, 31
un Tadmalt, un Ahmet
un Tàdmait, un Ahnel
3'i8
24
trouver
traiter
ZkS
27
ïaourirt
Taorirt
352
352
30
note 5
Touareg
Ouasiens
touareg
Oasiens
3.^5
18
Ba-Hamou
Oulad Ba-Hamou
355
361
28
5
Quelles
Ahmet
Quelles que
Ahnet
361
16
Trou
Trall
362
note 2. 5
Colonie
Colonisation
La note de la page 205 appartient à la page 294.
La note de la page 3d0 appartient à la page 299.
Pages 269, 270, 271, en tête de la 2* colonne :
(Bou-Ali» Oulad Ben Abdelkerim,
Merabtincs, Gharmamellai).
Page 275. Tor miner la note par : [vid. sup., page 246).
Pages 276 277, 278, 279, au lieu de : FOGGARAS DU TOUAT. lire
F0GGARA8 DU TIDIKELT.
Page 276, l'* colonne. Supprlmor le second litre A TIMOKTEN.
Page 305. Le tableau a pour litre :
EVALUATION DE LA RECOLTE MOYENNE DE DATTES.
Page 321, à la fm du texte :
Voyons maintenant les exportations réalisées par cette même grande
caravane.
^-m
NM
'S-
RETURN TO the circulation desk of any
University of Caiifornia Ubrary
ortotlTe
NORTHERN REGIONAL UBRARY FACILITY
BIdg. 400, Richmond Field Station
University of Caiifornia
Ricl-»mond, CA 94804-4698
ALL BOOKS MAY BE RECALŒD AiTÊR 7 DAYS
• 2-montti loans may be renewed by calling
(510)642-6753
• 1 -year loar»s may be recharged by bringing
books to NRU
• Renewais and recharges may be mode 4
days prior to due date.
DUE AS STAIVIPED BELOW
APR 1 4 2002
OCT 1 3 2005
01
SENTONILL
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U.C. BERKELEV
12,000(11/95)
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